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DE
LINGUISTIQUE
ET DE
PHILOLOGIE COMPARÉE
TOME XXXIV
REVUE
LINGUISTIQUE
ET DE
PHILOLOGIE COMPARÉE
RECUEIL TRIMESTRIEL
PUBI IF. PAB
JULIEN VTNSON
PROFESSEUR A L'ÉCOLE NATIONALE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES
Avec la collaboration de divers savants français et étrangers
TOME TRENTE-QUATRIÈME
.0:
PARIS
J. MAISONNEUVE, LIBRAIRE-ÉDITEUR
6, RUE DE MÉZIÈRES ET RUE MADAME, 20
I 90 I
LE LANGAGE MARTIEN
(suite)
CHAPITRE II
Les Noms propres
(26) Le roman martien met en scène un grand
nombre de personnages, dont plusieurs portent un
nom. Il y a même une petite fille qui en a deux : Anini
Nikaïné. Comme rien n'est plus arbitraire qu'un nom
propre, il semble que ce soit peine perdue que d'en
scruter l'origine; et aussi ne l'essaiera-t-on pas pour
les noms des comparses, Eupié, Pouzé^ Sika, Saziné,
et tant d'autres. Tout au plus pourrait-on faire observer
qu' Anini et Zitêni sont des appellations fort bien
choisies pour des fillettes, et que Mâtêmi a tout l'air
d'un féminin martien du magyar Maté « Mathieu » :
particularité digne de remarque, en ce que Mathieu
est précisément, dans nos langues, un des rares noms
d'homme qui n'a pas formé de dérivation féminine'.
Mais il y a quelques protagonistes qui se détachent en
vigueur sur cette figuration monotone et terne : ils
jouent un rôle important, sont ou paraissent des réin-
carnations ou des doublures d'êtres qui ont vécu sur
terre, et il n'était pas sans intérêt de savoir si leurs
appellatifs signifient quelque chose, ou si, en parti-
1. Paniné (P'I. 23) doit bien probablement son nom aru grand
grammairien sanscrit Pnnini,
1
o
cûlier, leurs noms martiens ne seraient pas, eux aussi,
des doublets de leurs noms terrestres. J'ajoute que c'est
cette recherche, par laquelle j'ai débuté, qui m'a fait
pénétrer d'emblée parmi les procédés les plus com-
plexes delà sémantique martienne (cf. n° 25). J'ai donc
cru qu'il y avait à la fois avantage et loyauté de mé-
thode à faire passer le lecteur par les chemins que
j'avais suivis. Moins je chercherai à pallier mes témé-
rités apparentes, plus il se trouvera à l'aise pour y
adhérer ou s'insurger contre elles.
(27) I. Ésenale. — On a vu que la traduction des
phrases martiennes en français est censée l'œuvre d'un
esprit réincarné en Mars, puis désincarné, qui vivait
récemment encore sur notre terre. Il y portait le nom
d'Alexis Mirbel. Mirbel est un pseudonyme (FI.
p. 140) ; mais je me suis assuré^ par lettre particulière de
M. Flournoy, qu'Alexis n'en est pas un. Le problème
qui se pose est celui-ci : y a-t-il un pont à jeter entre
les deuxnoms d'Alexis et d'Ésenale, que porte en deux
mondes différents le même personnage?
« Alexis » n'est pas, si Ton veut, un prénom fort
rare ; mais il n'est pas commun non plus, et il n'y en
a pas d'autre qui lui ressemble par la finale: il n'est
donc pas étonnant que cette consonnance tant soit peu
insolite ait fait travailler la pensée subconsciente de
M"^ Smith. Remarquons dès l'abord qu'elle a eu pour
cela tout le temps nécessaire : c'est en novembre 1894
que nous apprenons l'existence d'Alexis dans la pla-
nète Mars, en octobre 1896 seulement qu'on nous révèle
son nom martien d'Ésenale (P^l. p. 156). Deux ans:
.— 3 —
grande mortalis aevi spattum, pour une élaboration,
si compliquée soit-elle, dont le rêve eût pu brûler les
étapes en moins d'une minute !
La consonnance des deux syllabes finales d'Alexis
rappelle celle du mg. csacsi, surtout si on le prononce
à la française. Or csacsi signifie « âne » : non pas terme
générique, notons-le bien; mais espèce de diminutif
de caresse, comme on en enseigne volontiers aux
enfants. Le mot a pu jaillir des lèvres de M. Smith,
dès la première fois qu'il a montré un âne à Hélène à
peine sevrée. Traduisons maintenant en allemand, et
nous obtenons Esel, c'est-à-dire presque exactement
les deux premières syllabes du nom d'Ésenale. Et la
finale? Eh bien, c'est l'initiale même du nom d'Alexis ;
car, bien entendu, Ve final est muet. L'opération totale
peut s'exprimer par une formule d'une rigueur mathé-
matique, savoir al -j- csacsi = esel -\- al. Les deux
noms sont identiques.
Non pas tout à fait cependant : on devrait avoir
'^Eselale-, mais je ne pense pas que personne attache la
moindre importance à cette légère divergence, de
quelque façon qu'on se l'explique. On peut songer
tout simplement à une dissimilation d'un des deux /;
ou à une formule de retraduction en français, soit
àouQ, Esel {(.âne », dont la métathèse(cf. n" 14) donne
exactement Ésenale ; ou bien à quelque vague inter-
férence de la liaison de mots mg. ézen allât « cet ani-
mal )). Mais, dût-on ne pas se l'expliquer du tout, on
ne s'aheurtera point, je pense, à un aussi minime
désaccord, en présence d'une concordance aussi par-
faite de tout point par ailleurs.
Pour concevable qu'elle soit, l'opération est évidem-
ment trop complexe, pour qu'on puisse s'attendre à la
rencontrer souvent dans la formation d'un vocabulaire
qui n'excède pas 300 mots. Elle serait suspecte néan-
moins, si elle constituait un cas isolé, et je crois que
M'^e Smith l'a renouvelée au moins une fois, dans éré~
duté « solitaire », n" 245. Quant au principe en lui-
même, c'est-à-dire à la création de formes du langage
par addition d'éléments juxtaposés, il ne saurait faire
l'objet d'un doute, puisque l'application en est visible
à l'œil nu dans la conjugaison, soit ni -\- é, mé -j- /,
machir -\- i, n°22, 2".
(28) II. Astané, Ramié et consorts . — Dans ses
pérégrinations à travers tous les cycles qu'elle parcourt,
M"® Smith a un guide, un conseiller, un génie tuté-
laire, qui rarement l'abandonne et intervient à temps
pour l'éclairer de ses avis et de ses leçons : sur terre
et à l'époque actuelle, c'est un désincarné nommé
Léopold ; au siècle dernier, en tant qu'elle revit son
existence passée de Marie-Antoinette, c'est Cagliostro;
dans rinde, au XV" siècle, la princesse Simandini
consulte le fakir Kanga; enfin, transportée dans la pla-
nète Mars, elle a le bonheur d'y rencontrer deux
sages, deux savants éminents, Astané et Ramié, qui
s'intéressent à ses progrès en martien et, à vrai dire,
lui promettent beaucoup plus d'informations qu'ils ne
lui en donnent, mais à qui nous n'en sommes pas moins
redevables d'une bonne part des textes précieux édités
par M. Flournoy. Léopold et Cagliostro ne font qu'un;
ce point est expressément révélé, ainsi que la rein-
— 5 --
carnation du fakir Kanga en Astané; d'autre part,
celui-ci et Ramié sont distincts entre eux et distincts
de Léopold; mais Ramié n'est visiblement, en tant
que fonction, qu'une doublure affaiblie d'Astané ; et
enfin, — ce qui est l'essentiel, — ces cinq personnages
répondent tous à un concept unique, celui de directeur
spirituel. C'en est assez pour que M.Flournoy admette
à bon droit leur identité virtuelle. Nous le suivrons
dans cette voie, et nous nous demanderons si leurs
noms, dès lors, ne seraient pas, comme leurs per-
sonnes, apparentés entre eux, abstraits ou dérivés l'un
de l'autre. A priori, l'hypothèse serait fort séduisante ;
mais, après mûre discussion, je crois qu'il vaut mieux
y renoncer, ou plutôt la restreindre.
Léopold est apparu le premier, le 26 août 1892, et ce
n'est que postérieurement qu'a été révélée son identité
personnelle avec Cagliostro, mais dans des circons-
tances telles que M. Flournoy (p. 91) n'exclut nulle-
ment la possibilité qu'il ait eu la conscience nette d'être
Cagliostro avant qu'on lui en eût suggéré l'idée. S'il
en était ainsi, en d'autres termes si Cagliostro avait
virtuellement précédé Léopold, — le nom de Cagliostro
étant supposé prononcé a la française, c'est-à-dire le
g et Yl articulés à part, — il y aurait un chemin pour
passer de l'un à l'autre : détachant la syllabe initiale,
qui servira plus tard à former le nom de Kanga, il
reste un trisyllabe commençant par -lio-, qui p. pu
fort bien suggérer les deux premières syllabes de
Léopold, surtout si l'on considère que ce prénom est
en mg. Lipôt. Certes, cette explication en vaut une
— 6 -
autre, et en tout cas elle l'emporte beaucoup sur l'éty-
mologie illuministe (FI. ibid.), que Lëopold n'aurait
jamais trouvée tout seul et qu'on lui a obligeamment
soufflée.
Mais encore tout cela n'est-il pas probable : la
genèse du nom de Léopold, datant presque des débuts
médiumiques de M'^" Smith, doit être plus simple. Cet
esprit a supplanté celui de Victor Hugo dans la direc-
tion de conscience du sujet, et tout porte à croire
qu'une circonstance accidentelle a fait la transition de
l'un des noms à l'autre. M''*^ Smith, qui doit être fami-
lière avec les œuvres de V. Hugo pour l'avoir choisi
comme premier inspirateur, a au moins entrevu un
jour la dédicace des Voix intérieures à Joseph-Léopold-^
Sigisbert comte Hugo, et ce souvenir, si fugace qu'elle
en a nécessairement per'du toute conscience, est resté
empreint dans sa mémoire subliminale, qui, ayant un
autre jour besoin d'un prénom pour désigner un nou-
veau personnage, a tout naturellement fourni celui-là.
Ou bien l'on avait raconté devant M^'*' Smith quelque
anecdote sur V. Hugo, du temps de son exil en Bel-
gique, où se mêlait le nom du roi Léopold P'";oubien
le prénom du frère de Marie-Antoinette, échappé du
cycle royal en voie de formation, a prématurément
pris corps dans le personnage qui domine cet épisode
des vies imaginaires de M"*" Smith. Que sait-on?
Chacune de ces conjectures, tout au moins, y compris
celle de Tétymologie purement verbale, cadre parfai-
tement avec celte circonstance capitale, que Léopold,
qui sait tant de choses, ne sait pas du tout d'où lui vient
— 7 —
son. propre nom : le hasard qui le lui a imposé est un
Hl d'araignée trop ténu pour avoir laissé trace dans le
réseau de ses souvenirs.
Poursuivons. Si Cagliostro n'a pas engendré Léopold,
a-t-il pu engendrer Kanga? Chronologiquement oui : le
cycle hindou est postérieur au cycle royal, bien que
plus tard ils évoluent parallèlement. Au point de vue
verbal^ la première syllabe de Cagliostro, moyennant
une nasalisation et Taddition d'une finale sanscritoïde,
donne aisément Kanga. Mais ce n'est encore là qu'un
simple possible, que n'étaie aucune preuve. Il est bien
plus vraisemblable que le nom de Kanga ait été pris
tout fait dans le roman pseudo-oriental qu'a dû un
jour feuilleter M"« Smith (n"" 2 et 8), et dont elle ne se
souvient non plus que de la dédicace des Voix inté-
rieures. Quoi qu'il en soit, jusqu'à ce qu'un biblio-
graphe nous déterre ce roman, la question demeure
en suspens.
Jusqu'ici le terrain a cédé sous nos pas ; mais il va
s'affermir. Par quel procédé M"'' Smith a-t-elle extrait
de cette syllabe Cag- le mot mg. âg, qui signifie
« branche ))?La simple aphérèse est diflicilement con-
cevable pour un mot aussi court; mais, de quelque
manière qu'elle s'y soit prise, il est certain qu'elle l'a
fait. Le grand sage de Mars s'appelle Ast-ané, c'est-
à-dire, sans difficulté, al. ast a branche », suivi d'une
suffixation martienne (n° 17, 4°).
Et, si l'on voulait tenir pour fortuite cette coïnci
dence si remarquable, je demanderais alors par quelle
récidive du hasard la doublure d' Ast-ané se nomme
— 8 —
Ram-ié, soit exactement le radical du fr. rameau, qui
à son tour est la traduction de l'ai, ast, également
accompagné d'un autre suffixe martien?
Il y aurait folie à expliquer tous les mots créés par-
M"^ Smith, puérilité peut-être à le faire alors même
qu'on le pourrait; mais, sur ce point particulier, je
crois en avoir dit assez pour emporter la conviction .
— 9
CHAPITRE m
Les petits mots
(29) Il y a lieu, je pense, de commencer par éliminer
ce que j'appelle les petits mots, articles, pronoms,
menus adverbes, verbes auxiliaires, etc., qui ne sont
d'aucune langue, pour ainsi dire, par la raison que
dans toutes ils se présentent sous une forme semi-
atone et de prononciation rapide qui ne permet guère
à l'esprit d'y attacher son attention, en sorte que le
sujet parlant qui y cherche des substituts se trouve
tout naturellement amené à remplacer tel monosyl-
labe, qu'il estime arbitraire, par un autre monosyl-
labe également arbitraire, ou dont tout au moins le
mode de création nous échappe. Ici donc notre étude
se confinera presque dans la statistique, sans toutefois
négliger les rapprochements assez clairs pour valoir
la peine d'être relevés.
§ 1^''. — LES ARTICLES
(30) L'initiale de l'article défini est une sifflante, qui
oscille entre la sourde et la sonore, mais avec une pré-
férence marquée et définitivement victorieuse pour
celle-ci: toujours x?é « le », 15 fois, plus une fois élidé
— 10 -
dans ^alùév Télément » (cf. n° 42) ; ci, une fois, et ^i,
3 fois, « la » ; cée, une fois,^ée, 2 fois, et ^é, une fois,
« les )). On a déjà vu que la répartition des genres est
exactement celle du français. La syntaxe de l'article
partitif n'est pas moins calquée sur la construction
très spéciale de cette langue : ti jsâmé tensée[¥\. 30)
« de meilleurs moments »; et jusqu'à ti ^/ masêté
(FI. 27) « de la peine ». En présence de pareils faits,
il est superflu de se demander où M''*' Smith a pris
son article : c'est une déformation quelconque et de
pur caprice des monosyllabes français à ce afïectés .
(31) L'article indéfini est beaucoup plus intéressant,
parce qu'il a une forme bien mieux caractérisée ; il en
a même deux. La première fois que M"^ Smith l'a
employé, elle a dit tivé (FI. 8) « d'un » : liaison où l'on
ne peut savoir si « un » est vé ou ivé, puisque a de »
se dit ti et pourrait être élidé. J'incline à croire qu'il
faut suivre la seconde alternative, et couper fivé, où
ivé représenterait mg. egyûvé, « en un, ensemble »,
cas factitif du numéral mg. ecjy « un », entendu jadis
par le sujet dans quelque phrase usuelle et retenu
comme tel sans aucun soupçon de sa valeur gramma-
ticale.
Quoi qu'il en soit, ce mot mort-né n'a paru qu'une
seule fois, et a été aussitôt remplacé par mis
« un », 9 fois, auquel il faut joindre misé « une »,
3 fois. J'ai suivi bien des pistes pour retrouver la filia-
tion de ce monosyllabe, qui ferait penser au grec (xta
« une », s'il nous était permis de supposer que M"' Smith
sût un peu de^rec. Aucune n'étant satisfaisante, j'in-
— 11 —
dique en passant la moins invraisemblable. Une fois
créé le mot tivé, il a pu être coupé et compris ti vê
et la syllabe vé a évoqué l'idée de l'ai, weh « mal »,
lequel à son tour a évoqué l'idée du préfixe al. miss-,
si souvent traduit par « mal », par exemple dans des
juxtapositions telles que miss -handeln a mal-traiter ».
Le chemin parait bien détourné; mais j'ai déjà dit
(n" 25, 4°j, et l'on verra par la suite^ que la genèse
des mots par voie de calembour est un procédé familier
à notre sujet et justifié par le flottement de toutes les
images dans le rêve ou même dans la rêverie.
§ 2. — PRONOMS PERSONNELS ET POSSESSIFS
(32) Nulle part plus qu'en ce domaine ne règne dans
la grammaire de nos langues un beau désordre appa-
rent. Le radical de chaque pronom varie au hasard :
je, moi, mon, notre', il, le, son, leur, etc. ; sans qu'au-
cune loi semble régir ces caprices. M"' Smith ne
manque pas de transporter ce chaos dans la planète
Mars, et même de l'y compliquer.
l""" personne. — Cas-sujet: ce « je », 16 fois. — Cas-
régime, sans distinction, non plus qu'en français, entre
l'accusatif et le datif: si « moi », 6 fois; lé « me »,
8 fois. — Pluriel, sans distinction, non plus qu'en
français, entre sujet et régime, nini a nous », 6 fois.
— Possessifs : êd a mon », 14 fois ; ê:^é « ma », 3 fois ;
ésiné a mes » 4 fois ; viche, une fois, et iche, 6 fois,
(( notre ». — Le fr. je zézayé a suggéré se, qui
apparaît à l'état pur dans le possessif, mais s'es^
— 12 —
assourdi en sô (écrit ce) dans le pronom, ainsi que le
prouverait au besoin, de surcroit, l'élision delà voyelle
dans saline FI, 11, qu'il faut lire s'aliné- « j'oublie ».
L'initiale de nous se reconnaît sans peine dans nini.
La forme lé semble tirée de me par simple substitu-
tion à la consonne de la consonne immédiatement pré-
cédente dans l'alphabet (cf. n° 13, 5"). Les autres
types sont peu clairs : iche rappelle l'ai, ich par la
forme et l'ai, uns par le sens ; son doublet viche est
considéré par M. Flournoy comme un simple lapsus;
quant à si, il se rattache sans doute k se = ce « je ».
2* personne. — Cas-sujet : dé « tu », 10 fois. —
Cas-régime, comme plus haut: vi « toi », 14 fois;
di « te », 19 fois. — Pluriel : sini « vous », une fois.
— Possessif : ché « ton », 13 fois; chée « ta », 5 fois ;
chi « tes », une fois; a votre » est inconnu. — Le
changement de dentale dans dé et di a été suggéré,
soit par l'ai, du et dich, soit aussi et principalement
par la métathèse de sonore et sourde qui s'est produite
dans la juxtaposition fr. de te (FI. 7) devenue mt. ti
di. La forme vi emprunte assez étrangement son ini-
tiale au fr. vous, de politesse sans doute, tandis que
sini paraît être l'ai, sie « vous » de politesse, affublé
d'une finale venue de nini, La chuintante du possessif
est apparue tout au début du martien, à une époque
où M*^" Smith manifestait une prédilection marquée
pour cette consonne, et elle n'a sans doute pas d'autre
raison d'être fn°^ 16 et 17, 1°).
3^ personne. — Sujet : hed a il » et « ils », 7 fois ;
le féminin n'apparaît pas. — Régime : .^é « le », 4 fois;
— 13 —
pi « lui », une fois; le féminin n'apparaît pas. — Pos-
sessif : bi (( son », 2 fois; bê « sa », et bée « ses »,
.chacun une fois. Ici le désordre est à son comble : la
rareté en martien de la consonne h accentue le carac-
tère énigmatique de la forme hed, qui ne rappelle ({ue
l'anglais A(% alors pourtant que l'auteur du martien ne
parait pas savoir l'anglais; la labiale, sourde dans pi,
sonore dans bé, etc., n'est pas moins déconcertante;
en somme, il n'y a de clair que ^é « le », reproduction
pure et simple de l'article défini, comme en français.
4" Réfléchi : rès « se », 3 fois. — La première fois
que le mot est apparu, c'est dans la juxtaposition rès
pa;^ê FL 23, traduite « se retire » : l'initiale de ce
dernier groupe est se/% dont la métathèse (n'' 14) est
res. Une fois ce monosyllabe admis au sens de « se »,
il a été reproduit tel (juel deux fois ailleurs.
§ 3. — DÉMONSTRATIFS ET RELATIFS
(33) Cette catégorie est très pauvre.
1" Trs « ce », et aussi a cette », en tout neuf fois ;
tésée (( cette », une fois; têsé « ces », 2 fois; il ne faut
pas être grand clerc pour dénoncer l'influence de
l'ai, dies-et', etc.
2" Dodé (( ceci », 2 fois : imitation allitérante du
fr. ceci, rappelle le grec toOto, ou a pris sa consonne
à l'ai, dies, ou bien a simplement remplacé une lettre
française par sa voisine dans l'alphabet. Cf. n" 13, 5°.
3° Kâ « qui », 4 fois, et ké « que », 6 fois, pour tous
les genres et nombres, comme en français, ne dissi-
mulent pas leur origine.
— 14 —
§ 4. — MENUS ADVERBES
(34) 1° Ci (( là )), une fois, n'est pas sûr {FI. 4), mais
probable, puisqu'on a aussi se et ^i « là », chacun
une fois. En tout cas, le fr. ci {ici) et l'homophonie
avec l'article les expliquent suffisamment.
2° Le même élément se laisse discerner, joint à
d'autres plus obscurs, dans : amni a alors », plus exac-
tement « ensuite », FI. 17; et atrizi « là-bas », dont
on rapprocherait le sk. dira a ici », si l'on pouvait
croire que M''^ Smith en eût connaissance.
3° Par contre, va « où » (4 fois) se réclamerait du
sk. kvà (( où », qu'elle semble connaître et précisément
altérer en va (FI. p. 295), si l'ai, wo ne fournissait un
répondant moins éloigné et presque aussi exact. Peut-
être est-ce une contamination de l'un et de l'autre.
4° Éni (( ici » (3 fois) et anà (5 fois) « maintenant »
ne répondent à rien de précis et ne sont que des
créations démonstratives relevant du langage enfantin.
§ 5. — MENUES PRÉPOSITIONS
(351 1° (( De » se dit ti, cf. n° 32, 2°, mot qui revient
41 fois. Comme en français, il se combine avec l'article
défini masculin ou pluriel : ^é « du », 6 fois ; tiê « des »,
3 fois ; mais non avec l'article féminin, cf. n" 30. Ce
décalque du français est la naïveté même !
2" « A » se dit c, 14 fois, dont une fois traduit par
<( vers », FI. 11 : simple changement de voyelle. Com-
— 15 —
biné avec l'article défini, il devient assez étrangement
itie (( au », 2 fois, pour lequel l'ai, in ne fournit qu'une
analogie trop lointaine.
3" « Par » s'est dit une fois li (FI. 28) et une fois
uni (FI. 31). Il est oiseux d'insister sur un petit mot
aussi rare et aussi peu fixé.
4° Med « pour » (5 fois) a pu naître sous l'influence
de l'ai, mit a avec ». Je ne .vois pas autre chose à en
dire. On trouvera encore d'autres prépositions à leur
rang alphabétique.
§ 6. — MENUES CONJONCTIONS
36 1" (( Et » s'est dit une fois se (FI. 12), qui est à
peu près la métathèse du mg. es (n" 14). Partout ail-
leurs il se dit ni (17 fois) : on en peut rapprocher le
fr. ni, qui est un « et » négatif, ou l'exclamation
mg. ni « vois donc », ou enfin, à raison de l'homophonie
en français, les formes du verbe « être » (n° 37).
2" La négation, calquée sur le fr. ne... pas, com-
porte deux mots : à « ne » répond ké ou kic, respecti-
vement 5 et 3 fois; à a pas », ani, 3 fois. Phonétique-
ment, l'un rappelle l'ai, hein « aucun », et l'autre le
fr. ne, le tout beaucoup trop ^vaguement pour qu'il y
ait le moindre intérêt à s'y arrêter.
3" La combinaison de « et » et de la négation res-
semble aussi peu que possible à l'un ou à l'autre :
c'est un mot bê^ « ni », qui au surplus n'apparaît qu'une
seule fois. En vertu de la concordance /'> b, conjec-
turée au n° 8, on en pourrait rapprocher, par voie de
— 16 —
calembour, le mg. fés^ek, qui précisément signifie
«nid )).
4° L'exclamation ké « que », soit au sens de
(( comme » ou « combien », soit en tant qu'indice du
subjonctif (en tout 5 fois), ne diffère pas plus qu'en
français du pronom relatif.
5°// « si [fait] », une fois, est l'al.ya « oui » avec
transposition vocalique à l'aigu.
6° C'est ici enfin, faute d'une meilleure place, qu'on
rangera l'exclamation i « ô » (7 fois), qui est, comme
l'a fait remarquer M. Flournoy, un bon exemple de la
transposition à l'aigu que subit le vocalisme européen
pour passer au vocalisme martien.
D'autres conjonctions plus importantes viendront à
leur rang alphabétique.
§ 7. ^ LE VERBE (( ÊTRE »
(37) Cette conjugaison est, comme on s'y doit atten-
dre, formidable de complication, surtout eu égard au
peu de formes qu'on en possède. Le mieux est de com-
mencer par les plus simples : il en est une, mais fort
peu usitée, qui reproduit exactement lefr., à savoir é
« est » FI. 27 (une seule fois).
1" Mais cet a^raÇ n'est probablement qu'un lap-
sus; car, partout ailleurs, « est » se dit né, soit par
homophonie partielle avec « et » (n" 36, 1**), soit sur-
tout par influence de l'exclamation mg. ne « tiens » .
Le mot revient 21 fois, auxquelles il en faut ajouter
deux pour cméa c'est », qui recèle en outre une forme
- 17 —
de démonstratif a ou an- qu'on rapprochera des types
ci-dessus du n" 33.
2*- Le même consonnantisme apparaît au pi. oné
« sont )){2 fois), avec une sorte de préfixation dont la
genèsç est obscure.
3" Mais, à la l''^ personne, on constate un radical êv)-,
dont on ne saurait guère que dire, sinon que sa con-
sonne peut avoir été suggérée par le magyar : la
forme est êvé « suis » et revient 4 fois.
4° Bien que le même mot soit traduit différemment,
et conjugué pronominalement, il est reconnaissable
dans êv)é de la phrase répétée deux fois identiquement,
FI. 5 et 6, ké di êvê dé « ne te tiens-tu » ; car le sens
revient à « n'es-tu ». Il n'en est pas moins remarquable,
en tant que tout à fait contraire aux habitudes du
sujet, que deux mots aussi différents que « suis » et
(( es » aient le même répondant martien.
5*^ En tout cas, le radical êv- est répété à satiété
sous la forme de l'impératif: éoaï a sois », 11 fois.
6° Enfin, on a une fois le participe nié « été », naïve-
ment formé, comme le fr. ét-é, par l'adjonction d'un é
au mt. ni « et » (observation déjà faite par M. FI.).
§ 8 . — LE VERBE « AVOIR »
i38) La conjugaison n'est pas moins étrange que
celle du verbe « être » ; mais nous en possédons bien
moins de formes.
1° La plus usuelle est é « [il] a », 5 fois dont 2
comme verbe auxiliaire : homophone évident de é « a »
n" 35, 2®), comme en français a et à.
2
— 18 —
2® En tant qu'auxiliaire, on a une fois mé « [tu]
as », dont la nasale initiale m'est un mystère. Comme
fr. aï rrz a -[- i graphiquement, M^'*^ Smith a tiré de ce
mé, par le même procédé d'addition tout extérieure,
une l*"' personne méi « [j'J ai », qui n'apparaît également
qu'une fois.
3° Est-ce l'homophonie de é « est » et é « a », est-ce
le rapprochement sémantique des deux verbes, ou
toute autre cause, qnia introduit dans le verbe « avoir »
le radical év- « être » ci-dessus ? Quoi qu'il en soit, il
semble bien émerger dans évenir « [tu] posséderas »
(une fois), qui pourtant est susceptible d'une autre ex-
plication (n» 274).
— 19 —
CHAPITRE IV
Le Vocabulaire français
(39) Le travail de déblai terminé, il ne reste plus
qu'à suivre Tordre alphabétique, en rangeant chaque
mot martien sous le vocabulaire auquel il paraît le
plus vraisemblablement emprunté. Je répète ici que
je ne me dissimule nullement le caractère hypothéti-
que de beaucoup de mes rapprochements; mais, pour
plus de sûreté, je les qualifierai moi-même, à l'occa-
sion, de « douteux » et « très douteux ». Il en est que
je n'indique que par acquit de conscience, pour si-
gnaler une piste et permettre à d'autres chercheurs de
trouver mieux.
(40) 1° Abadâ « peu », une seule fois, dans la locu-
tion mis abadà « un peu » : suggère, avec jargonne-
ment enfantin, le fr. abondant, d'où il a pu en effet
sortir par voie de contraste sémantique. Douteux.
(41) 2° Acâmi a astronome », une fois: l'idée
d' « astronome » suggère celle de «savant», et celle-ci
celle d' «académie» ; on observera la longue médiaie,
qui semble compensatoire de la chute de la pénultième.
(42) 3° Alhé « élément », 2 fois: il s'agit d'un élé-
ment subtil, dans le genre du fluide des sgirites : cette
— 20 —
idée suggère celle de « vent », et celle-ci le mot ali;?é
qui, en sa qualité de mot non usuel et savant, demeure
intact.
(43) 4" Animinâ « existence », 2 fois: c'est le fr.
animé « vivant », avec suffixation arbitraire.
(44) 5° Ani^ié « envoie », une fois: pourrait être
une métathèse avec changement de sourde en sonore,
du fr. assigner^ lequel aurait été suggéré par consi-
gner, terme qui en technique commerciale revêt
couramment le sens d' « envoyer » ; or M'^" Smith a
suivi la carrière commerciale et entend ce terme vingt
fois par jour. Douteux pourtant ; cf. n" 65.
(45) 6° Ankôné « réjouir » une seule fois, tout à la
fin, FI. 40. Le texte porte lé godané ni ankôné a me
aider et réjouir », et l'on est amené à se demander s'il
n'y a pas eu interversion de sens entre les deux verbes,
d'autant que, suivant les habitudes à peu près inva-
riables de M"" Smith, le mot fr. aidei' commençant par
une voyelle, le mot mt. corrélatif devrait aussi com-
mencer par une voyelle et causer élision du pronom-
régime. Cela posé, si godané signifiait « réjouir » et
ankôné « aider », on reconnaîtrait dans ce dernier les
deux premières syllabes du fr. encourager, avec suf-
fixation arbitraire. Très douteux, mais sans aucune
importance, vu l'isolement et la date tardive du mot.
Cf. n°« 4 et 82.
(46) 7° Aniéch « hier », 2 fois: c'est lefr. antique,
ou plutôt les deux premières syllabes du fr. antérieur,
avec suffixation du type adverbial, n° 17, 3".
— 21 --
(47) 8*^ Aj^vâ « soleil », 4 fois. A sa première appa-
rition, le mot a été traduit comme nom propre, FI. 14;
mais, là aussi sans doute, il doit déjà désigner le soleil,
car autrement la phrase n'aurait guère de sens :
« Arvâ nous quitte, sois heureux jusqu'au retour du
jour». L'idée de « quitter» a suggéré la salutation
à revoir, usuelle entre gens qui se quittent (à ce point
de vue il serait intéressant de savoir si à Genève on dit
à revoir ou au revoir), et celle-ci, légèremefnt altérée,
ayant pris le sens de « soleil » dans cette phrase inau-
gurale, l'a conservé ailleurs. Douteux.
(48) 9° Assilé « immense », 3 fois : semble une
simple métathèse altérée de alizé, n° 43 ; l'idée d'(( élé-
ment » peut aisément suggérer celle d'à immense».
(49) 10° Badêni « vent », une fois, dans une scène
maritime ou fluviale, FI. 27. On dit « le vent bat les
flots », en sorte que, dans un langage métaphorique
et enfantin, où l'épithète devient le nom commun, le
vent peut fort bien être appelé «le battant ». Au ra-
dical de ce participe présent s'ajoute ensuite une
suffixation quelconque. Très douteux, et toutefois la
supposition trouve un appui dans l'emploi parallèle
depriâni au sens de « flot », à une ligne de distance.
(50) 11" Bana « trois », 4 fois. Mot bien difficile :
peut-être un vague ressouvenir d'une leçon de géo-
graphie sur les Confins Militaires Hongrois, où il
était dit qu'ils sont divisés en trois parties, Croatie,
Slavonie et Banat.
(51) 12° Basée « courte », une fois : fr. basse. Les
deux concepts de « court » et de « bas » sont facile-
ment associables, au point de vue tout à la fois ma-
tériel et moral.
(52)13" Bénèz « retrouver», une fois, et hénézée « re-
trouvée », 2 fois, tout au début. Il y a un mot mg.
henézni qui signifie a jeter un coup d'œil sur » ; mais
le sens concorde trop peu. Il ne faut sans doute pas
chercher si loin : une phrase française telle que « béni
soit le jour où je te retroiwe ! » — tout à fait dans le
ton des phrases où apparaît hénes-, — suffit ample-
ment à expliquer l'emploi d'un de ces radicaux au
sens de l'autre. Douteux pourtant.
(53) 14° Bérimir « reviendra », une fois. Ce mot a
comme un faux air de f r . revenir, et en fait il en est
l'anagramme moyennant les substitutions très admis-
sibles v> b et n> m. Il est vrai que, normalement,
-//' étant finale de futur, le radical serait bérim- tout
court ; mais on sait que M"^ Smith n'est pas fort con-
séquente dans sa grammaire (n" 22, 9*^). La question
serait sans importance, ce bérimir étant un otTra^, si
primi (n« 285) n'en paraissait une répétition altérée.
De toute façon, très douteux.
(54) 15° Bisti « habitant », une fois : semble unç
simple altération jargonnante de habitant.
(55) 16° Brimai « paroles » une fois. En comparant
ce mot à bîHmi a sagesse », brizi « sagesse », ébrinié
« pense», 7'a6n? «pensées», qu'on retrouvera à leur
rang alphabétique, il est impossible de ne pas songer
à un radical -bri-, qui signifierait « penser, parler »,
et s'accompagnerait de suffixations et préfixations
diverses. Or ce radical pourrait fort bien être abstrait
du mot fr. esprit, soit au sens spirite, soit au sens
d' « intelligence » ; il n'y faut qu'un passage de sourde
à sonore. De plus^ comme dans la phrase FI. 17 il
s'agit d'(( écrire » des «paroles », Ym suffixal de bri-
mai peut avoir été suggéré par celui du fr. imprimer.
Le tout bien indécis.
(56) 17« Brimi {une fois, FI. 22) et 18» bri^i (une fois,
FI. 28) (( sagesse » : sans importance; voir le n° 55.
(57) 19" Bu^i « moyen », une fois. Le « moyen »
suggère l'a issue »,et, s'il est bon, la suppose « bonne »:
soit donc, métathèse de issue, avec changement de
sourde en sonore, et préfixation de l'initiale de bonne.
Très douteux, et cf. n° 287, 5°.
(58) 20" CapjH « noir », une fois. La première fois
(ju'enfant M^^"" Smith a vu des « câpres », elle a pu être
frappée de la « noirceur » de ce condiment dans la sauce
blanche, et associer les deux idées. Possible, mais
douteux ; d'ailleurs insignifiant.
(59)21" Carimi « fenêtre », une fois : fr. carreau,
avec suffixation arbitraire.
(60) 22" Chandêné « délicieux », une fois : suggéré
par le radical du fr. en-chant-eur, avec passage de la
sourde à la sonore et suffixation martienne.
(61) 23" ChèkeTii papier », mot isolé : emploi arbi-
— 24 —
traire du mot chèque, suggéré par l'idée de « papier
[commercial] )).
(62) 24° Chiite « fils )), 5 fois : métathèse évidente du
fr. chéri; le mot n'apparaît que dans des phrases de
vive tendresse.
(63i 25" Cliodê, mot non traduit, une fois. La scène
est aquatique, FI. 27 : le mot pourrait donc signifier
« jet d'eau », dont il serait la métathèse vocalique,
avec changement en sourde de la sonore initiale.
(64) 26" Dabé « maître », 2 fois. L'argot français a
un mot dab, « père, patron » : la présence d'un terme
d'argot dans le vocabulaire de M'^'' Smith n'a rien en
soi de surprenant, en tant que résidu fortuit d'une
lecture quelconque; cf. n" 138.
(65) 27° Dassinié indicatif et daziné subjonctif « [il]
garde », chacun une fois : extension de sens du verbe
fr. assigner'. Cf. n° 44.
(66) 28" Départir « répondra », une fois : futur mar-
tien, formé sur un radical abstrait du verbe fr. dire'
plus exactement du participe disant, cf. n°^ 49 et 125.
(67) 29" Dimé « semblable », une fois : métathèse
probable du fr. demi, puisque rien ne se ressemble
plus que les deux moitiés d'un même objet. .
(68) 30° Divine « heureux », et féminin divinée, en
tout 10 fois : dérivation manifeste de fr. divin, sug-
gérée par une locution telle que « [félicité] divine ».
— 25 —
69) 31*^ Dij^ênû « profondément », au sens de « re-
cherche profonde », une fois, tout à la fin, FI. 40 :
vague influence du verbe fr. discerner. Bien douteux,
car la finale "ênâ parait suffixale ; cf. n° 17, 5°.
(70) 32« Dorimé a sain )), une fois : métathèse pos-
sible du fr. modéré, dont l'idée est connexe de celle
de a bien portant ».
11) 33" Dumêïné « ancienne », une fois, FI. 11.
Alexis a dit à sa mère terrestre mode « mère » ; puis
il se reprend, — car elle n'est plus sa mère, puisqu'il
en a une autre, étant réincarné dans Mars, — et il lui
dit du/néïné mode. Cette correction a pu amener l'idée
de la conjonction du moins, qui l'accompagnerait
presque inévitablement en français, et c'est celle-ci
qui, avec une suffixation martienne, a assumé la fonc-
tion de l'adjectif « ancienne ».
(72) 34° Durée a terre », 2 fois. Une métathèse de
l'ai, erde n'explique pas le vocalisme; cf. n" 245.
Beaucoup plus probable est l'influence d'une locution
fr. telle que « [la] dure [terre] » ou « [coucher sur la]
dure », d'autant que, la première fois au moins que le
mot a été prononcé (FI. 7), c'est par un habitant de
Mars, avec un sentiment de profond mépris pour notre
infortunée planète.
(73j 35» Ébrinié « [il] pense », une fois, cf. n° 55.
Comme la pensée ici est passionnément tendre, on
peut aussi songer au fr. épris, qui expliquerait l'ini-
tiale.
— 26 —
(74) 36" Épu'i « rose », adjectif, une fois : suggéré
par l'association des mots rose et épine dans mainte
phrase usuelle; puis apocope et suffixation arbitraire.
(75) 37" Éspênié, nonl propre qui désigne le paradis
martien, 2 fois : suggéré par les peintures enchante-
resses de Y Espagne des romans et des romances.
(76) 38° Èssat a vivant », une fois, et éssaté « vivre »^
deux fois : contient visiblement le radical du verbe
(( être » ; comme ce radical n'apparaît nettement en
fr. que dans le mot savant essence, peut-être vaut-il
mieux recourir à l'ital. essere, qu'on peut connaître
sans être polyglotte.
(77) 39" Fîmes « [je] meurs », une fois : l'initiale
rappelle fr. ^/in, et la médiale fr. mort. Douteux,
mais sans importance : la phrase FI. 13, proférée en
pleine extase, n'est qu'exclamations entrecoupées.
(78) 40° Finaïmé « senteurs », une fois : suggéré
par le fr. « [odeur] fine »-, avec une finale de suffixation
assonante, cf. n°^ 16 et 239.
(79) AV^ Forimé « marques [d'écriture] », une fois :
le ir. forme est bien voisin ; mais le terme commercial
firme, en tant que « marque commerciale », convient
mieux au sens, et M"® Smith, employée de commerce,
doit le posséder familièrement ; peut-être y à-t-il eu
contamination de l'un et de l'autre.
(80) 42" Fouminé « puissant », 3 fois : contamination
possible des deux mots fr. fougueux et formidable.
Douteux, quoique, dans la première phrase où le mot
— 27 —
est apparu (FI. 27), l'une et l'autre épithète soient
parfaitement à leur place.
(81) 43" Garnie « il pleure », une fois : peut sortir
d'une métaphore facétieuse telle que « [chanter la]
gamme ». Peu importe : le mot appartient à la phrase
inintelligible FI. 33, où il y a presque autant d'énigmes
que de mots, et dont le sens a été violemment brouillé
par la volonté subliminale du sujet.
(82) 44° Godané « aider », une fois, mais cf. n° 45:
le sens « réjouir » s'apparierait à merveille au fr. [se]
gaudir ou à l'ital. godere. Si l'on veut s'en tenir au
sens « aider », je ne vois de ressource, bien détournée,
que dans la locution anglaise God [lielp] a Dieu aide »,
dont le second mot aurait suggéré le premier. Douteux
en tout cas.
(83) 45° Grani « corps », une fois, dans la même
phrase que valini a visage », FI. 18 : dérivation asse-
nante, sur un radical gran-, qui parait abstrait du
fr. grand. La personne dont il s'agit est « maigre » :
par conséquent, elle doit être ou paraître « grande ».
L'absence du d final, que le fr. ne prononce pas, ne
fait guère difficulté, cf. n°« 49, 66, 125, etc.
(84) 46° Grêm « larges», une fois: dérivé du fr.
grève. L'idée de a largeur » peut suggérer naturelle-
ment celle de « grève » , et l'on peut avoir vu des grèves
très larges sans même avoir jamais quitté les rives
du lac de Genève. Peu sûr.
(85) 47° Hantiné « iidèle», 4 fois. L'A est fort rare
— 28 —
en mt., et, comme le fr. ne le prononce pas, on se
trouve amené à l'assigner de préférence à un emprunt
al. ou mg. : c'est pourquoi ma première pensée avait
été pour l'ai, hund « chien », emblème de la fidélité ;
mais le vocalisme est en défaut. Toute réflexion faite,
le verbe fr, Jianter est plus proche, et la seule objec-
tion qu'on y voie, c'est son caractère peu usuel ; mais
il est fort littéraire, et les phrases qui contiennent
/<o/i^mé ont précisément aussi un cachet de style un peu
recherché. La suffixation -inê est des plus communes
en martien .
(86) iS'^Idé « on », 3 fois. « On », par contraste avec
« il », etc., est un personnage qui ne se laisse pas voir
en chair et en os, mais dont on a simplement Vidée.
Je me hâte d'ajouter que cette explication idéologique
me paraît à peu près désespérée.
(87) 49^ Iminê « mince », une fois : soit une filière
d'idées telle que « mince > aminci > diminué », et la
contamination de ces divers mots, ou d'autres encore.
(88) 50° Iné et inée, « adorée, bien-aimée », 4 fois :
l'ai, innig a intime » convient peu ; plutôt terme de
caresse enfantin, cf. fr. mignon, minet, etc., avec
aphérèse.
(89j 51° //•/ « souvent )), une fois : suggère le fr.
réitéré, qui a dû nécessairement s'écourter beaucoup
pour traduire un si petit adverbe.
(90) 52° Kalâmé a accomplir » [un désir], une fois,
tout à la fin, FI. 40: accomplir un désir, c'est l'apaiser,
le calmer. Douteux, mais sans réelle importance.
- 29 —
(91 1 53" Kavivé « étranges », une fois : étant donné
que kà signifie « qui », ka-vivé pourrait se décom-
poser en « qui vive ! » exclamation qu'on pousse lors-
qu'on entend ou voit un objet insolite.
(92) 54° Kêmà « mâle », une fois : métathèse sylla-
bique du fr. mâle, où la lettre / a été remplacée par
sa voisine immédiate dans l'alphabet. Très douteux.
(93) 55*^ Kin'fc.Jie « quatre », une fois à la toute
première apparition du martien encore informe : alté-
ration arbitraire et jargonnante du fr. quatre.
(94) 56° Lé^iré « souffrance », une fois : dérivé évi-
dent du fr. léser ou lésion.
(95) 57" Luné « jour », 6 fois. Ici l'on a beaucoup de
choix : ou fr. lune, astre de nuit, par contraste sé-
mantique; ou fr. lundi, ital. lunedi, par lequel com-
mence l'énumération des jours de la semaine ; ou, plus
simplement, un radical lu-, abstrait de luir^e, lumière,
etc., sur lequel s'applique une suffixation martienne.
(96i 58° Mabûré « grossier )), une fois. L'idée sug-
gère celle de « bure )), ou même de « [vêtement] en
bure », juxtaposition qui pourrait aussi s'orthographier
ambufe, dont mabûré est la métathèse exacte.
^97) 59" Maprinié «entré », une fois: contamination
grossière de entré et pénétré, â\ec\?b syllabe en- écrite
am- puis métathésée comme ci-dessus ; le mot appar-
tient à la phrase inintelligible FI. 83, ce qui pourrait
légitimer cette explication contournée et bizarre, mais
en même temps la rend inutile.
— 30 —
(98j 60" Ma:2êté « peine », 2 fois: le mot suggère
l'idée d'une a masse » difficile à mouvoir ; suffixation
arbitraire.
(99) 61" Médacke « madame », une fois : jargon du
début du martien, où la chuintante joue un rôle pré-
pondérant. Cf. n"^ 93, 102 et 104.
(100) 62" Médinié « entourent » , une fois : les deux
premières syllabes viennent de médi-terranée, que
toutes les géographies enfantines définissent a mer
entourée de tous côtés par les terres ».
(101) 63" Mervé « superbes », une fois : fr. meroeille,
ou les deux premières syllabes de merveilleux.
(102) 64" Métaganiclie « mademoiselle », une fois,
le même jour que médache.
(103) 65" Mété « tendre », une fois, dans la juxta-
position allitérante mété mode « tendre mère ». L'idée
de « mère » a suggéré a maternel », qui a été écourté
et jargonné.
(104) 66" Méticlie, « monsieur, homme », 5 fois, et
métiché « hommes», une fois : seul mot du jargon de
l'extrême début (cf. n"^ 17, 1", et 99) qui ait survécu,
grâce à son adaptation postérieure au sens général
d' « homme »^ phénomène que M. Flournoy a expliqué
avec une élégance que je lui envie (p. 2411,
(105) 67" Midée a laide », une fois: contamination
probable des deux mots misère et hideux.
{
— 31 —
106) 68° iV/?7é, mot non traduit, une fois, FI. 19;
mais, vu rimbitude de M^^" Smith de multiplier numé-
ralement ses adieux, la phrase mile pivi inivâ ne peut
guère signifier que « mille fois adieu ». On a donc ici
le fr. ruille. La raison pour laquelle on n'a jamais pu
obtenir d'Ésenale la traduction de mile piri, est peut-
être précisément que mile, venu par lapsus, ressem-
blait trop à son prototype français et aurait rendu le
martien suspect. Par le même motifs quand M"*' Smith
a voulu employer encore le mot a fois », elle n'a plus
dit piri, et l'a remplacé par un zézaiement enfantin et
jargonnant, ^i^a^^i, visiblement fabriqué pour la cir-
constance : cf. n°^ 120 et 228.
(107) 69° Mima « parents », une fois : réduplication
enfantine et caressante du radical ma-, suggéré par
fr. maman.
(108)70° iV//^a, une fois, 'désigne une sorte de kiosque
ou de pavillon roulant dans le rêve incohérent FI. 23:
je suppose que c'est le fr. maison, avec transposi-
tion vocalique enfantine ou martienne.
(^109 71" Mùné « moment, instants », trois fois :
déformation vocalique du fr. minute, avec chute de
la finale.
(110^ 72" Xipavê « crains », 2 fois, et mpunè:2é
« craindre », une fois : l'association de l'idée de
« crainte » et de celle de a punition » est tout à fait
conforme à la psychologie infantile ; quant à la forma-
tion du mot, j!inclinerais à croire que nipu est la
métathèse exacte du fr. puni, et que la uu les syllabes
finales sont de sufiixation.
(111) 73° Nubé « curieux », une fois, FI. 35. Le
jour où l'on montre à M^i" Smith ce tableau « curieux »,
elle ne le voit pas. Est-ce aller trop loin que de con-
jecturer qu'en cet instant le mot nébuleux est venu
interférer dans sa mémoire et a fourni par métathèse
syllabique initiale la traduction de l'épithète?
(112) 74" OîHé « frapper », au sens de « heurter »,
une fois: malgré la divergence apparente et purement
graphique, c'est le fr. heurter, à peine altéré en pro-
nonciation.
(113) Ih'^ Palette a calme » impératif, une fois, tout
au début, FI. 4 : abstrait du fr. palliatif {{ calmant »,
mot savant il est vrai, mais compris de toutes les per-
sonnes instruites. Douteux pourtant.
(114) 76° Pâlir « temps », une fois. Si l'on avait
*padir, la métatlièse du fr. rapide, naturellement
suggéré par l'idée de « temps », sauterait, je pense,
aux yeux. En l'état, 1'/ est embarrassant, quoique son
échange avec le d soit phonétiquement facile. Très dou-
teux, mais sans aucune importance, d'autant que 1'/
peut venir de l'association du mg. repCd a il vole »,
également naturelle.
(115) 77° Paré^ié a [il] laissé », une fois: l'idée de
« laisser » suggère aisément celle de « négligence »,
et par suit^ le mot fr . paresse.
(116) 78° Pastri « sang », une fois: que l'idée de
— 33 —
« sang », dans une scène médicale, où figure un ins-
trument à trois tubes, amène sur les lèvres du sujet
le nom de Pasteur, c'est la vraisemblance même ; la
finale est martienne, assenante à bodri, cf. n"** 16
et 251.
(117) 79° Pavi a joie », 3 fois ; pavi « heureux »,
une fois, et pavinée « joyeuse », une fois : paraissent
abstraits ou dérivés des mots fr. pavillon, paoier,
pavoiser, etc., qui s'associent bien à une idée de
« joie ».
(118) 80° Pa^é (( retire », une fois, FI. 23: il s'agit
de la main de Paniné, qui doit « se retirer », et par
conséquent « repasser » par l'ouverture par laquelle
elle est sortie ; les deux locutions susdites se conta-
minent en (( se repasser », dont la métathèse absolu-
ment exacte est rès pazé, cf. n" 32, 4".
:119) 81" Pi « très i», une fois : paraît n'être que
l'initiale altérée du fr. bien (superlatif).
(120j 82" Piri, mot non traduit, cf. n" 106 : si l'on
admet le sens « fois », on peut songec au fr. « [à millej
reprises », avec semi-métathèse ou épenthèse voca-
lique.
(121) 83" Pit (( sans », 2 fois : petit mot bizarre qui
semble une déformation violente du fr. vide, dont
l'idée est connexe.
(122)84° Plëva « chagrin » (adjectif), une fois. Mot
difficile, il cause de />é/fc/ié et jjélésse (n° 249), auxquels
il ressemble à la fois trop et trop peu. Pour moi, je
3
— 34 -
l'en séparerais plutôt, pour le rattacher au ir. pleurer.
Le V peut venir du fr. pleuvoir, suggéré par la quasi-
homonymie et l'analogie de sens.
(123) 85" Polluni « question », une fois : contami-
nation possible des deux mots fr. problème et solution.
(124) 86" Poviné et povini « arriver », chacun une
fois : à rapprocher de vinâ, n° 143; c'est le ir. parvenir,
à peine altéré par un adoucissement qui rappelle les
inflexions créoles.
(125) 87** Priâni « flot », une fois : cf. fr. brillant.
Dans un vocabulaire par épithètes, où « le vent » est
« le battant» (n° 49), il est fort admissible que « le flot»
soit dit « le brillant » ; la finale est assonancée avec
badéni. Mais tout cela est cruellement hypothétique.
(126) 88" Rabril « pensées », une fois: voir n° 55;
mais je ne m'explique pas la préfixation, à moins de
quelque contamination des mots raison, réfléchir, etc.
(127) 89° Ri^ « sur », 3 fois : fr. sur, avec méta-
thèse et changement vocalique.
(128) 90" Sandiné «longtemps», 2 fois: l'idée, en
se précisant, peut se fixer à a cent ans », soit donc
peut-être une adaptation martienne du fr. centenaire.
Cf. un procédé similaire n" 189 .
(129) 91° Sures « [tu] crois », une fois : ce que l'on
(( croit », on en est volontiers « sûr »; dérivation évi-
dente du fr, sûr, assurer, etc.
(130) 92" Taméclie, une fois, nop traduit; mais,
— 35 —
comme il est question d'un arbuste en buisson, il est
assez naturel de penser à l'initiale du fr. tamarix avec
finale martienne.
(131) 93° Taniré « prends » (impératif), une fois :
transport pur et simple du verbe tenir, suggéré par
l'exclamation française « tiens, prends » ; rien de plus
naïf.
(132) 94" Tapie, une fois, non traduit, désigne une
vision étrange, qui se déroule sans doute comme un
«tableau» ou une « tapisserie », FI. 32; contamination
de ces deux mots.
(133) 95" Ten « près », 12 fois : abstrait du radical du
f r. at-ten-ant, at-ten-ir, etc, ; ces mots sont peu usuels,
mais « tenir à » exprime la même idée; cf. le suivant.
(134) 96* Ténassé « [je] voudrais », une fois: c'est
le radical du verbe tenir [à] au sens de « vouloir » ; si
la finale est empruntée à l'imparfait du subjonctif fr.
de V^ conjugaison en vue d'exprimer le conditionnel^
ce cas est un des très rares où le sujet accuse quelques
traces de sens grammatical.
135) 97" Tensée «instant », 3 fois : c'est l'anagramme
exact du fr. instant, où la voyelle nasale initiale est
remplacée par une voyelle simple de finale martienne.
136) 98° Tou^é « même »,une fois: soit la locution
fr. toutainsi,'d\ec syncope intérieure et finale altérée;
ou la première syllabe de tout de même, avec suffixa-
tion arbitraire. Rien de tout cela n'est bien satisfaisant.
(137) dQ'^Tranéi « passage », une fois : il est aisé de
- 36 -
reconnaitre la syllabe ^/'a-, abstraite de ira-Jet et autres
mots; mais peut-être bien se complique-t-elle d'une
contamination du fr. traînée, dont tranéi est la méta-
thèse graphique lettre pour lettre. On observera que
précisément ce texte est graphique. La connexité des
idées est fort suffisante.
(138)100** Trima^i « force », 2 fois: dérivé du verbe
d'argot fr. trimer. C'est, avec dabé, le seul mot d'argot
que paraisse connaître M''*' Smith : cette proportion
n'a rien d'excessif, d'autant que trimer a passé dans
la langue familière. Le suffixe vient, par assonance,
de majsi qui précède.
(139) 101° Triné o parler », 4 fois, et trinir « par-
lera », 2 fois : comme tous les gens qui « parlent »
martien parlent pour « enseigner » quelque chose à
M"« Smithj la seconde syllabe du mot fr. doctrine se
présente invinciblement à l'esprit ; mais, d'autre part,
il semble difficile de séparer tout à fait triné de tar-
viné « langage », n° 210. Douteux.
(140) 102« Tu^é « malade », 2 fois. Mot bien diffi-
cile : le [mg. dûhôsség « rage [du chien] » est bien
éloigné à tous égards, et le fr. usé peu satisfaisant ;
si l'on se décide pour ce dernier, le t initial peut pro-
venir d'une liaison naïve, résultant de ce que le mot
précédent est né, équivalent du fr, « est », dans la
phrase FI. 29, où tu:;é fait sa première apparition; il
n'a été répété que dans la phrase inintelligible FI. 33.
(141) 103° Uri {( soir »j une fois: l'idée de « soir »,
— 37 —
implique obsc-uri-té, mot trop long, par rapport à
celui qu'il devait traduire, pour ne pas subir un violent
écourtement.
(142) 104" Véche « vu », véchêsia voyons », véchi
« [tu] vois », véchir « verras », vétéche « voir», cha-
cun une fois : altérations diverses d'un radical imité
du verbe voir. Le mot est né au début du martien,
dans la période de prépondérance de la chuintante.
(143)105" Vinâ « retour », 2 fois, ci. poviné, n°124:
constructions élémentaires sur la base du radical du
verbe fr. venir.
(144) 106° Vi^êné « distinguer », une fois : dériva-
tion martienne du fr. vision, qui, en tant que mot
savant, a pour M'^" Smith un sens plus technique que
le simple sens de « voir » ; peut-être aussi viser.
(145) 107° Zabiné « arriéré », une fois, FI. 35:
peut-être, avec métathèse et suffixation martienne,
fr. bas au sens de « dégradé » qui se dit des races
sauvages. Très douteux : tous les mots commençant
par ,? sont des à-Tia^ presque indéchilïrables ; heureu-
sement il n'y en a pas beaucoup.
(146) 108° Zati « souvenir », une fois : suggestion
des deux dernières syllabes de myosotis (vergissmein-
nicht), fleur du souvenir.
(147) 109° Ziné « bleu », une fois : peut-être altéré
etdérivé de Chine, à cause de la belle couleur bleue de
certains vases chinois : au surplus, le mot fait partie
de la phrase inintelligible FI. 33.
— 38 —
(148) En somme, déduisant même tous les cas dou-
teux, il semble qu'un bon tiers du vocabulaire mar-
tien vienne, par voie plus ou moins détournée, du
français seul.
— 39
CHAPITRE V
Le Vocabulaire allemand
(149i 1° Andélir « apparaîtra », une fois, FI. 39.
Le mot a ici le sens de « être en relation, avoir com-
merce fréquent avec » : soit donc, avec semi-calem-
bour, adaptation de l'ai, handeln a traiter, com-
mercer », que M^i" Smith doit bien connaître.
(150) 2° Bindié a [il] trouve », une fois : conjugué
sur le radical de l'ai, finden « trouver », cf. n° 8.
Presque sûr.
(151) 3** Bounié « chercher, [il] cherche », chacun
une fois : malgré ce qu'il peut y avoir de forcé à tirer
deux mots martiens d'un seul mot allemand, le rapport
étroit de signification des mots « trouver » et « cher-
cher » ramène irrésistiblement la pensée au même
\erhe finden, mais cette fois sous sa forme de parti-
cipe passé gefunden, ou au substantif qui en est issu,
fund (( trouvaille ».
(152)4° Cen « beau » et cêné « belle », chacun une
fois : al. schôn « beau ». Si l'on croyait nécessaire
d'expliquer la mutation de la chuintante initiale en
sifflante, la contamination par le mg. s^é/j « beau » ne
soutïrirait aucune difficulté. Sûr,
— 40 —
(153) 5° C/n'nit a bague », mot isolé : al. schm'tt
« taille, coupure », soit parce qu'une bague semble
« couper » le doigt, soit à cause de la a taille » des
pierres dont elle est ornée, etc. Douteux, mais sans
aucune importance.
(154) 6° Ébanâ « lentement », une fois, tout à la fin
(FI. 40), sans importance : le sujet doit avoir songé à
l'ai, eben « uni », qui ne concorde point exactement
pour le sens; toutefois un pas « égal » est un pas
plutôt « lent ».
(155) 7" Gudé « bons »,une fois : malgré le d, il y a
plus de probabilité pour l'ai, gut que pour l'anglais
good, parce que la première de ces langues doit être de
beaucoup la mieux présente à l'esprit du sujet,
cf. n° 166; en tout cas, l'emprunt est manifeste.
(156) 8° Haudan a maison », une fois, tout au début.
M.Flournoy fait observer avec beaucoup de finesse que
Jiaudap. est calqué, consonne pour consonne et voyelle
pour voyelle, sur maison. Mais cela ne nous empê-
chera pas de reconnaître dans la première syllabe
l'ai. haus. Quant au d médial, il demeure énigmatique.
(157) 9° Hêné « s'élever », une fois : al. hôhe
« hauteur » et [sich er-]hôhen « s'élever » ; il est
assez curieux qu'ici, contrairement aux habitudes de
M"^ Smith, le pronom a se » soit sans équivalent.
(158) 10° lé et iée « tout, toute », 3 fois; iéei
« toutes », une fois : ce mot, qui a de bonne heure
remplacé is (n° 188), a pu être abstrait de locutions
al. très usuelles telles que werje « tous ceux qui »,
— 41 —
wasje « tout ce qui )),etc.,oùye prend en effet le sens
de « tout ». A peine douteux.
• (159) 11" Ilinée « reconnue », une fois, a remplacé
cévouitche (n° 182) : c'est l'ai, [sich] erinnern « se
rappeler », très peu altéré ; car r>l est de phonétique
courante.
(160) 12° Imà « ciel », une fois : il est impossible de
méconnaître l'ai, himmel.
(161) 13" Kirimê « prudent», une fois, eici.pocrimé
(( science », n" 167 : les deux sens se concilieraient
admirablement par un rapport avec l'ai, hirn a cer-
veau » ; mais le phonétisme serait ici trop altéré.
(162) 14** Koumé « fondre », une fois. Il y a homo-
phonie parfaite de l'ai, kummev « chagrin » ; or, préci-
sément, la phrase (FI. 8) est « fondre tout ton chagrin » :
la coïncidence est-elle fortuite? Il se peut que kummer,
suggéré par l'idée de « chagrin », soit, si je puis ainsi
m'exprimer, parti trop tôt à la manière d'un ressort
qui s'affole, et que dès lors, utilisé pour exprimer
« fondre », il n'ait pu l'être pour a chagrin». Douteux.
(163) 15° Lassuné et lassunié « approche » (impé-
ratif); lassuné « [il] approche »; ilassiiné « [je] m'ap-
proche » : chacun une fois. Ce mot est cruellement
embarrassant. On voit, d'abord, que la conjugaison
n'obéit à aucune règle : cela est vrai surtout de la
forme ilassuné, qui devrait être *lé-lassuné, n" 32, 1°;
mais, à l'époque où elle est apparue (FI. 9), la gram-
maire de IVI^^*^ Smith était encore tout à fait chaotique.
Quoi qu'il en soit, prenant lass- comme radical du
— 42 —
verbe, on ne sait vraiment à quoi le rattacher. En
désespoir de cause, j'ai songé à une image de piété,
comme il en existe beaucoup, représentant la scène
« laissez les enfants s'approcher de moi » : si l'inscrip-
tion de celle que M"^ Smith a eue quelque jour sous
les yeux était rédigée en allemand, elle commençait
par lass-et [die kinder...], et ce radical a pu ainsi
s'associer à l'idée de s'approcher ; mais, bien entendu,
je ne donne la conjecture que pour ce qu'elle vaut.
(164) lô** Mâche a [je] peux », 4 fois; machir « pour-
ras » et machiri a pourrai » (pour Vi final, cf. le n** 38,
2°), chacun une fois. Le premier de ces mots est sûre-
ment l'ai, [ic/i] mag, peut-être contaminé de [ic/i]
mâche, parce que « pouvoir » c'est généralement
(( pouvoir faire ». Les deux autres sont des formes
conjuguées, d'allure martienne très régulière.
(165) 17° Mané a père », une fois : c'est l'ai, mann
« homme, époux », peut-être avec une confusion par-
tielle du radical de mima, n*^ 107.
(166) 18" Mode a mère », 14 fois : toute la question
n'est qu'entre l'ai, mutter et l'anglais mother, celui-ci
mieux concordant au point de vue du phonétisme,
celui-là sûrement mieux connu du sujet ; cf. n° 155.
On observera que les mots qui reviennent le plus sou-
vent sont aussi, en principe, les mieux explicables par
un emprunt manifeste.
(167) 19° Pocrimê « savoir », une fois : cf. kirimé,
n° 161 ; mais, en tout cas, je ne vois absolument aucune
clonnée qui rende compte de la préfixation apparente,
— 43 —
(168) 20« Poênê^é a quelques », une fois. Ici, la pré-
fixation po- pourrait relever du procédé de l'allitéra-
.tion, n° 16; car le mot (FI. 11) est immédiatement
précédé du mot povini, cf. n" 124. Cette quantité
déduite, il reste -énê^éj qui s'applique presque lettre
pour lettre sur l'ai, einige « quelques ».
il69) 21" Raddré « prononcer », une fois, FI. 15,
dans une phrase où en fait l'emploi du verbe « parler »
conviendrait beaucoup mieux : al. reden « parler »,
avec léger jargonnement et terminaison martienne;
presque sûr.
(170) 22° Réniv « portera », une fois, FI. 18, dans
une phrase où le vrai sens est « apportera » : futur mar-
tien sur un radical rên-, qui, sauf aphérèse initiale,
rappelle de bien près celui deTaLôrm^-eAi «apporter».
(171) 23° r/6m$ « besoins », une fois : cf. l'ai, trieb
« instinct ». Les deux idées sont connexes, et la pho-
nétique concorde à merveille, sauf une métathèse des
plus simples. Douteux pourtant : le terme al. n'est pas
de ceux que M^'« Smith a pu aisément connaître et
familièrement retenir.
(172) 24° Tournai « charmes », une fois: cf. al. tau-
mel « vertige, ivresse, paroxysme de joie ». Le pho-
nétisme va bien, comme le montre imâ venu de himmel,
n° 160. Douteux pourtant : il est difficile que M"« Smith
connaisse ce mot peu usuel.
{A suivre) V. Henry.
L'INSCRIPTION DÉCOUVERTE EN 1899
SUR LE FORUM ROMAIN
C'est peut-être une entreprise téméraire, en tout
cas fort risquée, que de vouloir, après tant de tenta-
tives diverses, ofîrir une nouvelle interprétation, no-
tamment une qui rejette beaucoup de ce qui a été
admis sans dicussion, presque comme hors de doute.
Mais dans un cas tel que celui-ci, ce sont précisément
les bases qu'on a crues inébranlables, qu'on a ac-
ceptées avant même d'avoir obtenu une idée tant soit
peu préalablement exacte des choses desquelles il
s'agit, qui prêtent le plus au doute. Une interprétation,
qui veut approfondir de plus en plus la matière, se
trouve de plus en plus en face de difTicultés inéluc-
tables, et ce n'est qu'après avoir essayé en vain tous
les expédients que la méthode philologique nous four-
nit, qu'on se résout en dernier lieu à revenir sur ses
pas et à retourner à l'examen rigoureux des supposi-
tions fondamentales.
C'est du moins ce que l'expérience nous a fait voir
dans un certain nombre de cas semblables, et s'il en
était de même par rapport à l'inscription dont la
découverte a, l'année passée, révolutionné le monde
— 45 —
savant, et même à un certain degré le monde cultivé,
il n'y aurait pas lieu de s'étonner grandement.
• Je veux donc offrir mes remarques, mes doutes, mes
objections sur certains points qui, pour l'entendement
de ces textes si mutilés, et par conséquent si obscurs,
pourront être de quelque importance.
En premier lieu, tout le monde à peu près semble
être d'accord qu'il faut lire slakros esed, et que cela
doit signifiera peu prèssacer estod, formule ailleurs très
usitée. Or, il me semble impossible d'admettre que
même au Vl'' siècle on ait dit sacros ; superflu de rien
dire par rapport à esed. Je m'inclinerais devant l'opi-
nion des savants célèbres (à juste titre), qui admettent
cette interprétation, si le motso?vi... précédait; parce
qu'on ne prononce rimprécation qu'après en avoir
indiqué le motif qui la justifie. Ici, ce serait le con-
traire. Parcelle raison, j'interprète les \eUres akro sesed
comme signifiant : agru[m] seret « celui qui ensemen-
cera ce champ». 11 s'agit évidemment d'un fonds sacré
d'un T£(jL£voç, qu'on avait l'habitude de fermer. On
pourrait donc combler les lacunes à peu près de la
manière suivante :
quoi hoi[ke loqoi
seive keivis seive
perekrinus] akrom[m]
sesed — ou
quoi hon[ke s. k. s. p.] akrofm] sesed
sordes ne invehitod...
— 46 —
La première ligne du second pian reste inintelli-
gible; la seconde ofl're selon l'interprétation recei;
mais cela eneore est très douteux, parce qu'il serait
infiniment ditïicile de se rendre compte du datif. Je
crois donc que le c n'est autre chose qu'un V mis de
travers, et je lis reveitor (revehitor) : re[x] vehitor. Les
lettres evam se complètent par l'addition d'un d : devam
{= divam); je ne dirais rien, s'il y avait une lacune
après ce mot; mais tel que l'inscription nous l'oflre,
il précède immédiatement quos et finit la phrase. Je
complète donc a dextera ad laevam. Quos r[ex]
quomque... manque un verbe : proficiscetur ; quos
paraît être le prototype de us dans usquamj)rodibit.
Pour le commencement du troisième plan, j'accepte
la conjecture de M. Modestov (V. J. Modestov, Pamja-
linki carskagn perioda i pervnëjmja iatinskaja nadpist
na Rimskom i Porumë Skl-Peterburgi, 1900).
sovo]m kalatorem hap... (habelod).
La troisième ligne nous ofîre uod, donc je risque :
makistratluod iouxmenta...
Plus loin, il y a évidemment confusion; les lettres
lod ont changé de direction, il faut lire ou captafod ou,
ce qui vaut mieux, capitod ; le a a été répété fauti-
vement. Au représente les premières lettres de au-
ri(ja[m.
. . .sovo] kalatorem hap[etod. . .
macistrat] uod iouxmenta capitod au! rigam currum
ite]m iteri [...ipso]m quoi.
— 47 -
havelod ne signitie rien, et facelod autant que cela.
II y a ici encore transposition des lettres; je corrige
■avehitod nef/u[e...]od iovestod (iusto).
On pourrait conjecturer :
neque in ea re plus morae esltod iovestod.
Mais cela est entièrement incertain.
Je donne l'inscription dans son entier, comme il
me paraît qu'il faut la lire :
quoi lioi |ke loquoi seive keivis seive perekrinusj
akro[mj sesed | ou
quoi hon [ke seive keivis seive perekrinus] akro[m|
sesed | sord [es ne invehitod... (fin de la première
inscription qui ne se rapporte pas à ce qui suit).
reve[h]itor (probablement rea; vehilor)...
|...a dextera ad lajevam |
quos r[ex quomque... (quo rex quomque) [proficis-
cetur
...sovoJm kalatorem liap..*
...makistratluod iouxmen
ta kapitod au[rigam currum ite-]
m iteri...
...ipso^m quoi avehitod nequ[e in ea re plus morae
est] od iovestod .
L'inscription du premier plan n'a pas trait au con-
tenu du reste de la stèle; on s'est simplement servi
d'une pierre déjà employée, parce que les trois côtés
suffisaient pour y graver la seconde inscription.
On élèvera probablement des objections contre lac-
— 48 —
vam, au lieu de laivam ; mais devam est absolument
impossible. Il ne reste donc guère que laevam;ae au
lieu de ai se trouve déjà fort anciennement.
A. F. BOJESLAV.
P. -S. — Il est assez clair que le maçon qui a taillé
l'inscription trouvée l'année dernière au forum, n'a pas
été bien exercé à graver les lettres à la boustrophédon.
Témoin les lettres kap{i1)atodou, où tod est gravé à
l'envers; peut-être aussi il y a une espèce de dittogra-
pbie kapiat kapilod, mais il est vrai qu'il aurait dû
graver dot et non toda{i)pak; témoin encore les lettres
havelod, si étrangement bousculées (ou ilia \ dotev).
Plus d'une fois il a renversé les lettres, probablement
parce qu'il s'élait placé faussement.
Si nous tenons compte de ces faits, il se pourrait
que la même chose fût arrivée par rapport à la pre-
mière ligne du second plan, qui présente, à ce qu'il
paraît, des difficultés insurmontables. D'après le der-
nier facsimile de M. Comparetti, il faut lire (premier
trait presque vertical incertain, pourrait être un i) laiFas
(le F. étant tourné de l'autre côté): serait-ce laivas'^
Alors, il ne serait plus douteux que, malgré la diffé-
rence d'orthographe, les lettres evam de la troisième
ligne ne dussent se compléter par la{evam). Mais on
pourrait aussi, sans faire un trop grand tort au maçon,
lire amas /serait-ce la porte Naevia? Malheureusement
nous en savons fort peu de chose.
- 49 -
Dans ce qui suit, nous n'avons que lo et (/nos sur
quoi fonder des hypothèses. Si nous acceptons regei,
il faut bien qu'il s'agisse ici d'un affermage de quelques
terres, car lo exige un complément candi (fundi agri),
à quoi se rapporterait quos dans la quatrième ligne.
Mais pour cela, on s'attendrait plutôt à un praeco qu'à
un calaior. Il serait donc nécessaire de séparer le
contenu du 3' et du 4e plan de celui du 1<^'' et du t\
Le 2^ plan aurait trait à certaines terres, dont l'affer-
mage entrait dans la sphère du rex sacrorum; ces terres
devaient être situées près de la porte Naevia.
A. F. B0JESLA.Y.
2l*P.-S. — On pourrait lire sur le premier plan «akros
seset », ce qui s'accorderait bien avec le « quos » du
second plan.
Au lieu de « magistratuod » (le Y se trouve très
clairement sur le dernier facsimile) on pourrait sup-
poser « senatuod », parce que « magislratus » serait
trop indéfini.
Pour AKPOS, je suppose que c'est la transcription
de ACROS, en lettres grecques, peut-être même un
archaïsme voulu.
Prague.
A. F. BOJESLAV.
ÉTUDE DE LA LANGUE DES POULS
SUITE
LE SUBSTANTIF
En poul, le substantif, on l'a dit, n'est générale*
ment pas autre chose qu'un adjectif puis substantive-
ment.
