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Full text of "Revue de l'Orient chrétien"

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Revue de l'Orient chr etien 


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SÉRIE, Tome Il (XII) — 1907. — N° 1 


: Éie fPestament (éthiopien) de Notre Seigneur 
Sets auveur Jésus-Christ » en Galilée. . . . 
M ddaï Scher. — Analyse de l'histoire de ‘Rabban bar- 
Βαϊ (πη) ΣῈ 
Analyse de deux opusculés: ἘΠ ΕΞ attribués 
au prophète Ésdras et d’un calendrierlunaire de l'Ancien Tes- 
ξ  tament attribué à Esdras, aux Egyptiens et même à Aristote. 
.- — Ἔ Tournebize. — Etude sur là c_"version de l'Arménie au 
christianisme ain: que sur la doctrine et les uses de lé- 
π΄ glise arménienne primitive . .-. 
1 F. Nau. Histoires des solitaires E syptiens (ms. Coislin 1%, 
to 158 sqq.). ETAPE, 
ITS Vailhé. — Le églises Saint- Etienne à Jérusalem. 
τ Mélanges : 
- [. Τὸ Leroy. — Note sur deux ouvrages de Sévère Ibn al- 
Moqaffa (Histoires des conciles). ; τῆς 
IH. 5. Vailhé. — La mosaïque de la transfiguration , au 
Sinaï, est-elle de Justinien?. . . 
ΠῚ. F. Nau. — Une ancienne traduction latine du Bélinous 
. arabe (Apollonius de Tyane) faite par Hugo Sanctelliensis 
et conservée dans un ms. du xue siècle... .. 
“VUL Bibliographie. — ERWIN PREUSCHEN, Urchristentum im Orient von 
τ Ε΄. Crawford Burkitt (F. Mau). — I. ἜΡΗΒΕΜ Il RAHMANI, $. 
Eplhraemi hymni de Virginitate (1΄. Nau). — E. MANGENOT, 
L'authenticité mosaïque du Ro os (F: Nau).. EN ἢ 
Livres nouveaux .: ᾿... .. RE NS NOT re De 


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Ah de à à pis 


+ ἊΣ ξ Ἔτι 
Æ BUREAUX LIBRAIRIE 


me DU REGARD, 20 ἈΠΕ BONAPARTE, 82 


-Y'LEIPZIG = LONDRES 


Recueil trimestriel, — Prix de l'abonnement : 12 fr. — Étranger : 14 fr. 


DES ŒUVRES D'ORIENT A. PICARD ET FILS 


Ἀ Ἐ ἀπὲ HARRASSOWITZ | WILLIAM ET NORGATE 


Pages. 


107 
111: 


ns LA LIBRAIRIE PICARD - 


| RUE | BONAPARTE, , &, PARIS. 


Feu sera ner ἢν compte + Due ouvrage relatif à 
SA un exemplaire à la précédente adresse. 


RU: 


l'Orient à dont on « 


COMITÉ DIRECTEUR : 


Mer CHARMETANT (%), protonotaire apostolique, Directeur des OEuvres d’O- Ἢ 
rient, président. — M. l'abbé BousQuET, vice-recteur et professeur de grec 
ἃ l'Institut catholique de Paris. — Met GRAFFIN (%), prélat de Sa Sain- … 
teté, professeur d’hébreu et de syriaque à l’Institut catholique de Paris. — 
-M. l'abbé LEROY, professeur d’arabe et d’égyptologie à l’Institut catho- 
lique d'Angers. — M. l'abbé MANGENOT, professeur d'Écriture sainte à l'Ins-. 
titut catholique de Paris. — M. l'abbé Nav, professeur de mathématiques 
à l’Institut catholique de Paris. 


Le Comité est assuré du concours de spécialistes compétents : pour Ar = - 

ménien, M. ΒΑΒΜΑΌΠΑΝ, directeur de la revue « Banasër », et le ἢ. P. 
PEETERS, Bollandiste ; pour V'Assyrien, etc., le P. SCHEIL, professeur à 
l'École des Hautes Études : pour le Copte, le R. P. MALLON, professeur à 
l'Université de Beyrouth ; pour l'Éthiopien, M. 1. Guini, professeur à l’'Uni- 
 versité de Rome, M. l'abbé Ε. MARTIN, professeur à l’Institut catholique de 4 
Paris, et M. E. PEREIRA; pour le Mongol et le Persan, M. BLocer, attaché TT 
_àla Bibliothèque Vtt τ Ξ 

| En dépit du contrôle qui sera exercé par ces divers savants, chaque 
$ auteur conserve l'entière responsabilité de ses articles. 


REVUE 


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L'ORIENT CHRÉTIEN 


——— 


DEUXIEME SÉRIE 


Tome II (XII) 


42° volume. — 1907 


De 
REVUE ( 


DE 


L'ORIENT CHRÉTIEN 


RECUEIL TRIMESTRIEL 


DEUXIÈME SERIE 
Tome II (XII) 


; PARIS 
BUREAUX LIBRAIRIE 
DES ŒUVRES D'ORIENT A. PICARD ET FILS 
RUE DU REGARD, 20 RUE BONAPARTE, 82 


AU SECRÉTARIAT k 
; LEIPZIG 
DE L'INSTITUT CATHOLIQUE 


RUE DE VAUGIRARD, 74 OTTO HARRASSOWITZ 
Recueil trimestriel. — Prix de l’abonnement : 42 fr. — Étranger : 44 fr. 


UN TESTAMENT DE NOTRE-SEIGNEUR 


ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST ” EN GALILÉE 


Le manuscrit éthiopien 51 de Paris (fonds d’Abbadie) et le 
manuscrit or, 793 de Londres contiennent, à la suite du Tes- 
tament de Notre-Seigneur Jésus-Christ, un écrit d'allure apo- 
calyptique. Dans une note (1) adressée à M. Nau, pour lui faire 
part de ce fait et lui donner un aperçu de ce nouveau texte, 
nous l’avions qualifié d'apocalypse, car 1] se présente sans 
titre dans le manuscrit d’'Abbadie, mais le manuscrit 793 de 
Londres, dont communication nous fut faite plus tard par 
M°° Graffin, lui donne le titre de Testament de Notre-Seigneur 
et Sauveur Jésus-Christ. Pour le distinguer des autres Testa- 
ments de Notre-Seigneur, nous proposons de l'appeler T'es{a- 
ment de Notre-Seigneur en Galilée, puisque c'est là que la 
scène se passe. 

Bien que, dans les deux manuscrits, la séparation entre les 
deux écrits soit assez peu marquée (2), nous avons bien là 
deux œuvres distinctes. Ainsi a pensé Dillmann. Dans son 
Lexicon linguæ æthiopicæ au mot 4m? nous avons l'expres- 
sion suivante : 451 : N°4 : Dao nz, : avec la référence Kid. 
f. 39. Or dans les prolegomena nous lisons : E codice Stuttgar- 
tiensi membranaceo excerpsimus. 1° Kidàn... seu Testamentum 
Domini nostri Jesus Christi, f. 3-30. Le Kidän de la référence 
est donc différent du Testamentum D. N. J. C.; il doit être le 


(1) Cf. Vacant-Mangenot, Dict. de Théologie, t. I, col. 223. 

(2) La séparation consiste dans le ms. de Paris en un espace de un centimètre 
rempli en partie par des points alternant avec des lignes. Elle est plus faible 
encore dans les ms. de Londres. Le Testament de N.-$. J.-C. termine exactement 
une colonne, à laquelle est surajoutée une ligne de points simples; le Testament 
en Galilée commence exactement la colonne suivante. 

ORIENT CHRÉTIEN. 1 


9 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


2 


Testament en Gaiilée, dans lequel nous avons rencontré 
l'expression citée. Le texte syriaque de Mossoul qu'a édité 
M: Rahmani, et les textes de Rome et de Paris qui lui ont fourni 
les variantes, 5115 sont suivis, dans les manuscrits, du Testa- 
ment en Galilée, — ce que nous ignorons, — se présentent de fait 
commé un tout complet, d’après l'édition du savant patriarche, 
sans laisser supposer qu'ils ont pour suite nécessaire une 
sorte d'écriteschatologique. Sans doute, le Testament de Nofre- 
Seigneur Jésus-Christ s'ouvre par une apocalypse, mais 1] 
n'est pas nécessaire qu'il se termine comme il a commencé. 
Cette apocalypse, d'ailleurs, qui n’est pas — on le verra plus 
loin — sans relations très étroites avec notre nouveau texte, 
paraît avoir été soudée artificiellement au règlement ecclé- 
siastique, auquel aucun lien logique ne la rattache. Ces rela- 
tions elles-mêmes plaident la distinction. Si le Tes{ament de 
Notre-Seigneur en Galilée faisait corps avec le Testament de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ, ainsi que l'Apocalypse d'introduc- 
tion, nous aurions des répétitions, quelquefois assez longues 
et presque littérales, ce qui n'est guère admissible. Il semble 
donc que l’un ou l’autre en doit être indépendant; nous pen- 
sons que l’un et l’autre le sont. 

Notre intention n'est pas de faire ici une étude de ce nou- 
veau document. La description des manuscrits, les remarques 
textuelles trouveront place, sans doute, dans l'édition qui en 
_sera donnée dans la Patrologie Orientale (1). Quant aux ques- 
tions de date et d’origine, il nous semble préférable d'en ren- 
voyer l'étude à plus tard, alors que d'autres documents de 
même nature auront, en plus grand nombre, vu le jour et pour- 


ront s'éclairer mutuellement. Nous voulons simplement le 
présenter aux lecteurs de la Zevue de l'Orient chrétien, en 


leur faisant connaître brièvement ce qu'il contient. 
Les deux textes (Paris 51 — Londres 793) sont de valeur iné- 
gale. Le manuscrit 51 porte des traces de négligence assez 


(1) M. Nau nous ἃ envoyé jadis les photographies du texte éthiopien du 
Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ. La traduction latine, qui en à été an- 
noncée dans les derniers fascicules parus de la Patrologie orientale et dans les 


derniers numéros de la Revue de l'Orient chrélien, est presque achevée. Il se. 


pourrait que l'édition et la traduction du document en cause dans cet article, 
paraissent avant le Testament, car l'attrait de nouveauté qu’il a eu pour nous, 
nous pensons qu'il pourra l'avoir pour d’autres. 


TESTAMENT DE NOTRE-SEIGNEUR ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST. 9 


nombreuses de la part du copiste, mais les différences entre 
les deux manuscrits sont assez peu sensibles ; elles fourniront 
seulement, dans l'établissement du texte, quelques variantes 
presque sans intérêt. 

Il est assez difficile de présenter l'analyse de cet ouvrage, 
qui manque d'unité, et qui offre, sans transition, des traits 
assez disparates, parfois même puérils. C’est un résumé de faits 
évangéliques, de quelques passages des Actes, des épitres de 
Saint Paul, avec quelques réminiscences de l'Ancien Testament. 
Tantôt la parole est aux apôtres, tantôt à Jésus : C’est surtout 
un dialogue entre eux et le Maître, qui leur donne quelques 
explications, ou leur fait quelques recommandations. 

Cet écrit, dans son commencement, présente une très grande 
analogie avec l'Apocalypse qui est en tête du Testament de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ (1), comme celle-ci, il annonce les 
fléaux précurseurs de la fin du monde. La scène se passe en 
Galilée : le Seigneur ressuscité apparaît aux douze. Écoutez- 
moi, leur dit-il, fils de lumière, ayez soif de la parole de votre 
Père et je vous découvrirai ce qui arrivera dans le monde... 


Jésus-Christ parle des prodiges qui doivent marquer la fin du 
. monde, le son de la trompette, la chute des astres, l'apparition, 


en Orient, d’une étoile semblable au feu... partout la terreur, 


la consternation, des éclairs, des tonnerres, des tremblements 


de terre, etc. Les morts sortiront de leurs sépulcres et apparai- 
iront... Le Père céleste sera irrité à cause de la méchanceté 
des hommes. 

Le Maitre fait aussi connaître les fléaux qui doivent dévaster 
les pays d'Orient. Nous avons la longue énumération des pays 
d'Asie Mineure, que déjà l’Apocalypse du Testament de Notre- 
Seigneur Jésus-Christ nous avait donnée, et, en plus, la Phrygie 
et la Pamphilie ; les épreuves diverses, qui doivent atteindre ces 
pays, sont presque identiques dans les deux documents. L’Anti- 
christ est annoncé comme précurseur de la fin du monde. Le 
portrait qui en est tracé, est à peu près le même que celui de l’A- 
pocalypse du Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Sui- 
vent des promesses de bonheur pour ceux qui seront fidèles en 


(1) Les ressemblances sont telles qu’il paraît impossible de faire, pour l’origine, 
d'autre hypothèse que celle d’une source commune inconnue, ou celle de la 
dépendance directe de l’un de ces écrits par rapport à l’autre. 


4 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ces temps malheureux. Quant à ceux qui auront haï l'or et les 
richesses, le Seigneur les recevra. En ce jour leur visage sera 
sept fois plus brillant que le soleil... Je serai leur Dieu, ils se- 
ront mon peuple... Je serai leur Père, ils seront pour moi fils 
et filles. Je les placerai avec mes anges et ils seront heureux. 
Mêmes allusions aussi aux mauvais pasteurs, qui séduisent le 
peuple, au profit de leur cupidité et de leur volupté. Allusion 
à Isaïe. Après les persécutions finales, Dieu se lèvera, il jugera 
les hommes et donnera à chacun d'eux, selon ses œuvres et 
ses paroles, et les justes hériteront de la gloire de Dieu. 

Jésus-Christ s'est fait chair de la Vierge, par l'Esprit-Saint, 
non par la concupiscence de la chair, mais par la volonté de 
Dieu. L'auteur fait allusion ensuite aux noces de Cana, à,la 
résurrection des morts, à la guérison des paralytiques, à 
l'homme dont la main était desséchée, à la femme qui souffrait 
d'un flux de sang; allusion aux sourds, aux aveugles guéris, 
aux démons chassés, aux lépreux purifiés. Il rappelle la tem- 
pête apaisée, le miracle opéré par Jésus pour le payement de 
l'impôt, la multiplication des pains. 

Après quelques exhortations données par Jésus à ses disci- 
ples, on nous parle du crucifiement au temps de Ponce-Pilate 
et d’Archélaüs, dans un lieu appelé Cranios, de l'apparition de 
Jésus à Sara, Marthe et Marie-Madeleine en pleurs, de l’appel de 
Marie-Madeleine aux apôtres et de l’incrédulité de ces derniers. 
Nouvelle apparition de Jésus-Christ à ses apôtres, dans laquelle 
il reproche à Pierre son reniement, aux apôtres leur peu de 
foi; ceux-ci lui demandent pardon, prosternés devant lui; 
Jésus les relève et leur parle de lui-même : il surpasse les cieux, 
il est revêtu de la sagesse du Père, de sa force, de sa vertu; 
il surpasse les anges. 

Mais l’auteur fait dire à Jésus que ce fut lui-même qui, sous 
l'apparence de Gabriel, apparut à Marie pour lui demander 
son consentement à l'Incarnation. Ensuite, le Maître recom- 
mande à ses apôtres de faire la Pâque, en commémoraison de sa 
mort. Il leur prédit qu'ils seront emprisonnés, et annonce 
même à l’un d'entre eux (allusion à St Pierre, Actes, x11) que 
sa vertu, sous la forme de l'ange Gabriel, le délivrera de la 
prison. 

Puis, il prédit son second avènement : il viendra sur l'aile 


TESTAMENT DE NOTRE-SEIGNEUR ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST. Ὁ 


de la nue, porté dans la gloire, avec sa croix, pour juger les 
vivants et les morts. Les apôtres demandent au Sauveur s'il 
leur manquera jusqu'à son avènement. Jésus répond qu'il est 
tout entier dans le Père et le Père en lui, et qu'il est en même 
temps ici et là. Il leur donne le nouveau commandement : 
s'aimer les uns les autres, aimer les ennemis, ne pas faire à 
autrui ce qu'on ne veut pas qu'il soit fait à soi-même... Jésus 
parle de sa chair, en laquelle il a été engendré, enseveli et res- 
suscité par le Père céleste, afin que soit accomplie la prophétie 
de David : Quam multiplicati sunt qui tribulant, me etc. 
Jésus-Christ, alors qu'il n’a pas de chair, ἃ revêtu la chair, afin 
que les hommes engendrés selon la chair, ressuscitent dans la 
chair. Il a reçu toute puissance de son Père, afin d'amener à la 
lumière ceux qui sont dans les ténèbres, à l'incorruptibilité ceux 
qui sont dans la corruption, à la sainteté ceux qui sont dans le 
péché, à la vie ceux qui sont dans la mort... La chair de tout 
homme ressuscitera avec son àme et son esprit... A ceux qui 
m'auront aimé et qui auront fait ma volonté, je donnerai le 
repos dans la vie, dans le royaume de mon Père qui est dans les 
cieux. 

Suivent des menaces contre ceux qui auront cru, mais n’au- 
ront pas fait la volonté de Dieu, et contre ceux qui auront per- 
verti ceux qui croient. Les apôtres se réjouissent : ils s’esti- 
ment bienheureux de voir le Seigneur et d'entendre ses pa- 
roles. Le Maitre reprend : « Plus heureux sont ceux qui n’au- 
ront pas vu et qui auront cru ». 

Jésus parle de la conversion de Paul : « Vous trouverez un 
homme nommé Saul, Juif circoncis selon la 1oi de Moïse... 1] 
entendra ma parole venant du ciel... ses yeux s’obscurciront.…. 
mais un Jour ses yeux seront ouverts, etil glorifiera Dieu, mon 
Père céleste ; il sera puissant en œuvres dans les nations... on 
le livrera aux mains des méchants... il me confessera devant 
les rois mortels... il sera un vase d'élection, un mur inébran- 
lable… 

Les dernières pages contiennent quelques exhortations, 
quelques promesses. L'homme parfait est celui qui croit dans 
la lumière... Celui qui aura observé mon commandement sera, 
à cause de cela, fils de lumière, c’est-à-dire de mon Père... 
Les méchants seront condamnés au feu corps et âme. L'auteur 


6 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


répète ensuite brièvement les maux précurseurs de la fin du 
monde... Jésus promet la récompense à ceux qui auront marché 
dans la justice... aux pauvres... à ceux qui auront eu faim et 
soif. et le châtiment à ceux qui auront haï et persécuté ces 
derniers. Les apôtres rappellent à Jésus qu'il leur ἃ défendu 
d'appeler qui que ce soit père ou maître... Jésus les loue, et 
leur explique comment ils seront pères et maîtres. Suit un 
assez long commentaire de la parabole des vierges sages et des 
vierges folles, dans lequel Jésus se dit l'époux qui introduit 
avec lui l’âme fidèle dans la demeure nuptiale. Le Sauveur 
rappelle le précepte de la correction fraternelle, et fait des pro- 
messes à Ceux qui auront persévéré. 

Cet écrit se termine ainsi dans le manuscrit de Paris. Est 
terminé le Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans 
la paix des siècles des siècles. Amen. Α celui qui l'a écrit, 
ἃ celui qui l’a fait écrire, à celui qui le lira, à celui qui écou- 
terases paroles, que Dieu nous soit à tous miséricordieux, et 
nous donne en héritage le royaume des cieux, avec tous les 
saints, dans les siècles des siècles. Amen. 

Le manuscrit de Londres à une finale plus courte, et nous 
dit simplement : Est terminé le livre du Testament, dans la 
paix du Seigneur: qu'il garde son serviteur Absolom dans 
les siècles des siècles. Amen. 


Ainsi qu'on vient de s’en rendre compte, l'intérêt de ce T'es- 


tament est assez limité. Il ne renferme rien de bien personnel. 
Nous n’avons guère de doctrine, que celle fournie par les textes 
sacrés eux-mêmes, sans réflexions. 

L'auteur aurait-il néanmoins subi quelque autre influence ? 
Peut-être. Mais il faut convenir que les traces en sont incer- 
taines. 

Parexemple, l’angélologie de l’auteur parait être, en somme, 
celle du Judaïsme paiestinien, mais n'a-t-elle pas été in- 
_fluencée par le Pasteur d'Hermas, quand l’auteur fait une con- 
fusion analogue à celle des Similitudes, en faisant dire à Jésus 
qu'il a apparu lui-même à Marie, sous l'apparence de l'ange 
Gabriel? Ou bien cette confusion témoigne-t-elle d'une hésita- 
tion de l’auteur entre la doctrine orthodoxe sur les Anges et 
l'hérésie des Angéliques, dont nous parle saint Épiphane 
(Hær. 60) et qu'on croit avoir été condamnée au Synode de 


. 


TESTAMENT DE NOTRE-SEIGNEUR ET SAUVEUR JÉSUS-CHRIST. 7 


Laodicée, vers 360. IL serait téméraire d'affirmer quoi que ce 
soit, car ailleurs la suréminence de Jésus-Christ sur les anges 
est enseignée (1). 

Certaines expressions paraissent teintées de montanisme. 

Dans les allusions aux faits évangéliques, l'auteur ne mani- 
feste guère de préférences. Pourtant les faits semblent, en 
somme, empruntés plutôt aux synoptiques et les paroles de 
Jésus au quatrième Évangile. 

Peut-être trouvera-t-on là quelques éléments sérieux, pour 
déterminer la date et l'origine de cet écrit. Par comparaison 
avec les textes scripturaires, d'origines différentes, qui nous 
sont connus, on arrivera probablement à savoir quel texte 
l’auteur avait en mains. Toutefois comme les citations textuelles 
de la Sainte Écriture ne sont pas extrêmement nombreuses, la 
solution ne laissera pas que d’être un peu subjective. 

Une étude comparative, sur les documents de même nature 
que nous pourrons avoir, fournira sans doute des données 
plus certaines. Nous avons déjà lApocalypse du Testament de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ. M. Conti-Rossini prépare, pour 
la Patrologie Orientale, l'édition, avec traduction italienne, d'un 
écrit qui a pour titre Fekàârê Iyasus. Il s’agit probablement de 
l'ouvrage qui porte ce titre, dans le Catalogue raisonné des 
manuscrits d'Abbadie, sous le numéro 195. L'analyse qui en 
est donnée là, montre qu'il n’est pas sans quelque analogie 
avec le Testament de Jésus-Christ en Galilée. Quand on aura 
ainsi réuni un certain nombre de ces écrits, si étroitement 
apparentés qu’ils semblent nés les uns des autres, ou du 
moins qu'ils trahissent incontestablement une origine com- 
mune, une étude d'ensemble pourra être féconde en résultats 
pour chacun d'eux, tandis que l'étude d’un seul, isolé, nous 
paraît ne devoir conduire qu'à des conclusions flottantes, 


(1) Le mode d’argumentation de MM. Cooper et Maclean (The Testament of 
our Lord), quileur avait permis de voir une présomption en faveur del’origine 
montaniste de l’Apocalypse du Testament de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans 
l'absence de la Phrygie, patrie du Montaniste, parmi les pays dévastés, nous 
conduit ici à des conclusions contraires. Nous savons, en effet, par Théodoret, 
que l’hérésie des Angéliques, si elle ne prit pas naissance en Phrygie et en Pi- 
sidie, fut du moins fort répandue dans ces pays. Mais ils sont précisément com- 
pris dans les pays qui doivent être dévastés. Donc notre texte nous présente, tour 
à tour, le pour et le contre. 


8 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


fort sujettes à méprises, et à n'accepter qu'avec réserve (1). 

La surprise la plus agréable que nous réservait cet écrit, 
est de nous fournir, dans son entier, la version éthiopienne du 
Psaume 11°. Nous la transcrivons telle quelle, en terminant cet 
article, dans la pensée qu'elle pourrait intéresser quelque 
exégète de l’A.T. Quel texte représente-t-elle? Il ne nous appar- 
tient pas de le dire. 

Nous n'avons fait au texte qui suit qu'une correction sans 
importance et d'évidente nécessité, et nous avons essayé de 
rétablir le parallélisme. 

ANA: LNN TE : AA τ LAPEZ 

NH: 7 : bave : AIRE : 

NZ à LLAP : γα : 

AAN : 008:  : AY°AN- - 

DATA : ANA : φοπηρῦ : 

A7 : NACL : Θσοῤιῥὰ : CAE 

PAL : πῇ : Δ“. Δ Ὧν : Ah : 

DA9° 77, : AIRE : σοι = 

᾿γὼ : AnANN- : DEN: - 

(91. "11." : AO : 5 ANdLE : A7 AL - 

δι άσυ : AT Ἀλλά. : AchHN : 

δὰ : QTEZ : Don: : AGDE - 

TT : AA : AYPANC : DALLETZ : 

Ado : AE : Φιρηϊῃσν- : Δ λσν- : AÀ : θές. : An 

TE : 

HANCN : ALU’ ou: : AD ΦΆΊ : 

HAL ANdC : ALT - 

αλλ : ἥν ἢ : Nan Ὦ : L. GUERRIER. 


(1) Nous avons comparé ce Testament avec les Enseignements de Jésus-Christ 
à ses disciples dont M. René Basset ἃ donné la traduction (Les apocryphes 
éthiopiens, fasc. VII). Bien que le titre fasse espérer quelques relations entre 
ces deux documents, elles sont très rares et tout à fait insignifiantes. Autant 
que nous avons pu nous en rendre compte par l’analyse qu’en ἃ donnée M. Dib 
(ROC. 1906, n° 4, p. 428), le Testament de Notre-Seigneur au Mont des Oliviers 
est un écrit distinct du Testament en (Galilée, mais il est de la même famille. 


ANALYSE 


DE L'HISTOIRE DE RABBAN BAR EDTA 


(Jin) () 


CHAPITRE XLIV À L 


Il donna encore la guérison à une autre démoniaque du vil- 
lage de Bar Sera. 

Un homme, appelé Denha (2), de Beith Daniel dans la région 
de Marga, vint solliciter ses prières pour ses moutons, qui étaient 
attaqués d’une terrible épidémie. Il lui conseilla de chasser sa 
servante; l'homme obéit et aussitôt l'épidémie cessa. Ses amis 
racontèrent qu’un de ses enfants avait commerce avec 1a ser- 
vante. 

Yazdin, du village de Tlelhaté, perdait ses enfants encore tout 
jeunes. Le saint pria pour lui et il eut un enfant qui fut son hé- 
ritier. : 

Il délivra d’une horrible calomnie un pauvre homme, du vil- 
lage de Beith ‘Arbayé, situé au-dessous de notre couvent. 

Il donna la guérison à un frère, appelé Ephrem, qui était at- 
teint d’une grave maladie. 

Grâce à ses prières, un homme du village de Beith Qad$sayé en 
Marga put retrouver un de ses bœufs qu'on venait de lui voler, 
lui ayant déclaré que le bœuf était dans le village de Beith Zako, 
chez Lyolok, le célèbre brigand, et qu'on allait le conduire à 
Beith ‘Edraï pour le vendre. 

Il obtint la guérison d'un diacre du village de ‘Ain Barqa qui 
avait été subitement possédé du démon. 


(1) Voy. 1906, p. 403. 
(2) Ce nom signifie « Epiphanie ». 


10 . + REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


CHAPITRE LI A LIV 


Un mage d'Arbèle, épris de la beauté d’une fille du village de 
Beith Marouth, avait résolu de l’épouser par force. La mère de 
la fille eut recours à Bar ‘Edta. Sept jours après on annonça à la 
femme que le mage, en venant à Marga, s'était noyé avec son 
cheval dans le Zap. | 

Il changea une fois de l’eau en vin dans notre couvent. 

Zakkaï avait corrompu aussi le village de Harbath Nespa dans 
le district de Ardoud. Le saint fit dire aux villagéois qu'à cause 
de leur hérésie, Dieu leur enverrait trois terribles fléaux. Le 
7avril un orage de grêle dévasta leurs terrains; il fut bientôt 
suivi de la rouille et de la nielle. 

Un homme du village de Beith Zabayé, au pays de Ninive, 
nous racontait ceci: Zakkaï, disciple du démon, voulut nous 
corrompre, nous aussi. Quoique nous eussions chassé ses disci- 
ples, nous redoutions toutefois la méchanceté de Gabriel, mé- 
decin du roi. Nous envoyämes un prêtre demander les prières de 
Bar ‘Edta; le saint nous envoya sa croix en nous disant : « Ne 
craignez pas : cette croix préservera votre village du mal. » 
Cette parole nous encouragea, et nous fiant aux prières de Bar 
‘Edta, nous avons conservé notre sainte foi. 


: CHAPITRE LV 


Un frère, appelé Yaunan, originaire de Karmless (1), alla un 
jour revoir ses parents. De retour, il rencontra unlion surles bords 
du Hazar; la crainte le terrassa; il invoqua Bar ‘Edta en jurant 
que s’il était délivré cette fois du lion, il ne sortirait jamais du 
couvent. Yaunan affirmait avec serment que le lion s'était éloigné 
aussitôt. 


CHAPITRE LVI 


Notre Père avait l'habitude de s’enfermer dans la cellule les 
semaines du Carême, des Apôtres, d'Elia et de Moïse (2). Il 


(1) Village situé à 5 heures de Mossoul. 
(2) L’année liturgique des Chaldéens est ainsi divisée : Commencent tout 


ANALYSE DE L'HISTOIRE DE RABBAN BAR ‘EDTA. 11 


n'ouvrait alors la porte à personne, si ce n'est par nécessité. Il 
avait ouvert dans sa cellule une fenêtre où il avait mis du 
hnana (1) et sur laquelle il avait posé une croix. Les malades 
venaient prendre de ce hnana et obtenaientla guérison. Un frère 
nous racontait ceci : « Une fois un mulet du couvent devint 
malade ; j'allai et j'adorai devant la croix de la fenêtre du saint; 
Je pris un peu de hnana, avec lequel je frottai le mulet », et 
le frère nous jurait que le mulet avait été aussitôt guéri. 


CHAPITRE LVII 


Un autre frère nous racontait ceci : « Je fus attaqué un jour 
d’une violente tentation. Aussitôt que j'ai eu recours à la fe- 
nêtre de Rabban, j'ai été délivré de la tentation. » 


CHAPITRE LVIII 


Un autre frère, appelé David, du village de Babta, fut cruel- 
lement tourmenté de la goutte. Ses parents, qui étaient très 
riches, le soignèrent beaucoup; mais sa maladie s’aggravait 
toujours. Il pria son petit frère, appelé Sliba, de l’amener à la 
fenêtre de R. Bar ‘Edta; il se mit à genoux et pria. Ayant 
dormi, il vit en songe une colombe sortir de la cellule du 
saint et venir déployer ses ailes et les agiter autour de lui. 
Aussitôt 1] se réveilla guéri de sa maladie. David nous affir- 
mait tout cela avec serments. 


CHAPITRE LIX A ΠΧ 


Dieu faisait beaucoup d’autres prodiges par l'intermédiaire 
de R. Bar ‘Edta. 


d’abord les semaines de l'Avent; elles sont suivies des 2 semaines de Noël; 
viennent ensuite les 7 semaines de l’'Épiphanie; puis les 7 semaines du Carème; 
ensuite les7 semaines de Pâques; puis les 7 semaines des Apôtres; ensuite les 7 
semaines de l’été; puis les 7 semaines d’Elia, etenfin les 4 semaines de Moïse, qui 
sont suivies immédiatement de 4 semaines de la Dédicace de l'Église. Dans les 
couvents, outre les semaines du Carème, on jeûnait encore les semaines des 
Apôtres, d’Elia et de Moise. 
(1) Cf. supra, chap. 1. 


12 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Une fois des loups enragés apparurent dans le pays; ils 
enlevaient beaucoup d'enfants de leurs lits et même de leurs 
berceaux (1). Les habitants, s'étant alarmés, recoururent à 
Bar ‘Edta, il leur donna du hnana et de l’eau bénite (2) avec 
lesquels ils aspergèrent les limites de leurs villages; les loups 
enragés n’apparurent plus. 


CHAPITRE LAI 


Il y avait dans le village de Beith Kousta deux frères, dont 
l’ainé avait un fils et le cadet une fille. Or il arriva que chaque 
fois que l’un de ces deux enfants se trouvait seul à la mai- 
son, il voyait un fantôme hideux. Les parents s'alarment; 
ils recourent au saint; celui-ci leur ordonne de conseiller à 
leurs enfants d'éviter une telle occasion de péché et leur 
donne du hnana et de l’eau bénite, avec lesquels ils aspergent 
la maison; dès lors le fantôme disparaît. Quant à l'occasion 
du péché contre laquelle le saint prémunit les enfants, nous 
n'avons pu la connaitre. 


CHAPITRE LXII 


Mar Bar ‘Edta suivit Mar Abraham le Grand à l'âge de 
vingt-trois ans; il passa trente ans avec lui dans le couvent 
d'[zla et après avoir vécu ici dans le couvent cinquante ans, 


€ 


il mourut à l'âge de cent trois ans (3). Voyant que l'heure de 


(1) Dans toutes ces régions les habitants passent les nuits de l'été sous un ciel 
beau et sans nuages. 

(2) Dans le texte : las, xs sw Ets, littéralement : « eau de la source de 
sa prière ». 

(3) En quelle année faut-il placer la mort de Bar ‘Edta? Nous avons remarqué 
plus haut (chap. ΠῚ que la date (562) de la fondation du couvent de Bar ‘Edta 
était inadmissible, et que par conséquent au lieu de l’année 873 des Grecs il 
faudrait lire 883 (572). Le contexte des chapitres τν et xxn, où il est dit que la 
sœur de Bar‘Edta alla en Marga un an après la fondation du monastère de son 
frère, et qu'après avoir vécu 90 ans dans son nouveau cloitre, elle mourut à la 
suite d’une famine qui eut lieu sous le patriarche ISo‘yahb 1 (582-595), c'est-à- 
dire un ou deux ans après le retour de Kosrau II du pays des Romains, semble 
confirmer notre conjecture. Kosrau II retourna de chez l’empereur Maurice et 
mit en fuite l’usurpateur Behram en 590. La famine aurait donc eu lieu vers 


ANALYSE DE L'’HISTOIRE DE RABBAN BAR ‘EDTA. 13 


sa mort était proche, il réunit tous ses enfants et se mit à 
leur tenir un discours instructif. Le jour de l'Épiphanie il cé- 
lébra les saints mystères. Son àme s’envola au ciel la nuit du 
8 janvier. Tous les villages des environs se réunirent et nous 
ensevelimes pompeusement son corps au milieu des cantiques 
et des hymnes et nous le déposämes dans le martyrion. 


+ AT SCHER, 


Archevêque chaldéen de Séert. 


591/?, et Hanah ISo‘, sœur de Bar ‘Edta, serait morte en 92/3. La fondation du 
couvent de Bar ‘Edta devrait donc être placée en l’année 971/2. 

Ceci étant posé, Bar ‘Edta aurait embrassé la vie monastique vers 541, ayant 
passé 30 ans dans la montagne d’Izla avant d'aller en Marga; il serait né vers 
518 (ayant suivi Mar Abraham à l’âge de % ans), et serait mort en 621/2, ayant 
vécu 50 ans dans son nouveau couvent. Il faut, je crois, s’en tenir à ces dates 
avec lesquelles concordent assez bien les autres événements mentionnés dans 
l'ouvrage, comme la fondation du couvent sous Hazqyel, patriarche (chap. 11), 
qui gouverna l'Église nestorienne de 570 à 581; etsous son contemporain Hnana, 
métropolitain d’Arbèle, et la dispersion des moines du couvent de Mar Abra- 
ham le Grand (chap. xxur) qui, au dire de Thomas de Marga (ik. [, cap. xxm), 
eut lieu vers 590, etc. 


ANALYSE 


DE DEUX OPUSCULES ASTROLOGIQUES ATTRIBUÉS AU PROPHÈTE 
ESDRAS ET D'UN CALENDRIER LUNAIRE DE L'ANCIEN TESTA- 
MENT ATTRIBUÉ A ESDRAS, AUX ÉGYPTIENS ET MÊME A ARIS- 
TOTE. 


I. Le premier opuscule est contenu dans le manuscrit grec de 
Paris, n° 2149 et, τς partie du moins, dans les manuscrits 22, 
2494 et suppl. 636 

Le ms. 2149, fol. 165 > V., déclare nous faire connaitre les jours 
propices des douze mois de l’année, tels que Dieu les fit con- 
naître au prophète Esdras le prêtre, pour qu'il les révélât aux 
fils d'Israël. C’est en ces jours qu’on réussit tout ce qu'on entre- 
prend : pour acheter, vendre, bâtir, travailler une vigne, se 
marier, partir en voyage, pour commercer ou pour voyager sur 

er, pour visiter un malade, aller en guerre ou en justice. 1] 
faut tout faire au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ... Les 
jours propices sont : 

En septembre, les 13, 15, 22, 28, 30. 

En octobre, les 7, 8, 10, 25, 27. 

En novembre, ἰδὲ 4. 6,9, 16, 19, etc... 

Dieu révéla de même les mauvais jours pour que le prophète 
Esdras les fit connaître aussi aux Israélites. Il faut se garder, en 
ces jours, de bâtir, d'acheter, de négocier, de travailler une 
vigne, de se marier, d'appliquer son fils aux mathématiques, 
d'acheter un quadrupède, etc... Les,jours mauvais sont : 

En septembre, les 1, 3, 9, 20, 25, 29. 

En octobre, les 3,5, 11, 17, 23, 26. 

En novembre, les 5, 8, 11, 15, 20, 29, etc. 

Le ms. 22 (fol. 277) ne renferme que les jours malheureux 
révélés par Dieu au prophète Esdras; le prologue est en sub- 


OPUSCULES ASTROLOGIQUES D'ESDRAS. 15 


stance le même que dans le ms. précédent, mais la présente 
rédaction ἃ le grand avantage de réduire le nombre des jours 
néfastes à deux par mois : 

En septembre : 3 et 21; en octobre : 3 et 20; en novembre : 
5 'et-2AF etc. 

Il en est de même du ms. grec 2494 (fol. 63 v.) : il ne rap- 
porte aussi que les jours mauvais et n'en compte que deux par 
mois, mais ces Jours ne concordent pas dans les deux manus- 
crits et cette diversité ne devait pas laisser que d’'inquiéter les 
hommes superstitieux qui voulaient régler leur vie sur les 
préceptes du prophète Esdras. Dans le présent manuscrit, les 
* Jours malheureux sont : En septembre, les 3 et 24; en octobre, 
les 3 et 21 ; en novembre, les 0 et 28, etc. 

Même remarque sur le manuscrit suppl. grec 636 (fol. 135), 
les jours mauvais seraient : En septembre, les 21 et 24; en 
octobre, les 13 et 28; en novembre, les 6 et 28, mais, au folio 
suivant, le même manuscrit cite à nouveau les mauvais jours 
d'après le prophète Esdras et cette seconde rédaction est à peu 
près celle du manuscrit 22. 


IT. Dans le ms. grec 2286 (fol. 110), on trouve une pièce toute 
différente, intitulée τοῦ: προφήτου "Εσδρα διάγνωσις περὶ τῶν ζ΄ 
ἡμερῶν. Pronostic du prophète Esdras au sujet des sept jours. 


Si les calendes de janvier tombent le premier jour de la semaine qui est 
le dimanche, l'hiver sera avantageux,-le printemps humide, l'été sec, 
l’automne orageux. Les fruits seront d'un bon rendement, les brebis 
fécondes, le miel sera abondant, la récolte belle. Il y aura mortalité de 
jeunes gens. 

Si les calendes de janvier tombent le second jour, l'hiver sera doux: 
le printemps et l'été seront orageux, il y aura des pluies fréquentes et 
abondantes, de nombreuses maladies, pas de miel ni de fruits. 

Si les calendes de janvier tombent le troisième jour (le mardi), il y aura 
beaucoup de neige en hiver, le printemps sera humide, l'été beau, l’au- 
tomne sec ; il y aura peu de fruits et perdition d'hommes et de femmes. 

Si elles tombent le quatrième jour, l'hiver sera beau, le printemps 
humide, l'été beau; il y aura peu d'huile et de blé, beaucoup de légumes et 
perdition d'hommes puissants, etc... 


Ces deux pièces n'ont rien de bien caractéristique; elles 
montrent seulement qu'il se trouva un ou deux auteurs pour 
attribuer à Esdras le genre de pronostics que devait vulgariser 


16 τ REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


plus tard notre Mathieu de la Drôme. La première fut assez 
répandue, car si elle commence par septembre (c’est l’ordre que 
nous avons conservé) dans deux manuscrits; elle commence par 
janvier et par avril dans les deux autres, ce qui montre que les 
Latins anciens et modernes l'empruntèrent aux Grecs et l’adap- 
tèrent à leur calendrier. 

III. Plus important et plus caractéristique est le calendrier 
lunaire de l'Ancien Testament dans lequel un auteur imagina 
de rattacher aux divers jours de la lune la naissance ou la mort 
de quelques personnages bibliques comme nous rattachons aux 
jours de l’année solaire quelques nativités et plus souvent la 
mort de nos saints. 

Cette mention est assez brève par exemple : « Au premier 
jour de Ja lune, Adam fut créé », puis elle est suivie de pronos- 
tics pour le jour correspondant. On devine que le fait biblique 
rattaché à ce jour lunaire influe beaucoup sur le pronostic : si 
le jour de la création d'Éve est « bon pour tout et favorable aux 
mariages », celui de Ja naissance de Caïn est par contre « pé- 
nible entre tous ». 


Ce calendrier se trouve d’abord dans le ms. grec suppl. 1191 
(fol. 59 v.-64 v.), sous un titre analogue à celui de la première 
pièce ci-dessus : Περὶ τῆς σελήνης προγνωστιχὸν τῶν ἡμερῶν ὧν ἐφα- 
γέρωσεν. ὁ θεὸς τῷ προφήτῃ Εσδρα. Au sujet de la lune; Pro- 
nostic des jours que Dieu révéla au prophète Esdras. 

On le retrouve ensuite, sous le nom d’Aristote, dans le ms. 
grec n° 2149 (fol. 166 v.). Nous avons noté plus haut que ce ms. 
renferme auparavant la première pièce attribuée à Esdras. 
Voici le titre du calendrier : 

“Epueveia περὶ τῶν ὅλων ἡμερῶν τῆς σελήνης, τῶν τέ ἀγαθῶν χαὶ 

πονηρῶν. Διδασχαλία ᾿Αριστοτέλου. 

ΤΡ, sur tous les jours de la lune, sur les bons οἱ 
les mauvais; doctrine d’'Aristote. 

Enfin le ms. grec suppl. 1148, fol. 189-195, renferme le 
même calendrier qui aurait été trouvé dans un temple à Hélio- 
polis d'Égypte et mis en ordre par un dernier auteur : 

Βίόλος εὑρηθεῖσα ἐν Ἡλιουπόλει τῆς Αἰγύπτου ἐν τῷ ἱερῷ ἐν ἀδύτῳ, 


͵ 
ἐγγεγραμιμένη ἐν ἱέραις γράμμασι ἐπὶ 


OPUSCULES ASTROLOGIQUES D'ESDRAS. 17 


Lis δὲ ταὐτὴν βίδλον CDS συνετάξαμεν χαθὼς ὑποχεῖται᾽ συνε- 
τάξαμεν δὲ art ἀρχὰς Kat τὰ σχήματα τῆς σελήνης. 

Εἰς τὰς α΄ τῆς σελήνης ᾿Αδὰμ, Réal ἡμέρα χαλὴ χαὶ ἀγαθὴ € 
πᾶσαν πρᾶξιν... 

Livre trouvé ἃ Héliopolis d'Égypte, dans le sanctuaire du 
temple, écrit en caractères sacrés sous le règne de Psamilos. 
Nous avons trouvé ce livre et l'avons disposé comme ci-des- 
sous. Nous l'avons disposé selon le cours et les phases de la 
lune. 

Au premier jour de la lune, Adam fut créé, jour beau et 
bon pour toute action. 

Le calendrier lunaire est à peu près le même dans les trois 
manuscrits, mais les pronostics qui suivent diffèrent assez 
souvent. Nous résumons ceux du ms. grec suppl. n° 1148 
pour donner une idée suffisante de cette composition et de ce 
genre de littérature : 


Au premier jour de la lune, Adam fut créé, jour beau et bon pour toute 
action : pour acheter, pour faire des testaments. Celui qui commence en 
ce jour à être malade sera bientôt guéri. L'enfant qui nait en ce jour sera 
éloquent, vif, grand, il parcourra la terre, sera adopté de Dieu et chéri 
des hommes, il deviendra puissant mais mourra jeune. 

Au second jour Eve fut créée d’une côte d'Adam; jour bon pour tout et 
favorable aux mariages. Le serviteur fugitif sera trouvé, celui qui com- 
mence à être malade guérira. Celui qui naît en ce jour vivra. 

Au troisième jour, naissance de Caïn, jour pénible entre tous et dange- 
reux. Celui qui nait en ce jour sera parjure et méchant. Celui qui com- 
mence à être malade ne vivra pas. Le serviteur fugitif sera caché. 

.. Au quatrième jour, naissance d’Abel, jour beau et bon pour tout. Celui 
qui naît en ce jour sera miséricordieux. Celui qui commence à être malade 
sera vite guéri. Le fugitif sera trouvé. 

Au cinquième jour, Caïn sacrifia à Dieu, mais mal. Celui qui nait en ce 
jour mourra. Celui qui jure en ce jour en souffrira. La femme qui se 
marie tombera malade. Il est bon d'ouvrir les boutiques. Le fugitif sera 
trouvé en peu de jours. 

Au sixième jour, naissance de Seth (1), jour célèbre. Celui qui com- 
mence à être malade guérira; il est bon de semer, de planter, de chasser, 
de pêcher, d'acheter les bœufs, de dompter les chevaux; ne pas prendre 
femme en ce jour. 

Auseptième jour, meurtre d'Abel, jour pénible et dangereux par-dessus 
tout. Celui qui commence à être malade mourra. On ne peut rien faire 


͵ 


(1) Ou de Noé. 
ORIENT CHRÉTIEN. 2 


18 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


d'utile si ce n’est de couper les porcs et les béliers. C’estle moment de la 
magie et d'appliquer les enfants aux mathématiques. Ce qui se perd ne 
sera pas retrouvé. 

Au huitième jour de la lune, naissance de Mathusala, jour favorable 
pour tous les oracles, pour dompter les jeunes chevaux, voyager en mer, 
aller à la pêche, bâtir, aller en guerre, faire son testament, livrer les en- 
fants à la science mathématique. Le jeune homme qui naitra en ce jour 
aura un signe à droite sur la main ou l’œil, il sera philosophe, laborieux, 
bien doué. La jeune fille qui naïtra en ce jour aura une marque sur les 
dents, elle sera rude, paresseuse, mais travaillera pour sa propre famille. 
Celui qui commence à être malade, si cela dure, sera en danger. Ce qui 
est perdu restera caché. 

Au neuvième jour, naissance de Lamech, jour favorable aux noces, à la 

guerre, au commerce. Ne pas travailler les jardins. Ce qui a été volé se 
retrouve. L'enfant qui naîtra aura un signe sur le côté, il sera avare, ami 
des étrangers et du bien, il passera une belle vie. Le malade guérira. 
Appliquer les enfants à la science mathématique, acheter des maisons. Ce 
qui se perd ne sera pas retrouvé. 
* Au dixième jour, naissance de Noé (1), jour de présage difficile. Le fu- 
gitif sera trouvé parce qu'il perdra le temps. L'enfant qui naïîtra aura un 
signe sur l'épaule ou sur la main, il sera faible et doux; le malade sera 
en danger, on appliquera les enfants aux mathématiques. 

Au onzième jour, naissance de Sem, jour favorable pour acheter, pour 
naviguer, faire des noces, prêter, acheter des quadrupèdes, semer, ven- 
danger, bâtir, monter sur un navire. Le jeune homme qui naît en ce jour 
aura un signe sur l'épaule ou à la bouche, ou par derrière : il sera bruyant 
et dangereux. La jeune fille aura un signe sur le thorax, elle aimera le 
beau. Le fugitif sera retrouvé, le malade guérira, ton rêve s'accomplira; 
on ouvrira les boutiques. Le jeune homme qui naït sera économe et riche ; 
si c’est une jeune fille qui naît, elle aura une marque sur l'œil, elle aimera 
son intérieur et plaira à son mari; le malade guérira. 

Au douzième jour de la lune, naissance de Cham. Le faible idnné en 
servitude. Si tu achètes en ce jour un serviteur, il fuira et tu le perdras. 
Il faut semer et moissonner, planter et commencer les vendanges. Le 
fugitif sera perdu. En ce jour évite tout combat, ne coupe pas tes che- 
veux (2) ni ta barbe; plante la vigne. Le jeune homme qui naïtra en ce 
jour sera amoureux et querelleur, de même pour la jeune fille ; ce qui est 
perdu sera retrouvé; celui qui commence à être malade fera une longue 
maladie. 

Au treizième jour, naissance de Lamech (3). Il convient de faire les 
noces, de boire, de se mettre en route, de planter la vigne; celui qui fuit 


(1) Ou de Iareth. 

(2) Au temps de Pline, on conseillait, pour éviter les maux de tête, de couper 
des cheveux le 17 ou le 29 de la lune, Hist. Nal., XXVIIE, ὃ 

(3) Ou : Noé planta la vigne. 


OPUSCULES ASTROLOGIQUES D'ESDRAS. 19 


s’enivrera et sera pris (1), celui qui commence à être malade mourra; ton 
rêve se réalisera après deux jours. 

Au quatorzième Jour, Dieu bénit Seth; en ce même jour Noé bénit son 
fils Sem, jour convenable pour aller aux églises et prier Dieu, pour en- 
treprendre la construction des maisons ; les événements seront heureux et 
de longue durée; le fugitif reviendra; ce qui est perdu sera retrouvé, celui 
qui commence à être malade guérira vite. En ce jour tu ne jureras pas, 
tu ne prêteras pas serment. 

Au quinzième jour, Isaac bénit Jacob (2). En ce jour, les langues de 
ceux qui construisaient la tour (de Babel) furent confondues. En ce jour 
on construira un fourneau, on extirpera les épines, on ne se mariera pas, 
onne naviguera pas, celui qui commence à être malade tombera dans une 
maladie complexe, celui qui fuira dans un autre pays y mourra, ce qui ἃ 
été perdu ne sera pas retrouvé; ton rêve s’accomplira après huit jours. 

Au seizième jour, naissance de Nachor (3). Il convient d'acheter et 
vendre et de se mettre en route pour commercer; tout ce que l’on médi- 
tera arrivera heureusement. Celui qui commence à être malade guérira. 

Au dix-septième jour, Sodome et Gomorrhe furent détruites par Dieu. 
En ce jour il faut se livrer aux bonnes actions, s'éloigner de toute affaire 
et de tout travail. Ceux qui naissent sont voluptueux. Celui qui commence 
à être malade mourra; le fugitif et l’objet perdu ne seront pas retrouvés. 

Au dix-huitième jour, naissance d’Isaac; en ce jour Isaac bénit son fils 
Jacob : jour beau et bon pour toute affaire. Ce qui naït sera vivace et pros- 
père. Le malade guérira, le fugitif se sauvera; ton songe s’accomplira 
après six jours. 

Au dix-neuvième jour, naissance d’'Esaü et de Jacob, jour où il convient 
de se mettre en route, de creuser un puits, de chercher une source. Il ne 
convient pas de monter sur un navire. Celui qui commence à étre malade 
sera en danger. On vendangera, on fera le vin, on célébrera les noces; le 
fugitif sera retrouvé avant quinze jours; ton rêve se réalisera après douze 
jours. 

Au vingtième jour, naissance de Joseph (4), jour convenable pour toute 
affaire, on plantera des arbres, on domptera les quadrupèdes, on se 
mettra en route. Celui qui commence à être malade sera en danger; le 
fugitif vieillira à la meule. Ton rêve n’est pas véridique. ἡ 

Au vingt et unième jour de la lune, Esaü fut maudit et Jacob fut béni, 
jeur dangereux pour toute affaire ; ce qui naïtra sera de courte durée, le 
malade le sera longtemps, on coupera les porcs et les béliers; on ira à la 
chasse; on ne fera pas de longs voyages; les mâles qui naïitront mour- 
ront, les femelles vivront, mais seront inutiles; le fugitif mourra; ton 
rêve s’accomplira dans les quarante jours. 

Au vingt-deuxième jour, naissance de Benjamin, et Joseph expliqua le 


(1) Se rapporte bien à la plantation de la vigne. 

(2) Ou : naissance d’Isaac. | 

(3) Aïlleurs : de Jacob et de Nachor. 

(1) Certains ajoutent : en ce jour Isaac bénit son fils Jacob. 


20 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


songe de Pharaon. Celui qui nait en ce jour aura une vie longue et cé- 
lèbre. Il est bon de voyager et de négocier, de faire la guerre, de planter 
des vignes et des arbres. Ce qui pousse de la terre verdoiera et de- 
viendra remarquable ; on retrouvera le fugitif et l’objet perdu; celui qui 
commence à être malade le sera longtemps mais ne mourra pas; ton rêve 
se réalisera avant huit jours. 

Au vingt-troisième jour, naissance d’Isaïe, jour convenable pour 
oute affaire, pour naviguer et se marier. On retrouvera le fugitif et l’objet 
perdu. Ton rêve est trompeur. 

Au vingt-quatrième jour, naissance de Pharaon, jour de (mauvais) pré- 
sage, le fugitif mourra, ton songe est trompeur. 

Au vingt-cinquième jour, Dieu envoya la douzième plaie sur les Égyp- 
tiens. Ce jour n’est pas favorable aux affaires. Celui qui jure sera en 
danger; il en sera de même de celui qui commence à être malade. Ce 
qui naît sera de nulle valeur; le fugitif sera repris. 

