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Full text of "Revue de l'histoire des religions"

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REVUE 



DE 



L'HISTOIRE DES RELIGIONS 

TOME CINQUANTE-HUITIÈME 




ANGKHS. — IMPKIMKHIK A. BCKOI.N KT C^^, 4. HL'E UAHMKH. 




ANNALES DU MUSÉE GUIMET 



REVUE 



l'BISTIIIIIE m RELIGIONS 



PUBLIÉK flOO0 LA bIRKGTION UK 



MM. RENÉ DUSSAUD ET PAUL ALPHAJNDÉRY 



AVEC LB CONCOURS Dl 

MM. E. AMÉLINEAU, A. BARTH« R. BASSET, A. BOUGHÉ-LEGLERCQ, J.-B. 
CHABOT, E. CHAVANNES, E. de PAYE, G. FOUGART, A. FOUGHER, Comti 
GOBLET d'ALVIELLA, I. GOLDZIHER, L. LÉGER, Ibrail LÉVI, Sylvain 
LÉVI. G. MASPERO, Eo. MONTET, P. OLTRAMARE, F. PIGAVET, G. PIE- 
PENBRING, M.JREVON,^J. TOUTAIN, rra 



VINGTNEUVIEME ANNEE 

TOME CINQUANTE-HUITIÈME 



.ÏjIffliUltfffiHQiL- 



PARIS 

KRNKST LEROUX, ÉDITEUR 

28, ROB BOMAPARTB (VI*) 
1908 




PHAÉTHON 



L'interprétation du mythe de PJiaéthon paraît avoir peu 
occupé les exégètes modernes, peut-être parce qu'ils se sont 
contentés trop aisément d'une explication dont la facilité 
même aurait dû les ihettre en défiance. Pour Schwenck, 
Most, Wieseler, Robert et d'autres*, Phaéthon, primitivement 
identique h Hélios% se précipite tous les soirs dans les (lots à 
l'ouest et éclaire l'horizon comme d'une lueur d'incendie. Il 
a suffi, nous dit-on, de considérer cet événement périodique 
comme une catastrophe survenue une seule fois, puis d'Ay- 
postasiei' le dieu solaire Ilélios-Phaéthon sous la forme 
du héros Phaéthon, fils d'IIélios — et le mythe était créé, 
du moins dans ses éléments essentiels. Sans doute ; mais il 
reste à démontrer que le retour presque quotidien d'un phé- 
nomène puisse donner naissance à un mythe comme celui 
de Phaéthon. C'est ce que je nie absolument. De l'observa- 
tion du cours du soleil, on a pu tirer, par exemple, cette 
donnée mythique que le soleil, tous les soirs, baignait ses 
chevaux dans l'Océan* ; on n'a pu en tirer la légende de Phaé- 
thon, fils du soleil, empruntant, de gré ou par ruse, le char 

1) Cf. Robert, Hermès. L XVITI, p. 440 et Fart. Phaéthon du Lcxikon de Ros- 
cher, M. de Wilamowitz (Ilermef:, t. XVIII, p. 432) fait de Phaéthon l'étoile du 
matin, Phosphoros. M. Gruppe {Griech, Mythol., p. 811) tente d'expliquer la 
chute de Phaéthon par la disparition des planètes à Taurore, opinion qui peut se 
ramener àcelle de M. de Wilamowitz. 

2) Dans Homère, on trouve cinq fois 3'x£0(i)v comme épithôte d'IIélios. Virgile 
emploie ce mot comme synonymfî du Soleil {Acn,y V, 105); c'est pourquoi les 
sœurs de Phaéthon sont aussi appelées par lui PhacUwniiadcs (fluco/., VI, 62). 
Phaéthon est encore le nom d'un des chevaux du Soleil (Schol. Soph. E/.,825). 
Cf. Rapp, art. llclios du Lexikon de Roscher, p. 2001, 2007. 

3) Voir les textes dans l'art. Helios du Lexicoïiy p. 2013. 

1 



lî^o973 




1 UKVrK l)K L inSTOMJK DKS hklmîions 

de son père, le conduisanl en aurige maladroit et niiissant 
par menacer la terre d'une conflagration. Zeus évite le dan- 
ger en foudroyant l'imprudent et les eaux de TEridan, jointes 
à celles des autres lleuves, éteignent Tembrasemenl que la 
chute du char solaire a déchaîné. Les sœurs de Phaéthon, 
. complices de ses ambitieux desseins, sont métamorphosées 
en peupliers noirs et leurs larmes donnent naissance à 
Tambre. Telle est à peu près la version d'Hésiode, dont nous 
n'avons qu'une connaissance indirecte, mais que l'on a pu 
restituer avec certitude d'après llygin^ 

Remarquons d'abord que Phaéthon est un héros souffrant, 
victime d'une catastrophe, comme Acléon, Adonis, Hippo- 
lyte, ()rphc(», Penlhée, Zagreus, etc. Comme eux, il est 
accusé d'une imprudence, d'une faute première qui justifierait 
son triste sort. Comme (uix il est pleuré; les sœurs plaintives 
de Phaéthon sont changî'es en peupliers noirs-. Comme eux 
enfin, il est rendu à la vie; si la tradition qui le relègue 
parmi les astres paraît relativement récente, elle a dû en 
remplacer une autre qui lui assurait l'immortalité due au fils 
d'un dieu. 

J'ai montré, dans de précédents mémoires, que les mythes 
relatifs h des liéros soulTrants sont des explications de rites 
sacrificiels dont la signification primitive était oubliée. Le 
mythe d'Adonis répond au sacrifice périodique du sanglier 
sacré, celui d'Actéon au sacriliccî du cerf, celui d'Ilippolyte 
au sacrifice du cheval, celui d'Orphée au sacrifice du renard, 
celui de Penthée au sacrifice du faon, celui de Zagreus au 
sacrifice du taureau. Si ma méthode est bonne, elle doit 
fournir la clef.du mythe de Phaéthon. Ouels en sont les élé- 
ments? Un conducteur de char, un char, un attelage ; le char 

l)Carl Robert, flmne5, t. XVlfl, p. 434 et suiv. 
2) Yos quoque felkcs quarum clamantia fratrem 

Cortice velavii populus or a novo. 

(Ovide, Pontiques, I, ii, 33.) 
Voir d'autres textes dans Gruppe, Grirch. MyihoLy p. 789. Le peupli»'r noir, 
aiyeipo;, est une espèce voisinedu peuplier blanc, fv'jy.r,. On employait des ('ou- 
ronnesde Xeuxti dans les fêles rhodiennes d'Hélios (Schol. l*ind. 01, Vil, lil;. 



''^Illg 



PHAETHON 3 

est en feu ; il tombe dans les eaux extérieures (rEridan my- 
thique, le grand fleuve de l'Ouest)* et y disparaît. Laissons 
le conducteur, puisque la forme anthropologique donnée par 
les Grecs à leurs légendes implique l'introduction d'un 
homme dans des mythes où les rôles sont tenus, en principe, 
par des animaux qu'on sacrifie. Restent un char et des che- 
vaux, successivement embrasés et noyés. Le char peut être 
éliminé à son tour, car les mythes de héros souftrants re- 
montentà une époque très lointaine où les animaux n'étaient 
pas encore domestiqués. Les chevaux sont blancs, parce 
qu'ils sont les chevaux du jour («le jour aux blancs cour- 
siers », dit Kschyle)'. Mais la pluralité des chevaux n'est pas 
un trait essentiel du mythe ; elle devait nécessairement y 
être introduite avec l'idée d'un attelage divin, du quadrige 
d'Hélios'. Donc, alors même que nous ne posséderions aucun 
autre texte à ce sujet, nous pourrions conclure que le mythe 
de Phaéthon a pour origine le sacrifice du cheval blanc Phaé- 
thon, du cheval-soleil, tantôt précipité dans les eaux, tantôt 
dans les flammes, ou peut-être précipité dans les flammes 
avant que ses cendres soient jetées à l'eau. 

Or, il se trouve précisément que les sacrifices ainsi pos- 
tulés par notre exégèse sont attestés avec précision par les 
textes. En Grèce, les chevaux sacrifiés sont toujours blancs; 
ils sont immolés à Poséidon, aux fleuves, à Ilélios, c*est-à- 

1) Cf. Wilamowilz, Hermès^ XVIII, p. 427 (den Pluss des auessersten Westens), 

2) Eschyle, Perses, 86i (XsuxotcwXo; r,fi£pa). ArjxiTCîco; est un nom ou un 
surnom d'Apollon (Gruppe, Gr. Myth,, p. 1244). L'armée perse en marche 
était précédée d'un char traîné par des chevaux blancs, que suivait un coursier 
d'extraordinaire grandeur, appelé le cheval du Soleil (Quinte Curce, III, 3). 

3) La plus ancienne représentation connue du char solaire est un groupe en 
bronze de Tîle de Seeland, datant des environs de l'an 700 av. J.-C. On y voit 
un cheval unique attelé à un char qui porte un grand disque doré, tout dé- 
coré de cercles et de spirales (S. Mûller, Vrgeschichte Europas, pi. à la p. 116). 
A mon avis, cet objet servait à des pratiques magiques destinées à accroître 
l'efficacité du soleil, comme d'autres chars de bronze, celui de Jiidenburg en 
Styrie, par exemple, servaient à des rites pour solliciter la pluie.— Le cheval- 
soleil, au singulier, paraît mentionné dans le yasht 6 de TAvcsta (Darmes- 
teter, t. II, p. 404, n. 1). 




4 UKW'K \)K L mSTOlUK DKS HKLKÎIONS 

dire aux diviriiir^s de Touu el du feu*. Les Lacédémooiens. 
sur le rrionl Tay{,'èlo, sarri(i(»nl un cheval aux Venls el le 
réduisent en cendres, pour que ces cendres bienfaisantes 
soient port^jes le plus loin possible par les venlsV Festus, qui 
nouB apprend ci*la (Ocfoôer r//tn/s)^ n'a pas compris, ni les 
modernes après hii, que, dans le sacrifice, Tessentiel était 
Tholocausle du cheval et que, si Ton comptait sur les vents 
pour disperser les cendnis de la victime, ce n'est pas aux 
venls, mais avec leur concours, (jue le sacrifice était offert». 
DauH hî même nrlicbî de F<;slus, qui dérive d'excellentes 
sources f^a-ecques — pcut-eirc par Tenlremise de Varron — 
on lit qurîlcs Sallfujliiis (lllyri(ins) ont un Jupiter nomméMen- 
/aria auqu<*I ils sacrilirnt un cheval en le jetant tout vif dans 
les llamnuîs. Voici donc dcîux exemples de chevaux brûlés. 
Knlin, Feslns îjjoute qiitî I<\s Khodiens jettent annuellement 
h la mer des quadrif,'es (îonsacrés au soleil, parce que l'on 
croit que le soleil <îsI porté aulour du monde dans un char 
îillelé d<; (juaire clirîvanx (/l/tof/ii. f/tfi (/uotnnnis <juadnf/a.s 
Sfil'i rftnsr.irntus in Niffrc jar'untt^ f/mul is tnli rurricaln jeriur 
rimniiiu'hi nmndifnij. 

i\i\ derrii(;r n;nsci;^nemenl est d'une importance capitale. 
Les Khodiens consacrent au Soleil un (ou plusieurs chars) 
attelés de (|ualr<î clhîvaux et les précipitent à la mer. Voilà 
un rite qui a bien pu donn(;r naissance au mythe delà chute 
de IMiaéthon * ! (le char d(is llhodit^ns est un char brûlant, 

1) Sur l(;s sacrifices grecs de. clii-vaiix hlancs, voir (iruj)pe, (iricch. MytlioL^ 
p. 8'j9; Sterifçel, /Vii/o/of/M.v, ISSO, p. \H[\. MilhrifJaU* sacrifie aussi des chevaux 
blancs (A[»pi(;n, Mithrii., 70». 

2) Ou peut-être, à rori-^in**, pour «pu*, les vents les portent vers le ciel (Ptir- 
tcm aliquam^ venti, Uivùm rctnlhils ait dures). * — Les sacrifices de clievaux à 
H^^lios sur le Taygète sont aussi in<Milionnés par Pausanias, III, 20, i. 

3) Je ne suis pas du tout d'accord avec Oruj)pe (Grkch. Mytfiol., p. 839) sur 
ridenlincatlon primitive des chevaux avec les ^r-nies du venl {\Vi7vlycister),Ce 
serait en qualité de dieu de l'orage {Sturm(j<itt) (jue Poséidon aurait reçu 
des sacrifices de chevaux ! Boîckh était hien j)lus près de la vérité en admettant 
une confusion ancienne de Poséidon avec Ilélios {Kh'itic Schriften, V, 201). 

A) Gruppe {Grieck, MythoL, p. 265) dit que le rite de la précipitation d'un 
quadrige dans la mer était motivé en plusieurs endroits {a7i inanchan Stdlen) 




PHAKTHON ;) 

puisque c'est celui du soleil ; ils devaient donc y mettre le 
feu avant de le lancer dans les flois. Chez les Sallentins et 
les Lacédémoniens, dans un état de civilisation moins déve- 
loppé, on brûle les chevaux, non le char ; mais^ ailleurs, il 
semble qu'on ait brûlé et noyé un char sans y mettre de 
chevaux. Parmi les nombreuses variantes des rites qui ont 
pour objet, à différents moments de Tannée, d'accroître ou 
de ranimer la force languissante du soleil', on a signalé 
celui qui consiste à enflammer des roues et à les précipiter 
du sommet d'une colline vers la rivière qui coule à ses pieds \ 
En général, dans les rites de ce genre, les roues enflammées 
jouent un très grand rôle, parce que le soleil, aux yeux des 
primitifs, est tantôt un cheval d'une blancheur éclatante ', 
tantôt un char d'or\ tantôt un disque ou une roue en feu^ 
Mannhardt et, après lui, M. Frazer ont surabondamment 
démontré que toutes les fêtes périodiques où interviennent 
des bûchers et des brandons, fêtes qui survivent dans les 
usages modernes de la Saint-Jean, répondent à une concep- 

par la légende de la chute de Phaéthon; mais il ne justifie cette assertion par 
aucune référence et je la crois erronée. M. Tumpel [Philol. Jahrb. SuppL XVI, 
1887, p. 165) a également songé à rattacher au mythe de Phaéthon le rituel 
rhodien. 

1) Voir Frazer, Golden Bougk*, t. 111, p. 238. 

2) « La coutume de rouler une roue enflammée sur la pente d*nne colline 
parait une imitation très naturelle du cours du soleil dans le ciel... Celle de 
jeter en i*air des disques enflammés, en forme de soleils, ressort aussi de la 
magie imitative... En contrefaisant la marche du soleil à travers le ciel, on 
aide le luminaire à poursuivre son voyage céleste avec ponctualité et promp- 
titude. » (Frazer, Golden Bough^, t. III, p. 301 ; cf. ibid,, p. 267). 

3) Conceptions courantes dans les hymnes védiques. On rappelle aussi, pour 
assimiler le soleil à un cheval, la rapidité de leur course (Blust. ad Od., p. 1515, 
34; Procl. ad Hes., £>y., v. 793). 

4} Le char du Soleil, qui n*est pas mentionné dans Homère, est une concep- 
tion commune aux mythologies védique, iranienne et germanique (Roscher, 
art. Ildios, p. LÎ005). 

5) AajjLTrpo; T.Xtou x'jxao;, Escli., PerscSt -496; arpé^rov x-jxXo;, Soph., Pragm, 
668; Solis rota, Lucrèce, V, 432. C'est à la roue du soleil que Prométhée a 
dérobé le feu (Servius, ad Bucol., VI, 425 : adhibila facula ad rotam Solis). 
— Sur le soleil disque (et non roue) voir l'art. Ilelios de Roscher, p. 1997 (en 
haut). Hélios, chez les Péonicns, est représenté par un disque sur une perche 
(Maxime de Tyr), VllI, 8). 




tion *••'.*( i'tnf'Mif'Jii r^fiîjfidue de ma?i»r sympathique . Dr 
mftme qij<; 1 hoffirn': ':n v'^r^rinl d^r leau. •rn frappant î ria. 
^.n jetant d'«i ohj';h ou de- animaux dans l'eau, pru: dé-rhii- 
rif'j ia pluie, de mern^- il peui attiser la flamme bienfiisante 
du -/ileil. ^f/i\ en allumant de j^rands fV-ux sur le? coliices. 
•^oïi en jetant dans le feu oij dans Teau ce qui peut con^ri- 
liïj^r a la honn'- marche du soleil, un cheval blanc, un char, 
une ioue . Comment un primitif a-t-il cru devoir è'yprenire 
prmr faire - parvenir .. au soh-il un rheval. un char, une 
roue de reehan:.''- ou de renfort? La répons».- était fournie 
par ce. douhN- fait d expérir-nce. orj par celte double appa- 
rence-, rjue h' soleil est un ^'/and feu courant dans le ciel et 
que, lou-. les voir-, il descend dans lOcéan de l'ouest, qu'ali- 
mentent toutes le» rivières el tous hfs lleuves. 11 n'y avait donc, 
auprès drj soleil, que deux voi«'s d'arc?;- : le feu, qui s'élève 
dans Talmo-phere \er.^ le fiel, d l'eau ou le feu du ciel vient 
se plon^rer'. Ilonc. h; rticval-sobil, le char-soleil, la roue- 
soleil devaient r*lre tantôt hrûh*-, tantôt noyés. Ainsi 
^'expliquent très simplement le rite de Rhodes et les rites 
analo;:iM's moins com[>lets rlont nous avons connaissance. 
Avec, la conslilution du panthéon ;^rec, les progrès de la 
civilisation <'t rlc la pcriscc, les rit<'S subsistèrent, mais on 
les interprr'îta autrem^-nt ; on parla dr; chevaux sacrifiés, non 
plus seulemrîhl àlk^lios, mais a Poséidon ', aux fleuves, aux 
vents; on se figura que les chevîiux blancs traînaient un 
char el qu^^ (w. char était cfuiduit par un rorher responsable : 
onscditr|ue la victime Phaétlion, ci-drvant cheval solaire, 

\) Il «îsl qrjfîhliorj (\t*. roij»;s(',nn.iinmt'-<!s 'yu \i\i\\\{'. ou f;ri<luiles rlo poix) que l'on 
fftil roultîr .sur l<'S pijritos «I'k «ollinos, «laus i'Kif.-l JKrazer, t. III, p. 242;, en 
Soiiah^î (p. 2/j'i,, :,.ir la Mos*;!!»*. [.n;s '!« TiiionvilN* (p. 20.»y, vu Basse-Autriche 
(p. 27:i;, 'lariK I« l'oitou (p. 2K'i;, «'le. I-'our Ut j«*l (J«î disques ffnllammt'S dans 
{♦•s airs, voir //;/'/., p. 24:j (Souiiln-, liad»-,, p. 270 (Wurzhour^r;, etc. 

2; Lï'S Im'Ious v«;rs«Mt rlu lait ih\\\r> \(\ Wn au Ifivpr 'lu soleil, comme un adju- 
viint à Tastn* (Hanly, ludischr lirrujionstj^srji,^ p. 35). 

3; 'l'/ô-,, Ksch., l'rorn., Zz et ailleurs; T^Op, Kurip., //j/t/7. T'ai!/-., 1139. 

f\) I.C8 vents ont pu aussi jouer un rôle ; voir plus iiaut, p. 4, note 2. 

r>)A lihorles, Poséidon et llélios sont des dieux encore très voisins, presque 
conronduB (Oruppe, Gncnh, Mytfiolofjie, p. 265). 




PHAKÏIION 7 

(levait avoir commis quelque faute ou quelque imprudence 
pour être ainsi brûlée ou noyée en Thonneur d'Ifélios; et 
quand Phaélhon de cheval devint héros, on supposaqu'il était, 
non pas le soleil, mais le fils téméraire du soleil, qui 
avait usurpé la place du céleste aurige et trouvé dans les 
flammes la peine de son ambition et de son orgueil. Ici 
comme toujours, l'idée de la faute est adventice et sert à 
justifier la sévérité du châtiment, c'est-à-dire la barbarie du 
sacrifice. Mais comme chaque année nouvelle voit brûler 
ou immerger un cheval blanc, un Phaélhon, il faut que 
Phaéfhon soit immortel : c'est que son père, après l'avoir 
châtié, lui a donné une place dans le ciel, sous l'aspect 
d'une constellation ou de l'étoile du matin. Bien entendu, 
cette conception n'est pas primitive ; tant que le Phaéthon 
ne fut que le cheval sacré, l'image terrestre du cheval 
blanc qui éclaire le monde, son immortalité n'avait pas 
besoin d être expliquée par une légende ; elle était suffi- 
samment garantie par le fait qu^on ne manquait pas de 
chevaux blancs. Uno amilso non de/icit alter ; c'est la formule 
de la persistance de l'espèce dans les cultes zoolâtriques dont 
l'acte essentiel est le sacrifice de l'individu. 

Maintenant, il faut se demander où s'est formé le mythe 
de Phaéthon. Le rite a dû être fort répandu, comme le sont 
les différents procédés de magie sympathique par lesquels 
l'homme, naïf logicien, croit s'asservir ou exalter dans 
son intérêt les forces naturelles ; mais le texte de Festus 
sur le sacrifice annuel du quadrige solaire à Rhodes rfous 
dispose à chercher dans cette île, consacrée très ancienne- 
ment à Hélios s la patrie du mythe ou, du moins, une 
de ses principales stations. Or, précisément, les mythologues 
modernes s'accordent à croire que Rhodes, peut-être après 
Corinthe, a été le centre de rayonnement du mythe*. 



1) Diod., V,56. Phœbea R/io/os, Ovide, Met., VII, 365. Les monnaies de 
Rhodes ^uffimienl à en témoigner; cf. Rapp, ap, Roscher, art. Helios, p. 2025. 
Vmt Waamowitz, Hermès, t. XVllI, p. 428 sq. 




s HEVIE l)K L HISTOIliE DES HELUÎIONS 

Déjà llellanicos* faisait de Phaélhon le fils d'Hélios et 
de la nymphe Rhodé ou Rhodos. Dans une inscription 
de Loryma (Rhodes), provenant d'un lemple du dieu solaire, 
ce dieu est encore nommé Phaéthon *. Il y avait Rhodes un 
dieu solaire appelé Ténagès, qui fut identifié (par les 
Doriens ?) à Phaéthon '. CeTénagès, comme Phaélhon, pas- 
sait pour le fils du Soleil. Une légende que nous connaissons 
fort mal faisait de lui un Ijéros souffrant ; immolé par ses 
frères jaloux, il était sans doute dédommagé par le don de la 
vie éternelle, comme sa sœur Elektryoné, morte vierge 
et devenue Tobjet d'un culte. On entrevoit sous ces récits 
confus et fragmentaires l'existence d'un couple sacrifié, 
peut-être un étalon blanc et une cavale blanche; mais il 
suffit, pour l'objet qui nous occupe, de constater que le 
mythe, c'est-à-dire le culte de Phaéthon, existait très ancien- 
nement à Rhodes, là même où le texte de Festus atteste le 
sacrifice annuel de chevaux blancs. 

Ou'on me permette, en terminant ce petit mémoire, de 
dire publiquement ici ce que j'ai déjà eu l'occasion d'écrire 
à plus d'un savant, en particulier à cet excellent Albert Die- 
terich, mort si prématurément, au mois de mai 1908, à 
Heidelberg. Les explications que je propose depuis plusieurs 
années des mythes des héros souffrants sont, ou bien d'ef- 
froyables inepties [furchtbarer Unsinn^ comme ou dit en 
Allemagne), ou des découvertes d'un certain prix; si ce 
sont des inepties, qu'on les réfute ; si ce sont des décou- 
vertes, qu'on veuille bien les reconnaître pour telles. 11 est 
trop commode de traiter ces hypothèses d' a ingénieuses », 
etje suis si fatigué d'entendre ou de lire ce mot que celui de 
6tupi(le me plairait davantage, s'il était appuyé de raisons. 

SalOxMon Reinach. 

1) Ap. Schol. Pind., o/;/m;). Vil, 135. 

*J) //j.s'cr, yracr. insuL, 928. 

3) Diod., V, 50 et Roscher, loc. lauii. 



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FORMULES MAGIQUES 

DE L'ORIENT CHRÉTIEN 



Dans sa lettre datée de Conslantinople, 16 avril 1729, 
Sevin communiquait à Maurepas le résultat de ses recherches 
de manuscrits orientaux ; il était en pourparler avec un 
Arménien pour Tachât de manuscrits arméniens et il fait 
reloge d'un jeune homme qui sait fort bien cette langue, 
le turc, le latin et le français, et dont il pourra se servir plus 
tard, puisqu'il n'y a personne en France qui entende l'armé- 
nien ; il ajoute qu'il a déjà utilisé ce jeune homme « pour 
l'acquisition de quelques manuscrits et de quelques impri- 
més arméniens. Ces derniers sont devenus rares par le zèle 
un peu trop vif de nos missionnaires, qui ne font grâce à 
aucun des livres qu'ils soupçonnent d'hérésie »*. 

Le zèle un peu trop vif que l'abbé Sevin reprochait aux 
missionnaires n'a fait que s'accentuer et, de nos jours encore, 
les représentants des différentes missions opérant en Orient 
font la chasse aux manuscrits suspects d'entretenir l'hérésie 
ou la superstition chez le peuple ; ils se les procurent pour 
les détruire. Il y a donc lieu de s'occuper du sort de ces 
manuscrits, lorsque, échappant à la ruine qui semble être 
leur destinée, ils tombent en des mains européennes. Si 
jeunes qu'ils soient, ils présentent toujours cet intérêt de 
nous faire pénétrer assez avant dans la mentalité religieuse 
des chrétiens orientaux. 

Il y a quelque temps déjà, un chrétien chaldéen d'Our- 
miah (Perse) arrivait à Paris, avec un petit bagage d'anti- 

1) CF. Missions archéologiques françaises en Orient aux xvii" tt xyiii» siècles. 
Documents publiés par Henri Omont. Paris, 1902, p. 471. 

1* 




]'» ,»..ri. \,i. I. Hi.vroiui'; hi:s ukliiîion^ 

q,ii^;-. '\t:t\iiih:', il «îfinrJiii 1rs ifiiisiuîs (l'Kurope ou les ::.- 
it:ru*,uf, ]fi\'ih:t. I)«jf»t II! Ii)l, s<* Irouviiieiit deux manus^rr/^ 
• .f i.j'jij*' •.. qui fi<i ji-irun'hl pîis |)n\s(îiiltT assez d'iulérèt < .i 
i^f>i, o:h<:'jij<: /mIioimN: |M)iir (|ii'oii r.ii fil Tacquisitioii. L'^^i 
i\sn\ ih\iHi\i\ l\fhini ihu luniilui/i i\\ Taiilrc Ketara deiv^^- 
ffttf L<- \,\i\\u\i\i (i/ii I': rhiMiiiii iU\ rAiif^^lolerre ; le second. 
' < j ij Ot f/i'i l;iMiolli<'f|iir 'm" 10 ilr ma r.()ll(.*clioii de ma^u^- 

L<-,- fil' fj«:r' ri< .-. '|ih-. Ion ;i f'jiilr.rt dans hî doiiiaiiie du foik- 
j','<: ,<v, 'jr,< ';'i /< r h-... \t\ i'.r.u\\iM\H (1(; h;\h»s iiiaf^iqucs d'origioe 
h;ili'r.'i'ii«:i»h' '^ ;' i|iiHiiij<- ou ;;ir.r.j|iHî, la syslématisalioo 
tU'.'A tihu.t.i'i/ 'i'>' Ni/i« ni . pioiivr.iil Mirahoiulaimnenl le rôle 
riiin\'i\ 'j«i« jON.iKJii l« ■. l'iiinulj'.'i ni.i|;,iqn(îs, les incantations. 
la \t.itt'ut 'ïi.- <.|i/ii.- nMiiViii (ri 1rs nn)yriis de s'en préser- 
vt'j 'J.iii.: I' - ' /'i '•»/»' • •■ < I 'l.jn: Ir ï |»rii.li([u<'s Hîli^ieuses à Ira- 
vi-/.-. j'.-. .IX' ■ *' ■•''"■ J''«*i<;. |i:;, liiiiludrs. Lrs Mj;ypliens et 
liî« l^il)Vj'>nj< n '. onl j;i.iln|iH- {n ni.i^itî â rr*»!»! d'un arl. Les 
tU'ïi'.n.f,: 0<- lu lîihl*. ^ Ihulrnin.^ wiii, 10-12) couime le 
i{'A.\\ d<'. '.'M'ii/J •' ' v< (i«nnni . '|iyllionissr d'iMidor, pratique 
i\i- \hiniiii fi l'offf/iffiitft , i\i- y r.DnIrrdisr.nt las i\(tm/?res^ 
xxiii, / J, ojj I on iillirniiî qn il n y :i pas dr niable en Jacob ni 
d<; ftorhl<r^/î i:/i I:î/.i« I <.ln-/. Ir . .Inils inodcj iirs, les pratiques 
niajiique'^ îihond<nl, hdh-, poui n'^n rijrr (|n'un exemple, 
celle qui <:on^^ihl^: il ^tpMi^d<M aux ridenux du lil dune nou- 
velle uccoufdKM: " nn litudlrj nnprinié cnnlcnanl des objur- 
gations en br'direij a l'adiiîM .<• <lrs lîsjirils niallaisanls, leur 
Mf^niliant de imssi'.r ouln- n\ 

Les chiïîliens ne jiouvinrni rrliapper à de pareils usages 
et quelques ouvraf^e.-» de saint Irrner, ilr. saint Kpipliane, de 
Hardesane nous ont i.oiiHervr d<- prrrjrux renseignements 
sur les croyances et les superslilions chjs premiiîres commu- 
nautés chrétiennes. Le moyen ;\x<* irélait pas fait pour dé- 
truire ces pratiques magiques, cette loi en des ôlres bons ou 

1) Cf. Moïse Scbwab, Vocabulaire d'anyaloloyie^ l'aris, 18(^, p. 12 et n. 1. 
U'uik; iaçf)u plus générale, voir Schuhl (le ^rand rabbin), Sup^rstitUm elcou- 
tuints pupulairca du julaUme conltunpurain, Paris, 1882. 




FOHMl LKS MAJÎÏQUES DE l/OHIEXT CHUÉTIEN 11 

néfastes; F^uther lança son encrier contre le diable et les 
procès-verbaux des drames de l'Inquisition sont là pour nous 
instruire, au même titre que les procès de sorcellerie, des 
usages et des croyances des préfendus hérétiques et des soi- 
disant orthodoxes. L'affranchissement des esprits, renou- 
velé par la Réforme et la Révolution française, ne fut pas si 
radical qu'on serait tenté de le croire et il Suffit de regarder 
autour de soi pour constater que les chrétiens d'Occident, 
comme ceux d'Orient, ont encore à leur disposition certaines 
formules magiques pour conjurer les sorts, pour guérir les 
maladies, pour exorciser, pour préserver des animaux dan- 
jjereux et du mauvais œil*. Ainsi, les formules magiques des 
Égyptiens et des Babyloniens, transmises par une quantité 
incalculable de chaînons, se retrouvent presque les mêmes 
dans les formules d'objurgation couramment employées au 
xx*- siècle de l'ère chrétienne. 



LE LIVRE DE PRÉSERVATIOX 

Le Kitaha denoutari ou Ketavn denoutari (prononciation 
d'Ourmiah, de Salamfts, etc.) est un recueil de sentences 
extraites des évangiles, et de prières ou d'incantations pour 
préserver les humains des différents maux qui peuvent les 
atteindre (mot dérivé du verbe syriaque nefar, custodivit). F^e 
manuscrit que j'en possède mesure \ \ i) millimètres X 80 mil- 
limètres, et contient 41 feuillets; les feuillets 1 et 41 sont 
blancs. Il est écrit sur papier et la reliure noire est en veau 
plein. Le texte est accompagné d'un certain nombre d'enlu- 
minures, dont voici l'énumération : fol. 5, les quatre évangé- 
lisles; fol. tt v^, saint Georges transperçant le dragon ; fol. 9 
V*, juge rendant la justice, candjar, blague à tabac, pisto- 
let, etc.; fol. 12, Mâr Zai'a (?) Choutrana; fol. 14, Alàr 
Tbainsîs, marlyi' ; fol. 15, divers instruments: poignards, 

1) Cr Pnuî S*biltot, J> Folk'lwe de France (voir la table alphabétique au 
1^ IV IJB9TJ). — Wenj, Le Paganisme contemporain... Paris, 1908. 



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,::.::iKU\'i\:*t k\ qi^rlques ripprochr-menls avec des 

-:rrii.^irr- fourni? par les autres litlératuresorien- 

-•TOi.'.t 1*: rôie que jouenl encore les formules 

::.'./ '; - > ^:.*:/ :•:- chrétiens d'^rienl. «Juelques illaslratioDS 

•.•^: ;•;;.-: ".:.*. '!»: >- fair»; un*.* idr»- du genre d'enluminure de ces 

■y,:'.':* >. ::.h:. -•''.rif. . ry- m-, sera pas pure curiosité, maisbieii 

\:/, .':..:. '-. .\\ \a\ -f^ui exemple le prouvera : dans les Avm- 

r-'fr-^' '. ;>../.'./<• nnr'ffn . publiés par M. Schlumberger', Sala- 

.' -3. 'rrrîis^e le démon femelle de la maladie oo 

:. .';.:j. '.-: : ro.'.jurer -p. 7ii figuré sous les traits d'une 

: -u^::.-'. ^/ '.:'. m Nî dos, à la chevelure dénouée, à lapoi- 

r; '.■.^:, ô'i l.'i- du norps Hicouverl d'une jupe dontles|di8 

:.'.:/ r'-p'^'- / .^t^• p;tr dr;^ Ijltm's parai li^les »; il sera întéressanl 

: /v.y ; .: n>ih 'iiryj.n:^ \H\r*, ,,. 73-03. Cf. également Paul PerdriuC 
:>:. •.'.■ >'•> I , I. XVI 'i'J'i:r, p. t2-01, où l'auteur parlera « d"ip«* 
; .'• , 'rlvioriion rii;.^ni:ien, parlioulièrement de son pouroi: 
. '■■ '.'.j ' -ij rii<-rvi-ill<-iiX (jiif lui ccjni«'rait ce pouvoir. * 



FORMULES MAGrgUES DE L ORIENT CHRÉTIEN 



13 



de comparer notre figure du fol. 31, représentant Salomon 
le Sage combattant le dragon ; mais ici le personnage trans- 
percé par la lance du saint roi est un homme (fig. 5). 

Fol. 2 v^. Le copiste informe qu'il va écrire les anathèmes 
des évangélistes, qui servent à garantir la jeunesse contre 
tout ce qui peut être nuisible. Fol. 3. Doxologie; prière des 
bergers ; pater noster. Fol. 3 v**, prière d'Adam ; prière des 
anges ; anathème de l'évangile, débutde l'évangile selon Jean. 




(Phot. llontgaillard.) 
Fig. 1. — Saint Georges traDsperce le dragon. 



Fol. 5 V", énumération des maléfices et malheurs qui doivent 
être écartés par le nom de El Shaddaï Adonaï, etc. 

Fol. 6. Anathème de saint Georges (fig. 1) contre la crainte 
et le saisissement'. 

Au nom du Père, etc., Prière, demande, supplication et ardente prière 
de saint Georges le martyr illustre. Il pria et demaifda à N. S. J. G. 
et dit : Seigneur, Dieu tout-puissant, je te demande, et accorde-moi par 
ta grâce cette demande, que quiconque mentionnera ton nom saint, 

1) Pour le début, c'est, à quelques détails près, le texte publié par Hermann 
Gollancz, A Sélection of charms from Syriac manuscriptSf dans Onzième con- 
grès intem. des Orientulistes, IV section, p. 85-87. 



14 nEVlE ])K r/HTSTOinE DES nELIGTONS 

N. S. J. C. et aufssi le nom de ton serviteur Georges, qu'il n'y ait dans 
pa maison ni aveugle, ni niiiet, ni estropié ; écarte de lui el de sa mai- 
son tous les maux et toutes les maladies; pas de cauchemar pendant la 
journée, ni pendant la nuit*. Et pour celui qui écrira et suspendra sur 
lui ton saint nom et le nom de ton serviteur Georges, que le mal ne soit 
ni dans sa maison, ni parmi ses enfants ; ni peur, ni crainte, ni trena- 
blement, ni saisissement, ni les méchants démons séducteurs, ni le 
mauvais œil jaloux des sept voisins méchants,... ni mère qui étrangrie 
les garçons et les filles; mais qu'ils soient loin, se perdent et qu'ils ne 
se rapprochent pas de celui qui porte ces écrits {yovdé holen*), ni pen- 
dant la nuit, ni pendant le jour, ni le soir, ni le matin, ni à midi, ni en 
dormant, ni pendant la veille, nous aussi. Seigneur Dieu tout -puissant, 
nous te prions pour ton serviteur porteur de ces écrits, que tu le 
garantisses de toutes les rencontres de malheur qui tombent sur le 
genre humain ; que tu le fasses échapper et que tu le sauves de la 
méchanceté de cps démons méchants et trompeurs, de leur crainte, de 
leur tremblement, de leur rencontre, de leur ressemblance, de leurs 
actions, de leurs visions de nuit et de jour. Protège le corps de ton ser- 
viteur, porteur de ces écrits, et [celui] de ses enfants, de tous ces maux 
et maladies mauvaises et pénibles. Donne-lui tous les biens qui convien- 
nent à Ta Grandeur, par les prières de Dame Marie, la Bienheureuse. 
Amen. 

An fol. 7 v*', nous avons la prière h dire devant la puissance 
des juges et des gouverneurs : 

Au nom du Père. etc. Je suis revêtu du Père, invisiblement ; je suis 
revêtu du Fils, visiblement; le Saint Esprit habite en moi mystérieuse- 
ment. Du démon, je n'ai pas peur jamais, ni de toute personne qui ose 
regarder celui qui porte ces écrits. Je le lie, je l'excommunie, je le chasse, 
et le renverse par la parole dite p^r N. S à ses apôtres : Tout ceque vous 

1) Voir une formule analofj^ue contre les mauvais rpves, apud H. Pognon, 
Une incantation contre If a génies malfaifianta, en mandaïte. Paris, 1892, p. 20- 
21 (Extrait Hes Mémoires d^ In Snciété de linguistique de Paria^ t. VIII). 

2) Un praire nestorien me disait que par ynùdé, il faut entendre les grains 
de poussière on les insectes minuscules que l'œil nperçoit dans un rayon de 
soleil, pénétrant dans une chambre. Il me semble (pi'il vaut mieux voir ici tout 
simplement la lettre iod de l'alphabet sémitique, désignmt les signes ren- 
fermés dans le volume d'incantations. C'est également l'avis du prof. G. Broc- 
kelraann, de Kônigsberg. Ce mot se rencontre fréquemment dans le n© 107 des 
mss. syriaques de Berlin et dans les extraits de Oollancz qui traduit thèse 
writs ou thèse formulae. Fayne Smith, Thésaurus ^yj^nrus, J, col 1572, 
traduit celte expression par hi npicfs. 



KOHMULES MAGIQUES DE L OKIENT CHUÉTIEN 



15 



lierez sur la terre sera lié dans les cieux'... De la sorte, je lie la bouche 
des personnes méchantes et les langues calomniatrices et pernicieuses 
des émirs et des juges, avec cette force et ce costume dont était revêtu 
Alexandre. Avec cette force, il s'est emparé* de toute la terre, et ainsi, 
je lie, j'anathématiseje blâme Je lie les bouches et les langues de toutes 
les mauvaises personnes et des pécheurs, par le glaive des conciles et 
avec les pierres de la coupe. Amen. Toi, Seigneur Dieu tout-puissant, 
qui as fait sortir Joseph de prison et as sauvé Moïse des mains de Pha-^ 
raon, qui as libéré Ëlie d*Achab et secouru David contre Saûl, je te prie 
de donner à ton serviteur une figure gaie et aimable devant tout le 




(Phot. UoDtgaillard.) 
Fig. 2. — Mâr Zai*a Choutrana traDsperce le démon de la peste. 



monde.. . comme Pierre le saint apôtre, comme le grand Moïse au milieu 
du camp des enfants d'Israël, comme Joseph en Egypte, comme Daniel 
parmi les Babyloniens. Amen. 

Au fol. 8 v^ on trouve une prière à utiliser devant les auto- 
rités, déjà publiée par GoUancz, /. c, p. 88-90. Puis, vient 
(fol. 10) un anathème de saint Paul, que Ton doit prononcer 
lorsque Ton est conduit devant les rois, les juges, etc., suivi 
(fol. 11) d'un anathème du roi Salomon, contre la maladie du 
dos, donné par GoUancz, /. c, p. 90. L'illustration du fol. it 

1) Matlhieu, xviu, 18 ; cf. ci-après p. zk. 



16 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

représente Mâr Zai'a* Chou(rana{fig. 2), dont la formule sert 
contre les maladies contagieuses, telles que le choléra, la 
peste; à gauche du personnage, la légende syriaque signifie : 
Ceci est fange de la mort^ qui tient cette lance^ et il perce le 
côté de l'homme. 

Fol. 13. Anathème de Mâr Thamsls', qui sert pour la folie 
(esprit lunatique, mot à mot : Tespril de la fille de la lune) : 

Au nom du Père, etc. Prière de Bfâr Thamsîs martyr, qui passa 40 ans 
dans la montagne; les chaussures de ses pieds étaient déchirées, et le 
sang coulait; il fil cette prière : S. J.-C, je te prie, je te demande en 
grâce et t'adresse la même requête que Pierre, Paul et Gabriel, le chef 
des Anges au sujet de la folie qui s'empare des 366 membres '; et avec 
celte prière, je lie cet esprit lunatique. esprit nuisible, il ne t'est pas 
permis d'habiter dans le corps ni dans Tàme de cefui qui est chargé de 
ces écrits. Que tu sortes des os, de la peau, de la chair, des muscles. 
Que tu tombes sur la terre, de là dans le fer; du fer sur la pierre, puis 
sur la haute montagne. Que soit scellé cet écrit, au nom du Père, du 
Fils et du Saint Esprit, et avec les prières de ma Dame Marie. Amen. 

Fol. 14. Lier les flèches, les sabres, les poignards, les 
lances, tous les instruments de guerre. 

Au nom du Père, etc. Avec (par) la cruciûiion qui était sur le bois(?). 
Lorsque N. S. cria, sur le bois, il dit : Mon Dieu, mon Dieu, 
pourquoi m*as-tu abandonné? Tu as éloigné de moi mon salut, par 
(avec) les paroles de mes fautes (?). Mon Dieu, je t'invoque dans le 
jour, et tu ne me réponds pas. La terre tremble à sa vue, et le ciel 
de sa gloire. Avec ce nom grand et terrifiant, et avec ce bras haut 
et gigantesque, je lie, j'excommunie et je chasse leurs flèches, leurs 
arcs, leurs sabres, leurs couteaux, leurs lances courtes, leurs lances 
longues, leurs fusils, et tous les instruments de guerre de l'ennemi. 

1) Ou Mâr Zi*a. Cf. J. Labourl,Lc christianisme dans l'empire perse,,, p. 307, 
n. 3. 

2) Voir une autre formule du « ban of Mar Thaumasius the celebrated mar- 
tyr, which is useful for the spirit of the daughter of the mooD » dans A syriac 
charm, by Rev. Willis Halfield Hazard, dans Journal of american oriental 
Society, XV (1893), p. 292-294 et dans Go'.lancz, /. c, p. 90-91. Sur Thamsîs 
= Thaumasius, cf. Payne Smith, Thésaurus syriacus, II, col. 4461 et les réfé- 
rences. 

3) Cf. F. Macler, Correspondance cpislolaire avec le ciel, in Revue des tra- 
ditions populaireSy 1905, p. 11, n. 3. 



FORMULES MAGIQUES DE l'oRIENT CHRÉTIEN 17 

Il annule les guerres des bords de la terre; il casse les arcs et il 
brise les lances et aussi il brûle les chars ; leurs sabres pénètrent dans 
leurs cœurs; leurs arcs se brisent. Le Seigneur envoie ses flèches et les 
disperse; que soient liées pour moi [ces armes] avec ces sept prêtres qui 
marchent devant eux et qui reculent, et ils ne voient pas la figure de 
leur maître; et qu'elles soient liées pour moi par Elie le prophète, fils 
d'Ëléazar le prêtre, qui a lié le ciel trois ans et six mois pendant lesquels 
la pluie ne tomba pas sur la terre *. Par tous ces noms, qu'elles soient 
liées pour moi. Et je lie leurs flèches, leurs arcs et tous les instruments 
de guerre des méchantes gens. Il brûle leurs flèches, parce qu'ils mirent 
au monde l'injustice, et qu'ayant conçu les tromperies, ils enfantèrent la 
haine ; qu'elles soient encore liées pour moi par le dessous du trône du 
Dieu vivant et par celui qui est assis dessus. N'ayez pas peur des craintes 
de la nuit, ni de la flèche qui vole le jour. Et comme l'Orient est loin 
de rOccident et que le Nord est éloigné du Sud, qu'ainsi s'éloignent et 
se perdent de devant celui qui est chargé de ces écrits les flèches, les 
sabres, les poignards, les fusils des méchantes gens, des voleurs, des 
scélérats. Par ia prière de ma Dame Marie, la Bienheureuse, et de saint 
Jean le Baptiste. Âmen. 

Fol. 18. Lier les fusils elles balleries (manganak). 

Au nom du Père, etc. Voix • du Seigneur, qui coupe la flamme du 
feu, voix du Seigneur sur les ennemis, sur les pierres qui sont lancées 
avec ces batteries, avec les canons, qu'elles ne sortent pas de leurs 
gueules, qu'elles soient comme dans un tombeau... Avec cette force, je 
lie les pierres, les balles des ennemis, et avec la prière de la Vierge, 
mère de lumière. Ainsi soit-il. 

Fol. 19 yo. Formule contre le niai de dents. Fol. 21 v». 
Analhème de l'ange Gabriel contre le mauvais œil" (fig. 3). 

Au nom du Père, etc. Le mauvais œil sortit de la pierre dure noire, 
et range Gabriel rencontra cet œil et lui demanda : Où vas-tu, ûlle de 
perdition? Et elle répondit : Je vais détruire les hommes, les femmes, 
les enfants, les filles, les âmes des animaux et des oiseaux du ciel. 
L'ange Gabriel lui dit : Tu n'es pas entré dans le Paradis, tu n'as pas 

1) Épître de Jacques, v, 17 et Evangile selon Luc, iv, 25> faisant allusion à 
i Rois, xvn et xvni. 

2) Ce genre de formules rappelle les analogues dans les n<» 13 el 14 des 
Inscriptions mandaites des coupes de Khouabir^ publiées et traduites par H, 
Pognon (Paris, 1898), 

3) Gollancz, L c, p. 93-94. 

2 




18 



REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



VU le Dieu vivant, lui qui est entouré de milliers d*anges qui le glori- 
fient sans cesse. Avec son nom, tu es lié par moi ; je te lie, ô œil mauvais 
et jaloux: œil des sept mauvais voisins, il ne t*est permis d'approcher 
ni du corps, ni de Tâme, ni de Tesprit, ni des jointures des nerfs, ni 
des 366 membres qui sont dans le corps du porteur de ces écrits ; avec 
la prière de la Vierge, etc. 

Fol. 22 vo. Pour une vache ou UDebufflesse, qui est furieuse 
contre son petit ou contre sa maltresse. 




(Phot. MoQtgaillard.) 
Fig. 3. — Mâr Gabriel combat le mauvais œil. 

Prière de dompter cet animal; qu'il soit soumis à sa maîtresse ou 
qu'il aime son petit; avec ton bras, aide-la, calme-la; qu'elle soit en 
paix avec ses maîtres^ ou qu'elle accepte son petit. 

Vient ensuite une prière contre la colique*, suivie (fol. 23) 
d'une formule pour protéger le gros bétail et les moulons 
contre toute maladie : 

Au nom du Père, etc. Le Seigneur, montant sur le Sinaï, vit les bre- 
bis d'Abraham, qui furent tuées par le démon ; il dit à un de ses 



1) Cf. G. Schiumberger, Amulettes byzantins anciens, in Revue des Études 
grecques, 1892, p. 86-87, et les rérérences y indiquées. 



FORMULES MAGIQUES DE l'oRIENT CHRÉTIEN 



19 



anges de protéger contre cette mauvaise vision (?) : Que cette force des- 
tmetÎTe ne touche ni à ses agneaux, ni à ce qu'il a, ni à ce qu*ii aura, 
ni le soir, ni le matin, ni à midi, ni dans Tannée, ni lorsqu'il veille, ni 
lorsqu'il dort; que soit annulée cette maladie qui se nomme Kousout- 
chour, qui est de Mossoul ; et c'est un mauvais œil qui se trouve dans le 
genre humain.... 

Fol. 23 \°. Analhème de Mâr Rabban Hourmizd* le Persan 
(fig. 4). 




(Phot. MoDtgaillard.) 

Fig. 4. — MÂr Hourmizd transperce le chien enragé. 



Contre les chiens enragés, les lions qui déchirent, les tigres qui sont 
furieux, les sangliers, les loups et toutes les autres bêtes féroces ; que 
soit annulé le danger pour toute sa maison... avec les prières de la 
bienheureuse Marie et de saint Jean le Baptiste. 

Fol. 24. Contre la fièvre. 

Christ est venu ; il a souffert; Christ a été cruciûé; il est mort; il 
est ressuscité. Par lui, que soit chassée cette ûèvre chaude et froide, 
glaçante et judaïque (?)... toute espèce de fièvre de son corps, de son 
âme, d'un tel fils d'un tel ; comme l'Orient est loin de l'Occident, et le 

1) Cf. Georg Hoffmann, AM53ù(;e aus syrischen Ahten penischer Mdrtyrer.., 
Leipzig, 1880, p. 19 et suiv. 



20 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Nord est éloigné du Sud, ainsi, que toutes sortes de fièvres s'éloignent 
de son corps et de son âme, de celui qui est chargé de ces écrits. 

Fol. 24 y^. Bénédiction des vignes, des récolles et des 

grains. 

Gloire à Dieu, le planteur de tous les arbres fruitiers, qui sont 
excellents au goût de ses serviteurs. Bénis, Seigneur, ces semences, ces 
vignes, ces récoltes... écarte de ces arbres le mauvais œil et la maladie 
du ver ; que ces arbres soient garnis de fruits ravissants ; écarte de ces 
fruits tous les malheurs... 

Fol. 25. Prière pour ceux qui souffrent, qui sont dans la 
peine. Fol. 25 v°. Prière pour celui qui voyage pendant la 
nuit, pour qu'il n'ait pas peur *. 

Dieu d* Abraham, d'Isaac et de Jacob, Dieu de nos pères, des pro- 
phètes, des apôtres, des martyrs. Dieu père de J.-C., nous prions Ta 
Grandeur, au moment du voyage. Que ta protection accompagne le por- 
teur de ces écrits, que tu préserves son âme et son corps de tout ce qui 
est nuisible, et que tu le sauves de tous les périls, comme tu sauvas 
Joseph deTEgypte, Daniel des lions... 

Fol. 26 v\ Pour les intérêts de la maison : 

Celui qui a rassasié les milliers dans le désert... que celui-là bénisse 
cette table... que les pauvres en soient rassasiés et les orphelins nour- 
ris... que tout dans cette maison soit en abondance, que leurs péchés 
soient pardonnes. Ainsi soit-il. 

Fol. 27. Annulation des faux rêves : 

Au nom du Père, etc. Au nom de Ahiah Ashrahiah £1 Shaddaï 
Adonaï Mari Sbaot', au nom de ce Christophros' , au nom de Rabban 
Hourmizd, de Mâr Pthioun* martyr, je lie, j'excommunie, je chasse les 

1) Gollaocz, /. c, p. 95-96. 

2) Cf. I. Goidziher, Hebraïsche Elemente in muhaminedanischen Zaubersprii' 
chen, in ZDAfG., XLVIII (1894), p. 358 et E. Sachau, Verzeichniss der 
syrUchenHandschriften, I, p. 371 : riMK IQJH riMN. 

3) Cf. René Basset, Le5 apocryphes éthiopiens... Wljes prières de saint 
Cyprien.,. Paris, 1896, p. 15 et 48. 

4) Sur les variantes syriaques et grecques de ce mol, cf. Hazard, A Syriac 
charm, dans Journal of the american oriental society, XV (1893), p. 286. Pour 
plus de détails sur ce saint personnage, cf. Georg Hoffmann, Amziige... p. 61 
et suiv. et J. Labourt, Le christianisme dans l'empire perse... Paris, 1904, p. 
127-128. 



FORMULES MAGIQUES DE l'ORIENT CHRÉTIEN 21 

rêves méchants et faux, les visions e(Trayantes et toute la fantaisie des 
démons pendant la nuit et dans le jour, des démons méchants*... 
comme tu as chassé les légions de celui qui restait dans les cimetières, 
et que tu les as jetées dans la mer*.... 

Fol. 27 v°. Lier la gueule des loups el des chiens, pour 
qu'ils ne dévorent pas les moutons et le gros bétail. 

Par la prière et la supplication de notre seigneur Daniel, qui descen- 
dit dans la fosse aux lions, que la gueule des loups et des chiens soit 
liée contre toute bête qui appartient à un tel fils d'un tel... et que tout 
soit chassé par le bâton de Moïse, par Tanneau de Salomon ', et que la 
gueule des animaux ouverte pour les dévorer ne puisse pas les dévo- 
rer... 

Fol. 28 vo. Lier les serpents (je propose celle traduction 
sous toute réserve, n'étant pas sûr du texte). 

Je tue le lion et le fils du dragon et je lie leurs pieds; leur âme a pé- 
nétré dans le fer. La colère du serpent venimeux comme Taspic sourd, 
voix du charmeur (?), qui charme et qui est instruit (?). Que Dieu casse 
leurs dents dans leurs bouches et arrache les canines des serpents, et tu 
as brisé la tète des dragons dans Teau et tu as écrasé la tête du Lévia- 
than* et des autres serpents, du serpent tacheté et du serpent rouge, 
du serpent noir et le fils du serpent sourd... 

Fol. 29. Lier les scorpions (traduction provisoire). 

Le fils de Moubour, aux deux extrémités de ton scorpion; les 
cacheter (?), les blâmer et les relever (?), par les deux anges Gabriel et 
Mikhaël. Je lie les bouches des scorpions avec le bâton de Moïse le 
prophète, avec le manteau d Élie \ avec l'anneau de Salomon, d'un 
tel fils d'un tel, avec les prières de Rabban Hourmizd. Amen. 

Fol. 30. Respect dû à tout le monde. Fol. 30 vo Les noms 
de l'anneau du roi Salomon, dont il se sert devant tous les 
rois (lîg. 5) : 

i) Cf. H. Pognon, Une incantation contre les fjénies malfaisants, en noandaïte, 
p. 20-21. 

2) Marc, v. 1-13; Luc, viii, 27-33. 

3) Cl*. William Jones, Pingerring lorc... London, 1877, p. 91 etsuiv. el 503. 

4) Psaume lxxiv, 13-14. 

5) I Rois, XIX, 13» 19; II Rois, n, 8. 



^^ 



HEVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



Mappas, Mappas, Schakhlaît, Tour*ap, Qpidat, Patpalnat, Demapsat, 
Maripat, Khlipat, Khaspat, llpat, Khlipat, Khaspat, Amqaps, Lampa?, 
Dampas, Biroulkhat, Hakikal, Dakhsat... Que les noms de cet anneau 
vous garantissent devant tons les grands personnages. Ainsi soit-il. 

Fol. 31 v"*. Pour la femnae qui éprouve des difficultés pour 
enfanter. 
Au nom du Père, etc. Lazare, sors! et ceci : Marie enfanta le Christ. 




PhoL Montgatllarti.; 

Fig. 5. — SaiomoD combat le démon *. 

Et il a annulé toutes les autres natures. Écrivez ces mots sur un papier 
et qu^elle Tavale. Pour que son lait ne soit pas gâté : Au nom des 
saints Arlamous et Balanos et Mesinos ; et par les noms de ces saints qui 
ont été pendant quarante ans dans le sein de la terre, on prie Dieu qu'il 
soit protecteur de ce lait ; qu'il rende ce lait abondant comme le sable 
qui est au bord de la mer. Et comme l'ange a formé les enfants dans le 
sein de leur mère, qu'ainsi ce lait soit formé et qu^il coule comme le 



1) Ce démon se nomme Asmodée, dans E. Sachau, Verzeichniss der syrts- 
chen Handschriften. Berlin, 1899, n» 107, p. 371 (fol, 54"). Asmodée est le 
démon qui fil mourir les sept maris de Sara, fille de Raguel (Tobil, ?i, 12-17). 
C'est, d'après les rabbins, le Prince des démons et la personnification des ins- 
tincts voluptueux. C'est le nom de la 3« teqoufah et il a « souci des boissons » ; 
cf. M. Schwab, Vocabulaire de langélologie, p. 76, s. r. ^nT2Cî<. 



FORMULES MAGIQUES DE L'ORIENT CHRÉTIEN 23 

Gihon et comme la source qui coulait dans le Paradis. Au nom du 
Père, etc.... 

Fol. 32. Lier le nombril. 

Je lie le nombril d*un tel, comme on lie le taureau au joug, et le 
cheval avec une bride, et comme on met le mort dans la tombe, et 
comme les oiseaux sont pris dans les pièges, je lie le nombril d'un tel, 
avec la même force qu'Élie lia, attacha le ciel et pendant trois ans la 
pluie ne tomba plus'. Et avec la force de saint Cyprien', qui lia les 
femmes enceintes pour qu'elles n'aient pas d'enfants, et les femmes 
stériles pour qu'elles ne devinssent pas enceintes. De cette manière, je 
lie le nombril.... 

Fol. 32 v*. Formules pour lier la gueule des chiens en- 
ragés, contre le rouha bischia (épilepsie?) ; fol. 33 v*. Lier la 
bouche des souris et [le bec] des moineaux, pour qu'ils ne 
s'approchent pas des récolles et des fruils. 

Fol. 34 v\ Contre le saignement de nez*. 

Zacharie ^ a été égorgé ; toutes les fontaines ont été desséchées. De la 
même manière, que le sang du nez d'un tel fils d'un tel sèche à l'instant. 
Écrivez sur son front avec la tige de blé trempée dans son sang. 

Pour calmer les enfants qui pleurent"^ ou les endormir, on 
rappelle les sept dormants; exemple intéressant de magie 
sympathique. 

Au nom du Père, etc. Jamlika, Maximianos, Martalos, Roumanîs% 
Joukhanis, Serapion, Diniosios, ces sept frères s'endormirent 370 ans. 
De cette manière, que soit tranquille et dorme ce petit enfant, un tel 



1) Cf. supra, p. 17, n. 1. 

2) Cyprien d'Antiocbe, qu'il ne faut pas confondre avec saint Cyprien de 
Carthage, était un magicien qui donna « son ftme au diable pour triompher 
de la vertu de Justine » ; il mourut martyr chrétien ; son histoire à inspiré son 
Magico prodigioso àCalderon, et quelques traits duFau^^ de Goethe. Cf. René 
Basset, Les Apocryphes éthiopiens traduits en français... VI. Les prières de saint 
Cyprien et de Théophile. Paris, 1896, p. 1-5 et les références. 

3) Gollancz, /. c, p. 96. 

4) Le prophète; cf. Matthieu, xxiii, 35. 

5) Formule semblable dans Gollancz, l, c, p. 96-97. 

6) Arsenios, apud Sachau, Verzeichniss^ I, p. 371, 42. 




24 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

fils d'un tel, et qu'il dorme du sommeil des hommes forts. Par les 
prières des prophètes et des apôtres bienheureux. Ainsi soit-il. 

Fol. 35. Anathème des pères du Paradis, contre toute sorte 
de douleur. Liste de noms de saints. 



COMMENTAIRE 

Notre manuscrit et ses congénères attestent la préoccupa- 
tion constante de rattacher étroitement les prescriptions 
magiques aux doctrines chrétiennes. L'opposition, que l'on 
constate fréquemment entre magie et rehgion, disparaît ici : 
le copiste est un archidiacre qui compte plusieurs prêtres 
parmi ses ascendants. Non seulement on utilise des prières 
chrétiennes en guise de phylactères, mais on fait intervenir 
comme agents magiques le Christ, les archanges ou des 
saints déterminés. Ainsi le Christ chasse la fièvre. 

L'acte magique par excellence, qui consiste à « lier », se 
pratique par le nom du Seigneur. Avec un singuHer à-propos, 
cet acte est mis (fol. 7 v^) sous l'autorité de la sentence du 
Christ : « Tout ce que vous herez sur la terre sera lié dans 
les cieux » et le rapprochement fournit un commentaire 
significatif de Matthieu, xviii, 18. L'égHse d'Ourmiah con- 
serve-t-elle ou a-t-elle retrouvé le sens primitif* de cette 
parole? En tout cas, grâce à elle on lie la bouche et la 

1) On sait rembarras des commentateurs en présence de Matth., xvi, 19 et 
xviii, 18. Ils adoptent un sens figuré, en s'appuyant notamment — ainsi 
• Holtzmann — sur la langue des rabbins où « lier et délier » a la valeur de 
« défendre et permettre ». Loisy {Les évang. syn,, II, p. 12) reconnaît que le 
contexte exige une explication plus large. Nous Tobtenons en restituant aux 
termes employés leur valeur réelle. Il n'y a rien d'étrange à ce sens magique. 
Ne sont-ce pas les démons qui reconnaissent d'abord le Fils de Dieu sur la 
terre (Marc, i, 34; III, 11)? La guérison des démoniaques et des malades, 
Pexorcisme en un mot n'est-il pas d'usage courant dans les évangiles? C'est ce 
pouvoir que Jésus délègue aux apôtres, pouvoir égal au sien et qui comprend 
naturellement celui de remettre les péchés (Marc, ii, 5-10). A. Deissmann 
explique dans le môme esprit Marc, vu, 35, où Jésus « délie » la langue du 
sourd-muet; voir Revue de i'Hist, des ReL^ 1908, I, p. 251. 



FORMULES MAGIQUES DE l'ORIENT CHRÉTIEN 25 

langue des calomnialeurs et même des juges. La même opé- 
ration atteint les chiens enragés, puis les souris et les moi- 
neaux qui dévastent les récolles. On sait aussi (fol. 14) en se 
référant à Luc, iv, 25, qu'Elie a lié le ciel trois ans et six mois 
pour empêcher la pluie de tomber. Par le nom grand et 
terrible de Dieu, on lie les flèches, ks poignards, les lances, 
les sabres, toutes les armes de Tennemi jusqu'aux fusils et 
aux canons. Au moyen du nom saint de Dieu, le mauvais 
œil — démon femelle — est lié par saint Gabriel. 

Les manuscrits contenant ces prescriplions constituent de 
véritables talismans : ils protègent ceux qui les portent et 
c'est pourquoi ils sont de petit format. A cette magie par 
contact se superpose la magie sympathique qui inspire la 
presque totalité des formules ou des prières. 

On a dessiné les ligures des saints martyrs transperçant 
les démons redoutés, non pour Tagrément ou l'instruction 
du lecteur, mais parce que la représentation figurée a un 
pouvoir magique effectif. On détermine Tacte en le représen- 
tant. 

L'invocation à saint Georges, le guerrier valeureux, pré- 
serve contre la frayeur et le saisissement. L'appel à saint 
Paul vous sauve dans les cas où vous devez répondre de 
certaines infractions devant les autorités. Daniel, pour être 
descendu dans la fosse aux lions, a le pouvoir de lier la gueule 
des loups et des chiens qui voudraient dévorer le bétail. 
Celui qui a mal dans le dos utilise un anathème du roi Salo- 
mon, car on rapporte que ce roi était occupé à construire de 
ses propres mainsle temple de Jérusalem avec l'aide du Saint- 
Esprit, quand celui-ci le heurta par mégarde dans le dos en lui 
passant une pierre Pour faciliter un accouchement, on trace 
sur un papier, que la patiente avalera, certaines formules 
comme : « Lazare, sors ! ». Contre les saignements de nez, on 
écrit la formule d'arrêt sur le front avec un brin de paille 
trempé dans le sang répandu. Et naturellement, on rappelle 
les sept dormants d'Eplièse pour arrêter les cris des enfants 
en bas âge. 



26 



REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIOI^S 



L'intervention de Mâr Thamsls contre la folie est particu- 
lièrement intéressante. Son efficacité tient à ce que le saint 
a vécu solitaire dans la montagne pendant quarante ans. 
Voici Tenchaînement des idées. Le talisman chasse l'esprit 
lunatique, démon femelle, et le précipite à terre^ de là dans 
le fer, du fer dans la pierre et de la pierre sur la montagne. 
Cette énumération est illustrée par l'enluminure qui repré- 




Fig. 6. — Mâr^hamsts. 



(Phot. Montgaillard.) 



sente la lutte de Mâr Thamsîs avec le démon (fig. 6). L'esprit 
mauvais passe dans le fer de la lance qui le fixe dans le roc 
d'où il passe dans la montagne. Le fer agit ici non seulement 
comme arme, mais aussi grâce à ses propriétés magiques 
très actives*. L'esprit ayant pénétré dans le roc est relégué 
dans la montagne. Le fait de reléguer un esprit mauvais sur 
une montagne et notamment sur le sommet dénudé de la mon- 
tagne, est un trait de folklore fort répandu % analogue à 

1) Aujourd'hui encore, on touche du fer pour y déposer la mauvaise 
influence que certaines personnes ont pu jeter sur vous. 

2) Ainsi en Grèce, Fr. Pradel, Griechische und sûdital. Gebete^ Beschwôrungen 
und Rezepte des Mittelalters, Giessen, 1907, p. 104. 



FORMULES MAGIQUES DE L'ORIENT CHRÉTIEN 27 

renvoi du bouc émissaire dans le désert. C'est ici que, par 
sympathie, intervient la légende de Mâr Thamsîs. Parce que 
le saint a demeuré, sa vie durant, sur la montagne, on compte 
que son invocation fixera en ces lieux le mauvais esprit. 

Tout cela témoigne de croyances animistes extrêmement 
vivaces. On noiera à ce propos la mention (fol. 21 v**) des 
âmes des animaux. 



COMPARAISON AVEC LES LITTÉRATURES VOISINES 

Le Ketava denoutari n'est pas un tinicum dans la littéra- 
ture syriaque. Il est même très proche parent du n° 107 et 
du n» 345 des mss. syriaques de la Bibliothèque royale 
de Berlin*. Le ms. 3i5, copié par Sltwâ, en 1800, dans 
un village du territoire d'Ourmiah, est un recueil de for- 
mules magiques de Téglise nestorienne tandis que le nôIre 
est chaldéen, c'est-à-dire catholique. Le ms. 107, éga- 
lement nestorien, fut copié en 1779, par le même Sliwa, 
habitant à Salamâs. Il est d'un contenu presque identique au 
Ketava denoutari^ présentant les mêmes formules, peut-être 
un peu plus complet, à en juger par l'analyse de M. Sachau. 
C'est également d'Ourmiah que provient le texte syriaque 
nestorien, acquis par le Rev. Dr. Shedd, publié par Hazard*, 
et qui se trouve actuellement au Semitic Muséum of Harvard 
University. Les extraits communiqués par M. Gollancz au 
XI"" Congrès (1897) des Orientalistes' sont tirés de deux mss. 
syriaques en sa possession. L'un, en belle écriture estrangelo 
et de format très petit, est attribué au xvi"" siècle, le second 



1) Die Handschriften-Veneichnisse der hôniglichen Bibliothek zu Berlin^ 
XXX'c. Band. Verzeichniss der syrischen Handschriften, von Eduard Sachau, 
Berlin, 1899. 

2) Journal of the american oriental sociely, New Haven.t. XV (1893) p. 284- 
296. 

3) Hermann Gollancz, A Sélection of charms from Syriac manuscripts^ dans 
Actes du onzième Congrès intern, des Orientalistes, IV* section, p. 77-97. 



28 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

a été copié en 1804 de notre ère. Les manuscrits similaires 
arméniens, renfermant des incantations magiques sont égale- 
ment récents; ceux que Ton rencontre dans les bibliothèques 
d'Europe datent du xvn* ou du xviii® siècle*. Je possède trois 
rouleaux de prières arméniens qui m'ont été rapportés de 
Marache et qui étaient encore utilisés au moment où la 
famille qui les détenait s'en est dessaisie comme prix de 
services rendus à elle-même. 

Le type de ces manuscrits arméniens est le Kiprianos, du 
nom du magicien Cyprien, d'Antioche*; ils renferment géné- 
ralement : l'histoire et la prière de saint Cyprien, prononcée 
contre les diables; une prière contre le mal de tête, par Sion 
et Sissianus; l'histoire et la prière de sainte Photine, la 
Samaritaine; une prière magique contre la morsure des ser- 
pents, attribuée à saint Paul*; l'histoire de la sainte vierge 
Justine*; différentes formules de prières à réciter au moment 
d'entreprendre un voyage, contre les mauvaises langues, pour 
écarter toutes sortes de dangers, contre la fièvre* et la pos- 
session des démons, etc. «.Le Kiprianos a été édité plusieurs 
fois; une des bonnes éditions a été donnée à Constantinople 
en 1893. Certains de ces recueils contiennent aussi les prières 

1) C'est également l'âge approximatif des Talismans magiques trouvés dans 
Vite de Thasos, publiés par W. Deonna, dans la Revue des Étudies grecques, 
1907, p. 364-382. Le xvi« siècle est aussi l'époque où furent rédigées et copiées 
les formules italiennes et grecques, publiées par Fritz Pradel, Gricchische und 
sùditalienische Gebete, Beschwôrungen und Rezepte des Mittelalters, Giessen, 
1907. 

2) Cr. supra, p. 23, n. 2. 

3) Réminiscence probable de Actes des Apôtres, xxviii, 1-6. 

4) Cf. J. Dashian, Catalog der armenischen llandschrifien in dcr Mechitharis^ 
ten-Bibliothek zu Wien, Wien... 1895, n°» 191, 431, 443. 550. 

5) Cf. D'"N. Karamianz, Verzeichniss der armenischen Handschriften... Berlin. 
1888, n'>''34, fol. 54-57 et 95, fol. 241-263 (t. X de Handschriften- Ver zeichnisse 
der kôniglichen Ribliothek zu Berlin), 

6) Cf. F. N. Finck, Kalalog der armenischen Handschriften des Herrn 
Abgar Joannissiany zu Ti/lis. Leipzig el Marburg, 1903, p. 177 et suiv. — 
Idem et Levon Gjandschezian, Verzeichniss der armenischen Hantschriften 
der kôniglichen Universitdtsbibliothek [zu Tubingenl... Tubingen, 1907, n° 51. 
— F. Macler, Catalogue des manuscrits arméniens et </éoryicns de la Bibliothèque 
nationale.,. Paris, 1908, n«« 97-102, 257. 



FORMULES MAGIQUES DE L'ORIENT CHRÉTIEN 29 

de Nersès Schnorhali contre les guerres, Tépée, et toutes 
les armes de rennemi. Je citerai quelques-unes de ces for- 
mules arméniennes: 

Prière de Nersès Schnorhali contre les démons : « Sei- 
gneur, prodigue de bienfaits, confiez-moi à la garde d'un 
Ange lutélaire, qui conserve mon âme en paix, qui me 
délivre des pièges que me tendent, à chaque pas, les démons 
qui infectent l'étendue des airs. Ayez pitié de vos créatures 
et de moi, car je suis un très grand pécheur*. » 

Prière pour entraver les loups. 

Avec huit doigts et deux pouces, 

Avec la crinière du cheval de saint Serge, 

Avec le bâton du seigneur Moïse, 

Avec la lance aiguë de saint Georges, 

Avec la foi lumineuse de saint Grégoire, 

Avec le doux lait de la sainte Vierge, 

Saisissez-le, liez-le I 

Obscurcissez ses yeux dans son visage, 

Clouez sa langue dans sa gueule, 

Émoussez ses griffes pointues, 

Aveuglez ses yeux en plein jour ! 

Au nom de Jésus-Christ, que nos peines 

Tombent sur la bête malfaisante *. 

Voici une des formules les plus courantes contre le mau- 
vais œil : 

11 y avait un arbre dans un abîme, 

Il y avait un serpent noir sur cet arbre ; 

Nous Tavons descendu sans nous servir de nos mains. 

Nous Tavons égorgé sans couteau, 

Nous l'avons cuit sans feu. 

Qui en mange, crève ; 

Qui n'en mange pas, éclate '. 

1) Cf. Precessancti NersetisClajensis Armeniorum patriarchw viginti quatuor 
linguis editae. Veneliis, 1837, p. 74, no 20. 

2) Cf. Archag Tchobanian, Cho7its populaires arméniens,., Paris 1903, 
p. 142. 

3) Cf. Idem, ibidem, p. 144. Voir ibidem, p. 142-144, une autre formule plus 
longue de prière contre ie mauvais œil. 






i%»tne iW^tt; Tîisiui gamer -m mnt < 

Oslisi fitt ^'açpridwnde la port«L fi'Ii 
Cdai ipi flUMideva for I» tait, fo. îi Umbc < 

fUiftfV un àecwtt exemple, ue pnère natre les lofenrs et 
ies i)4y>rpiofM : 

N^Cfé (k^i^ niliuRiuatenr ' ss tient près es noL 

n r#!rm^ irui p^rt^ a^<c sa cdom : 
fl m«mi« U ;{ar4e. il prolè^re, 
\\ ptir^ly v( <»t fait évaa^Qir '. 

\a liK/^ratore araï>e chrélienae. qae l'on a longtemps 
n^glfg/^.e, commence à être prise en considération. Elle se 
tompffMy il e^t vrai^ .^ortoat de traductions: il saffirm de 
jeter rin rapide coop d*œil sar les catalogues de manoscrits 
araties et carnuriis pour n'en convaincre. Je ne citerai qu*on 
exemple de formule magique : un nzanoscril arabe do xv^ siècle 
(le u"* 202 du fonds arabe de la Bibliothèque nationale) ren- 
ferme au fol. 212 V* rhistoire de saint Marcel; si cette 
hiç^loire e<^t ^;crile (ou copiée) le vendredi ou le dimanche, 
avec une certaine encre, h elle guérit les femmes possédées, 
el est d'une grande utilité aux femmes dont les enfants 
meurent en bas Age \ y> 

Ces recueils arabes chrétiens ont leurs équivalents dans la 
littérature musulmane, très prodigue de ce genre d'écrits. 
Il f^uftil (in ciler le nom, devenu classique en la matière, 
d'Abou TAbbftH al-Bounl, né à BAne, mort en 1225 de J.-C. 
Nolrn llibliolbiu|uo nationale possède plusieurs manuscrits 

*ê) (Ir^g^iirp rilliiminfitPiir (loiisavnrilrli). 
H) C.r. A. T(\\\nh9L\\\m, Vhautx populaires armMirnu.p. 147. 
h) Tif. ili> Hlnim, iUi(nhgup des manmcrits arabes |(le la Bibliothèque natio- 
tml(»|... PnriP, IHKMHUD, p. 72. 






FORMULES MAGIQUES DE l'ORIENT CHRÉTIEN 31 

arabes renfermant les incantations et les amulettes d'Aï- 
Bounî; ce sont particulièrement les n*»^ 743^ 1225, 2647- 
2650, 2657, 2659, 2763 ; M. Carra de Vaux, après Reinaud, 
s'est occupé de quelques incantations musulmanes et a 
donné la traduction de certaines d'entre elles d'après 
le ms. 2662 (xvii* siècle) de la Bibliothèque nationale^ Mais 
je crois que les musulmans arabes, avant de devenir des pro- 
pagateurSy ont été avant tout des emprunteurs. Dans le 
domaine delà magie, comme dans celui de la littérature reli- 
gieuse, ils ont largement puisé aux sources chrétiennes et 
juives ; ils n'ont pas dédaigné les sources gnosliques et ils se 
sont contentés de travestir les documents qu'ils utilisaient. 
L'investigation, du reste, ne peut porter que sur le contenu 
intrinsèque des formules : les musulmans, à l'instar des juifs, 
s'interdisent toute reproduction d'êtres animés ; aussi leurs 
dessins se composent-ils exclusivement de lignes, de triangles 
et des dérivés géométriques. 

Au contraire, les manuscrits chrétiens que nous avons con- 
sultés et cités, qu'ils soient syriaques, arméniens ou arabes 
chrétiens, font une part très large à l'ornementation, aux 
représentations figurées dont nous avons dit la signification. 
Un démon à forme humaine, un serpent, un scorpion, incar- 
nent le mauvais esprit à lier, la mauvaise maladie à chasser. 
De ce chef, les manuscrits modernes, à illustration abon- 
dante, procèdent en ligne droite de leurs aînés du moyen 
âge, les manuscrits byzantins qui eux-mêmes perpétuent une 
tradition très ancienne. 

La plupart des figures du Keiava denoutari se laissent 
ramener à un type fondamental, celui de saint Georges ter- 
rassant le dragon. Le type byzantin de saint Georges, à son 
tour, remonte, par delà les siècles, à la civilisation égyp- 
tienne; la chose a été parfaitement mise en lumière par 
M. CIermont-Ganneau^ La fantaisie des enlumineurs a 

i) Journal asiatique, 1907, I, p. 529-537. 

2) Horus et saint Georges d'après un bas^relief inédit du Louvre^ in Revue 
archéologique^ 1876, II, p. 196 et suiv., p. 372 et suiv., pi. XVIII, et note 




32 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

modifié plus ou moins les données premières pour représen- 
ter dans la môme posture leurs héros respectifs^, tels saint 
Michel, saint Serge, le roi Salomon*. Ainsi donc, au premier 
coup d'œil, la principale source — la source égyptienne — 
de la magie' se laisse nettement distinguer dans notre manus- 
crit. A peine saisit-on — dans la mention des sept voisins 
méchants, analogues aux sept démons babyloniens des mala- 
dies — quelque trace de l'influence babylonienne. Mais le 
rôle attribué aux archanges, au roi Salomon, remonte aux 
gnostiques égyptiens. 

A propos des talismans figurant Salomon, M. Perdrizet 
cite l'opinion de Renan, qui considérait « TÉgypte comme 
l'officine où se fabriquaient la plupart de ces amulettes. C'est 
en Egypte que s'est formé le syncrétisme grossier dont elles 
témoignent. La croyance que Salomon avait été un grand 
magicien et qu'il était bon de l'invoquer contre le diable est 
d'origine juive; les Juifs de Judée l'avaient; le texte de 
Josèphe le prouve. Mais chez les judéo-grecs d'Egypte, cette 
croyance était destinée à une fortune extraordinaire »'. 



Nous nous en sommes tenu, dans les lignes qui précèdent, 
à un canton très déterminé de la superstition en Orient. II 
eût été aisé de multiplier les exemples et d'ajouter aux 
manuscrits syriaques, arméniens, arabes chrétiens l'énumé- 
ration des manuscrits de même contenu dans la littérature 



additionnelle, ibidem, 1877, I, p. 23 et suiv. Pour l'influence égyptienne sur le 
matériel magique employé en Asie Mineure, cf. R. Wiinsch, Antikes Zauber- 
gerdt ans Pergamon,., Berlin, 1905. 

1) Cf. P. Perdrizet, S^pay^; SoXopLwvo;, in hevue des Études grecques, 
t. XVI (1903), p. 42-61. 

2) Henri Hubert, Magia dans Diction, des antiquités, 

3) Revue des Éludes grecques, 1903, p. 59. 



KOUMULES MAGIQUES DE L^ORlENt CHRÉTIEN 33 

éthiopienne ^ Nous avons voulu simplement faire connaître 
un manuscrit nouveau et proposer quelques rapprochements 
avec les congénères d'autres langues et d'autres religions. 

F. Macler. 

1) ZDMG, 1905, l. 59, p. 196-i97, et les publications y indiquées d'Enno 
Liltmann et de Rhodokanakis. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 



C'esl une loi générale du langage, que le sens d'un niol 
tend à devenir plus vague à mesure que ce ihot, d'abord usité 
dans un groupement restreint, passe dans des milieux de plus 
en plus vastes. Souvent le mol acquiert ainsi deux sens qui 
s'imbriquent, Tun étroit et précis, l'autre large et confus. 
Les mois de taôouel deiotem n'ont pas échappé à la règle. 
Originaires, l'un de l'Amérique du Nord, l'autre de l'Océanie, 
ils se sont successivement déformés, quant à leur sens, en 
passant dans la littérature ethnographique d'abord, puis, 
récemment, dans le langage scientifique et général. 

Il ne me vient donc pas à l'idée de reprocher aux journa- 
listes, aux romanciers, aux critiques littéraires, aux voya- 
geurs amateurs d'attribuer à ces mots des sens variés, parfois 
contradictoires. Mais il convient par contre que ni les ethno- 
graphes, ni les historiens des religions ne se laissent entraî- 
ner par une tendance ambiante à ne plus attribuer à tabou et 
à totem qu'un sens imprécis. Si l'on veut que notre termino- 
logie garde une valeur de classification, ce ne peut être qu'en 
s'en tenant à l'acception spéciale des termes utilisés. 

Or, si l'on compare à cet effet un certain nombre de publi- 
cations récentes, on est conduit à se demander s'il vaut vrai- 
ment la peine d'écrire des hvres, des articles et des analyses 
critiques dans le but de déterminer les notions et la termino- 
logie hiérologiques. Si encore les éléments d'information 
étaient rares, ou d'un accès difficile, on s'expliquerait que 
des savants adonnés à des spécialités éloignées se trompent 
sur le sens qu'il convient d'attribuer à des mots couramment 
employés dans une autre discipline spéciale. Tel n'est pas le 
cas : en France, la Bévue de r Histoire des ReUgiom et la 
Revue des Traditions Populaires, C Année Sociologique et plus 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 35 

récemment la Revue des Éludes Ethnographiques et Sociolo- 
giques ont consacré assez de pages au tabou et au totémisme 
pour qu'apparaissent comme proprement étranges les défor- 
mations que, de plus en plus, on fait subir au sens de ces 
mots. 

Un article récent de M. Toutain 'fournit comme à point 
iiomméroccasion d'exposer le genre de déformations dont il 
s'agit, de préciser l'attitude des ethnographes en présence des 
problèmes qui se rattachent au tabou et au totémisme, d'in- 
diquer brièvement oti l'on en est actuellement en cette ma- 
tière, et de marquer le désaccord théorique et méthodolo- 
gique qui sépare, et séparera toujours davantage, les partisans 
de la méthode comparative de ceux de plus en plus rares 
chaque jour de la méthode purement historique. 

Je garderai, dans cette exposition (qui n'a nulle prétention 
à être complète mais seulement à donner des bases stables 
pour la recherche ultérieure) Tordre suivi par M. Toutain, 
qui est allé du particulier au général, de M. Renel au toté- 
misme et de là à la méthode comparative. 



I 

Il importe en effet de dégager dès l'abord l'école ethno- 
graphique et l'école sociologique du discrédit oti les voudrait 
jeter M. Toutain. Lorsque parut le livre oti M. Renel » tentait, 
par une étude du culte des enseignes à Rome et dans l'Italie 
en général, de relever systématiquement des traces de 
totémisme chez lesltalioles, j'en publiai une longue analyse 
critique* dont je rétracte aujourd'hui le passage sur/^9 toté- 
mismes, mais dont je maintiens le sens général. Je faisais 

' 1) J.Toulain, L histoire des religions et le totémisme, à propos d'un livre 
récent, H. H. H., 1908, t. LVII, pp. 333-354. 

2) Ch. Renel, Cultes militaires de Rome, t. I, les Enseignes, Paris et Lyon, 
1903. 

3) A. van Gennep, Totémisme et culte des enseignes à Rome^Rev, Trad.Pop.j 
août-sept. 1904. pp. 321-327. 



remarquer à M. Kimei qa'ii n'^iait oobiié q« xss- dukaC:. 
c'était de définir le tfAémhme. et qae nos c>j««nmQtf 
avaient projçreaié depoi:% /> T^^^mA/m de Frax*îr f s¥T : je 
lai reprochais de crrAre déflarjotré» l<c totémisme êsyr^ben ol 
le totémhme eoropéea m^dem^e et enfia d'aToîr âmfSAé m 
système tompliqaé ao point de Tidentifier arec q1J«^ve^ pn- 
tiqaes isolée» ^colte de^i ea^eé^ne», ete/. Ce compte repân 
troare son parallèle dans eeini qae Maoss fit da livre de ftenel 
dans V Anné4^ Soâohf/upM^ Knfin notre attitude fat emoore la 
même à Maass 'comme a Hntter * et a moi ' â réçmrd ée^ 
théories de M. Salomon K^ioa/rb î^r le totémisme des Gehes*. 
Certes, je n'aarais par <:rrj otile de rappeler ces dêtuk. 
n'était précisément qoe M. Toatain a beau jea de s>d 
prendre, vers le milieu de l^in, àde^ publications : 1"* qui 
datent Tune de HHÛp et l'autre de rj(Kj; 2* et qui sont à teJ 
pointdes exemples d'une application exagérée et aprioriqne 
de la <^ théorie \(Mm'u{ue n comme dit M.Toutain. que cesx 
d^entre les ethnographes franr;ais qui connaissaient les diffi- 
cultés du problème se crurent tenait de prolester, — protesUn 
tion que M. Toutain passe sous silence. En somme, les posi- 
tions occupées par M. Kenel el M. S. Keinach étaient d*iuie 
conquête vraiment trop facile, alors surtout que des brèches 
y avaient été déjà pratiquées. De même, M. Toutain a beau 
jeu de s'en prendre h M. Jevons% qui n'a jamais été ethno- 
graphe, mais confrère de M. Toutain puisque « classiqoe • 
comme lui, et dont le livre avait été soumis par L. MariUier^ 
el par E. B. Tylor^ à une analyse critique pénétrante. Ici 

i) Marcel Mauss, in Année HorAobyhiue, l. VIII (1905), pp. 238-240. 

2) Cf. la collection de V Année Hocioloyûiue flOvol.,Alcan),à l'index des Doms 
d'auteurs, s. t. Reinach (S.). 

3) Noten sur le totcminme^ flevue (les Idées du \b août 1005. 

4) Salomon Reinach, Les survivances du totémisme chez les anciens Celtes^ 
Hevuc Celtique, 1900 et CuUeSt mythes et religions, t. l. 1905, pp. 30-78. 

5) F. B. Jevons, Introduction to the history of religion, Londres, 1896. 

6) L. Marinier, La place du tott^mismc dans l'évolution religieuse, R. f/. /j., 
1897, t. XXXVI et 1898, t. XXXVII. 

7) E. B. Tylor, yourn. Anthrop, înst., t. XVllI (1899), pp. 138-148. 



TOTKMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 37 

encore on notera que les théories unilatérales et forcées de 
Jevons n'ont jamais été regardées par les ethnographes que 
comme un bel exemple de systématisation à outrance ; la 
réponse de Jevons à Marillier* n'a presque rien modifié, sinon 
sur quelques points de détail. Et je terminerais volontiers ici 
cette rectification, n'était que M. Toutain a pris texte de sa 
victoire présumée pour s'attaquer d'abord à ce qu'il nomme 
la « théorie totémique », puis à la méthode comparative en 
général. 

II 

La hardiesse des hypothèses n'a rien d'effrayant, pourvu 
que l'auteur soit de bonne foi dans sa documentation comme 
dans l'expression de ses tendances personnelles. Or tel a été 
le cas, non seulement des deux auteurs critiqués, mais en- 
core de bien d'autres auxquels la science des religions doit de 
s'être renouvelée. 

Si M. Renel a tenté de dégager le totémisme italique, 
M. Gomme* et S. Reinach celui des Celtes anciens, le toté- 
misme sémitique ancien et arabe a été étudié par Robertson 
Smith* (critiqué parJ. Jacobs*, leP.Zapletal'), celuidesGrecs 
anciens a fait l'objet des recherches de M. Lang*, de M. Fra- 

1) F. B. âevonSf The place of totemùm in the évolution of religion, Folk- 
lore, t. X (1899), pp. 369-383. 

2) G. L. Gomme, Archseological Review, t. III, pp. 217-242 et 350-375, et 
récemment avec plus de prudence, Polk-Lore as an historical science, Londres, 
1908, p. 209-210. 

3; Rob. Smith, Kinship and marriage in early Arabia, 1" éd. 1885, 2« éd. 
augmentée par Tauteur, I. Goldziher et St.Gook, Londres, 1907 et The religion 
of Ihe Sémites, passim. 

4) J. Jacobs, Are there totem-clans in the Old Testament, Arch, Rev., t. III, 
pp. 144-164. 

5) Zapletal, Der Totemismus und die Religion Israels, Fribourg, 1901 
contre le totémisme s'élève aussi le P. Lagrange, Études sur les religions sémi- 
tiques, Paris, 2« éd., 1906. —Cf. Frazer, Adonis, Atiis, Osi'm, 2» éd., Londres 
1907, pour tout le monde oriental ancien. 

6) Andrew Lang, Mythea, cultes et religions, Paris, 1898; llomer and his 
âge, Londres, 1906. 



38 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

zer*, de M. Farnell", de M. de Visser'; enfin M. Loret el 
M. Amélineau ont cherché le totémisme égyptien. Je ne 
cite ici que quelques noms el quelques œuvres, celles qui 
présentent une portée générale. Bien d'autres ethnographes 
ou historiens ont étudié des points de détail, et le résultat de 
tout ce travail a été d'imposer aux historiens proprement dits 
une altitude personnelle vis-à-vis de questions qu'ils affec- 
taient d'ignorer. En sorte que les auteurs de manuels consa- 
crés à Tune ou à l'autre des religions ou des civilisations de 
l'antiquité classique ou orientale ne peuvent plus, volens 
nolens^ passer sous silence la « théorie totémique ». Les uns 
Tadmettent, les autres la rejettent, avec ou sans discussion, 
avec ou sans preuves. 

La vie, el par suite la science, peut tirer autant de profit, 
pour son développement, de Terreur que de la vérité, car la 
discussion el la controverse entraînent à des enquêtes et à 
des théories nouvelles. Une seule chose est nuisible : la sta- 
gnation. Parleurs exagérations mêmes, les savants cités ont 
donc mérité quelque reconnaissance, puisqu'ils marquent l'un 
des pôles de celte oscillation des tendances dont les partisans 
exclusifs de la méthode historique occupent volontairement 
l'autre. 

L'attitude de recherche a au moins sur l'attitude d'abs- 
tention cette supériorité, d'exiger plus de connaissances, 
plus de persévérance, plus de force intellectuelle : plus de 
vitalité en un mol. L'on admettra malaisément que les 
savants cités aient entrepris des enquêtes aussi difficiles el 
aussi longues que celles qui font l'objet de leurs livres par 
simple obéissance à une « mode scientifique ». Qu'il y ail en 
science des *< modes », ou si l'on préfère des courants collec- 

Ij J. G. Frazer, Tke Golhn Bouyfi; Ihe earh/ hi^lory of the kingsUip 
(Londres, 1905), el son édition He Pausanias, avec noies comparatives. 

2) Karnell, Thfi CulU of thf. yreek states, 4 vo»., Oxford; cf. encore les pu- 
blications de Miss Harrison, de M. Cook, etc. 

3) De Visser, De iWmcorum liiis non ref'ertntiltus spfciem humanam^ Leyde, 
1902. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 39 

tifs, cela est évident. 0. StoU a signalé Tinfluence générale 
sur les savants, au xviii® siècle, de l'idée qu'on se faisait de la 
Nature; il a montré aussi le rôle qu'a joué la suggestion dans 
l'histoire de la Théorie des Glaciers*; de même, Thislorique 
de la « Question d'Homère » fournit des exemples fort nets 
de soumission des savants à des tendances ambiantes d'inter- 
prétation*. Mais cela ne saurait être un argument contre la 
« théorie totémique » ni contre la « méthode comparative », 
car il serait facile de le retourner contre les partisans irré- 
ductibles de la méthode historique. 

Le bien-fondé des méthodes modernes s'affirmera au fur 
et à mesure qu'on apphquera à plus de questions, et plus 
importantes, la méthode comparative et les théories explica- 
tives qu'elle suggère, telle l'interprétation d'un certain 
nombre de faits de zoolâtrie par le totémisme. Il n'est point 
de progrès scientifique sans systématisation : le mérite des 
savants énumérés est d'avoir repris des faits connus mais 
inexpliqués, de les avoir considérés sous un angle jusque là 
insoupçonné, de les avoir classés conformément à cette orien- 
tation nouvelle, de les avoir éclairés les uns par les autres 
alors qu'on les considérait naguère isolément, et d'avoir pré- 
senté sous une forme plus ou moins frappante, affirmative, 
selon le tempérament de chacun, un essai d'explication. 
Comme il n'y a jamais de solution définitive, rien d'étonnant 
à ce que nombre d'interprétations et d'hypothèses de Rob. 
Smith, Frazer, etc. aient dû être ensuite rejetées. Mais il n'y 
a pas là de quoi triompher. Qui ne risque n'a rien : et la mé- 
thode historique n'ayant jamais rien risqué n'aura pas, de la 
postérité, fût-ce une parcelle de la reconnaissance que nous 
avons aujourd'hui même pour des théories périmées, pour 
l'école mythologique à la Max MùUer par exemple, et qu'on 

1) 0. Stoll, Suggestion und Hypnotismns in fier Vulkerpaycholoyie, 2*» éd., 
Leipzig, 1904, pp. 671-684. 

2) A. van Gennep, La question dlhmère^ Revue des Idées^ 1907, pp. 59-124 
(1 vol. sous presse, 'suivi d'une bibliographie critique et raisonnée par 
Ad. J. Reinach, coll. Lfn Hommes et Ifn Idéea, Soc, du M^Tcure de France). 



40 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

aura plus tard pour l'école anthropologique ou pour Técole 
sociologique. 

Actuellement, ni le totémisme grec, ni le totémisme celte, 
italique, égyptien, sémitique ou arabe ne sont démontrés, 
soit : mais toutes les critiques qu'on a pu faire de la « théorie 
totémique » n'ont jamais porté que sur des faits de détail, 
ou bien n'ont été formulées qu'en termes vagues; et surtout 
on n'a pu lui opposer une autre explication générale. Le 
fait que des savants comme ceux dont les noms précèdent ne 
sont pas arrivés à des solutions définitives prouve seulement 
que les fameux documents « historiques » sont d'une insuffi- 
sance désolante, au point qu'on ne peut se prononcer ni dans 
un sens ni dans Taulre. Tout esprit non prévenu reconnaîtra 
qu'en ethnographie nous possédons des moyens d'investi- 
gation et de contrôle incomparablement meilleurs. Si les 
ethnographes anciens, comme Pausanias, Hérodote, Lucien, 
Strabon et tant d'autres — ce furent bien des ethnographes, 
puisqu'ils observèrent et étudièrent leurs contemporains — 
avaient pu entreprendre leurs enquêtes munis d'une mé- 
thode comparable à celle des Spencer et Gillen, des Von den 
Steinen, des Ehrenreich, des Boas, des A. C. Haddon, etc., 
ils nous auraient renseignés sur les faits caractéristiques au 
lieu d'encombrer leurs ouvrages d'un fatras aussi peu digne 
de confiance que celui qui discrédite les livres de la plupart 
des missionnaires, globe-trotters, fonctionnaires coloniaux, 
etc. modernes. C'est pourquoi je ne ferai nul mérite aux 
« historiens » d'une « prudence » qui leur est imposée par 
la nature même des documents dont ils se servent exclusive- 
ment. 

« N'est-il pas remarquable, se demande M. Toutain, que 
l'exégèse fondée sur le totémisme ait été surtout admise et 
pratiquée par des philologues, des littérateurs et des philo- 
sophes, critiquée surtout par des historiens? ». Nullement : 
ce serait, si c'était vrai, parfaitement naturel. Il y a peu de 
spécialistes aussi spécialisés que les historiens, notamment 
les historiens de l'antiquité classique. Pour contrôler leurs 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 41 

dires, il faut s'être assimilé toutes sortes de langues et de 
connaissances ardues, s'être entraîné au déchiffrement des 
inscriptions, à l'interprétation des symboles et des figures 
monétaires; ils forment comme une aristocratie dans le 
monde scientifique. Et vous voudriez que de gaieté de cœur 
ils sortent de leur demeure confortable pour risquer ce qu'ils 
nommeront des aventures ! 

Si c'était vrai : or, c'est faux. Philologues, littérateurs et 
philosophes, dit M. Toutain. J'ai cité assez de noms déjà au 
début de cet article et je prie seulement le lecteur de vouloir 
bien chercher dans laquelle de ces trois catégories rentrent 
les auteurs nommés. Je crois que le cas de M. Lang, à la 
fois critique d'art et critique littéraire, spécialiste pour la 
question d'Homère, poète, nouvelliste, essayiste, ethno- 
graphe, historien des religions a, par la richesse intellec- 
tuelle qu'une telle activité exige, hypnotisé et effaré M. Tou- 
tain. La plupart des autres sont, sinon des historiens pro- 
prements dits, du moins soit des historiens des religions, soit 
des historiens de la civilisation. Et précisément, si le toté- 
misme se trouve en mauvaise posture, c'est aux savants trop 
« historiens » encore, comme MM. Jevons, Renel, S. Rei- 
nach, Loret, Amélineau qu'on le doit, car ce sont eux qui, 
ayant découvert un beau jour Lé€ Totémisme de Frazer et 
l'ethnographie, en ont agi avec ces faits nouveaux pour eux 
comme avec des « documents historiques ». Us ont trans- 
porté en bloc dans leur domaine d'études tout un ensemble 
de faits comme s'ils eussent été morts : et ce sont des faits 
vivants. Dans l'intervalle, la documentation et la théorie du 
totémisme ont évolué, très rapidement même ; et sans qu'ils 
s'en pussent douter, ces savants ont pris pour bases des 
erreurs reconnues déjà pour telles par les ethnographes eux- 
mêmes. 

Ayant rendu justice à l'utilité générale des travaux cités, 
je me sens à Taise pour déplorer le sans-gêne avec lequel 
on y a transposé les faits et les théories ethnographiques. 
Comme il a été question déjà de M. Renel et de M. S. Rei- 




42 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

nach, et qu'il ne s'agit ici en définitive que des savants fran- 
çais, il me faut examiner d'un peu près quelques travaux 
récents sur le totémisme é(?yptien. Dès 1886, Le Page Re- 
nouf se demandait si le lièvre était un tolem chez les Égyp- 
tiens* et, depuis, cette question a été posée de divers côtés h 
propos d'autres animaux sacrés. Mais les seuls essais d'exa- 
men complet et systématique du problème sont récents, et 
dus l'un à M. V. Loret% Tautre à M. Amélineau. 

Malheureusement M. Lorel suppose résolues toutes sortes 
de questions fondamentales, sur lesquelles on n'est pas fixé 
encore pour les populations actuellement lotémistes, comme 
la question du rapport entre le totem et l'emblème toté- 
mique (soit peint ou tatoué, soit sous forme d'enseigne, ou 

1) Cf. A. Lang, Mythes, Cultes et Religions, p. 653 el suiv. Je n'ai pas à 
faire ici Thislorique des théories sur le totémisme égyptien. On remarquera que 
J . G. Frazer a toujours été très prudent en cette matière ; de même Capart, Le 
totémisme (Conf. à ia Soc. Belge de Sociol., oct. 19j2, p. 25 du tir. à part du 
Bulletin, 1905) et Bull, crit, des rel. de l'Egypte, fl. H R, 1905, t.Ll,p. 238; 
i906, t. Lin. pp. 311-314, t. LÏV, p. 10; FI. Pétrie, The religion of ancient 
Eyyptians, Lo. 1906, pp. 20-27; etc. 

2) V. Loret, Les enseignes militaires des tribHS et les symboles hiéroglyphi- 
ques des divinités. Revue Égyptologique, t. X (1902), p. 94-101: Horus le 
Faucon, extr, (24 p.. Picard), du Bulletin de Hnstitut Français d* Arch^iologie 
Orientale, t. IIÏ (190^); VÊgypte au temps du totémisme, in Confer, du Musée 
Guimet, t. XIX (1906), pp. 151-221. Dans ces mémoires, M. Loret croitdémon- 
Irée TidenlitA des groupements constitués par les « Horiens-Faucons » et 
les « Compagnons d'Horus » avec des groupements totémiques, ceci sim- 
plement parce que leurs enseignes militaires étaient surmontées d'animaux 
dont le nom désignait en même temps le chef militaire. Je ne connais aucun 
parallèlle moderne de cet ordre. A propos du u clan Horus-Faucon », venu, 
suivant M. Loret, d'Arabie, je signale que Robertson Smith n'a pas 
rencontré chez les Arabes antéislaraiques ni modernes (cf. la liste des 
pp. 223-235 de Kinship and marriager nous, éd.) de groupements dénommés 
d'après des oiseaux de proie, aigle, faucon, épervier,etc. ; comme les inscrip- 
tions de l'Arabie méridionale ont été utilisées dans cette nouvelle édition, ce 
fait mérite au moins d'être pris en considération, sans pourtant qu'on en 
puisse tirer un argument essentiel contre les théories de M. Loret. Ce que 
je sais des enseignes musulmanes (grâce à mon cousin van Vloten) et des 
enseignes lurco-mongoles ne me fournit rien ni pour ni contre une interpré- 
tation totémique, mais, ajouté au fait masaï cité plus loin, me porte à croire 
que les groupements « horiens » n'étaient que des groupements militaires exis- 
tant à l'intérieur d'autres groupements, clans ou. tribus. 



Wv. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 43 

de poteau tolémique, totem-post^ etc.)*; telle encore la ques- 
tion de la signification géographique ou non de la répartition 
en groupes totémiques (cf. les totems locaux des Australiens 
centraux, etc.). 

On ne peut donc suivre M. Loret quand il rattache par un 
lien génétique Tinsigne du nome (division territoriale) à Tin- 
signe protecteur de village (unité politique, administrative ou 
économique) et tous deux à Tinsigne qu'il appelle attribut 
ethnique^ et qu'il ajoute : « Nous allons constater en pas- 
sant de Tépoque prédynastique à la période pharaonique 
Texistence de l'insigne-membre-du-clan et protecteur-du- 
clan »' faisant intervenir ainsi une notion nouvelle, celle 
du clan^ groupement de gens apparentés, unité à base de 
parenté. 

On trouvera plus loin énumérés ce que je nomme les prin- 
cipes du totémisme et Ton verra que cette notion de parenté, 
tant physique que sociale, est à la base même du totémisme, 
et que par suite elle devrait se constater aux débuts de la 
période prédynastique, mais non pas apparaître à la période 
pharaonique. D'autre part, jusqu'à preuve du contraire, 
on est obligé de reconnaître que le groupement totémique 
(ou dan totémique) est indépendant de l'unité territoriale, 
laquelle se désigne du mot de tribu. Les groupes totémiques 
passent, pour ainsi dire, à travers les tribus, en sorte que 
chaque individu appartient à la fois à deux types de groupe- 
ment indépendants Tun de l'autre. Soit, schématiquement, 
quatre tribus A, B, C, D; les membres de chacune de ces tri- 
bus se répartissent» dans six groupes totémiques, a, b, c, cl, <?, 

i) Je ne saurais admettre Toplnion de Mauss, Année Sociologique, t. VIII, 
1905, p. 242, que«dans la notioo du totem, celle de dieu, dVnspigne, de nom. 
de blason sont indissolublement unies a \ ce chs ne se rencontre que chez quel- 
ques populations de l'Amérique du Nord (de la Colombie Britannique sur- 
tout), ni le blason ni Tensei^ne nVxistant chez les Australiens par exem()le. 

2) L Egypte au temps du tofémiame, pp. 175-176. 

3) CVslla un cas théorique; d'ordinaire un m^me groupe tott^mique n'est 
pas représenté dans chaque tribu, réf) irlition qui dépend entre aulres de la 
flore, de la faune, etc. locales, ou de mi^^ations. 



44 



REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



/, de telle sorte que le groupe totémîque a se retrouve à la 
fois dans A, B, C, D, tous les membres de a se considérant 
comme apparentés, bien que divisés territorialement et poli- 
tiquement, ce qui peut s'exprimer par le tableau suivant : 



A 


H 


C 


D 


a 


a 


a 


a 


h 


b 


h 


b 


c 


c 


c 


c 


d 


d 


d 


d 


e 


e 


e 


e 


/ 


f 


f 


f 



répartition qui se comprendra mieux si Ton suppose qu'en 
France les membres de six familles, Dugenêt, Duchône, Du- 
frêne, Dubœuf, Ducerf et Dulac soient répartis entre quatre 
communes (unité administrative et territoriale) A, B, C, D, 
chaque Dufrêne se reconnaissant comme apparenté à tous les 
Dufrêne de quelque commune que ce soit par son nom et la 
tradition généalogique. Dans le cas supposé, c'est ce nom 
de Dufrêne qui sera le signe de la parenté, et non pas l'éten- 
dard (par exemple du saint patron) de la commune; en ad- 
mettant que chacune des six familles possède aussi son éten- 
dard propre, cet étendard ne pourra être celui de la commune 
que si cette commune n'est habitée que par l'une des familles 
seulement. Et nous voici placés devant un problème dont 
M. Loretn'a pas soupçonné l'existence, mais qui a passionné 
ceux qui se sont occupés de la formation des villages en 
pays germaniques et slaves : le village est-il antérieur ou non 
au groupement des apparentés, c'est-à-dire au clan? Delà 
réponse qu'il convient de faire sur ce point pour l'Egypte des 
débuts dépend partiellement la validité de l'hypothèse de 
M. Loret. 

La manière dont il confond les termes ethnographiques 
fait qu'on est pris de suspicion lorsque, brusquement, il nous 
affirme que « l'oiseau Hor (faucon) était le totem d'un clan » 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPAIIATIVE 45 

et que « ce clan du Faucon, el ses trois alliés, le clan du 
Chien noir, le clan de la Tresse et le clan de l'Ibis consti- 
tuent... les compagnons du Faucon »*. S'agit-il vraiment de 
clans, c'est-à-dire de groupements d'apparentés, ou de tribus, 
ou de compagnies guerrières, ou de classes d'âge? Et com- 
ment se fait-il que c'est l'insigne-nom ou protecteur-de- 
village qui devienne l'insigne de dan^ alors qu'on s'attendrait 
plutôt à une évolution en sens inverse? ici encore M. Loret 
nous laisse dans l'indécision. Le plus grave reproche enfin 
que je ferai à iM. Loret, c'est d'avoir choisi, parmi tous les 
sens du moi totem, celui-là seul qui convenait à son hypothèse, 
et d'avoir ainsi lancé M. Renel dans une fausse voie. « Le 
totem, dit-il*, est avant tout un attribut ethnique, la marque 
extérieure, l'insigne du clan. » Je prie de consulter le petit 
livre de Frazer sur Le Totémisme, où l'on verra que le totem 
est bien autre chose : c'est une divinité protectrice du clan, 
une divinité non pas individuelle mais collective, une espèce 
animale ou végétale, ou encore une classe d'objets; la 
« marque » est aussi peu le totem, que le signe de croix la 
Trinité chrétienne. Il suit de ce qui précède que les travaux 
de M. Loret ont eu le mérite de poser des questions inté- 
ressantes, mais non de les résoudre. Du moins a-t-il fait 
preuve de science el de rectitude intellectuelle*. 

1) Loc. cit., p. 178. 

2) lbid.,p. 176. 

3) Tout le reste du mémoire de M. Loret se fonde sur cette utilisation arbi- 
traire des mots totem, clan et ethnique. A mon sens, il s'agit nettement d'en- 
seignes militaires douées d'une puissance magico-religieuse protectrice nulle- 
ment tolémique, mais symbolisant le lien spécial que crée Tappartenance à une 
même unité de combat. Comme parallèle moderne prouvant la possibilité de cette 
interprétation, je citerai celui des Wadschagga et des Masaï de l'Afrique 
Orientale. Les hommes sont tous répartis en un certain nombre de classes d*âge, 
dont celle des guerriers, elle-même subdivisée en sections de combats recrutées 
par générations. Chaque section a des marques signalétiques qui lui sont 
propres et en font reconnaître les membres dans le combat et dans la vie quo- 
tidienne. Les signes sont dessinés sur les boucliers, qui portent encore d'autres 
signes indiquant la tribu, le clan, la fsrmille, les prouesses etc. de l'individu ; 
la différenciation s'obtient en outre par des couleurs (noir, rouge ou gris) (cf. 



46 REVLE DE l'histoire DES RELIGIONS 

J'en viens à M. Amélineau. Dans un premier mémoire ' il 
commença par juxtaposer une dizaine de faits africains d'o- 
phiolâtrie, où il reconnut aussitôt d« totémisme ; mais déjà 
le totémisme était pour M. Amélineau quelque chose d'assez 
élastique' : « 11 est donc bien avéré maintenant que du nord 
au sud de l'Afrique... les populations indigènes ou musul- 
manes de nom ont encore actuellement conservé les croyances 
invétérées qui leur font regarder les serpents comme leurs 
totemsi patronymiques, comme les animaux qui vont animer 
les esprits de leurs ancêtres après la mort, comme les pro- 
lecteurs de leurs tribus, de leurs villages ou simplement de 
leurs maisons ». Pourquoi j'appelle cette interprétation du 
mot totémisme élastique, c'est ce qu'on verra en comparant 
à ce passage celui où j'énumère les principes du totémisme. 
Ayant englobé sous le mot de totémisme toutes les formes et 
toutes les nuances de la zoolâtrie et de la thériolâtrie, il lui 
est aisé de découvrir du totémisme dans l'ÉgypIe ancienne. 
C'est ainsi qu'il édifie sur les titres (taureau, roseau, éper- 
vier, etc.), du Pharaon toute une théorie suivant laquelle le 
Pharaon aurait revêtu en sa personne les totems différents de 
ceux qu'il avait vaincus, mais à laquelle manque tout sem- 
blant de preuve. Et il ajoute : « Comme les données totémi- 
ques que renferme le protocole des Pharaons ne nous sont 
connues qu'à une époque à laquelle une grande partie de 



mon mémoire sur VHéraldisation de la marque de propriété, etc., p. 18 et pi. 
en coul. et pour les détails, Merker, Rechtsverhàllnisse itnd SUten der Wad- 
schagga^ Pet. MitteiL, n» 138, et DieMasai, Berlin, 1904). Il faudrait, je pense, 
remplacer partout dans le mémoire de M. Loret, dan par section de combat et 
totem par enseigne protectrice^ au moins provisoirement. On regrettera que le 
Ion afBrmatif de M. Loret ait sufB à convaincre M. Amélineau et M. Ad. J.- 
Reinach, V Egypte préhistorique, Paris, éd. de la Revue des Idées, 1908. pp. 16- 
20. Si M. Reinach a bien vu que le totémisme est partiellement une forme de 
zooiâtrie, comme il sera dit plus loin, il a par contre abusé d*un terme qu^il faut 
bannir de la terminologie biérologique, celui de fétichisme. 

1) Du rôle des serpents dans les croyances religieuses de l'Egypte, fl. //. R.. 
1905, t. Lï, pp. 335-360 et t. LU, pp. 1-32. 

2) Loc. cit., pp. 345-346. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPAHATIVE 47 

révolution ayant le totem pour point de départ avait eu lieu, 
nous ne trouvons plus Tidée de totem franchement énoncée, 
mais nous trouvons l'étape suivante de révolution totémique 
très explicilemenl indiquée, je veux dire celle où le totem, 
s'il n'est plus regardé comme l'emblème de la tribu, du 
village, de la famille ou du particulier, est toujours considéré 
comme le protecteur du particulier, de la famille, du village, 
de la tribu, du royaume tout entier ». On reconnaît l'in- 
fluence, non indiquée, de M. Loret, dans cette théorie qui 
fait du totem d'abord un emblème, puis, plus tard, un pro- 
tecteur, alors que le^ deux notions peuvent être contempo- 
raines, mais que la seconde est en tout cas la seule essen- 
tielle; et dans ce point de vue qui reconnaît comme admise, 
définitivement prouvée, l'existence du totémisme dans 
l'Egypte prédynastique et des premières dynasties. Quant à 
la confusion de sens commise, dans les deux passages 
cités, elle étonne de la part d'un savant qui, s'il n'a pas con- 
sulté Le Totémisme de Frazer, a utilisé, puisqu'il le cite à 
plusieurs reprises, un livre où j'ai exposé, avec une prudence 
que quelques critiques m'ont presque reprochée (N. W. 
Thomas, S. Hartland, H. lluber, etc.), les règles qu'il fallait 
s'imposer pour reconnaître si certaines catégories d'interdic- 
tions et de rites positifs malgaches pouvaient ou non être qua- 
lifiés de totémiques' et où je discutais l'essai de systématisa- 
tion tenté pour les Banlous méridionaux par H. Sidney 
Hartland. Il est remarquable, d'ailleurs, que tout le reste du 
travail de M. Amélineau ne fournit pas un seul argument eu 
faveur du caractère totémique du serpent dans l'Egypte 
ancienne, fait dont l'auteur a dû avoir conscience puisqu'il 
ne reparle plus, dans la suite, du totémisme. 

Mais il en parle souvent dans ses Prolégomènes^ où se 
reconnaît davantage encore l'influence de M. Loret». Je ne 

1) Cf. Tab, Tôt. Mad.y chap. XVII : Totémisme, réincarnation et zoolâtrie. 

2) E. Amélineau, Prolégomènes à l'étude de la religion égyptienne, essai 
sur la mythologie de l'Egypte, Bibl. Écc. H. E. Se. Hel. T. XXI, Leroux, 1908. 

3) Apprécié sans aucune indulgence p. 197. Cette influence se marque dans 



48 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

saurais discuter dans le délai! toutes les interprétations nou- 
velles proposées par M. Amélineau dans un livre qui 
témoigne, non seulement de recherches étendues, mais d'une 
tendance personnelle à proposer des points de vue el des 
théories présentantquelque caractère d'indépendance vis-à-vis 
des idées reçues. Débarrassé de sa phraséologie, le chapitre 
introductif, qui traite « de la méthode à suivre dans Tétude 
de la religion égyptienne » témoigne d'une orientation géné- 
rale à laquelle les ethnographes ne peuvent qu'applaudir*. 
Aussi constateront-ils avec d'autant plus de regret que 
M. Amélineau ait d'une part admis comme démontrées plu- 
sieurs théories qui ne sont encore pour nous qu'à l'état d'hy- 
pothèses préliminaires et que, d'autre part, il ait éprouvé le 
besoin de refondre à son usage personnel le sens de termes 
qui ne sont employés par les ethnographes eux-mêmes 
qu'avec le plus de précaution possible. 



les deux équatioos : tribu =: ciaa et lolein = enseigne ou symbole ou marque. 
1) OrleotatloQ dont Tutilité se constate en maints passages du livre, passages 
où M. Amélineau énumére des parallètes africains modernes à de vieilles cou- 
tumes égyptiennes. Cette voie inaugurée par de Brosses, Du culte des Dieux 
fétiches ou Parallèle de l'ancinne Reliyion de l'Egypte avec la religion 
actuelle de ^igritie^ Fans, 1760, a déjà rendu des services; ainsi M. Maspero 
fonda une explication des « Forgerons d Horus *. sur leur comparaison avec la 
caste de forgerons mandingue (Afrique Occidentale). Je crois d'ailleurs que tout 
égyptologue qui a fait un séjour de quelque durée en Egypte, qui parle Tarabe 
et qui a le don d'observation directe ne peut faire autrement que de chercher 
dans des faits modernes, vivants, l'explication de renseignements anciens, 
morts. C'est ce que prouvent entre autres les Causeries d'Éyypte (1907) de 
M. Maspero. Il est évident qu'en dépouillant le Journal de l'Institut anthropo« 
logique de Londres et Man, puis le Journal de l'African Society, la Zeiischrift 
fur Ethnologie, G lobus, et des monographies allemandes et anglaises, M. Améli- 
neau aurait pu quadrupler le nombre ues parallèles modernes à des rites» des 
détails de costume, des points de vue, des croyances etc. de l'Egypte ancienne. 
Mais l'utilité de cette accumulation eût été contestable, comme l'est, malheu- 
reusement, celle des parallèles cités par M. Améhneau : tout ethnographe 
sait qu'avec un peu de chance il trouvera des parallèles demi-civilisés mo- 
dernes à n'importe quelle coutume ou croyances antiques. Ce qui importe, 
c'est que le parallèle soit emprunté à une lorme de civilisation moderne réelle- 
ment comparable à la civilisation ancienne dont le fait à élucider est l'un des 
éléments. 



TOTÉMISME ET METHODE COMPARATIVE 49 

A parlir de la page 49 il emploie les expressions « période 
totémique, croyances tolémisles, totem » dans un sens qui 
est d'autant plus déconcertant qu'on ne trouve ce qu'il entend 
par « totémisme » qu'à la page 1 85 : «J'entends par totémisme, 
dit M. Amélineau, l'état social dans lequel l'homme, déjà né à 
la vie consciente, s'interrogeanl sur ses origines et n'en sa- 
chant pas bien long, réuni dans la vie de famille, de clan, de 
tribu, s'était imaginé qu'il descendait peut-être d'un animal 
choisi par lui comme le symbole de la tribu, du clan, de la 
famille et dont il se servit pour distinguer les membres de 
sa société à mesure qu'elle se multipliait*»; le respect, la 
vénération, les tabous ne seraient venus qu'ensuite; de plus 
« le totémisme n'était pas seulement un fait social en tant que 
s'adressant à une collection d'individus réunis en clans ou eh 
tribus; il était aussi un fait particulier à chaque individu : non 
seulement chaque tribu, chaque clan, chaque famille avait 
son totem, mais encore chaque individu eut au cours des 
âges son totem particulier ». J'abandonne ici M. Amélineau, 
car je le comprends de moins en moins; mais je conçois que 
des égyptologues non au courant des faits, des documents 
ni des théories ethnographiques se demandent ce qu'on peut 
bien leur vouloir avec le totémisme. 

On ne saurait en effet en si peu de pages* juxtaposer au- 
tant de notions contradictoires, autant d'opinions confuses, 
autant d'affirmations extérieures à toute réalité connue. 11 y 
a là une mêlée de mots comme tribu, clan, famille, totem, et 
plus loin tabou, et des « je crois », et tout un schéma d'évolu- 
tion qui frappent de stupeur, au point qu'on ne sait par 
quel bout commencer l'œuvre de critique. J'ai déjà dit 
qu'une tribu est une unité territoriale, qu'un clan est un 
groupement d'apparentés sociaux; or une famille est un 
groupement d'apparentés physiques; un totem est un protec- 
teur collectif; le totémisme est un système à double action 
magico-religieuse d'une part et sociale (réglementation des 

1) Prolégomènes, pp. 185-187. 



50 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

rapporls sexuels et sociaux) de Tautre; un protecteur de 
famille ou d'individu n'est pas un totem ; la logique n'a rien à 
faire dans l'évolution des institutions; le symbole (enseigne, 
marque, argile, etc.) n'est pas l'élément fondamental du 
totémisme; dans les groupements totémiques vrais il n'y a 
pas de chefs proprement dits, mais seulement des sortes de 
régisseurs des cérémonies, et l'organisation politique n'a 
aucun point de contact avec la répartition des individus en 
groupes totémiques ; les sentiments de respect vis-à-vis de 
Têtre vivant ou de l'objet (qu'ils soient ou non des totems) 
sont psychologiquement et sociologiquement antérieurs à la 
vénération d'un « insigne », etc., etc. Je prie de relire, à 
défaut des pages 185-187 du livre, les deux passages de 
M. Amélineau cités ci-dessus et je défie d'y découvrir un 
sens quelconque. Les notions s'y juxtaposent comme les cos- 
tumes sur le personnage imaginé par M. Loret*, et qui porte- 
rait des braies gauloises, un pourpoint renaissance et un 
huit-reflets moderne. 

Maintenant, ou se demandera quel besoin M. Amélineau 
avait d'inventer une nouvelle définition du totémisme. Pour 
interpréter certains faits égyptiens jusqu'ici incompréhensi- 
bles, comme, en gros, l'évolution de la zoolàtrie en Egypte, il 
lui fallait le totémisme; pour Télégance de son argumenta- 
tion en faveur de l'origine africaine des premières tribus ci- 
vilisatrices de l'Egypte, il lui fallait du totémisme africain', 
bien mieux de l'Afrique moyenne (Orientale, Soudanaise, 
Occidentale); or prenant pour point de départ les affirmations 
de M. Loret, il s'est trouvé en présence de « totémistes» sans 
emblèmes, enseignes, insignes ni ^étendards : d'où la néces- 
sité de formuler une définition nouvelle en termes assez 



1) Horus le Faucon^ p. 17 du tir. à part. 

2) M. Amélineau aurait trouvé beaucoup de matériaux, mais très mal inter- 
prétés, dans une thèse de J. Weissenborn, Tierkult in Afrika, eine ethnolo- 
gisch-kulturhistorische Uniersuchung , Leyde, 1904, 4'>, 85 p. et carte; sur la 
zoolàtrie égyptienne, cf. pp. 60-64. M. Weissenborn a totalement oublié le 
totémisme. » 



TOTÉMiSiME ET MÉTHODE COMPARATIVE 51 

vagues et assez aprioriqiies cependant, qui fût de nature à 
autoriser toutes les compromissions. 

Je donne mon explication pour ce qu'elle vaut, mais enfin 
j'en ai cherché une plutôt que d'admetire que M. Amélineau 
à pris sans raison aucune une position qui, en abandonnant 
de propos délibéré toute précision terminologique, ruinerait 
toute ethnographie et toute science des religions. Le progrès 
d'une science dépend de la précision de plus en plus grande 
des termes qu'elle emploie. Je tâcherai en conséquence 
d'indiquer, avec le plus d'exactitude possible, le sens des 
deux termes dont seule l'origine « sauvage » fait l'originalité. 
Pour ce qui concerne le totémisme égyptien je conclurai 
ainsi : Les documents actuels nous font connaître une forme 
de zoolâtrie systématisée, à hase à la fois guerrière et terri- 
toriale, qui présente des analogies surtout générales^ rarement 
de détail^ avec le totémisme rrai, mais telles cependant quon 
ne peut les regarder pour le moment ni comme une forme de 
début, ni comme une forme évoluée du totémisme^ en sorle 
que le mieux serait, pour couper court à des déformations 
théoriques et à des polémiques, d'inventer pour désigner cette 
zoolâtrie systématisée wni^vm^i provisoire emprunté h Tégyp- 
lien, celui par exemple à'akhémisme si on accepte l'interpré- 
tation que propose M. Amélineau de Vâkhem @ _^ ^^ 
ou celui de âïtisme d'après 4 ^^"^ àa-it, enseigne. 

1) J'ai déjà indiqué que pour discerner si oui ou non les documents connus 
permettent d'affirmer un ancien totémisme égyptien, il lui suffisait d'appliquer 
les règles de méthode proposées dans mon Tab, et Tôt. à Mad., c'est-à-dire 
d'étudier en détail toutes les interprétations légendaires locales et de chercher si 
l'existence des éléments fondamentaux du totémisme se laissait discerner. L'un 
de ces éléments, c'est le terme générique spécial servant à désigner tous les 
animaux et objets sacn^s et que M. Amélineau a pensé reconnaître dans celui 



d'dkhem ® _^ .^ {Prolégomènes, pp. 211 et 217-223). iMais des textes 
cités il ne ressort nullement, à mon avis, que le mot dA'/iem signifie « tout animal 
servant de totem à une tribu quelconque ». L'interprétation rigoureuse de ce mot 
appartient aux égyptologues : le plus qu'on pourrait découvrir en faveur de 
M . Amélineau, c'est que àkhem contient l'idée de sacré ou de saint, idée qui 




52 REVUE DE l'hISTOIHE DES HELIGIONS 

Or, M. Lorel et M. Amélineau, tout comme M. S. Reinach et 
M. Renel sont des archéologues et des historiens au même 
titre que M. Toutain : el, chose curieuse, ce sont eux * qui 
valent au lolémisme et à l'ethnographie cette levée de bou- 
cliers dont M. Toutain se fait le protagoniste. Cela prouve 
seulement que les faits et la méthode ethnographiques veu- 
lent être maniés avec un certain doigté, qu'on ne s'impro- 
vise pas ethnographe, et surtout que les archéologues et les 
historiens devraient prendre garde à êlre aussi rigoureux 
quand il s'agit de totems que quand il s'agit d'inscriptions, 
de papyrus, de textes anciens, bref de documents « histo- 
riques ». Chaque science a sa technique propre qu'il faut 
d'abord apprendre. 

Les preuves ne s'obtiennent qu'en comparant des faits 
comparables : et c'est pour n'avoir pas su trouver quels faits 
étaient vraiment comparables à ceux de l'Egypte, de l'Italie, 
de la Gaule anciennes, que les archéologues cités ci-dessus 
ont édifié des théories inadmissibles — théories dont, encore 
une fois, l'utilité est incontestable parce qu'elles auront, par 
leur outrance même, nécessité la révision des théories anté- 
rieures*, et poussé à défricher partiellement un domaine 
encore neuf. 

s'applique bien aux totems mais tout autant aux rois-dieux, aux divinités, aux 
démons, bref à tous ies êtres et objets doués de puissance magico-religieuse, c'est- 
à-dire de mana^ statues des divinités y comprises, et momies d'animaux sacrés 
ou de rois divins, etc. Des autres éléments du totémisme (croyance à une parenté 
spécifique, exogamie, cérémonies d'initiation, etc.) M. Amélineau ne parle 
pas. Tout le passage (pp. 239-240) sur le '^ totémisme des femmes » est incom- 
préhensible. 

1) On remarquera que les préhistoriens ne se font pas faute non plus de 
déformer à, leur manière le totémisme et M. A. G. Haddon cite un cas typique de 
ce genre. Totémisme Notes on two- Letters published in the « Times » of sept. 
3d and Ith ^901, Man, 1901, pp. 149-151. 

2) Qu'on trouvera encore soutenues pour TÉgypte, avec une belle sérénité, 
par M. Erman, La religion égyptienne, Paris, 1907 (cf. de préférence Tédilion 
allemande, ou la traduction anglaise par Griffîth); les points de vue de M. Er- 
man ont été bien jugés par M. Capart, R. H, R., 1906, t. LUI, p. 310; ils ont 
servi de point de départ à M. Amélineau (fl. H. H., 1908, t. LVIi, p. 213-214) 
pour exposer en termes généraux ses opinions sur le totémisme et la réincar- 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 53 



m 

Je ne saurais en quelques pages exposer dans le détail où 
en est acluellemenf, tant au point de vue documentaire qu'au 
point de vue théorique, la question du totémisme. Depuis la 
publication du petit livre de Frazer* elle s'est enrichie avec 
une rapidité à laquelle on ne se serait guère attendu. Pour 
l'Australie, on citera les travaux de Spencer et Gillen, de 
Howitt, de M"® K. L. Parker*, de Strehlow' : pour la Nou- 
velle-Guinée, ceux de A. G. Haddon* de l'expédition hollan- 
daise de Wichmann et van der Sande*, et de Parkinson* ; 
pour l'Inde, les pages consacrées par M. Risley et M. Gait à 
la question dans le Censiis of India, 1901 ''; pour l'Amérique 
du Nord, un très grand nombre de travaux publiés par VA- 
merican Anthropologist^ les musées de New- York et Chicago, 

nation chez les Égyptiens. C'est à bon droit qu'il termine ainsi la deuxième 
partie de son analyse : « En laissant délibérément de côté ce qu'il appelle féti- 
chisme, l'auteur de la Religion Égyptienne s'est enlevé le moyen de saisir le 
véritable sens de son évolution ». Et c'est à cette attitude abstentionniste que, 
sous prétexte d'exagérations sporadiques, on voudrait nous ramener ! 

1) Tolemisnriy Encyclopsedia Britannica, 9« éd.; puis Totemism, Edinburgh, 
1887; Le Totémisme^ trad. Dirr et van Gennep, Paris, Schleicher, 1898. 

2) Cf. la bibliographie critique en tête de mes Mythes et Légendes d'Australie^ 

pp. VII-XI. 

3) 0. Strehlow, Die Aranda und Luntja-Stdmme in Z entrai- Australien, 
I Teil, Francfort, Baer, 1907, t. I des Veroffentlichungen du Musée Ethno- 
graphique de Francfort s./M., publié par M. von Leonhardi. 

4) A. C. Haddon, Cambridge Torres Straits Expédition, t. V (1905) et VI (1 908). 

5) Nova Guinea, t. III, Leyde, 1907. 

6) Parkinson, Dreissig Jahre in der Sùdsee, Stuttgart, Strecker et Schroder, 
1907 ; je ne puis citer ici tous les travaux qui ont paru ces années dernières 
sur les populations de TOcéanie et qui sont dus pour la plupart à des ethno- 
graphes allemands. On remarquera d ailleurs l'abstention presque complète des 
Allemands dans la discussion théorique du totémisme. 

7) Census of India 4904, t. I, Report, Calcutta, 1903, pp. 530-537, discus- 
sion théorique, et Ethnographie Appendices, passim, pour la documentation, 
qui se trouve aussi répartie dans les volumes spéciaux, consacrés à chaque 
grande division administrative. Pour l'Inde méridionale, cf. encore H. H. Ri- 
vers, The Toda, Londres, 1905; et les publications des Surintendants provin- 
ciaux de V Ethnographie Survey of India. 



54 REVUE DE l'hïSTOïRE DES RELIGIONS 

l'Université de Californie, etc. notamment les mémoires de 
laJesup North Pacific Expédition; puis, pour la Colombie 
Britannique, les travaux de Boas, de Swanton, de Hill-Tout ; 
enfin les revues spéciales fournissent d'innombrables maté- 
riaux de détail, dont quelques-uns ont été analysés dans cette 
Revue*. 

De cette accumulation, il est résulté comme un arrêt dans 
l'élaboration des théories. La plupart d'entre elles ont été 
soumises à une critique adroite par M. Andrew Lang qui a 
édifié les siennes, comme plus récemment M. Frazer, sur 
les faits australiens, alors que miss II. Fletcher et Powell se 
fondèrent de préférence sur les faits amérindiens et que 
E. B. Tylor, S. Hartland, N. W. Thomas, A. C. Haddon, 
W. Foy, E. Durkheim, H. Hubert, Mauss et moi indiquions 
dans des articles et surtout dans des analyses critiques de 
publications récentes, la nécessité de se garder de toute géné- 
ralisation hâtive, mais d'entreprendre des enquêtes nouvelles 
suivant des directions diverses que chacun de nous spécifiait. 

Quand je parle de théories, j'entends : théories sur l'ori- 
gine, la formation et l'évolution du totémisme. Toutens'abs- 
tenant d'en formuler, les ethnographes cependant ont peu à 
peu éclairci la question par des synthèses partielles, qui ont 
permis entre autres à M. Tylor' de prendre une attitude très 
nette sur le terrain des généralités. Il me semble cependant 
que l'examen comparatif des faits connus permet de modifier 
les définitions, datant de 1887, de J. G. Frazer et de dégager 
quels sont les éléments essentiels, caractéristiques et distinc- 
tifs du totémisme en soi. C'est ce que j'ai tenté déjà ailleurs* 
et je reproduis ci-dessous ce que j'ai nommé les principes du 
totéinisme avec quelques modifications de détail. 



1) Cf. A. van Gennep, Pti6/ica<ions de l'institut Anthropologique de Londres^ 
190/1-1905, R. H, R., 1905, t. LU, p. 854)8. 

2) Cf. la 4« éd. angl. de Pjnmitive Culture, t. U, pp. 235-237, et R, H, H., 
1904, t. L. p. 413-414. 

3) Revue des Idées du 15 avril 1905, article qui paraîtra bous une forme 
remaniée dans mes Religions^ Mœurs et Légendes^ 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARx\TÏVE 55 

Auparavant, cependant, je liens à faire remarquer que le 
totémisme est, dans la pratique, un phénomène bien plus 
compliqué qu'il ne semblerait d'après ces principes : d'où 
cette impression de chaos, celte sensation d'inorganisé qui 
saisit quiconque entreprend l'étude de Tune quelconque des 
formes vivantes du totémisme. Mais il faut dominer ce pre- 
mier découragement, auquel ont précisément cédé les histo- 
riens et les archéologues, fort embarrassés de se trouver en 
présence de contradictions que les différences qualitatives 
des observateurs et le jeu même de la vie expliquent assez. 
Qu'on se rappelle quelle difficulté offrirait une définition du 
christianisme intellectuel et moral, civilisé, populaire et 
u sauvage » si Ton n'avait un « catéchisme » où se trouvent 
dégagés il l'usage de chacun les fondements de ce système 
religieux. Or ce catéchisme est une œuvre savante, aprio- 
rique, qui ne subit pas les variations de Télhique, de la sen- 
sibilité ni de rintellectualité ambiantes. Au contraire un 
« catéchisme » du totémisme ou du culte des ancêtres ou du 
culte des morts, ou de la démonologie, ou de l'astrologie 
doit être dégagé a posteriori des faits par des gens dont au- 
cun de ces systèmes religieux n'est la religion. Aussi ne 
voudrais-je pas qu'on attribuât à mes principes du toté- 
misme une rigueur absolue comparable à la liste qui cons- 
titue le catéchisme chrétien *. 

Voici, sous leur forme amendée, ces principes : 
l** Le totémisme est caractérisé par la croyance en un lien 
de parenté, qui lierait un groupe humain d'apparentés (clan) 
d'une part et de l'autre une espèce animale ou végétale, ou 
une classe d'objets ; 

1) M. Toutain s'est fait de nouveau la part trop belle en critiquant le « code 
du totémisme »> élaboré par M. S. Reinach en 1900 d'après le livre de Frazer 
et en présentant ce « code » comme une œuvre récente simplement parce que 
le volume (Cultes, Mythes et Religions, t. I, Leroux, pp. 17-26) où il a été repu- 
blié, sans changements, a paru en 1905. Il est évident que si M. S. Reinach 
avait voulu formuler en 1905, ou voulait formuler aujourd'hui, alors qu'il con- 
naît à fond les travaux de Spencer et Gillen, son « code » en douze articles du 
totémisine, il le ferait en de tout autres termes qu'au mois d'octobre 1900. 




56 REVUE DE l'histoire DES RELICIONS 

2** Cette croyance s'exprime dans la vie religieuse par des 
rites positifs (cérémonies d'agrégation au groupe totémique 
anthropo-animal, anthropo-végétal, etc.) et des rites négatifs 
(interdictions); 

3^ Et au point de vue social, par une réglementation ma- 
trimoniale déterminée (exogamie limitée); 

4"^ Le groupe totémique porte le nom de son totem. 

Aces principes fondamentalaux s*en adjoignent d'autres, 
secondaires, qui varient de peuple à peuple. 

Ainsi tout protecteur soit d'une unité territoriale (tribu, 
ville), soit d'un groupement de gens non apparentés physi- 
quement (caste, classe d'âge, section de combat, etc.), soit 
d'un individu considéré comme tel * n'est pas un totem et 
rentre dans d'autres catégories de puissances protectrices, 
catégories que la science des religions se doit maintenant de 
dégager peu à peu. 

Or, toutes ces catégories, ainsi que d'autres (divinités 
de tout ordre, héros civilisateurs, totems etc.), coexistent 
soit toutes ensemble, soit quelques-unes seulement, chez 
n'importe quel groupement, étroit ou vaste, « sauvage » 
ou « civilisé ». Si l'on avait tenu compte de cela, on n'aurait 
pas, comme l'ont fait à bien des reprises des néophytes en 
ethnographie, séparé arbitrairement de toutes les autres 
catégories de puissances magico-religieuses celle du totem et 
celle du protecteur individuel pour les réunir en une seule et 
compliquer comme à plaisir la « question totémique ». Je 
sais bien qu'il y a à cela une raison historique : le mot totem^ 
qui aujourd'hui a, par la force de l'usage, fini par désigner 
le protecteur collectif ne désigne dans le texte d'où il nous 



1) Le cas change s'il s'agit d'un individu représentatif d'un clan, tel que le 
chef dans certains groupements bantous; cf. S. Hartland, Totemism and some 
récent discoverieSy ¥olk-Lore, t. XI (1900), p. 36-37 et t. XVI (1905), p. 230- 
231 ; en tout cas on ne peut parler de totem-individuel ni de totem-sexuel (ces 
termes étant contradictoires) comme l'a fait Frazer. Cf. les travaux cités de A. 
Lang, E. B. Tylor, etc. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 57 

vient, celui de Long*, qu'un prolecleur individuel. Le mot 
de totémisme eût donc bien convenu à désigner l'ensemble 
des croyances et des rites relatifs au protecteur individuel et 
le fait qu'il a été détourné de son vrai sens par Mac Lennan 
et Morgan, au point qu'un retour en arrière n'était plus pos- 
sible même pour Tylor, Rob. Smith ni Frazer a conduit à pro- 
poser des termes nouveaux, nyarongisme (Hose et Mac Dou- 
gall, \xiAoï\é%\Q*)y sibokisme (Bantous méridionaux, par moi'), 
suliaisme (Colombie Britannique, Hill-Tout*) etc. Cependant, 
il n'est pas évident que la science des religions et l'ethno- 
graphie gagneraient à cette invasion de termes « sauvages », 
surtout étant donné l'elFet déjà produit par tabou, totem et 
totémisme. Il est très regrettable qu'on exige de nous une 
réserve qui paraîtrait inopportune aux naturalistes, aux bio- 
logistes, aux médecins, aux physiciens, aux chimistes et 
même aux philosophes qui tous ne se font pas faute de créer 
des termes nouveaux pour désigner un phénomène nouvelle- 
ment dissocié des autres. Mais enfin c'est là une répugnance 
avec laquelle il faut compter et dont les débauches termino- 
logiques des « sociologues » américains (tel Lester Ward) ou 
italiens (tel Mazaréllaj prouvent l'avantage réel. Le mieux 
serait que lors d'un prochain congrès international des reli- 
gions, on mît à l'ordre du jour la question terminologique 
et qu'on en arrivât, après audition de rapports motivés, à une 
entente dont celle des électriciens et celle des anthropolo- 
gistes démontrent le profit. 

En attendant, il convient de n'user des mots de totem, toté- 
misme et tabou qu'avec la plus grande réserve et à propos 
seulement de phénomènes auxquels ces appellations con- 
viennent exactement. 



1) Cf. H. H. R., 1904, t. L, pp. 413-414. 

2)Joum. Anthrop. Inst., t. XXï (1901), pp. 173-216. 

3) Tabou, lot. Mad., p. 321. 

4) Journ. Anthrop. InsL, t. XXXIV (1904), pp. 26-28 et 324-328; t. XXXV 
(1905), pp. 14M54. 



58 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Ceci dit, je me vois obligé de présenter de nouveau des 
observations de détail à M. Toutain. S'il s'était « entré dans 
le détail des discussions et des controverses » ; s'il avait 
cherché quels progrès ont été accomplis depuis Le Toté- 
misme de Frazer (1887) ; si même il avait relu avec soin les 
premières pages de ce petit livre ; s'il n'avait pas pour les Aus- 
traliens consulté l'un seulement des volumes de Spencer et 
Gillen; s'il avait cherché personnellement à déterminer la 
valeur historique des légendes dieri et aruntaS il se serait 
évité bien des affirmations gratuites. De même, s'il avait 
compris que le totémisme se fonde sur la croyance à une 
parenté physique (ou consanguinité) qui se combine à la 
parenté sociale tout en en différant*, il aurait compris la 
portée vraie de la théorie conceptionniste de J. G. Frazer. 
M. Toutain a trop aisément adopté le procédé de Bouvard et 
Pécuchet qui, ayant énuméré les contradictions théoriques à 
propos d'un même fait, nient, de désespoir, et le fait, et la 
science qui s'en occupe. 

Pour étayer ses théories sur les divers éléments de la 
civilisation et surtout de la religion égyptiennes, M. Amé- 
lineau n'avait pas besoin d'accumuler un grand nombre 
de parallèles empruntés aux populations actuelles de 
l'Afrique : mais encore eût-il dû être très exigeant sur la 
qualité de ces parallèles. Or, sur révolution du totémisme 
africain, il existe un mémoire important de S. Hartland*dont 
sans doute toutes les théories ne sont pas admissibles * mais 
qui, cependant, pour l'exactitude de la documentation et la 
prudence intelligente des interprétations pouvait d'autant 
mieux fournir à M. AméHneau des points de comparaison que 



1) Cf. mes Mythes et Légendes d'Australie, chapitre X : le contenu des légen- 
des. 

2) Cf. N. W. Thomas, Kinship and marriage in Australiay Cambridge, 1905, 
pp. 3-6. 

3) S. Hartland, Totemism and some récent discoverieSj Folk-Lore, t. XI (l9lW. 
pp. 22-37. 

4) Cf. Tah. Tôt. Mad,, p. 317 et suiv* 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 59 

chez les nombreux Bantous considérés, l'évolution s'est des- 
sinée du totémisme démocratique au totémisme aristocra- 
tique, c'est-à-dire dans une direction dont, suivant l'hypo- 
thèse de MM. Loret et Amélineau eux-mêmes, l'Egypte des 
premières dynasties ofire des exemples caractérisés. Ainsi le 
Pharaon est le Vautour, ou le Faucon, par excellence, mais 
on ne peut restituer qu'hypotbétiquement les stades anté- 
rieurs. Or ces stades ont été rencontrés chez les Bantous 
méridionaux où, en allant du Nord au Sud on trouve au début 
que tout membre du clan est un homme-lion et à la fin que 
le chef, représentant toute la collectivité, est l'Homme-Lion 
par excellence, et le seul Homme-Lion. M. Sidney Hartland a 
analysé tous les stades intermédiaires; et l'on voit que 
M. Amélineau comme M. Loret trouveraient dans cette évo- 
lution de bons arguments pour prétendre que le Pharaon 
Horus-Faucon n'est que l'aboutissement d'une évolution 
ayant débuté par un stade où tous les membres d'un même 
clan étaient des Hommes-Horus-Faucon ; de même avec les 
autres « totems » supposés. 

Ces années dernières, notre connaissance du totémisme 
bantou s'est enrichie considérablement, et tout semble 
donner raison aux points de vue de M. Sidney Hartland. Je ne 
saurais énumérer ici que quelques publications de première 
importance, me réservant de reprendre un jouràfondlaques- 
tion du totémisme africain. Ces travaux sont dus : pour l'A- 
frique du Sud en général, à Stow» ; pour les Herrero, Damara 
etc. de l'Afrique méridionale allemande, à Irle*: pourl'U- 
rundi à Van der Burgt*, et l'Afrique orientale allemande en 
général à Fuelleborn * ; pour les Angoni, Wayao etc. du Pro- 



1) Slow, The Native Races of South Africa, Londres, 1905; cf. encore J. G. 
Frazer, South african totemism, Man, 1901, pp. 135-136; W. C. VVilloughby, 
Notes on the totemism of the Becwana, J. A. /., 19()5, pp. 295-314. 

2) Irle, Die Herrero, Gutersioh, 1906. 

3) Van der Burgt, Un grand peuple de l'Afrique Équatoriale, Les Warundi, 
Bois-le-Duc, 1904. 

4) Fûlleborn, Die Nyassa-Lander, en cours de publication, Berlin» 



60 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

leclorat anglais, à Miss Werner » et à Sulherland Rattray •; 
pour le Congo Belge, à Cyr. van Overbergh et de Jonghe \ 
à J. Halkin*, et à nombre de fonctionnaires et d'explorateurs 
belges, tels le lieutenant Demuenynck *, M. de Galonné* etc., 
puis à Léo Frobenius ' ; pour les populations de l'Afrique 
Orienlale Anglaise, à Sir H. H. Johnston*, au Rev. Roscoe*, à 
C. W. Hobley***; pour le Congo français, au P. Trilles**, à 
Dennett*-,àPechuel-Loesche*'; pourlesHamito-Nilotiques,à 
Holley **, à Richter^'^jetc, travaux importants*^ auxquels on ad- 
joindra plusieurs articles publiés dans les revues spéciales 
d'ethnographie, surtout dans Globus, le Journal de TAfrican 
Society, ^4 nthropos^ etc. et qui réunis fournissent un ensemble 
imposant de preuves en faveur de l'universalité du totémisme 
vrai chez les Bantous, et d'un totémisme moins caractérisé 

1) A. Werner, The Nalives of Bntish Central Africa, Londres, Conslable, 
1906. 

2) R. S. Rattray, Some folk-hre slories and songs in chinyanja, Londres, 
S. P. C. K., 1907. 

3) Cyr. van Overbergh et E. de Jonghe, Les Hangala, Bruxelles, 1908; Lea 
Mayumbe, 1908; passim. 

4) J. Halkin, Quelques peuplades du district de rUellé, Fasc. I, Les Ababua^ 
Liège, 1907, passim, 

5) Demuenynck, Au pays de Mahagi^ Bull. Soc. Belge Geogr., 1908. 

6) (lalonne, Deux totems de VVcUé^ ibid., 1907. 

7) Léo Frobenius, cf. rapports préliminaires, Zeitschrift fiir Ethnologie, 
lt06 et 1907. 

8) H. H. Johnston, The Uganda Protectoratey passim. 

9) Rev. J. Roscoe, Notes on the manners and ciistoms of the Baganda, J. A. 
/., 1901, p. 118; Further Notes on the Baganda, J. A. J., 1902, p. 27-29; The 
Bahima, J. A. i., 1907, pp. 99-100. 

10) C. W. Hobley, Eastern Uganda, Londres, 1902, passim et Anthropologie 
cal Studies in Kavirondo and Nandi,J, A. /., 1903, pp. 346-349; Kikuyu medi- 
cines, Man, 1906, p. 83. 

li) Trilles, Contes et Légendes Pang, Neuchâtel, 1905, passim. 

12) Dennett, At the Black of the bock man's mind, Londres, 1906, passim. 

13) Pechuel-Loesche, Volkskytnde von Loango, Stuttgart, 1907, passim. 

14) Hobley, op. ci7., 

15) Richter, MitteiL aus den Deutschen Schutzgebieten, t. XII, p. 83 et sui- 
vantes. 

16) Cf. encore les monographies publiées par R. S. Steinmelz, Rechtsverhàlt' 
nisse von eingeborcnen Vôlkem von Afrika und Ozeanitn^ Berlin, 1903. 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 61 

chez les Hamilo-Nilotiques. Ce qui démontre combien s'est 
trompé M. Toutain lorsqu'il affirme (p. 330), sans doule 
d'après le livre de Frazer, que « en Afrique il y a 1res peu de 
clans totémiques » : c'est tout le contraire. 

Il est vrai que pour l'Afrique centrale, pour l'Abyssinie, le 
Somaliland, la Nigérie, l'Afrique occidentale l'existence d'un 
totémisme actuel ou ancien est loin d'être prouvée. Or, c'est 
précisément dans les ouvrages concernant ces régions que 
M. Amélineau est allé chercher des preuves pour ses hypo- 
thèses totémiques. Notamment il a regardé comme très 
simple et déjà résolue la question des tenné, dont, à la suite 
de Binger*, il fait des totems. J'ai amassé sur ce point assez 
de matériaux pour pouvoir affirmer que rien ne permet cette 
assimilation, admise aussi par M. Desplagnes*, qui s'est livré 
à leur propos à des fantaisies linguistico-elhnographiques 
déconcertantes. Tenné, à ce que me dit Maurice Delafosse, 
se rattache à un radical qui signifie seulement « je ne mange 
pas »; terme, lana, etc. signifie donc « abstention alimen- 
taire » et même pas « interdiction [tabou] alimentaire ». 
Des recherches entreprises par Ch. Monteil' dans le cercle 
de Djenné et par Delafosse dans le cercle de Korhogo 
(côte d'Ivoire)* surtout chez les Siéna\ par M. Guébhard 
dans le Fouta-Djallon*, des documents anciens et de quelques 
articles plus récents^ il ressort seulement que dans toute 

1) Binger, hu Niger nu golfe de. Guinée^ passim et t. II, pp. 374 et suiv, 

2) L^ Desplagnes, Le Plateau central Nigérierij Paris, lOO"). 

3) Ch. Monleil, Le cercle de Djenné, Paris, 1902 (démarqué par Le Barbier, 
fjude sur /es Bambara, Paris, 1906). 

4) Delafosse, Le cercle de Korhogo, in La Côùe d'Ivoire, publication du 
Ministère des Colonies, 1906. 

5) Delafosse, Le peuple Siéna ou Sénoufo, R. E. E, S., 1908; cf. du même 
auteur, Manuel de Langue Mandé et Manuel de langue Agni (Paris, Leroux) ; je 
tiens à remercier mon ami Delafosse des critiques auxquelles il a soumis 
devant moi nombre de renseignements que j'avais recueillis sur les tenné, lana, 
diamon, etc. 

6; Renseignements oraux et Notes qui seront publiées dans la H. E. E, S., 
1909. 
7) Il est inutile de donner ici en détail la bibliographie volumineuse de cette 



62 REVUE DE l'hISTOIHE DES HELIGIONS 

TAfrique Occidentale il y a des animaux ^acr^^, mais rien ne 
permet de croire qne c'est en qualité de totems, car la 
preuve n'est pas faite de la croyance à la parenté d'un clan 
avec une espèce considérée comme sacrée : le plus souvent il 
s'agit de simples protecteurs individuels. De même le toté- 
misme de la (iold Coast, du Dahomey, du Togo, de la Nigérie 
a aussi besoin d'être démontré. Bref, la situation est exac- 
tement la même qu'à Madagascar, et l'on peut dire tout juste 
que les populations de l'Afrique Occidentale semblent con- 
server des traces diin totémisme ancien tout comme l'Egypte 
pharaonique. Aussi n'est-ce pas avec les faits de cette 
région qu'on pourrait démontrer le totémisme égyptien : 
mais comme l'imprécision est la même dans les deux cas, 
les analogies sont nombreuses et séduisantes. On voit que 
la méthode comparative n'a de valeur scientifique que dans 
des limites fort bien connues des ethnographes, sinon des 
historiens. Veut-on discerner si un groupement ancien a ou 
non passé par le totémisme, il convient de comparer ce 
groupement à un autre où le totémisme est en pleine floraison 
et bien caractérisé, mais non à un groupement moderne où 
le totémisme est en voie de dissolution. El ceci vaut pour 
toutes les institutions, pour tous les rites, pour tous les 
usages. 

Enfin il me faut dire quelques mots d'une confusion à 
première vue étrange et qui se commet pourtant très sou- 
vent. On la retrouve entre autres dans le passage suivant de 



question, qu'il s'agirait avant tout d'élucider sur place. Je signalerai cependant 
les erreurs d'interprétation commises par M. de Zeltner, Noies sur la sociologie 
soudanaise, V Anthropologie, 1908, pp. 217-233, qui appelle totem « l'être ou 
l'objet qui, à une époque ancienne, a été nuisible ou utile au chef de la fa- 
mille » parce que cette définition lui « a été donnée par des indigènes apparte- 
nant à des groupes très divers ». Il s'agit nettement d'une légende étiologique, 
d'un type bien connu. Plus loin, l'auteur affirme que tana correspond à totem. 
Bien mieux, tous les êtres et objets sacrés finissent par être pour lui des totems : 
le totem de la famille maure des Touré, ce seraient les cordonniers (p. 218- 
219)1 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 63 

M. Toutain (p. 346) : « Certains clans totémiques, dans 
TAmérique du Nord sont connus, sinon étudiés depuis près 
de Irois siècles. II ne semble pas qu'une évolution se soit 
produite chez ces tribus, qu'il s'y soit marqué une tendance 
à passer du totémisme à la zoolâtrie ou au thériomor- 
phisme >>• Je n'insiste pas sur la confusion de clan avec/n^w, 
qui semble provenir d'un souci de style, mais je me demande 
comment M. Toutain, et bien d'autres avec lui, conçoivent la 
relation entre le totémisme et la zoolâtrie, puis ce qu'il 
entend par thériomorphisme et comment, s'il s'agit de thé- 
riolâtrie, il la classe par rapport à la zoolâtrie et au toté- 
misme. Zoolâtrie est le terme général; sous son aspect reli- 
gieux (mais non social, les deux pratiquement indissolubles), 
le totémisme est de la zoolâtrie; mais toute zoolâtrie n'est 
pas du totémisme; enfin ihèr signifiant bête féroce, la thé- 
riolâtrie est une section de la zoolâtrie; elle englobe ce qu'on 
nomme le culte de l'ours, du tigre, du crocodile, etc. et 
s'opposera à des cultes d'animaux domestiques comme la 
vache (Todas de l'Inde, Masaï et Bahima de l'Afrique orien- 
tale), du mouton (Hamito-Nilotiques peut-être) ou d'animaux 
neutres (lièvre, araignée, etc.) ; si le totem est une bête 
féroce, le totémisme peut être thériolâlrique ; mais toute 
thériolâtrie n'est pas nécessairement totémique. Qu'on 
appHque cette dissociation d'idées et de termes à n'im- 
porte quelle population. Égyptiens, Africains occidentaux, 
Bantous, Amérindiens, etc. on verra les faits se classer 
d'eux-mêmes suivant des catégories nettement délimitées, 
et qu'une évolution comme celle qu'espérait trouver M. Tou- 
tain serait proprement une impossibihté. 