Or, l'adjectif, de son côté, n'est leplus souvent qu'un
participe plus ou moins défiguré d'un radical verbal
plus ou moins tombé en désuétude : pour démontrer
cette assertion et faire concevoir en même temps le
mécanisme des tranformations successives, le meilleur
moyen consistera à insister sur la genèse des trente-
trois formes des participes en do, des noms verbaux
en owo et en edjo, tout en montrant la corrélation ré-
gulière qui existe entre ces deux catégories de mots
et la précédente au point de vue des suffixes ; puis de
faire connaître les adjectifs en o restés seuls en usage
de leur famille, mais présentant encore une vitalité
telle que, par un curieux phénomène de réversibilité,
ils l'ont en quelque sorte perpétuée à leur tour, en
donnant naissance à de nouveaux radicaux verbaux
au moyen de la dérivation en di
— 51 —,
Enfin on passera à l'étude des substantifs eux-
mêmes.
Hâtons-nous de dire que bien des questions reste-
ront sans réponses.
Il nous suffira d'avoir montré d'une manière que
nous croyons irréfutable, que les Pouls, non plus que
bien d'autres peuples, ne font rien ni pour la rime ni
pour l'harmonie. Ils se contentent de l'euphonie et
font purement accorder substantifs, adjectifs, parti-
cipes et pronoms en genre et en nombre.
Dans le tableau qui suit, on donne les trente-trois
formes :
1° Des participes ou adjectifs prenant doau genre o,
en tenant compte des modifications que peut subir le
suffixe, selon que la forme qui le reçoit se termine par
une des consonnes b, d,f, g/, y, dj, k, I, m, n, p,
r, s, t, IV, tch, gn, ou par la voyelle sourde euphonique
ou;
2° Des adjectifs verbaux actifs en owo, passifs en
édjo ;
3" Des adjectifs prenant simplement o au môme
genre.
On peut dire que sauf ma"- (grand), dont les
formes sont indiquées à la vingt-deuxième ligne du
tableau, et qui n'est d'ailleurs irrégulier qu'en appa-
rence, tous les adjectifs de la langue rentrent dans une
de ces trois catégories.
52
RACINE
SENS
(■) 0
BÉ
Web-
facile
beb-do
web-bé
Wad-
faisant
bad-do
wad-bé
Yaf-
mou
djaf-do
yaf-bé
Dog-
courant
dog-do
dog-bé
Fa'-
allant vers
pa'-do
fa'-bé
May-
mort
may-do
may-bé
Tadj-
coupant
tag-do
tag-bé
Sek-
déchirant
tchek-do
sek-bé
Wel-
plaisant
bel -do
wel-bé
Bani-
prenant
bam-do
bam-bé
'An-
embarrassé
gan-do
*an-bé
Fap-
pétant
pap-do
fap-bé
'Ar-
venant
gar-do
'ar-bé
Was-
s'abstenant de
bas-do
was-bé
Hot-
partant
kot-dô
hot-bé
Waw-
pouvant
baw-do
waw-bé
'Ang-
haïssant
gagn-dô
'agn-bé
Wod-é
rouge (originel"' )
bodé-djo
wodé-bé
Wod-djou-
rouge (devenu)
god-djou-do
woddjou-bé
Modj-
bon
modj-o
modj-oubé
Rim-
libre
dim-o
rim-bé
•Ma-
grand
maw-do
maw-bé
Hatch-
hurlant
kak-do
hak-bé
Sel-
dissident
tchebo-wo
sel-o-bé
— 53 —
(«) NDOU
DI
(3) NGUÉ
DI
wem-dou
beb-di
weragué
beb-di
wandou
bad-di
wangué
bad-di
yaf-ndou
djaf-di
yaf-ngué
djaf-di
dog-ndou
dog-di
dog-ngué
dog-di
fa'-ndou
pa'-di
fa*-ngué
pa'-di
may-ndou
may-di
may-ngué
may-di
tag-ndou
tag-di
tagngué
tag-di
sek-ndou
tchek-di
sek-ngué
tchek-di
wel-ndou
bel-di
welngué
bel-di
bam-ndou
bam-di
bara-ngué
bam-di
*an-ndou
gan-di
'an-ngué
gan-di
fap-ndou
pap-di
fap-ngué
pap-di
'ar-ndou
gar-di
'ar-ngué
gar-di
was-ndou
bas-di
was-ngué
bas-di
ho-ndou
kot-di
hongué
kot-di
waw-ndou
baw-di
waw-ngué
baw-di
*agn-ndou
gagn-di
'agn-ngué
gagn-di ^
wodé-rou
bodéjdji
wodé-wé
bodé-dji
woddjou-ndou
goddjou-di
woddjou-ngué
goddjou-di
modj-ourou
raodj i
modj-*é
modj-i
rim-rou
dim-i
rim-'é
dim-i
maw-ndou
niaw-di
ma* -n gué
maw-di
kak-ndou
kak-di
hak-ngué
kak-di
sel o-rou
tchel-o-dji
sel-o-wé
tchel o-dji
— 54 -
(4) NGO
DÉ
(5) NDÉ
DÉ
wemgo
beb-dé
wemdé
beb-dé
wango
bad-dé
wandé
bad-dé ,
yaf-ngo
djaf-dé
yof-ndé
djaf-dé
dog-ngo
dog-dé
dog-ndé
dog-dé
fa'-ngo
pa'-dé
fa'-ndé
pa*-dè
may-ngo
may-dé
may-ndé
may-dé
tagngo
tag-dé
tagndé
tag-dé
sek-ngo
tchek-dé
sek-ndé
tchek-dé
wel-ngo
bel-dé
wel ndé
bel-dé
bam- ngo
bani-dé
bam-ndé
bam dé
*an-ngo
gan-dé
*an-dé
gan-dé
fap-ngo
pap-dé
fap-ndé
pap-dé
*ar-ngo
gar-dé
'ar-ndé
gar-dé
was-ngo
bas-dé
was-ndé
bas-dé
hongo
kot-dé
hondé
kot-dé
waw-ngo
baw-dé
waw-ndé
baw-dé
'agn-ngo
gagn-dé
'agn-ndé
gaga-dé
wodé-wo
bodé-djé
wodé ré
bodé djé
woddjou ngo
goddjou-dé
woddjou-ndé
goddjou-dé
modj-'o
modj-é
modj-éré
modj-é
rim-*o
dim-é
rim-ré
dim-é
ina*-ngo
maw-dé
maw-ndé
maw-dé
hak-ngo
kak-dé
hak-ndé
kak-dé
pel-o-wo
tchel-o-djé
selo-rô
tchel-o-djé
55 —
(G) KO
DÉ
(7) NGOU
DI
web-ko
bed-dé
bemgou
bel-di
wad-ko
bad-dé
bangou
bad-di
yaf-ko
djaf-dé
djaf-ngou
djaf-di
dog-ko
dog-dé
dog-ngou
dog-di
fa'-ko
pa'-dé
pa'-ngou
pa*-di
may-ko
may-dé
may-ngou
may-di ■
tag ko
tag-dé
tagngou
tag-di
sek-ko
tchek-dé
tchek-ngou
tchek-di
wel-ko
bel-dé
bel-ngou
bel-di
bam-ko
bam-dé
bam-ngou
bam-di
*an-ko
gan-dé
gan-ngou
gan-di
fap-ko
pap-dé
pap-ngou
pap-di
'ar-ko
gar-dé
gar-ngou
gar-di
was-ko
bag-dé
bas-ngou
bas-di
hot-ko
kot-dé
kongou
kot-di
waw-ko
baw-dé
baw-ngou
baw-di
'agn ko
gagn-dé
gagn-ngou
gagn-di
wodé-ko
bodé-djé
bodé-wou
bodé-dji
woddjou-ko
goddjou-dé
woddjou-ngou
goddjou-di
modj-(h)o
modj-é
modj-'ou
modj-i
rim-(h)o
dim-é
dim-'ou
dim-i
maw-ko'
maw-dé
ma'-ngou
maw-di
hak-ko
kak-dé
kak-ngOLi
kok-di
sel-o-ho
tchel-o-djé
tchel-o-wou
tchel-o-dji
— 56
(H) BA
DI
(O) NGOL
DI
beb-ba
beb-di
bemgol
beb-di
bad-ba
bad-di
bangol
bad-di
djaf-ba
djaf-di
djaf-ngol
djaf-di
dog-ba
dog-di
dog-ngol
dog-di
pa'-ba
pa'-di
pa'-ngol
pa-'di
may-ba
may-di
may-ngol
may-di
tag-ba
tag-di
tagngol
tag-di
tchek-ba
tchek-di
tchek-ngol
tchek-di
bel-ba
bel-di
bel-ngol
bel-di
bam-ba
bam-di
bam-ngol
bam-di
gan-ba
gan-di
gan-ngol
gan-di
pap-ba
pap-di
pap-ngol
pap-di
gar-ba
gar-di
gar-ngol
gar-di
bas-ba
bas-di
bas-ngol
bas-di
kot-ba
kot-di
kongol
kot-di
baw-ba
baw-di
baw-ngol
baw-di
gagn-ba
gagn-di
gagn-ngol
gagn-di
bodé-wa
bodé-dji
bodé-wol
bodé-dji
goddjou-ba
goddjou-di
goddjou-ngol
goddjou-di
modj-'à
modj-i
modj-'ol
modj-i
dim-*à
dim-i
dim-'ol
dim-i
maw-ba
maw-di
ma'-ngol
maw-di
kak-ba
kak-di
kak-ngol
kak-di
tcbel-o-wa
tchel-o-dji
tchel o-wol
tchel-o-dji
— 57 —
(iO) NDI
DÉ
(11) Kl
DÉ
bemdi
beb-dé
beb-ki
beb-dé
bandi
bad-dé
bad-ki
bad-dé
djaf-ndi
djaf-dé
djaf-ki
djaf-dé
dog-ndi
dog-dé
dog-ki ,
dog-dé
pa'-ndi
pa'-dé
pa-'ki
pa-'dé
may-ndi
may-dé
may-ki
raay-dé
tagndi
tag-dé
tag-ki
tag-dé
tchek-ndi
tchek-dé
tchek-ki
tchek-dé
bel-ndi
bel -dé
bel-ki
bel- dé
bam-ndi
bam-dé
bam-ki
bam-dé
gan-ndi
gan-dé
gan-ki
gan-dé
pap-ndi
pap-dé
pap-ki
pap-dé
gar-ndi
gar-dé
gar-ki
gar-dé
bas-ndi
bas-dé
bas-ki
bas-dé
kondi
kot-dé
kot-ki
kot-dé
baw-ndi
baw-dé
baw-ki
baw-dé
gagn-ndi
gagn-dé
gagn-ki
gagn-dé
bodé-ri
bodé-djé
bodé-ki
bodé-djé
goddjou-ndi
goddjou-dé
goddjou-ki
goddjou-dé
modj iri
modj-é
modj-(h)i
modj-é
dim-ri
dim-é
dim-(h)i
dim-é
raaw-ndi
mow-dé
maw-ki
maw-dé
kak-ndi
kak-dé
kak ki
kak-dé
tchel-o-ri
tchel-o-djé
tchel-o-hi
tchel-o-djé
(I«) KA
DÉ
(13) DAM
DÉ
beb-ka
beb-dé
beb-dam
beb-dé
bad-ka
bad-dé
bad-dam
baddé
djaf-ka
djof-dé
djaf-dam
djaf-dé
dog-ka
dog-dé
dog-dam
dog-dé
pa'-ka
pa'-dé
pa'-dam
pa'-dé
may-ka
may-dé
may-dam
may dé
tag-ka
tag-dé
tag-dam
tag-dé
tchek-ka
tchek dé
tchek-dam
tchek-dé
bel-ka
bel-dé
bel-dam
bel-dé
bam-ka
bam dé
bam-dam
bam-dé
gan-ka
gan-dé
gan-dam
gan-dé
pap-ka
pap-dé
pap-dam
pap-dé
gar-ka
gar-dé
gar-daru
gar-dé
bas-ka
bas-dé
bas-dam
bas-dé
kot-ka
kot-dé
kot-dam
kot-dé
baw-ka
baw-dé
baw-dam
baw dé
gagn-ka
gagn- dé
gagn-dam
gagn-dé
bodé-ha
bodé-djé
bodé-djam
bodé-djé
goddjou-ka
goddjou-dé
goddjou-dam
goddjou-dé
niodj-(h)a
modj-é
modj-am
modj-é
diin-(h)a
dim-é
dim-am
dim-é
maw-ka
maw-dé
maw-dam
maw-dé
kak-ka
kak-dé
kak-dam
kak-dé
tchel-o-ha
tchel-o-djé
tchel-o-djam
tchel-o-djé
— 59 —
(14) NGAL
DÉ
(15) DÉ
DÉ
bemgal
beb-dé
beb-dé
beb-dé
bangal
bad-dé
bad-dé
bad-dé
djaf ngal
djaf-dé
djaf-dé
djaf-dé
dog-ngal
dog-dé
dog-dé
dog-dé
pa*-ngal
pa'-dé
pa'-dé
pa'-dé
may-ngal
may-dé
may-dé
may-dé
tagngal
tag-dé
tag-dé
tag-dé
tchek-ngal
tchek-dé
tchek-dé
tchek-dé
bel -ngal
bel-dé
bel-dé
beldé
bam-ngal
bam-dé
bam-dé
bam-dé
gan-ngal
gan-dé
gan-dé
gan-dé
pap ngal
pap dé
pap-dé
pap-dé
gar-ngal
gardé
gar-dé
gar-dé
bas-ngai
bas -dé
bas-dé
bas-dé
kongal
kotdé
kot-dé
kot-dé
baw-ngal
baw-dé
baw-dé
baw-dé
gagn-ngal
gagn-dé
gagn-dé
gagn-dé
bodé-wal
bodé-djé
bodé djé
bodé-djé
goddjou-ngal
goddjou-dé
goddjou-dé
goddjou-dé
modj-'al
modj-é
modj-é
modj-é
dim-'al
dim-é
dim-é
dim-é
ma* -ngal
naw-dé
maw-dé
maw-dé
kak-ngal
kak-dé
kak-dé
kak-dé
tchel-o-wal
tchel-o-djé
tchel-o-djé
tchel-o-djé
60 —
(10)NGUEL
KOGN
(■7) DOUM
bemguel
beb-kogn
beb-doum
banguel
bad-kogn
bad-doum
djaf-nguel
djaf-kogn
djaf-doum
dog-nguel
dog-kogn
dog doum
pa'-nguel
pa'-kogn
pa'-doum
may-nguel
may-kogn
may-doum
tagnguel
tag-kogn
tag-doum
tchek-nguel
tchek-kogn
tchek-doum
bel-nguel
bel-kogn
bel-doum
bam-nguel
bam-kogn
bam-doum
gan-nguel
gan-kogn
gan-doum
pap-nguel
pap-kogn
pap-doum
gar-nguel
gar-kogn
gar-doum
bas-nguel
bas-kogn
bas-doum
konguel
kot-kogn
kot-doum
baw-nguel
baw-kogn
baw-doum
gagn-nguel
gagn-kogn
gagn-doum
bodé-wel
bodé-kogn
bodé-oum
goddjou-nguel
goddjou-kogn
goddjou-doum
modj-'el
modj-(h)ogn
modj-oum
dim-'el
dim-(h)ogn
dim-oum
ma'-nguel
maw-kogn
maw-doum
kak-nguel
kak-kogn
kak-doum
tchel-o-wel
tchel-o-koga
tchel-o-djoum
— 61 —
Il suffit de jeter les yeux sur le tableau qui précède
pour se convaincre que les trente-trois formes de
chacun des participes en do résultent de la simple
suffixation à la forme verbale d'où ils émanent des
trente-trois démonstratifs.
Sauf toutefois en ce qui concerne le premier genre: ici
le suffixe est do et non o.
Les participes passés en nô-dose conduisent comme
fjod-djou-do.
Comme particularités, remarquons :
a) Les formes des participes iveb-, wad-, et hot-
aux genres dont les démonstratifs présentent un n
initial.
b) Les formes des participes tadj- eihatch.
La finale de ces radicaux reparaît dans toute sa
pureté lorsque les éléments à suffixer commencent
par une voyelle.
Exemple :
mi tadj-at ho'' ré inodoum
Je couperai sa tête
Djamma kala di katch-onnô
Chaque nuit ils hurlent
c) Les formes prises par l'adjectif î/iaî<;-,?wa' «grand»,
qui prend le " comme consonne de fermeture, chaque
fois que le suffixe commence par ng et le w dans tous
les autres cas.
En ce qui concerne les noms verbaux en owo et
— 62 —
edjo^ disons d'abord que pour toutes les formes
en
-edjo- -edji' -édjé- -edjam-
-edjoum- -odji- -odjê- -odjoum-
on emploie souvent des formes en
-éwo- -éwi- -êwé- -éwam- -êwoum-
-owi- ~owê- -owoum-
Ainsi on dit presque aussi sou\ eni dé/te bod-éivé «des
livres rouges » que défté bod-édje.
Mais les formes du tableau sont plus usuelles.
Quant aux autres désinences de ces adjectifs, il est
intéressant de remarquer qu'elles ne diffèrent de
celles des démonstratifs que par leur initiale;
Que du reste cette consonne est toujours la première
de la paire à laquelle appartient celle du démonstratif
(abstration faite de 1'^ proclitique).
Ainsi :
à ndi correspond tchel-o-ri
à ngoit correspond bod-ê-wou
Ici encore tout est donc réglé, et cette transforma-
tion vraiment grammaticale montre bien qu'en em-
ployant les terminaisons que nous examinons, le Poul
n'obéit pas à un besoin de son oreille, mais qu'à
chaque moment de son discours, il veut déterminer
chaque objet dont il parle, et rapprocher le plus pos-
sible les limites entre lesquelles peut flotter l'indéci-
sion de son interlocuteur ; lorsque celui-ci entendra :
— 63 —
icod-é-rou, il saura parfaitement qu'il ne s'agit pas
d'un cheval (poutchou-ngou « ce cheval ») mais proba-
blement d'un chien {raw'a-ndou ndou « ce chien ») ou
de tout autre objet du genre ndou; — de même bod-
éivoun'é\e\\]e dans son esprit que l'idée d'un objet du
genre ngou, d'un cheval par exemple.
Pour rendre aux terminaisons des adjectifs en o
(modj, rim) leur véritable valeur, il ne faut pas perdre
de vue les suffixes de ces adjectifs aux genres ndou^
ndé, ndi.
Comment se produit-il qu'à ces trois genres la con-
sonne du suffixe se soit conservée sous la forme d'un r?
Pourquoi arrivera-t-il presque toujours que l'on
dira : ley-di modj-irl « bonne terre « ; quelquefois
ley-di modj-o (Wolofs-Soninkés parlant poul), mais
jamais ley-di modj-i?
Il y a là une probabilité énorme à priori pour que
les autres suffixes n'aient pas plus perdu leur con-
sonne initiale que les trois suffixes considérés.
Matériellement le fait n'est pas impossible. La con-
sonne g prend bien souvent la place de celte consonne
le plus souvent presque insensible, absolument insen-
sible dans le dialecte du Fouta, que nous avons notée
par le signe '.
On a établi une parenté étroite entre le b et le g. Le
suffixe ha a très bien pu devenir 'a dans certaines cir-
constances.
La consonne k de ko, ki, ka, kogn peut très bien
— 64 —
disparaître pour faire place à un h, dont les mêmes gens
du Fouta articulent presque aussi peu l'aspiration que
celle du '.
A l'Est, où les Pouls guerriers du Macina, de Sokoto,
de Gando, hennissent leur langue presque comme les
Arabes hennissent la leur, on entend toutes les finales
précédées de leur aspiration gutturale ou palatale, ou
encore d'une consonne appartenant à la môme paire
que cette aspiration : là où le Foutanké dit houd-o ko
« cette herbe», le Masinanké aspire foud-lio ko.
Le Poul pasteur du Sénégal dit lel-a ha « cette
gazelle » ; le marabout du Niger rétablit lel-wa ba.
Ces exemples sont assez concluants.
Et il est une raison qui prime toutes les autres :
Quoique rimant ensemble, 7igou et ndou ne sont pas
interchangeables à volonté. Jamais on ne dira : lana
ba, mais lana ka« ce bateau » ; jamais on ne dira gniwa
ka, mais gnnva ba « cet éléphant»; jamais on ne
dira wouro ko, mais wouro ngo « ce village » ; jamais
on ne dira lonro ngo, mais louro ko « ce trou ».
Il y a là autre chose qu'une rime. On doit être
certain que dans le principe, chaque genre a du em-
brasser une catégorie bien déterminée d'individus ou
d'objets jouissant de propriétés communes.
L'étude qui va suivre mettra ces propriétés en lu-
mière, tout au moins pour quelques-uns de ces genres.
Il y aura de nombreuses lacunes.
On a déjà fait pressentir que bien des questions
— 05 —
resteront sans réponse, mais celles qui seront résolues
le seront d'une manière si décisive que l'on ne pourra
attribuer l'incertitude qui plane sur les autres qu'aux
dénaturations de sens, inévitables dans la langue qui
n'a jamais été fixée par l'écriture.
Chacun des genres sera étudié séparément. On ne
suivra pas dans cet exposé l'ordre institué dans la
\'^ partie : dans l'étude de la phonétique les genres
ont été groupés de manière à rendre lucide l'exposition
des lois de permutation des consonnes en poul, à un
point de vue purement abstrait.
Pour constituer le nouveau classement, on remar-
quera que tous les démonstratifs ont pour consonne
initiale :
soit ' ou rien, g, b
soit d
soit k
en faisant abstraction de la nasale proclitique parasite.
On fera de ces particules trois classes, la première
éonliendra :
pluriel bé ou di
nrjou di
ha di
nguê di
nrjol di
ngo dé
tigal dé
nguct pluriel liofin
— 66-
La seconde compreiidra :
ndou di
dé di ou dé
ndé dé
ndi dé
dam dé
doum doum
La troisième comprendra les genres :
ko di
ka dé
ki dé
On se réserve de faire voir autre part que celle
classification n'a rien d'arbitraire et que chacune de
ces trois classes de genres correspond à une des trois
racines :
1° *a ou wa, ba ou ga
2° y a dja
3° ha ka
chacune de ces trois racines ayant ou ayant eu dans
l'origine le sens de « être », mais avec une nuance
spéciale.
L'exposé qui suit montrera que, sauf un petit
nombre d'exceptions, tous les substantifs d'origine
réellement poule peuvent être classés dans une des
trois catégories que l'on a établies parmi les adjectifs
et les participes.
- 67 —
C'est-à-dire en :
1° Analogues des participes en do,
%° Analogues des noms verbaux en wo et djo,
%° Analogues des adjectifs en o.
1"' GROUPE
Genre 0
Les noms appartenant au genre o peuvent être di-
visés en deux sous-genres ^
Le 1®' sous-genre correspond exactement à ce que
le général Faidherbe appelle le genre hominin. Il
contient à peu d'exceptions près (diminutifs du genre
nguel, augmentatifs du genre ngual, mots étrangers
du 21' sous-genre), tous les substantifs exprimant une
manière d'être spéciale à l'homme, sans distinction
de sexe, d'âge ou de couleur.
L'article adjectif démonstratif applicable à ces noms
est 0, pluriel hé.
Le â" sous-genre contient presque tous les noms
d'origine étrangère, ou encore les noms d'origine
poule qui, tout en ayant perdu leur suffixe générique,
s'appliquent généralement à des êtres n'appartenant
pas à l'espèce humaine.
L'article adjectif démonstratif de ce deuxième sous-
genre est 0, pluriel di.
08 —
h' Sous-Genrk
(a) JNoms en do bé
La plupart de ces noms sont des participes pris
subslantiveinent, et leur nombre est aussi considérable
que l'on veut, ou des noms exprimant une parenté, ou
plus généralement une relation domestique, ou même
simplement sociale, d'un ordre quelconque.
Les premiers sont peu intéressants.
La forme des derniers est remarquable : le plus
souvent, l'élément suffixe n'est pas -do, -bé, mais
-irado, -irabé.
Exemples:
Bad-irado Bad-irabé neveu
Bad-irado wad-irabé cousin éloigné
Band-irado Band-irabé cousin, parent, allié, fi'èrc
(dans le sens général attaché à ce mot par les Noirs
parlant français).
Dend-irado Dend-irabé « cousin germain »
Guend-irado Guend-irabé « époux »
Djidjirado et Guidj-irado Yidj-irabé a camarade
(du même âge) »
Kes -irado Hes-irabê
Keyn-irado Kcyti-irabé
Djat-irado Djat-irabé
Tann-irado Tann-irabé
(( gendre, beau-père «
(( beau-frère »
(( bisaïeul »
« petit-bis »
D'autres substantifs, appartenant sous le rapport du
C>\)
sens à l;i môme catégorie, ne i»irni)ent juicnn sullixo
an singulier, mais font cependant leur pluriel en irahé.
lixemples:
Baba
Bab-irabé
(( père ))
Gog-o
Gogu-irabé
« tante »
Kaw
Youma
Yoiimi
C kaw-irabé
l kuwm-irabé
\ Youm-irabc
« oncle ))
« mèi'O »
Djoin
Djoin-irabê
« maître, chef do famille.
chef de
case ))
Marna
mam-irabé
(( aïeul »
Né^iié
ne^Ti-irabé
• « mère »•
Yinna
Yinn-irabé a
mère » (masina).
Naw-la
nawl-irabê
« co -épouse d'un même
homme
))
Seul
seyi-irabé
« ami »
Soiiha
soitk-ourabé
« amant » iiar onoosition
â souka fioukabé jeune homme. De même :
miijnoii « frère cadet » fait au pluriel nih/n-irabé, et
maw-do « frère aîné » fait au pluriel maœ-nirabé par
opposition à maw-do « grand, vieux, vieillaid » qui
fait maccbé.
Tous ces noms de parenté et de relations intimes
perdent au singulier les deuK dernières syllabes de
leur suffixe (lorsqu'ils en ont un) devant le nom ou le
déierminatif de la personne avec laquelle ils expriment
une alliance.
Bad-am « mon neveu »
- 70 —
wadi-ma « ton cousin »
migni-ko )
\ « son frère cadet »
mign-oum )
youmi-Samba « la mère de Samba »
maw-ni-Coumba « le frère aîné de Coumba »
naw-li-Fatou « la rivale de Fatou »
hés-am « mon beau-père »
Font exception les mots :
Tannado Tannabé « descendant »
Djid'^nado DJidnabé V
Djiknado Djiknabê\ « aïeux, descendants »
Djinnado Djinnabê )
Ponnnado founnabé «jumeau »
Tchouddido Souddibé « épouse »
Mousid-do Mousid-bé « parent, allié
J5?c^o Bibé « fils »
Qui ne prennent, comme on le voit, que le suffixe
participial ordinaire.
Une remarque extrêmement importante est la sui-
vante. La plupart des noms de parenté que l'on vient
d'examiner se présentent sous forme de participes
aoristes passifs de verbes instrumentaux, ainsi :
Tdnirado paraîtdevoir être traduit: « employé à faire
l'action de tan », qui lui-même peut être pris pour
tag-n [tag-dé « créer »); l'aïeul tanirado pour tagnirado
est donc « celui qui a pour mission de faire procréer ».
Ces mots sont donc des noms d'agents. On se
réserve d'étudier autre part les fonctions qu'ils attri-
buent à chaque membre de la famille.
— 71 -
Il ne faut pas oublier que la même remarque s'ap-
plique aux idiomes indo-européens. .
• Les noms en owo sont des noms verbaux actifs, —
tout verbe conjugable donne naissance à un nom
verbal en oivo.
Tout nom en otvo est issu d'uu verbe conjugué
encore actuellement.
Exemples :
Kor-owo plur. Hor-obé « espion » {Hor-dé « es-
pionner ))); Bnr-owo plur. war-obé a assassin» {war-dé
« tuer ))), etc.
Comme on le voit, le pluriel se forme par simple
substitution de obé à owo.
Les noms verbaux en édjo sont plus rares. Voici
ceux qui ont pu être relevés sur un total d'environ
1.200 substantifs :
Bal-édjo Bal-ébé « homme noir »
Bod-i'djo wod-ébé « homme rouge » (poul)
Dan-êdjo ran ébé « homme blanc »
Nay-édjo nay-ébé a homme vieux »
Bil-êdjo wil-ebû « grand sorcier »
On a déjà montré en traitant des verbes dérivés en
wou que ces substantifs doivent être considérés comme
des noms verbaux passifs de certains verbes, les uns
encore usités, les autres disparus, mais en laissant
des traces.
On doit joindre à ces noms verbaux passifs en édjo
ébé les noms en djo bé qui suivent.
1" r.e nom en adjo
Rour-nadjo Dour-nabé « potier »
2" Les noms de tribus
Bissi-nadjo Bissi-nahé
Pampi-nadjo Pampi-nabé
Dasar-nadjo Dasar-nabé
Giiirladjo
Kalay-djo
Bosseya-djo
Boda-djo
' irla-bé
Halay-bé
Bosseya-bé
woda-bé
S"* Les noms de famille [djetiodé)
4" Enfin beaucoup de noms en a, prénoms de per-
sonnes ijndé) ou noms communs, qui prennent facul-
tativement le suffixe en djo au singulier.
(Bari) Bari-nadjo Bari-nabé
(Ba) Baba-djo Baba-bé
(Si) Sisi-djo sisi-bé, etc.
Dembadjo ou Demba Dembabé « Uemba » (prénom)
Tcliambadjo ou Samba Sambabé « Samba (prénom)
Tchoukadjo ou Souka, Souka-bé « jeune iiomme »
Barka-djo ou Barka, Barkabé « esclave »
Gada-djo ou Gada, Gadabé a masseur »
Kalifa-djo ou Kalifa, Kalifabé « maître »
Solimadjo ou Solima, Solimabé a jeune homme
encore incirconcis »
Tchoufadjo ou Soufa, Soufabé « page, écuyer «
etc., etc.
Abslraclion t'ai le de celle tiernière variété de mots,
qui paraissent être, sauf les quatre premiers, d'origine
•étrangère, on voit que les mots affectés du sufTixc djo
expriment généralement un état, une manière d'être
involontaire, ou tout au moins inerte et inactive, à la
différence des noms en owo qui sont des substantifs
verbaux d'action.
Il y a lieu de remarquer la forme du suffixe nadjo,
nal)(',qu\ termine un certairi nombre des mots signalés.
Son sens paraît équivaloir à « originellement».
Par exemple Bari-nadjo signitie originaire de la
famille des Bari.
En somme, ces mots en nadjo expriment tous une
qualité qui se transmet dans la famille.
Le mol bour-nadjo ne constitue pas une exception.
En Afrique, on ne devient pas potier, on naît potier.
Les potiers constituent une partie de la caste infé-
rieure des griots tisserands {màbhonhé).
Quant aux affinités de la partie pleine du mot, elles
sont transparentes :
Woud-dé signifie « rôtir, enfumer»,
Bour-na-djo n'est autre chose que le nom verbal
passif du verbe bour-nnu-dé pour wnud-noudé « rendre
cuiseur».
NO.\JS EN 0
Ces noms peuvent être :
r Ou bien de véritables substantifs qui, dans le
— 74 —
passage du singulier au pluriel, remplacent simple-
ment le suffixe 0 par le suffixe bé (ou oubé si l'euphonie
l'exige), sans qu'il soit porté préjudice d'ailleurs à
l'application des règles de permutation des consonnes.
Exemples :
Diw-o Diw-bé a femme veuve ou divorcée »
Poul-o Foul-bé (( Poul »
Kod-o Hod-bé « hôte » (qui donne ou qui
reçoit l'hospitalité)
Lab-o Law-bê a tribu de Pouls noirs »
Netar-o rietar-bé « vaurien »
Gnamagnamal-o Gnamagnamal-bê « créancier »
Gnegno Gnêgn-bé a individu de basse classe »
(captif, forgeron, cordonnier, tisserand, griot, po-
tier, etc).
•^ ,. ( 'ouy-bê ) -
Gouaj-o { , . , > « voleur »
( oudj-oubé )
Derer-o ?'erer-bé « égoïste, avare »
Deb-o vew-bé « femme »
Don-o ron-bè a héritier »
Tchoubal-o soubal-bé « pécheur »
Mabb-o mabb-oubê a griot, tisserand »
Gawl-o ^awl-oubé a griot, chanteur, men-
diant )), etc., etc.
Auxquels il faut joindre un certain nombre d'ad-
jectifs pris substantivement, formant leur pluriel
par le même procédé, tels que :
Moum-o moum-bé « muet »
Koug-no hougn-bé « gourmand »
Etc., etc.
— 75 —
2° Ou bien des adjectifs pris substantivement, qui
dans le passage au pluriel remplacent leur suffixe -o,
par le suffixe -doubé ou -idbé, absolument comme s'ils
étaient les participes aoristes actifs de verbes dérives
en d de leur radical.
Du reste, la plupart du temps, ces verbes dérivés
d'adjectifs existent, ainsi qu'on l'a fait observer lors de
l'étude des verbes dérivés.
Exemples :
Gal-o ^al-doubé « riche »
Pa-o fa^doubé «sourd »
Bofo wof-doubé « impotent», etc., etc.
Il s'est produit ici un curieux phénomène de réver-
sibilité :
La racine ^al-, gai-, par exemple, a donné dans le
principe le verbe al-dé avoir. Il n'y a pas à en douter,
puisque de ce verbe subsistent encore les temps né-
gatifs :
*ald « non » (il n'a pas..., je n'ai pas...), min ga'ld
gawri « nous n'avons pas de mil » ; a 'alâtd téwo « tu
n'auras pas de viande». Les temps positifs sont perdus.
L'adjectif galo «riche, possédant », s'est conservé, a
donné naissance au verbe dérivé al-dou-dé : mais en
revanche, il a perdu son pluriel al-bé,eiGn fin de compte
a emprunté au participe aoriste du nouveau verbe
la nouvelle forme al-dou-bé.
Trois noms se compoiieiit (l'une f;içon particulière :
Gor-ko wor-bé « homme »
Gay-iia-liO '■cnj-na-hé « berger »
„ , ^ i Safalbé )
Icliapato ) ^'' , > «maure»
} Safar-bé ^
Les deux premiers ne se distinguent des substantifs
en dn que par la substitution de ko à do. On y re-
viendra.
Le troisième est intéressant en ce que de concert
avec d'autres mots, tels que tcliaparodji «les choses des
Maures» son pluriel safarbé (dialecte du masina et
des Irlabés) permet de reconnaître que le singulier et
le pluriel issus d'une racine commune se sont modifiés
parallèlement, mais indépendamment l'un de l'autre.
Le mot sa/ara signifie en woloff : « feu » et en poul :
« remède». La connexité entre ces deux idées est
évidente, si on considère que les indigènes ne con-
naissent guère d'autre moyen curatifquele feu, moyen
du reste très employé. — Si on remarque que le même
mot nar signifie cà la fois « feu » dans l'idiome des
Maures du Sénégal et «maure » en langue woloff, on
restera convaincu que les mots mfarbè et safara sont
très proches parents.
D'autre part, on est forcé de reconnaître au poul
safara, « médicament», une parenté peu équivoque
avec le verbe safroudé, soigné (un malade).
Ce verbe n'est autre chose qu'un dérivé en rou du
verbe simple sqf-dé, dont l'un des sens est : « être
liabilemcnt préparé » (en parlant d'un mets, et proba-
blement aussi d'un médicament) .
Un autre mot de la même famille," tchakowo, signifie
« oculiste» {k pour /;).
Ne doit-on pas admettre que les Pouls ont donné
aux \Iaurcs(iui, les premiers, leur ont apporté les pro-
cédés scientifiques de médication et en particulier la
cautérisation par le feu, le nom de « médecins» ?
Tchapato viendrait directement de saf-dé. Les Maures
ne se désignent pas eux-mêmes par le nom de fchapato.
Au sous-genre o, hé, que l'on vient d'étudier, il faut
rattacher les mots étrangers anthropiques passés en
poul sans modification organique.
Ces mots prennent l'article o, bé; au pluriel, ils
prennent le suffixe bé.
Exemples :
Sahaba Sahababé « ange »
Tallba Talibabé « guerrier de la guerre sainte »
• Exceptons toutefois les mots procédant du malinké
et formés dans cette langue au moyen du sulFixe nké
qui signifie « homme ». 4u pluriel nké est remplacé
en poul par nkobé.
Malinké Malinkobé
Tougnaranké Tour/narankobé « étranger »
FoiUaiiké FoiUankobê (diommedu Fouta »
Etc.. etc.
78
2" Sous-Genre
Les mots appartenant au sous-genre p di forment
leur pluriel par simple suffixation de dji, sans modifi-
cation de la consonne initiale.
Comme on l'a-dit, ou bien ces mots sont d'origine
étrangère, ou bien, s'ils sont d'origine poule, ils ont
perdu leur suffixe générique.
Du reste, il arrive souvent que l'article o-di dé-
termine un mot d'un autre genre que le premier, sans
donner lieu à des critiques.
En particulier, il est facultatif de faire rentrer dans
ce sous-genre les substantifs anthropiques venus de
l'étranger sans modifications importantes.
Exemples :
Sahaba « ange » fait Sahahabé et Sahabadjl
Taliba « guerrier musulman » Salibabé Talibadji
Solima « jeune homme encore incirconcis » Solimabé
SoUmadji
Gada « masseur >) Gadabê Gadadji
(A suivre.) E. Gibert.
EXPLICATION
M. A. Gampion, la langue basque et moi
Dans le numéro de juillet dernier de la présente
Revue (t. XXX III, p. 292), j'ai relevé comme il conve-
nait une affirmation de M.Campionqui me concernait.
M. Campion réclame aujourd'hui : il m'écrit que la
citation qu'il me prétait est exacte et qu'elle figure
dans un article publié par moi, en espagnol, d.ins la
Revista Euskara de Pampelune, 2° année (1879),
p. 145, lignes 39 et ss., reproduit à la p. 21 G, 1. t2^
et ss., des Mélanges de linguistique et d'anthropologie,
par A. Hovelacque, Kmile Picot et Julien Vinson
{Paris, E. Leroux, 1880, pet. in-8«).
Il suffît de se reporter à ce passage pour voir que
M. Campion n'a pas compris et ne comprend pas
encore ma pensée, ou ne veut pas la comprendre.
L'article dont il s'agit est intitulé : lil método cientifico
y la lenijua euskara; il était adressé précisément à
M. A. Campion, alors secrétaire de la rédaction de la
Revista Euskara, et avait pour but de répondre à un
compte rendu de ma traduction de V Essai de M. Hi-
— 83 —
bary ; ce coinple rendu, rédigé par un certain M. M.
Goroslidi de Saint-Sébaslieri, m'accusait formellement
de« bascophobie » et prétendait que je ne me préoc-
cupais que de « rabaisser les Basques etieur incompa-
rable idiome ».
Je répondis, naturellement, que je n'avais jamais
nourri d'aussi noiis desseins, mais que la linguistique
est une science positive et que l'enthousiasme des
« Bascophiles » était aussi lidicule qu'irraisonné. Kt
j'ajoutais: « Esta admiracion lodavia es natural en las
personas que no han estudiado màs que las lenguas
clàsicas, y â quienes no han sido ensenados los datos
y el.método de la ciencia moderna. Comparando el
vascuence cou el latin, el griego, el h*ancés y otros
semejantes idiomas, queda alurdido el escritor y le
parece contemplar un hermoso gigante al lado de un
diforme enano ; pero disminuye la alucinacion si le
compara con el hebreo, y desaparce por completo
cuandoenlran en la estera de la comparacion el hun-
garo, el japonés, las lenguas de la America, de la
Africa, y de las [ndias Orientales, y tambien si al
mismo tempo se examina el origen del lenguaje, su
pasado, su historia, su porvenir y su objelo. »
Ceci est net et précis, et je le l'écrirais encore au-
jourd'hui; le passage rapporté par M. Campion ne
devait pas être détaché de ce qui le précède et de ce
qui le suit; je n'y donnais pas mon opinion person-
nelle, je faisais voir à (luelle hallucination |»ouv;iit èti'e
— 81 —
exposé l'écrivain non linguiste qui parlait de la langue
basque. Il y a loin de cette indication au prétendu
aveu, au soi-disant témoignage que la vérité m'aurait
arraché.
En réclamant aujourd'hui contre ma protestation et
en prétendant nVopposer ma propre affirmation,
M. Campion a donc plutôt aggravé son cas. L'article
qu'il cite avait surtout pour but de démontrer la sottise
des gens qui vous qualifient d'ennemis parce que vous
ne partagez pas leurs préjugés ou leurs admirations.
M. Campion se range hautement parmi ces gens-là;
au surplus, on ne voit pas bien pour quelle raison il
m'a pris à partie, dans son exorde, lorsqu'il a eu à écrire
un article sur la langue basque. Ce qui est d'ailleurs
absolument inadmissible dans le travail reproduit i)ar
le volume de la Tradition basque, c'est cette pré-
tention de se poser en représentant de la linguistique
moderne entre les Basques et moi.
Je devais être d'autant plus froissé de cette altitude
et de ces allégations que le volume en question est
l'œuvre d'une coterie parfaitement organisée, dont le
but est très défini, pour qui la science n'est qu'un
prétexte, et qui a manifestement atîecté de me tenir à
l'écart et de ne pas me connaître. Passe pour cette
inconvenance, mais qu'on ne travestisse pas ma pensée
et qu'on ne prétende pas h l'infaillibilité. Les aveugles
n'ont pas encore été autorisés à juger souverainement
des couleurs. Julien Vinson.
MAX MULLER
La philologie indo-européenne vient de perdre un de
ses plus illustres représentants dans la personne de
M. MaxMûller. Ce grand promoteurde nos études réu-
nissait en lui les dons si rarement combinés du savant
méthodique et précis et du vulgarisateur aux brillantes
amplilications. Considérable est le nombre des ou-
vrages sortis de sa plume qui relèvent les uns de la
science pure et dont les spécialistes ont surtout à tirer
profit, les autres de la science élucidée et mise avec
un rare talent à la portée du grand public. De la
première catégorie dépendent avant tout V Histoire de
l'ancienne littérature sanscrite, l'édition du Rig-Véda
accompagnée du commentaire de Sâyana, la traduction
d'un grand nombre d'hymnes de ce recueille mémoire
célèbre sur la Stratification du langage, etc., etc. La
seconde consiste particulièrement dans ses premières
et nouvelles Leçons sur la science du langage, si bien
mises à la portée du public français par la traduction
de MM. Harris et Perrot.
Quelques-uns de ces ouvrages, et particulièrement les
éditions de textes, doivent aux soins qui les ont en-
tourés ainsi qu'à leur objet même une utilité dont ils
— 83 —
bénéficieront longtemps et à juste titre. On ne saurait
en dire autant delà traduction partielle du Rig-Védael,
en. général, des ouvrages de linguistique et de mytho-
logie du célèbre professeur d'Oxford. Le talent litté-
raire auquel est due la meilleure partie de leur succès
ne saurait l'emporter longtemps encore sur le caractère
essentiellement transitoire et précaire des théories dont
ils relèvent. D'une incontestable valeur, à l'époque où
ils ont paru, pour éveiller chez le lecteur le goût des
sciences qu'ils concernent, ils ont à l'heure actuelle le
grand tort de n'être plus au point; c'est un défaut ra-
dical et dont rien désormais ne saurait les guérir.
La linguistique et la mythologie de M . Max Mûller
datent d'avant les progrès delà méthode évolutionniste,
et jamais il ne s'est douté, à ce qu'il semble, que Dar-
win avait posé des principes destinés à agir sur toutes
les sciences, sans excepter celles à l'étude desquelles
son existence a été consacrée. De là, non seulement
une persistance extraordinaire de sa part à s'en tenir aux
doctrines les plus contestables et les plus arriérées
de Bopp en matière de linguistique, non seulement
l'adhésion à une théorie sur l'origine du langage
qu'aucun linguiste autre que lui ne saurait admettre,
non seulement une explication des mythes indo-euro
péens qui remonte en droite ligne à celle des brah-
manes de l'Inde ancienne, mais encore et à son grand
dam l'exposé dans ses derniers ouvrages d'une philo-
sophie fondée sur la linguistique dont il n'y a mallieu-
— 84 —
reuseinentrieii à retenir. Ici encore l'évolutionnisme,
qui aurait pu servir de Sésame ouvre-toi I a été tenu
pour nul et non avenu, et cette tare de la méthode
lait que l'exposé, d'un si grand intérêt, des rapports
réels de la logique et de la science du langage est à
reprendre à piedd'œuvre.
Cette part faite à la critique, il serait injuste de
terminer sans rappeler que c'est à l'initiative ar-
dente et au concours laborieux de M. Max Mûller que
sont dus l'entreprise et le. succès de l'inappréciable
collection des Sacred Books of the Easl.
L'illustre mort n'aurait-il que cette tâche à son actif,
qu'il aurait droit à la reconnaissance et aux regrets de
tous les orientalistes pour qui cette collection est un
inséparable et incomparable instrument de travail.
Paul Regnaud.
A l'article si impartial, si exact et si juste de notre savant
collaborateur, il me paraît utile d'ajouter un mot pour bien
marquer le caractère néfaste de l'œuvre scientifique de Max
Mûller. Au point de vue philosophique, c'était un dévot, un
pieux anglican, à l'esprit étroit et absolu. A un autre point
de vue, il était demeuré un parfait Allemand, et lors de l'inau-
guration, en 1872, de l'Université allemande de Strasbourg,
il donna une preuve de mauvais goût qui fut relevée dans
cette Revue comme elle le méritait par A. Hovelacque. Le
Gouvernement français ne le nomma pas moins comman-
deur de la Légion d'honneur en 1895.
J. V.
QUELQUES MANUSCRITS BASQUES BISCAYENS
Au couvent des Franciscains de Zarauz (Guipuz-
coa), on m'a permis de voir, le 20 septembre 1900,
quelques manuscrits basques qui y sont conservés :
I. L'original autographe du livre classique de la
Biscaye, El Doctor Peru Abarka, par Don Juan
Antonio de Moguel. Au commencement, au-dessous
du titre, on lit : a Este manuscrito esta donado por
D" Juan José de Moguel al Colegio de Misioneros
de la Villa de Zarauz y se entregara en mi falta inde-
fectiblemente. Unzueta. » Unzueta habitait ledit
couvent, et fut auteur de quelques sermons en bis-
cayen, qui ont été publiés par le curé d'Ochandiano.
Juan José de Moguel, mort en 1849, neveu et suc-
cesseur à Markina de Juan Antonio, fut lui-même
aussi auteur. Au revers de cette feuille Juan Antonio
a écrit : « Rusticus abnonnis sapiens crassaque Mi-
nerba. Horacio. El Rustico excelente savio, y la savia
Minerba mui estupida. » Bien des personnes, en
Biscaye, ont conservé des copies de ce manuscrit,
faites avant la publication de la première édition
(Durango, 1881). J'en ai vu quatre chez Don J. M.
Bernaola, prêtre à Durango. Ils offrent des variantes
du texte et de l'orthographe très intéressantes. La
deuxième édition de ce livre, qui mérite d'être mieux
— 86 —
connu et étudié, publiée par Don R, M. Azkue, à
Bilbao, en 1899, avec une traduction assez peu
exacte, indique que l'éditeur n'en a pas examiné criti-
quementle texte. Il s'est cru aussi permis de changer
Torthographe d'une manière que l'auteur n'aurait cer-
tainement pas approuvée. Le tilde a été inventé au
moyen âge pour indiquer l'omission d'une lettre,
comme en mùdu pour mundu, afio pour anno, Gui-
mardes pour Guimaraens . Mais M. Azkue l'emploie
avec s pour exprimer l'addition d'un son, pour faire
de s l'équivalent de sh ou ch. Tout le monde sait pro-
noncer sh. Il est inutile de mettre un signe inconnu
dans sa place . Qui peut gagner à cette innovation ?
A la page 15, M. Azkue répète le mot iaraozak que
Don Arturo Gampion, dans sa Grammaire, a rejeté
comme intraduisible. Le manuscrit de l'auteur le
porte bien : mais, dans certaines copies, on l'a changé
en jatorzak = me viennent, supposant que l'interlo-
cuteur parlait à lui-même en tutoyant. J'avais annoncé
cette correction, il y a trois ou quatre ans, dans un
journal du pays, et j'ai appelé là-dessus l'attention de
M. Azkue, lui-même. Il est vrai que, plus bas, p. 29,
on trouve iaraok que la note de M. Azkue explique
comme une variante de iagok. Le changement de g
en r est connu en basque, comme celui de /' en g.
Le moine biscayen qui m'a montré le manuscrit
défend la leçon iaraozak comme appartenant au verbe
egon. Dans ce cas, les paradigmes connus de ce verbe
sont défectueux. Peut-être est-ce une variante locale
de yadagozak ou de yoatazac. Des variantes de cette
espèce sont toujours à noter, mais non pas à repro-
duire dans le style littéraire.
II. L'original autographe de l'ouvrage précieux
intitulé : El Verbo régulai' vascongado del dialecto
vizcaitio, por Fr. Juan Mateo de Zavala (San Sébas-
tian, 1848). Cet auteur mourut dans ce couvent.
m. Trois manuscrits de l'écriture de P'rai Pedro
de Anibarro, qui naquit à Villaro (Biscaye) le 5 dé-
cembre 1748, et mourut dans ce couvent (alors col-
lège) en 1830. 11 a pu connaître Larramendi. Dans
son petit livre, Escu Liburua (Tolosa, 1827), duquel
Don Raimundo Abaroa m'a donné un exemplaire, il
confirme ce que le grand lexicographe d'Anduain a
dit sur la prononciation de la lettreyen basque espa-
gnol, c'est-à-dire qu'elle devrait être y comme elle
l'est toujours en labourdin. Les Basques d'Espagne
d'aujourd'hui lui donnent pour la plupart le son
guttural de la jota castillane moderne.
(A) Bici bedi Jésus ! Misionari Euscalduiia Cristi-
nau-Dotrina, ta sermôiaç Bizcai-errietan iracasten.
11 faut corriger Euscaldunak, nominatif du verbe
actif qu'on sous-entend avec iracasten, et traduire :
(( Vive Jésus! Le missionnaire basque enseigne dans
les pays de Biscaye, la Doctrine chrétienne et les
sermons. » Après ce titre, il y a une note ainsi
conçue : « Todas estas Doctrinas se trasiadaron, y se
pusieron en limpio en otro libro. A. Fr. Pedro Anto-
nio Anibarro, Zarauzco Colegio A. San Franciscoren
Ordecaco Misionisteac ateréac, tapredicatûac.Lenengo
Zatia, Bear dan léguez » c'est-à-dire : « Toutes ces
— 88- —
instructions ont été transférées^^t mises en ordre
dans un autre livre. Extraites et prêchées par le
Père Frère [sic] Pierre A. Anibarro^ missionnaire du
collège de Zarauz (il faut lire Colegioco eta), et de
l'Ordre de Saint-François. » Il consiste en six pages
sans numéros, suivies de 420 p. chiffrées. La dernière
porte la signature de Fauteur, qui a ajouté cette
note : « Esta obra del Misionero Bascongado comencé
en 5 de Die*' de 1808, dia' en que naci y compli
60 aïlos malempleados. Conozcoque nolapodré con~
cluir, y suplico à algun individuo de este Colegio la
continue, trasladando àeste manuscrito misDotrinasy
sermones de Misiones que los tengo enquadernados
en otro lil)ro tomo P. Dios sera su galardon. En un
tomo se pondran seguidas las Doctrinas, yen otro los
Sermones haciendo dos de uno, pues son largos. »
La cote de ce volume est Tabula XXVI. On en a
publié des extraits, avec force fautes d'impression,
chez Florentino Elosu à Durango. Le style d'Aflibarro
est bon ; son dialecte est celui d'Arratia.
(B) Sous la cote « Bibliotheca S. Joannis Baptistae,
Zarauz. Euskaldunak. Tabula NT », 464 pages inti-
tulées : « Voces Bascongadas diferenciales de
Biscaya, Guipuzcoa, y Navarra con la distincion que
las usa cada nacion, anotadas con sus letras iniciales
B. G. N.; y quando es comun à todas, précède una
G. Por Fr. Pedro Antonio de Anibarro, Misionero
Apostolico del Colegio de Zarauz de Menores Obser-
vantes, para el uso, y alivio de Parrocos, Predica-
dores bascongados. » La « Diputacion Provincial »
— 89 —
de Guipuzcoa a subventionné Timpres^sion de plu-
sieurs ouvrages qui méritèrent beaucoup moins la
■publication que celui-ci. Ce serait un Dictionnaire de
poche fort utile pour tous ceux qui voyagent dans
le pays basque-espagnol.
(C) Vici bedi Jésus! JESU CHRISTOREN lau evan-
GELiÔAC halerd alcarturic, D. Beniardo Lamyc da-
cavtzaii erara, ta A. Felipe Scioc erderatu cituan
léguez. A. Fr. Pedro Afiibavro, Zarauzco Colegio
A. S. Franciscoreii Ordeaco Misionisteàc eusqueratu
ditu. Azquenedii ifinten da Uvte guztico Jaietaco
Evaiigeliôen Idorogarri bat; ta bestebat jaquiteco
Bizcaico icéiieii adierantza Guipuzcoa^ ta Nafarroa-
raco oiiela libru santu veneragavriau guztien oiieraco
izaii dedin. C'est-à-dire : « Vive Jésus ! Les quatre
Evangiles de Jésus-Christ mis en rapport Tun avec
l'autre, à la manière dont D. B. Lamy les porte, et
comme le Père Philippe Scio les mit en castillan. Le
Père Frère [sic] P. Anibarro, le missionnaire du
Collège de Zarauz (il faut lire Colegioco eta), et de
l'ordre de Sainl-Francois, les a mis en Heuskara. A
la fin, se trouve un index des Evangiles des fêtes
de l'année entière, et un autre pour savoir la
signification des noms biscayens en guipuzcoan et en
navarrais (afin) que ainsi ce vénérable saint livre
soit pour le bien de tous. » Le tout consiste en
351 pages, dont la dernière porte la signature « Fr.
Pedro de Aflibarro ». Aux pages 338 à 343 inclus^
on lit le Glossaire qui suit :
« Bizcaico Iceiien adierantsa Guipuzcoan ta Nafar^
— 90 —
7'oan G. ta N. gaz adierazoric^ » c'est-à-dire : « La
signification des noms de la Biscaye en Guipuzcoan
et Navarrais, signalée par G. et N. »
Aguea, abea, viga.
aguindu : n. manatii : mandar.
aizta : g. n. aizpa : hermana de la liermana.
alboa, aldea : g. n. aldamena : lado.
alogiiera, bearsaria : jonial {bear=^ work; et saria
= the salary.)
amatau : g. itzali : apagar. (Liçarrague bas aina-
tigUy perhaps from mitiga in Latin).
aracatu, aratu : rastrear.
arbintasLina : ira.
ardura : arrêta : cuidado (Dans quelques dialectes
ardura signifie souvent).
area : g. ondarra : n. legarra : arena (Le latin
harena est-il parent du basque aie., are =: grain,
ou bien de arin = léger ?).
arerioa : g. n. etsaia : enemigo.
arrasteguia, arratsaldea : la tarde.
arraundu : remar.
■ arteztu, zucendu : enderezar.
asco : n. anitz : mucho.
asmau : n. sumatu : adivinar, discurrir.
asquea : g. estrabia : n. gambela : pesehre [Gam-
hela is from the Latin camara. In the Guipuzcoan
farm-houses the cattle occupy the ukuliiba (from
cubiculum ?), a véritable chamber adjoining the
dining-room of the family, into whose présence
they thrust their heads through oval holes eut
— 91 —
in a wooden partition called tresahia. This word
is probably a perversion of Gastilian presebe.
Askea is the trougji^ holding the fodder for the
oxen or cows].
astima : n. aidurra : pesado.
atartea, ataria : pointai.
atzea : n. giiibela : tras, atras [Atze dans certains
dialectes, signifie étranger. Quelques Basques
veulent mettre l'étranger ostean).
aubea : g. n. amaguiarraba : suegra.
aurrea : n. aitzinea : delante, delantera.
auspaz jarri : /?o5^/"«r5e.
autu, autatu : elegir (du latin optatum).
aztu : n. atzendu : olvidar.
azuria, bildotza : cordero.
aror : g. orra : ve liai (sic pour alii) [aror = arra
hor).
Bala, balea : ballena (pez).
barrua : g. n. barrena : interior, dentro.
bassen : g. n. baicic : tan.
basoa : n. oyana : monte.
batzarra : bilcimtza : congreso^ sinagoga, concilio.
bedarlucea : Ae/io, yerba larga [Bedar est une
variante de belar formé de be = bas & ar = ha-
bitant),
belu, berandu : tarde.
bertati, laster : n. sarri, fite : luego.
biguna : n. beracha : blando.
biguirea, g. gaubela : veladuria (From latin
vigilia. Gau-bela = night-watch, not night-
crow or black night).
— 92 —
biraldu, bidaldu : n. igorri : enviar,
biurtii : n. itzuli : volver.
boscocha : i^uda {yerba). (Diminutif du castillan
bosco"^).
Gelan : g. n. nola : como.
cemaitu, cematu : n. meachatu : amenazar, repre-
heiider.
centurion : euntaria {Sic. L'auteur aurait dû mettre
euntaria, centurion, à la lettre E).
cenzuna ijuicio, entendimiento .
ciapea : mostaza.
cizpurua : 5M5/?/ro'(Métathèse du castillan).
chanchadurea, levadura.
copaua : g. n . mocadua : bocado [bocaua = cobaua) .
Deunguea, donguea : g. n. gaiztoa : malo.
dendatu : esforzarse, aplicarse (du latin tentare).
domequea : n. igandea : domingo (Dommica).
Ecandua : g. n. oitura : costumbre (On a bifFé g. n.).
ecer, cerbait : n. deus : algo.
echaguntza : g. baserria : n. borda : cuserio.
echun, g. n. echin, etzin, recostarse.
edena, edendu : g. n. pozoia : veneno [vedeno ?).
edolabere : n. badere : a lo menos.
emparau : sobrar.
enzun : g. aditu : oyr (Du latin intonare).
erago : diardu : insistir, darle a ello.
eragotzi : g. n. debecatu : prohivir.
erbestea, deserria : destierro (de erri, pays, et
bestea, l'autre, i. e. alienus, ausland).
erdu, g. atoz, n. zato : ven tu (Variante de eldu).
— 93 -
eriegmûa, evreixl cirarvA : real de plata.
erraz, facil.
ernia : g. n. culpa.
erruquitu : g. n. urricaritu : apiadarse.
esan : n. erran : decir.
Escrivac ciran legueco jaquintsu letradûiiac [C'esl-
à-dire : Les scribes étaient les savants lettrés de
la Loi (de Moïse)].
escLidatu : defender (Latin sciitum, ou basque
esku= main),
estutu : n. ertsitu : apretar, y estu \alar.
ezaina, ichusia: cosa fea.
eztegua : g. n. eztaia : boda.
Fariseôac cirian azalezco sanlutasuna eracusten
ebeii guizonbatzuc, bana biotz cliarrecôac ta gaiS'
tôac [C'est-à-dire : Les Pharisiens étaient des
hommes qui étalaient la sainteté de croûte (super-
ficielle), mais de cœur mauvais et méchants].
Garaua: g. aléa, n. picorra, bia: grano.
garbitu: n. chaulu : limpiar.
goiartu, goitu : g, n. gallendu', garaitu : vencer.
gorrotoa: g. gaistzerizcoa, n. etsaigoa : odio.
goxuetan : g. ardazquetan egon : hilar.
gueitu ; n. berretu : aumentar.
gueratu, guelditu : quedar.
gura izan : g. n. nai izan : querer.
guiarraba : g. n. aitaguiarraba : suegro.
Hortua : g. ti. baratza : huerto.
1. Probablement une manière d'écrire ^a^e«rfa. ya\v\xBallona
pour Botjona.
— 94 —
hipocrita, virliite fingitzallen {Sic. L'auteur aurait
dû le mettre au V et le castillan après).
Ichi : g. n. utzi, ichi : dejar\ y cerrar.
icoa^ : g. n. picoa : igo^ iguera [Sic, en omettant le
h initial, du latin ficus).
idunà ; g. n. lepoa : pescuezo.
idumbaguetu : g. n. lepobaguetu : degollar.
imilauna : g. lacaria : 16" parte de unafaiiega : algo
nienos que celemin.
inarrea : g. erratza : escoba.
iraindu : agriarse^ enojarse.
irazarri : g. ernatu : despertar .
irme', irrime ; sendo : fuertemente.
istanda : n . lerre eguin : reventar.
itandu : g. n. galdetu : preguntar .
itundu : convenir en palabra.
iustura, inustura, oneztua : g. chimista : relampago
izarea : g. n. mandira : sabana (d'où Samana).
Jagon', jaon, zaindu ; g. n. zaitu : cuslodiar.
jagui : g. jaiqui : levantarse.
jaramon ez : no hacer caso.
jarri : g. eseri : sentarse (On prononce esheri à
Tolosa et San Sébastian),
jausi : g, erori ; caer (J'ai entendu dire jausi dans
le sens de sauter).
jazo, guertatu : acaecer^ suceder.
Lagunquidea : légion (Il se trompe : lagun et guide
1. Du \dLi\r\ firme.
2. Probablement une variante de ichadon, ichagoiu icharon
a=ï attendre, aguardar .
— 95 —
(de ki, kin = avec) sont des synonymes, signifiant
compagnon^ copain^ camarade. Lagunquidea signi-
fierait donc « le compagnon (de) compagnon ».
Adizkidea =^ \e cdLiVidiVSiàe d'esprit, i. e, Tami. Aur-
hide ou aurkide = compagnon (comme) enfant, i. e.
frère ou sœur. Kide^ hide n'est usité que comme
adjectif postpositif. Laguii est un nom substantif),
lapicoguillea : g. n. eltzeguillea : ollero.
laquetu : pennitir (Du latin placet. Dans une épi-
taphe du XIIP siècle au Musée municipal d'An-
gouléme, on trouve placet et plaqet dans la
même ligne),
larga : n. utzi : dejarlo.
laumarai : un quarto^moneda (i. e. 4 marais = ma-
ravedis).
lauonecoa\ charria : g. ganaubeltza: marrano.
léguez : g. n. becela : como. (i. e. par règle de),
lolloa . bedar charra : zizafia.
lotsa, lolsatu : n. alquea, alquetu : avergonzarse.
lucurerua: logrero, usurero.
lupetza : g. loia : lodo.
Maraia : maravedi.
mastia : n. ardantza: vina [Valmaseda in Biscaya
= Valley of villes. The name still describes the
place. Matzeta ou malz-dia = quantité de
vignes),
miesea, euna ; lienzo.
1. Litt. : celui de 4 pieds, le (luadrupcdc.
2. Le latin lolliuni.
— 96 —
muwR '. collado (Talvez aqiii tengamos el etymon
de Mun[d)aka en Biscaya. Cf. : ale-k(i).
magiiina : vaina (Du Latin vagina par v z=z b = m).
Nebea: hermano de la hermana.
Obetandiia : /?e//êc/o (i. e. better-ed, best-ed).
opa : g. n. esqiieni : ofrecer.
oratu : g. n. ichasi : asir {cÂ. orain solvere).
osatii : g. n. sendatu : saiiar [seiida vient-il de
saiiare ? a Biseayen = e en Giiipu/.coan idaiis
maints mots),
ostean, atzean, n. giiibelean : tilras.
ostii : n. ebatsi : Jiurtai'.
otseiïa : g. n. mirabea: criado^ sirvieiile.
otzarea : otarra : ceslo.
Publicanôac cirian errendatzalleac, edo liicurerûac,
edo becatari aguiriac. C'est-à-dire : « Les Publi-
cains étaient les collectionneurs de revenus, ouïes
usuriers, ou les pécheurs manifestes. »
Salatu: «c«5«/', delatar.
satza ; g. cimaurra : n. ongarria : fieino, estiercol.
seina : g. n. aurra : n. seia : iiiTio.
soindun: g. n. aurdun : e/n ba ta zada {Litl. : qui
tient enfant, 'cliild-holder) .
seinguea : g. n. aurbaguea : esierii [gea est le rac-
courcissement de bagea =le sans. Cf. don-gea).
sartaldea: occidente (literally the enlry-side).
sortaldea : oriente (literally tlie exit-side).
sustraia: n. zana : raiz (métathèse de zur-tzana).
La Décima-Tercia edi(ùôn deL Diccionario de la
Lengua Gaslellana por la Real ;Vcademia Espa-
- 97 -
iiola (Madrid, 1899) dice que « Zanahoria viene
de «j«/io/7'«y significa iina ralz amarilla » y que
azaiioria se dériva de izfeneria, palabre Arabe.
Los Alemanes traducen esta palabra, que se pro-
nuncia muy à menudo zanoria^ por Mohr-riibe
= nabo de Moros, perô si tambien por gelbe-riibe
= nabo-amarillo. Este Diccionario no es infa-
lible. Dice por exemplo que agur 6 abur se dé-
riva del Turco en vez del Vascuence agur ô del
Latin augurium^ y que cuidar se dériva de
^urare^ aunque cada cura podria saber que es
una contracciôn de cogitare. Propongo el Vas-
cuence zuTi, zaifi = raiz y oria = la amarilla
como etymon del nombre Gastellano de esta
legumbre. Zairl oria ■= la raiz amarilla. \.
Pallet en ^n Diccionario (Paris, 1604) dice a Car-
rote ^ zanahoria ».
Taldea: rebafio.
Verbea:g. itzarn. mintza, mintzoa : palabra [mini-
zoa pour mintzura).
Ugazaba : g. n . nagusia : amo.
uguerra : g. erdoia : rofia.
ulertu : comprehender, advenir.
ur, urrean, urreratu: g. n. urbil, urbildu : acerca^
acercarse ,
urrin : g. n. urruti : lejos.
uriola, urjola: g. ugoldea: diluvio.
urten: g. n. irten : n. atera: salir.
Zaina, zaindu : g. n. zaia, zaitu : custodiar (La ra-
cine garde la vie de la plante).
Beste icen batzuC dira berez ezagùnac (c'est-à-dire
7
- 98 —
il y a quelques autres mots que l'on reconnaît par
eux-mêmes): alcar, elcar: bardin, berdin: azurra,
ezurra : ebagui, ebaqui : emon, eman : idigui, idi-
qui : gâcha, gaitza : acha, aitza: jagui, jaiquî:
baltza, beltza : narrua, larrua : soloa, soroa:
ucatu\ icutu : uUea, illea.
Les Pères Jésuites de Durango ont le manuscrit
anonyme d'une grammaire basque inédite.
« Reader. But who is he that hath thy books repard,
And added moe, whereby thou art more graced?
Chaucer. The sclfc same man who hath no labor spard.
To helpc what time and writers had defaced :
Ande made old words, which were unknown of many,
So plaine that now they may bc known of any. »
(Speghts Chaucer, 1598).
Edward Spencer Dodgson,
Paris, 23 octobre 1900.
P. -S. The Biscayan Grammar, Vocabulary, and
BiLiNGUAL Dialogue of Rafaël Nicoleta
Since my article upon this work was published
in the Sl***^ volume of La Revue de Linguistique, some
newfacts concerning its origin hâve beendiscovered.
Doctor Richard Garnett, who was then Librarian of
the British Muséum, wrote to me in February 1899,
enclosing a copy of a letter addressed to Sir Tho-
mas Browne of Norwich in March 1661 by Samuel
St Hill. This letter, numbered « Sloane 4062.
f. 147 » in the British Muséum, was discovered by
M' Scott, who is assistant librarian there. The let-
1. Veut-il dire ukitu f ukatti signifie nier.
— 9d -
ter was published bj me in Notes and Queries, Lon-
don, on the 18"^ of Maioh 1899. It Pefers to our
author by the name of N/coleta, as I was myself iii-
clined to read it when I first saw the manuscript in
1897. A few months ago I saw a récent manuscript in
Biscaya in which an initial N had a great resem-
blance to an M. Sainthiil says that the MS had been
lying at Exeter since aboiit 1654, that thé author was
the only poet in Biscaya, that his « Dialogues (though
only the first of them has survived). . . are the same
n'ith those in Minshewes Dictionary ». In ail copies
ofthe 3 prinled éditions of the Modo Brève, and in
ail catalogues in which it is mentioned, the authors
name must perhaps, therefore, be written Nicoleta
hence forward. Some mention of him may be found
in the archives of the City or Ghurches of Bilbao.
Don J. M. Bernaola, a priest dweliing at Durango,
wrote to me as follows : « En el libro de la Gofradia
de la Piedad de la parroquia de Santiago en el aflo
1631 aparece como cofrade el Licenciado Micoleta. »
So it is dou])lful therefore if he is M or N. It may
be that Saint Hill in his letter was writing from me-
mory, & at the end of some years made a mistake
about the initial letter of the poets name. Some part
of the Modo Brève is in Saint Hills writing. Ile himself
States that he perfected it. Further on he speaks of
dialogue in the singular number. The Spanish text
ofthe Dialogo Primero, which the author evidently
meant to hâve successors. as he introduces it with
the leading dialogos in the original, is to be found
at the beginning of the « Pleasant and Delightful
- lÛÛ -
Dialogues in Spanish and English etc. by John Miii-
sheu Professer of Languages in Londoti, Printed
at London by lohn Haviland for Edward Blount.
1623». This work will be found at the end of « A
Dictionary in Spanish and English: London, 1623 »
by the same author. Of this volume a copy may be
seen in the Bibliothèque Nationale, Paris, with the
cote « Inventaire Réserve X 258 ». It would be a
good exercise for some Biscayan clergyman to
translate the rest of Minsheus dialogues as well as, if
not better than, Nicoleta did the first. But the Bis-
cayans hâve not yet translated the only good poet
that Biscaya lias produced, Ercilla, who wrote in
Castillan, as D. ArturoCampionhas remindedtherea-
ders of the latest volume of Biscayan poetry entitled
« Felipe Arrese ta Beitiak Eginiko Ama Euskeriaren
LiburuKantaria.Bilbon. José Astuy-ron Moldetegian
1900 an », published in October. In this the author,
besides committing a few grammatical blunders, (^i:
placing his grief for his wifes death in his stomach
[sabelan)V states that Basque is an 'unaccented lan-
guage! An inspection of Nicoletas manuscript^ or of
many of the old printed books in Basque, would
1 . From Basquish Sabcl = hellfi cornes the name of a big
belliet fish that fréquents the coasts of Portugal and Spain,
peroaps also, sabela = una especie de gusano, rechrded in the
Dictionary of José Cabs^llero.
2. Since described this manuscript in the R. de L. it has been
■ honoured by being placed in a separate binding. M. Owen Brig-
stocke, whose book-plate it contains, was the son-in-Ia^ of Sir
T. Browne, the well-known author, to whom M. S. S' Hill sent
it* From the coat of arms on the seal of this gentlemans letter
— 101 -
convince the best living Biscayan bard that he wsa
niistaken. It appears that the Barcelona édition of
the Modo Brève is biitthe 2"^ I foundthere last siim-
mer a brochure of 91 pages, produced (as a note at
the foot of p. 2 imbooks), at the « Imp. yLibreria de
Y. Dorca. Gerona, 1880 ». Page 1 bears the title.
Modo Brève, para (sic) aprender la lengua Viscayna.
In this publication, which may be seen at the British
Muséum, Nicoletas work occupies, pages 1-37. P. 38
is blank. There foUowtwo pages of Erratas y E.vpli-
caciones. Pages 41 to 91 contain a Suplementos al
Diccionario trilingiie del P. Larramendi, escritos
en 1746 por el P. Fr. José de Maria Carmelita Des-
calzo ». P. 41 bears this heading & a brief introduc-
tion signed Fidel Fita. The same signature closes
the book on p. 91. Fromthe manuscriptofFriar José
de Maria, better known by his secular name Ara-
quistain, still existing in the Library of the Royal
Academyof History at Madrid, a useful supplément
to the Dictionary of Anibarro might be compiled. It
has been published, with some inaccuracies, by
Don R. M. Azkue, in his review Euskalzale which
was suppressed owing to the opposition of the civil
Governor of Biscaya.
Edward Spencer Dodgson.
Paris, 23 November 1900.
to Sir Tboraas it may be possible to identify his family. By
« Heyling » M. S' Hill referred not to Hayling iland, but to Peter
Heylyns Mixpô/.orr[jio; (Oxford, 1625, etc.) and Cosinoc/rapliic
(London, 1652, etc. in which there is a curions description of
Biscaya, Guipuscoa and Navarre.
BIBLIOGRAPHIE
D' Alfred Mercier. Étude sur la langue[créole en
Louisiane {S. t. 1. ni d.), 19 p., pet. in-8°.
Cette petite notice, qui doit être fort rare et fort peu
connue, est extrêmement instructive. L'auteur y
expose d'abord comment se sont formés les patois
créoles. Le Nègre d'Afrique, débarqué dans nos vieilles
colonies françaises, s'est trouvé en présence de gens
dont il lui fallait impérieusement exécuter les ordres:
il a donc mis toute son attention à écouter, à deviner,
à comprendre le langage de ses maîtres, et pour leur
répondre, il a fabriqué, autant que le lui permettaient
ses facultés natives, un idiome artificiel que les maîtres
apprirent aussi pour plus de commodité. Les enfants
de la maison, nourris et soignés par les Négresses,
parlèrent créole avant de parler français. Le créole
franc.o-louisianais se parle encore à la Nouvelle-Orléans
et dans les campagnes environnantes où l'anglais
cependant commence à l'attaquer vivement. Mais, par
parenthèse, quelle preuve nouvelle de la puissance
colonisatrice de la France!