Au vingtsixième jour, naissance de Moyse (1). Il est bon de naviguer 
et de se mettre en voyage. Celui qui commence à être malade sera sauvé 
ainsi que le fugitif. Ce qui est perdu ne sera pas trouvé. Ce qui nait sera 
de bon usage et de bon aloi; ton rêve s’accomplira dans douze jours. 

Au vingt-septième jour, Dieu envoya la manne aux juifs; jour bon pour 
out, pour les corps, pour les ateliers, pour faire de la musique et se 
marier. Le fugitif mourra sur la route; celui qui commence à être malade 
guérira; ton rêve s’accomplira le jour même. 

Au vingt-huitième jour, les espions apportèrent la grappe de raisin à 
Josué, fils de Noun (Nombres, Xi1, 23-26 et Josué, τι, 23-24). Ce jour con- 
vient pour commencer (les ouvrages), commercer, acheter des esclaves, 
se marier, payer les mercenaires. Ceux qui naissent seront ivrognes et 
gourmands. Le fugitif s'enivrera et sera retrouvé; ton rêve s'accomplira 
le jour même. 

Au vingt-neuvième jour, les Hébreux entrèrent dans la Terre promise. 
Il convient de bâtir des maisons, d'acheter des esclaves; le fugitif mourra, 
ce qui naît sera de belle venue; celui qui commence à être malade gué- 
rira; ton rêve s’accomplira le jour même. 

Au trentième jour de la lune, naissance de Samuel; jour bon pour tout. 
Les enfants qui naissent ce jour-là seront heureux; le fugitif reviendra 
de lui-même; le malade guérira, l’objet perdu sera retrouvé; ton rêve 
s’accomplira après un certain nombre de jours. 


Le précédent résumé, pour incomplet qu'il soit, suffit à 
montrer que l’auteur ἃ rattaché au cours synodique de la 
lune (2) et à quelques faits choisis dans l'Ancien Testament, 
des conseils et pronostics sur les travaux à effectuer, les ma- 


(1) Ailleurs : Moyse, par la vertu divine, partagea la mer Rouge à l’aide de 


son bâton. 
(2) Le mois synodique lunaire est de vingt-neuf jours et demi. 


OPUSCULES ASTROLOGIQUES D'ESDRAS. 21 


ladies, les esclaves fugitifs, les objets perdus, le caractère des 
nouveau-nés, les rêves. L'idée de grouper toutes les prévisions 
autour du mois lunaire a chance d'être fort ancienne, puis- 
qu'on ἃ toujours attribué à la lune la plus grande influence 
sur les choses terrestres, sur la croissance des plantes et le 
caractère des hommes. Le soin avec lequel l’auteur indique 
les jours où l’on retrouvera les esclaves fugitifs nous montre 
aussi que l'esclavage était en pleine vigueur à son époque. Ce 
n’est pas à dire évidemment que cette époque est celle d’A- 
ristote ou d’'Esdras. Le nom d’Aristote a dû être introduit de 
manière purement gratuite et celui d'Esdras l’a été sous l’in- 
fluence de la première pièce ci-dessus. Le plus probable est 
donc que nous avons là un remaniement d'anciens pronostics 
Égyptiens. L'auteur du remaniement — un sémite — aura 
disposé ces pronostics suivant les jours de la lune parce que 
les Sémites utilisaient le mois lunaire (1) et aura ajouté quel- 
ques faits tirés de l’Ancien Testament. 
F. Nau. 


(1) Pour les Israélites (et actuellement pour les Musulmans) les mois étaient 
alternativement de 29 et de 30 jours, parce que la révolution synodique de la 
lune est de vingt-neuf jours et demi, et les douze mois de l’année ne compre- 
nalent que 394 jours. 


ÉTUDE 


SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE AU CHRISTIANISME 


AINSI QUE SUR LA DOCTRINE ET LES USAGES DE L'ÉGLISE 
ARMÉNIENNE PRIMITIVE 


Plus encore que l'Église arméno-cilicienne que nous venons 
de voir représentée à Sis, l'Eglise arménienne primitive 
fut catholique. 


La réponse du synode de Sis aux griefs formulés dans le 
Libellus est un exposé aussi complet que catholique de la foi ar- 
ménienne. Sans doute, cette profession de foi ne représente point 
une doctrine ou des usages constants et umversellement reçus 
dans l’Église arménienne. Elle contient même quelques infil- 
trations récentes, provenant des dogmes et des pratiques de 
l'Église catholique romaine. Mais, voulant rester ou devenir 
catholique, l'Église arménienne, par l'organe de ses princi- 
paux représentants, s'était assimilé ces emprunts et avait éli- 
miné tout ce qui la séparait de Rome. Au surplus, en sanction- 
nant à nouveau son union avec l'Église catholique, l'Église 
arménienne ne faisait que resserrer ou renouer des liens, 
relàchés ou brisés à certaines époques beaucoup moins par 
l'esprit de révolte que par suite de la distance et des malen- 
tendus. 

Remontons, en effet, aux origines de l'Église arménienne, 
étudions de près son organisme naissant, sa physionomie pre- 
mière, et nous constaterons que, malgré des différences acci- 
dentelles, elle professe, à peu de chose près, tous les dogmes 
alors enseignés dans l'Église universelle et, en particulier, 
dans l'Église romaine; et nous découvrirons déjà les attaches 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 23 


réelles, quoique latentes, qui l'unissent à celle-ci. En évoquant 
le tableau de l'Église arménienne primitive, nous apercevons 
en germe presque tous les articles de foi ou les usages disci- 
plinaires, dont l'Eglise arménienne du quatorzième siècle pré- 
sente l'épanouissement; des circonstances de sa fondation, de 
son organisation et de son administration, il ressortira, parmi 
d'autres faits, que l'Église arménienne jusqu'au synode de 
Tovin (Twin, 505) ne jouit jamais d’une pleine autonomie. 

Pour mettre ce dernier trait surtout en relief, il nous faut 
traiter d'une manière plus approfondie la conversion de l'Ar- 
_ ménie, que nous avons ailleurs rapidement esquissée. 

1. — La fondation d'une Église arménienne dès les 
lemps apostoliques est possible ; mais elle n'est point histo- 
riquement prouvée. 

Assurément, la foi chrétienne avait été prêchée en Arménie, 
quand parut Grégoire l'Illuminateur. Mais comment et dans 
quelles circonstances l'Évangile avait-il été annoncé ? Quels 
fruits avaient produits les missionnaires”? Voilà ce que les rares 
documents, à l'épreuve de la critique, ne laissent guère entre- 
voir. Tout au plus aperçoit-on, avant la fin du troisième siècle, 
une organisation ecclésiastique imparfaite, étroitement dépen- 
dante d'un organisme plus fort, comme le rejeton vivant 
encore sur l'arbre qui lui ἃ donné naissance. 

Ce n'est pas que nous rejetions comme entièrement insigni- 
fiantes toutes les raisons de ceux qui font remonter l'évangé- 
lisation de l'Arménie aux temps apostoliques. Si on songe 
qu'au début de l'ère chrétienne, comme aujourd'hui, les Ar- 
méniens étaient déjà des commerçants actifs et industrieux, 
les principaux intermédiaires entre l'Europe, l'Asie antérieure 
et les régions au nord et au sud-est de l'Arménie, on ne re- 
wardera pas comme invraisemblable la présence de plusieurs 
d'entre eux, à côté des Perses et des Mèdes, parmi les témoins 
des merveilles opérées à Jérusalem, le jour de la Pentecôte 
(Act., 11, 9). En outre, il pouvait y avoir, en Arménie, des 
Juifs venus de Palestine. Ceux-ci avaient sans doute ressenti 
le grand émoi causé autour d'eux par la vie et la mort du 
Christ; car alors « il régnait dans tout l'Orient une antique 
et ferme croyance, d’après laquelle l'empire du monde allait 
appartenir à un homme sorti de la Judée. Au reste, la distance 


24 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


n'était pas grande entre l'Arménie et la Cappadoce, dont la 
première Épitre de 5. Pierre (1, 1) signale les communautés 
chrétiennes. Il se peut bien enfin, comme le racontent Origène 
et Eusèbe, que saint Thomas ait pénétré chez les Parthes, et 
saint André chez les Scythes. Si ces deux faits ne sont pas in- 
vraisemblables, l'annonce de l'Évangile en Arménie, vers la 
même époque, le serait encore moins (1). 

Néanmoins, si l'on tente d'établir cette évangéiisation dès 
le premier siècle, non seulement comme possible, mais comme 
certaine, on ne trouve point de solide appui, mais seulement 
le terrain mouvant des légendes. 

2. — La prétendue conversion d’Abgar V n'intéresse 
point directement l'Arménie; car ce roi ne fut point armeé- 
nien. — La première de ces légendes est celle qui raconte les 
relations du roi d'Édesse Abgar avec Jésus-Christ. Elle s’est 
formée vers le milieu du troisième siècle autour des événe- 
ments marquant l'introduction et le développement du chris- 
tianisme dans l'Osrhoène. Serait-il vrai qu'Abgar V Oukhäma 
(le Noir) ait eu un courrier ou un confident du nom d’Anan; 
serait-il vrai que celui-ci ait été dépêché vers le Christ, qu'il 
ait tracé le portrait du Sauveur; que, par l’ordre du divin 
Maitre, l’un de ses disciples, appelé Addée ou Thaddée, soit 
venu, après l’Ascension, guérir Abgar et évangéliser l’Os- 
rhoène, tout cela n'intéresserait point directement les rois et le 
royaume d'Arménie. Car le prétendu correspondant du Christ 
est le fils de Manou IT Saphloul ou l’Aristoloche, c’est-à-dire 
Abgar V Oukhäma, qui occupa le trône d'Édesse de l'an IV 
avant l'ère chrétienne à l'an VII, et de l'an XIIT à l'an L, 
après un interrègne rempli par son frère Manou IV. Or, cet 
Abgar V est regardé comme arabe par Tacite et Pline; plus 
vraisemblablement encore, 1] était d’origine nabatéenne, 
comme en témoigne la désinence du nom de l’un de ses an- 
cêtres Aryou (2). 


(1) Suetonius, Duodecim Cæs., NIII, éd. Didot, Vespas. 4; — sur 5. Tho- 
mas, etc., Origène, Exeges. in Genes.; Eusèbe, Hist. eccl., II, 1; — cf. Gôrres, 
Zeitschr. f. Wissensch. Theol., XXXI, 1888, 451; XXXIX, 1896, 444. 

(2) Cf. Rubens Duval, Hist. relig., pol., litl. d'Édesse, Journal asiat., 8° sér., 
XVIII, Paris, 1891, 112, 113, 133; le même, Anc. liltér. chrét., IF, Littér. syr., 
1907, Paris, p. 96; Tacite, éd. Didot, Ann., XII, 12 et 14. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 25 


3. — ÆEnvisagée en elle-même, la légende a confondu 
Abgar V le Noir avec Abgar IX le Grand. — Pour l'analyse 
des documents qui nous sont parvenus et la confrontation des 
anciens historiens, il est aisé de dégager le noyau autour 
duquel s’est formée la légende d'Abgar. On a confondu Abgar V 
Oukhäma avec Abgar IX, dit le Grand, qui régna seul de 
l'an 179 à l'an 214, et conjointement avec son fils Sévère 
Abgar, de l'an 214 à l’an 216. Abgar IX avait été emmené par 
l'empereur Sévère à Rome, où il avait reçu un accueil triom- 
phal. 

Ce fut après son retour à Édesse, vers l’an 206, qu'il se con- 
vertit officiellement au christianisme. Sa foi nouvelle se réflé- 
chit dans la législation d'Édesse qui interdit désormais aux 
prêtres de la déesse Taratha de se transformer en eunuques. 
Il semble bien qu'avant lui aucun des phylarques ou toparques 
d'Édesse ne fut chrétien : ses prédécesseurs, si l’on en juge par 
leurs monnaies, portaient encore sur leur tiare, arrondie au 
sommet, l'emblème païen formé du croissant lunaire et de 
trois étoiles (1). 

4. — Comment s'est formée la légende. Son élaboration 
el ses caractères dans Eusèbe, Léroubna, la version armé- 
nienne, Moïse de Khorène. — Formée à Édesse, la légende 
d'Addée se répandit vers l'orient comme vers l'occident. Eu- 
sèbe eut sous les yeux l’une des plus anciennes rédactions en 
langue syriaque. Son récit n’est manifestement qu’un résumé 
de son modèle, sauf qu'il rapporte intégralement la correspon- 
dance supposée entre Abgar et le Christ. On sent néanmoins 
qu'il exploite une composition relativement sobre, aujourd'hui 
disparue. Il avait probablement sous les yeux le texte primitif 
de Léroubna. Mais, aux siècles suivants, la légende se déve- 
loppa et se compliqua d’autres légendes. La Doctrine d'Addée, 
en langue syriaque, nous est parvenue sous une forme déjà 
amplifiée, qui contient, en dehors du récit transmis par Eu- 


(1) Cf. Dion, éd. Dindorf, LXXIX, 16, 3; Duval, Hist., d'Édesse, 113-115, 206- 
221, 260; Liltér. syr.%, Ὁ. 906. Abgar IX punit par l’'amputation de la main, la 
mutilation volontaire des prêtres de Taratha; Eusèbe, Præp. evang., VI, 10, 
Migne, XXI, 477; Voir Bardesane l'Astrologue, Le Livre des Lois des pays, par 
Nau, Paris, 1899; n. 56, p. 55; sur l’auteur cf. l’Introduction. — Spicileg. de Cu- 
reton, p. 26; trad. franc. Langlois, I, 92; l’œuvre du Pseudo-Bardesane (?) re- 
monterait vers l’an 220; — Épiphane, Hæres., LVI, 1. 


26 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sèbe, plusieurs additions élaborées dans le cours du quatrième 
siècle. Même ainsi amplifiée, la légende, ou ce groupe de ἰό- 
gendes, trahissait nettement une origine édessénienne. Un 
peu plus tard, les versions arméniennes de ces légendes por- 
tent déjà l'empreinte d'un milieu nouveau et apparaissent mo- 
difiées. Enfin Moïse de Khorène achève de les accommoder à la 
nation arménienne. Faire la juste part qui est due à Moïse ne 
manque pas de difficultés. Cependant, même en tenant compte 
des versions des textes d'Eusèbe et du pseudo-Laboubna, déjà 
faites avant Moïse, sous l'influence du milieu arménien, nous 
croyons que la dernière forme revêtue par la légende de 
Thaddée, en Arménie, fut achevée par le disert mais peu 
scrupuleux conteur. Si l’on analyse les éléments qu'il a mis en 
œuvre, on s'aperçoit que les Guerres des Juifs par Flavius 
Josèphe étaient l’une de ses principales sources. Mais il restait 
dans le règne des rois d'Arménie une large lacune, que Jo- 
sèphe ne remplissait pas. Depuis la mort d'Artavasde, trente 
ans avant l'ère chrétienne, son guide ne lui présentait aucun 
nom, jusqu'à celui de l’arsacide Tiridate, mis deux fois sur le 
trône arménien par les Parthes, l'an 51 et l’an ὅδ, et que 
Néron couronna, en 68, roi d'Arménie (1). 

Ὁ. — Comment Moïse est arrivé à travestir Abgar 
Oukhäma en roi arménien et à faire du disciple Addée 
l'apôtre de l'Arménie. — Moïse, ayant à cœur d'écrire une 
histoire complète, et du point de vue arménien, s’ingénia 
pour combler les lacunes de ses sources les plus autorisées. 
Il accommoda de son mieux à son sujet les chants populaires 
de ses compatriotes, certains passages de l'Histoire ecclésias- 
lique d'Eusèbe et la narration du syrien Laboubna. Cette 
dérnière œuvre, composée sous sa forme première à Édesse 
vers le milieu du troisième siècle, avait reçu, au quatrième 
et au cinquième siècle, plusieurs additions; et, au temps de 
Moïse, sous une teinte arménienne surajoutée, elle était à peu 
près identique à l'œuvre syriaque publiée en 1876, sous le titre 
de Doctrine d’'Addée (2). 


(1) Tacite, éd. Didot, XIV,226; XV, 29: XVI, 23; Dion,-éd-:Dindorf, LXIT, 
19-23; LIIL, 1-8, surtout 4. 

(2) Moïse deKh., II, 33; Eusèbe, 4. ÆE., I, 13, Migne, XX, 120-129; IL, τ, p. 136; 
George Phillips, The doctrine of Addai (he Apostlle, texte syriaque et tra- 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. ΟἽ 


Sous la main de l'historien de l'Arménie, ces nouveaux do- 
cuments devaient se plier-et s'agencer sans trop d'efforts. De 
l'Osrhoène, la foi avait sans doute rayonné assez tôt vers l'est; 
entre Édesse et l'Arménie la distance n'était pas grande. Bien 
longtemps avant Bar Hébræus, les alliances et les compéné- 
trations fréquentes entre Parthes, Perses, Édesséniens et Ar- 
méniens avaient justifié la réflexion suivante du célèbre pa- 
triarche monophysite : « Parthes ou Perses, Parthes ou Édes- 
séniens, Parthes ou Arméniens, c'est tout un » (1). 

Les Édesséniens appelaient déjà leur ville « la fille des Par- 
thes ». Quelques inexactitudes d'interprétation, antérieures à 
Moïse, aidèrent celui-ci à travestir Abgar en roi arménien et 
Addée en apôtre de l'Arménie. Abgar Oukhâma, que déjà 
Rufin, d'après une ancienne version d'Eusèbe, appelait fils 
d'Ouchania, et aussi Urbaniæ filius, acheva de se transfor- 
mer sous la plume des traducteurs arméniens de la version 
syrienne d'Eusèbe et de la Doctrine d’Addée ; ceux-ci le nommè- 
rent non plus Abgar Siav, le Noir, mais Abgar fils d'Arscham, 
l'Arsacide arménien. Cette dernière confusion fut elle-même 
d'autant plus facile que l’un des souverains d'Édesse, Ab- 
gar VII (109-116 après J.-C.), était fils d'Izat, membre colla- 
téral des Arsacides d'Arménie; et Izat lui-même était fils de la 
reine d'Adiabène, Hélène; cette princesse, qui, convertie au 


duction anglaise, Londres, 1876; Langlois, II, 517, Léroubna d'Édesse, Lettre 
dAbgar, traduction faite sur le texte arménien; Alishan, Zabubnia, Leltre 
dAbgar, Venise, 1868, en a Wetter, Die nalionalen gesänge der allen 
Armenien, Theol. quart., 1894, Ὁ. 48 et suiv. — Marquart, Beiträge zur Gesch. 
und Sage v. Erän, ZDMG, XLIX (1895), p. 640, 616-659; Carrière, La legende 
d'Abgar, Paris, 1895; Gutschmid, Unters. üb. die Gesch. des Koenigsr. Osrhoene, 
Mém. de l’Acad. de S.-Pélersb., XXXV, n. 1, 1887. Correspondance entre Ab- 
gar et le Christ, Hantess Amsoreah, 1900, p. 266; 5. Weber, p. 65. Décret jadis 
attribué au synode tenu par le pape Gélase I (494?) et déclarant apocryphe la 
correspondance entre le Christ et Abgar, dans Mansi, VII, 152, 169-170, fin 
La légende est acceptée par Welte en 1842, Theol. quart. schr., Tüb, p. 347 
365; par l'abbé J. P. Martin, en 1888, Rev. des Se. eccl., oct. nov. déc., et Bi- 
ckell, Zeitschr. f. K. Theol., p. 296 (1877); de même par Cureton, Phillips, Ali- 
shan, op. cit. — Le décret de Gélase n’est probablement pas de ce pape, mais il 
remonte cependant au premier tiers du vi siècle, cf. Æist. de Rome et des papes 
par Grisard 8. J., 3. vol., trad. E.-G. Ledos, bibliothécaire à la Bibl. nat. Paris, 
1906, t. 1, p. 298-299. Aux sources de Moïse, mentionnées ci-dessus, on à voulu 
ajouter la chronique de Jules Africain, ZDMG, 1886, 511 et suiv.; cela est pos- 
sible mais non démontré. 
(1) Assemani, IV, Dissert. de Syr. Neslor., Ὁ. 425; Duval, Hist. d'Édesse, 115. 


28 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


judaïsme, se fit faire à Jérusalem, du temps de l'empereur 
Claude, un superbe mausolée, est présentée par le fantaisiste 
Moïse comme chrétienne et comme épouse d’Abgar V; asser- 
tions inconciliables, non seulement avec le récit de Josèphe, 
mais avec la Doctrine d'Addée qui désigne, comme épouse 
d'Abgar, Schelmath fille de Meherdates (1). 

L'auteur édessénien Léroubna, auquel Moïse déclare avoir 
emprunté son récit, est identique au Laboubna dont le nom est 
placé en tête de la Doctrine d’Addée, le b du second ayant été, 
par suite d'une confusion bien compréhensible, changé en 7 
dans la version arménienne. Dès lors, il a été facile de relever 
les additions ou les modifications que Moïse, et surtout ses 
devanciers arméniens, ont fait subir, soit au texte de Laboubna 
traduit par Eusèbe, soit au texte actuel du même Laboubna, 
texte enrichi au quatrième ou au cinquième siècle de la scène 
du portrait de Notre-Seigneur et de quelques autres épisodes. 
Mais la circonstance la plus saillante à relever, c'est que 
le disciple de Jésus-Christ, appelé Addée par Laboubna et 
Thaddée par Eusèbe, n’est point représenté par eux comme 
évangélisant l'Arménie. Chez ces deux auteurs, il ne dépasse 
même pas les frontières de la Mésopotamie et il meurt à Édesse. 
D'après Moïse, au contraire, et certaines interprétations ou 
sources arméniennes antérieures à ce dernier historien, Addée, 
après avoir évangélisé Édesse, va prêcher la foi et mourir en 
Arménie (2). 


(1) Moïse de Kh. Il, 54; Josèphe, Antig.jud., XIV, χα, 3 à XX, n, 4; De Bello jud., 
1,13; Cureton, Votes, 144, 1, 7. En comparant l'Histoire de Moïse avec la Chro- 
nique dite de Denys de Tellmahré, on relèverait bien d’autres preuves de la con- 
fusion faite par le premier entre les personnages étrangers et les personnages 
arméniens. Ainsi, sous le règne de Paqouri (Pacorus, d’origine parthe, 34-29 
av.J.-C.), Denys signale l’expédition de ce prince et de son général Barzaphran 
contre la Syrie et la Palestine (Josèphe, loc. cit.). Au dire de Moïse, Barzaphran 
était prince de Rechdounc (II, 19). — Trad. armén. de l’Hist. eccl. d'Eusèbes 
éd. Dscharian, I, 13; trad. arm. de Laboubnia, Alischan, 4, 15. 

(2) Phillips, p. 36-17; Moïse de Khorène, II, 33, 34. Eusèbe place les événements 
qu'il raconte, à l’année 340 des Séleucides (29 de l’ère chrétienne); il appelle la 
maladie d’Abgar « grave et incurable »; il ne dit rien de l'épisode du portrait. 
L'auteur de ἃ Doctrine d’Addée fixe à l’an 32 la correspondance d’Abgar avec le 
Christ; il ne caractérise par aucun nom spécial la maladie d’Abgar. La version 
arménienne éditée par Ennis, dans Langlois (I, 319), et plus complètement par 
Alishan, fait déjà sortir Thaddée d'Édesse pour évangéliser l'Orient (p. 45 dans 
Alishan; 325 dans Langlois). La Doctrine d’'Addée et Moïse, parlent seulement 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 29 


Moïse n'aime pas, selon son expression, « répéter toutes les 
circonstances que d’autres ont rapportées longtemps avant lui. 
Aussi semble-t-il compléter sans scrupule les légendes édes- 
séniennes, déjà modifiées en Arménie. Par exemple, Eusèbe 
raconte que Thaddée — c’est ainsi qu'il traduit le nom syrien 
Addée — fut envoyé par l’apôtre Thomas, après l’Ascension ; 
il logea, en arrivant à Édesse, chez Tobie fils de Tobie. L'au- 
teur de la Doctrine de Thaddée désigne ce Tobie comme un 
juif de Jérusalem. Moïse ajoute : « ce Tobie était un prince juif 
qu'on dit être de la race des Pakradouni; persécuté par Ar- 
scham, il resta fidèle à la religion juive jusqu’au moment où il 
devint chrétien ». 

6. — Suite du parallèle entre les textes d'origine édessé- 
nienne et les textes modifiés par les milieux arméniens. Ici, 
on substitue un second Addé ou Atté à l’'Aggée de la Doc- 
trine d’Addée. 

A l'exemple de l’auteur de la Doctrine, Moïse nous raconte 
les faits et gestes des successeurs d’Addée, mais avec de sin- 
gulières différences. Le premier nous dit qu'Addée (Addaï) con- 
vertit Aggée (Aggaï), fabricant pour le roi de chaines et de 
tiares de soie; il convertit aussi Palout, Abschelamà et Bar- 
samyà. Ces quatre convertis deviennent « les collaborateurs 
d'Addée ». Bientôt, le peuple devenu chrétien « s'assemble 
chaque jour pour entendre la lecture de l'Ancien et du Nouveau 
Testament, du Diatessaron ». Quand Addée se sent gravement 
malade, « il convoque son peuple et ordonne Aggée comme 
directeur et gouverneur de son Église, le diacre Palout reçoit la 
prêtrise et le scribe Abschelarä le diaconat. D’après l’auteur de 


du portrait du Christ qu’aurait peint Hannan envoyé d’Abgar. Plus tard, la trame 
de la légende se poursuit. On raconte que Jésus-Christ ayant appliqué la toile du 
peintre sur son visage, y laissa l'empreinte de ses traits (Jean Damascène (f 760), 
Exposilio accurata Fidei orthodoxæ, IV, 16, Migne, P. G., XLIV, 1173; — Testi- 
monia pro imaginibus, XLIV, 1261). Dans deux manuscrits contenant les Actes 
de Thaddée (codd. paris. 548 de la Bibl. nation., x1° siècle, et Vindobon., de 
Vienne XLV, du 1x siècle), c’est sur un linge que le Christ imprime ses traits 
adorables (cf. Tixeront, p. 53). On a dit qu'un passage de la Géographie attri- 
buée à Moïse de Khorène marque la transition entre le portrait peint par Hannan 
et celui peint par le Sauveur. Saint-Martin, Mém., 11, 369. Mais ce passage semble 
apocryphe; il est omis dans l’éd. du P. A. Soukry, Venise, 1881. — La maladie 
d'Abgar, d’abord non désignée d’un nom spécial, fut plus tard appelée lèpre 
(Codex Vindob.; et Cedrenus, Compend. Hist., Migne, P.G., CXXI, 34. 


30 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


la Doctrine, Aggée poursuivit dans l'Osrhoène l’œuvre d'évan- 
gélisation et d'organisation ecclésiastique commencée par son 
maitre. Mais il eut les jambes brisées par l'ordre de l’un des 
fils d'Abgar qui avait succédé à son père. Sa mort fut si 
prompte, qu'il n’eut pas le temps d'imposer les mains à Palout. 
Celui-ci alla recevoir l'imposition des mains de l’évêque d’An- 
tioche, Sérapion. « Cette imposition des mains, poursuit la 
Doctrine d'Addée, Sérapion l'avait reçue de Zéphirin évêque 
de Rome, successeur dans le sacerdoce de Simon-Pierre. 
Celui-ci, auquel Jésus-Christ lui-même avait imposé les mains, 
avait été évêque de Rome pendant 25 ans ». 

Inutile d'observer que l'origine apocryphe de ce document se 
trahit par la mention du Diatesseron, composé par Tatien entre 
l’an 150 et 170 de l'ère chrétienne ; l’auteur de la lettre d’Abgar 
en révèle aussi la provenance tardive, en citant textuellement 
la réponse de N.-$S. aux envoyés de saint Jean-Baptiste : « Tu 
fais voir les aveugles, marcher les boiteux, tu purifies les 
lépreux » (Matth., x1, 5; Luc, vu, 22). Certains noms géogra- 
phiques laissent eux-mêmes deviner l’époque où s’est formée Ja 
légende. Au dire de l’auteur de la Doctrine, Abgar avait 
envoyé une ambassade vers Sabinus, à Éleuthérapolis en Pales- 
tine; or, le nom d'Éleuthérapolis remonte vers l’an 200, sous 
Septime Sévère (1). 

C'est surtout dans l’histoire des successeurs d’Addée que se 
manifeste la déformation subie par la légende édessénienne 
dans les milieux arméniens. La version arménienne, que Moise 
avait sans doute sous les yeux, fait sortir d'Édesse Addée pour 
évangéliser l'Orient. L'auteur de la version, toutefois, tradui- 
sit certainement une composition édessénienne, car Édesse est 
signalée « comme la métropole de tous les pays du côté de 
l'Orient » (Langlois, p. 325 a). Cependant, le traducteur armé- 
nien substitue déjà le nom d’Addé ou Atté à Aggée. Atté est 
ordonné évêque par Addée, près de partir pour la Mésopo- 
tamie orientale. Un autre écrit apocryphe : la Docfrine des 
Apôtres, observe qu'Aggée ordonna des évêques pour les As- 
syriens, les Arméniens, etc... (2). 

Comme la Doctrine d’Addée le raconte l’Aggée, la version 


(1) Burkitt, Early easlern christianity, London, 1904, p. 14. 
(2) Cureton, Anc, syr. doc., p. 34 de la trad, 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 91 


arménienne dit qu’Atté (Adé) eut les jambes brisées et mourut 
par l’ordre d'un fils et successeur d’Abgar. La même version 
fraie encore la voie à Moïse en notant qu'Addée, le maitre 
d’Atté, « mourut aussi en martyr, de la main des impies habi- 
tant du côté de l'Orient ». — Ce qu'il y avait encore d'indé- 
terminé dans cette version, Moïse, interprétant les traditions 
populaires arméniennes, va le préciser (1). 

7. — Martyre d'Addée et d'Atté précisé par Moïse; 
Sanadrough el les légendes de Thaddée οἱ de Barthélemy ; 
noyau historique; origine et dates de leurs développements. 
— Après avoir rappelé, sur la foi d’écrits antérieurs, le martyre 
d'Addée à Schaverschan (Ardaz), celui de la fille du roi, San- 
toukhd, tous les deux tués par l’ordre de Sanadrough, et le 
martyre d’Atté à Édesse, auquel, dit-il, le fils d'Abgar fit 
couper les jambes, Moïse ajoute : Vint ensuite en Arménie 
l'apôtre Barthélemy, martyrisé chez nous, en la ville d'Arépan, 
(II, 34). Puis, il poursuit l’histoire de Sanadrough, fils de la 
sœur d’Abgar et devenu seul héritier de son oncle. 

La légende arménienne de saint Barthélemy donne aussi le 


_nom de Sanadrough au neveu d’Abgar. Ilest très vraisemblable 


qu'ici, encore, Moïse a trouvé autour de lui quelques faits à 
moitié légendaires et à moitié historiques, et qu’il les ἃ, sinon 
travaillés, au moins interprétés comme il le fallait pour en 
former la trame de son Histoire (2). 


(1) 11 n’est donc pas tout à fait exact de dire qu’ « un ms. du 1x? siècle, le ms. 
addit. 14601 du Musée britannique (dans «πὸ. syr. doc. de Cureton, p. 109, IV; 
Wright, catal. II, 788), serait le premier à faire d’Addaï un martyr » (Tixeront, 
p. 65). Le passage cité par Cureton contient néanmoins une intéressante indi- 
cation : Addée aurait été tué par Sévère, fils d’Abgar, à Aghel Hasnà, en Sophène. 
Or, nous savons, d'autre part, qu'un fils d’Abgar IX, qui régna deux ans avec 
lui, avait recu le nom de Sévère, en mémoire de l’empereur de même nom ; et 
nous savons aussi qu'il fut, au dire de Dion Cassius, taxé de cruauté, à cause de 
la rigueur excessive avec laquelle il introduisit à Édesse les mœurs romaines 
(Dion, éd. Dindorf, LXX VII, 12, note ms. V). D’après la Doctrine d'Addée, Aggée 
successeur d’Addée ayant refusé de faire un diadème païen pour Manou, fils 
d’Abgar, le prince idolâtre lui fit briser les jambes (trad. Phillips, p. 49-50). 

(2) Sanadrough est un personnage à la fois historique et légendaire. Par un 
procédé qui lui est trop habituel, Moïse l’arrache à l’époque où il ἃ vécu pour 
le transporter au premier siècle de ‘l'ère chrétienne. On peut aller plus loin, et 
supposer comme probable que ce personnage est le Sanadrough mentionné 
comme roi d'Arménie dans la liste de Mar Abas, et qui régna de lan 166 à l'an 
200 (?). Il aurait ainsi été le prédécesseur immédiat du roi appelé par les Armé- 
niens Valarsace, que Caracalla attira traitreusement dans son camp, comme il 


32 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Moïse ἃ donc, et d'une manière assez souvent fantaisiste, 
accommodé à son sujet les documents, histoires ou légendes, 
qu'il avait sous les yeux. Ces documents, il les ἃ parfois com- 
binés et modifiés à l'encontre de la vérité; il ne les a certai- 
nement pas inventés de toutes pièces. Il est seulement diffi- 
cile de savoir s’il existait avant lui, indépendante de la légende 
d'Édesse, quelque tradition arménienne, sur l’évangélisation de 
l'Arménie dès les temps apostoliques. Quelques auteurs ont 
admis l'existence d'une légende arménienne de saint Thaddée, 
qui n'aurait point sa source dans la légende syrienne de saint 
Addée (1). 

L'opinion cependant qui se confirme de plus en plus, c'est 
que la légende arménienne concernant saint Thaddée s'est 
développée de la fin du 1° à la fin du v‘ siècle, et s'est greffée 
sur la légende édessénienne de saint Addée. On peut donc 
admettre que le livre des prédications de saint Thaddée 
était connu en Arménie au commencement du v° siècle, sans 
pouvoir en conclure avec quelque certitude à l'origine apos- 


venait de le faire pour Abgar X (Dion, LXXV, 1,9, 6; LXXVII, 12, 1-3; Duval, 
H. d'Édesse, p. 221; Gutschmid, XL. Schr., II, 3%; Marquart, ZDMG, XLIX, 
648-650 ; Faustus, IV, 24). — Il est moins naturel que Moïse ait eu en vue le Sana- 
drough qui lutta un moment contre Trajan, et qui était fils de l’arsacide Meher- 
dates et neveu du roi parthe Khosroës. Car le Sanadrough qui vécut à la fin du 
second siècle est resté le plus fameux dans les annales arméniennes (Faustus, 
IV, 24); et, d’ailleurs, son règne est, par la date, le plus rapproché des événe- 
ments qui se sont accomplis sous Abgar IX. Il fut, semble-t-il, introduit en 
Arménie par les Romains. Ceux-ci ravagèrent Artaxata et fondèrent, vers 
l'an 163, la nouvelle capitale arménienne de Nor-Khalakh, appelée plus tard 
Valarsabad, du nom de Valarsace,- qui établit là sa cour. Mais il se peut bien 
que Valarsace ait siégé quelque temps à Nisibe, jusque vers l’année 19% ; époque 
où les Romains, maîtres de la Mésopotamie, firent de Nisibe la capitale de cette 
province (Moïse, II, 13 et 36; Faustus, IV, 14: Marquart, ZDMG, XLIX, 650). 
Artaban ΠῚ, vers l’an 35 après J.-C., avait détaché de l'Arménie Nisibe qui en 
faisait partie et l'avait donnée à Izat d’Adiabène (Josèphe, Antiq. jud., éd. Didot, 
XX, 101,13). 

(1) Cf. Dashian, Zur ARE W°ZK MI (1890), 19, 25, 190 et 26-30, 36, du tirage 
à part. Ce savant suppose que le traducteur arménien de la Doctrine d’Addée 
avait sous les yeux un texte différent du texte syriaque actuel, p. 46-49 du tirage 
à part; — Sopherk Haikakankh, VI, 10, sur le martyre de saint Thaddée; Ca- 
tergian, as liturgies chez les Arméniens, en arménien, Vienne, 1897, p. 70; 5. 
Weber, p.72 etsuiv.; la Katholische Kirche in Armenien de 5. Weber (Fribourg- 
en- Fe 1905), qui décrit l’organisation et l'action de l'Église arménienne jus- 
qu’à la fin du ν᾿ siècle, nous a été très utile par ses nombreuses et pr écieuses 
indications. Nous citons d’après le docteur Weber quelques travaux contem- 
porains qu’il était impossible de nous procurer. 


ÉTUDE. SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 33 


- tolique de l'Église arménienne. Il est évident que le Thaddée 
arménien est le Thaddée dont parle Eusèbe, l'Addée de la lé- 
gende d'Édesse. Or, des plus anciens documents, qui sont de 
source syrienne, 1] résulte que cet Addée n’a pas été martyr 
et qu'il est mort à Édesse (1). Ce missionnaire, d’après la 
Doctrine d’Addée, était originaire de Panéas ou Césarée de 
Philippe en Palestine; il fut probablement le premier évêque 
d'Édesse, au plus tard vers 150 (Ὁ); mais il serait témé- 
raire de le regarder comme le premier missionnaire qui ait 
prêché la foi à Édesse. Qu'il ait aussi porté l’évangile en Ar- 
ménie, vers l'an 160, cela est non pas certain, mais vraisem- 
blable. Cette hypothèse permet d'expliquer beaucoup plus aisé- 
ment les profondes modifications subies par la légende 
syrienne dans les milieux arméniens. Dès lors, on est moins 
embarrassé pour donner à la légende une base et un cadre 
historiques. Le roi de Perse, en effet, Ardaschès et son jeune 
fils (?) le prétendu roi d’Assyrie, Nerseh, avec lesquels Abgar V, 
au dire de Moïse, aurait échangé des lettres, peuvent bien 
s'identifier, le premier avec Ardeschir 1 (+ 242) et le second 
avec Narsès, qui régna en Perse de l’an 294 à l'an 303. 

La légende arménienne ἃ donc pu se développer dès le 
début du 1v° siècle. Aussi ne doit-on pas être surpris de la 
rencontrer dans Faustus, qui nomme le trône de l'arche- 
vêque arménien le siège de saint Thaddée et attribue à 
Sanadrough le meurtre de cet apôtre (2). On n’a point prouvé 
que ces passages fussent interpolés. Mais les affirmations de 
Fauste indiquent seulement qu'un peu après le milieu du 
1γ siècle, la légende avait déjà cours, et, qu'elle projetait vers 
les temps apostoliques la prédication et la mort en Arménie 
d'un missionnaire appelé Thaddée. 

La légende de saint Barthélemy repose-t-elle sur une base 
historique plus ancienne? Il semble que non. Jusqu'au temps 
de Jean Catholicos, trois historiens seulement font allusion 


(1) Tixeront, op. cit, p. 66; Phillips, p. 39-46; Cureton, p. 20-21 des 40. syr 
Doc. 

(MBAUStUuS ΠῚ ΤΙΝ ἐσ: L’authenticité de ce texte est défendue par 
Schmid, Zeitschr. f. armen. Philol. (1901), 1, 67, et Gelzer, Realencycl., 11, 74: 
elle est attaquée par Carrière, cap. 1, Menevishian, ΠΑ. (1896), 174; cf. Weber, p. 
74. Les versions d’'Agathange:arménienne, grecque, arabe, se taisent sur Thaddée. 

ORIENT CHRÉTIEN. 3 


91 5 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


à la venue de Barthélemy en Arménie; et ces historiens ont - 


peu d'autorité; c'est Léroubna, interprété par Moïse de Khorène, 
et l'œuvre de celui-ci est probablement du vi siècle; c’est 
l'auteur de la Vie de Nersès, qui ἃ puisé dans Agathange et 
surtout dans Fauste, et dont les additions ne peuvent être an- 
térieures à la seconde moitié du v° siècle. Enfin, c’est Zenob 
de Glag, un apocryphe dont l'œuvre, un tissu de légendes ou 
simple copie de Moïse, est du vu siècle (1). 

᾿ς ὃ. Vers l'an 150 au plus tard, le christianisme devait 
avoir pénétré à Édesse et, vraisemblablement bientôt après, 


(1) Cf. Müsinger, Vita et martyrium 5. Barthol., Salisburgi, 1877, Moïse de 
Kh., 1. 330; L'auteur de la Vie de Nersès, Langlois, Il, 27; Zenob de Glag, Lan- 
glois, I, 337, 338. — D’après la légende arménienne, saint Barthélemy serait venu 
dans la région de Gothn (province du Vasbouragan) la 29° année du règne de 
Sanadrough; il aurait ensuite évangélisé les districts de Her et Zarevand (Môsin- 
ger, 14: SA, XIX, 34): enfin, avec la sœur du roi et d’autres chrétiens convertis 
par lui, Barthélemy aurait été martyrisé par Sanadrough, dans une bourgade 
appelée tantôt Urbanopolis, tantôt Arevban, ou encore Albanopolis, villes qu’on 
a essayé d'identifier avec Erovantachad (joie d’Erovant), ville située près de 
l'Araxe et vis-à-vis de l’'Akhouréan, dans la province d’Ararad et le district d’Ar- 
scharounig, appelé plus tard Erasxaior (Hübschmann, Die altarm. Ortsn., p.426, 
124, 407, 363; Môüsinger, 16, 25; 57; Lipsius, Die Apok. Apostelg. und Apostelleg., 
Brunswick, 1883, II, 58, 100, etc.; Weber, 74 et suiv. Gelzer, Realencycl. 3, 11, 70. 
On cite aussi, dans l’Isaurie cilicienne, près de Séleucie, une bourgade Orba, 
Urba, Urbanopolis. Voir H.Grégoire, Saints Jumeauxet Dieux cavaliers, Paris, 1905). 
On peut admettre avec Gelzer et d’autres critiques modernes que la légende de 
Barthélemy était déjà reçue en Arménie, assez longtemps avant qu'elle fût 
exploitée par Moïse de Khorène. Cette conclusion semble autorisée par les témoi- 
gnages analogues de plusieurs anciens historiens syriens, grecs et latins, qui 
placent dans l'Asie antérieure le martyre de saint Barthélemy. Ils diffèrent toute- 
fois sur lelieu du martyre, et le nom du roi quiles fit mettre à mort. Les Latins 
appellent ce roi parfois Astyage, les Grecs Astrege. Il est aussi fait mention de 
Polymius. Ce dernier nous évoque naturellement celui de Polémon II, roi du 
Pont: le nom d’Astyagès fait lui-même songer au fils de Polémon, Zénon, pro- 
clamé roi d'Arménie sous le nom d’Artaxias ΠῚ ou Ardaschès (Tac., Ann., II, 
56; VI, 31). Cette dernière synonymie se vérifierait encore, avec un peu plus de 
vraisemblance, en faveur du Parthe Tiridate, qui fut couronné roi d'Arménie 
par Néron et reçut aussi de ses sujets le nom d’Ardaschès (Marquart, ZDMG, 
1895, p. 653; Weber, 79). Lesorigines de la tradition arménienne du martyre de 
saint Barthélemy peuvent donc, à la rigueur, être aussi anciennes que celle de 
saint Thaddée:; quant à prouver par cette tradition l’origine apostolique de 
l’Église arménienne ou sa fondation par Barthélemy, c'est une hypothèse que nul 
texte des premiers sièclesne permet d'affirmer positivement. —On ne peut rason- 
nablement attribuer plus de valeur à la légende qui donne pour premiers succes- 
seurs à Barthélemy le perse Gomsi et Babylas, ni à celle qui nous montre ailleurs 
Thaddée imposant les:mains à Zacharias et lui transmettant son siège (Dashian, 
HA, 1891, p. 247; Sarkisean, Agathange, 184). 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 35 


en Arménie, par Édesse, Mélitène et Césarée. — Un Thaddée, 
avons-nous dit, évangélisa très vraisemblablement Édesse vers 
l'an 150. D'après la Doctrine d’Addée, Aggée, auquel Moïse 
de Khorène donne le nom de Affé ou Addé, fut le successeur 
d'Addée ou Thaddée et le prédécesseur immédiat de Palout 
sur le siège d'Édesse. Dans la Doctrine des Apôtres qui re- 
monte à la seconde moitié du 1v° siècle, il est raconté qu'Aggée 
ordonna des évêques pour les Arméniens, etc. Autant qu'on 
peut faire fond sur ce texte, il est permis d'en inférer, comme 
assez probable, qu'Addée, soit par lui-même, soit par ses dis- 
ciples, annonça l'Évangile aux Arméniens. Sa mort à Édesse 
ne s’opposerait point à cet apostolat (1). La Doctrine d'Addée 
dit même que la Mésopotamie et toutes les régions environ- 
nantes reçurent son enseignement avec amour (p. 33). 

Bien des indices d’ailleurs viennent corroborer la vraisem- 
blance de notre hypothèse. D'abord, il est certain que, vers l’an 
150, le christianisme avait pénétré dans Édesse. Δ cette époque, 
en effet, paraissait à Édesse, semble-t-il, la version syriaque 
des Écritures, la Peschitto, probablement l'œuvre de Juifs con- 
vertis (2). Un peu plus tard, entre les années 152 et 170, 
Tatien revenait de Rome en Mésopotamie, sa patrie, et il com- 
posait, peut-être à Édesse même, la concordance des évangiles, 
appelée Diatessaron. Cet auteur, signalé comme hérétique, eût- 
il songé à répandre son livre, s’il n’eût vécu parmi des chré- 
tiens? D'ailleurs, vers l’an 190, plusieurs hérésies, telles que 


(1) Trad. Phillips, 39-50; La Doctrine des Apôtres, Cureton, Anc. syr. Doc., Ὁ. 
34; La Doctrine d'Addée, p. 33 et 35, dit moins nettement que beaucoup d'habi- 
tants des régions orientales et des pays soumis aux Romains furent ordonnés 
prêtres par Addée et portèrent l’évangile dans leur contrée. La traduction ar- 
ménienne est déjà plus explicite. 

(2) D’après Burkitt, Early easlern christianity, Lecture Il, The Bible in syriac, 
la traduction syriaque de l'Ancien Testament avait été faite à Édesse, mais par 
des Juifs. Plus tard, vers l’an 200, pendant l’épiscopat de l’évêque Palout, uni à 
Antioche et à Rome, la version de l'Ancien Testament aurait été revisée d’après 
celle des Septante ; et alors seulement, aurait paru la plus ancienne version syria- 
que du Nouveau Testament. Quant à la Peschitto proprement dite, pour le Nou- 
veau Testament, elle ne serait pas antérieure à Rabbüla, évêque catholique 
d'Édesse, 411-435. Mais d’autres auteurs attribuent à des Juifs convertis et vers 
le milieu du 11 siècle, la composition de la Peschitto. Duval, Hist. d'Édesse, 261- 
263; Liltér. syr. 5, p. 27 et suiv.; on sait que, depuis plus d’un siècle, il y avait 
de nombreux Juifsen Mésopotamie;telle, parexemple, lareine d’Adiabène.Josèphe, 
Antig. jud., XV, πὶ, 1-2; XX, πὶ 4. Faustus, IV, 5. 


36 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


le marcionisme et le gnosticisme de Bardesane (154-222) et de 
Valentin, déchiraient déjà la chrétienté édessénienne; les Bar- 
desanites plus ou moins teintés de docétisme, voyant l'évêque 
Palout unir étroitement son Église à Antioche et à Rome, com- 
mençaient à donner le surnom de Paloutiens aux catholiques. 
Ceux-ci étaient déjà répandus à travers l'Osrhoène; car plu- 
sieurs communautés chrétiennes catholiques venaient d'affir- 
mer leur accord avec le pape Victor (189-199) sur la question de 
la Pâque (1). C'est probablement l'Église paloutienne ou ortho- 
doxe d'Édesse, qui, vers 201, fut détruite par une inondation 
du fleuve appelé le Daisan ou le Sauteur (2). 

N'était-il pas naturel que la foi ainsi officiellement établie à 


(1) Eusèbe, ἢ. E., V, 23. Les termes de l'historien laissent entendre qu'il y 
avait, non seulement plusieurs communautés, παροικίαι, mais plusieurs évêques 
dans FOsrhoëne. Toutefois, la liste des évêques d'Édesse donnée par Michel le 
Syrien (Chabot, VI, 6) est fausse, comme l'indique l'Oriens christianus, 1901, p. 
190. Avec Burkitt (Early eastern christ., p. 34-36), on peut admettre comme vrai- 
semblable la succession suivante : Addée, Izani, Hystasp, Aqai, Palout, Abscha- 
lamà, Barsamyà. Le professeur de Cambridge suppose qu'Addée introduisit vers 
l’an 135 le christianisme à Edesse. Il pense que Izani, dans la liste de Michel, est 
le même que Aggaï ou Aggée (ce dernier ne serait-il pas plus justement identique 
à Aqai, sauf qu'il est placé trop loin d'Addai?). Burkitt regarde aussi comme 
empruntés à d'anciennes sources, et dignes de foi, les faits suivants, rapportés 
par Michel, que Bardesane aurait été converti, baptisé et ordonné diacre par 
Hystasp, successeur de Izani, vers l'an 179, et que, plus tard, Bardesane, repris 
pour ses erreurs par Aqai successeur de Hystasp, aurait refusé de les abjurer et 
aurait été excommunié (Michel, éd. eit., p. 110). 

Palout, et après lui, Abschalamä et Barsamyà, le contemporain du pape Fa- 
bien (236-250), commencèrent une nouvelle série d’évêques, en ce sens qu’ils furent 
plus directement unis et soumis au siège d’Antioche et à celui de Rome. Si on 
réfléchit sur l'orientation entièrement catholique de l'Église d’Édesse sous Pa- 
lout, sur la consécration de cet évêque par Sérapion d’Antioche (189-209) et si 
l’on rapproche ces deux faits du séjour prolongé d’Abgar IX à Rome, qui précéda 
de bien peu l'attitude nouvelle de l’Église d’Édesse, on n’est pas seulement porté 
à admettre une relation épistolaire entre le toparque d'Édesse et le pape Eleuthère 
(177-192 3): on soupçonne, en outre, des rapports entre Abgar IX et le pape 
Zéphyrin (202-218). Cf. Eusèbe, Chron., 22345; Migne, P. G., XIX, 570: Harnack, 
Abhandl., dansles Sitzungsber. de l' Acad. de Berlin, 1904, p.909 et suiv. —Harnack 
(Texte u.unters., 1, 212) place le séjour de Tatien en Mésopotamie, entre l’année 152 
et 165. — Sur le marcionisme à Édesse, Eusèbe, ἢ]. E., IV, 29 et 30; Migne, XX, 493; 
Prépar. évang., NI, 10, 46; Chron. édess. dans Assémani, I, 389, n. V. Epiph., 
Hæres., LVI, 1; Hippolyte, Philosophumena, VII, Bardesane y est appelé armé- 
nien; à tort sans doute, puisqu'il était syrien. Ce qualificatif pourrait cepen- 
dant confirmer le récit de Moïse de Khorène, d’après lequel Bardesane serait 
venu prêcher en Arménie contre le culte païen (Moïse écrit Partadzan, 11, 66). 

(2) Chron. édess., Assémani, 1, 390-392. Le Sauteur est la traduction du nom 
grec Skirt 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 31 


Édesse rayonnât vers l’est et le nord-est, c’est-à-dire vers l'Ar- 
ménie, signalée dans les Écritures comme le second berceau du 
genre humain? 

On peut donc raisonnablement supposer que, vers la fin du 
second siècle, l'évangile fut prêché en Arménie par des mis- 
sionnaires syriens venus d'Édesse. Cette conclusion ne paraîtra 
point excessive, car, vers 222, un disciple de Bardesane, nommé 
Philippe, affirmera que la foi et les mœurs chrétiennes ont 
pénétré chez les Mèdes, les Parthes, Les Perses, les Bactriens, 
les Gèles, jusque dans les provinces orientales de la Perse, bien 
au delà, par conséquent, de l'Arménie, et ces peuples, comme 
l'observe Sozomène, semblent avoir connu l’évangile par suite 
de leurs relations avec l'Osrhoène et l'Arménie (A. E., I, 8). 

Il n'est pas moins probable qu'à cette époque d’autres mis- 
sionnaires venus soit de Césarée, soit de Mélitène, soit même du 
Pont, avaient déjà franchi les limites qui les séparaient de l'Ar- 
ménie. Encore que ce ne soit qu'une hypothèse, il est difficile 
de ne pas l’'admettre, quand on lit la lettre si suggestive de Pline 
le Jeune à Trajan (1). Dans cette lettre, écrite de 111 à 113, 
Pline informe l'empereur que, dans le Pont et la Bithynie, 
beaucoup de personnes de l’un et l’autre sexe, de tout âge, de 
tout rang, de toute condition, sont devenues chrétiennes: il 
ajoute qu'un peu auparavant les chrétiens étaient nombreux, au 
point de rendre presque déserts les temples païens et de laisser 
sans acheteurs les victimes engraissées pour les sacrifices. Ces 
faits, le gouverneur les avait sans doute constatés, surtout dans 
la région d'où il écrivait. Or, il semble bien, si on en juge par 
les lettres de la même époque, qu'il se trouvait alors à l’est du 
Pont, peut-être vers Amasia, et plus probablement vers Amisos 
(Samsoun). 


