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UNIVERSITY OF
CALIFORNIA
SANTA CRUZ
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UNIVERSITY OF
CALIFORNlA
SANTA CRUZ
doqIc
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REVUE
DE
LINGUISTIQUE
ET DE
PHILOLOGIE COMPARÉE
REGUETL TRIMESTRIEL
PUBLIÉ PAR
M. GIRARD DE RIALLE '
AVEC LE CONCOURS DE
MM. EMILE PICOT ET JULIEN VINSON
ET LA COLLABORATION DE DIVERS SAVANTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
TOME DIXIÈME
l«r Fascicule — Juillet 1877
PARIS
MAISONNEUVE ET O», LIBRAIRES - ÉDITEURS
25, QUAI VOLTAIRE
1877
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OBLéAlfS, IMP. D£ O. lAOOB, CLOITRE SANT-ÊnERlIE, A.
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LA LÉGENDE DU JUIF-ERRANT
(Suite et fin.)
La démonstration que le Juif-Errant revient au Chas-
seur éternel, et que, par cehii-ci, il remonte à travers
les mythes météorologiques de Wodan et de Rudra, à une
légende que nous a révélée son nom de Laquédem, et
dont la parabole de Caïn et Abel nous dira, je crois, le
dernier mot ; cette démonstration nous rend curieux de
savoir si, sous une ^ forme ou sous une autre, il n'y
aurait pas quelque chose d'analogue à notre sujet chez
les Grecs et les Romains. Nous y avons déjà touché par
un mot, mais il faut voir la chose de près.
A un premier examen, on est tenté de retrouver notre
légende dans le mythe de la terrible Hécate, Êxàra S«<nrXï7Te(l),
aiiphère, comme son nom le dit (2), toujours par voie et
par chemin, protectrice des chiens, et accompagnée d'eux,
comme il est dit aussi du chasseur Wodan (3), identifiée
{{) Theocrili Idyllion, II, 15.
(2) V. Preller, Griechische Mythologie, p. 259, 3« éd.
(3) Alb. Hœfer, Zur Myth. und Sittenkunde aus Pommern, dans
iSermama, I, 104. — Les chiens, en Allemagne, portent souvent le
nom de Wodan. (Germania, VIII, 380.)
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~ 4 —
d'ailleurs avec l'infernale Perséphone, comme Wod le chas-
seur infernal, le heljagery l'est avec hel l'enfer, et, plus
tard, avec le diable, cette Perséphone au cœur impla-
cable qui conduit nuitamment la troupe des furies (1),
comme le chasseur damné, dammjàger^ les âmes de
ceux qui ne peuvent trouver le repos, comme Marut les
morts (2).
Jusqu'ici, le mythe grec s'accorde on ne peut mieux
avec les mythes de Wodan et de Rudra, mais cependant
la ressemblance est plus spécieuse que réelle. Quand on
va au fond, on voit que le mythe d'Hécate est impossible
à réduire à un fait historique. La Diane infernale est
un fruit de l'imagination populaire surexcitée, et n'est
pas autre chose. Dans la mythologie germanique, on
pourrait lui assimiler la déesse Holla, qui conduit les
sorciers et les sorcières, des c furies », dit une légende (3),
et, effectivement, un prédicateur du XV« siècle,- Joh.
Herolt, nous apprend qu'on appelait Holla Diane, quam
quidam Dianam vacant (4). Hécate n'est qu'une magi-
cienne ambulante comme Médée, une sorcière comme
Circé et la blonde Périmède, et on a même rapproché
son nom du mot hemy par l'intermédiaire de l'ancien
bas-saxon hagata, termes qui, l'un et l'autre, veulent
(1) T^ç 5*iÎ8/îOfoiTeç È/aivùç... àftsAep^ov ^Top t'xpoaoL. (llias, IX, 571.)
Cf. Scholia in Theocriti IdylL, p. 19, éd. Didot : Ttiv £xàT>7v ^co-c
(2) Kuhn, Wodan, dans Zeitsch. /. D. A,, V, p. 488 sqq. Panzer,
Beitrag zur Myth., Il, 437, 527. Alb. Hœfer, Zur Myth, md Sitt,
dans Germaniat I, i03.
(3) V. L. Bechstein, Der Sagenschatz, etc., des Thiiringerlandes,
m, p. 190.
(4) Grimm, Deutsche Mythologie, p. 885.
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-- 5 —
dire « sorcière > (1). La Thessalie la revendique, et sa
place finale est dans le sabbat des mystères de toute
provenance, où le syncrétisme romain de Tépoque de la
décadence lui avait assigné le rang que méritaient ses
enchantements et ses philtres, (fipiJMm.
Sans doute, il faut Taccorder, Rudra, avec son cortège
de Maruts, revient à une procession de trépassés ; étymo-
logiquement, on ne saurait le contester, puisque marut
dérive de mritay mort, de mn, mar, mourir, en sanskrit,
en zend et en latin (mor-i), et les Einherjar que conduit
Wodan sont des guerriers tombés sur le champ de
bataille (2). Mais cela n'empêche qu'il n'y ait dans ce
monde-là une vie et un mouvement exubérants, et rien
qui rappelle le milieu où se plaît Hécate, à savoir les
cimetières et le sang infect des cadavres : èpxoiis>wv vexuwv
avec r'-npU xoci peTov alpa (3), Il cst vrai que SOU rôle premier
est tout autre ; ce rôle est universel, car elle a en par-
tage le pouvoir de tous les dieux (4).
N'importe ; convenons que le mythe d'Hécate n'est pas
de la famille de la légende du Chasseur, et voyons ce qu'il
en est de celui de Mars conduisant les processions et la
danse des Saliens. Mais ici, loin d'avoir affaire à des
âmes de morts ou à quoi que ce soit de néfaste ou de
(1) V. Mone, Anzeiger fûrKunde der Deutschen Vorzeit, VIII, 445.
(2) Remarquons que le todtenmann (homme des morts, fossoyeur)
est appelé le vieux Juif, der alte Jude, dans quelques contrées d'Alle-
magne, dans la Haute-Silésie. (V. Yernaleken, Mythen des Volkes in
Oestreich, p. 296.) Or le Juif-Ërrant est, comme nous Tavons déjà in-
diqué, un Wodan transformé.
(3) Théocrite, loc, c.
(4) Kac yépaç ev yKvn rs xal oO/oavôi, riU Boàadcrpy elle a puissance SUT
la tçrre, le ciel et la mer. (Hésiode, Théog., 427.)
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- 6 —
lugubre, nous ne rencontrons que la joie et la vie, la vie
renaissante du printemps. Ce sont, non des spectres, mais
des vivants en chair et en os qui courent et se trémous-
sent avec Mars à leur tête, uniquement pour célébrer le
dieu, non en tant qu'il est la personnification de la
guerre, en laquelle qualité, comme le savait déjà Tacite {\)]
il est identique avec Wodan, mais pour la célébrer en ses
fonctions de dieu du renouveau et de Tannée renaissante.
Il est vrai que certains passages d'Ovide et de Festus
disent que Romulus avait consacré à Mars le premier
mois, à cause de ses qualités guerrières qui plaisaient le
plus aux peuples belliqueux du Latium (2), mais il n'y a
là rien d'absolument contradictoire, le caractère du prin-
temps étant ce qu'il est, turbulent au possible. C'est la
saison qui remue la nature de fond en comble, et, comme
dit le poète, la fureur {de toutes les divinités capricieuses
s'y donne carrière : Vertumnis, qmtquot sunt^ nattes
iniquis (3). Même comme dieu du printemps. Mars a
ainsi droit à l'épithète d'anhelus qu'on lui attribue en sa
qualité de dieu de la guerre. Ses fonctions en l'une et
l'autre situation l'essoufflent également.
Le mythe de la divinité, dont les prêtres se faisaient
(1) Les Hermundures vainqueurs, dit-il {Annal. ^ XIII, 57), avaient
dévoué les Gattes vaincus à Mars et à Mercure. (Cf. Germania^^ VII.)
Or, Wodan était Mars et Mercure, comme on le savait encore au
Vile siècle. (V. la Vie de 5. Columban, Mabillon, Annales Benedictini,
1, p. 295, fol. 1703, et la glose citée par Holtzmann, D. Jtf., p. 35.)
Mars et Mercure, chez les Romains, revenaient à un seul dieu. (Mar-
tial, Epigf., V, 24.)
(2) Ovide, Fastes, III, 79 sqq. Pomp. Festus, De Verb. signif,,
1. XI.
(3) Horat., Salir., II, 7.
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- 7 —
de si jolis revenus par le ver sacrum, convient donc, de
quelque côté qu'on le considère, à l'étude comparative
que nous faisons ici. Comme dieu du printemps, Mars
faisait sauter et courir tout aussi bien que comme chef
de guerre. Les Salions (1) se trémoussaient en honneur
du mois qui a pris du dieu le nom qu'il porte, et les
cavaliers célébraient par le même motif des courses,
equiria, au champ qui lui était consacré. Les uns et les
autres reviennent ainsi, en leur valeur mythologique, aux
Maruts et aux Einherjar.
Mais il y a, à ce qu'il semble, un point de rattache
tout spécial entre le mythe de Mars et la légende du Juif-
Errant. Yarron nous dit que les Salions, quand ils avaient
terminé leurs processions, nettoyaient les trompettes
sacrées dans la cour des cordonniers, sur le Palatin :
in atrio sutorio sacrorum tubœ lustrantur (2). Pourquoi
dans la cour des cordonniers ? Mars était- il le patron des
cordonniers? Nullement. Que conclure alors de cette
coïncidence cordonnière ? Ne disons pas qu'il en résulte
que Mars avait du pech (malheur) comme notre Juif, bien
qu'à tout prendre la métaphore et la comparaison soient
autorisées par des légendes (3). Non ; la cour des cordon-
niers pourra nous servir mieux, et voici comment.
Nous avons parlé de Persée et de sa grosse sandale,
crocvJdcXeov fAsyaGoç, qui ressemble fort au gros soulier, skô
(1) Salit a sallendo et saltando, dit Festus, 1. XVU.
(2) Varro, De lingua latina, VI, U.
(3) V. Grimm, Kinder und Hausmàrchen, I, p. 158, 5e éd. On y
apprend comment la poix (pech) est synonyme de c malheur. » Une
jeune fille paresseuse reçoit, au lieu de la pluie d'or qu'elle attendait,
un chaudron plein de poix qui la souille de la tête aux pieds.
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— 8 —
thokkvan, de Widar passé dans les attributions du Juif-
Errant. Si, ce qui est mythologiquement probable, ces
deux chaussures sont les mêmes, Persée (4) et Widar
personnifiant également le renouveau, le renouvellement
du monde, puisqu'ils tuent, Tun les forces hostiles et les
ténèbres, dans la personne de la Gorgone Méduse (2),
et Tautre dans celle du loup Fenris; le dieu Mars, qui,
en sa qualité de démon du printemps, n'est qu'un autre
Persée ou un autre Widar, nous conduit, par la cour
des cordonniers du Palatin, à lui identifier le cordon-
nier Ahasvérus qui, sous le nom de Buttadeus, dieu
poisson, peut passer, d'un côté, pour le patron du mois où
la nature entre en plein travail de renouvellement, )e
mois d'avril, et de l'autre, comme nous le verrons, pour
la figure équivalente du poisson mystique, i^Wç, le Réno-
vateur par excellence, le soleil idéal, le Christ.
(1) C'était la croyance des Égyptiens, nous dit Hérodote (II, 91), que
lorsque la chaussure de Persée avait paru quelque part, la fertilité et
Tabondance allaient régner dans toute l'Egypte : To sm(h foani, evOmicv
aTrao-ov AîyuTrTov. Pour les. Égyptiens, Persée était un des aspects du
dieu Ra, le soleil ; et la Théogonie d'Hésiode nous apprend que, Titan
chez les Grecs, Persée dans la mythologie grecque, personnifie égale-
ment la lumière du jour. 11 est le fils du soleil, Hélios. (Hésiode,
Théog., V. 956.) Le sang de Persée, dit Jupiter, le père du jour
(Diespiter) et le soleil même {eunéem esse Jovem ac solm* Macrobe,
Sat., I, 23), est mon sang, quis sanguinis auctor if se ego. (Stace,
Thébaîde, I, v. 224.)
(2) n n'y avait qu'une seule Gorgone, bien qu'Hésiode en nomme
trois, ce qui parait inutile. On voit, en effet, que Méduse étant tuée, il
n'est plus question de Stheno et d'Ëuryale. Du reste, Homère, les
tragiques, Apollonius et autres, ne parlent jamais que ^'une seule
Gorgone. C'est toujours ro/)yw, ro/oyoOç, ro/sygiîj, ropyeiviv. (Ilias, V,
741; VIII, 349; XI, 36; Odyss., XI, 634; ApoUonii ArgomuUea, IV,
V. 1515.)
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— 9-
Personne ne nous accusera, je pense, de donner par
ces explications un poisson d'avril ; la vérité est qu'elles
ouvrent une échappée de vue non encore ouverte dans
l'interprétation de notre légende. Nous y reviendrons. En
attendant, mentionnons, pour ne rien négliger, quelques
fables arabes auxquelles on pourra trouver un air de famille
avec le Juif-Errant. On lit dans le Qorân (1) qu'un certain
Samari, c'est-à-dire un Samaritain, car le nom ne veut
pas dire autre chose, avait fabriqué le Veau-d'or, et,
en punition de ce crime, il se serait vu condamner par
Moïse à errer perpétuellement sur la surface de la terre,
f Éloigne-toi d'ici », lui aurait dit le législateur cour-
roucé. « Ton châtiment dans ce monde sera celui-ci ; tu
diras à qificonque te rencontrera : Ne me touchez pas » .
Samari va donc, et son mouviement perpétuel lui a valu
le surnom de tourneur, al kharaïthi (2).
Ce qui est fâcheux, c'est que, de tout cela', il n'y ait
pas un mot dans l'Exode (3). On peut donc soupçonner
Mahomet ou son secrétaire d'avoir inventé ce récit.
Quant à une autre légende qu'Herbelot rapporte, d'après
l'auteur du Nighiaristan, d'un certain Fadhilah qui vit un
jour, dans une vallée de Syrie, un vieillard à tête
chauve, tenant un bâton à la main et ayant l'air d'un
derviche qui, sur la demande qui il était, lui répondit : t Je
suis ici par l'ordre du Seigneur Jésus ; il m'a laissé en
ce monde pour y vivre jusqu'à ce qu'il vienne une
seconde fois en terre, etc. (4) î ; quant à cette légende,
(1) Sur., XX, 90, 96 sq.
(2) Herbelot, Bibliothèque orientale, III, p. 197.
(3) V. le récit de VExode, ch. xxxu, consacré au fait du Veau-d'or.
(4) Herbelot, loc. c, sub voce^ Zérib.^ III, 607.
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— 10 —
elle rentre trop ^idemment dans le cycle légendaire
d'Élie et de saint Jean, pour qu'il soit besoin d'insister
là-dessus. Et pour ce qui est du vieux Juif qui, au
rapport d'Al Kazwini (1), se montre la nuit sur la surface
de la mer où il erre et suit les navires, il se termine trop
en poisson pour le regarder sans rire. C'est le rêve d'une
imagination malade, où il n'y a même pas un grain de
cette naïveté dont ailleurs les contes de poissons ne sont
pas dépourvus (2).
VI
Mais puisque nous voilà revenu en Orient, où nous
avait conduit d'abord le nom de Laquédem, restons-y.
Les mythes cosmiques de Rudra, avec lequel Indra s'iden-
tifie parfois (3), et de Wodan, équivalant à Mars, nous ont
permis de saisir la filiation qu'a avec eux la légende
du Chasseur sauvage qui mène la chasse de Caïn, et se
confond, dans le sentiment populaire, avec le Juif-Errant.
Laquédem serait-il donc identique avec Caïn? Certaines
(1) Ap. Bochart, Hierozoicon^ II, col. 858 sq.
(2) V. quelques-uns de ces contes chez Brlinger, Volksthûmliches
ans Schwaben, 1, 132.
(3) Cela résulte de ce qu'Indra est invoqué avec les Maruts (V. jR.
Véda, h. 100, st. 1-15), et que les Maruts ou Rudras composent son
entourage et lui montrent en quelque sorte le chemin où il doit mar-
cher. (16., h. 101,8t. 4,7.)
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— 11 -
inductions nous Tont fait affirmer déjà, mais il faut justifier
davantage cette affirmation.
Il n'est pas admissible d'interpréter, avec Goldziher et
d'autres, la légende de Caïn et d'Abel au sens atmos-
phérique du mythe d'Indra et d'Ahi ; encore moins de
n'y voir que la relation du premier meurtre qui ait
affligé l'humanité. Nous ne pouvons admettre l'inter-
prétation de Goldziher (1), et ne voir en Caïn qu'un
héros solaire (2) à la manière de Persée ou d'Indra, et,
dans Abel, l'obscurité que répandent les nuages person-
nifiés en la Gorgone et en Ahi, parce qu'il est abon-
damment prouvé que les Hébreux et leurs congénères
n'avaient pas du tout le sens mythique développé dans la
direction où il se^ manifeste chez les Indo-Européens. Il
leur arrivait sans doute d'exalter ou de diviniser le
soleil et les autres phénomènes cosmiques ; mais la chose,
qu'on me permette de le dire, ne se passait pas avec la
naïveté et Tinnocence qu'y mettaient les ancêtres de notre
race, à nous. Chez ceux-ci, on restait dans le domaine d'un
vague polythéisme ; chez ceux-là^ on tombait tout de suite
dans l'idolâtrie la plus prononcée.
Maintenant, quant à l'autre interprétation du récit
biblique, nous ne pouvons l'admettre, par la raison fort
simple qu'un meurtre particulier, quelque grave que le
(1) V. Dermythos bei denHebrœem, p. 129 sqq.
{î) Tout aussi peu, pour le dire en passant, que dans le Buddha-
Çâkya. C'est une explication fantastique, et M. Renan a eu raison de
s'inscrire en faux contre une pareille interprétation. (V. Joum. As.,
juillet 1876, p. 32.) Nous avons d'ailleurs démontré la réalité ethno-
graphique de Çâkya dans notre ouvrage: le Buddhisme, U Nir-
t^, etc., 1873.
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— 12 —
fait soit en lui-même, est de trop mince importance dans
rhistoire générale du genre humain pour fixer l'attention
des peuples, et, par suite, celle de l'historien. Si donc
les faits et gestes de Caïn et d'Abel ont trouvé un écho
dans les annales primitives, il faut que la crise où ils
aboutissent se rapporte, non pas à un simple meurtre
commis par un^ particulier sur un aulre particulier, mais
au plus grand crime qu'il soit possible de commettre contre
l'humanité. Or, je n'en sais et personne n'en sait de plus
grand que la guerre.
L'histoire de Caïn et d'Abel est une parabole, et ni
Caïn ni Abel ne sont des personnes réelles. Le premier
représente les peuples qui s'adonnent à l'agriculture ;
l'autre, les peuples pasteurs. Mais la culture de la terre,
quoiqu'elle soit l'art par excellence de la paix, est néan-
moins ce dur et servile travail qui nous fait manger
notre pain à la sueur de notre front. C'est vraiment le
labor improbus, labeur rude et vil, labeur aléatoire,
labeur qui excite et nourrit dans l'homme une foule de
basses passions ; entre autres, la crainte, l'envie, la haine
et surtout cette manie de s'arrondir, comme on dit,
dont l'âpreté dépasse parfois l'imagination. C'est un fait,
que le paysan vit dans des transes perpétuelles, et,
vienne une occasion où ce qui l'oppresse pourra écla-
ter, il donnera un libre cours à ses rancunes et aux
penchants de violence que l'implacable servitude du sol
a nourris en lui. Alors, c'est la guerre des paysans, la
guerre féroce et impitoyable contre un voisin favorisé
d'occupations plus faciles et plus agréables (4). Ce voisin,
(1) Les conditions de la vie pastorale, dit le voyageur russQ
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-lâ-
à Torigine de la société, est possesseur et gardien de
troupeaux. Les poètes, d'accord avec les observateurs,
Vont toujours chanté, et toujours aussi ils ont poussé
des lamentations sur le sort du laboureur.
Mais les occupations relativement paisibles et. peu aléa-
toires du pasteur le rendent aussi plus faible que son
rude et grossier voisin, et. de la sorte si, poussé par ses
basses passions, Caïn, la manie de la propriété ter-
rienne personnifiée, der Eigenthumssûchtige, comme son
nom l'indique très-bien (4) ; si, dis-je, Caïn s'élève contre
son frère, le doux gardien de moutons, il le vaincra,
l'abattra à ses pieds et volontiers le tuera.
Alors, qu'arrivera-t-il ? La Némésis se dressera devant
le meurtrier, et les furies le saisiront. Il voudrait se
vomir lui-même, et, dévoré par d'invincibles remords,
il se verra forcé de quitter le sol qu'il a souillé ; désor-
mais il mènera une vie vagabonde, une existence mau-
dite, juste comme la légende le dit du chasseur damné,
dammjàger, et du
Juif qui est errant
Parmy le monde, pleurant et souspirant.
Cette interprétation de la parabole de Caïn et d'Abel
n'est pas arbitraire ; elle trouve sa confirmation dans les
commencements des diverses sociétés où les peuples,
aussi longtemps qu'ils restent barbares ou sauvages,
Prshewalski à l'occasion des Mongoles, ne favorisent que trop Toiki-
veté. Les soins à donner aux troupeaux n'exigent absolument aucun
travail fatigant. (Ap. Bastian, Zeitsck, fiir Ethnologie^ VII, p. 361.)
(1) R. Hirsch, Der Pentateuch, I, p. 93.
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— 14 —
subissent la malédiction que leur penchant pour la guerre
entraîne avec lui. Et pour ne pas sortir du domaine de la
légende, on dirait que la parabole biblique se reflète
dans le mythe eddaïque des Âses et des Vanes, présentés
comme les fauteurs de la première guerre qui eut lieu
•dans le monde. Le nom même des Yanes invite à la com-
paraison, car le sens étymologique en correspond à celui
d'Abel. Le nom d'Hébel, h^H s'explique par bSH,
vane egit, et la Bible emploie le mot dans le sens de tes
vatuif vanitas, néant (1). De son côté van, d'où dérive
Yanir, signifie c être privé de >, et, comme substantif,
c illusion » ou <x vanité >.
Nous voyons ainsi dans les Vanes de véritables Abé-
liens. LesEddas et TYnglinsaga en parlent longuement (!2).
Cette dernière les montre doux et paisibles, demeurant
dans l'origine en Orient, côte à côte avec les Ases, leurs
alliés. Néanmoins, ces alliés par le sang leur étaient étran-
gers par les dispositions morales : les Ases étaient d'une
nature rude, violente et surtout cupide. L'envie qu'ils
portaient à leurs voisins dans l'aisance, Vauri sacra
famés (3), les poussa à leur faire une guerre d'extermi-
nation. L'infâme Loki, Loka ôtheckan^ chef des Ases, tua
Baldr, chef des Vanes, par la main de l'aveugle Hôdhr.
Mais Hôdhr est la personnification de la guerre, comme
(1) Jérémie, X, 3.
(2) V. Voluspâ, Gjjlfagiwaing; Fn^Knsa^a, chapp. 1, V,dans Beims-
kringla edr Noregs konunga Sôgor, par Snorra Sturlusyni, I, pp. 5,
9; éd. 1777, par SchôniDg, Kopenhague.
(3) Cela est énigmatiquement exprimé dans la Voluspâ par le mot
gullveigy breuvage d'or, qui paraît avoir été la cause de la première
guerre.
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- 16 —
Mars qui engendre la terreur et la peur, et marche de
concert avec cette engeance à la destruction de la
société (4>. Et c'est ainsi, dit TEdda, que s'accomplit
dans, le monde le fait lamentable, harmslaug, du premier
meurtre : that var enn fôlevlg fyrst i heiml (2).
Dès lors, les Ases ont couru le monde entier, et on
dirait qu'agités et fugitifs sur la terre, c'est d'eux que
leurs descendants, les Germains, tiennent ce penchant
irrésistible qui les pousse à quitter sans esprit de retour
le sol natal, pour se répandre dans tous les pays du
globe. Il est du moins certain que la légende du Chasseur
perpétuellement errant a été toujours cultivée avec prédi-
lection par les Allemands ; dans aucun pays, elle n'a pris
tant de formes et d'aspects divers qu'en Allemagne (3),
et il s'ensuit qu'on est fondé à soutenir que c'est une
création véritablement allemande. C'est donc aussi un
symbole national, car tout ce que nous créons est à notre
image, à notre ressemblance et nous représente.
Cependant, le fond de la légende ne cesse pas pour cela
d'être un fait historique primordial. Ce que nous voulons
dire seulement, c'est que l'Allemagne, en s'appropriant
ce fond, l'a frappé à son type, même sous la forme que
le Chasseur a prise dans la légende du Juif-Errant. Le
Juif-Errant allemand a changé sa constitution exotique
(1) Hesiod., Theog,, 933 sqq., *oêov -mi MïyLOfit <yùv Xpm mokiTrôpQcô.
(2) Voluspây st. 1-22/ dans VEdda de Saemund, III, p. 35; Hafniae,
1828; st. 25-37^ chez Hoitzmann, Die altère Edda. Cf. Ferd. Vetter.
Freyrund Bcddr, dans Germania, XIX, 204; Karl Meyer, Germanta,
XVII, p. 198 sqq.; HoUzmann, Deutsche Myth., p. 48, 268.
(3) Voy. les collections de légendes de Kuhn, Meier, Rochholz,
Prôhle, MûllenhofiT, out. c, p. 360 sqq.
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— 16 -
primitive, à Tinstar de ce qui se passe sur le sol allemand
à regard de ses congénères vivants, dont un grand
nombre présente le phénomène étrange de Juifs à cheveux
blonds (4).
VII
Il nous semble que la filiation du Juif-Errant se
trouve maintenant suffisamment élucidée, et que l'étude
des mythes parallèles nous a éclairés aussi sur le sens
originel du légendaire vagabond. Gain fut le premier qui
fit la guerre et qui tua son frère, le doux et paisible
Abel ; le premier, Ahasvérus-Laquédem, demanda la mort
du Juste : primus Christum cruci suffigendum excla-
maverit (2). Le châtiment de Gain est d'errer agité sur la
terre ; une légende du XIII® siècle nous le montre qui
roule jusqu'à la fin du monde, renfermé dans un ton-
neau, autour d'une vaste et stérile plaine qu'elle nomme
le désert d'Abillant (3). L'expression est peut-être symbo-
lique, et signifie le pays d'Abel, la terre que le meur-
trier a ensanglantée et rendue stérile. Le châtiment de
Lî^quédem ne manque pas non plus de grandeur tragique.
(1) Le dernier recensement Ta constaté, et Virchow a porté le fait à
la connaissance du Congrès anthropologique qui s'est tenu à léna au
mois d'août de cette année, 1876. On a trouvé plus de 11 p. 100 de
juifs blonds.
(2) Boulenger, loc, c.
(3) V. Huon de Bordeaux, ch. XXXIV, dans la Biblothèque JbJeue.
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-il -
t Je suis, dit-il, de ceux qui, par leur arrogance, cruci-
fièrent le Sauveur des humains (1) ï>, et de même que
rÉternel mit un signe sur Caïn afin que personne ne le
tuât, le Christ détourne la mort de la tête de Laquédem.
€ La mort ne me peut rien », dit-il,
Chacun meurt à son tour,
Et moi je vis toujours.
On n'a guère compris ce que signifie la sentence que
Jésus renouvelle en punition de la € cruelle audace ]>
du Juif. Des poètes ont voulu faire mourir le t cruel et
rebelle > ; Ed. Grenier a imaginé « la mort du Juif-
Errant », et Schubart le fait s'endormir d'un sommeil
qui ressemble au sommeil éternel (2). La légende, d'ail-
leurs, n'a pas été plus intelligente à l'égard du Chasseur,
dont le Juif est la-forme renoiivelée ; dans la Westphalie,
on montre la tombe du Chasseur sauvage sur le Hain-
berg, près de Bockenem (3). Cependant le Chasseur, pas
plus que le Juif, ne saurait mourir, car Caïn, son
ancêtre, ne meurt pas ; personne ne le tuera. La chasse
est synonyme de guerre ; l'une comme l'autre « dresse
des pièges dans le sang (4) x>. Si jamais on voit la fin
de la guerre, ce sera quand il n'y aura plus de com-
(i) V. tome IX, p. 316, Complainte d*un Juif encore vivant, errant
par le monde, st. 5.
(2) En 1834, un poète dramatique a montré, à la Porte-Saint-Martin^
le Juif-Errant prenant son vol vers le ciel en compagnie de Franklin
et de Napoléon.
(3) Kuhn, Sagen^ etc., ans Westfalen^ I, 315.
(4) Michée, Yll, 2.
i
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battants. La guerre seule pourra tuer la guerre, et
c'est ce que la vieille Voluspâ nous fait entendre, quand
elle. dit que Vali, à qui appartient le, cljiamp de braille
jpnché de cadavres, brûle r^vej^le^^ô(]|l^r (4). Mais ^la
n'arrivera qu'à la fin du mqn(^ (^actiael, qui périra,
comme Ilion, jusque dans ses ruines : etiam periere
ruinœ (2).
Toutefois, c'est pour Tmdiive so^s une autre forme, et
je ne sais si, par une sorte d'intuition prophétique,
comme on en rencontre tant d^ns les dépositaires
inconscients des mystères de Thumanité, la, légende n'a
pas voulu indiquer ce renouvellement par le i^om ,de
Buttadeus, qu'elle attribue au Juif-Errant qui, d'abprd
et avant tout, est le symbole de l'état discordant ac(uel
du genre humain, et par conséquent celui de l'obscurité.
Ce nom singuher, avec lequel nous avons déjà fait con-
naissance, se trouve mentionné, pçur Iji premier^ fois et
comme au hasard, dans la Praxis Alchymiœ, impriipée à
Francfort epi 1604", de Libavius (3), gavant médQ.cia
oubUé jiujourd'hui , injustement sans doute, car, le
premier, il eut la grande et salutaire idée de la trafis-
fusion du sang. Mais que signifie le nom de Rutfa-
deus? Nous n'hésitons pas à l'interpréter par « poisson-
dieu >. En effet, quand on le décompose, pn.a butta
(1) Foiusjpa, st. 37. Cf. Karl Weinhojd, Die Sqgen von ^Irofct, dwis
Zeitsch. fûrD. A., Vil.
(2) Lucain, flianale^ IX, 969. Je marque r^endroit de ce passage,
parce que plus d'une fois j'ai pu voir que des.prof^i^seurs même de
r Université ne savent pas où il se trouve.
(3) Libavii Praxis AlchymicB, p. &37,.in-8o. ,Habij^u^eç^e^t op le
trouve cité fautivement sous le nom de Libarius et de ^^beâi^.
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et deus (l).'Or butta, en tant que mot de provenance
afllemande et, par conséquent, allemand, butta désigne
nn des poissons les plus estimés du genre rhombus (2),
afuquel appartient aussi ce turbot de Domitien, au sujet
duquel le sénat romain ne crut pas déroger, en déli-
bérant à quelle sauce il fallait le manger , ou du
moins comment il convenait de le préparer (3). Mar-
tial nous dit que, pour ne pas se rendre à un repas
où . on servait un turbot, il ne pouvait y avoir qu'un
seul motif : avoir la certitude d'entendre lire à table de
mauvais vers (4). C'était donc et c'est encore, on peut
le dire, le poisson par excellence. Aussi, une de ses va-
riétés est-elle nommée heiligbutt, rhombe sacré.
Ne sait-on pas que la primitive Église aimait, en
vue du déluge de nos péchés, à désigner le Christ par
le mot i;^0yç, parce que le Sauveur demeure comme un
c poisson > vivant au milieu xles abîmes d'eau, où nous
autres nous périssons? Plus tard, le symbolisme passable-
(1) Libavius, et tous ceux qui reproduisent le nom (Schudt, Compend.
hisl. jud., III, 8, p. 461 ; Martin Drôschei, Dissertatio theal. de duobus
testibus vivis, c, II, § 1 sqq., et autres) écrivent dœu$y mot qui n'en
est pas un, car il n'a pas de $ens. C'est donc chez Libavius un lapsus
calami ou une faute d'impression ; les autres l'ont copié sans inquié-
tude. On retrouve, estropié quant à la première partie, mais correc-
tement quant à la seconde, le nom de Buitadeus chez les Saxons de
la Transylvanie sous la forme de Bedeus.
(2) Gela n'empêche que, étymologiquément, le mot ne soit synonyme
de € bout d'homme i ou de c nain. » Les lutins ou farfadets (fcobolde)
sont des butte. (Simrock, Handb. der D. M., p. 472.) D'un autre côté,
Fôrslemann (Altdeutsches Namenbuch, v. Bud) interprète Butte par
€ seigneur. ^
(3) Juvenal, Satire IV.
(4) Martial, Epigram., III, 45.
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ment raffiné des Alexandrins Irouvail dans ce mot^ in-
diqués initialement, les mots d'une phrase que saint
Augustin nous a conservée (1), et qui est i>îorovç Xjoioto^,
eeoy, yîoc icarhpy Jésus-Ghrist, fils de Dieu sauveur. De. ce
Piscis, les païens ont ensuite fait le sobriquet de pisci'
oidi (2), donné aux chrétiens.
Or, quand on réfléchit que, comme Jésus-Christ, le Juif
Buttadeus est toujours par voie et par chemin, qu'il n'a
pas de lieu oii reposer sa tête, sinon nuitamment, sur
une sorte de croix improvisée avec un arbre ou avec des
instruments aratoires (3), qu'on le voit assister dévote-
ment aux sermons et donner le bon exemple d'un
pécheur qui veut expier son crime (4) ; qu'il gémit de ne
trouver à ses différentes visites que des juifs dans la ville
chrétienne de Hambourg (5); qu'il exhorte les gens (6)
(1) August., De civitate Dei, XVIII, 23.
(2) Tertullian., De Bapiismo, I : c Sed nos pisciculi secundum
t^ôùv nostrum Jesum Ghristum, etc. »
(3) V. Kuhn, Sagen ans Wesifalen, I, p. H5; II, p. 33. Mûllenhoff,
'Sagen, etc., ans Holstein, etc., 160, 547.
(4) « Je fay, dil-il, icy bas pénitence, etc. » V. tome IX, Pavant-
dernière strophe, p. 318. Dans VHistoire admirable, etc., de Bruges,
il dit qu'il n'a pas youlu se laisser baptiser, et il ajoute : c Et m'en ai
repenti (p. 26). »
(5) C'est un trait rapporté par Pierre Dupont.
(6) Dans le cantique, l'œuvre d'un romancier moderne d'Épînal ou
de Montbéliard, qui suit la complainte, le Juif-Errant s'écrie :
Amendez-vous, pécheurs, amendez-vous ;
Songez à l'état de vos consciences;
AGn d'apaiser dé Dieu le courroux.
Disposez-vous à faire pénitence !
(V. le cainlique, st. 13, dans la Légende du Juif-Errant, par P. Dupont,
p. 5.)
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— 24 —
et les convertît en tous pays, grâce à la faculté qu'il a
de comprendre et de parler, comme les apôtres, toujours
la langue du pays qu'il traverse (1) ; qu'il accepte
Taumône sans en avoir besoin pour lui-même et seule-
ment pour la distribuer aux pauvres (2), qu'il fait des
miracles (3) et se montre cependant constamment doux et
humble, qu'il n'est sévère qu'aux impies et aux blasphé-
mateurs ; je dis que lorsqu'on réfléchit à tous ces traits
auxquels on trouvera à en ajouter d'autres également édi-
fiants, il est difficile de se refuser à la pensée que la
légende, par l'attribution du nom de <c dieu-poisson >, a
eu en vue l'identification finale du Juif criminel et
sombre d'allures avec le Juif pur et lumineux, le
Christ, rénovateur et vivificateur comme le soleil^ le soleil
levant [à).
Maintenant, on voit distinctement aussi le joint déjà
indiqué de notre légende avec les mythes de Persée, de
Widar et de Mars. Le punctum saliens, la victoire du
soleil sur les ténèbres, est le même chez tous; seulement
les procédés diffèrent. Ce que le mythe réalise par un
acte dramatique, la légende l'opère par une transforma-
(1) Discours véritable^ etc., p. 7 : c Aussitôt qu'il entre ea une
terre, il entend la langue. »
(2) € Si on luy bailloit quelqu*argent, il ne prenoit pas plus de deux
ou trois sols, et tout à l'heure les donnoit aux pauvres. > (V. Discours
véritablCy etc., p. 5.) Ces deux ou trois sols deviennent deux schillings
ou un groschen dans les récits allemands, et cinq sous dans la com-
plainte d'Épinal, et dans le cantique.
(3) Y. D. Galmet, Dictionnaire de la Bible, s. v. Juif-Errant.
(4) Oa sait que TÉgKse appelle le Christ : Oriens, splendor lucis
œtemœ, et Soi, (V.les Àntieniies (}ui aunpncent Ifi fêtç de la naissance
du Sauveur.)
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— 22 —
tion morale. Persée, BellérophoD, Widar, Mars entrent
en latte oav^te contre on monstre, qui vit d'one exis-
tence séparée de la lear; Laqnédem n'accomplit qu'un
combat tout intérieur « La légende a christianisé le mythe.
Ponr elle, la Gorgone, la Chimère, le Loup est le péché
mortel qu'a commis Âhasvéros et qu'il eipie par ses
courses forcées et par les œuvres de charité, dont son
existence ambulatoire lui fournit fréquemment les occa-
sions. Au surplus, l'intention de la légende se manifeste
déjà, nous l'avons vu plus haut, dans le conte du Chas-
seur, l'ancêtre immédiat d'Ahasvérus. Il apparaît même
avec la qualification de butta, et cela surtout dans des
pays foncièrement catholiques, comme par exemple la
Wes^)halie. Il y porte le nom de bwidejàger (1). La
christianisation de notre héros est donc fort ancienne, ,
relativement parlant, et ainsi nous sommes assurés que
Libavius (+ 1616) n'a pas inventé l'épithète de butla^
deu8. Il l'a trouvée établie dans la tradition populaire,
comme, du reste, il est aisé de le voir à la manière dont
il cite le mot (2).
Mais cette hardiesse de la légende qui ramène Wodan, .
c'est-à-dire le diable (3), et le Christ, c'est-à-dire le prince
de la paix, à l'unité personnelle de Laquédem-Buttadeus,
ne saurait étonner ; lé peuple, tout comme le génie, est .
(i) KuhD, Sagen ans Westf,, II, 12.
(2) € Alius ipsam (se. Âhasverum Judœum) appellat Buttadeum,
alius aliter (toc. c). »
(3) Nous avons déjà indiqué Tidentification de Wodan avec le diable.
Aussi le Chasseur^ qui est Wodan, ne craint-il rien tant que
la figure de la croix. Quand il passe et qi^'on se croise les bras, ou
qu'on se place à un endroit où les chemins se croisent, on n'a rien k
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— 23 -.
un grand philosophe ; ses créations, si divergentes qu'elles
soient, aboutissent' toujours à une synthèse quelconque.
La seule condition pour cela, c'est qu'elles soient incons-
cientes: L'inconscience est la loi de toute véritable créa-
tion. Si celui qu'on peut' appeler le Chrétien errant,
Firànçois d'Assise, n'est point parvenu à s'identifier avec
lé Christ, c'est uniquement parce que la condition d'incons-
cience a mari^ué aux créateurs de sa légende. Pour y
mettre trop de voulu, ils ont été faiseurs plutôt que
créateurs. La légende du chef de l'ordre ambulant par
excellence (1 y présenté son héros toujours en fuite devant
'le diable dalns les gorges dé la Verna (2), et recevant la
promesse qùfe cette existence inquiète et vagabonde, si
elle était correctement suivie , ne finirait qu'avec le
monde. Mais" on n'a pu faire qu'elle ' le fût long-
temps; la décadence des religieux' mendiants s'accuse
visiblement d^S, alors qu'ils n'ont pas ' encore traversé
un ' sètil siècle ; la polémique de John Wiclef, curé de
LuttiénV6rth (3),* et les satiWs de Ctàùcer en foiit foi (4)',
craindre de lui. (V. Hœfer, dans Germania, I, 103; Birlinger, Ans
SehèaViii, p.^9f.) L^dentîhcàdonr'dô'Wodan^èt au GhâskeHir àteci le'
diable s'étend aussi au Juif. Un proverbe frison appelle le 'disdilecf^'
offé'tf(î«/le^'Vîètttllldf.'(Kérli;' Ostfrîémnd'wie es derikt uhd sprikHt,
122, 3e éd.)
(1) Sa mat'éhe 'fût si^ rapide, qu'aprSs vingt<-cinq atfs d'existence
on trochre les Fraineiscaiiis déjà au ccjeur dé la Rnsisie, et aà-delà de
l'AfÂe, parmi les Tàtfl^sl.'
(2) f Crridbiiaséo infral Tévere et TArno. » (Dante, D. C, Pârad.,
XI, 106.)
(3) Ntmenowlèn, c'est le cas de le dire. Le précurseur de Luther,
curé d'un eiidit'oit qui vaut Lutter ou en a la vertu ; car^' c'est aiiiéi
qu*ôtt jpéut traduire le nom de Lutterwortfa.
(4) V. The Sompnmr'esXàle, v. 7348 sq(j[.i et Thé Phlogue, àsûs
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— 24 —
f
et le Christ d'Assise s'en est allé à vau-l'eau, malgré les
auto-da-fé avec lesquels ses indignes disciples prétendaient
le g^rifier (1). '
Peut-être aussi que la légende de saint Christophe a
fait tort à celle de saint François. Déjà un chrétien
errant ou du moins intrépide marcheur se trouvait ab
antiquo identifié avec le Christ. Saint Christophe portait
le Sauveur à cheval sur ses épaules, puerum sibi in
humeris elevans, Christum pontavit (2), et ainsi il se
présentait au peuple comme un autre Hercule (3). Impos-
sible de lutter victorieusement avec un symbole aqssî
populaire. Mais la tentative du génie poétique le plus
inconscient qui fût, au moins dans sa première période,
la tentative que Gœthe a faite, dans la pièce déjà men-
tionnée, en nous présentant le Juif-Errant sous un point
de vue renouvelé du moyen âge, à la manière satirique et
goguenarde de Hans Sachs, aurait pu peut-être, à cause
du talent du poète, rajeunir la conception qui se révèle
dans le nom de Buttadeus. Autant, du moins, que nous
en pouvons juger par l'état fragmentaire où est restée
les Contes de Ganterbury, y. 209-272. Cf. R. Pauli, Bilder ans Alt-
England, p. 45 sqq.
(1) Le premier bûcher, sur lequel ils eurent )a satisfaction de brûler
y'iî un wiclefite, date du 26 février iiOO.
(2) Jacobus de Voragine, Legenda aurea, XGV. Le peuple et l'Église
même n'ont pas cessé d'ajouter foi à cette légende créée par la primi-
tive Église. Luther voyait en saint Christophe l'exemple et l'image de
la vie chrétienne : c Exempel und Ebenbild eines christlichen Lebens.
Dâher heisst auch ein ieglicher Christ Christoferus, das ist, ein
Christtreger. » (Ap. Joh. And. Tafinger, Dissertatio theologica de
ifiwcatione S, Christophori, etc. Tubingœ, 1748, p. 15 sq.)
(3) Sur une métope retrouvée dans les fouilles d'Olympie, Hercule
porte en effet la charge habituellement dévolue à Atlas,
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^25 —
cette pièce, Gœthe, sans connaître d'ailleurs, â ce qu'il,
parait, le nom fatidique de Buttadeus, songeait à Fassi-
milation finale du Juif-Errant et du Christ. Les • allures
du Christ gœthéen ressemblent à s'y méprendre à celles de
Buttadeus. Il erre au loin et arrive, sur l'appel du Père,
en bronchant tout à travers les étoiles, pour recevoir
une mission de charité relativement àJa planète terrestre,
déjà visitée par lui. L'état où il la trouve lui ôte, dit-il, le
repos dans le sein de Dieu., Il la parcourt, et, tout à
ses investigations et informations, il passe par les cam-
pagnes et les villes, paraissant aux gens un étranger,
pauvrement vêtu. Ils disent : Cet homme arrive de bien
loin. Où qu'il s'informe, il en entend de belles sur la ma-
nière dont on pratique la religion ; et si, intrigué par ses
allures, on lui demande qui il est, il répond, en s'éloignant
d'un pas tranquille : a Enfants, je suis le fils de Thomme >.
Fils de l'homme ? On ne sait ce que cela veut dire, mais
la forte tête de l'endroit explique que le père de ce fils
s'appelle Homme.
VIII
Il est temps de nous résumer.
Le Juif-Errant finit, §ous le nom de Buttadeus, par
s'identifier avec le Christ, et cette transformation laborieuse
part d'une base fort compliquée. L'origine de notre
héros est, eu efiet^ dans une triple filiation. La légende a
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— 2ff —
réuni en^Iui le Gartaphilus armémen, tôujourS'en vi-
sites^ de: bon voisinage et eu goguette <chest lés- gtéliÉï
d'égitôe; le cbar|>ëntièr* ait pied lé^er; né dânë' cette'
tribn que la Genèse compare à une biéhe Iftre^l), et lé'
Chasseur sauvage qui ne dort jamais, com^e le c veilletii"
étemel >, ewiget nachlwœchtef; avec lequel le peuple
rîdentifie dans quelques pays (2). Par'Cartaphilus, notre
héros- se rattache à ce jeune Juif bien-aîmé qiiî était
censé devoir rester' sur la lerre jusqu'à la seconde venue
du Christ'; il est judéo-chrélieUi' Pai^' le portter de Poncé-
Pilat^, il devient une € âme criminelle >, condamnée à
quelque grande peine; pat* le 'Chasseur, cette peiné se
réalise '■ sous là forme d'une existenee perpéiuelletnéfit^^
errante. Le coupable est < en marche'jour et nuit > ; il
ne" peut s'arrêter ni' s'asseoir j: nec stdré^ née sederé
patuit{3!). c Quand je m- arrêté, dit-il (4); jësùiè desStis
des* charbons ardens ; encore bien que je suis assis,
meâ jambes remuent iii En effet, le Christ lui avait ditt
Ich zwar gehe bald zur Ruh,
Aber toandem soUst nun du
* Und warteriy bis ich homme (5).
De ces trois éléments, Idi dernier est le plus impor-
tant ; s'il n'était venu se joindre aux autres , nous
n'aurions eu qu'un Juif localisé, mais le Juif errant
(1) La^ribo' der Nephtalî/V. Genèse, XLIX, 24.
(2) V. Kttho, Sa§en, etc*» au» Westf.^ II, 33.
(3) Hadeck, loc, c, § ix. L'ouvrage est de IGSI.
(4) Histoire admirable, etc., p. 40.
(5> W. 8<Aléifêl,i»J mi^tm^,^«t; 18,
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— 2r —
n*existerait pas, et Tétude comparsdve qu!on ferait à son
sujet; des mythes? d'Iâdfay de Rudra^ de Perséey de
Mars, de Wodaa serait sans, but ni raison.; LeGhassôur
seul s'identifie intimement avec le Juif^Errantv et* lâ^
preuve c'est que souvent le peuple: les confond (Fim avec
l'autre^ qu'il nomme l'un» pour l'autre (1). Mais par le
Cliasseur, nous remcmtons i aisément à Widar et à Wodan;
puis de là àJndray à Rudra^ àiPersée^.àJasony.à'Mars, à
Bellàrophon , qui, . tous , personnifieatiom du vent r ou
démo^s. de I'otï^jç, . vont^ . cavaliers v ou < voifeuriers' cônw
sommés (2), à. la poursuite )de quelque ennemiuvoisii» ou ^
du moinç localisé. Le Chasseurseul^ et i plus encore à
son imitation le Juif, courent indéfiniment dans il'espace^
sans but précis, à. l'instar des âmes en;;peine,. et*-c'é8t ea*
(1) liéier, Schioàbhche Sdgen, 1, 116; Simrock; Hondô. d^I). Jlf.,
p. 286^
(2) Partout, dans le Véda, Indra apppatt; à cheval ou ^monté
en voiture traînée rapidement par deux chevaux jaunes d'jor, haru
V. B. V., m. I, h: 82, dont presque toutes les strophes se terminent
par la phnasQ: « Y^âJM^Iniifia>ie' hari, attelle» maintenant, 6 Indài,
tes ham. % Cf. h. 84, st. 2 : t Indram indhari vahato, les haris
conduisent Indra, > et ailleurs. ^ Persée va.cgtiDbattm à<thèvaMe
monstne , éthiopien .(V. Hesiodir TAfldf om«,iiV^.280< «(}q.),netiuAndrb .
mède délivrée,. BeUéroph^n i^e seirt. vde t Pégaiéi pouHrc iondre^ sur '
la Chimère. (Ib., v. SiSsqq/^.Sehcemann, Die<Métsiodi>Thiagiii^Ab^;
PreUer, Gr^ Mythf^^ }!, 7i.),,Quanti Mars, h imythe le doU,. cdoime
Indra,. 4^ deux courtiers, eqMt bfugé^^iGeorgkay ll\,- 91)i, qu'il iaiguil««
lonne et qui yolent pfus rapides qi^e.le. vent. (Q vide, Fast.i' lly 856';
Yirg., Énéid., XII,:332sqq.) Porté sur les ^evaux de Marsi,>UuiriiiHs
échappe à rAchéron. (Eiorat , Odeè, lll, 3.) Nous^ avons d^àdit^ que •.
Wodan va à eheval ou en /voilure.^ L*£dda^ne la représente qu'à chieial,
à moins qu'elle ne lui fasse traverser les espaces ait > vol. (Hammaiy
st. 156; Voluspây st. 64.) 11 en est d(ft même du Ghasseir; il «si: aava-
Uer ou voiturier. (V. Simrock, D. M., p. 229.)
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-as-
effet ces âmes qu'ils représentent. Comment? Mais, par
un retour inconscient de la légende au sens primitif de
la fable, où les Maruts ou Rudras, qui entourent leurs
chefs, marutvantaSy et les entraînent, rudrânâm eti
pradiça (1), ne sont au fond que des âmes. C'est un fait
que, dans les idées de la haute antiquité, le vent est
adéquat à l'âme ou l'esprit; un seul et même radical
désigne l'un et l'autre, tant dans les langues indo-euro-
péennes que dans les idiomes sémitiques (2). Rappelons
seulement les mots âtman, aûhva (d. anheliius), anima,
spiritus, pneuma, geist, ruachy le spiritus Dei. Il est
d'ailleurs certain que, dans^ le mythe de Wodan, le popu-
laire en Allemagne voit depuis longtemps une procession
d'esprits (3), et dans la légende du Chasseur, comme
nous l'avons déjà dit, un cortège d'âmes damnées (4).
Dés lors, nous sommes en présence d'un fait psychologique
et moral, d'un fait humain par conséquent et, de plus,
historique. Une simple donnée psychologique et morale
ne suffit pas pour créer un mylhe, encoi;e moins une
légende; pour qu'ils aient prise sur l'imagination populaire^
(\) V. Rig-Véda, h. 101, st. 4 sqq.
^ (2) Chez les Égyptiens, il est yrai, un seul et même hiéroglyphe,
Véperpier, signifiait Y âme et le sang; ensuite de quoi Moïse, qui ayait
puisé sa science en Egypte, a dit: c L*âme, c'est le sang, > (Lév.,
XVII, II) ; mais c'était là l'âme animale. L'âme spirituelle, le principe
suhtil, qui quitte le corps à l'heure 'de la mort et voyage dans les
mondes ultraterrestres, est désignée par l'hiéroglyphe du phénix^ et
aussi par celui de Vétoile. (Voy. Horapollon, par Lauth, dans Sitzungs-
berichte der k. Académie zu Mûnchen, 1876, 1. 1, p. 78.)
(3) VA. Kuhn, dans Zeitschrift fur D. A., V, p. 488; Hœfer, dans
Germania de Pfeiffer, I, p. 103.
(4) Cf. Bechstein, Der Sagenschatz^ etc., des ThûringerlOindes^ I,
p. 135.
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-2&-
il leur faut un fond historique (1). La légende d'une âme
agitée et sans repos exige, pour point de départ, l'histoire
d'un homme coupable et partant errant et fugitif.
Mais quel est l'homme en qui les documents les plus
anciens que nous ayons personnifient un fait de ce genre?
Si ce n'est pas le document.que reproduit, d'après d'autres
plus anciens sans doute, le chapitre IV de la Genèse, on
cherche vainement ailleurs. Le sagace trouveur d'histoires
primordiales, George Smith, est mort, et ne sera certes
pas de sitôt remplacé (2). Nous pouvons donc, en attendant,
accepter la légende de Caïn comme la légende mère de
nos mythes cosmiques par la suite, puis comme la source
spontanément renouvelée du Juif-Errant. La descendance
est suffisamment illustre, et, pour la rendre plus grande,
il n'est pas besoin de la transformer par des éléments
cosmogoniques, comme l'a fait Quinet, ou par des motifs
lyriques à la Schubart, ou par des faits romanesques,
ainsi que l'a essayé le R. G. Croly avec son Salathiel.
Laquédem est donc le descendant légendaire du maudit,
in^ (3), que personne ne tuera ; Caïn est son ancêtre. Mais
Caïn est maudit, parce que, le premier, il a outragé l'huma-
nité en versant le sang humain^ parce qu'il l'a tuée,
(1) La généralité des mythographes s*est fourvoyée en expliquant
uniquement les mythes par des motifs cosmiques, par des impressions
que les phénomènes météorologiques et autres auraient faites sur les
hommes des anciens jours. C'est faire trop d'honneur au soleil, à la
lone, à l'aurore, à la pluie et au beau temps. J'y vois, avec Holtzmann,
mi engouement qui passera, et un jour on arrivera à distinguer clai-
rement que le principal motif des mythes est dans des faits historiques»
(2) Quoi qu'on en ait dit dans le Journal savant de Gœttingue, on
ne rabaissera pas un t«l mérite avec des jeux de mots.
(3) Ôenèse, IV, 11.
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alitant i qu'elle petit l'être par ' un * bomme. Invei^iir du
Aéau.iqni désole l'humanité/ comme l'ouragan dévaste la
nature^. Caïn est la personnification de la guerre toujours
fratricide^ et^ coopsdble sws trouver le repos nulle part, '
c'est avec vérité «pe nous > l'entendras nous dire par son
descendant:.* Je m'ai pour c<Hnpagnons de voyage que
les vents/ lafoudrci eti les tempêtes (1) >.
... Le tourbillon m'entratne.
G*est rhumanité que Dieu yenge.
Béran^er remonte de quelque manière, par le mot
c humanité », aux sources de notre légende, mais faute de
la comprendre seulemen^ans le sens moral dont l'opposé
est c rinbumanité » d'un autre poète (2), il emploie le
mot à faux. C'est aussi le cas de Reiffenberg, qui voit
dans le Juif-Errant c une leçon d'bumanité en ce que ce
personnage montre à Ums les yeux le cbâtiment de celui
qui insulta aux douleurs inouïes du Sauveur du monde (3) > .
Le savant éditeur de la Chronique rimée croit*il donc
aussi que c'est arrivé? D'autres exégètes ne sont guère
mieux inspirés, quand ils prennent le Juif-Errant pour le
représentant du peuple juif, en ce que ce peuple, coupable
en bloc, il parait, est perpétuellement à l'état errant,
(1) Caignez, Le Juif-Errant, act. II, se. 9. Cf. le dicton des paysans
de Picardie et de Bretagne, cité plus haut, tome IX, p. 311.
(2) Ed. Grenier, La mort du Juif-Errant, ch. III, y. 12 :
Le plus grand des forfaits, c'est rinhumanité.
dit Âliasverà son h^e.
(3) V. VAnnMre 4e ta BibUothique royale de Belgique, III, p. «99,
1842.
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4|u?il ,ii'^§t)in«Jle ipart 'pbez 4ui, tiulil ;aBija ^pas . dcAôww.
Bi^ niôst :4)lus feux, ^et jSTOrockiia i^déjà rewrqpjkéiflue
c'est là una'ei(pUaationimadi»i3^ble(l).;Diti!«ste^ ^q^mmiez
à tous les Juifs.
c La prédilection supposée aux iàifs, dit Tun d'eux (2),
pour l'existence errante, est un ;des aiiomes créés par le
fanatisme de la race at'ienne >. Et, en effet, où et quand
a-t-on jamais vu les Juifs errant comme les Tsiganes ou
Gitanos? Partout ils sont établis, et si solidement que
les gouvernements, au temps pasàé, èhaque fois qu'ils
ont voulu se débarrasser d'eux, pour ime cause ou pour
nne autre, mais surtout parce qu'ils leur devaient
beaucoup d'argent, ont dû recourir aux moyens les plus
violents. Jamais nulle part , à mdks d'être chassés
et dépoiiillés, les Juifs n'ont pu se décider à quitter
leurs domiciles ; jamais la vie errante n'a été kle4eur
goût; ils ont regretté même 4a i terre si excessivement
dure pour eux, la. terre des Pharaons. Bien jfAus, les Juifs
sont si peu enclins à changer de pays, que v6lonliefs tls
se l'approprieraient et diraient aux aborigènes, comme le
personnage de ' la comédie :
La maison m'appartient; je le ferai connaître.
Et effectivement, la crainte qu'ils n'en vinssent là a
pariÇçis.Qbsédé le.wpygp 4^q. ,Pn;le;i;rjA^erdisajit, à:C8^se
M).im$cimjpr Diffmie Uuihi)ime 4e h W. Wolf, I,
p. 432.
(2) J. Derenbourg, Revue cntique du 30 septembre ilS769.p.;âl4,
note 1.
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-32-
de cela, l'accès aux charges publiques (i) et aussi le pro-
sélytisme (S). Un lied de cette époque pousse à persécuter
les Juifs, c parce qu'ils veulent nous chasser ».
Zu trosl der christenheit,
Da$8 wir diejuden ztoingen,
Die uns ivôllen vertringen.
Le sens de notre légende est donc tout autre que Tétat
supposé du peuple juif. Le mot de son origine est la
guerre, et sa fin, nous croyons l'avoir démontré, trouve
son expression dans le nom de Buttadeus, en ce qu'il
revient à l'expression qui désigne le Christ, à savoir ix^ç.
Oui, certes, l'allégorie de la légende est transparente ;
l'inconnu qu'elle renfermait, nous l'avons dégagé : c'est
l'évolution de la guerre, l'état originel de l'humanité,
aboutissant à la paix, qui est son état typique. La paix est
la fin de toute agitation et de tout discçrd ; toutes choses
se meuvent en cette fin. Le poète a donc été bien
inspiré en mettant dans la bouche du Juif-Errant ces
deux vers, qui résument le sens et la portée de l'existence
du héros :
La fin de l'univers est la fin de mes maux !
Pour eux tous, c'est la mort I Pour moi, c'est le repos ! (3)
Voilà l'apophthegme de notre légende ; et maintenant,
(1) c Ne Judœî super Ghristianos magistri vel minislri ponantur. »
{Monum. Germ. hi$L, II, p. 79; pars altéra. Cf. p. 97.)
(2) J6., p. 12t.
(3) Le Juif-Errant, de Scribe, act. IV, se. i.
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— 33 —
pour terminer,* nous pouvons dresser, par un tableau
synoptique, l'arbre généalogique de notre héros. Le voici :
Le fait brut.
Caïn (la guei^e). — Nephtali. — Enoch. — Êlie.
Rudra. .— Mars. — Wodan. — Os^iarias. — Saint Jean.
Chasseur sauvage. — Cordonnier. — Cartaphilus.
Juif-Ërrant. — (Xerxès) Ahasvérus.
Isaac Laquédem. — ï^^»
Buttadeus (la paix).
L'idéal PHiLosoraïaus.
CHARLES SCHCEBEL.
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DU POLYSYNTHÉTISME
ET DE LA FORMATION DES MOTS
DANS LES LANGUES QUICHE ET. MAYA.
LANGUB QUiCHÉ.
Il y a, en quicbé, trois séries de pronoms personnels
simples el quatorze séries de pronoms personnels combinés
avec différents radicaux ou thèmes.
Pronoms personnels simples.
l® La première série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels :
I 11 m
Sing. in ai are.
Plur. oh yx e.
Ces pronoms se préposent aux noms et aux thèmes
verbaux-substantifs qo (qohe, qoh), ux.
«. In ahay, Hobtoh, moi le roi Ilobtoh ; al Pablo, toi
Pierre ; yx alab-om, vous enfants.
€. In qo, in uXf je suis;
at qo, ai ux, tu es ;
oh qo, oh ux, nous sommes, etc.
In qo ruq nu m^m, je suis avec mon aïeul; in ux
etamayon, je suis le sage.
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-â5-
Ces mêmes pronoms se préposent au participe passé
des verbeè absolus pàtàsift et neutres, pour former le
temps parfait.
In log-on-inak, j'ai aimé ; in log-ox-inak, j'ai été aimé ;
in ul'inàk, je suis arrivé, etc.
2« La seconde série est celle des pronoms personnels dits
possessifs, qui se préposent aux thèmes commençant par
une consonne :
1
II
m
Sing.
nu
a
«.
Plur.
ha
y
qu-i
3» La Iroiâième série est celle des pronoms de même
nature, qui se préfixent aux thèmes commençant par une
voyelle :
I n m
Sing. w- (nvrw) aw- r-.
Plur. &- yw' qU'0\xc-[\]:
Les pronoms de ces deux séries se piréposent ou se
préfixent aux noms et aux noms verbaux en -m:
«. Nu mum, l'esclave de moi, mon esclave ; a chi, la
bouche de toi ; u wachy le visage de lui ; w-oyeual, la
colère de moi ; aw-al, le fils de toi ; r-ochoch, la maison
de lui ; k-ahau, le roi de nous ; qu-i mun-iby les
esclaves d'eux ; c-oyeual, la colère d'eux ; qu-ixaU-ib, les
femmes d'eux.
Les noms précédés du pronom possessif, surtout quand
(1) qu représente une gutturale très-forte, laquelle s'emploie devant
les voyelles faibles e^ i* y ; c représente une gutturale faible, laquelle
s'emploie devant les voyelles fortes a, o, ii .
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— 36 —
il s!agit d'une chose ayant rapport au corps humain,
prennent très-souvent l'un des suffixes -al, -el^ ^il, -ol^
'Ul. Exemples : nu bak-il^ mon os, mes os ; w-iboch-il,
mon nerf, mes nerfs ; ha tioh'ilf notre chair ; nu gag^l,
ma majesté ; u pajholf sa natte, etc.
p. On forme Tun des prétérits de la voix active en
préposant ou en préfixant les pronoms dits possessifs
aux noms verbaux en -m. Exemples : nu log^om, j'aimai ;
nu bak^oMy je perçai ; w-oyob-em^ j'attendis ; nu ban-om,
•je fis, etc.
Nu bak-om signifie c je perçai » ou « mon percement »,
suivant que bak-om est pris dans l'acception verbale
comme dans nu bak-om ri coc c je perçai cette cale-
basse », ou dans l'acception nominale, comme dans are
wa nu bak'Om c voici mon percement ». Il suit de là
qu'au rebours de ce qui a lieu dans nos langues
aryennes, le pronom personnel qui sert à former le pré-
térit dont il s'agit est régi et non pas régissant, et
qu'en outre l'objet apparent de l'action en est le sujet.
En effet, nu bak-om ri coc signifie au propre o, le perce-
ment de moi, ce que je perçai, [c'est] cette calebasse,
cette calebasse [est] le percement de moi ». De même
celte proposition nu ban-om w-ochoch c je construisis ma
maison >, revient à dire t la maison de moi [est] le
construit de moi ».
Pronoms personnels combinés.
do La première série est celle' des pronoms exclusive-
ment personnels, combinés 'avec la particule d'actualité
ca :
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. -37-
1 . II m
Sing. qU'inonqu-i c-at
Plur. C'Oh qu-^x qurC.
Ces composés adverbo-pronominaux se préposent, en
qualité de pronoms-sujet, aux thèmes verbaux absolus
(inlransitifs), passifs ou neutres.
Conjugaison absolue : qu4 log^on, j'aime.
c-at log-on, tu aimes.
ca log-'Ony il aime.
ooh log-m, nous aimons,,. etc.
Conjugaison passive : qu-i log-ox, je suis aimé.
c-at log-oXy tu es aimé.
ca log-oâr, il est aimé.
C'oh log-ox, nous sommes aimés, etc.
Conjugaison neutre : qu-i boly je roule.
c-at bol, tu roules.
ca bol, il roule.
croh boly nous roulons, etc.
2^ La seconde série est celle des pronoms exclusivement
personnels, combinés avec la particule d'antériorité dans
le temps, x- pour xi.
I II III
Sing. x-in ou x-i x-at
Plur. (û-oh x-yx x^e.
Ces composés adverbo-pronominaux se préposent, en
qualité de pronoms-sujet, aux thèmes verbaux substantifs,
absolus, passifs ou neutres :
X'i qohe, x4n uxy je fus. x-i log-on, j'aimai.
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— 38 - .
x-at qohe, x-at ux^ lu fup. x-at log-on^ tu aimas.
x-qohe, x-ux, il fut, etc. x-log-^on, il aima, etc.
X'i log-ox, je fus aimé. x-in wi, j'arrivai.
x-at log-oço, tu fus aimé. x-ai ul, tu arrivas.
X'iog-àx, il fut aimé, etc. . x-ul^ il arriva, etc.
3<> La troisième série est celle des pronoms exclusi-
vement personnels combinés avec les deux particules x
et ca:
I 11 111 '
Sing. X'qu4n on ooqU'i x-c-at
Plur. x^C'Oh x-qu-yx xqu-e.
Ces composés trinaires servent à former le futur des
verbes substantifs, absolus, passifs et neutres :
x-qu-i qohe, je serai ; x^u-i log-on, j'aimerai ; x-qu-i
log-ox, je serai aimé ; oj-çw-m ul, j'arriverai, etc.
On peut exprimer le futur sans se servir de la parti-
cule X composée avec ca. Exemple : qvri log-on, j'aime,
j'aimerai.
^ La quatrième série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels combinés avec la particule négative ma :
m
m-e.
Ces composés adverbo-pronominaux se préposent, en
qualité de pronoms-objet, aux différentes personnes de
l'impératif négatif :
m4n a-ràpuà, ne me frappe pas.
m-at nurrapuhj que je ne te frappe pas.
I
II
Sing.
m-m
m-at
Plur.
m-oh
m-yx
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- 39 —
m-oh a-rapuhj ne nous frappe pas.
m-e y-rapuh, ne les frappez pas, etc.
Les pronoms des trois premières séries composées se
préposent, en qualité de pronoms-objet, aux différentes
formes de la conjugaison transitive. Exemples :
C-at nu'logohy je t*aime (maintenant-loi de moi amour).
Qu'in aW'ixcowah, tu me bais (maintenant-moi de toi
haine).
X4n a-logohy tu m'as aimé (autrefois-moi de toi amour).
Qur^ nU'logoh, je les aime (maintenant-eux de moi
amour).
X-oh r-ixcowahCaxla, le Castillan nojus a baïs (autrefois-
nous de lui haine du Castillan — ^haine du Castillan).
C'est le lieu de dire que le génitif se rend par la prépo-
sition du pronom possessif de la troisième personne au
nom possédé : baluc^ beau-frère ; ahau, roi : u haluc
ahaUy le beau-frère du roi ; — ai, fils ; chab, flèche :
r-al nu chaby le fils de ma flèche ; — r-iûccowah Coxla, la
haine du Castillan.
On voit qu'il n'y a pas en quiche, comme en nahuatl et
en kechua, de conjugaison objective pei*sonnelle. Le
pronom-objet combiné avec l'indice temporal s'y prépose
analytiquement au thème verbal personnalisé à l'aidé des
pronoms possessifs.
5<> La cinquième série est celle des pronoms exclusive»
ment personnels combinés avec la conjonction optativo-
subjonctive ta (tah) :
1 II m
Sing. in-ta àt-ta are-ta,
Plur. oh'ta yx-ta e-ta.
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Ces composés se préposent aux noms et aux adjecUfs.
Exemples : at-ta ahauy que tu [sois] roi ; in-ta nimanel^
que je [sois] obéissant ; e-ta log-olah^ qu'ils [soient]
aimables.
La conjonction tah est l'indice du mode subjonctif :
qU'in ux'tah, que je sois ; qu-i log-ox-tah^ que je sois
aimé, etc.
6<» La sixième série est celle des pronoms dits possessifs
combinés avec la particule ca :
I
H
m
Sing.
ca-nuy ca-n
c-a
C'U.
ca-w
o-aw
COrT.
Plur.
corka
qu-y
COrqVri
ca-k
qu-yw
COrC.
On forme le temps présent des verLes transitifs à Taide
de ces composés :
oMiu log-oh, j'aime. ca-w ixcowahy je hais.
Cra log-ohy tu aimes. c-aw ioccowah, tu hais.
c-u log-oh, il aime, etc. ca-r ixcowah, il hait, etc.
combinés avec la particule x,
xi :
I
H
111
Sing. xi^u^xt-n^x-nu
x-a
X'U.
XMV
SHIW
XrT (xi-r).
Plur. X'ka (xi-ha)
x-y
x-qVriipGi-qUri)
x^k (od'k)
x-yw
x< (xi-c).
Ces composés servent à former le temps passé.
xi-^u, x-nu log-ohy j'aimai. xi-w ixcowah^ je haïs.
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I
II
III
chi-^u, chi-n
ch-a
ch'U.
chi-w
ch-aw
ehi-r.
chùka
chry
chirqui.
chi'h
chryw
chûc.
— 41 —
s>a log-ohf tu aimas. x-aw ixcowah, tu haïs.
a>-u log-oh, il aima, etc. xi-r ixcowah, il haït, etc.
8® La huitième série est celle des pronoms dits possessifs
combinés avec la préposition chi c dans > :
Sing.
Plur.
Ces composés se préposent aux thèmes verbaux transitifs
pour former le temps futur.
chi-nu log-oh, j'aimerai. cht-wixcowahj je haïrai.
ch-a log-oh, tu aimeras. ch-aw ixcowah, tu haïras.
diru log-oh, il aimera, etc. chi-r ioccowah, il haïra, etc.
8<> La huitième série est celle des pronoms dits possessifs
combinés avec la particule x et la préposition chi :
XHM-nu log-oh, j'aimerai aujourd'hui, à l'instant.
x-chi-^ ixcowah, je haïrai aujourd'hui, à l'instant.
9« La neuvième série est celle des pronoms dits posses-
sifs combinés avec ech, radical de ech-afC t posséder >.
I II m
Sing. w-ech, w-e aw-ech^aw-e r'ech,r'^.
Plur. k-echy fc-c yw-ech, yw-e qu-ech, qu-e.
Ces composés polysynthétiques correspondent aux pro-
noms « le mien, le tien, le sien, etc. > ; tu-eeh signifie
au propre « de moi propriété >. Are wae zakul aw-ecK,
le ce fruit [est] de toi propriété, ce fruit est le tien.
10® La dixième série est celle des pronoms dits posses-
sifs combinés avec tuquel:
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— 42 —
Nu'diquel, moi seul ; a-tuquel, toi seul ; u-tuqud^ lui
seul, etc.
11<> La onzième série est celle des pronoms dits posses-
sifs combinés avec onoh-^l c tout, tous » :
W'Onohely tout moi ; awonohel, tout loi ; r-onohel^ tout
lui ; k'Onohel, nous tous, etc.
'I2o La douzième série est celle des pronoms dits pos-
sessifs combinés avec le radical ib = maya ba « per-
sonne » :
I
II
III
Sing.
W'ib
aW'ib
r-ib.
Plur.
k'ib
yw^ib
qu-ib
Canu log-oh w-iby je m*aime moi-même (maintenant de
moi amour [est] de moi personne).
C-a log-oh aw-ib, tu t'aimes toi-même.
C-u log-oh r-ibf il s'aime lui-même.
13® La treizième série est celle des pronoms dits posses-
sifs combinés avec le nom inusité umal :
1
II
III
Sing.
W'umal
a-umal (aw-umal)
r-umal.
Plur.
k'Umal
yW'Umal
C'Umal.
Ces composés polysynthétiques forment le causatîf-ablatif
des pronoms personnels :
Ch-a ban-a ri w-umal, tu feras ceci pour moi.
X'-in ya nu-qazlem a-umal, je donnai ma vie pour toi.
Ca log-ox w^umaly il est aimé. par moi.
Pedro hg^ox w-umal ahaUy Pierre est aimé par le roi,
i4<> La quatorzième série est celle des pronoms dits
possessifs combinés avec le nom uq « ami, compagnon ^.
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I
II
m
wSing.
w-^uq
aw-^uq
r-uq.
Rlur.
k'Uq
yW'Uq
q-uq
Ces composés forment Te comitatif-adessif des pronoms
personnels : qu-i be r-nq nu-cahaUy je vais à mon«père ;
X'-ul W'Uq, il vint à moi ; qo chi ha nu-cahau r-uq nu
chuch, est dans maison de-moi père avec de-moi mère,
mon père est dans la maison avec ma mère.
Il convient d'ajouter aux quatorze séries pronominales
le révérenciel Ud, qui correspond à Tespagnol « Vmd »
et se prépose en qualité de pronom substantif sujet :
Lai nU'Cahau, votre seigneurie [est] de moi père.
Lal'ta nU'Chuch, que votre seigneurie soit notre mère.
Lai ca ahuanic, y(ÀVQ seigneurie commande.
Le révérenciel se postpose, en qualité de pronom subs-
tantif objet, sous la forme la :
Ye-la lai ahrtogol, chi-ka log-oh-ta la^ si votre sei-
gneurie [était] miséricordieuse, nous aimerions votre
seigneurie.
# DU POLYSYNTHÉTISME.
La relation est exprimée polysynthétiquement dans les
formes w-ech, nu^tuqu-el, w-onoh-ol, w-ib^ w^umal et
W'Uq, où le pronom est régi par les différents noms
auxquels il est uni.
11 y a, en outre, expression polysynlhétique dans les
formes plus complexes qui suivent :
«. Le pronom dit possessif est intercalé incorporali-
vement entre la préposition chi t dans » et le nom ech
i propriété > :
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- 44 —
I 11 III
Sing. ch'Uw-ech (chi'nuw-ech) chraw-ech chi-r-ech.
Plur. chi'k-ech ch-^w-ech chi-qurech.
Ces composés forment le datif des pronoms personnels :
Ca-éiu ya ch-aw-ech, maintenant de moi don dans de
toi propriété, je te donne.
Are wae zakul ca^^u ya chi-r-echy le ce fruit mainte-
nant de moi don oians de lui propriété, je lui donne ce
fruit.
Ê. Même intercalation entre chi et wach € figure,
visage > :
1 11 m
Sing. ohi-nu-wach ch-a-woch ch-u-woch.
Plur. chi'ka-wach chry-wach chùqui-wach.
Chi'WUrwach (dans de moi visage) signifie c devant
moi >.
7. Même intercalation entre chi et nakah c proximité » :
I II 111
Sing. chi-nu-nakah ch-a-nakah ch-iHiakah, etc.
Chi-nu-nakah (dans de moi proximité) signifie € auprès
de moi 9.
S. Même intercalation entre chi et ih c épaules ».
I II m
Sing. ch'UW'ih (chi-nuw-ih) ch-aw-ih chi-r'ih, etc.
Ch'UW'ih (dans de moi épaules) signifie c contre moi > .
c. Même intercalation entre chi et (col < espace > :
1 II m
Plur. chi'ka-xol ch^y-xol chi-qui'XoL
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_ 45 --
Chùka^xol (dans de nous espace) signifie < ^ntre nous >.
0. Même intercalation entre chi ei xe ^ pied > :
I II III
Sing. Chùnu^xe ch-^-xe cfMi-xej etc.
Chi-nu-xe (dans de moi pied) signifie « au-dessous de
moi ).
e. Même intercalation entre chi et m c cime, tête » :
I II III
Sing. chi-^nitr-wi ch-a-wi ch-u-wi^ etc.
ChùnU'Wi (dans de moi tête) signifie c sur moi ».
A en juger par lés textes que j'ai pu, consulter, il n^
aurait véritablement de polysynthétisme que dans les
formes où figurent les pronoms de la seconde et de la
troisième personne ; en effet, tandis que chirechj chuwach^
chunakah, chirih, chttxe, chuwiy chawechy etc., se pré-
sentent comme parvenus à l'état de mots, au contraire
chi nu wachy chi nu wi^ chi nu nakah, chi nu xe, chi ka
xol, etc., sont transcrits analytiquement.
Dans le même ordre d'idées, je dois constater que, si
les composés qurin^ c^U c-ohy x-in, x-^t, x-oh, etc., se
présentent sous une forme synthétique, il n'en est pas
de même de ca nu, ca ha, ca qui, etc. On est ainsi
amené à conjecturer que le polysynthétisme a été, en
qoiché, le résultat de contractions euphoniques qui se
sont produites dans les seules formes où il y a eu rencontre
de voyelles.
Quoi qu'il en soit, grâce à la formation des composés
qui viennent d'être passés en revue, le quiche est parvenu
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- 46 —
à eréer une sorte de déclinaison pronominate dont voici
le tableau :
Nominatif, in, at, are, ohy yx^ e.
qurifiy oaty C'Oh, qvryXy qu-e, etc.
Génitif, nu, a, u, ka^ y, qu-t.