J'en arrive àla question si controversée delà « primitivité » 
et de r « origine » du totémisme. Sur ce dernier point, je 
regrette de n'avoir pas de théorie à proposer; mais de ce qui 
précède, on peut deviner mon altitude. Si l'on connaissait 
une population, même très petite, dont le totémisme serait 
l'unique système religieux et social, il serait possible d'édi- 
fier une théorie qui rendît compte de la genèse et de 



(54 IIEVUE DE l'histoire DES IIELIGIONS 

l'évolution du lolémisme en général. Mais lel n'esl pas 
le cas. 

Même les populations dites souvent n primitives » ne le sont 
que relativement, et ont derrière elles une longue série de 
siècles, au cours desquels elles ont évolué, aussi lentement 
qu'on voudra. Rien d'étonnant, par suite, à ce qu'on cons- 
tate chez elles la coexistence de plusieurs systèmes soit 
religieux soit sociaux. Or, rien ne permet de prétendre 
que Tun d'entre eux, par exemple le culte de divinités 
naturistes ou l'organisation étalisle, soit absolument anté- 
rieur à un autre. Plus une civilisation est complexe, plus ces 
systèmes divers s'enchevêtrent. Mais cela ne prouve pas qu'on 
ne puisse parler de la primitivité relative d'un système par 
rapport à un autre. Et cette hiérarchie s'obtient, d'une part 
par une hiérarchisation des mécanismes, de l'autre parcelle 
des conditions concomitantes. 

En bloc, la civihsation des Australiens centraux est moins 
développée que celle des Grecs de l'antiquité ou que celle des 
paysans russes modernes. Et Ton peut, après analyse de 
leurs éléments constitutifs, répartir les diverses civilisations 
dans des catégories h contours précis. Or, le fait qui a été 
reconnu, et qui n'est pas une hypothèse apriorique ni une 
« subtilité ingénieuse », c'est que le totémisme est l'un des 
éléments qui se retrouvent dans toutes les civilisations qui 
rentrent dans la catégorie relativement la plus « basse », 
fait qui se dégage directement d'une liste qu'on dresserait 
avec le petit livre de Frazer complété par les indications sup- 
plémentaires données ici, en note. Pourquoi ces mêmes popu- 
lations n'ont-elles pas organisé leur vie sociale d'après le culte 
des ancêtres, ou d'après celui des forces naturelles, on 
l'ignore : en tout cas, elles ne l'ont pas fait ; et ces mêmes cultes 
se retrouvent par contre systématisés et placés à la base 
de la vie sociale dans des civilisations (chinoise, entre autres) 
plus développées en bloc que les civilisations des Aus- 
traliens, des Mélano-Polynésiens, des Amérindiens septentrio- 
naux el des Bantous. On est donc en droit de regarder le 



TOTÉMISiME ET MÉTHODE COMl'AUATlVE 65 

totémisme comme un système religieux et social plus primi- 
iifque les autres. Mais dans celte même catégorie culturelle 
rentrent des peuples dont la civilisation n'a pas pour élément 
essentiel, fondamental, le totémisme; tels les Fuégiens, les 
Hottentots, les Esquimaux, les Amérindiens du Sud, ceux de 
Californie, etc. 11 s'ensuit que le totémisme ne peut être 
regardé comme le plus primitif de tous les systèmes socio- 
religieux, ni comme étant un « stade » par lequel toutes les 
populations auraient passé à un moment donné, non loin du 
début de leur formation autonomique. Sauf Jevons, dont 
Marinier a refaille livre en sens inverse, et des exagérations 
duquel M. Toutain triomphe sans gloire après E. B. Tylor, 
je ne connais personne, et surtout pas d'ethnographe sérieux, 
qui ait entendu cette expression de « primitivilé du toté- 
misme M autrement que dans un sens relatif. Quiconque se 
donnera la peine de lire avec soin les livres de M. Lang, 
tant Social Origins que The Secret of the Totem, verra, que ce 
savant ne parle jamais d'une primilivité absolue et ne pré- 
sente ses hypothèses socio-biologiques que comme une cons- 
truction tout intellectuelle. 

D'autre part, il est évident que si le totémisme a existé, 
sous l'une quelconque de ses formes, dans un groupement, 
ou un conglomérat de groupements, et que ce groupement, 
pour des raisons diverses, ait ensuite élaboré un autre sys- 
tème socio-religieux, le totémisme n'aura pu disparaître 
sans laisser de traces. Le grand intérêt du travail cité de 
M. S. Hartland c'est de montrer comment le totémisme a, 
chez les Bantous méridionaux, reculé peu à peu devant le 
culte des ancêtres et la centralisation autocratique, de déga- 
ger les étapes de ce double mouvement et de faire voir les 
stades intermédiaires, les compromis. On pourrait faire 
aujourd'hui une étude du même ordre avec les documents 
fournis par Boas, Swanlon, Hill-Toul, etc. sur les Amérin- 
diens du Pacifique nord-occidental, où l'on discerne un jeu 
de facteurs dont Powell a tenté, à l'aide d'un tableau sché- 



()(; HEVUE DE L HiSTOiUE DES UELMUONS 

malique el d'une théorie, de dégager quelques caractères*. 

Comme on ne connaît pas de groupement qui serait uni- 
quement totémiste, la tentation est très forte de considérer 
le totémisme comme un aboutissement, comme une sorte 
« d'impasse des concepts religieux ». Mais c'est là une vue 
qui repose sur une étrange confusion de faits et de notions. 
De faits, parce qu'on doit d'abord déterminer si tel ou tel fait 
rentre spécifiquement dans la catégorie totémique, ou s'il 
appartient aussi à une autre catégorie socio-religieuse, ou si 
enfin c'est un fait socio-religieux universel; de notions, car 
c'est identifier la forme avec la fonction et avec le méca- 
nisme, identification qui ferait sourire en biologie, et qu'on 
commet k chaque instant dans les sciences psychologiques 
el sociologiques. 

Bref, le totémisme est un système très compliqué; et il 
est certain que si un certain nombre de ses dominantes ont 
été reconnues, on n'est pas toujours très à l'aise quand il 
s'agit d'en interpréter les éléments secondaires. D'où le 
travail d^analyse et de dissociation qui a remplacé ces temps 
derniers, provisoirement, les essais de synthèse ; d'où les 
scrupules de S. Hartland, de Frazer et de bien d'autres à édi- 
fier une théorie générale, soit même à publier, un traité 
d'ensemble descriptif. Une telle prudence mérite l'éloge ; 
elle n'est pas, comme semble le croire M. Toutain, qui en 
est resté à 1887 (Frazer),à 1897 (MariUier) età 1902 (S. Rei- 
nach), un aveu d'impuissance. M'occupant depuis dix ans de 
totémisme, il m'eût été facile de déverser ici tout un jeu de 
tiches et toute une avalanche de faits^ Je me contenterai de 

1) Cf. La note suivante. Dans les îles du détroit de Torrès, on constate un 
remplacement du totémisme par le culte des héros : A. G. Haddon, The Reli- 
gion of the Torres Straits Islanders, in Mélanges Tyhr, Londres, 1907, 
p. 186. 

2) Je renvoie simplement à Volk-Lore^hM Journal deTInstitut Anthropologique 
de Londres et à Mon, depuis 1887, aux index s. v. totem et totemism. On lira 
notamment la discussion entre Powell, An american view of totemism^ Mon, 
1902, pp. 101-106 (cf. encore du môme, pour le sens exact de sa terminologie, 
XlXth Ann. Rep. Btir. ofElhnoL, p. xlix-l) ; E.-S. Hartland, Notes on major 



TOTÉMISME KT MÉTHODE COMI'AHATIVK G7 

demander à M. Toulain, s'il conaaîl, puisqu'il la réclame du 
totémisme, pour la religion grecque ou la romaine, pour le 
culte domestique ou le culte public de l'antiquité, une 
« hypothèse qui rend vraiment compte de la totalité des faits 
observés ». Pour ma part, je n'en connais pas, môme en chi- 
mie, ou en physique, ou en biologie. C'est pourquoi les hypo- 
thèses se suivent rapidement, et c'est cette succession qui 
détermine les progrès des sciences*. 

Powell's article (ib., p. 113-li5) ; N.-W. Thomas, An american view of tote- 
mism (ib., p. 115-118); du même, Totemism (ib.,^1904, p. 74-78, critique de 
' Hill-Tout, Totemism^ a considération of its origin and import, Trans. Roy. 
Soc. Canada, 2« sér., t. IX, p. 61-99) et Purther remarks on M. Hill-Toufs 
vicwfi on Totemism (ib., p. 82-85). Je rappelle qu'on trouvera dans le cha- 
pitre Vin (The origin of totem names and beliefs, pp. 131-175) de Social Ori^ 
gins (Londres, 1903) et dans l'Appendice (Some american théories of totemism, 
pp. 202-215) du Secret of the Totem d'Andrew Lang une critique serrée de 
toutes les théories autres que la sienne, à base onomastique ; [cf. Powell, 
XlXth Ann, Rep, Bur. EthnoL, p. xltx : « Totemism is a System of institutio- 
nal naming »), la théorie conceptionniste de M. Frazer étant critiquée par A. 
Lang, p. 188-201 du second de ces livres et la mienne {Mythes et Légendes 
dWustralie, chap. V et VI) à plusieurs reprises dans Man : A. Lang, A. van 
Gennep's, Mythes et Légendes d'Australie^ Man, 1906, pp. 123-126; A. van 
Gennep, Réponse à if. Lang, ibid,, pp. 148-149; A. Lang, Quaestiones tote- 
micae, Areply to M. van Gennep, ibid.,pp. 180-182; A. van Gennep, Questions 
australiennes, Man, 1907, pp. 23-24; A. Lang, Conceptional totemism and 
exogamy, ibid., pp. 88-90; A. van Gennep, Questions australiennes, II, Man, 
1908, pp. 37-41 ; A. Lang, Exogamy, R. E. E. S., 1908, pp. 65-78. 

1) Dans tout son article, M. Toutain montre une crainte, presque sacrée, des 
hypothèses, sentiment qu'il exprimait déjà dans la Préface (pp. iv-v) de ses 
Cultes pdiens dans C Empire romain : « Nous nous sommes enfermé de propos 
délibéré dans les limites géographiques et chronologiques du sujet que nous 
avons choisi. Nous n'avons pas tenté d'élargir ce sujet par des comparaisons 
ambitieuses ou piquantes... » C'est imiter de trop près la science allemande, à 
laquelle manque aussi ce que M. Léo Frobenius appelle u Der Mut des Theore- 
tisierens » {Zeitschr. f, Ethnol., 1906, p. 740), précisément à propos des cri- 
tiques que lui valut son affirmation, qu'il a depuis reconnue vraie, de l'exis- 
tence du totémisme chez les Bantous du Congo. 



68 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



IV 

Après avoir défini de mon mieux le totem (protecteur col- 
lectif d'apparentés) et le totémisme (système à la fois magico- 
religieux et social), il convient de marquer leur rapport avec 
W tabou. On citerait aisément nombre de cas récents où 
totem Qi tabou sont pris Tun pour Tautre. Il paraîtrait que je 
suis partiellement cause de celle confusion, pour avoir inti- 
tulé un livre Tabou et Totémisme à Madagascar, titre d'où 
semble, à ce qu'on m'a dit, ressortir que le tabou et le toté- 
misme sont une seule et même chose. Mais je crois que rien 
dans le texte même du livre n'autorise une pareille interpré- 
tation. En cherchant l'auteur responsable de la confusion 
dont il s'agit, on le découvre aisément, M. Toutain lui-même 
l'indique : c'est M. Salomon Reinach. Voici en effet des 
phrases de ce savant d'où un non-ethnographe doit imman- 
quablement dériver toutes sortes de notions erronées : 
« Entre le tabou et le totem il existe des liens; le passage est 
facile de l'un à l'autre. En effet le tabou primitif, germe de 
tout pacte social, protège le totem^ qui est l'animal ou le 
végétal tabou. On ne peut concevoir le totem sans un tabou et 
le tabou élargi paraît avoir pour conséquence logique le 
totem. Alors que nous ne saurions rien du tabou polynésien, 
du totem américain... principes puissants du même ordre 
que le tabou et le totem... on peut a priori établir l'existence 
des tabous et des totems dans les pays... », etc.* 

A tout lecteur qui rencontrant, dans un travail ethnogra- 
phique sérieux, le mot tabou s'en trouverait gêné, je con- 
seille de simplement le remplacer d'abord, provisoirement, 

1) s. Reinach, Cultes, Mythes et Religions, t. I. latroduction pp. iv et v ; cf. 
encore p. vi-84 : « Tarsenal des tabous et des toten^s », etc. H va sans dire que 
je ne vois pas comment « Tinterdiction {tabou) élargie paraît avoir pour consé- 
quence logique » Tespèce-animale-parente-et-protectrice-du-clan, car c'est là le 
sens exact du mot totem : on voit qu'il a un avantage terminologique. Cf. encore 
Fr. de Zeltner, loc. cit., p. 217. « Le concept du tolem n'est qu'un cas particu- 
lier du tabou » 1 



TOTÉMISME ET MÉTHODE COMPARATIVE 69 

par ses équivalents indo-européens, par deffends, pdivinierdil^ 
par interdiction ou prohibition religieuse, par sacer^ etc. Et 
toute confusion devient impossible. 

Au sens strict, en effet, le tabou est une interdiction d'es- 
sence magico-religieuse et dont la sanction est également 
magico religieuse. Ce n'est pas notre faute si les limites 
du magico-religieux sont plus vastes et plus confuses chez 
les demi-civilisés que, par exemple, dans le catholicisme, 
et si par suite le domaine de l'interdiction religieuse est 
chez eux plus variable : mais c'est parce que tel est le cas 
que les ethnographes ont abandonné les termes indo-euro- 
péens et pris le mot tabou, plus élastique et pouvant servir à 
désigner tout un ensemble de notions qui n'existent plus 
chez nous, ou seulement sous des formes atténuées. Les 
divers groupements possèdent chacun leurs mots pour dési- 
gner les différentes variétés de défense : elles sont souvent 
toutes désignées par un mot unique, tel celui de fad/y (/ali, 
dialectal, apparenté à pâli indonésien, etc.) dont j'ai tâché 
d'analyser les nuances. En Mélanésie et en Polynésie tabu^ 
tapu, présentent eux aussi plusieurs nuances, qui ne 
répondent pas toutes exactement à ïinterdit. Si Ton peut 
reprocher quelque chose aux ethnographes, c'est, comme je 
l'ai fait à tort, moi aussi, pour Madagascar, d'avoir d'abord 
désigné toutes les formes de prohibition par un mot unique, 
celui de tabou, au lieu de le réserver pour l'interdiction 
magico-religieuse proprement dite. Nombre de fadys que 
j'ai appelés tabous n'en sont pas : ce sont de simples défenses, 
des règles de conduite. Or, il convient de noter que depuis 
quatre ou cinq ans la tendance à limiter le sens du mot tabou 
à l'interdiction magico-religieuse et à employer pour d autres 
nuances des mots neutres comme règle prophylactique, 
défense, etc. s'est marquée de plus en plus dans les publica- 
tions spéciales; c'est-à-dire qu'à la période « sauvage » dans 
l'utilisation du mot tabou succède actuellement une période 
scientifique. 

Esl-il bien utile maintenant de répéter une fois de plus 



70 ïiKVLi: DE l'histoiuk des relic.ions 

que le tabou n'est pas un élément autonome, qui naît, vit, 
se développe par lui-même indépendamment des autres 
manifestations de Taclivité religieuse? Je veux dire que le 
« ne pas faire » complète le « faire » comme la volonté 
complète la volonté qui toutes deux conditionnent Tactivité; 
c'est un rite négatif qui s'adjoint au rite positif, et ces deux 
groupes de rites agissant conjointement constituent le 
culte*. 

Faut-il répéter aussi que, par suite, le tabou se rencontre 
dans toutes les religions, et que s'il y a des interdictions loté- 
miques, il en est de shintoïstes, de brahmaniques, de boud- 
dhiques, d'hébraïques, d'égyptiennes, de chrétiennes, etc. 
etc. Or si le mol de totem a été utilisé dans bien des sens 
abusifs, l'abus a été pire encore pour celui de tabou, et l'on 
ne peut que s'associer aux réclamations de M. N. W. Tho- 
mas*. Mais de toutes manières, labou et totem ne sont pas 
des équivalents; si ces deux mots se trouvent si souvent 
accolés, c'est que les interdictions (ou tabous) de toucher, 
blesser, tuer, manger le totem sont très systématisées, au 
point de former un ensemble qui constitue Tune des carac- 
téristiques du totémisme, et d'autant plus frappante qu'une 
partie des objets et des êtres soumis à l'interdiction (au 
tabou) présentent une valeur utilitaire (par exemple alimen- 
taire) hautement appréciée par les populations non-toté- 
mistes. Cette restriction volontaire de nature économique 
apparaîtrait comme anti-naturelle, n'était que le totémisme 
semble avoir pour but, au moins chez quelques groupe- 
ments, de restreindre la dépopulation animale et végétale 
par excès de chasse, de cueillette et d'arrachage. Tel est le 
cas chez les Australiens Centraux, où les interdictions, ou 
rites négatifs, ont leur contrepartie dans tout un ensemble 
de rites de multiplication de l'espèce lolem, ou rites posi- 
tifs. 

1) Cf. mon compte-rendu de J.-G. Frazer, EarUj hhtonj of ihf Kingship^ 
R. (/. /?., 190n, l. LUI, p. 396-401. 

2) Dans Man, l. V, i905, pp. 02-63 /\\o 36 . 



TOTÉMISME ET METHODE COMPAUATÎVE 71 

Il y a lieu de considérer le totem comme une divinité 
d'une sorte spéciale : mais dans le rituel se rapportant à 
d'autres catégories de divinités, comme les ancêtres là où il 
y a vraiment un culte des ancêtres, ou les genii loci^ etc., 
on rencontre aussi toutes sortes de tabous, de sorte qu'on 
écrirait une monographie intéressante sous ce litre : Tabou 
et Culte des Ancêtres; et ainsi de suite. 

Je crois qu'il ne peut plus rester de confusion dans l'esprit 
du lecteur à propos de questions en définitive très simples 
quand on veut bien prendre les mots avec le sens qu'ils ont, 
et doivent garder, dans la terminologie spéciale à la science 
des religions. En fait, le flottement contre lequel je tâche de 
réagir persistera tant que la science des religions n'aura pas 
atteint un degré tel qu'on puisse publier un petit lexique 
donnant le sens précis de chaque terme employé». Je rap- 
pelle seulement la difficulté qu'il y a à définir le héros civili- 
sateur, le démon j le sacrifice, etc., termes cependant indo- 
européens, et combien il y a de variétés de divinités ou de 
puissances divines. 



Dans les pages qui précèdent, j'ai donné assez d'indi- 
cations de méthode pour n'avoir plus à exposer, à propos de 
la critique malveillante* formulée par M. Toutain à l'égard 

1) Tel le Lexique des termes d'art ^ d'Adeline (coll. Quantin). 

2) M. Toutain a découvert trois « postulats » sur lesquels reposerait ce qu'il 
appelle, très étrangement, « la méthode d'exégèse mythologique fondée sur le 
totémisme » : 1<* a L'organisation en clans totémiques est une forme sociale 
nécessairement antérieure, dans l'évolution de l'humanité, aux formes sociales 
qui caractérisaient les peuples de l'antiquité classique. » Personne n'a jamais 
dit cela, mais les ethnographes disent : « On rencontre l'organisation en clans 
totémiques chez des peuples dont la civilisation générale est le plus rudimen- 
taire, relativement, et certains faits historiques font penser que certains peuples 
de i'untiquité classique avaient passé parce stade d*organisation avant d'émerger 
dans l'histoire, c'est-à-dire pendant les périodes proto-historique et pré-histo- 
rique » ; 2<' u Tous les peuples, dans tous les pays du globe ont passé par le 



72 REVUE DE L'HïSTOIHE DKS RKLKaONS 

de la mélhode comparative, que des généralités». 

La mélhode historique se caractérise : 1*" en ce qu'elle 
considère les phénomènes dans leur ordre chronologique ; 
2^ en ce qu'elle utilise des documents écrits ou figurés. La 
mélhode comparative : l<^ en ce qu'elle fait abstraction des 
conditions de temps et de lieu ; 2<' en ce qu'elle utilise aussi le 
document oral. La méthode historique juxtapose, la mélhode 
comparative compare. La première s'occupe des formes, la 
seconde des fonctions et des mécanismes. Le fait que 



tolémisme »; M. Toutain « dérive tout aussitôt » ce deuxième postulat du pre- 
mier, par quelles voies logiques, c'est ce que je ne vois pas ; en tout cas, si 
cette théorie a été soutenue sous une forme aussi absolue, elle est inadmissible; 
mais M. Toutain devrait d'abord prouver, textes en mains, qu'elle Ta été, car 
chez Jevons, chez S. Reinach et a fortiori chez les autres partisans exagérés 
du totémisme, on rencontre sourent des réserves de détail ; 3° « Le totémisme 
est un système social et religieux dont les caractères essentiels sont parfaite- 
ment connus >»; certes; je Tai montré ci-dessus ; et j'appelle cela, non un pos- 
tulat, mais une conquête importante de la scie> ce. 

1) Il est nécessaire de relever au moins quelques-unes des nombreuses erreurs 
de fait commises par M. Toutain. C'est ainsi que toute l'argumentation des 
pp. 350-351 est proprement stupéfiante, depuis « En second lieu » jusqu'à « anti- 
quité classique ». M. Toutain s'attaque à des adversaires soit morts et oubliés, 
soit inexistants. Il n'y a pas d'ethnographe qui « ose affirmer que le développe- 
ment social et religieux s'est fait exactement dans les mêmes conditions {sic !) 
chez les Germains ou chez les Scandinaves et chez les Latins, chez les Celtes et 
chez les Grecs », car nous savons que les « conditions » n'étaient pas <c les 
mêmes ». Puis viennent deux questions, aussi étranges, suivies de cette affir- 
mation remarquable : « S'il est un résultat incontestable de !a philologie com- 
parée, c'est la démonstration de l'unité ethnographique, de la parenté origi- 
nelle des divers peuples aryens. » Ceci, tel quel, est incompréhensible ; mais 
comme seule l'idée de M. Toutain m'importe, je rétablis d'abord les mots qu'il 
faut : « S'il est un résultat incontestable de la linguistique comparée, c'est la 
démonstration de l'unité ethnique, de la parenté originelle des divers peuples 
parlant des langues et des dialectes indo-européens. » Ainsi on obtient un 
sens, mais précisément contraire à la réalité. Pour être dans le vrai, il faut 
mettre un « non » devant « unité » et devant « parenté ». Je me contente de 
renvoyer M. Toutain aux travaux de M. A. Meillet, Introduction d Vétude com- 
parative des langues indo-européennes, Paris, Hachette, 2« éd., 1907; La reli- 
gion indo-européenne, Revue des Idées, 15 août 1907 ; Les peuples aryens^ 
Revue de Paris, 1907, etc., ainsi qu'à ceux de M. Deniker, Races et Peuples de 
la Terre, Paris, 1900; Les races de l'Europe, Revue des Idées du 15 déc. 1905, 
etc., sans compter que l'observation directe suf6rait. 



TOTÉMÎSME ET MÉTHODE COMPARATIVE 73 

Tobjet d'éludé n'est pas le même dans les deux cas, prouve 
déjà la légitimité de l^une comme de l'autre méthodes. 

La méthode historique fut la seule admise officiellement 
jusque vers le milieu du xix« siècle, et c'est elle encore qui 
règne dans un grand nombre de travaux scientifiques. 
Cependant dès le xvin® siècle, Montesquieu, De Brosses, 
Dupuis, etc., appliquèrent la méthode comparative à l'étude 
des mœurs et des institutions. Mais elle ne commença de 
s'élaborer dans le détail qu'après la constitution de la biolo- 
gie. Essentiellement, notre méthode, de quelque nom qu'on 
l'appelle, est une application à la vie sociale de la méthode 
spéciale qui fut élaborée pour l'élude de la vie physique. Car 
les phénomènes auxquels nous avons affaire sont vivants, et 
ceuxdonts'occupentleshistorienssontmorls. Mais ils vivaient 
d'abord; et si l'on considère un phénomène passé dans son 
actualité, on ne peut l'étudier qu'avec la méthode biologique. 

Si la zoologie et la botanique étudient des formes exté- 
rieures, et tenant compte des circonstances de temps et 
de lieu, les classent en conséquence, la biologie classe les 
êtres d'après leur structure interne et conclut que Tlnfusoire 
est plus primitif et plus ancien que l'Homme, bien qu'ils vivent 
en contemporains. Celte classification s'appuie en même 
temps sur des sciences dont la méthode est historique, la 
géologie et la paléontologie, laquelle est l'archéologie des 
animaux et des végétaux. Il s'ensuit que le terme de méthode 
« paléontologique », proposé par M. S. Reinach, ne saurait 
être admis, mais devrait valoir à son inventeur la bienveillance 
de M. Toulain. 

Mais de même quela biologie et la géologie (avec la paléon- 
tologie) concourent à un même but, à une classification des 
êtres d'après leurs caractères intrinsèques, de même l'an- 
thropologie (au sens étendu des Anglais), l'ethnographie, la 
sociologie, bref toutes les sciences qui ont pour objet les 
manifestations de l'activité humaine, ont besoin à la fois de 
leur méthode propre et de la méthode historique. 

Kn effet, on peut étudier une institution déterminée^ par 



74 liEvrE UE l'histoihe des religions 

exemple la famille, isolément de toutes les autres institutions, 
el déterminer ainsi son évolution propre ; mais chacun des 
stades par lesquels elle a passé est en relation avec un milieu 
déterminé, dont les éléments ont nécessairement agi sur 
cette institution; ainsi Tétude de la famille chez les Grecs ne 
peut se faire qu'à l'aide de la méthode historique, pour la 
partie descriptive*, de même pour la famille dans toutes les 
autres civilisations. Mais rexplication de l'évolution de la 
famille grecque ne s'atteint qu'en comparant celte évolution 
àNcelle de la famille égyptienne, romaine, germanique, 
amérindienne, australienne,^ etc., parce que c'est ainsi 
seulement qu'on arrive à discerner quels sont les facteurs el 
les éléments locaux externes, el quels sont les éléments 
intrinsèques. 

Quand donc on veut étudier les phénomènes sociaux, il faut 
les étudier à la fois localement, à l'aide de la méthode histo- 
rique, et comparativement à l'aide de la méthode biologique, 
afin d'arriver à les classer dans des catégories « naturelles » : 
famille, genre, espèce. 

Les appellations qu'on a données à notre méthode sont 
évidemment trompeuses et n'expriment en définitive que des 
nuances. Je préfère le qualificatif d'ethnographique pour 
rappeler que les populations « sauvages » vivantes entrent 
en ligne décompte, et non pas seulement celles civilisées, ou 
du passé ; jM. Durkheim et son école préfèrent « sociologique » 
pour indiquer qu'il s'agit de phénomènes sociaux, collectifs, 
et de mécanismes. Cette école a prouvé dans plusieurs Mé- 
moires, que Tusagi'. de la (( méthode sociologique » conduit 
en effet à des explications, au lieu de conduire seulement, 
comme la méthode historique, à des constatations. 

Qu'on doive apprendre à se servir de la méthode compa- 
rative, qu'elle ail ses règles et ses limites, c'est ce que je suis 
loin de contester, on la vu : mais je ferai remarquer que les 
cas ne manquent pas d'historiens ayant eux-même abusé de 
leur propre méthode : tant vaut l'homme, tant vaut l'instru- 
ment. Et l'un de ces abus est commis précisément par 



TOTÉMISME KT MÉTHODE COMPARATIVE 75 

M. Toulain lorsqu'il suggère que les sauvages en général et 
surtout les « totémisles » pourraient bien n'être que des 
« dégénérés ». 

Cette attilude fut celle de la Bible et des théologiens. Le 
P. van der Burgt, le P. Lagrange, le P. Guillaume Schmidt, 
de la Société du Verbe Divin et directeur de FAnthropos, la 
plupart des missionnaires, quelques théoriciens aussi sont du 
même avis, qui ne saurait être le nôtre pour les raisons 
exposées ci-dessus a propos de la « primilivité » du toté- 
misme. L'un et l'autre phénomènes, le progrès comme la dé- 
cadence, sont évidemment « naturels », puisque tout être croît 
à partir du germe jusqu'à un sommet d'où ensuite il redes- 
cend. En matière de civilisation, le germe nous demeure à 
tout jamais inconnu ; dans quelques cas (Assyro-Babylonie *, 
Egypte, Mexique, Pérou, etc.), nous pouvons suivre de près 
les mouvements ascendants et les mouvements descendants, 
et même découvrir parfois les moments d'apogée *. Il va de 
soi qu'en cette matière, la seule mtHhode applicable, c'est la 
méthode historique, sauf pour ïexidication, c'est-à-dire pour 
la détermination des forces' qui ont agi dans un sens ou 
dans l'autre. 



1) On trouvera uu tableau tracé de main de maître, des oscillations cultu- 
relles de TAssyro-Babylonie dès le début jusqu'à ce jour dans H. Winckler, Die 
babylonische GeisteskuUur, Leipzig, 1907, pp. 13-41. 

2) Je crois utile de signaler Timportance de la théorie des mutations ^ de De 
Vries, pour l'étude des civilisations et de leurs éléments. 

3) Parmi ces forces, celles d'ordre psychologique sont fort importantes et la 
méthode historique ne pourrait les restituer poui l'antiquité; elles sont au con- 
traire un terrain de recherches accessible aux ethnographes et à la méthode 
comparative. L'élément psychologique joue un rôle considérable dans le toté- 
misme. Cependant il n'a guère été analysé jusqu'ici. Les observateurs sont 
unanimes à reconnaître que tout membre du clan totémique se sent lié à son 
totem par un lien spécial, qui tient de la vénération, du respect, de l'adoration. 
Ce doit être quelque chose comme le sentiment qui lie des frères et des sœurs 
entre eux et à leurs parents, puisque le totem est à la fois ancêtre et frère de 
ceux dont il est le protecteur. A. C. Haddon nomme ce sentiment une « affinité 
mystique » (Rep. Cambridge Exped. Tonnes Straits, t. V, p. 184). Le totémisme 
implique donc une forme spéciale de la seosibilité; il implique en outre une 




Or. k moof ^meot aâ^endast ne peat être étudié qnVn loi- 
mkm0!::zaïi^Ai qaft ra{M>gée et le moaTemeat descendant, 
air^nt 00 {MUi^, dr/fveat être comparés à lai et éclairés par 
IiiL (fnaod donc on traite les « saoTages * on les « loté- 
mhU^i^ *» de « déi^énérés », on se charge Tolontairement de 
fonPM f/rfftpandi, poitqo'on s'engage par là à décoo^rir et à 
AktirifH le point de départ do rnooTement descendant, c'est-à- 
dire Tapogée^ pois le moofement ascendant qoî a précédé ce 
moment, et enfin à expliquer les raisons de cette double 
éfoirjlion. 0"^ M. Toutain démontre de quelle forme de zoo- 
lAtri^'y de quel système de consanguinité et de quel système 
matrimonial le totémisme est une dégénérescence, pois de 
quelles» formes de début ces formes antérieures au totémisme 
sont eileîi-méme» sorties, et qu'il nous explique le mécanisme 
de ce^ évolutions complexes : el nous tous qui nous occupons 
de totémisme, de religions et d'institutions à la fois tiistori- 
quement et comparativement, nous lui saurons un gré infini 
de son oMjvre. 

Kn attendant, nous nous en tiendrons à une méthode et à 
de» points (!♦! vue qui ont produit déjà, dans plusieurs direc- 
tions, d'heureux résultats, nous souvenant que la linguis- 
tique comparée, le droit comparé, etc., eurent aussi à briser 
robslacle qu'on leur voulait opposer avec la « méthode 
historique ». 

A. VAN GEiNNEP. 

orienUlion intellectuelle spéciale, qui s'exprime par des catégories logiques 
proproH et un système spécial de classification cosmologique; et enfin une 
If^ohniqup spéciale, à la fois magico-religieuse, agricole el industrielle. 



BULLETJN DES PÉRIODIQUES DE UISLAM 

19031907 



The Agademy. 

T. LXIV, 1903, i'^ semestre. 

16 mai. East, 7'he last Days of great men : Cromwel, Mapolco, Ma^ 
homet. Conclusions très contestables. 

T. LXV, 1903, 2« semestre. 

23 juillet. KiNG, A searck for the Masked Tawareks. Ce compte- 
rendu n'est en réalité qu'une annonce du livre. 

26 septembre. Campbell Omar, The Mystics, Ascetics and Saints of 
India, L'auteur du compte-rendu parait à bon droit sceptique sur les 
prétendus miracles d'un certain Hasan Khân, un musulman qui avait 
reçu son initiation d'un Sadhu hindou. 

7 novembre. Johnson Pacha, The Dialogue of the Gulshan-i-Raz, 
Eloge delà traduction de cet ouvrage souû. 

14 novembre. R. Basset, Contes populaires d'Afrique. L'auteur du 
compte-rendu, qui n'a pas lu le livre, regrette qu'il n'ait pas été fait 
d'emprunt au Journal of the South african Folk-lore, S'il avait pris la 
peine d'ouvrir le volume, il aurait vu que les contes 96, 97, 125 ont 
été précisément empruntés à ce recueil et que la source est indiquée. 

T. LXVI, 1»' semestre 1904. 

2 janvier. Kemal bd din d'Ispahan, The Hundred Love's Song^ tr. par 
Gray et mis en vers par Mumfort. Le succès, quoique tardif, des 
Houbaijatde 'Omar Khay y âm arrangés par Fitz-Gerald, a excité l'ému- 
lation et d^ là, la publication de ces vers d'un poète égal à *Omar, Ke- 
mâl ed din, qui vivait dans le xii* et le xin* siècle, fit des vers où se 
mêlent l'amour et le pessimisme, et fut tué par un Tatar de l'armée 
d'Oktaï-Qaân. Les vers anglais dans lesquels sont traduits ces quatrains 
sont trop languissants pour bien rendre la poésie de Kemàl ed din. 

30 avril. Scott, History of the Moorish â'mpire in Europe. D'après 
le G. R. par W. Lawler-Wilson, l'auteur ne paraît pas être orientaliste. 
Il s'est servi de Dozy autant que possible ; mais Dozy ne va que jusqu'à 
la fin des Almoravides. La liste bibliographique des auteurs consultés 



78 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

est surabondante et malgré cela incomplète; la transcription des mots 
arabes n'est pas satisfaisante. 

14 mai. Dawson, Things seenin Morocco, Le C.R. par Budget Meakin 
est très indulgent : il signale cependant le mauvais goût de l'auteur, son 
ignorance du Maroc réel en dépit des Bismillah dont son livre est semé 
et de son portrait en Arabe de fantaisie à la p. 350. C'est un livre de 
touriste, superficiel et mal informé. 

T. LXVII, 2« semestre 1904. 

2 juillet. P. Loti, Vers hpahan. 

9 juillet. Weis, The Sheiks of Morocco. G. R. par Budgett Meakin. 
Il y avait à faire des critiques sur ce volume, mais celles de M. B. M. 
prouvent, en dépit de ses propres ouvrages, que la littérature historique 
du Maroc lui est étrangère. On pourrait en dire autant de Tarabe litté- 
raire si Dalil el Khairat n'est pas une faute d'impression pour Daidil. 

j3 août. Aflalo, Tke trouthabout Morocco. G. R. par Budgett Mea- 
kin. L'ouvrage aurait dû être plus sévèrement apprécié, mais ses ten- 
dances anti-françaises lui ont valu l'indulgence de l'auteur de l'article. 

17 septembre. A. Colvert, Tke Alkamhra, Gompte-rendu sévère par 
Lawler-Wilson. 

24 septembre. Ben Susan, Morocco. G. R. par Budgett Meakin : pa- 
raît être plutôt un livre d'images qu'autre chose. 

T. LXVIII, 1 semestre 1905. 

7 janvier. Shrarzi, Life of 'Omar Al Khaf/yami. Livre agréable à 
lire, mais qui, en réalité, n'ajoute que peu de chose à ce que Ton sait 
de la vie de l'auteur des Rouhaxjat^ moins apprécié en Perse qu^en 
Angleterre. 

25 mars. Hadji Khan et Sparroy, Mecca unveiled. Description vi- 
vante et animée du pèlerinage à la Mekke, fait par un Musulman, cor- 
respondant spécial du Morning Post. 

17 juin. A. Goodrich-Farrer, In a Syrian Saddle. Il ne paratt pas, 
d'après le compte-rendu, que la connaissance de l'islam ait à profiter de 
ce livre, d'ailleurs agréable à lire. 

T. LXIX. 2^^ semestre 1905. 

5 août. WoLLASTON, The Sivord of Islam. L'auteur anonyme du 
compte-rendu reproche à tort à ce livre diverses méprises, ainsi de 
considérer le sultan comme l'héritier des Khalifes : or, après la conquête 
de l'Egypte par Salim 1, le dernier fantôme de Khalife abbaside, conservé 
pour la forme par les Mamelouks, céda ses droits au conquérant. Que 
le sultan ne soit pas reconnu en Perse ou au Maroc, peu importe, la 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE LISLAM 70 

question de droit prime la question de fait; et d'ailleurs, le critique 
s'imagine-t-il que le Khalife de Baghdad était reconnu par tout le monde 
musulman? D'autres erreurs réelles sont relevées : par exemple les 
Idrisides n'ont jamais régné de Fas à Bombay, mais l auteur de l'article 
a tort d'assimiler, au point de vue religieux, l'état musulman des Idri- 
sides à Fas avec celui des rois de Tlemcen. Somme toute, ce livre, 
composé par un fonctionnaire civil du gouvernement de l'Inde, est très 
médiocre : quoique la critique ne soit pas exempte de reproches, elle 
n'est pas trop sévère : loin de là ! 

18 novembre. The Rose-Garden ofSadi, trad. par Granmer Byng. 
Éioge de cette traduction de morceaux choisis du Goulistân. 

25 novembre. M™« Loyson, Jérusalem through the Lands of Islam, Ce 
livre, tendant à démontrer la fraternité des trois religions monothéistes, 
iudaïsme, christianisme et islamisme, est surtout enthousiaste : il n'a 
rien de scientifique. 



The Athen.kum. 

T. 1, 1903. 

31 janvier. F. Henry, Les Rubaiyat d'Omar Khayyâm, trad. en vers 
français d'après la version anglaise d'Ed. Fitzgerald. Éloge de cette tra- 
duction d'une traduction. 

28 février. Forest, Ciliés ofindia. Une part importante est faite à 
l'art musulman dans la description de quinze villes, parmi lesquelles 
Delhi, Âgra, Lûcknow, Cawnpoore. 

14 mars. E. G. Browne, A Literary History of Persia (I, from early 
times until Firdawsi). En l'état peu brillant des connaissances du grand 
public en fait de choses d'Orient, ce livre, qui s'adresse aux apiateurs 
aussi bien qu'aux orientalistes, sera le bienvenu. Il est écrit au point de 
vue persan, aussi est-il hostile aux Omayyades (ce qui est une injustice) ; 
on pourrait retourner contre plusieurs Khalifes abbasides les reproches 
que l'auteur adresse à leurs prédécesseurs. L'histoire religieuse ne se 
sépare pas de l'histoire littéraire et ce n'est pas un des moindres mérites 
de ce livre de les avoir exposées de front. 

11 avril. G. F. Abbot, The Taie of a Tour in Macedonia, Le gouver- 
nement turk excepté, l'auteur donne la préférence aux Musulmans sur 
les Chrétiens et à ceux-ci sur les Juifs : mais le critique fait remarquer 
que la situation locale des quartiers explique la supériorité apparente de 



80 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

l'un sur l'autre. Du reste, il ne faut pas chercher dans ce livre des do- 
cuments sur la période troublée que traverse en ce moment la Macé- 
doine. — Butler, The Arab Conques t of Egypt, En faisant Téloge 
mérité de ce livre, Fauteur de l'article présente des remarques très 
justes sur l'identification de Gyrus et du Moqaouqis, proposée par 
M. Butler. 

18 avril. Isabel Savory, In the 7 ail of the Peacock. Ce livre n'a- 
joute rien à ce que nous savons sur le Maroc. — De Segonzac, Voyages 
au Maroc. L'article est écrit dans un esprit anti-français et combat spé- 
cialement la préface où M. Etienne affirme les droits imprescriptibles 
de la France sur le Maroc. Quant au livre lui-même, il est considéré 
comme un des plus importants qui aient été publiés dans ces dix der- 
nières années. 

16 mai. Whigham, The Persian Prohlem. D'après le compte-rendu, 
ce livre est écrit surtout au point de vue politique : on ne voit pas qu'il 
parle de l'islam en tant que religion. 

23 mai. Corvo, The Rubaiyal ofUmar Khaiyam. On a vu plus haut 
une traduction française des quatrains d'après la version anglaise de 
Fitz-Gerald : voici une traduction anglaise d'après la version française 
de Nicolas : elle est agréablement raillée dans cet article : ne semble-t- 
il pas qu'il serait plus naturel de faire la traduction sur le texte persan? 

30 mai. Stanley Lane Poole, Islam. Dans ce petit travail, l'auteur a 
fait exactement ressortir les particularités significatives de l'islam. 

27 juin. HalidEfendi, The Diai^ of a Turk. Peinture exacte de la 
vie turke, et surtout, d après l'extrait cité, de l'hostilité contre les com- 
munautés chrétiennes de l'empire ottoman. 

T. Il, 1903. 

8 août. Cl. Huart, A history of arable literature. Éloge de la tra- 
duction anglaise. 

10 octobre. Gurtis, The Turk and his lost Provinces. Notes d'un jour- 
naliste turcophile qui plaide en faveur de 'Abd ul Hamid les circons- 
tances atténuantes parce qu'il est neurasthénique, mais bon musulman, 
aussi fanatique qu'un derviche de l'Asie centrale. D'après le compte- 
rendu, ce livre ne paraît pas avoir grande valeur. 

5 décembre. Gibbs, History of OUoman poetry^ t. II. Éloge mérité 
de l'auteur, mort, avant la publication de la fin de son important ouvrage, 
confiée après lui à M. E. G. Brown. — Hastie, The Festival ofSpring, 
trad. de Djelâl ed din Roumi. L'auteur de l'article fait justement 
remarquer qu'à part Hafiz et Omar Khayydm de qui la réputation lui 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L^ISLAM 8i 

parait URurpée, les poètes persans du plus grand mérite sont ignorés du 
public anglais. C'est, à mon avis, la faute de ce dernier, car la tra- 
duction de Leîla et Madjnoun par Atkinson, celle des Laouâih' 
de Djâmi' par Whinfield et Muhamed Kazwinî, celle de VIskender 
Nâmeh par Clarke, celle de VAnivâr i Suheiltj par Ëastwick, les 
Floivers from a persian Garden de Glouston, le Story-hook of the 
Shah, d'Ella Sykes, sans parler de la magistrale Literary History of 
Persia d'E. G. Browne permettent aux lecteurs anglais de se faire une 
idée de la valeur de Nizâmi, de Djâmi', de Ho^aïn Vaiz Kâchefi, de 
Sa'adi et de Firdaousi. La traduction de M. Hastie rendra service, mais 
il aurait pu éviter dans sa préface une violente sortie contre Omar 
Khayyàm. 
T. II, 1904. 

5 mars. The Seven Golden Odes of Pagan Arabia. Les Mo'allaqât 
traduites par lady Blunt ont été mises en vers anglais par W. Scaven 
Blunt. Il eût été bon d'observer que le titre de « Golden Odes » n'est 
pas exact ; Tauteur du compte-rendu commet une erreur semblable en 
traduisant 3/0 'aZ/açâ/ par the Suspended PoernsAl signale les difficultés 
d'une œuvre semblable, étant donnée la différence d'impressions, d'ins- 
piration et de civilisation, et remarque que la tentative de traduire les 
Mo allaqât dans des vers anglais de mètres analogues à ceux de l'origi- 
nal est illusoire. Il ajoute que W. Blunt n'a pas poussé son imitation 
jusqu'au bout, puisqu'il n'a pas conservé la rime, qui joue un si grand 
rôle dans la poésie arabe. Mais il a tort de relever cette assertion que 
les Arabes ne pratiquaient pas l'art de construire en pierre : les monu- 
ments du Yémen qu'il cite à ce sujet appartiennent à un autre peuple 
que celui chez qui les Mo'allaqât furent composées. 

12 mars. J'he Hundred Love-Songs of Kamal ed din of Ispahan, 
trad. par Gray et mis en vers par Ethel Mumford. La traduction en 
vers de ce poète, inférieur à Baba Tahir et Omar Khayyâm, est excellente. 
— The Quatrains of Abu 'l 'Ala, trad. par Ameen F. Rihani (Grant 
Richards). Jamais Abou '1 'Ala n'a composé de quatrains : il s'agit, en 
réalité, de passages extraits de son Diwân. Le traducteur ignore les 
travaux dont ce poète a été l'objet, même ceux de Rieu, de Margo- 
liouth, de Von Kremer. 

30 avril. Loti, Vers Ispahan. Le titre n'est pas absolument exact et 
si les descriptions se lisent avec plaisir, l'auteur n'est pas toujours bien 
informé. 

21 mai. A. J. Dawson. Thxngs seen %n Morocco. C'est un livre d'im- 

6 



82 REVUE DE L^HISTOIUE DES RELIGIONS 

pressions personnelles, non une œuvre scientifique, comme le dédire 
fauteur. 

48 juin. Scott, History of tke Moorish Empire in Europe. Après 
avoir signalé le manque absolu de références, Tinfluence du style, Tiniih 
telligence de la valeur de Mohammed, etc., Tauteur de l'article, pen 
conséquent avec lui-même conclut en disant que ce livre est € d'un 
profond et réel intérêt ». On pouvait juger plus sévèrement cette com- 
pilation superficielle. 

25 juin. D. G. Hogartu, The pénétration of Arahia. Éloge du livre. 
T. II, 1904. 

9 juillet. Compte-rendu sommaire de fédition de la seconde partie du 
Lubâbu 7 Albdb d'AouFi, du Catalogue des manuscrits persans rassem- 
blés par John et Ashburn ; du Catalogue des manuscrits persans de 
rindia Office (ce dernier est très détaillé, quelquefois d'une manière 
superflue); de V History of the plùLosophy in Islam deJ. de Boer, trad. 
par M. R. Jones (version exacte), du Manuel de numismatique de 
Codrington ; du Dar ui islam de Jones (l'appréciation pouvait être plus 
sévère). 

6 août. Aubin, Le Maroc d'aujourd'hui. Éloge mérité de ce livre, 
malgré quelques légères critiques. — Wkir, The Sheikhs of Morocco. 
L'auteur du compte-rendu ne paraît pas connaître l'ouvrage de M. Cour 
(L établissement des dynasties des Chérifs au Maroc) qui traite ce sujet 
d'une façon plus scientifique. — Aflalo, The Truthabout Morocco. Le 
compte-rendu de ce pamphlet est assez peu clair malgré la conclusion 
qui semble donner tort aux idées de l'auteur. 

8 octobre. Forrest et Ben Susan, Morocco. Éloge presque exclusif de 
la partie artistique du livre : c'est ce qu'il y a de mieux. 

T. 1, 1905. 

42 février. Shirazi, Life of Omar al Khayyâmi, Quoique préten- 
dant avoir eu recours à des manuscrits aussi inconnus que précieux. 
l'auteur oublie d'en donner les références. Elles auraient été nécessaires 
pour justifier les choses étranges qu'il avance, à savoir que le surnom 
d'Ël Khayyâmi provient d'une tribu arabe qui aurait émigré dans le Kho- 
rasân, etc. — Leone Gaetani, Annali delV Islam, t. L Éloge de ce livre. 

17 juin. Ferry, La France en Afrique. L'entente proposée par l'au- 
teur entre les Senousya et la France paraît une chimère. 

24 juin. Indication de quelques vers de *Omar Khayyâm, un dialogue 
entre lui et la Raison, qui se trouvent dans un manuscrit du British 
Muséum. 




BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 83 

T. II, 1905. 

26 août. Haffner. Texte zur arabischen Lexicographie. Annonce du 
livre. 

T. I, 4907. 

9 février. Gertrude Lowthian Bell, The Désert and the Sown. Ré- 
cit animé et agréable à lire d'une excursion en Orient, malgré quelques 
erreurs d'appréciation. 

2 mars. Arminjon, V Enseignement, la Doctrine el la vie dans les 
universités d* Egypte. Ouvrage consciencieux et qui répond exactement 
à son titre. 

25 mai. Wallis Budge, The Egyptian Sudan. La • possession du 
Soudan a toujours été considérée comme indispensable aux maîtres de 
rÉgypte, même au temps des Pharaons, qui en tiraient de Tor et des 
esclaves. Tout en rendant justice aux mérites du livre, Fauteur de 
l'article fait des réserves sur le style et les dispositions des matériaux. 
Les illustrations sont prodiguées. 

T. II, 4907. 

10 août. Manucci, Storia do Mogor. Cet ouvrage, important pour 
l'histoire de la dynastie moghole dans Tlnde, n'était connu que par 
Tabrégé défiguré qu'en avait donné le P. Gatrou en 4705. La nouvelle 
traduction anglaise est faite sur l'original manuscrit. Il serait à désirer 
que celui-ci, rédigé partie en portugais, partie en français et partie en 
italien, fût publié dans le texte. 

24 août. Davis, The Persian mystics ; Jalàl ud din Hûmi. Bon choix 
de vers de ce grand poète mystique, principalement d'après les traduc- 
tions de Nicholson et de Whinfield. — Hoceyne Azad, La roseraie du 
savoir, 

7 septembre. J. Campbell Oman, The Brahman^ Theists and Mus- 
liras of India. 

18 septembre. Haji A. Browne, Bonaparte in Egypt and the Egyp- 
tians of To-day. L'auteur est un Anglo-irlandais converti à l'islamisme 
et qui poursuit deux buts difficiles à concilier : le triomphe du panisla- 
misme et les bons rapports entre les Musulmans orientaux et l'empire 
britannique. Il ne croit pas, du reste, à l'existence réelle du nationa- 
lisme égyptien. Toutefois, dans son argumentation, il simplifie ses 
hypothèses en supprimant un facteur important. Quelques fautes de 
goût (comme dans le portrait de Méhémet Ali) et de style. 




84 REVtJE DE L'HIStOlftE DES RELIGIONS 

Bulletin de la Société archéologique de Sousse, 

1904, !•' semestre. Hannezo, JSotes historiques sur Sousi 
maire très abrégé de la période musulmane de 1616 à 1863. 

2« semestre. Hannézo, JVotes historiques sur Sousse. La lis 
graphique citée (p. 143 et suiv.) est absolument insuffisanti 
période musulmane. 

1905, 2* semestre. Hannezo, Notes historiques sur Sousse, , 
relative à cette ville pendant la période musulmane est trop 
rement traitée. L'auteur semble ignorer que les inscriptions a 
Sousse ont été publiées et traduites dans Touvrage de H 
R* Basset {Epigraphie tunisienne ^ Alger, 1882, in-8^). Bibliof 
A. J. C. Motylinski, Le nom berbère de Dieu chez les Abac 
R. favorable par R. Basset. 

Bulletin de la Société dé Géographie de l'Apriqi 
occidentale française. 

1 année, 1907. 

Fasc. L Gadel, Notes sur VAir, Détails sur la fête de la 
qui se célébrait à Agades (et non Agadez), rétablie avec ro< 
française : elle avait pour but de régler les affaires d'un certain 
de tribus des Touaregs, de régler les contestations et, entre a 
faire restituer à la tribu maraboutique des Igdalen, qui avait p 
cipe de ne pas se défendre contre les attaques et les vols^ ce qui 
été enlevé. 

Fasc. IIL R. Arnaud, Un chérif marocain enterré à San 
Biographie et récits de miracles d*un chérif venu du Tafilalet 
'Abbâs, affilié aux Qadrya Bekkarya et qui s'établit à San 
.1 y a un siècle. 11 y introduisit la confrérie à laquelle il 
nait et son tombeau est encore vénéré de nos jours, même pa: 
chistes. 

Bulletin de la Société de Géographie d'Alger. 

T. VIII, 1903. 

1«' trimestre. Torré, Note sur la zaouia er Regania. Cette \ 
rextrémité sud du Touat est la plus importante de la région. 




BULLKTIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 85 

grand-père du cheikh actuel vint s'établir au Touat; il semblait se 
prévaloir d*une origine chérifienne par /^osaîn, fils de *Ali; son tom- 
beau est Tobjet d'un pèlerinage régulier vers le 30 avril. Dans le récit 
de ses miracles, on trouve celui d'un anéantissement absolu ; le cheikh 
s'élève en l'air, devient pareil à une lueur vacillante qui disparaît. Une 
autre fois, tandis qu'il lit Ibn *A^a Allah, son corps se rapetisse et finit 
par se dissoudre « comme un morceau de sucre dans Teau ». Les Reg- 
gania sont une branche des Qadrya. 

2* trimestre. Neigbl, An ccsur de l'Afrique, Quelques détails sur les 
Senousya et leur action au Soudan. — Rinn, Les Krouane (sic) JSaqch- 
bandya. Note sommaire et qui ne renferme que des choses connues 
depuis longtemps. 

3® trimestre. Durrieux, Les grandes villes du Turkestan, Quelques 
détails pittoresques sur les derviches Naqchibendis. Légende de Chah- 
Zendèh. 
T. IX, 1904. 

!«•• trimestre. Joly, La plaine des Béni Sliman (suite). Renseigne- 
ments sur rinfluence exercée sur cette tribu par des marabouts dont 
les ancêtres vinrent au xvi^ siècle et ont leurs tombeaux dans des qoub- 
bas vénérées encore aujourd'hui. 

2" trimestre. Calderaro, Les Béni Goumi. Légende sur la conversion 
des B. Goumi par le marabout Si Bayezid de a Bestama », enterré à quel- 
ques centaines de mètres au nord de Bakhti, au iv« siècle de l'hégire. 
Ce qui montre le peu de vraisemblance de cette légende, c'est que le 
Bayezid de Bestama en question n'est autre que le célèbre mystique 
Bayezid de Bistâm (Abou Yazid Taifour ben *lsa ben Adam ben Sourou- 
chan), mort en 261 ou 264 hég. 11 est à remarquer qu'Ibn Khaldoun 
consacre aux B. Goumi un chapitre (Histoire des Berbères^ trad. de 
Slane, t. IV, p. 162-165) que n'a pas connu l'auteur de l'article, et ne 
fait aucune mention de cette légende, postérieure par conséquent au 
XV* siècle. Détails sur les confréries auxquelles se rattachent les popu- 
lations : en premier lieu, l'ordre de Kerzaz, fondé au commencement 
du x\i^ siècle par le chérif AAmed ben Mousa, se prétendant issu des 
Idrisides; l'ordre des Tayybyah d'Ouezzân; l'ordre des Zyanya de 
Kenadsa, fondé au xvu® siècle par El ^'adj MoAammed ben *Abd er 
RaAman, cbérif venu de l'Oued Dra'a; l'ordre des Qadryah. Histoire de 
la fondation dlgli au milieu du xvii^» siècle par le marabout Sidi Moham- 
med ben *Othmân venu du Timimoun, où existent encore des membres 
de cette famille; mais cette zaouyah n'a pas d'importance. Il est à re- 




86 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

marquer qu'au xi® siècle El Bekri mentionne déjà une ville prospère 
dlgli qu'il place dans le Sous. Les principales confréries du pays sont 
celles de Sidi Mohammed ben Bouzyan de Kenadsa, de Kerzaz, de Ouez- 
zân (Tayybyah) et des Qadrya. 

4« trimestre. Durand, Notes sur les Touaregs. Au point de vue his- 
torique, il y a peu de chose à en tirer : nous voyons par exemple (p. 701) 
que les Kounta « habitaient autrefois La Mecque et Médine et apparte- 
naient à la tribu des Béni Oumia, Ommiades » {sic), La généalogie des 
marabouts des Kounta, depuis Mohammed £1 Kounti qui serait venu 
d'Arabie il y a neuf générations et dont le tombeau est daps une qoub- 
bah chez les Bguibah est intéressante : sous certains rapports, elle 
diffère de celle qu'a donnée Barth [Reisen in Afrika^ t. IV, p. 586-587). 
Récit d'un miracle du cheïkh Si Mokhtâr, père de l'auteur du Kitâb et 
Tarâïf, mort, d'après Barth, en 4226 hég. (1811). 

T. X, 1905. 

l®»" trimestre. Charlet, Les palmiers du Mzab. L'auteur a voulu faire 
parade d'une pseudo-érudition défigurée par une masse de fautes; la 
Kharidat el Adjâîb y est appelée à plusieurs reprises Khoridat el 
Adjaîb et attribuée (p. 12, note 1) à un certain « Bouhafa Omar el 
Ouordi » qui doit être Abou ^afs *Omar ibn el Ouardi. Ailleurs (p. 16, 
note 2) le Haiât el Kaïaoudn d'Ed Damiri est travesti en « Aïat el 
Aïouan du cheïkh Rhameledine... el Domiri ». A la bibliographie 
inexacte et incomplète que renferme cette note, l'auteur aurait dû 
joindre l'article consacré au palmier par El Qazouini C Adjaîb el Màkh- 
louqdt, éd. Wûstenfeld, p. 268-269) et surtout l'ouvrage d'Es Sidjis- 
tàni, publié par B. Lagumina : Jl Libro délia Palma (Rome, 1891, 
in-4°). P. 14, note 1, il est question de livres ibadites (lisez abadkites] 
imprimés « à Tunis et en Turquie »; l'auteur aurait bien dû les nom- 
mer. Ceux qui se sont occupés de l'histoire kharedjite n'apprendront 
pas sans surprise que Ghardaïa fut fondée au xi' siècle (de l'hégire, 
c'est trop tard; de notre ère, c'est trop tôt) par un marabout « venu de 
Saguia El Hamra ». Si l'auteur avait été au courant de l'histoire mu- 
sulmane, il aurait su que ce n'est pas ce que racontent les Kharedjites. 
Le reste à l'avenant. — A. Cour, Les derniers Mérinides. Excellente 
contribution à l'histoire du Maroc. 

2« trimestre. Watin, Origine des populations du Touat. Mélanges 
de traditions mi-religieuses, mi-généalogiques auxquelles on ne peut 
accorder confiance au point de vue historique; elles sont intéressantes 
pour le folk-lore. Brunache, Le pèlerinage à la Mekke, 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'isLAM 87 

T. X, 1906. 

i^^ trimestre. Lieutenant Palaska, Les Oulad bel Honna, Légendes 
religieuses sur Sidi Tadj, 13« fils de Sidi Cheikh et ses descendants, des- 
quels fait partie Bou Amama. 

2« trimestre. H. Garrot, L'islamisme et son action en Berbérie, 
Tableau général non exempt d'erreurs (le commencement de la déca- 
dence du monde musulman remonte plus haut que la chute du Khalifat 
abbaside, p. 155; il y a plus de 1.000 Senousya en Algérie, p. 173). 
— Ben Hazera, Six mois chez les Touaregs, Au chapitre Instructiony la 
légende de Salomon, appuyé après sa mort sur un bâton que ronge un 
termite (cf. Weil, Biblische Legenden der Muselmànner, p. 279) est 
reproduite d'une façon altérée sous prétexte d'expliquer l'appellation de 
Talilt tasetlafet donnée au mois de safar. 

4« trimestre. Ben Hazera. Six mois chez les Touaregs (suite). Ren- 
seignements sommaires sur les pratiques religieuses et les superstitions ; 
légende sur Torigine de la Grande Ourse; il n'y a rien de commun 
entre l'Elyas des contes touaregs et Elyas, fils de Sa\\h le BerghouâH; 
les aventures du premier avec son oncle Amamellen auraient dû être 
plutôt rapprochées de celles de Loqmân et de son neveu Loqaïm (cf. 
mon Loqmdn berbère^ p. xxxvii-xxxix). — Albert, Chikh Ma et Ainin, 
Biographie du célèbre cheikh fanatique de la Saguiat el /^amra. 

T. XII, 1907. 

1®»" trimestre. A. Joly, Etude sur la Titteri (2« partie). Quelques 
renseignements sur les marabouts et particulièrement Sidi Mohammed 
Ould Bokhâri, fondateur du ksar de ce nom ; un de ceux qui rétabli- 
rent l'islam dan& cette région, probablement au xv* ou au xvi® siècle. 

^ trimestre. Dbschamps, Le JJagana, Les superstitions qui se mêlent 
à l'islam dans cette partie du Tchad sont simplement mentionnées sans 
autres détails. — Lefébure, La main de Fathma, Recueil de faits desti- 
nés à prouver que les superstitions relatives à la main sont communes 
à tous les peuples. Sous cette forme, l'affirmation est vraie. Mais dans 
le cas particulier de l'amulette connue sous le nom de c main de 
Fathma », il est impossible de ne pas admettre un emprunt au moins 
dans la région méditerranéenne. 



Bulletin de la Soch^té de Géographie de l'Est. 
XX« année, 1905. 



88 RFVUE DE L'HïSTOrnE DES RELIGIONS 

Fasc. II. E. Gallois, Aux Oasis algériennes ou tunisiennes. Descrip- 
tion sommaire des Oasis sans rien qui concerne particulièrement l'is- 
lam. 



Bulletin de la Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran. 

T. XXIII, 1903. 

Juillet-septembre. Duvaux, La mentalité indigène en Algérie. L'au- 
teur, partant de ce principe (qui n'est pas absolument exact) que la 
mentalité indigène n'a pas varié en Algérie depuis la conquête, propose 
de la modifier par un double moyen : organiser une propagande par 
les officiers auprès des soldats des régiments indigènes et s'attacber les 
bauts personnages religieux pour démontrer que les Musulmans ont 
tout avantage à vivre en bonne harmonie avec les Chrétiens. L'intention 
de l'auteur est louable, mais il a oublié un facteur important : la com- 
munauté d'intérêts matériels. Quant au premier moyen, il est imprati- 
cable ; le second est assez délicat — Lettre des Oulama de Fez, trad. par 
ViALA : fetoua rendu contre le Rogui. Bibliographie : W. et G. Mar- 
ÇAis, Les monuments arabes de Tlemcen, Compte-rendu élogieux par 
A. Bel. 

Octobre-décembre. A. Mouliéras, Une tribu zénète anti-musulmane 
au Maroc. Il s'agit des Zkara, voisins des B.Iznacen, au S. 0. d'Oudjda, 
que l'on ne connaissait que par quelques passages de la Reconnais- 
sance de Foucauld et une note insérée dans les Documents pour servir 
à l'étude du Nord-Ouest africain^ où les Zkara sont donnés comme les 
serviteurs religieux des marabouts de Kenadsa (T. I, p. 175-177 et non 
155-157 comme il est est dit par erreur à la note A de la page302). Des- 
cription géographique et politique de la tribu ; renseignements sur le 
dialecte. Ces détails sont suivis d'une dissertation assez confuse sur les 
Zénètes (Zénataj où Ton trouve des propositions singulières comme celle- 
ci : « Les Zénètes ne sont ni franchement Arabes, ni franchement Ber- 
bères ». Ce chapitre est à supprimer. L'auteur passe ensuite à l'a anti- 
islamisme » des Zkara. Ici, je dois faire des réserves. D'après des ren- 
seignements que j'ai reçus de Tinzi, centre de la tribu, les informateurs 
de M. Mouliéras auraient souvent abusé de sa confiance. L'un d'eux, 
Bou Terfas ben Messaoud avait servi d'informateur aux bureaux des 
affaires indigènes de Lalla Maghnia, mais les renseignements qu'il 
apportait ne tardèrent pas à être reconnus pour la plupart fantaisistes, 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'îSLAM 89 

et il fut remercié pour cette raison. Mais en admettant que les rensei- 
gnements fournis à M. Mouliéras ne contiennent aucune exagération, 
ils ne permettent pas de conclure que leur système religieux soit un 
« déisme pur » ou même un « déisme sceptique > (p. 331). La conclu- 
sion (p. 332) prouve seulement l'ignorance de cette tribu, ignorance qui 
était générale dans le Maghrib central au xv<* siècle et dont les traditions 
relatives aux prédicateurs venus de l'Ouest nous donnent de nombreuses 
preuves (Cf. Trumelet, Les Saints de Clslam et l'Algérie légendaire^ 
passim). Bibliographie : Huart^ Littérature arabe, C. R. par René 
Leclerc. 0. Houdas et W. Marçais, Les traditions islamiques traduites 
duSahih d*El Bokkari, Important compte-rendu par A. Bel. Il aurait 
pu regretter la suppression des isndds. R. Basset, Contes populaires 
d'Afrique, C. R. par A. Bel. 

T. XXIV, 1904. 

Avril-juin. Lettre adressée par le prétendant aux habitants de Tazay 
trad. par Viala. 

Juillet-septembre. A. Mouliéras, Une tribu zénète anti-musulmane 
au Maroc (suite). L'auteur, après avoir soupçonné les Zkara de pro- 
fesser « un déisme sceptique » reconnaît ensuite chez eux le positi- 
visme d'Aug. Comte quoiqu'ils ne possèdent pas € l'ampleur ni le 
développement du système de l'illustre maître de Littré » (p. 235). En 
présence de ces expressions enthousiastes, souvent peu conséquentes 
avec elles-mêmes, il est permis de faire des réserves sur ce qui est dit 
des <( Rousma, directeurs spirituels des Zkara ». Quant à Sidi A^med 
benYousof, auquel ceux ci se rattachent, il m'est impossible d'admettre 
l'upinion avancée par M. Mouliéras et d'accepter comme authentiques 
et les dictons satiriques attribués au ouali, publiés par moi en 1890, et 
les descendances problématiques de ceux qui prétendent se rattacher à 
lui. Quiconque a étudié sérieusement l'histoire d'unouali du xwi^ siècle, 
ne pourra jamais croire à un « Janus religieux à double face, la face 
tournée vers les Mahométans, toujours refrognée, grimaçante et gron- 
dante, tandis que celle qu'il laissait voir aux incrédules (!) respirait la 
bonté, la douceur, la tendresse d'un père pour les vrais fils de son cœur 
et de son âme >. M. Mouliéras pourra apprendre comment on étudie la 
vie et les influences d'un saint en lisant le mémoire que M. Destaing a 
consacré à Sidi '1 Howâri. Les renseignements qui suivent sur le mariage 
et les fêtes devront être vérifiés. 

T. XXV, 1907. 

Janvier-mars. Mouliéras, Une tribu zénète anti-musulmane au 



90 REVUE DE l/HrSTOIRE DES RELIGIONS 

Maroc (fin). Vie (d'après la tradition) de Amor ben SHman, d'origine 
juive, disciple d'ÂAmed ben Yousof et, suivant quelques-uns, fondateur 
de la religion des Zkara. L'auteur examine si ceux-ci sont francs-maçons 
et répond par la négative: la question ne méritait même pas d'être posée. 
D'après les renseignements fournis, les Zkarasne feraient pas de pèleri- 
nage à la Mekke, pas plus du reste qu'au tombeau de Sidi AAmed ben 
et Yousof à Mi liana. Digression sur r« École arabe musulmane ennemie 
du Progrès et de la Libre-Pensée ». Sans contester l'exactitude des 
idées qui sont émises, on peut trouver qu'elles ne sont pas à leur place 
dans une étude qui doit rester absolument scientifique. Les Zkaras n'ob- 
servent pas le ramadbân, ne visitent pas les mosquées ni les qoubbas. 
Renseignements (qui seraient à contrôler) sur les R'ouatha qui pré- 
tendent descendre de Sidi AAmed ben Yousof et, tout en portant le titre 
de marabouts, n'en vivent pas 'moins comme les Zkaras. L'auteur con- 
tinue par l'bistoire de la révolte du Rogui (Bou Uamara) et sa légende, 
les relations des Zkaras et des Gbiatha avec lui et avec Bou Amama et 
termine en mentionnant les groupes marocains et sahariens « affi- 
liés au zkraouisme ». Il est évident que les populations signalées par 
M. Mouliéras constituent un groupe particulier au Maroc, et par là, son 
travail a une certaine valeur; mais, d'un côté, il eût gagné à être écrit 
dans un style plus simple, et de l'autre, il est exagéré de les considérer 
comme des positivistes et de les croire en possession de la doctrine ésoté- 
rique de Sidi AAmed ben Yousof. Il aurait été plus à propos de les rap- 
procher, si Ton prétend qu'ils sont réellement anti -musulmans, de 
cette tribu de l'Atlas, entre Aghmat et le Sous, qui, au xi« siècle de 
notre ère, suivant El Bekri, adorait encore un bélier ; ou des Berghouata 
qui furent exterminés dans l'Ouest par les Idrisides et les Almora vides 
et qui paraissent n'avoir pas plus tenu à Pisiam que les Zkaras. 

Avril-juin. A. Bel, Le XI V"^ Congrès des Orientalistes (Alger, 1907). 
Bibliographie : René Leclerc, Le Maroc septentrional, G. R. par 
Th. MoNBRUN ; Gaillard, Une ville de rJslam. G. R. par J. G. 

Juillet-septembre. Abd es Selam ben Ghoaîb, La tehiâa ou mauvais 
génies ravisseurs des enfants en bas âge. Gontribution intéressante rela- 
tivement aux superstitions de la région de Tlemcen. Les enfants mou- 
rant en bas âge sont considérés comme enlevés par les djinns. Plu- 
sieurs moyens sont employés pour prévenir ce malheur; la femme 
enceinte fait un pèlerinage chez un marabout des Traras qui lui coupe 
un petit morceau de l'oreille gauche : ce sacrifice éloigne à jamais les 
génies ; la femme doit rester muette pendant tout le pèlerinage et donne 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'isLAM 91 

cinq francs au marabout. Ou bien on enferme dans le linceul de Tenfant 
mort l'aiguille avec laquelle on Ta cousu ; ou encore ou brise au-des- 
sus de la tête de l*enfant mort un plat de terre dont on enterre les débris 
avec lui. Ces pratiques sont destinées à protéger ceux qui doivent naître 
ensuite. Un autre moyen consiste à faire détruire par la femme enceinte 
des feuilles de laurier-rose cueillies dans des circonstances spéciales. On 
se procure aussi, dès le septième mois de la grossesse, une poule 
noire qu'on élève; si elle s'enfuit, les djinns sont supposés partis avec 
elle ; si non, onla tue le jour de la naissance de Tenfant et l'on sert le 
bouillon à la mère. Quand le septième jour, on donne un nom au nou- 
veau-né, on tue un mouton, la femme se ceint de ses entrailles que le 
mari coupe quelques instants après; on croit que les djinns sont coupés 
de même. Dans d'autres cas, au lieu de tuer la poule, on la lâche dans 
le quartier juif : les génies la suivent. Bibliographie : Cour, Vétablis- 
sèment des dynasties des Chérifs au Maroc, Compte-rendu élogieux de 
cet excellent ouvrage. 

Octobre-novembre. F. Albert, Les Ouled Djanr, Renseignements 
sur cette tribu pillarde entre TO. Guir et la Zousfana et ses relations 
avec la zaouya de Kenadsa dont les 0. Djerir sont les serviteurs spiri- 
quels. 

T. XXVI, 19i)6. 

Janvier-mars. Bibliographie : Gentil, Explorations au Maroc. Ana- 
lyse par Doumergue. 

Avril-juin. P. Albert, Les tHbus du Sahel atlantique. Peu de 
détails sur Tislam : l'auteur ne connaît pas les travaux antérieurs bien 
plus complets que le sien : la Relation de Sidi Brahim; celle de Bou'l 
Moghdad ; les Renseignements géographiques de Faidherbe, les mémoires 
de Gatell sur le Sous, TO. Noun et le Tekna ; les 7'rihus du Sud-Ouest 
marocain par A. Le Chatelier ; les indications fournies par Barth,dans le 
tome V de ses Reisen und Entdeckungen et les articles publiés dans 
V Annuaire du Sénégal etc. Quelques inexactitude : par ex. p. 117, la 
Saguiatel Hamra n'est nullement la limite méridionale du berbère ; entre 
cette rivière et le Sénégal, les Trarzas, entre autres, parlent berbère. — 
Aboes Selam benCho'aib, f^es croyances populaires chez les indigènes 
algériens : Er Rehat ou moyen de nouer l^ aiguillette. Description des 
procédés employés et des remèdes appliqués. — Bel, Une conférence sur 
La poésie arabe anté-islamique. Bibliographie. Doutté, De l'Atlantique 
à Merrâkech ; Abd es Selam ben Cho'aib, Usages de droit coutumier 
dans la région de Tlemcen. Comptes-rendus par A. Cour. 



92 REVUE DE l'histoire DES RELKÎÎONS 

Octobre. Gogualons, Une fraction des Ghenanma dans la banlieue de 
F as. Renseignements intéressants sur Une tribu saharienne dont les 
membres se prétendent issus de Sidi A^med ben Yousef, ce qui semble 
en contradiction avec la date (xii" siècle) attribuée à leur émigration. Les 
citations extraites de V Histoire de l'Algérie de Cat sont sans valeur. 

Décembre : Bérenger, Notice sur la région de Béni Abbès, Quelques 
détails sur les cérémonies religieuses et les superstitions. —P. Albert, 
La zaouya de Kerzaz. Description détaillée de l'importante zaouya de 
la Saoura dont h fondateur, AAmed ben Mousa^ mort vers 1600, pré- 
tendait descendre d'Idris (il manque un degré entre Idris ben 'Abd- 
AUah et son petit-fils Mohammed). L'historique de la zaouya est résu- 
mé probablement d'après un Kitdb el Manâkib dont un manuscrit y 
est encore conservé- Les renseignements donnés sur les Zkara (lire ainsi 
au lieu de Zgara) affirment, contrairement à l'opinion émise par M.Mou- 
liéras, que cette tribu est non pas anti-musulmane, mais seulement peu 
pratiquante. 

T. XXVII, 1907. 

Mars. Bauger, La confédération des Beni-GuiL L'étymologie de ce 
nom (fils de la sieste) n'a rien de sérieux. Les confréries religieuses qui 
comptent le plus d'adeptes sont les Derkaouas et les Kerzazias ; puis 
celle de Sidi Abder Rahman Mouley Sehoul, des Tayybias d'Ouzzân et 
des Zyanias de Kenadsa. 

Octobre. El Hachemi ben Mohammed, Traditions, légendes, poèmes 
sur Figuig : sur Sidi A^med venu des Béni Iznacen au iv* siècle de 
l'hégire et fondateur du ksar de Béni Ounif ; sur Sidi AAmed ben Mousa ; 
sur Sidi Slimân bou Smaha qui aurait été un des disciples de Sidi 
AAmed ben Yousof à qui on attribue par erreur l'épreuve faite par Sidi 
Aissa (fondateur desAïssaouas; (Cf. De Neveu, Les Khouan^ Paris, 1846, 
in-8, p. 73 ; Masqueray, Souvenirs et visions d'Afrique^ Paris, 1894, 
in-18 jés., p. 140-141 ; Rinn, Marabouts et Khouan^ Alger, 1884, in-8, 
p. 306-307) : cf. d'autres légendes sur Sidi Sliman Abou Smaha dans 
De Colomb, Exploration des Ksour (Alger, 1858, in-8 p. 8-9). Une de 
celles dont il est question ici (Pourquoi la ville de F as est inclinée), 
rappelle une tradition semblable sur Alger : le héros est Si Ghobrini 
(cf. mes Nouveaux contes populaires berbères^ n° 99). Les autres 
légendes ont trait à Sidi MoAammed ben Mejdoub et à Sidi Cheîkh. La 
légende du changement de nom de Sidi Cheîkh qui se nommait d'abord 
Sidi Abdel Qâderest déjà donnée par Trumelet, L'Algérie légendaire 
(Alger, 1884^ in-8, p. 306-307). L'article se termine par des poèmes 



BULLETIN DES PÉmODIQUES DE l'ïSLAM 03 

dont il serait intéressant de publier le texte. — Renard, Au Maroc, de 
Tanger à Fas. Le chapitre iv. Au tombeau de Mouley Jdris (p. 303) ne 
contient nullement la [description de la fameuse mosquée : c'est une 
simple anecdote de voyage. — Bibliographie : Destaing, On saint musulman 
au XV* siècle : Mohammed ben Cheneb, Proverbes arabes de l* Algérie . 
G. R. par A. Cour qui donne à ces deux ouvrages des éloges mérités. 



Ck)MPTES Rendus de l'Académie des Inscriptions. 

1903. 

Mars-avril. Doutté, Les Tas de pierres saciées et quelques pratiques 
connues dans le sud du Maroc, C. R. par M. Clermont-Ganneau, qui 
conclut ainsi : « Le mémoire de M. Doutté, avec les précieuses observa- 
tions qu*ii contient, est une contribution importante à Tétude de la 
question et il devra en être désormais tenu grand compte d. 

Novembre-décembre. Bel, Les Benou Ghanya ; Id., /.a Djazya : 
comptes-rendus élogieux par M. Barbier de Meynard. 

1904. 

Janvier- février. Présentation par M. Barbier de Meynard du t. I du 
Tarikh è Gozidè, chronique musulmane publiée et traduite par M. Gan- 
tin. Cette première partie n'est qu'un abrégé assez sec dlbnel Athir et 
de Mirkhond ; la seconde, contenant des récits détaillés sur les dynas- 
ties mogholes et turkes est plus importante. 

Mai-juin. Présentation avec éloges par M. Barbier de Meynard de 
deux ouvrages de M. René Basset : Contes pqpulaires d'Afrique, et 
Deux manuscrits d'une version arabe inédite des Sept Vizirs. 

Novembre-décembre. Présentation par M. Barbier de Meynard de 
l'édition et de la traduction par M. René Basset d'un Extrait de la 
Description de l* Espagne. 

1905. 

Mars-avril. Berthelot, Notes sur des inscriptions arabes ^ persanes 
et chinoises du Chan^si, du Ho-nang et du Chau'toung. Les ins- 
criptions musulmanes ont été relevées dans les vieilles mosquées de 
Si-ngan-fou et de K'ai-fong-fou. Quelques-unes des inscriptions chi- 
noises estampées dans la première de ces villes intéressent l'islam; 
l'une d'elles donne la généalogie des Saï qui prétendent descendre du 
Prophète et gouvernèrent longtemps l'apanage de Hien-yang. Une 
autre mentionne la réédification d'une mosquée en 1526 par un empe- 



Vv *;> • t '.»i 1. f:*T '•:*.» !«L- KEL••JJt»^•^ 



ib» «<sr» w. VfiuiUMïUT o^ M. 1»>«L l^janp àBÊOBDoaan du Profàkét^ 

ttiuiiwiifdu^. Il ufi fitrMifiiiii^ gu: iu::^ etvnre ô» MnsafanBi» liére- 

4i«f j[v* i»k«9f:i^ r^jtHiv«r 'jesui qui E^îUueLt H^kiîbt a Cknt-aifiui aii 
/.if iMts^;^. MPXA in rxmcttitt cf'IiiL Huuza. o«r ia tunîUe on ProyÉMie. La 

■A^M^jVitj l^tL'^yor 0^ MM. j. PanMXE et bàJ^EiOL he MzrrKAKb sar k 
Xi V' ^y^iffi^t c*rt OneciUJieUft tci&u a Al^-er et bdq importukoe au poiiit 
'>; yu^ <kï>; g*;'uf.U'juit éstxXsH Mut^ljKUixie et f.'jropéen5. — PrêaeotatxiB iv«c 
•-î<.iiU!f pt»f M ii \Mgr*:siï^>\àr^ du Jirre de M. Nio-jlas. Seytfid AU 
Mohj^mtfté'd dd It hah : par M. liarbier de Me^iurd. da Hecmeii ie 
tfi/'Uéj/t/t^i ifi /#://^t fMibliéi! par le& professeurs de l'Ecole des Lettres et 
de« 9ii^*^t*Jêt % iVy;a^ioo du 0>a;fres de^ Orientaliste?. 

^Uf/jl/f^v.-t/^hre. M. Barbier de Meyiiard présente le Musée de 
/Umr^/t, p«f W, MAf.^Afi», et fait ressortir la valeur de cet exœlleat 
'/•iyi¥/^ |y/4i/ i^ ^ade« ffjui»uJfi}arjef<. — Lcoer, Lmvasion latmre dams 
ia hilhuiinf. nikut*, du in/iiitn^itjti^ tableau animé de la dominatioii 
#/iM»<i)rii«rj«r «ffj Hti^ié: au xnr et au xiv^ siècle, surtout diaprés les tim- 
d / f i>/fi « p'/pu 1 « I r';n . 

' *t,)fi^m\trH Ouvrage prHfjiUi : Kl B^iKHARi, trad. par Hondas et 
Mar/;4i>s 0. H, favorable par M. liarbier de Meynard. 

AvmI, i'r^^nt^uiitUou |iar M. Clermont-Ganneau de 1 ouvrage du 
h* WiMi»'#i^MftKM, /'foiM mon d'' minpafjiie au Maroc : il renferme des 
t\MHi\n int/«r<tH«aritM mïv riitlam uctutfl. 

Jijtii îSai,aoin, domviintirfiiKm nur It» rninhar de la grande mosquée 
/A* ijtniniiiiti II. l)KMKN|}oi;f<(;, Communication sur deux inscriptions 
ftroht^t ///» hifni-llfhr. \m pn^nlAre, de Mahmoud ibn Ortoq a été étu- 
d)/tM d'iiiiM lnroM iihin cornphiUi par M. Van Herchem [Arabische Ins^ 
I /nt/frin au» Armt*rttt*fi,('»()iiiu[Hi*u, 1907j. — Présentation avec éloges par 
M llttrliMu d« Mnynai'd, du (orne III des Arfcs du XI V*» Congrès des 
(fni'iihihutt'iif l'uninnanl lu pmniifVo partie (l«s mémoires sur l'islam. 






BBLLETIN DES PÉRIODIQUES DE L^ISLAM 95 



FOLK-LORE. 
T. XIV, 1903. 

N" 3. Faushawis, Dehliy Pcust and Présent, G. R. par W. Crooke. 
Le livre renferme d'intéressantes traditions religieuses musulmanes 
indiquées par le critique. 

T. XV, 1904. 

N" 3. Weir, Tke shaikhs of Morocco. C. K. par W. Crooke. L'au- 
teur de\ Tarticle signale l'importance du l^ivre au point de vue de 
l'hagiologie musulmane. 

T. XVI, 1905. 

N"l. E. Westermarck. Midsmnmer's Customs in Morocco. Descrip- 
tion, par un témoin oculaire, de quelques fêtes au Maroc : chez les 
Andjra, le jour de V'ansara, le 24 juin, on allume des feux qpii ont la 
propriété d'écarter le mauvais œil et de guérir des maladies ceux qui, 
hommes, femmes et enfants, sautent par dessus. Cette coutume existe 
aussi chez les Arabes Mnasara et les Brâber des B. Mguild. Chez les 
Iniknafen, tribu chelha de Uahra, on brûle de la bouse de vache près 
des ruches. La qualité purificatrice ou préservatrice du feu est attribuée 
à la fumée. D'autres cérémonies par Teau ont lieu le même jour : chez 
les Andjra, on se baigne dans Ja mer et on fait baigner les animaux 
pour écarter la maladie ou les accidents. La propriété attribuée à l'eau 
de mer Test aussi à Teau de la pluie tombée le 27 avril {nhar iaisan) 
qu'on garde soigneusement pour l'employer ensuite comme remède. 
Chez les Rifains et les tribus de l'Andjra, une incision à un figuier est 
un préservatif pour la santé de l'arbre. Le laurier-rose a également une 
propriété salutaire, comme le pouliot et la marjolaine, surtout pris aux 
environs de Tansara. Cette fête parait tenir une place importante chez 
les Marocains, en vertu de la haraka (bénédiction) qui lui est attachée. 
La fête de VAchoura est aussi marquée par des bains à Demnat dans le 
Grand Atlas. Cette fête a déjà été décrite par Cowan et Johnstou, Moo- 
rish Lotos Leaves (Londres, 1883, p. 117 et suiv.). Des détails plus 
complets sont donnés dans l'ouvrage actuellement sous presse de 
M. Saïd Boulifa (Textes berbères en dialecte de l'Atlas marocain^ p. 146- 
167). Les cérémonies de la fête de l'Achoura sont aussi mentionnées 
dans Mouliéras, Le Maroc inconnu, t. U, Oran, 1899, p. 518-519; 
Doutté, Merrdkech, V fasc. Paris, 1905, in-.4, p. 371-372. La légende 




06 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

prétend que ^An^ara était une femme chrétienne (sic) qui vivait au temps 
d'Abraham. Il était son ennemi, mais, grâce à sa bonne vue, elle infor- 
mait son mari de toutes ses actions (Cf. la légende de Zarqa el Yemama 
dans le Yémen). Les amis dlbrahim fmirent par la brûler. Il est à 
remarquer qu'à Ouargla, la fête de V'ansara [Tfaska n n'ansret) 
comprend des imprécations contre ure femme infidèle, Stoul l k'afiririy 
ennemie de Fâ^imah, fille du Prophète, et de *Ali. L'auteur termine en 
rapprochant de ces coutumes un certain nombre d'exemples fournis 
par Frazer [The Golden Bough) ; toutefois, il se prononce contre l'hy- 
pothèse d'un emprunt. Cf. aussi sur la fête d'El'Ansara : Destaing, 
Fêles et coutumes saisonnières chez les Béni Snous. Alger, 1907, p. 261- 
272; Doutté, Merrâkech. Paris, 1904, in.4°, fasc. I, p. 377-379. 
T. XVII, 1906. 

N^ 2. Sayce, Cairene Folk-lore, Recueil de diverses anecdotes dont 
l'une est l'abrégé de la seconde partie d'un conte des Mille et une nuits 
dont la plus ancienne version se trouve dans Ibn Khallikhàn (Oua- 
fayat el 'Aydn^ I, 240) avec Abou Dolâmah pour héros. Ici il est remplacé 
par Abou Noouâs, comme dans la version souahilie (cf. Bûttner, Antho- 
logie aus der Suahili Littérature, p. 92-93). La X» anecdote est une 
variante de la fable de la cigale et de la fourmi : celui qui dort le matin, 
n'a pas de grain le soir. La XV« est la reproduction de la fable bien 
connue : le lion, le loup et le renard (La Fontaine, VIII, 3) : le loup est 
remplacé par la hyène, comme dans une version en dialecte nouba de 
Fadidja (Reinisch, Die Nuba-sprachey I, 198). La XV1% le corbeau 
et son fils, est une variante d'une fable cité par Meïiiàni {Madjma* el 
amthôL Boulaq, 1284, 1, 199). Quelques-unes (V, VI) sont dirigées contre 
les Syriens, ou contre les Nubiens (XII, XIII). L'article se termine 
par l'énumération des diverses superstitions et coutumes populaires. 
T. XVIII, 1907. 

Karim Haidar Lodi. Folk Traditions of the Mughal Emperors, 
Recueil de traditions sur les personnages historiques de l'empire des 
Mogholsdans l'Inde : Chîr khân, le vizir de Châh-Djihan ; Comment 
ChàhDjihân désigna son successeur. Aureng Z'ib et le Qôran; Aureng- 
Zéb et son précepteur; Aureng-Zéb et le faqir Sarmad. Ce dernier misa 
mort, suivant la légende, pour n'avoir pas voulu répéter la formule 
pieuse légèrement inexacte que prononçait Aureng-Zêb, et de qui la tète 
parla après son exécution, était en réalité un Arménien qui devint fou 
d'amour pour une fille hindoue, s'attacha à Dara, fils aîné d'Aureng- 
Uhy qui ie fit exécuter comme hérétique en 1661 . 



BULLETIN DES PÉUiODIQUES DE l'iSLAM 97 

La Géographie. 

T. XII, 1905, 2« sera. 

15 juillet. P. Lemoine, Le royaume de Merrâkech. Description géo- 
graphique sommaire de la région de Marrakech sans rien qui se rapporte 
spécialement à T islam. 

T. XIV, 1906, 2« sera. 

15 décembre. Barbier de Meynard, ISote sur un fragment du 
manuscrit arabe copié à Araouan par le lieutenant Cartier, Roman 
historique sur une prétendue expédition de *Oqba ben Nafi*, au cours 
de laquelle il aurait fondé Es Souq sur les ruines de laquelle s'éleva 
Araouan. Ce document, écrit évidemment par un taleh médiocrement 
instruit est curieux en ce qu'il nous montre conmment se fabriquent 
les traditions soi-disant populaires. 

T. XV, 1907, l«r sem. 

15 janvier. E. F. Gautier, A travers le Sahara français. L'appella- 
tion de Koceilata à une ruine d'Es Souq est due certainement à un 
demi-lettré et d'origine relativement moderne comme d'autres attribu- 
tions de ce genre dans l'Afrique du Nord. La tradition populaire n'a 
absolument rien à y voir et Ton ne saurait y « déterrer comme un der- 
nier vestige du drapeau national ». On peut s'en rendre compte en 
comparant la légende telle qu'elle a été conservée chez les Musulmans 
plus instruits, les Kounta (Ë. Gautier, A travers le Sahara français^ 
2« article, p. 147). 

15 février. E. F. Gautier. A travers le Sahara français (suite). Ren- 
seignements intéressants sur deux marabouts kounta : Abiddin et Ilam- 
mouadi. 

GlORNALE DELLA SoCIETA ASUTlCA ITALIANA. 

T. XVI, 1903. 

Bibliographie. 

2^ partie : Pizzi, L'islamisme] ïo. Litteratura araba, G. R. p. F. L. 
T. XVII, 1904. 

7 



î^^ hL'ilL :E LHi^I'îrE I-L? RELIGIONS 

A. J^î.L. Lw Btri'jyji h':2'\.i. Mat jaIs. Lf lAiîecîf a^a^-f />arZ> 2 Tiffr 

î rTi : Be EX EP . ^r ' r \f z'^' *jtt:\\:'r.* ^ if ;;. r !*«* Hntrr d^em lilam : l3 

ffj q '1 '1 i . êi . Ke rri : A m l : ?. cz, 7 r, ^ 'r . j : .'r-, : ,; ; r-jma in* of Hi l4l « >a h\ ; 
liH0i/>j:iiNA>:i5. Al 11:2'.^.: V\> Bt=.:HEM. A''j''îffA^ Insrkrifï^u xi 
SyTirft il. MlR'VIER lire Ma? Aji . .>rr m#:r.i:nVfw ara^f du Hju-* 
d^ 7 lernr m : Z ti !■ an . W f : : . ■? Ye : .3 r '. :• i ti î . ."'ii wi U5u./fna n ^ ; Docnt 
/^i rctî d^ hir' ti S'2: ri. Les conQpî«5-reûius de ces divers oaYnfë 
fcOût O'j- Â I^'. G'j:i: qj: e..r se: rie deè ^l?,:e5 mérités. 

îh pjrt:e h.L :vgrjphi-r : Ya-:Ya :rN KhalijOUn. Histoire des Bt^\ 
Ahd *:i W'id. éj. \Wv ; C-vj.. A-: j'-.iii- •'!-•^: jV* d*jna%tits des Chf'lfi 
au Mar-j'i: A. 'ie MjTylinïe::. Af «iii »•:•'.?-. de f{'€damf^s. Comptes reo* 
du* élo^ieux L.ar I^-. Gu:Ji. 

T. XVIJÎ, r«jo 

I >i t j 1 ; 0;' ra : ■ h i e . A'--: u- « ' 'i-' * - : v 5 •" i -i- v< r vi 1 r -?* ;> uà iiès par les Pro- 
f^^teuii d- CL"'/- dr^ L't' -f •. r d'':s Medersas en f honneur du 
AIV' C'jn^p' f dei 0>i^}V"l -U.. C. R. par I. Guidi, 

T. XIX. lî^rfi. 

2* parti*:, hinli^riphie. Ino.<tranze-.v et Smirnov. Afaten'aly dlia 
bih ii'j'fiap h < t //i '/ > K ///< an-'.i' a rch •■ •> /•»■; < = : Mon am mfd ben Ch eneb* Ptù- 
veihf',^ fiiahf;\ dK l'Alff'M' ^t du M-irt".!*: Z eu-an. Histoire de la eiri- 
li\afiOfi iioihulmun^', Part: V. V«»LLï:f.?. A 1 1 j 1 ^^ d'-r islamise hen^ christ- 
iuh'i 'jt nniai'.v:fum, jud't^'.li^n und <a'/i:ntt'.inischen Handschriflen 
der lJiiu:nrutni'Jj'.hU(jlif>h zut Ae</':«7. C R. favorables par 1. Guidi; 
Ae mond't oriental. C. R. par Ciardi-Dupré. 



Jorï;NAL ASIATlnL'E. 

X^^•''^i<^ t. 1. 1903. 1.,. sem. 

Mars-avril. Rkl, La J>j'iz]j'K chanson arabe fin . — Halévy, Houdti 
Clu/axh, vj)j\\(ti:\\im in^'énieuse, mais peu vraisemblable d'après laquelle 
ces deux noms arabes seraient une altération graphique de noms 
bibliques : l'un d'après l'hébreu, Hour, compagnon de Moïse; l'autre 
d'après le syriaque, Habab, roi d'Edorn. Il faudrait expliquer d'où vient 
ce choix de personnages obscurs qui n'ont rien de commun avec la 
légende de Houd et celle de Gho'aïb. — TI.vlkvy, ^v''«^*f . Identification 
deh noms de quatre prophètes, mentionnés dans le Livre de la Création 



BULLETIN DES PÉHIODIQLES DE l'iSLAM 99 

en qui l'auteur croit retrouver les trois compagnons de Daniel et le dieu 
syrien Ba'al-chamin. 

Mai-juin. L. Bouvat, Histoire de Yoûsouf Chahy trad. du turk azari 
de Mirza Fath *A]i Akhonzâdè. Cette pièce de théâtre a pour fondement 
un fait historique assez singulier : sur le conseil de son astrologue, 
Chah Abbâs I, fondateur de la dynastie des Séfévis, pour éviter une 
catastrophe, abdiqua le pouvoir qu'il laissa pendant trois jours à un 
sellier hérétique nommé YousouO. Le danger passé, Chah Abbâs reprit 
la couronne. Bibliographie : E. F. Gautier, Notes sur t écriture antai- 
moro. C. R. avec quelques observations par G. Ferrand. 
T. II, 1903, 2° sem. 

Juillet-août. R. Basset, Deux manuscrits d*une version arabe inédite 
du recueil des Sept Vizirs. 

Septembre-octobre. Bibliographie : Gàntin, Tarikh é Gozidè, G. R. 
par Barbier de Meynard qui, tout exi reconnaissant l'importance du 
livre, signale le manque de méthode dans les transcriptions et Tabsence 
de préface. 

Novembre-décembre. G. Ferrand, L'élément arabe et Souahili en 
malgache. Étude, intéressante pour l'histoire de Tislara, sur la double 
source des mots d'origine arabe qui se trouvent dans les manuscrits 
arabico-malgaches^dont Tauteur poursuit la publication avec autant de 
zèle que de compétence. 
X« série,t. ill, l^r sem. 

Janvier- février. Max Van Berchêm, Notes d'archéologie arabe, II/. 
— Gabaton, Une traduction interlinéaire malaie de la 'Aqidut d'fJl' 
Senousji. 11 est curieux de voir Tinlluence du docteur maghribin 
s'étendre jusqu'en Malaisie. Comme le fait remarquer M. Gabaton, ce 
fait est dû aux relations des lies de la Sonde avec la Mekke qui sert de 
point de rencontre entre l'Occident et l'Orient. En ce qui concerne Es 
Senousi, il aurait pu rappeler qu'après Wolf, M. Luciani a donné une 
édition du texte avec une traduction française (Alger, 1894, in-8). Gomme 
source pour la vie de l'auteur, il aurait pu citer (sans parler des articles 
que lui ont consacrés Ibn Maryam dans le Bostân, Ahmed Baba dans 
le Nail el Ibtihddj, Ibn 'Askar dans la Daouhat) Brockelmann, Ges- 
chichte der arabischen Liiteratur, II, 250. —Bibliographie : G. Salmon, 
L'Introduction topographique à l'histoire de Bagdadh. G. R. par De 
Goeje qui signale un grand nombre de corrections; Van Vloten, Tria 
opuscula, auctore... Al IJjahiz G. R. par Huarl; Carra de Vaux, 
Gazali. G. R. par Huart : « L'élude de M. Carra de Vaux apporte bien 



*% 1 l( 



lui) iii.\iii'. hh i/iii.>roii(i-: dks iu:lh;ions 

|iiMi \{o luuui 10 MU lit riiijitt ». I/aiiUmr do l'article indique une liste de 
io\uMu>u*>i|\u .uiiiûl pu (Mro i(llon>{ée. 

Mu . .\\\\\. \\i\A\\i^i'i\\\\\'u'- : AwDAS.llistour de la civilisation musul- 

, V l\ ïu\oiMldo |Mr lUî (iot'jo. 

V»' iu\\\ K\\\\.\\\\i\, l'nr \ecb' trîifjif'ust' dWsi*' Mineure^ les Kyz*jl' 

'. f ^«:,ii\aut l\i(iU'ui, V\v\\ qut' se disant musulmans sonnifes. maïs 

.-.a. \ i\x\ *.omu\o K'kS IVLtai'lÛ!*, le culte de *Ali et de ses fils, ils 

. >.» ,..\ i.» vhiêtieune oorroinpue. analojrue aux chrétiens de 

• i '. ?,' S.mioiIm \\\\ ol. 1.1 piv>',*ription de Hdfizdans le 3* vers 

I .1 .'..'. , ' .»o -'Il ' '. ' .'■/, od. do l.';îvtïoNv. lS8^>,p. 2 ,de ne pas ob&er- 

» I- ; i:.x •!.(■». i» uo t'niv m prwivs ni ablutions, n'est qu'une 

.t»i..' .. ,ti •'' 'lî ■ .'os.'i'ô' I-.* a \o(:Oriti::i qu'ils prote<sent pour 'Ali. 

V «■»;. - ;( .u-,»{i r:,.'siit' à i IV'je. Je verri:^ plit-^t dans leur doctrine 

.» .i .V* .•;i.j. :: q 1 'MjMriar.'îiien'. u^i s y ncr titisme de diverses reii- 

.x'»i-. .:. ..<■ . ^ il -.liv/iii^. rA Vs:..' M tieurti. ayant pour base le 

»i:s.,.,. 'i::»;îv;j.». il o '! v ;v. ,• i/ " ifthe. ^l, R. par Bouvat. 

\ i i v'. ' ■ *• M. ii.< ^. --e \ •« k. 

■I...V» .v,.i \ •. \ . NAi i ^l .-A •l»ki-S"V-Demombynes, /ît'tV/ 

». iise«;.'ii m» ijis 'ir'ciix -ur Tenseit^nement 

;.: !f * v.> .: îi.n.. - ; . t: .i-a^-' i '"euiLeu. ïîs complètent les 

.,;.;.» ',....*- •: \i " '■ ^^ : .1 < uin< s n \ 'id^? <xir le dialt>ct^ 

- 1 - • J '*■ - ' : . ' u \ / r , ' 'nti no uvelle sourc'^ 

N ;.M - i ■ i:-^ ; .: :: j'i '.umir au Prophète 

«-..:.... ■— ■ .■--;■. ■ :■ ■ -Mti-- e'^-^rin, M. Huart 

« . î ■ - ■ 1 • - Si:t Tui -iVlait pas chrè- 

V.. . »».■ «.-,' ' -. li- -. . ■>• i\ t: rej-ienié Les moines. 

- . . '^ -11- :• .- "- / Cr**ation d'Mi 

» ' <; i~. \.-- ->: -i^iui ie Sdiih et ie 

i ••■» -'^ "■: - |ui manquent 

"^ ^ i. r. - . .a>i-'-> LUI. en consé- 

- Il M :^ arait pas ri;;oa- 

.t> ....-LM jiie ia légende de 

. . .e< .-ULL répandue dans 

s aile par Zohaîr 

'uire jas seulement 

v:m- L^en Darràk ei 

-■ a, !trH)4, p. U : 

» '■.-■-■va-j, ■»;». iau'.i , 
..> -'tipjovées danâ le 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 101 

Qorân sont plus lappiochées de celles d*Omayya. La comparaison des 
termes désirant le paradis et l'enferme paraît beaucoup moins cer- 
taine. En somme, il resterait à prouver que Moliammed a connu les 
poésies d'Omayya ; aussi je pense que Sprenger a eu raison de se mon- 
trer moins affirmatif que M. Huart. Dans* une étude parue après celle- 
ci, le Rev. Bever aboutit aux mêmes conclusions que ce dernier, d'après 
un nombre plus considérable de citations d*Omayya; cependant, il 
n'est pas absolument certain que le poète ait devancé le Prophète 
(Umayya ibn AbVsSalt, Mélanges delà Faculté orientale ^ I. Beyrout, 
1906, p. 196-227). Dans son mémoire, M. Schulthess (Umajja ibn 
Abi *s Sait) a repris la question avec une critique plus pénétrante ; il 
écarte bon nombre de pièces attribuées à Omayya et, en ce qui concerna 
l'origine de ces traditions, il se prononce pour une influence yéménite, 
non syrienne {Orientalische Studien Theodor Nôldeke geividmety t. I, 
p. 70-89, Gieszen, 1906). — Barbikr de Meynard, Scènes delà vie per- 
sane. Ces quelques pages extraites d'un manuscrit inédit en font désirer 
vivement la publication. Bibliographie : Browne, Persian historicaltexts, 
G. R. par L. Bouvat. 

Septembre- octobre. Cl. Huart, Wahb ben Monabhih et la tradition 
judéo-chrétienne au Yemen. L'auteur a rassemblé les traditions attri- 
buées à ce personnage d'origine juive : intéressantes pour le folk-lore, 
elles ont au point de vue historique tout juste autant de valeur que 
celles dont la paternité est prêtée à Ka'b El A//bar que M. de Slane n*a 
pas eu tort de traiter d'impudent menteur. M. Huart ne paraît pas avoir 
connu les chapitres concernant Wahb dans l'ouvrage de M. Chauvin, 
Larecension égyptienne des Mille et une nuits (Bruxe/les, 1899, in-8°, 
p. 51-58). Bibliographie : L. Bouvat, Nouvelles bibliographiques : 
Lamiyyatal Adjern^ trad. Raux ; Hell, Das Leben des Ferazdaq ; Land- 
BERG, Die Mehri Sprache; Die Ilunde von Azzan ; Collecciones de estu- 
dios arabes. 

Novembre-décembre. Bibliographie : Tbn Qotaïbah, Liber poesisy éd. 
De Goeje. Compte-rendu détaillé de cet imp)rtant ouvrage par 
M. Barbier de Meynard. — A. de Motylinski, Le dialecte berbère de 
H'edamès, C. R. par 0. Houdas. 

X« série, t. V, 1905, l«f semestre. 

Janvier-février. Bibliographie : KUMAIT Die Hasimljjdt, éd. Horo- 
witz C. R. par De Goeje qui fait ressortir l'importance de l'œuvre et 
indique des corrections. — Ciiristensen, Recherches sur les Ruba'yyah de 
Omar Hayyam. C. R. favorable par L. Bouvat. 



102 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Mars-avril. Cl. Huart, Les anges Charahil et Baramil. Explication 
par Thébreu des noms de ces anges mentionnés dans un récit attribué à 
Wabb ben Monabbih. — Bibliographie : Cour, Etablissement de la 
dynastie des Chéri fs au Maroc. C. R. par Houdas. Ce dernier est porté, 
à tort à mon avis, à diminuef Timportance de l'élément religieux dans 
les révolutions marocaines. 

X« série, t. VI, 1905, 'J^ semestre. 

Septembre-octobre. G. Ferrand, Un chapitre d^ astrologie ma'gache. 
Commentaire d'un chapitre de la Relation de Flacourt à l'aide d'un 
manuscrit de la Bibliothèque nationale. 11 est relatif aux heures favo- 
bles ou défavorables. — Saïd Boulifa, Manuscrits berbères du Maroc, 
Description des manuscrits recueillis par l'auteur pendant sa mission. Ils 
contiennent des textes berbères, traduits de l'arabe, sur des sujets reli- 
gieux. 

Novembre-décembre. Marchand, Conte en dialecte marocain. Biblio- 
graphie. Catalogue des manuscrite si/riaques et arabes de Mgr. Addax 
S cher. C. R. par Chabot. — H. de Castries, Les sources inédites de 
l'histoire du Maroc. C. R. par Gaudefroy-Demombynes, qui fait ressortir 
l'importance de cette publication. — Un jouira t arabe â Buenos Ayres ; 
— GiBB, A history of the Ottoman poetry. G. R, par L. Bouvat. 

X« série, t. VII, 1906, l*^"- semestre. 

Janvier-février. Bibliographie : Bkvan, The nnkaidofJarir and Al 
Ferazdak. C. R. par UuaLri. Persian fJistoriral J^erts, n. III Niciiolson, 
Tadhkimlu 7 Awllyd. Part. I. — Guy Le Strangb, The Land of Bas- 
tern Caliphnte. C. R. par L. Bouvat. 

Mai-juin. Bibliojrraphie : Ismael Hamet, Les Musulmans français 
du ISord de C Afrique, C. R. par H. de Charencey. 

X« série, t. VIII, 1906, 2^ semestre. 

Septembre-octobre. E. Dkstaing, Un saint musulman au xv^ siècle. 
Étude consciencieuse et complète, d'après des sources arabes en partie 
inédites, les travaux européens elles traditions indigènes, de la vie his- 
torique et légendaire d'un saint qui joua un nMe importanlau xv^ siècle, 
Sidi Mohammed El Haouwari. L'auteur examine d'abord la valeur des 
sources dont il s'est servi ; il passe ensuite à sa biographie dont il dégage 
les éléments historiques, puis aux miracles qui lui sontattribués. — Ben 
Cheneb, lyotice sur un manuscrit du v^ siècle dp Vkrgirp. Il s'agit d'un 
ouvrage très important de Mo/mmmed al Qaïiouuni El Ifriqy, continué 
par El Khochani et Abou '1 'Arab Mohammed ben Temim sur les 
savants et les docteurs de l'Ifriqyah. Ce sont les plus anciennes recueils 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 103 

que nous possédions, bien antérieurs à ceux de MoAammed El Mâliki 
(Eiadh en Nofom, presque entièrement inédit) et d'Ibn en Nadji 
(Maâlim et Imân, publié à Tunis, 4320-1325 hég.. 4 v. in-8!»). La 
publication intégrale de ce manuscrit serait très désirable. Au f» 28, 
lire Abou *1 //adjdjâdj RabaA ben Tkâbit (au lieu de Abt) ; f« 50, El 
Ghoryânii (au lieu de El Fornjany) ; f*» 56, Hamdîs (au lieu de Uomaïdîs) 
El Qàttàn, — Clermont-Ganneau, Traditions arabes du pays de Moab. 
Mention de rites antiques, en particulier du mannequin {0mm El Ghaith) 
qd'on promène pour obtenir de la pluie (et. le mémoire publié par A. 
Bel, Recueil de mémoires et de textes publiés par les professeurs de 
V Ecole des Lettres et des Medersas^ p. 49-98). 

Novembre-décembre. E. Destaing, Un saint musulman au xV siècle» 
Suite des miracles. P. 401-402, le miracle de la délivrance du Musulman 
prisonnier des chrétiens, grâce à la chienne du saint, est aussi attribué à 
Sidi Cho'aïb Ou Neftah chez les Temsaman du Rif. Le mémoire se ter- 
mine par une série de textes inédits extraits d'El Melâli {El-Mawâhib 
El Qodsyah), d'Es Sabbâgh {Bostân El Azhâr), d'Ibn Maryam {Bostdn)y 
du Commentaire de la Halfaw'iya d'El Djami'i, d'Ahmed ben MoAam- 
med [Etk Thigr El Djomâni)^ d*El Mazari (To/om' Sa'ad es Sa'oud). 
C'est un modèle de la façon dont on doit traiter les sujets de ce genre, 
de première importance pour l'histoire religieuse de l'Afrique septen- 
trionale au xve et au xvi^ siècle. Bibliographie : Bevan, Tke nakaid of 
Jarir and al Farnzdak, t. I, part. 2. C. R. par Cl. Huarl. — Mawerdi, 
El Ahkâm Es Soulthaniyaj trad. par Ostrorog, t. IL C. R. par Cl. 
Huart. 

X* série, t. IX, 1907, 1«' semestre. 

Janvier-février. Pelliot, Les Abddl de Païnap. Renseignements inté- 
ressants sur une population musulmane qui, portant ce nom, est 
redoutée, sinon estimée, du reste des habitants de la contrée. 11 n'est 
pas vraisemblable d'y voir des tsiganes ; l'hypothèse qui les considère 
comme les descendants chiites de ceux qui apportèrent l'islam en 
Kachgarie est plus vraisemblable. Bibliographie : Van Berchem, Une 
page nouvelle de Vhistoire d^ Egypte. Signale l'importance des papyrus 
de la collection Schotl-Reinhard. — Traugott Man, Tohfa rawï 
'/ ^Arab. Critique sévère et justifiée de cette publication par W. Marçais. 

Mars-avril. Barbier de Meynard, Sw^noms et sobriquets dans la 
littérature arabe. — Van Berchem, Titres califiens d'Occident. Mémoire 
d'une très grande valeur sur les titres d'émir el Moumenin et d'émir el 
Moslemin. 



104 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Mai-juin. Barbier de Mlynard, Surnoms et sobriquets dans la litté- 
rature arabe (suite). — Carra de Vaux, Talismans et conjurations 
arabes, — Bibliographie : Une nouvelle concordance du Qoràn, C. R. 
par J. de Goeje. 

X« série, t. X, 1907, 2« semestre. 

Juillet-août. Barbier de Meynard, Surnoms et sobriquets dans la 
littérature arabe (suite). 

Septembre-octobre. Barbier de Meynard. Surnoms et sobriquets 
dans la littérature arabe (fin). - René Basset, Le siège d*Almeria 
en 709. 

Novembre-décembre. G. Ferrand, Les îles Ramny, Lamery, Wak- 
wàk, Komor des géographies arabes et Madagascar, 



Journal of the Royal Asiatic Society. 

1906. 

l^ï" trimestre. Stewart Slitt, JSotes on some maldivian Talis- 
mans, Certains talismans des Maldives, en chiffres ou en lettres 
arabes, sont conformes aux valeurs attribuées aux nombres et aux 
métaux dans la cabalistique musulmane et sont évidemment empruntés 
à l'arabe. — Bibliographie : 7^he nakaid of Jaiir and al Farazdak, 
C. R. favorable par Lyall de cet important ouvrage. 

2® trimestre. Nicholson, An historical inqu'iry concening the origine 
and developnmenls ofsufism. Étude consciencieuse fondée, au point de 
vue chronologique des doctrines enseignées par les auteurs, des défini- 
tions des termes sou fi et tasawuf . M. Nicholson déclare modestement 
que ce n'est qu'un essai qui pourra être complété par des recherches 
futures : ce n'en est pas moins dès aujourd'hui un chapitre important 
de cette partie de l'histoire de la philosophie musulmane. Conformé- 
ment à l'opinion d'Ibn Khaldoun, le nom de Soufi serait dérivé de 
soufXdXne ; quant à la doctrine, malgré des traces indéniables d'influence 
chrétienne, surtout à l'origine, ce type de mysticisme serait né de 
l'islam lui-même en raison de l'impossibilité de la conception d'Allah 
à donner satisfaction à certains esprits. L'auteur examine ensuite la 
doctrine soufite d'après Ma'rouf el Kai khi (mort en 200 hég.), probable- 
ment Mandéen d'ori-^ine, en insistant sur Dzou 'n Noun, à la fois mys- 
tique et alchimiste, et sur Abou Yazid de Bis^àm. Arrivé au iii« siècle, 
il étudie l'influence grecque, et en particulier du néo-platonicisme sur 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 105 

l'Asie occidentale ; il en résulta qu'au ci^mmencement du iv^ siècle, la 
doctrine soufite existante fut développée et systématisée et que des doc- 
trines et des pratiques nouvelles furent introduites. Les innovations se 
reconnaissent déjà dans les dires attribués à Ma'rouf el Karkhi, de 
même que Dzou n Noun donna au souGsme sa forme permanente et qu'à 
côté du néo-platonisme grec, s'inGltrèrent des idées panthéistes, per- 
sanes ou indiennes, dues à Abou Yazid El Bis^ami. L'article se termine 
par l'exposé de la doctrine du tasawuf dei^\xis Ma'rouf el Karkhi jusqu'à 
Abou Sa'ïd ben Abou '1 Khair (mort en 440 hég.). — Margoliouth, A 
poem atlributed to al SamauaL L'auteur donne en arabe avec une tra- 
duction anglaise ce poème déjà publié en hébreu par Hirschfeld. Il 
montre qu'il ne peut être dû aux célèbre héros antéislamique : ces vers 
qui sont une gloriûcation des Juifs, lui ont été attribués en raison de la 
célébrité qu'il avait conservée chez les Arabes musulmans. — Bibliogra- 
phie-; Ibn Khatib ed Dahcha, Tohfat datai '/ 'Arab publié par Traugott 
Mann. G. R. par H. F. A.-Decorseet Gaudkfroy-Demombynes, Rabah 
et les Arabes du Chain. — Ghristensen, Recherches sur les Rubaiyat 
de *Omar Khayyam, L'auteur du C. R., F. J., adopte les conclusions 
de M. Ghristensen sur ces fameux quatrains, mélange curieux des pen- 
sées les plus hétérogènes, renfermant le matérialisme le plus brutal et 
le spiritualisme le plus sublime, poésie tantôt légère, tantôt profonde. 

3* trimestre : Weir, The persian and lurkish Manuscripts in the 
hunterian library of the Universily of Glasgow. Liste de quelques 
manuscrits dont quelques-uns concernent la religion musulmane, entre 
autres le commentaire d'EI Djafni sur les Litanies d'El Hamadâni^ le 
Rauzat ech chohada d'El //osain Kâchefi ; le Kitab i modjizat de Hai- 
rati. — Hirschfeld, Notes on the poem, ascribed to al Samaual II con- 
teste l'opinion de M. Margoliouth qui considère ce poème comme apo- 
cryphe : les arguments fournis par M. Hirschfeld en faveur de l'authen- 
ticité me paraissent peu probants. 

4® trimestre. Nicholson, The Lives of Umar ibn u'I Farià and 
Muhiyy ud din Ibn ul 'ArabL Ges vies des deux célèbres poètes mys- 
tiques sont extraites d'un ouvrage très rare, le Chadzarât edz Dzahab 
d'Abou '1 FalaA el /^alabi dont il n'existe que deux exemplaires : le ma- 
nuscrit de M. Nicholson et celui de la bibliothèque Khédiviale du Qaire. 
Des extraits de la biographie dlbn u'I *Arabi se trouvent déjà dans le 
Nafh. ei iîb d'El Maqqari. Aboû '1 Falah a eu recours à des sources qui 
ne nous sont pas parvenues. — Amedroz, An unidentifîed ms. by Ibn el 
Jouzi, Dans un manuscrit anonyme du British Muséum , l'auteur reconnaît 



106 REVIK HE l'histoire DES RELIGIONS 

un fragment d'une recension du Montazam d'Ibn el Djaouzi allant de 
Tan 58 à 198 de notre ère. — Nicholson, A Sarjing of Ma ru f al Karkhi. 
L'auteur rectifie, d'après un passage du Tabaqdt es Soufyyin d'£s Solâ- 
mi, une maxime de ce célèbre mystique dont la version persane donnée 
par la Tadzkirat el Aonliya était altérée. — M aroououth, Additional 
note on the poem attribuied to al Samaual, Grâce à une édition 
donnée de ce poème d'après un autre manuscrit dans le Machriq de 
Beyrout, il est aisé de reconnaître qu'il est l'œuvre d*un chrétien et que 
c'est à tort qu'on l'attribue à Es Samaoual. 
1907. 

l***" trimestre : Amedroz, An uniflentified ms. hy Ibn El Jouzi (suite). 
— R. GuEST, The foundation of Foslat. — Nicholson, A note on the 
Nasabu 7 Khirqa, — Bibliographie : The Travels ofibn Jubayr. G. R. élo- 
gieux, par H. Beveridge, de cette traduction d'un ouvrage important pour 
rhistoire de l'islamisme au temps des croisades. — De Goeje, Descriptio 
imperii Moslemici by Al Muqqadasi. G. R. par G. R. — Bevan, The 
Naqaid of Jarîr and al Farazdak^ t. I, part 2. G. R. par G. J. L. — 
G. Rat, Al Mostalraf. C. R. par Amen Ali, qui n'a pas relevé l'absence 
de commentaire et d'index. — R. Geyer, Zivei Gedichte von Al 'Asa. C. 
R. par F. Krankow. — Snouck IIurgronje, 7'Ae Achchense, traduction 
anglaise de cet important ouvrage par 0. Sullivan et Wilkinson. G. R. 
par Blagden. — Vollehs, Kalalog der islamise hen^ c hr ist lie h orienta- 
lischen^ judischen und sarnarilanischen Handschriften der L/niver- 
sitaet'Bibliothek zu Leipzig . G. R. par Hirschfeld. 

2* trimestre Margoliouh, A Contribution to the biography of Abd 
al A'adir of Jildn. Le texte de la vie du célèbre ouali, emprunté à Edz 
Dzahabi est un document des plus importants. La bibliographie d'Abd 
el Qadir El Djilâny(p. 267) aurait pu être complétée : par ex. : Tru- 
melet, Les Saints de l'islam (Paris, 1881, in-12, p. 287-306). Ibn 
Ghâkir, Faouat Al Ouafaydt (Boulaq, 1299 hég. 2 v. in-4, t. II p. 2) ; 
Abd es Salâm ben E^ Tayib el Qadiri, El Ichraf 'ala nasb el Aqiâb 
(Fas, 1309 hég. hég); Doutté, Notes sur l'islam maghHbin (Paris, 
1900, p. 65). — Hirschfeld, Further note on the poem attribuied to 
Al Samaual, Gette page n'ajoute rien à la question; la solution semble 
bien celle qu'a indiquée M. Margot iouth. — Bibliographie : Klein, The 
religion of Islam. G. R. par Margoliouth. — Whinfield et Mohammed 
Kazwini, LawàHh a treatise of sufism by Jami. G. U. élogieux parE.G. 
B. — E. G. Browne, a Literary History of Persia from Firdawsi to 
Sadi. G. R. par R. A. N. qui ajoute quelques additions. 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 107 

3« trimestre. E. G. Browse, Further Notes on Ihe lileratures of the 
Hurufi. La secle des Horoufis qui prit naissance en Perse, mais se déve- 
loppa surtout en Turquie est en rapport direct avec celle des Derviches 
Bektachis, dont le fondateur, Hadji Bektach, le patron des janissaires, 
était d'origine persane. L'article de M. Browne, important pour l'his- 
toire de cette secte, donne la description, outre les ouvrages imprimés, 
comme le Kâchef el Asrâr, œuvre d'un ennemi des Horoufis, de divers 
manuscrits persans et turks (45) relatifs à cette secte et appartenant au 
British Muséum, à la Bibliothèque de l'Université de Cambridge, à la 
Bibliothèque Nationale de Paris et à la sienne propre. — Bibliographie : 
Vollers, Volksprache und Schriftsprache im alten Arabien, G. R. par 
Hirschfeld. On connaît la théorie de M. Vollers qui a soulevé le fana- 
tisme des docteurs musulmans, incapables de comprendre que la cri- 
tique scientifique doit être appliquée au Qorân, comme à n'importe 
quel ouvrage du même genre. Le Qorân, dit M. Vollers, a été remanié 
suivant le modèle de l'ancienne poésie. L'auteur du G. R. semble éviter 
de se prononcer : il reconnaît toutefois la haute valeur de ce livre. 

4* trimestre. Howell, Some Border Ballad of the Northwest Fron- 
tier. Ghants des V^aziri Pashtu, au sujet des combats livrés aux Anglais 
par cette population musulmane. — Krankow, Tuf ail al Ganawi. Publi- 
cation, avec le commentaire d'ibn es Sikkit, d'un poème de la collection 
des'Asma'iyât. — Margoliouth, Fresh Light on the poem attributedto 
al Samaual, Indication d'une nouvelle recensioa de ce poème dont l'au- 
teur serait un chrétien. Bibliographie : Jewet, Mir'ât az Zamân, G. 
R. par H. F. A. 

R. Basset. 



REVUE DES LIVRES 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



Anthropological Essays, présentée! to Edward Burnett Tylor; 
4<», 416 pages, 2 portraits, index. — Oxford, Clarendon Press, 1907, 
15 shillings. 

Parmi les dix-neuf études que comprend le volume dédié à E. B. 
Tylor, à Toccasion de son soixante-quinzième anniversaire, il en est 
plusieurs qui intéressent directement l'histoire des religions. Mais d'a- 
bord je noterai que la biographie scientifique de M. Tylor a été tracée de 
main de maître par M. Andrew Lang, dont les jugements ont d'autant 
plus de porti^e qu'il s'est en ses travaux souvent éloigné du profes- 
seur d'Oxford. Peu d'auteurs sont aussi prudents que l'a été M. Tylor; 
peu se sont « emballés » aussi volontiers que M. Lang qui avoue, p. 10 : 
« We generally bave some spécial pet idea which we overdo ». Affaire, 
sans doute, de physiologie : les deux sont également utiles au progrès 
de la science. 

En fmdu volume, on trouvera en outre une liste complète des publi- 
cations, des cours, des conférences et des travaux muséologiques de 
M. Tylor, par Barbara W. Freise-Marreco. 

Deux beaux portraits de M. Tylor donnent au volume un prix spécial. 

Pp. 81-100, M. FarnelK l'auteur des Cuits of the Greek States, traite 
de la place des Sondergotler dans le polythéisme grec. Il s'agit de tout 
ce groupe de divinités, traitées de dieui\ de démons ou de héros qui n'ont 
pas d'individualité propre, ni de nom spécial mais sont désignées seule- 
ment par des épithètes indiquant leur fonction magico-religieuse : tel 
hôros Keramos invoqué par les potiers d'Athènes, ouïes theoi Katharoi 
de Pallantiou en Arcadie, etc. Ils ont été, comme on sait, étudiés spé- 
cialement par l'sener [dott'n'namcn dont M. Farnell expose d'abord 
les théories pour remarquer que leur valeur dépend de ce qu'on doit 
entendre par Sondenjotter. Usener est parti d'un passage de Servius : 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS /09 

« Pontifices dicunt singulis actibus proprios deos pneesse^kos Varro certos 
deos appellat, » M. Farnell discute ce passage : il pense qu'une telle 
religiosité des Romains, où rien ne serait laissé à Tinitiative humaine, 
ne rentre pas dans la nomenclature hiérologique et il semble même 
admettre qu'elle ne pouvait exister, comme anormale. « On ne peut 
l'appeler fétichisme, moins encore animisme ». Au sens strict, non : 
mais ce qu'on appelle communément fétichisme, c'est précisément cet 
ensemble de cerli dei, d'une individualité vague, et un système religieux 
lâche où tous les êtres, tous les objets, tous les actes sont subordonnés 
à quelqu'un de ces certi dei. De ceci M. Farnell se rendra compte en 
consultant quatre volumes récents qui, étudiés ensemble, donnent une 
idée exacte du « fétichisme » : Dennet, At the back of the black man's 
mind; Nassau, I^etishim in West Africa; Glyn Léonard, The Lower 
Niger aa dits tribes; Pechuël-Loesche, Volkskunde von Loango, Il s'en 
suit que toute la discussion qui suit, quelque utile qu'elle puisse être 
pour la rectiûcation de certaines interprétations de détail, ne permet pas 
d'admettre avec M. Farnell qu'Usener se soit trompé en regardant « le 
fonds immédiat du polythéisme grec^ et d'où il est en majeure partie 
issu, comme un monde de numina fonctionnels, d'une personnalité 
imprécise j».Les documents que nous possédons sur les divinités 
grecques datent d'une époque où l'évolution religieuse était trop avancée 
pour qu'on puisse même tenter d'en découvrir directement les étapes 
antérieures. Seule la comparaison avec les religions « sauvages » peut 
jeter quelque lumière sur ce problème. Et les ethnographes savent bien 
que ces religions se caractérisent précisément par la multiplicité des divi- 
nités, à la personnalité rarement précise, au nom descriptif, à la fonction 
restreinte et souvent même temporaire. Le départ n'y est pas fait entre 
le daimon, le theos, le héros, et le (n Sondergott i> s'y rencontre précisé- 
ment sous la forme distinguée par Usener pour les Grecs et les Romains. 
Pp. 101-174. M. J.-G. Frazer a rapproché d'un certain nombre de 
passages obscurs de l'Ancien Testament des croyances et des pratiques 
demi-civilisées, avec l'érudition aisée à laquelle il nous a accoutumés : 
1* la marque de Caïn; 2» chênes et térébinthes sacrés ; 3° le cairn de 
Jacob et de Laban ; 4^ la lutte de Jacob avec la divinité du Jabbok (cf. 
depuis sur ce point, A. J. Reinach, La lutte de Jahve avec Jacob et 
avec Moïse et les origines de la circoncision, Revue des Éludes ethno- 
graphiques et sociologiques, 1908, pp. 338-362) ; 5® le faisceau de vie; 
6» ne pas cuire un chevreau dans le lait de sa mère; 7° le gardien du 
sérail; 8* le péché du recensement. 



110 REVUE DE l'hISTOIHE DES RELIGIONS 

Pp. 175-178. A. C. Haddon expose à grands traits la religion des habi- 
tants des îles du détroit de Torrès. 

Pp. 189-202. Â propos de la prostitution rituelle dans le temple de 
Mylitta, M. S. Hartland distingue avec soin entre le rite de Mylitta 
(chaque femme une fois dans sa vie devait s'offrir à un étranger et ac- 
cepter sa pièce d'argent), d'Héliopolis (des vierges se prostituaient à des 
étrangers) et d'Arménie (consécration à Anaïtis comme prostituées de 
vierges nobles par leur famille). 

Et c'est avec raison qu'il refuse de regarder tous ces rites comme en 
connexion avec d'anciennes formes de mariage (communiste, tribal, etc.) 
ou de les rattacher à Texogamie. 

Pp. 203-218. M. A. Lang discute des Problèmes Australiens; celui de 
Texogamie en premier lieu, où il prend une position qu'il a renforcée 
dans un article ultérieur {Exogamy, Revue des Études ethnographiques, 
1908, p. 65-78); puis celle de Tanimisme et de l'ignorance, par les 
Australiens, du mécanisme de la procréation, où je ne puis être d'accord 
avec M. Lang, comme je l'ai exposé dans mes Questions Australiennes 
{Man, 1907, n® 16 et 1908, n« 18), en me fondant en dernier lieu sur 
le livre de M. Strehlow sur les Aranda et les Luritja (Francfort, J. Baer, 
1908). 

Pp. 219-234. M. Marett se demande si le tabou est une magie néga- 
tive, ceci d'après les définitions et le schéma de M. Frazer reproduit 
dans la Revue, 1906, t. 1, p. 396-401. M. Marett ne dit ni oui ni non; il 
reprend à son tour l'analyse du mana mais s'arrête à mi-chemin, puis- 
qu'il continue à accorder au tabou une valeur séparée, sans voir qu'une 
interdiction n*e:-t pas autre cho:?e qu'un riie (et non pas une magiel) 
négatif, n'ayant de raison d'ùtre que par rapport à des rites positifs : 
ces deux séries de rites se complètent de la même manière que la 
volonté et la nolontf' au point de vue psycholoj^ique. 

Pp. 343-354. M. N. W. Thomas recherche les origines de l'exogamie, 
ou plutôt il montre que les théories proposées jusque-là sont inaccep- 
tables. Avec tant d'autres, il espère que la solution d'un grand nombre 
de problèmes nous sera fournie par une étude approfondie des Austra- 
liens. 

Pp. 361-374. M. Westermarck expose, d'après ses enquêtes person- 
nelles, qu'on voudrait voir publiées en volume, le mécanisme au Maroc, 
et dans l'Islam, de l'^/r, ou transfert des malédictions conditionnelles. 

Les autres études traitent, soit de questions d'ethnographie descriptive, 
soit, comme celui de M. J . L. M yres Jhe Sigyiimu ot lierodotus) d'ethno- 



ANALYSES ET COMPTES UENDUS 111 

logie, soit enfia de sociologie. De toutes manières, pour Timportance 
des sujets traités et des discussions théoriques^ ce volume est digne du 
grand savant auquel il est dédié. 

A. VAN Gennep. 



I. Benzinger. — Hebraeische Archaeologie. Grundriss der 
theologischen Wissenschaften VI. Abteilung. 2^ édition entièrement 
refondue. Un vol. in-S» de xx-450 pages, 253 figures et 1 plan. — 
Tubingue, Mohr, 1907. Prix : 10 M. 

Alfred Jeremias. — Die Panbabylonisten. Der Alte 
Orient und die Aegypti^che Religion. Im Kampfe um 
den Allen Orient I, 1. Une brochure de 65 pages. — Leipzig, 
Hinrichs, 1907. Prix : 0,80 M. — Hugo Winckler. Die 
Jûngsten Kâmpfer \vider den Panbabylonismus. 
Idem I, 2. Une broch. de 79 pages. — Leipzig, Hinrichs, 1907. 
Prix : 1 M. 

La première édition de Touvrage de M. Benzinger, parue en 1894, 
passait à juste titre pour le meilleur manuel d'archéologie hébraïque. 
Depuis, les découvertes ont considérablement ajouté à nos connais- 
sances et on comprend que Tauteur, surtout après un long séjour 
en Orient, ait tenu à refondre complètement son œuvre. La documenta- 
tion d'après les monuments, qui était le point faible de la première 
édition, prend ici une place considérable : le nombre des illustrations 
a doublé. 11 est vrai qu'il s'agit plutôt d'un traité des u Antiquités 
hébraïques » que d'archéologie au sens où nous l'entendons générale- 
ment. Après l'exposé des sour(îes, on traite successivement de la géo- 
graphie de la Palestine, des anciens habitants et de leur civilisation, des 
antiquités privées (nourriture, vêtement, habitation, famille, rapports 
sociaux, arts et sciences, poids et mesures), des antiquités publiques 
(organisation et gouvernement, droit et justice, état de guerre), des 
antiquités sacrées (sanctuaires, prêtres, sacrifices, fêles, pureté cul- 
tuelle). Des index détaillés facilitent Tusage de ce copieux manuel. On 
doit admirer la maîtrise avec laquelle l'auteur a classé et présenté un 
nombre considérable de faits; on le félicitera des comparaisons étendues 
qu'il institue. L'œuvre eût été à peu près parfaite, si M. Benzinger 
n'avait cru devoir se convertir au ^ panbabylonisme ». Etant donnée 



112 ni:vi:K m: l'iustoihe dks itELKiioNs 

Tautorité de Tauteur et la difïusion certaine de son œuvre, il y a là an 
• fait grave qui appelle les plus expresses réserves et la nouvelle série 
de brochures, au titre batailleur, qu'inaugurent MM. Alf. Jeremias et 
Hugo Winckler , nous fournit l'occasion d'y insister. S'il ne s'agissait 
que de reconnaître la très grande influence de Babylone dans Tantiquité 
et notamment sur la littérature biblique, les adeptes du panbabylo- 
nisme seraient légion. Mais ce vocable cache bien autre chose; il défioit 
asï^ez mal l'objet qu'on se propose et il est utile d'en noter les tendances 
diverses. 

Quelques philologues ont ressenti les effets d'une véritable révélation 
lors({ueM. Kduard Stucken, se libérant du fatras scientifique, leur eut 
expliqué le caractère astral de tous les mythes et signalé l'importance 
des représentations célestes pour commenter les représentations ter- 
restres. La tentative n'était pas nouvelle. Cependant, la lumière écla- 
tante que M. Stucken jetait sur des récits obscurs, son éloquence de 
poète, peut-être aussi sa bonne étoile, lui valurent l'adhésion de son 
maître, M. Hugo Winckler. Celui-ci, précisant et étendant la doctrine, 
reconnut que la mythologie astrale n'était qu'une face de la conception 
mondiale qui, prenant sa source en IJabylonie, patrie de toute astro- 
nomie, s'était répandue sur la terre. On part de ce point de vue que les 
Babyloniens assimilaient Timage du ciel à celle de la terre, qu'ils éta- 
blissaient entre ces mondes une corrélation étroite, et que tout événe- 
ment terrestre était considéré comme préfi^^uré dans le ciel. Les notions 
scieutitiques étaient astrales; c'est pounjuoi les sciences et les arts (ma- 
thématique, musique, théorie des nombres dite pythagoricienne, harmo- 
nie), sont en rapport avec les conceptions astrales. Même dans les récits 
historiques, il y a une large part de mythologie astrale puisque les évé- 
nements étaient considéré'? comme prédits par le ciel et régis par l'astro- 
logie. Le langage reflétait à chaque instant les croyances astrologiques. 
Les Babyloniens faisaient de l'astrologie comme M. Jourdain de la prose. 
H était fatal qiie ce retour à l'allégorie ralliât certains partisans très 
stricts de la tradition, comme M. Alf. Jeremias*. V'oici un exemple de 
ce curieux accord : les légendes patriarcales sont bien regardées comme 
des combinaisons de mythes astraux. Mais ces combinaisons auraient été 
échatïaudées sur un noyau historique et M. Jeremias en conclut 
qu'Abraham est un personnage historique. Dans le cas particulier, si 

i) Voir .\do pho L-vls. h' pin'''i^'yi.}ni$ine •.(-: M. J^-remias, dans Revue de 
iihst. U> lid.y lv^»'3, II, p. VIS- 232; ot. it.ti., 10'»3, 11, p. 210 et suiv. 



ANALYSKS ET COMPTES RENDUS H3 

Ton voulait ne présenter cette explication que comme une hypothèse, 
elle ne paraîtrait ni plus ni moins valable que toutes celles qui ont été 
avancées jusqu'ici. L'erreur est de la prétendre démontrée sous le cou- 
vert d'une théorie transcendante. 

On ne peut nier l'importance de l'astrologie, surtout dans la civilisa- 
tion babylonienne; mais vouloir tout expliquer par des considérations 
uniquement astrologiques, c'est s'enliser dans un système doublement 
illusoire. L'enthousiasme que manifestent les partisans de cette doctrine, 
témoigne d'une certaine inexpérience dans fétude comparée des reli- 
gions. Ils s'en fient à M. Stucken dont les constructions ne reposent 
sur aucune réalité. M. Gosquin, notamment, a brillamment démontré 
que le nouvel éditeur de la mythologie astrale suivait son imagination 
sans avoir égard aux textes. V astrale Weltanschauung manque de base 
et c'est à lui en trouver une que doivent travailler ses fidèles s'ils veulent 
que leur théorie soit autre chose qu'une amusette dont le public ne 
tardera pas à se lasser, surtout quand il se convaincra que tout ce fracas 
le ramène, par les chemins les plus aventurés, à la tradition la plus 
vieillie. 

Quand le calme sera revenu, on reconnaîtra, cependant, que l'action 
de M. Winckler a eu un bon côté, celui d'obliger les exégètes de l'école 
critique à tenir un plus grand compte des découvertes archéologiques 
et à sortir de leur splendide isolement. La nouvelle édition du manuel 
d'archéologie hébraïque de M. Benzinger, comparée à la première, 
atteste le changement qui, à la vérité, eut pu s'opérer avec moins 
d'enthousiame astrologique. 

La brochure de M. Alf. Jeremias a pour but de montrer que la reh- 
gion égyptienne, elle aussi, est une dégénérescence de la religion préhis- 
torique qui englobait tout l'ancien Orient. L'idée parait s'être imposée 
à l'auteur en lisant le manuel de M. Ërman sur la religion égyptienne : 
« Avant l'apparition du livre d'Erman, dit-il, l'élude suivante n'aurait 
guère été possible ». L'hommage surprendra M. Erman. Considérant le 
rôle des astres dans les théories égyptiennes, M. Jeremias déclare : 
cette doctrine des dieux célestes « nous l'appelons babylonienne parce 
qu'elle s'est développée le plus nettement dans l'ancienne Babylone et 
parce que Babylone est la patrie de l'astronomie ». On ne peut avouer 
plus ingénument que le « panbabylonisme » est un terme de pure con- 
vention répondant à une conception arbitraire. 

René Dussaud. 



114 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



Karl Frank. — Babylonische Beschwôrungsreliefs, ein 

Beitrag zur tWkldrung der sog, Hadesreliefs. Leipziger Semitische 
Studien III, 3. Un vol. in-8° de vi-94 pages, 5 figures et 4 planches. 
— Leipzig, J. G. Hinrichs, 1908. 

La première plaquette de bronze du type étudié est célèbre depuis 
l'explication qu'en a donnée M. Glermont-Ganneau. Ge savant y recon- 
naissait des scènes de l'enfer assyrien. Sous le lion aux ailes et aux 
serres d'aigle, courent quatre registres interprétés comme figurant le 
ciel^ l'atmosphère, la terre et l'enfer. Le premier est rempli par les 
symboles divins que la découverte des kudurrus de Suse permet 
aujourd'hui d'identifier. Au-dessous, une rangée de sept génies, au 
corps humain et à tète d'animal. Le troisième registre représente un 
homme étendu sur un lit entre deux génies mi-hommes, mi-poissons, 
au type dit d'Oannès, un thymiatérion à gauche, deux génies et un 
homme à droite. Dans le quatrième registre, une déesse au corps de 
femme et à tète de lionne, brandit un serpent de chaque main tandis que 
des lionceaux se suspendent à ses mamelles. Elle pose un genou sur le 
dos d'un âne qui lui-même est porté par une barque voguant sur un 
fleuve que signalent des poissons. Un second relief très semblable a été 
publié par le P. Scheil qui adoptait avec MM. A. Jeremias, Maspero, 
G. Perrot, Zimmern, etc., le point de vue de M. Glermont-Ganneau. On 
avait déjà admis que ces plaquettes avaient la valeur de talisman. 

L'originalité de l'interprétation de M. Frank tient à ce qu'il ne con- 
sidère plus l'homme étendu sur le lit comme un défunt, mais comme 
un malade qu'on s'occupe d'exorciser. Les textes apportent à cette hypo- 
thèse un appui sérieux bien que le rapprochement avec les scènes figurées 
soit parfois conjectural et que certains détails^ comme l'auteur le recon- 
naît lui-même, restent inexpliqués. On ne peut douter que les pla- 
quettes de ce type aient servi aux conjurations et que le démon femelle 
posé sur le cheval soit la lahartxt comme l'avait indiqué M. Zimmern. 
Il est très vraisemblable que les sept génies du second registre sont les 
utukku préposés aux sept maladies et que l'homme sur le lit n'est pas 
un mort, mais un malade. D'autant mieux qu'il est représenté levant 
les bras comme pour implorer la divinité. Mais nous ne pensons pas 
que les deux personnages revêtus d'un corps de poisson soient les 
prêtres chargés de l'exorcisme, c'est-à-dire ayant le titre d*âsipu dont 
nous verrons ci-après qu'a traité M. Schrank. Ldnipu nous parait être 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 115 

r homme figuré dans le même registre et bien à sa place dans le relief 
Scheil c'est-à-dire devant le thymiatérion. Les deux génies revêtus d'un 
corps de poisson sont des émanations d'Ea que Vâsipu invoque et avec 
Taide desquels il chasse les démons (c'est-à-dire les maladies) figurés 
sur le môme plan. 

R. D. 



Walther Schrank. — Babylonische Sûhnriten besonders 
mit rûcksicht aul Priester und Bûsser. Leipziger Seinir 
tische Studien 111, 1. Un vol. in-8o de xii-112 pages. — Leipzig, 
J. G. Hinrichs, 1908. 

M. Schrank reconnaît l'importance des rites dans les religions anti- 
ques. Ils sont au centre de l'activité religieuse et ils constituent le plus 
ferme soutien de la tradilion. Cette étude sur les rites d'expiation dans 
la religion babylonienne intéressera notamment les historiens du chris- 
tianisme par les comparaisons qu'elle leur suggérera. Tels sont, l'usage 
du nombre sept dans la pénitence, le rôle du nombre trois dans le culte, 
la nature des exorcismes, des lustrations et l'action médicale des rites 
de baptême et d'expiation. On peut ajouter l'usage de l'eau et de 
l'huile usitées dans les sacrements, l'emploi de couleurs déterminées et 
de vêtements spéciaux dans le culte, jusqu'aux analogies dans les for- 
mules liturgiques. Cependant, il ne faut pas se hâter de conclure à 
l'emprunt, les travaux préliminaires ne sont pas encore assez poussés. 

Pour apporter sa pierre à l'édifice, M. Schrank groupe tout ce qui 
concerne le prêtre appelé âsipu et spécialement préposé aux rites expia- 
toires. Zimmern, et aussi Hunger dans le premier fascicule des Leipz. 
Sem. Studien, ont étudié le rôle du bârû ou devin. Comme ce dernier, 
Vdsipu forme une corporation fermée, il appartient au personnel de la 
Cour royale et prend rang après le bârû. Tandis que celui-ci invoque 
SamaS, Vâsipu mentionne Ea ou Mardouk, parfois la triade Ea-Damkina- 
Mardouk. Son domaine est l'exorcisme, mais il supplante fréquemment 
le médecin puisque les malades sont généralement considérés comme 
possédés. Il procède par incantations, récite des prières et, dans les rites 
qu'il pratique, l'eau joue le rôle principal. Elle agit pour rompre les 
charmes magiques et guéprr les malades. Une classification de ces pra- 
tiques en rites de purification par l'eau, rites pour la guénsondes 



116 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

maladie» et rites pour chasser les démons serait vaine; tous ces rites 
Toisiiieiit et se pénètrent. Ils n*afiectent pas seulement rhonune. mais 
parfois les animaux. Ils permettent de purifier une maison on on palais; 
ils opèrent à l'occasion de la construction d'un temple* d'un canal, etc. 
On peut ranger à part les rites du c lavage de la bouche » et de V c ou- 
verture de la bouche » lors de la consécration des statues divines. Il est 
remarquable que ces pratiques, en usage dès le troisième millénaire, se 
retrouvent identiques jusque dans les textes de la bibliothèque d'Arar- 
banipai. 

Vâsipu porte généralement du lin blanc ; mais certaines cérémonies 
d*exorcisme nécessitent un vêtement de dessous rouge et un manteau 
de même couleur. Le rouge est également en usage dans le culte des 
morts. En face du prêtre exorciste, M. Schrank étudie le pénitent qu'on 
pourrait plutôt appeler le patient. Ce dernier est souvent nommé 
« rhomme, fils de son Dieu ». II y a là un fait remarquable. Tout en 
se défendant d'assimiler cette expression babylonienne à celle du Nou- 
veau Testament, fauteur relève que le même vocable est usité dans la 
terminologie du baptême chrétien si intimement lié à l'exorcisme. Autre 
fait à noter, le pénitent est constamment seul. Revêtu de vêtements 
spéciaux, vêtements de deuil, il prend plus ou moins activement part 
aux rites. Le i< moi )> des hymnes et des prières qu'il récite, est à prendre 
dans son sens précis et exclut Tidée d'une communauté. Il en était de 
même, primitivement du moins, pour les psaumes bibliques. On sait 
(]ue le commentateur le plus autorisé, le professeur Briggs, est arrivé à 
cette concluHion. 

Ln terrain dcm th(M)ri<>s générales est moins familier à l'auteur. Ainsi, 
U) rituid impoNi* A Vàkipu d'être exempt de tout défaut physique. La 
tnêinn prtmi:riplion atteint ranimai sacrifié et les ustensiles du culte. 
M. Srhrank nM.onnull quo lu llHW)rio du sacrifice de MM. Hubert et 
MnuHN rtind roiiipto dn l'itlloaHHiuiilation. Cependant, il tente une autre 
expliratiiiii dimt IVu'hiifniidNKt* paiaitra fragile. En ce qui concerne 
rolli'Mndn, Hiiii luioMin i|iin lo iiioillniir t«st toujours le lot de la divinité 
n'imt tiullniiinMt nnn lôyiln tilinuliin, notamment dans les prémices ou 
dunn tnn Miiriillinn il«i niilinlitiiliiiii (hiaiit i\ la (>erfection corporelle du 
piïdro, r'tHioiif on ont iiwjiitl A HM|i|ii)rM*r (|iie o*est une survivance de 
rA|MH|iiit Mil Iku liiMfiinati nllfittifil imii mirt. Dans oot état, celui qui offrait 
lu NMrrin«<« ditvAil N|i|MiifiilMi Mfinnitii(Miii, roiunio lo sacriûce lui-même, 
car 1m divinilA «iv'iif Iimulmi ilni Mii|iniiociious du donateur comme de 
Voûrtkîu\m, <i'»«l iid#i»#.M»*. ih »|M II IhmI iu|»lmuor. A celte réserve près, 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 117 

on ne peut que louer l'étude précise et bien ordonnée de M. Schrank.. 

René Dussaud. 



Antonin Jaussen. — Coutumes des Arabes au pays de 
Moab. Un vol. in-8 de viii-432 pages et 10 planches. — Paris, 
J. Gabalda et C»« (Librairie Victor Lecoffre), 1908. Prix : 15 fr. 

Depuis longtemps on cherche, dans les coutumes des Arabes, des 
termes de comparaison avec les anciens usages israélites. Ces coutumes 
ont plu aussi par leur pittoresque et leur élrangeté. Mais, depuis peu 
seulement, on s'est aperçu du profond intérêt qui s'attache à leur étude. 
Les admirables reconstructions de Robertson Smith ont montré que la 
société si curieuse des Arabes valait d'être observée en elle-même. C'est 
à quoi répond l'ouvrage du P. Jaussen. 

L'auteur a chevauché bien souvent sur les routes de Moab et de 
l'Arabie Pétrée, en tête de la caravane qu'organise chaque année l'École 
biblique des Pères dominicains de Jérusalem. Sous le nom de chaikh 
Antcun, il est populaire chez les nomades dont il a su gagner la con- 
fiance par sa franche et forte bonhomie comme par sa passion du 
désert. Au cours de ses pérégrinations et pendant deux séjours prolon- 
gés en été, où il a fait ses preuves d'endurance, le P. Jaussen a trans- 
crit les récits et vérifié les renseignements qu'il nous livre aujourd'hui. 
Par là, il ajoute notablement à ce que nous ont appris Burckhardt, 
Wetzstein, Doughty et autres voyageurs. Son champ d'observation est 
plus restreint, mais en revanche sa documentation est plus précise et 
plus systématique. On possède, grâce à lui, un excellent recueil du 
folklore de Moab qui permettra d'utiles comparaisons avec les coutumes 
relevées dans les textes par Robertson Smith, Wellhausen, Jacob, Gold- 
ziher. Cette enquête arrive à temps pour conserver le souvenir d'anti- 
ques usages voués à une disparition prochaine. Depuis une douzaine 
d'années, le gouvernement turc a pris efTectivement possession du pays 
où il tend de plus en plus à imposer la loi écrite. Le chemin de fer de la 
Mecque, sans parler des événements politiques, est aussi appelé à mo- 
difier les conditions d'existence de la région. 

On ne peut trouver un meilleur terrain que le désert et ses confins 
pour l'étude des pratiques populaires léguées par un autre âge. Les 
cultes monothéistes, vieux cependant de tant de siècles, ne les ont pas 
entamées sérieusement. Un nomade catholique ou grec orthodoxe invo- 



118 REMK I)K l'histoire DES RELIGIONS 

quera les mêmes usages que le nonnade musulman ; il sera admis à les 
pratiquer sur le pied d'égalité. Si les nuances cultuelles n'ont pas modi- 
fié les lois propres au désert, c'est que celles-ci sont parfaitement adap- 
tées au milieu. A tel point, qu'on peut se demander si le type d'exis- 
tence, imposé par la nature dans cette région, a jamais comporté une 
organisation autre que celle qui subsiste aujourd'hui. Autant qu'un 
premier examen nous permet d'en juger, l'ouvrage du P. Jaussen four- 
nit les éléments d'une révision, tout au moins partielle, des notions sur 
la société nomade qui ont cours depuis Robertson Smith. 

Dans Tétat de la question, on doit vivement féliciter Fauteur de s'être 
tenu sur une réserve prudente et d'avoir évité Técueil auquel s'est buté 
Gurtiss qui, dans son Ursemitische Religion^ a regardé les faits à travers 
ses conceptions aprioristiques. Le P. Jaussen nous livre sa riche mois- 
son telle qu'il l'a cueillie, simplement mise en gerbe, c'est-à-dire classée 
logiquement : vie de famille, tribu, rapports de tribus, droits, vie éco- 
nomique, religion. Il n'a pas entendu dresser un système, il s'est volon- 
tairement effacé derrière ses autorités indigènes. Ainsi, iUoumit aux 
exégètes bibliques et aux historiens des religions comme aux ethnogra- 
phes et aux sociologues, les éléments d'une information précise et nul- 
lement tendancieuse. 

Il serait sans utilité de résumer ce volume. Mieux vaut essayer de 
montrer par quelques exemples le parti qu'on en peut tirer. 

La famille est du type patriarcal et naturellement constituée par le 
père, ses femmes et ses enfants. Mais cette défmition est insuffisante. 
Pour le nomade, la famille au sens strict Çakl, prononcé 'ahel par les 
l»édouins), comprend le groupe qui cohabite sous la même tente. Nous 
verrons comment se crée et se manifeste la personnalité de la tente, on 
pourrait dire l'âme de la tente ou de la famille. Dans Torganisation 
sociale des Arabes nomades, la famille, selon nos idées, n'existe pas. 
Ce qui existe, c'est la tenU* et, au-dessus de la tente, la tribu et ses 
subdivisions. De telle sorte qu'un lils, marié et ayant des enfants, qui 
reste dans la tente de son père, n'a pas de famille Çnhel) à lui, ne pos- 
sède pas, ne di'^pose pas du fruit de son travail. D'autre part, deux 
hommes, mariés ou célibataires, même étran^iers l'un à l'autre, peuvent 
se réunir sous une même tente. De ce fait, ils fondent une famille. Il 
suffit que, devant des témoins de la tribu, ils pratiquent le « sacriGce 
de la tente ». En répandant le sang de la victime, ils ajoutent : « Par 
la vertu de cette victime, nous sommes devenus une seule famille ». 

Le simple sacrifice de la tente se prat^ique souvent quand on déplace 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS H 9 

la tente et, toujours, quand on érige une tente neuve. On égorge la 
brebis devant la tente, la tète au sud, en disant : « Permission, ô pos- 
sesseur de ce lieu ». Le sang est recueilli en partie dans un vase par 
le maître de la tente qui en asperge los piquets, particulièrement le 
piquet du milieu, et aussi 1 etode en poil de cbèvre. Deux actes sont 
très nets. D'abord, un sacrifice au genius lociy pour se le rendre favo- 
rable. Puis, la création de ce que nous avons appelé l'âme de la tente, 
par l'onction des piliers et de rétoffe avec le sang. Un repas, dont la vic- 
time fait les frais^ est pris sous la tente. On peut parler de repas com- 
muniel sans y voir un rite totémique. 

Le caractère sacré de la tente, sa personnalité identifiée à celle de la 
famille, rendent compte des lois qui régissent l'hospitalité. La moins 
connue est la suivante : Si, sous la tente où ils ont été accueillis en hôtes, 
deux Arabes en viennent aux mains, Tauteur de l'offense devra répara- 
tion à sa victime, mais aussi une réparation très onéreuse à son hôte 
« pour l'honneur de la tente ». Le P. Jaussen constate que le nomade 
« considère sa tente comme une partie de lui-même » (p. 236). 

On sait l'abus qui a été fait d'un primitif matriarcat chez les Arabes. 
Il a même fallu renoncer à ce terme et ne parler que d'une organisa- 
tion primitive à filiation utérine. A la vérité, sur le terrain parcouru 
par les nomades, nous ne trouvons pas une seule coutume qui puisse 
être revendiquée comme une survivance de cette organisation pré- 
sumée. 

Robertson Smith tenait pour évident qu'au temps du prophète, et 
avant lui, il n'y avait pas de loi d'endogamie chez les Arabes*. Rien n'est 
moins certain. Il est vraisemblable que lendogamie n'était plus qu'une 
survivance. Actuellement, bien que la règle soit d'application flot- 
tante, le cousin germain conserve un droit à épouser sa cousine et le 
lévirat est de pratique courante. Il ne serait pas impossible déconsi- 
dérer le mahar (ainsi prononcent les bédouins pour mahr, le mohar 
hébraïque) ou prix d'achat de la fille versé au père, comme un rachat 
de l'infraction à la loi d'endogamie. Il faut considérer, en eflfet, que 
dans certaines tribus^ le mahar n'est pas exigé lorsque le mariage a 
lieu dans la tribu. On peut noter encore qu'à son entrée dans le clan du 
fiancé, la fiancée est fort mal accueillie par les femmes. On lui jette des 
pierres, on arrête son chameau, on la bat malgré la protection des amis 
du fiancé et il n'est pas rare que le sang coule. 

1) Robertson Smith, Kinship and Marriage, nouv. éd. par Stanley A. Cook, 
190.S, p. 74. 