(1) Cf. Eusèbe, IV, 3; V, 5-7; VII, 6, 8; Dialogue du disciple de Bardesane, 
Philippe, sur les Lois des Nations, dans Spicileg. syr. de Cureton, p. 31, et Nau, 
Bardesane l'Astrologque, Le livre des Lois des Pays, Paris, 1899; texte syr. et 
trad. franc., n. 56 et 57, p. 55 de la trad., voir en tête l’intéressante étude sur 
sardesane. Eusèbe, Præpar.evang., VI, 10, 46; lettre de Pline, éd. Didot, £p., 
lib. X, 97; elle semble écrite de la partie orientale du gouvernement de Pline, 
très vraisemblablement d’'Amisos (Samsoun) ou d'Amasia. Cf. Harnack, Mission?, 
I, Die Verbreitung (1906), p. 157. Harnack opine pour Amastris ou Amasia ; 
L. Duchesne pour Amisos, Hist. anc. de l'Église ?, t. 1, p. 435. — En réalité, la 
lettre 9% qui précède semble avoir été écrite d’Amisos; la lettre 99 qui suit, 
semble venir d’Amastris. 


38 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Dans ces conditions, étant données les relations entre les 
habitants du Pont et de l'Arménie, comment la foi ne se füt- 
elle pas propagée du côté de Sébaste et de la Grande-Arménie? 
L'union de l'empire avec l'Arménie aplanissait la voie aux mis- 
sionnaires. C'était l’époque où le trône arménien était occupé 
par le fils de Pacorus, Axidarès (Ardaschès Artaxias?). Peu 
après, l'Arménie devenait province romaine, et le prétendant 
Sanadrough, fils de Méherdates, était battu et tué. 

On s’expliquerait ainsi que le roi et les prêtres païens se 
soient vite émus des progrès du christianisme, et l’on pourrait 
admettre comme bien vraisemblable le martyre de l’Ascète 
Soukias et de ses compagnons, que l'hagiographie arménienne 
place vers 107 (?). Venus de la cour des Alaïins avec la reine 
Sathinig, ils auraient été favorablement écoutés par Ardaschès 
(Tiridate-Artaxias); mais la reine, fanatique dévote d’Astlig, 
aurait refusé de les entendre; et ses fils les auraient fait 
mourir. 

On s’expliquerait, à plus forte raison, que le successeur d’Ar- 
daschès, nommé Artavasde par les Arméniens, ait pu mettre à 
mort les Osguians sur le mont Nbat (Niphatès), dans le district 
de Pakrevant (1). Cependant, le vraisemblable peut n'être point 
vrai; et aucun document précis, à l'abri de toute suspicion, ne 
permet d'affirmer qu’il y ait eu en Arménie, avant la fin du 
second siècle, une église chrétienne organisée. 

Rien ne prouve que saint Athanase vise l'époque de Trajan, 
ou même les règnes des premiers successeurs de ce prince, 
quand il s’écrie : C’est le triomphe du Christ d’avoir soumis à 
ses lois des pays impénétrables, comme celui de l'Arménie, 
dont les habitants étaient toujours en état de guerre (2). On ne 
peut, sans plus, conclure ici à une évangélisation de l'Arménie 
avant la fin du second siècle, attendu que l’œuvre de l'illustre 
docteur n’est pas antérieure à l’an 318. 

En résumé, l’évangélisation de l'Arménie apparait comme 
une simple hypothèse pour le premier siècle; mais l'hypothèse 
devient de plus en plus probable à mesure qu'on avance dans 


(1) 5. Æ., XIX, 34, 35, 59; Jean Catholicos, trad. 5. Martin, p. 29 et 90, p. 99 et 
26 de son texte; Th. Ardzrouni, I, ὃ 7, dans Brosset. 
(2) Sur l'Incarnation, 51. Migne, P. G., XXV, 188, Bardenhewer !, Patrol., 235. 


D] 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. ΟΝ 


le second; elle se pose à nos yeux comme un fait à peu près 
incontestable vers les années 190-195. Tertullien, en effet, dans 
son traité contre les Juifs, composé vers l’année 200, range 
l'Arménie parmi les contrées qui, avec la Perse, la Médie, la 
Phrygie et la Cappadoce, renferme des chrétiens (1). Quelle 
était ici la source d'informations de l’éloquent apologiste? Se 
faisait-il l'écho de quelque correspondant de l'Asie Mineure? Ou 
reproduisait-il simplement une version des Actes des Apôtres, 
semblable à celle que saint Augustin aura sous les yeux, et 
dans laquelle des Arméniens étaient compris parmi les témoihs 
des miracles opérés à Jérusalem, le jour de la Pentecôte (2)? 
Cette seconde supposition est la plus vraisemblable; mais elle 
corrobore plutôt notre conclusion; car elle tend à reculer vers 
le milieu du premier siècle la première évangélisation de l’Ar- 
ménie, et la fin du second siècle n’est à nos yeux que la dernière 
limite fixée par cette évangélisation. Mais ici, nous sommes sur 
le terrain de la certitude; nous l'avons déjà dit : si Bardesane 
passe pour Arménien aux yeux de l’auteur des Philosophu- 
mena, si Moïse raconte que ce personnage combattit le paga- 
nisme en Arménie, c'est qu'apparemment Bardesane fit du 
prosélytisme parmi les Arméniens. Au reste, ce qui peut sem- 
bler encore trop vague dans ces témoignages est précisé et 
corroboré par le texte du disciple de Bardesane, Philippe (?). Ce 
dernier, nous l’avons vu, parle de la salutaire influence exercée 
par le christianisme sur les mœurs de plusieurs peuples asia- 
tiques, par exemple sur les Gèles, habitant au sud-ouest de la 
mer Caspienne, dans le Ghilan actuel, et sur les Bactriens, 
vivant bien au delà de la mer Caspienne. Or, se peut-il que 
les missionnaires syriens, grecs ou romains, qui avaient porté 
la foi chrétienne dans ces régions, ne l’eussent point prêchée 
en passant à travers l'Arménie, leur chemin naturel? Cet ordre 
était dans la logique des choses ; et Sozomène l'avait bien com- 
pris, quand il disait que la foi chrétienne devait avoir été intro- 
duite chez les Perses, à la suite de leurs relations avec l'Os- 
rhoène et l'Arménie (3). | 

δ 9. Persécutions probables sous Sanadrough, Valar- 
Ch. 7. Migné, P.L., II, n. 610. Bardenhewer, Patrol., 185. 


) 
) Act. apost., 11,19; Aug., Contra ep. Manich., c. 9; Migne, P. L., XLII, 179. 
) Eusèbe, Præp. evang., VI, 10,46; Sozom., Π. E., 11, ὃ. 


Ι 


) 
. 
3) 


( 
( 
( 


40 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sace et C'hosroès, princes dont l'histoire ne sera d’ailleurs 
jamais bien connue. — Il est donc très probable qu'il y avait 
des chrétiens en Arménie au début du troisième siècle; et, 
puisque par la lettre de Tertullien à Scapula (Bardenhewer ?, 
p. 160), écrite vers l’an 212, nous connaissons les persécutions 
exercées contre les chrétiens en Cappadoce, ne sommes-nous 
pas fondés à supposer que des chrétiens arméniens purent aussi 
être tourmentés dans le même temps, soit par un Sanadrough, 
soit par quelque autre prince indigène? Que le fils de Sana- 
drough, Valarsace, ait été cruel pour les chrétiens, cela est vrai- 
semblable. Au témoignage de Moïse (II, 66), ce prince était fort 
dévot au dieu national Amanor; et il avait élevé près du temsle 
de Pacavan un bâtiment, destiné à héberger les pèlerins venus 
pour la fête de Navassart. 

Le même soupçon de cruauté envers les chrétiens plane sur 
le fils de Valarsace, le Chosroès des Arméniens (218-252? ou 
218-238?). Si l'on en croit Agathange, il était fort dévot aux 
idoles (n. 11). Après une victoire sur les Perses, Chosroès 
ordonna qu'on rendit des actions de grâces aux divinités dans 
les temples des sept autels; il leur fit offrir des taureaux blancs, 
des chèvres blanches, des chevaux et des mulets blancs, avec 
des vêtements superbes, des tissus de soie, des couronnes, des 
vases d'or et d'argent, enrichis de pierreries. Ce témoignage, 
toutefois, serait insuffisant pour ranger Chosroès parmi les 
persécuteurs. Moïse de Khorène va plus loin (II, 75). Il affirme 
que ce prince sévit contre les chrétiens; seulement l'autorité de 
l'historien est médiocre. D'ailleurs, il est impossible de con- 
trôler la source dont il se réclame, et qui aurait eu pour titre : 
Histoire des persécutions, par Firmilien de Césarée. 

Après avoir bénéficié de l'alliance de leur patrie avec Rome, 
les chrétiens d'Arménie durent en pâtir ; les persécutions déchai- 
nées dans le Pont et la Cappadoce par Maximin et Dèce eurent 
sans doute un redoutable contre-coup en Arménie. Bientôt, elle 
se vit prise et comme écrasée entre l'empire grec et le royaume 
sassanide, dont les maitres voulaient imposer le mazdéisme à 
leurs sujets. Alors, les chrétiens arméniens, dont le nombre 
était sans doute encore assez restreint, furent réduits à se 
cacher dans les cavernes et les déserts. Avec l'extrême réserve 
que commande la critique de l'œuvre actuelle d’Agathange, on 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. Al 


pourrait placer vers cette époque les soixante-dix saintes per- 
sonnes, hommes et femmes, qui assistent au martyre de sainte 
Hripsimé, et dont trente-deux sont immolées après elle (le 
texte de Marr est muet sur ces 70 saints, p. 81). 

Le nom de ce monarque, si célèbre chez les Arméniens, 
s’identifie très difficilement avec les rois arméniens connus des 
historiens étrangers. Plusieurs ont cru le reconnaitre en ce Tiri- 
date Π que les Parthes livrèrent en 216 à Antonin Caracalla, 
et auquel l'empereur Macrin envoya plus tard une couronne. 
Peut-être avait-il été mis sur le trône par le roi des Parthes; 
quoi qu'il en soit, il se rapprocha des empereurs Alexandre 
Sévère, Gordien et Philippe l'Arabe; comme ces princes n'é- 
taient pas hostiles au christianisme, auquel le dernier semble 
avoir été initié, leur exemple put amener le roi arménien à 
adoucir ses rigueurs, si toutefois il. s'était montré intolérant 
jusqu’à ce moment à l'égard des chrétiens (1). 

On présume que Chosroës le Grand mourut assassiné ; mais la 
date du meurtre est incertaine ; ce fut vers 258, disent quelques 
anciens auteurs arméniens. Cette date paraît trop tardive; la 
fin de Chosroës doit remonter vers l’an 252, ou peut-être vers 
l'an 238. Chosroëès aurait donc été, ou peus’en faut, le contem- 
porain de Merouzanès ou Meroujan. On sait que, pendant 
l'accalmie qui suivit la persécution de Dèce, ou moins vr aisem- 
blablement celle de Valérien, Denys d'Alexandrie écrivit à cet 
évêque, au sujet des anciens apostats repentants (252-254). Quel 
était ce Merouzanès? Très probablement un évêque arménien. 
Il se peut même qu'il appartint à la famille arménienne des 
Ardzrouni, seigneurs du Vasbouragan; car le nom de Merou- 
jan fut spécialement porté par des membres de cette famille. 
Mais on ne saurait en conclure, du moins avec certitude, 
comme l’a cru Gelzer, que l'évêque d'Arménie Merouzanès ou 


(1) Dion, LXXVII, 19, 21; LXXVI, 27, 4; LXXX, 9, 4; Hérodien, VI, 5, G; Zo- 
naras, XII, 15,19, 21; Migne, P. G.,t. CXXXIV. δ ποι πα; ἃ la suite de Letronne 
(ZDMG, XXXI, 49; Letronne, Rec. des Inser. grecq. el lal. d' Égypte, 11, 511), ἃ 
essayé d'identifier Chosroès le Grand avec le Chosroès désigné par l'inscription 
suivante sur un monument funéraire de Thèbes : « Moi, Chosroës d'Arménie, 
j'ai vu et admiré, χοσρόης Ἀρμένιος ἰδὼν ἐθαύμασα. Le critique allemand suppose 
que ce Chosroëès avait été livré comme otage à Septime Sévère et que, vers 202, 
à la suite de l’empereur, il visita les monuments α᾽ Égypte. 


42 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Meroujan siégeait dans le Vasbouragan, ou même dans la 
Grande-Arménie. LE 

Si l’on place Merouzanès dans la Grande-Arménie, il faut 
expliquer comment son épiscopat, antérieur d’un demi-siècle à 
celui de Grégoire l'Iluminateur, a pu être ignoré des anciens 
historiens arméniens; car, si ces derniers l'avaient connu, ils 
l’auraient signalé avec autant et plus d’empressement que tels 
événements à demi légendaires, dont ils ont pourtant transmis 
le souvenir; ils n'auraient pas regardé Grégoire comme l'unique 
source immédiate du sacerdoce arménien. Il est vrai que Merou- 
zanès paraît un nom arménien, qui sera porté plus tard par des 
princes Ardzrouni du Vasbouragan. Mais l'argument semble 
faible, si on se rappelle que bien des Arméniens habitaient 
aussi en deçà de l'Euphrate, à l’ouest de la Grande-Arménie. 
On a relevé les noms ariens ou arméniens d'un évêque ap- 
pelé Hormizès, qui siégeait à Comana dans l'Arménie 11“, et 
celui d'un Narsès évêque de Cerasus, dans le Pont Polémo- 
niaque. — Au reste, une raison plus importante nous incline 
encore à mettre le siège de Merouzanès dans la Petite-Arménie : 
Cette contrée relevait, au 11° siècle, du gouverneur grec de 
Cappadoce. Or, quand Denys, dans sa lettre à Merouzanès, parle 
des pénitences imposées aux apostats, il est bien probable qu'il 
vise des personnes soumises à la domination grecque; car, peu 
avant la mention de la lettre à Merouzanès, Eusèbe parle d’une 
épitre adressée par le même patriarche d'Alexandrie aux fidèles 
d'Égypte; et les apostats dont il est ici question sont ceux qui 
ont faibli pendant la dernière persécution, c'est-à-dire la per- 
sécution de Dèce, selon toute apparence (250-251). Inutile de 
montrer que Dèce n’avait pu sévir que contre ses propres sujets 
et non contre les habitants de la Grande-Arménie, alors proba- 
blement soumise à Sapor (1). 

F. TOoURNEBIZE. 
(A suivre.) 

(1) Sur les Meroujan Ardzrouni, voir Faustus, IV, 23, 24, 32,33; V,58, 43; 
Moïse de Khorène, ΠΙ, 19, 35-37; sur l’évêque Meroujan ou Merouzanès, Eusèbe, 
H.E., V1, 46; Migne, XX, 636. — L. Duchesne fait valoir la plupart des raisons 
données plus haut pour établir que Merouzaänès avait son siège dans la Petite- 


Arménie, l'Arménie chrét. dans l’Hist. eccl. d'Eusèbe ; Mélanges Nicole, Genève, 
1905, p. 105-107. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS 


(Ms. Coislin 126, fol. 158 sqq.) 


INTRODUCTION 


Ce titre, emprunté à la version syriaque (1), correspond au 
latin Vitae Patrum (2) et nous semble préférable à l'épigraphe 
« apophthegmes des saints vieillards » (Verba seniorum) (3) 
que porte notre texte grec. En effet, nous ne trouverons pas 
seulement de bonnes paroles (apophthegmes) prononcées par les 
vieillards, mais, le plus souvent, des histoires de moines racon- 
tées par l’auteur ou du moins consignées d’après des récits qui 
_ lui ont été faits. Ces histoires conservées dans de si nombreux 
manuscrits grecs sont de deux genres : les unes portent expli- 
citement le nom de leur héros ou de leur auteur : « Macaire 
faisait... Macaire racontait... », les autres ne portent pas de 
nom propre : «il y avait un frère qui faisait... un vieillard ra- 
contait.. ». De bonne heure, la plupart des histoires qui por- 
tent un nom d'auteur furent extraites et transcrites à part 
dans leur ordre alphabétique. La plus importante de ces col- 
lections alphabétiques ἃ été éditée par Cotelier (4). A peu près 
tout le reste est inédit. 

Nous avons parcouru les manuscrits de Paris dans l'espoir — 
un peu déçu — d'y trouver de nombreuses histoires intéres- 


(1) «οὐ ον li5r5259 Lynn μ᾽ pos IN%sal. Histoires des solitaires Égyptiens 
du désert d'Égypte. Ms. de Londres add. 12173, fol. 117". 

(2) Cf. Micxe, Patr. lat., τ. LXXHIT, col. 107-1066. 

(3) Zbid. 

(4) Cf. Mie, Patr. gr., t. LXV ; KrumpacHer, Byz. Lill., 2° éd. p. 188. 


A4 | REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


santes. Dès 1900, nous avons pu signaler à M. Léon Clugnet 
deux des histoires de Daniel de Scété (1) et depuis lors l'histoire 
de sainte Marine (2) et quelques récits intéressants du ms. grec 
1596 (3). Nous avons édité nous-même les récits du moine 
Anastase sur les Pères du Sinaï (4) et les récits d'un autre 
Anastase (sans doute le patriarche d’Antioche) (5), nous avons 
traduit tous ces récits dans la Revue de l’Institut catholique 
(1902) (6), et avons encore édité l’histoire de Thaïs (7) et le cha- 
pitre des saints anachorètes (8). Enfin nous avons publié l’a- 
nalyse du ms. grec 1596 qui nous paraissait contenir l’une des 
plus intéressantes compilations (9). 

En dehors de ces quelques histoires intéressantes que nous 
avons trouvées dans la masse des apophthegmes (10), il nous 
avait toujours paru important de compléter la publication de 
Cotelier. Mais les mss. les plus considérables comme Coislin 
127 (et 108) (11) qui nous avaient attiré d’abord, sont bien sou- 
vent des compilations récentes de toute provenance qui ont 
fondu à nouveau les apophthegmes alphabétiques avec les autres 
sous divers lieux communs. On le reconnaît à ce fait que les 
pères cités sont rangés par ordre alphabétique, et que les récits 
de Daniel le scétiote (vr° siècle) sont déjà fondus parmi les au- 


(1) M. Clugnet a eu le mérite de reconnaitre que ces deux récits n'étaient 
qu’une partie d’un tout : les récits de Daniel le scétiote (cf. KRumBACHER, loc. ci.) 
qu’il a édités. Cf. ROC, 1900-1901. Tirage à part chez Picard. Aux neuf mss. grecs 
que nous avons déjà signalés à M. Clugnet (ROC, 1901, p. 83-85) il faut encore 
ajouter les sept suivants qui renferment tout ou partie des récits de Daniel: 
grec 890, 919, 1596, 2474; Coislin 108, 126, 127 

(2) Cf. ROC, 1901, p. 573; 1904, p. 560. 

(3) Zbid., 1905, p. 39. 

(4) Oriens chrislianus, Rome, 1902, p. 58-89. 

(9) 1bid., 1903, p. 56-90. Une partie des récits d’Anastase, moine du Sinaï, ont 
été Sales Anais par M. Von Dobschütz dans le ms. 187 de Dresde (Byz. Zeil- 
schrift, 1906, p. 245-246). 

(6) Tirage à part à la librairie Picard, Paris, 1902, 70 pages. 

(7) Annales du Musée Guimet, τ. XXX, 3° partie, Paris, 1905. 

(8) ROC, 1905, p. 387. 

(9) Zbid., 1902, p. 604; 1903, p. 91. 

(10) Notons que l’histoire de Doulas où « du moine faussement accusé de vol » 
dont nous ne connaissions jadis qu'un manuscrit (cf. ROC, 1901, p. 77-78) se 
trouve encore dans les mss. grecs 890, fol. 60 ; 1036, fol. 303"; et Coislin 126, fol. 
349"; 127, fol. 110; et 108, fol. 101". 

(11) Cesdeux mss. renferment la même collection. Tous les apophthegmes, alpha- 
bétiques et autres, sont classés sous les lieux communs relevés par Photius, Bi- 
bliotheca, cod. 198, P. G., CII, col. 664 et P. L., LXXIII, col. 852. 


“ὦ 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 4) 


tres. C’est le cas des mss. Coislin 127 et 108. Le ms. de Lon- 
dres, Burney 50, qui est formé de deux volumes, est une com- 
pilation plus récente encore, car elle renferme un bon nombre 
de récits du moine Anastase sur les Pères du Sinaï (1) et ne 
peut donc être antérieure au vin siècle puisque le moine 
Anastase écrivait vers le milieu du vrr°. 

Nous avons étudié aussi de petites compilations, comme celle 
du ms. Coislin 282, fol. 1-96; elles ont le grand avantage de 
ressembler à celles qui ont été traduites en latin du v° au vi 
siècle et qui constituent les Vifae Patrum. Leur ressemblance 
avec le latin leur est une garantie d'antiquité, mais une partie 
de leurs histoires, celles qui renferment des noms propres, en 
ont été extraites pour figurer dans les apophthegmes alphabé- 
tiques et ont donc été éditées par Cotelier; les éditer à nouveau 
ferait double emploi. Il s'ensuit donc qu'une édition destinée à 
compléter celle de Cotelier sans faire double emploi avec elle 
semblait assez difficile à préparer. Nous avons remarqué enfin 
que ce travail avait été fait par l’auteur des compilations con- 
tenues dans le ms. Coislin n° 126 du x‘ au xi° siècle. Cet auteur, 
après avoir transcrit les apophthegmes alphabétiques (fol. 
1-158), a recueilli ensuite tous ceux qui ne figuraient pas dans 
cette première partie. Il n'a suivi aucun ordre, les quelques 
titres correspondent à peine à quelques-unes des histoires qui 
les suivent, l’auteur semble donc bien n'avoir eu qu'un souci, 
celui d’être complet (2), et c'est ce qui nous rend sa compilation 
précieuse, car, pour compléter Cotelier, il nous suffit de l’éditer. 

Objet et mode de la présente publication. Nous ne nous pré- 
occupons pas de rechercher les sources, d'étudier l'ancienneté 
relative ou la crédibilité de nos récits, car ces études critiques 
ne peuvent guère devenir définitives qu'après une publication 
complète des textes (3); nous avons donc seulement la préten- 
tion de les préparer et non de les faire. 


(1) Nous en avons relevé douze, à savoir : t. I, fol. 50, les chap. 1, 11, nr, 1v, V 
de notre traduction; fol. 57, le chap. xc; fol. 139, les chap. xxur à xxvr; fol. 143, les 
chap. ΧΧΙΧ et xXXVINI. 

(2) 11 à même ajouté à la fin (fol. 311-329 et 349») tous les récits de Daniel le 
scétiote (Voir l'édition si complète et si bien étudiée qu’en à donnée M. Clugnet, 
ROC, 1900-1901). 

(3) Voir l'étude de Dom ὦ, Butter, The lausiac history of Palladius, 1, Cam- 
bridge, 1898, p. 208-215. | 


46 __ REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Nous publions telle quelle la seconde partie du ms. Coislin 
126 (A), fol. 158 sqq., dont la première ἃ été éditée par Cotelier. 
Nous avons ajouté hâtivement une traduction française pour 
ceux des lecteurs de la Revue de l'Orient chrétien qui ne lisent 
pas le grec. Les anecdotes ont trait à toutes sortes de sujets et, 
bien qu’elles aient été écrites pour édifier, la malignité pourrait 
parfois y trouver son compte aux dépens de quelques malheu- 
reux moines. Elles doivent être lues avec l'esprit dans lequel 
elles ont été écrites. D'ailleurs cette édition n’est pas une œuvre 
de vulgarisation : elle est destinée aux seuls savants et il ne 
sera pas fait de tirage à part. 

Pour préparer un peu l'étude critique des apophthegmes, 
nous ajoutons leur concordance, lorsque nous l'avons notée, 
avec les anciennes versions latine et syriaque et avec quelques 
manuscrits grecs de Paris. 

La version latine du v° au νι" siècle (en majeure partie du 
moins) est contenue en particulier dans la Patrologie latine de 
Migne, t. LXXIIL, col. 707 à 1066. Nous y renverrons par la 
lettre M, suivie des numéros de la colonne et de l’histoire. 

La version syriaque, aussi ancienne, puisqu'elle est conte- 
nue dans des manuscrits du γι siècle, nous est conservée dans 
diverses collections aussi bien que les traductions latines. 
Nous renverrons : a) au manuscrit de Londres add. 12173, du 
vi® au ὙΠ siècle (L), dont nous avons pu faire une analyse détail- 
lée ; b) à l'édition donnée par le Révérend Père Bedjan (B), qui 
est une compilation du Paradis des Pères composé par Enan- 
Jésus au vri° siècle, et d’autres histoires recueillies par le R. P. 
Bedjan dans divers anciens mss. syriaques (1); c) à l'édition du 
Paradis des Pères d'Enanjésus (E) publiée avec traduction an- 
glaise par M. W. Budge (2). 

Comme on le verra, les traductions latine ou syriaque d'un 
bon nombre de ces histoires ont déjà été publiées (3). Ces his- 


(1) Acta martyrum et sanctorum, t. VII, vel Paradisus Patrum, Paris, 1897. 

(2) The book of Paradise of Palladius, ? vol., Londres, 1904. Nous renverrons 
presque uniquement à l'édition du R. P. Bedjan. Celle de M. W. Budge, qui 
comporte une traduction anglaise, est plus accessible et chacun établira facile- 


ment la concordance, car, en somme, l’ordre est à peu près le même dans les. 


deux éditions. 
(3) On ἃ publié aussi des traductions arménienne et copte. Cet ouvrage ἃ été 
traduit, semble-t-il, en toute langue : arabe, éthiopien, vieux francais, etc. 


4 
1 


a 


dé let 3 à dt int 


ΝΥ ΣΡ 
A: 
RAGE 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 47 


toires elles-mêmes ont été citées ou résumées par une multi- 


tude d'auteurs (1). IL n’est donc pas trop tôt d'en publier enfin 
le texte grec original. 


Ε, Nauw. 
Mars 1907. 


(1) Nous renverrons assez souvent par le simple mot Paul suivi de la page, 
aux extraits de notre ouvrage insérés par Paul Euergétinos (f 1054) dans sa 
grande compilation : Συναγωγὴ τῶν θεοφθόγγων ῥημάτων... Athènes, 1901. 


᾿Αποφθέγματα τῶν ἁγίων γερόντων. 


Βὐλόγη σον πάτερ s 


1. -- Ἠρωτήθη ὁ ἅγιος πατὴρ ἡμῶν ᾿Αθανάσιος ὁ ἐπίσκοπος ᾿Αλε- 


» N , τῷ ᾿ CR ε » ᾽ 
ξανδρείας πῶς ἴσος ὁ υἱὸς τῷ πατρί; Καὶ ἀπεχρίθη" ὡς ἐν δυσὶν ὀφθαλ- 


pois τὸ ὁρᾷ. 

2. --- ρωτήθη ὁ ἅγιος πατὴρ ἡμῶν Γρηγόριος ὁ θεολόγος" πῶς 
ἴσος ὁ υἱὸς καὶ τὸ ἅγιον πνεῦμα τῷ πατρί; Καὶ ἀπεχρίθη" οἷον ἐν 
ἡλίοις (158 ν᾿) τρισὶν ἐχομένοις ἀλλήλων, μία τοῦ φωτὸς σύγχρασις 
ἡ θεότης. 

9. -- Ὁ αὐτὸς εἴπεν᾽ ὅτι τὰ τρία ταῦτα ἀπαιτεῖ ὁ θεὸς ἀπὸ παντὸς 
CRETE à nt ; ἜΝ ΞΕ > ὃ 
ἀνθρώπου ἔχοντος τὸ βάπτισμα" [ΠΠστιν ὀρθὴν ἀπὸ τῆς ψυχῆς, χαὶ 
ἀλήθειαν ἀπὸ τῆς γλώσσης, LA σωφροσύνην ἀπὸ τοῦ σώματος. 

Δ, — Δύο ἀδελφοὶ ἧσαν γνήσιοι ἐν Σχήτει χαθεζόμενοι, χαὶ συνέφη 
τὸν ἕνα ἀσθενῆσαι. ᾿Ελθόντος οὖν τοῦ ἀδελφοῦ ἐν τὴ ἐχχλησίᾳ, χαὶ 
αἰτησαμένου αὐτοῦ παρὰ τοῦ πρεσδυτέοου προσφορὰν, ἀχούσας ὃ TOEG- 
GÜrepos λέγει τοῖς ἀδελφοῖς" ἼἌγωμεν ἐπισχεψώμεθα τὸν ἀδελφόν. 
᾿Ἑλθόντων οὖν χαὶ εὐξαμένων ἀνεχώρησαν. Πάλιν οὖν τὴν ἀλλὴν 
χυριοχκὴν, ἐρωτᾷ αὐτὸν ὁ πρεσόι τερος πῶς ἔσχεν 0 ἀδελφός. 1950: 
φησιν: Εὔξαι (158 ν᾽) ὑπὲρ αὐτοῦ. Πάλιν οὖν ὁ πρεσδύτερος τοὺς 
ἀδελφοὺς λαθὼν ἐπορεύθη σὺν αὐτοῖς πρὸς τὸν χάμνοντα ἀδελφόν. 
᾿Ελθόντων οὖν αὐτῶν, καὶ ὡς ἧσαν χαθήμενοι, ἐχεῖνος ἤμελλεν χοιμᾶ- 
σθαι. Τῶν δὲ ἀδελφῶν φιλονειχούντων χαί τινων λεγόντων ὅτι ἠξιώθη 


Ν 2 » 


- ’ 5.7. ΄ \ ar 
τοῦ παραχλήτου, ἄλλων δὲ περὶ τούτου ἀμφιδαλλόντων, χαὶ βλέπων 
" Ἅ l ΕἸ - τ r -- A 
αὐτοὺς ὁ ἀδελφὸς αὐτοῦ, ἔφη πρὸς αὐτούς" Τί φιλονειχῆτε πρὸς ἀλ- 
΄, , Eu / - A N7 \ A \ 4 
λήλους: θέλετε γνῶναι τὶς. ἔχει τὴν δύναμιν; Καὶ GTOADELC πρὸς τὸν 


ἀδελφὸν αὐτοῦ, ἔφη πρὸς αὐτόν: Ὑπάγεις ἀδελφέ μου: Ὁ δὲ ἀσθενῶν 


A Sn 4.3. 


APOPHATHEGMES 
DES SAINTS VIEILLARDS (1). 


1. On demanda (2) à notre saint père Athanase, l'évêque d'Alexandrie : 
Comment le Fils est-il égal au Père? Il répondit : Comme la vue dans 
deux yeux. 


2. On demanda (3) à notre saint père Grégoire le théologien : Comment 
le Fils et le Saint-Esprit sont-ils égaux au Père? Il répondit : Si trois so- 
leils étaient proches l’un de l’autre, la divinité est comme le mélange 
unique de (leur) lumière. 


3. Le même dit : Dieu demande à tout homme baptisé les trois choses 
suivantes : la foi droite de l'esprit, la vérité de la langue et la pureté du 
corps. 


4. Deux frères selon la chair (4) habitaient Scété et il arriva que l’un 
tomba malade. Son frère alla à l'assemblée (5) et demanda la communion 
au prêtre (6) (pour le malade). Le prêtre dit aux frères : Allons visiter (le 
malade). Ils y allèrent donc et s’éloignèrent après avoir prié. Le dimanche 
suivant le prêtre lui demanda comment son frère allait. Il répondit : Priez 
pour lui. Le prêtre prit encore les frères et alla avec eux près du malade. 
Quand ils arrivèrent, comme ils étaient assis, celui-là fut sur le point de 
mourir. Tandis que les frères discutaient et que certains disaient : Il a 
été gratifié du Saint-Esprit, pendant que les autres en doutaient, son 
frère, les voyant, leur dit : Pourquoi discutez-vous entre vous? Voulez-vous 
savoir qui ἃ la puissance? — Puis il se tourna vers son frère et lui dit : 
Est-ce que tu t'en vas, à mon frère? Le malade dit : Oui, mais prie pour 


(1) Le grec ajoute « Père, bénis », formule qui précédait les lectures publiques 
comme le latin : « jube, domne, benedicere ». 

(2) Coislin 108, f. 291; 127, f. 308. 

(3) Zbid. 

(4) Litt. « naturels », pour les distinguer des frères « spirituels » ou membres 
d’une même communauté. 

(5) Litt. « l’église ». Item au n° 21. 

(6) Il n’y avait qu'un prêtre en titre pour tous les solitaires de Scété. 

ORIENT CHRÉTIEN. 4 


20 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ἔφη: Ναὶ, ἀλλ᾽ εὖξαι ὑπὲρ ἐμοῦ. Ὁ δὲ πρὸς αὐτὸν ἔφη" Φύσει ἄδελ- 
φέ μου, οὐκ ἀφῶ σε ἀπελθεῖν πρὸ ἐμοῦ. Kai στραφεὶς πρὸς τοὺς χαθη- 
μένους (159 r°) ἀδελφοὺς ἔφη: Δότε μοι ψιάθιν χαὶ ἐμόρίμιν. Kai 
λχόὼν χαὶ χλίνας τὴν χεφαλὴν, παρέδωχε πρῶτος τὴν ψυχὴν, ἔπειτα 
ὁ ἀσθενῶν. Καὶ εὐθέως ἀμφοτέρους χηδεύσαντες οἱ πατέρες, ἀπήνεγχαν 
“καὶ ἔθαψαν μετὰ χαρᾶς, ὅτι ἀπειλήφασι τὸ φῶς τὸ νοητόν. ι 
5. — Δύο ἦσαν ἀδελφοὶ ἅμα οἰχοῦντες ἐν τῇ ἐρήμῳ. Ὁ δὲ εἷς 
ἐξ αὐτῶν ἡνίχα ἀνεμνήσθη τοῦ χρίματος τοῦ θεοῦ πολλοστὸν ἀπέδρα 
9 A » V7 ‘O δὲ «“ Ya , ΣΕ 2 , = M 
εἰς τὴν ἔρημον πλαζόμιενος. ë ἕτερος ἐξήρχετο ὀπίσω αὐτοῦ ζητῶν 
αὐτὸν. Kai πολλὰ χαμῶν ἕως οὗ elgn αὐτὸν, λέγει αὐτῷ Atari 
οὕτως ἀποδιδράσχεις ἔξω, σὺ μόνος ἐποίησας τὰς ἁμαρτίας τοῦ 
χόσμου: Λέγει αὐτῷ ὁ ἀδελφός" Νομίζεις οὐκ οἶδα εἰ ἀφέθησαν αἱ 
΄ 7 \ ΜΚ b ΠΥ [ἢ ε ι \ ΄ / 
ἁυιαρτίαι pou; Ναὶ (159 τ᾽) οἶδα ὅτι ὁ θεὸς συνεχώρησε τὰς ἁμαρτίας 
3 Ἂ Ν Le, ENT - (4 τ 2 LA r F, 

μου, ἀλλὰ τὸν μόχθον τοῦτον ποιῶ, ἵνα ἐν ἡμέρα χρίσεως γένωμαι 
θεωρῶν τοὺς χρινομένους. 

6. — Ἦσαν δύο ἀδελφοὶ γειτνιῶντες ἀλλήλοις, χαὶ ὁ εἷς ἐξ αὐτῶν 

PEL ᾽ 
ἔχρυπτεν εἴτι εἶχεν, εἴτε χέρμα εἴτε ψωμία, χαὶ ἐνέδαλεν εἰς τὰ τοῦ 
πλησίον αὐτοῦ: ai οὐχ ἤδει ὁ ἄλλος, ἀλλ᾽ ἐθαύμαζεν ὅτι ἐπλη- 
θύνοντο τὰ αὐτοῦ. Μιᾶς οὖν τῶν ἡμερῶν, ἔφθασεν αὐτὸν αἰφνιδίως 

“ τ \ fn ͵ ἢ δ ΄ el N : 
τοῦτο ποιοῦντα, χαὶ ἔοαλε μάχεσθαι μετ᾽ αὐτοῦ λέγων’ Ὅτι διὰ 
τῶν σαρχικῶν σου ἐστύλησάς μου τὰ πνευματικά. Καὶ ἀπήντησεν 
αὐτῷ λόγον, ἵνα μηκέτι τοῦτο ποιήσῃ, χαὶ οὕτως αὐτῷ συνεχώρησεν. 

7. - ᾿’Αδελφός τις ἐποίησεν ἀντίχλειδον, χαὶ ἤνοιγεν (159 v*) ἕνος 

᾽ | 
τῶν γερόντων τὸ χελλίον χαὶ ἐλάμόανε τὸ χέρμα αὐτοῦ. Ὁ δὲ γέρων 
", / , Η ΄ ΕΣ »/ \ "τῇ PER > ΙΝ 
ἔγραψε χάρτην λέγων Κύρι ἄδελφε, εἰ τις ἐὰν ἢ) ποίησον ἀγάπην, 
ἄφες por τὸ ἥμισυ. εἰς τὴν ἐμὴν χρείαν. Καὶ ποιήσας τὸ χέρμια δύο 
/ 57 \ 7ὔ La ι / " Ν ΄ὔ \ ΄, 
LÉO" ἔθηχε τὸ χαρτίον. Ο ὃ πάλιν εἰσελθὼν, σχίσας τὸ γαρτίον 
ἔλαθεν ὅλον. Εἶτα μετὰ δύο ἔτη τελευτᾷ, καὶ ἢ ψυχὴ αὐτοῦ οὐχ ἐξήρ- 
χετο. Τότε χαλέσας τὸν γέροντα λέγει" Εὐξαι ὑπὲρ ἐμοῦ, πάτερ. ᾿Εγὼ 
\ 2 € ᾽, A / \ 5 € ΄ , ᾽ὔ 
γὰρ ἤμην ὁ κλέπτων σου τὸ χέρμα. Kat εἶπεν ὁ γέρων" Διατί τάχιον 
: e ΄ Le À 
οὐχ εἶπες; Ὅμως εὐξαμένου αὐτοῦ παρέδωχεν. 

ὃ. — ᾿Αδελφὸς εἶχε γέροντα χαὶ ἰδὼν αὐτὸν ὅτι θαυμαστῶς τοὺς 
γεχροὺς κηδεύει, εἶπεν πρὸς αὐτόν" Εἰ xauè τεθνηκότα (159 ν᾽) οὕτως 
χηδεύσεις; Ὁ δὲ πρὸς αὐτὸν εἶπεν: Οὕτως χηδεύσω σε, ἄχρις ἂν εἴπης" 
ἀρχεῖ. Mer’ οὐ πολὺ δὲ τέθνηκεν ὁ μαθητὴς, καὶ ὁ λόγος εἰς ἔργον 


γέγονεν. Κι ηὐ εύσας γὰρ αὐτὸν εὐσεδῶς, ἔφη πρὸς αὐτὸν ἐπὶ πάντων" 


»- 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS,. ol 


moi. Il lui répondit : Je ne te permets pas, ὃ mon frère, de partir avant 
moi. Puis il se tourna vers les frères assis et leur dit : Donnez-moi une 
petite natte et un tapis (1). Il les prit, inclina la tête et rendit le premier 
l'esprit, puis ce fut le (tour du) malade. Les pères, les ensevelissant tous 
deux aussitôt, les emportèrent et les enterrèrent avec joie parce qu'ils 
avaient reçu l'intelligible lumière (2). 


5. Deux frères (3) habitaient ensemble au désert. L'un d'eux se ressou- 
venant du jugement divin, s’en alla errer seul dans le désert. L'autre se 
mit à sa recherche et, après beaucoup de fatigues, lorsqu'il le trouva il Jui 
dit : Pourquoi fuis-tu ainsi au dehors? As-tu commis seul les péchés du 
monde? Le frère lui dit : Penses-tu que je ne sache pas si mes péchés 
m'ont été remis? Certes, je sais que Dieu m'a remis mes péchés, mais je 
me donne toute cette peine pour voir au jugement (dernier) ceux qui se- 
ront jugés. 


6. Deux frères (4) étaient voisins et l’un d’eux cachait ce qu'il avait — 
soit menue pièce de monnaie, soit bouchée de pain — et le jetait chez son 
prochain. L'autre ne le remarquait pas, mais s’étonnait de voir sa mai- 
son se remplir; un jour cependant il prit l’autre sur le fait, l’attaqua et 
lui dit : Par tes (dons) charnels, tu m'as fait perdre (?) les (dons) spiri- 
tuels. ἢ lui promit de ne plus le faire et ainsi il lui pardonna. 


7. Un frère fit une fausse clef (5); il ouvrit la cellule d’un vieillard et 
prit son pécule. Le vieillard écrivit sur un papier : Seigneur frère, qui 
que tu sois, fais (moi) la charité de me laisser la moitié de mon bien. Puis 
faisant deux parts de son pécule, il mit le papier (auprès). L'autre entrant 
de nouveau, déchira l'écrit et prit le tout; au bout de deux ans il mourut 
et son âme ne sortait pas (de son corps) (0); il appela donc le vieillard et 
lui dit : Prie sur moi, père, car c’est moi qui ai volé ton pécule. Le vieil- 
lard dit : Pourquoi ne l’as-tu pas dit plus tôt? Puis il pria aussi et par- 
donna. 


8. Un frère avait un vieillard (pour compagnon) (7) et, voyant qu'il en- 
terrait les morts de manière étonnante, il lui dit : Lorsque je serai mort, 
m'enterreras-tu ainsi? Il lui répondit : je t’enterrerai jusqu'à ce que tu 
dises : C’est assez. Peu après le disciple mourut et ce qui avait été dit fut 
réalisé. Car le vieillard l’ayant enseveli pieusement lui dit devant tous : 


(1) Embrimium et éuépiurov. Voir les glossaires Ducange. Cf. infra, n° 29. 

(2) Parce qu'ils avaient vu un fait surnaturel. 

(3) Coislin 127, f. 50". | 

(4) 1 10 1. 21". Coislin 12%, f2761"B;'p: 595. 

(5) B, p. 808. Paul, 253. 

(6) Son agonie se prolongeait. 

(7) Dans la vie érémitique, où chaque solitaire vivait de son côté et à sa manière, 
les moines devaient se mettre cependant sous la conduite des vieillards. En gé- 
néral chaque vieillard avait un disciple qu’il instruisait et qui le servait. 


92 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Καλῶς ἐχηδεύθης, ὦ τέχνον, ἢ ἔτι μιχρὸν λείπεται; Καὶ φωνὴν 
ἀφῆχεν ὁ νεανίσχος" Καλῶς ἔχει, ῶ πάτερ, τὴν γὰρ ἐπαγγελίαν ἐπὶ = 
ρωσας. 

9. — [Ἔλεγεν ὁ AA Βισαρίων ὅτι ἦν τις ἀποταξάμενος ἀπὸ 
χόσμου, γυναῖκα ἔχων ὁμοίως χαὶ θυγατέρα χατηχουμένην, πλὴν χρι- 
στιανήν. ᾿Ἐμέρισεν οὖν τὰ πράγματα αὐτοῦ εἰς τρία μέρη. Τελευτη- 
σάσης δὲ ἐν τῷ μεταξὺ τῆς θυγατρὸς χατηχουμένης, ἀντίλυτρον ἔδωχε 
τοῖς πτωχοῖς τὸ μέρος αὐτῆς ὁ πατὴρ (160. 1) ἔτι δὲ χαὶ τὸ τῆς 
γυναικὸς αὐτοῦ, χαὶ τὸ ἑαυτοῦ. Οὐχ ἐπαύετο δὲ παραχαλῶν τὸν θεὸν 
περὶ αὐτῆς. Ἦλθεν οὖν αὐτῷ φωνὴ προσευχομένῳ, ὅτι ἐθαπτίσθη ἡ 
θυγάτηρ σου, μὴ ἀθύμει. Ὁ δὲ ἠπίστησεν. ne οὖν αὐτῷ π qe ἣ 
ἀόρατος φωνή" ner εἰς τὸ AA αὐτῆς ἐὰν εὕρῃς αὐτήν. O δὲ 
πορευθεὶς ἐπὶ τὸν τάφον, ὥρυξε χαὶ οὐχ εὗρεν αὐτὴν, μετετέθη γὰρ 
μετὰ τῶν πιστῶν. 

10. — Εἶπεν γέρων: Αὕτη à φωνὴ βοᾷ πρὸς τὸν ἄνθρωπον ἕως 
ἐσχάτης ἀναπνοῆς ὅτι σήμερον ἐπίστρεψον. 

11. -- Εἶπεν ὁ ἀδδᾶς Θεόδοτος" μὴ χρίνῃς τὸν πόρνον ἐὰν ὑπάρχης 
σώφρων, ὡσαύτως γὰρ τὸν νόμιον παραθαίνεις. Ὁ γὰρ εἰπὼν μὴ πορ- 
γεύσης, εἶπέν χαὶ μὴ χρίνης. 

12. — Ἦλθέ τις -ποτὲ δαιμονιζόμιενος «εἰς Σχῆτιν, χαὶ πολλῷ τῷ 
χρόνῳ οὐκ ἐθεραπεύθη. (1600 r?) ΣΡ ue δὲ εἷς τῶν ὙΕΤΩ͂Ν, 
ἐσφράγισε τὸ δαιμονιζ όμενον. χαὶ ἐθεράπευσεν αὐτόν. Διχπονηθεὶς δὲ ὁ 
δαίμων εἶπεν τῷ γέροντι" Ἰδοὺ RUE με, ἐπάνω σου ἔρχομαι. Λέγει 
αὐτῷ ὁ γέρων" Δεῦ, ἡδέως ἔχω. Brotice οὖν ὁ γέρων δώδεχα ἔτη, 
ἔχων τὸν δαίμονα χαὶ συντρίόων αὐτὸν, ἐσθίων χαθημέραν ὀστέα φοι- 
νίχων δώδεχα. Ἔχπηδήσας δὲ ὁ δαίμων, ἐξῆλθεν ἀπ᾿ αὐτοῦ Ka ἰδὼν 
ὁ γέρων ἐξελθόντα αὐτὸν ἀπ᾽ αὐτοῦ, εἶπεν αὐτῷ" τί φεύγες ; ἔτι παρά- 
εἶπ 


τεν αὐτῷ: Καταργῆσει σε ὁ θεὸς 


͵ 


pevov. ᾿Αποχριθεὶς δὲ ὁ δαίμων 
ὅτι εἰ μιὸὴ αὐτὸς μόνος δύναται πρὸς σέ. : 

13. — Ἔλεγον περί τινος ὅτι ἐκάθητο ἐν Αἰγύπτῳ ἐν Eu 
εἶχε δὲ ἔθος παραδάλλειν (100 Υ ἢ αὐτῷ εἷς ἀδελφὸς χαὶ μία παρθένος. 
Ἔν μιᾷ οὖν τῶν ἡμερῶν, ὑπήντησαν οἱ δύο ὁμοῦ πρὸς τὸν γέροντα. Kai 
ὀψίας γενομένης, ἔθηχε τὸ ψιάθιον χαὶ ἐχοιμήθη εἰς τὴν μέσην αὐτῶν. 
Τ]ολεμηθεὶς δὲ ὁ ἀδελφὸς, ἐπανέστη τῇ παρθένῳ καὶ ἐτέλεσαν τὴν 
ἁμαρτίαν. Ὁ δὲ γέρων αἰσθηθεὶς, οὐδὲν αὐτοῖς ἐλάλησεν. Πρωίας δὲ 


γενομένης, προέπεμψεν αὐτοὺς ὁ γέρων υηδεμίαν στυγνότητα δείξας 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. Da 


Es-tu bien enseveli, ὃ (mon) fils, ou bien manque-t-il encore quelque petite 
chose? Et le jeune homme répondit : C’est bien, ὁ père, car tu as accompli 
ce que tu avais annoncé. 


9, L'abbé Bésarion dit qu'un homme se retira du monde ayant une 
femme et aussi une fille catéchumène, mais cependant chrétienne. Il par- 
tagea done ses biens en trois parts. Dans l'intervalle, sa fille étant morte 
n'étant que catéchumène, le père, pour sa rançon, donna sa part aux pau- 
vres ainsi que celle de sa femme et la sienne propre. Il ne cessait de prier 
Dieu pour sa fille. Une voix se fit entendre tandis qu’il priait : Ta fille ἃ 
été baptisée, ne te décourage pas. Il ne voulut pas le croire. La voix invi- 
sible dit encore : Creuse son tombeau pour voir si tu la trouveras. Il alla 
au tombeau, creusa et ne la trouva pas, car elle avait été placée avec les 
fidèles (1). 


10. Un vieillard dit : Voici la voix qui crie à l’homme jusqu’à son dernier 
souffle : Convertis-toi aujourd’hui. 


11. L'abbé Théodote dit : Ne condamne pas le débauché si tu es conti- 
nent, car tu transgresserais aussi la loi. Celui qui a dit : Tu ne fornique- 
ras pas, à dit aussi : Tu ne jugeras pas. 


12, Un possédé (2) du démon vint une fois à Scété et, pendant longtemps, 
il ne fut pas guéri. L'un des vieillards, pris de compassion, signa le démo- 
niaque et le guérit. Le démon s'irrita et lui dit : Voilà que tu me chasses, 
je viens chez toi. Le vieillard lui répondit : Viens, cela me fait plaisir. Le 
vieillard passa douze ans à ‘garder le démon et à le mortifier; il ne man- 
geait chaque jour que douze noyaux de dattes. Ensuite le démon s’échappa 
et le quitta. Le vieillard le voyant partir lui dit : Pourquoi fuis-tu? reste 
encore. Le démon lui répondit et lui dit : Dieu te domptera, car lui seul 
a pouvoir sur toi. 


13. On racontait (3) d’un (vieillard) qu’il demeurait en Égypte dans une 
cellule à une pièce. Un frère et une vierge avaient coutume de venir le 
voir. Un jour donc, tous deux arrivèrent en même temps près du vieillard. 
Lorsque le soir fut venu, il déroula une natte et il se coucha au milieu. Le 
frère, tourmenté, rejoignit la vierge et ils consommèrent le péché. Le vieil- 
lard s’en apercut et ne leur parla pas; au matin il les congédia sans leur 
montrer de tristesse. Pendant qu'ils faisaient route, ils se demandèrent 


(1) Se trouve, sans être attribué à Bésarion, dans B, p. 769, n. 170 et dans le 
manuscrit 1996, p. 996 (AOC, 1903, p. 93). Inutile de dire que l’équivalence du 
baptème et de l’aumône n’est pas admise en théologie. — Jacques d'Édesse (vi 
siècle) cite ce récit sous le nom de l’évêque Pallade, pour montrer qu'on peut 
prier pour les hérétiques défunts. Cf. F. Nau, Les canons et les résolutions cano- 
niques de Rabboula… Jacques d'Édesse.., librairie Lethielleux, Paris, 1906, p. 74. 

(2) L, fol. 85°. B, p. 603. Paul, 191. 

(3) M, 1018, n. 15. Le latin attribue ce récit à Pastor. Paul, 287. 


54 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


αὐτοῖς. ΠΙορευομένων δὲ αὐτῶν χατὰ τὴν ὁδὸν ἔλεγον πρὸς ἀλλήλους, 
εἰ ἐνόησεν ὁ γέρων ἢ οὔ. Kat ὑπέστρεψαν πρὸς τὸν γέροντα μετανοοῦν- 
τες αὐτῷ καὶ λέγοντες" AG6G, οὐχ ἐνοήσας πῶς ἐχλεύασεν ἡμᾶς ὁ 
Σατανᾶς; Kat λέγει αὐτοῖς" Ναί. Kai λέγουσιν αὐτῷ (160 νἢ) Ποῦ 
ἦν ὁ λογισμός σου ἐχείνην τὴν ὥραν. Καὶ λέγει αὐτοῖς Ὁ ἐμὸς λογι- 
σμὸς, ὅπου ἐσταυρώθη ὁ Χριστὸς, ἐχεῖ ἦν τὴν ὥραν ἐκείνην στήχων 
χαὶ κλαίων. Kai λαδόντες μετάνοιαν ἀπὸ τοῦ γέροντος, ἀπῆλθον καὶ 


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ἐγένοντο σχεύη ἐχλογῆς. 

14.- - Εἶπεν ὁ ἀδδὰς Ζωΐλος ὁ πρεσθύτερος ὁ Ῥαμιαθέως, ἀχηχοέ- 
VAL τοῦ πατρὸς αὐτοῦ a66x Ναθαὴλ εἰπόντος ἑτέρους ἑπτὰ συγχλητι- 
χοὺς ζηλῶσαι τὸν ἀδοᾶν ᾿Αρσένιον καὶ μονάσαι ἐν τὴ Σχήτει, οἱ τοῖς 
οἰκείοις πᾶσιν ἀποταξάμενοι ἀνὰ ἑπτὰ τρία (sic) ἔλαθον, χαὶ τοῖς 
εὐτελέσιν ὀστραχίνοις ἔχρωντο λέγοντες" “Ὅπως ἴδη ὁ μέγας θεὸς, χαὶ 
σπλαγχνισθεὶς ἀφήσῃ ἡμῖν τὰς ἁμαρτίας ἡμῶν. 

15. -- "Ἔλεγον περὶ τοῦ 466& ᾿Δρσενίου ὅτι οὐκ ἐδυνήθη τις χατα- 
λα(ξεῖν τὴν διαγωγὴν (161 r°) τῆς πολιτείας αὐτοῦ. 

16. — Εἶπον περὶ τοῦ 4664 Μακαρίου τοῦ μεγάλον, ὅτι ἐποίησεν 
ἐν τετράμηνον ποτὲ, ἡμερούσιον παραδζλλων ἀδελφῷ ἐν τῇ Σχήτει 
χαὶ οὔτε ἅπαξ εὕρεν αὐτὸν σχολάζοντα. Παρχύαλλὼν οὖν αὖθις, χαὶ 
σταθεὶς πρὸς τὴ θύρα ἔξω, ἤκουσεν αὐτοῦ era χλαυθμοῦ λέγοντος" 
Κύριε, εἰ οὐκ ἠχεῖ τὰ ὦτά σου κράζοντός pou πρὸς σὲ, ἐλέησόν με διὰ 
τὰς ἁμαρτίας μου, οὔτε ἐγὼ χάμνω παραχαλῶν σε. 