Wy aw, r, k, yw, qu^ c.
Accusatif, qu'in, c-cU, etc.
m-in, mrat, etc.
Datif, chruw-echy ch-aw-ech^ chi-r-echy etc.
Gomitatif-adessif. w-uq, aw-uq, r-uq, etc.
Gaiisatif-instrumental. w-umal, a-umaly r-umal.
Il n'en a pas été de même pour les noms, qui sont
demeurés indéclinables. Â leur égard, la relation s*exprime :
i^ k Taide de prépositions ; 2o au moyen du pronom de
la troisième personne préposé ou préfixé, suivant que le
nom^ commence par une consonne ou par une voyelle ;
3<» syntactiquement ; 4'' en préposant des composés dans
lesquels entre le pronom de la troisième personne.
i<> Les prépositions sont les suivantes :
6c. Chi « à, dans, en, de ». Exemples : chi-huyub, dans
les montagnes ; chi oqob-al, dans les coupes ; x-qui tzol-
comih qU'ib chi ux-ily chi amoloil, chi zanicdl, ils se
changèrent eux-mêmes en mouches, en moucherons, en
fourmis ; chi gihy chi agab, de jour, de nuit ; nu petic
chi nu huyub-al, tna venue de mes montagnes.
/S. Pa f dans, à, de ». Exemples : qu-in be puw-ochoch,
je vais dans ma maison ; x-be pa caybaly il alla à la
place ; pa hun varabaly dans une station ; pa zutz
x-kah cahil zamahel, des nuages descendit le céleste
messager.
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- 47 -
Pa s'emploie de préférence devant les nottls représentant
des objets réputés inanimés.
7. Xol € entre, pendant %: xd ha, entre les maisons ;
xol gih, pendant le jour.
5. Huzutcum = hu-n, un + zutcum (zut-uc-um), cercle.
« autour > : hutzutcum ha, autour de la maison.
c. Zuruzuh € autour » : zuruzuh Hnamit^ autour de la
ville.
ç. Chaka t au-delà > : chaka polo qo nu huyub-al, au-
delà de la mer sont mes montagnes.
ô. Qa € jusqu'à » : in qo yw-uq qa u qizibal u wach
uleu, je suis avec-vous jusqu'à la fin de la face de la
terre.
2<> Le génitif s'exprime, ainsi qu'il a été dit précédem-
ment, par la préposition du pronom possessif de la troisième
personne au nom possédé.
S^ Le nom régi par un verbe transitif se postpose au
thème verbal : ca-nu log-oh w-ahith, j'aime mon maître.
Je rappelle que le nom prétendu régi est en réalité
régissant.
4« Les autres cas se rendent par la préposition de
composés pronominaux de la troisième personne :
«. Ch-U'Wach « devant lui »- : chuwach uleu, à la face
de la terre ; chuwach w-ahau-al, devant mon roi.
p. Ch'U'Chi {chiy dans ; u, de lui ; chi, bouche), t le
long de » : chuchi palo, le long de la mer.
7. Chi-^'ih a contre » : amag chirih amag, ahau-ar-^
em chirih ahau-^r-em, village contre village, royaume
contre royaume.
8. ChrU-pam {chi, dans ; u, de lui ; pam, ventre) ;
chupam nu nim-al qoxtun, dans mon grand château.
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— 48 — .
t. Ch-u^xmut f entre > .: chaxmut cah, chu^xmut uleti,
entre le ciel, entre la terre.
C Ch'U-xe c sous » : chtixe u rnuk-ib-al gug-raxùn^
sous le dais de plumes vertes.
ô. R'Umal « par, à cause de » : rumal r-etal santa
cruXy par le signe de la croix; rumal u cak-olhal qui
qux, à cause de la colère de leurs cœurs ; ta x-e tzon-ox
rumal ah-tzak, alors ils furent interrogés par le créateur.
X. R'Uq f avec », q-uq f avec » : ruq nu gal-gab, avec
mon bracelet; q-uq nu cah-ol, avec mes fils.
À. Chi-r-ech ou cftt-r-e sert à exprimer le datif : ca-nu
ya chire achih, je donne au hérjos.
Remarque. — Rumal et ruq s'emploient en qualité de
conjonctions : ntmal xi-w ulaah hun takan, car j'ai
hébergé un envoyé , ruq nu xtapak, et mes sandales.
DE LA FORMATION DES MOTS.
Les mots se forment :
4® Par dérivation à Taide de suffixes ;
2o Par dérivation à Taide de suffixes avec répétition
initiale ;
3« Par répétition de la voyelle et de la consonne finales ;
40 Par redoublement ;
5<> Par dérivation à Taide de préfixes ;
6« Par composition.
Dérivation à Vaide de suffixes.
Dérivation verbale primaire. — Les suffixes premiers
servant à dériver les verbes consistent tous en une voyelle
suivie d'une consonne.
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— 49 —
a. Suffixes -ah, -eh, -ihy -oh, -uh :
An, courir : an-ah, se hâter ; an-eh, dépêcher, envoyer.
Zub : zub^h, nettoyer; zub-ih, s'enfoncer danè la boue.
Zui-ah, gagner ; ziib-uh, tromper, vaincre.
Coh, don : œh-ih, donner gratuitement.
Chab, flèche : chab-ih, fléc^her.
Yaii, malade : yau-ah, tom}3er malade.
Et, signe, mesure : et-ah, signaler, mesurer.
Eu-ah, cacher ; oyeu-ah} irriter ; log-ohy aimer ; mak-
tihy commettre des péchés ; mog^ek, s'emparer ; nic-ohy
voir, juger ; pul-ehy lever, dresser ; pat-ah, prendre des
oiseaux avec de la glu ; |)ôr-a A/ divorcer ; val-uh, éventer;
pim-ih, engraisser ; ziq-eh, fumer, etc.
La plupart de ces verbes sont transitif».
]3. Les suffixes -an, -in, -on, -un servent h former des
verbes absolus ou des verbes neutres :
Gag-an, avoir de l'envie ; etz-cm, jouer ; ha4n, demeu-
rer ; ap'on, arriver ; batz-on, arranger ; op-on, ouvrir ;
log-on, aimer; ban-on, faire, etc.
7. Les suffises -ax, -ex, -ix, -ox, -ux servent à former
des verbes passifs :
Zub-ax, être gagné; log-ox, être aimé, etc.
8. Le suffixe -cm sert à former des verbes absolus ou
neutres :
Ban-oUy faire; bak-mi, percer; ox-ou, se passionner, etc.
€. Le suffixe -e sert à former des verbes neutres :
Ban-e, faire ; bak-e, faire cuire le pain ; cap-e, faire du
mortier ; hob-e, maigrir; pach-e, couver ; pam-e, salir ses
langes; qul-e, se marier, etc.
ç. Les suffixes -âr, -er, -tV, -or, -ur servent à former
des verbes neutres :
4
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— 50 —
Bak-eTy maigrir ; cak-ary être en colère ; cor-or, ronfler ;
miroir, remuer ; chah-ir, tourner en cendres ; zah^r,
blanchir ; queh-ur, se changer en bête ; hurniry s'unir ;
pim-iTy grossir ; oyeu-ar^ s'irriter, etc.
X. Les suffixes -a6, -éb, -iby -oby -ub, -at, -ef, -it, -oty
-ut servent à former un certain nombre de verbes généra-
lement neutres :
Chuc'ob, violenter, défier ; oy-ob, espérer ; qaq-aby se
recueillir ; tze-b pour tze-eb, rire ; lilroty amollir la terre ;
tzac-at, ajuster, achever, etc.
X. Les suffixes -a, -i, -o, -u servent à former des verbes
transitifs ou des verbes neutres :
Buk'U, courber, plier ; buz-Uy tordre ; coh-o, croire ;
lib-a, calmer, reposer ; oq-jiy boire ; pich-iy marchander ;
po-o, nuire ; pub-a, souffler ; ziq-o, flairer, sentir, de ziq,
tabac, etc.
p. Le suffixe -to sert à former un petit nombre de verbes :
Wach'iCy songer, rêver; gay-icy pourrir, etc.
Dérivation nominale primaire, — Substantifs.
a. Suffixes -aly -el, 41, -oly -ul :
Et-al, signe, de ety d*oû et^ah, signaler.
Gan-aly gloire, splendeur, de gan, jaune.
Gay4l, pourriture, de gay, acide, d'où gay-ic, pourrir.
Oyeu-aly colère, vaillance, de oyeUy colère, d'où oyeu-
ary s'irriter.
Finirai, grosseur, graisse, de pim, gras, d'où pim-ih et
pim-ir.
Qul-el, époux, de qui, d'où qul-e.
Toh-ol, dette : toh-^, donner à crédit.
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— 51 —
Zak4l^ blancheur, d« mq, blatte, d*où zak-ar,
Zak'Ul, fruit, de zaq,
Nut-ulf juge, arbitre, de nut, noix de cacao.
p. Suffixes -ahy ^eh, 4h, ^K -^^ •*
Zah-ih, printemps, à^zak, d*où zak-ar^ zak-il, zak-ul;
boUah, pustule, enflure ; el-ah, offrande, promesse ;
na-oh, sagesse, prudence, de na, sage ; way4h^ faim ;
yuh'Uh, querelle ; $oah-ôh, ballet, de xah, talon, etc.
7. Suffixes en -n :
Pal^an, chaîne, tribut; tic-o'à, semailles, jardin, de
tiCy semer, planter ; loc-an, ronce ; zil-ariy joie ; mb-an,
sorte de pâtisserie, etc.
8. Suffixes en -é ;
Ha-ab, averse, de ha y eau ; pooob, colonne, bouclier,
de poc, soutenir, afider ; qut-ubj paume de la main ;
tog-ob, infortune ; xah-ab^ sandale, de xah, talon, d'où
xa-oh; zih-ib, masse ; zez-eb, foie, etc.
e. Suffixes en -t :
Alrit^ petite fille, de al, fils, par rapport à la mèire ;
qak'Ot, douleur, de qaky blesser ; zoUot^ crasse ; zxit-uty
trombe d*eau ; yau-t, ennemi, etc.
0. Suffixes en -m .•
AqVremy écuelle ; balram, tigre, bal-a, dévorer ; jfoft-om,
tambour ; pokorriy épi de maïs sans feuilles ; tzal-am,
planche ; un-um, membre viril ; xU-im, vérole.
ç. Suffixes -a, -w, -w, -m ;
Am-a, vieux ; j}a/-a, piège à oiseaux, de paty mettre de
la glu ; ul-ay hôte, étranger, de ùl, venir ; huy^Uy mon-
tagne ; lem-ou, miroir ; nut-Uy alliance ; tep-eu, grandeur ;
nl-m, terre, etc.
X. Suffixe -ak :
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- 52 -
Pet'ak, sorte de charbon ; qûak, colle ; zun^ak, fan-
tôme ; win-ak, homme, esclave, etc.
X. Suffixes en -cA ;
PaC'Ochy cuiller de bois ; ib-och^ conjonction de nerfs ;
pfik'Cch, socle j^ur asseoir un vase ; pem^echj écaille de
poisson.
II. Suffixes en 'X:
Og^Xy sorte dé champignon ; por^^ox, petit papillon/
V. Suffixes en -«;
Au^az, commandement, de au, collier, marque du pou-
voir royal.
TT. Suffixes en -ay, -^y, -oy :
Paoay, palmiste ; pil-ey^ épi de maïs égrené ; xic-ay,
première pousse de Tarbre ; zoUoy, nasse.
Dérivation nominale pHmaire, — Noms verbaux.
à* Le suffixe -ol sert à former des noms correspondant
aux noms français en < eur » ou en oc ant » :
Bak'oly perceur ; ban-ol, faisant, facteur ; mel-ol, net-
toyeur de colon; cah-ol, descendant, fils, de cahj flescendre.
p. Les suffixes -ai, -el, -i7, ^ul forment des participes
neutres du présent :
Bak-aly ban-al: ian-aly cessant ; meg-ely chaufiant, etc.
Par une règle d'euphonie difficilemenl expliquable,
mais d'une application assez fréquente dans la dérivation,
la voyelle du suffixe s'élide au contact des consonnes -a?,
'Z, 'h : qoh, être, qoh-l ; iah, commander en chef, taM ;
gaz, vivre, qaz4y etc.
7. Les thèmes terminés en -/ forment le participe
neutre du présent en -an:
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^53-
Qil^ly rencontrer, qnl-an ; mul, joindre, muUan ; puly
bouillir, pul-an ; hul, resplendir, hul-an, etc.*
5. Le suffixe -ic forme des infinitifs du passif :
Bak, bak'ic, l'être percé ; ban, ban-ic, l'être fait ; il,
il'ic^ l'être vu ; bak-oïc, percer, bak-ouic ; bahon^ percer,
bak'On-ic ; bak-e, percer, bak-e-ic; bak-er, percer, bak-
er-ic ; bak-al, bak-al-ic ; cam, cam-ic, l'être mort, la
mort.
f. Le suffixe -el forme des participes du futur passif :
Bak, bak-el, devant être percé ; bak-ou, bak-ou-el ;
bak'on, bak-on-el ; bak-e, bak-e-l; bak-er, bak-er-el, etc.
ç. Le suffixe -om forme des participes du passé et des
adjectifs :
Bak, bak'Om ; ban, ban-om, etc. *
e. Les suffixes en -y servent à former des participes du
présent :
Bak'Uh, bak-uy ;yai'ah, pat-ay ; pal-eh, pal-éy, etc.
X. Le suffixe -inak f-in-ak) sert à former des participes
du temps passé :
Bak, bak'in-ak, percé; bak-ou, bak^ou-in-ak ; bak-on,
bak-on-in-ak ; bak-e, bak-e-m-aky etc.
Dérivation nominale primaire. — Adjectifs.
«. Suffixes en 4 :
. Gag, feu ; gag-al, brillant, majestueux.
Heb, choisir, embellir ; heb^ely beau.
Itz, sorcier ; itz-el, mauvais.
Nay sage, na-ol, habile ; rach-ul, paresseux ; Izutz-xU^
étroit, etc.
p. Suffixes en -h :
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— 54 -
Mit, défricher, mit-ih, diligent*; rar-oh, savoureux, de
rar, saveur âpre ; yatrah, de yat, lier,^ etc.
7. Suffixes en -6 ;
Nan-ob, attentif ; tub-ub, désobéissant, etc.
S. Suffixes en -i :
Rech-et, digne, convenable, de rech^ehy être digne,
juste, etc.
g. Suffixes en -y ;
Om-ey, vieux ; que-ayy pareisseux, etc.
ç. Suffixes en -m ;
Gin-om, riche ; num-um^ affaibli ; xup-am^ hydro^
pique, etc.
>7. Suffixes en -x :
Tor-oXy désobéissant, etc.
0. Suffixes en -a, -e;
Gal-e, malheureux ; imb-e, proche, premier ; nib-ay
élégant ; qui-a, nombreux {qui-al, multitude, qui-ar, aug-
menter), etc.
DérivcUmi verbale secondaire et tertiaire.
a. Verbes instrumentaux :
Nan-ob, attentif ; nan-ob-ehy se préparer, avec.
Ter, suivre ; ter-eh, ter-en^ ter-en-ib-eh, imiter avec.
Tog-ob^ pitié; tog-ob-eK, avoir pitié de.
Wach, figure; wach-ib, {einie 'yWach'ibeh^ feindre avec.
Oy, appeler ; oy-oft, espérer ; oy-ob-eh^ attendre avec.
QiX'b, honte ; qix-b-eh, faire honte avec, etc.
p. Verbes compulsifs :
Canfij mourir ; cam-iz-ahy faire mourir ; cam-iz-ab^hj
tuer avec.
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— 55 —
Ely sortir ;.ci-e2^, délivrer.
Num, avoir faim ; num'it-qhj affamer.
Ziq, tabac; ziq-ar, fumer; zig-ir^z-ah, enchanter.
Wi'^h accroître ; win-ak^ homme ; win-alUr, naître ;
win-ak-ir-iz-ah, faire naître, créer, etc.
7. Lab-aly guerre, lab-al-ah, guerroyer; rech-et, digne,
rech-et-al et rech-et-al-ih, être digne ; rim-il-oh, pleurer
beaucoup ; xam-al-ih, séparer la tête du tronc ; xeb-elroh,
remuer les lèvres ; xoc-ol-ihy faire de la boue, etc.
8. Ha, eau ; ha-b, averse ; ha-b-ih, ha-b-in-iCy pleuvoir.
Hach, diviser ; hach-C'iCy se séparer, etc.
«. NiçHxhy moitié, nic-ah-ar, partager en deux ; pohron^
douleur, pok-on-ah, faire souffrir, pok-on-ar, souffrir ;
tot'Om, niais, tot-om-ar, faire le niais, etc.
ç. Hun, un, hun-am-ah, égaliser, aplanir ; IzaUam,
planche, tzalHrni-ahy aplanir ; qox-om-ahy épier, etc.
n. Gihy soleil, gih-iUa, adorer, supplier ; lik, répandre,
UqU'il-a, délayer ; zol-om-alraj regarder partout avec
inquiétude; y a, donner, ya-l-ct, donner souvent.
Q. Mol, compagnon, mol-ob-a, approcher tû réunissant;
paky sac, paK-ab-ay placer un sac ; xac, pas ; (cac-ab^a,
ouvrir les jambes ; ocac-al-uK mesurer ses pas ; yacrob-a^
établir ; hiqu-ib^y déclarer, etc.
X. Bepy flamme, aep-ec-uh, souffler la flamme ; rol-oc'
oh, étinceler ; yal-ac-uh, s'enorgueillir ; yog-oqu-ehy aller
lentement par mauvaise volonté ; xub-ak-ih, jouer sur
une grande flûte ; pol-oqurih, suer ; pix-c-uh pour pix-ao
ttA, s'examiner, etc.
>. Per-C'Ot pour per-ec-ot, se remuer ; per-C'-ot'ihy se
donner une entorse ; yuch-o-at-ic pour yuch^aC'Ot'ic,
tomber de sommeil; zal-o^t'Uh, couvrir de boue.
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— 56 —
f*. QuXy cœur, qux-Ual-ah pour qux-atrat-ahy se sou-
venir ; yac, lever, yac-at-ahy^ se lever ; yog, humilier,
yog'Ot-ahy êlre humilié; bak, percer, bak-at-ahy être percé,
bak-at'ah'iz-ahj faire être percé.
Dérivation nominale secondaire et tertiaire.
Nim, grand ; nimbai y grandeur ; nim-al-ah) grand.
Ulz, bon ; titz-il^ bonté ; utz-il-ah, bon.
Quiq, sang, quiq-el^ah, sanglant ; ahau, roi, ahau-al-
ahy royal; coi, sauver, col-on-ely sauveur ; chah-ih^ garder,
chah-ib-aly garde-manger, chah-ib^liby chasteté ; na-oh,
sagesse, na-oh-in-el, sage ; nie, regarder, nic-om-ab-al,
discernemenl.
Bak-b-al ou bak-ib-al, perçoir ; at-in^ se baigner, al-in^
ib-al, bain-; batz4li, filer, batz-ib-aly fuseau ; coly sauver,
col'b-al pour col-ob-aly salut ; oq-a, boire^ oq-ob-al, coupe ;
waj manger, wa-ib-al, salle à manger, table ; to, aider,
tO'Olf celui qui aide, to-b^al, aide, secours ; poc, soutenir,
poc-ob-el, bouclier, pocob-al, pilier ; na-oh, sagesse, na-
oh'ib-aly science, art ; tzon^ demande, tzon-ohy demander,
tton-ob-al, prière ; war^ dormir, ^war-ab-al, dortoir, etc.
Dérivation par suffixes avec répétition de la consonne
initiale.
Ce procédé consiste à répéter avant le suffixe la con-
sonne initiale du thème, en ayant soin d'intercaler la
voyelle thématique quand Teuphonie Texige.
Baky percer ; bak-a-b-a^ percer souvent.
He, tirer k soi ; he-h-a, tirer à soi souvent.
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— 57 -
Ya, donner ; yà-y-a, donner souvent.
Cham-a-ch-a, rumirier ; mur'U-m'Uh, ne pas s'accor-
der ; dze-eh, rire ; iz-eh-tz-oh^ bramer (le cerf).
Lahy pierre plate^^ce qui est étendu; lah-l-iCy étendu.
Bem-b'iCy ondoyer; boh-h-icy secouer; nut-xi-n-ic,
réunir des aumônes ; per-e-p-ic, se friser ; zil-z-ot-ic,
trembler.
J^ar-b'Oty s'éreinter ; boh-b-ot, s'agiter ; chop-ch-oty cuire
(la plaie) ; lem-Uot,^ briller ; non'O-n-iyty bourdonner dans
la tête ; pich-p-ot, être en érection ; rob-r-ot, briller ;
tar-a-t'Ot, faire du tapage ; won-w-ot, aboyer ; lob-o-zo^
s'enfoncer dans la boue.
Per-p-eXy crête de coq ; zim-z-iiy, mille pieds.
Rtcx-r-ic, long et étroit ; tzir-i-tz-ic, imberbe ; wur-u-
W'iCy goitreux; yon-o-y-ic, solitaire; zih-z-ic, droit et lisse ;
won-o-w-oh, resplendissant, etc.
Répétition de la voyelle et de la consonne finales.
Exemples : yupu-p, être sur le })oint dé s'éteindre (le
feu) ; pich-ich, pincer ; polz-o-tz, s'endurcir ; wop'Op,
s'enfoncer les pieds dans la terre ; gap-a-p^ avoir soif ;
bak-a-ky résonner ; gat-a-t, souffrir, etc.
Redoublernent,
Exemples : mm^-mury se former des ampoules ; nuz-
nuzy ramper comme le serpent ; poh-poh, lort rouge ;
pot-fot^ bouillir ; hic-hun pour hxm-hnn, chacun, de hun,
un ; ca-cab pour càb-caby de deux en deux ; ox-ox, de
trois en trois.
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- 58 —
Dérivation à l'aide de préfixes. ^
On forme un certain nombre de mots en préfixant à
des radicaux ou à des thèmes nominaux la particule
possessive ah- :
Exemples : auj collier ; ahrau, possesseur de collier, roi.
mn, médecine ; ah-cun, médecin.
zu, flûte ; ah'ZU, musicien.
/wiM, péché ; ah-pau, pécheur.
puwaky métal ; ah-puwak^ orfèvre.
tziz-oUy couture ; ah-tzizon, tailleur.
Rabinaly nom de lieu ; ah-Rabinaly qui est de
Rabinal.
La particule diminutive x- (ix-), préfixée à des noms,
indique le sexe féminin ; si un guerrier se ngmme tziquin
« rOiseau » ou geh-a-cuch « TAigle noir », sa femme sera
X'tziquin ou x-geh-a-cuch.
L'abbé Brasseur signale, comme étant formés de la
même mànièi^e, les mots x-cab a cire », de cab, miel ;
x-gag t griffes >, de gag, feu ; x-pach « lézard », de padi.
De la composition.
Dans les composés du quiche, qui sont pour la plupart
binaires, le premier élément se présente, tantôt muni
d'une voyelle appartenant au suffixe déterminatif dont la
consonne finale est élidée, tantôt, au contraire, à Tétat de
radical. Exemples :
a. Geh-a-cuchy. Taigle noir = gek, noir h- a, de -al + cuch,
aigle.
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— 59 —
Gan-a-caby miel jaune = gan^ jaune -b a + cabj miel.
Zak-4-puwak, argent = zak, blanc + t, de -t7 + puv^ak,
métal.
Pom-i'tJie, sorte de cire végétale (?) = pom, copal + t
+ ch€f arbre.
Oh-a-che, laurier = oh + a^ de -al + che.
Oh-i'Chey noyer = oA + i, de -t7 + che.
p. Gai-jfofc, bracelet = jfai, lier^ lien + jfafe, bras.
Zak-amag^ paix = zaft, blanc + amag, bourg.
Gug-raocon, plumes vertes = gug, plume précieuse
+ rax-on, vert. .
Chuch-gugy la ràère des plumes précieuses = chuchy
mère + gug.
Cak-raily douleur très-vive = cak. rouge + ra-t7, dou-
leur.
Itz-biih, maudire = itz, mauvais + fti-eft, dire.
Mawi'hun, personne, aucun = mawi, non + hun, un.
Et'Camarah, porter les signaux = et, signal + cam-ar'ahy
' porter.
Qui-chCf nom d'un pays = gt^-i, eux, beaucoup f cAe,
arbre.
Nm-ckCy nom de lieu = nm, grand + cA^.
Achik-mun, esclave mâle = ach4h, mâle + mun^
esclave.
Ixok'mun, esclave femelle = iocok, femme + mun.
On trouve dans le JRabinal-Achi quelques composés
Irinaires ou quaternaires, parmi lesquels je citerai : an-
boz'xaki'hal, se hâtent d'éclore les épis de maïs blanc
= an, an-ahy courir + boz, éclore + zaky blanc, zak4l
+ hal, épi de maïs.
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60
CONCLUSIONS.
AU poiat de vue grammatical :
I. Le quiche exprime la relation analytiquement, sauf
, dans certaines formes où les pronoms personnels s'unis-
sent à des particules, soit temporales, soit modales, soit
négatives, et dans certaines autres où ces mêmes pronoms
s'incorporent entre une préposition et un nom régi.
II. Il n'y a, au regard des noms, que des prépositions.
III. On ne trouve, en quiche, ni incorporation du pronom
ou du nom régis entre le pronjom-sujet et le thème verbal,
ni conjugaison objective' personnelle.
IV. Les pronoms personnels et les indices temporaux se
préposent au thème verbal.
V. Les pronoms .personnels s'unissent polysynthétique-
ment à quelques noms.
VI. Les thèmes verbaux transitifs sont personnalisés par
les pronoms dits possessifs, tandis qu« ceux des verbes
ifltransitifs le sont par les pronoms substantifs.
Au point de vue lexique :
I. La dérivation par suffixes est le procédé fonda-
mental.
II. Le quiche emploie deux procédés de répétition par-
tielle, consistant : l'un à répéter la consonne initiale, l'autre
à répéter la consonne finale.
III. Les composés sont généralement binaires.
IV. L'emboîtement se réduit d'une part à l'apocope de
la voyelle finale de quelques particules, d'autre part à
l'apocope de la consonne du suffixe déterminatif dans un
certain nombre de composés.
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— 61 —
LANGUE MAYA.
Il y a, en maya, trois séries de pronoms personnels
simples et sept séries de pronoms personnels combinés.
Pro7ioms personnels simples.
1» La première série est celle des pronoms exclusivement
personnels :
I II ' lii
Sing. en ech
Plur. on ex
Ces pronoms se postposent aux noms, en qualité de
pronoms-sujet : mehen en, je [suis] lils ; batab ech, tu
[es] cacique ; mhbal ech yalan boyi-bec, couchée toi sous
l'ombre d'un chêne, etc.; ils se suffixent, en la même
qualité, au thème des verbes intransitifs dans tous les
temps autres que le présent.
Le prétérit des verbes intransitifs est caractérisé par la
suffixation de la particule -t, qui s'élide au contact des
pronoms personnels :
ISac-en, je montai. nac-on, nous montâmes.
Nac-ech, tu moulas. nac-ex, yous montâtes.
Naoi, il monta. . . nac-ob, ils montèrent.
Remarque, — Les verbes comme les noms forment le
pluriel en -oft.
Le futui^ des verbes intransitifs est caractérisé par la
suffixation de -oc, -ec, -iCy -ocy -tic au thème wrbal précédé
du -radical bin € aller ».
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Bin nac-ac-eti, je monterai . bin nac-ac-on, nous monterons .
Binncuyac-ech^in monteras, bin nac-^o^x, \o\xs monterez.
Bm nac-ac, il montera. bin nac-ac-ob, ils monteront.
Les pronoms de ïa première série se postposent ou se
sufûxent aux verbes transitifs en qualité de pronoms-
objet. Exemples : û keyah en in yum, mon père me
frappa ; yacunah in cah eài, je t*aime.
^1^ La seconde série est celle des pronoms personnels
dits possessifs qui se préposent aux thèmes commençant
par une consonne :
1 II 111
Siiig. in ^ ^•
Plur. ca a... ex û...ob.
3« La troisième série est celle des pronoms de même
nature, qui se préfixent aux thèmes commençant par une
voyelle :
1 II . III
Sing. u au y.
Plur. c au... ex y... ob.
Les pronoms de ces deux séries se préposent ou se
préfixent aux noms :
in yum, le père de moi. u-otoch, la maison de moi.
à yum^ le père de toi. au-otoch, la maison de toi.
é yum, le père de lui. y-otoch, Isl maison de lui.
cayum, le père de nous. c-otoch, la maison de nous.
a yum-eXy le père de vous, au-otoch-ex, la maison de vous.
û yum-ob, le père d'eux. y-otochrob, la maison d'eux.
Les mêmes pronoms se préposent ou se préfixent aux
verbes transitifs, à tous les temps autres que le présait.
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— 63 —
Le prélérit des verbes transitifs est caractérisé par le
suffixe -ah :
In tzicHih,, j'ai obéi ; à tzic-cûi, u tzic-ah, eCc.
In cam-lhez-ah, j'enseignai ; à camb-ezHih, n camrb-
ez-dh, elc.
Le futur de ces mêmes verbes est caractérisé par la
suffixation de -a6, -eè, -té, -06, -ub ou de -é au» thème
verbal précédé du radical bin,
Bin in tzio4b eu bin in lûoé, j'obéirai ; bin u oheUt-é^
je saurai ; bin in canan-i-é, je garderai.
Les verbes compulsifs en -ez-ah ne prennent pas de
sttffixe caractéristique au futur : bin in cam-b^z, j'ensei-
gnerai.
Les verbes intransitifs forment leur présent en postposant
au thème verbal mis à l'inQnitif le radical cah précédé du
pronom dit possessif:
Nac-al, monter : nac-àl in cah, je monte.
nac-al à cah, tu montes.
nacrai u cahy il monte, etc.
Le présent des verbes transitifs est actuellement carac-
térisé par le suffixe -ic :
In cam-b-ez-ic, trcn cam-b-ez-ic, j* enseigne.
In tzic'ic, l-en tzic4c, j'obéis.
In can-an-t'ic, t-en can-a^i-t-ic, je garde.
Mais il parait qu'anciennement le présent de ces verbes
se formait comme ,celui des verbes intransitif? :
Cam-b-ez^k in cahj tzic in cah, can-an in cah.
Cette formation analytique consiste purement et simple-
ment dans l'apposition d'un nom verbal au radical nomino-
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... 64 —
verbal cah <c Fêtre occupé à, Toccupation » affecté du
pronom personnel dit possessif, de telle sorte que nacal
in cah signifie au propre « le monter [est] de moi l'être
occupé à ».
C'est le lieu de constater que le prétérit, le futur et le
présent actuel des verbes transitifs consistent en des
noms verbaux différents affectés des pronoms dits posses-
sifs en tant que noms, d'où il suit que- ces pronoms sont
en réalité des pronoms régis ou des pronoms-objet.
Ainsi U'Ukah za « j'ai bu de la bouillie » revient à dire
« de moi boisson [a été, fut] la bouillie i^ ; de ntiême
U'ilic in yum c je vois mon père > équivaut à « de moi
vision [est] de moi père ».
Le prétérit intransitif nac-en « je montai » paraît être
morphologiquement identique à Taryen às-mi ; mais, ici
encore, nac est un nom verbal, ainsi que le démontre le
pluriel de la troisième personne nac-ob « monteurs ».
Nac-en revient îà dire « « monteur [autrefois] moi ».
Pronoms personnels combinés.
io La première série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels composés synthétiquement avec ca ou d,
particule d'actualité.
Ces pronoms se postposent ou se préposent au sujet de
Taction, en qualité de pronoms-objet. Exemple: licii-oa-ic'
han-al in yum c-en, c-en-iœ û ha/o^ic, comme mon père
me donne de la nourriture, ainsi il me* bat (lie, comme >
ii'Oaic, il donne, de lui don ; han-al, nourriture ; m t/wm,
de moi le père ; c-en, moi, à moi ; c-en-ix, moi aussi ;
u hao4c^ il frappe, de lui le frappement).
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— 65 —
^ La seconde série esl celle des pronoms dits pos-
sessifs combinés avec cette même particule d'actua-
Uté.
Ces pronoms s'emploient en qualité de pronoms-sujet.
Exemples: bal c-au ok*t4cy que pleures-tu? c-in oab-aly
je suis placé (actuellement de moi l'être placé).
3<* La troisième série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels composés synthéliquement avec la con-
ionction ca c quand, lorsque ». Exemples : c-en bin-iy
quand je m'en allai» au lieu de ca bin^en ; oon bin4,
quand nous nous en allâmes.
A^ La quatrième série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels composés synthétiquement avec la parti-
cule négative ma. Exemple : m-en ba u chayan uinic-ob, je
ne suis pas comme le reste des hommes (m-en, pas moi ; ba,
comme; chayan, reste; uinic-ob^ hommes; u, pronom
indiquant que uinù>ob est au génitif).
&> La cinquième série est celle des pronoms exclusive-
ment personnels composés polysynthétiquement avec la
préposition H c à, vers, dans, en, avec, de > :
I li III
Sing. t-m t-ech
Plur. to-on te-ex
Ces pronoms s'emploient comme pronoms substantifs
absolus devant les noms et devant les verbes. Exemples:
t^ch ttUacal in tvml, toi toute ma pensée {Uech, toi ;
tulacal, tout ; in tucul, de ma pensée) ; t-en c-en (pour
ct-en), moi je dis.
Ils s'emploient également cdmme pronoms-sujet : t^en
nac'i, je montai, au lieu de noc-ew; t-en canirb-ez-ic,
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j'enseigne (en moi renseignement); t-m yac^un-ij
|'ai0iai> etc.
Ces mêmes pronoms se postposent aux verbes transitifs
en (pialité de pronoms-objet. Exemples : u al^b t-ech^ je
te dirai ; baxtumenel au al-ic bin^il à cam-b-ez t-erij
pourquoi dis-tu [que] tu m'enseigneras {box-l-u-^nendj
quoi-dans-de-iui-cause, pourquoi ? au al^-ic^ tu dis, de toi
le dire ; bin-Uy nom verbal dérivé de biUj aller ; t-m, à
moi, vers moi, moi).
Il est vraisemblable que t-en a élé employé en qualité
de pronom-objet avant de l'être en qualité de proncrn^
sujet. Quoi qu'il en soit, je constate que le maya a eu
successivement recours à trois modes d*expression pour
rendre le temps présent :
I. Cam-b-oah in eah, l'enseigner [est] de moi l'être
occupé à.
IL In cam-b-ez-ic, l'enseigner de moi.
III. T-en eam-b-ez-iCy en moi l'enseigner.
6^ La sixième série est celle des pronoms dits possessifs
composés polysynthétiquement avec -fra c personne >, de
manière à former un pronom réfléchi : in haoah in-ba, je
me frappai moi-même (je frappai la personne de moi, de
moi frappement de moi personne) ; u lox-ic u-ba tanba-ob,
ils se battent réciproquement. Dans cet exemple, -06,
indice de pluralité, bien que suffixe à l'adverbe tanba
« réciproquement >, se rapporte au pronom singulier u,
avec lequel il forme la troisième personne du pluriel,
absolument comme dans u yum-ob a le père d'eux ».
70 La septième série est celle des pronoms dits posses-
sifs composés polysynthétiquement avec tial ce le propre t
ou avec tilil « propriété » :
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In*titily b propriété ée moi, le mien.
A'tial, la propriété de toi, le tien, etc.
Les pronoms dits possessifs se préfixent, hn qualité de
pronoms-objet» aoK postpositiom etely avec {ptelf compa-
gnon) ; icnalf avec ; ahlçd^ .à cause de ; okotj contre ;
alan, sous. Exemples ; u-elel, avec moi ; au-etel^ avec
toi ; y-etelj avec lui ; thicnal, avec moi ; c-^klal, à cause
de uous ; u-okol, contre moi ; y^ol^, contre lui ; y-alan,
sous lui.
tV POLÏStNTHÉTlSMlB.
La relatioA est eiprimée polysysIfaéliqqeiiieAl d»s les
formes iti-ba, in-tilil, Uretel, etc.
Il y ^ également expression polysynthétique, mais avec
une sorte d'incorporation, dans les composés qui suivent :
a. T'in-ba^ en moi-même, à tnoi-méme (dans-de-moi-la
personne) ; t-^-ba, en toi-même, à toi-même ; t-u^^ en
lui-même, à lui-même, etc.
p. T'in-men, i-in-menel, par moi, pour moi, & cause
de moi {ti + in + men-el, men, cause, fondement, raison
d'être) ; t-a-men, t-u-meny etc.
7. T'irirpach, derrière moi, à ma suite {H + in + pach,
épaule, derrière) ; t-a-pach^ t-^-pach.
î. T-u-cal, à cause de lui, à cause de {ti + t^ + cal^
cause).
t. T-^'lany en présence de lui, devant lui, en présence
de, devant {li + u + tan, vers, milieu, en avant).
Ç. T'U-zut-pachy autour de lui, autour de {ti + u + zut,
tour, cercle, rond + pack).
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— 68-
e. T-urxul, à la fin de lui, enfin {H + u + xul, un,
achèvement).
X. T-u-yam, entre, au milieu de (rt + w + yam, milieu,
centre).
X. T'Uryukul, partout {H + u + yukul, tout).
fA. T-u-zebcU, promptement {H + u + zeb-al, célérité).
V. T'U'Ziik, à gauche {H + u + ziik, gauche).
Il y a aussi polysyntbétisme, avec incorporation suivant
la formule verbe-objet-sujet, dans cha-horn-en, je portai
de l'eau = cha, porter + Aa, eau + n, suffixe thématique
+ en, pronom-sujet.
Le maya ne possède, pour exprimer les relations des
noms dans l'espace (déclinaison nominale), que des prépo-
sitions dont la principale est H = chi du quiche.
FORMATION DES MOTS.
Les mots se forment :
lo Par dérivation à l'aide de verbes auxiliaires ;
2<» Par dérivation à l'aide de suffixes ;
3® Par dérivation à l'aide de préfixes ;
4« Par redoublement;
5» Par composition.
Dérivation à Vaide de verbes auxiliaires.
On forme des verbes intransitifs en suffixant à des
radicaux soit nus, soit dérivés, les verbes auxiliaires hal^
lahal, pahal, cahal.
a. Le verbe hal « se tenir debout, stare, estar » s'em-
ploie au prétérit et au futur (h-i, h-ac) avec la significa-
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lion de « estar, être >. Comme substantif, hal signifie
tige, bambou, rosée.
Exemples des verbes dérivés :
Hah, vrai ; hah-hal, être vrai ; hahrhiy hah-hac.
Ceky noir ; cek-halj être noir ; cek-hi^ cek-hac.
Bol, rond ; bol-halj rouler ; bol-hiy bol-ac.
Buh, fendre ; buhrhal^ se fendre ; buh-hi, buh'Oc.
Yan-il, existence ; yan-halj se trouver, être ; yan-hi^
yan-^c.
Bek-echy aminci; bek-echrhal, s'amincir; bek-echrhij bek-
ech-ac.
fi. Le verbe lah-al c s'étendre, s'achever, finir » de
lah, ce qui est étendu,, dalle ; tout, fin, terme), forme
régulièrement le prétérit en lahri et le futur en lah-ac.
Ce verbe se sufiQxe à un certain nombre de radicaux,
soit nus, soit dérivés, à l'expression desquels il ajoute une
nuance de pluralité :
Em-elf descendre ; em-lahaly descendre tous.
J?m, aller ; bin-lahal, aller tous à la fois.
Achy ride ; ochAahalj se rider, etc.
Le prétérit lah-i et le futur lah-ac servent à dériver un
certain nombre de radicaux donnant naissance à des noms
verbaux en -tal :
Cach, briser; cacli^t-aly se hriser ; cach-lah-i, cach-l-ac.
Cux, vie ; cux-t-al, vivre ; cux-lah-i, cux-l-ac, etc.
C'est bien à tort que l'abbé Brasseur veut faire de t-al
un verbe substantif auxiliaire ; en effet, à ces infinitifs
in transitifs correspondent des infinitifs transitifs en t-ah :
budiiy YftPBientj bucin^t-al, s^ v^tir; budn-t-ahy vêtir,
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- 70 ~
Çhéen^ éoorce ; chéen-t-al, s'écorcer ; chém-t^h, écorcer.
Catz-ubf clair; catTrub-i-al, s'éclaircir; catz-ub-i-ah,
éclaircir, etc.
Cach'Ualy cux-t-al^ bucin^Ual, bucin-t-ah^ etc., sont
pour cach-al-clf cux-ul-olj budn'it'alj etc., car le roàya,
à la différence du quiche, syncope très-fréquemment les
voyelles. Exemples : lub^-en pour lub-ul-en, je tombai ;
eb'Z-ah pour éb-ez-ahy affiler ; d-z-ak pour d-iz-ah, brûler;
naC't'in cah pour naoal in cak, etc.
7. Le verbe pah-al t devenir, se faire » (maya pa, être
debout, être posé ; quiche pa^, qui est debout), forme
régulièrement le prétérit en pah-i et le futur en paà-ût.
Exemples de verbes dérivés :
Haz, entier; haz-pahaly se compléler; haz-paJh-i, hetz-
pah^ac.
Chay, surplus ; chaf-pahid, s'ajouter ; dmy-pahd, ckay-
pah-ac.
Hok, lier ; hokrpahaly se lier ; kok-pah-i^ h^-pah-ac, etc.
S. Cah-ail <x demeurer, habiter n {ixdi, teri%, Ueu
habité, ville ; être ocetqpé à, èli^ à, iÎEâre), se suffixe
dans un petit nombi:>e deoi^. Exemple \ei^ sigi»l;€i*«aAa/,
signaler.
On forme des verbes transitifs, en suffixant à des radi-
c^uix, soit nus, soit dérivés, les verbes curty cun-ah ou
dn-^h a ensorceler, pouvoir faire, être capable de ».
Exemples :
Bek-echy aminci, bek-ech^cVfn, amincir. *
Caillai, demeurer ; cah-cun, faire demeurer.
Cet, égal ; cet-cun, égaliser.
Chil, ce qui est étendu ; ckH-cunrah, étendre, etc.
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- M -
Remarque. — * On a vu plas haut qu'un certain nombre
de verbes prétendus dérivés par 'hal forment le fniar en
'OC et non en -hac ; d'autre part, des verbes, dans lesquels
n'entre pas cet auxiliaire, forment le prétérit en *Ai et le
futur en -ac. Par exemple : cul-aly s'asseoir : prêt culrhi^
fut. cuUac; hdh, vzmtv : prêt, hâh-hi^ fut. bàb-ac. Il
faudrait donc admettre que le prétérit h-i concourt à
former bol-hi, huh-hi, cek-hi, tandis qu'il ne concourrait
pas à former cul-hi, hab-hiy -etc.
Ce résultat, inadmissible, me porte à croire que l'emploi
du verbe hal comme auxiliaire est chose trés-douteuse, et
je me demande si la difficulté ne se résoudrait pas en
admettant que le prétérit des verbes transitifs a été primi-
tivement formé par la suffixation de la caractéristique i
à un nom verbal en aA, de telle sorte que hah-hi et
bdb-hi ne seraient rien autre chose que hah-ahi eibib-ah^,
syncopés ?
De la dérivation à l'aide de suffixes.
Les suffixes de dérivation du- maya étant, en immense
majorité, identiques à ceux du quiche, je me bornerai à
quelques exemples :
AN € être debout, supporter, soutenir, aider > :
An^al, se soutenir; an-aCy supporté, debout.
An-at, soutenir, supporter, aider : prés, an-t-ic pour
an-at'iCy fut. an-t-è pour an-at-é, prêt, an-t-ah pour
an-at-ah.
An-c-al pour AN-AC-AL, être debout : prêt, an-ca-hi et
an-hi pour an-ac-ah-i^ fut, an-ac^nac et ant-ac pour
atiraû-an-ac.
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—.72 —
4n-c-f7 pour an-ac^Uj être debout ; an-il, appui.
An't-ahHil pour an-at-ahrul^ protecteur.
Afirt-ab-al pour an^t^-ainil, être soutenu, aidé
An-(-tc pour an-at^iCf appui, support.
CUL c fondement, assise > :
CuUal, s^asseoir ; cuUic, assis ; cul-an, assis.
Cu^^Z^ qui est assis, seigneur, dame.
Cul'Cinah pour cul-ic-in-ah, asseoir, poser, placer (1).
Culrdnorbal, être assis, installé, pour mUic-in-ab-al.
Culreh'il, qui peut s'asseoir.
Cul-t-ah, asseoir, mettre en place, pour cul-iit'ah.
EL € brûler » (transitif) :
Prés. elriCf prêt, elrah, fut. ei-é.
£^an^ brûlé ; et-em, brûlant, ardent.
EMf brûler (intransitif) : prêt, el-i pour elrchri, fut.
EUel'il, brûlure, ardeur.
JSUz-ah ou eUez-ahy incendier : prés, el-z-ic pour el-ez-ic.
EUiz-ah, incendier, incendiaire.
Elriz-alHxl, être incendié.
CÇL € froid, glacé ; froidure, fièvre > :
CeUh-alj avoir froid, pour cel-ahrol ou cel-eh-al.
CeUt-aly se refroidir, pour ceUet-al.
CeUem, frais, jeune, robuste, beau; ceZ-ew^ id.
Cel-em-h-al pour cel-em-eh-àl, se fortifier : prêt, cel-emr
hi pour ceUem^h-iy fut. cel-em-ac.
(1) L'emploi de cun, cun-ah^ ein-ah comme auxiliaire me parait
d'autant plus douteux que ce verbe possède en propre la signification
bien précise c d'ensorceler, d'être puissant. >
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— 73 —
CeUm-Uj vigueur, beauté, jeunesse, pour ceUentril.
Cel*t-ah, rendre frais, refroidir, pour cel-et-ah.
Cel-t'ic pour cel^t-ic, frais, froid, glacé.
Dérivation à l'aide de préfixes.
On fcnrme un certain nombre de mots en préfixant ou à
des radicaux ou à des thèmes, soit verbaux, soit nominaux,
la particule possessive ah :
Motulf nom de ville; ah-Motulj originaire, habitant de
HotuL
Cay, poisson ; ahr-cay^ pêcheur.
Cehy cerf, bête fauve ; ah-ceh, chasseur.
Cim-ZHih, tuer ; ah-dm-zaah, meurtrier.
Chem, bateau ; ah-chem, batelier.
Kin, soleil ; ah^kin, astrologue.
Lob, mal, vice ; ah-lob, mauvais, méchant.
Ohel, savoir; ahH)hel, savant, sage.
Tuz, mensonge ; ahrtuzj menteur.
Nao^l, le monter; ah-nacnil^ celui qui monte.
Le sexe masculin s'indique par la préfixation de cette
même particule :
AhrPech, celui qui s'appelle Pech.
Ix préfixé indique le sexe féminin :
Ix-Pech, celle qui s'appelle Pech.
Mehen, fils ; ix-mehen, la fille.
Répétition de la consonne et de la voyelle initiales.
Les verbes fréquentatifs se forment par la répétition
de la consonne et de la voyelle initiales. Exemples :
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— 74 —
Ba^isr^, caresser ; borbaylMib.
Kit'Uhj répandre ; ki^kil^ah.
Bith, sevrer ; bi-bith^
Du redoublement.
Exemples : kan, jaune, kan-kan, très-jaune ; be, chemin,
be-be, mancber, etc.
De la composition.
Les composés sont pour la plupart bioaires. Exemples :
AkaUchéeb, Faiguade aux arbres = ak-al, aiguade + ché<b^
arbre.
Becan-chen, le puits du ravin ss beean^ ravin + chm, pujis.
CaUkab, poignet =:;: cal, gorge, cou + kab^ maio, bras.
Chumu<Hikab, minuit = chumuc, milieu + akab, auit.
MayaC'Ché, table de bois = mayac, Utble + ché, bois, arbre.
Mucuy-ché, le bois des tourterelles ss nmcmf, tourteridle
+ ché.
XibiUcoh, puma mâle = xib^l^ mâle + coh^ puma»
Bokob'xutheny vase à battre le ebocolal s? bok'-ob, batte*
ment + xuth-en, vase.
Composés renfermant plus de deux étémente :
Cit'boloU'tum, nom d'une divinité = cit, sanglier + bolon,
neuf + tum^ pointe.
Kan-cab-cheny nom de lieu = kan, jaune + cab, terre
+ chen^ puits.
Ah'bah-yoc^tzimin^ maréchal-ferrant = ah-bah, cloueur
+ yocy pied, sabot + tzim-in, chevaux.
On voit qu'il n'y a pas d*emboitement entre les éléments
composés.
Lucien Adam.
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IDIOHES DU RIO-NUNEZ
(COTE OCCIDENTALE D'AFRIQUE)
Pendant une année de séjour à Boké (Rio-Nunez), j'ai
recueilli quelques notes sur les différents idiomes parlés
dans le pays. Sans notions suffisantes de linguistique, je
n'ai pu éviter les écueils dans lesquels sont tombés, bien
9mûi inoi, tant de voyageurs et de missionnaires ; mais
w moiîns, je n'ai apporté dans mon étude aucune idée
préconsçue : j'ai amplement écrit ce que j'ai entendu, en
Qi'aidaftt de rexpârience d'hommes très m courant des
laj3giieg afrioiânes, grâce à leurs relations commerciales
incessantes avec les noirs.
J'emploierai, {>our «xpriaer les mots des idiomes indi-
gnes, l'^rthograi^e et la [^.lottéiiftte française. Ainsi, le
double signe 0«6 a la valeur du même groupe en français
dafts tes mots c tout, vo«s > : c'est la vofeûe italiemie et
^efq^de u; — les si^es 4m , m, saas marquer «n son
ausfii Traitement nasâ} ^e dans Botre iangue, n'ont pas
A(Hl plus un json aussi bref que dans les langues oii Yn
se prçmofflce bien d^ché de la voyette ; touli^ois, je les
ai i^réquemment «ntMdus sonner coipme dans a iant,
mon »* et, d'autre parl^ il est des cas oii l'n est par-
£aitem^t détaebé de b voyette qui le précède : j'indi-
çœr^j 0QAte dernière ccrnsoBotsee en faisant sitivre l'n
d'une apostrophe, n' ; —le g final, venant après un son
nasal ou presque nasal^ se prononce à peine ; -^ le
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groupe gu, devant i ou 6, se prononce g dur, comme
dans les mots a guinée, guise » : c'est le g allemand de
gift, geben. — F a le son d'un i très-long, précédé des
voyelles o, e, a et suivi d'un e muet ; il crée un son de
diphthongues assez rare dans notre langue actuelle, mais
répondant bien auxconsonnances oc, tt, oc, du grec classique.
— Ve final est souvent muet ou à peine formé. — Vh sera
toujours aspiré,
I. — IDIOME sousou.
Le sousou est la langue commune au Rio-Nunez. Il est
parlé par les Landoumans et les Nalous, presque à l'égal
de leur langue propre. Je ne saurais dire si cet idiome
est partout identique. (Il sera facile de s'en assurer en
consultant les tableaux de Koelle et en comparant leurs
mots aux miens.)
Substantifs. — lis ne se déclinent pas ; ils diffèrent
quelquefois, mais exceptionnellement, au masculin et au
féminin. En général, les sexes sont exprimés par les mots
< mâle > et a femelle » ajoutés au nom. Exemples : jhémé,
homme, mâle ; guinéf femme, femelle ; so, cheval ; so
guiné, jument ; konkoiirou ou torjhé jhéméj coq ; torjhé
guinéy poule. — Le pluriel est très-régulièrement formé
par l'adjonctioad'un suffixe, ye ou eye^ au nom singulier:
jhémé, homme, jhémeyey hommes; so, cheval, soye,
chevaux ; banki, case, bankieyey cases. Dans certains cas,
la terminaison qui marque le pluriel est aye ; celte dési-
nence semble alors tenir lieu de l'article indéfini ijfiéméaye,
guinéaye, des hommes, des femmes, pour désigner un
groupe d'individus.
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— 77 —
Article. — L'article défini existe sous plusieurs formes
et paraît même posséder une sorte de déclinaison ; il se
place devant le nom, ou^ quand le nom est qualifié, après
l'adjectif.
le, la, avec un nom srjet, ne, ka, a.
— après l'adjectif qualifiant un nom, ni, ki, i.
de, de la, di.
à le, à la, ynajhan, di ?
par le, par la, ne.
le, la, avec un nom régime direct, ne.
les, avec un nom sujet, des, di.
aux, par les, les, avec un nom régime direct, ne.
Adjectifs. — Les . adjectifs qualificatifs^ invariables
quant au genre, peuvent offrir une désinence particulière
à chacun des nombres ; le substantif abandonne alors au
pluriel sa désinence propre : jhèmé fan^ guiné fan, bel
homme, belle femme ; jhémé fanij guiné fani, beaux
hommes, belles femmes. Les qualificatifs se placent après
le substantif.
Adjectifs cardinaux :
On, kérin*g.
Deux, frin'g.
Trms^ sarhan.
Quatre, néni.
Cinq, sauhouli, soûhli.
Six, séni.
Sept^ solofrin'g.
Hait, solomosarhan.
Neuf, soUmdni.
Dix, /iw.
Onze, founikérin'g.
Dotize^ founifrin'g.
Vingt, mohogné ou morhogné.
Vingt-un, morhogné ni kérin*g.
Trente, tongo $arhm.
Quarante, tongo nâni.
Cinquante, tongo soûhli.
Cent, kémé. \ comme en
Bfiile, oulou. i mandingue.
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Adfectifs ordinaux. — A part le premier, ne ^n'gué,
ils se forment par Fad jonction delà finale cié aux nombres
eardinaax : secondf, le second^ férin'gdé ; troisième, le
troisième, sarhandéy etc. Il y a adjonction d'une lettre
euphonique dans les nombres terminés par une voyelle :
dixième, le dixième, foun'dé ; cent, le centième, kémen'dé.
Adjectifs partitifs. — En général^ exprimés par des
périphrases. Demi se dit a tagui, correspondant à notre
français c la moitié d ; le dout)le, frin'g rékafouki, deux
ensemble.
Adjectifs possessifs. — Se placent, comme l'article, avant
le substantif. Paraissent invariables :
Mon, ma, mes, mé : mé jhémé, mé guineye, mon
homme, mes femmes.
Ton, ta, tes, y.
Notre, nos, movjhou.
Votre, vos, voka.
Leur, leurs, eka.
Adjectifs interrogatifs. — Paraissent se placer après le
substantif et prendre seuls la terminaison numérale au
pluriel : quel, quelle, n'derh (rh] son très-guttural) ou
moun'dou; guiné moun'douye, quelles femmes? jhémé
n'derh, quels hommes?
Adjectifs démonstratifs. -* Ils m'ont semblé rfôtre que
l'article défini.
Adjectifs indéfinis. — Brin' g ^ tout, tous, toute, toutes;
kankan, chacun, chacune ; dantigue^ autre, autres.
Adjectifs augmentatifs ou diminutifs. — Les exemples
suivants montrent comment s'expriment l'augmentation et
la diminution :
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- 79 -
Kouîféy grmd; kouyé dondondiy un «peu grand; hmyé
kifan, très-grand ; kamfé abèrcj le plus grand.
Kéfou, cuillère ; kéfoukoumbé, grande cuillère ; kéfoudi,
petite cuillère.
Jhéméy homme ; jhémékoumbé, homme grand, homme à
la fleur de Tâge ; jhémédi, petit homme ou adolescent.
Dimédi, enfant ou petit enfant ; dimédidij tout petit
enfant.
Avant de continuer l'examen des parties du discours, je
vais donner quelques phrases bien simples, relatives aux
rapports des noms et de l'article entre eux.
Le père de cet homme, di jhémé a fafa (de cet homme
le père) ; — la mère de cette femme, di guiné a nga (de
cette femme la mère) ; — la case de l'homme [que vous
. connaissez], di jhémédi ka banki ; — cette case [appar-
tient] à l'homme que vous connaissez, di hanki jhémédi
ynajhan kolan'g alabian'bère (mot à mot : di, cette ;
banki, case ; jhémédi, homme [de V] ; ynajhan^ k\e; kch
Um'g exprime une nouvelle idéede spécificité, comme même,
lui-même ; atalman'bère, tu connais) ; -^ cet homme est
bon, di jhémé a fan ; — il a tué un homme, abaia (il a)
jhémé kérin'g fora (tué) ; — la case dorihée à cet homme,
ba$iki di jhé^né narmt'fi (donnée) ; ~ la case construite
par cet homme, di banki jhémédi najha (lui-même, que tu
me nommes), rafala (construite) ; — bon père, fafa fan;
— le bon père, fafa fâm ; — mauvake mère, nga kobi ;
— la mauvaise mère, ne nga kobi; — un homme propre,
honnête, blaac, européen, jhémé fighé ; — boisson amère,
béré jhmo; '— la boisson amère, ne béré jhonoki; — deux
hommes, jhémé frin'g.
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- 80 —
Pronoms. — Projioms personnels, distincts au singulier
et au pluriel, et selon qu'ils jouent le rôleMe sujet ou celui
de régime :
SUJBT.
RiGim
Je^ moi, me,
n, ntan, fnou (?),
n, me.
Tu, toi, te,
y> -
y-
U, elle, lui.
a.
kong.
Nous,
fMujhou,
moMJhou.
Vous (toujours avec
le sens du pluriel :
les noirs tutoient la
personne à laquelle
ils s'adressent).
0,
o(r).
Ils, eux, les.
é, d ou hà (avec lé-
gère aspiration).
é.
Le mot kmg exprime très-souvent une idée de redou-
blement, remplace en maintes phrases notre mot c même »,
à la suite du pronom personnel.
Je m'habille, n sosé soma (moi habillement mettre) ; —
je me lave, n majhama (je ne saurais dire si la termi-
naison ma n'exprimerait pas une idée de répétition ; la
phrase se traduirait alors : je lave moi-même) ; — tu me
donnes ceci, y di fimame (toi ça-méme donner à moi) ; —
il t'aime, a vamà y kong (lui aimer toi-même); — tu
l'aimes, y vama kong ; — il nous aime, a vama moujhou
kong ; — vous l'aimez, y vama kang, o vama kong ; —
il vous aime, a vama y kong, a vama o (?) kong ; —
ils l'aiment, a vama a kong ; — je les aime, n vama é
kong.
Dans les phrases suivantes, la forme mûu contient
l'idée de négation, ou peut-être ce mot est-il simplement la
négation :
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- 84 —
Je ne Taime pas, mmi vama a kang ; — tu ne m'aimes
pas, mou vama n'kong ; — il ne nous aime pas, a mou
vama moujhou kong , — nous ne l'aimons pas, moujhou
moti' vama a kong.
Pronoms possessifs. — , Ils ont un pluriel formé de la
même manière que celui des noms substantifs :
Le mieo, la nnieniie.
Le tien, la tieiyne,
Le sien, la sienne,
Le DÔIre, la nôtre,
Le vôtre, la vôU'e,
Le leur, la leur.
SINGULIER.
nbé,
ybé,
ahé,
movjhotibé,
ybé(r),
ébé.
PLURIEL.
nbtye,
ybeye.
abeye.
movjhoubeye,
ybeye (?).
La formation de ces pronoms apparaît aàsez clairement
pour ne nécessiter aucune explication.
PronomrS relatifs. — Ce sont, pour les deux genres et
les deux nombres, die, qui; nejhe, dont, de qui, que
(régime direct ou indirect).
Pronoms interrogatifs. — Ndéy qui, de qui, à qui, par
qui? ~ y, que, quoi (aux deux, genres et aux deux
nombres).
Prononts démonstratifs. — Comme l'article défini.
Verbes. ^-- 11 y a des mots qui sont bien des signes de
jugement, qui relient entre eux d'autres mots exprimant
des idées, des notions diverses. Mais ces mois d'alliance,
si je puis ainsi les appeler, restent sous-eqtendus dans
beaucoup de pl)rases. Pas de conjugaisons. Les temps
sont indiqués plus ou moins clairement par des mots
spéciaux, sans doute en rapport avec les idées du présent,
du futur, de la condition, etc. On remarque pourtant
6
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-8â-
quelques transfoihmalions du mot-verbe qui exprime Tidée
générale correspondant à- notre infinitif , transformations
qui ressemblent à de vagues essais de conjugaison
inconsciente, mais qui pourraient bien n^ëtre que ties
retours à la racine, plus ou moins dégagée de liaisons.
Au lieu de réflexions, qui manqueraient sans doute
d'intérêt, mais npn peut-être d'étrangeté, sous ma plume
inexpérimentée en pareille matière, je vais donner la
traduction en sousou de trois verbes frança^ à leurs prin-
cipaux temps et modes.
10 Vbiibb être : LANJHÀNG ou LANJH (?).
INDICATIF PRÉSENT.
Je suis, n lanjhang.
Tu es, y lanjhang,
II est, a lanjkang.
Nous sommes, moujkoîi lafij-
hang.
Vous êtes, lanjhang.
Ils sont, é ianfhang.
IMPARFAIT.
J'étais, n lanjhang noung.
Tu étais, y lanjhang nonng, etc.
PASSÉ INDÉFINI.
J'ai été, n lanjh noung.
Tu as été, y lanjh noung, etc.
FUTUR.
Je serai, n lanjhmaye.
Ttt seras, y lanjhmaye/eic.
CONDh-KMfNBL.
Jeserais, n'ianjgmaye noung.^ic.
IMPÉRATIF.
Sêis^tanjh.
Soyons, lanjhang.
Qu'ils soient (?).
SUBJONCTIF ntÉgKNT.
Que je sois, n (at^'/^y etc.
PARTICIPÉS.
2« Verbb avoir : SÔTO.
INDICATIF PRESENT.
J'ai, n sôto.
Tu as, y solo, etc.
IMPARFAIT.
J'avais, n solo noung.
Tu avais, y solo noung, etc.
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t>A8Sé INDÉFINI.
J*ai eu, n bâté sâto,
To as eu, y bâté sôto, etc.
PLU6-QUK-P4I\]^A1T.
J'avais eu, n bâta $ôto naung.
Tu avais eu , ,1/ bâta .sôto
FUTUR.
J'aurai, n sôtfima.
Tu auras, y sôtotna, etc.
CONDITIONNEL.
J'aurais, nsdtome noun^f.
Ta ^titikïsl'fÉÔtùfite noung, etc.
Sdfo.
IMPÉRATIF.
SUBJONCTIF.
Que j'aie, n sôto ou {ou très-
90ttrd), ^ic.
.Ajgnt, ^/o.
Eu, iôtd-iôto.
3» Verbe ÉGRIRE : SÉBÉ (é très-bref, presque le çon d't).
INDICATIF PRÉSENT.
J'écris, n se^y^ttima^ etc.
IMPARFAIT.
J'écrif ais, n sébélititna naung.
PASSÉ DÉFINI.
J'écrivis, n sébélUi nofing^
PASSÉ INDÉFINI.
J!ai écrit, n ^oto sébétiti.
PLUS-QUE-PARFAIT.
J'avais écrit, n ^to sébétiti
noung.
FVTUR.
J'écrirai, n fafijfa sébélitidé.
COND^TIO^BL (?).
IMPÉRATIF.
Sébifliti, sébélUima.
SUBJONCTIF (?).
PMiTIGiPES.
Écrivant, sébélUima (î).
Écrit, sébétiti, sébétitima.
Prépositions, adv^bçs, interjections, œnjonctions. —
J'ai recueilli un nombre très-restreint de ces mots : on
en trouvera des exemples dans les phrases que j'ai
précédemment citées et dans celles qui vont suivre.
J'insisterai seulement sur la négation : il n'exjiste pas, de
conjugaison négative; la négation, à la preçïiére per-
sonne, s'accompagne ordinairement de* la suppression du
pronom-sujet ; aux autres personnes, elle se place entre
le pronom et le verbe :
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— 84 —
Je n* écris pas, mou sébélitima.
Tu n'écris pas, y mou sébélitima.
Il y' a parfois répétition de la négation :
Je n'ai pas été, mou mou n lanjh noung (ici le pronom
serait conservé, si Ton n'admettait pas le redoublement
de la négation).
Tu n'as pas été, y mou mou lanjh noung, etc.
Exemple de négation et d'affirmation ; fan, bon ; kifan,
bon, qui est certainement bon ; amoufan, qui n'est pas
bon, mauvais. On retrouve la signification négative A'atnou
dans amouha, il n'y en a plus, pour désigner qu'une
quantité ou un nombre d'une chose spécifiée n'existe
plus.
PHRASES ET 'MOTS DIVERS.
Soleil, sogué.
Lune, qmké.
BoDJour, omama.
De quoi te plains-tu ? moui
jhonoma?
Je m'en vais, bâta sigua.
Allons ensemble, on' sigua.
Je descends, bâta sigua labéra.
Adieu, vongué ségui.
Argent, batangua.
Pagne, dougui.
Paille, séjhé,
Têle, kourCdie.
Bois à brûler, niéguè.
Mouton, yéjhé.
Bœuf, nin'gué.
La paix! silence! dojhof kifanf
Chaise ou banc, dojhosé.
Main, béléjhé.
Pied, sandié.
Prince ou roi, mangue.
Sabre, dcguéma.
Lit, sadé.
Coucher, sa.
Dormir, jhy.
Lever, kéty.
Eau, yé.
Feu, té..
Riz, mâtê.
Calebasse, lin*gué,
Manj[er, ban' dé, ban' dé don.
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~ 85 -
J'ai faim, camé ma.
h suis rassasié, han'ia louba.
Oui, yo.
Non, adé.
Venlre, fourL
Apporte-moi cela, fa ffui rébé.
Arbre, houri.
Fruit, kouridi.
Fleurs, hourifougné.
Feuilles, houribrojhé.
Faut-il aller loin ? movjhou
sigaman hiré maconié ?
Retournons au poste, movjhou
ka goulé talé.
Où sommes-nous? movjhou na
min* dé ya ?
Gomment appelles-tu cet arbre ?
gui honrijhlimoujhi?
Matin, guéségui.
Midi, sogvé fia tagui (soleil est
au milieu).
II. — IDIOME LANDOUMÂN.
Les Landoumans habitent les deux rives du Rio-Nunez,
depuis les hauteurs du Bôvé, qui leur sont disputées par
les Foulahs jusqu'à Dibélia. Ils sont resserrés entre lé
pays des des Tchiapesis au nord, et le pays des Sousous
au sud. Leur idiome a les plus grands rapports avec le
baga :
Un, tine.
Deux, marame.
Trois, masasse.
Quatre, manglé.
Cinq, kiame.
Six, kiamtine.
Sept, MamtirC marame.
Huit, kiamtin'masasse.
Neuf, kiamtin'manglé.
Dix, pou.
Ooze, poudégnine^ poudétine.
Douze, poudémarame.
Vingt, poutwaram^.
Cinquante, poukiame.
Cent, kémé (??).
>|il!e, oulou m.
Homme, kémé,jhémé.
Femme, guiné.
Bonjour, goudimo,
Adieu^ pasoko.
De quoi te plains-tu ? aké mopé
mana?
Je m'en vais, nko.
Tête, dioumpe.
Main, kécha.
Pied, kéiiéke.
Mouton, kankasia.
Bœuf, vanan.
Eau, damoune, moutie.
Feu, nintie,*
Manger, anake.
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III. — IDIOME NALOU.
Les Nalous habitent les deux rives' du Rio-Nunez, au-
dessous du territoire des Landoumans, jusqu'à Victoria ;
les limites de leur pays sont assez mal définies au noi^
et au sud ; elles s'étendent davantage vers le nord.
Je ne puis donner qu'un trés-faible spécimen de l'idiome
nalou :
U0, den'déke.
Deux, bile.
Trois, pâte, pâté.
Quatre, bina.
Cinq, tédou.
Six, té den'déke.
Sept, té bUi.
Huit^ té pâté.
Neuf, té bina.
Dix, téblé.
D'après une version dont j'aî quelque raison de sus-
pecter la véracité, les Nalous compteraieiil séulemetit'
jusqu'à dix et seulement par nombres pairs; les motà qui
expriment ces nombres différeraient de ceux dont je viens
de donner la liste :
Deux, biné.
Quatre, bané.
Six, pâté.
Aûit, pâlébiné.
Dix, téno.
IV. — IDIOME BAGA.
Les Bagas sont les noirs du littoral. Les mots q^e j'ai
recueillis dans leur idiome ne correspondent pas aux
mots bagas réunis par Kôëlle, ainsi qu'on en peut juger
par ces exemples :
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- 87
Ud, Orne»
Deux, méreine,^
Trois, massasse.
Quatre, tnanglâis.
Cinq, tiamatte.
Six, iiamatoutine.
Sepr, tiamtaméréine.
Huit, /iafit<ama55a«S(?.
Neuf, /iam/aman^2dis.
Dix, ou/to.
Dieu, A:anou.
HooHne, foune.
Ftmme, aranê.
Ensuit, aoii<«.
Ciel, afaine.
Terre, olo/fip.
Eau, damoune.
Rix, maraniitf.
Oui, to.
Non, tié.
Manger, etjcke.
Boire, moune.
Arbre, ourt.
Navire, afri^le.
d'après roellk.
Un, pin.
Deux, pâren, pàran.
Trois, jMisds.
Quatre, pân'ere. •
Cinq, ^ma^
Six, hamâterkin, délcin.
Sept, dépérafi.
Huit, desdo.
Neuf, depdnere.
Dix, to()/a/o.
\. — IDIOMES DIVERS.
D'autres idiomes sont parlés au Rio^Nunez, mais par
des noirs étrangers au pays : le wolof, langue des noirs
du Sénégal ; ]e mandingue, langue des cultivateurs qui
vienaeiU du Fouta (Toubacayes) : René Caillé en a donné
un vocabulaire ; l'arabe, la seule langue écrite.
J'ai eu l'occasion d'observer un assez grand nombre
de Yolàs ou Diobas du Kabou, conquis par les Foulahs ;
j'ai recueilli quelques mots de leur idiome. En voici le
tableau :
Un, bapo.
Deux, hopobonki.
Trois, iH^bandio.
Quatre, bopobonio.
Cinq, béda.
Six, mpadi.
Sept, fii^adégpMg»h
Huit, v(ué.
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Neuf, Umberlo,
Dix, bapo.
Dieu, goudana.
Soleil, bouniga.
Lune, boulampa.
Homme, housa.
Femme, mahouhali, .
Enfant, nda.
Tête, boifa, %
Main, goubéda»
Pied, ranfca.
Eau, mambia.
Manger, liguénédakane.
VI.
FOULAH DU FOUTA-DJALON.
On remarquera dans cette partie que certains mots,
certaines appréciations ne concordent pas exactement avec
ce que M. le général Faidherbe a écrit sur l'idiome
poular (langue du Toro, du Damga, etc.). Les dissem-
blances peuvent être dues à mon inexpérience des langues
africaines, mais elles peuvent aussi indiquer un dialecte
spécial, hypothèse qui n'a rien de surprenant ni de
hasardé, si l'on songe aux dissemblances de mœurs et
d'hatitudes existant aujourd'hui entre les Pouls du nord et
les Pouls du sud.
Dans le Foulah, tel que je l'ai étudié à Boké, Vs a
toujours un son très-sifflant.
Il y a souvent des redoublements de consonnes, dabbotir-
goly deffougol.
Il existe au moins deux aspirations très-distinctes : l'une
douce, que j'exprimerai par h ; l'autre rude, que j'expri-
merai par jh : cette dernière ne répond pas tout à fait à
l'aspiration du même signe des idiomes précédents ; elle
offre quelque chose de spécial qu'il m'est impossible
de définir et d'indiquer; elle m'a paru d'une difficulté
inouïe à prononcer dans le cours et à la fin de certains
mots.
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- 89 —
Substantifs. — Ils ne se déclinent pas. Ils sont
identiques au masculin et au féminin {poutiou, cheval
et jument) ou complètement différents aux deux
genres (jhorko, homme ; déboy femme ; dontogal, coq ;
gvertodé, poule). — Le pluriel se traduit de plusieurs
manières : 1® par l'adjonction de dé ou de bé au nom
singulier : poiUioudé, chevaux ; débobé, femmes ; —
2» par l'adjonction de guédène : sôudoti, case, sôudoii-
guédène, cases ; dans quelques cas, guédène se subs-
titue à la dernière syllabe du mot singulier : donto-
guédène^ coqs ; -^ 3® par un nouveau mot : réobébène,
femmes.
Article. — Il n'y a pas d'article indéfini. Il paraît
exister un article défini, se plaçant toujours après le
nom ou après l'adjectif qualifiant le nom, on pour le sin-
gulier, gué pour le pluriel, sans distinction de genres :
jhorko on^ l'homme ; débo on, la femme ; landan on, le
sel; soûdouguéy les cases.
Adjectifs. — Les qualificatifs sont susceptibles de
grandes variations ; ils prennent le signe du pluriel :
jhorko modioy un bel homme ; jhorko modiogué (on dit
aussi modiobê)y de beaux hommes. Ils revêtent une forme
particulière aux deux genres : baba modio, bon père ;
débo modiali, mauvaise femme. Comme on le voit,
l'adjectif se place après le nom ; il précède l'article si le
nom est défini : baba modio on, le bon père. Certains
adjectifs, exprimant deux qualités contraires, ne diffè-
rent que par le suffixe ajouté à un radical invariable :
lÂboUy honnête ou propre ; lâbaliy malhonnête ou mal-
propre. •
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^96 —
Adjectifs ca/rdinmm.
Un, gi.
Deux, didi.
Trois, tati.
Quatre', waye.
Ciii% gué.
Six, ^^.
Sept, guédidi.
Uuit^ guétati.
Keuf, guénaye.
Dix, sapo.
Ona^e, sapogô.
Douze, sapodidi.
ViJDgt, no^, nêffêga.
Trente, Uapandé tatù
Quatrante, tiapandé naye.
Cinquante, tiapandé gué:
Soixante, tiapandé guégô:
Soixante^ix^ tiapandé guééMi*
Uuatre-vingits, tiapandé guétatù
Quatre-vingt-dix, tiapandé gué^
naye.
Cent; témédéri.
Atilk, ôulouré.
Mille huit cent soixante et seize,
oulouré témédéré-guétati tia-
pa»dé guédidLê- guégô.
Adjectifs oréinaux, ~. Le premier «e dit arno on (oa
proflonee en fiisîoDiiant ia défaire syllabe d'omo avee
rartiole) ; les autres s'exprÛMDl^ par V^Àjfimtion^ d^ g^é
ou guédène à l'adjectif cardinal ; souve^ celui^ei eat à U
fois cardinal et ordij)8â^ àaftr adjonction d'awune
partÎGiite distinotive : seciNid, didi gtiédèM ; la seconde
femmey é^ didi gué on ; la vingtième oâSfr^ scmi&m
nogaye ofu.
Adfectifs paytUifs el muHipUmlifs :
Fétiéré m, la moitié.
Sen'dou (exprimant l'idée de partage),
Din'tati (en trois), le tiersk
Fétiéré naye ou, le quart.
Ndé didiy le double.
Ndé tatiy le triple.
Ndé naycy le quadruple {ndé exprime l'idée de
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- 91 ~
choséfe égales" qui sont jointes Tune à l'autre
ou les unes aux autres).
AdjêcRfs po$$é$sif$ :
An, mon,. ma, mes;
. Ma, ton, ta, tes^.
£b, son, sa, ses.
Mènêy notre, nos.
Ma (?), votre, vos.
Mabé^ leur.
Adjectifs interrogatifs. — Ils semblent dériver des
signes que je crois correspondre à Tartifele défini :
Débo ondou, quelle fettime?
Dêbà bé ondou, quelles femmes ?
Débo dndouy de quelle femme ?
Débo ondou guédène, de quelles femmes ?.
Débo ombo, à quelle femme?
Débo onibo guédène^ à qâieltes^ femmes?
Adjectifs démonstratifs. — Faut-il regarder coniïtte tels
les signes de l'article défini ou admettre des signes parti-
culiers de démonstration? Mes notes sont trop incomplètes
sur ce point poni^ élucider la qoëstion : je n'^y trouve que
ce seul exemple de démonstration : o jhotko... cet
homme...
Adjectifs indéfinis :
Pope, tout ; fope, tous.
Jhorko Oy chaque homme.
Kotféhi ày ttn [homme] quelconque.
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— 92 —
Débo kovdni (T, une femme quelconque.
Dantie, autre.
Comparaison, superlatifs et diminutifs. Exemples :
« moins » s'exprime par sédé et « plus >, par bouri,
Bouri diandi^ plus grand ; diandi sédé^ moins grand (la
place de la conjonction semblerait indifférente).
Tokodiou, petit ; tokosoune, très-petit ; tokosotm'ko, tout
petit.
jhorko lie modiguari bouri o, cet homme est plus beau
que celui-ci.
Pronoms. — Pronoms personnels
SUJET.
RÉGUIE.
Je, moi,
mi, midOj
mm'gué ou min*gue.
Tu, toi,
a, ide.
ma'.
II, lui,
Oy
mou ou mo.
Nous,
mené.
ménène.
Vous,
on,
onone.
Ils, eux.
é, hé (?),
ène.
Pronoms possessx
:fs:
SINGULIER.
PLURIEL.
Le mien, la mienne,
kominkong,
kominkong.
Le tien, la tienne,
koangkong.
komayekong.
Le sien, la sienne,
komakokong,
komayebékong.
Le-la nôtre.
komenkong,
komenkong.