Le Nègre, comme cela est naturel, simplifie la gram-
— 103 —
maire. Il supprime le verbe être et dit mo contan « moi
content », pour «je suis content » : il évite également
avoir: H pa peur « lui pas peur », pour « il n'a pas
peur » ; il n'a pas besoin de prépositions ou de con-
jonctions : ma lé di Madam vou la « moi aller dire
Madame vous là, » pour « Je vais dire à Madame que
vous êtes là »; il assimile fort logiquement le génitif à
l'adjectif, et dit mézon docter pour « la maison du
docteur ». M. Mercier signale le fait bien connu de
l'article incorporé dans le nom ain larue « une rue »,
mo labouche « ma bouche », et il rappelle fort à pro-
pos nos lendemain, lierre, luette; les Algonquins
avaient ainsi pris le mot mon chapeau pour désigner
un couvre-chef quelconque et, dans le basque vulgaire
de Saint-Jean-de-Luz, on dit couramment maseurak
« les ma-sœurs, les religieuses ». M. Mercier signale
aussi, au point de vue phonétique, d'intéressantes
métathèses : dromi « dormir », garli « galerie »; il
note la chute du r: apé « après », la simplification de
UQW i : torti « tortue », de eu en è, et de / en z après a,
oUy é: manzé « manger », zalon « jalon », etc. Les
mots de plus de trois syllabes sont réduits : baracé
pour « embarrassé », blîé pour « oublier ». La pos-
session est indiquée le plus souvent, non plus par
l'adjectif possessif ou par le génitif, mais par le datif:
ziés à moin « mes yeux ».
M. Mercier a plus particulièrement étudié le verbe ;
mais il émet cette assertion trop souvent répétée et
— 104 —
inexacte qu'à proprement parler il n'y a qu'un seul
verbe, être. Ce n'est pas le lieu de montrer que cette
conception est absolument fausse. Mais, il faut retenir
que le Nègre, supprimant et réduisant les formes
grammaticales, employant l'infinitif comme thème ver-
bal unique, le prend nécessairement pour indiquer le
passé, qui est le temps le mieux défini, et compose le
présent et le futur. Pour le présent, il procède à la
façon de l'anglais, mais use d'une préposition au lieu
du participe présent : je suis après dîner {après ayant
le sens de à même, occupé à) pour « je dîne » ; pour
le futur, il prend l'auxiliaire aller : « je chanterai »
s'exprime par « je vais chanter ». De sorte que les
trois temps seraient : mo apé dinin « je dîne » , mo vint
« je suis venu, je vins » et mo va chanté « je chan-
terai » ; mais, pour plus de facilité, les formes se
contractent et l'on a mapé dinin, mo vint, ma chanté.
C'est très suffisant. Pour la première personne plu-
rielle de l'impératif, il emploie un auxiliaire spécial,
anon « allons » : anon hoi « allons boire, buvons ».
La brochure se termine par un conte en créole,
suivi d'une traduction française littérale : le mariage
de la tortue qui a vaincu le chevreuil à la course. J'y
relève quelques mots intéressants: tchor «cœur »,cila
« celui-là », chivreil « chevreuil», nouite « nuit », son^
g lé, jonglé, «réfléchir» popa «papa, père», ow^oie «vous,
vous autres », cocodri « crocodile », zavoca « avocat »,
kichoje « chose, quelque chose », nizote « nous, nous
— 105 —
autres », ki poti fé « quoi pour faire, ce qu'il y a à
faire », mékié « métier », dolo «l'eau », diyor
«dehors », aïen « rien », etc. Je remarque aussi le cri
go « allez ».
Dans le curieux recueil de proverbes créoles, Gombo
zhéhes publié à New-York en 1885, M. Lafcadio Hentz
recommande le roman créole de M. le D' A. Mercier,
lea Saiiil-lbars ; j'ai le regret de ne pas connaître cet
ouvrajjfe. Julien Vinson.
G. F. Abbott, B. A., Songs of modem Greece, with
introductions, translations and notes.. . Cambridge:
al the IJniversity Press. 1900, xii-308 p., in-8°.
Prix : 5 sh.
M. Abbott otïre au public, en un volume élégant et
joliment imprimé, une série de chansons populaires
grecques, traduites et commentées, qu'il a lui-même
recueillies, dans un récent voyage en Orient. Sa prin-
cipale source paraît avoir été un certain Barba Stèrios,
vivant à Salonique. Le Père Stèrios, nous dit M. A.,
était aveugle et vieux, tout comme Démodocus. Mais,
moins heureux que son prédécesseur de l'Odyssée, ce
barde n'était pas l'hôte des rois ; c'était seulement
devant des gens de basse condition, qu'il chantait
les xXéa àvâpwv, en s'accompagnant d'un instru-
ment, qui rappelait la XOpa classique, par sa forme
et par son nom. Cette lyre n'était sans doute qu'un
vulgaire bouzoùki, et le nouveau Démodocus ne
— 106 —
différait pas, j'imagine, des innombrables musiciens
ambulants, qu'on rencontre en Grèce et ailleurs. Pen-
dant que, toutentier à ses souvenirs homériques, M. A.
s'efforçait de recueillir les vers qui tombaient de la
bouche de cet aède, le Père Stèrios songeait: « Un
Xépâoç! Bonne affaire! Il faudra que j'augmente mon
répertoire. »
Le soir, en rentrant chez lui, le Père Stèrios s'em-
pressa de chercher ou de faire chercher, dans des
livres, les chansons qui pourraient plaire au Xôpôoç,
et, comme le Père Stèrios avait du goût, il lui ap-
porta, entre autres choses, un fragment de Valaoritis\
ks Deux Fleurs de J. Typaldos' et Nnconnue de Solo-
mos', que M. Abbott eut le tort de ne pas reconnaîlre.
L'extrait de Valaoritis lui arrache même ce cri d'admi-
ration : «Il y a, dans cette pièce, une profondeur et une
sincérité de sentiment, qui en font une composition
remarquable; sa pureté etsaïraîche simplicité dénotent
un produit authentique de la muse populaire non
sophistiquée (unsophisticated). »
Où le Père Stèrios a-t-il trouvé ces quelques poésies?
Assurément pas dans les ouvrages mêmes des auteurs.
Les œuvres de Solomos, de Valaoritis et de Typaldos
1. Abbott, p. 164-167; 'Apiux. BaXatopÎTou Hoiï^fJ^aTa, Athènes,
1891, t. 1, p. 211-212.
2. Abbott, p. 116-119; Uoi-^^azot. oiaçopa 'louXîou TuTrâXoou,
Zante, 1856, p. 107-111.
3. Abbott, p. 128-131 ; "A-rrotvTa Atovuaîou SoXiojjioù, Zante, 1880,
p. 128-129.
— 107 —
ne courent malheureusement ni les salons, ni les cam-
pagnes; le Ka^afjitaç (Almanach) de l'année, l"Ov£i-
poxptT7)ç (Clé des songes), T'EpcoTÔxpiToç et quelques
anthologies, plus ou moins bien faites, constituent à
peu près toute la nourriture IntelieclueMe des gens du
peuple, en Grèce. Remarquons, d'autre part, que, dans
le livre de M. Abbott, nnconnue de Solomos est re-
produite avec des fautes: v. 10, t' cbpata xàXXT), au
lieu de Ta (bpata tou xàXXr) ; v. 18, )(tiXioi, au lieu de
yeika rimant avec (pùXXa; v. 20, poôaviôtç, au lieu de
poôaptâç; v. 24, utéXvei, au lieu de aTépvst; v. 25,
(xaXXicov = (jLaXXicbv, au lieu de pLaXXtwvs; enfin, deux
vers ont été supprimés dans la dernière strophe, ce qui
la rend incompréhensible. Or, je trouve la même
pièce, avec les mêmes fautes, dans une anthologie po-
pulaire, publiée en 1898, à Athènes'. Nous sommes
sur la voie. Si ce n'est pas cette anthologie, qui a servi
de type, c'est du moins sa proche parente.
Prenons maintenant les autres chansons recueillies
par M. A. Le n** 1 (p. 18) se retrouve, depuis le
titre jusqu'au dernier mot, dans cette même anthologie,
p. 124; le n° 2 aussi, et dans les mêmes condi-
tions (Abbott, p. 22; Nicolaïdis, p. 123); le n° 3
aussi (Abbott, p. 26; Nicolaïdis, p. 122); le n° 5
1. 'itoâvvo'j NixoXaioou 'EXÀtqvixtj àvOoXoYia tJtoi SuXXoyf, zio^
iXXTfjvtxôJv âafjLâxwv, èv 'AOv/atî. TuTzo'(Çia.^z~.ow xal ^lêXiOTOoXsïov
'Iwivvo'j NixoXaîooo, 42, ôoô; Upa^ixÉXoo;, 1898, 8-500 p. in-8". Sur
e titre est le portrait du général Smolenski.
~ 108 —
aussi (Abbott, p. 34; iNicolaïclis, p. 120). De même
pour le n" 6 (Abbott, p. 38 ; Nicolaïdis, p. 123);
pour le n°8 (Abbott, p. 48; Nicolaïdis, p. 117,
avec un nom d'auteur: G. Kastriotis Skenderbey);
pour le n" 9 (Abbott, p. 34; iNicolaïdis, p. 84).
Et non seulement les titres et le texte sont identiques,
mais l'ordre des chansons a été à peine interverti. Je
pourrais poursuivre cette énumération, mais j'aurai
plus vite fait d'indiquer quelles pièces ne sont pas
communes aux deux ouvrages. Ce sont, pour la pre-
mière partie, les n°' 4, 7, 11, 12, 13, 14, et,
pour la seconde partie, 4, 7, 11, 16 (deuxième pièce),
19, 20, 22, 25 à 35. Les cent distiques, qui forment le
n" 36, sont tous, mot pour mot, dans ladite antho-
logie. De ces numéros il convient de retrancher 11 et
12, puis 7, 11, 19, 20 et 22, que je retrouve, intégra-
lement aussi, dans un autre recueil similaire', aux
pages 178, 190, 509, 336, 498, 501 et 507. Restent
donc les n°" 4, 7, 13, 14, puis 4, 16 (deuxième
pièce ; en langue savante!) et 25 à 35, dont les livres
que je possède ne me permettent pas de préciser l'ori-
gine.
La plupart de ces chansons ont été reproduites avec
une telle exactitude par M. A., qu'elles ne peuvent pas
avoir été récitées. Non seulement tous les mots sont
pareils, mais, lorsqu'il y a. dans l'original, une faute
1. 'AvOoXoY'a TTOiYjtix-fi -^'toi SuXXoyrj exXexTwv âaijLâ'tWv ûizo N ■
MtyaXoTTOjXou, Athènes, 1888, '.ç'-544 p. in-8".
— 109 —
contre la phonéliqne du grec vulgaire, ce qui arrive à
chaque instant, cette faute est scrupuleusement répétée
dans le volume de .M. A.: Nicolaïdis, p. 12â, 1. 1,
xal (7Tà jBouvà ^= Abbott, p. 34, 1. 12, xat 'ç xà jBouvâ;
mais Nicolaidis, p. 123, 1.10, x' sic Ta (3ouvà = Abbott,
p. 38, 1. 10, x'sîç Ta j3ouvà. Les faits de ce genre sont
innombrables. Voici les deux premiers distiques de
M. A. et les distiques correspondants de Nicolaidis :
Nicolaidis, p. 443 :
'AyâiTT,(ja -'àTtôÀauaa ! xovte'jw v' aTToOivco,
Kaî aj 6à t,<j' Tj àtpopjJiTj, ttoù xr^v ^wrj jjlou J(^âva).
Abbott, p. 212:
'AyâTnrjffa t' àjrôXauaa ; xovtîuw v' àTToOâvoj,
Kat ffù 6à fja' •/] àœopiJiTj 'tco'j ir^v Çw/j jxou yi^Ko.
Nicolaidis, p. 444 :
"AyY^^^'J^ ^■'^' "^o'J? oùpavo'j; porjOàTÉ. [jie x' £[xiva,
Hou avai^a xal •/,atoi>]JLat y^^ ^Évr^^ ;j.àvaî 'Yévva.
Abbott, p. 212 :
"A^YÊ^ot aTr' 'zo'jç oùpavo'ji; por)Oâxc [jl£ vC £[jt.£(va),
'Hoù avai^^a xxl xaiou[j.at 'là $£vr,ç {Jiâvaî ^(hvoi'.
Dire de mémoire des chansons grecques, avec une
précision aussi mathématique, constituerait un tour de
force, qu'aucun Grec n'est capable d'exécuter. Chan-
sons et distiques ont été copiés.
— 110 —
Je ne suspecte pas la bonne foi de M. A. S'il avait
lui-niême emprunté ces chansons aux anthologies dont
j'ai parlé, il eût, j'en suis convaincu, indiqué ses
sources, et, en tout cas, il n'aurait pas considéré le
Ii7){ji,avTpov de Valaoritis comme un chef-d'œuvre de
poésie populaire, puisque, dans les deux anthologies ci-
tées, cette pièce de vers est précédée du nom de l'auteur.
D'autres détails, delangue principalement, sur lesquels
je n'insite pas, me confirment dans cette opinion. Ce
serait donc le pseudo-Démodocus, qui aurait induit en
erreur M. A., en lui offrant de lui faire transcrire, pour
plus de commodité, les morceaux de son répertoire.
Pouvons-nous le lui imputer à crime? Je ne. pense
pas. Le Père Stèrios n'entendait rien à nos finesses
scientifiques. On lui demandait des chansons, il en a
donné. C'était pour lui une question de commerce;
en bon marchand, il n'a pas été assez sot pour dire
d'où il tenait sa marchandise. Son admirateur a-t-il
même songé à le lui demander? Il est heureux que
M. A. n'ait pas entrepris de recueillir des contes popu-
laires. On lui aurait servi, avec les meilleures inten-
tions du monde, toutes les Mille et une Nuits; car elles
aussi, sous le nom de t] XaXtpLa, courent les villes et
les villages, en éditions à bon marché.
Dans cette affaire, le client a péché par naïveté et
par inexpérience. Il n'est pas besoin d'être grand clerc
en grec moderne, pour distinguer une chanson po-
pulaire d'une autre, qui ne l'est pas; la langue, à dé-
— 111 —
faut du sujet, est un excellent critérium. Une strophe
comme la suivante (Abbott, p. 108):
'\ï navayta [Jiou, xa(jL£ xo Oa'j;jt.a
Kaî va <i£ xdtjjLU) sva àpvt,
"OX' àoTrjfxévto' va lo >cp£|aâ(TW
E?ç TTjv £'.y.ôva crou ttj asTiiï^,
ne peut être qu'un pastiche, puisque GaOfjia, sva âpvî,
siçTYjv, sediraient, en grec vulgaire, Gâfjia, ëv' âpvî, (jtyjv,
et que ceuTT) n'est populaire ni au point de vue pho-
nétique, ni au point de vue lexicologique. Quand un
paysan vous récite une strophe semblable, il est cer-
tain qu'il n'a pas compris ce que vous réclamez de
lui. Si vous n'êtes pas à même de le lui faire immé-
diatement observer, vous vous exposez à des mé-
comptes.
Malheureusement pour lui, l'auteur ne possède que
des idées nébuleuses sur la grammaire du grec actuel.
Son orthographe se ressent de celte insuffisance de
connaissances précises, etpasn'étaitbesoin, pourédifier
le lecteur, d'étymologies, du genre de celles-ci :
(jiaXXcbvco^ se quereller, de (xaXXov, plus; ■Kou'ki, oiseau,
de l'italien «polio », poulet; yàïâapoç, âne, de àyav
ôépco, frapper trop.
Les chansons, qui composent ce volume, m'ont paru
traduites avec élégance et précision, autant du moins
que j'en puis juger. J'ai cru cependant y relever
quelques contre-sens : x^P<^ (P* ^^' ^'- ^) = ^*^'<^» ^t
non plaine; aîôepa (p. 48, v. 4) =^ fer en général, et
— 112 —
non mors; ^uy^oyiôç (p. 76, \. Il) = fils adoplifel
non lieutenant; vepôêpacToç (p. 120, v. 12) = cuit à
leau, ei non à demi mil; uaXafjLt^co (p. 148, v. 13)
= es pal mer, caréner, to careen, et non gréer ; -Kcn-zepô
(p. 1 70, V. 12) = poutre, solive, et non pétrin; uxpoOyya,
(p. 178, V. 10) = enclos. Corriger: p. 136, v. 15,
aaÔTïCùGBç en crxÔTwas;; p. !224, v. 1 , [xè en aè; p. 234,
V. 13, ^UV£piaTOÛ(Jl£ en ^£(Tl»V£ptaTOÛ(J.£.
Hubert Pernot.
La Chi/lrocryplographie à transmutations numériques
variables, par Emile Delage. Paris, McM,pel. in-12
de 64 p .
Vers 1856, mon père, Conseiller auditeur à la Cour
de Pondichéry et en même temps Conservateur de la
Bibliothèque publique et des anciennes archives de
l'Inde française, me montra deux ou trois alphabets
singuliers formés de chiffres, de lettres et de signes
divers qui constituaient ce qu'on appelle, en diploma-
tique, un chiffre. Cet alphabet avait servi à la corres-
pondance secrète de Bussy avec Sufîren et avec les
commandants des divers détachements envoyés dans
le pays. Je pris là le goût de la cryptographie que
développa peu après la lecture du Scarabée d'or d'Ed-
gard Poë. Mais, depuis, d'autres études ont absorbé
mon attention, et j'avais un peu oublié l'art de cacher
la pensée sous des symboles conventionnels et l'art,
plus intéressant encore, de déchiffrer les écritures se-
— 113 —
crêtes. Il y a cependant une certaine analogie entre ce
déchiffrement et la lecture des inscriptions en langues
inconnues. Dans l'un et l'autre cas, il faut avant tout
découvrir ou retrouver la base, la clé du système.
J'ai longtemps cru que le procédé du tableau de
Vigenère, celui qui consiste à transcrire les mots
lettre par lettre à l'aide d'un mot conventionnel inscrit
et répété au-dessus de la phrase à cryptographier, en
procédant comme pour la recherche d'un produit dans
la table de Pythagore, donnait un résultat absolument
indéchiffrable. Mais voici que j'apprends, par la très
intéressante brochure de M. Delage, qu'il n'en est
rien et qu'on arrive parfaitement à lire cette écriture-
là. Il fallait donc trouver mieux. M. Delage l'a cherché,
et il me semble qu'il y a réussi.
Ce qui plaît tout d'abord dans cette brochure, c'est
son caractère méthodique. L'exactitude des faits et la
sûreté du procédé sont garanties par la netteté des dé-
finitions et la précision des appellations. L'auteur dis-
tingue d'abord, comme il convient, la littérocryptogra-
phie et la chif/rocryptographie, celle-ci étant à ses yeux
bien supérieure à l'autre à tous les points de vue. Son
système consiste dans l'emploi des cent premiers
nombres, écrits de 01 à 00, et correspondant aux
lettres de l'alphabet ainsi qu'à un certain nombre de
Syllabes et de petits mots d'usage courant {an, ble, et,
oui, lion, vous, etc.) : la correspondance des chiffres et
des lettres ou syllabes forme un tableau que M. Delage
— 114 —
nomme le transmutographe, et dont chacun peut à
sa convenance personnelle, intervertir les éléments.
Avec une clé conventionnelle aussi longue et aussi
fantaisiste qu'on voudra, avec un transmutographe
ainsi variable, on peut défier les curieux les plus
obstinés. Au surplus, on peut compliquer la corres-
pondance, en employant une orthographe simplifiée,
phonétique, irrégulière.
Quand on a transmuté sa clé en chiffres, on l'ins-
crit au-dessous de la phrase secrète également trans-
mutée, puis on fait la soustraction, en négligeant le
dernier report à gauche ; c'est la différence qui est ex-
pédiée au correspondant. On pourrait aussi bien faire
le produit, le total ou le quotient, mais c'est moins
commode. On pourrait aussi répéter deux ou trois lois
successivement, avec la même clé, ces opérations. On
peut intercaler çà et là des nombres de fantaisie. Bien
entendu, les chiffres se suivent sans aucun espace entre
eux. M. Delage indique aussi, comme moyen nouveau,
celui qui consiste à extraire, des nombres obtenus, leur
racine carrée ou leur racine cubique, en faisant con-
naître au correspondant le reste; s'il y a lieu. Les com-
binaisons et les conventions sont d'ailleurs infiniment
variables.
Le système de M. Delage a encore un autre
avantage qui sera fort apprécié, c'est de diminuer en
définitive la longueur des mots et de faciliter par suite
les correspondances télégraphiques. Mais nous [en
— 115 —
arrivons là à un ordre d'idées où je ne veux pas entrer;
il me suffira de dire que M. Delage a attaché son nom
à une œuvre dont l'importance est capitale au point
de vue commercial : la rapidité, la simplification et
réconomie d'argent dans les communications télégra-
phiques internationales. Il y a des pays pour lesquels
on paye dix ou douze francs par mot., et il y a des mai-
sons de commerce qui dépensent chaque année en
télégrammes plus de cent mille francs I
Julien ViNSON.
Us Gaulois, origines et croyances, par André Le-
FÈVRE, P^im, libr. G. Reinwald, 1900, 1 vol. pet.
in-8», 203 p.
Ce nouveau livre d'André Lefèvre est de tous points
digne de ses devanciers : c'est une monographie aussi
complète que possible et d'autant meilleure que l'au-
teur ne se cantonne pas dans le domaine ordinaire de
l'histoire : il appelle à la rescousse l'archéologie préhis-
torique, la mythologie et la linguistique. La question
y est complètement et magistralement traitée.
Mais le sujet appelle notre attention une fois de plus
sur le problème fondamental des races primitives, ou
du moins des races préceltiques de l'Europe occiden-
tale. Il est indéniable que les Indo-Européens ont
trouvé sur le sol qu'ils envahissaient des habitants
qui y étaient établis depuis longtemps déjà. La pa-
léontologie conflrme le fait et montre qu'il y a eu au
— 116 -
moins deux types humains successifs dans les régions
qui ont formé la Gaule, l'Ibérie, l'Italie, etc. Les écri-
vains anciens nous ont transmis des noms : Sicanes,
Ligures, Ausones, Turrhènes, Aquitains, etc., dont
la signification précise nous est inconnue. Je me suis
toujours demandé, pour ma part, ce que cachent ces
appellations variées et à quelles distinctions réelles
elles correspondent: race, tribu, peuplade, d'origine
commune ou d'origine différente? La linguistique n'a
pas assez de documents pour se prononcer. C'est
comme la phrase bien connue que rappelle notre
collaborateur- Tu cellice, velsimavis, gallice loquere.
S'agit-il de deux langues différentes, de deux patois,
de deux accents seulement? La dernière hypothèse est
la plus probable, car il est difificile d'admettre qu'on
parlât, à côté du latin, deux idiomes originaux dans
la même localité ; l'orateur, d'ailleurs, s'était excusé
préalablement de la rusticité de son latin. Nulle part
et jamais, les mots n'ont eu un sens absolu.
Ce qui me préoccupe dans l'identification de ces
noms ethnographiques, c'est la relation qu'elle pré-
sente avec le problème basque. Et plus je vais, plus
je demeure convaincu que la langue basque est tout à
fait isolée; c'est une précieuse épave des innombrables
langages nés spontanément aux temps préhistoriques
sur toute la surface du globe, partout où se produi-
sirent des groupes humains. Beaucoup de ces
groupes ont fusionné sans doute et leurs langues ont
117 —
été mises en contact, se sont confondues, se sont pé-
Iruites on supplantées. Qui nous donnera la clé de ces
diflicultés en apparence insolubles ?
J. VlNSON.
Virgilo Limouzi, poème inédit de 1 748 envers limou-
sins burlesques. Paris, Ém. Bouillon, 1899 (iv)-
xxxvii-338 p.
Le 26 mars 1703, naissait à Limoges un futur poète
patois, J.-B. Roby, qui, entré dans la Congrégation de
l'Oratoire, devint plus tard curé de Saint-Pierre-du-
Queyrois; il mourut en 176â, après avoir été précep-
teur de Vergniaud. D'humeur gaie et enjouée, il com-
posa, paraît-il, de fort jolies chansons patoises et tra-
duisit en limousin, en imitant le genre burlesque de
Scarron. les deux premiers livres de V Enéide. Cette
traduction, faite en 1748, et conservée jusqu'en ces
derniers temps par plusieurs copies manuscrites, est
aujourd'hui publiée en un fort élégant volume, par les
soins de M. Hubert Texier, avocat.
Le livre doit être recommandé comme un intéressant
spécimen linguistique; mais il m'est impossible de
partager l'enthousiasme de l'éditeur. Le burlesque
tombe souvent dans le grossier et, en tout cas, le poème
qu'on nous met sous les yeux est si long que la lecture
en devient fatigante et fastidieuse.
M. Texier a joint au texte patois une traduction
française littérale. Il cherche, à la fin de la préface, à
— 118 —
donner quelques indications sur la prononciation li-
mousine, et ses indications sont quelquefois véritable-
ment naïves, comme par exemple lorsqu'il nous dit que
tch et dj sont inconnus au français'. Il paraît qu'en li-
mousin ces articulations passent à ts etd^s. M. Texier,
pour indiquer la prononciation de ces deux consonnes
composées, emprunte le passage suivant au Dictionnaire
de Béronie : « Il n'est pas de jeune homme qui, pour
s'amuser sur le bord d'une rivière, n'ait lancé en l'air
une petite pierre plate, qui, tombant dans l'eau, rend
le son de tse : c'est exactement le son de notre ts. »
C'est aussi compliqué qu'inintelligible.
Julien ViNsoN.
Traité de Prononciation française, théorique et pra-
tique, par Albert Liet, professeur au collège d'Autun.
Paris, Boyveau et Chevillet, 1900, gr. in-8°, (vj)-
141 p.
La préoccupation de M. Liet est évidemment d'en-
seigner la manière de lire exactement; il devait donc
établir les synonymies d'écriture, si cette expression
nous est permise. Il devait aussi, et, à mon avis préa-
lablement à toute autre étude, donner le tableau gé-
néral des sons et des articulations de la langue fran-
çaise.
Dans ce tableau, ou si Ton veut dans cette liste,
M. Liet a commis de graves erreurs ou du moins a
méconnu des élénicuts phonétiques essentiels. De soq
U9 -
travail ne ressortent pas le nombre et la nature exacte
de ces éléments; on n'y jipprend pa-s, par exemple,
qu'il y a trois é et trois eu en français.
Certaines assimilations sont d'ailleurs discutables:
e = œ = œu = eu,gti= ni, ill = iy (pas général en tout
cas); d'autre part, il n'est pas vrai que ta ou oua soit
une diphtongue : dans ces groupes, i et ou sont pro-
prement y et w, c'est-à-dire semi-voyelles, jouant ab-
solument le rôle de consonnes.
J. V.
The 96^^ report of the British and Foreign Bible
Society. London, 146, Queen Victoria Street, 1900. —
In-8, xvj-408-232 p., avec cartes géographiques et
linguistiques.
Volume aussi intéressant que les précédents et qui
montre une fois de plus ce que peuvent la conviction
et l'énergie. I.e budget de l'exercice qui a expiré le
31 mars 1900, s'élève au chiffre de 299.276 livres
16sh.6d. (7.481.920 fr. 60). Le nombre des idiomes
dans lesquels ont été traduits soit la Bible, soit le
Nouveau-Testament, soit des portions de l'un ou de
l'autre, est aujourd'hui de 373 (dont 68 par d'autres
Sociétés); depuis l'an dernier, il en a paru en huit
langues jusqu'ici non représentées sur la liste : Mau-
resque, Pahouin, Tigrinya, Joro, Galwa, Lenakel,
Nyoroet Ulawa. Une innovation à louer, c'est l'index
alphabétique qui fait suite à la table historique des
— 120 —
langues et qui manquait jusqu'ici. Parmi les publica-
tions intéressantes, j'en signale 27 en caractères en
relief pour les aveugles, dont une dans la langue de
l'Uganda I J. V.
Bulletin trimestriel de la Société des Lettres, Sciences
etArtsde Pau. IP série, tome fS\ l'Mivraison, 1898-
1899, gr. in-8% (iv)-160p.
Livraison remplie tout entière par le commence-
ment d'un très intéressant travail de M. A. Dufau de
Maluquer : « Le pays de Foix sous Gaston Phœbus. —
Rôle des feux du Comté de Foix en 1390. »
J.V.
VARIA
I . — La question de l'E muet
J'ai reçu, au sujet de l'une de mes récentes causeries, une lettre
qui m'a fait grand plaisir, et qui n'en fera pas moins à mes lec-
teurs. La voici :
« Cher confrère et ami,
» Il faut que je vous parle de vos derniers « Menus Propos ».
» Comme vous avez raison, avec Gréard, contre G. Paris!
L'e muet est une des richesses de notre poésie, soit à la fin des
vers, soit au dedans de l'alexandrin. En l'accentuant, on donne
parfois une force singulière à un mot. Vous rappelez-vous cet
hémistiche du Misanthrope, au cinquième acte, dans la bouche
d'Alceste :
Allez, je vous refuse...
» Supprimez l'e muet, c'est plat, sec et grossier. Mettez-le en
relief... Quelle grandeur!
» Je me rappelle qu'un jour, causant avec M"' Rachel dans sa
loge, après le premier acte de Phèdre, je lui dis : « Quelle faute
vous avez faite dans ces deux admirables vers :
Ariane, ma sœur, de quel amour blessée
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée !
» — Comment! me répondit-elle.Mais je lésai dits avec émotion
et vérité! — Oui, mais sans poésie, sans mélancolie! Pourquoi?
Parce que vous avez mis blessé et laissé au masculin.
» La prolongation de ces deux e muets ouvre à nos yeux des
horizons infinis de solitude et de douleur. — Vous avez raison,
me répondit-elle, je dirai ces vers comme vous les dites... »
» Bien des amitiés ».
»E. Legouvé. » {Le Temps).
122 —
II . — La théorie de la formation des voyelles
M. Marage, docteur en médecine et docteur es sciences, com-
munique au Congrès des Sociétés savantes (section des sciences)
un intéressant travail sur cette question, accompagné de nom-
breux graphiques et du schéma de multiples expériences pour-
suivies la plupart dans le laboratoire du Collège de France.
L'auteur traite successivement dans son étude : de la disposition
de l'appareil vocal, des théories de Helmholtz, de Hermann et de
Guillemin, des expériences sur la méthode graphique, de la syn-
thèse des voyelles, de la théorie de leur formation ainsi que de la
concordance de cette théorie avec la disposition anatomique du
larynx et de l'oreille.
Il termine par Ténumération d'une série d'applications dont
plusieurs revêtent le plus haut intérêt à la fois scientifique et
pratique.
Suivant M. Marage :
1° On pourrait modifier les sirènes des navires, suivant un
procédé qu'il indique^ et l'on obtiendrait des signaux différents,
ce qui permettrait un alphabet international ;
2° On pourrait former un acoumètra type avec une sirène
construite dans des conditions déterminées;
3° Les cornets acoustiques ordinaires fatiguent l'oreille, parce
qu'ils modifient les groupements que l'oreille est destinée norma-
lement à recevoir ;
4° D'après Lefort, on peut chanter n'importe quelle voyelle sur
n'importe quelle note comprise dans le registre de la voix, à la
condition de bien émettre la voyelle, c'est-à-dire de donner à la
cavité buccale la forme voulue. On a vu en effet que pour A il
faut que la cavité renforce le troisième harmonique supérieur de
la note ; pour E et O, le deuxième harmonique supérieur; pour I
et OU, il faut que la cavité buccale soit à l'unisson avec la note.
S'il n'en est pas ainsi, la cavité buccale transforme le tracé de la
voyelle, et l'impression qu'elle produit sur l'oreille : on chante
mal, parce que la voyelle est mal éniise ; on chante faux, lorsque
— 123 —
les périodes laryngiennes ne se suivent pas régulièrement; par
exemple, pour A, lorsque de n en n périodes il y a une vibration
simple. Il est très facile de faire chanter faux la sirène, en bou-
chant un ou deux trous d'un groupe du plateau mobile.
De tuotes les méthodes de chant, celle de ce professeur semble
la plus scientifique, et Lefort a eu le mérite de découvrir, il y a
quinze ans, par la pratique, une vérité que les expériences scien-
tifiques ont vérifiée plus tard.
5° Les sourds-muets, au début de leur éducation, prononcent
chaque voyelle sur une note différente, très grave pour OU, de
plus en plus aiguë pour les voyelles suivantes : O, A, Ë, 1. Ceci
tient simplement à la façon dont on leur apprend à parler.
Ainsi, pour 1, leur résonateur buccal renforce une note aiguë;
alors ils émettent I sur une note aiguë.
6° Il arrive souvent que l'on est pris d'une aphonie subite; il
n'y a aucune lésion apparente, sauf un peu de rougeur au niveau
de la l'égion interaryténoïdienne ; ceci s'explique, si l'on se rap-
pelle que les muscles interaryténoïdiens sont des adducteurs; par
conséquent, l'adduction se faisant mal, la phonation n'existe
plus, etc.
(Le Temps, 5 septembre 1900).
III. — Prononciation du basque
Dans certaines régions du pay^ basque, on fait dire aux étran-
gers la phrase suivante : akherrak adarrak okherrak ditu « le
bouc a les cornes tordues » ; ailleurs, on leur fait prononcer sosa
« le sou », où se trouve le chuintement spécial aux indigènes,
véritable ehiboleth de reconnaissance.
J. V.
Le Propriétaire-Gérant,
J. Maisonneuve.
Chalon-sur-Saône. — Imprimerie Franjaise et Orientale de E. Bertrand.
LE LANGAGE MARTIEN
(suite)
CHAPITRE VI
Le Vocabulaire mag^yar
(173) Avant d'énumérer les mots martiens qui peu-
vent être ramenés immédiatement aux vagues sou-
venirs de magyar que le subconscient de M^'* Smith
a dû retenir de propos tenus en sa présence par son
père, il convient de rappeler brièvement les règles de
prononciation, d'ailleurs très aisées, de cette langue
souple, sonore et mélodieuse.
Les voyelles se prononcent à peu de chose près
comme en fr. ou en al. : Vu, comme al. u, et Vil comme
fr. u ; les voyelles accentuées sont les longues ; niais
l'a non accentué, bref par conséquent, prend un timbre
plus sombre, à peu près intermédiaire entre a et o
ouvert. Enfin, il faut noter que, dans certains dialectes,
les voyelles longues subissent, du fait seul de leur lon-
gueur, une légère modification de timbre qui les fait
presque confondre, savoir respectivement: Va avec là
diplitongue ua (fr. oua ou oi), et Vé, avec un i long.
Naturellement, je ne suis pas en mesure de décider
si et dans quelle mesure la prononciation mg. de
M"" Smith a subi, de par l'origine de son père, l'in-
fluence de ces dialectes ; mais certains indices ten-
draient à le faire supposer, cf. n»* 181, 210 et 223.
Parmi les consonnes, il n'y a de vraiment remar-
quable que les consonnes mouillées, c'est-à-dire suivies
9
— 126 —
d'un y, semi-voyelle qui a la valeur générale de Vy du
mot fr. yeux ou duy" al, ; et, parmi celles-ci, il faut
noter spécialement les deux groupes dj et gy, qui
sont absolument équivalents : la consonne qu'ils repré-
sentent est une palatale mouillée, c'est-à-dire une ar-
ticulation qui n'est exactement ni un g ni un d, mais
tient de l'un et de l'autre, et confine un peu, quoique
plus fuyante, au g italien de oggi. Lorsqu'elle s'efface
davantage encore, ce qui n'est pas rare en pronon-
ciation rapide, elle se réduit presque à un simple y, et
les deux syllabes qu'elle sépare semblent n'en plus
faire qu'une, un peu allongée, en sorte que des liaisons
telles que igy et même egy ont pu fort bien ne
laisser à l'oreille et surtout à la mémoire auditive de
M"® Smith que l'impression d'un simple i. A plus forte
raison en faut-il dire autant de ly et Ij, c'est-à-dire de
1'/ mouillé, qui en fr. courant même ne se distingue
plus de la semi- voyelle r/.
Les sifflantes et chuintantes sont nombreuses et va-
riées ; mais la distinction n'en a guère d'importance
pour le parler deMi^** Smith, dont l'oreille, la mémoire
ou l'organe parait les confondre entièrement entre
elles, soit par zézaiement enfantin, soit par changement
de sourde en sonore, ou réciproquement, ainsi qu'on
va le voir. J'en rappelle toutefois la valeur aux lecteurs
qui seraient désireux de prononcer correctement les
mots mg. cités: s, comme ch fr. ou scA al. ; s^, comme
s fr., toujours sourd en toute position; :^, comme ^ fr.,
sonore de l'articulation précédente ; -«s, comme combi-
naison de * et s mg., c'est-à-dire avec la sonorité du
— 127 -
premier et le chuintement du second, soit donc comme
j fr. ; c, comme ts fr. ou ^ al., en toute position; es
enfin, comme combinaison de c et s mg., c'est-à-dire
à peu près comme tch fr. dans les transcriptions de
mots slaves.
Ces notions sommaires suffiront amplement pour se
rendre compte des équivalences phonétiques admises
par la linguistique subliminale de M^^" Smith.
(174) 1° Adi et add « bien » (adverbe), chacun une
fois : abstrait de locutions mg. très usuelles, telles que
adja Isten « plaise à Dieu », adjon Isten « bonne
chance » (souhait), qui contiennent le verbe adni
(( donner » ; le groupe mg. dj explique très bien l'alter-
nance de d^ et d tout court dans le mot emprunté;
la locution ne faisant par sa fréquence qu'un mot
pour ainsi dire, Isten « Dieu » est tombé, comme
seraient tombées les deux dernières syllabes d'un
tétrasyllabe quelconque. Me paraît sûr.
'176) 2" Ame a venu », 2 fois; améir « viendras »,
une fois; amès «viens » (impératif), 8 fois; ainès « [je}
viens », 2 fois; ami « [il] va », une fois: en tout 14
fois. Ce mot, des plus usuels, se recouvre, par le radical,
et même par certaines de ses formes, avec le mg.,
meiini « aller »: il suffit de comparer ami avec mg.
mcgy « il va », et amès avec mg. megyes^ ou mes:;
« tu vas », en tenant compte de ce qui a été dit de
la prononciation du groupe egy, n° 173. Quant à
améir, c'est une forme normale de futur martien. Le
préfixe peut n'être qu'une addition arbitraire; mais,
— 128 —
plus probablement, il y faut voir un souvenir du verbe
mg. à préfixe àtmenni a passer, traverser », ce qui
explique l'emploi du verbe mt. à la fois dans le double
sens d' « aller » et de « venir ».
(176) 3" Asfiète, mot isolé, désigne une espèce de
paravent: peut se rattacher à un vague souvenir du
mg. hâsnemû {il long) a mobilier » ; au surplus, sans
aucune importance.
(177) 4" Avé (( vieil », 2 fois: à la rigueur, ce pourrait
être le mot fr. déformé; mais il ressemble davantage
au mg. vén « vieux »; quant à l'initiale a-, on peut
songer, si l'on veut, à une contamination par l'ai.
ait.
(178) 5° AMni « mal » (adverbe), une fois: le mg.
a alacsony « de mauvaise qualité, bas», etc. Rappro-
chement douteux; mais le mot n'apparait que dans la
phrase FI. 33.
(179) 6° Bibê a capable », une fois. Mot très cu-
rieux: le mg. a bihe « petite blessure, bobo, point dé-
licat », qu'il emploie dans des locutions telles que
eltalâltad a bibeje « tu as mis le doigt dessus », donc
« tu es très malin » ou « très débrouillarde », etc.;
c'est une phrase de ce genre, happée par M"^ Smitli,
peut-être dans un petit compliment que lui adressait
son père à la suite de quelque preuve précoce d'intelli-
gence enfantine, qui lui a fourni très naturellement la
traduction du mot « capable ».
(180) 7° Bigâ a enfant » de l'un et de l'autre sexe,
- 129 —
5 fois. Lemg. ?ijîa « son fils, son petit », mot extrême-
ment usuel, par exemple dans des locutions comme
torony fia a l'enfant du clocher », désignant « un
petit clocher » par opposition à son jumeau plus grand»
Le g médial, assez surprenant, peut procéder de la
contamination du ^ initial de mg. g y erinek a enhnt ».
Quant au b initial, voir n^S in fine. Douteux pourtant;
mais je ne vois pas mieux.
(181) 8° Boua a frère », une fois: c'est l'initiale du
mg. bàtya « frère aine »,avec la prononciation signalée
au n° 173, qui se développe plus aisément après con-
sonne labiale que partout ailleurs ; toutefois le timbre
vocalique fait aussi songer à l'ai, brader « frère », et
peut-être y a-t-il eu contamination légère du fait de
ce dernier.
(182) 9° Cévouitche « [je] reconnais », au sens de
(( reconnaître avec afïection, vive tendresse » (d'un fils
à sa mère). Ce mot n'est apparu qu'une fois, tout au
début; puis il a été remplacé par ilinée, cf. n° 159: il
faut donc qu'il ait été formé assez artificiellement et
n'ait occupé qu'une place d'arrière-plan dans le sub-
conscient de M'i" Smith. Par toutes ces raisons, la
pensée se reporte à quelque mot mg. qui, sans être
inusité, n'appartienne pas cependant au langage de tous
les instants, à un dérivé du mg. ss:w « cœur », et plus
particulièrement à s^ioessêg «tendresse de cœur»,
dont le consonnantisme serait assez fidèlement repro-
duit. Cf. n° 262.
(183) 10° Cri^r « oiseau », 2 fois. Le mg. Ixirics dé-
— 130 —
signe une sorte d'hirondelle de mer: le mot n'est pas
fort répandu, et il est douteux que M''® Smith ait eu
occasion de l'entendre ; toutefois son père a pu lui dé-
signer une fois sous ce nom un oiseau fluviatile ren-
contré au long des berges du Léman.
(184) 11° Danda « silence », une fois: dans le mg.
csendes « silencieux », la vraie initiale, ne l'oublions
pas, est un t, n° 173 ; soit donc changement initial de
sourde en sonore, par assimilation de l'initiale à la
médiale, mais le rejet del's suivant est embarrassant.
Douteux, mais c'est un àua^.
(185) 12° Érté ((. âme », 2 fois: parait construit, par
changement de liquide (cf. n° 13, 2°, et 159), sur le ra-
dical du verbe mg. él-ni « vivre », mais plus précisé-
ment sur la forme de beaucoup la plus usuelle de ce
verbe à savoir l'exclamation êlj'en... « vive. . . ! » qui
apparaît surtout avec netteté dans le suivant.
(186) 13" Érinê « satisfait », une fois: soit une déri-
vation martienne sur éljen ; cf. le précédent et le verbe
éljenezni « pousser des vivats ».
[Étéche « toujours » : voir n° 189.)
(187) 14"/? « si» devant un adjectif (lat. tam), 3 fois.
Le mg. a igy, igyen, a ainsi, de cette manière », et
ilyen « tel » : de part et d'autre le phonétisme est irré-
prochable, cf. n° 173. L'origine mg. paraît donc infini-
ment plus probable qu'un rattachement à ii « si fait »,
que nous avons ramené à l'ai, ja, n" 36, 5°. Mais iln'est
pas douteux que l'homophonie des deux si en fr., déjà
— 131 —
observée par M. Flournoy, n'en ait entraîné l'homo-
phonie en martien, par contamination réciproque des
mots mg, et al. qui leur ont servi de base.
(188) 15° /s (( tout », une fois, FI. 4. Ce mot n'a pas
vécu: il a été remplacé par ié, n° 158; mais, bien que
mort-né, il paraît avoir déposé en martien le germe
d'une postérité adverbiale, cf. n°^ 276-277. Il se ramène
sans peine au mg. egés^, dont le sens répond, non à
celui de l'ai, ail, mais à celui de l'ai. gan:^\ or on re-
marquera que c'est plutôt dans le sens de ganz qu'il
a été employé.
(189 16° Itèche et êtéche a toujours », chacun deux
fois : il n'y a donc aucune raison extérieure de préférer
l'une des deux formes à l'autre, en tant que correcte-
ment martienne; il n'y en a pas non plus de raison in-
trinsèque, bien que étéche soit apparu le premier; car,
évidemment, itèche peut tout aussi bien être une cor-
rection qu'une corruption de étéclie. Je crois que la
première de ces deux hypothèses est la bonne, et que
itèche reproduit plus fidèlement le vocalisme de l'em-
prunt au mg. idôs « âgé » ; le phonétisme final est bien
concordant, et le changement médial de sonore en
sourde ne fait pas difficulté. Quant au passage d'un ad-
jectif d âge au sens d'un adverbe de temps, on com-
parera sandiné, n° 128; et l'on prendra garde, en outre,
que le mg. idô signifie a temps », et a pu à lui seul
suggérer le sens « longtemps », qui est tout connexe
à celui de « toujours ».
(190) 17" Ivre « sacré », une fois. Ce mot, en tant
— 132 —
qu'il ne figure que dans la phrase inintelligible FI. 33,
pourrait fort bien se passer d'explication. Mais la con-
cordance phonétique avec le mg. ivrét « in-folio » est
trop parfaite pour qu'il soit permis de l'omettre. On
remarquera que les livres « sacrés » affectent de préfé-
rence un format élevé. Douteux pourtant : où M^'" Smith
aurait-elle appris le nom magyar d'un in-folio?
(191) 18° Kiné « petit », une fois, tout au début :
mg. kicsiny « petit », avec syncope de la médiale,
peut-être par une contamination du mg. kônnyû
(( léger », et sous une vague influence de l'ai. kJein
« petit ». Voir aussi nikê, n" 200.
(192) 1^" Kfainù a panier », une fois. Le mg. garabô
(( panier » n'est que dialectal et d'ailleurs diffère sen-
siblement. On ne le cite que pour être complet; car le
mot fait partie de la phrase inintelligible FI. 33.
(193) 20** Lâmi « voici », 3 fois : transport presque
pur et simple de l'exclamation mg. lâm « vois donc » ;
c'est l'évidence même.
(194)21'' Maniké a attentive » [à regarder], une fois:
transport, avec légères altérations vocaliques, du mg.
megnéz-ni, ou peut-être, à cause de la gutturale de la
syllabe finale, megné^gêl-ni, « considérer, examiner »,
entendu un jour sous la forme de l'impératif.
(195) 22° Afamrw écriture», une foisrmg. ivomâny
« écriture »; en métathèse, l'articulation ny s'est con-
tractée avec \'i initial ; il ne manque à l'appel que Vo
médiat dont l'accentuation est très faible. Nous avons
— 183 -
ici un exemple frappant de la manière toute mécanique
dont M^'*^ Smitli forme ses mots: mg. -mciny, qui n'est
qu'un suffixe sans signification, occupe ici la place
d'honneur, et l'élément significatif ir- est presque dis-
simulé. Cf. aussi le n'' 255.
(196) 23« Afa.r/ « avec », 2 fois: l'idée de « avec
[quelqu'un] » évoque naturellement cellede « un autre»;
mg. màs {( autre » ou même màsik « autre », avec
changement de chuintante sourde en sifflante sonore.
(197) 24" Mess a grand », 4 fois, et messe « grande»,
une fois. Un radical commençant par un m et signifiant
« grand » ne peut que satisfaire un indogermaniste;
mais, comme il est peu probable que M^'" Smith con-
naisse le sk. mahât, ou le gr. h^éyxç^ ou l'ai, michel,
ou même le lat. magnus, mieux vaut encore recourir
au mg. magas a haut ». Le vocalisme, il est vrai, et la
disparition de la médiale font difficulté ; mais, en re-
vanche, le sens est excellent; car mess s'est dit d'abord
et de prédilection du « grand homme Astané », et le
mg. emploie aussi, usuellement, son mot magas au
sens moral. En somme, ce point, qui semblerait devoir
être un des plus clairs, reste fâcheusement indécis.
(198) 25° Nâmi « beaucoup », 2 fois : mg. némi
« maint » ; on peut, si l'on veut, pour expliquer le
timbre à, invoquer une contamination de l'ai, mannig
qui présente les deux nasales dans l'ordre inverse.
(199) 26° Nébé « vert », une fois : cf. mg. levél
« feuille »: il est question d'un « rameau ». Les con-
— 134 —
sonnes ne concordent pas, mais sont fort voisines ; et
il ne faut pas se montrer trop sévère sur le phoné-
tisme d'un mot de la phrase inintelligible.
(200) 27° Niké « petit », 2 fois : par métathèse de
/cmé, cf.n"« 14 et 191.
(201)28° Oï<s^n( bateau )), une fois: cf. mg. usstatni
« faire flotter », us^tatds, etc., « flottage par radeau »,
etc. Emprunt sur.
«
(202) 29°Pédriné « quitter» et(( [il] quitte », chacun
une fois, et pédrinié « [il] quitte », une fois. Le mg.
a un \erhe peder «il tourne)) , peder^ed ni « se tourner »,
qui, à la vérité, n'a pas le sens de « se tourner pour
quitter quelqu'un avec qui on vient de causer ou de
s'arrêter » ; maisl'homophonie ici nous interdit de nous
montrer trop difficiles sur la sémantique. IVI'^" Smith,
qui ne sait pas le hongrois^ a pu entendre une forme
du verbe peder employée au sens de « se tourner », et
l'employer elle-même légèrement à contre-sens.
(203) 30° Réch a tard », 2 fois, mais seulement dans
la locution ^ou rêch, voir n° 229.
(204) 31" Sadri « chanta », une fois. Il s'agit du
chant d'un oiseau. Le corps du mot fait immédiate-
ment songer au mg. madcir « oiseau ». L'initiale est
peut-être transportée de la syllabe finale de maddrssô
« chant d'oiseau », ou contaminée de l'initiale du verbe
csatinà^ni, qui désigne le chant du rossignol. Tous ces
mots sont très usuels ; mais le résultat laisse à dé-
sirer.
— 135 —
(205) 32" Sidiné a maigre », une fois, FI. 18, La
finale seule est claire, en ce qu'elle rime richement
avec iminé, n" 87, et cf. n" 16. Le radical peut être
celui du mg. :2siclô « juif », si quelque souvenir d'en-
fance, de nous inconnu, a associé dans l'esprit de
M'^" Smith cette idée à celle de « maigreur » ; elles ne
sont pas incompatibles. Très douteux.
(206) SS** Sirima(( rameau », une fois : quoique ap-
partenant à la phrase inintelligible FI. 33, ce mot
paraît s'expliquer d'une façon assez satisfaisante par
le mg. sjsirom « pétale » : ce sont toujours des parties
de plantes, et, si le « rameau » en question est « vert »,
d'autre part le mg. smrmanyult signifie « cresson de
roche ».
(207) 34° Somé « admirer », 2 fois: rappelle de loin
une dérivation du mg. s:2em « œil », soit sternes « at-
tentif » ou plutôt s^emôk (ô long) « qui a de grands
yeux » ; M. Smith a pu en riant appeler sa fillette
s^emôk, un jour qu'elle ouvrait des yeux béants d'ad-
miration ou de stupeur. Douteux : le vocalisme ne
concorde pas.
(208) 35° Soumini « riant », une fois : métathèse
probable du mg. mosojogni a sourire », quia, en mg.
même, une variante métathétique dialectale somo-
jogni.
(209) 36" Takâ « pouvoir » (substantif), une fois : il
est question d'un très grand pouvoir ; or le mg. tdgas
signifie « vaste, spacieux, étendu » ; l'homophonie et la
sémantique sont approximativement satisfaites.
— 136 —
(210) 37" Tarviné et tai^vini « langage », 4 fois en
tout. Le mg. tôrmny signifie « loi, droit, justice »,
au sens de « comparaître en justice » : de celui-ci au
sens de « plaidoyer », le pas est aisément. franchi, et
« plaidoyer » pour a langage » n'est que l'espèce pour
le genre. L'homopbonie consonnantique est ici frap-
pante. Cf. aussi n° 261.
- (211) 38° Tatinêe « chérie », 3 fois, adressé à une
mère: cf. mg. tàta « père », terme de caresse enfantin;
la finale est une suffixation martienne, ou bien le terme
est contaminé de son synonyme inée, n" 88.
(212) 39° Ta^ié « [il] lance », une fois: lancer avec
une fronde est un jeu d'enfant^ et « fronder » se dit
en mg. paiHUycc^ni-, M^^® Smith a-t-elle entendu ce
mot? l'a-t-elle retenu en en laissant tomber les deux
premières syllabes? Bien douteux; mais en tout cas la
chute de Y y, qui ne fait que mouiller le t précédent,
ne ferait pas difficulté.
(213) 40° Téassé a entier », une fois: c'est le mg.
teljes « complet » ; l'articulation de 1'/ mouillé est assez
fugace pour que la chute totale se justifie; finale mar-
tienne.
(214) 41° Téri « comme », 4 fois. Le verbe mg.
terjedni « s'étendre » commande au dictionnaire une
série d'exemples, parmi lesquels je relève hiteîe 10000
^ovintra terjed « son crédit s'étend jusqu'à 10000
florins », c'est-à-dire en somme a équivaut à, est égal
à », d'où peut procéder le sens de « comme » dans
la pensée du sujet. Bien douteux pourtant: ce n'est
— 137 —
pas devant une enfant qu'on prononce des phrases de
ce genre ; ou, si on ne les lui adresse pas, elle ne les
•comprend point. Il est fâcheux de ne pouvoir trouver
mieux pour un mot relativement usuel.
(215) 42" Tiche et tis « bientôt », chacun une fois:
c'est le mg. tà^es a enflammé > zélé > ardemment
> vivement » ; la filière sémantique est des plus
satisfaisantes.
(216) 43° Toué « dans », 2 fois : faute d'aucune
donnée qui permette de soupçonner que M^'' Smith
ait pu utiliser le breton étouez a parmi », force est
bien de recourir à une forme déclinée quelconque du
mg, tô (o long), « tronc, racine », soit l'accusatif tôiiiet
(o bref), ou toute autre; le mot a pu être entendu dans
une phrase où il impliquait une notion d' « intérieur »,
de « partie interne », en opposition aux organes ex-
ternes delà plante. Douteux.
(217)44" Tiihré a seul )), une fois: cf. la locution
mg. tëhhre {mennï\(( [pousser] plus avant », etc. Celui
qui « prend de l'avance» se trouve nécessairement
« seul » tout le temps que dure son avance: cela était
peut-être arrivé àM''° Smith dans une promenade avec
son père .
(218) 45« VdàniX « songes », une fois, FI. 20: le
mg. a aludni « dormir » ; l'aphérèse syllabique, ainsi
que le timbre initial il au lieu de u (.^ fr. ou), parait
due à l'allitération avec uinèz, qui précède, n° 16.
(219) 46" Umèz « [tu] fais » et umêzô « faire Wj
— 138 -
chacun une fois: métathèse évidente du mg. û^em
« exploitation ».
(220) 47° Vadâsà\, mot non traduit, ime fois, FI.
31. Le mg. vàdds^a signifie « son chasseur »: le mot
avait été entendu par M^^*' Smith sans qu'elle en apprît
jamais le sens, et elle Ta répété tel quel, au hasard, un
jour qu'il lui est revenu, et sous une forme presque
irréprochable.
(221) 48° Vâmé « triste », une fois: soit une méta-
thèse possible du mg. viddm « gai », cf. n° 24, 5°; mais
comme le d et le sens tout à la fois font difficulté, il
n'est pas hors de propos de rappeler que le mot ne
figure que dans la phrase inintelligible.
{222) 49° Vêtiche «cependant», une fois: le mg. a
pedig a mais», dont la finale a pu se contaminer de
celle du mg. is «cependant». Sans importance.
(223)50° Viiîiâ «nom», 6 fois: le radical vin-, suivi
d'un suffixe martien, est presque sûrement l'ana-
gramme du mg. néo « nom » ; cf. n" 173.
(224) 51° Vi^é «descend», une fois: cf. mg. tv'j
«eau» ; l'idée de «descendre [à travers les espaces] »
FI. 6, évoque celle de « couler» ou plutôt de «se ré-
pandre en pluie». Pas bien sûr: a été traduit le jour
même.
(225)52° Vj^aïni «désir», 3 fois: mot très difficile,
d'autant plus qu'il se complique de ivraïni, n° 267.
La pensée va tout droit au mg. vârni «attendre»;
mais --m est un suffixe d'infinitif , qui n'a aucune raison
— 139 —
d'être reproduit dans le substantif. S'y est-il confondu
avec une suffixation martienne ? Ou bien avons-nous
afïaire à une métaphore poétique, ihg. vù'dny «flo-
raison»? Tout cela est bien recherché pour une langue
enfantine. Rien de moins clair,
(226) 53° Zaki «animal )), une fois, dans la phrase
inintelligible, et pourtant explicable sans trop d'efïort
par une métathèse approximative du mg. csiga «es-
cargot» : on a montré un jour un escargot à Hélène,
en lui disant, comme aux enfants, cjuelque chose
comme « vois-tu la bèbéte?», et en même temps on le
lui a nommé en hongrois, en sorte que la consonnance
de ces deux syllabes s'est associée dans son moi sub-
conscient au concept d' « animal » .
(227) 54° Zâmé « meilleurs », une fois : cf. mg. cse-
mege, « friandise, dessert » ; Hélène enfant a dû cons-
tater par expérience que le « dessert » était « meilleur »
que le repas. Douteux pourtant: le phonétisme ne
concorde pas suffisamment.
(228) 55° Z/^a^/ «fois », une fois, tout à la lin:
bien que le principe de la formation de ce mot bizarre
ne semble être qu'un jargonnement arbitraire (cf.
n°106i , il n'est pas interdit de reconnaître, à la l)ase
du processus réduplicatif d'où il est issu, la sifflante
sonore du mg. t^rom « fois».
(229) 56" Zow «plus», 2 fois, mais seulement dans
la locution ^ou réch «plus tard». On peut, dès lors, se
demander si cette locution n'est pas coupée en deux
mots miiquement parce qu'elle en forme deux en fran-
— 140 —
çais, et si l'ortliographe correcte ne serait pas zouvéch
en un seul. Dans ce cas, Ton conjecturerait une altéra-
tion, d'ailleurs assez grossière, du mg. sokàra, « long-
temps, longtemps après». Cette dernière-identification
est incertaine; mais ce qu'il y a de sûr, c'est xju'on ne
saurait identifier mot pour mot ^ou à «plus« et vêch
à « tard », d'autant que « plus tard» en ce sens est un
idiotisme français que les Martiens n'ont guère pu
emprunter.
(230) Tout compte fait, le magyar se trouve avoir
fourni directement au martien deux à trois fois plus
de mots que l'allemand, deux fois moins que le français.
Cette proportion resterait à peu de chose près la même si
on défalquait de part et d'autre les cas que nous avons
qualifiés de douteux. Elle est tout à fait conforme à ce
que la théorie nous mettait en droit d'attendre (cf.
n"*5^7) : l'auteur du martien est une enfant bien douée,
(jui sait à fond le français et a entendu un bon nombre
de mots magyars très usuels ; comme c'est aussi dans
un cercle d'idées très usuelles que se meuvent les phra-
ses martiennes, ceux-ci lui reviennent avec une abon-
dance relative ; mais, malgré l'avantage inappréciable
qu'ils offriraient au point de vue du déguisement des
origines du martien, ils restent en minorité, parce
qu'elle n'en a à son service qu'une quantité fort limitée;
quant .à l'allemand, appris plus tard et sans doute
moins fidèlement retenu, il n'apporte qu'un faible ap-
point, bien supérieur toutefois à celui des autres do-
maines linguistiques à peine effleurés par M'^" Smith.
141 —
CHAPITRE VII
Le Vocabulaire anglais
(231) Tenant compte au vocabulaire anglais de
l'apport possible de hed (n^ 32, 3°), de l'influence qu'il
a pu exercer sur l'adoption ou l'altération de mode et
cjudé in^^ 155 et 166), et de l'explication subsidiaire,
éminemment problématique, de godané (n° 82), il ne
reste plus à son actif immédiat que trois mots, dont
deux fort usuels, que M''" Smith a pu fort bien con-
naître sans savoir l'anglais.
(232) 1° Kida « faveur », une fois, FI. 28 : semble
être un transport, avec suffixation martienne, du radi-
cal de klnd «aimable )),/t"mo?-;iess «obligeance)), etc.,
mais prononcé à la française et dépouillé de sa nasale.
(233) 2° Méch « crayon )), une fois, FI. 17 : ressemble
trop à match « allumette )) pour qu'on ne suppose
pas entre les deux mots un lien suggestif ; la forme
des deux objets a servi de transition. Sans importance:
texte graphique, mais traduit dans la même séance
où il a été dicté.
(234) 3° Novi « jamais )), une fois, FI. 24 : rappelle
de façon irrésistible la locution anglaise nor yet « ni
jusqu'à présent ». Sans importance au surplus : le mot
est isolé de tout autre contexte.
10
•
— 142 —
CHAPITRE VIII
Le Vocabulaire oriental
(235) Le cycle martien a débuté le 25 novembre
1892, pour se dérouler, avec des interruptions plus
ou moins prolongées, jusqu'au 4 juin 1899. On peut
dater l'apparition du cycle hindou du 2 septembre 1894
(FI. p. 261) , et les prodromes de cet ensemble de
visions remontent beaucoup plus haut. On doit donc
considérer les développements respectifs de ces deux
cycles comme chronologiquement parallèles, et il serait
fort surprenant que l'on ne constatât point de mélange
entre eux, d'influence de l'un sur l'autre. En fait,, il y
a des rêves mixtes, ne fût-ce que celui de la séance du
23 mai 1897, où les visions orientales et martiennes
interfèrent au point de se gêner réciproquement, de
même qu'en physique deux sources de lumière se ré-
solvent en obscurité ; et, ce jour-là, parmi beaucoup
de bavardages indistincts, on recueille un texte hybride
(FI. 13), contenant deux mots dont le truchement
martien ne sait que faire. La présomption de quelques
emprunts du martien au vocabulaire oriental est donc
en soi parfaitement légitime : il s'agit jde savoir si elle
se justifie dans le détail, c'est-à-dire, si la concordance
est assez frappante pour emporter la conviction, et si
— 143 —
M"e Smith connaît ou peut être censée connaître le
terme oriental qu'on croit retrouver en martien.
(236) 1° Attanâic monde », une fois, et « mondes»,
une fois : 2 novembre et 5 décembre 1898. M'i" Smith
connaît le mot pseudo-sanscrit attamana, qu'elle a
prononcé en cycle hindou le l""" mars 1898 (FI. p. 299):
c'est le sanscrit â^md, ou plutôt son accusatif â«!md/2am,
auquel elle paraît donner le sens de « âme » ; mais ce
dernier ne se dégage pas assez nettement de sa phrase,
pour qu'on n'y puisse substituer celui de « vie, être,
existence », etc., dont la signification du sk. âtmà s'ac-
commoderait également bien. En somme, tout porte à
croire que, dans sa pensée, c'est un mot à sens vague
et élastique, comme par exemple le sk. védique bhû-
vanam, qui signifie à la fois « être » et amende»; et
au surplus l'acception plus abstraite « être » réap-
paraîtra, si je ne me trompe, dans le composé atèv,
n° 270: il ne paraît donc guère douteux que le mt. at-
tanâ ne soit une syncope du sanscritoïde attamana.
(237) 2" Davié « cœurs », une fois, et « cœur », une
fois. Ce mot nous servira à interpréter un mot sans-
critoïde autrement inintelligible, et en même temps il
s'expliquera par lui. Dans une de ses effusions hin-
doues (FI. p. 295), M^'*^ Smith a dit vadisivou, que
Léopold traduit tant bien que mal par quelque chose
comme « bien-aimé Sivrouka ». Or, si sîdoll est une
abréviation caressante du nom de Sivrouka, radi-sicoa
peut en elïet avoir le sens esquissé par Léopold, mais
plus exactement celui de « Sivrouka de [mon] cœur»:
en tant que, d'une part, le mt. da/'ic, (jui signilio
— 144 —
« cœur », est la métathèse exacte de rmdi-, plus une
suffixation martienne; en tant que, d'autre part, radi-
est la reproduction approximative de hrdi ou la méta-
thèse de hrdà (usuellement iprononcé hridd) , respecti-
vement locatif et instrumental du mot sk . hrd « cœur ».
Il n'y manque que l'aspirée initiale, assez difficile à
prononcer dans cette position, et généralement omise
par les sanscritistes français. On sait d'ailleurs que
M^'® Smith, fidèle aux usages de la prononciation
française, laisse volontiers tomber les aspirées: n°^160,
176, etc.
(238) 3" Mira « adieu », 12 fois. Ce mot, répété à
satiété, ne ressemble à rien de connu. En désespoir de
cause, j'ai pensé au malgache miavahaba a salue »,
qui expliquerait même la longue finale constante par la
contraction des deux a séparés par TA. A l'époque des
séances de M'^^ Smith, les affaires de Madagascar
battaient leur plein, les journaux fourmillaient
d'anecdotes malgaches, et il n'y aurait rien d'impos-
sible à ce que l'un d'eux lui eût mis accidentellement
sous les yeux le texte d'une salutation telle que i:^aho
miarahaba anao « je vous salue ». Mais il va de soi
que cette hypothèse demeure en l'air.
(239) 4° Misaïmé(( fleur » et « fleurs », chacun une
fois. Je transcris ici textuellement un passage de
M. Flournoy (p. 300). « Les spécimens [de sanscrit]
les plus remarquables sont les deux mots sumanas et
smayamana, qui ont particulièrement frappé M . de
Saussure. Le premier est la reproduction graphique-
ment irréprochable du sk* sumanas « bienveillant »,
— 145 —
cité un peu dans toutes les grammaires et servant
même çà et là de paradigme de déclinaison: il faut
toutefois noter que, pour toutes les grammaires égale-
ment, ce mot se prononce soumanas, tandis qu'Hélène
Ta nettement articulé sunianas et qu'il paraissait dé-
signer une plante dans sa phrase : C'étaient les plus
belles sumanas de notre jardin. » Ce qui semble avoir
échappé à M. de Saussure, c'est que le sk. sumanas
signifie aussi « fleur » : il est évident, dès lors, qu'elle
ne le connaît que comme tel. Il est entendu, de plus,
qu'elle le prononce avec un u français, en sorte que, si
en martien elle appelait les « fleurs » *musaïmô, per-
sonne n'hésiterait guère à reconnaître dans ce dernier
mot une métathèse des deux premières syllabes de
sumanas, accessoirement affublée d'une suffixation
martienne: cf. n° 17, 4". La différence de timbre
de Vu et de Vi est-elle suffisante pour infirmer une
conjecture en elle-même aussi plausible ? C'est
ce que je laisserai de bon cœur à l'appréciation du
lecteur.
(240) b° Ponde « savant», une fois, vers la fin.
M"' Smith ne connaît sûrement pas le sk. panditàs
« savant » ; mais, si elle a, comme tout l'indique, jeté
les yeux sur quelque roman de mœurs orientales,
elle ne peut pas manquer d'y avoir rencontré le mot
pandit, qui en est la francisation. Beaucoup de per-
sonnes le connaissent, qui ne sont pas orientalistes,
et qui naturellement le prononcent sans faire sonner
le t. Cq rapprochement, irréprochable quant aux
consonnes, me paraît donc presque sûr, quoique les
— 446 —
deux mutations vocaliques se soient effectuées en sens
précisément inverse des tendances phonétiques rele-
vées en martien, cf. n" 12, 1"; mais c'est un mot de
date tardive,
— 147 -
CHAPITRE IX
Les contaminations ^
(241) I. Franco-allemand et réciproquement. —
1» Aline « oublie » , mot im peu douteux, en ce qu'il
n'apparaît qu'une fois, et sous la forme non décomposée
saline « j'oublie » , cf. n° 32, 1". Cependant la quasi-
homophonie avec ilinée « reconnue » (n*^ 159) condui-
rait à penser que aliné est issu de îlinô et qu'il en est
en quelque façon la négation : s'il en était ainsi, Va-
initial serait un a- privatif, dont il n'est pas besoin
d'avoir appris le grec pour avoir pleine conscience par
nombre de mots français, soit acotylédone, apétale, —
toutes les jeunes filles apprennent un peu de botanique,
— anormal, athée, etc. Tout cela pourtant demeure
fort indécis, soit à cause de la disparition de 1'?" initial,
soit surtout parce que ilinée n'est apparu que posté-
rieurement à saline. Peu important.
(242) 2° Ainêré a réunir » , une fois. Ici la préfixa-
tion française est beaucoup plus claire : le mot a été
tiré de l'ai, mehrere « plusieurs » , dont il conserve
intacts le vocalisme et jusqu'à la quantité, par le même
1. Il s'agit ici des contaminations polyglottes, telles qu'on les
a définies et expliquées au n° 25,
— 148 —
procédé qui a formé en français a-moncel-er de mon-
ceau, et tant d'autres.
(243) 3° Bétiné « regarder » et « [je] regarde'», et
bétinié « regarde » , chacun une fois. Le fr. « regarder »
se dit aussi dans la langue courante « fixer » , et d'autre
part « fixer » , surtout dans le sens commercial, de
«convenir [d'un prix, etc.] » , — qui est précisément
celui que M^^'^ Smith, à raison de sa profession, a été
le mieux en mesure d'apprendre, — se dit en al. be-
dingen. Le rapport parle assez de lui-même.
(244) 4° Dastrée « paisible», une fois. Soit une lo-
cution fr. « de repos » , analogue à la locution « de
pouvoir » employée un jour au sens de « puissant »
(n° 23, 1°) ,et pouvant parfaitement signifier « paisible » :
contaminée d'al., elle devient *c/e rasi, dont la méta-
thèse exacte est *dastre, puis avec une suffixation mt,
dastrée. Le procédé est curieux et me paraît sûr.
(245)5° Érédutéa solitaire » , une fois : cf. la forma-
tion à'Ésenale, n° 27. Dans le mot fr. soli-taire, iso-
lons d'abord la seconde moitié, soit terre, qui se tra-
duit en al. erde. Voilà, avec une légère métathèse ou
une petite insertion vocalique, de quoi fournir la pre-
mière moitié du mot martien. Reste après cela soli-,
c'est-à-dire le nom d'une note de musique, plus une
voyelle, qu'on remplacera par le nom d'une autre note
de musique, plus une voyelle de même timbre (cf. n°12,
2°) . La formule est mathématique : sol-\-i-\-taire=éréd
■\-ut^é. Ce dernier peut aussi être un suffixe martien.
(246) 6° Firêd « certainement », une fois. Le fr.
— 149 —
vrai n'aurait pas pu donner aisément Jii'é-, -^i étant
une suffixation martienne : d'abord, il est peu probable
que M"® Smith change un v en /; puis, l'insertion
vocalique reste inexpliquée; enfin, le sens ne concorde
pas tout à fait. Cependant je crois que vrai se retrouve
ici tout au moins dans la voyelle médiale du mot :,
/r;*<^-4;'r serait une imitation de vrai-ment. D'autre part,
le sens concorde mieux avec l'ai, freilich « certaine-
ment », et VBl.fi'œwahr « vraiment )) expliquerait,
s'il en était besoin, l'insertion vocalique. L'anglais
vertly est sans doute hors de cause.
(247) 7° Furimir « aimera », une fois. Le verbe
« aimer » évoque le radical am- deam-our, am-i, etc.,
et celui-ci, la syllabe initiale de l'ai, am-eise « fourmi » :
dejbwmiâ furimir, la distance est courte. Je ne
doute pas de l'étymologie ; mais elle est sans impor-
tance, le mot ne faisant partie d'aucun contexte
suivi (FI. 24).
(248) 8" Nazère « [je] trompe », une fois. Le verbe
tromper évoque le substantif trompe, qui suggère
l'idée de « nez », al. nase. Reste la finale -er, qui
fournit la syllabe -ère. Me paraît sûr.
(249) 9*^ Pélésse « chagrin » et péliché « souci »,
une fois chacun : il est difficile d'échapper à la pensée
que ces deux mots n'en font qu'un ; mais l'explication
en serait plus aisée si le second n'était apparu le
premier. De la traduction « souci », en effet, on ne
saurait rien tirer, tandis que la traduction « chagrin »
suggère le jeu de mots a sorte de joeaw préparée », puis
— 150 —
la traduction al. peh, dont pélésse est la reproduction
presque littéraire. Il est vrai que peh ne signifie point
« éuir », mais « fourrure »; mais les équivalences sé-
mantiques du martienne sont pas à cela près. La seule
objection grave est celle que j'ai formulée au début.
Je ne crois pas qu'elle soit péremptoire : M"*' Smith a
pu traduire « souci )), tout en ayant « chagrin » dans
la pensée quand elle a créé le mot.
(250) 10° Sanâ « tant », une fois. Une dérivation
mt. de tant, le t final ne se prononçant pas, donnerait
*tanâ. La substitution de Y s au t peut provenir de leur
voisinage dans l'alphabet (n° 13, 5°) ; mais il est plus
méthodique de supposer une contamination très aisée
par l'ai. so.
(251) II. Franco-hongrois, et réciproquement. —
1° Bodri « os », une fois : mot très difficile. La mé-
tathèse de os est so, qui, entre autres sens, donne en
fr. celui de « sot » ; or, celui-ci peut se traduire en
mg. botor, qui, moyennant une mutation de sourde
en sonore, une syncope et une suffixation martienne,
donne bodri. Je ne me dissimule pas le caractère
aléatoire de cette restitution ; cependant je fais observer
que M'i^ Smith paraît bien en effet avoir songé, pour
le traduire en martien, à un mot commençant par une
consonne [so], et non par une voyelle [os] ; car autre-
ment il est probable qu'elle aurait créé en martien
aussi un mot commençant par une voyelle devant
laquelle l'article se serait élidé. Tant, en général, son
imitation est servile ! Cf. -s'alùé « l'élément », n°^ 30
et 42. Aussi Ésenale, appelé à interpréter ce texte,
— 151 —
traduit-il séparément et sans élision « le os », FI. 29.
En dehors de cette présomption, il n'y a aucune ana-
logie que celle de l'ai, ou anglais butter, que je ne
vois aucun moyen de concilier avec le sens de « os » .
(252) 2" Ladê « vers » (préposition), une fois ;
une autre fois, le sujet a employé le mot plus simple
é, n" 35, 2°. Le mg. a lât-ni « voir », qui n'est guère
compatible au point de vue du sens ; mais le rapport
a dû s'établir à la faveur de la consonnance presque
identique des deux mots fr. vers et voir.
(253) 3° Linéi a debout », une fois. Le mg. allant
« se tenir debout » est phonétiquement trop éloigné
pour être seul en cause ; mais les sens très voisins du
fr. ligne [droite] ou aligné expliquent sans difficulté
l'altération qu'il a subie. A peu près sûr.