120 REVTE DE l'hISTOTRE DES RELIGIONS 

D*après Robertson Smith, Tunité de groupement ou hayy aurait été 
primitivement un clan à filiation utérine. Le système patriarcal se 
serait développé dans ce cadre. Mais le seul argument est que les 
membres du hayy jouissent de droits égaux et l'autorité du chef assez 
faible. Cela est vrai dans la michpdhâh hébraïque, dont le caractère 
s'est atténué dans le milieu sédentaire, mais ce n'est pas exact pour le 
hayy. Dans le choix du chaikhy la question de parenté reste au pre- 
mier plan. Pour supplanter l'héritier du sang, un parent plus éloigné 
est obligé de recourir à la violence. On a tiré des conséquences fausses 
de ce que le chaikh est parfois suppléé à la guerre par un guerrier 
valeureux. Le fait qu'il puisse déléguer ses pouvoirs atteste, au con- 
traire, que son autorité est solidement fondée. Loin, donc, que le hayy 
soit une institution sui generis artificiellement conservée dans l'organi- 
sation patriarcale, il en est un élément essentiel. Il constitue l'unité du 
groupement patriarcal des tentes. Dans le pays de Moab^ la tribu ou 
qabïléh se subdivise généralement en plusieurs 'achîréh, Vachîréh cor- 
respond au hayy antique. Ailleurs, les subdivisions sont plus com- 
plexes. En somme, il apparaît qu'on peut envisager l'organisation des 
Arabes nomades comme d'un type patriarcal pur sans avoir recours à 
l'hypothèse d'une survivance du clan à filiation utérine. 

L'organisation sociale est dominée par la foi absolue dans la puis- 
sance du sang. La communauté de sang règle les rapports d'homme à 
homme, de tribu à tribu. Un meurtre commis dans la tribu par un de 
ses membres n'entraîne pas la vengeance du sang. Par contre, hors de 
la tribu, cette vengeance s'exerce jusqu'à la cinquième génération. 

On ne s'étonnera pas si, en concordance, la pratique cultuelle la plus 
répandue et la plus efficace consiste dans des libations de sang. 11 n^est 
pas un acte important de la vie nomade, érection de la tente, réception 
d'un hôte, contrat ou événement heureux, mariage ou répudiation, 
naissance, circoncision, funérailles, vœu ou sacrifice de rachat, qui ne 
comporte l'immolation d'une tète du troupeau. Dans la pensée du 
nomade, le sang a les vertus les plus efficaces; la force vitale qu'il 
répand est irrésistible. Le wéli ou santon en devient favorable, l'hôte en 
est réconforté. La libation de sang crée un lien du sang identique à 
celui de la filiation naturelle : par un serment et une immolation, un 
étranger entre dans une tribu ou encore deux tribus s'unissent par cou- 
sinage {ben 'ammék). La vengeance du sang n'existera plus entre elles. 
La force vitale contenue dans le sang frappe naturellement ce dernier 
de tabou alimentaire. On peut discuter si l'immolation telle que la pra- 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 121 

tiquent les Arabes conserve un rite très primitif ou si elle est l'aboutis- 
sement d'un sacrifice plus complexe. En tout cas, l'explication du rite 
ne nécessite pas cette dernière hypothèse. 

Le P. Jaussen a fait quelques bonnes observations touchant les wélis 
dont le culte ne peut mieux se comparer qu*à celui de nos saints. Un 
meilleur groupement des faits aurait rendu plus sensible Tidée fonda- 
mentale qu'on peut en dég^ager. Il faut prendre g:arde que remploi, il 
est vrai commode, d'expressions telles que « culte des pierres, culte 
des arbres » ne va pas sans quelque danp^er surtout lorsqu'on institue, 
suivant la coutume, des rubriques « pierres sacrées, arbres sacrés » 
sans les relier étroitement au culte des wélis K 

Le culte des wélis est tout autre chose que le culte des morts. Un 
mort, même illustre, ne devient wéli que si quelque miracle s'accom- 
plit auprès de sa tombe. Dans le désert, le wéli est proprement le 
genius loci. Il se manifestera auprès dune tombe et s'identifiera alors 
avec l'esprit du mort; mais cette relation n'est nullement obligée : elle 
est même parfois le résultat d'une méprise. Le genius loci, le « maître 
du lieu » comme disent les Arabes, se manifestera encore dans une 
source, dans un tas de pierres ou roudjoum, plus particulièrement 
dans un arbre, sans qu'il y ait de tombe dans le voisinage. Dans ce cas, 
il prend encore le nom de wéli. Interrogés au sujet d'un arbre cou- 
vert de chiffons, éloigné de toute tombe et devant lequel ils priaient, les 
Arabes affirmèrent au P. Jaussen qu'il y avait là un wéli : « Toute la 
terre ombragée par l'arbre lui sert de demeure, mais il habite aussi 
dans l'arbre, dans les branches et dans les feuilles » (p. 332). La 
réponse est typique : L'arbre — un arbre particulier — est le siège du 
genius loci. Il n'est pas question, à proprement parler, d'un culte des 
arbres. 

Le P. Jaussen a observé que les pierres sacrées étaient très rares 
actuellement chez les Arabes de Moab. Cela paraît tenir, en partie, à ce 
qu'ils érigent généralement un tas de pierre [roudjoum) souvent difficile 
à distinguer de la tombe. On trouve parfois un roudjoum à côté d'un 
arbre. L'un et l'autre sont sacrés; mais le wéli est le même pour les 
deux. Dans certains cas (p. 333), les Arabes savent que le roudjoum 
n'abrite pas une tombe ; mais la confusion est fréquente. 

Au sujet des croyances concernant la pluie, il faut signaler les 

1) Une description des principaux pèlerinages locaux serait fort utile. Remar- 
quons en passant (p. 301), que le mahdi n'est nullement le « guide », mais le 
u dirigé » par Allah. 



122 REVUE DR l'hTSTOIRE DES RELFCrlONS 

curieux rapprochements qu'elles ont fourni à M. Glermont-Granneau. 
La plupart des appellations que reçoit la pluie sont d'origine astrono- 
mique*. 

Parmi les rites funéraires, il en est un particulièrement intéressant 
et, pour la première fois, exposé avec précision. A la mort d*un mari, 
d*un père ou d'un parent très proche, les femmes se coupent les che- 
veux. Les longues tresses sont déposées sur la tombe ou suspendues au- 
dessus. On a vu là, un véritable sacrifice au mort ; mais cette définitioD 
ne rend pas un compte exact du rite. 

Chez les Arabes, comme chez la plupart des peuples, les cheveux 
constituent un véhicule magique des plus remarquables. Les êtres 
faibles, comme les femmes et les enfants, sont particulièrement vulné- 
rables aux cheveux. Aussi, les femmes prennent-elles soin de les 
cacher. Quand Tenfant vient au monde, on pratique la ^aqiga ou coupe 
des cheveux et on lui frotte la tète avec le sang d'un mouton immolé. 
Les jeunes Arabes portent souvent les cheveux longs. Dans certaines 
tribus, au moment de la puberté, le père ou un parent de Fenfant coupe 
la chevelure qu'on se hâte d'enterrer. Ne serait-ce pas dans le but 
d'extirper l'âme infantile et de la mettre en lieu sûr? Un prisonnier 
qu'on veut épargner et rendre à la liberté, subit fréquemment une 
sorte de tonsure. On retient ainsi par devers soi une partie singulière- 
ment précieuse de l'individu. A la mort d'un proche et après avoir fait 
mine de les arracher, les femmes se coupent les cheveux et les déposent 
sur la tombe parce que, probablement, on estime que l'esprit du mort 
les imprégnait. Les femmes n'ont d'autre ressource que d'abandonner 
leurs cheveux au mort, à moins qu'elles estiment pouvoir parer au 
danger en se couvrant la tète de terre ou de cendres. 

En discutant les rites hébraïques, nous avons émis l'hypothèse {Revue 
de r Histoire des Relig.^ 1906, II, p. 431) que la lamentation psalmodiée 
et le hululement dont on accompatrne le corps, avaient pour objet de 
charmer l'esprit du mort et de l'entraîner doucement, sans résistance, 
jusqu'à la tombe. A l'appui, on peut citer les exemples cités parle 
P. Jaussen où les porteurs étaient ramenés par l'esprit du mort vers la 
tente du défunt : «( les porteurs affirmaient par Allah que l'esprit du 
mort était plus puissant qu'eux et les forçait de rebrousser chemin » 
(p. 100). 

Le repas pour le mort est une obligation à laquelle on ne saurait se 

1) Clermont-Gannneau, Rerueil d'nrohéologie orientale, t. VIII, p. 28-34. 



ANALYSES KT COMPTES RENDUS 123 

soustraire; mais le simulacre peut suffire : « Lorsque Qoftàa fut tué, on 
l'ensevelit près de sa tente. A côté de son tombeau, on fit un tas de 
terre et on dit : « Ceci, c'est le riz ». On apporta ensuite une grosse 
pierre, on la brisa et on dit : a Ceci, c'est la viande pour le mort ». On 
traça ensuite sur la terre et sur la pierre le dessin d'un sabre, d'un 
fusil, d'un pistolet * (p. 101-102). Fréquemment, les tombes des chefs 
portent gravés sur la pierre leur lance, leurs pistolets, les appareils qui 
servent à préparer le café, le plat sur lequel on sert la viande et le riz*. 
L'explication symbolique avancée par l'auteur (p. 298) ne donne pas la 
raison profonde de ces pratiques. En réalité, on croit assurer au mort 
la jouissance des objets figurés. Dans un tout autre milieu, les stèles 
phrygiennes offrent des représentations du même ordre. 

Il est superflu d'insister sur l'intérêt que présente l'ouvrage du 
P. Jaussen*. Ajoutons seulement que les commentateurs de la Bible y 
trouveront matière à éclaircir maint détail. 

René Dussaud. 



Ch. Bruston. — Les Colonies grecques dans l'Ancien 
Testament. — Paris, Fischbacher^ lyOô. 1 vol. in 8, 18 pages. 

Le savant auteur de cette brochure cherche à y démontrer que l'An- 
cien Testament, en rapportant, dans Gen. 8, 4, que les enfants de 
Javan étaient Elîshâ et Tarshîsh, Kîttîm et Dôdànîm, parle de colonies 
grecques. 

Depuis Bochart, Tarshîsh a été identifié avec Tartessos, situé jadis à 
l'embouchure du Guadalquivir. M. Bruston préfère l'identifier avec la 
Tartesside, c'est-à-dire avec la région dont Tartessos était la capitale. 
Qu'une partie de l'Espagne ait pu être considérée comme une colonie 
grecque, cela ne souffre aucune difficulté. Il est donc naturel que les Phé- 
niciens et les Israélites en aient eu connaissance. A une époque fort 
ancienne, la côte orientale de l'Espagne a été colonisée par des Grecs, et 



1) A l'exemple signalé dans Curtiss, fJrs(?mi(ische Religion, p. 180, on peut 
ajouter E. Littmann, Arabiache Beduinanerzdklungen, M, pi. VI 11, et H. Vincent, 
Canaan, p. 416, fip. 289. 

2) Quelques photog^ravures significatives l'illustrent. Il y a lieu de faire des 
réserves sur la tninscription des mois arabes : le système de notation des 
voyelles est peu judicieux. 



12i REVUE DE L'HïSTOrRE DES RELÎGÎONS 

Tarshîsh désignait assurément, non seulement le sud de TEspagne, mais 
tout ce pays. 

Quant à Kîttîm, on sait que ce nom désigne partout, dans TAncien 
Testament, Tîle de Chypre, où se trouvait une ville importante du nom 
de Kition ou Kittion. Les inscriptions assyriennes et cypriotes ont en 
outre révélé naguère l'existence de plusieurs royaumes de langue grec- 
que dans cette ile, sept ou huit siècles avant notre ère. 

Il est plus difficile d'établir où était Elishâ et Dôdânîm. M. Bruston 
pense qu'Elîshâ devait se trouver dans le voisinage de Tarshîsh, par 
conséquent dans le bassin occidental de la Méditerranée, et Dôdânîm, 
dans le voisinage de Kîttîm, c'est-à-dire dans le bassin oriental de cette 
mer. 

D'après cela, Tidentification si fréquente d'Elîshâ avec Elis ou FElide 
est impossible. Il faut plutôt découvrir, dans le voisinage de TEspagne, 
une région ou un peuple ayant porté jadis un nom à peu près semblable 
et où les Grecs eussent établi des comptoirs. M. Bruston pense retrouver 
ce peuple dans les Elisyques, d'origine ligure et dont la capitale était 
Narbonne. Il est même porté à croire que la plaine Elyséenne, placée 
par les anciens poètes grecs et latins vers Toccident et près de Tocéan, 
a la même origine. Nous possédons d*ail leurs des preuves nombreuses 
que le sud de la Gaule et la côte orientale de l'Espagne furent colonisés 
par les Grecs. 

Dôdânîm ou plutôt Rodànîm ne peut désigner que les colonies grec- 
ques de l'Asie Mineure et des îles voisines. Il faut donc l'identifier avec 
Rhodiens, qui a servi, chez les Phéniciens et les Israélites, à désigner 
les diverses colonies grecques de l'Asie Mineure et des îles adjacentes. 
Toutes ces conclusions sont appuyées par des arguments nombreux 
et très savants. Nous devons abandonner aux érudits spéciaux le soin 
d'en déterminer la valeur exacte. Il est certain que notre auteur soutient 
parfois, avec une grande assurance, des thèses fort contestables, leur 
donnant une base trop fragile. C'est ainsi qu'il termine son opuscule 
môme en faisant remarquer que la colonie j^recque de Cyrène, fondée 
vers l'an 630 avant notre ère, ne figure pas dans Ténumération de la 
table des peuples, et en conclut que le document sacerdotal de THexa- 
teuque est antérieur à l'époque de la fondation de cette colonie impor- 
tante, c'est-à-dire au vu" siècle avant notre ère. Or une foule d'argu- 
ments péremptoires prouvent que le document en question est sûrement 
de provenance postexilienne et que la thèse finale de notre auteur est 
indubitablement fausse. G. Piepenbiung. 



ANALYSES ET COMPTES HENDUS 125 



The Messianic hope of the Samaritans by Jacob son of 
Aaron, High Priest ol the Samaritans translated from the arabic by 
Abdullah BEN KoRi, professoF of arabic at Paciûc University, edited 
with an introduction by William Eleazar Barton (reprinted from the 
« Open Court » may and september 1907). 

Cet opuscule intéressant, et abondamment illustré, comprend trois 
parties. Dans la première (Introduction) W. E. Barton nous donne le 
contenu sur Jésus, le fils de Marie et de Joseph, d'un manuscrit samari- 
tain en langue arabe, qui lui fut communiqué par un Américain, qui 
avait visité Jérusalem en 1904. Ce manuscrit, qui n'est autre qu'une 
copie de la Chronique samaritaine d'Abulfath (xiv» siècle), mais de 
cette chronique continuée et, en quelque sorte, mise à jour par les 
grands prêtres samaritains postérieurs à Abult'ath, ne contient sur 
Jésus, envisagé comme simple prophète, rien de plus que ce que nous 
lisons sur lui dans la Chronique d'Abulfath (p. 107 ss. de l'édition de 
Vilmar parue en 1865). 

La seconde partie contient la traduction d'un petit traité en arabe 
sur le Messie attendu par les Samaritains, oeuvre du grand prêtre Jacob 
fils d'Aaron, actuellement en fonction à Naplouse. Ce traité, et c'est là 
Tunique intérêt qu'il présente, est un exemple typique de l'argumenta- 
tion rabbinique en usage chez les Samaritains. Le grand prêtre déve- 
loppe les dix preuves scripturaires démontrant le second royaume à 
venir et l'apparition, à la fin du temps, d'un prophète ou Messie. Nous 
ne citerons, comme spécimen de raisonnement rabbinique, que la pre- 
mière des dix preuves; cela suffira pour caractériser ce document. Cette 
preuve est tirée de Gen, xv, 18 : « En ce jour. Dieu fit alliance avec 
Abraham en disant : Je donnerai à ta postérité ce pays, depuis le 
fleuve d'Egypte jusqu'au grand fleuve, le fleuve de l'Euphrate. » Les 
Juifs n'ayant jamais possédé un territoire aussi étendu, ce passage 
s'applique au royaume messianique. Ainsi des autres arguments exégé- 
tiques. 

La troisième partie renferme de plus amples commentaires du grand 
prêtre samaritain, communiqués par W. E. Barton. D'après ces expli- 
cations, le Messie, de la descendance de Joseph, sera un prophète, 
comme Moïse; il sera un roi et gouvernera la terre depuis Sichem, l'an- 
cien siège du pouvoir, et depuis la sainte *nontagne de Garizim. Deut. 



12G REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

XVIII, 15-22 donne, en quelque sorte, ie programme de l'activité du 
futur Messie et le caractérise exactement. 

Quant à l'antique manuscrit de la Thora, conservé dans la Synagogue 
samaritaine, W. £. Barton, qui l'a vu, dit-i!, l'estime de mille ans 
plus âgé que les plus anciens Codex hébreux que nous possédons et qui 
ne remonteut pas au-delà du x« siècle de l'ère chrétienne! Il est même 
parvenu à se procurer, moyennani finance (1 obtained it from a son of 
the High Priest as a premium with a larger purchase), « ce qui peut 
avoir été, dit-il, un fragment de ce vieux manuscrit ». A supposer qu*il 
n ait pas été trompé, il devra s'estimer heureux d'avoir un fragment 
d'un ms. du xiv« siècle de notre ère. 

E. MONTET. 



K. GuTHHiK Pf.hhy. — Hyxnnen und Gebete an Sin. Leipziger 
Semitische Studien, 11, 4. Une brochure in-S** de vi-50 pages et 
4 planches. — Leipzig, Hinrichs, 1907. 

M. Perry transcrit, traduit et commente dix textes religieux, prières 
et hymnes adressés au dieu lunaire des Babyloniens et des Assyriens. 
Trois de ces textes {n^ 5, 6, 7) sont inédits; ils proviennent de la col- 
lection de Kouyoundjik. conservée au British Muséum où M. P. les a 
copiés (pi. 1-4). Les n"* 4 et 8, publiés par Reisner {Sumer.-babyL 
Hlfinnon, Berlin, 189()), sont transcrits et traduits pour la première 
fois. M. Zimmern, dans différentes notes, rectifie certaines copies du 
texte n** 1 (publié dans IV Rawlinson, pi. 9) et des textes 4 et 8 (n®* 38 
et 24 de la collection Heisner). 

Otte publication est rendue intéressante parles textes nouveaux que 
M. Perry tait connaitre, et par les remarques judicieuses de M. Zim- 
mern. Lauteur aurait pu, dans une courte introduction, résumer les 
principaux caractères du dieu Sin, comme Tavait fait Bollenrûcher dans 
son travail sur le dieu y^njul [Leipz. Snuit, Stud.y I, 6). Il aurait 
ainsi montré à ses lecteurs que les textes nouveaux publiés n'ajou- 
taient rien d'important à la connaissance que nous avions du dieu lu- 
naire. 

Et. Combe. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 127 



Otto Gruppe. — Griechische Mythologie und Religions- 
geschichte. — Munich, 1897-1906, 2in.««; 1, xii-TOS, II, vi-719. 
1923 p. 

La Griechische Mythologie d'Olto Grappe a été publiée en quatre 
fascicules qui ont paru successivement en 1897, 1902, 1903, 1906. C'est 
une œuvre considérable, la plus importante peut-être de toutes celles 
qui ont été consacrées à la mythologie et à Thistoire de la religion 
grecque. Elle embrasse en effet, pour les étudier à fond, toutes les ques- 
tions relatives à ce double sujet. Elle comprend trois parties, dont cha-. 
cune a par elle-même Tétendue et la valeur d'un ouvrage indépendant. 
Dans la première partie, 0. Gruppe passe en revue les mythes et les 
cultes les plus caractéristiques de chaque région et de chaque cité 
grecque; dans la seconde partie, il étudie les conceptions mythiques et 
les cycles de légendes les plus répandus dans le monde hellénique; dans 
la troisième enfin, il sxpose le développement de la religion grecque 
depuis les temps les plus lointains que Thistorien peut atteindre jus- 
qu'au triomphe défmitif du christianisme. On ne saurait trop admirer 
le labeur vraiment colossal du savant mythologue; pour Tapprécieren 
connaissance de cause, il suffit d'avoir, non pas même lu tel ou tel cha- 
pitre du livre, mais tenté simplement de vérifier quelques détails. On 
constate alors combien la documentation de l'auteur est abondante, 
touffue même; avec quelle admirable conscience il a scruté tous les 
documents antiques, textes littéraires, inscriptions, monuments d'ar- 
chéologie figurée, monnaies; quel souci d'exactitude et de précision il a 
apporté dans Tinterprétation et dans la critique de ces documents. Il 
importe de noter aussi que délibérément 0. Gruppe a puisé aux seules 
sources antiques; qu'il n'a point eu recours aux comparaisons auda- 
cieuses et fragiles de l'école anthropologique; qu'il est demeuré et qu'il 
a voulu demeurer obstinément fidèle à la méthode historique. 

De ce travail puissant et méthodique est née une œuvre, qui marque 
une date dans Thistoire des études mythologiques et religieuses. Nqus 
ne prétendons pas assurément qu'elle dispense les érudits de consulter 
désormais les ouvrages antérieurs. Les livres de Creuzer,de Guigniaut, 
de Maury, de Welcker, de Preller, de Decharme seront toujours lus 
avec profit; les travaux plus récents de Farnell, de M. J. Harrison, de 
Paul Foucart, de Franz Cumont, d'autres encore, sont et resteront 



128 hevle.'de l'histoire des religions 

plus complets, plus approfondis sur certains points et certains pro- 
blèmes que Gruppe a seulement efQeurés ou posés. Mais la Griechische 
Mythologie und Heligionsgesc/iichle complète et dépasse tout ce qui a 
été publié jusqu'à nos Jours sur la mythologie et Tbistoire de la religion 
grecque. Le nombre presque iniini et la précision minutieuse des réfé- 
rences; Toriginalité du plan; la solidité de la méthode; la netteté 
des idées et des conclusions assurent déjà à ce livre une place éminente 
dans la bibliothèque de tout helléniste, de tout historien de la Grèce 
antique ; pour qui veut étudier avec science et détail la religion des 
Hellènes, c'est aujourd'hui l'instrument de travail indispensable, le 
guide nécessaire. 

L'analyse suivante suflira, nous l'espérons, pour juslilier notre juge- 
ment. 



Dans une substantielle Inlroducùon, Gruppe indique d'abord quelles 
sont les sources du sujet qu il traite ; s'il se contente de signaler en 
termes brefs l'importance toute particulière des inscriptions et des mon- 
naies pour l'étude des innombrables cultes locaux, il insiste davantage 
sur les mythes proprement dits, les cycles de légendes divines et 
héroïques, les poèmes qui ont popularisé dans toute la Grèce ceux-ci et 
celles-là, les œuvres de rhétorique et de philosophie qui les ont expliqués 
et interprétés. 11 se garde d'omettre les créations de l'art, qui ont donné 
aux divinités de l'Olympe leur physionomie respective, qui en ont fait 
des êtres vivants, pour ainsi dire, qui ont déterminé avec une précision 
parfaite leur type et leur caravitere. La bibliographie moderne est sage- 
ment réduite à l'indication des ouvrages capitaux, tels que ceux de 
Preller, Uoscher, K. 0. Mùller, Lobeck, Welcker; une liste des travaux 
d'ensemble les plus importants, parus depuis le début du xix*" siècle, 
termine l'Introduction. 

La première partie, dans laquelle sont exposés les mythesjet les 
cultes les plus importants des diverses parties du monde hellénique, est 
divisée en 29 chapitres dont chacun est consacré à une région déter- 
minée^ telle que TAttique, la Thessalie, les cités de l'isthme (Sicyone, 
Corinthe, Mégare, Egine), les Cyclades, la Crète, Tlonie, Chypre, l'il- 
lyrie; etc. Le plan adopté par Gruppe pour chaque chapitre de cette 
partie, est clair et logique, sans être trop rigide. Voici, par exemple, 
comment est subdivisé le chapitre 1, qui traite de TAttique. Tout 



ANALYSES ET COMPTES UENDUS 120 

d'abord, Fauteur esquisse l'évolulion historique des cultes attiques 
{Vie Geschichte der attischen Kulté) ; puis il les passe en revue dans 
Tordre suivant : Athènes et ses environs immédiats [Atken mit der 
nàcluten Umgebung); TAttique sauf Eleusis {dos ûbrige Attika mit 
Ausschluss von Eleusis) ; Eleusis (Eleusis), Ainsi l'histoire des cultes 
de chaque région est présentée à la fois au point de vue proprement 
historique et dans ses rapports avec la géographie, parfois même la 
topographie locale. Pour Athènes, Gruppe distingue les cultes de T Acro- 
pole, ceux de la pente sud-est de TAcropole, ceux du quartier de la 
ville qui s*étendait au sud de TAréopage, ceux du vallon de l'Ilissos, 
ceux des faubourgs nord et ouest de la cité primitive, enfin ceux des 
ports. La rigueur de la méthode, la fermeté du plan n'exclut pas d'ail- 
leurs, dans la composition de chaque chapitre, une certaine souplesse : 
dans le chapitre, qui traite des cultes de l'ionie d'Asie, les diverses 
cités sont énumérées par ordre alphabétique ; le dernier chapitre, où 
sont étudiés les pays de l'Occident, se compose uniquement de considé- 
lations générales et ne comporte aucune énumération de cultes ni de 
lieux de culte. Cette variété dans la mise en œuvre des données fournies 
par les documents enlève toute monotonie à ces tableaux multiples et 
subdivisés de la vie religieuse dans le monde grec. 

A la fin de la première partie de son œuvre, 0. Gruppe a formulé en 
quelques pages des conclusions d'un intérêt historique considérable, dont 
il faudra désormais tenir grand compte, même si Ton refuse d'y souscrire. 
Il ne veut point admettre, comme beaucoup d'historiens le font, qu'avant 
l'époque vraiment historique, l'histoire des Grecs ait traversé deux 
périodes distinctes : l'une, se terminant vers l'an 1000 av. J.-C, et qui 
serait caractérisée à la fois par les légendes héroïques, et les Noorc, 
et les monuments récemment découverts de la période dite mycénienne ; 
l'autre, postérieure à la première, embrassant de même plusieurs 
siècles et très obscure. 11 n'accepte point les relations étroites qu'on 
prétend établir entre les faits, gestes et personnages des poèmes homé- 
riques d'une part, et d'autre part les monuments de toute sorte retrouvés 
à Mycènes, Tyrinthe, ou Troie. A cette conception des origines de l'his- 
toire grecque, il oppose des vues nouvelles, intéressantes, peut-être à 
nos yeux trop précises pour qu'il ne s'y mêle pas une grande part 
d'hypothèse purement subjective. D'après Gruppe, « la période histo- 
rique, en Grèce, se relie sans lacune à la période mythique, dont elle 
est la continuation immédiate. » Comme Athènes au v« siècle a imprimé 
le sceau de son génie propre à la civilisation grecque tout entière, de 

9 



130 REVUE DE L HISTOIKE DES UELK.IONS 

même, pendant les premiers siècles de l'histoire de la Grèce, révolution 
et les progrès de la civilisation ont été déterminés par la prépondérance 
de certains Etats. Ces primautés se seraient succédé dans Tordre sui- 
vant. La Crète, spécialement les villes de Cnossos et de Gorlyne, 
auraient d'abord exercé leur influence ; après la Crète, le centre d'in- 
fluence et le foyer de rayonnement doivent être cherchés dansTEubée et 
la partie orientale de la Béotie. Les Minyens d'Orchomène ; puis les 
princes de la Thessalie méridionale et de la Locride ; enûn les rois 
d'Ârgos auraient, les uns après les autres, joué dans le monde grec le 
rôle prépondérant. Gruppe ne conteste pas que l'Orient ait exercé par- 
fois une action marquée sur le développement de la civilisation hellé- 
nique ; mais il n'attribue pas à cette action une importance considé- 
rable ; il croit même que ces éléments ont été complètement absorbés, 
assimilés par le génie grec. Pour lui, Argos est la dernière cité qui 
ail, avant Tépoque historique, contribué à former le génie national ; 
c'est rinfluence argienne qu'ont subie, avant rétablissement de Thégé- 
monie athénienne, les cités les plus prospères et les plus brillantes des 
vu® et vi" siècles, Sicyone, Corinthe, Thèbes, Rhodes, les colonies 
d'Asie- Mineure et de la Grande-Grèce. 

Il est d'autant plus nécessaire d'insister sur cette reconstruction par 
Gruppe de la préhistoire grecque, que cette reconstruction lui a fourni 
les cadres et les divisions chronologiques de sa seconde et de sa troisième 

partie. 

* 

La seconde partie est intitulée : Uehersichf ueher die wicktigslen 
jnytidschen Vorslcllungen und Lcberlieferungeriy geordnet nach den 
Mijlhenkofnplexen, — Les Mi/theukomplexe que Gruppe étudie successi- 
mentsont : 

L Les diverses parties du monde; le ciel; la terre (surtout au point 
de vue de la géographie légendaire, dont les régions les plus impor- 
tantes sont l'Kthiopie, le pays des Hyperboréens,celui des Cimmériens, 
celui des Cyclopes, l'île de Gircé), l'Océan, les îles des Bienheureux ; le 
monde souterrain, Tartare et Hadès, avec les fleuves et les monstres 
infernaux. 

II. Les Kosmogonies et Théogonies, dont les plus anciennes ont 
presque dispar:i, dont les phis récentes, celles d'Hésiode, de Phérécyde, 
des Orphiques, ont un caractère moins religieux ou vraiment mytholo- 
gique que philosophique et liîléraire. 

III. La (îi^antoiijachie. 



ANALYSES ET COMPTES HENOCS 131 

IV. Sous [e titre d'Anthropogonie, les légendes relatives à l'origine des 
hommes, légendes de Deucâlion et de Prom^thée;les traditions qui con- 
cernent le déluge ; les spéculations plus ou moins systématiques sur les 
âges du genre humain. 

V. Le mythe ou plutôt les divers mythes d'Héraclès, dans lesquels 
0. Gruppe croit distinguer des éléments d*origines diverses, pré-argiens 
(crétois, éléens, Ëuhéens, béotiens, locriens et thessaliens) ; argiens (la 
légende des Douze Travaux) ; post-argiens (les traditions relatives à 
Thèbes et à l'Asie Mineure). 11 est remarquable qu'aucune mention ne 
soit faite de Tinfluence phénicienne ou orientale. 

VI. Les légendes thébaines, à propos desquelles sont marqués les 
rapports de Thèbes avec TArgolide et Sicyone. 

VU. La légende des Argonautes, composée d'éléments divers dont le 
rapprochement et la combinaison ont été probablement opérés dans la 
Grèce centrale, en Locride, dans le nord de la Béotie ou le sud de la 
Thessalie. 

VIIL La légende de Thésée^ où se reconnaissent malgré la prédomi- 
nance déûnitive de l'Attique des origines Cretoises et argiennes. 

IX. Enfin le cycle troyen, dont Gruppe s'efforce de classer les divers 
éléments : traditions locriennes, thessaliennes, étoliennes, les plus 
anciennes; légendes péloponnésiennes ; épopées composées principale- 
ment dans rionie asiatique. 

Comme on peut s'en rendre compte par cette brève analyse, la seconde 
partie du livre de 0. Gruppe n'est ni moins substantielle, ni moins inté- 
ressante que la première. Aucune des traditions ou des légendes essen- 
tielles de la mythologie grecque n*est laissée de côté : tout au plus se 
demande-t-on pourquoi des héros comme Persée. Bellérophon, des per- 
sonnages légendaires comme Minos ne sont pas cités auprès de Thésée 
ou d'Héraclès. 

Nous ne saurions dissimuler néanmoins qu'après avoir lu ces chapi- 
tres si nourris il nous est venu un doute et un regret. La précision, 
avec laquelle l'auteur prétend déterminer l'âge respectif des très nom- 
breuses traditions qu'il étudie, nous semble vraiment audacieuse. Sur 
quoi se fonde-t-il pour affirmer, par exemple, que dans la plupart de 
ces Mytkenkomplexe les éléments crétois ou locriens sont chronologi- 
quement antérieurs aux éléments argiens ou attiques?N est-ce pas uni- 
quement sur l'idée, fort hypothétique et subjective, qu'il s'est faite de 
l'ordre dans lequel se seraient succédé les diverses périodes de la pré- 
histoire hellénique/ 



132 REVLK DE LHISTOIHE DES RELIGIONS 

Et d*autre part on est surpris, on regrette de ne pas trouver la moin- 
dre explication, la plus petite tentative d'exégèse de ces légendes si 
variées, de ces conceptions populaires et poétiques à la fois. Pourquoi 
n'avoir pas essayé d'interpréter le mythe de Prométhée ou celui 
d'Héraclès? 

Cette réserve, que souligne encore l'absence de toute conclusion 
générale à la fin de la seconde partie, nous semble vraiment excessive. 
Elle est d'autant plus fâcheuse que l'auteur, par sa connaissance appro- 
fondie des documents, était mieux préparé que personne à proposer 
des solutions vraisemblables. 



Quel que soit pour l'historien de la religion grecque l'intérêt des deux 
premières parties de l'œuvre, c'est pourtant dans la troisième qu'il 
trouvera le plus d'idées personnelles, de conceptions originales, d'indi- 
cations suggestives. Le tableau, qui est ici tracé de l'évolution suivie, des 
transformations subies par la religion hellénique, est une fresque lar- 
gement brossée, d'une ampleur vraiment admirable, dont tous les 
détails n'ont peut-être pas une égale valeur, mais dont les plans princi- 
paux et les lignes essentielles se détachent avec un relief saisissant. 
Que l'imagination du peintre y ait souvent suppléé aux données four- 
nies par la réalité, il n'est que trop vrai. L'art se mêle ici à la science. 
Mais l'ensemble n'en constitue pas moins une des œuvres les plus re- 
marquables qui aient été écrites depuis longtemps sur l'histoire et le 
développement des conceptions religieuses chez les Grecs. 

0. Gruppe cherche d'abord à reconnaître ce qui dans les cultes et les 
mythes grecs peut être considéré comme préhellénique, vorgHechisch. 
C'est à propos de cette question qu'il précise sa méthode et se refuse aux 
comparaisons, aux rapprochements de l'école anthropologique. Il n'admet 
que les comparaisons et les rapprochements avecles religions des peuples 
dont les relations avecles Hellènes sont historiquement à peu près 
démontrées, spécialement avec les systèmes religieux des populations 
civilisées qui vivaient sur les bords du Nil, de TEuphrate, ou du Gange. 
Encore ajoute-t-il qu'il est souvent très malaisé de découvrir par quel lien 
tel mythe ou tel rite grec se rattache aux mythes ou aux rites ana- 
logues constatés en Egypte, en Chaldée ou dans l'Inde védique. Ce n'est 
point dans les conceptions cosmogoniques, théo^^oniques, anthropogo- 
niques qu'il trouve l'élément prôholléni'iue; il ne considère pas que ces 
conceptions appartiennent à VUrzeit indo -germanique. C'est bien plutôt 



ANALYSES ET COMPTES FIENDUS 133 

dans la double forme du rite essentiel de la religion grecque, du sacri- 
fice, sacrifîque-banquet ou sacrifice communiai d'une part, sacrifice par 
le feu d'autre part. L'un et l'autre rile, commua à la fois aux peuples 
indô -germaniques et aux tribus sémitiques, proviennent sans doute d'une 
religion extrêmement ancienne, dont le foyer de rayonnement doit être 
cherché dans la partie occidentale de l'Asie antérieure. 

PourGruppe, le culte du feu et spécialement du feu céleste fut la reli- 
gion primitive des habitants de la Grèce ; mais déjà pendant la période 
Cretoise, la première des époques historiques établies par l'auteur, cette 
conception religieuse est rejetée au «econd plan. Les cultes chthoniens 
l'emportent alors. L'Hadès remplace le ciel comme séjour des puissances 
redoutables. Cette transformation se poursuit, s'accentue encore pendant 
la période où domine l'influence de TEubée et de la Béotie orientale; 
le culte consiste alors en rites plus magiques que religieux, à l'aide 
desquels on s'efïorce d'écarter les influences malfaisantes des démons 
souterrains. Avec les deux périodes suivantes^ auxquelles 0. Gruppe 
donne le nom de période minyenne et de période locro-thessalienne, le 
caractère de la religion change complètement. Les cultes chthoniens 
cessent d'occuper le premier rang; les croyances qui s'y rattachent 
deviennent de pures superstitions. Les conceptions religieuses de l'époque 
primitive reprennent le dessus; mais elles revêtent une forme de 
plus en plus anthropomorphique ; de la foule des démons primitifs 
émergent les dieux et les déesses, dont l'Olympe devient le séjour. Enfin, 
au temps de la domination et de la civilisation argienne, la religion 
grecque revêt sa physionomie classique, les grands sanctuaires natio- 
naux se construisent en l'honneur des Olympiens. La légende delphique, 
d'après laquelle le culte d'Apollon remplaça le culte de Gè au pied du 
Parnasse, paraît à Gruppe exprimer en termes très nets l'évolution qui 
se produisit alors dans les conceptions religieuses des Hellènes. 

Après cette esquisse générale, 0. Gruppe aborde l'histoire détaillée 
de la religion grecque. 11 y distingue trois étapes. La première corres- 
pond aux deux périodes Cretoise et eubéo-béotienne ; elle est caractéri- 
sée par la croyance aux esprits et par la pratique de la magie. La seconde 
embrasse les périodes minyenne, locro-thessalienne, argienne et en 
partie l'époque classique ; les dieux de l'Olympe se substituent aux 
esprits et aux démons ; les rites magiques sont remplacés par la prière, 
l'off^rande, le sacrifice; la poésie et l'art exercent une action prépondé- 
rante sur cette création de la véritable religion hellénique. La troisième 
étape est celle de la décadence; elle commence dès le iv® siècle avant 



134 HKVl K l)K L HISTOIHE DES RELÏOIONS 

l'ère chrétienne et se prolonge pendant plusieurs siècles jusqu'au 
triomphe du christianisme. A ces trois étapes correspondent les trois 
sections de la troisième partie de l'œuvre de Gruppe. 

La première de ces trois sections est intitulée : Das Vordringen des 
Gespensterglauhens und der Zauberei wdhrend der Blûtezeii der kretis- 
chen und der hoiotisch-eubonschen Kultur. Pour Gruppe, les esprits 
redoutés comme puissances divines furent d*abord les morts eux-mêmes, 
en qui l'on voyait des vengeurs du droit méconnu^ à qui Ton attribuait 
le pouvoir de punir les injustices commises. Plus tard ces esprits furent 
considérés comme des êtres divins,,dont le monde souterrain était le pays 
d'origine; on les appela les Krinyes, les Kères : à la même catégorie de 
démons appartiennent Mormo, Empusa, Lamia, Antaia, qui survivaient 
encore dans les croyances populaires à l'époque classique. Ces divers 
esprits passèrent longtemps pour résider dans des objets inanimés ou 
dans des êtres animés, les uns et les autres véritables fétiches. Ces 
objets pouvaient être des pierres, des rochers, des arbres ; ces êtres 
étaient des animaux. Gruppe, toujours inspiré par les idées systéma- 
tiques qu'il s'est faites, s'efforce de prouver que les esprits contenusdans 
ces divers fétiches étaient primitivement d'origine céleste. Par exemple, 
les pierres fétiches, Steinfetische, furent d'abord des pierres tombées 
du ciel, comme les bétyles phéniciens ; puis, lorsque les cultes chthoniens 
l'emportèrent, on vit dans les rochers qui émergent du sol, principale- 
ment dans les rochers situés à l'entrée des cavernes ou des gouffres sou- 
terrains, la demeure des esprits émanés de l'Hadès. Pour expliquer la 
croyance aux ar})res et aux plantes fétiches, Baumfetische^ Pflanzenfe- 
tische, Gruppe rattache cette conception à l'idée du feu contenu dans 
le bois, et qu'on en fait jaillir par le frottement; mais, à l'époque Cre- 
toise et à l'époque eubéo-béotienne, c'est parce que les racines des arbres 
et des plantes plongent dans le sol que les démons souterrains peuvent 
venir s'installer dans les uns et lesautres. Et c'est encore la môme évolution 
qui se produisit en ce qui concerne les animaux fétiches, Tierfeiùche\ 
les animaux, qui aiment et qui parcourent les hauteurs lumineuses du 
ciel, furent mis dès l'origine en rapport avec l'éclair, avec le feu céleste, 
ensuite on accorda plus d'attention et on attribua plus de puissance aux 
animaux qui rampent sur la terre, comme les serpents; qui la creusent 
et qui semblent parfois en sortir, comme les fourmis et les souris ; qui 
la fouillent de leurs museaux ou de leurs défenses, comme les chiens, 
les loups, les porcs, les sangliers. 

Il nous est impossible d'entn^r dans les détails de l'étude singulière- 



ANALYSKS ET COMPTES RENDIS 135 

ment approfondie, souvent ingénieuse, toujours suggestive que Giruppea 
faite de tous ces esprits et démons. Il examine successivement en quels 
lieux ils se manifestent de préférence; quel est leur domaine, leur champ 
d'action ; quels sont leurs rapports avec l'homme, soit en ce monde (la 
possession, la folie amoureuse, la fécondité), soit dans THadès (le Juge- 
ment des Morts, etc.). Il analyse les rites et opérations magiques, que 
rbomme pratiquait pour s'assurer la protection des esprits bienfaisants, 
pour se puriGer, pour apaiser par des expiations la colère des démons 
irrités; à ces derniers rites se rattachent pour lui certaines coutumes 
encore en vigueur à l'époque historique, telles que la consécration des 
chevelures, la prostitution sacrée, Texil volontaire, les sacrifices humains. 
Enfin dans un chapitre consacré aux fêtes, il veut prouver que les fêtes 
les plus anciennes avaient un caractère astronomique, mais qu'elles 
devinrent, dès l'époque crétoise, des cérémonies lugubres, dont les 
rites étaient des charmes magiques destinés à lutter contre l'action des 
mauvais démons. Linos, Lityerses, Daphnis, Bormos, qui jouaient un 
rôle à l'époque historique dans des cérémonies analogues, étaient des 
personnages mythiques tués par des chiens ou des sangliers, c'est-à-dire 
par des esprits qui avaient revêtu ces formes animales. 

Les 214 pages (758-972), dans lesquelles Gruppe a ainsi systématisé 
ses opinions sur les origines et les formes les plus anciennes de la reli- 
gion grecque, prêtent sans doute à discussion ; on n'acceptera pas sans 
réserve toutes ses conclusions. Mais elles attestent une telle connaissance 
des moindres détails du rituel hellénique ; elles témoignent d'une pensée 
si pénétrante ; elles se déroulent avec une telle ampleur, qu'on ne sau- 
rait leur contester le mérite de renouveler plus profondément et plus 
puissamment qu'aucun autre ouvrage les idées courantes sur le sujet 
traité. Ce mérite est d'autant plus grand à nos yeux que l'auteur, fidèle 
à sa méthode, a puisé aux seules sources antiques, en s'interdisant tout 
emprunt aux religions et aux superstitions des peuples sauvages. 

Dans la seconde section de cette troisième partie, on assiste à la for- 
mation progressive, sous TinQuence de l'art, de la religion grecque, telle 
qu'elle était constituée au v« siècle avant J. G. Cette métamorphose com- 
mence dès la période minyenne; elle se poursuit à l'époque où la Locride 
et la Thessalie méridionale, puis l'Argolide furent les centres les plus 
brillants de la civilisation grecque. Sous l'influence de la noblesse et 
des princes, la magie recule; la prière et le sacrifice prennent dans les 
cérémonies religieuses la première place. C'est alors que la poésie, avant 
les arts plastiques, commence à fixer les traits des divinités, à leur donner 



136 REVIK OK L'FfISTOmE DES RELIGIONS 

ces physionomies à la fois humaines et surhumaines qui distinguent les 
dieux et les déesses helléniques. En même temps se pose le prohlème 
de la destinée humaine. L'épopée ionienne, surtout les poèmes homé- 
riques, jouent dans cette œuvre un rôle prépondérant. Bientôt une 
influence nouvelle s'exerce sur la mythologie et la religion grecque : au 
VI* siècle le mysticisme orphique a pénétré profondément certains 
cultes. 

Ainsi s'est créé le monde divin des 6recs,monde multiple, où survi- 
vent des éléments primitifs, où des divinités locales, témoins d'un passé 
très lointain, coudoient des abstractions divinisées ; où la puissance créa- 
trice n'est jamais épuisée. C'est ce moment, dans l'évolution de la reli- 
gion grecque, que Gruppe a choisi pour étudier les principales divinités 
du panthéon hellénique : Zeus, Héra, Poséidon, Démèter, Perséphone 
et Hadès, Pallas, Athéna, Apollon, Artémis, Hephaistos, Hermès, Aphro- 
dite, Ares, Pan, les Satyres, les Silènes, Hestia, Dionysos, Asklepios. 
Pour chaque dieu et pour chaque déesse, il indique quelle en est à ses 
yeux la signification originelle; comment cette signification se trans- 
forma à l'époque Cretoise et eubéo-béotienne, c'est-à-dire à l'âge où les 
conceptions chthoniennes furent prédominantes ; puis comment se créa 
la légende proprement mythique de la divinité ; quelle place tient la divi- 
nité dans les théogonies; quels rapports lui furent attribués par les Grecs 
avec leurs institutions sociales, politiques et militaires ; enfin quel type 
lui a été donné par les arts plastiques. 

La troisième et dernière section expose la décadence de la religion 
grecque, die Auflôsung der griechischen Religion, Cette décadence fut 
produite par des causes internes et par l'action d'éléments extérieurs. 
La plus efficiente des causes internes doit être cherchée dans les progrès 
du scepticisme, d'un double scepticisme, le scepticisme purement des- 
tructeur des impies et des athées, le scepticisme rationaliste des écoles 
philosophiques. Parmi les éléments extérieurs, qui contribuèrent le 
plus à dénaturer et à détruire la religion des Hellènes, il faut citer au 
premier rang l'influence des cultes et des conceptions religieuses de 
rOrient. A cette influence sont dus à la fois le néo-mysticisme et la théo- 
sophie des premiers siècles de Tère chrétienne ; le progrès des cultes 
rendus aux maîtres du monde, Lagides, Sél^ucides, Attalides, puis 
empereurs romains; la faveur croissante qui s'attacha aux divinités et 
aux rites originaires de l'Egypte, de la Syrie, de TAsie Mineure, même 
de la Chaldée et de l'Iran. Les grands sanctuaires nationaux furent 
abandonnés ; les cultes publics d'autrefois furent délaissés, et Tantique 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 137 

religion n*opposa guère de résistance à la foi nouvelle, au christianisme. 
Les ennemis redoutables contre lesquels le Christ eut à lutter furent 
moins Apollon, Aphrodite ou Zeus, qulsis, Cybèle et Mithra. 



Telle est, bien imparfaitement résumée, Tœuvre d'O. Gruppe. Il 
serait puéril de chicaner l'auteur d'un tel monument sur les détails. Ce 
qu'il faut louer, ce que nous tenons à mettre en lumière, c'est la mat- 
trise d^une pensée admirablement lucide, qui a suivi sans défaillance 
d'un bout à l'autre la voie qu'elle s'était tracée ; c'est la rectitude iné- 
branlable avec laquelle ce savant a labouré le vaste champ qu'il s'était 
proposé de défricher ; c'est enfin et surtout l'infinie conscience avec 
laquelle l'ouvrage a été composé et qui lui donne, pour tous les histo- 
riens de l'antiquité, un prix inestimable. 

J. TOUTAIN. 



W. H. RoscHER. — Enneadische Studien. In-4% 170 p. Extrait 
du t. XXVI des « Abhandlungen » de l'Académie de Saxe. — Leipzig, 
Teubner, 1907. 

Le quatrième mémoire de M. R. repose sur le même principe que 
les précédents : le mois lunaire aurait été la première division du temps ; 
comme il se laisse diviser en trois ennéades, le chiffre 9 aurait pris un 
caractère sacré ; une fois revêtu de ce caractère, il se serait imposé 
dans tous les ordres de connaissance. 11 aurait eu à lutter contre la con- 
currence de l'hebdomade, qui est à peu près le quart du mois lunaire, 
comme l'ennéade en est le tiers ; c'est assez tard, vers le v* siècle seu- 
lement, que les systèmes décimaux et duodécimaux, systèmes purement 
rationalistes et scientifiques, ont commencé à s'établir; mais, les sys- 
tèmes antérieurs étaient si bien enracinés que, dans toute l'antiquité, 
c'est le 7,1e 3 et le 9 qui ont joué le rôle que jouent aujourd'hui le 5 ou 
le 6, le 10 ou le 12. — C'est à la recherche des ennéades dans cinq ordres 
de faits et à leur classification qu'est consacré ce mémoire, qui sera le 
dernier de ceux où M. R. a réparti la prodigieuse quantité de textes 
qu'il a recueillis sur ce sujet : 1» les ennéades dans les cultes et les 
mythes et leur concurrence avec les hebdomades ; ^ les ennéades dans 
rÉpopée : elles sont beaucoup plus nombreuses que les hebdomades ; 
elles portent principalement sur les banquets, les funérailles ; les 



138 HEVl^E I)K l'histoire DES RELIGIONS 

jeûnes, les colères des dieux, les races et les âges des hommes, les 
groupes de personnages divins ou humains, etc. ; 3° les ennéades chez 
les Orphiques : elles y prédominent parce qu'elles prédominent déjà 
dans les deux principales sources de TOrphisme, les cultes d'Apollon et 
de Dionysos, les poèmes hésiodiques ; la neuvaine, sous le nom de 
kourêtis ou koré, devient le nombre sacré d'après Pythagore, qui aurait 
reçu sa doctrine dans les 27 jours passés à la grotte de l'Ida et d*après 
Ëpiménide, son maître, qui aurait dormi 54 ans dans la même 
grotte et qui aurait vécu comme lui 90 ans; les Pythagoriciens contri- 
buent puissamment à mettre Tennéade en honneur dans le domaine des 
sciences ; 4" dans les œuvres médicales de TÉcole d*Hippocrate Ten- 
néade, mise en honneur par Técole orphico-pythagoricienne, ne parvient 
pas à remporter sur Thebdomade que soutiennent les influences sémi- 
tiques ; enfin, le rationalisme grec fait triompher le système décadaire 
dans la médecine véritablement scientifique, abandonnant à l'astrologie 
et à la magie les spéculations sur les 7 et les 9; 5° ce sont aussi les 
influences orphico-pythagoriciennes qui assurent son rôle à Tennéade 
dans les philosophies stoïcienne et platonicienne ; la grande vogue à la 
fois des néo-pythagoriciens et des mages « chaldéens » dans les premiers 
siècles de notre ère entraîne un renouveau des doctrines novénaires. 
On entrevoit ainsi l'évolution générale de Tennéade en Grèce ; mais les 
raisons qui l'amènent à prévaloir sur Thebdomade, puis à céder devant 
la décade, n'apparaissent pas nettement. M. R. croit fournir une expli- 
cation suffisante en remarquant que le mois de 28 jours (4 X 7) a 
reculé devant celui de 27 jours (3 X ^)» P^^s, que l'un et l'autre ont 
succombé devant celui de 30 jours (3 X ^^)- Mais l'antériorité du mois 
de 28 jours sur celui de 27 est une pure supposition et les mois de 
28 jours sont toujours restés mêlés à ceux de 30. Aussi y aurait-il eu 
lieu d'insister au moins sur deux autres points de vue : 1® dans la pré- 
pondérance du système septénaire dans certaines parties de TÉpopée, 
ne doit-on pas chercher une influence sémitique comme celle dont 
V. Bérard a cru reconnaître les traces dans tout ce qui touche à la géo- 
graphie homérique? 2" dans certaines divisions politiques et sociales 
où Ton trouve des multiples de 3 et de ne faut-il pas chercher la con- 
séquence dfî faits d'histoire très ancienne, tels que les 3 phylai entre 
lesquelles se divise chaque peuplade dorienne, les 3 tritiyes et les 12 
nnyrrnries qiu» comprend la tribu attique primitive etc.?* 

1. (Vt'^i ririlftrpK'lation ()u« M. <jlotz a très heureusement appliquée à la 



AiNALYSRS KT COMPTES KRNDUS 139 

Quoi qu'il en soit^par Tincroyable masse des faits colligés, ces quatre 
mémoires, pourvus d'excellents index, resteront les ouvrages fondamen- 

Phaeacie d*Homère {Études i>ociales et juridiques sur Vantiquitê grecque, 1906). 
Comme dans mon précédent compte-rendu {Rev. Hist. Rc/., 1906, p. 474), je 
signalerai ici quelques faits qui me paraissent avoir échappé à M. R. Parmi 
les faits rituels et liturgiques : les 9 sommations faites aux ombres lors des 
Lémuria (Ovid. Fasti^ V, 443) ; les 7 coups donnés aux pharmdkoi des Thargélia 
(Tzetzès, ChiL 23, 730) ; les 3 gâteaux des espèces dites /i6a, popana eiphtoïs 
qu'on offre aux Jeux séculaires à chacune des 3 Ilythies (Eph, £p., 1892, 
p. 258); les 7 jours que durent les Mysia (Paus. VII. 27, 9); les 7 jours où la 
victime expiatoire reste excommuniée avant d'être lapidée aux Thargélia d'Ab- 
dère (Schol. Ovid. Ibis, 465); les 27 taureaux offerts, à Kos, à Zeus Polieus 
{Sylloge, 610); les 14 Thessaliens qui vont sacrifier annuellement sur ia tombe 
d'Achille (Philostr. Heroicus, p. 208) ; les 9 nuits de chasteté exigées des 
femmes qui veulent participer aux fêtes de Gérés (Ovid. Met., X, 434) ; les 
chœurs de 7 garçons et 7 filles aux fêtes d'Apollon à Sicyone (Paus. II, 7, 7) ; 
les 7 et les 10 dans les interdictions religieuses de la fondation de Xanthos 
{CIA, III, 73); les fêtes d'Artémis à Antioche commencent le 7 Artémision 
(Libanios, ad Art., I, p. 236 R.) ; les rois de Sparte sacrifient à Apollon le 
!•' et le 7 de chaque mois (Hérodot. VI, 57). — Parmi les faits d'ordre mythique 
et légendaire : 

Les 9 filles d'Asopos {Berlinerklassikertextti, V, 1907, n. 14) ; le serpent 
Échidna qui engendre Tptta) etsi xpia xéxva (i6i'i., p. 34) ; les 18 ans que 
les Magnètes attendent en Crète l'oracle d'Apollon (Kern, Die Grûndungssage 
V. Magnesia, 1894) ; lesThéréens, pour n'avoir pas obéi à l'oracle, frappés d'une 
sécheresse de 7 ans au terme de laquelle les colons se décident à partir des 7 
localités de l'île ( Hérod. IV, 150) ; les 7 villes, les 7 vierges, les 7 Muses de 
Lesbos (Tumpel, Philologus, 1889, p. £9); les 7 Hypostases de Diane dans le 
parthéneion d'Alkman ; les 7 jours des leclisternes romains, les 7 rois, les 7 
Vestales (au moins est-ce le chiffre qu'on donnait à la fin de l'Empire; voir 
Expositio totiusMundi,A^6y éd. Lumbroso). — Gomme proverbes ou supersti- 
tions populaires : le dicton attribué à Tirésiasqui aurait été femme pendant 7 ans : 
evvaTiXaaiov ^ yM^ir^ toO oL^thç>h^ opéyetac {Schol. Dial, Meretr,, 5, 4 ; Dial, Mort,, 
28, 3); le graffito d'un plaisant sur un tour de Milet : ol w5e /iÇovTe;, éwl 
wpa; pLYj opeot£v {Sitz. ber. Berl. Ak. 1906, 257) ; les 9 ans que restent loups- 
garous ceux qui ont mangé de la chair humaine aux Lykaia (Paus. VIII, 2, 6, 
Plin., VIII, 34) : la ligature à 27 tours qui doit guérir Scylla de sa folie amou- 
reuse {Ciris, 375). — Parmi les faits qui n'ont rien de proprement religieux, 
i'inftuence du 7 et du 9 se reconnaît encore dans : 

Les 9000 ans auxquelles Platon reporte l'Atlantide {Critias, 108 E) ; lés 3 
Parques inventant7 lettres auxquelles Palamède en ajoute H (total 18 = 9 x 2, 
Hygin. Fa6. 277, 31); les 7 inventions qu'auraient faites les Athéniens (.'Elian. 
Hist. Var., IH, 38) ; les 7 somatophylaques d'Alexandre, les 9 agrêtai de Kos, 
les 7 épistates d'fileusis {CIA, II, 5, 767 6; les 7 juges de Gortyne (Journ, 
Amer. Arch., 1897, n. 19) ; l'invasion des HéraklideslS ans après la guerre de 



liO HKVUK I)K l'HISTOIHE HES HELIGIONS 

taux pour toutes les études sur (es hebdomades et les ennéades dans 
Tantiquité classique. Déjà J. Hehn a poursuivi les mêmes recherches 
dans le monde sémitique [Siehenzahl und Sabbat bei den Babylonitra 
und Juden, Leipzig, 1907) et J. Loth dans le monde celtique {Hevue cel- 
tique^ 1904, p. 113). Qu'elles soient bientôt reprises dans le domaine 
des études iraniennes indiennes, germaniques, etc., c'est le vœu que 
M. Roscher formule à la fin de son ouvrage et auquel on ne peut que 
s'associer en le félicitant d'avoir ouvert la voie. 

A. J. Reinagh. 



Edv. Rein. — Aiakos in der Unterw^ell. Sagengeschich- 
tliche Untersuchungen ueber Aiakos. — Deux mémoires 
extraits des Acta societatis Scientiarum Fennicae, t. XXXil, 39 et 
49 p. In-4". — Helsingfors, 1907. 

/Eaque est généralement connu comme juge infernal en compagnie 
de ses frères Minos et Rhadamanthe. M. Rein, dans une première dis- 
sertation (De Aeaco quaest. jwjthol.y Helsingfors, 1903) s'est attaché à 
montrer comment s'était faite Tassociation de ces trois demi-dieux d'o- 

Troie (Thuc. I, 12); le septimo die auquel Quiote-Curce (X, 10, 9) place l'en- 
sevelissemenl d'Alexandre tandis qu\4!llien indique avec ra'son 30 jours 
{Hist. Var.^ XII, 64); les 7 années de règne d'Égislhe et les 70 d'Oresle (Vel- 
leius, I, 1); les 9 jours mis par Annibal à franchir les Alpes (Liv. XXI, 35; 
Polyb. III, 53) ; les 7 arpents que mesure la ferme de Cincinnatus, de Bégulus, 
de Fabius Cunctalor, etc. ; à la liste des enfants nés au 7* mois, ajoutez Cor- 
bulon (Pline, VI, 8; VII, 4). Enfin M. B. a négligé rimporlant article de E. 
Wôlftlin (Archiv. f. lat. Lexicoyr,, IX, p. 350) qui cherche à montrer que le 9 
est indigène à Rome; que le 7 y est venu par l'influence grecque, notamment 
par Aristidès de Samos auquel Varron devrait sa théorie de Thebdomade ; que 
cette influence y fut renforcée par les orientaux et les judéo-chrétiens avec leur 
doctrine des 7 péchés capitaux qui serait en corrélation avec celle des 7 pla- 
nètes (Reitzenstein, Poimandrès^ p. 232 , Maass, Tagesgotter^ p. 33) et que 
connaît déjà Horace (Ep. l, l, 33) ou avec le rôle que jouent dans les livres 
sibyllins les 7 lettres de aT-aOpo; ou les 27 I. de la formule IX0YZ (Geflcken, 
Oracula Sifnjllina, 1902, p. 144); d'ailleurs, M. R. ne semble pas avoir com- 
pris dans ses recherches les phéiioiur'nes d*/N"/>psr/>/<ie et d'interprétation numè- 
rjile des lettres (f^erdriz-^t, lievu: de^ Études Grecques, 190i, p. 350; W. 
Schultz, Mcmnun, 190S). 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 141 

rigine si diverse. Dans ce nouveau travail, il passe au crible d'une cri- 
tique sévère les titres d'iEaque à flgurer parmi les juges de Tenfer. 

La tradition serait d'origine orphique et le héros éginète n'apparaî- 
trait pas dans ses fonctions de juge avant Platon. Son rôle primitif dans 
TEnfer était celui de portier ou de porte-clef. Sa promotion à une plus 
haute charge est peut-être un résultat de la thalassocratie éginète 
du vn^ siècle. C'est à cette époque que seraient nées pareillement 
diverses légendes auxquelles on a cherché à tort des origines très 
anciennes : les prières d'yEaque, au sommet du mont Hellénion d'Ëgine, 
faisant cesser une sécheresse qui désolait la Grèce; ses fils répétant un 
prodige semblable; les rois de THelIade reconnaissant son hégémonie 
comme celle du plus juste des princes; iEaque décidant en arbitre une 
querelle entre Skiron et Nisos ; appelé même à se prononcer entre les 
dieux; inventant enfin Tor et l'argent — simple souvenir de la prépon- 
dérance de la monnaie éginète au vii^ siècle — . Toutes ces légendes au- 
raient reçu leur forme définitive à Ëgine. Beaucoup, d'ailleurs, s'étaient, 
peut-être, déjà ébauchées au sein des populations locro-thessaliennes 
auxquelles iEaque semble appartenir originairement. C'est à ces tradi- 
tions plus anciennes que M. R., tout en en reconnaissant l'importance, 
ne me semble pas faire une part suffisante. Ainsi, je continue à croire, 
avec K. 0. Mûller, que -^aque est venu d'Épire comme hypostase du 
Zeus Panhellenios qui devait avoir à Égine un culte dérivé de celui de 
Dodone; et, avec Gruppe, que, si l'on parle d'vEaque comme collabora- 
teur d'Apollon dans la construction des murs de Troie, c'est parce que 
la ville doit son nom d'Ilion à une colonie lélège qui adorait un prôto- 
Apollon dont les vocables étaient à la fois Ileus-Oïleus et Aias-Aiakos. 

A. J. Reinach. 



H. J. HoLTZMANN. — Das iiiessianische Bew^usstsein Jesu. 

— Tubinge, J. C. B. Mohr, 1907, 4 vol. grand in-8, vu et 100 pages. 

Parmi tous les problèmes difficiles qui se rapportent aux origines 
chrétiennes, celui qui concerne la personne de Jésus lui-même présente 
des difficultés toutes particulières. Et touchant ce problème cardinal, 
la question de la conscience messianique de Jésus est la plus contro- 
versée et résolue dans les sens les plus divers ou opposés même. C'est 
précisément cette question d'une importance majeure, la clef du minis- 



màdM^. 



142 HEVrE DE LHISTOIHE DES HELIGIONS 

tère de Jésus, qui est le sujet de la publication que nous annonçons. 
Elle est traitée de main de maître, comme tout ce qui sort de la plume 
si féconde de l'auteur. On sait qu'il est Tun des savants les mieux 
versés dans la matière. Il a étudié tous les écrits de quelque importance 
qui y ont trait et il y renvoie partout où il y a lieu de le faire. Qui- 
conque s'occupe de la \ie de Jésus et, en particulier, de sa messitnité, 
trouvera donc, dans cette monographie, une des meilleures sources de 
renseignement. L'auteur y pèse d'ailleurs, avec autant de prudence que 
de jcompétence, le pour et le contre des différentes opinions prises en 
considération. 

M. Holtzmann commence par exposer le courant sceptique sur la 
messianité de Jésus, qui paraît déjà dans quelques ouvrages plus 
anciens, mais qui est surtout accentué dans une série de publications 
récentes. D'après les partisans de ce courant, Jésus n'a pas ou pas sûre- 
ment cru lui-même être le Messie, les premiers chrétiens seulement lui 
ayant prêté cette foi ; ou bien il n'a accepté le titre de Messie qu'à son 
c'orps défendant ; ou encore ce titre juif, accepté par lui, ne cadre guère 
avec ses propres vues, bien supérieures au judaïsme; ou enfin ce titre 
ne fait qu'obscurcir la personne et la pensée de Jésus, et c*est un corps 
étranger dans la foi chrétienne, dont il faut la débarrasser. En opposi- 
tion à ce point de vue, d'autres, plus ou moins fidèles à l'opinion tradi- 
tionnelle, soutiennent que le christianisme lui-même subsistera ou crou- 
lera avec la messianité de Jésus. 

Beaucoup de théologiens modernes n'ont pas non plus cru pouvoir 
éliminer la messianité de l'image de Jésus, tout en l'envisageant de dif- 
férentes manières. Suivant les uns, Jésus a conservé une large part de 
judaïsme et s'est aussi appliqué l'idée messianique traditionnelle, abs- 
traction faite de la tendance guerrière qu'elle revêtait. Il aurait donc 
spiritualisé cette idée dans quelque mesure, d'autant plus qu'au sein du 
judaïsme déjà on le faisait. Ainsi on a pensé que le simple Baptiste 
pourrait être le Messie (Luc, m, 15; Jean, i, 19 s.); ou bien on se re- 
présentait le Messie comme un second Moïse (Jean, i, 21; vi, 14 s. 
Comp. Deut., xviii, 15). Selon d'autres, Jésus n'a pas cru être le Mes- 
sie eil'ectif (le son vivant déjà, mais espérait le devenir dans la suite. Ils 
peuvent s'appuyer sur dos textes comme Marc, ix, i et Rom., i, 4. 
D'après c<îtte opinion, Jésus ne serait devenu le Christ que par sa résur- 
rection (A et., II, iM)). 

Merx repouHso tous n;s essais comme des compromis inacceptables, 
les Kv.'inKile^i renierniant d(^s déclaralious d'après lesquelles Jésus ne 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 143 

fut et ne voulut être le Messie dans aucun sens. Holtzmann examine 
de plus près les critiques de Merx et les trouve insuffisantes, il lui 
répond surtout avec raison que les apôlres ne seraient jamais arrivés à 
la conviction que Jésus était ressuscité, s*il s'était conduit en simple 
docteur ou prophète ; que cette conviction est le produit de leur foi mes- 
sianique et que celle-ci ne s'explique que si Jésus lui-même avait cru 
être le Messie. Jésus s^est assurément conduit comme docteur et pro-^ 
phète. Mais pour être le vrai conducteur de son peuple, il a dû faire un 
pas de plus et accepter le titre de Messie. De nombreux traits de nos 
Évangiles ne laissent subsister aucun doute à ce sujet. Mais il est plus 
difficile de dire au juste quand Jésus a réellement eu conscience de sa 
messianité et comment il Ta conçue. 

Il est certain que Jésus a cru être le Messie à partir d'un certain 
moment et que cette conviction lui a coûté la vie. Mais comment sa 
mort n'a-t-elle pas compromis la foi messianique chez lui et ses disci- 
ples? C'est grâce au titre de Fils de rhomme^ adopté par Jésus. La 
notion du Père céleste, celle du royaume de Dieu et celle du Fils de 
l'homme, sont issues de la conscience religieuse de Jésus et sont inti- 
mement unies. Le titre de Fils de Thomme est le problème fondamental 
de la vie de Jésus, mais un problème bien difficile à résoudre. Au lieu 
de se livrer à une controverse sans fin sur le sens plus humain ou plus 
messianique de ce titre, en se laissant guider par quelques textes isolés 
qui permettent le doute, il faut partir de ceux, plus nombreux, qui 
sont comme des blocs erratiques dans nos Évangiles, qui sont princi- 
palement inspirés par Dan., vu, 13 et qui ont un caractère eschatolo- 
gique indéniable. Il ne faut pas non plus suivre de préférence le pre- 
mier Évangile, comme on l'a fait trop souvent; car il y règne à ce sujet 
une très grande confusion. 

Mais autant Holtzmann reconnaît le caractère eschatologique du titre 
messianique que Jésus s'est donné et de la tendance générale de son 
ministère, autant il s'élève énergiquement contre ceux qui prétendent 
que l'eschatologie absorbe tout dans ce ministère, et qui ne voient en 
Jésus qu'un esprit fantastique, qui s'est laissé dominer et égarer par une 
chimère. D'un autre côté, il trouve peu historique l'image moderne que 
beaucoup se font de Jésus, en méconnaissant trop le caractère eschato- 
logique de sa messianité et de sa notion du royaume de Dieu, pour lui 
attribuer un messianisme purement moral, traversé d'une haute spiri- 
tualité. D'après lui, Jésus n'a accepté le titre messianique, emprunté à 
l'apocalypse de Daniel, que vers la fin de son ministère, à partir de la 



144 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

scène de Césarée de Philippe. Il a donc commencé par avoir conscience 
de sa filialité divine et par sentir que le Père céleste lui avait confié une 
mission auprès de son peuple, pour le ramener de ses égarements et le 
conduire au salut. Plus tard seulement, quand de tristes expériences lui 
avaient fait comprendre que son rôle de prophète lui attirerait le triste 
sort de beaucoup d'autres prophètes, persécutés avant lui, il a été 
obligé de ne plus attendre le royaume de Dieu et Tapparition da 
Messie que dansTavenir. Mais alors il adopta un titre messianique qui 
était le plus exempt de l'idée d'une royauté nationale, qui lui permettait 
de se considérer comme le Messie sans se conduire en Fils de David. Il 
pensait être un simple Messie futur et abandonnait humblement à Dieu 
le soin de manifester cette messianité quand et comme il le jugerait bon. 
M. Holtzmann arrive ainsi à la conclusion que nous modernes, nous 
ne pouvons plus accorder à la messianité de Jésus, sous la forme du 
Fils de l'homme, l'importance majeure, mais plutôt au sentiment que 
Jésus a eu de sa filialité divine, sentiment qui peut et doit être celui de 
tous les hommes. C'était là son expérience intime et capitale, dont la 
conscience messianique n'a été qu'un dérivé. Celle-là nous reste et nous 
restera, même si celle-ci est compromise. Le messianisme n'a été que 
la forme traditionnelle de la pensée de Jésus, qui lui est venue du 
dehors. Le sentiment de sa filialité était l'élément nouveau et supérieur, 
mais qui a dû s'envelopper dans les formes du temps pour être compré 
hensible. De même que Jean-Baptiste a été prophète et plus que pro- 
phète, de même Jésus a dû être le Messie, tout en étant plus que lui. 

C. PlEPENBRING. 



JoHANNEs Haller. — Die Quellen zur Geschichte der 
Entstehung des Kirchenstaates. Petit in-8, XVI, 260 p. 
et 1 carte. — Leipzi<j, Teubner, 1907. 

Quiconque s'est occupé des origines des États de l'Église sait les difG- 
cultés que Ton éprouve par Tobligation de manier les lourds volumes du 
LiOej' Pontificalis et des Monumenta (jermaniae. Aussi est-ce une idée 
très heureuse qu'ont eue les éditeurs de cette nouvelle Quellensammlung 
zur deutschen Geschichte d'ouvrir leur collection par un fascicule de lor- 
mat et d'impression très commodes contenant toutes les pièces essen- 
tielles : les vitae de Grégoire II, Grégoire 111, Zacharie, Etienne II, Paul, 



ANALYSES ET COMPTES HENOUS 145 

Etienne III, Hadrien; les passages du 1. vi de Paul Diacre relatifs aux 
rapports de Liutprand, de Charles Martel et de Grégoire ; ceux de la 
Chronique de Benoît de St-Ândré du Soracte relatifs à Astolf, Pépin et 
Zacharie; ceux du Continuateur de Frédégaire sur le voyage en France 
d'Etienne II, la Nota de unctione Pipini relatant l'onction de Pépin par 
Etienne en 768, les passages des Annales Laureshamenses Petaviani et 
des Annales regni Francorum concernant les relations des rois francs 
avec la papauté de 754 à 786 ; les pages du Chronicon Moissacense tou- 
chant les voyages de Pépin en Italie et ceux de la Vita Caroii d'Einhard 
relatifs à ceux de Charlemagne ; 99 pièces du Codex Carolinus^ lettres 
des papes aux rois francs chronologiquement classées, plus 8 autres let- 
tres de la même série provenant d'autres sources ; le Pactum confirma- 
lionis par lequel Louis I, en 817, conilrme au Saint-Siège les donations 
de Charlemagne. Bien que la pièce ne soit connue que par les recueils 
de Canons de l'époque de Grégoire VII, M. H. la considère comme la 
première pièce authentique sur laquelle s'appuient la prétention du 
Saint-Siège. Comme il imprime à la suite la Donation de Constantin^ on 
regrettera qu'il n'ait pas ajouté les autres faux célèbres dont l'un, le 
Fragmentum Fantuzzianum, contient peut-être quelques parties emprun- 
tées à l'acte passé à Quiersy en 754 entre Etienne II et Pépin. — La 
valeur pédagogique de cetexcellent recueil de textes eût été singulière- 
ment augmentée, si l'éditeur, au lieu de se borner à une notice érudite 
sur les sources qu'il a extraites et à une bibliographie (où l'on s'étonne 
de ne pas trouver les noms de P. Favre, deGregorovius, deCrivelluci et 
de Doellinger), avait accompagné de notes explicatives les passages les 
plus importants de ces pièces originales. 

A. J. Reinach. 



Karl Vollers. — Die Weltreligionen in ihrem geschichtli- 
chen Zusammenhange. 8, 199 pages. — léna, 1907, Diederichs. 

M. K. Vollers a fait son livre «pour les esprits chercheurs et curieux, 
qui sont cultivés et qui pensent ». Un écrivain ne saurait se proposer 
un public plus digne d'intérêt. Le meilleur éloge qu'on puisse faire de 
ce volume, c'est d'exprimer le vœu qu'il aille à son adresse. Les lecteurs 
les plus exigeants y trouveront amplement de quoi alimenter leurs 
réflexions et satisfaire leur désir de savoir. 

Il ne faut pas, il est vrai, que, sur la foi du titre, ils y cherchent une 

10 



146 HEVL'E DE l'histoire DES HELIGIONS 

exposition justement équilibrée des trois grandes religions qu'on est 
convenu d'appeler universelles. Un coup d'œil jeté sur la table des 
matières les fera revenir de cette erreur. Ils y constateront que le boud- 
dhisme remplit à peine 22 pages, alors qu*il y en a 21 pour la religion 
des Perses, et 38 pour celle de l'Ancien Testament. Quant à l'Islam, il 
est expédié en sept pages, une parcimonie d'autant plus inattendue que 
l'Arabie est, comme on sait, l'objet ordinaire des travaux du distingué 
professeur dléna. 

En réalité, M. V. ne s'est nullement proposé de refaire les cinq 
leçons où Kuenen, opposant les religions universelles aux religions 
populaires, avait, devant les auditeurs des conférences Hibbert, exposé 
avec quelque détail l'Islam, le christianisme et le bouddhisme. Ce qui 
donne à son livre une forte unité, c'est que tous les chapitres, ou peu 
s'en faut, gravitent autour d'une même question. M. V. a voulu recon* 
naître et suivre dans les reliî^ions du monde sémitique et celles du 
monde aryen l'origine et le développement des idées qui ont concouru à 
la formation du christianisme. Estimant que le christianisme primitif 
repose essentiellement sur deux colonnes, l'espérance messianique, 
d'une part, et de l'autre, la croyance en un dieu enlevé à la fleur de l'âge 
par une mort violente, pleuré par les femmes et revenant bientôt à la 
vie, il a relevé soigneusement, dans les religions de l'Asie antérieure, 
les antécédcMits de l'une et l'autre notion, et montré que, si la première 
est juive, le dogme de la résurrection est d'origine aryenne. 

On comprend dès lors que l'auteur ait fait une place relativement 
larg(î aux relij'ions des Babyloniens, du peuple hébreu, des Iraniens, 
doH Aimtoliens; et qu'il ait à roccasion dirigé ses regards du côté des 
(WwM-.M v.\ iiH^ijHî drs Romains. Les uns plus, les autres moins, tous ces 
[Mîuplrti, «îii rllrl, onl contribué à la formation de la plus ancienne doc- 
trinridip'tiiîiiniî. I)<î Habylone vient, par exemple, la manière dont on 
H'fîht iiî|Mi'm iilr ItîH relations du Père et du Fils. La Judée a fourni 
l'idi'îii ^ll^hhlulln^ul^ A riiilluence directe des Perses, le christianisme 
doit r.iltiîfili'. du lu lin du monde, la distinction tranchée d'un monde 
vimbltî «ît d'un ninndo invisible» d'un royaume de la lumière et d'un 
royijiiMKî i)i%> hiiMiMu,, d'uno arnuV céleste et d'une armée infernale. 
C'itrsl duiiti l'Af.ir Miiiniirh hu,,h'osI tdal»orée pour la première fois, avec 
\n Million d MM dittii i|in niourt «*t (pii ressuscite, l'opposition radicale du 
coijm t'A di: r.ifiH- f Amh imymI.hvs de Li Urèce, nous devons les idées 
d'itxpniiion. «I* ..»Ihi, .Im ,», uimI,. naissance, de l'union avec le divin, 

d'UfiH vl«^ /:l<^in'dl< •'•! l'if'nkiiuiinnhi'. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 147 

Si rÉgypte a été presque complètement laissée de côté, c'est que le 
christianisme n*a rien reçu d'elle directement, et à peu près rien* indi- 
rectement. Si rislam lui-même ne trouve guère son compte dans le livre 
de M. V., c'est qu'il n'apporte pas beaucoup de lumière sur la question qui 
préoccupe avant tout l'auteur. Le bouddhisme, au contraire, a mérité 
d'être pris en considération, d'abord parce qu'on constate toujours plus 
l'influence exercée par l'Inde sur le christianisme; en outre, parce que 
le bouddhisme nous montre à merveille comment une religion univer- 
selle peut se former par l'agglomération d'idées préexistantes. 

De la déûnition qu'il donne des religions « universelles », M. V. a 
écarté un caractère auquel on était accoutumé jusqu'ici à donner une 
certaine importance. Ne semblait-il pas que ces religions avaient ceci de 
commun d'avoir eu pour fondateurs des personnalitéis religieuses forte- 
ment accusées? Mais non ; le christianisme s'explique tout entier sans 
qu'on ait besoin de faire intervenir dans ses origines un initiateur, un 
génie d'une puissante originalité (p. 177). M. V. va même jusqu'à 
déclarer qu'à la différence du Christ, l'image d'un Mahomet ou d'un 
Bouddha nous a été transmise, idéalisée sans doute, par les sources 
littéraires* (p. 162). Passe pour Mahomet qui a vécu dans la pleine 
lumière de l'histoire. Mais le Bouddha? Que pense M. Senart d'une 
affirmation aussi audacieuse? 

A l'appui de sa thèse, M. V. fait observer que, par leur nature et par 
leur date, les Évangiles ne peuvent avoir plus de valeur documentaire 
que n'en ont, à propos de Mahomet, les recueils de traditions souvent 
suspectes auxquelles on donne le nom de hadîth. Il faut, il est vrai, 
mettre à part le témoignage de Paul. Cinq ans environ après la mort du 
Christ, Paul parle de la résurrection comme d'un fait constant ; il 
déclare même que « si Christ n'est pas ressuscité, vaine est notre prédi- 
cation, vaine votre foi ». Sans doute. Mais ce témoignage ne suffit pas à 
combler l'hiatus existant entre l'événement et la relation qu'on en a faite. 
Paul n'a pas été un témoin oculaire. De plus, c'était un vision aaire. 
Enfin, il était pénétré d'idées venues d'Anatolie. Il se peut, par consé- 

1) A peu près, car TÉgypte pourrait bien avoir donné naissance à Timpor- 
tante idée que la destinée du dieu est comme la garantie de la destinée du 
fidèle : la résurrection du dieu autorise chez l'homme Tespérance d'une vie 
future. 

2) Nous connaîtrions «( historiquement » le père, la mère et la sœur du 
Bouddha (p. 106). La sœur? L*auteur a sans doute voulu dire la sœur de sa 
mère. 



148 HEVUE DE L^HISTOIHE DES RELIGIONS 

quent, que les vagues récits qui circulaient dans la communauté primi- 
tive sur les apparitions du Christ aient pour la première fois pris corps 
et consistance dans Tesprit de cet apôtre. 

A ce vigoureux effort fait en vue d'éliminer, dans l'explication du 
christianisme, Tinfluence décisive d'une puissante personnalité, on 
roconnaît bien vite la tendance évolutionniste de Tauteur. M. Vollersne 
veut pas être seulement historien ; il applique, ditil, la méthode histo- 
rico-comparative (p. 122). De là^ une certaine complaisance à établir 
entre deux religions différentes des parallèles, dont on ne saisit pas 
toujours Topportunité *. Delà, aussi, cette déclaration assez contestable 
que Ton ne peut comprendre Tessence de la religion que si Ton remonte 
avant tout à ses commencements (p. 12) ; ce qui équivaut à supposer que 
tout le développement ultérieur de la religion est déjà contenu dans son 
premier germe. De là, enfin, Pidée qu'on peut conclure d'un état postérieur 
d'une religion donnée à un état antérieur de cette religion ; même, — s'il 
s'agit de deux religions dont l'une est créancière, l'autre débitrice—, 
que la direction prise par la seconde nous renseigne indirectement sar 
l'esprit qui régnait dans la première. Un exemple frappant de cette 
manière de raisonner, c'est quand M. V., constatant d'une part l'in- 
fluence religieuse exercée par la Babylonie sur la Perse, d^autre part, la 
tendance essentielleAient morale du mazdéisme, infère que ce même 
caractère a certainement appartenu à la religion babylonienne, alors 
que nos sources ne nous autorisent point à le lui attribuer (p. 92). 

Mais une réserve plus nécessaire encore porte sur la thèse principale 
de l'auteur. Est-il bien sûr que le christianisme se trouvera tout entier 
expliqué, quand on aura pu rattacher à d'autres systèmes religieux tous 
les éléments qui sont entrés dans sa formation? Sufflt-il, pour qu'on 
comprenne ses rapides succès, de dire qu'étant à la fois, et à cause de 
ses multiples origines, ^ religion de la loi et religion de la liberté, juif 
et non juif, monothéiste et trithéiste, ascétique et indulgent dans si 
morale, mystique et rationaliste, individualiste et socialiste, populaire 
et philosophique, monarchiste et démocratique », il a pu, grâce i k 
variété de ses nuances chatoyantes, ga^mer un nombre toujours plus grand 
d'adeptes? Le problème est évidemment plus complexe que ne sembk 
le croire M. V. On sait qu'il se pose dans les mêmes termes pour le 
bouddhisme : on arriverait à démontrer (ju'il n'y arien eu d*origiiul 
dans la doctrine et dans la discipline bouddliiiiues; il n'en resterait ms 

1) Voir, par cxem[)le, pafrcs 27, 30, 100, (>lc. 



ANALYSES ET COMPTES BENDUS 149 

moins que le bouddhisme apparaîtrait encore dans Thistoire de l'Inde 
comme un fait nouveau, ayant son caractère propre. C'est la même 
impression que fait le christianisme. De part et d'autre, il a dû y 
avoir quelque chose qui a renouvelé radicalement, transûguré ces em- 
prunts mômes dont on reconnaît toujours plus l'existence. Cet élé- 
ment primaire, qui a donné à tout le composé son originalité et sa 
puissance religieuse, n'est-il pas probable qu'il faut le chercher, sinon 
dans la personnalité historique du fondateur, du moins dans la manière 
dont cette personnalité, réelle ou fictive, a agi sur le cœur et l'imagina- 
tion des fidèles ? 

J'ai insisté, comme c'était mon devoir, sur les parties qui me parais- 
saient surtout contestables dans le livre de M. Vollers. Mais ce ne 
serait pas rendre pleine justice à son œuvre que de ne pas avertir les lec- 
teurs qu'ils y trouveront un grand nombre de pages vraiment remar- 
quables pour la condensation claire et forte de l'exposition. Je leur 
recommande en particulier le beau chapitre sur la religion de l'Ancien 
Testament*. D'une manière générale, et quelle que soit la position 
qu'ils prennent à l'endroit de la thèse principale soutenue par Fauteur, 
ils seront obligés de rendre hommage à la façon calme et objective avec 
laquelle sont abordées des questions souvent délicates, et de remercier 
l'auteur pour tant de suggestions qu'ils lui devront. 

Paul Oltramare. 



1) M. V. est un sémitisant dont les travaux sont fort appréciés des spécia- 
listes. 11 est évidemment moins bien renseigné sur les religions du monde 
aryen. Je ne veux pas le chicanera propos de certaines transcriptions de noms 
indiens. Mais je dois ravertir que le chien n'est pas en général considéré 
comme sacré par les Hindous (p. 98); que le mot Çâkta désigne non pas 
Tépouse, mais certains adorateurs de Çiva (p. 119) ; que le soleil n'est pas un 
Asura, mais un Aditya ; que ce sont très probablement les Çivaïtes, et non pas 
les bouddhistes qui ont inventé le rosaire (p. 115) ; qu'il y a quelque exagéra- 
tion à dire qu'Açoka a fait de son royaume un état bouddhique modèle (p. 116). 
— M. V. met la croyance à la métempsycose en relation avec le totémisme; 
celte origine n'est probable, en tout cas, ni pour Tlnde, ni pour la Grèce. Le 
fétichisme africain serait la croyance que l'homme peut contraindre le Dieu k 
lui donner ce qu'il désire; est-ce là vraiment définir cette forme de la religion? 



INUTIGËS filBLIOGRAPIllQUËS 



Frédéric MACLEit. — Bibliothèque Natioaale. Gatalograo des ma- 
nnscrits arméniens et géorgiens. 1 vol. in-8* de xxx-204 p. et 5 pi. — 

Paris, Leroux, 1908. — Ce catalogue d*une littérature presque ezciusiTement 
religieuse rendra de grands services aux spécialistes. Une introductioa de trente 
pages retrace l'historique de la collection. Les plus anciennes acquisitions re- 
montent au xvi" siècle, mais le fonds principal provient de la missioa confiée à 
Tabbé Sevin, sous Louis XV. Cinq planches donnent de bons spécimens des 
diverses écritures arméniennes. y{, d. 

H. NissEN. — Orientation. Stodien zur Oeschichte der Religion. 

— Berlin, Weidmann, 1906-1907, 2 fasc. 8» de 260 p. (ensemble). — Les cir- 
constances nous ont erapéchôs de signaler lors de son apparition les deux pre- 
miers fascicules de l'ouvrage de M. Nissen : il est encore temps de réparer cette 
omission ; M. N. passera probablement en revue, de son point de vue spécial, 
toutes les religions, et il a à peine terminé ce qui concerne la religion grecque. 
Nous consacrerons donc un compte-rendu d'ensemble à ce livre lorsqu'il sera 
achevé ou touchera à sa fin. Son titre r.'sume à l'avance son contenu : il traite 
de rorientation des temples et de tous tulifices de culte, à travers les temps. 
Le relevr* topographique, apparemment exact, qu'il fournit de chaque temple 
d'Kgypte, des Sémites, des Grecs dans ses rapports avec le système solaire 
permettra d'établir des éléments nouveaux de comparaison et de critique; et il 
est douteux que ce livre prudent serve à édifier encore un système d'interpré- 
tation solaire des mythologies. 

W. Jones. -- Fox Texts, publications of the American ethnological so- 
ciety. — Lpyde, Brill, 1907, 8" de 383 p. — Recueil de documents, en majeure 
partie religieux, sur les Algonquins; ilnMifonne environ soixante récits mythi- 
ques ou textes de prir^res réunis sur place par M. J. La partie consacrée à 
l'élude comparative indispensable est malheureusement plus qu'abrégée. Les 
textes paraissent soigneusement traduits et immédiatement utilisables. 

ËDw. Lbhmann. — Mystik im Heidentum und Ghristentnm (trad. 
allemande par M»"» Anna Crundtvif;. — Leipzii;, Teubner, 1908, 1 vol. in-12 
de 160 p. — L'auteur d»i cet oxctdlt'nt petit livre est docent d'histoire des reli- 
gions à Copenhague. Kn douze courts chapitros ih'tudit» le mysticisme à travers 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 151 

les âges et môme le montre en des religions où la vulgarisation Fallait rare- 
ment chercher : il discerne la part de mysticisme authentique que contient 
Textase chamanique aussi hien que la spéculation d'un maître Eckart ou Teffu- 
sion d'une sainte Thérèse. Quelques-uns de ses chapitres, en même temps qu'ils 
constituent de vrais prodiges de concision, sont très personnels de méthode 
et de groupement des faits : telles les pages sur la mystique de Luther, et 
celles, par où se clôt le volume, sur les rejetons du myticisme proprement reli- 
gieux dans la littérature et la philosophie laïques, l'étude rapide des influences 
« extatiques » dans Tœuvre des grands lyriques anglais de Bunyan à R. Brow- 
ning et à Charles Kingsley, dans le spinozisme de Carlyle, dans tout le mou- 
vement romantique allemand, dans Tindividualisme de Kierkegaard, etc. 

Dr Paul Carus. — The Dharma or the Religion of Enlightenment. 

An exposition of Buddhism, — Chicago. The Open Court publishing company, 
1907, pet. in-i2 de i70 p. — Le D' Paul Carus s'est fait connaître comme in- 
dianiste et comme psychologue. On ne peut nier qu'il ait trouvé l'emploi de 
ces deux facultés dans la mission qu'il s'est donnée depuis quelques années : 
aider en Occident à la plus large diffusion des idées bouddhistes d'abord, et, 
à un degré moindre, semble-t-il, à celle des enseignements de la sagesse chi- 
noise. Ses petits volumes, à peine plus copieux que des tracts de propagande, 
sont composés dans un but de prosélytisme évident. Pourtant ils renferment des 
traductions d'une probité reconnue et l'histoire des religions peut en faire son 
profit — • en attendant qne les tendances représentées par ses plaquettes en- 
trent à leur tour dans l'histoire des religions. 

G. Pfannhûller. — Jésus im Urteil der Jahrhnnderte. •— Leipzig 
et Berlin, 1908, Teubner, in-8» de 578 p. — Ce livre ingénieux peut difficile- 
ment se définir : il contient, non certes tout ce qu'a inspiré la personne de 
Jésus dans la théologie, la philosophie, la littérature et l'art jusqu'à l'époque 
présente, mais, choisis un peu arbitrairement, les textes et les œuvres d'art qui 
ont paru à M. Pfannmûlier le mieux caractériser l'impression que chaque époque 
a reçue de la tradition relative à Jésus. D'où un volume qui contient des maté- 
riaux nombreux et intéressants, mais présentés selon un plan assez déroutant. 
Ce n'est pas une bibliographie critique, ce n'est pas une vie de Jésus, ce n'est 
guère plus une histoire de l'influence de Jésus : c'est un recueil de morceaux 
choisis reliés par des notices historiques de l'espèce la plus dénudée. L'illus- 
tration comporte une histoire très abrégée, mais fort habile, du type iconogra- 
phique de Jésus. 

Prof. U' Franz Diekamp. — Doctrina Patrum de incarnatione 

Verbî. — Munster, Aschendorff, 1907, 1 vol. gr. in-S" de xci.368 p. — Nous 
nous bornons à signaler cette excellente édition de ce florilège grec. M. Bon- 
wetsch en a donné dans la Theologische Literaturzdtung du 12 septembre une 



152 REVUE UK l'HïSTOIHE DES RELIGIONS 

analyse à laquelle il sera bon de se reporter pour éclairer la lecture de la Doe- 
trina et juger du travail critique réalisé par M. Diekamp. Ce texte tient 
compte en les condensant des contributions patientes de MM. Loofs, Serruys, 
Lietzmaun et Schermann. Il peut être considéré comme définitif. 

D. WfLH. ScHMiDT. — Der Kampf am den Sinn des Lebens von 
Dante bis Ibsen. — Berlin. Trowitzsch, 1907. 2 vol . in-8« de 346 et 320 p. — 

Ce livre n'est guère du ressort de Thistoire des religions; nous le signalons 
cependant bien volontiers à nos lecteurs : c'est de très estimable histoire des 
idées. Le choix des « représentative men » est toujours arbitraire; il Test peut- 
être exagérément ici : Dante n'a pas condensé ce que le moyen âge a pensé 
ou appris du sens de la vie : le xii« et le xiiie siècles ont connu des morales de 
moins haut vol que celles que figurent Béatrice ou Mathilde. De Dante à Milton 
(ce terminus ad quem étant lui-même contestable), les réponses intéressantes 
au grand problème ont afflué. Nous préférons la synthèse que propose 
M. Schmidt en donnant comme types de « moralistes » modernes Carlyle et 
Ibsen, en reconnaissant comme éléments du self development contemporain, à 
presque égales proportions, Sarlor Resartus et Solness le constructeur, 

D' Franz Heinemann. —Bibliographie nationale Baisse, fascicule i^^ 
Inquisition, Intolérance, Excommunication, Interdit, Mise à Tlndex, Censure. 
— Berne, K. J. Wyss, 1908, i vol, in-8"» de xxi-216p. —Ce fascicule de la 
Bibliographie nationale suisse rédigé par le D' Heinemann, bibliothécaire 
à Lucerne et professeur d'histoire de la civilisation à Zurich renferme somme 
toute une très grande partie de la littérature afférente à Fhistoire religieuse 
des cantons confédérés. Dans son plan un peu singulier (Partie théorique- 
dogmatique — Partie historico-pratique — Partie topographique-historique) 
est comprise à peu près toute Thistoire de rétablissement du christianisme en 
Suisse, de la Piéformalion. de la répercussion de la guerre de Trente ans dans 
les cantons au point de vue cultuel, du mouvement des idées au xviii* siècle 
et, pour le xix« siècle, de toutes les luttes politiques, et elles sont nombreuses, 
dans lesquelles la situation respective des deux cultes en Suisse a joué un rôle. 
Quant à Thistoire de l'inquisition, des excommunications, censures ecclésias- 
tiques, censures des livres, exercice de l'index, elle représente en réalité l'es- 
sentiel des rapports entre Rome et la Confédération. C'est donc un livre pré- 
cieux et qui dépasse son titre. 

Abbb Tresal. — Les origines du schisme anglican (1507-1571). 
Paris, Lecoffre, 19(^8. l vol. in- 12 de xvu-460 p. — Il est à regretter 
que ce livre d'une trîs réelle valeur d'érudition soit, dans ses conclusions, 
presque toujours faussé par l'intérêt confessionnel. M. T. qui n'ignore pas les 
directions générales de la civilisation anglaise au xvi« siècle, paraît vouloir 
écarter ce qui constitue proprement les •< orii^ines » du schisme pour n'en rete- 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 153 

nir que les faits politiques, c'est-à-dire la part la moins significative dans 
l'étude d*une révolution religieuse. D'oi^ la facilité avec laquelle sont passés 
sous silence les antécédents locaux de ce mouvement de croyances qui, au 
xvi« siècle, avec la collaboration restreinte des circonstances, donna à TAn- 
gleterre sa religion particulariste ; de même est niée l'importation des idées 
luthériennes en Grande Bretagne, ce que le tempérament national en a retenu 
ou rejeté — et la réforme anglaise se trouve ainsi réduite par M. T. à n'être 
que Teffet mesquin des caprices d'un Henri VU F, la conclusion d'une para- 
doxale intrigue de cour. 

A. RÉBKLLiAu. — La Compagnie secrète du Saint-Saorement. Lettres 
du groupe parisien au groupe marseillais. 4639-1662. — Paris, H. Champion, 
1908. 1 vol. in-12 de 129 p. — Cette société secrète nous était déjà connue, 
surtout dans son activité parisienne, par tout un groupe de travaux de 
MM. Charles Clair (en 1888), A. Leroux, Rabbe, Raoul Allier (dans son livre : 
La Cabale des Dévots), le P. Beauchet-Filleau et aussi M. Rebelliau lui- 
même (art. de la Revue des Deux-Mondes, 1"' juillet, <•'' août, 1«' septembre 
1903). Ces lettres du groupe parisien au groupe marseillais qui font partie 
d'un dossier acquis par la Bibliothèque nationale (nouv. acq. fr. in-folio, 21091) 
ont été classées chronologiquement par M. Rebelliau : elles vont de 1639 à 
1662, toutes émanant des « supérieurs, directeurs et Compagnie du Saint- 
Sacrement établie à Paris »; les unes, manuscrites, annoncent des décès de 
confrères ou relatent des nouvelles d'affaires spirituelles ou charitables; les 
autres, imprimées, sont de simples billets de faire part de décès de confrères, 
mais portent des annotations ayant trait à l'histoire de la Compagnie, à des 
préoccupations spirituelles et à sa carrière matérielle. On y trouve l'écho de 
nombreux événements publics, les noms propres y fourmillent, quelques-uns 
déjà fort connus ou dignes de dépasser une renommée locale. L'Index en a été 
très soigneusement dressé par M. R. et rendra encore plus utile cette excel- 
lente édition. 

E. Caird. — Lay Sermons and Addresses. — Glasgow. J. Maclehose. 
1907, in-8o de 312 p. — Nous signalons volontiers ce livre composé de 
douze discours prononcés au Balliol Collège d'Oxford. Ils sont parmi les plus 
intéressants spécimens de la large éloquence universitaire anglaise, d'une 
philosophie qui se fait aisément édifiante. Plusieurs, sinon tous, sont des 
leçons de culture morale : Preedom and Truth (p. 21), Spiritual Develop- 
ment (p. 151); The great Décision (p. 179); True Purity (p. 205); Courage 
(p. 233) etc. L'idéal national y est enseigné « as an ethical idéal » et en cer- 
taines circonstances solennelles {on Queen Victorias Jubilee (p. 73). After the 
Queen's Death (p. 123). Accessoirement l'histoire religieuse appuie d'argu- 
ments choisis cette estimable morale académique. 

P. A. 



CHRONIQUE 



NÉCROLOGIE 

Albert Dieterich : L'histoire des religions a été frappée par une étrange 
fataJité : quelques heures peut-être après Jean Réville, le 6 mai mourait le pro- 
fesseur Albert Dieterich, de Heidelberg, principal rédacteur depuis 1904 
de VArchiv fur Religionswissenschaft, Le nombre des travaux de longue 
haleine fournis déjà, par lui à nos études est peu considérable, mais tous 
avaient marqué : on sait quel intérêt s*attacha à la publication dans VArchiv 
de son mémoire intitulé Mutter Erde, déjà présenté sous une forme réduite au 
Congrès de Bâle en 1904. Albert Dieterich, disciple de son beau-père Hermann 
Usener, était au premier rang des mythographes contemporains. Sa méthode 
surtout philologique s'élargissait cependant assez pour accueillir les résultats 
de Tethnologie la mieux informée, et le sens des textes classiques se renouve- 
lait ainsi, s'éclairait de façon à lui permettre de discerner dans les œuvres 
des époques littéraires les plus raffinées de l'antiquité les traces palpables des 
liturgies et des mythes primitifs, les a Grundformen » de la pensée religieuse. 
VArchiv, dont les destinées sont assurées sous la direction nouvelle de 
MM. Richard Wiinsch et L. Deubner, publie dans son fascicule de juillet le 
dernier travail d'A. Dieterich : Die Entstehung der Tragôdie. 

Otto Pfieiderer : Le hasard nécrologique nous fait rapprocher deux 
noms qui évoquent des activités très différentes : 0. Pfieiderer était de car- 
rière un thnologifîn, de méthode un philosophe religieux. Il devait beaucoup à 
l'école (le Tuhingue et lon^Hemps il apparut comme le héraut officiel delà théo- 
logie critique. ProfiîBSiîur h l'Université de Berlin depuis 1875, il aida de son 
autorité irid/'riiée dauH la nouvelhî Allemagne religieuse à la diffusion des 
résultutK (1(1 la pliiH rAc.entcî histoire ecclésiastique; il excellait dans les larges 
synlhrîHiîM, dnircH (;t iitlrayanles ; ses trois derniers livres, ou plutôt ses trois 
dernicrc.M nOr\i*n tU*. conféninc^îs publiques constituent le meilleur résumé de 
son eriii(Mgn(Mn(înl «t /hjhhi la plus vivante illustration de sa méthode (Die 
EnlHtehuufj dnk a/iriHlrnlumH. Munich, .1. F. Lehmann, 1906. — Religion und 
lieligiomn (tin-tui'. hU\., VM',). hie Eutwicklung des Christcntums (même 
édit., liKH). - - l'en d«r itt'Miilu'H liinMil auHHJ «'xotériques que la sienne. Presque 
ioun fce» (iuvniK«ti uviiifid (rcxcciilidinicllrs (|ualil6s de rehef et de franchise et 



CHRONIQUE 155 

leur relenlissement fut durable (Die Religion^ ihr Wesen und ihre Geschichte 
(Leipzig, 1869). — Religionsphilosophie (Berlin, 1878). — Luther als Begrùnder 
der protestantischen Gesittung (1883). — The Development of Theology in Ger- 
many since Kant (Londres, 1878) etc. 



Gaston Boissier : C'est par rhumanisme que G. Boissier vint à Thistoire 
des religions. Professeur de rhétorique, professeur d' « éloquence latine >», il 
était naturellement porté à accorder au document littéraire une valeur domi- 
nante dans rhistoire de la civilisation, et Tépigraphie, qu'il ne négligeait pas, 
n'apparaissait cependant que comme un adjuvant secondaire dans sa construc- 
tion historique. En dehors de quelques articles au Journal des Savants, il n'ap- 
partient guère à nos études que par deux livres, La Religion Romaine d'Au- 
guste aux Antonins (Paris, 1874, 2 vol. 8°) et La Fin du Paganisme (Paris, 
1891, 2 vol. 8o); tous deux paraissent de plus en plus se réduire à une histoire 
du sentiment religieux dans la littérature latine. D'ailleurs w une absence rare 
de parti-pris et môme de besoin de conclure » (Faguet), jointe à des dons 
d'exposition d'une indéniable séduction avaient fait dç ces livres des modèles 
d'érudition élégante, accessibles à un vaste public et qui, à tout prendre, ser- 
vaient souvent à répandre les résultats acquis par la science de laboratoire. 

P. A. 



COMMUNICATION 

• 
Dédicace et consécration de deux sanctuaires puniques, — Un texte punique 
important a été trouvé à Bir-bou-Rekba, l'ancienne Siagu (Tunisie) par le 
capitaine Cassaigne, traduit et commenté par M. Philippe Berger dans la séance 
du 26 juin 1908 de l'Académie des Inscriptions. Le savant professeur au Col- 
lège de France a bien voulu donner à la Revue la primeur du texte et de la 
traduction qu'il a établis, se réservant de les commenter dans le Répertoire 
d'épigraphie sémitique, 

□T22TZ; n^2 naojn bv2 Sys ï:;n* dj^ a^zripa Sn p runSi Synb pxb i 
S^5 D^ipD 2 ^^< tîjan nsSa hy n:d p:x p "jbDm "jban 2 

n nby St< d^Sn.! nu p^x p Nior pT^D p ]d:ie 4 

obnj Sys3 7 n^n ^3sS vsa m^S yn^T ion Sn a^ipa 5 

]T\22^ DW 01:171 d:^ dsd Sn DttTTpDn nhv ynis* nsDJ 6 

WB1 p mntt;vi:i n^5^ p:^« ]2 «nNSx o^nsn nx 7 



156 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

1. Au seigneur Ba*al et à Tanit Pené-Ba*al, les deux sanctuaires qu*0Qt 

faits les citoyens de Tenesmat, en Tannée des SuCTètes 

2. Himilcon et Himilcon, fils d'Ancôn. Furent préposés au travail de la cons- 

truction de ces £oncluaires-là 

3. Arsân, fîls de Gadscln et Ba'alhannon, fils de Miskar. Et au travail du 

revêtement : 

4. Famacân, fils de Mandacân, et Jasdo, fils d'Ancôn. Entrèrent ces dieux- 

là dans ces 
6. sanctuaires-là au mois de Mopba* de l'année présente. Ont été faits des 
vases 

6. à libations 4 pour ces sanctuaires-là, des bassins 2 et des zebarim 2. Et 

ils ont été donnés 

7. aux prêtres, à Afarès, fils d'Ancôn, et à Bodastart, fils de Jafas. 

La dédicace, comme Ta reconnu M. Clermont-Ganneau, est faite par une 
collectivité. L'intérêt de ce texte, suivant la remarque dé M. Philippe Berger, 
est de nous fournir pour la première fois une formule punique de consécra- 
tion. Prise mot à mot, elle spécifie que les dieux descendirent c sur » les sanc- 
tuaires, laissant entendre que Ba*al-[Hammon| et Tanit Pené-Ba*al étaient de 
nature céleste et qu'ils furent amenés, par des cérémonies appropriées et des 
Sîicrifices, à s'incorporer dans les bétyles ou idoles des sanctuaires. Parmi les 
ustensiles du culte, les zebarim sont d'usage inconnu. 



DÉCOUVERTES 

Un type nouveau (TAiitinoits, — Un remarquable relief représentant ce per- 
sonnage en costume de vigneron et faisant la vendange, découvert à la fin 
de 1907 dans les terres Pontines, a été communiqué par M. Paul Gauckler 
à l'Académie des Inscriptions (séance du 19 juin 1908). « Ce portrait d'Anti- 
nous fut sans doute sculpté, comme toutes les œuvres analogues, immédiate- 
ment après la mort du favori impérial dont Hadrien avait fait un dieu. Il lui 
donne l'aspect d'une divinité champêtre du cycle dionysiaque : mais cette 
image religieuse est traitée à la mode du temps, d'une manière réaliste et pit- 
toresque. L'apothéose du nouvel Immortel n'est indiquée que fort discrètement, 
par deux attributs accessoires, la couronne de pins qui ceint sa chevelure et 
l'autel, placé devant lui, qui supporte une pomme de pin entourée de figues * ». 
Antinous est accompagné d'un lévrier. « Le jeune Grec divinisé apparaît réel- 
lement ici comme une divinité nouvelle, tenant à la fois du Faune, du pasteur 
Aristée [identification proposée par M. Salomon Reinach] et même de Silvain, 

1) P. Gauckler, Comptes rendus de l'Acad.^ 1908, p. 348. 



CHUONIQUE 157 

mais sans se confondre avec aucun d'eux : du Faune, il lui manque les oreilles 
caprines ; de Silvain, la barbe hirsute et Page avancé ; d'Aristée, le bonnet, la 
houe et les chaussures rustiques. Ce vendangeur mystique éveille surtout 
ridée d'une sorte de neos Dionysos^ régénéré, remonté dans TOlyrape après 
une incarnation terrestre dont il a conservé l'empreinte, et qui le rapproche 
des hommes. » (L. c, p. 351.) L'œuvre est signée du sculpteur Antonianos 
d'Aphrodisias, inconnu jusqu'ici. Elle ne peut être antérieure à 130 de notre 
ère, ni postérieure à 138. 

Mission Pelliot. — Dans la séance du 10 juillet, M. Senart a annoncé à 
l'Académie des Inscriptions la découverte par M. Pelliot, chargé de mission 
dans l'Asie Centrale, d'un lot considérable de textes antérieurs au xi« siècle de 
notre ère. Nombre d'entre eux intéressent l'histoire du christianisme, du mani- 
chéisme, du taoïsme et du bouddhisme. Ces trouvailles complètent celles de 
MM. Griinwedel et A. von Le Coq dans le Turkestan chinois {Zeitschrift fur 
Ethnologie^ 1907, p. 509). Cette région a été pour les doctrines venues du sud 
et de l'ouest, la dernière étape avant d'entrer en Chine. A l'est de Tourfan, à 
Idikut-Schahri, ancienne capitale des Ouigours, M. von Le Coq a découvert 
une peinture murale avec inscriptions ouigoureset manichéennes qui désignent 
l'un des personnages représentés comme étant Mani lui-même. On peut espérer 
que ces explorations méthodiques fourniront des renseignements abondants et 
nouveaux sur la doctrine du prophète babylonien, jadis maîtresse du Turkestan. 

Dieux iraniens en Asie Mineure, mentionnés sur des tablettes cunéiformes 
du XV* siècle avant notre ère. — Dans sa seconde campagne de fouilles (1907) 
sur le site de Boghaz-Keuï, ancienne capitale de l'empire hittite, M. Hugo 
Winckler a fait une découverte inattendue. Une tablette gravée de caractères 
cunéirormes et remontant au xv* siècle avant notre ère lui a fourni les noms 
divins de Mitra, Varuna, Indra, Nasatya. M. Eduard Meyerqui s'occupait pré- 
cisément de dégager les éléments iraniens dans la civilisation de l'Asie anté- 
rieure, au deuxième millénaire avant notre ère, n'a pas tardé à commenter celte 
donnée nouvelle autant que précise. Le savant historien [Das erste Auftrete der 
Arier in der Geschichte, extr. des Sitzungsberichte d, k. pr, Akad.. 1908) 
pense que les Iraniens, aux xvni* et xvii" siècles avant notre ère, se sont portés 
vers l'ouest par bandes séparées soit pour piller soit pour s'enrôler à la solde 
des princes turbulents du nord de la Syrie et de la Mésopotamie. 

Culte de Mithra d Paracha. — M. Clermont-Ganneau a communiqué à l'Aca- 
démie des Inscriptions (séance du 24 juillet 1908) un mémoire de M. Grégoire, 
membre étranger de l'École française d'Athènes, sur une inscription bilingue 
grecque et araméenne de Faracha en Cappadoce, sur la frontière de Cilicie. Le 
relevé de M. Grégoire rectifie heureusement le n« 671 du Répertoire d'épi- 



158 REVCE DE l'hISTOIHE DES RELIGIONS 

graphie sémitique. Ua certain Sagarios déclare avoir rempli les fonctions de 
mage de Mithra. Si la conjecture de M. Clermont-Ganneau, touchant le titre de 
la partie araméenne (rab hagâ =panégyriarchès) se vérifie, on en conclura que 
Faracha était dans Fantiquité un centre important du culte de Mithra. 

Astarté de Paphoa. — M. Clermont-Ganneau a communiqué à l'Académie 
des Inscriptions (séance du 22 mai) et publié dans la Revue Archéologique 
(1908, 1, p. 329-330) un fragment d'inscription phénicienne où il restitue la 
mention de TAstarté de Paphos. La fameuse Aphrodite paphienne apparaîtrait 
ainsi pour la première fois dans l'épigraphie sémitique. 



PUBLICATIONS DIVERSES 

Notre collaborateur M. A.-J. Reinach, dans la Revue des Études ethno- 
graphiques et sociologiques, 1908, p. 338-362, étudie La lutte de Jahvé avec 
Jacob et avec Moise et Vorigine de la circoncision en partant de la découverte 
de M. Eduard Meyer {Die Israeliten und ihre Nachbarstàmme) qui rétablit le 
vrai sens d'Exode^ iv, 24-26. Dans la lutte entre Yahvé et Moïse, Sipporah 
sauve son mari en jetant aux jambes de Tagresseur (non de Moïse, comme on 
comprenait) le prépuce qu'elle vient de couper à son fils ; elle s'écrie ; « Tu es 
mon fiancé sanglant ». Ce fiancé sanglant, c*est Yahvé et M. Ed. Meyer 
explique le geste comme un moyen magique d'écarter la colère divine. Pour 
M. A.-J. Reinach, l'opération n'est pas à vrai dire un apotropaion^ mais un 
signe d'alliance par le sang. Sur cette vue intéressante, le savant auteur 
greffe une autre hypothèse d'après laquelle Yahvé serait le fiancé sanglant en 
ce qu'il était supposé avoir versé le sang virginal. Cette conception serait à la 
base de la pratique de l'excision qui, comme la circoncision, serait un signe 
d'alliance avec le dieu tribal. Ainsi le passage de TExode remonterait à deux 
récits primitivement distincts : Sipporah s'alliant avec Yahvé devenu son époux 
de sang; Gerchom, son premier-né, s'alliant au dieu par le sang de la circon- 
cision. Les idées neuves abondent dans cet article, la documentation est 
remarquable, aussi regrette-t-on davantage que la base ne soit pas tout à fait 
assurée. Car d'autres hypothèses pourraient être avancées. Ainsi, en dehors du 
fait de la circoncision que le narrateur a plus ou moins arbitrairement' mis au 
premier plan, on pourrait invoquer l'acte décisif par lequel le fiancé, chez 
les Arabes, prend possession de l'épousée. 11 recueille !<» sang de la dernière 
immolation et en asperge sa fiancée. Dès cet instant, la jeune fille est intro- 
duite dans la tribu de son mari et l'union est dr^finitive. L'acte de Sipporah 
pourrait être le contre-pied de ce rite et par là atteindre une valeur magique. 
Hardi et anormal, il avait toute la force que réclamait la légende. 



CHRONIQUE 159 

— Un tirage à part de M. Baudissin, ter karthagische lolaos^ extrait du 
recueil Philotesia fur Paul Kleinert (Berlin, Trowilzsch u. Sohn, 1907), dis- 
cute ridentificalion depuis longtemps proposée entre lolaos et Echmoun. Le 
traité passé entre Annibal et Philippe de Macédoine, rapporté par Polybe, 
mentionne une série de triades dont les unes représentent des divinités hellé- 
niques tandis que les autres peuvent s'entendre de divinités carthaginoises, 
notamment celle composée du daimôn Karchédoniôn, d'Héraclès et d'Iolaos. 
En admettant que le texte soit exactement transmis par Polybe et que nous 
soyons en présence d'une triade réelle, le doute est encore grand dans le choix 
des divinités carthaginoises à rapprocher de ces vocables disparates. Par de 
judicieuses considérations, M. Baudissin reconnaît Tanit et Ba*al-Hammon 
dans les deux premiers. Quant à lolaos, il ne serait en aucune façon identique 
à Echmoun, comme on Ta supposé. Le dieu libyen aurait été arbitrairement 
substitué à Echmoun-Âsclépios. Cette substitution a pu être entraînée par les 
liens qui unissaient, dans les légendes grecques, lolaos et Héraclès; aussi, 
par les propriétés de dieu guérisseur reconnues à lolaos. 

— Les Inscriptions sémitiques de la Syrie, de la Mésopotamie et de la région 
de Mossoul (4° de 228 pages et 42 planches, Paris, Gabalda, 1907-1908) que 
publie M. H. Pognon avec un soin et une compétence hautement reconnus, 
apportent de nombreux renseignements, notamment sur l'histoire du christia- 
nisme chez les Syriens. Mais il faut insister tout particulièrement sur un monu- 
ment de premier ordre découvert par le savant auteur : la stèle érigée par 
Zakir, roi de Q&Q^^t et de Lou'ouch (Loukhouti des Assyriens) à un dieu, 
inconnu par ailleurs, Alour ou Elour ou Elwar, probablement le dieu local de 
la ville syrienne nommée Hazrak. Zakir rend grâces à son dieu personnel, Ba'al- 
Samain, de Tavoir fait triompher des intrigues de Bar-Hadad, fils de IjLazael, 
roi de Damas, précisément le Ben-Hadad mentionné II Rois, xni, 3 et 24-25. 
Ces événements doivent remonter au commencement du viii* siècle av. J.-C. 
La partie la plus lisible du texte est gravée au-dessous d'un bas-relief 
brisé. En considération de son importance, qui ne le cède pas aux textes de 
Zendjirli, nous en donnons ci-dessous une traduction légèrement modifiée et 
complétée : 

1. Stèle qu'a érigée Zakir, roi de Hamat et de Lou*ouch, à Alour [dans ce 
naos- 

2. ci. Moi, Zakir, roi de Qamat et de Lou'ouch, je suis un homme pieux et 
[m'a rendu grand 

3. Ba'al-Samain et il s'est tenu avec moi. Ba'aUSamain m'a établi roi [dans 

4. H]az[r]ak, (alors) Bar-Hadad, fils de Hazaël, roi d'Aram, a réuni contre 
moi 

5. dix-[sept?] rois : Bar-Hadad et son armée, Bar-Gach et son armée, 

6. [le roi] de Qouhè et son armée, le roi de *Amq et son armée, le roi de 
Gourgoum [et 



160 REVUE DE L'HISTOIHE DES KELIGIONS 

7. son armée, le roi de SamVl el son armée, le roi de Miliz (Mélitène) et 
son armée 

8 Ils étaient sept rois 

9. avec leurs armées et tous ces rois mirent le siège contre Haz[rak. 

i 0. Ils élevèrent un mur plus haut que le mur de (lazrak et ils creusèrent 
un fossé plus profond que son fossé. 

11. Je levai les mains vers Ba*al-Samain et Ba*aNSamain m*exauça. 

12. Ba*al-Samain me [fit connaître] par l'intermédiaire des Prophètes et des 
Astrologues; [et me dit 

13. Ba*al-Samain : Ne crains pas, car (c'est) moi (qui) [V]a\ fait régner; 
[moi, je me tiendrai 

14. avec toi et je te délivrerai de tous [ces rois qui 

15. ont mis le siège contre toi. [Ba^al-Samain me] dit : [Je me tiendrai avec 
toi 

16. el] tous ces rois qui ont mis [le siège contre toi, je les vaincrai 

17. et ce murqu*[ils ont élevé, je l'abattrai... 

Suit une lacune, puis l'inscription reprend sur ie côté de gauche de la stèle. 
Une ou deux lignes étaient gravées sur le côté de droite. Le texte rédigé en 
araméen est rempli de cananéismes et certaines tournures sont tout à fait 
bibliques. Le rapprochement vaut encore pour le sentiment de piété profonde 
qui anime ce morceau, même pour la mention de Prophètes. Une conséquence 
curieuse est de restituer les chapitres IX-XI de Zacharie à un prophète pré- 
eiilique selon le sentiment d'Ewald et contre l'opinion des exégètes récents. 
Kntin, les noms royaux damasquins du type Ben-Hadad donnés par la Bible 
sont oontlrmès, à rencontre des documents assyriens qui fournissent des 
transcriptions moins exactes. 

— Pans l'ArcAir fur Heligi^nswissenschafty UX)8, p. 223-242, M. Alfred von 
Pomasiewski ôtudio l'importance politique de la religion d'Emèse, Le sujet a 
souvent eie aU^riU^ depuis la Religion à Romt: sous les Sévères de Jean Réville, 
ui»is il ost inopuiî»at>Ie et M. v. D. est, mieux que quiconque, à même de le 
i^x^itouvoler. Kn unis:?anl le dieu soialre d'Kmèse qu'il incarnait, aux déesses 
Juno Caolesti» ot Minerve» Teœpei^îur KlagabaJ mettait le couronnement à sa 
rvli|?ivm uuiveiïi^elle» o'o:>l ù-dire ù une conception remarquable qui n'a pu ger- 
mer dans lo <^rve<ui d'un enf.uU, mais qu'on doit attribuer à l'école de theo- 
K>^<e d'Kuni^^e. l«'ol>^ervi^lion e^l À retenir. Nous ne ferons des réserves que sur 
un pouit de deiAil : on tie pt»ut sup^K^ser que. dans le temple d'Emèse, deux 
d0<(>!»îie* de uAtui't» essentiellement viitïorente, la déesse Aphrciite-Uranie et ^a 
dtN>K<!te de^ At\\l>es Ap^>Weo AtheusA. cUicat les parèdres du dieu Elagabal. Il 
t'ï't al^MuKimuient certUio ^vAr le:* textes classiques et sêcDiiiques, même par les 
ivpuHluctiouî^ ti^uixVsH, viue rAtho!îs\ des .\rjibv^s se nommait Allât et qu'el.e 
i^tail wi\e Aphivdit*-ri«*nie. 



CHHONIQIK Ifit 

11 esl intéressant de noter que M. von Domaszewski, abondant dans le sens 
de Dietericb, pense qu'Abercius de Phrygie n'était pas un chrétien. Il aurait 
été chargé par Tempereur de prêcher la religion d'Emèse dans les régions asia- 
tiques où dominait le culte de Mithra. — Nous avons des doutes surTidentité 
de l'usurpateur Uranius, qui a régné à Emèse en 253/254, avec Sampsigeramus, 
prêtre d'Aphrodite-Uranie cité par Malalas. L'hypothèse n'a d'autre appui que 
le rapprochement tenté entre le nom du premier et la fonction du second. 
D'après la coutume syrienne, un Sampsigeramus voulant helléniser son nom 
aurait plutôt cherché un équivalent dans un nom formé avec Hélios. — On 
sait qu'à la suite de sa victoire sur Tarmée de Zénobie près d* Emèse et de la 
réduction de Palmyre, Aurélieu consacra à Rome un temple au Soleil et Torna 
des dépouilles de sa campagne. M. v. D. paraît écarter que le Soleil en question 
fût spécialement le dieu d'Emèse. On pourrait soutenir le contraire en invo- 
quant un passage de Zosime (Hisl., I, 61, 3-5) qui signale que, dans le temple 
construit à Rome avec les dépouilles des Palmyréniens, Aurélien 6t ériger les 
statues d'Hélios et de Bel. Ce dernier est sans conteste le grand dieu palmyré- 
nien, par suite le premier pourrait être le dieu d'Emèse. 

— La trilingue grecque-syriaque-arabe de Zébed (Syrie du Nord), aujour- 
d'hui au Musée du Cinquantenaire à Bruxelles, a fait l'objet de nouvelles 
Vecherches de la part de M. A. Kugener {Journal asiatique, 1907, I, p. 509-524 
eiRivista degli studi orientaUy I (1908), p. 577-586 avec une planche). Elle 
fixe la fondation du martyrion de Saint-Serge à Zébed au 24 septembre 512 de 
notre ère et elle conQrme le prestige du saint auprès des Arabes nomades du 
du désert de Syrie. Dans sa LVIl* homélie, qui fut prononcée le 7 octobre 514 
à Kinnesrin, non loin de Zébed, Sévère d'Antioche dit que les Arabes du pays 
de Resapha (Sergiopolis) aimaient à se convertir à la religion du Christ dans 
le grand sanctuaire de cette ville consacré à saint Serge. De là encore, le culte 
du saint se répandit jusqu'en Perse (Labourt, Le Christianisme dans l'empire 
perse, p. 209). 

R. D. 



La fascicule de juillet 1908 du Uibbert Journal contient une proportion as- 
sez forte d'articles sur le problème religieux contemporain : Pluralism and 
Religion, de W. James qui sera suivi de trois articles du même auteur, 
Three Philosophical Typés (philosophies de Hegel, Fechner et Bergson) ; The 
Religionist and the Scientist du Rev. G. A. Johnston Ross, Religion and 
our Schools, par le Prof. John Dewey, réflexions topiques sur la psychologie 
de l'enseignement religieux en Amérique, The Problem of Immortality 
par le Prof. Rudolf Eucken, un article de M. David Starr Jordan, The 
Religion of the sensible American, qui renferme une large part de subjecti- 

11 



102 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS* 

visme en ses conclusions, enfin une « étude catholique » de W. J. Wiliitais : 
The hurdtn of language in Religion and authority as the means ofreUase. 
L'histoire religieuse proprement dite peut être représentée par deux articles : 
Tun, fort ingénieux de M. Stanley Gerald Dunn : The romanlic élément in 
the ethics of Christ, l'autre, d'intérêt très actuel : The Church of Scotland 
and ils Formula, par le Rev. A. J. Campbell, renferme une étude sur les con- 
fessions auxquelles a souscrit depuis 1560 l'Église écossaise. Gomme toajoars, 
les discussions et comptes rendus critiques, qui occupent près d'un tiers du 
fascicule, ont trait à quelques grandes questions de philosophie religieuse» le 
modernisme catholique, le pragmatisme dans ses rapports avec la croyance, etc. 



PRIX ACADEMIQUES 

Le 29 mai dernier, l'Académie des Inscriptions a accordé, sur la fonda- 
tion Lefèvre-Deumier en faveur de l'ouvrage le plus remarquable sur les mylho- 
loties, philosophies et religions comparées : 

Un premier prix de i2.0D0 francs à M. E. Guimot pour toutes les înltiatÎTes 
heureuses et utiles qu'il a prises dans le domaine de l'étude des religions; 

Et un second prix de 8.000 francs à M. Franz Cumont, correspondant de 
l'Académie, professeur à l'Université de Gand, p^ur ses travaux sur Mithra et 
les religions orientales, 

— Le prix Angrand, d'une valeur de 5.000 francs, décerné tous les cinq ans 
par un comité qui siège à la Bibliothèque Nationale au meilleur ouvrage con- 
cernant les Antiquités américaines, a été attribué cette année au professeur 
Seler, le savant américaniste de Berlin. 



L' G'^rant : Ernbst Lbrocx. 



INTRODUCTION A L* ANALYSE 
DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX' 



Nous réimprimons dans ce volume trois de nos trayaux. 
Le premier seul a paru sous nos deux noms réunis ^ En 
raison de circonstances particulières, les deux autres ne 
portent qu'une seule signature*. Tous les trois sont néan- 
moins le fruit d'une même collaboration. 

Bien que ces trois mémoires traitent de sujets matérielle- 
ment différents, il ne laissent pas de se lier à un plan et d'être 
dominés par un certain nombre d'idées qui en font l'unité. 
Dès maintenant nous devons montrer comment s'enchaînent 
les travaux que nous avons publiés et dans quelle mesure ils 
contribuent à l'exécution de notre plan. En même temps, 
nous répondrons à quelques-unes des objections qui nous 
ont été adressées. 

•I 

LE SACRIFICE 

La première question que nous eûmes à nous poser en 
commun concernait le sacrifice. 

1) Cet article constitue la préface du volume à paraître iDcessamment de 
MM. Henri Hubert et Marcel Mauss sous le titre : Mélanges d'Histoire des Reli- 
gions^ Alcan. [N. D. L. D.] ♦ 

2) H. Hubert et M. Mauss, Essai sur la nature et la fonction sociale du sa- 
crifice {Année sociologique^ t. II, 1899, p. 29-138). 

3) M. Mauss, Vorigine des pouvoirs magiques dans les sociétés australiennes, 
élude analytique et critique de documents ethnographiques. École pratique 
des Hautes Études, section des Sciences religieuses. Paris, 1904, p. 1-55. — 
H. Hubert, Étude sommaire de la représentation du temps dans la religion 
et dans la magie. Kcole pratique des Hautes Études, section des Sciences reli- 
gieuses. Paris, 1905, p. 1-39. 

12 



164 IlEVUE DE l'hISTOIHE DES RELIGIONS 

Le problème de ses origines était magistralement traité 
dans la Religion of Sémites de Robertson Smith*. D'autre 
part, M. Frazer* avait attiré l'attention sur ces singuliers 
personnages, à la fois rois, prêtres et dieux, qui figurent 
dans tant de religions et dont la mort ou le meurtre pério- 
dique est un véritable sacrifice, de l'espèce que nous appe- 
lons sacrifice du dieu. Le Golden Bough nous expliquait la 
nature et la fonction de ces personnages, dont il décrivait une 
imposante collection. Mais les théories des auteurs nous 
paraissaient soulever de graves objections, et d'ailleurs les 
recherches que nous avions entreprises, sur la prière et sur 
les mythes, nous amenaient à nous poser directement la 
question. 

Les recueils de prières les plus considérables dont nous 
disposions, Psaumes' et Vedas* tout particulièrement, sont 
formés de prières normalement attachées à des sacrifices. 
Il y a plus : le principe de toute prière est l'efficacité recon- 
nue au mot. Or, l'efficacité du mot nous paraissait alors si 
étroitement dépendante de celle du rite manuel que, à tort 
il est vrai, nous avions peine à concevoir des prières qui ne 
fussent point sacrificielles. En tous cas, pour isoler la part 
d'efficacité qui revient au rite oral dans un rite complexe, il 
nous fallait analyser celle du rite manuel. Des sacrifices, 
comme ceux de l'Inde et d'Israël, longuement décrits et 
commentés par ceux-là mêmes qui les pratiquaient, se prê- 



1) Robertson Smith, Religion of Sémites, Burnett Lectures, V^ édit. 1890, 
2» édit. 1894. 

2) .1. G. Frazer, Golden Bough, 1" édition, 1890 (seule citée dans le travail 
sur le Sacrifice publié plus loin); 2« édition, 1900, seule citée dans les autres 
mémoires de celte préface. 

3) Nous donnons plus loin, Sacrifice, p. 46, n. 1, quelques références qui 
renseignent sur le rattachement des psaumes rituels au culte du temple. 

4) Sur les Vedas, considérés comme recueils des hymnes et formules du sacri- 
fice, V. plus loin. p. <s, n. 1. Cf. Weber, Vorlesungen iiher Indische Litera- 
turgeschichtCy p. 9. C'est à la suite de c(? savant qu'on a progressivement cessé 
de considérer les Vedas, le lyj- Vcda en particulier, comme des recueils de 
mvthes mis en vers. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 165 

laienl tout particulièrement à une démonstration touchant 
le mécanisme et l'efficacité d'un rite. 

L'élude des mythes nous amenait aussi à celle du sacrifice. 
Nous répugnions à voir dans ceux-ci des maladies du langage 
ou des fantaisies déréglées de l'imagination individuelle. 
Nous nous méfiions également de^ naturistes, qui voient 
partout des symboles, et des animistes qui voient partout des 
rêves. Les mythes nous paraissaient avoir une valeur pra- 
tique. Ils sont empreints de véracité, de certitude, de 
constance. Nous pressentions la logique de leurs agence- 
ments et la nécessité de leurs thèmes. Or, en règle générale, 
ils sont commémorés dramatiquement dans des fêtes, où la 
présence de leurs acteurs divins est une présence réelle; 
dans nombre de mythes, où les dieux meurent pour renaître, 
se suicident, se combattent, sont tués par leurs proches 
parents, qui se distinguent à peine d'eux mêmes^ sont alter- 
nativement victimes et sacrificateurs, l'histoire divine corres- 
pond, quelquefois expressément, à des sacrifices rituels dont 
ils justifient théologiquement la célébration. Il fallait donc 
étudier le sacrifice pour trouver les raisons qui ont imposé 
ces thèmes sacrificiels à l'imagination religieuse. Prenant sur 
le fait la formation d'un thème mythique, nous faisions un pas 
vers l'explication générale des mythes. 

Enfin, l'étude simultanée des thèmes mythiques et des 
thèmes rituels du sacrifice, nous révélant le mouvement 
parallèle du mythe et du rite, nous éclairait en même temps 
sur la croyance qui s'attache au mythe et sur l'efficacité 
attendue du rite. En effet, le mythe n'est pas fait seulement 
d'images et d'idées, le rite de gestes volontaires, dépendants 
des idées, mais, de part et d'autre, figurent des éléments 
identiques; ce sont les sentiments nombreux et forts qui se 
jouent dans les sacrifices. L'analyse d'exemples bien choisis 
pouvait, espérions-nous, montrer à la fois les causes, le 
développement et les effets de ces sentiments. 



160 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



' Nous avons indiqué dans rinlroduction de notre Euai mr 
le sacrifice de quelle façon notre théorie se rattachait à celle 
de Roberlson Smith. Tout ce qu'il a dit du sacré, do tabou, 
du pur et de l'impur, n«us l'avons mis à profit, mais, par 
contre, nous avons repoussé son explication généalogique des 
sacrifices. 11 les faisait, comme on sait, dériver tons de la 
communion totémique, c'est-à-dire d'une sorte de sacre- 
ment où les membres d'un clan totémique communient entre 
eux et avec leur totem en mangeant ce dernier; tels les 
Arabes de Saint Nil mettaient en pièces et dévoraient le 
chameau*. A première vue, nous observions que le sacrifice 
ne se pratiquait que là où le totémisme n'existait pas ou 
n'existait plus. Nous estimions donc hasardeux d'établir an 
lien de cause à eiïet entre des phénomènes que nous ne trou- 
vions jamais associés. 

Nous devons aujourd'hui apporter quelques rectifications 
à ce que nous avons écrit alors du totémisme et du sacrement 
totémique. Les réserves que nous avons formulées à cet égard 
n'ont rien de commun avec l'horreur que ce mot a éveillée 
chez certains esprits*. Nous ne connaissions, en 1898, de toté- 
misme véritable qu'en Australie et dans l'Amérique du Nord. 
Depuis lors, les ethnographes ont multiplié les preuves de 
son existence et les raisons de croire à sa généralité. 

1) R. Smith, lleliylon of SemiteSj p. 281, sq., p. 338 sq. 

2) J. Toutain, L'Histoire des rel'rjions et le totémUme^ à propos d'un livre 
récent, lievue de C Histoire des Heli(;ionsy 190*5, t. LVII, p. 331. Le livre récent 
est celui de M. Renel, Cultes militaires de Home : les Enseignes, Lyon et 
Paris, 1903. M. Toutain le rajeunit en Tappanant aux volumes de mélanges 
publiés par M. S. Heinach, sous le titre de Cultes, Mythes et Religions, à partir 
de 1905. M. Toutain (p. 350) fait son profit, sinon des réserves dont nousparlons 
ici, du moins de celh s que Pun de nous a faites ailleurs, dans l'Année SociolO' 
gique (t. IV, p. 104). Nous les avons plusieurs fois répétées [Année SociolO' 
ijique, t. VIll,[). 23i; \. IX, \\. 2is, Sote sur la nomenclature des phénomènes 
religieux). W Fonible cef^enrianl vouloir nous opposer à nous-m»}me ou plus 
exactement à noire maître, M. Durklieim. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 167 

De plus, depuis 1898, on a signalé des exemples de ces 
sacrements totémiques reconstitués par Roberlson Smith, 
et dont il avait supposé la pratique régulière par une hypo- 
thèse aussi géniale que faiblement fondée. A vrai dire, ils se 
rencontrent seulement dans les cérémonies totémiques, les 
intichiuma\ de quelques tribus de l'Australie centrale; con- 
statés chez les Arunta*, ils manquent déjà chez la plupart de 
leurs voisins. Nous sommes donc loin d'avoir la preuve de 
l'universalité de ces rites dans le totémisme. Nous ne sommes 
pas sûrs qu'ils soient essentiels au totémisme même et non 
pas des produits locaux de son évolution. Remarquons en 
outre que sacrement totémique ne veut pas dire sacrifice. 
Dans la communion totémique, il y a bien consommation 
d'un aliment sacré, mais il y manque des caractéristiques 
essentielles du sacrifice : l'oblalion, l'attribution* à des êtres 
sacrés. Dans le sacrement totémique le plus complet qui 
ait été observé chez les Arunta, on ne voit pas le mécanisme 
entier du sacrifice. 

On nous parle, il est vrai, de sacrifices totémiques, mais 
généralement sans en donner d'exemples topiques. M. Frazer 
ne nous en propose plus qu'un* : le sacrifice des tortues 
dans le pueblo de Zuni. Nous pouvons en donner une des- 
cription plus exacte que celle qu'il reproduisait*. C'est un des 

1) Nous conservons ce mot, bien que sa signiûcation ne soit encore rien 
moins qu'assurée. Cf. Strehlow, Die Aranda- und Loritja Stàmme^ I. Mythen 
und Legenden, p. 4, n. 5(Pubi. du Vôlker Muséum de Francfort, I, p. 4,n. 5). 

2) Spencer et Gillen, Native Tribes of Central Australia, 1898. Id., Nm'them 
Tribes of Central Australia, 1904. Cf. Année Sociologique, t, II, p. 208, 215, 
t. VIII, p. 248. 

3) A moins qu'on ne considère comme en tenant lieu la présentation de 
l*animal tué, de la graine concassée, etc., faite par les autres clans au clan 
dont c'est le totem et qui donne expressément la permission d'en consommer. 
Les premiers joueraient le rôle de sacri6ants, les autres celui de dieux. Mais, 
dans cette sorte de culte rendu par Thomme à l'homme, à quelle distance 
sommes-nous du sacrifice! 

4) J. G. Frazer, Golden Bough^ II, 2e édition, p. 374. M. Frazer en donnait 
quatre dans la première édition. 

5) M. Frazer avait reproduit un récit de Cushing (A/y advenlures in Zuni, The 
Century llluslrated Magazine, i883, p.*45sq.). Celui-ci n'avait assisté qu'aux 



108 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

épisodes de la fête des kor'kokshi^ c'est-à-dire de Tune des 
confréries de Diasques personnifiant des dieux pendant les 
grandes fêtes générales du solstice d'été*. Les kor'kokshi 
visitent le <( lac des dieux»; au fond du lac les tortues 
habitent avec les dieux. Elles sont les « autres nous-mêmes » 
des kor'kokshi\ ce sont les propres paroles prononcées par le 
maître de la confrérie à l'ouverture de la chasse*. Quand les 
tortues sont prises, on les frappe tout doucement jusqu'à ce 
qu'elles veuillent bien sortir la tête. Alors, on les pend par le 
cou. On les porte ainsi pendues les premiers jours. Les jours 
suivants, la fête se continue dans un des temples souterrains 
du pueblo', où chaque kor'kokshi doit venir danser à son tour. 
On a préparé des pots, un par tortue; chaque prêtre a son 
pot et sa tortue ; les pots sont rangés aux places où doivent 
s'asseoir les prêtres après leur danse. Tant que le prêtre 
n'est pas arrivé, les tortues sont dehors, chacune devant 
son pot. Dès qu'un prêtre entre pour danser, on fait rentrer 
sa tortue. Ce rite montre que Tanimal est le remplaçant de 
Thomme. La fête finie, les Xror'yto/t^A?* emportent leurs tortues 
chex eux, et les pendent pendant une nuit aux poutres du 
plafond*. Le lendemain, on les fait cuire. La chair a des ver- 
tus curatives. On en offre toujours une partie au « Conseil des 
Dieux » en la portant à la rivière". C'est donc bien un sacri- 
fice. 

Seulement ce n'est pas un sacrifice totémique. Nous savons 
que les kor'kokshi sont les dieux qui représentent les ancêtres 
de tout Zufii et qu'ils sont en même temps les doubles de tous 
les vivants. Or les ancêtres, habitant les eaux souterraines, 

cérémonies pratiquées envers ia tortue lorsque, à la fin de la fête, on la ramène 
à la maison. 

1) La description qui suit est résumée de Mrs Stevenson, The Zufii Indians 
XXUl'l Ann. Report of the Bureau of American Ethnology, p. 156 sq. 

2) Stevenson, /. c, p. 157. 

3) Ihid., p. 159. 

4) C'est à ce point que se place le récit si vivant de Cushing, cité par M. Frazer, 
/. c, p. 150. 

5) Stevenson, /. r., p. !60, 16t, n. a. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 169 

sont en même temps des génies de la pluie ; les tortues qui lefs 
incarnent sont également des animaux de la pluie. Mais ce 
ne sont pas des totems ^ Elles ne sont pas le totem de la con^ 
frérie des kor'kokshi, qui n'en a pas ; cette confrérie se recrute 
dans tous les clans indifféremment, à Topposé des confréries 
totémiques, qui se recrutent dans des clans déterminés. 
Les tortues ne sont pas davantage Tun des dix-neuf totems d^ 
Zuni. L'histoire des totems de Zuni qui nous est merveilleu- 
sement connue, dans chacune de leurs segmentations \^ne 
permet même pas de supposer que la tortue soit un totem 
préhistorique ou étranger. A moins de soutenir que 1{^ 
tortue soit un totem exclusivement tribal et funéraire, ce qui, 
dans le cas présent, n'aurait ni sens, ni raison, le sacrifice de 
la tortue n'est autre chose qu'un sacrifice du culte des ancêtres 
et un sacrifice du culte de la pluie. 

Cet exemple, pris chez le peuple où le totémisme a reçu son 
plus parfait développement, montre qu'il ne faut pas parler 
de totémisme à la légère. N'est pas totémisme tout ce qui 
paraît l'être. Les tortues, dans lesquelles s'incarnent des 
ancêtres et des doubles, ressemblent sans doute à des ani- 
maux totémiques ; la consommation de la chair de la tortue 
est tout à fait comparable à une communion totémique, les 
formules rituelles et le fond des idées sont ceux du toté- 
misme. Et pourtant tout ce culte appartient à deux autres 
types de religion, et plus spécialement au culte des dieux de 
la nature auxquels il est normal qu'on offre des sacrifices. 

Mais chez ces mêmes Indiens de Zuûi, nous avons trouvé 
un sacrifice dont on pourra dire qu'il est totémique. C'est 
celui des daims', pratiqué par la confrérie des chasseurs à 

1) Quoi qu'en ait écrit Bourke à M. Frazer {Golden Bough, 2« éd., II, p. 375, 
n.2). 

2) Sur rhistoire des clans Zuni, deux clans primaires (devenus deux phra- 
tries, puis quatre dans, puis six, puis dix-huit (dix-neuf avec le clan du Mi- 
lieu), voy. Durkheim et Mauss, E<isai sur quelques formes primitives de classifi- 
cation, p. AOsq. Les documents récents, apportés par Mrs Stevenson, confir- 
ment, au delà de nos espérances, toutes nos hypothèses. 

3) Stevenson, Zuni Indians, p. 439 sq. 



170 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

laquelle le clan du daim fournit un certain nombre de ses 
prêtres*.. Celle-ci est une des quatre confréries primaires 
qui remplacent les quatre clans de la deuxième division du 
pueblo de Zuni*. Cette confrérie correspond donc à un clan 
et son culte à un culte de clan. 

Les prêtres qui la composent sont les « gardiens des 
semences du gibier » comme ceux des cultes agraires sont 
« gardiens des semences du maïs »*. Les clans ont donc, à 
Zuni, au moins par Tintermédiaire des confréries qui se 
recrutent chez eux, des pouvoirs analogues à ceux des clans 
australiens maîtres et responsables^ à l'égard de la tribu, 
des espèces comestibles \ D'autre part, le daim est générale- 
ment traité comme un totem. Chaque fois qu'on rapporte un 
daim dans Zuni, on ne peut en manger que lorsque la con- 
frérie des chasseurs lui a rendu le culte qui lui revient. En 
dehors de ce culte régulier* il y a lieu, lorsqu'on veut fabri- 
quer des « masques et idoles » en peau de daim, de pro- 
céder à une chasse qui aboutit à des sacrifices*. 

Voici comment on procède. On plante une palissade aux 
deux extrémités de laquelle on creuse des pièges. Deux 
chasseurs accoutrés de façon à figurer des daims, affublés 
d'une tête de daim, représentent par leur mimique la dé- 
marche de l'animal. La battue commence. Quand un daim 
est débûché, ces acteurs vont rejoindre les traqueurs. Lorsque 

1) Cushing, Zuwi Création Myths, p. 387, 388, 370; Stevenson, Zuni Indians, 
p. 408, 409. 

2) Cushing, 7M?n Création Myths^ p. 371. Le rôle qu'y joue le clan du 
coyote, lequel semble d'ailleurs y faire bande à part (Stevenson, Zuni Indians, 
p. 440 et 409) n'a rien d'étonnant, car ce clan, qui ne fait plus partie du 
groupe de l'Ouest, a dû changer déplace; voy. Durkheim et Mauss, Classifica- 
tions ^ p. 38. 

3) Cushing, Zuni Création Myths^ p. 3S7. 

4) Stevenson, o. /., p. 440, 441. 

5) Stevenson, o. /., p. 441. Nous ne savons pas si, en temps ordinaire, il 
est défendu aux membres du clan de manger de leur totem. 

6) La confrérie accomplit une autre chasse sacrificielle, celle des lapins ; 
mais celle-ci ne se rattache pas aux cultes totémiques. Mrs. Stevenson, o. /., 
pp. 02, 442. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 171 

la bête n'est pas tuée dans le piège, on l'achève en l'étouf- 
fant. On prononce en même temps la prière suivante, adres- 
sée à Awonawildna*, sorte de principe androgyne, d'âme du 
monde. « En ce jour, tes pluies, tes semences, ta médecine 
de mystère, j'aspire le souffle sacré de la vie. » Les bêtes 
sont rapportées à la maison d'un chasseur. Elles y reçoivent le 
culte ordinaire*, avec quelques modiflcations cependant. Ce 
sont des ofifrandes de farine, des prières dites par les gens de 
la maison, un office delà confrérie ; puis on écorche les corps 
avec des prières, des offrandes ; puis vient un culte des fétiches 
animaux, qui sont trempés dans le sang, « si le sang n'a pas 
encore coulé ». On prépare soigneusement la peau de la tête 
pour en faire les masques. Quant à la chair, le chasseur a le 
droit de la manger, à moins qu'elle ne soit attribuée aux 
grands prêtres de la pluie, les Ashiwanni\ Mais une plarlie 
en est toujours offerte aux dieux animaux qui président aux 
six régions de l'espace*. La cérémonie terminée, la vie spiri- 
tuelle du daim retourne au séjour des esprits d'où elle vient 
et on lui attribue ces paroles: « J'ai été chez mes gens, je leur 
ai donné ma chair à manger; ils ont été heureux, et leurs 
cœurs étaient bons' ; ils chantèrent le chant, mon chant, 
sur moi, je retournerai vers eux* ». Ces paroles mythiques, 



1) AwoaawiloDa est une sorte d'&me universelle, identifiée à Tespace et au 
vent (Stevenson, Zufii Indians, p. 22 sq.). 

2) Nous disons culte ordinaire, parce que les expressions de Mrs. Stevenson 
dans cette partie de sa description font allusion aussi bien à la (chasse 
de tous les jours (p. 440 <c fortunate huntsman ») qu'à cette chasse sacri- 
ficielle. 

3) Stevenson, loc, cit,, p. 441. Le rite auquel il est fait allusion est proba- 
blement celui de la danse des Kianakwe, au solstice d'hiver, où il y a, en effet, 
une offrande des daims aux Ashiwanni, représentants de la pluie, t6id., p. 224. 

4) Gushing, Zurii fetishes U^ Ann, Rep, of Bureau of American Ethnology, 
Cf. Durkheim et Mauss, De quelques formes primitives de classification. Année 
Sociologique, t. VL 1903, p. 41 sq. 

5) La bonté du cœur, la pureté religieuse, celle même des intentions est un 
trait important de tout le rituel Zuni. Cf. pour la même confrérie p. 439, en géné- 
ral, p. 15, etc. 

6) Stevenson, Zufii Indians^ p. 441, n. a. 



172 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

raccoutrement des deux chasseurs oieotionnés plus hauts la 
présence des gens du totem Diontrent à Tévidence que nous 
sommes en plein totémisme. Il y a sacrement, probablement 
communion * ; mais aussi il . y a sacrifice : puisque le daim 
fait fonction de victime ; qu'il est envoyé au génie de son 
espèce; que des parts sont attribuées à des dieux, animaux 
totémiques il est vrai^ mais qui sont ici des intercesseurs 
auprès du soleil et du « conseil des dieux » ; puisqu^enfin une 
grande divinité est invoquée. Mais déjà de ce côté, n'avons- 
nous pas dépassé le totémisme? 

Sachant même avec quel haut état de civilisation le toté- 
misme si développé des Zuni coïncide, nous sommes en droit 
de penser qu'un pareil sacrifice, qui est unique, est un fruit 
récent de leur histoire religieuse. Le fait allégué prouve donc 
seulement que le totémisme n'est pas absolument incompa- 
lible avec le sacrifice et non pas que le sacrifice soit une de 
ses institutions normales et primitives. Subsistant à côté 
d'une autre religion, le totémisme a pu lui fournir, en s'unis- 
sant à elle, les victimes de sacrifices qui ne lui appartiennent 
pas en propre. En un mot, il y a des chances pour que le 
sacrifice ait existé avant le sacrifice totémique. 

Ainsi, si Ton signale de nouveaux cas de sacrifices toté- 
miques, il faudra toujours démontrer : qu'ils sont anciens, 
qu'ils sont essentiels au totémisme observé, et qu'ils ne sont 
pas dans ce totémisme le reflet d'un système sacrificiel indé- 
pendant. Nous attendrons qu'une pareille démonstration ait 
été faite pour nous croire obligés de faire remonter jusqu'au 
totémisme l'origine du sacrifice. Nous ne sommes donc pas 
amenés à modifier notre théorie du sacrifice en général, ni 
même du sacrifice du dieu. 

1) Il ne nous est pas dit que ces deux chasseurs déguisés soient obligatoire- 
ment du clan du daim. 

2) Les membres de cett'» confrérie n*ont pas d' « ordre de médecine », c'est- 
à-dire ne forment pas, comme la plupart des autres confréries, une société de 
shamanes (StevMîiison, Zuni Indinns^ p. 417); il est possible que cette communion 
avec le daim suffise pour douer de médecine, de mana, d'onayà'nakia, comme 
dit la prière, les objets magiques et les membres du clan. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 173 



C'était au sacrifice du dieu que Robertson Smith songeait 
quand il cherchait le sacrifice dans le totémisme ; il pensait 
avant tout à la communion chrétienne. Le totem sacrifié 
c'était, et cela dès l'origine, le dieu sacrifié, puisque le totem, 
pour les hommes d'un clan, fait fonction de dieu. Nous avons 
dit, au contraire, que le sacrifice du dieu n'était ni au début 
des religions ni au début même du sacrifice, mais qu'il s'était 
développé après le sacrifice au dieu et, à partir d'un certain 
moment, parallèlement à lui. Nous pensons encore de même. 

Recherchant les traces du totémisme dans l'antiquité 
gréco-romaine, M. S. Reinach* a fixé son attention sur le 
sacrifice du dieu. 11 a ajouté plusieurs bons exemples de mythes 
sacrificiels à la liste fort incomplète de ceux que nous avions 
produits. Mais il diffère de nous en ce qu'il veut voir des 
totems dans tous les dieux sacrifiés du monde gréco-romain : 
Orphée, Hippolyte, Actéon, Phaëton^ etc. Pour qu'il y ait 
totem il faut qu'il y ait un clan, M. Reinach le sait bien. 
Pourtant nous attendons encore qu'il nous démontre l'exis- 
tence des clans auxquels auraient appartenu les dits totems '. 
Mais, même s'il nous la prouvait à l'aide de survivances.cer- 
taines, héritages sur le soi grec et sur le sol latin de prédé- 

1) M. Toutain, dans l'arlicle signalé plus haut (p. 166), se plaît à joindre le nom 
de M. Durkheim à celui de M. S. Reinach et à les confondre dans la même 
réprobation. Ces deux savants, dont nous connaissons fort bien la pensée, 
n*ODt rien de commun l'un avec l'autre. En matière de totémisme, M. Durkheim, 
comme nous, est en désaccord complet avec M. Reinach. Nous n^avons pas 
d'ailleurs attendu aujourd'hui pour contredire, très amicalement à vrai dire, 
les explications totémistiques des mythes grecs, dont M. Reinach a le secret. 

2) S. Reinach, Cultes, Mythes et Religions, 3 vol. Paris, 1905-1908. t. I, 
p. 30. Les survivances du totémisme chez les anciens Celtes ; t. II, p. 58, 
Zagreus; p. 85, La mort d'Orphée; t. III, p. 24, Actéon; p. 54, Hippolyte. 

3) M. S. Reinach nous signale bien lui-même, l'existence à Romejd'un véri- 
table clan, la gens Fabia, clan de la fève (o. /., t. I, p. 107). Maia le fait que, 
-dans ce cas, le clan tolémique ait pu subsister jusqu'aux temps historiques, 
nous donnerait le droit d'être fort exigeants en ce qui concerne les autres 
exemples allégués. A vrai dire, le clan des Fabii n'est pas pourvu d'un culte 
de Ja fève. 



174 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

cesseurs depuis longtemps oubliés, nous ne serions pas 
encore satisfaits en raison de ce que nous avons dit plus 
haut. Il faudrait encore nous montrer que, dans les cultes 
en question, la tradition sacrificielle remontât jusqu'aux ori- 
gines totémiques, en d'autres termes que le cheval-Hippo* 
lyte, le faon-Penthée, le bouc ou le taureau-Dionysos eussent 
été de tout temps déchirés [sparagmos) et mangés tout crus 
{omophagie) dans les fêles orgiastiques et qu'ils l'eussent été 
à titre de totems. A cette condition seulement les faits allé- 
gués par M. Reinach pourraient prouver que le sacrifice du 
dieu est un sacrifice totémique, ou sort d'un pareil sacrifice. 
A notre avis, dans les cultes dont traite M. Reinach, s'il y a 
d'anciens totems, ils n'ont servi qu'à habiller les dieux, bap- 
tiser leurs prêtres, fournir les victimes toutes sacrées; ils 
ne sont que des paraphernalia totémiques de religions non 
totémiques. Nous pensons que la consécration des prémices 
de la vendange a précédé le sacrifice d'un animal, totem ou 
non, au dieu de la vigne et, à plus forte raison, le sacrifice de 
cet animal comme dieu condescendant au sacrifice. Ainsi, là 
où M. Reinach voit des suites du totémisme, nous ne voyons 
que des chocs en retour. 

Même en Egypte * où l'on serait tenté de chercher, dans le 
sacrifice, des restes de totémisme, les travaux récents n'en 
ont point montré. Les sacrifices y paraissent presque uni- 
formément répéter le thème du dépeçage et de la résurrec- 
tion d'Osiris. Les victimes, taureaux, porcs, gazelles, etc., 
sont données comme des animaux typhoniens, ennemis d'Osi- 
ris et représentants du dieu Sel. Ce ne sont pourtant point 
des totems, formes premières de ce dieu ; ce ne sont pas 
non plus des totems correspondants à Osiris. On dit qu'ils sont 
mis à mort en punition d'avoir mangé le dieu, parce que, une 
fois sacrifiés, ils exhalent le dieu, ce qui revient à dire que leur 

1) A. Morel, Du Sacrifice en Egypte^ Revue de T Histoire des Religions, 1908, 
t. LVII, p. 81 sq. Cf. A. Moret, Le Hituel du Culte divin journalier en 
^OUpl^i d'après les papyrus de Berlin et les textes du temple de Séti l®*", à 
Abydos. Paris, Leroux, 1902, 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 175 

esprit, attribué au dieu est identique à lui ; de quelque façon 
que la mythologie représente ce qui se passe alors, ils portent 
le dieu et ils sont divins parce que le sacrifice, en Egypte, est 
essentiellement un sacrifice du dieu. Mais c'est un sacrifice du 
dieu qui n'a rien de totémique et dont nous savons avec 
certitude qu'il a une origine dans le culte du blé. 