Le-la vôtre,
komakong,
komayekong.
Le-la leur,
komabékong^
komayekong.
Je donne cette liste sous toute réserve.
Pronoms relatifs. — Exemples : boudi ko mi diogui
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~ Ô3 -
kong, Targent que (ko) je possède moi-même (le mot
kon§y déjà signalé dans l'idiome sousou, a probablement
été cédé à ce dernier par le foulah ; ce n'est pas d'ailleurs
le seul emprunt du sousou au foulah) ; — b(mdi ko mi
nani [éoudioudé, l'argent dont je puis disposer. >
Pronoms interrogatifs. — Je n'en puis citer qu'un :
qui, yhombo?
Pronoms démonstratifs:
Ce, cela, dou, doun, beye.
Celui-ci, celui-là, on tigui.
Ceux-ci, bé tigui.
Verbes. — Ce que j'ai dît à propos du verbe, en
parlant de l'idiome sousou, s'applique également au
foulah. M. Faidherbe, dans son vocabulaire poular,
donne une liste assez considéraT}le de verbes terminés
en dé. Dans le foulah de Boké, j'ai cru remarquer une pré-
dominance sensible de 'verbes terminés en gol ou en ou.
On remarquera, dans les essais de conjugaison qui.
vont suivre, l'emploi de particules exprimant, soit un
redoublement du pronom, soit une idée de temps.
lo Verbe ÊTRE : VONOU.
Ko mène voni.
Ko on voni.
Ko bé voni (i).
INDICATIF PRÉSENT.-
Ko mi voni, je suis.
Kdvoni, tu es.
Ko voni, il est, etc.
(1) On voit un exemple d'une particule de redoublement tantôt dis-
tincte du pronom sujet, tantôt fusionnée avec lui. On notera aussi que
)a forme régulière de conjugaison que je viens de donner est plutôt
théorique que réelle ; elle peut s'employer, mais elle n'appartient pas
au langage courant. Le verbe s'élide. Ainsi, au lieu de dire : ko mi
voni iando, je suis roi, on dit : ko mi lando.
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Ko mi vofii noung, etc.
PASSÉ INDÉFINf.
Mi varU noung, etc.
FUTUR.
Mi vomye, je serai.
Avoneye, (asei^s.
voneye, il sera, etc.
Mène voneye.
On voneye.
È voneye.
GONDITIONHEL.
Mi voneye îMung, je serais, etc.
A voneye noung, etc.
SUBJONCTIF.
Yami.v^i, q^e jç^fois (1).
Ya voni, quefu s,ois,,etc. (1).
2o YEaBE AVOIR :
INDICATIF PAIENT.
Mi diogui, j'^ai.
A diogui, tu as.
diogui, il a, etc.
Mène diogui.
On diogui.
È diogui.
IMPARFAIT.
Mi diogui noung^ i*^W^> ^^^-
PASSÉ INDÉFim^^?).
PLUS-QUE-PARFAIT <?).
FUTUR.
Miéiogaye, j'aurai, etc.
CONDITIONNEL.
Mi diogueye, j*aurais, etc.
,94-
vont, quHl i^oît, . jB^tc
Mène voni, on^voni, é voni.
{HIPÉRAtlF.
Fanot*, sois.
Yo tjonott,, qu'il. soit (I).
Vonène, soyons.
Voné, soyez.
Yobé vonou, qu'ils soient (i).
PARTICIPE PASSÉ.
Voni.
PARTICIPE PRÉSENT.
On le remplacerait par une pé-
riphrase : si mi voni^lando
noMng, ou simplement : si ko
mi Umdo^ [é^nt] roi, ,fnoi
[étant] roi.
DIOGOU, mOGOUGOL.
^U^ONCTIF.
Si mi 4i(^iy ^e je so^, .^tc.
Ça diogui.
Yo diogou.
Yo mène diogou.
Yo on diogou.
Yo hé diogou.
lJ|fIȃB4HF.
Diogou, aie.
Yo diogou, qu'il ait.
Dioguène, ayojas.
Diogué, ayez.
Yo hé diogou, qu'ils aient.
PARTICIPES (?).
"(1) Autres exemples de pronoms redoublés avec ou sans fudon. On
en trouvera de nouveaux dans les conjugaisons suivantes.
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-Ô5-
> Vbbbb manger : NIAMOV.
INDICATIF PRÉSENT.
Mène nittnutye.
Miâo fUamoudé, jeno^ti^.
On»niamêye.
Ide niamoudé, tu maogi^s,
^c.
rÈ niamaye.
Mo nianwudé.
Médène niamoudé.
'
SUBJONCTIF.
Odone niamoudé.
Odé niamoudé.
Tomintarnow, que je mange, etc.
A niamou.
IMPABFAIT.
Yo niamou.
Mido niofnmtdémmff, j^^
geais, elc.
ovan-
Yo ment' nàamou.
Yo on niamou.
PASSÉ INDÉFINI (?).
Yo é (ou yo bé) niamou.
PLUS-QUE-PARFAIT.
Mi niammokngy j'avais
gé, etc.
aniaminùung.
mène niaminotmg.
on niaminoung.
é niaminoung.
man-
IMPÉRATIF.
Niame, mange.
Yo niamou, qu'il mange.
Niamène, mangeons.
• Niamou, maagez.
Niamé, qu'ils mangent.
FUTUR.
PARTICIPES.
Mi niamaye, je ^ooi^ngeffai,
A niama^.
etc.
Présent : s'exprime par péri-
phrases.
niamaye.
Passé : niama, au^igé.
11 est impossible de a'être pas frappé des Tessemblaaces
qui existent entre les formes de temps et de> modes des
verbes sottsous et des verbes foulahs; cette ressemblance
a sa raison d'^re^ dans les imitations et dans les emprunts
que ridiome sousou a dû s'assimiler au contact des
Foulahs, la race la plus civilisée de toute la côte occiden-
^tale d'Afrique (je. ne parle pas, bien entendu,. des. Arabes
et des Européens, races émigrantes et passagères).
Prépositions, €^dverbes, interjections yOmj&nctions. -r On
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— 96 —
en trouvera des exemples dans ce qui précède ou dans le
vocabulaire qui suit. Je donnerai seulement ici quelques
exemples de négation :
Je ne suis pas roi, mi vona lando.
Tu n'es pas roi, a vona lando.
Je n'étais pas roi, mi vona lando noung.
Je n'ai pas été roi, mi vonalinoung lando,.
Je ne serai pas roi, mi vonata lando.
Je n'ai pas d'argent, mi diogaki boudou.
Je n'aurai pas d'argent, mi diogaka boudon,
La négation semble donc s'exprimer en foulah par
une désinence particulière du verbe auquel elle est jointe
idéalement.
MOTS DIVERS.
A (préposition), o.
Abandonner, atié.
Abattre, sopou, ,
Abeille, niaki.
Abondant, doudou.
Accepter, iiangou.
Acheter, sodou.
Adorer, batou.
Age, doubi.
Agé, ébondoubi.
Airner, ydou.
Aller, yagol.
Ami, ndiatigué.
Année, itandé.
Arbre, légal.
Assembler, avétougol.
Asseoiras'), diodougoL
Beau, modié.
Blesser, mouyenougol.
Bœut.nagué.
Boire, yarougol.
Bon, modio.
Bonjour, dianvoni.
Bouche, jhoundouko.
Bouillir, deffougol.
Bras, dioungo.
Calebasse, jhordé.
Captif, mattjhoudo.
Caravane, sété.
Chef, jhoré (tête).
Chercher, dabbougol.
Chien, rovandou.
Corps, bandou.
Cou, dandé.
Cuisse, bousalé.
Dent, nidjhe.
Dire, alougol.
Doigt, holû
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a?
Dormir, danmigol.
Fruit, hihéUgal,
Gale, poudié,
Laogue, den'guale.
Loin, jhodL
Lune, lévrou.
Maladie, niààuséré.
Malade, niaou.
Matin, soubaka.
Midi, nangué jhoré.
Mois, ^ono.
Mort (un), majhi,
Çartager, sen'dou.
Penser, midiou.
Poitrine, berndé.
Soleil,„n(in^M^'.
Soulier, padé.
Tabac, yambba.
Ventre, rêdou.
Vêtement, tiontié.
Phrases. — Apporte-moi cela, adou lan dou. — Faut-
il aller loin? mène ya lo jhodi ? — Retournons au poste,
routène guène tata. — Prends-moi une branche de cet
arbre, gfweïw youngo doun légal. — Comment appelles-tu
cet arbre? doi^n légal no viétéf — Ou sommes-nous ?
onto mène voni ?
D** A. CORRE.
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— 98-
LA CONJUGMSON
DANS LES LANGUES DRAVIDIENNES,
{Suite et fin),
§ VI. — Formes nomino-verbales.
GÉRONDIFS ET PARTICIPES.
Je comprends sous cette division deux sortes d'expres-
sions verbales, qui sont employées avec une signification
adjective, mais qui diffèrent Tune de l'autre, en ce que dans
les premières (participes) c'est l'idée adjective qui prédo-
mine, tandis que dans les secondes (gérondifs) c'est l'idée
verbale. Si je dis, par exemple, « l'homme qui a mangé »,
j'ai un participe dravidien ; mais si je dis « l'homme,
ayant mangé, s'en est allé i>, j'ai un gérondif? Les
grammairiens indigènes expriment cette différence en
appelant le premier péyaréttcham « nom incomplet » et le
second vin'eiyéttcham « verbe incomplet ». Les grammai-
riens européens appellent généralement participes Tune
et l'autre forme ; seulement la première est qualifiée, par
Caldwell notamment, de relative, et la seconde de verbale.
Ariel appelait la seconde participe indéclinable, nom qui
a le défaut de s'appliquer surtout à l'expression française
correspondante. Je crois bon, pour faciliter la distinc-
tion, de maintenir les appellations de Beschi, participe et
ijérondif.
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A. — Participes.
Le princrpal rôle de cette forme, dans les langues dra-
vidiennes, justifie le nom que lui a donné M. Caldwell
de participe relatif; elle sert en effet à remplacer les
pronoms relatifs qui manquent à toutes ces langues.
Les pronoms relatifs véritables sont ceux qui lient un
substantif à son complément : Thomnie qui mange,
l'enfant qui a lu le livre, etc. Le participe dravidien, que
quelques auteurs appellent -pour ce motif adjectif verbal,
est toujours accompagné d'un nom qu'il précède, mais il
est susceptible naturellement lui-même d'un complément
direct ou indirect, comme le verbe d'où il procède ; il en -
résulte qu'à l'aidé d'un participe on joint souvent à un
substantif une véritable phrase complète.
Il y a, dans chaque langue dravidienne, autant de par-
ticipes que de temps simples. Il y en a donc trois en
tamoul : ceux du passé et du présent sont caractérisés
par un a final qui se joint au signe du temps, çéy-
gin'd'-a ou çéy-gir'-a « qui fait », géy-d-a « qui a fait »
(les prétérits en 4n' font leurs participes en in'a ou iya,
^udiya onjjudin'a « qui a écrit ») ; le participe futur
est en um et se trouve identique à la troisième personne
singulière du futur; çéyyum sera donc c il fera > et c qui
fera i>. Le canara, plus logique que le tamoul, a aussi
le participe futur en a: mâduva a qui fera », kareyuva
«c qui appellera >, morphologiquement conformes hmâdida
« qui a fait », kareda « qui a appelé » (le participe pré-
sent est périphrastique). Le télinga fait son passé et son
présent en a ; son futur en edu, edi, é, êti. Le malayâla
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— 100 —
ressemble au tamoul. Le kudagu confond le présent et
le futur mâduwu, mais a un passé mâdunti € qui a fait >.
Le tulu ne parait pas distinguer le participe du gérondif,
quant à la forme. — Le participe négatif tamoul est en
â ou en âda, çeyyâ ou çeyyâda t qui ne fera pas », dans
la langue vulgaire ; il est aussi en al-â ou al-âda (voyez
ci-dessus, § V, 5). Le négatif canara est en oda, mâdada
a qui ne fait pas » ; le télinga en m, pôni c qui ne va
pas > ; le kucjagu en a/w, mâdalu « qui ne fait pas », etc.
Les grammairiens tamouls comptent, parmi les formes
participiales, le participe futur allongé et le participé
futur abrégé. Le premier est caractérisé par l'addition
de la terminative du à Yum normal. Je n'en connais
d'autre exemple que le suivant donné par les grammairiens
indigènes :
PwMirinirçiilnnàupûvulagilyâvu
MurLarinHn'akkileiyop pu
(Auteur inconnu.)
« Dans le monde terrestre qu'entourent les eaux de
l'Océan, on ne trouve rien qui puisse t'étre comparé ».
Quant au participe abrégé, il est caractérisé par l'absence
de la syllabe um; naturellement les explosives dures
finales prennent alors un u épenthétique : nadakku « qui
marche ». Sauf le cas des verbes neutres à forme active,
ce participe abrégé n'est autre que le radical verbal ; il
s'emploie à tous les temps ; par exemple : ûkarakkurfda-
^nlâmqrei « le rouge lotus qui a mangé la laque mise à
sa portée » (ûfftt pour ûttum) [Çindâmani] ; nWVxikko-
lyân'ei c l'éléphant tué hier », etc. Les participes de deux
syllabes brèves n'ont pas la forme abrégée.
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^ IM —
Ce participe syncopé, joint à l'adjectif arum on ariya
« difficile », prend le sens du supin latin en u : çéyyarum
€ factu difficile », çollarum {Çindâmanij I, 52) « difficile
i dire », etc.
Le participe dravidien remplace, ainsi que nous l'avons
vu pjus haut, le pronom relatif. Il est important de faire
remarquer que, dans ce sens, il peut être pris objective-
ment ou subjectivement. Ainsi, pulikon'd'ayân'ei se traduit,
suivant les cas, « Téléphant qui a tué le tigre » ou « l'élé-
phant qu'a tué lé tigre » ; araçan'peVfapérumei « la
grandeur qu'a obtenue le roi » ; nîvandapojudu c l'époque
où tu es venu ». Ce phénomène est si général en dravi-
dien qu'on en retrouve des traces dans les idiomes les
plus^ imparfaits, par exemple en tuda, où l'on dit très-bien
an kûdid nâlorj « au jour où je me suis marié » (tamoul
nân kûdiya nâliJ).
J5. — Gérondifs.
Les gérondifs, participes de relation, participes ver-
baux ou participes indéclinables, ont également des
formes différentes correspondant à chaque temps personnel.
En tamoul vulgaire, toutefois, celui du passé est le
seul usité ; mais, dans la langue savante et dans l'idiome
ancien, les trois temps ont leurs gérondifs. Le malayâla
a les mêmes formes que le tamoul ; le canara, le télinga
et le ku4agu n'ont pas de gérondif futur ; le tulu a
un gérondif présent ou futur, un gérondif de l'imparfait
et un géfondif passé. Tous ces idiomes ont en outre un
gérondif négatif. *
|. Le gérondif passé a diverses formes en tamoul ; la
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— 102 —
plus ordinaire n'est autre que celle du prétérit, sans
suffixes personnels : çéy-du < ayant fait », vit-tu « ayant
laissé », etc. Les prétérits en in'ên' font i, vilaiïgi « ayant
brillé^* (ce qui montre bien le rôle adventice et eupho-
nique] du n') (1). Les grammairiens comptent en outre
des formes en bu ou pu, en â et en û, dérivées par
'addition de ces syllabes au radical : 1® vilaûgubu
• ayant brillé », nadappu « ayant marché > ; cette forme
ne sert guère qu'en poésie et avec les verbes au pré-
térit en i, dont le gérondif gagne ainsi une syllabe ; —
2v<^;a € s' étant levé i> {Râmay., VI, xvii, 19) ; cette forme
est identique à la négative (voyez ci-après) ; — 3® je n'ai
trouvé de û que l'exemple suivant :
Ai'pagan'ê(îur'umâditafkànû
Vuft'a4ivav^angalum, etc.
€ A(Ji, qui le cherchait jour et nuit, l'ayant aperçu,
s'approcha^ et^e prosterna à ses pieds... >. (Agaval de
Kapila, préface.)
(1) Les quatre verbes pôgir'adu t aller >, dgir'adu «devenir*^
tdgir'adu c donner » et *Mgifadu f appeler, crier », font pôgi eipôy,
agi et ây, iây {Tiruvileiyddalpurâna, pays, 11), kûy {Naichadha,
XXV, 1), On trouve d'autres formes irrégulières : ko^u ou kolii pour
koniî^À c ayant pris > (devant les voyelles kô4u) ; çêri pour çêrndu
c étant arrivé à », téri et téri pour têrndu c ayant appris, ayant
su », etc.
Les verbes dont le radical finit par ei ont un gérondif passé irrégu-
lier eneii (employé seulement en poésie) : valeii pourvaleindu c ayant .
plié », naçeii pour naçeindu c ayant aimé », etc., d'où Ton dérive,
par Taddition de a, une forme participiale nouvelle, valeiiya c qui
plie » ou c qu'on plie » . Le gérondif en eii compte pour autant de
syllabes que celui en du, mais sa finale n'est pas élidable ; le participe
en eiia H une syllabe de plus que celui en da.
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— 103 —
Le gérondif canara et télinga se forme comme celui
du tamoul : mâdi t ayant fait >, karedu « ayant appelé »
(can.) ; tchêçi « ayant fait », koni « ayant pris > (tél.).
C'est également de Timparfait et du parfait que dérivent
les formes tulu malti a pendant qu'il faisait » et mal-
tûdû a ayant fait », etc.; de même en kudagu, mâditu
« ayant fait ».
Le gérondif passé se remplace quelquefois par le verbal
en al avec um en tamoul (voy. § XI).
IL Le gérondif présent a également diverses formes :
en canara, il est notamment en uliây mâduttâ m faisant » ;
en télinga, en tu ou du ; en tulu, il dérive du présent,
malpu « faisant ». En tamoul, il est caractérisé par a
final (çéyya < faisant ») joint au radical simple ; ces
formes en a se retrouvent dans les autres langues congé-
nères, mais nulle part elles n'y sont employées avec la
même fréquence qu'en tamoul. Dans ce dernier idiome,
a se joint, non seulement au radical simple, mais encore
aux suffixes du futur ; ainsi on a çéyga et ar'iga à côté
de céyya « faisant » et ar'iya « sachant, s'instruisant » ;
môppa « sentant », naçlappa « marchant », etc. Les
verbes à forme intransitive emploient les gérondifs en ga
comme des optatifs : ni çéyga « puisses-tu faire ! » (1) ;
de cet emploi est venu l'usage de terminer en ka certains
(1) Uans ce cas, l'a final s'élide devant une voyelle; les grammairiens,
citent les exemples suivants : êCi'iyalkâv<inùmivaUarugennavê c pour
voir son caractère, nous lui dîmes ; donne, et » endemârgalêju-
gén^d^ân «c levez-vous, mes parents, dit-il » {Çindâmani), niyi^iruk-
MrCà'êgi c toi, reste là, dit-il, et partant... » {Çilappadigâram).
Ce sont ces formes en a que les grammaires ordinaires étudient,
sous le nom d*iniinitif, en même temps qu'un certain nombre de noms
verbaux en al, adu, etc.
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impératifs négatifs dont nous avons parlé ci-dessus
(§V,5).
M. Caldwell voit dans cet a le démonstratif éloîgaé.
III. Le gérondif futur est spécial au tamoul et au
Kialayâla. Il y prend, suivant les grammairiens locaur^
différentes formes, dont la première en a est idenliquet
au gérondif présent el se traduit en français par « pour >
avec l'infinitif: kânavandir t vous êtes venu pour voir >
(Çindatnani, VIII, 25).
Les autres formes sont conslita^3es par l'addition
au radical de iya, iyar, van et bâkku : \^ iya ou iyar
est une finale adjective : çéyyiya « devant faire >, kâniyar
€ devant voir » (1); — 2® van, bân ou pan n'est autre
chose que la troisième personne masculine du futur, prise
en quelque sorte adverbialement ; la forme verbale est
devenue pour ainsi dire un simple nom verbal : arasan'
kânbân vandân' c le roi est venu pour voir », c'est-à-dire
a il est venu celui qui doit voir, le roi » (2) ; — 3<» ftaftW
dérive probablement de la précédente avec ku, suffixe du
datif : padubâkku c devant souffrir » {KuT*al\ xvu, 4) ;
kâppâkku « devant garder, protéger > {Kur'aly cxni, 7).
IV. Le gérondif négatif s'obtient en ajoutant â, âdu,
âmal au radical : çéyyâ « ne faisant pas », vijâdu « 'ne
tombant pas », vanaiïgâmal « n'adorant jpas ». On le
remplace quelquefois par le nom verbal nûlén'avajâ-
(1) Voyei-en des exemples dans les Jfur'a/ (cxxx, 6 ; cxxxii, 3)
et dans le Râmâyana (VI, xni, 21). — Ces formes servent aussi
d'optatif.
(^) En malayàla, vân se change généralement en mân : tiv^mân
c devant manger » ; quelquefois' même le v disparaît, varan pour
varuvdn c devant venir »,
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— 105 —
meiyôdi c courant sans fléchir comme un fil » {Çindâ-
maniy II, 35) ; ici vajâmei est proprement t action de ne
pas fléchir ». Une autre forme consiste dans l'addition
de alâ au radical (al + a) : yâvadunineiyalâ < sans penser
à rien > (Çilappadigâram).
Les idiomes congénères ont des formes analogues : le
malayâla fait son gérondif en aie et ânnu, varâle ou
varânnu c ne venant pas » ; le télinga Ta en ka, pampaka
€ sans envoyer », Ya final du thème pouvant parfois
s'allonger en a; le canara dérive son gérondif négatif
par adé : hâladé « n'ayant pas vécu », iliyadé c n'étant
pas descendu > ; le ku^aîgu, par alté^ mâd-allé c ne
faisant pas », et le tulu par andé^ malp^ndé € ne faisant
pas ». Â part celle du télinga, toutes ces formes se ratta-
chent à Vâdu tamoul ; le télinga aka correspond à l'impé-
ratif tamoul aVka (voy. § V, B)j qui est proprement
un gérondif présent en ka avec al intercalé; cet al
reparait, modifié euphoniquement en an, dans le tulu
flnde.
Les exemples et les explications qui précèdent auront
fait comprendre, je l'espère du moins, la signification
exacte du gérondif dravidien. Je n'insiste pas davantage
sur ce sujet : le gérondif négatif se traduit généralement
en français par <x sans » avec l'infinitif, « sans dire, sans
faire », etc.
§ VII. — Formes périphrastiques.
A une époque plus ou moins moderne, il s'est déve-
loppé, dans les idiomes qui nous occupent, un certain
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- 106 -
nombre de formes composées. Les unes ont eu pour
objet de rendre certaines nuances de sens, de temps ou
de modes ; les autres ont été créées pour exprimer le
passif; d'autres enfin n'ont eu d'autre but que d'allonger
l'expression verbale et d'offrir aux poètes en quelque sorte
un synonyme commode. Nous allons examiner successive-
ment ces diverses combinaisons.
A. — Composés explétifs.
Les poètes tamouls aiment assez ces composés, dont
leurs ouvrages offrent de nombreux exemples. Les princi-
paux verbes employés comme explétifs sont les suivants :
i^ Idugir'adu f donner 3>, dont les formes temporelles
se joignent aux gérondifs passés en u ou au radical des
verbes qui ont ce gérondif en i : çéydittân pour çéydân'
€ il a fait », vilaûgiptadu « cela a brillé » ;
2® Vidugir'udu t laisser », pôyviplân' pour pôyinân
€ il est allé » ;
3® Nit'kir'adu « être debout » s'ajoute aux gérondifs
présents et passés ; son prétérit nin'd'ên, etc., joint au
gérondif en â, constitue un présent que les grammairiens
indigènes mettent dans leurs paradigmes sur le même
rang que les formes en kir*u ou kin'd'u : çéyyânin'd'ên
« je fais » ;
4o Tarugir'adu « donner 3> se joint au radical, mais
seulement sous les formes tarum (part, fut.) et tara (gér.
prés.) ;
. 5® Adikkir'adu « battre » s'ajoute à certains radicaux
et aux gérondifs passés ;
6® Ufugir'adu « approcher » s'ajoute au radical des
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-- 407 —
verbes dont le gérondif est en i, mais seulement sous
les formes ur'â (gér. nég.) et tir'in' « s*il s'approche >
(voy. ci-après, § IX, A) ;
1^ L'appellatif-verbe ulên (voy. ci-après, § VllI) est
également explétif : adeindulên pour a^eindên « je suis
ayant obtenu n pour « j'ai obtenu » ; vandular (JRa-
mâyanay VI, xxviii, 49) « ils sont venus », pour vandâr;
8® Arulugir'adié a daigner » est aussi explétif, mais il
exprime le plus souvent une idée honorifique : çéydaru-
linân « il a fait » ou plutôt « il a daigné faire » ;
9^ kgir^adu « devenir » se joint explétivement à des
noms verbaux ou appellatifs "(voy. ci-après, § X et XI) :
pugalvadâyinân c il devint ce qui dira, il dit », pour
pugan'd'ân {Tiruvileiyâdalpurâna, I, 31) ; énalânan « il
devint le dire, il dit », pour en'd'ân (Râmâyana, VI,
XXVI, 468) (4).
B. — Verbes pamfs.
Pour rendre en lamoul l'idée de nos verbes passifs, on
fait suivre le gérondif présent du verbe intéressé des
formes temporelles de padugir'adu « souffrir i> : adikkap-
paftên « j'ai été battu ». On emploie encore tingir'adu
(1) Ce verbe sert beaucoup dans la langue vulgaire. En tamoul, son
gérondif présent âga; ses noms verbaux âvadu, âgei, âdal; ses
dérivés ânâl et âyin, figurent dans un grand nombre d'expressions
coDJonctionnelles. Son gérondif passé ây 7orme des adverbes de tous
les noms: péridây t étant ce qui est grand >, c'est-à-dire c gran-
dement » ; balamây c étant force », c'est-à-dire c fortement », etc.
La troisième personne singulière neutre du futur, âm (pour âgum) c il
deviendra, il sera, il est habituellement, il est », s'emploie djins le
langage usuel pour notre c oui » (le tamoul vulgaire prononce âmâ).
Ci. àvu tu]u (que M. Brigei traduit it will take place) ; am kudagu, etc.
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— 108 —
f
c manger ^^ mais joint au radical : ar'eiyundadu c il a
mangé battu, il a été battu ». Per'ugir'adu « obtenir »
sert aussi dans le même sens, avec le gérondif présent :
muyai^appér'in' «si Ton obtient serré, si l'on est serré >
{Kur'al, cxxxiii, 40). L'infinitif et le verbe sont quelque-
fois séparés, pijeikkavumpér^umê « il sera même trompé »
fÇindâmani).
Les autres langues dravidiennes forment également leur
passif par composition avec le verbe padu t souffrir » :
kareyalpaduvenu « je suis appelé » (can.), pampabadu-
iunnânu « je suis appelé » (tél.), etc. Le ku4agu et le
lulu n'ont pas de passifs ; le gond forme le sien en ajou-
tant le verbe c être » au participe actif.
C. — Nuances de temps ou de modes.
Dans toutes les langues dravidiennes, on a suppléé
par des périphrases à la pauvreté primitive, et l'on est
parvenu ainsi à exprimer ce que rendent les impar-
faits, les plus-que-parfaits, etc., de nos idiomes européens
modernes.
En tamoul, par exemple, le verbe irukkir'adu « être,
être assis », joint au gérondif, exprime le passé défini,
le plus-que-parfait, le futur antérieur : çolliyirukkir'ên
« je suis ayant dit, j'ai dit », çéydirundên « J8 fus ayant
fait, j'avais fait », vandiruppên « je serai étant venu, je
serai venu ». L'imparfait s'exprime par inmdên « je
fus », précédé du gérondif kon^u « ayant pris » : vâçit-'
tukkondirundên « je fus ayant pris ayant lu, je lisais »
(voy. ci-après, jD). Dans le langage populaire, la voix
négative est souvent remplacée par le gérondif présent
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suivi du négatif de mâttugir'adu t vouloir, pouvoir » :
çéyyamâttên c je ne veux pas faire, je ne ferai pas ».
Le p^ticipe présent canara est dérivé de iruva « qui
sera » : hâdultiruva « qui sera ou qui est faisant, qui
fait ]^.
En télinga, l'indicatif présent peut être périphrastiquô :
na^utchutunnânu, pour nadutchutâmi a je marche », est
formé du gérondif nadutchutit ei deunnânu «je suis » (1).
Un composé analogue se retrouve en malayâla, où il a
un sens d'insistance : nân nadakkunnunda « je marche
véritablement ».
Le tulu a développé un plus-que-parfait et un futur
antérieur en joignant au gérondif passé le passé et le fulur
de uppuni « être » : maltuditte « j'avais fait », bûruduppe
€ je serai tombé » (2).
Le kucjagu a développé, au moyen du verbe iru « êlre »,
une riche conjugaison périphrastique comprenant un
présent, un imparfait, un parfait, un plus-que-parfait, un
futur et un futur antérieur. Il remplace le pot^entiel. au
moyen des verbes keiyu « pouvoir » et ariyu a savoir »
suffixes au nom verbal en vaku.
(t) Unnânu se rattache à uv4u < il y a, il est r, un des principaux
verbes défectifs des grammairiens tamouls. Il dérive de tij. c intérieur >,
d'où Ton a formé l'appellatif uUavan, uHan^ ulan c celui qui est » et
ûlên f je suis », ujây c tu existes », elc, (voy. ci-après § VIII). Ce
radical se retrouve dans toutes les langues dravidiennes : en tulu, on
a uUe c je suis », etc.
(2) Le tulu possède un potentiel impersonnel forma par la combi-
naison du gérondif présent avec les particules oli ou bô^u : malpoli,
malpodu, « je peux faire » ou c tu peux faire », etc. — Il a égale-
ment un conditionnel très-curieux qui paraît constitué par la combi-
naison des deux suffixes du présent (ou futur) en v et du passé en d ;
pamitve c je dirais », bûrudvaya c tu ne tomberais pas », etc.
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- no —
Le tu4a a un parfait négatif composé d'un auxiliaire
et du gérondif présent : âfa gertherU c je n'ai pas dansé b.
X>. — Nuancée de sens verbal.
Je me bornerai à donner quelques exemples pour le
tamoul, où ces formes sont plus abondantes et plus carac-
téristiques.
1^ KoUûgir'adu t prendre », avec le gérondif passé,
donne au verbe le sens de la voix moyenne : éjudikhol-
lugifén « j'écris pour moi » (4) ;
2o Le gérondif de ce verbe kondu « ayant pris », avec
varugir'adu « venir » ou irukkir'adu « être », forme un
conlinuatif ; padittukkondirukkir'ân « il étudie incessam-
ment D, pifcheikoduttukkonduvanigirân a il donne fré-
quemment l'aumône. — Le continuatif du tulu est formé
de tippuni c être » et d'un gérondif en ondu (2) : mal-
tondiippudji « je ne fais pas habituellement » ;
- 3<> Vanigir'adu seul forme un continuatif;
4.0 PôSugir'adu « poser, jeter » donne au verbe un
sens essentiellement objectif;
5® Vidugir'adu « laisser » indique que l'action du verbe
principal est tout à fait limitée, terminée : anuppiviffên
a j'ai tout à fait envoyé » ;
ô^ Pogir'adu « aller » s'emploie également dans le sens
d'achèvement.
(1) Le tu]u fait son moyen en om : âye ianakà tânê kâkonde c il
se bat lui-même >. Cet om se rattache yraisemblablement à la racine
générale dravidienne oj, ul c vie, intérieur, existence t.
^(2) Ces formes en ortdu, avec uppuni c être », sont les correspon-
dantes de celles tamoules en kdfj4u avec irukkir'adu.
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§ VIII. — Conjugaison NOMINALE.
Dans toutes les langues dravidiennes on trouve des
traces d'une ancienne habitude extrêmement logique, mais
généralement inconnue et inusitée dans les dialectes mo-
dernes. Elle consistait à former des composés spéciaux
par l'union des suffixes pronominaux du verbe à des
noms quelconques ; l'expression résultante prend le sens
verbalisé du substantif, rap()orté à une personne subjec-
tive. De bon on fera je suis bon, de poitrine on fera /ai
une poitrine ; le nom verbisé peut, du reste, être suscep-
tible de recevoir ou de conserver toutes sortes de complé-
ments. En ajoutant au mot front le signe de tu, par
exemple, dans la phrase suivante : le front brillant qui
resplendit comme le soleil, on a l'expression verbale tu
as un front brillant qui resplendit comme le i soleil. Ce
sont de pareilles expressions que les Tamouls appellent
vin'dkkur'ippu « signes verbaux > ; d'autres granimairiens
les ont appelés noms conjugués ; M, Caldwell préfère avec
raison l'appellation de Beschi, verbes appellatifs (voy. ci-
après, § X). Exemples : de nal « bon », on fait en tamoul
nal'l-ei « tu es bon » ; de kavi « poète >, on dérive en
télinga kavi-vi « tu es poète » ; en khond, on a de même
negg-âmu « nous sommes bons ».
Les signes pronominaux peuvent être joints au thème
nominal ou bien à sa forme adjective ou oblique ; cette
forme est en iya pour les noms de qualité tamouls ; mais
alors Va tombe souvent : nalUadu ou nan'd'u ("f + d = n'd')
€ c'est bien ». Pour les noms en am, l'oblique est en
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attu ; de maranij on fait marattadu c c'est dans l'arbre » ;
pour la plupart des substantifs, il est en in : on dit konên
ou kôn-in-ên c je suis roi »i La troisième personne sin-
gulière en du est susceptible de divers changements eupho-
niques ; là strophe suivante, composée par un grammairien,
en donne des exemples caractéristiques :
\ei*^\iWêçémpon'virik2ii&VVêvev^mMa, ...m
Pol'pit'i'âf»ptlmugeilt^/ê»mim« — kat'pil'l'^
PeijirLajagunalldiT'dLitêpêrâpporulin'ba ^
Kanmjci9UçéyiB.Yeïi{êJcâ 9
d L'or pur est dans la montagne ; les blanches perles
sont dans la vaste mer ; le doux miel est dans les bou-
tons de fleurs qui éont superbes ; la beauté des femmes
est dans la chasteté ; le plaisir et les richesses* éternelles
sont dans la bonne charité ; la beauté des yeux est dans
les services qu'on a rendus ».
Autres exemples : yâjnileiyam « nous sommes jeunes j»
{Nâlaçliyâry II, 9) ; kâdalei « tu es aimée > {Kur'aly cxii,
1) ; nan'n'irei « tu as une bonne nature », et mén'n'iral
€ elle a une nature délicate » {Kur'al, cxii, 4), etc.
La strophe suivante des Kxir'al{\jiy 7) offre un exemple
i*emarquable :
An'hafivutêCt^amayâvirCmeiyinnângê
Nan*g\xityjkii\9.i\fiiéU • vu
« La clarté se trouve chez celui qui possède bieû ces
quatre qualités : l'affection, la sagesse, la certitude et
l'absence de désirs ». Vdeiyân'kattu e elle est chez celui
qui possède » est formé, par le suffixe de troisième per-
sonne du, du suffixe locatif kan a lieu, place, œil, dans » .
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L'appellatif formé de la négative se trouve joint même
à Tappellatif verbe : kodiyeiyaleini € tu n'es pas cruel,
toi > {Râmâyana, I, xvi, 54). Le sens littéral est : « tu
n'es pas toi qui es cruel » (§ IX).
On peut assimiler à un appellatif-verbe certains com-
posés formés par l'addition des suffixes personnels au
gérondif négatif : ar*iyâdâr pour ar*iyâr e ils ne sçiuront
pas » ou « ceux qui ne savent pas » ; çéygalâdâr {Kur*al,
III, 6) € ceux qui ne feront pas » ; naviVVâdâr « ceux qui
ne diront pas » {Çindâmani^ VI, 56).
Nous avons vu plus haut que ce phénomène n'est pas
spécial au tamoul, et que des exemples s'en trouvent
même en khond. Le télinga ne forme guère de pareils
dérivés que pour les premières personnes singulières et
plurielles et pour la deuxième personne singulière, à l'aide
des affixes ni ou nu, vi ou vu et mu. Suivant les règles
d'harmonie propres à cet idiome, il emploie ni et vi avec
les thèmes en e, et ?m, vu, avec ceux terminés autre-
ment (nw, vu^ pouvant devenir alors anu, avu). Mu ne
varie pas, parce qu'il est toujours joint au suffixe de
pluralité. Exemples : tandri-ni « je suis père » , talli-
vi f tu es sa mère », kâpu-nu « je suis un habitant i>,
sevakuda-vu « tu es un serviteur », mantchivâra-mu
a nous sommes bons ». Pour rendre ces formes négatives,
on ajoute kânu « je ne suis pas » (tam. âgên) : nênu
kavini kânu « je ne suis pas poète », c'est-à-dire « je ne
suis pas moi qui suis poète » (voy. § IX).
11 en est de même en canara, du moins dans l'ancien
dialecte. La grammaire indigène de Kêçirâdja (Çabdama-
nidarpanay publiée à Mangaloi-e, par M. Kitlel, en 1872)
dit expressément (str. 219) qu'on peut joindre les affixes
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personnels aux adjectifs, aux noms de nombres, aux pro-
noms, aux substantifs. Exemples : orvenUy orvay, orvarUy
orvevUy orvir ou orvarir, orvar a je suis un, tu es un :>, etc.
§ IX. — Déclinaison verbale.
J'entends par déclinaison verbale Taddition à une forme
verbale des suffixes de la déclinaison nominale ou de
suffixes analogues. Il faut distinguer deux cas : celui où
la forme verbale est impersonnelle, c'est-à-dire où il s'agit
seulement des participes ou des gérondifs, et celui où
elle est impersonnelle, c'est-à-dire où il s'agit du présent,
du passée du futur aoristique ou de la voix négative. Je
n'examinerai ici que le premier cas ; le second sera traité
au paragraphe suivant.
Les formations dont nous allons nous occuper ont pour
but d'exprimer les relations rendues en français par nos
conjonctions siy quand, pendant que, quoique^ etc.
a. Le si conditionnel se rend en tamoul de quatre
façons différentes : la première consiste à ajouter au.
radical simple le suffixe locatif il ou in, géy-y-il « si l'on
fait », var-in « si l'on vient », nân çol-Uil t si je dis »,
ni vîjil « si tu lombes », etc. On trouve dans les auteurs
des formes dérivées du radical de l'aoriste : nineippin
« si l'on pense » (Çindâmani), mar'appin a si l'on
oublie » {Kur'al, cxiii, 5), çélgit'pin « si l'on arrive »
(Kur'al, cxvii, 10). — La seconde est caractérisée par
l'addition de al ou êl, soit au radical du prétérit, soit aux
formes personnelles ; on dira, par exemple, nân çéydâl
€ si je fais », et çéygindênêl, de même sens ; ni çéydâl « si
tu fais », et çéydaneiyêl a si tu as fait », avânîûgâdêl
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« si le désir ne s'éloigne pas > [Çindàmaniy VI, 23), hêt-
tirêl € si vous avez entendu d {Râmâyana, VI, xxvi, 30).
M. Câldwell voit dans ceiâl le suffixe instrumental « par j>.
— La troisième forme est composée du participe* relatif
passé et de kâl c temps » (sk. kâla) ou « lieu » : avan'
çéydakkâl « s'il fait » ; on joint aussi kâl au participe
futur : nâm çollunkâl « si ou quand nous disons » (1).
— La quatrième forme est périphrastique et consiste
dans l'addition de âgil, âyil, âyin, anal (contracté de
âginâl pléonastique) t si Ton devient » aux formes per-
sonnelles : çéyvên-âgil <r si je ferai, si je peux faire »
(proprement « s'il arrive que je fasse »).
Le télinga rend le si par plusieurs procédés correspon-
dant à ceux du tamoul. Le premier est l'addition dé ma
au radical : tchûtch-ma « si l'on voit » (tam. il ou in).
Le second consiste à suffixer êni aux formes person-
nelles : tchêyitiM'êni « si nous avons fait » ; èni est une
contraction de même sens que le tamoul âyin. Le troi-^
sième, et le plus commun, ajoute ê au radical du prétérit.
M. Clay assimile cet ê à l'interrogative ; peut-être n'est-ce
qu'une réduction de êl.
Le canara a une forme principale en re, banda-re
€ s'il est venu ». Ce re est pour M. Gundert l'abrégé de
are, tam. et mal. âr'ti « voie, moyen » (2).
(1) Ces formes du passé avec kâl sont les seales connues du tamoul
Tulgaire, où elles se prononcent, suivant la remarque de M. Galdwell,
avec l'accent sur la pénultième et avec perte du l final : nân pônakkâl
devient nân pônàkkâ c si je vais » ; â se corrompt même en i,
pônàkki.
(2) Le soi-disant infinitif-supiu du luju, malpe-re, aurait-il une
origine analogue?
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— 146 —
Le ti)lu ajoute da aux formes personnelles aiTirmatives
et négatives : malptiveda « si je fais », malpvdjeda « si
je ne fais pas » ; hûriyarû « vous tombiez », bûriyarûda
« si vous tombiez ». Ce (7a, suivant M. Caldwell, doit, par
analogie, être un suffixe locatif (1).
Le tuda a les expressions pôk-âdi et pok'ârch,€ s'il va,
si Ton va ». M. Pope voit dans les finales âdi et ârch des
corruptions du canara are et du tamoul al.
b. Quoique est rendu par les formes de si augmentées
de la copulative um a et » en tamoul : çeyiâl-um « quoi-
qu'on fasse, quand même on ferait », etc. Le canara
fait rû (re + û d et ») et âgyû (agi « étant devenu »
+ H)'
c. Quand, lorsque, puisque, s'exprime par le mot uji
ou uli « lieu, place », joint aux gérondifs passés en u :
nânadappiiji « tandis que je marchai », ni çéyduli « quand
tu faisais » ; avec les verbes dont le gérondif est en i,
cette particule se joint au radical : vênduji « quand il est
nécessaire ». Le tamoul vulgaire emploie les formes en
kâl citées ci-dessus ; mais il se sert plutôt de pôdu ou
pojudu « temps », avec le participe relatif passé : aval
vanda pôdu, « quand elle vint ». Des constructions analo-
gues se retrouvent en malayâla, en canara, en télinga ;
en tulu même on ajoute aga au radical : malpunaga
(n euph.) « quand on hii, when making ». Le tuda a
aussi des formes correspondantes, atham kudâ vali
« quand il se maria » ; ici kudâ est un gérondif, et vali
(can. vèhy tam. vélei, sk. vélo^ veut dire « temps ».
- (1) La troisième personne singulier neutre clu parfait maltûxL^a
(pour maltûndû + 4o) sert ordinairement pour tous les temps et pour
toutes les personnes.
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V 117 —
d. J'arrête ici cette étude des particules jouant le
rôle de nos conjonctions ; mais il y en aurait encore
bien d'autres à citer. En tamoul mun i avant i> joint au
participe futur, pin « après t> joint au participe passé,
vareiyil (dans l'espace) a tandis que » et vareikkum
(pour le temps) • jusqu'à ce que » avec le participe
présent, porutfu (cause) « afin que » avec le participe
futur, etc.
Sans y avec l'infinitif, ne s'exprime pas seulement en
tamoul par le gérondif négatif, mais aussi par les prépo-
sitions négatives an*d*i, in'd'i, avec le gérondif passé
positif: mvdittan'd'i t sans terminer », kon'd'in'd'i a sans
tuer > {Râmâyanay VI, xxv, 49, 129).
J'ai dit plus haut que le gérondif en pâkku est peut-
être un gérondif ou un nom verbal en pan au datif; pâVku
puis pâkku (1).
§ X. — Noms appellatifs. '
Les grammairiens tamouts européens nomment ainsi
certaines formes nominales dérivées, soit de substantifs,
soit de pronoms, soit de verbes, et essentiellement per-
(1) Ce qui me confirmerait dans cette opinion, c'est l'emploi de
formes telles que çéygiradat'ku avec le sens de c pour faire, afin de
faire ». C'est le datif du nom verbal participial masculin, pris dans un
sens abstrait et neutre ; la distinction des sexes ne doit pas être très-
ancienne en dravidien. On sait qu'en vieux tamoul bien des mots ont
des formes doubles : on trouve dans les anciens écrivains têvu et
araçu sans terminaisons sexuelles, au lieu des plus modernes araçan'
€ roi » et têvan" c dieu » à finale masculine ; des mots neutres en am
varient leur finale en an*, suffixe essentiellement masculin : ar*an'
= ar^am t vertu », palam = palan' t profit, fruit », etc.
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sonnelles, c'est-à-dire désignant un être animé : par
exemple archer y d'arc ; montagnard, de montagne ; bossUy
marchand^ lecteur, courtot, etc. Nous ne pouvons nous
occuper ici que des appellatifs formés des verbes : il faut
pourtant signaler quelques formes pronominales intéres-
santes.
De l'oblique des pronoms personnels pluriels, avec les
terminaisons an, al, adu, ar, a, on dérive des mots ayant
le sens des nostras, vestras^ nostrate^, etc., latins : par
exemple, tamar « les siens propres > {Naichadha, XI, 22),
numar « les vôtres » {Kur*al, cxxxii, 8), tama € ses
affaires » {Kur*al, xxxviii, 6) ; tâm « soi-même » pou-
vant être explétif, on trouve dans le Çindâmani le mot
kôn't'amar « les gens du roi >.
Les appellatifs se forment des verbes en ajoutant aux
radicaux des temps les terminaisons an, avan, on, masc;
al, aval, fém.; adu^ neutre ; âr, avar, plur. masc. et fém.;
avei, ana, a, plur. neutre : çéyvân « celui qui a coutume
de faire », vandaval c celle qui est venue », etc. Avec les
formes brèves, que M. Galdwell appelle très-justement
« noms participiaux », le signe v du futur se durcit en b:
çéybavan « celui qui fait », êngubavan « celui qui se désole »
{Kur'al, cxxvii, 9) ; on correspond à tiotre « eur » : çeyvôn
« faiseur », igajgit'pôn « le mépriseur » {Prabhulmga-
lilâ, X, 40). Une forme spéciale, masculine et féminine,
en i, dérive, soit du radical futur, soit du radical verbal:
ungi t mangeur », tulli « sauteur », etc.
Les formes en an, al, etc., ne sont que les troisièmes per-
sonnes ordinaires substantivces. On trouve de même êt'kunar
a: ceux qui mendient » (Naichadha, xi, 23), enma fumular
« il y a même (des gens) qui disent » {Nannûl, passim).
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— 119 —
- De la même manière peuvent être substantivées et par
suite déclinées toutes les formes verbales : çéydên « j'ai
fait », çéydênukku a à moi qui ai fait ». Voici quelques
exemples caractéristiques : éyttênuyirkâttal {Naichadhay
XXIII, 22) € garder la vie de moi qui suis tombé en défail-
lance », un'n'eiyêpugalpukkêfiukkur'ukan « approche-toi
de moi qui ai pénétré jusqu'à toi » [Râmâyana, I, vi, 30),
çâmdâykku {NâladiyâVy xui, 6) « à toi qui es venu »,
tûyeiyây {Prabhulingalilâ, x, 46) ^ devenu toi qui es
pur ».
Les appellatifs-verbes (voy. § VIII, ci-dessus) sont égale-
ment susceptibles de déclinaison : vîn'eiyên'ojiya {Çindâ-
mani, VI, 106) « en me laissant moi misérable », porHyi-
lêiUaneiningavô {Naichadka, xxii, 13) « t' éloignant de moi
ignorante ». On trouve même substantivées certaines formes
pléonastiques d'appellatifs-verbes : adiyanêntaneiyeiytir'êl
« ne doute pas de moi qui suis ta servante » (Naichadha,
xxvii, 31) ; pâviyênmugam « le visage de moi pêcheur »
{Naichadha, xxrv, 12).
Toutes ces formes, ainsi conjuguées, sont susceptibles
de compléments, de régimes directs ou indirects :
Marudarumanattin'ên'ukkinidan'd'ôvâjvuman'n*ô
« A moi, dont Fesprit est troublé, la vie n'est certes
pas .douce » {Râmâyana^ VI, xxxii, 111).
On trouve beaucoup de ces formes au vocatif: têvarîr
« vous qui êtes dieu » (avec dieu honorifiquement au
pluriel), çâmiyîr € vous qui êtes seigneur », kuruçilôy
« ô toi qui es roi » {Naichadha^ xxii, 13) ; et même
iruvir a vous deux » {Naichadhaj iv, 121). L'exemple sui-
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vanl, lire du Çindâmani (m, 251), est remarquable paur
Tabondance des compléments :
Ku^unutkkuja^gan'mâleimalluppûUagan'd'amarhtr
« vous dont la vaste poitrine, épanouie et robuste,
est ornée de belles guirlandes de fleurs de safran >.
Le mot ordinaire « tout », ellâm (forme adj. ellâ)^ a
d'intéressants dérivés appellatifs susceptibles de déclinaison
et de conjugaison : éllâm ou éllôm, élâm ou élôm « nous
tous », éllir ou élîr « vous tous », ellâr ou élâr « eux
tous », etc.
Parmi les expressions à signaler, il ne faudrait pas
oublier celles formées par at'Vu. Celte particule aie sens
de « il est comme, il est semblable à » ; c'est Tappellalif
verbe neutre de la troisième personne de an\ radical de
an'n'a, an'eiya « pareil à, semblable à ». Il peut être joint à
l'oblique des noms (Cf. Kur'al, xxii, 7 : marattaVVu « il
ressemble à un arbre »), ou aux gérondifs passés :
Iniyavtiiatâgavin'iCàdaMr'al
Kaniyiruppakkâykavamdafiu
« Dire des choses amères quand on en a de douces
dans le cœur, c'est cueillir des fruits verts quand il y en
a de mûrs » {Kur'al, x, 10). — Cf. vêffatTu {Kur'al,
cxv, 5) « il est pareil à ce qui est agréable ».
Ces exemples me paraissent suffisants, et je ne m'arrête
pas davantage sur ce sujet. Je ne crois pas utile de
signaler les formes correspondantes des autres langues
congénères.
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§ XL — Noms verbaux.
Les grammairiens désignent particulièrement ainsi des
noms dérivés des verbes et indiquant simplement l'action :
le lire, le manger, l'action de courir.
Les deux formes les plus générales en tamoul sont en
gir'adu [kkir'adu pour les transitifs) et en dal (ou ttal)^
ajoutés au radical : çéy gir'adu a le faire », padikkir'adu
r le lire », pôdal « Taller », ureittal « le parler ».
Les intransitifs ajoutent quelquefois simplement al au
radical : çéyyal « le faire », nîkkal « Téloigner ». Les
verbes en l font, avec dal^ r'al ; ainsi le radical kanal
€ brûler » fait kanar'al pour kanaldal ou kanaludal {u
euph. de liaison) ; on trouve quelques exemples de noms
verbaux dérivés des gérondifs : en'd'al a le* dire », fcaw'-
an'd'al « le brûler » ; enfin dal s'affaiblit quelquefois en
çal : idiçal a l'action de se détruire ».
-Ces formes en al servent à rendre certaines nuances
modales ; augmentées de àm (pour âgumy troisième per-
sonne future de âgir'adu a: devenir »), elles constituent
une sorte de potentiel : çéyyalâm 4 on peut faire ï>, mo-
jiyalâm « on peut dire ». Avec um « et », elles rempla-
cent les gérondifs : erCd^alum « en disant, après avoir
dit », vanangalum « en venant d'adorer ». On emploie
aussi, dans ce sens, leur instrumental en ôdu a avec »,
augmenté généralement de la conjonctive um: varalôçlu
€ en venant, avec le venir », én'd'alôdum «quand il eut
dit, avec le dire ».
Pour ne pas allonger démesurément ces notes, je laisse
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de côté tous les autres noms dérivés verbaux. Les plus
usités sont en gei (kket), gugei (kkugei), vu (pu) : nadak-
kei, nadakkugeiy nadappu « l'action de marcher, la
marche d. Mais il est une forme que je dois signaler :
c'est un nom verbal d'une espèce particulière dérivé, par
le suffixe d'action mei, du participe présent, du participe
passé et du participe négatif : çéygir'amei, çeydameiy
çeyyârjs^ei ; le dernier est très-usité. Le dérivé du participe
passé, à l'instrumental, rend notre « parce que » : avan'-
aduçéydameiyâl « par-le-avoir-fait-cela-lui », c'est-à-dire
« parce qu'il a fait cela i>.
Les appellatifs verbes neutres en adti servent de noms
verbaux ; nôvadu, par exemple, se prendra pour « le
souffrir » ; cette forme pourra donc avoir, suivant les cas,
l'une des trois significations : « cela souffre, ce qui
souffre, le souffrir ». Cf. Ajunguvadennei <r pourquoi
pleurer? j^ (Çindâmani, VI, 126).
Le nom verbal en al sert souvent d'optatif; le plus
habituellement, il est pris avec le seno négatif : cf. Râ-
mâyana (I, vi, 29) : man'n'anîvarundal € ô roi, ne te
désole pas t. Il faut voir simplement ici le radical et la
négation al.
Le télinga a des noms verbaux en ta, damu et êdi :
pampu-ta, pampa-damii ou pamp-êdi <r l'action d'envoyer ».
Ta correspond au tamoul dal ; êdi paraît formé du
pronom adi « cela » et correspond par suite à la termi-
naison lamoule adu. Le négatif est en mi : pampa-mi
« l'action de ne pas envoyer » ; ce mi représente le mei
tamoul.
En canara, on dérive les noms verbaux par les termi-
naisons uvadii, vudu, ona, ke ; bareyuvadu, barevt(4u.
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- 123 — •
bareyôna « ractiôn d'écrire », mâduvike ou mâ^ike
€ raclion de faire >, etc. Le négatif est en me.
Le malayâla a des noms participiaux en ma correspond
à ceux du tamoul en met; il suit d'ailleurs généralement
letamoul.
Le tulu a les noms participiaux malpunâye « celui qui
fait >, maltinâlU « celle qui faisait », maltûdinavu « cela
qui a fait », et m^lpandinâkùlU a ceux qui ne font pas ».
Quant aux noms verbaux, il a malpuni a faire >, maltini
« avoir fait » et maltùdini « avoir eu fait ».
Les noms verbaux du kudagu sont en vahUy mâduvaku
€ faire » ; c'est du moins la forme de l'infinitif donné par
M. Cole:
§ XH. — Conclusion.
La conclusion qui se dégage, ce me semble, de l'étude
qui précède me paraît être la suivante : malgré leur alté-
ration phonétique, malgré la forte décadence formelle
qu'ils ont subie, tous les éléments qui entrent dans la
composition du verbe dravidien sont nettement distincts;
et le sentiment de leur individualité existe, inconsciem-
ment et par intuition toutefois, chez ceux qui parlent. Les
langues dravidiennes sont donc au premier rang des langues
agglutinantes.
Il résulte aussi de l'examen auquel nous venons de
nous livrer que la distinction du nom et du verbe n'existe
pas à proprement parler dans ces idiomes dont la conju-
gaison primitive était excessivement simple. La modalité
de l'idée verbale n'y était pas soupçonnée ; les temps
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— 124 —
s'y réduisaient à deux : un passé et un présent ou futur
aoristique, dont lé premier seul avait une signification
nette et précise. Quant aux voix dérivées, le tulu seul en
possède quelques-unes, et la seule générale est la causa-
tive qui se rattache au futur ; cette exception, pas plus
que celle du gond, dont la conjugaison est particulière-
ment riche (je n'ai pu l'étudier encore, faute de livres),
ne saurait prévaloir contre l'unanimité des idiomes congé-
nères.
En résumé, le lamoul a été arrêté dans son développe-
ment formel, ou, si Ton veut, est entré dans la vie
historique, presque au sortir de sa période monosyllabique
primitive et au début de sa phase agglutinative de son
existence. *
On me permettra, à titre de spécimen, de reproduire
ci-après une même phrase en tamoul, canara, kudagu et
télinga. Je l'emprunte à la Coorg Grammar du colonel Cole :
€ La pluie paraît très -forte ; ne cessera-t-elle pas
bientôt »?
Tamoul : majei migavum balamây agap padugir'adu ;
çurukkamây nit'ka mâttâdô ?
Canara : malé bahala balavu embadâgi kânutte ; îga
nilluvadillavô ?
Kudagu : maie dûta djonmdu kâmba; ikka nippar
dilliya?
Télinga : vâna tchâna balam ani agupaduttunnadi ;
vêgira nilavadô ? .
En tamoul vulgaire parlé, on prononcerait : .majé
(j français) rômbo balamây âmpadudû ; chtirukkây {ch
allemand doux) iiikke {eu bref) mâttâdô ?
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— 425 —
Le 6 avril 1861, nous quittions Karikal ; un petit
nombre d'amis, quelque peu jaloux de nous voir reprendre
le chemin de l'Europe, nous avaient accompagnés jusqu'au
port. Avec eux venaient quelques Indiens dévoués, parmi
lesquels je saluais avec plaisir mon excellent maître de
tamoul depuis deux années^ le savant et modeste Aiyâçâ-
rainâyakkar, dont j'ai appris, il y a peu de temps, la
mort prématurée. Pendant la traversée, je voulus résumer
mes connaissances, et je mis en ordre, sous la forme
d'une e grammaire raisonnée », mes notes et mes sou-
venirs.
Lorsqu'on m'a fait l'honneur de me demander pour la
Revus de linguistique un travail d'ensemble sur le verbe
dravidien, j'ai dû reprendre ce travail, ancien déjà, et y
rechercher bien des faits oubliés, bien des remarques
perdues de vue. Cette lecture n'a pas été sans charme ;
si j'ai parfois souri de certaines réflexions naïves et du
manque absolu de méthode linguistique (car je n'étais
point alors au courant des progrès de la science linguis-
tique en Europe), je me suis reporté par la pensée aux
jours heureux où j'étudiais les vieux classiques tamouls à
Fombre des multipliants séculaires, où je consultais les
brahmes sous les portiques des chauderies en briques
rouges. Que d'événements, que d'accidents, que de mé-
comptes depuis ces dix-huit années !
Quoi qu'il en soit, c'est à l'aide de ces notes, com-
plétées par la lecture des principales grammaires indigènes
ou dues à des auteurs européens, et surtout de l'excellent
ouvrage général du doctçur Caldwell, qu'a été rédigée
l'esquisse qu'on vient de Ure. Je ne me dissimule ni les
imperfections, ni les défauts d'un travail un peu hâtif,
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— 126 —
entrepris dans des circonstances pénibles, au milieu de
souciç de diverses natures, et entrecoupé par les exigences
d'occupations absorbantes ; aussi ne puis-je que solliciter
toute l'indulgence du lecteur. Peut-être me sera-t-il pos-
sible un jour de compléter et de corriger mon œuvre, si
le sort m'accorde enfin la vie calme et régulière que j'ai
toujours rêvée...
Me si fata meis paterentur ducere vitam
Au$piciis, et sponte mea componere curas I
Julien ViNSON.
Bayonne, le 25 juin 1877.
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-427 —
LES MÉDECINS ET LA MÉDECINE
DANS L'ÀVESTA.
Ce n'est pas dans un siècle où la physiologie (née elle-,
même du progrés des connaissances physiques et chimi-
ques) est en train de créer la médecine scientifique, qu'il
peut encore y avoir lieu de plaisanter sur les préceptes
de la vieille thérapeutique fétichiste, métaphysique et con-
Juratoire.
Ces anciennes pratiques sont celles que nous retrou-
vons encore chez les peuples inférieurs de l'humanité,
et même, au milieu de nous, parmi les populations que
la civilisation moderne n'a qu'imparfaitement pénétrées.
Dans les fragments de l'Avesta qui sont parvenus jusqu'à
nous, il est question, en deux passages assez importants,
de la médecine et des médecins. Ces deux ' passages
appartiennent au livre du Vendidad : l'un d'eux forme le
chapitre vingtième ; l'autre est un fragment du chapitre
quatorzième. Nous nous proposons de donner le texte de
ces deux morceaux, transcrit en caractères latins, de les
traduire et de les commenter.
I. — Chapitre vingtième du Vendidad.
Un certain nombre des chapitres du Vendidad traitent,
souvent sans aucune transition, de matières fort diffé-
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-128-
rentes. Les rédacteurs passent tout à coup d'un sujet à
un autre» sans que rien n'indique ce brusque change-
ment. Dans le vingtième chapitre, il n'en est pas ainsi.
Ce chapitre est consacré tout entier à la médecine. Il est
vrai qu'on pourrait le diviser en deux parties : dans la pre-
mière, il est question de la révélation que fait Ahura Mazdâ
(Ormuzd) à Zarathustra (Zoroastre), concernant l'origine
divine de l'art médical ; dans la seconde, nous trouvons
une prière, une invocation par laquelle le Mazdéen
demande Téloignement des maux corporels et bénit les
remèdes qui peuvent les chasser.
Que ces deux parties n'aient pas été composées à la
même époque, qu'elles aient formé, tout d'abord, chacune
un tout différent, le fait est possible et même vraisem-
blable ; mais, tel qu'il se présente à nous dans sa rédac-
tion définitive, le chapitre en question constitue un ensemble
bien délimité.
Cela dit, nous entrons en matière :
i. pereçaf zarathustrô ahurem mazdàm ahura mazda
mainyû çpènista ddtare gaêlhanàm açlyaitinàm asàum ko
paoiryô masyânàm thamananuhatàm
2. varecafiuhaiàm
3. yaokhstivatàm
A. yâtumatâm
5. raêvatàm
6. takhmanàm
7. paradhâlàm
8. yaçkem yaçkâi darayat mahrkem nmhrkâi dârayat
9. vazemnô açti dârayat
10. aihrô iaphnus dârayat lanaot haca masyêhê.
n Interrogavit Zarathustras Ahurum Mazdam : Ahure
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— 129 —
Mazda, spiritus sanctissime, conditor mundorum corpo-
reoram, pure, quis primus rnortalium auxiliatorum,
splendentium, potentium, àrle prœditorum, illustrîum,
pollenlium, legem in primis qui habuerunt (?), môrbum
morbo affixit, mortem morti affixit, affixit, ignis
aeslus (1) affixit, longe a corpore mortalis? »
Les difierenls génitifs pluriels qui se rencontrent dans
les sept premiers versets offrent, pour la plupart, quelque
difficulté. Le premier de ces mots, que M. Spiegel traduit
par « heilkundig », c'esl-à dire ayant la science des
remèdes, et M. de Harlez par c préservant des maux i,
comporte bien ce sens, mais seulement grâce à une sorte
de paraphrase. A nos yeux, il ne signifie que < portant
du secours », auxiliator. Telle est l'explication que fournit
la version huzvârèche, la tradition, et nous ne voyons rien
qui s'oppose à la faire admettre ici purement et simplement.
Nous avons traduit le second mot par c plein d'éclat,
resplendissant », splendens, La tradition le rend par
« sage », mais n'est-ce pas là une sorte de paraphrase
un peu vague ? Le mpt est tiré du substantif varecah- (en
sanskrit varcas-) qui, très-certainement, a le sens de
« éclat, splendeur ». La tradition, commentant le terme
en question, dit : sage comme Kâus ; ce dernier, le
Kava uça de l'Avesta, est traité de asvaredo kava uça dans
le cinquième yest. Au vingtième chapitre du Vendidâd,
M. Spiegel rend le mot par « handelnd )» et dans le yest
en question par i sehr glœnzend » ; dans le premier cas,
M. de Harlez le traduit a sage » ; dans le second, « bril-
lant ». Il y a là une contradiction. Le dernier sens nous
<i) H. e. febrim.
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— 130 —
parait seul exact ; c'est d'ailleurs affaire aux commenta-
teurs que de déterminer ce qu'il faut entendre au juste
par ce terme vague de brillant, de resplendissant ; on
peut briller de sagesse, comme de toute autre qualité.
Le mot yaokhstivat' ne saurait être rendu, comme le
fait M. de Harlez, par c bienveillant ». La traduction
huzvârèche l'explique ainsi : c pourvu de volonté >, et
Anquetil dit très-justement < qui a fait tout ce qu'il a
voulu >.. La version exacte est donc celle-ci : « capable de
faire ce qu'il veut ». Le terme « unumschraenkt » (ayant
un pouvoir illimité) est donc fort juste ; l'expression de
M. Justi € mit kraft versehen » est exacte, ainsi que le
mot € potens », mais le mot a unumschrœnt est peut-
être plus rigoureux.
La version huzvârèche rend le mot suivant par « riche ».
C'est encore là une sorte de paraphrase. Nous ne doutons
paSx que la traduction étymologique ne donne parfaite-
ment ici le sens véritable : < doué d'un pouvoir magique ».
La glose traditionnelle « élevé comme Zoroastre » nous
autorise à rendre raêvat- par « plein de lustre, de splen-
deur, illustre ». M. Spiegeldit « glaenzend y>j M. de Harlez
f noble ».
Nous traduisons paradhcUa- par legem in primis qui
habuit, ce qui donne d'une façon exacte le sens littéral
du composé en question, et qui, d'autre part, s'accorde
avec la version huzvârèche, mais ce qui, par Contre, a
besoin d'être éclairci. Pour M. de Harlez, il s'agit de
€ justes par dessus tout », d'individus a pour qui la loi
était le bien suprêrpe ». Rien ne semble autoriser celte
version, et elle ne s'accorde guère avec l'ensemble du
texte. En fait, ainsi que le dit M. Spiegel dans son Corn-
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— 131 —
mentairej le mot esf composé de para « avant, précé-
demment », et de data- c loi » : « ayant la loi avant >.
Mais qu'entendre par là ? Ce que «ous enseigne encore la
tradition : < les individus qui ont précédemment régné ou
qui ont régné les premiers ». (tlonsuUez Windischmann,
Zoivastrische stndim^ p. 191 s. ;Spicgel, tral., t, 111,
p. Lxvi ; Comment. y t. I, p. 459.)
Aucune expression ne nous parait mieux rendre le
sens du causatif de dar m tenir » que le latin affigo,
affixi : affigere cruci,ierr(By memx>riœ. L'auteur du pas-
sage dont il s'agit considérait évidemment la maladie et
la mort comme des entités, comme des êtres ayant une
espèce d'existence indépendante ; de là ces expressions de
faire tenir la maladie à la maladie, la mort à la mort :
€ il retint la maladie et la mort captives, il lès empêcha
de se développer, il les enchaîna », morbtmi vinxit, La
version huzvârèche ne laisse ici aucun doute.
Quant aux <x ardeurs du feu », on pourrait lés exprimer
simplement par le mot de « fièvre ».
La plus grande obscurité règne sur le neuvième verset.
Faut-il regarder vazemm açti comme deux mots distincts?
n'est-ce qu'un composé? faut-il, avec un manuscrit, lire
vazimanô, et, avant tout, quel est le sens de cette expres-
sion? On a proposé plusieurs traductions : il s'agirait
de la destruction des os, de la destruction du corps, du
couteau qui blesse, etc. (Consultez Spiegel, Comment, ^ 1. 1,
p. 459 s.) Tout cela n'est que très-problématique, et la
traduction huzvârèche ne nous apporte malheureusement
ici aucune lumière. Évidemment, il s'agit d'un mal, d'une
maladie quelconque ; mais quel nom lui donner ? Nous
nous abstenons de traduire ce passage difdcile.
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— 132 —
44. âaf mraot ahurô mazdB thritô paoiryô çpitama
zarathustva masyânàm Ihamiianuhatâm varecanuhatàm
yaokhstivaldm yâlumatàm raêvatàm takhmamm para-
dhatamm yaçkem yaçkâi ddrayaf mahrkem mafirkâi
dârayat vazemnô açti dârayaf âlhrô taphnus dârayat
tanaof haéa masyèhé.
« Tune (Uxit Ahurus Mazda : Thritus primus, sanctis-
sime Zarathustra, mortalium auxiliatorum, splendentium,
potenlium y arte praeditorum , illustrium , poUentium,
legem imprimis qui habuerunt, morbum morbo affixit,
mortem morti affixit, ... affixit, ignis aestus affixit, longe a
corpore morlalis i^.
42. viçcithrem dira ayaçata âyapta khsathra vairya
43. paitistâtèê yaçkahê paitistâtèê mahrkahê paitistâtèê
dâiu paitistâtèê taphnu
44. paitistâtèê çâranahê paitistâtèê çâraçtyêhê paitis-
tâtèê azanahê paitistâtèê azahvahé paitistâtèê kumghahê
paitistâtèê aiivâkahê paitistâtèê durukahê paitistâtèê
açtairyêhê paitistâtèê aghisyso pûitysô âhitysô yâ anrà
mainyus phrâkerentat avi imàm tanûm yàm masyâmm.
« Remedium poposcit, favente Khçathro Vairyo, ad
obsistendum morbo^ ad obsistendum morti, ad obsis-
tendum malo, ad obsistendum aestui, ad obsistendum
, ad obsistendum vitio (?), putredini, tabi, quae
Ânrus mainyus creavit adversum corpus mortalium >.
Le mot viçéithra- ne peut signifier que « remède i^
d'après le sens général du texte. D'ailleurs, avec celte
expression de remède, nous ne rendons peut-être que la
signification très-générale du mot. Malheureusement, rien
ne vient nous aider à la rendre plus précise. Le pronom
dim semble jouer ici le rôle d'une enclitique : remedium
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— i3J —
quoddam. Quant à âyapta et à khsathra vairya, ces
expressions sont au cas instrumental : € il demanda par
faveur, par Rhsathra vairya... ». En Igtin, la formule
de r.ablatif absolu semble assez bien rendre, d'une façon
Sommaire, dette sorte d'idiotisme du zend.
La traduction littérale des formules paitistâtèê yaçkahè,
paitistâtèê mahrkahê, etc.,* serait l'emploi d'un datif pour
le premier mot, d'un génitif pour le second. En ce qui
concerne les formes dâzu et iaphnUy il est évident
qu'elles n'ont rien de grammatical ; on devait s'attendre à
dâiaos et taphnaos.
Les neuf premiers génitifs du quatorzième verset sont
difQciles à traduire. Tout ce passage existe dans le texte
zend, mais il n'est pas rendu dans la version huzvârèche,
et la tradition moderne ne fournit que des renseigne-
ments peu précis. Il se peut que çâranahê doive être
traduit par cephalalgiœ, mais cela n'est qu'une suppo-
sition.
Quant aux derniers mots du verset, ils présentent-
encore un idiotisme. L'article imàm est à peu prés encli-
tique ; la version littérale serait : adversum hoc corpus
quod mortalium.
15. adha aiem yô ahurô mazdâô urvam baêsazysô
uzbarem
16. pôurus pôuru çatâô pôunis pôuru hazanrdi pôurus
pôurubaêvanô
17. aoim gaokerenem pairi,
« Alors, moi Ahura Mazdâ, je produisis les plantes
médicinales par centaines, par milliers, par dizaines de
mille, [et] parmi elles le gaokerena y>.
Cette dernière plante, le gaokerena, est le haoma blanc.
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- 134 —
qui joue un grand rôle dans le récit des écrivains m'az-
déens du moyen âge sur la résurrection. Dans les Zoroas-
trische studien jle Windischmann (p» 465 et s.), il se
trouve un important article sur le paradis mazdéen et
le haoma blanc. Nous y renvoyons le lecteur. Voyez les
autres indications données par M. Justi dans son diction-
naire zend; p. 99. * ^
18. taf vîçpem phrinâmàhi iat vîcpem phraêsyâ-
mahi tat vîçpem nemaqyâmahi avi imam tanêm yàm
masyânâm,
<L Illud omne diligimus, illud omne exposcimus, illud
omne colimus, erga corpus mortalium ».
Ici se trouve répété dans le texte zend ce fragment que
nous avons rapporté ci-dessus, au verset quatorzième, et
qui n'est point dans la traduction huzvârèche.
Depuis ce verset jusqu'à la fin du chapitre, les paroles
de louange ou d'imprécation sont placées dans la bouche du
Mazdéen : louange aux remèdes créés par Ahura Mazdâ^
imprécations contre les maux envoyés par Aura mainyu.
19. yaçkem thwàm paili çanhâmi mahrkem thwàm
paiti çaiïhâmi dâiu thwàm paiti çaûhâmi taphnu thwàm
paiti çanhâmi *
20. aghise thwàm paili çanhâmi.
« Morbe, te exsecror ; mors, te exsecror ; malum,
te exsecror ; œstus, te exsecror ; pravitas (?), te exsecror.»
Les substantifs yaçkem, mahrkem, etc.*, du dix-neuvième
verset, sont à l'accusatif et s'accordent avec le pronom
thwàm ; au verset vingtième, au lieu de la forme aghise,
nous devrions donc trouver l'accusatif aghisîm,
21. yénhe vareda vanaêma drujem druja vareda
vanaêma
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22. yHhê khsathrenir aojôhvaf maibyô ahurâ.
Ces deux versets, qui sont empruntés à l'un des can-
tiques de la seconde partie du Yaçna (chap. 31, 4), offrent
une difficulté. Le root à mot nous donne ceci : « Que par
la force de celui-là nous puissions vaincre la Druje, nous
puissions vaincre les Drujes ! » Mais à quel nom se
rapporte le pronom yênhê^ illius? M. Spiegel suppose
que c'est au haoma blanc, au gaokerena, dont il est parlé
dans le dix-septième verset. Le fait est possible, mais rien
ne le démontre d'une façon certaine. Quant au mot à
mot du vingt-deuxième verset, il nous donne : « Que le
pouvoir plein de force de celui-là [soit] à moi, ô Ahura » !
M. de Harlez pense qu'il faut renverser les termes et
supprimer le second pronom ; il traduit donc ainsi :
f Qu'il nous soit donné, ô Ahura, un pouvoir fort ; que
par sa puissance je fasse périr la Druje ». Nous ne pou-
vons nous rallier à cette explication, ni admettre le
moyen, trop peu respectueux du texte, qui la rend pos-
sible. Traduisons donc simplement ainsi : « Par sa force,
puissions-nous vaincre la Druje, puissions-nous vaincre
les Drujes ! A moi, ô Ahura, sa force puissante I » Reste,
d'ailleurs, à déterminer si le pronom sa s'applique au pré-
cieux remède du gaokerena.
23. paiti perenê yaçkahê paiti perenê mahrkahê paiti
perenê dâiu paiti perenê taphnu
24. paiti perenê aghisysô pûityâô âhityâô yâ afirô
mainyus phrâkerentat avi imam tanûm yàm masyâkâm
25. paiti perenê vîçpem yaçkemca mahrkemàa vîçpê
yâtavô pairikwçca vîçpâô janayô yâô drvaitis.
« Impugno morbum, impugno mortem, impugno ma-
lum, impugno aestum, impugno vilium, putredinem,
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— 436 —
tabem,'quae Anrus mainyus creavit adversum corpus mor-
talium. Impugno omnem morbum morteinqùe, omnes
Yatus et Pairikas, omnes Janes irruentes- >.
Les Yâtus (nominatif singalier yâtu^, pluriel yâtavô)
sont de mauvais génies du sexe masculin. Par contre, les
Pairikas (nomin. sing. pairika, plur. pairiksô) sont des
démons féminins, ainsi que les Janis (nomin. sing. jainis,
ace. plur. janayô), les Djinns.
Les derniers versets du chapitre reproduisent la prière
airyêmâ isyô, qui forme le cinquante-troisième chapitre
du Yaçna. Quelque idée que Ton se forme de la per-
sonnalité d' Airyaman isya^ qu'on le regarde comme un
individu véritable, identique à l'Aryaman hindou, ou
qu'on ne le considère, comme le fait aujourd'hui M. Spiegel
(traduct. de \Av., t. III, p. 34, en note), que comme
une hypostase de la prière qui porte ce nom ; en d'autres
termes, qu'il ait eu une origine individuelle parfaitement
ancienne, ou qu'il ne soit que la personnification de la
soumission à la loi sainte, Airyaman a ici une existence
bien nette. On le prie de venir pour la joie des disciples
du zoroastrisme et de combattre les maladies, la mort et
tous les démons.
Voici maintenant la traduction française de l'ensemble
du morceau :
« Zarathustra interrogea Ahura Mazdà : Ahura
Mazdâ, esprit très-saint, créateur des mondes corporels,
pur ! Qui fut le premier des mortels secourables, resplen-
dissants, puissants, doués d'un merveilleux pouvoir, illus-
tres, forts, ayant eu les premiers la loi, qui retint la maladie
à la maladie, qui retint la mort à la mort, qui retint ,
qui retint les ardeurs de la fièvre loin du corps darhomme?
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- 137 -
€ Ahura Mazdâ Jit alors .: .0 très-saint Zarathusira,
Thrila fut le premier des mortels secourables, resplendis-
sants, puissants, doués d'un merveilleux pouvoir, illustres,
forts, ayant eu les premiers la loi, qui retint la maladie
à la maladie, qui retint la mort à la mort, qui retint
, qui retint les ardeurs de la fièvre loin du corps de
l'homme. Il demanda un remède, par la grâce de (?) Khça-
thra vairya, pour lutter contre la maladie, pour lutter
contre la mort, pour lutter contre le mal, pour lutter
contre la fièvre, pour lutter contre , pour lutter contre
le mal (?), l'infection, l'impureté qu'Anra mainyu créa à
l'égard du corps humain. Alors, moi Ahura Mazdâ, je
produisis les plantes médicinales par centaines, par mil-
liers, par dizaines de mille ; parmi elles le Gaokerena.