17. ---- Ἦν τις ἀρχάριος ἀποτάξασθαι θέλων, καὶ λέγει τῷ γέροντι" 
Θέλω μοναχὸς γένεσθαι. Λέγει ὁ γέρων" Οὐ δύνῃ. Λέγει ἐκεῖνος" Δυνά- 
μαι. Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων Εἰ θέλεις ὕπαγε ἀπόταξαι, χαὶ ἐλθὼν χαθέ- 
lou εἰς τὸ χελλίον σου. Kai ἀπελθὼν ἔδωχεν ἃ εἶχεν χατασχὼν ἑαυτῷ 
ἑχατὸν (161 1") νομίσματα, καὶ ἦλθε πρὸς τὸν γέροντα. Ὁ δὲ γέρων 
πρὸς αὐτόν. Ὕπαγε χάθου εἰς τὸ κελλίον σου. Ὁ δὲ ἀπελθὼν, ἐχαθέσθη. 
Καθεζομένου δὲ αὐτοῦ, εἶπον οἱ λογισμοί: Ἣ θύρα παλαιά ἐστι, θέλει 
γενέσθαι. Kat ἐλθὼν, λέγει τῷ γέροντι: Οἱ λογισμοὶ λέγουσιν. Ἣ θύρα 
παλαιζ ἐστιν ἤθελε γενέσθαι. Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων᾽ Οὐχ ἀπετάξω, 
ἀλλ᾽ ὕπαγε ἀπόταξαι, καὶ χάθου ὧδε. Ὁ δὲ ἀπελθὼν, ἔδωκε τὰ ἐνενή- 


΄ὔ ΄ ε = δέ ΄ὔ No A 4 
χοντα νομίσματα, χρύψας ἑαυτῷ ὁὀέχα νομίσιαιτοι,, χαὶ ἐλθὼν λέγει TG 


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[a] 


γέροντι: Ἰδοὺ ἀπεταξάμην" Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων’ Ὕπαγε κάθου εἰ 
τὸ χελλίον σου. Ὁ δὲ ἀπελθὼν ἐκάθισεν. Ἰζ αθημένου δὲ αὐτοῦ, λέγου- 


σιν οἱ λογισμοί: Ἢ στέγη παλαιά ἐστι. ἤθελε γενέσθαι. (101 v°) Καὶ 
DA ϊ T ? “6 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 29 


si le vieillard s’en était apercu ou non. Ils retournèrent près de lui pleins 
de repentir et lui dirent : Abbé, ne t’es-tu pas aperçu comment Satan nous 
a bafoués? Il répondit : Oui. Ils lui dirent : Où était donc ton esprit à cette 
heure-là? Il leur répondit : A cette heure-là mon esprit veillait et pleurait 
à l'endroit où le Christ fut crucifié. Ils acceptèrent la pénitence que leur 
imposa le vieillard, s’en allèrent, et devinrent des vases d'élection. 


14. L'abbé Zoïle, le prêtre, qui était de T'amiathis (1), disait avoir en- 
te ndu raconter à l’abbé Nathaël que sept autres sénateurs avaient voulu 
imiter l’abbé Arsène et mener la vie monastique à Scété. Ils avaient re- 
noncé à tous leurs biens, s’adonnaient au travail des roseaux (2), pei- 
 gnaient de vils ustensiles en terre et disaient : C’est pour que le grand 
Dieu voie, qu'il prenne pitié et qu'il nous remette nos péchés. 


15. On disait (3) de l’abbé Arsène que personne ne pouvait suivre son 
genre de vie. 


16. On racontait de l’abbé Macaire le Grand qu’il se rendit chaque jour 
durant quatre mois près d’un frère à Scété et pas une seule fois il ne le 
trouva oisif. Il y alla une fois de plus, s'arrêta près de la porte en dehors 
et entendit le frère pleurer et dire : Seigneur, si tes oreilles ne m’enten- 
dent pas crier vers toi, aie pitié de moi à cause de mes péchés, car de 
mon côté je ne me fatigue pas de t'appeler à mon secours. 


17. Un novice (4) voulait renoncer au monde. I] dit au vieillard : Je veux 
devenir moine. Le vieillard répondit : Tu ne le peux pas. Celui-là dit : Je 
(le) peux. Le vieillard dit : Si tu le veux, va, renonce au monde, puis viens 
demeurer dans ta cellule. Il s’en alla, donna ce qu'il possédait, se réserva 
cent pièces de monnaie et vint près du vieillard. Le vieillard lui dit : Va 
demeurer dans ta cellule. Il alla y demeurer. Tandis qu'il y était, ses 
pensées lui dirent : La porte est vieille et demande à être remplacée. Il 
alla donc dire au vieillard : Mes pensées me disent : La porte est vieille et 
elle demande à être remplacée. Le vieillard répondit : Tu n'as pas encore 
renoncé au monde, va, renonce au monde et demeure ici. Il s’en alla, 
donna quatre-vingt-dix pièces de monnaie, s’en cacha dix et vint dire au 
vieillard : Voilà que j'ai renoncé au monde. Le vieillard lui dit : Va, 
demeure dans ta cellule. Il alla y demeurer. Tandis qu'il y était, ses pen- 
sées lui dirent : Le toit est vieux et demande à être remplacé. Il alla dire 


(1) Ou Damiette. 

(2) En lisant θρύα au lieu de τρία (?). 
(3) B, p. 479,.η. 104. 

(4) Paul, 48. 


00 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ἀπελθὼν λέγει τῷ γέροντι" Οἱ λογισμοί μου Réyouciv Ἢ στέγη παλαιά 
ἐστιν ἤθελε γενέσθαι. Λέγει ὁ γέρων: Ὕπαγε ἀπόταξαι. Ὁ δὲ ἀπελ- 
θὼν ἔδωχε καὶ τὰ δέκα νομίσματα, καὶ ἐλθὼν λέγει τῷ γέροντι" Ἰδοὺ 
ἀπεταξάμιην. Καὶ καθίσαντος αὐτοῦ, λέγουσιν αὐτῷ οἱ λογισμοί: Ὅλα 
παλαιᾷ εἰσι τὰ ὧδε, καὶ ὁ λέων ἔρχεται καὶ τρώγει με. Καὶ λέγει τῷ 
γέροντι τοὺς λογισμοὺς, καὶ λέγει αὐτῷ ὁ γέρων. ᾿Εγὼ προσδοχῶ ὅλα 
ἐλθεῖν ἐπάνω μου χαὶ τὸν λέοντα ἐλθεῖν χαὶ φαγεῖν με ἵνα ἀπαλλαγῶ. 
Ὕπαγε καθου εἰς τὸ χελλίον σου χαὶ εὔχου τῷ θεῷ. 

18. --- Εἶπεν γέρων ἑτέρῳ γέροντι ἔχοντι ἀγάπην, χαὶ συμόαλ-- 
λομένῳ μοναχοῖς καὶ χοσμιχοῖς" ὅτι ὁ λύχνος πολλοὺς φαίνει (16] v°)' 
τὸ δὲ ἑαυτοῦ στόμα χαίει. 

19. — Ἔλεγον περὶ τινὸς γέροντος- ὅτι περιεπάτει ἐν τῇ ἐρήμῳ, 
χαὶ ἰδοὺ δύο ἄγγελοι συνώδευον αὐτῷ, εἷς ἐχ δεξίων καὶ εἷς ἐξ εὐωνύ- 
μων, χαὶ ἐλθόντες, εὗρον θνησιμαῖον χατὰ τὴν ὁδὸν, χαὶ ἐσχέπασεν ὁ 


Ces - }] - “ - / ΕΣ " 
γέρων τὴν ῥῖνα αὑτοῦ ἀπὸ τῆς ὀσμῆς, ἐποίησαν δὲ χαὶ οἱ ἄγγελοι οὕτως. 


Καὶ ὁδεύσαντες μικρὸν, εἶπεν αὐτοῖς ὁ γέρων Kai ὑμεῖς ὀσφραίνεσθε 
- e \ ca 3 \ = A 8 140 C4 ι ε - DEN \ 
ταῦτα; Οἱ δὲ εἶπον" οὐχὶ, ἀλλὰ διὰ σὲ ἐσχεπάσαμιεν καὶ ἡμεῖς, ἐπὶ τὴν 
ἀχαθαρσίαν τοῦ χόσμου τούτου οὐχ ὀσφραινόμεθα, οὐδὲ προσεγγίζει 
ἡμῖν, ἀλλ᾽ αἱ ψυχαὶ αἱ ὄζουσαι ἐν ἁμαρτίαις, ταῦτας ὀσφραινόμεθα. 

20. — Hy rc γέρων χαθ᾽ ἑκάστην ἐσθίων τρεῖς παξαμάδας, παρ- 
bare δὲ αὐτῷ ἀδελφὸς (162 r°) χαὶ χαθεσθέντων αὐτῶν γεύσασθαι, 
ἔθηκε τῷ ἀδελφῷ τρεῖς παξαμάδας. Καὶ ἑωραχὼς ὁ γέρων ὅτι ἔχρηζεν, 
" RULES ASIA -“ ε δὲ > / \ 5 ἐὰν 
ἤνεγκεν αὐτῷ χχὶ ἀλλας τρεῖς. Ὡς. δὲ ἐχορέσθησαν. χαὶ ἀνέστησαν, 
χατέχρινεν ὁ γέρων τὸν ἀδελφὸν χαὶ λέ ὑτῷ Οὐ yon, ἄδελφε, ὑπουο- 
«ατέχρινεν ὁ γέρων τὸν ἀδελφὸν χαὶ λέγει αὐτῷ Οὐ χρὴ, ἄδελφε, ὑπουρ 
γεῖν τὸ σαρχίον. Ὁ δὲ ἀδελφὸς μετενόησε τῷ γέροντι χαὶ ἐξῆλθεν. Τῇ 

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οὖν ἑξῆς, ὡς ἐγένετο χαιρὸς τοῦ γεύσασθαι τὸν γέροντα, ἔθηχεν αὐτῷ 
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δ 37 x -“ = {δ Ν \ 5: ΜᾺ , , / 
χατὰ τὸ ἔθος τὰς τρεῖς παζαμᾶδας, HAL φαγὼν αὑτᾶς, πζλιν ἐπεῖνασε 


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χαὶ ἐπέσχεν ἑαυτόν. Kat πάλιν τῇ ἄλλῃ ἡμέοα τὸ αὐτὸ ὑπέστη. Ηρ- 

5 , + 4 e / e/ » a “- CU 
Éaro οὖν ἀδυναμοῦσθαι, χαὶ ἔγνω ὁ γέρων ὅτι ἐγχατάλειψις τοῦ θεοῦ 
Dir > _e ver € \ 2% - ee \ ὃ ΄ 
ἐγένετο αὐτῷ. Καὶ ῥίψας ἑαυτὸν ἐνώπιον τοῦ θεοῦ μετὰ δαχρύων, 
ἐδέ δὲ ΤΩΣ na 1.6 .99 ΤΟΥ Ἔν 2 2 RON er 
ἐδέετο περὶ τῆς γενομένης (162 1") ἐγκαταλείψεως, χαὶ ὁρᾷ ἄγγελον 
λέγοντα αὐτῷ " Διότι χατέχρινας τὸν ἀδελφὸν, τοῦτό σοι συνέθη. Γίνωσχε 
τὴ “ ε ὃ ͵ » / A » , \ 2 ᾽ 7 
οὖν ὅτι ὁ δυνάμενος ἐγχρατεύεσθαι, ἢ ἄλλοτι ἀγαθὸν ποιῆσαι, οὐχ ἐξ 

΄, -Ὁ δα» . > ΄ M 2 € 2 
ἰδίας δυνάμεως ποιεῖ, ἀλλ᾽ ἡ ἀγαθότης τοῦ θεοῦ ἐστιν ἡ ἐνισχύουσα 
ΕΣ : 

τὸν ἀνθρωπον. 


21. — Ἔλεγον περὶ τινὸς γέροντος εἰς τὰ χελλία ὅτι περικεκλεια- 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 54 


au vieillard : Mes pensées me disent : Le toit est vieux et demande à être 
remplacé. Le vieillard lui dit : Va et renonce au monde. Il s’en alla, donna 
les dix pièces de monnaie et vint dire au vieillard : Voilà que j'ai renoncé 
au monde. Pendant qu'il y était ses pensées lui dirent : Voilà que tout est 
vieux ici; le lion viendra et me mangera. Il exposa ses pensées au vieil- 
lard qui lui dit : Je voudrais que tout tombât sur moi et que le lion vint 
me manger pour que je fusse délivré (de la vie). Va, demeure dans ta 
cellule et prie Dieu. 


18. Un vieillard dit à un autre qui était charitable et se rencontrait avec 
les moines et les séculiers : La' lampe éclaire beaucoup (d'hommes), mais 
brüle sa propre bouche. 


19. On racontait (1) d’un vieillard qu'il marchait dans le désert et voilà 
que deux anges firent route avec lui, l’un à droite et l’autre à gauche. 
Ils vinrent à rencontrer un cadavre le long de la route et le vieillard se 
boucha le nez à cause de la puanteur; les anges en firent autant. Quand 
ils eurent avancé un peu, le vieillard leur dit : Vous sentez donc aussi 
cela? Ils répondirent : Non, c’est à cause de toi que nous nous sommes 
bouché le nez aussi : nous ne sentons pas les impuretés de ce monde et 
elles n'arrivent pas jusqu'à nous, mais nous sentons [65 âmes qui puent 
dans les péchés. 


20. Il y avait un vieillard (9) qui mangeait chaque jour trois biscuits. Il lui 
arriva un frère et quand ils s’assirent pour manger il lui servit trois bis- 
cuits; comme il n’en avait pas assez, il lui en donna trois autres. Lorsqu'ils 
furent rassasiés et se levèrent, le vieillard condamna le frère et lui dit : 
Il ne faut pas céder à la chair. Le frère fit repentance au vieillard et s’en 
alla. Le lendemain, lorsque arriva le moment du repas du vieillard, il se 
servit les trois biscuits selon la coutume, il les mangea, puis il eut en- 
core faim et résista (à ce désir). Il en fut de même le jour suivant. Il com- 
menca donc à faiblir et il connut qu'il était abandonné de Dieu. Il se 
prosterna avec larmes devant Dieu et l’interrogea au sujet de l'abandon 
dans lequel il se trouvait; il vit un ange qui lui dit : Cela t'est arrivé 
parce que tu as condamné le frère. Reconnais donc que celui qui peut 
résister ou faire quelque bien ne le fait pas de sa propre force; mais c’est 
la bonté divine qui fortifie l’homme. 


21. On racontait d’un certain vieillard dés cellules (3) qu'il était reclus 


\ 


(1) B, p. 780, n. 214; M, 1014,n° 18: 

(2) Paul, 287. 

(3) Désert proche de Scété. B, p. 839, n. 15. Cette histoire fait l’objet d’une 
question dans B, p. 958-939. Coislin 127, f. 76". 


DS REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Ἂς » / 


Ζ ἔῃ 15 A DEN AE Br EN Ei δὲ Α 2) ; 
[LÉVOS ἣν μιηὸε εἰς τὴν ἐχχλησίαν ἐρχόμενος. χε DE σαρχιχοὸν & ελφον 
εἰς ἀλλὸ χελλίον καθήμενον, καὶ ἠσθένησεν ui ἔπεμψε πρὸς αὐτὸν ἵνα. 
᾿ἴδη αὐτὸν πρὸ τοῦ ἐξελθεῖν ἐκ τοῦ σώματος, καὶ εἶπεν. Οὐ δύναμαι 
ἐλθεῖν ὅτι σαρχιχός μου ἀδελφός ἐστιν. Πάλιν ἔπεμψε λέγων" Kay τὴν 
νύχτα δεῦρο ἵνα σε ἴδω. Ὃ δὲ εἶπεν (1): Οὐ δύναμαι, εἰ δὲ μὴ οὐχ 
εὑρίσκεται (162 v*) ἡ καρδία μου καθαρὰ πρὸς τὸν θεόν. Kai ἐχοιμιήθη 
χαὶ οὐχ εἶδον ἀλλήλους. 

22. — Διηγήσαντο πατέρες ὅτι ἦν τις χοινοδίου πατὴρ, χαὶ συνέφη 

3 ΄ \ 2 / € Ὁ 5 “- 5 NE 
τὸν τούτον διαχονητὴν ολιγωρήσαντα ἐξελθεῖν Ex τῆς υονῆς, HAL ATEÀ- 
θεῖν εἰς ἄλλον τόπον. Ὁ δὲ γέρων διόλου σχεδὸν ἀπήει πρὸς αὐτὸν 
δυσωπῶν αὐτὸν ἵνα ἐπιστρέψῃ. Ὁ δὲ οὐχ ἠδούλετο. Τοῦτο δὲ ἐποίη- 
σεν ὁ γέρων ἐπὶ τρία ἔτη, χαὶ οὕτως πεισθεὶς ὁ διαχονητῆς, ὑπέστρε- 
ψεν. ᾿Επιτάσσει οὖν αὐτῷ ὁ γέρων ἐξελθεῖν καὶ συναγαγεῖν στοιδήν. Kai 
δὴ τοῦτο ποιήσας ὁ διαχονητὴς, χατ᾽ ἐνέργειαν τοῦ Σατανᾶ τὸν ὀφθαλ-- 
υὸν ἀπώλεσεν. Ὁ δὲ γέρων ἐλυπήθη σφόδρα, χαὶ ἄρχεται νουθετεῖν 

OUEN ᾽ ͵ \ r ° ‘5 » / , Lé . x 
αὐτὸν ὀδυνώμιενον, χαὶ λέγει ὁ διαχονητής" ᾿Εγώ εἰμι ὁ αἴτιος, διὰ 
γὰρ (162 v?) τοὺς κόπους οὺς παρέσχον σοι τοῦτο ὑπέμεινα. Μετὰ 


r , 1 —_ “δ - ΄ / \ 1 
APOVOY ἀπαλλάσσεται τῆς ὀδύνης, τοῦ πάθους μείναντος, χαὶ πάλιν 


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ἐπιτάσσει αὐτὸν ὁ γέρων ἐξελθεῖν χαὶ τεῖλαι βαΐα. ᾿Εργαζόμενος οὖν 
χατ᾽ ἐνέργειαν τοῦ ἐχθροῦ πάλιν babdiou πηδήσαντος, ἀπόλλει χαὶ 
τὸν ἄλλον ὀφθαλμόν. "Ἔρχεται οὖν εἰς τὴν μονὴν χαὶ ἡσυχάζει, μιηδὲν 
ἔτι ποιῶν. Ὁ δὲ ἀδδᾶς πάλιν ἐδυσφόρει, καὶ ὡς ἦλθεν. αὐτοῦ ἡ κλῆσις, 
li \ ΄ f ᾿ 3 \ \ ΄ " 
προγινώσχει χᾶι μεταστέλλεται πᾶντας τοὺς ἀδελφοὺς, καὶ λέγει αὖ- 
τοῖς ᾿Ἔγγύς ἐστιν ἡ κλῆσίς mou, βλέπετε ἑαυτούς. Αρχεται ἕχαστος 
λέγειν" Τίνι ἐξς ἡμᾶς 4663; Ὁ δὲ γέρων ἐσιώπα, χαὶ μεταστέλλεται 
A 4 / \ 4 “3 -ὋὉ-ὠ \ - Ψ' ΄ \ » LA 
τὸν τυφλὸν μόνον, χαὶ λέγει αὐτῷ περι τῆς χλήσεως. Ο δὲ ἐδάχρυσε 
λέγων: Τίνι (163 τ) pe ἐξς τὸν τυφλόν; Ὃ δὲ γέρων λέγει" Εὖξαι 
ἵνα 'σχῶ παῤῥησίαν ἐνώπιον τοῦ θεοῦ, χαὶ ἔλπίζω ὅτι τῇ χυριαχῇ ποιεῖς 
A r F \ ΄ ᾽ En CEE ε 2 > 1 1 
τὴν σύναξιν. Kat χοιμηθέντος αὐτοῦ, μετ᾽ ολίγας ἡμέρας ἀνέολεεν 
χαὶ γίνεται τοῦ χοινοδίου πατήρ. 
93. — Οἰχέτης τις γενόμενος μοναχὸς ἐπὶ τεσσαραχονταπέντε ἔτη 
ἔμεινεν, ὅλατι καὶ ἄοτῳ ἀρχούμενος καὶ ὕδατι. Κατανυγεὶς δὲ ὁ τούτου 
δεσπότης μετὰ φανερὸν χρόνον ἀναχωρεῖ χαὶ αὐτὸς, καὶ γίνεται τοῦ ἰδίου 


δούλου υαθητῆς ἐν ὑπαχοὴ μεγάλῃ. Ἔρχεται οὖν ὁ χρόνος τῆς αὐτοῦ 


(1) A répète ce qui précède depuis οὐ δύναμαι ἐλθεῖν 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 99 


et n'allait pas même à l’assemblée. Il avait un frère selon la chair qui 
demeurait dans une autre cellule. Celui-ci tomba malade et fit dire à l’au- 
tre de venir le voir avant sa mort. Il répondit : Je ne puis pas, y aller parce 
que c’est mon frère selon la chair. Il lui fit encore dire : Viens au moins 
cette nuit pour que je te voie. il répondit : Je ne le puis pas, sinon mon 
cœur ne sera pas trouvé pur devant Dieu. Et le frère mourut sans qu'ils 
se fussent connus. 


22. Les pères racontaient (1) qu'il existait un certain chef de commu- 
nauté dont le serviteur devint négligent et quitta le monastère pour 
aller dans un autre lieu. Le vieillard allait constamment le trouver et le 
supplier de revenir, mais il ne le voulait pas. Le vieillard le fit durant 
trois ans et le serviteur, persuadé enfin, revint (au monastère). Le vieil- 
lard lui commanda d’aller ramasser de la paille. Pendant que le serviteur 
le faisait, par l'opération de Satan, il perdit un œil. Le vieillard en fut très 
attristé et vint le réconforter tandis qu'il souffrait, mais le serviteur lui 
dit : C’est moi qui en suis cause, je souffre cela pour t'avoir causé tant de 
fatigues. Au bout d’un certain temps, il fut délivré de la souffrance — 
l’affliction lui restant — et le vieillard lui commanda encore d'aller ra- 
masser des feuilles de palmier. Pendant qu’il travaillait, par l’opération de 
l'ennemi, une branche se détendit et lui creva l’autre œil. Il vint donc au 
monastère et y vécut dans le silence sans plus rien faire. L'abbé du mo- 
nastère devint malade et lorsque son appel (sa mort) fut proche, il le con- 
nut d'avance, réunit tous les frères et leur dit : Mon appel est proche, pré- 
voyez pour vous. Chacun commenca à dire : À qui nous confies-tu, abbé? 
Le vieillard se tut, fit venir l’aveugle seul et lui annonça son appel. Celui-ci 
pleura et dit : À qui me confies-tu, moi qui suis aveugle? Le vieillard dit : 
Prie afin que je trouve grâce devant Dieu et j'espère que le dimanche tu 
présideras l’assemblée des fidèles. Quelques jours après sa mort l’aveu- 
gle vit et devint le père de la communauté. 


23. Un domestique (2) devint moine et passa quarante-cinq ans à vivre 
de sel, de pain et d’eau. Son maitre, saisi de componction, embrassa aussi 
la vie anachorétique au bout d’assez de temps et devint le disciple de son 
propre serviteur avec grande obéissance. Le temps de sa mort arriva et 
il dit au vieillard : Je vois les Puissances (3) qui viennent près de moi 
(pour chercher mon âme) et que tes prières font retourner en arrière. — 
Lorsque la mort du vieillard arriva, il vit un ange à sa droite et un à sa 
gauche qui lui dirent : Veux-tu venir, abbé, ou devons-nous partir? Le 
vieillard leur dit : Je le veux, attendez, prenez mon âme, et il mourut 
ainsi. 


(1) L, fol. 33. B, p. 598, n. 4045 E, p. 723, n. 402. 
(2) B, p. 764, n. 169. 
(3) Nom d’un ordre des anges. 


00 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


χλήσεως, χαὶ λέγει τῷ γέροντι" ’AG6G, ὁρῶ τὰς ἐξουσίας ἐρχομένας 

πρός με, καὶ διὰ τὰς δεήσεις σου πάλιν ὑποστρεφοῦσας. Ὅτε δὲ ἦλθεν 

χαὶ ἢ τοῦ γέροντος χλῆσις 007 ἕνα ἄγγελον ἐχ δεξιῶν χαὶ (163 τ 

ἕνα ἐξ ἀριστερῶν λέγοντας αὐτῷ Θέλεις ἐλθεῖν 466% à ἀπέλθωμεν : 

Καὶ λέγει αὐτοῖς ὁ γέρων᾽ Θέλω. μείνατε, λάδετέ μου τὴν ψυγήν. Kai 
P > | ᾽ ' À. 

οὕτως ἐτελειώθη. 

24, — Eine γέρων: Ἰωσὴφ ὁ ἀπὸ ᾿Αριμαθίας ἔλαδε τὸ σῶμα 
τοῦ Ἰησοῦ καὶ ἔθηχεν αὐτὸ ἐν σινδόνι καθαρᾷ ἐν μνημείῳ χαινῷ τουτ- 
ἐστιν ἐν ἀνθρώπῳ νέῳ. Σπουδάσει οὖν ἕχαστος ἐπιμελῶς μὴ ἁμαρτάνειν 
ἵνα μιὴ τὸν συνοικοῦντα αὐτῷ θεὸν ὑδρίσῃ χαὶ διώξη ἀπὸ τῆς ψυχῆς 

. Ὁ -- \ , ἮΝ \ ΄ ἐδό - » ἔα es δὲ 
αὑτοῦ, τῷ μὲν Ἰσραὴλ τὸ μάννα ἐδόθη φαγεῖν ἐν τῇ ἐρήμῳ, τῷ δὲ 
αληθινῷ Ἰσραὴλ ἐδόθη τὸ σῶμα τοῦ Χριστοῦ. 

25. — Εἶπεν γέρων᾽ ΤΓύμνωσον τὴν ῥομφαῖάν σου. Kai εἶπεν ὁ ἀδελ- 
pô" ᾿Αλλ᾽ οὐχ ἐῶσί με τὰ πάθη. Καὶ λέγει ὁ γέρων’ ᾿Ἐπικάλεσαί με 
ἐν ἡμέρᾳ (163 v°) θλίψεώς σου, καὶ ἐξελοῦμαί σε χαὶ δοξάσεις με. 
᾽ Ξ- 5 ἔς συν Ξ = 
Ἐπικχαλοῦ οὖν αὐτὸν, καὶ ἐξελεῖταί σε ἀπὸ πάντος πειρασμοῦ. 

26. — Ἀδελφὸς ξενητεύσας, ἠρώτησε γερόντα λέγων Θέλω ἀπελθεῖν 

DANS ι nus Ω ΄ ES 5, ’, εἰ 
εἰς τὰ ἴδια, Καὶ αἱ λέγει αὐτῷ ὁ γέρων᾽ Τοῦτο γίνωσχε ἀδελφέ" ὅτι ἐρ- 
χόμιενος ἀπὸ τῆς χώρας ἐπὶ τὰ ὧδε, τὸν χύριον εἶχες ὁδηγοῦντά σε, εἰ 
δὲ ὑποστρέψεις, οὐκέτι αὐτὸν ἔχεις. 

27. — ᾽Απέστειλέ τις τῶν γερόντων τὸν μαθητὴν αὐτοῦ ἀντλῆσα. 
ὕδωρ. Ἦν δὲ ὑαχρὰν τὸ φρέαρ ἀπὸ τοῦ χελλίου αὐτῶν. Ὁ δὲ res 
θετο τὸ σχοινίον ἄραι, καὶ ἐλθὼν ἐπὶ τὸ φρέαρ ἔγνω ὅτι οὐκ ἤνεγχεν 
χαὶ, ποιήσας εὐχὴν, ἐφώνησε λέγων " Λάχκε, Λαχχε, εἶπεν ὃ ἀδοᾶς μου" 

΄ ΔΎ La 02 Q b \ ET AC JR 1 Ν 
γέμισον τὸ χεράμιον ὕδωρ. (163 νὴ) Καὶ παραχρῆμα, ἀνῆλθε τὸ ὕδωρ 
» et A Εν el , 
ἄνω, καὶ γεμίσαντος τοῦ ἀδελφοῦ, πάλιν ἀπεχατεστάθη τὸ ὕδωρ εἰς 
τὸν τύπον αὐτοῦ. 

DRE Παρέδαλέ τις τῶν ἐπισχόπων χατ᾽ ἐνιαυτὸν εἰς Σχῆτιν 
πρὸς τοὺς πατέρας, καὶ ἀπαντήσας αὐτῷ ἀδελφὸς ἤνεγχεν αὐτὸν εἰς 
τὸ χελλίον ἑαυτοῦ, χαὶ παραθεὶς αὐτῷ ἄρτον χαὶ ἅλας, ἔλεγεν᾽ Συγ- 

VA 1 / e ᾽ν 3/ "7 “ r 4 ᾽ mt 
χώρησόν μοι, χύρι, ὅτι οὔδεν ἄλλο ἔχω παραθεῖναί σοι. Λέγε: αὐτῷ 
ὁ ἐπίσχοπος᾽ Θέλω ἵνα χαὶ εἰς τὸ ἐργόμενον ἔτος εἰσελθὼν, μήτε ἅλα 

j Lx ς τὸ ἐρχόμενο ς εἰσ ,) μήτε ἅλας 
εὕρω. 

29. — Ἔλεγέ τις τῶν ἀδελφῶν᾽ ὅτι ἐγένετο ζήτησις ἐν τὴ λαύρα 

EN sf. N'ATS A TEE 2 € , \ e \ τ᾽ 
τῆς Αἰγύπτου, HO ἐλάλησαν “πάντες, οἱ υεγάλοι χαὶι οἱ μικροῦ; εἰς 


΄ , χι A - ᾽ 4 τὰ 
δὲ μόνος οὐχ ἐλάλησεν. Καὶ ἐξελθόντων αὐτῶν, ἠρώτησεν αὐτὸν εἷς 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 6I 


24. Un vieillard dit : Joseph d’Arimathie (1) prit le corps de Jésus et le 
mit dans un linceul blanc dans un tombeau nouveau, c’est-à-dire dans 
l’homme jeune. Que chacun prenne donc soin de ne pas pécher pour ne 
pas outrager Dieu qui habite en lui et ne pas le chasser de son âme, car 
Israël recut la manne, pour se nourrir dans le désert et le véritable Zsraël 
reçut le corps du Christ. 


25. Le vieillard dit : Sors ton glaive (2). Le frère dit : Les passions ne 
me le permettent pas. Le vieillard dit : (Il est écrit) : Znvoque-moi au jour 
de ton affliction, je te délivrerai et tu me loueras (3). Invoque-le donc et il 
te délivrera de toute tentation. 


26. Un frère qui avait été à l'étranger, interrogea un vieillard et dit : 
Je veux retourner chez moi. Le vieillard lui dit : Sache, ὁ frère, qu’en ve- 
nant de ton pays jusqu'ici, tu avais le Seigneur pour guide, mais tu ne 
l’auras plus, si tu retournes. È 


27. Un vieillard (4) envoya son disciple puiser de l’eau. — Le puits était loin 
de leur cellule. — Il oublia d’emporter la corde et s’en aperçut en arrivant 
au puits; il se mit en prière et cria : O puits! ὃ puits! mon abbé m'a dit : 
Remplis la cruche d’eau. Aussitôt, l’eau monta en haut, le frère remplit 
(sa cruche) et l’eau retourna à sa place. 


28. Un évêque (5) allait chaque année près des pères à Scété. Un frère, 
le rencontrant, le conduisit à sa cellule, lui donna du pain et du sel et lui 
dit : Pardonne-moi, seigneur, de n’avoir rien autre à te donner. L’évêque 
lui dit : Je veux l’an prochain, lorsque je viendrai, ne pas même trouver de 
sel. 


29. Un frère dit qu'il y eut une discussion dans une laure d'Égypte; 
tous prirent la parole, les grands et les petits. Un seul ne parla pas et 
lorsqu'ils sortirent, un frère lui demanda : Pourquoi n’as-tu pas parlé? 
Celui-là, pressé par le frère, dit : Pardonne-moi, mais j'ai dit à ma pen- 
sée : Si le tapis (6) qui est sous moi ne parle pas, tu ne parleras pas non 
plus. Voilà pourquoi j'ai gardé le silence sans parler. 


(ŒNCB;:p, 809; ne: 

(2) Cf. Juges, 1x, 94: B; p- 792, n. 143; Coislin 127, f. 20'; M, 1056, I. Le latin 
a conservé la meilleure rédaction. 

(2) BSExLIx, 19. 

(4) B, p. 685, n. 616; M, 756, n. 28 et 1004, n. 17; E, p. 798, n. 609. Paul, 116. 

(5) L; fol. 74'; B, p. 499; n. 160: 

(6) Cf. supra, n° 4. 


62 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


(164 r°) ἀδελφὸς λέγων. Πῶς σὺ οὐχ ἐλάλησας. Ὁ δὲ βιασθεὶς ὑπὸ 
τοῦ ἀδελφοῦ εἶπεν Συγχώρησον μοι, ὅτι εἶπον τῷ λογισμῷ μου" ὅτι 
>\ \ ΄, " 2 / AE 4 \ / \ “ 
ἐᾶν μὴ λαλησῃ τὸ ἐμρρίμιιον τὸ ὑποχάτω μου, μὴ λαλησῃς. Kat οὕτως 
ἔμεινα σιωπῶν καὶ μὴ φθεγγόμενος. | 
6 = , ᾽ ΣῈ t S \ 7, 
90. --- Ἦν τις γέρων ἀσθενῶν χαὶ ὡς μὴ ἔχοντα τὰς χρείας, προσε- 
= 17 , x τ ͵ ι Ü / ΕἸ / À .,3: -" 
λάῤετο αὐτὸν πατὴρ χοινοδίου χαὶ ἀνέπαυσεν αὐτόν. Kai ἔλεγε τοῖς 
ἀδελφοῖς" Βιάσασθε ἑαυτοὺς ὀλίγον, ἵνα ἀναπαύσωμεν τὸν ἀσθενῆ. Ὁ 
δὲ ἀσθενῶν, εἶχε χύτραν χρυσίου, καὶ ὀρύξας ὑποκάτωθεν αὐτοῦ, ἔχρυ- 
ψεν αὐτήν. Συνέδη δὲ αὐτὸν ἀποθανεῖν χαὶ οὐχ, ὡμολόγησεν. Μετὰ 
οὖν τὸ ταφῆναι αὐτὸν εἶπεν ὁ ἀθθὰς τοῖς ἀδελφοῖς" ἼΑρατε τὴν στίδαδα 
ταυτὴν ἔνθεν. Kai ὡς (164 r?) χαταστρέφουσιν αὐτὴν, εὗρον τὸ χρυσίον. 
Καὶ εἶπεν ὁ ἀδξᾶς: εἰ ζῶντος αὐτοῦ οὐχ ὡμολόγησεν, οὐδὲ εἰς τὸν 
θάνατον αὐτοῦ εἶπεν, ἀλλ᾽ εἰς αὐτὸν εἶχε τὴν ἐλπίδα οὐχ ἅπτομαι 
᾽ x 
αὐτοῦ, ἀλλ᾽ ὑπάγετε θάψατε αὐτὸ μετ᾽ αὐτοῦ. Καὶ χατῆλθε πῦρ ἀπ᾿ 
οὐρανοῦ χαὶ ἐπὶ πολλὰς ἡμέρας ἔχειτο ἐπάνω τοῦ μνημείου ἀὐτοῦ 
ἐνώπιον πάντων καὶ πάντες ὁρῶντες ἐθαύμαζον. 
+ » ὔ ” r A , D 
91, --- Ἦν τις ἐπίσχοπος εἴς τινα πόλιν, χαὶ χατ᾽ ἐνέργειαν τοῦ 
διασόλου ἔπεσεν εἰς πορνείαν. Muige οὖν τῶν ἡμερῶν γενομένης GUVA= 
ξέως ἐν τῇ ἐχχλησίᾳ, καὶ und evdc γινώσκοντος περὶ τῆς ἁμαρτίας αὖ- 
τοῦ, ἀφ᾽ ἑαυτοῦ ὡμολόγησεν ἔμπροσθεν παντὸς τοῦ λαοῦ λέγων᾽ 
᾿Εγὼ εἰς πορνείαν πέπτωχα. (164 νῷ) Καὶ ἀπέθετο τὸ ὠμοφόριον αὐτοῦ 
ἐπὶ τὸ θυσιαστήριον εἰπών: Ὅτι οὐχέτι ὑμῶν δύναμαι εἶναι ἐπίσχοπος. 
Καὶ ἀνέχραξε πᾶς ὁ λαὸς μετὰ χλαυθμοῦ λέγοντες Ἢ ἁμαρτία αὕτη 


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εφ ἡμᾶς, μόνον : LLE γον ἕν τῇ ETLGZOT. αι αποχρι εις ELTEV L ὕε-“- 


χλεισθῆναι τὰς θύρας τῆς ἐκκλησίας, ἔῤῥιψεν ἑαυτὸν εἰς μίαν παρά- 
θυρον ἑπὶ πρόσωπον καὶ εἶπεν: Οὐχ ἔχει: μέρος μετὰ τοῦ θεοῦ ὅστις 
ἐξερχόμενος un πατήσῃ με. Kai ποιήσαντες κατὰ τὸν λόγον αὐτοῦ, 
χαὶ ἐξερχομένου τοῦ ὑστέρου, ἦλθε φωνὴ Ex τῶν οὐρανῶν λέγουσα" 
Διὰ τὴν πολλὴν ταπείνωσιν αὐτοῦ, συνεχώρησα (164% νἢ) αὐτῷ τὴν 
ἁμαοτίαν. 

32. — Ἄλλος τις ἦν ἐπίσχοπος εἴς τινα πόλιν, καὶ ἐγένετο αὐτὸν 
περιπεσεῖν εἰς ἀῤῥωστίαν, ὥστε πάντας ἀπογνῶναι. αὐτὸν. Ἦν δὲ ἐχεῖ 
μοναστήριον γυναιχῶν, χαὶ μαθοῦσα ἣ ἡγουμένη ὅτι ἀπεγνώσθη ὁ ἐπί- 
σχοπος, λαδοῦσα μεθ᾽ ἑαυτῆς δύο ἀδελφὰς ἀπῆλθε τοῦ ἐπισχέψασθαι 


=s € τὰ 


ἀν VASE 24 7 ; ᾽ ᾽ / Le “ 
αὐτόν. Kat ὡς ἐλάλει μετ᾽ αὐτῆς ὁ ἐπίσχοπος, μία τῶν μαθητριῶν 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 63 


30. Un vieillard (1) était malade et, comme il n’avait pas ce qu'il lui fal- 
lait, le chef d’une communauté le recut et lui donna le nécessaire; il dit 
aux frères : Gênez-vous un peu pour que nous donnions le nécessaire à 
un malade. Or le malade avait un pot d’or; il creusa sous lui et le cacha; 
il mourut sans l'avoir fait connaître. Quand il fut enterré, l'abbé dit aux 
frères : Enlevez ce lit d'herbes de là. En l’enlevant ils trouvèrent l'or, et 
l'abbé dit : S'il ne l’a pas fait connaître durant sa vie, mais ne l’a pas 
même dit à sa mort et a mis son espérance en lui, je ne veux pas le tou- 
cher, mais allez l’enterrer avec lui. — Le feu descendit du ciel et, du- 
rant de nombreux jours, resta au-dessus de son tombeau à la vue de tous, 
et ceux qui le virent furent dans l'admiration. 


DA, 
᾿ 


(31\L'évèque d’une certaine ville (2), par l'opération du démon, tomba 
das’la fornication, Un jour que l'on se réunissait à l’église et que personne 
n'avait connaissance de son péché, il le confessa devant tout le peuple et 
dit : J'ai péché. Puis il déposa son manteau sur l’autel et dit : Je ne puis 
plus être votre évêque. Tout le peuple pleura et cria : Que ce péché soit 
sur nous, mais conserve l’épiscopat. Il répondit : Vous voulez que je con- 
serve l’épiscopat, faites donc ce que je vais dire. Il fit fermer les portes de 
l’église, puis se coucha la face contre terre devant une porte de côté et 
dit : Il n’aura pas de part avec Dieu celui qui passera sans me fouler aux 
pieds. Ils firent comme il le demandait et, lorsque le dernier fut sorti, une 
voix vint du ciel et dit : A cause de sa grande humilité, je lui ai remis 
son péché. 


32. Un autre était évêque d’une certaine ville (3) et il lui arriva de tomber 
dans une maladie au point qu'on ne le reconnaissait plus. Il y avait là un 
monastère de femmes, et la supérieure, apprenant que l’évêque était si 
malade, prit deux sœurs avec elle et alla le visiter. Tandis qu’elle parlait 
avec l’évêque, l’une de ses sœurs qui se trouvait près du pied de l’évêque 
le toucha pour: voir comment il allait. Il fut ému à ce contact.et dit à la 
supérieure : Je ne recois pas de soins de ceux qui sont autour de moi, 
daigne donc me laisser cette sœur pour me servir. L'autre, ne soupcon- 
nant rien de mal, la lui laissa. Poussé par le diable, il lui dit : Fais-moi 
cuire quelque chose pour que je (le) goûte. Elle fit comme il l'avait dit et, 
après avoir mangé, il lui dit : Couche avec moi. Et il accomplit le péché. 
Elle devint enceinte et le clergé l’arrèta disant : Apprends-nous qui t'a 
rendue enceinte. Elle ne voulut pas l’avouer. Alors l’évêque dit : Laïissez-la, 
c'est moi qui ai commis ce péché. Quand il fut guéri de sa maladie, il en- 
tra dans l’église, déposa son manteau sur l’autel, s’en alla, prit un bâton 
en sa main et gagna un monastère où il n'était pas connu. Or l'abbé de la 


(1) Coislin 127, f. 105. 
(2) Ms: grec 919, fol. 151". Cf: B, p. 301. Paul, 156, 
(3) Ms. 919, 7014. Paul, 16. 


G4 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


αὑτῆς ἱσταμένη πρὸς πόδα, ἥψατο τοῦ ποδὸς αὐτοῦ θέλουσα υαθεῖν 
πῶς ἔχει. Ὁ δὲ ἀπὸ τῆς ἀφῇς πολεμιηθεὶς, παρεχάλεσε τὴν “ἡγουμένην 
λέγων" Ὅτι οὐχ ἔχω ὑπηρεσίαν ἀπὸ τῶν ἔγγιστά μου, θέλησον οὖν χα- 
ταλεῖψαί μοι τὴν ἀδελφὴν ταύτην, ἵνα ὑπηρετῇ μοι. Ἢ δὲ (165 r‘) 
μηδὲν πονηρὸν ὑπολαθοῦσα, ἀφῆχεν αὐτήν. ᾿Ενδυναμωθεὶς οὖν ὑπὸ τοῦ 
διχρόλου, λέγει αὐτῇ - ΠΙοίησόν μοι μιχρὸν ἑψητὸν ἵνα γεύσωμαι. Καὶ 
ἐποίησε χαθὼς εἶπεν αὐτῇ. Kai μετὰ τὸ γεύσασθαι αὐτὸν, λέγει αὐτῇ" 
Ἰζοιμήθητι μετ᾽ ἐμοῦ, χαὶ ἔτεχε τὴν ἁμαρτίαν. Λαῤφοῦσα οὖν χατὰ 
γαστρὸς, ἐχράτησεν αὐτὴν ὁ χλῆρος λέγοντες - Εἰπὲ ἡμῖν τίς σε ἐποίησεν 
ἔγχυον. Ἢ δὲ οὐχ ἤθελεν ὁμολογῆσαι. Τότε ὁ ἐπίσχοπος λέγει" Αφετε 
αὐτὴν, ἐγὼ γὰρ ἐπὸ NCA τὴν ἁμαρτίαν ταύτην. Καὶ ἐγερθεὶς ἐχ τῆς 


ῥωστίας, εἰσῆλθεν εἰς τὴν ἐκκλησίαν καὶ ἀπέθετο τὸ ὠμοφόριον αὐτοῦ 


ῷ. 
Os 


Ἢ 
ἐπὶ τὸ θυσιαστήριον, καὶ ἐξελθὼν ἔλαξε ῥάδδον ἐ ἐν τῇ χειρὶ αὐτοῦ, ai 


ὥρμησεν εἰς μοναστήριον ὅπου οὐκ ἐγνωρίζετο. Ὃ δὲ ἀδδᾶς (165 τ") 
τοῦ κοινούίου, διορατιχὸς ὧν, ἔγνω ὅτι ὁ ἐπίσχοπος ἔχει ἐλθεῖν εἰς τὴν 
HLOVAV, χαὶ πὰρ ἡγγεῖλε τῷ θυρωρῷ λέγων" Βλέπε, ἄδελφε, ὅτι σήμερον 


, 


πίσχοπος ἔχει Le δ ἢ ΠΠροσδοχῶν οὖν ὁ θυρωρὸς, ὅτι μετὰ λε- 


Os TT 


χτικίου ἔρχεται ἢ μετὰ τινὸς φαντασίας ὡς ἐπισχόπου οὐχ ἐνόησε τὸ 
πρᾶγμα. Ἐξελθὼν οὖν ὁ ἀδόᾶς εἰς ἀπάντησιν αὐτοῦ, ἠσπάσατο αὐτὸν 
λέγων" Καλῶς ἦλθες, χύρι ὁ ἐπίσχοπος. Ὃ δὲ ἐνεὸς γενόμενος ὡς ἐγνώ- 

4 ἢ 4 KI D Re ve τομῆς 
σθη, ἠθέλησε φυγεῖν εἰς ἕτερον μοναστήριον. Λέγει οὖν αὐτῷ ὁ ἀδδᾶς 


-ὸ 4 - ” \ ‘2 , 
Ὅτι ὅπου ἐὰν ἀπελθὴς μετὰ σοῦ ἔρχομαι. Καὶ παραχαλέσας αὐτὸν 
πολλὰ, εἰσήνεγχεν αὐτὸν εἰς τὴν μονήν. Μετανοήσας οὖν ἐν ἀληθείᾳ, 
3 L “ CN f LÉ ΄ ᾽ “ γα: 
ἐτελεύτησεν ἐν εἰρήνγ, ὥστε σημεῖχ (16 νἢ) γενέσθαι ἐν τῇ ἐξόδῳ 


αὐτοῦ. 
» 


SR ἮΝν τις γέρων καλούμενος Ἱέραξ 


ἐλάσας Πὰ τὰ ἐνενήχοντα ἔτη. Kai θέλοντες οἱ D AD εἰς ἀχηδίαν 


αὐτὸν ἐμδαλεῖν τῷ pire: τοῦ χρόνου ἐπέστησαν αὐτῷ ἐν ἡμέρα λέγον- 


4 e! 57 Le PV ε \ 
rec" Τί ποιήσεις, γέρων, ὅτι ἄλλα πεντήκοντα ἔχεις ζῆσαι; ‘O δὲ 


es 


ον 


ἰς. τὰ μέρῃ Θηδαίδος 


χποχριθεὶς λέγει αὐτοῖς ᾿Ελυπήσατέ με πάνυ. Διαχοσίων γὰρ ἐτῶν 
παρασχευὴν ἔθηχα. Οἱ δὲ ἀπήρχοντο ὁλολύζοντες ἀπ᾽ αὐτοῦ. 
VE ΄ὕ 3 δά 5 
94. — Ἦν τις ἀναχωρητὴς ἐν τοῖς μέρεσι τοῦ ᾿Ιορδάνου, ἀγονι- 
Couevos ἐπὶ ἔτη, ἱκανά. Οὗτος χαρίσματος nv ἠξιώμενος, μὴ δέχεσθαι 
αὐτὸν προσθολὰς ἐχ τοῦ ἐχθροῦ, ὥστε αὐτὸν πᾶσι τοῖς παραγινομένοις 
b ΄ 
πρὸς αὐτὸν ὠφελείας χάριν (165 ν᾽) λοιδορίαις βάλλειν τὸν διάόολον, 
‘ el \ A] ΕΣ ι " 
χαὶ λέγειν ὅτι οὐδέν ἐστιν, χαὶ οὐ δύναταί τι πρὸς τοὺς ἀγωνιστὰς εἰ — 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 65 


communauté, qui recevait des révélations, connut qu’un évêque devait 
venir au monastère; il l’annonça au portier et lui dit : Fais attention, frère, 
car un évêque doit venir nous trouver aujourd'hui. Le portier, pensant 
qu'il viendrait avec une litière ou du moins avec un certain apparat, 
comme un évêque, ne s’apercut de rien. Mais l’abbé sortit à sa rencontre 
et le salua en disant : Sois le bienvenu, seigneur évêque! Celui-ci, tout 
stupéfait d’avoir été reconnu, voulut s'enfuir à un autre monastère. L'abbé 
lui dit donc : Partout où tu iras, j'irai avec toi. Il le pria donc beaucoup 
et le fit entrer dans le monastère; il s’y repentit en vérité et mourut en 
paix au point qu'il y eut des prodiges à sa mort. 


33. Il y avait dans la Thébaïde un vieillard nommé /Jiérax qui avait 
atteint près de quatre-vingt-dix ans. Les démons qui voulaient l'amener à 
la négligence par la longueur du temps (de sa vie) vinrent le trouver un 
jour et lui dirent : Que feras-tu, ὁ vieillard? car tu as encore cinquante 
autres années à vivre. Il leur répondit : Vous m'avez grandement affligé, 
car je m'étais préparé pour (vivre) deux cents ans. Les démons le quittè- 
rent en hurlant. 


τς 


34: Un anachorète (1) lutta durant un certain nombre d'années dans les 
régions du Jourdain. 11 eut la grâce de ne pas être attaqué par l'ennemi, 
de sorte qu'il injuriait le diable devant ceux qui venaient le visiter; il leur 
disait, pour leur édification, que le diable n’était rien et ne pouvait rien 
contre les athlètes s’il ne les trouvait semblables à lui : sordides et asser- 
vis au péché, tels étaient ceux qu'il énervait. Il ne se doutait pas qu'il 
était protégé par le secours divin et qu'il lui devait de ne pas subir les 
attaques de l’ennemi. Un jour donc, par la permission divine, le diable 
lui apparut face à face et lui dit : Que t’ai-je fait, abbé? pourquoi me cou- 
vres-tu d'injures? T’ai-je jamais tourmenté? Mais lui, couvrant le démon 
de crachats, usa encore des mêmes paroles : Va loin de moi, Satan, car 
tu ne peux rien contre les serviteurs du Christ. L'autre le flatta en disant : 
C’est vrai, c’est vrai, mais tu dois vivre encore quarante ans et, durant 
tant d'années, comment ne trouverais-je pas une heure pour te duper? 
et, après avoir jeté l’appât, il disparut. L'autre se mit à réfléchir et à dire : 
Voilà déjà tant d’années que je m’épuise ici et maintenant Dieu veut me 
faire vivre encore quarante autres années, je vais partir et aller dans le 
monde, je verrai ceux qui agissent autrement que moi, je passerai quelques 
années avec eux, puis je reviendrài et reprendrai ma vie ascétique. Dès 
qu'il eut pensé cela, il le mit en œuvre. Il se leva, quitta sa cellule et 
marcha. Non loin de là, un ange du Seigneur fut envoyé à son secours et 
lui dit : Où vas-tu, abbé? Il répondit : A la ville. L'ange reprit : Va à ta 
cellule et n’aie rien de commun avec Satan, car il t'a bafoué. — Il rentra 
en lui-même, retourna à sa cellule et mourut trois jours plus tard. 