Pour montrer que le schème général du sacrifice contient 
en puissance le sacrifice du dieu, nous avons choisi nos 
exemples dans la série des sacrifices agraires. Nous nous 
sommes défendus de dire que seul le sacrifice agraire était de 
nature à donner naissance au sacrifice du dieu ; il eût pour- 
tant mieux valu établir notre démonstration sur des bases 
plus larges et ne pas paraître la fonder, en apparence, ex- 
clusivement sur les faits du culte des animaux domestiques 
et des plantes comestibles. Nous aurions dû parler en même 
temps des cultes qui concernent la végétation en général et 
tout l'ensemble de la nature. Ainsi, le sacrifice du soma^ que 
nous avons considéré comme un sacrifice agraire, et qui est 
un exemple parfait du sacrifice du dieu, n'est pas le sacrifice 
d'un végétal cultivé, mais celui d'une plante choisie entre 
toutes, qui symbolise toutes les plantes. Nous n'avons pas pu 
alors l'exposer complètement, mais, aujourd'hui, les textes 
rftuels sont aisément accessibles, grâce au beau travail de 
Victor Henry et de M. Caland*; il ne reste plus qu'à y 
ajuster les commentaires théologiques donnés par les Brâh- 
mana. Ce que nous disons du sacrifice du soma est aussi vrai 
du sacrifice du hikuli ou peyote chez les Huichol et les Ta- 
rahumare du Haut Mexique et les anciens Aztèques*. Nous 
pensons donc que le sacrifice du dieu* remonte dans l'histoire 

1) W. Caland et V. Henry, V Agni^toma^ 1906 (n'expose que le service 
opératoire et oral). 

2) C. Lumhoitz, Unknown Mexico, U, p. 126 sq. I, p. 299. Le culte de 
cette plante s'est étendu très loin, et du côté des Prairies, où il est pratiqué 
par les Cheyennes, et vers le Sud. Cf. K. Th. Preuss, Die religiôsen Gesânge und 
Mythen einiger Stàmme der Mexikanischen Sierra Madré, Archiv fur Religions' 
wissenschaft, XI, 1908, p. 383 sq. 

3) Le culte du hako, le grand fétiche tribal de Tune des sections des Pawnee 



176 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

de ]a civilisation un peu plus haul que le point d*où nous 
semblions le faire partir. Mais il est précisément très remar- 
quable que ces sacrifices de dieux, assez barbares, que oous 
venons de mentionner n'aient rien du sacrifice totémiqae 
puisque ni lepeyote ni le soma ne sont des totems. Il nous faut 
donc élargir les données sur lesquelles nous avons édifié 
notre théorie, mais nous maintenons notre explication géné- 
tique du sacrifice du dieu. Le point de départ est toujours, 
selon nous, Toblalion et la destruction d'une chose suscepti- 
ble, en raison des représentations qui s'y attachent, de deve- 
nir divine entre toutes les victimes sanctifiées. 



Nous venons de faire des incursions dans Thistoire du sacri- 
fice, d'opposer des formes secondaires à des formes primaires^ 
alors que notre travail ne nous en donne le droit que juste- 
ment en ce qui concerne le sacrifice du dieu. Très sensibles 
alors aux défauts des méthodes qui tendent à expliquer les 
institutions seulement en remontant à leurs origines, nous 
avons voulu faire une étude schématique, une analyse géné- 
rale du sacrifice, nullement un exposé généalogique de ces 
formes. Elle doit être de toute nécessité complétée par une 
histoire, une phylogénèse des sacrifices. 

Cette lacune volontaire de noire travail nous a empêchés 
de signaler Tun des bénéfices que nous y avons trouvé. La 
place du sacrifice dans Tensemble des rites nous est apparue 
nettement. Son mécanisme compliqué n'est pas celui d'un 
rite primaire. 11 n'a pu se produire qu'assez tard dans l'évo- 
lution religieuse après et sur d'autres systèmes plus anciens. 
D'une part, son institution suppose, dans les religions où il 
s'est établi, lu prati(iue du don rituel comme l'avait bien vu 

pst lin pxcollont t'x»Mnpl(^ du oulle d'un (li»'u qu'une consécration, sacriGcielle 
stMiIrinent par î>arli«\ fait <h»sc«Mi(]n' .ians un objet. A. F'Ietcher, The Hako, a 
V'vniit' Crrrfii'nu/, l'il \nn. Ucp. liunnn "f Ajiicrivnn Ethnology. Le mècdi' 

nismi' fit' la rfuis-cratioFi p-Mit '!«''ià. n.ir lui in»^me, incarner régulièrement le 
(lieu. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 177 

M, Tylor, el surtout, le système entier des rites consécra- 
toireSy lustralions, purifications, etc. D'autre part, il fallait 
que les choses sacrées se fussent déBnilivement séparées des 
profanes et fussent représentées déjà sous la forme d'esprits 
divins presque purs, plus ou moins personnels. 

C'est d'ailleurs pour cette raison que le sacrifice pleine- 
ment constitué ne nous parait pas compatible avec tous les 
degrés du totémisme : chez un peuple à religion totémique, 
ce qui est sacré pour un clan ne Test pas pour les autres ; et 
le clan, dans le sacré, n'a nul besoin de l'intermédiaire sacri- 
ficiel qu'est la victime pour communiquer avec un totem 
identique à lui-même; il se consacre par rapport à celui-ci, 
directement, par les voies immédiates de l'effusion du sang 
et de la communion alimentaire. Ce sont comme le voulait 
Robertson Smith des facteurs indispensables du sacrifice, 
mais ce ne sont pas ses raisons nécessaires et suffisantes. 



Notre travail est un chapitre de sociologie. Nous n'avions 
pas idée de dire que nous faisions œuvre de sociologues 
puisque les faits dont nous traitions sont des faits de la vie en 
commun et que notre méthode pour les traiter n'est pas la 
méthode historique. 

Mais on conteste précisément que les phénomènes de la 
vie religieuse soient des phénomènes sociaux. En ce qui con- 
cerne le sacrifice beaucoup ne songent instinctivement qu'aux 
individus qui sacrifient, alors que notre pensée se porte 
d'emblée sur les institutions sacrificielles. On ne nie point 
l'existence de ces dernières, mais on nie qu'elles soient le tout 
du sacrifice; le rite, pense-t-on, n'est qu'une forme, un vête- 
ment des sacrifices personnels et qu'est-ce au fond que 
ceux-ci, sinon le renoncement moral autonome et spontané? 

Nous croyons avoir justement montré qu'il ne pouvait y 
avoir de sacrifice sans société. Dans les sacrifices que nous 
avons décrits, la société est présente d'un bout à l'autre. Il 



178 HEVL-E DE l'histoire DES RELIGIONS 

est peu de rites qui soient plus foncièrement publics qoe le 
sacrifice. Quand ce n'est pas la société qui sacrifie elle- 
même et pour elle-même, elle est représentée à roffice par 
ses prêtres, souvent aussi par une assistance nombreuse et qui 
n'est point passive. xMême quand le sacrifice est fait par un 
individu et pour lui-même, la société y est toujours présente, 
au moins en esprit, puisque c'est d'elle qu'il se sépare pour 
y rentrer; c'est elle aussi qui a déterminé la victime, donné 
les moyens de la consacrer, nommé, choisi et convoqué les 
dieux. Sur le terrain du sacrifice, la société entoure le fidèle 
de son assistance morale, c'est elle qui lui donne sa foi, la 
confiance qui l'anime dans la valeur de ses actes. Voilà la 
raison même de son efficacité. C'est qu'il est un acte social. 

D'autre part, nous démontrions que tout ce qui concourt 
à un litre quelconque au sacrifice est investi d'une même 
qualité, celle d'être sacré; de la notion de sacré, procèdent 
sans exception toutes les représentations et toutes les pra- 
tiques du sacrifice, avec les sentiments qui les fondent. Le 
sacrifice est un moyen pour le profane de communiquer avec 
le sacré par t intermédiaire dune victime. Or, nous concevions 
le sacré, comme Robertson Smith, sous la forme du séparé^ 
de l'interdit. Il nous paraissait évident que la prohibition 
d'une chose pour un groupe n'est pas simplement l'effet des 
scrupules accumulés d'individus. Aussi bien, disions-nous 
que les choses sacrées étaient choses sociales. Même nous 
allons maintenant plus loin. A notre avis est conçu comme 
sacré ce qui, pour le groupe et ses membres, qualifie la so- 
ciété. Si les dieux chacun i\ leur heure sortent du temple et 
deviennent profanes, nous voyons, par contre des choses 
humaines, mais sociales, la patrie, la propriété, le travail, 
la personne humaine y entrer Tune après l'autre. 

La des(M*iption, donnée par Robertson Smith, du sacré, 
qui nous snlVisail pour analyser le sacrifice, nous parut, 
notre travail arlu^vé, non pas inexacte, mais insuffisante. 
Derrit^re les idétvs dt^ séparation, de pureté, d'impureté, il y 
a du lesperl, de Tanionr, tie la répulsion, de la crainte, des 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 179 

sentîmeDts divers et forls, évocateurs, de nature à se tra- 
duire en gestes et en pensée. Cette notion est plus com- 
plexe, plus riche, plus générale et plus pratique, qu'elle 
n'avait paru d'abord. Elle est bien sans doute l'idée-force 
autour de laquelle ont pu s'agencer les rites et les mythes. 
Elle se présentait dès lors à nos yeux comme étant le phé- 
nomène central parmi tous les phénomènes religieux». Nous 
nous sommes proposé pour tâche de comprendre cette no- 
tion et de vérifier ce que nous avions dit sur Tidentité du 
sacré et du social. Nous avons pensé que le but ultime de 
nos recherches associées, devait être l'étude de la notion de 
sacré. C'était même pour nous le gain le plus sûr de notre 
travail sur le sacrifice. 



II 

LA MAGIE 

Mais il existe un groupe considérable de phénomènes reli- 
gieux où le double caractère sacré et social des rites et des 
croyances, n'apparaît pas au premier abord. C'est la magie. 
Pour généraliser les résultats de notre travail sur le sacri- 
fice, et aussi pour les vérifier, il fallait s'assurer qu'elle ne 
constitue pas une exception. Or, la magie nous présente 
un ensemble de rites aussi efficaces que le sacrifice. iMais 
il leur manque l'adhésion formelle de la société. Ils se 
pratiquent en dehors d'elle et celle-ci s'en écarte. De plus, 
sacrilèges, impies ou simplement laïcs et techniques, ils 
n'ont pas au premier abord le caractère sacré du sacrifice. 
Dans la magie il y a aussi des représentations, depuis celle 
des dieux et des esprits jusqu'à celle des propriétés et des 
causes, qui sont investies d'une certitude égale à la certi- 
tude des représentations de la religion. Il y entre des mythes 



1) H. Hubert, Introduction à la traduction française du Manuel d'Histoire 
des Religions de Cbantepie de la Saussaye, 1904, p. xlv. 

13 



180 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

dont la simple récitation agit comme charme^ et des notions, 
comme celles de substance, de nature, de force, (^ùatç et 
Bùvaixi;, dont le bien fondé fut si peu contesté, qu'elles ont 
été admises par les sciences et les techniques. Cependant, 
ni ces mythes, ni ces représentations abstraites dont la valeur 
pratique est si haute, ne sont explicitement l'objet de l'ac- 
cord unanime et nécessaire d'une société. Enfin, pas plus 
que pour les rites, ces notions et ces mythes ne semblent 
avoir pour principe la notion du sacré. L'efficacité des pra- 
tiques était-elle donc du même genre que celle des tech- 
niques; la certitude des notions et des mythes du même 
genre que celle des sciences? 

Au moment où nous posions ces questions, les opérations 
mentales A où dérive la magie étaient données comme des 
sophismes naturels de l'esprit humain. Association d'idées, 
raisonnements analogiques, fausses applications du principe 
de causalité, pour MM. Frazer» et Jevons* en constituaient 
tout le mécanisme. L'école anthropologique anglaise arri- 
vait ainsi à dt^s résultats tout à fait opposés à ceux vers 
lesquels nous conduisaient nos investigations sur la religion. 
Nous étions donc conduits à réviser ses travaux. 

Notre enquùle' a établi que tous les éléments de la magie : 
magiciens, rites, représentations magiques, sont qualifiés par 
la société pour entrer dans la magie. 

Le mémoire que nous publions plus loin sur Y Origine des 
pouvoirs ma(fi(/N(\s (Jans les socirics australiennes en fait pré- 
cisément la preuve avec détails, en ce qui concerne la cons- 
cience même du magicien : le magicien est un fonctionnaire 
de la soeielé, souvent institué par elle, et qui ne trouve 
jamais en lui-même la source de son propre pouvoir. On 



l) (".r. Iliihort vt Mauss. K>;M<sr Suy\c tW-^ric gt^ncrale de la Magie^ p. 56. 

.I»nj.'. Sov,oi i;*,î< , l. VII. j>. T^o. 

M .1 r,. l'i.wo». «; / /, »j « urt. '^'* oamon, m, p. 460; n, p. 370, etc. 

'V .io\oM>, h\i \^,iurn.n(o fic thsiori, yf Hrliji n, p. 35, 297,411. 
U V. ohap. m. Nous no iVnnpnnuMiîi p;is loi ce travail que nous nous pro- 
po:ii>n> *i a»'hovoi ol y\o nS^iUor. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 181 

nous a reproché d'avoir étendu indûment ce que nous avions 
dit des corporations de magiciens ^ Mais en réalité les ma- 
giciens isolés sont reliés par la tradition magique et forment 
des associations. 

En ce qui concerne les rites et les représentations, le ma- 
gicien n'invente pas à chaque coup. La tradition qu'il observe 
est garante de l'efficace des gestes et de l'autorité des idées. 
Or, qui dit tradition dit société. En second lieu, si la magie 
n'est pas publique comme les sacrifices, la société n'y est 
pas moins présente. Si le magicien se relire, se cache, c'est 
de la société et si celle-ci le repousse, c'est qu'il ne lui est 
pas indifférent. Elle n'a peur des magiciens qu'en raison des 
pouvoirs qu'elle lui prête et il n'agit contre elle qu'armé par 
elle. 

Enfin, ces pouvoirs, ces qualités ont tous un même carac- 
tère, procèdent tous d'une même idée générale. Cette notion, 
nous lui avons donné le nom de mana, emprunté aux langues 
malayo- polynésiennes, mais par lequel elle est désignée 
dans la magie mélanésienne, où Codrington* nous avait 
révélé son existence. Elle est à la fois celle d'un pouvoir, 
celle d'une cause, d'une force, celle d'une qualité et d'une 
substance, celle d'un milieu. Le mot mana est, à la fois, 
substantif, adjectif, verbe, désigne des attributs, des actions, 
des natures, des choses. Il s'attache aux rites, aux acteurs, 
aux choses, aux esprits de la magie, aussi bien qu'à ceux 
de la religion. 

Il en résulte que les rites et les représentations ma- 
giques ont le même caractère social que le sacrifice et 
qu'ils dépendent d'une notion identique ou analogue à la 
notion de sacré. De plus, nous avons commencé à montrer 
qu'il y a des cérémonies magiques où se produisent des états 
collectifs de nature à engendrer celte notion de mana. 



1) Cf. H. Berr, Les Progrès de la Sociologie religieuse {Revue de Synthèse 
historique, t. Xil, 1906, p. 34). 

2) The Melanesians, 1890. 



182 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



Bien que peu d'exemplaires aulhentiques de celle notion 
fussent alors connus^ nous ne doutions pas de sa généralité, ni 
qu'elle eût rien à envier à ce point de vue aux notions de lenips, 
d'espace, de nombre, de cause, etc. 

M. Jevons* nous a reproché de fonder ainsi toute la magie 
sur un principe dont, de notre aveu, l'existence explicite 
n'était pas absolument universelle. Nos recherches ultérieures 
nous permettent d'affirmer que cette notion est très répan- 
due. 

Le nombre des sociétés, oti on ne la constate pas expres- 
sément se restreint de plus en plus. 

En Afrique, les Bantus c'est-à-dire la plus grande et la 
plus dense des familles africaines, possèdent la notion tout 
à fait identique de N/cissi, de Moçuissie, comme disaient les 
vieux auteurs*. Les Ewhé, c'est-à-dire une bonne partie des 
Nigriliens, ont la notion de Dzo*. De ce fait, nous concluons 
déjà qu'il est nécessaire de remplacer, pour toute l'Afrique, 
la notion de fétiche par celle de mana. En Amérique, nous 
avions déjà signalé ïorenda iroquois, la maniio algonquine, 
le fcakan sioux, le xiibe Pueblo, le Naual du Mexique central. 
Il faut y joindre le Nauala des Kwakiutl*. Notre hypothèse 

1) F. B. .lovons, The définition of Magici, extrait de Sociological Beview, 
avili l^JOS, p. 6, s()(|. Cf. RriK tic métaphysique et de morale, 1908, [coropte- 
riMidu (lu t. VII 1 iVAnnce Svciolo(ji<iue], 

2) AnntU'. Si>rinln(jiijHey t. X, p. .S08 sq. 

3) Spirili, /)/> Ewhe Stainmc, p. 69*\ Westermam, Euj^e Deutsches Wôrter 
hurh^ s. V. et dôrivrs, p. Sli, p. 8lï sq. 

^0 F. lU);is, The sorial nrganization and the secret societies of the Kwakiutl 
lu'iians. n''f,ort vf thr f. S, Mus. um, 1893 (18:)7). p. 695, 1. 4 et 5; p. 694, 
1^'. \) ol 11, Ole. ; «1. Kudiiiml tcrls (Boas et ilunt) Jesup Pacific Expédi- 
tion, Mcmoirs of thr .\mcrirati MtKcum (tf Saturai History^ vol. III, p. 100, 1.5 
ri :M".;p. (\:\, 1. :\\)- p. (U. I. 7; p. 215, 1. 35 et 39, I. 15, etc. Il existe 
rii«M>i(» cIhv, |.«s Kwakiiill une aulro notion, plus prochaine de celle de talis- 
man el <1»« surnulun'l a la lois, relie de /.nAo-i (dans la seconde transcription 
l.àiiuut). CI", les IrniH vris ^hirakiutl Ttwts, p. 355, 1. 18-19; Soc» Organ., 
p. 373).. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 183 

sur la parenté qui relie la notion du brahman dans Tlnde 
védique h celle de mana, a été admise récemment par 
M. Sirauss*. Quant au nombre des langues où la même nolion 
est fragmentée en plusieurs expressions, il est indéfini*. 

Mais nous avions une autre réponse à faire à la critique de 
M. Jevons. Il n est pas indispensable qu'un phénomène social 
arrive à son expression verbale pour qu'il soit. Ce qu'une 
langue dit en un mot, d'autres le disent en plusieurs. Il n'est 
même pas du tout nécessaire qu'elles l'expriment; la notion 
de cause n'est pas explicite dans le verbe transitif, elle y est 
pourtant. 

Pour que l'existence d'uu certain principe d'opérations 
mentales soit sûre, il faut et il suffit que ces opérations ne 
puissent s'expliquer que par lui. On ne s'est pas avisé de 
contester l'universalité de la notion de sacré, et pourtant, 
il serait bien difficile de citer en sanskrit ou en grec un 
mol qui correspondît au sacer des Latins. On dira ici : pur 
[medhya)^ sacrificiel [ijajhiya), divin {devyà), terrible (^Aora); 
là, saint (tepo^ ou aV.o;), vénérables (œsijlvsç), juste (Oéafi-oç), res- 
pectable (al5£Œt[i.oç). Et pourtant, les Grecs et les Hindous 
n'ont-ils pas eu une conscience très juste et très forte du 
sacré * ? 

1) Brahmanaspaii, Krel, 1906. 

2) Van Gennep, Revue des Traditions populaires, 1904, p. 118-119; Id., 
Mythes et légendes d'Australie, p. lxxxiv, sq. Nous n'admettons pas, comme le 
fait M. van Gennep, que la Barakd marocaine et arabe, c'est-à-dire le mana 
de la bénédiction soit tout le mana; le churinga des Arunta, n'est que le mana 
de certaines choses et rites sacrés. Ce sont des mana spécialisés. 

3) On n'a pas attendu ce complément de preuves pour faire crédit à ce que 
nous avons dit sur la nolion demana. MM. Sidney Hartland {Polk-lore, t. XV, 
1904, p. 355, compte-rendu de Année sociologique, t. VII, 1904), Frazer 
{Lectures on the early History of Kingship, 1906, p. 7 sq. M. Frazer ne 
paraît pas avoir apprécié l'importance de la notion de mana avant la lecture 
de notre travail), Marrett {From Spell to Prayer, Folk-lore, t. XV, 1940, 
p. <32, sq. M. Marrett avait, avant nous, indiqué que l'animisme avait des 
« conditions préanimistes » Preanimistic Religion, Folk-lore^ t. XV, 1904, 
p. 132 sq.), M. Jevons lui-même, M. Preuss {Ursprung der Religion und der 
Kunst, Globus, 1904-1905) s'y sont ralliés; M. Vierkandt (Die Anfdnge der 
Religion und der Znuberei, Globus, 1907, vol. 92, p. 62. Cf. Beck, in 



184 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



Nous n'avons publié qu'une partie de noire travail sur la 
magie, celle qu'il nous importail de terminer alors pour 
poursuivre nos recherches. Celait assez pour nous en effel 
d'avoir montré que les phénomènes de la magie s'expli- 
quaient comme ceux de la religion. Comme nous n'avons 
pas encore exposé la partie de noire travail, qui concerne 
les rapports de la magie et de la religion, il en est résulté 
quelques malentendus. 

Nous avons été les premiers à formuler dans ce mémoire 
une distinction des rites en positifs et négatifs que nous 
tenions de M. Durkheim. Deux ans après notre publication, 
M. Frazer* arrivait, de son côté, à la même distinction, mais 
en considérant tous les tabous comme des rites négatifs de 
ce qu'il appelle la magie sympathique. Nous ne pouvons accep- 
ter l'honneur que M. Thomas* et à sa suite M. Marrelt^ nous 
ont fait de cette généralisation. Nous la croyons erronée. 
Nous avons divisé la magie en positive et négative; cette der- 
nière embrassant les tabous et en particulier les tabous sym- 
pathiques. Mais nous n'avons pas dit que tous les tabous 
fussent de la magie négative. Nous insistions sans doute sur 
les interdictions de la magie, parce que,' par le fait même 
de la prohibition, elles portent, mieux que les règles posi- 
tives, la marque de l'intervention sociale. Nous ne niions nul- 
lement qu'il y eût des tabous religieux, et qu'ils fussent 
d'un autre ordre. 

Faute encore d'avoir délimité les rapports de la magie et 

Zeitschrift fur Philosophie und philnsophischr. KuUur, vol. 123, p. 180), qui pro- 
bablement s'est contenté de lire M. Preuss, en arrive à nous reproduire presque 
intégralement sans nous citer. Nous aimons voir nos idées cheminer anoDy- 
mement. 

1) Frazer, Lectures on thc Rarly lïlst)rfi of Kingahip^ p. 26. 

2) N. W. Tfjomas, Mnn, 1906, n. 'M, lettre de M. Frazer, ibid. 

3) Marreti, Is tahoo a nrgatire Mu'jiCy in Anlhropological Essays. . E. B. 
Tylnr, Oxford, 1007, p. 220 s»]. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 185 

de la religion, nous nous sommes attiré de la part de 
M. Huvelin une autre querelle*. 

M. Huvelin attribue une origine magique aux liens de droit 
primitif* et, pour lui, la magie a servi puissamment à la cons- 
titution de ce qu'il appelle le droit individuel. Ce que la 
magie met à la disposition des individus, ce sont des forces 
sociales et religieuses. Il Tadmet. Toutefois, il s'inquiète 
d'une contradiction qu'il aperçoit dans les termes dont nous 
nous servons. Comment la magie étant sociale, c'est-à-dire, 
selon M. Huvelin, obligatoire, peut-elle être illicite? Com- 
ment étant religieuse, puisqu'elle trouve sa place dans le 
droit, phénomène de la vie publique, peut-elle être anti- 
religieuse en même temps? Voilà ce qu'il nous demande 
d'expliquer'. 

Mais une bonne partie des rites, et surtout des sanctions, 
qui, seFon M. Huvelin viennent de la magie, se rattachent 
pour nous à la religion. Pas plus que les dieux infernaux les 
imprécations, les ipat ne sont par définitions magiques et 
hors de la religion. D'ailleurs, dans un bon nombre des cas 
cités*, la sanction magique n'est que facultative. La religion 
noue donc, aussi bien que la magie, les liens du droit indi- 
viduel^ et avec un formalisme de la même nature. 

Le malentendu vient, en somme, uniquement de l'emploi 
abusif que M. Huvelin fait encore du mot magique. Nous 
avons sans doute contribué à le dérouter en ne justifiant pas, 
par une étude méthodique, la règle que nous avons donnée 
pour distinguer les faits du système magique des faits du 



1) p. Huvelin, Magie et droit individuel {Année Sociologique, t. X, 1907, 
p. 1-47). 

2JId., Les Tablettes magiques et le droit romain y extrait des Annales Interna- 
tionales d'Histoire du droite Mâcon, 1901 ; Id., La notion de l* injuria dans le 
très ancien droit romain {Annales de l'Université de Lyon^ 1903). 

3) Nous connaissons certainement fort bien l'existence de la magie judiciaire. 
Nous pouvons même signaler à M. Huvelin que la magie des Ewhe du Togo 
se divise en magie de Tenvoûtement, magie de la divination et magie du droit. 
Spieth, Eiohe Stàmme, p. 69*, p. 534 sq. Cf. Westermann, Ew'eDeutsches 
Wôrterbuch, s. v. dzodudu, p. 89. 



186 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

système religieux. Il n'y a pas entre eux Tantinomie qu'il se 
représente, et au sujet de laquelle il nous prend à partie. Il y 
a^ nous Tavons dit, dans tout rite de la magie aussi bien que 
de la religion, une même force mystique, qu'on avait au- 
trefois le tort d'appeler magique. M. Huvelin n'a pas répudié 
ce vice de nomenclature et c'est pourquoi il fait de la magie 
la source unique des contrats. 

Il ne faut pas opposer les phénomènes magiques aox phé- 
nomènes religieux ; dans les phénomènes religieux, il y a 
plusieurs systèmes, celui de la religion, celui de la magie, 
d'autres encore ; par exemple, la divination et ce qu'on ap- 
pelle le folk-lore, forment des systèmes de faits religieux 
comparables aux précédents. Cette classification correspond 
mieux à la complexité des faits, et à la variabilité des rap- 
ports historiques de la magie et de la religion. Mais notre 
définition du système de la magie reste la même et nous 
conlinuons à ne considérer comme lui appartenant que ce 
qui, le folk-lore mis à part, ne fait pas partie des cultes orga^ 
nisés. En vertu de cette définition, par exemple, le dhdrna\ 
le suicide juridique à Teffet d'arriver à l'exécution d'un cré- 
ancier, dont parle M. Huvelin, ressortissant aux différents 
codes, à celui de Manou en particulier, ne figurant dans 
aucun manuel magique, dépendant du culte funéraire, relève 
de la religion et non de la magie. 

Kntin, sans être obligatoires, les rites de la magie 
peuvonl néanmoins être sociaux. L'obligation proprement 
dilo n'est pas |)oiir nous le caractère distinctif des choses, 
d(\s acJiîs et des senlinionts sociaux. L'acte magique illi- 
citiî nîste pour nous social, sans qu'il y ait là contradic- 
tion, li'achî (îsl so(rial parce qu'il tient sa forme de la société 
cl (pTil n'a (hi niisoii d'èlre que par rapport à elle. Tel est 
le rjis, (|U(î ciln Al. lluvrlin, du sacrifiant qui fait un sacri- 
firn pour Iu(m* \Mn\ rnntîini*. Au surplus, la magie n'est pas 






ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 187 

nécessairemeul illicite et, dans le droit, en fait, elle sert 
aussi bien au droit public qu'au droit individuel. Ainsi, dans 
les tribus australiennes *, les menaces d'envoûtement sont 
pour les vieillards un moyen de faire respecter la discipline. 
Ce n'est pas sans raison que M. Frazer rattache aux pou- 
voirs des magiciens les pouvoirs du roi*. 

Certes, M. Huvelin a raison de montrer que la magie a 
aidé à la formation de la technique du droit, comme nous 
supposions qu'elle a fait pour les autres techniques*. Nous 
sommes d'accord avec lui, quand il allègue que, dans le droit, 
elle a facilité l'action individuelle. La magie a, en effet, 
fourni à l'individu les moyens de se faire valoir à ses propres 
yeux et aux yeux des autres, ou bien d'éviter la foule, 
d'échapper à la pression sociale et à la routine. A l'abri 
de la magie, non seulement les audaces juridiques ont été 
possibles, mais aussi les initiatives expérimentales. Les 
savants sont fils des magiciens. 

Nous avons fait de fréquentes allusions au rôle que l'indi- 
vidu joue dans la magie et à la place qu'elle lui fait. On les 
a considérées comme des concessions prudentes, destinées 
à compenser l'excessive rigueur d'une théorie sociologique 
qui semblait nier dans la magie l'autonomie des magiciens\ 
Il n'y avait là ni concession ni contradiction. Notre travail 
avait précisément pour objet de déterminer la place de l'in- 
dividu dans la magie, par rapport à la société. 

Nous nous proposions au début de nos études, surtout de 
comprendre des institutions, c'est-à-dire des règles publiques 
d'action et de pensée. Dans le sacrifice, le caractère public 
de l'institution, collectif de l'acte et des représentations est 
bien clair. La magie dont les actes sont aussi peu publics que 
possible, nous fournit une bonne occasion de pousser plus 

1) Howitt, Native Tribes of South East Australia, 1904, chap. ix, passim, 

2) Lect. Hist. Kingship. 

3) H. Hubert et M. Msiussy Esquisse d'une théorie générale de la Magie {Année 
Sociologique, t. VII, 1904, ch. v, p. 143). 

4) H. Berr, Les Progrès de la Sociologie religieuse, /. /.i p. 35. 



188 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

loin noire analyse sociologique. Il importait avant toal, de 
savoir dans quelle mesure et comment ils étaient sociaux. 
Autrement dit : quelle était l'attitude de l'individu dans le 
phénomène social? Quelle était la part de la société dans 
la conscience de l'individu? Lorsque des individus se ras- 
semblent^ lorsqu'ils conforment leurs gestes à un rituel, leurs 
idées à un dogme, sonl-ils mus par des mobiles purement 
individuels ou par des mobiles dont l'existence dans leur 
conscience ne s'explique que par la présence de la société? 
Puisque la société se compose d'individus organiquement 
rassemblés, nous avions à chercher ce qu'ils apportent d'eux- 
mêmes et ce qu'ils reçoivent d'elle, et comment ils le re- 
çoivent. Nous croyons avoir dégagé ce processus et montré 
comment, dans la magie, l'individu ne pense, n'agit que 
dirigé par la tradition, ou poussé par une suggestion qu'il se 
donne lui-même sous la pression de la collectivité. 

Notre théorie se trouve ainsi vérifiée, même pour le cas dif- 
ficile de la magie, oîi les actes de l'individu sont aussi laïcs 
et personnels que possible, nous sommes bien sûrs de nos 
principes en ce qui concerne le sacrifice, la prière, les 
mylhes. On ne doit donc pas nous opposer à nous-mêmes si, 
parfois, nous parlons de magiciens en renom, qui mettent des 
pratiques en vogue, ou de fortes personnalités religieuses, 
qui fondent des sectes et des religions. Car, d'abord, c'est 
toujours la société qui parle par leur bouche et, s'ils ont 
quelque intérêt historique c'est parce qu'ils agissent sur des 
sociétés. 



m 

IJ-: PROBLÈME DE LA RAISON 

Kn pror/^dîint ninsi, nous déplacions le foyer de nos investi- 
gutioriH soriolo^iciuns. Passant de la considération des phéno- 
mènes r<îli^;iniix, rn huit (|u'ils se dôvoloppenl hors de l'ana- 
lyse (l(îH formrs (|u'il4 prennent dans la conscience, nous avons 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 189 

eu roccasioD de poursuivre des études que nous avions déjà 
commencées avec et après M. Durkheim sur les origines de 
Tenlendement. 

Les opérations mentales de la magie ne se réduisent pas 
au raisonnement analogique ni à des applications confuses 
du principe de causalité. Elles comportent des jugements 
véritables et des raisonnements conscients*. 

Ces jugements sont de ceux qu'on appelle jugements de 
valeur, c'est-à-dire qu'ils sont affectifs. Ils sont dominés par 
des désirs, des craintes, des espérances, etc., des sentiments, 
en un mot. De même, les raisonnements se développent, sur 
une trame de sentiments transférés, contrastés etc., et non pas 
comme le veulent les anthropologues anglais, imbus d'associa- 
tionisme, suivant les lois de la contiguïté et de la ressemblance. 

Mais, les psychologues isolent habituellement les juge- 
ments de valeur, qu'ils rattachent à Tordre de la sensibilité, 
des jugements proprement dits, qu'ils rattachent à l'ordre de 
l'intelligence, ou ils ne signalent entre eux que des liens acci- 
dentels*. La logique rationnelle se trouve ainsi radicalement 
opposée à celle des sentiments. Au contraire, quand on étudie 
ces deux logiques dans la conscience des individus vivant en 
groupe, on les trouve naturellement, intimement liées. En 
effet, les jugements et les raisonnements de la magie et de la 
religion sont de ceux sur lesquels s'accordent des sociétés 
entières. Cet accord doit avoir d'autres raisons que les ren- 
contres fortuites des sentiments capricieux. Il s'explique par 
le fait que, dès le début, ils sont à la fois empiriques et ration- 
nels. 

Le sentiment individuel peut s'attacher à des chimères. 
Le sentiment collectif ne peut s'attacher qu'à du sensible, du 
visible, du tangible. La magie et la rehgion concernent 

1) La critique que nous avons faite à cet égard de la théorie courante a été, 
croyons-nous, décisive. C'est ainsi que M. Wundt Ta reproduite sans le 
savoir^ Vôlkerpsycfiologie, II, Mytkus uwi Religion^ II, p. 177 sq. 

2) Nous sommes naturellement loin de penser que ceux qu'ils ont aperçus, 
ceux que M. Ribot a signalés dans sa Logique des sentiments j n'existent pas. 



190 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

des êlres, des corps ; elles naissent de besoins vitaux, vivenl 
d'effets cerlains el elles s'exposent an contrôle de l'expérience. 
L'action locale du mana dans les choses est, pour le croyant, 
susceptible de vérifications. On s'inquiète sans cesse de sa 
présence fugace. Certes, les conclusions des dévots sont tou- 
jours affirmatives, car le désir est tout puissant. Mais il y a 
épreuve, confirmation. 

Ces jugements et ces raisonnements de valeur doivent 
d'autre part avoir un caractère rationnel. 11 y a des limites à 
leurs absurdités. M. Ribot a dit que la logique des sentiments 
admettait la contradiction, cela est vrai même des sentiments 
collectifs. Mais la logique qui règne dans la pensée collective 
est plus exigeante que celle qui gouverne l'homme isolé. 
11 est plus facile de se mentir à soi-même que de se mentir 
les uns aux autres. Les besoins réels, moyens, communs 
et constants qui viennent se satisfaire dans la magie et dans 
la religion ne peuvent pas être aussi facilement trompés que 
la sensibilité instable d'un individu. Celui-ci n'a pas besoin 
de coordonner ses sentiments et ses notions aussi fortement 
que les groupes doivent le faire. 11 s'accommode d'alternan- 
ces. Au contraire, les individus associés et voulant rester 
unanimes dégagent d'eux-mêmes des moyennes, des cons- 
tantes. Certes, ces décisions et ces idées des groupes sont 
faites d'éléments contradictoires, mais elles les concilient. 
C'est ce qu'on voit chez tous les partis et dans toutes les 
Églises. Ces contradictions sont aussi inévitables qu'utiles. 
Par exemple, pour que le charme puisse être conçu comme 
agissant à la fois à dislance el par contact, il a fallu consti- 
tuer ridée d'un ma7ia à la fois étendu et inétendu. Le mort est 
à la fois dans un autre monde et dans sa tombe où on lui 
rend un culte. De pareilles notions, vicieuses pour nous, sont 
des synthèses indispensables oii s'équilibrent des sentiments 
et des sensations également naturels et également contradic- 
toires. Les contradictions viennent de la richesse du contenu 
el ne les empêchent point de porter, pour les croyants, les 
caractères de l'empirique el du rationnel. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX , 191 

C'est pourquoi les religions et les magies ont résisté et se 
sont continuellement et partout développées en sciences, 
philosophies, techniques d'une part, en lois et mythes de 
l'autre. Elles ont ainsi puissamment aidé à la[formation, à la 
maturation de l'esprit humain. 



Mais pour que les jugements et les raisonnements de la 
magie soient valables, il faut qu'ils aient un principe soustrait 
à Texamen. On discute sur la présence ici ou là, et non pas 
sur l'existence du mana. Or, ces principes des jugements et 
des raisonnements, sans lesquels on ne les croit pas pos- 
sibles, c'est ce que Ton appelle en philosophie des catégories. 

Constamment présentes dans le langage, sans qu'elles y 
soient de toute nécessité explicites, elles existent d'ordi- 
naire plutôt sous la forme d'habitudes directrices de la 
conscience, elles-mêmes inconscientes. La notion de mana 
est un de ces principes : elle est donnée dans le langage; 
elle est impliquée dans toute une série de jugements et de 
raisonnements, portant sur les attributs qui sont ceux du 
mana\ nous avons dit que le mana est une catégorie*. Mais le 
mana n'est pas seulement une catégorie spéciale à la pensée 
primitive, et aujourd'hui en voie de réduction, c'est encore 
la forme première qu'ont revêtue d'autres catégories qui fonc- 
tionnent toujours dans nos esprits : celle de substance et de 
cause. Ce que nous en savons permet donc de concevoir 
comment se présentent les catégories dans l'esprit des pri- 
mitifs. 

Une autre catégorie, celle de genre, avait été soumise à 
rjtt^HMMÉ|^MMttW par l'un de nous, avec M. Durkheim, 

m fications primitives^ . L'étude de 

108 expressions, Mythologisohe Pragen. 
'23, aurait bien dû nous dire si les 

mes primitives de classi- 
à lée Sociologique, t. X, 




192 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

la classification des notions chez quelques sociétés, montrait 
que le genre a pour modèle la famille humaine. C'est à la 
façon dont les hommes se rangent dans leurs sociétés, qu'ils 
ordonnent e( classent les choses en espèces et genres plus oa 
moins généraux. Les classes dans lesquelles se répartissent 
les images et les concepts sont les mêmes que les classes 
sociales. C'est un exemple topique de la façon dont la vie en 
société a servi h la formation de la pensée rationnelle en lui 
fournissant des cadres tout faits, qui sont les clans, phratries, 
tribus, camps, temples, régions, etc. 



Pour qui s'occupe de la magie et de la religion, celles des 
catégories qui s'imposent le plus à Taltention, sont celles du 
temps et de l'espace. Les rites s'accomplissent dans l'espace 
et dans le temps suivant des règles : droite et gauche, nord 
et sud, avant et après, faste et néfasle, etc., sont des consi- 
dérations essentielles dans les actes de la religion et de la 
magie. Elles ne sont pas moins essentielles dans les mythes; 
car ceux-ci, par l'intermédiaire des rites, qui en sont des des- 
criptions, des commémorations, viennent se poser dans l'es- 
pace et se produire dans le temps. Mais les temps et les espaces 
sacrés dans lesquels se réalisent les rites et les mythes sont 
qualifiés pour les recevoir. Les espaces sont toujours de véri- 
tables temples. Les temps sont des fêtes. 

L'étude que nous publions plus loin sur La Représentation 
du Temps dans la religion et la magie a pour objet d'analyser 
quelques formes primitives, étranges, contradictoires que 
présente la notion de temps quand elle est en rapport avec 
celle de sacré. Elle a été amenée par des recherches sur 
les fêles. Elle permet de comprendre comment les fêtes se 
succèdent, s'opposent, se reproduisent dans le temps, quoi- 
que tous les mythes qu'elles représentent se passent néces- 
sairement dans l'éternité, comment les mythes, qui sont 
par nature hors du temps, peuvent ainsi périodiquement se 
réaliser dans le temps. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 193 

Enfin, comme la règle des fêles est le calendrier, et que le 
calendrier a servi, sinon à former la notion concrète de durée, 
du moins la notion abstraite de temps, on peut y voir com- 
ment le système des fêtes et la notion de temps se sont 
élaborés simultanément, grâce au travail collectif des géné- 
rations et des sociétés. 

La notion du temps, qui préside à la formation des premiers 
calendriers magiques et religieux, n'est pas celle d'une quan- 
tité, mais celle de qualités. Elle comprend essentiellement 
la représentation de parties, qui ne sont point aliquoles, qui 
s'opposent les unes aux autres, qui sont prises les unes pour 
les autres, et chacune pour toutes les autres, en raison de 
leurs qualités spécifiques. Les harmonies et les discordances 
qualitatives des parties du temps sont de la même nature que 
celles des fêles. Tout fragment de calendrier, toute partie du 
temps, quelle qu'elle soit, est une véritable fêle, chaque jour 
est une Feria, chaque jour a son saint, chaque heure sa 
prière. Bref, les qualités du temps ne sont pas autre chose 
que des degrés ou des modalités du sacré : religiosité gauche 
ou droite, forte ou faible, générale ou spéciale. Nous aperce- 
vons donc des relations fort étroites entre ces deux notions 
de sacré et de temps, si intimement unies et mêlées et qui se 
corroborent l'une l'autre. Nous avons pu concevoir comment 
celte notion de sacré doit être celle en fonction de laquelle 
les autres se classent, mais aussi se produisent par segmen- 
tations et oppositions successives, c'est-à-dire en somme, la 
mère et la génératrice des représentations rehgieuses *. 



Nous pouvons maintenant revenir sur les caractères de ces 
jugements de valeur, qui sont à l'origine de l'entendement 
humain. Avec les empiristes nous avons reconnu que ces 

1) Ce que Tun de nous a fait explicitement pour l'idée de temps avait été 
indiqué pour celle d'espace, à propos de la classification des choses suivant les 
régions. Voir Durkbeim et Mauss, Classifications primitives^ p. 63. 



194 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

jugements n'étaient possibles qu'après un minimum d'expé- 
riences sur des choses, des objets matériels ou conçus 
comme matériels. Avec les nominalistes nous reconnaissons 
la toute-puissance du mot, d'origine sociale lui aussi. Avec 
les rationalistes enfin, nous reconnaissons que ces jugements 
de valeur sont coordonnés, suivant des règles constantes et 
constamment perfectionnées. xMais, tandis que pour eux, c'est 
une entité, la Raison, qui dicte ces règles, pour nous ce sont 
des puissances sociales, la tradition, le langage, qui les 
imposent à Tindividu. 

Nous admettons donc la théorie du jugement de valeur, 
qu'on inventé les théologiens piétistes. Mais tandis que les 
philosophes S disciples de ces théologiens ne voient dans ces 
jugem ents que les produits de la raison pratique, de la liberté 
nouménale ou du sens religieux et esthétique de l'individu, 
pour nous ces jugements se fondent sur des valeurs pri- 
maires* qui ne sont ni individuelles, ni exclusivement volon- 
taires, ni purement sentimentales, ce sont des valeurs 
sociales derrière lesquelles il y a des sensations, des besoins 
collectifs, des mouvements des groupes humains. 



IV 

LE MYTHE ET LIDÉE C.ÉNÉRALE 

Ainsi, Tétude des représentations générales doit être jointe 
à celle des représentations dans Thisloire des religions. 
Mais on s'inquiète de ce que nous fassions débuter la pensée 

1) On trouvera sur ce sujet une assez bonne bibliographie dana Ribot, Logique 
des sentitnentSj p. 34, n. 1 ; sur le développement et la portée générale du sys- 
tème de Hitachi, v. Boutruux, Science et Religion, p. 210, sq. L'origine piétisle 
de ces théories est, pour nous, certaine. Elles viennent de Kirkegaard. Cf. 
H. Hoffding, Philosophie de la Religion, trad. fr., 1908, p. m. 

2) H. Hôirdinf^', 0. /., p. 99: les valeurs primaires sont celles qui se rapportent 
aux besoins individuels; les valeurs Fociales sont secondaires. Plus loin (p. 100), 
M. [Iofîdin^ admet que les valeurs sociales peuvent élre contemporaines des 
premières. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 195 

religieuse par des idées impersonnelles*. On met en général 
au commencement la notion d*âme et d'esprit, si Ton est 
animiste, les mythes, si Ton est naturiste. La première est 
considérée comme donnée immédiatement dans Texpé- 
rience et le rêve de Tindividu. C'est ainsi que, tout dernière- 
ment, l'expliquait encore M. Wundt\ Pour Max Mtîller et 
ses disciples, le mythe naissait immédiatement du besoin 
d'animer les choses, représentées dans le langage par des 
symboles. Comme aucune objection ne nous est venue du 
côté de l'école naturiste, nous ne discutons pas la sienne, à 
laquelle nous faisons sa large part. Mais les animistes nous 
ont déjà combattu, en défendant contre nous le caractère élé- 
mentaire et primitif de la notion d'âme. Pour eux, le mana 
n'est qu'un extrait de celle-ci. L'animisme renouvelé par 
M. Wundt explique l'action à distance du rite magique par 
l'exhalation de Tâme du magicien'. 

Il y a là, selon nous, une grave erreur. Entre ces deux 
représentations, âme et mana^ nous tenons celles de mana 
pour primitive, parce qu'elle est plus commune. En fait, tan- 
dis que tout rite magique, toute chose magique a son manaj 
le nombre est très petit des rites où Ton voit sortir l'âme des 
magiciens, même l'une de ses âmes corporelles. M. Wundt 
appelle à la rescousse M. Preuss. Celui-ci dans d'intéres- 
santes recherches, qu'il rattache aux nôtres*, a trouvé que, 
très souvent, ce sont les soufQes émis par les ouvertures du 
corps qui portent la force magique. Les soufQes, nous dit 
M. Wundt, ce sont des âmes. Non, ce sont des soufQes. 
La voix, un trait de feu, un caillou, une pointe peuvent aussi 
bien servir de véhicule. Celui-ci ne sera même pas toujours 

1) Le P. Schmidt dous reproche notre u magicisme impersonnel », V origine 
de Vidée de Lieu, Anthropos, 1908, p. 604, n. 4. 

2) Wundt Vôlkerpsychologie, II, Religion und Mythus, II, p. 1-140; cf. 
M. Mauss, L'art et le mythe d'après M. Wundt {Rev. Philosophique, juillet 
1908). Jevons, The définition of Magic, extrait de Sociological Revitw, 
avril 1908. 

3) Rel. u. Mythus, II, p. 185, sq. 

4) Loc. cit,y p. xu, n. 1. 

14 



196 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

nettement figuré. Parmi les images qui se prêtent à la re- 
présentation de la force magique, celle d'une âme, aussi mal 
définie qu'on voudra, n'est pas des plus fréquentes. En tous 
cas^ elle n'est jamais qu'une image parmi les autres. 

Il y a plus : bien loin que la notion d'âme soit plus élé- 
mentaire que la notion de mana^ elle est une des plus com- 
pliquées à laquelle soient arrivées les religions. Une analyse 
facile distingue ses antécédents plus simples, ses éléments 
disjoints et informes : ombres, âmes organiques, âmes exté- 
rieures, totems, revenants, génies. Dès qu'il s'agit d'en conce- 
voir le contenu, nous n'y apercevons plus autre chose que les 
multiples figurations des rapports multiples de l'individu avec 
ses semblables, passés, présents, futurs, et avec les choses*. 
Ce sont des mana spécialisés que la société attribue à l'indi- 
vidu en raison de ses parentés, de ses initiations, de ses asso- 
ciations avec des morts, avec des météores, des cailloux, 
des arbres, des astres, des animaux, etc. 

Mais admettons que, en vertu d'une miraculeuse aperception 
primitive, la notion d'âme soit immédiatement donnée dans 
la conscience, et immédiatement objectivée au dehors; il 
reste à expliquer que les âmes puissent et doivent être les 
seuls agents des rites*, et que leur représentation soit la 
raison d'être des rites. Les animistes nous font faire un nou- 
veau saut au passage de la notion d'âme à la notion d'âme 
puissante. Admettons à la rigueur que l'expérience donne la 
notion d'âme, quelle expérience donnera la notion de puis- 
sance? Si l'on nous dit que l'âme est naturellement conçue 
comme active, nous répondrons qu'elle est tout aussi bien 
conçue comme passive. Dans la notion d'âme ne sont pas 
données à la fois les qualités de spirituel et de puissant; au 
contraire elles sont données ensemble, par une synthèse 
naturelle, dans la notion de mana. Or, il fallait avoir la notion 
du puissant joint au spirituel pour avoir la notion d'une âme 

1) H. Hubert, Introduction à la traduction française de l* Histoire des Reli* 
gions He Chantepie de la Saussaye, p. xxxiii-xxxv. 

2) Cl". Jevons, The définition of magie, L /., p. 15. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 197 

active. Il faut avoir Tidée d'une qualité pour en faire un 
attribut '. Nous avons donc de bonnes raisons pour mettre la 
notion de mana avant celle d'esprit. 

Mais, nous dira-t-on, mettant ainsi le prédicat avant le 
sujet, le mana avant l'âme, vous renversez l'ordre psycholo- 
gique des faits. Vous mettez l'impersonnel avant le per- 
sonnel. Sans contredit. 

D'abord, il ne faut pas creuser entre l'idée générale et l'idée 
d'une personne une espèce d'abîme. Le personnel ne se con- 
çoit que par rapport à l'impersonnel. L'individu ne se dis- 
tingue que dans un clan. Il est représenté comme une parcelle 
du sang qui coule dans tout son clan, les animaux de son 
totem compris. 11 n'y a pas de langage ni de pensée sans une 
certaine part de généralisation et d'abstraction. Supposer 
que l'esprit humain n'ait été peuplé à ses débuts que de 
notions purement individuelles est une hypothèse gratuite, 
invraisemblable et invariable. 

Les notions primitives dont celle de mana est le type ne 
sont pas si abstraites qu'on le dit. Leur contenu concret est 
au conlaire très abondant. Elles coordonnent une foule de 
représentations: des qualités, des objets, des sensations, des 
émotions, des désirs, des besoins^ des volitions. Leur élabo- 
ration ne demandait pas un grand travail intellectuel. Ce sont 
des synthèses opérées presque spontanément par des esprits 
brumeux. 

Mais^ entendons-nous bien. Il n'y a pas eu un moment oîi 
la magie et la religion auraient comporté l'idée imperson- 
nelle de mana^ et, plus tard, un autre moment où seraient 
nées les idées impersonnelles de dieu, d'esprit, de revenant, 
de double. Nous pensons simplement que l'idée générale est 
la condition logique et chronologique des idées mythiques, 
de même que les temps marqués d'un rythme sont les 
conditions du rythme, lequel comporte des temps faibles. 

1) H. Hôffding, o. /., p. 172, sq. : « Le concept de Dieu, la catégorie de 
religion, sont soumis à la même règle que les autres concepts et catégories; 
ils doivent servir de prédicat avant de figurer comme sujet ». 



t.-. 



198 ftEVUE DE L^HISTOIRE DES RELIGIONS 

Dans certains cas, la notion générale de mana se présente 
sous sa forme impersonnelle intégrale ; dans d'autres il se 
spécialise, mais reste encore quelque chose de général : 
puissance du vouloir, danger du mauvais œil, efficace de la 
voix; dans d'autres cas enfin, pour entrer dans la pratique, 
il revêt immédiatement des formes concrètes et indivi- 
duelles : il devient totem, astre, souffle, herbe, homme, 
magicien, chose, esprit. Le fond reste identique^ mais la 
métamorphose n'en est pas moins naturelle et fatale. De la 
majeure qu'est le mana se déduit, par une nécessité logique 
et psychologique la conclusion que sont Tâme et le mythe. 

Entre ces trois états de la représentation, l'équilibre est 
toujours instable. Elle oscille sans cesse, de la notion d'un 
phénomène ou d'une chose à celle de l'agent impersonnel ou 
personnel qu'elle met derrière. Zeus est à la fois un homme 
et le ciel, sans compter divers animaux. La juxtaposition est 
contradictoire, mais la raison d'être d'une notion collective 
comme celle de dieu est précisément de réconcilier dans l'es- 
prit du croyant des idées et des sentiments qui s'entre- 
choquent et dont il ne veut rien abandonner. Ainsi, pour nous, 
dès le début, les représentations collectives se développent 
en mythes, tout comme l'idée générale, dans l'esprit indivi- 
duel, ne peut être pensée sans images concrètes. 



V 

PSYCHOLOGIE RELIGIEUSE ET SENTIMENT RELIGIEUX 

En nous appliquant à l'étude des catégories, nous avons, 
paraît-il, outrepassé nos droits* et l'on nous accuse de com- 
promettre le bon renom de la sociologie, en l'étendant indû- 
ment jusqu'aux limites de la dialectique. Notre domaine ne 
va, nous dit-on, que jusqu'où Ton trouve des institutions. On 
nous abandonne le sacrifice, une partie de la magie; on 

1) H. Berr, o. /., p. 16, 29, sq. 36, sq. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 199 

nous conteste l'autre et non moins catégoriquement toute 
une partie de la mythologie. On a réservé tout ce qui est 
mental à la psychologie. Les sociologues n'auraient pour 
eux que les groupes et leurs pratiques traditionnelles ^ Mais 
on oublie qu'il y a des façons de penser en commun aussi 
bien que des façons d'agir en commun. Les calendriers sont 
choses sociales comme les fêtes, les signes et intersignes, 
aussi bien que les expiations des mauvais présages. Les uns 
et les autres sont des institutions. Les notions de sacré, 
d'âme, de temps, etc. sont également des institutions, puis- 
qu'elles n'existent, en fait, dans l'esprit de l'individu, que 
dans les formes qu'elles ont prises dans des sociétés déter- 
minées. L'individu les reçoit, par l'éducation, dans des for- 
mules traditionnelles. Elles sont donc objet de sociologie. 

Là-dessus on nous dit : vous faites de la psychologie 
sociale, et non delà sociologie. Peu importe l'étiquette. Nous 
préférons celle de sociologues, et voici pourquoi. C'est que 
nous ne considérons jamais les idées des peuples abstrac- 
tion faite des peuples. En sociologie, les faits de la psycho- 
logie sociale et les faits de la morphologie sociale sont liés 
par des liens intimes et indissolubles. M. Marrett' nous a 
prêté l'idée que les faits de structure sont des faits primaires, 
par rapport aux autres, qui seraient tout entiers mentaux, et 
il en a pris prétexte pour opposer sa psychologie sociale à 
notre sociologie. L'un de nous», sans doute, a établi que, chez 
les Eskimosy et nombre de peuples de l'Amérique du Nord, 
les variations de la masse sociale commande celles de la 
religion : à leur rassemblement d'hiver et à leur dispersion 
d'été, correspond une double forme de religion. Mais cela 
ne veut pas dire que tous les phénomènes religieux n'aient 
que des causes morphologiques, que les états mentaux des 
groupes humains n'aient d'autre origine que les mouve- 

1) H. Perr, o. /., p. 42. 

2) Marreit, Social Psychology^ Sociological RevieWy I, n. 1. 

3) Essai sur les variations saisonnières des sociétés Eskimos^ Étude de mor- 
phologie sociale (Année Sociologique, IX). 



200 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

ments matériels de la masse sociale. Il se passe, dans une 
société, des phénomènes, qui ont pour conditions essen- 
tielles des faits mentaux. Ainsi, si des castes se sont canton- 
nées dans des quartiers spéciaux, c'était au nom de principes 
religieux. Ce qui est vrai, c'est que tout phénomène reli- 
gieux est le produit d'une certaine masse sociale, douée 
d'un certain état d'esprit, et animée de certains mouvements. 
Reconnaissant des relations étroites entre les faits que l'on 
renvoie d'ordinaire à la démographie ou à Tanthropogéo- 
graphie et ceux qui relèvent de la science des religions; vou- 
lant nous tenir aussi près que possible de la réalité, nous 
sommes et nous restons des sociologues*. 

Il ne nous parait pas nécessaire d'aider à la renaissance de 
la Vôlkerpsychologie^ de la psychologie populaire, collec- 
tive, sociale. Quand nous parlons d'états psychiques collec- 
tifs, nous pensons à des sociétés définies, et non pas à la 
société en général, au peuple, aux masses indécises d'une 
humanité vague, où les idées et les sentiments se transmet- 
traient d'individus à individus, nous ne savons comment*. 
Le peuple dont parlent les Vôlkerpsychologen est une chose 
abstraite qui est à chaque peuple comme l'arbre des scholas- 
tiques était au poirier du recteur. Le social n'est, pour nous, 
ni le populaire, ni le commun. Même quand il s'agit de magie 
et de folklore, nous ne perdons jamais de vue que pratiques 
et croyances sont spéciales à certains peuples et à certaines 
civilisations. Elles ont toujours la couleur particulière que 
prend chaque phénomène dans chaque société. Si indéfinies 
que soient les limites de leur extension, elles correspondent 
à des faits de structure qui sont tout au moins des courants de 
civilisation. C'est pourquoi la sociologie ne peut se constituer 
en dehors de l'ethnographie et de l'histoire. On nous dira : 
« Vous avez étudié le sacrifice, la magie, le temps, les clas- 

1) On reconnaîtra là un nouvel exposé des principes posés par M. Durkheim 
et son école, cf. Art. Sociologie^ Grande Encyclopédie. Mais la confusion est 
lente à se dissiper. 

2) Cf. Mauss, L'art et le mythe, etc., Rev. Philos., 1908, p. 33 sq. • 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 201 

sifications, etc. Dans chaque cas, ves hypothèses semblaient 
s'étendre à Thumanité tout entière. Vous vous contredites. 
De quel droit les avez-vous soutenues? » Nos recherches 
étaient générales parce que les phénomènes particuliers ont 
des raisons générales, mais ils n'existent pas pour autant 
en dehors de leurs formes particulières. C'est à travers les 
particularités de celles-ci que nous cherchons à trouver les 
premiers. C'est seulement par l'étude des variations que pré- 
sentent les institutions ou les notions de même espèce, 
suivant les sociétés, que nous définissons, soit les résidus 
constants que ces variations laissent, soit les fonctions équi- 
valentes que les uns et les autres remplissent. Par là, nous 
différons des anthropologues anglais et des psychologues 
allemands. Us vont droit aux similitudes et ne cherchent à 
retrouver partout que de l'humain, du commun, en un 
mot du banal. Nous nous arrêtons au contraire, par méthode, 
aux différences caractéristiques des milieux spéciaux; c'est 
à travers ces caractéristiques que nous espérons entrevoir 
des lois. 



D'autres nous ont fait le reproche de n'avoir pas fait sa part 
à la psychologie religieuse' tant à la mode aujourd'hui. Ils 
pensent aux sentiments plus qu'aux idées ou aux pratiques 
volontaires, et, parmi les sentiments, à un sentiment d'ordre 
spécial, surhumain, sacrosaint, le sentiment religieux, dont 
les religions positives ne seraient que des manifestations ma- 
ladroites. Bien loin de nier le sentiment dans la religion, 
nous pensons trouver dans les notions de valeur, c'est-à-dire 
dans les notions sentimentales, l'origine des représentations 
religieuses et des rites. L'analyse des sentiments complexes 

1) G. Michelet, Pour la Psychologie religieuse , Revue du Clergé français, 
1905, t. XLI, p. 359 sq. ; t. XLII, p. 22 sq. ; Id., Une récente théorie française 
sur la religion (Revue pratique d'apologétique y 1908, t. VI, p. 268 sq., 515 sq. 
Cf. 0. Habert, La méthode sociologique et l'Histoire des Religions, Ann. de 
philosophie chrétienne, 1908). 



202 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

qui fondent la notion de sacré, et celle des sentiments qu'elle 
provoque, scrupules, craintes, espoirs, etc., est pour nous le 
but dernier de la science des religions. — Ce que nous nions, 
c'est qu'il y ait dans ces sentiments quoi que ce soit de sut 
generis. Il n'y entre pas autre chose que ce que la psycholo- 
gie ordinaire appelle simplement, amour et haine, peur et 
confiance, joie et tristesse, inquiétude, audace, etc. Il n'y a 
pas de sentiments religieux, mais des sentiments normaux 
dont la religion, choses, rites, représentations comprises, 
est produit et objets ^ On n'a pas plus à parler de sentiments 
religieux, que de sentiments économiques, ou de sentiments 
techniques. A chaque activité sociale correspondent des pas- 
sions et des sentiments normaux*. Il est donc inutile d'adap- 
ter à chaque chapitre de sociologie un chapitre de psycho- 
logie qui consisterait en variations sur le même thème. 

Ces lignes ne s'adressent point aux psychologues qui font 
ce que l'on appelle couramment de la psychologie religieuse. 
Ils ont commencé avec succès ce travail de classement des 
idées, des sentiments, des faits de formation et de transforma- 
tion du caractère, des états psychologiques normaux et 
anormaux qui se présentent dans la religion. L'intérêt de 
ces travaux est réel, mais ils éclairent plutôt les façons dont 
agissent, dans l'individu, et par rapport à son caractère, 
les traditions religieuses. Ces auteurs ont apporté plus à la 
psychologie qu'à nos études. Aussi, nous nous demandons 
pourquoi ils choisissent cette rubrique de psychologie reli- 
gieuse*. 

Pour ce qui est des théologiens ou de philosophes impré- 

l)Ribot, Psychologie des sentiments. 

2) Ribot, Essai sur les Pussioiu^, 1908; Tanalye de M. Ribot a précisément, 
à noire avis, pour principal résultat de démontrer que la cause des passions est 
dans une relation entre le caractère de l'individu et certains buis que la 
société lui propose, 

3) Nous faisons allusion aux meilleurs «les travaux de ce genre, ceux de 
MM. Coe, Starbuck et Leuba en Améri-ui'^, D^^laoroix en France. Les princi- 
paux résultats acquis éclairent les phénomènes d»? la conversion, des émotions 
et de leur eiïet, du mysticisme. 



ANALYSE DE QUELQUES PHÉNOMÈNES RELIGIEUX 203 

gnés de théologie comme M. W. James, nous ne nous éton- 
nons pas qu'ils nous parlent des sentiments religieux comme 
d'une chose spécifique. Le sentiment religieux, disent-ils, 
c'est l'expérience religieuse, l'expérience de Dieu. Et celle-ci 
correspond à un sens spécial^ un sixième sens, celui de la 
présence divine^ Nous ne discuterons pas. Ici, il ne s'agit 
plus de fait, mais de foi. 

Au surplus, pour contester cette sorte de mysticisme cou- 
rant qui détache en ce moment la religion de toute la 
conscience claire, nous pouvons nous réclamer d'un 
Père de l'Église dont nul ne s'avisera de discuter la 
force des a expériences religieuses » et l'aptitude à les 
analyser. Au X' livre des Confessions^ saint Augustin cherche 
à définir ce qu'il éprouve. « Quid autem amo cum te amo? *> 
Il cherche longuement, avec une angoisse lyrique. « Ubi 
ergo te inveni ut discerem te, » Il ne trouve Dieu que dans 
sa mémoire. « Ecce quantum spatiatus suum in memoria 
mea quarentis te Domine^ et non te inveni extra eam; ne que 
atiquid de te invenio quod non meminissem. » Et ce n'est pas 
là une boutade, car la mémoire c'est le tout de l'âme, du moi 
comme on dit. « Magna vis est memoriae, nescio quid hor- 
rendum, Deus meus^ profunda et infinita multiplicitas et hoc 
animus esty et hoc ipse ego sum. » Mais d'où vient la présence 
de Dieu dans la mémoire, sinon de la tradition, c'est-à dire 
de la société ? Un Auguslinien logique ne serait pas pour nous 
un contradicteur acharné, car son maître voyait, lui aussi, 
dans la divinité de l'Église, la garantie de la divinité des 
Écritures. 

Henri Hubert et Marcel Mauss. 



1. w. James, Les variétés de l'expérience religieuse, traduction française. 
Voir nos réserves sur le compte de ce livre : Année sociologique, t. VIT, 
p. 204 sq. M. Coe, The source of mystical Révélation, Hibbert Journal, IV, 
1907, pp. 359-372 vient de donner une excellente réfutation psychologique des 
théories de M. James. Ses conclusions sont même tout à fait sociologiques. 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE UISLAM 



19031907 
(deuxième article) 



Keleti Szemlb. 

VI« année, 1905. 

N**!. Hartmann, Ein tûrkischen Text ans Âaêgar (suite). — Balhas- 
SANOGLU, Une inscription turke à Kûtahja. Celle inscription, de Tan 
831 de l'hégire, est intéressante pour la mention des legs de fondations 
pieuses faites par Ya'qoub bey. 

VII« année, 1906. 

JuLius Mészarôs. Osmanisch'tûrkische Volksglaube, Les péris sont 
les auxiliaires des hommes et les djinns leurs ennemis, mais tandis que 
dans les contes populaires, ils forment deux peuples séparés, dans la 
superstition courante, les djinns sont les mâles et les péris, les femelles : 
le chef des premiers est Yawrou-bey; la souveraine des secondes, Ur- 
kuch-hanim. Le YUdiz-Nàmè, livre d'astrologie, où se mêlent les super- 
stitions arabes, persanes et turkes, compte douze padichahs et men- 
tionne les Divs qui n'apparaissent que rarement dans les superstitions 
populaires. D'après ce livre, l'auteur donne quelques traits relatifs à 
Salomon; il énumère ensuite un certain nombre de pratiques supersti- 
tieuses, relatives à la naissance, les spectres, les revenants et les tom- 
beaux de Constaniinople. 

N** JuLius Mészarôs, Osmaniscli-lûrkische Volksglauhe. C!onjurations 
contre les djinns qui causent les maladies et l'impuissance. Renseigne- 
ments sur les devineresses et leurs procédés, en particulier la géoman- 
cie, sur les dangers auxquels sont exposés les enfants, entre autres la 
substitution (cf. les changelins des traditions bretonnes). Analyses des 
Tabir-Nâmeli (la clef des sonjçes). Détails sur la sorcellerie et le mau- 
vais œil, sur les superstitions relatives aux quatre éléments, aux astres 
et aux animaux, aux plantes, aux pierres précieuses (ces derniers d'après 
le Gkmjat ul baydn de Sali A ben Nasr ullah, médecin principal de 
Mohammed IV) aux mois et à divers jours de l'année. 

3*' fasc. Balhassan Oglu, Un texte ouigour du XII^ siècle. Poème 
moral où l'auteur, après avoir loué le Prophète et les quatre premiers 
khalifes, fait le panégyrique d'un émir, probablement Dadbey, qui régnait 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L'iSLAM 205 

en Kachgarie à cette époque ; il traite ensuite de divers points de morale 
pratique sans grande originalité. L'intérêt du poème est surtout dans sa 
langue. — Julius Mészarôs. Oszmàn'iôrôk babondk. Textes turks en 
transcription) avec traduction madgyare, des documents utilisés dans 
l'article Osmanisch-tûrkische Volksglaube. 

VIII« année, 4907. 

Fasc. 1. Julius Mésza.rôs, Oszmdn tôrôk babondk (suite). 



LlTERARISCHES CeNTRABLATT. 

T. LIV, 1903. 

N' 7. SCHMiDT, Cordoba und Granada. G. R. par P. T. qui relève 
un certain nombre d'erreurs. 

N° 40. Becker. Beitràge zur Gesckichte Aegyptens unter dem 
Islam, Cette publication qui doit avoir trois fascicules comble une 
lacune. Le premier renferme une série d'excellentes observations sur 
l'histoire au temps des Fatimites et des fragments de chroniqueurs iné- 
dits, entre autres El Mosabbihi. 

N*' 43. Ibn al A.THIR, Annales du Maghreb, trad. Fagnan. Indication 
du livre par G. F. Seybold qui indique quelques corrections. Malgré 
l'autorité de Yaqoût, Lowaia me paraît préférable à Lewaia, 

N* 45-16. Brockelmann, Geschichte zur arabischen Litteratur, Le 
compte rendu signale l'importance du livre, mentionne quelques correc- 
tions et regrette que la littérature arabe chrétienne ait été systémati- 
quement écartée. 

N* 22. Ross et Browne, Catalogue oftwo collections of Persian and 
Arabiv. manuscripts preserved in the Asia office. Peu de choses nouvelles 
importantes sauf trois ouvrages persans : une recension de Yousofet Zo- 
laîkha de Ferdaousi, delà Kolliyat deDjâmi* et du rare recueil de bio- 
graphies des poètes par £1 Aousi. 

N® 26. Butler. The Arab Conquest of Egypt. L'auteur n'est pas au 
courant des modifications que Brooks a apportées à la chronologie de la 
conquête de l'Egypte. Quelques corrections. 

N» 29. Rat, Al Mostairaf. Gette traduction rendra des services, mais 
on peut regretter qu'elle ne soit pas accompagnée de notes explicatives. 
G. R. par F. Seybold. 

N* 30. Hartmann. Der islamiche Orient. V. Meêreb, Der weise 
IVarr, Éloge de cette publication par G. F. Seybold. 

N** 37. A. de Vlieger, Kitàb al Qadr. Extraits des auteurs arabes (av. 



206 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

trad. fraDç.) qui ont traité du destin. G. R. par C. F. Seybold qui indique 
des corrections. 

N*» 38. Palmieri, Die Polemik der Islam. C. R. par C. F. Seybold. 
L'auteur n'est pas arabisant et le livre (traduction allemande) n'offre 
d'intérêt qu'en ce qui concerne l'islam en Russie. 

N<» 49. GiBB, A history of ottoman poetry. T. IL — Fiujfz Pacha, 
Kairo. Excellente description des monuments du Qaire. C. R. par 
Schwally. 

N«> 50. ScHWARZE, Der Diwan des Umar Ihn Ahi Rabi'a, Cette édi- 
tion d'un poète célèbre et très répandu laisse loin derrière elle celle du 
Quaire de Irll hég. Elle est plus critique et beaucoup plus complète, 
quoique tout ne soit pas absolument authentique. 

N* 51-52. Ibn al Qifti's, TariA al Hukama, édit. Lippert. L'auteur 
de l'article rappelle la genèse de cette publication, projetée, puis com- 
mencée par A. Mûller et terminée après sa mort par J. Lippert. Cet 
ouvrage d'une haute importance complète le Fihrist et Ibn Abi Oçaibya 
et leur traduction s'impose. 
T. LV, 1904. 

N° 1. HuART, Littérature arabe^ C. R. par Brockelmann. Le livre et 
l'auteur sont comblés d'éloges, sans les réserves nécessaires ; toutefois 
le critique regrette qu'on n'ait pas suivi un autre plan : cette opinion 
est contestable. 

N*» 3. LiTTMANN, Neuarabische Poésie, Les observations de K. Vol- 
lers sont surtout d'ordre philologique. 

N''4. Ethé, Catalogue of Persian manuscriptsA. L'auteur de l'article 
cite un certain nombre de raretés dans la collection de VIndia Office et 
fait l'éloge de cette publication monumentale. — Meissner, Neuara- 
bische Geschiclite aus Iraq. C. R. élogieux par Vollers. 
N" 5. Tarikh i Gozidè, trad. Gantin. T. I. Bonne publication. 
N' 8. 20 février. W. Marçais, Le dialecte arabe parlé à Tlemcen, 
En donnant à ce livre les louanges qu'il mérite, l'auteur de l'article 
(Th. Nœldeke) cite aussi, en appréciant leur valeur, les travaux de 
Doutté {Un texte oranais] et Bel (La Djazya). 

N° 22. Le livre de Mohammed ibn Toumert avec une préface de Gold- 
ziher. Cet ouvrage esl de la plus haute importance et l'introduction 
de Goidziher résume parfaitement les innovations d'Ibn Toumert et ses 
rapports avec les Orientaux. Mais on ne peut dire, avec l'auteur de l'ar- 
ticle, que le rejet de la pensée individuelle, subjective, est une preuve 
de rétroitesse et de la dureté de l'esprit berbère. Ici Ibn Toumert, sous 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L^ISLAM 207 

rinfluence de la religion, a démenti son origine, car la caractéristique 
de l'esprit berbère est plutôt le particularisme poussé à Texcès et, en 
matière civile, l'indépendance vis-à-vis la loi religieuse (cf. la décision 
prise au milieu du xviii^ siècle, par lesdjema'ah de Kabylie, pour exclure 
les femmes de la succession, contrairement à la doctrine malekite). 
C. R. parVoLLERS. 
N° 25. Pizzi. Vislamismo, Pourra rendre service au grand public. 
N* 32. Pizzi, Letteratura araba. C. R. par Seybold qui relève un 
certain nombre de fautes. 

N*» 35. Hartwig Derenbourg, Oumara du Yémen. T. IL En atten- 
dant l'apparition de la vie d'Omara, C. F. Seybold indique dans ce 
volume un certain nombre de corrections. 

N'41. NiELSEN, Die allarabische Mondreligion, L'auteur ne s'est pas 
rendu compte des difficultés que rencontre l'explication des noms tbéo- 
phores, mais il a bien montré le caractère astral du culte dans l'Arabie 
du Sud. Le problème du rapport de celui-ci avec le culte babylonien 
n'est pas résolu. C'est néanmoins un travail de bon augure. 
T. LVI, 1905. 

N*» 1. Weir, The Shaikhs of Morocco. C. R. par Villiers. L'auteur a 
suivi de près le récit dlbn Askar : ce n'est pas une œuvre historique, 
mais une galerie de tableaux de la société marocaine. 

N" 2. Ja^cob. Der Diwan Sultan Mohameds IP. La publication du 
Diwân du conquérant de Constantinople, de qui le surnom poétique 
était Avni, est très importante : l'auteur du compte-rendu, Karl Foy, 
qui loue l'exactitude et le soin avec lequel elle est faite, ajoute un cer- 
tain nombre d'observations. 

N*^ 3. H. GmMM, Mohammed. Une partie du livre est consacrée à l'ex- 
posé de la civilisation de l'ancienne Arabie comme introduction à 
l'exposé du caractère de MoAammed dans la doctrine de qui se retrouve 
l'influence du monothéisme du sud de l'Arabie. L'auteur de l'article 
(G...r) fait remarquer avec raison que les arguments invoqués à l'appui 
de cette thèse ne sont pas assez solides. 

N° 12. Ibn Adhari, Histoire de V Afrique et de l'Espagne^ t. II, trad. 
Fagnan. 

N* 13. HoRowiTz, Die Hasimijjah des Kumait, Éloge de l'édition de 
ce recueil curieux de poésies d'opposition sous les Omayades. 

N° 16. Périer, Vie d*Al Uadjdjâdj. L'auteur, malgré sa rhétorique 
n'a pas réussi à faire à Al Hadjdjâdj la place qu'il occupe dans les grands 
mouvements de son époque. Le compte-rendu de Reckendorf est trop 



208 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

sévère, car, malgré des lacunes (l'ouvrage de Wellhausen, Doi arabii- 
che Reich und seinSturz n'a pas été utilisé), le {tortrait d'Al /fadjdjadj 
est bien tracé. 

N'26. Amedroz, The historical Remains of Hilàl al Sabi. Édition 
méritoire, en raison de ses difficultés, des fragments qui nous sont par- 
venus d'une des sources les plus importantes de l'histoire intime des 
Khalifes de Bagdad. 

N* 31. W. Ahlwardt, Diwan des Regezdichter Ruba. Cette traduc- 
tion, quoiqu'en vers, est un auxiliaire pour la lecture du Dimran qui 
forme le 3^ volume de la collection publiée par M. Ahlwardt, mais les 
arabisants eussent préféré que ce secours eût la forme d'un commen- 
taire lexicologique. Le lecteur non arabisant n'aura pas toujours avec 
cette pièce une idée exacte de la poésie de Rouba. C. R. par Brockel- 
mann. 

N® 35. LiTTMANN, Modem Arabie Taies. Indication du 1. 1, par K. Vol- 
1ers : Touvrage sera étudié quand paraîtra le tome II. 

N® 38. WoLFSOHN, Der Einfluss Gazdli's auf Chisdat Crusca, Tra- 
vail de début, mais qui promet. 

N" 40. G. Ferrand, Un texte ambico-malgache. C. R. par Brand- 
stetter qui apprécie sa haute valeur au point de vue linguistique. 

No 43. ScHANZ, Marokko, Quoiqu'en dise l'auteur du compte rendu, 
le jugement défavorable porté sur les Vandales est exact (cf. les citations 
rapportées par Martroye, Genséric, la conquête vandale en Afrique, 
Paris, 1907, in-8, p. 321). 

N 45. The Tadhkiratu '/ awliydy éd. Nicholson. Simple annonce du 
livre. 

N" 47. Haffner, Texte zur arabischen Lexicographie. C.R. favorable 
par Brockel mann. 

T. LVII, 1906. 

N. 1. Landbkrg. htude sur les dialectes de l'Arabie méridionale. 
Résumé par G. K. de ce livre non moins important au point de vue 
de la sociologie que de la linguistique. 

N<>3. Bevan. The yakaîdofJarir and ai l'arazdak, C. R. parBro- 
ckelmann. Édition soignée de ces poèmes qui, à l'époque de leur appari- 
tion, eurent sur la société arabe une influence peut-être plus grande que 
celle que la presse exerce de nos jours. 

N^' 14. GiHB, Ayi history of otto7nan poetrij. T. lY. Fin de la période 
d'imitation dp la poésie turke : celte dernière époque est à peu près 
déiuiée d'intérêt. 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L'ISLAM 209 

N*> 15. Chauvin. Bibliographie des ouvrages arabes vi-viii. 
N® 20. Ibn ^atib. Tuhfa dawi 7 Arab. Appréciation trop indulgente 
de cette édition par S... y. 

No 27. Orientalische Studien Theodor Nœldeke geividmet. G. R, par 
S. ..y d'un recueil magniûque comme aucun professeur ne s'en est vu 
dédier et dont Th. Noeldeke était digne à tous égards. 

N® 30. VoLLERS. Die Gedichte des Mutalammis, Indication du con- 
tenu du livre par Brockelmann. 

N** 32. Hausheer. Die Mu'allaka des Zuhair. G. R. par Vollers. 
Édition très importante en ce qu'elle est accompagnée du plus ancien 
commentaire que nous possédions, celui d'Ibn en Nahhâs. 

N* 34. De Gastries, Les Sources inédites de r Empire du Maroc, 
T. I. Gompte-rendu anonyme dont l'auteur méconnaît absolument la 
valeur de cet ouvrage et s'imagine que la compilation de Budgett 
Meakin est une œuvre après laquelle on ne peut plus rien publier 
d'important. 

N* 39. J. DE GoEJE. Al Moqaddasi. Descriptio imperii moslemicv. 
Éloge par Vollers de cette réédition. 

N" 52-53. ScHWARZE, Ma^n ibn Aus Gedichte. Article important de 
K. Vollers sur cet ancien poète arabe du i^^ siècle de l'hégire. 
T. LVm, 4907. 

N* 3. Karl Opitz, Die Medizin im Koran. G. R. de Brockelmann 
qui reproche à l'auteur d'avoir vu avec Sprenger, dans MoAammed, un 
hystérique et de considérer le Qorân comme une œuvre des plus 
remarquables de Psychopathe. L'affirmation totale et la négation abso- 
lue de cette opinion sont Tune et l'autre inexactes. Il y a des distinc- 
tions à faire dans la vie du Prophète. L'ouvrage entier, dit encore 
Brockelmann, ne prouve aucune rechrche exacte pour Tintelligence du 
Qorân. 

N° 4. Vollers, Katalog der Univei*sitxts-Bibliothek zu Leipzig, G. 
R. détaillé et élogieux par Th. Noeldeke. 

N* 6. Bevan. The Nakaid of Jarir and al Farazdak. T. I, fasc. 2. 
Quelques corrections par Brockelmann. 

N®8. Vollers, Volksprache und Schriftspràche im alten Arabien. 
On connaît la thèse exposée par l'auteur qui a eu le don d'exciter le 
fanatisme musulman. Dans son article, Brockelmann expose, sans se 
prononcer, les principales conclusions de l'auteur : que la langue du 
Qorân a été remaniée d'après l'ancien arabe. 

N® 10. HoGÉYNE AzAD, La Roseraie du gai savoir. Éloge du choix 



ilO REVUE DE LHISTOIHE DES RELIGIONS 

du morceau et de la traduction exacte de ces textes qui montrent quîl 
existe en Perse des poètes d'une valeur au moins ^ale à celle de 
'Omar Khayyàm. 

N* 11. Ibn G'dbayr, Viaggio im IspagnOy 5ia7ia, Siria e Palest'ma, 
Analyse, par VoUers, du livre du voyageur espagnol. La traduction ita- 
lienne rendta les plus grands services. 

N* 36. Jayakar, Al Demiris Oayat al Hayawan. C. R. par Reckeo- 
dorf. Il est fâcheux que le traducteur ait supprimé les formules 
magiques et les citations poétiques qui forment, avec les proverbes et 
les anecdotes, la partie la plus importante de ce livre. 

N' 46. Margouocth, Cmayyads and Abbasids translated from 
Zaidan*s History of the islamic civilisation. Cette œuvre d'un Oriental 
est une preuve de la résurrection des études arabes non seulement en 
Egypte, mais en Syrie. 



Muséum. Nouvelle série. 

T. IV, 1903. 

Biblic^raphie : CâJiRA de Vaux, Aricenne. C. R. par V. Chauvin. 
Malgré Tappréciation excessivement iDdulger.te de ce livre, l'auteur de 
l'article a dû faire quelques critiques ; ainsi l'influence juive sur le 
développement de la philosophie musulmane a été complètement n^igée. 

1*^ taso. Bibliographie : René Basset, Médromah et ks Traras. C. 
R. fÀVorilic p^ar For^^et. 

T. V, 1W4. 

^ fisc. Bihh.'^riphîe : A. Bel. L'îî Hr.ou Ghi^vja. G. R. élogieux 
p-ar Forj^et qiii ce c dut ainsi : La monographie de M. à. Bel est une 
ei:e'iente cc:itribution à rh:s*oire de .a domination musulmane dans 
rAfnq:ie se::ec*r:c»na.e >. 

T. VI, i*:*:ô. 

Faso. 1. Eli.::.jra&h:e : Aver. A/:- ^^ :•;•>• v E'z.:hlung'm: Ibs 
Khaiioo, H.i:.\"^ i'i S-:: Z . : s, -y i: r.^'n.-ri. T. I, et trad. 
A . t-r. ; C J ?.. £' : .: ■ ..ji-: '\ -:'.: j :■ . .: i . •;-:.<*: -• ,:-: < '. ' -. -: n ** au Maroc ; Le 
.;-.-: i: }J:LZ'i'.'j 1: . /'.-•.-:. C. R. iir V. Chauvin, fisc. 3-4. 
riri-vrirLir. A. zz MsTr^iiNSx:. L-: i;.:.::.: i-r-'.'-h--? di R'dam^s: 
M:HA\>i£: ri> OH-NEr, / . . < .: : f? .:: M : îf. T. I. Quelques 
:L>frTiù:ns ir lé'i... C Fi pjir F:r-:r:: T. 7. :i B:£5^. Fii history of 
: ^::i . -^. . ::i: : : c:!.al^i ^ ^^. £. î\. Jones. C. R. par 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'ISLAM 2H 

T. VII, 1906. 

Faac. 1-2. Bibliographie. Mgr Debs, Histoire de la Syrie (en arabe). 
Éloge de cette publication par Khair Allah. 

Fasc. 3. Blochbt, Etudes sur tésotérisme musulman. Suivant l'au- 
teur, le soufisme est d'origine persane et subit Tinfluence de l'Iran, 
même quand ces doctrines sont rédigées en arabe. Cette thèse est trop 
absolue et ne vaut que pour le soufisme oriental. La pensée d'un Dzou'n 
Noun, par exemple, petit-fils de chrétiens coptes, ou d'un Ma'rouf el 
Karkhi, issu de Sabéens, ne peut être considérée comme rentrant dans 
le soufisme iranien dont Bâyezid el Bistami, par exemple, est un 
des plus anciens représentants. L'auteur passe ensuite à la règle exo- 
térique du soufisme; il aurait fallu rechercher à quelle époque les 
doctrines mystiques furent codifiées; je me bornerai à renvoyer au 
mémoire de Nicholson ; comme il a paru après celui de M. Blochet, on 
ne peut faire un reproche à celui-ci de ne pas l'avoir connu, mais il est 
impossible aujourd'hui de n'en pas tenir compte. La question de chro- 
nologie dans les sources aurait dû être appliquée avec plus de rigueur. 

Fasc. 4. Blochet, Étude sur Vésotérisme musulman (suite). La prière 
et les diverses pratiques soufites. 

T. Vni, 1907. 

Fasc. 1-2. Mohammed ben Cheneb, Proverbes arabes de l'Algérie. 
C. R. par R. Forget. 

Fasc. 3-4. Blochet, Etude sur Vésotérisme musulman (suite). La 
retraite chez les Soufis; éloge de cette pratique qui isole mieux l'homme 
du monde extérieur; toutefois, il est bon de remarquer qu'il s'agit 
toujours du soufisme persan. 

Bibliographie : Blochet^ Catalogue des manuscrits persans de la 
Bibliothèque nationale. Éloge par V. Chauvin, de ce catalogue long- 
temps attendu. Vollers, Katalog der islamischen^ christlich-ortenta" 
lischen,.. Handschriften der Universitœts Bibliothek zu Leipzig. C. R. 
par V. Chauvin. 



Questions diplomatiques et coloniales. 

T. XVI, 1903, 2« semestre. 

15 novembre. Xior, La Mauritanie saharienne en 190$. L'auteur 
nd cmmait pas les sources historiques, sans quoi il ne dirait pas que 
les Phéniciens, Rome, Byzance et les Vandales (l'ordre chronologique 
aurait exqpé les Vandales et Byzance) repoussèrent devant eux les Ber- 

15 



É&2'i^' 



212 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

bëres; que « plus tard, les Arabes mélangés aux Syriens et aux Égyp- 
tiens refoulèrent à leur tour Télément berbère » ; que « les Maures 
refoulés par les croisades et les Espagnols refoulèrent devant eux les 
familles de Tell » (!). LesTrarzasqui sont Berbères sont placés (p. 723) 
sur le même pied que les Kountas^ tribu arabe maraboutique. 

Quelques détails sur la vie des Maures. 

T. XXI, 1905, !•' semestre. 

1" juin, BuRET, Les tares physiques de la race arabe. Suivant Tauteur, 
la dégénérescence physique des Arabes tient à un état mental très pré- 
caire, dû surtout aux efforts des marabouts proscrivant l'activité 
intellectuelle, Tétude et le travail manuel. Cette thèse est empreinte 
d'une exagération manifeste : il aurait fallu distinguer entre les divers 
pays et entre les diverses classes sociales d'un même pays. 

T. XXII, 4906, 2« semestre. 

11 juillet. J. H. Franklin, V agitation musulmane dans l'Afrique 
du Nord, Il s'agit surtout de l'agitation politique fomentée ouver- 
tement ou sous main au Maroc, dans le Soudan, en Tripolitaine, par 
les agents allemands. 

1«' novembre. A. B. C. Un nouvel aspect du panislamisme^ ambitions 
musulmanes relatives au Japon. L'auteur anonyme signale le penchant 
au prosélytisme qui existe chez tout Musulman, penchant contreba- 
lancé jusqu'ici par l'état d'inertie intellectuelle de la collectivité musul- 
mane. Il se développe, cependant, et profite des succès japonais pour 
démontrer aux Asiatiques la fragilité des dogmes de la supériorité 
européenne. A défaut de la Turquie, enlisée dans la routine et en 
proie aux dissensions intestines continuelles, certains Musulmans, dont 
l'organe est un journal malài publié à Singapour, considèrent le Japon, 
auquel ne suffisent plus les croyances shintoïstes, comme devant 
employer l'Islam, en guise de levier moral, pour devenir le maître des 
destinées de l'Asie entière. Il faut observer que ce rêve est celui d'un 
petit nombre de Musulmans lettrés, et qu'au moment de l'application, 
il faudrait compter avec des difficultés d'ordre pratique dont une, et 
non des moindres, serait la conversion brusque d'un pays fidèle à ses 
croyances séculaires comme le Japon. 

T. XXIII, l'r semestre 1907. 

16 janvier. Barbier, Le mouvement islamique en Russie. L'Islam 
a subi une rénovation sous l'influence de réformateurs qui appliquent, 
par la voie de l'apostolat et de la presse, le système de l'association. 
Quoi qu'en dise l'auteur, leur but est le panislamisme sous Thégémonie 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L^iSLAM 213 

spirituelle, et autant que possible temporelle du sultan de Constanti- 
nople. Un congrès de médecins, de professeurs, de membres du clergé, 
d'industriels et de commerçants musulmans, tenu en Russie, a montré 
par l'article premier du programme qui lui était proposé, ce que Ton 
doit entendre par le libéralisme musulman, soi-disant inspiré du 
Qoran. i< Nécessité d'une unification complète de l'enseignement, con- 
formément à la doctrine de l'islam et d^une opposition aux enseigne^ 
ments non conformes à la doctrine de Mahomet ». 

T. XXIV, 1907, 2« semestre. 

15 septembre. F. Bernard, L'évolution des indigènes en Tunisie, 
Considérations économiques et politiques, mais non religieuses. 

l**" octobre. C Gaden, Les Etats musulmans de C Afrique centrale 
et leurs rapports avec La Mecque et Constantin&ple, Il est question 
uniquement du commerce des eunuques. 



Revue africaine. 

T. XLVII, 1903. 

N** 249. A. JoLY, Poésies modernes chez les nomades algériens. 

N* 251, BiGONET, Une inscription arabe de Constantine. Description 
d'une inscription de Constantine provenant de la zaouyah de Ben Mah- 
djouba, de Tan 1003 de l'hégire, aujourd'hui au Musée d'Alger. Elle 
rectifie la lecture publiée par G. Mercier (Inscriptions de Constantine, 
n* 14), d'après une copie de Cherbonneau. — Giacobetti, Kitâb en 
Nasab de Abd es Salam ben Abqu 'Abd Allah. Généalogie de Sidi 'Abd ei 
Qâder El Djilâni et de ses descendants dans l'Ouest, de YaAya b. 'Abd 
Allah El Kâmal, de Zeïn El Abidin, de MoAammed ben 'Allai enterré à 
Mazouna. Les notes laissent beaucoup à désirer. 

T. XLVIII, 1904. 

A. JoLY, Remarques sur la poésie moderne chez les nomades algé* 
riens. A. Ballu, Quelques mots sur l'art musulman en Algérie. 

N<> 254-255. A. Joly, Remarques sur la poésie moderne chez les 
nomades algériens (fin). Pièce en l'honneur de Si Lakhdar ben Khalouf, 
marabout des environs de Mostaganem, du viii" siècle de l'hégire. — 
Giacobetti, Kitâb en Nasab (suite), continuation des chapitres consacrés 
à Abel el Qàder El Djilàni. Descendance de *Ali et en particulier des 
Edrisides. Des notes relatives aux nombreux personnages cités dans cette 
généalogie auraient été nécessaires. 

15 



214 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

T. XLIX, 1905. 

N« 256. René Basset, La légende de Dent el Khass. La légende de 
cette femme célèbre par son esprit dans le Sud et TOuest de rAl^érie 
est ancienne et remonte à l'époque anté-islaraique. — E. Destaing, VEn- 
nayer citez les Béni Snous. Texte berbère ettraduction extrêmement docu- 
mentée de la fêle du jour de Tan, célébrée chez les Arabes comme chez 
les Berbères et dont l'origine, aussi bien que le nom, est non musul- 
mane. — Snouck Hurgronje, L'interdit séculier en Wadhramôt. Rensei- 
gnements intéressants sur la société, la vie civile et en particulier la 
lutte qui consiste à mettre en interdit soit un puits, soit même un esclave, 
soit une construction. Cette interdiction porte le nom de rifyèk. Moramd, 
Revue africaine de droit de législation et de jurisprudence. 

N^ 257. De Motylinski, Le nom berbère de Dieu chez les Abadhites. 
L'auteur, d'après les textes berbères, écarte résolument l*explication du 
nom divin cité par El Bekri, par Bachus, Jacchos, etc. J'ai montré ailleurs 
(Bulletin de la Société archéologique de Sousse) que c'est une appella- 
tion berbère correspondant à Tépithète d'El Wahhâb. — Van Berghem, 
L'épigraphie musulmane en Algérie. Étude extrêmement importante, 
en raison de la compétence de l'auteur, sur ce qui concerne l'épigraphie 
algérienne qui touche si souvent à des sujets religieux. — Lefébure, 
Le miroir d'encre dans la magie arabe. On peut regretter que les études 
de Goldziher n'aient pas été mentionnées dans ce mémoire : l'auteur 
croit peut-être trop facilement aux récits des contes de fées et en voit 
l'origine dans l'hypnose produite par la fixation des objets brillants. — 
Morand, Les rites relatifs à la chevelure chez les indigènes en Algérie, 
Renseii^nement intéressants et sûrs qui pourront être utilisés dans une 
étude d'ensemble. 

No 258-259. Compte rendu du XIV« Congrès des Orientalistes tenu à 
Alger en avril 11)05. Bibliographie : llecaell de mémoires publiés par 
les Professeurs de l'École des Langues Orientales. C. R. par Macler. 
Recueil de mémoires ot de textes publiés par les Professeurs de l'Ecole 
des Lettres et des Medersas. C. R. par Gaudefroy-Demombynes. G. Mar- 
ÇAis, L'exposition d'art mwiulman. Paoli, L'enseignement supérieure 
Alger, Doutté, L'œuvre dn Clh'ohi des Lettres. Morand, Vœuvre de 
l" l'Jcole de Droit. Tableau des pro,:;rès faits dans la connaissance des 
choses de l'islam grâce à ces deux Écoles. 

T. L, 1906. 

N*> 260. R. Basset, Les A/ixares de Grenade et le château de 
Khaouarnaq. Légende de l'époque anté-islamique transportée et locali- 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 215 

sée en Espagne. — G. Mahçais, La mosquée (TEL Oualid à Damas et son 
influence sw r architecture musulmane d'Occident, L'auteur démontre 
par Télude des monuments et le témoignage des historiens que les 
deux mosquées de DamasetdeCordoue présentent de grandes analogies , 
et c est de Tart hispano-syrien qu'est sorti l'art moresque presque tout 
entier. — Abd es Selam ben Choaïb, La bonne aventure chez les Musul- 
mans du Maghrib. Résumé de Touvrage du Cheïkh MoAammed ez 
Zenati sur la géomancie : il a été publié en Egypte et a pénétré jrsqu'à 
Madagascar. 

N*» 201-'L'6'2 AsiN Y Palacios. Sens du mot tahdfot dans les œuvres 
d'EI Ghazali et d'Averroès. Après avoir passé en revue les sens donnés 
à ce mot depuis Von Hammer jusqu'à Léon Gauthier, l'auteur le tra- 
duit, en s appuyant surtout sur la première forme, par « la précipitation 
irréfléchie du philosophes <( c était Tinterprétation de Raimondo Martin 
dans son Pugio fidel. — Ig. Goldziiikr, La onzième intelligence. Expres- 
sion métaphorique pour indiquer Thomme dont la raison vient immédia- 
tement après les dix intelligences, dont neuf correspondent aux neuf 
sphères. La dixième est l'intelligence agissante. - Destaing, Fêtes et 
coutumes saisonnières chez les Béni Snous, Description richement 
documentée de trois fêtes des Béni Snous avec le texte berbère dans ie 
dialecte de cette tribu. A propos des jours de la Vieille^ p. 245, notel, 
on peut ajouter à la bibliographie : L. Shaineanu, Les jours d'épreuve 
(Paris, 1889); R. Basset, Les jours d emprunt chez les Arabes {Revue 
des Traditions populaires^ 1890, p. 151-153. — Ben Cheneb, Revue des 
ouvrages arabes édités ou publiés par des musulmans en 1322 et en 
1323 (1904-1905). 

No 263. A. JoLY, Étude sur les Chadoulyas, Historique détaillé de 
rétablissement des Chadoulyas dans l'ancien beylik du Tittery, d'abord 
sous la forme de Madanyas, par l'Égyptien Si Mousa ben Hamza, sur- 
nommé Bou ^imar, vaincu par *Abd el Qdder, tué en 1849 à Zaatcha, 
puis par les Derqaouas dont le chef, Si Adiia, créa plus tard unezaouyah 
chez les 0. L^kred de Tiharet. — E. Destaing, Fêtes et coutumes saison- 
nières chez les B. Snous (suite). — R. Basset, L'Union fait la force, — 
SouAL\n Maammar, Le jeûne chez les Musulmans malekites : traduction 
d'un passage de la Risalan d'ibn Abou Zeïd el Qaïrouani, commentée 
par l'indication des usages de certaines régions «le l'Algérie. — G. Mar- 
ÇAis, Revue de l'art musulman en Berbérie. 

T. LI, 1907. 

No '2(34-205. A. Joly, Étude sur les Chadoulyas (suite). Bibliographie 



216 REVUE DE L^HISTOIRE DES RELIGIONS 

du 6he!kh El Hi*soum qui implanta dans la région de Bokhari la ood- 
frériedes Chadoulyas et mourut en 1883 : description de son domaine; 
des moyens par lesquels il étendit son influence, ne eenrani pas osten- 
siblement Tautorité française, mais se tenant à l'écart des mouvements 
insurrectionnels : la liste de ses ouvrages qui vient ensuite ne paraît pas 
de nature à em-ichir la littérature arabe. 

No 266-267. Mohammed ben Gheneb, La guerre de Crimée et les Algé' 
riens. Édition et traduction du poème d'un certain MoAammed boi 
Isma'il, mort en 1870, sur la guerre de Grimée, où le rôle le plus impôt- 
tant — et le moins conforme à Thistoire — est donné aux Turks. — 
A. JoLY, Étude sur les Chadoulyas {un). Les successeurs du chdkk El 
Mi'soum ; décadence de la zaouyah de Bokhari et en général de la confré- 
rie. — Abd ES Selam ben Cno'kiBy Les marabouts guérisseurs. Rensei- 
gnements sur les guérisons opérées par les vertus de tnns marabouts de 
la région de Tlemcen : Sidi Ya'qoub, Sidi Ali ben Megin et Sidi Kânoun, 
qui ont tout pouvoir sur les djinns des maladies. 

Revue critique. 

Nouvelle série. T. LV, 1903, 1" série. 

No 9. Seybold, Geschichte von Sul und SchumuL L'importance de 
ce conte, qui manquait aux recensions connues jusqu'ici des Mille et une 
Nuits est signalée par Barbier de Meynard. 

No 10. De Goeje, Sélections from the Annales of Tabari. Excellent 
volume qui répond à ce qu'on peut désirer. G. R. par Barbier de Mey- 
nard. 

N» 22. Lea, The Moriscos of Spains, Tableau saisissant de l'expul- 
sion des Maures d'Espagne, causée au moins autant par la convoitise 
matérielle que par le fanatisme religieux et qui réduisit TEspagne à un 
degré d'abaissement où elle se trouva pendant plus de deux siècles. On 
aurait pu ajouter que l'expulsion des musulmans par les chrétiens avait 
été précédée, sous les Almohades, par celle de tous les chrétiens espa- 
gnols soumis à leur domination et qui allèrent périr de misère aa Maroc. 
C. R. par R. 

nouvelles série T. LVl, 1903, 2« série. 

N<> 27. HouTSMA, Recueil de textes relatifs à thistoire des Seldjou' 
cides, IV. Abrégé de Touvrage persan, le Seldjouq-namèh dlbn Bibi. Ce 
texte rendra de grands services et il est à désirer qu'il soit traduit. G. R. 
par HuART. 




BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L'ISLAM 217 

N° 28. De Segonzac, Voyages au Maroc. Ouvrage d'études pour la 
nouveauté des renseignements. C. R. par Gaudefroy-Demombynes qui 
fait quelques corrections. 

N« 33. Rat, Al Mostatraf, Traduction fidèle, mais on regrette l'absence 
de mies et dindex. C. R. par Gaudefroy-Demombynes. 

No 47. VoLLBRS. Die Geschichte des Mutalammis, Œuvre utile et 
bonne d'un éditeur consciencieux. 

N® 48. Blochet, Les sources orientales de la Divine Comédie. On y 
retrouve plusieurs légendes arabes et le livre renferme des détails 
curieux et importants, mais il manque le fil conducteur. G. R. par 
P. Lejay. Du Gabi, Echelles du Levant, impressions d'un Français, 
Ouvrage rempli de banalités et d'erreurs. C. R. par Chabot. 

N<» 49. G. Ferrand, Les Çomalis. Livre de caractère didactique et de 
lecture agréable. C. R. par Gaudefroy-Demombynes. 

N» 51. De Vlieger, Kitdb al Qadr. Recueil d'extraits sur cette ques- 
tion capitale dans Thistoire de Tlslam. Il importe qu'un second volume 
en donne la synthèse. G. R. par Barbier de Meynard. 

Nouvelle série. T. LVII, 1904, ler semestre. 

7 mars. Huart, Littérature arabe, C. R. favorable par Gaudefroy- 
Demombynes. 

23 mai. Nielsen, Die altarabische Religion, L'ouvrage témoigne 
d'une solide érudition, mais parfois il manque d'ordre et de clarté. 
E. Browne, Part II of the Lubab ul albâb de Mohammed Aufi. 
Ouvrage très important pour l'histoire de la poésie persane. Il serait à 
désirer que la première partie pût être publiée. G. R. par Huart. 

6 juin. R. Basset, Contes populaires d'Afrique. Éloges donnés à ce 
livre par Gaudefroy-Demombynes. 

Nouvelle série. T. LVIII, 2^ semestre 1904. 

7 novembre. Sonneck, Chants arabes du Maghreb. Le recueil est 
intéressant et important malgré quelques légers défauts et fera beaucoup 
pour la connaissance de la poésie populaire arabe. G. R. par Gaudefroy- 
Demombynes. 

11 novembre. Delphin, Textes d'arabe parlé iraid. française par Faure- 
Biguet. La traduction est exacte, mais aurait dû être complétée par des 
notes de folk-lore et de linguistique; la rédaction de l'index laisse à 
désirer G. R. par Gaudefroy-Demombynes. 

23 novembre. Bel, Les Benou Ghanya. Éloge mérité de ce livre par 
Gaudefroy-Demombynes. 

Nouvelle série. T. LX, 1905, 2° semestre. 



218 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

23 septembre. Fizzi, Vislamismo; Letteratura araba.La tâche entre- 
prise n'a pu être remplie d'une façon satisfaisante, Tauteur n'ayant pu 
utiliser les ouvrages les plus indispensables. G. R. par R. Basset. 

23 décembre. M"^ Loyson, To Jérusalem through the Land of Islam, 
Descriptions banales : rien de sérieux à tirer de ce volume. G. R. par 
J.-B. Chabot. 

Nouvelle série. T. LXI, 1906, !«' semestre. 

26fév. Dreyfus et Mirza Hauib oullah. Les paroles cachées. Traduc- 
tion de quatre traités composés par Beha oullah, le fils même du Bâb, 
mort à S. Jean d'Acre en 1892, dans un style inspiré du souffle mystique 
de la poésie persane des soufis. Tout en signalant l'importance du recueil, 
l'auteur de l'article, M. Barbier de Meynard, fait de prudentes réserves 
sur l'exactitude de la traduction. 

Nouvelle série. T. LXII. ^i« semestre 1906. 

13 août. B 3NET-MAURY, Uislamisme et le chHstianisme en Afrique, 
Le G. R. signé L. R. fait l'éloge de cet ouvrage qui ne peut être qu'un 
résumé très succinct de l'expansion des deux religions monothéistes 
depuis leur apparition en Afrique. 

Nouvelle série. T. LXïV, 2« semestre 1907. 

N'^ 30. Davis, The Persian mystics, Jelal ùd din Rumi. G. R. par 
Huart. Utile entreprise de vulgarisation. 

N<* 43. Saïd BouLiFA, Manuscrits berbères du Maroc, De sa mission au 
Maroc, M. Boulifa a rapporté plusieurs manuscrits berbères en dia- 
lecte chelha, qui autrmentent le nombre assez restreint de ceux que 
nous possédons. Ils traitent tous de sujets religieux : paraphrase de la 
Bordah, poème sur le Mi'radj, légendes sur Salomon, Job, Bilal, Sidi 
'Abd er Rahman Mas'oud ; traité du Haoudh par Mo/iammed Ou 'Ali 
Aoussis, G. R. par R. Basset. 

Revue de l'Orient Chrétien. 

T. VIJI. 1903. 

'2^ trimestre, Le P. Lammens, Rela fions officielles entre la cour 
romaluf t't les' sultans inaraboiits d' Etjijph;. Traduction d'un texte arabe 
tiré du S^ubh El .Vsii. d'El Qalqachendi contenant les formules protoco- 
laires employées par les souverains égyptiens au temps des Mamiouks 
avec le Pape. L'auteur fait remarquer Timportance attribuée au chef 
de la chrétienté d'Occident; il aurait pu trouver une explication natu- 
relle à ce fait. Les sultans mamiouks avaient prévu leurs luttes contre 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 219 

les Ottomans qui avaient déjà débordé en Europe et ils se ménageaient 
l'alliance des Occidentaux en ayant des égards pour le Pape qui pouvait 
prêcher la croisade contre leur ennemi commun. 

3* trimestre. L. Buffat, Lettre de Paul er Râhib, évêque deSaida^à 
un musulman de ses amis. L'auteur, suivant Assemani, vivait au xv' siè- 
cle ; l'éditeur, en s'appuyant sur une réfutation d'Ibn Taimyah, mort en 
728 hég. (1327), fait remonter Texistence de Paul à la fin du xiii« siècle. 
Mais il y a une difficulté : au commencement de sa relation, Tévèque 
de Saîda parle de son voyage dans le pays d'El Malâ^ifah, traduit par la 
« Moldavie >. Cette appellation était-elle en usage à cette date? L'inté- 
rêt de cette lettre, si elle est authentique, consiste dans les arguments 
fournis par les chrétiens orientaux et même occidentaux (El Âfrendj, 
Roumyah) pour ne pas embrasser Tislamisme : le Qorân a été écrit par 
un Arabe et n'est destiné qu'aux Arabes ; les éloges qu'il donne au Christ, 
à l'Évangile, à la Vierge et aux pratiques du Christianisme sont autant 
d'arguments pour conserver cette religion.!; 
T. IX, 1904. 

1" trimestre. Biblioglraphie : Pizzi, Lislamismo; Id., Letteratura 
araba. Le G. R. par L. C. ne signale pas les défauts de ces deux livres. 
2« trimestre. Le P. Lammens, Correspondance diplomatique entre les 
sultans mamlouks d^Egypte et les puissances chrétiennes. Extraits 
intéressants du grand ouvrage d El Qalqachendi, très important au point 
de vue des relations de l'Orient et de l'Occident. Les souverains men- 
tionnés sont les rois de Castille, de Lisbonne, d'Aragon, de Navarre, de 
France (regardé comme le plus puissant), l'empereur grec, les 
« régents » de Gênes, de Venise, les princes de Sinope, des Bulgares, 
des Serbes, le « souverain » de Rhodes, de Chio, le roi de Chypre, de 
Montferrat, la souveraine de Naples. — P. 167, note 1 , l'auteur a raison 
de voir dans Tépithète doun Hakîm une altération du nom propre du 
souverain aragonais ; mais la forme catalane est Don Jacme^ qui se rap- 
proche plus du texte arabe que Don Jaime, Bibliographie. Blochet, 
Le Messianisme dans l'hétérodoxie musulmane, C. R. par le P. Lam- 
mens qui fait de sages réserves sur l'origine exclusivement iranienne 
des sectes hétérodoxes de l'islam. 

3* trimestre. Le P. Lammens, CoiTespondance diplomatique entre les 
sultans mamlouks d'Egijpte et les puissances chrétiennes (fin). Spéci- 
mens de correspondances et traductions en arabe, d'un style médiocre, 
sur les originaux envoyés par les princes grecs, le doge de Venise. 
T. X, 1905. 



220 REVUE DE l'histoire DES REUNIONS 

3* trimestre. Bibliographie : Le P. Lamitehs, /.e pHermage te k 
Mecque en 1902. C. R. pai Danby. Rêdt d*un pèlarinégyplimi qui met 
surtout en lumière les exactions et les dangers auxqueb sont exposés 
ceux qui font le pèlerinage. — Terlinder, Le pape Clément IX et ta 
guerre de Candie. C Â. par Nau qui relèfe des inexactitudes dans Fap- 
prôciation du rôle joué par la France. 

Deuxième série, T. 1, 1906. 

1*' trimestre, Bouvîbr, La Syrie à la veille de Caeeupatian tultmide. 
Tableau des causes qui favorisaient la conquête d'Ahmed ben Tonloiin. 
La domination musulmane succédant à ropftreasioii byxmtine 
avait été supportable sous les premiers khalifes et les Omayadee; 
mais Tavènement des Abbasides changea la situation et les dispositions, 
aussi bien des populations musulmanes que des chrétiens, snrtant les 
meikites. 



Revue des TRADrriONS populairbs. 

T. XVm,1903. 

Janvier. Gaudefroy-Demombtnes, Coutumei retigteuses du Maghreb. 
I. La fêle d'Achoura à Tunvt. La tradition a mêlé à un souvenir musul- 
man des pratiques bien antérieures à l'islam; dans les fêtes de TAchouFa 
du Maroc, il n'est pas question du meurtre de Hosain ; dUUears les 
Fatimites n'ont laissé aucune trace dans les traditions du Haghrib. 

Février-mars. R. Basset, Contes et légendes arabes : 663, La conver- 
sion de deux moines ; 666, Le roi qui s'est retiré du monde ; 667, Le 
chameau ressuscité ; 613^ L'avertissement du So^rad ; GlA^ L* aveu du 
Qâdhi ; 675, JJavid et Vange de la mort; 676, Les miracles de Sa*îdben 
Djobaïr). 

Avril. R. Basset, Contes et légendes arabes : 678, Le cadavre de 
Joseph; 682, Limâm encouragé par le ciel; 683, Chrétien et mtitu/- 
man peu scrupuleux ; 687, Le figuier révélateur. Bibliographie : 
E. DouTTÉ, Les tas de piètres sacrées. C R. par P. Sébillot. 

Mai 1903. R. Basset, Les empreintes merveilleuses : 210, Le pied de 
Khodja Mulla; 211, Le pied du Saint. 

Juin 1903. R. Basset, Contes et légendes arabes : 681, Le pèlerinage 
interrompu ; 683, Remerciements inopportuns. 

T. XIX, 1904. 

Février. A. Robert, Formulaires et légendes arabes ; 12, Si Ali ben 
El Akhdar, Un marabout des environs de la Meskiana se croyait invul- 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 221 

nérable. Sur sa demande, son frère utérin lui tire un coup de fusil et 
le tue; 13, Ahmed ben Kourari, légende d*un marabout également 
invulnérable. 

Juillet. R. Basset, Contes et légendes arabes : 703, Les gens de Dhah^ 
raoudn ; 705, Les Sorciers de Babylone. A. Van Gennep, Croyances 
soudanaises en Tunisie ^ additions, d'après £1 Hacbaïchi^ au mémoire 
de M. Andrews, Les Fontaines des génies. 

Octobre. R. Basset, Contes et légendes arabes : 708, Prescnption 
d'outre-tombe ; 709, Complaisance d'ibn Mobarek, 

Novembre. A. Robert ^ Fanatisme et légendes arabes^ 16, Sidi Man- 
sour Guecki. Le saint fait respecter les serments qu'on prête sur sa 
tombe ; 17, Sidi Hamida. Marabout près de Bône, insensible à Teau 
bouillante. A. Robert, Superstitions et croyances du département de 
Constantine; 14, Sidi Zerzour, Les femmes vont se purifier près de son 
tombeau à Biskra le jour de Vaïd el kebir ; \h, Signe tracé sur des œufs^ 
pour préserver les poussins grâce à Sidi Abdel Qâder el Djilâli ; 16, 
Prières dites dans les endroits som,bres. Préservatif contre les Djinns 
qui y résident. 

Décembre. Decourdemanche, De certains êtres extra-humains dans 
la religion musulmane. Extraits d'un ouvrage turk moderne (xv« siècle) 
sur les anges, les esprits et les djinns. Pour que ce travail fût utile, il 
aurait fallu remonter aux sources de ce livre turk et accompagner les 
extraits de noies explicatives. 

T. XX, 1905. 

Février-mars. Bibliographie : Abd el Aziz Zenagui et Gaudefroy- 
Demombynes, Hécit en dialecte tlemcénien. G. R. par R. Basset. 

Juillet-août. A. Robert, Le Mouloud. Détails sur la fête de l'anni- 
versaire de la naissance du Prophète telle qu'on la célèbre à Gonstan- 
tine. 

Septembre. R. Basset, La fraternisation par le sang ; 87, Chez les 
Soubyan (Yémen) ; 88, A Ségou. Bibliographie : G. Ferrand, Un texte 
arabico-malgache du xvi^ siècle. G. R. par Van Gennep qui fait ressortir 
rimportance du texte. 

T. XXI, 1906. 

Janvier. A. Robert, Fanatisme et légendes arabes ; 18, El Hadj 
Mbarek ben Youssof, marabout des environs de Guelma qui se chan- 
geait en lion pour punir les infractions à la loi religieuse. 

Février. Decourdemanche, Sur quelques pratiques de divination chez 
les Arabes, L'auteur ne parait pas avoir consulté des sources arabes. 



222 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

mais des sources turkes de seconde et troisième main. P. 69, Les Prai- 
ries d'oral riman [sic] Mas*oudi (qui ont été publiées plusieurs fois en 
arabe et traduites en français) sont citées d'après Vlmété Fem(sic). Le 
nom même du devin en arabe est altéré à la turke; Kiahin pour 
Kahin etc. 

Avril. A. Robert, La Zerda du Merabet Zine (Zeïn ben Djillal). Des- 
cription d'nne fête annuelle qui attire de nombreux pèlerins au tombeau 
d'un marabout enterré aux environs de la Barbinais, dans le départe- 
ment de Gonstantine. R. Basset, Contes et légendes arabes : 712, La 
bénédiction de Noé ; 713, L'origine de la vigne; 714, La balance de 
justice). Bibliographie : E. Galtier, Contribution à l'étude de la litté^ 
rature arabe-copte. G. R. favorable par R. Basset. 

Octobre. R. Basset, Contes et légendes arabes : 719, Les amants 
réunis au ciel ; 720, Preuves peu concluantes. 

Novembre. R. Basset, Contes et légendes arabes : 721, Les scrupules. 

T. XXll, 1907. 

Février-mars. Gaudefroy-Demombynes, Coutumes de martaye (addi- 
tion à l'important travail publié en 1901 par le même auteur; Les céré- 
monies du mariage chez les indigènes de l'Algérie); 28, A Mazouna; 
29, A la Qala'ak des B^ni Rached ; 31, Blida (d'aprèfi Desparmet, Cou- 
tumes^ institutions et croyances de l Algérie) . R. Basset, Contes et légen- 
des arabes : 728, Le mariage de Seth. 

Avril. Bibliographie : Archives marocaines. T. VIII. G. R. par Gau- 
defroy-Demombynes, qui fait très justement des réserves sur la précipi- 
tation et le manque de préparation dont témoignent quelques-uns des 
articles. 

Juin. R. Basset, Contes et légendes arabes, 133 : Le témoignage des 
ânes. 

Juillet. Bibliographie : Karl Narceshuber, Aus dem Leben der ara- 
bischen Bevôlkerung in Sfax. G. R. favorable par R. Basset. 

Août-septembre. R. Basset, Le bâton qui reverdit, P® partie, 9j A El 
Hamel. 

Novembre. R. Basset, Les empreintes merveilleuses ; 313, Les pieds 
du Prophète à Tantah. A. Rohert, Sidi AU Tayijar, Marabout du 
Ma'did qui avait la faculté de voler (d'où son surnoln Ta^gâr). 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'ïSLAM 223 



Wiener Zeitschrift fur die Kunde des Morgenlândes. 

T. XVII, 1903. 

Fasc. 1. Bibliographie : RnoDOKANAKrs, Der Ubaïd Allah ibn Qaïs ar 
Ruqaijat, G. R. détaillé par Th. Nœldeke qui indique une série de cor- 
rections et félicite Tauteur de cette édition. 

Fasc. 3. Geyer, Beitrœge zur Kenntniss attarabischer Dichter. I, 
Ma'n ibn Aus, L'auteur complète, d*après sa grande lecture, Tédition 
du Diwân de Ma'n, donnée par Schwarze, d'après le manuscrit de l'Es- 
curial qui renferme, mais incomplètement, la recension d'Al Qali. Gette 
liste aurait pu être encore accrue; ainsi Ech Charbini, Cherh Chawâhid 
et Qair, p. 3 (1 vers) ; le vers 10 du fragment 13 est aussi cité par 
Zamakhchari, Asas elbelâghah, II, 82. — Geyer, Das Fiebervon Haibar 
und der Esel. Contrairement à Topinion de Wellhausen et de Jacob, 
Tauteur pense, et avec raison, je crois, qu'on doit rapporter à une tra- 
dition superstitieuse (les ânes sauvages étant en relations avec les 
djinns) la pratique indiquée dans la Dhrase de Qazvs^ini [Cosmogr.y II, 
60) : € Celui qui vient à Khaîbar se met à quattre pattes et crie dix fois 
comme un âne : alors il échappe à la ûèvrede Khaîbar ». Celle-ci est 
encore mentionnée dans Motalammis, Diwâriy XXVIII, 1. 

Fasc. 4. Bibliographie. W. Juynboll, Handleiding lot de Kennis van 
de Mohammedansche wet votgens de leer der Sjâfïitische SchooL G. R. 
par Goldziher, qui fait l'éloge de ce manuel. Curistensen, Omar Khaj- 
jâm Bubaijat. C. R. détaillé par Hartmann. Van Vloten, Iria opus- 
cula auctore al Djahiz. C. R. par Noeldeke. 

T. XV]II,1904. 

Fasc. i . R. Geyer, Beitrœge zur Kenntniss attarabischer Dichter. XII. 
Al Momazzaq. Fragments d'un ancien poète de la cour des Lakhmides 
de Hirah, réunis, traduits et commentés par Geyer. — Bibliographie : 
Vollers, Die Gedichte des Motalammis , C. R. très favorable par De Goeje 
qui indique un certain nombre de corrections. 

Fasc. 2. A. Haffner, Eiinnerungen aus dem Orient, Notes de folk- 
lore ; proverbes sur les mois ; jeux, expressions particulières. 

Fasc. 3. Barth, Studien zur der 'Asrnajjat. Notes et corrections au 
1. 1, publié par Ahlwardt. 

T. XIX, 1905. 



224 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Fasc. 3. Haffner, Erinnerungen aus dem Orient, Contes sur les 
djinns ; chansons d'enfants, expressions particulières. 

Fasc. 4. Geiger, Die Mu'allaqa des Tarafa. Celte traduction faite 
avec une connaissance sérieuse de l'arabe corrige les nombreuses fautes 
de l'édition et de la traduction de Seligsohn. Bibliographie : Hâffn£R, 
Texte zur arabischen Lexicographie, C. R. par De Coeje. 

T. XX, 1906. 

Fasc. 1. Geiger, Die Mu'allaga des Tarafa (fin). 

Fasc. 2. Von Karabâôek, Arabie paleography^ critique sévère de la 
publication de Moritz sous ce titre. Bibliographie : Geyer, Zwei Gedichtp. 
von Al A' sa, C. R. par Barth. 

Fasc. 3. Bibliographie. Ibn Khatib al Dah^a, Tuhfa DawiUArab 
éd. par Traugott Mann. C. R. par Geyer. Quelques remarques sur la 
négligence de l'éditeur. 

Fasc. 4. Vollers, Kalalog der islamischen christlich orientalischen, 
jûdischen und samaritanischen Handschriften der Universitœts Biblio- 
thek zu Leipzig. C. R. par Goldziher. 

T. XXI, 1907. 

!•' fasc. : Biliographie. E. Gratzl, Die altarabischen Frauennamen 
C. R. par Geyer qui ajoute un certain nombre de noms à la liste don- 
née: Brîjnnow, Das Kitâb uH itbâ'i wa H muzdwagati des Ahmed ibn 
Zakariya. C. R. par Geyer. 

3« fasc. Bibliographie. Leone Caetani, Annali delV Islamo, 1. 1 
et II. C. R. détaillé et élogieux de Noeldeke. 

4^ fasc. Bibliographie. Mélanges de la faculté onentale de C Uni- 
versité Saint-Joseph de Beijrout, G. R. par Geyer. Reckendorf, 
Muhammed und die Seine. Essai de vulgarisation parfaitement réussi. 
C. R. par Geyer. 



Zeitschrift der Deutschen Morgenlaendischen Gesellschaft. 

T. LVII, 1903. 

Fasc. 1. HoROViTz, Tawaddud. On a rapproché depuis Gayangos 
le conte arabe inséré dans les Mille et une Nuits et intitulé Tawad* 
doud, du roman espagnol Historia délia doncella Teodor (altération 
graphique de ^Jy' dont la plus ancienne recension a été publiée par 
Knust, M. Horovitz montre que cette version espagnole se rapproche 



BULLTTIN DES PÉRIODIQUES DE L'iSLAM 225 

davantage d'un texte arabe intitulé Histoire dt la jeune Teoudow\ (\\\\ 
se trouve aujourd'hui à TAcadémie de Madrid et qui présente également 
une recension plus ancienne que celle qui existe dans les Mille et une 
Nuits. En retrouvant dans le principal interrogatoire Ibrahim ben 
Sayyâr en Nazhzhâm (Abraham el trobador) mort en 231 hég,, 
M. Horovitz en conclut que le conte a dû être écrit à la On du m» siècle 
de rhégire. Cette conjecture est très vraisemblable, mais elle n'est pas 
absolument sûre. — S. Horovitz, Ueber ein Einfluss des Stoïcismus 
au f die Entwickelung der Philosophie bei den Arabern, L'auteur cherche 
quelle fut l'influence prédominante sur la science du Kalâm qui, 
suivant Chahrastâni, peut s'entendre de la science de la parole de Dieu 
ou de la logique. Il l'étudié chez un des principaux motakallims, En 
Nazhzhâm, contemporain d'El Mamoun et d'El MoHasim, un des 
premiers qui s'occupèrent de Tétude des philosophes grecs. Il se trouve 
des traces de cette influence dans le matérialisme de l'auteur arabe, 
matérialisme dont le caractère est tel qu'il ne peut provenir que d'un 
emprunt et non d'une coïncidence. Il s'appuie sur l'identité du sens 
des expressions arabes avec les termes de la philosophie stoïcienne : 
^jj correspond au TcvelîiJLa ; ^U::-cl à tovoç, le ^yS a pour base le 

Xoyoç cTTcspiJLaTtxoç. On sait que, suivant les Motazelites, la distinction 
du bien et du mal avait lieu non par la révélation, mais par l'entende- 
ment. M. S. Horovitz rapproche cette doctrine de la théorie stoïcienne 
d'après laquelle le juste, Bi^atov était çuast et non Oégei. En ce qui 
concerne le libre arbitre, En Nazhzhâm était Qadarite et Qadarite très 

avancé ^jJ^t {j^^r* {j^ > ^® même que les stoïciens admettaient la 
Ubre décision de l'homme, en ce qui concerne non seulement ses 
actions, mais aussi ses jugements. D'autres arguments relatifs au libre 
arbitre sont moins probants ; nous ne devons pas oublier d'ailleurs que 
nous ne connaissons les doctrines d'En Nazhzhâm que par Chahrestâni. 
La démonstration serait plus complète si Ton pouvait déterminer les 
sources directes d'En Nazhzhâm. Jusque-là, nous n'avons que des pro- 
babilités vraisemblables. L'étude de M. S. Horovitz n'en est pas moins 
très importante pour l'histoire des rapports de la philosophie musul- 
mane avec la philosophie grecque et de l'influence exercée par celle-ci. 
Bibliographie : Ahlwardt, Sammlung alter arabischen Dichler\ /, El 
Açma'jjah, C. R. très important par Noeldeke de cette collection ' 
considérable. 

Fasc. 2. Bibliographie : Rhodokanâkis, Ver Diwan des Ubaid Allah 



226 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

ibn Kaïs ar Rukajjat. C. R. détaillé par J Barth avec des rectifica- 
tions qui n'enlèvent rien au mérite de cette publication. — A. de 
Vlieger, Kitdh al Qadr. L auteur du G. R., notre savant collaborateur, 
M. Goldziher, expose à grands traits Thistorique de la question du libre 
arbitre ; il montre en passant combien sont fausses les données qui pré- 
tendent que cette doctrine fut condamnée par le Prophète ; sous les 
Omayades, de bons théologiens furent partisans du libre arbitre. La 
publication de M. de Vlieger renferme un certain nombre de textes 
qu'il aurait été facile et profitable d'accroître, surtout en ayant recours 
à la théologie dogmatique des Chiites. F. Gh. Seybold, Geschichie von 
Sûl und SchumuL M. Seybold a trouvé dans un manuscrit de Tubingen 
ce texte important, recueil d'aventures souvent fantastiques, de deux 
amourés et réunis comme il convient. 11 y voit un texte inédit des 
Mille et une i\uit$, M. Goldziher n'est pas de cet avis et je crois qu'il 
a raison : il est d'accord pour reconnaître que ce roman a la Syrie 
pour patrie et pour insister sur l'importance donnée à certains ser- 
ments chrétiens dont on retrouve du reste ailleurs des eiemples qu'il 
cite. Il y aurait lieu aussi de signaler des ressemblances avec le conle 
d'Ons et Oudjoud^ quoique celui-ci qui fait partie des Mille et une Auits 
soit probablement d'origine égyptienne. 

Fasc. 4. Bibliographie. J. Lippert, Ihn al Qiftxs Ta'rih al hukama. 
L'édition de ce grand ouvrage d'ibn al Qifti, commencée par A. MùUer 
a été justement terminée par J. Lippert. M. Seybold indique ici un 
certain nombre de corrections au texte. H. Derenbourg, Les manuscrits 
arabes de rEscurial, T. II, fasc. I. L'auteur du G. R., M. Goldziher, 
regrette des lacunes dans les éditions orientales ; il relève plusieurs 
erreurs, entre autres celles que M. Seybold a déjà indiquées dans 
l'Oriental. Literaturzeitung, 

T. LVIIl, 19()i. 

Fasc. 1. J. Khksmûrik, /feilrâge zur Ihdeucfitung des islamitiscnen 
StrufreclUs, mit. Rûcksichi anf Théorie und Praris in der Ilirkei. La 
Turquie nous présente ce phénomène d'un étal dont les principes sont 
de source orientale, tandis que son existence le contraint à s'inspirer des 
idées adoptées par la civilisation européenne. Cette opposition se 
manifeste surtout dans la législation qui a conservé avec la religion 
l'union étroite dont elle est afïranchie dans tous les pays du monde 
civilisé. Le mémoire important de M. Kresmârik étudie le fonctionne- 
ment de la justice en ce qui concerne le droit pénal : les crimes et les 
délits ; les peines et leur application : en premier lieu, les peines fixées 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 227 

par la loi religieuse, et d*abord celles qui ont pour objet TaduKëre. 
Bibliographie. H. Derenbourg, Oumara du Yémen^ G. R. par M. de 
Goeje de la biographie de ce curieux poète qui joua un rôle politique au 
temps des Fatimites et de Saladin (p. 240, 1. 40, lire 567 au lieu de 
467) et fut exécuté pour avoir pris part à un complot tramé contre ce 
dernier par les Francs de Syrie, les Assassins et les derniers partisans 
des Fatimites. Vollers, Die Gedickte der Mutalammis, G. R. par 
Barth de l'édition du Diwân d'un poète anté-islamique qui, célèbre par 
lui-même, Test encore davantage par la fin de son neveu J'arafah, 
fin qu'il faillit partager. Chaque pièce est soigneusement étudiée 
dans cet article qui se termine par des félicitations bien méritées. 
ScHAEFER, Die Lieder eines œgyplischen Bauern. G. R. par Vollers. Ces 
chants sont tout à fait populaires et l'article renferme de très impor- 
tantes observations sur la langues et la métrique. 

Fasc. 2. MoRiTz Steinsciineider, Zur alchimistischen Literatur der 
Araber. L'auteur renouvelle le vœu qu'il soit rédigé une bibliographie 
des traductions d'ouvrages sans distinction de matières. En effet, les 
bibliographies particulières, même la dernière qui ne traite que des 
traductions faites en latin (Wùstenfeld, Die Uehersetzungen arabi- 
scher Werke in das Lateinische, Gœttingen, 4877) sont incomplètes. 
M. Steinschneider donne un exemple de la façon dont il comprend cette 
bibliographie, mais c'est un exemple décourageant, car je ne crois pas 
que personne puisse lutter avec lui pour la connaissance des moindres 
particularités du sujet choisi. Il traite de Marie l'alchimiste et étudie 
à ce propos les trois personnages qui ont porté le nom de Marie : Marie 
sœur de Moïse, Marie mère de Jésus et Marie la Copte. Il recherche la 
trace des ouvrages qui leur ont été attribués et les mentions d'Aron et 
des docteurs avec qui elles auraient été en relations dans le fatras de la 
littérature des alchimistes du xvi« siècle. Le second exemple choisi est 
celui d'Avicenne, considéré comme alchimiste. Il signale à ce propos de 
nouvelles lacunes dans le livre consacré à ce philosophe par M. Carra de 
Vaux. Il reproduit, d'après le De anima (1, 47) la liste des maîtres 
d'Avicenne en alchimie adressée par lui à son prétendu fils Abou Sâlim 
et chaque nom est soigneusement identifié. J. Kresmarik, Beiïrdge zur 
Beleuchtung des islamitischen Sirafrechts mit Bucksicht auf Théorie 
und Praxis in der Tùrkei (suite) : de la calomnie, de l'usage des boissons 
défendues, du vol, du vol sur les grandes roules. II« partie : les puni- 
tions déterminées appartiennent au droit humain : la mort, le châti- 
ment corporel, le talion. Bibliographie. Le livre dVbn Toumerl. Dans 



228 REVUE DE i/hISTOIHE DES RELIGIONS 

cet article de haute valeur, M. De (îoeje fait ressortir Timportance de 
cet ouvrage et de rintroduction qu'y a mise M. Goldziher. L'article ^e 
termine par des extraits sur Ibn Toumert, tirés de Touvrage en partie 
inédit., El Holal ei Maouchya, 

Fasc. III. J. Kresmarik, Beitràge zur Beleuchlung des islamischen 
Strafrechts (suite). XI-XIII. Le prix du sang : primitivement la ^yah 
se payait en chameaux; dans la Turquie actuelle où ce mode de 
paiement serait difficile, on emploie les piastres : le prix de la vie d'un 
homme est, légalement, de 20.664 piastres 20 paras = 5.066 marks 
63 pfennigs 1/2. Naturellement le prix du sang diflère suivant la partie 
du corps. XIV. La punition indéterminée : elle s'applique à celui qui 
fait une chose qui déplaît à Dieu et n'entre pas dans la catégorie des 
peines indiquées. En général, c'est la fustigation. La conclusion de 
l'auteur est qu'une réforme s'impose en Turquie. GtOLDZIHER, Notizen 
zur arabischen Literaturgeschichle, L'auteur applique sa prodigieuse 
érudition à élucider des questions relatives à certains personnages peu 
connus : Ibn Khouermandâd, une des sources d'Es Soyouti, qui vivait 
au XI* siècle de notre ère ; Abou Raouq el Hizzani, traditionniste mort 
en 331 hég. L'article se termine par une notice sur un livre de 
mélanges dont on ignore l'auteur, le Kildb el lafif. Bibliographie. 
W. Marçais, Le dialecte arabe parlé à Tlemcen. Analyse et éloge de 
cet excellent livre par Stumme qui parle ensuite de l'article de Doutté, 
Un texte arabe en dialecte oranais et de la traduction, qui a beaucoup 
moins de valeur, de l'ouvrage de Delphin, Recueil de textes en arabe 
parlé, due à Faure-Biguet. 

Fasc. IV. Bibliographie. Horovitz, Die Hasimijjâh des Humait. C. R. 
par M. Noeldeke. Ces pièces, publiées en l'honneur des Alides, au temps 
de la domination omayade, sont intéressantes, moins par leur valeur 
poétique, que par l'expression d'un sentiment qui aboutit à favoriser 
l'élévation des Abbasides. L'édition de M. Horovitz est bien supérieure 
à celle qui a été faite au Qaire, il y a quelques années. Le critique 
ajoute quelques corrections et quelques références pour les vers cités 
dans le commentaire. Huaut, Le livre de la création et de l'histoire de 
Moiahhar ben Tahir El Mafjdisi. G. R. par I. Goldziher qui signale 
un certain nombre de corrections dont l'erratum du tome suivant 
pourra profiter. l\. MEibSNKR, .Xeuarabische Geschichte aus dem Iraq, 
G. R. par Weisebach d'un livre d'une grande utilité sur un dialecte 
arabe moderne dont personne à peu près ne s'était occupé ; ce qui 
en est dit dans V Expédition en Mésopotamie de M. Oppert est 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE L*ISLAM 229 

traité justement par l'auteur du C. R. de « einige dur f tige Noiizen ». 

T. LIX, 1905. 

Fasc. 1. E. Fagnan, Jbn Chwermandady addition insignifiante à 
l'article de M. Goldziher cité plus haut. Bibliographie. Max van 
Berchem, Matériaux pour un corpus Inscriptionum arabicarum.C, R. 
d'ensemble sur cet ouvrage de première importance par Soberesheim. 

Fasc. 2. S. Khuda Bakhsh, Seif ud din Bâkhârzi, Édition, d'après un 
manuscrit de la bibliothèque de Bankipur, des quatrains d'un poète 
mystique persan à peu près inconnu, mort vers 058 hég. Cet auteur 
mérite d'être étudié, à côté de *Omar Khiyyam ; il estime, en efifet, et 
le dit avec force et netteté, que la religion ne consiste pas dans laccom- 
plissement presque matériel de certaines pratiques, mais dans l'amour 
d'un cœur simple pour la divinité et dans la charité pour ses créatures. 
— HoRoviTZ. Zu KumaiCs Hasimijjat. Quelques remarques à propos des 
corrections proposées par Noeldeke. Bibliographie : Ibn Saad, Bio^ 
graphien Muhammeds, seiner Gefahrlen. G. R. détaillé, par De Goeje, 
de cet ouvrage qui occupe une des premières places dans l'histoire de 
rislâm (cf. l'addition de A. Fischer, Redakteurglossen^ IV, ibid., 
p. 452-455). Comte de Landberg. La langue arabe et ses dialectes. 
C. R, par Th. Noeldeke. 

Fasc. 3 Hell, Al Farazdak's Lieder auf die Muhallabiten.CommeU' 
taire détaillé des qasidas du célèbre poète en l'honneur de cette famille 
illustre. Nœldeke, Zu Kalila wa Dimna, Observations pleines de 
finesses sur le texte publié par Cheïkho, plus rapproché de la veision 
primitive du Kalilah et Dimnah par Ibn Moqafïa' que le texte de ISacy. 
Fraenkel, Remarques sur Tarlicle de Hell, Al FarazdaWs Lieder. 

T. LX, 1906. 

Fasc. 1. Hell, Al Farazdak's Lieder auf die Muhallabiten (suite). 
HoRN, Der Uickter Sultan Selim J. Étude au point de vue de la forme 
sur l'œuvre du sultan qui écrivit, non sans mérite, en persan, un 
Diwân dont une édition magnifique fut préparée par M. Haupt 
comme cadeau de Tempereur d'Allemagne au sultan 'Abd ul Hamid. 
1. Goldziher, Das Frinzip der Takijja im Islam. La question de casuis- 
tique traitée ici rappelle par certains côtés la polémique de Pascal contre 
les Jésuites. Elle se réduit à ceci : En cas d'extrême détresse, ou de 
danger de mort, est-il permis ou non, de transgresser les lois rituelles 
de l'Islam? Les avis sont partagés et, avec son érudition habituelle, 
notre savant collaborateur cite un certain nombre cas qui militent en 
faveur de l'une ou l'autre opinion. 'Amman ben Yasir fut excusé par le 

16 



230 REVUE DE l'histoire DES REUGIOMS 

Prophète lai-même, de louer extériearement les dieux ptlene et d*iB- 
jurier MoAammed, du moment qu'il était femoemeiit attaché de cœar 
à la religion musulmane. Ce procédé fut admis par les premiers doc- 
teurs de la loi. Plus tard, on recommanda d'employer autant que pos- 
sible des expressions ambiguës, des mots à double sens pour donner 
moins de force à ce reniement même apparent, et Pon die i Tappoi les 
exemples d'Abraham et de Joseph. Ce sentiment est nommé takijja 
[taqiyyak Im\ d'après un passage du Qordit (sour. III» 37) ; ce furent 
surtout les sectes dissidentes qui eurent à employer ce procédé et leurs 
docteurs furent partagés. Chez les Kharedjites, les partisans de Naiyda 
ben *Âmir soutinrent qu'il était permis de céder i la nécessité et de 
renier, en apparence, par parole ou par action, les dogmes kharedjtes ; 
au lieu que les sectateurs de Nafi* ben Âzraq défendirent ro[nnion 
contraire. Bien entendu, ce fut parmi ces derniers qu'on trouTa Isb 
martyrs et les fimatiques. Le procédé fut appliqué par les Chi'ites 
dans leur propagande constante contre les Omayades. On en a un 
exemple dans les vers de Komalt et il devint la règle oonstanle. On 
trouve aussi la taqiyyak appliquée en vue d'intérêts partieulierSy dans 
les serments par exemple : elle consiste en paroles i douMe entente 
(nous en avons des exemples dans l'Arabie anttislamique) ou dans la 
restriction mentale. L'article se termine par un extrait d'Ech Cheibâni 
avec le commentaire d'£s Sarakhsi, sur la question de savoir s'il est 
permis de manger du porc et de boire du vin. 

Fasc. 2. Steinsghneider, Zur alchemisticken Literatur der Araber. 
A. F/scHER, Zur Sûra I, 6. 

Fasc. 3. Gripfini, Zu al A'sâ's Mabukà'u Indication de variantes au 
poème d'Al A'cba publié par Geyer. Von Kégl, Zu Blochet Catalogue 
des manuscrits persans. RectiQcation d'un passage où deux ouvrages 
du célèbre mystique Djelal eddin Roumi sont confondus sous le titre de 
^aqdiq ou Daqâiq dont la paternité lui est refusée. Gomme le montrent 
les deux manuscrits en possession de M. Von Kégl, Djelâl eddin est 
bien l'auteur de deux ouvrages : l'un, Kitâb et Haqàiq^ l'autre, Kitàb 
ed Daqâiq. 

T. LXI, 4907. 

Fasc. 1. I. GoLDZiHER, Die dogmatische Partei der Sdlimijja. Ren- 
seignements sur une secte peu connue, fondée par Hicbâm ben Sâlim 
enterré à Basra. El Moqaddesi qui en parle le premier, les donne pour 
des gens pieux chez qui dominaient les points de vue religieux des 
anciens soufis. Mais d'autres nous fournissent des détails plus précis : 



BULLETIN DES PÉRIODIQUES DE l'iSLAM 231 

ils ne considéraient pas comme hérétique le panthéiste El //allâdj. 
Abd el Qâder £1 Djilâni, dans son Kitâb el Ghanya^ nous apprend 
entre autres choses, que, suivant eux, le jour de la résurrection, les 
hommes verraient Dieu avec une forme semblable à celle d'Adam et de 
MoAammed : chaque animal lui-même le verrait dans le sens de sa 
propre essence. Dieu, les prophètes, les savants, ont un secret différent 
dont la révélation anéantirait le monde, la prophétie, la science, Iblis 
aurait fini par se prosterner devant Adam (contrair ement au Qorân 
II, 32, VII^IO) il ne serait jamais entré au paradis : le Prophète aurait 
connu le Qorân avant la révélation de Tange Gabriel ; Dieu est présent 
partout; il n'y a pas de différence entre le trône de Dieu et les autres 
endroits. On voit que par certains points, il se rattachaient aux anthro- 
pomorphites, que' Trahir n*avait pas tort de les compter au nombre des 
Hawiya et que par d'autres, ils peuvent être considérés comme soufis. 
KnuDA Bakhsh, Maulana Mu'min Husain of Yazd. Extraits, d'après 
un manuscrit de Bankipur des rubai'yat d'un poète soufi qui vivait vers 
l'an 1019 de l'hégire. Snouck Hurgronje, Kusejr *Amra und dos BU- 
derverbot. Les peintures de ce château montrent que l'interdiction de 
représenter des êtres figurés n'a pas été observée. 

Fasc. 2. Bibliographie. Ibn Sa*ad, Biographien Muhammeds, seiner 
Gefahrten (suite). C. R. détaillé par De Gk)eje. 

Fasc. 3. Stumme, Mitteiiungen eines Schilh ûber seine marokkaniscke 
Heimai, Tant au point de vue linguistique que sous le rapport sociolo- 
gique, c'est une contribution importante d'un chelAa des Ait Ba 'Amran 
sur la vie et les mœurs de ses compatriotes. — Bibliographie. De 
GOEJE, Sélections from the Annals of Tabari. Kleine Mitteiiungen. I. 
I. GoLDZiHER, Ueber Zahlenfiguren. De Goeje, Ibn Jubair's Qasida an 
Saladin. 

Fasc. 4. I. GrOLDZiHER, Kampf und die Stellung der Hadit im 
Islam. Par des exemples bien choisis, l'auteur montre combien les 
premiers Musulmans qui avaient vécu auprès du Prophète, se refu- 
saient à citer des hadiths de lui ou n'en transmettaient à grand'peine 
qu'un petit nombre. Les plus grandes précautions étaient prises pour 
en assurer l'authenticité (cf. l'exemple de *Omar et de Moghirah). 
Les premiers rédigés furent sans doute ceux qui avaient trait à la 
diyah, complétant les lacunes du Qorân sur ce point. Les hadiths furent 
considérés comme une sorte de complément du Livre saint et partici- 
pèrent au respect qu'on avait pour lui, malgré les tendances hostiles 
de 'Omar qui aurait fait brûler les hadiths qu'on lui apportait sur sa 



232 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

demande en disant : Voulez-vous avoir une michnah comme celle des 
Juifs? Mais au second siècle et au troisième, Tautorité des hadilhs fat 
telle que dans certains cas, la Sonnah fit changer des prescriptions 
qoraniques. On admit donc deux sources de révélations. 

René Basset. 




LE CONGRÈS INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES 

A COPENHAGUE 



Les orientalistes réunis à Alger au printemps de Tannée 1905 ont été 
bien inspirés en jetant leur dévolu, pour la quinzième session de leur 
Congrès, sur la capitale du Danemark : une ville pittoresque et hospi- 
talière; des musées superbes; les rives du Sund et de merveilleuses 
forêts, assez proches pour qu'il fût aisé d'aller y goûter la fraîcheur et 
le calme; le souvenir, enQn, des Rask, des Westergaard, des FausbOll, 
qui garantissait au travail le plus savant un milieu bienveillant et con- 
génial. 

bix cents congressistes au moins se sont rencontrés à Copenhague, au 
matin du 14 août, pour la séance d'ouveiture. Les plus gros contingents 
ont été fournis par TAllemagne et par ^Angleterre; une assez forte 
proportion d'Américains et d'Orientaux ; comme il était naturel, beau- 
coup de Scandinaves. Les Français auraient pu être bien plus nombreux. 
Plusieurs de ceux sur qui Ton avait compté, ont été malheureusement 
empêchés de venir au rendez- vous. Maigre consolation, le français a été 
jusqu'à la fin la langue ofûcielle du congrès. 

La séance d'ouverture s'est déroulée selon le programme ordinaire de 
ces solennités. Disons cependant que le roi, ayant tenu à honorer parti- 
culièrement les orientalistes assemblés dans sa capitale, a chargé son fils 
aîné, le prince Christian, d'ouvrir en son nom la session. Le professeur 
Vilhelm Thomsen a été, par acclamation, élu président. Il eût été 
impossible de mettre à la tête du congrès un savant plus sympathique à 
tous et plus universellement respecté. 

Les congressistes se sont distribués en sept sections : L Linguistique 
(Présidents, MM. Pedersen, Bezzenberger, de Gregorio); — IL Inde 
(MM. Pischel, Jackson, Finot, Pullé), — III. Chine et Japon (MM. Giles, 
Hirth, De Grool); — IV a et b. Langues sémitiques (MM. Brockelmann 
et Knudtzon) ; — IV c. Islam (MM. Browne et Goldziher) ; — V. Egypte, 
Afrique (MM. Erman, Basset, Newberry) ; — VI. Grèce (MM. Lambros, 




234 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Knimbacher, Cumont); — VII. Ethnographie et folklore (MM. de 
Gubernatis, Kunos^ Pries). 

Plusieurs de ces sections se sont trouvées en présence d*un ordre du 
jour extrênoement chargé : elles n'ont pas eu trop de huit ou neuf séances 
pour en venir à bout. Il serait difficile de passer en revue tous les tra- 
vaux qui ont été lus, ou même seulement ceux qui intéressent de plus 
près l'histoire des religions. Je n'en signalerai donc que quelques-uns. 
D'ailleurs, la grève des typographes a mis le Comité dans l'impossibilité 
de publier un bulletin quotidien ; et ce n'est qu'au moment où le Congrès 
touchait à sa fin qu'on a pu distribuer et la liste des membres présents 
et un procès- verbal très succinct des toutes premières séances. Il en 
résulte que chacun n'a guère su que ce qui se passait dans sa propre 
section. Que Ton excuse par conséquent les omissions bien involontaires 
qu'on relèvera sans doute dans cette chronique. 

Disons tout de suite quelques mots de la séance solennelle qui fut 
tenue le 17 août dans l'Âula de l'Université, en présence du roi de 
Danemark et des congressistes de toutes les sections. M. von Le Coq y 
a rendu compte des résultats obtenus par l'expédition scientifique que, 
sur l'initiative du professeur Pischel, il a été chargé de faire avec 
M. Grûnwedel dans le Turkestan chinois. Une longue série de projections 
a fait passer sous les yeux du public une foule de sites et de types, de 
villes et de couvents ruinés ou abandonnés, de restes archéologiques, 
d'inscriptions et de spécimens de manuscrits. Comme on sait, ces sur- 
prenantes trouvailles intéressent au plus haut degré l'histoire du boud- 
dhisme et de sa littérature. Dix langues diflërentes y sont représentées, 
dont plusieurs étaient jusqu'ici à peine connues. Rappelons qu*une 
d'elles, à laquelle on donne le nom de tocharique, a été reconnue comme 
indo-européenne par deux savants berlinois, MM. Sieg et Siegling. L« 
rapport de M. von Le Coq avait été précédé d'un rapide exposé de 
M. Pischel, qui a mis en lumière l'importance de ces découvertes, et 
montré qu'à bien des égards elles sont venues brillamment confirmer 
les beaux travaux de M. W. Thomsen sur les inscriptions de l'Orkhon 
et de rienisséi. 

Je signale maintenant quelques-unes des communications qui ont été 
faites dans les diverses sections. 

M. Lûders (Kiel) a entretenu ses confrères indianistes de l'édition 
critique du Mahàbhârata que l'association internationale des académies 
l'a chargé de faire. — M. Otto Strauss (Berlin) a présenté une étude 
très détaillée du style et de la composition des parties philosophiques de 



i-M^ftobYi.i^iH 



LE CONGRÈS INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES 235 

cette même épopée. Quelle est la forme littéraire que la pensée prend 
dans ces morceaux ; comment le dialogue est-il introduit et conduit ; 
quelle relation y a-t-il entre demandes et réponses, thèses et objections; 
quel est le résultat final de la discussion ; — il y a là une série de problèmes 
qui ne sont pas sans importance pour l'histoire des idées hindoues et 
pour la question des rapports de la poésie épique avec les systèmes 
élaborés dans les écoles. — M. Winternitz (Prague), après avoir montré 
qu'il est absurde de mettre à Tactif des brahmanes tout ce qui, dans la 
littérature religieuse sanskrite, est antérieur ou étranger au bouddhisme, 
a revendiqué pour les ascètes la paternité d'un grand nombre de pro- 
ductions littéraires. — M. de Negelein (Koenigsberg) a parlé de l'édition 
de TAtharva-pariçishta qu'il va prochainement publier et indiqué tout 
ce que cet ouvrage contient de renseignements pour la connaissance 
des idées et des usages de l'Inde ancienne. — M. Oertel (Bénarès) a 
rapporté sur les fructueuses fouilles qu'il a faites à Sarnath, près de 
Bénarès. — M™« Rhys Davids et l'auteur de ce compte-rendu ont traité 
en une même séance des sankhâras et de la formule des douze nidânas, 
deux questions connexes qui ont fourni à MM. Oldenberg et Deussen 
l'occasion d'exposer à leur tour des vues intéressantes sur la formation 
de la doctrine bouddhique. — Enfin, c'est aussi la section de l'Inde qui 
a eu l'avantage d'entendre le beau mémoire de M. Edv. Lehmann 
(Copenhague) sur la morale zoroastrienne. 

Parmi les communications qui concernent TExtrême-Orient, il y a 
lieu de signaler en première ligne celle de M. A. Lloyd sur les rapports 
qui ont existé autrefois entre le bouddhisme japonais et l'Occident. 
D'après le savant professeur de Tokio, le bouddhisme, associé dans les 
pai'ages de l'Asie Mineure à des doctrines d'origine gnostique, aurait 
été introduit sous cette forme en Chine vers le milieu du ii<^ siècle; là 
il se serait trouvé en contact avec le nestorianisme et le manichéisme ; 
on constaterait ces diverses influences dans le bouddhisme japonais 
jusque vers la fin du xiv* siècle. — M. Hirlh (New- York) a repris la ques- 
tion toujours pendante de la situation géographique du pays appelé Fu- 
Lin par les écrivains chinois. Tandis que M. Chavannes identifie Fu-Lin 
avec Conslantinople, M. Hirth pense avoir trouvé la preuve péremp- 
toire que ce nom désigne la Syrie ; certains mots venus de cette r^ion, 
ceux en particulier qui désignent Folivier, le figuier et la myrrhe, 
seraient en effel araméens et non pas grecs. — Un distingué explorateur 
allemand, M. Ad. Fischer (Kiel) a fait connaître, à l'aide de projections 
lumineuses, de remarquables sculptures qu'il a découvertes en Chine et 



236 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

qui seraient antérieures à Tintroduction du bouddhisme dans l'Empire 
du Milieu. 

La section IV c (Islam) a entendu M. Max van Berchem (Grenëve) sur 
Tavancement de son grand Corpus Jnscriptionum Arabicarum, M. Mas- 
signon (Paris) sur les recherches archéologiques qu'il a faites à Bagdad ; 
M. le baron d'Oppenheim (le Caire) sur ses derniers voyages en Orient. 
Ajoutons que les affaires marocaines n'ont pas empêché M. le D* Rosen, 
représentant de Tempereur d'Allemagne à Tanger, d'étudier à fond 
Omar Khayyam et de présenter quelques pièces de ce grand poète dans 
des traductions qui ont été vivement goûtées. 

Les sémitisants ont beaucoup travaillé. Puisqu'il faut faire un choix, 
e mentionne seulement les mémoires qui ont le plus sollicité l'atten- 
tion de la section. Le plus apprécié de tous a été une étude du D' A. S. 
Yahuda (Charlottenburg) « sur la rédaction samaritaine du livre de 
Josué, trouvée par le D»" Gaster ». M. Yahuda a prouvé d'une manière 
décisive que le Josué samaritain est de date tout à fait récente, qu'il 
ressemble beaucoup au livre arabe de Josué, lequel a ajouté au texte 
ancien pas mal d'emprunts faits aux Midrasch et de morceaux légen- 
daires encore plus récents. On sait que la thèse de M. Yahuda a été 
depuis confirmée de la manière la plus éclatante S et que cet ouvrage 
n'est en défmitive qu'une traduction en hébreu du texte arabe 
M. H. Gunkel a entretenu ses confrères d'un de ses sujets de prédilec- 
tion « les divers genres de psaumes ». Il pense que l'histoire et l'expli- 
cation de ces poèmes ont tout à gagner si on les classe d'après leur 
slyle, suivant que ce sont des psaumes de louanges, de pénitence, de 
prière, etc., et si on les compare aux pièces de même style que nous 
offrent les littératures religieuses d'Egypte et de Babylonie. La discus- 
sion qui s'est engagée à la suite de cet exposé a montré que, dans sa 
majorité, la section n'était pas entièrement d'accord avec le professeur 
de Giessen; on a exprimé l'idée que le plus sage était encore de consi- 
dérer les psaumes comme de? chants à l'usage de la communauté et 
d'attacher plus d'importance au contenu qu'à la forme littéraire. 
M. Kautzsch tHallo , avec l'approbation unanime de ses auditeurs, a 
insisté sur le besoin urgent d'une élition vraiment scientifique de la 
recension samaritaine du Pentateuque. Le professeur Schlogl (Vienne) 
a exposé une théorie toute nouvelle sur la métrique hébraïque. Parlant 

1) Dans le tlernier numéro du J'urnal of ihe Royal Asiatic Society, M. Gas- 
ter a îinnonct» qu'il rt'pon-irail prochainement à ses contradicteurs. Attendons. 