€ Nous chérissons tout cela, nous demandons instam-
ment tout cela, nous honorons tout cela à l'égard du
corps humain.
f Je te maudis, ô maladie ; je te maudis, ô mort ; je
te maudis, ô mal; je te maudis, ô fièvre; mauvais état(?),
je te maudis !
« Par sa force puissions-nous vaincre la Druje, puis-
sions-nous vainqre les Drujes ! A moi, ô Ahura Ma^dâ, sa
force puissante !
a Je combats la maladie, je combats la mort, je com-
bats le mal, je combats la fièvre, je combats le mal,
l'infection, l'impureté, qu'Anra mainyu créa à l'égard du
corps humain. Je combats toute maladie et [toute] mort,
je combats tous les Yâtus et Pairikas, tous les Djanis qui
se précipitent à l'attaque ».
Ce chapitre enseigne purement et simplement tout ce
qu'enseigne le reste de l'Avesta : l'origine de toutes choses
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— 438 —
est divine, celle des biens comme celle des maux.
Toutefois le mal et le bien n'ont pas un seul et même
auteur, ainsi qu'il arrive chez les juifs et chez les ohréliens,
mais, tous les biens proviennent d'Ormuzd, et tous les
maux proviennent d'Ahriman. Ce dernier a créé toutes les
maladies ; le premier a créé tous les remèdes.
11. — Fragment du septième chapitre du Vendidad.
Nous venons de voir, par l'étude du vingtième cha-
pitre du Vendidad, que la médecine est d'origine divine.
Un fragment du septième chapitre du même livre (versets
94 à 121) va nous apprendre comment s'acquiert le
pouvoir de pratiquer la oiédecine, quels sont les hono-
raires dus à un médecin, et enfin quels sont parmi tous
les médecins ceux qui méritent la plus grande confiance.
Tout le fragment est un dialogue entre Zoroastre et
Ormuzd. Zoroastre interroge, et Ormuzd révèle.
Première partie du morceau : Comment l'on acquiert le
droit de se livrer à la médecine.
94., dâtare gaêthanàm açtvaitinàm asâum yat aêtê yô
mazdayaçna baésazâi phravazâôntê
95. katâro paourvô âmaydônti mazdayaçiiaêihyè va
daêvayaçnaêibyô va,
« Créateur des mondes corporels, ô [toi qui es] pur !
Quand [ceux-ci qui sont] des mazdéens s'adonnent à la
médecine, qui les premiers doivent-ils traiter, ou des
mazdéens, ou des sectateurs des démons »?
96. âat mraot ahurô mazdëô daêvayaçnaêibyô paourvô
âmaySnti yatha mazdayaçnaêibyaçcit.
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— 139 —
c TuQc dixit Âhurus roazda ; in primis in daernonicolis
experiendum est, poslhac in mazdaeis ».
97. yai paotrim daêvayaçnô kerentât ava hô mairyâiiê
yat bitîm daêvayaçnô kerentât ava hô mairyâité yat
thritim daêvayaçnô kerentât ava hô mairyâiiê
98. anâmàtô zi acsô yavaêca yavatâtaêca.
€ Si, en premier lieu, il opère un sectateur des démons
et si celui-ci trépasse ; si, en second lieu, il opère un
sectateur des démons et si celui-ci trépasse ; si, en Iroi-
sième lieu, il opère un sectateur des démons et si celui-ci
trépasse, H est inhabile [à opérer] pour toujours >.
99. mâéa paçcaéta mazdayaçna vimâdhaçcit vîmâ"
dhayanta mâca kerentu mazdayaçna mâéa kereritu irisyât.
Ce verset offre certaines difficultés. A la vérité, le sens
général n'est pas douteux : « celui qui a manqué trois
opérations pratiquées sur des individus non mazdéens
n'a pas le droit d'en pratiquer sur des mazdéens, de
peur de les blesser n. Mais la construction grammaticale
est tout à fait obscure. M. Spiegel traduit ainsi : Nicht
soUeii hemach die mazdayaçnas es versuchen, nicht soll er
an (fen mazdayaçnas schneiden\ nicht soll er durch schnei-
dm verwunden {op. cit., t. I, p. 131). De la sorte, vîmâ-
dhayanta aurait pour sujet mazdayaçna, et le sujet des
verbes kerentu et irisyat serait le pronom singulier aêsô
« il » du précédent verset ; kerentu serait pour kerentatu.
Le second kerentu serait un substantif au cas instru-
mental: par coupure, par l'action de couper. Tout cela
est bien problématique. Peut-être faut-il traduire le pre-
mier membre de la phrase par non jam medicetur maz-
dœos, le second par non resecet.,., le troisième par ne
vulneret. En somme, nous ne pouvons proposer ici
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- 140 -
qu'une traduction très-large, tout en pensant qu'Jt n'y a
pas lieu de se tromper sur le sens.
100. yêzi paçcaêla mazdayaçna vîmadhaçcit vimâ-
dhayanti yêzi kereiu mazdayaçna yêzi keretu irisyât.
Nous retrouvons ici foutes les incertitudes du verset
précédent. Nous ne pouvons traduire, ici également, que
d'une façon approximative : « Si, après avoir manqué
trois opérations sur des non mazdéens, il traite un
mazdéen, et si ce dernier devient victime du traite-
ment .. >. Le verset suivant nous apprend quel est le
châtiment.
101. para hê irisentô raêsem éikayât bacdhôvarstahê
éithaya,
« Qu'il paie la blessure du blessé par la peme du
baodhôvarsta ». Cette peine ne s'applique qu'à l'auteur
d'un acte commis en toute conscience, ainsi que l'indique
l'étymologie du mot. La tradition moderne des Parses
veut que ce châtiment ait consisté en une mutilation des
membres, particulièrement en la résection de six doigts.
Hâtons-nous d'ajouter que cette opinion n'est appuyée
d'aucune preuve.
Nous arrivons à l'hypothèse contraire, au cas où le
médecin a réussi dans son traitement préalable d'un non
mazdéen, ou plutôt de trois non mazdéens.
102. yat paourûm daêvayaçnô kerentât apa hê jaçâf
yat bilîm daêvayaçnô kerentât apa hê jaçâf yat thritim
daêvayaçnô kerentât apa hê jaçâf
103. amâtô zi aêsô yavaêca yavatâtaêca,
€ Si, une première fois, il opère un sectateur des
démons et si celui-ci guérit ; si, une seconde fois, il
opère un sectateur des démons et si celui-ci guérit ; si,
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— 441 —
une troisième fois, il opère un sectateur des démons et si
celui-ci guérit, il est. apte pour toujours [à opérer] ».
104. vaçô paçcaêta mazdayaçna vîmâdhaçéit vimâ-
dhayanta vaçô kerentu mazdaya^a vaçô kerentu baésazyat,
. Les obscurités des versets 99 et 100 se retrouvent ici.
Quelle est la forme grammaticale de mazdayaçna et de
hereniu? l\. Spiegel traduit ainsi : Nach wunsch sollen es
hemach die Mazdayaçnas mit ihm versuchen, nach belieben
schneide er an den Mazdayaçnas, nach belieben. heile er
durch schneiden. C'est considérer le premier mazdayaçna
comme un sujet, le second comme un régime : « les
Mazdéens peuvent dès lors avoir recours à lui, et il peut,
à sonore, opérer les Mazdéens... ». M. de Harlez sim-
plifie: m 11 peut- exercer la médecine à son gré, il peut
pratiquer des incisions et traiter par des opérations chirur-
gicales ». Peiit-être M. de Harlez a-t-il raison de regarder
les deux mazdayaçna comme deux accusatifs du pluriel.
Le sens général est alors celui-ci : t Que dès lors il
soigne à son gré les Mazdéens, qu'il les opère à son
gré ». Dans ce dernier membre de phrase (qu'il les opère
à son gré), nous réunissons les deux derniers membres de
phrase du texte.
ici finit la première partie du fragment, le passage
dans lequel il est parlé des preuves qu'un individu doit
fournir de sa capacité pour être admis à pratiquer la
médecine. Dans la seconde partie, qui comprend les
versets 105 à 117, il est question de la rémunération due
aux médecins. Cette rémunération, comme on va le
voir, n'est point en proportion des mérites de l'homme
(le l'art ; elle est proportionnelle à la condition du patient.
105. âihravanmi baèsazyât dahm^yâf para âphritôif.
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— 142 —
€ Qu'il soigne un prêtre pour une prière de bénédic-
tion 1.
M. Spiegel traduit simplement (comme nous le faisons
nous-même) : Einen priester heile er fur einen frommen
segenssprmh. Mais il ne s'agit point de telle ou telle
bénédiction banale : le prêtre est tenu ici à une certaine
formule. Haug a raison de dire que dahma âphriti est le
nom technique d'une oraison du Yaçna (Ueber dm gegenw.
stand der zendphiloL, p. 34). M. de Harlez a adopté
cette opinion en traduisant ainsi : e Que le médecin
mazdéen traite un prêtre sans demander d'autre salaire
que les prières liturgiques de bénédiction ».
106. nmânahê nmânô paiiim baésazyât nitemem çtao-
rem arejô
107. vîçô vîçpaitîm baésazyât madhemem çtaorem arejo
108. zantèus zanlii paitîm baésazyât aghrim çtaorem
arejô
109. daûhèus danhu paitim baésazyât vâkhsem cathru
sukhtem arejô.
€ Qu'il soigne un chef de maison pour une bête de
trait de petite espèce ; qu'il soigne un maître de hameau
pour une bête de trait de l'espèce moyenne ; qu'il soigne
un maître de clan pour une bête de trait de la grande
espèce ; qu'il soigne un maître de district pour un qua-
drige ».
110. yat paoirlm nmânahê , nmânô paitim nâirikàm
baêsayât kathwa daênô arejô
111. vîçô vîçpaitîm nâirikàm baésazyât gava daàiô
arejô .
112. zantèus zantu paitîm nâirikàm baésazyât açpa
daénô arejô
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— 143 —
113. daûhèus daiïhu .pailim nâirikàm baêsazyâp ustra
daênô arejô -
114. vîçô puthrem baésazyât aghrim çtaorem arejô.
€ Que d'abord il soigne la femme d'un chef de maison
pour une ânesse; qu'il soigne la femme d'un chef de'
hameau pour une vache ; qu'il soigne la femme d'un chef
de clan pour une jument ; qu'il soigne la femme d'un
chef de district pour une chamelle ; qu'il soigne un fils
du hameau pour une bête de trait de la grande espèce i>.
M. Spiegel traduit le premier mot de ces versets, yaf^
. par wenn (wenn er zuerst die fraii.,.)^ et M. de Harlez
dit de même : « S'il soigne en premier lieu la femme
d'un chef de nmâna, son salaire sera de la valeur d'une
ânesse. Qu'il traite... ». La forme même du verbe,
haésazyât, et l'ensemble du texte s'opposent à cette tra-
duction. La formule est évidemment la même pour les
cinq hypothèses ici énumérées. Par ces mots.j/a^ paoirîm,
l'auteur veut dire : « et tout d'abord ».
115. aghrîm çtaorem baésazyât madliemem çtaorem
arejô
116. madhemem çtaorem baésazyât nitemem çtaorem
arejô
117. nitemem çtaorem baésazyât amimaém arejô anu-
maém baésazyât gèus qarethahé arejô.
€ Qu'il soigne une bête de trait de - la grande espèce
pour une bête de trait de l'espèce moyenne ; qu'il soigne
une bête de trait de l'espèce moyenne pour une bête de
trait de la petite espèce ; qu'il soigne une bêle de trait
de la petite espèce pour un animal appartenant au petit
bétail ; qu'il soigne un animal appartenant au petit bétail
pour la nourriture d'un bœuf ».
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— 144 —
Les trois derniers Versets du fragment (118 à 120) sup-
posent le cas où Ton a mandé pour le malade un certain
nombre de médecins. C'est celui de Sganarelle : t Vite,
qu'on m'aille quérir des médecins, et en quantité ! »
(L'ilmowr médecin, acte premier, scène septième).
118. yaf pôufu baêsaza henjaçâônti çpitama zara-
thustra.
€ Et lorsque . de nombreux médecins sont assemblés,
ô très-saint Zara thustra ! > Le verbe zend répond au latin
convenirey œncurrere: « Et lorsqu'on a fait venir plu-
sieurs médecins... >. L'interpellation « ô très-saint Zara-
thustra l > nous montre que celte phrase n'est point une
interrogation de Zarathuslra ; c'est toujours Ahura Mazdâ
qui parle.
119. keretô baêsazèçca urvarô baêsazèçca màthrô baê-
sazèçca.
a Médecins traitant par des opérations, médecins trai-
tant par des plantés, médecins traitant par le texte saint >.
120. aèsôzX açti baêsazanâm baêmzyôtemô yatmàthrem
çpentem baêsazyô.
La construction grammaticale des derniers mots est
certainement obscure, mais le sens du verset n'est point
douteux : « Celui-là est le plus efficace des médecins (le
plus remédiant des remédiants), qui traite au moyen du
texte saint », c'est-à-dire par le récit de telles ou telles
parties du texte, par des oraisons conjuratoires, par des
incantations.
11 nous reste maintenant à donner la version de tout
ce fragment. Nous avons vu, dans l'analyse ci-dessus,
que plusieurs versets ne peuvent être traduits que d'une
façon vague et seulement approximative; nous avons
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— 445 —
soin de les signaler au lecteur en les mettant entre
parenthèses. On voudra bien, dans ce cas, ne pas attacher
à notre version plus de valeur que nous ne lui en donnons
nous-même.
« Créateur des mondes corporels, ô pur ! Lorsque des
Hazdéens s'adonnent à la médecine, qui doivent-ils traiter
tout d'abord, des Mazdéens ou des sectateurs des démons?
« Àhura Mazdâ dit alors : Qu'ils expérimentent d'abord
sur des sectateurs des démons, ensuite sur des Mazdéens.
Si, pour la première fois, il opère un sectateur des
démons et si celui-ci vient à mourir ; si, pour la seconde
fois, il opère un sectateur des démons et si celui-ci vient
à mourir ; si, pour la troisième fois, il opère un sectateur
des démons et si celui-ci vient à mourir, il est inapte à
tout jamais. (Qu'après cda, il ne soigne pas de Mazdéens,
il n'opère pas de Mazdéens, de peur de [les] blesser. Si,
après cela, il soigne des Mazdéens, s'il opère des Maz-
déens, s'il Pes] blesse), qu'il paie la blessure du blessé
par la peine du baodhôvarsta. Si, une première fois, il
opère un sectateur des démons et si celui-ci guérit; si,
une seconde fois, il opère un sectateur des démons et si
celui-ci guérit; si, une troisième fois, il opère un secta-
teur des démons et si celui ci guérit, il est apte pour
toujours. (Que, dès lors, il soigne à son gré les Mazdéens,
qu'il opère à son gré les Mazdéens !)
« Qu'il soigne un prêtre pour la prière [déterminée]
de bénédiction. Qu'il soigne un chef de maison pour une
bête de trait de la petite espèce ; qu'il soigne un maître
de hameau pour une bête de trait de l'espèce moyenne ;
qu'il soigne un maître de clan pour une bêle de trait
de la grande espèce ; qu'il soigne un maître de district
10
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— 146 —
pour un quadrige. Qu'il soigne, d'abord, la femme d'un
chef de maison pour une ânesse ; qu'il soigne la femme
d'un chef de hameau pour une vache Jqu'il soigne la
femme d'un chef de clan pour une jument ; qu'il soigne
la femme d'un chef de district pour une chamelle ; qu'il
soigne un fils du hameau pour une bête de trait de la
grande espèce. Qu'il soigne une bête de trait de la grande
espèce pour une bête de trait de l'espèce moyenne ; qu'il
soigne une bêle de trait de l'espèce moyenne pour une
bête de trait de la petite espèce ; qu'il soigne une bête
de trait de la petite espèce pour un animal appartenant
au petit bétail ; qu'il soigne un animal appartenant au
petit bétail pour la nourriture d'un bœuf.
a Et lorsque sont réunis nombre de médecins, ô très-
saint Zarathustra ! médecins opérateurs, médecins traitant
par les simples, médecins traitant^ par le texte saint ;
celui-là est le meilleur des médecins qui traite par le texte
saint >..
III.
Il est à peine utile d'ajouter que si tous les biens da ce
monde ont été créés par Ahura Mazdâ, c'est à Aura
mainyu que l'on doit par contre tous les maux, y compris
les maladies. Dans le vingt-deuxième chapitre du Venr-
didad, en trois passages très- explicites (versets 6, 24, 39),
Ahura Mazdâ révèle à Zarathustra cette origine des mala-
dies ; il dit en termes formels qu'Aura mainyu est leur
auteur et les a lancés sur la terre.
Nous avons vu dans un précédent article (t. IX, p. 475-
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— 14? —
189), qu'au contraire du judaïsme, et plus tard du chris-
tianisme, la religion éranienne se refusait à voir dans
un seul et même principe la source des maux en même
temps que celle des biens. La théorie cosmogonique des
Eraniens était sans doute une théorie purement métaphy-
sique; mais dans cette conception daalistique des choses
de l'univers; elle, avait au moins ce mérite de sauver
jusqu'à un certain point les droits de la logique et du bon
sens.
A. HOVELACQUE.
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— 148
BIBLIOGRAPHIE.
Los aborigènes ibéricos 6 los Beréberes en la peninsula^
por Fr.-M. Tubino (extrait de la Revue espagnole d'an-
thropologie). Madrid, 4876. — In-S de 426 p.
L'aoteur de celte très-remarquable brochure n'est point
un inconnu pour nos lecteurs : il a été rendu compte
précédemment d'un travail de M. Tubino sur une in-
téressante question de mythologie comparée. Le savant
secrétaire général de la Société d'anthropologie de Madrid
a fourni d'ailleurs d'excellentes contributions aux di-
verses sessions du 0)ngrès français pour l'avancement
des sciences. Aussi eussions-nous désiré pouvoir rendre
un compte minutieux de sa nouvelle publication, et
en analyser soigneusement toutes les parties; mais
l'espace étroit dont nous pouvons seulement disposer
aujourd'hui nous oblige, à notre grand regret, à ramener
notre étude à des proportions beaucoup trop restreintes.
Nous aurons évidemment, au surplus, bien des occa-
sions de revenir sur le très-important mémoire dont nous
allons esquisser à grands traits les principaux arguments.
Le but que s'est proposé M. Tubino, le problème qu'il
cherche à résoudre est, ainsi qu'il l'indique dans une
introduction précise^ de retrouver c les commencements
de la population de l'Espagne par les Ibères d, car, avant
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— 449 ^
eux, on ne saurait supposer qu'il y ait eu en Espagne
autre chose que des tribus errantes, isolées, sans lien et
sans relations les unes avec les autres ;.en tous cas, anté-
rieurement aux Ibères, il n'y a pas eu de peuples dont
on puisse historiquement établir la présence sur le sol de
la Péninsule ou quijaient laissé des| traces matérielles de
leur passage. Pour M. Tubino, le mot c Ibère > est donc
simplement une appellation qui désigne les premiers
habitants historiques de l'Espagne. L'introduction s'ouvre
par une série de considérations excellentes sur l'archéo-
logie et l'ethnologie et leurs relations avec l'histoire
primitive des peuples ; M. Tubino démontre fort bien la
haute valeur, au point de vue national du pays, de l'étude -
des monuments mégalithiques et des objets d'usage,
commun conservés à la surface du sol depuis les époques
les plus reculées.
Le texte du mémoire se divise naturellement en deux
sections, dont la première, à son tour, se subdivise en
deux parties. Celle-ci traite des monuments mégalithiques
et des autres débris laissés par les peuplades antérieures
à l'histoire proprement dite, à l'histoire écrite ; M. Tubino
parle en premier lieu des monuments de cette espèce
qu'on trouve en Andalousie^ en Estramadure et en Por-
tugal ; il rappelle ensuite les doctrines constantes de la
science sur Torigine, la signification et l'époque des
constructions mégalithiques, et cherche quelle lumière
ces constructions sont capables de jeter sur les ques-
tions ethogéniques. Il discute à cette occasion les opinions
de Bonstetten, de Fergusson, de MM. Desor, Worsae,
Vogt, Mortillet, Bertrand, etc., et montre que les cons-
tructions mégalithiques ne sont point l'œuvre d'un seul et
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— 450 —
même peuple, d'une seule et même race; il essaie de
classer chronologiquement à ce point de vue les monu-
ments des âges successifs découverts en Espagne, caver-
nes, dolmens, galeries de mine, etc. Quant à la filiation
des divers peuples qui ont construit ces monuments,
M. Tubino, s'aidant des découvertes de l'archéologie
égyptienne et des affirmations des historiens classiques,
établit la domination ancienne des Égyptiens sur toute
l'Afrique septenlrionale (XVI® et XV« siècles avant J.-C),
et notamment sur les Lebu et Tamahu (blancs à chevelure
blonde) ; ces derniers ont ensuite acquis la prépondé-
rance (XIV« et XIII« siècles) et étendent leurs incursions
jusqu'au delta du Nil ; au X1I« siècle, les Tyriens se
répandent sur les rives de la Méditerranée et arrivent
en Bétique ; au V« siècle, les Phocéens fondent des
colonies d'Emporia à Menake ; au IV« siècle, les Cartha-
ginois sont les maîtres incontestés du bassin de la Médi-
terranée occidentale, et c'est seulement deux siècles plus
tard que commence la domination romaine. On peut con-
clure de là qu'antérieurement à l'invasion celtique,
l'Espagne avait subi l'influence de migrations africaines et
sémitiques, influence confirmée par de nombreuses res-
semblances dans les constructions mégalithiques. C'est au
XII® siècle que M. Tubino place la venue des peuplades
celtiques, arrivées du Nord en sens contraire des immi-
grants africains et phéniciens qui les avaient précédés.
M. Tubino cherche à se rendre compte ici de ce qui s'est
produit lors de l'invasion des Celtes (bruns et de petite
taille), de ce qu'ont pu être les races mixtes des Celli-
bères, problème difficile entre tous, mais qui s'appuie
nécessairement sur un postulatum évident, la pluralité des
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— 451 — •
races qui occupaient le sol de la Péninsule à Tépoque de
la conquête romaine.
Il est donc véritablement absurde de croire encore à
l'unité ibérique ; il n'existait pas de race ibérienne ; il
n'y avait point de langue ibérienne, et la théorie de
Humboldt, en contradiction d'ailleurs avec le témoignage
de Slrabon, n'est pas soutenable. M. Tubino n'a pas de
peine â démontrer, après M. Van Eys et d'autres criti-
ques, l'insuffisance des connaissances basques de Humboldt
et la faiblesse de beaucoup de ses étymologies soi-disant
ibériennes (i). On sait que mon opinion est en général
conforme à celle de M. Van Eys.
Mais, parmi ces races contemporaines, quelle était la
plus ancienne, la plus originale, la plus autochthone ?
M. Tubino examine ici les types espagnols et signale
l'originalité du type dolichocéphalique basque, identique
à celui de Cromagnon et à celui des Berbères modernes ;
et il opine pour la primitivité en Espagne des Africains,
des Lebu ou Tamahu, ancêtres des Berbères. L'objection
linguistique ne l'arrête pas, mais c'est là le point faible
de son raisonnement. Est-il bien vrai d'abord que les
idiomes dits khamitiques (dont le berbère) dérivent d*une
(I) Il ne faut pourtant pas exagérer l'insuffisance de ces explications.
Ainsi, je ne nierai point aussi vivement que M. Van Eys la possibilité
de mutation de aitza^ aitcha, atcha en asta. Ainsi encore iri = ili
n^est point inexact. Ce qui est vicieux dans la théojcie de Humboldt,
c'est l'extension extrême qu'il donne au territoire de la langue basque,
c'est sa prétention d'en faire le langage universel et général de la
nationalité ibérienne ; mais, eu fait, il est très-probable que ce
curieux idiome a pu être parlé sur une région plus étendue qu'aujour-
d'hui, et il n'est point impossible que des noms topographiques
basques se retrouvent en dehors des limites actuelles de la langue
euscarienne.
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— 152 -
même source que les langues sémitiques ? Il est encore
flus douteux que le basque se rattache à cette même
source ; je ne voudrais point cependant opposer à Vhypo-
Ihèse de M. Tubino la question préalable, en présence de
certaines allures de la langue- basque empreintes d'un
caractère vague de sémitismes ; les anjateurs de solutions
affirmatives pensent, en désespoir de cause, se rattacher à
l'origine africaine de la langue basque, qu'on ne peut
à priori déclarer invraisemblable ou impossible. Mais la
démonstration directe de cette parenté n'est point faite et
ne saurait l'être encore.
On voit combien le mémoire de M. Tubino est digne
d'être lu par ceux qui se préoccupent des grands pro-
blèmes ethnologiques ; il convient de faire remarquer
que la lecture en est éminemment agréable. En parcou-
rant les écrits de M. Tubino, on éprouve quelque chose
d'analogue à ce qu'on ressent en lisant les ouvrages de
Schleicher ; c'est bien écrit en espagnol, e\ en bon espa-
gnol, mais il ne semble pas que ce soit de l'espagnol,
tant le style y est sobre, simple,- scientifique, tant les
allures générales sont claires, précises, méthodiques.
Avec des travaux de ce genre, la question ibérienne
entre dans une nouvelle phase. La période des systèmes
est désormais close, et le problème ne saurait plus être
attaqué que de la seule façon réellement capable
d'aboutir à une solution indiscutable. On ne raisonnera
plus que par les faits, et là, comme partout, la lumière ne
saurait être attendue que de l'étude méthodique, de
l'observation et de l'expérience.
Julien ViNSON.
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153 -
L'ethnologie préhistorique de la péninsule des Balkans, par
Fligier (Zur prœhistorischen ethnologie der Balkanhal-
binsel). — ln-8, p. 111-66. Vienne, Hœlder, édit., 1877.
L'ancienne ethnologie de l'Europe occidentale est, à
celte heure encore, pleine d'obscurité ; celle de l'est et
du sud-est du même continent est peut-être moins
connue encore. Nombre de points spéciaux ont été
étudiés ; quelques-uns sans doute ont été éclaircis, mais
l'écrit de M. Fligier a ce premier mérite de traiter la
question d'une façon générale. Ce n'est plus une mono-
graphie; c'est un travail d'ensemble.
L'auteur a beaucoup lu, beaucoup recherché, et il faut
reconnaître qu'il essaie en toute occasion d^ppuyer ses
opinions sur des faits. Ces faits, les interprète-t-il tou-
jours delà bonne façon... cela est une autre question. On
peut toutefois ne pas partager, en maintes circonstances,
les avis qu'il émet, sans amoindrir la valeur de son essai, et
cette valeur est réelle.
M. Fligier avance tout d'abord cette proposition que la
péninsule des Balkans était habitée aux temps préhisto-
riques par des populations non aryennes. Entendons-nous
par ce terme de « populations non aryennes (vœlker
nichtarischen ursprungs) des peuples dont la langue
n'appartenait pas à la famille linguistique^ indo-euro-
péenne, cela est parfait. Quant à la race, je demande à
distinguer. Rien ne me dit que le sang des indigènes
c pré-aryens ]» de la péninsule balkanique ne coule pas
aujourd'hui encore — pour partie du moins — dans les
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— 454 —
veines de telles ou telles populations de la contrée dont il
s'agit. Nous trouvons très-certainement encore, dans
certaines parties de la France, des représentants des
races préhistoriques (par exemple dans l'Aquitaine).
L'ostéôlogie nous l'enseigne clairement. Pourquoi le fait
ne se présenterait-il pas aussi dans l'Europe orientale ?
Pour M. Fligier, ce sont les Ibères qui ont occupé,
aux temps néolithiques (à l'âge de la pierre polie), l'Europe
sud-occidentale... Il s'agit ici de s'entendre sur l'extension
du 4not Ibère. Je suis porté à penser, pour ma part, qu'il
a existé aux âges préhistoriques une race s'étendant sur
l'Aquitaine, sur une grande partie de l'Espagne, sur le
nord de l'Afrique, sur des îles telles que les Canaries et
la Corse, race dolichocéphale (dont les Basques espagnols
sont d'assez bons représentants). J'appelle^ cette race,
faute de meilteur terme, race méditerranéenne occidentale.
Les anciens Ibères en faisaient partie ; aussi ne puis-je
blâmer que d'une façon relative le terme un peu trop
généralisé dont se sert M. Fligier. Mais lorsqu'il veut
voir également des Ibères dans l'Europe sud-orientale,
je suis e^ droit de lui demander où sont ses preuves
anthropologiques. De fait, il n'en donne aucune, et je ne
pense pas qu'il en existe. M. Fligier fournit bien, page 2,
un certain nombre de rapprochements étymologiques,
mais ce ne sont que des conjectures dénuées de preuves.
Une phrase de cette même page doit être absolument
biffée. C'est la suivante : « De ce que les poèmes homé-
riques connaissaient que de nombreux idiomes étaient
parlés dans l'île de Crète, il est très-vraisemblable qu'à
côté des populations phrygienne, carienne, phénicienne
et grecque, les Ibères' y ont formé la population primi-
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— 455—
live > : la déduction ne me semblç basée sur aucun
fait.
L'auteur regarde les lUyriens et les Thraces comme
ayant formé la population primitive de la péninsule ; les
premiers ont été refoulés par les Thraces, et une partie
^d'entre eux ont même dû gagner Tltalie, où ils se sont
établis sous le nom de lapiges ou de Messapiens. D'ail-
leurs c'est par terre, et non par mer, qu'ils ont pénétré
dans celte nouvelle patrie. Les* lUyriens auraient été la
première population aryenne qui aurait mis le pied en
Italie. Leur demeure primitive aurait été (en commun
avec les Grecs) la plaine qui, plus tard^ reçut le nom de
Pannonie.
Cela amène M. Fligier à se prononcer sur le séjour
des Indo-Européens primitifs. Il réfute sans peine l'opi-
nion des auteurs qui ont voulu le placer dans la Ger-
manie, s' appuyant sur ce fait (!!!) que les Aryens primitifs
étaient blonds (?) et avaient les yeux bleus (!). Pour lui,
cette ancienne patrie est la Russie du sud. La branche
hindoue se serait détachée la première et aurait gagné
l'Asie; en second lieu, la branche éranienne se serait
détachée, après avoir été longtemps voisine des Slavo-
Leltes. Puis vint la migration des peuples de Thrace et
d'Asie-Mineure. Beaucoup plus tard, les Italo-Celtes
gagnèrent l'Europe occidentale. Les lUyriens, ainsi qu'il
a été dit ci-dessus, avaient paru les premiers en Italie.
Les Germains, les Slaves, les Lettes, se dirigèrent vers le
nord.
On comprend sans peine combien est importante l'eth-
nologie préhistorique des Balkans, du moment qu'il est
établi que la souche (linguistique) indo-européenne avait
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— 456 —
pied dans la Russie méridionale. Je suis loin, très-loin de
partager cette opinion : je pense que les Hindous et les
Eraniens sont encore les plus rapprochés du- pays où
fut parlée la langue commune indo-européenne, mais je
n'estime pas moins très-importante la question de l'ancienne
ethnologie de la péninsule balkanique, des pays où sont
établis aujourd'hui les Bulgares.
L'auteur cherche à démojitrer ensuite que les Ciramé-
riens et les Taurîens sont d'origine thrace, puis qu'il faut
distinguer les lUyriens des Thraces. Ces derniers se lient
aux Phrygiens, et les lUyriens aux Grecs. De même que
les Macédo-Roumains sont des Thraces latinisés, de même
les Grecs d'Asie-Mineure ne sont point d'origine hellé-
nique. Les Lydiens, Cariens, Lyciens, Phrygiens, Cappa-
dociens, Arméniens, appartiennent au rameau thraco-
phrygien ; lès Thraco-Phrygiens ont la même religion et
se donnent le nom d'Aryens.
M. Fh'gier examine ici ce que les Daces (rangés par lui
au nombre des Thraces) possèdent dans leur langue se
rapportant au slave. Il ne s'agit ici que d'emprunts faits
par les Thraces à leurs voisins slaves. En fait, il rapproche
tout à fait le thraco -phrygien de l'arménien, et, en géné-
ral, des langues éraniennes.
Ici arrive l'examen de la question des Pélasges. Je
dirai en somme que, pour l'auteur, les Pélasges, qui
n'ont rien de commun avec les Grecs, sont des Thraces
aussi bien que des lUyriens, habitants primitifs de la
Grèce. M. Fligier passe en revue les différents noms
géographiques de toutes les parties de la Grèce (p. 28
à 51) et arrive à cette conclusion que ces noms ne sont
pas d'origine hellénique : il les explique presque tous par
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— 157 -^
rillyrien, le^ thrace, les langues de TAsie-Mineure, et en
déduit que la population primitive de la Grèce se rappro-
chait des peuples illyriens et des peuples thraco -phry-
giens. Il insiste ensuite sur le haut degré de civilisation
auquel était arrivée la population pré-hellénique de la
Grèce et sur la part qui leur revient dans Fart auquel on
donne le nom d'art grec. A leur arrivée en Grèce, les
Hellènes n'auraient été que des barbares.
Pour terminer, M. Fligier cherche à démontrer comment
les Thraces ont été mélangés, dans l'antiquité et sous le
rapport de la race, avec des éléments éraniens, celtiques^
illyriens et germaniques. L'influence des colons romains
fut moins importante qu'on ne l'a supposé. Aujourd'hui
les Macédo-Roumains (les Valaques du Pinde) sont les
Thraces les plus purs: les Daco-Roumains le sont beau-
coup moins. Ces derniers ont eu à souffrir, entre autres
contacts, celui des Bulgares qui sont d'origine finnoise.
J'ai donné, me semble-t-il, un résumé fidèle de l'écrit
de M. Fligier. La thèse qu'il soutient repose en somme
sur ce fait que les noms géographiques de la péninsule
balkanique et de la Grèce s' expliquant presque tous par
les langues de la Thrace et de l'Asie-Mineure, la popula-
tion qui avait donné ces noms devait être alliée à celles
de ces pays, et que les Grecs ont reçu de ce peuple les
éléments de leur haute civilisation.
Combien ce travail aurait-il été simplifié si nous
possédions le secret de la place véritable qu'occupent
l'albanais et l'ancien dace dans la famille linguistique
indo-européenne ! A vrai dire, nous l'ignorons encore.
A. HOVELAGQUË.
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- 158 —
Geiger W. Die pehleviversion des ersten capitels des
Vendîdâd. — In-8, p. vi-68. Erlangen, 1877.
Tandis qu'Eugène Buraouf, et après lui toute une école
d'éranisles^ dont M. Spiegel est le plus illustre représen-
tant, placent la tradition ancienne (c'est-à-dire la version
de l'Avesla en langue pehlvie ou huzvârèche, et la version
sanskrite de Nériosengh) au premier rang de tous les
moyens d'interprétation des vieuï textes mazdéens, d'autres
auteurs veulent éclaircir ces derniers au moyen de l'éty-
mologie et par la comparaison avec différents morceaux
des Yédas hindous. La tradition ancienne n'a pour cette
seconde école aucune espèce de valeur. M. Geiger fait
très-justement remarquer, dans son opuscule, qu'on a
précisément rejeté la tradition ancienne, sans avoir pris
soin, avant tout, de la^ soumettre à une critiqne suffi-
sante. Ce travail préparatoire est de toute nécessité. Si
l'on admet que la version pehlvie offre, au moins çà et là,
quelque chose de valable et d'utile, il importe à tout
auteur sérieux de l'examiner de près et de chercher à
faire la part de ce qu'elle contient de bon et de ce qu'elle
contient de mauvais.
M. Geiger donne ici le commencement d'une traduction
par lui entreprise de la version huzvârèche de l'Avesta.
Après le texte, transcrit en caractères hébraïques, vient
une traduction, puis enfln un commentaire. Ce dernier
est un travail très-minutieux. Bien que l'auteur n'ait pas
cru devoir ajouter de conclusion à son écrit, nous voyons
clairement qu'il doit attribuer une importante valeur à
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— 159 —
a version huzvârèche, et nous partageons pleinement
cette opinion. "
A. HOVBLACQUB.
The Vedârthayatna or an attempt to interpret the Vedas.
— Plusieurs fascicules in-S^. — Bomha%^ 1876.
Cette publication se compose des textes samhitâ et padd,
d'hymnes choisis du Rig-Véda, avec une iraduction mah-
ratte et une traduction anglaise. Le but de l'auteur a
été de donner à ses compatriotes (c'est un Hindou,
M. Shankar Pandurang Pandit) une idée aussi exacte que
possible de ce qu'il y a réellement dans le Rig-Véda. Les
Hindous s'imaginent que toutes leurs superstitions ont
leur base dans le Véda et que celui-ci sanctionne toutes
les exagérations du culte populaire. M. Shankar Pandu-
rang Pandit a voulu les éclairer, et pour cela faire il a
traduit les plus importants hymnes du Rig-Véda dans le
dialecte osuel de la région de l'Inde qu'il habite, c'ést-à-
dire en mahratte. Sa traduction, dont nous avons égale-
ment une version en anglais, diffère fréquemment de
l'interprétation classique, ou pour mieux dire orthodoxe
de Sâyaija ; c'est qu'elle s'appuie sur les découvertes plus
sûres de la philologie . et de la critique européenne et
moderne. En agissant ainsi, M. Shankar Pandurang Pandit
rend un véritable service à ses concitoyens, chez lesquels
il fait entrer des idées justes, et qu'il met ainsi en com^
munication plus directe avec la société occidentale. L'Inde
actuelle, en sortant de l'inertie où elle est depuis trop
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— 160 —
longtemps plongée, en se développant suivant son carac-
tère propre et son tempérament spécial, a besoin néan-
moins, si elle veut réussir dans son évolution, d'entrer
dans lé courant européen et d'adopter, les méthodes
intellectuelles si rigoureuses et si justes de la science
moderne. Aussi l'effort de l'auteur du Vedârthayatna^
dans ce sens, est-il des plus louables, et nous l'en félici-
tons sincèrement. Nous approuvons également l'idée qu'il
a eue de joindre à sa traduction mahratte des notés
explicatives pour la plupart fort bien conçues. Chaque
fois, par exemple, qu'une divinité du polythéisme védique
apparaît pour la première fois, M. Shankar Pandurang
Pandit ne manque pas d'expliquer ses attributs, ses fonc-
tions, son culte, avec textes à l'appui ; il la suit dans
ses développements ultérieurs à travers les diverses
périodes religieuses du brahmanisme. Cet essai de mytho-
logie comparée dans l'Inde même est tout à fait remar-
quable, et nous faisons des vœux pour que les savants et
les critiques hindous n'en restent pas là.
Girard de Rialle.
Clavis humaniorum litterarum sublimions tamulici idio-
matis, auctore R. P. C.-J. Beschio, soc. Jesu. —
Tranquébar, évang. miss, press., 1876. — In-8 de
viij-171 p.
L'élégant volume dont nous venons de transcrire le
titre est encore dû à M. Â. Burnell, le savant indianiste
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- 4M —
auquel les études dravidiénnes ont déjà tant d'obligations.
Elle a été faite, par les soins de M. E. Ihlefeld, d'après
un manuscrit corrigé de la propre main de Beschi. Ce
manuscrit provenait de la bibliothèque de B.-G. Babing-
ton, tamuliste bien conni^, qui le tenait lui-même de
rinfortuné F.-W. EUis, auquel on doit la découverte de
plusieurs ouvrages du célèbre jésuite italien. Par une
attention délicate, M. Burnell a voulu que cette édition
du dernier ouvrage d'enseignement de Beschi sortît des
mêmes presses qui avaient publié, en 1738, sa grammaire
du dialecte vulgaire.
Beschi a composé en effet, à l'usage des Européens,
trois grammaires. La première, et la plus connue, dont
l'avant-propos est daté du 4 des calendes de janvier 1728,
imprimée- en 1738 à Tranquebar, typis missionis da-
nicœ (1), est intitulée : A. M. D. 6?. Grammatica latino-
tamulica, ubi de vulgari TamuUcœ linguœ idiomate ; c'est
un in-8<> de 175 p. Cette première édition se trouve
rarement seule ; on y a joint d'ordinaire les excellentes
Observationes de Chr.-Th. Walther (Tranquebar, 1739,
in-8<> de 58-(ij) p.); la Bibliothèque nationale possède un
(1) C'est à la fin de 1711 que fut installée cette imprimerie. Le
matériel nécessaire avait été acheté en Angleterre du produit d'une
souscription publique (1,194 livres sterlings) ouverte par l'archevêque
de Cantorbery et lord Chamherlayne. Le vaisseau qui l'apporta de
Poitsmouth à Tranquebar éprouva toutes sortes de mésaventures : i\
fat notamment pris par Duguay-Trouin au Brésil et dut êUce racheté
par le gouverneur anglais de Madras, passager à bord. L'imprimeur
mourut pendant la traversée. C'est seulement en décembre 1712 que
les missionnaires reçurent des caractères tamouls que leur appor*
tarent trois ouvriers allemands. (Lacrozb, Histoire du christianisme
4es Indesy La Haye, 1724, chap. Vil, p. 557-559.)
11
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— 162 —
exemplaire de ces deux ouvrages réunis. Une seconde
édition a été publiée à Madras, eiî 1813, par les direc-
teurs du collège (in-A® de vj-151-(vij) p.) ; et une troisième,
à Pondichéry, en 1843 (in-8o de (iv)-viij-214-28 p.), par
la mission catholique. Il a été fait deux traductions
anglaises de ce livre : la première, par Horst, a paru à
Madras en 1831 ; la seconde, par G.-W. Mahon, publiée
également à Madras en 1848 (in-8o de vij-147 p.).
La seconde grammaire de Beschi, Grammatica latino-
tamulica ubi de superiori tamulicœ linguœ dialecto trcw-
tatur, n'a jamais été imprimée. Un abrégé, fait par
M. Vabbé Dupuis, a été joint à l'édition de 1843 de la
grammaire du dialecte vulgaire. La Bibliothèque natio-
nale possède une copie manuscrite de cet ouvrage, prove-
nant de la collection Ariel. — Une traduction en anglais,
par B.-G. Babington, a été imprimée à Madras en 1822
(petit in-fo de (ij)-xii-117-5 p.).
Le troisième et dernier traité, la clavis, voit le jour
pour la première fois, grâce à M. Burnell. J'en possède
une copie manuscrite assez incorrecte. C'est le résumé
ou plutôt l'adaptation au latin du livre didactique écrit
en tamoul par Beschi sous le titre de Ton'n'ûlvilakkam,
a expUcation des vieux traités (1) », et qui embrasse les
cinq parties de la science grammaticale, suivant Técole
tamoule : la phonétique, la morphologie, le style (2), la
prosodie, la rhétorique.
(1) Nul signifie proprement c fil >, de là c direction, conduite,
guide, traité, livre théorique ».
(2) C'est le mot qui me paraît rendre le mieux le tamoul porul que
Beschi traduit materia, c'est-à-dire c sujets à traiter ». Les grammai-
riens indigènes n'en connaissent que deux principaux : Tamour (agap'
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— 163 -
La publication de M. Barnell n'a pas été mise dans
le commerce. L'ouvrage, en effet, tout en demeurant
très-intéressant et très-curieux, a perdu beaucoup de son
intérêt pratique. L'exécution matérielle est excellente.
Bayonne, le 29 décembre 1876.
Julien ViNSON.
Vergleichendes Wœrterbuch der Finnisch-Ugrischm Spra-
chen, von Dr. 0. Donner. — II. — HelsingforSy Fren-
ckell et fils, 1876. — In-8o de (iv)-160 p.
Au tome VU de cette Revu^ (p. 177-179), j'ai rendu
compte de ce travail. Je n'ai rien à modifier à mes
appréciations et me* borne à signaler la publication de la
seconde partie, digne en tous points de la première. Elle
va du n® 682 au n» 852 et comprend les racines en
s initial. Chaque article est l'objet d'un examen minutieux,
et les dissertations qui l'enrichissent sont plus soignées,
s'il est possible, que celles de la première livraison, si
bonnes pourtant déjà. On ne s^aurait trop recommander cet
excellent ouvrage.
J. V.
porui, materia interior), et la guerre (pur'apporuly materia exterior) ;
c'est un ensemble de règles et de recommandations minutieuses ne
nous offrant que très-peu d'intérêt.
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— 464 —
Légendes et- récits populaires du pays basque, par M. Cer-
QUAND, 2* série. — Pau, L. Ribaut, 1876. — 97 p.
in-8o.
M. Webster, qui vient de puWier lui-même un recueil
de contes basques dont il sera rendu compte, a con-
sacré à la première série de la collection publiée par
M. Cerquand dans cette Revue (t. VIII» p. 112-128) un
article intéressant, après lequel il ne reste rien à dire.
Ce second fascicule est exactement semblable au premier,
mais les textes basques y sont manifestement plus corrects;
il m'est revenu cependant qu'il avait été trouvé moins
intéressant. Je ne suis pas de cet avis, et la nouvelle
plaquette me plaît autant, sinon plus, que la précédente,
précisément parce qu'elle ne contient que deux espèces
de récils. Il n'y est guère question, en effet, que d'idiots
et de laminak ; j'y remarque de très-curieux détails sur
les croyances populaires. Ainsi, dans l'amusante histoire
des Dev^ Bossus^ nous apprenons qu'en entrant au sabbat
les initiés devaient réciter la liste des jours de la
semaine, sans nommer le dimanche : pour ne pas s'être
conformé à l'usage, le premier bossu voit sa bosse enlevée,
et le second,, au contraire, reçoit sur la sienne celle qu'on
avait ôtée à l'autre.
Il faut signaler aussi, dans la présente série, la substi-
tution dans les diverses versions d'un même conte de
divers personnages mythologiques [lamina, hasa-yaun, et
même un animal doué de la parole), l'un à l'autre.
M. Cerquand a donné aussi une liste de papaitac,
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— 165 —
énigmes populaires^ où, comme d'habitude, l'esprit tait
presque toujours défaut.
Quoi qu'il en soit, nous attendons avec impatience la
troisième série, qui nous est promise prochainement.
J. V.
Basqtce Legends, coUected, chiefly in the Labourd, by
Rev. Wentworth Webster. — 1 vol. in-8<>, vii-233 p.
— Londres y Griffith et Farran, édit. 1777.
Ce bel ouvrage se recommande à première vue par le
luxe typographique dont il est revêtu. C'est un véritable
ouvrage de prix. Quant au contenu, il est de tout point
digne de l'enveloppe. L'auteur est bien connu des lec-
teurs de la Reviie de Linguistique^ à laquelle il a déjà
communiqué quelques-uns des résultats de ses recher-
ches. C'était une entreprise intéressante que celle de
recueillir ainsi une série de légendes populaires, notam-
ment dans un pays aussi curieux, aussi particulier que
le pays basque. La race euskarienne, isolée au milieu du
monde latin et celtique qu'elle a précédé, est depuis
longtemps devenue chrétienne et catholique avec ferveur,
et il semblait peu probable qu'on pût jamais rétablir son
ancienne mythologie nationale. Toutefois les travaux de
M. Webster, comme ceux de M. ^Cerquand, contribueront
grandement à mettre en lumière les vestiges des anciennes
croyances des Basques. Maintenant, celles-ci se distin-
guent-elles beaucoup des contes et des mythes des peuples
environnants ? C'est ce qu'il ne nous paraît point assuré.
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- 106 —
La mythologie n'établit point entre les Basques et leurs
voisins indo-européens la différence profonde, radicale,
infranchissable, que Ton constate dans le domaine linguis-
tique. M. Webster a tenu compte de ce fait important à
propos des contes de fée, les uns pareils à des conles
celtiques, les autres provenant d'une source^ française.
Mais ce défaut d'originalité profonde ou plutôt cette
extension considérable des mêmes légendes, des mêmes
personnalités surnaturelles se présente dans tout ce qui
concerne la sorcellerie, les génies ou démons {Basa-Jaun,
basa- André, Laminak, Tartaro et le serpent à sept têtes).
A quoi tient ce phénomène singulier? Les Basques n'ont-
ils rien en propre en matière mythologique, et ont-ils
emprunté toutes leurs croyances aux races venues après
eux sur le sol de la Gaule et de 4'Espagne? Ou bien
au contraire un vaste ensemble de contes et de mythes,
véritable substratum théologique, ne s'étend-il point sur
toute l'Europe occidentale, souvenir de la foi antique des
races préhistoriques qui, tout en acceptant la langue et
la civilisation de certains envahisseurs, tout en s' absorbant
ou se dissolvant dans les races nouvelles et conquérantes,
n'ont pas laissé périr complètement le vieux bagage de
leurs croyances et de leurs superstitions, et les ont
transmises de siècle en siècle en en altérant légèremenl
la physionomie suivant les régions? Nous ne saurions
décider entre ces deux hypothèses, bien que la seconde
nous paraisse bien séduisante. Ce qu'il y a de positif
néanmoins, c'est que, dans les légendes basques recueiUies
par M. Webster, il en est un assez grand nombre que
nous retrouvons dans les contes populaires du peuple
russe, dans les mœrchen allemandes, ainsi que dans des
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— 167 —
récits d'origine plus ou moins celtiques en Angleterre, en
France et en Espagne.
Ajoutons que notre collaborateur et ami, Julien Vinson,
a donné à M. Webster une notice sur la langue basque,
dont les lecteurs de la Revite n'ont pas besoin qu'on leur
signale toute la valeur.
Girard de Rulle.
RiBARY. Essai sur la langue hasque, traduit du hongrois
avec des notes complémentaires et suivi d'une notice
bibliographique par J. Vinson. — In-8, p. xxviii-158,
Paris, 1877.
L'écrit de >L Ribâry méritait certainement la traduction
qui vient d'en être faite. L'analyse \ grammaticale est
minutieuse ; la méthode me semble bon&e. Ces temps
derniers, on a beaucoup écrit sur le basque ; en général,
les travaux que l'on publie sur cette langue ne souffrent
guère la médiocrité. Ils sont méthodiques ou pleins de
théories métaphysiques. M. Ribâry est du bon côté. Son
livre est à consulter, même après les publications de
MM. Van Eys et Vinson.
Il y a peut-être à redire çà et là. Ainsi la transcription
n'est pas toujours heureuse, et il y a des remarques
hasardées sur l'accentuation ; mais, en somme, le livre
est recommandable.
M. Vinson l'a gratifié d'uûe excellente préface sur le
caractère général de la langue basque et d'une très-utile
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— 468 -
notice bibliographique partant de 1607 pour aboutir en
1876.
Pour cette notice, M. Vinson me signale une importante
correction, se rapportant à la p. 145, lignes 14-15. Voici
le texte même de sa rectification :
« Je n'avais pu trouver à Bayonne la collection des
Annales de philosophie chrétienne, et je m'en étais rap-
porté à M. Bladé, qui semble avoir vu le travail de sir
Williams Betharn {Origine des Basques, 1769, p. 393).
Ayant eu occasion depuis de voir la collection des
Annales, j'ai constaté qu'à la p. 315 du tome XVII il n'y
a pas d'article de sir W. Betharn, et il n'est pas question
du basque. Il est seulement rendu compte en quelques
lignes, au milieu d'autres Nouvelles et mélanges, de la
séance de l'Académie irlandaise de Dublin du 22 jan-
vier 1838, où sir W. Betharn a communiqué un travail
sur l'explication des tables eugubines par Vancien irlan-
dais. »
A. HOVELACQUE.
Notice sur les Basques, par V. Derrécagaix, chef d'esca-
dron d'état-major. — Paris, 1876 (extrait du Bulletin
de la Société de géographie), 40 p. in-8<>.
Travail intéressant et plein de bonne volonté, mais
tout à fait insuffisant : telle est l'opinion qui se dégage de
la lecture de cette plaquette, dont l'auteur n'est pas au
courant des derniers travaux sur la question euscarienne.
Il y à pourtant-de bonnes remarques, celles notamment
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— 169 —
où il met ces lecteurs en garde contre les théories fantai-
sistes de Chaho et contre les étymologies bizarres de
cet écrivain (1). Mais il y a bien des lacunes ; la partie
bibliographique est notamment fort maltraitée. Les Pro-
verbes d'Oihenart sont de 1657 et non de 1638; le
Dictionnaire de Larramendi est de 1745 et non de 1728 ;
celui d'Ordonnez de Lloris est un guide de la conversation
que M. Derrécagaix rajeunit de cent ans (il est de 1642);
enfin, erreur moins excusable, le Mithridates d'Adelung
n'est point un dictionnaire polyglotte, et l'article qu'y a
fait annexer W. von Humboldt n'est en aucune laçdn un
dictionnaire de la langue basque. Je ne relève pas les
autres erreurs.
J. V.
Ch. de Tourtoulon et 0. Bringuier. Étude sur la limite
géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl.
— Paris, 1876.
C'est un travail auquel nous ne saurions donner trop
d'éloges. Il a été conduit avec grande méthode. M. de
(ij Par exemple, Chaho rapproch^ le sanscrit &ouryen (sic) et le
basque souriena, qui out l*un et Tautre, suivant lui, le sens de
c soleil ». Or, churiena, en basque, est simplement c le plus blanc »,
et quant au prétendu sanscrit Souryen, c'est tout au plus la transcrip-
tion tamoule vulgaire de Sûrya. Les autres analogies ne valent pas
mieux que celles-là. G*est toujours de la manie étymologique. L'une
des plus jolies fantaisies de ce genre est la suivante, que j'ai relevée
dans le livre du colonel Marshall sur les Tudas. 11 y est question (p. 83)
des chiens c marrons », sauvages, que les Indiens appellent c chiens
rouges », chen naù A ce mot est jointe la note suivante : c may
not the french chien be derived from chen = the red (one)? ».
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— 170 —
Tourtoulon a fait précéder cette carte intéressante d'un
écrit très-clair et très-scientifique sur la comparaison des
deux grandes langues de la France. En ce qui concerne
la carte elle-même, les auteurs ont procédé avec tout le
soin désirable.
Elle comprend les départements de la Gironde, de
la Dordogne, de la Charente, de la Vienne, de l'Indre, de
la Creuse.
*• Les localités frontières (un peu importantes) de la
langue d'oïl sont : Le Verdon (pointe de Grave), Blaye,
Lussac, Chalais, Montmoreau, Augoulême, Mansle, Ruffec,
Charroux,' L'Isle-Jourdain, Monlmorillon, La Trimoille,
Argenton, Eguzon, Aigurande.
• Celles de la langue d'oc : Saint-Vivien, Lesparre,
Libourne, Saint-Aulaye, La Valette, La Rochefoucauld,
Champagne, Availles, Le Dorât, Saint-Benoît, Bonnat.
Puissions-nous recevoir bientôt la fin de cet utile
travail.
A. HOVELACQUE.
Grundzûge der physiologie und systematik der sprach-
laute. — 2e édit.; in-8\ p. 172. — Vienne, 1876.
L'écrit de M. Briicke — dont la première édition date
de 1856 — est un ouvrage à peu près classique. Nous
n'avons guère qu'à signaler le fait de l'apparition de
cette édition nouvelle. — Rappelons seulement que l'auteur,
après quelques mots d'introduction sur l'historique du
sujet dont il s'occupe (Pedro Ponce, 1584; J,-P. Bonet,
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— 171 —
1620; J. Wallis, 1653; WilUs, 1828, etc.), donne la
description physiologique des diverses gutturales, puis
traite ensuite des voyelles simples (p. 15 à 33). Le système
de transcription de M. Brùcke est connu. On lui a
reproché, non sans raison, sa] complexité. Ainsi o de
encore est rendu par o*; ê par a«; è de lèvre, sèche, par
e» ; u de pur^ tu, par uK De fait, cette notation est pure-
ment théorique, et il ne faut pas lui attribuer une autre
valeur. Les diphthongues sont traitées de la p. 33 à la
p. 36. Les consonnes (p. 40 et suiv.) : d'abord les con-
sonnes simples (40-81), puis les composées, enfin les sons
mouillés. Dans le chapitre septième, où il est traité des
points de contact entre les voyelles et les consonnes (du
m; et du y anglais, par exemple), l'auteur aurait pu
s'occuper du son français qui se fait entendre devant Vi
des mots cuit, nuit, mots essentiellement monosyllabiques.
La dernière partie du livre est consacrée à la systé»
matique des sons chez les Hindous, les Grecs, les Arabes
et chez les modernes.
Z.
H. Huss. Lehre vont accent der deutschen sprache. — In-8®
de 72 p. — Altmburg, 1877.
L'auteur a écrit particulièrement ce petit livre en vue
de faciliter aux étrangers l'étude de l'accent allemand,
qui, sans être aussi difficile que l'accent de plusieurs
langues slaves (russe, serbe), n'en offre pas moins certains
écueils.
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— 172 —
Frédéric Mueller. Ueber die stellung des armenischen im
kreise^ der indogermanischen sprachen. — In-S® de
24 p. — Vienne, 1877.
Importante contribution à l'étude de la place qu'occupe
l'arménien dans la famille linguistique indo-européenne.
M. Fréd. MùUer démontre que l'on ne peut détacher
l'arménien du zend et du perse, et qu'il est réellement
un idiome éranien.
Revue historique de Vancienne langue française. Recueil
mensuel publié sous la direction de L. Favre. Première
livraison, janvier 1877.
Cette revue spéciale se recommande par son premier
fascicule. Elle doit publier des textes intéressants à côté
des articles de première main. La composition de ce
fascicule est variée ; les matières sont bien traitées, claire-
ment, simplement.
Le Zénaga des tribus sénégalaises. — Contribution à
l'élude de la langue berbère, par le général Faidherbe.
— In-8, pp. 97. — Lille, imp. Danel, 1877.
Les lecteurs de la Revus connaissent tous les beaux i
travaux du général Faidherbe ; ils ont lu notamnaent dans
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— 173 —
nos fascicules son étude si remarquable sur la langue des
Pouls. Aujourd'hui, c'est à un dialecte berbère que
s'attaque le savant ancien gouverneur du Sénégal. Tout le
nord deH' Afrique est le domaine particulier d'une famille
linguistiquie qui a été appelée la famille khami tique. A
cette famille appartiennent non seulenient les dialectes
nubiens et gallas, ainsi que l'ancien égyptien, mais encore
tous les idiomes de l'ancienne Libye, c'est-à-dire, à notre
époque, ceux des Kabyles, des Touaregs et des Zénagas,
dont le nom a donné naissance à celui du grand fleuve le
Sénégal. Lorsqu'il était gouverneur de la colonie de ce
nom, en 1854, M. Faidherbe avait réuni une foule de
renseignements très -curieux sur le parler des tribus
maures de race berbère qui errent dans les déserts situés
à l'ouest du Sahara, entre le Maroc au nord et le Sénégal
au sud. Bien que fortement mélangés d'éléments nigri-
tiques avec quelque peu de sang arabe, ces Maures,
TrarzaSy Braknas et Douaïch, ont fidèlement gardé le
parler de leurs ancêtres, d'où sortit, au XI« siècle, la
. puissante dynastie des Almoravides. Leur dialecte, le
%énaga, est incontestablement le représentant le plus méri-
dional du groupe berbère, et c'est un grand service que
rend le général Faidherbe en fournissant sur son compte
des données précises et en le comparant aux autres dia-
lectes connus, tels que le kabyle et le touareg, dont nous
devons de bonnes grammaires aulgénéral Hanotteau, et le
dialecte de Ghât, auquel M. Freeman a consacré un
travail estimable. C'est ainsi que peu à peu s'accumulent
les matériaux d'une connaissance scientifique de la famille
khamitique, au moins dans son rameau occidental, et que
l'on peut espérer constituer un jour une bonne histoire
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— 174 —
naturelle du berbère. En ce qui concerne le zénaga, son
caractère libyen est incontestable ; est-ce une langue pro-
prement dite? Bien qu'il n'ait pas de littératuire, bien
qu'on ne l'écrive guère, il a cependant uçe o|iginalité
assez grande pour qu'on le distingue du kabjle ou du
touareg. Ce qui nous a frappé, c'est, par exemple, la
transformation systématique et constante des sifflantes de
ce dernier en chuintantes dans le zénaga, qui, d'ailleurs,
est, suivant M. Faidherbe, une langue dure et gutturale.
Nous le répétons en terminant, c'est une œuvre utile
qu'a faite là le savant général, et qui sera véritablement
une contribution importante à l'étude de la langue berbère.
G. R.
Grammaire théorique et raisonnée de la langue allemande,
par E. Drouin. — 1 beau vol. in-8, xix-324 pp. —
Parisy 1876, Ch. Delagrave, édit.
On a déjà signalé dans ce recueil un très-estimable
travail de M. Drouin sur la langue anglaise. Ce linguiste
^consciencieux a voulu traiter la langue allemande de même,
et il a composé une grammaire fort bien faite et rédigée
conformément aux données scientifiques actuelles de la
science du langage. C'était une entreprise très-louable, mais
non dépourvue de réelles difficultés. M. Drouin les a sur-
montées pour la plupart. Nous approuvons tout à fait la
division de son livre, qui commence par la phonétique et
se termine par la morphologie. C'est absolument scienti-
fique, et si cette grammaire allemande n'est pas précisé-
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— 175-
ment à la portée des écoliers, elle est digne de tout point
des hommes sérieux qui voudront apprendre l'allemand
suwant une méthode sérieuse et non purement méca-
nique. M. DrQuin a d'ailleurs puisé aux meilleures sources
et montré qu'il connaît à merveille la littérature de son
sujet.
1...
Philologie topographiqtie. — Légende territoriale de la
France pour servir à la lecture des cartes topographiques,
par M. Peiffer, chef d'escadron au 32© régiment
d'artillerie. — Paris, Gh. Delagrave, 2« édition.
La philologie topographique est une science jeune
encore, qui a beaucoup d'avenir. En France et dans les
pays celtiques, elle sera une des clés les plus puissantes
pour ouvrir l'idiome gaulois. Un officier d'un savoir
distingué aura beaucoup contribué à sa conquête. En
apprenant à lire notre carte nationale, il s'est fait philo-
logue, eh s' entourant des principaux ouvrages topogra-
phiques. Il a fait un bon livre, très-utile et très-curieux à
la fois. Mais comme il n'a pas la prétention d'être un
philologue érudit, M. Peiffer ne s'étonnera pas si, dans la
multitude de bonnes choses qu'il a dites, il n'y ait un
certain nombre d'erreurs à relever ; c'est ce que nous
ferons dans le pur intérêt de la philologie.
€ Si on demandait, dit l'auteur, à cent personnes qui
ne connaissent pas les Pyrénées ce que peut être Saint-
Jean-Pied-de-Port, quelques-unes répondraient : « C'est
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— 476 —
f une petite ville bâtie sur TOcéan b, et elles auraient
l'apparence de la raison d. Mais pour qu'elles comprissent,
il aurait fallu changer Torlbographe et prendre celle qui
dominait au moyen âge, por, et on aurait un congénère
du grec itopoç, passage. M. Littré s'est trompé, je crois,
en voyant dans ce mot une forme du latin portare. Si
l'histoire se charge quelquefois d'éviter la confusion entre
les villes du même nom, il ne faut donc pas dire Vitry-
le-Français, il faut mettre Vitry-le-François : c'est une
fondation du roi de France, François I*"^.
Parmi les noms d'auberge et de halte, il faut en intro-
duire un qui est peu usité dans la Manche, DelassCj et
qui donne clairement sa signification. Le terme forestier
de triage, que M. Littré tire du verbe trier, est ramené
plus justement par M. Peilïer à une autre famille :
( c'était le tiers d'un bois concédé en jouissance aux
usagers >. Les excavations, les creux entre les dunes,
sont appelés en Gascogne lède; c'est peut-être le vieux
français lède € large », le 1. latus ; c'est aussi l'étymologie
de laye < large chemin dans une forêt », un mot qui
entre dans Saint-6ermain-en-Laye : c'est le v. fr. lèz
€ large ». La causse, dans le Midi de la France, désigne
des plateaux où l'on arrive par des pentes douces : c'est
le V. fr. caus « col, colline » ; c'est cols, allongé, et son
étymologie est transparente, quoique M. Littré tire ce
mot du bas-latin succus, d'après du Gange. Le v. fr. calx
« chaux », se conserve dans le patois de l'Auvergne.
Dans celui des Vosges se conserve le v. fr. chem « som-
met », en prenant la forme chaume et en conservant le
genre féminin de sa racine, qui est le 1. cyma, comme
dans Hautes-Chaumes ; ce mot n'est donc pas celtique.
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- 177 ^
comme le croit M. Peiffer. Au mot combe, il aurait pu
ajouter les variantes cambe et chambe. Pour cluse « pas-
sage au fond duquel il y â toujours un cours d'eau »,
c'est Tabrégé de écluse, conservé dans le fort de l'Écluse,
situé sur la cluse de Nanlua. Les creuttes du voisinage
de Laon offrent une variante de « grotte ». On rapporte
généralement le mot si commun de puy, en prov. puig,
pueg, au 1. podium ; je croirais plulôt, avec M. Peiflfer, à
une origine celtique, pusch, dont le fr. « pic » est une
variante. De même les avens des monts de Vaucluse
« crevassements où s'engouffrent les torrents», pourraient
bien être le celt. avon c rivière ». M. Peiffer va chercher
bien loin l'explication du terme topographique cMz ; par
exemple : chez Garreau, c'est-à-dire avec un nom d'homme,
c'est l'habitation de Garreau, le 1. casa, qui a donné au
français la préposition « chez ». Voici une bonne expli-
cation du nom d'un de nos départements : « Lorsque,
parmi ces débris, on trouva le tableau qui, suivant l'usage,
portait le nom du navire, ce nom était défiguré : l'initiale
s apparut sous la forme d'un c », et au lieu de Salvador
on lut Galvador, dont la prononciation normande ûi.Cal-
vadô. L'auteur retrouve heureusement le gou^r celtique
€ ruisseau », dans le nom des cours d'eau le Gers, le
Ger (Haute-Garonne), le Gier (Loire), le Guier (Isère), la
localité des Entre-deux-Giers, à la jonction du Giers-Vif et
du Giers-Mort (Isère), etc. L'auteur tire du celtique le
terme topographique très-commun poul « marais » ; il est
vrai qu'on dît poul en armoricain, mais on dit aussi pol
en allemand ; il rappelle la syllabe forte du 1. palus :
c'est un de ces mots d'origine lointaine qui nous font
assister à de vastes émigrations. Mais l'auteur a eu raison
J2
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— 478 — -
de rattacher à ce radical les nombreux Bouille, Bouillon,
Bouille, etc. Il a heureusement interprété par c tête » un
terme de la Champagne, comme Somme-Biorne, Somme-
Tourbe, Somme -Vesle ; c'est le 1. summum, et ces termes
signifient c source de la Biorne >, etc., comme on dit
Chef'Boutonne, Pen-Aven, à la source de TAven ; Capa-
dour, à Tune des sources de TAdour.
On regarde en général le kirke t église », qui se trouve
dans Dankerque, Brouckerque, comme un élément ger-
manique, Tall. kirche, Tangl. ehurch ; mais je me rangerai
volontiers à Tëtymolegie qui le tire du grec xuptmt € église-
maîtresse ». Mais je ne crois pas que Camières, Gamin,
rentrent dans la classe des charmes, arbres, dérivés du
1. carpinus : c'est le mot celtique très- répandu Carrij
qu'on trouve dans Garnac en Bretagne, dans Cameville en
Normandie. Les teil n'ont non plus rien à faire avec les
€ tilleuls » ; c'est le germ. deal « partie, portion de terre >,
très-commun pour désigner les fermes des environs de
Bayeux, appelées les Délies. Les nécmfles n'ont rien de
commun avec les c nèfles » : ce terme, autrefois nealfa,
ne se trouve guère qu'en Normandie, et renferme un
élément Scandinave, elf <c rivière », sans doute combiné
avec noe « marais de la rivière ». Quant à Romieu et
Romiguère, il n'est nullement de la famille de ronce : il
signifie € pèlerin à Rome », comme Michelet est le pèlerin
du mont Saint-Michel, Jacquet celui de Saint-Jacques, le
Paulmier celui de la Terre Sainte, d'où l'on rapportait la
palme d'Idumée. Sans doute les nombreux Nogent (Novi-
gentum) renferment le celtique noe, nove « terrain
mouillé x> ; .mais cela ne rend pas compte du mot tout
entier, dont la finale représente un autre élément celtique.
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- 479 —
gm a hauteur » ; Nogenl est donc la hauteur sur la noe
ou le marais. Malgré Tautorité de M. Quicherat, les Chan-
teloup, les Chantepie^ sont bien les lieux où hurle le loup,
où chante la pie, et M. Peiffer en donne une bonne raison :
c'est qu'on ne dit pas Chantelièvre, Chantelapin, parce que
le lièvre et le lapin n'ont pas de voix. M. Peiffer donne une
étrange 'étymologie de Stamboul : c'est une question de
prononciation surtout; de Constantinopoul (polis), les Turcs
n'ont gardé que les deux syllabes fortes, la deuxième et
la dernière : Stan-PçuL Pour Malmaison, ce mot semble
signifier c hôpital, maladrerie ».
Le terme provincial chaille «t caillou », que M. Houzé
tire de l'armoricain caill € bois », M. Littré le tire beau-
coup mieux du 1. calculus. Il est un mot très-répandu
dans le Midi de la France, en Espagne, pour désigner une
pierre plate. M. Littré, voyant que cette pierre a signifié
€ pierre tumulaire », le rattache à laudare : c'est un
rapport bien vague ; c'est le mot Lauze, d'où M. Peiffer
a tiré Lauzun, Lauzès, Lauserville, Montlosier.
M. Peiffer a dressé une curieuse liste de noms de saints
localisés, fivec les extraordinaires (au premier aspect) trans-
formations qu'ils ont subies ; mais elle est très-loin d'être
complète. Par exemple, on n'y trouve pas des saints dont
les noms sont les plus répandus et les plus altérés ;
Stephanus € Etienne », Egidim i Gilles », etc. Mais il
explique d'une manière frappante comment saint Eligius
(il ne fallait pas écrire Eloi) est devenu saint Ghely ; saint
Amand, saint Ghaman ; saint Inian, saint Ghinian. On a dit
saint Eiy, saint Amand, saint Inian j et, par l'opération
commune du chuintement, on a obtenu les formes der-
nières et actuelles. De même saint Teafre (Theofridus)
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— 180 —
arrive à Saint-Cbaffre (Haute-Loire). Il y a en Normandie
un nom de saint profondément modifié : c'est samt Pan-
crace, devenu saint Planchers, patron de la paroisse de
ce nom. La liquide a été introduite comme elle l'a été
dans € trésor »^ du 1. thésaurus; dans « enclume », du
1. incudis. La syllabe finale a été métathésée : Pancèrs, et
puis chuintée : Planchers.
Il est étonnant que ladère, selon M. Peiffer, signifie au
pays charlrain un c dolmen », alors que, selon M. Littré,
f ladere, dans le parler de Genève, est un courant lacustre
accidentel ». « Dans le midi de la France, dit M. Peiffer,
on fait usage de mourgue pour désigner les religieuses
vêtues de noir » ; le mot semble donc bien signifier
« noir », et il se rattache sans doute à la famille du
morCy et surtout à la formé du v. fr. moriely devenant
facilement morjel < noirâtre ». N'aurions-nous pas ici
l'étymologie de notre^ français morgue « lieu de dépôt
pour les morts », un mot sur lequel M. Litlré ne se pro-
nonce pas? La Morgue aurait été dans l'origine une
chambre noire, tendue de noir, obscure de plusieurs
façons, où l'on exposait les morts. Il y a dans M. Littiré
une étymologie aussi indécise : c'est celle de morgue dans
le sens « d'orgueil ». On disait autrefois « morguer
quelqu'un », c'est-à-dire « le rabrouer, lô braver », c'est-
à-dire, lui dire: Morgue {moxi de Dieu), le recevoir avec
un juron.
Le terme topographique grunne « îlot de sable à demi
submergé », n'appartient pas à la famille de grave
€ sable, caillou » ; grunna est celtique ou germanique, et
Du Gange le définit locus paludosus.
Dire que nul écart ou nulle commune ne rappelle une
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— 481 —
bastille, c'est ne pas connaître dans la Manche Técart
La Bastille, dans la commune 'des Pas et la commune de
Beuzeville-la-Bastille, près du pont du Vey (Vadum). Je
connais des champs appelés clos-reus^ c'est-à-dire « rasés,
défrichés >, du v. fr. rere « raser >. Il n'est donc pas
besoin de chercher dans l'allemand l'étymologie des Neu-
reus des Alpes et du Jura : Neu-reus signifie « champs
récemment rasés, essartés ». Sur les Robines ou Rapides,
il y a quelques observations à faire. D'abord ce n'est
pas qu'en Provence qu'on emploie ce terme pour désigner
un canal. Il y a une Rabine à Dol de Bretagne, une
Rabine à Vannes, promenade le long du canal. C'est le
V. fr. rabinCy du l. rapina ,dans le sens de « rapidité » :
c la rabine des chevaux », lit-on dans un poème de
Benoît de Sainte-More. Le fr. ravine est une de ses
formes. Puisque robine signifie « canal », ce mot conduit
directement à « robinet », un rapport qui a échappé à
M. Littré. Les grau des bords de la Méditerranée sont des
canaux entre^ des sables et des galets i, c'est le v. fr.
grave € gravier ». Les bordigues\o^vQn\. un mot qui se
comprend dès qu'on l'écrit avec l'orthographe : Bords-
d' Aiguës, littéralement c bords des eaux » ; ce sont des
c espaces aménagés sur les bords de la Méditerranée pour
la pèche ». Pour galuche c pierre tendre », en Poitou,
c'est la forme péjorative du v. fr. gai c cailloux », d'où
nous est resté « galet ». Quant à couse, appliqué en
Auvergne aux « petits cours d'eau », M. Peiflfer n'en
donne pas l'étymologie : ce pourrait être le 1. cursus,
comme. on dit « cours d'eau ». La langue topographique
des Pyrénées a le terme rek^ pour dire c ruisseau, canal
d'irrigation, bief de moulin ». M. Peiffer traduit ce mot
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— 482 -
par € droit > (reclus), CTest platôt le v fr, reke t vivier »,
qui est dans Du Gange à Tarticle reketz, et le terme des
mêmes locaUtés, œrrecy en est un composé.
Il y a une étymologie topographique qui est l'objet de
deux interprétations ; c'est le golfe de Lion ou du Lion :
l'une, métaphorique, tirée des € sévices de la tempête » ;
l'autre des Ligures, >«7w«v ; j'en proposerai une autre, plus
topographique encore. Le nom antique du port de Mar-
seille est LycidoUy et on a trois monnaies massaliotes à
l'empreinte de XyxuSwv ; le golfe de Lion serait le golfe de
Lycidon, amené à Lion par quelques réductions.
L'assertion [suivante de M. Peiflfer n'est pas exacte :
« Puech a fini par arriver à pié, et comme les Normands
sont restés étrangers à cette dénomination de pié, si fami-
lière à nos départements du Midi, ils ont appelé les
Pieux une localité près de Cherbourg, alors que le vrai
nom serait les Pies (les monts) >. Si l'on a dit les Pieuûo,
c'est par une prononciation locale, car pié (qu'importe le
d?) se rencontre plusieurs fois dans la Manche, dans la
commune de Taillepied, dans celle de Tirepied, et dans le
Haut-Taillepied, dans la commune de Sacey. Je trouve à
Ceaux (Manche) le diminutif puignot, où apparaît la forme
pyrénéenne puig.
Si l'Auvergne a sesjftwron^, la Normandie n'en est pas
dépourvue; maïs ce mot n'a rien de commun avec
€ beurre >; c'est l'ancien allemand bur « maison ».
Puisque, dans le midi de la France, une jasserie est un
« ensemble de loges >, il eût*peut-ôtre été bon de donner
de ce mot son étymologie ; c'est sans doute le v. fr. jas
« lit », du 1. jacere ; c'est le lieu où l'on couche par
opposition aux abris où l'on ne passe que la journée.
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- 183 —
C*est ainsi qu'aux Pyrénées le terrain sur lequel couche
le bétail est appelée la ja$se..L2L hutte du pâtre s'y nomme
ori: c'est peut-être le v. fr. ore c jardin 9, Quant à son
synonyme cayola, c'est le v. fr. gaiole « cage, enceinte >,
le 1. caveola.
Un article très-intéressant du livre de M. Peififer, inti-
tulé : Tautologie, contient un bon nombre de ces expres-
sions bilingues, où une langue qui vient se greffe sur une
langue qui s'en va et qu'on n'entend plus ; telles sont, en
celtique, la grotte de la balme^ qui dit c la grotte de la
grotte » ; le mont de Mené (mené « mont », en breton) ;
en Scandinave, la haie de la forêt, c'est-àrdire 1 1^ bois du
bois » ; en latin, Montjoufjugum), littéralement « le mont
du mont », etc. M. Peiffer, qui a dû habiter l'Algérie et
avoir étudié sa topographie, cite la porte bab-Azoun^ au
lieu de « la porte Azoun » ; le pont d'Alcantara, al
kantra signifiant « le pont » en arabe.
Il faut citer cette note pleine de vérité : € L'on peut
sans crainte affirmer que les trois quarts des cent Neuville
inscrits au dictionnaire des communes sont des altérations
de Nouevîlle, Noeville (ville de la me ou terre mouillée),
plutôt que des abréviations de Neuveville ».