(254) 4° Men « ami », 6 fois, et mené « amie »,
4 fois, total 10 : le second est apparu le premier ; mais
il importe peu que mené soit dérivé de men, ou men
abstrait de mené, cf. n° 19, 2«. La consonnance fr.
ami est identique à la consonnance mt. ami, que
M"* Smith devait plus tard employer au sens de « il
va », cf. n" 175 ; or l'infinitif mg. du verbe d'où procède
ce dernier est menni, qui a été en conséquence trans-
porté presque textuellement au sens d' « ami » ou
« amie ». L'homophonie est frappante, et pourtant
l'hypothèse très douteuse, en ce que le mt. amès et
surtout ciwï n'est apparu que bien postérieurement au
mt. mené. Peut-être vaudrait-il mieux partir tout
simplement de l'ai, meine, « ma, mienne », etc.
— 152 —
(255) 5" Mirivé « tracer » [des caractères d'écriture],
2 fois. Il n'est pas difficile de reconnaître dans ce mot
lefr. écrire, ou plutôt un barbarisme fr. *écriver, in-
finitif créé sur l'analogie des formes écrivons, écrivez,
écrivais, etc. Le procédé est remarquablement en-
fantin. Mais la syllabe -ir- me paraît due à une con-
tamination par le verbe mg. ir-ni a écrire », que
M^'*' Smith connaît, cf. n° 195. Quant à Vm initial, je
n'en aperçois pas la raison d'être, à moins qu'elle ne
connaisse que iromâny, dont elle aurait transporté la
médiale au début. Cf. pourtant n° 16.
(256) 6" Neura « danger », une fois. L'idée de
(( danger » appelle celle de « risque », et celle ci,
surtout dans l'esprit d'une personne vouée à la carrière
commerciale, se lie aisément à celle de « spéculation».
Or le mot spéculateur a pour équivalent le mg. nije-
rész. Douteux : le phonétisme est en défaut.
(257) 7'' Ouradé « [se] souvenir )), une fois : tout à
fait différent de zati « souvenir », n" 146. Le mg. a
plusieurs mots très semblables de forme, notamment
uradalom « seigneurie », et surtout ûrhadi a nobi-
liaire », mais très différents par le sens. Le rapport a
pu s'établir par la double signification, à la fois ma-
térielle et intellectuelle, du fr. posséder, étant donné
qu'en Hongrie la noblesse est encore aujourd'hui es-
sentiellement la caste propriétaire .
(258) 8° Patrinèz « alors », une fois, FI. 17. Le
mot « alors » a dans cette phrase le sens très net de
(( donc , c'est pour^«o? ». Ce dernier mot se dit en mg.
— 153 —
melly, et melly, retraduit en fr. dans un autre de ses
sens, àonne poitrine, dont patrinèz' Q^iwii jargonne-
ment à peine déguisé avec finale martienne.
(259) Séïmiré « comprendre », deux fois, « [je]
comprends » et «comprendras », une fois chacun:
total, 4 fois, cf. n" 22, 9°. Une chose que l'on « com-
prend » est une chose qui a va de soi d, et l'homonyme
fr. de soi est soie qui se traduit en mg. selyem. On voit
que la prononciation fuyante de Yl mouillé (n° 173
donne exactement un radical verbal sêïm-, qui se com)
plète par une suffixation martienne.
(260) 10" Ti^iné «demain», deux fois. Un calembour
très simple sur fr. demain donne fr. deux mains, qui
font « dix doigts », et « dix » se dit en mg. ti:^ ; la finale
est une suffixation fort commune.
(261) 11" U^ir (( dira», une fois. Le mg. à une excla-
mation ûgyef « n'est-ce-pas ?» dont une traduction en
fr. usuel serait aussi notre (.(dis donc» : c'est ainsi que
ce radical a pu prendre le sens du verbe «dire». Mais
peut-être vaudrait-il mieux s'en tenir au mg. ùgyés^
«avocat»: en ce cas, il n'y aurait pas de contamination
par le fr., et la seule remarque à faire serait celle de
la curieuse prédilection de M"" Smith pour les termes
juridiques, en tant qu'il s'agit de rendre l'idée de
«parole»; cf. n° 210. M. Smith père aurait-il eu à
soutenir un procès en Hongrie?
(262) 12° Zivênié « étudie », une fois. L'idée d' « étu-
dier» évoque facilement, surtout chez un enfant, celle
d' « apprendre par cœur », et ce dernier mot, à son tour.
— 154 —
évoque sa traduction mg. sj^iv, qui au surplus n'est
jamais employée dans le sens spécial au français ; mais
peu importe, il s'agit ici d'un calembour bilingue, et
non d'une équivalence. Avec mutation de sourde à
sonore, on a un radical siu-, sur lequel s'applique une
suffixation martienne. Me paraît tout à fait sûr.
(263) III. HONGRO- ALLEMAND ET RÉCIPROQUEMENT.
—1° Borêsé «pleines)), une fois. Le fr. «plein» se
traduit en al. voll, lequel signifie aussi «ivre», et ce
dernier sens a suggéré la traduction en mg., soit boros
« ivre » ou borisza « ivrogne » ; l'homophonie est pres-
que absolue. Cf. le suivant.
(264) 2" Châmi «parfum», une fois, dans la même
phrase que le précédent. L'ai. a schmecken n sentir))
[à l'odorat] et geschmack «goût»; mais je crois que,
pour expliquer la voyelle insérée entre s et m, il est
presque indispensable de faire intervenir le mg. zamat
« bouquet du vin » ; d'autant que le radical de bon's^a
est 6or« vin». Il devient évident, dès lors, que le
concept de «vin» se jouait dans l'arrière-pensée de
M^^« Smitli lorsqu'elle a prononcé cette phrase.
(265) 3° Gr-ini «soulever», une fois, FI. 23. L'idée
de «soulever» évoque celle de «sol», qui se traduit en
â\. grand et en mg. gerend, celui-ci plus proche par
le vocalisme, celui-là par la double consonne initiale.
Ce mot est d'ailleurs tout à fait négligeable, parce que
la traduction en est des plus équivoques : d'abord hi
phrase « le miza va soulever » n'est pas française, il fau-
drait «se soulever»; puis, dans la vision qui la suit,
— 155 —
l'objet ne se soulève pas, mais «prend un mouvement
de balancement qui fait un bruit de tic- tac, puis glisse
comme un train sur des rails».
(266) 4:° Ujsénir « attendra » , 2 fois. Le mot « attendre»
se traduit en dl.wai^ten, qui signifie aussi «s'occuper
de, prendre soin de»; sa traduction dans ce dernier
sens est mg. ûgyelni. Pour la concordance mg. gy >
mt. 4?, voir n°« 173 et 174.
(267) IV. Franco-hongro- ALLEMAND. — VIvraïnt
« aujourd'hui », une fois, FI. 27. Vraïnï «désir» (FI. 14,
cf. n" 225) est chronologiquement antérieur à ivraïni,
en sorte que rien ne s'oppose à la filière assez complexe
que je vais restituer. La finale de «aujourd'Awn) ou
simplement son sens amène l'ai, heute, dont le pho-
nétisme suggère très facilement le mg. ohajtâs « désir » ;
celui-ci, à son tour, suggère son équivalent mt.vvaïni',
et, comme une sorte de doigt indicateur qui nous
guide dans ce dédale, l'initiale de ohajtâs demeure
encore figée en tète de ivraïni, sous le bénéfice de
la mutation o >• /, qui nous est déjà connue, cf.
n" 36, 6°.
(268) 2° Valini « visage », une fois. Tout d'abord,
les idées très voisines « visage, aspect, regard » se sont
évoquées l'une l'autre ; puis, regard traduit en al. a
donné blick, dont la traduction mg. exacte serait
pillanat. Mais blick signifie aussi « reflet lumineux »,
et dans ce cas sa traduction mg., peu différente, est
villanat, avec le verbe villanni « lancer des éclairs »,
— 156 —
etc. Il n'échappera à personne que valini en est la
métathèse rigoureuse. Cette cascade de doubles sens
est douteuse cependant, parce qu'il n'est pas probable
que M^^*^ Smith connaisse tous ces mots-et toutes leurs
nuances; mais peut-être, précisément parce qu'elle
ignore les nuances, elle emploie les mots un peu à tort
et à travers.
(269) V. Autres contaminations. — 1° Ainiché
« mains » et éinéclie « main », une fois chacun. Que le
vocabulaire oriental puisse intervenir dans les conta-
minations, c'est ce que démontrera l'exemple suivant ;
mais celle que je vais analyser est au premier abord
si invraisemblable, que je n'aurais jamais osé l'im-
primer, si la vraisemblance était un critérium appli-
cable à un rêve. Si, ainsi que nous l'avons constamment
supposé, M^^" Smith a feuilleté quelque roman pseudo-
oriental, il est difficile qu'elle n'y ait pas rencontré le
nom des « Ameshaspands », ces demi- dieux tutélaires
en grande vénération dans la religion persane : il n'im-
porte que le mot ait été retenu ; il suffit qu'il ait été
vu, pour que la mémoire subliminale puisse l'utiliser
sous l'influence de quelque excitation accidentelle. Re-
venons à présent au fr. « main »: l'équivalent est al.
ou anglais hand, dont la consonnance évoque la finale
de amesaspand, et celle-ci le mot tout entier; enfin,
les deux premières syllabes détachées fournissent un
radical amis-, ou éinés-, où l'alternance vocalique elle-
même semble trahir une origine exotique et bizarre, un
mot non familier au sujet, et par conséquent mal
retenu. Tout cela me semble jx peine douteux.
— 157^ —
(270) 2° Atév, (( être, êtres », 7 fois: contamination
évidente de l'initiale à'attanâ avec le radical mt. du
verbe « être » ; cf. n°« 37 et 236.
(Éméche « main » : voir n° 269.)
11
158 —
CHAPITRE X
Les dérivations ultérieures
(271) 1" Atimi « bonheur », 3 fois: paraît dérivé,
par suffixation martienne, de adi a bien » (n° 174), qui
toutefois n'est apparu que plus tard. J'ai déjà dit que
je considère cette objection comme sérieuse, mais non
comme décisive : un mot peut avoir été élaboré dans
le subconscient du sujet, sans avoir encore nécessaire-
ment vu le jour.
(272) 2° Datrinié « caché )), une fois, dans la phrase
inintelligible. Si l'on peut attribuer à da- un sens pré-
fixai, soit inversif ou négatif, pareil à celui du préfixe
fr. dé- dans dé-lié, etc., on voit que le mot entier peut
signifier « dont on ne parle pas » (cf. triné « parler »,
n° 139), par conséquent « secret, caché ». Douteux,
mais sans importance.
(273) 3" EJi « choses » , une fois : il est probable que
la forme plus correcte serait *évi (cf. n" 8), et que le
mot se rattache par dérivation au radical éi?-, du verbe
m t qui signifie a être » ; voir n°* 37 et 274.
(274) 4° É venir « posséderas », une fois: dérivatioil
possible du radical év- au sens de « chose », par con-
^ 159 —
séquent « objet qu'on peut posséder, bien » ; cf. n"^ 38,
3«, et 273.
(275) 5° Imi;2i « sous », une fois, dans la phrase
inintelligible : dérivé possible de imâ a ciel » (n» 160),
par l'intermédiaire de Tidée que « tout est sous le
ciel ». .
(276) 6° Izâ « mais », 2 fois: dérivé de is « tout »
(n° 188), de par la transition fournie par le synonyme
fr. « touteioiB »,
(177)7° /^é (( enfin », 3 fois : dérivé de is (cf. n° 276),
à la faveur de la transition fournie par la locution sy-
nonyme « après tout ».
(278) S*' Kêmisi « femelle », 2 fois : dérivé fort in-'
solite de kêmâ « mâle », n° 92.
(279) 9° Kévi et kêvi » quand », en tout 3 fois :
dérivé du thème interrogatif et relatif k-, dont on a vu
l'origine, n» 33, 3^
f280) lO'' Kiché « pourquoi », 3 fois : autre dérivé
jargonnant du même thème.
(281) 11° Xr^ « quel », 4 fois, et kizé « quelle »,-
2 fois : autre dérivé du même thème.
(282) 12" Meta a pourtant », une fois: étant donné
que med signifie « pour », c'est une formation calquée
sur le fr. pour-tant, soit *med-ta, où la syllabe -ta
représente la syllabe fr. -tant. Noter toutefois que
med est postérieur à meta.
(283) 13° Najsina a nouveau », une fois: comparer
---160^--
œsini (i ensuite », d'où le sens « postérieur, récent »
cf. n°34, 2° ',Vn initial vient de contamination par le
inot fr. nouveau.
' (284) 14° Néûmi « mystérieux », une fois. Le mot
lui-même est assez mystérieux et semble de formation
mystique : par l'initiale, il rappelle le fr. né-ant ; l'élé-
ment subséquent doit se rattacher au verbe mt. umez-
« faire » (n° 219), ensorte que l'ensemble aboutirait au
sens de « infaisable » ou « incréé ».
(285) 15° Primi « revoir » substantif, une fois,
FI. 23: ce « revoir » s'effectue par un ((retour », en.
sorte qu'il est difficile de ne pas soupçonner un rap-
port étymologique avec bérimir qu'on a vu au n° 53.
Peu clair.
. (286) 16° Triménêni (( comprenions », une fois,
FI. 15. M. Flournoy fait observer que la traduction est
suspecte, puisque (( comprendre » se dit tout autre-
ment (n<'259), et qu'il vaudrait mieux (( entretenions »
pris dans le sens de (( converser, causer » : dans ces
conditions, et puisque taroini et triné apparaissent
dans la même phrase^ le rapport à établir entre ces
trois mots n'est pas niable, cf. n°^ 139 et 210. Ce qui
demeure obscur, c'est le mode spécial de dérivation
de «'nméAiem." Peut-être n'est-ce qu'un jargonnement
arbitraire, vaguement imitatif du fr. entretenions.
161 _-
CHAPITRE XI
Le résidu
(287) Il n'est guère d'analyse linguistique, si pa-
tiemment conduite qu'on la suppose, qui ne laisse au
fond de la cornue un caput mortuum irréductible.
Celle du martien pouvait moins que toute autre
échapper à cette infirmité. Il me reste donc àénumérer
les quelques mots dont je renonce à trouver Texplica-
tion, et à souhaiter à mes lecteurs, s'ils m'ont suivi
jusqu'ici, plus de pénétration. On tiendra compte, en
outre, des petits mots dont la genèse demeure obscure,
et des incertitudes dont je n'ai pas fait mystère au
cours de ma trop longue exposition.
1" Estotiné « ma dernière », FI. 15 : ce n'est pas la
seule anomalie de ce texte ; mais c'est la seule dont il
soit absolument impossible de venir à bout ; car,
puisqu'on ne peut, dans ce prétendu composé, isoler
un mot qui ait le sens de « ma » (cf. n® 32, 1°), à plus
forte raison n'y reconnaît-on pas le mot « dernière »,
et à plus forte raison encore ne saurait-on le rap-
procher de rien.
2^" lanlné « [il] enveloppe », FI. 14 et 28. La diffi-
culté de ce mot étrange se complique de ce que, la
première fois qu'il apparaît, c'est sous la forme
— 162 —
m-ianiné, qui est censée signifier « t'enveloppe » et
où pourtant l'élément m- ne peut que par lapsus évi-
dent représenter le pronom « te ». Le mg. a un mot
hiàny « lacune », d'où le composé hiânyjel « signe
de lacune », qui désigne le petit symbole que nous
appelons « apostrophe ». On sait, d'autre part, que
l'apostrophe est souvent employée, dans certains ou-
vrages, comme le seraient les guillemets, et qu'enfin
les guillemets « enveloppent » une partie déterminée
d'un texte. Toutes ces idées sont donc plus ou moins
connexes, et il n'était pas difficile de passer de l'une
à l'autre. Mais il n'est pas croyable que W^^ Smith
connaisse, même pour en fausser le sens, un terme
grammatical aussi technique en langue magyare.
3° Lâmêe « jusque » , une fois. Le fr. là même se
suggère tout naturellement ; mais il faut se défier des
explications trop faciles.
4° Povê « rester » , une fois : je ne trouve à citer
que l'ai, bewohnen « habiter » , et vraiment il est trop
éloigné à tous points de vue.
5° Rusd « milieu », FI. 24. On est frappé tout d'abord
de l'homophonie avec busi « moyen » : le rapport
aurait pu s'établir par l'intermédiaire de l'ai, mittel,
qui signifie à la fois l'un et l'autre. Mais busi, qu'on a
expliqué tant bien que mal au n° 57, n'apparaît que
tout à fait à la fin, FI. 40 : il est difficile, dès lors, de
croire que ru:sd en soit issu ; et, si l'on suppose que ce
dernier, au contraire, est l'ancêtre, c'est bien pis en-
core, car il n'y en a pas d'étymologie visible. Rien non
plus ne justifie le passage de 6 à /' ou réciproquement.
— 163 -
Mieux vaut donc laisser rui^d parmi les mots inex-
pliqués, et peut-être, parla même occasion, y reléguer
6w^ï avec lui. Mais avec ces deux derniers mots nous
avons épuisé la totalité du vocabulaire martien.
164
CONCLUSION
(288) Dans mes Antinomies linguistiques, — aux-
quelles je m'excuse de renvoyer si souvent, mais il le
faut bien, le présent livre n'étant au fond qu'une véri-
fication expérimentale des principes spéculatifs que j'y
avais exposés, — je me suis trouvé tout naturellement
amené à examiner l'irritant problème de la conformité
originaire du langage et de la pensée, postulat logique
inéluctable, mais jusqu'à présent rebelle à tout essai de
démonstration, puisque le langage primitif de l'huma-
nité nous est lettre close. « Peut-être, ajoutais-je (p. 41,
n. 1) , n'est-il pas téméraire de fonder à cet égard
quelques espérances sur l'avenir des récentes recherches
qui ont si fortement modifié et ébranlé l'antique no-
tion de l'unité du moi. Qui sait si le sens élémentaire
du langage ne se dégagera pas brusquement ou pièce
à pièce de quelque moi sous-jacent, mis à découvert
dans un de ces états seconds que provoquent les expé-
riences d'hypnotisme? Si étonnants que paraissent
certains de leurs résultats^ il est clair que les expéri-
mentateurs n'en sont encore qu'aux premiers rudi-
ments de la psychologie qu'ils nous préparent et n'ont
pas encore ébauchée. »
Tandis que j'exprimais ce timide espoir, d'éminents
expérimentateurs, à mon insu, assistaient à l'éclosion
~ 165 —
^d'ime langue telle que je la souhaitais, mais telle aussi
qu'elle m'apprêtait une déception. M"° Hélène Smith
.est évidemment beaucoup trop instruite et trop cul-
tivée, pour être restée l'intuitive que requerrait la re-
. construction d'un langage primitif et spontané; son
subconscient est encombré de- trop de souvenirs con-
scients, linguistiques, littéraires, scolaires, pour laisser
transparaître encore sous ce voile factice le confus et
lointain souvenir des concordances mystérieuses du
son et du sens qui créèrent la langue de nos premiers
ancêtres. Il y faudrait, sinon un sujet qui n'eût jamais
appris à parler, du moins une nature plus fruste, un
cerveau beaucoup moins affiné. N'en désespérons pas ;
ces conditions peuvent se rencontrer demain ; mais
dans le cas présent elles nous font défaut. En fait, on
l'a Vu, M^'*' Smith ne parle qu'avec ses propres souve-
nirs, immédiats (conscients) ou médiats (inconscients),
jamais d'après ceux qui, remontant par atavisme les
générations disparues, iraient rejoindre les premiers
anneaux de l'humanité parlante. Elle a beau se dire
reine de France, princesse arabe par la naissance et
Tnndoue par le mariage^ exploratrice de la planète
Mars: elle n'a vécu toutes ces vies que sur le papier des
livres qu'elle a lus : à plus forte raison n'en revit-elle
point d'autres, plus réelles, mais plus abstruses, ense-
velies qu'elles sont à jamais dans un passé sans histoire.
Ne lui demandons pas plus qu'elle ne nous peut
donner, et remercions M. Flournoy de l'avoir si fidè-
lement recueilli : de la documentation martienne, où
il a eu l'heureuse pensée de ne pas essayer de faire uu
— 166 —
choix, qu'il nous a transmise complète et rigoureuse-
ment authentique, quelles conclusions se dégagent au
■point de vue delà psychologie du langage?
' l** Presque tous les mots du martien ont une étymo-
logie assurée, puisée dans des langues réelles, connues
■plus ou moins, mais certainement connues, de
M"^ Smith. En admettant que quelques-unes de mes
explications doivent être tenues pour forcées ou très
contestables, il en reste encore un assez grand nombre
de probables ou de sûres, pour que le résidu inexpli-
cable ne constitue qu'une infime minorité: il est donc
à présumer que ce résidu lui-même deviendrait ré-
ductible, si nous disposions de moyens plus puissants
ou plus sagaces pour pénétrer les secrets de l'élaboration
subconsciente à laquelle elle s'est livrée, et qu'il appa-
raîtrait dès lors qu'elle n'a point créé un seul mot
qui n'appartînt d'ores et déjà à sa mémoire sous-
jacente. — L'homme, quand il le voudrait, n'inventerait
pas une langue : il ne peut parler, il ne parle qu'avec
ses souvenirs, immédiats, médiats ou ataviques.
2" L'inconscience du procédé linguistique chez le
sujet parlant est une notion d'ordre élémentaire, qui
pourtant a bien de la peine à s'imposer à certains es-
prits. On l'accorde généralement pour le processus
phonétique, qui ne saurait en effet s'expliquer ni se
produire, si le sujet qui opère une mutation ne croyait
articuler ce qu'en fait il n'articule point. On l'admet
aussi, en principe, pour la morphologie; sauf à retirer
parfois en détail ce qu'on a accordé dans l'ensemble,
ou à laisser échapper encore quelqu'une de ces mons-
— 167 —
trueuses explications grammaticales, qui supposent
que le sujet opère sciemment un certkin métaplasme
et- prévoit dans l'avenir une certaine confusion qui ne
manquerait pas de se produire s'il ne l'opérait pas.
Quant à la syntaxe et à la sémantique, il semble
qu'elles demeurent, dans le langage, le domaine réservé
à la conscience et à la volonté. Oui, pour le professeur
qui cherche à se faire parfaitement entendre, et qui
peine à trouver un tour clair, une image représentative ;
oui, peut-être, — car ceux-là sont déjà dans une large
mesure des spontanés lorsqu'ils sont sincères^ — pour
l'orateur et le poète, qui songent à frapper les esprits
par un tour nouveau, une métaphore brillante; oui,
enfin, pour qui s'écoute parler, mais on conviendra
que tel n'est point le cas des millions de propos oiseux
qui s'échangent chaque jour. Et ceux-là, c'est le
langage, le langage réel et vivant; le reste n'en est que
l'apparence élégante et figée. Or M"*' Smith, — in-
consciente par définition, — employant la syntaxe
française parce qu'elle n'a pas la plus mince idée d'une
autre, mais connaissant partiellement quelques vocabu-
laires différents de celui du français, s'est créé un vo-
cabulaire spécial à l'aide de ces matériaux, retravaillés
parles mêmes procédés sémantiques, métonymies, asso-
ciations, suggestions et contaminations (n"» 24-25), que
l'on constate dans les langues ordinaires. Le résultat
étant le même, il faut bien que le principe de formation
soit le même chez elle et chez le sujet parlant éveillé. —
Le langage est la consciente mise en œuvre d'un
système complexe de forces inconscientes, et ses anti-
- 168 -
nomiesse résolvent par la considération de la conscience
de l'acte unie à l'inconscience du procédé \
3" Discutant la ' formule de Darmesteter, suivant
laquelle le sujet parlant à ses débuts aurait « plus d'idées
que de mots », je proposais d'y substituer la formule
inverse « plus de mots que d'idées », et j'enseignais
que l'usage de la parole commence par un inconscient
bavardage, vaguement intelligible peut-être pour le
sujet parlant, mais à coup sûr intraduisible par lui et
pour les autres*. Et voici que le prodrome de l'appa-
rition du langage martien (FI. p. 149) a été une véri-
table explosion de syllabes étranges et de sons barbares,
, jaillissant « avec une volubilité croissante», « jargon
incompréhensible », presque impossible à reproduire,
qui — cela va sans dire r- n'a jamais été traduit ni
même répété dans la suite, mais qui présente déjà,
tout au moins, à un très haut degré, les caractères de
l'allitération et de l'assonance, distinctifs de la langue
postérieure qui en devait sortir. — Ainsi, en ce qui
concerne la genèse individuelle du langage, les con-
clusions qui se dégagent du martien ou de l'observa-
tion des jargons enfantins sont identiquement les
mêmes : tout langage commence par un gargouillis de
mots, entre lesquels et sous lesquels le sujet n'apprend
que plus tard à faire un choix et à mettre un sens
précis.
4° Et maintenant, s'il est vrai ce qu'on enseigne
couramment et ce que du moins la raison ne désavoue
1. Antinomies linguistiques, pp. 23 et 64 sq.
2. Antinomies linguistiques, ipp . 50 et 55.
— 169 —
pas, que l'ontogenèse est la reproduction exacte de la
phylogénèse, il ne nous est pas interdit de nous former
une représentation très vague des premiers débuts du
langage humain. Le cri animal, avant d'être un appel,
ne fut qu'un réflexe inconscient, et le langage en
procède, mais par une voie détournée : seul le cri
d'appel, l'interjection, chez l'homme, est la survivance
d'une animalité antérieure ; le langage proprement dit
a une autre origine, non moins mécanique, au surplus,
ni moins foncièrement étrangère au mécanisme de la
pensée. Bref, ce que nous nommons « le langage suivi »,
par opposition, à la simple exclamation, a dû débuter
par une éjaculation de sons quelconques, appropriés
naturellement à l'organe qui les émettait, mélopée
très probablement allitérante et assenante, gymnas-
tique pulmonaire et labiale, sous laquelle le sujet ne
mettait sans doute, et sûrement ne cherchait encore à
faire comprendre à ses semblables aucun rudiment
d'idée. Avant d'être l'expression d'une pensée, le
langage a été un exutoire: pour les muscles pectoraux?
pour les cellules de la troisième circonvolution? C'est
aux physiologistes d'en décider^ .
V. Henry.
1. En dehors de ces considérations génétiques, le fait capital qui
se dégage, pour le linguiste, des observations de M. Flournoy,
c'est que tout fait linguistique, en tant qu'il a été une fois perçu,
DEMEURE dans la mémoire au moins subconsciente du sujet. Cette
donnée, pour n'être pas absolument nouvelle, est trop importante
pour qu'on ne tienne point compte, dans toutes les inductions
ultérieures, de la preuve éclatante que M"° Smith nous en a
fournie.
NOTES ADDITIONNELLES
Au n° 2, vers la fin. — J'entends « positiviste » au
sens d'adepte d'une méthode scientifique qui rejette
tout jug'ement préconçu et, à ce titre, s'impose à tout
enquêteur sincère, quelles que puissent être ses con-
victions philosophiques ou religieuses; car, du positi-
visme érigé lui-même en doctrine philosophique^ j'ai
grand'peur^ pour ma part, qu'il ne ressemble à la
grenouille émule du bœuf.
Au n° 6, alinéa 2. — M. Flournoy n'avait pas
oublié de dire (p. 306, 1. 6) à quel âge M^^® Smith
avait appris l'allemand : c'est en effet, entre douze et
quinze ans ; mais ce point m'avait échappé, ou du moins
n'avait laissé trace que dans ma mémoire subcon-
sciente.
Au n° 19, 1°. — Ce décalque va aussi loin que pos-
sible. Quel est, par exemple, le genre du mot érié
«âme »? Il doit être féminin. Il est vrai qu'il ne se
construit (FI. 6 et 20) qu'avec le pronom possessif
masculin e^î « mon » ; mais c'est qu'en français on dit
(cmon âme »! Plus tard (FI. 31), lorsque la gram-
maire de M}^^ Smith- a acquis un peu plus d'indépen-
dance, elle dit bé animinâ « sa existence »*
-r- 171 --.
Au n" 27. — A ce sujet M. Flournoy a ^611
voulu m'écrire (16 juin 1900) : « La déduction d'Ése-
nale- Alexis, de solitaire-éréduté, detîziné-demain, etc.,
etc., me semble absolument satisfaisante par sa par-
faite conformité aux processus coutumiers du rêve. »
On estimera peut-être que l'autorité qui me fàit:dé-
faut en matière psychologique est amplement suppléée
par cette précieuse approbation.
Au n° 31. -^ Ce qui complique la question, c'est
que mis est apparu le même jour que tivê, et même
quelques secondes auparavant, dans la phrase FI. '8 :
il n'en pourrait donc être dérivé qu'au prix d'un travail
préalable, subconscient et entièrement latent. En
somme, mieux vaut reléguer mis dans le résidu inex-
pliqué; mais on remarquera qu'il est le seul mot très
usuel qyni rentre dans cette catégorie. '
Au n° 47. — D'une obligeante communication de
M. Flournoy il semble ressortir qu'on dit, à Genève
comme chez nous, « au revoir » lorsqu'on soigne son
langage, [et a à revoir » lorsqu'on le néglige. Les
patois savoyards des environs disent ar^vi.
Au n" 106. -^ Ce mot est, pour mon essai, une grave
pierre d'achoppement, qui a failli, après coup, m'em-
pêcher absolument de le publier. On a; vu, en effet,
à.la préface, que M''"' Smith a donné plus tard la tra-
duction des deux mots mile piri, et que cette traduc-
tion n'est point « mille fois », mais « vite encore ». Je
suis convaincu que, sur ce point, Ésenale se trompe
ou nous trompe; mais je n'ai aucun moyen direct; de
le convaincre d'erreur ou de supercherie, puisque
jamais en aucune autre circonstance M'^® Smith n'a
proféré le inot martien qui équivaudrait à « vite », ni-
celui qui équivaudrait à « encore ». Cependant, à
défaut de preuve catégorique contre cette traduction, '
de sérieuses présomptions en font suspecter la sincé-
rité : si mile piri, lorsqu'il a été prononcé, avait dû
réellement signifier « vite encore », quelle raison
aurait eue Ésenale de ne pas le traduire sur-le-champ
avec le reste de la phrase, et de tenir si longtemps en
suspens un sens aussi simple? Il me parait évident
qu'il — c'est-à-dire le subconscient de M"*' Smith —
a passé ce temps à chercher un sens supplétoire qu'il
pût sans inconvénient substituer à la signification pri-
mitive, afin de ne point encourir le reproche de parler
français en martien. M. Flournoy, qui partage ma
conviction, a bien essayé une contre-épreuve; mais
Ésenale était sur ses gardes et ne s'est point laissé
surprendre (21 juin 1900). « Dimanche, dans une séance
où il y a eu de l'ultra-martien, après la scène habi-
tuelle de traduction, j'ai vivement insisté pour qu'Ése-
nale'me traduisît le texte 19: je le lui ai répété soit
entier, soit par fragments plusieurs fois ; à force de
questionner, et au milieu de mouvements d'impa-
tience, après de longs silences, comme si Ésenale
cherchait à se souvenir péniblement, il a murmuré :
« ami, je ne puis te... vite encore adieu. » Tous mes
efforts pour obtenir le sens des autres mots, triné,
sandiné, etc., sont restés vains. Il en résulte pour
moi: 1" que des mots qui ont cependant paru plu-
sieurs fois en martien sont oubliés^ ainsi que le sens
— 173 —
total de ce texte qui remonte à près de trois ans;
2° que, si M^^* Smith a traduit les premiers mots, ce
kié mâche dé, c'est qu'ils comptent parmi les plus fré-
quents de la littérature martienne, ce qui fait qu'elle
ne les a pas oubliés; 3° que, si elle a aussi traduit
mile piri, qui ne se sont présentés que dans ce seul
texte, c'est qu'une circonstance spéciale a gravé
ces aua? dans sa mémoire ; cette circonstance spéciale,
c'est évidemment que ces mots lui ont déjà été rede-
mandés le 4 juin 1899, — où elle n'a pas pu les tra-,
duire, — et le 10 septembre 1899, où elle les a
traduits par « vite encore ». Elle s'est souvenue,
dimanche dernier, du sens fourni le 10 septembre;
mais rien ne prouve que ce soit le sens primitif ; au
contraire. Et je ne vois aucun moyen de faire re-
trouver ou avouer à Ésenale ce sens primitif. . . •» La
question en demeure là : je crois ma traduction meil-
leure; mais je ne me dissimule pas qu'il y a outrecui-
dance de ma part à prétendre donner à M"* Smith
une leçon de martien.
Au n" 110. — Le sk. nipuna est plus voisin; mais-
il signifie a habile ». Quelqu'un m'a suggéré depuis
le fr. répugner^ qui en elîet a pu interférer. ■
Au n° 134. — Il me paraît plus probable que
ténassé a été suggéré tout entier, tel quel, par le fr.
tenace, qui est une épithète souvent associée à l'idée
de « volonté ».
Au n° 163. — L'explication cadrerait également,
mais moins bien, avec le fr. laisser, non seulement à
cause du vocalisme, mais surtout parce que l'infinitif
12
- 174 —
al. lassen permet de rendre compte de 1'^ pénultième
du martien.
Au n° 173. — Quelques informations sur des ques-
tions d'usage familier de la langue magyare m'ont été
fournies par mon collègue de Graz, M. H. Schuchardt,
que je remercie ici de son amicale obligeance.
Au n** 212. — Tout bien considéré, la personne qui
est ainsi « lancée )), l'étant dans une disposition en-
thousiaste qui ressemble fort à l'extase, a fort bien pu
tirer son verbe « lance » du h. -extasiée. Et cette voie
me parait plus simple et plus sûre.
Au n° 236. — Le prâcrit a des mots beaucoup plus
voisins encore du jargonnement sanscritoïde attamana,
soit p. ex. pk. atthamana = sk. astamayana, ou
pk. attamana = sk. âvartamdna. Mais le sens ne con-
corde point du tout ; et puis nous n'avons pas le droit
de supposer que le sujet ait entendu des spécimens de
toutes les langues de l'Inde.
Au n" 238. — Sans insister sur cette question inso-
luble, j'observe que M"*' Smith emploie son mot mira
dans des phrases (cf. FI. 18 et 31) où le sens « salut »
serait mieux à sa place que celui d' « adieu ».
Au n° 254. — Toute cette pénible déduction est à
supprimer et à remplacer par la suggestion portée à
la fin : mené « amie » est l'ai, meine, et men « ami » en
est abstrait par suppression de la finale féminine.
Au n** 287. — Tenant compte des modifications
apportées aux statistiques spéciales des chapitres IV-
XI par les additions ci-dessus aux n°» 212 et 254, on
voit que le lexique total de la langue martienne, non
— 175 —
compris les noms propres et les petits mots, se décom-
pose de la manière suivante :
1" Mots hypothétiquement réductibles au français seul. 110
2» — — — à l'allemand seul. 25
3° — — — au magyar seul . . 55
4» — — — à l'anglais seul . . 3
5° — — ^ à une source orientale. 5
6° Contaminations diverses 29
7" Dérivations des précédents. 16
8" Résidu irréductible 5
Total 248
INDEX
[N. B. — On n'a pas dressé d'index martien: les chapitres
IV-XI, 011 les mots martiens sont rangés par ordre alpha-
bétique, en tiendront lieu. — On n'a pas non plus relevé les
petits mots qui font l'objet du chapitre III. — Les chiffres
renvoient aux n»** entre parenthèses en caractères gras.].
I. Allemand
ail 177
ameise 247
ast 28
bedingen 243
bewohnen ..;.,. 287
blick 268
bringea 170
bruder 181
butter 251
ebeu 154
eiaig« 12, lUS
efde ....72, 245
erinaeru. 159
esel 27
flndea....8, 150, 151
freilich 246
fund 151
fûrwahr 246
geschmack 264
gruud 265
gut 155
handeln 12, 149
haus ,,12, 156
heuie 267
himmel 160
birn 161
hohe 157
hund 85
innig 88
je 158
klein 191
kummer ........ 162
lassen 163
machen 164
mag 164
raaiin 165
mannig 2â, 198
mehrere 242
meiuc, < 254
176 —
raichel.. . .. . — 197
mittel 287
matter 17, 166
nase 248
pelz..' 249
butter 251
good .s 155
kind, kindness.. 232
-a..... 241, 242
abondaut 40
académie 41
Alexis 27
aligné 253
alizé....; 42
ami, etc 247
aminci 87
âne 27
animé 43
antérieur 46
antique 46
à revoir 47
assigner 44, 65
assurer 129
attenant 133
Banat 50
battant 49
bas 51, 145
béni 52
bien 119
brillant 125
bure 96
calmer 90
câpre .... i ..... i 58
i-ast 244
reden 169
schmecken 264
schnilt 153
schôu. 152
II. Anglais
match 23o verily
mother 17, 166
uor yet 234
so... ............ -250.
taumel........ .. 172
trieb 171
voll 26a
warten 266
III. Français
carreau 59
centenaire 128
chagrin 249
chèque 61
chéri ;...24, 62
Chine 147
cœur 237, 262
consigner 44
dab 64
demain 260
demi 67
diminué 87
disant 66
discerner 69
divine 68
doctrine 139
du moins 71
dure 72
écrire 255
enchanteur... 15,60
encourager 45
entré 97
entretenir 286
épine 24, 74
épris 73
246
Espagne 17, 75
esprit 55
essence 76
extasié 212
fin 77
fine 78
firme 79
forme 79
formidable 80
fougueux 80
fourrai 247
gamme 81
gaudir 82
grand 83
grève 84
habitant 54
hanter 85
heurter 112
hideux 105
idée 86
imprimer 55
instant 135
issue 57
jet d'eau 63
laisser 163
— "177 —
Léopold -28
léser, lésion 94
ligne 253
luire, lumière. . . 95
luudi, lune 95
madame 99
mademoiselle. . . 102
maison 108, 156
mâle 92
maman 107
masse 98
maternel 103
médiierranée 100
merveilleu.x. 15, 101
mignon 88
raille 106
mince 87
minet 88
minute 109
misère 105
modéré 70
monsieur 104
mort 77
myosotis 146
néant 284
nébuleux 111
obscurité 141
os .!!^..;.^..... 251
palliatif 113
pandit.... ...... 240
paresse 115
parvenir .'.'. 124
Pasteur...'.... .. 116
pavillon, etc 117
pénétré 97
pleurer '. 122
pleuvoir 122
poitrine 258
problème 123
puni 110
quatre 03
qui vive 91
raison 126
rameau 28, 206
rapide 114
réfléchir 126
réitéré 89
repasser 118
reprise 120
répugner 110
revenir , 54
si...;::..!....... 187
soie ,. 259
solitaire 245
solution.::::.::: 123
sur:...::.:::.:. 127
sûr::.:::.:.:.... 129
tableau.:: 132
tamarix 130
tant 250
tapisserie 132
tenir... 131, 133, 133
tout ainsi 136
traînée 137
trajet 137
trimer 138
trompe 243
usé 140
venir 143
vers 252
vide 121
vieil 177
viser, vision 144
voir 142, 252
vraiment 246
essere
IV. Italien
76 godere 82 lunedi 95
adja (Isten) 174
adui 174
âg 28
alacsony 178
âllani 253
aludni 218
âtmenni 175
V. Magyar
bàtya 181
benézni 52
bibe 24, 179
bor 264
borisza 263, 264
botor 251
csacsi 27
csatinâzni 204
csemege 227
csendes 184
csiga 226
dûhôsség 140
egész 188
éljen 185
178
éljeneznl 186
élni 185
ézen allât 27
fia 180
garabô 192
gerend 265
gyermek 180
hâznemû 176
hiânyjel 287
idô, idôs 189
igy^ igyen 187
ilyen 187
irni 195, 255
iromâny 195, 255
is... 222
Ivrét 190
izrom 228
kicsiny 15, 191
kirics 183
kônnyû 191
lâm 193
lâtni 252
levé! 199
Lipôt 28
madâr 204
magas 197
mâs, mâsik 196
Maté.- 26
megnézgélni 194
megy.. 175
melly 258
menni 175
mész 175
mosojogni 208
uémi 25, 198
név 223
nyerész 256
ohajtâs 267
parittyâzni 212
pederedni 202
pedig 222
pillanat 268
repûl 114
selyem 259
sokâra 229
somojogui 208
szem, szemôk. . . 207
szép 152
szirmanyult 206
szirom 206
sziv 182, 262
szivesség 182
tâgas 209
tata. 211
teljes 213
terjedili 214
tiz.. 260
tôbbre 217
tôrvény. 210
tôvet 216
tûzes 215
iigye 261
ûgyelni 266
ùgyész 261
uradalom 257
ùrhadi 257
usztatâs 201
usztatni 201
ùzem 219
vadâsza 220
vârni 225
vén 177
vidâm 221
villanat 268
virâny ; . . . 225
viz 224
zamat 264
zsidô 205
VI. Sanscrit
adhyâya 8 nipuna 110 mahât 197
àtmànam 25, 236 panditâ 240 simantinï 8
ganapati 8 Pànini 26 sumanas 239
dvandva 8 bhûvana 236 h/d , hrdà, hrdi. . 237
LA RAZA VASGA
Y SUS
RELACIONES CON LA LINGÛiSTICA Y LA ETNOLOGiA ^
Seintoras y Seistores :
La cuestion de la raza vasca tiene, como todas las
otras cuestiones, variedad de aspectos ô puntos de
vista, que es menester no confundir : el primer punto
a estudiar era 6 por mejor decir, debia haber sido el
precisar los caractères antropolôgicos de los Euskal-
dunak actuales, seilalar loque constituye su persona-
lidad fisica si la tienen; solamente despues de haber
bien definido el verdadero tipo yasco mediante una
amplia base cientifica se podria estudiar con provecho
la cuestion de las analogias que pueda tener con las
otras razas, que â su vez debian haber sido bien estu-
diadas con anterioridad; solamente despues de haber
establecido analogias con una base antropolôgica sin
prejuicios procedentes de supuestas analogias lingûis-
ticas ô de otra clase, se podria abordar la cuestion de
las origenes. Pues bien, le que se ha hecho es precisa-
mente todo lo contrario; se han emitido hipôtesis sobre
las origenes antes de estudiar ni los Vascos ni los otros
1. Communication faite au Congrès International des Études
basques .
— 180 —
pueblos con quienes se les compara, y cuando, por
ùltimo, han venido los antropôlogos à estudiar la pri-
mera cuestiôn, se han visto influidos por ideas precon-
cebidas, por teorias que se queria demostrar ô que se
querria rechazar.
Esta ya establecido por mis descripciones y las de
M. Collignon, que hay verdaderamente un tipo antro-
polôgico vasco bien definido; no es ocasiôn de insistir
sobre esto, pudiendo referirme à mis ùltimos articules
publicados en Euskal-erria (XXV, 1896, p. 577-580),
Euskalduna (III, 1898, n** 84), y Lecciones de antro-
pologia (T, 4", Etnografia, razas negras, amarillas y
blancas; Madrid, 1900) : pero no dejaré de hacer notar
la ningunaatenciônque presta M. Collignon al carâcter,
que habia hecho notar yo y estaba ya indicado en las
publicaciones de autores anteriores, referente al ângulo
occipital de Daubenton ô, lo que viene â ser lo mismo^
la posiciôn de la cabeza sobre la columna vertébral,
carâcter que con el de la nariz colocan à la raza vasca
â la cabeza de la humanidad, pudiendo considerarla
como una de las mâs> aristocrâticas, de las mâs pro-
piamente blancas ô europeas, de las mas lejanas de la
animalidad.
Pero lo mâs extrano en Collignon son sus contradic-
ciones évidentes que reducen â la nada sus conclusiones
y que no han llamado la atenciôn de los que, mâs
hambrientos de conclusiones que de hechos ciertos,
admiten aquellas como verdades : estudia bastantes
Vascos franceses y algunos Vasco-Espanoles que le pre-
sentan en San Sébastian con ocasiôn de una râpida visita
- 181 —
que hace â esta ciudad; deduce la escasez del tipo en la
parte espanola, influida por las gentes dolicocéfals»
de Castilla; crée hallar la mayor freciiencia del tipo en
los valles mas braquicéfalos del pais basco francés;
déclara este tipo braquicéfalo y muy diferente de los
tipos del Norte de Africa. Bien, pues despues de todo
esto y para forzar un poco las analogias con el Norte
9,fricano que crée demostradas porlalinguistica, lo que
por ahora al menos esta lejos de ser verdad, dice que
la braquicefalia de los Vascos es una braquicefalia
artijicial, facticia, accidentai [\), que explica con teo-
rlas craneoscôpicas trasnochadas; no le llama la aten-
ciiin el que los cantones mâs braquicéfalos son los que
estan mâs en contacto con los cantones braquicéfalos
bearneses de Navarrenx, Monein y Lescar; no com-
prende que puede haber influencia de los braquicéfalos
franceses como de los dolicocéfalos espanoles; no ve
que ciertos rasgos de la fisoaomia vasca podrân pare-
cerle mâs manifiestos en una cabeza braquicéfala, sin
que por esto sean menos existentes en las cabezas doli-
cocéfalas de los Vasco-Espanoles y podria senalaros un
ejemplo hoy mismo en algùn Vasco-Francés, asi como
puedo aseguraros que lo he visto muy frecuente en
Vizcaya y en el Goyerri guipuzcoano, regiones las
mâs visitadas por mi. Compara tambien M. CoUignon
el torso vasco y el egipcio, torsos de agricul tores; pero
si es verdad que los Vascos tienen espaldas anchas, no
lo es tanto que las caderas sean estrechas ; séria menester
demostrarlo por medidas y no lo hace : ademâs, basta
comparar los Vascos â los otros Espanoles, principal-
— 182 —
rhëiite los Andaluces, para que se distingan los pri-
mêros, no solo por la anchura de los liombros, sino
tambien de las caderas y de los pies; son pues mâs
europeos, menos bereberes que los otros Espaïloles.
Por lo dicho podeis deducir que para mi el verda-
dero tipo basco no hay porque admitir que sea tan
braquicéfalo como los cantones vecinos del Béarn ; mâs
equitativo me parece que, pues hay en la parte espa-
nolados mâximos de frecuencia, uno subdolicocéfalo y
otro mesocéfalo, y en la parte francesa tambien dos,
uno mesocéfalo y otro subbraquicéfalo, el mesocéfalo
nos representaria mâs propiamente â la raza basca. Los
antropôlogos creen hoy en el dogma de la incompatibi-
lidad de la mesocefalia con la caracteristica de una
raza original ô primitiva; creen que es imposible que
una raza primitiva tenga unas proporciones de anchura
y largura en la cabeza que no sean ô menos de 3/4 ô
mâs de 5/6; se forman al mismo tiempo un concepto
de raza primitiva tan especial, tan petrificado, rigide y
esclusivista, que parece imposible cômo informe las
elucubraciones de darwinistas y crey entes â la vez. En
tanto, pasemos provisionalmente porque el tipo meso-
céfalo basco sea de origen mestizo; siempre sera un
mestizaje muy antiguo y producido de una manera
espontânea ô independiente^ si vale la frase, ântes de
la época de la formaciôn de los rasgos caracterlsticos de
la cara vasca, rasgos de pueblo de vida agricola y de
alimentaciôn cocinada, mâs bien cocida que cruda, de
un pueblo que no tiene carâcter agresivo, que no es
precisamiente conquistador, pero al mismo tiempo de
— 183 —
un pueblo que ha sabido tener personalidad propi^;
por oscura é insighificante que pueda parecer â los
idolâtras de las mentiras escHtas por los représentantes
de los pueblos agresivos y esclusivistas.
Existia ya constituido el euskera ântes de este
supuesto mestizaje? En todo caso, en el estado actual
de los datos antropolôgicos no vemos motivo suficiente
para orientar las analogias solamente hacia el Sud",
séria de proponer â los lingùistas tuviesen en cuenta la
posibilidad de hallar quizâs algunas analogias estur
diando â ser posible el etrusco, el ligur y los residuos
de lenguas precélticas en el Occidente de Europa,
indicaciôn esta ùltima digna principalmente de tenerse
en cuenta^ por lo que haee â la numeraciôn, no solo por
su carâcter vigesimal, sino también por la colocaciôn
de las decenas ântes de las uriidades en consonancia
con la sintaxis del sustantivo, adjetivo y articule y en
perfecta antitesis con el orden de unidades y decenas
en latin y aleinân.
Y no solo los datos antropolôgicos, sino tambien los
etnogrâficos podrian quizâs ayudarnos â considerar
como probable que el euskaldûn se ha hecho raza y
se ha hecho pueblo en el pais que habita al présente,
sin que veamos razôn ninguna para suponer otra cosa-;
asi pues el euskaldûn séria hijo legitimo de Euskal-
erria, â quien permanece unido con la intensidad de
carino propia de los pueblos agricultores dândola el
sello étnico propio de la raza.
Cierto que algunos terribles etimologistas del pré-
sente quieren encontrar mâs de 80 "/• de importaciôn
— 184 -
en las palabras que indican cultura y hasta en las ideas
mâs elementales y naturales; pero es bien seguro que
taies afirmaciones no encontrarian eco, sino se tratase
de ideas que consciente 6 inconscientemente halagan
un prejuicio al mismo tiempo que brotan de él; pre-
juicio muy arraigado en los pueblos agresivos, absor-
bentes y vanidosos con literatura escrita y relaciones
exteriores y con la mordaza, la difamaciôn y la arbitra-
riedad para lo que les estorba en sus miras esclusivas ;
prejuicio cuya espresiôn hiperbôlica pero muy grâfica
vimos en ocasiôn que no queremos recordar, cuando
alguien decia que â los indigenas de cierto pais se les
habia ensenado hasta â andar en dos pies.
En ùltinio termine, ningùn pueblo es inventor, los
inventores son los individuos, el mérite en los pueblos
esta en saber adoptar y aprovechar los inventes, sean
de individuos propios ô agenos, dândoles la verdadera
existencia permanente y las posibilidades para su evo-
luciôn; y en este sentido es menester reconocer que,
si cada hombre tiene sus cinco dedos en cada mano.
cada pueblo tiene sus aptitudes para desarrollar toilo
lo que verdaderamente sea necesario para la evoluciôn
de su vida en lo que las circunstancias topogrâficas é
histôricas se lo permitan.
Terminaré senalando â los etnôlogos en sus diversas
especialidades la utilidad que para el conocimiento de
la cuestiôn reportaria el estudio de la mûsica vasca,
por ejemplo no solo en el ritmo de las canciones tradi-
cionales y en su modulaciôn, sino también en el ritmo
y medida de sus danzas, el aurresku, los diverses
— 185 -
tierapos del espata-dantza y el zortziko, que de tiempo
de danza ha pasado hoy a ser una de las formas de la
canciôn, y que ofrece la particularidad de ser su
medida cinco por ocho, medida que Fetis asigna à los
Finlandeses, pero no he conseguido ver en ninguna
canciôn de aquel pais; medidas todas estas que hacian
la desesperaciôn y provocaban los denuestos de los
maestros ciruela de la estrecha escuela musical de no
hace un siglo. Tiene la mùsica popular la ventaja de
que de todas las artes, industrias y demâs manifesta-
ciones de la vida de un pueblo, es ella lo mâs espon-
tâneo, lo mâs libre, lo menos sujeto à rigideces
escolàsticas, à tiranias politicas, â supersticiones y à
influencias antiartisticas; por esto y por ser el arte
mâs moderne es el que àcaba de dar el sello personal à
los pueblos actuales.
Paris, 5 setiembre 1900.
Prof. D''Telesforo De Aranzadi,
NOTE
SUR L'ORIGINE DES PARFAITS FAIBLES
DANS LES IDIOMES GERMANIQUES
i . -- Les parfaits des verbes germaniques faibles
ont pris naissance dans la série des formes anormales
goth. ma^', kann. etc., qui, employées comme pré^
sents, ont nécessilé des substituts avec fonction spé-
ciale de parfaits.
2. — Ces substituts ont été obtenus par la combi-
naison instinctive du rad. du plur. mag, kunn avec le
t {th ou d) caractéristique des part, passés correspon-
dants, comme rna/ifs (cf. \al. mactus, qui en garantit le
caractère primitif) et la finale {a, pour la 1'* pers. du
sing., etc.)des formes correspondantes du présent au
singulier et celles des parfaits forts au duel et au plu-
riel.
Exemples :
Sing. — l^e perg. rnah-i-a, kun-th-a
— 2® pers. màh-t-es, kun-th-es
— 3' pers. mah-t-a, kun-th-a
(Désinence de la 3" pers. semblable à -celle de la
1" par analogie avec l'identité des formes corres-
pondantes des parfaits forts {lag, lag).
— 187 —
Duel, qui, ainsi que le plur., se développe, avec les
mêmes éléments finaux, sur les1'% 3® pers. du singu-
lier, avec affaiblissement de la finale ta en de (cf. la
finale es pour as de la T pers.) :
l''«pers. mngte-d-u, kunthe-d-u
2» pers. magte-d-uts, kunihe-d-uts
Plur. — 1"^ pers. magte-d-um, kunthe-d-um
— 2® pers. magte-d-uth^ kunthe-d-uth
— 3" pers. magte-d-un, kunthe-d-un
L'objection à laquelle semble pouvoir donner lieu
la valeur passive du suffixe du part, passé tombe, si
l'on admet que ces formations ont eu pour point dé
départ des participes à sens neutre, comme celui" de
mag, « être fort, pouvoir, grandir ». Cf. d'ailleurs lé
sens neutre ou actif des part, passés des déponents
latins.
Paul Regnàud.
BIBLIOGRAPHIE
Légendes bouddhistes et djainas, traduites du tamoul
par Julien Vinson. — Paris, Maisonneuve, 1900,
21 voL in-12, I (viij)-xxviij-230 p., II (viij)-274 p.
L'Inde ancienne est le pays d'origine de la fable et
du conte. Du moins, les recueils tels que le Panca-
ianira^ VHitopadeça^ le Kathâsaritsâgara, que la litté-
rature sanscrite nous a conservés et qui sont la source
de tant de récits devenus populaires en Occident
même, ont tous les caractères de l'originalité; la plupart
de nos apologues classiques viennent de là et ceux
qui constituent ces recueils portent avec eux, pour-
rait-on dire, leur extrait de naissance. Mais si de bonne
heure ils sont venus chez nous par des voies que la
science moderne a réussi à retracer, à plus forte raison
se sont-ils répandus et conservés dans l'Inde même à
Taide des littératures dont le développement est dû
aux idiomes d'origine secondaire qui ont succédé au
sanscrit d'autrefois. Le tamoul, par exemple, a rempli
ce rôle à l'égard des récits bouddhiques et djainas
dont M» J. Vinson nous donne un résumé si curieux
— 189 —
dans l'intéressante et élégante collection des « Con-
teurs et poètes de tous pays » que publie la librairie
Maîsonneuve.
L'analyse des romans (car ce sont de véritables
romans dont il s'agit) que nous font connaître les
fidèles traductions de M. Vinson ne serait que le sec
résumé de récits qui valent surtout par les détails
dont ils sont ornés et la couleur locale que ces détails
leur prêtent. Aussi n'entreprendrons-nous pas la
tâche ingrate de priver de leurs agréments, sans grand
profit pour le lecteur, des œuvres que les soins déli-
cats et diligents du traducteur ont déjà resserrées dans
les limites qu'indiquaient le goût européen et les conve-
nances littéraires auxquelles nous sommes habitués.
Ceux qui voudront connaître les Légendes bouddhistes
ne sauraient mieux faire que de recourir à la traduc-
tion même que nous annonçons, et nous nous portons
garant qu'ils n'auront pas à le regretter.
Deux mots, pour terminer, sur les côtés scienti-
fiques de l'ouvrage. Si, comme nous l'indiquions plus
haut, les contes auxquels nous avons affaire ont
été créés dans l'Inile même, il serait extrêmement
intéressant de déterminer quelle est, en ce qui les
concerne, la part de l'imagination et celle de la tra-
dition. En d'autres termes, sommes-nous en présence
d'œuvres personnelles, même au point de vue des traits
généraux de ces contes, ou simplement de dévelop-
pements et d'arrangements reposant sur des ouvrages
13
— 190 —
antérieurs où se trouvaient déjà les motifs principaux
des légendes postérieures?
Pour nous, nous avons la ferme persuasion de l'im-
portance capitale en pareille matière de la tradition
sous ses formes les plus anciennes, c'est-à-dire et
quoiqu'il s'agisse du bouddhisme, celles qu'elle pré-
sente dans les hymnes védiques et les Brdhmanas.
C'est là qu'est le principe et la source de toute l'expan-
sion religieuse et littéraire de l'Inde ancienne. On en
retrouve la filièrechaque fois qu'on prend la peine de la
rechercher, et certainement M. Vinson la rétablirait sur
ce terrain des légendes bouddhiques et djainistes, s'il
lui plaisait de doubler d'un travail d'érudition l'œuvre
plutôt littéraire dont il s'est si bien acquitté.
P. R.
I . Leiçarragà^ Baskische Bûcher von 1371 in genauen
Abdruck herausgegeben von Th. Linschmann und
H. ScHUCHARDT... Stmsbourg, K. J. Trûbner, 1900,
cxx-(xl)p.-439fLs-tij)-(îxiv)-(cxi)-(xvj)-(lj) p. in-8».
On sait quelle est l'importance des œuvres de Li-
çarrague pour l'étude de ce que le pr. L.-L. Bonaparte
appelait le basque moyen, expression un peu préten-
tieuse peut-être, car il n'y a pas entre le basque du
XVP siècle et la langue contemporaine une différence
aussi marquée qu'entre le moyen allemand et l'alle-
mand moderne; les formes et les tournures du Nouveau
Testament de 1571 se retrouvent d'ailleurs dans les
— 191 —
auteurs labourdins du XVIP siècle, mais leurs ouvrages
sont bien moins volumineux que celui du ministre de
Briscous et ce dernier a l'avantage d'être presque tou-
jours la traduction d'un texte facile et connu .
Malheureusement, les exemplaires en sont fort
rares. Des deux livres de Liçarrague, l'un, — le
Calendrier et ïAbc, avec les prières, — n'a été con-
servé qu'à quatre exemplaires dont deux sont dans
des Bibliothèques publiques (à l'Arsenal et à la Maza-
rine); de l'autre, le Nouveau Testament et ses annexes,
on connaît vingt-six exemplaires, et il doit en exister
quelques autres encore'. Aussi doit-on féliciter vive-
ment MM. Schuchardt et Linschmann, ainsi que
l'Académie des sciences de Vienne, du service consi-
dérable qu'ils viennent de rendre à la science en faisant
réimprimer avec la plus scrupuleuse exactitude ces
précieux textes.
La reproduction a été faite en effet page pour page,
ligne pour ligne, mot pour mot et signe pour signe,
mais il est regrettable que l'on n'ait pas poussé plus
1. Quinze dans des Bibliothèques publiques: cinq en France
(à la Bibliothèque Nationale, à l'Arsenal, à Bayonne, à Oloron,
et chez les Bénédictins delà Bastide-Clairence), trois en An.çle-
terre (au British Muséum, à la Bodleyenne, à la Société Biblique),
un à Leyde, un à Hambourg, un à Leipzig, un à Stuttgart, un à
Berne, un à Rome, un à Madrid; et onze chez des particuliers :
six en France, trois en Angleterre, un en Esjîagne, Un en Italie.
Dans ce nombre ne sont pas compris des exemplaires qui ont
figuré dans plusieurs ventes publiques depuis le milieu du
dernier siècle.
— 192 —
loin la ressemblance en employant des caractères elzé-
viriens. Il en résulte que les dimensions des pages sont
plus grandes que dans l'original; dans le Calendrier et
VAbc, les pages ont 110 mm. et demi au lieu de 105 et
63 mm. au lieu de 53. Les s longs, les tilde ne font
pas typographiquement un très heureux effet au milieu
du romain ordinaire allemand. Du reste, les fleurons
et les lettres ornées ne sont pas exactement pareils,
les en-tête des mois dans le Calendrier ont les signes
du zodiaque beaucoup plus petits, les c et « ne sont
pas liés, les s et les ï sont séparés, etc. Enfln, l'im-
pression, quels que soient le soin et l'attention avec les-
quels elle a été faite, n'offre pas le goût parfait et l'élé-
gance que nous prétendons réaliser en France : on le
remarquera surtout dans l'introduction. J'ai colla-
tionné quelques pages et je les ai trouvées tout à fait
conformes à celles de l'édition originale. Les savants
éditeurs indiquent eux-mêmes quelques corrigcnda ;
M. Dodgson en a trouvé deux ou trois de plus. Mais,
en définitive, on peut dire que la publication de
MM. Schuchardt et Linschmann remplace parfaite-
ment les éditions de 157r. Je regrette cependant
beaucoup pour ma part que, par des raisons d'éco-
nomie sans doute, on n'ait pas intégralement réim-
1 . Le titre du Nouveau Testament est reproduit phototypogra-
phicjuement. Pourquoi n'en a-t-on pas fait de même pour le Ca-
lendrier et VAhc, dont les titres ont été composés en caractères
beaucoup plus gros que sur l'original?
J
— 193 —
primé tout le petit volume de VAbc; les parties de ce
volume qui lui sont communes avec le Nouveau
Testament offrent des différences intéressantes que
M. Schuchardt s'est borné à indiquer dans l'introduc-
tion. J'aurais voulu aussi qu'on mit en tête du livre une
notice bibliographique complète. On aurait été ainsi
obligé de faire deux volumes, ce qui aurait mieux
valu, car ce bloc de 132! p. est vraiment un peu dis-
gracieux.
Après le titre, en rouge et en noir, vient l'avant-
propos où nous apprenons que la réimpression du
■N. T a été faite à l'aide des trois exemplaires de Stutt-
gart, de Leipzig et de Berne, aux frais de l'Académie
des sciences de Vienne. Dirigée simultanément par
MM. Schuchardt et Linschmann, dont le dernier a
corrigé au commencement deux épreuves et à la fin
une seulement, mais dont le second a toujours corrigé
la dernière épreuve, l'impression a commencé à l'au-
tomne de 1897 et a été terminée trois années après,
M. Schuchardt seul a surveillé la réimpression du
Calendrier et de VAbc, il ne nous dit pas d'après quel
exemplaire. Le travail a été fait dans l'excellente
imprimerie Frommannà léna. Vient ensuite, en 109 p.,
une très intéressante étude de M. Schuchardt sur la
manière dont a été menée la réimpression, ainsi
que sur « les fautes d'impression et les variantes
de Liçarrague ».
M. Schuchardt commence par une rapide revue des
— 194 —
réimpressions partielles qui avaient été faites avant lui ;
il me semble qu'il se montre un peu trop sévère. En
ce qui concerne le Saint-Marc que j'ai publié à
Bayonne en 1874, j'accepte volontiers la plupart de
ces critiques, mais je plaide non coupable ou plutôt je
demande les circonstances atténuantes. Mon excuse
sera dans la manière dont cette publication a été faite.
Le vénérable M. Nogaret, le regretté pasteur de
Bayonne, m'avait donné un manuscrit qu'il avait
trouvé parmi les papiers de ses prédécesseurs et qui
était une copie faite en Angleterre du Saint-Marc de
Liçarrague. Fort peu de temps après, le directeur
d'une imprimerie que nous avions fondée à Bayonne
pour y publier un journal politique quotidien, se
trouva dans un grand embarras; par suite de la
fusion de ce journal avec un autre journal républi-
cain, son matériel se trouvait inutilisé, et il cherchait
partout du travail pour alimenter son imprimerie.
C'est ainsi que je fus amené à faire réimprimer De-
chepare et à publier le Saint-Marc. Un de mes amis, qui
habitait Paris, m'avait promis son concours pour le
collationnement des épreuves avec les originaux, mais
une conjonctivite vint mal à propos l'empêcher de me
continuer son aide; personne ne pouvait le remplacer,
et il fallait aller vite. Je ne connaissais alors aucun
exemplaire de Liçarrague dans le pays et celui d'Olo-
ron, où la bibliothèque, dont le conservateur était un
prêtre, n'était ouverte qu'un jour par semaine, était
— 195 —
à peu près inaccessible. Je n'ai pas conservé les man-
chettes, parce que c'était une grande difficalté pour la
composition typographique et qu'elles ne sont d'au-
cune utilité au point de vue linguistique. Pourquoi
n'ai-je pas reproduit les s longs et pourquoi ai-je
gardé les tilde? parce que je me suis conformé à mon
manuscrit. D'ailleurs, ces détails, comme les trémas,
les accents, etc., n'ont guère d'importance scienti-
fique. En définitive, mon petit volume, malgré ses
imperfections, a donné aux linguistes un spécimen
sérieux du langage de Liçarrague. M. Schuchardt ne
comprend pas pourquoi j'ai évité de diviser les mots à
la fin des lignes : j'ai eu pour cela deux raisons, d'abord
pour faîre une petite curiosité typographique, puis
parce que, au point de vue de l'étymologie, de la
grammaire, de la dérivation, les mois coupés en deux
peuvent quelquefois être mal lus et mal interprétés.
J'ai dit que le Testament de 1828 était une retouche
de Liçarrague; c'est que je sais, de source certaine,
que cette publication a été faite d'après une copie du
Testament de 1571 prise à Londres et remaniée à
Bayonne par un Basque originaire de la Basse-Navarre.
Quant au Testament français de Hautin, 1577, il ne
fallait pas prendre au pied de la lettre mon afTirmation
que les caractères des deux volumes sont les mêmes ; je
voulais dire seulenrent, et la chose est indéniable, que,
quoique plus petits, les caractères de 1577 sont du
même type que ceux de 1571 et proviennent du même
— 196 —
fondeur et de la même imprimerie. En ce qui concerne
le collationnement des parties communes au Nouveau
Testament et à VAbc, je n'ai relevé ni les différences
attribuables à des coquilles manifestes, ni celles
purement orthographiques ; j'ai pu d'ailleurs en
oublier d'importantes. Enfin, M. Schuchardt me
reproche à bon droit quelques traductions inexactes,
notamment Catech. Cviii r° 1 ecin ekar dirogu « nous
ne pourrions le supporter » pour « nous ne pouvons
l'apporter ».
Mais c'est que j'avais traduit ces deux passages en
eux-mêmes, sans me reporter au contexte; il n'y a pas
là d'ailleurs de contresens proprement dits.
M. Schuchardt trouve que M. Van Eys et moi
avons beaucoup exagéré en louant la correction du
Nouveau Testament de 1571 ; il est cependant certain
que c'est peut-être le livre basque dont l'impression a
été le plus soignée; les épreuves en ont été lues et cor-
rigées avec attention et, en définitive, il offre peu de
fautes, surtout si on le compare aux autres livres
basques du temps où il n'y a presque pas une ligne
irréprochable. Ce résultat est dû évidemment à la pré-
sence à la Rochelle du traducteur qui dirigea lui-
même l'impression, à ce que nous apprend de Thou.
Les nouveaux éditeurs, dans leur sévérité, n'ignorent
pourtant pas qu'il n'est pas un seul livre parfait, et ils
se rappelleront l'anecdote de Robert Etienne effrayé
du nombre des coquilles que lui signalaient dans ses
— lo-
pins beaux ouvrages les écoliers auxquels il avait
promis une pièce de monnaie par faute découverte.
. Après avoir ainsi critiqué les tentatives de ses pré-
décesseurs, M. Schuchardt examine et classe les
coquilles, les fautes, les variantes de Liçarrague ; elles
sont trop nombreuses pour que j'essaye môme d'en
donner une idée. L'étude de M. Schuchardt est admi-
rable de méthode et de patience, mais il ne me semble
pas qu'il ait suffisamment mis en relief ce qui est une
faute ou ce qui est une variante phonétique : chilki-
ratu ^ chikiratu, iaharom ^^ iharrosi, amorz = ha-
maborZy diaoCz=zdiagoc, urte = urthe, reprochu =re-
protchu, compania = compainia, battassun = batas-
sun, muthillén =:muihilén, gauherdi ■= gauerdi, etc.,
sont dans la seconde catégorie. Il est évident que
Liçarrague n'a pas toujours écrit le même mot de la
même façon et que cependant il a voulu représenter la
prononciation qui lui était habituelle. Il y avait là de
jcuri^ses remarques à faire. — Une intéressante obser-
vation de M. Linschmann sur ene, hire et neuve,
heure, nous est communiquée à la p. lxvii: le second
serait employé dans le sens réfléchi et le premier dans
le sens simple ordinaire.
VAbc ofïre, on le sait, l'intéressante particularité
que les formes grammaticales y sont souletines ou
plutôt bas-navarraises. J'y voyais une preuve déplus
que ce petit, volume était spécialement destiné à la
Basse-Navarre et à la Soûle. M. Schuchardt met le fait
— 198 -
en doute; il me paraît a bsolument certain cependant:
i'épîtie, qui est en tête, est adressée « à ceux qui ont
charge d'enseigner et aux supérieurs » ; ce livre était
donc, pour ainsi dire officiellement, destiné aux
écoles publiques, et il ne pouvait évidemment être
employé ainsi que dans les pays soumis à l'autorité
de Jeanne d'Albret, c'est-à-dire en Soûle et en Basse-
Navarre.
On aura remarqué que j'appelle toujours « Liçar-
rague » le traducteur des documents publiés à La
Rochelle en 1571; MM. Schuchardt et Linschmann
lui donnent le nom de « Leiçarraga », sous pré-
texte sans doute qu'il écrit lui-même ainsi son nom
dans ses épîtres dédicatoires basques. L'argument me
paraît faible et fort peu probant. Le véritable nom d'une
personne est celui qu'elle porte dans la langue officielle
de son pays, dans les actes publics qui la concernent :
or, quelle que soit la forme basque de son nom, il
est certain que le savant ministre de la Bastide a
toujours été appelé « Jean de Liçarrague »: son nom
n'est autrement écrit ni par de Thou (1582), ni par
Bordenave (fin du XVI" siècle, avec ss pour ç), ni dans
les registres de la Chambre ecclésiastique de Béarn (à
la date de 1573), ni dans tous les anciens documents
où il est parlé de lui ; tous les écrivains postérieurs, y
comprislesBasques(Pouvreau,Haraneder, Larramendi,
Hiribarren, etc.), lui ont conservé le nom de « Liçar-
rague ». A Briscous même, le nom existe encore sous
— 199 —
cette forme parmi les «lieux-dits», et j'ai eu plusieurs
fois affaire, comme Garde Général des Forêts, avec un
charpentier, descendant peut-être du iVlinistre de
Jeanned'Albret, qui s'appelait et signait « Liçarrague».
Écrire Leiçarraga, c'est donc faire, à mon avis, du
pédantisme. Pourquoi ne pas écrire aussi Bescoitze (ou
plutôt Berazcoilze) pour « Briscous » ?
Les observations ci-dessus n'enlèvent rien à Tim-
portance et à la valeur du livre de MM.Schuchardt et
Linschmann qui a sa place marquée dans toutes les
bibliothèques publiques et dont aucun amateur de
basque ne saurait se passer désormais.
Julien ViNSON.
N.B. — M. E.-S.Dodgsona répondu, en septpages(p. 37
à 43, à la suite d'un article sur le verbe dans le Catéchisme
guipuzcoan de 1713), aux critiques que M. Schuchardt a
faites de ses publications relatives à Liçarrague. Il intitule
cette réponse venoms antidote. Il prétend que beaucoup des
fautes signalées sont de mon fait, parce que je ne lui ai pas
envoyé un assez grand nombre d'épreuves, parce que j'ai
écourté ses corrigenda, etc., etc. Je ne m'attarderai pas à
me justifier, mais M. Dodgson devrait savoir qu'un journal
ne se fait pas comme un livre. Quant au fond de son anti-
dote, il est vraiment étrange que M. Dodgson se plaigne si
vivement, lui qui s'est érigé de son chef le censeur général
des études basques, qui a fait de longs voyages tout exprès
pour découvrir une inexactitude ou une coquille, qui a attaqué
sans aucune mesure et sans rien considérer depuis le premier
des basquisants jusqu'au dernier! Qui pourrait s'émouvoir
aujourd'hui de ses récriminations? Qais tulerit Gracchos die
seditionequer entes? J. V.
— 200 —
Zeitschrift zûr vergleidende Spradi/orschung . . . von
E.KuHN und J. Smmm.GûtersIoh, 1901, t. XXXVII
(nouv. série, l. XVII), 2^ livraison, p. 157-276.
Contient : Eine Worlgruppe bei Verrius FI accus, par
0. Làgercrantz, p. 157-177; Lateinische Worterklaer-
ungen, par le même, p. 177-189; Zur den lykischen
Inschri/ten, par Holger Pedersen, p. 189-207 ; Rig-
Vêda, vii-33, par Edward V. Arnold, p. 207-219 ; Zur
Lehre von den Aktionsarlen, par H. Pedersen, p. 219-
250; Hibernica, par Whitley Stokes, p. 250-261 ;
Wackernagels Gesetz im Slavischen, par Elof Nilsson
p. 261-264; Slavische Miscellen, par P. Lorentz,
p. 264-274 ; Zum lateinischen Wandel von ov in av,
par PaulKretschmer, p. 274-296.
J. V.
Grammaire cantabrique basque, par Pierre d'URTE
(1712)... publiée... par le Kev. W. Webster, de
%2iXQ. — Bagnères-de-Bigorre/\m^v. D. Bérot, 1900,
gr. in-8", 4-viij-5 à 568 p.
Tiré à cent exemplaires. Extrait du Bulletin de la
Société Ramond (1896-1900). Publié en grande partie
aux frais de M. Antoine d'Abbadie.
Je n'ai pas besoin d'insister sur l'utilité de cette
publication due au zèle éclairé de notre éminent col-
laborateur M. W. Webster. Nous avons déjà plusieurs
fois parlé de Pierre d'Urte dans cette Revue, et nous
avons donné des spécimens de ses œuvres oubliées en
— 201 —
manuscrit pendant près de deux siècles, découvertes
accidentellement par M. J. Rliys, le célèbre ceitisant,
et signalées par lui au prince L.-L. Bonaparte.