LE CONGRÈS INTERNATIONAL DES ORIENTALISTES 237 

des « fouilles faites en Palestine et de l'histoire d'Israël », M. Stanley 
A. Cook (Cambridge) a montré que ces trouvailles ont jusqu'ici pleine- 
ment confirmé les résultats obtenus par Tétude historique et critique 
de TAncien Testament. M. Jastrow (Philadelphie) a lu un mémoire sur 
rhépatoscopie babylonienne; il a signalé des foies qui sont figurés avec 
des inscriptions cunéiformes; Torgane est partagé en plusieurs régions, 
et les inscriptions font connaître la signification des divers aspects qui 
se présentent dans le foie des victimes. M. Jastrow a réussi à interpréter 
un grand nombre de ces indications. 

La section sémitique aurait manqué à toutes ses traditions, si elle 
n*avait pas eu au moins une séance quelque peu houleuse. M. Paul 
Haupt (Baltimore) a exposé une théorie qui lui est bien chère puisqu'il 
l'avait déjà produite à Berlin, au Congrès d'histoire, et qu'il l'a répétée 
depuis à Oxford, au Congrès d histoire des religions. On la connaît 
sans doute : Jésus-Christ n'est pas né à Bethléem, mais en Galilée; 
et comme depuis un siècle et demi la Galilée n'était pas habitée par 
des Juifs, il est infiniment peu probable qu'il ait eu dans ses veines 
une goutte du sang de David, et même qu'il faille lui attribuer une 
origine sémitique. Une discussion fort animée a suivi l'énoncé de 
cette thèse sensationnelle. Chose piquante, ce sont les Juifs qui ont 
défendu avec le plus de vivacité la tradition évangélique sur ce point 
délicat. 

Le gouvernement de l'Inde a invité les orientalistes à venir à Cal- 
cutta en 1911 ; il offrait de faciliter par une généreuse allocation la fré- 
quentation du congrès. Les délégués officiels, réunis en assemblée géné- 
rale, n'ont pas cru pouvoir accepter cette séduisante invitation. Ils ont 
émis le vœu que la 16® session se tînt à Athènes. On parle de concilier 
les deux propositions en réunissant à Calcutta les indianistes, qui re- 
joindront ensuite leurs confrères à Athènes. 

Notons enfin que, sur la proposition du comité, il a été décidé dans 
la séance de clôture que les mémoires lus au Congrès ne seraient publiés 
ni in-extenso, ni s dus forme de résumés. Cette résolution était peut- 
être commandée par les circonstances. Elle n'en est pas moins regret- 
table. On n'a pu s'empêcher de faire une comparaison tout à l'avantage 
d'Alger, lorsque, dans le cours de la même séance, M. René Basset s'est 
levé pour offrir le dernier volume des actes du XIV^ Congrès. 

Paul Oltramare. 



LE TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL 

D'HISTOIRE DES RELIGIONS 
A OXFORD 



Le troisième Congrès international d'histoire des religions s'est tenu 
à Oxford du 45 au 48 septembre dernier. Le succès matériel en a été 
très grand, a dépassé les prévisions les plus optimistes; on ne pourra 
pleinement juger de son succès scientifique que lorsqu'auront été 
publiées les Transactions. Cela ne saurait tarder : une des caractéristi- 
ques du Congrès a été la précision mathématique des moindres détails de 
son organisation. Les Actes sont en ce moment sous presse et devance- 
ront peut-être même la date du tirage de notre Revue. 

L'élément international fut peut-être moins considérable qu'à Paris 
et à Bâle, surtout à Paris où ne saurait sincèrement être n^ligé, 
parmi les raisons du succès de notre premier Congrès, l'attrait de 
l'Exposition de 4900. A Oxford, le bureau des différentes sections avait 
été constitué par le comité local dans un esprit de très courtoise hospi- 
talité : les savants oxoniens s'étaient effacés devant les délégués des 
universités ou corps savants de l'étranger*. Mais dans l'ensemble du 
Congrès — ou mieux dans sa partie agissante (j'entends : les auteurs 
de communications), la proportion étrangère ou même non oxonienne 
a été extrêmement faible. Qu'on nous permette d'établir une brève 
statistique, au risque de souligner de très regrettables abstentions : sur 
une centaine de « speakers », nous trouvons sept Français, quatre Belges, 
trois Suisses, douze Allemands, dix Américains, cinq Japonais (ou 

1) Aux différents bureaux prirent place : MM. Hartlaod (Gloucester), Preuss 
(Berlin), Herbert A. Giles (Cambridge), Ch. Eliot (ShefGeld). Suzuki (Japon), 
Fiinders Pétrie (Londres), Jean Capart (Bruxelles), M. Jastrow (Philadelphie), 
von Orelli (Bâle), T. \V. Rhys Davids (Manchester), A. Hillebrandt (Breslau), 
J. JoUy (Wijrzbourir). S. Reinach Paris^ Fr. Cumont (Gand), Anwyl (Aberys- 
Iwylh), von Dobschulz (Strasbourg), Perler (Yale), Goblet d'Alviella (Bruxelles), 
A. E. Garvie (Londres), F. B. Jevons (Durham). 



TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL A OXFORD 239 

Anglais habitant le Japon), deux Italiens, un Danois, un Suédois, un 
Finlandais — soit un peu moins de la moitié du Congrès pour une 
dizaine de nationalités. 

L'esprit du Congrès d'Oxford fut dans la tradition des précédents 
congrès : impartial, avec de visibles précautions pour ne pas paraître 
faire œuvre destructive. Peu de représentants de confession, même 
anglicane. Les débats attirèrent un public à la fois zélé aux réunions 
et un peu indifférent aux matières traitées, moins spécialisé que le 
public de la session de Paris où le voisinage d'autres congrès avait pro- 
duit une sélection bienfaisante et débarrassé notre auditoire d'éléments 
hétéroclites ; moins enthousiaste que le public bàlois qui n'était pas 
éloigné de prêter au Congrès la solennité d'une assemblée conciliaire : 
l'affluence qui se porta aux séances d'Oxford y voyait de brillants tudi 
academiciy entrecoupés de somptueuses réceptions. 

Le Congrès s'était ouvert, après les bienvenues d*usage, par un dis- 
cours-conférence dû à M. Alfred Lyall. L'éminent orateur y étudiait, en 
historien et en homme d'État, les sociétés religieuses dans leurs rapports 
avec la société civile des différents pays, surtout du domaine colonial 
anglais. 

C'est à MM. Estlin Carpenter et Farnell que revient tout le mérite de 
l'organisation matérielle du Congrès, et si le programme a été suivi 
avec une parfaite ponctualité, c'est qu'il avait été dressé avec une 
logique non moins digne d'éloges. Deux innovations heureuses y figu- 
raient : d'abord la création d'une neuvième section, consacrée à la 
Méthode et objet de l'Histoire des Religions. Dans les précédents congrès 
la lecture des travaux qui eussent pu servir à constituer cette section 
s'était non sans quelque arbitraire trouvée répartie entre les séances de 
sections et les séances générales. 

L'autre innovation porta sur les « adresses présidentielles », leur con- 
tenu et leur place dans le programme. Chaque président avait été 
invité à résumer, dans l'allocution prononcée par lui à l'ouverture des 
travaux de sa section, les grandes directions des recherches entreprises 
et les principaux résultats acquis dans sa discipline depuis la précédente 
session du Congrès. Évidemment ce type n'a pas été rigoureusement 
réalisé par toutes les adresses présidentielles, mais MM. Jastrow, San- 
day, Hartland, Goblet d'Alviella ont donné d'excellents modèles de ces 
revues qui resteront utiles. De plus, comme chacune d'elles pouvait 
présenter un caractère de haute vulgarisation, le Comité du Congrès 
en avait, par une ingénieuse disposition d'horaires, échelonné la lecture 



:^a 



240 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

de manière que chacun des membres du Congrès les pAt entendra 
toutes sans rien perdre du programme de sa section. 

Nous arrivons à l'activité proprement scientifiqne du Ckmgrès : de 
ravis de tous, le travail qu*il fournit fut de valeor presque oonstam- 
ment honorable, et le déchet fut en faible proportion. En dehors même 
du c great event » que constituait la conférenee de M. Etnns sor aei 
admirables fouilles de Knossos, il y eut çà et là quelques lectures c à 
efifet » auiquelles le public ne marchanda pas son attention ; mais i 
une ou deux exceptions près^ on ne vit pas se poser de ces proUèmas 
à côté ni se proposer de ces méthodes à tout résoudre qui font perdre i 
son Congrès beaucoup de leur temps et un peu de leur dignité. 

D'ailleurs la lutte de méthodes n'a pas été très vive, même dans les 
sections où l'interprétation des faits est aussi contestée que les fuis 
eux-mêmes. Le Congrès était presque tout entier acquis à la méthode 
comparative. La matière d'un Congrès n'est pas forcément nnàrchique; 
à Paris et à Bâle, Thisfoire du christianisme avait dominé sans eontede. 
N*était-il pas aisé de sentir qu'il y avait quelque chose de changé à 
cette tradition vieille de huit ans, lorsque fut désigné, pour la fonction 
de président d'honneur de ce troisième Congrès, M. £• Tylorque 
M. Percy Gardner a salué, aux applaudissements de tons^ du nom de 
« Nestor de l'anthropologie? » 



Quelques savants présents au Congrès d^Oxford ont bien voulu se 
charger de rendre compte pour nos lecteurs des travaux de leurs sec- 
tions. Nous leur en exprimons ici toute notre gratitude et, dès notre 
prochain numéro, nous commencerons la publication de ces intéressants 
« courriers » d'Oxford. Mais il est quelques sections dans lesquelles 
nous n'avons pas eu la bonne fortune de trouver de a correspondants ». 
Ce sont la deuxième (Chine et Japon), la septième {Germains, Celtes et 
Slaves), la huitième (Christianisme), et la neuvième (Méthode et objet 
de l'Histoire des Religions). Nous nous bornerons à en résumer les tra- 
vaux d'après des notes rapides : à nos lecteurs et surtout aux intéressés 
nous demandons d'excuser nos omissions et nos erreurs. 

M. H. A. Giles, le président de la section consacrée aux religions de 
la Chine et du Japon a estimé nécessaire une dichotomie préalable. Ces 
« religions de l'Extrême-Orient » ont l'une et l'autre une individualité 



TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL A OXFORD 241 

parfaitement distincte. On les a jusqu'ici peu connues, mais c'est là une 
raison insuffisante pour les confondre. De jour en jour leurs traits 
spéciQques viennent en lumière. M. Giles a montré à travers la religion 
chinoise la double destinée de Tidée monothéiste incarnée dans le culte 
de Tien et du moralisme pratique qui s'est pleinement réalisé dans le 
confucianisme. Au contraire la religion japonaise par essence malgré 
son nom chinois, le Shinto, chargé de magie et d^alluvions folkloriques 
est rebelle à toute synthèse monothéiste et ne comporte pas d'éléments 
éthiques. 

Remarquons que par une ironie du hasard, après les déclarations de 
ladresse présidentielle, la plupart des travaux présentés à la section ont 
tous porté soit sur les rapports entre les religions de l'extérieur et ces 
deux religions dont M. Giles a cherché à faire ressortir l'individualité fon- 
cière, ou soit sur les rapports d es deux religioDS entre elles lorsque M. Giles 
les avait presque montrées à l'abri de toute perméabilité. Tout les pre- 
miers, les savants japonais (qui, notons-le, apportent dans chacun de nos 
congrès une contribution de plus en plus intéressante) ont, dans la pro- 
portion de trois sur trois, étudié les influences étrangères sur le culte de 
leur pays : M. Suzuki en lisant un mémoire sur la doctrine du Bodhisattva 
au Japon et la place du Hinayana et du Mahayana dans la pensée religieuse 
japonaise, M. T. Omori en traçant une histoire du Ten-Chou au Japon, 
et M. Anesaki, l'éminenl professeur de Tokyo, en adressant au Congrès 
une étude d'ensemble (lue par M. Carpenter) sur l'influence du Boud- 
dhisme dans Tarchipel nippon. C'est avec le gnosticisme que, selon 
M. Arthur Lloyd (de Tokio), certaines formes du bouddhisme japonais 
présenteraient des ressemblances fécondes en hypothèses, et M. Herbert 
J.Allen (Leamington) fait ressortir la parenté du confucianisme et du 
bouddhisme des origines. 

Seuls MM. Hackmann (Londres) {Pai Chang Ch'ing-kuei. A work on 
the Rules of Monastic Life in China), De Groot (Leyde) [Tke origin of 
the Taoist C hure h in China) ^ et J. Carey Hall (Yokohama) (A Japanese 
Philosopher on Shinto) ont étudié dans leur développement interne les 
religions des deux grands peuples mongols. 

La Vn® section (Religions des Celtes, Germains et Slaves) était pré- 
sidée par Sir John Rhys (Oxford). Pour une part du public un intérêt 
extrascientifique s'attachait aux travaux de cette section et M. J. Rhys 
l'a montré avec une éloquence aimable : il devait y être traité du 
panthéon de la Grande-Bretayne. Mais le président n'a pas dissimulé 



242 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

combien la matière était encore incertaine et le document précaire : il 
a fait ressortir les solutions de continuité dans la transmission folklo- 
rique, les altérations pieuses des documents littéraires par les scribes 
du moyen-âge chrétien, l'utilisation souvent dangereusement hypo- 
thétique des noms de personnes, de rivières, de lieux pour découvrir les 
traces des dieux et des cultes ; il a montré combien rares étaient les 
hasards heureux qui permettent de découvrir dans les gloses des Écri- 
tures des souvenirs liturgiques ou légendaires du paganisme autochtone. 
Mais il n'a pas manqué de relever un peu les courages en signalant 
l'accroissement presque constant de nos connaissances sur le panthéon 
celtique par la découverte journalière de nouvelles statues ou inscrip- 
tions dans les Iles Britanniques ou dans Tancienne Gallia. 

A part les essais de MM. Anitchkoff (Saint-Pétersbourg) sur la reli- 
gion pré-chrétienne en Russie et de M. W. Golther (Rostock) sur la 
religion teutonique primitive^ c'est sur le groupe des religions propre- 
ment celtiques que s'est portée l'attention du Congrès. Notre éminent 
collaborateur M. Salomon Reinach a proposé, au sujet de la déesse 
équestre. Epona, d'intéressantes identifications en un mémoire dont il 
a bien voulu nous réserver la publication. M. A. C. Lewis a exposé, en 
s'aidant de pittoresques projections, un des groupes de faits les plus 
attachants et les plus discutés des cultes celtiques (The Religion of the 
Makers of the Stojie Circles in Britain), M. Tabbé Fourrière (Mois- 
lains) a présenté à nouveau à propos de certains noms propres d'Irlande 
et de Grande-Bretagne quelques hypothèses pour le moins aventureuses 
qu'il avait déjà soumises au Congrès de Paris. M. Mac CuUoch (Ile de 
Skye) a étudié le druidisme « à la lumière de récentes théories » ; il avait 
en vue la théorie de M. d'Arbois de Jubainville qui fait des druides des 
prêtres de la Bretagne préceltique parvenus ensuite à s'imposer aux 
Celtes conquérants. M. Mac Culloch écarte l'hypothèse de l'origine non- 
celtique des druides : ces prêtres selon lui avaient sur les Celtes, leur 
vie religieuse et civile une influence trop absolue pour avoir jamais été 
vis à vis d'eux dans la position de vaincus et n'avoir reconquis cette 
omnipotence que par une politique habile. 

M. Anwyl (Aberystwyth) a fait une lecture sur la contribution que 
fournit leMabinogion gallois pour l'étude de la religion celtique. Diverses 
adaptations dont quelques-unes toutes récentes ont popularisé en pays 
anglo-saxon une part de la littérature léj^endaire qui, au Moyen âge, 
s'était fixée dans le Mabino^ion. Ce livre, M. Anwyl le démontre, ren- 
ferme toute la matière mythique réellement primitive qui circulait dans le 



TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL A OXFORD 243 

pays de Galles ; mais encore faut-il distinguer, avant de Tutiliser direc- 
tement, les apports successifs qui Tont composé : rédigé en partie dans 
les Galles du Nord, en partie dans le Sud-Ouest et dans le Sud-Est et à 
des époques différentes, il reflète des stades sociologiques très différents. 
Le folklore local s'y discerne aisément : bien des noms propres 
d'hommes et de lieux sont théophores et peuvent être identifiés à l'aide 
des inscriptions gauloises ou britanniques. Des traces de dendrolâtrie 
et de zoolâtrie s'y relèvent en maints endroits; mais surtout il présente 
des formes très caractéristiques d'une croyance à un autre monde 
situé au-dessous du nôtre et géographiquement divisé de façon à peu 
près identique : c'est l'idée la plus intéressante du Mabinogion et la 
plus riche en combinaisons mythiques. 

Enfin, en ce qui regarde les découvertes récentes, Sir John Rhys, au 
cours de son adresse présidentielle, a signalé quelques résultats de 
fouilles particulièrement typiques et leD' Owen Whitehouse (Cambridge) 
a signalé l'intérêt que présentaient pour la solution de quelques pro« 
blêmes d'archéologie celtique, les recherches opérées récemment à 
Syène. 

Sans être aucunement effacée ni stagnante, la V1II« section (christia- 
nisme) n'a pas retrouvé à Oxford la place prépondérante que, de l'avis 
de tous, elle occupait dans les deux précédents Congrès. Cela tient 
beaucoup au flux et au reflux de l'actualité scientifique. On se souvient 
de la sensation produite à Bàle par les déclarations panbabylonistes appor- 
tées à la VIIP section par M. A. Jeremias : rien de semblable à Oxford 
où les débats se sont déroulés sans coup de théâtre. Ils étaient dirigés 
par M. Sanday, principal de l'antique collège de Christ Church ; dans 
la substantielle étude d'ensemble qui formait son adresse présidentielle, 
il a laissé constater, sans y trop insister, l'état quelque peu statique 
des recherches d'histoire chrétienne depuis quatre ans : l'école de 
Wellhausen a continué à dominer l'exégèse scientiflque et l'étude des 
influences de TOrient ancien, Egypte, Babylone, Perse, Inde, sur le 
christianisme primitif avait été inaugurée antérieurement au précédent 
Congrès. D'ailleurs aucun résultat exégétique important n'a été soumis 
au Congrès — et ce ne sont guère là matières de congrès — ; quant aux 
études orientales, elles n'ont été représentées que par le mémoire de 
M. Robert Eisler [The Paschal Lamb and the Eucharist)^ qui, avec une 
tendance visible à l'explication par un fait de c maladie du langage », 
rapproche l'Eucharistie du culte du dieu pécheur syrien. La mythogra- 



ùL^ff^. 



244 REVUE DE L^HISTOIRE DES RELIGIONS 

phie comparée n'a eu qu'une place négative dans le mémoire de 
M. Loofs où sont rejetées toutes les hypothèses d'imitation de mythes 
analogues dans le récit de la Descente de Jésus aux Enfers. M. Burkitt 
(The Parable of the wicked Husbandmen) est au moins aussi réfrac- 
taire aux hypothèses comparatistes. M. Conybeare, à propos de Apoc. III, 
4 et XI, 13, a présenté de pénétrantes observations sur Temploi rituel 
et magique des noms divins dans le christianisme. 

M. Sanday avait encore signalé quelques questions comme ayant figuré 
« à Tordre du jour » pendant la période qui venait de s'écoaler entre les 
deux congrès : la naissance virginale,les rapports de saint Paul avec Jésus. 
Rien des discussions ardentes qu'ils soulevèrent ne s'est retrouvé dans 
les actes de la section à Oxford ; tout au plus M. Porter, de Yale, fut-il 
amené, au cours de sa remarquable étude sur la place des livres sacrés 
dans la religion chrétienne, à parler de l'attitude respective de Jésus et 
de Paul vis-à-vis des Écritures. Quelques questions connexes furent 
abordées dans le mémoire de M. T. Witlon Davies (Bangor) {Judaism 
and Christianity their Relation). 

Il s'est heureusement trouvé une question d' « actualité » sur laquelle 
se sont rencontrées les recherches : c'est celle de la place occupée par 
l'eschatologie dans la doctrine primitive du christianisme : le professeur 
Peabody (Haward) tient pour la prédominance du moralisme dans cet 
enseignement originel (New Testament Eschatology andNew Testament 
Ethics), Le professeur von Dobschùtz montre les préoccupations escha- 
tologiques commandant la vie religieuse et matérielle des premières 
communautés. La discussion, que dirigeait avec animation M. Sanday 
et dans laquelle MM. Burkitt et Lake ont apporté une intéressante argu- 
mentation, s'est rapidement développée et restera probablement comme 
le débat essentiel de cette section. 

M. Bahut, l'historien du Concile de Turin, résuma les importantes 
conclusions de ses travaux sur l'authenticité des canons de Sardique. 
Contre toute attente, cette question pour laquelle il se trouvait à Oxford 
des compétences indiscutées ne provoqua point l'intéressante contro- 
verse qu'elle eût méritée. 

Le moyen âge chrétien dut se contenter d'une représentation singu- 
lièrement réduite; deux mémoires furent consacrés au monachisme 
médiéval : Miss Gertrud Bell fit part d'observations qu'elle a elle-même 
recueillies sur les monastères et le monde monastique du centre de l'Asie 
Mineure. M. Bonet-Maury, dans un mémoire malheureusement écourté 
par l'heure, étudia les origines comparées des monachismes chrétien et 



TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL A OXFORD 245 

islamique. Le signataire de ces lignes proposa quelques règles pour 
l'emploi du mot de secte en hérésiologie latine. On regretta l'absence 
de M. Carlyle qui avait annoncé une étude sur le droit canon médiéval. 
L'art chrétien bénéficia de deux études descriptives : la première de 
M. Guimet où le directeur de notre Musée des Religions étudia le sym- 
bolisme complexe et la décoration gréco-égyptienne de l'appareil funé- 
raire chez les chrétiens antinoïtes. De remarquables et abondantes pho- 
tographies mises à la disposition des auditeurs augmentèrent encore 
ri'ntérêt pittoresque de celte lecture. Le prince de Teano, à qui les 
études archéologiques de tout ordre sont redevables de si actifs encou- 
ragements^ présenta une monographie minutieuse sur la grande église 
de Damas. 

D'intéressants essais de systématisation ont été proposés par M. YriO 
Hirn, d'Helsingfors dans un mémoire intitulé : Sacred Shrines of 
Catholic AjH qui n'est qu'un « abstract » d'un livre à paraître bientôt 
et où seront développées les idées de l'auteur sur l'origine de l'autel, sur 
le symbolisme de la messe, des tabernacles et ciboires et les idées 
magiques qui se rattachent en particulier aux reliques et reliquaires. 

Il eût été à souhaiter, à notre sens, que l'on apportât en grand 
nombre à chacune des sections des relevés, si sommaires soient-ils, 
de l'apport historique fourni par les documents acquis depuis la der- 
nière cession par chaque discipline. Ces utiles notices ont été trop rares: 
pour la section chrétienne, nous n'en pouvons noter qu'une seule : 
c'est l'étude de M. K. Lincke, d'iéna, sur quelques textes tirés des 
Oxyrhynchus Papyri de Grenfell et Hunt et relatifs au séjour de Jésus à 
Jérusalem, à l'activité et à la personne des apôtres Pierre et Paul. Le 
papier de M. Lincke avait encore un avantage: il a fourni aux savants 
réunis à la VJlIo section l'occasion d'un hommage unanime à la féconde 
activité de l'éminent archéologue oxonien, M. Grenfell. 

Dans la neuvième section devaient s'inscrire les travaux concernant 
la méthode et lobjet de Vfdstoire des religions. Cette innovation fut 
accueillie avec une faveur unanime ; mais on ne saurait s'empêcher de 
constater qu'il y eut dans les travaux de la section une assez grave erreur 
d'orientation; il se peut que se soient produites sur les mots de «mé- 
thode » et d' « objet » des équivoques qui ne se renouvelleront probable- 
ment pas: on a apporté à cette section un nombre trop considérable de 
mémoires qui traitaient non d'histoire des religions, mais de philosophie 
religieuse ou de l'emploi des méthodes critiques à des fins apologétiques 

17 



246 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

à peine dissimulées. Dans son adresse présidentielle, notre éminent 
collaboraleur M. Goblet d'Alviella, qui a dirigé les débats parfois déli- 
cats de cette section avec un tact et une prudence qu'on ne peut trop 
louer, définissait en termes excellents la part de contribution que devait 
apporter à T « hiérologie » chacune des « sciences auxiliaires » de 
l'histoire des reliions : ethnographie, folklore, préhistorique, philolo- 
gie, psychologie, sociologie. La plupart des speakers se sont tenus un 
peu trop en dehors de ce cadre de réalités précises ; tantôt les travaux 
ont eu un caractère spéculatif trop marqué : Materialismus^ Kantianis- 
mus und Religion par M. P. Deussen (Kiel), Some Récent Afouve- 
ments in relation to the Philosophy of Religion par M. G. G. Webb 
(Oxford); tantôt les sujets envisagés dépassaient de beaucoup les limites 
d*un « papier » destiné à un congrès et nécessiteront une lecture à 
tête reposée. Ge n'est pas méjuger de leur valeur intrinsèque que de 
ranger dans celte catégorie les travaux de MM. Leuba [On the origin of 
Religion), Garvie (The religions consciousness in its earliest Phases)^ 
Mark Baldwin {The Genelic Stndij of Religions), Titius {Dos Verhàlt- 
niss von Religionsgeschichte und Religionspsychologie), 

On ne peut se dissimuler non plus que certains mémoires présentés 
à cette section n'aient eu quelque couleur de manifeste ou tout au moins 
n'aient affirmé de la part de leurs auteurs des tendances réelles ou 
apparentes à une systématisation subjective des faits religieux : le pro- 
fesseur L. P. Hobhouse affirme Timporlance constante de l'éthique 
religieuse dans le développement des civilisations (5oc/o/o^ica/ Aspects 
of the Historij of Religion) tandis que M. Ernest Grawley proclame 
l'étroite connexité des faits religieux et des faits économiques [The Social 
Dynamics of Religion). M. L. H. Jordan, à qui nous devons de si 
estimables relevés statistiques et bibliographiques sur les progrès de 
nos études, et M. I. Abrahams, de Cambridge, ont tous deux proposé 
d'utiliser la méthode comparative pour la constitution d'une philosophie 
de la religion (77/e Relation of comparative Religion to the History of 
Religion et A Science of comparative Religion), 

Nous ne douions pas de l'avenir de celte section dans nos Congrès : 
souhaitons seulement qu'elle se consacre plus exclusivement à des 
questions de méthode concrète, sans souci de fins extrascientifîques, 
qu'elle profite du concours des savants amenés par le Congrès pour 
s'employer à es qui devrait être la besogne essentielle des congrès, 
lorganisalion des recherches communes, le relevé des acquisitions 
récentes de la science. L'on ne saurait assez dire combien apparaissent 



TROISIÈME CONGRÈS INTERNATIONAL A OXFORD 247 

à leur place en cette sectioa des exposés du genre de celui qu'a présenté 
le professeur Richard D. Meyer {Beriin) iMyihologische Sludien aus der 
neueren Zeit. 

Un détail enfin : pourquoi ne pas réserver pour les séances générales 
des travaux d'histoire comparée des religions qui d'essence intéressent 
plusieurs sections à la fois? Nous faisons plus spécialement allusion ici 
à l'excellente contribution apportée par notre collaborateur M. le pro- 
fesseur M. SOderblom, d'Upsai, IJoltj Triais. 

P. Alpiiandéry. 



REVUE DES LIVRES 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



Louis de La vallée Poussin. — Bodhicaryâvatâra, Introduction 
à la pratique des futurs Bouddhas. Poème de Çântideva, traduit du 
sanscrit et annoté. — Paris, Bloud et &•, 1907, pp. xii-144. 

M. de L. est fidèle à ses admirations. En 1892, il s'essayait à traduire 
plusieurs chapitres du Bodhicaryâvatâra. En 1898, il publiait en appen- 
dice, à la suite d*un gros ouvrage sur le Bouddhisme, le commentaire 
de Prajnàkaramati sur le chapitre ix de ce poème. En 1901, il entrepre- 
nait la publication intégrale de ce commentaire dans la Bibliotheca 
Indica ; cinq fascicules en ont déjà paru. EnGn il a donné entre temps 
à la Revue d'Histoire et de Littérature religieuses (t. X, XI, XII, 1905, 
1906, 1907) une traduction du Bodhicaryâvatâra, qui forme maintenant 
un volume. 

L'œuvre de Çântideva n'est point indigne de tous ces soins. Elle est 
le plus touchant témoignage delà foi bouddhique à son déclin. Composée 
entre le vu^' et le viii^ siècle, elle palpite encore de ce sentiment de pitié 
attendrie qui Ht la grandeur et la fortune du bouddhisme mieux que 
toutes ses spéculations de haute métaphysique. Çântideva n'est ni un 
dialecticien, ni un poète; c'est simplement une âme pieuse, et c'est là 
surtout son mérite et son intérêt. Il possédait à fond la littérature 
sacrée; témoin la longue compilation du Çiksâ samuccaya où il a 
recueilli des textes découpés un peu partout. Mais sa littérature ne 
l'encombre pas ; s'il se pique de disserter tout comme un autre sur l'être 
et sur le non-ètre, et de foudroyer les hérétiques à coups de raisonne- 
ment versifié, son émotion qu'il n'arrive pas, heureusement, à maîtri- 
ser dérange par ses gestes imprévus la savante ordonnance des syllo- 
gismes scolastiques : elle éclate en aveux d'humilité, en prières ardentes, 
en adjurations aux créatures trop négligentes. Sans doute sa langue est 
terne, son imagination est banale, sa versification est lourde ; mais il a 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 249 

la simplicité et la sincéiité; c'est presque assez pour lui donner une 
physionomie originale dans la littérature sanscrite. 

En présence d'un mélange hétéroclite de scolastiqueet de sentimenta- 
lité religieuse, la besogne du traducteur semblait à coup sûr difficile ; 
mais M. de L. Tabordait avec de rares chances de succès. Personne n'est 
plus familier que lui avec le poème de Çântideva ; les problèmes de la 
dogmatique bouddhique le passionnent, comme l'attestent divers articles 
dispersés dans de savants recueils ; il a dépouillé en vue d'un lexique à 
venir les textes sanscrits du bouddhisme ; une sympathie naturelle 
l'attache aux âmes pieuses du monde indien. Sa traduction devait être 
excellente ; elle n'est que bonne. A vivre en contact prolongé avec les 
commentateurs hindous, M. de L. a contracté un goût immodéré pour la 
glose. 11 a d'abord soudé le texte au commentâirOi non sans marquer 
les joints par des crochets ; puis il s'est laissé entraîner, soit à fondre les 
deux parts, soit à gloser pour son compte. Encore si Prajnâkaramati 
avait une réelle valeur I Dépourvu de Gnesse et d'érudition, c'est un 
guide bien médiocre, et à suivre ses traces, M. de L. s'est laissé entraî- 
ner à délayer l'original, au détriment de la précision ou même de la 
justesse des idées; trop souvent les difficultés se trouvent esquivées ou 
mal résolues par ce procédé. Ainsi, V, 86, Çântideva aborde la question 
délicate des tortures librement consenties. M. de L. traduit : 

c Son corps qui pratique la Bonne Loi, il ne le fait pas souffrir pour 
un avantage médiocre [d'autrui] » 

et il ajoute en note : « Ni le tibétain ni le commentaire ne soutiennent 
la lecture des mss. : ilaràrtham = c pour l'avantage d'autrui ». Le com- 
mentaire porte alpârthanimitlamzniiL pour un petit avantage ». — On 
peut supposer itvarârlham = phran-thsegs ched-du = « pour un être 
médiocre ». — La supposition est parfaitement oiseuse, car le texte des 
mss. donne exactement le même sens. Les lexicographes (Amara, 
Hemacandra) donnent le mot ilara comme le synonyme de nihtna^ 
apasadoy jâlma, ksullaka == « un être méprisable >. Il faut donc traduire, 
sur le texte traditionnel : 

« Son corps.... il ne doit pas le torturer pour un être méprisable >. 

Par une progression naturelle, Çântideva passe ensuite au sacrifice de 
la vie, V, 87 : 

« Pour la même raison, il ne doit pas sacrifier sa vie pour quelqu'un 
dont les dispositions de charité sont imparfaites ; il doit la sacrifier pour 
quelqu'un qui est aussi charitable que lui : de la sorte, rien n'est perdu > . 

Ainsi énoncée, la théorie surprend ; elle s'accommode mal avec la fré- 



21)0 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

nésie du sacrifice qui est la marque propre du bouddhisme. M. de L., 
manifestement étonné lui-même, traduit en note la glose du commen- 
tateur, qu'il trouve « obscure » en certaines parties : malgré la glose, 
malgré la version tibétaine qui soutiennent le texte des mss., M. deL. 
propose une correction. Le texte porte : 

tyajen na jîvitam tasmâd açuddhe karundçaye 
lulyâçaye tu tat tyâjyam ittham na parihîyate. 

. M. de L. croit qu'il faut lire : açuddha-karundcaye et traduit sur cette 
base. En fait, et comme il arrive la plupart du temps, la prétendue cor* 
rection fausse tout. Les mots incriminés forment régulièrement une 
proposition absolue au locatif, et le sens est : 

c 11 ne faut pas sacrifier sa vie dans un sentiment de pitié qui n*est 
point pur; quand ce sentiment est bien équilibré [samapravrtte âçaye^ 
comm.], alors on peut la sacrifier ». 

La traduction chinoise, que M. de L. a:rait bien fait de consulter, 
confirme cette interprétation; elle rend les mots açuddhe karundçaye 
par : c Le sentiment de pitié doit être tout pur i. L'erreur commise 
par M. de L. montre quelle distance sépare son bouddhisme jlu plan 
où se meut Çântideva. 

Deux vers plus loin, le lecteur se heurte à une proposition qui invite 
à réfléchir, V, 89 : 

'( [Le Bodhisattva] n'enseigne pas la loi profonde et sublime à des créa- 
tures médiocres ; il n'enseigne pas à des femmes si un homme n'est pas 
présent ; il pratique le même respect pour la loi du Petit et celle du 
Grand [Véhicule] ». 

On s'attend mal à voir un mahâyâniste aussi fervent que Çântideva 
prêcher le même respect pour les deux Véhicules ; un peu plus loin, au 
témoignage même de M. de L. qui analyse son texte (p. 118, n. 3) Çân- 
tideva enseigne « Tinsuffisance du Petit Véhicule ». On s'attend 
encore moins à voir une prescription aussi grave glissée à la suite de 
menues prescriptions touchant la vie pratique. Le sanscrit porte : 
hînotkrsiesu dharmesu samam gauravam âcaret, 

« La loi du Petit et celle du Grand [Véhicule] » font au total deux lois ; 
pour exprimer la dualité, le sanscrit dispose d'un nombre spécial dont 
l'emploi est obligatoire. A suivre l'interprétation de M. de L., le pluriel 
dharmesu serait pour le moins incorrect; il faudrait dharmayoh. Mais 
les expressions hh}â dharmnh, utkrs\â dharmâh sont bien connues; 
elles désignent les facteurs, misérables ou éminents, de la situation per- 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 251 

sonnelle. Un des mss. (Minayeff, L*) donne en marge le mot sattvesu 
comme la glose de dharmesu. C'est bien ainsi que l'entend aussi le tra« 
ducteur chinois : c II ne distingue entre les hommes ni puissant ni 
infime ». De la dogmatique transcendante où il s*était égaré, le pré- 
cepte rentre dans la simple morale. 

Çântideva énumère ensuite sommairement des règles de tenue ou de 
bienséance. Après une prescription sur le coucher, vient en dernier lieu 
ce demi-vers, V, 96 : 

« Il est attentif; il se lève promptement et sans délai, conformément 
à la règle stricle». 

«M. de L., qui donne en note une partie du commentaire, n*en 
observe pas moins que « le passage est obscur ». Mais l'expression 
laghûtthânah a une valeur bien établie ; Burnouf Ta déjà discutée dans 
une note du Lotus de la Bonne Loi, p. 426, où il signale encore son 
emploi dans le Divyâvadâna. Le dictionnaire abrégé de Bôhtlingk pro- 
pose comme traduction de ce terme : « bei allem schnell bei der Hand 
seiend », ce qui est exact. 11 convient donc de traduire ainsi ce demi- 
vers : 

« Il doit être toujours prêt à tout en pleine conscience, plus encore, 
absolument, quand c'est en vertu d'une prescription impérative ». 

Ce n'est pas seulement dans les détails que l'esprit du texte a souffert. 
M. de L. n'a pas craint de mutiler Tœuvre qu'il présentait au public. 
La traduction s'arrêteau IX® chapitre ; le Bodhicaryâvatâra en comprend 
dix. M. de L. accumule loyalement dans une note toutes les preuves qui 
démontrent Tauthenticité du X® chapitre ; il aurait pu ajouter encore, 
comme une preuve de plus, si superflue qu'elle pût être, que la traduc- 
tion chinoise (où manquent pourtant une partie du II, le III et le IV) 
contient aussi ce chapitre. On ne saurait soupçonner M. de L, d'avoir 
esquivé la difficulté ; deux des commentateurs déclarent expressément 
que le texte est trop facile pour réclamer un commentaire. Mieux encore : 
le chapitre X est un des cinq chapitres dont M. de L. a publié la tra- 
duction dès 1892 ; il pouvait se contenter de reproduire cette traduction. 
Est-ce au moins de propos délibéré, en vertu de raisons expresses, que 
M. de L. a opéré cette amputation? c II entrait dans mon intention, 
affirme-t-il, de publier la traduction du dixième chapitre ». Nous 
sommes donc en présence d'un mystère insondable ? Inclinons-nous ! 
Mais M. de L. se console, et croit nous consoler, à la pensée que le 
chapitre supprimé, a remarquable surtout par ses invocations à Vajra- 
pâni, à Manjughosa et à Manjuçri, [est] assez pauvre au point de vue 



252 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

philosophique ». Impossible de mieux justifler l'adage : « Traduttore, 
traditoirei^. Le X«chapitre est la conclusion nécessaire et pour ainsi dire 
organi<çie de fout l'ouvrage. Çftntideva, qui se défend d'ambitions 
littéraires, écrit le Bodhicaryflvalâra à l'adresse de son âme ; le poème, 
et c'est là son charme unique dans la littérature sanscrite, est une sorte 
d'exhortation intime où l'auteur s^encourage à poursuivre le salut des 
créatures et se remémore avec autant de piété que de sci^ice les étapes 
de ce long chemin. 11 définit d'abord la pensée de Bodhi qui voue 
définitivement le Bodhisattva à sa tâche libératrice (I) ; les pratiques 
du culte et la confession des péchés (II) ont pour objet d'éliminar les 
forces contraires ; puis vient la mise en train (III), et l'application 
soutenue (IV) qui permettra d'atteindre successsivement les cinq 
Perfections cardinales, de moralité (V), de patience (VI), de force (VII), 
de recueillement (VIII), de science (IX). Mais jusqu'ici l'oeuvre du 
Bodhisattva garde encore un air d*égoîsme ; ses efforts, après tout, s'ils 
ont profité par surcroit aux autres, ont essentiellement servi ses progrès 
personnels. G*est alors qu'intervient reffeten retour (X) ; le Bodhisattva 
projette par contre-coup sur les créatures les fruits des mérites qull a 
accumulés ; la tendresse infinie de Çàntideva s'épanche en bénédictions 
sur l'univers entier. Jamais la charité n*a trouvé d'accents plus ardents 
que dans cette âme parvenue à la Perfection de la Sapience : « Que tons 
obtiennent l'objet de leur désir, et pour leur bien I Que ceux qui avaient 
peur soient rassurés, ceux qui sont dans le chagrin soient réjouis, ceux 
qui sont dans le trouble soient calmes et sereins I Santé pour les 
malades, chute de toutes les chaînes, force pour les faibles, amour de 
tous pour tous ! Paix sur tous les chemins pour tous ceux qui voyagent !... 
Ceux qui sont égarés dans Tépaisseur des fourrés, qu'ils retrouvent la 
caravane ! qu'ils niaient à redouter ni les brigands, ni les tigres! » (20-25). 
Pour opérer ces miracles, le candidat à la Bodhi ne compte pas sur ses 
forces seules; il appelle à son aide les Bodhisattvas divins; la mytholo- 
gie du Bouddhisme, trop souvent représentée comme une collection de 
figurants, s^anime et se transfigure au regard du fidèle. Le théologien 
qui raisonnait tout à l'heure sur le corps et les sensations, sur le vide 
et les qualités, tend maintenant la main comme un enfant à ses anges 
gardiens. C'est là le vrai Bouddhisme, réel et vivant ; et si M. de L. le 
sait, ses lecteurs, déçus par sa faute, continueront à s'imaginer le 
Bouddhisme comme une secte de philosophes. 

J'ai insisté peut-être à Texcès sur les lacunes ou les insuffisances de 
ce travail ; c'est qu'avec un savant comme M. de L. on a le droit d'être 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 253 

exigeant. Je n*ai pas dit, parce que cette constatation était presque 
superflue^ que cette traduction est dans Tensemble une œuvre honorable; 
si on songe aux difficultés d'un texte hérissé d'expressions techniques, 
bourré d'allusions souvent très obscures, on apprécie le mérite du tra- 
ducteur et on lui sait gré d'avoir ouvert au public une œuvre qui doit 
rintéresser. 

Sylvain Lévi. 



Edouard Naville. — The X[th dynasty temple at Deir el 
Bahari. Part I (with chapters by R. Hall and E. R. Ayrton). 28th 
Memoir of ihe Egypt Exploration Fund, ln-4* de 75 pages et 
31 planches. — Londres, Quaritch, 1907. 

Le site de Deir el Bahari semblait devoir être abandonné par M. Na- 
ville après les fructueuses campagnes de déblaiement du grand temple 
élevé par la reine Hâthsopsitou de la XVllIo dynastie. En 1903, Tidée 
vint de parachever l'œuvre en explorant la nécropole de la XI^ dynastie 
dont plusieurs tombes avaient déjà rendu de très beaux monuments. La 
fortune a voulu que M. Naville et ses collaborateurs découvrissent là un 
autre temple, d*un intérêt tout nouveau. C'est celui dont ils rendent 
compte dans un volume qui commence une série nouvelle sur Deir el 
Bahari. 

Le chap. II, dû à M. Hall, donne l'histoire de la découverte du tem- 
ple de la XP dynastie, chapelle funéraire du roi Neh-hetep-Ri Montou- 
hetep II. Â gauche du temple de la XVIII® dynastie, sur le site appelé 
Zeserit {la Sublime)^ s'étendait la nécropole de la XI« dynastie. Le 
papyrus Abbott nous apprend qu'à la XX^ dynastie la tombe pyrami- 
dale du roi Neb-hetep-Ri Montouhetep était encore intacte et avait 
échappé aux violences de la bande noire qui pillait les tombeaux des rois. 
Le nom même de la tombe pyramidale était connu : Akhou Asitou Neb- 
hetep'Rt « glorieuses sont les places de Neb-hetep-Rî » ^ La chapelle 
fut longtemps un des plus importants sanctuaires de la rive gauche de 
Thèbes; une inscription du tombeau d'Anna la cite presque immédiate- 
ment après Louxor. Quelques fragments avaient été retrouvés déjà par 
Mariette et Maspero, mais la découverte du temple proprement dit est 
bien Tœuvre personnelle de M. Naville et de ses collaborateurs. 

1) Mariette, Catalogue (TAbydos, stèle n» 605. 



254 REVUE DE L HISTOIRE DES REUGIONS 

L^importance de la trouvaille est d'autant plus gnmda que le noufri 
édiGce 86 trouve être le seul temple du Uoyen Empire qui nous acnt 
parvenu en état satisfaisant de conservation^ et le pluis andeii de h 
région thébaine. 

La fouille débuta en novembre 1903; on trouva d'abord une rampe 
qui aboutissait à un amas confus de blocs établis sur un fin horiioiH 
tal. Tout autour ou déblaya un mur d'enceinte em blocB mAguifiquement 
taillés dans le style du Moyen Empire. Le mur délimitait une plate- 
forme arti6ciellesur laquelle on ne tarda pas à découvrir un pilier carré • 
au nom du roi Montouhetep, puis un autre, enfin toute une série ; plus 
loin, ce furent des piliers octogonaux ^ On reconnut par la suite que la 
colonnade rectangulaire se développait en deux rangs sur les trois fàsm 
d'un carré, à Tintérieur duquel la colonnade octq^onale formait un 
second carré sur trois rangs (sauf la face ouest qui n*a que deux 
rangs). Entre les deux colonnades, un épais mur de briques fut retrouvé, 
assez bien conservé sur le côté nord, en débris insignifiants sur les 
autres côtés. Des fragments de bas-reliefs représentant soit les rites de 
fondation, les rites du couronnement, des scènes de chasse et de navi- 
gation, étaient gravés sur le revêtement de calcaire adhérent au noyaa 
de briques (pi. XII-XVI). De la première à la deuxième colonnade, om 
allait par une rampe aboutissante une porte en granit rose, dont le seuil 
subsiste encore. 

Derrière la porte, et à Tintérieur de la colonnade octogonale, la 
fouille de 1905 révéla une plate-forme carrée d'environ 30 m. de côté; 
la masse n*a plus actuellement que 3 mètres de haut. On a trouvé 
plusieurs fragments d'une corniche qui a dû décorer le sommet de la 
plateforme. Celle-ci n'était donc pas autre chose qu^un piédestal, 
une base, sur laquelle sëlevait une construction. Comment définir 
celle-ci ? Ce ne peut être ni un autel ni un sanctuaire, auquel conduirait 
un chemin d'accès, ni même un obélisque comme au temple d'Ousimiri 
déblayé à Abousir par MM. de Bissing et Borchardt. Il ne peut y avoir 
eu ici qu'une petite pyramide du type que les monuments thébains et 
les vignettes du Livre des Morts nous dépeignent fréquemment. 

Le noyau de la construction était probablement de briques, avec un 
revêtement en pierre blanche, matériaux trouvés les uns et les autres 
dans les débris. Cette hypothèse correspond bien à ce que nous savons 



1) Le mieux conservé de ces piliers a encore 3 mètres de haut. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 255 

du nom de la tombe, qui s'accompagne du déterminatif hiéroglyphique 
de la pyramide. 

On a cherché en 1905 la tombe au centre de la base. Ce fut en vain : 
au travers de sept couches de matériaux différents, on toucha le sol 
vierge au-dessous d*un pavement rocheux. Aucune trace de caveau ne 
fut relevée. 11 en fallut conclure que la pyramide n'était ici qu'un motif 
architectural de temple funéraire. Jadis, au temps des dynasties mem- 
phites, le roi était enseveli sous la pyramide ; ici, la tombe réelle se dis- 
simulait derrière le temple pyramidal, dans un caveau creusé au flanc 
de la montagne. Sur la paroi ouest de la colonnade, les fouilles de 
1906 révélèrent une cour encadrée d'un portique ; un plan incliné 
conduisait à un souterrain creusé dans le roc et placé dans l'axe de la 
pyramide. Ce qu'on trouva, en 1907, au bout du souterrain, ce fut une 
chambre de granit, et dedans un naos qui ne contenait pas le corps, 
mais semblait destiné au culte du Double royal. Mais le tome I de 
M. Naville ne nous donne pas la description du caveau ; nous la trou- 
verons dans le prochain volume. 

Autour de la pyramide, on découvrit des tombes, les unes dissi- 
mulées le long de la colonnade extérieure nord, les autres rangées sur 
la face ouest, comme à l'entrée du caveau royal. Là se trouvaient six 
naos ou chapelles de princesses du harem royal, prétresses d'Hathor, 
enterrées autour du tombeau « spirituel » de leur époux. Ces naos, qui 
ont été surajoutés an plan primitif, se groupent trois au nord, trois au 
sud de la paroi ouest. Ils étaient richement sculptés et peints ; ce qui 
reste des bas-reliefs indique leur destination : c'étaient les chapelles des 
tombes voisines où étaient enterrées six princesses; Tune d'elles est la 
femme du roi Neb-hetep-Rî II, la reine Aâshait dont le type physique 
est plutôt éthiopien. Une description complète de ces naos sera donnée 
au prochain tome. 

Les tombes attenantes aux naos et celles voisines des colonnades exté- 
rieures ont livré le mobilier funéraire ordinaire, les figurines de servi- 
leurs habituelles (PI. IX) et quelques momies bien conservées, comme 
celles de la prêtresse Kemsit et de la princesse Henhenit (PI. X). De 
toutes ces tombes, les plus intéressantes par le contenu étaient celles 
des princesses Kaouât et Kemsit. La première avait gardé intact un 
sarcophage en calcaire blanc très fin, composé de plusieurs blocs 
assemblés avec un art parfait. Les quatre faces sont gravées de reliefs 
d'un très beau style et merveilleusement conservés; ils nous retracent 
une partie de la vie future de la princesse Kaouât dans sa tombe. Sur 



256 REVUE DE l'histoire DES BBLIGIONS 

un des côtés nous voyons la chambre (diaprés M. Nantie le pa*4foiMA) 
où Ton présente à la défunte les fards, les huiles canoniques et ki 
parures sacrées, à côté des offrandes variées. Plus loin, noue sommai 
dans une chambre plus vaste. Assise dans un fauteuil» on miroir à h 
main, la défunte reçoit une coupe de la main d*un servant, iandisqu'uie 
femme, placée derrière elle, la coiffe et pique une épingle dans su 
cheveux : scènes de toilette familières que nous n'avions pas enoon 
trouvées dans les tombes d'Egypte. Tout près, un bonvier tnât ]m 
vaches qui fournissent le lait dont il remplira la coupe. De Pantre oMé Ai 
sarcophage, la défunte mange les aliments solideset se pr^Mune à oindre 
son visage avec un fard dont elle humecte ses doigts, tandis qu^uie 
servante l'éventé avec une aile d^oiseau. 

Plus intéressant encore était le sarcophage de Eemsit; mais il est 
aujourd'hui en mille pièces. Avec ces morceaux épars^ M*« Naville, 
la précieuse collaboratrice à qui nous devons les dessins dee doeamenti 
trouvés par son mari, a su restituer l'œuvre complète (pi. XXU-XXIIl). 
Les motifs de la décoration étaient sensiblement les mêmes : la prin- 
cesse à sa toilette, buvant et mangeant; les serviteurs apportant 
parures et offrandes, et trayant les vaches pour abreuver de lait la 
défunte ; mais ici, les bas-reliefs sont finement peints de conleois 
délicates, encore très vives. Grflce à cela, nous savons que la défunts 
était de couleur noire; il semble bien que ce fût une négresse; d'aiUeuis 
le corps d'une momie trouvé là était du type nègre. 

En dehors de ces documents da la XI« dynastie, le site a donné deux 
autres séries de monuments d'une importance capitale. 

Ce sont d'abord, dans la cour sud, six torses de statues du roi Ousir- 
tasen III de la Xli^ dynastie. Leur présence nous est expliquée par une 
superbe stèle en granit rose, découverte en 1906. Dans le cintre, Oudr- 
tasen III consacre des offrandes au dieu Amon d'une part, i son ancêtre 
Montouhetep II d'autre part : une longue inscription nous donne ensuite 
le texte d'un « décret royal pour le prophète d'Amon, les haruspices 
dans le temple d'Amon à Thèbes, les ofOciants, les prêtres, les tenan- 
ciers, les haruspices du temple de Montouhetep II ». Suit le détail 
d'une fondation d'offrandes variées à fournir chaque jour dans un édifice 
appelé « la Fosse de Neb-hetep-Rî >, et provenant soit d'une fondation 
spéciale pour le culte du roi adoré, soit des offrandes présentées aux 
temples d'Âmon à Thèbes. M. Naville a réuni d'autres textes qui prou- 
vent la continuité du culte de Montouhetep II sous la XIII*, la XVUl^et 
la XIX« dynastie. 



.r:Si 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 257 

En dehors de l'enceinte du temple, le long de la montagne et tout 
près du temple de la XVIII® dynastie, un éboulement fortuit mit à nu 
le 7 février 1906, l'entrée d'une petite chambre creusée dans le roc et 
revêtue de dalles sculptées et peintes, formant voûte. A l'intérieur^ 
une superbe vache, de grandeur naturelle, en calcaire peint et doré, 
attestait la présence de la déesse de la montagne, la grande Hâthor. Sur 
les trois parois de la cella, on voyait le roi Thoutmès III adorant 
Hâthor sous ea forme animale et humaine et Amon Thébain. La vache 
elle-même témoigne de cette adoration. Deux figures humaines font 
groupe avec elles : un roi est debout devant ses pattes antérieures; un 
enfant royal agenouillé prend le pis sous le ventre et tette la vie divine; 
les cartouches sont au nom d*Aménophis II, mais il se peut que ce roi 
ait inscrit son nom sur un monument consacré par son père Thout- 
mès III, ainsi qu'en témoignent les reliefs de la cella. La vache de Deir el 
Bchari, aujourd'hui au musée du Caire, est le plus bel animal sculpté 
que l'Egypte nous ait conservé : au point de vue religieux, il est très 
important de posséder une chapelle intacte, munie de la statue divine. 

Le second volume nous réserve rhistoire de l'excavation du sanc- 
tuaire souterrain qui complète l'édifice décrit dans le premier volume. 
Jusqu'à présent ce « temple » ne nous donne ni salle pour le culte, ni 
statue adorée; nous n'avons eu nouvelles que de colonnades, de pyra- 
mide, et de tombes voisines; rien ne ressemblée un sanctuaire dans la 
partie du temple qui nous a été décrite. La description du souterrain où 
était adoré le roi Montouhetep nous permettra sans doute d'avoir une 
idée plus claire de ce que pouvaient être les « temples de double » men- 
tionnés si souvent dans les textes de l'Ancien et du Moyen Empire, et la 
question se posera de savoir s'ils ressemblent ou non aux temples dits 
funéraires que plus tard les rois du Nouvel Empire ont élevés si nom- 
breux sur ce même côté occidental de la plaine thébaine. 

Alexandre Moret. 



Otto Weber. — Forschungsreisen in Sûd-Arabien bis 
zuxn Auftreten Eduard Glasers. (Dar alte Orient, VIII, 4.) 
In 8°, 34 p. avec caries et figures. — Leipzig, Hinrichs, 1907. Prix : 
t)OPf. 

Plaquette intéressante et utile, mais qui le serait davantage, si l'au- 
teur, au lieu d'arrêter son récit juste au moment psychologique, nous 



258 REVUE DE L HISTOIRE DK BttJGIDlfS 



permettait d'entrevoir le résultat, présumé 

Glaser. Que contiennent ces fameux estampages, 

serves dans des caisses depuis 1894? Le saurons-nous jamais, 

nant que l'explorateur yéménite a disparu du monde des vivanls? 

Il y eut toujours de graves dangers i vouloir pénétrar dans rArabje, 
que ce soit la septentrionale aussi bien que la méridionale^ et plus d'an 
explorateur européen a payé de sa vie d'avoir voulu franebr les Inut- 
rières dressées par les fanatiques de TlslAm. M. Weber retraoe npida- 
ment l'historique des voyages accomplis dans le sud deTAraliie, voyages 
de recherches géographiques, ethnographiques, botaniques et épign- 
phiques. 

La série s'ouvre par le nom d'un Italien, Lodovieho di Barthema 
(1508) et d'un Français, de la Grelaudière (1712), qui pénétrèrent dans 
cette terra incognita. Puis c'est la mission danoise (1761) qui piooëde 
à une enquête scientifique et méthodique; parmi les membres de cette 
mission se trouvaient l'illustre Niebuhr, le peintre Bauemfeind, TcHneii- 
taliste von Hagen. Niebuhr ne vit pas d'inscriptions, mais on lui signala 
des endroits où il y en avait. Le savant russe, D' U. J. Seetien, suivant 
les traces de Niebuhr, découvrit (1810) près de Jérim, les premières 
inscriptions. Puis, c'est l'Anglais Wellstedt (1835) qui exécute d'im- 
portants travaux dans la même région, et que suivent bientôt deux de 
ses compatriotes, Hulton et Cruttenden. A la même époque, le mission- 
naire allemand Joseph Wolfi, traversait le pays, cherchant à convertir 
les Juifs et répandant à profusion des exemplaires du N. T. Le vojage 
de Botta (1837) avait surtout pour but de s'occuper d'histoire natu- 
relle. 

M. Weber rend ensuite justice au mérite de von Wrede, que l'on 
qualifia en son temps (1843) d'imposteur, prétendant que le récit de ses 
voyages était dû à une belle imagination. 

L'époque brillante pour la moisson des vieux textes sud-arabes date 
de 1843 et des voyages heureux que fit le pharmacien français Joseph 
Arnaud. Cest lui qui, le premier, visita l'inaccessible Marib, la vieille 
capitale du royaume sabéen; il s'est acquis une gloire impérissable en 
rapportant 56 inscriptions qui permirent à l'orientaliste Fulgence Fres- 
nel de fonder le déchiffrement des textes himyarites et sabéens. 

En 1869, M. Joseph Halévy fit voile pour Aden, chargé par le minis-> 
tère de llnstruction publique de recueillir de nouveaux matériaux pour 
le Corpus inscriptionum semiticarum. Malgré les déboires, les difficul- 
tés de tout genre qui sont le contingent coutumier de pareilles expédi- 



ANALYSES ET COMPTES HENDUS 259 

tionsy M. Halévy rapporta 686 copies d'inscriptioas. Après lui, la région 
fut successivement explorée par von Maltzan (1870-1871), par Charles 
Millinger (1873). par Renzo Manzoni (1877-1880), par Schapira, l'an- 
tiquaire juif de Jérusalem (1879), enfin par rAutrichien Siegfrid Lan- 
ger (1882). Les voyages de Glaser vont de 1882-1894. L'année 1882 
marque une date unique dans Tépigraphie sud-arabique : « Von nun 
an (p. 29) tritt die Persônlichkeit Eduard Glasers in den Vordergrund, 
aile ûberragend, die vorher und nacbher den gleicben Zielen zuges- 
trebt haben j». Ici s'arrête Texposé historique de M. Weber. L'historien 
impartial devra ajouter une ombre à ce tableau : les exigences inaccep- 
tables de Glaser qui, pendant quinze ans, ont entravé les progrès de la 
science dans un domaine encore insuffisamment exploré. 

F. Macler. 



George Aahon Barton, Ph. D. — The International Critical 
Commentary. The Book of Ecclesiastes. — Edinburgh, T. et T. 
Clark, 1908. 8/b sh. 212 pages. 

Nous avons parlé déjà, à propos du Livre des Psaumes du D' Briggs^ 
de la magistrale publication qu^est le International critical Commen- 
tary, Nous n'y revenons pas. L'ouvrage de M. Barton répond, lui aussi, 
aux espérances que ce commentaire a fait naître. Il a pour sujet Técrit 
le plus étrange assurément de TA. T., le livre d'un philosophe sceptique 
ou à peu près, et d'un vieillard pessimiste, dans un recueil où éclate la 
foi en Dieu la plus triomphante et l'espérance d'un glorieux avenir. Ce 
livre présente même une si curieuse union du doute et de la foi reli- 
gieuse que plusieurs auteurs modernes, MM. Haupt et Siegfried en 
particulier, ont cherché à répartir les sentences groupées sous le nom 
du Kohélet entre plusieurs auteurs de tendances opposées. M. B., avec 
raison croyons-nous, maintient l'unité essentielle de l'Ecclésiaste; il en 
détache seulement deux séries de gloses, les unes inspirées par la HoAma 
(Sagesse) hébraïque, et qui pourraient fort bien appartenir à l'éditeur 
final du hvre; les autres dues à un B.asidy ou croyant, désireux de 
mettre dans cet ouvrage, considéré comme Tœuvre de Salomon, quel- 
ques-unes au moins des affirmations de l'orthodoxie juive. 

Le problème de l'intégrité du livre n'est qu'un des sujets abordés 

1) Kevue de l'Hisloife des Religions^ 1907, p» 120 et suiv. 



260 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

par M. B. dans sa remarquable Introduction. Il y passe en revue fout 
ce qui concerne le texte du Kohélet, rinterprétation qu'il a reçue à 
travers les âges, les questions d'analyse et de métrique, enûn les rap- 
ports qu'il soutient avec la littérature juive contemporaine d'une part 
et la philosophie grecque d'autre part. Sur ce dernier point il établit 
par plusieurs preuves Toriginalité de l'auteur juif, milgré des ressem- 
blances extérieures avec le Stoïcisme ou TÉpicurisme. Un des couplets 
de la vieille épopée babylonienne de Gilgamës le met sur la voie d'une 
autre supposition, des plus tentantes. Le Kohélet aurait connu et même 
traduit certaines pensées caractéristiques de cet antique poème. Le 
judaïsme en sa personne traverserait la même phase de scepticisme 
découragé que^ 2.000 ans auparavant la religion babylonienne avait 
connue et que, peu après lui, la Grèce connaîtra à son tour. Il faut, 
quant à celte dernière, parler plutôt de phénomènes parrallèles que 
d'emprunts directs. 

Le Commentaire lui-même, comme ceux qui l'ont précédé, scrute le 
texte sous toutes ses faces, l'expliquant en anglais aux profanes, discu- 
tant les mots hébreux pour les spécialistes. C'est dire quelle contribu- 
tion précieuse il apporte, malgré tous les travaux antérieurs, à la vraie 
compréhension de ces douze chapitres et par là même à Tun des 
aspects les plus inattendus de la religion juive, deux siècles avant notre 
ère. 

Charles Mercier. 



Charles Mercier. — Les Prophètes d'Israël. — Saint-Biaise et 
Roubaix, Foyer solidariste, 1908, 1 vol. in-8, 156 pages. Prix : 
1 fr. 60. 

La lecture de ce petit volume nous a procuré une grande jouissance. 
C'est un simple travail de vulgarisation, mais si bien fait qu'il mérite 
d*ètre répandu dans tous les milieux qui s'intéressent aux questions 
religieuseset morales. L'auteur possède admirablement son sujet. Il est 
au courant de toutes les questions qui s'y rapportent. L'histoire poli- 
tique, religieuse et littéraire d'Israël lui est tout à fait familière. Il 
accepte en outre franchement les résultats indéniables de la critique 
sacrée de nos jours. Son travail n'entre toutefois pas dans les questions 
de critique. Il les respecte sans en parler, ou bien il se contente d'y 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 261 

faire des allusions discrètes, quand il le faut pour orienter le lecteur. 
Il n'expose que les résultats positifs du prophétisme israélite. Il n'en 
tend pas moins un grand service à la science biblique moderne, en 
montrant, par le fait, toute la valeur religieuse et morale des princi- 
paux écrits de TAncien Testament envisagés et traités d'après la 
méthode purement historique. 

M. Mercier ne s'occupe que des prophètes écrivains, au sujet desquels 
nous sommes le mieux renseignés et dont nous possédons des écrits. 
Voici en quels termes lui-même, dans rAvant-Propos, indique le but 
qu'il poursuit : c Notre but, c'est de faire revivre, dans de courtes es- 
quisses historiques^ la personnalité des principaux de ces prophètes, en 
les plaçant dans Tépoque où ils ont vécu et au milieu des circonstances 
qu'ils ont dû traverser. » 

C'est bien ce que fait Tauteur. Au sujet de chaque prophète, il retrace 
la situation politique, religieuse, morale et sociale de l'époque où il a 
exercé son minstère. Il nous le fait connaître lui-même, en tant que les 
renseignements encore à notre disposition le permettent. Puis, après 
cette orientation générale, il expose les principaux traits de son ensei- 
gnement. Chaque prophète devient ainsi un personnage réel et vivant, 
ayant son caractère et ses idées propres, ancré dans les circonstances de 
son temps et inspiré par elles dans son ministère. Nous sommes, de 
cette façon, à cent lieues de Tancienne méthode dogmatique, qui faisait 
des prophètes des êtres effacés, purement passifs, préoccupés uniquement 
ou à peu près de prédire Tavenir, surtout les temps messianiques. Au- 
trefois, on jugeait en effet les prophètes d'Israël principalement d'après 
les apocalypses postérieures et d'après les vues populaires sur le prophé* 
tisme exprimées dans les parties légendaires des livres historiques de 
l'Ancien Testament ou dans les parties inauthentiques des livres prophé- 
tiques eux-mêmes. C'était confondre le prophétisme avec l'art delà divi- 
nation qu'on rencontre dans toutes les religions inférieures, tandis que le 
prophétisme éthique et supérieur en Israël, à partir du viii® siècle avant 
notre ère, se distingue essentiellement de cet art vulgaire et le combat 
même comme un faux prophétisme. M. Mercier, qui procède d'une 
manière vraiment historique, nous présente les prophètes sous un jour 
tout autre, comme de véritables prédicateurs et des hommes d'action, 
cherchant à exercer une puissante influence religieuse, morale, sociale 
et même politique sur leurs contemporains, par leurs paroles d'abord 
et par leurs écrits ensuite. 

Les flgures d'Amos et d'Osée, d'Esaïe, de Jérémie et d'Ezéchiel, sont 

18 



262 REVUE DE l'hISTOIUE DES RELIGIONS 

naturellement dépeintes avec le plus de netteté, parce que nous sommes 
le mieux renseignés à leur sujet. Touchant ce dernier, notre auteur 
aurait mieux pu faire ressortir qu'une ère nouvelle s'ouvre avec lui. 
Tandis que jusque-là tous les grands prophètes combattent le vain 
formalisme ou ritualisme religieux, Ezéchiel, autant prêtre que pro- 
phète, le favorise en effet. Il cherche à concilier le prophétisme et le 
culte traditionnel. Il devient ainsi le père du judaïsme, grandement 
dominé par le ritualisme et plus tard par le pharisaîsme, l'ennemi juré 
de Jésus, restaurateur du prophétisme purement éthique. Des consi- 
dérations de ce genre n'entraient sans doute pas directement dans le 
plan spécial de notre travail, qui, s'ad ressaut avant tout au grand 
public, ne veut lui offrir que des résultats positifs. De cette manière, 
on n'apprend, il est vrai, à connaître que le côté lumineux du prophé- 
tisme israéliste. 

Au sujet du second Esaîe, on voudrait aussi une caractéristique plus 
nette et plus complète de la supériorité et de l'originalité de ce penseur, 
car c'en était un. Mais M. Mercier voulait évidemment restreindre son 
travail à un petit volume. Nous souhaitons de tout cœur que celui-ci ait 
beaucoup de succès et rende bientôt une seconde édition nécessaire, 
afin de permettre à l'auteur de le compléter, en ajoutant, dans une 
série de cas, plus de développements et en faisant encore plus de cita- 
tions des plus belles pages des livres prophétiques. 

C. PlEPENBRING. 



J. G. Fkazer. — Adonis Attis Osiris. Studies in tke history 
of oriental religion. 2° édition revue et augmentée. 1 vol. in-8* de 
xix-452 pages. — Londres, Macmillan^ 1907. Prix : 10 sh. 

Cette seconde édition, parue un an après la première, forme le tome IV 
de la troisième éilition du célèbre Goldm Bough qui doit comprendre 
cinq volumes*. Les modifications au texte prinlitif sont peu importantes 



1) Voici les titivs annonces de ces volâmes : L The Magic Art and thc 
Evolutvm ■'/' Kin;;v. — U. T/i'' Vcrxh of thc Seul and the Doctrine of Taboo. 

- VA. Thr U'iifi'j (;■'/. — IV. A'7()nis, Jtti^, Osiris. — V. Balder the Beau- 
tifui, — Los lieux premiers doivent paraître incessammeat, les deux derniers 
vers la tin iie l^A^). 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 263 

et nous n'avons qu'à renvoyer aux deux comptes- rendus de la première 
édition qui, eu égard à l'importance de l'œuvre et à ses contacts divers, 
ont été donnés par la Revue de V histoire des Religions (1906, II, p. 436- 
440 et 1907, I, p. 113-115). De plus, en exposant les idées de M. Fra- 
zer sur Osiris, à propos du Sacrifice en Egypte^ M. Moret (ibid.y 
1908, I, p. 81-101) a pu utiliser déjà la seconde édition. Les seuls 
changements notables consistent en additions qui dépassent une cen- 
taine de pages. D'abord, un chapitre « Sacred Men and Women », puis 
un paragraphe « Influence of Mother-Kin on Religion » et trois appen- 
dices « Moloch the King », « The Widowed Flamen » et « Some Gus- 
toms of the Pelew Islanders ». 

Le chapitre nouveau traite de la prostitution sacrée. Le savant 
auteur repousse l'explication proposée par MM. Farnell et Fr. Cumont 
d'après laquelle l'acte de déflorer une jeune fille était considéré comme 
entraînant de tels dangers, que le mari s'en remettait pour cet office 
à un étranger. En d'autres termes, or aurait là une forme atténuée 
d'une ancienne exogamie. Pour M. Frazer, toute fille avant lé mariage 
devait rester au service de la divinité et servir à la répétition des rites 
qui assuraient la fécondité. Dans la suite, on crut suffisant le sacrifice 
de la virginité et même l'offrande de la chevelure. Il fallut alors, pour 
l'accomplissement des rites, instituer des prostituées de profession qui 
restèrent attachées aux temples. 

L'explication est séduisante et elle échappe aux objections que le 
savant auteur oppose à la théorie adverse, à savoir que celle-ci ne 
tient compte ni du caractère religieux de la coutume, ni du fait que 
les prostituées sont parfois mariées, ni de la prostitution répétée de la 
même femme, ni que « des hommes consacrés» ou qedéchimse rencon- 
trent à côté des qedéchot^ ni enfin de ce que les prostituées reçoivent 
un salaire. Kt c'est l'occasion d'un remarquable exposé des coutumes 
de ce type dans l'Inde, l'Afrique occidentale et l'Asie antérieure. 

Cependant, nous avons déjà eu l'occasion de le dire, le point faible de 
l'argumentation de M. Frazer consiste dans l'identité admise a priori 
entre la perte de la virginité et la prostitution réelle et répétée. C'est 
simplifier les faits à l'excès. Comment expliquer que les rites accomplis 
d'abord par l'élite de la société aient été confiés à la classe la plus basse 
des serviteurs du temple? Car il ne faut pas oublier que, dans la hiérar- 
chie du personnel religieux, les qedéchot et les qedécliim figurent au 
dernier rang : ce sont les kelabim (chiens) à Chypre, certainement des 
hommes car ils reçoivent un salaire. Non seulement ces individus ne 



264 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

jouent aucun rôle dans les rites, mais, si l'on en juge parles Galles à Hié- 
rapolis, il est probable qu'ils ne pénétraient pas dans le temple. Leur 
institution ne parait donc se rattacher en rien à la coutume qui livrait 
une jeune ûlle à un étranger avant le mariage et cette dernière pra- 
tique, nettement distinguée de la véritable prostitution sacrée, pourrait 
en effet résulter de l'ancienne exogamie. Le cadeau dû par l'étranger 
s'expliquerait assez bien comme prix du sang. 

L'appendice sur « Moloch the King » expose, sans l'adopter, une 
suggestion du Prof. Kennet qui voit dans Moloch, non un dieu, mais le 
roi d'Israël, car ham-melek, le vrai nom d'où les Septante ont tiré 
Moloch, sigoifie o le roi ». Les premiers-nés lui étaient sacriûés pour 
prolonger sa vie. M. Frazer résiste, et il faut l'en féliciter, à la tenta- 
tion d'ajouter un curieux épisode à l'incarnation du dieu par le roi. 
Il n'est guère douteux, en effet, que Molok ou ham-meleh zr Melek-Qart 
zr Melqart de Tyr. 

Encore une fois^ on ne saurait trop louer la richesse de la documen- 
tation, la valeur des idées et cette netteté dans l'exposition qui assurent 
au Golden Bough une place hors de pair. 

René Dussaud. 



GusTAv Dalman. — Petra und seine Felsheiligtûmer. 1 vol. 

gr. in-8° de viii-364 pages et 347 figures. — Leipzig, Hinrichs, 
19C8. 

Depuis sa découverte, au début du xix« siècle, Pétra a particulière- 
ment intéressé les archéologues et les historiens de l'art. Les excel- 
lents relevés de MM. Brûnnow et von Doinaszewski publiés dans le 
premier volume de leur Provincia AraOia 1904 ne laissent plus à 
j^laner en fait d'architecture ou de décoration. Il n'en va pas de même 
pour les installations cultuelles. L'attention ne fut sérieusement appe- 
lée sur elles qu'à partir de 19Ù0, d'abord par les Américains Robinson 
et Curtiss, puis par le P. Svivignac ; 1903- et M. Musil .1907). Il manquait 
une descriptiou complète et une étude d'ensemble. M. Dalman, directeur 
de rinstitut scieutilique allemand de Jérusalem, fournit l'une et Tautre 
dans le beau et ma^^^t^al volume que nous annonçons. Tous les sanc- 
tuaires de Pétra depuis les temples jusqu'aux moindres proscynèmes y 
sont cataK^iiés. .Vbstraetiou faite des sanctuaires cananéens mis au jour 
par les fouilles récentes de Gèzer et de Megiddo, les lieux de culte de 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 265 

Pétra sont les plus intéressants de tout l'orient sémitique et, en tout 
cas, ils forment l'ensemble le plus remarquable et le mieux conservé. 
Ils nous renseignent non seulement sur les cultes nabatéens^ mais encore 
sur les cultes sémitiques voisins. Les comparaisons de détail avec le culte 
Israélite sont des plus instructives. 

Après un rapide exposé destiné à familiariser le lecteur avec la posi- 
tion de Pétra^ ses ressources et son organisation, l'auteur résume ce 
que nous savons sur les dieux nabatéens : Dusarès, Allât sa parèdre qui, 
vraisemblablement, se dédoublait — en tant qu'étoile Vénus — en al- 
'Ouzza et Manât. Le panthéon nabatéen qui comptait encore quelques 
dieux secondaires s'est accru d'un certain nombre de rois nabatéens 
divinisés, particularité que M. Clermont-Ganneau a le premier signa- 
lée en alléguant les noms propres du type théophore formés avec le 
nom royal, et un passage de Stéphane de Byzance. Ce dernier texte fut 
confirmé par la mention du « dieu Obodas » dans une inscription. 
D'autre part, les PP. dominicains de Jérusalem et M. Musil retrou- 
vaient à 'Abdé le tombeau de ce roi divinisé. Une invocation à Zeus 
Obodas datée de 293 ap. J.-C. témoigne de la longue durée de ce culte. 

Les rois divinisés mis à part, les Nabatéens localisaient leurs dieux 
dans une pierre dressée ou bétyle. Celle-ci posait sur un soubassement 
parfois très important et très orné qui n'est autre que la ka'bou de saint 
Épiphane (analogue à la kaba de la Mecque) et que les textes mention- 
nent sous des noms variés. En dehors des bétyles dressés dans les 
temples, le proscynème ou proscynétérion (en nabatéen mesgidâ, d'où 
mesdjid, mosquée) était fort répandu. Comme le remarque M. Dalman, 
ce dernier est au bétyle ce que les madones placées dans les maisons ou 
au coin des rues sont à la statue principale vénérée dans l'église. 

Parmi les ruines complexes de Pétra il est souvent malaisé de dis- 
tinguer un temple d'un tombeau. M. Dalman a senti la nécessité d'une 
classification sévère. Il n'admet comme sanctuaires que les monuments 
contenant des représentations de bétyles, des niches avec idoles en 
forme de piliers, des bassins pour l'eau lustrale, des places pour le 
sacrifice. A rencontre de M. Friedr. Jérémias, il pense qu'aucune des 
180 idoles en forme de piliers relevées par lui n'est placée dans une 
chambre qu'on puisse désigner avec certitude comme un tombeau. 
Ces idoles sont soit de simples piliers avec ou sans base, parfois avec le 
grand soubassement déjà signalé, soit des éléments sphériques. Souvent 
on représente des groupes de piliers : deux ou trois, plus rarement 
quatre, six ou dix. L'explication de ce dernier exemple (niche-idole 



266 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

n^" 147) n'est pas donnée par le savant auteur, elle est, croyons-nouSy 
presque certaine : sur les dix piliers, sept sont groupés et figurent 
vraisemblablement les sept planètes, les trois piliers restant ddvent 
figurer une seule divinité, très probablement Dusarès^ 

Après le catalogue de tous les lieux et monuments du calte, If. Dal- 
man passe i la description détaillée des sanctuaires. Le plus intéres- 
sant reste celui dç Zibb 'Aioùf sur lequel on a d^i beaucoup écrit 
D'après M. von Domaszewski, la colline qui porte ce sanctuaire aurait 
été la montagne sainte de Dusarès. M. Dalman ne croit pas à cette signi- 
fication particulière ni à une date très ancienne. Avec le P. Savig^c il 
l'attribue au premier siècle avant notre ère, probablement sous Aré- 
tas m. Le plan découpé dans le roc se lit aisément On distingue 
d'abord la cour rectangulaire dont un des petits côtés est taillé en ban- 
quette où les fidèles devraient manger les viandes du sacrifice. Presque 
tous les sanctuaires de Pétra ont leur triclinium. On peut considérer la 
cour en question comme constituant un triclinium d'une grandeiir inu- 
sitée. Au milieu de la cour une petite plate-forme rectangulaire a sus- 
cité des explications aussi nombreuses que peu acceptables. M. Dalman 
y reconnaît très judicieusement une table pour les offrandes non san- 
glantes, analogue à la table des pains de proposition dans le rituel juif. 
A Tappuiy nous rappellerons que des pains de proposition sont figurés 
au-dessus du triple bétyle de Dusarès sur une monnaie de Bostra (cf. 
nos Notes de Myth. syrienne^ p. 170, fig. 39). Le plan de H. Dalman 
indique que le fidèle pouvait se prosterner devant Tautel, face à l'ouest, 
en ayant la table aux ofTnindes immédiatement à sa droite. 

L'autel se dresse sur le côté ouest de la cour, au milieu d'une petite 
esplanade particulière qui constituait la partie la plus sacrée du sanc- 
tuaire. L'élément principal est un bloc de 2",75 sur 1",84 et environ 
Im. de haut, réservé dans la masse calcaire. Sur la face supérieure et en 
son milieu, a été ména^rée une encoche rectangulaire de 1^.06 de long 
sur 0™,35 de lar^ie. Quatre marches permettent d\ accéder. Contraire- 
ment à l'opinion de Robinson. Curtiss, SaTijinac et Guthe, M. Dalman 
se rencontre avec nous {Aotes, p. ilS pour refusera cette disposition 
le nom d'autel i^es holocaustes et pour y reconnaître le soubassement 



i^ 1! est d'auiar.t plus pru'ient d'éciner pour le croupe des trois piliers — 
cèr.eraleireTii I»^ p' :-' Crr.trai esi plu? f!r*T-\ — .a va-f^ur rbal.ique que U tête 
iie :.\-'e.\j "ive à .'a: r.ui e: puMi e :a'5 V.r.:e':t, C:ni'in. i. 169, a'est pas 
à i'abri de îouie suspicion. Voir R-^vue ;fr f\i<t. .ii< rei, 19C'7, 1, p. ^2. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 267 

portant les trois bétyles de Dusarès tel qu'il est figuré sur la monnaie 
de Bostra déjà citée, et tel que le décrit Suidas. 

D'autres sanctuaires sont constitués par une chambre creusée dans la 
colline et précédée d'une façade ornementée. Il est difficile de les dis- 
tinguer des tombeaux. M. Dalman s'est attaché à cette identification et 
il a réduit fortement le nombre des sanctuaires admis par M. Brûnnow. 
Notamment, l'édifice d'une élégance achevée appelé actuellement edj» 
Djerra et où M. von Domaszewski reconnaissait un temple d'isis, n'est 
qu'un tombeau. Quant au monument que les Arabes dénomment ed* 
Deir, sa destination cultuelle n'est pas douteuse. Mais pourquoi est-il 
couronné par une urne dont la valeur funéraire est indéniable? M. Dal- 
man suppose qu'ed-Deir serait à la fois le sanctuaire et la tombe d'un 
roi nabatéen divinisé. 

En présence du nombre remarquable de monuments religieux si soi- 
gneusement étudiés par M. Dalman, on admettra avec lui que Pétra 
était le grand centre de pèlerinage des Nabatéens. Le panégyriarche 
d'Adraa dont on a trouvé l'inscription à Pétra devait précisément être 
le chef d'une de ces caravanes de pèlerins. Les cultes de Dusarès à 
Bostra et Adraa se rattachaient certainement au culte pratiqué dans la 

métropole nabatéenne. 

René Dussaud. 



Béer Georg. — Das Mischnatractat « Sabbat • ins 
Deutsche ûbersetzt und unter besonderer Berûksi- 
chtigung des Verhâltnisses zum Neuen Testament 
mit Anmerkungen versehen. — Tùbingen, 1908. In-S'» de 
120 p. (prix :4 francs) (fascicule 5 delà collection : Ausgewdhlte Mis- 
chnatractate in deutscher Uebersetzung, publiée par Paul Fiebig). 

Le présent fascicule est plus gros que les précédents. L'introduction 
est très étendue et forme une véritable étude sur le sabbat dans la 
Bible et le Talmud, et les notes fournissent un commentaire détaillé du 
texte. Mais si les dimensions de cette livraison sont plus considérables 
que celles des précédentes, les tendances sont les mêmes, et l'on y 
retrouve un singulier mélange d'esprit scientifique et de parti-pris 
apologétique. Pour rehausser le christianisme Tauteur se croit obligé 
d'attaquer le judaïsme, et ses arguments sont parfois étranges. Ainsi 
l'auteur reproche au judaïsme talmudique sa soumission aveugle à l'au- 
torité et son amour de l'antiquaillerie sans s'apercevoir que le chris- 



I 

I 



268 IIEVUË mi l/HlSTOIIlE I^ES HELtGlONS 

tianîsme lui-même est fondé sur la foi absolue eo rautorité Je Jésus 
et que le respect exciï;:éré des traditions se retrouve chez tous les peupl» 
et dans toutes las législations, Uauteur a^ d'aïUeurs, bien ¥u (p. 27 eu 
note) que les rabbins ont cherché à adoucir les rigueurs du sabbat^ et 
ce sont les Pharisiens qui ont permis ce jour*là les joies conjugain^ 
interdites par le livre des Jubilés et les Saducéens, Dans le Judalsma 
po3t*biblique, il y a eu des tendances contradictoires, parce qu'il j 
avait liberté de discussion. M, Béer note lui-mêiBe (p, 23] que lea 
règles du sabbat présentent des dispos! tione aseéliques, niais aiitsl 
des prescriptions opposées, comme celle qui ordonne de bien mander 
et de bien boire. 

H est difficile d attribuer au sabbat un caractère nadonaliste (p, 25)* 
comme le fait Tanteur en se fondant sur ce que les Juifs n aident py 
les paîeas à travailler ce jour-là. Il semble au contraire qu'il y a là ua fl 
indice d*idées u ni vers al i s tes, puisque Ton veut le repos pour îes 
païens. M. Oeer explique d'une façon bien invraisemblable le fait que, 
à rapproche du sabbat, le juif ne doit pas vendre un objêl h un païen. 
C'est, croit'il, pour éviter une souillure le jour du sabbat. Mais com- 
ment peut -on se contaminer en cédant une marchandise? L'auteur ne 
le dit pas. Ailleurs (p. 31), M. Béer, voulant montrer que la législation 
sabbatique est pleine de superstitions, prétend qu^nn docteur aurait B 
constaté un rapport entre les prescripti^is concerûant le sabbat et !w 
coutumes païennes. Quand ou examine le texte, on voit que le rabbin 
en question, B. Méir, a défendu de porter un jour quelconque ûtâ 
amulettes, parce que c'est un usage des [^aïens. 

Une assertion de Tauteur qui dépasse un peu les bornes légitimes 
consiste à dire (p. 24) que le Talmud a voulu réagir contre rislam. 
Réagir plusieurs siècles à ravance, voilà qui n'est pas banal! 

De tels lapsus sont fâcheux* Nous en conclurons seulement que 
M. Béer et ses collègues feraient bien de rester eiclusivement sur le 
terrain de la science* Faire de rérudition est une chose, convertir les 
înûdèles en est une autre. Nous reconnaissons volontiers, d*ailleurs, 
, que la traduction du traité Sabbat nous a paru exacte, et que les noies 
comme riotro<iuction sont instructives. L'ouvrage de M. Béer est \m 
buu lusit tiiacnt de travail pour ceux qui veuieal se iaiuiii«naBr a^ec ii 
Mischna; il serait encore meilleur si l'auteur se bornait à 6dre con- 
naître le Judaïsme talmudique, sans chercher à le rabaisser eo s'inspi- 
rant de préoccupations confessionnelles. 

Mater Lambkrt. 




ANALYSES ET COMPTES RENDUS 269 



La Djaouhara. Traité de théologie par Ibrahim Laqani, avec notes 
d'AbDESSELEM et d'ËL-BADJOURi. Texte arabe et traduction française 
par J. D. LuciANi. — Alger, 1907, xxi-39-36 pp. in-8 ". 

Celui qui n'a pas la possibilité de se renseigner aux sources origi- 
nales sur les questions dogmatiques controversées dans llslam se trouve 
encore aujourd'hui dans le plus grand embarras lorsqu'il veut s'orienter 
de façon compétente en ces matières. Cette lacune est d'autant plus 
regrettable que les débats sur ces questions au milieu des différents 
partis islamiques représentent un élément considérable de l'histoire 
intérieure des peuples orientaux. Les problèmes qui s'y posent sont 
parfois en rapport intime avec les mouvements politiques de l'État en 
pays mahométans, Par exemple on peut considérer comme chose 
prouvée que la controverse au sujet de l'accomplissement des devoirs 
rituels (al-*amal, acte], attribut indispensable de la vraie foi, ou de la 
confession qualifiant seule le mu^min (croyant), en un mot les rapports ^ 
entre la doctrine murdschite et l'orthodoxie, est intimement connexe à 
l'opinion des cercles pieux sur la position des Omayyades vis-à-vis du 
véritable Islam. 

Ce serait évidemment une tâchte opportune que d'exposer les mouve- 
ments dogmatiques de l'Islam d'une façon plus spéciale qu'on ne peut 
le faire dans les livres scolaires sur l'Islam et son histoire. Même des 
livres d^enseignement spéciaux, comme le très utile ouvrage de Sell 
{The Faith of Islam) ne touchent que la superficie de cette riche 
matière et ne pénètrent pas jusqu'à la moelle. Les renseignements que 
l'on puise ordinairement dans la traduction allemande du livre des 
sectes, de Schahrestânî, que Ton continue à utiliser comme livre de 
références, sont également insuffisants. On ne peut se dissimuler que, 
dans le monde des orientalistes, prédomine à l'égard d'études de ce 
genre une certaine dépréciation. Mais on ne peut d'autre part s'empê- 
cher de le reconnaître, l'histoire des religions attend que cette lacune 
soit comblée par des orientalistes, et spécialement par des arabisants. 

Pour la question : quelles sont les positions de l'orthodoxie isla- 
mique dans les controverses dogmatiques? sur quels points le consensus 
de rislam orthodoxe s'est-il cristallisé au milieu des muitiples défini- 
tions? nous possédons maintenant un guide sur, grâce à l'ouvrage du 



270 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

directeur des affaires indigènes au gouveraeinent général de l'Algérie. 
Ce fonctionnaire, M. Luciani, d'une compétence reconnue dans Fhis- 
toire religieuse de l'Islam, a toujours, dans la sphère de son adminis- 
tration, exercé une influence active et stimulante sur Tétode de la 
science islamique et a provoqué, de la part des savants indigènes 
aussi bien que des savants français de FAigérie, la pnblicatiœ d'oa- 
vrages qui rendent des services appréciables i cette étude. D'ailleurs 
cette branche de l'Orientalisme est aussi redevable à M. Ladani lui- 
même de beaucoup de contributions précieuses et l'ouvrage qui iut 
l'objet du présent compte-rendu témoigne également de Tatilité de ses 
efforts en ces disciplines. 

Les pédagogues de l'Islam ont, de tout temps et aujonrd'hoi enoote, 
eu l'habitude de condenser les éléments des diverses sciences sons une 
forme versifiée. Des abrégén rythmés de ce genre, analogues aux versui 
memoriales de notre enseignement occidental, ont été utilisés comme 
« livres de textes » sur lesquels les maîtres fournissaient ensuite des 
développements plus étendus. Ils devinrent ainsi les thèmes de gloses 
et de commentaires destinés i éclaircir ce qui, dans ces résumés, se 
trouvait in nuce. Parmi les tentatives pour exposer les principes dogma- 
tiques de l'orthodoxie islamique sous forme «de manxûmah », Touvrage 
de Burhàn-al-din-Ibrâhim-al-LaHnî, théologien mâlikite de la fin du 
xvi^xvu* siècle (mort en 1631) et originaire de rËgypte, s'est aeqoisnne 
réputation particulière dans la pédagogie en pays mabométans. Sa 
/)schauhara (la u perle » pour ce qui concerne la confession mono- 
théistel — cVst le titre d'un poème didactique et dogmatique de 144 vers 
— a U\ïX autorité jusqu'à nos jours. L'auteur lui-même, qui a pris ce oom- 
(>eiuiium comme texte de ses conférences à la mosquée al- Azhar, au Caire, 
a expliqué la forme laconique de son ouvrage dans trois commentaires. 
Lt's générations suivantes de théologiens ont appliqué beaucoup de 
zèle, dans des commentaires sur la Dschanhara^ à utiliser celle-ci 
Ci>mmo l^ase de leur exposé de l'orthodoxie dogmatique. C'est 'Abd-al- 
SalÂm. tils et suci^esseur de LaJ^âni. qui inaugura cette littératore. Après 
lui vient une brillante série de commentateurs et de glossateurs parmi 
lesquels le célèbre professeur d*al-Âzhar, Ibrahim al-Bàdschûrî (mort en 
178:^^ dont Touvrage fut [virticulièrement étudié : ce maître a enraiement 
composé des ^rloses sur d\')utres abrégés do^rmatiques, par exemple sur 
la fameuse Çujihrà ilo Sanùsî. A la plac'e dominante qu'occupent dans 
IVnMMgnemeni tUv"'^»^'-î*^*^ ^^*^ ^ Islam U fhchtjuham et ses commen- 
tAirt^ oom^sjvnd le ^î.ind membre des éiitions orientales de ces 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 271 

ouvrages. C'est donc, tant en raison des besoins de Tenseignemenl en 
Algérie même que par la nécessité de combler une lacune sensible 
dans la littérature dogmatique, une beureuse idée que celle qu'a eue 
M. Luciani en entreprenant une édition de ce poème didactique qui fût 
conforme aux exigences de la science. Il a publié d'abord en se servant 
de manuscrits algériens une édition de la « Perle » rigoureusement 
philologique et il y a ajouté un cboix d'extraits des divers commentaires 
dans le texte arabe fait avec un tact pédagogique très sûr. Je ne saurais 
me figurer un meilleur livre d'initiation pour qui veut pénétrer dans 
l'étude de la dogmatique de l'Islam. M. L. a accompagné ces textes 
d'une traduction qui témoigne d'une exactitude scrupuleuse et d'une 
remarquable compétence. Quiconque s'est essayé à pareille tâche 
pourra constater en pleine justice le^ succès avec lequel M. L. a sur- 
monté les difficultés d'une matière aussi rebelle. Il n'est guère facile 
d'arriver à rendre la terminologie compliquée de la scolastique arabe 
par des expressions françaises exactement adéquates. Il n'arrive que 
rarement de trouver des expressions qu'on eût souhaité traduites diffé- 
remment : notons p. 12, 1.1; la traduction strictement déterminée ne 
correspond pas exactement, selon moi, au taukifyya de l'original ; con- 
venues (correspondant à ôécei, ^uvGr,y,Y)) eût peut-être été préférable. M. 
L. traduit le plus souvent sam' par dogme {p. 7, 1. 4; p. 12, 1. 3); il eût 
peut-être fallu le traduire par un mot dans lequel eût été marquée l'op- 
position entre ce qui est su par des sources écrites ou traditionnelles et 
ce qui est inféré par opération de l'inlelligence (*akl). Le dogme peut 
aussi rentrer dans ce dernier domaine; dans un certain sens nakl s'ap- 
proche beaucoup de sam* (texte p. 28, 1.5); p. 4, note, 1, 2 : « dans ce 
monde et dans l'autre », le fîhîmâ de l'original indique l'antithèse : le 
jugement par rapport à Dieu et le jugement au sens des rapports mon- 
dains, P. 14, note, 1. 6, j'aurais préféré la traduction subsistante à inhé- 
rente. P. 24, note, 1. 6, au lieu de « combattants de Bai'at Erredhouan », 
il fallait « les gens de la B. E. ». Quelques détails encore à changer : 
p. XIV, I. 27 : au lieu de Djouhem lire Djahm ; p. 24, note 43, I. 4 : au 
lieu de Qerdhi, lire Quradki, Mais c'est là bien peu de choses quand on le 
compare à la grande habileté avec laquelle M. L. a surmonté les nom- 
breuses difficultés que rencontre tout traducteur de textes de ce genre. 
Avec quel bonheur n'a-t-il pas, par exemple, à travers la matière stérile 
des ahwâl (modes), su discuter à fond un des points les plus subtils de la 
science des attributs, et donné, en général, une traduction qui — bien 
que reflétant avec fidélité les tours et détours scolastiquesde l'original — 



272 RKVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

est acceptable encore pour un lecteur moderne ? On ne peut manquer de 
reconnaître une grande valeur à Tintroduction qui précède le livre 
(pp. i-xxi) : outre une analyse générale de la Dschauhara^ une notice 
sur son auteur et quelques-uns de ses glossateurs, M. L. nous y donne 
un aperçu très réussi des questions essentielles de la dogmatique ortho- 
doxe de rislam afin d'orienter le lecteur à travers les matières traitées 
dans les ouvrages édités par lui. Dans cette introduction il s'occupe 
aussi des principales différences doctrinales entre Torthodoxie et les 
écoles dogmatiques dissidentes. On saura gré aussi à M. L. des preuves 
qu'il a fournies des relations entre plusieurs de ces enseignements et la 
philosophie grecque. M. Luciani, en cette dernière matière, renvoie 
son lecteur à Touvrage de Barthélémy Saint-Hilaire sur la Logique 
d'Aristote; pourtant c'est en dehors de Taristotélisme qu'il faut cher- 
cher les points de conta .t du Kalàm islamique avec la pensée hellénique. 
Les aristotéliciens sont au juste aussi résolument hostiles au Kalâm 
que le sont, à leur point de vue, les adversaires vieux conservateurs 
du rationalisme [Hanbalilcs], Ce serait encore un très important sujet 
d'étude spéciale que la recherche exacte des sources grecques du Kalâm. 
Jusqu'ici on n'a prêté d'attention particulière qu'aux atomistes. 

Par ce qui précède le lecteur peut voir quel réel service a rendu 
M. Luciani à la science islamique par cette solide publication. 

L GOLDZIHER. 



Hkinhu.i i^r.. F. (i.\ — Beitrage zur Geschichte und Erklà- 
rving des Neuen Testaments. III. 1. Die Ber^predigt be- 
j:nlVsjrt><^hiohtlioh untersuoht. -. Aus des Hinterlassenschaft des 
IVlrus von Laodioea. — Lepzig, Dûrr, 1905, i vo!. gr. in-8<> de 
lù^ p:i|res. 

Dans une ôtuJe prtvè^iente dont les c-nclusions servent de point de 
dépa:t ;\ 'a présente pub'iv'aîion. M. Heinrici avait examiné le problème 
dos souroes liu Serir.on sur la mc^nîa^ne. Les résul*ats auxquels il était 
arr-.vo oîaiînt ctux-o: : les deux i-eoensi^^ns liii Sermon sur la mon- 
t.urt\ vollos ^ie Mat'r.ie.; et .ie I *:cs:r.t de..\ .\^!r.piîations indé[>endanîes 
Tur.t^ ie !\r:tro !:^s e t i:e:vs lU" 'r- J^n<t:t ;er.: s%.^nt disparates : sen- 
Î0!\*: <, i -.vn; rlos. va: ;' >s. r**, : ':: '.ts Le rarA". elisme qu'oc observe 
en or: a:nes rav: vS es: ". -vv.\re "es :ë-:a:*ei;rs. D un;? manière .cêcé- 
ra> Mathieu s<:vl e se te:: r vus irts de !':r:^::iii que Luc: tou- 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 273 

lefois on ne peut rapporter aucun des deux textes à une source homo- 
gène. 

Ces conclusions posent un problème : la tradition du Sermon sur la 
montagne reproduit-elie le sens et le caractère de l'enseignement de 
Jésus ? 

Pour répondre à cette question il convient de faire ce que M. H. 
appelle « die begri/fsgeschichiliche Unlersuchung d. Il est impossible de 
donner un équivalent français de ce terme. Les recherches qu'il désigne 
consistent dans Tanalyse du contenu de la tradition, analyse qui doit 
faire connaître l'origine et le caractère de ce contenu. Il s'agit^ en 
d'autres termes de déterminer si, dans l'évangile tel qu'il nous est 
transmis, il y a une religion originale ou seulement une combinaison 
plus ou moins nouvelle d'éléments anciens. Pour cela il faut com- 
parer le contenu de la tradition évangélique avec les phénomènes 
religieux du même ordre. Pour ne pas s'égarer la recherche doit 
écarter systématiquement toutes les analogies superficielles isolées qui 
ne reposent pas sur une analogie de situation historique. 

Cette introduction est fort intéressante, elle fixe d'une manière pré- 
cise un point de vue qu'on pourrait être tenté de négliger au profit de 
la critique purement formelle des sources. Il n'est pas mauvais qu'un 
maître comme M. Heinrici rappelle aux exégètes que l'analyse des 
sources n'est pas le dernier mot de la science, et qu'elle ne serait en 
somme qu'un jeu d'esprit assez vain si elle ne devait pas servir à faire 
l'histoire des idées et des traditions religieuses. 

Le corps même de l'étude de M. Heinrici n'est pas susceptible d'être 
analysé. C'est un ensemble de recherches de détail et d'observations 
minutieuses qui ne peuvent être résumées. La méthode exégétique mise 
en œuvre n'a pas besoin d'être caractérisée. C'est celle dont M. Heinrici 
a usé dans ses commentaires classiques sur les épîtres aux Corinthiens. 
L'exégèse de notre auteur repose sur une connaissance très sûre et 
très vaste de la langue et de la littérature grecque classique, des com- 
mentaires des Pères, et de la langue des Septante. Le sens de chaque 
terme, la portée exacte de chaque phrase sont élucidés et précisés par 
une foule de rapprochements qui éclairent le texte d'une lumière très 
vive. Cette minutieuse conscience dans l'analyse du sens des mots donne 
à l'exégèse de M. Heinrici quelque chose de lourd. Ses commentaires 
se consultent comme ceux de M. Zahn, on ne pourrait pas les lire 
comme ceux de M. Wellhausen ou de M. Lietzmann. Ils fournissent 
aux Iravailleurs des matériaux solides et sûrs. 



274 HKVlîE DE L'niSTOEHE UES REUGIONIS 

Les concluiçioQS Je M. Heinnci sont fort intéressantes* lui qui a été 
un âem premiers à prolester contre U méthode qtiî étudie les écrits di 
N. T, en les i^^olant de la littérature et de la pensée grecques reste m 
des champions le^? plus décidés de rorij^inalité de la pensée chrétietiae. 
L'évangile est pour lui quelque chose d'ori^iual, non pas seulement Mm 
combinaison d'éléments anciens mais une doctrine nouvelle qui accd 
de caractéristique que tous ses éléments se rattachent directement à 
une conception religieuse fondamentale. 

En posant cette thèse, M. Heinrici ne veut pas nier ce que Jésus 
doit à ceux qui sont venus avant lui, aux prophètes d'Israël en par* 
liculier, il veut seulement affirmer que TÊvangile n*est pas un syn- 
crétisme tout fortuit mais qu*il est une synttièse personnelle et 
originale. Il y a là une grande vérité qu*il est bon d'opposer à cer- 
tains critiques tenlés parfois de tirer de la thèse très juste que le 
Christianisme a été une religion syncrétîste, cette conclusion exces- 
sive et illégitime que révangîle lui-même a un caractère syncrétique. 

A la fin de son volume, M. Heinrici consacre une notice d'une ving- 
taine de pa^es à Tœuvre littéraire de Pierre de Laodicée^ auteur d'un 
commentaire sur Tévangile de Mathieu publié depuis* 

Mauiuce Goguel- 



JoH. Steinbeck. — Das gôtUiche Selbstbe^wnsstsein Jesu 
nach dem Zeugnis der Synoptiker. Eine Untersuchung 
zur Christologie. — Leipzig, A. Deichert. 1908. 1 vol in-S® de 
61 pages. Prix : 1 m. 20. 

L*auteur de la présente brochure se propose d*établir, en s'appuyant 
exclusivement sur le témoignage des évangiles synoptiques, que Jésus 
a eu une conscience nette d'être vraiment homme, distinct de Dieu mais 
cependant d'essence divine. Un des principaux arguments sur lesquels 
il fait reposer sa démonstration est celui-ci : Jésus prêche un royaume 
dont lui-même doit être le roi ; or ce royaume ne se distingue pas de 
celui de Dieu, il y a donc entre Jésus et Dieu une relation directe. 
M. Steinbeck n'hésite pas à tirer de ses théories des conséquences 
extrêmes, par exemple, lorsque (p. 50) il affirme que la personnalité 
de Jésus n'est explicable que par le dogme de la naissance surna- 
turelle. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 275 

Ce qui précède suffît pour caractériser la pensée de notre auteur; il 
n'est pas utile de la discuter, car, pour qui se place uniquement sur le 
terrain de l'histoire, les thèses de M. Steinbeck s'écroulent d'elles- 
mêmes. On ne peut trouver dans les synoptiques le contenu dogmati- 
que qu'il y découvre que si, inconsciemment, on Ty projette à l'avance. 

Le livre de M. Steinbeck est intéressant comme symptôme des progrès 
que fait l'esprit historique. Le temps n'est plus où les théologiens conser- 
vateurs mettaient en question la méthode historique elle-même; cette 
méthode a fait ses preuves. Ce serait perdre son temps que de vouloir 
mettre sa légitimité en doute; aussi est-ce par la critique qu'on cherche 
aujourd'hui à combattre les résultats de la critique, mais si cette tac- 
tique peut impressionner certains esprits, elle n'est pas capable d'é- 
branler l'édifice qui se construit laborieusement depuis plus d'un siècle. 

Maurice Goguel. 



Adam Abt. — Die Apologie des Apuleius von Madaura 
und die Antike Zauberei. (Fasc. IV, 2 des lieligionsgeschicht- 
liche Versuche und Vorarbeit>'n,) ln-8° viii-271 p. Giessen, Tôpel- 
mann, 1908. 

Voici encore un nouveau volume sorti de l'école de M. Wùnsch — 
on serait tenté de dire l'officine, tant les fiches puisées aux recueils les 
plus divers viennent s'aligner régulièrement dans les notes marquant, 
des temps préhistoriques parfois jusqu'à nos jours, la permanence de 
telle ou telle superstition ! Le discours De Magia^ déjà allégué par saint 
Augustin, est le plus anciennement connu de ces codices et de ces papyri 
magiques dont la publication, depuis une quinzaine d'années, a com- 
plètement renouvelé l'étude de la magie antique. C'est en profitant des 
connaissances nouvelles qu'ils ont permis d'acquérir que M. Abt a voulu 
commenter tous les passages importants au point de vue magique du 
plaidoyer prononcé vers 158, à Sabratha près de Tripoli, par Apulée. 
L'auteur des Métamorphoses était poursuivi pour crime capital — car mina 
et venena — suivant l'article de la vieille lex Cornelia de sicariis qui 
assimile aux assassins venefici qui artihus odiosis tam venenis vel 
susurris magicis homines occiderunl. En vérité, son accusateur semble 
avoir été surtout jaloux de la soudaine fortune que son mariage inattendu 
avec la riche veuve Pudentilla d'Oea (Tripoli), près de deux fois 
aussi âgée que lui, venait de faire au pauvre rhéteur de Madaura, et 
la défense de l'accusé « nous donne une jolie image de la vie d'une 



â76 REVUE DE L^HISTOIRE DES ftELiai0NS 

ville de province romaine au u^ eiède, de toot ce qn'on y cvepit po^ 
aible et qu'on exposait sérieusement devant le tribonaly Ueii qmt h loi 
aux dieux commençât partout à s'ébranler et que Tlmiuiie enltiié n'elt 
plus depuis longtemps d'autre religion que des spéculatioas piiiloiopki- 
ques; elle nous laisse voir ainsi comment s'est éUborée cette fiuMiiae 
obscurité de notre Moyen Age où Tardeur d'une fin mEidmme lit, soos 
ptétexte de religion, chercher et tronver partout des a ofcièra t ». 

Toutes les richesses d'information que oontienl le oomoiealaiie ds 
M. Abt sont fociles à exploiter grâce i d'excellents mdiceg. Indiqaoïii 
pourtant les questions les plus importantes qu'on y tronvem tniléei : 
p. 16y malefieus dans le langage populaire équivalait à Morder; p. 31^ 
45, puissance magique du nom ; p. 62, 136, rôle des poieaons et ta 
marinae comme aphrodisiaques (les dutu tes MorÔMtf impuéUû m&mi- 
bus. .. équivalant à uiriusque sexus geniialia aeiaient fe coquillage dit 
XTsiç et un autre coquillage dont le nom, ^oXxvoç, sert à désigner Fantri 
sexe); p. 50, force des incantations; p. 75, usage des rvbans et nœsds; 
p. 83, envoûtement ; p. 85, heibes coupées avec du bmise an dair de 
lune; p. Ifô, ongles; p. 111, léiards; p. 133, psrfuBs; p. 144, esm- 
ments des morts; p. 160, lychnomantie; p. 168, hydrossantie; p. 173, 
lékanomantie; p. 186, les épileptiques comme démoaiaqiies ; p. 900, 
supériorité du oôlé droit; p. 235, ineanlatîoas et phQtna fasMiBr; 
p. 347, les grands magiciens (lire : CarmeuéÊS [aoai iamgî«é d'après 
qui carmem dai[ r<f/ Damigeron jpseudo auteur de Zttttes] fsetis Mose$ 
t^l Jokanties [ou Jamies rival de Moîse^ vel Apollobex TApollobeches 
de Koptas de Pline] v^l ipse Dardanus 'ït fondateur légendaire des 
My^^tèn» de Samothrace]. Sur tous ces points, rémditioQ de Fanteur 
ne laisse rien à désirer. Cependant, pour les mots cafaaIistiqQcs oa 
pourra le coa^.pléter par l'article de W. Schuttie sur Die Ammkroumui'^ 
tisci-fH Uj'!^ .V>frtm)n« IL 1^>S : pour ce qui concerne le pain niagique 
je me (^îraiets de renvoyer aussi à mon étude sur Le Pmm ^Alésia [Pro 
.4.^\z. IV<>7 et, pour lapplioation du principe du simniia similièus 
cunintur. i Tanalif^e donniÈe par R. de Gourmont de la Fkt^tognomicm 
du Napolitain J.-B. Porta R'tru'f J^i /i^rfs. Juin 1908) et avx cnrieux 
exemples d'hooioeopathie magique que je réunis dus une étade sor 

19l>8 . En méflie teoips que Touvri^ de M. Abc, il a paniaae aocvcUe 
è-iiticQ de rouvn^, qu il cite souvent d'irrès la première. d^'A. 
LeiiîiianQ. A>f\:^'M'-f '*•* : Z,:\b-rr^L Sc,;:l^art, 1908. 

A. J.RnxacaL 



Analyses et comptes rendus 277 

£. Vacandard. — L'Inquisition. Étude historique et critique sur 
le pouvoir coercitif de l'Eglise. — Paris, Bloud. 1907. Un vol. in-12 
de xix-340 pages. 

Mfff Douais. — Llnquisition. Ses origines sa procédure. Paris, 
Pion, 1906. Un vol. in-8«, de xi-336 pages. 

Lorsque parut le tome I®' de la traduction française de VHislory of 
the Inquisition in Middie Ages^ de H. G. Lea, M. G. Kurlh écrivait 
dans les Archives Belges (1901, p. 31), en conclusion à son compte- 
rendu du livre à son avis « injuste et passionné » de Thistorien améri- 
cain : « Quand nous donnera-t-on, sur l'histoire de llnquisition, le 
livre impartial que M. Lea croit avoir écrit? » L'on peut espérer que 
M. G. Kurth a maintenant rencontré le livre attendu : peu d'ouvrages 
témoignent d'un aussi courageux efifort d'impartialité que le livre de 
M. Tabbé Vacandard sur VInquisition. Par sa valeur intrinsèque et 
aussi par la haute idée qu'il donne des résultats que Ton peut attendre 
d'une importante école de savants catholiques, il se place auprès des 
Légendes hagiographiques du P. Delehaye, et l'on sait avec quelle 
unanimité d'admiration fut accueilli le beau livre boUandiste. 

Maintenant on peut et l'on doit se demander en quoi les conclusions 
de M. V. diffèrent par essence de celles auxquelles s'étaient arrêtés 
des historiens que M. Kurth récuse si délibérément. M. V. connaît mieux 
que personne la réputation bonne ou mauvaise, selon les camps, qui 
s'attache aux œuvres de M. H. G. Lea (History of the Inquisition in 
Middie Ages) et de M. Tanon [Histoire des tribunaux de VInquisition 
en France) : il sait que ces deux livres, le premier surtout qui s'étend le 
plus loin dans l'espace et le temps, dominent incontestablement la litté- 
rature du sujet. On attendait de lui un jugement sur l'un et sur l'autre. 
Dès l'avant-propos (pp. vii-viii) il s'explique en toute netteté : « On a 
pu dire sans exagération que le livre de Lea est c l'histoire de l'Inqui- 
quisition la plus étendue, la plus profonde et la plus fouillée que nous 
possédions » (la phrase est de M. P. Frédericq dans V Historiographie 
de l'Inquisition qu'il a placée en introduction à la traduction Reinach 
de Touvrage de Lea). Il s'en faut cependant que ce soit le dernier mot 
de la science. Et nous ne parlons pas ici des modifications de détail que 
Tétude des sources encore à découvrir peut apporter dans l'exposé du 
sujet. Les documents que nous connaissons suffisent pour fixer un juge- 
ment sur l'institution elle-même. Celui que M. Lea a prononcé malgré 

19 



278 HEVUE DE l'HISTOIFΠDES RELIGION^ 

des signes incontestables de probité intellectuelle, demeure sujet à 
caution. L*auteur est loyal, si Ton veut; impartial, non. On voit trop 
souvent transparaître sous sa plume les préjugés et les défiances qu*il 
nourrit à l'égard de l'Église catholique. Sa critique s'en trouTe parfois 
gravement faussée. » 

Nous sommes loin de souscrire à tous les termes de ce jugement : la 
loyauté du grand historien de Philadelphie nous semble hors de contes- 
tation : mais son impartialité peut être matière à longue discussion — 
et, en tout état de cause, nous remarquerons combien nous sommes 
déjà loin avec M. Vacandard de la brutale condamnation portée par 
M. Kurth. 

Le livre de M. Tanon est traité avec plus d'égards encore — et c'est 
selon nous pleine justice : c M. Tanon fait sûrement preuve d'une 
impartialité plus grande dans son Histoire des tribunaux de C Inquisi- 
tion France. Non seulement son érudition est de bon aloi, mais encore 
il a une compréhension généralement très saine de la législation ecclé- 
siastique. Le droit canon n'a pas pour lui plus de secrets que le droit 
civil. Toutefois nous devons observer que son horizon est borné. Il a 
délibéremment laissé de côté les faits qui se déroulent en dehors des 
limites de la France. Et, par ailleurs, les questions de théologie que 
soulève rétablissement de l'Inquisition ne l'intéressent le plus souvent 
qu'au point de vue du droit ». 

Des autres historiens de l'Inquisition, M. V. parle accessoirement. Le 
volume, systématique à l'excès, que DOllinger a placé en tète de son 
copieux et chaotique recueil de textes sur les sectes médiévales lui 
semble moins néglii^eable qu'on ne l'a dit. Les idées historiques de 
€ Jarius » sont plus évocatrices que vraiment critiques, mais il en rest* 
deux ou trois tentatives d'or^^^anisation des documents, et ces tentatires 
sont trop rares en hérésiologie du moyen âge pour être écartées sans mûr 
examen. 

M. V. met en bon lieu la contribution notable apportée par M^*" I>oua:i 
à l'histoire de l'Inquisition. Il reconnaît en lui « surtout un éditeur -i* 
documents > (p. xiii); on peut s'en rapporter à son érudition, sous d« 
réserves nécessaires au sujet de son édition de la Practica. C'est pea:- 
être faire bon marché du livre de Mtfr Douais sur les Albigeois {Les Al:-'^ 
geols, leurs origines, 1880; où, sur un sujet bien étroitement connexe i 
l'Inquisition, le tutur évèque de Beauvais s'était essayé à quelque syn- 
thèse , mais nous ne regrettons pas, pour notre part, cette omission ; ôj* 
ne peut que profiter au bon renom historique du savant prélat. 



I 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 279 

Nous nous sommes quelque peu attardé à cette bibliographie criti- 
que de ses prédécesseurs empruntée à M. Vacandard lui-même : elle 
constitue déjà un élément d*appréciation très significatif. M. V. dit 
bien qu*» au total, Thistoirë de l'Inquisition est encore à écrire », mais, 
outre que l'affirmation contraire nous étonnerait sous la plume d'un 
savant qui s'apprête à tenter une « étude historique et critique sur le 
pouvoir coercitif de l'Église », il apparaît bien que pour M. V. les tra- 
vaux antérieurs au sien représentent autre chose que des essais infor- 
mes ou radicalement viciés par l'esprit de parti : cela ressort assez d'une 
note qui fait suite aux lignes où il juge le livre de Lea : «c Par les 
emprunts que nous lui ferons et par les critiques de détail que nous lui 
adresserons, on verra, au cours de cette étude, le cas que nous faisons 
de cet ouvrage » (p. viii). 

Il était à prévoir que la position prise et si scrupuleusement gardée 
par M. V. — car il ne s'en est départi, disons-le tout de suite, en 
aucune page de son livre — surprît quelques-uns de ses lecteurs 
lorsque les différents chapitres de ce livre parurent dans la Revue du 
Clergé (janvier- mars-avril 1906). M«^ Douais qui venait de terminer 
son livre sur V Inquisition, ses origines^ sa 'procédure où, cessant d'être 
un éditeur de documents^ il formulait à son tour sa théorie sur la 
répression de l'hérésie au Moyen Age, écrivait quelques mois plus 
tard : « M. Vacandard a intitulé son travail : le Pouvoir coercitif de 
V Eglise et V Inquisition, prétendant ainsi mieux situer l'Inquisition. Il 
prend le sujet de très loin en effet ; de fait, il a vu beaucoup de textes : 
il les cite en grand nombre; ils peuvent faire quelque impression. Mais 
visiblement, après la lecture des deux ouvrages spéciaux de M, Tanon 
et de M, Lea, il est gêné et l'Inquisition lui cause quelque embarras. 
C est une impression toute personnelle. On craindra que plus d'une 
définition fondamentale manque à sa dissertation, car c'est une disser- 
tation plutôt qu'un exposé historique » (p. 143, n. 1). Nous avons sou- 
ligné le membre de phrase qui nous paraît renfermer le secret de ce 
jugement sévère : M. V. n'a-t-il pas subi l'attrait des conclusions ten- 
dancieuses des ouvrages spéciaux (Mét^ D. n'a-t-il pas voulu écrire spé- 
cieux) de MM. Tanon et Lea? Les autres critiques que Ms' D. adresse 
à M. V. sont presque toutes commandées par cette mise en suspicion 
initiale. 

Il est malaisé de dire si elle est justifiée en fait : les conclusions de 
M. y. ne diffèrent pas très sensiblement de celles auxquelles étaient 
arrivés MM. Lea et Tanon, surtout ce dernier. Mais le travail histo-^ 



iHO HKVUK I)K L^HLSTOIHE DES ÏÎELIGIONS 

rique ne suit pas forcément des voies différentes lorsque surtout il s'ap- 
plique à être loyalement objectif. M. V. rejette d'ailleurs résolument la 
doctrine de Lea en maints endroits, ex. : à propos du rôle des évéques 
et du pape dans la tragédie priscillianiste, p. 36, note ; à propos de son 
interprétation du bref de 1234 de Grégoire IX à Tarchevêque de Sens 
semblant justifier Teffusion du sang par l'Église, p. 159, note; sur l'in- 
terprétation encore d'un passage de saint Raymond de Penafort, p. 204, 
note, etc. De plus M. V. met par endroits quelque coquetterie à céder 
la parole à M. Lea pour témoigner à la fois de son impartialité et de 
celle de l'historien américain (p. 249, 281, 283, etc.). Les différences 
et les acquiescements intentionnels sont moins nombreux avec 
M. Tanon ; cela se comprend, étant donné le caractère même de 1 ou- 
vrage do l'éminent juriste français, ouvrage de rigoureuse critique 
textuelle où la part d'hypothèse ou de système est aussi restreinte que 
possible. 

Mais, avec Tun ou l'autre, il est indéniable que M. V. a de nombreux 
points communs dans sa manière d'exposer les origines de l'Inquisi- 
tion : développement de la jurisprudence ecclésiastique en matière 
d'hérésie; intluenoe delà législation impériale au moment de la renais- 
sance dos hérésies maniohéeanes du Moyen Age: influence du droit 
cauoniv|ue et renaissance du droit romain^ et entin établissement de 
rinquisition monastique au temps de Grégoire IX et de Frédéric II. 
Uien en tout cela qui sente ia .v dissertation comme dira M. Douais. 
tvHiî y api\ir.-.î', au o.^iitiuire c.MUî.ie un . exposé historique • très voisin 
vio oe'.:\ lio lanon. lio 1 i.îver el ^.ie Ju'.icl. navet: les faits n'y son: ni 
plus ui nu^ius systeiuiV.scs q-ie .ihe;: ces exjc.^iits historiens de Téu- 
bliscieino::: vie 1 1. :.r.s::.o:: M V. i:\-v Aiice ^uà coup sur. nioière ies 
vVUv'lus or.s .::s ur.s e: .ies au:. es. sur::.;î -:"air::: :u2^1stra!emen: '.es 
va : .\ r s e : . le '.a ' : . ; : : . e e : 1 a : r.- 1 q\. r r : : . es : .i s t: : UtS e: suriôut en* n 
la::;;:: r;..:>^:.e :r Vr^^lsr e: Jr. e ^r . jî^i: nieiirvii. Q^-e.ques 
r:-:r;i>^s ie 'a >r'; : ir / i: ::v :i:u5 :j^::::->r-: l'ipr:>r::i:::- synii-rc: :ue 
,:e s A :5 c \ : : Sv < : =. . . r . a y : e .v. r : r : ■ : :: r :\^r : : r ir>:r . r :: vr de se ^ 
l:^r-^ I \ <<..': i z\:} .vs :..:-:^:^.f-.s f: 1rs j^djuisCcs " xirn: -zi 

a ;>< >::.:' f":rs .a; f< rir.;:rlrf : .. .5 :_: s: -s rs yrcs r ir>l > ; 



. :>^ : 1I.X rXir-T^z^'-es 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 281 

et rÉtat, à son tour, pressait la papauté d'approuver ces violences maté- 
rielles qui avaient inspiré àTÉglise naissante une si vive répugnance » 
{p. 261). 

Avec des dififérences d'appréciation relativement à leur intensité, 
c'est bien cette action et cette réaction des deux pouvoirs que nous 
avaient montrées les précédents historiens de l'Inquisition, Lea, Tanon, 
Julien Havet — et c'est apparemment cette absence de thèse personnelle 
que reproche W^ D. au livre de M. Yacandard. — Mais alors il est 
plus que singulier de voir Mf' D. traiter ce livre de « dissertation » 
lorsque le type même du traité ad probandum nous est fourni par la 
première partie tout au moins du volume émané de Tévèché de Beau- 
vais; traité auquel d'ailleurs Ton ne saurait refuser Téloge d'élre un 
des plus courageux qu'ait animés un esprit apologétique : M»' D. met 
au compte de l'Église toute Tinstitution^des tribunaux inquisitoriaux. 
Nous ne saurions nous plaindre de la netteté de ses conclusions : n'a-t- 
on pas abusé quelque peu de l'explication par les conditions morales 
de l'époque — thèse à laquelle MM. Lea et Langlois ont donné sa 
forme la plus brillante — par l'évolution des idées ecclésiastiques sur 
la répression, l'influence de la législation séculière (Tanon et Yacan- 
dard) ? M" Douais repousse ce déterminisme qui a l'air d'une excuse à 
une institution qu'il juge n'en avoir pas besoin. Pas davantage il n'ac- 
cepte la théorie de V « œuvre de salut public » nécessaire accomplie 
par l'Inquisition contre les hérésies anti -sociales, théorie spécieuse 
entre toutes, que, parmi beaucoup d'autres MM. Kaltner et Menendez 
y Pelayo ont soutenue avec passion, et aussi, plus près de nous, M. Jean 
Guiraud avec d'incontestables habiletés d'argumentation historique ^ 
Pour M*' Douais, ce n'est ni à un moment nécessaire de la pensée in- 
terne de l'Église, nia un moment deparoxysme hétérodoxe qu'est appa- 
rue ou que s'est préparée rinquisition^ Â une heure qu'elle a jugée être 
son heure, la papauté a donné au monde chrétien le bienfait d'une juri- 
diction et d'une jurisprudence à la fois d'exception et permanente desti- 
née à protéger chaque croyant contre lui-même et contre les autres, contre 
les périls du forum conscientias et ceux de l'arbitraire séculier. L'his- 
toire de l'Inquisition, surtout de ses origines, se réduit à n'être qu'un 
simple chapitre des rapports de la Papauté et de l'Empire. Si la papauté 



1) Nous regrettons que M. V. ait cru devoir s'arrêter un instant (p. 307) à 
ce paradoxe dont M. Molinier a fait depuis longtemps justice (Rev. Histor,, 
1884, p. 412). 



282 REvrE 1>E L'nisToiBE des religions 

a établi rinquisileur, juge déléf^ué perpétuel, c'est, après les édilB è% 
Frédéric II contre Thérésie, pour écarter l'empereur du domaine doc- 
trinal. Simple réaction du pouvoir religieux contre le pouvoir laïque; 
rupture de FuDion d«s deux glaives qui, eo 1184, à Vérooe, paraissait 
a^étre constituée avec une inébranlable , solidité sur le point précis de U 
défense de Torthodoxie, 

On £6nt ce que celte conatruction théorique a de séduisant, de Ucih 
et aussi de commode. LlC^^^lise était* dans sa vie doctrinale^ en état de 
légitime défense; elle méritait la reconnaissance des fidèles en les déro- 
bant au3C eS^etsmal réglés des lois de proscription édictées à inter^^iUe^ 
irréguliers par l'empereur ou les autres pouvoirs laîqae«^. Reste à eipli- 
quer Ta collaboration indéniable de 1 Inquisition et du bras séculier: 
« Dans Tunité chrétien ne, le bras séculier, répond M^ Douai^ en une 
formule quelque peu déconcertante, remplissait rotîice d'évêque da 
dehors f ; Tempereur avait qualité et compétence pour édicler une 
pénalité; toute compétence devait lui être au contraire retirée lorsquil 
^'agissait de doctrine. 

Les faits antérieurs au pontificat de Gr^oire IX s organisent peut- 
être moins aisément que ne le dit M^ D* à 1 appui de cette thèse ; 
t L'Église devait à rbérélique protection légitime, c'est-à-dire qu'dle 
avait Tobligation de le soustraire aui violences auxquelles il était ei- 
posé* Nous savons quelles étaient ces violences : c'étaient, d'tme part, 
des actes de sauvagerie d'une population ameutée, d^autue part la cùh- 
iîscaîton arbitraire de ses biens que le juge séculier, au servioe d un 
maître exigeant, prononçait à la hâte, après avoir avec non ommus de 
précipitation rendu une sentence d'hérésie » (pp. lfô-143). A supposer 
que nous sachions bien exactement quelles étaient ces Tiolences qui 
ne nous sont connues que par des clercs, assez natureUemeiit portés 
à en charger la foule anonyme, ^aient-^lles seDsiblemeut plus meur- 
trières que l'exercice « régulier » des pouvoirs du juge délégué — 
même en ne rendant pas l'Inquisition responsable des crises de meurtre 
d'un Robert le Rougre ou d'un Conrad de Marbouig? Au ocMupte de 
la foule pu même du pouvoir laïque, entre 1022, date du supfdîoe des 
hérétiques d'Orléans, et 1231, date du Statut de Rome (où pour Im pre- 
mière fois il est question des inquisiteurs dans le sens qu^aura désor- 
mais ce mot), il faut mettre une quinzaine d'exécutions tumultusires, 
parmi lesquelles deux ou trois (Vezelay, 1167; AmaurÎGWBS à Paris, 
1309; Resançon, 1222, etc.) sont imputables à la foule en fait, mais 
impliquent de la part du clergé une faiblesse qui ressenable fort 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 283 

à un acquiescement. Quant aux confiscations, leur réglementation par 
la jurisprudence inquisitoriale ne saurait représenter un avantage ou 
une garantie quelconque pour les hérétiques. L'Église a repris presque 
toutes les dispositions de la loi romaine relativement à la confiscation ; 
la bulle Ad extirpanda ne montre de désintéressement qu' « en consa- 
crant tout le butin de la spoliation à l'encouragement des persécutions 
ultérieures > (Lea, I, 510). Certaines dispositions, comme la division 
tripartite des biens des condamnés édictée par Innocent IV (une part à 
la ville où était prononcée la condamnation, une part pour les officiers 
laïques du lieu, une part pour les besoins de TOffice) dépouillaient plus 
sûrement encore le condamné que n'aurait pu le faire une confiscation 
unique. 

Nous n'entreprendrons pas ici une étude sur le détail des faits énon- 
cés par MM. Vacandard et Douais dans les chapitres où ils étudient la 
procédure inquisitoriale : la caractéristique de Tun et de Fautre de ces 
livres est surtout dans la méthode initiale de leurs auteurs. 

P. Alphandéry. 



Pierre Arminjon. — L'enseignement, la doctrine et la vie 
dans les universités musulmanes d'Egypte. 1 vol. 
in-S*» de 294 pages. — Paris, Alcan, 1907. 

c Les sciences fiorissaient jadis, dans les premiers temps de Tlslâm, 
disait Ibn Khaldoun, à Bagdad, à Cordoue, à Kairouan, à Basra, à Koufa, 
lorsque ces villes jouissaient d'une prospérité aussi brillante qu'éphé- 
mère; elles ne sont plus de nos jours cultivées que dans la ville du Caire. 
Les arts — et l'enseignement en est un, — ont pris en Egypte un grand 
développement, une assiette inébranlable, parce que la richesse et la 
civilisation de ce pays, datant de plusieurs milliers d'années, sont 
presque indestructibles. » Aujourd'hui encore, la grande université de 
rislâm n'est ni à Fez, ni à la Mecque, mais au Caire où la mosquée 
d'El- Azhar, y compris ses annexes, réunit plus de quinze mille étudiants 
venus de tous les points du monde islamique. M. Arminjon, professeur 
à TEcole khédiviale de droit du Caire, a entrepris de décrire ce milieu 
scolaire dans le passé et dans le présent, d^étudier sa constitution, ses 
lois et ses usages, d'exposer sa doctrine. 

Il y a pleinement réussi dans un livre agréable à lire et sérieusement 
documenté. El-Azhar fut fondée au x® siècle de notre ère par les Fatimites 



tH\ nevuE de l'histoire des religions 

qui s'afforoèrant d'organiier un enseigiiement puissant i apposera km 
•dvsrMiraf sunnitts. A la chute de la dynastie chiite. In câtim mot- 
quës mibit uneéclipae d'un siècle. Puis elle revint anx sanniteB. 

I^ doctrine islamique est restée à un stade très élémentnire, celui ds 
notre moyen âge, où toute science repose sur la parole sacréNS. Le Gona 
est la base de Tenseisnement. Ce n'est que récemment, ea I8869 que 
des cours furent institués au Caire sur des sciences négligéee jusque-tt, 
notamment les mathématiques, la géographie, l'histmre et encore sont- 
Ils restés llicultatih, n^étant pas sanctionnés par nn examen et étant pro- 
fisses dans des mosquées voisines par un personnd recruté en ddiors 
des professeurs d*El-Aihar. Et quand des réfcnrmes forent plus léoem- 
ment tentées» il fût déclaré par le khédive (1905) qn*EI-Axliar ssnît 
maintenue dans le réle qui lai était dévolu par la tradition, de eonaor- 
vatoire de la doctrine islamique. 

L'enseignement est divisé en deux cycles. Le prauer est r<— icii 
anx sei^cee préparatoires ou instnimentalen : grammaire» étyniûbgie» 
les tn>is parties de la rhétorique, la logîqne. b critiqoe des tnditieni 
(hwfllA). auxquelles on ijoute^ depuis IS», rarith»Mqf, rnlgèhre, la 
xenificalion et la métrique. Le second cycle 
tttal«e : théologie^ morale religieuse» droit* 
tiMtuuique^ tradition on W^fifA* La durée dei 
gve JW Jλ MKmi eel de doute i quinie ans^ Ces 
Wur carectiNw ps^eir et aMchinal. « Entîîiisiii ^■adaamée à 
itt4^ufes.t$s rvcuArque M. Armmjwvcu ceux qui s> litrenl se hnsmgnf à snitre 
àx'i^^cwtiMLt iiei» cours dia$ tou:«» W» sciR*aoss finales et acoessoùes. à 
mME^^^r W«$ com:s>M:U:rets sur lesq^aeis »?ctefit las cxpGatioBs en pro- 
(iicîs^^^ir. «f<t W re^^e«a:. lu^xat f m scrssibLe. pu* euenr. La 
li;^^ u^t^ ;T^ftj^*ix* 1 vLctUbf p«'^-« j X ni;<ca:3isaunc tst i I 
Li^ *^Hi:aLU«i{^ 9c«tr r^^ctsier .*is «MLseqpneuxi».: lo/L en 

«ut^jr^ .^«ttw^;«w<tiim; $ci«52r:i4itf :;< ^cicirie. S^ icoifire dbmnsr. ^cst 
^NL^Vi-ti» i<ti ^"^ ^ !a jji.*^n:^erï* x^^Ti^^^rg ^y^^Ctfoot* rAaifeitf^air *m inrf-ir 

c^Mutm ^"^ tii «? ra:> *à«ï-: ïlMî? pvu;: Ti.iigre :a:3iu 

^M .\,**Ut«s. J'i^a 4»S5* :i^»" ir : ir ;«* '»ri> *i mis jt^ Tfte l'SI-r: 

>^ \ it i\ii-i..* tft^ i.'*;;;:ïs . .r.^i.^ s^ ..t ... '. JF^ftaisdeuis . 

5. 1. 





ANALYSES ET COMPTES RENDUS 285 



Rudolf Eucken. — Hauptprobleme der Religionsphiloso- 
phie der Gegenvrart, 2<> édition. Un vol. in-S^" de 120 pages. 
— Berlin, Reuther et Reichard. 1907. M. 1,50. 

Les problèmes que Tillustre professeur d'iéna veut élucider dans ce 
substantiel petit volume sont : le fondement spirituel de la religion, 
les rapports de l'histoire et de la religion, enfin Tessence du christia- 
nisme. Ces trois questions ne sont pas ici envisagées séparément et 
comme se suffisant à elles-mêmes ; elles sont plutôt les trois étapes 
d'une pensée qui va se précisant, et procédant du général au particulier. 

On sait en effet que le point capital de la pensée du philosophe est 
la distinction à établir entre le monde de la nature et le monde de 
Tesprit. Les manifestations de la vie spirituelle de l'humanité ne sont 
pas des faits sporadiques, elles forment un tout coordonné, on pourrait 
presque dire « une nature », s*il n'était par trop paradoxal d'emprunter 
cette expression au domaine le plus opposé qui se puisse voir à celui 
qu'il s'agit de caractériser. Il y a i/n monde de L'esprit^ superposé, et 
souvent opposé, à celui de la nature. Ce monde n'est pas le fruit de la 
civilisation, car sans lui il n'y aurait pas de civilisation, il n'y aurait ni 
vrai, ni bien, ni aucune notion dans laquelle toute l'humanité puisse se 
rencontrer. Il n'est pas non plus le fruit de la réflexion personnelle, 
car il est la condition même de toute pensée humaine. 

Si donc nous voulons trouver un fondement à la religion, il ne faut 
le chercher ni dans le monde de la nature, car il doit être d'ordre spiri- 
tuel, ni dans les besoins de l'individu^ car il doit avoir un caractère 
universel (Weltcharakter). Mais précisément l'existence d'un monde de 
l'Esprit nous permet de trouver en nous quelque chose qui nous dépasse 
et atteste l'existence de ce monde supérieur qui est indispensable à la 
religion. Il y a donc en nous quelque chose qui nous permet de sortir 
de nous-mêmes, et il suffit pour le trouver de savoir en nous distinguer 
ce qui est humain au sens restrictif de ce terme (le kleinmenschlich), 
et ce qui est plus qu'humain (le mehralsmenschlich). 

Telle est la substance du premier article. On voit comment le philo- 
sophe s'élève à la fois au dessus des religions de la nature et des reli- 
gions du sentiment, et comment — à l'exemple de Kant — il supprime 
ainsi un grand nombre de problèmes qui étaient insolubles parce que 
mal posés. Il sort des phiiosophies religieuses qui prétendent n'être que 



286 " KEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

des psychologies, et affirme hardiment les droits de la métaph^fsiqTie, 
mais d'une métaphysique rajeunie et renouvelée. 

Le second essai, sur les rapports de la religion et de Thistoire est une 
application spéciale de ces principes. — L'histoire a transformé depuis 
un siècle notre vie intellectuelle en y introduisant la notion du devenir. 
Mais aucun domaine n'a été plus profondément bouleversé que celui de 
la religion, puisqu'ici on afûrmait jadis l'existence d'un ensemble de faits 
échappant complètement au devenir, et introduits en quelque sorte de 
vive force dans l'histoire, pour y rester comme le terme désormais im- 
muable de tout développement. Une telle façon de voir est purement et 
simplement incompatible avec la mentalité créée par les études histo- 
riques. 

Pour les religions historiques, le problème est plus grave encore. On 
a scruté leurs origines, et lors même qu'on aurait confirmé Tautorité de 
leurs documents, ceux-ci n'auraient plus la même action spontanée sor 
les âmes qu'au temps où on les considérait comme infaillibles a priori. 
Elles prétendaient jadis dominer l'histoire, et c'est aujourd'hui l'histoire 
qui les entraîne. 

Comment sortir de cette impasse? — En prenant une conscience plus 
nette du sens et de la portée de l'histoire. La réalité de l'histoire n'est 
pas tout entière dans l'universelle fluidité des choses; à côté de ce qui 
passe, il y a ce qui demeure ; à côté, ou plutôt au fond et au-dessus de 
l'histoire t naturelle », il y a l'histoire « humaine », la civilisation qui 
se crée, le monde de l'esprit qui s'édiûe ou se révèle Tout n'est donc 
pas emporté, et il peut y avoir quelque chose de légitime dans le regard 
en arrière que la religion nous demande; il y a des personnalités, des 
époques, qui créent assez de réalités durables parce que spirituelles, 
pour que des époques postérieures les puissent considérer comme supé- 
rieures, et se proposent comme but un état qui n'est pas nécessaire- 
ment dépassé parce qu'il est antérieur. Ici encore c'est l'existence d'un 
monde de l'esprit qui nous fournit la solution du problème : il y a de 
l'éternel dans l'histoire, puisqu'il y a le monde de l'esprit qui se 
crée. 

Cette belle étude où la discussion est magistralement conduite, donne 
une solution satisfaisante à la question générale posée par la marche de 
la pensée moderne; mais il nous sera bien permis de remarquer qu'elle 
ne répond aucunement à la question posée pour chaque religion en par- 
ticulier par les travaux de la critique historique. Gomment le christia- 
nisme en particulier arrivera-t-il A compenser l'action de la critique en- 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 287 

levant au contact religieux avec les origines sa saveur intuitive et 
directe? Fauteur ne nous le dit pas. 

Cette lacune n'est pas comblée par l'étude sur Tessence du Christia- 
nisme, qui se meut dans un ordre d'idées assez différent, bien que dans 
les limites du même horizon. — Uauteur divise les religions en deux 
groupes : religions de la loi, et religions du salut. Parmi ces dernières, 
qui ne se contentent pas d'une amélioration progressive du monde, 
mais réclament une transformation radicale, les unes veulent anéantir 
le monde, comme les religions de llnde, les autres ne veulent faire 
disparaître que Tétat actuel du monde, considéré comme mauvais. La 
religion chrétienne suppose donc, non un monde à détruire, mais plu- 
tôt un monde à créer, et de là lui vient ce caractère héroïque, qui la 
distingue de toutes les autres religions. Elle vaut non par les détails, 
que Ton peut retrouver ailleurs, mais en tant que synthèse, et elle a 
affirmé sa maîtrise, précisément par la contribution énorme qu'elle a 
apportée à la constitution du monde de Tesprit ? Elle se montre capable 
d'influer sur tous les milieux et dans tous les temps. Il faut la prendre 
d'ailleurs dans toute son ampleur, et non la ramener pédantesquement 
à la formule de ses origines, ce qui serait en faire une secte au lieu et 
place d'une religion. 

En lisant ces lignes, nous ne pouvions nous empêcher de songer aux 
* pages si différentes, et pourtant si proches à plus d'un point de vue, que 
Harnack consacrait au même sujet. Plus d'une pensée commune nous 
frappait, par exemple la mise en lumière de la valeur du Christianisme 
comme ensemble, ou l'impossibilité de l'enfermer dans sa formule pri- 
mitive. Et cependant nous ne pouvions nous défaire de cette impres- 
sion que le philosophe devait trouver parfois l'historien un peu sim- 
pliste, et qu'il ne souscrirait pas à son analyse. 

Quoi qu'il en soit, la synthèse tentée par Eucken mérite d'attirer 
l'attention de tous ceux qui s'intéressent au problème de la religion. 
La relier ainsi à tout le mouvement de la pensée et de la vie humaine, 
en faire la fleur suprême de la vie de l'esprit, c'est lui assigner unis 
tâche digne d'elle, et lui réserver un avenir digne de son grand passé. 

A.-N. B. 



NOnCKS BIBUOGRiPHIQnES 





JÉisr ftacBàu. — BHii wmw 1» C»* ^ ^ 

WÊxm 'i» ÉbÊénjmim$y. waiû 1908). -~ ftni C ] 

iSI-9iOL— Uvmkngnoi» dtlaBUi. 

« ms k eoouMfioMftnl «hi s* âèdect 

aote èr» »« Elle «t hi icnadmwHBeaftdtîawvf tt aawl 

éy»«iH hiatoÎR é» la laorne greof» aflant (TBoBèra ài 

qiLM Fran»» k Scpcante aétâswtiMl «cafiée wm poiat dt va 

$Um i\ eu fort ptia ea taoL ^m texte grae : 

■iHb tfc «Biçkb r«flipQrtiait d» lU MPaup sor ks ndtcw^ i 

k«a nstreîat^ M. P. poee «a fiut qw le texte d» k S« 

antot Uiigaîstîi{iti» ée ite a nr ^1 k kaièrv du j 

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y «! qtt » H one kiu:Q# nvaoce. « Cot m ^mtk an. 1 

k» hébcûsaKSi. k 5e{iiaate <& ihr as 

ft«sl p» aae zrsàucàott «rvâe; autre pvt» 

Stptante iM peuvent Are «xsûra» qoe per .e $rae i 

tfaèeee «km SMtùmi racueur : 1* coascoitîim do. tad» dk ki 

^ aebruemes i <ecar.'^. 3* hébnîsmes i :?cooxailre. il ï'«it dTi 

/do*^*e i:i^:a^:><*. 3. ir^ a scrcactf i^esi^iii-ie. Comme awirioiBan : le isce 

jT^^eo :«» •& >i'DCa3ie viue locs ?osse^:o::< rrpcae sir on aase Trrçiiiai iiÀrcK 

i:i^n«ai .:e ^.a- :ue« iecais itï< s^rses. 'm sonsdère -^owse > :ez:e 

aeor!*a Aaue'.!::q.ie ie a i?*b.e. va leiiciian ^ savam aueu' ît T^mamsi^ 

F. JLicLsaL 




te» saactacnts amacritt ec pàiEis. Ja ^ra^^^nie jih?* ^n ^sbb 




NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 289 

indo-chinois et malayo-polynésien avec l'introduction et les concordances. Ce 
travail parfaitement exact permettra de consulter aisément des collections 
curieuses, trop longtemps délaissées et si intéressantes pour l'histoire des 
religions. 

R. DUSSAUD. 

E. Kautzscii. — Die Heilige Schrift des Alten Testaments. 

3* édition complètement remaniée, en cours de publication. — Tubingue, 
J. C. B. Mohr. ■— Nous annonçons simplement ici, nous proposant d'y revenir 
à loisir, la publication en livraisons grand in-8« de quatre feuilles, au prix de 
80 pf., d'une troisième édition entièrement refondue de l'excellente traduction 
de la Bible dont on est redevable à M. E. Kautzsch et à ses collaborateurs. On 
appréciera tout particulièrement le commentaire sobre et précis ainsi que les 
notes qui orientent la critique textuelle. Les livraisons, dont trois ont paru, 
s'espacent de cinq en cinq semaines et la fin de l'œuvre est envisagée pour le 
début de 1910. 

R. D. 

Ad. Harnack. — Sprûohe und Reden Jesu. Die zweitd Quelle 
des Matthâus und Lukas {Beitràge zur Einleitung in das Neue Testament, 
II Heft.). Leipzig, Hinrichs, 1905, 1 vol. in-8 de 220 pages. — Nous avons indi- 
qué ici mdme, en étudiant la nouvelle phase du problème synoptique \ quelle 
place revient dans les études relatives aux évangiles à l'étude que M. Harnack 
a consacrée à la source des Discours. Le savant critique de Berlin s'efforce de 
reconstituer le texte des Logia, il suit en général les leçons de Matthieu, plutôt 
que celles de Luc. Il soutient, contre M. Wellhausen, l'indépendance de la 
source à l'égard de Marc. — Les Discours ne sont ni un évangile, ni une 
histoire complète de Jésus, c'est un résumé de son enseignement dans lequel 
la messianité n'apparatt qu'au second plan et où il n'est pas question de la 
passion. Malgré cela, M. Harnack attribue aux Logia une origine apostolique. 

Maurice Goguel. 

S. R. Driver et W. Sanday. — Christianity and othar Religions. 

Three short sermons, — Loncjres, Longmans, Green and G°, 1908; un vol. in-12 
de 47 pages. — MM. Driver et W. Sanday ont bien voulu nous adresser un 
élégant volume contenant trois sermons prononcés par eux, en leur qualité de 
chanoines de Christ Church, dans les semaines qui ont précédé le troisième 
Congrès d'Histoire des Religions. MM. D. et S. ont ensuite pris aux travaux 
du Congrès une part distinguée et purement scientifique. Cette double activité 
mérite d'être signalée, elle caractérise en un sens ce Congrès d'Oxford oii 
tout fut « in the right place ». Qu'ils le voulussent ou non, les précédents 

1) Bévue, nov.-déc. 1905. 



iî)0 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Congrès avaient inscrit à leurs proj^rammes un certain nombre de traraTix oa 
Thistoire des religions n'apparaissait que comme ancUia theologiae : à Oxford, 
c'est dans la chaire de la cathédrale qu'a été pronoDcé ce préambuie éd:fîint 
du Congrès scientifique tout proche. 

P. ÂLPHA!CDÉRT. 

0. Pflbidbrbr. — Die Entstehong des Christentmiis. 2« éd. — 

Munich, Lehmanns, 1907. 1 vul. in-8o de 255 p., prix : 4 mks. — Id. — Die 
Entwickelung des Ghristentams. — Munich, Lebmaons. i99T. 1 to.. 
in-8», de 230 p., prix : k mks. — Dans les derniers mois de la vie de 0. Pîl«- 
derer parurent, en même temps ou presque, la deuxième édition d^ hit 
Entsiehung des Christ^niums et la première de Die EtUwickeluRg itf C^i- 
tentums. Nous n'analyserons pis ici ces deux ourrages oà se reirooTe sous 
sa forme la plus condensée la pensée d'O. Pfleiderer et soq système pbio- 
sophique plus encore que sa méthode I!s reflètent ses puissantes qn&lites 
et ses menus défauts, les uns et les autres ^ossis encore par Peâfet d'oTie 
sysîematisation con:inue des données r: storques. Noos nous bornerons i 
ind:quer les divisL^ns <:e ces deux livres : Die EnUtihung ies €hri*Unîu^< 
ec^mpivaJ en ses 255 ps^res : I::tr>iuMÎ03. — I. Préparation et bases iû 
chrs;.a::!S2îe. — Pré^araiioa da chris'.-aaisxe daiis la ph:!o5*jphie crec-Tne. — 
La p*^* osophie jjdè-> .rrecqje fe Philoa — Pre-paniioTî du «iristianisxne dans le 
judrlsuie.— Jésus. — La co:rz:u"a!i:é ^ess aniiie. — H. Le déTek^ppeaient da 
pr?r. er chr <::!::• 5n:e '-siu'i l'Eflise. — L'ir-Mre Paal. — Les trois plus 
a:ic;fr.s eTir.4r. es. — Le :i::^jTe3e-: -r:::?:::-* — L"Enniî5e seJoa S. Jean. — 
OHÀT.-es ie 'Â-'.:r.:ê r-.v è>:isv:ie. — r«;f E\'K\tiilM!^]i iU-< Chriitentums 
,"i;< :rc"irS à- ;e rrs V *- f f~*. I "".r: ' j*". :z.. — La ■!eT*l:zi«T^e*r.î -iz frh'^stia- 



• VV-.Ti TLlL.i J?r.»- 



*'^ . * .S- ^ t «" — rxs 3<^*TxLir.zjil ia e?c*ssea abeail jiiis- 

'- r :-:..•-?■;> i.'..* nf iu'-Z-H't I T> * ifj ic..ieî 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 291 

les plus complètes de la pensée religieuse au xv« siècle. Nous voulons croire 
notamment que les érudits français n'en ignorent pas les §§ 3 de la 1" partie 
et 2 de la II" où est exposée la genèse de la théorie conciliaire dans l'Univer- 
sité de Paris. M. Valois avait surtout écrit l'histoire politique du grand schisme. 
M. B. suit, pas à pas, le processus théologique de cette idée de concile géné- 
ral qui, pour l'histoire des doctrines, constitue le principal intérêt du xiv« siècle 
finissant et des cinquante premières années du xv«. Il en montre surtout 
l'aboutissement logique dans le corps d'idées apporté par les cardinaux au 
concile de Pise. Outre l'intéressant traité canonique sur le concile découvert 
par M. B. à Stein en Styrie, le livre de M. B. utilise en une documenta- 
tion presque continue les dissertations inédites des théoriciens de « l'ère conci- 
liaire ». 

P. A. 

Bréhier. — L'Église at l'Orient au Moyen-Age. Les Croisades. 

— Paris. V. Lecoffre (Gabalda), 1907. 1 vol. in-i2 de xiii et 377 p. — M. B. 
nous a donné dans ce volume d'une bibliothèque pédagogique non pas un im- 
personnel mémento mais une très substantielle et très originale histoire des 
rapports entre l'Église — ou mieux entre TOccident tout entier — et l'Orient 
au Moyen-Age. C'est surtout l'histoire politique des Croisades et de l'idée de 
Croisade. Les spécialistes eux-mêmes utiliseront cet ouvrage, car l'apparatus 
critique en est très riche et d'une extrême sûreté de composition. Plusieurs v 
chapitres organisent les faits acquis d'une façon toute nouvelle : en particulier 
les trois premiers (Rapports religieux entre l'Orient et l'Occident avant l'inva- 
sion persane. — La destruction de l'Orient chrétien et le protectorat franc en 
Terre Sainte. — Le protectorat byzantin et l'invasion des Turcs origine des croi- 
sades); le chap. vin (La lutte de la papauté et de l'Empire en Orient); les 
chap. X et xi (La période des théoriciens et des missionnaires (1291-1342). — 
Les dernières croisades). — La place qu'a tenue la préoccupation de la Croi- 
sade dans la politique générale des États médiévaux y est montrée dans une 
mesure qui ne paraîtra exagérée qu'à un observateur superficiel. Le rôle aussi 
des missions chrétiennes ressort parfaitement de l'exposé de M. Bréhier. 

P. A. 

C. T. Winchester. — The Life of John Wesley. — New- York, Mac- 
millan, 1906, 1 vol. in-8 de xui-301 p. — La bibliographie de John Wesley ne 
peut qu'être abondante. Pourtant Clarkei Watson, Moore pour le passé, Stevens, 
Lelièvre, Overton, Telford plus près de nous ont raconté Thistoire du fondateur 
du méthodisme avec de simples différences dans le degré d'enthousiasme, mais 
avec une documentation faiblement différenciée d'un volume à l'autre. Comme 
le fait observer M. W., tous ont écrit « en méthodistes pour des méthodistes » 
et Robert Southey dont la « Vie de Shelley » échappe à cette critique, s'est trop 
fait en l'écrivant l'avocat de l'orthodoxie anglicane pour qu'on lui attribue le 



Î9Î tIEVUK t)E L^HIStOIRE DBS tlELlGIONS 

mérite de quelque objectivité. M. Winchester, qui est pourtaot profeaeu 4» 
littérature anglaise à la « Weslejan Ui)i?er8ity j» pense 8*ôtre i 
dégagé de ses préférences doctrinales au point de ne plus considérer i 
Weiley comme un réformateur de la piété anglo-saxonne, mais 
tout humain dont il veut retracer la vie et Finfluenee soôale, potitique, péda- 
gogique sur son temps et les temps qui ont suivi. Vaste projet doet on ss 
saurait dire^u*il ait été tout entier réalisé : les quelques pages o& Wedejeit 
Jugé comme « héros » sont assez timides et vagues. Noos saurons pins de gré 
à M. W. du choix judicieux de sa documentation : pour les laits de U TÎe reli- 
gieuse et publique de Wesley, il a puisé — et il n'eftt pa ftûro «ntreoieDl qas 
de puiser — dans Ténorme amas de textes fournis par M. Tjerman sur Ssmsd 
et Johu Wesley ; pour tracer lin portrait de Wesley liomme privée honBede 
fimille et « gentleman », M. W. a utilisé de fiiçon neave et dWeete le Joerssl 
et la correspondance du réformateur. 

P. A. 




R« Hauss). -> Joluuam Lor^M Moskeim. Eim Beiirmg 
«cAioAl» tle$ mhtz^kmten JakrkumJerîs^ ~ Tûbingen. Mehr (P. 
\ voL in^ de iy*236 p. — Excellente biographie de eefaâ qn 
toadaliHir de Pbistoire ecclésiastique critique. M. Heeasi n'a pas 
i^er une ^tude approfondie de la méthode de Moeheiia. De soa 
tt^iie il ne décrit que les cadres : il note raputeasat les « 
plue !)k«)udiîs de Moelietai : rimportanee donaée à 
aatiquee dans b eoastitalioa de la litorxie chrétîeaBe, ks i 
expliquée par les cœaio^^KÙes ecteotales^ le savstieisae de fj^fiae dTOneett 
eavi^j^i^ i^u^ $ei^ npcoris ar^* Lm coaiitîoiis ciimatériqoes dn pays où il 
$e i^vtfivvpe^ ew.» SJia^ comt.''Cer un imrn'faae travail d'êmoada^. SL H. a 
$^»uiuixiv.ueïit irKi.'^ur' iu$Si ri<? MvTshebi a coo^citae rbaSTosoLOoie ni'itienie. 
Noui^ i-ir*vM* vv.Mla vjue sur ov* ?o a: M. H. l'ÎL resaorur L'û&têr^ «ie ce iTre- 
tyi.v, iv ."iy/ia-ii^ jv îfcy.4.•/t^"^l^i. ;jdni À L«îipc*r ea ITGO a •laL. jnaqu i !a 
'.'UsMCdtv.» -e /.'rù-iji.-v :t> C^i'ir^< • ie Sv-MHidi l>iè-4&\ resta oamme ie 
ais.Mo.e \iu'^x.:- *e> ;..-i'ies 5u.* ■'< sectes il Mo;en-A^. Xosàeim n'^an.: 
^vt* il 'tou^eaaûy :fc .".^iMiie :e sou ii^Qn : in. ITil ii dérivait i Eeumaan : 
» Si.viï? a.:\*ju> -jietdji îti^aiiru u ass« iiiiiac aistoram ^seciesaalicaai : nioe. 
:)4 f><dv.vi, 'to;!^ ta làu-.u iiiii^er*:} '-*'.stor.ain -ictiiesiiiâccaun ma «iicaiii iiosaQi et 
ï^d^ii. $^ Ui-Kjai Xîi'M-^iîiieai. Je neuio iev»j aiini aihac ffxraf . inod. -nsL 

?. ^ 



A'ui 1 >•■*. .t' Vi. < * X .:vu*- :. :^ - ^ -a :-> :ue:auiîa .iïÇ»B ïœ :xous 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 293 

empruntons aux considérations liminales : « Deux ennemis sont à combattre, 
le cléricalisme et le matérialisme. Il faut que la France soit délivrée du joug 
de Rome; il faut, aux idées matérialistes et athées, opposer la libre pensée 
spiritualiste. C'est pour apporter notre modeste concours à cette double tâche 
que, en janvier 1907, au lendemain du refus par le pape Pie X de laisser orga- 
niser en France les associations cultuelles, nous avons décidé d'écrire ce livre » 
(p. vi), lequel livre conclut à Tavènement nécessaire du u spiritualisme scienti- 
Gque » qui remplacera toutes les religions et en particulier la religion romaine. 
Ce livre écrit d'enthousiasme ne saurait prétendre, même dans la pensée de son 
auteur, à beaucoup enrichir le trésor des études critiques. Que l'on songe que 
c'est là un mémento de l'histoire universelle des religions, philosophies et 
sciences 1 « Pour chaque contrée dans l'antiquité et pour chacun des dix-neuf 
siècles de l'ère chrétienne, nous avons choisi les hommes les plus saillants 
pour donner sur eux des détails que le cadre restreint d'un seul volume ne 
pouvait permettre de donner pour les onze cents personnalités, hommes et assem- 
blées, dont nous avons résumé les travaux » (p. 480). M. S. P. a certainement 
beaucoup lu et beaucoup réfléchi; par malheur c'est trop souvent sur des ency- 
clopédies hâtivement élaborées que s'est penchée sa méditation studieuse. 