Je crois que c'est Daniel Huet, assez faible élymolo-
giste, qui a traduit le mot bray par € terre fangeuse » ;
mais c'est le celtique bré, qui signifie « hauteur ») et
Montbray en Normandie est un exemple de tautologie ; les
brie, brion, brienne, sont des variantes ; le brion, près
d'Avranches, est une butte s«ir la baie dn mont Saint-
Michel. Quant aux brow du Nord, c'est sans doute une
métathèse de Mrc, une des formes du burg germanique,
et Brou, Brouenne, Brouay en seraient des variantes.
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- 484 —
Pour les larris c terrains vagues et incultes », j'y verrais
une variante des jarriges ou garigues. Il y a près d'Avran-
ches le mont Jarri, un sol pierreux ; mais les lauresy
Laur, Lauras, Monthur, c'est un autre mot d'origine
grecque ; c'est le v. fr. laure « hameau, habitation
isolée ». Les parées du littoral vendéen rappellent le v. fr.
parée c marée », dans Du Gange, parata, littéralement
lais de marée. La choignole ou soignole n'a rien à faire
avec la « cigogne » ; c'est la chainole ou c petite chaîne
d'un puits » . Ensuite les différentes localités de la Soigne,
Sogne, SoignoUes, SognoUes désignent « des terres sou-
mises aij droit seigneurial », dit en v. fr. soignée. Pour
turcie, c'est un mot français ; il n'est donc pas propre aux
habitants du centre de la France.
Si j'ai relevé des erreurs dans ce livre arrivé à sa
seconde édition, c'est pour aider à en préparer une autre
encore, et c'est parce que ces taches étaient peu nom-
breuses en comparaison de la grande quantité de choses
justes qu'il contient. J'exprimerai toutefois un regret,
comme Normand et comme l'auteur d'un ouvrage que
M. Peiffer veut bien citer, la Philologie topographique de
la Normandie : c'^est qu'il ne l'ait pas mise davantage à
contribution et qu'il n'ait pas pris à notre province, si
remarquable sous ce rapport,^ une multitude de noms
topographiques. Je regrette qu'il n'ait pas connu nos
Scandinaves en Normandie^ où cette veine a été plus
étudiée et qui forment un mémoire dans le Recueil de la
Société des antiquaires normands. Où sont nos boels (enclos),
nos coites et cotins, nos diepes (vallées), nos ey (îles), nos
fieuvs (représentant les fiords Scandinaves), nos gattes
(portes et passages étroits), nos ham (d'où hameau), nos
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•-185 —
innombrables hogues^ hougues^ hoguelles (hauteurs au bord
des eaux), nos houles (creux, cavités à la surface du sol),
nos holm (îles et presqu'îles de rivières), nos thorp (village)
et thourp, nos vie, \es vîks Scandinaves (criques et baies);
nos tuit, risl. thwaitte (pièce de terre isolée) ; nos si
nombreux diks, d'où le français a tiré « digue, > fossé,
retranchement^ etc.?
Le livre de M. Peififer est à la fois un ouvrage dé
savant et un œuvre de militaire. Il fait honneur à l'armée,
qui compte un grand nombre d'hommes instruits. Il
apprend à lire les cartes avec intérêt, avec profit pour les
conducteurs de troupe. Il montre les nombreux rapports
qui existent entre la philologie et l'art militaire. Les
noms topographiques ont une valeur qu'on ne peut
méconnaître. Quand le chef de troupe lit sur la carte les
noms de hogue, de menès^ de suc, de jou, il sait qu'il y a
là des points naturellement fortifiés et des postes d'obser-
vation. Quand un chef de cavalerie y trouve les termes
garrigue et noe, il comprend que le premier n'offre qu'une
faible nourriture pour les cîievaux, et que le second lui
en promet une abondante.
Edouard Le Hérigher.
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— 186
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
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dium der lautlehre der indogerm. sprachen. In-8, x-143 p. Leipzig,
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porum typis, primus éd. et explicayit, comment, criticos adjecit
Digitized by LjOOQIC
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glossarium comporativum Pakso-Persicutn subjumdt Dr. Gajet
Kosso^cz. Grand iii-8. Saint-Pétersbourg, 1873.
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. A. DURBAU.
•>»*«<-
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REVUE
DE
LINGUISTIQUE
PHILOLOGIE COMPARÉE
RECUEIL TRIMESTRIEL
PUBLIÉ PAR
M. GIRARD DE RIALLE
'AVBG LE CONCOURS DB
MM. EMILE PICOT ET JULIEN VINSON
ET LA COLLABORATION DE DIVERS SAVANTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
TOME DIXIÈME
Fascicules 3 et 4 — Novembre et Décembre 1877
PARIS
MAISONNEUVE ET Ci«, LIBRAIRES - ÉDITEURS
25, QUAI VOLTAIRE
1878
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ORLÉANS, IMP. DE 0. JACOB» CLOITRE SAINT-ÉTIENNE, 4.
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SPÉCIMENS
»■
VARIÉTÉS DIALECTALES BASQUES
III
Le prince L.-L. Bonaparte a bien voulu, dans sa bro-
chure Sur le basque de Fontarabie, (Tlrun, etc, (Paris,
E. Leroux, 1877^ 47 p. in-S®), examiner les deux spéci-
mens que j^ai déjà publiés dans cette Revue, Celui du
basque d'Ustarîtz lui semble à peu près irréprochable,
mais celui du basque de Fontarabîe a donné lieu de sa
pari à de nombreuses observations et corrections. Je ne
puis que m'inclîner avec reconnaissance devant ces obser-
vations : en matière de fait linguistique basque, Tauto-
rite du prince Bonaparte est, sans contredit, générale-
ment indiscutable, et autant je me permets de discuter et
de critiquer ses théories ou de défendre les miennes
contre ses appréciations, autant j*accepte volontiers ses
décisions quand il s'agit de faits matériels.
Les principales erreurs relevées par le prince Bonaparte
à la charge de mon traducteur fontarabiais sont les sui-
vantes : 1® omission de l'indication des changements
euphoniques amenés par la suffixation déclînative (il aurait
fallu, par exemple, zubela et non zuela, arestiyan et non
arestiariy tiyoten et non zioten, biar et non bear, aldian
et non aldean^ asmuakin et non asmoakin^ abatik et non
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— 196 -
auaiiky etc.) ; 2® emploi de mots ou de formes impropres
(il aurait fallu, par exemple, iguzkiya et non eguskiya,
ejiptotik et non ejiptokoa{v. 15), ontako et non onen(y. 16),
Raman et non Ramaanen (v, 18), erri et non uri (v. 23) ;
de plus, au verset 10, poz aurait mieux valu que atsegin) ;
3® confusion de formes verbales (il aurait fallu ziyen « il
l'avait à eux > et non zilien « il les avait à eux », au
verset 4; etzara et non etzera au verset 6; zitzayen € il
était à eux 5 et non zitzazkiym € ils étaient à eux >, au
verset 7 ; duzute et non ckztite au verset 8 ; enfin aux
versets 9 et 16 on a mis à tort baitzen et baitzuen: les
formes causatives ne sont pas employées à Irun et à
Fontarabie). Pour plus de détails, le lecteur voudra bien
se reporter à la brochure même du prince Bonaparte.
Le dialecte d'Ustaritz est le bas-navarrais occidental,
mais le spécimen qu'on va lire appartient à la variété
de Bardos du bas-navarrais oriental. Ce dialecte com-
prend, suivant le prince L.-L. Bonaparte, les variétés :
I. CizO'Mixaine, subdivisée en cizain, mixain, bardosien,
arberouan ; II. De VAdouVy dont les deux sous-^variétés
sont parlées à Urcuit et àBriscous; III. Salazaraise, dans
la vallée espagnole de Salazar. Le bardosien, d'après les
cartes linguistiques du même savant, est usité, à la limite
d'ailleurs du basque vers Bidache, dans le petit triangle
compris entre la commune de Bardos et les points connus
sous les noms de Lassarrade et Bargain.
La grande caractéristique du bas-navarrais oriental est
l'emploi général, dans le langage courant, du traitement
respectueux correspondant à l'indéfini des autres dia-
lectes. On sait que cette forme est dérivée par Tinter-
calation de zu « vous > ; par exemple diakozu « il l'a à
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— 497 —
lui, ô vous >, pour dako c il l'a à lui >. Elle est connt^e
aussi en souletin, mais son emploi y est beaucoup plus res-
treint. Elle ne sert d'ailleurs ni dans les phrases interroga-
tives, ni dans les phrases relatives, ni dans les incidentes,
et n'est pas dérivée de l'impératif ou du fconjonctif.
Le spécimen ci-après représente la variété cizo-mixaine
de Bardos. C'est encore une traduction du chapitre II de
l'évangile de Mathieu ; elle a été faite à ma prière, d'après
le texte latin de la Vulgate, le 7 juin 1871, par M. B.
Celhabe, notaire à Bardos. L'orthographe est la même que
dans les spécimens précédents ; j'ai donné en note, comme
pour le spécimen d'Ustaritz, le corrigé pour ainsi dire, la
forme littéraire pure de toute abréviation, contraction ou
modification euphonique.
1. Beaz sorthû unduen Yesus Betheleme Yûdeakueny
Heodes erregiam eunetariy hunà Mauak yinak ekhi-soral-
detik Yeûsalemeaty
€ Donc, après né Jésus dans Bethléem de Juda, dans
les jours du roi Hérode, voici les Mages venus du côté où
naît le soleil à Jérusalem,
2. Erranez: « Nun da sorthû den Yudiuen erregia?
Ezik ham izarra ikhusi diûzû argi-aldien eta yin gilûlzû
haen adoatzeat ».
€ En disant : € Où est le roi des Juifs qui est né ? .car
« nous avons vu son étoile du côté de la lumière, et nous
« sommes venus l'adorer ».
1 . Beraz sorthû ondoan Yesûs Betheleme Yudeakuen, Herodes erre-
gearen egunetan, huna Magoak yinak ekhi-sor-aldetik Yerûsalemerat,
2. Erranez: < Nun da sorthû den Yûdioen erregôa? Ezik haren
izarra ikhusi digûzû (dûgû) argi-aldean eta yin gitûtzû (gire) haren
adoratzerat >.
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— 198 —
3. Bana fwi entzûtien, Heodes erregia trublatû zuzùn,
eta YeûsaUme oro hadiin.
a Mais, ea entendant cela, le roi Uérode s'était troublé
et tout Jérusalem avec lui.
A. Eta elgarreatuU bildûz aphez handiak oo eta poptc-
lûko iskiibanlaky galdein ziakozim heyer zer*idohien zaolaik,
nun sorthû behar-tzai Kristo.
€ Et réunissant vers Tun et l'autre les grands prêtres
tous et les écrivains du peuple, il l'avait demandé à eux dans
quel endroit il demeurait où était besoin de naître Christ.
5. Alla bada^ hek erran ziakozim : « Betheleme Yud^-
kuen, ezik kunla izkiibatû beiiû Profetak:
u Mais alors, ceux*li lui avaient dit : c A Bethléem de
« Judée, puisque ainsi l'a écrit le Prophète :
6. « Eta hi, Betheleme, Yûdeako herria, ehiz seurrik
nihuntikee Yûdeako herri printzipaletan tcharrenay ezik
hitaik yalgiko 'uk eue Iseraeleko popûlia goomatù behar
dien aitzindaria >.
f Et toi, Bethléem, pays de Judée, tu n'es pas sûrement
« de nulle part même le plus médiocre parmi les pays de
« Judée, car de loi tu as pour sortir le chef qui a besoin
« de gouverner mon peuple d'Israël ».
3. Bana hori entzûtean Herodes erregea trublalû zûzûn (zen) eta
Yerûsaleme oro hare kin.
4. Ëla elgarren-ganat bildûs aphez handiak oro eta popûlûko iskiri-
banlak, gaidegin ziakozien (zakoten) heyer zer-idokien zagolarik nun
sorlhû behar zen Kristo.
5. Alla bada, hek erran ziakozien (zakoten) : c Betheleme Yûdea-
koan, ezik hunia izkiribalû beiiû Profetak :
6. c Eta hi Betheleme, Yûdeako herria, ehiz segûrrik nihuntik-ere
Yûdeako herri piintzif)aletan charrena, ezik hitarik yalgiko duk ene
Iseraeleko popûlia gobornatû behar duen aitzindaria >.
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— 199 —
7. Ordien Heodesek segeetien bereanat deithûik errege-
mauaky artha handiekin hetaïk athamendatû zùzùn zer
demboètan an agertû zakoteii izarra.
([ Alors Hérode, ayant appelé en secret vers soi les rois
mages, leur avait demandé aveo grand soin à quel temps
leur avait apparu l'étoile.
8. Eta igorten zitielaik Bethelemeat^ erran ziàkozien:
« Zuaztôy eta untsa athamenda ziezte haurraz, eta edieni
duJœzienien yakin-eeZ'Zaazielf amookatik ni ee yuan nain
haen adoatzeat ».
€ Et les envoyant à Bethléem^ il leur avait dit : « Allez
(n et informez-vous bien de l'enfant, et quand vous l'aurez
<c trouvé, faite8-4e-moi savoir^ pour que moi aussi j'aille
« l'adorer. »
9. Mauak erregeen hitzaen ganen abiaiû zûttûn,
eta hif,na ekhi-aldimi ikhusi zûlen izarra aitzinien
duakotela^ gelditû arte arribatzien haurra zen lekhiaan
ganen.
€ Les Mages s'éloignaient £ur la parole du roi, et voioi
que l'étoile qu'ils avaient vue du côté du soleil leur va
devant, jusqu'à s'arrêter en arrivant sur le lieu où était
l'enfknt >.
7. Orduan Herodesek segeretûan bereganat deithûrik errege-maguak
artha handirekin athameadatû zûzûq (zeo) zer demboretan agerlû
zakoteD izarra.
8 Eta igorten zitielarik Bethelemer^t, erran ziàkozien (zakoten) :
c Zoazte, eta untsa athamenda zitezte haurraz, eta ediren dukezie*
nean yakin-erez zadaziet, amorukalik ni ère yuan nadin haren adora-
tzerat ».
9. Magoak erregeren hilzaren ganean abiatû zûtzûa (zireD)^ eta huna
ekhi-alde;)n ikhusi zûien izarra aiiziuerat duakotela, gelditû arte arri-
batzean haurra zen lekkuaren ganean.
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— 200 —
10. Bada, ikhusiz izarra^ bozkariatû zûtzûn eta sarthû
laria handienien.
f Mais, en voyant Vèloile, ils s'étaient réjouis et entrés
dans un plaisir des plus grands.
11 . Eta atharbien sartziaekin, hatzeman zizien haurra
Maria bee amaekin eta ahuspez yarriz adoatûy eta idokiik
bee tresoraky présent ein ziazkotzien ûrhia, insentsia eta
mirrha.
€ Et, avec l'entrer dans la grotte, ils avaient trouvé
l'eïifant avec sa mère Marie, et l'avaient adoré se mettant
la face en bas, et, ouvrant leurs trésors, ils lui offirirent
l'or, l'encens et la rairrhe.
12. Eta lotan abertitiak etziten berriz Heodeseanat yuan,
beze bide batetik ûtzûli zûtzûn bee herrietaat.
€ Et avertis en sommeil qu'ils n'allassent pas de nouveau
chez Hérode, ils étaient revenus à leurs pays par un autre
chemin ».
13. Mauak erretiatû zienien, Yaunaen aingûria agertû
ziakozûn lotan Yosepi erranez : « Yeki zite, eta har zuekin
haurra eta haen ama eta laster eizû Ejiptoat eta zaude
10. Bada, ikhusiz izarra, bozkariatû zûtzûn (ziren) eta sarthû loria
handienean.
11. Eta atharhean sartzearekiii, hatzeman zizien (zuten) haurra
Maria hère amarekin eta ahuspez yarriz 'adoratû, eta idokirik bere
tresorak présent e|;in ziazkotzien (zazkoten) ûrhea, insentsia eta
mirrha.
12. Eta lotan abertituak etziten berriz Herodesen ganat yuan, beze
bide batetik ûtzûli zûtzûn (ziren) bere herrietarat.
13. Nagoak erretiratû zirenean, Yaunaren aingurûa agertû zia-
kozûn (zakon) lotan Yosepi erranez : c Yeki zite, eta har zurekin
haurra eta haren am'a eta laster egizû Ejiptorat eta zaude han hik
erran arte, zeren Herodesek chekhatûko beitû haurra haren gai-
erezteko.
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— 201 —
han nik erran arte; zeen Heodesek chekhatûko beitû haurra
haen galeézteko ».
« Quand les Mages s'étaient retirés, Tange du Seigneur
avait apparu en sommeil à Joseph en disant : c Levez-
€ vous, et prenez avec vous l'enfant et sa mère, et faites
€ vite vers l'Egypte, et demeurez là jusqu'à ce que je
€ dise ; parce que Hérode cherchera l'enfant pour le faire
€ perdre ».
14. Yosep, yekiik gau-minien^ havtûik haurra età ama,
yuan zûzûn Ejiptua behera,
« Joseph, s'étant levé dans la nuit profonde, ayant pris
l'enfant et la mère, alla en bas vers l'Egypte,
15. Eta eun Heodes ftil artino, bethe zaïntzat Yaunak
errana bee Profetaz : « Ejiptotik yin-eezi Hzii eue semia ».
€ Et demeura jusqu'à ce qu'Hérode mourût, pour que
s'accomplît ce qu'a dit le Seigneur par çon prophète :
f J'ai fait venir mon fils d'Egypte ».
16. Heodesek, ikhusiz Mauek trumpatû zûtela, samûrtia
koleran hiUeezi zttzin Bethelemen eta hango ûngurietan zien
bi urthetaïk beheiti Mauak intorroatû zitien demboraadioko
haurrak oo.
€ Hérode, voyant que les Mages l'avaient trompé, fâché
en colère, avait fait mourir tous les enfants qui étaient à
Bethléem et dans les environs de là, au-dessous de. deux
14. Yosep, yekiik gau-mineao, hartûrik haurra eta ama, yuan
zûzûn (zen) Ejiptora behera,
15. Eta egon Herodes hil artino, bethe zadintzat Yaunak errana bere
Profetaz : c Ejiptotik yin-erezi dizit (duf) ene semea ».
16. Herodesek, ikhusiz Magoek trumpatû zûtela, samûrlûa koleran
hil-erezi zitzin (zitûen) Bethelemen eta hango ûnguruetan ziren bi
urthetarik beheiti Magoak intorrogatû zilûen demboraradinoko haur-
rak oro.
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— 202 —
ans» suivant la durée du temps où il avait interrogé les
Mages ».
47. Ordien kumplitû %ûzûn Yeremiaz Profetak zioiia:
€ Alors s'était accompli ce qu'avait dit le prophète
Jérémie :
18. « Oikû herable 'al entzûn zûziin Ruman, nigar
marraska eta leyhader anhitz : Racket dolamenetan bere
haurrem dolûz eta ezin kunsàla gehiao eztielakuen >.
4L Un cri effroyable a été entendu dans Rama, des
a pleurs sanglotants et des gémissements beaucoup :
< Rachel (est) dans les désolations par le deuil de seâ
« enfants, et elle ne peut se consoler parce qu'ils ne sont
« plus »*
19. Bana hil zenien HeodeSj Yaunaen aingùria agertû
ziakozun Yosepi Ejiptuen loiàik, erranez :
€ Mais quand était mort Hérode, l'ange du Seigneur
avait apparu à Joseph en Egypte par sommeil, en
disant :
20. f Yeki zite, eta har hatirra eta haen ama, eta zuaze
Iseraeleko herriaty hil beitie hawn^ai Bizia kheiidû nahi
zakotenak ». .
f Levez- vous, et prenez l'enfant et sa mère, et allez
f vers le pays d'Israël, parce que sont morts ceux qui
« voulaient ôter la vie à l'enfant ».
17. Orduan kumplitû zmûa (zen) YeremiaB Profetak ziona :
18. e Oihii herable bat eutzûQ zûzûq liamaD, nigar marraska eta
leyhadar anhiiz : Rachel dulatnenelun bere haurren doiûz eta ezia
kuusola gehiago eztireiakoaa ».
19. Baua iiii zenean llerodes, Yaunaren aingùria ager(û ziakozûa
(zakou) Yusepi Ëjipiuaa loturik, errau^z :
"i^. t Yfki ziie, eta har haurrâ eta haren ama, eta zoaze Iseraeleko
henirat, hil beiiire haurrari bizia kheudû nahi zakoienak » .
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— 203 ^
21. Yûsepek béez yeki eta, hartû zitzin haurra eia haen
ama ; eta yin zùzûn Iseraeleko alderdiaL
c< Joseph donc, après s'être levé, avait pris l'enfant et
sa mère, et était arrivé au côté d'Israël.
22. Bana yakinik Arkelaûs errege zela Yûdean bee aita
Heodesen olde, haat yuaitiaz lotsatû zûzûn^ eta lotan aber^
titia czkartatû Galile aldeal.
a Mais ayant su qu'Archélaûs était roi en Judée à la
place de son père Hérode, il avait craint d'aller là et
en sommeil averti s'était écarté du côté de Galilée.
23. Eta arribatû zenien Nazarethe deithia den hiriat,
han gelditû zûzûn amookatik eta bethe zaïn Profetak
errana: « zeen Nazaretharra deithia izaen beita ».
a Et quand il était arrivé à la ville qui est appelée
Nazareth, il s'y était arrêté afin que fût accompli ce
qu'avait dit le Prophète : « Parce qu'il sera appelé Naza-
€ réen ».
VARUNTES.
4. Nun sorthûko zen, où serait né.
i 1 . Kkausitû zizieti Itaurra, ils avaient rencontré l'en-
fant.*
21. Yosepek beraz yeki eta, hariû zitzin (zitûen) haurra eta haren
ama, eta yic zùzûn (zen) Israeleko alderdirat.
22. Baoa yakiuik Arkelaûs errege zela Yûdean bere aita Herodesen
olde, harai yoaiteaz lotsaiû zûzûo, eta lotan aberlilua ezkartaiûx Galile
aiderai.
23. Eta arribatû zeoeaa Nazarethe deithia den hirirat, han gelditû
zûzûo (zen), amorokatik eta, bethe zadin Profetak erraua, Nazaretharra
deithua izaoeu beita.
4. Nun sorihûko zen.
11. Khausitû zizien (zuten) haurra.
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iO. Alegeatû zûtzûn eta sarthû bozkalentzian, ils étaient
réjouis et (étaient) entrés dans l'allégresse.
18. Gehiao eztielakotZy parce qu'ils ne sont plus.
NOTES ET OBSERVATIONS.
ï. Euphonie. — Passim : suppression de r doux,
g y d, b, entre deux voyelles ; hei des causatifs verbaux
(lab. hai).
Versets 1, xmàuen ; % ?mn; 6, nihuntik ; 18, kxinsola:
u pour 0, sous l'influence du n.
\, undxxen; 5, yùdeakuen ; 19, ejiptuen et 2, aldien;
3, entzûtien ; 9, 17, ordien ; 9, segeret'ien , 13, zienien ;
14, gfaw-mmien; 19, zmien ; 22j lekhien : um pour oan,
t'en pour ^an^ ien pour iian. H y a eu ici un double
changement causé par l'influence réciproque des voyelles :
0, e, ûy sont devenues naturellement w, i, i devant a;
puis agissant à leur tour sur cet a, elles l'ont affaibli en
e. Dans la variété de Bardos, toutefois, le second phé-
nomène a été manifestement déterminé par la présence
du n terminal, car les nominatifs sont en ia et ua^ les
génitifs en iareUj imren, etc. Aux génitifs, le r tombe,
mais l'a et e de aren^ mis en contact, persistent et ne
donnent pas ain comme à Sare. On a pourtant aussi
comme à Ustaritz aan pour aen^ par exemple amaan haiirra
« l'enfant de la mère » .
5, hunla : contact de n et l, sans voyelle épenthétique
de liaison.
10. Alegeratû zûtzûn (ziren) eta sarthû bozkalentzean.
18. Gehiago eztirelakotz.
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— 205 —
6^ ehiz, de ez c non > et hiz c tu es » : chute de z
devant l'aspiration initiale.
6, nihuntik: persistance de l'explosive dure après la
nasale, sans intercalation d'une voyelle euphonique.
6, goomalû pour gobeniatu; 8, amookatik pour amo-
rekatik; 16, intorroatu pour inierrogatu. — Dans ces
trois mots empruntés aux langues latines, Yo s'est assimilé
Ye qui le suit ou le précède.
9, gaflen pour ganean. Ici l'influence du n final a été
augmentée de celle du n ; on a eu successivement ganian,
puis ganim, puis ganm, par l'absorption de Tt dans le
mouillement du n palatal.
20, zuaze c alle5> », impératif (zoaz)y avec e final
adventice.
IL Varuntes dialectiques. — 9, idoki c ouvert »
= lab. ideki;^ 10, ûtzûli; 16, ùngûrû; 19, aingûrû
= lab. i^zwfo* € tourner », inguru < entour, environ »,
aingeru « ange > (des dialectes ont aingiru, latin angf^-
/w-m).
13, yeki « levé » = lab. yeiki, etc. (Chute du second
élément de la diphtongue.)
18, leihadar = lab. deihadar « cri d'alarme ». La per-
mutation de d en 2 est à remarquer.
20, ziie; 12, etziten; 2, gitûtzû = lab. zaite, eizaiien,
gaitutzu. Voyelles non gunées.
22, bana « mais y> = lab. hainan^ gip. banmiy bise.
bano, souL 6^na, etc.
o/(fe = orde « rang, place » (roman), avec / pr. r.
III. Grammaire. — 2, ezik diûzû ; 3, mft ...dw/û « car
nous l'avons, ô vous; car tu l'as, ô m. » ; 5, ezik ...beitû
f puisque il Ta » ; 13, zeren .,,beitû « parce que il l'a >;
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— 206 —
20, beitie « parce qu'ils sont ». — Le causatif seul rend
e parce que >, spécialement exprimé par zerm ; ezik traduit
« car 1 avec la forme simple et « puisque » avec le causatif.
4, heyer €k eux ». Les datife pluriels en er caracté-
risent te bas-navarrais et le souletîn (1). La forme pleine
en en, gizoneri c aux hommes », est employée, par
exemple, à Saint-Jean-de-Luz ; en labourdin général, on dit
gizoneif en supprimant 1er; en souletin, on a au contraire
gardé le r euphonique; mais Viy signe du datif, est tombé.
4, var. non sorthûko «en « où naîtrait», litt. «où était
pour naître », conditionnel futur périphraslique.'
13, lotaUf locatif indéfini, a en sommeil » ; 49, lotarik
€ par sommeil », autre forme indéfinie ; les définis cor-
respondants sont loan (à Bardos luen), lolik.
13, arte et 15, artino « jusqu'à ce que > : arte est
proprement < intervalle » ; artino, c'est arte + no € jus-
qu'à », avec changement de e en i devant n; la seconde
expression est donc périphrastique.
15, zaintzat; 23, zain « pour qu'il fût » (avec un verbe
neutre). Le tzat « pour » est généralement iniisilé, et le
conjonctif s'emploie seul.
18, eztielahuen (eztiretakoan) ou eztielakotz (eztirelakotz) :
formes composées de eztire « ils ne sont pas » avec la
(1) Dans le petit vocabulaire comparatif labMirdiBO-soiileti», tpgâ e^
joinl (aimexes, f. d iv) à sa tradactioa du Nouveau-îesidineBi (La
Rochelle, 1571, in-S»), Liçarrague constate que les (Jalifs pluriels eu
er sont spéciaux à la Soûle et aux régions qui y confinent. 11 a lui-
même employé ces datifs en er dans Téditioii petit format des prières
et dîi catéchisme de Calvin, datée aussi de 1571, et doot il n'a sur-
vécu que deux exemplaires : Fun, qui faisait partie de la collection
Burgaud des Marêts, a élé vendu 900 fr. le 16 mail873; le second
est conservé & la bibKothèque de l'Arsenal, à Paris, sous le n<> 6216 T.
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_ 207 —
€ que » + Ao c< pour » + an « dans » ou avec la c que >
+ ko € pour » + z « par i. La première a le sens de
a en raison de ce que » ; la seconde signifie « pour la
raison que ^.
AS y erranez « disant » ; 14, hartûik « ayant pris i^. Les
suffixes z et ik, joints au participe passé, fojrmeat les
gérondifs présent et passé.
IV. Formes verbales. — Voici la liste complète, par
ordre alphabétique, de ces formes :
VERBES AUXILIAIRES.
beiiie, c'^parce qu'ils sont {dire) ».
beitu^ f parce qu'il Ta ji,
da, c il est ».
den^ c qui est ».
diûzû {diguzu), c nous l'avons, Ô
¥ous respectable >.
dien (dtien), c qui l'a ».
dizit, € je l'ai, 6 vous respec-
table ».
duke^ien^ c vous, pluriel Tavez ».
^Ai^> € tu n'es pas ».
elziten, c pour qu'ils ue... pas ».
(Subj. passé inlr.)
ffiiûtzû, € TOUS respectable avez
nous », c'est-à-dire c nous
sommes ».
navn (nadin), c que je... b. ».
(Sub. prés, intr.)
'uk{duk)y € tu l'as, A h. ».
zaaziet, « ...le à moi, vous pi. ».
(Impér. tr.)
zatn (zadin), « qu'il »... (Subj.
pas. intr.)
zakoten, « il était à eux ».
zakoten, « ils l'avaient à lui ».
ze^kozieiHj a il l'avait à eux, ô vous
resp. ».
zakozieHy « ils l'avaient à lui, ô
vous resp. ».
zazkotzie», < ils les avaient à lui,
6 vous resp. ».
zela, € qu'il était ».
zen, « il était ».
zen, c qui était ».
ziakozûUy c il était h lui, ô vous
resp. ».
zien, € qui étaient ».
ziezte, c ... vous pi. ». (Impér.
intr.)
zite, € ...vous ». (Tmpér. intr.)
zittelaik, c pendant qn'il les avait ».
zUiei^ « (les), ...qu'il avait ».
zitzin, € il les avait, 6 vous resp. »*
(zitien.)
zizien^ih l'avaient, ô vous resp.» .
zûten f (le), ... qu'ils avaiwit ».
zuziin, € vous l'aviez, ô vous
resp. », c'est-à-dire c il était ».
ziUzûn , € vous les aviez , ô
vous resp. », c'est-à-dire c ils
étaient ».
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^08
VERBES DIVERS.
duakofela, c qu'il va à eux. »
eizû (egizû)j t faites-le, vous
resp. *
zaozun (zagoziin), c il demeu-
rait, 6 vous resp. »
zaude (zagodé), c demeurez, vous
pi.»
ziona^ c ce qu'il disait. *
zoaze, c allez. >
zuazte, < allez, vous pi. >
VI. Mots a signaler. — 4, yin « venu », spécial aux
dialectes navarrais.
Ekhi « soleil », bas-nav. et*soul.
3, 4, 16, oro « tout », bas-nav., souL, gip.
7, 8, athamenda, dérivé de demandare.
8, erfiren « trouvé », bas-nav., soûl. (Liçarrague, en
1571, écrivait erideti,)
9, ahuspez = lab. ahuzpez = gip. auzpez, de aho-z-pe-z
« bouche-par-en-bas, dessous-par », proprement « la face
inclinée ».
ib^ me € de moi », génitif irrégulier de, ni, propre
aux dialectes français. (Le datif eni est soûl, et bas-nav.)
11, atharbe = lab. aterpe = dial. atherpe^ atherbe^
dérivé par pe « dessous », de ateri, atheri a temps sec et
beau », selon Van Eys. Ne serait-ce pas plutôt de atal,
athal « porte », avec r pour If Le sens est c abri,
refuge ». Liçarrague dit atharbe pean m sous l'abri » (1).
(1) Cf. Luc, VII, 6-7 : c lesus bada ioan cedin hequin. Bada ia
etchetic urrun handi etzela, Centenerac igor citzan adisquideac haren-
gaua, ciotsala, launa, ezadila neka : ecen eznauc digne eue atharbe
pean sar adin. — Halacotz. neure buruâ-ere eztiat digue estimatu
hiregana ethorteco : baina errac bitza, eta sendaturen baita. ene
muthilla.
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— 209 —
20, alderdiy de aide « côté » et erdi « moitié ».
22, lotsatû est plutôt c avoir iionte » ; izitu c avoir
peur » ; beldurtu « craindre », etc.
Bayonne, le 4 septembre 1877.
Julien ViNsoN.
U
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LES ÉTUDES BASQUES
ET LA CRITIQUE
Depuis quelques années, la langue basque a été l'objet
d'un assez grand nombre de publications, sinon excel-
lentes, du moins généralement méthodiques, inspirées
par un esprit scientifique véritable, œuvres en tout cas
de bonne foi, comme dirait Montaigne. Je ne rappellerai
point les tilres de ces livres, de ces brochures, de ces
articles ; je ne voudrais m' occuper que des études cri-
tiques publiées à l'occasion de ces écrits, principalement
par le prince Louis-Lucieji Bonaparte, dans le journal
VAcademy de Londres, dans la Revue de philologie et
'd'ethnographie, dans les Actes de la Société philologique
de Paris, dans les Annales de la Corse, ou sous forme de
brochures séparées. Il me parait même suffisant de
restreindre cet examen à deux brochures dont voici les
titres :
Remarques sur plusieurs assertions de M. Abel Hove-
lacquCy concernant la langue basque, accompagnées d'ob-
servations grammaticales et bibliographiques, par le prince
L.-L. Bonaparte. — Londres, 1876, 23 p. in-S®;
Remarquas sur certaines notes, certaines observations et
certaines corrections dont M* J. Vinson a accompagné
l'essai sur la langue basque par F. Ribâry, par le prince
L.-L. Bonaparte. — Londres, 1877, 65 p. ih-8<>.
Ces deux brochures sont extrêmement intéressantes^ et^
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— 211 —
comme dans toutes les publications du prince Bonaparte,
le lecteur, Tétudiant basque, si j'ose m' exprimer ainsi, y
trouvera un grand nombre de détails et de faits nouveaux.
Dans) la première^ on remarquera surtout les passages
relatifs à la déclinaison basque primitive et à la conju-
gaison du verbe basque au XVI» siècle. Dans la seconde,
on lira avec intérêt une note (p. 25) établissant la pro-
nonciation dure du c et du ^ latin, à l'époque où les
Basques ont emprunté aux Romains un grand nombre de
mots. Ils ont transcrit c et gr par les explosives dures :
pake (pacem), pike (picem), lege (legem), errege (regem), etc.
J'avais déjà signalé ce fait, il y a neuf ans> dans la Revm
de linguistique {L II, 1868, p. 49).
Quant à leur partie purement critique, ces deux bro-
chures se confondent et me concernent presque exclusi-
vement, car M. Hovelacque, dans sa Linguistique) n'a
pas émis beaucoup d'opinions, beaucoup d'appréciations
qui ne soient miennes ou que je ne partage entièrement.
il pourra paraître singulier que je rende compte d'une
brochure qui m'intéresse directement; mais ceux qui
l'auront sous les yeux n^en seront point surpris, je l'espère.
Le ton général de cette brochure facilite beaucoup ma
tâche, car je ne puis suivre mon savant adversaire sur le
terrain où il lui a plu de se placer. Que puis-je répondre
au reproche « d'orgueil et d'envie î>, et que veut-on que
je dise alors qu'on vient avec fracas «r châtier le manque
de modestie, le ton dogmatique et certaines insinuations
qu'un simple amateur s'est trop souvent permises en par-
lant d'auteurs très-respectables par leurs connaissances
linguistiques »? Je dois seulement expliquer ce qu'est la
brochure du prince Bonaparte, montrer comment peuvent
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— 212 —
se classer ses griefs ou ses objections, faire voir enfin
que la plus grande partie de ces remarques portent à
faux ou sont tout à fait inadmissibles, le dissenti-
ment signalé provenant principalement d'une question de
méthode.
J'ai fait paraître à la librairie Franck, vers la fin de
Tannée dernière, une traduction en français d'un travail
sur la langue basque publié en 1866 dans un journal
scientifique hongrois et dont l'auteur était M. Fr. Ribâry,
professeur à l'Université de Pest. J'ai accompagné cette
publication d'un avant-propos, de notes complémentaires
et d'une notice bibliographique ; c'est sur ces diverses
parties du volume que portent les remarques du prince
Bonaparte. Elles se répartissent en quatre catégories,
celles qui ont rapport à des sujets étrangers à la linguis-
tique et celles au contraire qui traitent de questions inté-
ressant cette science ; ces dernières sont relatives, soit au
prince Bonaparte lui-même et à ses ouvrages, soit à des
erreurs de fait, soit à des erreurs d'appréciation commises
par moi.
Les points étrangers à la linguistique ne sont pas très-
nombreux. Le prince Bonaparte m'accuse (p. 4) de refuser
à M. Ribâry le titre de linguiste, tout en donnant à son
ouvrage les plus grands éloges. Ce reproche est-il bien
sérieux? Si j'ai dit que le livre dont il s'agit n'est pas
l'œuvre d'un linguiste, c'est que M. Ribâry lui-même
m'avait écrit qu'il ne prétendait point à ce titre et qu'il
s'occupait seulement et principalement d'histoire ; je ren-
voie du reste le lecteur à la p. vij de mon avant-propos.
— Le prince Bonaparte me fait un grief énorme de ce
que j'ai employé des mots t inconvenants » (p. 56) ou
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— 213 —
€ malhonnêtes % (p. 60) dans une traduction biblique (1);
il me blâme même (p. 58) d'avoir remplacé par un c etc. »
un passage répété dans un texte biblique. Je laisse le
public juge de la valeur et de la portée de ces critiqués.
— Je suis appelé (p. 41-13) « ennemi » des Basques,
parce que j'ai constaté l'ignorance relative de ces popula-
tions, au milieu desquelles j'habite depuis plus de dix
années et dont je n'ai jamais méconnu les qualités natives.
Mais les faits sont là. M. Soulice, bibliothécaire de la ville
de Pau, a publié, en 1873, une Statistique de l'ignorance
dans le département des Basses-Pyrénées (Pau, imp. Vero-
nèse, 15 p. et une carte teintée). Ce travail, établi avec
le plus grand soin sur les données du recensement de
1872, montre que les cantons basques du département
sont ceux où se rencontrent le plus d'illettrés ; le nombre
varie de 72,01 à 52,80 p. 0/0 pour les hommes, et de
76,72 à 64,06 pour les femmes. La moyenne générale du
département est bien de 39 p. 0/0, mais ce chiffre est dû
à la partie béarnaise» où la proportion est inverse à
celle du pays basque. Sur les cartes teintées qui accom-
pagnent le mémoire de M. Soulice, le pays basque pré-
sente aux yeux des lecteurs un massif obscur au milieu
duquel se détachent les doux cantons de Bayonne. Et
quand on vient parler à ce propos de c certaines idées »,
que conclure de là? Seulement que ces] idées se répan-
dent là où l'ignorance est la moins grande ; il me suffit de
constater ce fait.
Les griefs personnels au prince Bonaparte nécessitent
(1) Il s'agit des v. 15 et 30 du chap. XV de saint Luc, où se trouvent
les mots xo'po* et nôpvat. Liçarrague les a rendus par urdec et putac,
que j'ai traduits c cochons » et c putains ».
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— 214 —
quelques eiplicâtions de ma part. Ces griefs son! de trois
sortes : j'ai implicitemenl ou indireclement compris ses
ouvrages parmi ceux que je traite de mauvais ou de défec-
tueux (p. 3-4, 47) ; je l'ai cité inexactement ou du moins
en rendant impossible la distinction entre ses opinions et
les miennes (p. 13) ; enfin je lui ai emprunté quelques-
unes de ses découvertes sans le nommer (p. 45). Le pre-
mier reproche n'est pas fondé ; il n'est pas exact que la
brochure du prince Bonaparte sur le basque et le finnois
soit citée par M. Ribâry comme un des livres dont il s'est
le plus servi : cette brochure ne traite d'ailleurs que de
quatre points particuliers dans la grammaire basque ; j'ai
eu surtout en vue les grammaires de Larramendi et de
Lardizabal, qui ont presque partout servi de guide aa
savant hongrois ; ces deux livres sont évidemment, au
point de vue méthodique et au point de vue de la science
moderne, des ouvrages insuffisants. J'ai eu assez d'occa-
sions de parler des écrits du prince Bonaparte pour que
mes appréciations ne puissent faire doute. Je crois avoir
toujours r^ndu au prince Bonaparte la justice qui lui est
due. Je n'ai jamais çié la haute valeur et l'importance
capitale de ses publications ; j'ai même écrit quelque part,
ce qui est mon opinion sincère, que l'étude scientifique
du basque me paraît sans elles presque absolument impos-
sible, si l'on veut arriver à de bons résultats. Le prince
Btmaparte m'oppose, à propos de son Verbe, le jugement
de M. Sayce : « Ilis magnificent work on the basque verb
bas, it may be said, created the scientiflc philology of ihe
language » ; je n'y contredis point ; j'ai moi-même, avant
M. Sayce, donné aux ouvrages du prince Bonaparte les
épithètes parfaitement méritées de « beaux, admirables,
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— 215 —
magnifiques i, et, si j'ai dit que le livre de M. Ribàry
contenait Fessai d'analyse le plus méthodique dont le
verbe basque ait encore été l'objet, j'étais loin de m'attendra
à ce que cette phrase pût paraître au prince Bonaparte
une offense personnelle. Au surplus, je prétends avoir le
droit de discuter les théories du prince Bonaparte et d'en
édifier d'autres en partant de faits établis par lui. A
propos de ces faits, est-ce sérieusement qu'il me reproche
de m'approprier ses découvertes ? Je lui rappellerai que
j'ai cité textuellement le^passage de son Verbe relatif au
radical de t être >, à la p. 308 du t. Y de la Reouê de
linguistiqucy dans un article de trente pages consacré pré*
cisément à ses dernières grandes pubhcations. Le reproche
de citations inexactes ne me parait pas mieux fondé ; je
m'en rapporte à l'appréciation des lecteurs ; mais, de tous
les auteurs qu'il m'arrive journellement de citer, le prince
Bonaparte est le seul qui ait jamais soulevé un pareil grief.
Quant aux erreurs de fait relevées par le prince Bona-
parte, je ne puis que m'incliner avec reconnaissance. Je
n'ai jamais retusé de convenir de mes erreurs, et j'accorde,
toute autorité à ce point de vue au prince Bonaparte,
ainsi qu'aux grammairiens et aux travailleurs indigènes.
Je n'ai aucune prétention à la connaissance parfaite des
particularités linguistiques de Yesctiorà, et je n'ai jamais
nié la haute compétence du prince Bonaparte. C'est pour-
quoi je déplore qu'il ne multiplie pas davantage ses pré-
cieuses publications, et qu'au lieu de se dépenser en
polémiques ardentes, il ne termine pas son Verbe^ cet
incomparable monument, cette riche mine de faits pré-
cieux, ou qu'il ne nous donne pas plus souvent de ces
intéressantes monographies qu'il excelle à faire et pour
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— 216 —
lesquelles il a réuni des documents uniques et incompa*
râbles. Je compte, à la première occasion, publier un
erratum qui comprendra les rectifications signalées par le
prince Bonaparte, sans oublier la coquille eo pour ei, qui
a échappé à M. Ribâry comme à moi. — J'ai expliqué
pour quelles raisons les publications du prince Bonaparte
ne figurent pas dans ma notice bibliographique ; si les
Dialogos vasco-castellanos y sont mentionnés, c'est que je
n'avais pas vu cet ouvrage et que je m'en suis rapporté
à ce qu'on m'en avait dit. Quant à Poça, c'est un oubli
tout à fait involontaire et que je ne m'explique pas.
Mais si j'admets les corrections d'erreurs matérielles, il
n'en est point de même pour ce que le prince Bonaparte
appelle mes erreurs d'appréciation. Presque toutes ses
observations à cet égard me semblent inadmissibles ; il ne
me parait point qu'il ait démontré l'inexactitude de ma
théorie verbale, par exemple, ni qu'il ait» prouvé la primi-
tivité dès pronoms relatifs en basque, ni qu'il ait fait
voir irréfutablement que le conjonctif n'est pas essentiel-
lement caractérisé par n final, ni qu'il ait confirmé la
théorie étymologique de G. de Humboldt sur la parenté
des Basques et des Ibères (1), etc. Le prince Bonaparte,
(1) La théorie de Humboldt, qui regarde les Basques comme les
habitants primitifs de toute la Péoinsule et de la Gaule méridionale,
est-elle compatible avec l'hypothèse admise par le prince Bonaparte,
qui fait de tous les Basques français actuels des descendants d'immi-
grants espagnols? Pour prouver à M. Luchaire le bien fondé de cette
hypothèse, le prince Bonaparte cite un passage de Bouillet, au mot
Gascogne, où il es^ dit que cette province tire son nom des Vascons on
Basques, c peuple d'Espagne qui, refoulé par les Goths, franchit les
Pyrénées vers l'an 542 ». {Notes sur certaines remarques de M* A.
Luchaire. Londres, 1877, 7 p. in-8.)
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— 217 —
par exemple, croit-il bien décisive la preuve de l'existence
ancienne des Basques en Italie, tirée de l'emploi dans
les dialectes lombards du mot bâita « cabane, maison /,
qu'il rapproche à la fois de l'hébreu HO et de la parti-
cule basque (déclinative locative des noms de personnes)
baitha ? Croit-il suffisante l'affirmation que lo ga basque,
synonyme de hailha, est identique à ca pour casa ita-
lien ? Je ne discute aucun de ces divers points ; il me
serait facile de faire voir combien est peu solide l'opinion
de mon savant adversaire sur les pronoms relatifs, par
exemple : des phrases où ces pronoms sont, suivant lui,
essentiels, les unes contiennent de véritables pronoms
interrogatifs, les autres... les autres étaient inconnues au
basque primitif. Et ce cas n'est pas spécial à Yescuara;
est-ce que l'indo-européen prototype, VIndo germanische
Vrsprache, avait des pronoms relatifs? L'emploi de ces
pronoms suppose une syntaxe déjà compliquée, une cul-
ture morale relativement supérieure, une éducation en
quelque sorte littéraire, ce qui n'est point le cas des
peuples primitifs.
Le prince Bonaparte, qui trouvait étrange que je
m'appuie sur les langues dravidiennes à propos du basque,
se récriera vraisemblablement en me voyant invoquer
l'indo-européen primitif. C'est que là gît la différence
entre son système de travail et le mien. J'ai la prétention
de ne point étudier la langue basque dans un intérêt
pratique, et je n'ai pas à m'attacher scrupuleusement aux
finesses, aux menus détails, à toutes les variétés de la
langue usuelle. Le but que je me propose, c'est l'applica-
tion à l'escuara de la méthode comparative, de la méthode
positive ; c'est d'arriver, par le rapprochement des formes
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— S18 —
dialectales, à reconstituer l'état ancien de la langue anté-
rieur à la formation des dialectes, à retrouver la loi de
la dérivalion, la signification propre et la forme sonore
des suffixes, les lois de la phonétique générale, etc. 11 est
évident qu'à ce point de vue tous les faits de la langue
contemporaine n'ont pas la même valeur, bien qu'il soit
souvent fort délicat de décider si tel phénomène est une
dégradation récente ou un reste des habitudes antiques.
Quant aux idiomes étrangers, l'aide que leur étude peut
apporter est considérable au point de vue morphologique.
Les langues n'étant à mes yeux que des produits spon*-
tanés de l'organisme humain se comportent toutes de la
même façon quant à leurs faits primordiaux, leur devenir^
leurs allures générales ; elles diffèrent seulement par la
valeur des sons significatifs et par le degré de développe-*
ment auquel elles ont été arrêtées.
La méthode du prince Bonaparte est tout autre ; aussi
n'est-il pas surprenant qu'entre nous règne sur beaucoup
de points un profond désaccord. Et je ne puis admettre
ses rectifications tant qu'elles ne portent pas sur des faits
matériels d'où je tire mes conclusions théoriques. Il me
reproche de l'accuser, sans bien me rendre compte de
la valeur des mots, d'être un métaphysicien : à quelle
école philosophique se rattache donc un linguiste qui
donne pour épigraphe à un livre sur le verbe basque la
phrase bien connue : In prindpio erat Verbum f
Au surplus, pour bien montrer que la question est sur-
tout méthodique, je vais reprendre quelques-uns des points
traités par le prince Bonaparte.
Il conteste (p. 7-9) mon assertion sur l'analogie en
basque des noms et des verbes au point de vue morpbo-
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— 249 -
logique. 11 me fftit observer que les noms restent toujours
inaltérés, mais que, dans les verbes, le thème est au
contraire variable. D'accord ; mais quelle est Timportance
de ce phénomène, et que prouve-t-il? Simplement que,
dans les formes des verbes auxiliaires, d'un usage si
fréquent, l'agglutination a été assez forte, l'usure assez
grande, pour produire des contractions, des fusions, des
altérations euphoniques (et non pas organiques) ; ces
altérations sont beaucoup moins sensibles dans tout autre
verbe que dans les deux auxiliaires [« avoir » et « être ».
Mais, puisque je parle du verbe, pourquoi le prince
Bonaparte veut-il que dans les formes attributives, à
régime indirect, les éléments personnels soient au datif?
Pourquoi veut-il que t représente niri dans dit « il l'a à
moi » et que o soit un reste de oiii « à lui t> dans, par
exemple, dio <« il Ta à lui » ? Il faudrait en tout cas le
démontrer. n'est pas un suffixe de aw, sans doute, mais
il peut en être considéré comme une permutation. Si
dans det « je l'ai » et degu <!c nous l'avons ity t ei gu
sont « je » et « nous >, pourquoi dans dit et digu
seraient-ils morphologiquement a à moi, à nous »? Qui
démontrera jamais la réduction de niri à tf
Il est vrai que mon savant adversaire me reproche (p. 29)
de ne pas comprendra la véritable nature du 'verbe
basque. Je la comprends autrement que lui ; je raisonne
mon sentiment, et je ne crois point que le prince Bona-
parte ait prouvé que mon raisonnement est erroné. Je
persiste à regarder comme très-contestable son opinion
sur le [Ȏriphrastisme primitif du verbe basque et sur ce
prétendu verbe unique à sens de « avoir, » composé uni-
quement .de pronoms agglutinés.
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De la différence de méthode viennent naturellement de
grandes divergences dans l'exposé de la conjugaison. Ainsi,
le prince Bonaparte trouve puérile (p. 80) l'importance
que j'attache à conjuguer :
Ire personne sing. d-aki-t, je le sais.
2« — d-aki-k, tu le sais.
3« — d-aki^ il le sait.
Ire personne plur. d-aki-gu, nous le savons.
am ( d-aki-zu, )' ,
2« — \ j 1' i vous le saver.
i d-aki-zuey)
3« — d-aki'te, ils le savent.
Ce procédé est si peu puéril, qu'il montre nettement
l'analogie persistante des formes en gu et de celle en zu,
qu'il révèle clairement le sens primitivement pluriel de
zu et le caractère de dérivation secondaire, pléonastique,
de zuek. Zu aujourd'hui est singulier par le sens, mais
c'était incontestablement jadis le seul pluriel qui est
devenu un singulier honorifique ; c'est pourquoi je crois
devoir traduire zu par « vous d et zuek par « vous pi. ».
C'est également pour bien faire saisir la formation et le
sens des allocutives que je rends diat (gip. dikat) par
« je l'ai, ô homme », ce que le prince Bonaparte trouve
ce choquant d (p. 57). Il m'accuse à ce propos de contra-
diction (p. 26), parce qu'après avoir dit, dans l'avant-
propos, qu'en basque notes (gu) et vous (zu) ne sont pas
les pluriels de je (ni) et tu (ht), j'ai affirmé dans une
note que gu et zu sont les véritables pluriels de ni et hi.
On pouvait comprendre, à la lecture des passages cités,
que dans le premier je parlais de la forme, et dans le
second du sens. Je m'explique : zu est le pluriel de hi
comme vous l'est de toi, et non comme livres l'est de
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— 221 —
livre. Quant au pluriel allocutif irek, fragmentairement
usité à Arratia en Biscaye, son existence, fût-elle géné-
rale, ne prouverait rien contre ma thèse, c'est-à-dire
contre la prinlitivité de zu « vous », et la formation
secondaire de zuek, par l'addition à zu du suffixe ordinaire
de pluralité.
C'est à la p. 75 de ma traduction que se trouve le
passage où M. Ribâry a confondu ki avec le ke aoristique.
A ce propos, le prince Bonaparte dit (p. 43) que je ne
parais pas avoir une idée bien claire de l'aoriste, temps
essentiellement passé. L'aoriste grec est bien un passé,
mais quel est le sens propre du mot aoriste? Évidem-
ment, il signifie « illimité, indéterminé ». C'est dans ce
sens que tous les grammairiens dravidiens ont' appelé
aoristes les futurs vagues, conjecturaux, exprimant à
l'occasion le présent ou le passé, qu'on retrouve dans
toutes les langues du sud de l'Inde. C'est dans ce sen&
que M. J. Menant appelle aoriste le temps assyrien dont
la forme est celle du futur, et qui se traduit généralement
par notre passé. C'est dans ce sens que bien d'autres
linguistes ont employé le mot aoriste.
Le prince Bonaparte veut que f soit primitif en basque ;
les exemples qu'il cite sont des. mots d'emprunt, même
alfer € paresseux j>j qui paraît venir de l'arabe frah
« oisiveté, temps libre, désœuvrement, vacance », avec
l'article al. Je ne nie pas, du reste, que f ne puisse se
rencontrer dans des mots purement euscariens, mais je
crois qu'il n'y représente que l'altération phonétique
d'une autre consonne, vraisemblablement l'explosive la-
biale dure.
Les explications qui précèdent suffiront, je l'espère,
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pour faire saittf la nature da désaccord qui s'est élevé
entre le prince Bonaparte et moi, et les raisons qui
m'autorisent à persister dans mes opinions. Je serais
désolé d'ailleurs qu'on attribuât à ces observations une
autre portée ; j'ai simplement voulu montrer que j'avais
le droit de conserver , sur certains points importants de
la grammaire basque, une manière de voir différente de
celle du prince Bonaparte, quelque précieuses que soient
ses découvertes, quelque profondes que soient ses connais-
sances linguistiques. La vraie science ne reconnaît point
d'autorité iofaillible, et elle n'admet aucune théorie qui
ne résulte de l'observation ou de l'expérience, ou qui
n'ait été vérifiée et démontrée. Nous n'en sommes plus
heureusement aux temps où l'on acceptait sans examen
la parole des maîtres, et, pour nous, le respect n'est en
aucune façon incompatible avec la critique.
Bayonm, le i septembre 1877*
Julien ViNsoN.
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ESQUISSE
d'une
GRAMMAIRE DE LA LANGUE INNOK <*>
ÉTUDIÉS DANS LE DIALECTE DES TGHI6UT DU MAGKENZIE, D*APRiS LA
GRAMMAIRE ET LE VOCABULAIRE TCHIGUT DU R. P. PETITOT (2)
Quelque témérité qu'il puisse y avoir à aborder l'étude
méthodique de la phonétique et de la morphologie d'une
langue d'après l'inspection grammaticale d'un seul des
nombreux dialectes qu'elle a pu former, ce travail devait
être tôt ou tard entrepris pour la langue innok. Il se
passera bien du temps, en effet, jusqu'à ce que nous
possédions, pour chacun des dialectes qui en sont issus,
une grammaire et un vocabulaire semblables à ceux que
le R. P. Petitot a consacrés à Tidiome des Tchiglit du
Mackenzie. J'ai donc pensé qu'il y avait quelque intérêt à
soumettre à l'analyse linguistique, à essayer de présenter
dans un ordre scientifique les précieux documents que
son zèle éclairé nous a procurés. Cette étude nous per-
mettra peut-être de saisir, sinon avec une certitude
(1) Le nom d^Eskiman ti'étant que la corruption d'une appellation
impropre appliquée aux Innoit par les. Algonquins, je crois qu'il est
expédient de lenr rendre le nom par lequeâ ils se désignent eux-
mêmes : Innoit, hommes, au singulier innok.
(2) R. P. Petitot, Vocabulaire français-esquimau^ précédé d'une
notice et d'une' grammaire. (Bibliothèque américaine de M. A. Pinard.)
Paris et San-Francisco, 1876.
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— 224 —
absolue, du moins avec une probabilité satisfaisante, les
linéaments généraux de la langue mère, sans toutefois
nous autoriser dès à présent à la ranger dans aucune des
familles dont la science du langage a reconnu l'existence.
C'est là un point sur lequel j'insiste dès le début. Si •
disposé que je sois, à rencontre de l'opinion émise par le
P. Petitot, à faire des langues hyperboréennes une classe
à part, sans lien avec les familles ouralo-altaïque et
maléo-polynésienne, je me garderai de formuler aucune
conclusion à cet égard, ne pensant pas qu'en l'état pré-
sent de la science une pareille question puisse être utile-
ment disculée. Je me bornerai à signaler, aussi impar-
tialement qu'il me sera possible, chacune des particularités
linguistiques qui seraient de nature à confirmer ou à
infirmer la thèse soutenue par l'auteur à qui j'emprunte les
éléments de ce travail.
'' Section I^e. — Phonétique.
Le matériel phonique de l'innok peut évidemment
différer beaucoup d'un dialecte à l'autre. Je dois donc me
borner ici à étudier les principaux éléments de la phoné-
tique des Tchiglit, indispensable pour la complète intelli-
gence de la morphologie.
§ 1er. _ Voyelles.
Les voyelles de Tinnok sont au nombre de dix, savoir ;
sept simples et trois nasales.
Les sept voyelles simples sont :
1« aj, a pur ;
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— 225 —
^^ é, é fermé, très-fréquent ;
3<> è, è ouvert ;
4® i, i pur, permutant avec les deux précédents (1);
r.Q ., , I permutant très-aisément ensemble (2).
7o û, ô allemand, assez rare.
Les trois nasales, an, en, on, seront transcrites respec-
tivement d, è, ô. La deuxième est fort rare ; les deux autres
assez fréquentes. "
Les nasales sont nécessairement toujours longues ; cha-
cune des voyelles simples peut être prononcée longue ou
brève : la longueur sera indiquée, s'il y a lieu, par un
accent circonflexe.
Les permutations indiquées plus haut sont absolument
les seules qu'on rencontre en innok ; elles s'effectuent,
on le remarquera, entre des sons très-voisins les uns des
autres, aisés à confondre, et ne paraissent soumises à
aucune règle. De distinction entre deux ordres de voyelles
fortes et faibles, lourdes et légères, de substitution régu-
lière d'un son faible à un son fort, ou réciproquement,
l'innok n'en connaît point, et jamais on n'y voit la
voyelle d'un suffixe s'adoucir ou se renforcer pour se
mettre en harmonie avec le ton du thème auquel il
s'agglutine.
On voit où tend cette remarque : l'innok, langue d'ail-
(i) V. g. amè-rk, peau, plur. ami-t; mais celte forme pourrait être
la contraction d'un pluriel régulier amè-it. Une pareille permutation
se rencontre parfois dans les radicaux : èrklo, boyau, plur. irklot.
(2) V. g. iglu, maison, iglo-rpôk, grande maison ; innok, homme,
innU'lik, spectre. Mais c'est surtout, comme on le verra, devant les
afiîxes de conjugaison que o et w permutent avec une extrême facilité.
45
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leurs singulièrement euphonique» ne possède aucun élé-
ment d'harmonie vocalique; et si» comme je le crois avec
M. L. Adam (1), l'harmonie vocalique doit être consi-
dérée comme le caractère typique et distinctif de la famille
ouralo-altaïque, une première présomption bien grave
s'élèverait contre l'hypothèse qui rattache l'innok à cette
famille. Il est vrai que le vocalisme n'est pas, dans tous
les idiomes qui la composent, parvenu à un égal degré
de développement, et que plusieurs n'en offrent que des
vestiges rudimentaires ; mais, en supposant même que
l'innok se fût détaché du tronc ouralo-altaïque à l'époque
très-ancienne où l'harmonie vocalique n'existait pas encore,
il serait vraiment étrange qu'il n'accusât son origine par
aucune tendance à l'adoption de ce procédé grammatical,
que la plupart de ses prétendus congénères ont amené à
une si riche floraison.
§ 2. — Consonnes,
MOMBNTANÉBS.
CONTINUES.
',
MON ASPIREES.
ASPlRftBS.
SPIRANTBS.
NASALBS
VIBRANTBsJ
Gutturales...
Sourdes.
Sonores.
Sourdes.
Sonores
Sourdes.
Sonores.
Sonores.
Sonores.
k
9
gh
h
X
h
r
Palatales. . . .
6
S
»
»
y
>
Ih j
Linguales . . .
»
>
>
s
9
>
>
DenUles....
t
d
>
s
z
n
l
Labiales ....
P
b
>
>
Vy W
fit
>
(1) L. Adam, Uharmonie vocalique. Paris, Maisonneuve, 1874.
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— 227 —
Le matériel consonnantique de Finnok ti*est pas à
beaucoup près aussi riche que ce tableau le ferait sup-
poser au premier abord; plusieurs des articulations qui
y sont indiquées, notamment la plupart des spirantes, se
présentent si rarement qu'on pourrait les négliger sans
cesser d'être exact.
Mais ce qui frappe dans ce tableau, au moins autant
que l'abondance des consonnes, c'est leur inégale réparti-
tion entre les divers ordres : défaut de momentanées
aspirées, richesse de la classe des gutturales et de celle
des dentales, étonnante indigence de celle des linguales,
enfin bizarre classification des vibrantes, où manque Yr
lingual et ofi Yr guttural et Yl palatal constituent une
singularité caractéristique du langage innok. Abordons les
détails.
A. Momentanées. — Les non-aspirées n'offrent aucune
difficulté, sauf les palatales : c est le â croate ou c italien
devant les voyelles faibles; § est le j anglais ou djim arabe.
Le P. Petitol nous avertit « qu'il faut prononcer ces deux
consonnes les dents serrées, comme sons mixtes entre
tch et tSy dj ei dz >, en sorte qu'elles rentreraient peut-
être aussi bien dans la classe des linguales que dans celle
des palatales.
11 n'existe qu'une seule momentanée aspirée, une
sonore, gh {g' du P. Petitot), et encore cette transcrip-
tion n'est-elle peut-être pas fort exacte pour désigner
le g accompagné d'une aspiration laryngale qui, lors-
qu'elle est isolée, est rendue par x et dont il va être
question.
B. Spirantes. — La gutturale sourde h est fortement
aspirée, mais très-rare. Plus rare encor.e est la sonore x,
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^228 —
qui semble n'avoir d'autre fonction que de s'unir au g ou
à Vr pour les transformer en gutluralisations profondes.
Cette double affinité permet, je crois, de rapprocher le x
innok du ayn arabe, qui est aussi une laryngale sonore, et
qui, par renforcement, a engendré le rhayriy sorte de gh
ou rh fortement grasseyé. Je reviendrai plus loin sur cette
assimilation.
11 n'y a rien à dire des autres spiranles : la palatale y
est le ; allemand ; la linguale s, le s croate ; elle est
très-rare, ainsi que les deux dentales, surtout la sonore ;
enfin v et w, rares aussi, ont respectivement la même
valeur qu'en anglais.
C. Nasales. — La seule nasale qui requière quelque
développement est la gutturale ^, ng allemand, saghyr
noun des Ottomans ; elle ne se présente jamais qu'après
une voyelle nasale et paraît, dans la plupart des cas,
comme le saghyr nouUy provenir d'un k primitif adouci.
C'est du moins ce qu'on pourrait induire de nombreux
exemples, tels que celui-ci : nuna, terre, nuna-k, deux
terres, avec Taffixe locatif mé, devrait faire nnua-k-mé,
dans les deux terres, tandis que la forme usuelle est
nunà'fb-mé. Cette hypothèse est d'autant plus plausible
qu'il est constant que k final s'adoucit en g devant
l'affixe possessif (v. g. cikHk, marmotte ; éikclg-a, sa
marmotte) : il n'y aurait dès lors rien d'étonnant à ce qu'il
subît, dans certaines circonstances, un second degré
d'affaiblissement en ^ guttural nasalisant la voyelle précé-
dente. L'analogie de l'ottoman montre que ce processus
phonétique n'a rien d'anormal.
D. Vibrantes. — Cet ordre comprend un r et deux L
Vl dental est le nôtre. Le palatal doit, si je comprends
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— 229 —
bien la description qu'en donne Fauteur, présenter une
certaine analogie avec 17 dur des langues slaves, l barré
"des Polonais, l russe devant les voyelles fortes ; il s'obtient
de même, en contournant la langue dans la bouche ; il est
d'ailleurs fort rare.
L'r lingual manque. L'r guttural, semblable au rhayn
des Arabes, tient sa place. Il est très-fréquent ; on le
rencontre souvent isolé, plus souvent encore lié avec le k,
qu'il précède ou qu'il suit. Cette circonstance, jointe à la
possibilité de renforcer cette gutturale par l'adjonction de
l'aspiration sonore représentée par x (assemblage qui
sera transcrit rA), est de nature à faire supposer que cet
r n'est autre chose qu'une variation dialectale, un simple
renforcement que l'idiome des Tchiglit fait subir à un k
primitif. Cette hypothèse, que je hasarde avec réserve, se
corrobore de divers faits aisément observables, savoir :
4« L'extrême facilité avec laquelle les deux consonnes k
et r, accolées l'une à l'autre, soit dans les affixes, soit
même dans le thème, se fondent en une seule sans raison
apparente, par un simple adoucissement de prononcia-
tion : V. g. (disparition de l'r) tupè-rkr, tente, plur. tup-
kréit ; (disparition du k) nérkrèy viande ; nérrè'yoark, il
mange.
2^ L'attraction qu'exercent au contraire l'une sur l'autre
ces deux gutturales, de telle manière que parfois la pré-
sence du k dans une désinence y appelle Yr, alors que
grammaticalement ce dernier est épenthétique : uyarak,
pierre, plur. uyarkrrat, au lieu de uyark-at.
S^ L'identité de fonction des quatre gutturales, dont
l'une ou l'autre, à l'exclusion de toute autre consonne,
est caractéristique de l'affixe possessif de la première per*
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— 230 —
sonne du singulier. Ainsi : omâriy cœur, omat-iga^ mon
cœur; umity barbe, umit-ka; awky sang, awk-àna; amè,
femme, ama-ra.
/k^ Comme le k s'adoucit en gr, ainsi IV peut par-
fois subir ce même affaiblissement, même dans les
thèmes : a§ira-rk, main, plur. a^iga-it. Le renforcement
inverse se rencontre également : kigut, dent, plur. kirut-it.
5« La phonétique comparée des divers dialectes achè-
verait sans doute d'établir le caractère non primitif de
Yr des Tchiglit : c'est ainsi que leur mot « lampe », kro-
lèrk, est, chez les Innoit du Grônland, kotluk^ et chez
ceux de la baie d'Hudson, kullek. Si ces trois mots pro-
viennent d'une forme commune, ce qui est fort probable,
on voit que celui des Tchiglit contient deux vibrantes
gutturales qui lui sont exclusivement propres. Mais je ne
dois pas insister sur ce dernier argument, dont je ne suis
pas en mesure de contrôler la valeur.
Chez les Arabes, qui possèdent aussi Yr guttural, arti-
culation très-rare dans les diverses langues des hommes,
cet r n'est pas non plus primitif. Le ayin sémitique, aspi-
ration sonore comme Yx des Innoit, a engendré en se
renforçant une sorte de gh qu'une nouvelle évolution
phonétique a transformé en rh guttural et grasseyé.
D'autre part, le kheth sémitique, hhé arabe, s'est adjoint en
se renforçant une sorte d*r, de manière que le khé des
Arabes de l'Afrique se prononce presque comme khr.
Preuves manifestes de la tendance des gutturales pro-
fondes à se renforcer par un r épenthétique et de la
possibilité d'une semblable évolution chez les Innoit,
De ces considérations, il résulterait : i^ que l'innok,
analogue en ce point au chinois et à plusieurs langues
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— 231 —
polynésiennes, ne posséderait point dV ; 2» que révolu-
tion de ses deux gutturales primitives pourrait, jusqu'à
plus ample informé, être représentée par le tableau suivant,
dont les recherches postérieures éclairciront les points
douteux :
Piimithes. Affaibli^somento. Renfo rcem ents.
r rh^kr
g ti(?) ? gh r *
De ce court aperçu de la phonétique de Finnok, il ne
me parait se dégager aucun caractère particulier d'affinité
avec la famille ouralo-altaïque.
Section II. — Morphologie.
Dans l'impossibilité absolue où nous nous trouvons de
remonter aux éléments radicaux d'une langue à peine
connue, nous devons nous borner à prendre pour points de
départ les thèmes les plus simples, dits par hypothèse
thèmes primaires, et à descendre d'agglutinations en agglu-
tinations jusqu'aux formes les plus compliquées.
§ 1«^. — Thèmes primaires.
Les thèmes primaires, rarement monosyllabiques, comme
awk, sang; kûrk, rivière, sont ordinairement dissylla-
biques et terminés, soit par une voyelle, soit par l'une
des gutturalisations r, rk, k, kr{i). Ils ont tous un sens
(1) Il y a d'autres désinences, mais fort rares, et l'on peut poser en
règle générale que jamais un de ces thèmes simples ne se termine par
une momentanée sonore, ni par une spiranle, ni par une vibrante
autre que r.
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— 232 —
nominal : nuna, terre ; iglu, maison ; imioft, homme ;
talèrkf bras, etc.
Mais si Ton examine de plus près cette gutturalisation
finale, on s'aperçoit de l'étonnante facilité avec laquelle
elle disparaît dans bien des cas en présence des affixes.
Quand, de l'r et du k ainsi accolés, l'un vient à tomber
et l'autre demeure, ce peut n'être qu'un phénomène
purement phonique, qu'on a tenté d'expliquer plus haut ;
mais que dire quand la gutturalisation tout entière s'efface
sans laisser de trace? Et ici les exemples abondent : inno-k^
homme, plur. inno-it; kraléyua-rky livre, plur. hraléyua-t;
uhlu-rky jour, plur. ublu-t.
L'hypothèse la plus simple qui se présente immédiate-
ment à l'esprit, c'est que les thèmes de ces noms sont
respectivement innOy kraléyua^ ublu, et que le k ou rk
qui les affecte au nominatif singulier n'est qu'un thème
démonstratif affixé, destiné à leur donner un sens nomi-
nal. Ainsi, 1'^ final indo-européen transforme en noms
des thèmes qui, autrement', ne sauraient jouer aucun rôle
dans la phrase. La seule différence entre les deux
langues, c'est que l'indo-européen use toujours et obli-
gatoirement de ce procédé, tandis que l'innok emploie
parfois le thème brut et sans affixe comme sujet de la
phrase.
Il est toutefois des cas où l'une au moins des deux
gutturales persiste au pluriel ou devant les affixes de
relation ; alors la gutturalisation finale semble bien faire
partie du thème : v. g. ikargork, falaise ; plur. ikar-
goruty thèmeitorgfor-(?). D'autres fois la désinence guttu-
rale disparaît devant certains affixes et persiste devant
d'autres : innoky plur. innoity mais innok-ta^ son homme.
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— 233 —
Ces cas sont embarrassants et feraient supposer que,
dans cette langue insensiblement corrompue, faute de
grammaire et de littérature, Taftixe nominal soudé au
thème a fini par être confondu avec lui et pris pour une
partie intégrante du nom (1). Mais lorsqu'on voit la guttu-
rale finale tomber régulièrement devant presque tous les
affixes, tandis que les autres consonnes finales subsistent,
on ne peut s'empêcher de songer à une formation ana-
logue à celle de l'indo-européen : akva-y cheval, akva-s,
le cheval ) ublu-, jour, ublu-rky le jour. La ressemblance
de ce thème démonstratif rh de l'innok avec celui du
nahuatl tl est encore plus frappante : tous deux se
retranchent devant les affixes ; comme l'un est entièrement
guttural, ainsi l'autre est entièrement dental, et enfin tous
deux se composent d'une momentanée et d'une vibrante,
mais différemment disposées.
Pénétrons plus avant dans la morphologie de l'innok :
nous y verrons que, dans la conjugaison des verbes, cette
même gutturalisation rk est l'indice régulier de la troi-
sième personne du singulier. C'est donc bien là un thème
démonstratif comparable à celui de l'indo-européen sa ou
ta, qui sert à la fois à la formation du nominatif des
noms et à la conjugaison des verbes : akva-sa (à' oix akvas),
le cheval ; bhar-arsa (d'où bharasi), tu portes ; bhar-a-ta
(d'où bharati)y il porte, etc. Bien plus, pour rendre ce
fait plus palpable, il ne manque pas en innok de forma-
(1) On sait que notre langue cultivée et lettrée présente des ano-
malies du même genre, le thème démonstratif (article) qui précède le
nom finissant par faire corps avec lui : le lierre pour Vhierre, le len-
demain pour l'en dewiin; et les patois nous en fourniraient bien
d'autres.
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— 234 —
lions secondaires en rk^ qui remplissent à volonté la
fonction de substantif et de troisième personne du singu-
lier du verbe : caviliortoark, forgeron, il forge ; itkralèr^
kréyoark^ pêcheur, il pêche, etc. Une donnée aussi hypo-
thétique ne saurait comporter un plus long développement,
mais rétude morphologique qui va suivre tendra peut-être
à la corroborer. ^
§ 2. — Affiûoes numéraux.
L'indice invariable du duel est k ; celui du pluriel est
/. On observera, comme un exemple curieux de logique
du langage, que la désinence du nom du nombre i est
celle d'un nominatif singulier (alaotirkr), que celle du
nomt)re 2 est k (aypak\ mallùrok), et que tous les autres
noms de nombre se terminent en t.
Le terme qui signifie « plusieurs, un grand nombre »,
est uwit. Le t plural provient-il d'une agglutination con-
tractée du thème singulier avec ce mot (1) ? ou celui-ci
n'est-il lui-même que la forme plurielle d'un thème sin-
gulier disparu? C'est ce que, pour cause, je m'abstiendrai
de décider.
Si les affixes k et t sont absolument invariables comme
indices des nombres, il n'en est pas ainsi de la manière
dont ils s'agglutinent au thème : les pluriels et les duels
revêtent les formes les plus diverses et les plus désespé-
rantes pour qui chercherait à les ramener à un type
unique. Tantôt les indices se suflixent purement et simple-
ment au thème du nom : nuna, terre, nunor-k, nuna-t ;
(1) En sorte que, par exemple, ublu-t, les jours, serait une compo-
sition emboîtante pour ublfUrumi^
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— 235 —
érrè-rk, montagne, érrè-k, érrè-t. Tantôt ils empruntent
le secours d'une voyelle euphonique, devant laquelle la
voyelle finale du thème peut subsister, se modifier ou
même disparaître : arnè, femme, arné-iky arné-it ; éiglè-
rk (nom de leur tribu), plur. cigl-it. Parfois la gutturali-
salion rk, qui nous a semblé être l'indice du nominatif
singulier, se maintient au pluriel en tout ou en partie, et
tout une syllabe épenthétique vient se placer entre elle
et l'affixe du nombre : iglè-rky lit, iglè-rk-li-k. Enfin,
quand le thème singulier se termine par une gutturale,
celle-ci peut s'affaiblir ou se renforcer suivant le cycle de
permutations qui a été établi dans la phonétique. On se
perd dans un labyrinthe d'anomalies.
Pourtant, lorsqu'on sera parvenu, par la comparaison
du tchiglerk avec les autres dialectes innoit, à isoler avec
certitude les thèmes primaires de leurs affixes nominaux,
on découvrira probablement que ces nombreuses irrégula-
rités sont dues à des intercala tions euphoniques, dont il
sera dès lors possible de trouver la loi.
§ 3. — Affixes de relation.
L'innok est une langue puissamment agglutinante, et
toutes les relations qui affectent le nom y sont exprimées
par des postpositions, dont l'énumération serait inutile et
fastidieuse. Il suffira de faire connaître ici les plus usuelles,
c'est-à-dire celles qui correspondent aux relations casuelles
des langues flexives.
1° La relation active (cas nominatif) a pour indice, on
l'a vu, une désinence gutturale; mais cette règle n'est pas
absolue, puisque nombre de thèmes bruts jouent le rôle
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— 236 —
de noms. En ce cas, le sujet de la proposition se distingue
par un procédé qui ne relève que de la syntaxe : il précède
toujours le verbe.
2« La relation passive (accusatif) a pour caractéristique
la syllabe mik^ mnik^ suffixée au thème, soit directe-
ment, soit par Fintermédiaire de voyelles ou consonnes
euphoniques. V. g. sing. nuna, terre, nuna-mik ; duel
nuna-k, nunâr-n-mik, par affaiblissement du k en iï;
plur. nunu'ty nuna-g-miky forme où la permutation de la
dentale en gutturale me paraît inexplicable. Au reste, les
formes plurielles sont presque toutes fort irrégulières ; les
formes duelles s'expliquent au contraire très-aisément par
la permutation de k en n, qui se produit à tous les cas, sauf
au génitif.
30 La relation possessive (génitif) s'exprime par une
double suffixation : l'une au nom du possesseur, l'autre à
celui de l'objet possédé. C'est un procédé fort simple,
que connaissent aussi les langues ouralo-altaïques ; par
exemple : le lard de renne, tuktu-h orkâor-a^ littérale-
ment tuktu, renne, b (afiixe), orkéor-k, graisse, a (afûxe),
a renne de lard sien » , comme diraient aussi les Basques.