(1) Paul, 19. 
ORIENT CHRÉTIEN. 5 


66 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


€ ” C9 (4 € ΄ -- ΄ 
un ὁμοίους αὐτοῦ εὔρη, ῥυπαροὺς δεδουλωμένους πάντοτε τῇ ἁμαρτία 
3 / ἢ Le \ » Le “ 2 - - Ὁ / r 
ἐχείνους ἐχνευοίζει, μὴ αἰσθόμενος ὅτι ἐκ τῆς τοῦ θεοῦ βοηθείας σχέ- 
πεται, χαὶ ἐχ τούτου οὐ δέχεται πολέμους ἐκ τοῦ ἐναντίου. Ἔν μιᾷ 
Ἢ \ Wu πκ - ΄, 5 Sent pe ὃ ΄“ " ι y 
οὖν χατὰ συγχώρησιν θεοῦ φαίνεται αὐτῷ ὁ διάδολος ὄψιν πρὸς ὄψιν, 
χαὶ φησὶ πρὸς αὐτόν᾽ Τί ἔχω πρὸς σὲ, 466%, τί με λοιδορίαις πλύνεις ; 
’ r » e \ 7 ᾽ Lé \ "Ὁ Ὁ 
ur σοι τί ποτε παρηνώχλησα:: ὁ δὲ πάλιν ἐμπτύσας αὐτὸν, τοῖς αὐτοῖς 
ὙἈΜΝ τς NT er ΑΕΓ V4 "ἂν \ 4 1 
ἐχέχρητο ῥήμασιν. Ὕπαγε ὀπίσω μου, Σατανᾶ, οὐδὲν γὰρ δύνῃ πρὸς 
, - = NS r - ; 
τοὺς δούλους τοῦ Χριστοῦ. Ὃ δὲ φωνὴν τοιαύτην ἐπαφῆχεν᾽ Ναὶ, 
San UN 72 LA V2 e , » ὦ 
ναὶ, ἀλλὰ τεσσαράκοντα ἔτη ἔχεις ζῆσαι, μίαν ὥραν οὐχ ἔχω (166 r*) 
“ , x τὰ " ᾿ ε« Ne 
εὑρεῖν εἰς τὰ τοσαῦτα ἔτη σχελίσαι σε; καὶ ὀίψας τὸ δέλεαρ ἀφανὴς 


γένετο. Ὁ δὲ εὐθὺς εἰς λογισμοὺς βληθεὶς ἔλεγεν’ ἔχω τοσαῦτα ἔτη 


ms 


ὧδε τρυχόμιενος, χαὶ ἀχμὴν ἄλλα τεσσαράχοντα ἔτη θέλει με ζῆσαι ὃ 


χομαι χαὶ ἀπέρχομαι εἰς τὸν χόσμον, βλέπω χαὶ τοὺς διαφέ- 


T 
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ῳ.- 
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Ms «, 
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/ ΟῚ ΠΑ ΣΤᾺ \ \ peur, CRE Ξ ae y 
ροντάς μοι, συγγίνομαι αὐτοῖς ἔτη, τινὰ, χαὶ πάλιν ἔρχομαι xal ἔχομαι 
τῆς ἀσχήσεώς μου. Καὶ μόνον ἐνεθυμήθη ταῦτα, ἔργῳ ἐπλήρου. Καὶ 
ΠΝ ARLES Fe χέλλιες αὑτοῦ. χαὶ εἴγετ 7e ὁδοῦ. Où : 
ὁρμήσας ἐξήρχετο τῆς κέλλης αὑτοῦ, καὶ εἴχετο τῆς ὁδοῦ. Οὐ μαχρὰν 


δὲ αὐτοῦ γενομένου, ἀπεστάλη ἄγγελος κυρίου πρὸς βοήθειαν αὐτοῦ 


οὺς αὐτόν: Ποῦ πορεύη, 466: ὋὉ δὲ ἔφη: Ἐπὶ τὴν πόλιν. 
ED ᾽ φ 


\ \ 
αι φησι Tr € 


Kat λέγει αὐτῷ: “Ὑπόστρεψον εἰς τὴν χέλλαν σου, χαὶ und év σοι 
(166 τ καὶ τῷ Σατανᾷ, ἔχε δὲ ἑαυτὸν χλευασθέντα ὑπ᾽ αὐτοῦ" ὁ δὲ 
εἰς ἑαυτὸν ἐλθὼν, ὑπέστρεψεν εἰς τὴν χέλλχν αὑτοῦ. Καὶ ποιήσας τρεῖς 
ἡμέρας ἐτελειώθη. , 

᾿ 


39. — ᾿Αναχωρητῇ τινὶ μεγάλῳ εἰπόντι΄ τί οὕτως με πολεμεῖς 
) Σατανᾶς λέγων" Σὺ εἰ ὁ μεγάλως με πολεμῶν. 


LA -- 


Σ τα Ἐπ 
“ἀταναὶ STNAOUGEV 0 


5 


HO *AVAYOONTAG τις εἶδεν δαίμονα προτρεπόμενον ἕτερον δαί- 
μονα, ἐλθεῖν χαὶ διυπνίσαι χαθεύδοντα μοναχόν. Kai ἀκούει τοῦ ἄλλου 
λέγοντος" Οὐ δύναμαι τοῦτο ποιῆσαι, ποτὲ γὰρ αὐτὸν ἐξύπνισα, καὶ 


, \ “ ’ | Γ Ἧ \ , / ι 
ἀναστὰς ἐχαυσε [LE ψάλλων AOL εὐχόμενος. 


Περὶ τῶν Mayicrotavoy. 


’ 


LI NUE Διηγήσατο τις ὅτι μαγιστριανός τις πράχτωρ γεώτερος χαλὸς 
πάνυ τῷ εἴδει, ὑπηρετεῖ (166 v') βασιλικαῖς ἀποχρίσεσιν. Εἶχε δὲ 
φίλον τινὰ τῶν λαμπρῶν ἐν μιᾷ τῶν πόλεων ἔχοντα γυναῖχα νεωτέραν. 
Ὅτε οὖν ἤρχετο ἐχεῖ ἐδέχετο αὐτὸν χαὶ κατέμεινεν εἰς τὸν οἶκον αὐτοῦ, 


χαὶ συνήσθιε μετὰ τῆς γυναικὸς αὐτοῦ ἀγάπῃ φερόμενος πρὸς αὐτόν. 


ve ᾿ι 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 67 


35. Un illustre anachorète qui disait : Pourquoi me combats-tu ainsi, 
Satan? entendit Satan répondre : C’est toi qui me combats fortement. 


36. Un anachorète vit un démon qui en poussait un autre à aller éveiller 
un moine. Il entendit l’autre répondre : Je ne puis le faire; car jadis je 
l'ai éveillé; il s’est levé et m'a brûlé par ses chants et ses prières. 


DES OFFICIERS ROYAUX (1). 


37. On racontait (2) qu'un officier percepteur, jeune, de très bel as- 
pect, gérait les deniers royaux. Il avait dans une certaine ville un ami 
illustre qui possédait une jeune femme. Celui le recut lorsqu'il passa par 

- là; il demeura dans sa maison et mangea avec 58 femme; il avait de 
l'amitié pour lui. Comme il demeurait longtemps près d'eux, la femme 
commença à penser à lui sans qu’il en eût connaissance. Comme elle était 
chaste, elle ne lui révéla pas ses pensées, mais attendit et souffrit. Il 
arriva qu'il se mit en route selon son habitude; quant à elle, ses pensées 
la rendirent malade et elle s’alita. Son mari lui amena des médecins qui 
l’auscultèrent et dirent au mari : Elle ἃ peut-être quelque souffrance de 
l'esprit, car elle n’a aucune maladie corporelle. Son mari s’assit auprès 
d’elle, la supplia et dit : Dis-moi ce que tu as. Celle-ci, timide et rougis- 
sante, ne le confessait pas d’abord, mais elle lui dit enfin : Tu sais, Sei- 
gneur, que par charité ou par simplicité tu introduis ici de jeunes per- 
sonnes, et moi, comme femme, j'ai été frappée par l'officier royal. Son 
mari, ainsi renseigné, se tut et lorsque plus tard l’autre revint, il alla au- 
devant de lui et lui dit : Tu sais, mon frère, combien je t'ai aimé, je t'ai 
recu avec charité et t'ai fait manger avec ma femme. L'autre dit : C’est 
vrai, Seigneur. Et il lui dit : Voici que ma femme pense à toi. L'autre, 

en l’entendant, non seulement ne songea pas à elle, mais, emporté par 
la charité, il fut très affligé et 1] lui dit : Ne t’afflige pas, Dieu (nous) 
secourra. Il s’en alla donc, se coupa les cheveux, puis il prit une subs- 
tance (3), s’en oignit la tête et la figure au point de les brüler ainsi que les 
sourcils. Il fit disparaître toute sa beauté et sembla un ancien lépreux. 
11 se couvrit donc d’un voile et alla rendre visite à la malade et au mari 
qui était près d’elle, puis, relevant (le voile), il leur montra sa tête et son 
visage et commenca à dire : Voilà ce que m'a fait le Seigneur. Quand elle 
le vit passé d’une telle beauté à une telle laideur, elle fut dans l’étonne- 
ment. Dieu, voyant la peine (que cet homme avait prise), enleva les ten- 


(1) Magisteriani. Cf. Glossaire de Ducange et M, 988, note 24. 
(2) Coislin 232, fol. 166; Grec 1036, fol. 234; 1596, p. 369. Paul, 361. 
(3) Ce nom manque dans Ducange qui donne seulement le sens de «lame » 


68 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


* τ LÉ 1 , \ 3 A € 
Ἐν τῷ οὖν πολλάχις πυχνάζειν πρὸς αὐτοὺς, ἔλαύε λογισμοὺς ἡ γυνὴ 
εἰς αὐτὸν, μὴ γινώσκοντος αὐτοῦ. Καὶ σώφρων οὖσα οὐχ ἐνέφαινέ τι 
τς \ HAS À > 738 2 , >> "Ἔν δὲ TE \ 
τοιοῦτον πρὸς αὐτὸν, ἀλλ᾽ ἐκαρτέρει πάσχουσα. Συνέδη δὲ αὐτὸν χατὰ 
τὸ σύνηθες ὁδεῦσαι, ἐχείνη δὲ ἀπὸ τῶν λογισμῶν ἠσθένει καὶ χατέχειτο. 
» / δι \ , \ , sn RUES Η Al \ “ , \ 
Avéospe δὲ πρὸς αὐτὴν ὁ ἀνὴρ αὐτῆς ἰατροὺς, χαὶ ψηλαφῶντες αὐτὴν, 
LA 74 


λέγουσι τῷ ἀνδρὶ αὐτῆς" Εἰ μή τί γε ψυχικὸν (166 ν᾽) πάθος ἔχῃ, 


2 τ - 3 \ \ LU 2 \ La , Al , -- 
ETEL σωμᾶτιχως οὐδὲν χαχον EAEL. Παραχάθεται δὲ 0 ἀνὴρ αὐτῆς 


εὐλαδουμένη χαὶ ἐρυθριῶσα τὴν ἀρχὴν οὐχ ὡμολόγει. Ὕστερον δὲ 
ὡυιοχόγησε λέγουσα: Οἶδας. χύρι. εἴτε ἀπὸ ἀγάπης εἴτε ἁπλότητ )- 

μοχόγησε λέγουσ G> KUPL, τὶ γάπης εἴτε ἁπλότητι φερό 
μένος, ἀναφέρεις ὧδε πρόσωπα νεώτερα, καὶ ἐγὼ ὡς γυνὴ ἔπαθον εἰς 
σὸν μαγιστριανόν. ᾿Αχούσας δὲ ὁ ἀνὴρ αὐτῆς ἡσύχασεν, χαὶ ὡς συνέξη 
ἐεθ’ ἡμέρας ἐλθεῖν τὸν μαγιστριανὸν, χαὶ ἀπελθὼν προσυπήντησεν αὐτοῦ 

΄ DRE ANS 02 # = , 7 \ * 

χαὶ λέγει αὐτῷ" Οἴδας, ἀδελφέ μου, πῶς ἠγάπησάζ σε, καὶ ἀπὸ ἀγά- 


HR TE PARA RE E NE ME ROSE à 
HN € EYOUNV σε χαι GUVAGULES τὴ γυναικὶ pou ; ἔγει EZELVOS UTOG 


ns 


ἐστὶ δέσποτα. (167 τ) Kai λέγει αὐτῷ: Ἰδοὺ ἔλαύε λογισμοὺς εἰς 


A € ΄ € δὲ > 7 > / , 6 A ἐξ ΓΕ Δ 
σε ἡ γύνη μου. O δὲ ἀχούσας, οὐ [LOVOY οὐχ ἔλαοςξ λογισμοὺς εις αὐτὴν, 


ἀλλὰ καὶ πάνυ ἐλυπήθη ἀγάπῃ φερόμενος χαὶ λέγει αὐτῷ" Μηδὲν λυπη- 


θῇς, ἔχει ὁ θεὸς βοηθῆσαι. ᾿Απελθὼν οὖν, ἐπῆρε τὰς τρίχας ἑαυτοῦ, 


» 


= A \ » : - A \ 5 δ τ sy 

χαὶ λαδὼν λαμινὶν ἔχρεισε τὴν χεφαλὴν χαὶ τὴν ὄψιν, ἕως οὗ ἐξέκαυσεν 
\ 2 ᾽ “- - “ ἡ \ > -- € 4 

αὐτὰ μέχρι καὶ αὐτῶν τῶν ὀφρυων. Καὶ ἐπῆρεν ὅλην τὴν ὡραιότητα 

ἐχείνην, χαὶ ἐφαίνετο ὡς παλαιὸς λελωσημιένος. ἜἘνδύεται οὖν φαχιό-- 

, ΄ \ ΄ ν 3 , , \ + ” 

λιον, χαὶ ἀνέρχεται χαὶ εὑρίσχει αὐτὴν ἀναχειμένην, χαὶ τὸν ἄνδρα 

ΠΈΣ ’ US SE. y ? . -“΄ὦ 

αὐτῆς παραχαθήμιενον αὐτῇ, χαὶ ἀποχάμψας, δείκνυσιν αὐτοῖς τὴν χε- 
\ Ν \ ! muy ue Sr. e .— A) 02 , / ΄ 

φαλὴν καὶ τὸ πρόσωπον, καὶ ἤρξατο λέγειν ὅτι (167 τ΄) οὕτως ἐποίησέ 
τ / 3 / δὲ € 10 TEA 2. 2 - , ΄ 

μοι ὁ χύριος. ᾿Εχείνη δὲ ὡς εἰδὲν αὐτὸν, ἐκ τοιαύτης μορφῆς εἰς τοιαύ- 
» / » / ᾿ ἰδὸ e x A > / ᾽ ῷ 15. ἃ» 

τὴν ἀμορφίαν, ἐθαύμασεν. Kai ἰδὼν ὁ θεὸς τὴν ἐργασίαν αὐτοῦ ἐπῆρεν 

» » -- i ΄ \ ᾽ ΄ LA , sc , δ 

ἀπ᾽ αὐτῆς τὸν πόλεμον, καὶ εὐθέως ἀνέστη ἀποῤῥιψαμένη ὅλους τοὺς 

λογισμοὺς ἐχείνους. Τότε ὁ μαγιστριανὸς λαμάνει τὸν ἄνδοα αὐτῆς 
δ \ ? >= N à s ©! / N Va 

χατιδίαν, χαὶ λέγει αὐτῷ" ’Idob dix θεοῦ ἢ γυνή σου οὐδὲν χαχὸν ἔχει, 

᾽ ΄ A 7 4 δι Ξ “ -“ 

οὐχέτι δὲ βλέπει τὸ πρόσωπόν μου. Ἰδοὺ τοῦτό ἐστι τὸ θεῖναι τὴν 


! \ € A IE CAN ᾿ / τ δ ἘΞ » θὲ » \ 5 θοῦ 
ψυχὴν αὐτοῦ UTEO AYATRNSS LIL ATOUOUVEL αγὰ ον αντι σγα OÙ, 


(A suivre.) 


ἐπιπλεῖον παρακαλῶν αὐτὴν χα! λέγων: Εἰπέ μοι τί ἔχεις. "Exesivn 


APOPHTHEGMES DES SAINTS VIEILLARDS. 69 


tations de la femme et elle oublia toutes ses pensées. Alors l'officier royal 
prit le mari à l'écart et lui dit : Voilà que, grâce à Dieu, ta femme n’est 
plus malade, elle ne verra plus mon visage. — Cela s'appelle mettre l’âme 
au-dessus de l'amour et rendre le bien pour le bien. 


(A suivre.) 


LES 


ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE A JÉRUSALEM 


M. C. Spyridonidis vient de faire une communication fort 
intéressante au sujet d’une église Saint-Étienne, à Jérusa- 
lem (1). Comme il s’agit d’une découverte qui est appelée à un 
certain retentissement, il importe de préciser dès le début les 


données historiques que nous possédons sur ce point et d’exa- 


miner si elles concordent avec les découvertes archéolo- 
g'iques. 

Dans un article détaillé (2), j'ai été amené tout récemment à 
dire ma pensée sur le sanctuaire ou plutôt sur 65 sanctuaires 
de Saint-Étienne, à Jérusalem. Il résulte des textes apportés 
qu'il y avait deux anciennes églises, dédiées au protomartyr 
dans la Ville Sainte. 

Une église fut bâtie par l’impératrice Eudocie après le concile 
de Chalcédoine, au nord de la ville. Le 15 juin 460, jour de sa 
dédicace, cette église n'était pas encore achevée. Les ruines de 
cette basilique ont été retrouvées par les Pères Dominicains, 
qui l'ont reconstruite d’une manière fort somptueuse. 

La seconde église, restée jusqu'ici à peu près inaperçue, est 
signalée sûrement par trois documents : par le Commemora- 
torium de casis Dei, en l'année 808 (3); par un récit, qu'a 
édité M. l'abbé Nau (4) et qui la mentionne avant l'année 600 ; 
enfin, par un récit des Plérophories de Jean, évéque de 


(1) The Church of St. Stephen dans le Palestine Exploration Fund, Quarterly 
Statement, avr. 1907, p. 137-139. [Cf. Néa Sion, t. IV (1906), p. 247]. 

(2) Les monastères et les églises Saint-Étienne, à Jérusalem dans les Echos d’O- 
rient, t. VII (1905), p. 78-86. 

(3) Toguer, Jtinera et Descripliones-Terrae Sanclae, t. I*, 11, p. 302. 

(4) Revue de l'Orient chrétien, t. VIII (1903), p. 93. 


us 


ΡΥ ΔΆ 


» LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. ἽΙ 


Maïouma (1), ouvrage rédigé entre les années 512 et 518, et 
d’après lequel ce sanctuaire existait avant le concile de Chalcé- 
doine, c'est-à-dire avant l'année 451. Cette seconde église de 
Saint-Étienne, antérieure à l’année 451, plus ancienne par con- 
séquent que la première, était située à l’est de la ville, c'est- 
à-dire dans la vallée du Cédron ou de Josaphat. Elle se trou- 
vait près d’une autre église, dédiée à saint Jean Baptiste; deux 
documents l’attestent d’une manière fort explicite (2). 

A ces trois textes désignant d’une façon indubitable l'Église 
Saint-Étienne de la vallée du Cédron, je me permets d'en ajou- 
ter un quatrième, plus ancien encore. Le biographe de sainte Mé- 
lanie la Jeune, lequel avait été son confesseur et son directeur, 
rapporte que, le 26 décembre de l’année 439, quelques jours 
avant de mourir, la sainte descendit du mont des Oliviers pour 
aller prier dans le martyrium de Saint-Étienne, à Jérusalem (3). 
À mon avis, Ce martyrium est identique à l’église Saint-Étienne 
de la vallée du Cédron, constatée par ailleurs avant le concile 
de Chalcédoine, c’est-à-dire avant l’année 451. Il ne peuten 
tout cas se confondre d'aucune manière avec la basilique cons- 
truite par Eudocie et qui n'était pas encore achevée le 15 juin 
de l’année 460. 

C’est cette seconde église de Saint-Étienne que M. Spyrido- 
nidis pense avoir retrouvée dans la vallée du Cédron, tout près 
de Gethsémani, sur un terrain appartenant à la communauté 
grecque-orthocdoxe de Jérusalem et situé non loin de l'endroit 
où une tradition locale place depuis plusieurs siècles la lapi- 
dation de saint Étienne. A l'appui de son assertion, M. Spyri- 
donidis cite une inscription grecque, découverte par lui sur une 
belle plaque de marbre. On y lit en fort beaux caractères 
épigraphiques le verset du psaume 117 : « C’est la porte du 
Seigneur, les justes y entreront; saint Etienne, priez..… »: le 
reste manque. 


(1) F. Nav, 0p. cil., Paris, 1899, cap. Lxxix. 

(2) M. l'abbé Nau, Revue de l'Orient chrétien, t. XI (1906), p. 211-212, a fort 
bien montré la concordance des deux textes; il y avait, dès avant 451, deux 
églises voisines l’une de l’autre dans la vallée du Cédron : celle de Saint-Étienne 
et celle de Saint-Jean-Baptiste, La dernière, détruite ou endommagée, fut re- 
construite ou restaurée par le patriarche Amos, vers la fin du νι" siècle. 

(3) Analecta bollandiana, t. XXII (1903), n° 63, p. 44. 


ΡΩΝ REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. : 


Le verset du psaume 117, cité par notre inscription, se trouve 
ordinairement sur les linteaux de porte des anciennes églises 
byzantines de Palestine et de Syrie. Je n'en citerai aucun 
exemple, sûr qu'aucun archéologue palestinien ne me démentira. 
Si les ruines d'une église avaient été découvertes à Gethsé- 
mani en même temps que l'inscription, celle-ci serait une 
preuve irrécusable que l'église Saint-Étienne de la vallée du 
Cédron, que l’histoire nous fait connaitre, se trouvait là et pas 
ailleurs. Par malheur, la note de M. Spyridonidis est très sobre 
de détails sur ce point. On se contente de dire que les fouilles 
ne sont pas encore achevées et qu'on a trouvé des choses, dont 
on ne peut parler encore. 

Respectons ce silence, tout en nous étonnant de la conclu- 
sion : « L'inscription paraît étre une preuve suffisante que 
ceci est l'emplacement exact de l’église primitive de Saint- 
Étienne ». Oui, si l'on a retrouvé les ruines d’une église à l’en- 
droit de l’inscription; pas nécessairement, dans le cas contraire. 
La pierre pourrait avoir été apportée d’ailleurs. N'a-t-on pas 
retrouvé, en effet, une seconde pierre avec l'inscription grec- 
que suivante : « Tombeau de Marie la Romaine »? D'où vient 
cette épitaphe? On ne le dit pas davantage. 


* 


x κα 


Quoi qu'il en soit de ces réserves, il est possible, fort probable 
même que l'on ἃ retrouvé l'emplacement de l'église Saint- 
Étienne, qui se trouvait dans la vallée du Cédron. M. Spyrido- 
nidis assure que les caractères épigraphiques sont du 1v° siècle ; 
l'histoire nous apprend qu'une église Saint-Étienne existait 
dans cette vallée, dès la première moitié du γ΄ siècle. Ce sont 
là deux affirmations analogues. 

Puisque nous connaissons deux églises Saint-Étienne à Jéru- 
salem, une question se pose, impérieuse. Quelle est celle de 
ces deux églises qui ἃ été bâtie sur le lieu de la lapidation du 
premier martyr? Est-ce la plus ancienne ou la plus récente, celle 
de l'Est ou celle du Nord, celle de Gethsémani ou celle de l’im- 
pératrice Eudocie? 

1° Des trois premiers textes cités ci-dessus au sujet de Saint- 
Étienne de la vallée du Cédron, aucun n'indique pour quel 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 13 


motif cette église fut dédiée au protomartyr. Il s'agit simple- 
ment d'une église Saint-Étienne, sans autre explication. 

Le passage de la Vie de sainte Mélanie, que nous attribuons 
‘au même sanctuaire, parle il est vrai du martyrium de Saint- 
Étienne, mais ce terme peut désigner toute église, qui possédait 
des reliques d’un saint. C’est ainsi qu'il y avait deux marlyria 
de Saint-Étienne dans les monastères de sainte Mélanie, sur le 
mont des Oliviers. Cependant, la démarche de la sainte, alors 
qu'elle était déjà aux prises avec la maladie qui devait l'em- 
porter six jours après, peut constituer une preuve morale en 
faveur du sanctuaire du Cédron. Mélanie, qui avait chez elle 
deux églises et des reliques de saint Étienne, n’a dû s'imposer 
la fatigue d’un voyage à Jérusalem, malade comme elle l'était, 
que pour se rendre au sanctuaire bâti sur le lieu du martyre 
du premier diacre, le jour même de sa fête. Le R. P. Lagrange 
lui-même admet cette interprétation (1). Comme, à cette épo- 
que, on ne connait à Jérusalem que l'église Saint-Étienne du 
Cédron, il est vraisemblable que sainte Mélanie s’est rendue 
à cette église, le 26 décembre 439. 

2° Venons à présent aux textes qui concernent l’église Saint- 
Étienne, située au nord de la ville (2). Depuis les Croisades, 
c'est-à-dire dès le commencement du xr° siècle, nombre de 
pèlerins et d'historiens indiquent le lieu de la lapidation au 
nord de la ville; tout au contraire, nombre d’autres, à com- 
mencer par Raoul de Caen (entre 1112 et 1118), le signalent 
dans la vallée du Cédron, près de Gethsémani. Ces derniers 
sont pour la plupart d’origine grecque; ce qui n’est pas néces- 
sairement une mauvaise note, lorsqu'il s'agit de traditions pa- 
lestiniennes. A partir du xr° et même du xr siècle, les deux 
traditions sont donc en concurrence; il serait oiseux, par con- 
séquent, ae citer des témoignages qui n’aboutiraient à aucun 
résultat positif. 


C4 


(1) « Il est à peu près certain maintenant qu'il s'agissait dès lors de l'Église de 
la lapidation », Revue biblique, nouvelle série, t. 1 (1904), p. 468. 

(2) J’omets à dessein les pèlerins qui signalent la chapelle Saint-Étienne dans 
l'église du Cénacle, sur le mont Sion, et où l’on vénérait la pierre sur laquelle 
fut lapidé le premier diacre. La mention d’un troisième sanctuaire, qui est, du 
reste, hors de cause quand il s’agit de retrouver le lieu de la lapidation, ne 
pourrait prêter qu’à confusion. 


74 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Remontons plus haut, en commençant par le 1x° siècle (1). 

a) Le comimemoraloriun de casis Dei, vers 808, dit du 
sanctuaire du Nord : « In sancto Stephano, ubi sepultus fuit, 
clerici 11, leprosi XV » (2). Remarquons-le bien : l'église est 
bâtie sur le lieu de la sépulture de saint Étienne, non sur le 
lieu de la lapidation. C’est une distinction qui n’a pas toujours 
été faite et qui n’est pas inutile. 

b) Bède, vers 720, Arculfe, vers 670, ne parlent ni de l’une 
ni de l’autre église, mais seulement de la chapelle du Cé- 
nacle. 

c) Jean de Nikiou, au vi siècle, dit des fondations d'Eu- 
docie : 

Eudocie arriva à Jérusalem, restaura les églises et les 
habitations, et fit construire un couvent pour les vierges et 
un hospice pour les pèlerins et leur attribua de grands biens; 
elle fit aussi relever les murs de Jérusalem, qui étaient tombés 
en ruines depuis longtemps... Après avoir accompli ces choses, 
Eudocie mourut, et l’on déposa son corps avec honneur, avec 
des panégyriques, dans le tombeau qu'elle avait construit de 
son vivant (3). » 

L'église Saint-Étienne n'est même pas mentionnée, bien 
qu'ils’agisse évidemment de celle du Nord, où se trouvait préci- 
sément le tombeau de l'impératrice Eudocie. 

d) L'historien Evagre, vers la fin du vi‘ siècle, dit de notre 
basilique : 


Eudocie éleva un très grand sanctuaire, remarquable par ses propor- 
tions et sa beauté, à Étienne, le premier des diacres et des martyrs; il est 
distant de Jérusalem, de moins d’un stade. Elle y fut déposée, lorsqu'elle 
passa à la vie immortelle (4). 


(1) Bernard le Moine, vers 870, parlant de la basilique du Cénacle, dit : « Æt 
in hac defuncta traditur esse sancla Maria, juxta quam, versus Orientem, est 60- 
clesia in honore sancti Stephani, in quo loco lapidatus esse asserilur ». Tobler, 
op. cit., p. 315. IL s’agit là probablement de la chapelle Saint-Étienne, dans 
laquelle on vénérait la pierre sur laquelle le premier diacre avait été marty- 
risé; cette chapelle se trouvait dans l’église du Cénacle, sur le mont Sion. 
Prendre prétexte des mots : versus Orientem, pour appliquer ce passage à l’église 
Saint-Étienne du Cédron, me semblerait diminuer un peu trop les distances. 

(2) ToLer, op. cûl., t. I", II, p. 302. 

(3) Nolices et exl El De manuscrits, Paris, t. XXIV, ΠΟ partie, p. 470 et 474. 

(4) 4. E., lib. I, cap. xxn, dans Migne, P. G., t. LXXXVI, 2° partie, col. 2486. 
La traduction est empruntée au R. P. Lagrange. 


»-»- 
: 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. "Ὁ 


Là encore, il n’est aucunement question du lieu de la 
lapidation, mais seulement du tombeau d'Eudocie. 

e) Le Pseudo-Antonin de Plaisance, vers 570, dit de notre 
basilique : 

Nam ipsa (Eudoxia) munivit basilicam et sepulchrum sancti Stephan et 
ipsasepulchrum habet juxta sepulchrum sanctiStephani. Inter sepulchra habet 
continuo gressus XX. Num et ipse sanctus Stephanus requiescil foris porlam, 


sagilla jactum unum ad viam, quae respicit ad occidentem, quaë descendit 
ad Joppe et Caesarea Palestinis vel Diaspoli civilatem (1). 


Comme dans les textes précédents, il s’agit du tombeau de 
saint Étienne, non du lieu de sa lapidation. 

7) Le Breviarius de Hierosolyma, au vi siècle, ne parle 
que de la chapelle du Cénacle. 

9) J’ai relu tous les passages de Cyrille de Scythopolis qui 
concernent la fondation de l’impératrice Eudocie; nulle part, il 
n’est dit que la basilique dédiée à saint Étienne fut bâtie sur 
le lieu de sa lapidation. 

hk) Theodosius, vers 530, dit de notre basilique : 


Sanclus Stephanus foras porta Galilaeae lapidatus est; ibi et ecclesia ejus 
est, quam fabricavit domna Eudocia, uxor Theodosii imperatoris (2). 


Pour la première fois, nous avons un texte formel qui place 
la lapidation de saint Étienne à l'endroit même où s'élevait la 
basilique d'Eudocie, et au nord de la ville, à une condition 
cependant, c'est que la « porte de la Galilée » désigne la porte 
du Nord. Ceci n’est pas absolument évident dans le texte même 
de Theodosius, car d’après les modifications subies par les 
manuscrits en cet endroit même, nous semblons bien être 
dans la vallée de Josaphat (3). Ce qui autoriserait à embras- 
ser cette opinion, c'est que le Breviarius de Hierosolyma, 
qui date du vi siècle également, entend par Galilée 16 
mont des Oliviers: « À dextera parte ibi est vallis Josa- 
phat. Ibi judicaturus est Dominus justos et peccatores. Et 
ibi est fluvius parvus, qui îgnem vomit in consummatio- 
nem saeculi. ET δὲ sunt duos basilicas, ubi docebat Christus 


(1) P. GEYER, Llinera hierosolymitana saeculi IILI-VIII, Vienne, 1898, p. 176. 
(2) P. GEYER, 0p. cit, p. 141. 
(3) P. GEYER, 0p. cil., p, XXv. 


76 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


discipulos suos. Etinde venis ad Galileam, ubi discipuli vi- 
derunt dominum Jesum, postquam resurrezxil a mortuis (1). » 
Theodosius ἃ donc pu confondre l'église Saint-Étienne de 
l'Est avec celle du Nord, et attribuer la construction de la pre- 
mière à l’impératrice Eudocie, qui a réellement bâti la 
seconde. 

A supposer même que la « porte de Galilée » désigne la 
porte du Nord et que nous ayons le texte exact de Theodosius, 
ce que n'admet pas son dernier éditeur, M. Geyer (2), Theo- 
dosius ἃ très bien pu confondre le sépulcre de saint Étienne, 
construit par Eudocie dans la direction Nord, avec le lieu de 
sa lapidation. On admet bien une confusion analogue, faite 
par Bernard le Moine, vers 870, dans l’église du Cénacle, lors- 
qu'il prit la pierre sur laquelle saint Étienne avait été marty- 
risé pour le lieu même de sa lapidation. 

1) La Vie de Pierre l’Ibérien, évêque monophysite de Maïouma 
près de Gaza, écrite vers la fin du v‘ siècle ou dans les pre- 
mières années du vi, parle, à trois reprises au moins, d'un 
sanctuaire Saint-Étienne à Jérusalem. La première fois, il s'agit 
très probablement de l'église d'Eudocie, par conséquent de 
l'église du Nord (3), mais il n’est fait en cet endroit aucune 
allusion soit au lieu de la lapidation, soit au lieu de la sépul- 
ture. Le second passage a trait au monastère Saint-Étienne, 
donc également à la fondation d'Eudocie (4); mais là encore, 
nous ne trouvons aucune indication précise sur le point con- 
troversé. 

Le troisième passage est capital; je le reproduis d'après la 
traduction qu’en a donnée le R. P. Lagrange (5). 


Cyrille (d'Alexandrie) avait été invité par la fidèle et orthodoxe reine Eu- 
docie à venir pour la déposition des os vénérés de l'illustre et très glorieux 
Étienne, le premier des martyrs et le premier des diacres, et pour ac- 


(1) P. GEYER, 0p. cit., p. 159. 

(2) « Hoc ἌΝ non αὖ initio capilula 32 amplexrum esse, quae in hac edi- 
tione exscribuntur, sed paulatim additamentis auctum esse primo obtulu patet », 
op. cit, p. xxv. Et il donne des exemples fort instructifs de modifications Aui 
se rapportent précisément aux pages 140 et 142, dans lesquelles est contenu de 
petit passage au sujet de Saint-Étienne. 

(3) R. RaaBz, Petrus der Iberer, Leipzig, 1895, p. 98-100. 

(4) R. RAABE, 0p. cil., p. 192-195. 

(5) Revue biblique, Nouvelle série, t. 1 (1904), p. 468. 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 7 


complir la dédicace du beau temple qu’elle avait bâti en dehors des por- 
Les seplentrionales de la ville, et il accepta volontiers cet appel, et lorsqu'il 
fut arrivé, avec une foule d’évèques de toute l'Egypte, et qu’il eut accom- 
pli avec honneur la déposition des saints os du premier des martyrs, le 
15€ jour du mois de ijâr (mai), il fit, le 16 du même mois, sur l'invitation 
de sainte Mélanie, la déposition des saints martyrs perses, des quarante 
martyrs avec eux au mont des Oliviers, dans le vénérable temple qui 
avait été aussi élevé brillamment par la reine Eudocie elle-même, comme 
il est attesté et écrit dans une inscription sur la paroi (1). 


Voilà le texte. Il s’agit, à n'en pas douter, de l’église Saint- 
Étienne, bâtie par Eudocie au nord de la ville. Remarquons-le 
encore, il n’est pas fait la moindre allusion au lieu de la lapi- 
dation; l’église est seulement destinée à recevoir les reliques 
du premier martyr et, par suite, à lui servir de sépulture. 

Mais ce n’est pas là que git la principale difficulté; elle est 
tout entière dans la chronologie. Sainte Mélanie est morte le 
31 décembre 439, saint Cyrille d'Alexandrie le 27 juin 444, 
et la basilique Saint-Étienne bâtie par Eudocie n’a été dédiée que 
le 15 juin 460, avant son complet achèvement. Ni l’un ni l’autre 
n'ont pu y assister; c'est bien évident. Il s’agit donc d’une 
autre église Saint-Étienne, dont on a fait la dédicace solennelle 
en 438 ou 439, lors du premier séjour d'Eudocie à Jérusalem 
et avant la mort de sainte Mélanie et de saint Cyrille. 

Le biographe de Pierre l'Ibérien affirme en termes des plus 
explicites que cette église Saint-Étienne (dédiée vers 438 et 
distincte de celle qui fut dédiée en 460) se trouvait au Nord 
de la ville; si Eudocie faisait célébrer vers 438 la dédicace d’une 
église Saint-Étienne, située au Nord de Jérusalem, comment 
pouvait-elle, moins de vingt ans après, construire au même 
endroit une seconde basilique dédiée à saint Étienne, laquelle 
n'était pas encore achevée le 15 juin 460? Pour se tirer de 
cette difficulté, 11 faudrait admettre qu'il y ἃ eu deux églises 
successives de Saint-Étienne au même lieu. Les fouilles s’ins- 
crivent en faux contre une pareille supposition, d’après le R. P. 
Lagrange, qui fait cet aveu significatif : « Les fouilles exécu- 
tées avec soin et relevées par un homme du métier n’ont 
permis de constater aucune dualité dans l'édifice, sauf l’addi- 


(1) R. RAABE, 0p. cil., p. 33. 


78 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


tion de la petite église de beaucoup postérieure » (1). 

Fort bien! alors il faut supposer que la première église, 
dédiée en 438, était fort modeste et qu'elle n’a laissé aucune 
trace en cédant la place à l’autre. Hypothèse inconcevable, car 
l'impératrice Eudocie n'aurait pas dans ce cas invité saint 
Cyrille d'Alexandrie à venir « avec une foule d'évêques de toute 
l'Égypte », assister à la dédicace d'un petit édicule. De plus, 
nous avons sur les proportions de cette première église le témoi- 
gnage formel d’un contemporain. L'auteur d’une homélie, dont 
je parlerai plus longuement tout à l'heure, fait construire la 
première église Saint-Étienne par l’évêque Juvénal, 122-458, 
« actuellement régnant », et il assure que ce sanctuaire est 
« digne de Ja mémoire d'Étienne, de ses travaux et de ses 
illustres combats » (2). \ 

Que supposer alors, pour enlever toute contradiction? Le. 
R. P. Lagrange croit que l’église de 458 et celle de 460 ne diffè- 
rent pas, et que l’une et l’autre sont identiques à celle qu'’aurait 
bâtie Juvénal, d'après l’auteur de l’homélie en question. L’é- 
glise aurait « été mise par Juvénal en état de servir au culte, 
sans être dédiée ni achevée » (3). Je suis d’un avis tout à fait 
opposé. ok 

Tout d’abord, il suffit de relire le texte du biographe de Pierre 
l'Ibérien pour voir qu'il s'agit réellement de la dédicace en 438 
ou 439 : « Cyrille avait été invité par la fidèle... Eudocie à ve- 
nir pour la déposilion des os vénérés de l’illustre et très qlo- 
rieux Étienne, et pour accomplir la dédicace du beau tem- 
ple qu'elle avait bâti. » Que veut-on de plus clair? Or, si l'église 
Saint-Étienne du nord de la ville a été dédiée le 15 mai 438 ou 

39, elle ne peut pas avoir été dédiée encore le 15 juin 460, et 
alors avant son complet achèvement. | 

Prétendre le contraire, en disant que l'invitation à célébrer la 
dédicace a été faite, mais que, d’après le texte, elle n’a pas eu 
nécessairement lieu et que saint Cyrille a présidé seulement à 


(1) Revue biblique, Nouvelle série, t. III (1906), p. 301. La petite église, men- 
tionnée ici, fut bâtie par saint Sophrone au vi siècle, après la destruction de la 
basilique eudocienne par les troupes de Chosroëès ; voir la Passio sanctorum sexa- 
ginta marlyrum dans les Analecta bollandiana, t. XXII (1904), p. 300-305. 

(2) MiGe, P.1G:, t. LXXX V, col. 469. 

(3) Revue biblique, Nouvelle série, t. ΠῚ (1906), p. 301. 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 79 


la déposition des reliques, c’est, à ce qu’il me semble, soulever 
une mauvaise chicane; car la déposition des reliques était pré- 
cisément une des principales cérémonies de la dédicace. D’ail- 
leurs, si la dédicace de cette église ne devait pas avoir lieu, 
pourquoi l'impératrice avait-elle invité saint Cyrille à venir la 
présider? Et comment se fait-il qu'une église, prête à être de- 
diée en 438 ou 439, n'ait été dédiée que le 15 juin 460, avant 
même d’être achevée? 

On ne sortira pas de ces difficultés, à moins de repousser en 
bloc le texte du biographe de Pierre l'Ibérien et d'admettre qu'il 
a confondu les deux séjours de l’impératrice Eudocie à Jéru- 
salem. Ainsi, il ferait dédier l'église Saint-Étienne d'Eudocie, 
lors du premier séjour de l’impératrice à Jérusalem, c’est-à- 
dire en 438 ou 439, alors que la dédicace de cette église n’a 
réellement eu lieu que le 15 juin 460, lors du second séjour de 
l’impératrice. Et du moment qu'il faisait dédier cette église en 
438 ou 439, il pouvait mettre en rapports directs Eudocie avec 
saint Cyrille, puisque celui-ci vivait encore à cette époque, de 
même que sainte Mélanie. 

Cette explication est fort vraisemblable, d'autant plus vrai- 
semblable que, selon le ἢ. P. Peeters (1), « cet épisode de saint 
Cyrille ne se lit point dans la Vie ibérienne ou géorgienne » de 
Pierre l'Ibérien, qu'a publiée M. Marr. Pour le savant bollan- 
diste, « l'intervention de saint Cyrille n’est autre chose qu'une 
fiction monophysite, à l'effet de mettre Pierre en rapports per- 
sonnels avec le grand docteur, dont se réclamaient les antichal- 
cédoniens (2) ». 

Avec cette explication, toutes les difficultés disparaissent. 
Nous sommes tout simplement en présence d’un anachronisme, 
bien explicable chez un auteur qui ne vivait pas à Jérusalem 
et qui écrivait une cinquantaine d'années après les événements. 
Et la confusion s'explique d'autant mieux qu’une partie de ce 
qu'il dit est vraie. Car l’impératrice Eudocie, en 438 ou 439, as- 
sista réellement à la dédicace d’une église Saint-Étienne, au 
mont des Oliviers, dans les monastères de sainte Mélanie. Nous 
en avons pour garants deux témoins oculaires, Géronce, Le bio- 


(1) Analecta bollandiana, janvier 1905, p. 137. 
(2) Analecta bollandiana, 1. cit. 


80 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


graphe de sainte Mélanie (1), et Eudocie elle-même dans une 
inscription relative à un incident de cette cérémonie (2). 

Dès lors, on n’est pas obligé de supposer deux églises Saint- 
Étienne bâties par Eudocie au nord de la ville, en deux endroits 
différents, on ne sait trop pour quels motifs, et dont l'une aurait 
disparu subitement sans laisser aucune trace. On ne doit pas 
davantage recourir à l'hypothèse de deux églises Saint-Étienne, 
bâties au même lieu par la même personne, et cela en moins 
de vingt-cinq ans. Enfin, l'on ne se heurte pas contre la bizar- 
rerie d'une même église, dédiée le 15 mai 438 ou 439, laquelle 
est encore dédiée le 15 juin 460, et qui pourtant reste toujours 
inachevée. Surtout si l’on songe que cette basilique est l'œuvre 
d’une impératrice, assez prodigue d'argent pour les construc- 
tions et qui resta à Jérusalem les dix dernières années de sa vie. 

Il suit de cette interprétation que le troisième passage de la 
Vie de Pierre l’Ibérien, comme les deux autres, vise la basilique 
d'Eudocie, située au nord de Jérusalem et dédiée le 15 juin 460. 
Mais il en suit également qu'il ne nous apprend rien sur le lieu 
de la lapidation de saint Étienne. 


Il reste encore un témoignage, que j'ai déjà cité incidemment 
et qui n'est pas, lui non plus, exempt de quelque obscurité. C’est 
l'homélie, ou plutôt le panégyrique de saint Étienne attribué sans 
aucun motif à Basile de Séleucie (3). L'auteur de ce panégyrique 
a été témoin de l'invention des reliques de saint Étienne, en 415, 
et il s'adresse à un auditoire qui vivait à cette époque. C’est, du 
moins, ainsi que je comprends le passage se terminant par ces 
mots : Aux τοῦτο ἡμεῖς μαχάριοι οἱ χαταξιωθέντες τῶν χαιρῶν τῶν τὴν 
σὴν φανέρωσιν χηρυξάντων : « Bienheureux sommes-nous, ὁ Étienne, 
nous qui avons été jugés dignes de voir les jours qui ont pro- 
clamé ta manifestation. Or, la découverte du corps bienheureux 
a eu lieu de la manière suivante... » (4) etc. Suit un très bref 


(1) S. Melaniæ junioris acla graeca dans les Analecta bollandiana, t. XXII 
(1903), n° 48, p. 33, et n° 57, p. 41. 

(2) Bulletin de correspondance hellénique, t. XIII (1889), p. 294 sq. 

(3) Micxe, P. G., t. LXXXV, col. 461-174. 

(4) Mix, 0p. cit, col. 468 B. 


dns feu ἑν. 4. ..“.. 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. SI 


récit de l'invention des reliques de saint Étienne, faite en 115 
par le prêtre Lucien. Après quoi, le prédicateur ajoute : 


Les restes du bienheureux sont déposés, selon la propre volonté d'E- 
tienne, devant les murs de Jérusalem, à l'endroit où, lapidé et souffrant 
une mort célébrée sur toute la terre par d’illustres louanges, il avait ceint 
la brillante couronne du martyre: Juvénal, qui orne maintenant le trône 
glorieux et illustre de Jacques lui bâtissant une église digne de sa mé- 
moire, de ses travaux et de ses luttes admirables (1). 


Ce texte est d'habitude rapporté à l'église Saint-Étienne du 
Nord, sans que rien indique une direction quelconque. Le seul 
renseignement topographique est celui-ci : « devant les murs 
de Jérusalem », qui peut se traduire aussi par : « hors les murs 
de Jérusalem ». On me concédera volontiers que l’église Saint- 
Étienne du Cédron se trouvait devant ou hors les murs de la 
ville, aussi bien que celle du Nord. 

Devons-nous alors renoncer à ce témoignage, qui pourrait se 
rapporter soit au sanctuaire du Nord soit à celui de l'Est? Au- 
cunement. La chronologie peut fournir d’utiles indications. Le 
panégyriste affirme, et de la manière la plus expresse, que l’é- 
glise Saint-Étienne ἃ été bâtie par l'évêque Juvénal, encore en 
vie au moment où il parle. Or, le successeur de Juvénal, Ana- 
stase, est monté sur le trône patriarcal de Jérusalem en juillet 
458. Il s'ensuit que Juvénal est mort au plus tard dans les six 
premiers mois de l’année 458. Il s'ensuit encore que le pané- 
gyrique a été prêché au plus tard le 26 décembre 457, jour de la 
fête de saint Étienne. A ce moment-là, l'église était construite : 
ἐχχλησίας οἰχοδουνηθείσης. Et cela nous suffirait déjà pour distin- 
guer l’église bâtie par Juvénal de l’église bâtie par Eudocie et 
dédiée seulement le 15 juin 460, avant son complet achève- 
ment. 

Mais l'on peut encore serrer davantage l'argument. Nous 
avons vu que le panégvyriste célèbre son bonheur et celui de 
son auditoire, parce qu'ils ont vu les jours de l'invention des 
reliques de saint Étienne. Ils vivaient done, lui et ses auditeurs, 
en 415. Dès lors, comprendrait-on cette réflexion, si le pané- 
gyrique avait été prêché seulement en 457, quarante-deux ans 


(1) Micxe, 0p..cit., col. 469 A. 
ORIENT CHRÉTIEN. 


82 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


après l'invention des reliques? Α ce moment-là, les survivants 
de 415, du moins ceux qui en 415 étaient assez grands pour 
avoir pleine conscience de ce qui se passait, devaient être plu- 
tôt rares, et l’'orateur n'aurait certainement pas englobé tout 
son auditoire dans cette catégorie. L'impression qui se dégage 
de son texte, c’est que nous ne sommes pas très éloignés de 
l'événement de 415. Par suite, la construction de l’église Saint- 
Étienne doit être rapportée à la première partie de l'épiscopat 
de Juvénal plutôt qu'à la dernière. 

Or, d’après toutes les vraisemblances, Juvénal est devenu 
évêque en 422. De plus, le 26 décembre 439, sainte Mélanie 
visite déjà l’église Saint-Étienne, bâtie sur le lieu de la lapida- 
tion du premier diacre. C’est donc entre les années 422 et 459 
que cette église a été construite. 

Par ailleurs, nous savons que la seule église Saint-Étienne 
existant à Jérusalem, avant 451, se trouvait à l’est de la ville, 
c'est-à-dire dans la vallée du Cédron. Il est donc très vraisem- 
blable que cette église est identique à celle que visita Mélanie 
en 439 et à celle que construisit l’évêque Juvénal. Comme l'au- 
teur du panégyrique nous affirme que l’église de Juvénal fut 
bâtie sur le lieu de la lapidation et de la mort de saint Étienne, 
il est aussi très vraisemblable que l'église du Cédron fut cons- 
truite sur le lieu de la lapidation et de la mort de saint Étienne. 

Aujourd'hui, les Grecs prétendent avoir retrouvé, près de 
Gethsémani, les restes d’une ancienne église de saint Étienne, 
et ils invoquent à l'appui une inscription grecque qui semble 
bien leur donner raison. Cette trouvaille épigraphique confirme 
admirablement les données historiques, possédées jusqu'à 
aujourd'hui, chose fort rare, sinon unique, dans l'histoire des 
sanctuaires palestiniens. 


+ 


+ # 


Nous avons examiné successivement tous les textes anciens, 
qui parlent soit de l'église Saint-Étienne du Nord, soit de l'é- ᾿ 
glise Saint-Étienne de l'Est. De cet examen il ressort, je crois, 
que le lieu de la lapidation et de la mort du premier diacre doit 
être placé dans la vallée du Cédron. Cependant, il n'a pas encore 
été parlé du document le plus ancien, la lettre du prêtre Lucien, 


fs 


++" 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. δ 


qui, en 410, découvrit les reliques de saint Étienne et en rédigea 
aussitôt une relation très détaillée. 
Si cette lettre place manifestement le lieu de !a lapidation au 


nord de Jérusalem, nous serons en présence de deux traditions 


contemporaines tout à fait inconciliables, mais en même temps 
le sanctuaire des Pères Dominicains sera assis sur une base très 
solide. C’est ce dernier point qu’en 1904, au cours d’une dis- 
cussion, le R. P. Lagrange faisait ressortir avec beaucoup de 
netteté et d'à-propos. 


Comment, disaitil, peut-on allégner une tradition plaçant le lieu du 
martyre dans la vallée de Josaphat, quand la relation du prêtre Lucien, 
reçue dans toute l'Église avec tant de faveur, le met si nettement au nord 
de la ville, dans la plus ancienne recension? Ce seul texte suffirait à 
trancher la controverse, et si nous nous sommes attardé à discuter les 
autres, c’est parce qu'ils n'étaient pas sans intérêt pour les détails du culte 
du saint. Il faudra commencer par s'attaquer à la relation de Lucien, quand 
on voudra ébranler le sanctuaire de Saint-Étienne: or il n’en est pas 
soufflé mot (1). 


Dieu me garde de vouloir ébranler n'importe quel sanc- 
tuaire! C’est une entreprise laborieuse que, seul, un Samson 
serait capable de mener à bonne fin. Mais le R. P. Lagrange ἃ 
parfaitement raison. La discussion loyale des textes exige que 
l'on examine le plus ancien; toute thèse qui le passerait sous 
silence, serait par le fait même incomplète et mal établie. 

Le prêtre Lucien écrivit en grec le récit de l'invention des 
reliques de saint Étienne, peu après cet événement survenu en 
décembre 415. Or, il y avait en ce moment-là dans la Ville 
Sainte un prêtre portugais du diocèse de Braga, nommé Avitus, 
qui traduisit en latin la circulaire grecque de Lucien et l'a- 
dressa à son évêque avec une lettre accompagnant la traduction. 
La lettre d'envoi et la traduction d’Avitus sont déjà mentionnées 
par Gennadius de Marseille dans son catalogue De viris illus- 
tribus, cap. xL, et la première reproduite dans la Pafrologie 
latine de Migne (2). | 

La lettre grecque du prêtre Lacien n’a pas été éditée, du 
moins à l’état de document distinct. Quant à la traduction latine, 


(1) Revue biblique, Nouvelle série, t. 1 (1904), p. 473 
(XL; "col: 805'sq: 


84 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


d'Avitus ou d’autres écrivains, nous en possédons deux 
recensions qui accusent entre elles des divergences assez nom- 
breuses (1). Pour n’en citer que deux exemples fort signi- 
ficatifs, la recension communément dite la seconde nous 
apprend que Nicodème était neveu ou cousin de Gamaliel — 
chose dont la première recension ne parle pas; — elle le fait 
baptiser par « les apôtres Pierre et Jean », alors que la pre- 
mière recension se contente de dire qu'il a été baptisé « par 
les disciples du Christ » (2). 

Quelle est celle de ces deux recensions qui reproduit le mieux 
le texte original de Lucien? Jusqu'ici, après Tillemont (3), 
on pense que c'est la première. Et la principale raison qu’en 
donne le savant critique, c'est que, déja au vir° siècle, le Vé- 
nérable Bède cite comme étant de Lucien « un grand pas- 
sage, qui se trouve mot à mot » dans la première recension. 

Pour le même motif qu'invoque Tillemont, je me permets 
d'émettre un avis contraire au sien. Si Bède, au vire siècle, 
cite comme étant de Lucien un long passage de la première re- 
cension, un auteur grec du vi siècle, le prêtre Eustrate de 
Constantinople, reproduit également comme étant de Lucien un 
long extrait, qui provient sans doute possible du même original 
grec que la seconde recension latine (4). On y voit, en effet, 
que Nicodème était neveu ou cousin de Gamaliel, que celui-ci 
fut baptisé par les apôtres Pierre et Jean, que Nicodème fut 
battu par les Juifs et mourut de ses blessures, que le plus 
jeune fils de Gamaliel, Abib, fut baptisé par les mêmes apôtres 
Pierre et Jean, toutes choses qui se lisent dans la seconde recen- 
sion latine et qui manquent dans la première (5). 


(1) Micxe, P. L., t. XLI, col. 807-818. 

(2) Micxe, op. cit, col. 809 et 810. 

(3) Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six premiers siècles, 
Paris, 1694, t. II, p. 505-508. 

(4) Allatius ἃ traduit l'ouvrage d'Eustrate dans son De utriusque ecclesiae occi- 
dentalis alque orientalis perpetua in dogmate de purgalorio consensione, Rome, 
1655, p. 319-580, et celui-ci a été reproduit dans le Theologiae cursus completus 
de Migne, Paris, 1841, τ. XVIII, col. 461-514. 