P. A. 

Edmond Bailly. — La légende de diamant. Sept récits du monde cel- 
tique. — Paris, Librairie de l'Art indépendant, 1909, 1 vol. in-12 de 324 pages. 
— L'on doit à M. Edmond Bailly nombre de belles et courageuses éditions de 
penseurs et de poètes indépendants. M. Bailly ne se restreint pas à ce rôle très 
estimable mais forcément effacé : il a publié quelques œuvres de littérature 
« ésotérique » et des études délicates sur la musique. Il apparaît dans son der- 
nier livre que les mythes celtiques l'attirent particulièrement et il en a voulu 
reproduire quelques-uns sous des affabulations ingénieuses. Il est regrettable 
que M. B. ait jugé nécessaire défaire suivre ce poétique ouvrage d'une biblio- 
graphie : elle contient certains titres de livres émanés d'auteurs qui, eux, ont 
cru faire de l'histoire : Gatien-Arnoult, « Histoire de la Philosophie en France 
depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours. Période gauloise ». 
Paris, 1838. — Lenglet-Mortier, « Nouvelles et véritables étymologies médi- 
cales tirées du gaulois ». Paris, 1857. — Lionel Bonnemère, « Voyage à tra- 
vers les Gaules 56 ans avant Jésus-Christ ». Paris, 1879. 

P. A. 



20 



CHRONIQUE 



ÉnBeignement de lliistoire religieuse à Péris en 1908-1909.- 

Suivant l'habitude de la Revue nous si^oaloDS ici les Coars et Confêrenecs qui, 
dans les Écoles ou Facultés de Paris, se rapportent à dos éiades. 

I. A C Ecole des Hautes- Etudies. Section des sciences religieuses^ 
Religions des peuples non civilisés. — M. Mauss : Systèmes religieux afri- 
cains ; explication de documents, les lundis, à dix beares. — M. Hertz^ membre 
de la Conférence, exposera les Rites de l'élimination du péeàéj les mardis, i 
dix heures. 

Religions de V Extrême -Orient. — M. f'i. ChacwKnes : Les idées religieuses 
de la Chine antique, les lundis, à trois heures et demie. 

Religions de V Amérique précolombienne. — M. G. Rojfnaud : Histoire civile 
et religieuse de la Moyenne-Amérique précolombienne, éiadiée plus {>articaliè- 
rement dans ses manuscrits et ses inscriptions, les mercredis et les vendredis, 
à cinq heures. 

Religions <ie ^Inie, — M. A. Faucher : Éléments de philosophie indienne, 
les mardis, à trois heures. — Explication de textes et monuments bouddhiques, 
les sanieiis, î deux neures et -iecie. 

RriUjions îe CE'jypte. — M. Amelin^'ju Expli ration du Livre des Morts, 
I"?s lur.j.s, X neu: heures. — Elxpi:oat:o:î ies .jeuvres de Scfaenoudi, ies lundis. 
i iix heures. 

ReA'^'on i.<6],^:"b'ibyLnienn^. — M. C. F}<.S''y : Le panthéon sum-^rien 
d'iprès !e *î5:icrule WIV i-?s Cuneif nn T-^xtSy les mardis et les jeudis, à 
cinq neures. 

ReU;i:ns 'lîr-iH ^î :Vs SemiUs ^'^Hientaux. — M. Maurice Vemes : L'An- 
cien Tes:a2::e::: dins le Nouveau; I. Les E^a^fiies synoptiques (seconde partie), 
le quiirième EvinaTil-^. les zienrred s, i trois heures un quart. Explication du 
Livre de Daniel ,'hap. vu: i xr.), es .^indis, a L-o.s heures an quart. 

Ju.iiufîrid :x>nu !î;v e* r-:bb-n:,u-. — M. /*r--: Lèvi : Les plus anciennes 
versions ies parties poé:i.;ues ie Ii Slrle. les ven tre^iis. i une heure et demie. 
— '£:-:'ie :r.:::-:e ies >:j-:es raio -. :u-^s --^^aiives i l'histoire du judaïsme à 
par'.T Cl I. î s:èc.e iv^z: -.-0.. es ve:: : r-ils. a :eax aeures et demie. 

À.:?, -is > : h •r' a i-.'. — M -'. r u:in. : Mythes et rites aiony- 

*.i4-es, l'-iLres .es S.:. -i^i:.- iî^:u\:--. es jeudis, à trois heures. — Les 



CHRONIQUE 295 

cultes d'origine locale dans la province romaine d'Asie, les vendredis, à quatre 
heures et demie. 

Religions primitives de C Europe. — M. H. Hubert : Les grandes fêtes sai- 
sonnières des nations germaniques : les fêtes d'été, les jeudis, à dix heures et 
demie. 

M. R. Gauthiotf membre de la Conférence, expliquera des textes religieux 
tirés de l'Edda, les vendredis, à dix heures. 

Littérature chrétienne et histoire de VÈglise, — M. Eug. de Paye : Origine 
des églises pagano-ch rétiennes, étude critique de la seconde partie du livre 
des Actes, les mardis, à quatre heures et demie. — Théologie et philosophie 
au lire siècle; origénisme, gnosticisme et néoplatonisme, les jeudis, à neuf 
heures un quart. 

Christianisme byzantin et archéologie chrétienne. — M. G. Millet : Histoire 
générale de l'art chrétien en Orient, les mercredis, à trois heures et demie. — 
Études pratiques d'archéologie et d'histoire religieuse, les samedis, à dix 
heures et demie. — Visite de la collection chrétienne byzantine, les samedis, 
de neuf heures et demie à dix heures et demie. 

M. J. Ebersolt^ élève diplômé : Relevés des églises de Constantinople, les 
samedis, à dix heures et demie. — Les Cérémonies byzantines, les vendredis, 
à trois heures trois quarts. 

Histoire des doctrines et des dogmes. — M. P. Picavet : L'influence de 
Sénèque et d'Épictète sur les chrétiens, avec explication et commentaire de 
textes, spécialement des Entretiens d'Épictète, les jeudis à huit heures. — 
Doctrines hellénico-romaines, doctrines et dogmes chrétiens en Orient et en 
Occident pendant les trois premiers siècles, les jeudis, à quatre heures et 
demie. 

M. P. Alphandéry : Recherches sur la doctrine de la pauvreté évangélique 
à l'époque de saint François d'Assise, les mercredis à quatre heures et demie. 

— Les sources de l'histoire des doctrines eschatologiques en Occident du 
xiii« au xvi^' siècle, les samedis, à quatre heures et demie. 

Histoire du droit canon. — M. il. Genestal : La compétence des juridictions 
ecclésiastiques aux xui* et xiv siècles, les samedis à une heure et demie. — ' 
Études de droit canonique privé, les samedis, à deux heures et demie. 

Histoire et organisation de CÊglise catholique depuis le Concile de Trente» 

— M. L. Lacroix : La réorganisation de l'Église de France à partir du Concor- 
dat de 1802, les vendredis, à trois heures. 

Cours libres. — Histoire des anciennes églises d'Orient, — M. J. Deramey : 
Les églises d'Afrique depuis la mort de Genséric jusqu'à l'invasion arabe, les 
jeudis, à deux heures. 

Psychologie religieuse, — M. Eug, Bernard Leroy : La stigmatisation chez 
les mystiques chrétiens, les mardis et les samedis, à trois heures et demie. 



2d6 RËvdE DE l'histôibé des ftELlOlOMâ 

II. Au Collège de France, 

M. Jean Izmlet : Origines germaniques et religieuses <|e la Dédaratîoi àm 
Droits de T Homme et du Citoyen, les mardis, i trois heures. 

M. H. Le Chatelier : Histoire des idées libérales et eonstUotionDelies dm 
rislam, les mercredis et samedis, à dix heures et demie. 

M. Cognât : Les associations religieuses et civiles ehex les Romains d*a|iièi 
les publications récentes, les samedis, à une heure et demie, i 

M. Fh. Berger : Textes relatifs aux premiers prophètes, les Teodredis, i dii 
heures. 

M. A. Dussaud : Histoire des Phéniciens, les samedis, à 4 heures. 

M. Sylvain LM : Étude du Grand Véhicule d'après le Sûlrftlamkàn, In 
jeudis, à dix heures, 

M. P. Monceaux : La Correspondance de saint AugusUn, les lundis, à 
trois heures trois quart. 

M. C. JuUian : Les plus anciennes vies de saints gaulois, et en particulier 
le martyre de sainte Blandine et des saints de Lyon, les vendredis, à dix heurei. 

M. Morel-Fatio : La correspondance de sainte Thérèse, les luodis, à cinq 
heures; les chants XXVI à XXXIII du Paradis de Dante, les samedis, à dix 
heures et demie. 

M. d'Arbois de Jubainville : Chapitre xvii et suivants de rfin/évemeiil ds 
Taureau divin et des vaches de Cooley^ les lundis et vendredis, & dix heures et 
demie. 

M. Louis Léger : Sermons politiques du prédicateur polonais Skargt 
(xvi« siècle), les mardis, & une heure. 

M. G. Monod : Les idées de Michelet sur rÉglise, le xviii* siècle et la Révo- 
lution, les mercredis et les samedis, à trois heures et demie. ^ 

M. Finot : Explication de quelques Jàt&ka pâlis en les comparant aux versions 
cambodgiennes, les mercredis, à dix heures. 

Des deux titulaii^s de la fondation G. Michonis pour cette année, Tuo 
M. Michel, de l'Université de Liège, a fait six conférences très appréciées sur 
les religions populaires de l'ancienne Grèce. 11 sera rendu compte ultérieurement 
dans la Revue de cette série de leçons qui rentrent dans notre ordre d'études. 

III. A la Faculté des Lettres. — M. Dtf6i(ioMr : L'Église catholique en France 
depuis la Révolution, les samedis, à quatre heures. — Jansénistes, Jésuites, 
Protestants sous Louis XV et Louis XVL les lundis, à quatre heures. 

M. Faucher : La légende bouddhique dans la littérature et l'art de l'Iode. La 
vie du Bouddha, les lundis, à trois heures et demie. — Explication d'hymnes 
védiquest les mardis, à quatre heures et demie. 

M. Guignebert : La vie intérieure de l'Église chrétienne au ii« et auin* siècle, 
les vendredis, à cinq heures. — Explication de textes chrétiens, les lundis, 
à deux heures et demie. 



CHRONIQUE 297 

M. Lods : Histoire de la littérature Israélite depuis ses origines jusqu&à Tère 
chrétienne, les lundis, à quatre heures. 

M. Mâle à: Histoire de Tart chrétien en France aux xiv« et xv« siècles, les 
mardis, à dix heures, — L'iconographie religieuse au Moyen-Age, les mercre- 
dis, à dix heures. 

M. Picavet : La philosophie d'Abélard et de ses contemporains en Orient et 
en Occident, les lundis à quatre heures trois quart. 

M. Rébelliau : Histoire des idées et de la littérature chrétienne du xvi« au 
xrx« siècle. — Bibliographie, les vendredis à dix heures et demie. — Direction 
de travaux, les mardis, à cinq heures. 

M. Revon : Explication d'anciens rituels japonais, les mercredis, à dix et 
onze heures. 

Parmi les cours libres adjoints à la Faculté des Lettres : Cours de M. L. G. 
Lévy : Littérature hébraïque : Les premières pages de la Genèse, les mercredis, 
à deux heures et demie. 

IV. A l'École des Hautes- Études, Section des Sciences historiques et philolo- 
giques, 

M. Clermont'Ganneau : Archéologie orientale, Palestine, Phénicie, Syrie, 
les mercredis, à trois heures et demie. — Archéologie hébraïque, les samedis, 
à trois heures et demie. 

M. Mayer Lambert : Grammaire hébraïque et explication du livre de TExode, 
les mardis, à deux heures et quart. — Explication du livre des Psaumes, les 
jeudis, à neuf heures. 

M. Meillet : Explication de l'Avesta, les mardis, à dix heures. 

M. Moret ; Explication de textes religieux égyptiens relatifs à la résurrec- 
tion, les mardis, à quatre heures et d^mie. 

M. M. Roques : Les légendes de saint Grégoire, les vendredis, à cinq heures. 

M. Serruys : Les Apocryphes du Nouveau Testament, les mardis, à cinq 
heures. 

Nous recevons le programme pour 1909 des conférences du Musée Guimet, 
Pas une fois le succès de ces conférences ne s*est démenti auprès du grand 
public et chaque dimanche elles attirent la même affluence attentive. La direc- 
tion du Musée a cette année institué une seconde série, le jeudi, qui ne sera 
pas accueillie avec une moindre faveur. 

Dimanche 10 janvier à 2 h. 12. M. de Milloué, conservateur du Musée 
Guimet : Le Svastika. 

Dimanche 17 janvier. M. Salomon Reinach^ membre de l'Institut : Les reli- 
gions germaniques. 

Jeudi 21 janvier. M. Emile Guimet, directeur du Musée Guimet : Les vic- 
times de Pompéi (avec projections). 

Dimanche 24 janvier. M. A. Moret, conservateur adjoint du Musée Guimet : 
La révolution religieuse d'Aménophis IV (avec projections). 



298 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Dimanche 31 janvier. M. F. RéviUout, ancien conservateur aa Musée da 
Louvre : Opinions philosophiques d*une dame du ii« siècle (diaprés un papynit 
démoiique). • 

Jeudi 4 février. M. le D* Capitan, professeur au Collège de France : La 
sacriûces dans l'antiquité américaine (avec projections). 

Dimanche 7 février : M. /i. Cagnat^ membre de Tlnstitut : Le commerce et 
la propagation des religions dans le monde romain. 

Jeudi il février : M. le D' PércUté : Impressions d*art dans les religions ux 
Indes (avec projections). 

Dimanche 14 février : M. Georges Poucarty maître de conférences à lUniTcr- 
site d*Aix- Marseille : Edifices et drames magiques dans TÊgypte ancienae 
(avec projections). 

Jeudi 18 février : M. L. Iklaporiey diplômé des Hautes-Éindes et de l'Ecole 
du Louvre : La glyptique de Sumer et dWccad (avec projectioiis). 

Dimanche 21 février. M. G. Lafaye, professeur à la Faculté des Lettres : 
Les découvertes de Tlnstitut archéologique de Vienne lavec projections). 

Jeudi 25 février. M. A. Fichonj professeur au Lycée Henri IV : La légende 
d*Hercule à Borne. 

Dimanche 28 février. M. Sylvain Lrri\ professeur an CoOège de France : 
l^fs Saintes Écritures du Bouddhisme. Comment s*est eonstiUié le canon sacré. 

Dimanche 7 mars. M** Jat^e Dieui^yy. L'évolution religîease en Esnagse 
avant ^ Réforme, 

Dîfc&sehe 14 mars. M. FkUippe Btrger, membre de /InsUtat : Les JuiSsen 
l^Tp;e d*&prés les inscriptions. 

Dixinche 21 uïârs. M. CMijnyn^ membre de ilnstiUit : La vie des statnes 
aE;: q -e^ ivec p ro; r: :. ?- s . 

A 7L:':U .Us H.:i«v< £ruî^> < '.-.iJ^>' iir:-: 1:-?;: ct»::e aciê^. i^cs '.«es re-- 
.:r^-' 5 1 4 heur>f5 1 4. >:«> !i rri*<ii^:::i» if M. rr-rri-irr* R-»i=.ijC£i. lewxscr.rs 

nrçcts iTtc .i 50C f:e. !>-: >*^5 ::.:<. 1*.-. rr: ■■?<*<* r.ir M. T^. R.*ciA:i:, :n.- 



CORRKSPOXBAJfCE 

-•^ L-? ..•^•5 :-? .-"■•i.''5 

V. . : 5 • « ' «f r *f*: - 1 ' 



CHRONIQUE 299 

intitulé : V Histoire des religions et le totémisme, que M. Toutain a fait paraître 
dans la Revue de r Histoire des Religions, n'* de mai-juin 1908. 

A la page 343, M. Toutain me présente comme un partisan de la méthode 
dont M. Salomon Reinach a énoncé le principe dans la proposition suivante : 
« Partout où les éléments du mythe ou du rite comportent un animal ou un 
végétal sacré, un dieu ou un héros déchiré ou sacrifié, une mascarade de 
fidèles, une prohibition alimentaire, le devoir de Texégète informé est de cher- 
cher le mot de Ténigme dans l'arsenal des tabous et des totems ». 

Je ne saurais me laisser attribuer une opinion que fat toujours combattue, 
M. Toutain ne renvoyant à aucun texte de moi pour justifier son allégation, je 
ne puis savoir d*où provient une erreur que je ne m'explique pas. Mais je tiens 
à ne pas la laisser s'accréditer. 

Je vous serais donc obligé de bien vouloir publier dans la Revue cette courte 
rectification, et je vous prie d'agréer, etc. 

Emile Durkheim. 



Nous avons communiqué cette lettre à M. Toutain qui nous adresse la réponse 
suivante : 

M. E. Durkheim affirme qu'il a toujours combattu la méthode d'exégèse 
mythologique proposée et appliquée par M. S. Reinach. Je me suis donc 
trompé. Mais alors c'est à mon tour de ne pas m'expliquer la phrase suivante 
de M. S. Reinach, Cultes, mythes et religions, t. I, p. vi : »< Grâce à la diffu- 
sion des ouvrages anglais dont je me suis inspiré, grâce aux travaux de feu 
Marinier et des rédacteurs de l* Année sociologique, grâce peut-être aussi à ma 
propagande de néophyte..., les plus récalcitrants d'autrefois veulent bien recon- 
naître que le système d'exégèse anthropologique est « à la mode » etqu' « il y 
a du vrai » dans les totems et les tabous ». Personne n'ignore que V Année 
sociologique a été fondée et dirigée par M. Durkheim et que les rédacteurs de 
cette publication étaient des disciples et des amis de M. Durkheim. 

Nous recevons d'autre part, à propos de l'article de M. van Gennep paru 
dans le dernier numéro de la Revue, la lettre suivante de M. Toutain : 

Mon cher collègue et ami. 

N'étant pas seul pris à partie dans le copieux article publié ici même par 
M. van Gennep sous le titre : Totémisme et méthode comparative, je ne me 
crois pas qualifié pour adresser à votre collaborateur une réponse générale. 
Aussi bien j'ai reçu, à propos de mon étude sur Lhistoire des religions et le 
totémisme, des encouragements que je considère comme précieux, et qui 
me permettent de ne pas m'émouvoir outre mesure des critiques dirigées 
contre moi par M. van Gennep. Je ne veux donc point discuter ici ces criti- 
ques ; ce serait prolonger inutilement un débat, dans lequel M. van Gennep et 



300 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

moi noas avons pris neUement nos positions respeetif^es; e*esl soz ssfuii 
▼rument compétents et impartiaux, el à eux seals, qail appartirat dctoraiii 
de le juger. Je n*essaieraî pas non plus de défendre eontre IL vas Oeaae^ li 
méthode historique. Le véritable initiateur de eetto mélbods en Fimnee aétf 
Pastel de Coulanges. Les admirables travaux du maltra &pani nfiiaieati 
lui assurer eette reeonnaissanee de la postérité» dont M. vaD Gamap affirw, 
atec quelque prétention, qo*elie n*aara même pas une paraaUe. fia ee fû cm- 
cerne spédalement Thittoife des refigtons, la oiétbode» doat se nat iMpim 
plus on moins exclusif ement des savants comme Booché-Ladereq, Fand, 
Gruppe, Preller, Wissowa, pent laisser passer, sans en Mrs Is anisi éi 
monde atteinte, les appréciations injustiOées el les assauts mstiss de «i 
adversaires. 

Maia, en lisant dans rartide de M. van Genneples psssagss sÉ je ssis pks 
partîcttlièremenl visé, an doote m'est venu. Je mut sois dwasdé si IL m 
Geanep a bien la mon étode josqu^aa boot; s^ fa Ise avec attsotioa; sH a 
loajoars compris ma pensée. Void qoelqaes précisiQBS qoî ezpfiqseraslet jm- 
tffieront, il me semble, mon étonnemenL 

!• M, van Geanep écrit (p. X\ z m M T<m$mm mkemjoi et s*a fkAwkvi 
Jl. /frens... » (p. 65) : « $Aif Jasks..., lies iisyi^isfîMii dbfwl Ji. Astaii 
frwsyfcf «ntt 9<»»re ». Tai relu avec atlcfitMM smmi éfesds: je b^ si trasié le 
nom de Jenws m en t ionné qu*ane Ibis dans ane fitilîs^ capnolée à M. Sals- 
mon Rettnaeh. Où M. van Gennep a-t-îl m qoe je m>s étais pris à JsfOBS?0i 
a^-il TU que je prKeodats en triompher? En venté, js ssniB fsft cmhsmsié 
de le dire moî-méme. ^ D^ùileara il v a là pesA-élre pksqa'^snwdettt; 
je «VMS T sai$:r un cnve salenteiMSa entre M. vin Gennep et »oL M. vu 
GeT:ii«» $':iDiuKne que j'k: r*r.$ à put-e tel c»n t*^ «tTMU î^ïe j'ai Toaln tziospb»r 
Sf .-«•-■L-.-c: k>u if pe-^"---Ju II aV:* etsi r-er. ii»î;ciinmeaî rien. An «kars de ii«« 
«o6f^ f^ir ,'r..s:o:re if* ^e.J:^^^5 lalicoK, ;'*: wcsL*lf qu'use mêcîkode noa- 
Te,jf ::k: 5*:.- > ç-f-q^ae tes:;* uyr.icaee i i>eae àatûàrew Geoie iDecbût tl\ 
TUu-;. ri,. IX- i-\ iiT.4rfrec5«. Jf a.* s^i» e':c:îr 'oe û«aermÎB«' ea qocn «île »î- 
s:^fc:: fitjiifii'e:::: rt ç^fl * ex ivi; 3i r4*::r :ir««ci«: je n'ai rjsè m ni 

f'inSe.. r fts :.L-^f c:.* : «irf r.tr. M. ?l^.^L.'^L «k je s&caat çnîafornuuê JeoLU 
T>f::«x»«r: k a«r ro:ïf er çufSL-.-r.. r: r ili-^ i.lt: . :.crTv« oe M. Rime, sa: 

^ ^. ^tT >■::*■: L*f.rn»f i^'l:»:^* t crtw rwmi'-Y i» i iiaïiiiilMiriBai tiiff.- 
-^.Tts L ir-nitfî^ "tt Fi.-fiif -'c.:. 1.*; v .•i.">-^7. or r: k -fait ts ic «nirary 
:u ri '--lUi: i lî \.: ^..i: . * Li-i c... f>: ji ii^Fmaan» : k sômce ce 
y .T ■. :.r :i r^ t ;->. - : ^. ç-î.::. ; ^-i l >:*rx>-. . f :»l ûant a-^ nr* ià T«r 

i :^ ■*:: >r:f • .». :• -. l * - * " n :.:r:L'.r« *•: .'uTiine o» Tncna-EtH* 
fc:.r.i-c-L:.: ■ i.ff •■ ?'.r--c :;.>-. - - rt «n- >:i.- • it sus icâuje m*. i.:.ir 



GHHONIQUE 301 

convaincre mon contradicteur d'une négligence au moins étrange, de lui rap- 
peler que j'ai écrit textuellement dans ma conclusion : « Il convient (Tétudier 
les faits totémiques à part ; il faut essayer de reconnaître si le totémisme^ au 
delà des différences^ au delà même des contradictions apparentes depuis long- 
temps signalées ^ ne se fonde pas sur quelque principe général,., » En vérité, 
est-ce là u nier et le fait et la science qui s*en occupe « ? Ce que j'ai nié, ce 
que je continue à nier, c'est tout autre chose; c'est la valeur d'un procédé que 
tout récemment, à Oxford, j'ai entendu qualifier par un des maîtres de la science 
des religions, d' « abus du totémisme ». Le ton, à la fois âpre et doctoral pris 
par M. van Gennep, me donne le droit de regretter ici, avec toute la vivacité 
dont je suis capable, qu'il n'ait pas lu mon article entier avec plus d'attention. 

3o M. Van Gennep m'attribue des opinions que je n'ai nulle part exprimées : 
« Quand donc, écrit-il, on traite les sauvages ou les totémistes de dégénérés, on 
se charge volontairement de l'onus probandi ». M. van Gennep ne paraît déci- 
dément pas avoir une grande expérience des discussions scientifiques. Nulle 
part je n'ai dit que les sauvages ou les totémistes étaient des dégénérés; j'ai 
dit, et je maintiens, parce que c'est à l'heure actuelle la stricte vérité, qu'il 
n'était ni prouvé ni certain, qu'ils fussent des primitifs. J'ai même eu soin 
d'écrire, pour bien préciser mon point de vue et ma position : « // sei'ait con- 
traire à notre méthode et à notre conception de l'histoire de substituer des 
affirmations hypothétiques aux affirmations que nous contestons précisément 
parce qu'elles sont hypothétiques ». Ou M. van Gennep n'a pas lu ce passage, 
ou il ne l'a pas compris. 

Veuillez croire, etc. 

J. TOUTAIN. 

M. van Gennep, à qui cette lettre a été communiquée par nous, nous 
adresse la réponse suivante : 

Mon cher ami. 

Je voudrais seulement faire remarquer à M. Toutain que, parmi les histo- 
riens des religions classiques dont il se réclame, il en est, comme Gruppe dont 
on ne saurait dire que leur œuvre a gagné à n'être qu'exclusivement fondée sur 
la méthode historique; et d'autres, comme Farnell, qui savent fort bien aban- 
donner cette méthode et utiliser la méthode comparative quand ils ne savent 
plus comment sortir des difficultés. Farnell a publié un excellent petit livre, 
trop peu connu, intitulé The Evolution of Religion, an anthropological sludy^ 
Londres, Williams and Morgale, 1905 ; ce sont quatre lectures qu'il a données 
pour le Hibbert Trust. Les deux premières traitent de l'Élude comparée des 
religions, de sa méthode et de ses problèmes. 11 s'y élève contre des rappro- 
chements hasardés, contre les juxtapositions de faits empruntés à toutes sortes 
de peuples et à toutes sortes de civilisations, mais constate que pour étudier des 
mécanismes, il n'y a pas d'autre méthode applicable. Et ceci, il le prouve dans 



302 



BEVl'E DE l'histoire DES RELIGIONS 



la troisième leçon, où il étudie le rituel de la Purification et l'idée de pureté, a 
utilisant pour Tintelligence des faits grecs les systématisations de Frazer e: et 
Crawley, et dans la quatrième, où il traite de rÉvolution de la prière aepaisses 
formes inférieures jusqu'à ses formes supérieures : il va de soi que, dans» 
chapitre fondé partiellement sur les recherches de R. R. Marett, les « faits sao* 
vages » sont le support principal de la démonstration. 

On est donc en droit de ranger M. Famell, non parmi les ennemis, miii 
parmi les partisans les plus décidés de la méthode comparatire. Ceci pour laqon- 
tion de méthode gênéraîe : dans le détail, Famell peut être pour oa contre noter- 
pretation par le totémisme de tel ou tel fait grec, de même que Frazer; xiis 
pas plus que ce dernier, il n>st contre l'essai d*explication par le toirmisae 
comme <^ méthode dVxégèse ^ des faits classiques. Or, c'est précisémeDt eoDire 
cette attitude générale, cette orientation de recherche et d*interpréialion par 
le totémisme et la méthode oomparatire qu'est parti en guerre M. ToquIl. 
S'il sViait contente de discuter le totémisme d'ApoUo Smintheus on des Bèt- 
chantes Thraces. je n'aurais même rien écrit : car ces questions spécia.-es ae 
concernent que criaque sp^iaiiste, et dans un traité générai sar le totémisme, 
les faits c]as5i:3Ur'S n'auront jamais droit qu'à une bien petite place. S'occupe: 
dj totémisme Ces m:Tr.<,c*est un passr-iemps agréai'iep qui ne coDdnil à aoease 
solution ralab.e pour .'iLte l:feace ceseraie de toutes les formes de rchpon « 
de c:r:li>s.:i-«L. M. ToutaÏL p»eu; se réclamer de nombreux historiens aux- 
quels on p:«jrra en oiwfer de eol oi-s nomi^reiix, paiijssns cenx-a Or i 
metr.oi? c:.zr.ini::Tr : »?elâ lie cDaaf^era nés à ce fait, q[ne ies textes 2>e perz*:- 
If-nî ie r«c:-s:.:-er -u'-ne partir l-i:.::es:=.a,e ce la rie anùgne, aJors coe 
'.>::. r.:-crKo:.;f ^rn: f; -i.fr l':.:z:=.e .ii:"r.:jel fass î:-u^es ses artimes ei je$ 
: t; Si: :i-t ij -:~fi: ~r~-: :_ r_-*s s'k.:r:'ni>..5i^r.l. 



rr: «.:?.> 






DECOrVERTBS 









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CHRONIQUE 303 

mandchoue conservent leur simplicité primitive : sur la petite butte de terre 
qui recouvre le cadavre, est planté un bâton de 1™,50 de haut environ auquel 
sont fixées quelques bandes de papier blanc. En Corée, les sépultures des 
anciens princes locaux sont en forme de pyramides quadrangulaires en granit 
rose. Dans le Chan-tong central, M. Chavannes a visité la tombe de Confucius. 
Dans un bois aux épais ombrages où l'on accède par une avenue bordée de 
statues en pierre d'hommes et d'animaux, le plus grand homme de la Chine 
est enseveli et sa sépulture est d'une rigoureuse simplicité; derrière un brûle- 
parfums et un autel de pierre se dresse, devant le tumulus, une stèle de 
dimensions moyennes sur laquelle on lit : « Tombe du roi très parfait, absolu- 
ment saint, propagateur de la civilisation. »* Au sud de Han-tch'engy la tombe 
de Sseu-roa Ts'ien, dont M. Chavannes publie en traduction les Mémoires his- 
toriques, est encore l'objet d'une grande vénération. 

Le savant voyageur a découvert de nouveaux monuments de la plus 
ancienne sculpture chinoise, bas-reliefs du ii" siècle de notre ère de l'époque 
des Han orientaux, qui compléteront son ouvrage sur la sculpture des Han publié 
en 1892. Ces bas-reliefs décorent les chambrettes funéraires, sortes de petites 
chapelles où l'on faisait les offrandes au mort, et les piliers disposés par paire 
à l'entrée des chambrettes. 

Un des résultats les plus importants de la mission a été fourni par l'explo- 
ration attentive des monuments de la dynastie des Wei du Nord. C'est au 
V' siècle de notre ère que Ta-Vong-fou^ quoique située tout à fait dans le nord 
de l'Empire, devint la capitale de la dynastie dite des Wei du Nord. Â cette 
époque furent sculptées les grottes de Ta-Vong-fou^ à une quinzaine de kilo- 
mètres de cette ville. En 494, cette dynastie transféra sa capitale à Ho-nan-fou 
et créa dans le voisinage, au défilé de Long-men et durant la première moitié 
du VI* siècle, des œuvres d'art religieux analogues aux précédentes. Aux vii« 
et vin* siècles la dynastie Tang imita cet exemple et aménagea de nouveaux 
temples dans le roc à Long-men. 

Le groupe des grottes de Ta-fong-fou montre surtout des figures du 
Bouddha. Plusieurs sont de dimensions colossales : l'une d'elles atteint une 
hauteur de dix-sept mètres. Les statues de dimensions moindres sont naturel- 
lement d'un art plus achevé : « L'inspiration des artistes qui sculptèrent ces 
œuvres souples et nerveuses parait être Mahây&niste et Gandh&rienne. Les 
statues, qui représentent vraisemblablement pour la plupart Çâkyamouni, le 
Bouddha récent, Maitreya, le Bouddha prochain et Amitâbha, le Bouddha 
qui préside au paradis d'Occident, sont souvent assises sur un siège avec les 
jambes qui se croisent à la hauteur du pied tandis que la robe forme des plis 
réguliers qui dessinent les lignes des membres inférieurs. Cette attitude qu'on 
ne rencontre plus en Chine à l'époque des Tang et qui est caractéristique de 
l'art des Wei du Nord, est étroitement apparentée à la pose de certaines 

1) Bulletin du Comité de /'Asie française, 1908, p. 136. 



304 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

statues originaires du Gandhâra'. » Une figure est décorée d'ornements inat- 
tendus : ailes sur la tête, trident dans la gauche, peut-être un Ihyrsedansli 
droite. Par quelle suite de transmissions retrou ve-t-on, réunis ici, les attributs 
de Mercure, de Neptune et de Bacchus? L'iniluence de l'art sassanide, dont on 
retrouve ailleurs des traces certaines, doit vraisemblablement entrer en ligne 
de compte : la couronne des rois sassanides porte les mômes ailes que notre 
personnage. 

Les grottes de Long-men offrent la suite naturelle de l'art de Ta-fong-fù^ 
mais elles présentent l'avantage d'avoir conservé leurs inscriptions et de 
fournir ainsi de solides points d'appui pour le commentaire. 

« L'étude des monuments que nous venons de signaler a une grande impor- 
tance historique, car elle nous fait assister aux débuts et à la propagation de 
l'art bouddhique en Chine. C'est tout d'abord un peuple non chinois, celui dont 
les princes ont régné sous le nom de Wei du Nord, qui exécute aux confins 
septentrionaux de l'empire les plus anciens bas-reliefs religieux que noustron- 
vions en Extrême-Orient. Ce peuple, que ses expéditions conquérantes avaient 
mis en relations avec les tribus de l'Asie Centrale, leur avait emprunté le 
Bouddhisme Mahâyàniste dont la terre d'élection était le Gandhâra. En éten- 
dant graduellement leur puissance sur toute la Chine du Nord et en franchis- 
sant le Houang ho pour aller s'établir en 494 à Ho-nan-fou^ les Wei firent 
pénétrer au cœur même de l'empire les formes d'art qui leur étaient familières, 
et, quand la dynastie Tang commença, au vii« siècle de notre ère, ce long 
règne glorieux qui devait porter au plus haut point de perfection la civilisation 
chinoise, elle continua, dans son art religieux, à se souvenir des modèles que 
lui avaient légués ses prédécesseurs étrangers. Si cependant, à l'époque des 
Tintij, l'art houii«lhiqu»^ subit des modifications profondes, peut-être cela esl-i! 
du, non seulement à l'action propre du génie chinois, mais encore à l'intlueoi^e 
des provinces méridionales de la Chine où Part bouddhique venu de l'Inde par 
voie de mer était sans doute fort différent de celui qui était parti du Gandhâra 
pour traverser par la voie de terre toute l'Asie. 11 y aurait donc lieu mainte- 
nant de rechercher s'il reste que'.cjues vestiges de cet art bouddhique primitif 
de la Chine méridionale*. » 

Ainsi, M. Cliavannes, mettant en évi-ience les affinités de ces monuments 
avec l'art du Tianihàra d'une part, avec l'ancien art du Japon de l'autre, a 
découvert l'anneau, (lui inmquait jusqu'ici, de la chaîne reliant l'art religieux 
de l'Kxtrèine-Onent à celui de l'Occident. Les découvertes poursuivies en 
Asie Centrale par .MM. Sleiîi, ririinwe.lel, von Le Coq et Pelliot, ramenant au 
jour tout une civilisation disparue sous les coups des invasions musulmanes au 
ixe siècle, att»'stent ilans la sculpture comme dans la peinture l'influence des 
modelés LTeco-boudiihi(]iies du Gandhâra. 

1 V'W;//'.< rrwhi- dr /',t<v7 /. .h s /r/sr,//»/., lOOS, p. i92. 



l 



CHUONlQUE 305 

Manuscrits mossos, — D*ud voyage récent à la frontière tibétaine de la Chine 
et en particulier au Dokerla, aïontagne fameuse par son pèlerinage bouddhiste, 
M. Jacques Bacot a rapporté vingt manuscrits dont dix-huit sont rédigés dans 
récriture pictographique des Mossos, population du sud*ouest de la Chine 
apparentée aux Tibétains. Deux autres sont écrits dans une variété de l'écri- 
ture lolo. Ces manuscrits ont été remis à M. Henri Cordier et iront prendre 
place à rÉcole des Langues orientales dont la collection de manuscrits du sud- 
ouest de la Chine et du nord du Tonkin est aujourd'hui la plus riche du monde 
grâce aux soins du savant professeur [Comptes rendus de l'Acad. des Inscript. , 
1908, p. 189-190). 

Monuments hittites. — M. Hugo Winckler, en même temps qu'il fouillait à 
Boghaz-Keuï, la capitale hittite, a entrepris avec Taide de Th. Macridy-Bey 
quelques recherches sur le site d*Ëuyuk, à quelques heures plus au nord. Le 
résultat vient d'être publié par Macridy-Bey en une petite brochure dans les 
Mitteilungen der Vorderasiatischen Geseilschaft, 1908, 3, sous le titre : La 
porte des sphinx à Euyuk, Un plan plus précis a été relevé et deux bas-reliefs 
nouveaux ont été ajoutés à la série bien connue. De nombreuses illustrations, 
dont quelques-unes malheureusement mal venues, ajoutent à Tintérét de ce 
récit de fouilles. 

Au centre de la Mésopotamie septentrionale, le baron von Oppenheim a 
découvert au lieu dit Tell Halaf l'emplacement d'un palais hittite que des ins- 
criptions cunéiformes désignent comme le « palais de Kapar, fils de Hanpan ». 
D'après l'écriture, comme aussi d'après le style des bas-reliefs, on peut faire 
remonter les constructions de Tell Halaf au ix* siècle avant notre ère. Quelques 
représentations religieuses, notamment une déesse voilée, sont curieuses ^ 

Écriture égéenne. — M . Salomon Reinach a fait part à l'Académie des Ins- 
criptions (Comptes renduSj 1908, p. 478-479) de la découverte à Phaestos en 
Crète par la missiçn italienne^ d'un disque en terre cuite de 16 centimètres de 
diamètre, couvert de hiéroglyphes égéens qui ne sont pas gravés, mais impri- 
més au moyen de poinçons. C'est le premier texte considérable en écriture 
égéenne ; il se déroule en spirale du centre à la périphérie du disque. 

Mission archéologique en Arabie, — Le 2 octobre dernier, les PP. Jaussen 
et Savignac, professeurs à TÉcole biblique et archéologique des Dominicains de 
Jérusalem, ont fait à l'Académie des inscriptions une communication sur une 
mission archéologique en Arabie. Cette mission a été confiée aux deux profes- 
seurs par la Société française des Fouilles Archéologiques. Malheureusement 
contrariés dans leurs projets par des difficultés locales, les explorateurs ont 
principalement fait porter leur étude sur l'antique Hegrà, la moderne Medâïn 
3oLieh. Les importants résultats de ces recherches ont été groupés en trois par- 

1. Frh. von Oppenheim, Der Tell Halaf und die verschleier te Gôttin* 



306 REVUE DE l'histoire DES RELIGIOKB 

lies. Dans la première intitulée Itinéraire^ on décrit la route pareoanft,iK 
étudie les monuments» on relève les noms géographiques et on note leslégnifa 
locales. De nombreuses photographies et quelques croqnis ornent ee pmnr 
chapitre qui contient aussi un pian de Teboak et un plan de M edâin $11^ 

La deuxième partie réservée à Tépigraphie, compreod des inseriptioes Qahfr> 
téennes, minéennes, thamoudéennes et arabes. Parmi œs noatbreaz teitel 
dont plusieurs sont nouveaux, il y en a qui revêtent une réelle importsnee ptv 
l^istoire générale de TArabie» pour la eonnaissanee partienlière dea dialeda 
et le développement de récriture. Signalons la nouvelle lednre de CIS, II, 
271 qui a été lobjet de pli ors études, notamment de M. dennont-Gsomi 
dans la herw tibiique et de L n dans la Zeitsdkrifi fêar iÉsqfrisdgie. 

Ce texte biiingue, nabatéen (pa } é -abe) et thamoodém, foomit une dtfe 
(erme ÇS7 ap. J.-C,) pour lee textes OBOudéens. 

La dernière partie est consacrée à une étude déisillée des monoments de 
MedUn Çâleh. Si les vestiges de Tincienne vijle sont insignifiamis. peraettnt 
à peine de leconnailre Templaoement de la dté daes la plaiiM^ il n''ea est pa 
aie» des monuments funêrabes. On est frappé, en effet, de Feaplear et de li 
majesté de ces tomiMS entièrement taillées dans le roe, que iml revivre à la 
veaz le «éciîe et les hahUudes du peuple nafaaléea. Les plioftograpbiBS et la 
deswôws raopeités en abondance, pe ttroat de se fiûre mae idée adteè 
eeOe {«rwase arcbiteetuieL On p< t • ablîr des eoaparaiaoas p ri cm ei na 
le» <ttœ«nKtons de Peua et se T i remplir mrt dra i K iiim i is fl snfw f 

sèsBS )esiqaeâ3es » $ost développées ces &çades lap c ili e s . A cOlé des temiass^ 
ee ti^oveai des m^raments religîfax : : êtes, siriieif, saactmana, qoi «si étt 
|iibe«i^ïnràMts« dèents et éla&fs ai^e « n. 

1*5 T»Km':iti5 .^t ^^n? ■=i:s5î^• jj'r£rfOj:»nîoe ea Anbie feront Tobjet d*!» 

stti: c^w à«: 6f»r.*»LTf*;« rtr^.^r.tTi:**? isLi:* > iri:; 5e ia xiDa Sciarra, svk 
« puf '>r^^ill:•^II•;iT.: lI ••f^Ti5- ii^r 'l! kx-f^r .' lebwl Emou: Dii iiaa< iiii ■ r 

mai: LhlM^u.xr k ."ifis rr-si^iuif i**^^ .i.:;cy!5îsui^«w ànsl Taxi est * w^^ poa 

l.r* "i^m-rki.if^ «fi'-iii :« .Tf :^rtf $« .".riîi.nnîjfw. i m. nerain unsahre ifiwcrô- 
tu in?.. ht».-iir.u.'^f^ :. .-i^f r.'fi.i f;-tfr.K f r:iir. fÎLnkL Lihcikf/'âÀf on JLirfmlèi,^ 
l.iHî> ^f»-iji]H .*. :: 'Mil -^ r»*"i r.-iTTiif^ .*'l îiLîiî»f»ni rT-nfin.-*!: à JoxQLeB' Ma^MSi- 

~'4Ui fiMi. ;.:«»• -I. ' ..• » • -. ■< if. ^!-n;j.tf îir^iuc, «r if 



I 



CHRONIQUE 307 

Les fouilles de 1908 oat, d'une part, amené la découverte, à douze mètres 
de profondeur, de l'antre de la Nymphe Furrina, caverne trilobée avec une 
source abondante dont la présence en ce point confirme certaines hypothèses 
de M. Gauckler qu'on avait vivement combattues. De l'autre, et c'est l'œuvre de 
MM. Nicole et Darier, les fouilles ont dégagé une des chapelles du sanctuaire 
syrien, La cella rectangulaire se termine par une abside dans laquelle on a 
trouvé une statue brisée de dieu assis, empruntant l'aspect de Jupiter, mais cer* 
tainement un Jupiter syrien. Sous la statue, on a mis au jour un petit ossuaire 
qui ne contenait qu'une calotte crânienne d'homme. Au milieu du sanctuaire 
se dressait un autel triangulaire dont la face antérieure est évidée en ^emi- 
cercle. Le seuil était formé d'une dalle en marbre blanc, portant sur la tranche 
une dédicace datée de Tannée 176 après J.-C. et due à un certain Gaionas, prêtre 
syrien connu par plusieurs autres textes*. Ce personnage reçoit ici le titre 
énigmatique de Cisliber Augustorum. 

La même dalle est gravée sur le plat d'une dédicace à Venus Caelestis — 
vraisemblablement Atargatis — par le flamine G. Aeflanius Martlalis. On 
trouvera dans les Comptes rendus de V Académie des Inscriptions^ séance du 
2 octobre, les indications détaillées avec les plans et vues à Tappui. 

Le point sur lequel nous voulons appeler l'attention de nos lecteurs est le 
petit ossuaire disposé dans la niche de l'abside, sous la statue. Il était cons- 
titué par une logette carrée construite avec des briques posées de champ. « Ge 
coffret, dit M. Gauckler dans sa communication du 2 octobre 1908, au fond 
de la niche absidale ne contenait qu'un crftne d'homme adulte — pas même un 
crâne entier — une simple botte crânienne . Je l'ai vidé moi-même avec le 
plus grand soin, assisté de MM. Nicole et Darier, qui examinaient l'un après 
l'autre, tous les débris que j'en retirais : or, nous n'avons relevé nulle trace, 
ni de mâchoire, ni de dents, ni d'ossements incinérés, ni de mobilier quel- 
conque, bijoux, monnaie ou verroterie. Par contre, la boîte crânienne était par- 
faitement intacte et coupée net, sans trace d'incinération. Elle avait donc été 
sectionnée intentionnellement pour être déposée dans un ossuaire aménagé 
exprès pour elle, et qu'elle remplit exactement. » De ces constatations précises, 
M. Gauckler conclut à un sacrifice humain. Certaines analogies fournies par 
les fouilles récentes de Palestine ne laissent aucun doute à ce sujet. On a 
même trouvé à Gézer une calotte crânienne découpée de façon semblable et 
emboîtée dans un bol en terre cuite*. 

Dans le sanctuaire syrien du Janicule la relation est manifeste entré le crâne 
humain et la statue divine. Il ne s'agit pas uniquement ici d'un sacrifice de 

dieux syriens au Janicule, extrait du « Bulletino délia Commissione archeologica 
comunale », 1907, fasc. MI; Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions^ 
1907, p. 135 et suiv. ; cf. Glermonl-Ganneau, ibidem^ p. 250 et suiv. 

1) Cf. P. Gauckler, Le bois sacré de la Nymphe Furrina^ p. 16 et suiv. 

2) Macalister, Palestine Expbr. Pund, Quart. Statem,, 1905, p. 32-33; cf. 
Vincent, Canaan, p. 273. 




308 HBVUE DE L^HlSTOltlti DES RELIGIOlfâ 

fondation destiné a créer un génie faforable; }e 6iit est piiw eompleit Afhi 
rare, il s'agit d*un sacrifice de consécration. Il faut se souTenir, en effet, qisli 
saorinoe arrive à identifier la victime au dieu*. Dans le cas pertieii]iM>, « p» 
venait ainsi à « faire descendre » le dieu ou les dieux « ear le Baaetusire a, 
suivant Teipression d^un texte punique qu a fait eonnatln réeenuBeBi H. Phi- 
lippe Eterger*. La victime concentrant le prinôpe divin, il suffisait d'ca lafiai 
une partie — * ici, c'est la calotte cr&nienne qui avait prehahlement veçs Fiafs- 
sitioQ des mains du prêtre, — dans le sanctuaire, pour assarar la pvéseaeeièrii 
du dieu« La statut), placée immédiateaMot aa-dessas» était iraimeat is^ii- 
gnée de la force divine. C*est la première fois» à notre eosmaissaoee, qs'ssi 
découverte archéologique permet de saisir la vilear d*aa sacriBce de eoaséca» 
tiea où Ton immole une victime huakaiae daas le liai «Taltiiar at definrli 
pi^eence r^^le d'un grand dieu dans un sanctaeiie. La détail da MfrififS asm 
échappe. 

$i Toa hésitait à adisettre de telles pratiqacs ea pkiaa dwiHaatism ismsÎBfe, 
il sattrail de rappeler que Trajaa lêpêta à Aatioclie la rnfalisa ém géais de k 
vttieea imaMUnt use i^ae 6Ue» ap p r l rr Ca l S sp e, à iaimella 1 éleva dsHk 
th<4tre une statue de hroaie dore qui lia ii ffi aia lM I aiMs las attribats deii 
T^«Air ywM«\ la paialMe, plus voista éa rite praligai dbas k ■■ilsài 
«Ttisa de b ViLU Seàarva^ est SMimî par eettie «Maame das DtiHBaiiBiHB di 
Da pcx^vta«e Neuiae dT Acahiie qai, cha^ae aaaicw WÊtàÊammÊ. «a aaéBl si 
« reaseve&fsawttl saas Taa^ dcwA tts ae Mwaiial samMS éa saamaa m \ PIm 
eaft.'tiMMabt^ <e» ùaiiicéttas n^ i iai e fai i at dhafsa aamia la ammaioBlin es 
h<Qi« «fsi isitiMpiKKJl W dM« 

^if«xtfa:. «&:x;» .nfc<?iXii£uL: eat:^artr îi non,, lt Mmmnam à aa nsoir ^Er^n. 

.»f.V.*i C^'-* ^'r-.'WTj-r.u.. :i . r^'i-rn^n >rrr.Jir*. tri jl -i i liiii l r rgi^ & ^i \àÊEZi il.' m. 

îaina. 1 * ^ u ;.'•** m:s«î 'itiSiiiMnifu; i^ri:^ nui-*, mciniiii'. HnnacxaiL sajciTie 



: ■ i.i Hata-j. r.- «II. \ .** -^i ■* *•■.:• uLutt lUL sasâictt nnnainL ïb 

i^*:.ii i.-v--iai.!i. » • iiiv^cît* ji,.* f-'.r-^cu:? \ciL'jr -»îs laBBDuaaa ia 

• r -' .:i *«. t .... f '•"î" '. ■ •■" - • î- î* ^- 3BIV;. ?ï. X -3W. 



CHRONIQUE 309 

et Neteiros. Le premier, auteur de la dédicace, est TadmiDistrateur du temple 
de la déesse Leucothéa dont le nom grec cache une déesse syrienne. Le 
second conduit les fêtes sacrées; il n'est donc pas mort bien qu'il ait été 
a divinisé dans le lébès ». Vraisemblablement, Neteiros était un prêtre-dieu du 
type Elagabale. 

Nous ne pouvons nous dispenser de citer encore les victimes humaines, 
généralement des enfants, qu'on précipitait, enveloppés dans un sac, du haut 
des murailles de Hiérapolis de Syrie en leur criant qu'ils n'étaient pas des 
enfants, mais des bœufs*. Pourquoi cette épithète? Parce qu'on tend encore 
dans ce sacrifice ^ nous sommes sur le territoire particulièrement consacré à 
Hadad et à Atargatis, — à identifier la victime au dieu. Hadad, en effet, est 
fréquemment représenté sous les traits d'un bœuf auquel on adjoint le foudre. 
Dans les représentations anthropomorphes, Hadad est accompagné du bœuf 
comme animal-attribut. 

Enfin, il y aura lieu de rechercher les répercussions possibles de ces faits 
mieux connus sur le mythe. Ainsi, on entrevoit le sens qui semble s'attacher 
dorénavant à la légende de la tête d'Osiris flottant en mer et échouant à 
Byblos* où elle donne le signal des grandes fêtes annuelles. De même, on 
saisit l'explication d'un rite dans le récit de Philon de Byblos d'après lequel 
El-Kronos coupa la tête de sa propre fille' une soi-disant Perséphone'. On a 
rappelé à ce sujet que S' Epiphane mentionne à Sichem, en Palestine, le culte 
de Coré qui passait pour avoir été sacrifiée par son père. Ce dernier trait suffît 
à l'auteur chrétien pour l'identifier à la fille de Jephté^. 

On voit que les questions soulevées par les découvertes de MM. Gauckler, 
Nicole et Darier, sont aussi nombreuses qu'intéressantes. M. Gauckler compte 
reprendre cet hiver les fouilles dans le ravin de la villa Sciarra. On ne peut 
que lui souhaiter des trouvailles de la même importance. 

Ucuetis et Bergusiaf divinités gauloises. — M. Héron de Villefosse a commu* 
nique à l'Académie des Inscriptions (Comptes rendus, 1908, p. 498-500) une 
inscription votive importante découverte dans les dernières fouilles d'Alise- 
Sainte-Reine. Elle est gravée sur un beau vase de bronze de 0°>,46 de haut : 
Deo Ucueti et Bergusiae Remus Primi fil(ius) donavit; v{otum) s(olvit) l(iben8) 
m{ei'ito). On a ainsi la preuve qu'Ucuetis était un dieu et non, comme on le 
croyait, une déesse. Sa compagne est Bergusia dont le nom se retrouve dans 
la nomenclature géographique de la Gaule ; c'est notamment le nom antique 
de Bourgoin (Isère). 

i) Lucien, de dea Syra, 58. 

2) Lucien, d. d. S., 7. 

3) Philon de Byblos, fragm. II, 17. 

4) Perséphone non Athéna, comme l'a reconnu M. Mayer, in Roschers 
Leancon, II, 1499, contre Gruppe. 

5) Lagrange, Études sur les religions sémitiques * i p, 430-431. 

21 



;{10 KKVUK I)K L*HlSTOIRE DES RELIGIONS 

nUes funéraires des Vikings. — M. G. Gustafson a entretenu TAcadémie 
(lei Inscriptions {Comptes rendus, séance du 17 juillet 190S) de la décourert* 
en Norvège d'une tombe particulièrement riche du viii« siècle de notre ère. 
Crttte sépulture de femme renferme un abondant matériel ethnographique 
et notamment un véritable navire de 21 mètres de long, large de 5^ avec toos 
ses agrès. Ct»tto coutume d'enterrer les morts dans un bateau était trtî 
répimdue on Norvège Di l'époque des Vikings, mais on n'avait retrouvé jus»]u'ici 
<|uo des canots de petite dimension. On sait qu'une pratique semblable a etr 
signalée chez les indigènes de l'Amérique du Nord habitant les rives du Pa«- 
Hque. 

R. D. 



PUBLICATIOfTS DIVBRSES 

Le n*» juillet-août 19tl8 du Journal Asiatique est rempli par une importante 
étude do M. Sylvain Lêvi intitulée : A^ragho^^ Le Sùtrâlamkdra et sa 
sot4rtvct, à propos do la traduction fran^^aise donnée par M. Edouard Hober. 
Apr^s avoir exposé Tinlorét, à divers titres, du Sûtràiamkàra, M. Sylnio 
Lévi insiste sur son importance capitale comme docament boaddhiqoe ten- 
dant à obninlor la tradition pâlie actuellement triomphante. Une analyse mino- 
tiouse dos cv>ntes du recueil conduit le savant professeur au Collège de France 
à i^tte ivuclusion : < On voit l'importance du document que la traduction de 
M. Huber v>uvre aux iudiaaisles. Elle enrichit d'un chef-d'œuvre incoona U 
littorAturo SAnsvrrilo ; î»'!o Appv^rto à l'etu-it" historique et dogmatique du boud- 
vlhis-::e i::^e >,vr.iîîo .r".:ror:'^À:'.:"s :"ippr-c:iMe- Les simples s^^ndages que 
nous y Avo:!s :e":os >v:: :a;'. Arvd.Tiiire -iiris I-»s substructions de ces récits ;^ 
V -dvi '.^:? M.V.i-S.irvUt.tfli is e: es Acà:::i5 septenlioniux. le Dirsrhi, 1^ 
Si'*AUvi. :* Mji-*:"yi:v,i, .*b'À:::ir^. \:«< re soaisies das encore en aie5»:i"^ 
.i'jj'^vLV *r M:- . * ,\\::j- ■.,•.:: e-'.er x-v': :'r s sj. rom:? iedii-iiT'? : mais p»?ar uc 
^•.Vv;;*o .: ' >--.-is *» ^l • * \.- ^ :• i. j::< ^. '.:::< ;-e > oiissement a-iopié l-at 
\C»A-; '.-SA .*■• ;•; ;; i.-:v V^ii-l >i's:-. ': st-:»-*.-? :i Niilya pal. L ::•■"? 
i.. V ,t;..'-s . -> ;- -V.- s à --er s ••• ..'.-..Mij-fr .'i-:ice:i::c::ê exclusive i^ 
•■•v.s .\'.Jvv :s .M .*s .'. .:: - e::?.' :: : n^ ir«:orTr.:«?s »f3 :ex*e< du N^rl. 

A >c. • 01* i : i-.r'.s .*::.:••> i i.:: i:? «•:'::.;:r«, ^l.^ iSn proce^ier i ia 
vr :v»i..i'-.-.* * "^s -f-^i S:-.' :-s . ,^ 5l..* •. i "i ^ Im :?<'. -Lie i*is Dreml*èp?s p'ec*s 
•0 .*tf j.vvr»s ;- --"«riL .' :^.?j2,*s Svi-< jl:o**;:* jzxxs, reu:-f?tr«, i un r^ri::- 



• 4. . c « ,•"•- vi.--;.>/i;<y»x<.'<. M. — 

i :>s;- ïi' l'ie iTi»?<ûoQ rfcen- 
. :s:.-:::- --«s son: .es :-j-:=ec;eî 



CHRONIQUE 3H 

relatives aux offrandes religieuses : elles témoignent d'un culte rendu aux 
statues des rois et des patésis, de leur vivant comme après leur mort, et la 
statue môme du roi Our-Nina, le fondateur de la très antique dynastie de 
TellOf est déjà mentionnée comme recevant un pareil hommage. » La Revue 
donnera un compte rendu détaillé de cette importante publication. 

— M. W. Spiegelberg (Orientalistiche Litteratur-Zeitung, 1908, p. 403-405) 
propose une amélioration à la lecture d'un passage de la stèle égyptienne datée 
de Tan V de Minéphtah, découverte en 1896 par M. Flinders Pétrie et fameuse 
par la mention d'Israël. Après les formules d'usage, le pharaon relate en style 
emphatique sa victoire sur les Libyens, puis il jette un regard vers Test et 
signale que Kbati est en paix, que Canaan est prisonnier en tout ce qu'il a 
de mauvais, que l'Ascalonien est emmené, Gézer entraîné en captivité, lanouâ- 
mîm anéanti. Puis il ajoute, d'après la traduction reçue : « Israël est rasé et 
n'a plus de graine ». Le nom d'Israël est suivi d'un groupe de signes qu'on 
tenait pour un déterminatif de la population. Israël était donc un nom de tribu, 
non de pays. 

M. Spiegelberg donne les raisons qui établissent la lecture suivante : « Israël, 
SOS habitants sont exterminés', sa graine^ n'existe plus >». Israël est donc bien 
un nom de pays comme Canaan; les Israélites étaient déjà sédentaires et essen- 
tiellement agriculteurs. De la place occupée dans Ténumération, il résulte qn*ils 
demeuraient dans le sud de la Palestine, vraisemblablement dans la montagne 
d'Ephraïm. M. Spiegelberg ajoute, trop modestement peut-être, que l'élucida- 
tion de ce détail n'éclaire pas le difûcile problème de l'Exode. Il en résulte, 
toutefois, qu'en l'an V de Minéphtah, les populations de la Syrie méridionale, 
dont les Israélites, furent vaincues et, en partie, transplantées en Egypte, car 
le traitement particulier que le texte réserve à chaque peuple n'est qu'un arti- 
fice de style. Les Ascaloniens et les Gézérites se virent razziés comme les 
gens d'Israël et les plus valides d'entre ceux-ci furent emmenés en captivité 
avec leurs voisins. Le problème littéraire reste obscur, mais le problème his- 
torique a désormais une base solide. Il est assez curieux de noter que les 
fouilles de Gézer ■ viennent de livrer un pectoral en ivoire, au cartouche de 
Minéphtah, et représentant le pharaon en adoration devant le dieu Thot. 

— La publication des papyrus d'Eléphantine par M. Eduard Sachau dont 
M. Macler (AH A, 1908, I, p. 229 et suiv.) a entretenu nos lecteurs, a sus- 
cité de nombreux travaux de la part des sémitisauts. Ajoutons à ceux déjà 
signalés, le texte et la traduction donnés par le professeur J. Barth de Berlin 
{Zu den neuen Papyrusfunden in Elephantine dans Jahrbuch der Jûdisch- 



1) Mot-à-mot : « sont devenus peu nombreux ». 

2) S'entend des récoUes. 

3) Palestine Explor, Fund, Quart, Stat., octobre 1908, p. 280. 



'Mi UKVrE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 

Uhrarischen GeseUschaft, Francfort, 1907. A la ligne 16 da papyrus, il fia: 
lift» ^de im^m« Noeldeke et G. HolTmano) : « Les chiens ont déchiré les maâciîs 
de ses pieds, et tous les trésors... » M. Barth reconnaît que le fait le plas 
important siirnale par ces textes est l'existence, dès au moins l'époque de Cai- 
byso, d un tomple juif à Elêphantine dans lequel on offrait des sairinces. 
Comoieat pouvait-on accepter une telle infraction au Deutéronome^ Oi i 
supposé que robligation de Tunilé de culte, le droit exclusif de Jérusa.»: 
«>>n)me place de saoritices n'étaient pas encore connus ou tout au ni<Hn3 zaî 
envvn? absolumeni établis. A cela, M. Barth objecte que La mézie irl- 
eu* te se pré^nte pour le temple d'Onîas biti en 160 avant notre ère à Lr:-- 
topoi.s et, à sc»n àvis, dans Vj^z, ei l'autre cas, on cons:déra:t qce U pr-r^r.:- 
:;o:; ôe ne pas o.erer ur. au ire tesiple et de n'y pas sacriSer dispinis»! : i .i 
destruci.o:: à.: re:v.p e de Jerusilex. au nioins qjani il s'aeissaic d'si uy; 
<irAr.»:er. M. ^osepr. H*.rvy irrre. xie son c!%e. aux =i*ws ^ïdî.jS::;*- 
A Au*;:r.e .,^; c;; r::*.:i:eu:ue. i::-„. n-? dé:e~i d'e.erer u" le^r-l* poor :-? 
,■•:$ ^;ir.> e: rorrar.: coui-j-i-ir à /^iniir*:» *. A La rérlie, -s sez^L^;. 
sV:i i:r* drezeral^ser.: ah^:erus. 

A- su;-ft if .1 zifz:? i«>>;^Tfr:e. M. Air.*- 3.A:.-r::«* ^a^;*^-* ."iTiierz-rz-jL- 

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CHRONIQUE 313 

la déesse vierge Àthéna Parthenos, Il montre que plusieurs Parthénons sont 
consacrés à une divinité maternelle : Déméter, Cybèle, Artémis Leucophryné. 
« Un parthénon est donc un temple spécialement affecté à des rites, à des céré- 
monies exécutées par des jeunes filles, comme un nymphôn est un temple où 
ofûcient de jeunes mariées. Le temple d'une nymphe se dirait nympheion, le 
temple d'une vierge partheneion ». 

* — La magistrale Histoire de la Gaule de M. Camille Jullian dont les deux 
premiers volumes ont paru chez Hachette en 1908, ne manque pas de réserver 
une large place aux institutions religieuses. Dans le tome premier, le savant 
professeur au Collège de France essaie de fixer les traits fuyants de la religion 
des pré-Gaulois dans lesquelles il reconnaît des Ligures. Il s^appuie sur les 
inscriptions d'époque romaine, sur les rares allusions conservées par les textes. 
Il fait état aussi des données fournies par la science comparée des religions et 
cette dernière position, de la part d'un esprit aussi prudent et aussi classique, 
est significative. Dans le tome deuxième, les Druides sont l'objet d'une étude 
approfondie : origine, condition sociale, pouvoir et fonctions. L*auteur incline 
à les considérer comme les héritiers des dynastes patriarcaux de la Gaule pri- 
mitive, u Rois, juges et prêtres à la fois, ces chefs, semblables à ceux de la 
plus vieille Germanie, commandaient leurs tribus à tous les titres, au nom de 
la loi, des dieux et de la force, pour la guerre, le conseil, la mort et le sacrifice : 
les hommes, au surplus, ne distinguaient pas ce qui est rite religieux et acte 
public. » Plus tard, les fonctions se dédoublèrent : rois ou magistrats ont été 
flanqués de druides. C'est là une loi générale qui permet de repousser l'opi- 
nion si répandue d'après laquelle l'institution druidique serait un fait excep- 
tionnel dans le monde ancien. Un chapitre traite de la religion gauloise que 
M. Jullian étudie et commente depuis de nombreuses années. Il expose les dif- 
ficiles problèmes sur la nature de Teulatès le « dieu national » — que l'auteur 
retrouve sous les appellations diverses de Mercure, Mars, Dis Pater, Saturne, — 
sur les déesses païennes et les divinités secondaires, leurs symboles et leurs 
attributs, les sacrifices, la divination et quelques pratiques dont la plus célèbre 

est celle du gui. 

R. D. 

— Dans le Journal des Savants, 4908, p. 505-512, M. Léopold Delisle 
annonce que le manuscrit de la cathédrale de Mende, disparu depuis douze ans 
et relatif à saint Privât a été retrouvé par lui dans un lot de papiers provenant 
de la succession de M™« de Rozière. La première partie du ms. relate des 
événements locaux remontant au xie siècle. La seconde constitue un traité sur 
les miracles de saint Privât; elle est l'œuvre d'Aldebert le Vénérable, évèque 
de Mende de 1151 à 1187. a La découverte du corps de saint Privât, le culte 
dont il fut honoré, la dévotion des fidèles au patron du diocèse, les cérémonies 
célébrées dans la cathérale, la fouille des anciennes cryptes, les révélations 
obtenues pendant les songes y tiennent la place la plus considérable. L'archéo- 



314 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

logie tirera parti de beaucoup de détails descriptifs. On lira avee intérêt ee qie 
Tauteur rapporte sur les reliques que Dagobert passe pour avoir tooIu fan 
porter à l'abbaye de Saint-Denis, sur diverses localités et familles de TAuTergne 
ou des pays voisins, sur les pèlerinages qui étaient le plus eo vogue an xn* âè- 
cle, sur la célébrité 'de l'école de Salerne, sur les rapports de Tévéqne de 
Monde avec le roi Louis VII. » Le manuscrit en question peut remonter jnsqa'a 
milieu du ziv* siècle. 

M. le Dr Binet-Sanglé, qui n'est pas un inconnu pour les lecteurs de k Re- 
vue, n'a jamais cessé de manifester une confiance tenace dans les résaltats de 
la psycho-physiologie appliquée i l'histoire^des religions. Son dernier oiinsge 
intitulé : La folie de Jégus^ son hérédité^ sa eonstitviiim^ sa physiologie (Puis, 
Maloine) est évidemment l'illustration maîtresse de cette méthode : il a, dit-il, 
essayé d'appliquer à « leschou bar-Iossef » la méthode des sciences Datorellei, 
d'établir en partie son « observation clinique ». Et il nous fournit dans les derniè- 
res pages de son livre une fiche d'hôpital dont nous détachons ces lignes suf- 
fisamment caractéristiques : « Petit de taille et de poids, délicat de conslitatioii, 
ayant présenté une anorexie de longue durée et une crise d'hématidrose, mort 
prématurément sur la croix d'une syncope de déglutition facilitée par Vens- 
tence d'un épanchement pleurétique vraisemblablement de nature tuberculeuse 
et siégeant à gauche ; ayant des idées d'eunuchisme, d*<Bdipisme et d'ampali- 
tion manuelle, révélateurs de désirs sexuels ardents sinon de perversion sexuelle, 
au demeurant impuissant et stérile, leschou bar-Iossef nous apparaît comne 
un dégénéré physique et mental » . 

Il va sans dire que M. B.-S. ne fait pas peu de cas du célèbre passage de 
Marc (III, 21) : c Quand ses parents l'eurent appris, ils vinrent pour se saisir 
de Jésus ; car ils disaient que Jésus était hors de sens ». Môme il l'inscrit eo 
épigraphe à son livre, en grec et en français au-dessous d'une reproduction da 
Christ mort d'Holbein. Mais voilà que de Montauban, où il professe à la Faculté 
libre de théologie, M. Ârnal apporte au monde des exégètes ou des simples cq- 
rieux d'histoire chrétienne une nouvelle qu'il qualifie lui-môme d'hérésie. U 
fameux verset III, 21 de Marc a été toujours traduit à contre-sens et M. A. 
propose le mot-à-mot suivant : AxouciavTeç = informés ; ol icap' aùroù = les dis- 
ciples; IÇtiXtov = sortirent: xpaTr,<jai = pour contenir; oivtov = Je peuple; 
tXtfw Y&p = car ils disaient ; oti eU<mr, = qu'il (le peuple) était hors de sens. 
On voit combien le sens traditionnel se trouve changé. Outre les raisons gram- 
maticales qui sont solides, cette nouvelle interprétation s'appuie sur d'assex 
valables raisons de bon sens : « Pourquoi imaginerait-on, comment répéterait- 
on, dit M. A., que Jésus était u hors de sens » à l'heure môme où il quitte 
la foule pour accomplir l'acte le plus pratique, le plus ordinaire qui soit : se 
reposer et manger ? En vérité, le moment serait mal choisi pour manifester 
cette crainte ou rapporter ce témoignage ». — La discussion est maintenant 
ouverte et sera vraisembiablemani animée. p . 



CHRONIQUE 315 

Nous avons reçu V Annuaire du Collège de France^ huitième année, 1908. 
Outre les résumés des cours de Texercice 1907-1908 et le programme des cours 
de 1908-1909, cet annuaire renferme un certain nombre de notices sur des mem- 
bres 4u Collège morts au cours de la dernière année. De ces notices Tune a 
pour nous un douloureux intérêt : notre très regretté directeur Jean Réville 
appartenait au Collège de France depuis le 18 mars 1907 et notre collaborateur 
M. F. Picavet a retracé en termes émus sa belle et simple histoire d^homme 
très bon et de savant très sûr. M. Monceaux a écrit une note pénétrante sur 
Tœuvre de Gaston Boissier. L'annuaire contient encore le discours biographique 
prononcé par M. E. Levasseur aux obsèques de M. Barbier de Meynard et les 
allocutions de MM. E. Levasseur et A. Lefranc lors de l'inauguration au Collège 
du buste d'Emile Deschanel, en mars dernier. 



Le Gérant : Ernest Leroo3C. 



'ÛSài^*.^2dLè...-. 



CLELIA ET EPONA 



Les scolies vénitiennes de Vlliade\ Suidas* et Codinus» 
ont conservé le souvenir d'une statue équestre très archaïque. 
Ces texies nous apprennent qu'Énée, quand il débarqua sur la 
côte italienne à Laurenle, sauta sur le premier cheval qu'il y 
aperçut; en mémoire de cette rencontre, il voua une image 
équestre à sa mère Aphrodite*. Cela signifie et cela prouve 
qu'il existait à Laurente une très ancienne statue représen- 
tant une femme à cheval, où les ciceroni reconnaissaient une 
Aphrodite équestre dédiée par Enée plus de quatre siècles 
avant la première olympiade. Bien entendu, il ne pouvait 
alors être question d'une Aphrodite ephippos ; d'ailleurs, si 
Enée avait réellement abordé en Italie au xii* siècle, ce que 
pas un critique ne voudrait concéder aujourd'hui, il n'aurait 
pu monter à cheval, puisque l'équitalion est encore inconnue 
aux temps homéHques. Abstraction faite de la légende, qui 
n'a aucune valeur, il reste la statue qui lui a donné nais- 
sance et qui mérite de retenir notre attention. 

L'image dont il s'agit devait être très grossière, sans quoi 
Ton n'aurait pas songé à l'attribuer à l'époque d'Enée. Mais 
comment les ciceroni savaient-ils que cette image était fémi- 

1) Schol. Ven. 1/., II, 820. 

2) Suidas, §. v. 'AçpoSÎTTj. 

3) Codinus, Orig, Conslanlinop,^ p. 14. 

4) Voici le texte de Codinus (ap, Banduri, Imp. Orient^ t. I, p. 125-6) : 
nXârcouTi xa\ auTT,v Içitctiov, Su Alvec'a; à uîbç auTr,; nXfi'Jda; fisxpc ttjc Suffsco;, 
piexà toOto iHTitj) iTzior^i xa\ rr^v {xtjTépa èTifjLTjffaxo toio'jtw ày(xX|iaTi. Daos le môme 
paragraphe, Codinus parie d'une statue romaine de Vénus portant un peigne et 
raconte, à ce sujet, une histoire ridicule ; mais celte statue n'a rien à Toir avec 
TAphrodite équestre et M. BernouUi a fait erreur en les confondant {Aphrodite, 
p. 412). Non moins erroné est son renvoi à Servius {ad Aen., l, 720, qui men« 
lionne en passant la Vanus equestris, mais non une statue de cette divinité. 

22 



3! s REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

nine? Coe statue aussi archaïque devait nécessairement être 
vêtue: les formes féminines du corps, seins et hanches, qui 
ne sont pas marquées avec insistance dans lart grec avant le 
IV' siècle et ne le sont presque pas dans Tari primitif, ne 
pouvaient être indiquées sufiisamment pour permettre de 
reconnaître le sexe. Il suit de là que la figure de Lanrente 
trahissait son sexe par son attitude: elle devait donc être 
assise non à califourchon, r£pî6»çv, mais de côté, iLzzk 
xA.£;ttiv\ cVst-à-dîre à la mode des femmes^ muliebriter*, 
mode qui doit être aussi ancienne que Téquitation elle-même, 
par des motifs d'hygiène et de convenance. 

Une autre statue du même type et non moins primitive 
d^a^fvect ejnslait à Rome. C était une image exposée en plein 
mir^ au point culminant de la Voie Sacrée^ in summa sacra 
vi£f. du côté du Palatin. Les uns y reconnaissaient la vierge 
romaine délie, d^autres sa compagne Valérie, fille de Publi- 
cola\ DenysdHalicamasse dit formellement qu>lle n existait 
plus de son temps, ayant péri dans un incendie qui prit à des 
constroctions voisiner* : on a toutefois supposé qu^dle avait 
été rétablie ou remplacée au r*" siècle*. 

Suivant la léxrejade que Tive Uve et Plularqne ont popnla- 
riî»ée\ la vieT^re romaine déJie avait été livrée en otage avec 
d^anlres à Pors^enna. che/des Etrusques dOT : eUes^échappa, 
traversa le Tibre et revint à Rome. Le^ Romains, ne voulant 
pas manquer à la foi jurée, la rendirent à Porsenna: celoi-ci, 
ndmiranl le courage de la jeune fille, la traita avec grande 
estime et lui offrit un cheval richement harnaché. On croyait 
généralement qu'elle s>tait éciiappée du cjonp de Poisenna 



i Aiihiik Tttii», l, i -éàii, DidM, p. 2S.. 
^) Kmmwù Miiwlhr., XXXl. t. f^. 

5 En «fl« Piuîw<fiif>. i. cii.^ ^n pkT\p 4)MDmf lïnifaïuii «ncoir li Séawjoe^ 
«4Î Marrùtm. 16 « i4 t>«i* dr* Mtsf Seli«r&, VUnj V chapurr%. p. 2â. 
6^ Vwr )» sHsr kut^n^ frrwîs ei laiii», «iip? 4 » suite dans P^oir-Wis- 



CLELIA ET EPONA 319 

en traversant le Tibre à cheval ; c'est ainsi qu'elle a été sou- 
vent figurée par Tart moderne, entr' autres — et pour la pre- 
mière fois, je crois — par le peintre siennois Domenico 
Beccafumi*. Quoi qu'il en soit de la forme primitive de la tra- 
dition, délie était considérée comme une vaillante écuyère 
et la statue qui, disait-on, avait été érigée en son honneur, la 
représentait, en effet, à cheval. 

La preuve que cette statue et son piédestal ne portaient 
aucune inscription^ c'est qu'on y reconnaissait tantôt Clélie, 
tantôt Valérie. L'argument que j'ai fait valoir à propos de la 
figure équestre de Laurente s'applique également à la 
statue romaine ; le sexe était accusé par l'attitude que lui 
avait prêtée le sculpteur; elle était long-vêtue et assise de 
côté. J'ajoute qu'elle ne devait pas porter d'armure, puisque 
Clélie et Valérie n'étaient pas des guerrières, mais des jeunes 
filles qui, dans une circonstance mémorable, avaient osé 
monter à cheval pour se sauver. 

Nous avons donc à Rome une statue du même type que 
celle de Laurente, objet, comme celle-ci, d'une légende exé- 
gétique et remontant aussi à une époque très ancienne, anté- 
rieure à l'introduction de l'art grec dans le Latium. 

On a émis l'hypothèse que la statue romaine dite de Clé- 
lie était celle d'une Amazone, enlevée ou acquise de quelque 
ville hellénique de l'Italie ^ Cela est inadmi ssible par deux 
raisons. D'abord, les Amazones, guerrières scythiques, sont 
court-vêtues et chevauchent toujours à califourchon ; or nous 
avons établi que Clélie était long-vètue et assise de côté. En 
second lieu, les auteurs suivis par Denys, Tite Live et 
Pline, et ces écrivains eux-mêmes n'auraient jamais attri- 
bué une statue grecque, même archaïque, à l'art primitif 
de Rome, dont ils avaient beaucoup de monuments authen- 
tiques sous les yeux. 

Schwegler voulut identifier Cloelia à la Vénus Cluilia 

1) Burlington Club, Pictures ofSiena, pi. XLI. 

2) Roscher, Berichle der Sachs. Gesellschaft, 4891, p. 107. 



1 



320 HEVl/k DE L^HISTOtRË DES RELIGIONS 



OU Glaacina (purificatrice) et pensa que Timage de cette 
déesse était identique à celle de la Venus eçuestris d'une 
époque postérieure\ Mais Vénus est une déesse tard-fenoe 
dans le Panthéon romain ; le type de Vénus équestre eit 
bien plus tardif encore, même dans Tart grec. Glaacini 
appartient aux litanies des Indigitamenta et il est impos- 
sible d'imaginer pourquoi une déesse purificatrice aonit 
été représentée à cheval. Je croirais plutôt que Glodii 
(Gluilia) est une épithète dérivée de c/tier^^sigoi fiant quelque 
chose comme inclita, a fameuse »>; la forme Cluilia doit être 
rapprochée du nom de Duilius, où Ton reconnaît le mot M- 
lum sous sa forme archaïque duellum. 

Il me semble que Ton peut expliquer facilement rexisleoce 
de deux statues archaïques de femmes à cheval tant à Lan- 
rente qu'à Rome, et cela sans faire intervenir YApftroHu 
ephippos qui appartient exclusivement à la période la plos 
florissante de Fart grec, où les exemples de ce type sont 
d'ailleurs fort rares*. 

Pline connaissait à Rome des statues qu'il faisait remonter 
à Fépoque de TArcadien Evandre». Avait-il tort, avait-il rai- 
son de les croire si anciennes? C'est là une question qui ne 
doit pas m'arrêler ici; le fait est que les savants grecs et 
romains avaient constaté des analogies remarquables entre 
la Rome primitive et TArcadie, en particulier entre la fêle 
des Lupercales et celle des Lykeia, et qu'ils reconnaissaient 
des éléments arcadiens dans le rituel romain. L'existence de 
ces éléments arcadiens est indéniable, alors que le bon roi 
Evandre peut être aussi légendaire que semble l'impliquer la 
forme grecque de son nom (sj avi^p, le bon homme^ opposé au 
méchant homme, Cacus). Ainsi nous avons le droit de parler, 
comme le faisaient les anciens, de l'établissement d'Evandre 



1) Schwegler, Rômische Geschichtey t. II, p. 186. 

2) Voir Mylonas. 'E?r,|i. àp/atoX., 1893, p. 218 et BernouUî, Aphrodite, 
p. 412. 

3) Pline, XXXIV, 16, 23. Cf. Cultes, mythes et religions^ t. III, p. 210sq. 



CLELIA ET EPONA 321 

dans le Lalium, entendant par là une migration ou une in- 
fluence arcadienne, et cela alors même qu'Evandre n'aurait 
jamais existé. 

Remarquons ici que Denys d'Halicarnasse, qui nous ins- 
truit de rétablissement d'Evandre sur le Palatin, de la civili- 
sation introduite par lui dans le Latium, de Tautel qui lui fut 
érigé près de la Porte Trigemina (I, 32), lui attribue, entre 
autres institutions, la fondation du culte de Poséidon Hippios 
{Neptunufi equesier) à Rome. Poséidon cavalier doit nécessai- 
rement avoir eu une compagne ; il est assez naturel de suppo- 
ser que cette compagne était elle-même une déesse équestre. 
Or, cette hypothèse peut s'appuyer de certains témoignages 
explicites relatifs à la mythologie arcadienne. Nous trouvons 
en Arcadie, à Phénéos, Poséidon Hippios associé à Artémis 
Hippia ou Heurippa*. Une légende rapportait qu'Odysseus, 
retrouvant à Phénéos ses cavales égarées, y dédia un temple 
à Artémis Heurippa et une statue à Poséidon Hippios. Heurip* 
pa peut être une corruption à'Eiihippa; quoi qu'il en soit, il 
est évident que Poséidon et l'Artémis de Phénéos étaient l'un 
et l'autre des divinités chevalines. La Déméter arcadienne est 
également chevaline, par exemple à Phigalie, où elle était fi- 
gurée avec une tête de jument*; h Thelpusa en Arcadie, nous 
trouvons une Erinys chevah'ne', et nous apprenons l'histoire 
de Déméter transformée en cavale qui accorda ses faveurs à 
Poséidon changé en cheval*. Le couple Poseidon-Hippios et 
Déméter n'est pas seulement mentionné à Thelpusa, à Phi- 
galie et à Mantinée, mais à Pallantion, la patrie même 
d'Evandre; cela semble résulter d'un passage de Denys 
d'Halicarnasse^ 

Artémis, Déméter et Poséidon sont des noms donnés pos 
térieurement à des divinités très primitives. La vieille reli- 

1) Pausanias, Vm, 14, 4-5. 

2) Ibid., VIÏÎ, 42, 4. 

3) Ibid., VIII, 25, 4. 

4) J6iU, VIII, 25, 6. 

5) Denys, I, 33. 






1 



322 



REVUE DE l'histoire DES RBUGION8 



gion de TArcadie nous montre un dieu-cheval et one déene- 
oavale; celle-ci a donné naissance au cheval Arions Qrigi- 
nairemeuti ces divinités sont tout simplement an étalon et 
une jument ; c'est ce que nous constatons dans la légende de 
Thelpusa. Plus tard, avec les progrès de ranthropomor- 
phisme, nous avons la déesse de Phigalie à t6te de joment; 
plus tard encore» chevaux et juments deviennent des dieu 
cavaliers, un dieu hippios et une déesse Jdppia. 
Gomment la déesse Hippia était-eUe représentée dans Fart 




arvn*dt<^ !e ph:$ jmoiec? »c$ >;iio^ nia aajoanThu gr4« 
Wlaa ic::? -^ $ii=>:îj:.jLr? i Ar,-?œi5 i Ijk»?c* %. I . Elfe est 

:^fccct:rj^r- xr :à>f ^jl f : i.:a: xx ,-w: Eij^ rat cifcè fc paasaev 
xrdi:< rif :riirjL>i^^T: 70$ iv:,r .^cnir'skiuaQî nDç^v^mm ie 



CLELIA ET EPONA 323 

celte représentation, encore unique dans l'art grec le plus 
ancien. Pausanias dit que Déméter, après son aventure 
avec Poséidon à Thelpusa, se baigna dans le Ladon et fut 
appelée, pour cette raison, Lusia (de Xoudadôai, se laver). C'est 
là une étymologie populaire ou demi-savante; je préfère rap- 
porter Tépithète de Déméter au nom de la vieille ville arca- 
dienne de Lusoi, qui n'existait plus du temps de Pausanias. 
La Lusia de la légende est une déesse chevaline et c'est 
sous la forme d'une déesse à cheval que nous la rencontrons 
dans la terre cuite de Lusoi. 

Je conclus qu'en dehors des images de Poséidon Hippios, 
introduites dans ritalie centrale par les Arcadiens, il existait 
des statues d'une déesse à cheval, comme la prétendue 
Aphrodite équestre de Laurente et la prétendue Clélie 
ou Valérie de Rome. En Arcadie, la déesse à cheval fut 
appelée Artémis ou Déméter; en Italie, le culte et le nom de 
Venus equestris l'emportèrent, sans doute parce que la 
statue de Laurente fut mise en rappport, par la légende, 
avec la mère divine d'Enée. Mais, dans l'art grec et dans Tart " 
romain, Artémis ou Diane paraît encore comme une écuyère; 
elle chevauche des chevaux et des cerfs; elle prête sa 
monture à Séléné et à Eos ; un petit bronze découvert dans 
les Ardennes, aujourd'hui à Saint-Germain, représente Diane 
(ou une déesse celtique analogue) chevauchant un sanglier*. 
Les écuyères par excellence, les Amazones, sont les hiéro- 
dules d'Artémis à Éphèse. Diane équestre joue encore un rôle 
important dans les superstitions populaires que combattit 
le christianisme. On trouve mentionnée de bonne heure la 
croyance que Diane chevauche la nuit, suivie d'une troupe 
de femmes impies, sceleratae mulieres; au xiv® siècle encore, 
les statuts de l'église française de Conserans parlent des 

1) Séléné à cheval sur le trône de Zeus à Olympie, Pausanias, V, 2, 8; sur 
Tautelde Pergame, Vorl, Bericht,, I, p. 54 ; sur des vases, Silon, deW Instituto, 
II, p. 31, bb\Journ. Hell. Stud,. 1888, p. 10; Mylonas, 'Eç. àp*/., 1893, p. 208 
(miroir). — Eos équestre, Eurip., Oreste^ 1004 ; Eusl. ad 11,, p. 1430, 12; 
Tzetzes, ad Lyk., 17. — Artémis équestre sur les monnaies de Phères, Mûller- 
Wieseler, XVI, 173 ; à califourchon sur une lampe de Carthage (inéd.). 



1 



324 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

femmes qui chevauchent la nuit avec Diane ^ J'ajoute qoê 
dans le vieux culte de Nemi, Diana Nemorensis est assodët 
au dieu-cheval Virbius-Hippolyte*, preuve que Tidée d^one 
déesse chevaline existait aussi fort anciennement en Italie. 

Les représentations des déesses équestres sont, en somme, 
assez rares dans Tart classique. Mais elles sont très nom- 
breuses dans Fart gallo-romain. J'ai résumé et décrit, dans 
une série d'articles, plus de cent exemples de FEpona éques- 
tre, tant en pierre qu'en bronze et en terre cuite '• Toutefois, 
jusqu'à présent, j'ai omis d'aborder une question intéres- 
sante : où les Gaulois romanisés ont-ils trouvé le type de 
TEpona écuyère, qu'ils ont très souvent représentée assise 
de côté sur un cheval au repos ^? Nous ne pouvons admettre 
pour ce type une origine celtique, parce qu'il n'existait pas, 
à proprement parler, d'art plastique chez les Gaulois avant h 
conquête romaine. Dans l'art grec, il n'y a pas de figures 
analogues ; la seiUe image qui ressemble à celle de l'Epona 
gauloise — au point qu'on l'eût prise pour une Epona si elle 
avait été découverte en Gaule — est la terre coite archaïque 
de Lusoi. De Lusoi en Arcadie jusqu'en Gaule, il y a loin; je 
suis cependant convaincu qu'on peut trouver un type inter- 
médiaire, parce que la route qui conduit d'Arcadie en Gaule 
passe par Rome. 

Sur Taulel de xMavilly dans la Côle-d'Or, dont je me 
suis occupé à diverses reprises*, figurent en relief les douze 
grands dieux romains, associés au serpent à tète de tiélier, 
qui est purement celtique. Je crois avoir prouvé que Tartiste 

1) s. Reinach, Cultes, mythes et religions, t. !, p. 276. Le canon relatif 
aux femmes qui chevauchent la nuit avec les démons a été attribué à tort au 
concile d'Ancyre ; j'ai répété cette erreur après d'autres. Cf. J. Hansen, Quellen 
und Vntersuchungen zur Geschickte des Hexenwahns, p. 38. 

2) Cf. Krazer, Golden Bough, t. I, p. 5 et 6; t. II. p. 313. 

3) Revue archrvL, i895. I. p. 113, 309 ; 1898, II, p. 187; 1809, II, p. 54; 
1902, ï. p. 227 ; 19l)3. Ih p. 348. 

4] Les Kponas sur un cheval au pas, au trot ou au galop marquent un 
développement postérieur du type. 
5) En dernier lieu, Cultes, t. lll. p. 191 sq. 



CLELIA ET EPONA 32S 

inhabile auquel nous devons cet autel n'a pas cherché des 
modèles grecs ou gréco -romains, mais a reproduit les images 
les plus archaïques qu'il pût trouver à Rome môme, celles des 
Di consentes sur le Forum*. Il nous a conservé ainsi la seule 
image connue de Vesta protégeant ses yeux contre la fumée, 
type mentionné par Ovide, qui ne le comprenait plus^; un 
Poséidon nu tenant un dauphin, une Vénus sévèrement vêtue, 
un Vulcain et un Mars de types très anciens*. Après Vesta, 
la figure la plus intéressante de cet autel est celle de Diane, 
tenant des serpents dans ses mains; j'ai essayé d'établir* que 
ce motif, inconnu de l'art classique, est celui de la prétendue 
«déesse aux serpents » de Cnossos en Crète et de l'Artémis 
tenant des serpents que Pausanias signale à Lycosura en 
Arcadie*. Assurément, je n'admets pas un instant qu'un sculp- 
teur gaulois ait emprunté directement ce motif à l'Arcadie; 
il l'a pris de quelque vieille statue romaine, d'une de celles 
peut-être que Pline attribue à l'époque d'Evandre, et qui, 
comme l'image de l'écuyère Clélie, dérivaient, directement 
ou indirectement, d'un modèle arcadien. 

Maintenant, si un sculpteur celtique, vers le début de' 
notre ère, pouvait copier une Diane très archaïque et une 
Vesta très archaïque à Rome, pourquoi n'y aurait-il pas copié 
aussi une déesse ou une héroïne équestre? Pourquoi un 
artiste, appartenant à la première école d'art gallo-romaine, 
n'aurait-il pas eu recours à des modèles aussi anciens et aussi 
vénérables pour représenter la déesse équestre des Gaulois? 
Je me persuade de plus en plus que les caractères archaïques 
de l'art gallo-romain, par exemple le Mercure barbu*, les 
dieux et les déesses accroupis \ ont été adoptés volontaire- 



1) J6id., p. 199. 

2) Ovide, Fastes, III, 45. 

3) CultesA, III. p. 201,203. 

4) Ibid., p. 210 sq. 

5) Pausanias, VIII, 37. 

6) S. Reinach, Bromes figurés, p. 70. 

7) Ibid., p. 185. 



326 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

ment et consciemment par les premiers sculpteurs de la Gaule 
romaine, qui préférèrent à bon escient les types les plus 
archaïques, parce qu'ils leur attribuaient plus de sainteté. 

Quelque chose de tout à fait analogue s'est produit en 
Inde, où la plastique en matières dures, peut-être non anté- 
rieure au i*' ou au ii' siècle de notre ère, s'est inspirée inten- 
tionnellement des modèles grecs les plus anciens. Ainsi noas 
trouvons en Inde le type de Bouddha, assis les jambes croi- 
sées, qui ressemble étrangement à celui des dieux gaulois 
accroupis. Alexandre Bertrand, qui a insisté sur cette res- 
semblance^ supposa qu'elle était le résultat d'une propagande 
religieuse, l'attitude en question ayant pu être prescrite 
dans certains mystères^ D'autres n'ont vu là qu'une rencontre 
fortuite, dans la pensée, développée d'abord par M. Mowat, 
que les Gaulois, n'ayant pas de chaises, devaient s'asseoir à 
terre les jambes croisées^ J'avais autrefois admis l'influeDce 
du type égyptien du scribe accroupi, du dieu-scribe Imou- 
thès*. Aujourd'hui je suis persuadé que le modèle com- 
mun de la Gaule et de l'Inde a été un vieux type ionien du 
vi° siècle, dont il y a des exemples dans la plastique de 
Chypre, dans les terres cuites d'Asie Mineure et, en Gaule 
même, dans les deux statues archaïques découvertes à 
Velaux (Bouches-du-Rhône)\ qui ne sont pas gallo-ro- 
maines, mais gallo-grecques ou peut-être simplement 
ioniennes, comme les Cybèles découvertes à Marseille en 
1863\ Si j'ai raison, il faut admettre une inQuence de l'ionie 
sur la Gaule, d'une part, surTInde, de l'autre, à une époque 
bien antérieure h la conquête du nord de l'Inde par Alexandre 
et à rétablissement des Romains dans la Province. 

D'autres arguments m'inclinent vers celte conclusion. Je 

1) Al. Bertrand, Rev. archéoL, 1880, II, p. 3, note l.On reconnaît l'influence 
des idées de Creuzer. 

2) Mowai, Bulletin épigraphique de laGaule^ 1. 1, p, 116. 

3) S. Reinacb, Bronzes figurés ^ p. 17, 191. 

4) Espérandieu, Bas-relvf^ de la Gaule, t. I, p. 108. 

5) Ibid,, p. 48 et suiv. 



CLELIA ET EPONA 327 

me suis, en effet, assuré que les seules figures d'hommes 
nus que l'on trouve en Inde, les statues des saints jaïnistes 
dits tirthankaras, dont il y a de nombreux spécimens au 
Musée Britannique et au Musée de Kensinglon, dérivent 
toutes d'un ou plusieurs types de Y « Apollon » grec, du 
kouros\ de sorte qu'il paraît certain qu'une sculpture 
grecque du vi" siècle devint le modèle de toute une série de 
statues indoues dont les copies se répètent encore de nos 
jours. J'ajoute que parmi les ivoires ioniens découverts 
récemment par l'expédition anglaise dans les ruines du vieux 
temple d'Ephèse, il y en a deux au moins, un lion et un 
prêtre, dont les caractères sont très voisins de ceux de l'art 
bouddhique». Le voyage de Pythagore en Inde, au vi* siècle, 
est très mal attesté et peut être considéré comme légen- 
daire ■* ; mais à l'époque où la légende place ce voyage, les 
Ioniens devaient avoir des relations avec l'Inde, du moins par 
l'entremise de la Perse, puisque les Indous ont continué à 
donner aux Grecs le nom d'Ioniens {Yavanas)\ Le jaïnisme, 
un peu plus ancien que le bouddhisme, commença de fleurir 
vers l'an 550% c'est-à-dire précisément à l'époque où nous 
reporte le type plastique du kouros qui fut imité par les sculp- 
teurs jaïnistes. Deux hypothèses sont possibles : ou bien, 
dès cette époque, une statue d'homme nu, d'athlète ou 
d'Apollon, fut transportée d'Ionie en Inde et y servit de 
modèle à des statues de bois avant d'être copiée en pierre ; ou 
bien, lorsque la sculpture en pierre commença en Inde, 
après l'ère chrétienne, on chercha, dans ce pays comme en 
Gaule, à se procurer des modèles remontant aux plus 
anciennes périodes de l'art, parce qu'on les préférait à des 



1) Voir sur ce type rintéressante moaographie de W. Deonna, Les ApoUons 
archaïqueSj Genève, 1909. 

2) Excavations in Ephesus, pi. XXI, 2 et 3. 

3) Zeller, Die Philosophie derGriechen, 5« éd., t. I, p. 302. 

4) Sylvain Lévi, Hevue des Études grecques, 1891, p. 25. 

5) Chantepie de la Saussaye, Manuel d* histoire des religions^ trad. fr., 
p. 364. 



328 REVIE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 

modèles plus récenls en raison même de leur aspect hiéra* 
tique. Dans le cas de Tart jaïniste, on pourrait supposer que les 
sculpteurs des tirihapikaras ont intentionnellement choisi des 
sculptures qu'ils savaient contemporaines, ou peu s'en faut, 
des débuts mêmes de leur secte*. 

Pour en revenir à Épona, je crois que ce type d^écayère 
fut imité, très peu de temps après le début de notre ère, soit 
de la Tieille Clélia de Rome, in summa sacra ria — à supposer 
qu'elle y existât encore — soit de quelque image analogue, 
comme celle de Laurente^ et que la Clélia, non moins que 
les Éponas gauloises, se rattache étroitement à la terre coite 
<dhi vn* si^e exhumée à Lasoi. Toutes ces figures reconnais- 
sent comme ancêtre commun ane idole autrefois célèbre 
d%iie déessse chevaline, d'une déesse équestre^ consenrée 
éiBs <^Eielqiie vieux sanctuaire arcadien. 

SAi0ifO5 Reuulch. 



rumPK^ «B Inde. Dès 15^ llikèilMicir nf^rodiiàt ivm rÙBOs et }& éèesst à 

Mft d^ tàwoakl iuoiw^ toi Anai& â« reftrèdoitKôaikS uaiiûcroK sbt à«reâe£B 
niâcMis bm p<«9«nftiirs. Sctnknumt, li «à ]iikâ]îioe$6r reemn^sEÙl ime î»- 
ilmsu» ffréhîslofrum àf Huât sur it Oèee^ il iatut, su eontnàrs^ vmr les trmo» 
^Vmè ioifiiiciiK» ^ ^ Orè» màittip^ (y emniins k e^ile ^ TAse Ifomre' sur 
nhid^ iTld VKOâTé <m )t i&êni^ isfioence s^«^ exereée sur ia Bnssir mena»- 
Hftlr «i, de là, sur k Sib<m «l fuir It CHuw La n^rrcsnOaUim au gatofK, fSOl). 



LES 

SAINTS MUSULMANS ENTERRÉS A BAGDAD 



Au début de cette année, à Bagdad, j'essayais de reporter 
sur le terrain le canevas des restitutions théoriques du 
plan de l'ancienne ville, tel que l'ont dessiné Streck et Le 
Slrange, en m'appuyant sur les visites de pèlerins à certains 
morts illustres, — là où la tradition du pèlerinage n'a pas été 
interrompue — ,là où la tombe, selon l'expression consacrée, 
est restée « zâhir iouzar », demeure l'objet de ziârât publi- 
ques (visites pieuses). 

Les résultats obtenus ont décelé Tinslabilité toute spéciale 
des sépultures à Bagdad; plus qu'ailleurs, les morts se 
dérobent, charriés par les caprices de l'inondation, déplacés 
par l'ascendant momentané d'une secte. 

11 n'existe plus pour Bagdad de ces répertoires spéciaux 
consacrés aux cimetières et à leurs hôtes de marque, — 
comme les « Saloûât el Anfâs » d'EI Kaltânî pour Fez, comme 
les monographies égyptiennes des « Qirafateïn » pour le 
Caire. Le manuscrit des « Maqâbir Bagdad » d'Ibn as Sa'î 
(xiii" s.) n'a pas été retrouvé depuis qu'Hadji Khalfah le vit ; 
et j'ai dû me contenter du '< Djâmi* al anwâr », médiocre 
compilation d'EI Bendenidjt (xvii' s.) qui groupe et complète 
les indications éparses dans les grandes chroniques du Kha- 
lifat, dans les biographies générales comme les Wafayâl 
d'Ibn Rhallikân ; la liste officielle des pèlerinages actuels 
étant donnée dans le Sâl Nâmeh (Almanach du vilayet, en 
turc), (année turque 1312, pp. 254-255). 



330 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



11. — Types de tombes. 

Un examen sommaire amène à distinguer parmi ces 
tombes le madfan (contenant le corps du saint en entier oi 
en partie)/ et le ma^am (perpétuant la mémoire d*un saint 
mort ailleurs). Au Shoûnîz (rive ouest de Bagdad), le madfan 
de Djonaïd et de son maître Sirri est à côté du m&qâm de 
l'Égyptien Dou 'n Noûn. 

Nous verrons plus loin, comment, sous Tinfluence des pèle- 
rinages fondés, la piété reconnaissante des fidèles a, depuis 
le IV* siècle de Thégire, forcé la main aux fouqahâ, et orga- 
nisé, avec la confirmation officielle du khalife du Prophète, 
la célébration publique des cinq prières sur certaines de ces 
tombes, là où se trouve un mosallâ (lieu de prières) couvert, 
et un imâm desservant (métwalli), que le culte s'y célèbre 
tous les vendredis ou seulement à certaines fêtes. 

Les autres tombes, sans mosallâ ni imâm, — vivotent sous 
la garde d'un porte-clefs sans appointements fixes — , visitées 
sans régularité par les « zouwâr » (pèlerins). 

Les tombes à mosallâ^ véritables mosquées, ont une im- 
portance religieuse très supérieure à celle des mosquées de 
quartier. La coupole du cheikh 'Abd al Qâdir est entourée 
d'une véritable cité de qàdiryîn, au nord-est de la ville. Plus 
librement qu'ailleurs s'y voient les témoignages de la naïve 
dévotion populaire : maisonnettes en briques (5 briques 
juxtaposées), ka'abah eu miniature, bâties près de la tombe 
de Behloul Dàneh ; visites et prières des femmes stériles, à 
la tombe de Djonaïd*. 

Les tombes sans mosallâ sont restaurées quand elles trou- 
vent un grand qui s'y intéresse; Kâzim pasha a restauré ainsi 
après les inondations dernières la tombe de « Zobeïdeh », et 
celle d'Al l.lallàdj a été restaurée par son neveu. 

Les tombes sans moî^ailà où Ton vient prier, sans la con- 

1; En toute ziyàrab le pèlerin lettré récite les versets 63-65 de la sourate X 
devant ia tombe ou le cuiotaphe. 



LES SAINTS MUSULMANS ^ENTERRÉS A BAGDAD 331 

firmation officielle, sont tolérées, vu Tantiquité des préten* 
lions de leurs morts à Tétat de sainteté. Mais de même que 
l'administration des waqf est intervenue cette année pour 
dresser l'inventaire des trésors des sanctuaires sht'ahs de 
Rerbela et Nedjef, elle intervient quand un pèlerinage lui 
déplaît pour le faire démolir ; l'affaire récente de la qoubbeh 
de Meshâhadah en a été la preuve. 



IH. — Genèse de la sainteté de ces mobts. 

Comment ces morts sont-ils devenus des saints, comment 
la Bagdad musulmane s'est-elle choisi des protecteurs? Cela 
est un chapitre curieux de l'histoire de cette ville. La façon 
dont ses habitants ont décerné à ses « awliâ » la tawalli 
(sainteté) au nom de la communauté musulmane n'était ni 
prévue parle Oorân, ni réglementée par le khalife. Ce n'est 
pas ici le lieu d'insister sur l'évolution qui assimile comme 
signification la tawallî qoranique et la taqdis qui, elle, est 
véritablement la sainteté « consacrée »),et ne s'applique dans 
le Qorân qu'à l'Esprit de Dieu, àla Terre Sainte, à Jérusalem, 
et à l'oued Tawâ (Sinaï). 

Suivant Tusage vulgaire, et traduisant « awliâ » par 
a saints ». nous constatons qu*au début les gens de Bagdad 
n'y classèrent que quatre séries de personnages : les pro- 
phètes, les martyrs de Nedjrân et les Septs Dormants d'É- 
phèse (cfr. Martyrologe Romain, 27 juillet et 24 octobre), 
mentionnés dans le Qorân ; et dix d'entre les §ouhabâ, les 
<( ashab al moubashsharah », canonisés formellement par un 
hadith du Prophète. 

En conséquence, deux prophètes juifs, Yousha'* (Josué) et 
Élyâs (Élie), furent révérés de très bonne heure à Bagdad ; le 
premier ayant sa tombe (ou prétendue telle) au Shoûnîz (rive 
ouest), et le second ayant été confondu avec Al Rhidhr de la 

1) Yousha' est la forme arabe de Josué et non d'Osée. Mais la tradition 
locale juive est précise (cf. Rousseau, Voyage^ p. 12; André, 1899). 



33â AEVUÊ DE l'histoire DES REUGtOMS 

Sounnahy le mystérieux compagnon de Moïse dans le QoriÉ. 

Et parmi les dix açhab, trois d'entre eux, dans le pa]i, 
attiraient les dévotions des pèlerins, Tall^ah et Zobdr à 
Bassorah, 'Alt à Nedjef : sans qu'il semble y avoir endesaito 
un culte officiel sur leurs tombes ; sauf pour *Alt, de la part 
des dissidents sht'ah. 

Telles étaient les limites restreintes du culte des « awliâià 
Bagdad au début du iv* siècle deThégire. En yoici unepreaie 
dans la profession de foi sunnite suivante conservée dans m 
interrogatoire de l'Inquisition d'État (mi|^nah) en 309/922: 
« Ma religion c'est Tlslam ; mon « ma^hab », (rite) c'est h 
Sounnab, et la « tafdbtl » (vénération) des quatre imftmsles 
khalifes bien dirigés, ainsi que des six qui coaiplètenl ^sicfir 
compagnons, qu'Allah soit satisfait « d'eux tous » (procès 
d'AlHallâdj, d'après la version d'Âl KfaaUbi ap. Ihn Kbat 
likAn, in loco). 

IV. — Premières tombes et premières vies des sauts 

OFFICIELLES. 

Le culte public des saints ne se 'forme à Bagdad qu'an 
cours du iv^ siècle de l'hégire (x* s.). C'est Tépoque des pre- 
miers grands monuments élevés en leur honneur, l'époque 
des premières vies de saints, et des premiers traités dogma- 
tiques justifiant leur culte. 

Nous voyons qu'à Bagdad certains cimetières, dès la fin du 
m® siècle de Thégire, étaient choisis comme lieux d'oraison 
parles mystiques. Lorsque l'un d'eux, Al Hallâdj fonda son 
ordre, on racontait que lui, qui, pour son compte faisait sou- 
vent des retraites près de la sépulture d'Ibn Hanbal aux 
« qoboûr ashshouhadà » du cimetière de Qorëish (rive ouest), 
ordonnait à ses disciples « d'y aller pendant dix jours, prier, 
prêcher et jeûner », et on ajoutait qu'après cette « neuvaine» 
il les tenait quilles de toute dévotion pour la fia de leurs 
jours* (quant à leur propre salut). 

1) Ibn al Djauzî, Montazam, anno 309. 




LES SAINTS MUSULMANS ENTERRÉS A BAGDAD 333 

Cela montre rimporlance croissante des pèlerinages aux 
cimetières; aussi les premiers Hamdanides, encore à la cour 
de Bagdad, font construire les premiers mosallâ sur les 
tombes des *Alides, et sur latombedeTimâm Al A'zam Abou 
Hanîfah s'élève une « soffah », avec un petit oratoire. 

En droit sunnite, l'école des Ash arites, dans la personne 
de son second fondateur. Al Bâqillâni (f 403 hég.), accepte 
la première d'étendre avec quelque certitude la tawalli (sain- 
teté) à des modernes, accueillant ainsi le principe posé dès 
l'origine par les écoles chi'iles, et légitimant l'usage qu'en 
avaient essayé certains groupements sunnites, les Hanbalites, 
Kirâmiyîn et Sâlimiyah, lorsqu'ils recueillirent pieusement les 
gestes vertueuses, « manâqib », de leurs fondateurs. 

Al Bâqillânî est le premier à avoir formulé ce principe sous 
une forme générale ; l'ouvrage spécial où il le fit n'a pas été 
retrouvé; c'était, d'après ce qu'en dit un contemporain*, sur 
la « *Idjz al mo'tazilah 'an tashth dalâtl an noboûwat », 
« l'impuissance des mo*lazilites à reconnaître les signes de 
l'état prophétique ». La thèse est nouvelle, et digne d'atten- 
tion; c'est la première fois qu'un feqth officiel, nullement 
mystique, un qâdhi des qâdhis de Bagdad, pose la question 
de laproj)hétie sur le terrain « expérimental » ; faisant appel, 
pour rendre compte de la sainteté des prophètes, aux états 
connus et constatés chez des mystiques modernes ; et, parmi 
, les exemples qu'il analyse, se trouvent les miracles opérés 
par Al Hallâdj, au grand scandale des Bagdâdiens, quatre- 
vingts ans auparavant; Al Bâqillânî n'y voit rien d'inadmis- 
sible selon le point de vue dogmatique des ash*arites, puis- 
qu'il déclare que ce furent là des « dons de Dieu. » 

V. — Al Ghazali et Ibn al Djauzi. 

Le mouvement devient si net parmi les fouqahâ de Bagdad, 
qu'à la suite d'Al Bâqillânî nous voyons Al Qoshaîrî accentuer 

1) 'Abdal Qàhir al Baghdàdî f 429 hég., dans son « Ferq » (ms. Berlin, 
2801, fol. 101 a) ; « le qaJlii Abou Bekr MohaiomeJ ibn atTayyib rash^arite) : 
c'est Al Bâqillânî. 

23 




334 BEVUE DE L^HISTOIRE DES RELIGIONS 

sa position, et associer en sa personne Fécole de droit 
ash*arite avec les cercles mystiqnes de Nishapour dirigés pu 
le grand poète Abou Sa'td ibn Abi'l Khatr. 

Il est impliqué dans la persécution des ash ^arites parTogrod 
Beg : mais cela n'enraye rien, et la thèse d*Al BftqiUftni 
triomphante est professée, sous le patronage du Nliam oui 
Moulk et dans son « université » de Bagdad (medreseh Nia- 
miyeh) par Timàm Al GhâzAlt. 

Tout sunnite de Bagdftd souscrira à la déclaration d*Al 
GhAzâlt dans son « Mounqt(jl min adh dhalAI » ' : « qa*eii too( 
temps il existe des hommes qui tendent à Dieu, et que Diei 
n'en sèvrera pas le monde, car ils sont les piquets de la lente 
terrestre ; car c'est leur bénédiction qui attire la miséricorde 
divine sur les peuples de la terre. Et le Prophète Ta dit : 
C'est grftce à eux qu'il pleut, grâce à eux que Ton récolte, 
eux, les saints, dont ont été les Septs Dormants ». 

Et le culte populaire, officiellement légitimé, choisit la 
quatre patrons de Bagdad : Ibn Hanbal, Mançoûr ibn 'Ammâr, 
Bishr al Hâft, MaVoûf alKarkht. Et les recueils d*hagiogn- 
phie colligent les vies et les exemples des saints. 

Le plus célèbre paraît avoir été « laHilyet al anbiyft wa tabt- 
qâl al asfiyâ » d'Abou No'aîm al Isfahânî (f 430 hég.) dontle 
titre associe si étroitement les prophètes aux saints^ leurs 
successeurs dans la jouissance de Tinspiration divine, ainsi 
reconnue parles sunnites après Mohammed. 

La « Hilyet » très demandée à Bagdad, fut résumée ptf 
Ibn al Djauzi, le grand prédicateur hanbalite de Bagdad, dans 
sa « Crème des crèmes » (Sefwet eç Sefwet), qui existe encore 
en cinq volumes dispersés dans les bibliothèques d'Europe; 
faite sur un plan méthodique, régional, énumérant dam 
chaque pays les saints puis les saintes, connus, puis ano- 
nymes, s'adressant à tout le peuple sunnite, et non pas seule- 
ment aux cercles mystiques de « soufîs comme la série coo- 
temporaine et concurrenle des « Jabaqât » de Sulaml el 
Ka'bî jusqu'à 'Attar. 
1) Éd. Caire, 1303, p. 17. 



LES SAINTS MUSULMANS ENTERRÉS A BAGDAD 335 

Cinquante-cinq ans après Al Ghâzâl!, meurt le grand saint 
de Bagdad, le « cheikh » tout court, de là-bas, Mohyî ad Dîn 
'Abdal Qâdir al Kîlânî, futur éponyme de Tordre qâdiriyah 
(561/H66). Très discuté par Ibn al Djauzî, son souvenir 
règne maintenant sur Bagdad. 

Et le calendrier des saints qâdiriyah a évincé chez les sun- 
nites de Bagdad les saints des iv« et.ve siècles de Thégire. La 
liste officielle des saints protecteurs de Bagdad telle que l'en- 
registre le « Sâl Nâmeh » donne la place d'honneur à *Abd al 
Qâdir, à deux de ses fils et à ses disciples. 



VI. — Le calendrier actuel. 

Voici la liste* des 67 saints sunnites officiellement révérés 
a Bagdad : 

A. Bagdad rive gauche {Rosâfah) : 

1. Le ghoûk suprême *Abd al Qâdir al thîlânî (f 561/1166). 

2. Ses fils *Abd al Wahhâb et *Abd al Djabbâr. 

3. Son disciple Sirâdj ad Dîn. 

4. Son disciple $adr ad Dtn. 

5. Soultàn 'Alî. 

6. L'imâm Ahmed QoudoûrI (f 428/1036). 

7. Ahmed al Witrî (f 970/1562). 

8. Nadjîb ad Dîn as Sohrawardî (f 562/1 168). 

9. Shihâb ad Dtn as Sohraw&rdî (f 632/1234). 

10. AbouM Faradj ibn al Djauzî (f 597/1200). 

11. Hârith al MohâsibI (+ 243/857). 

12. Mohammed al Azhart (des Qâdiryln). 

13. Mohammed al Alafî (des Qâdiryîn). 

14. Mohammed Refî*. 

15. Le seyyîd Ibrahim. 

16. Mohammed al Ahsâyî (+ 1203/1781). 

17. Mohammed No*mân. 

18. Mol^ammed al Khawlânî [ou al Djawlânt). 

19. *A1Î al Çal^rânî. 

1) Je me résous à publier le document tel quel, le commentaire qu'il nécessi^ 
lerait dépassant les dimensions prévues de l'article» 




336 REVUE DE l'histoihe des religions 

20, Mohammed al FadhL 

2L Son Trère Ibrahim al padhi. 

22. L'fmâm Mohammed al 'Aqoùll {tanbalite (ïïv* s J. 

23. Pîr Liâoud. \ 

24. Karadj Dàoad. / te* 

25. Abou Seyfeyn, > shouhadâ 

26. Djowan inerd ai Qassàb {xvji= s.) 1 (martyrs')- 

27. Qenber *Alï {\tv s., tué à Wâsiu/ / 

28. Mohammed al Madjnoûu (xtii* s.)- 

29. Mobammed-ibn-Mohammed al Ghaîàti, 
aO, *A1( al OeQdenldjl, 

31. Al Makkl (t 386/^96}. 

32. Mohammed DjamaK 

33. 'Omar al Qazzài, 

34. Mohammed al Bakrt. 

35. Ahmed Baghdàdf. 

B, Bagdad j rive droite (Karkà) : 

1. AlKhidhrElyâs, 

2, Al Nabi Yoîisha\ 

,3. Ma^roûf al Karkhf (f 200/816). 
4 a-t. Sirrî al SaqatN et Djonatd al Baghdâdî (f 293/910), 

5. Oâoud az Zabi H (+ 270/883). 

6. Habîb al ^Vdjamî (t 235/849). 

7. Abou'l Ila^aa rAIÎ al Aâh*arl (f 324/936). 

8. Dioud al. Tayî (t 165/781). 

9. Houyâm-iba-Abraed (f 303/915). 
10. Nadjmad Dln ar Râzï (f 654/1256), 
il, Rahlûul Dàoeh {nu* s,). 

12. Sandal. 

13. MoCl^à al Djabboùr! naqisli bendi (début iu« s.), 

14. Le seyyîd *Abd al Ghafoùr. 

15. La dame Zobeïdeh (f :' 16/831). 

C. Faubourg de PA^zamiyek (rfv& gauche) 

1. L*imâm A*zam Abou bantrah No'mâJi(| (50/767), 

2. Âhmtid-ibn-Hanbal (f 241/855). 

3. BisbralHâfî(+ 227/841), 

4. Aboy Bakr a^h Shibir (f 330/iîlt), 

5. Djalàl ad Dtn. 

'6. Mohammed al NouH (f 295/907), 
7. Mohammed ad Ûibns. 
S. Mohammed *Ariyàn- 

1) De la guerre sainte (Qofân, UI, 163). 

2) + 257/871. 



LES SAINTS MUSULMANS ENTERRÉS A BAGDAD 337 

D. Faubourg dé Kâzimiyeh {rive droite) : 

1. Moûsâ al Kâzitn (f 186/802). 

2. Mohammed al Djawâd (t 219/834). 

3. Ses fils les seyyid Ibrâhîrn et IsmaMl. 

4. L'imâm (haniflte) Abou Yoûsef(+ 172/788). 

5. NasP Allah Ibn al Ahlîr (philologue f 637/1239). 

6. Mohammed al Anbârî (f 328/939). 

Retenons simplement trois noms : le prophète Josué,Moûsâ 
al Kâzim et Soultân 'Al!. 

La tombe de Josué (Yousha*) au Shoûnîz (rive ouest), a été 
tout récemment confisquée aux juifs de la ville, et l'oratoire 
donné au culte musulman ; par compensation sans doute, de 
la rétrocession, hors de la ville, du tombeau d'Ézéchiel 
(Dou'l Kifil au S. deHilleh) aux Juifs, avec une mosquée qui 
est devenue une synagogue. 

La tombe de Timâm Moûsâ al Kâzim est, avec celle de 
Mohammed al Djawâd et de ses deux (ils, le seul emprunt 
fait par le calendrier sunnite de Bagdad au martyrologe 
shî'ah. Ce n'est pas que celui-là soit négligeable. Il com- 
mença d'être dressé depuis la tragédie de Kerbéla, et, bien 
avant que les pèlerinages sunnites s'organisent, les shî'ah 
allaient prier, en cachette, sur les sépultures de leurs martyrs. 
Dès le iv« siècle de l'hégire, la tolérance des Bowaihides leur 
permit d'élever des chapelles, comme celles de la Moulaqah, 
et do Bourâthâ (Bagdad rive droite), en des lieux où *AIÎ 
avait, dit-on, prié. Plus récemment l'occupation persane des 
Séfévides a multiplié toute une série de « maqâm »> apocry- 
phes, d' « imâms» locaux, comme Tâhir-ibn zein-al *Abidîn, 
ou Khâdidjah fille d'Al Hasan ou Fâtimah fille d'Al Hosaîn, 
sauvegardes précieuses tout au moins pour leurs quartiers, 
menacés par les garnisons persanes. 

Le dernier nom que nous ayions à examiner c'est celui de 
Soultân *Alî. Il est attaché à un tombeau autour duquel s'élève 
mainlenanl une mosquée importante et fréquentée. Ce saint, 
nouveau venu dans la liste, est fort mal accueilli par les chro- 
niqueurs. A en croire\al Bendenîdjî, son existence pourrait 



338 



HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 



bien êlre problémaliquep II apparaU au xvii'' siècle, après la 
vicioire des Turcs et des suoniles, sdns histoire el très corn- 
promis par sou litre plutôt archaïque de « soullAu ». Lei 
Rifâ'yÎD ont essayé, sans grand succès^ de démontrer que 
Soultâo 'Ail avait été le père de leur éponyme le Seyyid 
Ahmed. Et ils ont adopté sa mosquée comoie lieu de réueion 
pour leurs « dhikr >> deux fois la semaine. 

De là, les Rilâ'ytu eutreprenuent, petit à petit, la conquête 
spirituelle de Bagdad, jusqu'ici fief qâdiriyah. Mais, par une 
circonslance fâcheuse, leurs ennemis prétendent faire la 
preuve que le nouveau *» saint »j des RifA'yîn, qui devait les 
mener à la victoire, le seyyid Mohammed ar Kawâs, auqud 
l'argent du sultan édifie eu ce momeul une coupole — n'est 
pasmoi't il y a vingt ans, — et n*a jamais eu une existence 
réelle. MaiSj à trop vouloir prouver, on se cootrediL 

Louis Massignon. 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISES 

AU CONGRÈS D'OXFORD 



Le troisième Congrès international de l'histoire des religions a eu 
lieu cette année à Oxford. Le succès a été très grand et a dépassé de 
beaucoup celui des deux congrès précédents, aussi bien par le nombre 
des délégués, qu'au point de vue des conférences. Dans ces circons- 
tances, il est impossible à une seule personne de donner une idée 
générale de Tensemble. On se voit dans la nécessité de se restreindre, 
de plus en plus, à ne suivre que les travaux de sa propre section. Il en 
résulte que les sections prennent Tallure de petits congrès indépen- 
dants faisant partie du grand congrès. On ne peut nier qu'il n'y ait là 
certains désavantages : dans l'histoire comparée des religions peuvent 
tout naturellement surgir des idées initiatrices importantes, émanant 
de domaines étrangers aux études ordinaires de chacun. Pour cette 
raison, il serait peut-être utile que la séparation entre les sections ne 
soit pas trop marquée, mais d'autre part, il en résulterait peut-être une 
tendance à remplacer les grands congrès par un grand nombre de 
petits congrès spéciaux ce qui ne serait guère utile. Dans tous les cas, il 
serait à souhaiter que les travaux des diverses sections n'aient pas lieu 
aux mêmes heures, afin qu'il soit possible de suivre davantage les 
différentes conférences. Le congrès de cette année était trop étendu 
pour qu'un tel arrangement fût possible; soyons d'autant plus recon- 
naissants au comité d'organisation d'avoir essayé de remédier au mal en 
faisant prononcer les discours d'inauguration par les présidents de chaque 
section lors des séances générales. L'exemple est à retenir et à 
suivre. 

(ilomme je l'ai dit plus haut, il serait donc tout à fait impossible de 
donner un exposé du congrès dans son ensemble, fondé sur une impres- 
sion personnelle. Aussi, la direction de celte Revue m*a-t-elle seule- 
ment chargé de présenter un exposé des travaux de la section des 
religions des non civilisés. Il ne peut naturellement pas être question 
de détailler toutes les communications et de faire ainsi double emploi 



340 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

avec les comptes rendus imprimés du Congrès. En donnant un aperça 
de quelques-unes des conférences, j'ai seulement l'intention de signaler 
les questions qui ont le plus particulièrement préoccupé le Congrès, 
et qui du reste, éveillent actuellement la plus vive attention dans le 
domaine ethnographique de l'histoire des religions. 

Il n'est pas étonnant qu'un congrès tenu en Angleterre ait présenté 
pour les religions des non-civilisés un intérêt tout spécial et se soit 
montré extrêmement fécond. Un congrès, si international qu'il soil, 
reçoit toujours l'empreinte du pays où il se tient. Je ne vise pas seule- 
ment ici l'organisation et les fêtes, mais aussi les conditions sdenti- 
fiques ambiantes. Ainsi nous avions au milieu de nous la figure impo- 
sante et vénérable de E. B. Tylor, le véritable créateur de la scienœ 
dont s'occupait la section. Le Président a inauguré les débats en rap- 
pelant que trente-six années s'étaient écoulées, depuis l'apparition de 
la première édition de u Primitive Culture > et que, malgré que les 
opinions se soient modifiées sur bien des points, rien n'était survenu 
qui ait ébranlé la méthode du Professeur Tylor. En effet, c'est grâce i 
cette méthode que les recherches sur les religion ^ des non-civilisés se 
sont élevées au rang de science et il semble que ce soit dans les pap 
an^rlo-saxons quelles aient été le plus activement cultivées. Il n'est pas 
étonnant quVn Angleterre en y ait porté l'intérêt le plus vif, si Ion 
considère les énormes relations coloniales du royaume britannique. 
Missionnaires et commerçants anglais, fonctionnaires et officiers «ont 
en contact oontinuel Àveo l-es vieilles civilisalions de TOrient, et avec 
los primitifs de tout le ^ ob-e terrestre. Mais ce n'est pas la seule 
raison, et ou le o vupre::.! en oocsidérant îa manière difTêrente dont 
Tcvole authro;oo!o^iiue an^'aise a ic:îuec:é la science française et la 
science a!Iem.i:::e Kp. ce qui concerne les conditions externes dont 
nc-:s Vî^aoLLs :e -jarl- r. ces deux derniers pays se trouvent dans ia 
::.è-.ie sitUA'.:; ', mais ce u'^s: p'jurtaa: qu'en France que la science 
r.cv;\e.*ie a v:a '.eut ;t:s rAciue En Allfmi^e et dans les rê-^ons ou la 
<c::"n:e A!le:v.ac:t i everce :u: par:.j'-i::èr*?xrct son iQ3iien«:e, l'étude 
e:h:\ccr;çV. :-:r ::?s re \:::"< rs: pei irvrl::iee p.^ir ne p^s -dire 
•ç:'es:;ue .:::c :•.",::•. '..r. > :.r^ irs r>? :^ :::s y rs: c£itièn*menî soamise à 
l.i :r.-vl,*ç*- ^* i A V^- 1 -\::e, f: ii~s :;rs nii.ieMX ce cotLsiière eno:re 
av:^v: :càa:;^ !i :v:: lOr f :.u;!5:r:i:>:;uf : i c:iJLl-:ri5te ippaïuée aux 
...... .. .. .^ ... .^.- .. ^. .-.. ;^ ^ ,^j :^.i2jrri r.i> i^-iz.: que L'cisriire :ocï:- 

.a ^*;' A:s ï .: ;v^ .1 : ;: : . 5 _ir ,i:s. :-:i -lirrrrciaiie 1:1 l.eLi i*4:r^, 
iu ^r*; -•-:< -1 c.-; > .■vir..:.! .f.'s. -I loc^^s^: .j'f :, is :•* ni':ij:à i^rèxbLe ie 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS d'OXFORD 341 

quelque chaire de théologie ou de philologie. Cet état de choses doit for- 
cément influer sur Tordre des recherches d'histoire religieuse *. Comme 
objet de celles-ci, on ne tient généralement compte en Allemagne que 
des religions se fondant sur des documents écrits, puisqu'on a jugé 
d'avance que là seulement il peut être question de pousser les recher- 
ches jusqu'aux sources. Au cours du travail de la section, nous avons pu 
juger combien cette opinion était erronée. On a constaté, plus d'une fois, 
que pour celui qui veut vraiment connaître la religion vivante, Tétude 
des rites, des usages et des coutumes fournit des matériaux aussi indis- 
pensables que ceux que les siècles ont recouverts d'une couche épaisse 
de poussière. Il faut atteindre cette religion vivante, que ce soit celle 
des peuples non-civilisés ou celle de& couches primitives des peuples 
dits civilisés; faute de quoi on se prive de la possibilité de comprendre 
historiquement les religions élevées. Si, ayant trouvé un parallèle pri- 
mitif à une coutume existant dans une civilisation élevée, on va jusqu'à 
croire avoir trouvé là l'idée d'où provient cette coutume, alors seulement 
on dépasse les limites de la méthode scientifique, car on néglige le déve- 
loppement intellectuel plusieurs fois séculaire. C'est ce qu'on a reproché 
— mais à tort, — à l'histoire des religions en tant que science com- 
parée. 

Des méprises pareilles et une pareille méfiance n'ont pas pesé sur 
la science anglaise, et voilà pourquoi elle occupe toujours la place 
d'honneur, bien que l'Allemagne possède des ethnographes d'une rare 
distinction. L'ethnographie allemande s'est, en général, peu occupée de 
l'étude de la religion et lorsqu'elle l'a fait, cela a été d'une manière 
descriptive. Les exceptions ne font que confirmer la règle : on n'a pas 
cherché comme les savants anglais à atteindre aux lois générales des 
phénomènes. On peut aussi dire que c'est en sa qualité de science com- 
parée que l'histoire des religions telle que la comprennent les Anglais, 
diffère de la conception que les Allemands ont de la même science. 

Mais on se trompe si l'on croit que la science anglaise, grâce à sa 
méthode uniforme, a atteint des résultats concordants. Cela n'est vrai 
que d'une façon générale, car souvent on a été trop enclin à découvrir 
des lois d'une valeur universelle avant que les matériaux aient été suffi- 
sammment triés et suffisamment nombreux. 

1) Nous trouvons non seulement en France, mais aussi en Hollande un appui 
à ropinion que nous venons d'émettre. Là encore Thistoire des religions a acquis, 
grâce à révolution historique, une entière indépendance, ce qui a proGté aussi 
à rhistoire ethnographique des religions. 



342 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Voilà les réflexions qui, plus d'une fois, me vinrent i l'esprit | 
la trop courte durée du Conjurés. J'espère que le lecteur y aequieeeen, 
si tant est qu'il veuille prêter attention au compte-rendu que je doi- 
nerai des débats, en insistant particulièrement sur ce qui, à num tni^ 
représente le mieux le niveau actuel de la science» 

Des questions vidées ou abandonnées depuis looglemps se npi 
sentent sous une forme nouvelle. Tel le problème de savoir sTil | a te 
peuples sans religion, discuté à présent au point, de vue de la prioiitf 
de la religion ou de la magie. Il y a quelques années» on a repris h 
question du monothéisme primitif qui soulevait autrefois des oonlio- 
verses si passionnées; maintenant ce problème n*est plus posé parte 
théologiens proprement dits, mais il dérive dé Thypothèse, émise pu 
quelques savants et quelques missionnaires, d*un ôtre relatifemcit 
suprême. 

Le président de la section^ M. Sidney Hartland a inauguré les débats 
par une conférence des plus intéressantes consacrée principalement à 
la position de la science vis-à-vis de ces questions. 

Pour ce qui concerne la magie et la religion, H. Hartland a indiqué 
Topinion de Frazer qui considère la magie comme antérieure à la reli- 
gion et celle de Preuss qui, au cours de rechercha faites chei hi 
Indiens du Mexique, est arrivé à une opinion analogue. Quant à Vent' 
teur, il ne croit pas que les recherches historiques puissent donner one 
réponse à cette question. Le seul fait que les recherches démontrent de 
plus en plus nettement, c'est le rapport étroit qui existe entre Tune et 
Tautre. Dans cet ordre d'idées, 1 orateur a exprimé sur les tribus Arunla 
et sur leurs voisins 1 opinion que malgré les investigations de Spencer 
et de Gillen nous n'avons pas, sur oes peuples, les connaissances 
nécessaires pour pouvoir fonder sur eux une théorie générale. 

Pour ce qui est de la question d'un être relativement suprême, 
l'existence d'un tel être chez les peuples primitifs paraît fort incertaine. 
Spencer et Gillen n'en ont trouvé de trace que chez les Kaitish. Par 
contre, des missionnaires allemands, M. Slrehlow et ses collègues ont 
trouvé cette croyance très prononcée en Australie. M. Hartland attribue 
cette circonstance à ce qu'en leur qualité de missionnaires, ils n'ont 
pas su gagner pleinement la confiance des indigènes, lorsqu'il s'est agi 
des mystères. Dans tous les cas, il faut attendre des renseignements 
complets de leur part, avant de pouvoir se former un jugement tiès 
précis. 

Mais on ne peut nier que certaines tribus du sud-est de l'Australie 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS d'oXFORD 343 

ne croient à un être qu*ils appellent € père :». Cela parait témoigner 
d'un développement considérable. Mais si nous considérons que sou- 
vent, piesque tous les hommes âgés sont appelés pères surtout par 
ceux qui se trouvent avec eux dans un rapport quelconque de parenté^ 
cette circonstance prend un autre aspect. Howitt voit dans ce père sur- 
naturel ridéal du chef de tribu. Il est le premier dans l'usage des 
armes, et le plus adroit dans les artlQces secrets de la tribu. Si, selon 
notre terminologie, on l'appelle éternel, cela tient tout simplement au 
fait que personne ne meurt sinon par la violence ou par la magie. La 
violence ne peut l'atteindre, et son adresse en magie est plus grande 
que celle de tous les autres. On ne Tadore pas, quoique son nom soit 
invoqué dans les cérémonies de la tribu et qu'une image primitive à 
sa ressemblance y figure. Il n'est pas un dieu, peut-être le serait-il 
devenu si le développement avait pu continuer, mais nous ne pouvons 
pas en juger à présent. Nous nous trompons^ dans tous les cas, si nous 
croyons qu'à ce degré d'évolution il existe une croyance à un être rela- 
tivement suprême. M. Hartland indiqua, dans cet ordre d'idées, la dif- 
férence dont on ne tient pas assez compte, entre la manière de penser de 
rhomme cultivé et celle de Thomme primitif. Nous pouvons, en étudiant 
une religion de civilisés, placer chaque chose dans le cadre auquel elle 
appartient, nous pouvons parler de dogmes dilTérents. Mais la religion 
des peuples primitifs n'a pas de dogmes, car tout y est étroitement mêlé 
de mythologie et de rites. 

Ce qui forme le fond de la solution du problème religion et magie 
proposée par Hartland, c'est justement le fait, que le rite est pour 
ainsi dire primaire. Selon lui, l'homme primitif traite tout comme dé- 
pendant de la personnalité, et comme les personnalités ont les mêmes 
besoins et les mêmes facultés que lui-même, l'homme primitif traite 
cet être de façon à acquérir son amitié. On répète ces rites, ils se trans- 
mettent de génération en génération. D une certaine manière on peut 
les appeler magiques, et, dans ce sens, la magie est la plus ancienne. 
Mais, d'un autre côté, la magie et la religion sont comme les deux côtés 
d'une même médaille. Si on pouvait tomber d'accord sur ce qu'on en- 
tend par religion ou par magie, les controverses à ce sujet deviendraient 
moins ardues. Mais, par exemple, l'un ne trouve rien de religieux dans 
les cérémonies des tiibus Arunta et n'y voit que de la magie, tandis 
que l'autre les trouve empreintes de religion. Tout dépend des opinions 
divergentes sur ce qu'on appelle religion et magie. <x Si nous étions tous 
parfaitement d'accord sur ce que nous entendons par dieu, fétiche, etc., 



344 REVUE DE l'histoire DES REUGIONS 

nous ne trouverions pas le problème de roriginede la religion nMHmdX- 
ficile à résoudre, mais nous aurions, dans tous les cas, une eompiéh» 
sion plus claire des conditions de cette solution et de la direction qA 
feut prendre pour la trouver. » 

Voilà vraiment une parole nécessaire. Plusieurs fois pendant les dii> 
eussions de la section, on est revenu sur ce sujet, pour déplorer la e» 
fusion produite par le fait que, d'une part, on emploie la déncMninitiM 
de dieu dans l'acception la plus élevée, et que de Taotre côté on TempUe 
pour désigner les formes les plus élémentaires. Ces deux acoeptioM,! 
proprement parler, n'ont de commun que cette dénomination arbitnin. 

Ce n'est pas seulement dans le discours inaugural que la qoeste 
des rapports de la religion et de la magie a été discutée. Dans une en- 
férence qui eut lieu après et qui fut une des plus i*nportante8 de h 
section, le professeur F. B. Jevons parla de la magie. II déclara que b 
but qu'il voulait atteindre par sa communication était de provoquer on 
discussion, actuellement ou plus tard, aûn d'obtenir une définitiooéi 
mot magie. La première question posée fut celle de savoir si la nufii 
fait nécessairement supposer un magicien. Gela ne parait pas toojoai 
être le cas, et le D' Frazer dans le Golden Bough^ semble dispoiéi 
regarder la magie sans magicien comme primaire. 11 part du prinap, 
qu'un fait provoque toujours un fait pareil. Un fait est néoeesairemsi 
suivi d'un autre. 

M. Jevons a objecté que cette notion implique qu^un objet peut infiaei- 
cerun autre objet. Mais toute ctiose étant, dans la phase de ranimisme, 
en quelque manière personnelle, il s*ensuit que chaque influence est 
personnelle. Si par conséquent, l'animisme représente la première phase 
du développement de Thumanité, la magie présuppose, à son début, une 
force personnelle. Mais comme tout se faisait par suite de volontés per- 
sonnelles, il s*agit de trouver pourquoi quelques-unes d'entre elles oot 
reçu le nom de magiques. 

M. Jevons trouve la solution dans les notions sur l'origine de la mala- 
die et de la mort. On croyait que quelqu'un en était cause. Celui qui 
peut ainsi, à distance, causer du mal, est un magicien. 

Considérant le modus operandi de ce magicien, on a prétendu qu'il 
répondait à l'idée que le magicien imite le résultat qu*il veut obtenir. 
Cette opinion est la plus répandue. Mais M. Jevons ne raccepte pas. Si 
quelqu'un fait une image d'un individu et qu'il tire une flèche sur 
cette image pour faire mourir l'individu, cela n'est pas une imitatioo, 
c'est une manière réelle de tuer. Il faut se rappeler que, pour le primi- 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS D'OXFORD 345 

tif, la notion de ressemblance et celle d*îdentité ne sont pas des notions 
dififérentes. Si quelqu'un ressemble à quelque chose, il est cette chose. 
M. Jevons trouve dans ce fait, qu'on oublie trop souvent, l'explication 
de la manière d'agir du magicien. 

Mais ce qui reste inexpliqué, c*est la grande quantité de faits connus 
sous le nom de magie sympathique. Ici il n'y a point de magicien. Si 
on porte les plumes d*une buse déplumée, on devient chauve. Ici les 
choses influencent les choses, sans aucune intervention personnelle. 
Mail^ il faut aussi nous rappeler, pour ce cas, le signe distinctif de l'ani- 
misme. La question ne sera jamais qu'est-ce gui l'a fait? mais qui l'a 
fait? La réponse sera : cet homme, cet animal, cet oiseau. Et, répétons- 
le encore, là où nous trouvons une ressemblance, l'homme primitif 
trouve l'identité. 

M. Jevons proposa finalement la déQnition suivante : 
La magie est la force mystérieuse qu'une personne possède de faire 
à distance du mal ou — peut-être plus tard du bien — à une autre 
personne, puissance qui, lorsqu'elle est pratiquée, est suivie d'un geste 
ou de quelque chose d'analogue, auquel le résultat peut être attribué. 
Ce geste représente pour nous seulement ce qui est désiré. Mais pour 
le sauvage qui ne distingue pas les catégories, ressemblance et identité, 
ce geste est justement ce qu'il veut. 

Dans les discussions qui suivirent, les différents orateurs firent res- 
sortir l'importance qu'il y aurait à introduire ce discours in extenso 
dans les comptes-rendus. Une conférence de M. Jevons est un événe- 
ment des plus importants pour les milieux qui s'occupent de l'histoire 
des religions ; elle y suscite toujours une vive discussion. 

Un problème analogue fut l'objet de la conférence de M. Edward 
Clodd sur « les phases préanimistiques de la religion ». Il a relevé la 
nécessité de ne pas définir les phases premières uniquement par le 
terme animisme. 

Cette question est d'un intérêt très vif et très général. Quant au 
terme même de pré-animisme, c'est M. Marett qui probablement s'en 
est servi le premier. Celui-ci a eu l'occasion de préciser, dans une com- 
munication, la base plus large qu'il donnait à la religion. Cette confé- 
rence qu'il a appelée « De la conception du Mana > avait pour but de 
donner à l'histoire comparée des religions, et surtout à la partie de 
cette science qui s'occupe des religions d'une civilisation inférieure, 
une base de travail, un terminus a quo, sous la forme d'une déûnition 
ou plutôt d'une délimination de son objet. 






346 REVUE DE l'histoire DES ItELIGIONS 

D'après M. Marelt, i'inteliî|^nce non développée peut, d'une façongi- 
nérale, distinguer ce qui est normal de ce qui est extra-normal, ou àtct 
que nous appellerions les expériences surnaturelles. Ces dernières sont h 
matière brute de ce qui dans certaines conditions devient religion. S 
nous le regardons dans sa capacité purement ezisteneielle, Textra-nor- 
mal ou le surnaturel a pour rintelligence non développée, deui cMh 
complémentaires : 1* un négatif qui est « tabou » c*eei-à-dire qu'il m 
faut pas s'en approcher sans mesures de précaution, 3* l'autre poiitit 
est c mana », c'est un instinct possédant une force opérant des mindei. 
Nous avons ici deux catégories ou termes, ayant la pins vaste étcndie, 
et qu'on peut appliquer au surnaturel partout ou il se trouve « t dan 
toutes les formes où il existe. Dans sa capacité morale, le sumatoni 
s'adapte selon les appréciations sociales qui séparent la « religion » oi 
supra-naturalisme utile à la société, de la « magie » ou supra-nati- 
ralisme anti-social. 

Cette formule de tahou-mana était plus apte à Caire naître c un 
définition minimum de la religion > (expression de Tylor dans laquelle 
le mot de religion est employé, dans un sens plus ou moins éqnivilut 
de celui de supranaturalisme) que l'animisme de Tylor. L'animisme «t 
une sorte de pbilosopbie primitive qui embrasse beaucoup plus que le 
supranaturel, par exemple dans les régions de l'Océan Pacifique, oi 
bomme vivant ou un porc vivant ont une «Ame », mais de là nas'ei 
suit pas qu*ils soient mana ; le revenant d'un homme mort n'est pn 
non plus nécessairement mana ; mais, d'autre part, un esprit est tou- 
jours mana. De cette façon, la formule tabou-mana n'accorde entière- 
ment avec le supranaturel, tandis que Tanimisme a un sens troplai^. 
M. Marelt déclara finalement que ces observations partent d'un point de 
vue analytique et non génétique. Lorsqu'on trouve la trace d'une ou de 
plusieurs lignes d'évolution, il peut arriver que mana laissant indécise 
la différence entre le personnel et l'impersonnel, doive dans une certaine 
mesure, céder la place à un animisme spécialisé, qui est plus approprié 
à exprimer une haute individualité. Tel est le culte des héros pratiqué 
aux îles Salomon, qui est fondé sur le culte des esprits. 

La conférence consacrée à certaines traces de totémisme dans la pres- 
qu'île Malaise faite par M. W. W. Skeat et lue par le D' H. Marett 
Tims traitait aussi de questions de principes. M. Skeat niait Texistence 
du totémisme dans cette région. Dans la discussion qui suivit ,on appuya 
énergiquement sur le fait, qu'on ne peut parler de totémisme que dans 
l'acception de totémisme de clan. L'auteur de cet article est aussi 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS d'OXFORD 347 

arrivé à un résultat analogue dans ses recherches sur ce phénomène. 
> Telles furent les conférences qui étaient plus directement consacrées 
aux questions générales. Mais celles décrivant des phénomènes isolés 
ou des peuples particuliers, ont très souvent aussi remis en question 
les principes généraux. 

Nous passons à ces dernières. 

Le D' Preuss, inspiré par ses voyages et par ses études, parla du 
culte astral actuel el ancien chez les Indiens mexicains. 

De 1905 à 1907, Preuss visita les tribus primitives Cora, Huichol et 
Mexicano habitant la Sierra Madré occidentale mexicaine sur la côte 
de rOcéan Pacifique. Il a noté une foule de textes^ de chants, de prières 
et de mythes religieux qui nous permettent de comprendre Tancienne 
religion américaine, dans son caractère de religion astrale. Les temples 
ronds des Huichols, destinés à tous leurs dieux, sont une image du 
monde. Les quatre piliers construits dans les quatre directions, depuis 
la pointe du toit jusqu'au fondement de pierre, doivent représenter les 
divinités dans les quatre coins du monde; à Tintérieur on a suspendu la 
lune dans le haut du plafond, et on a tiré à TEst, à TOuest, au Nord 
et au Sud quatre flèches qui sont restées attachées au plafond, ce sont 
les rayons du soleil. De même les petites maisons, destinées chacune 
à sa divinité spéciale, représentaient, chacune, le monde entier, ce qui 
doit prouver que chaque dieu a le monde entier comme champ d'acti- 
vité. Dans les chansons populaires, les dieux usent souvent d'échelles 
pour monter au ciel. M. Preuss en a apporté une destinée au dieu 
du soleil. C'est une petite pyramide : d'un côté le soleil se lève jusqu'au 
zénith^ de l'autre côté il se couche. Pour cette raison, Preuss déclara 
que lés pyramides du Mexique ancien, qui supportaient les temples des 
dieux, doivent être considérées comme des êtres célestes. Tous les 
dieux de Huichol sont venus de « tatiàpa » fertile et souterrain, situé 
dans l'Ouest, et se sont répandus de là sur la terre. Dans un sens plus 
étroit, ce sont des divinités habitant les montagnes, où leur demeure 
devait, selon la croyance, arriver jusqu'aux cieux. Les dieux sont aussi 
considérés comme des cerfs dont la mère habite TOuest et qui sont les 
gardiens du maïs. A cause de cela, les étoiles sont des cerfs, ainsi que 
les vieux dieux mexicains venus de la « région de la descente » à 
rOuest, pour se répandre sur la terre. De même que le soleil se nourrit 
de cœurs d'étoiles sacrifiés tous les jours, et surtout au printemps, de 
même, le premier devoir du soleil et du dieu du feu chez les Huichols, 
était de chasser les cerfs des étoiles afin que le monde puisse exister. 



348 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Sur la terre, on sacrifiait en même temps des hommes et des cerfe, 
comme image des étoiles et afin d'assurer la prospérité du monde. 

Chez les Coras et les Huichols, les dieux de la végétation les plus 
importants sont TÉtoile du matin et TÊtoile du soir, qui de même ([ne 
les autres étoiles équivalent à des cerfs. Au printemps, ils descendait 
sur la terre pour faire pousser le maïs et tout le monde végétal ; ao 
temps de la moisson, ils meurent et montent de nouveau aux cieax. 
Ceci correspond tout à fait aux saisons religieuses des Mexicains, car 
chez eux, pendant les fêtes du printemps et de la moisson, les mêmes 
idées se manifestent. Les deuxdieux des étoiles représentent aussi « le feu 
des étoiles » qui se transforme en « feu du soleil » pour faire mûrir 
les fruits. Cette transformation du feu des étoiles en feu du soleil est 
aussi exprimée d'une façon mythique. Voilà ce qui nous explique le 
fait, que les divinités de la végétation et des étoiles (du Mexique anciai' 
sont souvent porteurs du disque solaire et ornées des emblèmes des 
dieux du soleil. Comme quelque chose de particulièrement remarquable, 
il faut noter le Tezcatlipoca qui représente le dieu de la nuit et de la 
mort, et dans lequel nous devons voir l'étoile du soir. Lors de la fête du 
maïs à Toxoatl, lorsque le soleil est au zénith, il est sacriGé, comine 
représentant du soleil, dans la personne d'un jeune prisonnier de guerre 
vigoureux, pour renouveler le soleil. Cette conférence de M. Preuss était 
illustrée par une série d'excellentes projections. 

M. David Me Ritchie fit aussi passer quelques projections pendant si 
conférence sur ridolàtrie parmi les races arctiques de l'Europe et de 
l'Asie. Il s'occupa de l'adoration des dieux représentés par des statues en 
bois et en pierre chez les Lapons, les Samoyèdes et les tribus qui leur 
sont apparentées. L'orateur dit avoir puisé beaucoup de renseignements 
dans les auteurs du xvi« et du xyii^ siècle. Comme résultat général 
il a trouvé qu'un culte de colonnes, accompagné de rites, lors des sacri- 
fices d'animaux (il cita surtout l'ours et le renne) était autrefois pré- 
dominant dans la région nord du continent eurasien, depuis la Laponie 
jusqu'au Japon. Un trait saillant de ces rites était que les crânes des 
bêtes devaient être placés sur l'autel expiatoire, ou à Tendroit où le 
sacrifice devait avoir lieu, et qu'on entourait de branches d'arbres et de 
bois de rennes. De nos jours, ce culte est encore en pleine vigueur 
parmi les Samoyèdes du nord-est de la Russie, ou du nord-ouest de la 
Sibérie. Les faits les plus importants concernant les rites des Lapons, 
sont tirés de la u Lapponica » de Scheffer ^édition anglaise Oxford, lt)74i 
et de l'ouvrage de von Diiben intitulé <( De la Laponie et des Lapons ^ 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS d'OXFORD 349 

(Stockholm, 1873). Ces auteurs sont tous d'accord pour dire que le dieu 
principal des Lapons est représenté par un gros bâton en bois dont 
l'extrémité supérieure a la forme d*une tète humaine. On nomme 
ce dieu Aijeke ou Taïeul; mais on l'identifiait aussi avec Thor, et, en 
conséquence, son image est ornée du marteau qui appartient à ce dieu. 
Il faut croire que celte identification révèle l'influence de la Scandinavie 
méridionale, puisque le marteau ne se trouve pas sur l'image correspon- 
dante chez les Samoyèdes. Chez les Lapons, Aijeke est généralement 
connu comme le dieu figuré en bois. 

Après l'idole la plus importante chez les Lapons, vient le dieu de 
pierre connu aussi sous le nom suédois de Storjunkar, ou sous son nom 
originel de Seite; les rites appartenant à son culte sont tout à fait sem- 
blables à ceux de Aijeke. 

Finalement, les Lapons et les Samoyèdes adoraient aussi le soleil, 
qui n'était cependant représenté par aucune idole particulière. 

M. T. C. Hodson a parlé des coutumes d'enterrement et des concep- 
tions eschatologiques des tribus montagnardes de l'Assam. Il raconta 
qu'il y avait aux portes du ciel assamite, un pic qui volait pour aller 
annoncera la divinité l'arrivée des esprits. Si c'était celui d'un p.auvre, 
il était obligé d'attendre que celui d'un riche vienne ouvrir la porte, 
alors la foule des pauvres se précipitait pour entrer après lui. Une fois 
entrés, les esprits étaient triés par un dieu selon la façon dont ils 
étaient morts, puis les bons esprits retournaient sur la terre pour une 
nouvelle incarnation, tandis que les mauvais étaient enfermés pour 
l'éternité. D'autres disent qu'ils tombent dans le néant. 

On paraît pourtant être d'accord sur le fait que l'identité des indivi- 
dus reste au ciel ce qu'elle était sur la terre. Dans quelques tribus, les 
femmes sont tatouées afin que les hommes puissent les reconnaître 
dans le ciel, dans d'autres les têtes des corps étaient coupées en 
deux, afin qu'ils puissent prendre place parmi les guerriers dans l'autre 
monde. 

M. W. M. Flinders Pétrie montra quelques ex-voto intéressants 
munis d'oreilles et provenant de Memphis. 

Puis, le D' C. G. Seligmann a fait une conférence sur les Veddahs 
de Geylon. Il avait été chargé par le gouvernement de faire des 
recherches sur ce peuple. Il a traité du culte de l'esprit des morts 
appelé Ne Yaku qui, selon lui, était très répandu et dominait entière- 
ment la vie psychique des veddahs. Ne Yaku devait être apaisé par des 
sacrifices, on le suppliait de montrer de l'amour et de la bonté aux sur- 

24 



;î;iO UEVUE DE L'iliSTOIRE DES RELIGIONS 

vivants. Ceux-ci prennent part aux sacrifices de telle façon qu*on peut 
interpréter ces offrandes comme ayant un caractère tout sacramentel. 

M. Hartlaud a parlé du culte des criminels exécutés dans la Sicile 
moderne. Le siège principal de ce culte est la Chiesa dei Decollati près 
de Ponte dell' Ammira^lio à Paiermo. Cette coutume existe aussi dans 
d'autres villes. L'orateur nous lit une description de la Chiesa àà 
Decollati accompagnée de projections. Les decollati sont des criminels 
qui ont été exécutés. Autrefois, on les enterrait dans le cimetière qai 
entoure Téglise, et on croit que leurs âmes se rassemblent près d'ooe 
grande pierre derrière la porte d'une petite chapelle latérale. Les murs 
de TêgUse sont ornés dex-voto ornés de dessins. Ces dessins repré- 
sentent les réponses aux prières qui ont été exaucées par l'intermé- 
diaire des suppliciés, il y a plusieurs tableaux représentant ceux-ci 
dans les flammes du purgatoire intercédant auprès de la Sainte Vierge 
pour leurs solliciteurs. Si les condamnés se sont réconciliés avec 
l'Église avant la mort, on considère cette mort comme un martyre et 
on leur donne tous les emblèmes des martyrs. Leurs tombes deviennent 
des lieux de pèlerinage, et, dans des récits nombreux, on parle de 
leurs apparitions et des faits merveilleux qu'on leur attribue. 11 y i 
aussi des rites particuliers permettant à chacun de les adorer à domiciie, 
si on ne peut pas aller en pèlerinage à leur tombeau. Le D' Giuseppe 
Petré a consacré plusieurs ouvrages à des recherches sur ce culte. 

M. A. Van Gennep s était inscrit pour une conférence sur les Rites de 
passade. Mdis, eu ^.'Q absence, le prolesseur J. G. Frazer n'a pu nous 
donner qu'un apeiçu très soinaiJiire de cette communicati jn , qui aurait 
été cerlainei.-eQt aes plus iutére&sanies. 