Nous retrouverons l'aftîxe de l'objet possédé parmi les
possessifs proprement dits. Celui du possesseur, qui
correspond au génitif des langues flexives, est au singu-
lier une des quatre labiales m, h, p, v, qui s'agglutine au
thème pur : nuna, nuna-m ; inno-k, inixo-m. Au duel, le
k du nominatif se renforce en r ou s'affaiblit en g, peut-
être en se fondant avec la labiale dure ou douce qui
vient s'y affixer : ainsi mma-g serait pour fiuna-k-m;
nuna-r pour nmia-k-p (?). Quant au génitif pluriel, il
présente tant d'anomalies qu'il faut renoncer à l'analyser.
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— 237 —
^^ La relation locative a pour indice une nasale suivie
de é ou i, ^> '^h w^> w^- Ces affixes se substituent les
uns aux autres suivant des règles assez arbitraires et sans
doute purement euphoniques.
Le propre de Tinnok, comme de toutes les langues
dénuées de précision, enfantines et grossières, c'est de
posséder un grand nombre d'aflixes pour désigner la
même relation. Il en est ainsi du locatif et des cas sui-
vants, dont je me borne à indiquer les désinences les plus
communes.
50 Illatif: nuriy nut, nulu,
6® Ablatif: min, nm, ménnun.
7^ Instrumental : nik, minik.
On remarquera le rôle important que jouent les nasales
dans les affixes de relation.
Je donne maintenant, à titre d'exemple, Tune des
déclinaisons citées par le P. Petitot. Je me plais à croi^e
qu'elle est une des plus irrégulières de la langue ;
autrement il faudrait désespérer d'y jamais rien com-
prendre.
Duel. Pluriel.
tuparkr. lupkréit.
tupânmik. turkit.
iupar. turket.
tupânné. turkimni.
tupànnun, tupèrmun,
tupânnin, tupèrmin,
tupânnik, turkimnik.
Je ne chercherai pas à expliquer cette série
dont le disparate déconcerte toute analyse et qui
se rapporter successivement à des thèmes tupèr-
iurkr. Mais, jusque dans ces permutations capri
Singulier.
Nom.
tupèrkr.
Ace.
tupèrmik.
GéQ.
turkib.
Loc.
tupèrtné.
m.
tupèrmun.
Abl.
tupèrmin.
Instr.
tupèrminik.
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— 238 —
y a une ombre de régqlaipité, et peut-être parviendrions-
nous à la dégager si nous possédions un nombre suffisant
de paradigmes de déclinaisons que nous pussions comparer
entre eux.
§ 4. — Pronoms et affixes possessifs.
Il ne faut qu*énumérer les pronoms personnels, dont
l'emploi est nécessairement bien restreint dans une langue
riche comme Tinnok en conjugaisons objectives, mais dont
la connaissance est nécessaire à l'analyse de ces conjugai-
sons elles-mêmes.
SiDfulier.
Duel.
Pluriel.
iw personne. t<t?âa.
uvaruk.
uvarut
2« personne. illuiU
illiptik.
iUipH.
3'P~ iSma.
okicoak.
okkoa.
tapkoak.
iapkoa.
Toutefois ces deux derniers mots, employés pour dési-
gner, l'un une personne présente, l'autre un absent, ne
paraissent pas être des pronoms proprement dits, mais
des noms usités pronominalement. Tandis, en effet, que
les pronoms de la première et de la deuxième personne
s'agglutinent en forme abrégée au thème verbal et sont
presque toujours parfaitement reconnaissables dans la
conjugaison, la caractéristique de la troisième personne
est la finale rk, qui provient sans doute d'un thème
démonstratif disparu, sans rapport possible avec orna.
Le duel et le pluriel des deux premiers pronoms, sans
être parfaitement réguliers, n'offrent point d'anomalie cho-
quante. Quant aux affixes de relation, ils sont les mêmes
que pour les noms.
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- 239 —
Le pronom personnel devient aflixe possessif en s'agglu-
linant en forme très-abrégée, parfois même méconnais-
sable, au nom de l'objet possédé. Les noms ainsi pourvus
d'affixes possessifs peuvent d'ailleurs être affectés d'une
double relation duelle ou plurielle, suivant que, soit le
possesseur, soit l'objet possédé, est unique, double ou
multiple. C'est ce que le schème suivant représentera par
les lettres S, D ou P pour l'objet possédé, S', D' ou P
pour le possesseur.
nuna S S* ma terre, nuna-ra.
s D' la terre de nous deux, nuna-rwuk.
S F' la terre de nous plusieurs, nuna-rwuL
ntma-k D S' mes deux terres, Huna-g-a.
D D' les deux terres de nous deux, nuna-r'iwuk.
D P' les deux terres de nous plusieurs, nuna-r-iwut.
nuna-t P S' mes terres, nuna-i-ka.
P D' les terres de nous deux, nuna-t-iwuk.
P P' les terres de nous plusieurs, nuna-t-iwut.
L'affixe possessif de la première personne du singulier
est, comme on le voit, un a précédé ordinairement d'une
gutturale. Cela posé, l'analyse des formes qui précèdent
n'offre pas de difficulté sérieuse. On peut en dire autant
des suivantes :
8* personne (indice n).
3« personne (indice a).
S S'
nuna-an (nunân)y
ntina-â.
SD'
nma-rt'k^
nuna-ak.
S F
nunarHy
tiuna-at.
DS*
riuna-k-tin.
nuna-âk.
DD'
nuna-r-igtikj
nuria-g-ak.
DP'
nuna-r-Ué,
rinna-g-aU
PS'
nuna-Uin,
nuna-ât.
Pir
nuna-UHk,
nuna-ik.
PF
Huna-t-ikH,
nuna-it.
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-240 —
La forme D S* de la troisième personne devrait être
fiuna-g-a; mais elle se confondrait ainsi avec la forme
D S' de la première personne. Faut-il voir là un phénor
mène de dissimilation ? Quant aux trois dernières formes,
qui devraient être respectivement riuna-t-a, -t-ak, -t-at,
je les considère comme inexplicables. A part ces excep-
tions, il règne dans les combinaisons possessives une
remarquable régularité. Toutefois il s'en faut de beau-
coup qu'elles présentent toujours la clarté de ce para-
digme ; les mêmes lois, euphoniques ou autres, qui
régissent la déclinaison, se rencontrent ici et engendrent
des complications dans le détail desquelles je dois m'abs-
tenir d'entrer.
Il va sans dire que les affixes de relation qui s'agglu-
tinent au thème nominal affectent également le nom
pourvu du suffixe possessif, et qu'on peut dire en un
seul mot, en innok comme dans les langues ouralo-altaï-
ques, comme dans les idiomes agglutinants en général:
« dans ma maison, sous les deux tentes de vous deux,
avec les nombreuses barques d'eux plusieurs (1) », etc. Des
constructions bien plus complexes encore nous attendent
à la fin de cette étude.
§ 5. — Thèmes verbaux.
Tout thème primaire peut jouer le rôle de thème
verbal en s'adjoignant les suffixes de conjugaison, qui
sont de trois sortes : temporaux, modaux et personnels.
Ainsi le mot nérkrèy chair, est le thème du verbe « man-
(1) Théoriquement : iglo-ra-mi, tupâ-n-igtik-atân, umia-t'it^minik.
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- 241 ~
ger » : impératif nérrè-rij mange ; présent de l'indicatif
nérrè^yoark, il mange, décomposable, comme on va le
voir, en nérrè, thème ; y, indice du présent ; o, indice de
l'indicatif, et rft, ark, thème démonstratif, indice de la
troisième personne du singulier. De même immè- est à la
fois le thème du nom immè-rk, eau, et du verbe immè-
rtoarky il boit. On pourrait multiplier les exemples de ce
procédé morphologique, qui d'ailleurs n'a rien que de
parfaitement normal.
Plus nombreux encore sont les thèmes verbaux dérivés
au moyen d'affixes de diverse nature, qui s'ajoutent au
thème primaire : apâ, père ; apa-ri-y thème du verbe
fit être père » {apariyoark, il est père) ; — iglu, maison ;
iglu'li', bâtir (iglulitoark) ; — '■ immè'rky eau ; immè-rko-,
couler (immèrkoktoark) ; — innu-lik, spectre ; innu-lik-
ci§', évoquer des spectres, etc. Ce n'est pas ici le lieu
d'examiner la valeur fonctionnelle de ces affixes, qui,
pour quelques-uns du moins, est fort obscure. Il suffit de
constater que tout thème primaire, ou même toute forma-
tion secondaire, comme innu4ik, dérivé de inno-k, peut,
en se les agglutinant, se tranformer en verbe et recevoir
les suffixes de conjugaison.
Étant donné maintenant un thème verbal, soit primaire
comme nérrè^y soit secondaire comme igluli-, soit tertiaire
comme innulikâi^-, examinons les diverses modalités qui
peuvent l'affecter.
§ 6. — Modes et temps.
L'affixe temporal se joint immédiatement au thème
du verbe, puis vient l'indice modal que suit la désinence
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— 242 —
personnelle. Mais comme Taffixe propre à chaque temps
éprouve des variations suivant le mode auquel on l'em-
ploie, il est nécessaire de bien se fixer sur la nature
de rindice modal avant d'entreprendre toute autre déter-
mination.
Le verbe innok possède sept modes.
I. Indicatif (1). — A tous les temps de l'indicatif, sauf
un, l'analyse phonétique permet de reconnaître l'exis-
tence d'un précédant la désinence personnelle ou se
fondant avec elle. En aucun autre mode, sauf en un temps
de l'interrogatif, cet o ne se retrouve. Y a-t-il là une
présomption suffisante pour considérer cette voyelle comme
rindice modal de l'indicatif? Je le crois, et j'espère que
ceux qui liront les explications qui vont suivre partageront
ma conviction.
Je me hâte d'ajouter, pour n'être point taxé d'inexacti-
tude, que cet o n'est point constant. A la première per-
sonne du singulier il se nasalise en ô, permutation qui
s'explique aisément par l'agglutination abrégée du pronom
nasal uvàa. A d'autres personnes il permute souvent en u,
changement purement phonique et tout à fait insignifiant
pour qui a observé l'étroite parenté, j'allais dire l'identité
de ces deux sons en innok.
L'indicatif comprend six temps : un présent, trois passés
et deux futurs.
\^ Présent. Je mange, nérrè-y-ô-a ; je bâtis, igluli-
Ud-a, etc. L'indice du présent est ordinairement la con-
sonne y ou tj placée entre le thème et l'indice modal.
(1) Il ne sera question ici que des verbes les plus communs, dits
réguliers. Je traite des autres dans le § 7.
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- 243-
Parfois le t se complique d'une gutturalisalîon qui le lie
au thème kt, rt, rkt. Parfois l'indice temporal semble
manquer, par exemple dans les verbes formés au moyen
de l'affixe éi§ : innulikci§'ô-a ; mais ici il est facile
de restituer la palatale y qui s'est fondue dans la pala-
talisation précédente §. Somme toute, on peut considérer
y|ou t comme l'indice invariable du présent dans les
verbes réguliers.
2o Passé immédiat. Je viens de manger, nérrè-manikt-
(ha. La caractéristique est le suffixe manikt- suivi de
l'indice modal.
3^ Passé défini. Je mangeai, nérrè-yot-ka. Ici manque
l'indice o ; mais aussi cette forme n'appartient-elle pas à
proprement parler au mode indicatif, comme le prouve
bien le suffixe personnel fca, qui s'y agglutine et qui
n'est pas un affixe de conjugaison, mais un affixe possessif.
On retrouvera ce nérrè-yot- parmi les gérondifs et parti-
cipes; il signifie « ayant mangé », et c'est par extension
de sens que, de l'acception « moi ayant mangé », le mot
nérrèyotka a pu passer à celle de l'indicatif « je mangeai ».
40 Passé indéfini. J'ai mangé, nérrè-luarUô-a. Caracté-
ristique : luarU; indice modal 0.
5® Futur imtnédiat. Je vais manger, nérrè-yéarkt-ô-a.
Indice du temps yéarkt-.
6<> Futur indéfini. Je mangerai, nérrè-^art-ô-a. Indice
temporal néart- ; indice modal 0.
Ainsi, à tous les temps de l'indicatif, sauf une exception
qui n'est qu'apparente, on trouve cette voyelle précé-
dant l'affixe personnel; nulle part ailleurs, sauf en un temps
de l'interrogatif, on ne la rencontrera. Dès lors ce doit
être là l'indice du mode.
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- 244-
Quoi qu'il en soit des autres modes, on observera sur
celui-ci, le moins rebelle à l'analyse, que les afBxes de
conjugaison suivent le thème dans l'ordre que voici :
temporal, modal, personnel ; autrement dit, que le schème
de la conjugaison innok est T + t + m + p. C'est aussi
celui de la conjugaison indo-européenne : thar-a-ja-mi
(optatif), grec yi/)oefAe, donne à l'analyse bhar, thème verbal;
a, signe du présent ; ja, signe de l'optatif ; wit, affixe de
la première personne du singulier. Tel ne me paraît pas
être l'ordre dans lequel se présentent les alïixes de con-
jugaison des langues ouralo-allaïques : soit, par exemple,
en ottoman, le nécessitalif du verbe baq-maqy voir; présent
baq-maloû-My passé baq-maloû-idrim. Le schème de cette
dernière agglutination est T + m + t + p. Ces différences
syntactiques me semblent d'une haute valeur quand on
discute la question de savoir si deux idiomes remontent à
une origine commune.
II. Interrogatif. — Ce mode n'a point de présent,
mais trois passés et un futur. Aucun de ces temps n'a
de première personne. Bien que les indices de conju-
gaison ne s'y présentent pas avec la même netteté que
dans rindicatif, on peut considérer comme caractéristique
modale la consonne labiale p on v suivie d'une voyelle.
C'est du moins ce qui résulterait de l'analyse de toutes les
formes du mode, moins la première.
i^ Passé iminédiat. As-tu Uni de manger? ixérrè-lèraU
u-tm. Cette forme, par analogie de celles de l'indicatif,
indiquerait une forme thématique -léral-o- ; indice tem-
poral léraU (comparer l'indice du passé indéfini de l'indi-
catif luarl") ; indice modal o. Pourquoi ce temps est
pourvu de l'indice de l'indicatif et manque de celui de
Digitize(
g by Google
— 245 — .
rinterrogatif, c'est ce que je ne saurais même tenter d'ex-
pliquer. L'anomalie est grave sans doute, et de nature à
jeter quelque incertitude sur le résultat de nos analyses.
2o Passé indéfini. As-tu mangé? nérrè-vé-it ; avez -vous
mangé? nérrè-v-ici ; a-t-il mangé? nérrè-pè-rka ; ont-ils
mangé? nérrè-pè-rkei. Formation probable : thème + syl-
labe labiale indice du mode + affixe personnel. Point
d'indice temporal.
3® Passé défini. Mangeas-tu? nérrè-laor-vé-it. Même
composition, avec insertion après le thème de l'indice
temporal laor-j le même peut-être que celui du passé de
l'indicatif luarl-.
4® Futur. Veux-tu manger ? nérrè-yualoar-pa-tin ; \e\xi'
i\ maingerl nérrè-yitaloar-pak. Décomposable en : thème
4- yualoar (Cpr. à l'indicatif yéarkt), indice du temps
+ pa, syllabe labiale indice du mode -h affixe personnel.
III. Négatif, — L'indice de ce mode consiste dans
l'insertion d'une négation cuit, uikt, entre l'indice tem-
poral et l'indice modal des formes de l'indicatif. Ainsi, de
la forme thématique nérrè-y-o, on tire le thème négatif
nérrè-y-nikt^o-, en conjugaison mrrèyuiktôa; je ne mange
pas, nérrèyuiktutin, etc.
Le P. Petitot rapproche cet infixe^négatif de la négation
usitée en innok, cuitor, non. Ce rapprochement me parait
aussi parfaitement légitime.
Le négatif a probablement les mêmes temps que l'indica-
tif, temps dont l'analyse, à supposer que nous en possédions
les formes, ne nous apprendrait sans doute rien de nouveau.
IV. Impératif. — Un seul temps. Exemples : nérrè-ny
mange ; nérrè-g-itik^ nérrè-g-ici, mangez. Cette forme est
la plus commune, maip non la seule usitée.
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— 246 —
V. Prohibitif, — Ce mode est à Fimpératif ce que le
négatif est à Findicatif ; il se forme donc au moyen de
rinfîxe uikt, mais il a des désinences peu régulières.
Parfois il est le résultat d'une agglutination tout à fait
indécomposable, comme nérrèvânùret, ne mange pas,
que le P. Petitot traduit analytiquement par € je ne veux
pas que tu manges », en admettant que vâmr- est mis
pour pinnâa, je ne veux pas (?).
VI. Participes. — Présent. En mangeant, nérrè-klunè.
Ce klunè est une postposition locative : inarky côté ;
inarklunè, sur le côté. Nérrè-klunè signifie donc « dans le
manger >, et peut jouer dans la phrase le rôle d'adjectif
ou d'adverbe. C'est ainsi, en effet, que les Innoit forment
leurs adverbes ; l'adjectif innok n'est autre chose que la
troisième personne du singulier du présent de l'indicatif
d'un verbe ; nakoyork, bon, signifie aussi « il est bon »,
et de ce thème secondaire dérive l'adverbe nakoyorklunè,
bien, analytiquement « dans le être bon ».
Passé. Ayant mangé, nérrè-yot-ka. On a vu la double
fonction, adjective ou verbale, que peut remplir ce temps :
je mangeai, nérrè-yot-ka ; moi qui ai mangé, nérrè-yot-ka ;
de moi qui ai mangé, nérrè-yot-ka-my forme semblable à
celles que présente parfois le vieux dravidien, sârndaykku,
à toi qui t'es approché.
VII. Nom verbal. — Le manger, l'action de manger,
nérrè-nèrky se déclinant comme les participes.
§ 7. — Conjugaisons ordinaires.
Je donne d'abord le paradigme de la conjugaison régu-
lière, c'est-à-dire de la conjugaison des temps dont le
thème finit en o permutant avec u.
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— 247
—
ANALYSE.
FORMB APOCOPES.
1. nérrè-y-
o-uvàa.
nérrèy-ôa.
2. -
'Uluit.
- 'UUn.
3. -
-? rk.
— -oark.
i, -
'Uvaruk,
— 'Ovuk.
2. -
'illiptik.
— -o^A:.
3. -
.? k.
uk.
1. —
'Uvarut.
— -on?M^
2. -
-iWpH.
— 'OrH.
3. -
-? t
— -tif.
Le parallélisme entre les formes des pronoms per-
sonnels et les désinences verbales est frappant, sauf pour
les troisièmes personnes, où nous ne restituons que, par
hypothèse, les thèmes démonstratifs rh, k, t. On remar-
quera en même temps que les afifixes de conjugaison régu-
lière diffèrent sensiblement des affixes possessifs, lesquels
sont pourtant aussi dérivés des pronoms personnels.
Soumettons maintenant à l'analyse les formes ir
Hères, c'est-à-dire celles qui n'ont pas la troisième pan
du singulier en oark, uark, et qu'on ne peut par c
quent faire rentrer à première vue dans le cadn
verbes qui ont le thème de l'indicatif en o.
10 kapiyork.
2o mlugapéarklunè.
3<> aypariluQi
Il perce.
11 agit
sans réflexion.
Il accompagn
S. i. kajny-ôa.
nalugapèarklôa.
aypariîôa.
2. — 'Utin,
—
Mutin.
— lutin
3. ork.
—
klunè.
— lugo.
D. 1. — 'Ovuk,
—
klunuk.
— lunu^
2. otik.
—
klunik.
— lunil
3. uk.
—
klutik.
- lutik
P. 1. ovut.
—
kluta.
— luta.
2. - -oH.
—
kluta.
- luta.
3. - -tt^
—
kluUt.
- lutit.
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— 248 —
Le premier paradigme montre que les verbes dits en
ork ne diffèrent pas en réalité des verbes en oark et ont par
conséquent le même thème de conjugaison.
Le deuxième paradigme (verbes en klunè) ne nous
embarrassera guère. Cette terminaison klunè nous indique
que nous avons affaire à un participe présent conjugué au
moyen d'affixes personnels, autrement dit à une conju-
gaison périphrastique : nalugapéarklôa, par exemple,
équivaut à nalugapéarklum uvâay je (suis) dans le agir
inconsidérément, et ainsi des autres personnes, Taflixe
personnel ne manquant qu'à la troisième personne du
singulier. Ce n'est pas autrement que se conjugue le
verbe basque, et c'est de même que les Anglais disent
/ am a-falling, je suis dans le tomber, je tombe. D'après
cela, le thème de ce verbe est nalugapàar, et le thème
restitué du présent de l'indicalif non périphrastique serait
nalugapcar-t-o. Nous voici encore en présence d'un thème
indicatif en o.
La forme en lugo, ugo, n'est pas aussi claire que la
précédente. Toutefois la parfaite ressemblance de ses dési-
nences avec celles de l'autre doit nous amener à penser
que lugo est, comme klunè, une sorte de postposition
transformant le verbe en gérondif ou participe, et que cette
conjugaison est également périphrastique.
La curieuse irrégularité des deux premières personnes
du pluriel, dans ces deux paradigmes, fait tache en pré-
sence de la parfaite régularité de toutes les autres : elle ne
peut guère s'expliquer que par une dégradation des formes
primitives.
Mais d'autres irrégularités nous attendent.
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- 249-
!«• nalugark.
2o nalôiiffiia.
3o ai^ltlr.
Il jette du feu.
Il le devine.
Il repose ta tête
S. 1. naluga-ra.
nalôngit-ara.
akUil'igné,
2. — ^ran.
— -ar^.
— 'irkin.
3. - -rk.
— -a.
ik.
D. 1. — -rpti*.
— -arpuk.
- -â^.
2. - ^riik.
— -ardjfc.
— 'ègné.
3. - -it.
- -arJt.
- -ta*.
P. 1. — -rput.
— -arpw/.
-- -agné.
2. — -rat.
— -ar«i.
- -li^n^'.
3. - .«.
— -at.
— -ta^
Ce qui frappe dans le premiir paradigme, c'est que ses
affixes personnels tendent à se rapprocher de la forme
des affixes possessifs. Cet air de famille devient une
ressemblance entière dans le deuxième paradigme, qui est
un genre de combinaison objective. Il y aurait donc en
innok deux séries de verbes : les uns en o, se conjuguant
à l'aide des affixes personnels propreùient dits ; les autres
à désinence thématique arbitraire, se suffixant purement
et simplement les désinences possessives. Allant plus loin,
on serait tenté d'admettre que les verbes en o sont les
seuls véritables, et que les autres sont de simples thèmes
nominaux augmentés des affixes possessifs et prenant acci-
dentellement un sens verbal. Si, en effet, par exemple,
ka^unara signifie « ma pensée », il est bien aisé de lui
faire signifier « je pense », ne fût-ce qu'au moyen d'un
toiir elliptique que l'esprit imagine spontanément, c ma
pensée (est que) », et alors ce nom affectera l'apparence
d'un verbe conjugué à l'aide des affixes possessifs. C'est un
procédé linguistique commun à beaucoup de langues ag-
glutinantes ; plusieurs n'en connaissent pas d'autre, les
affixes de conjugaison s'y confondant avec les possessifs,
et il serait étonnant qu'il manquât à l'innok.
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— 250 —
Quant à la conjugaison akitilik, je dois, dans Tétat pré-
sent de nos connaissances morphologiques, renoncer à
l'analyser, tant elle paraît anormale.
Tel est le tableau de la conjugaison innok. S'il fortifie
ou s'il infirme mon hypothèse, que tout véritable thème
indicatif de verbe a pour caractéristique la voyelle o (uj,
je le laisse au lecteur à juger. Quant aux afûxes person-
nels de l'interrogatif et de l'impératif, on les a vus dans
le paragraphe précédent, et ils n'offrent point de difficulté
sérieuse.
§ 8. — Conjugaisons objectives.
La conjugaison objective a atteint en innok un incom-
parable degré de développement ; elle y est plus riche
qu'en aucune langue ouralo-altaïque à ma connaissance ;
car toutes les relations personnelles de sujet à objet peu-
vent s'incorporer au verbe, je te..., je le...^ tu me.., tu
le..., il me..., il te...^ en tout six formes objectives, indé-
pendamment de la conjugaison réfléchie, dont il sera
question plus loin. Et comme dans chaque forme, soit le
pronom-sujet, soit le pronom-objet, peut se présenter au
singulier, au duel ou au pluriel, ce serait un total formi-
dable de cinquante-quatre combinaisons objectives. Toute-
fois, il faut croire que les formes duales du pronom-
objet qui, sans aucun doute, devaient exister primitive-
ment, sont tombées en désuétude ou se sont confondues
avec les formes corrélatives du pluriel, car le P. Petitot
n'en donne aucune ; et, bien qu'il m'eût été aisé de
les suppléer par l'analyse, je n'ai pas cru pouvoir m'en
arroger le droit ; autrement dit, représentant par S, D,
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— 251 —
P le nombre du pronom-sujet, par S', D', P' le nombre
du pronom-objet, les trois combinaisons S D', D D', P D'
manqueront dans la nomenclature qui va suivre.
!• Je te pare.
S S' ëavarkré-yugin.
S P' — -yauié.
D S' — -yarvugin»
DP' — -yotïkcé.
PS' — -yavugin.
P P' — -yo^nhé,
40 Tu le pares.
S S' èavarlcré-yarkin.
S F
DS'
DP'
PS'
pp.
-yatm.
-yaigné.
-yatiéik.
i -yainé.
\ -yarci,
-yatiH.
2« Je le pare.
iavarlcré-yagara.
— -yagarat.
— -yaagné.
— -yativulc.
^ i -yaâné.
\ -yfirput.
— -yativut,
50 11 me pare.
éavarJcré-yàna.
— -yarut.
— -yaka.
— -yoakput,
— -yata,
~ 'yoatiguL
3» Tu me pares.
èavarkré-yarma.
— -yarkut.
— -yartëa.
— -yortigtU.
— yarièa,
— yorUput,
6° Il te pare.
iavarkré-yatin.
— 'yaèê.
— -yakin,
— -yakàé.
— 'yaâtin.
— -yoaéé.
Le procédé morphologique est aisément saisissable,
surtout dans les deux derniers paradigmes. L'indice du
temps y demeure dans toutes les combinaisons ; l'indice
modal, au contraire, disparaît la plupart du temps, se
fondant dans la désinence personnelle ; celle-ci se com-
pose, en premier lieu, du pronom-sujet, affecté, s'il y a
lieu, de l'indice dual ou plural, puis du pronom-objet ;
cete agglutination des deux pronoms ne s'effectue pas
d'ailleurs sans un certain emboîtement, qui les d^^'^'^"^'^
plus ou moins, surtout le premier. V. g. : il..., yo
me..., yâr-na, il te..., ya-tin; eux deux..., yoar
deux me..., yak-a; eux deux te..., yak-in. Il n'j
un article de ces paradigmes, sauf les quelques
irrégulières en né, qui ne puisse, en tenant com
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- 252 —
remboitement, et peut-être aussi parfois de l'insertion
d'une gutturale épenthétique, s'analyser de cette manière :
thème + indice temporal + sujet + objet.
Dans la conjugaison réfléchie le phénomène d'emboîte-
ment est encore bien plus accentué : le pronom-sujet et
le pronom-objet, étant identiques, se fondent l'un dans
l'autre jusqu'à ne former qu'un seul affîxe, en sorte
que la forme réfléchie diffère très-peu de la forme non
réfléchie et doit même, dans certains cas, se confondre
entièrement avec elle. Il est facile d'établir la compa-
raison.
S. 1. éavarkré-yôa, je pare, lavarkré-yoa-mé^ je me pare.
2.
— -yntin.
— -yotin.
3.
— -yuark.
-^ -yoark
D. 1.
— -yuvuk.
— -yovuk
2.
- -yutik.
— -yotik.
3.
— -yuak.
— -yoak.
P. 1.
— -yuvut.
— -yovuL
2.
- -yutU,
— -yotii.
3.
— -yuat.
— -yoat.
On voit que, dans la forme réfléchie, l'indice modal
est toujours o, tandis que dans l'autre il peut permuter en
u ; mais si le verbe davarkré- se conjuguait comme nérrè-,
il ferait, par exemple, à la troisième personne du singu-
lier ëavarkréyoark, et alors les deux formes seraient
absolument identiques.
L'innok n'a pas de conjugaison objective double, c'est-
à-dire englobant à la fois dans le verbe le régime direct
et le régime indirect, disant, par exemple, en un seul
mot : « je te le demande, il te Ta donné », comme cer-
taines langues ouralo-altaïques. Il ne possède pas non plus
de voix passive.
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— 253-
SectionJIL — Lexiologie élémentaire.
Je donne sous ce litre, non pas un exposé complet et
méthodique des procédés lexiologiques de Finnok, les
documents m'ayant complètement fait défaut pour une
semblable étude, mais une simple et rapide énumération
des principales formations nominales et verbales de cette
langue, encore trop peu connue pour qu'il soit possible
de se prononcer sur son véritable caractère.
l. Dérivation. — A. TJièmes nominaux, — 4 <> Augmen-
tatifs : pâk, yik, pôk, par, vâk, suffixes caractérisés par
une labiale initiale et une gutturale finale, avec parfois
une gutturale épenthétique servant de ligature : iglo-r-pôky
grande maison ; tuktu, renne ; tuktu-vâk, renne des bois,
grand renne.
2o Diminutifs : aluk, iark, ark : umia-rk, barque,
umia-r-aluk, canot ; Ukralu-ky poisson, itkralo-ark, fretin.
30 Contenance, usage, instrument : vik : krork, urine,
kror-viky \Sise de nuit; irha, cuisine, irha-viky four de
cuisine ; uyigia-rky il pèse (thème u^ig-), o§èr-vik, ba-
lance. Ce dernier exemple offre la triple permutation A'u
en 0, i en è, g eri r.
¥ Nom d'action (nom verbal) : nèrk^ ainsi qu'on Ta vu
dans la conjugaison du verbe.
50 Communauté, ressemblance : kat, rkat : nuna-rkaty
compatriote.
6<> Appropriation, destination : en, on : nérrény couteau
de table ; kraléyU'ark-to-rky il écrit, kraléyu-on^ crayon,
plume.
B. Thèmes nomino-verbaux, — Nous nommons ainsi
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— 254 —
eeux qui peuvent à volonté se conjuguer et se décliner, ceux
qui jouent indifféremment dans la phrase le rôle de nom,
d'adjectif ou de verbe.
i^ Nom d'agent : semblable, on Ta vu, à la troisième
personne du singulier du présent de l'indicatif du verbe :
éavilior'lO'arky forgeron, il forge.
2<> Qualité, propriété, possession : ark, iark : inno-
r-iark, humain ; nunorr-iark, terrestre. Ces mots se
conjuguent d'après le paradigme des verbes en ark,
qu'on a vu : imwriaruy je suis humain ; innoriaran, imio-
riark, etc.
30 Habitation, demeure : méork : immè-rky eau, immè-
rméorky aquatique ; de même iglo-rméorky casanier.
Conjugaison : iglorméôa, je suis casanier ; iglorméutiny
iglorméorky etc.
Puisque la troisième personne du verbe peut k l'occasion
reiitplir la fonction que dans nos langues nous assignons à
l'adjectif, elle est, comme lui, susceptible de degi'és de
comparaison. On a donc :
4<> Comparatif : ilùra. V. g. âéyork, grand, troisième
personne du singulier du verbe ôéyo-, thème ôe-, d'où
àé'ilùray par emboîtement âiluray plus grand, et proba-
blement âilùra-rk, il est plus grand. De même èuina^rk,
mauvais ; Éuina-ilùra (sans emboîtement), pire.
5» Superlatif : otkréya. V. g. àé-otkréya, et par emboî-
tement âotkréyay gigantesque. De même, sans emboîte-
ment, tuina-otkréyay détestable.
C. Thèmes verbaux, — La transformation des thèmes
quelconques en thèmes verbaux, par la simple adjonction
des affixes de conjugaison, a déjà été étudiée. Mais ce ne
sont pas seulement les thèmes primaires ou dérivés qui
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— 255 —
peuvent par ce procédé recevoir un sens verbal et se
conjuguer ; des formations grammaticales complexes, des
mots tout faits, pourvus de suffixes de relation ou de
possession, jouissent de la même propriété. Ainsi, comme
on dit inno-ri-yo-, être homme ; apa-ri-yda, je suis père, .
on dit également iglu-mi-to-ark (maison + dans + affixe
du présent de Tindicatif + thème démonstratif), maison
dans êtrQ lui, il est dans la maison. Et Ton doit par
analogie pouvoir dire aussi : amama-put'iyo-arky elle est
notre mère ; nuna'rkat'a-ri'yda, je suis son compatriote.
Poussant plus loin la puissance agglutinative de Tinnok
et ne tenant pas compte des emboîtements multiples qui
se produisent probablement dans d'aussi longues forma-
tions, nous voyons que Ton doit théoriquement pouvoir
dire, en un seul verbe, qui se conjugue à tous les temps,
modes et personnes : iglo-r-avut-mi-to-ark, il est dans
les deux maisons de nous plusieurs. Comme d'ailleurs
les particules que nous nommons conjonctions sont en
innok des poslpositions qui s'affixent au verbe, on pourra,
toujours théoriquement, former des mots tels que celui-
ci : iglo-r-avut'mi'luarl'ôa'pân, lorsque je fus dans les
deux maisons de nous plusieurs. Mais il existe encore
des formations verbales plus compliquées, obtenues au
moyen d'infixés insérés entre le thème et la désinence de
conjugaison : •
4® Impersonnel : da, âa : torkroyarky il meurt ; tor-
krôayak, on meurt. On remarquera TafTaiblissement du
thème démonstratif rk, indiquant sans doute que l'action
exprimée par le verbe ne s'applique plus à un sujet
déterminé.
2» Négatif : ngilak, ngitar. Cet infixe, qui appartient
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-- 266,—
incontestablement à la langue innok, est en tchiglerk très-
rare et tout à fait exceptionnel : tuécuhtnayerput, sensé ;
luiaornàTigitarput, sot.
S^ Causatif : ëi§ : nérrèyoark, il mange ; nérrèCi^oark,
il fait manger.
40 Intensif : twi, miyar, nasalisant la voyelle, soit radi-
cale, soit euphonique, qui le précède : immèrtoark, il boit;
immèrômiyoark, ivrogne.
5<> Simulatif : toyar : nérrèloyartuarky il feint de manger.
Que Ton combine ces divers infixes, les seuls dont la
fonction me paraisse hors de doute, avec les aggluti-
nations reconnues jusqu'à présent, et Ton se convaincra
que la langue innok est une des plus puissamment agglu-
tinantes qu'il soit donné au linguiste d'étudier.
II. Composition. — C'est sur ce dernier point que les
documents me manquent le plus, par la raison que le
vocabulaire du P. Pelilot n'est pas et ne pouvait pas
être, d'après les intentions mêmes de Taùteur, un dic-
tionnaire étymologique. Or, ce n'est pas seulement quel-
ques données étymologiques, c'est la connaissance des
racines mêmes de la langue, au moins des plus usuelles,
qu'il faudrait posséder, pour reconnaître les éléments
des compositions probablement emboîtantes qui pourraient
exister dans la langue innok. La lexiologie comparée de
deux de ses dialectes jetterait quelque lumière sur bien
des points obscurs ; mais celui des Tchiglit pris isolément
ne nous- révélera pas le secret de sa structure. Je n'ai
donc pu déterminer si l'innok est ou non caractérisé par
le procédé lexiologique de la composition. Ce qui est
certain, c'est que les Innoit expriment volontiers par des
procédés purement grammaticaux les rapports d'idées et
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. - 257 -
de mots qui, dans d'autres langues, se rendraient par la
composition : le lard de renne, tuktub orkôora, et non
iuktorkôork. Ce qui n'est pas moins incontestable, c'est,
en sens inverse, que certains mots, par leur longueur, par
la multiplicité des idées qu'ils expriment en les associant,
paraissent formés à l'aide d'un procédé de composition
fortement emboîtante. Mais dans ces mots le thème
initial sejil est reconnaissable ; tous les autres, si tant est
qu'ils existent, sont tellement fondus ensemble, contractés
ou dégradés, que l'analyse la plus minutieuse ne saurait
les retrouver, en sorte qu'il est impossible de décider
si l'on a affaire à une vérilable formation synthétique
ou à une simple dérivation verbale à l'aide d'affixes.
C'est ce que fera voir un exemple, où j'accumule
quelques-unes des principales modifications de l'action
d' « aller ».
Il va aulao-rk,
— à la chasse tuktU'léa-rk,
— à la mer unudéar-to-ark.
— chercher le gibier tué. . nérkrè'éar-to-ark.
— à la voile . tingùlar-autar-to-ark,
— ramasser des fruits. . . aôi^ar-to-ark.
— au large (à pied). . . . iénk-a-yo-ark.
— au large (en canot). . . iôuk-âi-to-ark.
^ Séparant de ces mots les thèmes initiaux tuktu, renne ;
unu (?); nérkrèy viande; tingùlara, voile; aéiyark^ fruit;
iikra^ haute mer, existe-t-il ensuite, en dehors des affixes
de conjugaison, un élément commun à toutes ces forma-
tions, une seule consonne que l'on puisse rapporter, soit
au thème aulaork, soit à un autre quelconque exprimant
17
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— 868 —
la même idée ? Evidemment noo, sauf peut-être cet affix6
léa^ léar^ commun aux deux premiers verbes. Ce n'est
pas sur ce faible indice que nous pouvons nous guider.*
Bien plus, dans les deux derniers verbes de celte liste,
exprimant tous deux la même action, il est impossible de
découvrir, non seulement pourquoi l'idée de mouvement,
de déplacement, s'y trouve «enfermée, mais encore pour-
quoi l'un signifie que le déplacement s'effectue à l'aide
d'un canot, tandis que l'autre renferme le sens d' c aller
à pied ».
Voici maintenant quelques-unes des modifications de
l'idée d' c eau » :
Eau immèrk, imark.
— bouillante yoratoark,
— froide kigerôimâitoark.
— courante èarvartoark.
— stagnante. orkôoartoark.
Dans aucun de ces quatre mots on ne retrouve le
thème immè, ima (1) ; ce ne sont pas là des noms com-
posés, mais de simples formations verbales dérivées. La
première est la troisième personne du singulier du pré-
sent de l'indicatif du verbe yorato-, bouillir ; l'analogie
doit nous faire penser qu'il en est de même des deux
suivantes, bien que nous n'en connaissions pas le thème
primaire. Quant au verbe orktoarto-, il dérive de orkèork,
graisse, et signifie par conséquent « être graisseux, vis-
queux, stagnant». On pourrait multiplier les exemples de
ce genre. Ceux-ci suffiront pour faire voir que la dériva-
(1) Sauf peut-être dans kiSerê-imâ-itoark.
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— 2B» —
tion explique aussi bien et mieux que la composition les
formes les plus compliquées de la langue innok.
Ce n'est pas que le vocabulaire du P. Petitot ne ren-
ferme quelques formes qui paraîtraient dues à un procédé
de composition, mais ce sont des cas isolés et douteux.
On lit, par exemple : c algues, èrkloyaluit (intestins de
Teau) ». Le mot « intestins » (èrklo) se retrouve très-
bien dans cette prétendue comj^osition, mais non point le
mot « eau », et cette forme n'est que dérivée. En effet,
èrkloyalu-it est évidemment un pluriel dont le singulier
serait èrkloyalu-k, et cette désinence aluk nous indique
un diminutif: ce mot. signifie donc « petits boyaux », nom
qui convient à merveille à Taspect tubulaire et enchevêtré
des algues marines.
Ailleurs nous trouvons korèork, résine, que l'auteur
nous donne comme composé de kréyuk, arbre, et orkôork^
graisse ; c graisse d'arbre d, c'est pour la résine une
appellation très-convenable. Voilà donc une formation
composée, caractérisée de plus par un fort emboîtement ;
mais rien ne nous répond de l'exactitude de cette analyse,
et il faudrait évidemment plusieurs étymologies semblables
pour la corroborer.
Maintenant, lorsqu'on se trouve en présence d'un mot
tel que amarkrènùroyark, renne tué par les loups, bien
qu'on n'y puisse découvrir que l'élément amarorkvy loup,
et que les mots « renne, tuer, proie », etc., y soient
absolument invisibles, il est difficile, je l'avoue, de ne
pas songer à une polycomposition assez compliquée. Mais
cette conclusion est entièrement conjecturale, tant que l'on
n'est point parvenu à reconnaître et à isoler avec certitude
chacun des éléments significatifs de cette formation.
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— 260 —
En résumé, la langue innok, telle qu'elle nous apparaît
étudiée dans le dialecte des TchigUt, me semble être très-
puissamment agglutinante et user largement du procédé
d'emboîtement entre le thème et les suffixes. Mais rien, je
crois, n'autorise jusqu'à présent à la ranger parmi les
langues polycomposantes.
V. Henry.
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DE L'ORIGINE DU SON ARTICULÉ.
Nous mangeons, nous buvons, nous respirons et nous
expulsons les matières contenues dans les premières voies
à l'aide des mêmes organes dont nous nous servons en
parlant. Serait-ce accidentel? Je ne le pense pas. Ces
deux ordres de fonctions si différents Tun de Tautre sont
unis par un lien caché dont la détermination fera Tobjet
de ce travail.
L'analyse du langage normal ou anormal des adultes,
de nombreuses observations faites sur des nouveau-nés et.
des enfants en bas âge de nationalité différente, des
renseignements recueillis sur la manière d'articuler des
sauvages, certains cas pathologiques enfin m'ont mis sur
la voie d'une solution qui permet de rattacher le voca-
bulaire des langues les mieux explorées à des bruits
naissant dans le canal buccal et nasal de tous les animaux
supérieurs.
Étabhssons avant tout que la production du langage
sonore dépend de deux appareils : 1<> le larynx ; S^ les
orifices de la bouche et du nez. Le jeu simultané ou
alternatif de ces organes donne lieu à des sons, tantôt
vocalises, tantôt chuchotes. La voix renforce par exemple
les V, les 2, les j, tandis qu'elle fait défaut aux f, aux s,
aux ch (s). Les maladies du larynx la font souvent dispa-
raître, tout en laissant intacte la faculté d'articuler.
D'autre part, les maladies de la bouche et du nez peu-
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à
— ser-
vent anéantir des séries entières de sons articulés, sans
empêcher les manilestalions sonores de la glotte. La
première enfance exerce séparément les deux éléments
constitutifs du langage, et ce n'est qu'à partir du troi-
sième mois que j'ai pu constater des efforts nettement
accusés pour unir la voix et le bruit articulé. Notons
encore que la voix suit l'épanouissement des instincts
sexuels, tandis que l'évolution du son articulé est lié au
développement des voies buccale et nasale. En vue de
ces faits, on me permettra de réserver le nom de son
articulé exclusivement à la parole chuchotée, quoique
celle-ci ne soit pas plus indépendante de la voix que le
langage lui-même ne l'est du geste.
Le son articulé naît quand le courant respiratoire qui
s'échappe par la bouche ou par le [nez est momentané-
ment arrêté, soit partiellement, soit complètement, dans
un endroit quelconque du canal buccal. Il y a un nombre
très-considérable de ces lieux d'arrêt. Toutefois, il est
possible de les classer dans deux circonscriptions nette-
ment séparées l'une de l'autre par les dents : celle des
lèvres et celle du palais. Dans la première de ces régions,
c'est la lèvre inférieure ; dans la seconde, c'est la langue,
qui fonctionnent comme organes mobiles, dont l'applica-
tion contre certains points de la voûte buccale produit les
interruptions propres à l'articulation. Le son prend un
timbre buccal, nasal ou bucco-nasal, suivant que l'haleine
articulée s'écoule par la bouche, par le nez ou par les
deux à la fois. Voici, pour un point déterminé de la région
labiale, le relevé de tous les sons qui peuvent s'y former
pendant l'expiration :
Première série. — La cavité nasale est fermée par le
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— 263 —
voile du palais ; Tair s'échappe par la bouche, qui fonc-
tionne comme résonnateur et donne aux sons de celte série
le timbre buccal.
Expiration forte. Expiration faible.
Occlusion initiale des lèvres p b
Rapprochement fissurai des lèvres. . f v
Rapprochement circulaire des lèvres, u u
Deuxième série, — La cavité nasale n'est pas fermée
par le voile du palais'; l'air s'échappe à la fois par la
bouche et le nez, ce qui transforme ces deux cavités en
résonnateurs et donne aux sons de cette série le timbre
bucco-nasal.
Expiration forte. Expiration faible ,
Occlusion initiale des lèvres p b
Rapprochement fissurai des lèvres. . f v
Rapprochement circulaire des lèvres. u u
Troisième série. — Le canal nasal est ouvert, la bouche
est fermée, l'air passe par le nez. La cavité nasale
augmentée .de la cavité buccale forme le résonnateur et
donne aux sons de cet ordre le timbre nasal.
Expiration forte. Expiration faible.
Occlusion initiale du nez accompagnée
de la fermeture des lèvres . . .- . p b
Le canal nasal est ouvert, les lèvres
sont fermées m m
Ces p et ces b^ diversement nuancés, donnent avec les
continues correspondantes, c'est-à-dire les f et les v, les
deux espèces d'w et les deux espèces d'm des syllabes
physiologiques déterminées par la forme de la cavité
buccale. La région particulière dont il est question ici
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— 264 -
compterait donc dix de ces unités distribuées sur trois
séries :
i.
pf ht pu
bu
timbre buccal.
2.
pf bv pu
bu
timbre bucco-nasal
3.
pm bm
timbre nasal.
L'écriture latine ne possède point de lettres simples
pour désigner ces éléments phoniques ; elle n'en marque
que les parties constituantes ; encore les marque-t-elle
incomplètement. Les sons de la deuxième série, ainsi que
les p et les b de la troisième, n'ont point de représentants
graphiques. Mais aussi pourquoi les auraient-ils, puis-
qu'ils ne figurent dans la prononciation normale d'aucun
peuple connu? Observation très-juste dans la bouche du
policier grammatical chargé du maintien des normes
établies, mais souverainement fausse dans celle de l'inves-
tigateur qui prétend nous renseigner sur le parler tel
qu'il est et non pas tel qu'il devrait être. Or les articula-
tions anormales signalées dans nos deuxième et troisième
séries se trouvent chez de nombreux individus auxquels
on reproche des vices de prononciation. Libre aux exclu-
sivistes de ranger ces faits dans la pathologie du langage ;
ils n'en existent pas moins. Notons encore que la parole
rapide simulée ou sanglotante réalise souvent durant
l'inspiration ce que l'énoncé habituel émet par expiration.
Menlionnons enfin les claquements ou bruits de succion
dont nous nous servons dans le parler interjectionnel, et que
d'après Bleek les Bochimans emploieraient dans le discours
continu.
Notre domaine labial présenterait donc trois espèces de
phonations : les expirées, les inspirées et les claquements,
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— 265 —
dont les premières, de beaucoup les plus employées, peu-
vent avoir une prononciation vibrée rappelant celle de IV.
Ces trois espèces se retrouvent dans les autres domaines
de l'articulation, les conditions de production y étant
essentiellement de même nature.
Les distinctions que je viens d'établir se fondent en
partie sur des faits isolés, j'en conviens ; mais qui peut
nous certifier que les phonations actuellement anormales
n'aient jamais été normales et vice versa ?
Les labiales de nos trois séries chuchotées durant
l'expiration ressemblent à des bruits d'expulsion, tandis
qu'une impression contraire est éveillée par les mêmes
sons dus au mécanisme de l'inspiration et de la succion.
Cette remarque, faite à propos des labiales, s'adresse
également aux dentales et aux gutturales, à cette réserve
près que les bruits de mastication et de déglutition y figurent
à la place des bruits de succion.
Ainsi considérés, les mouvements d'articulation dans
toutes leurs nuances si variées se présentent sous la
forme d'activités présidant à l'entrée ou à la sor**'^ -^^"^
substances alimentaires ou sécrétées. La voix vier
forcer ces bruits d'entrée et de sortie, mais elle les
de se conformer au mode de production qui
propre. Son concours est à ce prix. Or la voix ne
jour que durant l'expiration, et elle exige que la
buccale soit ouverte. Si les bruits d'expulsion r<
sent ces conditions, il n'en est pas ainsi de ceux
forment lorsque nous aspirons, et que nous avalo
substances liquides ou gazeuses. Aussi la voix exig
des sons d'entrée qu'elle doit renforcer un chanj
qui les assimile aux sons de sortie. Cette circonstai
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— 266 —
suggéra l'idée que, parmi les phonations centrifuges du
langage transmis, il pourrait s'en trouver qui auraient
eu un jour la valeur de phonations centripètes, de
sorte qu'un seul et même son pourrait jouer deux rôles
distincts, suivant qu'il aurait été centrifuge ou centripète
dans le principe.
Appliquons cette hypothèse à l'explication du vocabu-
laire indo-européen. Mais n'oublions pas que si la voix
ne s'unissait qu'avec difficulté aux bruits d'entrée, et
seulement après leur avoir imposé des modifications con-
sidérables, il n'en devait pas être de même quand elle
avait à se combiner avec les sons de sortie. Les deux se
produisant durant la même période respiratoire, ils
devaient s'amalgamer avec une facilité relative et donner
lieu ainsi à la naissance des voyelles.
Des enfants français et allemands bien portants et
constamment entourés mettent, selon mes observations,
environ trois mois avant de former un son qui soit à la
fois vocalisé et articulé. Des enfants négligés n'y réussis-
sent souvent qu'après le neuvième mois, et nos ancêtres
indo-européens paraissent n'y être arrivés que bien plus
tard encore. Du moins les nombreuses aspirées qui carac-
térisent les spécimens les plus anciens du parler indo-
européen semblent-ils montrer que nos devanciers souf-
fraient, même à l'âge adulte, de ce défaut de coordination
entre les deux appareils phonateurs qui embarrasse encore
la première enfance de tout homme civilisé. Nos ancêtres
bégayaient donc toute leur vie, mais que bégayaient-ils?
Élaient-ce des aggrégations de monosyllabes finement dé-
coupés qu'on appelle racines? Certainement, répond le
linguiste orthodoxe, avant d'être polysyllabe, la parole de
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- 267 —
rhomme était monosyllabe. Mais comment se fait-il, s'il
en est ainsi, que l'enfant, durant les premiers temps de
sa vie, ne s'exprime pas en monosyllabes, et que, dans
le langage humain en général, les mots polysyllabes se
changent en monosyllabes, tandis que le contraire n'arrive
jamais (1)? Ces scrupules m'ont engagé à mettre la
théorie usitée à l'envers et à affirmer qu'un polysylla-
bisme spasmodique a précédé le monosyllabisme qui,
loin d'être un fait primitif, ne serait dû, comme tout
mouvement limité, qu'à une éducation soutenue. Ainsi la
Iriplication contenue dans Ss8t5«xa dénote un état plus
ancien de la langue que le redoublement de 8t8à(Txw ou le
radical isolé 5« dans Setxvup.
Au lieu de dire que le mot oculus en latin, son syno-
nyme akis en lithuanien, et le mot allemand achten « faire
attention >, cachent la racine ak, je dirai plutôt : Dans
ces mots se trouve la phrase primitive ak ak ak ak...
réduite en latin à ocu, en lithuanien à aki, et en alle-
(1) Les langues dites analytiques semblent donner un démenti à
cette assertion. Ces lanj^ues cependant ne sont analytiques que dans
leur orthographe. On emploie deux divisions graphiques pour écrire
il aime, tandis que son équivalent latin amat n'en occupe qu'une
seule. Est-ce à dire qu'en se décomposant le mot latin aurait produit
trois mots français? Personne ne Poserait affirmer. En somme, il aime
n'est qu'un seul mot comme amai, le mot parlé n'étant,
que la plus petite partie du discours échangé entre deux in
quelconques. // aime comptant deux parties, dont chac
fonctionner en latin comme mot indépendant, tout le
viendra que le mot latin est dû à une synthèse. Un n
semblable s'applique au vocabulaire de toutes les langues
il serait donc urgent de leur retirer le nom de langues an
moins que l'on ne tienne à la gracieuse image qui assimil
des idiomes modernes à la décomposition d'un corps orgai
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— 268 —
mand à a4)h. Â la même phras^ qui peut encore se
figurer par ka ka ka ka... remontent les mots pour
lesquels on revendique la racine ka. Un petit nombre de
motifs, résultant eux-mêmes de la combinaison de la
voix avec les sons d'entrée et de sortie, me paraît avoir
donné naissance à l'immense vocabulaire des langues
indo-européennes, et si je réussis à démontrer cette filia-
tion pour les idiomes les mieux explorés, peut-être
l'avenir se chargera-t-il de ramener à la même source
d'autres systèmes de langues encore peu connues à l'heure
qu'il est.
En toussant légèrement, nous produisons des guttu-
rales qui ressemblent plus ou moins aux syllabes ka, kha,
ha. Ces sons perdent quelque peu leur cachet primitif si
l'articulation avance vers la partie médiane du palais,
comme cela a dû arriver un jour pour la majeure partie
des langues indo-européennes. Il est cependant possible
de les reconnaître encore dans les mots où il est question
d'expulsion et d'excrétion. Que Ton prononce en chucho-
tant les sons pu et tiy on aura également l'air de souffler
et de cracher. Or ces sons se trouvent être l'élément
caractéristique des mots indo-européens signifiant : tousser,
cracher, vomir, éternuer, se moucher. Ce qui est curieux,
c'est que ces activités expulsives aient servi de modèle à
la dénomination de toute espèce d'excrétion, et qu'en se
généralisant ces noms d'excrétion se soient étendus à des
domaines qui paraissent leur être complètement étran-
gers. La meilleure idée que nous puissions nous faire de
cette conquête, qui a dû s'accomplir dans les ténèbres
du développement préhistorique, nous sera fournie par
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quelques groupes de mots dans lesquels se réalisent les
motifs d'excrétion figurés par.ita... pu... H... Il est vrai
que souvent nous ne possédons de ces motifs nue des
restes défigurés ; aussi les marquerai-je, pou]
en relief, par des caractères italiques.
cfearkatj,
tousser pour cracher.
Russe.
Àrrêpat,
id.
Leite.
sfcreploli.
cracher.
Lithuanien.
cAremma,
crachat, salive.
Grec.
kd^ei.
toux.
Sanscrit.
chird'x,
voiniss«»ment.
Id. •
s/:aiedû,
dégiiûtant (poussant au vo-
misseuieul).
Vieux slave
kapûà.
je respire.
Grec.
kaptiOSf
vapeur, fumée.
Id.
sX:<audau,
j'éternue.
Lithuanien.
^orûza,
coryza.
Grec.
feroz.
morve.
Vieux haut-
kûsi\s.
vessie.
Grec.
cyiiidLy
podex.
Sanscrit.
kakkaà,
caco.
Grec.
chezày
id.
Id.
Aadate,
cacat.
Sanscrit.
gamo,
caca.
Vieux slave
spuo.
je crache.
Latin.
pûiizô,
id.
Grec.
spucke,
id.
Nouveau h(
imlys,
souffleur.
Lette.
pilos.
pus.
Grec.
pus,
id.
Latin.
ptile.
id.
Lithuanien
ptiya.
id.
Sanscrit.
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— 270 —
apomiissô,
je moaehe.
Grec.
fiiukos,
mucus.
Id.
muxa.
id.
Id.
muchmos,
souffle, gémissement.
Id.
muDgere,
moucher.
Latin.
fnunkati,
il crache.
Sanscrit.
tnt/nkati,
mingit.
Id.
mûirny
urine.
Id.
mmgere,
id.
Latin.
puta,
fesses.
Sanscrit.
/udh,
id.
Vieux norse.
/îÉêdeli,
id.
Allemanique
6tili,
podex.
Sanscrit.
«ikati,
mingere.
Vieux slave.
siéi,
urine.
Id.
«ralj,
cacare.
Russe.
Dans tous ces mots, Tattenlion de l'auditeur est appelée
à se diriger sur des activités et des produits d'excrétion, et
sur les parties de notre corps qui y sont intéressées. Ici,
ce n'est pas seulement la bouche qui crache, mais encore
le nez, la peau en suppuration et d'autres organes chargés
de la police sanitaire.
Les exemples suivants peuvent montrer comment nos
ancêtres indo-européens procédaient pour enrichir leur
vocabulaire primitivement si pauvre :
kakkhaiiy
il rit.
Sanscrit.
kakhazà,
je ris.
Grec.
cachinnns^
rire.
Latin.
^dikar,
se rire de.
Sanscrit.
^dlthate,
il insulte.
Id.
^dtiiinti,
bavarder.
Lithuanien
^dtillô,
je bavarde.
Grec.
calumniare,
id.
Latin.
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— 271 —
Le rire faisait évidemment à l'homme primitif le
même effet que la toux. Du rire il glissa facilement
à la moquerie, à Tinsulte, à la calomnie et au bavardage.
L'expectoration sert de point de départ à une autre
suite de notions qui, bien que fort primitive, sera
accueillie favorablement par bon nombre de maîtresses de
maison :
Celui qui crache tache.
•
Celui qui tache gâte.
Celui qui gâte tourmente
fealana.
tache.
Sanscrit.
jt^iis,
id.
Grec.
fc&rszas,
tacheté.
Lithuanien.
kenkin.
j'endommage.
Id.
^ankinti,
tourmenter.
Id.
Ce qui est taché est sombre, ténébreux ; et le ténébreux
domine dans le nuage, dans le brouillard, dans la nuit et
dans le péché :
fc^las,
nuage orageux;
Grec.
caligo,
ténèbres.
Latin.
âgas.
faute, péché.
Sanscrit.
agos.
id.
Grec.
rajas,
brouillard, obscurité.
Sanscrit.
rajanî.
nuit.
Id.
* erehos, ténèbres. Grec.
N, B. — Dans les mots marqués d'un astérisque, IV
me semble avoir été dans le principe profondément guttu-
rale.
L'image de l'homme expulsant, excrétant, lançant, pous-
sant, donne lieu à un nombre infini de significations, dont
voici quelques exemples :
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^- ^/a —
ago.
je pousse.
LatiD.
ago%;
chasseur.
Grec.
agm.
chasse.
Id.
ajâ,
chèvre.
Sanscrit.
aja,
bouc.
Id.
flpna,
pierfte.
Id.
kamenï,
id.
Russe.
acQS,
aiguille.
Latin.
^8 ta,
lance.
Id.
^raddr.
aiguillon.
Vieux norse.
6tikkà,
chèvre.
Sanscrit.
6ukka,
bouc.
Id.
ftAuyali,
il pousse de côié.
^ Id.
^tigaos,
pliant.
Gothique.
6tigti,
effrayt^r.
Liihuauien.
budu'Xy
réveiller.
Vieux slave.
6uddha,
réveillé.
Sanscrit.
piénthanomai,
je veille, je remarque.
Grec.
Sivyali,
il coud.
Sanscrit.
stula,
aiguille.
Vieux haut-allemand
Itti.
coudre.
Vieux slave.
Celui qui se débarrasse de ses excrétions se purifie. Un
semblable résultat est obtenu par celui qui se lave ou se
baigne. Ce raisonnement a évidemment présidé à la for-
mation des mots suivants :
punâti,
il purifie.
Sanscrit.
ptitus,
pur.
Latin.
ptilare,
nettoyer.
Id.
pwrus,
pur.
Id.
jpwrgare,
purger.
Id.
jmr,
feu.
Grec.
6ukhti,
purification.
Zend.
ukshati,
il mouille.
Sanscrit.
tidra,
animal aquatique.
Id.
Les recherches étymologiques nous font souvent assister
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-^ 273 —
au spectacle d'un glorieux passé aboutissant à un triste
présent, du pessimisme gagnant sur l'optimisme. Heu-
reusement que le contraire arrive également, et peut-être
devons-nous des noms de dieux à une origine assez
injpure.
d/ghda,
oint.
Sanscrit
éUdhyaiie,
il reluit.
]d.
dyaush.
ciel, jour, dieu.
Id.
La logique primiliye semble rattacher le brillant,
l'illustre, le divin, au lustre du à la salive ou à un corps
graisseux quelconque.
Arrivé à la notion la plus élevée que les motifs d'excré-
tion ont pu fournir, il me sera permis de' poursuivre la
destinée des motifs issus des sons d'entrée. Nous y
verrons se répéter un fait que nous avons déjà pu cons-
tater. L'homme primitif, se prenant lui-même comme
point de départ de toute chose, transporte les noms de
certaines activités à lui appartenant, à d'autres activités
exercées par lui ou par d'autres agents, prêtant aux mots
transmis une portée d'autant plus générale qiie son
cercle d'idées grandit, et qu'il attire tout dans le domaine
de sa nomenclature. Chez des centaines de peuples, les
noms des personnes qui subviennent aux premiers besoins
de l'enfance offrent les ressemblances les plus frappantes.
Ainsi l'enfant européen, né au sein d'une civilisation
raffinée, appelle sa mère du même nom que l'enfant du
nègre, de l'Esquimau ou du Malais. Serait-ce là un
hasard? Impossible. Comment tant de langues seraient-
elles d'accord sur ce point sans qu'il y eût en jeu une
nécessité naturelle?
18
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— 274 —
Langage des besoins de nutrition, pa, ma, fa, ha, ga,
tUy da, na, le plus souvent plusieurs fois répétés et par-
fois différemment vocalises, forment partout les raéraes
motifs articulés. Dans le principe, bruits de succion et de
déglutition, ils ne perdirent leur cachet primitif qu'en se
réunissant à la voix.
En faisant le relevé du vocabulaire de quinze enfants
âgés de douze à dix-huit mois, de nationalités différentes,
je remarquai que des phonations gutturales vibrantes,
que Ton pourrait désigner aussi bien par r que par kh,
étaient les premiers sons articulés qui se manifestaient.
La voix venant s'y ajouter produisait fatalement un a, et
je suppose que l'approbation obtenue par les enfants à
l'apparition de cette première voyelle les engageait à la
combiner également avec les phonations dentales et
labiales, rognant ainsi le domaine naturel des voyelles u
et i. Si ce fait avait une portée générale, il expliquerait
pourquoi la voyelle a joue parmi ses semblables, dans les
premières phases historiques de notre idiome indo-euro-
péen, un rôle si prépondérant. Il pourrait également
contribuer à écarter l'étonnement auquel l'apparition de
la voyelle a donne lieu, quand nous la rencontrons là où
la nature des choses nous aurait fait attendre soit un u,
soit un i.
Pour être admis à téter, l'enfant exécute souvent des
mouvements de succion ; qu'à ces sollicitations s'associe
l'image du sein maternel, et nous nous voyons en face des
premiers germes d'un langage où domine l'amour, tandis
que les motifs d'ordre expulsif servent surtout à exprimer
le dégoût et la répulsion :
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S75-^
manma.
nourriture.
Grec.
Id.
sein maternel.
Latin, grec.
Id.
mère.
Id.
marna.
id.
Lithuanien.
Id.
id.
Vieux slave.
muomâ,
id.
Vieux haut-allemand
ma,
id.
Zend^ sanscrit.
mâUr,
id.
Id.
mater,
id.
Latin.
Ululer,
id.
Grec.
mddar,
id.
Vieux saxon.
kuca.
sein maternel.
Sanscrit.
akka.
id.
Id.
Akkô,
nourrice de Demeter.
Grec.
Acca,
mère des Lares.
Latin.
papa.
nourriture.
Latin.
Id.
mamelle, tetin.
Lette.
papilla,
id.
Latin.
pippalak?^.
id.
Sanscrit.
Pappa me paraît avoir été primitivement un nom de
mère. La légitimité de cette supposition me semble être
garantie par les faits que voici : la suite d'idées qui
découle du mot papa est parfaitement semblable à celle
que produit le mot marna ; il a même gardé sa signifi-
cation première dans le mot grec pappos « grand-père du
côté maternel >, c'est-à-dire « le maternel ». Du reste,
dans quelques langues qui n'appartiennent pas à la
souche indo-européenne, le mot mama est également
devenu un nom de père ; et dans nos langues indo-euro-
péennes elles-mêmes, le motif ma... a donné plusieurs
noms de père :
ilfanu, père des hommes.
Sanscrit.
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_ 276 —
JtfaDês, aDcétre des Phrygiens. Grec.
Jlfannus, ancêtre des Germains selon Tacite.
Jlfanna, homme (signification primitive = père, et
non pas penseur, comme ou dit habituel-
lement). Gothique.
On ne s'étonnera pas qae le père porte le nom de la
mère si on rapproche ce phénomène de celui que Tethno-
graphie désigne sous le nom de € couvade ». Dans les
deux cas, le père simule la maternité pour reconnaître
comme siens les enfants de sa femme. Cette manière de
voir reçoit une nouvelle confirmation par les phases du
développement du nom de mère tata ou atta :
dadhan.
lait.
Sanscrit.
dhay&iï,
elle allaite.
Id.
dhâirt,
nourrice.
Id.
d^drana,
mamelles.
Id.
tutâ,
mamelle, teton.
Vieux haut-allemand.
tiuhos.
teton.
Grec.
titinê,
nourrice.
Id.
totâ,
mère.
Vieux haut-allemand.
attâ,
id.
Sanscrit.
tetà,
taote.
Lithuanien.
dède.
id.
Id.
têthis.
id.
Grec.
nanna,
id.
Id.
dède,
grand*mère.
Lithuanien.
têthê,
id.
Grec.
atta,
père.
Id.
tata.
id.
Id.
atta.
id.
Latin.
tata.
id.
Id.
tata,
id.
Sanscrit.
tat.
id.
Gornish.
toto.
id.
Vieux haut-allemand.
tèta,
id.
Lithuanien.
nannas,
onple.
Grec.
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— 277 —
Il résulte de ce tableau que le nom de la mère n*a pas
seulement donné naissance aux nomâ des parents fémi-
nins, mais encore à celui du père et à ceux des parents
mâles. Ces mots devinrent à leur tour la source vive d'où
jaillirent d'innombrables termes rappelant les faits et gestes
de l'homme en général.
Le trésor de mots que l'on s'est approprié dans le sein
de la famille suffit à la plupart des hommes pour exprimer
les expériences qu'ils feront à l'état adulte; Entrés dans
Tàge viril, ils n'apprennent plus de mots nouveaux ; en
revanche, les anciens gagnent en portée, profondeur et
précision. Les choses se passèrent de la même façon chez
nos ancêtres. L'idylle des clameurs enfantines leur four-
nissait le texte pour le drame de l'amour sexuel ; ils
empruntaient à la vie conjugale des termes pour une
foule d'activités, de manipulations et d'outils, identifiant
de cette façon les faits nouveaux à ceux qu'ils connais-
saient d'ancienne date.
Une fatalité organique associait dans leur esprit les
bruits de succion à trois images :
io Le sein maternel et le nourrisson ;
2° Le père, protecteur et dominateur de la famille ;
30 Les époux.
Ces images types, empruntées à la vie de famille
naturelle, sont dans la plus étroite connexion les unes
avec les autres. Voici les significations provenant du pre-
mier type :
1 . Sein maternel, lait, boisson, nourriture, nourrir.
2. Sein maternel, gonfler, enflé, rempli, pustule, vési-
cule.
3. Boire, manger, mâcher, ronger.
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-Î78 -
4. Désirer, se souvenir.
5. Bégayer, dire.
6. Sein maternel, courbure, voussure, bosse, mont, tas,
écuelle, tète, sommet.
7. Absorber, désirer, demander, aimer.
Exemples :
d^rana,
les deux mamelles de la femme.
Sanscrit.
dadhan.
lait.
Id.
dhenêi,
boisson, Dourriture.
Id.
tutto,
poitrine, teton.
Vieux haut-allemand
Utlhos,
id.
Grec.
torpati,
il nourrit, fortifie.
Sanscrit.
tetrophe,
il a nourri.
2.
sein maternel.
Grec.
mamma.
Latin.
papas.
teton.
lithuanien.
mathy
nourriture.
Gothique.
payas,
lait des femmes.
Sanscrit,
panis,
pain.
Latin.
penû.
je nourris.
Lithuanien.
payate.
il est gonflé.
Sanscrit.
pampalas,
enflé.
Lithuanien.
piparti,
il remplit, nourrit. ^
Sanscrit.
pilnas.
plein.
Lithuanien.
polûs,
beaucoup.
Grec.
pompAos,
bulle.
Id.
papa.
pustule.
Lithuanien.
papwla,
vésicule.
3.
j'ai bu.
Latin.
pepdka,
Grec.
p^pasmai,
je me nourris.
Id.
Digitized
by Google
— 279 —
b^r6ati,
U dévore.
Sanscrit.
drayara»
rongeur.
Zend.
WênMCLy
4.
j'aspire, je désire.
Grec.
meumiôy
je suis avide de.
Id.
memim^
je me souviens.
Utin. *
babaz6.
5.
je balbutie.
Grec.
bubaiï^
je bégaie.
Vieux slave.
6aj9,
je dis.
6.
sein.
Id.
kuca.
Sanscrit.
kuku.
sinueux, courbe.
Vieux slave.
Xrtimpis,
courbe.
Lithuanien.
cdpa,
arc.
Sanscrit.
^amptô.
je courbe.
Grec.
^aofa.
mont, bosse.
Zend.
Icaufa,
mont.
Vieux persan.
Arupstas,
colline.
Lithuanien.
kupù.
tas.
Vieux slave.
Atife,
id.
Vieux haut-allemand.
kamara,
voûte.
Zend.
Araoïeredha,
tête.
Id.
kakuhh^,
éminent.
Sanscrit.
ctuîurbila,
courge.
Latin.
itûmbè.
tête.
Grec.
ibimbha,
pot.
Sanscrit.
tômbos,
vase.
Grec.
camati,
7.
il absorbe en aspirant.
Sanscrit.
achèn.
désireux.
Grec.
egeo,
j'ai besoin.
LaHn.
^ayamâoa.
aimant.
Sanscrit.
LmUc_.
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/
— 28a —
A la seconde image corFespondent les images suivantes :
4. Dominer, trôner, diriger.
2. Père, possesseur, prolecteur, berger, troupeau, pâtu-
rage, paître ; propriété, bétail, attacher, lier, attraper,
prendre, prendre terre (tomber, voler, frapper, sol = ce
qui est saisi, pied = ce qui saisit).
3. Homme avisé, sage, héros, homme.
4. Nourrir, donner, distribuer, disposer, enseigner,
dompter.
Exemples :
1.
rdjan,
roi.
Sanscrit.
rdjati,
il domioe, trône.
Id.
reXf
chef.
Latin.
r^gil,
il dirige.
Id.
papas,
2.
père.
Grec.
flepamai,
je garde.
Id.
papa.
protecteur.
Zend.
payu,
berger, pasteur.
Sanscrit.
pô%
troupeau.
Grec.
paya,
pâturage.
Zend.
poa,
herbe.
Grec.
pasco.
je mèue paître.
Latin.
pecns.
bétail.
Id.
p^gnùmi,
j'attache.
Grec.
paciscor,
je m'arrange.
Latin.
/ohan,
attraper.
Gothique.
fez\\.
fers.
Vieux haut-allemand
/assen,
prendre, saisir.
Allemand.
popada,
je saisirai.
Vieux slave.
popadu,
je tomberai.
Russe.
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— 281 —
pad^
je tombe.
Vieux slave.
peûi.
il atteint.
Latin.
patati,
il atteint, vole.
Sanscrit.
p^don,
sol.
Grec.
pada.
pied.
Sanscrit.
bhâyei.
homme avisé.
3.
Sanscrit.
ntantis,
homme sage.
Grec.
phôs
homme brave,
héros.
Id.
)nanna,
homme.
Gothique.
dainûmi.
4.
je nourris, je distribue.
Grec.
didômi.
je donne.
Id.
UDgatassa,
• désordonné.
Gothique.
dedae.
il enseigna.
Grec.
dominus,
maître.
Latin.
({omitor,
qui maîtrise.
^ Id.
Voci enfin les unités significatives qui rérao
troisième type :
1. Engendrer, produire, créer, vivifier, gu
2. Utérus gravidus, ventre, enflure, creux,
3. Coït, volupté, amour, repos.
4.. Coire, percer, labourer.
5. Gros, grossesse, plénitude, semence.
6. Être enceinte, porter.
7. Mentula, remuer.
8. Utérus, contenir, mesurer, considérer,
9. Être tendu, rigide, dressé, se dresser, h
10. Percer, frotter, agiter, toucher au but,
H. Semence, jet, source, couler, courir, fo
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1
Exemples ,
i.
^enitor,
c^rus,
Xrara,
/ayaiti.
père,
créateur,
feisant.
salutaire, nvifiant.
U vivifie.
Latita.
Vieux latin.
Zend.
Lithuanien.
Zend.
utérus.
utérus, ventre,
amas (enflure),
créas.
z.
3.
Sanscrit.
Grec.
Utin.
Id.
raU,
eramai,
ramate.
coït, volupté.
j*aime.
il repose.
4.
5.
nce.
6.
elle porte.
Sanscrit
Grec.
Sanscrit.
ptsti,
pasas,
barenâiti,
p^raô,
/brat,
eoire.
pénis,
il perce,
il laboure,
il perfore.
Lithuanien.
Sanscrit.
Zend.
Grec.
Latin.
p^lêsthai,
ptlnas,
polno,
plésma, '
être enceinte,
enceinte, gonflé,
plein,
conception, semé
Grec.
Lithuanien.
Russe.
Grec.
bhardiû,
dairan.
elle est enceinte,
porter.
Sanscrit.
Gothique.
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m^ntola.
Latin.
m^ta,
bâton, pour remuer.
Vieux f
tnotiti se
bouger.
Id.
mathnôte (i).
il remue.
Sanscrj
motbos,
tumulte.
Grec.
m^tra.
utérus.
8.
Grec.
mêTBy
mesure de capacité^ mesure.
Russe.
mêiioTf
je mesure.
Latin.
médomai.
je considère.
Grec.
tàtos.
tendu.
9.
Grec.
/orpet,
il est rigide.
Latin.
s/oras.
gros, épais.
Lithua
stokati,
il se dresse.
Sanscr
stot.
il est dressé.
Latin.
stobis,
bâton.
Golhiq
stochos,
pieu.
10.
Grec.
f^ebrum^
perçoir.
Latin.
fmt,
il frotte.
Id.
torassei,
il agite.
Grec.
tarati,
il touche au but.
Sansci
^aras,
bat.
Id.
^minus,
terme.
11.
Latin.
dhârsL,
semence, jet.
Sansci
thOTOS,
id.
Grec.
/ons.
source.
Utin.
dhavsiti.
il coule.
Sansc
theeuï.
courir.
Grec.
toj9.
je dégèle.
Vieux
thalpà.
je fonds.
Grec.
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- 284 —
Dans les exemples cités jusqu'à présent» il n'a été
question que de la partie significative des mots. Les
éléments déterminatirs et désinentiels seraient-ils de nature J
différente? Nullement; leur origine est la même. Ce qui
les distingue, c'est leur rôle de subalternes et la perte
de leur primitive individualité. Vm caractérisant la pre-
mière personne, le nominatif passif et l'accusatif, naquit
de ce même motif ma, qui, lorsqu'il se trouve placé en
relief, désigne les parents, les adultes, les hommes pen-
sants et sentants en général. Réduit à l'état de pâle
appendice, il ne réveilla plus dans l'esprit de l'auditeur
que les rapports de cause et de lieu les plus généraux.
Désinence personnelle ou casuelle, il indique ce qui est
intérieur et passif, tandis que les désinences de la seconde
et de la troisième personne du nominatif actif, de l'ablatif
et du génitif marquent ce qui est extérieur et actif. Cette
différence d'emploi s'explique du moment que Ton fait
remonter les désinences du premier groupe à des motifs
d'ordre centripète et ceux du second à des motifs d'ordre
centrifuge. Devenues des formations rudimentaires, les
terminaisons des mots rendirent de plus grands services
que si elles avaient persisté dans Téclat de leur jeunesse.
Leur effacement permit au mot indo-européen d'arriver à
l'unité complète et d'éveiller dans l'esprit les nuances de
rapports les plus délicates.
Mais ce point de perfection ne fut pas atteint du pre-
mier coup. Le mot n'avait-il pas été un jour une forma-
tion aussi indistincte, aussi uniforme que mamama... ou
amama,.. insensible aux additions comme aux retranche-
ments et possédant dans chacune de ses parties la même
vie que dans le tout?
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-2Ô5 —
Grâce à la multiplication des expériences et des pensées,
la variété et la précision rompent la vague monotonie
de la parole naissante. Les motifs s'amalgament, produi-
sent de nouvelles unités et permettent d'émettre plusieurs
idées dans le^ême temps qu'il avait d'abord fallu pour
en exprimer une seule. Voici maga = grand, madha = salu-
taire, mara = nuisible. Ces nouvelles formations présen-
tent malgré leur brièveté un sens plus riche et mieux
déterminé que mamama... Ici, plus d'addition ou de
retranchement sans altération de sens; à une lâche collec-
tion s'est substituée une véritable unité.
Mais la condensation des motifs continue ; les sens se
spécifient, et la solidarité la plus intime s'établit désormais
entre les parties du mot. La première partie servira à
la signification la plus générale, la dernièc^ au rapport le
plus général, et les parties du milieu modifieront, soit la
signification, soit le rapport. Le corps du mot se diffé-
rencie si bien qu'on a de la peine ^ concevoir qu'un seul
et même élément puisse recevoir des sens si différents,
suivant qu il fonctionne à l'un ou à l'autre bout du mot.