(5) Miaxr, op. cit col. 501. C’est le célèbre passage que Photius, après une 
lecture rapide, attribuait au prêtre Chysippe;ce quia dérouté tous les critiques, 
à commencer par Tillemont. Le prêtre Eustrate dit expressément : « Narrantur 
ergo in Revelatione Luciano presbytero ». Voir sur ce point mon article dans la 
Revue de l'Orient chrétien, t. X (1905), p. 97-98. 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 89 


Est-ce à dire que la seconde recension latine reproduise tel 
quel le texte original et que la première n'ait aucune valeur, 
sauf dans les points, fort nombreux du reste, où elle s'accorde 
avec la seconde? Non, la conclusion serait outrée, car la pre- 
mière nous ἃ conservé aussi des traits qui doivent être origi- 
naux ; mais je crois que, dans l’ensemble, la seconde recension 
se rapproche davantage du texte grec original de Lucien que la 
première. 

Ce n’est pas seulement les rapports très étroits entre la 
seconde recension latine et le texte du prêtre Eustrate, au 
vi‘ siècle, qui me poussent à adopter cette conclusion. Land ἃ 
publié la traduction syriaque de la lettre de Lucien, d’après un 
manuscrit de la fin du vi° ou du commencement du vu* siècle (1), 
et cette traduction correspond, pour l'ensemble, au fragment 
d'Eustrate et au texte de la seconde recension latine. 

Ce n'est pas tout. M. Papadopoulos-Kérameus a publié le 
texte grec, inédit jusque-là, de la lettre de Lucien (2), d’après 
deux manuscrits de Saint-Sabas. M. l'abbé Nau, croyant le 
texte inédit, en ἃ donné une analyse très serrée (3) d’après 
plusieurs manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale, à 
Paris, et il a fait la comparaison de ce texte grec avec la tra- 
duction syriaque, sus-mentionnée. Il en conclut que le texte grec 
est « l'original de la version syriaque, qui est conservée dans 
un manuscrit du viau vu siècle, et qui a été éditée par 
Land » (4). 

Puisque la traduction syriaque contenue dans un manuscrit 
du vi au vu siècle, se rapproche beaucoup plus de Ja 
seconde recension latine que de la première, 1] faut tirer la 
même conclusion pour le texte grec, édité par M. Papado- 
poulos-Kérameus et qui, d’après M. l'abbé Nau, est « l'ori- 
ginal de la version syriaque ». 

Ce point était, du reste, admis par le R. P. Lagrange, en 
1900, lorsqu'il rendit compte des textes publiés par le savant 
grec. 


(1) Laxp, Anecdola syriaca, t. III, 76 seq. et Revue de l'Orient chrétien, 1906, 
205 sq. 

(2) ᾿Ανάλεχτα ἱεροσολυμιτιχῆς σταχνολογίας, Saint-Pétershbourg, 1898, t. V, p. 28-40. 

(3) Revue de l'Orient chrélien, t. XI (1906), p. 203-212. 

(4) Revue de l'Orient chrétien, 1906, p. 214. 


80 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Quoique, disait-il, le texte édité contienne certains passages apparentés à 
la première recension, il n’est pas douteux qu'il ne soit en substance le 
texte de la deuxième recension latine, comme le prouvent des. circonstances 
très particulières ignorées du premier, par exemple le baptème de Nico- 
dème par Pierre et Jean, les mauvais traitements qui auraient fait de lui 
presque un martyr, ces deux circonstances notées par Photius, et aussi 
la description du lieu du martyre... (1). 


A force de déductions, inattaquables je pense, nous en 
sommes arrivés à cette conclusion, que la seconde recension 
latine répond, dans l’ensemble : 1° au texte grec de Lucien, 
utilisé par le prêtre Eustrate au vi‘ siècle; 2° à la traduction 
syriaque contenue dans un manuscrit du vi au vi siècle; 
3 au texte grec, édité par M. Papadopoulos-Kérameus, analysé 
par M. Nau et qui serait, d’après ce dernier, « l'original de la 
version syriaque ». Dès lors, nous ne voyons pas pourquoi la 
première recension latine serait préférée à la seconde, alors 
que nous avons tant et de si bonnes raisons d'estimer davan- 
tage la seconde que la premiere. 

Une autre conclusion me semble s'imposer également. Si le 
texte grec de Lucien, publié par M. Papadopoulos-Kérameus, 
est « l'original de la version syriaque », contenue déjà dans un 
manuscrit du vi‘ au vu° siècle, comme par ailleurs il répond 
au texte de la lettre de Lucien, utilisé par le prêtre Eustrate 
au vi‘ siècle, il a beaucoup de chances d'être le texte original 
même du prêtre Lucien. Pour ma part, je ne vois aucune 
raison de lui refuser ce privilèce. Appliquons maintenant à 
notre discussion les core topographiques, contenues dans 
le texte grec. Il dit ceci : « à δὲ “σὺν PERS χείμενος αὐτός ἐστιν ὃ 


>= 
CL 
[9] 
19] 


τ ΠΝ ὁ “λιθοθοληθεὶς ὑπὸ τῶν ᾿Ιουδαίων ἐν ᾿Ιερουσαλὴμν. χαὶ 
ποιήσας νυχθήμερον ἐριμμιένος εἰς τὰ ἐξώπυλα τῆς πόλεως, ὡς ἐπὶ τὸν 
Κηδὰρ ie uh θαπτόμενος... (2). Ce ἐν la seconde recen- 
sion latine a rendu fort bien de la sorte : « Qui autem jacet 
mecum, domnus Stephanus est, qui a FA Jerosolymis 
lapidatus est, et die noctuque in exapeleo jacuit civitatis, in 
via euntibus Cedar, jussu impiorum sacerdotum projec- 
ἔιι5... (3). La traduction syriaque, fort ancienne, dont nous 

(1) Revue biblique, t. IX (1900), p. 142-143. 

(2) PapanorouLos-KÉéRAMEUS, 0p. cit, τ. V, p. 32. Voir aussi /ievue de l'Orient 
chrétien, 1906, p. 206. 

(3) Micxe, P.'L., Ὁ. XLI, col. 810. 


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LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 87 


avons parlé, dit de son côté : « Il (Étienne) passa un Jour et 
une nuit, gisant en dehors de la ville, dans le chemin de 
Cédar, selon l’ordre des princes des prêtres » (1). 

Nulle part, dans ces trois textes qui, pour nous, répondent 
au texte original de Lucien, il n’est question de la direction 
Nord de la ville, pas plus, du reste, que de la direction Est. 
Les deux seuls renseignements que nous avons à glaner sont, 
d'une part, les ἐξώπυλα de la ville, de l’autre, le chemin ou la 
direction de Cédar. 

Les ἐξώπυλα sont les faubourgs de la ville, peut-être les tas 
d'ordures situés en dehors des portes et qui devaient exister 
sur plusieurs points aux alentours de Jérusalem. Les mots 
« sur la route » ou « dans la direction de Cédar » sont égale- 
ment fort obscurs. On a voulu voir dans Cédar la région de 
Damas, mais les motifs sérieux de cette identification man- 
quent. Sur ce point, je partage l'avis de M. Clermont-Gan- 
neau (2). On serait bien tenté de lire Cédron et, dès lors, 
toute difficulté disparaîtrait. Plusieurs l'ont fait sans scrupule, 
mais je ne crois pas qu'on puisse l’interpréter ainsi pour le 
moment, puisque tous les textes portent Cédar. Disons plutôt : 
que c'est « le nom, peut-être estropié, de quelque point des 
environs immédiats de Jérusalem (3) », non encore retrouvé. 

En définitive, le texte de Lucien, que nous croyons être le 
texte original, ne nous apprend rien de précis sur le lieu de 
la lapidation et de la mort de saint Étienne. Mais aussi, il ne 
nous défend pas de le placer à l'Est ou au Nord de la ville, si 
nous avons par ailleurs de bonnes raisons d'agir ainsi. Les 
raisons de situer ce souvenir à l'Est de la: ville ont été exposées 
plus haut; jusqu'ici, elles me paraissaient les plus fortes. 

Je n'ignore pas que la recension latine, regardée communé- 
ment comme la première, place en des termes indéniables le 
lieu de la lapidation au Nord de Jérusalem : « £f qui mecum 
est in orientali parte monumenti jacens, ipse est domnus 
meus Stephanus, qui lapidatus est a Judaeis et principibus 
sacerdotum in Jerusalem pro Christi fide foris portam 
quae est ad aquilonem, quae ducit ad Cedar : ubi die ac 


(1) Laxp, Anecdota syriaca, t. II, p. 77. 
(2) Revue biblique, t. IX (1900), p. 309. 
(3) Revue biblique, t. IX, p. 309. 


88 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


nocte jacuil projectus, ut sepullurae non darelur.… (1). Les 
mots décisifs, foris portam quae est ad aquilonem, manquant 
dans la traduction syriaque et dans l'original grec que nous 
regardons comme le texte de Lucien, jusqu'à plus ample in- 
formé, nous les tenons pour une addition postérieure. 


L'enquête est finie. J'ai le regret αὐ ἐγ obligé d’avouer que 
Jai abouti à une conclusion diamétralement opposée à celle 
que J'avais défendue jusqu'ici, et à plusieurs reprises encore. 
Mais il me semble aussi que l'interprétation donnée des textes 
amène une meilleure intelligence des faits. Les restes de saint 
Étienne étant retrouvés en décembre 415, on comprend fort 
bien qu'ils aient été tout d’abord déposés dans l'église du Cé- 
nacle, en attendant qu'on élevàät au protomartyr un sanctuaire 
digne de lui. Que ce sanctuaire n'ait pas été inauguré et ouvert 
au culte avant 422, date de l'avènement de Juvénal, passe 
encore ; il ne s'était pas alors écoulé sept ans complets depuis 
l'invention des reliques. Mais qu'on ait dû attendre jusqu'en 
{60 — quarante-cinq ans — pour avoir à Jérusalem, le lieu 
même du martyre d'Étienne, une église érigée sous son vo- 
cable, voilà qui dépasse toute conception. Jérusalem aurait été 
à cette époque la seule ville à ne pas avoir d'église dédiée à 
saint Étienne. 

Avec le sanctuaire Saint-Étienne du Cédron, dont l’exis- 
tence avant 451 est dûment constatée, tout s'explique. Bâti par 
Juvénal sur le lieu de la lapidation, dès les premières années 
de son épiscopat, ce sanctuaire est visité par sainte Mélanie, 
le 26 décembre 439, et par le peuple de Jérusalem, notamment 
par la sœur de l’archidiacre Étienne (2) avant 451. Il dut re- 
cevoir, dès son ouverture au culte, la plus grande partie des 
reliques du saint, qui jusqu'alors reposaient dans une chapelle 
du Cénacle; puis, au moment de la dédicace de la basilique 
d'Eudocie, en 460, les reliques furent transportées dans le 
sanctuaire du Nord, dans le tombeau que l’impératrice avait 


(D'AMIeNE PET Ut; col 809! 
(2) Plérophories de Jean, édit. Nau, cap. LxxIx. 


LES ÉGLISES SAINT-ÉTIENNE. 89 


fait construire pour le premier diacre. À la longue, ce sou- 
venir fit oublier, du moins chez les pèlerins occidentaux, l’église 
de la lapidation dans la vallée de l'Est. 

On me demandera peut-être pourquoi l’impératrice Eudocie 
tint à construire une seconde église Saint-Étienne, à Jérusa- 
lem, s’il en existait déjà une, et fort jolie encore, sur le lieu de 
la lapidation. C’est qu'elle avait pour cela des raisons tout à 
fait particulières. On prétend d’abord qu'elle fut baptisée, à 
Constantinople, dans une église dédiée à saint Étienne; en 
tout cas, il est sûr qu'elle attribuait au premier diacre la gué- 
rison d'une entorse ou d’une foulure au genou, survenue à 
Jérusalem lors de son premier voyage en 438. En reconnaissance 
de ce bienfait, elle fit bâtir une église Saint-Étienne à Théo- 
doroupolis ou Euchaïtes, une autre à Maouza, près de Jammia, 
peut-être d’autres aïlleurs. Quoi d'étonnant à ce qu'elle ait 
voulu lui en ériger une dans la ville même de son martyre! 
Comme une église abritait déjà le lieu de sa lapidation, dans 
la vallée de l'Est, elle fit ériger une superbe basilique, au Nord 


de la ville, dans un lieu qui peut-être conservait quelque 


souvenir du premier diacre; elle y fit construire un magnifique 
mausolée, où l’on déposa les reliques du protomartyr et, tout 
auprès, son tombeau à elle, pour dormir son dernier sommeil 
près de son illustre bienfaiteur. 

Voilà ma pensée. Il peut se faire que je me trompe. Ce ne 
sera pas la première ni la dernière fois, en matière topogra- 
phique surtout, que la vérité d'aujourd'hui sera devenue 
l'erreur de demain. 


Constantinople, 14 avril 1907. 
Siméon VAILHÉ, 


des Augustins de l’Assomption. 


MÉLANGES 


I 


NOTE SUR DEUX OUVRAGES DE SÉVÈRE 
IBN AL-MOQAFFA 


ÉVÊQUE D'ACHMOUNAÏN. 


Le Pontificat du patriarche Melchite Eutychius (Saïd Ibn- 
Batriq, 933-940) avait été funeste aux Jacobites d'Égypte. 
Ce prélat, déjà connu par quelques traités de médecine et 
différents ouvrages de polémique, composa, sous le titre de 
« Rangée de Pierres précieuses », une Histoire universelle 
qui eut un grand succès, au point qu'elle a été citée même par 
les auteurs musulmans, notamment par Makrizi. Naturelle- 
ment il ne laisse pas échapper l’occasion de réfuter l'erreur 
jacobite et d'établir la foi dans les deux natures d’après’ le 
concile de Chalcédoine. 

En outre, Eutychius avait l'appui du nouveau maitre de 
l'Égypte, Mohammed el-Ekchyd, qui accablait d’impôts les Ja- 
cobites et les contraignait de se réunir à l'Église Melchite. 

Parmi ceux qui entreprirent la défense de la foi de Dioscore 
et de Jacques Baradée alors menacée, se distingua Sévère 
Ibn al-Moqaffa, évêque d'Achmounaïn (l’ancienne Hermopolis) 
dans la Haute-Égypte. Il écrivit contre Eutychius et les Mel- 
chitesdifférents traités, entre autres une Réfutation de Saïd Ibn- 
Batriq, une Explication du symbole de Nicée, une Histoire des 
Conciles, un Traité sur les Attributs divins, et un traité sur 
la Création et le péché originel. Sévère publia son Histoire des 
conciles en l’an 667 de l’ère de Dioclétien (91 de l'ère chré- 


MÉLANGES. 91 


tienne). La Réfutation d'Eutychius et l'Explication du symbole 
de Nicée sont antérieures à l'Histoire des conciles, tandis que 
le Traité sur les Attributs divins et l'ouvrage ‘sur la Création 
et le péché originel ont été composés plus tard. 


I. Le texte arabe et la traduction française de la Réfutation 
de Saïd Ibn-Batrig (Eutychius) viennent de paraitre dans la 
Patrologie orientale. L'abbé Chébli, prêtre maronite auteur de 
ce travail, a utilisé trois manuscrits de Paris et a donné à la 
fin les principales variantes d’un manuscrit de Rome. 

Une brève analyse de cet ouvrage donnera une idée de l'in- 
térêt qu'il présente. 

L'évêque d’Achmounaïn indique, dans un court avant-propos, 
le but du traité dont il entreprend la composition : il veut ré- 
futer les attaques contre les Jacobites contenues dans les An- 
nales d'Eutychius. Il donne ensuite le plan de l'ouvrage qui se 
divise en quatre parties : Après avoir montré comment s'est 
formé le trésor des vérités de la foi, il établira l'accord entre 
la foi des Apôtres et les prophéties. Il traitera ensuite des hé- 
résies, des conciles et de l’enseignement des Pères et s’atta- 
chera à démontrer que la doctrine des Jacobites est conforme à 
la Tradition. 

La première partie a pour titre : « Considérations prises 
dans l'Ancien Testament jusqu’à l'avènement de Notre-Sei- 
gneur Jésus-Christ et son incarnation dans le sein de Marie la 
Vierge pure, lumière du monde et splendeur de l'éternité. » 
Après avoir rappelé la création et la chute de l'homme, il donne 
une brève récapitulation des principaux faits de l'Histoire sa- 
crée : le Déluge, la Tour de Babel, la Vocation d'Abraham, la 
destruction de Sodome et de Gomorrhe, le séjour en Égypte 
et l'Exode, etc. Il insiste sur le débordement du péché et l'i- 
nefficacité de la loi et des prophètes pour retenir les hommes 
dans la vérité et le bien, inefficacité qui nécessita la venue du 
Fils unique de Dieu, Jésus-Christ. Il rapporte brièvement sa 
naissance, son ministère public, sa mort et sa résurrection. 

Le deuxième chapitre est intitulé : « Exposition de la Foi 
que les Apôtres prêchèrent au monde et prédiction des pro- 
phètes sur l'Incarnation. » L'auteur démontre la divinité du 
Christ d’abord par le témoignage des prophètes qui l'ont af- 


92 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


firmée et qui ont prédit également les principales circonstances 
de sa vie et de sa mort; sa résurrection et son ascension glo- 
rieuse, et en second lieu par le témoignage des apôtres qui 
dans leurs épitres et dans les évangiles rapportent et affir- 
ment au sujet du Christ ce que les prophètes en ont prédit. 
Les citations se pressent abondamment et avec à propos sous 
la plume de Sévère et dénotent chez lui une connaissance ap- 
profondie de l'Écriture. 

Dans la IIl° partie, il traite « des conciles, de ceux qui en ont 
motivé la célébration et de l'origine des dissentiments ». 
Après avoir constaté que la foi se conserva pure, malgré les 
persécutions, jusqu'au règne de Constantin, il rappelle l'hé- 
résie d’Arius et sa condamnation par les trois cent dix-huit 
Pères. Il cite la partie du symbole de Nicée qui concerne le 
Fils de Dieu et son Incarnation. Il donne un court aperçu de 
l'hérésie de Macédonius et de celle d’Apollinaire qui furent 
condamnés par le premier concile de Constantinople, et arrive 
enfin à l’hérésie de Nestorius, condamnée par le concile d'É- 
phèse, et à celle d'Eutychès, réaction outrée contre l'erreur de 
Nestorius qui devait amener le schisme de l'Égypte. Il donne 
quelques détails sur le pseudo-concile d'Éphèse (le brigandage 
d'Éphèse). Naturellement il attribue le beau rôle à Dioscore. 
Il s'étend davantage sur le concile de Chalcédoine et particu- 
lièrement sur la conduite qu'y tint Dioscore. Le chapitre se 
termine par une apologie du monophysisme qu'il oppose à la 
doctrine du concile de Chalcédoine. D’après lui, 1] n'y ἃ pas de 
différence essentielle entre la doctrine de Chalcédoine et du 
tome du pape et celle de Nestorius. Toute la différence serait 
dans les termes. Cette confusion vient de ce que les mono- 
physites n'ont pas distingué entre la nature et la personne. 
C'est ce qu'indiquent expressément les paroles suivantes de 
Sévère, vers la fin de la [11 partie : « La seule différence con- 
siste en ce que Nestorius avait dit qu'il croyait à deux per- 
sonnes, en deux natures, deux volontés, deux opérations... et 
que le concile de Chalcédoine, après lui, a dit : « une seule per- 
sonne », sans faire mention de l’unité de personne dans sa 
formule... Ainsi c'est croire en deux et non en un seul : car 
un être ne peut avoir une nature, une volonté et une opération 
sans avoir l'unité de personne. » 


MÉLANGES. 93 


Dans la IV° partie, Sévère traite de la doctrine des Pères de 
l'Église avant le schisme jacobite, et donne un abrégé des 
événements qui le suivirent jusqu'à l’époque où il vécut. Il est 
très versé dans la, connaissance des Pères et cite à propos 
saint Athanase et saint Cyrille, les papes Alexandre et Jules, 
saint Jean Chrysostome et saint Grégoire, etc. Son argumenta- 
tion est concise et juste, excepté quand il traite de l'union des 
deux natures. Son obstination à ne pas admettre la distinction 
entre la nature et la personne engendre la confusion et le con- 
duit à des contradictions absurdes. Il fait un abrégé de l'his- 
toire de l'Église Jacobite d'Égypte qui contient des traits inté- 
ressants en particulier sur les troubles de l'Église de Jérusa- 
lem après le concile de Chalcédoine et sur Jacques Baradée qui 
sauva la situation de l'Église monophysite sous le règne de 
Justinien. Il termine par une nouvelle discussion où il cherche 
à établir que la doctrine des Chalcédoniens est la même que 
celle de Nestorius. 

Le style de Sévère est naturel et clair. Ses citations sont 
nombreuses, mais bien choisies et faites à propos. L'ouvrage 
se lit avec facilité à l'exception de quelques passages où l’au- 
teur se perd dans d’obscures subtilités. L'abbé Chébli ἃ rendu 
le texte arabe non seulement avec fidélité mais encore avec ai- 
sance et correction ; il montre ainsi qu'un long séjour en France, 
dans ies Séminaires et à l’Institut catholique de Paris lui ἃ 
fait du français une seconde langue maternelle. 


II. L'Histoire des C'onciles, du même auteur que le précédent 
ouvrage, pourra bientôt être donné au public. Je l'ai traduit 
d'après le manuserit 171 de la Bibliothèque nationale. Ce ma- 
nuserit porte en tête l’annotation suivante : 

Cod. 419 (1) Arab. Severi f. Mocfa, Episcopi Aschmonin in 
Thebaide Jacobitæ, Historia Concilii Nicaeni et rerum in eo ad- 
versus Arium et Arianos gestarum tum sequentium concilio- 
rum usque ad Chalcedonense cujus historiam describit secun- 
dum Jacobitarum traditionem. 

Confirmatio fidei Jacobitae ex 55. Scripturae PP.que testi- 
moniis. 


(1) Le numéro actuel est 171. 


9 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Opusculum ejusdem apologeticum sententiae Jacobiticae et 
alia quaedam hujus generis. 

Scriptus anno Egypt. 1046 J. C. 1636. 

Cette note, qui semble être de l'écriture de Renaudot, indique 
avec exactitude quels sont les sujets traités dans l'ouvrage. Le 
manuscrit porte en titre : 

« Le second livre d'Anba Sévère, évêque d’Achmonaïn, fils” 
d'Al-Moqaffa. » | 

Il est en effet, sous une forme plus didactique, la continua- 
tion et le complément de la Réfutation d'Eutychius. L'auteur 
l’a divisé en dix chapitres. Il expose d'abord le plan divin 
dans l'Ancien Testament. L'inefficacité de la loi mosaïque et 
l'infidélité des Juifs rendent nécessaire la venue du Sauveur 
avec une loi plus parfaite. Mais l'envie du démon suscite con- 
tre la nouvelle loi les hérétiques. Sévère donne d'assez am- 
ples détails sur Arius et saint Pierre d'Alexandrie, sur l'édu- 
cation et la conversion de Constantin qu'il rapporte selon les 
traditions jacobites. Il discute la date du Concile de Nicée et 
réfute Ben-Obéida qui prétendait que ce concile était composé 
de 2818 membres. Puis dans un chapitre spécial (le 1v°), il 
‘donne la nomenclature des évêques d'Égypte, de Palestine et 
de Syrie qui prirent part au concile de Nicée et il en cite un 
certain nombre « des provinces du Nord » (c'est-à-dire l'Asie 
Mineure, la Thrace, le Pont, etc.). 

Il rapporte ensuite (ch. v) les décisions du conciie de Nicée 
au sujet d’Arius, de Meletius, et de la célébration de la fête de 
Pàques. Il cite en entier le symbole de Nicée et donne le récit 
de la mort d’Arius qu'il place, par égard sans doute pour 
Constantin, sous le règne de Constance. 

Dans les deux chapitres suivants (vi etvir'), 1] s'attache à 
démontrer que les formules du symbole sont légitimes et con- 
formes aux Écritures. Après quelques arguments destinés à 
établir l'impossibilité pour les Pères de Nicée de fausser la 
véritable tradition, il démontre que le sens et même parfois 
la lettre de ces formules sont tirés de l'Écriture sainte et que 
la foi des trois cent dix-huit est conforme à celle des anciens 
Pères. 

Mais d’autres hérésies surgirent après celle d’Arius attaquant 
d'autres points de doctrine. L'auteur passe rapidement sur 


MÉLANGES. 95 


Macédonius et Apollinaire et arrive à l’hérésie de Nestorius 
qui fit revivre l'erreur de Diodore et de Théodore, puis à celle 
d'Eutychès, tombé dans l'excès contraire, mais qui, d’après 
lui, fut, avec Dioscore, le véritable champion de l'orthodoxie 
contre les Nestoriens avoués ou déguisés tels que Léon, évêque 
de Rome et les Chalcédoniens. Il parle des conciles d'Éphèse et 
de Chalcédoine mais sans reproduire les détails qu'il a déjà 
donnés dans l'ouvrage précédent. 

Au chapitre 1x°, Sévère compare et critique les variantes du 
symbole tel qu'on le lit chez les différentes sectes, puis, dans 
le chapitre suivant, il donne, sur chaque article, un commen- 
taire détaillé et entre dans des discussions tantôt théologi- 
ques, tantôt philosophiques. Ce chapitre (le x°) comprend à 
lui seul plus de la moitié de l'ouvrage. Il est évidemment, dans 
la pensée de l’auteur, la partie la plus importante, celle à la- 
quelle les autres chapitres ne servent pour ainsi dire que d’in- 
troduction. Sévère entreprend la réfutation des principales 
erreurs en opposition avec les articles du symbole: polythéisme, 
Judaïsme, islamisme, doctrine platonicienne du Verbe. Il s'é- 
tend particulièrement sur les points de doctrine contestés entre 
les Melchites et les Jacobites et attaque violemment Nesto- 
rius, Eutychès, le pape saint Léon et surtout Ibn-Obéida, évé- 
que melchite de Damas. Cette seconde partie est comme une 
petite somme de la doctrine de l'Église jacobite et] nous mon- 
tre en outre, par la passion qui anime la controverse, quel 
était l'état d'âme des fidèles de cette Église au x° siècle. 

En résumé ces deux ouvrages de Sévère se complètent l’un 
l’autre et ne forment qu'un tout. Ils présentent une étendue à 
peu près égale pour la partie historique. Quant à la partie 
dogmatique et apologétique, ke second développe considérable- 
ment ce que la Réfutation d'Eutychius n'avait fait qu'ébau- 
cher. 


Angers. L. LEROY. 


96 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


IT 


LA MOSAIQUE DE LA TRANSFIGURATION, AU SINAI, 
EST-ELLE DE JUSTINIEN ? 


Ainsi que le prouvent deux inscriptions grecques (1), 
gravées sur deux poutres de l'église du Sinaï, cette église ἃ 
été construite ou, du moins, couverte après la mort de l'im- 
pératrice Théodora et avant celle de l'empereur Justinien, par 
conséquent entre les années 548 et 565. 

La mosaïque de la Transfiguration, qui décore l’abside de 
cette église, est-elle de la même époque? Les critiques d'art ne 
s'entendent guère sur ce point, et si la plupart se prononcent 
pour le νι" siècle, d’autres, comme Kondakoff, vont jusqu au 
vu-vi siècle. Ce flottement d'un ou de deux siècles n’a rien 
en soi qui puisse trop étonner, puisqu'on le constate pour 
toutes les œuvres d'art qui ne sont pas sûrement datées. Par 
ailleurs, la mosaïque du Sinaï ne porte pas de date précise, 
qui permette de l’attribuer à un siècle plutôt qu'à un autre; 
ce qui autorise les critiques d’art à maintenir chacun son opi- 
nion. 

Cependant, dans la mosaïque elle-même se lisent deux ins- 
criptions grecques, dont il faut tenir compte, quand on cherche 
l'origine de cette œuvre d'art. L'une est ainsi conçue : « Au 
nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit {out ce travail a été 
fait pour le salut des bienfaiteurs par Longin, le très saint 
prêtre et higoumène »; l'autre dit ceci : « Par les soins de 
Théodore, prêtre et deuterevon (prieur), indiction XIV ». 
Tout le monde convenant que ces deux inscriptions se com- 
plètent l’une l'autre, il faut en conclure que, si l'higoumène 
Longin ἃ fait placer la mosaïque, c'est son second, le prêtre 
Théodore, qui ἃ été chargé de l'exécution de ce travail. 

La seule date que nous lisions dans l'une de ces deux ins- 
criptions, c’est l’indiction XIV; par elle seule, elle ne précise 
rien, le cycle des indictions se renouvelant tous les quinze 


(1) Revue biblique, t. II (1893), p. 634. 


MÉLANGES. 97 


ans. D'autre part, le nom de l'higoumène Longin n'est pas au- 
trement connu, et nous ignorons s’il ἃ vécu au vi‘ siècle, 
plutôt qu'au vu° ou même au vire. De ce chef encore, les criti- 
ques d'art sont libres de maintenir leurs conclusions si diffé- 
rentes. 

On peut tout de même se placer dans l'hypothèse de ceux 
qui datent la mosaïque du Sinaï du vi siècle, et spécialement 
du règne de Justinien. Une fois admise cette supposition, 
qui n'est pas plus sûre que les autres mais qui les vaut 
bien, on arrive à des résultats plus positifs. L'église ayant 
été construite entre les années 548 et 565, l’indiction XIV 
ne s'est présentée que deux fois durant cet intervalle 
d'abord du 1* septembre 550 au 31 août 551, ensuite du 
1 septembre 565 au 31 août 566. 

Des renseignements historiques certains nous obligent à 
écarter la première date, 550-551; à ce moment ce n'était pas 
Longin, mais l’higoumène Georges qui dirigeait le monastère 
du Sinaï. D'après un récit de Jean Moschus (1), très rapproché 
des événements, Georges eut le privilège de communier deux 
fois et au même moment, le jour de Pâques de l’année 552 : 
une première fois, dans l'église du Saint-Sépulere, à Jérusa- 
lem ; une seconde fois dans l’église de son monastère, au Sinaï. 
Six mois après, c'est-à-dire en octobre 552, il mourait, suivi 
de près par le patriarche Pierre de Jérusalem auquel il avait 
annoncé sa mort (2). Quel que soit le jugement que l’on se forme 
sur ce prodige, un fait est certain, c'est que Georges était 
higoumène du Sinaï en 552 et qu’il exerçait cette charge de- 
puis plusieurs années. Dès lors, le Longin de la mosaïque ne 
peut avoir été supérieur du Sinaï en 550-551. 

Reste la date de 565-566. Justinien étant mort le 13 ou le 
14 novembre 565, la mosaïque aurait été achevée à la fin de 
son règne, peut-être même au début du règne de son succes- 
seur. On pourrait pourtant lui attribuer cette œuvre d'art, 


(1) Pratum spirituale, cap. cexxvu, dans Migne, P. G., t. LXXXVII, 3, col. 
2988 sq. 

(2) Pour la mort du patriarche Pierre voir la Vita s. Sabae de Cyrille de 
Scythopolis dans Cotelier, Æcclesiae graecae monumenta, t. IT, p. 373, et surtout 
F. Diekamp, Die origenistischen Streiligkeiten im sechsten Iahrhundert, Munster, 
1899, p. 27-32. 

ORIENT CHRÉTIEN, 7 


98 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


car elle n'a pas été achevée du jour au lendemain. Nous ne 
connaissons pas d'higoumène du Sinaï en 565. Celui qui en est 
le plus rapproché, Grégoire, devenu patriarche d'Antioche en 
970, fut nommé higoumène du Sinaï (1) par l'empereur Jus- 
tin Il, par conséquent après le 13 novembre 565. Son supé- 
riorat se place donc entre ces deux dates 565 et 570 (2). Rien 
ne s'oppose à ce que le Longin désigné dans la mosaïque de 
la Transfiguration, l'ait précédé dans cette charge. Dans cette 
hypothèse, Longin serait mort peu après l'achèvement de Ia 
mosaique. 

Cette fixation de la date repose, je le répète, sur l'hypothèse 
que la mosaïque remonte au règne de Justinien. S'il en était 
autrement, l'indiction XIV ne prouverait rien du tout et pour- 
rait s'appliquer à toute autre date. Mais une conclusion s’im- 
pose cependant, c'est que l’année 550-551 étant écartée défini- 
tivement, notre mosaïque date au plus tôt de l’année 565-566. 
C'est le {erminus a quo, au delà duquel on ne saurait re- 
monter; par ailleurs, nous avons vu que, pour le {erminus ad 
quem, l'on pouvait descendre jusqu'au vin‘ siècle. 

Constantinople. 
Siméon VAILHÉ, 


des Augustins de l’Assomption. 


(1) C’est l'historien Évagre, ami et confident du patriarche Grégoire, qui nous 
donne ce renseignement, Æist. ecel., lib. VI, dans Migne, P. G., τ. LXXXVI, 2, 
col. 2804. 

(2) L'higouménat de Grégoire au Sinaï à été très court, nous le savons par 
ailleurs, Moschus rapporte qu’il était encore higoumène de Pharan, près de Jé- 
rusalem, six ans avant de devenir patriarche, donc en 564. Pral. spir., cap. 
CxxxIx. Après le monastère de Pharan et avant celui du Sinaï, Grégoire di- 
rigea le monastère des Byzantins, sur le mont des Oliviers, d’après Evagre, 0}. 
el loc. cit. 


IT ἊΣ 
4 y 


ER 2009077 


MÉLANGES. 09 


ΠῚ 


UNE ANCIENNE TRADUCTION LATINE DU BÉLINOUS 
_ ARABE (APOLLONIUS DE TYANE) 


FAITE PAR HUGO SANCTELLIENSIS ET CONSERVÉE DANS UN MS. 
DU ΧΙ SIÈCLE 


Il existe de nombreux manuscrits arabes qui renferment « le 
secret de la créature » du sage « Belinous ». M. de Sacy à ana- 
lysé l’un d'eux dans le tome IV des Mofices et extraits des 
manuscrits de la Bibliothèque nationale, Paris, an 7. C’est 
un ouvrage grec qui à été traduit en syriaque par le prêtre 
« Sadjious »; la version syriaque fut traduite en arabe par Ho- 
nain ben Ishaq: enfin cette dernière version fut traduite en 
hébreu et se trouve en particulier dans le manuscrit hébreu 
1016 de Paris. 

Il est fort probable que ce prêtre « Sadjious » est Sergius de 
Reschaina, prêtre monophysite et médecin, qui fut l'un des 
premiers et des plus féconds traducteurs syriens (+ 536). On 
sait d’ailleurs que ses traductions furent revisées et mises en 
arabe par Honein ibn Ishak au 1x° siècle (1). C’est bien ce qui ἃ 
eu lieu pour cet ouvrage-ci. 

M. de Sacy qui n’identifie pas « Sadjious » eut du moins le 
mérite d'identifier « Bélinous » (3) et de montrer qu'il fallait 
lire « Apollonius de Tyane ». Car dans le ms. de M. de Sacy 
(arabe 2302) l’auteur dit être né à Tuayah, et M. de Sacy ἃ pro- 
poséavec raison (p.107-113) de lire Tuanah ou Tyane. L'illustre 
auteur aurait pu abréger sa longue démonstration et la ren- 
dre beaucoup plus péremptoire s’il avait consulté les deux 
manuscrits arabes n° 2300 et 2301 plus anciens que le sien 
(du xu° et du xiv* siècle) qui portent (fol. 3 r°, 1. 5 en rém. et 
fol. 2 v’, 1. 2), Tuanah ou Tyane sans aucun doute possible. Il 
est donc certain que l'ouvrage est attribué à Apollonius de 


(1) Cf. Rubens Duval, La littérature syriaque, Paris, 1899, p. 274. 
(2) Il propose du moins de lire « Sergius », p. 138-139. 
(3) On avait lu : Belinas et Pline (p. 107); ou Folonous, Félinous (p. 112). 


100 © REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Tyane. Avant d'étudier le bien-fondé de cette attribution, nous 
allons faire connaître une ancienne version latine, œuvre de 
Hugo Sanctelliensis et conservée à Paris dans le ms. latin 
13951 du χη" siècle (1). 

Notons d'abord que ce traducteur semble avoir été très fé- 
cond. Il en est fait mention dans Steinschneider, Die hebraei- 
schen Uebersetzungen der Mittelalters, Berlin,1893,p.566,567, 
974. Il ἃ, du moins, traduit un ouvrage d'Albumazar et écrit un 
commentaire sur Alfergani. Il est appelé Hugo Strellensis, 
ou Sanctalliensis, ou Satiliensis, ou Sanccalensis. Il est peut- 
être antérieur au ΧΙ“ siècle, car le ms. 13951 n'est déjà qu’une 
transcription de sa traduction. Cf. infra, p. 105, note 1. Il sem- 
ble aussi qu'il ἃ traduit sur l’hébreu et non sur l'arabe, car Tua- 
nah est devenu thawaca (ou tuaca) et ce changement de » en 
c ne s'explique ni par une faute d’arabe ni par une faute de 
latin, mais seulement par une mauvaise lecture de l’hébreu 
(caf pour noun). 

Le ms. latin 13951 est formé d'une couverture et de 31 feuil- 
lets. 

La couverture porte au recto quelques notes de première 
main à peu près effacées et le titre suivant écrit de seconde 
main : Liber de secretis naturae el occultis rerum causis 
quem transtulit Apollonius de libris Hermelis Trimegesti. 
Au verso, elle porte de première main deux courtes notices sur 
Hermès et sur Apollonius, deux recommandations au lecteur 
de prendre soin du livre, un arbre généalogique des sciences 
avec un dessin au trait représentant un homme assis dans un 
fauteuil et tenant un livre sur lequel on lit: Apollonius lle 
magnus. Le premier feuillet porte de main récente au haut : 
Hermetis Trimegisti liber de secretis naturae et occultis 
rerum causis ab Apollonio translatus (2), et au bas : Sancti 
Germani a Pratis, n. 1434, olim 674. 

La traduction porte le titre (cf. Nofices, p. 115) : 


(1) Ms. sur parchemin; 21 sur 14 cent.; 31 feuillets; écriture très fine et très 
serrée, 43 à 46 lignes par page, titres et initiales en rouge. Quelques initiales sont 
en bleu. — Le ms. latin 13952 est une copie du précédent faite au xvn° siècle 
sans doute à Saint-Germain des Prés d’où il provient aussi. 

(2) L'auteur de cette note n’a fait que reprendre la note plus ancienne écrite 
sur la couverture. 


MÉLANGES. 101 


Incipit liber Apolloniti de principalibus rerum causis, el primo de cae- 
destibus corporibus et stellis et plantis, et etiam de minertis el animantibus, 
tandem de homine. 

In hujus voluminis serie eam principaliter tractaturus sum disciplinam 
ex qua philosophorum antiquissimi suscepta narrationis protulerunt exor- 
dium, ut meae intentionis agnita prudentia et ad vestram aspirare valeat 
intelligentiam et intimam pulsare discretionis naturam. Cujuscumque ergo 
naturalis intentio hujus sermonis capax extiterit, eam accidentalis et quasi 
extraneae sollicitudinis incursu liberam velut ἃ somno excitari palam est... 
($. p. 116) (1). Ego itaque Apollonius in praestigiis admirandus, multimodo 
secretiori dogmatis genere praecellens..… Intrinseca riamque sensuum 
munera, cujusmodi sunt sensuum cogitatio, discretio, subtilitatis perspi- 
cacia, secundarium contemptus et voluntas, quidquid ab extrinsecis re- 
cedit eosque latet affluenter agnoscens, quaecumque etiam coloris, audi- 
tus, gustus, odoratus, et tactus exteriores atque corporei sensus exterius 
contingunt.… < 

(5. p. 118-119). Me de familia Afhawaca (2) progenitum, tanquam qui 
opibus careat, facultatibus egeat, copias abesse defleat, geminae tandem 
orbitatis urgente incommodo humanae sortis ritibus egenum et inconsulte 
victurum exposuit.. sic ait : Eia, Apolloni, surge et per subjectos meatus 
ad dignoscenda geniturae secreta ingrediens, totius naturae vim efficacem 
omni ambiguitate remota licebit attendere. 

(S. p. 120). Hic sunt geniturae arcana ac principalis rerum omnium 
Causa. 

(P. 121, note s.). Graecorum tamen antiquissimi Aries atque Elus (3) 
quarumdam rerum causas, nonnullis relictis assignantes.. (P. 122) Nihilo- 
minus quoque Astalgelis et Us (4) cuidam, de conceptionis et nativitatum 
causa sed etiam de quinque corporis sensibus disputantes.. (P. 128-129) Ex 
eorum, inquam, judicio, qui calidum dicant frigidum ; humidum siccum, 
siccum frigidum, et humidum calidum, sicque omnia haec in ejusdem rei 
corpus necessario transeant. Verum cum dicis calidum, reliqua tria : fri- 
gidum, siccum vel humidum inconveniens est nominari. Hoc itaque argu- 
mento correpti, ipsas quatuor proprietates universaliter tollunt, coloribus 
necne atque odoribus contradicere non verentur. [ἢ qua re, ejus multitu- 
dinis quam plures ab invicem dissentire constat. De quorum fermento 
sermo varius et discors sententia, quam in hoc volumine ut explosam 
recenseo, profecto manavit. Ab his rursum deviat Thalissus (5), hoc tantum 
esse asserens quod visui subjacet, et quod triplici sono aure percipitur. 


(1) La lettre 5. renvoie à la notice de M. de Sacy. . 

(2) Tuaya (de Sacy) et Tuana dans deux autres mss. arabes. Ce changement 
du noun en caf ne nous paraît explicable que si l’on suppose la traduction latine 
faite sur un texte hébreu. 

(3) Arsas et Aïlous (de Sacy). 

(4) Astensakhlas et Khirous (de Sacy). 

(Ὁ) L'une... avait pour chef un nommé Mathious, l’autre, dont le chef se nom- 
mait Thayousous. ὃ. 


102 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Huic vero sectae multi de Ægyplo, praecipue quos apud Fiwen (1) Tulau- 
rus (2) magus docuit et qui ἃ Platone Ægyptio apud Hawen (3) sammam 
adepti sunt disciplinam, 


(S. p. 130). On ne trouve pas ici (fol. 5 r°) les quelques li- 
gnes : « ce que nous venons de dire est tiré de l'interprétation 
du livre des Causes, faite par le prêtre qui demeurait à Balès 
et y faisait sa résidence, mais voilà les propres paroles de Bé- 
linous ». Par contre, ou trouve un chapitre second : De confir- 
manda unitate el de rerum exordio qui renferme dès la 
quatrième ligne la prière d’Apollonius. 

(S. p. 131). Le latin renferme l’histoire de Baheth (fol. 5 v°- 
6°r) mais sans aucun nom propre. 

(5. p. 138-139). On ne trouve pas encore dans le latin les 
lignes : « Au nom de Dieu, clément et miséricordieux; ce com- 
mencement a été écrit par le prêtre qui ἃ interprété l'ouvrage 
du sage Bélinous », ni toute la suite. On peut donc se demander 
si ces lignes n'ont pas été ajoutées par un auteur arabe musul- 
man qui débute par la formule : « Au nom de Dieu clément et 
miséricordieux » et veut expliquer comment un ouvrage attri- 
bué à Apollonius de Tyane (+ 97) peut faire mention de Bar- 
desane (+ 222). | ( 

Ces extraits suffisent déjà pour montrer qu'il s'agit bien de 
l'ouvrage arabe, que la traduction latine, par la déformation 
des noms propres, a été faite sur une version orientale, qu'elle 
paraphrase beaucoup et présente aussi un certain nombre 
d’omissions. A partir. d'ici, je relève seulement tous les titres 
pour permettre d'identifier des fragments que l'on aura peut- 
être la chance de découvrir ailleurs. 


(8 v°) (4). Zncipit liber secundus ; de compositione caelestium circulorum 
de stellarum et de mineriarum exordio (9 v°), quare plures circuli; unde 
saturnialis circulus ; undeJovialis ; unde Martis circulus ; unde Solaris ; unde 
Veneris circulus; (10 r°) Unde Mercurialis; unde Lunaris circulus; De 
constitutione ὙΠ planetarum (S. p. 146) (5) : de Saturno, de Jove, de Marte, 


) Principalement à Holwan et parmi les habitants de Misr et de Fayoum.S$. 
) Taryoukas. 5. 
) Holwan. 5. 

(4) Nous donnons la pagination du manuscrit pour montrer déjà quelle est la 
longueur relative des divers chapitres. 

(0) La traduction latine est toujours assez différente de la traduction francaise. 


(1 
(2 
(3 


MÉLANGES. 103 


de Sole, de Venere, de Mercurio, de Luna; de fixis stellis; de tonitruo;, 
de coruscatione; (10 v°) de iri; de circulis circa solem et lunam apparen- 
tibus ; de triformi rerum ortu; de mineriis;, de germinantibus; de ani- 
mantibus; De vis metallorum generibus : de plumbo, (11 r°) de stanno, 
de ferro, de auro, de aere, de vivo argento, (11 v°) (1) de argento; (1? r°) 
quare diversis in locis mineria oriantur; quomodo omnia corpora ex vivo 
argento ducant exordium ; quomodo plumbum ex vivo argento procedat ; 
quomodo stannum ex eodem; (12 ve) quomodo ferrum ex eodem; quo- 
modo aurum ex eodem; quomodo aes de eodem; (13 r°) Item de vivo ar- 
gento sed plenius; (13 v°) (2) de sulfure; de lapidibus et eorum causa; de 
jacincto; (14 r°) de Smaragdo; de adamante; de candidis lapidibus et 
primum de cristallo; (14v°) de gypso; de aereis lapibidus ; de ferreis lapi- 
dibus, cujusmodi sunt magnesia et ematites; de utroque auri pigmento; 
(15 r°) de alkohol et gipso nigro, litargiro; de sale, alumine et atramento; 
de sapore; de odore; de claritate; de bituminum genere. (15 v°) De vi- 
tro ; quare liquescat; quare haec tardius illa citius liquefiant ; quae sit cal- 
cinandi occasio; quare non calcinantur quaedam. 

(16 r°). Zncipit liber tertius ; De nascentium causa. 

(16 v°) De universis graminis generibus eorumque causis; (17 v°) De 
causis et origine nascentium ; (18 r°) de naturis quatuor quos elementorum 
facit adiunctio; unde aer; unde aqua; unde terra; (18 v°) De his quae 
inter ortus praedictos generantur et corallus et ostrea; De corallo; De con- 
chilibus; De plantis et omnium germinantium ortu; De cannis; (19 r°) 
unde solida; unde habeant nodos; unde ramos, unde multiplices nodos; 
De radicibus; (19 ve) De ramis; unde viror in arboribus (3); unde color 
croceus; unde rubor; quare decidant folia (4); (20 r°) quare denuo rena- 
scantur ; unde sit oleum; quare arbores utriusque sexus sint; De gumis; 
Unde spinae; (20 ve) Unde fructus; unde folia (5); unde fiat cortix; unde 
fiat testa vel palea; (21 r°) De fructuum diversitate et granis intro (0); De 
testa; De aqua candida, de rubicunda ; 


Il est possible qu'il y ait encore une lacune dans la traduc- 
tion, car on ne trouve pas de livre quatrième, mais bien : 


Elle porte ici : Singuli vero circuli, eo exceplo qui Lunae est, singulis pariler 
dilari meruit sideribus. Stellarum namque numerositas dispersionem injecil, for 
mamque non triangulam nec quadralam, sed astris digniorem globosum videlicet 
subierunt, etc. 

(1) S. p. 151. La traduction latine présente une lacune, car latin 10 r° corres- 
pond à arabe 25 v° et latin 11 ve à arabe 53 v°. 

(2) S. 192-153. 


(3) Cf. Aristote, De plantis, Il, ch. vur : « d’où vient la couleur verte des 
plantes ». 

(4) Zbid., ch. 1x : « pourquoi les feuilles des plantes tombent ou ne tombent 
pas ». 


(Ὁ) 5. p. 154. Voir aussi des idées analogues dans Aristote, De plantis, 11, 
ch. νι : « Comment naissent les fruits, les fleurs et les épines ». 
(6) Cf. 5. p. 155. 


104 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Explicit de germinantibus et prologat capitulum quintum. 

(22 r°) Incipit de animantibus et de homine; (23 r°) Quod homo rebus 
omnibus inveniatur similis; Quae sit inter animata et inanimata cognitio ; 
unde avium genus ungues mereatur; qua ratione ova pariant; (23 v°) 
quare matrice careant; quare non mingant; unde in ovo testa, vitellus et 
albutum ; Quare pectus habeant acutum; quare tibias graciles ; Unde pen- 
nas habeant; Unde tibiarum longitudo, quare dentibus careant et vesica; 
unde ovorum rotunditas : (24 r°) Unde fiant ossa in avibus; quare ova in 
ventre pendeant, Unde rostrum, venas atque nervos; quare non masti- 
cant et tamen citius digerunt; quare forma piscium caeteris animalibus 
longior, cum manibus careant et pedibus ; (24 v°) quare pars hominis in 
aere, pars in terra conversatur; quare avium conversatio in aere; quare 
homines non tamen caetera animalia monitore indigeant; (25 r°). unde 
mors in homine; (25 v°) quod anima nullum subeat incrementum sed 
corpus ; unde capillorum canities ; quomodo homo ut caetera animalia non 
habeat caudam ; (26 r°) Cur virgam et testiculos exterius assumpsit; unde 
cauda in avibus; Unde fiat humanae capitis rotunditas ; unde foramina in 
humano capite; Unde fiant cornua; De ungularum rotunditate; (26 v°) 
Quare animalium quaedam herbis, quaedam carnibus, alia vero seminibus 
pascantur; quod homo universorum viventium alatur cibariis; (27 r°) De 
saporibus et primum de dulci; unde amarus; unde salsus; unde acutus: 
unde acidus; Item de saporibus; quare homo quod dulce est appetat et 
amarum devitet; quare visus remotiora quam auris percipiat; (27 v') 
Unde lumina; quare novem sapores ex tribus procedunt ; (28 r°) De colo- 
ribus; (28 v°) Quod odores ad saporum ordinem referantur et modum: 
quare et saliva redundat; unde sit gustus (1); (29 r°) Quare animantia 
pilis undique vestiantur; unde pili nigrescunt; unde fiant candidi; unde 
caput plurimos habeat capillos (2); unde fiant crispi; unde planities et 
lenitas; De capillorum fluxu; quare manus et pedes pilos retinere non 
possunt; unde fiant ungues; (29 v°) Unde in unguibus candor; quare homo 
virgam exterius habeat; quare pueri sunt imberbes; unde pupillarum sit 
nigredo; unde circa eamdem albedo: Quare homo superius in capite et 
non inferius ea assumpsit foramina; quare animalia gemino posterius 
iuventur foramine; quare in mulieribus matrix; (30 r°) Unde mamillas 
habeant; quare pueri dentibus careant (3); Unde dentium pluralitas ; unde 
candor in dentibus; unde dentium mutatio; quare non nascituri dilaban- 
tur; De digitorum divisione ; Unde oscitatio, sternutatio et tinnitus aurium; 
quid faciat pororum (les pores de la peau) diversitas; De humani corporis 
compositione; (30 v°) De diverso parturiendi tempore; (31 r°) unde can- 
didi; unde croceus. 


(1) Comparez les problèmes d’Aristote, sur les sens, sections 31 à 38. Ils diffèrent 
mais sont beaucoup plus nombreux et tous procèdent d’aberrations analogues. 

(2) Cf. Aristote, Histoire des animaux, II, x1, « des poils et de la peau ». On 
trouve dans ce traité des problèmes analogues à tous ceux-ci. 

(3) S. p. 159. Les trois questions suivantes figurent en S. p. 196. 


MÉLANGES. 105 


La finale qui vient ensuite diffère encore de l'arabe (5. p. 157). 
Il n'y est toujours fait aucune mention du prêtre Sergius et les 
paroles que l'arabe lui attribue sont attribuées dans le latin à 
Apollonius. 


His igitur quaeque proposita fuerant executis, quidquid de secretis 
naturae et agnitionis rerum Apollonius hoc in libro exposuit, et nos con- 
grua expositionis luce perfundimus, paucis tamen exceptis, ad quorum 
intelligentiam, quoniamwminime potuit aspirare intentio, verbo ad verbum 
transmutata ed idoneum. Apollonius enim in sui volu- 
minis fine sic ait: Omnem eam de occultis rerum causis disciplinam quam 
Hermetis liber continebat, mihi et filiis meis et philosophorum stirpe 
cuippiam (1) ad plenum hoc in volumine descripsi; ea videlicet 
conditione et sub anathematis edicto ne cuiquam minus sapienti et indigno 
ad hunc sapientiae Thesaurum patescat accessus. Haec enim secreta Her- 
metis, qui ut ab his homines minus eruditos arceret, secum et intra ma- 
nus proprias inscripta, ut supra dictum est, sepeliens et desuper sta- 
tuam erigens, pervios universis minus discretis negavit accessus. Quae 
quisquis observare diligenter studuerit totius philosophiae inter contem- 
poraneos obtinebit ducatum. Haec autem sunt verba quae in fine volumi- 
nis Apollonius sine omni expositione descripsit. Ait enim : Subterraneam 
criptam ingrediens, tabulam Smaragdinis inter Hermetis manus, hac ver- 
borum intricata veritate, descriptam inveni, superiora de inferioribus, 
inferiora de superioribus. Prodigiorum operatio ex uno quemadmodum 
Omnia ex uno eodemque ducunt originem una eademque consilii admi- 
nistratione cujus pater Sol, mater vero Luna. Ea ventus in corpore suo 
extollit, terra fit dulcior. Vox ergo praestigiorum, filii, prodigiorum opifices 
discretione perfecti, si terra fiat eam ex igne subtili, qui omnem grossitu- 
dinem et quod hebes est, antecellit, spaciosus et prudentia et sapientiae 
industria eduxit a terra, ad caelum conscendet, a caelo ad terram dilabitur, 
superiorum et inferiorum vim continens atque potentiam. Unde omnis ex 
eodem illuminatur obscuritas, cujus videlicet potentia quicquid subtilis est 
transcendit, et rem grossam totum ingreditur. Quae quidem operatio se- 
cundum majoris mundi compositionem habet subsistere. Quod videlicet 
Hermes philosophus triplicem sapientiam vel triplicem scientiam appellat. 