Mis^ Liuà KjrieDsleia a exposé ses curieuses recherches sur les amu- 
lettes persôuueiies en turo^>e. Elle nous a donné plusieurs exemples 
de pratiques eii u<aç:e dans l'Europe moderne, et dépendant de croyances 
éteintes viei-uis ..liç.teii.ps. Luns ^a contcrence sur la foi religieuse des 
indiens de i'Air^er.que du Sui, M. Spusbury essaya de démonuer 
TeXiSience de ^.ertaiiies c:':*.ep:ions re.i^ieuses, parmi les tribus indi- 
gènes de . Aii:eiî-4ue du :^ui a\a:,: .\irriveede missionnaires ou dévoya- 
jTcuis v:iirt.t:ri.s. 11 aiurm.t eî piou'^a j.ar ae^ exemples, que ies tribus 
de :e jcuLi.en: a /excci uon de^ CjiraiL'< n'avaient aucun rappori avec 
.e.rs du ^\n:::.eu; Stf.rîiti::-!!.-... i. irs partagea en deux catégories: 
l .es uai.oLs >^u::: .i..i\:..t ..». .>rz? •->'*.::...- .es liixas da Pérou etc.; 
1 e- ir.. -.^ LA;i.-.:r> ::.... :e lia:/, .es loias et les Mbocobies sur le 



LES RELIGIONS DES NON-CIVILISÉS AU CONGRÈS DOXFORD 351 

Ensuite, il prit comme termes de comparaison quatre points princi- 
paux : 1° ridée d'un dieu, 2^ l'adoration, 3** l'immortalité de Tâme et la 
vie future, 4° les traditions d un déluge et les signes de l'aro-en-ciel. 

Il fournit sur chacun de ces points des témoignages recueillis par 
les voyageurs et les missionnaires qui, les premiers, avaient visité ces 
pays, et, quoique de nos jours il soit difficile de fixer la mesure dans 
laquelle la vie des peuples a été influencée par ces différentes idées 
religieuses, il reste, cependant encore, assez de légendes et de mythes 
pour qu'on puisse nettement voir quelle était cette influence avant 
rintroduction de croyances religieuses ou d'autres idées de provenance 
étrangère. Il raconta une foule de légendes et de mythes de ces peu- 
plades primitives, et termina sa conférence par deux mythes instructifs 
ayant rapport à la création de la lune et au peuplement de la terre. 

Ces conférences donnèrent lieu à une discussion animée, dans 
laquelle on a insisté sur la difficulté de savoir à quel point des mots, 
tels que éternel, immortel etc., peuvent correspondre à la conception 
primitive qu'ils prétendent interpréter. Le D' Spilsbury, qui connaît à 
fond la langue des indigènes, a cru pouvoir assurer qu'il y avait vrai- 
ment une conception correspondant à celle que nous donnons au mot 
éternel, malgré la différence des formes sous lesquelles on se repré- 
sente la vie étemelle. 

A l'occasion de la conférence de Miss Pullen-Burrey sur la croyance 
des Mélanésiens de l'archipel Bismarck — conférence fondée sur des 
observations personnelles — des opinions divergentes se sont affirmées. 

Ce jour-là la section était partagée en deux, ce qui a forcé quelques 
membres et j'étais du nombre, à renoncer au plaisir d'entendre la con- 
férence du professeur Titius sur les recherches du professeur Scheppig 
se rapportant aux peuples primitifs, ainsi que celle de M. A^ C. HoUis 
sur la religion de Nandi. 

Les questions discutées étaient donc, comme, on a pu en juger, aussi 
intéressantes qu'importantes pour la science. Certainement ces débats 
ne seront pas sans laisser des traces. Je n'ai pu qu'en donner ici une 
faible idée, car il est difficile de se rappeler tout ce dont on voudrait 
rendre compte. Cette difficulté eût été insurmontable, si quelques-uns 
des membres du congrès n'avaient été assez aimables pour me donner, 
par lettres, des renseignements utiles. 

Je me permets, en terminant, d'exprimer à ces messieurs mes plus 
vifs remerciements à ce sujet. ^^j^^ Reuterskiôld. 

Upsal, uovembre 1908. 



LES RELIGIONS DE L'INDE ET DE L'IRAN 

AU CONGRÈS D'OXFORD 



i 



Président et vice -présidents ont été désirés pir le Comité eiécuuf 
plusieurs jours avant Touverture du Congrès. Son cboix est tornliè sur 
le prof<âsseur Rhys Davids pour la présidence^ et sur les professeui^ 
A, Hillebrandt et J. Joliy pour ta v ï ce -présidence. M < A. A, Macdonell a 
rempli les toDctions de secrétaire. La section, ainsi constituée d'avance, 
a pu se metlre tout de suite à Touvrage. Fort heureusement, car le 
nombre des travaux annoncés était extrêmement considérable \ lia 
fallu tenir séance matin et soir pendant toute la durée du congrès, et 
même dédoubler la section pour les séances des deux derniers jours. 

Le Comité a aussi rendu à la sectmn le Irès^^^rand service d'établir lui- 
même Tordre du jour de ses séances. H lui a épargné ainsi les b^ita- 
lions et les flottements qu'ont connus d'autres congrès ; et» ce qui est 
plus important encore^ il a distribué les matières du programme «ie 
manière que cbaque réunion a eu son caractère propre et son unité. 

Une autre initiative heureuse qu'a prise le Comité du Congrès, cW 
de demander aux savants qu'il plaçait à la tète des seclions, de faire, 
dans leur c presidentialaddress » la revue générale du travail effectué 
dans les divers domaines de Tbisloire des religions depuis le congrès de 
ld04. M. RhysDavids adonc retracé rhistoire de Tindianisme pendant les 
quatre dernières années, en faisant précéder son exposé d^une rapide 
esquisse des éludes iraniennes^ pour laquelle le diatiugué professeur de 
Cotumbia Universily, M, A. W. Jackson, lui avait fourni les noies 
nécessaires. Ceux qui connaissent ee qu'il y a d'bumour et de savoir 
chex rérainent président de la Pati têxl Socifty^ devîoent qu*il a servi 
à ses auditeurs, non pas une nomenclature sèche et creuse, m:u*î un 
menu aussi substantiel que savoureux. A mesure que défilait devant 
elle la longue théorie des travailleurs, rassemblée a salué de ses 

1) Le chiffre des travaux a dépassé la vingtaine, alors qu'à Bâle, deu^ seu- 
lement avaient été relatifs aux religions nées sur le sol de l'Inde. 



LES RELIGIONS DE l'iNDE ET DE L'IRAN 353 

applaudissements les noms des plus méritants, ceux, entre autres de 
M. Lanman pour son Atharva-Veda, de M. Bloomfield pour sa Concor- 
dance védique, de M. Grierson, pour le Linguistic survey. 

Toutes les périodes principales de Thistoire religieuse de Tlnde, — > 
brahmanisme, bouddhisme, jainisme, hindouisme, — ont été représen- 
tées dans le programme de la section par un ou plusieurs mémoires 
importants. Je ne puis parler ici que de ceux que j'ai entendus person- 
nellement. Pour cinq ou six d'entre eux, j'ai pu profiter d'extraits que 
les auteurs ont fort obligeamment mis à ma disposition. J'ai indiqué par 
des guillemets ceux qui sont dans ce cas, pour que le lecteur fût averti 
que le résumé qu'il a sous les yeux, a un caractère particulier d'authen- 
ticité. 



A. Inde védique et brahmanique. 

Que pouvons-nous apprendre par la mythologie védique"! {M. A. Hille- 
brandt, professeur àBreslau). 

« M. Millebrandt a commencé par rendre hommage à la mémoire de 
Max Mûller, qui, plus que personne, a contribué à ce que le Yéda prit 
dans l'histoire des religions la place qu'il a longtemps gardée. Bien que 
sa méthode ne fût pas celle qui est aujourd'hui en honneur, et qu'il ait 
fallu abandonner la plupart des résultats auxquels ses études avaient 
abouti, la position de la littérature védique n'a point été ébranlée. 
L'ethnologie a pu faire de grands progrès ; il n'en demeure pas moins 
que le Véda représente toute une littérature, et qu'il nous permet de 
suivre le développement d'une religion, la formation des personnages 
divins et les changements survenus dans leur caractère par l'effet du 
temps. Grâce au Véda, nous pouvons observer comment l'importance de 
certains dieux diminue, comment d'antiques divinités se subordonnent 
à d'autres plus récentes, comment tel clan se transforme en dieux de 
l'orage (les Maruts), telles familles ne peuvent s'élever qu'au rang de 
pieux sacrificateurs du temps passé (les Bhrgus et les Angiras). 

Le Véda représente, non pas, comme quelques-uns l'ont soutenu, 
une phase récente du sentiment religieux, mais une forme primitive 
de la croyance. L'amour que les Indiens védiques ont pour la vache, 
peut être comparé à celui que certaines tribus d'Afrique, les Dinkas, 
par exemple, manifestent pour le même animal. Quant aux signes 



354 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

qu'on a relevés de leur immoralité, ils ne permettent pas de conclure 
qu'ils fussent dans un état avancé de civilisation ; la moralité suit le 
progrès de la civilisation et de la religion. En somme, par la lumière 
qu'il jette sur le développement historique de la pensée religieuse, le 
Véda est une source d'information que rien ne saurait remplacer; il gar- 
dera sa place à côté de l'ethnologie. 

Il nous donne encore une autre leçon. Il nous démontre, par le cara^ 
ière qu'il attribue aux anciens dieux de l'Inde, combien il est faux de 
prétendre que les divinités inférieures sont les plus anciennes, et 
qu'ensuite seulement sont venus les dieux qui se manifestent dans les 
phénomènes célestes. Il n'y a aucune raison pour assigner à une caté- 
gorie de dieux la priorité sur l'autre. L'esprit humain a puisé à toutes 
les sources. Culte des ancêtres, croyance en des dieux inférieurs et dans 
l'influence des corps célestes, tout cela est du même rang. C*est ce que 
nous enseigne le Véda par la personniûcation du soleil et de la lune. 
Les différentes formes que revêtent dans la croyance les phénomènes 
célestes, peuvent provenir de ce que le Véda est comme un réservoir 
dans lequel sont venus successivement s'unifier les dieux de différentes 
tribus et familles. 

Il faut étudier la mythologie védique à sa propre lumière. Nous 
devons secouer le joug des Sâyana et des Yâska ; si importants que 
soient à d'autres égards ces représentants de la tradition brahmanique, 
ils ne méritent pas l'attention qu'on leur a accordée dans les questions 
de mythologie. Ils ont voilé notre vue d'un nuage, et porté atteinte à la 
rigueur de notre méthode. Nous devons aussi nous soustraire à 
l'influence qu'exercent encore aujourd'hui nos grands et respectés 
devanciers. Les travaux de Max Mûller, de Kuhn et de Mannhardt ne 
peuvent plus être pour nous que préliminaires ; ils ne doivent pas arrêter 
le progrès de notre science ». 

L*étude systématique et Cimportance religieuse du droit des peuples 
orientaux en grnéraL et des Hindous en particulier (M. J. JoUy, pro- 
fesseur à Wurzbourjj^). 

a L'orateur mentionne (l'al)ord deux intéressants projets, dus l'un à 
l'initiative d'un juriste et ethnographe distingué, le D' Mazzarella, 
l'autre à celle d'un Hindou qui est ù la foi un juriste et un sanscritiste 
éniinent, M. Govind Dis, de Bénarès. M. Mazzarella propose de faire 
une collection de traductions commentées de 16 systèmes juridiques 
orientaux, qu'il répartit en quatre groupes :1. Inde; 2. Indo-Chine : 3. 



LES RELIGIONS DE L'iNDE ET DE L'IRAN 455 

Chine et Japon ; 4. Sémites. M. Govind Das a fait le plan d'une vaste ency- 
clopédie du droit hindou, à laquelle travail taraient de concert des savants 
européens et indiens. M Jolly parle ensuite d'un ouvrage qu'il écrit lui- 
même, et qui sera publié à Oxford, sur l'histoire du droit hindou. Il y 
insistera en particulier sur le caractère essentiellement^'eligieux de la 
loi dans Tlnde, un caractère qui apparaît dans toutes les applications 
du droit : ordalies employées comme un moyen régulier de faire la 
preuve ; la punition divinisée ; un système complet de pénitences reli- 
gieuses ordonnées pour tous les délits imaginables ; les offrandes funé- 
raires liées au droit d'héritage et d'adoption ; le mariage considéré 
comme un sacrement; les dettes traitées comme une obligation qui lie 
religieusement le débiteur; les brahmanes exemptés des taxes et de 
toutes les peines corporelles ; les règles établies pour les donations reli- 
gieuseSy les charités, les association religieuses, etc. ». 

La chronologie des Upanishads (M. P. Deussen, professeur à Kiel). 

Les Upanishads rattachées aux trois premiers Yédas sont antérieures 
aux Upanishads de TAtharva-Véda {Mundaka, Mândûkya^ etc.). — 
Parmi les premières, les Upanishads en prose ont précédé les Upa- 
nishads versiùées [Kâihakay Çvetdçvatara^ etc.). — Des Upanishads en 
prose, les plus anciennes sont la Chândogya et la Brhadâranyaka, — 
Toutes les parties de ces deux traités, enfin, ne sont pas également 
vieilles : ce sont les quatre premiers adhydya de la Brh. Ar. Up, qui 
ouvrent la longue série des textes proprement philosophiques de Tlnde. 

Pour établir cet ordre chronologique, M. Deussen se sert surtout 
d'un critérium interne, l'histoire de la pensée brahmanique. Il pose 
ainsi la succession des étapes parcourues dans cette longue évolution : 
Afûrmation d'une seule réalité, Vdlman (monisme idéaliste). — Le 
monde identifié avec Vdtman (panthéisme). — Le monde créé par 
Vdtman (cosmogonisme). — L'âme suprême distinguée soit du monde, 
soit des âmes individu: lies (théisme). — L'âme suprême éliminée 
(athéisme, lequel trouve sa forme systématique dans le Sânkhya). — 
Retour au monisme idéaliste (le VédantismedeÇankara). 

B. Bouddhisme 

Buddhaghosha et le Vuuddfd-Magga (M. Ch. Lanman, professeur à 

Harvard). 

Après avoir esquissé dans leurs traits principaux la biographie et 



330 REVUE DE L'hîSTOIRE DES RELIGIONS 

la légende de Buddhaghosba, H. Lanman parle de Tœavre eapHab dt 
bmeuz théologien, le VisuddhùMaggaj ou « Chemin de la poreté i. n 
rappelle à ce propos le souvenir de son ami Warren qui avail préparé 
une édition critique et une traduction de cet ouvrage. Avant de moum 
(1899), Warren avait du moins publié une analyse très détaillée do Fit. 
dans le c Journal de la Société des textes palis », et une traduction de 
quelques morceaux importants (dans son Buidkism in translalûm). 
Mais ce n'étaient là que des acomptes. M. Lanman a promis pour on 
avenir relativement prochain l'acbëvement par ses soins de oetft 
publication vraiment nécessaire. Le Chemin de la_ pureté est unexpoeé 
systématique de la doctrine bouddhique, une sorte de manud pov 
l'élaboration de la sainteté et du salut, envisagée en ses trois étapei 
successives, la conduite, la concentration, la sagesse. 

La foi et la raison dans le bouddhisme {}i, L.de la Vallée Poussin, 
professeur àGand). 

« La dogmatique connaît trois degrés dans le chemin du salut: 
a) entendre et croire les vérités que le Bouddha a seul pu trouver; — 
6) les comprendre; qui les a comprises, entre dans le courant {darçana» 
mârga) ; — c) les faire siennes par la méditation (bhdoandmdrga)^ une 
méditation qui est assistée par des recettes d*hy|»i08e, et dont Télémast 
rationnel finit par être éliminé. Hais H. de la Vallée Poussin se piéoe- 
cupe moins de la technique scolastique que de l'attitude des bouddhistes 
à l'égard de la tradition. Il groupe des textes établissant : 1* qu*il faut 
croire à la parole du Bouddha, même inintelligible ; — 2* qu'il ne faut 
accepter cette parole que sous bénéfice de l'épreuve « comme Tor à li 
flamme ». — un double enseignement dont on peut constater Texistenoe 
dans des temps fort anciens. Si Ton se souvient que le bouddhisme ne se 
donne pas comme un (f a roana, une doctrine, mais comme un mârga^ une 
méthode ; que tout y est subordonné au but qui est le calme, Timpassi- 
bilité, — on comprendra qu'apparentes ou réelles, relevant en tout cas 
de ridéologrie pure, les contradictions n'intéressent que médiocrement 
la Bonne Loi. N'empêche que le u pra^^matisme > a évolué jusqu'aux 
rites obscènes de la 4 main gauche i >. 

Connaisfance et intuition dani Z^» bouddhisme (M"* F. Rhys Davids). 

Pour afdrmer que le bouddhisme rejetait l'existence d'un âtman 
on s'est appuyé en ^4néril sur une de ces énumérations auxquelles les 



LES RELIGIONS DE l'iNDE ET DE l'IRAN 357 

Pi/akas palis ramènent l'ensemble des facteurs de l'individu humain, 
la division des cinq khandhas, ou aggrégats corporels et mentaux. On 
part de Tidée que cette liste épuise le nombre de ces facteurs, de telle 
manière que si Tàtman était admis, il fallait qu'il «fût porté [vihita) par 
un ou par plusieurs de ces aggrégats. Or, dans l'échelle des valeurs reli- 
gieuses, les khandhas étaient estimés fort bas, aussi basque le furent le 
« corps » et le « cœur > dans les écritures chrétiennes. 

D'autre part, la paûflâ (gno^e), une faculté dans laquelle se trouvaient 
compris les divers modes d'intuition supranormaleadmise par la pensée 
indienne, était considérée, dans la même échelle, comme ayant une 
valeur, une vertu suprême, aussi haute que celle que l'âtmanisme 
assigne à la prajûâ^ les philosophes grecs au voDç, les Pères de l'Église 
à la psyché connaissant Dieu. 

Faùt-il passer condamnation sur la logique bouddhiste? ou bien la 
paiîM est-elle comprise dans les khandhas'! et, s'il en est ainsi, com- 
ment s'expliquer que Ton célèbre la paûM et que sans aucune réserve 
on décrie les khandhas'! 

Il n'est pas douteux que la panfiâ ne fasse partie des khandhas. Le 
Majjhima-'Nikâija la met dans le viflflâna'kkhandha ; VAbhidhammay 
dans le sankhârakkhandha^ — un ballottement auquel il faut nous rési- 
gner; Aristote lui-même n'a pas été conséquent quand il appelle le 
voOç 6i5pa6£V « du dehors ». 

Quanta l'évaluation divergente qui est faite delà paflM et des khan* 
dhasy nous devons remarquer : 1* que la théorie des khandhas représente 
l'homme naturel, comme il est dans le monde contingent, l'homme sen- 
suel moyen; — h) que la paûnâ concerne l'homme régénéré, lorsque 
toutes ses potentialités latentes pour la vie supérieure qui le mènera à 
Varahatta sont dégagées et s'épanouissent. On peut regarder les 37 
bodhipakkhiyâ dhammâ comme représentant, dans la psychologie trans- 
formée de l'homme converti, l'involution ou l'expansion psychique du 
fonctionnement des khandhas ». 

Psychologie religieuse et bouddhisme (M. P. Oltramare, 
professeur à Genève). 

A toutes les époques du bouddhisme, il y a eu des écrivains qui ont 
montré de Tintérêt pour l'action psychologique des idées et des faits reli- 
gieux. Cet intérêt s'est traduit non seulement par des observations occa- 
sionnelles ou dans 1 aspect général de théories particulières, mais aussi 



358 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

par des descriptioDS de phénomènes plus ou moins compliqués, la- 
quelles, pour être schématiques, n*en conservent pas moins une cerUi&e 
valeur documentaire. M. OItramare passe en revue trois phénomènes 
importants, laconversion, la prière, Textase mystique. II montre pir 
une série d'exemples comment on s'est représenté ce qui se passait dans 
ces moments caractéristiques, et quelle valeur on leur a attribuée pour h 
vie religieuse. Il rappelle enfin qu'à côté de cette préoccupation c psy- 
chologique », le bouddhisme a eu dès Torigine une tendance mytholo- 
gique et populaire. Psychologique, il est le continuateur des ancienn» 
Upanishads; populaire, il se rapproche des religions que Ton com- 
prend sous le nom d'hindouisme. 

L*art religieux bouddhiste (H. A. Â. Hacdonell, professeur à Oxford]. 

Le Comité du Congrès a eu l'excellente idée de demander à H. Hac- 
donell de montrer, dans une séance générale» le développement d« 
différentes formes de l'art bouddhique dans Tlnde. Prenant Tun aprèi 
l'autre les types principaux, stupas et caityas, vihâras, représentations 
plastiquas des Bouddhas, des Ârhats, desbodhisattvas« le conférencier à 
illustré leur évolution au moyen de nombreuses projections lumineuses, 
arrangées avec une entente parfaite, et accompagnées d'un instructif 
commentaire. Le public a pu suivre, par exemple, dans toute la grada- 
tion de ses phases successives la transformation qui, d*un tertre à peu 
pr^ hémisphérique, surmonte d'une touffe de branches, a conduit le 
stûpA à prendre laspect ^rènèral d'une colonne pourvue d'un chapitean 
biMne. 



C. Jaimsme. 
; .: ":-:.:r .>'.-.:■ •; r-':\::r^'^ jV* /j"i;j M. Jacob i. 

4 ; cs Us^ ie II :.:c:iL"::N^ que c: i« *.i nirnLe. cans le ;i:nisme, se 
•sîrj: -,:<?:.: ,i uc^ :v.JL-.^re :rAu:hfir :*:> syv.énfî? reii^eax et philoso- 
yr\:.;^< ,v":e,v;vrA:-s. F>ir si d'.\:*,r:cr ie '. îlr*, le jvLÏcisiïie se mec 

: r; .'i.v:i:-: 1- .f ^r :"::? ib:>c. .. — se:: l'ec le bcoiihisme q*. 

1 UAS ,'.'** C-.-eC . .'. ■? * "■*^ y.*..' ^-"^ r~ ff-C ^11 



LES RELIGIONS DE l'INDE ET DE l'iRAN 359 

8ance, la conservation et la destruction (sad utpaiti'dhrauvya^vinaçd' 
yuktam). Cette thèse de Tindétermination [anixjatatva) de l'Être, qui 
devait aider à la reconnaissance de Topinion commune, a eu pour con- 
séquence deux autres doctrines, celle du syâdvâda et celle des nayas. 

Le syâdvâda^ un nom par lequel on désigne souvent le système 
jaina, tire la conséquence logique de Tindétermination de TÊtre. Il 
affirme que toute proposition métaphysique n'est vraie que d'un point 
de vue déterminé, que son contraire peut être vrai, si Ton se place à un 
autre point de vue. Au lieu d'un être déterminé {asti), on ne peut 
affirmer qu'un indéterminé sydt,' — ou plutôt syâd asti. Passant en revue 
toutes les possibilités, les Jainas ont établi un schème à sept membres 
{saptabhangiya Syâdvâda), par lequel ils ont cru pouvoir combattre 
victorieusement tous les paradoxes de la doctrine du brahman et de 
Fâtman, enseignée dans les Upanishads, et tous les sophismes du boud- 
dhisme niant un être permanent. 

La théorie des nayas applique la même pensée fondamentale à la nota- 
tion des idées par le langage ; elle veut montrer que les locutions et les 
mots n'expriment jamais l'idée que par un de ses côtés. Pour se 
garantir contre les sophismes de toute espèce, on a dressé une liste de 
sept nayas y ou modes d'expression. 

Le jainisme partage avec le Sànkhya-Yoga cette notion fondamentale 
de l'éternité et de l'indétermination formelle de la matière, conçue 
comme un indestructible quelque chose d'où tout peut devenir. Mais le 
Sânkhya regarde ht matière {prakrti) comme une et comme infinie dans 
le temps et dans l'espace ; pour les Jainas, les choses matérielles (pud- 
gala) sont atomiques ; et c'est par les modifications qui se produisent 
dans les atomes et leurs combinaisons, que naissent les modifications 
dans les choses matérielles et celles-ci mêmes. L'atome est éternel, mais 
ses qualités et ses états changent suivant les circonstances. Les atomes 
sont soit à l'état grossier, soit à l'état subtil. Dans le second cas, d'in- 
nombrables atomes occupent le même espace qu'un seul atome grossier. 

Le karman aussi est matériel [paudgalikam karma). Des atomes 
subtils de qualités déterminées affluent [dsrava) dans l'âme {jlva) sui- 
vant les actes de la personne, la souillent et l'encombrent intérieure- 
ment. Les destinées par lesquelles l'âme passe, consomment en une 
certaine mesure et éliminent cette matière karmique. La religion a 
pour tâche d'enseigner comment on doit empêcher [samvara) cet afflux 
dans l'âme d'atomes karmiques, et comment on peut la purger [nirjard) 
de ceux qu'elle a déjà absorbés. La discipline ascétique joue ici un 



360 nKVLE DE L lUSTOIRE DES RELIGIONS 

grand rôle, ce qui est fort naturel de la part d'une secte d*aicèflei.< 
sûût les idées universelleraent indiennes ^ur rascétiame Ujoga] 4)t 
comme on peut s'y al tendre^ aerveat de base à ces prali^aas. De li ai 
relation bien inlaressante avec le système brahmanique du Yoga :« 
concordance par rois surprenante, et si^alée déjà par lieauaiu|t * 
savants, dans tas détails, les idé^/les termes techniques^ les pratique 
une différence considérable dans la teneur générale. Dana le Yogi, 
Me principal est attribué à la méditatiaD, â la contemplation, i h 
aorption {Jàt/dna, ujmiidhi^ .samjjama); pour démontrer I air efflcadi 
oû a utilisé la théorÎ6 ^ankli^^^nne d'évolulion ai^ec ses substances!^ 
tuellfs [huddhi, *jhamk(ira^ manas) qui formeot la hase et la condtt 
préalable du monde matériel; les autres pratiques ascétiques ne» 
plus qu'une étap« préliminaire pour arriver au yoga supérieur. Di 
li jiiDÎsme, au contraire, c'^t la pratique ascétique propremeat 1 
qui est au premier plan de Tinlérét, €*e&t elle qui est importante: 
méditation n est plus que le dernier membre, le de^é précédant imiE 
diatement le nirvana. On yoît qtie, par sa morale, le jainistne repréiec 
si on le compare au brahmanisme, un èUÏ plus ancien de Tascétït 
gèDératement hindou. Le même caractère appartient â beaucoup de 
pbilûsopliiqueâ. i 



D. Hpowaisiifi 

Im f^pùm WÊOmùthékfe de tïnéê ancienne ei son r^eiom^ Im dmtr 
nritéeme A U fm (H. G* A. Gnerson, dii^ieur da lumi^uistic S 
w^ éè riade). 

M. Griersoii a complèteoittit abandoiiné la Ibèie ^u*û a soittei 
Mfnère aT«c tant de Tiradté, de Tongine chfétieiise de la ^àakh h 
ûmm. Se rmiltant auj<»ard"hiiî â la propoc^ittoa oontimire* il a inaê 
fift iiïtéT^'ssâflt tableau de rérelotion rdipe^i^e de Flisde. Apre? a' 
constaté que sur 2'j1 millions d Hindous, il y en a 150 qui s 
Tishnouîtes, et que le vishnouîsme est essentieUement monothéiste, 
cherche les origines de cette foi dans le plus loîiitaîn pakssé. 

Tandis que le panthéisme domine dans le Madhjadeça, la citaddU 
hnhmintsme, les Kshattriyas sont poîssaols dans le « pays du delfeon 
c'est un de ces Kshatinyas. K^^hioa Vif^dera, qui fonde an ir« at 
a^ant J.-C. la religion des Bbi^T^îas, les c seciaienrs de rAdoraUe 
cr>c»yânre en un £txe suprême plein de honte: le salnl oonsîslant 



LA RELIGION DE l'iNDE ET DE l'iRAN 361 

une vie de perpétuelle félicité auprès du dieu. M. Grierson incline 
à croire que ce culte d'un dieu unique est sorti par une évolution natu- 
relle de l'adoration du dieu Soleil. Avec le temps une combinaison se 
jSt de la religion des Bhâgavatas et du Sânkhya ; le Sânkhya fournit à 
Tassociation son ontologie, et les Bhâgavatas leur théisme. 

Pour pouvoir lutter avec succès contre le bouddhisme envahissant, 
les brahmanes du « pays du milieu » firent alliance avec les Bhâgavatas; 
ils adoptèrent le monothéisme et introduisirent K7*shna Vâsudeva dans 

^ leur panthéon, en faisant de lui une incarnation du dieu solaire Vishnu. 

^ Les anciennes parties de la Bhagavad-Gitâ sont nées de ce compromis. 

. Malheureusement, l'influence des brahmanes contribua à donner au 
bhâgavatisme un aspect de plus en plus panthéiste : Xll*» livre du 
Mahâbhârata, Bhâgavata-Purâna. Au commencement du vin*' siècle 
après J.- G. Çankara remit en honneur le vieux panthéisme intransi- 
geant de^ Upanishads et attaqua vigoureusement les Bhâgavatas qui, 
pour 8e défendre avec plus de succès, rompirent, au moins en partie, 
toute compromission avec le panthéisme. Résultat : renaissance du bhâ- 
gavatisme et triomphe de la croyance en un Dieu de grâce. Dieu père, 
qui sauve ceux qui ont foi (bhakti) en lui (xn^ siècle). G*est à ce bhaga 
vatisme, d'après M. Grierson, que l'Inde doit aussi la croyance en l'im- 
mortalité de Tâme et en la fraternité des hommes. 

La religion d'amour (M. Lionel D. Barnett, professeur à Londres). 

« La bhakti, c'est-à-dire le culte en esprit et en amour d'un Dieu per- 
sonnel, n'est nullement venue dans l'Inde d'une source chrétienne ; 
c'est un très ancien trait de la religion hindoue. On en trouve la trace 
dans les plus anciennes Upanishads ; celles-ci expriment souvent des 
idées qui sont en contradiction avec leur intellectualisme ordinaire et 
relèvent d'un théisme mystique émotionnel. Râmânuja n'a nullement 
fait violence aux Upanishads, quand il a édifié sur elles son système 
théologique de la bhakti. 

Bien différente des cuites plus anciens, rendus aux dieux de la mytho- 
logie, la bhakti est l'adoration émue d'un Bhagavân, d'un Dominus 
noster, personnalité historique ou légendaire qu'on révère, soit sous 
son nom (exemples, Krshria dans les anciennes légendes, et Bouddha), 
soit comme l'incarnation d'une divinité mythologique plus ancienne 
(exemple, K/^hna dans la Bhagavad-Gîtâj ; en tout cas, l'adoration du 
guru ou hiérophante vivant a sa place marquée dans cette religion. 



362 REVUE DE l'histoire DES REUGIONS 

D'une manière générale, un culte de bhakH suppose on aniar; a 
moins est-ce toujours le cas pour le Vishnouisoie. La bhakti çtnâ 
n'a guère existé dans le nord indépendamment du vishnouiame; à 
le sud, otL elle a fleuri de temps immémorial, elle a toujours es i 
richd hagiologie d^avatars. Le bouddhisme n*est point non plus étni| 
à cette forme de culte. On trouve des traces de bhakti même dus 
Htnayàna; elle constitue le trait essentiel du Ifahâjâna. 

Hais c'est le culte de Krshna qui a été surtout le champ oà 
bhakti a fleuri. Les l^endes de Krshna semblent, pour ce qu'elles • 
d'essentiel, être un cycle ancioi, homogène, de traditions épiques 
se peut cependant que le développement de quelques-unes de le 
phases les plus récentes ait été déterminé par des influences chr^eni 
Le héros épique est devenu un Bhagavân, Tobjet d*un culte de bfuL 
avec une théologie éclectique, représoitée par la Bhagavad-Gii 
d'autres ouvrages qui commencent à faire leur chemin dans les cer 
brahmaniques au iv* ou au iu« siècle avant J. -G. En dehors de lili 
rature, l'inscription de Ghasundi (± Si50 avant J.-C.) nous bit c 
naître le stade intermédiaire de ce processus : les héros épiques Tj 
deva (Krshna) et Sankarshana y sont appelés bhagavdn, à cété 
Nâràyana, qui reste purement mythologique et ne reçoit aucun I 
suggérant la bhakti. La doctrine des vyûhcu, qu'on trouve déjà du 
Biahàbhârata, mais qui fut surtout élaborée par Ràmflnv^a, nous 
connaître un développement ultérieur de ce théomorphisme : les b 
du même cycle épique apparaissent comme membres d'une hiérari 
spirituelle et celle-ci constitue une part de TÉtre universel, — une: 
qui apparaît pour la première fois dans les Upanishads. » 

Les nombreuses monographies lues dans la section de l'Inde ava 
d'avance trouvé leur cadre naturel dans la très remarquable adr 
par laquelle le président du congrès, Sir Alfred Lyall, a ouvert ( 
troisième session. Prenant un thème qui est bien au premier plan 
préoccupations actuelles, il a étudié les relations du pouvoir polit 
avec ce qu'il considère comme les quatre religions historiques, le cl 
tianisme,rislam, le bouddhisme, Thindouisme. Le tableau qu'il a trac 
l'histoire du brahmanisme, du bouddhisme et de l'hindouisme, dansl 
rapports avec les autorités civiles, indigènes ou exotiques, est vraii 
digne du maître à qui nous devons les Asiatic Studies. Le fait qi 
mis surtout en lumière, c'est que, si la religion n'a nulle part aili 
joué un si grand rôle dans la vie d'une population, jamais les roû 



LA RELIGION DE l'iNDE ET DE l'IRAN 363 

non pas môme Açoka — , ne se sont posés dans l'Inde en champions 
d'une orthodoxie et en persécuteurs de i^hérésie. C'est sans doute pour 
cela qu'avant Tinvasiou musulmane, l'Inde n'a pas connu de guerre 
de religion. Le despotisme politique y a fleuri de tout temps^ mais le 
despotisme religieux n*a pu y prendre pied. 

Paul Oltramare. 



LE 

S4RC0PHAGE PEIINT DE H4GHIA TRIADA 



Le sarcophage décoré de fresques sur les quatre faces, que la mis^oo 
italienne en Crète dirigée par M. Halbherr a découvert en 1903prèsdQ 
palais de Haghia Triada, vient d*étre publié par M. Paribeni avec un 
soin et une compétence remarquables '• Ce monument qu'on peut dater 
assez exactement du xv« siècle avant notre ère, c*est-à dire d'époque 
mycénienne, offre à l'histoire de la religion Cretoise préhellénique un 
ensemble unique de renseignements. Ceux qu'on possédait jusqu'ici 
étaient nombreux, mais à la vérité très fragmentaires; souvent, même, 
on hésitait sur la valeur religieuse ou profane des figures*. Ici, la na- 
ture des personnages et de leurs actes n'est pas douteuse; leur activité 
se déploie en plusieurs temps et nous fait pénétrer dans Tintimité du 
rituel. Nous ne dirons rien des particularités archéologiques si intéres- 
santes soient-elles ^, nous irons droit à la description et à Texplication 
des scènes religieuses en commençant par les deux grands côtés. 

Le premier côté porte deux scènes adossées. Celle de droite montre 
le mort enveloppé dans son vêtement de peau de bête à long poil comme 
dans un linceul, debout devant la tombe. Auprès du mort se dresse un 
arbre difficile à identifier et devant lui une plateforme à trois gradins 
où trois hommes vont déposer l'ofl'rande qu'ils apportent dans leurs 
bras : le premier une barque, le deuxième et le troisiènne un veau. Ces 
trois personnages portent le même vêtement de peau à long poil que le 
mort, mais avec celte difl'érence que le torse reste nu, le vêtement sim- 

1) Roberlo Paribeni, // sarcofago dlpinlo di Haghia Triada, extrait des I/o- 
numenti antichi publiés par la R. Accademia dei Lincd, tome XIX, RomC) 
1908. ln-4" de 86 pages, 23 fig. et 3 pi. en couleur. 

2) Cf. Revue de l'Histoire des Religions, 1905, 1, p. 24-63. 

3) A défaut de la monographie de M. Paribeni, nous renvoyons sur ce point 
à l'arlicle publié par M. A. J.-Reinach dans Revue archéologique y 1908, II, 
p. 278-288 où Ton trouvera de très exactes reproductions au trait des diverses 
fdces du sarcophage. 



LE SARCOPHAGE PEINT DE HAGHIA TRIADA 365 

plement attaché à la ceinture. M. Paribeni attribue justement à ce 
costume, qui n'est pas le plus répandu chez les Minoens, un caractère 
rituel. 11 le compare à un autre vêtement spécial, le saq des Sémites 
qui s'attachait également à la ceinture ^ — Sur la même face, la scène 
de gauche représente deux poteaux peints en vert fixés dans des bases 
de pierre dont les fouilles ont fourni plusieurs exemplaires dont jusque- 
là on ignorait la destination. Chacun de ces poteaux est couronné d'une 
double bipenne (labrys) dont on connaît, notamment en Crète, la valeur 
sacrée et sur chaque bipenne double, un oiseau : corbeau ou colombe, 
moins probablement un aigle. Entre les deux poteaux armés des sym- 
boles divins, est placé un grand cratère qu'une femme — portant par 
dessus son vêtement et serrée à la taille, la peau de bête rituelle — rem- 
plit d'un liquide de couleur rouge au moyen d'un vase plus petit. 
Derrière elle, se tient une autre femme vêtue d'une longue robe, la tète 
ornée d'une sorte de couronne ou de béret ornementé que rappellent 
le mieux les calottes des pâtissiers et qui paraît donner à ce personnage 
un rang remarquable * ; elle porte deux vases, un à chaque extrémité 
d'une perche posée sur l'épaule. Ce sont les vases dont la première 
femme va verser le contenu dans le grand cratère. Le groupe se termine 
par un joueur de lyre à sept cordes, vêtu comme une femme, ce qui rap- 
pelle la coutume de l'art classique de parer Apollon cilharède de vête- 
ments féminins. 

Le second grand côté représente, en partant de la droite, une cons- 
truction basse ne s'élevant pas au-dessus de la ceinture des person- 
nages et munie de quatre c cornes de consécration ». M. Paribeni y 
voit un autel, mais ce terme nous parait inexact. De plus, il nous 
semble que l'arbre, peut-être un olivier, qu'on aperçoit au-dessus du 
soi-disant autel n'est pas situé, comme le pense le savant auteur^ derrière 
cet autel, mais est planté dedans. En dautres termes, nous ne sommes 
pas en présence d'un autel^ mais d'un édicule dans lequel est planté 

1) M. Paribeni, /. c, p. 23-24, émet l'hypothèse, déjà formulée par Duhm 
et Grûneisen, que le saq des Israélites était analogue au manteau des prophètes 
et par suite en peau de bote. Pour l'opiaion contraire, voir Lods, La croyance 
à la vie future et le culte des morts dans l'antiquité israélite, I, p. 89-90. 

2) M. Paribeni, l, c, p. 35-35, compare cette coiffure à celle d'une figure 
sur la grande bague d'or de Mycènes. Tel n*est pas notre sentiment; en exa- 
minant le sarcophage au musée de Candie, en 1905, nous avons noté que cette 
coiffure paraissait être une variante de celle portée par certains sphinx mycé- 
niens et par les personnages des petits côtés du sarcophage. 

25 



366 flEVUE DE l'histoire des^ religions 

L'arbuste sacré. Oa verra que gb détail nous permettra de rapprociiK h 
8cèQ« figurée ici de toute une série de représeo talions religieufei dont 
elle nous fournira l'explication. 

Devant Tédicule sacré portant rarbriaseau, se dre^ un pot^u, ib 
type déjà décrit, avec bipenne double sur laquelle perche roiseâu noir. 
Puis, une sorte de base carrée^ moim élevi^ que Tédicule sacré : mm 
la considérons comme étant Tautel. M, Paribeni recooDaît qu'oQ ] 
dépose les offrandes. En réalité, on ne se contente pas de les y dépo«êf, 
on les consacre. G'est^ en effet, le geste qu'accomplit une prêtresse - 
par dessus son vêtement, elle porte serrée autour des reins la peau de 
béte à long poil, — les deux mains étendues sur une petite corbeille 
Dans le champ et au-dessus^ Tartiste a pemt une oeiiochoé et mx 
autre corbeille remplie d'objets ronds de diverse» couleurs* Derriènii 
prétresse, sur Une table aui pieds robustes, est eouché un taureau sdi- 
dement ligoté. On vient de lui trancher la gor^ et son sang coule dmi 
un vase posé à terre^ Ce vase est identique à ceux qui, sur la premièn 
face du sarcophage, sont déversée dans le grand cratère. Or, on se sou 
vient que ces derniers étaient remplis d*un liquide rouge. M. Paribeai 
en conclut que ce liquide est le sang que nous voyons rectieiUir aiir ii 
deuxième face et» dès lors, on ne peut mécûnnaltre le lien qui rattidu 
lea scèn^ figurées sur 1^ deux grands côtés du sarcophage. Paor 
achever la description, signalons deux chèvres sauvages couchées il* 
pied de la table qui porte le taureau. Puis vient nn joueur de âouHe 
flûte qui entraîne un chœur 'sacré composé de cinq femmes dont iJ w 
aubaiste plus que les pieds et le bas de la robe. 



Âvanl de passer aux petits côtés nous examinerons la signiâcilitKi 
des seèMs religieuses que nous venons de détailler. En premier \im, li 
nous parait acquis que Les deux grandes fresques doivent se lire d'oi» 
manière continue. C'est i*impre«sion fort bien motivée de M. Paribeni 
el du P. LagrangeS Mais, tout en adaptant leur point de vue, noui^ 
nous écartenms sensiblement dans le détail de leurs explications. 

Un premier temps O^ure Tofïrande au mort d'une barque et de deui 
taureaux. On a^ure aind son voyage dans l'autre monde et sa mmn- 

1) La^rmng«, La OrèCt «leiauie. p. 60-6?. Les croquis donnés sont iaeiKl^ 
«I i»e doÎTOQt pat ètn «tiiiséa» 



LE SARCOPHAGE PEINT DE HAGHIA TRIADA 367 

ture. Le peintre a usé ici de la même convention que nos primitifs 
quand ils mettent une chapelle ou une église entre les bras du fonda- 
teur. De plus, les taureaux ne peuvent être utilisés par le^mort sous 
leur forme vivante; il faudra les tuer et les dépecer. Mais cela est encore 
insuffisant. Pour une raison qui nous échappe, peut-être à cause du 
caractère sacré de l'animal S l'opération s'accomplira|;selon les rites 
sacrificiels. Ce sont ces rites qui marquent le second temps : on offre 
leur part aux dieux, le reste ira au mort. 

Dans ce second temps, la scène entière — partie de gauche de la 
première face et toute la seconde face, — doit être groupée autour de 
Pédicule sacré portant l'arbuste divin et les cornes de consécration, 
entouré des poteaux à la bipenne et à l'oiseau. Tandis qu'une prêtresse 
consacre à la divinité des fruits ou des pains, une autre lui consacre le 
sang du taureau. La position du cratère entre les symboles divins 
paraît l'indiquer. M. Paribeni, il est vrai, pense que le sang était des- 
tiné au mort et, même, il' suggère que le fond du grand cratère était 
percé pour permettre au sang de s'écouler en terre tout autour de la 
tombe*. Cette dernière hypothèse est à rejeter puisque le grand cratère 
devrait, dans ce cas, poser à terre tandis qu'il est manifestement suré- 
levé. D'autre part, la cérémonie du second temps ne se déroule pas 
autour de la tombe, mais autour de l'édicule sacré qui pouvait en être 
éloigné. 

A côté des prêtresses apparaît un personnage dont on nous semble 
avoir méconnu la qualité : la femme à la coiffe plate qui porte les vases 
remplis de sang doit être la personne qui offre le sacrifice'. Cette parti- 
cipation du sacrifiant aux rites du sacrifice est remarquable. Le sacri- 
fice sanglant est accompagné d'un joueur de lyre et le sacrifice non 
sanglant du joueur de double ffûte suivi d'un chœur sacré. Nous retrou- 
verons la danse rituelle sur d'autres monuments. 

En somme, le sarcophage de Haghia Triada nous offre deux scènes 
juxtaposées : une offrande au mort, un sacrifice aux dieux. M. Paribeni 
croit trouver le lien qui unit ces deux actes dans la prière et l'offrande 
aux dieux pour les morts. Cette pratique, ignorée de l'antiquité clas- 



1) Nous verrons ci-après l'explication proposée par M. Paribeni. 

2) Paribeni, o. /., p. 48-49. 

3) Comparez, dans une tout autre civilisation, le roi Ur-Nina de Telloh 
représenté sur une stèle du Louvre, portant lui-môme sur la tête la corbeille 
contenant les offrandes aux dieux. 



368 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

sique, aurait déjà fait son apparition dans le monde minoen au deuxième 
millénaire avant notre ère sous Finfluence des idées égyptiennes. Mais 
si cette influence avait été si profonde, comment le rituel ne serait-il 
pas plus nettement égyptien ? Or, malgré les rapprochements gn- 
phiques que M. Paribeni a soigneusement recherchés de ce côté et 
qu'il s'est plu à mettre en évidence, il ne parait pas douter de Torigi- 
nalité du culte minoen. Il a notamment indiqué que l'offrande de h 
barque au mort n'est pas une coutume spécialement égyptienne etqa'oi 
en trouve des traces sur tout le pourtour de la Méditerranée. Bies 
d'autres arguments pourraient être avancés : l'absence de momification, 
le rôle joué par les ifemmes dans le sacrifice où les hommes n'occupeot 
qu'une place secondaire en revêtant des vêtements féminins, etc.. 
L'bypotbèse de M. Paribeni demanderait donc, tout au moins, à êtn 
modifiée. On devrait supposer, en s'appuyant sur l'éclat particulier da 
sarcophage et sa proximité du palais de Haghia Triada, qu'il s'agit 
d'un prince qui, après sa mort, fut associé au culte des dieux. Tel eit 
le cas en Syrie, au viii* siècle avant notre ère, du roi Panammou et le 
texte qui nous en a conservé le souvenir contient une formule à lédter 
lors du sacrifice qui constitue une véritable prière pour le mort. Dus 
ce cas, on ne peut invoquer une influence égyptienne ^ 

Cependant^ on ne doit pas oublier que d'autres explications sont pos- 
sibles sans recourir à la prière pour les morts. Le taureau a certaine- 
ment été considéré en Crète comme un animal particulièrement sacré 
et sans chercher à pousser plus loin l'analyse de crainte de tomber dans 
la pure conjecture, cela suffirait à nous expliquer les précautions prises 
avant d'en nourrir le mort. 

Un point intéressant a été laissé de côté par M. Paribeni dans son 
exposé cependant très complet et fort documenté. C'est que la scène 
représentée sur le second grand côté du sarcophage de Haghia Triada 
éclaire une série de représentations figurées restées jusqu'ici assez éni''- 
matiques. Nombre de gemmes portent un édicule duquel sort un arbre 
ou un arbrisseau. Le caractère sacré de cet édicule est souvent marqué 
par des cornes de consécration et un poteau dressé. Parfois une femme 
officie. A un autre moment des personnages se livrent à une danse sacrée 



1) Si Ton devait envisaf^er une influence étrangère, ce serait vers le sud de 
TAsie Mineure ou vers le royaume hitlile d'où sortait ia dynastie de ce roi 
syrien qu'il faudrait se tourner et nous serions ramenés ainsi vers les milieux 
égéens. 



LE SARCOPHAGE PEINT DE HAGHIA TRIADA 369 

dont le point culminant paraît être Tarrachement, par un homme, de 
Tarbuste dont les fruits sont arrivés à maturité. Toutes ces scènes nous 
apparaissent comme les différentes étapes d'une même cérémonie où 
Ton ne peut guère hésiter à reconnaître des rites agraires ^ et même 
des rites agraires très complexes car ils enveloppent les êtres célestes et 
déterminent des théophanies. Ici, c'est le croissant lunaire nettement 
tracé dans le champ de Tintaille au-dessous de Tédicule sacré devant 
lequel une femme fait le geste d^adoration '. Ailleurs, le croissant lu- 
naire et un astre rayonnant (Soleil ou Vénus), entourés d'un zigzag dési- 
gnant la voie lactée, dominent la scène '. Cependant, s'ils adoptaient, 
pour incorporer la divinité, le poteau armé de la bipenne et surmonté 
de Toiseau divin, les Minoens concevaient leurs dieux sous la forme 
humaine. Une gemme trouvée dans la caverne de l'Ida porte, de part et 
d^autre de Tautel, Tastre rayonnant et une figure schématique où nous 
avons reconnu une idole du type des idoles primitives des îles ^ Sur 
une bague en or de Cnosse *, la divinité apparaît, sous des traits 
humains, à une femme qui l'accueille par le geste d'adoration. La divi- 
nité descend du ciel devant le poteau sacré qui précède l'édicule conte- 
nant l'arbuste. Comme sur la seconde face de notre sarcophage, il semble 
qu'un autel soit indiqué devant l'édicule. Il est tentant de reconnaître 
une personnification de la déesse de la terre sur la belle bague d'or de 
l'acropole de Mycènes, si chargée de représentations divines*. Assise au 
pied d'un arbre, à côté du poteau surmonté de la bipenne double, elle 
reçoit les offrandes. Le sens en serait à peine modifié si, au lieu de la 

1) Les explications proposées jusqu'ici sont les suivantes : 1<> Un dieu guer- 
rier arrache les fruits d'un arbre pour les offrir à la déesse et communier avec 
elle (Evans) ; 2« légende d'Erysichlhon délruisanl le bois sacré de Déméter 
(Milani) ; 3^ l'arbre déraciné marque la fin d*une vie humaine, soit qu'il figure 
ici simplement, comme symbole, soit que le rite ait existé d'arracher un arbre 
à la mort d'un défunt (Lagrange). On remarquera à ce dernier propos qu'il est 
peu admissible, si le sujet était funéraire, qu'on l'ait communément utilisé 
pour décorer des bagues et servir de cachet. 

2) Bulletins et Mémoires delà Société d'Anthropologie de Paris, 1906, p. i28; 
reproduit dans Lagrange, La Crète ancienne, p. 93, fig. 74. Inexactement des- 
siné dans Evans, Mgcenaean Tree and Pillar Cuit, p. 87, fig. 59. 

3) Evans, /. c, p. 10, fig. 4 ; Lagrange, l, c, pi. VI, 2. La meilleure repro- 
duction dans Revue arcMoiogique, 1900, II, pi. VIII. — Sur une gemme (Evans, 
/. c, p. 79, fig. 53; Lagrange, /. c, p. 94, fig. 76) la voie lactée est seule notée. 

4) Evans, /. c, p. 44, fig. 25 ; Lagrange, /. c, p. 63, fig. 33. 

5) Evans, /. c, p. 72, fig. 48 ; Lagrange, /. c, p. 71, fig. 44. 

6) Tsountas, Rev. archéol., 1900, II, pi. VIIL 



370 REVUE DE l'histoire DBS RELIGIONS 

déesse, nous étions en présence d'une in^ande prêtresse, car les deux 
personnalités s'identifieraient. Vraisemblablement, est-ce la même per- 
sonne divine qui se lamente dans la scène finale de rarrachement de 
la plante sacrée * dont le but est de récupérer la force vitale concentrée 
en elle par la vertu du sacrifice. 



Si nous n'avons encore rien dit des petits côtés da sarcophage, c'est 
que les motifs qui y sont peints ne nous paraissent pas liés intimement 
aux scènes figurées sur les deux grands côtés et que leur interprétation 
reste très douteuse. L'un des petits côtés représente on char monté 
par deux femmes et traîné par deux chevaux ; l'autre, on char monté 
par deux personnages et traîné par deux griffons dont la tète est armée 
d'une crête de plumes. Un oiseau huppé vole au-dessus et à la rencontre 
du char. Dans les deux derniers personnages, M. Paribeni reconnaît, 
sans en donner de raisons bien valables, le mort conduit dans l'antre 
monde par la déesse de la mort. Cette interprétation rappelle celle de 
certains convois funèbres étrusques ; maïs elle soulève des objections 
comme celles qu'a formulées M. A. J.-Reinach*. 

Les griffons qui apparaissent ici témoignent une fois de plus combien 
ce type fabuleux était familier à l'art mycénien. M. Paribeni penche 
pour lui attribuer une origine mésopotamienne. Ce n'est pas ce 
qu'indiquent les monuments connus jusqu'ici. Le griffon n'apparaît pas 
dans la vallée du Tigre et de TEuphrate avant Tépoque assyrienne et 
nous croyons avoir montré que ce fut sous Tinfluencede Tart chypriote*. 
11 est fort probable que cet animal fabuleux a été conçu dans le bassin de 
la mer Egée, s'il est vrai que l'Egypte n'en fournit pas d'exemple aux 
très hautes époques. 

En remerciant M. Paribeni d'avoir assumé la tâche, à la place de 
M. Halbherr, de nous faire connaître le sarcophage d'Haghia Triada qui 
sera désormais la base de toutes les recherches sur la religion des Cre- 
tois pi*éhelléniques, il faut féliciter M. Enrico Stefani pour l'exactitude 
et l'habileté avec lesquelles il a établi les trois planches en couleur qui 
donnent du monument une vision si précise. 

René Dussaud. 

r Evans, /. c, p. 79. f.^. 53: Laîrrance. /. c, p. 94, fig. 76. 

2. Revue -irch-ol., i90S, II, p. :Sô-CS6. 

3\ iUtk# dé l £cJ* d'Anthrop:i:'gie, 190S, p. 194-195. 



BULLETIN 

DE U RELIGION ASSYRO-BABYLONIENNE 

1907 



P. Paul Dhorme. — Choix de textes religieux assyro -babyloniens. 
Transcription, traduction, commentaire. — Un vol. in-8», de xxxviii- 
406 pages. Paris. Gabalda. — L'auteur résume dans l'introduction les 
données fournies par les textes traduits sur la religion, l'homme et les 
rapports de l'homme avec les dieux. Il a ajouté aux mythes et légendes, 
publiés en 1901 par Jensen (Mythen und Epen, Keilinschriftl. Bibl., 
VI, 1), quelques textes purement religieux, liturgiques et moraux : un 
hymne à Mardouk, un hymne et un psaume à Ischtar, une prière à 
Gibil ; l'institution du sacerdoce et la tablette cultuelle de Sippar; le 
juste soufTrant et quelques proverbes. Les notes sont nombreuses et 
l'auteur discute souvent la traduction de ses devanciers ; on regrettera 
qu'il ait surchargé le texte en indiquant les variantes entre parenthèses, 
au lieu de les mettre en notes. De brèves indications sur les principales 
éditions des textes et sur les précédentes traductions servent d'en-tète à 
chaque morceau; un index fort utile termine le volume. L'auteur s^est 
interdit tout rapprochement formel avec les livres bibliques. 

E. GuTHRiE Perry. — Hymnen und Gebete an Sin. — Leipz. Semit. 
Studien, II, 4. Une broch. in-S"", de vi-f-^ pages et 4 pi. Leipzig, 
Hinrichs. Transcription, traduction et commentaire de dix textes reli- 
gieux, — dont trois inédits — , prières et hymnes adressés au dieu de la 
lune. De nombreuses notes de M. Zimmern complètent les renseigne- 
ments de l'auteur. 

J. Hehn. — Siebenzahl und Sabbat bei den Babyloniem und im 
Alten Testament. Eine religionsgeschichtliche Studie. — Idem, II, 5. 
Un vol. in-8*, de 132 pages. — Étude sur la valeur symbolique du 
nombre sept. Ce nombre est l'expression de la plénitude, de la totalité ; 
sa valeur n'est pas liée à une spéculation sur les sept planètes, car 
cette dernière théorie n'apparaît qu'à partir de l'époque d'Assurbanipal. 



372 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Le nombre sept représente la division naturelle de la période Innain 
L'auteur discute la notion du sabbatu babylonien ; il ne Tidentifie pa 
avec le sabbat bébreu, mais croit cependant que les deux institutioi 
ont une origine commune, car les deux noms sont identiques; elk 
auraient eu chacune un développement particulier. — Il est nécessiii 
de faire remarquer que l'institution du sabbatu babylonien, qui, d*aprè 
cette tbéorie, devait être intimement liée au culte du dieu de la Iqim 
n*a pas modifié la tbéologie des prêtres attachés au culte de ce diei 
L'explication que Tauteur donne (p. 60) de en-zu, un des noms fn 
quents du dieu de la lune^ me paraît très discutable : en-zu désignera 
la lune comme le dieu « qui fait connaître (mesure) le temps » (EN=ad 
c fixation, action de déterminer » et zu = idû c connaître »). Cett 
explication a pu être valable à une certaine époque, lorsque em-i 
désignait le dieu de la lune; mais les textes les plus anciens montres 
que EN-zu était primitivement un dieu du sol. 

H. Grimme. — Das israelitischse Pfingsfest und die Plejadenhli 
Un vol. in-8, de viii + 125 pages. Paderbom, Schœningk. — Étod 
sur la Pentecôte hébraïque et sur la doctrine septénaire. L'auteur d 
croit pas que la doctrine des sept planètes ait des racines populaires;! 
nombre sept représente les Pléiades, c'est-à-dire les septs démons, t/i 
Sibitti, qui attaquent la nouvelle lune (voir le mythe babylonien pobli 
dans IV Rawlinson, pi. 5 et suiv. ; cf. Winckler, der Alte Orient, lE 
2-3, pp. 59 et suiv.: Zimmern, KAT», pp. 362-491). Cette théorie se* 
propagée de Babylone en Palestine et dans les pays de langue an 
méenne. L'explication des Hu Silnttx « les dieux (qui sont) Sept f qn 
donne l'auteur, est nouvelle. Je ne crois pas qu'elle ait davanta-^ d 
« racines populaires » que la doctrine des sept planètes. Les a dieu 
Sept » sont souvent cités dans les incantations babyloniennes, mais o 
ne peut pas les iJentifier avec les Pléiades du seul fait qu'ils jouent o 
certain rôle dans un mythe lunaire. 

E. BiscuoFF. — Babylonisch-astrales im Wellbilde des Thalmi 
und Midrasch. — î.'n vol. in-8** de vi -f 17*2 pages, et 12 fio-. Lejn 
Hinrichs. — Application du système astral babylonien selon la théor 
de Jeremias que la terre a son image et son prototyp)e dans le oie 
Malgré quelques exagérations inhérentes au système, les assrriolœnie 
trouveront dans ce travail beaucoup de renseignements intéressai 
Ihistoire des intlLiences assyro-babyloniennes. 

A. Jeremias. — /> e Panhahlontst-^n. Der Alte Orient und d: 
Aeg-.ptische R.'lijîon. Im Kampfe um den Ailen Orient, I, 1. Un 



BULLETIN DE LA RELIGION ASSYRO-BABYLONÏENNE. 1907 373 

brochure de 65 pp. — H. Winckleçi. — Die jûngsten Kaempfer wider 
den Panbabylonismus, — Idem, I, 2. Une brochure de 79 pp. Leipzig. 
Hinrichs. — Exposition du système « panbabylonien > qui a valu tant 
de critiques à ces deux auteurs. 

H, WiNCKLER. — Die babylonische Geisteskultur in ihren Beziehun- 
gen zur Kulturentwickelung der Mensckkeit, Heft 15 von Wissenschaft 
und Bildung, Einzeldarstellungen aus allen Gebieten des Wissens, 
herausgg. von D'P. Herre. — Une broch. de 152 pp. Leipz., Quelle 
und Meyer. — Tableau intéressant de la civilisation babylonienne à 
travers les âges. 

F. HoMMEL. — Zum babyloniscken Ursprung der dgyplisch. Kul- 
luvy dans Memnoriy vol. I, n^» 1 et 2. — Reprise des idées exposées par 
Fauteur en 1892 et en 1904. 

On trouvera de nombreux renseignements intéressant la religion 
dans les recueils de noms propres théophores : IIuber, Die Personen- 
namen in den Keilschrifturkunden aus der Zeit von Ur und Nisin. — 
Un vol. in-4*, de 208 pp. Leipzig, Hinrichs. (Assyr. Bibl., Band xxi) 
— et Dhorme, Les noms propres babyloniens à l'époque de Sargon 
l'Ancien et de Narâm-Sin, dans Beitr. zur Assyr,, VI, 3, pp. 63-88. 

L'édition allemande des Inscriptions de Sumeret d'AkkaddeM. Thu- 
reau-Dangin, parues en 1905, forme le premier volume de la Kor- 
derasiatische Bibliothek : die Sumerischen und Akkadischen Koenigs- 
inschnften. Un vol. in-8o de xv + 275 pages, Leipz., Hinrichs. — 
Un index des principaux lieux de culte, des divinités et de leurs 
attributs facilite les recherches à Thistorien des religions. 

W. M. J. HiNKE. — A New Boundary Stone of Nebuchadrezzar L 
from Nippur. — Un vol. in-8°, de xxvii + 323 pages, 16 illustrations 
et 35 dessins, Philadelphia (The Babyl. Exped. of The Univ. of Penn- 
sylvania. Séries D : Researches and Treatises, vol. IV). — A propos de 
la publication de cette nouvelle « pierre-limite », Tauteur a pris soin 
(pp. 51-115) de dresser un index complet de tous les noms de divinités, 
épithètes divines, emblèmes divins ou armes divines, cités dans ces 
textes particuliers. On consultera aussi le Beiheft zu Vorderasiat, 
Schriftdenkmaeler, Heft I : die Bildlichen Darste llungen au f vorderasiat. 
Denkm, der KoenigL Mus. zu Berlin, un fascicule in-4® de 8 planches 
(dessins), Leipziz, Hinrichs. 

0. Weber. — Die Literatur der Babylonier und Assyrer, Ein Ueber- 
blick. Un vol. in-8'', dexvi + 312 pages, 1 table de signes et 2 figures 
(der Âlte Orient. Ergânzungsband, H). Leipzig, Hinrichs. — L'auteur 



3T4 RIVUI Dl l'HISTOIRB DBS RELIGIONS 

présenta un tableau de la littérature cunéiforme. Les chmpitrea 3-9 
traitent des mythes et légendes; ch. 10, hymnes, prières et psaumei ; 
ch. iiy incantations; ch. 12, oracles; ch. 13, rituels; ch. 14, présages. 

H. ZiMMERN. — Sumerisch'babylonische Tamûz-liedery dans les 
Berichte ûber die Verhandl. d. k. s&chs. Ges. d. Wiss. zu Leipzig, 
Phil. Hist. Klasse, Band lix, 4 pp. 201-252. — Leipziz, Teobner. - 
L^auteur transcrit, traduit et commente huit hymnes adressés à Tamoûx 
et cite huit autres textes ou séries de textes dans lesquels Tamoûi eit 
cité d'une façon spéciale. Il a renoncé à s'occuper des hymnes à 
Tamoûz publiés par Pinches en 1904 sous le titre : TAe Hymm to 
Tammuz in the Manchester Muséum^ Owens Collège (dans Memoirs and 
Proceedings of the Manchester Literary and Philosaphical Soeiet}j, 
vol. 48, n^' 25). Ces textes extrêmement] difficiles seront l'objet d'un 
travail spécial ; M. Zimmern y joindra d'autres textes du Musée de 
Berlin qui, par leur contenu et leur langue particulière» rappellent les 
textes publiés par Pinches; ils formeront donc une nouvelle série 
d'hymnes adressés au dieu Tamoûz. 

Les textes dont l'auteur donne la transcription et la traduction sont 
très importants ; ils appartiennent à la série appelée edin^na u-sag-ga- 
ge, c'est-à-dire « sur la plaine, lorsqu'il (elle) se met en marche ». 
Nous verrons plus loin le sens précis de ce titre. Nous possédons li 
4« tablette de cette série (texte n» 2), la i'* tablette (texte n<»3); 
3 litanies accompagnées d'airs de flûtes (textes n®» 4-6) et deux autres 
litanies. 

Tamoûz a disparu dans le monde souterrain : « Je pars au combat, 
dit-il, viril, dans un chemin sans retour ». La nature pousse des gémis- 
sements : « Malheur! il va, il s'échappe dans l'intérieur de la terre ». 
La végétation périt, les plantes s'étiolent, les fleurs se fanent, les ani- 
maux ne se reproduisent plus. C'est une plainte universelle qui s'élève 
(voir surtout le texte n® 7). Dans le monde souterrain, les démons 
attaquent le dieu et s'emparent de sa personne. Tamoûz est représenté 
comme un enfant et un adulte : « chétif, il est couché dans un bateau 
qui sombre; adulte il est submergé dans les céréales et y est couché ». 
11 semble que le texte 2, 1. 14 mentionne le char sur lequel les morts 
voyagent sous terre; Tentrée de Tenfer est située à Touest, du côté de 
la Syrie (/rf., 1. 25-20). 

Pendant ce temps, la mère de Tamoûz et sa sœur, Bêlit^séru 
poussent des cris de douleur; Bf'lit-sêri part à sa recherche et se tourne 
vers les démons, afin qu'ils relâchent leur proie. Mais immédiatement 



BULLETIN DE LA RELIGION ASSYRO-BALYLONIENNB. 1907 375 

les brebis et les chèvres cessent de se reproduire. Un dialogue épique 
s'engage entre Tamoûz et sa sœur. La tablette est malheureusement 
en mauvais état; nous n'avons que des lambeaux de phrases dont il est 
difficile de tirer un sens précis. 

Ischtar, l'amante de Tamoûz, quitte à son tour la terre et revient 
dans l'Hadès. C'est ce départ de la déesse de l'amour et de la fécondité 
qui fait le sujet propre de ces litanies : c Sur la steppe, lorsqu'elle se 
met en route ». Elle se rend vers son époux, pour lui présenter ses 
condoléances, les souffrances des hommes, des bêtes et de toute la 
nature. Le champ envoie un messager au « berger » afin qu'il revienne 
vers ses troupeaux. Mais Tamoûz reproche à Ischtar d'avoir quitté la 
terre et lui conseille avant toute chose de sortir du royaume des morts. 

On remarquera que nous n'avons aucune mention de la mort de 
Tamoûz par le sanglier. Zimmern croit que nous trouverons un jour 
cet acte du drame, puisque le mythe babylonien de Tamoûz est le pro- 
totype du mythe oriental de Tamoûz-Adonis. 

Parmi les épithëtes de Tamoûz, citons son nom d'abord c fils de vie 
(ou véritable) » sous-entendu « de Vapsu >, car c'est sous ce nom plus 
complet qu'il est toujours cité dans les inscriptions archaïques (voir 
Thureau-Dangin, ouvrage cité plus haut, index); — Damu, qui est aussi 
le nom d'une déesse identifiée avec Gula, la guérisseuse. Il semble donc 
que Tamoûz a été considéré comme une déesse; dans les textes archaï- 
ques il est appelé nin c< déesse > du temple ki-nu-nir; il est vrai que 
NiN a aussi le sens de c seigneur ». Mais l'épithète ama-usumgal'an'na 
dissipera tous les doutes, puisqu'elle signifie c mère, seule souveraine 
du ciel > ; — Ré*u ^ berger » ; — c charpentier > et « seigneur du filet » 
épithëtes incompréhensibles; il est probable que l'on a spéculé sur 
quelque parenté de Tamoûz avec Ea, le dieu par excellence des métiers; 
on sait par ailleurs que les dieux possèdent un filet pour abattre leurs 
ennemis (voir Thur.-Dangin, ouvr. cité, index, s. v. susgallu)^ donc 
cette épiihète n'est pas spéciale à Tamoûz. 

Le père de Tamoûz est Min-gis-zi-da « seigneur du bois pur i, proba- 
blement identique à Gis-zi-da, souvent nommé en compagnie de 
Tamoûz dans le mythe d'Adapa (voir Dhorme, ouvr. cité, index). La 
sœur de Tamoûz, Bélit-séri^ est considérée comme le secrétaire d'Eres- 
kigal, le seigneur de l'enfer. 

11 me semble plausible d'admettre que le dieu Dun-sag^a, souvent 
cité dans les inscriptions archaïques, est aussi une personnification de 
Tamoûz; les rois, en effet, construisent pour ce dieu « la demeure des 



376 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

lamentations )^ (voirTh.-Dangin, ouvr. cité, s. v. Dunsag-ga eiKi-h- 
akkii-li). 

Zimmern a pu facilement rapprocher certains actes de ce mythe baby- 
lonien du mythe hien connu d'Adonis. Il n^est pas sans intérêt de 
remarquer, que, déjà à une époque assez ancienne, on trouve réuniei 
dans le mythe du Tamoûz babylonien les idées de dieu de la végétitkmf 
dieu de la vie et dieu médecin. Zimmern croit que les mythes d« 
Tamoûz symbolisent à la fois l'époque où Tannée est en deuil, la fin de 
lëté (Hochsommer), lorsque Tamoûi s'engloutit^ et l'époque où TanDée 
est dans la joie, le printemps ou plutôt le solstice du printemps, lors- 
qu'on fête le retour de Tamoûz sur la terre. 11 semble ainsi considérer 
Tamoûz comme un dieu solaire; mais nous savons que Tamoûz- Adonis 
n'est regardé comme un dieu solaire que dans le syncrétisme final. Os 
trouve, il est vrai, Tamoûz cité à côté de Samas dans un texte de Sn- 
idinnam (Thur.-Dangin, ouvr. cité, p. 208, n* 5, a : col. 2, 14.11 
parait évident cependant que Tamoûz est avant tout un dieu delà v^ 
tation et que les textes publiés par M. Zimmern devaient appartenir à une 
série liturçrique, dont la récitation visait à récupérer les forces du dieo 
lors de la moisson. On a facilement passé de cette idée à la conceptioi 
de c vie i d'une manière générale. 

Zimmern me semble faire une juste remarque, en présentant k 
mythe connu sous le nom de « Descente d'ischtar aux Enfers • comme 
un îexte liluFirique faisant partie de la même série de textes ; ce mv^he 
apix^rîient au ».ycle de Tanuùz. 

11 e>î à vits rer qr.e M. Zimmern ^ hâte de publier, avec sa hàj'f 
co:r.:^::onoe. !e< autres trxîes qu'il cite au début de son îrav.^il. 

F. Hkv\-\y a recherche quelle pouvait ère la vraie Ject«jre saxé- 
her.r.e .:e Ti it\Yra:r.îr.e im. qui viès^r^^ > »îi^"^ .4i.:i, Zt.U: \r. \ _\fi.- 
".:,. ;.\ X\, pp. 4-44^0 ^.'n sjivai: q.:e le Eoai sumèri-en ie ce :-r. 
^•:t:;::::a:: ..-r u:: . cir 1 :.:e;.j:-a:i:n:e im est souieni STji\: des cvil- 
pK" v.^^r.:s ; :-.;d:: q..r> ". :u - :. Là e::..re : .'.--. pr:p:rs*ee r^r M. Ti:> 
reA;:-.^ir.j::r.. .... ;\- i.: re.K es.r e s<^:ï.:-.q..e ;-;'.: --Th. L'aule-r a:î::e 

\ À :-: : :.: s.r .:r :\ :.Ass,^^es. :^n::-rs r.i: frs deTi&iifr?. :u ik es: ^.:>r 
î^^ .-. ;>.. . es: -i: .► -.n: >.::.èrrn lu i.f-- Aiii. 

■' '■ - " ::. . f.::. >.. \\V.::, i.rs.: F^arl, it. 1:^-144 



-i. 



•^^e e -rc 



A>.'S: cz k^L.: .- -. •>. r; ^-.7. >/. C-tj Li; a-ifc 



BULLETIN DE LA RELIGION ASSYROBABYLONIENNE. 1907 377 

raison w au lieu de r et pose Téquation amwst r= en-ma^tu r= en-martu 
c'est-à-dire Bêl'Amurru. Donc le dieu NIN-IP est. originaire de TOuesl, 
il est même par excellence le dieu amorrite. Loin d'être indigène en 
Babylonie^ il y a été introduit par des invasions de Sémites venus de 
l'Ouest. Cette conclusion pourra paraître excessive. 

P. Haupt: c The Name htar ^j Journal of the Amer. Or. Soc^ 
XXVIII, first Part, pp. 113-119. — Selon Haupt le t de Islar est l'in- 
dice du féminin, htar est l'équivalent de Asratu, Asirtu ( zn TAschéra 
biblique) ; c'est donc la vieille forme féminine du nom du dieu national 
de l'Assyrie, Asur. De même qu'i4swr était primitivement un nom com- 
mun signifiant u propice, e'jp.evr^ç », asirtu, Asratu désignait le sanc- 
tuaire, puis la (déesse) favorable ; il en est de même d'htar. La racine 
de tous ces noms Asur-htar, Asêra, Esther et Astarté est iâsârâ « être 
propice » ; ces noms propres étaient primitivement de purs appellatifs. 
F. Delitzsch. — Das c Neujahrfestkatis » (bit akîtî) von Asur, dans 
les Mittheil. d. deut. Or. GeselL, juin, n« 33, pp. 34-37. Étude sur la 
c maison de fête » où Ton célébrait le zagmuk^ ou fête du nouvel an. 
Voir surtout les textes publiés par H. Zimmern, Zum babylonischen 
Neujahrfest, dans les Berichte ûber die Verhandl. d. k. sâchs. Gesell. 
d. Wiss. zu Leipzig, Ph. Hist. kl., LVIII, III, 1906 pp. 126-156. 

R. P. DuoRMfi : « Le séjour des morts chez les Babylonieus et les 
Hébreux » dans Revue Biblique, janvier 1907, pp. 59-78. — L'auteur 
étudie la notion du séjour des morts et la manière dont les morts vivent 
dans THadès. Cet exposé est divisé en quatre parties : 1. la terre, le filet 
du sche'ôl, les maladies; 2. la maison de ténèbres et de poussière; 
3. le royaume et ses habitants ; 4. la condition des morts dans l'enfer. 
— On pourra s'étonner que les travaux sur la question de Jeremias et, 
plus récemment, de Lods, ne soient pas même cités. 

Idem : « L arbre de vérité et l'arbre de vie », ibid,, avril 1907, pp. 
271- 274. — Étude sur le gis-zi-da et le gis-ti, situés à l'Orient, à la 
porte du ciel, et gardés par les dieux Nin-gis-zi-da et DumU'zi-abzu 
( = Tamoûz). Ces deux divinités remplissent donc le rôle de dieux du 
seuil céleste. 

Morris Jastrow : « Notes on Omen Texts » dans American Journal 
of Semitic Languages and Liter., XXIII, janvier 1907, pp. 97-115. Je 
note surtout les pages 103-115 où Fauteur rapproche les symboles 
divins (ou c armes > divines), figurés sur les bornes, des « armes » 
divines que les augures essaient de définir sur le foie du mouton fraîche- 
ment égorgé. 



378 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

M. Inda Hussey : « Some Sumerian-Babylonian Hymns ofthe Berlin 
Collection », ibid,^ pp. 142-176. — Transcription, traduction et com- 
mentaire de 5 hymnes de la collection Reisner. Ce sont à proprement 
parler des <r litanies » à I*tar et Gula sur la destruction de leurs sanc- 
tuaires. Les textes 2-5 appartiennent à la même série. A noter qulstar 
est surtout considérée sous la forme d'I^tar guerrière; texte 1, verso 
57-70, les 7 noms d'I^tar sont mentionnés ; texte % verso 4 et texte 3, 
recto 1, elle est comparée à une « colombe ». 

A. T. Clay : « EUilj the God of Nippur », ibid,, juillet 1907, pp. 
269-279. — L'auteur attire l'attention sur 3 empreintes araméennes 
sur briques et établit que le nom du dieu patron de Nippur n'est pas 
Bel, mais EUiL Nous avons en effet les noms propres babyloniens lus 
Bêl-nadin-sunij Bêl-hâtin et [Bêli'fyhàlazzi, qui sont transcrits 
pt<1^bSt<, pn'jbN etînS^N; on connaît de plus le passage où Damascius 
parle du dieu "IXXtvoç. Cette question a son importance pour Thistoire 
de la religion; en effet : 1. il ne semble pas que les Sémites de la Baby- 
lonie aient adoré une divinité spéciale portant le nom de Bel ; — 2. 
toutes les fois que nous trouvons Tidéographie dingir En ( =: ilu Bêl)^ 
nous avons affaire au dieu Marduk, et cela même dans les inscriptions de 
l'empire d'Assyrie; — 3. le terme biblique pour« idoles » D"'S"'Sn pour- 
rait bien être d'origine babylonienne ; ellil (pour en^lil) en serait le pro- 
totype. 

J. Dyneley Prince : « A Hymn to the Goddess Bau », ibid,, XXIV, 
octobre 1907, pp. 62-75. Transcription, traduction et commentaire de 
la litanie publiée dans Cuneiform Texts , XV, pi. 22. Cette déesse est la 
divinisation de la force créatrice de la nature, elle préside donc à la 
génération, au développement des plantes et à l'irrigation. 

On trouvera des renseignements intéressant la religion dansKuGLER^ 
Stemkunde und Stemdienst in Babely tome I, Munster, 1907. Quoique 
les textes publiés ou étudiés soient d'ordre purement scientifique, Tau- 
teur discute souvent certaines épithètes importantes appliquées aux 
principaux dieux du panthéon. 

Et. CoiiBE. 



REVUE DES LIVRES 
ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



Salomon Reinach. — CiUtes, Mythes et Religions. Tome III, 
un voL in-8* de 537 p., illustré de 25 gravures. — Paris, Leroux, 1908. 

M. Salomon Reinach continue à nous prodiguer les richesses d'une 
érudition étonnamment variée. Le troisième volume de ses Essais ne ren- 
ferme pas moins de 28 mémoires c faisant suite aux 70 qui sont réunis 
dans les deux précédents volumes i. Il ne faut évidemment plus 
demander trop d*unité à des recueils de ce genre qui rappellent les 
Annales des Congrès, sauf que la diversité des auteurs ne s'ajoute plus à 
celle des sujets traités. Cependant je persiste à croire que ces réimpres- 
sions auraient gagné en netteté et en force, si l'auteur avait groupé^ avec 
rintroduction du tome II, ceux de ses mémoires qui se rapportent aux 
Tabous et aux Totems ; quitte à publier le reste dans des volumes séparés. 

M. Reinach, qui connaît à fond ses classiques, s'est mis à les relire, 
non avec les lunettes un peu usées des vieilles méthodes critiques, 
mais en s'inspirant des procédés mis en œuvre par les anthropologues 
et les folk-loristes de notre époque. Les écrivains de l'antiquité, en rap- 
portant les croyances et les usages populaires du temps, ne les expli- 
quaient déjà plus qu'à travers les raisonnements et les sentiments d'un 
âge cultivé, alors que l'interprétation doit en être cherchée parmi des 
populations offrant les mœurs barbares de l'époque où se sont formées 
ces survivances. On conçoit qu'avec cette préoccupation, un auteur qui 
n'est pas moins au courant de l'ethnographie que de la philologie ait 
trouvé une infinité de solutions et de rectifications qui s'étaient déro- 
bées aux commentaires des générations précédentes, ceux-ci s'étant un 
peu répétés depuis la Renaissance et l'Antiquité. 

L'inconvénient, c'est que M. Reinach lui-même n'échappe pas au 
désir de retrouver partout ou plutôt de pousser jusqu'aux dernières 
conséquences logiques le système qu'il s'est construit à l'aide de données 
ethnographiques dont la généralité et la portée sont fort contestées. Ce 
système, que j'ai d^à eu l'occasion de rencontrer à propos des deux 



380 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

premiers volumes s comporte les thèses suivantes : l"" Là où des 
groupes sociaux s'interdisent certains actes ou se détournent de certains 
objets qui ne sont point par eux-mêmes dangereux ou répugnants, cette 
abstention procède d'un mobile religieux ou plutôt magique ; c'est une 
survivance d'anciens tabous et les autres explications qu'en donne la 
tradition sont des mythes tirés d'un rite. 2<> S'il s'agit de rabsteotion 
de certaine nourriture et si, en outre, l'animal ou la plante dont la 
consommation est ainsi tabouée reçoit une vénération particulière, on 
se trouve devant un cas de zoolâtrie ou de dendrolâtrie. 3^ Si, d'autre 
part, malgré l'existence du tabou, on mange cérémon tellement un des 
individus taboues, c'est un reste de totémisme^ et, en cherchant bien, 
on a chance de découvrir que les participants au festin se donnent ce 
totem pour ancêtre. 4^ Le totem, étant la personniâcation d*ane 
espèce» survit au sacrifice de Tindividu qui l'incarne périodiquement ; 
cette survivance est expliquée comme une résurrection. Telle a dû être 
ridée mère des nombreux cultes où l'on représente la passion d'un 
dieu» immolé puis ressuscité. 5^ C'est le fonctionnement des tabous 
qui a dû engendrer le sentiment religieux et c'est riuunolatioii da 
lol»»iii qui a dn être la première forme de sacrifice. 

Ainsi AcléoQ était originairement un cerf périodtqiieffient massacré 
par h confrêne féminine d^ Biches que régissait la Grande B^he, 
l>iane. Prouièlhée^ dép^icé par des Aigles, était on Aigle^ roiseaa porte- 
6^ par exceUence des traditions indo-européennes ; Dionysos Za^reus 
(Hait un taureau^ annuellement dévoré tout cru, comme nons V^fçrend 
To^aoflfeagie des myslères dtoofskiques ; Panthée» an tkaa ; Orpàiêe^ on 
rtnard : BippoI:yte^ soi càeval «léciiiré psir Ees meffiJbres d^un clan <|a£ ae 
donnaient; pour des chevatix issu;» ie Ëei&r totttiat-cheii.il ete^ 

Vercia^Qrtx^ agsiégé «t at£uné daii;^ Alésm^ ne put sn irésondare à 
asuuiger Uî» chevattx de sa cavalerie^ parce qui» le cheval était poor lie» 
GanlotSy cooiuae pour les autDf& iada*-européea^« un ancien tutenu dont 
kti étkùt iajberdit «ie se nonrrtr^ sauf cêrémoniellement danâ Ii» bsmpets 
ntrtûliiçie» éunt lia trajii tian pecst^ta j ut^t^'ù Taïuèneittent du. christianisaieL 

L importaoïce ^lachiée pair le* chrétiens ds» prennent siècii» à ia 
ct^pcésettiutiiiadu Chritft sou;^ fiirum d'un Poisson pravden< irait — non p^ 
dut ntçpcQchement ^aïi» las^ lettree^ du mot '-.-/jh^^ et le» iniliiilea^des mats 
Ct^m^Misant la fonnuie : [-/yroîc X^Ticrà;;: <î^^<îtj Tic;; iûrr^p — mai» de ce 
qutf 11» utembres^ de certainuft se^tee^ s^yrtmiaes^ ^e regardaient comme les 

1} Btiïtwda HHiaoire ios Htiii{fiûnt^ t. XLI i^Mld), p. .ÎWî et XLIII ^IflKK). 
p. 407. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 381 

descendants d*un totem-poisson qu'ils mangeaient solennellement et qui 
ressuscitait ensuite, c Assurément, ajoute M. Reinach, aucun homme 
raisonnable ne voudrait chercher l'origine du christianisme dans le 
culte sacrificiel du poisson; mais ce culte existait en Syrie; il était bien 
antérieur au christianisme et il est sûr, de toute certitude historique, 
que nous Ty retrouvons, comme nous y trouvons aussi les survivances de 
deux autres cultes zoomorphiques, celui de la colombe et celui de 
Tagneau. » — Il y a lieu de rappeler ici que, d'après une autre hypo- 
thèse, soutenue en 1905 par le docteur Pischel à TAcadémie des sciences 
de Berlin, ce ne serait pas à la Syrie que les chrétiens auraient em- 
prunté le symbole pisciforme, mais, par l'intermédiaire de la Bactriane, 
à rinde brahmanique, où le mythe du Poisson-Sauveur fournil un des 
avatars les plus populaires de Vishnou. 

Les <( sycophantes », dont Tétymologie (aux^, figue) est si obscure, 
devaient être les prêtres du totem-figue, (mangé solennellement par la 
tribu des hommes-figues, les <I>uTaXoO ; comme Thiérophanle était le 
prêtre du totem-blé à Eleusis. Si le nom des sycophajites devint syno- 
nyme de délateur, c'est que, avant l'ouverture du mystère où Ton com- 
muniait en mangeant le totem, ils dénonçaient les profanes et les crimi- 
nels pour les faire exclure de la cérémonie. 

Tout le monde connaît l'histoire, rapportée par Plutarque, de la voix 
mystérieuse, qui sous le règne de Tibère, apostropha en ces termes, 
d'une île de l'Archipel grec, les passagers d'un navire ayant pour pilote 
un égyptien nommé Thamous : « Thamous I Thamous I Pan Mégas (le 
grand Pan) est mort ». M. Reinach s'est demandé si cette interpellation, 
qui fit grand bruit sous Tibère — et encore plus tard — ne devait pas 
être entendue delà sorte : « Thamous, Thamous panmegas (le tout-grand) 
est mort ! » En effet dans les mystères représentant la passion d'Adonis, 
qui se célébraient à cette époque en Grèce aussi bien qu'en Syrie, les 
fidèles se lamentaient sur le trépas du dieu qu'ils appelaient de son nom 
syrien Thamous et qu'ils qualifiaient parfois de très grand ou de tout 
grand. — Il y a là une explication si séduisante que nous nous demande- 
rions volontiers comment il a fallu attendre près de vingt siècles pour la 
découvrir, n'était que nous nous rappelons l'histoire de l'œuf de Chris- 
tophe Colomb. 

Plutarque demande pourquoi, parmi les ofirandes faites aux dieux, 
on laisse consumer par le temps les dépouilles prises sur l'ennemi, 
sans qu'on cherche à les entretenir? M. Reinach répond que si chez 
les Romains on ne réparait pas les trophées, c'est parce qu'ils sont 

26 



382 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

revêtus d'une saiateté particulière qui en rend le contact périlleux. Ils 
sont tabous y parce qu'ils ont appartenu à des individus eux-mêmes 
taboues. En effet, pour vaincre l'adversaire, oa commençait par le 
tabouer, avec toutes ses possessions, à l'aide d'une execratio ou interdit 
magique, qu'on voit fonctionner chez les Romains, aussi bien que cbe 
les Juifs et les autres peuples de l'antiquité. Antérieurement à 1 epixjue 
où ces dépouilles furent portées dans les temples, on les laissait sor 
place, ou on les entassait sous un tertre. Un tumulus, renfermant un 
amas de boucliers a peut-être donné naissance à la l^ende de Tarpeu 
écrasée sous les boucliers des Sabins en paiement de sa trahison: 
« attendu que, tant chez les anciens que chez les modernes, l'aspect 
d'un monticule de pierres fait toujours naître la croyance qu'un person- 
nage important a été enseveli au-de^i sous, généralement en punition d'un 
crime ». — L'archéologie a-t-elle constaté de pareils tertres de boucliers? 
Polybe rapporte que les Gaulois devaient, en pleine mêlée, redresser 
constamment leurs épées, tant le fer en était mou. M. Reinach estime 
que c'est là une explication arbitraire, inspirée sans doute par la fré- 
quence des épées pliées ou tordues que les Romains découvraient dans 
les tombes des Gaulois. Nous savons aujourd'hui que c'étaient là des 
glaives mis hors d'usage — non, comme on l'a soutenu, pour déjouer la 
cupidité des voleurs — mais pour envoyer l'esprit de ces armes rejoindre 
dans le monde posthume Tesprit de leurs possesseurs. Ici il n'y a nen à 
reprendre. — Ce qui est plus sujet à caution, c'est l'affirmation que. 
au-delà de cette interprétation animiste, il en existe une autre - pluî 
primitive > : Tout défunt est tabou; ce qui lui appartenait Test enraie- 
ment : on retire ses armes de la circulation, parce qu'elles sont devenue? 
daujjereuses au L^ens majrique du mot et, plus tard, quand la croyance 
aux tabous se sera atTaiblie, on s'ima^^inera que le but de l'opération 
était de taire un don au mort. — Il est très vrai que l'idée d'une souillure 
ou plutôt d'une sorte d'empoisonnement majrique et contagieux con- 
tracté par suite d'un contact avec le défunt liiTure parmi les superstition? 
les plus frêijuentes et on peut y rattacher, dans certains cas obsenés 
chez les peuples non ci^lli:^é^. la destruction des objets ayant appartenu 
au mort. Mais les oïlraudt^:? faites aux morts, soit pour leur rendre ser- 
vice, soit pour s'assurtT leurs bonnes grâces, constituent un usa -^e bien 
a'iirtnnent répandu: oi. peut dire •pfil a été ^^énéral dans Thumanitéet 
ner. n'autorise à dire \ ;j la première de ces superstitions ait pré^éi:; 

.ja . i i .1 eri >o::. .i^ i'.i .ci les mterpréiations de l'auteur sont pour le 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 383 

moins très ingénieuses et il faut lui savoir gré d*a:voir attiré notre atten- 
tion dans cette direction. Mais ne pousse-t-il pas un peu loin le culte du 
tabou, lorsque dans un de ses mémoires [De r Anthropoïde à l'Homme) il 
prétend démontrer que si certains anthropoïdes tertiaires se sont élevés 
à la condition de VHomo sapiensy ils le doivent à une amélioration de 
leurs mœurs lubriques, amenée par <c une sorte de révélation intérieure » 
qui leur a inculqué sous forme de tabou, la modération des appétits 
sexuels, u L'humanité, conclut-il, a pris naissance le jour où au tabou 
animal du sang s'est ajouté le tabou humain du sexe ». — Ceci ne fait-il 
pas songer à la tentative pour transformer en personnages solaires 
Napoléon et ses douze maréchaux ; sauf que cette spirituelle boutade 
était bel et bien dirigée contre les exagérations de Técole mythologique 
dont elle se bornait à forcer les conclusions? 

Laissant de côté ce « château de cartes », pour employer une exprès* 
sion dont M. Reinach s'est servi lui-même, en vue de caractériser une 
autre de ses dissertations cependant plus sérieusement construite, je 
résumerai volontiers mon opinion sur l'ensemble de son œuvre en lui 
empruntant ces paroles qu'il a prononcées au Congrès de l'Histoire 
des Religions, tenu à Oxford en septembre dernier : « Assurément il est 
possible que de futures recherches et une appréciation plus compréhen- 
sive de Ténorme travail littéraire accompli pendant les premières années 
de ce siècle puisse conduire à la conclusion, déjà esquissée [hinied at) 
par plus d'un savant, que l'orphisme, aussi bien que le totémisme, est 
devenu un dada et même un dada fourbu (a hobby and an overriden 
hobby too). Conscient d'ètré moi-môme parmi ceux qui l'ont enfourché, 
je ne me sens pas encore disposé à m'excuser ou à me rétracter ; mais ce 
que l'histoire nous enseigne sur la rapide croissance et le non moins 
rapide déclin des systèmes, doit toujours nous être présent à l'esprit, 
quand nous croyons avoir atteint la racine même de la vérité... Cepen- 
dant quelques nouvelles théories, quelques nouveaux modes de penser 
que nous réserve un prochain avenir, il semble impossible que le ter- 
rain si bien parcouru, conquis et exploré par les écoles de pionniers, 
tels que Mannhardt, Mac Lennan et Roberlson Smith puisse jamais 
être considéré comme un pays d'illusion féerique et abandonné par la 
science au dilettantisme ». Ce sont là des paroles de sagesse et nous 
ne pouvons que nous y rallier, en reconnaissant à M. Reinach le mérite 
d'avoir fourni aux évolutions scientifiques qu'il prévoit, des éléments 
dont il n'est plus possible défaire abstraction dans l'étude des croyances 
et des rites. Goblet d'Alviella. 



mVUH UK L lllëTOritfC DES nELIOrONS 




J. TouTAiii. — ÈtudoB do mythologie ©t d Mstoire de 
religions antique». 1 voL iii-l^i de vi'S99 pmgm, — Pmk 

La préîum nout renaeigfii que I@i treUe études réimîêâ daas ooni^ 
ont paru dans divcri recudlt.dê 18y2à I9u8, EU^se raf^portart^pi 
la plupart^ loit à des questiotia géoér^les de méthode, buH à cein 
problème» da la mythob^ie |,'reeqae et romaine. Letir îotêrèi fftsr 
tout danft les réilexjoiia qu'elles rormulent et dtns celles qu^Êlls ^s^ 
queot, rBiativi*m«»nt aux riigbi* d'intèrprétatioa à suivre dans réioàM 
la mythologie cUssique. C*mt un sujel qui a été fréqii«mtnciit laiK 
malt il eal bou que, da temps à autre^ uo éerivato 
ûoui rappelât ïm râsultaL^ de rargumeotatioti que 
éeole d'eiégëse mythologique a vietorieui^amefil diritirée 
g^raliout de «es devancières, La concltiaioa de M. TouLûi — si «« 
pourrait mieui dire --^ c'e«t que << naufle syitèm« tbèologiqat iUi 
aysti*iiie eiclu^ivemeut aHég<»nqae ^, il c'en est aucun 4|uî ha mfiBV 
sa part de vérité» alon cependant qu'aucun ne possède la lÉôi 
entière : <i Chaque mélbode nouvelle a fait avancer lie qu^neftti 
aciisnee mythologique ; elle e^t devenue slérile, dès qu^Me a -^m 
i'ériger en aystème et exclure lei autres méthodes, f — Kn réÊ^éh^ - 
qu'il is*agiï«e de phénomènes naturels, d^événemeots hi^tonquicr, ^ 
faitâ înduatriels ou artistiques, de particularités rituel iqnes i>u smp^ 
ment coutumières, de métaphores prises à la lettre, de noms^ nnlâ^ 
prétéa» de représentai ions icoDographiques dont le sens orîgitian^ «^ 
perdu» voire de conceptions philosophiques ou morales dramatiaê^v 
ta tradition, — il y a formatîoD mythique, chaque fois c|ne Pi 
populaire transforme spontanément un phénomène ou un é^étu 
aventures personnelles, c*est-«-dire en aventures dont les 
incarnent soit tes causes productrices du fait, soit ses divers 
s^ phases succ^sives. 

Je me demande même s'il n^y aurait pas là tes éléments datte 
lion du mythe plus précise que celle qu en donne M, Toutain, qo^. 
le décrit comme « un récit dont une partie an moins est mmm 
relie ou irrationnelle n* Il explique, à la vi^iti^, que le mythe do^! ^ 
outre réunir les conditions suiraiiles : 1" mettre en scène dmir |a*M 
nages humains ou analo^es à dei ètrM humjiiDa ; â- 
lemps, alors même que le pbéaoaaèiie dont il est la 




ANALYSES ET COMPTES RENDUS 385 

permanent ou périodique ; 3" prétendre raconter un fait antérieur à 
l'histoire. — Tout cela n'en reste pas moins un peu flottant. D'abord il 
conviendrait d'y ajouter encore ces deux autres conditions : 4° si on veut 
différencier le mythe de la légende, il faut que sous les personnages se 
cache autre chose que des individus, réels ou imaginaires; en d'autres 
termes, il faut que le mythe mette en scène, sous forme personnelle, une 
entité abstraite, un phénomème physique ou un être collectif; 5° il faut 
encore que ceux qui formulent ou transmettent le récit mythique 
croient à la sincérité de son contenu. Quand on cesse d'y croire, ce 
n'est plus un mythe que pour le passé; C'est même par son caractère de 
sincérité que le mythe se distingue do la fable, du symbole de l'allé- 
gorie, de la métaphore, en tant que ces formes du langage et de la 
pensée impliquent une fiction consciente. 

Cette imprécision ne proviendrait-elle point de ce que M. Toutain,' 
malgré ses considérations si judicieuses sur l'interprétation et l'évolu- 
tion des mythes, ne s'est pas rendu suffisamment compte du phénomène 
mental qui se place à leur point de départ? L'animisme, écrit-il, pas 
plus que le fétichisme, ne peut donner naissance à une mythologie et il 
ajoute : « Le polythéisme, non moins que l'anthropomorphisme, est une 
condition nécessaire à l'existence d'une mythologie abondante et 
variée. » Peut-être n'y a-t-il entre nous qu'une différence de termino- 
logie ; mais cela prouverait une fois de plus l'absolue nécessité de bien 
préciser le sens des termes qu'on emploie en cette matière. Qu'entend 
M. Toutain par cet « animisme » qu'il déclare exclusif de toute mytho- 
logie? Il vise par là : « les religions qui supposent le monde dirigé par des 
esprits, s II semblerait donc que, dans sa pensée, la notion d'esprits est 
inconciliable avec Tanthropomorphisme. L'opposition n'est admissible 
que si l'on prend ce dernier terme dans son acception purement physi- 
que. En réalité, l'anthropomorphisme ne consiste pas seulement à 
revêtir les dieux d'un corps humain, mais surtout à leur prêter des 
mobiles et des passions humaines ou quasi humaines, alors même 
qu'on leur attribuerait une tout autre physionomie ou même qu'on ne 
leur en attribuerait aucune. Pour donner naissance à la mythologie, 
il suffit qu'il puisse s'établir, entre les hommes et les êtres surhumains 
qui personnifient ou dirigent les forces en jeu dans le monde, voire 
entre ces derniers eux-mêmes, des relations fondées sur une analogie 
avec les rapports réciproques des humains. 

De même, lorsque l'auteur affirme qu'avec les religions panthéistes 
et monothéistes « toute religion disparaît » je suis disposé à lui donner 



386 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

raison en pure logiqne; mais, immédiatement après, je lui demandeni 
où il trouve des religions de cette nature qui repoussent toute personni- 
fication surhumaine et, en fait, je dois m'inscrire contre son assertion 
que c les religions juive, chrétienne et mahométane sont dénuées de 
toute mythologie. » Tout ce qu'on peut admettre, c'est que le mythe, 
sinon la légende, y joue un rôle secondaire et subordonné. 

La plupart des autres essais contenus dans le .volume : Melicertà; 
Proméihée ; Janus; Liber Pater ^ ainsi que les études d'une portée plus 
générale sur les religions grecque et romaine, ont paru d'abord dans le 
Dictionnaire des Antiquités, de MM. Daremberg et Saglio. Sauf peut- 
être la notice sur Prométhée, un peu trop résumée, ces monographies 
sont écrites avec l'érudition et la sagacité dont Fauteur nous a donné la 
mesure dans tous ses travaux sur ce qu'il appelle lui-même « les carac- 
tères fondamentaux» — je dirai plutôt : les côtés sélects^ littéraires, 
classiques — du paganisme grec et romain ; mais en sacrifiant quelque 
peu les éléments populaires de la mythologie et du culte, ceux que les 
anthropologues contemporains se sont surtout appliqués à mettre en 
lumière. 11 y a même un de leurs systèmes favoris contre lequel il 
n'hésite pas à rompre une lance dans son mémoire sur Vhistoire da 
Religions et le Totémisme, d'abord publié, ici même, au cours de 
l'année dernière (t. LVII, p. 333). Je me contenterai d'y renvoyer les 
lecteurs de la Revue, ainsi qu'à la riposte un peu vive de M. Van 
Gennep (t. LVIU, p. 34\ Quant à moi, je ne puis faire à M. Toutain 
un grief de protester, — de même que. au fond, M. Van Gennep lui- 
mt^me — , contre la tendance de certains sociolojiues à retrouver jusque 
chez lesGrec^ et les Romains des survivances du totémisme, partout où 
se rencontrent, m ^me isolément, un des détails suivants : images d'ani- 
maux portées sur des enseignes: — noms de bétes ou de plantes donnés 
à des enfants: — prohibition de mariage entre individus de la même 
famille: — abstention de certaines nourritures véjiétales ou animales: 

— culte rendu soit à des anim.iMx. > it à des dieux ay.int des formes en 
partie besti, lies ou simplement p:»s>êiint à leur^c>tés un animal favori. 

— Tous ct^ t\\its peuvent p.irfaitemen: s'expliquer, sans que nous devions 
recourir :\ l'hypothèse iun tMèmisme or\:!naire. Cepeniant. je ne 
vou.irais |vis trop ^é^: r.-.l s-^r m^ pr^'estAtior. : en effet, il se rencontre. 
iIahs le :\tc-ini>me o'.tss-^ue v: /..^ir.s \:n rie. très restreint à la Térité. 
vi.-'nt seu> 'isqv.'i.'i "ex:":;^.* :r. t?têm que r.v^ paraît renlre complète- 
ment .vmp:e : c'est !V ;' . T-is-je ie î^niembrer et de dévorer 
vivîr.î ':n .ir.i-in'. :.t :rev:, :•: ;:. :':.^n, aui e^t :en>ê :n rimer la Dii-*- 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 387 

nifé. Mais rien n'interdit de supposer que ce rite a été introduit du 
dehors, peut-être des pays sémitiques où Robertson Smith a constaté et 
expliqué sa présence parmi les descendants de peuplades chez lesquelles 
Texistence du totémisme est difficile à contester. 

GOBLET d'AlvIELLA. 



Arnold van Gennep. — Religions, mœurs et légendes^ 
essais d^ethnographie et de linguistique. 1 vol. de 
317 pages. — Paris, Mercure de France^ 1908. 

Les publications périodiques qui absorbent l'activité de nos moderne^ 
logographes se multiplient à tel point qu'ils sont excusables de réunir 
périodiquement leurs travaux en des volumes, où, à défaut de Tunité 
de sujet et de temps, on a du moins celle de l'auteur. Nous sommes, 
en ce moment, devant trois recueils de ce genre, qui y ajoutent, heu- 
reusement, chacun en son genre, l'unité d'esprit et de méthode; d'où 
la possibilité de les apprécier avec quelque ensemble. J^ai déjà parlé 
des deux premiers ; le troisième nous maintient sur le terrain des 
études ethnographiques, avec quelques incursions dans le domaine des 
travaux plus spécialement linguistiques et sociologiques qui n'ont pas à 
nous occuper ici. Les articles de folk-lore qu'il nous présente sont inté- 
ressants et suggestifs : La ceinture de V Eglise ; Lucina sine concubitu ; 
A propos des rites phalliques ; De quelques coutumes malgaches corn- 
parées aux nôtres; Le rite du refus ; La légende de Polyphême. Quel- 
ques monographies s'appliquent à faire ressortir certains éléments du 
christianisme qui pourraient être qualifiés d'exotiques ou d'adventices et 
à expliquer le mécanisme de leur introduction : Christianisme et boud- 
dhisme; Le symbole chrétien du Poisson; Survivance et invention dans 
le christianisme populaire ; Ex-votos bavarois et tyroliens ; L'action 
individuelle et l'action collective dans la formation du culte de la 
Sainte Vierge, 

Deux questions d'une portée générale, qui ont joué un grand rôle 
dans les controverses des dernières années, sont abordées dans des 
articles respectivement intitulés : Le mécanisme du tabou et les prin- 
cipes du totémisme. L'auteur montre que le tabou n'est pas, comme le 
laisse entendre M. Reinach, une institution primaire, existant et fonc- 
tionnant par elle-même, mais simplement l'expression d'une propriété 
nhérente aux objets et aux personnes, une mesure de précaution contre 



388 REVUE DE l'HÎSTOîRE DES RELIGIONS 

Taction supposée nocive d'un être ou d'un objet. Même quand ^intedi^ 
lion a un but c prophylactique », ce n'est pas le tabou qui est conti- 
gieux ; c il n'est que le signe du danger j>. M. van Grennep Hait obeerrar 
qu'il existe deux autres espèces de tabous, dictés l'un par la croyance à 
l'attirance du semblable par le semblable (ex. : interdiction de verser 
de Teau pour ne pas provoquer de la pluie) ; Tautre, par l'idée qoe 
certains actes amènent sumaturellement une déperdition de forces. 
Quant aux tabous dont l'auteur place Torigine c dans un système rdi- 
gieux sans l'étude duquel ils demeurent parfaitement incompréhen- 
sibles », est-il bien persuadé qu*à leur origine ils ne rentraient pas 
dans une des catégories delà classification précédente? Tel semble le 
cas pour les totems, dont la vie, suivant l'auteur lui-même, doit être res- 
pectée par les membres delà tribu individuellement, parce qu'elle se soli- 
darise avec la force vitale de la communauté. 

L'article sur le totémisme est d'ailleurs un peu court; c^est le compte- 
rendu du tome 1 du récent recueil publié par M. Reinach. J'eusse 
préféré retrouver ici l'essai auquel j'ai fait allusion plus haut, écrit par 
M. Van Gennep pour la Revue de V Histoire des Religions. Non seule- 
ment il y traite la qu'^stion d'une façon beaucoup plus complète, mais 
encore il émet, à ce propos, des réflexions, que nous ferions tous bien 
de méditer, sur certains abus de la méthode comparative. On ne peut 
également que l'applaudir, quand il insiste sur la nécessité de s'entendre 
une bonne fois quant à la signification des termes introduits en hiéro- 
logie et sur Popportunité de porter cette question de terminologie au 
programme d'un prochain Congrès de V Histoire des Religions. 

GOBLET D'AlVIELLA. 



Major P. R. T. Gi rdon. — The Khasis, tcith an Inh^oduction 
by Sir Charles Lyall. — London, David Nutt, 1907, xxvii-227 pp., 
in-8, illustrated. 

Sous les auspices du Gouvernement du Bengale oriental et de 
l'Assam, se prépare une série de moBoj^raphies sur les principales tribus 
assamaises, dont M. Gurdon sera l'éditeur. Il a lui-même assumé la 
tache de rédi^^er le premier volume, sur les Khasis, tribus qui habitent 
les monts Khasi et Jainlia, à l'est et à l'ouest de Cherrapunji. 

C'est une monojïraphie tout à fait louable, œuvre d'un honnme qui 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 389 

connaît le pays et les mœurs par une intime fréquentation et qui les a 
observés avec une curiosité sympathique. Elle a le mérite d'être pure- 
ment descriptive, comme il sied à un travail de ce genre : mieux vaut 
y cataloguer des faits bien contrôlés et soigneusements décrits que les 
accommoder dans les cadres d'une doctrine. Néanmoins, cette absence 
d'idées directrices a son inconvénient : la classification adoptée ne peut 
qu'être empirique, et les répétitions sont inévitables. Vie domestique, 
lois et coutumes, religion, telles sont les principales divisions du livre. 
On comprend que, chez des tribus où toute la vie familiale, sociale et 
religieuse est commandée par l'organisation du clan, il n'y ait souvent 
aucune raison déterminante pour ranger un fait sous l'une plutôt que 
sous l'autre des rubriques adoptées. M. Gurdon a eu plutôt le souci de 
ne rien omettre que celui de classer méthodiquement ou de ne pas se 
répéter. La place assignée à quelques détails ne manquera pas d'étonner : 
c'est ainsi que la coutume, en un certain village, de barricader la route 
avec une palissade de bambou, pour se garer contre le démon du 
choléra, se trouve mentionnée au chapitre de la vie domestique, sous la 
rubrique villages, à la suite de la description des barrières qui protè- 
gent les jardins contre les incursions des animaux domestiques (p. 35). 
Cette observation n'est pas tant pour critiquer M. Gurdon que pour 
avertir le lecteur que, quel que soit l'ordre de ses recherches, il pourra 
trouver à glaner sous toutes les rubriques. 

Bien que la monographie englobe toutes les questions relatives aux 
Khasis, géographiques, ethnographiques, économiques, politiques, etc., 
c'est aux travaux de sociologie religieuse qu'elle fournira le plus de 
matériaux profitables. Les Khasis sont un exemple de choix pour étudier 
le type du clan à filiation utérine. Malgré un état de civilisation rela- 
tivement avancé, ils ont conservé dans son entier le système du matriar- 
cat. Les enfants appartiennent au clan de la mère, où naturellement 
l'exogamie est la règle absolue ; au contraire, la consanguinité n'est un 
obstacle au mariage que dans des cas où elle est très rapprochée; 
encore l'interdiction soufFre-t-elle des tempéraments (p. 78). Légale- 
ment, l'homme n'est rien dans la famille de sa femme, où règne la 
grand'mère ou l'arrière grand'mère ; il y est, en tout cas, subordonné 
à l'oncle maternel. Dans le culte des ancêtres, l'homme compte peu. 
Les clans dérivent leur origine d'une c grand'mère du clan », dont 
quelques-uns même continuent à porter le nom, et, bien que les pères 
décédés aient leur part du culte funéraire, c'est aux « mères » que vont 
les principaux hommages. C'est sur la femme que repose la perpétuité 



390 REVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 

du culte domestique ; aussi la fille — la plus jeune — est-elle pri^ 
giée dans les successions, et la pratique de Tadoption d*une fille est-elle 
régulière dans les familles qui ne comptent que des garçons. Bin 
qu'aujourd'hui les cérémonies religieuses d'État soient accomplies pir 
des prêtres, elles requièrent l'assistance d'une prêtresse, sans laqaeUe 
le sacrifice ne pourrait pas avoir lieu ; et il est à remarquer que dam 
un État important, celui de Ehyrim, le pouvoir est entre les mains d'une 
archiprètresse héréditaire qui, se réservant les fonctions religieuses, 
délègue la puissance temporelle à un mâle de sa famille, fils ou neveo. 
Cet état social, avec toutes ses conséquences légales, politiques et reU- 
gieuses, est minutieusement décrit par M. Gurdon. On appréciera aussi 
les abondants détails qu'il donne sur le régime de la propriété, l'oip- 
nisation politique, la justice, les rites religieux, les coutumes concer- 
nant la naissance des enfants et le choix de leur nom, les tabous, U 
divination (notamment par l'œuf brisé — comparer les cooffxoTr.xa), le 
mariage, les funérailles, les monuments mégalithiques, les sacrifices 
humains (en corrélation avec la légende du serpent dit U thlen). 

La monographie se termine par une petite collection de légendes, en 
texte khasi et en traduction et par un court chapitre sur la langue. le 
ne dirai rien sur ce dernier sujet, qui n'est pas assez de ma compétence, 
mais il est d'autant plus important que ce sont des considérations lin- 
guistiques qui permettent de se faire une opinion sur Torigine des 
Khasis, lesquels se trouvent isolés, seuls de leur espèce, au milieu de 
peuplades tibéto-birmanes et se déclarent eux-mêmes non autochtones, 
et venus anciennement du Nord. Logan, en 1850-57, avait démontré 
les relations entre les Khasis, d'une fart, les Môns et les Khmérs de 
l'autre. Cette doctrine, reprise par Grierson, E. Kuhn et, tout récem- 
ment, par le P. W. Schmidt, sur des bases anthropologiques et surtout 
linguistiques, qui paraissent solides, rattache avec vraisemblance la 
langue khasi au groupe dit Môn-khmêr, au groupe Munrfâ et à plu- 
sieurs langues parlées par des tribus sauvages de la péninsule malaise. 
Ceux que cette étude intéresse trouveront le travail du P. Schmidt tra- 
duit dans les n°' 3-4 du tome VII du Bulletin de V Ecole française 
d'Extrême-Orient (1907). M. Gurdon souscrit aux conclusions de 
E. Kuhn. 

F. L\CÔTE. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 391 



M. LoNGwoRTH Dames. — Popular poetry of the Baloches, 

published for the Folk-lore Society by David Nutt, London, 1907. 
Vol. 1 (Introduction. Translations withexplanatory notes] : XL -204 ppl 
in-8. Vol. II (Texts. The language of Balochî poetry. Glossary of 
rare and obsolète words. Key tothepr^nunciation. Indexes) : 224 pp. 
in-8. 

L^habitat des Baloutches s'étend de la passe de Bolan et de la plaine 
qui lui fait face au Sud-Est, à travers la partie méridionale des monts 
Souleïman et le long de la rive droite de Tlndus, jusqu'au Pendjab. 
Physiquement, ce sont des Indo-Afghans ; si Ton descend plus au Sud 
et au Sud-Ouest, vers la côte de Mekran, on trouve leur race moins 
pure, avec un mélange d'arabe et de nègre. Leur langue est iranienne, 
naturellement avec une forte proportion d'emprunts (l'essentiel sur ce 
sujet est donné par Geiger, Grundriss der Iranischen Philologie^ I, 
5 B). De toutes façons^ les Baloutches sont apparentés aux Afghans. 
H. Longworth Dames a tâché de faire en partie pour leurs chants 
populaires ce que James Darmesteter a fait pour ceux de leurs voisins. 

Le dépôt du trésor poétique des Baloutches est dans la mémoire des 
dombs — qu'on retrouve en Afghanistan, en Perse et dans l'Inde du 
Nord-Ouest —, ménestrels qui chantent dans les assemblées de clan, 
mais qui ne composent pas eux-mêmes. Le nom des auteurs est soi- 
gneusement conservé et mentionné dans une courte préface qui fait 
partie intégrante de chaque poème. L'inspiration de cette poésie est 
franchement populaire, mais elle n'est pas toujours impersonnelle : il 
arrive souvent que l'auteur soit acteur dans le récit. Il s'est constitué 
une tradition épique et lyrique, et pour chaque genre, héroïque, ero- 
tique, ou religieux, une phraséologie spéciale et un dialecte en partie 
artific'el. C'est dire que cette poésie est quasi-littéraire. Un premier 
spécimen en a été donné par Leech, dès 1840. M. Longworth Dames 
en a fait connaître d'autres, dans son Sketch of the Northern Balochi 
Languages (\^Q) et dans son Balochî Text-hook (1891). Le présent 
recueil comprend, avec les morceaux déjà publiés, tout ce que 
M. Longworth Dames a pu recueillir sur place, durant une longue car- 
rière, de 1875 à 1896, ou emprunter aux publications du Rév. T. 
M. Mayer. La transcription, toujours délicate quand il s'agit d'une 
langue purement orale, pour laquelle il n'existe pas d'alphabet indigène, 
m'a paru correcte et soignée. 



392 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

La lutte entre deux tribus, les Rinds et les Lashârîs, conséquena 
de la querelle des chefs Mîr Ghàkur et Mîr Gwaharâm, défraie h 
majorité des anciennes romances épiques (xW siècle) ; mais les guerres 
plus récentes, et jusqu'à l'expédition de Sir Robert Sandeman, en 1867, 
ont aussi inspiré des chants. Toutes ces compositions narratives sont 
ce que la poésie des Baloutches a produit de plus original. Au contraire, 
les poésies erotiques et lyriques trahissent la profondeur de Tinflaenoe 
persane. Il en est de même des poésies religieuses et des légendes de 
saints, en prose, dont M. Longworth Dames a augmenté cette section 
de son recueil. C'est du côté de TOuest, comme il est naturel pour des 
musulmans, que doivent être cherchées toutes les affinités religieuses 
des Baloutches. A tous égards, l'influence de l'Inde a été nulle. Ce 
que les Baloutches peuvent connaître d'histoires indiennes, celle de 
Çibi par exemple, mise par eux au compte du roi Ali, a dû leur venir 
par les intermédiaires persans. Le recueil se termine par une coiIe^ 
tion de devinettes en vers, toutes récentes, de fond comme de forme. 
Au total, il met à la portée des folk-loristes, sous une forme commode, 
un ensemble de productions intéressantes d'un peuple jusqu'ici peo 
connu. 

F. Lacôte. 



Université Saint- Joseph, Beyrouth (Syrie). — Mélanges delà 
faculté orientale, III, 1. Un vol. in-8' de 479 pages et 7 plan- 
ches hors texte. — Paris, Geulhner; Londres, Luzac; Leipzig, Harras- 
sowitz; 1908. Prix : 22 francs. 

De toutes les fondations scientifiques, intéressant l'orientalisme, qui 
ont été faites en Syrie, il n*est pas douteux que celles de langue 
française se placent au premier ran^^ parleur activité et la valeur de 
leurs publications : à Jérusalem l'école biblique des Dominicains, à 
Beyrouth la faculté orientale des Jésuites. Un accord est intervenu qui 
délimite les sphères d'influence en réservant Texégèse à Jérusalem et 
en confinant Beyrouth dans la philologie où sa maîtrise s'est depuis 
longtempsaffirmee.il est à souhaiter que cette sage répartition soit 
maintenue. 

Depuis trois ans, la faculté orientale de Beyrouth publie des Mélanges, 
La première partie du tome III, qui constitue à elle seule un volume, 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 393 

ne le cède pas aux précédents par la variété des sujets traités. Nous en 
donnons ci-après un rapide aperçu. 

Le P. M, Bouyges publie le Kitâb an-Na'am tiré d'un manuscrit de 
la bibliothèque de Damas. L'œuvre est une compilation presqu'entière- 
ment tirée du Gharîb al-Momannaf d'Aboû'Obaid, traité d'ailleurs 
inédit. La publication du P. Bouyges constitue, par l'abondance des 
notes, un travail remarquable de lexicographie arabe. 

Le P. Henri Lammens termine ses Études sur le règne du Calife 
Omaiyade Mo'dwia 1 par des recherche? sur la jeunesse du Calife 
Yazîd 1. Nous n'y insistons pas car on trouvera ci-après un compte- 
rendu de l'ouvrage entier. 

Le P. Jalabert trouve la mention, qui avait échappé jusqu'ici, 
d'^lius StatutuSy gouverneur de Phénicie (ca. 293-305) dans deux 
textes de Syrie. Puis il édite avec son soin habituel quelques Inscrip- 
tions d'Asie- Mineure (Pont, Cappodoce, Cilicie), relevées par le P. de 
Jerphanion. On y rencontre notamment une dédicace à Sérapis, à Isis 
myrionymoSy aux dieux et déesses sunnaoi qui atteste qu'un petit Séra- 
péum fut édifié à Sis en Cilicie. 

Le P. Joûon donne sept Notes de lexicographie hébraïque. Signalons 
une nouvelle conjecture pour expliquer rénigmatique*e*ipimde I Rois, 
XVIII, 21. 11 s'agit de l'apostrophe d'Elie au peuple réuni sur le Car- 
mel. Le prophète le conjure de choisir entre Ba'al ou Yahwé et de 
cesser de les adorer tous deux ensemble. On traduit généralement : 
« Jusqu'à quand boiterez vous des deux côtés? » Mais la préposition 
'al semble bien annoncer ce sur quoi marche ou saute le boiteux. Le 
terme à déterminer, a par ailleurs, le sens de branche et l'on s'était 
demandé s'il n'y avait pas là quelqu'allusion à certains rites. Le 
P. Joûon propose le sens de u béqjiilles » : « Jusqu'à quand boiterez- 
vous à deux béquilles? » 

Dans un article intitulé Kehrverspsalmeny le P. Wiesmann donne les 
raisons qui lui font admettre l'existence du (( refrain » dans les 
psaumes et il fournit quatre exemples à l'appui. 

M. Moritz, directeur de la bibliothèque khédiviale au Caire, retrace 
le voyage qu'il accomplit en 1905-1906 le long du chemin de fer de la 
Mecque jusqu'à Tebouk : Ausflûge in der Arabia Pelrœa. A Pétra, il 
signale un lieu de culte qui avait échappé aux précédents explorateurs. 
11 discute la toponymie de l'Arabie Pétrée d'après les sources antiques 
et nous donne son opinion sur la construction des châteaux récem- 
ment relevés par M. Musil dans le pays de Moab. Il se prononce pour 



394 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

l'époque omayyade. Depuis la publication de M. Musil, la démonstn- 
tion est faite en ce qui concerne Qo^air Amra. Quant à Charâoe, 
H. Moritz y a relevé une inscription arabe datée de 92 de rhégire =710 
de notre ère. 

. René Dossaud. 



Henri Lammens. — Études sur le règne du Caliie omaiyade 
Mo'â'wia I. Un vol. gr. in-8<^ de xxxii -448 pages, extrait des 
Mélanges de la Faculté orientale, 1. 1, p. 1-108; II, p. 1-172; 111, 
p. 145-312. — Paris, Greuthner; Londres, Luzac; Leipzig, UarrassiH 
witz, 1908. 

Les auteurs arabes nous renseignent assez abondamment sur les pr^ 
miers kbalifes omayyades, mais ils écrivaient, pour la plupart, soush 
dynastie des Abbassides et Ton peut se demander si leur jugement n'i 
pas été influencé par la haine vouée alors à la dynastie défunte. Le 
P. Lammens Ta pensé et il a recherché dans les traditions contempo- 
raines les éléments d'une appréciation plus juste des hommes et dei 
faits. Cette enquête ne pouvait manquer d'être fructueuse, menée par 
un arabisant de la valeur de Fauteur; elle nous intéresse particuliè- 
rement parce qu'elle s attache moins aux brillantes conquêtes de 
Mo àwiya I, qu'à la civilisation arabe et notamment à l'état religieux 
sous son règne. C'est à ce dernier point de vue que nous examinerons 
avec quelque détail ces intéressantes études. 

Les historiens qui étudient llslâm saisissent facilement ses rapports 
avec le Judaïsme et le Christianisme, mais pourquoi négligent-ils si sou- 
vent de faire une part aux anciennes pratiques arabes ? Elles ont fourni 
cependant, à Robertson Smith et à Wellhausen, la matière d'ouvrages 
qui comptent parmi les plus remarquables de la science des religions et, 
à les ignorer, on s'interdit de pénétrer la mentalité des anciens Arabes. 

Ainsi, le P. Lammens est tout près de nier que la coutume fùl 
répandue, chez les Arabes d'avant l'Islam, d'enterrer leurs filles 
vivantes. Le Prophète en aurait imposé en s'attribuant l'honneur d'avoir 
supprimé cette atrocité. Tout au plus, était-ce pour certains clans une 
manière brutale de limiter la surpopulation. On s'appuie sur des vers 
qui respirent une certaine tendresse pour des filles en bas âge : les 
gens qui n'étaient pas privés de sentiments paternels ne pouvaient 
commettre un tel crime. Il y a là une méprise. Les Arabes enterraient 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 395 

leurs filles vivantes non pour assouvir des sentiments de férocité, mais 
dans la croyance et dans Tespoir que leur âme se réincarnerait dans des 
descendants mâles. Cette aberration était loin d'exclure le sentiment 
paternel, pas plus que les sacrifices d'enfants chez les Cananéens ou 
ailleurs. 

Autre exemple caractéristique. Les écrivains arabes font Téloge de la 
modération de Qais ibn 'A^im qui, à l'annonce du meurtre de son fils 
par son propre neveu, dit simplement : « Qu'on mette en liberté mon 
neveu et qu'on porte à ma femme, car elle est étrangère, la rançon de 
son fils ! )) Sufûra-t-il pour le comprendre, de taxer ce geste de 
(c théâtral » ? Non, car il est, en fait, Texpression la plus pure de la 
coutume arabe d'après laquelle il n^y a pas de vengeance du sang au 
sein de la même tribu. On s'explique que le trait ait été célèbre chez les 
Arabes, car c'était ui\ remarquable exemple de maîtrise de soi par la 
stricte observance des lois du désert. Le prix du sang est attribué à la 
mère parce qu'elle est originaire d'une autre tribu. Notons que ce 
même Qais est précisément connu pour avoir enterré vivantes plusieurs 
de ses filles. Ce mélange de barbarie et de mansuétude n'est pas l'in- 
dice d'un esprit déséquilibré, mais — ce qui en fait l'intérêt pour l'his- 
toire des religions, — le produit d'une civilisation restée à un stade 
assez primitif. 

Si l'on tient compte de ces observations, le sens de cette vertu arabe 
appelée hiim, ressort mieux des témoignages, en apparence contradic- 
toires, que le P. Lammens a savamment réunis. Possédait le hilm, 
celui qui manifestait un jugement rassis fondé sur les coutumes arabes ; 
c'était la marque indiscutée de l'intelligence et la qualité la plus émi- 
nente d'un chef. Un khalife comme Mo'âwiya y joignait un sens poli- 
tique très avisé et le P. Lammens définit fort bien son personnage 
quand il dit : « A cet ambitieux de génie, le hilm paraissait non un but, 
mais un moyen; moins une qualité morale perfectionnant l'individu 
qu'un instrument de règne » (p. 91). 

Le P. Lammens discute, et à notre avis résout, le problème que sou- 
lève la curieuse conférence de AdhroA où 'Alî perdit son titre de kha- 
life et où Mo'âwiya affermit ses prétentions. Il replace dans son vrai 
cadre les attentats khâridjites : il n'y eut pas accord préalable des meur- 
triers et les attentats ne se produisirent pas le même jour. 'Alî fut tué 
à l'instigation d'une femme de Koufâ qui voulait venger la mort de son 
père et de son frère tombés en combattant contre le gendre du Prophète. 
La figure du malheureux khalife est des plus insignifiantes et à l'opposé 



396 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

de la légende chi*ite : « L'imagination populaire a tout fait : sans se 
décourager, elle a orné son idole de tous les charmes de l'esprit, de tous 
les dons du cœur. Sans les rancunes des An^ârs [contre les Omayyides], 
sans racharnement des écrivains et des traditionnalistes de Tlrâq, tn- 
vaillant à élaborer le vaste cycle des légendes chi'ites, *Ali et ses des- 
cendants auraient probablement occupé dans l'histoire de Hslâm U 
place que Mahomet paraît avoir voulu leur réserver et où le duumTirat 
d'Aboù BakretOmar prétendait les maintenir» (p. 14i) . Oa ne saurait 
mieux dire. L'âme populaire a créé ces saints de rislâm et les chi'ites 
extrêmes les ont divinisés. Par contre, elle a rabaissé Mo'àwiya dont le 
P. Lammens met en valeur les remarquables qualités telles que les plos 
distingués parmi ses successeurs furent précisément ceux qui s'efforcè- 
rent de Timiter. 

Le savant arabisant a soulevé une question fort curieuse. Il se 
demande si les bons rapports que les premiers Omayyades entretinrent 
avec les chrétiens ne seraient pas dus à l'influence de Maisoûn. une 
femme de la tribu de Kalb qu'épousa Mo'âwiya et dont il eut son fils et 
successeur Yazîd. Maisoûn et son frère Mâlik seraient restés chrétiens, 
tout au moins de tendances, même après Tavènement de Yazîd. Les 
arguments, ingénieusement présentés, ne nous ont pas paru décisifs. 
Tout repose sur cette apostrophe lancée à Yazîd par un poète médinois: 
« Tu n*es pas des nôtres, pas plus que ton oncle maternel , foi qui 
sacrifies la prière à tes passions ! Décîare-nous donc la guerre, fais-toi 
chrétien, bois du vin, abandonne nos assemblées! » N'est-ce pas solli- 
citer le texte* que dVntendre : fais-toi chrétien cooioie ton oncle 
maternel? I^ sens n'est-il pas : fiis-toi chrétien, alors tu pourras 
boire légitimement du vin ? En tout cas, c'est là une base trop étroite 
pour asseoir solidement un jUçienient sur une politique. 

L*inlluence que NLUik, supp-^sé chrétien, pouvait avoir à la cour de 
Damas, nous vaut une di^iression pleine dintérét sur le rôîe de l'oncle 
maternel ou %'! •'.' dans la famille arabe. L'imp«Drtance du kkol tient à ce 
que le neveu établit çTràoe à lui la noblesse de la mère. Si le père est 
également de famille rtputée, l'enfant c tient les Jeui cordons de l'aris- 
tocratie '. Le P. Lammens ref-ise de voir, avec Wilken, dans cette con- 
ception du > :r une surv-vance du matriarcat. On pourrait ajouter 
qu'elle lui est d:amètra!e:îient opposée, car elle atteste l'inaptitude géné- 

l 0. -. :v.ri.: :•.. - :: -.'..^.rts :-::-;:-e:i:.:'"5 :;u: pèvîbeni par exc^s 
i .^e:: :5:;-. A :?.. v. r-»,. .es ws :..^s •;- :*:-: du;-L:ie allasioa à l'Islim, 
u:i:s seii.ej; eu: à .îu::- . 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 397 

raie de la mère. G*est ainsi qu'au lieu d'avancer, comme il arrive chez 
nous, que le fils ressemble à sa mère, les Arabes disent qu'il ressemble 
à son oncle maternel. Il faut noter, d'ailleurs, que Toncle paternel 
n'était pas moins considéré que Toncle maternel. 

Il est prudent de dégager la politique tolérante des premiers Omay- 
yades de l'influence personnelle de Maisoûn — dont Tunion avec 
Mo'âwiya ne laissa pas d'être orageuse — et de Mâlik. Le passage des 
Arabes chrétiens à la foi musulmane se fit sans violence et quant aux 
Syriens, le joug de leurs nouveaux maîtres leur fut tout d'abord plus 
léger que celui des Byzantins : ils avaient obtenu, en capitulant, des 
conditions très douces. Quand Mo*âwiya fut installé comme gouverneur 
de Syrie, toute sa politique tendit à se constituer une principauté indé- 
pendante puis, quand l'occasion s'offrit, de prétendre au khalifat. La 
paix religieuse en Syrie était la première condition à remplir ; il n'y 
fallit pas et cette tradition se maintint après son élévation au pouvoir 
suprême. 

Signalons, en terminant, une curieuse conjecture du savant arabi- 
sant d'après laquelle l'illustre théologien Jean Damascène aurait été 
dans sa jeunesse le compagnon de plaisirs de Yazid I que les historiens 
nous montrent épris de musique et grand buveur devant AUâh. 
« Damascène a-t-il voulu expier, dans la laure de saint Sabas, se 
demande le P. Lammens, nous ne disons pas les égarements, mais la 
frivolité de sa jeunesse, consacrer au culte de Dieu le talent de musi- 
cien, apprécié jadis par le prince artiste Yazîd? » 

Ces études dont nous n'avons pu donner qu'un aperçu très insuffi' 
sant, ne constituent rien moins que les annales d'un règne, elles four- 
nissent d'abondants matériaux sur des sujets très divers, elles soulè- 
vent des questions intéressantes, elles proposent des solutions ingé- 
nieuses dont plusieurs s'imposeront. Cette œuvre de fine critique met en 
évidence sur bien des points le caractère tendancieux dé l'ancienne 
annalistique musulmane et place en belle lumière la figure originale de 
Mo*âwiya I, le fondateur de la dynastie des Omayyades c'est-à-dire, 
selon l'expression de Weilhausen, de l'empire arabe. 

René Dussâud. 



27 



398 REVUE DE l'histoire DBS KELfGIOMS 



Et. Cohde. — Histoire du culte de Sin en Babylonieeti 
Assyrie, Un vol. ia-8* de six 159 pages, ^ Paris, P. Gmûm 
1908. Prix : 8 francs. 

Le dieu-luoe Sin occupe dans le panthéon assyro-babjloDim 
place éminenle; deux de ses sanctuaires, celui de Ur en Càiiék 
celui de /yarrân ont joui d'une grande faveur, et cependant le culte j 
ticulierde ce dieu nous est assez mal connu. Le développement mytU 
manque d'ampleur, les monuments fibres sont rares et sans gn 
Bigniâcation^ enfm, les textes ne sont ni très abondants m trèsex;! 
sifs* M. Combe a diligemment groupe les renseignemeots coni 
Sin et en a tiré tout renseignement possible sans chercher â my^ 
les lacunes par un système peu fondé. Il faut notamment le léticits 
ne pas avoir versé dans les systèmes astrologiques qui vicient anjii 
d'huî tant de recherches estimables et les frappent de stérilité. 

La première partie de cette monographie débute par une analjse 
noms sumériens et sémitiques du dieu-lune. Puis, sont exposées 1i 
conceptions mythiques el tbéologiques, et Ton passe en revue tûosl 
monuments Hgurés. Un chapitre est consacré au culte^ un autre « 
temples et Ton poursuit les survivances frès vivaces jusqu'à Tépoij 
arabe. La deuxième partie réunît les textes eu transcription et Indu 
tion, fournit une liste des noms propres théophores et se termine pan 
court appendice sur Sin et Sinaï qui écarte le rapprochement proposé. 

11 faut être très prudent dans Tinterprétation des noms divins, t 
s'ils ont dépassé le stade de Tépithète au sens transparent, ils peti^^ 
se perdre dans la nuit des temps et remonter à une langue dont 
i«stent 1^ seuls témoins. îl est certain que les étymologies sémitiqs 
proposées pour Sin ne peuvent être acceptées. Contrairement à l'opim 
d*Oppert, Jensen, Halévy^ Hommel, Pinches, M, Combe pense que 
nom divin n*est pas sémitique, mais sumérien. 11 croit que Sin était 
prononciation de ridéogramme£N-ZU et il tire argument de la variai 
EN-ZU-NA qui correspondrait à Sin^na. D'autre part, à /^arrân, v 
le Vîii'' siècle avant notre ère, la nasale finale tomberait cotnplétemE 
dans certains noms propres théophores où apparaît la forme t 
M. Grimme, il est vrai, a rapproché ce dernier nom divin dti dieu S 
des inscriptions nabatéennes. M. Combe repousse cette solution, 
peut faire valoir, en effet, que les textes araméens anciens ne menti< 
nent pas ce dieu. Il n'apparaît que dans des textes d*époque gréco-roma 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 399 

^ SOUS la forme Chai' al-qaum ; c'est un dieu arabe plus qu'araméen. 
^^ Le nom sumérien NÂNNÂ du dieu-lune à Ur en Ghaldée est certai- 
nement en relation avec le nom de la ville dont il est le patron. 
M. Combe l'interprète comme une épithète de Sin et comprend « le 
dieu qui protège le sol >. Ce serait donc un primitif ^enius loci^ faitim- 
'^^rtant. Ce caractère a-t-il précédé Tidentifîcation avec Tastre lunaire^ 
tomme le pense le savant auteur en s'appuyant sur ce que les Sémites 
*de Babylonie appelèrent JSannary rattaché à une racine qui signifie 
^briller, le dieu sumérien NANNA ? Nous sommes ici en pleine hypo- 
'^ thèse. On objectera que le dieu qui protège le sol peut être un dieu 
'^ céleste dont on a amené la présence réelle dans un lieu déterminé par 
^ les cérémonies appropriées. Tout en repoussant le système astral, on 
^:doit reconnaître que le culte des astres ne date pas du jour où Ton a 
^formulé les théories astrologiques et que ces théories sont nées des 
^ vieilles pratiques qui mettaient en action le pouvoir attribué aux astres 
^ par les populations primitives. Si haut qu'atteignent les textes baby- 
^ Ioniens et sumériens, ils sont trop postérieurs à l'origine des cultes qu'ils 
^ reflètent pour fixer Tordre chronologique des concepts religieux. De fait, 
entre les textes les plus anciens et les plus récents, on ne signale aucune 
différence essentielle au point de vue religieux. Aussi haut qu'ils 
temontent, ils attestent que Sin était conçu comme un dieu-lune, que 
ce dieu avait certaines demeures ici-bas, qu'il régnait notamment à Ur 
;, et à iïarrân, autrement dit qu'il avait là tous les caractères d'un grand 
dieu local. Ses fidèles l'exaltent et lui donnent le premier rang : « Sei- 
gneur, dans les cieux ta seigneurie, sur la terre ton éminence^ parmi 
; les dieux tes frères, n'a pas de rivale I » (Combe, texte n® 1) ; c'est le 
^ « Marduk qui éclaire la nuit d. Il exauce les prières et guérit les mala- 
dies comme il frappe par elles. Sin est le fils aîné de Bel, il a pour 
femme Nin-gal; Sama§ et IStar sont leurs enfants. 

On trouve souvent groupés Sin^ Sama§ et I§tar. M. Combe garde une 
attitude réservée au sujet des triades; il rejette la fixité qu'on leur 
assigne généralement. Quant aux mythes concernant Sin, la littérature 
babylonienne en est presque dépourvue et de là vient la pauvreté des 
représentations figurées. De là ressort encore Tinconséquence des pan- 
babylonistes lorsqu'ils découvrent dans la Bible une remarquable florai- 
son de mythes lunaires (TéraA et Abraham) originaires d'Ur et de Hwrràn. 
Cette monographie, solidement étayée et bien conduite, rend fort dési- 
rables des études du même genre sur les nombreuses divinités du pan- 
théon assyro-babylonien. René Dussaud« 



400 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Ernst Sellin. — Das Râtsel des deuterojesajanisct 
Bûches. — Leipzig, Deichert, 1908, 150 pages. Prix : 3 markî 

Dans cet opuscule M. Sellin estime aToir « résolu pour tous les ta 
d*une manière satisfaisante Ténigme de la composition littéraire dali 
du Deutéro-Ésaïe » (p. 130). 

Si le jugement porté ainsi par le professeur de Vienne sur son pro 
travail est fondé, il faut reconnaître que Fauteur s'est acquis destil 
exceptionnels à la gratitude des exégètes. Car l'ouvrage désigné sou 
nom de Second Ésaïe (Es. 40-55), Tundes plus importants de l'ancifl 
littérature hébraïque, est aussi Tun des plus mystérieux. 

Jusqu'à ces dernières années la plupart des critiques admettaient,! 
le témoignage explicite de plusieurs passages du livre lui-même, qix 
grandiose et étrange figure du Serviteur de Yahvéh, qui y appinîl 
maintes reprises, représentait partout le peuple d'Israël. Mais, il ] 
quelque vingt ans, M. Duhm a soutenu que, dans quatre monai 
(42, 1-4; 49, 1-6; 50, 4-9; 52, 13-53, 12), le terme de Senriteori 
Yabvéh, désigne, non le peuple, mais une individualité du passé, et qi 
ces quatre chants, les Ebed-Jahveh-Lieder comme il les appelle, sa 
d'un autre auteur que le reste des chapitres 40-55. 

Cette « découverte » a provoqué dans le monde des critiques d*! 
dentés discussions. On ne peut pas dire que de ces controYerses ait jal 
jusqu'à présent une lumière éblouissante. La théorie de M. Duhm a « 
surtout pour effet de susciter de nombreuses contre-hypothèses, et 
désaccord est plus grand que jamais entre les critiques. Les uns tienns 
pour l'unité du Deutéro-Ésaïe; ceux qui attribuent, au contraire, l 
chants de VE^'rd-} ahvéh à un auteur spécial considèrent ce poète lesui 
comme plus ancien, les autres comme plus récent que récrivain pni 
ci pal. Far mi les partisans de l'unité il y en a qui reg^ardent le Serriîei 
comme un individu ainsi M. SeUin\ d'autres qui y Toient une persoi 
nitîcation du peuple. Et de même parmi les adversaires de l'unité il y 
des défenseurs de l'interprétation collective ;M. Roy . Ceux qui rep 
dent le hérvs des chants de VE^-^d Yahiyh comme une personne sont ; 
désiiocord complet lorsqu'il s'agit de Tidentifier : pour l'un c'est unpf 
phèîe, pour un autre un docteur de la loi: M. Sellin Ta autrefois reconi 
en Zorobabe! : en IvVM. il a désigné Jêconias comme le vrai E' 
}.:•.. MM. Gunke. et Gressmann ont soutenu récemment que 
Serviteur éîùit. non ure individualité historique, mais une figure esch 
toio^ique parallèle au Messie et dont l'auteur aurait puisé les élémeû 



% ANALYSES ET COMPTES RENDUS 401 

dans la mythologie babylonienne. Quelques-uns, revenant à la vieille 
p interprétation chrétienne traditionnelle, ont même soutenu que YEbed 
y, YaAvéh, dans la pensée de l'auteur, était le Messie à venir. 

Ces divergences entre critiques compétents et indépendants font pres- 
' sentir combien est complexe le problème que M. Sellin croit avoir « ré- 
^ solu dans les grandes lignes d*une façon définitive » (p. 145). 

Il soutient aujourd'hui, comme en 1901 , que le héros des chants de 
^ VEbed Yakvéh était Jéconias et que ces morceaux sont du môme auteur 
' que l'ensemble du livre du Second Ésaîe. Mais, en étudiant les ouvrages 
'' parus depuis sa dernière étude et spécialement les critiques qui lui ont 
^ été adressées, il a été amené à corriger sur quelques points importants ses 
▼uesantérieures. Des partisans de l'interprétation collective il a appris que 
le Second Ésaîe, en dehors des « Chants » et de quelques autres pas- 
sages, entend toujours par « le Serviteur de Yahvéh » le peuple d'Israël : 
si donc le même écrivain, dans les « Chants />, donne à ce même terme un 
autre sens et l'applique à Jéconias, c'est que les morceaux en question 
sont d'une autre époque de la vie de l'auteur que le reste de l'ouvrage. 
Aux partisans de l'interprétation eschatologique, M. Sellin emprunte 
aussi quelque chose : il admet que le Second Ésaîe a appliqué à Jéconias 
des traits eschatologiques messianiques. 

Voici, en conséquence, comment il se représente la composition des 
chap. 40-55 d'Ésaïe. Jéconias, l'avant-dernier roi de Juda, exilé à 
Babylone par Nebucadnessar après quelques semaines de règne (596), 
fut en 561 extrait de sa prison et comblé d'honneurs par Amel-Mardouk, 
fils de Nebucadnessar (2 Rois 25, 27-30). C'était l'abandon de la politique 
de répression sévère adoptée par le conquérant chaldéen à l'égard des 
Juifs. Le Second Ésaîe, avec plusieurs de ses compagnons d'exil, salua 
dans ce relèvement du roi national le présage de la délivrance générale; 
il reconnut en Jéconias le Messie attendu, le médiateur de l'alliance nou- 
velle de Dieu avec son peuple (42, 6), le Serviteur, c'est-à-dire le lieute- 
nant de Yahvéh ; et dès lors, à la lumière de cette gloire dont l'aurore 
se levait, les humiliations et les souffrances sans nombre endurées pen- 
dant 35 ans par le malheureux prince lui apparurent comme des maux 
immérités acceptés par le Serviteur de Yahvéh pour le salut de son 
peuple. 

Mais le meurtre d'Amel Mardouk (559) vint mettre brusquement fin 
à son beau rêve. Nériglissar et son successeur Nabonid reprirent à l'é- 
gard des Juifs la politique de Nebucadnessar. Jéconias disparut de l'ho- 
rizon. Le Second Ésaîe, bien que déçu, ne désespéra nullement de l'a- 



402 EEVUE DE l'BïSTOIRE des REt.lGfONS 

?enir de son peuple. Dès 545 il reconnut en Cyrus le sativear tltodi 
Lorsque celuwïi attaqua enJiii Babylone (539), il salua en lui leiièt 
leur. Comme il n'y avait pas alors de descendant de David qui pg 
recevoir le titre et remplir les fonctions de f Serviteur de V&hvéh i,l 
prophète transporta ce quaUUcatif au peuple d'Israël tout entier, lÉi 
que celui-ci fût en majorité découragé, pécheur, incroyant ; et il écnii 
un nouveau livre précisément pour éveiller dans la nation la consdeec 
de sa haute mission > Il y reproduisit, en les appliquant à Israël, qualqti 
uns des passages de récrit antérieur où il avait célébré la gloire â m 
et expliqué les eoufî'rances passées du Serviteur (539-538). 

Dans le livre actuel et selon la pensée dernière de Tauteur le terti 
de « Serviteur de Yahvéh è désigne donc partout le peuple; mai* 
caractère primitivement individuel de cette figure transparaît eneoi 
dans plusieurs des passages anciens reproduits et adaptés deins kréà 
tien définitive. 

11 faut rendre hommage à la loyauté scientiûque avec hq\é 
M, SelHn revise sans cesse et modiûe ses conclusions, à ritigéaioe 
qu'il a déployée pour rendre justice à Tinterprétation collective <t 
rinterprétation eschatologique en môme temps qn^à J'interprétatk 
iadividuelle, à la courtoisie autant qu'à la vigueur de sa poiémiqt! 
S'il suffisait, pour avoir cause gagnée, de ne laisser sans réplîq 
aucun des aliments produits par les défenseurs des opinions advem 
ridentîficatjon avec Jécouiaa soutenue par M. Sellin serai t, comme il 
dit, u inéluctable »>, Mais, en dépit des références et des analogies qi 
a accumulées, il est loin d'avoir, sur tous les points de son argument 
tion, apporté la preuve décisive, qui emporte Tadhésion du lecteur a 
cieux de réalité historique plus que de logique formelle. 

Pour ne signaler que quelques points : 

!<" Il serait fort étrange que des espérances aussi magnifiques ai 
été attachées par un ardent monothéiste comme le Second Esaîe à 
prince qui avait fait preuve pendant son règne de tendances antideu 
ronomistes et qui est de ce chef blâmé par l'auteur du livre des F 
(2 Rois 24, 9). Le jugement porté sur lui par Jérémie est égalem 
défavorable (22, 24-30). Ézéchiel ne l'apprécie ni en bien ni en i 
(19, 5-9). M. Sellin admet, il est vrai, que la note finale du livr^ 
Rois, racontant l'élargissement de Jéconias, a été écrite au mom 
même où se produisit Tévénement et par un homme qui partageait 
espérances glorieuses qu'il suppose avoir été celles du Second Esaï 
cette date. Que cette libération du prince ait été regardée par quelqi 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 403 

uns, et spécialement par le rédacteur de cette notice, comme un présage 
de délivrance pour les exilés, c*est possible et môme probable. Mais j'y 
trouve, en tous cas, la preuve qu'on ne considérait pas alors Jéconias 
comme le Messie; car un auteur croyant à la messianité de ce prince 
n*aurait certainement pas écrit (ou reproduit) le jugement défavorable 
qu'on lit sur son compte quelques lignes plus baut dans ce même livre 
des Rois (24, 9); 

2* L'attente d'un roi messianique n'était pas encore assez développée 
ni assez ancrée en Israël à l'époque de l'exil pour que le Second Ësaîe 
fût en quelque sorte contraint de revêtir de ce titre magnifique un per- 
sonnage aussi mince et d'une ortbodoxie aussi douteuse que parait l'a- 
voir été Jéconias. D'après M. Sellin lui-même Ézéchiel à la fin de sa 
carrière (ch. 40-48) et le Second Esaïe en 538 ont attendu une restau- 
ration glorieuse sans Messie ; 

3"* Si le Second Ésaïe a cru i la messianité de Jéconias ou de tout 
autre contemporain, on conçoit que, après avoir été déçu, il ait trans- 
porté à Israël le titre de Serviteur de Yabvéh ; mais, dans ce cas, il n'a 
certainement pas cité dans son nouveau livre des passages de ses anciens 
oracles, à moins que ceux-ci ne s* appliquassent rigoureusement j dans 
sa pensée, au sujet qu'il considérait maintenant comme YEbed Yahvéh. 
Mais alors, si, pour lui, ce qu'il écrit de VEbed Yahvéh en 538 con- 
vient à Israël, pourquoi se refuser à admettre qu'il ait dès l'origine 
conçu ces déclarations en vue d'Israën II est possible que certains traits 
nous paraissent, à nous modernes^ très individuels; mais il y a un fait, 
c'est que lui, Juif du vi* siècle^ estimait en 538 que ces traits convenaient 
parfaitement à une collectivité; 

4* Ajoutons à cela que» d'après M. Sellin, bien que Jéconias ne fût 
pas nommé dans les « Cbants du Serviteur », les allusions que ces 
morceaux renfermaient étaient tellement claires pour les contemporains 
qu'ils ne pouvaient s'y tromper (p. 89). Si ces passages visaient un per- 
sonnage spécial d'une façon si transparenté, comment les lecteurs ont- 
ils pu deviner, lorsque le prophète les a réédités quelques années plus 
tard, qu'ils s'appliquaient maintenant à un tout autre objet? Gomment 
a-t-il pu songer même à les reproduire? N'était-ce pas souligner l'échec 
de ses premières prédictions? 

5*" Il y a bien des traits dans la figure du Serviteur de Yahvéh qui 
ne peuvent être rapportés d'une façon naturelle à un roi, en particulier 
42, 4 : « les îles espéreront en sa torah. ». Jamais le terme de torah 
(oracle, instruction divine) n'est appliqué aux sentences judiciaires 



404 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

rendues par un roi. Un souverain qui ne fait pas entendre sa voix m 
dehors (42, 2) serait aussi fort étrange, surtout en Orient où la jostke 
se rend « à la porte » du palais ou de la ville; 

6" M. Sellin n'a pas prouvé davantage que tout descendant de David, 
ni surtout que le Messie fût appelé c le Serviteur de Yahvéh ». David 
est qualifié à*Ebed Yahvéh; mais ce titre est donné ^^lement à on 
grand nombre d'autres personnages, Moïse, les prophètes, etc. 

Bref, si la nouvelle hypothèse de M. Sellin résout ingénieusement 
certaines des difficultés que présente la question du Serriteur de Yah- 
véh, elle se heurte, d^autre part, à de nouvelles invraisemblances. Et 
nous ne saurions, pour notre part, considérer dès à présent l'énigme 
de la composition littéraire du livre du Second Ésaîe comme « dénouée 
d'une manière satisfaisante pour tous les temps ». 

Adolphe Lods. 



MoîsE ScirwAB. — Rapport sur les inscriptions bébralques 
de l'Espagne. Nouvelles archives des Missions scientifiques et lit- 
téraires, tome XIV, fascicule 3. — Paris, Imprimerie Nationale, 1907, 
193 pages et 23 photogravures. 

M. Moïse Schwab a été chargé par le Ministère de l'Instruction pu- 
blique de compléter son Rapport sur les inscriptions hébraïques en 
France par un travail semblable sur les inscriptions hébraïques en 
Espagne. 

Les raisons qui justiflent la création de ce Corpus sont multiples. 

C est d'abord le danger constant de destruction qui menace ces textes 
gravés sur la pierre à un seul exemplaire. L'épigraphie juive d'Espagne 
en offre un exemple typique. Des nombreuses épitaphes qu'on lisait au 
XVI* siècle dans le cimetière de Tolède, il ne subsiste actuellement que 
5 ou 6 originaux sur pierre. Cette riche littérature funéraire serait à 
jamais perdue si un promeneur anonyme n'avait eu Theureuse idée de 
relever 76 de ces textes et si, par une autre bonne fortune, le manu- 
scrit de cet inconnu, détruit dans Tincendie de la bibliothèque de Turin, 
n'avait été, avant ce désastre, copié par un hébraïsant, puis publié 
par Luzzatto en 1841. Les inscriptions même qui restent en place se 
dégradent rapidement et deviennent de moins en moins lisibles. 11 e«t 
donc urgent de les relever avant qu elles se détériorent davantage. 

Ce travail de déchiffrement et de publication est poursuivi, il est 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 405 

vrai, par plusieurs savants distingués, spécialement par le R. P. Fidel 
Fita dans le Boletin de l(\ R. Academia. Mais il y avait grand intérêt à 
coordonner les résultats de ces recherches et à réunir en un seul 
volume, permettant un aperçu d'ensemble, toutes les inscriptions 
hébraïques actuellement connues. M. Schwab, pour rendre ces monu- 
ments accessibles au lecteur non hébraïsant, a accompagné ces textes 
d'une traduction française et, quand il y a lieu, de notices historiques 
sur les personnages nommés dans les inscriptions. 

L'Espagne lui a fourni 171 textes (épitaphes, dédicaces, passages 
bibliques gravés sur les murs des synagogues), tandis qu'en France il 
en avait trouvé 207. Mais, comme il le signale lui-méme« les inscrip- 
tions espagnoles sont beaucoup plus importantes, tant par leur longueur 
que par leur intérêt documentaire. Beaucoup d'entre elles, en effet, se 
rapportent à des personnages ayant joué un rôle dans l'histoire litté- 
raire ou politique du judaïsme ibérique et fournissent des renseigne- 
ments chronologiques et généalogiques précieux. Quelques-uns de ces 
textes remontent, d'après M. Schwab, au vin«, au vi« et même (il s'a- 
git, il est vrai, d'une inscription juive en latin) au m® siècle. La plu- 
part appartiennent au xir, au xiii^, et surtout au xiv*» siècle. 

Mais rintérêt biographique n'est pas le seul que présente cette publi- 
cation. Elle est instructive aussi au point de vue de la linguistique et 
de la paléographie. Il y a des pièces qui ont une réelle valeur littéraire. 
Enfin l'histoire des croyances religieuses a des renseignements à en 
tirer. Donnons quelques indications très générales sur ce dernier point, 
qui est de nature a intéresser plus particulièrement les lecteurs de cette 
Revue. 

Les épitaphes ont ceci de particulier qu'elles nous apportent un reflet 
de la religion populaire, de la religion des non-théologiens. On peut y 
discerner, en faisant la part de la convention et de la tradition, l'attitude 
prise par les simples laïques à l'égard de la mort et de ce qui la suit. 
Gela est vrai du moins des épitaphes qui ne se bornent pas à donner un 
nom et une date ou à aligner des formules toutes faites tirées du dogme 
officiel. La plupart des inscriptions funéraires des Juifs espagnols rem- 
plissent ces deux conditions : elles sont, en général, assez développées; 
et, s'il y en a qui émanent évidemment de rabbins très soucieux d'or- 
thodoxie, il y en a beaucoup qui expriment naïvement les espérances 
par lesquelles les affligés se consolaient dans leur deuil. 

Quelles étaient ces espérances ? 

Un préjugé, assez répandu même dans le public cultivé, veut que les 



406 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

Juifs aient de tout temps, camme Benan le disait des Sémite en fés^ 
rai, coDsidéré la vie présente comme le moîas déceiraot des Fuifi, 
Les épitaphe$ réunies par M* Schwai> prolestent — il a laisoiLieW 
Boutigner — contre cette opinion. L'idée de Ea survie y tient UBetièi 
large place* Il n'f a guère d'inscription ou elle ne soit au moiastili^ 
quée. 

Mais ce qu'il ^rait intéressant d'étudier en détail^ ce sont les îoram 
diverses sous lesquelles cas espérances de survie se présentant daai ki 
différents textes. 

Une première remarque à faire^ c*est que, en dépit de la doctiiie 
officielle qui parlait de résurrection du corps à la fin des tempseldt 
félicité de l'âme auprès de Dieu, l'idée primitive d'après laquelle k 
mort irit dans la tombe reparait çk et là dans les inscriptions, lien 
allait donc chez les Juifs du moyen âge comme dans les populati^^os 
chrétiennes d aujourd'hui; le vieux fond animiste subsistait mm li 
vernis des doctrines plus affinées consacrées par Torthodoxie. 