Pierre d'Urte était un assez pauvre grammairien et,
quoiqu'il ait appris le latin, son éducation littéraire
laissaitbeaucoup à désirer. Son français est assez bar-
bare et porte trop souvent l'empreinte de sa langue
maternelle: (p. 475) combien d'heures sont-elles?
(p. 484) ton nom m'est oublié, (p. 499) je meurs à
force de chaud, etc. L'orthographe est quelquefois fan-
taisiste ; ainsi, sans la traduction basque oray « main-
tenant » (lat. Iiorœ), on aurait quelque peine à lire à
celle heure dans asteure. Quelques mots anglais indi-
queraient, si l'on n'en était certain, que la grammaire à
été écrite en Angleterre : (p. 453) ardit« liard » traduit
par fardings « farthing », (p. ItQt) arralsaldêan par
« afternoon », etc. Une phrase (p. 445) répond
plutôt aux pensées immédiates de l'auteur qu'à ses
préoccupations grammaticales : « J'aurois besoin de
44 livres sterlings. »
En parcourant un peu rapidement les pages de ce
volume, j'ai relevé quelques indications intéressantes
sur la phonétique et la prononciation basque. D'Urte
fait bien voir (p. 6) la triple prononciation duj ; / fr.
en Basse-Navarre (il confond avec la Soûle), Jota en
Espagne et y en Labourd. 11 dit (p. 6, 9 et 12) que i
avec / ou n cause une liquéfaction à Saint-Jean-de-Luz
età Sare, que Uy représente un / mouillé; par exemple
— 202 —
que oillarra « coq» s'y prononce à la française, tandis
qu'ailleurs on dit oïtarra sans mouillement : il y a là
une erreur manifeste en ce qui concerne Sare, où les
n, les t, les / ne sont pas mouillés, et ne l'étaient
certainement pas au XVIP siècle : le mouillement est
caractéristique des variétés de la côte. Certaines or-
thographes de d'Urte viennent d'une observation fort
exacte: eisse^wr (p. 414) est bien la prononciation nor-
male de ez segur « non assurément, nullement ».
Quelques expressions sont remarquables : (p. 412 et
416) doidoya « naguère » ou plutôt « à peine », spé-
cial à la côte. (p. 412) gaur « aujourd'hui », qui est
proprement « ce soir, cette nuit » pour *gauz, etc.
Quelques mots mériteraient une discussion : hobe et
hobeago, urlia « un tel », etc. Il est remarquable que
d'Urte ait, comme Pouvreau d'ailleurs, absolument
méconnu l'article basque et le sens spécial du suffixe
k. Il a résolu d'une façon ingénieuse la question de
la seconde personne : pour lui hi est « toi », en tu-
toyant, zu « loi », sans tutoyer, et çuec « vous ». Ses
étymologies sont naturellement extravagantes : escual-
duna « basque » est pour lui « un homme tout bras
et tout main, c'est à-dire très agissant»; dans Saint-
Jean-de-Luz, il voit l'espagnol luz \< lumière » et y
soupçonne « quelque superstition de l'Église romaine» !
La plus grande partie de l'ouvrage est formée par
un exposé abondant, mais un peu confus, de la conju-
gaison, avec les tutoiements, les régimes indirects,
— 203 —
les conjonctions. D'Urte conjugue successivement les
verbes intransitifs naiz «je suis », nago « je demeure »,
natça « je suis couché », nathor « je viens », noha
« je vais », nabilla « je marche », narrayte «je suis,
sequor » ; et les verbes transitifs dut^< je Tai », acquit
«je le sais », daidiquet « je peux le faire », daguit «je
le fais », diot « je le dis », dakhart « je l'apporte »,
daramat « je l'emporte», diraquii « je bous », dirurit
« je parais », daritçat « il me semble, je m'appelle »,
darauntçat «je ne cesse pas de », darit « il me coule »,
darassat « je. bavarde ». Il y a beaucoup à apprendre
dans ces longues listes.
M. Webster, si bien connu déjà par ses belles
études sur le pays basque, a donc rendu un grand
service aux linguistes par cette intéressante publica-
tion ; il faut également savoir gré à la Société Ramond
d'avoir bien voulu l'entreprendre. Malheureusement
l'exécution ne répond pas tout à fait à ce qu'on aurai
désiré ; i'imprimeur de Bagnères-de-Bigorre a eu plus
de bonne volonté que d'expérience, et le livre n'est pas
composé avec le soin et le goût qui auraient été né-
cessaires. La disposition typographique n'est pas tou-
jours heureuse et la correction est parfois insuffisante.
Je signalerai quelques cnrrigenda dans les prélimi-
naires : p. V, I. ^oet 27, il faut lire « page 395 » et
« p. 410 », p. 6,1. 27, gaua, etc.
M. Webster n'a eu entre les mains qu'une copie ma-
nuscrite toute récente. Un de ses amis. M, A. Glarke,
— 204 —
a pu collationner l'édition imprimée avec le manuscrit
original que la propriétaire, M"" la comtesse de Mac-
clesfield, a bien voulu confier pour quelques jours au
département des manuscrits du Britisli Muséum. Il a
pu consacrer à ce travail les journées du 22 au 26 oc-
tobre dernier ; il n'a p» collationner que les p. 77 à
364, 397 à 522, 536-538 et 543-550. C'est le résultat
de ce travail qui va être publié ci-après.
Toutefois, nous avons réduit les corrections à ce qui
nous a paru le plus important. Nous n'avons pas relevé
les omissions ou les abus de cédilles faciles à corriger;
ni les erreurs sur les indices m ou /"des formes allo-
cutives de tutoiement qu'un peu d'habitude fait aisé-
ment reconnaître; ni les erreurs dans les correspon-
dances des mots basques aux mots français marqués
par les lettres a, b, c, etc., suscrites. Les lignes sont
comptées soit sur l'ensemble des pages, soit sur l'une
ou l'autre des deux colonnes.
En ce qui concerne le c, M. Clarke a fait remarquer
que d'Urte paraît n'avoir mis les cédilles qu'après
coup, et avec une certaine insouciance. Le premier
copiste a pu fort bien d'ailleurs en omettre de très
bonne foi un certain nombre qui sont à peine marquées
sur l'original.
Quant à l'accentuation, M. Clarke dit que c'est peut-
être le point où le texte imprimé diffère le plus du
manuscrit; cela tient surtout à des difficultés typogra-
phiques. Je n'ai, pour ma part, attaché aucune impor-
-— 205 —
tance à ces différences et aux' corrections indiquées^
car, en labourdin, l'accent est à peu près sans aucune
utilité pratique : M. Clarke fait remarquer au surplus
que d'Urle le place presque toujours sur la voyelle de
l'avant-dernière syllabe de chaque forme verbale.
pages
lignes
u
,
6
27
gaua
. GIM-U
10
11
latin se lit
•; 1. 1
80
6. 13,
14, 32 &c. (au lieu de de)
83
3
çaitçun, vt supra. Ici
9, 19 &c.
26
ou içan
29
daquizquéôn
85
2
natçaitçuen
17
nintçailQun&c.
86
18
içatu
19
&c. vt supra
32
natçaïtçularic
87
22
çaizquitealaric
88
7
çitçaicularic
89
15
çaïcunéan
90
12
çitçaïcunéan
96
demboran et arteragno deoraient être mis
derrière une accolade comme n'appliquant
à toutes les personnes du temps
100
mèmie observation pour beçain
gâtic, etc.
sarri, icana-
100
2
guintezquéla
. / ,' ■ .
104
2
baninduan
105
13-14
Il m'... içaten... balitçait-içan...
baléquit \ ,
106
26-27
quoyque je sois
106
arren, en apposition
107
28-29
banatçaïc
14
%
— 206 —
pages lignes
110
5
banindâgo
15
baçignaûdete
112
18-19 bitartean ou bizquitartean, en apposition
27
gueroz ou guerostic, en apposition
114
2-4
ni baldin banâgo
hi... baldin baçaude
19
moy étant ... ni
114-115
i
arren en apposition
116
passim oz [pour or)
24
baciathoztenan
117
7
moy étant ...ni
119
34
gueroz
130
19
supprimez nind'uân
131
5
Tu pouuois
132
5
caizquizque-
133
22
Si.
142
18
Nous le... '
145
10
aussi Th en
27
baciarraïzquiquéten
147
6
baharraïqueotec
9
Tu nous...
150
13
banintçarrajoqueténan
24
baçignarraïzquiqueôten
152
2
baguignarraïzquiquéân
155
5
etçuân
7-9
ezguignen
ezguintûân
157
dre
nâucu
158
13
Il a. harc ... du
160
24
Vous m' ...me
163
13
vën
167
içan en apposition
170
26
vous à supprimer
- 207 -
pages
lignes
172
22
d. Il me
181
22
Ils te les...
27
Laroquéten
182
12
J'auois
183
23
darocuçun
25
darocuàn
190
çeren ou en apposition
192
11
d. me ... darotaçuna
17
darocuçuna
193
2-3
dudâna... ditudana... vt si
28
que j'aurois
195
1
banitu
196
13-15 balarotçu. balaùtçu
balaroc
23
II nous les... balarozquigu
200
16-17
-çuëgu
202
17
Ils me
203
1
bietçâtet
8
ochola... bada
27
biotçâte
30
Les... betçâte
204
12
baçigneçât
23
baçignôça
26
baçignôlço, baçignotça
209
10
baniquec
19
baguinduzquéen
210
18
çiëçaat
211
4-5
çiotçoqueteât
212
22
dioçaquéçu
213
1
çietçaquéguc
11
diëçaçûe
217
13
nieçaquetec
^ 208 —
pages
lignes
217
16
Ils... te... (P à siippr.)
218
av-'d"""
ciotçaquéten
221
1
de la sec. col. à supprimer
226
9
cietçadatéan
227
26
dut... &c.
28
çaitut... &c.
228
5
hors qu'on y
19
àuquet
-f
d'-c
I
duques
229
1
Tu... nous...
231
21
ciquenagu
dre
ditizquenagu
233
23
daroqueçute
236
32
banaçâte
237
4
badietçatet
241
10
daquizquignan
22
nie... naquien
m
245 entre 6 et 7 baçeaquizquiquetéân
247
21
badaidizquédat
249
18
-quetçute
251
8
bahaiguizqueoan
252
21
Ecin... daidîquet
256
2
baçaidiquean
258
5
Ils... les...
263
4
balaguiote
9
baguignagui
277
12
baniakharqueoten
278
13
bacakharzquéen
279
3
baguignakharquegun
284
10
balakharqueoqueten
285
6
les. On y
- 209 -
pages lignes
293 14 badaramozcotçu
294 8 çatçuë :
14 badaramoco ;
295 5,8,10 -moco- « ;
13 -motçoguc
297 11-13 -moco-
298 27 -mocoQun
299 2 -moco-
12 -mozcoan
301 8 baçiaramocoténan
302 2 -motçocoan i
304 26 baçiaramategun - v,
306 8 bacindaramaquétçu . -
307 17 Tu luy... bacignaramoco-
19 -coque
28 bacindaramagutçuque
29 bacignaramadazquegûtçu , ,
310 8 baliaramazqueo
17 -queguc
18 -guquec
19 -guquec
311 2 -tçaquec
25, d^" -quec
330 16-17 ajoutez baharamazquiguquéan ou baharatça-
guquéan
18-19 ajoutez baharamazquiguquénan ou bahara-
matçaguquénan
332 25 çaquéan
336 33 Vous à supprimer
338 14-15 ou baçiaramazquedatenan
350 4 II sort à moy. niri bada-
353 \Q2den en apposition
354-355 \qai,n en apposition ,,,^
— 210 —
pages lignes
355 15-16 ajoutez eztiotçonala
356 içan en apposition
362 13 egon. egotu
363 8 jautssi
9 hurbill. hurbildu
13 aurkhitçeâ. aurkhi... incuntratcea
22 Egarri içatea. egarri. egarritu
di"* sassiatu ! asse içatea.
364 3 errepaussatu.
7 jaiqui çhutic.
8 leué çhutic ou
395 14, 21 j'aime.
397 fin ayoM^ez Choisir, bereztea. berez. bereçi : hau-
tatcea. hauta. hautâtu.
398 entre 27 et 28 intercalez Deuenir. asmatçea. asma.
asmatu .
entre 31 et 32 intercalez Durer. Irautea. iraun
399 11 bessarcaraztéa
n° 58 Irakhatassaraztea
400 n" 74 othoitç
no 82 Ethentçéa
407 5-7 Si je suis aimé. ni., maitatua... banaïz... ou
baldin... banaïz.. &c. Si tu es aimé, çu hi
maitatua... baçare. ba haïz ou baldin ba-
çare.. &c.
408 13 et suiv. Rectifiez ainsi
Vouloir, nahi içatea.
le veux., nahi... dut .. &c.
l'ay voulu., nahi... içatu dut.. &c.
le voudray... nahico. dut... &c.
le voudroig.. nahi... nuque... &c.
l'aurais voulu., nahi... nuquen... &c.
Veuilles, duçun.. nahi.
Voulant, nahia. borondatéa.
De vouloir. Nahiz... nahizco... nabi içateaz.
&c. vt suprà d'estre. d'auoir... partout.
409 10 Erraguzquiguc
211
pages
lignes
410
1
Errotçue. Errozquitçue. Errotçuete.
2
Errozquitçuete. Dites les leur
412
5-6
lekhora. De la en hors
7
par derrière
7
guibeletic. en arrière, guibelera.
16
supprimez tard
17
tantôt aurkhico.
18
Etci. tard, berandu. berandua.
19
haguitçaldiz
413
1
subauditur. tempus. dembora
3
guerostic. après ondoan. deuant. aitcignean.
rarement, gutitan.noiçean behign. bakhan.
4
bethierétic. aftevnoon
7
hiruraldiz
26
çertaco
414
4
you... y ou woman
5
woman
14
bay'ta ère.
17
plusieurs
415
8
a b
ez. hura. ez !.•
11
tropelan. l'un sur l'autre, elkhargaànca.
416
4
gu ez
5
beregainqui
417
4
alferric. sagem^
8
auec esprit
9
à l'aise, aïsse
10
si vite. si. hunen. horren. hagn. Quantitatis.
16
largoqui
dr«
hagnitç
418
2
le moment
420
1
contra, id est
4?1
5
lekhora ou landais
— 212 — .
pages
lignes
421
15
hareragno
19
launaren guibelean
425
4
fa
Optantis
Ay bada.
Vocantis
Ori. oriçu.
Laudantis
10
oyeneri
426
11
naïz.sum attingens
429
11
de la maison, etcheco' ontassuna
le bien de la maison, atçocoa.
430
9
legueac
431
3
Ils m'ont
432
16
aïtareneco
434
6
b
naturel
7
e
noueauté
8
b
affamé
12
a
futuri
12
hesterni
15
nouitatis
17-18
hetaz iaquintssun
18
orhoitçen
435
3
a a
Luy. celuy la
13
mil
16 '
Ô
436
9
Quhurrena
d^' hambat da gaçhto.
437 1 supprimer gaçhto.
3 hagnitz
19 comune
— 213 —
438
ligne»
3
ou bâta
11
17
suppr. Vaccusatif
betheâ
439
1
5
appauris
-sunetic
441
1
on le met
443
444
445
9-12
8
8
16
à la fin. Aberatss aguertu nahidu
lutssuac. Nahiago dut. . .
Gazteëy
Duçun nitaz pietate*
iduritcen
vrguil-
446
447
11
1
dietçaquihutçu
ueulent
448
450
2-3
14
• 4
3
dut eguitecoâ.
çor' çarotanaz
Beguirauc
loannissi
452
9
bertceren
453
454
455
456
5
8
13
2
3
suhjicitur
pressond-
suppr. locoan
propioz
docte
457
7
7
ajquum
Ene obra
458
4
arratssean
460
461
7
9
munduguciaz
emazte
463
464
10-11
1
moy je viens.
An
• r
465
469
12
3-4
14
aïtagana
aïzpa baithara
Erromeess?
"^
— 214
pages
470
lignes
8
Harc hori
476
475
8
10
(Jre
11
gorphutç' hilla
jâten
Obra hori
cer ordu
16
erauntssi
476
7
Ene semeà
477
12
7
Sees toy
haraco
478
9
7
hegal'
Orratç
481
5
t'entens
13
Adiiu
483
15
21
cer dioçun
Eztitut
486
489
6
17
lehenago
soleil par
493
16
candela
494
6
hari da
14
20
Baduçuc
Dembor'
495
496
20
3
17
agueri
Egunac
iragan da.
497
8
dembor'
498
14
8
Baratçean
afal
19
balu
499
9
Beroaren' fortssaz
19
iragan da
500
15
handibat
501
503
12
7
hagnitç
launa ! Egun on'
1
— 215 —
pages
504
lignes
9-11
esquer'
511
512
7
7
9
cure'
Baratçera... passaiatuco
ikhusteco
514
19
bortç
515
516
4,7
3
ô
Bizquitarteao
7
11
gauçec
asmatua
13
e^iaquigna
517
14
4
16
ezpaïtaquizquite
duçu
berbo'
518
16
Hirur
20
rric
519
3
adin*
520
10
17
10
16
gabetanic
on' gau'
jauna
dembora harida?
521
7
eguitenda
cure
536
9
arno'
547
549
5
6
11
18
baïnuque
baïnituzque
baçiacussaat
badacussac
555
2
11
Guc baditçula
Ils les ont. badidutéla.
15
bahituëla
20
Que etc.
556
Note
15
italiques sont coupées par le relieur
bacioteat. baciotenat.
- 216
pages
556
lignes
17
mihi. da
18
H arc badarocu
21
badarotan
557
2-3
habet illi. ille dat.
Suomalais-ugrilaisen senran aikakauskirja. Jour-
nal de la Société Finno-Ougrienne, XVIII. — Helsing-
fors,\900, in-8% 20, 10, 9 et 49 p.
Contient: ]" Études ethnographiques cliez les Os-
tiaques, par K. F. Karjalainen ; %" Sur les Ostiaques
et les Vogoules, par U. T. Sirelius; 3° Ein weilerer
Beitrag zum Tônniscultus der Esten, par Max Buch et
Erwin Jûrgens; 4° Chants populaires mordvines, par
H. Paasonen ; 5* Discours prononcé à la séance annuelle
du 2 décembre 1899, par 0. Donner (sur les progrès
du Bouddhisme), 6" et 7° Rapport annuel en finnois et
en français.
CORRIGENDA
pages lignes
3 16 Astete the Jesuit
15 4 d'en bas pi . nac = those who
26 22 1741
43 3 et 7 usaya et usanza
VARIA
L'Argot des Marins
J'ai trouvé, dans les papiers de mon père la copie ci-jointc d'un
extrait du « livre de bord du trois-màts le Souvenir, capitaine
G. Odin » relatif à une tempête à Pondichéry. Je crois intéres-
sant de le reproduire comme un échantillon remarquable de ce
qu'on peut appeler « l'argot des marins » :
« Le lundis décembre i856,vers deuxheures après midi, on signala
au mât du pavillon du port de se tenir prêt à appareiller. Le vent
était nord, un peu vei's l'ouest, les grains violents, la mer très grosse
et venant du large, le baromètre à 70,7 et baissant toujours depuis
le matin. «Les dispositions prises depuis deux jours ne furent pas
longues: tout avait été envoyé en bas, les mâts de perroquet et tous
les boute-hors de bonnettes, les panneaux condamnés, drômes,
embarcations, ancres, tout était solidement serré. A quatre heures
(ordre de sauver les équipages des navires hors d'état d'appareiller):
le Souvenir, comme un des plus rapprochés, devait envoyer abord du
Charles Damergue mouillé dans le N.-E. i/4 E. Or, il y avait danger
à exécuter cet ordre (que beaucoup ont dû éluder). Quoique le
tempsfùt très mauvais, les grains de plus en plus violents et fréquents,
la merde plus en plus grosse, et que la chute du jour approchât^ des
défenses, espares, amarres, etc., furent mises en dehors pour
garantir l'embarcation des pitons et des chaînes d'artimon qui
l'auraient infailliblement crevée avant d'être mise à l'eau, tant le
roulis était effrayant. Une baleinière fut donc immédiatement
amarrée et armée de six hommes. Elle alla au secours du navire en
question. Le coup de canon d'appareillage tire à quatre heures i/A-
Tous les bâtiments, ou à peu près tous, mettent sous voile, excepté
— 218 —
le Souvenir et la Sidonie qui attendent leurs embarcations. La ba-
leinière arrive à bord avec onze personnes qui sont immédiatement
embarquées avec des bouts de corde. Il est 5 heures 1/3 et la
nuit vient à grands pas. L'horizon se charge de plus en plus. Mais
il reste cinq hommes à sauver. A peine le dernier Indien était-il
embarqué que, malgré la mer, les grains, malgré la tempête qui
approche, quoique l'embarcation trop chargée ait failli chavirer
en accostant et soit à moitié remplie d'eau, personne n'hésite à
repartir. Le canot part donc et revient heureusement avec le reste
de l'équipage du navire anglais. Ces hommes sont hissés comme
les premiers. La baleinière est crochée et hissée, non sans avaries.
Un coup de mer la jette sous l'arcade et écrase le côté de bâbord.
Les hommes se rattrapent aux bancs et aux garants. Aussitôt le
canot hissé est saisi ; tout le monde à la manœuvre.
« Les huniers aux bas-ris sont établis, moins le perroquet de
fougue. A 6 heures 5o, je démaille et hisse un feu à la corne qu'^
n'a pas dû apercevoir de terre, car je distinguais à peine le feu de
Pondichéry à la même heure. La route à l'Est ; à 7 heures le ba-
romètre à 70,/». Grains furieux de 7 heures à 8 heures, tangage
de plus en plus dur. A 9 heures, le boutc-hors de foc casse au ras
de la draille du grand foc qui reste seule en place dans la moitié
de son clou. Serré le grand hunier. Aussitôt fait route du S.-E.
sous le petit hunier aux bas-ris, et le petit foc. Sauvé tout le gré-
ment du boute-hors, haubans, barbejouc . . . Ouragan déchaîné à
II heures. La mer démontée roule sur le pont, les drômes sont
soulevées. Le navire fatigue considérablement. Vers minuit, le
petit hunier se défonce ; on ramasse les lambeaux avec beaucoup
■de peine. Mis à la cape à sec de toile ; le vent au N.-E., tournant
à l'Est, parfois le S.-E. i/4 E. Le grand foc qui, jusque-là, bien
serré sur son bâton et sur sa draille, avait tenu bon, commence à
se déferler. La draille en filant avait cassé le hâle-bas et donné du
mou dans les tours de raban de la tète. A i heure, dans le fort de
l'oui^agan, le foc part fouettant au vent, tenu par ses amarres et
ses écoutes; les bagues de la têtière partent les unes après les
autres et le foc se déploie dans toute sa longueur, ébranle la inà^
ture en fouettant, fait partir le boutc-hors qui \ient en travers
— 219 —
sur le beaupré on tordant le chouquc. Enfin à 3 heures, il ne reste
plus que les ralingues et quelques lambeaux de toile. Pendant tout
ce temps, on essaye inutilement de s'en rendre maître en envoyant
en' bas la drisse dépassée du mât de hune et par-dessus les étais
du mât de hune. Impossible dehaler la têtière au vent des drailles:
tout part, tout se brise, poulies, bagues, drisses, hâle-bas, etc. Il
n'y avait pas à envoyer d'hommes sur ces tronçons de mât, ni
aussi à laisser porter au Sud ou au S.-O. A minuit, le baromètre
était à 74,8, à 4 heures à 74,2. Le grand hunier étala jusqu'à
4 heures 1/2. A cette heure, la barre de bon deT casse au ras du
bossoir, dévente le grand hunier qui est enlevé dans une mi-
nute. Il se déchire d'abord du haut en bas, puis d'un travers à
l'autre en arrachant le côté de tribord, ne laissant qu'un bout
de raUngue et des lambeaux sur l'écoute de bâbord, l'autre
ayant décroché en battant. On hâle tout dedans en filant cette
écoute.
A 6 heures, l'ouragan mollit. Accalmie de G heures i/4 à
7 heures 4o ; profité de ce répit pour ramener le petit foc déjà
à moitié dévergué. Souqué les rabans des autres voiles. Envoyé
en bas les lambeaux des deux huniers, les ralingues hachées du
grand foc. La mer affreuse, le navire roulant horiiblcment, la
mer sur le pont passant par-dessus les panneaux, etc. A 7heures 1/12,
jc vent dans un grain saute à l'Ouest en furie, et l'ouragan recom-
mence comme de plus belle de 8 heui'es à 3 heures de l'après-midi.
11 était temps que le vent changeât. A la première heure du jour,
en regardant la mer, je vis (comme je m'en doutais bien) que nous
étions très près de la côte. La mer était couleur jaune sable. Grâce
à Dieu, je n'eus pas besoin de préparer une ligne de sonde pour
compter les minutes que nous avions à courir.
« L'ouragan passé à l'Ouest, O.-S.-O., se déchaîne donc sur
nous; les mâts et les vergues sans voiles (il n'y en avait que
deux et deux bien serrées) fouettaient comme des roseaux;
les embarcations frémissaient sur les bossoirs tremblants. Les
murailles, môme celles au-dessous du pont, les parois, éprou-
vaient aussi luie sorte de convulsion fort sensible au toucher j
et le navire sans voiles à la cape, les dalets dans l'eau, tenait le vent
— '220 —
sans essuyer de coups de mer, gouvernant jusqu'à lo heures au N.,
puis auN.-0. 1/4 N.,N.-0.,N.-0. i/4 0.; le vent halait toujours le
Sud. Pendant ce temps (c'est-à-dire depuis 8 heures du matin jus-
qu'à 4 heures du soir), le baromètre monte toujours même pen-
dant le plus fort de l'ouragan du matin successivement de. 74,1 à
74,3 — 3 — 5 — 9, 75,3, 75,5. Novis fûmes bientôt dans une mer plus
bleue; nous étions parés. A 4 heures 1/2, largué la misaine avec
un ris, le petit foc envergué, et établi la benjamine. A 6 heures, le
perroquet de fougue, labrigantine ; fait route au N.-O. Le lendemain
10 décembre, envergué les huniers dès la pointe du jour ; puis,
gréé le grand perroquet; à midi 1/3, relevé Tranquebar à l'O.-N.-O.
distant de 8 milles. Suivi la côte sous une voilure maniable, mouillé
sur la rade de Pondichéry le 1 1 décembre à 4 heures du soir.
« F. LoMEux, 2" Capitaine Commandant. »
Le Propriétaire-Gérant,
J. Maisonneuve,
Chalon-sur-Saône. — Imprimerie L. Marceau, E. BERTHAND, successeur.
■ TIE LIFE AND LEGEHDS OF SDKDARA-iRTTI
The Çaiva devotee, adapted from the Periya Purânam.
§ 1. — Sundavar's origin.
The great Sages ofthe Çaiva sect in the Soulh of Indiaare
four in nuraber. Of thèse Mânikka-Vâçagar is the oldest and
incomparably the greatest. Atan interval of probably a een-
tury arose Nâna Sambandhar, Sundarar and Appamùrtli.
Thèse three lived in the time of the great struggle between
theJains and the Çaivites, which ended in favour of the
latter. There was a great dissimilarity between the three sages
of this later period ; Sambandhar beingayouth, almost a
child, full of enthusiasm, gifted with a truly poeiic faculty,
and passing away in his earliest manhood, innocent and
uncorrupted He beams upon us in the legends as a lovely
character. Thenext, Sundarar, was of a very différent type.
He seemsto hâve been remarkable forbeautyof pcrson, — his
very name, which is also one of the names, or epilhets of
Çivan, meaning the 'beautiful'. He was addicted topleasure,
— an acconiplished courtier, and man of the world. There
scems indeed nothing whatever of the ascetic about hini
from fîrst to last. His hymns, 100 in number, are not it
seems to me of any peculiar value. Like ihose of Sambandhar
and Appamûrtti they are decads of verses in houour of the
idol worshipped at each shrine visited by the sage, as a
sacred bard. Wemaysay,once for ail, that the circumstances
and traditions connected with the great collection called the
15
— 222 —
Dêvâram do not impress us wilh any conviclion of the
genuineness of the great majority of thèse songs. About a
score of Ihem are striking hymns.
The story of Sundarar begins before his appearance in
South India. He wasone of the host of ÇivainKailâsam, —
(on the silver hill) — his name being Hâlâla-Sundara (an
epithet of Çiva; Tiru-Vâçagam, xii, 9), and was one of the
especial favourites of Çiva. One day as hewas walking in the
flower garden belonging tothegoddess, hesaw twomaidens,
attendants upon Pârvathi, or Uniâ, who were plucking
flowers for her garland. He imraediately became enam-
oured of the lovely damsels, and in a state of great bewild-
erment presented himself before his master, who atonce
recognised the fact that evil desires and passions were alive
, in his servant's soûl. He accordingly told him tliat, because
it was so. he must descend to earth and be born a man in
the southern land, where he can in due lime marry the
girls with whom he is in love, they having also been sent
down to sojourn on earth. Sundarar adores his master and
says, 'our Lord, since I hâve yielded to evil impulses that
must for a timé separate me from Thy sacred feet, when
I am on earth deign at times to appear to me, and make
me and keep me ever Thy faithful servant and devotee'.
This Çivan promises todo, — andso Sundarar quits for a
tiraethe bliss of Paradise, to expiate (very strangely) his sin.
§ 2. — Hisbirth andcarly hisiory.
There is a district in tlie Southern Tamil country named
Tirnmunai-pâdi, and a town in it called Nâval-ûr. In this
village lived a Çaiva devotee whose name was Çadai-yanâr,
and his wife, a most virtuous and saintly woman, was called
Içai-nâniyâr. He was born as the son of this worthy pair.
— 223 —
When buta child he attracted by his beauty the attention of
the king of the district, who begged him from his father
and brought him up as his own son. This did not however
prevent him from observing ail Brâhmanical usages, and
from reading the sacred Vedas. He thus grew up both an
accomplished courtier and a learned sage. When the time
came for his marriage his parents arranged for his union
with an unexceptionable bride, and on the appointed day in
great state he repaired to the lady's liouse for the performance
of the marriage cérémonies. At thattime Çivan, ever mindful
of his servant, and cognizant of ail deeds and of ail events,
came down from Kailâsam to fulfil his promise, and pre-
senting himself in the marriage-hall disguised as a poor
Çaiva mendicant, addresscd the brâhman ministrant with
the words: 'This marriage cannot proceed, for 1 hâve a
coraplaint to make, and a claim to urge. The bridegroom
is my SLAVE, and was sold to me by his grandsires.
The deed of sale with signature is hère.' To this Sundarar
naturally replied 'Was it ever known tbat a brâhman was
sold as a slave to another brâhman? Go, madman.' The dis-
guised god replies: 'Whetherl be a madman or a démon
matters not. Abuse metothy heart's content; but the suit is
not so settled, nor ray claim refuted.' It may be observed
that 'Madman' is the phrase continually applied to Çivan as
the wandering mendicant. This occurs frequently in the
Sacred Songs of the ascetics (Cf. note I to Tiru-Vâçagam
and 5). A great dispute hereupon arose, in thecourseof which
the unknown mendicant exhibiled a document purporling
lobe a deed executedby Sundarar'sgrandfather raaking over
himself with his entire clan to the Brâhman as his absolute
slaves. This deed Sundarar indignantly pronounces to be an
absurd forgery, for '^no Brâhman can ever he a slare'; and
tears up the document. The claimant now appeals to the
— 224 -
village counciI,and Sundarar is compelled to accompanythc
disguisedgod thither to défend the suit. After much talk, the
original document is produeed, and Ihe signature of the
grandfather verified! The bond ran thus 'I, Arûrân, a
Çaivite of the original stock dwelling in Tiru-Nâvalîir, niake
this agreement withthe "Madman", who résides mVennai-
Na llû r : myse\( and my posterity agrée to give ourselves up
to him, inwardly andoutwardly, ashis hereditary bondsmen'.
Uponthe exhibition of this bond Ihe question arises whether
the claiinant was really a householder in ihe village, for no
one seemed to know either him or his dwelling place.
When the question was propounded to him hebadethem
foUow him, and conducted them to the celebrated Ci va
temple in the neighbourhood, entering which he was finally
lost to view. The astounded brâhmans now^ perceive that
the claimant was their god, and that the document simply
asserted whatevery true Çaivite would gladly acknowledge,
that oulwardly and inwardly he and ail his race belong to
Çiva, the Suprême Blessedness ! It is in very deed Sun
darar's divine master who has come down from Kailàçam,
has assumed this form, and resorted to this stratagem to
assert and make manifest his eternal sovereignty over his
servant.
Sundarar now understands it ail, and rushes into the
temple where stands the image of Çiva with Pârvathi his
bride conjoined. Addressing this he says ' I recognise Thee,
and acknowledge Thy claim, o my Master.' The god replies:
'Before, whilst thou wert my servant on thesilver hill, Ihou
didst permit thy soûl to swerve from its fidelity to me, and
1 sent thee down to earth to rid thee of the stain. 1 hâve now
interfered to prevent thee from entering into bonds which
woudl entangle thy souI, and make thee more and more of the
earth earthly.'The extatic rapture of Sundarar hère fînds ex-
— 225 -
pression in the poet'sflowing verses, vvhich are more copions
than interesting, or (to us) edifying. Çivan replies, ' in the
dispute thou ha&t used migbty words against me, even
calling me 'Madman' and 'Deceiver'; thou shalt hence-
forth be called '^the mighttj deootee\ and shalt mightily praise
and serve me in thèse Tamil lands. Go forth therefore, and
singmy praises in everloving and lovely song. Song shall
be thy worship.' Thus commissioned, the sage goes forth to
be one of ihe four great Çaiva psalmists. We humbly con-
fess after long study an utter inability to admire his poetry,
the contrast between which and the powerful and palhetic
verses of Mânikka Vâçagar is striking.
§ 3. — Sundarar's PUgrimar/es.
It would be tedious and unprofitable to trace ail the various
pilgrimages which henceforwardoccupied the time of our sage.
He visited every Çiva shrine from Çithambaram to Sheally,
and it is mentioned that he refrained from entering the latter
town because it was the birlhplace of the renowned Nâna
Sambandhar. This certainly isanodd reason for avoidingit,
and seems to indicate a fear of being considered a rival of
Sambandhar. I infer too that his date was some litile time
after the two other saints, Sambandhar and Appa Mcwlti.
Some of his expériences are sufficiently grotesque : for
example, he once came to a place called Tivu- Vathigai,
wherc he laid himself down to sleep in the adjoining nionas-
tery porch. Soon an old bràhman came in and stretched him-
self by Sundarar's side. Some time afterwards the sage was
aroused from slumber by feeling this old brâhman's feet
pressing his head. He accordingly arose, rearranged his
pallette, and again resigned himself to slumber ; but again
was roused by feeling the feet of his pertinacious old neigh-
— 226 —
bourresting on his head! He now again arose and planted
himself at right angles to the restless stranger and resigned
himself once more to repose. Still however, whatever position
he took up, in a little while his slumbers were surely
disturbed by the intrusive feet. On risingat length to expos-
tulate, hehearda voice say 'Sundarar ! knowest thou me not?'
But Ihe old bràhman had disappeared, and the sage knew
now that his Master was fulfilling the promise he made to
him on his quitting Kailâçam.
§ 4. — His first marriage.
Meanwhile one of the two damsels with whom he had been
enamouredin Çivan's paradise,and whose name was A'âma-
lini,, was sent down by Çivan to ÀrCir, where she was born
as a dancing girl, and received the name of Paravaiyâr. She
there grew up tobe a young maiden of exceeding beauty and
accomplishments, and was in the habit of visiting tlie temple
daily with her companions, there to sing the praises of the
god. On one of thèse occasions she was seen by Sundarar, and
although they did not recognise one another, the 'ancieni
flame' was felt by bo'th of tliem. In order to arrange for
their union, it is said that Çivan himself came down and
negoliated the marriage, such as it was.
Thisisnot a very edifying épisode in the l^eriya Purânam!
At this period Sundarar settled do^^ n to a quiet do-
mestic life with Paravaiyâr, and obtained great renow n
in ail the neighbourliood as a devotec whose prayers and
bénédiction were of exceeding value. Some of tlie neigh-
bouring villagers werein the habit of fillingParavaiyâr's sto-
rehouses with paddy and puise of every description, and she
was evidently a thrifty housewife. But famine came. The
chief patron, if we may call him so, of Sundarar was apetty
— 227 —
chieftainof Gundai, who on the failureof the crops appcaled
to Çiva especially on belialf of the Saint to whom he could no
longer send the accustomed largesses. In a dream the god
proniised relief, and next morning the town and adjacent
haralets were filledwith piles of grain rising mountain-high.
The difiîculty now was how to convey them to Àrûr where
Sundarar lived. When information reached him of the vast
heaps of grain ready for him in Gundaihe went tothe temple
and sang one of his celebrated decads, the refrain of which
is:
' Bid thèse be lavishly poured forth for us'. —
Çivan accordingly sent his hosts at nightfall frcminding
one of Robin Goodfellow!) who soon brought grain enough
to fin the granaries not of the sage only but of ail the people
of Àrûr; and Paravaiyâr made the distribution with great
éclat.
§ 5. — Golden gifis.
A devotee of his is celebrated under the nome of Kol-puli-
Nâyanâr. At his earnest request Sundarar visited him and
was received with extraordinary pomp, the chieftain brin-
ging out his two daughters, whom he présents to him to be
his slaves. The saint receives them with the words'They shall
bemy daughters', and in thekindliest manner conversed with-
thcm and gave them présents. Tlie incident throws light
upon the habits and feelings of the time. From thcnce Sun-
darar returned home, and foundthat Paravaiyâr was, as usual,
in want of supplies, and the more so as a great feast was at
hand. Accordingly he set out to the town of Pugal-ûr and
going to the temple implored the assistance of tne god, and
afterwards retiring to the neighbouring monastery (or choul-
tnj), gathered together some bricks which had been brough
in for repairs, and piled them up as a kind of pillow, spread
— 228 —
ing over themhis upper garment. He thus went lo sleep, and
when he awoke, behold ! the bricks were gold, a woiiderful
circumstance which he commemoraled in a suitable ode.
After this he made a circuit through the towns in theneigh-
bOurhood of the Kâvêri. During this circuit the king of Ur-
raitjïu' losta very precious breastplate iulaid with gems; but
in answer to the prayer of the saint it was restored, and put
into a vessel of water used for bathing the idol. Thus, when
the servant poured water upon the image the precious jewel
fell out, and arrangeditselfaround the neckof the idol, plainly
indicating the god's agency in its restoration. Sometime
after this he again supplicated the god (perhaps at the insti-
gation of Paravaiyâr) for another gift of money, and received
what the history calls 'a pile of gold', but its nature and value
are not further specified Ile then went on tovisit iheKonka-
nâd, and after a great round came to Çithambaram. One
night when trying to find his way to Vriddâçalara he met an
aged brâhman from whom he asked directions for ihe way.
The brâhman, really Çivan himself, showedit,and disap
peared. Thus was the master the ever ready guide and com-
panion of his servant. At that time the god spake to him in
a voice w hich he heard, but saw no form, bidding him casl
the gold thathe was carrying about with him iîito the Mani-
muttam river, assuring him that when he required it he
shouid find it in a certain spot in the tank in the temple of
Àrûr,
Accordingly our sage returning home told his spouse that
there was money given him by the god, now lying on the
western side of the tank in the temple enclosure. She laughed
him to seorn, but he replied 'by the grâce of our god I will
give it to thee' and led her to the place ; where having per-
formed ail reverential cérémonies he went down into the tank
to seek the gold; but the god desirous to try him, and make
— 229 —
the circumstance the occasion of Ihe production of the sacred
hymn, withdrew the gold from the tank ; sothe sage was'di-
sappointed, yet he sang a song to be found in the Dêvâram.
Instantly the gold was restored, but on examining it it was
found lo be of inferior quality. This also was a trial, and after
hehad devoutly sung anothersong, he receivedthe gold in ail
its purity, Paravaiyâr's mouth was stopped, and her
inordinate désire of money satisfîed. After this the sage and
his wife livcd together for sometime in great comfort and
poace.
§ 6. — At oarious shrines.
He now set out on a new circuit, in the course of which
he came to Çirkâri where he veneratedthe feet of NânaSam-
bandhar, but whether this means that he there met that sage,
or paid vénération to some image of him, is not quite clear.
In the course of thisjourney aremarkable circumstance hap-
poned : the sage worn out with fatigue and sufïering frora
hunger and thirst was fainting by the way when his ever
watchful master in the shape of a brâhraan appeared to him
undera pavilion in which everything necessary for the sage's
refreshment was provided. He and ail his retinue proba-
bly nurabering some hundreds were fed, and after that reti-
red to rest; but when they awoke the brâhman and the pavi-
lion had both disappeared. This is commemorated in the
Dêvâram. lie then w eut on to Çithambaram and there wor-
shippedÇivaVAe head of tlœ aasemhh/. Afterwards hiswan-
derings led him to a place called Tiru-Kachùr, which is a
few miles from Chingleput. There again nighlfall found him
under the outer wall of the town exhausted and famished.
Çivan, the Suprême, however appears and with his mendi-
cant bowl in his hand says, 'Remain hère, and dismiss ail
anxiety. I will go andask alms for you and speedilyreturn. '
— 230 —
Accordingly thedisguised god went to ail thebràhman houses
round and begged for curry and rice, and bringing thèse back
to the famished sage placed tliem before liim. So Sundarar
praised the unknown brâhman's love, while he and his re-
tinue ate and were refreshed. Fortliwith the brâhraan disap-r
peared. Another hymn commémorâtes this.
His next journey was to Kâhji^ wliere lie worshipped the
god under the name of Egambarar'.
Hère he remained for some time,and tlien wentontoTiru-
Kalatti, the mountain where Kanappa-Nâyanàv^^^ image
stands and there he oflfered his adoration and sang his hymn
(Dêvâram, p. 1044).
§ 7. — His enianglement witJi Çahgili(jâr.
Afterthis hereturned to Tiru-Olti-ûr.
We now come to what is the most curious épisode in the
sage's (?) history. At the outsetofthe story we find Sundarar
in relation to two of the ladies of Kailâçam. One of thèse
under the name of Paracaiyâr lias been born onearth, and,
has become his wife; the other Aninthithai (= the Irre-
proachable) also was now born upon earth, in a family of the
yeoman class (Velâ|ar) under the nameof Çangiliyâr ('She of
the chain'). On earth she grew up Ihoroughly devoted lo the
worsliipof lier mistressUmâ. In duc lime hec parents prepa-
red to give lier in marriage lo a suitable person of Ihc tribe ;
but she stoadily refused, saying that she was destined to
belong to none but a de votée of Ci va. At lengtli after
much suffering, she finds horself installed in the temple
of Tiru otti-ûr in a suitable dwelling as a nun, or pledged
devotee of the goddess, lier mistress. In this retirement three
1. TiruVâçagam, IX, 15; XIV, 4.
2. For this legend see Tiru-Vàçagam, X, 13, and XV, 9-12.
— 231 —
times every day she visited the temple to behold tbe deity ;
and, behind a veil in an appropriate recess, she employed
herself in weaving garlands of flowers to adorn the sacred
images. Thusit happenedone day that when Sundara-Mûrthi
came to the temple and looked round uponthe varions wor-
shippers he went into the recess where the garlands were
prepared. There, led by the hand of fate he beheld Çangiliijâr,
fell in love with lier, and going forth enquired her name and
learnt that she was a devotee in the service of the temple.
He straightway ofïered bis pétition to bis master, wbo in
things good and bad is represented hère as being the unscru-
pulous friendandcobfidantratberthan the lord of bis devotee.
The god replied to the sage' s prayer, 'She whom you ask
for is the most ardently devoted ascetic of the temple; but
fearnot, I will give lier to thee. ' Accordingly at midnight
when she was asleep in her cell the god appearedto her in a
dream. This appearance threw her into ecstasies, andfalling
athisfeetshecried 'Lord, what meritorious deeds bave I donc
in former embodiments that for my salvation Ihou shouldst
thus appear ? ' To this Çivan the suprême replies, ' AU in
TiruVenney-nallûr know liow 1 made a certain bard my ser-
vant and my companion. Itis he, my friend, that prays that
thou mayest be given to him as bis wife. Joyously consent
thou to bis request! ' Shereplies'Thy servant, o lord, will
obey thy command, and become thewife of this thy devoted
servant; but lie now livesin Arûrin grcat joy and prosperity.
Cause him to swear anoath that he will never désert me after
our marriage.' Accordingly it was arranged that the sage
should swear unalterable fidelty, wiiich considering that
Paravaiyâr wasstill alive,seemed a dilficult matter ; and, in
fact both be and bis master knew that the oath would not
and could not be kcpt; but, since Çangiliyâr w^ould listen to
no compromise, it was agreedat the suggestion of the god that
— 232 —
Ihe oath should be sworn, not in Ihe shrine before ihe
sacred image, in M'hich case it would be binding, but under a
tree in the precincts, in which case it would not be a binding
oath! The god himself having suggested this, she acoepted
it, and accordingly the pretended oath was sworn. The
next day the god appeared to the devotees of the temple in a
dream, andcommanded them to give Çangiliyâr in marriage
to his servant S undarar, which was done accordingly.
Thus a new life begins for the sage, who is now in fact
attached to Çithambaram, of which Tiru-votli-ûr isasuburb;
yet he hasnotforgotten the lord of Àrûr; and to hini he ad-
dresses a song which is celebrated ; and after that, breaking
his oath, leaves Tiru-votti-ûr to return to his first loves,
both spiritual and earthly. But it is saidthat his eyesbecame
blinded as a punishment for breaking his oath, and thus
blind, but still singing with dévotion the praises of the raas-
ter who had, as it would seeni, bctrayed him into this sin of
perjury, he raakes his way towards Àrùr. On the road he
visited several shrines specially, âlamkàdu, where he saw
the temple of 'the Lady of Kârikâl''. Hethen went to Kâùji
where in answerto his fervent supplications his left eye was
restored. After this he went onwards from village to village,
but it seems that as a further punishment he was afilicted
with what would appear to hâve been a kind of leprosy co-
vering the whole of his body. This however was removed in
answer to his prayers, at the village of Tiru àvadu-turr-ai,
where he was directedby the god to bathe in the tank on the
north side of the temple. This was the occasion for further
hymns of thanksgiving. Still he was afïlicted by the loss of
his right eye, especially because the glory of his master in
each shrine could scarcebe beheld even by both eyes, and
1. See her legend iu Tiru-viK^Uj^am, VII, ver XV.
— 233 —
one was obviously insufficient. However, in ans\\ 'îr to his
prayers, this also was granted him, and in transports of joy,
perfectly restored to himself, he reenters Àrûr. Meanwhile
Paravaiyâr, his first wife had heard of his infidelities, and
mock-raarriage, and was of course exceedingly indignant, so
that when our devotee wished to return to his dwelling she
refusedto permit any messengers of histo enter Ihe dwelling.
In vain was the help of varions mediators sought. She de-
clared that she would die rather than be reunited to him. In
this extremity the sage has recourse to his master, whom he
sought again to employ in what certainly seems to us to be
a most undignified occupation. It is difRcult indeed to fancy
*Çiva Perumân' acting in the capacity of Sir Pandarus of
Troy ! However tiere seems to hâve been in this case no limit
to the kindly indulgence of the master who treated the de-
votee invariably as a spoiled child. He accordingly paidtvvo
visits to the lady, oue in the guise of a devotee, and again in
his own glorious form ; and she is at lenglli appeased, Sun-
darar being readmitted to his home. So thoroughly has the
god performed his task that when Sundarar arrives he finds
his dwelling in festive array, lighls gleaming and beautiful
flowers shedding light and beauty, and difïusing a heavenly
radiance around.
After this, for a long period he and Paravaiyâr lived in
ail the luxury of amplest wealth : the sanctity being appa-
rently in abeyance!
§ 8. — Healimj of Eyar-Kôn.
At this time a distinguishod devotee of Çivan, called
l'Jyar-Kôn Kali-Kâma-Nâyanâr, hearing that Sundarar had
actually dared to employ his Master as a vile pandar; was
naturally very angry and gave expression to his wrath in
— 234 —
words of contemptuous indignation againstboth the servant
and the Master !
Çivan, the suprême, hearing of this, sent a dreadful colic
as a punishment to the presumptuous devotee, and when the
sufferer appealed to his compassion said to him « Only. by
the hand of my servant Sundarar can'st thou be healed ».
The impetuous devotee indignantly refused the services of
one whose conduct he had so loudly condemned^ declaring
that he would rather he branded with the three-pronged
spear of Çivan made red hot, than allow one who had em-
ployed the god on such an unworlhy errand toapproach him.
However, the sage came, and was denied access to the sick
raan ; but forcing his way in, declared that he had come to
heal. The patient, in a t'ury drew his sword and slewhimself,
rather than be healed by unworthy hands. The sage horri-
fied took the sword, and was about to kill himself, when
Çivan restored the dead man to life, and filled his mind with
heavenly light, the resuit of which was that he sprang up
and wrested the weapon from Sundarar's hand. A full expia-
nation and reconciliation took place and from that time
Éyar-kôn became the attached friend of the sage, who paid
him a long visit and then returned to Àrûr.
§ 9. — His friend Çêraman Perumal.
After this a new friend cornes into the life of the sage.
This person is called Çêramân-Perumâl-Nâyanâr, who was
the chieftain of Kodunkôl. This petty king was a very remark-
able devotee, and his history is related at great length. We
shall only note the particulars connected with his intimacy
wilh our sage. The first place of importance which they
visited together was Vêdâraniyam, celebrated in the history
of Nâna Sambandhar. This chief seems to hâve been himself
— 235 —
a poet. They tlien went to Maclura, and travelled round the
Pândiyan kingdora, while the sage composed and sang lyrics
at ev.ery sacred shrine. After many days spent in Àrûr, the
tvvofriends took a journey westward, and having to cross the
Kâvëri, which was swollen by the rains, the sage sang one
of his celebrated songs, the conséquence of which was that
the river divided, and standing on eitlier side like walls of
crystal permitted them to pass over dryshod. After they had
sung praises to the god, the river quietly returned to
its usual ehannel; After this Sundara-Mûrtti accompanied
his friend to Kodunkol where he was received with
royal pomp, and made a splendid progress round tlie little
State, singinghis sacred lyrics everywhere. After some time
hefelt an irrésistible impulse to returnto Arûr, but his friend
and patron resisted liis departure, and only consented on the
understanding that immense piles of gold, jewels, costly
garments and perfuraes should be sent with the sage, carried
by a little army of porters. When Ihey were on the way the
hosts of Çivan disguised as robbers came and carried ofï ail
the treasure: but the sage went to the nearest temple, and
sang a lyric which had such an efïect that the robbers brought
back the whole of their spoil and piled it up at the gâte
of the temple; so the wealth reached Àrûr in safety, no
doubt to the great satisfaction of Paravaiyâr, who was of an
avaricious disposition it may be inferred. On a later occasion
when Sundarar returned to visit his friend, itis said that in
a certain village he heard sounds of rejoicing proceeding
from one liouse and of raourning from the opposite one. On
cnquiring the reason he was told that in the house of mour-
ning a boy of fîve years of âge had gone to bathe in the tank
with another boy about his own âge; and that one of thèse
boys had been swallowed by an alligator, while the other had
escaped. The mourning in the one house was for the child
- 236 —
carried away in such a terrible manner; while the rejoicing
in theother house was for the childthat had returned safe,
whom they wereinvesting withthe sacred thread! The saint
was fiUed with compassion for the mourners, who came
crowding to worshipat his feet, imploring him to accepttheir
hospitality and feeling that his présence was more than a
compensation for their bereavement, and sang one of his
sacred lyrics,praying that the child might berestored. Accord-
ingly the dreaded king of death brought back tlie spirit of
the child, reunited it to the body, and caused the alligator to
bring the child thus rescued to the bank. This wonderful
résurrection filled the whole countryside with wonder, and
rich présents poured in, while the land rang with the praises
of the illustrions visiter.
Many days after this the sage, while hishost had gone to
bathe, went to the temple of Tiruvaûjaikalam, and having
performedhis worship with due dévotion, prostrated himself
before the image in an ecstasy of mystic ferveur, praying in
language, that might hâve been adapted from the song of
Simeon, that lie might at length be released from the bonds of
earthly life andpermittedagain to worshipat the sacred feet
on the holy hill. No sooner had he ofïered this prayer than
Çiva-Perumân, addressing ail the gods, bade them in glad
procession proceed toearth, and placing Sundarar on a white
éléphant conduct him to Paradise. This was accordingly
donc. AU the heavenly hosts surrounded him. He was
mounted upon an éléphant; and with the sound of ail kinds
of music, amid the praises of ail the gods, and showers of
flowers from the sky, he was conducted alongthe celestial way
to Kailàçam. Meanwhile the chief his friend returning saw
the wondrous procession making its way through the sky,
and immediately mounting his royal charger breathed into
— 237 —
itsear, the *mystic five syllables''. Forthwith the charger
sprang into the skies overtook the éléphant on which the
saint was riding, and led the way to the *silver hill'. Ail the
choicewarriorsofthe kingdom seeing their master taken f rom
their sight fell upon their swords, and leaving their earthly
bodies at once received the heavenly shapesof heroes,and so
preceding their master waited at the gâte of Paradise to wel-
come him and do him service. So the whole company went
on, the saint stili chanting his inspired song. At length at
the sacred gâtes the sage was admitted, but his friend and
attendants remained outside. Çivan received his faithful
devoteeand friend with warm welcome. The sage, bowing
athisfeet, said "The fault which banished me from hence
and consigned me to an embodied existence is forgiven, and
once more Ihou dost admit me to share thy joy with thee !"
He then representedthecaseof theNâyanârwho was waiting
without the gâte. The order was given at once for his ad-
mission, and our sage under the old title of Halâla-sundarar
was made the chief of Çivan's hosts, with his friend as his
second in command.
Afterwards, Paravaiyâr and Çangiliyâr, restored to their
old names and positions, were galhcred with the servants of
Pârvathi. So they alJ entered into the joy of an eternal rest.
To the king of the sea it was moreover given in charge that
he should carry down to the Southern land the hymn which
the sage had -sung on the way. Thus ends the legend of tlie
third of the Çaiva saints, or if we include Mànikka-Vâçagar,
lliefourth. It will be seen that they were very diverse in
'liaracter and history.
By the readers of the four historiés of Mânikka-Vâçagar,
Sambandhar, Nâvukkaraçar and Sundara-Mùrtti, who closes
1. See Tiru-Vàçagam p. XXXIX, note II.
16
— 238 -
the séries, it will be seen that thèse " saints " liad many
peculiarities and even vices which to the western mind seem
most répulsive, and unsaintly. For example Sundarar in his
poems uses the most unseernly familiarity in his addresses
to his master. Before coming down from Kailâça he had
earnestly implored thegod not to forsakehimin his new po-
sition ; and we hâve seen that Çivan was continually
wilh hisfaithlul devotee, who calls him ' Madman' ' Decei-
ver ', ' Companion' and even ' Servant'. Something of this
is seen in Mânikka-Vâçagar' s verse, but Sundara avails
himself of the liberty of aspoiled child in a strange way. We
raay notice too an inconsistency in the history of this devotee
not discernible in the others. Sundara was sent down to earth
to rid himself of the dominion of the sensés and tomakeatone-
raent for the indulgence of undisciplined thoughts and de-
sires. The god also appears to break ofï Sundara's marriage
by claiming the young bridegroom as liis slave; and the de-
sign of this is to prevent him from becoming a drudge to the
world. Yet afterwards, the selfsame Sundarar is actually
permitted to employ his master to arrange for liis union with
Paravaiyâr, and afterwards to bring abbut a reconciliation
when she was justly offended.
Moreover Çivan was employed to arrange a second and
clandestine marriage with Aninthaiyâr (or Çangiliyâr) ; and
this was accomplished by a gross déception, Sundarar swe-
aring never lo désert her, which he however did soon, with
the connivance of Çiva! He swore what seemed to her a
binding oath, but was not really so, bécause not sworn in the
temple, but merely under tlie shade of a consecrated tree.
We note thèse things, because the tone hère is decidedly
lowerthan that of thetwo former historiés. Mânikka-Vâçagar
laraents bitterly his imperfections and falls, but gives the
idea of a devout-minded man struggling towards purity and
— 239 —
light. Sambandhar présents an exquisite picture of youthful
dévotion, reminding us of what we are familiar with in
connection with the names of Samuel, Daniel and S. Johnthe
Apostle. We say this, because the character of their saints
must, one would suppose, affect the conductof the votariesof
the System.
Rev. G. U. Pope, M. A., D. D.
Bailliol Collège, Oxford.
Note de la Rédaction. — La légende de la sainte de Kârikàl, dont
il est question ci-dessus, p. 232, a été traduite en français par
M. Julien Vinson et publiée dans la Reoue orientale (année 1880,
p. 117-136), d'après le Périya Purânam.
LE
LEVER DE LA LUNE DE LA CONNAISSANCE
( prabôdhacandrôdaya)
Drame en 6 actes, traduit pour la première fois en français
du sanskrit et du prâkrit
(suite)'
quatrième acte
(Alors entre Amitié)
Amitié. — J'ai entendu dire à Joie que ma chère compagne,
Foi, est protégée par la vénérable Dévotion à Vishnu contre
l'ardeur d'engloutissement de la femme de Çiva. Quand
verrai-je ma chère amie? mon cœur le désire ardemment.
(Elle fait quelques pas sur la scène).
(Alors entre Foi).
Foi. ' — (Elle dit à haute voix avec un tremblement de crainte) :
Maintenant encore mon cœur tremble comme celui d'une
antilope: je vois la redoutable femme de Çiva, ayant des
crânes d'homme en guise de pendants d'oreille, lançant par
ses regards une multitude d'éclairs, dont l'aspect est terrible
par des cheveux rougescomme des flammes et dont la langue
s'agite entre les dents qui sont des bourgeons et des croissants
de lune.
Amitié. — Ah! voici ma chère compagne, Foi, dont le
cœur est agité par la crainte et qui tremble de tous ses
membres comme une antilope: elle délibère sur quelque sujet
1. Voy. t. XXXIl, numéro de juillet (1899), p. 230-246, et t. XXXllI,
numéro de janvier (1900), p. 67-86; numéro de juillet, p. 223-239.
— 241 —
et ne me voit pas, bien que je sois allée au-devant d'elle. Eh
bien ! je vais lui parler.
(Haut). Foi, ma très chère amie ! Pourquoi, au milieu des
tortures de ton cœur, ne pas même me voir ?
Foi. — (La regardant avec un soupir): Ah! ma très chère com-
pagne, Amitié!
(( Pendant que je me trouvais entre les dents de la bouche
grande ouverte de la nuit de la mort, je t'ai vue, ô amie! et
toi-même tu es de nouveau dans cette même naissance'. »
Viens donc, embrasse-moi.
Amitié. — (Elle fait ainsi) : Amie, comment tes membres
peuvent-ils, maintenant encore, trembler à cause de la femme
de Çiva, dont le pouvoir magique est menacé par Dévotion à
Vishnu?
Foi. — (Elle redit à voix haute): « Maintenant encore, mon
cœur tremble comme celui d'une antilope: je revois la redou-
table femme de Çiva, ayant des crânes d'hommes en guise de
pendants d'oreille, lançant par ses regards une multitude
d'éclairs, dont l'aspect est terrible par des cheveux rouges
comme des flammes, et dont la langue s'agite entre les dents
qui sont des bourgeons et des croissants de lune. »
Amitié. — (Avec crainte): Ah! la misérable, à l'aspect redou-
table! Etqu'a-t-elle fait à son arrivée?
Foi. — a Elle est descendue comme un faucon, et, d'une de
ses mains, in'ayant saisie par les pieds et de l'autre main
ayant pris Devoir, elle s'est envolée avec impétuosité dans les
airs, pareille à la femelle du vautourqui tient dans ses serres
deux morceaux de chair tremblante. »
Amitié. — Ah! malheur 1 Ah! malheur! (Elle s'évanouit).
Foi. — Amie, reviens à toi, reviens à toi.
Amitié. — (Revenant à elle). Ensuite, ensuite.
1. C'est-à-dire, tu vis encore.
— 242 —
Alors la déesse, en entendant, notre cri lamentable, a les
yeux en larmes et la pitié se glisse dans son cœur.
(f.Avec un froncement de sourcil redoutable, elle lance à
la cruelle un regardenflamraé par unecolèrequifaitrecourber
son corps d'une manière puissante; et la cruelle est tombée
sur la terre, comme une montagne frappée de la foudre, ou
comme un crâne qui tombe en ruine et se brise. »
Amitié. — 0 bonheur! En un instant ma chère amie est
rendue à la vie, comme une gazelle qui tombe de la gueule
d'un tigre. Ensuite, ensuite.
Foi. — Alors la Déesse, après avoir réfléchi, s'est écriée:
Je détruirai jusqu'à la racine Grand Aveuglement, ce maudit,
ce méchant qui me méprise. Puis la Déesse m'a chargée
d'une mission. — Va, m'a-t-elle dit, ô Foi ! parle à Discer-
nement et dis-lui de faire tous ses efforts pour la défaite
d'Amour, de Colère et des autres. Alors se manifestera l'absence
des passions, et moi, choisissant ce moment favorable je pro-
tégerai votre armée en la secourant par l'Acte de retenir son
souffle et les autres; la déesse Ritambharâ' et les autres, grâce
àl'habileté d'Apaisementet des autres, produiront lanaissance
de Prabôdha pour le bienheureux (Discernement) uni àladéesse
Révélation. — Jesuisdonc partie à la recherche de Discerne-
ment; mais toi, à quoi passes-tu tes jours?
Amitié. — Nous aussi, les quatre sœurs', par l'ordre de
Dévotion à Vishnu, nous sommes estimées des gens de bien
pour le perfectionement de Discernement; car ces (gens de
bien)
(( Songent à moi pour l'heureux et pour le malheureux; ils
songent aussi à Pitié, joyeuse aux bons et n'ayant que du
mépris pour les méchants; et par ce moyen cette âme, même
1. Ritambharâ. Personnage allé<?orique qui ne parait pas dans le
courant de la pièce. Il en est fait seulement ici mention.
2. Ces quatre sœurs sont : Amitié, Pitié, -Joie, Douleur.
— 243 —
souillée par les vices, tels que Passion, Cupidité, Haine etles
autres, gagne la sérénité. »
Ainsi nous toutes, les quatre sœurs, nous passons nos jours
à nous occuper uniquement du bonheur de Discernement.
Maintenant où ma chère amie voit-elle le grand roi ?
Foi. — Voici ce que m'a dit la Déesse; il y a une contrée
que l'on nomme Râdha: là, dans Cakralîrtha, qui fait l'orne-
ment des bords du Gange, Discernement, pour sa (prochaine)
union avec la déesse Révélation, s'adonne à la pénitence en
soutenante peine son souffle, et d'un cœur plein de componc-
tion, appliquant son esprit à l'étude de la Mîmànsâ'.
Amitié. — Que ma chère amie s'en aille; moi, de mon côté,
je vais accomplir ma mission.
Foi. — Qu'il en soit ainsi.
FIN DU PROLOGUE
(Alors entrent le roi' et le concierge du palais).
Discernement. — Ah ! méchant, maudit Grand Aveugle-
ment ! De toute façon par toi les honnêtes gens sont tués. En
effet
(( L'insensé, quoique plongé dans elle, ne boit pas dans
l'eau de l'océan de l'immortalité', pure, d'une grandeur in-
finie, sans vagues, ayant le bonheur et la pensée' sans tache;
mais l'insensé, au prix de bien des fatigues, boit dans l'eau
1. Philosophie védantique.
2. C'estDiscernement(Vivêka). C'est cette appellation que nous adop-
tons ici à la place de ra/a qui se trouve dans le texte, afin d'éviter
toute obscurité.
.3. C'est-à-dire Brahmâ.
4. Cidânanda. On voit souvent Saictcfârtanrfa, qui est l'expression
complète. C'est une formule propre au système védantique, et qui
veut dire: l'être qui est l'existence, pensée et bonheur.
— 244 —
insipide de l'océan (du monde) qui n'est qu'un mirage: il boit,
il se baigne et se réjouit, il plonge et remonte. ))
Ce qui est cause de tout cela, c'est l'ignorance (où l'on est)
de Grand Aveuglement, qui met en mouvement la roue de la
transmigration du monde, et la cessation (de son pouvoir) ne
peut venir que de la connaissance delà vérité. Car,
(( Pour le renversement et le déracinement de cet arbre du
monde qui est la racine de l'ignorance, il n'y a pas d'autre
moyen que la connaissance de la vérité, née de l'adoration
pour le Souverain roi (Visnu). »
D'ordinaire, quand les gens de bien ont décidé l'accomplis-
sement d'un projet, les dieux deviennent leurs alliés: voilà
ce que disent les gens qui savent la vérité. Aussi voici les
prescriptions de la déesse Dévotion à Visnu : — Que l'on
fasse des efforts pour la défaite d'Amour et des autres. Pour
moi, mon parti est pris en votre faveur; or, parce moyen.
Amour est tout à fait vaincu par le premier héros, Esprit
Critique^ — Soit. Eh bien! je vais lui donner mes ordres
pour la victoire.
Védavati M appelez Esprit Critique.
Le Portier. — Comme le roi l'ordonne.
(Il sort et revient avec Esprit Critique).
Esprit Critique. — Ah! le monde est renversé par ce
maudit Kâma, qui ne cesse de grandir par l'idée que l'absence
de réflexion est une beauté, ou plutôt c'est ce méchant Grand
Aveuglement lui-même (qui cause cette ruine) En effet,
« Quand il voit la femme, qui n'est qu'une véritable poupée
impure, le sage lui-même se réjouit, plein d'enivrement, et,
dans son bonheur, il la loue, en disant: Elle est belle, elle a
des yeux de lotus, ses hanches sont énormes, ses deux seins
se dressent élevés et gros, sa bouche est un beau lotus, ses
1. En sauskr. castuoicâra.
2. Nom du portier.
— 245 -
sourcils sont pleins de beauté. — Ah ! c'est le crime d'Aveu-
glement. »
En outre, il n'y a pas même de repos pour les gens intelli-
gents qui réfléchissent selon la réalité et qui se disent : La
femme est faite d'une cage d'os revêtue d'une fange de chair,
elle a une mauvaise odeur qui lui vient de sa nature, et son
extérieur est repoussant. Il est donc bien évident que l'on a
toujours attribué à la femme des qualités qu'elle ne possède
point. En effet,
0 Un collier de perles, liane faite de perles résonnantes,
des nûpurâs d'or, des guirlandes merveilleuses de fleurs odo-
rantes, un vêtement splendide de lin blanc, oh! tout cela,
pour les gens inintelligents, devient autant de qualités chez
la femme; mais, pour ceux qui regardent de l'extérieur au
dedans, la femme est un enfer: c'est le nom qu'ils lui
donnent, m
(En l'air'). Ah! méchant Amour, le dernier des êtres! Pour-
quoi, lorsque tu te manifestes, le monde est-il troublé et sans
appui? En effet, voici ce qui se passe dans l'imagination de
l'homme : il se dit :
« Elle me désire, cette jeune fille au visage de lune; elle
me regarde avec plaisir, cette belle aux yeux de lotus bleu,
elle désire l'embrassement de ses larges seins . »
Fi! ô insensé!
« Quelle est celle qui te désire? quelle est celle qui te re-
garde? 0 brute ! la femme, formée d'os et de chair, n'y voit
rien du tout; l'âme incorporelle ' à son tour te regarde. »
Lf, Portier. — Par ici venez, Auguste! (Tous deux font
quelques pas sur la scène).
1. On a vu plus haut que cette expression scénique était employée
quand le personnage ou scèue ne s'adressait à aucune personne pré-
sente.
2. L'ànie unique, puhs.
— 246 —
Le Portier. — Voici le grand roi qui est assis. Que votre
seigneurie s'approche.
Esprit Critique. — (S'étant approché.) 0 roi! triomphe!
triomphe ! Voici Esprit Critique qui devant toi s'incline.
Discernement. — Assieds-toi là.
Esprit Critique. — (S'étant assis.) 0 roi! le voici, ton ser-
viteur, il est arrivé: favorise-le de tes ordres.
Discernement. — Notre combat avec Grand Aveuglement
est commencé. Amour en est le premier héros, et par nous
vous êtes désigné pour être son adversaire.
Esprit Critique. — Je suis heureux d'être ainsi honoré par
mon maître.
Discernement. — Et par quelle science des armes vaincrez-
vous Amour?
Esprit Critique. — Ah ! déjà, en pensant qu'il faut vaincre
Amour aux cinq flèches et à l'arc de fleurs, on a considéré le
choix des armes. Vois:
« Je désarmerai Amour, (d'abord) en fermant très forte-
ment, mais avec peine, la porte (des neuf sens) pour empêcher
tout retour vers le souvenir des femmes et le charme de leur
présence, (puis) en faisant réfléchir à plusieurs reprises sur
leur déplaisante maturité et leurs corps repoussants. »
Discernement. — Bien, bien.
Esprit Critique. — Et aussi ,
(( S'il y a des fleuves aux grandes îles, s'il y a des mon-
tagnes dont les rochers sont polis par les eaux qui ne cessent
pas d'y tomber, s'il y a des rangées de forêts aux arbres
énormes, s'il y a des paroles d'apaisement venant de Vyâsa et
le commerce avec les sages, que peuvent faire les femmes
faites de chair et de graisse et que peut faire le dieu de
l'Amour? »
Ce qui s'appelle la femme, voilà l'arme principale d'Amour
aussi, quand elle aura été vaincue, l'activité de tous les autres
— 247 —
compagnons d'Amour, deviendra stérile et ils n'y trouveront
que leur ruine. En effet,
(( La lune, le sandal, les forêts de plaisance, blanches par
l'éclat de la lune et qui résonnent du sourd bourdonnement
des abeilles, les levers du printemps, les levers de nuages
aux agréables murmures, les jours de longue durée que par-
fument les vents qui ont passé sur l'arbre Kadamba, les poudres
odorantes... etc., qui sont tous les compagnons d'Amour, sont
vaincus par la ruine de la femme. »
Mais c'est tarder beaucoup trop, que mon maître ordonne.
« Moi, en détruisant l'armée des ennemis par les Réflexions
se précipitant de toute part, comme par des flèches, pareil à
celui qui a pour arc Gândîva (Arjuna), je renverserai Amour,
comme l'armée des Kurus abattit Sindhurâja. »
Discernement. — (Avec bienveillance.) Que votre seigneurie
s'apprête donc pour la défaite des ennemis.
Esprit Critique. — Comme l'ordonne le roi.
(Alors il s'incline et sort).
Discernement. — Vêdavati I qu'on appelle Patience pour la
défaite de Colère.
Le Portier. — Comme l'ordonne le roi.
(11 ."ort, puis il rentre avec Patience).
Patience. — « Les sages, héros profonds comme l'océan
immobile et sans tache, supportent les méchants propos et les
cris d'un ennemi redoutable par les vagues du froncement de
ses sourcils, assombris des ténèbres de la colère, et par ses
yeux terribles et rouges comme les rayons du crépuscule. »
(Se regardant elle-même avec complaisance).
(( Ce n'est pas la fatigue des paroles qu'il faudrait estimer,
ni la douleur aiguë de la tête, ni la torture de l'esprit, ni la
lassitude du corps, pas plus que Nuisance et les autres, dont
l'emploi serait stérile, mais c'est moi seule, au contraire, que
l'on doit estimer pour remporter la victoire sur Colère. »
(Tous deux fout quelques pas sur la scène).
^ — 248 —
Le Portier. — Voici le roi! Que ma chère amie s'ap-
proche.
Patience. — (S'étant approchée) Triomphe, triomphe pour
le roi !
Voici la servante du roi, Patience, qui s'incline parlepros-
terneraent des huit membres.
Discernement. — Asseyez-vous ici.
Patience. — (S'étant assise). Que le roi me donne ses ordres.
Pour quelle cause avez-vous appelé votre servante?
Discernement. — Dans ce combat la méchante Colère doit
être par toi vaincue.
Patience. — Grâce à la protection du roi, je serai ca-
pable de vaincre Grand Aveuglement lui-même, à plus forte
raison Colère, qui n'est que sa servante. Aussi moi-même
.bientôt
« Je renverserai ce méchant, Colère, dont les yeux vo-
missent des étincelles, qui entrave sans raison les œuvres de
la lecture des Vôdas, du sacrifice aux dieux et aux mânes et
de mortification, comme Mahisha a renversé la déesse
Durjâ. »
Discernement. — 0 Patience! nous écoutons. Eh bien!
comment se fera la défaite de Colère?
Patience. — O roi ! Je vais vous le faire connaître.
« Oià est le lever de Colère pour ceux dont le cœur est hu-
mide du suc de la compassion et qui se disent : Devant un
homme en colère, on doit n'avoir qu'un visage souriant, et Ion
doit se conduire avec sérénité ; à l'outrage on doit répondre
par des paroles de prospérité ; quand on est frappé, on doit
éprouverlajoie de la destruction des péchés de l'âme. Malheur
à l'homme dont l'âme n'a pu se vaincre ! Il sera difficile à
écarter, le malheur qui s'est approché de lui par un fatal
destin. »
Discernement. — Bien, bien.
— 249 —
Patience. — O roi! par la défaite de Colère seront en-
tièrement vaincus Nuisance, Fureur, Orgueil, Jalousie et
les autres.
Discernement. — Que votre seigneurerie aille donc se
mettre dans une position forte pour s'assurer la victoire.
Patience. — Comme l'ordonne le roi (Elle sort).