Le ma de nos exemples maga, m^dha, mara, signifie
c homme adulte ». La syllabe mu, originairement iden-
tique à mxi, que nous trouvons dans le mot latin
animum « âme = être respirant », désipfne un être vivant
en général, tandis que Vm de l'accusatif est la marque de
l'être sentant et passif, et remonte en dernière analyse
également à ma. Nous voyons ici très-bien que la diffé-
rence fonctionnelle de m^, mu, m, ne dépend point d'une
différence originelle, mais bien de 4a place qui leur est
tombée en partage dans le mot. La place elle-même n'est
importante que parce qu'elle détermine l'accentuation pri-
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-â«6 —
mordiale qui paraît avoir produit les nuances de sens qu'un
seul et même élément subit, soit au commencement, soit
au milieu, soit à la fin du mot.
La formation de pronoms indépendants me semble
remonter à des temps relativement récents. Le sens d'un
élément modificateur devait-il être mis en relief, on ne
faisait probablement pas autre chose que le répéter en
lui prêtant une accentuation plus forte. De cette façon-là,
nous serions arrivés à nos pronoms personnels et démons-
tratifs ; ces derniers, à leur tour, se seraient scindés
en démonstratifs déterminés à base dentale et en démons-
tratifs indéterminés à base gutturale convenant également
à rinterrogation.
Nous venons d'ébaucher les phases préhistoriques de
l'épanouissement verbal des peuples indo-européens, et
nous avons essayé de briser le mur derrière lequel on
cache la période durant laquelle les types sonores dits
radicaux sont censés avoir été créés. On prétend que le
souffle glacial de la corruption phonétique aurait détruit
ce bon vieux temps dans le sombre crépuscule des âges
préhistoriques. Depuis, dit-on, il n'a plus poussé une
seule racine dans le jardin indo-européen. Cependant^ si
l'on veut entendre par racine une formation monosyllabe
et significative, les peuples de l'Europe moderne, et
notamment les Anglais, ne pourraient-ils pas faire valoir
la part active qu'ils prennent à l'élaboration de types
semblables? De plus, il me paraît que la corruption
phonétique ne passe pour un caractère du développement
historique de la langue que parce que nous n'en connais-
sons pas les évolutions préhistoriques. Selon moi, la
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— 287 —
tendance à la concision et à la brièveté, que l'on appelle
corruption phonétique, a toujours existé. Dès le temps où
les phonations centripètes et centrifuges se sont mariées
à la voix pour produire des motifs sonores, le rude
labeur de la vie a dû pousser l'homme à dire beaucoup
de choses en peu de temps. Aussi les peuples qui ont le
plus lutté ont-ils créé le langage le plus bref et le plus
riche en idées.
Alexandre Maurer.
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LA THÉORIE DE rÉYOLBTION
LA SCIENCE DU LANGAGE
De tontes les théories mises en avant pour expliquer le
mode de formation de Tunivers, au moins de la partie
qui est le plus directement accessible à notre observation,
la théorie dite de l'évolution est celle qui se trouve le
plus en faveur dans le monde scientifique. Il faut recon-
naître, en effet, que c'est la théorie la plus naturelle,
et que les faits constatés expérimentalement semblent la
confirmer entièrement. On sait que, suivant ce système,
dont les champions les plus éminents sont en histoire
naturelle les Darwin^ les Wallace, les Haeckel, les phéno-
mènes sont les manifestations légitimes d'un développe-
ment continu chez les êtres animés, et que rien n'existe
qui n'ait eu un précédent et qui ne soit né de quelque
chose d'antérieur. Rien ne se crée, mais tout se trans-
forme dans la nature, et le langage, cette faculté distinc-
tive de ce genre dans Tordre des primates qu'on appelle
le genre humain, échappe moins que tout autre à la loi
de l'évolution.
L'application de la théorie de Darwin à l'étude de la
linguistique et la confirmation de cette théorie par les
résultats de cette science furent pour la première fois
tentées, et cela avec un rare bonheur, par Auguste
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— 289 —
Schleicher. Professeur à l'Université d'Iéna, ce savant
illustre, bien connu des lecteurs de cette Revue, qu'une
mort prématurée enleva à ses disciples et à ses amis en
4868, avait en quelque sorte aperçu les lois du transfor-
misme dans la glottique (comme il disait) dès 4860, où
il les exposait dans son livre : Die deutsche Sprache (Stutt-
gard, Cotta édit.). Or, il faut remarquer que ce livre,
daté de 4860, fut réellement fait en 4859, ainsi que
l'indique la préface terminée et signée le 40 décembre de
cette dernière année ; si l'on rapproche de ce fait cet
autre fait que l'ouvrage de Darwin panit en Angleterre
en novembre 4859, l'esprit le plus soupçonneux ne pourra
révoquer en doute l'assertion de Schleicher affirmant qu'il
ne connaissait rien de la doctrine darwinienne quand il
publia son livre sur la langue allemande (voy. Die Dar-
wiiische Théorie und die Sprackwissenschaft, p. 4 ; 4 broch.
in-8o, Weiraar, H. Bôhlau édit., 4863). Dans ce livre, et
notamment pp. 43 et 44, Schleicher s'explique sur t la
lutte pour l'exigence », sur la disparition des formes
anciennes, sur la grande extension et la grande diffé-
renciation d'une espèce unique, dans le domaine de la
glottique, d'une manière qui concorde, en faisant la
part des expressions, étonnamment avec les vues de
Darwin.
Aussi, lorsque Schleicher eut lu le livre du grand natu-
raliste anglais, s'empressa-t-il d'adhérer à ses doctrines,
et de leur apporter l'appui et l'aide de ses profondes con-
naissances linguistiques aussi bien que de sa méthode si
précise, si scientifique, si positive ; et la brochure dont
nous venons de donner le titre fut son acte d'adhésion au
transformisme.
19
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— 290 -
On se demandera comment et pourquoi le linguiste
Schleicber s'occupait tant de la théorie de Darwin et
rappliquait à la science du langage. Nous répondrons
avec lui que c les langues sont des organismes naturels
qui, sans être dépendants de la volonté de l'homme,
naissent, croissent, se développent, puis vieillissent et
meurent selon des lois déterminées ; à elles aussi est donc
propre cette série de phénomènes que Ton a coutume de
comprendre sous le nom de c vie ». La glottique, la
science du langage, est par conséquent une science natu-
relle ; sa méthode est en tout et pour tout la même que
celle des autres sciences naturelles. — 1) n'est naturelle-
ment pas question ici de la philologie, qui est une science
historique i> {Die Darwinsche Théorie, etc., pp. 6-7). Du
reste, Schleicher aimait ^ répéter une boutade empruntée
à ses études favorites en dehors de la] linguistique : c Le
linguiste, disait-il, est un botaniste, tandis que le philologue
n'est qu'un horticulteur ».
Cette façon de considérer la linguistique comme une
branche de l'histoire naturelle a fait naturellement accuser
Schleicher de matérialisme par ces métaphysiciens qui ne
peuvent se décider à considérer l'homme autrement qu'en
dehors de l'univers, dont il est cependant, quoi qu'on dise
.,ou qu'on fasse, une partie intégrante.
En reconnaissant avec les naturalistes les plus éminents
de notre époque « qu'il n'y a ni malière sans esprit (sans
la nécessité qui la détermine), mais pas davantage aussi
d'esprit sans matière », il proclame bien haut que ce point
de vue est aussi éloigné à ses yeux du matérialisme que
du spiritualisme {loc cit., p. 8).
M. Max Millier combat énergiquement cet ordre de
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— 291 —
conceptions. Dans une série de leçons traduites et publiées
en 1874 par la Revue politique et littéraire (2« série,
3® année, n»* 41, 43, 45, 49 et 24), il s'élève avec force
contre la théorie de Darwin, particulièrement dans la
philosophie du langage. Nous ne sommes pas surpris de
l'intervention de M. Max Mûller, et surtout dans un sens
rétrograde ; l'homme qui écrivît un jour que la science
du langage commença le jour de la t^entecôte ne peut pas
admettre, au moins publiquement, qu'une doctrine exclu-
sivement scientifique soit une doctrine fondée sur des
bases sérieuses. Aussi invoque-t-il tous les maîtres de la
métaphysique allemande contre une théorie aussi hétéro-
doxe ; il nous affirme que c le langage sans la pensée est
aussi impossible que la pensée sans le langage », oubliant
que les animaux ne parlent pas et pensent pourtant, puis-
qu'ils jugent et comparent ; il s'attaque particulièrement
^ € une nouvelle école de philosophie qui a surgi en
Angleterre, qui conteste énergiquement la justesse de
l'analyse de Kant et revient à la position occupée autre-
fois par Locke et Hume... qui traite la loi de causalité,
sur laquelle repose, à vrai dire, toute la question des
conditions a priori de la connaissance, comme elle l'a été
par Hume, de pure illusion, produite par une répétition
de phénomènes ; et l'analyse psychologique, fortifiée par
les recherches physiologiques, est invoquée à son tour,
pour prouver que l'esprit n'est que le produit passager et
fortuit de la matière, que le cerveau sécrète la pensée
comme le foie sécrète la bile. Sans physique, point de
pensée ! tel est le cri de guerre triomphant de cette
école *, ajoute M. Max Mûller avec ironie. Cette même
ironie, il l'emploie encore lorsque, essayant d'écarter du
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débat rintelligence des animaux, point fort gênant pour
les gens de son parti philosophique, il nous dit : « Que
savons-nous de la vie intérieure du mollusque? Nous
pouvons admettre qu'il vit dans des ténèbres épaisses,
que ce n'est qu'une masse de pulpe; mais nous pouvons
admettre aussi qu'étant à l'abri de tous les désordres
causés par les impressions des sens, à l'abri de toutes les
causes d'erreur auxquelles l'homme est en proie, il
pénètre peut-être d'un regard plus sûr et plus profond
dans l'essence de l'absolu, il arrive à une possession plus
entière des vérités éternelles que l'intelligence humaine».
On ne peut être moins grave, et ce n'est pas avec de
semblables plaisanteries tudesques que l'on combat une
doctrine sérieuse et sérieusement exposée par ceux qui la
suivent.
Ces joyeusetés, d'un goût douteux, ont du reste été
relevées comme elles le méritent par un linguiste aussi
éminent que M. Max Mûller, par l'Américain M. Whitney,
qui cependant est loin d'appartenir à l'école transfor-
miste. Dans un article récent {Darwinism and langmge,
publié par la North american Jleview), à la prétention,
par exemple, d'écarter l'étude des phénomènes intellec-
tuels chez les animaux, sous prétexte tantôt qu'ils ne
possèdent pas le moindre germe des facultés d'abstrac-
tion ou de généralisation, tantôt que leur esprit est une
terra incognita fermée absolument à toute science positive,
M. Whitney répond très-sensément que l'esprit des autres
hommes est aussi bien une terra incognita pour nous
que celui des bêtes, que nous ne sommes pas complète-
ment sûrs que notre voisin voit l'herbe verte et le ciel
bleu de la même façon que nous, et que nous avons tout
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— 293 —
lieu de croire qu'un cheval a la perception du vert, jouit
du goût de Veau ou du pain et en a la connaissance abso-
lument comme les hommes peuvent le faire. Il est vrai
que chez l'homme le langage est une preuve concluante
de ce fait ; mais il serait téméraire d'affirmer que c'est la
seule. Le savant hnguiste américain accorde également
aux animaux la faculté d'abstraction et de généralisation :
« Un chien connaît parfaitement ce qu'est un homme, ne
le confond jamais avec une autre créature, sait ce qu'il
a à en craindre ou à en espérer, etc. d. Il admet seule-
ment, et cela est tout à fait exact à notre sens, que cette
faculté ne diffère de la nôtre que par son degré de déve-
loppement.
M. Max MûUer ne peut ou ne veut pas se figurer des
concepts sans une forme ou un corps extérieur ; partant,
point de pensée sans langage : l'un est aussi indispensable
à l'autre que l'écorce à l'orange. Mais nous ferons observer
que, suivant cette théorie, on ne pourrait concevoir un
objet inconnu jusqu'ici et qui n'aurait point de nom pour
le désigner. Pour M. Whitney, au contraire, ce ne sont
que les pensées complexes qui ont besoin de symboles,
et M. George Darwin, fils du célèbre naturaliste, ajoute
(On the origin of language, dans la Contemporary
Review) à ce sujet que les chiens doutent, hésitent, et en
définitive prennent une détermination quelconque, sans
que souvent il y ait une circonstance extérieure détermi-
nante.
Bien que M. Whitney soit d'accord avec Darwin sur ce
fait que l'homme ne doit pas son existence, œmme homme,
au langage, mais que le langage lui a permis d'atteindre
un plus haut degré dans l'échelle de l'humanité, il ne'
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1
— 294 —
pense pas qu'on paisse jamais découvrir les intermé-
diaires entre c Texpressioa toute instinctive des animaux >
et c l'expression toute conventionnelle de rhomme >,
parce qu'elles sont essentiellement différentes. Et pour-
tant une phrase du savant professeur de Yale Collège fait
pressentir qu'il ne peut échapper à l'inéluctable nécessité
d'accepter, peut-être sans le vouloir, la théorie transfor-
miste ; il dit : c II n'y a point de sallus, parce que le
langage humain est un développement historique de com-
mencements infinitésimaux qui peuvent avoir été même
de moindre importance que le langage instinctif d'une
bête >. N'y a-t-il pas là, sur le domaine linguistique, un
aperçu analogue à celui de certains zoologistes qui,
devant les différences constatées entre les singes anthro-
pomorphes et l'homme, leur donnent à tous un ancêtre
commun placé à un degré inférieur parmi les mammi-
fères? Nous avouons que rien ne «nous choque dans cette
manière de voir, et que, tout en la laissant à l'état hypo-
thétique, elle ne nous parait pas indémontrable scientifi-
quement.
C'est cette démonstration que M. Whitney ne croit pas
possible de faire jamais. M. George Darwin estime pour-
tant qu'il n'est pas sage de dire que la science n'atteindra
point quelque objet, c Je ne saisis point, dit-il, les
motifs pour lesquels M. Whitney nie qu'un état de transi-
tion soit possible dans la formation du langage. Il n'ima-
gine pas qu'une langue, bien qu'incomplète, naquit toute
caparaçonnée d'une seule génération de singes anthro-
poïdes. Il est certainement probable que bien des généra-
tions de quasi-hommes passèrent, qui se servaient d'un,
petit vocabulaire de cris conventionnels, et que ces cris
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— 295 ^
devinrent de plus en plus conventionnels en s'éloîgnant
de plus en plus des sons ou des exclamations d'où ils
avaient tiré leur origine. Bien des racines se seront multi-
pliées par scission et auront donné naissance h de nou-
veaux radicaux, qui devaient être plus lard graduellement
séparés de leurs onomatopées originelles. J'imaginerais
que l'origine initiative des quasi-mots (employés comme
verbes, adjectifs et substantifs) a été dans les temps pri-
mitifs une sorte de mnémotechnie de leurs significations.
Il est évident qu'un système de signes verbaux fera une
bieh plus profonde impression sur la mémoire, lorsque
ces signes auront une relation même faible avec les objets
qu'ils représentent. Un enfant 'apprend et se rappelle le
mot bè-mouton, et nomme une vache mou longtemps
avant de pouvoir conserver dans sa mémoire les simples
signes mouton et vache; il commence fréquemment par
appeler les chiens et les vaches oua-oua et mou, et con-
tinue à employer ces mots même après qu'il prononce ces
syllabes d'une façon toute conventionnelle. N'est-il pas arrivé
à coup sûr quelque chose de ce genre dans l'enfance des races
humaines? » Cela nous semble plus que probable, car
(le même que les phénomènes d'embryogénie apportent
de solides arguments à la théorie transformiste, de même
l'étude de l'enfance de l'individu-homme jette des clartés
intenses sur l'enfance aujourd'hui si lointaine de l'humanité.
Du reste, l'étude physiologique de la faculté du langage
tend à confirmer cette manière de voir. Dans un travail
intéressant sur cette matière, M. le docteur Onimus [Jour-
nal d'anatomie et de philosophie, 1873) s'exprime dans des
termes qui sont loin de contredire la théorie darwinienne
en linguistique :
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— 296 —
c Quant au langage, où nous croyons que l'on retrouve
tous les caractères des actes réflexes d'éducation, les
mouvements d'ensemble ne se forment que peu à peu et
par une éducation longue et difficile ; mais c'est absolu-
ment le même procédé que pour des mouvements d'en-
semble moins compliqués, tel que la marche.
a Les premiers actes sont limités, simples, mais encore
incoordonnés ; puis, peu à peu les mouvements qui ont
lieu le plus souvent deviennent plus réguliers et plus
étendus, et ce n'est que lorsque chaque mouvement simple
est devenu bien net que les mouvements d'ensemble se
font, d'abord indécis, puis coordonnés ».
Or, de ces actes réflexes d'éducation, M. Onimus donne
un peu plus haut, dans le même mémoire, de curieux
exemples : « Tel est, dit-ilj^^ pour les pigeons, l'action
de placer la tête sous l'aile lorsqu'ils dorment, ainsi que
celle de se lisser les plumes. Jamais nous n'avons observé
ces faits chez les jeunes pigeons, auxquels nous avons
enlevé le cerveau, tandis que chez les pigeons âgés cet
acte d'habitude subsiste après cette opération d.
Il semble donc que le langage articulé n'est point une
faculté innée et complète chez l'homme, mais quelque
chose d'acquis à l'aide du temps et d'évolutions nom-
breuses. C'est ce qu'expose très-brillamment un rédacteur
de la Westminster Review (octobre 1874), et dont nous nous
plaisons à reproduire le passage si. spirituel et si sensé à
la fois que voici :
€ L'acquisition du langage rationnel a donné sans aucun
doute à l'esprit humain une supériorité gigantesque sur
celui de tout autre animal, mais cette même supériorité
a été acquise graduellement, aidée considérablement par
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— 297 —
d'autres acquisitions faites plus ou moins dans la partie
connue de notre histoire. Tels sont les arts d'écrire et
d'imprimer, l'emploi de la vapeur et de l'électricité, et
même l'algèbre et la construction des routes, puisque tout
cela a contribué à rendre la sagacité exceptionnelle de
certaines individualités la propriété commune de toute la
race et son héritage durable.
€ On se demande souvent pourquoi, si l'homme était à
l'origine un animal muet, d'autres créatures sont restées
aussi longtemps muettes, notamment les chiens, les singes
et les éléphants, puisqu'on leur attribue les rudiments de
raison comme à l'ancêtre supposé et sans langage de
l'humanité. Pour répondre, il faut se rappeler que, en
comparaison de toute la carrière de l'homme sur la
terre, le temps pendant lequel il a possédé un langage
articulé peut n'être qu'une courte période, et que les
autres animaux peuvent être à une période relativement
moindre derrière nous que nous ne sommes capables de
la supposer. Dans vingt mille ans d'ici, quand les chiens
auront appris à parler, mais non pas encore à imprimer,
les philosophes orthodoxes d'alors soutiendront que la
forteresse de la presse « reste inexpugnable et inébranlée
sur la frontière qui sépare.le règne animal de l'homme », et
« ils en appelleront à un fait palpable : c'est que, quoique
les bêtes puissent faire ou ne pas faire, aucune n'a encore
imprimé >.
c Dans la privation du pouvoir généralisateur, les lan-
gues des sauvages, comme le docteur Farrar (Chapters on
languagej p. 177) le montre très-bien d'après de nom-
breux auteurs, présentent justement cette particularité
sur laquelle M. le professeur Max MûUer s'appuie tant à
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l'égard des facultés mentales des animaux inférieurs. Entre
la tribu qui la première acquit quelque faible forme de
langage humain et les tribus d'anthropoïdes ses voisines,
il n'y a pas de raison d'admettre qu'une différence bien
, grande ait existé dès le principe. Mais cette différence
telle qu'elle était s'est rapidement accrue de deux façons :
d'abord l'être humain a dû perfectionner et appUquer à
des usages variés sa nouvelle faculté, tandis que le simien,
n'ayant pas le pouvoir de commencer, ne dut faire aucun
progrès. Ensuite la tribu humaine, avec ses moyens
perfectionnés de combinaison, fut à peu près sûre d'éli-
miner ses inférieurs immédiats, qui étaient ses plus puis-
sants adversaires dans la lutte pour l'existence. Ce fut dans
son pouvoir, ce fut son intérêt d'agir ainsi. Peut-on douter
de ce résultat à une période primitive de civilisation
quand on voit de nos jours des races humaines moins
cultivées tomber continuellement devant la marée anglo-
saxonne, et rendre ainsi de plus en plus large la distance
entre les hommes et les animaux 3> ? Telles sont les vues
pleines à'humour d'un écrivain qui n'a point pour les vues
du professeur d'Oxford cette admiration béate qu'on ren-
contre chez les gens qui ne veulent point s'écaiter de
l'orthodoxie.
Mais, pour cesser cette longue digression, et quoi qu'il
en soit, constatons que M. Whitney ^considère les obser-
vations de Darwin sur le langage comme parfaitement
sérieuses et scientifiques, tandis que M. Max Mûller ne
veut bien reconnaître à celui-ci que le mérite et l'hon-
neur « d'avoir nettoyé les écuries d'Augias de l'infinité
des espèces, d'avoir expliqué par l'action lente de causes
naturelles maints phénomènes qui paraissaient d'abord
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— 299 —
exiger une intervention créatrice, directe et spéciale
(p. 293) ». Mais, en ce qui concerne Tapplication de la
théorie transformiste à la science du langage, il s'y refuse
absolument. Il nous faut remarquer que, dans ces leçons
fort récentes, il n'est point fait mention des ouvrages de
Schleicher. Son nom n'est cité que deux fois, et toujours
à propos d'une boutade de celui-ci concernant l'impor-
tance de la faculté du langage articulé comme caractéris-
tique humaine. M. Max xMùller reconnaît avec tout le
monde que cette faculté constitue « une barrière qu'aucun
animal n'a jamais passée », et invoque le nom de Schlei-
cher pour appuyer cette vérité incontestée. « Si un pour-
ceau, disait un jour en riant le grand Unguiste, me disait
jamais : Je suis un pourceau, il cesserait ipso faoto d'en
être un ». Voilà tout le rôle qu'un savant à qui, parmi les
linguistes, on ne peut comparer que le seul et célèbre Bopp,
joue dans l'argumentation du trop vanté professeur d'Ox-
ford. C'est aussi que ses brochures, ses livres, gênaient
fort M. Max Miiller ; et celui-ci a trouvé plus facile de les
passer sous silence que d'en réfuter les puissantes et
inébranlables conclusions.
Il est en effet impossible de révoquer en doute cette
définition de Schleicher : « Le langage est la manifesta-
tion constatable par l'oreille de l'activité d'un ensemble
. de conditions matérielles dans la conformation du cerveau
et des organes de la parole avec leurs nerfs, leurs os,
leurs muscles, etc. Le principe matériel du langage et de
ses variétés n'est sans doute pas encore démontré; mais
aussi, à ma connaissance, un examen comparatif des
organes de la parole chez les peuples de divers idiomes
n'a pas non plus encore été entrepris. Il est possible,
■^_.
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— 300 —
peut-être même vraisemblable, qu'une telle recherche ne
conduirait par hasard à aucun résultat satisfaisant ; néan-
moins^ la conviction de l'existence des conditions corpo-
relles et matérielles du langage ne saurait en aucune
façon être ébranlée i. (Ueber die Bedeutung der Sprache
fur die Naturgeschichte des Menschen, p. 8 ; 1 broch. in-12,
Weimar, H. Bôhlau édit., 1865.) « ... Je crois pouvoir
me dispenser de réfuter la théorie par laquelle le langage
serait l'invention d'un individu, ou bien par laquelle il
aurait été communiqué du dehors à l'homme. Le lan-
gage, que, dans la courte période de la vie historique
actuelle de l'homme^ nous voyons livré à une modification
incessante, n'est donc pour nous que le produit d'un
devenir continuel suivant certaines lois vitales que nous
sommes en état d'exposer dans leurs traits essentiels. A la
conception du principe matériel du langage dans la cons-
titution du corps humain se lie celle de la naissance et du
développement du langage, concurremment avec le dévelop-
pement du cerveau et des organes de la parole ». {Op. cit.,
pp. 20, 21.)
Ces dernières paroles sont formelles en ce qui regarde
rinlroduction de la glottique dans les sciences naturelles.
Aussi bien Schleicher n'ignorait pas les travaux de M. le
professeur Broca sur la troisième circonvolution frontale de
l'hémisphère gauche du cerveau considérée comme le
siège de la faculté du langage articulé. Par ce fait, voilà
donc les linguistes obligés d'en référer à l'anatomie com-
parée et à l'anthropologie. Nous n'ignorons pas que sur
ce terrain il a été fait peu de progrès sensibles. Cepen-
dant, nous citerons le passage d'une lettre de M. Charles
Vogt, qui est loin d'être sans importance pour notre sujet :
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- 304 -^
« Le cerveau' de Thomme et celui des singes, spéciale-
ment des singes anthropomorphes (orangs, chimpanzés,
gorilles), sont construits absolument sur le même type,
type sui generis, et qui est caractérisé, entre autres
choses, par la scissure de Sylvius et par la manière dont
l'île de Keil est formée et recouverte ; ainsi, chez l'homme,
la troisième circonvolution frontale est extraordinairement
développée, tandis que les circonvolutions transversales et
centrales sont d'une beaucoup moins grande importance.
Chez le singe, d'autre part, la troisième circonvolution
frontale n'est que légèrement développée, tandis que les
circonvolutions transversales et centrales sont très-consi-
dérables. Pour démontrer l'influence que tout cela a sur
le siège de l'organe du langage, je m'en référerai aux
microcéphales, qui ne parlent point; ils apprennent à
répéter certains mots comme les perroquets, mais ils
n'ont pas de langage articulé. Or, les microcéphales ont
la même conformation de la troisième circonvolution
frontale que les singes ; ils sont donc singes autant que
le comporte la partie antérieure de leur cerveau. Ainsi,
l'homme parle ; les singes et les microcéphales ne parlent
pas. Certaines observations ont été signalées qui semblent
placer le langage dans la partie qui est développée chez
l'homme, et restreinte chez les microcéphales et le singe;
l'anatomie comparée vient donc à l'appui de la doctrine
de M. Broca. ».
Certains polémistes, en cherchant dans la glottique des
arguments à opposer à la théorie de l'évolution, croient
l'avoir réfutée en proclamant que le langage établit entre
l'homme et les animaux une barrière considérable, une
difierence non seulement de degré, mais à'espèce. En
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^302 —
réservant la définition du mot espèce, non? ferons observer
que c'est là ce qu'on appelle vulgairement enfoncer une
porte ouverte; car actuellement la plupart des linguistes
et des antbropologistes, à quelque école qu'ils appar-
tiennent, reconnaissent dans la faculté du langage articulé
la seule ou la principale caractéristique humaine.
Nous insistons sur le mot articulé, parce que, selon
nous, il est indubitable que les animaux ont un langage^
si par langage on entend une série de sons et d'assem-
blages de sons plus ou moins réguliers, correspondant
à des sensations diverses et définies, et servant de moyen
de communication entre des individus de même race ou
de même espèce, comme on voudra ; bien des exemples
peuvent être donnés à l'appui de cette assertion. Nous
n'en citerons pas d'autre que celui emprunté toujours à
l'article de la Westminster Review signalé plus haut^ et qui
concerne les babouins : c Les chefs ont une manière particu-
lière de communiquer leurs commandements à leurs subor-
donnés, et ceux-ci à leurs inférieurs, qui consiste en un
langage d'intonations curieusement varié. Des aboiements
brefs et aigus, des hurlements prolongés, des cris subits,
un baragouin précipité et même des gestes et attitudes du
corps sont employés avec une singulière rapidité et
répétés de l'un à l'autre >. Qu'on vienne dire après cela
que les animaux ne possèdent point, même virtuellement
ou rudimentairement, la faculté du langage. .
En outre, il y a une supposition d'ordre tout scienti-
fique, qui a (ait l'objet d'une communication de M. de
Morlillet au congrès de V Association française pour l'avan-
cement des sciences, à Lyon, en 1873, et qui consiste à
considérer l'être qui fit éclater des silex à l'aide du feu
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- 303 -
pendant Tépoque tertiaire, non comme un homme, mais
comme le précurseur de l'homme, Têtre de transition entre
le pilhécoïde ancêtre de l'homme et des anthropomorphes.
M. Hovelacque est venu, au nom de la linguistique et en
rappelant les vues de Schleicher sur ce point, confirmer
la probabihté de cet aperçu lumineux, et,-dit-il, t si Ton
ne peut admettre que la faculté du langage ait été
acquise à l'homme un beau jour, sans cause, sans origine,
ex nihilo, il nous faut bien croire alors qu'elle est le
fruit d'un développement progressif, le produit d'un per-
fectionnement organique ». C'est bien là la théorie trans-
formiste, et nous pouvons supposer que l'être qui se
servait des silex éclatés de Thenay, . s'il n'avait point
encore de langage articulé, communiquait ses impres-
sions, ses sentiments, ses pensées, disons le mot hardi-
ment, à l'aide d'un système glottique imparfait, mais
supérieur à celui des animaux les plus élevés de la faune
de nos jours. *
Ce qui n'a jamais été détruit par personne, ce sont les
lois absolument darwiniennes qui président à la vie des
diverses langues de l'humanité. S'il est impossible de
ramener toutes les langues mères que nous connaissons à
une langue primitive, si même pareille hypothèse est
invraisemblable, indémontrable et combattue par des faits
positifs, si au contraire il est plus que probable que dans
la période antéhistorique et vieille de plusieurs millions
d'années le nombre des langues primitives fut considé-
rable et ne diminua dans une proportion énorme que
par suite d'une action incontestable de la sélection natu-
relle (comme cela arrive encore de nos jours pour les
innombrables dialectes des tribus américaines), les langues
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— 304 —
qui ont subsisté ont passé par différents degrés de trans-
formation parfaitement connus et étudiés. Un linguiste
sérieux et véritablement digne de ce nom ne peut s'empê-
cher de reconnaître que le premier état du langage arti-
culé que nous constatons est l'état dit monosyllabique
(celui du chinois, de Tannamite, du siamois, du birman),
où chaque mot est un radical invariable, et où il n'y a,
phonétiquement différenciés, nî conjugaison, ni décli-
naison ; cet état se transforma par une progression natu-
relle en ce qu'on appelle le système agglutinatif ou poly-
synthétique (celui de la plus grande partie des langues de
l'univers, des langues ouralo-altaïques, dravidiennes,
caucasiennes, du basque, des idiomes africains, des dia-
lectes américains, etc.), où aux racines invariables se
joignent des suffixes, des préfixes, des infixes qui en
varient le sens ; vient enfin le troisième et dernier état,
celui des langues dites à flexion (telles que les langues
aryennes et les langues sémitiques), où les radicaux et les
suffixes et préfixes s'incorporent, se modifient phonéti-
quement et forment ainsi des mots. Pareille transformation
n'est-elle pas conforme à la doctrine de Darwin ? et les
physiologistes du langage qui, dans un idiome à flexion,
découvrent les traces de polysynthétisme antique et de
monosyllabisme plus ancien encore, apportent à cette
doctrine une puissante et magistrale confirmation.
L'histoire plus récente des diverses familles de lan-
gues vient encore à l'appui de ce point de vue. De chaque
langue mère, de chaque souche de langues, comme dit
Schleicher (Sprachsippe), sortent de nombreuses branches
qui donnent chacune naissance à leur tour à de nou-
veaux rameaux, formant ainsi, au moins pour les langues
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— sos-
ies mieux étudiées jusqu'ici (le groupe aryen et le
groupe sémitique), de véritables arbres généalogiques
parfaitement réels et tout à fait concordants à ceux que les
darwiniens essaient de restituer pour les espèces animales.
C'est, du reste, ce qu'a surabondamment démontré
notre ami et collaborateur, M. Abel Hovelacque, dans son
remarquable ouvrage : La Linguistique (1), arrivé en un
an à sa deuxième édition. D'après lui, et à juste titre, la
faculté du langage articulé n'est pas apparue tout d'un
coup et à un état de développement appréciable chez
l'être que par elle-même elle allait' faire homme. L'art de
parler est un art difficile qui s'est lentement perfectionné;
de la période si reculée dans les âges, où la parole a
dépassé dans son expression la limite des exclamations
et des onomatopées, à l'époque actuelle, de longues séries
de siècles se sont écoulées, durant lesquelles le langage a
traversé des phases diverses dont nous retrouvons quel-
ques témoins, non des plus antiques, dans les idiomes de
tous les peuples du globe. Nous en avons d'ailleurs la
preuve dans l'éducation de l'enfant, ainsi que nous
l'avons vu plus haut. Mais si cette faculté du langage
articulé n'est arrivée que lentement à son complet déve-
loppement, c'est que l'humanité qui la possédait peut-
être virtuellement n'en a été pourvue d'une façon sen-
sible qu'à un moment donné de son éyolution. Cela est si
évident, qu'un éminent linguiste, M. Whitney, bien connu
dç nos lecteurs, n'a fait que répéter cela dans son livre
sur la Yie du langage (2). c Chaque individu, dit-il,
(1) Un fort vol. în-lS. Paris, Reinwald et Ci», éditeurs.
(2) Un vol. ia-8 de la Bibliothèque scientifique internationale^ 2e édit.
Paris, Germer-Baillère, éditeur.
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— 306 —
recommence pour son compte le chemin qu'a fait la race
tout entière. Seulement, il marche avec la rapidité de
réclair comparé à l'humanité, parce qu'il est conduit par
la main sur un terrain uni et battu ^. Le langage envi-
sagé de la sorte est donc comme une institution qui
s'est transmise d'âge en âge, de génération en génération,
en subissant des changements incessants, en évoluant.
Aussi varie-t-il aussi bien suivant les peuples que suivant
les individus ; il se prête, s'emprunte, se modifie, revêt
des apparences diverses suivant les circonstances exté-
rieures, et ne demeure point affecté exclusivement à la
race qui l'a créé. Que de races ont adopté des idiomes
étrangers à peu près complètement en n'y introduisant
presque aucun des éléments de leurs parlers propres!
Tel a été le cas pour le latin des Gaules, qui est devenu
le français et qui ne contient qu'un nombre infiniment
petit de mots provenant de l'idiome ou des idiomes que
parlaient les vaincus de César.
Cette évolution perpétuelle du langage est donc une
démonstration concluante en faveur des doctrines trans-
formistes ; elle se manifeste surtout d'une façon frap-
pante dans les trois modes successifs de formation que
subit le langage et dont nous avons parlé plus haut en
peu de mots. Il ne nous paraît pas inutile de revenir sur
celle question, qui est d'une importance de premier ordre
dans la science du langage, en prenant pour guide
M. Abel Hovelacque. La première forme est le monosylla-
bisme ou système des langues dites isolantes. Les repré-
sentants actuels de cette forme, par laquelle toutes les
autres familles linguistiques ont dû passer, sont le chinois,
l'annamite, le siamois, le birman, le thibétain et quelques
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— 307 —
autres idiomes isolés de la péninsule indo-chinoise. Nous
ajouterons que certaines langues de l'Amérique centrale
seraient, dit-on, monosyllabiques. Tous ces idiomes, bien
que jouissant d'un procédé de formation identique, sont
absolument indépendants les uns des autres, et leurs maté-
riaux constitutifs, c'est-à-dire leurs racines, sont entière-
ment différents.
Dans l'état monosyllabique, le mot, c'est la racine telle
quelle, la racine invariable. « La langue, dit M. Hove-
lacque, dans cette première étape, n'est formée que d'élé-
ments dont le sens est éminemment général >. On n'y
trouve, en effet, ni suffixes, ni préfixes, qui modifient en
quoi que ce soit le radical et qui constituent une relation
quelconque. La phrase est formée d'une série de mots
racines placés l'un à côté de l'autre. Prenons, par exemple,
le signe R pour représenter le mot, la phrase prend
ainsi l'apparence de cette espèce de formule algébrique
R + R + R, etc. Dans ce groupe de langues, il n'y a
point, à proprement parler, de grammaire; mais en
revanche ce système exige une syntaxe rigoureuse qui
détermine la place du mot-racine dans la phrase, suivant
la valeur qu'il doit avoir, suivant la qualité qu'il doit
prendre, sujet ou régime, épithète ou substantif, verbe
ou nom, etc. Pour bien faire sentir toute l'économie de
ce système, M. Hovelacque a consacré au chinois une
monographie fort bien faite, très-complète, malgré sa
brièveté, et qui donne des idées très-précises sur une
langue si célèbre et si importante dans l'extrême Orient.
Le chinois, en possession d'une httérature considérable,
organe d'une civilisation particulière, mais relativement
très-avancée, divisé en trois dialectes principaux (la langue
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— 308 -
mandarine, le dialecte de Canton et de celui du Fo-Kien)
assez distincts pour que ceux qui les parlent se com-
prennent malaisément entre eux, le chinois n'a pas un
matériel phonétique très-compliqué, sans qu'il soit cepen-
dant des plus simples. Dans lé dialecte mandarin, les
consonnes g, d et b font défaut ; le d seul manque au
dialecte du Fo-Kien ; les y sont moins variées ; enfin Yr
est inconnu à la famille chinoise ; les voyelles sont sou-
vent diphthonguées et nasalisées. A une exception près,
le mot monosyllabique chinois commence par une con-
sonne et se termine par une voyelle ; car les terminaisons
en n ou en ng ne sont que des transcriptions euro-
péennes pour exprimer des voyelles nasales. L'exception
unique est le mot eul c deux > et c oreille >.
Mais un écueil redoutable pour une langue chargée
d'exprimer les pensées complexes d'un peuple tel que
celui de l'immense empire chinois était la multiplicité
des sens d'un même monosyllabe. On s'en est tiré par un
procédé fort ingénieux, qu'un exemple emprunté au livre
de M. Hovelacque fera très-bien saisir. Le mot tao veut
dire entre autres choses « chemin » ; isolé dans la phrase,
on ne peut savoir s'il ne signifie pas cette fois « ravir >,
« mener », c drapeau », « froment >; aussi le juxtapose-
t-on à un autre mot lu, qui cpmpte aussi parmi ses sens
nombreux celui de € chemin », et tao-lu ne peut ainsi
avoir d'autre signification que celle-ci. Ce n'est point là
une composition, puisqu'il n'y a pas de relation, mais
seulement accumulation de synonymes.
Nous avons dit que la position dans la phrase déter-
minait la valeur et la nature du mot. En chinois, cepen-
dant, certains termes viennent aider à ces détermina-
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lions ; ainsi le genre^ se marque par un terme additionnel,
nan « mâle >, et nin « femelle >, de là nan-tse c enfant
mâle, fils B, et nin-tse « enfant femelle, fille >. Le plu-
riel est aussi indiqué parfois à l'aide du tepme to a mul-
titude ». De même des racines accessoires concourent à
former une sorte de déclinaison. Ce n'est plus là déjà du
monosyllabisme pur, et le chinois s'élève ainsi vers une
forme glottique supérieure. Aussi ce qu'on appelle gram-
maire en Chine distingue-t-elle des mots pleins et des
mots vides : les premiers sont les racines dont le sens a
conservé toute 3a plénitude ; les seconds sont celles dont
la valeur s'est un peu obscurcie et qui servent à déter-
miner, à préciser le sens des mots pleins.
La deuxième forme linguistique s'appelle l'agglutina-
tion. C'est à cette classe qu'appartient le plus grand
nombre des idiomes parlés sur le globe. Les mots n'y
sont plus composés d'une seule racine monosyllabique ;
mais autour d'une racine principale qui garde sa valeur
réelle, son sens propre et initial, viennent se juxtaposer,
s'agglutiner une ou plusieurs racines dont la signification
individuelle s'amoindrit, et qui ne servent plus qu'à pré-
ciser le mode d'être ou d'action de la racine principale
dont le sens primitif a persisté. Le mot, dans ce système
glottique, est donc devenu complexe. C'est un degré supé-
rieur au monosyllabisme dans le procès évolutionnel du
langage.
Si nous avons recours à la formule que nous avons
déjà employée, et si nous désignons par R le radical
principal et par r ceux dont la valeur a été modifiée, nous
avons des mots qui présentent les formes suivantes : rR
avec un préfixe, Rr avec un suffixe, rRr, rRrr, etc. « La
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— 310 —
racine principale, dit M. Hovelacque, maintenue dans sa
forme primitive, les racines accessoires (si nous pouvons
employer ce terme), perdant leur indépendance et se
juxtaposant à la racine principale, voilà ce qui constitue
l'agglutination >.
On a vu tout à l'heure que le plus grand nombre des
langues du globe appartient au système agglutinant. Mais
il ne s'en suit pas de là qu'elles soient toutes parentes, au
contraire ; nous reviendrons sous peu à cette question, et
nous allons passer en revue cette longue série linguistique,
dont quelques-uns des termes ont joué dans l'univers un
rôle très-considérable.
Le japonais est une langue agglutinante bien supérieure
au chinois monosyllabique dont l'influence littéraire et
graphique a nui énormément à sa clarté. C'est un idiome
tout à fait isolé : en vain on a voulu le faire rentrer
dans le giron des langues ouralo-altaïques, on n'a rien pu
établir. 11 est cependant hors de doute que le japonais est
d'origine étrangère àM' archipel où il est parlé aujour-
d'hui. M. Hovelacque cite le continent asiatique comme
le pays d'où il serait venu ; le fait est possible, mais les
traditions japonaises font venir ce peuple de régions
méridionales, ce qui nous reporterait plutôt vers l'archipel
indien. Bref, il y a là un profond mystère que l'étude et
le temps seuls peuvent pénétrer. La phonétique japonaise
est assez simple ; les cas s'expriment distinctement par
des racines secondaires se suffixant à la racine principale :
hitono « de l'homme », hitode « avec l'homme ». Le
genre s'exprime A l'aide des préfixes o, masculin, et me,
féminin: o neko « matou », meneko « chatte ». Pour
marquer le pluriel, on insère le suffixe tatsi entre le
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radical principal et le suffixe du cas : hitotatsino € des
hommes i». Enfm le verbe japonais, comme celui de
toutes les langues agglutinantes, présente des séries d'élé-
ments juxtaposés les uns aux autres : éléments négatif,
optatif, causatif, etc. On a voulu rattacher aussi le
coréen, idiome agglutinant, au japonais; mais les rapports
n'ont pu être démontrés ; c'est, du reste, une langue encore
mal connue.
Au point de vue ethnographique, les langues maléo-
polynésiennes jouent un rôle excessivement important.
Leur domaine s'étend sur une aire immense, depuis
Madagascar jusqu'à Formose, dans la mer de Chine et
jusqu'aux archipels Hawaïï, des Marquises, et Pomotou à
l'orient de l'océan Pacifique. M. Frédéric MûUer, le lin-
guistique et l'ethnographe éminent de l'expédition autri-
chienne de circumnavigation sur la frégate la Novara,
divise cette famille en trois groupes : le groupe mélané-
sien qui comprend tous les dialectes parlés aux îles Fidji,
arx Nouvelles-Hébrides, à la Nouvelle-Calédonie, etc.; le
groupe polynésien composé des langues de la Nouvelle-
Zélande (Maori), de Tonga, de Tahiti, des Samoa, des
Marquises, d'Hawaïï ; le groupe malais où l'on rencontre
à la fois le fagal et le malgache, les dialectes des Ma-
riannes et celui de Formose d'une part, et d'autre part
le malais, le javanais et les langues de Sumatra, de
Bornéo, des Célèbes, des Moluques et des autres iles du
grand archipel Indien. L'espace nous manque pour décrire
les caractères de cette grande famille linguistique ; qu'il
nous suffise de dire qu'elle forme un tout à part, sans
aucune relation avec d'autres familles, même voisines,
comme les idiomes papous encore peu connus, il est vrai.
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— 312 —
mais qui paraisse^ bien distincts, et les langues austra-
liennes qui, peut-être, sont elles-mêmes divisées en plu-
sieurs familles bien tranchées.
Les langues des nègres de l'Afrique font également
partie du système agglutinant, mais on les connaît juste
assez pour leur assigner ce caractère ; cependant on a de
sérieux motifs pour affirmer qu'elles constituent plusieurs
familles foncièrement diverses et sans aucune relation de
parenté entre elles. On connaît mieux, par exemple, les
langues des Cafres, qui forment ce qu'on appelle la famille
bantou, dont le domaine est considérable, puisqu'il s'étend
de l'équateur au cap de Bonne-Espérance et qu'on ren-
contre de ses dialectes, non seulement sur la côte orien-
tale d'Afrique, mais aussi sur la côte occidentale, le
herero et le mpongoué, par exemple ; la préfixation presque
systématique est, dans la formation des mots, un caractère
particulier à la famille bantou. Sans avoir rien de commun
entre elles, en dehors de leur situation géographique à
l'extrémité méridionale du continent africain, les langues
des Hottentots et celles des Bochimans sont agglutinantes
aussi.
Avant de quitter l'Afrique, signalons encore le poul,
dont nous devons une intéressante grammaire à M. le
général Faidherbe, et qui présente cette singulière parti-
cularité de ne point connaître de féminin ni de masculin,
mais qui divise tous les êtres et tous les objets en deux
classes : d'un côté, tout ce qui appartient à l'humanité ;
de l'autre, tout ce qui ne leur appartient pas, animaux et
choses inanimées ; M. Faidherbe désigne ces deux genres
par les noms de : genre hominin et getire brute. Les
langues nubiennes parlées dans la vallée du Nil au sud
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5^ by Google,
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de rÉgypte et de la première cataracte sont aussi des
idiomes agglutinants, mais n'ont pas encore été ramenées
à une origine commune. Ainsi tous les peuples d'Afrique,
à l'exception d'une étroite bande au nord et au nord-
est, malgré leur état de civilisation inférieure et parfois
tout à fait sauvage, sont, linguistiquement parlant, à un
degré plus relevé que les Chinois si industrieux et policés.
C'est là un fait qui ne laisse pas d'avoir une grande portée
dans l'histoire générale de l'humanité.
Le Caucase présente, sur une étendue relativement
étroite, une véritable mosaïque d'idiomes agglutinants,
pour la plupart sans rapports aucuns entre eux ; seul le
groupe méridional, composé du géorgien, du sicane, du
mingrélien et du laze, semble former une véritable famille;
mais celle-ci est absolument distincte des autres dialectes
lesghimsy kistes et tcherkesses^ qui forment à leur tour
peut-être autant de familles indépendantes.
Les langues dravidiennes, qui forment un autre groupe
agglutinant, sont parlées par trente-cinq millions d'hommes
dans cette partie de la péninsule indienne qui s'appelle
le Dekhan ; avec six ou sept dialectes sans importance,
elles sont au nombre de cinq, à savoir : le tamoul, le
télinga, le kanara, le malayâla et le toulou. Plusieurs de
ces idiomes présentent un intérêt tout spécial pour la
France, puisque quatre de nos colonies de l'Inde sont en
pays dravidien : à Pondichéry et à Karikal, on ne parle
que tamoul; à Mahé, malayâla, et à Yanaon, télinga. On
s'étonne à bon droit que ces langues ne soient pas
chez nous l'objet d'un enseignement spécial, et qu'à notre
école des langues orientales il n'y ait pas une chaire de
langues dravidiennes où les employés que le gouverne-
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1
— 314 —
ment envoie dans Tlnde française puissent étudier ie
parler des populations avec lesquelles ils doivent être en
rapport. La grammaire des langues dravidiennes est d'une
remarquable simplicité, et son matériel phonétique peu
considérable ; de celui-ci faut- il citer cependant une série
de consonnes qui paraissent constituer un caractère parti-
culièrement distinctif de cette famille glottique : ce sont
les consonnes linguales, désignées ordinairement, mais à
tort, sous le nom de consonnes cérébrales, c VI des
finales anglaises en ble, dit M. Hovelacque, donne une
idée approximative de ce que sont ces consonnes lin-
guales ; les langues drayidiennes en connaissent cinq :
un t, un d, un n, un j, un r >. Dans cette famille, le
monosyllabisme primitif se fait encore sentir, et elle occupe
une place peu élevée dans la série des langues aggluti-
nantes ; les idiomes dravidiens ont été en quelque sorte
arrêtés dans leur développement, et cela très-probable-
ment par rinvasion aryenne dans l'Inde. Le singhalais ou
élou de l'île de Ceylan et le braouhi des montagnes du
Beloutchistan sont des langues agglutinantes qu'on n'a pu,
malgré quelques ressemblances, rattacher encore avec certi-
tude au groupe dravidien.
En Europe, la langue basque forme un îlot agglutinant
et sui generis au milieu des langues aryo-latines de l'Eu-
rope occidentale. C'est, en effet, un cas singulier que
celui que présente ce dernier vestige des langues parlées
dans notre pays à des époques préhistoriques. On a dit
un nombre infini de sottises sur le basque, sur son ori-
gine, sur sa parenté. En réalité, le basque est le basque,
et ne se rattache à aucun autre idiome. M. Hovelacque
en trace dans son livre très-soigneusement le domaine
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— 315 —
géographique à l'aide de plusieurs travaux, notamment
de la carte dressée par M. Broca {Revue d'anthropologie,
t. IV, Paris, 1875). Les travaux de nos collaborateurs,
MM. Van Eys et Julien Vinson, sur la question, nous dis*
pensent d'en dire davantage sur ce sujet.
Â. rexception de quelques idiomes monosyllabiques de
la partie centrale du nouveau continent, les langues amé*
ricaines sont agglutinantes. Bien qu'on puisse les diviser
en un grand nombre de familles foncièrement diverses,
— on en a compté jusqu'à vingt-six, — elles présentent
cependant une physionomie toute spéciale, qui a poussé
quelques linguistes à constituer une quatrième classe.
C'est là une erreur, et ces caractères si frappants des
langues américaines ne sont pas assez importants pour les
enlever au système agglutinant. Ces caractères sont le
polysynthétisme et Y incorporation, sur lesquels, dans son
Ethnographie générale^ M. Frédéric Mùller s'exprime en
ces termes :
« Les langues américaines reposent, dans leur ensemble,
sur le principe du polysynthétisme ou de l'incorporation.
En eCTet, tandis que dans nos langues les conceptions
isolées que la phrase relie entre elles se présentent sous la
forme de mots détachés, elles se trouvent réunies, au
contraire, dans les langues américaines en une indivisible
unité. Par conséquent, mot et phrase s'y confondent tout
à fait »,
L'incorporation n'est cependant pas uniquement propre
aux langues américaines ; ainsi la conjugaison nominale
possessive dont on fait une des manifestations de ce
phénomène se retrouve dans d'autres familles, et à côté
de l'algonquin nindawema € ma sœur », composé du
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— 316 —
substantif et du pronom possessif, se placent non seule-
ment le magyar atyank t mon père >, et même Thébreu
eli € mon dieu >. Les variations du verbe, afin de
nuancer l'action, se retrouvent dans la plupart des grandes
familles du système agglutinant ; il en est de même de
la réunh)» des régimes au verbe, et Valgonquin nadho^
lineen c amenez-nous le canot >, formé de naten « ame*
ner », amochol c canot », t euphonique, et neen c à nous 9,
n'est pas sans analogie avec le portandovelo c vous le por-
tant >, des Italiens.
Mais il en est autrement pour le polysynthétisme qui
paraît exclusivement américain : c'est la composition
indéfinie des mots par [syncope et par ellipse, qui réunit
ainsi un grand nombre d'idées sous la forme d'un seul
et même mut. Celui-ci est en général fort long, car il
n'est en réalité que l'agglomération intime de mots divers,
qui souvent sont réduits à de simples lettres que l'on
intercale. Nous voulons, avant d'en finir avec les langues
américaines, en donner deux exemples vraiment curieux.
Ainsi le groënlandais aulisariartorasuarpok « il s'est hâté
d'aller à la pêche », est composé de aulisar c pêcher »,
peartor a: être à faire quelque chose », pinnasuarpok « il
se hâte » ; ainsi encore le mexicain notlazomahuiztœpixca'
tâtzin € ô mon père, divin protecteur estimé et vénéré »,
est formé de no c mon », tlazontli c estimé », ma-
huiztic « vénéré », teopiocqui c Dieu protecteur », et tatzi
« père ».
Nous entrerions volontiers dans des détails circonstan-
ciés sur les langues ouralo-altaïques, qui ont joué un
rôle considérable dans l'histoire et qui constituent le
degré le plus élevé du système agglutinant. Malheureuse-
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-317 ^
ment, il nous faut abréger, car, à mesure que nous arri-
vons à des sujets plus complexes, notre bref examen
risque de prendre des dimensions incompatibles avec
rétendue raisonnable d'un article de Revm, Ces langues
se divisent en cinq groupes : le groupe samoyède^ dont il
y a peu de chose à dire ; le groupe finnois, qui se divise
en cinq sous-groupes : finnois occidental (suomi, karé-
lien, tchoude, courlandais ou krevin, esthonien), lapon,
finno-permien (syriène, permien, votiaque), finnois du
, Volga (mordvin, tcheremisse), ougrien (magyar, vogoul,
ostiaque) ; te groupe tuak ou tatar^ qui comprend cinq
familles, qui sont : le yakout, le kirghiz, Touïgour, le '
nogaïque et le turk proprement dit ; le groupe tongouse^
composé seulement du mandchou, dulamouteetdu tongouse
proprement dit ; enfin le groupe mongol avec ses trois
dialectes : le mongol oriental, le kalmouk, qui a pénétré
jusqu'en Europe, et le bouriate des rives du lac Baïkal.
Nous voilà enfin arrivés à la troisième forme du lan-
gage articulé, aux langues à flexion, aux langues dont le
développement supérieur a coïncidé généralement avec
celui de la civilisation. Mais qu'est-ce que la flexion?
€ C'est, répond M. Hovelacque, la possibilité pour la
racine d'exprimer par une modification de sa propre
forme les rapports qu'elle affecte avec telle ou telle autre
racine. Dans tous les mots d'une langue à flexion, la
racine n'est pas nécessairement modifiée; elle demeure
parfois telle quelle, comme dans la période de l'aggluti-
nation, mais elle peut être modifiée. Les langues dans
lesquelles les relations que les mots affectent entre eux
peuvent ainsi être exprimées, non seulement par l'annexe
de suffixes et de préfixes, mais encore par une variation
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— 318 —
de la forme même de la racine, sont des langues à
flexion, des langues inflectives. Si nous représentons par
un exposant ' cette puissance de la racine, la formule Rr
de Tagglutination peut devenir R'r dans la période de la
flexion ».
Mais cette dernière formule n'est pas la seule ; la racine
secondaire peut être à son tour modifiée, et nous pouvons
rencontrer aussi cette autre formule R'r*, ainsi qu'une série
très-variée d'autres combinaisons.
Les langues à flexion se divisent en deux groupes qui
ont fait bien du bruit dans le monde : le groupe sémitique
et le groupe indo-européen ou aryen. Les langues de ces
deux groupes sont trop connues de nos lecteurs et ont
été trop souvent l'objet ici même de travaux sérieux pour
que nous entrions à leur endroit dans de plus amples
détails. Il nous suffit de montrer les divers degrés que
le langage sous ses formes les plus complètes a gravis, et
d'établir ainsi que les lois de la théorie de l'évolution se
vérifient à ce point de vue. Là, comme en histoire natu-
relle, nous voyons se superposer des organismes dont les
inférieurs sont, comme dirait un géologue, les témoins
d'états anciens par lesquels ont passé les organismes
supérieurs. 11 ne s'en suit pas de là que toutes les langues
aient eu une origine commune, et que le turk vienne du
chinois, parce qu'il a été originairement monosyllabique,
ni que le sanskrit ou l'hébreu soient issus du turk ou
d'un idiome dravidien, parce qu'ils ont traversé la phase
de l'agglutination. L'identité de procédés de formation n'a
jamais impliqué l'identité d'origine.
M. Max MûUer, disons-le avant de finir, n'a pas voulu
laisser sans réponse la critique de M. Georges Darwin sur
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- 319 -
ses théories, et la Contemporary Review contenait dans
son numéro de janvier 1875 une apologie complète de ce
linguiste. Celle-ci est-elle concluante et victorieuse ? Nous
ne le trouvons pas. Les points principaux sur lesquels
roule l'argumentation du professeur d'Oxford sont que
M. Whitney n'est point transformiste, ce que personne
n'ignore, et qu'il emploie, surtout à l'égard de son col-
lègue germano-anglais, un ton acerbe et peu parlemen-
taire, ce qui est affaire à débattre entre eux. Mais quand
M. Max Millier entre dans le vif de la question, il arrive
à présenter des arguments de cette force : c Si M. Darwin
Junior estime que l'esprit de l'homme n'est point iden-
tique en substance avec celui de l'animal, s'il admet une
lacune quelque part dans l'échelle ascendante qui va du
protogène au premier homme, nous serons amenés alors
à la vieille conclusion, c'est-à-dire que l'homme fut formé
de la poussière du sol, mais que Dieu lui insuffla dans les
narines le souffle de vie, et que l'homme devint une
créature vivante ». Des considérations aussi extra-scienti-
fiques, mais aussi] orthodoxes, sont bien dignes de celui
qui ne craignit pas d'écrire que la science du langage fut
constituée lorsque des langues de feu descendirent sur les
apôtres assemblés I
Et plus loin : ^ Voici ma réponse : J'estime que les
animaux n'acquièrent leurs connaissances que par les
sens, parce que je puis leur appliquer un double critérium
et montrer que si je leur ferme les yeux, ils ne peuvent
voir. J'estime qu'ils ne possèdent point la faculté d'abs-
traction et de généralisation, parce que je ne connais point
de preuve suffisante pour démontrer qu'ils peuvent abstraire
et généraliser ».
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-320 —
En vérité, on est étonné qu'un homme auquel on ne
peut refuser une intelligence remarquable eniploie de
pareils raisonnements ; la forme en est quelque peu
empruntée à celle des dictons du La Palisse de la chanson.
Nous voudrions bien savoir également comment fait
rhomme pour acquérir des connaissances autrement que
par les sens ; et quant à ce qui regarde la faculté d'abs-
traire et de généraliser dédiée aux animaux, il faut n'avoir
jamais observé un peu ceux-ci pour oser émettre pareille
énormité. Que jde fois un chien qui a reçu des coups de
bâton de son maître évite tout individu porteur du moindre
bâton ! il généralise donc ; le vieux proverbe qui veut que
le chat échaudé craigne jusqu'à l'eau froide est né d'une
observation séculaire qui implique chez le chat la faculté
de généralisation, puisqu'il redoute l'eau en général, froide
ou chaude.
Pour revenir à la grande question de doctrine qui
nous occupe, un fait subsiste et la domine jusqu'à pré-
sent : c'est que dans les controverses transformistes, dans
celle qui a trait à la science du langage en particulier,
les remarques et les observations de Schleicher n'ont
pas été victorieusement combattues du tout. M. Max
Mùller a préféré se porter sur le terrain de la philoso-
phie générale que de se placer en face de Schleicher
sur le domaine absolument scientifique ; en conséquence,
tout l'appui que le grand linguiste d'Iéna a apporté à la thèse
transformiste n'a pas jusqu'ici été diminué ; et, pour notre
part, nous estimons qu'il n'est pas possible que cela arrive.
Girard de Rialle.
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GRAMMAIRE FUTUNIENNE
INTRODUCTION.
Le groupe des îles Futuna (îles de Horn) est situé au nord-
est et à moins de cent lieues de Tarchipel des Viti, qui vient
d'être placé dernièrement sous la domination de l'Angleterre.
Il a été découvert en 4616 par Lemaire et Schouten, et
depuis le commencement de ce siècle visité par plusieurs
navires de notre marine de guerre.
Les officiers de V Allier, en 1841, ont fait un croquis de ce
groupe qui se compose des deux îles Futuna et Alofi, et ils
ont pris quelques vues de côte.
De ces dessins on peut conclure à une identité d'origine
avec les îles Viti et avec beaucoup d'autres archipels de
rOcéanie. Futuna est évidemment le produit d'une poussée vol-
canique.
L'île Futuna proprement dite a quarante kilomètres de tour ;
elle est dominée par une montagne haute de huit cents mètres
qui, sur les cartes, est appelée mont Schouten ; les naturels le
nomment mont Puke.
La deuxième île, Alofî, dont les dimensions sont plus de
2J
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— 322 -
moitié de Futuna, en est séparée par un canal étroit dont la
profondeur est considérable.
Ce sont là les renseignements géographiques pris par les
navigateurs, on peut dire en passant, ces îles n'ayant pas de
port et aucun navire de guerre n'étant resté mouillé quelques
jours dans Tanse de Sigave, ouverte à la houle du sud- est.
Mais, heureusement pour l'histoire de l'Océanie et aussi
pour le bonheur des Futuniens, la charité ayant conduit vers
eux quelques Français, ce petit coin du monde peut montrer
aujourd'hui, non seulement ce que deviennent des anthropo-
phages entre les mains de missionnaires catholiques, mais aussi
comment un travail de savant, j'allais dire de bénédictin,
comme celui que nous présentons aujourd'hui, peut être mené
de front avec la conversion d'indigènes.
A partir de 1837, date de l'arrivée du R. P. Chanel, mariste,
à Futuna, il y a peu de volumes des Annales de la Propagation
de la Foi qui ne donnent quelques détails sur les mœurs, le
caractère ou l'histoire des indigènes, et je ne saurais mieux
faire, pour servir d'introduction à l'œuvre si complète du
missionnaire auquel nous devons ce volume, que de résumer
brièvement ce qui est contenu dans les lettres de ses col-
lègues.
Les îles Futuna ont une origine volcanique ; leur squelette,
formé de roches basaltiques, est entouré comme à Tahiti d'une
ceinture de corail; mais elle est ici simple, c'est-à-dire qu'il
n'y a pas de lagons en forme de couronne autour des îles.
La végétation, sous une latitude de 14o sud, a la même exu-
bérance qu'à Tahiti. Pendant la saison des pluies, on voit en
réalité pousser les feuilles des bananiers.
Le sol est assez arrosé ; des brouillards se forment souvent
autour des sommets et mouillent abondamment la végétation qui
les couvre; on compte douze ruisseaux dans la partie S.-E.-O.
de Futuna. §
La terre est cultivée dans les vallées, où les indigènes font
pousser les légumes océaniens : le taro, la patate, l'igname,
l'ufiléi (espèce d'igname), l'arbre à pain (mei); ils sèment aussi
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— 323 —
quelques plantes européennes apportées par les missionnaires :
ananas, melons, cannes à sucre, etc.
Le bord de la mer présente une ceinture de cocotiers.
La faune de File est assez pauvre ; les chiens et les cochons
sont les animaux domestiques trouvés dans Tîle par les
premiers navigateurs ; les uns et les autres servaient à Talimen-
tation.
Les oiseaux sont ceux des îles Wallis : perruches vertes et
rouges, pigeons et canards sauvages, moineaux noirs (miti uli),
rossignols (jniti tokiko)^ etc. On trouve dans les bois un serpent
python de taille énorme, non venimeux. Ajoutons, pour le
revers de la médaille, que Tîle est visitée de temps à autre, aux
mois de décembre, janvier, février et mars, par des cyclones
qui renversent les cases des naturels, détruisent leurs récoltes
et brisent les cocotiers.
Les tremblements de terre sont également fréquents, mais
ils font plus de bruit que de mal, des cases en bois n'ayant
pas grand chose à redouter d'une secousse, quelque violente
qu'elle soit.
Les naturels croient alors que le dieu Mafuikefulu, qui
dort près d'un bon feu à une grande profondeur sous l'île, se
retourne dans son lit.
Ces naturels appartiennent à la pure race polynésienne, race
douée de qualités guerrières remarquables et d'instincts nau-
tiques plus sérieux que ceux des anciens Grecs. Si l'on en croit
la tradition, elle a pour çk)int de départ les îles Samoa, et de là
se répandant à l'est et au sud ; elle a écrasé ou assujetti dans
toute rOcéanie centrale et jusqu'en Nouvelle-Zélande cette
autre race noire à cheveux crépus, qui, venue antérieurement
^ l'ouest, l'avait précédée dans tous les archipels.
On rencontre encore des familles à cheveux laineux jusque
fens les îles Tuamotu, à l'est de Tahiti. On sait d'ailleurs
que les indigènes d,e l'île de Pâques appartenaient à cette même
Tace noire.
Les affinités de la langue des Futuniens avec celle des habi-
^ts d'Uvea, de Samoa, de Tonga, de Tahiti et avec les Maoris
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— 324-
sont très-grandes. C'est un des dialectes d'une vieille langue,
dont il est d'autant plus intéressant de fixer la grammaire et '
le sens propre des mots que, sous Tinfluence des étrangers, 3
se fera probablement sous peu d'années un langage barbare,
\m petit sabir emprunté à trois ou quatre idiomes, qui masquera
à jamais la trace la plus nette de la parenté des Futuniens avec
d'autres peuplades.
Je ne parle point ici de la disparition même des Futuniens
sous l'influence de la dvilisaiion ou, si l'on veut, des maladies
apportées par les Européens. Je pense que l'île échappera à
tous les dangers résultant du contact avec les commerçants, par
le seul fait que sa population est catholique.
Les missionnaires qui ont sauvé les indigènes de la dépopu-
lation causée par la guerre et par l'anthropophagie, suite de la
guerre et de la famine, ont su élever ici, comme dans les co-
lonies espagnoles, comme au Canada, le moral des habitants
assez haut pour que ces grands enfants deviennent des hommes
et ne soient pas la dupe de leurs passions et des commerçants
bien peu scrupuleux qui les exploitent.
Avant de croire au Christ, les Futuniens avaient une religion
polythéiste agrémentée de fétichisme. Ils croyaient à quelques
divinités bonnes et à beaucoup d'autres mauvaises. Les pre-
mières présidaient aux actes heureux de la vie ; les autres, et
c'étaient celles-là auxquelles on faisait le plus d'offrandes,
apportaient dans leurs mains toutes les calamités. Les plus
grands chefe étaient habités par la divinité suprême Fakaveli"
kelCj double motif pour lui apporter des présents; après la
mort du chef, le dieu n'hésitait point à loger chez son succes-
seur.
Les guerres auxquelles ont assisté les missionnaires montrent
les Futuniens sous un jour absolument inédit pour celui qui
les voit aujourd'hui assister le dimanche à la messe et ne plus
savoir ce que c'est que prendre le bien d'autrjd.
Leur courage, comme celui des Maoris, était au mode
héroïque. Ils chantaient en combattant ; les jeunes gens seuls
avaient le droit de se sauver dans les montagnes après une
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-^ 325 —
défaite. Les vieillards devaient attendre la mort impassibles ;
elle leur venait après des tortures inouïes. Il étiait temps, du
reste, au dire des indigènes, que le catholicisme leur fût apporté;
l'état de guerre était devenu permanent, et les cultures aban-
données entraînaient la mort successive des plus faibles.
Si les Maristes ont payé leur bienvenue dans ce pays par le
martyre de leur premier missionnaire, le R. P. Chanel, son
sang a été une semence féconde, car, en quelques années, la
famille reconstituée donnait un nombre de naissances double de
celui des décès.
Nous espérons que ces progrès ne s'arrêteront pas, et que la
petite île de Futuna, dans laquelle le missionnaire auquel nous
devrons ce travail a passé vingt ans, saura conserver le sou-
venir de celui qui en a fixé la langue par un travail des plus
consciencieux (1).
(i) .Pour plus amples renseignements sur Futuna, voir : Vie du
vénérable P. M, L. Chanel, par le P. Bourdin, chez Lecoffre, 90, rue
Bonaparte, à Paris.
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-326-
NOTES GRAMMATICALES.
La langue de Futuna admet cinq voyelles : a, e, i, o,
u, et dix consonnes : f, jr, k, l, m, n, p, 5, U v.
i® Les voyelles sont longues ou brèves, et peuvent être
prononcées de deux manières : la première est simple et
coulante, et ressemble à la langue française : v. g. mau^
abondance en général ; fale, maison ; nofoagaj résidence.
La seconde, qu'un étranger a de la peine à distinguer de
la première, est pourtant très-distincte parmi les natu-
rels. Elle consiste à prononcer légèrement du gosier, en
coupant le son nettement, sans le lier à un son précédent
ou suivant : v. g. too, prendre ; mati, fixe, ferme ; aï,
placer, mettre. Ces voyelles, que nous appelons guttu-
rales, sont généralement indiquées dans le dictionnaire
par un accent grave au-dessus d'elles. Elles se trouvent
tantôt au commencement, tantôt à la fin, tantôt dans l'in-
térieur des mots.
2° E est toujours fermé et quelquefois ouvert, mais
assez rarement.
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— 327 —
S^ U se prononce toujours comme la diphthongue fran-
çaise « ou ».
40 6r a toujours le son dur, même avec e et i ; ainsi
ge, gi, se prononce comme si c'était écrit guCj gui. De
plus, le g se prononce toujours nasalement, comme s'il
était précédé d'un n, ce qui a lieu même lorsque le g
est initial. Ainsi aga, agi, ga, se prononcent comme si
c'était écrit anga, angui, nga. Cependant il ne faut pas
prononcer séparément n et g, mais confondre les deux
lettres par un certain son nasal que la pratique seule peut
apprendre.
5® L, dans le dictionnaire et les imprimés, remplit
quelquefois la fonction de r, outre sa signification propre.
Dans la conversation des naturels on entend souvent le
son de r bien distinctement, mais on peut le remplacer par
le son de Ij et être également compris ; ce qui a fait
que, pour plus de simplicité, on n'a admis qu'un seul
caractère dans l'alphabet futunien, savoir l, auquel l'ha-
bitude apprendra à donner le son de r lorsqu'il faudra.
6<> S a toujours le son dur, même entre deux voyelles;
jamais elle n'a celui de z. C'est par s qu'on remplace le j ;
ainsi Jesu se prononce Sestt.
7<> Le ^ placé devant i, a une prononciation sifflante ;
on le prononce comme s'il était écrit tsi.
8° Jamais on n'emploie deux voyelles pour former un
seul son, mais chaque son est figuré par une voyelle
seule, ou par une consonne et une voyelle. Ainsi le mo
mai se prononce presque comme s'il y avait un tréma
sur ï,
90 II n'y a jamais deux consonnes de suite dans le
même mot, et tous les mots finissent toujours par une
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— 3ti8 —
voyelle ; c'est pour cela que les naturels intercalent tou-
jours des voyelles dans les mots étrangers quand ils essaient
de les prononcer.
iO<> Il faut avoir soin en parlant de bien faire ressortir
les syllabes longues, brèves et gutturales, afin d'être bien
compris des Futuniens, car il y a des mots qui sont
écrits de la même manière, et dont la signification propre
ne se connaît que par la prononciation. Ainsi mâtaga^
voir une curiosité ; mâtdga, décollé, désuni. Mâlo^ vain-
queur ; malô, sec, sèche. Fau, hibiscus ; faù, lier. Lau,
feuille ; laù, semence d'ignames. Kâkâ, trompeur, hâ-
bleur ; kdkd, tissu de cocotier. Oa, pourquoi ; ôa, les
deux planches les plus élevées de chaque, côté d'une
pirogue. Pôpô, attraper, saisir ; pôpô, gâté, usé. Sâia,
frapper, battre ; sàiày avoir le dessous. Mânogi, folâtrer,
s'amuser ; mànogi, odoriférant. Pàkiy palette de danse ;
pâkiy imprimé. Fipi, nom d'un arbre, d'un coquillage ;
piplj bouillir.
Ho La langue polynésienne est un assemblage d'un
assez petit nombre de mots radicaux qui, pour rendre les
idées dans la conversation, se combinent avec certaines
particules qui déterminent le vrai sens des mots, et font
du même mot tantôt un verbe, tantôt un adjectif, tantôt
un nom... Malgré cela, on peut dans l'analyse des phrases
y reconnaître les différentes espèces de mots qu'on ren-
contre dans les langues d'Europe. C'est pour cela que,
pour plus de clarté, nous suivrons dans ces notes la
division et l'ordre ordinaire, et nous parlerons successi-
vement de l'article, de l'adjectif, du nom, du pronom, du
verbe, de l'adverbe, de la conjonction, de la préposition et
de l'interjection.
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329 —
DE L'ARTICLE.
La langue futunienne a deux articles : le défini et l'indé-
fini.
1. Article défini. — C'est le pour le singulier et pour
tous les genres; v. g.: le tagata, Thomme ;, le fa fine, la
femme ; le laà, le soleil. Au pluriel, il n'y a pas d'article
défini, puisque c'est son retranchement qui indique le
pluriel, à moins que le pluriel ne soit exprimé par un
collectif, comme u, kau, potoi ; alors on joint un de ces
collectifs à l'article le; \, g.: le u tagata, les hommes;
le kau tagata, le potoi iagata, les hommes. — Dans ce
cas-ci et autres semblables, la phrase est singulière,
quoique exprimant un pluriel, ou plutôt un ensemble, une
collection de personnes.
De l'article définie le se compose l'adjectif possessif
loku, laku, et le pronom possessif looku, laakUy le mien,
la mienne, ou a le de moi, la de moi >. Voir ci-après,
aux Adjectifs et Pronoms possessifs,
2. Article indéfini. — L'article indéfini < un, une, de,
du, des », se rend par se pour le singulier, et par niiki
pour le pluriel. Exemple : mai se fatu, apporte une
pierre ; mai niiki fatu, apporte des pierres.
Niiki veut proprement dire « quelques ]f> ; il se décom-
pose quelquefois devant un adjectif possessif; il ne prend
que la première syllabe. Ex. : m^ï ni aku fatu^ apporte-
moi des pierres. Autrement on met tantôt niiki tout
entier, tantôt iki seulement : m^i iki fatu, donne-moi des
pierres.
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— 330 —
De Tarticle indéfini comme du défini se forme une
espèce d'adjectif et de pronom possessif très-usités dans
la langue : soku, sakuy et sooku, saaku, pour se okUy
se aku; ni oku^ ni aku pour le pluriel, « quelque de moi,
pour moi ».
DU NOM.
Il y a deux espèces de noms : le nom commun et le
nom propre.
I. Du NOM COMMUN. — Il n'a pas de genre, mais il a
les deux nombres, et il se décline par le moyen de parti-
cules comme il suit :
SINGULIER.
N. E, ko (a), le tagata, rhomme.
G. 0, a, le tagata, de rhomme.
D. ki le tagata, à Thomme.
Ace. le tagata, Thomme.
V. ei, ko, tagata, 6 homme.
Abl. t le tagata, de Thomme.
PLURIEL.
N. E, ko, a, tagata, les hommes.
G. 0, a, tagata, des hommes.
D. ki tagata, aux hommes.
Ace. a tagata ou tagata, les
hommes.
V. ei, ko, tagata, d hommes.
Abl. i tagata, des hpmmes.
Pour le pluriel, on retranche Variicle le dans tous les
cas. On a alors une sorte de pluriel, car il y a une autre
manière de l'exprimer : c'est de conserver l'article le et y
joindre les particules u, kau, poioi, et autres qui renfer-
ment une idée de collection, de troupe ou toute autre qui
indique le pluriel. Ex.: le u tagata^ le kau tagata^ le potoi
tagata, les hommes. Les mots c tous, plusieurs, quel-
ques >, dispensent des signe§ du pluriel.
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— 331 —
Déclinaison des noms communs au pluriel par le moyen des mots
collecHfs.
N. E leu tagata, e le kau tagaia, e le potoi tagata, les hommes.
G. Oj aie u tagata, le kau tagata, le potoi tagata, des hommes.
l^. kile u tagata, le kau tagata, le potoi tagata, aux hommes.
Àc. le u tagata, le kau tagata, le potoi tagata, les hommes.
\. ei,ko u tagata, kau tagata, potoi tagata, 6 hommes.
Ab. i le u tagata, le kau tagata, le potoi tagata, des hommes.
U faut observer que le pluriel obtenu de ces deux
manières, c'est-à-dire eu retranchant l'article le, ou en y
ajoutant un mot collectif, ne désigne qu'une pluralité
déterminée; ainsi fakapuli a manUj le u manu, le kau
manu t détruire les animaux », s'entend de certains ani-
maux dont il est question par le contenu de la conver-
sation, mais non pas des animaux en général. Pour
exprimer la totalité ou la généralité indéterminée, on
est obligé d'ajouter les mots tous, divers ou autres sem-
blables.
Remarques sur chaque cas de la déclinaison des noms communs.
1® Nominatif. — Les signes du nominatif ou sujet sont
ordinairement e et quelquefois ko et a. Ils ne s'emploient
pas indifféremment.
E se met devant les sujets des verbes actifs, et quelque-
fois devant les sujets de certains verbes passifs ou autres
qui suivent la voix active. Ex. : kua ave le pusa e le
tagata, l'homme a emporté la caisse ; kua tukuna au e
le maiuay\Q vieux m'a mis de côté.
4 et ^ se placent devant les sujets de$ verbes non
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— 332 —
actifs : kua fano a iagata, les hommes sont partis. Qaand
la particule ko accompagne le sujet du verbe, ce sujet se
place toujours avant le verbe. Ex.: A;o te tagata kua ano ;
le sens de cette phrase est : a il est parti un homme » ;
c'est l'homme, un homme qui est parti.
La particule a, dans la langue futunienne, a à peu près
le même sens que le ia de Wallis ; seulement son usage
est plus restreint. Pour les noms, on ne l'eipploierait :
\^ qu'au nominatif singulier des noms 'propres principale-
ment ; 2» au nominatif des noms œmmuns de deux syl-
labes seulement ; 3® au nominatif et à l'accusatif pluriels
des noms communs, mais jamais à l'accusatif singulier.