Explicit liber Apollonii de secretis naturae et occultis rerum causis, 
Hugonis Sanctelliensis (2) translatio, VI partitionibus discretus. 


Le fond de l'ouvrage est donc formé par ces creuses spécu- 
lations sur la recherche des causes auxquelles tant de philo- 


(1) Le ms. laisse ici la place d’un mot avec renvoi en marge où l’on trouve un 
mot illisible, qui semble le fac-similé du mot que portait l'original. Ceci suffit à 
prouver que le ms. 15%51, du xu° siècle, n’est déjà qu’une transcriplion de la tra- 
duction latine. 

(2) C’est la lecture du 13952. On pourrait aussi bien lire Sancrelliensis. 


106% REVUE DE.L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sophes depuis Aristote jusqu'à Descartes (1) ont consacré leurs 
loisirs. L'auteur nous apprend en plusieurs endroits qu'il à 
utilisé des ouvrages d'Hermès Trismégiste. Quel est cet auteur? 
— Si l'on met au compte du traducteur Sergius les locutions 
et les passages postérieurs au premier siècle qui sont nom- 
breux, surtout au commencement de l'ouvrage, il est certain 
que la version arabe nomme Apollonius de Tyane. Si cependant 
on pouvait mettre encore au compte d’un traducteur l'unique 
passage où il est question de Tyane, l'auteur serait peut-être 
Apollonius de Laodicée « qui dans ses cinq livres accuse les 
Égyptiens de s'être trompés avec les levers des signes du Zo- 
diaque (2) ». 

Car le présent ouvrage paraît divisé en cinq livres; c'est la 
division de la version hébraïque et même du latin, car sa der- 
nière division est: Prologat capitulum quintum; plusieurs 
pages sont dirigées contre les Égyptiens (cf. S. p. 128-130); 
enfin les passages qui semblent chrétiens et ceux où il est 
question de Marcion et de Bardesane pourraient provenir de 
l’auteur sans qu'on ait à les mettre au compte du traducteur. En 
un mot c'est un ouvrage d’Apollonius de Tyane énterpolé, ou 
plutôt un ouvrage d’Apollonius de Laodicée dans la traduction 
arabe duquel on a introduit à tort en un endroit le mot Tyane. 


r F. NaU. 


(1) On ne connaît guère de Descartes que le traité de la Méthode et la Géomé- 
trie. Il faut lire le traité « des passions » pour voir à quelles élucubrations la phi- 
losophie l’a conduit. Citons le commencement de son explication de la haine : 
« En la haïne la première pensée de l’objet qui donne de l’aversion conduit tel- 
lement les esprits qui sont dans le cerveau vers les muscles de l'estomac et des 
intestins, qu’ils empêchent que le suc des viandes ne se mêle avec le sang en 
resserrant toutes les ouvertures par où il ἃ coutume d’y couler; et elle les con- 
duit aussi tellement vers les petits nerfs de la rate et de la partie inférieure du 
foie, où est le réceptacle de la bile, etc., etc. ». Œuvres choisies de Descartes, 
édition Garnier, Paris, p. 235-236. 

(2) Fabricius, B. G.,t. IV, p. 240. Cette phrase de Paul d'Alexandrie se trouve 
dans le ms. grec de Paris, n° 1991, au fol. 83. 


BIBLIOGRAPHIE 


ERWIN PREUSCHEN, Urchristentum im Orient von F. Crawford Bur- 
kitt, Tubingue, 4. C. B. Mohr, 1907. 8, vi-160 pages. 


M. Kugener a déjà fait connaître l’ouvrage anglais de M. Burkitt dans 
l'Orient Chrétien (1906, p. 217). Il nous suffira de signaler aux lecteurs qui 
préfèrent la langue allemande l'excellente traduction qu’en donne aujour- 
d'hui M. E. Preuschen. Le traducteur s’est proposé de donner un texte 
très lisible plutôt qu'une traduction servile, mais ἃ donné les versions du 
syriaque d’après les originaux. L'ouvrage a d’ailleurs été lu en manuscrit 
par M. Burkitt. 

Nous avons été heureux de retrouver dans cet ouvrage, sur le caractère 
et le rôle de Bardesane,.un bon nombre des idées que nous avions déjà 
émises en 1897 lorsque nous avons publié une traduction de la biographie 
conservée par Michel le Syrien, puis, en 1899, en tête de notre nouvelie 
édition du Livre des lois des pays. 

Notons, p. 107, que l’épithète de « gnostique » ἃ été donnée à tort à 
Bardesane ; par contre il était certainement « astrologue ». 

P. 110-111. Le Dialogue des lois des pays n’est pas « le dialogue sur le 
destin dédié à Antonin » dont parle Eusèbe. Car Eusèbe, qui cite le Dia- 
logue des lois des pays, dit explicitement qu'il emprunte son extrait « au 
Dialogue de Bardesane avec ses compagnons ». Nous avons mis ces mots en 
épigraphe sur la couverture dans l'espoir qu’ils frapperaient les yeux et 
qu'on ne verrait plus d'auteur écrire qu'Eusèbe emprunte cet extrait « au 
Dialogue sur le destin dédié à l’empereur Antonin », lorsque Eusèbe cite 
explicitement une autre source. À 

P. 129-130. On peut défendre et avec raison, je crois, que Bardesane 
après avoir été paien et astrologue au mauvais sens du mot est mort ortho- 
doxe. 

C’est en effet ce que nous dit Eusèbe, et Bardesane nous l’apprend lui- 
même (p.37, dern. ligne de ma traduction). Eusèbe nous dit encore que 
Bardesane ne se débarrassa pas complètement de ses anciennes erreurs ; 
en effet, le Dialogue des lois des pays donne encore trop d'influence aux 
astres, cependant il est d’une suffisante orthodoxie et d’un chrétien. Mais 
les disciples de Bardesane n’eurent sans doute pas la pondération de leur 
maitre et saint Ephrem put craindre de voir tous les cultes astraux de 


108 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


l'Orient entrer dans le christianisme par la porte de l'astrologie, d’où son 
excommunication. Les auteurs suivants, voyant toujours Bardesane placé, 
par saint Ephrem, entre Marcion et Manès, le traitèrent done comme ces 
deux derniers, tandis que les œuvres de saint Ephrem et même la Vie de 
Rabboula montrent les Bardesanites plutôt comme une école philosophique 
jusque-là orthodoxe que comme une secte dès longtemps hérétique (1). 


F. Nau. 


I. EPHREM IT RAHMANI, patriarche d’Antioche des Syriens, 5. Æphraemi 
hymni de Virginitate, chez l’auteur à Beyrout. 49, xvin, 142 et 136 pages, 
1906. 


Mer Rahmani, dont la Revue de l'Orient chrétien a déjà raconté les nom- 
breuses découvertes et publications (2), s’est attaché à reconstituer dans 
le présent volume des hymnes de $. Ephrem que leur mauvais état de con- 
servation avait rendues inaccessibles aux précédents éditeurs. Ces hymnes 
sontcontenues dans le ms. du Vatican n° 111 écrit en l’an 525, qui provient 
du monastère de Notre-Dame des Syriens en Égypte. Par malheur ce beau 
manuscrit, et bien d’autres achetés dans les mêmes conjonctures, tomba 
dans le Nil et bon nombre de passages ou même de pages paraissaient illi- 
sibles. M£r Rahmani, grâce à sa profonde connaissance de la langue syria- 
que, put en déchiffrer la majeure partie. Pour ceux qui lui échappaient il 
eut l’heureuse idée de chercher dans les livres d'office syriens et trouva, 
la plupart du temps, le moyen de combler les lacunes de sa copie. Son 
ouvrage en même temps qu'il nous restitue, d’après un ms. du vit siècle, 
des œuvres de saint Ephrem, est donc un travail de perspicacité, d’érudi- 
tion et de patientes recherches. 4 

Le titre ne donne pas une idée adéquate de la richesse du contenu, car 
les cinquante hymnes éditées par M£ Rahmani commentent aussi la plu- 
part du temps des passages de l’Ancien et du Nouveau Testament : les mys- 
tères du Seigneur, la tentation, Nazareth et Cana, Sichem, la Samaritaine, 
saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste, Marie, Marthe, Salomé, 
Loth, Jéricho, Jonas et Ninive, la Nativité et la Résurrection du Seigneur, 
etc. Comme les titres suffisent à le montrer, cet ouvrage ne contient au- 


(4) M. Burkitt nous permettra encore de lui donner un conseil, c’est de choisir ses 
exemples parmi les hommes de son entourage qu'il connaît bien. Ainsi il ne tombera 
pas dans le ridicule de comparer un Français — que nous connaissons beaucoup mieux 
que lui — à Bardesane. Ce Français (p. 431) n'a aucunement l'esprit scientifique, n’est ni 
exégète ni critique, mais vise à la philosophie, et il se trouve que sa philosophie n’est 
pas celle de beaucoup d’autres. En dernier lieu, attaché au Corpus pour le phénicien, il 
avait occasion de compiler, traduire, commenter toutes les inscriptions, et de publier 
des glossaires et grammaires. Mais, incapable de travail scientifique, ä ἃ donné sa démis- 
sion. Il préférait compiler, à l'usage du clergé catholique, les fantaisies philosophiques 
qui éclosent nécessairement autour de la Bible dans le cerveau des érudits libres de 
toute attache traditionnelle. Ses supérieurs l’ont prié de ne plus couvrir cette philoso- 
phie de sa robe et de choisir entre l’une ou l’autre. Ils ne pouvaient faire moins. Mais 
l'Église catholique ne porte entrave à aucun travail scientifique. 

(2) ROC, 1904, p. 285 à 288; 1905, p. 435 à 440. 


BIBLIOGRAPHIE. 109 


cune donnée historique ou scientifique. Ce sont de courtes phrases métri- 
ques concises, cadencées suivant divers rythmes indiqués (pages xIv-xv), 
par M£ Rahmani, qui cherchent ün peu de relief dans des oppositions ou 
des parallélismes constants et qui tournent toujours dans le cercle des faits 
bibliques. C’est bien là le type parfait du genre que saint Ephrem voulait 
imposer et a réussi à imposer pour supplanter les chants composés par 
Bardesane. Un index des mots nouveaux complète l'ouvrage. 

Mer Rahmani, au lieu du caractère jacobite fondu par Assémani et utilisé 
encore par l’Imprimerie nationale de Paris, emploie cette fois un bel es- 
tranghélo et n’a pas reculé devant un double tirage pour nous donner les 
titres en rouge. Le yod et le noun de cet estranghélo se ressemblent 
trop (1). L’exécution typographique est supérieure à celle des fascicules 
précédents, on voit que le savant patriarche a réussi à former ses compo- 
siteurs. Cette publication nous est donc de très bon augure pour la suite. 


ΕΞ Νάυς: 


E. MANGENOT, professeur d'Écriture Sainte à l'institut catholique de Paris, 
consulteur de la commission biblique, L'authenticité mosaïque du Penta- 
teuque, in-1?2, 334 pages. Paris, Letouzey et Ané, 1907. 


M. Mangenot commence par citer et traduire la décision prise le 27 juin 
1906 par la Commission biblique : Les objections faites à l'authenticité du 
Pentateuque n’ont pas une valeur probante, il n’est pas nécessaire ce- 
pendant que Moïse ait tout écrit de sa main, il a pu utiliser des documents 
préexistants et même des secrétaires ; enfin il n’est pas impossible qu'il se 
soit introduit quelques fautes de copistes ou altérations dans cet ouvrage. 
Ces prémisses du volume en forment aussi la dernière partie. On trouve 
auparavant un résumé des critiques et hypothèses imaginées autour 
du Pentateuque (p. 15-201), l'exposé de la thèse traditionnelle (p. 203- 
265) ; et la note théologique à donner à la thèse de l'authenticité mosaïque 
du Pentateuque. Nous n’aurons pas la présomption de porter un jugement 
personnel sur l’ouvrage, il nous suffira de dire que les nombreux comptes 
rendus que nous avons déjà lus lui sont en somme favorables etque les lec- 
teurs trouveront donc dans cet ouvrage, après un exposé consciencieux de 
tous les systèmes, la thèse catholique mise à la hauteur des résultats scien- 
tifiques acquis et à l'abri des fantaisies philosophiques. Nous avons entendu 
un exposé analogue dans un cours professé par M. Vigouroux, mais le vé- 
nérésecrétaire de la Commission biblique n’a pas suivi le même ordre dans 
Les livres saints et la critique rationaliste, tomell, où il n’expose une objec- 
tion que pour la réfuter aussitôt sans se préoccuper de synthétiser d’une 
part les objections et de l’autre la thèse traditionnelle. M. Mangenot ἃ 


donc pu écrire (p. 11) que cet exposé n'avait pas encore été fait en lan- 
gue française. 


(4) Cf. p. M8, 4, pol pour pol ; p.123, 30, cas POUT Ua ? 


110 __ REVUE DE. L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Pour terminer par un mot personnel, nous avouons ne pas comprendre 
comment certains hommes peuvent être troublés par les critiques adres- 
sées à la Bible et par les théories dites modernes. Ils ignorent sans doute 
qu’en dehors des millions de fidèles qui nourrissent leur âme de la lecture 
de la Bible, il existe plus d’un millier d'hommes qui l’épluchent toute leur 
vie pour en tirer la nourriture de leur corps et même des honneurs aca- 
démiques. Ce sont les ambitieux, professeurs d’herméneutique, d’exégèse, 
d’hébreu et dereligions comparées de toute secte et de toute race. Si, dans la 
croyance du peuple, il suffit d’un médecin pour faire mourir un malade, 
de quelle vie intense, disons surnaturelle, ne doit pas être douée la Bible 
pour résister à ce millier d'hommes qui en vivent et qui cherchent, par 
des dissections, des combinaisons, des comparaisons à y trouver matière à 
travail un peu nouveau, c’est-à-dire à honneurs académiques. 

Encore faut-il ajouter à ces médecins titulaires la foule des amateurs qui 
se jette sur la Bible comme sur l'étude la plus propre à faire sensation sur 
les contemporains et la plus facile. C’est la plus facile à cause non seule- 
ment des monceaux de commentaires écrits depuis Origène, mais surtout 
à cause des grammaires, des lexiques et des concordances des mots hé- 
breux, des mots grecs et des mots de la version latine. Ces concordances 
font connaître en un instant la place de chaque mot et de chaque idée et 
permettent donc de construire en quelques heures un certain nombre de 
pilotis bourrés d’érudition sur lesquels on élèvera un édifice tout d’imagi- 
nation. Ajoutons, pour terminer, que c’est bien un médecin — car telle était 
la profession d’Astruc — qui a trouvé le premier l'hypothèse des documents, 
élargie et embellie depuis lors, mais dont vivent au fond tous les critiques 
dits indépendants. 

Au fond,c'est une idée ἃ priori qui dirige toutes les discussions, car les 
points de comparaison sont trop peu nombreux et trop incertains. Le même 
argument philosophique, basé sur de menus faits glanés dans la Bible, n’a 
pas la même valeur aux yeux d’un matérialiste, d’un spiritualiste et d’un 
chrétien. C’est perdre son temps que de les lire, car leur conclusion est 
connue d'avance (1). 11 ne faut pas oublier que nous sommes en possession, 
nous n'avons donc pas à prouver l'authenticité; ce sont les adversaires qui 
ont à prouver la non-authenticité et il suffit qu'une chose déclarée par eux 
incompréhensible ou impossible soit comprise de nous ou ait étéréalisée, ne 
serait-ce qu'une fois, pour que l'objection — tout en restant objection — n'ait 
aucune valeur probante. 

Nous avons lu que pour contrôler l’objectivité du déchiffrement des cu- 
néiformes, on ne s’est pas borné à soumettre à trois savants un texte déjà 
traduit, car la paresse seule aurait pu suffire àleur faire déclarer la traduc- 
tion excellente, mais on leur ἃ fait traduire séparément un même texte et 
on ἃ comparé leurs traductions qui se sont trouvées .concordantes. De 
même je n'attacherai aucune importance objective aux critiques du Pen- 
tateuque (2) jusqu'au jour où trois hommes intelligents : un matérialiste, 


(4) Excepté chez les inconscients qui ne voient pas la portée de ce qu’ils écrivent. 
(2) Ces critiques par contre m'ont intéressé jadis au point de vue « mécanique », lorsque 


BIBLIOGRAPHIE. LA 


un spiritualiste et un protestant (ou catholique) rédigeront en même 
temps de la même manière un point decritique biblique de quelque im- 


portance. 
F. Nau: 


LIVRES NOUVEAUX 


I. — A. MaLvy, La réforme de l'Église russe. Paris, 1906, 48 pages, 0 fr. 50. 

C’est un extrait des Études des ΒΒ. PP. jésuites des 20 avril et 5 mai 1906. 
Il y a jalousie, rivalité et lutte en Russie entre le clergé séculier auquel 
le mariage est permis et le clergé régulier auquel le mariage est défendu 
mais qui fournit tous les évéques et les hauts dignitaires. De plus les 
laïques, soit par un zèle sincère, soit seulement par haine de l’autocratie, 
réclament pour l’église la liberté canonique mais veulent prendre part 
eux aussi aux futurs conciles. Nous avons vu chez nous des mouvements 
analogues : vers 1790, c’est le clergé qui rendit la Révolution possible en 
s’unissantau Tiers-État et il fut la première victime — nous pourrions dire 
la victime perpétuelle — de la Révolution; il en sera probablement de 
même de l’église orthodoxe russe. Les velléités de réformes la conduiront 
à l’anarchie puis à la débâcle. 


Il, — Pyzantina Chronica, tome XIII, fasc. 1, Saint-Pétersbourg, 
1906, &, 256 pages. 

Ce fascicule de la Revue Byzantine Russe contient trois travaux : sur la 
biographie de saint Jean le Miséricordieux, la source grecque de la version 
bulgare de Georges Hamortolos et sur la langue du poème Erotokritos, 
composé par Vincent Cornaro au xvie siècle (p. 1-113). Viennent ensuite 
des comptes rendus, deux notes de M. E. Kurtz par Pséllus et sur le mo- 
nastère Esphigmenu (p. 113-240), puis une chronique sur les travaux en 
1905 de l'institut archéologique Russe de Saint-Pétersbourg et des mé- 
langes. 


IT. — Slavorum liltterae Theologicae conspectus periodicus. Prague, chez 
Rohlicek et Sievers. Revue trimestrielle, 7 fr. 50 par an. 

Les travaux publiés en langue slave nous sont et nous seront longtemps 
peuaccessibles, car nous ne sortirons pas facilement du cycle des langues 
néo-latines, germaniques et sémitiques. Des professeurs autrichiens placés 
au confluent des mondes slave, germanique, sémitique et latin ont done 
entrepris, depuis 1905, de signaler et de résumeren latin les travaux 


M. Vigouroux nous faisait constater l’évolution assez logique de l'hypothèse du méde- 
cin Astruc sous les efforts combinés de tous ceux qui s'étaient engagés dans son ornière 
et les petits procédés — toujours les mêmes — mis en usage pour justifier les décomposi- 
tions et les rajeunissements. Ces procédés pourraient être appliqués ἃ un ouvrage quel- 
conque et constitueraient un amusement inoffensif. Pourquoi en réserver le monopole 
à la Bible ? 


Re APRES FTP sTas DE ΑῊΝ 4 


112 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


slaves relatifs à la théologie. Nous souhaitons voir éclore une revue ana- 
logue pour les travaux historiquesetphilologiques. 


IV. — PAVEL GIDULIANOV. MurponoauTst BB ΠΘΡΒΡΙΟ TPM BbKA Χρποτὶδᾶ- 
ποτὰ (Les métropolites dans les trois premiers siècles), Moscou, 1905, vu- 
378 pages avec une carte. 

Après une introduction sur l’origine et l’évolution de la hiérarchie ecclé- 
siastique l’auteur traite en quatre livres : 1° des divisions ecclésiastiques 
(p. 25-116); 2° des conciles (p. 117-180), tant ordinaires, à l’image du con- 
cile des apôtres à Jérusalem, qu’extraordinaires pour la désignation des 
nouveaux évêques; 3° des métropolites durant les trois premiers siècles 
(p- 181-238) et d’abord de l’évêque de Rome auquel l’auteur reconnait déjà 
une juridiction universelle moins de 70 ans après la destruction de Jérusa- 
lem ; 4° des métropolites après le concile de Nicée (p.239-378); l’auteur uti- 
lise surtout la division des provinces faite par Dioclétien et les divers cata- 
loguesdes évêques qui assistèrent au concile de Nicée. En somme l’auteur 
a composé un ouvrage solide et bien documenté. 


V.— Cultura Española. Revue trimestrielle, Madrid, San Vicente, 56. 
Prix : 10 pesetas (15 hors de l'Espagne). 

Cette revue, qui a pris la suite de la Revista de Arragon, vient de termi- 
ner sa première année (1906, 8; 1324 pages). Chaque numéro comprend 
six sections : 1° Histoire, dirigée par R. Altamira et E. Ibarra Rodriguez; 
20 Littérature moderne, par E. Gomez de Baquero et ἢ. D. Perés ; 3° Phi- 
lologieet Histoire littéraire, par R. Menéndez Pidal; 3° Art, par V. Lam- 
pérezet E. Tormo y Mouzo; 5 Philosophie, par A. Gomez Izquierdo et 
M. Asin y Palacios; 6° Varia. Questions internationales par G. Maura y 
Gamazo ; militaires par J. Ibañez Marin; pédagogiques par Julien Ribera. 
C’est donc, tant pour la variété des matières traitées.que pour le nombre 
τ de pages, une véritable encyclopédie fort utile à quiconque veut suivre le 
mouvement des idées en Espagne. 


Le Directeur-Gérant : 
F. CHARMETANT. 


Typographie Firmin-Didot et C!°. — Paris. 


. Tome 1V. — Fasc. 3. — Histoire nestorienne inédite (chronique de Séert), 
texte arabe publié par M Anpaï SCuER et traduit en francais par plusieurs 
orientalistes. Prix : 6 fr. 20; /ranco, 6 fr. 70 (pour les souscripteurs, 3 fr. 90 ; 
franco, 4 fr. 40). δι 
Fasc. 4. -- Recueil de monographies, — ΤΙ. Histoire de 5. Pacôme, 
texte grec inédit des ms. de Paris 881 et suppl. 480, avec une traduction fran- 
çaise de la version syriaque et une nouvelle classification des sources grecques: 
II. Histoire de 5. Jean Baptiste et miracle de 5. Michel à Colosses, 
d’après un palimpseste du vine siècle, par MM. J. BOUSQuET, vice-recteur et 
professeur de grec à l’Institut catholique de Paris, et F. Nav. 


Fasc. 5. — The hymns of Severus of Antioch and others in the syriac 
version of Paul of Edessa as revised by James of Edessa ; texte syria- 
que, traduction anglaise par E.-W. Brooks. 


Tome V.— Fasc. 1. — Histoire des patriarches d'Alexandrie (suite), par 
B. EVETTS. 
Fasc. 2, — Recueil de monographies. — IV. Les Plérophories de 


Jean, évêque de Maïouma, texte syriaque inédit, traduction francaise 
par F. Nav. ù 


DE NOMBREUX OUVRAGES SONT EN PRÉPARATION. Mentionnons : 


Théodore le Lecteur. Histoire tripartite, texte gréc inédit avec la version la- 
tine d’EÉpiphane Cassiodore, édité par D. SEREUYS, directeur adjoint à l’école 
des Hautes Etudes. 


_ L'Oraison funèbre de Basile le Macédonien, texte grec, traduction francaise 
par D. SERRUYS. 


Les Apocryphes Coptes (fascicule Il), par E. REVILLOUT. 
Vies de Sévère, introduction, commentaire, index et tables, par M.-A. KUGENER. 


Chronique de Mahboub (Ἀγάπιος) le Grec, fils de Constantin, évêque de 
Menbidj (x° siècle), texte arabe, traduction française par A.-A. VASILIEV, pro- 
fesseur à l'Université de Dorpat (IOprers). 


Coptic Texts relating to Ecclesiastical history (mostly unpublished), edited 
with English translation by W.-E. Cru. 


Les versions arabes des Apocryphes Apostoliques : — I.LeTestamentum 
D. N. 7. G., texte arabe inédit, traduction française par 5. B. Ms ΠΑΗΜΑΝΙ; 
L. DESNOYERS et P. Dig. — II. Les Canons des Apôtres, texte arabe en majeure 
partie inédit, traduction française par MM. 1. PÉRIER et J.-B. PÉRIER. — ΠῚ. La 
Didascalie, texte arabe inédit, traduction française par P. CHÉBLr. 


Les versions éthiopiennes des Apocryphes du Nouveau Testament : 
— 1. Le Testamentum D. N. J. C., texte éthiopien inédit, traduction latine 
par M. l'abbé GUERRIER. — Il. Apocryphes attribués à saint Clément, 
texte éthiopien inédit, traduction française par M. l'abbé GRÉBAUT. — III. Le 
Fekâré Iyasus et la vision d’Abbà Sinoda, texte éthiopien inédit, traduc- 
tion italienne par M. C. Conri-Rossini. — IV. La Didascalie, texte éthiopien 
en partie inédit, traduction française par M. l'abbé FRANCON. : 


L'Histoire des conciles de Sévère ibn-al-Moqaffa;:, texte arabe inédit, traduc- 
tion francaise par M. L. LEROY, professeur à l’Institut catholique d'Angers. 


Mélanges de Théologie jacobite : Les Lettres encycliques et les Profes- 
sions de foi des évêques jacobites, texte syriaque, traduction française par 
F. Nat. 


(Demander tous renseignements et adresser les souscriptions à la librairie 
FIRMIN-DIDOT, 56, rue Jacob, Paris.) 


τ΄ ἢ. Perrucuow et 1. Guror, 6 fr..50. — IL et IV. History of the Patriarchs. 
_of the Coptic Church of Alexandria (arabe et anglais), par B. EVETTS, 7 fre, 


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R. GRAFFIN. 
PROFESSEURS A L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS" 


Patrologia orientalis 


 ToME I. — Gr. in-8° (format de Migne),'xn et 706 pages. Prix net : 43 fr. 
Le livre des mystères du ciel et de la terre (éthiopien et francais), par 


et8 fr. 35. — III. Le Synaxaire arabe jacobite, Tout et Babeh (arabe : 


“et francais), par René Basser, 10 fr. — V. Le Synaxaire éthiopien, Mois 


ᾶ 


C 


de Sanéê (éthiopien et français), par 1. Guipr, 11 fr. 20. ἣν 
e volume ἃ couté seulement 26 fr. 95 (port en sus) aux souscripteurs, 


TouE II, 690 pages. Prix net, 41 fr. 


I. Vie de Sévère par Zacharie le Scholastique (syriaque et français), Ξῷξ 


par M.-A. KUGENER, 7 ἔν. --- I[. Les Évangiles des douze apôtres et de 

saint Barthélemy (copte et français), par le D'E. RevizLour, 5 fr. — ΠῚ. Vie 

de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Beith Aphthonia, 
suivie d’un recueil de fragments historiques syriaques, grecs, latins et arabes 
relatifs à Sévère, par M.-A. KUGENER, 11 fr. 90. — IV. Les Versions grec- 

ques des Actes des martyrs persans sous Sapor II (grec et latin), 

par H. DELEHAYE, 5. J., Bollandiste, 9 fr. 50. — V. Be Livre de Job (éthio- 

pien et francais), par E. PEREIRA, 7 fr. 70. 

e volume a coûté seulement 25 fr. 90 (port en sus) aux souscripteurs. 


ToME IT. — Fasc. 1. — Recueil de monographies. — I. Les histoires d'A- 


houdemmeh et de Marouta, primats jacobites de Tagrit et de l'Orient, (vi*- 
vue siècles), suivies dutraité d'Ahoudemmeh sur l’homme, texte syriaque inédit, 
traduction francaise par F. Nav. Prix : 7 fr. 15; franco, 7 fr. 65 (pour les sous- 
cripteurs : 4 fr. 50; franco, 5 francs). 

Fasc. 2. — Réfutation de Sa‘îd Ibn Batriq (Eutychius), par Sévère 
Ibn-al-Moqaffa‘, évêque d’Aschmounaïn, texte arabe, traduction francaise 
par P. Cuéeur, prêtre maronite. Prix : 7 fr. 40; franco, 7 fr. 90. (pour les sous- 
cripteurs : 4 fr. 65; franco, 5 fr. 20). 


TouE IV. — Fasc. 1. — Les Homélies de Sévère d'Antioche, texte syriaque 


inédit, traduction francaise par R. ΟΥΑΙ, et M.-A. KUGENER, avec le concours 
de E.-W. Brooks. Fasc. 1, par Rubens DuvaL. Prix : 5 fr.70; franco, 6 fr. 10 
(pour les souscripteurs : 3 fr. 60; franco, 4 fr.). 


Fasc. ὃ. — Papyrus grecs relatifs à l'antiquité chrétienne, publiés 
et traduits en français par le D° C. WEssELY, conservateur de la Bibliothèque 
impériale de Vienne. Prix : 7 fr. 90; franco, 8 fr. 45 (pour les souscripteurs : 


© 5 fr.; franco, Ὁ fr. 55). Les planches sont comptées pour 1 fr. (Pour les sous- 


cripteurs : Ὁ fr. 69). 


VONT PARAITRE : 


TOME LIL — Fasc. 3. — Le Synaxaire Jacobite (suile), par René BASSET. 


Fasc. 4. — La cause de la fondation des écoles, par MAR HADBESCHABBA 
ARBAIA, évêque de Halwan, texte syriaque, publié, traduit et annoté par M#Addaï 
Scher, archevêque chaldéen de Séert. 


 Fasc. 5. — The Life of Severus, patriarch of Antioch, by Athanasius, 
texte éthiopien inédit, traduction anglaise par E.-J. GOODSPEED. 


(Voir la suile à la page 3 de la couverture.) 


= REVUE 


L'ORIENT CHRÉTIEN 


SOMMAIRE 


LL -- F. Nau. — Les Patrologies syriaque et Orientale et la Revue 
de ΘΟ ΘΠ ΠΟ ΘΕ EPA RTE TR A UD ut et DA en à 113 
1. — E. Porcher. — Sévère d’Antioche dans la littérature Copte. 119 
IT. — F. Nau. — La légende des saints évêques Héraclide, Mnason 
et Rhodon, ou l’apostolicité de l’église de Chypre. . . . .. 125 
-- - Une lettre apocryphe de Paul et Barnabé aux Cy- 
OS νος rai ne RUN dre Den mt te AN en + ve. Du Es 136 
IV. — 5. Grébaut. — Littérature éthiopienne pseudo-Clémentine : 
I. La seconde venue du Christ et la résurrection des morts. 
£ — II. Le mystère du jugement des pécheurs . . . . . . .. 139 
V.. — F.Tournebize. — Etude sur la conversion de l'Arménie au 
Christianisme ainsi que sur la doctrine et les usages de 
Féclhise”armeémenne. primitive (suite). 55, M ms 152 
VI. — F. Nau. — Histoires des solitaires égyptiens (suite; ms. Cois- 
ΠΣ ΣΟΥ ΤΟ SURESNES De PT ER τ ee PR ΤΟΣ 171 
NII. — L. Leroy. — Les églises des chrétiens (traduction de l’arabe 
Ν ΠΛ MARTIN} RES EEE DE AE a AA PR AE eee 190 
VII. — Mélanges : 
E. Tisserand. — Les découvertes, archéologiques en Pa- ὲ 
ΕΘΗ 2 prbpos ἃ 0ἢ ivre :PÉCent LM. τσ: 209 
IX. — Bibliographie: — VAN DEN STEEN DE JEHAY (le comte F.), De 
la situation légale des sujets ottomans non musulmans 
(J. Bousquet). — E. SAcHAU, Syrische Rechtsbücher (7].- 4. 
Kugener). — J. ROSENBERG, Phænikische Sprachlehre und 
Epigraphik (F. Nau).— C, Dieu, Etudes byzantines (7°. Nau). 217 
ANTON INR τ NS Ru ren Ce sir 222 


= 


PARIS 


BUREAUX LIBRAIRIE 
DES ŒUVRES D'ORIENT A. PICARD ET FILS 


RUE DU REGARD, 20 "RUE BONAPARTE, 82 
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OTTO HARRASSOWITZ WILLIAM ET NORGATE 
Recueil trimestriel, — Prix de l’abonnement : 42 fr, — Étranger : 44 fr. 


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La Revue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) 
paraît en avril, juillet, octobre et janvier par fascicules formant 
chaque année un volume de près de 500 pages in-8° 


Prix de l'abonnement: 12 francs. — Étranger : 14 francs. 
Prix de la livraison : 8 francs net. 


Les communications relatives à la rédaction doivent être adressées 


ἃ M. le Secrétaire de la Revue de l'Orient chrétien 
A LA LIBRAIRIE PICARD 
RUE BONAPARTE, 82, PARIS. 


Il sera rendu compte de tout ouvrage relatif à l'Orient dont on enverra 
un exemplaire à la précédente adresse. 


… 


COMITÉ DIRECTEUR : 


ME CHARMETANT (%), protonotaire apostolique, Directeur des OEuvres d’O- 
rient, président. — M. l’äbbé BousquET; vice-recteur et professeurde grec 
à l’Institut catholique de Paris. — Me GRAF=IN (XX), prélat de Sa Sain- 
teté, professeur d’'hébreu et de syriaque à l’Institut catholique de Paris. — 
M. l’abbé LEROY, professeur d’arabe et d’égyptologie à l’Institut catho- 
lique d'Angers. — M. l'abbé MANGENOT, professeur d'Écriture sainte à l’Ins- 
titut catholique de Paris. — M. l'abbé Nav, professeur de mathématiques 
à l'Institut catholique de Paris. | 


Le Comité est assuré du concours de spécialistes compétents : pour l’Ar- 
ménien, M. BASMADIIAN, directeur de la revue « Banasér », et leR. Ρ, 
PEETERS, Bollandiste ; pour ’Assyrien, etc., le P. SCHEIL, professeur à 
l'École des Hautes Études ; pour le Copte, le R. P. MALLON, professeur à 
l’Université de Beyrouth ; pour l'Éthiopien, M. 1. Guini, professeur à l'Uni- 
versité de Rome, M. l'abbé F. MARTIN, professeur à l’Institut catholique de 
Paris, et M. E. PEREIRA ; pour le Mongol et le Persan, M. BLOCHET, attaché 
à la Bibliothèque Nationale. - 

En dépit du contrôle qui sera exercé par ces divers savants, chaque 
auteur conserve l'entière responsabilité de ses articles. 


pe MER αἱ δ 


LES PATROLOGIES SYRIAQUE ET ORIENTALE 
ET LA REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN 


Le touriste, après avoir gravi péniblement une montagne, 
prend plaisir à revoir le chemin parcouru, à découvrir de nou- 
veaux horizons et à former, de son observatoire, les plans de 
nouvelles excursions, c'est-à-dire de nouvelles fatigues. On 
nous permettra de nous accorder une satisfaction analogue et, 
‘après l'apparition du tome IT de la Patrologie Syriaque, des 
tomes I et IL de la Patrologie Orientale et de six numéros de 
la seconde série de l'Orient Chrétien, de jeter un coup d'œil 
sur le chemin parcouru et de prévoir les futurs travaux. 

Il y ἃ près de vingt ans que M£° Graffin, professeur à l’Ins- 
titut catholique de Paris, formait le projet de compléter les 
Patrologies de Migne par la publication des textes Orientaux. 
L'entreprise était beaucoup plus difficile que celle de Migne, 
lequel n'avait qu’à réimprimer d'excellentes éditions et pou- 
vait trouver facilement des hommes connaissant assez de grec 
et de latin pour corriger des réimpressions. 

Il n’en va pas de même pour les textes orientaux. La plupart 
sont inédits et se trouvent par fragments dans un grand nom- 
bre de bibliothèques; les textes édités eux-mêmes n'ont sou-- 
vent que des éditions provisoires basées sur quelques manus- 
crits et non sur l’ensemble des manuscrits. Nous en sommes 
donc, pour ces textes, au point où l’on en était, pour les textes 
grecs et latins, au commencement du xvi° siècle, avant les 
éditions des bénédictins et de leurs émules. On doit vaincre les 
difficultés scientifiques de recherche des manuscrits, collations, 
traductions et éditions, en même temps que les difficultés ty- 
pographiques, les seules que connut Migne. 

ME Graffin espérait triompher des difficultés scientifiques 


avec l'appui des nombreux savants qui consacrent en tout 
ORIENT CHRÉTIEN. 8 


114: REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


pays leurs labeurs aux langues orientales et avec l’aide de 
ses meilleurs élèves. Sans parler du contrôle continu qu'il 
comptait exercer sur les publications, il se réservait, dans la 
Patrologie Syriaque, la tâche la plus ingrate mais la plus im- 
portante, qui était de collationner les divers manuscrits, car il 
ne concevait alors que des éditions ne varietur, autant du 
moins que ses forces le lui permettraient. 

Restaient les difficultés typographiques, et elles étaient plus 
nombreuses pour les textes orientaux que pour les textes grecs 
et latins. En effet, Migne, qui a édité de manière suffisante des 
textes grecs-latins, s’est trouvé, au moins une fois, en pré- 
sence d’un texte syriaque (1). Celui-ci avait été édité et traduit 
en latin par J. Wetstein en 17952, corrigé et réédité par Gal- 
landi, traduit en allemand par Zingerle (1827) et en français 
par C. Villecourt. Migne se trouvait donc en présence d'un mo- 
nument édité, réédité, traduit en trois langues, toute difficulté 
scientifique semblait écartée. Et cependant, dans l'édition 
Migne, les > remplacent les d, et réciproquement; les m sont 
pour les c, les ἢ pour les ?, les c pour les ὁ et réciproquement, 
les lettres à liaison remplacent les lettres isolées. Inutile de 
dire que les points diacritiques sont rares et que les points- 
voyelles manquent, mais les signes du pluriel eux-mêmes sont 
souvent omis ou se trouvent sur l'adjectif et manquent sur le 
nom qui le régit (2). De plus, la colonne syriaque occupe deux 
fois la place de la colonne latine, qui doit encore être allongée 
par de nombreux blancs; enfin les variantes, imprimées avec 
les caractères du texte, s'étagent disgracieusement au bas des 
pages. Et pour aboutir à ce désastreux résultat, en matière aussi 
facile, Migne a encore dû recourir à l'imprimerie Impériale 
(1857), devenue depuis Nationale, et employer les anciens ca- 
ractères dessinés et fondus à Rome par les Assémani et la ty- 

(1) Patrologie grecque, tome I, col. 379 à 451 : Duae epislolae sancti Clementis 
(ad virgines). 

(2) Col. 381, 1. 21 xi9 (pour X#); — col. 383, L 14 =K (pour 1); — 6. 980, 
1. 9 Lamine (pour ILassDo);— col. 389, 1. 17 #5 (pour #5); — col. 391, 1. 8 Vs 
(pour δὰ. - 3.5). -— 7hid. ἵκςς (pour IKHl): — Col. 393, 1. 23 Ses (pour ᾿ϑωδϑ 9): 
1. 22 ’ὧο (pour wo). — Col. 389, 1. 22 Mios (pour piDs). — Dans les deux 
premières colonnes les signes du pluriel figurent quatorze fois et manquent seize 
fois, ete., ete., etc. Notre but n’est pas de critiquer Migne, mais de faire remar- 


quer sur un exemple pris chez ce célèbre éditeur, combien il était difficile de 
faire imprimer correctement en France un texte oriental. 


LES PATROLOGIES SYRIAQUE ET ORIENTALE, 119 


pographie papale au ΧΥΠΠ" siècle et devenus, par confiscation, 
les types courants de l'imprimerie Nationale (1). 

ME Graffin commença par créer un nouveau type de carac- 
tères syriaques jacobites, à la fois élégants et faciles à juxta- 
poser au latin; il le réalisa en corps 16 et en corps 9 et acheta 
un corps 7 pour les variantes. Pour donner un texte aussi 
« fini » que possible, il voulut lui ajouter les voyelles et, pour 
éviter leur chevauchement lorsqu'on les compose sur une ligne 
spéciale, il les fit fondre avec la consonne correspondante. 


. Après quoi, avec l’aide d’un de ses élèves, il publia (1894) le 


premier volume de la Patrologie Syriaque comprenant les œu- 
vres d’Aphraates (hors la Dém. XXIIT) avec traduction latine 
et les variantes de tous les mss. accessibles. Le texte et la tra- 
duction sont disposés sur colonnes parallèles ; les variantes, les 
renvois à l'Écriture et de rares notes figurent au bas des pages. 
Il suffira d'un coup d'œil jeté sur cet ouvrage et sur l'essai in- 
forme de Migne pour juger du progrès réalisé (2). 

“ependant la Patrologie Syriaque conçue comme une édition 
définitive, rencontrait de nombreuses difficultés. Il fallait d’a- 
bord recueillir tous les ouvrages d’un même auteur, rechercher 
tous les manuscrits accessibles, trouver un savant qui voulüt 
traduire en latin. Restaient ensuite les difficultés de collation 
de tous les mss., de mise en pages sur colonnes parallèles, de 
confection de lexiques et de tables que M5' Graffin contrôlait 
et, le plus souvent, assumait personnellement. 

Pour concentrer les reproductions des divers manuscrits 
d'un même ouvrage, il avait eu recours à la photographie ; mais 
la photographie sur plaques, qu'il avait employée pour son 
premier volume de Patrologie Syriaque, lui paraissait lente, 


(1) D'ailleurs cet établissement « n’exécute, pour le compte des particuliers, 
que les ouvrages exigeant l'emploi de caractères étrangers qui ne se rencontrent 
pas dans les imprimeries du commerce ». Cf. Nouveau Larousse illustré, t. V, 
p. 249. On comprend en effet que cette imprimerie, fondée et entretenue par les 
contribuables, ne puisse leur faire une inégale — et par suite déloyale — concur- 
rence. Migne ne pouvait done pas compter sur elle pour l'impression d’une 
longue suite d'ouvrages. 

(2) Chacun imaginera facilement le nombre de voyages que M# Graffin dut 
faire à l'imprimerie Firmin-Didot, au Mesnil, département de l'Eure, pour for- 
mer compositeurs et correcteurs. Il voulut -assister en personne au tirage de 
chaque feuille pour vérifier les dernières corrections et pouvoir réparer aussitôt 
les accidents (bris ou déplacements de lettres) qui pouvaient se produire durant 
le tirage. 


116 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


incommode, coûteuse. Il chercha mieux et eut le premier l’idée 
d'employer, devant l'objectif, un prisme à réflexion totale qui 
donne du premier coup sur papier l’image négative redressée 
de la page du manuscrit. Cette invention, à elle seule, suffirait 
à lui mériter la reconnaissance de tous les savants, car il en- 
seigna son procédé à qui voulut le connaître et alla jusqu’à 
laisser son premier appareil, alors unique, au photographe de 
la Vaticane, Luchetti, afin qu'il püût être utilisé au profit de tous. 
Depuis lors les principales bibliothèques et bon nombre de sa- 
vants se firent construire des instruments analogues qui déri- 
vent tous directement ou indirectement de celui de ΜΕ" Graffin (1). 
Le problème de la collation des manuscrits était résolu. 
Restaient les difficultés résultant des traductions latines et 
de la mise en pages. De plus, Mf Graffin s'était rendu compte 
que la Patrologie Syriaque à elle seule entraine de nombreux 
ouvrages chrétiens orientaux écrits en d’autres langues et pres- 
que tous inédits qui en sont les sources, les remaniements ou 
les dérivés. Il résolut donc de lui adjoindre une Patrologie 
Orientale qui comprendrait les textes orientaux, et même grecs 
non imprimés par Migne, traduits dans la langue que le savant 
chargé de l'édition estimerait la plus avantageuse et qui pa- 
raitraient par fascicules, au fur et à mesure de leur découverte 
ou de leur préparation, le texte au haut de la page et la tra- 
duction au bas, et avec, sous le texte, les variantes et, sous la 
traduction, les renvois et les notes. Ces fascicules eux-mêmes, 
au fur et à mesure de leur apparition, devaient être réunis en 
volumes, et former une collection de {extes analogue à la col- 
lection Texte und Untersuchungen que M. Harnack a. fondée 
et dirige avec tant de succès: Ce nouveau projet fut réalisé au 
Congrès international des orientalistes de 1897, avec l’aide de 
M. J. Perruchon et de savants de tous pays venus à Paris à 
l'occasion de ce congrès. Aussitôt Με Graffin fit dessiner, graver 
et fondre un nouveau caractère éthiopien (corps 12 et corps 9) 
et M. Perruchon voulut bien se charger d'éditer Le livre des 


(1) ME Graffin exposa son appareil de photographie à l'exposition universelle 
de 1900, Groupe 1, Classe 3, n° 43 du Catalogue, dans l’exposition particulière des 
professeurs de l’enseignement libre, qu’il fut seul à organiser, diriger et solder, 
et qui obtient deux grands prix, deux médailles d’or, deux médailles d'argent, 
une médaille de bronze. 


LES PATROLOGIES SYRIAQUE ET ORIENTALE, LE? 


mystères du ciel et de la terre et de préparer, de concert avec 
MM. René Basset, Conti Rossini et 1. Guidi, l'édition du Sy- 
naxaire éthiopien. Les vicissitudes de cette entreprise, la ma- 
ladie de M. J. Perruchon qui vint un instant la compromettre, 
et les circonstances dans lesquelles je fus amené à offrir à 
ME: Graffin, qui avait été mon maitre et qui m'avait libéralement 
donné des photographies et des copies de mss., ont déjà été 
racontées ailleurs (1). De plus, le détail des ouvrages parus se 
trouve sur la couverture de la présente Revue. Il me suffit donc 
d'ajouter que les caractères créés exprès pour la Patrologie 
Orientale (éthiopien, corps 12 et 9; arabe, corps 16; copte, corps 
16 et 9; estranghélo, corps 16 et 9; syriaque Jacobite déjà men- 
tionné, corps 16 et 9), les quinze fascicules parus, les neuf fasci- 
cules qui sont à l'imprimerie ou entre nos mains prêts pour l’im- 
pression, sans parler des travaux en préparation, sont un positif 
témoignage de la vitalité de cette œuvre et de son avenir (2). Il 
nous reste à ajouter quelques lignes sur le tome IT de la Pa- 
trologie Syriaque et sur la Revue de l'Orient Chrétien. 

Le tome II de la Patrologie Syriaque contient : 1° la dé- 
monstration XXITI d'Aphraate avec un lexique de tous les mots 


employés par cet auteur, des tables des noms et des matières 


et des citations de la sainte Écriture et une concordance du 
texte avec l'édition princeps de ΝΥ. Wright; 2° Bardesane, Le 
livre des lois des pays avec une étude sur l’auteur et ses ou- 
vrages et des tables comme ci-dessus; 3° deux rédactions du 
martyre de saint Siméon bar Sabba'é avec une étude sur la 
vie, les écrits, le martyre de Siméon et sur la persécution de 
Sapor, et des tables; 4° /’Apocalypse et la lettre de Baruch 
avec préfaces et tables; 5° Le Testament d'Adam avec, en ap- 
pendice, les Apotelesmata d’'Apollonius de Tyane, source 
d’une partie du Testament d’ Adam. Ce dernier écrit, qui est 
en langue grecque, est édité pour la première fois. 

La Revue de l'Orient Chrétien, fondée, en 1896, sur l’initia- 


(1) Revue Critique, 1905-1906. 

(2) Inutile encore de mettre en relief le nombre de lettres (un millier), d’an- 
nonces, d'articles qui ont été nécessaires pour mettre cette œuvre en train et les 
difficultés de tous genres provenant souvent des moindres causes matérielles ou 
du fait de certains. Ces difficultés pourraient facilement être comparées à toutes 


: les épreuves endurées par saint Paul : periculis latronum, periculis ex genere, 


periculis ex gentibus, periculis in civilate… periculis in falsis fratribus. 


118 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


tive et avec le concours matériel de Sa Sainteté Léon XII], pour 
compléter par des articles de caractère plus nettement scien- 
tifique la Revue bi-mensuelle de la Terre Sainte, avait été 
aiguillée de plus en plus, par M. Léon Clugnet, dans la voie 
scientifique d'éditions de textes chrétiens orientaux. A la fin 
de sa neuvième année, des difficultés matérielles menacèrent 
son existence (1), mais les hommes désintéressés et dévoués 
qui forment aujourd'hui son comité directeur (voir page 2 
de la couverture) unirent leurs efforts pour la sauver. Actuel- 
lement cette Revue est ouverte à toutes dissertations relati- 
ves aux chrétiens orientaux. Elle peut ne pas s'occuper de la 
chronique locale, des menues nouvelles d'Orient et ne pas faire 
de vulgarisation puisque tel est le rôle plus spécial de la Re- 
vue de la Terre Sainte dont elle est le supplément. A défaut de 
dissertations elle publie des analyses ou traductions des textes 
orientaux inédits ainsi que de courts textes également inédits 
afin de vulgariser le plus vite possible les littératures orien- 
tales et de porter leurs œuvres à la connaissance des savants. 
M: Graffin consacra aussi à cette Revue une part de son acti- 
vité et lui obtint en particulier un secours de cent francs de 
M. Sénart, membre de l'Institut, et une dernière mais très im- 
portante subvention de Sa Sainteté Pie X. 

Et maintenant il nous suffit d'ajouter que le tome IV de Ja 
Paltrologie Syriaque est fort avancé, et que l'existence de la 
Revue de l'Orient Chrélien est assurée pour plusieurs an- 
nées. Ce sera l'honneur de M“ Graffin et de ses collaborateurs 
d'avoir si bien mis en relief les chrétientés orientales par ces 
collections de textes et de dissertations. 


F. Nau. 


(1) En mai 1905, à mon retour du congrès des Orientalistes d'Alger, le pre- 
mier numéro n'était pas encore commencé. Je proposai alors à Με" Charmetant, 
le distingué directeur des Œuvres d'Orient, de la Revue de la Terre Sainte et de 
son supplément la Revue de l'Orient Chrétien, de diminuer les dépenses et je lui 
offris de faire gratuitement fonction de secrétaire pour terminer la série et 
chercher une combinaison pour sauver la Revue, Fort de l'appui de Με Char- 
metant et de Μὲ Graffin, après bien des démarches inutiles, je trouvai enfin 
M. l'abbé J. Bousquet, M. l'abbé L. Leroy et M. l'abbé E. Mangenot, professeurs aux 
Instituts de Paris ou d'Angers, pour unir leurs efforts aux nôtres. Cette année cha- 
cun des membres du comité directeur verse cent cinquante franes pour la Revue. 


SÉVÈRE D'ANTIOCHE 
DANS LA LITTÉRATURE COPTE 


La Patrologie Orientale, éditée par ME Graffin et M. Nau, ἃ 
publié deux Vies de Sévère en syriaque, avec des documents 
syriaques, grecs, latins et arabes relatifs à Sévère (1); le der- 
nier fascicule paru contient six homélies en syriaque (2). On 
annonce comme devant paraître bientôt une Vie éthiopienne (3). 
Il nous ἃ paru intéressant de rechercher ce qui reste de l’his- 
toire ou des œuvres du patriarche d’Antioche dans la littéra- 
ture copte. Dans l’état de dispersion où se trouvent aujourd'hui 
les manuscrits coptes, il est indispensable de faire connaitre 
d’abord ee que renferme chacun des grands dépôts de l'Europe 
pour arriver à réunir les feuillets épars d’un même manuscrit 
et à donner enfin une édition définitive. Voici ce qui a été trouvé 
dans les manuscrits en dialecte sahidique sur parchemin de la 
Bibliothèque Nationale. 

Le volume 1291: contient des frag ments d’une Vie de Sévère 
en copte, analogue à la Vie éthiopienne annoncée : ces frag- 
ments ont déjà été recueillis par M. Crum, qui les publie dans 
la Patrologie Orientale (4). 

Dans le volume 1311, nous avons trouvé sept pièces d’inégale 
importance relatives à Sévère. Nous donnons au moins les ti- 
tres, qui peuvent présenter un intérêt historique, réservant à 
plus tard la publication des textes qui sont complets ou pres- 
que complets. 


(1) T. 1], fase. L et 3. M. Nau avait donné une première traduction de la pre- 
mière Vie et un résumé de la seconde dans ROC, 1899-1900. 

(2) TU IV, fasc. 1: 

(3) Publiée et traduite par F.-J. Goodspeed. 

(4) En tête du fascicule de M. Goodspeed. M; Crum complète les fragments de 
Paris par d’autres de Londres et de Rome. 