Discernement. — (Au portier). Dêvavati ! Qu'on appelle
Contentement, victorieux du désir. <
Le Portier. — Comme le roi l'ordonne.
(Il sort et rentre avec Couteutemeat).
Contentement. — (Réfléchissant — avec pitié).
« On peut prendre, si on le désire, le fruit des arbres dans
toute forêt sans fatigue ; en tout lieu on peut prendre l'eau
froide et.douce des rivières pures; on peut prendre un lit,
doux au toucher, que l'on a formé de bourgeons et de lianes
très douces : cependant, à la porte des gens riches, les misé-
rables subissent tous les tourments. »
(En l'air). Ohl folie de l'homme avide ! Il est certes bien dif-
ficile d'arracher (à ton cœur) cet aveuglement. En effet,
(( Combien de tes entreprises ont été brisées et combien de
fois n'ont-elles pas été anéanties! 0 brute, qui désirerais boire
dans cette eau vile des océans des richesses, qui n'est qu'un
mirage! Cependant l'espérance ne cesse pas (de régner) en toi,
insensé ! puisque ta tête, faite certainement de foudre et de
rochers, n'est pas brisée cent fois. »
Cette conduite, rendue aveugle par Cupidité, étonne mon
esprit. En effet,
« Insensé ! tu penses toujours aux richesses, en te disant :
Cette chose, que je devais avoir, elle a été acquise; mais il y
en a une autre qu'il faut en plus acquérir, car celle-ci dérive
de celle-là, et cette autre chose est obtenue. — Tu ne sais
pas qu'en revanche ce démon, Espérance, en peu de temps
— 250 —
t'avalera de force tout entier, toi qu'enveloppe l'obscurité de
ta cupidité sans bornes! »
De plus,
(( La richesse, eh bien! soit; elle a été acquise avec peine :
cependant, lorsque survient la perte de cette richesse ou ta
perte, ta mort, la séparation n'en existe pas moins de deux
manières. Est-ce que la non-acquisition des richesses est
meilleure, dis-moi, ou bien la perte est-elle bonne? La perte
du gain nous cause un grand trouble, mais non l'absence de
ce gain lui-même. »
Bien plus,
(( La mort se réjouit sur ta tête; constamment ce serpent
redoutable, la vieillesse, te dévore; le monde est dévoré par
des vautours faits de richesses. Celui qui est plongé un peu
dans l'eau de l'ambroisie du Contentement, après avoir lavé
par les eaux de la science cette poussière qui, née de Cupi-
dité, s'était accrue par l'ignorance, celui-là trouve le bon-
heur. »
Le Portier. — ■ Voici le maître. Que l'Auguste s'approche
donc.
Contentement. — (Ayant ainsi fait). Que le maître triomphe,
triomphe! Voici Contentement qui s'incline devant lui.
Discernement. — Asseyez -vous ici.
(En parlant ainsi, il le fait asseoir près de lui).
Contentement. — (S'étant assis avec modestie). Voici votre
esclave "• que le roi me donne ses ordres.
Discernement. — Votre seigneurie a une puissance des
plus renommées : trêve de discours sur ce sujet. Votre sei-
gneurie doit partir pour Bénarès afin de vaincre Cupidité.
Contentement. — Comme l'ordonne le roi.
(( Comme le fils de Daçaratha (Râma) a vaincu le souve-
rain des râkchasas (Ràvana), aux visages divers, vainqueur
des trois mondes et qui doit son accroissement à l'empri-
— 251 —
sonnement el au meurtre des dieux et des brahmanes, ainsi
je vaincrai Cupidité nécessairement et très vite » (il sort).
(L'âme ^ entre avec une apparence modeste).
L'ÂME. — 0 roi ! on a obtenu d'heureux présages pour
la victoire et pour le départ. Elle est proche, l'époque du
départ que nous avait fait connaître l'astrologue.
Discernement. — S'il en est ainsi, que les chefs reçoivent
l'ordre de partir avec l'armée.
L'ÂME. — Comme l'ordonne le roi (Elle sort).
(Dans la coulisse).
« Qu'on équipe les éléphants qui, par le vin du mada
tombé de leurs fentes et de leurs bosses (attirent) les bourdons
enivrés; qu'on attelle aux chars les chevaux qui, dans leur
rapidité, l'emportent de beaucoup sur les vents impétueux.-
Que les fantassins se présentent avec leurs lances qui, dans
tout l'espace du ciel, font jaillir comme une forêt de lotus
bleus ; (qu'ils fassent de même) les cavaliers, dont les mains
puissantes jouent avec les épées. »
Discernement. — Soit. Partons, puisque nous avons
obtenu d'heureux présages.
(A son serviteur). Ordonnez à mon cocher de préparer et
d'amener mon char de guerre.
Le Serviteur. — Comme l'ordonne le roi (H sort).
(Alors entre le cocher menant avec lui le char).
Le Cocher. — 0 roi ! Voici le char tout apprêté. Que votre
seigneurie veuille y monter.
Discernement. — (.\yant fait les dispositions des présages
heureux, il indique par ses gestes qu'il monte sur le char).
Le Cocher. — (Montrant la rapidité du char). O seigneur!
vois, vois :
« Ces chevaux, dont on n'infère la succession des bonds
que par la masse de poussièreagitée,et dont Textrémité seule
1. Skr. : purusa.
— 252 —
des .sabots dans leur élan touche à peine la terre, ces che-
vaux traînent dans les airs le char, dont le bruit redoutable
est celui de l'Océan baratté. »
Voici la ville de Bénarès, purificatrice des trois mondes,
que nous apercevons non loin d'ici.
« Voici les sommets des palais, plus éclatants que les rayons
de la lune : ils apparaissent nombreux et retentissent du
bruit de l'eau qui tombe en gouttelettes des machines. Sur
ces sommets cetle rangée d'étendards est aussi belle qu'une
rangée d'éclairs, qui diversement resplendissent aux bords
des nuages sans tache de l'automne. »
Et voici non loin, à l'extrémité de la ville, les parcs, où
retentit le bruit des abeilles s'attachant à chaque bourgeon,
où tombent en abondance les pluies du suc de l'épanouisse-
ment dès plantes, où les fleurs embaument, où les arbres ont
des feuilles si denses qu'ils en deviennent noirs. Dans ce lieu
(à Bénarès), les vents ressemblent à des religieux sectateurs
de Ci va. En effet',
« Les vents sont humides de l'eau du Gange et blanchis
par le pollen; ils honorent, pour ainsi dire, par les fleurs
qu'ils font tomber sur leur passage, celui qui a pour diadème
la lune (Çiva); ils chantent un éloge deÇiva (eu retentissant)
comme un bourdonnement d'abeilles; enfin ils dansent en
agitant les lianes tremblantes comme des bras. »
Discernement. — (Regardant avec joie).
(( Voici cette Bénarès, qui attire mon cœur en lui donnant
l'éclat du bonheur suprême par la dispersion des ténèbres :
c'est la ville de celui qui a pour diadème la lune; comme la
science (qui délivre), c'est pour nous le lieu de la délivrance.
1. Le roi va donner l'explication de ce qu'il avance, quand il dit
que les vents à Bénarès ressemblent à des religieux. On peut remar-
quer dans la stance suivante combien l'écrivain a eu soin de main-
tenir la comparaison entre les vents et les religieux.
— 253 -
Là, sinueux comme un collier de perles qui descend du cou
de la terre, le Gange, par ses masses d'écume, l'emporte sur
le mince croissant de la lune. »
Le Cocher (ayant fait quelques pas sur la scène). — O Sei-
gneur ! vois, vois: voici l'ornement des bords du Gange, le
temple pur deVishnule bienheureux, le Kêçava primitif.
Discernement (avec joie). — Ah!
« Le dieu est chanté par ceux qui connaissent le passé
comme étant l'âme de ce lieu ; et c'est ici que s'absorbent en
Vishnu ceux qui meurent en ayant la vertu en partage. »
Le Cocher. — O Seigneur! vois, vois: voici justement
Amour, Colère, Cupidité et les autres qui, en nous aper-
cevant, fuient bien loin de ces lieux.
Discernement. — C'est ainsi. Soit. (Etant entré). Triomphe,
triomphe pour le bienheureux! Nous honorons le bien-
heureux pour la réussite de nos désirs.
(Etant descendu de son char, il entre et regarde).
Triomphe, triomphe pour le bienheureux! 0 toi dont le
siège d'or est parsemé de vers luisants qui sont les rayons de
tes ongles brillants sur le lotus de tes pieds, qu'éclairent,
rangés en cercle, les diadèmes de tous les immortels; toi qui es
seul habile dans l'enlèvement de ce songe qu'est le monde
pour les dévots tourmentés par la succession de cette illusion
qui est la dualité apparente; toi qui as supporté le cercle
étincelant des montagnes à l'extrémité de tes défenses pour
sauver la terre (submergée sous les eaux) , toi qui à tour de
rôle as gravi les trois mondes ; toi qui as plongé dans l'éton-
nement l'univers entier en secourant le peuple de Gôkula,
qu'effrayait la quantité énorme de pluie tombée àl'improviste
d'un terrible nuage qu'avait soulevé la colère d'Indra: ce
péril, tu l'avais écarté en soulevant de tes bras puissants le
mont Gôvardhana en guise de parapluie ; ô maître! Souve-
rain d'une splendeur immense par l'effacement du minium
17
— 254 —
— rouge comme les rayons du crépuscule — du front de la
foule des femmes Dâilyas ^ ; toi qui as plongé les trois mondes
dans un vaste océan de sang qui coulait de tes deux mains
aux ongles brillants et invincibles par le déchirement de la
poitrine du roi des démons; toi qui élèves tes bras insignes,
éclairés par l'éclat resplendissant de ton merveilleux disque,
aiguisé et rendu clair sur l'amas des os du cou élevé de l'asura
Kaitabha, objet de frayeur pour les trois mondes ; toi qui es
cher à celui dont le diadème est le croissant de la lune(Çiva) ;
toi qui as le cou'resplendissantdel'éclat d'un collier superbe
de grosses perles sur ta poitrine, où sont marqués les signes
de la courbure des seins gros de Laksmî, unie à toi par
l'embrassement de ses bras pareils à des lianes, et qui était
sortie de l'océan de lait baratté par la montagne-pilon que
faisaient mouvoir tes bras forts ; ô fils de Vikunthâ ! accorde
le lever de l'intelligence qui, pour les dévots, brise le trouble
qu'est le monde ; ô dieu ! respect pour toi !
(Simulant une sortie et regardant) :
Cet endroit est tout à fait convenable: il est propre à nous
servir de demeure. Donc ici-même nous établissons lequartier
général.
(Tous deux sortent).
Fin du quatrième acte-
Gérard Devèze .
1. Pour dire tont simplement que le dieu a rendu veuves les
femmes des Daityas, en tuant tous leurs maris. Dans tout ce qui
précède, il est fait allusion au 3« avatar de Vishnu sous la forme d'un
sanglier, et au 5» sous la forme d'un nain.
L ARGOT DE SAINT-CYR
Nous devons le vocabulaire suivant b l'amabilité d'un
officier, ancien élève de l'École spéciale militaire.
Affoler (s'), se presser.
Aller, sortir; — chez Paria, sortir à Paris; — chez
/amille, sortir dans la famille.
Ainphi, amphithéâtre, et par extension rassemblement,
attroupement d'élèves.
Au hasard, expression qui signifie tout le contraire.
Azimiiter, repérer, remarquer quelqu'un qui est en
défaut.
Baktl {le), l'École de Saint-Cyr.
Baliuté, chic, élégant, important; — note balmtée,
bonne note* — élève tricule baliuté, qui est entré
dans un bon rang.
Bahuter un képy, l'aplatir.
Balancer, renvoyer, se débarrasser de, etc.
Baraguey, lavabo d'hiver, qui est à côté de la statue
du maréchal Baraguey d'Hilliers.
Barbette, règle de bois mise dans une case pour faire
tenir un effet bien régulièrement plié; épingle qui
maintient en place un bouton décousu; sens le plus
général ; tout ce qui dépasse; — la barbette, le
— 256 —
génie; un oljicier de barbette, un ofiicier du génie;
coîirs de barbette, cours de fortifications; — avoir le
ponce en barbette, à l'exercice, quand il n'est pas
réuni aux autres doigts ; — avoir la haiisseen barbette,
quand elle est relevée et non rabattue sur l'arrière,
comme il est prescrit.
Barder, être affolé, avoir tout le temps des punitions
ou du travail à faire.
Basane (le), le cheval.
Bétons, fortifications, par suite mauvaise garnison.
Bois {le petit) , le petit bois.
Bronze [le), l'artillerie.
Brute {la) pompière, le bûcheur de pompe, c'est-à-diro
celui qui travaille ardemment aux choses non mili-
taires.
Cafarder, avoir du goût : cafarder le dessin fumiste,
avoir du goût pour le dessin de paysage; — pro-
téger : un ancien protège un homme auprès d'autres
anciens pour que ceux-ci ne le balancent pas; —
cafarder à blanc, protéger en tout et pour tout.
Calot {faire), lancer son képy vers le ciel en signe de
joie.
Capit, capitaine, officier de service à l'i'xole.
Carotter, imiter; carotter la brute, faire la brute, faire
semblant de ne pas comprendre; — carotter le père,
être paternel ; — carotter le pieu, rester au lit après
la diane.
Case en champignon {mettre une), défaire In case et
— 257 —
suspendre tous les effets à l'unique portemanteau
dont on dispose (punition).
Chambre [corvées dé), punition.
Chapeau! lancer son képy vers le ciel en signe de joie.
Chez, à, dans; — alkr chez famille, aller chez Paris,
sortir dans sa famille, sortir dans Paris.
Chichi, synonyme de cornard.
Chien, sergent-major.
Chien jaune, cours de législation; — vert, cours d'ad-
ministration; — être couché en chien de fusil, être
couché les jambes repliées et formant un triangle au-
dessus du lit.
Co {un petit), un ami intime, un camarade de collège,
un camarade de promotion.
Colle, interrogation d'examen.
Cornard, ce qui est de trop, supplément; — confu-
sion, trouble (d'effets ou desoldatsà l'exercice; syn.
chichi); — poussière, résidu laissé dans le creux des
armes ou dans les coins de la chambre ; — bouc,
le cornard de Saint-Cyr est bien connu ; — chocolat
vendu à quatre heures de l'après-midi par les sœurs;
— pain grillé au beurre, donné aux gradés par le
caporal aux vivres et rabioté par lui ; — avoir du
cornard, avoir des galons sur la manche ; —
boite à cornard, boîte à ordures pour la chambre.
Cornarder, se tromper à l'exercice ou ailleurs.
Cosaque, maladroit à tous les exercices.
— 258 —
Crampton, chemin de fer; — officier crampon, tout
employé de chemin de fer.
('rapilm, fort, intelligent, transcendant.
Croco, élève à titre étranger.
Crête {jaillir sur), prendre quelqu'un en flagrant
délit.
Creux {mettre dans le), faire barder; — toucher une
remise de creux, barder (voy. ce mot).
Déculasser un pieu, défaire 'la culasse, c'est-à-dire
défaire les couvertures arrangées en carré au pied
du lit.
Défiler (punition), faire tirer la case et le pieu, c'est-
dire faire mettre le matériel en action — punir :
défiler de case, de pieu; — cacher quelque chose.
Dé/iloir, endroit où l'on cache «luelque- objet qui n'est
pas réglementaire.
Dégager [se), chanter ou parler sur un sujet quel-
conque.
Démuseler [se), parler ou chanter.
Embusqué, rusé, habile.
Enfilé, sot, maladroit,
fe'/iorwe, original.
Évasé, original.
Exposer sa bayonnette ou son pétoir (punition).
Facétie, travail actif autre que l'exercice (escrime,
équitation, pète-sec, etc.).
Fana, fanatique.
Fines, les derniers.
— 259 —
Fumiste y civil.
Gabarit, type, modèle.
Gabion {être foutu comme un), être mal équipé ou mal
habillé pour l'exercice.
Galette [sortie), sortie générale même pour les punis.
Godillot, soulier; — godillots de fixe, souliers mis au
pied du lit et retournés la semelle en haut.
Gogo, cours de géographie.
Goguenot, shako.
Gradaille, l'ensemble des gradés.
Grand'pendu, professeur, le commandant.
Grand'pompe, officier directeur des études.
Graviter, monter.
Hanspessoire, premier soldat.
Hommes, les nouveaux.
Huileux, élève reçu dans un bon rang.
Idoine, civil.
Insulte {toucher /'), être réprimandé ; — voir l'insulte,
même sens.
Insulter, réprimander.
Jaillir sur la crête, prendre quelqu'un en flagrant
délit.
Jus {avoir un), avoir de l'audace, du toupet; — «ces
hommes ont tous les jus ».
Loup, transcendant.
Loils (loups), petits bonshommes mobiles pour le tir
réduit, instructeurs sévères faisant barder leurs
hommes et astucieux pour tirer des carottes.
— 260 -
Marchfeld, champ de manœuvres.
Malvina, voy. Tartelette.
Maxi (maximum), très bonne noie.
}Jili {art), cours d'histoire militaire; — lemili, l'exer-
cice.
Mini (minimum), très mauvaise note.
Museler (se), se taire .
Nu (être), avoir un bouton non boutonné, ou un vête-
ment déchiré.
Olficier, élève de seconde année, ancien ; — oflicier de
première année, élève de première année qui recom-
mence ses études.
Ours (/'), salle de police.
Paradis, infirmerie.
Parent {être), avoir pour parent un personnage influent
ou connu à la boite [Vtco\^).
Pékin, le jour de la sortie de la seconde année ; — être
pékin de. . . ., cesser de faire quelque chose ; — être
pékin de melon, avoir lini la seconde année.
Pékin do, f. 1 sou la ligne, le dernier jour de janvier.
Les mois de la première année sont dits otficiers; et
le 1"' février est un officier qui entre en ligne en ce
moment.
Pelote, consigne.
Pète-sec, gymnastique.
Pétoir, fusil.
Pendu, professeur, interrogateur; — grand pendu {le),
le commandant.
— 261 —
Père-système, le dernier de la promotion.
Pied de banc, sergent d'infanterie.
Pieu, lit.
Pique, escrime, — sergent.
Piquer l'étrangère, ne pas faire attention.
Poireau, général.
trompe, travail non militaire; — la grande pompe,
l'officier directeur des études; — voir la pompe,
préparer le travail.
Pompier, celui qui travaille, qui pompe.
Ramasser, obtenir.
Ramener, obtenir.
Répéter, remarquer quelqu'un qui est en défaut.
Repiquer, recommencer.
Restaurant, réfectoire.
Rostos, becs électriques.
Sac, sergent-fourrier; — qui n'est pas dans son sac à
linge, qui est de taille dans son sens leplus général.
Saumdtre, jeune sous-lieutenant sorti depuis peu de
temps de l'Hcole.
Séraphin [être habillé en), être habillé de blanc; c'est
au paradis qu'on est habillé en séraphin.
Tapir, cours de topographie.
Tartelette et Mahina, femmes qui venderit des gâteaux
ou des petits pains les jours de service en campagne.
Toucher tartelette, manger des gâteaux.
Toucher une remise de creux, barder (voy. ce mot).
Tout-cuit, commandant de bataillon.
— 262 —
Tricule, nutnéro matricule, chiffre, numéro, note de
Colle. — voy. Bahuté.
Voleuse, débitante de tabac.
Foracer, prendre quelqu'un en flagrant délit.
Zèbre, cheval; aller à zèbre, faire du zèbre.
Zingot, préau de la cour.
Analyse des formes verbales de l'Évangile de
S. Marc, traduit en basque par Jean de
Liçarrague (1571).
SUITE
DIOT. 2. Ind : prés. s. 1" r. s. v. i. act: erran,
4. 18. . . . , DioT, (Haiitin a mis diot ,)..., di-ie,
5. 15. ... DIOT : (Hautin a mi^ diot:) . . ., di-ie^
DIOTSA. y. Ind; prés: s. 3' r. s. r. i. s. v. i.
act: erran.
2. 10... (diotsa paralyticoari) ..,, (il dit au para-
litique,)
3. 3. Eta diotsa. guiron escu eyhartua çuenarî,
Lors il dit à l'homme qui auoit la main sèche,
(à comparer escii eyhartua aux mots escua ey-
hartua sous çuenic, 3. 1. Là seng est the hatid
ivithered. Ici c'est the withered hand. A nice
distinction ! But the French is quite the same in
both places. Cï. gogortua sous duçue 8. 17; et
chez J. Ochoa de Arin, p. 139 « izango Hzatean
confessioa gaitza » = the confession would be
the bad.
3. 5. Eta hetaràt inguru behatukic asserrerequin,
eta hayén bihotzeco obstinalioneaz contris-
tatuiuc, diotsa guiçonari, Et adonc les regardant
à Tenuiron auec indignation, & pareillement
— 264 —
marri de rendurcissement de leur cœur, dit au
personnage,
5. 36. ..., DioTSA synagogaco principalari, ...,
il dit au principal de la synagogue,
5. 41, Ela HARTURic nescatcharen escua, diotsa,
Talitha-cumi : ... Et ayans {sic) prins la main
de la fillette, luy dit,
6. 22. ..., Reguec diotsa nescatchari, ..., le
Roy dit à la fille
8. 29. ... Pierrisec diotsa, ... ? Pierre. . . , luy dit,
9. 5. Orduan Pierrisec hitza harturic diotsa lesusi,
Magistruâ. Adonc Pierre prenant la parole dit à
lesus, Maistre,
9. 21. ... ? Etaharc diotsa, Ilaourra-danic. ... ?
Lequel dit. Dès son enfance.
10. 51. ... ? Eta itsuac diotsa, ... ? L'aueugle dit,
14. 30. Orduan diotsa Isuesec, Lors lesus luy
dit,
14. 37. ... : eta diotsa Pierrisi, ... : & dit à Pierre,
14. 45. . . ., bertan harengana hurbilduric diotsa,
. . . . , incontinent s'approchant de luy dit
DIOTSATE. 5. Ind: prés: pi : 3«. r. s. r. i. s. v.
i. a. erran.
2. 18. ... eta diotsate, ,..,&luy dirent^,
4.38. ..., eta DIOTSATE, ...& luy disent,
6. 37... Orduan diotsate, ... Ils luy dirent',
8. 19. ... ? DIOTSATE, Hamabi. ...? ils luy dirent',
Douze.
1. L. traduit disent, le présent historique donnant plus de vie
à la narration.
— 265 —
12. 14. Ela hec ethorririg diotsate, Magistriiâ,
ïceux estans venus, liiy disent, Maistre,
DIOTSUET. 6. Ind : prés : s. 1" r. s. r. i. pi : 2= pers.
V. i, a. erran.
6. 11. 8, 12. 9, 41. 10, 29. 12, 43. 14, 25. Eguiaz
DiOTsuKT, En vérité ie vous di (ou) le vous di
en vérité
DÏRADE. 42. Ind: prés: pi: 3« Verbe subst : &
aux:
1. 21. Guero sartzen G?im«?e Capernaum-en, Puis
entrèrent en Capernaum : (Avec sarlzen on at-
tendrait Capernaumera, Voyez plus bas 10. 46;
11. 15 ; 11. 27, mais cf : diraden, 10. 23 ; et /e»
sumân sar ditecen)
2. 22. Eta bertan anhitz hildu içan dirade ... Et
soudain plusieurs s'y assemblèrent,
2. 18. ... : eta hec ethorthen dirade ...-. lesquels
vindrent à luy,
2. 20.Baina ETHORRiREN d'i/vz^/e egunac... Mais les
iours viendront
2. 22. ..., eta çahaguiac galtzen dirade^ (H. a
omis la dernière virgule.)
..., & les vaisseaux se perdent :
3. 31, Ethorten diradehada haren anayeac eta ha-
ren ama : ... Ses frères donc & sa mère vien-
nent :
4. 15. Bada hauc dirade ... Et voici, ceux
4. 1(). Eta hauc dirade ... Et voici semblablement
ceux
4. 17. ..>, baina iraute gutilaco dirade : ...,• bertan
— 266 —
SCANDALIZATZEN fUrade. (H . a mis ber à la fin
de la ligne.) ..., mais sont de petite durée :...,
ils sont incontinent scandalizez.
4. 18. Eta hanc dirade .,., hauc dirade, ... Aussi
ceux..., ceux-ci,... sont
4. 20. Eta hauc dirade... Mais voici ceux
5. 15. Eta ethorten dirade lesusgana, et
viennent à lesus,
6 Sommaire 3 Balna harçaz dirade scandali-
ZATZEN. 2... Scandalizer
7. 4. ..,, iKuciAG ezpaDiRADE, ..., s'ils ne sont
lauez,
7. 15. ... DIRADE, ..., ce sont
7. 21. Ecen barnetic, guiçonén bihotzetic ilkiten
dirade pensamendn gaichtoac, adulterioac, pail-
lardiçâc, hiltzecac, (H. a mis liiltzecacj 22, .. .,
gaitzERRAiTEA, Car du dedans, c'est à dire, du
cœur des hommes, sortent mauuaises pensées,
adultères, paillardises, meurtres,... 22...,
blasme,... (St-Matt. : XV, v, 19, hiltzecac,...,
gaitzerraitecâc.)
7. 23. Gaichtaqueria hauc guciac barnetic ilkiten
dirade^ Tous ces maux sortent du dedans,
8, 3. ... ., flacaturejs dirade bidean: ecen horie-
taric batzu vrrundanic ethorri içaii dirade. ...,
ils defaudront en chemin : car aucuns d'eux
sont venus de loin. (En Anglais far-come.)
10. 8. Eta biac içanen dirade haraguibat. Et deux
seront comme vne chair: (L. ivdiàmt les deux .)
10. 27... : ecen gauça guciac possible dirade lain-
— 267 —
coa ^ baithan. . . . : car toutes choses sont pos-
sibles quant à Dieu.
10.31. ..., içANEN dirade azquen*: eta azquenac
lehen.
... seront derniers: & les derniers seront
premiers.
10. 35. Orduan ethorten dirade harengana ...
semeac,
Adonc ... Fils... viennent à luy,
10. 46. Orduan ethorten û?//'arfe lericora : ... Apres
ils arriuerent en lericho :
11. 15. Eta ETHORTEN dirade lerusalemera : ...
Ils vindrent donc en lerusalem :
11. 27, Orduan ethorten <ifV-«c?e berriz lerusale-
mera : Puis derechef ils vindrent en lerusa-
lem:
12. 6. ..., AHALQUE içanen dirade ene semearen.
..., Ils auront reuerence à mon fils.
12.25. ... : baina içanen dirade ceruetaco Ain-
gueruàcbeçala.
... : mais on sera comme les Anges qui
sont es cieux .
'13. 6. Ecen anhitz ethorriren dirade ene icenean,
Car plusieurs viendront en mon nom,
13. 7. ... : ecen gaiiça hauc eguin behar dirade:
(H. a misbehardirade) . . ., car il faut que ces
choses se facent :
1. L. traduit « dans Dieu, chez Dieu ».
2. Dans J. Ochoa de Arin on trouve ahquen, e. g. pp. 50,
129.
— 268 —
13. 8. ... : eta içanen dirade lur ikaratzeag lekytic
lekura, eta gosseteac eta nahastecamenduac :
dolorén hatseac, hauc. ..., & y aura tremble-
ment de terre de lieu en lieu, «S: famine, et
troubles : ces choses seront commencement de
douleurs. (L. traduit les tremblements et les
commencements .)
13. 12. ...: eta ALTCHATUiiEN <:/i/«û?e haourrac aita
amén contra, ... : & s'esleuerout les enfans à
rencontre des pères »& mères,
13. 19. Ecen içanen dirade egun hec halaco tri-
bulatione, (On remarque hec.^ l'accusatif, au lieu
du locatif hetan. Voyez 16, 2 & H. egunean =
au jour). Car en ces iours-la il y aura telle tri-
bulation
13. 22. Ecen altchaturen dirade Christ falsuac,
Car faux christs [sic]., ... se leueront,
13. 25. Eta ceruco içarrac ergriren dirade, eta. . .
verthuteac ikaraturen dirade. Et les estoilles
du ciel cherront, & les vertus . . . branleront.
13. 31, Ceruâ eta lurra iraganen dirade, Le ciel
et la terre passeront,
14. 27. ..., eta harreyatlren dirade ardiac. ...,
& les brebis seront esparses.
14. 32. Guero ethorten dirade... Apres il {sic)
viennent
16. 2. Eta guciz goiz astearen lehen egunean
ethorten dirade monumentera, (H. a mis ethor
à la fin de la ligne.) Parquoy fort matin le pre-
mier iour de la sepmaine elles vindrent au mo-
nument.
— 269 —
16. 17. ..., lengoage berriz* minçaturen <i^>««Q?e:
. . . : Ils parleront nouueaux langages.
16. 18. . . . , eta sendaturen dirade. . . . , & seront
guaris.
DIRADELA, 4. I. q. dirade avec la conjonctif.
6. 11. . . ., emequiago tractatuac içanen diradela
Sodomacoeta Gomorrhacoac iiidicioco egunean,
ecen ez hiri hiira : ..., que ceiixde Sodome & de
(joinorrhe seront pins doucement traittez au
iour du iugement que ceste ville — la.
9. 1. ...,e(;en baniRADELA ... batzu,... qu'il en y
a aucuns
12. 26. ..., ecen resuscitatzen diradela, ..., qu'ils
ressuscitent,
13. 29. .. . gauça hauc eguiten diradela, . . . que
ces choses se feront, (L. traduit .ce font,)
DIRADEN. 10. I. q, dirade avec n rel : & conj :
3 Sommaire 35 Christeii eguiazco ahaideac* cein
niRADÉs {fi. conj :) 34 Qui sont vrais parens de Christ.
4. 31. ... lurrean diraden haci gucietaco chipie-
na : {n rel :)
..., est le plus petit de toutes les semences (jui
sont en la terre.
7 Sommaire 21 BUiotzetic diraden gaiiçdc {n rel:)
21 Ce qui procède du cœur .
7. 15. ... : baina harenganic ilkiten diraden gsniçàc
{n. rel :)
1. L'instrumental indéterminé bcrr(\~ est à la fois singulier =
p(ir noiiccau et pluriel =par noiwraiw. Voyez ll,27oùilsignifie
(le nniwoaii, agn'ni.
2. De aha = tribu. Cf. ahacoa Actes 7, 14.
18
— 270 —
... : mais les chosee qui sortent de liiy,
V 8. 33. . . . laincoaren diràden gauçâc, (// rel:) , . .
les choses qui sont de Dieu,
10. 23. ..., O cein nequez onhassundunac (sic)
laincoaren resumân sarthuren diraden !
[il conj :) ..., O qu'à grande difliculté ceux qui ont
des richesses entreront au royaume de Dieu !
(H. a omis une virgule après onhassundunac,
qui est d'ailleurs une faute pour ontassundunac ;
et la à la fin de la ligne.)
13. 1 cer harriac eta cer edificioac diraden
hauc. [n conj:). quelles pierres & quels basti-
mens (H. a omis diraden hauc.) parce que le
Français n'a pas l'équivalent de ces mots.
13. 4. ... noiz gauça horiac içanen diraden^ [n
conj :) . . . quand seront ces choses^
13. 25. ..., eta ceruëtan diraden verthuteac (H. a
mis diraden avec n nel:) ..., & les vertus qui
sont es ci eux
13. 32..., ez eta ceruiin diraden Aingueruëc-ere,
ez eta Semeac — ère, Aitac berac baicen. (//.
rel:)..., non pas mesme les Anges des cieux^
n'aussi le Fils : mais le Père. (L. traduit qui
sont au ciel, et sinon le Père seul, \oyez ditzaque,
2, 7.)
DIRADENAG. 3. I.q. dirade avec n rel : décl: nom:
passif & accus : [nac=z ceux, celles qui.)
8. 83. ..., baina guiçonén diradenac. (H. a mis
diradenac.) . . . , mais celles qui sont des hommes.
10. 24. ... abrastassunetan fida diradenac,...
à ceux qui se fient es richesses,
— 271 —
10. 31. Baina anliitz lehen diradenac, (H, a mis
diradenac) Mais plusieurs qui sont premiers,
DIRADENEAN. 2. I. (\. dirade aux: avec/? rel:
• décl : temporel iieaii ^=quand .-
7.4. Eta merkatutic itzultzen diradenean, (H. a
mis itzultzen, diradenean,) Et relournans du
marché,
13. 4. ... gauça horiac guciac complituren dira-
denean . ... quand toutes ces choses seront ac-
complies.
DIRADENÉC. 3. l.q. dirade, \erhe subst:avec«
rel: decl : nom: actif ou transitif, {nec = ceux
qui.)
2. 17. ,.., Osso DIRADENÉC...: baina eri diradenéc
Ceux qui ont santé, ... : mais ceux qui ont mal:
10. 42..., eta hayén artean handi diradenéc
... : & les grans... (L. traduit « ceux qui sont
grands parmi eux . ») '
DIRADENETARIC. 2. I. q. dirade, aux : avec u rel :
nom: décl : pi : partitif déterminé [uetaric = de
ceux qui.)
7. 18..., ecen campotic guiçona baithan sart/en
diradeueta rie deiisec, ... que tout ce qui est de
dehors entrant en Thomme, (On voit ailleurs
que le. sens propre de deus n'est pas tout, mais
aucune chose, quelque chose, rien.)
12. 38... Scriba arropa lucequin ebili nahi dira-
denetaric, ... des Scribes, qui volontiers se
pourmenent en robbes longues,
DIRADENEY. 1. 1. q. dirade, verbe subst: avec //
— 272 —
rel : nom; décl : datif déterminé [ney = a ceux
qui)
4. 11... : baina lekorean diradeney
... : mais à ceux-là qui sont dehors,
DIRADENOTARIG. 1. I. q. diradenetaric, verbe
subst: mais avec le démonstratif au lieu du simple
article, [notarié := de ceux qui.)
9. 1. . , hemen présent diradeisotaric batzu,
... aucuns de ceux qui sont ici presens
DIRATENÉC. 1. Ind: fut: pi : 3" verbe subst: avec
n rel : décl : nom :act: (néc=ceux qui)
13. 14... orduan fudean diratenéc,
.. .) alors que ('eux qui seront en ludee,
DIRATENEAN. 2. Ind: fut: pi : 3'' avec n rel :
décl: temporel, auxiliaire. {/iean= quand) .
12. 23. Resurrectionean bada, resuscitatu dira-
tenean
. . . En la résurrection donc, quand ils seront
ressuscitez,
12. 25. Ecen hilelaric resuscitatu diratenean,
Car quand ils seront ressuscitez des morts,
DIRAVGVG. 1. Ind: prés: s. 3« r. s. r. i. pi:
1^ pers : adr: masc : aux: act :
12. 19. Magistruâ, Moysesec scribatu vkan dirau-
cuc, Maistre, Moyse nous a escrit,
DIRAVEAT. 1. Ind: prés: s. 1' r. s. r. i . pi : adr :
masc : v. i. a. erran.
9. 18 ... : eta erran diraueat hire discipuluey
... : & i'ay requis tes disciples
DIROÇVE. 1. Pot:- prés: pi: 2^ r. s. aux : act : {r//<r//
pléonastique)
— 273 —
10. 38. ... : EDAN AHAL cHroçue . . . copâ,
... : pouiiez vous boire la coupe ... ?
DIRUDITELA. 1. Ind: prés: pi: S" : avec la par-
ticipial qualifiant Taccus : v. i. passif, irudi. In-
chauspe dit qu'il est « pour diruditelaric . En
Soûle on ne supprime jamais la terminaison rie » .
8. 24... arboreac diruditela ... ressemblables à
des arbres \
DITEGEN. 3. Subj :prés : pi : 3« aux:
7. 27... haourrac ressasia diteceii'. ..., Laisse
premièrement les enfansestre rassasiez :
10.24...: laincoaren resumân sar ditecen. ...,
d'entrer au royaume de Dieu !
11. 49... coMPLi ditecen Scripturàc. ... que les
Escritures soyent accomplies.
DITENO. 1. I. q. diteri^= ditecen avec n rel : décl :
àvxvdiûï {no =^ jusqu'au temps quand.)
13. 30. . ., gauça hauc guciac EGvm diteno.
. . . tant que touiesces choses soyent faites.
baDlTEZ. 1. Hypothétique pi : 3® aux :
1 . Arboreac n'est pas l'accusatif de diruditela. Si ce vei-be était
actif il exigerait un accusatif au singulier. Dans l'édition du beau
livre de S. Mendiburu de 1747 que j'ai publiée à Saint-Sébas-
tien (Jcsusen Bihotzaren Dccocioa, 526 exemplaires, 11 mai
1900; cette édition m'a coûté 905 /)cse/!as). On trouve p. 26 « de-
botoac diruditen » = « qui semblent être », ou « que l'on figura
être, dévots ». Là il pourrait être pour irudi diraden = qui sont
conçus, ou imaginés, ou considérés. De même « diruditenac » p. 6
et 32 (bis); semble être passif: tandis que p. 340 « andiena diru-
ditenac » est actif, si andiena n'est pas adverbial =/e plus.
Irudi se trouve souvent avec le verbe actif, e. g. Apoc. I, 13 :
Semea irudi çuembat= un (personnage) semblable au Fils.
- 274 —
14. 29 Baldin guciac scandalizâ haditez-ere,
ni ez ordea.
..., Encores que tous fussent scandalisez, si ne'
le seray-ie point.
DITV. 15, Ind : prés: s. 3" r, pi: aux: aet :
2. 22.... : ezpere mahatsarno * berriac lehertzen'
ditu çahaguiac
... : autrement le vin nouueau rompt les vais-
seaux,
4. 32. ... : etaadar* handiac eguiten ditu...: &i. fait
grans rameaux,
5. 30. ..., Xorc HUNQUi dilu ene abillamenduac ?
... : Quia touché mes vestemens ?
5. 43. Eta haffiutz manatu vk an ditu. Et leur com-
manda fort
7. 37. ..., Vngui gauça guciac eguin d'tV?/ : ...,eta
mutuac MiNÇA eraciten" ditu...., Il atout bien
fait: il fait que . .., & les muets parlent.
9. 12. . .., Segur Eliasec lehen ethorririg bere sta-
TURACO dilu gauça guciac: ..., De vray Elie
estant venu premièrement restablira toutes
1. Si ne rappelle le Basque e^pait dans les formes telles que e-.--
pait^ditu^te (6,11); cspanaù(],l) ; c^paita (^, ii, 46, <&: 148) ;
e^rpait^uen{4, 5 & 6); où l'affirmatif paît rend plus négatif le pré-
fixe c^.
2. Cf : maats ardoa = cl cino, licor de rina à la p. 45 du
Catéchisme Gui puzcoan He J.OchoadeArin (San Sébastian, 1713).
3. Don J. M. Bernaola dit que larrain, lieu où l'on bat du
blé, vient àelc'her-eyiii=faire rompre, inake to break orhurst.
4. yir/r^/- signifie aussi corne. Cf. \es>hois d'un cerf .
5. On trouve souvent chez P. d'Urte ( La Genèse ci l'Exode),
e/'a</i(en en sens d'eraciten. Est-ce une faute ?
— 275 —
choses : (L. traduit les mettra à leur status, will
{ré)-in-state them.)
tO. 7. Hunegatic utziren ditu guiçonac bere aita
eta ama, Pour ceste cause l'homme délaissera
son père & sa mère,
12. 9. ..., eta deseguinen ditu laborarisrc, ..., &:
exterminera ces laboureurs,
13. 20. . . ., LA.BURTU ditu egun hec. ..., il a abbregé
ces iours.
13. 27. Eta orduan igorriren ditu bere Aingue-
ruiic, eta bilduren ditu bere elegituak laur^
haicetaric, Lequel alors enuoyera ses Anges, &
assemblera ses eleus de tous les costez des
quatres vents, (L, ne rend pas les mots en ita-
lique.)
14. 33. Eta HARTZEN ditu Pierris eta lacques eta
loannes berequin, Et prend avec soy Pierre, &
laques, & lean:
15. 31. . . ,, Berceac empar.vtu* ditu, ..., il a sauué
les autres,
16. Sommaire 15 Apostoluac ditu predicatzera eta
BATHEYATZERA IGORTEN . 15 IcSQUels il eilUOye
prescker çf- baptizer.
DITVALA. 3. 1. q. dituc, verbe poss.: avec a euph:
|)our c devant la participial.
9.43. ..., ecen ez bi escuac dituala(H. a misdià
la fin d'une ligne et : après gehennara vv. 45 &
1 . J. Ochoa de Aiin, p. 135, a lab pour laiir, ou Uia. Ce mot ex-
pJique-t-il labr = four, oven f
2. En vieux français emparer signifie /or^//tVr, défendre.
— 276 —
47)..., qu'anoir deux^ mains,
9.45. ..., ecen ez bi oinac dituala. ..._, qii'auoir
deiix^ pieds,
9. 47. ..., ecen ez bi beguiac dituala, qu'auoir
deux' yeux,
DITVANAG. 1. I. q. dituc, verbe poss: avecaeuph:
pour c devant /i rel : pi: ace: décl:acc: pi: {iiac
= ceux que) 10. 21. ..., dituanac... tout ce que
tu as, (Cf: daiiak, diradenak = tous. The things
whicli a mail lias can mean ail thaï hehas. L. tra-
duit ceux q ic lu as. En Guipuzcoan dituanac
signifie ceux quil a et celui ou celle qui les a).
DITVC. 1. Ind : prés: s. 2" r. pi: adr : masc : aux:
act: = tu o Jioinine^ les as .
11. 28. ... Cer aulhoritatez gauça horiaç eguiten
dituc? ..., De quelle authorité fais-tu ces
choses ?
DLTVG. s. Ind : prés: pi : 3^ adr: masc : Verbe sub-
stantif ==^ ils sont, o homme.
9. 23. .. ., gauça guciac dituc possible,.., toutes
choses sont possibles au croyant.
14. 36. . . ., gauça guçiac (5^6") possible dituc hire* :
..., toutes choses te sont possibles,
DITVÇVE. 4. Ind; prés: pi: 2« r: pi : Verbe poss :
& aux : act :
4. 13...? ela nolatan comparatione guciac eçagu-
1. L,. traduit les deux.
2. Hire — iibl est le génitif datival, équivalent de hirot^at.
Voyez Daenaren (9, 23) pour daetiareiitsat\ Duc (9, 43 & 45 &
47), DlLrcu/un (9, 5).
— 277 —
TUREN dituçueJ (Hautin a mis eçagutiren) ,..?
& comment cognoistrez-vous toutes les simili-
tudes?
6. 38..., Cembat ogui dituçue ? ..., Combien '
auez-vous de pains ?
8. 5..., Cembat ogui dituçue? ..., Combien auez-
vous de pains ?
14. 7. Ecen paubreac bethiere ukanen dituçue çue-
quin, Car vous auez tousiours les poures auec
vous :
DITVÇVELARIC, 2. I. q. dituçue verbe poss : avec
la participial partitif.
8. 18. Beguiac dituçuelaiuc, ... ? eta beharriac
DiTUÇUELARic, Avans des yeux, ... ? & ayans des
aureilles, (L. ne traduit pas des mais les.)
DITVDAN. 2. Ind. prés: s. 1« r. pi: avec <:/« euph :
pour t devant n conj : aux : act :
11. 29. . , cer authoritatez gauça hauc eguiten ditu-
daii. ... de quelle authorité ie fay ces choses:
11. 33. . . cer authoritatez gauca hauc eguiten ditu-
dan. ... de quelle authorité ie fay ces choses.
DITVELA. 1. I. q. ditu aux: act : avec e euph: de-
vant/« participial.
7. 19..., CHAHUTZEN ditucla vianda guciac, pur-
geant toutes les viandes.
DITVEN. 3. 1. q. ditu aux: act: avec e euph : & ti
rel : accus : pluriel.
1. 44. . . Moysesec manatu dituen gauçàc . . . les
choses que Moyse a commandées.
1. Cciubal littéialemeul un naei:^
— 278 —
13. 19. ... laincoac CREATU <^////ie/? gaucén CREATZE
HATSETic oraindrano, . . . depuis le commence-
ment de la création des choses que Dieu a
créées,
13. 20. . . : baina elegitu dituen elegituacgatic,
... : mais pour les eleus qu'il a eleus,
DlTVgVEIZTEN. 1. In*d : fut: pi: 3" r. pi: aux:
act: Il rel : accus: pi: == par lesquels. M. in-
chauspe l'appelle « synonyme et variante de
dituzketeii »
3. 28. . ., eta blasphematu dituqueizten blasphemio
guciac : . . ,, & toutes sortes de blasphèmes par
lesquels ils auront blasphémé.
DITVZTE. 5. Ind : prés : pi : 3" r. pi : aux : act :
13. 12. . . : ela hil eraciren dituzté . . . , & les fe-
ront mettre à mort.
13, 22. . . : eta eguinen dituzte signoac eta miracu-
luac SEDUC1TZECO, . . ., ELEGiTUEN-crc. ..., & fe-
ront des signes & miracles pour deceuoir, voire
les eleus,
16. 17. . . : Ene icenean deabruac campora egot/-i-
REN dituzté^ (H. a omis le : devant Ene). . . : Par
mon nom, ils ietteront hors les diables.
16. 18...: Sugueac kenduren dituzté'.... erien'
gainean'escuac EÇARRiREN dituzté. Ils chasseront
1. J. Ochoa de Arin (1713) a écrit heii := cnferino (qu'il traduit
p. 100 par gajo = (jaisho) p. 73,74 (du latin /e/'«-re?)
2. Pour les prépositions qui se prononcent après le mot qu'ils
qualifient on songe à l'Anglais « God before » « the Angeliehosts
ainonii »;o-j ôewv aT£p= non sine diis(Pindare, P.,5, 102, presque
— 279 —
les serpens. . . : Ils mettront les mains sur les
malades,
DITVZTELA. 3. I. q. dltuzte avec /« participial.
7. 3. . ., aitzinecoen ordenançâc eduquiten dituz-
tela. ..., retenans les ordonnances des Anciens.
7. 7. . ., IRA.CASTEN dituztela doctrinatzat giiiçonén
manamenduac. . . ., enseignans /?om/' doctrines
les commandemens des hommes,
12. 40. iRESTEN dituztela ema 2L\\\[HY^\\Jïén etcheac,
are luçaqui othoitz eguin irudiz : . . . Lesquels
deuorent les maisons des vefues, voire en faisant
semblant de prier longuement:
DITZAGUN. 1. Impér:pl: l^r. pi: aux : act :
9. 5. . . : EGUiN ditzagiin bada hirur tabernacle, bat
hire, eta bat Moysesen, eta bat Eliasen'
faisons-y donc trois tabernacles, vn pour toy, &
vn pour Moyse, & vn pour Elie.
DlTZàN. 2. Subj : prés: s. 2" r. pi : adr : masc :
aux : act:
5. 23. ..., eta Eç\n ditzdn escuac haren gainean,
. . ., &que tu mettes les mains sur elle,
11.28, ... gauça horiac eguin ditzdti? ... (|ue tu
faces ces choses '.*
DitZAQVE. 2. Pot : prés : s. 3« r. pi : aux : act :
2. 7. .,. ? Norc bekatuac harka ahal ditznque
le Basque atcra = au dehors); « visceribus super accumbens »
Virgile, et /)«s.s7'm cuin avec les pronoms.
1. Remarquez /lirc, Moi/sescn, Eliasea, comme exemples du
génitif datival, et comparez hirc sous duc (9; 43, 45, 47) & dituc
(14, 3()) .
~ 280 —
ïaincoac berac ' baicen ? ... ? qui est-ce qui
peut remettre les péchez, sinon Dieu seul ?
3. 27. Ecin' nehorc borthitz baten ostillamenduac,
haren etchera sarthuric, pilla ahal diizaque^
Nul ne peut entrer en la maisoncrvn iort homme,
& piller son mesnage,
DITZAQVEDANO. 1. Pot: fut: s. iM*. pi : avec da
euph: pour Z devant n rel : déd: duratif; aux: act:
(«o = jusqu'au temps que.)
12. 36..., EÇAR ditzaquedano hire etsayac hire
oinén scabella. (pour scabellatzat .) . . ., iusqu'à
tant que i'aye mis tes ennemis marche-pied de
tes pieds.
baDITZAT. 2, Hypothétiques, l^r. pi: aux : act:
5. 28..., Baldin haren abillamenduac hunqui hadit-
zat ber%
.,., Si tant seulement ie touche ses vestemens,
8. 3. Eta baldin igor hdidilzat baruric cein bere
etcherat, Et si le les renuoye à ieun en leur mai-
son, [ceiii = qui explique-t-il sendas en cas-
tillan ?)
baDOA. i. Ind: prés: s. 3*'v. i. passif to««.
14. 21. Segur guiçonaren Semea baooA, Et certes
le l'ils de l'homme s'en va
1. Bcrac= seul, ht/ Ininself. Voyez diradcn, 13, 82.
2. Ecin makes the sentence négative, and renders ahal more
emphatic. But ahal with ditxake is already pleonastic. Some
Greek manuscripts hâve 'AXX' = But, at the head of tbis verse.
3. Bcr='tant scalcincnt est la racine de bcra = seul, lui-
nièinCj et de bcrc = son. sien. Cf. halaber, etc.
— 281 —
DRAVAT . 2. Ind : prés : s . 1* r . s . r . i . s . 2® pers :
adr : masc : aux : act :
5 . 23 ... : othoitz eguiten drauat, (L'original a
eguiten drauat,) ... : le te prie
14. 30 . . . , Eguiaz erraiten drauat. . . , le te di en
vérité
DRAVC. 1. Ind. prés: s. 3« r. s. r. i. s. 2* pers :
adr: masc : aux : act :
11. 28... ? eta norc eman draiic authoritate hori
...?...?& qui est celuy qui t'a donné ceste au-
thorité.. . ?
DRAVCA. 2. Ind : prés: s. 3® r. s. r. i. s. aux : act:
2. 21.. .,ezpere haren compligarri berri harc ede-
QuiTEN drauca çarrari, ... : autrement le drap
neuf qui a esté mis pour remplage, emporte du
viei drap\
12. 36 . .., Erran drauca launac ene launari,
..., Le Seigneur a, (l'original porte à) dit à mon
Seigneur,
DRAVCADANA. 1. (Dérivé de draucal)\\^à.\ prés:
s. 1*^ r. s. r. i. s. avec da euph: pour / avant n
rel : datif décl : nom : sing : intr: [iia =z celui à
qui). 6. 16... loannes nie burua edequi drauca-
dana, ... ce lean que i'ay décapité :
DRAVCATE. 2. Ind : prés: pi : 3« r. s. r. i. s. aux:
act: Dans mon ouvrage sur les Epîtres de saint
Paul à saint Timothée j'ai inclus par insouciance
eztraucate, forme négative de ce mot, parmi les
formes masculines.
1. L ne traduit pas drap. Godefroye ignore remplage; mais
donne renipliage.
— 282 —
7. 32. Or diian PRESENT xT2V.^ draucate gor... bat...,
eta othoitz eguiten. Lors on luy amené vn
sourd ... : et le prie-on
10. 34 ..., etathu egviise^ cl raucale, . . ., & crache-
ront
DRAVCATELA. 1. I. q. préc : avec la conjonctif.
9. 13..., EGuiN draucatela, hawirgule devant eguin
paraît superflue . , . , (et luy ont fait tout
DRAVCV. 1. Ind : prés : s. 3« r. s. r. i. pi : l'* pers :
aux : act :
16. 3..., horc ALD.^.RATUREN dniucu harria monu-
ment borthatic?
. . . , Qui nous roulera la pierre arrière de l'huis du
monument ?
DRAVE . 2. Ind : prés : s. 3" r. s. r. i. pi : aux : act :
2. 19." Eta ERHAiTKN draue lesusec: lesus leur dit,
7. 37...: gorrey ' ençun eracitkn draue, ...: il fait
que les sourds oyent,
DRAVEGV. 1. Ind : prés : pi: 1" r. s. r. i. pi : aux :
act :
6. 37. . ., eta emanen drauegu iatera ?...,& leur
donnerions à manger? (Peut-être pour donne-
rons)
DRAVET. 1. l;id: prés: s. 1' r. s. r. i. pi: aux:
act :
13. 37. . ., guciey erraiten drauet, . . ., iu le di à
tous,
DRAVNAT. 1. Ind: prés : s. 1" r. s. r. i.s.2«pers:
adr : fém : aux : act:
1. From ,90//0A' = hard. Cf. hard ofhearing. See Drauçue 10, 5.
— 283 —
6. 22. . ., eta emanen draunat. . . ., &ie le te don-
neray.
6. 23, ... gucia emanen draunat^ neure resii-
maren erdirano. ..., ie te le donneray, voire
iusqu'à la moitié de mon royaume.
(A suivre) .
BIBLIOGRAPHIE
The Tiruvdçagam, or 'sacred ultorances' of the tamil
poet, sailli and sage Mânikkavâçagar; the tamil text
with english translation, introduction and notes, by
the rev. G.-U. Pope... Oxford, Clarendon press, 1900,
gr. in-8'\ xcix-354-84 p.
Mânikkavâçagar (forme tamouledeMânikyavàtchaka)
était un grand saint civaïste dont la légende, résumée
par M. Pope, est pleine de récits merveilleux; au
point de vue historique, il aurait été le premier
ministre du soixante-troisième roi du Pàndi, Arimard-
dana; ce fut sous le onzième successeur de ce prince
que le Pândi fut conquis, vers l'an 1064 de noire ère,
par les Tchôlas. Mânikyavâtchaka aurait donc vécu
vers le huitième siècle de J.-C. On lui attribue divers
ouvrages et notamment un recueil d'hymnes qui se
chantent encore journellement dans les temples du
sud de rinde : c'est précisément le Tiruvdnagam (skr.
Çrîvâtchaka) dont M. Pope vient de nous donner une
édition définitive accompagnée d'une admirable tra-
duction. Malheureusement, cette traduction, qui est
aussi exacte que possible, est en vers; elle cherche à
exprimer la forme de l'original, mais elle n'est pas
— 285 —
aussi parfaite qu'elle serait, si elle avait été faite en
simple prose.
M. Pope a laissé deux passages sans traduction. On
ne s'en étonne pas, quand on connaît la suscepti-
bilité particulière aux Anglais; mais les Français,
moins faciles à effaroucher, aimeront peut-être à
trouver ci-après la traduction de ces deux passages
dont le premier, fort curieux, est relatif à la vie fœtale
de l'homme :
P. 31 : « Au milieu de ce monde aux vastes mers,
j'ai vécu dans l'activité, passant par des matrices
innombrables, depuis celle de l'éléphant jusqu'.-i celle
de la fourmi; prenant enfin la forme humaine dans la
matrice de ma mère, j'ai vécu dans ce nid, embryon
parfait; une lune, j'ai vécu double comme la Tcrmi-
nalia hellen'ca et son fruit; deux lunes, j'ai vécu unifié
par la croissance ; trois lunes, j'ai vécu sous une poi-
trine; deux fois deux lunes, j'ai vécu dans l'obscurité
profonde; cinq lunes, j'ai vécu mourant; six lunes,
j'ai vécu tleur souffrante; sept lunes, j'ai vécu terre
affaissée; huit lunes, j'ai vécu dans la détresse; pen-
dant neuf, j'ai vécu dans l'affliction; à la dixième lune
convenable, j'ai vécu avec ma mère dans le mal de
l'océan des douleurs qu'elle souffrait' ».
1. Ce passage est traduit ainsi par P. A. à la p. 18 de la bro-
chure A fca' /njnins of M(ini/,La VachaUa and T((i/iiiiianacar-,
translated by P. A. and G.-U. Pope (Siddhanta deepika séries,
n" I), Madras, 1897, 46 p.: «WasI Saved in faultless wombs —
On the seagirdled earth, elephant's womb to ant's, — Saved in
19
t
— 286 —
P. 257 : «0 toi, dont la poitrine présente deux
points brillants comme l'ardent soleil, traces laissées
par la poudre odoriférante dont étaient parfumés les
bouts des deux seins de la belle aux cheveux bouclés,
à la taille frémissante. »
Le volume se termine par un vocabulaire, qui peut
être donné comme un modèle. L'introduction et les
préliminaires sont remplis de détails intéressants sur
la littérature tarnoule, sur les légendes locales, sur le
çivaïsme, et il y a à apprendre là presque chaque ligne.
Entre temps, M. Pope donne la traduction complète
d'un traité dogmatique çàiva-siddhanla, le Tiruvarut-
payan « profit de la sainte grâce », dont l'auteur paraît
avoir vécii au quatorzième siècle. Cet ouvrage, qui se
compose de cent mtras en distiques, est recommandé
p;»r les docteurs de la secte.
M. Pope, par une sorte de coquetterie charmante,
a voulu dater son nouveau livre du quatre-vingtième
anniversaire de sa naissance : il a commencé ses
études tamoules en 1837, il y a soixante-trois ans! Il
womb of human mother, — Saved tïom stroke of sterilizing
worm, — Saved in the meeting of ihe seeds in the flrst moon, —
Saved in their growth in the second moon, — Saved in their
struggie in the third, — Saved in the great darkness of the
fourth month, — Saved fi-om the blight of the flfth moon, —
Saved from the mishaps of the sixth, — Saved, looking earth-
wards in the seventh,^ Saved in the straits of the eighth moon,
— Saved in the dangers of the ninth, — Saved in the due tenth
moon, — Together with the mother in a sea, — of agony strug-
gling. » On peut voir par là combien ce morceau est obscur et
diflBcile à traduire.
— 287 —
a apporté un soin tout particulier à son Tiruvâçagam
qu'il semble regarder comme sa dernière œuvre; mais
nous pouvons expérer, je crois, qu'il nous en donnera
plusieurs autres encore aussi bonneset aussi bien faites.
Claudine a chanté le vieillard de Vérone qui n'avait
jamais quitté le lieu de sa naissance et dont il oppose
la longueur de la vie aux courses lointaines des voya-
geurs. M. Pope, lui, joint l'expérience de l'âge aux
connaissances acquises en traversant les mers : il
réunit autant déroute que de vie et se présente à nous
ainsi avec une double auréole. Puisse-t-il nous la
faire voir bien longtemps encore !
Julien ViNsoN.
P. -S. J'avais adressé à M. Pope, dès la réception
de son volume, les vers tamouls suivants :
Iruvin' eika da n daçe ha
mçeiUavâfjagatteitjelld m
V ar uvikiy allât' pôla
inafumojiyadanilvait lî
liaru vin'eikand(l/dndat
lavai' luldmuyirgalummeik
Kuruvin'eiyén'amnangik
Kur'eivilâvâjgaven'bâ r
«Vous avez mis dans une langue étrangère, comme
par un jeu accidentel, — toutes les paroles saintes
chantées par le bienheureux qui a échappé aux deux
activités; — après avoir vu ce travail précieux, les
— 288 —
êtres qui habitent les sept univers vous — vénèrent
et vous nommant leur guru disent : u puisse-t-il vivre
heureux sans cesse 1 » J. V.
Sivagnâna hôtham of Meikandadêva, translated
with notes and introduction by J.-M. Nallaswamj-
PiLLAi. Madras, 1895, in-8«, (vij)-xxxj-1â6 p.
Light o/ Grâce or Thiruvarutpayan of Umâpathi
Siva Gharya, translated with notes and introduction by
J.-M. Nallaswami-Pillai. Madras et Trichenapally ,
1896, in-8°, (v)-xxxij-ix p.
Il se produit en ce moment dans l'Inde, et surtout
dans l'Inde méridionale, un mouvement religieux ou
plutôt philosophique extrêmement important, qu'on
pourrait appeler la renaissance du çivaisme, si cette
religion avait jamais cessé d'être prédominante dans ces
régions. En réalité, il s'agit d'une propagande active,
faite par des Indiens extrêmement distingués, élevés
presque à l'européenne, en faveur de la doctrine
gàiva-siddliânta. Au mois de juin 1897, un journal
spécial a même été fondé dans ce buta Madras, et il
est aujourd'hui en pleine prospérité'.
On sait que le çivaisme repose tout entier sur la con-
1 . Tho light of fruth or Siddhanta deepika, a monthly
journal, devoted to religion, philosophy, littérature, science, etc.
Madras, J.-M. Nagaratnam-Pillay, publisher. Blacktown. —
L'abonnement est de 4 roupies (6 fr. 80) par an. — Siddhanta
dîpikâ signifie exactement « la lampe de la perfection ».
— 289 —
ception des trois entités : Pati « le chef, Dieu, le
grand tout >>, Paru « l'âme, l'individualité », et Pâsam
«Je lien », c'est-à-dire l'ensemble des causes qui sé-
parent le paeu du pati ; le but suprême est la libéra-
tion du joug du pâsam ei l'absorption des individualités
dans le grand tout. La doctrine est exposée principa-
lement dans quatorze ouvrages tamouls, dont les inspi-
rateurs du mouvement en question ont publié tout
récemment une édition collective'.
Parmi ces ouvrages, le Munsiff de Namdyal, le sa-
vant Nallaavdmi-pUlei, en a déjà traduit trois en an-
glais: le Tirunânaùtlyâr (skr, Çrîdjnânasiddhi), dont
la publication se poursuit dans le Siddhânta-dlpikâ, et
les deux autres que j'annonce ci-dessus.
Le Çivandnahôdam (skr. Cwadjnânabôdha) est re-
gardé comme l'ouvrage capital. On croit qu'il a été com-
posé, probablement au commencement du XIIP siècle,
par un ascète de Tiruvenneinallâr, qu'on a sur-
nonmié Meykandddéua <.< le divin qui a vu la vé-
rité ». Il l'a traduit du sanscrit, expliqué et com-
menté. Le texte comprend 12 sûtras qui contiennent
ensemble 41 vers tamouls de quatre pieds, du mètre
agaval ; Nallasvâmi nous en donne une traduction
rigoureuse, en anglais, ainsi que la traduction du
commentaire, et il y ajoute de nombreuses notes expli-
catives. Un missionnaire américain, M. 11. -K. Hoi-
1 . Mei/kandaçdttiram (la science qui a vu la vérité), textes
et commentaires; Madras, aux bureaux du Siddhanta decpika).
— 290 —
sington, en avait publié, en 1850, un résumé en
18 pages (ians une revue américaine. Il peut paraître
intéressant de comparer les deux traductions.
Le sûtra XI est traduit ainsi qu'il suit par
\1. Hoisington : <.< When the soûl has escaped from
tlie influence of the body and become pure, Siva will
look upon it and show himself to it, jusl as the soûl
acts as the cause or power of vision to the eye.
Therefore Siva, by Ihus revealing himself, will give
bis sacred foot to ihe soûl with a love which it never
forgels to exercise. » Voici la nouvelle traduction :
« As the soûl enables the eye to see and itself sees,
so Hara enables the soûl to know and itself knows.
And this adwaita (non dualistique) knowledge and
undying love will unité it to His feet. »
Le texte est ainsi conçu :
kânum kannukku kâttum ulam pôl
kâna ulattei kandu kâttalin'
ayarâ an'bin' aran' kajal çélumê
c'est-à-dire, mot à mot : « qui-voit à-l'œil qui-montre
le-sens- intime comme — pour-voir le-sens-intime
ayant-vu par-l'action-de-montrer — inoubliable par-
une-affection de-Hara l'anneau-de-pied joindra » ou
« aux pieds de Hara, parce qu'il voit le sens intime
et lui fait voir, comme le sens intime fait voir à l'œil
€t voit, (ce sens intime) se joint d'un inoubliable
amour ».
— 291 -
La traduction de 1895 est donc absolument supé-
rieure à celle de 1850.
Le livre de Nallasvâmi est fort bien fait et la lec-
ture en est éminemment instructive : l'on y trouve,
outre le texte, la traduction et les notes, une savante
introduction, UFie notice sur l'auteur, la liste des
âgamas, celle des ouvrages çivaïstes tamouls fonda-
mentaux, le texte des dokas sanskrits en caractères
dêvanagaris et en caractères télingas, enlin un glos-
saire des mots spéciaux sanskrits et tamouls.
Quant au Tiruvarutpayan « bénéfice de la sainte
grâce », c'est un traité dogmatique en cent distiques,
dont M. Pope a joint une traduction (ainsi que des
commentaires) à son Tiruvâcagam.
Tous ces ouvrages sont indispensables à celui qui
veut avoir une idée exacte de la philosophie çivaiste.
Julien ViNSON.
Catalogue des manuscrits mazdéens de la Biblio-
thèque Nationale, par E. Blochet. Besançon, impr.
P. Jacquin, 1900, in-8°, (iv)-132 p.
Bibliothègite Nationale. Catalogue de la collection
Schefer acquise par l'État, par E. Blochet. Paris,
\i. Leroux, 1900, in-8°, (iv)-v-231 p. et M pi.
Un de mes amis avait posé sa candidature à l'Ins-
titut; c'est un homme supérieur, aussi fait-il également
bien plusieurs choses : en dehors de ses autres' ou-
— 292 —
vriigps, on lui doit de remarquables études de biblio-
graphie. Il crut convenable d'y faire allusion dans
une conversation avec un de ses futurs collègues;
mais il fut singulièrement surpris d'entendre son in-
terlocuteur lui demander à quoi pouvaient bien servir
de pareils ouvrages. Doit-on conclure de là que la
Bibliographie n'est pas très appréciée à l'Institut?
Pourtant, L-V.h. Brunet a donné à l'Académie des
Inscriptions la somme nécessaire pour décerner tous
les tmis ans un prix de 3,000 fr. à un ouvrage récent
de Bibliographie savante; la manière dont ce prix a
été attribué jusqu'ici ne répond peut-être pas tout à
fait à ce programme... mais, passons.
J.-Ch. Brunet aurait, je crois, couronné les Cata-
logues de M. Blochet. Ce ne sont pas de secs et vul-
gaires inventaires, des relevés de titres, des énumé-
rations fastidieuses; ce sont des indicateurs utiles,
rédigés avec soin, et accompagnés de notes extrême-
ment intéressantes. Le Catalogue mazdéen surtout
plaira, car il présente le tableau complet des res-
sources qu'offre aux éranistes notre Bibliothèque i\a-
tionale. Avec ces notes sous les yeux, les travailleurs
sauront où s'adresser; ils iront au but droit, vite et
bien.
M. Blochet a groupé dans un ensemble naturel des
manuscrits (lue le caprice des classilications a dispersés
dans cinq catégories différentes : le supplément per-
san, le fonds indien, les papiers et les manuscrits de
If.
-' 293 —
Burnouf, et celte ollapodrida qu'on appelle les « nou-
velles acquisitions françaises >^. Les plus importants
de ces manuscrits venaient d'Anquetil...
Chacun de ces volumes est accompagné d'une table
on ne peut mieux faite. Le Catalogue de la collection
Schefer est accompagné de fac-similé excellents en
héliogravures.
Toutes nos félicitations au savant bibliothécaire
qui est, en même temps, l'un de nos orientalistes les
plus distingués.
J. VlNSON.
Actes de la Société Philologique (Bulletin de l'Œuvre
de Saint-Jérôme). Tome XXVLIl (13« de la nouvelle
série), année 1899. Paris, G. Klincksieck, 1900, in-8°,
307 p.
Contient, p. 1-167 : Lexique des fragments de /'i-
vesta, par E. Blochel (c'est-à-dire la liste des mots de
tx)us les textes en langue zendequi ont été découverts
depuis la publication de l'Avesta). p. 169-306 : suite
de ïArfe de la leiigua maçahua (conversations reli-
gieuses.)
J. V.
Suotnalais-ugrilaisenseuran aikakauskirja. — Jour-
nal de la Société Firnio-Ougrienne. Tome XIX.. Hel-
singjors, \^0i, in-8«, (iv>iv-200-(ij)-ix-67-4â p.
Contient : l'' ïrjœ Wichman, documents en langue
— 294 -
voliaque (proverbes, devinettes, contes) ; l"" H. Paa-
sonen, chants tartares (ces deux recueils de textes sont
accompagnés de traductions en allemand); 3° rapports
et comptes rendus annuels par MM. K. P. Karjalainen,
H. Paasonen, G.-J. Kamstedt et 0. Donner, en suoml
et en français.
J. V.
Graïuinaire canlabrique bmque, de Pierre d'il rie,
publiée par le Kev. VV. Webster (voyez p. 200).
Voici le comolément de l'erratum de M. Clarke :
pages
lignes
5
3
du S* Évangile natif de SWea
15
le z, l'c, u se
6
1
du son de 1'/, /, i, y
2
les /, ./, r, y
14
c'est Ih portugais
24
hardiesse cucusteguiâ
26
gaûa nuit
7
10
signifier la
dre
partout, bay, oui, baba, febue.
8
3
le/c
9
31
ténèbres
10
12
antçara
20
phustela
24
ophorra. cofiiiaud
11
• 18
sukhilla. souche
12
5
phutçûâ ,.
— 295 —
âges
lignes
12
9
mais elles l'onl
les précède f
10
pomme, dites
17
muquitssûâ
13
8-12 hire'... gueure'
18
hire'... cure'
23
*Iainco'
24
lurraren
28
*infernuetara
14
3
seculaco'
6
laun'goicoa
16
29
babaçuça
17
4
vztaïlla
19
17
vkhondoa
21
8
photcoa
10
bassurdéà
23
28
corrocogna
31
maquaréla
24
5
herressâca
9
colàca
25
16
gosna
17
matalaça
25
cutçha
33
lapicerià
27
6
arrôpa
28
24
salbatcaïilea
31
18
parropia
32
17
açotea
33
9
olôa
13
arantçéa
16
elhorria
17
lokharria
21
haritça
egunorozco'... çordun'
— 296
pages
33
lignes
28
cobréâ
34
10
20
ispilingua
nahala
35
5
okhincôà
36
37
39
13
5
16
22
çhiçhariâ
ikhazquigna
hateitçagna
perfecçionéa
çoramendàà
40
1
19
orriquia
delicatataasana
41
9
Likhisqaeria
42
44
45
8
10
8
ingratasauna
Caacôgna
aenticorra
55
56
7
21
jaquiiecoa
haûrra
57
9
10.15
exceptez... sic, lie
rie, nie (deux fois)
13
14
ragno
baitharagno
18
19
quign
ou daeo
20
21
quign... tan
baitharican
58
28
33
23
guiconarenera
guiconarenean
bozcariari, bozcariora
59
60
3
17
10-11
des joyes, par les joyes
Erreguebaithan
aitassoenean, aitassobaithan
61
24
mahatssic
— 297 —
pages lignes
61 26-28 + pour x
^2 13 toujours un a
14 a s'oste
20 tout a fait .
24 comparaison
31 hobequi (trois fois)
63 4 barnerategui
18 après, du depuis
19 guerostiquégui
64 7 hobeagoari
10 hobeagoric
66 7 çuetaragno
11 çuequign
15 Luy, elle
23 Dat. haûy
24 hautaragno, jusques
69 23 le votre, çuénaz, çeuenaz , çuenetic, çeuené'tic,
par le votre, du
av.-dfeHunéna, hunénac
70 27 hauquiénic
71 16 neurorri
21 neureburuaz
32 gueureburuari
d'" gueureburuac
"^^ ^ par nous mêmes, gueureburuagatic, a cause
de nous mêmes, gueureburuarentçat
73 14 bereéna
32 çegnentçat
d'û çeintaz
74 7 nihorc
20 delacaussa. idem
76 3 ascorenbaitharic
''"'' 9 biequign... bioc
- 298 -
_n_- lignes
364 à"^^ passaiétan
365 9 çhutic ou Jaïquiric
d""» higuitcen naiz
6-d'"«' 2^ col. mettre nintcen en apposition
366 2 haritçen etc. nintcen
367 27 Lagunduco
371 av-'d'' effacer sorteçoâ
372 3 sorthurican
d^e mintçalurican
374 4 hassarrâtu eta
377 9
378 30
382
effacer -j-
379 16 asse eta
22 sassiatu. eta
aSÛ 2 effacer +
15 de se tenir assis
29 hillaz. étant mort, hill eta.
383 10 pobretu. gabe. pobre
15 eguign billhatu
384 14 vkhabillca
385 4 josten haritçéa
8 se diuertir
14 Gaçhtatçéâ
24 aïtçin. aitçindu
26 ezantssiâtcéâ
386 10 vrratu
387 10 illhundu
13 hotçi içatéâ
14 sendatçéâ. senda. sendatu
388 4 garbi
19 goâtéâ. goân
21 Deit. deithu
389 3 makhurtçéâ
— 299 —
pages
lignes
389
13
guernu eguiten
390
4
ferdetçéâ
9
çuçentçéâ
21
Sauuer
393
2
eguin. eguign. 19. lothu
5
itçuri
17
on ajoute co. harico
394
10
dire
11
çaeteris
395
6
l'ay de j une
14
l'aime
20
l'aimé
522
11
8
laur. ou illabete. bâtez guerostic ou bi,hirur,
laur. hilabetez
523
1
bortçgarren'
10
illhabethebatetic
11
adisquideez
524
15
15 jours
525
9
le le voudrais
11
eztiotçoco
527
11
dieçadaçu haren'
529
8
laincoac
530
10
b
feray
533
8
lagun' icateaz
534
3
t
eznaiz
536
9
arno'
538
10
t
guignhârra
9
t
maigre
17
cure'
— 300
pages
540
lignes
3
Lekhoe-
(Jre
Aberattss' Dire?
541
15
L'un l'a dit
19
Ils t'auoient
VARIA
I. — La langue de nos parlementaires
La Remio (ancienne Revue des Reçues) consacre une étude
amusante aux crimes contre la logique et la syntaxe commis par
les plus réputés parmi les orateurs de la Chambre. Les nombreuses
citations de la RerueiovmQni une véritable anthologie des incon-
séquences dont se rendent coupables nos brillants parlementaires.
M. de Man afiBrme gravement qu'un ouvrier est un instrument
qui ca de main en main.
M. Bourgeois aperçoit « trois grands joom^s exprimant net-
tement la volonté du pays ».
Pour M. d'Estournelles, « l'Europe continue à s'acheminer les
yeux fermés au suicide ».