Pour les pronoms, ce monosyllabe ne se placerait que
devant celui de la deuxième et troisième personne,
comme on le verra en son lieu.
Exemples sur remploi de la particule a : Na mauli
fefeaki a Noe i le lomaki ? Comment Noé a-t-il été sauvé
du déluge? — E mamae loku a lima^ ma main me fait
mal, ou : je souffre de la main. — Ke koutou ulufaki
matou, ke motou ionu i le aso o lomatou a mate, vous
autres, priez pour nous, afin que nous soyons justes au
jour de notre mort. — E to a ua, la pluie tombe (en
parlant de plusieurs grains qui se succèdent continuel-
lement) ; mais s'il n'y avait qu'un nuagç, il faudrait dire :
e to le ua. — Na fefeaki a tagata o le kutuga-na i le sili
lolatou kauga, qu'ont fait les hommes de cette parenté
après leurs travaux? — Kofea a fatu, où sont les pierres?
— Fatu a (quœ), quelles pierres? — A fatu na kau
tae i leia^ les pierres que j'avais réunies là. — Na ave
e tagata e eti à i gakola, les hommes qui font le mur là-
bas les ont emportées. — Na tuku i le aleka a fatu o
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- 333 - .
folafola tapu, on plaça dans Tarche les tables de la loi
divine. — Kua ave a tagata mei leava e le kau-vaka, ke
fakafolau, les matelots ont conduit des hommes du port à
bord pour les emmener, les faire voyager.
Nota. — Les susdites particules se retranchent souvent
dans la conversation, surtout a et fto, signes des sujets
des verbes non actifs. Ainsi on dit très-bien : kua ano le
tagata^ l'homme est parti. — Quant à la particule e, signe
des verbes actifs, elle ne peut se retrancher qu'autant
qu'il n'y a pas de danger de confondre le régime avec
le sujet. Elle sert à éviter toute amphibologie. Dans cette
phrase : kua tamate le fafine e le tagata^ l'homme a
frappé la femme ; sans la particule e, on ne saurait
quel est celui qui a frappé, si c'est l'homme ou la femme,
et par conséquent on ne pourrait distinguer le sujet du
régime.
2» Génitif. — Les vrais signes du génitif sont o et a.
Je dis les vrais signes, car il y a quelque autre manière
de rendre certains génitifs qui n'expriment pas propre-
ment une idée de génitif, mais plutôt un ablatif pris
dans un sens indéterminé. On dit : le fua i laakau, le
fruit de l'arbre (fructus ex arbore) ; le fulu i manu^ le
poil de bête ; kili i pusi, peau de chat, etc., sans pour-
tant qu'il faille dire que la particule i soit signe du
génitif. Les mots arbre, bête, chat, ne sont pas déter-
minés. Il est assez difficile de préciser le cas où il
faille mettre o ou a, signe du génitif ; c'est pourtant assez
important. Voici quelques règles que l'on peut établir à ce
sujet :
Première règle. — La particule a désigne une pro-
priété d'action, d'opération extérieure ; elle désigne que
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— 334-
le sujet fait rtction marquée par le verbe : le tu a Patdo,
Paul qui frappe; le manatu a Joanne, le souvenir de
Jean^ ou : Jean qui se souvient ; tandis que la particule o
indique une propriété personnelle inhérente ; elle désigne
que le sujet reçoit l'action déterminée par le verbe de la
phrase : le leo o Petelo, la surveillance de Pierre, ou :
Pierre surveillé ; le ta o PaulOy le coup de Paul, ou : Paul
frappé. En d'autres termes, a indique l'agent et o le
patient. Ex,: na tamate au e loku tinana ko loku ahonakij
ma mère m'a frappé, c'est ma correction (que je reçois) ;
on met hku, parce que l'enfant est le patient. — E tagi a
ta, ko laku akotiaki (kiate ia), il pleure parce que je lui
ai fait ma correction.
De là tous les verbes actifs et neutres qui indiquent
une opération extérieure, en dehors de son sujet, sont
des mots en a, quand ils sont employés comme subs-
tantifs. Ainsi on dit : le leo a Soane, la surveillance de
Jean, ou : qui est faite par Jean ; le moe a Petelo^ le som-
meil de Pierre ; le nofo, le saele a Paulo, le séjour, la
marche de Paul. Au contraire, tous les mots qui indiquent
une idée passive sont des mots en o, c'est à-dire que
quand on veut exprimer une idée passive, inhérente à la
personne dont on parle, il faut se servir de la parti-
cule pour exprimer le génitif. Ex. : le kini o le tama^
la fustigation de l'enfant, ou : l'enfant étant fustigé.
Deuxième règle. — Tous les membres du corps, les
mots qui expriment les facultés intérieures, les passions,
les sensations, sont des mots en o, pourvu que ces mots
ne puissent pas être employés comme verbes actifs.
Ainsi on dit: le lima o, la main de...; le finegalo o le
Atm, la volonté de Dieu ; le fiafia o le fenua, l'allégresse
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- 335 ^
des gens ; le fifita o le kakai, la fatigue du peuple. Les
mois qui, tout en désignant une opération intérieure,
peuvent être employés activement, sont des mots en a, à
moins qu'ils n'indiquent une idée passive.
Ainsi manatu^ tokaga^ etc., sont ordinairement des mots
en a ; mais ils sont aussi en o, lorsqu'ils expriment l'idée
passive : ko lou masalosalo veli ai kia Paulo, c'est ton
soupçon sur Paul.
Troisième règle. — Sont en o les mots qui expriment
les lieux où l'on est, où l'on fait quelque chose. Ex. : le
nofoaga o le malua^ la demeure du vieux ; le gaoiaga o le
tufuga, l'atelier du maître ouvrier ; le kôkaga o le fafine,
le lieu où la femme fait le koka ; le èkeèkeaga o le lama,
le siège de l'enfant. Ainsi de tous les mots terminés
en aga ou ga et qui indiquent l'endroit où se trouve
une chose, où une personne est, où l'on fait quelque
chose.
De même les choses que quelqu'un a faites, mais qu'il ne
possède pas, sont des mots en o. Ex.: ko le vaka o ai
e ke faùsia, de qui est cette barque que tu construis ? —
Ko le vaka o PaïUo, c'est la barque de Paul. — Le fale o
Soane, la maison de Jean. — Le paopao o le matuay la
baleinière du vieux.
De même les choses que l'on possède, surtout celles
dont on s'habille, dont on se couvre, etc., sont générale'-
ment des mots en o. Ainsi on dit : le lava o le tama, le
vêtement de Tenfant ; le kofu o le fafine^ la robe de la
femme ; le nonoa o le tagata^ la ceinture de l'homme.
J'ai dit généralement, car parmi les meubles, les outils
et ustensiles, il y en a un certain nombre qui sont en a,
quoique étant un objet de propriété, et parmi ces mots
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--336-
en a on classe tous 'les animaux domestiques. Ainsi on
dit : le fana a^ le fusil de... ; le pusa a, la caisse de...;
le Tpuaka a, le cochon de...; le asino a, Tâne de...; le sele
a, le couteau de... ; mais on dira : le toki o, la hache de...
Dans cette catégorie des mots (exprimant propriété
extérieure), c'est Tusage plutôt qu'aucune règle qui apprend
ceux qui sont en a et ceux qui sont en o.
30 Datif. — Kl est toujours signe du datif pour les
noms communs tant au singulier qu'au pluriel, et pour
les noms propres de lieu. On emploie Ma pour le nom
propre personnel et pour tous les pronoms personnels
mis au pluriel. On met kiate devant les pronoms de la
première, deuxième et troisième personne du singulier,
et kiato ou kiate devant le pronom de la deuxième per-
sonne du singulier seulement. Les naturels emploient l'un
ou l'autre dans la conversation, et lorsqu'elle est animée,
on entend surtout et plus souvent kiato koe que kiate
koe. — Kiato koe est le vrai style futunien ; ce n'est que
depuis quelques années qu'on a adopté la locution kiate koe,
par suite des relations des Futuniens avec les Wallisiens.
40 Accusatif. — On trouve quelquefois la particule a
devant l'accusatif pluriel des noms communs, mais on la
retranche le plus souvent.
5° Vocatif. — Le signe du vocatif est ei ou ko ; mais
il est peu usité pour les noms communs. Les hommes
font usage entre eux seulement du mot aloa pour le sin-
gulier et faoa pour le pluriel. Ces mots répondent à l'idée
de « monsieur, messieurs ». Quand les hommes adres-
sent W parole aux femmes, ils ajoutent la particule ei au
mot fafi^ie, et disent : ei fafine, si c'est une femme mariée
ou une vieille fille ; ei taine, si c'est une jeune fille ou
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— 337 —
une enfant; ou bien ils disent simplement fafine^ ô
femme ; taine, ô fille. Les femmes font usage entre elles
du mot gaalikiy mademoiselle, madame. Si elles parlent à
un petit garçon ou à un homme, elles diront : ei tama, ô
enfant ; ei lagata, 6 homme ; mais jamais [aloa ni faoa^
à moins qu'elles ne soient prises par une passion mau-
vaise, — Pour les substantifs des noms propres, le signe
et du vocatif est fort en usage : ei PaulOy ô Paul ; et
Soane, ô Jean, etc.
Le mot koe se place souvent après un nom propre,
surtout de la part des femmes, quand elles appellent quel-
qu'un, Soane koe, Malia koe. La particule lo joue aussi
le même rôle, mais c'est de la part des hommes, quand
ils appellent, etc.
6® Ablatif. — Le signe de l'ablatif est i toutes les fois
que le datif est exprimé par ki^ et il se rend par ia
ou tate, iato, lorsque le datif est exprimé par kia ou kiate,
kiato. Cette règle s'appli(Jue aux pronoms comme aux noms.
Remarqua. — Quand le nom commun est dans un sens
indéfini, on se sert de se au lieu de le pour le singulier,
en conservant les mêmes signes de la déclinaison. (Voyez
plus haut l'article défini et indéfini.)
IL Du NOM PROPRE. — Le nom propre n'admet point
d'article devant lui ; il n'a aucun sens général ou particu-
lier auquel on puisse se méprendre. Il se décline aussi par
le moyen des particules.
N. ko, e, a Paulo, Paul.
G. a, Pmlo, de Paul.
D. kia Paulo, à Paul.
Ace. PaulOf Paul.
V. ei, ko PaïUo, 6 Paul.
Abl. ia PaulOy de Paul.
Remarque. — On peut supprimer les signes du vocatif
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-338 -
et ne rien placer devant le nom si Ton veut. Ainsi ei
Paulo on bien Paulo, ô Paul.
Les noms propres de lien se déclinent comme les noms
propres de personnes, à l'exception que le signe du datif
est ki pour les noms propres de lieu, et kia pour les per-
sonnes ; celui de Tablatif est i pour les noms propres de
lieuy et ia pour celui des personnes.
Noms de nombres.
Les noms de nombres cardinaux s'expriment ainsi à
Futuna :
I, tasi^ ou bien tokatasi.
% lua, — tokalua.
3, tolu, — « tokatolu.
4, fa, — tokafa.
5, lima, — tokalima.
6, ono, — tokaono.
7, /î<ii, — tokafUu.
8, valu, — tokamlu.
9, ttHi, — tokaiva.
10, kavragafulu.
II, kau'Ogafulu tupu tasi.
12, — tupu lua.
13, — tupu tolu.
14, — tupu fa.
15, — tupu lima.
20, kau-lua.
21, kau-lua tupu tasi, etc.
30, kau-tolu.
31, kau-tolu tupu tasi, etc.
40, kavrfa.
41, kau'fa tupu taxi.
50, kaurlima,
51, ^au-^tma tupu tasi.
60, A:ati-ono.
61, kau-ono tupu tasi.
70, kau-fltu.
71, kau'fitu tupu tasi.
80, ^ati-vajtt.
81, Ârau-va^u <upu ton.
90, kau-iva.
91, A:ati-tra <upu tasi.
100, kaulelau.
101, Arau/etou <upu to^t^ etc.
200, kaulelau e lua.
300, kaulelau e tolu.
400, ^auZtflau e /id.
500, kaulelau e lima.
600, kaulelau e ono.
700, kaulelau e fitu.
800, Arau^^tou e valu.
900, A:aul«latt e tva.
1000, afe.
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bytoogle
- 33Ô-
Première remarque. — La particule toka^ joînte à un
nom de nombre, n'est que pour les substantifs des êtres
animés; son emploi ne dépasse pas le nombre neuf,
comme on vient de le voir.
Deuxième remarque, — On peut retrancher l'article le
dans l'énuméralion des centaines, et dire simplement kau-
lau, 100, au lieu de kaulelau; kau-lau e lua^ 200; kau-
lau e tolUj 300, etc.
Troisième remarque. — Outre le mot kau^ dont se
servent les Futuniens pour exprimer leurs dizaines, ils
en emploient encore trois autres, selon les objets, les
personnes ou les choses qu'ils veulent énumérer et pré-
ciser. Ils ne les emploient jamais indistinctement. Ces
mots sont thio, mata, fua. Voici quelques remarques à ce
sujet :
lo Le mot kau, joint à agafulu pour exprimer une
dizaine, est celui qui a le sens le plus général et qui
joue le plus grand rôle dans Ténumération des choses,
des biens, richesses, meubles, immeubles, ustensiles
quelconques, outils, animaux domestiques, ignames, ufilei,
cocos, talos, bananes, etc. Ainsi on dit : ko puaka kau-
agafulu, ou bien : le kau-agafulu puaka, 10 cochons ; ko le
kau-agafulu puaka, mo puaka e lim^i, 15 cochons ; kau-
lua puaka, 20 cochons. Kau-tolu mA)a, ou bien : ko vma
kau-tolu, 30 poules. — Dans l'ancienne énumération futu-
nienne des ignames, kauJufi e tasi désignait 20 ignames ;
kau ufi e lua, 40 ignames, etc. Quand il y avait dix kau
ufi (ou 200), on les nommait un vusi; mais depuis que
le commerce s'est établi entre les naturels et les étran-
gers, soit Européens, soit autres, on a mis de côté cette
manière de compter pour les ignames seulement. Ainsi
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^ 340 -
quand on dit: ko le kau ufi e tasij on veut désigner
iO ignames ; kau ufi e lua, 20 ignames. Un vusi désigne
iOO ignames. Dix vusi font un kau-lau ufi ou 1,000 igna-
mes ; dix kau-lau ufi font un afe ou 10,000 ignames.
En sus de ce nombre, le calcul futunien est à bout ;
on n'en sait pas davantage ; c'est alors le lau vale,
€ compter en imbécile ».
Les ufilei se comptent absolument comme les ignames.
On se sert aussi de kau pour désigner les centaines de
cocos. On dit : ko le kau niu e tasi^ 100 cocos ; ko kau
niu e tolu^ 300 cocos ; ko kau niu e valu^ 800 cocos.
Lorsqu'il y a dix kau niu, c'est un vusi ou 1,000 cocos.
Vingt kau niu font deux vusi ou 2,000 cocos. Quand il y
a dix vusi, c'est un kau-lau niu ou 10,000 cocos. Lors-
qu'il y a dix kau4au niUy c'est un afe ou 100,000 cocos.
(Là se termine le calcul futunien.)
Pour les bananes, on compte par bouquet. Un bou-
quet de bananes se nomme kau futi e tasi. Dix kau futi
ou dix bouquets de bananes font un vusi. Dix vusi font
un kaU'lau futi ou 100 bouquets de bananes. Dix kau-
lau futi font un afe ou 1,000 bouquets de bananes. En
sus, on ne sait plus rien.
Taros. — L'énumération des taros est la plus compli-
quée. Les Futuniens lient les taros par la tige en petits
paquets de quatre taros chacun. Cela fait, ils prennent
deux de ces paquets ensemble, et disent tasi^ un ;
puis deux autres, et disent lua, deux; ensuite deux
autres, etc. Ainsi de suite jusqu'à dix. A la dizaine, ils
énoncent ko le kau taro e tasi, ou 80 taros. Quand ils ont
dix kau taro, c'est un vusi, ou bien 800 taros. Lorsqu'ils
ont réuni dix vusi, ou 8,000 taros, c'est un kau-lau e
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*— 341 —
tad de taros. Quand il y a dix kau-lau taros réunis, ils
disent que c'est un afe e tasi de taros, ou 80,000 taros.
En sus de ce nombre, c'est le lau vale.
2» Le mot tino se joint à agafulu pour désigner les
dizaines, les centaines et milliers de personnes seulement.
Ainsi on dit : ko le tino agafulu e tasi, 10 hommes, ou
bien ko tagata tino agafulu. Pour 20 hommes et en sus,
on retranche le mot agafulu, et on dit tout simplement :
tino lua, 20 hommes ; tino tolu, 30 hommes ; tino valu,
80 hommes; tino iva, 90 hommes; tino le tau, 100 hom-
mes ; tino le lau e lua, 200 hommes ; tino le lau e lima^
500 hommes; tino afe, 1,000 hommes. En sus de tino
afe, tout devient obscur pour le futunien.
ïiemarque. — On ne peut pas dire ko le tino e tasi
pour désigner 10 hommes, mais il faut absolument
ajouter le mot agafulu à la première dizaine, et dire
ko le tino agafulu e tasi, 10 hommes. Cette observation
s'applique aussi aux autres mots kau, mata^ fua, lors-
qu'ils sont employés pour énoncer la première dizaine.
3® Le mot mata se joint à agafulu pour énumérer les
dizaines de poissons pris à une pêche, les dizaines
d'oiseaux tués à une chasse. Ainsi on dira, en parlant de
poissons : ko le mata agafulu, 10 poissons ; ko ika mata
lua, 20 poissons ; ko le mata tolu, 30 poissons ; ko le
mata limxi mo ika e lua, 52 poissons ; ko mata le lau
e tasi, 100 poissons ; — ko lupe mata agafulu, 10 pi-
geons ; ko mata le lau e fa, mo lupe e lima, 405 pigeons.
Dix mata le lau font un afe (1,000). Là se termine la
science futunienne.
4f<> Le mot fua se joint à agafulu pour compter les
dizaines de certains vivres qu'ils cuisent en petits paquets^
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— 342 —
comme kanàka^ faikaiy etc. Ainsi on dit : ko le fua aga-
fulu i kanaka pour désigner 10 petits paquets de kanaka
ou une dizaine. Puis on dit : ko le fua lua, fua tolUy fua
fa, 20, 30, 40. Dix dizaines, ou dix fua de kanaka^ font
un fua le lau ou 100 paquets. Dix fua le lau font un afe
ou 4,000 paquets. Là se termine la science énuméralive
du futunien.
On se sert aussi des mots /wa, pulupulu, pour compter
les dizaines de cocos. Ainsi on dit : fua agafulu niu e
tasi pour désigner iO cocos, ou bien : ko le pupulu niu e
tasiy 40 cocos ; ko le fua tolu, 30 cocos ; ko le fua lima,
50 cocos ; ko le fua iva^ ou bien: ko lepulupulu niu e iva,
90 cocos. Pour désigner 400 cocos, on dit: ko le kau niu
e tasi. (Voyez plus haut, au mot kau, p. 340.)
Remarque. — Pour compter les poissons que les indi-
gènes appellent atu « bonites », on en prend deux à la
fois, comme on faisait autrefois pour les ignames, et on
les énumère comme s'il n'y en avait qu'une, en disant :
tasi, lua, tolu, etc. A la dizaine, on annonce : ko le
lekau e tasi ou 20 bonites. Mais si on les compte une à
une jusqu'à la dizaine, alors cette sorte de dizaine prend
le nom de mata agafulu ou 40 bonites. Deux m^ta aga-
fulu font un lekau ou 20 bonites; 30 bonites font un
lekau et un m^ita agafulu ; 40 bonites font deux lekau ;
50 bonites font deux lekau et un mata agafulu ; 60 bo-
nites font trois lekau ; 80 bonites donnent quatre lekau;
400 bonites font cinq lekau. Voilà deux manières d'énu-
mérer ces poissons-là. — Quand il y a dix lekau ou
200 bonites, alors ce nombre prend le nom de vusi ; un
vusi ou 200 bonites sont une même chose. Quand il y a
dix nusi de atu, ou 2,000 bonites, on dit: ko le kavr-lcm e
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— 343 —
tasi. Quand il y a dix kau-lau de bonites (20,000), on lui
donne le nom de afe. Là se termine cette sorte d'énumé-
ration pour le futunien.
Siapo. — Pour compter leurs siapos € étoffe fabriquée
avec l'écorce du papyrus », les Futuniens se servent des
mots sala, fuataga, lap,. Ces mots tirent leur origine du
dessin que les femmes tracent avec le jus de certaines
écorces d'abres sur la tapa préparée pour cela. De Tunité
à la dizaine de ces dessins, on emploie les mots sala ou
fuataga, joints au nom de nombre un, deux, trois, etc.
Arrivés, au nombre iO, les naturels se servent du mot
lau, qu'on joint à agafulu, et on dit : ko le lau agafulu.
Quand il y a deux dizaines, on retranche le mot agafulu,
et on dit : ko le lau lua. Ensuite lau tolu^ 30 ; puis ko le
lau fa, AO; ko le lau valu, 80; ko le lau iva, 90.
Arrivé à 100, les naturels emploient le mot tefui, et disent:
ko le lau tefui, 100 ; ko le lau tefui elua, 200. Ce mot
tefui est de la langue wallis. Les Futuniens ne faisaient
autrefois que de petits siapos ; c'est pourquoi ils n'avaient
pas de terme pour exprimer les grands siapos qu'ils ont
fabriqués plus tard. Aussi leur calcul sur cette partie est
le plus borné de tous ; jamais on n'avait vu de pièce? de
tapa dépasser cent dessins.
Palâ € couronne :&. — Il y a à Futuna certains oiseaux
habitant les gorges des montagnes dans l'intérieur des
terres, lesquels oiseaux ont à la queue deux longues
plumes entre autres, dont les naturels se servent pour
fabriquer des couronnes (palâ) qu'ils adaptent à leur
tête dans des fêtes publiques, dans des jeux, des danses
guerrières, etc. Ces oiseaux sont le tavake à plumes
blanches, le namik plumes rouges, le lafulafu à plumes
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grises ou cendrées. Dix plumes de ces animaux réunies
ensemble se nomment un tuulaga e tasi t une rangée >.
Dix dizaines de ces plumes réunies complètent la cou-
ronne (kiia tuu le pald). Quand ils arrangent avec
symétrie quarante de ces plumes sur une même ligne, à
prendre d'une oreille à l'autre, lorsque la couronne
est placée sur le front, alors ils les appellent fakalauntu.
Première remarque. — On emploie aussi le mot ulu
pour compter les dizaines en général seulement. On
connaît le nombre des dizaines par l'unité qui accom-
pagne le mot ulu. Ainsi ko ulu e tolu, c'est trois dizaines ;
ko ulu e valu, c'est huit dizaines. On n'emploie ja-
mais le mot ulu pour énumérer les centaines et au-
dessus.
Deuxième remarque. — Lorsque les naturels comptent,
à chaque dizaine ils reprennent à l'unité, et à la fin ils
énoncent toutes les dizaines qu'ils «ont comptées. S'ils n'ont
pas les objets sous leurs yeux, ils se servent ordinairement
de leurs doigts.
Les noms de nombres ordinaux se forment en mettant
devant les noms de nombres cardinaux l'article le ou
l'adjectif possessif lona de la troisième personne du sin-
gulier ; V., g. : lona uluaki, le premier ; lona lua, le
deuxième ; hrux ono, le sixième. On dit aussi le uluakiy
le lua, etc. ; ko le lua o aso^ c'est le second des jours.
Lorsque le nom de la chose comptée est énoncé, on le
met entre l'adjectif possessif et le nom de nombre ; v. g.:
lona aso fitu, le septième jour ; on dit encore : lona lima
aso, ou bien : le lima o aso^ le cinquième jour. Ko le lua
aliki'Sau talu le fai o le lotUj c'est le deuxième roi
depuis qu'on pratique la religion. Vae-lua, la moitié ;
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vae-tohiy le tiers ; vae-fa, le quart ; vae-limaj le cin-
quième; vœ-onoy le sixième, etc. Ainsi de suite pour
exprimer les différentes parties de l'unité divisée.
DE L'ADJECTIF.
Les mots qui sont le plus souvent employés comme
adjectifs ne diffèrent pas de leurs substantifs. Ainsi leSj
mots qui signifient « bon, méchant, beau >, etc., signi-
fient aussi « bonté, méchanceté, beauté ». Ce sont sou-
vent les adjuncta de la phrase qui font connaître s'ils
sont employés comme adjectifs ou comme substantifs.
Quant aux mots qui sont le plus souvent employés
comme substantifs, on leur ajoute souvent les finales a,
ia, pour les employer comme adjectifs. Ex.: vaOj bois,
brousse ; vàoa, couvert de broussailles, de bois. Koloa.
richesses ; koloata, riches. Fatu^ pierre ; fatua, pierreux.
Ou bien on fait longue leur dernière syllabe ; ex. : ika,
poisson ; ikà, poissonneux. C'est l'usage seul qui apprend
quelles sont les finales que veulent les mots pour devenir
adjectifs. Quelques-uns n'en admettent qu'une ; la plupart
en admettent plusieurs. Ex. : talo, taloia, taloa, où il y a
beaucoup de taros ; w/î, ufia, plein d'ignames ; niu,
niîuiy beaucoup de cocos. Ce n'est pourtant pas tout à fait
indifférent d'employer l'une ou l'autre finale ; cela dépend
de certaines circonstances, par exemple de proximité ou
d'éloignement de l'objet.
Quant aux adjectifs qui sont formés des verbes et qui
pourraient aussi s'appeler participes passés passifs, ils
diffèrent toujours du verbe par une finale, comme a, ea,
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inuy na^ lina^ fia^ lia, mia, sia^ fakiy fakia^ fakiia,
fakina.
Une auti'e manière de former ces sortes d'adjectifs ou
de participes passés passifs, c'est d'ajouter devant le
verbe la particule ma. Ex. : sikiy lever ; masiki^ levé.
Mais cette particule exprime plutôt le pouvoir d'être fait
que l'étant fait ; aussi est-elle le plus souvent employée
dans les phrases négatives qui indiquent l'impuissance de
faire une chose. Ex.: e leaise ma fui, cela ne peut pas se
faire ; e leaise m^ folo, on ne peut l'avaler.
Comparatif. — Les Futuniens expriment leur compa-
ratif de supériorité par le mot ake, qui veut dire « au-
dessus Hj et celui d'égalité par le mot tatau, tataufuai^
qui veut dire « également », ou bien ils se servent de
périphrases. Ex.: je suis plus grand que Paul, e lasi ake
au ia PaulOj ou bien : e lasi au^ kae ikiiki PatilOj ce qui
revient à dire « je suis grand, Paul est petit ». — E
malie le laakau-neiy kae veli lena, cet arbre-ci est plus
beau que celui-là. — Je suis aussi grand que Jean, e ma
lasi tataufuai ma Joane. — Je suis moins grand que
Pierre, e ikiiki au, kae lasi a Petelo^ c'est-à-dire « je
suis petit, Pierre est grand j), ou bien e taulalo au, kae
taualuga Petelo.
Superlatif. — Il s'exprime par le mot aê, qui veut
dire « tout à fait, entièrement i>, et quelquefois par le
mot kese dans le sens de « extraordinairement » . Ex. : e
agatonu ai le tagata-nei, cet hon5me-ci est très-sage ;
e savili kese le moana, la mer est extraordinairement
agitée. Ou bien on dira, en employant quelquefois le mot
ake € davantage i> : e lasi ake ai a Petelo i tam^aliki fuli,
Pierre est le plus grand de tous les enfants.
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— 347 —
Quelquefois le spperlalif s'exprime par un redouble-
ment de syllabes. Ex. : masaè^ déchiré ; masaèsaèy très-
déchiré ; — lasi, grand ; lalasi, très-grand. D'autres fois
par des particules ou autres mots équivalents : VaUy
imbécile ; vale uka, comblé de folie ; vaU uka kafaugay
archibêle. On se sert de périphrase pour exprimer cer-
taines locutions. Ex. : il n'est ni grand, ni petit, mais
d'une taille médiocre, e leaise lad, leaise ikiiki, kae lasilasi
malie,
ADJECTIFS POSSESSIFS.
Les adjectifs possessifs sont ceux qui déterminent la
signification du nom, en y ajoutant une idée de posses-
sion. Us se forment des génitifs des pronoms personnels,
auxquels on ajoute l'article défini ou indéfini, en faisant
l'élision de la voyelle e. Ainsi lokUy laku est pour le oku,
le aku ; soku, saku, pour se okUj se aku. De là deux sortes
d'adjectifs possessifs : le défini et l'indéfini.
ADJECTIFS POSSESSIFS DÉFINIS.
SINGULIER.
Loku, laku, mon, ma.
Lokitaj lakita, ou lotà, latâ (de kita).
Lou, lau, ton, ta.
Lona, lana, son, sa.
DUEL.
Lotaua, lotàj lataua, latâ, le tien et le mien (nôtre).
Lomaua, lomà; lamaua, lama, le sien et le mien (nôtre).
Lokoultia, lokulu; lakoulua, lakulu, le tien et le sien (le vôtre).
Lolaua, lolà; lalaua, lalâ^ le d'eux deux (le leur).
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— 348 —
SINGULIER-PLURIEL.
Lotatou, lotau; latatou, latou, le vôtre et le mien (le nôtre).
Lomatou, lomotou; lamatou, lamotou, le leur et le mien (le nôtre).
Lokoutou, lokotou; lakoutou, lakoiou, le vôtre.
Lolatou^ lolotou; kUatou, kUotou, le leur.
PLURIEL.
Ohi, aku, mes, miens.
Okita, akita, ou otà, atà, mes, miens (conversation familière).
Ou, au, tes, tiens.
Ona, ana, ses, siens.
DUEL.
Otaua, otâ; atana, atà, miens et tiens (nos).
Omaua, omâ; amaua, amâ, siens et miens (nos).
Okoulua, okulu; akoulua, akulu, tiens et siens (vos).
Olaua, olà; diaua, alà, les d'eux deux.
Otatou, otou; atatou, atou, les vôtres et les miens (nos).
Omatou, omotou; amotou, amotouy les leurs et les miens (nos).
Okoutou, okotou; akoutou, akotou, vos, les vôtres.
Olatou, olotou; alatou, alotou, les leurs.
Première remarque. — Pour avoir le pluriel des adjec-
tifs possessifs dans la langue futunienne, on n'a qu'à
retrancher la lettre initiale l du singulier.
Deuxième remarque. — 11 y a deux mots pour exprimer
« mon, ma », savoir : loku^ laku, qui est formé de au,
et lotd, latd, qui semble formé de kita, et qui est pour
lokitaj lakita. Le dernier indique une plus grande préci-
sion et voudrait dire c mon propre de moi-même, de
moi en particulier ». Il se forme de o kita, a kita, génitif
de kita. Il semblerait encore avoir le sens de c on, son,
chacun », et donnerait à ces mots la même précision que
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c de moi propre >• Cette locution s'emploie plus rarement
et dans la conversation familière.
Troisième remarque. — La différence entre lotd, mon,
ma, et lotâ, nôtre, de nous deux, consiste en ce que la
finale de ce dernier est longue, tandis que la finale du
premier est brève.
ADJECTIFS POSSESSIFS INDÉFINIS.
Ce sont ceux qui sont combinés avec l'article indéfini
se et les génitifs des pronoms personnels oku, aku ; o%
au; ma, ana^ en faisant l'élision de la voyelle e. Même
règle pour les adjectifs définis.
SINGULIER.
SokUy saku, mon, ma.
Sokita, saMia, sotà, satà, mon, ma.
Sou, sau, ton, ta.
Sona, sana, son, sa.
DUEL.
Sotaua, sotâ; satatm, saiâ, le tien et le mien (nôtre).
Somaua, somâ; samaua, samâ, le sien et le mien (nôtre).
Sokoulua, sokulu; sakoulua, sakulu, le tien et le sien (le vôtre).
Solaua, $olâ; salaua, sald, le d'eux deux (le leur).
SINGULIER-PLURIEL.
Sotatou, sotou; satatou, satou, le vôtre et le mien (le nôtre).
Somatou, somotou; samatou, samotou, le leur et le mien (le nôtre).
Sokoutou, sokotou; sakoutou, sakotou, le vôtre.
Solatou, solotoû; salatou, salotou, le leur.
PLURIEL.
Ni oku, ni aku; ni okita, ni akUa, ni ota, ni atà, des choses pour moi.
Ni ou, ni au, des choses pour toi.
Ni ona, ni ana, des choses pour lui.
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— 350 —
DUIL.
Ni otaua, ni oià; ni aUma, m atà, des choses pour toi et moi.
Ni omaua, ni omà ; ni amaua, ni amâ, des choses pour lui et moi.
Ni okoulua, ni okulu; ni akoulua, ni akulu, des choses pour vous deux.
Ni olaua, ni olà; ni alàua, ni alâ, des choses pour eux deux.
Ni otatou, ni otou; ni atatou, ni atou, des choses pour vous autres
et moi.
Ni omatou, m omotou; ni amatou, ni amotou, des choses pour eux
et moi.
Ni okoutou, ni okoiou; ni akotUou, ni akotou, des choses pour vous
autres.
Ni olatoUf ni oloiou; m àlatou, ni alotou, des choses pour eux.
Remarque. — On trouve encore, dans la langue futu-
nienne, une sorte d*adjectif indéfini négatif qui veut
toujours être précédé de la négation Uai ; aussi on ne
l'emploie que dans ce sens. Ex. : leai noku pulapuUiy je
n'ai pas de semence ; leai naku sele, je n'ai pas de cou-
teau ; leai noku kofu, je n'ai pas de blouse ou chemise.
Ces adjectifs sont les précédents qui se forment des géni-
tifs oku, aku; ou, au; ona, ana, et de la particule ni
avec élision de la voyelle i. Quoi qu'il en soit, pour avoir
ces adjectifs, on n'a qu'à substituer la lettre n à la
lettre s dans les adjectifs soku^ saku. On n'en voit
d'exemples que pour le singulier, et encore assez rare-
ment: nomma, nolàua, nolâ^ etc., pour ni omana^ ni
olau^y ni ola.
Grézel.
(A continuer.)
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- 35i —
BIBLIOGRAPHIE.
Osnove srpskoga ili hrvatskoga Jezika. — Napisao 6j. Da-
Niôié. — U Biogradu, 1876, in-8 de vi et 463 pp. —
Korijeni s rijeéima od njih postalijem u hrvatskom ili
srpskom Jeziku. — Napisao Gj. DANiéié. — U Zagrebu,
4877, in-8 de iv et 369 pp.
Les deux grands ouvrages que M. Daniôié vient de
faire paraître, et dans lesquels il a pris pour base le
Vergleichendes WSrterbuch de Fick, se complètent Tun
l'autre et ne sauraient être séparés. Dans le premier,
l'auteur a classé tous les mots de la langue serbe ou
croate d'après leur terminaison, et en tenant compte de
leur formation*et de leur dérivation ; dans le second, au
contraire, il les a groupés autour des racines aryaques
auxquelles ils se rattachent. C'était là une tâche des plus
ardues, et que la méthode rigoureuse, la sûreté de
critique de M. Daniôié, aussi bien qu'une patience pro-
digieuse, pouvaient seules lui permettre de mener à bonne
fin. On ne peut qu'admirer la manière dont il a suivi le
plan qu'il s'était tracé. Grâce à ces deux répertoires,
que terminent des tables alphabétiques générales, le lin-
guiste possède un arsenal inépuisable, d'où il peut tirer
à son gré des exemples de tous les phénomènes particu-
liers qui rendent si intéressante l'étude du groupe yougo-
slave. Au lieu d'en être réduit à l'indication d'un petit
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— 352 —
nombre de faits que citent les grammairiens, on voit se
dérouler devant soi la série complète des mots et des formes
de la langue.
De semblables travaux font le plus grand honneur à
récole linguistique serbo-croate si bien représentée aujour-
d'hui par MM. Daniôié, Jagié et Novakovié, Depuis que
Vuk Stefanovié Karadiié a frayé la voie, qu'il a débar-
rassé l'idiome national des emprunts faits aux livres
liturgiques et l'a ravivé en recueillant les chants, les
contes, les jeux, les proverbes, en un mot toutes les
parcelles de la langue populaire, Serbes et Croates ont su
dignement continuer l'œuvre du maître; on peut dire
que leurs écrits occupent aujourd'hui le premier rang
dans la linguistique slave. Nul n'a plus contribué que
M. Daniôié au développement et à la gloire de cette
école. Sa Morphologie* serbe {Oblici srpskoga Jezika, 6,
zdanje, u Zagrebu, 4871, in-8) ; sa Syntaxe serbe {Srbska
Siniaksa, deo I, u Beogradu, 1858, in-8) ; son Diction-
naire de l'ancien serbe {Rjecnik iz knjzevnih starina
srpskih, u Biogradu, 4 863-1864', 3 vol. in-8) ; ses Pro-
verbes (Poslovice, u Zagrebu, 1871, in-8), sans parler
d'une foule d'éditions critiques de textes anciens, sont au
nombre des productions les plus importantes de la lin-
guistique moderne. Les deux volumes que nous annon-
çons aujourd'hui couronnent cette série de travaux. Nous
en saluons l'apparition avec d'autant plus de joie que
nous y voyons comme l'annonce du grand dictionnaire
serbo-croate que l'académie yongo-slave de Zagreb nous
fait espérer depuis longtemps et dont M. Daniôié est le
plus actif collaborateur. E. P. ♦
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— 353 —
Évangile selon saint Matthieu, traduit par Liça^rrague,
i57i, réédité par W.-J. Van Eys. — Paris ^ Maison-
neuve et G", 1877. — In-8 de (iv)-ij p. et 61 feuillets.
Cette publication splendide, au point de vue de l'exécu-
tion typographique, fait en quelque sorte suite à celle
que j'ai commencée il y aura bientôt quatre ans sous le
titre de Documents pour servir à Vétude historique de la
langue, basque, et dont le premier fascicule contient une
réimpression de l'évangile de saint Marc de Liçarrague.
On sait que Liçarrague était un pasteur protestant envoyé
par Jeanne d'Albret dans la Basse-Navarre ; on trouvera,
du reste, quelques détails sur cet homme remarquable et
sur son œuvre dans Tavant-propos de la publication que
je viens de rappeler.
Inutile d'insister sur l'importance de ces réimpressions
et sur la haute valeur de ces textes linguistiques d'il y
a trois siècles. En rééditant l'évangile de saint Mathieu,
plus considérable que celui de saint Marc, M. Van Eys
nous a donc rendu un très-grand service, et le nouveau
livre qui porte son nom est aussi bon que beau, ce qui
n'est pas peu dire.
Il est seulement très-fâcheux que la correction de ce
livre ait été faite d'une façon assez irrégulière pour qu'il
y soit resté, comme M. Van Eys s'en excuse modestement
lui-même, des fautes typographiques toujours trop nom-
breuses. Je ne vois qu'un moyen d'y remédier : que
M. Van Eys publie aussitôt que possible une autre partie
du Testament de 1571 j il aura là une occasion toute
naturelle de nous donner Y erratum que réclame son saint
Mathieu. Julien Vinson.
^ 23
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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
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TABLE ANALYTIQUE
DES TOMES I A X.
I. — TABLE DES LANGUES ÉTUDIÉES.
Linguistique générale, I, 304,
43a ; II, 133, 285,428; III,
122, 240, 327 ; IV, 76, 182,
183, 308 ; V, 120 ; VII, 54,
57; VIII, 246; X, 170.
LANGUES ISOLANTES.
Chinois, IV, 349 ; VII, 16.
Stieng (Moi), VII, 356, 370.
Tiam (Gham), VII, 348, 359.
Annamite, III, 36.
Loutze (Thibet), VIII, 333.
Pagni (Thibet), VIII, 333.
LANGUES AGGLUTINANTES.
§ler.
Africaines (Langues) du Soudan,
VII, 195, 291 ; — des nègres
et du groupe Bantou, IX, 26;
— du Rio-Nunez, X, 75.
Hadendoa, III, 175.
Poul, VII, 195, 291.
Sérère,VII, 195, 291.
Wolof, VII, 195, 291.
Zénaga (Dialecte berbère), X,
172.
§ II.
Dravidiennes (Langues), II, 40;
III, 294, 306 ; IV, 399, 403 ;
VI, 120; IX, 90, 282, 375;
X, 98, 160.
Tamoul, II, 40 ; III, 294, 306 :
IV, 399,403; VI, 120; VII
44, 286; VIII, 52, 340; X,
160.
gm.
Langues ougriennes, IV, 29,
127, 229; V, 303 ; VI, 296 ;
VII, 177, 179; X, 163.
Finnois, VIII, 152.
Lapon, VIII, 339.
Vogoul, V, 307.
Mandchou, V, 415.
Tongouse, VI, 129, 217.
§IV.
Basque, I, 381 ; II, 282 ; III,
5, 208, 236, 294, 366, 423 ;
IV, 43, 55, 73, 75, 118, 289,
293,295; V, 5,10, 190, 220,
221, 276, 389, 434; VI, 183,
197, 204, 238, 337 ; VII, 3,
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59, 70, 99, 209, 282, 322,
378 ; VIII, 70, 73, 112, 153,
310, 241 ; IX, 74 ; X, 148,
164, 165, 167, 168, 195, 210,
353.
Ibère, VII, 3.
§V.
Américaines (Langues), IX, 404.
Chibcha, IX, 99.
Dakota, IX, 3.
Innok, X, 223.
Kéchua, IX, 345.
Mame-huastèque (Langues de
famille), V, 129.
Maya, VI, 42; VIII, 320; X,
61.
Nahuatl, IX,231.
Quiche, X, 34.
Tupi, IX, 255.
§VL
Gaucaso-transgangéliques (Lan-
gues), II, 375.
LANGUES A FLEXIONS.
A. — Sémitisme,
Sémitiques (Langues), V, 186.
Hébreu, VI, 120.
Phénicien, III, 411.
Arabe, III, 135 ; IV, 321 ; VII,
380.
Assyrien, VI, 291.
B. — Indo-européisme,
Indo-européennes (Langues), I,
1, 51, 125, 128, 138, 166,
204,254, 282; 11,5, 55, 171,
184, 267, 276, 316, 449,
465, 469; III, 23, 25, 235,
355; IV, 101, 159, 173, 18TJ
285, 313; V, 83, 85, IC
115, 168, 181, 267, 311, 312
328, 395, 429, 431 ; VI, IC^
189; VII, 110, 169 ; VIII, r
129.
§1.
Sanskrit, I, 67, 215, 328, 422 ;1
II, 104, 223, 457 ; III, 49, !
81, 243, 245; IV, 173; V,
17, 84, 333 ; VI, 110 ; VIJI,
6, 99, 340; IX, 46; X, 159.
§11.
Eraniennes (Langues), III, 113,
248.
Zend, m, 156, 219, 245 ; VII,
54, 242, 268; VIII, 248, 187,
343 ; IX, 115, 300 ; X, 127,
158.
Perse, I, 106; III, 61, 459;
IV, 204; VI, 365; VII, 242;
VIII, 3.
§111.
Celtiques (Langues), IV, 81 ; V,
436.
§IV.
Italiques (Dialectes), VI, 266;
VII, 279.
Latin, I, 410; II, 447, 462; V,
314, 404.
Ombrien, VII, 279.
§V.
Grec, II, 40, 51, 314; IV, 5,
281, 232; V, 124, 306; VI,
284, 291 ; VII, 58.
§VL
Slaves (Langues), IV, 40, 401 ;
V, 295; VIII, 140, 351.
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— 369 ^
X.etto-slaves (Langues), IV, 264 ;
V, 124.
Bulgai e, V, 423 ; VI, 200.
Serbe-croate, V, 263 ; VI, 104,
128,191,201; VU, 57; IX, 88.
Polabe, V, 101.
§ VII.
Germaniques (Langues), I, 84
II, 199, 294 ; IV, 298, 338
V,127; VI, 1,101, 102, 298
VIII, 140.
Gotique, II, 308.
Nordique (Vieux), V, 325.
Allemand, VIII, 160; X, 171,
175.
Anglais, VII, 382.
§ VIII.
Romanes (Langues), IV, 71 ; V,
427 ; VI, 266, 286.
Français, I, 36, 223, 349, 354,
456; VIII, 263; IX, 144,
190, 195 ;X, 169, 172, 175.
Patois français, I, 456 ; IX, 88.
Roumain, II, 78, 327 ; IV,
268; V, 225 ; )VI, 61 ; VIII,
467.
§IX.
Albanais, IV, 97.
Arménien, X, 172.
Kurde, VI, 89, 363.
II. - TABLE DES SUJETS.
A « sicut ». -— Hovelacque. —
IV, 284.
Aditi, adityas, — Voyez Védi-
ques (Etudes).
Adjectif et génitif. — Voyez
Syntaxe.
Agni, petit-fils des eaux dans
le Véda et FAvesta. — Girard
de Rialle. — III, 49. — Voyez
Védiqiœs (Etudes).
An. — Hovelacque. — IV, 282.
Av>îû. — Hovelacque. — IV,
281.
Aoriste composé. — Voyez
Verhe,
Arabe (Notes sur la gram-
maire). — H. Derenbourg. —
m, 135; IV, 321.
Ari. — Hovelacque. — IV, 282.
Aryaque et sanskrit. — M. Bréal.
- I, 125. .
Aspirées organiques. ^ Hove-
lacque. — I, 282.
Asséner (étymologie française).
— A. Scheler. — 1, 349.
Assiette (étymologie française).
— A. Scheler. — I, 354.
Athênê. — Voyez Afa.
Augures. De la science augu-
rale dans le Véda et l'Avesta.
— Girard de Rialle. — VUI,
7.
Avesta (Études sur V). — A.
Hovelacque. — Moi-ale, VI,
253 ; — le chien, VIII, 187 ;
— les deux principes, IX,
175, 300 ; — les médecins et
la médecine, X, 127.
Bantou (Les langues du groupe) .
— Hovelacque. — IX, 37.
Basque (Coup d'œil sur Tétude
de la langue). — J. Vinson.
24
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I
- 3TO —
— I, 381. = Les études
basques et la critique. — J.
Vinson. — X, 210.
Bibliographie. Les premiers
livres basques. — J. Vinson.
— VIII, 70.
Bibliographique (Bulletin). —
A. Bureau. — V, 337, 416 ;
VL 205, 302 ; VII, 82, 185 ;
VIII, 89, 161, 249; IX, 302,
411 ; X, 186, 354.
Caecus, — A. Joamion. — IV,
395.
Cas (Principes de l'étude com-
parative des). — B. Del-
brueck. — 11, 469. = Formes
des cas des radicaux ea a en
ancien indien. — Fr. Muellen
— VII, 6.
CaucasO'transgangétiques (Re-
cherches sur les laagueft.) —
H. de Gharencey. — II, 375.
Celtiques (Les études). — V,
m.
Centaures (Le nom des). —
HoiFdacque. — ïï, 465. =
Ghiron. — J. Balseac. — VIII,
13.
Cerveom (Action réflexe du). —
H. Ghavée. — II, 184.
Cheval (Introduction du) en
€hine. — Piètrement. — ÏV,
349.
Chibcha (La langue). — L.
Adam. - IX, 99.
Chien (Le) dans l'Avesta. —
Hovelacque. — VIU, 187.
Chinois (L'origine des). — Piè-
trement. — IV, 349. = Exa-
men critique des jugements
portés «ur la valeur des mo-
numents philosophiques^ lit-
téraires et scientifiques des
C^ois ; structure de leur
langue envisagée «ous le rap-
port de sa capacité scienti-
fique. — E. Martin. — VII,
16.
Chiron (Le Centaure), — J.
Baissac. -■ VIH, 13.
Concours de poésie basque à
Sare. -— J. Vinson. — EIn
1869, 111,366; — en 1871,
V,5.
Ckmgrèê de» orientalistes à
Samt-Pétersbourg. — VIII,
351.
Conjugaison (La) dans les lan-
gues dravidieniies. — I. Vi»-
son. ^ IX, 375 ; X, 98.
Cûnsotmes {Les attraits sexuels
des) et l'action réflexe du
cerveau. — H. Ghavée. — II,
184.
Conversations loutze et pagni.
— A. Desgodins. — VIII, 333.
Cours de langue roumaine à
l'école des langues orientales
vivantes. — Em. Picot. —
VIII, 167.
Critùpjte de notre dictionnaire
basque -français. — W.-J.
Van Eys. — VII, 269.
Culte. Observations sur im pas-
sage d'Hérodote concernant
certaines institutions perses.
— IJovelacque. -- Vil, 242.
Cunéiformes (Inscriptions). —
H. Ghavée. — 1, 106. = Sur
l'origine de quel(^ues carac-
tères des inscriptions aryen-
nes des Achéménides. — I.
Menant. — III, 61. = Sur
le signe perse de L. — J.
Opperl. — III, 459. = Essais
sur l'explication des inscrip-
tions perses. — Fr. Mudler.
— VIII, 3.
Ç sanskrit. — Hovelacque. —
11,^7; 111,243; — L Via-
son. — III, 81.
Digitized by LjOOQIC
371 —
Daktyles (Les). — J. Baissac.
— vm, 13.
Darva. — Hordacque. — FV,
283.
Déclinaison basque (Notes sur
la). - J. Vinson. — III, 5.
= Note sur les prétendus
génitifs et datifs pluriels de
la langue basque. — L.-L.
Bonaparte. — II, 2^.
Déclinaieon indo-européenne,
— A. de fcaix de Saint-Ay-
mour. — 1,51,204; 11,316.
== Formation du nominatif
singulier. — IIJ^ 235.
Déclinaison ouralo - altaïqiLe.
L. Adam, - ÏV, 127, 2^.
Dérivation (Les éléments de
la). — Havelacque. — î, 466.
Dérivation verbale spécifique
en dakota. — L. Adam. —
IX, 3.
Dialectes de l'Italie septentrio-
nale. — Era. Picot: — Yi,
266. = Roumains (Documents
pour seiwi r^tude des). ^
E. Picot. — V, 225 ; ¥ï, 62.
= Basques (Spécimens de
variétés dialectales). — J. Vin-
son. - Vliï, 310 ; IX, 74; X,
195.
Dieu (Le mot) en basque et
dans les langues dravidiemies.
— J. Vinson. — III, 294.
Pis (Le préfixe roman) en jolba-
nais. — Fr. MiklosicU. — IV,
97.
Dravidiennes (Étude des lan-
gues). — J. Vinson. — IX,
282.
Durus. — Hovelacque. — II,
447.
Ea/). — IV, 282.
PmboltemeifU. rr- Voyez Poly-
synihèimne.
Emprunts, Mots étrangers en
kurde. — Justi. — VI, 89.
Eran. De la place occupée par
les langues éraniennei^ dans
famille linguistique indo-ger-
manique. — Fr. Spiegel. —
m, 113. = Examen d'une
suite de publications sur les
idiomes et les littératures de
l'éran. — Hovelacque* — III,
24S.
flrrata, - II, 245, m>\ HI,
244, 382 ; ÏV, 127, 413 ; V,
128, 445; VI, 103, 216,312;
VH, 384; VIII, 164.
Esthétique du vers allemand.
— Gh. Wiener. — VI, 1.
Etymologie. -- Voyez 4, An,
Avwp, An, Asséner, Ariette,
AthênêyCaecus, Darva, Dieu,
Durus, E(Kp9 Fraêsta, Ganva,
Geben, Ghr, Gotiques, Grâv,
Hic, Homo, Kwyoj, Ma, Mar,
Mars, Mercurius, Minerve,
Mithridate, Napât, Regret,
Regretter, Théophile, Théo-
phobe, Thukiyvm, Tiridate,
Tout, Vab, Weben,
Étymologies basques (Les). —
J. Vinson. — V, 10.
Euphonie sanskrite. — Hove-
lacque. — V, 17.
Évolution (Théorie de T) dans
la science du langage. —
Girard de Riall. — X, 288.
H grec (Valeur de T) au
Xle siècle. — E. Picot, .^-r II,
51, 314.
Faust. — J. Baissac. — VIII,
13.
FraêHa. — Fr. Mu^ler. —
VU, 268.
Française {LdOkgae). Son ensei-
gnemeat par Jla «aéthode his-
torico-CQ^ipiMraiive. — Hove-
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372 ^
lacque. — I, 36. = Voyez
FmAwt, — Voyez Fer6e.
Garwa, — Hovelacque. — IV,
283.
Gehen, — Hovelaccjue. — VI,
KM.
Génitif et adjectif. — Voyez
Syntaxe,
Germaniques (Langues). Étude
et enseignement. — M. Fueh-
rer. — I, 84. = Essai de
grammaire comparée. — L.
de Baecker. — IV, 338.
fjrermaniquea (Études). — Ho-
velacque. — II, 294.
Gotiques (Examen de quelques
vocables). — Hovelacque. —
11,308.
Ghr (Les huit) de Faryaque. —
H. Ghavée. — V, 267.
Grammaire arabe (Notes sur
la). — H. Derenbourg. — III,
135.
Grammaire tongouse. — L.
Adam. — VI, 429.
Grammaire innok (Esquisse
d'une). — V. Henry. — X,
223.
Grammaire zend. — Voyez
Zend,
Grâv, grav (Teari). — F.-W.
Pasanisi. — IV, 159.
H basque est-il primitif? — J.
Vinson. — V, 221.
H serbo-croate. -^ Hovelacque.
• — VI, 128.
Hadendoa (Études sur les idio-
mes de l'Afrique : de la place
de la langue hadendoa). — J.
Halévy. — HI, 175.
Hérodote (Observations sur un
passage d*) concernant cer-
taines institutions perses. —
Hovelacque. — VII, 242.
HiCf hœc, hoc. — Hovelacque.
— II, 462.
Hiéroglyphes des saisons égyp-
tiennes. — G. Rodier. — III,
122.
Homo. — Hovelacque. — I,
410; IV, 285.
Hugo (Victor) et la langue bas-
que. — J. Vinson. — V,
Ihérienne (La langue) et la
langue basque. — Van Eys.
— vn, 3.
Idiomes (Répartition par) des
enfants allant dans les écoles
publiques de Prusse. — IV,
Images dans la parole indo-
européenne. — H, Ghavée.
-« II, 55 ; V, 85.
Incorporation. — Voyez Poly-
synthétisme.
Indo ' européennes (Langues),
Leur étude positive. — H.
Ghavée. — I, 1. = Leur
subdivision. — A. Hovelac-
que. — Vm, 129.
Indra. — Hovelacque. — VII,
111. = Voyez Védiques (Étu-
des).
Instruction publique en Rus-
sie. — IV, 95. = En Prusse.
— IV, 96.
Intonations (Notice sur les) du
discours chez les Annamites.
— A. des Michels. — III,
36.
Juif 'Errant (La légende du).
— Gh.SchœbeL — IX, 307;
X, 3.
Jfâina (La reUgion des). — J.
Vinson. — III, 306.
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— 373 —
Kwù6ç. — A. Joannon. — V,
395.
L perse (Sur le). — J. Oppert.
— III, 459.
L védique, — J. Vinson. —
11,81.
Langage (La science du) et
M. Taine. — H. Chavée. —
Y, 120.
Langues anciennes et langues
modernes (extrait du Journal
des Débats), — III, 240.
Lautverschiebung , Essai d'in-
terprétation. — L. Gaussin.
— II, 199. = Gritiaue. —
Hovelacque. — II, 294.
Léry {Jean de) et la langue
tupi. — Paul Gaffarel. — IX,
255.
Ma (La racine). — Gh.Ploix.—
IV, 101, 173.
Manouantaras (Date initiale
des). — G. Rodier. — III,
327.
Mar (La racine). — Ch. Ploix.
— V, 168.
Mars, — Ch. Ploix. — V, 168.
Médecins (Les) et la médecine
dans l'Avesta. — Hovelacque.
— X, 127.
Mercurius. — Gh. Ploix. — V,
168.
Méthode (De la) en mythologie.
— Girard de Rialle. — II, 285,
428; IV, 14, 161.
Minerve. — Voyez Ma.
Mithridates. — Girard de
Rialle. - IV, 223.
Morale de TAvesta. — Hove-
lacque. — VI, 253. = Les
deux principes dans l'Avesta.
— Hovelacque. — IX, 175.
Morphologie des langues letto-
slaves. — Fr. Moeller. — IV,
261-
Musique, Air basque. — III,
Mytholoaie. De la méthode en
mythologie et des divers sys-
tèmes de critique mytholo-
gique. — Girard de Risdle. —
II, 285, 428; IV, 14,161. =
Lettere critiche, — G. As-
coli. - VI, 105.
Mythologie basque. — J. Vin-
son et W. Webster. — VIII,
112 ; = Le Petit-Poucet et la
Grande-Ourse, légendes bas-
ques. — J. Vinson. — VIII,
241.
Napât^, naptr, — Hovelacque.
— V, 83.
Nègres d'Afrique (Langues des) .
— Hovelacque. — IX, 26.
Notes grammaticales sur la
langue futunienne. — Is.
Grézel. — X, 321.
Orthographe de la langue rou-
maine. — Em. Picot. — II,
78, 327 ; = du bas-allemand.
— V, 127.
Ourse (Le Petit-Poucet et la
Grande-), légendes basques. —
J. Vinson. — VHI, 241.
Parjanya sous ses formes sla-
ves et germaniques. — Gi-
rard de Rialle. - VIII, 140.
= Voyez Védiques (Etudes).
Patois français (Projet d'en-
quête sur les). — Girard de
Rialle. - I, 456.
Perse. Sur le L perse. — J.
Oppert. — III, 459. = Mé-
langes perses. — J. Oppert.
— IV, 204.
Poucet (Le petit) et la Grande-
Ourse, légendes basques. —
J. Vinson. — VIH, 241.
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- 374-«
Phénieien. Lu Iflrtgne phétA-
cienne. — H. Ghavée. — lïl,
411.
Philologues contemporains. **-
Ed. Le Héricher. — VIIL
263 ; IX^ 144, 195.
Phonologie (La) de Volney. —
A. Horrelacqtie. — II, 171. =
Phonologie basque. — J. Vîn-
«on. - m, 423 { lY, 413;
V, 276. = Tableau phoné-
tique des principales langues
usuelles. — E. Piccrt. — Yï,
S62. = Lois phonétiques en
mame-huastèque. -^ De Gha-
rencey. — V, 129*
Poésie basque (Concours de) à
Sare. — J. Vinson. — En
1869, 111,366; - éft 1871,
V, 5.
Poésie tàmoule (Le Tassé dans
la). — J. Vinson. — YIII,
S2.
Uoyio, - Fr.Mueller. -VII,110.
Polysynthétisme, emboîtement
et incorporation en dakota. —
L. Adam. — IX, 3 ; — en
nahuatl, IX, 230 ; — en ke-
chua, IX, 345 ; — en quiche
et en tnaya, X, 34.
Poul (Essai sur la langue) et
comparaison de cette langue
â\ec le wolof, les idiomes
sérères et les autres langues
du Soudan occidental. — Gé-
néral L. Faidherbe. — VII,
195, 291.
Présent. — Voyez Verbe,
Prix Gobert en 1872. — V,
125.
Programme de la Eevue,— I, v.
Prométhée, — Voyez Ma.
Pronom de la première per-
sonne (Thème du) en ougrien.
— L. Adam. — IV, 29.
Pronom déménstrcdif basque.
— W.-J. Van Eys. — VI, 183.
Prononciation du grec ancien.
— J. Vinson. — II, 40. =
Valeni' de l'if grec au XI« siè-
cle. — E. Picot. — II, 51,
314.
Prononciation et transcription
de deux sifflantes sanskrites.
— A. Hovelacque. — II, 457.
== Sur le Ç sanscrit. — Hove-
lacque.— lîï, 243. = Pronon-
ciation de/*, s, ç, #, t vé(hque.
— J. Vinson. -^ III, 81. sis f
Tocal. — Hovelacque, V, 84;
J. Vinson, VI, 3âO. == Sif-
flante linguale du sanskrit, #.
— Hovelacque. — V, 84.
Prophétie (Une ancienne) en
langue maya. — H. de Cha-
rencey. — V, 389 ; VIII, 320*
Prosodie. Esthétique du vei^
allemand* -^ Gh* Wiener. —
VI, i.
Races humaines (Pluralité ori-
ginelle des). — H. Ghavée. —
I, 432.
I{a>cines indiennes (Sur les).
Discussion. — L. Adam, Ho-
velacque. — m, 23, 25.
Racines verbales en basque. —
H. de Gharencey. — V, 389.
Rectifications. — VI, 38â ; VIÏ,
81, 384.
Redoublement de cinq formes
grecques. — V, 124.
Regret, regretter. — H. Gha-
vée. - I, 223.
Rio-Nunez (Idiomes du), côte
occidentale d'Afrique. — Doc-
teur A. Gofre. — X, 75.
Roumaine (Langue). Son ortho-
graphe. La** Société littéraire
de Ëucharest. -=- Em. Picot.
-■ II, 78, 827 ; IV, 368.
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— 375 -
jR vocal sanskrit. — ' 1. Vinson.
— III, 81 ; VI, 336 ; = Ho-
velacque. — V, 84; VIII,
99.
Sanskrit et aryaque. — M.
Bréal. - I, 125.
Satan ou le Diable. — J. Bais-
sac. - IX, 55, 134.
Schleicher (August). Notice. —
Hovelacque. — II, 261, =
Portrait. — ni, frontispice.
Son articulé (Origine du). —
A. Maurer. — X, 261.
Stiengs (Les) et les Tiams. —
A. Morice. — VII, 347.
Syntaxe comparée. Adjectif et
génitif. — L. Feer, — II, 138.
iS sanscrit. — Hovelacque. —
II, 457;- J. Vinson. — m,
81.
Tahle des tomes I à III, III,
487 ; — des tomes IV à VI,
VI, 375.
Tame (M.) et la science du lan-
gage. — H. Gbavée. — V, 120.
Tamoul (Le mot). — J. Vinson.
VII, 44.
Tasse (Le) dans la poésie ta-
moule. — J. Vinson. — VIII,
52.
Thèmes (De la désignation des).
— Hovelacque. — II, 449;
= grecs en art (Prétendus).
— Hovelacque. — IV, 5. =
Temi grâv, grav. — Pasa-
nisi. — IV, 159.
Théophile, Théophohe, — Gh.
SchœbeL- V, 181.
Thuki'im (Paons). Origine de
ce mot hébreu. — J. Vinson.
— VI, 120.
Thwâhha, dieu de l'espace cé-
leste. — Fr. Spiegel. — IV,
20.
Tiams (Les) et les Stiengs. —
A. Morice. — VII, 347.
Tiridates. — Girard de Rialle.
— IV, 223.
Tongouse (Grammaire)* — L.
Adam. — VI, 129.
Tout, — H. Ghavée. — IV,
187.
TranscHption du serbe. — S.
Novakovic. — V, 263; =
Hovelacque. — V, 282 ; VI,
99.
Transcription et prononciation
de deux sifflantes sanskrites.
— Hovelacque. — II, 457.
V aryaque. Ses variations. —
J. Oppert. — I, 128.
Vab, vabh (Les racines). —
Hovelacque. — VI, 101.
VaHa. - m, 235, 366; IV,
76, 81, 82, 95, 96; VÏII,
351.
Vâyu et Vâta, les dieux du
vent dans le Rig-Véda et dans
l'Avesta. — Girard de Rialle.
— VI, 352.
Védique (Époque). — G. Ro-
dier. — Commencement, III,
327;-fin, 1,304.
Védiques (Études). — Girard
de Rialle. — Introduction,
Agni, I, 67; — Indra, I,
215, 325; — Parjanya, I,
432 ; - Aditi, II, 104 ; —
Adityas, Visnu, II, 223; —
la déesse des bois, jV, 273 ;
— Vâyu et Vâta, VI, 352 j —
les déesses des eaux, IX, 46.
Vendidad (Observations criti-
ques sur le xvin« fargard du).
— A. Hovelacque. — VI, 313.
Verbe. Formation de l'aoriste
composé. — Hovelacque. —
II, 276. = Formation du
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\
376 —
présent. — Hovelacque, — II,
D. = Formation des futurs.
— Joh. Schmidt. — III, 355,
383. = Trois prétendus ver-
bes simples (os, ad, an), —
Hovelacque. — II, 267. =
Famille naturelle des idées
verbales dans la parole indo»
européenne. — H. Chavée.
— 1, 133, 254. = Le verbe
basque. — J. Vinson. — VI,
238 ; — De Gharencey. — VI,
337 ; — J. Vinson. — VII,
99, 322 : — De Gharencey. —
VIII, 73. = La conjugaison
dans les langues dravidiennes.
- J. Vinson. - IX, 375 ; X,
98.
Vienna civitas sancta, — J.
Baissac. — VII, 412.
Visnu, — Voyez Védiques
(Etudes).
Voyelles (Notes musicales ca-
ractéristiques des). — J. We-
ber. — IV, KM.
Wehen, — Hovelacque. — VI,
101.
Zend. Questions de grammaire
zende. — Hovelacque. — III,
156; V, 74,291.
III. - TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES
BIBLIOGRAPHIQUES.
Adam (L.). — Grammaire de la ,
langue mandchou. — J. Vin-
son. — V, 415.
Adam(L.). — De Tharmonie des
voyelles dans les langues ou-
ralo-altaïques. — J. Vinson.
— VII, 179.
Alexandre. — Oracles sibyllins.
Larocque. — III, 214.
Arbois de Jubainville (H. d'). —
La décUnaison latine en
Gaule à Tépoque mérovin-
gienne. — A. Prost. — V, 314.
Ascoli (G.). — Di un gruppo di
desinenze indo-europee. —
Hovelacque. — II, 340.
Ascoli. — Corsi di glottologia.
— Hovelacque. — IV, 308.
Attwell. — A table of the
aryan laiiguages. — S. Nova-
koviô.— V, 431.
Autenrieth (D' G.). — Terminus
in quem. — Hovelacque. —
n, 362.
Autenrieth (G.). — WÔrter-
buch zu den homerischen
gedichten. — VI, 291.
B. E. — La légende de Mélu-
sine. — Girard de Rialle. —
V, 189.
Bailly (A.). —Manuel pour l'étu-
de des racines grecques et lati-
nes. — Hovelacque. — III,
475.
Baissac (J.). — Origine des dé-
nominations ethniques dans la
race aryane. — Girard de
Rialle. — I, 231.
Bancroft. — Native races of
the pacifie states of North
America. — G. Maspero. —
IX, 404.
Barbe (P.)
langue d'O. — A.
que. — VI, 286.
Bartsch (K.). — Sancta Agnes,
provençalisches geistliches
schauspiel. — E. Picot. —
ÏV, 71.
La vérité sur la
Hovelac-
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— 377 -
Baudry (Fr.).— Grammaire com-
parée des langues classiques.
— H. Ghavée. — I, 468.
Baudry et Delérot. — Les dieux
et les héros (traduit de l'an-
glais de Gox). — Ghavée. —
I, 362.
Beaufils (G.). — Phonétique la-
tine. — Hovelacque. — V,
404.
Beaujean. — Petit dictionnaire
universel (abrégé de Littré).
— J. Roche. — IX, 190.
Benfey (Th.). — Sur quelques
formations du pluriel dans le
verbe indo-germanique. —
Hovelacque — I, 238.
Beschi (C.-J.). — Clavis huma-
niorum litterarum sublimions
tamuhci idiomatis. — J. Vin-
son. — X, 160.
Blackley(W.-L).— Word gossip.
— H. Ghavée. — III, 210.
Bladé. — Études sur Torigine
des Basques. — H. de Gharen-
cey, J. Vinson. — IV, 43, 55.
Bonaparte (L.-L.). — Le verbe
basque, les dialectes d'Aes-
coa, de Salazar et de Roncal,
et autres pubUcations bas-
ques. — J. Vinson. — V, 189.
Brachet (A.). — Dictionnaire des
doublets de la langue fran-
çaise. — Hovelacque. — II,
350.
Brasseur de Bourbourg. —
Quatre lettres sur le Mexique.
— Girard de Rialle. — III,
485.
Brucke. — Grundzûge der phi-
lologie und systematik der
sprache. — X, 170.
Budenz(J.). — Ugrische sprach-
studien. — J. Vinson. — V,
303.
Budenz (J.). — Finn nyelvtan. —
J. Vinson. — Vin, 152.
Burgaud des Marêts. — Notes
d'Oihenart sur Pouvreau. —
— J. Vinson. — IV, 293.
Burnell. — Aindra school of
sanskrit grammarians. — J.
Vinson. — Vni, 340.
Bumouf (Ém.). — La science
des religions. — H. Ghavée.
— V, 328.
Caix de Saint-Aymour. — La
langue latine étudiée dans
l'unité indo-européenne. —
M. Fuehrer. — I, 358.
Galdwell (R.). — Gomparative
grammar of the Dravidian
languages. — J. Vinson. —
IX, 90.
Cerquand. — Légendes et ré-
cits populaires du pays bas-
que. — Webster, VHI, 112;
— J. Vinson, X, 164.
Ghabas (F.). — Les pasteurs en
Egypte. — Girard de Rialle.
-11,248.
Ghabas (F.). — Le calendrier des
jours fastes et néfastes de
l'année égyptienne. — Qirard
de Rialle. — V, 104.
Charencey (H. de). — Recher-
ches sur les noms d'ani-
\ maux, etc., chez les Basques.
— J. Vinson, Girard de
Rialle. - III, 107 ; IV, 73.
Gharencey (H. de). — Le mythe
de Votan. — Girard de Rialle.
— V, 187.
Gharencey (H. de). — Les ani-
maux de la vision d'Ezéchiel
et la symbolique chaldéenne.
— J. Vinson. - Vm, 88.
Gharencey (H. de). — De quel-
ques idées symboliques se
rattachant au nom des douze
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i
— 378 —
flUi de Jaeob. — J. Vinson. —
VII, 78.
Ghassang. — Nouveaux exer-
cices grecs élémentaires. —
HoTelacque. — VII, 58.
Chavée (H.). — Enseignement
sdentifiqae de la lecture. —
V, 447.
Ghertzl (V.). — Sravnitelnaia
grammatika slaTîanskikh, etc.
— S. Novakovié. — V, 295.
C&odzko (Al.). — Grammaire pa-
léo-slave. — Hovelacque. —
III, 465.
Coelho (F.-Ad.).— Bibïiographia
critica de historia e littera-
tura. — V, 422.
Coignet et Delon (MMm««). —
Rapport sur la réforme de
rinstruction primaire. — H.
Chavée. — IV, 297.
Collection philologique, premier
fascicule. — Hovelacque. —
II, 476.
Gorssen (W.). — Aussprache,
vokalismus und betonung der
lateinischen sprache (2» édi-
tion). — Hovelacque. — HI,
89.
Cox. — Voyez Baudry etDelérot.
Culmartn(F.-W.).— DieNamen
der raubthiere in verschiede-
nen sprachen. - E. Picot. —
IV, 72,
Culmann (F.-W.). — Aspira-
ten; dslh, Zahhvorler der
indo-germanischen* — V,
341.
Culmann (F.-W.). — Geheim-
niss des spiritus asper. — VI,
199,
Curtius ((j.). — Grundzûge
der griechischen etymologie.
^ Hovelacque. — I, 98.
Curtius (G.). — Studien zur
Griech. und Latein. gramma-
tik. — Hovelacque. — ÎI,
358 ; m, 84.
Daniôic. . — Dictionnaires my-
thologiques serbes. — È.
Picot. — X, 351.
Daremberg et Saglio. — Dic-
tionnaire des antiquités grec-
ques et romaines. — Girard
de Rialle. - VH, 79.
Darraesteter. — Haurvatât et
Am^retât. — Hovelacque. —
Vm, 248.
Dasconaguerre. — Atheka gait-
zeko oihartzunak, — * J. Vin-
son, — IV, 75.
Dechepare (B.). — Poésies bas-
ques (15^), nouvelle édition.
— W.-J. Van Eys —VH, 70.
Delbrueck (B.) — Syntaxe indo-
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217; -IX, 3, 99, 231,345;
- X, 34.
Ascoli(G.-I.). —VI, 105.
Baecker (L. de). — IV, 338.
Baissac (J.). — VII, 112 ; —
VIII, 13 ; - IX, 55, 134,
Bonaparte (L.-L.). — II, 282.
Bréal (M.). - 1, 125.
Gaix de SaintrAymour (A. de).
- I, 51,204;-II, 31§.
Gbarencey (H. de). — II, 375 ;
_ IV, 43 ; - V, 129, 220,
389; —VI, 42, 337; -^ VII,
81 ; - VIII, 73, 320.
Gbavée (H.). - 1, 1, 106, 138,
223, 234, 242, 254, 262, 368,
406, 432,468, 474, 476, 479,
4S1,483;-II, 55,114, 119,
124,126,184,251,361,364,
480 ; — III, 85, 210, 411 ;
- IV, 187, 297, 298 : ^ V,
85, 120, 267, 328, 333.
Gorre (Dr A.>. — X, 75.
Delbrueck(B.). -11,469.
Derenbourg (H.). — IIÏ, 135
— iV, 321 ; - VII, 380.
Besgodins (A.). — Vill, 333.
Bureau (A.). - V, 337, 446 ;
— VI, 205, 302 ; - VIÎ, 82,
185 ; — Vm, 89, 161, 249 ;
— IX, 302, 411 ; - X, 186,
354.
Eys (W.-J. Van). — VI, 183,
383 ; - VII, 3, 70, 269.
Faidherbe (Général L.). — VII,
195, 291.
Feer(L.) —Il, 133.
Fuehrer (M.). — I, 84, 358.
Gàffarel (Paul). - IX, 255.
Gaussin (L.). — II, 199.
Girard de Rialle. — I, 67, 215,
231, 328, 422, 456, 490; —
II, 104, 223, 248, 285, 428 ;
— III, 49, 484 ; - IV, 14,
73, 161, 223; — V, 102,
104, 186, 187, 188, 189, 273,
425 ; - VI, 188, 189, 352 ;
— VII, 71, 75, 79,81,382;
— VIII, 7, 81, 140, 349 ; —
IX, 46; — X, 159, 165,
172, 288.
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Gréxel (Is.), — X, 321.
Halévy (J.). — IH, 175.
Henry (V.). - X, 223.
Hovelacque (A.). — I, 36, 98,
166, 228, 238, 242, 282, 440,
488; — 11,5,171,247,261,
267, 276, 294, 340, 350, 352,
358, 362, 447, 449, 457, 462,
465, 476 ; — UI, 25, 84, 89,
102, 156, 227, 248, 377, 465;
- IV,5, 281, 285,308, 316;
- V, 17, 74, 83, 84, 101,
105, 115, 202, 291, 311, 312,
323, 324, 325, 328, 335, 336,
404, 414; - VI, 99, 101,
102, 128,187,191,199,253,
284, 286, 299, 313 ; — VII,
54, 57,58,111, 169, 242; —
VIII, 99, 129, 343, 187, 248;
— IX, 26, 175, 300 ; — X,
127, 153, 158, 167, 169.
Jireëek (J.-G.). — VI, 200,
202.
Joannon. — V, 395.
JusU (F.). - VI, 89.
Larocque. — III, 214.
Léger (L.). — IV, 40.
Le Héricher (Ed.). - VIII, 263 ;
— IX, 144, 195; — X, 175.
Martin (E.). — VII, 16.
Maurer (A.). — X, 261.
Maspéro (G.). — IX, 404.
Menant (J.). —111,61.
Michels (Des). — III, 36.
Miklosich. — IV, 97.
Morice (A.). — VII, 347.
Mueller (Fr.). - IV, 261 ; —
VII, 110, 268; - VIII, 3,
6.
Novakoviô (Stojan). — V, 263,
295, 370 ; — VII, 53.
Oppert (J.). — 1, 128 ; — III,
Pasanisi. — IV, 459.
Picot (Ém.). — II, 51, 78, 314,
327, 346 ; — III, 219, 381,
483; - IV, 71, 72, 268,
313, 401, 402; - V, 225,
307, 423, 427 ; — VI, 61,
266, 362 ; — VII, 279 ; -
VIII, 167; — X, 351.
Piètrement. — V, 349.
Ploix. — IV, 101, 173 ; — V,
168.
Prost. — V, 314.
Rédaction (La). — I, v ; — III,
235, 245.
Roche (J.). — IX, 190.
Rodier (G ). — I, 304 ; — lU,
122, 327.
Scheler (A.), w J, 349,354.
Schmidt (J.): - III, 355, 383.
Schœbel. — V, 101 ; — IX,
307 ; — X, 3.
Spiegel (Fr.). — III, 113: —
IV, 20.
Vinson (J.). - 1, 381 ; — H,
40,236; - m, 5, 81, 107,
208, 294, 306, 366, 423 ; —
IV, 55, 75, 118. 289, 293,
295,403; — V,'5, 10, 190,
221, 276, 303, 306, 398, 415,
434; - VI, 120, 197, 204,
238, 291, 296, 298; — VII,
44, 59, 78, 99, 177, 179,
282, 285, 322, 378, 384 ; —
VIII, 52, 70, 88, 112, 152,
153, 310, 339, 340, 241, 246;
— IX, 74, 88, 90, 282, 375 ;
— X, 98, 148, 160, 163, 164,
168, 195, 210, 353.
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