Cette croyance animiste s'était autrefois, on le sait, développée chei 
les Hébreux en un véritable culte des ancêtres. Ce culte a laissé daji5 
les épitapbea du judaïsme espagnol des traces persistantes* De là vient, 
en effet, en dernière analyse, Tlmportance attachée à ta sépulture ai 
famille, ainsi que la croyance d'après laquelle les membres d'une 
même tribu ou d'un même clan se retrouveront dans Pau-delà : « A son 
arrivée au jardin d'Éden, lit-on sur la tombe d'un descendant de Lévi, 
viendront au devant de lui les princes des Lévites, descendants d« 
Kehath et de Yiçhar et lui adresseront le salut de la paix » (p. 40). De 
là vient aussi la douleur particulièrement^ poignante que provoque la 
mort d'une personne qui ne laisse pas de fils, d'une femme avec laquelle 
s'éteint un arbre généalogique, d'un fiancé qui périt avant d*avoir célé- 
bré ses noces, c II était fiancé, dit une épitaphe de Tolède, et il n*a pas 
épousé sa future; il n'a pas goûté la joie du fiancé sur sa jeune femme 
et il est venu s'asseoir ici; en terre est son dais; avec la pierre ses fian- 
çailles » (p. 120). 

A cette conception animiste le judaïsme officiel a opposé depuis le 
ii« siècle avant notre ère l'idée de la résurrection à la fin des temps, 
puis celle de l'immortalité de l'âme. De ces deux conceptions hétéro- 
gènes, qui se sont combinées dans l'enseignement de la Synagogue 
comme dans la doctrine de l'Église, c'est la seconde évidemment qui 
occupe de beaucoup la première place dans les espérances des Juifs du 
moyen âge espagnol. 



/ \ 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 407 

La première est, certes, exprimée assez fréquemment, spécialement 
sous la forme du verset biblique Daniel 12, 13 ; mais il est rare qu'elle 
se présente avec un accent un peu personnel comme dans cette épi- 
taphe attribuée au x« siècle et où l'on soubaite que Pâme du défunt 
€ repose dans le faisceau de la vie avec ceux qui dorment à Hébron » 
(les patriarches) *, ou dans cette autre (la seule, sauf erreur, qui parle 
du Messie), où on lit : c Au temps où son Oint ressuscitera" les morts, 
Josepb se lèvera avec son bon goût et son parfum » (p. 78). 

L^idée queTâme du défunt jouit dès à présent de la félicité auprès 
de Dieu, qu'elle « séjourne à Tombre du Dieu d'Israël en qui elle a 
espéré » ', est exprimée, au contraire, sous les formes les plus variées. 
C'est évidemment dans cette pensée que les Juifs du moyen âge espa- 
gnol, comme leurs contemporains chrétiens, cherchaient leur principale 
consolation. Cette idée aboutit même parfois à une opposition tranchée 
établie entre le ciel et le monde, entre l'esprit et le corps, et qui rap- 
pelle Tascétisme catholique. Le spiritualisme, que l'on a longtemps, 
avec Renan, considéré comme un apanage des races aryennes, était 
devenu, sous la forme religieuse qu'il revêt également dans le christia- 
nisme paulinien et johannique, un élément intégrant du judaïsme déjà 
aux environs de l'ère chrétienne. 

Certaines des formes que revêt cette idée ont, du reste, une couleur 
juive très spéciale. C'est ainsi que les auteurs d'épitaphes s'ingénient, 
avec une subtilité toute rabbinique, à formuler leurs espérances dans 
des passages de la Bible se rapportant à un homonyme du défunt. A 
un R. Abraham, par exemple (p. 68), on applique, en leur prêtant un 
sens profond, ces simples mots de l'histoire du patriarche : Il Ta appelé 
<c au lieu où était sa tente auparavant... (€ren. 13, 3) et là, Abraham 
invoqua le nom de TÉternel (G«n. 13, 4)... et Abraham retourna en 
son lieu » (Gen. 18, 33). D'un R. Samuel on dira (p. 106) : « Il est 
retourné à Rama (= lieu élevé) ; car là est sa maison » (1 Sam. 7, 17). 
D'un R. Juda on écrira (p. 82) : « £t rÉternel dit : que Juda monte! » 
(Juges 1, 2); etc.. 

1) P. 14. Encore ces mots se retrouvent-ils dans une élégie liturgique et dans 
une épitapbe déjà connue. M. Nahum Slouscbz, dans un récent voyage d'explora- 
tion épigraphique en Gyrénaïque, dont les résultats n'ont pas encore été publiés, 
a relevé une formule analogue sur une inscription funéraire juive datée de 
1392 : u avec ceux qui résident à Hébron ». 

2) Donc nin^ et non .TH'» comme l'imprime M. Schwab, 

3) Donc niaa et non TO3 (p. Ul). 



408 REVUE DE l'histoire DES REUGIONS 

Les nombreuses allusions à un retour de Tâme au ciel montrail 
combien était populaire la doctrine de la préexistence des âmes. Cest 
encore un trait spécial au judaïsme. Il faut en dire autant de la croyastt 
è la valeur expiatoire de la souffrance et spécialement de la mort no- 
lente du juste. 

Arrêtons là ces brèves remarques^ destinées surtout à indiquer qoH 
y a dans les inscriptions hébraïques d'Espagne une mine d*inforniatiaK 
à exploiter. 

L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, en décernant un prix 
à Touvrage de M. Schwab, a reconnu le réel service q[a'il a renda à h 
science. 

Il est d'autant plus regrettable que louvrage soit déparé pu- un nom- 
bre si considérable d'erreurs typographiques et de né^tigeneei dt ta- 
duction, que l'on remarque à la simple lecture*. 

Adolpbk LoiiSw 



T. K. Chbtnc ^ Traditions and beliefs of auocieiit 

— Londres, 1907, xxx-SM pag» in-S". 

Cet ouvrage peut être difficilement apprécié et jaigé par ceux qui» 
partagent pas Ti Jée fondamentale de lanteur, à savoir qœ toutes \» 

dïîtîcultês que pn*seate rexê^èse biblique et FhisîioLre 'i»*s ancienii Isnt- 
\:\es se résolv^n: au uioyec des trois noois }V- .liiT^t.:?*? - izi Yscima . 
A>:ihu.r et \\' :: ; !e pn?iti:er de ces ncms représentant i .a riiis le 3a^ 
dVri^tae des Israélites et le-ir i:eu pnm/.if et les i^ilr^s ecant des im- 
uv'^îes. Le no ai Yer>haieel i s ni les *THLs:}c:ziiz:*}tii Les pi us eion- 
uiutes. lu exeiïvle <-ïtiri : ims GecèîM*, ii. 11 ine particule ■^; 
pdrii: >ULvr'lue : e^e rrjvieci; i.. zicc } -y'ZC.i.^f^L Le Lifr^ se -romDosr 
de vrh.Ap-.".res u:'^ ii'iinerctès. Eii:^ ^-i ^e Sî^necï dans l'jrdre le i 
V.^ie Le yreiii'.er v:c":erne li .'osoi'-v: zie, !■» fet^caii le ieia^^. -ic. 
A jjtùi'i: i'une 'li-e i is i^di: zrfs, :. y i ^12. :zc^^ de ijx-^eut pav^. 

îljLTîa Lajibkht. 

^'i»:?^ i.-..'';"5 .Mj:»i ''.. :n:-: r.i. il i^.ti ?. ; r'i.ic "^c h ion "^i:^: ■«.''. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 409 



Caspari Wilhelm. — ■ Die Bedeutungen de "Wortsippe ^33 
im Hebraïschen. — Leipzig, Deichert, 1908; iii-80 de 
xi-171 pages. Prix : 4 Mark. 

Les monographies lexicographiques sont à la fois très intéressantes 
et très utiles, parce qu'elles permettent d'étudier avec rigueur les signi- 
fications des mots et d'en déterminer la filiation exacte. L'ouvrage de 
M. Caspari sur les mots tirés de la racine 133 en est un exemple probant. 
L'auteur rectifie souvent l'interprétation courante des mots de cette 
famille. C'est ainsi qu'il montre que l'acception de v gloire » 86Ça 
de la Septante ne convient pas dans un grand nombre de passages. Le 
travail de M. Caspari intéresse spécialement l'histoire des religions 
parce qu'il traite en détail de la a gloire de Dieu », à laquelle M. de 
Gall a déjà consacré une étude, et du 4' commandement : le respect 
des parents. L'auteur montre que la « gloire de Dieu » est d'abord une 
manifestation matérielle de la divinité et que le sens primitif du mot 
kabôd est lourdeur, désignant l'épais nuage qui entoure la divinité et 
qui semble peser sur l'homme. La« gloire de Dieu :» se confond par- 
fois avec la colonne de feu; chez Ézéchiel elle désigne la divinité elle- 
même. — Selon M. Caspari le 4' commandement signiGerait surtout 
que les enfants doivent entretenir leurs parents. Cette interprétation, 
qui a amené l'auteur à faire une longue digression sur la famille dans 
l'antiquité, ne paraît pas très naturelle. L'explication de kabbéd par 
soigner d'une manière pressante est assez forcée. Ce mot nous parait 
avoir bien plutôt un sens déclaratif: « trouver quelqu'un lourde c'est-à- 
dire important^ lui attacher de la valeur ». L'inverse qallél veut dire : 
u trouver quelqu'un léger, le dédaigner, l'insulter ». L'auteur a négligé 
de rapprocher de son thème les verbes de même genre, comme qad^ 
désch sanctifier, tahér déclarer pur etc., et de citer les termes 
opposés à kabbéd. L'auteur croit que kabbéd dans le 4® commande- 
ment est un impératif; en réalité, c'est un infinitif absolu comme 
zakôr dans le 5® commandement. Le nom kabôdy qu'il vienne ou non 
d'un adjectif, vient de kabdd et non pas de kabudy de même que ialôm 
« paix » répond à Tarabe salâm. 

Le travail est accompagné d'un tableau, formant une sorte d'arbre 
généalogique des dérivés de kbd et d'un index des versets cités; l'un et 
l'autre facilitent beaucoup l'usage de ce livre, qui mérite d'être pris 



410 HÊVUE DE t'OISTÔÏRE DES tlEUGlDNS 

en sérieuse considération fÊir les lexicographe et 1^ hisloneitst 
religions. 

UaTEB LAlfBËfVT. 



PàCL ScHWîiN. — Alrahat. Seîna Person nnd sein Vf 
tiindmâ des Christentums. Ein Beùrag zur Geschtckit Jff" 
Kirche im Osten (Neue Studîea zur Geschichte der TheQlogi# itnddir 
Kirehe, herausgegebeo von N. Boûwetsch und R. Seeberg, 2*** Sïûck', 
Un vol. in*8% tiii-1o3 paires, — Berlin, Trowilzsch u. SohD) 1WÎ< 
Prix : 4 M. 80. 

Aphraate ou Afrafaat, le SAge persan, est déjà coimu du m<mêÊ 
savant, soit par Tédition et la traduction en diverses langues de hê 
ifinçt-trois démonstraiiùm, soit par les études qui lui ont été conmctées 
et dont on trouvera une liste à peu près complète aux pages 144-146 di 
présent ouvrage, 

H. Schwen enrichit la bibliographie du sujet en pabliant un Doufd 
ourrage sur le Sage persan ; je ne ^is si! apporte beaucoup de non- 
f^eau sur ce personnage du quatrième siècle, qui Joua un grmod rôAt 
d«iis le christ îaDisme de Perse, et dont l'œnTre reprêdeota « le type k 
plus ancien de rbomélia s|Tiaqae, libre de toute influeoce greoqxie, et 
en même temps un guide siïr [K»ur l'étude de b syntaxe araméemie » 
(B. DuTal» iM littérature syriaque^ p- 227), 

Uourrafe est dmsé en trois partieâ : l, La to et les écrite d^Airahat; 
U, les sources de la d^tjine d'Afrahat ; la Bible, c^e^-i-dire, TA, T., 
le K. T. et les apocrypttes ; puis la doctrine de TÉglise, le svmboift 
d'ACrabat^ les traditions juives; UI, le chriJttianisnïe d^Afrahal : U feî 
«ft um Oiea, AUiaoce et peuple de Dieu» les véhicules de t'Espril ; Geés- 
tesirager), les cnreuens dans le monœ, i acoompùsBemeni aes tanpa. 

On sait rdativement peu de choses sur la TÎe d'Afrahat : fl rédigea 
ses démonstrations de 337-345 de notre ère; il sovt né paien ^ une 
fois converti au christianisme, se serait ûût moine et aenôt derenu 
éTèque. U prit le nom de Jacques en entrant dans les «dres, d'où b 
confusion que Ton a faite ^itie lui et Jacques de Nisibe. Gînoe aux 
hautes fonctions ecclésiastiques qii*il a remplies, noos possédons on 
tableau peu Ûatteur de Pé^ise de Sêleode. où abondaient c les orgueil- 
leux, les avares, les envieux v>, etc. ,J. Lahourt Le ckHsiùmâsm^e dams 
r empire persf^ p. 24 . 



I 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 411 

Afrahat était un des meilleurs connaisseurs des Écritures de son 
temps; il était très au courant des commentaires juifs de TA. T., et si 
Ton peut Jusqu*à un certain point, regretter que sa phrase soit alourdie 
^ par de fréquentes citations bibliques, Ton reconnaîtra d'autre part que 
ces nombreuses citations sont de la première importance pour Tétude 
comparative du Diatessaron de Tatien. 

Dieu est le maître du monde parce qu'il Ta créé; les anges sont 
tantôt des gardiens, tantôt des messagers; Dieu a fait différentes 
alliances avec les hommes, et chacune a son signe particulier : Adam 
ne devait pas manger de Tarbre; pour Noé, c'est Tare en ciel; pour 
Abraham, la circoncision ; etc. ; chacune de ces alliances n'était valable 
que pour le temps et les hommes pour lesquels elle était faite. Le bap- 
tême de Jésus représente pour Afrahat la consécration d'un prêtre par 
le prêtre Jean, avec onction et imposition des mains. Parmi les sacre- 
ments, dont le nombre ne se laisse pas aisément déterminer chez 
Afrahat, le plus important est le baptême; puis vient en seconde ligne 
la Sainte Cène (Das Herrenmahl). Dieu a créé le ciel, la terre, la mer et 
tout ce qu'ils renferment; il n'y a donc pas, comme pour Marcion et 
pour Mani, de dualisme entre Dieu et le monde; la mauvaise herbe et 
le blé croissent aussi bien sous la pluie et le soleil de Dieu ; Satan n'est 
donc pas le c prince de ce monde » et le monde n'est pas la patrie 
propre du diable. 

D'après Afrahat, le monde durera 6.000 ans, puis viendra la fin ; 
d'après un autre calcul du même Sage persan, la durée du monde sera 
de 4.000 ans (p. 135-136). Lors du jugement final, l'humanité sera 
répartie en trois classes; les tout bons et les tout mauvais ne compa- 
raîtront pas au jugement; mais les bons jugeront les méchants; les 
autres pécheurs (la 3® catégorie) seront jugés et recevront récompense 
ou châtiment suivant leurs actions. Puis le ciel et la terre passeront, et 
Dieu créera quelque chose de nouveau. 

M. Schvyren rend service à Tétude du christianisme oriental en expo- 
sant consciencieusement la doctrine d' Afrahat; mais il aurait rendu un 
plus grand service en indiquant, ne fût-ce qu'en passant, ce qui le dis- 
tinguait des autres branches du même christianisme ; il lui eût été facile 
d'établir quelques parallélismes entre la foi et la philosophie du Sage 
persan, qui n'avait pas une sympathie très accentuée pour les docteurs 
occidentaux. Cette distinction, la caractéristique du système afrahatien 
ont été clairement esquissées par Labourt dans son Christianisme dans 
l'empire perse sous la dynastie sassanide^ 32-42, paru en 1904 et que 



412 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

l'on ne voit pas cité dans la bibliographie de Schwen, dont la For6«- 
merkung est datée de février 1907. 

F. Macler. 



ALFRED LoiSY. — Los évangilos synoptiques. — Chez l'auteor, 
Ceffonds par Montier-en-Der (Haute-Marne), 1907-1908. En dépôt 
librairie Nourry, 14, rue N.-D. de Lorette, Paris, 2 vol. in-8' de 
1014 et 818 p. Prix : 30 fr. 

Il est rare qu'un ouvrage de critique religieuse obtienne un succès 
comparable à celui des deux compacts volumes que M. Loisy a consacrés 
à Tétude et au commentaire des évangiles synoptiques. Le très impor- 
tant ouvrage dans lequel le même auteur a, il y a quelques années, 
étudié le quatrième évangile, s'il a provoqué de la part des spécialistes 
des jugements en général très favorables, n*a pas attiré au même degri 
Tattention du grand public. 

Des raisons spéciales expliquent sans doute l'accueil fait au Commen- 
taire de M. Loisy : son succès est, dans une certaine mesure et pour 
bon nombre de lecteurs, un succès de scandale. Il va sans dire qae 
nous ne saurions être accessible ici aux raisons pour lesquelles les uns 
ont systématiquement dénigré Touvrage tandis que d'autres — pas tou- 
jours plus compétents que les premiers — le portaient aux nues. Il 
importe d'autant plus de formuler sur le commentaire de M. Loisy un 
jujîement impartial qu'il va être pendant des années la source à 
laquelle toute une élite intellectuelle, en France au moins, ira puiser 
sa connaissance de Thistoire évangélique. 

M. Jean Réville se proposait de porter lui-même ce jugement et nul, 
plus que celui qui est cbar^é d'écrire ici à sa place, ne sent combien 
manque au monde savant le jugement d'un tel maître sur une telle 
œuvre. 

On a souvent comparé Loisy à Renan ; la comparaison est juste dans 
un certain sens. Comme Renan l'a fait de son temps, Loisy nous donne, 
en somme, les résultats auxquels aboutit la critique contemporaine. 
mais la contribution personnelle qu'il apporte est bien plus considé- 
rAble que celle de son devancier. Si, au point de vue scientifique, la 
conii\iraison est favorable à Loisy. Renan reprend immédiatement 
ravantaç;e si l'on se place au point de vue littéraire et artistique. 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 413 

La première impression que l'on éprouve en ouvrant les volumes de 
M. Loisy est une impression d*admiration pour la prodigieuse érudition 
qu'il déploie. M. Loisy connaît tout ce qu'a produit la critique contem- 
][K>raine' et ce n'est certes pas peu de chose ! 

Les auteurs qu'il cite de préférence sont les critiques allemands, 
protestants pour la plupart; parfois il semble avoir comme un malin 
plaisir à rapporter l'opinion peu admissible de quelque exégëte catho- 
lique. 

L*ouvrage se divise en deux parties, une introduction aux évangiles 
et un commentaire proprement dit^. 

L'introduction qui compte 268 pages contient les conclusions de 
l'auteur. Toutes les questions qui se posent à propos de la composition 
des évangiles y sont abordées. Le premier chapitre traite de la tradition 
ecclésiastique. L'analyse même du terme d'évangile révèle qu'un évan- 
gile n'est pas une histoire, mais un ouvrage d'édification et de propa* 
gande. L'apôtre Paul, par exemple, prêche l'évangile, mais n'a pas 
d'évangile écrit. Plusieurs des écrits chrétiens primitifs font allusion à 
telle ou telle parole évangélique, mais c'est la Didaché qui la première 
(vers 100 ou 120) cite l'évangile comme un document, elle paraît viser 
le premier évangile. 

Au ii« siècle, Papias préfère la tradition vivante aux livres écrits; il 
attribue cependant assez d'importance aux évangiles pour se préoccuper 
des conditions dans lesquelles ils ont été écrits. M. Loisy est très sévère 
pour le témoignage de Papias que d'aucuns ont sans doute accueilli 
trop facilement. Selon lui la notice qu'Ëusèbe a conservée est le produit 
d'un travail légendaire destiné à expliquer la vogue de l'évangile de 
Marc malgré ce qu'on considérait comme ses lacunes. On n'est donc 
pas en droit de déduire du témoignage de Papias l'existence d'une 
source pétrinienne chez Marc et, même si l'existence de cette source 
était reconnue d'autre part, le travail légendaire d'où est sortie la notice 
de Papias serait expliqué, mais la notice elle-même n'aurait guère plus 
de valeur pour cela. 

Le jugement porté sur le témoignage de Papias relatif à Mathieu est 

1) En cherchant bien on trouverait peut-être quelques lacunes dans sa 
bibliographie; la plus surprenante est romission de Texcellent livre de Hawkins. 
Horae synopticaey Contributions to the study of the synoptic problem. Oxford, 
1899. 

2) Quelques parties du Commentaire avaient déjà paru dans la Revue d'hiS" 
ioire et de littérature religieuses et en tirage à part. 

28 



KEVl'E DK L HÎHTOrBK DKS WELltilONS 

aussi sévère. Nous sommes loin, on \û volt, de ceux qui vondriieulbi 
reposer toute leur théorie synoptique sur Iô témoignait? de Tiiii 
d'Hîôrapolis. 

M. Loisy a raison de sedéfier de Papias, qui était, au dircdloÉ 
un esprit faibte, mais sa défiance ne l'entralne-t-elle pas tmp km} 
Tanalyâe révèle la présence, dans l'évangile de Marc» de rêdUoi 
l^roupes de récits qui paraissent avoir leur origine dans renteQn|i 
Pierre, si, d'autre part, on reconnaît dans révangile de Mathieurrij 
sation d'un recueil de discours (et M. Loisy accepte ceâ deaieoÉ 
sion&}»ne faut-i! pas attribuer quelque valeur au témoignage ééh^ 
Il serait bien singulier qu'il ait donné par hasard une explica£joi| 
corresponde ea quelque mesure à la réalitéet uni ne songera i diref 
se borne à formuler les conclusions auxquelles le conduit rantl^l 
téraire des évangiles. Nous sommes disposé à accorder qu*iï îkxâÉ 
du témoignage de Papias avec une extrême prudence, mais oWi 
croyons pas qu'il soit interdit de retenir quelque chose de ceqaBd 
tient. 

Ce que nous avons dit du jugement que M. Loisy porte sa 
sufût pour caractériser soo étude de^ témoifiiages externes, 
sans hésiter accepter les faits qult relient, mais il convient deredïrà 
dans chaque cas particulier s'il n'en rejette pas qu'on puisse reteoii 

De la tradition ecclésiastique M. JLoiay prisse à la critique modeor^i 
aux etlorts qu'elle a consacrés depuis la un du xvlii* siècle à U s^)i^ 
du problème synoptique. £ntre la matière de ces deux chapitres il r 
un intervalle de plus de 1400 ans. Le dernier auteur dont parle Itp 
mier chapitre est Eusèbe, le premier nom que l'on rencontre stà 
pitre suirant e&i celui de Beimarus. Quelques lignes à peine nousti 
connaître Topinton que dans la période intermédiaire an a eueili 
composition des é^an^les. On aurait souhaité davantage* 

L'histoire de la critique, exacte et précise comme tout ce quisodi 
la plume de M. Loisy, ne met pas suffisamment en lumièrej à noti«r^ 
les transformations qu'ont subies peu à peu les problème et l^quaà 
nouvelles qu^^ posent les thmries successivement mis^ en avant Pi 
prendre un exemple concret, on ne voit pas suffisamment en lia 
M. Loisy en quoi et pourquoi le problème qui se pose devant an c 
tiqne comme Johannes Weiss en 1903 n'est plus exactement celai < 
s'était posé devant son père, Bemhard Weiss, en 1872. 

Les chapitres qui suivent sont consacrés à chacun des trois sytt 
tiques. M. Loisy met ici en œuvre son jugement littéraire el historiq 



qnun 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 415 

si aiguisé, son sens des nuances, son intelligence des personnalités et 
des auteurs. On trouvera dans ces chapitres une caractéristique précise 
et sûre du travail accompli par les trois évangélistes et on se fera, grâce 
à eux une idée exacte de la valeur historique qu'il faut attribuer à leur 
œuvre. Ces trois chapitres sont certainement, avec le chapitre qui suit 
et qui traite de la tradition évangélique, les meilleurs du livre. 

Nous nous bornerons à analyser, non pas ces chapitres eux-mêmes, 
mais leurs conclusions. L'ouvrage de Marc, œuvre de foi plutôt que 
d*histoire, compilation de seconde main ne provient pas d*un dis- 
ciple de Pierre, mais une de ses sources a peut-être un rapport direct 
avec Pierre. L'agencement des récits est dominé, dans une certaine 
mesure, par l'ordre des sources; Tunité réelle de l'œuvre vient de ce 
qu'elle est tout entière dominée par l'idée du Christ, sauveur du monde 
par sa mort, qui révèle aux homipes le mystère de la rédemption et qui 
est rejeté par les Juifs endurcis par Dieu pour cela. Sur quelques points 
on peut trouver des traces de remaniement secondaire. 

M. Loisy, comme récemment Wellhausen, ne considère pas comme 
impossible que la fin abrupte de l'évangile de Marc soit bien la conclu- 
sion voulue par l'évangéliste. Nous aurions beaucoup de peine à nous 
rallier à cette manière de voir. Après le récit de la dispersion des dis- 
ciples et de la défaite apparente, l'évangile ne pouvait se terminer 
que par la relation positive de la victoire, c'est-à-dire par un récit 
d'apparitions du Christ ressuscité. Quels qu'aient été les destina- 
taires primitifs de l'évangile, on conçoit mal qu'ils aient pu être satis- 
faits par un récit comme celui qui termine actuellement l'évangile et 
qui laisse seulement ouverte la possibilité de la résurrection sans 
montrer les disciples convaincus de sa réalité. Qu'on se reporte à ce 
que l'apôtre Paul dit dans / Cor, i 5, et qu'on juge d'après ce passage 
de la place que la résurrection de Jésus occupait dans la foi des chré- 
tiens primitifs^ on verra qu'un évangile qui n'aurait pas relaté cette 
résurrection, ou qui se serait borné à l'indiquer et à y faire allusion, en 
parlant du tombeau vide par exemple, n'aurait pas été un évangile 
complet. La fin de l'œuvre de Marc nous paraît plutôt avoir disparu, 
soit par quel qu'accident matériel, soit par l'intervention de quelque 
rédacteur qui aura voulu faire disparaître la contradiction qu'il y avait 
entre la tradition des apparitions galiléennes qu'avait recueillie Marc et 
la tradition jérusalémite qui avait peu à peu supplanté la tradition gali- 
léenne^ 

1) Notons qu'il y a un argument assez sérieux à faire valoir contre cette der- 



416 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

M. Loisy ne croit pas pouvoir attribuer la rédaction de l'évangile au 
Jean-Marc dont nous parle le Nouveau-Testament ; il estime que l'ou- 
vrage a été écrit en pays latin vers 75. Ces conclusions paraissent justes 
mais il importe de faire deux observations : la première est que, ppur 
qui admet une analyse des sources semblable à celle que fait M. Loisy, 
la question d*auteur n*a plus aucune espèce d'intérêt ; la seconde est 
que si l'on examine de près le texte de l'évangile de Marc on constate 
qu'il a pu subir bien des remaniements et même des interpolations 
qu*il n'est pas toujours possible de déûnir avec précision et que, par 
suite, la date de composition de Tévangile n'est pas nécessairement celle 
de la rédaction de toutes ses parties. 

Le premier évangile est une compilation régulièrement conduite et 
ordonnée avec un plan systématique ; les documents qui sont entrés dans 
la composition de cet ouvrage sont, outre des sources particulières, le 
récit de Marc et le recueil des Discours que Marc avait connu mais dont 
il n'avait fait qu'un usage fort discret ^ La valeur principale de l'évan- 
gile est dans les Discours qui cependant ne reproduisent pas les paroles 
de Jésus sans les élaborer et les transformer en un certain sens. Les 
récits particuliers à Mathieu ont un caractère légendaire assez accentué. 
L'auteur écrit en Orient, il est judéo-chrétien d'origine mais universa- 
liste de conviction. 

Lac n'apporte pas plus que Mathieu de source de premier ordre sur 
l'histoire évangélique ; ce qui lui appartient en propre n'a guère de 
valeur historique. Il a derrière lui un long développement littéraire qu'il 
connaît en partie. M. Loisy suppose qu'outre l'évangile de Marc, Luc 
connaît — pour le récit de la passion tout au moins — la source du 
second évangile. M. Loisy admet que l'auteur du troisième évangile est 
aussi celui du livre des Actes, mais il ne pense pas que ce soit Luc lui- 
même, c'est plutôt quelqu'écrivain qui a recueilli l'héritage littéraire de 
Luc et qui, travaillant à la fin du i^ siècle, attribue son œuvre à Luc 
pour la mettre ainsi sous l'autorité de Paul. 

Le chapitre sur le caractère et le développement de la tradition évan- 
gélique est le plus nouveau de tout louvrage. Il y a quelque temps, 

nière hypothèse. Un rédacteur qui aurait sapprimé la fîn de l'évangile comme 
ne cadrant pas avec les récits les plus répandus des apparitions aunût certai- 
nement substitué du même coupa ce qu*il faisait disparaître un récit des appa- 
ritions comme il se les représeniaiu Nous n^aurions pas alors de manaserits où 
la fin manque complètement. 

1) M. Lc^ date la composition du recueil des Discours de 60/70. 



ANALYSES ET COMPTES -RENDUS 417 

nous indiquions, en étudiant la nouvelle phase du problème synoptique, 
jqae le travail fait dans ces dix dernières années, nous paraissait tendre 
i rélaboration d'une histoire de la tradition chrétienne ^ Ce n'est pas à 
''proprement parier cette histoire que nous donne ici M. Loisy, c'en 
2*^ est seulement une première esquisse. Le problème est extraordinaire- 
ment délicat ; il s'agit de suivre l'évolution des récits d'un évangile à 
■"'Vautre, de reconstruire les transformations qu'ils ont subies avant d'être 
"^'mis par écrit pour la première fois, de déterminer les raisons qui ont 
^^ dicté le choix des récits. M. Loisy fixe très heureusement le point de 
"* départ de toute l'évolution. Quand on chercha à mettre par écrit un 
récit des paroles et des actes de Jésus, a on s'en souvint dans la mesure 
^ et dans la forme que réclamait l'intérêt de l'œuvre évangélique devenue 
^^ bientôt, par la force des choses^ l'édification de l'Église chrétienne ». La 
^ fol à la résurrection fit d'abord faire aux disciples un grand pas en 
KL. dehors du cercle où la pensée de Jésus s'était tenue. Au lieu de croire 
^ d'abord au Royaume qui ne venait pas, on crut, avant tout, au Christ qui 
K était venu. L'effort de la tradition guidée par les besoins de l'apologé- 
S5 tique a porté d'abord sur le récit de la mort et de la résurrection. Sous 
e. rinfluence de la pensée paulinienne on a introduit dans ce récit l'idée 
s de la Rédemption par le sacrifice du calvaire. Pour ne pas repousser les 
païens qui étaient susceptibles de se convertir à l'évangile on a aussi 
2 peu à peu transformé les récits du procès de manière à donner aux 
^ autorités romaines une part toujours moindre de responsabilité dans la 
^ condamnation de Jésus. Sur plusieurs points de détail nous aurions à 
^. faire des restrictions plus ou moins importantes, mais, dans l'ensemble, 
_ le développement des récits relatifs à la passion et à la mort de Jésus a 
p bien dû se faire dans le sens qu'indique M. Loisy. Moins satisfaisant 
,. nous paraît être le tableau de l'évolution de la tradition relative à la 
2 messianité de Jésus, mais nous ne pouvons entrer ici dans une discussion 
qui nous entraînerait trop loin. 

M. Loisy croit, avec pleine raison selon nous, que c'est dans les récifs 
de l'enfance qu'il faut chercher la partie la plus tardive du développe- 
ment de la tradition. 

A la fin du chapitre on trouve quelques indications intéressantes sur 
les évangiles apocryphes qui sont, au même titre que les canoniques, 
des documents de la tradition évangélique. On ne saurait reprocher à 
H. Loisy sa brièveté sur ce point, mais on se demande pourquoi il n'a 

i) Voir Revue de VHist. des ReL, nov.-déc. 1907. 



xitriii-tL. •fijsuu'. s"jl: u:. resuiu^ue- cozicmsioQ> iu s toriques an 
. jiLiitru' dix^ui: uaii- soi 'jommeniaut. I ^ g ];, xoMr eérk d' 
pît^cii-v^e; uik:.. ludi^ ir iax>ieau manque nu peu de puissance e 
L«?^i'r:: ii-. M *-o:s- *?e: Eonou: anaivtiqae et ciitiqiie. Le se 
Uiduqur uuau. . ^ a;::', ar^ iaire nikr? synthèse des résultats acqi 
ï^^oni^LTaîr- ! iiisioirc 

.. L«r à»ei:'. t.'i!r QueFiioii Or discQte: it. ee55 chmpitFes, oe se 
x-ui^- *t '.-omiueciiiirr ion enue: aont ees pages ne sont en 
.V.: u: ït^iiui-. '.': peu: iiiêere- davi: ave. M. liois^- sur tel oo 
i>£r4:riiii^. ill;!! uih mamerr peneraie ies concluBÎons anxi 
a:\>ui:'. soc: rtii^»: :::: aflofir c !'iîenrr actaelk la critique 1 
init^m^t^. 1 . ûcE cte- "naneer serienaer pour qu'elles nie 
au. e: 1 f ifi. iv i.. f^iiencri ^ rapurocnem le pins de la Térité. 

- îr.î'.''.".i:r:îo.: sr ?er::i.iE- na* n: neuvième diapitre qui di 
?>MMv:i:rî^n>i'r.:- T**5vr.iie ?l'* i. icrm- IrtierHirË. ia tradition i 

.'. V. ;\r .r.i.-^fr r: pye>M- Tonîr il ne faaaBc du en 

,v:«: •..■.:-.^.-.»:.. i. t • ?r.i'-. t. a2>=?Tscuoi taite du comn 

:•: ^* r.i»: -.V 'Tr^: ::.. /.—îiLrî û: au2u: a- ceux qui trai 

■..;•..* .»-^ . .vy'N. ôi> .. > ..— • T£.i.jsiii-:ut :. aura ie droit dei 

4 V.* :.-;■*?:• .*: ::.rrLi3ur.îjQ: ?of sealement è 

. iv .ï,; • * .v...:;t'L:.i:.-T-: lû" fi: niiercne: la démon 

N..: .-. :vN. '.*..' >.'..:>f . :.:■.*. -^^rf f . iîscnte* V<aisemhl4 
. .-.v .\:,i-r: * ;. :■..>:. . .*r.iîr"?.s- . fic Qonner une caract 
.<.",' . «• .. rsji '•^.-■. LiT^ '.\z m CE. deux exemp 

^ . . - ir: .■ r.. ... - r-.-- -TiiL: tr ftesarement, ma 

'"^ • re- ••:'. . .V:.".. -: -^ ?_ <i ïi,!. ." ZR- anieT¥ ^uéra] 

.• Vî.-. . -:..... .-..-:. r-v-:- .-:•= iiîtciifuH est quol 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 419 

^ tion ; ainsi le choix seul de la méthode d'exposition indique que c^est 
*rétude de la tradition qui intéresse avant tout^. Loisy. Sans doute, les 
*i questions archéologiques, littéraires, historiques, philologiques, théolo- 
R giques que posent les textes étudiés attirent son attention, mais on sent 
que ce qui l'intéresse avant tout c'est ce travail anonyme qui a peu à peu 
B élaboré les récits évangéliques, que c'est cette puissance mystérieuse 
Ef qui a mis sur eux son empreinte, que c'est, pour appeler les choses par 
:!^leur nom, l'Église qui a créé les évangiles pour ses besoins. 
I Le commentaire de L.oisy paraîtra bien compact si on le compare à 
I ceux de Wellhausen ou de Lietzmann; il faut reconnaître qu'il est 
I souvent un peu diffus, mais, pour être juste, il faut accorder à l'auteur 
des circonstances largement atténuantes. Le public qu'il vise n'est pas 
I. un public d'exégètes habitué à traiter les questions d'interprétation et 
f familiarisé avec l'usage des commentaires, c'est un public qui ne cou- 
rt nait'que les commentateurs catholiques, en d'autres termes qui ne sait 
ti pas ce que c'est que l'exégèse scientifique. Pour être compris de ce 
; public, M. Loisy a besoin de plus de mots que M. Wellhausen pour 
f l'être des exégètes allemands. On ne saurait vraiment lui en faire un 
grief alors même qu'on souhaiterait plus de sobriété. 

Voici, à titre d'exemple, comment M. Loisy traite le récit de la tenta- 
tion. Ce n'est pour lui, ni un développement purement mythique, ni la 
rédaction d'une tradition historique précise. C'est l'interprétation litté- 
raire des allusions plus ou moins vagues que Jésus avait faites à une 
période de retraite et de préparation pendant laquelle une lutte se livre 
en lui entre les aspirations idéalistes de sa piété personnelle et les 
ambitions du messiasnisme juif. Il résout ce conflit par la résolution de 
prêcher au peuple qu'il doit se préparer au Royaume par la conversion 
du cœur, mais que c'est à Dieu qu'il appartient de faire apparaître le 
Royaume à son heure en raison de sa toute puissance. Cette interpréta- 
tion est parfaitement juste et l'on ne voit pas d'objection à lui faire. 
Moins satisfaisante, peut-être, est la manière dont est expliqué le 
rapport entre les trois textes parallèles. M. Loisy admet, avec raison 
selon nous, que tous les traits du récit de Marc sont originaux et que ce 
récit ne saurait être considéré comme un résumé des deux autres pas 
plus d'ailleurs que ceux-ci ne sauraient être compris comme des déve- 
loppements de la courte notice de Marc. Pour lui, nous sommes en pré- 
sence des deux interprétations différentes d'une même tradition. La 
première plus succincte se trouve dans le deuxième évangile, la seconde 
plus développée a été insérée dans une rédaction secondaire du recueil 



REVUE DE L'HtSTOÎTÎE DES RELEGfOKS 

des Discours, Tout cela est asseï plausible» mai» laisse sans sokû 
question la plus délicate que posent ces petits fragmênis. Le rédt 
des Discours qui a composé la forme du récit doDl Mathieu et Luc 
doDoent deux recensions diJTérentes a-i-îl connu la tiotica de Mat 
oui, comment expliquer que son récit fasse Timpressioii d'être or^ 
S! non, comment rendre raison des points de contact qu'il y a eût 
et qui sont tels qu'il ne peuvent être expliqués par uo rem&nii 
que les évangélistea auraient fait subir au récit des Logia en s'io^ 
du texte de Marc? Il y a là, nous semb1e4-il, un petit problème « 
M. hohy ne s est pas suffisamment arrêté. 

Prenons comme second exemple Fétude du dernier repas de ] 
Kn la réduisant à ses points essentiels, on peut résumer ainsi h p 
de M, Loisy t le récit que Marc donae du dernier repa? n'est pas) 
gèncj on y distingue deux sources non seulenient ds0érent€t 
encore contradictoires. D'après Tune, Jé^us à son dernier repas diit 
la coupe en disant : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jy 
ce que j'en boive de nouveau dans le Royaume de Dieu y. D'âpre 
tre il accompagne la distribution du pain et de la coupe de ces! 
« Ceci est mon corps, ceci est mon sang ». La première parole 
faisait partie de ta tradition primitive; Marc lui a superposé la le 
on coniormant son récit à la doctrine et à la pratique euchariad 
des Eglises imuliniennes. La mention du corps et du sang a étéi 
duite après coup dans un récit où il n'était question de pain et i 
que relativement au festin messianique. C'est donc le texte de 1 1 
Ihiens qui doit être la forme la plus ancienne des paroles d^inslit 
Paul aurait puisé dans la tradition Tidée même du dernier t^ 
Jésus, mais ce serait « au Seigneur » c'est-à-dire à une sorte de 
ou d* a autosuggestion » (l 1, p. 352. n. 1) qu'il en devrait le conta 
roit que pour 1 essentiel les conclusions de M, Lotay concordes 
celles de M. Percy GardnerS elles nous paraissent être aut 
solides: les objections a leur opposer sont nombreuses. On ne 
najt pas bien ce qui motive lejugemeatde M. Loîsy sur le caract/ 
homogène du récit de Marc, Sans doote, !a parole escbafologiqt 
d^lributioû du pain et du vin comme corps et comme sang n'api 
nent pas exactement au même ordre d'idées, mais îl n'en a 
qu'elles soient incoocilttble^. Rien dias le réctl de Marc n'a^ 
dire qu'elles ont été prononcées identiquemeat au même insfc 

1) Percy Gardner, The origine of the Ijonfs suppcr^ 1893- 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 421 

peut très bien concevoir que la parole eschatologique ait été prononcée 
par Jésus au commencement du repas, donnant ainsi à toute la réunion 
un caractère particulier de solennité et expliquant Tacte que Jésus 
accomplit ensuite en distribuant le pain et le vin. L'omission de la 
parole eschatologique dans le texte de Marc est facile à comprendre : 
Tapôtre ne se propose pas de donner un récit complet de tout ce qui 
s'est passé au dernier repas de Jésus, il veut seulement relever quel- 
ques points pour les opposer à la pratique vicieuse des Corinthiens. 
L'omission de cette parole n'empêche pas que d'une manière générale 
le texte de Marc ne paraisse primitif par rapport à celui de Paul. La 
mention de la distribution chez Marc n'équivaut pas à Tordre précis de 
distribution donné chez Paul, et n'a pas la même portée liturgique. La 
parfaite équivalence des deux parties du récit chez Paul, la plus grande 
précision des paroles qui accompagnent la distribution, tout cela donne 
l'impression que le texte de Paul représepte, d'une manière générale, 
un moment du développement plus avancé que le texte de Marc. 

Ce n*est pas tout : si la communion était, comme le pense M. Loisy, 
d'origine paulinienne, on ne comprendrait pas qu'elle ait été accueillie 

i d'une manière si générale, sans qu'il y ait eu ombre de résistance dans 

: les communautés judéo-chrétiennes, plutôt disposées à se défier de 

jj Paul qu'à s'en rapporter à son autorité. 

I L'ensemble du système de M. Loisy sur la cène nous paraît donc 

, . manquer de base. Ce qui remonte peut-être à Paul, ce n'est pas Teu- 
charistie elle-même, c'est la conception sacramentaire de l'eucharistie 
comme assimilation par le fidèle de la substance de la chair et du sang 
du Christ, tandis que la chair et le sang n'étaient que symboliquement 

, figurés dans le pain et le vin de l'eucharistie primitive. Sans doute 
M. Loisy a raison quand il affirme qu'il n'y a pas eu institution de la 
communion par Jésus, mais il nous paraît qu'on ne peut pas le suivre 
quand il affirme que la première cène n'a pas été célébrée par Jésus. 
Entre la cène du Jeudi saint et l'eucharistie telle qu'elle a été consti- 
tuée plus tard, telle que nous la trouvons, par exemple, dans les com- 
munautés pauliniennes, il y a des difl'érences essentielles ; ces diffé- 
^ rences ne sont toutefois pas telles qu'on puisse affirmer que l'eucharistie 

' ecclésiastique n'est pas sortie de la cène historique. Elle n'en est pas 
. sortie sans doute par un développement rectiligne et sans l'intervention 

. de facteurs étrangers à la pensée et à la pratique de Jésus; elle en est 
sortie cependant. 

Il nous reste à dire quelque chose de l'esprit dans lequel M. Loisy a 



422 RKVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

travaillé. Il est historien et ne veut être que cela. Non senlement nul 
n'est en droit de suspecter ses intentions, mais encore l'examen attentif 
de son œuvre, s'il fait découvrir parfois des idées auxquelles on ne peat 
se rallier, ne révèle rien qui soit dicté par un préjugé dc^matique ou 
antidogmatique quelconque. On a observé que la critique de l'abbé Loisy 
s'était faite plus âpre et plus radicale à mesure que rautorité ecclésias- 
tique prenait contre lui une attitude plus rigoureuse. Le fait peut être 
exact sans pour cela justifier l'interprétation malveillante que d'aucnns 
en ont donnée. L'autorité ecclésiastique a rendu service à M. Loisy; elle 
l'a affranchi, en relâchant d'abord, en brisant ensuite, les liens qui l'at- 
tachaient à l'église catholique. Ce sont ses mesures de rigueur qui 
ont fait de M. Loisy le critique indépendant des évangiles synoptiques. 
Ce n'est pas la première fois que par son intransigeance l'église romaine 
a servi la cause de la science. 

Mais si M. Loisy a travaillé avec une pleine indépendance d'esprit, 
peut on dire qu'il ne lui soit rien resté de l'église catholique ' ? 

Il y a quelques années voulant préciser ses vues d'historien et de 
théologien catholique en face du système que M. Hamack avait exposé 
dans son « Essence du Christianisme» y M. Loisy a écrit : « L* Évangile et 
l'Église » ; c'était une apologie du système catholique destinée à com- 
battre l'idée protestante que le christianisme c'est l'évangile et que 
l'évangile est tout le christianisme. En face de cette affirmation M. Loisy 
pose la thèse que le christianisme c'est l'Église, c'est-à-dire, outre 
révangile, le développement historique qui en est sorti. Ce système 
ingénieux et puissant permettait au théologien de retenir comme élé- 
ments du système catholique des idées et des faits que l'historien 
démontrait n'avoir pas fait partie de l'évangile primitif. Cette tentative 
apologétique a été condamnée. M. Loisy pourtant lui est resté fidèle. 
Si dégagé qu'il soit de tout système, le dogme de l'Église, on le sent, 
domine encore sa pensée. Même dans ce Commentaire des Synoptiques, 
il en est ainsi. Ce que cherche avant tout l'auteur n'est-ce pas de mon- 
trer ce que la tradition a ajouté au récit primitif, c'est-à-dire ce qui 
dans les évangiles vient de rÉglise?Si l'évangileest pour Loisy quelque 
chose de vague et presque d'insaisissable, l'Église par contre est une 
réalité puissante. Une phrase caractéristique de l'introduction trahit 

(1) Nous nous bornons à mentionner en note ce terme de « Sauveur « par 
lequel M. Loisy désigne couramment Jésus et qui, ne répondant pas chez lui à 
une conviction religieuse, produit chez le lecteur un certain agacement. 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 423 

cet état d'âme. Arrivé au terme de son récit du ministère de Jésus, 
M. Loisy conclut ainsi : « Ainsi finit le rêve de l'évangile, la réalité du 
règne de Dieu allait venir. » (1, 222.) Ceci confirmele jugement que Jean 
Réville portait, peu avant sa mort, sur plusieurs théologiens moder- 
nistes : « Je ne suis pas sûr, disait-il, qu'ils croient en Dieu, mais je 
suis certain qu'ils croient à l'Église. » 

Mais il ne doit pas être question ici des convictions personnelles de 
M. Loisy ; si nous avons abordé ce terrain délicat, c'est parce que cela 
nous a paru nécessaire pour bien caractériser sa pensée et pour déter- 
miner dans quelle mesure son commentaire peut être considéré comme 
un guide sûr. Il serait aussi injuste, à notre avis, d'en exagérer que 
d'en diminuer l'importance. C'est une contribution solide et originale, 
c'est le résumé d'un travail considérable, c'est une mine presqu'inépui- 
sable de renseignements et d'idées, c'est une œuvre qui restera et pour- 
tant ce n'est pas une œuvre définitive; il faut s'en inspirer, il ne faut 
pas la suivre aveuglément. Il faut rendre hommage au labeur de 
M. Loisy, à son effort d'impartialité, à son érudition, à sa lucidité 
d'esprit, mais il ne faut pas renoncer à pousser plus loin qu'il ne l'a 
fait l'interprétation des textes, et à compléter les résultats auxquels il 
est arrivé. 

Maurice Goguel. 



Hans Preuss. — Die Vorstellungen Tom Antichrist im 
spâteren Mittelalter, bei Luther und in der konfes- 
sionellen Polemik. — Leipzig. Hinrichs, 1906, un vol. 8* de 
x-295 pages et cinq planches. 

Le livre de M. P a trait surtout à l'eschatologie luthérienne, plus 
exactement aux formes les plus populaires de la polémique de Luther 
contre le pape ; mais les travaux sur l'apocalyptique médiévale sont 
tellement rares que nous devons une réelle reconnaissance à M. P. 
pour les 82 pages qu'il a consacrées à l'idée de l'Antéchrist auxv* siècle. 
Presque en même temps paraissait la cinquième édition du Commen- 
taire de l'Apocalypse johannique par W. Bousàet dans la collection 
Meyer et l'on sait que l'éminent professeur de Gôttingen a accordé, à peu 
près seul parmi les exégètes contemporains, quelque attention à la tra- 
dition médiévale, tichonienne ou joachimite, dans l'explication du livre 
des Révélations. 



424 REVUE DE l'HtSTOîRK DES REUGIOXS 

Pour Teûsemble du moyeo âge le plan et quelques-unB des loité- 
riaux *run travail analogue à celui de M, P> avaient été louroia par 
M.E. Wâd@teiQ,auxpp,8U15S de son livre: Die eschalotogische [detn- 
gruppe (1876. Leipzig] et M, Preuss le cite défi Tavant* propos du &.m* 
Mais M. Wadstein s'arrêtait aux premiers temps de la Réforme, et aa 
contraire M. P. place Luther « îm Ort lichen und geistîgen MtttelpunkU 
dièses An ti christ bûches s. Les attaches médiévales du réformateur y soot 
montrées sans altéouation : on a même cru remarquer chei M. P. une 
indulgence non dissimulée pour les systèmes de polémique par allusiom 
apocalyptiques que Luther employa après et avant tant de cantrover* 
gîstes hétérodoxes ou orthodoxes (c. r. par M. Loisy, dans Hev* CfU.f 
U LXIir, p, 541). I 

Le livre de M, Preuss est incontestablement l'œuvre d'un érudittrèt 
eûr : le nombre de documents nouveaux mis au jour est des plus reî* 
pectables : Malvenda disait : « innumeros de Antichristo scripsisfe »: 
M. P. en a donné une h'ste encore sensiblement au^menti§«. Reste à savdr 
ai le sujet méritait cet effort ; k conception luthérienne de TAntechnst 
postérieurement à t'Opérai, in Aa/moj est aussi stagnante que p08* 
sihle. M, P. Ta suivie dans Tœuvre tout entière du réformateur, et si Vm 
en excepte des différences dlntensité qui tiennent surtout à s^a sitoi- 
tion personnelle vis-à-vis de la papauté à partir de 1517, Luther enseigne 
sans se lasser Tidentité du Pape et de F Antéchrist; les variations dé $ 
doctrine — ei tant est qu'il y ait ici autre chose qu'un h poncif « à 
polémique — ne tiennent qu'à T introduction intermittente dans sob 
système eschato logique du t Turc », cest*à*dire de PAntéchrisi 
second. 

C'est en effet un des points sur lesquels il nous parait que M. R 
n'a pas sut Qsam ment insisté* Authentique ou non, le propos rapporté 
dans les Tkchreden est dans la réalité de l'eschatologie luthérienne 
€ L'esprit ou l'âme de l'Antéchrist est le pape, sa chair ou son corp 
est le Turc. « Nous y voyons la double distinction traditionnelle entre 
rAntéchrisL historique et l'Antéchrist mystique d'une part, entre TAnté* 
christ oriental et l'Antéchrist occidental de Tautre, Nous aurions facile- 
ment à reprocher à M. P» d'avoir négligé de rattacher Luther par ce 
lien de plus au moyen âge : Luther tient, dans son système apocalyp- 
tique, autant de Joachim de Flore et des Joachimites que de l'école 
hussite. C*est Pierre Jean Olivi qui met en honneur le commode 
dédoublement de la personne de rAntichrist : 1* anticbristus mystictn 
zz généralement le pape, ou la papauté abstraite : 2° antichri&tus lïiagiiM 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 425 

z= Tenapereur Frédéric II redivivus ou tel autre persécuteur insigne. C'est 
Joachin) de Flore qui replace dans la tradition de l'apocalyptique mé- 
diévale cette idée du double Antéchrist, oriental ou occidental, si frap- 
pante chez les Africains, surtout Commodien et Lactance, M. P. n'a 
consacré qu'une page (p. 81) à la question de l'Antéchrist — Mahomet, et 
encore n'a-t-il guère ajouté à ce qu'en avait dit M. Wadstein [op, cit. y 
p. 125) et M. Bousset (op. cit. y p. 79 et 86). Que l'influence d'Alvare 
de Cordoue et de son Indiculus Luminosus soit éteinte au xvi* siècle, 
nous ne saurions raisonnablement le contester, mais il y a eu chez 
Joachim, chez Télesphore de Gosenze, chez Jean de la Rochetaillade, 
chez presque tous les apocalypticiens méridionaux des étapes intéres- 
santes de la tradition jusqu'au xv* siècle. De même n'est-il pas possible 
de suivre au delà de Luther cette croyance de coopération entre le Pape 
et le Turc? Dans sa traduction française des Tischreden^ le bibliographe 
Brunet signalait un livre de Mathieu Sutliwe, paru à Londres en 1604 
et intitulé : De Turco-Papismo^ hoc est de Turcorum et Papistorum 
Christi adversus Christi Ecclesiam et fidem conjuratione. Hypothèse 
sous toute réserve : il se peut que nous ne trouvions ici qu'un effet en 
retour de l'accusation, traditionnelle anssi, de complicité avec les 
Sarrazins, portée par l'orthodoxie médiévale contre plusieurs groupes 
hérétiques en particulier contre les Cathares. 

P. Alphandéry. 



C. CoiGNET. — L'évolution du protestantisme français 
au xix« siècle. — Paris, Félix Alcan, 1908, in-18, 172 p. 

Dans ce volume de la Bibliothèque de philosophie contemporaine^ 
M«« Goignet a essayé de retracer en raccourci l'histoire des destinées 
extérieures et du développement intérieur du protestantisme français 
au siècle dernier et à l'aurore du nôtre, c'est-à-dire depuis le décret de 
germinal de l'an X, jusqu'à la séparation de TËglise et de l'État en 
1906, et jusqu'aux Synodes de Reims, de Montpellier et de Jarnac. Elle 
l'a fait dans un esprit très sympathique aux tendances d'émancipation 
religieuse, hostiles à tout joug ecclésiastique et confessionnel. Elle a 
mis beaucoup de bon vouloir dans son effort d'être équitable à l'égard 
de toutes les nuances du protestantisme français, de les comprendre et 
d'exposer leurs principes sans parti pris personnel. On peut dire que 



a£Vfi£ t>E mi^ramK des religions 




dânâ soD ensemble^ et bien qui! soft un peu 
i*340t ée¥ii«ées dates et des faits, qu'il plane parfois un peu 
k» CfMres abstraites, fournira att grand public des rtum- 
Eiombreui et des aperçus sommaires asseï exacts pour 
iiisrU la cunoaiié de la très petite minorité de ce piiblic 
^pâl i sèment à de pareils problèmes, 

Sins iiiiitt«, SI loQ devait juger ce volume O0mine œuvre striclemeûl 
«iillttiâ^iie, il y aurait des réserves à faire en plus d'un endroit. Selon 
Iwr ^ul de vue, les critiques trouveront que telle série de faits est 
%ri|^ jtcventuée» telle autre trop efTacée dans la récît^ que telles iodivi- 
#Mi '^^2 insignifiantes au fondront été placées trop en vedette, 

4^l|j. I riinfnure* assurément plus marqua nt-^s <ian^ IVvohttv'fi de 

li MJMoe théologique au xix* dècle, hissées entièrem^nl de cdiè. Je 
«i^iioiMe d'en dter un exemple qui me tondie^d'tSMa près, et je prie 
ma keteors de croire que ce n'est pas seulement par aflEaetion filiale, 
WêêIê par devoir d'historien, que je regrette que le nom de edui qui fut, 
IMa oontaste possible, l'initiateor du grand moiriremént de la seience 
tMolofiqae au sein du protestantisme CrançsJs, vers 1850, que le nom 
d^&douard Rebss ne soit nommé qu'une seule fois, toat en passant, 
4êM une note, sur la même ligne que MM. Bu<d>, Trottet, Ensfield, 
Qndel et autres notoriétés inconnues. H l'est après Golani ti Schérer, 
fui tereut assurémoit des élèves hors ligne, n^ais mfin des élèves 
aYérte et reconnaissants d'un maître dont l'enseignement, à Strasbourg, 
remonte plus haut que la Révolution de Juillet et se prolongea durant 
soixante années. Dans un livre où Ton mentionne jusqu'à la thèse de 
baohelier de M. Âthanase Coquerel père, il est assez étrange qu'on ne 
cit0 pas au moins, en note, V Histoire de la théologie chrétienne au 
si^h apostoliquej qui eut trois éditions successives, fait alors inouï 
dans la France du second Empire, et qui fut le premier travail original 
dVxégèse biblique publié chez nous depuis la Révocation. Il me semble 
^U0 rédition monumentale des Œuvres de Calvin, que la traduction 
0(U«iplète de la Bibles avec commentaires, auraient aussi pu figurer 
\HMUiua des faits dignes d'être mentionnés en passant, dans une histoire 
du d^yelopppement interne des Églises protestantes de France. Assuré- 
lu^t on n*y rencontre pas de spéculations métaphysiques ; mais il ne 
^^'^1 \>9kf^ prouvé, le moins du monde, que la métaphysique soit la 
oUv>tNk la plus essentielle pour la vie d'une Église. 

O^^nt a\ix conclusions de l'auteur sur la fraternisation future de 
|^^^^ l^ l'sligionsdans une aspiration commune vers l'Infini, nous les 



ANALYSES EN COMPTES-RENDUS 427 

saluons volontiers avec toute la sympathie qu'on doit à de beaux rêves 
idéalistes. Mais quand on voit combien peu cet appel à la fraternité a 
trouvé jusqu'ici d'écho dans le sein du seul protestantisme français 
contemporain, malgré les concessions douloureuses et presque humi- 
liantes que les libéraux ont faites à l'orthodoxie, dans leur désir 
d'union ; quand on voit comment l'intransigeance altière de celle-ci 
s'accentue à mesure que des sacrifices nouveaux sont consentis par 
ceux-là, on renonce à poursuivre de pareilles chimères. On remet tout 
au moins à des siècles futurs le baiser Lamourette, plus impossible 
encore, qu'on nous propose d'échanger non seulement entre protestants 
et catholiques, mais encore avec toutes les autres religions spiritua- 
listes d'Orient et d'Occident. Les hommes ne seront plus de simples 
humains le jour où ils s'entendront sur un pareil programme et c'est 
tout au plus dans l'au-delà des existences futures, libérées de la gan- 
gue terrestre, qu'on peut espérer voir se produire cet accord- parfait des 
âmes religieuses, pieusement rêvé par M°^^ Coignet^ 

Roo. Reuss. 



Henry Lehr (pasteur à Chartres). — Les Protestants d'autre- 
fois. Sur mer et outre-mer. — Paris, Fischbacher, 1907, xi- 
402 p., in-18. 

Sous ce titre collectif, Les Protestants d'autrefois^ M. Paul de Félice 

1) Voici quelques petites corrections de détail : P. 34, lire Marron pour 
Mouron. — P. 57 1. Von der GoUz p. Gotz. — P. 78, 1. Ginguené p. Guin- 
guené. — P. 119. Le pays de Montbéliard ne fut pas annexé par Louis. XIV, 
mais au cours de la Révolution, en 1792. — P. 121. La Revue de Strasbourg 
n'a pas été une cause du développement théologique de 1850, mais la résul- 
tante du mouvement théologique antérieur, dans l'Alsace protestante. — 
P. 122. L'auteur a peut-être tort d'insister tant sur la « tolérante fraternité » 
des luthériens français, après 1870, en l'opposant aux querelles des réformés 
de notre pays. Elle s'explique par le simple fait que les éléments libéraux 
avaient tous disparu de l'Église de la confession d'Augsbourg,par le fait de l'an- 
nexion de l'Alsace et la disparition progressive de ceux qui subsistaient dans 
^inspection de Montbéliard. Le mouvement fidéiste, si intéressant, qui se rat- 
tache au nom de M. le professeur Ménégoz (et dont l'auteur ne dit rien d'ailleurs) 
ne s'est produit que bien des années plus tard, et dès ce moment la « fraternité 
tolérante » a fait place aux mêmes dissensions entre intransigeants et modérés. 
Pi 145, 1. Massebiau p. Massebau. 



428 REVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

avait entrepris de nous retracer, il y a quelques années, le tableau de la 
France protestante au xvi« et surtout au xvii* siècle. Il nous avait 
dépeint, en quatre volumes, l'existence quotidienne des huguenots, 
leur vie sociale, leur organisation religieuse, leurs œuvres charitables, 
, leurs académies et leurs écoles. Élargissant quelque peu ce cadre pri- 
mitif, purement civil et ecclésiastique, rt. Henry Lehr avait ajouté 
d'abord à la série déjà parue un volume spécial sur la vie et les insti- 
tutions militaires des huguenots ; il vient y joindre un second, qui les 
suit sur les mers. Il nous les montre commerçants hardis et entendus^ 
capitaines et matelots intrépides, explorateurs et colonisateurs d'outre- 
mer. Son travail se partage, en effet, en trois livres. Le premier est 
consacré à la marine de commerce. L'auteur nous y décrit ports et 
navires, armateurs et commerçants huguenots ; il nous dit les us et 
coutumes de cette population spéciale des côtes de l'Atlantique, ses 
destinées plutôt pénibles au cours des persécutions, avant et après la 
révocation de TÉdit de Nantes. Le second livre s'occupe de la marine de 
guerre, en tant qu'elle se rattache, directement ou indirectement, à 
l'histoire du protestantisme français. Dans le chapitre Flottes et Cor- 
saires huguenots, nous voyons les Rochelois courir les mers et com- 
battre leurs ennemis espagnols ou anglais, parfois aussi le pavillon 
royal Je France*. Le second. Au service du Roi, nous énumère les 
capitaines protestants de la flotte de Louis XIV, les Abraham Duquesne, 
les Gabaret, les Chadeau de la Clocheterie, les Lamotte-Michel, etc., 
jusqu'au moment où, là aussi, la Révocation raie des cadres de la marine 
royale bon nombre de braves oliiciers ou les oblige à une abjuration 
plus ou moins sincère. Un troisième chapitre entin nous raconte les 
souffrances des huguenots^ martyrs de leur foi, sur les galères. Dans 
son troisième livre, l'auteur s'occupe des voyageurs et colonisateurs 
prolestants, du xvr au xviii* siècle. 11 nous en fait connaître de tout 
genre; des touristes amateurs comme Jacques Misson ; des profession- 
nels célèbres comme Jean Chardin et Jean-Baptiste Tavernier; des 
conquistadoresy assez peu huguenots en détinitive, comme Durand de 
Villegagnon ; des ofUciers de fortune comme de Hùgel ; des naufragés 



1) Ils n'ont pas été toujours d'un loyalisme aussi imperturbable que paraît le 
croire M. L. ii me semble qu'on peut l'avouer d'autant pius franchement qu'il 
y avail bien des ciri'on^l.mces aLt''nuantes et que les calholiques, eux aussi, 
depuis Id Lijue, jusqu'au ^rani Condé, ne ::e sunl pas lait faute de tirer le 
canon contre i\icnuard royal. 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 429 

comme Léguât; des administrateurs malencontreux comme Jean 
Ribaut en Floride, Promis à Madagascar, etc. 

M. H. Lehr a bien évidemment fait son possible pour nous donner 
un tableau complet de la vie maritime et de l'activité d'outre-mer ^(33 
protestants de France, durant les deux derniers siècles et demi de Fàn- 
cien régime. Il a puisé beaucoup de renseignements intéressants et 
nouveaux dans certains dépôts d'archives de Paris et dans celles de la 
Charente-Inférieure; il a lu et dépouillé consciencieusement la littérature 
imprimée et nous lui devons une sérieuse reconnaissance pour cet effort 
intelligent et soutenu. Si cependant il n'a pas tout à fait réussi à satis- 
faire notre sens critique, si nous éprouvons un peu de peine, parfois, à 
le suivre sans cesse d'un bout du monde à l'autre, c'est avant tout à 
l'agencement du plan de son livre qu'il faut l'attribuer. Et encore, ce 
n'est pas tant l'auteur lui-même que son sujet, qu'il faudrait mettre en 
cause; celui-ci ne présente en effet aucune unité réelle et l'attention du 
lecteur, sollicitée de trop de côtés divers, s'éparpille et se relâche. 

M. L. avait conçu d'abord, parait-il, le plan de son ouvrage d'une 
façon plus restreinte et plus simple ; il voulait faire de La Rochelle le 
centre même de son étude, et cela s'entendait, pour ainsi dire, de soi- 
même. Ce port, si important au xvi^ , au xvii<* et même encore au xvui" 
siècle, est en effet le seul de France qui ait eu, longtemps, une physio- 
nomie nettement huguenote, et qui l'ait conservée, même après le siège 
de 1628. Il y eut sans doute des armateurs et des capitaines huguenots 
à Dieppe et au Havre, à Bordeaux et à Marseille, mais nous n'en savons 
pas grand'chose; l'auteur aurait donc dû retrancher résolument de ses 
matériaux tout ce qui ne touchait pas à son port d'attache, sauf à les 
donner en appendice ou notes séparées s'il les jugeait assez importants 
pour cela*. Il aurait dû écarter également, à mon avis, tout ce qui, dans 
sa troisième partie, se rapporte aux simples Voyageurs, Je comprends 
fort bien qu'il ait été tenté de nous montrer l'esprit d'inve&tigation^ le 
désir de connaître, le besoin d'agir, qui distinguaient en des siècles si 
sédentaires, certains représentants de la mentalité huguenote; ces dis- 
positions naturelles, jointes au malaise croissant, amené par des chicanes 
quotidiennes qui restreignaient leur champ d'activité dans la plupart des 

1) S'il ne voulait pas enlièrement réliminer, M. L. aurait aussi mieux fait 
de mettre en appendice, comme étude spéciale, le chapitre sur les galériens, 
puisqu'il n*y eut pas de galères dans TAtlantique, et que d'ailleurs, le sujet a 
été si souvent déjà traité (l'ouvrage d'Athanase Coquerel fils, cité page 227, 
n'est pas intitulé les Martyrs pour la foi, mais les Forçais pmr la foi). 

29 



430 nEVCE DE L'HISTOIRE DES RELIGIONS 

professions libéraleâ, ont certaiaâaient déterminé beaucoup de prolra^ 
tanls français à chercher au dehors dei occupatioas qu'ils ne trouvai^t 
plus que dilMlement au dedans. Mais il y aurait eu ta matière à tout 
un volume spécial» ca qui lui aurait permis de développer davantage &es 
notices biographiques et de nous faire suivre avec plus de détails un 
Chardin^ un Tavemieri un La Mottraye en Perse^ aux Indes et jus- 
qu'aux frontières de la Chine, 

Il y a parfois^ aussi un certain flottement, si je puis dire, dans le cadre 
que rauteur a pourtant dressé lui-même ; tet fait cité au troisième cha* 
pitre du premier livre (sur le commerce de Barbarie, sur les négriers, 
etc.], est de même nature que ceui qae nous retrouvons au troisième 
livre (chapitres 12 et 13) ; te) autre du même chapitre (corsaires) serait 
aussi bien à sa place au chapitre premier du livre il {Marine de guerre). 

Malgré ces légers défauts de construction, que je n'ai pas cru devoir 
celer, rédiUce élevé par M. Henri Lehr à Thonueurdes marins, d^ com- 
merçants et des explorateurs huguenots des siècles passés sera le bien 
venu, car il rappelle à ses compatriotes et à ses coreligionnaires bien dei 
faits oubliés mais méritant de revivre, bien des hommes de valeur aussi, 
qui ont fait également honneur à la Réforme et à Ténergie française. 

ROD. Reuss. 



I 



Kakl Beth. — Die Moderne und die Priazipiea der Théo- 
logie. Un vol. in-S» de iv et 347 pages. — Berlin, Trowitzsch & 

Sohn. 1907. 

11 existe en Allemagne tout un grand courant théologîque, compre- 
nant plusieurs écoles diverses, que Ton a pris l'habitude de désigner 
par Tépithète de « moderne n, sans que l'on puisse savoir au juste 
quelle est Torigine de cette désignation. Il semble qu'elle ait été d'a- 
bord appliquée à ces théologiens par leurs adversaires conservateui^ 
pour les signaler à la déllance des troupeaux; mais bientôt tes inté- 
ressés, comprenant le prestige qu'ils pouvaient en retirer, acceptèrent 
avec empressement cette épitbète naguère injurieuse, et s'intitulèrent 
d'autant plus volontiers « modernes " qu'ils préféraient encore ce 
litre à celui, vraiment trop décrié de a libéral ». Ce litre commun 
donna aux chercheurs indépendants le sentiment de leur unité fon- 
cière; pour avoir parlé avant sa naissance d'une théologie moderne» on 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 431 

la fit naître, et Phistoire d'un mot se trouva ainsi devenir l'histoire d'une 
chose. 

Mais voici que bientôt se forma, parmi les théologiens les plus con- 
servateurs eux-mêmes, une école qui voulut, elle aussi, revendiquer le 
titre de moderne, sans se confondre pour cela avec l'école c dite » 
moderne; elle prit le nom de « théologie positive moderne ». Le pro- 
fesseur Beth, de Vienne, auteur du livre que nous analysons ici, est un 
des principaux champions de cette école, et son ouvrage en est un des 
manifestes les plus précis. 

Le premier soin de l'auteur devait être naturellement de nous faire 
savoir — puisque la chose est nouvelle encore — ce que c'est que la 
« théologie positive moderne ». Je crains qu'il n'y ait pas entièrement 
réussi, peut-être parce que ses explications sont encore plus claires que 
leur objet. La théologie positive moderne se distingue-t-ellede la théo- 
logie simplement moderne par ses principes ou par ses résultats? C'est 
ce qu'il est impossible de savoir. Elle est positive, nous dit l'auteur, 
non parce qu'elle partage les idées du parti ecclésiastique qui porte ce 
nom (le parti conservateur qui se dit « positif » parce qu'il trouve l'autre 
< négatif »), mais parce qu'elle a, comme les autres sciences positives, 
un objet donné ; cet objet c'est le christianisme considéré comme une 
révélation divine. « C'est, écrit-il page 17, une tendance scientifique, 
qui se distingue par une présupposition (Voraussetzung) déterminée » ; 
cette présupposition, c'est (p. 11) c que la science théologique n'a à 
découvrir ni religion ni vérité religieuse, l'une et l'autre étant don- 
nées. Le concept de théologie positive est analogue à celui de « science 
positive ». Voilà qui est clair. — Mais à peine l'auteur a-t-il cherché à 
fonder ainsi l'originalité de la théologie qu'il professe sur une distinc- 
tion de principe (avec quel succès, nous n'avons pas à l'examiner dans 
une c revue d'histoire »), qu'il écrit (p. 18) : « La théologie positive 
est celle qui, dans ses recherches, arrive à ce résultat... que le chris- 
tianisme est la religion fondée par la révélation surnaturelle de Dieu 
en Jésus-Christ, nous offre par conséquent la vérité religieuse tout 
entière, et porte en elle tous les principes nécessaires à une exacte con- 
ception du monde et de la vie ; — et cela parce que Jésus était le 
Verbe de Dieu incarné, et qu'il vit et règne pour l'éternité » ; et il s'ap- 
proprie la parole de Seeberg, son compagnon d'armes : « Nous pensons 
en hommes modernes, et nous aboutissons à des résultats positifs ». 11 
est facile de voir en lisant le volume comment les deux formules se 
rejoignent : la théologie moderne s'interdit de mettre en question la 



432 HE VUE DE LHISTOIUK DES RELIGIONS 

divinité du christiarnsme (elle ae distingue donc pas cette prt^upposi- 
lioiî) et natureltement elle ahoulit ensuite aux résultais Iradiliotiûels 
(œ qui la distingue des théologies modernes). 11 est peut-être permis^ 
sans sortir de l'iniparlialilé qui s'impose ici, de demander jusqu'à quel 
point il est sdenlitiqiiej soit de mettre à part certains probtènaes décla- 
rés intangibles, soit de définir une rechercbe par ses résultais. 

Il nous reste à voir, pour situer exactement la théologie positif e 
moderne dans le dédale des conceptions religieuses contemporaines, 
en quoi elle se distingue des autres thijologies positives. Gela se dit en 
deux mots : parce qu'elle comprend la nécessité de se renouveler en 
harmonie avec les tendances profondes de l'esprit moderne ^de là le 
titre du livre). 

L'an leur est donc amené à étudier Tesprit moderne, et cela lui four- 
nit (ch. 11) les meilleures pages de son livre. Un peu verbeuses et dil- 
fuses, elles sont |tou riant singulièrement suggestives, ces pages daos 
lesquelles M, Belb dêlermine, à côté des cour«mls acces&oires, les deux 
tendances dominantes de Tesprit moderne : l'individualisme et le sens 
du réeh 11 en cherche ensuite IWigine, et en poursuit les manifesta^ 
lions originelles jusqu'à l'époque de la Renaissance. 

Il y a là, àcôté d'une information très riche et très sûre, un sens très 
vif de la réalité historique* L'évolution de Tespril moderne sur le terrain 
religieux y est notée de façon très heureuse, et ce chapitre suffirait, à lui 
seul, à expliquer l'envoi de ce livre à notre Revue. 

Dans les deux derniers chapitres, l'auteur traite de rappiicatioo dea 
principes ci-dessus. Il examine (cb. 111) Tusage qu'en ont fait Sf s pré- 
décesseurs (Seeherg, Tb. Kaftan et Grûtzmacber) et montre envers 
queîques-uns d'entre eux une bienveillance qui n'a rien d'excessif. Enfin 
(cb. IV) il applique ses propres principes aux gr;inds problèmes théo- 
logiques du moment. Ces chapitres, que nous n'analyserons pas ici^ 
nous ont paru remarquables surtout par des aperçus historiques ingé- 
nieux, par exemple la remarque que fait Fauteur au sujet de la concep- 
tion vulgaire d'une humanité tout entière privée de Dieu sauf pour ceux 
qui ont été à l'école de l'Ancien ou du Nouveau Testament. Il observe 
très justement que ce n'est là ni Tidée de Jésus, ni celle de Paul, mais 
plutôt celle de TAncien Testament (p. 341). 

Si nous devions formuler ici une critique dWdre général au sujet du 
livre de iM. K. Belh, elle porterait sur ïe défaut d'ordre et de composi- 
tion. Non seulement le style est lourd et diffus, non seulement chaque 
chapitre pourrait être allégé d'un bon nombre de pages, mais ce défaut 



X 



ANALYSES ET COMPTES-RENDUS 433 

prend parfois des proportions inquiétantes. Sur les 26 pages que l'au- 
teur consacre à la détermination des facteurs essentiels de l'esprit mo- 
derne, il y en a 13 qui ne traitent que de la façon dont il ne faut pas 
poser le problème. C'est vraiment un peu trop. Il y a plus ; la matière 
même du livre est assez mal distribuée. Après les considérations de 
principe du début sur les caractères de la théologie « moderne » et de 
la théologie « positive moderne », la matière devrait être épuisée, — elle 
Test même en réalité — et c*est avec étonnement que Ton retrouve au 
début duchapitre III près de vingt pages consacrées encore au même 
sujet. 

Enfin le lecteur français ne s'habituera jamais à voir un ouvrage se 
terminer par des considérations sur une question de détail, sans qu'une 
conclusion générale soit là pour résumer les données essentielles et for- 
muler les conclusions; — déficit particulièrement choquant lorsqu'il 
s'agit d'un livre sur « les principes ». 

Malgré ces réserves qui s'imposent, l'œuvre du professeur Beth est des 
plus suggestives et témoigne éloquemment de la puissance du mouve- 
ment moderne, même dans les milieux les plus consciemment conser- 
vateurs. 

A.-N. Bertrand. 




PtTT.H Thqmsxiv. — Syftematîscîie Bibliographie der Palàstina-Liio- 
ratur. L Batid i 895-190 L Un voï, in-B" de iv^203 pages. — Leipzig el 
New- York, Rudolf Haupt, 1908. L' auteur de» toca samta a entrepris de COB- 
tinuer la bîblmff^raphîe ftysl*^mftlique qu'il <îonnê© jusqti'en 1894 la Zeît$ûhrift 
des Deuî&chen Faïdstina* Vertim, Le premier volume qui vient de paraître 
embrasse une période de dis ane, mats on compte publier les suiraots loui 
Jes cinq ans* En voici ks grandes diïisîons : Générdilés, Histoire^ Géog^rapMe 
hîHlonque et topographique. Archéologie* Nouvelles découvertes archéoJo^ 
giques, Palestine moderne. Géographie ► Les subdivisions contiennent pîuaïéurs 
paragraphes intpreseanl les études sur les religions. Cette publication rendra 
des services et permettra de &*orienter rap dément danf 1© (iédale de» publica- 
tions. Pour donner une idée du labeur qu'a assumé rauteur, il suffira d'indi- 
quer qu*il a dû dépouiller 187 périodiques différents. Son désir est, dans les 
volumes sui vanta ^ de donner, en quelques mots ajoutés à la mention du titre, 
une indication substantielle sur le contenu, A cet effet, il adresse un appel aux 
auteurs pour recevoir d'eux, Christ ianstrasae 37, à Dresde, lears pablicatioiis 
qui touchent à. la Faleatine ancienne ou moderne» 

H. DUBSAUD. 

L. KiiAPp. Tbeologie niid G«burtsblîfe nack Cangiamlla's Sacrt 
EmbHologla mît ftktuellen Berne rkun^en. Prag, 1908. ^ M, Knapp 
a voulu, non pas donner une nouvelle édition du traité de Gangiamila « Sacra 
EmbryoTogia >», mais liîen donner un exposé, un peu complété^ des questions 
soulevées par C. et des Bolutions proposées. 

Toutes les questions que pose la théologie à propos de la coneeption, de la 
gestation et de Taceouchement se rapportent à Texistence de rame du fœtus 
au péché originel et au baptême qui T efface. 

Admettant Vanimatio du fœtus dès la conception, C. recommande de tou- 
jours procéder au baptême. Pour y arriver il faudra extraire le foetu» du corps 
de la mère morte, même procéder du vivant de la mère à Topération eésa^ 
rien ne, si Taecouchement normal est impossible et si Topé ration ne doit pas 
entraîner d'une façon certaine la mort de la mère. 
l Tant que le foetus n'est pas venu au jour, îe rituel romain défend de le bap- 

tiser. Mais cette interdiction soulevait les scrupules de bien de sthéologtena et 
beaucoup recommandent le haptéme même dans le ventre de la mère âa 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES j 435 

moment que Tod peut atteindre le fœtus avec la main ou avec un instrument 
spécial. 

L'ouvrage est comme on le voit moins consacré à la discussion de problèmes 
tbéologiques qu'à Texposé des conséquences pratiques qui résultent des solu- 
tions théologiques acceptées. L'auteur l'avait écrit pour Tinslruction des 
médecins, des prêtres et des sages-femmes. 

R. Genbstal. 

G. Mau. Die Religionsphilosophie Kaiser Jnlians in seinen Reden 
auf Kônig Helios und die Gôttermutler. Leipzig, Teubner, 1908, un vol. 8» de 
vni-170p. — M. M. a surtout donné une analyse des deux discours de Julien 
sur le Soleil et sur la Mère des dieux; mais cette analyse est enrichie d'un 
commentaire qui rend compte de toutes les influences philosophiques mani- 
festes dans ces deux dissertations. Le néoplatonisme y est constamment per- 
ceptible : Jamblique et Porphyre surtout, et Plotin à un degré moindre ont eu 
part à la formation de la symbolique peu cohérente que Julien a substituée à 
la fable orientale primitive. M. M. ne nie pas cependant la part du stoïcisme 
dans la métaphysique de Tempereur philosophe. La religion quMl a prétendu 
créer a aussi subi des influences mithriaques assez sensibles notamment dans 
sa liturgie : son culte d'Hélios a toutefois, par ses bases doctrinales emprun- 
tées à Jamblique, des prétentions plus marquées que le mithriacisme à un 
panthéisme solaire.' 

P. Alphandéry. 

H. d'Arbois db Jubainvillb. Tâin bô Oûalnge. Enlèvement [da tan- 
reaii divin et] des vaches de Gooley. Traduction. Première livraison 
publiée avec la collaboration de M. A. Smirnof. Paris, H. Champion, 1907, 
un fasc. 8* de 83 pages. — Nous avons eu plusieurs fois, en résumant ce qui 
dans les communications à PAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres nous 
paraît intéresser nos études, Toccasion de rapporter les solutions proposées 
par M. d*A. de J. à divers problèmes de mythologie celtique à propos du 
Tàin bô Cûalnge. M. d'A. de J. propose d'identifier Cuchulin au bûcheron 
figuré sur les bas-reliefs de Paris et de Trêves, le dieu Lug au Mercure des 
bas-reliefs gaulois, et Dond de Cuainge au Tarvos Trigaranos du Musée de 
Gluny. Dans l'introduction copieuse qu'il a placée en tète de ce premier fasc. 
de sa traduction, il ajoute à ces hypothèses quelques ingénieux rapproche- 
ments entre Cuchulin et les Cyclopes grecs, le Taureau de Cooley et le Mino - 
taure. 

Cette introduction contient en outre, pour l'histoire de la religion celtique, 
des études sur les procédés de divination dans la religion druidique et de nou- 
velles considérations sur le rôle de de la confrérie des filid pour la constitu- 
tion du trésor épique du monde celte. 

P. A. 



RETTTB BIT L'HfKTOTBE DÈS BELTCTONS 

R. P. Delattre. L© ctdtd de la Sainte Vierg© ©n Afrique d^aprèt 
le» docamenti arc h ëolo iniques, Paria- Lille, Desclée, De Brouwer, l?cr;, 
un vol. 80 de vî-232 p. iliu^lré. — Le P* DelaUre imys donne ici un précveui 
relevé de toute une série rie ses dficouvÉrles. Son eîud» ge divise en deux par- 
ties : monuroenls antérieurs au vin* siècle (c-à-d^ à la desLructton de Carthagi 
par les Arabes en 698); monunients poslérieuri au vm* liède. Dan& la prt- 
roière catêg^orie se placent : un bas-relief en raarbre blanc représentant ta Vierge 
entourée de prophètes el de Tange Gabriel, un bas-relief de l^apparitinn dt 
range aux bergers, des figures d'orantes (on sait que la Vîerge dans t'art pri- 
mitif chrétien est souirent reprêseut^^e en figure d'orante, surtout sur les objfls 
de petite dimension^ bas-reiiefs, mosfttques, figures aur vases de plomb), une 
stèle funéraire carthaginoise, des st?ituette& de terre cuite représentant presi^uc 
toutes la Vierjiçe allaitant TEnfant Jésu^, ffes carreausc de terre cuite sur les* 
queÏBSont figurées des scènes de l'Ancien et du Nouveau Testament» quelques- 
ons portant une invocation à Marie: des plombs de bulles portant l'image de 
Mane avec rEnfant-Jès'iS ou en oranLe; enfin le bas -relief de Cherchell dèeou^ 
vert en 1889 représentant Tadoration des Mages et qui fait maintenant partie de» 
collections chrétiennes du Louvre. Pour la période postérieure à 698, M. D., 
après une intéressante iritrodiiclion sur le culte de la Vierge en terre africaîop, 
décrit une médaille avec invocation en arabe, une statuette de la Vierge trouvé^* 
à Tébessa, une statuette découverte dans le village de TAriana, situé au fond de 
la plaine deCarlhage; une statue de bois trouvée à la Manouha, non bin de 
Carthage, et représentant la Vierge des Sept Douleurs, et un certain nombr» 
de monnaies mariaies, monnaies d* argent de la repubhque de Gênes, Accessoï- 
rement M. Delattre donne la description et propose Torigioe d*un grand 
nombre de monutnents moins importants^ mais à Félude desquels Thislorien 
du ûhrislianisme africain trouvera sûr profit. 



Dr JoHANKEs DnEHifANîn. — Papfit Léo IX und die Simonie. £în Bei^ 
trag lur Untereucbung der Vorgeschichte des Investïturstreites, Leipzig, 
Teubner, 19Ù8» un vol. gr, 8e de iv-96 pages. — Le proresseuf Goetz de 
Tûliiogué a entrepris la publicalion^ sous le titre assurément comprèhensif de 
Beitrdge zuT Kiiilurge&chichti'. fies MitlelitUers und cffîr Renaissance^ d'une séria 
d'ouvrages qui caractérise en ses diftérenta moments h die Eutwickiung des 
geistigen Lebens dieser Zeiten ia sans pour cela se risquer dans des synthèses 
littéraires* Du prt»mier de ces livres, dû au D^ Ludwr°r Zoepf : Da^ Heitigm- 
Lehen im tO. Jakrhundert^ noua aurons bientôt ù parier plus longuement. 
Nous ne saurions manquer de sîg'naler aussi le second volume déjà paru : Papst 
Léo IX und die Simonh^ par M. Johanne.^ Drefimann. On s'est trop habitué a 
représenter Léon IX comme le docile instrument d*HiIdebrand p^jur F exécution 
de son plan de réformes. M, D, ne nie pas laide apportée par le futur Gré* 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 437 

goire VII à la vigoureuse action anlisimoniaque menée par Léon IX dès les 
premières années de son pontificat, mais il ne fait pas d'Hildebrand le promo- 
teur et le modérateur de cette action; il montre la pensée de Léon IX s'afflr- 
mant très personnelle dans une série de décisions conciliaires h partir de la 
réunion synodale de Rome en 1049. Il met aussi en relief les premières mani- 
festations d*indépendance pontificale à Tégard d*Henri III « faiseur de papes » 
et dégage ce qui, dans la lutte contre la simonie, peut être reconnu comme 
a Yorstadium » de la querelle des investitures. 

P. A. 

M. HsiirBûcHER. — Die Orden und Kongregationen der katholis- 
chen Kirche. 2« édition, considérablement modifiée. Paderborn. Fard. Schô- 
ningh, 1907, 3 vol. 8» de viii-523, vin-629, vrii-655 pages. — Ce très esti- 
mable manuel répond aux exigences de la critique moderne et n^est pas, 
comme tant d'ouvrages annoncés sous un titre analogue, un démarquage plus 
ou moins habile, mais rarement utilisable, de Pœuvre qui fit le renom de 
Pierre Helyôt. M. Heimbucher consacre le premier volume à la famille béné- 
dictine, le second aux ordres mendiants et en général à tous ceux qui suivent 
la règle de S. Augustin, le troisième à Thistoire de la Société de Jésus. Ce ne 
sont là, est-il besoin de le dire, que les grandes divisions de ce manuel; les 
plus récentes congrégations, innombrables et dont plusieurs ont déjà une his- 
toire et une action qui sollicitent l'étude impartiale, sont indiquées et leurs 
origines racontées et coordonnée?. Si les historiens qui se sont spécialisés 
dans Tétude de chaque ordre donnent à Toeuvre du Prof. Heimbucher un 
témoignage d'estime aussi complet que celui que lui adressent les érudits de 
i'ècole franciscanisante actuelle, ce livre a bien des chances de devenir clas- 
sique dans rhistoriographie religieuse. Cf. en effet Archivum Historicum 
Franciscanum Jdisc. H et III de Tannée I, pp. 449-462 Part, du P. Michal, Bibl, 
0. F. M. 

P. A. 

J. C. Broussollb. — Cours d'Instruction religieuse. La Religion et les 
Religions. Seconde partie : Les Religions. Paris, Téqui, 1909, 1 vol. in-12 
de 383 pages. — Ce livre ne dissimule pas son caractère confessionnel : «Après 
avoir parlé, dans le premier groupe de ces leçons, de la religion en général, 
puis de la religion révélée, qui seule peut être la vraie religion, c.>à-d. une 
religion divine, nous passerons rapidement en revue, dans la deuxième partie 
des cours, les autres religions. Nous les appelons, de façon générale, les 
fausses religions ». « L'histoire des religions a son intérêt et aussi son utilité, 
bien qu'elle soit quelque peu dangereuse ». Tout au long de son livre, 
M. Broussolle s'occupe de déterminer la valeur relative de chacune des reli- 
gions en prenant, cela s*entend, pour point de comparaison, Téthique et la 



438 REVtJE DE L'HtSTOTTtE DES RELIGTOKS 

métaphysique de l'Église catholique* Dans une de cee religions il découvre « un 

cerlain ponolbéismç m, une u morale individuelle qui no os étonne pat la pureté 

de ses manifestations », dans une autre « une incobèrsnce dogmatique m qui 

aboutit au « scepticisme v etc. Méthode toute subjective, réunion d'arguments 

d'apologétrque, mais qui témoignent de lectures très vastes et tout à fait au 

Goufant de la littérature scientifique. 

P. A. 



D, HaMBi QïiKî(Tm, bénédictin de Soleames. — liOt martyrologes hlfto- 
rîqnes du moyen Âge^ Etude sur la formatioEi du martyrologe romain, — 
Parie J. Gabaîda. i908. 1 vol. 8«» dexiv-74( pages. — Ce lîirre fournira on 
excellent instrument aux recherches poursuivies dorénavant sur Thagiographie 
du haut moyen-%e. M. H, Q. résume ainsi les résultats nouveaux auxquels il est 
arrivé dans ses recherches sur les sources d*Usuard : k Les exemplaires de 
Fceavre de Bède ont été divisât en deux familles distinctes; nous avons mis an 
jour le martyrologe lyonnais du ms, latin 3879 de la Bibliothèque Natiooalej 
reconnu le martyrologe attribué par Adon et Usuard à Fîorus de Lyon, et 
constaté qu'il en avait exista au moins trois états successirs, La connaissance 
du martyrologe de Florus une fois acquise, il nous a été possible de eritî^^uer 
avec sûreté le singulier document connu âous le nom de Petit Romain et nous 
favons restitué à son véritable auteur qui n'est autre qu'A don de Vienne. En- 
fin, nous avons établi Texistence de trois éditions successives de l'ouvrage 
d^Adon lui-même ». Se plaçant à un point de vue strictement scientifique. M,. 
Hp Q. donne de l'oeuvre de Bède, des hagiograpbes lyonnais, d'Adon de Vienne, 
des analyses critiques qui paraissent définUives, Au point de vue de rhistoire 
des idées religieuses retenons ce résultat : Benoit XIV, traitant de rinfaillibilité 
des Souverains Pontifes dans les sentences de canonisation, afHrmeque IHnfail* 
libihté du jugement pontiBcaî n^est engagée par l'insertion de noms de saints 
au martyrologe romain que dans le cas de canonisation proprement dite* Or les 
recherches de M, Quentin lui permettent d'aller plus loin encore : «t Le dernier 
caractère qui en ressort pour nos textes, caractère qui cette fois s'applique à tous 
sans exception, est précisément celui d'être des «ouvres essentiellement privées. 
Non seulement rautorité pontificale, mais les autorités épiscopales ellea-mèmes 
ne sont jamais intervenues pour diriger les choix des compilateurs.,. Chaque 
rédacteur garde son entière liberté pour Télection des personnages qu'il jugea 
propos d'insérer dans son œuvre. Assurément, dans beaucoup de cas, le saint 
ainsi introduit ^ d'autorité privée, dans îe livre qui va chaque jour grossissanif 
est déjà en possession d'un culte régulier, mais il y en a d'autres sussi où le 
rédacteur cherche avant tout à combler tant bien que mai un jour demeuré vide 
et où il n'a d*autrft source qu'un récit sans valeur, ou même, si l'on veut, une 
source historique, mais insuffisante pour permettre d'affirmer la réalité du culte » 

(pp. 688-89). 

P. A. 



I 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 439 

Bibliographie nationale snisse. Fasc. V, 10« S. «^ Oonf#88ion iaraé- 
lite et la question des Juifs. — Berne. K. J. Wyss. 1907. 1 vol. 8* de 
yiii-104 pages. — Nous avons eu récemment (Revue, t. LVIII, p. 152) Toccasion 
de signaler à nos lecteurs la très utile v Bibliographie nationale suisse » à propos 
d*un important fascicule de cette collection, dû à M. le prof. Fr. Heinemann, 
de Zurich, et consacré à la littérature relative aux groupes hétérodoxes et au 
pouvoir coercitif de TËglise en Suisse. Le présent fascicule, sensiblement moins 
considérable, a été rédigé par le « Bureau de la Commission centrale pour la bi- 
bliographie suisse », mais les auteurs nous avertissent, dans TAvant-propos, du 
concours efficace qu'ils ont reçu, pour la constitution de cette bibliographie» 
de M. le grand rabbin Wertheimer. Tout ce qui concerne rétablissement et la 
situation actuelle des Israélites dans les cantons suisses est catalogué avec un 
soin méticuleux ; de môme pour les livres ou brochures ayant trait à Tantisé- 
mitisme ou au sionisme; mais ce petit volume, qui ne se donne que pour 
une bibliographie locale, a des richesses inattendues : les sémitisants y trou- 
veront un bon relevé des publications parues en Suisse sur la religion an- 
cienne d'Israël, et cette liste est assez copieusç, vu l'importance de la seule 
activité historique et exégétique de Genève, de Zurich ou de B&le (v. surtout 
pp. 33-40). 

P. A. 



CHRONIQUE 



NÉCROLOGIE 

V. Fausbôll. — L'éminent orientaliste danois s'est éteint le 3 juin dernier à 
Copenhague, âgé de 87 ans. Nous empruntons au Journal Asiatique (sept.- 
oct. 1908) les termes de cette note biographique. Né le 22 septembre 1821, 
Fausbôll étudia d'abord la théologie, mais il ne tarda pas à se tourner vers U 
philologie iranienne. Après avoir appris le sanskrit sous la direction de 
Westergaard, il s'attaqua au pâli. La Bibliothèque royale de Copenhague pos- 
sédait une riche collection de manuscrits pâlis qui lui avaient été donnés par 
Rask en 1823. Malheureusement les instruments de travail faisaient défaut et 
l'étudiant n'avait guère â sa disposition que la grammaire de Clough. Grâce à un 
travail opiniâtre, il vint à bout de toutes les difficultés, et, en 1855, il publiait 
le texte du Dhammapada avec une traduction latine. Encouragé par Childers et 
Weber, il entreprit ensuite sa magnifique édition du Jâtaka, qui parut en 
7 volumes, de 1877 à 1897. Son dernier travail fut un tableau de la mythologie 
indienne d'après le Mahdbhârata (1903). Fausbôll a été, avec Childers, le véri- 
table fondateur des études pâlîes : philologue excellent et travailleur intrépide, 
il a élevé un monument impérissable qui mérite l'admiration et la gratitude de 
tous ceux qui s'intéressent à l'indologie et à l'histoire religieuse. 

Edmond Stapfer. — M. Edmond Stapfer, doyen de la Faculté libre de théo- 
logie protestante de Paris, est mort le 13 décembre à l'âge de 65 ans. Il avait 
été élève de la Faculté de Montauban, puis avait travaillé en Allemagne auprès 
de Beck et de Tholuck. Plus théologien qu'exégète, il ne s'était essayé aux 
recherches scripturaires que dans de rares occasions ; pourtant l'une de ses 
thèses avait pour sujet la composition de l'Évangile de Marc (De extrema parte 
Evangelii Marci, Tours, 1872, 8o). Il semble d'ailleurs que toute son activité 
scientifique ait été constamment attirée par un problème unique et multiple : 
l'étude de la pensée de Jésus, tantôt étude d'analyse interne (La pensée de Je- 
sm sur ses miracles. Toulouse, 1868, S^. — Jésus de Nazareth et le développe- 
ment de sa pensée sur lui-même. Paris, 1872, 8°. — Jésus-Christ^ sa personne, 
son autorité, son œuvre. Paris, 18U6-98), tantôt étude de milieu moral et his- 
torique, de réactions du milieu sur Jésus ou de Jésus sur son milieu (Les idées 
religieuses en Palestine d l'époque de Jésus-Christ. Tours, t886. 8°. —La Pales- 
tine nu temps de Jésus-Christ d'après le i^ouveau Testament, l'historien Fia- 



CHRONIQUE 441 

vins Josèphe et les Talmuds, Paris, 1885 et 1892. 8*). — D'une extrême pais*^ 
sance de travail, il menait de front l'exercice d'un ministère pastoral actif et de 
son enseignement dogmatique. Il était entré en 1872 comme mailre de confé- 
rences à la Faculté de Théologie de Paris ; il en était élu doyen en 1902 après 
le court décanat de M. Ménégoz qui avait succédé au toujours regretté Auguste 
Sabatier. Philosophe religieux ou historien du premier christianisme, Edmond 
Stapfer ne se posa jamais en novateur; mais il défendit avec une ferme cons* 
cience et un talent solide les positions doctrinales ou scientifiques conquises 
par d'autres que par lui. 

P. A. 



DÉCOUVERTES 

Trépanation, peut-être rituelle, observée sur les momies royales en Egypte. 
— Dans le Journal des Débats du 30 décembre 1908, M. G. Maspero signale 
les résultats les plus saillants d'un examen médical et anthropologique auquel 
viennent d'être soumises les momies, conservées au musée du Caire, des Pha- 
raons des XIX® et XX« dynasties. La plupart de ces momie sont été mises à mal 
par les chercheurs de trésors qui, de tout temps, ont pillé la nécropole 
thébaine. Dans l'antiquité, quand les gardiens des tombes royales s'aper- 
cevaient du méfait, ils s'empressaient d'y remédier, comme ils pouvaient, dans 
rintention d'assurer au mort une vie normale dans Tautre monde. C'est ainsi 
que Bamsès VI, ayant eu la main droite arrachée et emportée par des voleurs 
qui voulaient la dépouiller de ses bagues à loisir, se la vit remplacer par 
celle d'un autre cadavre. « Peut-être la substitution ne lui fut-elle pas agréable 
car c'était une main de femme dont la délicatesse jure avec l'ampleur de celle 
qu'il avait conservée : que devint ce Pharaon manchot parmi les monstres qui 
infestaient les routes de l'Hadès? Nous l'avons remonté, tant bien que mal, 
plutôt mal que bien et nous l'avons couché dans un des compartiments les plus 
inaccessibles de nos armoires, mais il inspire une crainte superstitieuse à nos 
gens de service. Ils se /aconteat entre eux qu'il se lève la nuit jet qu'il par- 
court le musée d'un pas incertain à la recherche du membre qui lui manque. Il 
est l'un des plus fâcheux parmi les afriles qui hantent nos galeries à partir du 
moment où nous avons fermé les portes : personne ne les a vus encore, mais 
on les entend quelquefois lorsque l'on fait des rondes de nuit et ils manifestent 
leur mauvaise humeur d'être dérangés pendant les heures qui leur appar- 
tiennent, en culbutant les chaises ou en frappant à grand bruit sur les vitrines. » 

Toutefois, l'état de conservation est généralement suffisant pour permettre 
nombre de constatations intéressantes, notamment celle-ci : 

« Un trait commun à presque tous, c'est la présence au sommet du crâne 
d'un large trou à peu près triangulaire qui fut pratiqué chez les uns au cours 



442 REVUE DE l'qistoihe des religions 

de remb&umemeDtf chez les autrea pendant hs derniers iastanta de l'agonie ou 
immédialeiïïeiil après la mart : les borda de la plaie montrent, en eiïeu qu'au 
moins stir Ramsès V ropéralion fut faile lorsque les tissus étaient encore mous 
et plastiques. On s'en saisit pas bien rintentioa, mais je pense qu'on ne se 
troEQpera guère si on Texplique par une nécessité religieuse. Les maladlei 
étaieot causées par l'invasion d'un esprit mauvais : il se glissait dans le corps 
par le nez, par la bouche, par les oreilles^ et le mals^de qui n^avatt pas la tùrt^ 
de reipulser était forcément condamné* Chéï certains peuples, Tegprit posses- 
seur se réfugie dans te cerceau lorsqu^it a tué son hommô, et on ne ta dêlogi 
de sa retraite qu'en lui frayafiL une voie à travers la boîte crânienne. Est-ce pour 
lui permettre de s*en aller que les embaumeurs percèrent la tête des Pharaons ? 
Il se pourrait d^ailleura que cette opération ne fût plus sous les Ramessides 
qu'une manipulation sans valeur précise ; oo continuait à traiier les morts du 
temps présent d'après la formule des âges primitifs, mais ou ne s'inquiétait plus 
de comprendre les raisons pour lesquelles k formule a^ait été établie. Je n'û 
pas remarqué que les momies pmêes eussent subi ce genre de trépanatton ; 
était- elle particulière aur souverains p et l'origine doit-elle en être reportée à 
quelque épisode encore inconnu du mythe d'Osiris ou d'Horus? b 

Dédicace bilingue au dieu mirbéen Wadd, trouvée à Délos, — Les fouilles si 
consciencieusement poursuivies è. Dèlos par PËcole française d'Athènes» gf^ce 
aux libèraUtéi da duc de Loubat, ont fourni un document unique juBqu*ici : 
uu autel de forme tronc- conique portant une dédicace bilingue minéo*grecque 
au dieu Wadd, faite par dmx habitants de l'Arabie méridionale venus sans 
doute à Délos, vers le mitieu du u* siècle avant notre ère, pour les besoins de 
leur commerce. Le texte grec est particulièrement intéressant : "OSSou, Biqo 
Mivaiwv, — *0da3(i>î « (Autel) de Oddùs, dieu des Miïiéeng, A Oaddo& »• M, Cler- 
mont-Ganneau qui publie et commente ce texte {Comptes-rendus Acad* da 
InscripL, 1908, p. 546-560) ne croit pas que les deux formes du nom divin 
soient le fait d'une erreur de lapicidep car l'arabe a conservé le soufenir d'une 
double vocahsation Wadd et Woudd, 

Fouiiie& à Adulis^ — Dans les Mi^numenti Antiehi publiés par la ReaU Acca- 
d&nia dei Lincei, i. XVIII (1908)^ p* 437*572, M, R, Paribeni rend compte 
des fouilles qu'il a conduites, avec Taide de M, Fr, GaUina, â Adulis dont les 
ruinea sont englobées aujourd'hui dans la colonie italienne de l'Erythrée^ 
Quatre périodes ont été déterminées dans le développement de îa ville antique. 
La première est antérieure à l'époque ptolémalque et remonte jusqu'à des 
temps indéterminés ; la deuxième est gréco-romalna avec cultes païens ; la 
troisième est chrétienne et disparaît brusquement à la suite d'une catastrophe; 
la qualrième, également chrétienae, n^a laissé que des traces mlsérabJes. A la 
deuxième période se rapporte une construction dont la base affecte la forme 
d*un large tronc de pyramide rectangulaire et à gradins que M. Paribeni consi- 



V 



CHRONIQUE 443 

dère comme un autel consacré au culte solaire. Non sans une certaine hésita- 
tion» que justifie la distance dans le temps et dans Tespace et que le lecteur 
partagera en Tabsence de trouvailles caractéristiques, le savant archéologue 
penche pour voir dans ce monument une influence chaldéenne et une imitation 
des ziggurat. 

Zeus Olbios en Mysie. — Un bas-relief votif trouvé près de Panderma et 
entré récemment au musée impérial ottoman, offre une curieuse représentation 
de Zeus Olbios que publie Edhem Bey {Bulletin de corresp. hellénique, t. XXXII 
(1908), p. 521-528). Le dieu est figuré debout, vêtu d'une tunique et de l'hi- 
mation, s'appuyant à un sceptre de la gauche et versant, de la droite, une 
libation sur l'autel. Â ses pieds se dresse un aigle. Le dieu porte la barbe et 
de longs cheveux. Sur la tête, deux cornes se recourbent comme celles d*un 
bœuf. D'autre part, le fronton de ce relief est orné d'une télé de taureau. Enfin, 
au-dessous de la figure principale, est sculptée une scène de sacrifice. Edhem 
Bey rapporte ce monument au premier siècle avsint notre ère. Ce type divin, 
en cette région, est nouveau et vraisemblablement ihdigène. 

R. D. 

La Revue Africaine (n<> 269, 2« trimestre 1908) a publié, de notre éminent 
collaborateur M. Salomon Relnach, un article intitulé Bas-reliefs énignuitiques 
qui soulève d'intéressants problèmes d'histoire ou tout au moins d'iconographie 
religieuse. Il a trait à un groupe de monuments : une urne de marbre (urne de 
Vienne), deux coffrets en pierre, trouvés, l'un à Essarois (Côte-d'Or), l'autre à 
Volterre — enfin un bas-relief provenant de la Condamiue et dont le moulage 
est maintenant au Musée de Saint-Germain. Tous portent des représentations de 
scènes et de personnages d'apparence religieuse, d'étranges sacrifices à des 
idoles ignorées, des gestes qui semblent rituels, des figures d'un symbolisme 
indéchiffrable — et aussi quelques caractères dont une lecture tout hypothétique 
a été proposée par Hammer qui, le premier signala le vase de Vienne et les deux 
coffrets à l'attention des archéologues (1818). Selon lui, ces trois monuments 
auraient appartenu aux Templiers et auraient servi à la célébration des rites 
mystérieux décrits dans les aveux que la torture arracha aux chevaliers lors de 
leurs procès. De môme pour Mignard, membre de l'Académie de Dijon, qui traita 
de ces monuments en 1852 et 53. Les travaux de Gmelin et de H. G. Lea ont fait 
justice des légendes relatives au culte secret et aux orgies inf&mes des Tem- 
pliers ; mais déjà en 1869 M. Loiseleur, dans une note sur les coffrets de pierre, 
qui, de la collection du duc de Blacas étaient passés au Musée Britannique, niait 
que les scènes représentées sur les deux monuments eussent quelque rapport 
avec le culte des Templiers ; il y voyait des monuments gnostiques et ophiti- 
ques, remontant au xiv" siècle et peut-être dûs à des sectaires druses. 
M. Pfeiffer (Zeitschrift f. KuUurgeschichte, t. IV, 1897, p. 385 et suiv.) a cru 
expliquer les tableaux du coffret d'Ëssarois en les rapprochant de ce que nous 



444 REVUE DE l/aïSTOlRE DES RELIGIONS 

ont appm S, de Sacy, F, Perrier et Chwolion toychant les rites mysiériem 
des Ismaélites et d«B Sabéens, continuateurs du gnostieisme de Bardesane; 
le coffret de VoUerre, tout en lui semblant étroitemenl apparenté au coflrel 
d'Essarois» lui parait devoir étrfi attribué aux Druses, à cause de rimage du 
veau qui se trouve sur Tune des faces «l correspond:! peut-être à une idol6 des 
Drtises> Or, M. Reioach» bien que s'abatenant de forrauler une opinion sut To- 
rigine religieuse des scènes rituel lea représentées sur ïea coffrets, arGroie, m 
B'appuyant sur les coiinaissances précises que nous ont apportées les Iravaui 
de M. R. Dussaudj que nen de ce qu'on sait sur les Nosaifis et l^-urs nies ne 
justifie» même dans la plus faible mesuret rallnbution des bas-reliefs des cof- 
frets Biacas à des sectaires synens, il montre aiséraent combien est légère 
i*hypothèse de M. Pfeïffer suivant laquelle ies Templiers auraient r&pponé ces 
coffreU d'Orient a pour leur intérêt arlistique ou scîeutifîque », MMI Loiseieur 
et Pfeiffer ignoraient la destinée de ces coîTrets après la vente Btacas ei ne k« 
jugeait que diaprés les lilhographies quelque peu « îolerpréleea »» qui en 
avaienl èlé publiées par MM. Hammer et Mîgnard. M. Salomon Reinacb a pu 
retrouver les coEîrets Blacas au Musée Britannique et hs pbotograpbies excel- 
lentes que renferme son article permetlent de préciser les ternies de ce très 
curieux problème iconograpbique. 

P, A, 



PUBLICATIONS DIVERSES. 

En étudiant La rdigion et l'art dans V Egypte arwimm (Revue dts îdéu^ 

15 nov. 1908 et tirage à part^ M, George Foueart recherche les répercussioas 
de la statuaire sur le culte eu Egypte, 

C'est un fait reconnu aujourd'hui que T&rt, à ses débuts, n'a eu d^autre but 
que de concourir à deô cérémonies magiques ou religieuses, L'Egypte en offre 
un exemple remarquable. Les artistes de la vallée du Nil ont chercbé soît à 
assurer le culte des dieux, soit à permettre au mort une heureuse vie d'outre- 
tombe. Ces principes que nul plus que M, Mai^pero n'a contribué à établir 
sont pris comme point de départ. L'auteur prend position contre le totémisme 
égyptien dont M, Van Gennep a montré ici même les lacunes (Btiit, 1908, 
lU p. 42 et îiuiv.). M, G» Fou cari ne peuU dans ce bref article, qu'indiquer 
cei taînes directions que, selon lui, le développement de la statuaire imposa aux 
idées religieuses égyptiennes. ^ Les exemples sont nombreux, dit^it, qui 
prouvent comment les eiigences de ce culte (des statues) ont contribué à pré- 
ciser DU à développer un certain nombre de concepts religieux. « 

— Où Aphrodite a-t-elle trouvé le corps d'Adonis ? se demande M. S. Me- 
nardos dans Journal of Hellenic Studies, 1908, p. 133-137. Il y répond en 



CHRONIQUE 445 

corrigeant l'^Apyoç «iXic à Chypre en "Apaoç et en remarquant qu'en chypriote 
ancien et moderne àpaoc a la valeur de aXaoç. 

— Le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines fondé par Gh. Darem- 
berg touche à sa fin sous la direction de M. Edmond Saglio et avec l'actif 
concours de M. Edmond Pottier: le 41* fascicule {Radius- Sacrificium) a paru 
dans le courant de cette année. Les articles qui intéressent Thistoire des reli- 
gions sont nombreux et importants. Sous le titre ReligiOy M. Toutain expose 
le sentiment religieux en Grèce et à Rome ; sous Ritus, les rites propitiatoires, 
les rites divinatoires et les rites des mystères ; sous Sacra^ les cultes privés et 
les cultes publics. MM. Legrand et Toutain, le premier pour la Grèce, le second 
pour Rome, traitent Tarticle Sacerdos et M. Chapot le Sacerdos Provinciae, 
MM. Legrand et Toutain se partagent encore l'important article Sacrificium ; le 
premier passe en revue dans le monde grec l'intention du sacrifice» la matière 
du sacrifice (offrandes sanglantes et non sanglantes dont les libations et les ' 
parfums), enfin les rites du sacrifice. Le second sa propose : 1® d'examiner 
successivement les libations, les sacrifices d'animaux, les sacrifices humains; 
2^ de déterminer quelles étaient les conditions extérieures nécessaires pour qu'un 
sacrifice fût valable ; 3* de rechercher quelle était la véritable signification des 
sacrifices à Rome. Les deux derniers paragraphes doivent figurer dans la pro- 
chaine livraison ; mais il apparaît que cette double et importante monographie 
est traitée du point de vue strictement historique. Dans l'article Sabazius^ 
M. Fr. Cumont résume les travaux qu'il a consacrés au dieu thraco-phrygien, 
notamment son étude sur Sabazius et le Judaïsme dans lequel il montrait Tin- 
finance des colonies juives établies par les Séleucides en Asie Mineure. 

Signalons, enfin, un curieux article Regnum-Rex rédigé depuis nombre d'an- 
nées par Fustel de Coulanges et inséré sans changement. Le caractère sacer- 
dotal de l'ancienne royauté y est fortement marqué. 

— La 57^ livraison de VAusfûhrliches LexiKon der griech, u. rôm, MythO' 
logie de Roscher a paru en septembre 1908. On y trouve un article sur Piyche 
d'Otto Waser où sont exposées les traditions littéraires avec comparaison entre 
la conception homérique et celle de« non-civilisés et où sont décrites les 
diverses représentations figurées : l'âme-oiseau, les erBwXa, Psyché en tant que 
papillon auquel se rattache le groupe Psyché etEros. Citoas encore les articles 
Ptoios (Hôfer), Pudicitia (R. Peter), Pygmaien (importante notice d'Otto 
Waser), Pygmalion (Turk) avec note de HQsing qui affirme que le nom est 
phénicien et a qualifié d'abord un dieu ; mais le document phénicien la 
plus important — dédicace & Astarté et à Pygmalion trouvée à Carthage — 
n'est pas cité et l'on s'en tient au PMnie. Qlossar de Biooh; niiiïn^ Pyrrha 
(Weizsàcker). 

— Dans le fascicule d'octobre 1908 (tome XI^ faic« 4) de ïArchit) fUr MU 

80 



446 REVUE DE L'HIâTOIRË DES HELIGIONS 

giûmwissmschaftt M. Rudolf Hinol continue son éludej dcr Stibstmard^ par 
rhistdre du suicide dans faptiquité grecque, â. Tépoque romaine et chet let 
premiers chrétiens, — M. Max Fùrster, Adam» Erschaffung und NamengtbunQ, 
reprend un passage de THenocb slaTe, interpolé dans des manuscrits sud-aUires 
de r « Ëntreiien des trois îâainls » et publié poi M, Jagiè. Diaprés ce fragmenl, 
Adam aurait été créé de huil parties (terre, mer, soleil, nuages, vent, pierre, 
lumière du monde et S&int*Ësprit) et son nom tiré des termes grecs désignant 
lei quatre régions du ciel* M. Fôrster a retrouvé, presque mot pour moL^ ot 
récit dans un texte latin jadis très répandu dans TËurope ocet dentale. U es 
suit la diffusion dans ies diverses littératures européennes et moutre que la où 
Ton cherchait les vestiges d^une ancienne cosmogonie des Germains, il vCj &, 
en réalite, qu'un écho des concept ions judéo-helléniques, — M, Martin 
P, Nilsson étudie das Hi im ToUnkuU dt^ AiUn. Des œufs ont été trouvés daaE 
les tomhes en Grèce et en £trurie^ Sur les monuments figurés, TcBuf est mis en 
relation avec les morts héroïséa ou avec les divinités cbtomennes. A T hypothèse 
de Foulsen qui altrihue une vaJeur aphrodisiaque à Tceuf comme à la grenade, 
M» Niison préfère ^explication de Dietericb qui reconnaît dans le don de h 
grenade, de i'o&ul et des grains de blé, l'idée de régénération. y<Buf renferme 
de la force vitale à haute tension qui te transmettra au mort et le ranimera, tout 
comme le sang du sacriâce. La même idée, quoique avec des manifeâlationi 
diHérentee, a conduit les peuples germaniques à utiliser l'œuf dans les ritei 
agraires et dans les rites du mariage « — Mp Cari Meinbol donne un bulletm 
des religions afrioàines. 

^* La publication d'un minuscule vase grec en forme de chouettSi fournit à 
M. Edmond Fottier l'occasion d'étudier les rapports entre Athéna et cet oiseau 
{BuUettJt dû correip, heliénique^ 1908, p, 529-543), Queiie est laraiBoa de cette 
aBSociation et t quelle époque remonto-t-elle ? Le savant oonservatenr du 
Louvre admet, avec plusieurs mythologues, que l'Athéné classique combine 
TAthéné Ergané « pacifique, agraire, issue des travaux des champs, protec- 
trice de Tolivier, patronne des femmes laborieuses, et TAthéné guerrière de la 
tradition homérique ». Certaines plaquettes en terre cuite montrent la chouette 
munie de bras humains et filant la laine : ce serait Athéna Ergané. Ainsi, 
derrière l'imposante mythologie aristocratique et guerrière, on saisit la religion 
populaire « où subsiste obstinément l'adoration ce Tanimal. Si jamais Athéné 
lut une déesse-chouette, comme le croyait Schliemann, n'est-ce pas en tant 
qu'Ergané qu'elle devait s'incarner dans l'oiseau qui fuit le bruit et l'éclat du 
jour, qui vit retiré et craintif, qui vole dans la nuit pendant que tout dort?... » 
Le culte d'Ergané est très ancien en Attique et M. Pottier pense que la 
chouette lui fut associée dès une haute époque. 11 se rencontre avec M. Paul 
Girard pour attribuer à Tépithète vXauxb>ici< le sens de « à face de chouette », 
perpétuant le souvenir d'une très ancienne déesse-chouette locale. 

R.D. 



CHRONIQUE 447 

— M. Paul Sabatier a donné, le 30 avril de cette année, au palais Madama de 
Turin une conférencft en français sur le caractère de saint François d'Assise. 
Les paroles de Téminent biographe du Poverello ne nous sont connues que 
par le compte rendu qu'en a donné (n« du !•' mai) le Corriere délia sera^ 
de Milan et nous ne saurions garantir l'authenticité absolue de ce qu'a transmis 
ce reportage téléphonique; mais les conclusions de M. Sabatier nous apparais- 
sent comme trop neuves émanant de lui et appelées à modifier trop sen- 
siblement l'idée que ses lecteurs s'étaient formée de saint François pour 
que nous ne reproduisions pas — en le résumant — ce compte rendu, si impar- 
fait qu'il puisse être (V. aussi Archiv. francise, fasc. II-III, p. 480). L'ori- 
ginalité du saint consiste surtout en un effort constant de l'esprit pour imiter 
le Christ et arriver ainsi à la propre perfection en supprimant autant qu'il 
est possible le vieil Adam pour s'approcher de cette figure idéale du régéné- 
rateur que saint Paul appelle le second Adam. La grande originalité de saint 
François fut donc son catholicisme. Il fut catholique comme peut-être per- 
sonne ne Tavait été avant lui et comme bien peu le furent après lui. L'idée 
païenne de la propriété se transforme chez lui en un rigide critérium de devoir 
et de responsabilité pour l'emploi que chacun fait de son propre avoir et de ses 
propres moyens. Il recommanda à ses disciples de ne rien posséder sur terre ; 
pourtant ses frères ne furent pas un ordre de mendiants, mais bien un ordre 
laborieux ; ils ne devaient rien avoir en propre pour leur satisfaction égoïste, 
mais ils devaient tout conquérir par le travail pour donner aux pauvres présents 
et à venir» Sous cet aspect, en lui et par lui TÉgise fait effort pour éliminer 
graduellement la vieille notion païenne de la propriété, et sa prédiction fut le 
premier éclair précurseur d'une civilisation qui n'est pas encore née. 

Mais la figure du Poverello est encore plus surprenante lorsqu'on examine sa 
foi : « Saint François avait la sensation de marcher, et en même temps il sen- 
tait que l'Église l'attendait à chaque détour du chemin pour lui donner le désir, 
la force et aussi le programme d'un nouveau progrès ; il se sentait fils de 
cette éducatrice séculaire ; fils, non pas esclave. De 1&, un double caractère dans 
son catholicisme : profondément soumis, parfaitement libre. Ceux qui nous 
disent que saint François a obéi ont raison ; ceux qui nous disent que saint 
François a parlé haut, que son testament est un des plus énergiques 
documents individualistes qu'il y ait dans l'histoire de l'Église ont aussi raison. 
Dans l'heure la plus angoissée de sa vie il a écrit : « Postquam Dominus dédit 
mihi de fratribus, nemo ostendebat mihi quid deberem facere, sed ipse Altis- 
simus revelavit mihi quod deberem vivere secundum formam Sancti Evan- 
gelii I». -- L'orateur démontre que saint François ne fut pas ud instrument passif 
aux mains de la hiérarchie ecclésiastique : il évoque la figure d'Innocent III et 
ses colloques avec le Poverello où celui-ci donnait a lumière et conseil » au chef 
de TËglise. L'autorité ecclésiastique était alors conçue comme un concours de 
forces, une association de volontés ; chacun avait non seulement le droit, mais 
le devoir de prévenir rÈgiise lorsqu'il apercevait quelque péril à l'horizon. La 



448 RBVUB JJE L'eiSTOIRE DES RELIGIONS**' 

aaumissioti à PÉgUse était, chez saint François, active, joyeuse, c'était plus 
uoe adhésion qu'une soumiasion ; adhésion d'ua fils qui aait d'avance que «oa 
père a raison^ mais chez lequel oe peut naître Tidée qu'il doive obéir sans com- 
prendre, qu'il est nécessaire, normal, d* « obéir dans lea ténèbres i>; il ne croit 
pas faire injure au père en lui révélant ses besoms, en lui donnant un avertis- 
sement solenueL 

La parabole de la belle dame du désert aimée du Roi, que saint François 
racotttô à Innocent III, pour lui faire approuver sa règle, la résisLauce de saint* 
Claire à Grégoire IX et innocent IV qui voulaient tempérer la règle francificaiiie 
sont pour P, Sabalier la démonstration du double effort de llndîvjdu qui n'ab- 
dique pas sa personnalité et n'est satisfit que le jour oi^ il peul reverser son 
travail personnel dans l'œuvre collective, et de l'autorité sociale qui accueille, 
non sans examen et sans preuve, l'aide de l'individu » 

— Le D' Paut Carus emploie une science qui est réelle à des buts êxtrascien- 
tifiques, mais dont on ne saurait nier rélévation. Il ne faut prendre ses 
fi Chinese ThougfU u (Chicago, Open Court publishing Company) que comme un 
livre d« vulgarisation et presque d*apostolat. En terre américaine ï'homme 
jaune est pour la foule le patient envahisseur à la pensée mystérieuse et 
redoutée. M, Carus s'est proposé de faire connaître cet esprit : on ne peut 
vraiment dire qu'il en ait dans ce but éekirei tous les recoins. Quelques page4 
sont consacrées à la littérature religieuse chinoise* L'occultisme et le syoïbo- 
lisme ïodiacàt occupent une moitié de ce petit volume. £st>ce bien là n tba noces- 
sary malerîal for psychological appréciation ofthe Chinese ^î 

— Nous recevons le programme et un numéro spécimen de la t Rivi&la di 
Sciênza-Scientia » publiée à Bologne (Nicola Zanichehi), Londres, Paris, 
Leipzig, Elle s'annonce comme une « revue internationale de synthèse scienti- 
Qque A m fondée en vue de contrebalancer (es fàcheui effets des spécialisations 
scientifiques à outrance. Elle publie des articles qui se rapportent atijc branches 
diverses de la recherche tbéorique, depuis les matbématiqueâ jusqu'à ta socio- 
logie, el qui tous sont d^un intérêt généra) ».Ce programme, disons le, estEdè- 
lement suivi, mais pas encore au proQt de nos études i nous ne bénéâcions 
d'aucun des articles portés au sommaire de ce numéro, Scientia paraît quatre 
fois par an par livraisons de 200 à 220 pages, A partir de IÔ09 Scientia joint, 
à son teste principal, dans lequel chaque article paraît dans la langue de son 
auteur, un supplément renfermant la traduction française de tous les articles 
originaux allemands, anglais et italiens. Pour la France, les colonies françaises» 
la Suisse romande et h Belgique, les demandes d'aboonemenl doivent être 
adressées ù la maison F. Alcan. 

— Nous avons reçu les deux premiers fascicules d'une revue bibliographique 
qui se présente sous ce titre explicite : « Bibliophoros decurrentift literaturib 



J 



CHRONIQUE 449 

scientise catholic» praecipuos in hoc génère libros exhibons quos omnis natio 
in dies affert una cum de operibus judiciis ex clarioribus periodicis excerptis 
yel a peculiaris diiciplinœ professoribus prolatis ». Cette publication, éditée à 
Rome par la librairie Bretschneider et dirigée par MM. E. Schmitz et I. Sei- 
tili, parait tous les trois mois. Elle est divisée en de fort judicieuses 
rubriques : littérature biblique, patristique, théologique, canonique, philoso- 
phique, historique, archéologique, liturgique, apologétique, sociologique, péda- 
gogique, catéchétique, ascétique, mystique, d'érudition diverse. Malheureu- 
sement les rubriques promettent souvent plus qu'elles ne tiennent : les 
ouvrages qu'elles contiennent ont déjà subi une sélection trop prudente, et en 
outre ils se trouvent en nombre plus que restreint. Sous la rubrique : Eruditionis 
variœ libri, figure un seul livre ; a'est le t. I du Kirchliche Handlexikon de 
Hilgenreiner, Nisius et Schlecht. Â la rubrique : « (libri) Theologici » est adjointe 
une sous-rubrique significative : m Theologiœ antimodernisticsB literatura ». 

— • Les Actes du Congrès d'Oxford viennent de paraître, édités par la Clarendon 
Press en deux volumes d'aspect presque luxueux (Transactions of the third 
international Congress for the History of Religions. Oxford, at the Clarendon 
Press. MCMVllI. 2 vol. gr. S'* de xii-327 et 457 pages). L'exécution typogra- 
phique en est des plus soignées et on a très heureusement illustré de quelques 
photographies les mémoires pour l'intelligence desquels la documentation gra- 
phique était indispensable ou qui avaient été accompagnés de projections démons- 
tratives. Cette innovation sera remarquée: faute d'illustrations les précédents 
congrès avaient risqué, dans la publication de leurs actes, de laisser in ab- 
stracto certains exposés de découvertes ethnographiques ou archéologiques. Mais 
Oxford laissa loin derrière lui les précédents congrès en fait d'innovations pra- 
tiques : que Ion songe qu'à la suite d'une communication de M. Seligmaon sur 
le culte de la mort chez les Veddahs de Ceylan,uo gramophone fit entendre des 
chants veddahs ! — En dehors des documents ofGciels, comptes rendus et dis- 
cours de séances générales, indices etc., ces deux volumes contiennent les 
neuf adresses présidentielles des neuf sections, adresses dont nous avons dit te 
particulier intérêt, et 128 mémoires qui se répartissent comme suit : Non civi- 
lisés, 16; — Chine et Japon, 12; — Egypte, 9; — Sémites, 17; — Inde et 
Iran, 21 ; *- Grecs et Romains, 15; — Germains, Celles et Slaves, 7; — Chris- 
tianisme, 18 ; — Méthodologie religieuse, 13. 

— Notre collaborateur M. Maurice Goguel vient de publier une importante bro- 
chure sur un sujet qui devait tenter cet exégète historien que nos lecteurs con- 
naissent et apprécient : Les Chrétiens et l'empire romain à Vépoque du Nouveau 
Testament. Paris, Fischbacher, 1908, 32 p. gr. in-8«. — Entre la vie reli- 
gieuse du judaïsme et la vie politique telle qu'elle était constituée avec la 
domination romaine, il y avait opposition et conflit violent; dans la pensée de 
Jésus, il n'y a aucune antinomie du même ordre entre TÉvangile et la vie 



450 REVUE DE l'HTSTOIRE DES RELIGIONS 

polHique ; la posaibsUtè même d'un conflit e^l exclue par le fait qu'il n'y a 
aucun point fie contact « A G^sar ce qui est à César »; Jéaua se lient sur 
un terrain nettement IraoBcendanl. Les premières communautés cbrétieunes 
semblent être, comme le maître lui-même, complètement désintéressées de la 
^e politique. Tout autre est l'attitude de Tapûtre Paul citoyen romain et 
apûtre à Rome : on trouve ches lui deiwt ordres d'idées qui paraissent coa- 
tradictoires et dont M, G. démontre la conciliation Msée, D'une part» dès cette 
vie Je chrétien eit citoyen du Royaume des cieux; il vïi comme un étranger 
sur la terre, ou mieux^ il est crucifié au monde, et le monde est crucifié pour 
lui (Gai,, 6» 14}, La rupture entre le monde et lui^ et^ par suite, entre les 
autorités politiques de ce monde et lui, est donc complète. D'un autre côtê^ 
Paul affirme que le chrétien est, non aeuiemeot quoique chrétien, mais parce 
que chrétien, un citoyen entièrement soumia aux autorités politiques, un 
citoyen modèle pour qui les droits de Taulorité politique se justifient par la 
puissance même de Dieu (Rom. im), M. G. reconnaît dans les écrits deutéro- 
pauliniens uue conception tout à fait analogue à celle de Tapûtre. La pensée 
paulinieane est précisée dans la seconde Ep. aux Thessaloniciens (2, l*t2) où 
r auteur montre t^ xaTÉxov ou ^j x£jit=j(mv, c'eâl-i-dire Tautorilé romaine, mainte- 
nant Tordre dans le monde, et ainsi empêchant la puissance du mal d'arriver 
au degré d'effîoreaceuce nécessaire pour la manifestation de rAntèchrist, L*inlé- 
rét de plus en plus grand que les Chrétiens portaient à la question des rap- 
ports avec les autorités politiques se manifeste dans le choix des épisodes dans te 
récit des Évangé listes. Cbei Marc les épisodes où il est question des rapports 
avec Tau ton té sont rares. Chez Matthieu se trouve encore une restriction for- 
melle d'ordre théorique au principe de la déférence à l'égard des autorités poli- 
tiques. Chez Luc, la tendance à concilier au Christianisme la bienTêiliance du 
monde romain est plus nette que dans n'importe quel autre évangile. Peu à peu 
te rAle joué par les Romains, et en particulier par Pilate, est modiBé à mesure 
qu'on passe d'un évangélisle à l'autre, si bien que dans le quatrième éirangUe 
ce sont des Juifs et non pas des soldats romains qui sont les bourreaux de 
Jésus. Une préoccupation dominait Tesprit des narrateurs : présenter le récit 
de la Passion en expliquant le rôle des autorités romaines d'une manière telle 
que les Romains ne puissent plus trouver dans le fait de la condamnation de 
Jésus par Pilate un obstacle à leur conversion au christianisme. La préoccupa- 
tion antijudaïque n'est encore qu'accessoire. Mais les mêmes tendances, les 
mômes procédés d'apologétique se retrouvent encore plus fortement marqués 
dans les Actes. Dans ce récit les véritables adversaires de TËvangile, ce sont les 
Juifs et nombreux sont les cas où les autorités romaines interviennent pour 
protéger les chrétiens, bons et paisibles citoyens de l'Empire, contre leurs 
adversaires juifs. 

Ainsi, dans presque tous les livres du Nouveau Testament, nous trouvons les 
déclarations les plus bienveillantes, les avances les plus nettes qu'aucune 
société religieuse ait jamais adressées à un pouvoir politique étranger et de 



CHRONIQUE 451 

religion difTérenie. L'Apocalypse seule contient « quelques-unes des déclara- 
tions de guerre les plus formelles, il faudrait presque dire, tant elles contien- 
nent d*bostilit6, les plus haineuses que des consciences opprimées aient jamais 
adressées au pouvoir politique qui voulait les écraser #>. On y reconnaît aisément 
Tècho des sentiments de HAme juive. Le pouvoir romain est, pour l'auteur de 
l'Apocalypse, une puissance non pas indifférente à l'Évangile, mais hostile, 
persécutrice, satanique. Le ch&timent de Rome devient le fait central du grand 
drame eschatologique que décrit le voyant et qui est l'objet de l'attente anxieuse 
des Chrétiens. 

— L'Annuaire de l'École pratique des Hautes Études, Section des Sciences reli- 
gieuses, pour Tannée 1908-1909 a paru il y a quelques semaines. Il contient 
comme tous les ans un rapport sommaire sur les conférences de l'exercice ter- 
miné et le programme des conférences de l'exercice en cours. Le mémoire 
original qui selon l'usage doit ouvrir cet Annuaire est dû cette année à 
notre collaborateur M. A.Foucher, directeur adjoint pour l'histoire des religions 
de l'Inde, et a pour sujet : Une liste indienne des actes du Buddha, « Le 
temps ne semble pas très éloigné, dit M. Foucher, où les progrès de l'archéo- 
logie bouddhique de l'Inde pourront s'affirmer, de la façon à la fois la plus 
certaine et la plus pratique, par l'établissement d'un répertoire à peu près com- 
plet des scènes figurées de la légende du Buddha. » M. F. compte pour ce 
résultat sur l'appui réciproque et constant que se prêtent les textes et les monu- 
ments en s'identifiant ou s'authentiquant mutuellement. « C'est à ce travail 
préparatoire d'inventaire et de classement que nous voudrions apporter une 
nouvelle contribution en empruntant à deux passages du Divydvaddna et du 
Mahâvamsa les éléments d'un index biographique du Çâkyamuni et en rappro- 
chant des épisodesjqu'ils énumèrentles représentations qui en ont été publiées. » 
Cet index occupe les pp. 4-27 ; et M. F. constate chemin faisant, <« à quel point 
textes et monuments viennent d'un commun accord se ranger sous les mêmes 
têtes de chapitre. Rares sont les bas-reliefs conservés qui ne rencontrent pas 
mmédiatement dans notre liste une étiquette appropriée ; plus rares encore 
sont les cas où nous n'avons pu mettre aucune image en face d'une de nos 
rubriques ». Cet index biographique du Buddha se trouve être du même coup un 
catalogue des motifs de l'art bouddhique. Il est à peine besoin de dire avec 
quelle compétence pareil relevé a pu être fait par l'indianiste à qui nous devons 
les Études sur l'iconographie buddhique de Tlnde et sur l'art gréco«buddhique 
du GandhAra. 

— M. G. Guério, professeur au Lycée de Brest, a publié dans le Bulletin de 
la Société académique de Brest (année 1906-1907, t. XXXII) une étude sur 
révangélisation du Finistère (vi* siècle) qui apporte une très utile contribution 
à la question des origines chrétiennes en Gaule, surtout de leur dernière 
période. M. G. corrige un certain nombre des erreurs de La Borderie [Histoire 



f 



452 REVtJE DE l'BISTOIRE DES RELIGIONS 

de Bretagne, I). îl suit Tceavre de saint Paul et da laînt TuduaJ dans la coa- 
quête chrétienoe du Léon, celle de Bainl Guénolé et de^ moiues dû Lande- 
Tetïnec, de Coreutru et deGurthieru, dans révan^éUsaLion de la Comouaille, Ce 
chapitre esseotiel de rhistoire religieuse armoricaine se ferme à ] 'extrême fia 
du n^ siècle, A ce moment le chriatiàDisme domine sans conteste dans le 
LéoDf mais laCornouaille cache encore des païens entre îes monts d*Arrée et les 
Montagnes-Noires. De leur part la résistance élaîl désespérée, maïs ils étaient 
chaque jour plus étroitement enfermés entre les monastère s de Qu un perlé ât 
l'êvècbè de Qui m par, entre les petits ermitages des disciples de Tudual et de 
Guénolé, eotre Ja grande abbaye de Landèrennec et les nombreux Itmm de 
Saint-Pol 

— La librairie Hînrichs peut enGn annoncer dans sef a Wissenschaitliche 
NeuigkeitÊD n rachèvementde la Realencydopùdie fur prote^^tanthche TheùLogk 
vnd KirGhe de J, J. Herzog, refondue par le profegseur A» Hauck. Cette œu^r^ 
qui honore grandement la th^^ologJe allemande contemporaine renferme la con- 
tribution d'environ 400 savants. Ses 21 volumes, en leur 17,000 pag^es gr, 8* 
comportent plus de 4.800 articles à travers lesquels il sera néeessaire d'avoir, 
pour se diriger et surtout organiser des recherches fécondes, un moyen plus 
pratique que Tordre chronoloiffique macbinaL Heureusement un copieux inder 
est annoncé pour les environs de Pâques 1909 et complétera ce monument 
remarquable en 6n montrant les moyens d'accès et d'issue, 

P. A, 



i 



ERRATUM 

Il s*est introduit, dans la dernière page de rarticle de MM, Hubert et 
Maus^^p publié dans notre numéro de septembre-octobre, quelques fautes d'im- 
pression qui nécessitent Terratum suivant : 

P, 203, ligne 14, amo î « =^amo2 .» {ConfesHom, X, 8) 

15, dùcerem fe, a=discerem tel ** [ibid, 37) 

17, suum—sum 

1 8, quarentis, = quaerens 
eam ;ne que=eam. Neque 

19, inventa quod^ inventa, quod 

mem i nisAe m, ji = tti em ï n isseni , . » w (Ib id. 35 ) 
SO, la mémoire û'est le tout=la mémoire, pour saint Augustin* 

est quelque chose de fort important i c'est )e tout 
23, muitipUcitus et hoc — muiitpiicitu& ; et hoc 
23, 3um. » =^sum. » (Jbid. 26) 
26, car son maître voyait = car comme son m&ltre il Terrait, 



TABLE DES MATIÈRES 

DU TOME CINQUANTE-HUITIÈME 



ARTICLES DE FOND 

Pages. 

S. Reinach. Phaéthon i 

F. Macier. Formules magiques de TOrient chrétien --^^ 

A. Van Gennep, Totémisme et méthode comparative 34 

H. Hubert et M. Mauss. Introduction à Tanalyse de quelques phénomènes 

religieux -f. 163 

5, Reinach. Clelia et Epona 317 

L. Massignon, Les saints musulmans enterrés à Bagdad 329 

MÉLANGES ET DOCUMENTS 

R. Rasset. Bulletin des périodiques de l'Islam (1903-1907) ... 77, 204 
P. OUramare. Le Congrès international des orientalistes à Copenhague. 233 
P. Alphandéry. Le Congrès international d'histoire des religions à Ox- 
ford .... 238 

E, Reuterskiôld. Les religions des non-civilisés au Congrès d'Oxford . 339 

P. OUramare, Les religions de Tlnde et de l'Iran au Congrès d*Oxford. 352 

A. Dussaud, Le sarcophage peint de Hagbia Triada 364 

£• Comôe. Bulletin de la religion assyro-babylonienne (1907) .... 371 

REVUE DES LIVRES 

Anthropological Essays presented to E. B. Tylor (A. van Gennep) . . 100 

J. Benstnger. Hebraeische Archaeologie (A. Dttôsau^) 111 

A. Jeremias. Die Panbabylonisten (H. D.) 111 

H. Winchler, Die jûngsten K&mpfer wider den Panbabylonismus (B. 

Dussaud) 111 

K. Frank. Babylonische Beschwôrungsreliefs (R. D.) 114 

W. ScAranA. Babylonische Suhnriten (R. D.) 115 

A. JatX55fn. Coutumes des Arabes au pays de Moab (i?. D.) .... 117 
Ck, Rruston, Les colonies grecques dans rAncien Testament (C. Piepen- 

bring) 122 



484 REVUE DE l'histoire des religions 

Jacob fih iTÀafùn. Tbe toôssianic h ope oFthe Samaritans (E. MarUH). 125 

M. Guthrie Pf^rry. Hyaonen und Gebete an Sin (E*. Combe). . , - . 126 
0, (truppÈT, Griechiiche Mythologie und Religionsgeschiehte (J, Toa^ 

fai'fi) 127 

W. iî, RoicAer. ËnDeadiscbe Stu^ïen (Ad, /.-Reinftck) ,...., 137 

Edii. Uein, Aiakos m der Unterw^lt (Ad, J^-Reinach) 140 

n. J. HûUzmann. Daa Messi&nische BewusstBein Jesu (Ç. Piepeïi6ring). 14i 
Jok. Halier. Die Quelleû zur gesebichte der Eotalebung dee Rirehen- 

staales (^ti, J.-JiemacÀ) . , lit 

K, Voto'.^, Die Weltreligionea in ihrem geschichilichen Zu Sam m en b ange 

{F. OUramare] .,.,., 145 

F. Mackr. Catalogue des tnanuscnta arméniens et géorgiens delà Biblio- 
thèque nationale (R. Du*sflU£i) ..*.,.,,..,., 150 

IL Nmejî. Orieptation (P, Aiphandéry) , » , 150 

W. Zones, Fox TeiU (P. A,) . - ... 150* 

E. Lehmann, Mystik im Heid^ntura und Christenlum (P, A*} - - ■ • 150 

P, Carus. The Dharma {P, A.) 151 

fî. P/'annmïiilcr. Jésus im Urteil der Jalirhundertfl (P, A.) . . . , » 151 

Pr, Difkamp, Doctrina Palrum de Incarnatione Verbi (P. A.) . * * . 151 

W. SûhmidL Der Kampr um den Sinn des Lebens (P, A.) 152 

Fr, H^Mtemann. Bibliographie nationale suisse (P. A.) 132 

A. TfêmL Les origines du Bchigme anglican {P. A.). . . . . . 152 

A, RéhéUau* La compagnie secrète du Saint- Sacrement [P. A.} , . . 15S 

£. CavÉÎ. Lay Sermons and Ad dresses (P, A.) . , 154 

L. f/e ta Vdiiét Poumn. Bodhicaryàvatâra [Sylmin Lévt) 248 

£, mmiie. The Xlth dynasty temple at Deir el-Bahari (A, Moret) . , 253 
0. Weû^. Forsohungsreison m Sûb-Arabien biâ£um Auftretta Eduard 

Glasers (F. Madsr) 257 

G, A. Harton. The Book of Eeclesiastea {€h. Mercier} 259 

Ck. Mercier. Les Prophètes d'isratl {€h. Piepenbring) 260 

i. G. Frazûr. Adonis, Attis, Osins(fl. Bmsaud) ..,...,. 262 

6. Daiman. Petra und seine Felsheiligtùmer {R. D.). .*.,-, 264 

Béer Georg. Der Michnalractat * Sabbat » {Uayer Lambert] . . . . 267 

J. B, iucmni. La Djauhara {L Goldziher) ,,..,.»,.. 369 
C. fi. G* HeinHci. Beilràge ïup Geschicble und Erklârung des Neu«n 

Testaments, UI {M. Goguel) 272 

J. B. SieinbecH. Das gùttliche Selbstbewusstsein Jesu nach dem Zeugniss 

der Synoptiker (If, Goguel) ....,-,*,.*,. ^ 274 
A. Aht^ Die Apologie dea Apuleius von Madaura und die anlike Zauberei 

(Ad, J.'Retnach) 275 

E. Vacandard. L'Inquisition (P. Alphandéry) 277 

Mâ'r Doaat5. L'Inquisition (P. A /pAandéry) 277 



TABLE DES MATIÈRES 455 

Pages. 
P. Arminjon, L'enseignement, la doctrine et la vie dans les universités 

musulmanes d'Egypte (R. Dussaud) 283 

R. Eucken. Hauptprobleme der Religionsphilosophie der Gegenwart 

(A. N. Bertrand) 285 

J. Psichari. Essai sur le grec de la Septante (P. Mader) 288 

A. Cabaton, Bibliothèque nationale. Catalogue sommaire des manuscrits 

sanscrits et pâlis (ft. Dussaud)^ 288 

E. Kautzsch, Die Heilige Schrifte des Alten Testaments (R, D.). . . . 289 

Ad, Harnack. Sprûche und Heden Jesu (Af. Goguel) 289 

S. R. Drives et W, Sanday, Christianity and other Religions (P. Alphan- 

déry) 289 

0. P/lei(ierer. Die Entstehung des Christentums (P. A.) 290 

0. Pfleiderer. Die Entwicklung des Christentums (P. A.) 290 

T. Bliemetzrieder, Das Generaikonzil im grossen abendlândischen 

Schisma (P. A.) 290 

Bréhier. L'Église et TOrient au Moyen-Age {P. A,) 291 

C. P. Winchester. The Life of John Wesley (P. A.) 291 

R. Heussi. Johann Lorenz Mosheim [P. A.) 292 

S. Périsse, Science et religion à travers les siècles (P. A.) 292 

E.Bailly, La légende de diamant (P. A.) 293 

S. Reinach. Cultes, Mythes et Religions. IIl {Goblet d'Alviella) ... 381 
J. Toutain. Études de mythologie et d'histoire des religions antiques 

{Goblet d'Alviella) . 384 

A. Van Gennep, Religions, mœurs et légendes {Goblet d^Alviella). . . 387 

P. R. T. Gurdon, The Khasis (P. Lacôte) 388 

M. Longwortte Dames. Popular Poetry of the Baloches (P. Lacôte) . . 391 
Mélanges de la^ Faculté Orientale. III. Université de Saint-Joseph 

(R. Dussaud) 392 

H. Lammens. Etude sur le règne du calife omaiyade Mo'âwia (R. Dus- 
saud) .... 394 

Et. Combe. Histoire du culte de Sin en Babylonie et en Assyrie (R. Dus- 
saud) 398 

E. Sellin. Das Ràtsel des deuterojesajanischen Bûches {Ad. Lads) . . 400 
M. Schivab. Rapport sur les inscriptions hébraïques de l'Europe (Aci. 

Lods) • 404 

T. K. Gheyne. Tradition and beliefs of ancient Israël {Mayer Lam- 
bert) 408 

W. Caspari, Die Bedeutungen der Wortsippe 12D im hebraïschen {Mayer 

Lambert) 409 

P. Schoen, Afrahat, seine Person und seine Verstàndnis des Christen- 
tums (P. Afader) 410 

A. Loisy. Les Évangiles synoptiques {M. Goguel) 412 



456 REVUE DE l'HISTOIHE DES REUGIOMS 

H, Preus^. Bk VoratellungeTi vom Antichriat îm spâteren Mitteklter 

(P. Aiphanderif). . . , • ^ 

€. CoigneL Uèvoïnûon ûm prolGelaDti^me frinçaiB au ni* siècle 

(R, Rmss). *^ 

B. l€hr. Les protestants d'autrefois sur mer et oulre-mer (H. A^s*}, 427 
E. BHh. Die Moderne und die Prinzipien der Thaologie (A, N, Ber- 
trand) *^ 

P, Thorm^m. Syatematisciie Bibliograf>hie der Palâitina Litemtur 

(ft, Dusiaud) ,.,.,,-••....,-'•-- ^ 
t. Knapp, ThmlùgiQ und Geburtsbiife nach Caogîamîla*» Saera Embryo- 

logia {^* Geneêtal) *3^ 

G. Man. Dîe ReligioaBpbilosophie Kaiser Juliane (P. Àlphundéry) . - 436 

H. (TArboisdn Jubainvilk. Tain bô Gûalnge {F. À.], -.».,. 435 

il, Ph fie^af/re. Le culte de ta Sainte Vierge en Afrique (P. A,), . . 436 

r. Drehmann. Papst Léo IX und die Simonie (P. A,) 436 

M, iieimbûcher. Die Orden und Kongregationen der kalholiscbeïl Kirûh^ 

(P, A.) -.....- 437 

J. €. BromsoUe. La Religion et les Religions (P. A.) , - - . • . 43Î 

H. Quentin. Les Martyrologes hialoriques du tnoyen âge (P* A.), , - 43S 

Bibtiograpbie nationale suisse, V» 10 (P, A*) 439 



CnROifigugs, par MM. Hené Dmsaud et Paui Aiphandéry, 

nécrologie : Albert Dieteneb, p, 154 ; Otto Pfleiderer» p, 154 ; Gistoa 

Boïssier, p, 155 i V. Fausbôll, p, 440 j Edmond Stapfer, p. 440, 
Corrui^pondance : Lettre de M, Durkbeidû, p. 298; Hêponae de M. Tou- 

iftin, p. 299 ; Lettre de M* Toutain, p* 299; Réponse de M. ?an Gen- 

nep, p, 301, 
Enseignement de rhùtùire des religions à Paris ■ p. 294. 
Généralités : Hibbert JournaL p, IGl; Annuaire du Collège de France, 

p. 315; R. Hirzel, Der Selbstmord, p, 446; P, Nilsonn, Das Ëi im 

Totenkult der Alteo, p. 446; Scientia, rivisla di scienïa, p. 44â ; 

BibiïopboroB, p. 448; Actes du Congrès d'Oiford, p. 44Ô; Herzog et 

Hauck, Real Eïicyclopaftdîe fiir pro testa ntiscbe Théologie, p. 452, 
HEtigions d' Extrême-Orient : Mission Pelliol, p. 187 ; Mission Ed. Cba- 

cannes, p. 302; Manuscrits mossos, p. 305; P, Carus, Chinese 

Tboughtg, p. 448, 
Religions de Vlnde : Mission Peliiot, p» 157 ; Sylvain LéTÎj Açvaghosa, 

p. 310 ; A, Foucber, Une lîsLe indienne des Actes du Buddba, p. 451, 
Bêligmm de la Perse et de Vîran : Dieux iraniens en Asie Mineure, 

p, 157; Culte de Mitbra à Faracba, p. 157. 



TABLE DES MATIÈRES 457 

Religion de VÈgypte: Spiegelberg, Stèle égyptienne de Minephtah, p. 31 1 ; 
G, Maspero, Trépanation des momies royales en Egypte, p. 441 ; 
G. Foucart, La religion et l'art dans TÉgypte ancienne, p. 444. 

Religion assyro- babylonienne : Mission Pelliot, p. 157; Allotte de la 
Fuye, Documents présargoniques, p. 310. 

Judaïsme : Ad. J.-Reinach, Lutte de Jahveh et de Moïse, p. 158; Barth, 
Traduction des Papyrus d'Ëléphantine, p. 311 ; M. Fôrster, Adams 
Erschafifung und Namengebung, p. 446. 

Autres religions sémitiques : Dédicace et consécration de deux sanc- 
tuaires puniques, p. 155; Der karthagische lolaos, p. 159; Pognon, 
Inscriptions sémitiques, p. 159 ; Trilingue de Zébed, p. 161 ; Mission 
archéologique en Arabie, p. 305; Sacrifices humains , de consécra- 
tion dans un sanctuaire syrien à Rome, p. 306 ; Littmann, Parallèles 
abyssins à des usages arabes anciens, p. 312 ; Dédicace bilingue au 
dieu minéen Wadd à Délos, p. 442; Fouilles à Adulis, p, 442. 

Religions anciennes de la mer Egée et de l'Asie- Mineure : Monuments 
hittites d'Euyuk, p. 305 ; Écriture égéenne, p. 305. 

Religions de la Grèce et de Rome : Un type nouveau d'Antinous, p. 156 ; 
Astarté de Paphos, p. 158 ; V. von Domaszewski, Importance poli- 
tique de la religion d'Emèse, p. 160; Sacrifices humains de consécra- 
tion dans un sanctuaire syrien à Rome, p. 306 ; Th. Reinach, Expli- 
cation du mot : parthénon, p. 312; Zeus Olbios en Mysie, p. 443 ; S. 
Menardos, Aphrodite et le corps d'Adonis, p. 444 ; Daremberg etSaglio, 
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, 41* fasc, p. 445; 
Roscher, Lexikon der griechischen und rômischen Mythologie,57e fasc. 
p. 445 ; E. Pottier, Athena et la chouette, p. 446. 

Religions des Celtes et des Germains : Ucuetis et Bergusia divinités gau* 
loises, p. 309; Rites funéraires des Vikings, p. 310; JuUian, Histoire 
de la Gaule, p. 313. 

Christianisme ancien : Binet-'Sanglé, La folie de Jésus, p. 314; Arnal, 
Le Verset III, 21 de Marc, p. 414 ; M. Goguel, Les chrétiens et l'em- 
pire romain à l'époque du Nouveau-Testament» p. 449. 

Christianisme du Moyen Age : Léop. Delisle, Manuscrit de la cathédrale 
de Mende, p. 313 ; S. Reinach, Bas-reliefs énigmatiques, p. 443; P. 
Sabatier, Conférence sur saint François d'Assise, p. 447; G. Guérin, 
L'Évangélisation du Finistère au vi* siècle, p. 451. 

Prix académiques : Prix Lefèvre-Deumier, p. 162 ; Prix Angrand, 
p. 162. 

Erratum: p. 452. 

Le Gérant : Erjisst Leroux « 



AliaiRB* — IMP. A. BCRDlfl IT C'*, 4, RUB tARIIllll. 



1 




||Kiy.UFIiKM.| 



ANNALE!» UU UUSÊE GUIMET 



REVUE 



l'DisTiiiiiE les umm 



MH. UEKÉ DUSSAUD F.T PAUL ALPIUMiÉHY 




SOMMAlAft 



SALaMo^t Bkihacu. OIsIU 6t Epoâm. 

U. M' = -" r L^s SatQtf ratiiolmtiïi entfrrét à BagtiAd. 

E, iv IX Les Hâlif^iODS dâg i]oa-cîtiit»éi ait Q&ngrhm d'Oïfori 

I*. U , i. Le* Rall^ioni de [ laie et da Trraa ta Coa^rà* d'Oslord. 

B, Dtj^^AiD. Le SEfûOphjiga peint d« Ha^Mâ Tfltda. 

E. CovAH. Btillelin de U fldUgioa ajijro-lïab^lijaleime (190T}« 

BEVUE DES UVHfiS 

!• SAteynoN BiliiïànM, Culu», Mythe» et Halifr^^^^ (Goblit o*Atrnitî,*), 

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3* Và^ QsMmp. ' fDLnurs et lé^'end^s (<3. ii*AJ» 

I* P. R, T. OuiiDu^, i iJL' Khigis (P. LA<j6Tt). 

5* M* Loxovvi:>nTTa Dames. Papuiar Poelry Dftbe Babcbes (P. L)* 

6* Mftîatïges 46 ta facuUf^ n^....^ j.^ i.. ij... in i , i3 [ly^^oD)^ 

7» H. Unuftwfl, Etude âtir MftjFl. D*) 

S» Et. CawB«, HjRtoirfl du l ... ^. ... ... „ h:i.rm fPl. D,). 

9» B, Skt-uk, Daa îUUisi des tteiii*?rojeà^jitu4ctien HuchRA (A, LootV 

10* M» SoiWAa. RaaporL iiir ïe^s inaontilnjus b4bf4Îq*ie$ «Jà l'Eiiroï^a (A, L.J. 

11* T, K- CwKYwit* Trt : ■ ' ' ' uf aûcient UfaeJ (M*r*rn LAunttir}, 

Il* Â, toîsr. Le* KvfltJ gîtes i?ii optant» (M, (îocinit), 

16* IL Pnfiîss^, Die ^orÈsl«iimig«Q vùm hniiémil im ipatertn iNftUeiâJtor ua4 ho 

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17* K. Lieim< ité» p?at@»Unls li/vutrefàis ^ur m^r et outre^oiftr (R. R*J. 

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B. P* u*aï.ATTnft, Le culte de U Sainte Vierge ea Afrique. — J. Dhkiih^nn. Tpâpsl 
Léo IX. tiîiil dieSinaonie. - M. HainuiiQifftR. Dta Ofden an^ Roûg^r^g^atiotien der 
katboliachanKirche.^J.G, BR'5uasoLi.g; UnriêtigiûTieties Reli^ioas. ^ îLQtrs^tTiv, 
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•^ 
-^ 



t. 
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