M. Viviani « pose les termes de la question », oubliant visi-
blement que si la question en français a des termes, il est quand
même difficile déposer les termes de la question.
Cela n'empêche pas M. Ribot de « la poser sur son véritable
terrain ».
M. Leygues a un lyrisme gynécologique et nous déclare que
« notre siècle enfantera un ordre nouveau ».
Cependant, si les politiciensexcellentà exprimerdes idées vagues,
parfois ils donnent aussi à ce vague lui-môme je ne sais quelle
précision comique. De M. Charles Ferry, cette définition pleine
d'actualité : « Le féminisme consiste à mettre sur le même pied
l'homme et la femme ». Cela veut tout dire et ne veut rien dire;
cela est immense, étant très étroit; mais, telle quelle, cette défi-
nition plaira aux ennemis du féminisme: en effet, il leur sera
très aisé de démontrer, grâce à elle, que, lorsque l'homme et la
20
— 302 —
femme seront sur le même pied, la famille aura bien de la peine
à se tenir en équilibre, je veux dire à se tenir debout...
II. — Bismarck et les caractères latins
La Gazette de Voss, du 9 octobre 1882, publiait la lettre sui-
vante, adressée par le prince de Bismarck aux frères Karl et
Adolphe Millier:
« Varzin, le 4 octobre 1882.
» Je vous remercie bien cordialement de votre Histoire Zoo-
lofjirjue. Les descriptions pleines d'intérêt et les dessins repro-
duisant les formes naturelles ont triomphé delà répugnance que
j'éptouve généralement à lire les livres allemands imprimés en
caractères latins, par ce motif que je sais me montrer ménager
du temps que les affaires et ma santé laissent à ma disposition.
» Il me faut, règle générale, 80 minutes pour lire en caractères
latins le nombre de pages qui méprendrait une heure si la chose
était imprimée more vcrnaculo. Le français ou l'anglais im-
primés en caractères allemands, ou l'allemand imprimé en carac-
tères grecs, présenteraient la même difficulté, même à ceux qui
sont familiarisés avec tous les alphabets. Le lecteur instruit ne lit
pas des signes de lettres, mais des signes de mots. Or, un mot
allemand écrit en caractères latins lui produit une impression
aussi étrange que pourrait vous produire un mot grec écrit en
caractères allemands. Cela vous contraint à lire plus lentement,
absolument comme l'orthographe arbitraire et fantaisiste que Ton
a substituée naguère à notre orthographe traditionnelle.
)) Pardonnez-moi cette explosion de mauvaise humeur échappée
àun lecteur solitaire et ne la considérez pas comme un symptôme
d'ingratitude pour votre envoi amical, dont la lecture attrayante
me fait oublier volontiers la nationalité des caractères.
» Von Bismarck. »
— 303 —
III. — Jeu de mots homonymes
Un journal publiait naguère la facétie suivante: « M. Lamcvre
a épousé M"' Lopère; de ce mariage est né un fils qui est devenu
le maire. àQ\K commune. Monsieur, c'est le père ; Madame, c'est
la mère, et les deux font la paire. Le fils est le maire Lamerre.
Le père, quoique père, eS't resté Lamen'e, mais la mère, avant
d'être Lamerre, èta.it Lepère. Lepére est donc le père sans être
Lepère, puisqu'il est La/ne/ve;mais la mèreest Lamerre quoique
née Lepère, et n'a jamais pu êfre Maire. Le père d'ailleurs n'est
pas /« mère, tout en étant Lamerre. Si la mère meurt, Lamerre,
qui est le père, et qui n'a jamais été Lepère, pas plus qu'il n'a été
le père de la mère du Maire; le père, dis-je, devenant veuf, la
perd, et le père Lamerre ainsi que le Maire Lamerre perdent la
tête et moi aussi ».
Le Propriétaire-Gérant,
J. Maisonneuve.
Cbaloa-sur-Sadne. — Imprimerie L. Marceau, B. BiiRTKANL), successeur.
LITTÉRATURE TAMOULE ANCIENNE
Le Sûlâmani
Ce mot Sûlâmani, ou plus exactement Çùlàmani^ est une
adaptation du sanskrit Tchùdâmani « pierre précieuse mise
sur les cheveux réunis au sommet de la tête (de Çiva) », c'est-
à-dire « bijou supérieur, joyau par excellence », nom qui
convient tout à fait à un poème qui prétend traiter des quatre
fins de l'homme : vertu, fortune, plaisir, but suprême. Ce
poème fort intéressant, peu connu et peu étudié, était cepen-
dant estimé de quelques érudits, et, dès 1886, on songeait aie
faire imprimer. Mais c'est seulement en 1889, par les soins du
savant Ci. Vài. Tàmàdarampillei, de Jafifna, que le livre a
vu le jour. L'éditeur raconte, dans une très intéressante pré-
face, l'histoire de cette publication. Il était allé rendre visite,
quatre ou cinq ans auparavant, à l'illustre Sahrahmantja-
dèçikamùrti, supérieur du monastère de Tiruvdvadutur'ei,
et ce sage éminent lui parla du Sùldmani, lui dit que c'était
un poème remarquable, qu'il fallait le sauver d'une mort
prochaine en le faisant imprimer le plus tôt possible, et que
ce devoir incombait particulièrement à lui, Târàôdarampillei,
qui avait déjà publié plusieurs ouvrages tamouls précieux.
Maliàlinga-aii/ar, de Madras, lui envoya la copie manuscrite
qui se trouvait dans son couvent. La lecture de ce manuscrit
1. J'6!cris StHctmani parce que j'avais écrit précédemment Smrfâ-
mani. 11 faut remarquer le l cérébral. Ou sait que les textes sanscrits
du sud de l'Inde ont gardé cotte lettre qui a disparu dans les textes
septentrionaux.
21
— 306 —
convainquit le vaillan l'éditeur de l'excellence de l'ouvrage et
lui inspira un vif désir de le publier, mais il était nécessaire
de réviser le texte avec soin et de pouvoir comparer entre
elles plusieurs copies. 11 fit donc faire des recherches dans
tout le pays tamoul. Un manuscrit lui fut envoyé par
Véngattaràma-aiyangâr, deKaruvûr, qui lui signala l'exis-
tence d'un autre exemplaire chez lesDjâinas de Mannârkudi.
Mais ce second manuscrit avait été emporté à Kumhhakônam;
son propriétaire promit de le communiquer lorsque le moment
de la révision serait venu. Car, il ne s'agissait pas d'une
impression immédiate, Tâmôdarampoullé étant occupé à une
autre publication. Cependant les recherches continuaient :
Kanagaçaheimudaliyàr, magistrat à Tanjaour, découvrit
deux nouvelles copies à Vèdàraniyam et à Pérumaixdùr ; et
Ràmatchandrâya, munsiff du district de Vijuppuram, en
trouva une autre chez un Djàina de Vîdùr. Cependant, le
propriétaire de l'exemplaire de Mannârkudi était mort, et il
fut impossible de savoir ce que cet exemplaire était devenu.
Sur les cinq exemplaires restants, deux, ceux de Vèdàraniyam
et de Karuvùr, n'étaient que des copies de celui de Vidùr ;
on n'avait donc en réalité que trois textes à coUationner. Le
travail fut fait et l'impression commença.
Une centaine de pages étaient déjà tirées, lorsqu'un ami
de l'éditeur trouva une quatrième copie, dont le propriétaire
venait de mourir, à Trichenapally. Dans l'espoir d'en décou-
vrir encore d'autres, Tâmôdarampiljei fit lui-même une
tournée parmi les Djâinas de la région, mais ce fut seulement
à Kdntchipura qu'il trouva un vieux manuscrit du poème.
Les variantes offertes par ces deux nouveaux textes étaient
nombreuses et intéressantes. Il fallut donc recommencer
l'impression; un spécimen des corrections ainsi exécutées
nous est donné dans un tableau très intéressant qui vient à la
suite de la préface.
— 307 —
Tâmôdarampillei attribue au Sùlâmani un âge relative-
ment fort avancé : à son avis, il daterait d'environ 1500 ans.
Le poème est en effet cité, nous dit-il, dans le commentaire,
écrit vers le 1V« siècle, de la Kârikâ, traité didactique
tamoul, composé d'après un plus ancien, le Yàpparungala,
dans le commentaire duquel le Sùlâmani est également cité.
Enfin, dans une des strophes préliminaires de l'ouvrage, il
est fait mention du roi Vidjaya de Kârvetti; or Kârvetti était
la capitale du Tchôla avant Ur'andei. Mais rien ne prouve
qu'il s'agisse là d'un roi Tchôla; le Vidjaya en question
n'était peut-être qu'un chef local, tributaire du grand mo-
•narque. Cette strophe d'ailleurs n'est évidemment pas de
l'auteur lui-même et doit avoir été mise en tête de l'ouvrage
par un copiste postérieur. Quant à la date du commentaire
de la Kârikâ, elle est fort incertaine. Les Indiens n'ont pas
le sens de l'exactitude historique.
Je crois le poème plus moderne, et il me semble qu'il doit
remonter à la période qui a précédé immédiatement celle qui
a vu le triomphe définitif du Çivaisme. Peut-être même
a-t-il été écrit plus tard encore. C'est ce qui expliquerait
qu'il était si peu connu en dehors des Djâinas et qu'on ne lui
ait fait aucun commentaire. Néanmoins, il est certainement
ancien et ne doit pas être postérieur au XIl^ siècle. Il est
cité dans les commentaires de beaucoup de très anciens
ouvrages ; mais il porte en lui-même des caractères de mo-
dernité relative, si j'ose exprimer ainsi: le nombre et la
variété des mètres employés, l'art avec lequel ils sont alter-
nés, le soin peut-être exagéré de la forme, et l'imitation
manifeste du Sinddmani. Pourtant, les deux descriptions
initiales du pays et de la ville ne sont pas conformes aux
traditions classiques que le Sindâmarii a au contraire obser-
vées, mais le fait que ces deux descriptions ont été l'objet de
chants spéciaux et le fait que les diverses divisions du
— 308 -
poème portent le nom de sarga [çarukkam] confirmeraient
mon hypothèse. Maintenant, quelle part faudrait-il faire aux
questions de localités? combien de temps fallait-il, à ces
époques de communications rares et difficiles, pour qu'un
ouvrage littéraire devînt célèbre et fût connu dans tout le
pays tamoul ?
L'éditeur indien dit à ce propos que, dans la plupart des
langues connues, les grandes épopées ont d'ordinaire paru
avant les petites, mais qu'il y a des exceptions : le Sùlâmarii
en serait une. Je crois qu'un élément important doit être la
métrique, en ce qui concerne les livres tamouls. Des divers
genres de poésie connus, il est à peu près certain que Vagaval
ou âçiriyappà, sorte de prose rythmée, est la plus ancienne,
puis vient le venbâ, distique d'abord et quatrain ensuite, enfin
le quatrain se régularise et produit le kalippâ, le tur'ei, le
viruttam (vrddha). J'ai déjà fait remarquer ailleurs que plu-
sieurs ouvrages tamouls ont été deux fois écrits, une première
fois en âçiriyappà ou en venbd et une seconde fois en viruttam,
p. ex. : le Mahâbhârata abrégé d'abord en venhâ par Pérun-
dêvanâr, puis traduit en viruttam par Villipultûr et Nallâp-
pillei, l'histoire de Nala par Pugajêndi et par Adivîrarâma-
pàndiya, etc. C'est ce qui m'a permis de supposer que les
deux grands ouvrages classiques perdus, le Kundalagéçiet le
Valeiyâbadi avaient eu également deux formes. iSJous avons
les deux états de la légende d'Udayana : un abrégé en
355 viruttams {udayanankumârankâppiyam, dont les six
chants portent le nom de kàndam) et la version originale
(udayanankadei ou pérunkadei) en agaval, dont le com-
mencement et la fin manquent, mais qui comprenait six
livres, kàndam, divisés chacun en un grand nombre de
chants. Parmi les petits poèmes djâinas ou bouddhistes,
antérieurs ou postérieurs aux cinq grandes épopées classiques,
on cite, outre le Sùlâma)j.i et.VUdayamkâppiyam,leNâga-
— 309 —
kumârakâppir/am, le Nilakêçi, le Yaçàdarakâppir/am, dont
le dernier aurait été imprimé avant le Sùlàmani : je ne connais
ces ouvrages que de nom.
Une particularité qui a préoccupé l'éditeur, c'est que, dans
tous les manuscrits, le Sùlàmani porte le sous-titre « deuxième
épopée », irandàvadu kâviyam. Quelle serait la première?
Je proposerais volontiers de donner ce rang au Sindâmani,
mais peut-être conviendrait-il plutôt, en se référant à l'hypo-
thèse que j'émettais tout à l'heure, de traduire « seconde
épopée » par « seconde forme (en viruttam) de l'épopée (an-
ciennement écrite en agaçai) ». La première supposition
serait confirmée par le parallélisme des deux noms :
Sindâmani et Sùlàmani (en sanskrit Tchintàmani et
Tchùdàmani). Ce sont, on le sait, les deux pierres précieuses
divines, qui font obtenir à leurs possesseurs tout ce qu'ils
désirent. Ils est intéressant de faire remarquer à ce propos
que le P. Beschi, au commencement du XVIII® siècle, en
composant son poème chrétien le Témbâvani, a imité le
Sindâmani jusque dans son titre.
Je trouve dans le t. III (1894-1895) des Epigraphia
indica de M . E. Hultzsch (p. 184-207) un document qui
peut donner sur l'âge du Sùlàmani de très intéressantes indi-
/cations. C'est une inscription, gravée sur les quatre faces
d'une colonne carrée de pierre érigée à la mémoire d'un
saint, sage ou précepteur djâina, Ma//i'.?è/îa-Maladhciridôva,
qui mourut le 10 mars 1129 à l'endroit même où le monument
est élevé, c'est-à-dire à Sravana-Belgola, talûka de Tchan-
narâyapatna, district de Hassan, dans le Maïssour (environ
74" de long. E. et 13° de lat. N.). Belgola, en canara « lac
ou étang blanc », est traduit çcèlasaràcara et dhavalavarasa-
tîrtha dans l'inscription, qui est en sanskrit. Cette inscrip-
tion, dont l'auteur est un disciple de Mallisèna, Mallinâtha,
ne peut donc guère être postérieure au milieu du XIP siècle
— 310 —
de notre ère. Elle célèbre les mérites de Mallisêna, qui se
laissa mourir de faim, par sa foi religieuse, et qui expira après
trois jours de jeûne absolu, sous Hastérisme svâti, à midi, le
dimanche 3^ jour de la quinzaine noire de la lune du mois de
Phalguna de l'année Kîlaka, 1050 de l'ère çaka, c'est-à-dire
le 10 mars 1129. Il mourut donc pdiV sallèkhanâ a amaigrisse-
ment spontané » ou samàdhi « absorption contemplative ».
Ce document, assez emphatiquement rédigé comme il con-
vient, donne une liste des principaux gurus ou Saints djâinas,
digambaras, qu'on vénérait à cette époque; parmi eux, se
trouvent les noms de Tchintdmaj^i, auteur du Tchintâmani,
et de Çrîcarddhadêva, auteur du Tchûlâmani. Voici le
te^te : dharmmârtthakâmaparinirvrtitchârutchintaçtchin-
tàmanih pratinikètamakàri yèna — sa stûyatê sarasa-sâur-
vr/abhudjâ sudjâtaçtchintâmanirmmunwrsâ na kathatch-
djanena = Tchùlâmanih kaoînara tchûlâmaninâ[ma]sêvya-
kàcyakavlh — çrivarddhadêca êva M krtapunyah kîrttimâ-
harttum — çûrn,ni — ya écamupaçlôkitô daridinâ — djahnôh
kanyâm djatâ[grè]na hahhâra paramêçvarah çrivarddha-
dèva samdhatsê djihvâgrèna sarasvaiim{% 15 à 17, lignes 38
à 43). On peut traduire : « Comment ne serait pas loué par
les connaisseurs ce noble muni Tchintâmani, prince des
sages, par qui a été composé, dans toutes les maisons, le
Tchintâmani aux belles pensées sur la vertu, la fortune, le
plaisir et la libération? Seulement f'rivarddhadêva, le Tchû-
lâmani des poètes, l'auteur du poème superbe appelé Tchû-
lâmani, a acquis de la gloire par ses actions vertueuses. —
Note. — Il a été ainsi loué en un çiàka par Dandi : — Para-
méçvara a porté la fille de Jahnu au sommet de sa chevelure
nattée; (toi), Çrîvarddhadêva, tu as porté Sarasvatî sur le
bout de ta langue. »
Le Tchùlàmani sanskrit, prototype du Sùlamani tamouL
aurait, d'après cette inscription, été connu dès le milieu du
— 311 —
XII® siècle, mais l'insistance du rédacteur de ce document et
le témoignage de Dandi qu'il invoque semblent indiquer
que ce poème était relativement récent et n'avait pas été
encore classé parmi les écrits indiscutablement et universel-
lement admis. La traduction tamoule n'a dû être faite que
lorsque le prototype sanscrit avait atteint cette réputation, ce
qui nous conduit au XI II® siècle.
L'auteur du Sùlâmani tamoul serait un certain Tôlâmoji-
dêca (( le sage à la parole invincible », sur lequel nous ne
savons absolument rien et dont le nom est donné par les deux
strophes préliminaires, œuvres de copistes anciens, dont
voici la traduction :
« Les mots réunis dans le Sùlâmani par Tôlâmoji, qui se
rit des pierres précieuses indestructibles, brillantes et su-
perbes,— éclairent abondamment toutes choses, brisent dans
ses fondements l'obscurité, relèvent et affermissent ceux qui
ont été abaissés.
» Ceux qui comprennent le Sùlâmani de Tôlàmoji, sage
au langage indestructible qui adore les pieds fleuris du Pur,
prince des devoirs toujours célébré, qui n'a ni les huit, ni lés
dix défauts, tout en rendant hommage au Seigneur puissant,
roi du fort Kârvelli qui rit en battant des mains de ses enne-
mis, dont la main est libérale comme les nuages, le victorieux
redoutable dont la gloire a conquis les huit points cardinaux;
— ceux-là voient le port! »
Ces deux strophes ont été évidemment écrites par deux
personnes différentes et sans doute à différentes époques. La
première offre, à son troisième vers, une variante intéres-
sante qui nous obligerait à traduire : « les mots qui sont dans
le Sùlâmani, paroles irréfutables qu'on n'égalerait pas en
réunissant les pierres précieuses indestructibles... » Cette
variante est une révélation : l'expression « paroles irréfu-
tables » tôlâkkir est un simple synonyme de tôlâmoji, de sorte
— 312 —
que, dans les deux strophes précédemment traduites, j'aurais
pu mettre : « les mots réunis dans le Sùlâmam, paroles irré-
futables, qui se rient... », «... le Sùlâmani aux paroles irré-
futables du sage au langage... » ; nous aurions ainsi le droit
de supposer que les copistes postérieurs ont pris pour un nom
d'auteur ces mots qui exprimaient simplement la qualité du
poème. On peut donc affirmer que l'auteur véritable du
Sùlâmani est inconnu .
L'édition de 1889 a été publiée, chose fort intéressante,
aux frais d'un groupe de Tamouls, fonctionnaires du gouver-
nement anglais à Rangoun. C'est un joli volume, cartonné
et couvert en toile, à l'anglaise, formant un petit in-S" de
(ij)- 18-4-308-20 p. Ces diverses paginations correspondent
aux parties suivantes : titre, préface, table des noms propres,
texte de l'ouvrage, table alphabétique des strophes. Outre les
deux strophes préliminaires et l'invocation [kâppu], le poème
se compose de 2.131 quatrains répartis en 12 chants, ainsi
qu'il suit : « préface 6, I . le pays 29, II. la ville 34, III. les
fils 49, IV. Ratnanûpura 120, V. salle du conseil 192,
VI. message 142, VII. mort du lion 254, VIII. mariage 304,
IX. royauté 424, X. Svayamvara 286, XI. Renoncement 229,
et XII. But suprême 62.» L'impression est élégante et soi-
gnée.
J'ai déjà dit que la métrique est variée. J'ai compté au moins
29 mètres difïérents; les plus fréquents sontdes deux modules
suivants :
1° cilam, ma, tèmà; vllam, ma, tèmà, c'est-à-dire
^ (deux fois répété)
— 313 —
2° vilam, vilam, ma, kûvilam, ou
Le poème, et cela est assez particulier, commence par le
même mètre que le Sindàmai),i. A l'exemple de ce dernier
également, les chants ou prières au dieu suprême sont tou-
jours en trois strophes qui ont un mètre et un rythme tout
spéciaux; tantôt, ils sont en vers de quatre pieds en kâr/, et
le second vers se répète presque tout entier dans le troisième;
tantôt ils sont en vers du rythme oenbd et la seconde moitié
du second vers se répète pour former la première moitié du
troisième. Le premier système est employé dans le Sinddmani
et dans le SUappadigàram ; le second dans le Sindàmani
seulement. Dans le Sùlàmani, le premier se trouve trois fois
(IV, 64-66 et 96-98 ; VIII, 300-302), et le second deux fois
IV, 69-71; VI, 109-111); nous avons de plus (X, 65-67) une
variante du premier où le premier vers se répète pour former
le quatrième. Voici un spécimen de ces mesures :
Ai),itjâdumolitigajumàranangutiramùrt ti
kaniyâdumujudunarndakadavulend'ar'eiya . . .mê
kaniyàdumuj'udunarndakadaDulend'ar'eindâ. . .lu
maninâlamudeiyât/eiyar'icârôoariya rê (IV, 64)
« L'essence suprême toute-puissante qui brille éclatante,
même sans se parer, s'appelle l'être supérieur, qui comprend
tout sans y réfléchir; — môme si l'on dit que l'être supérieur
comprend tout sans y réfléchir, les sages éminents t'ignorenl-
ils, toi qui possèdes la terre magnifique? »
Vireimanandatâmareimèlvincan,angatchendâ
yureimatiandiydmparaoacunmagijoâyal . .lei
— 314 —
unmagijvàyalleiyènjnumulagellà n
kanmagijanind'cujkatkàdalojiyô mê (IV, 69)
(( Tu as marché, salué par le ciel, sur le lotus qui répand
une odeur parfumée; comme nous nous étendons en discours,
tu ne t'en réjouis pas en toi ; même si tu ne t'en réjouis pas
en toi, tu demeures pour réjouir les yeux de tout l'univers :
échapperons-nous à ton amour? ))
ôdumêmanamô(îu ^.mê
kùdumêianikôdeiya y
kâduçèrkanikârido r^um
à(îumêmanamô(iu mê (X, 65)
« Il court, l'esprit, il court! — ôtoi qui portes une fraîche
guirlande, — dans tous les fruits mûrs des bois, — il court,
l'esprit, il court! »
L'éditeur n'a pas joint à sa publication un résumé du
poème en prose ; il s'en excuse par cette raison qu'un savant
professeur de Jaffna a écrit une version en prose et aussi
parce qu'un autre savant prépare un commentaire minutieux
de l'ouvrage. Mais il s'est ravisé depuis et, en 1898, il a fait
paraître à Madras, à l'imprimerie de Vadjravêlupijjay, une
analyse détaillée en prose (iv-163 p. in-12), qui a été réim-
primée en 1900 par Thompson and C» «attheMinerva press,
Popham's broadway » (iv-163 p,. in-12). Ce résumé a pour
titre Vaçanasùlàmani (en sanskrit Vatchanatchùlâmani). Je
vais donner ci-après un précis de l'histoire, d'après ce résumé,
complété par une lecture rapide du texte et d'après un article
de M. G.-U. Pope, dans VIndian Magazine and Review de
MissE. Manning (novembre 1897, t. XXVIII, p. 569-573).
Après la préface, dont on trouvera la traduction ci-après,
vient la description du pays (chant P""). Dans une région de
la terre qui n'est pas indiquée, il y avait une contrée superbe,
riche, fertile, où tout abondait, où les paysages étaient ma-
— 315 —
gnifiques, les bosquets toujours fleuris, les champs féconds,
les bois remplis d'oiseaux aux plumages merveilleux, aux
chants agréables, les habitants heureux, les femmes belles et
aimables : elle s'appelait Surami « la délicieuse». La capitale
(chant II) était la ville sans pareille de Bôdhana « la sa-
vante », où tout était beauté, joie et bonheur. Là régnait, pro-
tégeant le monde, ombrageant l'univers de son blanc parasol,
Pradj'âpati, roi victorieux, roi juste, roi des rois, aux exploits
incomparables, terreur de ses ennemis, objet du respect et de
l'amour universels, aidé de ministres sages et habiles. Il
réunit dans son palais un millier de femmes de races il-
lustres, aux chevelures splendides, aux seins admirables, aux
charmes incomparables, parmi lesquelles deux lui étaient
particulièrement chères. Ces épouses préférées, deux sœurs,
portaient les noms de Mrgâpati et de Çaçi; leur amour lui
était un bonheur perpétuel. Elles devinrent enceintes en
même temps.
Chant III. — Les fils. — Les enfants qu'elles mirent au
monde n'étaient point des enfants ordinaires; l'aîné, Vidjaya
« le victorieux », fils de la première reine Mrgâpati, était une
incarnation de Balarâma; le plus jeune, Divisiha « habitant
du ciel », fils de Çaçi, était une incarnation de Krsna : on
sait que les Djâinas ont conservé tout le panthéon brahma-
nique. Vidjaya était en conséquence de couleur claire, tandis
que Divistha était de cette teinte bleu sombre qui est la
caractéristique des incarnations principales de Vichnu. Les
deux princes, beaux, ardents, admirablement conformés, se
développèrent à la perfection de toutes les manières et
reçurent une éducation accomplie qui les faisait exceller
en tout. Ils venaient d'atteindre leur dix-huitième année,
lorsque, un jour d'audience publique, un sage éminent, auquel
l'avenir était révélé, vint demandera parler au roi. Introduit
avec le cérémonial convenable, habile dans les rites et con-
— 316 —
naissant le moment propice, il prit la parole en ces termes :
« 0 roi qui possèdes de robustes éléphants, j'ai vu ce qui suit
dans un rêve : un éléphant est descendu du ciel, a mis au cou
du jeune prince dont la couleur est celle du vaste océan une
guirlande de fleurs épanouies toutes blanches; puis, il est
remonté dans sa demeure. Apprends quelle est la signification
de cette vision : un roi des Vidyâdharas viendra donner en
mariage au jeune prince sa fille unique. Tu en auras la
preuve dans sept jours : un messager céleste descendra dans
ton grand jardin fleuri et sera porteur d'une lettre de ce roi ^ . »
Au comble de la joie, Pradjâpati donne les ordres nécessaires
pour qu'on attende le messager annoncé et qu'on le reçoive
avec les honneurs et les égards qui lui sont dus.
Chant IV.— A Ratnanûpura. — Pendant que ces choses
se passaient à Bôdhana, un roi puissant, Svalanjati, régnait
sur la ville de Ratnanûpura, dans la plus belle partie du
monde des Vidyâdharas. Il eut deux entants, un fils Arkakîrti
et une fille, Svayamprabhâ, de sa femme préférée Vâyuvêgà.
Ces enfants grandirent en sagesse et en beauté. Un jour, la
nourrice, Vasantamahâtilakâ, vint annoncer l'approche du
printemps. Le roi se transporta alors avec tous les siens à
son jardin de plaisance Marôvana; il y invoque Arhat, auquel
il adresse des prières ardentes. Deux sages, digambaras,
arrivent par la voie des airs et, sur sa demande, lui font
ainsi qu'à ceux qui l'accompagnent de saintes instructions.
Svayamprabhâ se fait admirer de son père par sa piété ; il
songe à la marier dans des conditions dignes d'elle.
Chant V. — Salle du conseil. — Le roi réunit ses ministres
et leur demande s'ils connaissent quelque part un prince qui
puisse convenir à sa fille. Le doyen des ministres, Sutchunda,
propose Açvaganda, roi de Ratnapallava. Mais son collègue
1. Le texte porte otei « feuille de palmier ».
— 317 —
Bhavatchyuta combat cette proposition et dit qu'il serait pré-
férable de songer à Bhavanandja, roi de Kinnaragîta. A son
tour, Sudhâkara, un autre ministre-, pose la candidature de
Méghavâhana, roi de Suréndrakânda, dont la sœur Djyôti-
mâlâ pourra épouser Arkakîrti. Alors, le premier ministre,
Sumantri, prend la parole et conseille d'aller consulter le
devin Çatavindu ; les autres ministres se rangent à cet avis.
Le roi rentre dans son palais, puis se rend chez le devin.
Celui-ci lui annonce que l'époux destiné à sa fille, depuis
longtemps, est le prince Divistha, second fils du roi de
Bôdhana dans le monde terrestre : a La preuve de la vérité
de ceci », ajoute-t-il, « c'est que dans une lune d'ici, ce Di-
vistha vaincra un lion formidable dontil déchirera la gueule. ))
Le roî Jatî émerveillé, va raconter l'aventure à sa femme
Vâyuvêgâ, puis il communique la nouvelle à son fils et à
ses ministres, et il décide d'envoyer au père de Divistha un
ambassadeur, Marîtchi, ave<; une lettre qui l'informera du
mariage projeté.
Chant VL — Le message. — Marîtchi descend dans le
bois fleuri où depuis une semaine l'attend Drumakânta,
suivant les ordres de Prajâpati. Prévenu, celui-ci envoie au-
devant de l'ambassadeur quatre des premières femmes de
la cour, de nombreux serviteurs et ses deux fils. On l'amène,
avec un cortège triomphal, au palais qu'on a afl;ecté pour sa
résidence. 11 remet au roi la lettre de Jatî, qui est une de-
mande formelle en mariage. Pradjâpati objecte la différence
de natures entre les Vidyâdharas et les hommes. L'ambas-
sadeur le réfute par des arguments mythologiques et le roi se
rend. Marîtchi retourne chez Jatî, comblé d'honneurs et de
présents.
Chant VU. — Mort du lion. — Marîtchi rend compte au roi
Jati de son voyage ; le roi consulte ses ministres, et ils lui
conseillent d'attendre un mois, puisque le devin aannoncéque
— 318 —
dans cet espace de temps Divistha devait accomplir un
exploit caractéristique. Cependant Açvaganda, un des rois
Vidyâdharas qui aspiraient à la main de Svàyamprabhâ,
apprend par le purôhita Çatavindu l'existence du jeune
prince de Bôdhana qui est son rival prédestiné. L'orgueilleux
monarque sourit avec dédain, mais sachant que les avis des
sages ne sont pas sans portée, il consulte ses ministres et, sur
leur conseil, envoie des messagers à Pradjâpati pour lui ré-
clamer un tribut : mille kôti d'or, mille danseuses de toute
beauté, de la nacre, des perles, du corail, de l'argent, des vê-
tements de brocart, des défenses d'éléphants, des éventails
et beaucoup d'autres choses en abondance. Après avoir
hésité, Pradjâpati consent à payer le tribut demandé, il réunit
ces objets et ces femmes et les fait remettre aux messagers
qui se préparent à repartir. A ce moment, surviennent les
princes royaux qui s'étonnent et s'informent. Divistha, trans-
porté décolère, congédie les messagers avec un refus formel.
Ceux-ci, n'osant rapporter ce refus à leur roi, en avertissent
le ministre Harimandju qui s'avise de l'expédient suivant. Il
envoie sur la terre un Vidyâdhara, Harikêtu, qui, sous la
forme d'un lion terrible, ravage le Sind ettoutle pays qui en-
vironne Bôdhana. Les deux jeunes princes vont le combattre;
le lion magique se réfugie dans une sombre grotte de la mon-
tagne et y disparaît. Mais il s'y trouve un lion véritable que
Divistha saisit par la crinière ; puis lui prenant les mâchoires
dans ses mains robustes, il le met en pièces, aux applaudis-
sements des dieux et des hommes. Les deux princes rentrent
en triomphe dans la capitale et reçoivent les félicitations de
leur père.
Chant VIII. — Mariage. — Svalanjati, apprenant ce fait
glorieux, veut hâter la conclusion du mariage de sa fille avec
Divistha. Il se rend à Bôdhana, au milieu d'un cortège ma-
gnifique, où ont pris place les cinq mères de Svàyamprabhâ
— 319 —
(la directrice des jeux, la nourrice au sein, la nourrice sèche,
la servante, la surveillante), après avoir confié à huit princes
distingués le gouvernement de ses États pendant son absence.
En route, Amrtaprabhâ, compagne de Svayamprabhâ, lui
fait admirer les pays que l'on traverse et lui en raconte les lé-
gendes, notamment celle de la Gangâ. Arrivés dans le pays
de Surami, les voyageurs célestes s'arrêtent près de Bôdhana
et s'y installent dans des habitations improvisées, tandis
que Marîtchi va prévenir Pradjâpati. Celui-ci s'empresse,
conformément aux rites et aux convenances, d'aller chercher
son hôte en grand apparat : la rencontre des deux cortèges
fut comme la réunion de la Gangâ et de la Yamunâ. Les
femmes se font un accueil empressé. Vidjaya et Divistha
fraternisent avec Arkakîrti. Svalanjati présente à Pradjâpati
sa future belle-fille^ qui, au premier aspect de Divistha, en
est subitement éprise. Le mariage s'accomplit avec des céré-
monies magnifiques.
Chant IX. — Royauté. — Cependant, des messagers
viennent annoncera Svalanjati qu'Açvaganda, alliéaux autres
rois Vidyâdharas,se prépareàvenir l'attaquer. Ils lui racontent
qu'Açvaganda, instruit par Harikêtu de ce qui s'est passé au
Çurami, de l'ambassade de Marîtchi, de la mort du lion, du
mariage de Divistha, a été pris d'un accès de colère épou-
vantable. Les rois Vidyâdharas ont partagé ses sentiments
et ont juré de prendre part à sa vengeance ; les chefs de son
armée, Vadjraganda et Kanakatchitra, lui ont promis que la
victoire serait prompte et facile. Jati communique ces nou-
velles à ses guerriers, à son fils, à son gendre, à Vidjaya, à
Pradjâpati. Ils ne sont point effrayés et se disposent à recevoir
l'ennemi. Surviennent deux Gandharvas, parents et en-
voyés d'Açvaganda, qui demandent la remise entre leurs
mains de Svayamprabhâ ou de la tête de Divistha. Celui-ci, à
ces paroles insolentes, entre en fureur et chasse les mes-
— 320 —
sagers. Açvaganda, de plus en plus irrité, envoie sur la
terre les armées alliées, avec ordre de tuer Jati, Divistha et
tous les autres « rebelles ». Les armées descendent sur la
terre et en viennent aux prises avec Jati et les siens ; le
combat est long et acharné, le sang coule à flots, les ca-
davres couvrent le sol ; enfin les Vidyâdharas sont mis en
fuite. Açvaganda envoie de nouvelles troupes, des soldats
d'élite; la bataille reprend plus violemment que jamais, et les
chefs des deux partis en viennent aux mains ; la victoire
reste encore aux habitants de la terre. On poursuit les vaincus .
Divistha chevauche dans les airs le milan Garuda, et
maniant les propres armes de Vichnou, met à mort Açva-
ganda, ses frères et ses derniers partisans. Les Vidyâdharas
s'humilient devant lui. Il montre à toussa puissance et se
révèle comme étant Vâçudêva, en arrachant une montagne
tout entière et en la replaçant sur sa base. Il remplace par
des amis les rois tués dans la bataille; il donne à son beau-
père TEmpire des Vidyâdharas et revient se reposer auprès de
son épouse chérie Svayamprabhâ.
ChantX. — Svayamvara. — Leur bonheur fut sans mélange
et sans trouble. Leur vie se passait dans les plaisirs, les jeux
et les délices. Divistha, suivant l'usage, avait pris d'ailleurs
un nombre considérabled'épouses secondaires. Svayamprabhâ
lui donna deux enfants: un fils qu'on appela Vidjaya, et une
fille plus jeune de cinq ans, Djyôtimâlâ ; ces enfants of-
frirent en eux la réunion de toutes les perfections ; leur nais-
sance fut l'occasion de réjouissances générales. En même
temps, dans le monde des Vidyâdhara, la femme d'Arkakîrti,
Djyôtimâlâ, mettait au monde deux enfants, un garçon
Amrtadéça et une fille Sutârâ. Ces enfants grandirent et les
jeunes filles devinrent nubiles. Pour marier convenable-
ment les jeunes princesses, on organisa deux svayamvaras,
et il se trouva que les deux cousines choisirent leurs
— 321 —
cousins germains. On maria donc Vidjaya avec Sutârâ et
Amrtadêça avec Djyôtimâlâ ; ces derniers remontèrent au
pays des Vidyâdharas, tandis que les premiers demeurèrent à
Bôdhana. La prospérité continua à régner sur la terre et dans
le ciel.
Chant XI. — Renoncement. — Le roi Pradjâpati, dont
le bonheur était égal à celui qu'on éprouve dans le monde
d'Indra, voyant tout prospérer autour de lui, se dit que cette
situation agréable ne pourrait être que le résultat des bonnes
actions de ses vies passées : « Il est nécessaire par conséquent
que j'acquière de nouveaux mérites,» dit-il, et il réunit ses
ministres pour leur faire part de ses intentions. Il se rend
processionnellement au temple d'Arhat où le dieu suprême
s'est incarné en un ascète plein de science, qui enseigne au
roi la voie de la certitude, le moyen d'éviter la renaissance,
et qui l'éclairé sur la nature des quatre sortes d'êtres : gens
des mondes inférieurs, animaux, hommes et dieux. Le roi
et ses ministres prennent définitivement la résolution de se
retirer du monde.
Chant XII. — Libération. — Pradjâpati fait part de son
dessein à ses fils et leur laisse le pouvoir. Suivi par ses mi-
nistres, par ses courtisans et par ses femmes, il renonce à
tout l'appareil royal et se voue à l'acétisme absolu. Suivant
les instructions du sage des sages, il dompte ses cinq sens,
triomphe de l'amour et des autres grandes fautes, et obtient
le bonheur infini « en s'unissant à la vierge suprême qui est
la libération ».
Je vais maintenant traduire textuellement quelques pas-
sages caractéristiques du poème.
INVOCATION
Ceux qui adorent prosternés les pieds de l'essence lumi-
22
— 322 —
neuse qui se tient brillante au sommet de tout chasseront
l'activité, car leur intelligence étendue n'aurait pas suffi à
les débarrasser de la masse infinie des actions victorieuses.
PRÉFACE
1. Je me propose de raconter ici l'histoire du grand prince
aux yeux brillants qui mit en pièces le lion formidable aux
yeux furieux, aux jours anciens où celui qui était comme un
joyau splendide pour le monde vint adorer les deux pieds
illustres qui détruisent la violente activité.
2. J'ai composé du tamoul avec une affection abondante
pour dire les qualités du grand prince qui brandit le disque
puissant ; s'il y a dans mon récit quelques fautes, c'est que
ceux qui sont grands par leur science sont seuls exempts
de faiblesses.
3. Quoiqu'on ait dit que ma langue avait commis de
grandes fautes, il a été reçu dans l'assemblée des sages où
figuraient les princes sacrés à la guirlande mielleuse et à la
lance glorieuse, le chef du tamoul pur qui s'appelle Sêndan,
le roi dont la poitrine porte un magnifique ornement.
4. Mes fautes dans mon projet de dire les aventures du
grand prince aux yeux ardents ne sont plus des fautes aux
yeux des sages ; il y a des gens qui saluent de la mainles
taches même de la lune lorsqu'elle se lève dans le vaste ciel
pour dissiper les ténèbres.
5. J'ai suivi la marche du récit dans lepurâna aux belles
paroles qui a pour sujet la fille du roi à la couronne par-
fumée, empereur des Vidyâdharas. la femme aux pieds ornés
de bracelets et tendres comme le coton, la princesse qui res-
semblait à un rameau de vandji [Menispermum cordifoUum)
plein de fleurs.
— 323
CHANT II
24. Mais ses déesses qui avaient apparu pour illustrer les
races des rois qui dressent le makara, aux seins miirs qui se
gonflent et inspirent de la pitié pour la taille prête à se
rompre, aux bijoux superbes,
25. Plus cruelles que la famine, aux vastes pubis, aux tailles
fatiguées sous le poids des jeunes seins ornés de poudres
brillantes, femmes semblables à des rameaux qui s'agitent,
avaient des fleurs en bouquets splendides ;
26. Épanouies pour l'amour, avecleur chasteté rayonnante,
leurs chevelures sombres qui pendaient bien adaptées à leur
beauté, leurs bras brillants qui s'agitaient comme une vapeur
légère, leurs yeux de glaives ardents et troublants sous leur
parure parfumée,
27. Elles étaient mille, mais les principales déesses, dont
la beauté était vraiment descendue du vaste ciel, étaient au
nombre de deux ; on ne pouvait en parler sans dire qu'elles
étaient des reines divines pareilles à de rouges nénuphars
magnifiques :
28. La première déesse, Mrgâpati, aux vastes seins arrondis
et gonflés, aux douces paroles qui humilient l'épouse du roi
des armées, mer agitée et bruyante, qui semblait un mélange
de miel, de sucre et de délicieuse ambroisie, et sa sœur à la
chasteté sans égale qui s'appelait Çaçî et qui était pareille à
la divinité de ce nom.
29. Ces femmes aux chevelures parfumées brillaient
comme un tilaka parmi toutes les femmes aux beaux bijoux,
semblables à des bouquets de fleurs d'or ; c'étaient comme
deux açôka féconds qui s'épanouissent et produisent des
perles magnifiques à la saison vasanta.
— 324 —
30. Toutes deux étaient chères au roi et ne faisaient qu'une
seule dans son cœur; elles lui étaient comme une seule déesse
de la félicité toujours favorable, par leur babil charmant,
par leur amour renouvelé chaque jour, par leur beauté re-
doutable aux dieux.
CHANT V
125. Au moment oîi le roi dont la gloire rayonnait montait
brillamment au palais splendide et agréable, l'astre aux
rayons joyeux qui jette partout sa lumière en répandant la
chaleur arrivait au milieu de sa course.
126. Les douces cannes à sucre aux yeux abondants
faisaient autant de bruit que les blanches perles des belles
qui mâchent le bétel gracieuxqu'ont préparé leurs mains ;les
abeilles quittaient la place et les coquillages bruissaient
avec les rameaux.
127. Dans l'enceinte divine abondaient, avec lafête joyeuse
des chants, les drapeaux marquant l'endroit du sacrifice, les
sandals parfumés, les guirlandes pleines d'un miel abondant
où bourdonnaient les essaims bruyants des abeilles.
128. Pendant que les jeunes belles se baignaient dans les
eaux des étangs où se produisent les vertes émeraudes et des
lacs où fleurissent les nénuphars couverts de gouttes d'eau,
les abeilles se confondaient avec les pétales des fleurs qu'elles
déchiraient et jetaient autour d'elles.
129. L'eau des rivières où les nénuphars tombent en pous-
sière luttait avec les seins des belles, et dans les étangs s'en
allaient les poudres odoriférantes mélangées du safran et du
sandal dentelles se décoraient.
130. Les nymphœas qui croissent dans les beaux lacs
couvraient de leurs pétales les digues et embellissaient le lac;
les seins, les bouches et les chevelures des belles brillaient
— 325 -
au milieu des fleurs comme la face resplendissante de la
lune.
131. Les belles filles se plongeant dans l'eau abondante des
étangs, avec leurs yeux rouges dont les poudres colorantes
étaient enlevées, se baissaient en se lançant des pétales des
nénuphars qui les cachaient aux regards de leurs mères.
132. Les gouttes d'eau parfumées de sandal sautaient en
l'air, les éventails s'y agitaient et l'eau en retombait en pluie,
tandis qu'elles s'amusaient à jeter des fleurs de nénuphars
sur le sable humide des tentes.
133. Celles qui ressemblaient à des lianes précieuses et
brillantes comme des miroirs ornés de pierres précieuses,
couvraient de fleurs les sièges déjà décorés des fruits magni-
fiques du lotus.
134. Au moment oîi le soleil était au milieu de sa course,
à l'heure déterminée par les sages habiles dans la lecture des
livres sur la science du temps, on vint louer intelligemment
les pieds du roi et le reste.
135. Les femmesaux seins magnifiques pénétrèrenten chan-
tant dans le palais du roi plein de grâces ; au bruit agréable
des instruments de musique harmonieux, le prince, orné
d'une belle guirlande de fleurs, prit une nourriture ex-
cellente.
136. Le prince, dont le corps était orné de bijoux éclatants
qui portait une guirlande de fleurs de jasmins épanouies, avec
son collier de fleurs mielleuses, s'en alla dans la rue décorée
de fleurs fraîches aux pétales ravissants.
137. Ses anneaux d'or et de pierres précieuses faisaient
du bruit, les abeilles et les bourdons se pressaient en mur-
murant sur sa guirlande aux fleurs accumulées, et à chaque
pas du roi, ses pendants d'oreille en forme de makara
lançaient de longs éclairs lumineux.
138. Les Vidyâdharas accomplis, avec leurs javelots
— 326 —
brillants sous l'enduit, les lances étincelantes qu'ils tenaient
à la main ainsi que leurs épées, les fourreaux qui se voyaient
à leurs côtés et les cuirasses qui les recouvraient, entouraient
de toute part le roi dont l'Empire était immense,
139. Salué de la main par les femmes aux paroles douces
comme le sucre, qui répandaient devant lui une pluie de
poudres parfumées et des fleurs où se pressaient les abeilles,
le prince à la guirlande de fleurs en boutons arriva gracieu-
sement à la large porte de l'ermitage du devin à la science
accomplie.
140. Le sage parfait prononça une bénédiction sur le roi,
en employant les paroles de bon augure et en disant : « Sois
toujours victorieux, ô notre roi aux fleurs mielleuses, qui
as daigné venir ici et qui rends notre race illustre ! »
141. Le roi se dirigea vers un siège superbe sous un por-
tique séparé, au bruit des abeilles qui se pressaient auprès du
miel qui coulait abondamment des fleurs dont le vent em-
portait au loin le parfum mêlé à la fumée odoriférante de
l'agalloche.
142. Après s'être assis gracieusement sous ce portique où
le miel coulait abondamment et qui ressemblait à un bouquet
de sandals aux fleurs épanouies, le prince aux bijoux
éclatants raconta longuement l'affaire de sa fille pendant
que les Vidyâdharas, comprenant la situation, s'éloi-
gnaient.
143. Après que le prince qui portait un bracelet d'oii
partaient d'ardents éclairs, dont les bras semblables à une
masse de palmiers étaient ornés de guirlandes de fleurs, lui
eut expliqué le trouble de son esprit, l'habile à la devination
réfléchit et prit la parole en ces termes ;
144. Le sage, dont la langue était versée dans l'explication
des livres vénérables parla ainsi, après avoir réfléchi lon-
guement à la destinée de la belle à la taille fatiguée, dont la
— 327 —
beauté est adorable comme celle d'une guirlande magnifique
dont les fleurs répandent un miel parfumé :
145. « Une beauté s'est rencontrée, passant à droite du roi
aux- guirlandes convenables à des belles, aux colliers
brillants de l'éclat de la blanche lune épanouie, comme une
lune terrestre ; si l'on songe à ce que ce pouvait être, c'était
la déesse de la fortune qui venait à ta rencontre.
146. » O toi dont l'épée fait connaître au loin la gloire,
.pourrais-je aujourd'hui dire, par la parole, tout le destin de
la belle délicate, à la taille mince comme l'éclair, aux beaux
seins ornés de bijoux d'or étincelants ?
147. » Dans la parole sainte qu^a dite aux jours primitifs
le Glorieux qui tient la roue rayonnante de la vertu, est in-
diqué clairement le héros destiné à cette jeune fille aux seins
superbes, aux cheveux parfumés de fleurs, qui ressemble àun
joyeux rameau. »
148. En entendant le sage parler avec précision du
bonheur réservé à cette jeune fille semblable à un paon, le
roi dont le corps brillait de sa prééminence, apparut joyeux
comme un de ces êtres pleins de vérité.
149. Il demanda : « Explique comment, dans la parole
sacrée du principe suprême qui préside aux destinées du
monde, il est question de ma fille, » et le sage lui exposa
l'antique histoire :
150. « Au milieu des trois mondes différents, sont les îles
dispersées dans les eaux immenses et le continent du Sind ;
les décrire une à une, en disant tous leurs noms, dépasserait
tous les nombres possibles.
151. » Ce cercle terrestre porte à son centre le haut mont
Mandara entouré tout autour de collines superbes ; il s'y
trouve de grands arbres naval aux frais rameaux qui se
penchent.
152. » Ce cercle terrestre est entouré de la vaste mer aux
— 328 —
ondes agitées, ô roi dont le javelot donne la mort, qui est
une des quatorze mers aux eaux montagneuses dont sont
coupées les sept divisions où courent les rivières originaires
des montagnes.
153. » Mais, dans ce cercle, il y a deux parties qui se sont
produites dans la suite des âges; parmi ces deux parties, celle
du sud, ô toi dont la louange est difficile à faire, est le Bha-
ratakhanda.
154. » C'est la terre bienheureuse oîi sont les bois magni-
fiques de kalpakas et où abondent les pierres précieuses ; là,
lorsque trois âges se furent accomplis, au retour de l'âge
nouveau, apparut Brahmâ.
155. » Il créa là le soleil aux rayons ardents, l'astre aux
frais rayons et tous les autres organismes ; et c'est ainsi que
se passa ce temps heureux, cercle immense de créations.
156. » A la fin du troisième âge, comme plusieurs douleurs
détruisaient les divers êtres, notre Seigneur apparut, roue
antique de la vertu, principe éclatant de lumière, qui s'étendit
dans les sept mondes.
157. » Aux pieds nus de notre Seigneur qui prodiguait les
grâces et qui était le principe de la roue de la vertu, le
monde se prosternait demandant la protection de sa grâce,
pour obtenir le bonheur par la destruction de la noire obscu-
rité.
158. » On l'appelait le seigneur à la parole sainte et excel-
lente, le vertueux inaccessible aux sens et à leurs organes,
l'auteur des qualités, des races et de la voie qui chasse la
faim destructrice des infortunés.
159. » Alors, pendant que s'épanouissait sa sainte grâce, il
y eut un roi du monde qu'entoure l'océan aux flots qui se
gonflent, un prince au large parasol dressé, qu'on nommait
Bharata au javelot éclatant comme le soleil supérieur.
160. » Il gouvernait le monde en y faisant adorer notre
— 329 —
Seigneur. Ce Bharata au bras renommé pour sa force, aux
éléphants dont le front est orné d'un chaperon, vint adorer
et louer les pieds roses du chef des temps, en lui offrant des
fleurs épanonies.
161. )) Adorant sa couronne ornée de pierres précieuses
éclatantes, le roi l'interrogea sur l'avenir, et le prince ré-
pondit, par une voix qui retentit dans les nuages amoncelés
d'où tombe une pluie d'ambroisie au fond du ciel tremblant
d'effroi :
162. )) Il y aura vingt-quatre seigneurs dont je suis le pre-
mier, deux fois six monarques dont tu es le premier ; quant
aux sauveurs, depuis les plus anciens, il n'y en aura que
neuf, et il n'y en aura que neuf incarnations.
163. » 0 roi ! ton fils Marîtchi possédera Bhôdana qui
est entourée de remparts d'or brillants; delà race de ce guerrier
au javelot meurtrier, aux anneaux superbes, apparaîtra un
prince qui sera le premier de ces sauveurs incarnés .
164. » Si l'on veut savoir ce que fera ce sauveur pour une
vierge plus belle que la pure montagne blanche, ce juste
prendra l'âme d'Açvagrîva et le disque vainqueur.
165. » Divistha s'avancera avec son armée, océan de chars
superbes, et deviendra le seigneur du cercle terrestre brillant
et vertueux, ô Bharata que loue toute la terre ! » Ainsi parla
le dieu des dieux, à la parole sainte et magnifique.
166. « Lecommencement,lafinetle milieu m'appartiennent,
ainsi que la propriété du monde aux eaux agitées 1 » dit-il,
et il combla de joie le roi des rois aux javelots meurtriers ; ô
toi qui portes une guirlande de fleurs, tel est le récit ancien !
167. « Ce jeune héros aux bras glorieux et robustes comme
leroc, annoncédans le livre antique, a quitté le ciel lumineux
et a apparu joyeusement sur la terre qu'entourent les eaux
qui se gonflent.
168. » Ce bienfaiteur est le plus jeune des deux fils du
~ 330 —
prince dont les bras sont faits pour la lutte et qui porte des
anneaux superbes, celui qui possède Bôdhana aux remparts
d'or dans le pays prospère de Surami .
169. » Pour s'unir à la poitrine divine de ce prince à la
guirlande de fleurs mielleuses qui est venu caché sous un
corps humain pour protéger la terre boisée aux eaux abon-
dantes, ta fille seule convient !
170. » Quand lu la lui auras donnée, il tuera l'orgueilleux
qui aura pris l'empire, et par sa fortune constante il te don-
nera deux princijjautés ! » 11 dit, et le roi ressentit une joie
immense.
171. « A ce que je viens de te dire sur le prince à la guir-
lande de fleurs mielleuses, s "applique le signe suivant: dans
un jour lunaire d'ici, Divistha déchirera la gueule d'un lion.
Sache-le, » ajouta-t-il.
172. A ces mots du prophète, le roi plein de gloire fut
plongé dans une joie sans pareille, et il couronûa celui qui
ne clignait jamais des yeux d'une belle guirlande de fleurs
toujours fraîches,
173 . Et il lui donna à gouverner le pays fertile et fécond
de Djyôlimâlâ, arrosé par les eaux abondantes de la pluie
d'or qui tombe du ciel où sont tous les trésors sortis de l'océan
décrit dans le livre de la déesse qui préside aux deux mondes.
174. Le roi s'en alla alors et se rendit, comme le soleil se
couchait, au palais de Vâyuvêgâ ; et faisant connaître à la
femme dont la démarche était gracieuse comme celle d'un
cygne la grandeur de leur fille et la suite des événements, il
lui dit :
175. « Un bosquet oîi n'abondent pas les jeunes fleurs, un
étang où ne sourient pas les jeunes fleurs du lotus, une nuit
où le ciel n'est pas orné du jeune croissant, une maison où il
n'y a pas d'enfants, se ressemblent.
176. » La famille apparaît florissante comme le précieux
— 331 —
kalpaka : le chef en est la tige, Tépouse qui pratique ferme-
ment la vertu en représente les rameaux, les beaux enfants
en sont les boutons de fleurs et les anciens y sont les abeilles.
177. » Il est facile d'obtenir, avec des éléphants à la trompe
creuse et à la longue tête ornée d'un bandeau, de l'or et des
pierres précieuses; mais, sur cette terreaux eaux profondes,
il est difficile aux femmes d'avoir des enfants qui prospèrent
par leur grandeur.
178. » Une lumière, même seule dans une lampe, suffira à
éclairer une maison, brisant les chaînes de l'abondante obscu-
rité; ô toi dont les bijoux superbes ont des pierres précieuses
o\x ne se pose aucune poussière, une fille suffit pour remplir
les divers points cardinaux.
179. » La grosse perle qui est née dans le sein d'un coquil-
lage dont les spirales vont adroite est un objet très précieux;
ô toi qui ressembles à un paon magnifique qu'on admire, le
rameau fleuri que tu as produit sera beau pour tous ceux
qui ont des rapports avec notre famille.
180. » Oubliant la parole qui compare celles qui n'ont pas
d'enfants à un arbre (sec), tu es devenue une fortune sem-
blable au ciel rouge, le jour oià est né ce jeune croissant qui
éclairele ciel et fait sourire l'eau.
181. » Détruisant la vaste activité, ta fille, comme la déesse
d'or, comme la déesse de la fleur, sera demain, pour le dieu
brillant, de l'ambroisie et une divinité! Ainsi a parlé claire-
ment le prophète qui connaît le livre sacré. »
182. A ces paroles du héros dont les éléphants mâles sont
pleins d'ardeur, celle qui portait une guirlande de fleurs
sur sa chevelure épaisse fut au comble delà joie; retenant
son sourire qui allait s'épanouir en perles brillantes, elle se
proterna et dit :
183. «0 roi des rois à la couronne ornée de pierres pré-
cieuses et d'or! cette jeune vierge a été favorisée par ta grâce ;
— 332 —
s'ils n'obtiennent pas la grâce des rois, leurs enfants ne sau-
raient obtenir la moindre grandeur.
184. » C'est parla grâce de votre seigneurie aux anneaux
retentissants qui luttent avec les joyaux fleuris des rois dont
les éléphants caressent leurs femelles, que cette belle à la
chevelure parfumée, à la démarche délicate, a obtenu sa
beauté. »
185 . Le roi à la couronne ornée de pierres précieuses fut
réjoui par les douces paroles mielleuses de sa vertueuse
épouse, et il reposa là, au détriment de la guirlande aux fleurs
parfumées, pressant sur sa poitrine les seins magnifiques de
la belle.
186. Le lendemain, le prince dont la large main brandit
l'épée meurtrière, fit appeler son fils et ses ministres et leur
dit : « J'ai pensé d'abord ceci, puis voici l'histoire que m'a
contée le sage qui a étudié les livres antiques. »
187. Lorsque le roi à la gloire immuable leur eut dit la
fortune heureuse de sa fille aux seins gonflés et les qualités
du prince de la couleur des nuages qui lui était destiné, les
hommes éminents furent remplis de joie et dirent :
188. « Nous n'avons aucun doute que la jeune fille à la
longue chevelure soit une divinité, ô roi dont la lance est
ardente! Il convient de préparer et d'envoyer un message
au père de ce Divistha, roi dont la lance est impétueuse !
189. » Il y a un homme instruit, dont la parole sait ré-
pondre ce qu'il faut aux objections que conçoit un homme
instruit; c'est Marîtchi. Nous (conseillons de) l'envoyer, car
il saura lui exposer les questions de race et les autres . »
190. A ces paroles d'un ministre expérimenté, le roi dit :
« Faites venir le vaillant généreux. » Et il lui remit une lettre
sacrée qu'il écrivit avec soin. Le messager se prosterna aux
pieds ornés d'anneaux du grand roi.
191. Sur l'ordre du monarque, Marîtchi prit son chemin
— 333 —
dans les nuages amoncelés qui remplissent d'éclairs le vaste
ciel, et il descendit dans un bosquet qui était en dehors delà
ville d'or qu'entoure le pays fertile de Surami.
192. Comme il entrait dans le bosquet abondamment fleuri
qu'on appelait le grand massif de fleurs nouvelles, les abeilles
y bourdonnaient ardentes en s'unissant aux fleurs dressées
et jonchant le sol de pétales mielleux.
CHANT VII
120. Les messagers craignant d'aller saluer les anneaux
brillants de leur roi, virent Haridmandju qui pouvait réflé-
chir sur ce qu'il convenait de faire et lui racontèrent leur
visite au roi plein de gloire, les dons qu'il leur avait faits :
trésors, troupes de femmes aux démarches de paon,
121. Puis l'arrivée des jeunes princes, le rire méprisant du
héros aux yeux ardents et sa colère enflammée, ainsi que
toutes les paroles qu'il avait adressées aux porteurs de lances
brillantes; ils dirent tout cela au ministre dont les pendants
d'oreilles étincelaient.
122. Quand Harimandju, l'heureux qui avait acquis la
science difficile à obtenir, entendit ce récit, il pensa : a S'il
apprend ce grand affront, le souverain ne pourra pas le sup-
porter un seul moment; comment supprimer ce grand en-
nemi ? » Et l'habile, dont la poitrine portait une guirlande
où bruissaient les abeilles, s^absorba dans sa méditation.
123. « Le prince aux joyaux brillants n'est pas encore dé-
veloppé et, par sa jeunesse, il n'a pas encore la connaissance
exacte de ce qui est vrai et de ce qui est faux; je vais ha-
bilement lui faire voir une illusion, et je le ferai prendre
par un lion qui est dans la montagne, sur lequel il s'élancera
impétueusement. »
124. Après avoir combiné ceci dans son esprit, il appela le
— 334 -
Vidyâdhara décoré d'un bel ornement qui portait le nom de
Harikêtu, et racontant à ce guerrier aux bras de roc toute
l'affaire, il lui prescrivit de se transformer en, un faux lion.
125. Le cruel prit aussitôt la forme d'un lion à la crinière
ondulée comme la flamme qui court allumée, aux ongles
puissants qui déchirent les entrailles de la montagne, aux
défenses recourbées comme la lune au commencement de
son voyage, aux yeux ardents, à la gueule large et d'où
sortait une voix de tonnerre; et il partit.
126. Il arriva au delà de l'Himalaya, bordé par le feuillage
épais des bois, pénétra dans le pays de l'Inde dont les guer-
riers ont des bras robustes comme des rocs, et se mit à rugir ;
les montagnes se déchiraient et tremblaient, la terre se bou-
leversait, le triple océan mélangeait ses ondes et le ciel
s'agitait.
127. Les forêts tombaient réduites en poussière, les ani-
maux tombaient pêle-mêle, les éléphants et leurs femelles
épouvantés poussaient des cris de douleur, les écluses s'écra-
saient comme la paille broyée sous Tenclume, et les hommes
s'affaissaient tous grinçant des dents à ce bruit terrible.
128. Après l'avoir vu ainsi transformé, le ministre s'adressa
aux messagers qui lui avaient rapporté ce qui s'était passé
avec exactitude, les envoya instruire le jeune héros ardent à la
lutte et armé des armes victorieuses, en leur disant : w Infor-
mez-le de tout ceci I »
129. Alors, les messagers, prenant la voie des nuages re-
tentissants, descendirent et se rendirent à l'endroit où se pro-
menaient, entourés de leurs armées formidables, les princes
aux bijoux ornés de pierres précieuses brillantes, aux an-
neaux sonores, fils du roi de Bôdhana célèbre par ses bos-
quets fleuris, et dirent :
130. « Quand nous lui avons rapporté le refus du tribut,
la reprise des objets préparés pour le tribut, et les invectives
— 335 -
que tu nous as adressées, ô prince, en disant : « C'est mal ! »
notre roi dont la large main est armée du disque, qui a de
beaux anneaux sonores et dont la chevelure est parfumée, a
.souri en disant : a C'est bien ! c'est bien 1 »
131. «Après qu'il eut appris de notre bouche que tu étais un
jeune prince portant un collier de fleurs mielleuses, notre sei-
gneur a songé à sa force considérable et à ce qu'il se doit à
lui-même; il a dit dans sa bienveillance : « C'est un enfant, »
et il a calmé sa colère.
132. )) Ce jeune présomptueux qui s'est aventuré à reprendre
le tribut qui nous avait été donné devra détruire un lion de-
meurant dans les grottes de la montagne fendue, où il rugit
comme le tonnerre accompagné d'éclairs pour détruire ce
pays célèbre dont l'obtention a été difficile ! »
133. » Il a dit cela, et ajoutant: « Allez le lui dire, » il
nous a expédiés ici. » En leur entendant dire ces paroles, le
jeune prince s'écria : « Quoi! est-il possible que dans notre
pays il y ait un lion cruel, meurtrier, menaçant les existences,
rugissant et détruisant tout ? »
134. » Il existe, salut! dans le beau pays de l'Inde aux
eaux bruyantes, difficile à détruire par qui que soit, dans la
montagne immense, il existe ce lion qui rugit comme le
tonnerre; il habite, ô seigneur, dans une grotte incommensu-
rable et il dévore tous les êtres, » répondit-on.
135. » Soit, dit-il, mais je déchirerai sa gueule large
comme les grottes de la montagne pénible et je romprai son
corps en deux morceaux! Si je ne réussis pas à le faire, que
je sois l'enfant diabolique dont parlait votre roi ! »
136. Il s'écria, brandissant son trident : « Que les éléphants
de combat, avec leurs défenses aux pointes puissantes et
leurs trompes creuses rentrent dans leurs demeures et restent
enflammés à regarder dans l'ombre ! que les guerriers dont
la tête ne s'affaisse pas devant les armes menaçantes qui
arrivent ardentes se retirent !
— 336 —
137. » Que les chars élevés ornés de pierreries traînés par
des coursiers superbes, que les fantassins, que les chevaux
aux fronts ornés de voilettes, rentrent dans leurs séjours
d'attente, que personne ne s'aventure à venir avec moi et
qu'on se retire! » dit le prince dont la couleur était celle du
magnifique océan, de façon à faire s'éloigner tous ses servi-
teurs.
138. Comme après avoir éloigné les gens bruyants de la
ville, le prince qui avait la couleur de la mer bruyante aux
ondes fraîches s'éloignait, (son frère) connaissant la mon-
tagne et qui avait la couleur des coquillages de la mer pois-
sonneuse s'efforça de suivre le héros qui porte la fortune sur
sa poitrine.
139. Les pieds ornés d'anneaux, qui avaient l'habitude de
tirer sur la corde attachée au cou des éléphants robustes à
la trompe creuse, s'enfonçaient dans la poussière ardente qui
recouvrait la route au milieu de la montagne noire; ils ar-
rivèrent ainsi à la recherche du lion qui tuait les travailleurs.
140. En voyant arriver les héros, le lion à la crinière ar-
dente se mit en colère et poussa un rugissement: ce fut comme
le tonnerre qui éclate; les montagnes fendues s'écroulèrent,
les dalles de pierre se brisèrent et tombèrent en poussière
roulant en débris.
141. Le héros, qui avait la couleur du noir nuage fulgu-
rant, attacha ses anneaux de jambes, assujettit à ses bras ses
bracelets étincelants, tressa sa chevelure bouclée que déco-
raient des pierres précieuses et poussa un grand cri ; le lion
en fut effrayé.
142. Celui qui avait pris la forme d'un lion aux yeux verts
s'éloigna, brisant la montagne et y détruisant les routes, en
se demandant : « Oîi aller? )> le prince vaillant, noir, et aux
yeux ardents, le poursuivit rapidement: la mort aux yeux
terribles, les points cardinaux et le ciel tremblaient.
— 337 —
143. Les anneaux ne faisaient plus de bruit, car les pieds
se hâtaient ne touchant pas le sol; les mains, ornées de
bracelets éclatants, ne se rejoignaient plus; les cheveux, les
tresses, les guirlandes, les colliers se dressaient et ne tou-
chaient plus ni les bras ni le cou.
144. Les arbres s'arrachaient avec leurs racines ; comme
emportés par un vent violent, les cerfs bigarrés et les oiseaux
jonchaient le sol tremblants ; les doigts du héros dont les
bras avaient la dureté des pics formant le sommet des mon-
tagnes caverneuses et d^oià roulent les rochers s'écartaient
violemment.
145. Les nuages s'amoncelaient et couvraient tout; les
dalle-s de pierres se brisaient avec un bruit formidable les unes
sur les autres ; les divinités des bois dansaient rafraîchies;
celui qui avait pris la forme d'un lion fuyait éperdu •' il dis-
parut dans l'intérieur d'une caverne de la montagne bril-
lante.
146. Le tremblement du sol et l'agitation de la montagne
élevée, causée par la course rapide du jeune prince, dont les
épaules fortes comme des rochers énormes étaient ornées de
guirlandes superbes et dont la gloire s'accroissait de jour en
jour, tirèrent de son sommeil un lion royal qui habitait dans
cette grotte.
147. Écumant, le prince se tint à l'entrée de la caverne pro-
fonde et s'écria: « Salut! tu t'es caché dans la grotte pleine
d'obscurité! je vais déchirer cette montagne immense! » et
la montagne, ouvrant sa bouche immense, répéta ce cri au
loin.
148. A ce bruit formidable, le lion rendu furieux grinça
des dents ; dans ses yeux ardents s'alluma la flamme de la
colère; plein de rage, il s'élança rugissant, mais la montagne
se déchira.
149. Les deux yeux enflammés et les dents brillantes et
23
— :^88 —
blanches de ce lion à la queue épaisse, aux ongles acérés, à
la gueule monstrueuse capable d'absorber tout ce qui était
dans la montagne, suffirent à chasser toute l'obscurité. Alors,
ce monstre se leva.
150. Cet animal robuste, loué pour sa grande force et tel
qu'on pouvait dire qu'il était capable de détruire le monde
qui le supportait par ses qualités apparentes s'élança vers le
prince ; les habitants de l'air plein de rosée firent tomber
une pluie légère.
151. Comme le lion se levait pour s'élancer rampant sur
sa poitrine, la déchirer et en boire le sang, il sauta sur sa
crinière et le saisit de ses larges mains au milieu de ses mâ-
choires recourbées ; puis, le lion à la force considérable se
coucha déchiré, la gueule fendue.
152. Les immortels, stupéfaits, demeurèrent là, mettant
chacun un doigt sur leur bouche en disant : « Celui-ci vient en
un instant de mettre en pièces un lion terrible qui avait la
force de mille fois mille animaux féroces, plus fort que mille
lions furieux. »
CHANT XII
59. Les dieux bienfaisants et destructeurs s'étant retirés
chacun de son côté, le héros, sans s'arrêter aux points car-
dinaux, s'éleva, parla lumière de la certitude qui montre au
sens intime la vérité, au-dessus de tous les mondes des dieux
et devint un Sùlâmarii pour Tunivers.
60. L'activité pénible s'éloignait, les dieux se retiraient de
plus en plus, le roi Pradjâpati gouvernait le monde de Brahmâ.
Cependant le prince noir, dont la large main rouge comme le
lotus brandissait le disque sacré de Vichnu, gouvernait la
terre entourée par l'océan.'
61. Il gouvernait^ recevant les hommages des rois, bran-
— 339 —
dissantla lance de Vichnu, étendant doucement son sceptre
sur toute la terre que revêt l'océan aux ondes agitées et que
protègent les dieux, pendant que son père gouvernait belle-
ment le monde qui lui convenait.
62. Celui qui a la couleur des coquillages en spirales en-
roulées à droite et celui dont les fortes épaules sont célèbres
et dont le corps a la couleur du triple océan poissonneux,
étaient vénérés par tout le monde. Les hommes orga-
nisaient des fêtes eu l'honneur des pieds de lotus roses du
prince de Vaçàka qui a vaincu l'activité, et leur bonheur allait
augmentant de jour en jour.
Julien ViNsoN.
A]ial3'se des formes verbales de TÉvang-ile de
S. Marc, traduit en basque par Jean de
Liçarrag^ue (1571).
DRAVZQUIAN. 1. Ind: prés: s. 3« r. pi: r. i. s.
2*^ pers: adr: masc : avec à euph : pour c devant ii
oonj : aux : act.
5. 19... cein gauça handiac launac eguin drauz-
quiàn, . . . combien grandes choses le Seigneur
t'a faites,
DRAYZQUIÇVET. 1. Ind: prés : s. l^r. s. r. i. pi:
2^ pers : aux : act :
13. 23, ... Hunâ, aitzinetic erran drauzquiçuet
gauça guciac. ... : voici, ie vous ay tout prédit.
DRAVÇVE. 3. Ind: prés: s. 3« r. s. r. i. pi:
2° pers : aux: act :
10. 3..., Ger manatu draaçue Moysesec ? ...,
Qu'est-ce que Moyse vous a commandé ?
10. 5..., Çuen bihotzeco gogortassunagatic scri-
BATU drauçue manamendu hori. ..., Il vous a
escritce commandement pour la durté de vostre
cœur :
14. 15. Eta harc eracutsiren drauçue gambera
handibat paratua eta appaindua^: ... Et il vous
1 . Is this from appanarc under the influence of pannus-cloth?
Quand il s"agit d'orner et dresser une table, comme c 14, vv. 15
et 16, les idées de panis et de pannus se confondent.
— 341 —
monstrera vne grande chambre ornée «k pré-
parée : (à remarquer L, ne dit pas : gambera pa-
rata eta appaindu handibat).
DRAVÇVEDANA. 1. I. q. drauçuet avec da eiiph:
pour t et n rel : accus : décl : accus :
13. 37. Eta çuey erraiten drauçuedana. Et [iia
= ce que) ce que ie vous di,
DRAYÇVEN. 1. I. q. drauçue avec n conj : régi par
becala.
16. 7..., ERRAN drauçuen beçala. ..., comme il
vous a dit.
DRAVÇVET. 11. Ind : prés: s. !« r. s. r. i. pi :
2® pers : aux : act :
3. 28. Eguiaz erraiten drauçuet^ le vous di en
vérité,
9. 1..., Eguiaz ERRAITEN drauçuet, ..., le vous di
en vérité
9. 13. Baina erraiten drauçuet Mais ie vous di,
10. 15. Eguiaz erraiten drauçuet, le vous di en
vérité,
11. 23. Eguiaz erraiten drauçuet, le vous di en
vérité
11. 24. Halacotz erraiten drauçuet. Pourtant ie
vous di,
11. 29. . ., eta erranen drauçuet ... : adonc ie vous
diray
13. 30. Eguiaz erraiten drauçuet, le vous di en
vérité
14. 9. Eguiaz erraiten drauçuet, le vous di en
vérité
— 342 —
14. 18..., Eguiaz erraiten drauçuel^ ..., levons
di en vérité
DV, 35. Ind: prés: s. 3® r. s. verbe poss : & aux:
act :
2. 16..., Cergatic publicanoequin eta vicitze
gaichtotacoequin iaten du eta edaten ? ...,
Pourquoy mange-il & boit auec les peagers &
mal-viuans ? (On a omis ce ?)
3. 26.. . , baina fin DU. . . . , mais prend fin.
3. 27... : eta ordiian haren etchea pillaturen du.
... : & adonc il pillera sa maison.
3. 30..., Spiritu satsua du. ..., Il a l'esprit im-
monde.
4. 14, Ereilleac hitza ereiten du. Le semeur
semé la parole.
4. 15. ..., eta kencen du...^ & oste la(cf: le Grec
KENOS) .
4. 23. Baldin nehorc ençutego beharriric badu,
Si aucun a aureilles pour ouir,
4. 28. Ecen bere buruz lurrac fructu ekarten du,
behin belhar ^_, guero buru, guero ogui bihi
1. M. R. Williams in his Lexicon Cornu- Britannicum
(London, 1865) mentions some Baskish words, but cadarn is
Welsh. He Says "Belers. m. Water-cress. Welsh bcrwr, berwg.
Ai'raorican bcler. Irish biolar, birur (one may add biorav).
Gaelic biolar, biorar. Manx burlcy ". Do thèse words come from
bir, bior, a Keltio word for water, or are they related to Baskish
belar? Under da A, 32, belliar is used of ail kinds of herbs. A
variant i'orm is bcdar (and 1 think bcrar), which makes one
thinkot be-belo 10 amà dur, the formative termination meaning
fréquenter of, dwellcr in. In the Biscayan of Arratia water-cress
îs belarr f/arra(^a= bitter-f/rass, and also borraJda.
— 343 —
belhea buruan. Car la terre de soy-mesme'
fructifie, premièrement l'herbe, après les espics,
& puis le plein froument en Tespic :
4. 29. ,.., bertan guieonac du eçarten iguiteyà :
. . ., soudain Vhomme met la faucille,
7. 6 Segurqui vngui prophetizatu vkan du
Esaiasec çueçaz hypocritoz^ Certainement Isaie
a bien prophetizé de vous autres hypocrites:
7. 10. Ecen Moysesec erran du. Car Moyse a dit
7, 16. Nehorc ençuteco beharriric bant . . . Si
aucun a aureilles pour ouir,
8. 2. ...: ecen ia hirur egun du...: car il y a
desia trois iours
8. 35. . . ., GALDUREN du hura : . . ., saluaturen du
hura, . . ., il la perdra : . . . , il la saunera.
8. 36. Ecen cer probelchu uu guiçonac, Car que
profitera-il à Thomme. . .?
8. 37. Edo cer emanen r/« guiçonac bere arimaren
recompensamendutan ? Ou que donnera riiomme
en recompense de son ame?
9. 21. . . ., Cembat dembora du. . .'? . . ., combien
y a-il de temps. . . ?
10. 11. . . ., adulterio iauquiten du haren contra,
. . ., il commet adultère contre elle.
1. Litt. : de o\i par sa tète, dans le Basque.
2. On remarque la répétition de la terminaison casuelle dans le
pronom et le nom qui le qualifie, craz k .;.
3. Ce du est un gallicisme. Avec l'accusatif pluriel hii-iw cf/un
il faut ditu. Si ces mots sont le nominatif passif, il faut dirado
= ils sont. C'est cette forme qui m'a donné des doutes sur la défi-
nition de cituaii. Aussi c. 9, v. 21, quel est le nominatif de du :^
L. a pensé en Français à ces endroits.
— 344 —
10. 12. ..., adulterio iauquiten fZ?/.,., elle com-
met adultère.
11. 3...: eta bertan hiira igorriren du hiina.
. . .: & incontinent il Teniioyera ici.
11. 31...: EURANEN du, (Haiitin a omis la virgule)
... : il dira,
12. 6. Oraino bada bere semé maitebat vkân eta,
hura-ere igorri vkaii du hetara azquenic, Or
ayant encore vn sien fils bien aimé, il le leur
enuoya aussi pour le dernier
12. 9. Ger eguinen du bada mahasti iabeac^ ?. . .,
eta EMANEN du mahastia berceri (à remarquer
que le verbe avec emaneii n'a pas sa forme da-
tivale. 11 faut corriger draue.) ... Que fera
donc le seigneur de la vigne ? . . . , & baillera
la vigne à d'autres.
12. 19..., eta vtzi badu emaztea, eta haourric
vTzi ezpac^i^, . . . , & ait laissé la femme, & n'ait
point laissé d'enfans,
12. 36. Ecen Dauid-ec berac erran du Spirilu
sainduaren inspirationez, Car Dauid luy-mesme
a dit par le sainct Esprit',
12. 37. Beraz Dauid-ec berac deitzen du hura
laun: Dauid donc luy-mesme l'appelle Seigneur,
12. 44. . ., baina hunec eman du bere paubreciatic
. . .: mais ceste-ci y a mis de sa poureté tout
13. 12. Orduan liuraturen du anayeac anayea
1. «The vineyard-master. » Cf. sous duçue, IL 17; « gaich-
taguin lece » = malefactor-cacern.
2. L. traduit « par inspiration du S. E. ".
— 345 —
heriotara, eta aitâc haourra : . . . Lors le frère
liurera son frère à mort,
14. 6. . .? obra ombat enegana eguin^ du. . . .Pelle
a fait vn bon acte entiers moy .
14. 8. Hiinec, . . eguin du: ... Elle a fait ce
15. 14. . . , Baina cer gaizqiii eguin du? . . . , Mais
quel mal a-il [sic] fait?
15. 35..., Hunâ, Elias deitzen <i«. ..., Voici, il
appelle Elie.
DVÂN. 2. 1. q. duc, verbe possessif avec « eupho-
nique pour c devant n conjonctif & rel :
6. 18... euri (pour eure) anayeren . emaztea
duAn. (Voyez eztuc 6, 18. Anayearen serait plus
régulier)... d'auoir la femme de ton frère.
11. 21..., Magistruâ, hunâ, /u'c mar.^dicatv duân
fîcotzea [n. rél: ace = que), Maistre voici le
figuier que tu as maudit
DVANA. 1. 1. q. duc, aux : act., avec a euph : pour
c devant ii rel : nom : décl : vocatif [nci =:o tu qui)
15. 29. .., He, templea OESEGUitEN eta hirur egunez
EDiFiCATZEN duauci . ..., Hc, qui desfaits le
temple, & en trois iours le redifies:
DVANA. 1. 1. q. le précédent avec n rel: accus:
décl : ace: ou nom : passif (/«« = ce que)
14. 36. . ., baina hic nahi duaiia. . , ., mais ce que
tu veux.
DVC. 13. Ind : prés: s. 3« adr : masc : verbe subst :
& aux :
1. L. renders à faire under diiela 11, 3 by bcharra; and under
dut/a 14, 63 by bchar.
— 346 —
5. 23. . ., Ene alabatchoa hurrenean duc: . . ., Ma
fillette est à l'extrémité :
5. 35. . ., Hire alabâ HiL<iwc, ..., Ta fille est morte,
6. 35. . ., Desertu duc leku gaur, eta ia berandua
duc:..., Ce lieu est désert, & est desia grande
heure :
7. 28..., Hala DUC launa : ..., Il est ainsi, Sei-
gneur,
9. 5. . . , on DUC , il est bon
9. 43. . . : hobe duc hire% ... : il te vaut mieux
9 . 45 ... , hobe duc hire, \ . . : il te vaut mieux
9. 47. . ., hobe duc hire^ . . .: il te vaut mieux
11. 21..., Magistruà, ... ficotzea eyhartu duc.
. . . , Maistre ... le figuier . . . est séché .
12. 29. ... Manamendu gucietaco lehena duc, (H.
a mis duc,) . . ., gure lainco launa, laun ba-
koitzbat duc. ..., Le premier de tous les coman-
demens est, ..., le Seigneur nostre Dieu est le
seul Seigneur. (L. traduit un seul.)
12. 30...: haur* duc lehen manamendua. (Ilautin
1. Pour ces trois génitifs dativaux liire voyez dil^^xKjati (9, 5)
& dilue (14, 36). Sous esta 10, 40, cne traduit à inorj.
2. Les Basques français d'aujourd'hui disent hua; ceux d'Es-
pagne au. Dans le livre le plus ancien en Guipuzcoan, le caté-
chisme de J. Ochoa de Arin (Saint-Sébastien, ou Donostian.
1713; n° 45 dans la Bibliographie de M. J. Vinson), on le trouve
sous les formes ah (e. g. pp. 6, 7, 31, 129, 133, 134, 135, 137,
138, 139, &c :) et auh {pp .' 10 et 13). De même de la racine (jau
il forme, p. 131, gaurcn = de nuits et f/anbean = dans la nuit.
De jaun on sl formé Jau-r-cf/i. En Biscayen,ya7(-/y6' dérive-t-il de
jaun ou bien est-il une forme régionale àejahc= maître ? Dans
ce, dialecte palais n'est pas Jauref/i mais jaubegi.
— 347 -
a mis duc.) . . . Gesluy-ct est le premier com-
mandement.
DVC. 10. Ind : prés: s. 2" r. s. adr: masc : aux :
act:
1. 40. . . ., Baldin nahi hsiduc..., Si tu veux,
5. 35..., cergatic fatigatzen duc Magistrua ? ...,
pourquoy trauailles-tu plus le Maistre?
10. 21.. . : eta vkanen duc thesaurbat ceruàn^ : ...,
&tu auras vn thresor au ciel :
10. 51 ... , Ger nahi duc. . . ? . . . , Que veux-tu
12. 14..., baina eguiazqui laincoaren bidea ira-
CASTEN duc : . . . , mais tu enseignes la voye de
Dieu en vérité.
12. 30. Onhetsiren duc bada eure lainco launa,
eta eure ahal guciaz: ... Parquoytu aimeras
le Seigneur ton Dieu..., & de toute ta force.
12. 31.. .. Onhetsiren duc eure hurcoa eure buruà
beçala: .... Tu aimeras ton prochain comme
toy-mesme :
12. 32 . . . , Magistrua, eguiazqui erran duc, ... :
Maistre, tu as bien dit la vérité, (L. traduit véri-
tablement au lieu de bien — la vérité . )
14. 12..., xNon NAHI duc. ..?..., Où veux-tu. . .?
14, 37. . .? orembat ecin veillatu duc? . . .? n'as-
tu peu veiller vne heure ?
1. M. le professeur E. Galtier, bascophile de Mont-de-Marsan,
m'a demandé pourquoi, si ccru vient de cœluin, il n'est point
kcrii. Dans les langues Scandinaves on a vu s/c passer en sh. Les
Basques ont dû emprunter cœliim quand on prononçait déjà cet
ou ciel en Français ; ciel en Toscan et Castillan ; ce-o en Portugais
et cd en Provençal.
— 348 —
DVÇVE. 18. Ind: prés: pi: 2® r. s. verbe poss : &
aux : act :
7. 8. Ecen laincoaren manamendiia vtziric, giii-
çonen ordenencâ eduquiten diiçue, hala nola,
cubén eta goporrén ikutzeac : eta hunelaco berce
gauçaric anhitz eguitrn duçue. Car en délaissant
le commandement de Dieu, vous retenez l'or-
donnance des hommes, comme lauemens de
pots & de hanaps : et faites beaucoup d'autres
choses semblables.
7. 9..., Vngui nombait iraizten duçue laincoaren
manamendua, ..., Vous reiettez bien le com-
mandement de DieUj
7. 13. ... : eta hunelaco berce gauçaric anhitz
EGuiTEN duçue. ... : & faites plusieurs autres
choses semblables.
8. 17.' ... ? oraino gogortua ^ ducue cuen bihotza.
... ? auez-vous encore vostre cœur eslourdi?
9. 50. ... cerçaz hura gacituren duçue? ..., de
quoy luy rendrez-vous saueur?
10. 36. ..., Cer nahi duçue...!..., Que voulez
vous.. . ?
10. 39. ... copa EDANEN hdiduçue, ..., Vray est que
vous beurez la coupe [ba traduit vray est que.)
11. 2. . . . ERiDENEN duçue asto^ vmebat estecatua?
..., vous trouuerez vn asnon lié,
11. 3. ..., Gergatic liori eguiten duçue? . . ., Pour-
quoy faites-vous ceci ?
1, Cf. l'adjectif prédicatif esciia cghartua sous çuenic, c 3,
V. 1, et asto vmebat estecatua sous duçue, 11, 2.
— 349 —
11. 17. ...? baina çuec hura gaichtaguin lece
EGUiN duçue. ... ? mais vous en auez fait vne
cauerne debrigans.
11. 25, ... baldin deus baDUÇUE nehoren contra^ :
... si vous auez quelque chose contre aucun
14.6. ..., cergatic fâschatzen duçue? ...: pour-
quoy luy donnez-vous fascherie ?
14. 62. ..., eta ikussiren duçue,.. : & vous verrez le
14. 64. Ençun duçue blasphemioa : Vous auez ouy
le blasphème :
15. 9..., N\ni duçue...? ..., Voulez-vous. . .?
15. 12..., Cer bada nahi duçue...? ... Que vou-
lez-vous donc. . . ?
16. 7...: han hura ikussiren c^wpwe, ...:vousle
verrez là,
DVÇVELA. 3. I. q. duçue, aux : act: avec la conj : à.
participial.
7. 13. EZDEUSTEN ducuclci laincoarcH hitza...
Mettans la parole de Dieu à néant [ez-deus te-
n =: in no-thing-iiig) .
1. Ici on voit la force véritable de deus et nehor, sans le né-
gatif. Voyez e;s-deusten sons diiçuelal, 13. Pour /le/èo/- signifiant
personne, voyez eslalte & eslaquian.Soyxs litzaque il traduit o/i ;
sous eUait^aten 13, 5, quelqu'un; sous esta 9, 29 & 10, 29, nul.
Il est possible que l'étymon de nehor = inor, enor soit e = non
et nor = qui: c'est-à-dire une personne indéfinie, un in-qui-
ahle,\xn fignore-qui, un un-icho'iible sonie-onc- Nor-ere= qui-
conque. Voyez baita 10, 43 & 44: a not-who, ali-quis. Voyez
baitravra, baitraucac, baitsauçue. Nori berea = suum cuique,
mot à mot « à qui le sien ». Nor donc n'est pas essentiellement
interrogatif, pas plus que qui en Français. En Gallois on a bijnnag
= quiconque, formé de py nag — qui non. Voyez « A Welsh
Grammar», par Anwyl, professeur de l'Université d'Aberystwyth.
— 350 —
11. 24... othoitz EGUiTEN duçuela... ecen recebi-
TUREN duçuela: ... en priant, ...que vous le
receurez,
DVÇVEN. 4. I. q. duçue, aux : act : avec îi rel : conj:
& rel: ace : = que.
4. 24. . . cer ençuten duçuen : ... ce que vous
oyez :
7. 13... ceuroc ordenatu duçuen ordenançâz : (rel:
ace:) . . . par vostre ordonnance que vous auez
ordonnée :
13. 11... cer ERRANEN duçuen, ... de ce que vous
direz:
15. 12... luduén Regue deitzen duçuenhnwU {n
rel : ace:) . . . à celuy que vous dites Roy des
luifs ?
DVGVENOY. 1. I. q. duçue , 2iyxx : act: avec/z rel:
nom : décl: démonstratif datif pluriel {noy = à
ceux {vous) qui) .
4. 24. ..., cuey^ ETsçvTEi^ duc uenoy . ...:&àvous
qui oyez
Gorrigenda dans la Revue de Linguistique.
T. XXXII
P. 70, 1. 13 al. de poss: lisez substantif.
P. 70, 1. 15 et 16. Biffez la note. M. le docteur
H. Schuchardt a indiqué dans l'introduction de son
1. Remarquez la répétition de la terminaison casuelle après le
pronom; cy et oy. Cf. sous du 7, Q, çueça;:^, etc.
— 351 —
édition du Nouveau-Testament Basque de J. Licar-
rague la nécessité de celte correction. Je n'avais pas
songé à cilueii, comme il le dit, mais bien à citizaii,
citiaii formes, enregistrées par J.-P. Dartayet. En
tournant pour la première fois les pages de la 2^ édi-
tion des livres de Liçarrague, j'ai trouvé les fautes
que voici: f. 52 recto v. 18 e do pour edo^ f. 212
verso /letheric pour ^etheric, dans J. C. gure lau-
aren cena Saindura reecbitu pour recebitu.
T. XXXIII
P, 291. M, J. Vinson a écrit en parlant de mon
édition du Mendiburu de 1747 : « Il n'est pas exact,
au surplus, de dire que c'est là le premier livre
basque guipuzcoan imprimé connu. » Mais je n'ai pas
dit qu'il l'est! J'ai dit seulement: « A excepciôn del
Diccionario de Larramendi(1745), no conocémosnin-
gunlibro impreso en San Sébastian en Heuskara mâs
antiguo que este. » Gomme éditeur, j'ai employé
le pluriel /lo conocemos, parce que je ne connaissais
pas à cette date-là les deux exemplaires du livre
de Joseph Ochoade Arin (imprimé en langue basque
en 1713 à San Sébastian) que mentionne M. J. Vin-
son dans sa bibliographie. Mais je ne les avais pas
oubliés. J'ai trouvé depuis un autre exemplaire,
ignoré de M. Vinson, au Musée Britannique, ayant
à la fin trois pages de plus que les autres. Je n'avais
pas oublié non plus ce que M. Vinson avait dit des
livres de Irazuzta (Pampelune, 1742) et Zubia, Mais
Pampelune n'est pas San Sébastian, et Zubia n'a pas
écrit en guipuzcoan !
352
T. XXXIII
P. 294. Je dois indiquer encore des corrigenda
dans mon édition de Mendiburu ;
P. 147, I. 25, où l'original porte Santuac izain,
lisez izan
P. 272, 1. 17, où l'original porte diezagula, qui
n'est pas traduisible avec le reste de la phrase, lisez
dizayola (voyez Lardizâbal).
P. 430, 1. 8, supprimez 272.
P. 436^ ajoutez Dizayola 272 (comme émendation
nécessaire).
P. 442, ajoutez Genezan 224.
P. 446, le numéro 2228 est une faute.
P. 469, 1. 1, lisez 1751 ; y tiene.
P. 471. M. J. Vinson possède un exemplaire de
ce volume, qui porte le numéro 89 a, dans sa Biblio-
graphie. Une réimpression avec des notes critiques
serait sûrement appréciée.
P. 472, Dans quelques exemplaires le colophon
final porte un n au lieu d'un ii dans deux mots.
T. XXXIII
P. 264, 1. 7, lisez 15. 12...
P. 265, 1. 8_, lisez baicen. ...,
P. 265, 1. 18, MsGx tenic. ...,
P. 265, 1. 21, lisez 4. 12... : età
P. 266, 1. 13, lisez s. 3° r. s.
P. 266, 1. 15, lisez ..., pegar-bat
P. 268, 1. 3, lisez lo datzala erraiten
P. 268, 1. 28, lisez baldin mundu
— 353 —
P. 269, 1. 14, lisez deçaçvençât.
P. 269, 1, 17, lisez deçacuençât.
P. 269, 1. 22, lisez verrez...
P. 269, 1, 2 d'en bas, lisez parcatiim
P. 270, 1. 3, lisez deçadançat:
P. 270, 1. 3 d'en bas, après anayac inserez haren
P. 272, 1. 3, lisez 4. 12. ... ikus
P. 272, 1. 10, lisez Christ.
P. 273, l. 14, ajoutez [la participial qualifiant
Taccusatif et dépendant de ikussiren duçue.)
P. 273, 1. 21, lisez ondoan,
P. 274, 1. 9 avant scribatua, insérez, harçaz
P. 274, 1. 12, lisez deii.
P. 274, 1. 16, lisez becembatean,
P. 275, 1. 1, lisez ..., harcaz
P. 276, 1. 14, lisez Lo datzala erraiten
P. 276, 1. 18, lisez, 8. 27 ... Philipperen Ge-
sarea
P. 276, 1. 24, lisez whether
P. 278, 1. 14, lisez die:
P. 278, 1. 21, lisez utzitera. ...
P. 279, 1. 16, lisez dieçadân.
P. 279, 1. 25, lisez dieçôu.
P. 280, 1. 28, lisez 16.
P. 281, 1. 16, lisez çuec... dioçue ? Onvoitique
cette ligne et la suivante sont à transférer deux
lignes plus haut.
P. 281, 1. 28, lisez, Borz,
P. 282, 1. 1, lisez ... dioite Cergatic.
P. 282, 1. 7, lisez ..., dioitela,
24
— 354 —
P. 282, 1. 8, DioNÂN
P. 282, 1. 10, DIONÂN
P. 282, 1, 12, ajoutez (Inchauspe dit qu'il est
dioûat et doiat en Souletin.)
P. 283, 1. 3, 13, & 14, DiosTK,
P. 284, 1. 10, lisez dadinçât.
P. 284, 1. 12 et 22, lisez ajoutez
P. 284, 1. 17, .18 et 22, lisez lisez
P. 285, 1. 6, lisez ajoutez
P. 285, l. 11, avant p. 329, insérez T. 32.
P. 285, 1. 13, lisez çabaltas-
P. 285, à la fin ajoutez (p. 33, v. 1, Sarai). Dans
l'édition d'Oxford on n'a pas marqué le c en Saraic
comme une faute. Je viens de collationner (oc-
tobre 1891) au château de Shirburn, tout près de la
gare de Watlington, et dans la Bibliothèque Bod-
léienne le manuscrit de P. d'Urte et la transcription
de Samuel Greatheed avec l'édition de 1894. Je trouve
que cette édition contient une bonne quantité de
fautes, desquelles je vais publier une liste. Dans
l'édition de 1899 du texte de la Genèse lisez p. 104,
V. 9, erraten çioela, iduritçen ciaitâan.
TOME XXXIV
P. 93, 1. 19, garaua vient-il de granua avec la
chute du n et la séparation de gr moyennant un
un a euphonique ?
P. 93, 1. 25, géra vient-il de que^^a. On sait qu'un
k ou qu passe souvent en g en Heuskara, et d en r.
P. 94, 1. 4, lisez icoa: (à comparer ika, de pica
Castillan.)
— 355 —
P, 94. 1. 18 après Samana insérez, i^xxissamaua.
P. 99, 1. 2 d'en bas, lisez heading
P. 100, notes, 1, 2 bellied 1. 3 perhaps, recorded
1 . 5. Since I.
P. 101, 1. 1, wasl. 5 d'en bas, Thomas
P. 266, 1. 4, hauc
1. 16, HiLTZECÀc, hiltzecâc
P. 270, 1. 13, a mis diraden hauc parce
1. 14, mots.
P. 278, note, 1.5, pesetas) on
1. 6, figure
P. 275, 1. 11, ELEGITVAC
P. 276, l. 18, DiTvc. 2.
P. 277, l. 27, pluriel = que
P. 281, 1. 18, Seigneur a
P. 282, 1. 11, Norc
1. 26, ie le
1. 28, DRAVNAT 2
E. S. DODGSON,
(A suivre).
LA REUNION D'HENDAYE
ET LA RÉFORME DE L'ORTHOGRAPHE BASQUE
Au mois de juin dernier, M. M. Guilbeau, officier
de santé à Sainl-Jean-de-Luz,qui a composé quelques
poésies en basque et qui a écrit quelques articles sur
divers points de la linguistique euscarienne, m'adres-
sait plusieurs lettres pressantes pour m'inviter à me
rendre le 16 juillet à Hendaye; il me priait et me
suppliait de ne pas manquer au rendez-vous qu'il
donnait à plusieurs basquisants : la réunion devait
avoir pour but la régularisation ou plutôt la fixation
définitive de l'orthographe basque. Je répondis à
M. Guilbeau que n'étant pas libre avant le mois
d'août, ou même avant le mois de septembre, il ne
m'était pas possible, à mon très grand regret, de me
rendre à son aimable convocation.
Je n'avais plus entendu parler de ce projet, lorsque,
le 10 septembre suivant, en arrivant à Bayonne, je me
rencontrai successivement avec trois Basques dis-
tingués, amateurs ou écrivains de mérite, qui me par-
lèrent d'un « Congrès » qui devait avoir lieu à Hen-
daye le lundi 16, toujours pour traiter cette question
de l'orthographe. Ces Messieurs ne paraissaient pas
— 357 —
douter que je ne fusse convoqué à celte réunion.
N'ayant reçu aucun avis et croyant à une. erreur de la
poste, j'allai le lendemain voir M. Guilbeau à Saint-
Jean-de-Luz. — Je trouve un homme embarrassé,
gêné, qui m'explique qu'on a voulu écarter certaines
personnalités, qu'on n'a pas trouvé de meilleur moyen
que de limiter la réunion aux Basques de naissance,
qu'on parlera exclusivement basque dans cette réu-
nion, etc., etc.: il ajoutait du reste que ce n'était pas
à moi qu'on en voulait et qu'on m'y admettrait peut-
être, etc., etc.
Je connais M. Guilbeau depuis de longues années;
bien avant la chute de l'Empire et depuis, il s'était
posé comme un des rares défenseurs de l'idée libérale
et républicaine; nous avions donc ensemble combattu
le bon combat, collaboré aux mêmes journaux, fait les
mêmes campagnes; j'ai publié plusieurs choses de lui
dans cette fîeuwe; j'ai fait partie de l'Association basque
qu'il avait fondée il y a une dizaine d'années, et, si je
n'y ai pas pris une part très active, j'ai toujours très
exactement payé les cotisations qui étaient relative-
ment élevées.
Le 16 septembre, je me suis donc rendu à Hendaye.
Le « Congrès » s'est ouvert solennellement; et, après
plusieurs discours en français, en basque et en espa-
gnol, le secrétaire général, — M . Guilbeau, — a invité
les personnes qui n'avaient pas reçu une convocation
spéciale à sortir, les renvoyant à la séance de l'après-
— 358 -
midi qui devait être publique. Je n'étais pas convoqué,
et l'on n'a pas voulu faire une exception en ma faveur;
M. Guilbeau a même afïïrmé qu'une quinzaine d'adhé-
rents se retireraient si je prenais part aux travaux de
la séance. J'aurais pu faire observer que ma collabora-
tion valait peut-être plus que celle de ces quinze adhé-
rents; mais je m'en suis bien gardé.
Dans la séance publique de l'après-midi, on a rendu
compte des travaux de la matinée. Les congressistes
s'étaient partagés en trois sections; les secrétaires ont
lu des rapports, dont les conclusions se complétaient
l'une par l'autre et qui se résument dans une sorte de
règlement très compliqué. Toute proposition orthogra-
phique devra être imprimée, adressée au bureau per-
manent et à tous les adhérents; dans un délai de six
mois, les adhérents devront la renvoyer au bureau
avec leur réfutation s'il y a lieu; puis le bureau fera
son rapport au Congrès suivant qui décidera. Il va
sans dire que les Basques de naissance auront seuls
voix délibérative. Je n'insiste pas sur l'absurdité de
cette dernière stipulation.
J'avais préparé la note suivante que j'ai gardée par
devers moi, bien entendu :
« Pour être vraiment sérieuse et pratique, une
orthographe conventionnelle doit reposer sur les prin-
cipes suivants:
» 1" S'écarter le moins possible des usages reçus,
des habitudes locales ;
- 359 —
» 2" Ne donner à chaque signe qu'une seule valeur;
» 3° Représenter par un signe différent chacun des
sons différents de la langue ;
» 4° Employer, autant que possible, des signes
simples formés d'une seule lettre, accentuée ou
ponctuée au besoin, faciles à trouver dans les impri-
meries ;
» 5° Dans ce cas, prendre des signes conventionnels
déjà employés pour transcrire les sons particuliers à
la plupart des autres langues .
» Donc, en ce qui concerne le basque :
» Généraliser le h pour qn-, — gardez les //, u
mouillés; — gardera et z; — garder / (qu'on pro-
nonce, suivant les dialectes, comme/ français, comme
^, ou comme layo/a); — remplacer ich, ch, ts, tx, etc.,
par un signe simple c ouc', &c.
» Il y aura évidemment certains signes qui ne seront
employés que dans certains dialectes, parce qu'ils
représenteront les sons propres à ces dialectes. C'est
pour cela qu'on devra laissera u la valeur générale de
ou français et qu'on représentera par û le son de Vu
français qui se trouve en souletin:
» &c.
» Au point de vue euphonique :
» Écrire (dialectes bas-navarrais) wya et non uïa,
parce que le son euphonique représenté par y ou ï
n'est pas une voyelle franche;
» Ne pas écrire, en un seul mot, ezda, ezdire, bai-
— 360 —
dago, ce qui est contraire à la prononciation, mais
ezta,eztire, baitago, ou en deux mots ez da, ez dire,
bai dago, etc.
» &c. »
Les membres de l'une des sous-commissions
s'étaient occupés de quelques-uns des points traités
dans la note ci-dessus; mais ils proposaient de* ne pas
distinguer il et u, et ils substituaient /et /tildes à tt et
//, ce qui n'est pas pratique.
En définitive, il a été résolu qu'on se réunirait de
nouveau en septembre 1902 à Fontarabie. Que sor-
tira-t-il de ce second « Congrès »?
Je ne regrette pas trop de n'avoir pu assister à la
séance du matin. Pendant cette réunion, qui pourrait
probablement être à bon droit caractérisée par le titre
en quatre mots d'une pièce de Shakespeare, j'ai uti-
lisé mes loisirs forcés en allant faire un pèlerinage qui
me tenait au cœur et une visite qui me souriait beau-
coup. Le pèlerinage avait pour but la tombe de Miss
Laetitia Probyn, cette vaillante et aimable Anglaise
qu'un épouvantable accident a tuée, là, en quelques
minutes, dans cette Bidassoa si nonchalante et si
calme, il y a vingt-deux ans déjà. Elle avait étudié le
basque et m'avait demandé quelques indications ; elle
aimait cette langue curieuse et singulière, mais elle
s'étonnait de la pauvreté de sa littérature, malgré le
mysticisme et l'esprit rêveur de ceux qui la parlent;
elle commençait sans doule à croire comme moi que
— 361 —
c'est là un organisme arriéré, incompatible avec les
exigences de la vie moderne, qui de lui-même s'effa-
cera peu à peu et disparaîtra dans le respect attentif
des hommes d'étude.
De là, je suis allé au Sanatorium créé entre le Casino
et le château observatoire de >J. d'Abbadie par la ville
de Paris : entre la science et le plaisir, la charité, non
pas cette charité banale de l'aumône et de la pitié,
mais une œuvre de fraternité et de solidarité sociales ;
plus de deux cents enfants, presque tous des quartiers
excentriques de la capitale, presque tous enfants des
déshérités de l'existence, plus ou moins physiquement,
sinon moralement abandonnés, viennent y chercher,
avec la santé, la vigueur de l'esprit qui leur permettra
de prendre utilement bientôt leur part du labeur
universel.
Et je m'en suis revenu, songeant à ces choses,
satisfait du présent, plein d'espoir dans l'avenir, plus
que jamais résolu à marcher toujours en avant, et à
dédaigner les mesquineries des imbéciles, les calculs
subtils des ambitieux de bas étage, et les prétentions
des savants faciles. Qu'importent les règlements et les
distinctions du royaume d'Entéléchie? Le monde
marche.
Julien ViNSON.
L'ARGOT DE SAINT-CYR
CORRECTIONS ET ADDITIONS
P. 255, 1. 17, Balancer, se moquer de.
P. 256, 1. 9-10, Bas-qf, adjudant du cadre.
P. 257, 1. 4, Chapeau (faire), lancer, etc.
1. 19-20, boue ; le cornard de Satory.
1. av.-d""®, ailleurs. Exemple célèbre : cornarder
comme un tapin (tambour).
P. 259, 1. 5, punis. A l'origine : contre- épaulette qu'on
met pour la sortie.
1. 25 et 26, loup, loups.
P. 260, l. 19, fini la seconde année. Un pékin, une caisse
servant de malle le jour du pékin.
Pékin d'O, FI sur la ligne. Les dix mois que les
élèves ont à passer à l'École sont désignés par
les lettres de ces deux mots : un officier, prises
dans l'ordre. Quand on est pékin d'O, c'est que
l'on a fini au mois de janvier, et que FI c'est-à-
dire février, est sur la ligne, c'est-à-dire en
action, c'est-à-dire en train d'être « tiré », F2
est le mois de mars. R est le mois d'août. Quand
on est pékin d'r, on est soit pékin de melon (pre-
mière année), soit pékin de bahut.
P. 260, 1. d'O, le commandant, professeur-en-chef.
1. V. la Reoue, t. XXXIV, p. 255-262.
— 363 —
P. 261, 1. 2, sergent d'infirmerie.
1. 10-11, Promo, promotion.
1. 13, Repérer.
1. 17, dans un sac.
1. 25-26, Toubib (mot arabe), médecin; grand
toubib, médecin en chef.
Le Temps du 25 juin 1901 publiait la lettre suivante :
« La question du triomphe de Saint-Cyr, a failli prendre,
ces jours derniers, les proportions d'un événement européen.
C'est bien le cas de dire : Que de bruit pour un triomphe qui
n'en est pas un !
» On a parlé de traditions détruites ou à détruire...
» Ah ça, pour qui nous prend-on?
» Le triomphe, tel qu'il existe aujourd'hui, n'a jamais fait
partie des traditions de l'école. Il s'en faut même de beaucoup,
attendu que cette solennité, cette cérémonie, appelez cela
comme vous voudrez, est une manifestation essentiellement
contraire à cette discipline dont le premier bataillon de
France doit, plus que tout autre, donner l'exemple.
» Jadis, lorsque les élèves de l'école tiraient, au polygone
de Saint-Cyr, le mortier de 32 centimètres et le 24 court, —
une pièce extraordinaire, abominablement égueulée, mais
vénérable parce qu'elle avait fait bravement son devoir en
1870, — il était d'usage, — par analogie avec ce qui se passe
dans l'artillerie, — de fêter le pointeur adroit qui avait réussi
à loger un obus ou une bombe dans le tonneau qui servait
de but.
» Une prolonge réquisitionnée au quartier de cavalerie,
attelée de chevaux blancs et ornée de feuillage, de branches
empruntées aux peupliers du polygone, amenait le triompha-
teur et le père Système (l'élève ayant le plus bas matricule de
— 364 —
la promotion des anciens) dans la cour Wagram. Ledit père
Système prononçait un petit discours à la suite duquel il
baptisait la promotion des conscrits et lui donnait sa béné-
diction. Ensuite il montait à la salle de police, délivrait (avec
le consentement du Général) les prisonniers; le dimanche
suivant, il y avait grande galette (sortie générale) et c'était
tout.
» Quel que fût le nombre de tonneaux d'une promotion, il
n'y avait qu'un seul triomphe. On cite des promotions peu
favorisées du sort qui firent des choux blancs, et qui, par
suite, n'eurent aucune solennité de ce genre. Une autre,
malheureuse dans ses premiers tirs, avait réussi, le dernier
jour, à mettre une bombe dans le tonneau. Certaines mau-
vaises langues prétendirent même à cette occasion que les
choses s'étaient passées d'une façon peu naturelle, mais ce
n'est pas notre affaire. D'ailleurs, il y a si longtemps de
cela!
» Ce qu'il y a de plus clair, c'est que cette promotion reçut
à l'époque le surnom de promotion monotone. Cette évocation
d'un passé déjà si lointain ne sera évidemment pas agréable
à nombre de généraux et de colonels appartenant à cette
fournée, mais tant pis! la vérité avant tout.
» Par la suite, en raison de la grande portée des nouveaux
canons (de 7 et de 5, puis de 90 et de 80) les élèves de Saint-
Cyr ne tirèrent plus au polygone de l'école, et il n'y eut plus
de triomphes. C'est alors que l'on inventa les représentations
que le général Passerieu a failli supprimer, puis a régle-
mentées... faute de mieux.
Un ancien Saint-Cyrien. »
BIBLIOGRAPHIE BASQUE
Notes et Documents
M. E.-S. Dodgson nous communique la notice suivante
qu'il doit à l'amabilité d'un savant ecclésiastique du pays
basque espagnol :
En esta villa de Durango (Vizcaya) hace poco tiempo
que se ha|hallado un librito impreso en' pape! de hilo,
que contiene 80 paginas, y tiene nueve centiinetros y
medio de>lto por siete de ancho, y con cubierta de
pergamino. En la pagina l** que esta sin numerar se
halla la portada que dice asi : « NOVENA A MARIA
SS. Senora nuestra, q baxo del Soberano Mysterio
de su Assumpcion gloriosa a los clelos, y de la denomi-
nacion Bascongada de Vribarri, vendra la cordial devo-
cion de la Nobilissima Villa de Tavira de Durango
(districto del Inclilo Senorio de Viscayà) en su famosa
Iglesia Parroquial Matriz. Dispuesta, Por el ardiente
zelo, devocion, y desvelo de I). Diego Lorenzo de Ur-
quizu y Guissasa, vecino de la mesma Villa, quien
humilde ofrece, ydedica; Al Em. Senor Cardanal de
Molina, etc. Con Lie. En Pamp. en la Olicina de la
Viuda de Alfonso Burguete. »
Con estoconcluye la p. 1". La p. 2' sin numerar
— 366 —
esta en blanco. En la pagina 3' numerada dice : « Al
Eminentyssimo Senor Cardenal de Molina, etc. » En
la p. 17 concluye la dedicatoria dicha, con estas pala-
bras : « En las casas de mi habitacion, que son si tas
en Durango à 16. de Enero de 1740. Em""" Seflor. B.
L. P. DE. V. EM^^su masinfimo siervo, humilde, y
reconocido servidor. D. Diego Lorenzo de Urquizu y
Guissasa. » P. 18 dice : « Licencia delOrdinario. »
En la p. 19 concluye la licencia con estas palabras :
« Dada en Pamplona à 30 de Julio de 1740. Lie. D.
Antonio Fernandez de Arcaya. Por mandado del Senor
Provisor D. Matheo Hermoso de Aranda, s ice -sec. »
P. 20 DA NOTiciA EL AUTOR DE los motivos, que le han
asistido pasa imprimir esta Novena. Concluye en la
p. 26 y en la 27 empiega la Novena que concluye en
la p. 75; hasla aqui todo en Castellano.
En la p. 76 dice : « Q Por si mostraren queja mis
queridos paisanos, de aver yo dispuesto esta Novera en
lenguaje estranodel Pais, quevenera la milagrosalma-
gen de Nueslra Senora de Uribarri (en cuyoobsequio la
dispuse) les doy gustoso en su idioma, las octavas
siguientes, que las primeras contienen la historia de
dicha Santa Imagen, para que leyendo, ô cantandose
diviertan santamente.
»
ESTRIVILLO
Zeu biar dan léguez alabetaco
noc izango dau gaur mina,
— 367 -
Uribarrico lirio ederr,
Assumcinozco Virgina.
Manso Lopecen devocinoac.
ezin aurquitu eiquian,
prenda abaric Durangorenzat,
vere ondasunen arteân :
vere icena aztu zecidim,
erequi eban Imagina,
Uribarrico lirio ederr,
Âssumzinoeco Virgina.
Cumplidû ezebari vere gustaba,
vera vicizan artean,
Baina aguindueban eguinzedilla,
Azcango vorondatean
cleja ederr bat, an ifinteco.
Ceruetaco Krreguina,
Uribarrico lirio ederr,
Assuncinoeco Virgina.
Andra Menina Arandonoco
(zein zan bere lengusina)
eracusi zan, encargû onetan
ondo devotèa, eta fina,
verè lurrean ifinten ebala
Serafinera, Serafina,
Uribarrico lirio ederr
Assumcinoeco Virgina.
Ceruco ondasùn parebaguean
izan cedinzat comtina,
— 368 -
Vri noblèau nai izanèban
eguin laùbea, eta launa,
ceuc bacarrican pagaduzeinque
ceurè onelaco onguina,
Uribarrico lirio ederr
Assumzinoeco Virgina .
loia ederr au veretu azquèro,
Durangoco uri nobleac,
berà adorerân ifinten ditu,
berè cuidadu guztiac ;
ezin obèto empleaduleitè,
noia zengân guère aleguina,
Uribarrico lirio ederr
Assumcinoeco Virgina.
Ondo pagtiètari dozu Andréa
deusuben devozifloa,
mese dèbaga ichibagaric
inoren peticifloa,
agaitizara elejà onetan
gueùrc Patrona eguina
Uribarrico lirio ederr
Assumcioenco Virgina.
Âinbat mirari icustendogu
guènrè beguien aiirreàn,
zeinda ustedogun Amà maytea
zaucaguzala lurrean;
baya baquigu gueuc zariana,
Ceruetaco Erreguina,
— 369 —
Uriharrico lirio ederr
Assumcinoeco Virgina.
Nor izangô da egongo dana
Novena an acabaduric,
berè pena, ata miseriaren
consueloa bagaric, .
izanic bere deboto enzat
ain ongui eguilla fma,
Uribarrico lirio ederr
Assumzinoeco Virgina.
FIN. — qSugèto ciianto este escrito, y librillocon-
tiene à la censura, y correccion de nuestra Santa Madré
Iglesia, como humilde, y fiel hijo de ella, y para que
conste firme en la Villa de Durango en 16. de Enero
de 1740. Diego Lorenzo de Urquizu y Guissasa. »
Asi concluye en la ultima hoja, que es pagina 80,
y certifico que esta copiado en extracto exactamente
del original, que he devuelto al vecino de esta villa
D. José de Unamuno, que me lo presto para ello.
Durango, 1° de Marzo de 1901 .
José M" deBERNAOLÀ.
Le même amateur a aussi communiqué le document
suivant :
« Don Liborio de Azurmendi, presbitero résidente
en Abadiano, Viscaya, me ha prestado los versos si-
guientes, que los ha hallado entre los papeles queper-
tenecieron al finado pbro de Abadiano Don Pedro
25
— 370 —
Valentin de Aresti, y qaecopiadosliteralmente por mi
dicen asi :
Sorcico para el Nacimiento deî Seflor 1804.
Eldu dira jentiac
juslu Patriarcac
atzeguiri baga icharon
situben egunac
Bete dira Igarten
sarrico esanac
elduco sala jauna
salbetan guizonac
Estrivillo
Olgau gaitian gustioc
Egun olgurasco onetan
daijogun solas seinoni
atzeguinen jasarriric
eraguijoc tambolinorri
da trago bat esarri : Ai...
Orainche nac ni egarri
suben osasunagaiti.
Bost milla ta gueijago
urte ozuelan
sispuruca azabac
icusi guenduzan
Bialdu cijen cerubac
Irins gozuetan
— 371 —
esquiniric eustsena
etorrico bazan.
Aguertu da Belenen
egun gaberdijan
esquinirico jauna
aingueru artian
guizon eguinic dator
amatzat arturic
Virgina Andra Marija
Pepegas loturic.
Aingueruben eguinez
barrijau da aguertu
Belengo Arzainetara
alan da sinistu
Artu artuca duas
barrijau entzunic
jaijo dana icustera
atzeguin bagaric.
Erdiguzu Arzainac
l Nor dozube icusi
Belengo portalian
Aingueruba candi?
jaijaquera eder bat
olguras beteric
ipini gaitubana
guslis soraturic.
Jaijo dan sein ederraii
Bedeincatutera
— 372 —
guazan daigun gustijoc
portale alara
M a ri j a da losepe
dagos auspasturic
Arzainai seinau nordan
agertu ezinic
Ea bada jentiac
gogo arguituric
arirna ta gorpulzac
ondo ipiniric
guertu gaitîan laster
emoiten jaunoni
barri onen eguinez
lastanchu barribi. »
r^e même ecclésiastique a relevé les notes suivantes
dans le livre de la Cofradia de S"» Maria de Durango,
fondée en 1654, après la mort de d. Martin Ochoa de
Capânaga :
« En siete de Noviembre de mil seiscientos y no-
venta y cuatro anos, muriô al D»' D" Nicolas de Zubia,
Beneticiado que fué des estas Iglesias, Cofrade que fué
de Cofradia de la Purisima Concepciôn, habiendo reci-
bido los Santos Sacramentos. Su cuerpo fue enterrado
en la parroquia de Santa Maria de esta villa y testo anle
Domingo de Latatua.
^> En veinte y uno de Noviembre de mil seiscientos
y noventa y cuatro anos celebrô la Cofradia los dos
— 373 —
piares de harras en sufragio del anima del D' D" Ni-
colas de Zubia, Beneficiado que fué de estas Iglesias.
» En veinta y très dias del mes de Diciembre de mil
seiscientos y ocho anos se tocô sentimiento' en la
Tglesia parroquial de Nuestra Sna Sancta Maria de
esta villa del Lic^^ j)n Joseph de Lezamis, cura de la
Iglesia catedral de la Ciudad de Mégico y despues de
Visperas y el Lunes siguiente se celebraron el nove-
nario y aniversario del susodicho por la Cofradia. »
On sait que le catéchisme de N. de Zubia a été re-
produit dans la Revue de Lingmstique en 1888.
M. J.-M. Bernaola nous communique de plus la
liste suivante qu'il a copiée dans un manuscrit de
D. Hamon de Echezarreta, auteur de plusieurs petits
ouvrages biscayens :
Nombres de varias drboles
Aricha. roble. castaina. castana.
artia. encina. madarija. peral.
ametsa. roble albar. ocarana. ciruelo.
aliza. aliso. sagarra. manzano.
eltzuna. chopo. masustabia. morera.
elchuna. otro arbol que tam- macatza. peral silvestre.
bien Uaman orricarria). mispillia. mispero.
agulna. tejo. guerisia. cereso o quindo.
pagua. haya. j)n'sca6a.melocoton,abricote.
lessarra, leixavra. fresno. picua. higuera.
inchaurra. nogal. urquija. abedul.
1. On sonna le (2;las.
374
Nombres de varias arbustos
azcarra. arce.
elorrija. espino blanco.
erinotza. laurel.
ichusqui latza. brusco.
gurhisia {purpuixa). borto,
su fruto madrono.
gorostija. acebo.
masusta chicarra. morera
enana.
guisatza. brezo alto.
saratza. sauce.
guinarria- brezo bajo-
saarra. zarzo.
asto larrosia. rosa silvestre.
larrosia. rosa cultivada.
araba olia. Otraargoma mas
bajo, pero ancha como fi-
gura de campana.
maatza, parra o cepa.
maurijay arohija. aréndano,
planta parasita que se cria
en las copas de algunos
arboles y aùn en tierra, y
da unos granos negros dul-
ces.
TJntza. hiedra.
Uurra (urra) urricha, avel-
lano (este ultimo,y el pri-
mero) el fruto.
Zumia, miembre.
Zuma ligarrà. Arbusto de
cuyas ramas hacen los za-
pateros las estaquillas para
. los zapatos.
Sabija, planta joven, chir-
pia.
BIBLIOGRAPHIE
Grammatik der Prakrit-Sprachen von R. Pischel
(Grundriss der [ndo-Ârischen Philologie und Âlter-
lumskunde, von G. Biihler und F. Kielliorn; I Band,
8 Heft). Strasbourg, K.-J. Trûbner, 1900. grand in-8°,
(ij)-430p.
I.e travail de M. Pischel est au-dessus de tout éloge ;
cette magistrale élude rendra les plus grands services
aux linguistes et surtout à ceux qui s'occupent des
langues modernes de l'Inde issues directement des
prakrits. On sait que, dans ces langues modernes, se
manifestent deux courants ou si l'on veut deux ten-
dances, phonétiques et morphologiques, marquées no-
tamment par l'hindî oriental et par les patois occiden-
taux du même idiome. L'analyse des prakrits donnera
la clef de cette double et remarquable évolution.
M. Pischel ajoute aux formes, pour ainsi dire clas-
siques, des prakrits, les dialectes djâinas qui se rat-
tachent au Mâhârâstrî et au Çâurasênî, où l'on trouve
de précieuses et très remarquables variantes. Que de
faits intéressants et peu connus !
L'ouvrage est accompagné de tables fort bien faites
et très utiles. Mais je lui ferai pourtant un reproche,
— 376 —
celui d'être vraiment trop compact; la lecture et le
maniement n'en sont pas faciles, quelque claires, pré-
cises et méthodiques qu'en soient les diverses parties.
On regrette aussi de ne pas y trouver des tableaux ré-
capitulatifs, des résumés schématiques.
Comme exemple des variations que les mots les plus
usuels ont pu subir, je citerai le nom de nombre « dix-
neuf », êkânavimçnti qui est devenu en arddhamâ-
gadhî êgûnavîsam, en apabhramça. êgûmvimsâ; en
magadhî et en jâina-mahârâstrî, aûmvîsai et amavî-
sam; on sait que le vieil hindî avait agunîs, gunis;
l'hindî moderne a wiîs, le panjabî unnih, le sindhî
unîh, le gudjaratî ôganîs, le mahratî êkunis, l'uryia
unâiç, le bangalî ûnk.
Julien ViNSON.
Légendes morales de l'Inde, empruntées au Bhagavata
purâna et au Mahâbhârata, traduites du sanscrit par
A. Roussel (Les littératures populaires, t. XXXIX).
Paris, J. Maisonneuve, 1901, petit in-8°, (viij)-361 p.
Je ne puis que m'en rapporter à mon compte rendu
du premier volume, et je dois louer de nouveau la
forme et le fond de cette publication. x\lais j'ai le devoir
de rechercher dans les notices préliminaires et dans
les notes qui accompagnent chaque récit comment le
savant traducteur comprend et apprécie les choses de
l'Inde. Or, à la note 33 du premier récit, je vois que
M. Houssel, parlant des quatre fins de l'homme, rend
— 377 —
kâma par « le désir » et émet même l'hypothèse que
« le désir » kdma peut être confondu avec le môkcha,
la délivrance finale. Cette hypothèse est absolument
inadmissible : kâma c'est l'amour, l'amour matériel,
l'amour charnel, si j'ose m'exprimer ainsi, et jamais
aucun Indien n'a pu l'assimiler à l'aspiration au môkcha
qui est la cessation de toute activité.
Je vois ailleurs que M. Roussel a bien reconnu que
le mot de création n'a aucun sens pour les Indiens et
qu'il a bien compris le rôle véritable deÇiva, qui n'est
pas tant le destructeur que le rénovateur, mais je ne
saiss'il s'est bien rendu compte du principe fondamental
de toute la philosophie hindoue. Cette conception est
en effet absolument incompatible avec les considéra-
tions queM. Roussel expose à la p. 62, où le bonheur
est présenté comme la principale fin de l'homme, ce
bonheur étant la vérité, c'est-à-dire Dieu ou le Christ.
Mais, pour les Indiens, Dieu, ainsi compris, n'existe
pas; « Dieu » n'est rien pour eux en dehors de la sub-
stance éternelle inerte et inaçtive. Les dieux hindous
sont humains : ils vivent, ils agissent, ils meurent. Et
voilà pourquoi j'ai dit ailleurs, et je le répète ici, que
Jésus-Christ est fort inférieur au Bouddha par exemple.
M. Roussel crie à ce propos au blasphème, au sacri-
lège, au ridicule, à l'insanité; mais il suffit de lire
l'Évangile, auquel M. Roussel me renvoie maladroi-
tament et de ne pas faire de métaphysique. Le Jésus
de l'Évangile est un rêveur mystique, un théoricien
— 378 —
révolutionnaire; mais prudent, traînant de village en
village sa misère et sa faconde, mauvais fils, citoyen
médiocre, n'ayant su être ni époux, ni père, n'ayant
rendu aucun service à la chose publique. Certes, les
détails de la philosophie bouddhiste peuvent être pué-
rils ou ridicules, mais la personnalité de Gâutama est
incontestablement respectable. Il ne renonce au monde
qu'après y avoir joué son rôle; il descend du trône
pour chercher dans la solitude la vraie base de la loi
morale; il ne prêche point la haine des riches; il
n'excite point les inférieurs contre les privilégiés. Et,
en résumé, il enseigne que le malheur ou le bonheur
résultent delà manière dont chaque homme conduit sa
vie; est-ce que cela ne vaut pas mieux que les huit
béatitudes ou les divers commandements de l'Église?
Julien ViNsoN.
Paul Sébillot. Le Folk-lore des pêcheurs (Les Lit-
tératures populaires de toutes les nations, t. XLIII).
Paris, J. Maisonneuve, 1901, petit in-8°, (viij)-xij-
389 p.
Je suis enchanté que M. Sébillot ait enfin adopté ce
mol de folk-lore qui lui répugnait tant naguère et qu'on
a vainement essayé de remplacer par des équivalents
français. L'adoption de ce mot que j'ai été un des pre-
miers à employer n'a rien d'offensant pour notre
amour-propre; ce sera, si l'on veut, de l'internationa-
lisme, et du bon.
— 879 —
Que dirai-je maintenant de ce nouveau volume de
notre éminent collaborateur? Son nom, au frontispice
d'un livre, en indique suffisamment l'excellence; et il
n'est plus besoin de recommandation ou d'éloge. Il
s'agit là d'une catégorie spéciale de populations qui
forment souvent des groupes ethniques distincts et qui
ont par conséquent leurs mœurs, leurs coutumes, leur
langage, leurs superstitions; c'est la première fois
qu'on entreprend de les étudier, et M. Sébillot est
passé maître dans ce genre de travaux. On pourra com-
pléter son livre; on y ajoutera des subdivisions et des
détails, mais le cadre général restera. Il n'est pas une
page d'ailleurs qu'on n'y lise avec profil.
Julien ViNSON.
Bibliographie des Bibles et des Nouveaux Testa-
ments en langue française des XV^ et XVI" siècles, par
W. J. Van Eys. Genève, H. Kûndig, in-8". — l'" par-
tie : Bibles. 1900, viij-211 p.; — 2' partie : Nou-
veaux Testaments, 1901, (iv)-269 p.
Ce travail, fort bien fait, sera éminement utile. Mais
je dois me borner à l'annoncer, car je ne saurais en faire
aucunement la critique. Pour les quelques volumes que
j'ai sous la main, les descriptions de M. Van Eys me
semblent tout à fait exactes, et je ne vois aucune édi-
tion nouvelle à lui signaler. En ce qui concerne le
Testament de Pierre Hautin, la Rochelle, 1577, — que
— 380 —
j'ai proposé, faute de mieux, de prendre pour servir
de référence à la traduction basque de Liçarrague, —
M. Schuchardt paraît en posséder un exemplaire com-
plet avec le titre.
On ne peut que féliciter le savant linguiste, qui est
aussi un excellent bibliophile. Son nouvel ouvrage
fort élégamment imprimé est précis, clair, méthodique
et complété par des tables très commodes. On y ajou-
tera sans doute, mais on aura vraisemblablement peu
à y corriger. Julien Vinson.
Manuel de la langue haoussa, par M. Delafosse,
chargé du cours des dialectes soudanais à l'École des
Langues orientales. Paris, J. Maisonneuve, 1981,
in-8°, xiv-134p.
Ce petit manuel est très bien fait. Il comprend un
abrégé de grammaire (p. 1-33), des textes (contes,
légendes, récits, proverbes, p. 35-88) et un vocabulaire
(p. 89-134), le tout précédé d'unesubstantielle préface,
où nous apprenons parfailement quelle est l'importance
géographique et commerciale du haoussa. Il a de plus,
pour nous, cet intérêt d'être parlé dans la zone soumise
à l'influence française.
Rien à dire sur le vocabulaire et sur les textes,
M. Delafosse avait recueilli lui-même des documents
originaux, mais ils ont été détruits malheureusement
dans rincendiedupostedeToumodi,en septembre 1899,
- 381 -
et il a fallu emprunter des spécimens linguistiques à
des recueils anglais. C'est très regrettable.
■ La grammaire est l'œuvre personnelle de M. Dela-
fosse. Il m'a paru intéressant de la comparer avec
l'esquisse de Fr. Mûller dans sa Grundriss{t. I, 2^ par-
tie, p. 215-237), rédigée d'après les travaux du Kév.
P. Schoen qui a le premier étudié, et pour ainsi dire
découvert la langue haoussa. M. Delafosse n'a pas donné
le tableau des sons et des bruits de cette langue, et il ne
parle que très sommairement de la prononciation et de
l'euphonie : il semble pourtant que le haoussa a des
sons particuliers, un e et o, par exemple, et des con-
sonnes composées remarquables, tch, dj, ts, dz, qu'il
aurait fallu signaler, ainsi que le groupe initial gb. Je
remarque que M. Delafosse ne distingue pas a, i, u
brefs de d, î, û longs, et que son ii [gn fr.) ne se
retrouve pas dans le tableau de Fr. Mûller. Y a-t-il là
une particularité de prononciation locale?
Je ne puis entrer dans le détail des faits grammati-
caux, mais le résumé de M. Delafosse me parait clair,
méthodique, et, autant que je puis en juger, générale-
ment exact. La conjugaison, fort développée, est com-
posée d'éléments pronominaux nombreux et de verbes
pour ainsi dire auxiliaires (aller, être) qui forment
beaucoup de nuances temporelles. La %^ et la 3" per-
sonne du singulier ont, comme en arabe, une forme
spéciale pour le masculin et le féminin. La numération
parait décimale, mais les dizaines, de 20 à 90, sont
— 382 —
empruntées à l'arabe. Le vocabulaire a naturellement
beaucoup de mots arabes, ainsi mallâmi « prêtre y^ est
une adaptation de mu'alUm « professeur ».
Julien ViNSON.
• Emiliano de ÂRRiAGA. Lexicon etimologico, natura-
lisla y popular del Bilbaino neto. Bilbao, S. de Amor-
rortu, 1896, petit in-8° de 317 p. (avec un post-scrip-
lum de xvj p.)
Très intéressant spécimen du parler populaire de
Bilbao, qui est de l'espagnol prononcé parfois d'une
façon particulière, et mélangé d'expressions emprun-
tées au basque. Quelques locutions sont d'une origine
difficile à déterminer. Comme fait remarquable de pro-
nonciation, je citerai le z [ce, ci) prononcé comme s et
la suppression du tZ fyial que le castillan siffle [Vaya-
dolù, le bilbaïendit Vayadoli). Certains mots changent
de genre : la vinagre, la pes, el /ucnte, etc. On se sert
beaucoup des terminaisons augriientatives ou diminu-
Xiwes on (esp.), tchu (h'dsq.) ; ex. : hijotchu, proprement
« mon fiston ».
Le vocabulaire est très curieux et très instructif. On
y trouve beaucoup de basque. Il faut seulement re-
gretter que l'auteur, qui est homme d'esprit, ait gâté
son travail en proposan t des étymologiesde mots basques
aussi extravagantes que celles proposées pour Bilbao,
Be-ili-bat-o « deux villes en une », amil-be-o «sous
l'escarpement, la escarpa », etc., et pour Biscaya
— 383 —
bizkar-di-a « el lomol » ou « terre montagneuse ». C'est
absurde, et cela ne prouve absolument rien.
J. V.
Zeitschri/t fur vergleichende Sprachforschung auf
dem Gebiete der indogermanischen Sprachen. Von
E. KuHN und J. ScHMiDT. Band XXXVII (Neue Folge,
BandXVII),3Heft. Giltersloh^C. Bertelsmann, 1901,
in-8o, p. 277 à 428.
Contient : Aniautstudien, par Th. Siehs, par 277-
314; Slavische Miscellen, par F. Lorentz, p. 324-351 ;
Bemerkungen ûber die Âkzeniqualilœten des Kaschu-
Imchenund Slovinzischen, par F. Lorentz, p. 351-364 ;
Der Genitiv-Accusativ bei belebten Wesen im Slavischen,
par Frich Berneker, p. 364-386; Miscellen, par E. Zu-
pitza, p. 387-406; Neiigrieschisches und Romanisches,
I, par K. Dieterich, p. 407-423; [risches, par B.
Thurneysen, p. 423-427; Miscellen (armenische), par
L. de Patrubàny, p. 427-428.
Bulletin trimestriel de la Société des sciences,
lettres et arts de Pau, 1898-1899 (11' série, tome
XXVIII (2Mivraison). Pau, veuve L. Ribaul, 1900.
Contient : p. 160-280, Rôle des feux du comté de
Foix en 1390, par A. de Dufau de Maluquer; —
281-288, Rapport sur le Congrès des Sociétés savantes
à Toulouse, par Adrien Planté; — p. 289-308, 67as-
sifications chimiques, ^diX V. Ducla; — p. 309-318,
— 384 —
Prévision du temps au moyen de la bouteille de Leyde,
par V. Duclà; — p. 319-324, Précision du temps par
l'attraction d'aiguilles aimantées, parV. Duclà; —
p. 325-340, Procès-verbaux des séances; — p. 341-
346, Liste des membres de la Société; —p. 347-350,
Liste des Sociétés avec lesquelles la Compagnie est en
correspondance.
J. V.
VARIA
I. — Les Éditeurs et les vieux Manuscrits tamouls
Beaucoup d'anciens ouvrages tamouls^ fort importants, ont été
perdus par la négligence de ceux qui en possédaient des copies
manuscrites, ou plutôt par l'insouciance des héritiers de ces ama-
teurs; ce qui d'ailleurs a le plus contribué à ces pertes irrépa-
rables, c'est la fragilité de la matière sur laquelle ces vieux
ouvrages étaient écrits. Il n'y a guère plus d'un siècle que le
papier a commencéà être d'un usage courant dans l'Inde, et il n'y
a pas plus de quatre-vingts ans qu'on a commencé à imprimer les
écrits originaux. Jusqu'à cette époque, la littérature dravidienne
était représentée tout entière par des manuscrits sur feuilles de
palmier, sur ôlcs.
On s'est occupé, depuis une vingtaine d'années, d'arracher à la
destruction ces vieux ouvrages. On en a fait prendre des copies
sur papier, on a déposé des manuscrits anciens dans les biblio-
thèques publiques, et plusieurs savants du pays se pont occupés
de faire imprimer ces précieux restes d'une longue et brillante
période littéraire. Parmi ces savants, il faut citer au premier rang
Vè. Sâtninâda-aiyar, professeur au collège de Kunxhhakônatn,
et Ci. Vâi. Tâmôdarampillei (de Jaftna), qui ont publié, avec une
sollicitude empressée et une minutieuse attention, de remarquables
éditions des vieux classiques. Le premier n'a donné aucun détail
sur les manuscrits qu'il a consultés, mais le second a rendu un
compte très exact et très intéressant de la peine qu'il a prise et
des ennuis que l'état déplorable des manuscrits lui a causés,
surtout à propos du Sâlàinani, poème épique djâina, et du Kalit-
togci, poème didactique amoureux.
On a vu, par la notice qui est en tête de ce numéro (p. 305),
26
— 386 —
que le Sûlâmani a été publié d'après cinq manuscrits. On avait
pu en découvrir huit dans tout le pays tamoul, mais deux
n'étaient que des copies d'un des six autres^ et l'un de ceux-ci
a disparu depuis le moment où il avait été signalé à l'éditeur.
Quant au Kalittogei, l'histoire de l'édition est encore plus triste,
encore plus intéressante et plus propre à provoquer de salutaires
réflexions. TàmôdarampiUei a consulté tout d'abord un œanufîcrit
contenant le texte seul, sans commentaire, appartenant à Naya-
nappanmdalir/âr, de Pondichéry, mais il dut l'abandonner, parce
que ce manuscrit était incomplet du commencement et de la fin,
qu'il était à peine lisible et dans un état déplorable. Précédemment,
l'éditeur avait obtenu une assez bonne copie du savant Arhcmu-
ganâvalar; il écrivit aux supérieurs des divers monastères pour
leur demander communication de celles qu'ils posséderaient. Le
supérieur du couvent de Tirncûcadmlurei, Saf kuriinàdaçvâmi,
lui envoya aussitôt la sienne et en même temps deux autres qu'il
avait fait venir du Sud. Les autres monastères n'envoyèrent rien^
parce qu'ils ne possédaient rien sans doute. La publication fut
alors préparée; le texte copié, collationné et revu; un vocabulaire
des mots difficiles fut rédigé: mais le travail était défectueux et
incomplet, et il devint nécessaire de chercher d'autres manuscrits.
Deux amateurs distingués, KanagaçabeippiTlci, de JaSna, et
Râmalingappillei, de Méliapour, s'empressèrent de communiquer
leurs exemplaires. Divers fragments furent retrouvés dans des
collections publiques de Madras et de Tanjâvûr, mais leur réunion
ne formait qu'un exemplaire peu utilisable, que Téditeur laissa
de côté.
Sur ces bases, l'impression fut sérieusement préparée. Mais toutes
les copies, excepté l'une de celles venues de Tiruvâvadudurei,
se terminaient avant la fin de la quatrième section de l'ouvrage,
qui en contient cinq. Que faire? Évidemment chercher encore.
Ta môdai-ampillei écrivit au Sud, à l'Est et à l'Ouest, et entreprit
lui-même un voyage d'exploration dans le Nord : « Lorsque j'étais
venu de Jaffna dans le pays », dit-il, « l'année Pramâdîca (1853),
il y a trente-cinq ans, dans le but de rechercher les ouvrages
tamouls devenus rares, je me rappelai avoir vu des manuscrits du
— 387 —
Kalittogei chez un vieux professeur de Manjakkuppam, à Gou-
delour, nommé Çantnugacâttit/âr, et chez un savant de Nellit-
tôppu, à Pondichéry, nommé Çokkalingappillei, et je me rendis
dans ces localités pour y faire des recherches. Je ne pus retrouver
l'endroit où habitait le premier. Quant au second, j'appris que sa
petite-fille et le reste de sa famille habitaient la ville voisine; j'y
allai, je m'informai auprès du mari de la petite-fille en question
qui me répondit : « Quoi? Nous avons là depuis fort longtemps
un paquet d'ôles dont nous ignorons même le titre ; ii elles peuvent
vous intéresser, regardez-les et emportez-les, et il me donna géné-
reusement ce paquet d'ôles. Les larmes que je versai témoignent
quelle fut ma douleur en constatant l'état de ce manuscrit; mais,
bien que le Kalittogei y fût incomplet et défectueux çà et là, je
l'emportai avec une grande joie, car il contenait la cinquième
section de l'ouvrage que je cherchais. » Pendant ce temps, on avait
trouvé à Tin(;licanain un exemplaire qui contenait le commence-
ment de cette cinquième section.
D'autre part. Ta. Kanagaçundarampillei, de Tirikônamalei,
afiBrmait qu'il avait vu cette cinquième section dans un dépôt
public de Madras; Tdinôdarampillci revint aux fragments qu'il
avait mis de côté et, à son immense satisfaction, il y trouva en
effet la section signalée; de plus, il eut la bonne fortune de décou-
vrir, dans le même endroit, un autre manuscrit qui allait jusqu'à
lastrophe23 de la même division. La copie et le collationnement
furent aussitôt entrepris.
Mais Guruçàini-aiyar, de Tiruttanigei, fit connaître qu'un
amateur avait emportéà Gâr/amuttàr un exemplaire daKalittogei
qui avait appartenu au savant Çaracanappèrumàlaigav, son
parent. On fit demander que ce manuscrit fût prêté pour quelques
jours, mais on se heurta à un refus formel, basé sur ce que le
propriétaire actuel tenait à ses livres plus qu'à la vie, « comme
s'il s'agissait de perles contenues dans les huîtres de la mer ou de
la pierre précieuse qui est dans la chevelure de Çiva ». Les regrets
de l'éditeur furent cependant atténués quand il apprit que ce
manuscrit contenait seulement les quatre premières sections.
Aucune autre copie ne fut envoyée ni apportée de nulle part; il
— 388 —
fallut donc se remettre à l'ouvrage avec trois copies seulement de
la cinquième section.
-L'édition de l'ouvrage complet fut ainsi publiée d'après dix
manuscrits.
Cette histoire n'est-elle pas édifiante? Mais, hélas! à qui de
nous n'en est-il pas arrivé autant? La seule conclusion à en tirer,
c'est qu'il est urgent et nécessaire de rechercher activement, par-
tout, tous les vieux manuscrits tamouls et de les mettre autant
que possible à l'abri de la destruction. Le sort nous réserve peut-
être encore d'heureuses surprises.
J. V.
II. — Paris et Londres
Un journal rappelait dernièrement l'ingénieuse boutade sui-
vante :
Paris est droitier, Londres est gaucher.
Le cocher parisien conduit à droite, celui de Londres à gauche.
Le premier prend place sur le devant du véhicule, le second
derrière .
Paris est compact, Londres dispersé.
Paris s'accroît par l'absorption, Londres par l'expansion.
Paris est bâti en pierres, Londres en briques.
Paris a de hautes maisons et des rues étroites, Londres de larges
rues et des maisons basses.
Paris a des fenêtres à espagnolettes, s'ouvrant comme des portes,
Londres des fenêtres à guillotine.
Les persiennes de Paris sont établies au dehors, celles de Londres
au dedans.
Paris est collectiviste, il habite des maisons qui sont des casernes;
Londres est individualiste, chaque famille y a sa maison à elle.
Paris a son portier, Londres sa clef.
Paris prononce « cacao », Londres « cocôa ».
Paris quitte de grand matin son lit installé contre le mur,
Londres quitte tard son lit installé au milieu de la chambre.
Paris dîne, Londres mange.
Londres, a dit Voltaire, possède cent religions et une seule
sauce; Paris a cent sauces et pas de religion.
— 389 —
Londres se sert d'une fourchette à trois dents, Paris d'une four-
chette à quatre dents.
Paris est gai, Londres triste.
Paris flâne, Londres court.
Londres a trop peu de soldats, Paris en a trop. Le soldat de
Paris porte la tunique bleue et le pantalon rouge, celui de Londres
la tunique rouge et le pantalon bleu...
A Paris, les prêtres célèbrent les mariages ; à Londres, ils se
marient eux-mêmes.
A Paris, les femmes mariées sont libres ; à Londres, elles cessent
de l'être.
Paris a plus de suicides, Londres plus d'homicides.
Paris travaille, Londres trafique.
A Paris, la canaille se bat à coups de pied ; à Londres à coups de
poing.
Le prolétaire de Paris appelle le raont-de-piété « ma tante » ;
celui de Londres dit « mon oncle » .
Félix Pyat.
III. — La première femme tamoule reçue docteur
We are glad to learn that Mrs. S. Satthianadhan, who as Miss
Kamala Krishnana, took herB. A. degree in History and Sanskrit
in 1898, has corne out successfullyat therecentM. A. examination
in English with Sanskrit as her second language, her Disserta-
tion being on the « Sonnet in English Literature », and we hear-
tily congratulate Mrs. Satthianadhan on the distinction she has
attained. As she was the first Indian lady to take the B. A.
degree, she will be the first lady M. A. of the Madras University.
Among ladies, Bengal has produced two M. A. s, Ailahabad
one, the Punjabone and Bombay none, and ail thèse M. A. 's are
Indian Christians. — The Madras Mail, Fridar/ Eeeninr/, Jidtj
19, 1901.
TABLE GÉNÉRALE DU TOME XXXIV
Pages
Le langage martien, par V. Henry :1, 125
L'inscription découverte en 1899 sur le forum romain, par
A . BojESLA V 46
La langue des Pouls, par E. Gibert 50
Explication (linguistique basque), par J. Vinson 79
Max Millier, par P, Regnaud 82
Quelques manuscrits basques, par E. Dodgson 85
La raza vasca, par T. de Aranzadi 179
Les parfaits faibles germaniques, par P. Regnaud 186
The lifeand legends of Sundara-Murtti, par G.-U. Pope.. 221
Prabôdhacandrôdaya, trad. fr. par G. Devèze 240
L'argot de Saint-Cyr 255, 362
Analyse des formes verbales du S. Marc basque de Liçar-
rague, par E.-S. Dodgson 263, 340
Littérature tamoule ancienne. Le Sâlâmani, parJ. Vinson 305
Bibliographie basque. Notes et Documents 365
Corrigenda 216, 350, 362
Varia. La question de l'e muet 121
— La formation des voyelles. 122
— Prononciation du Basque. 123
— L'argot des marins 217
La langue de nos parlementaires 301
— ■ Bismarck et les caractères latins 302
— Jeu de mots homonymes 302
— Les éditeurs et les vieux manuscrits tamouls 385
— Paris et Londres 388
— La première femme tamoule reçue docteur 389
BIBLIOGRAPHIE
A. Mercier. La langue créole en Louisiane 102
G. Abbot. Songs of modem Greece 105
— 391 -
Pages
Em. Delage. La chiffrocryptographie 112
A. Lefèvre . Les Gaulois '. 115
J.-B. RoBY. Virgile limouzi 117
A. Liet. Prononciation du français 118
J . ViNSON. Légendes bouddhistes et jainas 188
H. ScHucHARDTet T. LiNscHMANN. Lciçarraga's baskische
Bûcher 190
P. d'LIrte. Grammaire cantabrique 200, 294
G.-U. Pope . Tirùvâçagam 284
J.M. Nallaswami-Pillay. Sivagnânabôtham et Light of
Grâce 288
E. Blochet. Catalogues des manuscrits mazdéens et delà
collection Schefer 291
R. Pischel. Grammatik der Prakrit Sprachen 375
A. Roussel. Légendes morales de l'Inde 376
Paul Sébillot. Le folk-lore des pêcheurs 378
M. J. vanEys. Bibliographie des Bibles et des Nouveaux-
Testaments 379
M. Delafosse. Manuel de la langue haoussa 380
Em. DE Arriaga. Lexicon del Bilbaino neto 382
Kuhn's Zeitschrift v 200, 383
Suomalais-ugrilaisen Seuran Aikakauskirja 216
Bulletin de la Société des sciences de Pau. , 120
26th report of the Bible Society 383
Actes de la Société philologique 293
LANGUES ÉTUDIÉES
Linguistique générale, 82, 122, 112, 200, 302, 293, 383.
Basque, 79, 85, 123, 179, 216, 190, 200, 263, 294, 340, 356, 365.
Allemand, 186.
Français, 102, 121, 115, 117, 118, 217, 255, 301, 362,378, 379, 388.
Grec moderne, 105.
Espagnol, 382.
Finnois, 216, 293.
Haoussa, 380.
— 3&g -
Martien,!, 125.
Latin, 46.
Poul, 50.
Persan, 291.
Tamoul, 188, 221, 284, 288, 305, 385.
Sanscrit, 240, 375, 376.
AUTEURS
P. de Aranzadi,179.
J.-M. Bernaola, 365.
A. Bojeslav. 46.
G. Devèze, 240
E.-S. Dodgson, 85,263, 340.
E. Gilbert, 50.
V. Henry, 1, 125.
H. Pernot, 105.
G.-U. Pope, 221.
P. Regnaud, 82, 186.
J. Vinson,79, 102, 112, 115,117, 118, 119, 120, 190, 200, 216,
284, 288, 291, 293, 305, 356, 375, 376, 378, 379, 380, 382, 383, 385.
Le Propriétaire-Gérant,
J. Maisonneuve.
Chalon-stir-Saône. - Imiirimcrie L. Marceau, E. BERTKANL), successeur.
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