120 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


1° Six feuillets, numérotés 68 à 73, de dimensions 31 x 27,5 
à deux colonnes de 33 à 36 lignes, contiennent le premier dis- 
cours de Sévère à Antioche, occupant 11 pages, depuis ἃ jus- 
qu'à Ia 

Le discours est précédé lui-même du nombre a. C'était le com- 
mencement d’un manuscrit qui devait contenir les œuvres de. 
Sévère, discours ou lettres. 

Le titre est quelque peu effacé. Le voici avec une traduc- 
tion : 

MAI ΠΕ HYJOPEN HNAOTOG HTAGTATOQ ΜΟῚ reariIoc 
CETHPOCG HTEPOT XIPOAONGI LOG HAPXHENICKONOC 
GETGEKKAHGIA HaNFoxiIa THOAIG GAGOTOR HTATOG AG 
HKG6EGOIT LUNHHGA 00 CHAT eUNTONOC UTUApPFTpPOC 
GTOTAAB 2RP(OUANOG RUTTPETAZIOTA [e] UNOG 2ITENRAR 
[nai erTelunoresyoucou GGCOTU 6pO4 6TBGE ΠΟΘΘΟΡΥ͂ΒΟΟ 
UNNERPATRKH  UNIUHH96 GTHAJOG MAI HTATCOOTR 
eUNG6ELOOT HTATXIPOAONGEI UUOGQ G6ETE COTXOTTOTE M6 
UNEBOT XOIA2KR eRUTIGETOGISY HNTUGèCO HPOUTE LUTIKTKAOC 


Ceci est le premier discours que prononca Saint (ἅγιος) Sévère lorsqu'il 
fut ordonné (χειροτονεῖ) archevêque de l'Église de la ville d’Antioche, et 
qu'il prononca encore une fois deux jours après dans le lieu du Saint 
Martyr Romain (Ῥώμανος),... à la demande d’un grand nombre, qui n’a- 
vaient pu l’entendre à cause du tumulte (θόρυδος) et des clameurs (χραυγή) 
de la foule nombreuse qui s’était réunie au jour où il fut ordonné, le 21 du 
mois de Choiak — au temps de la sixième année du cycle. 


La plupart des documents publiés par la Patrologie Orien- 
lale placent l’ordination de Sévère au 8 novembre. Élie de Nisibe 
la fixe au 16 (1). Si la fête de saint Romain avait lieu deux jours 
après, c'était le 18 novembre. C’est la date donnée par les Actes 
des Martyrs. Il semblerait qu'elle dût correspondre au mois 
d'Hathor et non à celui de Choyak. | 

Dans ce premier discours, on trouve une glorification du 
siège d'Antioche, un panégyrique de saint Romain, un exposé 
de dogme et de morale. Il semble répondre à l'éloge qu'en fait 
Jean de Beith-Aphthonia (Pat. Or., t. 11, p. 242), abstraction 


(Pair ΟΡ» ΠΡ Ὁ 95: 


SÉVÈRE D'ANTIOCHE DANS LA LITTÉRATURE COPTE. 121 


faite des hyperboles dues au pays, à l'époque et à l'esprit de 
parti. 


20 A la suite du discours précédent, sur le verso du feuillet 
coté 73, à la page 18, le même scribe nous donne, avec le nom- 
bre 8, le commencement d’une seconde pièce. Elle a pour titre : 


OTGETICTOAH ΤΕ ΠΠΑΤρΡΙΑΡΧΗΟ  GETOTAAB-: AT(O 


ΠΑΡΧΗΘΠΙΟΚΟΠΟΟ HANTIOXIA AA CETHPOC 
HAGOTHPIKOC ΠΕΠΙΟΚΟΠΟΟ HTKATITAMOKIA © ETBG- 


GAGGRAIG 


UNG6O0O0T HTAUHAKGACONIOG TIPEGXIOTA TIGTIIGKONOC 
HKCOHCTANTIMOTTOAIG AAT HHOPOOAOZOC ᾿ GTeNTHOAIG 
NTUNTPpPO UNGETOGIS ETUNHAT * UHO66 NTA THOO 
GEYHPOG UH REHKGHOO 8UTITIAAAATION GRGHOPBOAOZEOG 
HG ° FTUMNAXG UTJAXG NHTHICTIC GTCOTTCON HJATACGEBHC . 
GTUUAT * HTAGGRAI AG GGRNTHOAIG HTUNTPPpO 6TGEI6GO 
UUOHAXOG LUTATOT KAGICTA UL1OQ GXUTIG6pPONOG 
HTANTIOXIA TIIOAIG: 


Lettre du saint patriarche et archevêque d’Antioche Abba Sévère, qu'il 
écrivit à Soterichos, évêque de Cappadoce, sur les maux que Macedonios, 
l’évêque blasphémateur de Constantinople, fit aux orthodoxes qui étaient 
dans la ville impériale à cette époque. Il n’y eut pas moyen que le grand 
Sévère, même avec des grands du palais qui étaient orthodoxes, exerçât 
la parole de la foi juste vis-à-vis de cet impie. Il l’écrivit quand il était 
dans la ville impériale, étant encore moine et pas encore établi sur le 
trône de la ville d’Antioche. 


Il prie le destinataire de ne pas se souvenir de ce qu'il lui a 
écrit auparavant, et va lui apprendre ce qui s’est passé. 

« Tandis que la foule des chrétiens était réunie dans la grande 
église de la ville impériale, envoyant vers Dieu l'hymne du Tris- 
agios, selon la coutume excellente qui règne parmi vous et 
dans tous les lieux orthodoxes, (invoquant?) » Et la page est 
terminée par ces mots : arc euua ΜΗ] HOPOO0AOEOC 


ΕΥ̓" 


Il est question de cette lettre dans l'Histoire ecclésiastique 
d'Evagrius, n° 3 du fragment publié dans la Patrologie Orien- 
tale, t. II, p. 378. Sur Macedonios, v. Ibid., Ὁ. 362 et 382. 


3° On retrouve la même écriture au feuillet coté 70, de mé- 


122 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN, 


mes dimensions 30,5 X 27, en deux colonnes de 36 lignes au 
recto et 35 au verso. Mêmes ornements, coloriés peut-être avec 
plus de parcimonie. Les deux boucles du d sont coloriées en 
rouge à droite et en vert à gauche. 

Au-dessus du titre, le nombre £, ce qui montrerait que dans 
le recueil original, cette pièce était séparée des deux premières 
par trois autres. Elle a pour titre : 

2OLUO1(0C KGGTIICTOAH ΗΜ ΤῈ HIATPIAPXHC GTOTAAB 
ATCO  TAPXH6GTICGKROTOG HANTIOXIA πὰ CGETHPOCG 
GAGQGRAIC JATERKAHCIA GTeNTANTIOXIA î ΠΕ ΤῈ HAT "46 
HPG4JPèOTE ΜΚΛΗΡΙΚΟΟ HNTAAOG HUTICGTOGC :- 


Item : une autre lettre du saint patriarche et archevêque d’Antioche 
Abba Severos, qu'il écrivit à l’Église d’Antioche, c’est-à-dire aux pieux 
clercs, et au peuple des fidèles. 


Il était exilé. Il ne les a pas abandonnés: il s’est retiré sui- 
vant le précepte : Lorsqu'on vous persécutera dans celte ville, 
fuyez dans une autre. Ce texte (Matth. x, 23) est le même que 
celui des manuscrits du musée Borgia publiés par Balestri. Les 
citations scripturaires sont nombreuses : entre autres un verset 
d'Isaïe xvur, 4; ici le texte est moins bon que celui de Ciasca 
« Sacrorum bibliorum fragmenta Copto-Sahidica »; des 
mots intervertis aux dépens du sens, un mot répété. Une autre 
citation abrégée de saint Paul (Rom. vin, 38-39) ἃ été retrou- 
vée aussi en partie dans un fragment déchiré du manuscrit 
copte 12811, page 40, de la Bibliothèque Nationale; elle s'en 
rapproche plus que du texte de Balestri, qui d’ailleurs est 
interrompu dans ce verset. 


4° Le feuillet 74 n’est pas de la même main. Dimensions 32,5 
X 27. Deux colonnes de 32 lignes, 35 au verso. Une échancrure 
a enlevé la pagination. 

Titre : COUAIOG Κα AOFOC "ΗΟ TTATPIAPXHG GTOTAAB 
ΔΥῸ  TAPXH6GITICGKOTIOG HTAHTIOXIA  AFTIA GGTHPOG 
HTAGTATOQ AG ΕΠ "Δ GTOTUOTTE 6PpOG X6 TAGrHDar ta 
6GT6E COTUNTOTGE NHTOBGE M6 8H OTGIPHHIH HTG ΠΙΗΟῪΤΕ 
2AUHHI : 


Item : un autre discours du saint patriarche et archevêque d’Antioche, 


SÉVÈRE D'ANTIOCHE DANS LA LITTÉRATURE CCPTE, 123 


Abba Sévère, qu'il prononca à la fête qu'on appelle l'Epiphanie qui est le 
11 de Tobé. Dans la paix de Dieu. Amen. 


Il commence par leur dire qu’il leur ἃ souvent parlé sur cette 
fête. Il est surtout question du baptême et du Jourdain. 


Desinit : ox nua 6éqoraaB éëqxt BanTIGHA 


5° Le feuillet 67, mesurant 27 X 24, contient un texte serré 
sans colonnes, 49 lignes au recto, 48 au verso, avec 50 lettres 
environ par ligne. En titre : 

OTAOOC WHITE HIIATPIAPXHC ETOTAAB ΔΎΟ TAPXHE- 
HICKONOG  HAHŸOXIA ὁ  ATA GETHPOG ‘ EAGTATO( 
lereréelunapeenoc H1OTO6IS HI ..- 66OAOKOG 
ETOTAAB LHAPIA LHTIG200T HNGCEPHUGETE ETOTAAB 2H 
᾿ΘΙΡΗΜΗ ΤῸ ΠΟΤ 2al un] 

Discours du saint patriarche et archevêque d’Antioche, Abba Sévère, 


qu'il prononca sur Sainte Marie, toujours vierge, et mère de Dieu, le jour 
de sa commémoration sainte. 


La publication de ce discours pourra peut-être présenter 
quelque intérêt. Le texte est inachevé et abandonné au milieu 
d’un mot avant la fin de la deuxième page. L'écriture est beau- 
coup plus làche dans les dernières lignes, comme si le copiste 
avait été pris par le sommeil. 


6° Sur le feuillet 66, portant la pagination χὰ et 18, déchiré 
en bas aux deux angles, on trouve vers le bas de la seconde co- 
lonne, entre traits ornementés : 


ANA CGTHPOCG TTATPIAPXHG AHAIOXGETCG 


et au-dessous : 


OÙUAIOCG GXGUTIUHTAGTGE DTA 


(Sur la fête du 14.) 


C'est un discours de Pâques, malheureusement très incom- 
plet. 


7° La fin du volume 131! contient 11 feuillets de la même 
écriture, cotés 76-86, de format minime 17 >< 13, le texte occu- 
pant 13 X-10. Il y ἃ généralement 15 lignes d'une écriture 
ample inclinée à droite. | 


A] 


124%: REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Quelques feuillets renferment la fin du Cantique des Can- 
tiques. 

On trouve au feuillet 78 R, paginé Par, un discours de Sé- 
vère intitulé : | 

HWUGLHOUT HAOTOG HTAGTATOQ ΜΟῚ TTATPIAPXHC 
GTOTAAB ATO TAPXH6IIGKONOG HNANAIOXIA . ἁἀπὰ 
CGTHPOCG - eUNHTPGEOTON ΟῚ LNICTOC GTè6N KTpOC 
ΤΠΟΛΙΟ eTpEqoo eALTHTY - XERKAC ETECCOTU GKEUNTPEGT 
cs eITOOTG : 26H TGEIPHNH HTG TINOTTE 2AUHRH 


Le 3° discours que prononca le saint patriarche et archevêque d’Antio- 
che Abba Sévère, quand les fidèles de la ville de Kyros (1) voulurent qu'il 
restât chez eux, pour qu'ils entendissent encore son enseignement. 


On n’en ἃ qu’un fragment; il se termine à la page pan, dont 
les caractères sont presque effacés. Le feuillet suivant porte la 
pagination ia. 

L'intérêt de cette série tient donc moins à ce qu'elle contient 
de Sévère d’Antioche, qu'aux fragments adjacents, en particu- 
lier à la fin du Cantique des Cantiques. 


En somme nous avons trouvé ici les restes de cinq manus- 
crits, dont le premier est particulièrement important, car 1] 
semble avoir été consacré tout entier aux écrits de Sévère. 


Paris. 


E. PorCHER. 


(1) Peut-être Cyrrhos, dépendante de la métropole d’'Hiérapolis (Maboug) du pa- 
triarcat d’Antioche. 


LA LÉGENDE 


DES SAINTS ÉVÈQUES HÉRACLIDE, MNASON ET RHODON, 


OU 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE 


INTRODUCTION 


1. OCCASION DU PRÉSENT TRAVAIL. — Le catalogue des manus- 
_crits hagiographiques grecs de Paris (1) porte (p. 33, n° 12) : 
ms. 769, « fol. 184-102", 170-176", Vie et conduite du saint 
père Héraclide..…… Nous avons seulement des fragments de cette 
Vie ». De plus les éditeurs ajoutent (p. 32) : « les feuillets 169 à 
192 sont tirés d’un autre manuscrit où 115 portaient les numéros 
347 à 370, et sont assez transposés ». Nous avons trouvé par 
hasard le manuscrit d’où sont tirés ces feuillets 347 à 370. C'est 
le ms. n° 979, qui présente précisément la même lacune (non 
signalée dans les catalogues) (2). De plus nous avons trouvé la 
fin de l'histoire d'Héraclide dans ce ms. 979 aux folios 371, 
379, 316, 377 où les catalogues annoncent le protévangile de 
saint Jacques (3). Il nous ἃ paru intéressant de faire connaître 
cette Vie ainsi reconstituée, d'autant que ce manuscrit du 
xiv° siècle semble unique en Occident et que le sujet est d’un 
intérêt capital pour les Cypriotes qui ont eu tant de fois à dé- 

(1) Paris, 1896. 

(2) Après le folio 346 on trouve aussitôt 371. Le manuscrit 979 est relié aux 
armes de Colbert et le ms. 769 aux armes du roi. On peut done supposer que le 
ms. 979 ἃ été envoyé à Colbert par l’un de ses agents et a été aussitôt paginé tel 
qu'il était (c'est-à-dire avec des feuillets intervertis) par son bibliothécaire; un 
cahier (317 à 370) ἃ échappé au relieur, est arrivé tel quel à la Bibliothèque du 
roi et a été mis à la fin du 769. 

(3) Hbäid., p. 58, n° 7. 


/ 


126 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


fendre l'apostolicité de leur Église. Nous ne publions pas le texte 
parce qu il présente encore deux lacunes ; nous avons donc des 
documents mieux conservés à présenter aux lecteurs de l'Orient 
chrétien et nous ne connaissons pas d'autre revue qui puisse 
publier celui-ci. Nous nous efforçons du moins de n’omettre 
dans notre résumé aucun trait historique ou géographique in- 
téressant, il suffira donc amplement à mettre en relief cette 
page de l’ancienne histoire ecclésiastique de Chypre. 

IL. PRÉTENTIONS DES CYPRIOTES. — L'ile de Chypre, déjà men- 
tionnée par Homère, et que ses riches mines de cuivre dé- 
signèrent comme l’un des premiers champs où devait s'exercer 
l’activité des Phéniciens, occupe aussi une place de choix dans 
l'histoire du christianisme. Ce furent les chrétiens de Chypre et 
de Cyrène qui préchèrent l’évangile à Antioche (Actes, χι, 20). 
Saint Paul la parcourut de bout en bout, de Salamine à Paphos, 
en compagnie de saint Barnabé et de saint Marc (Actes, χι, 19; 
XI, 2-13). Plus tard saint Barnabé, qui était originaire de 
Chypre, revint encore dans cette île avec saint Marc (Acées, χν, 
59) et il est fort probable qu'il y mourut. 

Les Cypriotes étaient donc en bonne posture pour défendre 
l’apostolicité de leur Église, aussi lorsqu'on leur demanda de 
montrer que l'évêque d’Antioche n'avait pas droit d’ordination 
chez eux, l’un d'eux put répondre sans être contredit : « Jamais 
il n'y est venu, ni dans la métropole, ni dans les autres villes; 
c'est le concile de notre province qui établissait un métropoli- 
tain » (premier concile d’Éphèse, session VII, du 31 juillet 
431) (1). C'est que la question venait d'être remise à l’ordre du 
jour, vers l’an 415, par le pape Innocent. Celui-ci avait écrit à 
Alexandre, patriarche d’'Antioche, que les évêques de Chypre 
s'étaient mis en possession de faire les ordinations sans consul- 
ter personne, pour éviter la tyrannie des Ariens, et qu'ils 
devaient revenir à l’observation des canons, c’est-à-dire rentrer 
sous la dépendance des patriarches d’Antioche. Ceux-ci auraient 
dû pouvoir apporter quelques faits à l’appui de cette assertion, 
ils ne le firent pas, et le concile donna raison aux Cypriotes dont 
l'Église demeura autocéphale. 

Il semble bien probable que les Cypriotes — vu du moins 


(1) Cf. Maxsi, Conciles, t. IV, col. 1465. 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE. 127 


l'extrême besoin qu'ils en avaient — devaient être en possession 
de légendes établissant, dès 431 et même dès le rv° siècle, la 
succession apostolique de leurs évêques. C’est à cette époque 
semble-t-il, qu'il faut faire remonter la composition des Actes 
d'Héraclide, évêque de Tamassos, des Actes de Barnabé (1) et 
de la Vie d’Auxibios, évêque de Soli (2). Le trait d'union entre 
les trois récits est le nom et le rôle de l’évêque Héraclide et sur- 
tout la version du martyre de Barnabé. Celui-ci aurait été brülé 
complètement par les Juifs, y compris les os; ses cendres, qui 
étaient ainsi ses seuls restes, auraient été dérobées aux Juifs 
par ses disciples et auraient été enterrées dans une caverne 
avec l’évangile saint Matthieu. Cette caverne est explicitement 
mentionnée dans les trois récits et doit appartenir à l’ancienne 
tradition, antérieure à la découverte, vers 478, sous un carou- 
bier, à un quart de lieue de Salamine, du corps de saint Barnabé, 
ayant sur la poitrine l'évangile de saint Matthieu qu'il avait lui- 
même transcrit (3). Car si ces trois récits étaient postérieurs à 
cette découverte, ils se seraient mis d'accord avec elle et n’au- 
raient pas fait cacher les cendres dans une caverne. Ce sont au 
contraire ces anciens récits sur Barnabé dont les restes étaient 
enterrés dans une caverne avec l’évangile saint Matthieu qui ont 
dû conduire à identifier le cadavre trouvé sous un caroubier 
avec l'évangile de saint Matthieu sur la poitrine. 

IIT. RELATION ENTRE LES ACTES D'HÉRACLIDE, DE BARNABÉ ET 
D'AUXIBIOS. — Il semble certain que les Actes d’Auxibios dépen- 
dent de ceux de Barnabé, car tous deux supposent qu'Héraclide 
a été ordonné par saint Paul lui-même et a été transféré à Sala- 
mine, enfin tous deux attribuent le même rôle à Rhodon. Il est 
certain que les Actes d'Héraclide sont indépendants des précé- 
dents, car ils font ordonner celui-ci par Barnabé seul durant son 
second voyage à Chypre, ils ne parlent pas de la translation à 
Salamine, donnent grande importance à Mnason et ne supposent 
plus que Rhodon a accompagné Marc en Égypte. Il serait com- 
mode de supposer que les deux rédactions (les Actes de Bar- 


(1) Publiés dans Acta SS., juin, t. II, p. 431-436, et par C. Tischendorf, Acta 
apostolorum apocrypha, Leipzig, 1851, p. 64-74. 

(2) Traduite dans Acta SS., février, t. III, Anvers, 1658, p. 124-198. , 

(3) Voir en particulier : Théodore le lecteur, Hist. eccl., Il, 2 et le panégyrique 
du moine Alexandre dans Acta sanctorum, juin, t. Il, p. 437 sqq. 


128 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


nabé et ceux d'Héraclide) sont indépendantes l’une de l’autre 
bien que basées toutes deux sur d’antiques traditions en partie 
communes; sinon il faudrait dire que les Actes de Barnabé sont 
plus récents et ont pour but de rattacher Héraclide à saint Paul 
et à Salamine et de faire passer à cette dernière ville la préémi- 
nence qui aura d'abord appartenu à Tamassos. 

IV. TÉMOIGNAGES DIVERS SUR SAINT HÉRACLIDE. — Cet évêque 
n’est pas seulement connu par nos Actes et par ceux de Barnabé 
et d'Auxibios, mais semble avoir joui — et jouit encore — d’une 
grande célébrité locale : Il est cité par les chroniques cypriotes, 
par exemple par Machéras qui nous apprend que les premiers 
évêques de Tamassos sont Héraclidius, Mnason, Rhodon, Macé- 
donius (1); il figure dans le synaxaire local qui commence par 
résumer nos actes (2); il a passé dans le synaxaire de Constan- 
tinople qui en fait un martyr (3), ce synaxaire lui associe Myron 
que divers écrivains, en particulier Étienne de Lusignan, in- 
fluencés sans doute par ce rapprochement, lui ont donné pour 
successeur (4); il opérait encore des miracles en 1769, à l'endroit 
où fut Tamassos (5); un monastère lui est encore dédié entre les 
villages actuels de Politikos et de Péra, c'est-à-dire à l'endroit où 
était le faubourg de Tamassos (6); une longue biographie du 
saint est encore conservée dans ce monastère (7); d'après les 
longs extraits qu'en donne M. Sakellarios, cette biographie 
semble au fond identique à la nôtre et n’en serait peut-être 
qu'une paraphrase en langue vulgaire. Il existe encore une 
église dédiée à saint Héraclide (8); c'est peut-être dans cette 
église que s'accomplit le miracle rapporté plus haut. On voit 
donc que l'évêque Héraclide, s’il est presque inconnu en Occi- 
dent, a grande importance pour les Cypriotes et mérite l’article 
que nous lui consacrons ici. 


(1) Publications de l'École des langues orientales vivantes, 115 série, tomes 2 et 3, 
p. 18 (texte) et 20 (traduction), Paris, 1882. 

(2) Cf. J. Hackerr, À history of the orthodox Church of Cyprus, Londres, 1901, 
p. 377 (d’après les Excerpla Cypria de C. D. Cobham). 

(3) Éd. DeLenaye, au 17 septembre, p. 54. 

(4) Cf. LE Qurex, Oriens christianus, 11, 1057-1060. Ici sa mort est placée — nous 
ne savons pourquoi — au 27 septembre au lieu du 17. 

(5) CF. 1. HacKkETT, loc. cit., Ὁ. 378. 

(6) Cf. A. Σαχελλάριος, Τὰ Κυπριαχά, Athènes, 1890, t. I, p. 214-217. 

(7) Ibid. 

(8) Zbid., p. 217. 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE, 129 


V. Mwason ET ΠΌΡΟΝ. — Mnason est mentionné dans les 
Actes des Apôtres (xx1, 16). IL était cypriote et reçut saint Paul 
dans sa maison à Jérusalem, lors du dernier voyage de l'Apôtre 
dans cette ville. Le synaxaire de Constantinople en fait aussi 
un évêque martyr (1). Tels sont à peu près les seuls éléments 
de la notice que les Acta sanctorum lui consacrent (2). D'après 
les sources locales, il est né à Tamassos, fils d'idolàtres. Durant 
un voyage à Jérusalem, il rencontre Jean qui l’instruit et le 
renvoie à Chypre où saint Paul l'ordonne à cause de sa connais- 
sance des Écritures. Vient ensuite un résumé des faits de la 
vie d'Héraclide qui le concernent. Il meurt le 19 septembre et 
on le fête le 19 (ou 18) octobre (3). Il existe encore à Chypre un 
monastère sous son vocable (4). Les présents Actes semblent 
dire au commencement qu'il existait des Aces de Mnason 
rédigés par un certain Théodore (5) et que ceux d'Héraclide le 
furent pour compléter les premiers. Il est assez naturel en effet 
que Mnason, nommé dans les Actes des Apôtres, ait été po- 
pularisé avant Héraclide. 

Quand à Rhodon, à qui sont attribués les Actes d'Héraclide, 
rien dans sa rédaction ne rappelle les passages des Actes de 
Barnabé qui le concernent; il est censé ne pas quitter Héraclide 
et Mnason qui prennent grand soin de lui et n'oublient pas de 
le faire manger lorsque eux-mêmes jeûnent. Il est en somme l'un 
des principaux personnages du récit et on comprend que les 
sources cypriotes en fassent 16 troisième évêque de Tamassos. 


RÉSUMÉ DE LA LÉGENDE 


1. (fol. 184) L'auteur se met en scène et nous raconte l'occa- 
sion de son travail : « Mes amis, le saint père Théodore tombé 
malade me fit appeler et me dit :.. Sous l'inspiration du Saint 
Esprit, J'ai écrit tout ce qu'a fait le père Mnason, et toi, mon fils 


(1) Éd. Deceuaye, au 19 octobre, p 150. 

(2) Juillet, Ὁ. LIL, p. 237-298. 

(3) J. ΗλΟΚΕΤΊ, loc. cil., p. 379. 

(4) A. SAKELLARION, loc. cil., Ὁ. 216. 

(5) Ce Théodore serait donc aussi un contemporain des Apôtres. Ne serait-il 
pas l’un des patrons du temple τῶν ἁγίων Θεοδώρων qui est à Politikos (ancienne 
Tamassos)? Cf. SAKELLARION, loc. col. 

ORIENT CHRÉTIEN. 9 


130 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Rhodon, applique-toi à écrire tout ce qu'ont fait nos saints 
pères Héraclide le prêtre et Mnason le docteur afin que tu laisses 
un souvenir éternel après toi. Et il me remit les actes (ὑπομνή- 
vara) de notre commun père et docteur Mnason. » 

2. Rhodon ne sait trop comment accomplir ce précepte, 
quand Théodore meurt et Héraclide et Mnason avec d’autres 
fidèles et Chrysippe, père de Mnason, viennent à propos pour 
l'enterrer. Rhodon n'a donc qu’à s'attacher à eux. Le neuvième 


jour, Héraclide crée sainte Procliane diaconesse de la sainte : 


Église. 

3. Une veuve nommée 7rophime envoie son fils unique, 
Grégoire, en certain endroit (1), il est piqué par une vipère et 
meurt. La mère envoie sa parente Wacédonia près d'Héraclide 
et de Mnason pour les apitoyer sur son sort. (fol. 176) Ils vont 
la trouver et Rhodon les conduit. Héraclide prie Dieu et la mère 
meurt; il continue à prier, le fils ressuscite, (fol. 170) puis ra- 
conte qu'un jeune homme au visage brillant comme le soleil 
l’a touché et qu'aussitôt il s'est levé. On demande de ressusciter 
aussi la mère: cette fois c'est Mnason qui fait la prière et qui 
la ressuscite (2). Trophime, son fils et Macédonia vont s'habiller 
et se rendent au temple (ναῷ) de Dieu où Héraclide baptise près 
de quatre cents hommes et femmes. 

4. Un homme de Péra (3) possédé d'un esprit redoutable se 
jette sur le père Héraclide, lui déchire son manteau et se trouve 
guéri. Les Hellènes, à cette nouvelle, amènent leurs malades. 
Héraclide et Mnason les guérissent par l'imposition des mains. 

Ὁ. Des matelots viennent raconter à Héraclide (fol. 171) que 
le nom de Jésus a apaisé les flots. On les baptise. Le dimanche, 
« tout le peuple, nous nous réunimes dans le temple et, après 
le chant des hymnes, nous embrassämes les saints pères ». 
Héraclide fait un discours. Un esprit impur paraît dans un 
jeune homme, on demande à Héraclide de le guérir. (fol. 172) 
Il le fait. Le jeune homme raconte qu'un chien l'avait jeté à 


(1) ἀπέστειλεν ἐν χτλώσεων. 
(2) L'auteur semble vouloir donner autant d'importance à Mnason qu’à Hé- 


raclide. 
(3) C'était un faubourg de Tamassos situé sur la rive droite du Pédiaïon. Il y 
a encore à cet endroit un village de 400 âmes de ce nom. Cf. A. SAKELLARION, 


loc. cit., p. 215. 


ts" re 
Wu 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE. 131 


terre et le déchirait, mais qu'un homme plus brillant que le 
soleil était venu le délivrer. 

0. Héraclide ordonne au diacre Clésippos de catéchiser Gré- 
goire ancien magistrat (1) et il l’ordonne diacre « de l’église 
catholique ». 

7. Nicolas apporte une lettre de Paul et Barnabé que nous 
publions ci-dessous, p. 137; on la lit au peuple; (fol. 173) le 
saint ἀρχιερεύς, Héraclide, exhorte le peuple à la prière et lui 
annonce qu'il doit aller à Paphos (2) comme les apôtres le lui 
ont commandé; (fol. 174) il ordonne Grégoire prêtre, et le 
charge de catéchiser le peuple et d'accomplir « toute la liturgie, 
puis, prenant Mnason et moi Rhodon, nous partimes pour 
Paphos ». 

8. Héraclide rend la vue à un aveugle et les gens des alen- 
tours le prient d'avoir pitié d'eux. « Au soir, le père Héraclide, 
prenant du pain et ayant rendu grâce, me le donna, disant : 
Prends de la nourriture, enfant; pendant que je la prenais les 
saints pères reposaient, car ils avaient coutume de ne manger 
que tous les quatre jours. Durant notre repos, le père Héraclide 
se leva durant la nuit et dit au docteur Mnason : Je veux que 
tu saches, ὁ père Mnason, tout ce qui m'est arrivé. Au temps 
où nous faisions des sacrifices à ceux qui ne sont pas dieux, les 
serviteurs de Dieu Barnabé et Marc vinrent à passer et mon 
père Hiérocléos les invita à entrer chez lui. » Ils lui demandè- 
rent seulement le chemin de la montagne neigeuse (εἰς τὸ 
χιονῶδες ὄρος) (3), et Hiérocléos chargea Héraclide de guider 
les apôtres. (fol. 175) Barnabas instruisit Héraclide qui ne 
voulut plus le quitter, et fut baptisé lorsqu'ils arrivèrent εἰς 
σολίου ποταμόν (4). Héraclide les accompagna durant leurs 
voyages dans tous les environs, ils arrivèrent à l'endroit nommé 
ἹΚορμιαχκίτη et de là ils allèrent à Tamassos où ils furent bien 
reçus; ils demeurèrent dans une caverne où Mnason vint les re- 
joindre. Héraclide termine, en disant qu’une grande tribulation 
les attend. 


(1) ὁ προπολιτενόμενος. 

(2) ἐν Πάμφῳ. Cf. infra. 

(3) Figure dans les Actes de Barnabé (éd. Tisch., p. 70); c’est le mont Olympe. 

(4) « Au fleuve de Soli »? Ainsi, d’après cette histoire, Héraclide n’a pas vu 
saint Paul. 


132 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


9. Au matin les gens du pays viennent les chercher, ils bap- 
tisent quinze hommes et guérissent un estropié; mais les cita- 
dins, apprenant ce qui se passait, viennent les chasser de là. 

_« Is vont ἐν τόπῳ χουρίῳ et y trouvent des filles qui courent les 
cheveux épars (1) et une grande foule ». Ils sortent et, à un 
mille de la ville, trouvent une source où ils s'arrêtent pour se 
reposer. Ils donnent encore du pain à Rhodon sans en prendre 
eux-mêmes. Au coucher du soleil, Héraclide propose, puis- 
qu'on ne veut pas les recevoir (2), de retourner à leur ville. 

10. Au retour ils rencontrent une possédée (fol. 185) depuis 
vingt-deux ans et la guérissent. Ils continuent leur chemin et 
arrivent au coucher du soleil ἐν χώρᾳ λίθου Ἰζολόνη. Héraclide et 
Mnason, qui n'avaient pas mangé depuis quatre Jours, mangent 
du pain et boivent de l’eau. 

11. Ils arrivent ἐν χώρᾳ pertvr où le fils du prêtre Grégoire 
les rencontre et leur annonce la mort de Héracléiana (3), sœur 
d'Héraclide. Ils arrivent à Tamassos, les fidèles viennent les 
voir, Héraclide demande à Grégoire où l’on ἃ enterré sa sœur. 
On les conduit à la colline nommée Ἰζαράνη, ils prient et Héra- 
clide fait une exhortation au peuple. 

12. Dix jours après arrive un homme ἀπὸ χωρίου Λαμπαδι- 
στοῦ (4), (fol. 186) nommé Timothée, lequel réclame trente 
pièces de monnaie (νομίσματα) qu'il aurait données en dépôt à 
Héracléiana. Héraclide va demander à sa sœur où est cet ar- 
gent. Elle répond de son tombeau qu'il est sous une pierre au 
pied de sa couche. Timothée se fait chrétien. 

13. Arrive le jeûne de la quarantaine, 115 font l'office Li et 
nuit; ils font mémoire de Héracléiana, elle était venue à trente 
ans à Z'amassos et avait été diaconesse durant quinze ans. 
Héraclide avait cinq ans de plus. 

14. Aux jours des souffrances du Seigneur (5) il pleut durant 


(1) Ἦσαν λυσίχομαι χόραι τρέχουσαι. 

(2) D’après ses Actes, Barnabé aurait aussi été mal reçu dans plusieurs villes 
de Chypre. 

(3) Plus loin Ἡραχλειδιάνη. Ces deux noms n’en forment done qu'un. De la 
même manière les Actes de Barnabé nous apprennent que-Héraclide se nommait 
d'abord Héracléon, Acta S$,., juin, Il, p. 428. 

(4) Mentionné ActasSS., juin, Il, p. 427 et Tiscenpore, Acta Apost. Apocr., p.70. 
D'après Sakellarios, Λαμπαδιστό est l'un des noms de l'Olympe, aussi bien que 
« montagne neigeuse », loc. cit., I, p. 14. 

(5) Durant la Semaine sainte, avant le baptème du Samedi saint. 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE. 155 


trois jours, les rivières gonflent et les gens du faubourg Péra 
(ἐν τῷ προαστείῳ Ilépay) ne peuvent venir au baptème. (fol. 187) 
Le diacre Clésippos, Mnason et Héraclide se mettent en route 
avec les saints évangiles, les eaux s'écartent et leur font un 
passage. Héraclide dit aux deux prêtres JMnason et Grégoire de 
prendre Aétius et Romulus et il en fait des sous-diacres, il or- 
donne Germanos lecteur. On fait l'office, puis Æéraclide οὐ- 
donne Aéfios diacre (fol. 188) et sa mère, Trophime, diaco- 
nesse. Vient l'office des catéchumènes, puis, au moment des 
mystères, un fidèle, saisi tout à coup du démon, se précipite sur 
Mnason ; Héraclide chasse le démon, on termine les mystères 
et chacun va chez sol. 

15. Le lendemain on se rend à l'église; alors un certain 
Alexandre, χαχόδαίμων, qui était débiteur d’un fidèle et lui 
_avait donné des gages, le menace, s’il ne lui rend pas ces gages, 
(fol. 189) et veut l’étrangler. Mnason lui demande de le laisser 
et qu'il lui rendra ce qui lui appartient, d’autres infidèles vien- 
nent à la rescousse, Mnason rend Alexandre DURE et paraly- 
tique. (rélase et ses trois fils qui étaient στηλοποιοί se conver- 
tissent. Mnason guérit Alexandre. 

16. (fol. 190) Trois jours après, Hiéros, fils de Philothéos, 
meurt. Le père a recours aux prêtres des idoles. Les habitants 
de Péra invoquent Apollon (1), Gorgias et Artémis; les ταμασίοι 
invoquent Asclépios, Dionysos et Arlémis, mais en vain. 
(fol. 191) Héraclide le ressuscite et prononce une exhortation 
assez longue. (fol. 192) On baptise Hiéros avec ses parents 
Philothéos et Nympha (2), au nom du Père, du Fils et du 
Saint-Esprit, « et, après avoir accompli le mystère de Dieu, nous 
primes tous le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ ». 
Trois Jours après, le démon entre dans les Hellènes, hommes et 


(1) Nonnus dit qu'à Tamassos on honorait Apollon 4 Ὑλάτης. Il est cité par 
Sakellarion, loc. cit., 1, 215. Celui-ci ajoute que sur les fondements du temple 
d’Asclépios à Péra on ἃ élevé l’église τῆς Παναγίας τῆς ᾿Ελεούσης et, sur les fonde- 
ments du temple de Vénus, l’église Saint-Georges. Apollon ‘Edeirne est mentionné 
aussi dans une inscription cypriote, cf. Comples rendus des séances de l'Aca- 
démie des Inscriptions et Belles-Lettres, in-4°, séance du 1 avril 1887, La 
seconde inscriplion bilingue de Tamassos. M. Berger rapprochait Ἑλείτης d'Hélos 
et en concluait que les Cypriotes avaient emprunté ce dieu à Hélos; en réalité 
c’est Apollon Mérns ou dieu des bois, comme l’a dit M. Sakellarion, p. 117. 

(2) Ce prodige est résumé par J. Hackett, Loc. cit, p. 380. 


194. REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


femmes, et « ils viennent pour anéantir non seulement nous, 
mais encore notre mère l'Église catholique et apostolique ». Ils 
prennent les armes et viennent, comme des animaux féroces, 
injurier les Pères. Longinos surtout blasphémait le vrai Dieu. 
Héraclide et Mnason lui disent : Cesse, enfant, ne blasphème 
pas ainsi le Dieu du eiel et de la terre. Les païens les appellent 
magiciens et sorciers; alors Héraclide, effrayé, les maudit 
comme le furent Sodome et Gomorrhe, puis les chrétiens ren- 
trent dans leur cellule. Un parent du diacre Aétios intervient 
alors en leur faveur et donne de sages conseils aux païens (1). 
Il leur dit qu'on ne sait d’où proviennent les arts magiques des 
chrétiens mais que celui qui agit mal avec eux est aussi mal 
traité. Il faut donc s’écarter, de crainte qu'ils n’appellent leur 
Dieu magicien à leur secours. 

Ils s'en vont, mais l’un d'eux, nommé Sabinos, heurte la 
porte du temple de Dieu avec le bois qu'il tient à la main. La 
porte tombe, le frappe à la face et le tue. Les autres, à cette 
nouvelle, accourent et l'emportent. 

Le saint père Héraclide, le héraut de la vérité, regrette d'a- 
voir maudit ces impies, parce que l'Évangile ordonne de faire 
du bien aux ennemis. Mnason lui dit qu'il ne les ἃ pas mau- 
dits pour leur causer du tort mais seulement pour ramener 
leurs âmes. Héraclide n'admet pas cette raison et demande à 
Dieu de lui pardonner le péché qu'il a commis en maudissant 
les païens. 

Le soir arrivé, on fait l'office du soir, puis on prend de la 
nourriture et Héraclide demande encore à ses disciples de prier 
pour lui avec le père Mnason, pour que Dieu lui remette ses 
péchés. Chacun va se coucher quand, au milieu de la nuit, 
Héraclide fait demander le docteur Mnason (fol. 375) afin qu'il 
vienne prier pour lui parce qu'il se trouve mal. 

17. (fol. 375) « Mnason nous accompagnant se mit à prier et 
prenant de l'huile de la lampe toujours allumée (às££s5rev), la 
porta au père Héraclide et l'en oignit. Le saint père Héraclide 
me dit : Va, mon fils Rhodon, et convoque les serviteurs de Dieu 
dans son temple. Nous fimes ensuite les prières de nuit. Au 


(1) Nous passons d'ici au ms. 979, fol. 371, sans lacune. Toute la suite appar- 
tient au ms. 979. 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CHYPRE, 135 


jour, nous allämes tous saluer notre saint père qui nous dit... 
Prions Dieu pour nos péchés ». Il avait la fièvre et souffrait du 
côté. 

18. Le troisième jour qui était le dimanche, il réunit le 
peuple fidèle, lui fit un court discours. Aéfios et Grégoire lui 
donnèrent la main, le diacre Clésippos prit les saints évangiles 
et on serendit à l'église. « Héraclide ordonna au prêtre Grégoire 
et au diacre Clésippos de porter saint Mnason sur l'autel, puis 
il lui plaça les saints évangiles sur Ja tête et parla ainsi : Frère 
Mnason, aucune partie des saints Livres ne t'échappe, tu sais 
comment Moïse a conduit le peuple dans le désert, tu as Iu 
combien de prières il ἃ prononcées pour lui; toi donc, frère 
Mnason, ne refuse pas de prier pour tout ton peuple, afin que 
le Seigneur amène encore d’autres brebis dans ses parvis; (fol. 
916)... deviens comme Josué qui a été le successeur de Moïse et 
a conduit lui aussi son peuple dans la paix... prends ton bâton 
et chasse de ton troupeau le loup, l'ours et le lion. Il plaça son 
livre manuel (ἐγχειρίδιον) sur le cou de Mnason et ordonna à 
Clésippos de dire la prière, puis il leva les yeux au ciel et de- 
manda à Dieu d'envoyer son Saint-Esprit dans le prêtre Mna- 
son. Le diacre Clésippos lut l’apôtre et le père Mnason l'Évan- 
gile, puis celui-ci célébra la messe pendant que le père Héraclide 
restait à son siège à cause de sa faiblesse. Mnason donna la 
communion à Héraclide et celui-ci à Mnason, puis il plaça 
Mnason sur son siège et nous donna la paix. Il envoya ensuite 
Mnason nous la donner. Puis le père Héraclide lui dit ».… 

(Il manque ici un feuillet.) 

19. (fol. 377) Tout le monde pleure, Héraclide les prie de ne 
pas lui faire de peine; il prend la main de Rhodon et l'envoie 
chercher un pain qu'il donne à Mnason en disant : « Prends le 
pain, brise-le et donne l'eulogie à nous tous. Tous ayant reçu 
l’eulogie, nous primes de la nourriture, puis, à la fin du Jour, 
nous allâmes à l'office du soir, après quoi nous revinmes saluer 
notre père. » 

20. Au sixième jour Héraclide appelle Mnason et lui demande 
de mettre son corps « dans la caverne où est Barnabé [6 disciple 
du Seigneur ». Il fait ses adieux à Mnason, à Grégoire l'archi- 
prêtre et à Rhodon, puis il meurt. « On l’ensevelit dans la ca- 
verne où il avait accompli les mystères avec les disciples de 


136 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Notre-Seigneur Jésus-Christ. Notre saint père Héraclide vécut. 
dix ans après la mort de sa sœur (1) et mourut en paix le 
17 septembre en louant le Père, le Fils et le Saint-Esprit, main- 
tenant et toujours et dans les siècles des siècles, Amen ». 


F. NaAu. 


UNE LETTRE APOCRYPHE DE PAUL ET BARNABÉ 
AUX CYPRIOTES 


Nous publions ici à part, pour la mettre davantage en relief, 
la lettre soi-disant écrite par Paul et Barnabé à Héraclide et aux 
habitants de Tamassos (2). Cette lettre semble avoir partagé le 
sort de l'histoire d'Héraclide et n'être conservée aussi que dans 
le seul manuscrit 769. De plus l'original devait être en cet 
endroit en mauvais état, car le scribe du ms. 769 (fol. 173) ἃ 
laissé en blanc la place de quelques mots et lignes qu'il ne 
pouvait sans doute pas lire ; il semble bien qu'il ἃ dû omettre 
encore d'autres mots säns l'indiquer, car plusieurs phrases sont 
peu intelligibles; nous l’éditons /elle quelle (3). Les habi- 
tants de Chypre qui ont cru à l’apostolicité de leur Église et 
qui ont regardé Héraclide et Mnason comme leurs premiers 


(1) On le fait donc mourir à l’âge de soixante ans, car sa sœur mourut à l’âge 
de 45 ans et il avait cinq ans de plus qu’elle. 

(2) Cf. supra, p. 131. 

(3) Y compris la ponctuation et les trémas que le scribe prodigue. 


NOTE SUR LE MANUSCRIT 709. 


La seconde homélie, qui est de saint Jean Chrysostome, débute par τοῦ οὐτοῦ. 
La première n’est donc pas « d’un anonyme », mais du même auteur; c’est la 
fin de la troisième homélie sur Job, depuis Migne, P. G., t. LVI, col. 574, I. 22. 

Dans l’homélie « sur le riche et Lazare » manque un feuillet entre les [0]. 38 
et 39, à partir de Migne, P.G., t. XLVIIL, col. 977, L. ?, jusqu’à la ligne 40 de la 
même colonne. Les vingt à partir de lignes de J'homélie manquent aussi. 

Enfin « la translation des reliques de saint Jean Chrysostome » ne va pas jus- 
qu’au folio 96, mais s'arrête, tronquée, au folio 84. C’est la Vie de Siméon sty- 
lite l’ancien, écrite par Antoine le moine, qui occupe les folios 85 à 96; il n’y 
manque qu'environ la première page. 


L'APOSTOLICITÉ DE L'ÉGLISE DE CIHYPRE. 1357 


évêques, contemporains des apôtres, ont dû croire aussi, à cer- 
taine époque, à l'authenticité de la présente lettre. De plus cette 
citation fera connaître aux lecteurs le style des Actes d'Héraclide. 

I. Voici d'abord l’arrivée du messager, et la remise de la 
lettre. Le lendemain Héraclide commande à Mnason de la lire 
au peuple. 


, [F2 δὲ ιν ἅ \ - * AA , LOS ΡΠ » 
Οψίας δὲ γενομένης. χαὶ τῶν ἐσπερινῶν ἀπολύσάντων, ἔργεται 
ψιοῖς ἢ ϊ ? : P ? P 
τίς ὀνόματι Νικόλαος, γράμματα ἐπιφέρων πρὸς τὸν πατέρα Ἡραχλεί- 
δῖον, χαὶ ἀσπασάμενος πάντας, ἀπέδωχεν τὰ γράμματα. Τ]αύλου χαὶ 
Βαρνάδα, τῶν μαθητῶν τοῦ χυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ, χαὶ ἐπὶ- 
΄ € ε NE “. ἂν . 
δώσας ὁ πατὴρ Hoaxheidios Myicwvi τὴν ἐπιστολὴν χαὶ ἀνειλίξας, 
ἐσήμανεν τῷ πατρὶ Ἡρακχλείδη πάντα, χαὶ εἰσελθόντες ἐν τῷ χελλίῳ, 
L 146 - ἊΝ / δὲ ΪἼ ΄ Δ DA LA SAS 
μετελάδωμεν τροφῆς. ᾿Αναστάντες δὲ ἐποιήσαμεν τὴν εὐχήν᾽ καὶ ἡσῦ- 
χασάντων ἡμῶν μικρὸν, ἀνέστημεν ἀμφότεροι εἰς τὴν παννύχίαν, Ha 
ἐχτελεσάντων τὴν ἅπασαν ἀχολουθίαν, ἐπιτρέπει Mydcovi τὴν ἐπὶ- 
᾽ P 


, τὰ 4% - - ᾿ το μτ ΓΑ ΟΣ LA 
στολὴν ἀναγνῶναι παντὶ τῷ λαῷ. Περιεῖχεν δὲ ἡ ἐπιστολὴ οὕτως" 


II. Texte de la lettre. Paul et Barnabé connaissent le mérite 
et les travaux d'Héraclide: ils lui recommandent de continuer 
à évangéliser Paphos, lui donnent de bons conseils et recom- 
mandent au peuple de mettre tout en commun. 


"Eyvouey τὴν ἀγαθὴν ὑμῶν γνώμην οὐσαν χατηρτίσμένην ἐν χυρίῳ: 
χαὶ σπουὸδ ζζωμεν γράφειν ὑμῖν, ὅσιε πάτερ, διὰ βραχέων ἡμῶν γραμ.- 
μάτων. Ἔγνως (1) τὰ cüubévra ἡμῖν ἐν τῇ Πάμφῳ (2)- καὶ ὅμως 
τοὺς ποταμοὺς ἀνασαίνοντας" χαὶ τοῖς βιαίοις ἐπὶ κλύσασαν, χωλύματα 
υηχανάται: αὐτὸς δὲ, ὡς καλὸς ποιμὴν, μὴ ἀντιστῆς τῷ τούτων 
θυμῷ: ἀλλὰ μεταγράψωμεν ( 173") τοίνυν ἐκ τοῦ εὐαγγελίου εἰς 
τὰς ψυχὰς αὐτῶν" ἱερωσύνη γὰρ λαχὼν τὴν ἀναίμακτον ἐχφερομένην 
Le V4 - CEE LT “. ΄ 94 “. - ᾿ 3 τὶ Εν a CS A Υ ΔΛ “ 
θυσίαν" τοῖς χινδυνεύουσιν συμμαχοῦ (3): ἀόκνως γενοῦ πρὸς τὸ κήρυγμα 
τοὺς τὴν [Πάφον οἰκοῦντας, τὰ βρέφη τοὺς (4) χρουνοὺς τοῦ γάλαχτος 


ἐχπλείων τῷ λιμώττοντι παιδίῳ, τὴν χεῖραν τῆς μητρὸς ἄρτους πε- 


(1) ἔγνω Ms. On pourrait aussi lire "Eyvote (τὰ) συμόάντα. 

(2) Allusion à l'hostilité de Barjésu et d'Elymas. D’après les Actes de Barnabé 
(éd. Tischendorf, p. 70-71) les habitants de Paphos ne laissent pas Barnabé et 
Marc entrer dans leur ville. 

(3) συμμάχγαι Ms. 

(4) Le ms. a deux fois τοὺς. 


198 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


TAnpopévav γέρων τῇ βαχτηρία γίνου: χαὶ γλύχεῖα τὴν νουθεσίαν" 
τὰς ὀδύνας θεράπευσον᾽ χειρὶ (1) μὲν ἄρτον᾽ γλώττῃ δὲ χρηστὴν ἐλπίδα 
προτιμῶν, ἐχχλησίας τοῖς αἰχμαλώτοις ἀνοίγων" τοῖς (2) ἀντὶ-- 


γίνου; ἀτόπως γὰρ μὴ ναι τοὺς πάντας EX μιᾶς 


ε dt \ . \ ENS Ta, \ ἠδ \ _ - € / ” 
" #70 τὰ KO ψυχὴ μια ŒROUE χαι Οοὐόεις TA τῶν υπᾶρῤργοντῶν ἔλεγεν 


HÈ.. ci ᾽ et 2 2 RTE = * , “ " 
ἴδῖον εἶναι, ἀλλ᾽ vx πάντα χοινά (3)" πάντα οὖν ἐξ αὐτῶν ἔχοντες, 


*s 
ΕῚ -Ἔ U Ve ΄ὔ \ , “Z ω 
αὐτῷ εὐχαριστήσωμεν, χαὶ μὴ ἀποκάμωμεν, πληροῦντες τὴν ἐντολὴν 


- 
Ἰ 


τ r FO LA € Ὁ 
χαὶ τὸν λόγον τοῦ θεοῦ. ᾿Αμήν. O χύριος τῆς δόξης στηρίξει χαὶ 
οἰχοδομιήσει, χαὶ χαταρτΐἴσει πάντας ἡμᾶς εἰς τὸ αὐτοῦ θέλημα, εἰς 
τοὺς αἰῶνας. ᾿Αμήν (4). 


III. Après cette lecture, Héraclide adresse un mot au peuple 
et le messager s'en va : 


Καὶ τἀύτης ἀναγνωσθείσης, εἶπεν ὁ ὅσιος αἀοχιερεὺς Ἡραχλείδιος 
πρὸς πάντα τὸν λαόν᾽ [Πατέρες χαὶ ἀδελφοὶ χαὶ τέχνα. διὰ τὸν θεὸν 
μὴ ἀπογϊνόμεθα δεόμενοι τοῦ θεοῦ (fo 173") νυχτὸς χαὶ ἡμέρας, ὅπῶς 
ἀφῇ ἡμῖν τὰ πλευμελήματα ἡμῶν. Δεῖ γὰρ, τεχνία, πληρῶσαι τὰ 
ἐντεταλυένα ἡμῖν πχοὰχ τῶν διδασχάλων ἡμῶν. []Ἰχρέμεινεν δὲ ὁ ἀδελ- 
φὸς πρὸς ἡυᾶς Νίχόλαος ἡμέρας δύο. 


F. Nau. 


(1) χεῖρα Ms. 

(2) Nous laissons ici des blanes, comme dans le manuscrit, lequel en présente 
encore autant à la page suivante. 

(3) Cf. Actes, iv, 32. 

(4) Cf: Hébr.; xux, 20-21, et 1 Pierre, v, 10-11. 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE 
PSEUDO-CLÉMENTINE 


Le manuscrit n° 51 de la collection d’Abbadie (1), en sus du 
Testament de Nofre-Seigneur Jésus-Christ, dont la version 
syriaque à été publiée (2), contient trois autres ouvrages apo- 
cryphes inédits, dont une très courte analyse a été donnée par 
M. l'abbé Nau dans le Dictionnaire de Théologie catholique 
Vacant-Mangenot, t. IIT, col. 223. Le premier (fol. 113 à 131), 
que le catalogue d'Abbadie ne distingue pas du Testament 
précédent, vient d'être analysé assez longuement par M. l'abbé 
Guerrier (3). Nous nous proposons. d'analvser les deux autres, 
qui portent dans le catalogue les numéros 3 et 4 (4). Le pre- 
mier (fol. 131 à 146) appartient encore sans conteste au genre 
« Testament » ; il débute même comme le Testament syriaque, 
édité par Μϑ' Rahmani, et notre analyse contribuera, avec celles 
de M. Dib (5) et de M. Guerrier (6), à montrer combien ce 
genre ἃ plu aux Orientaux et quelles variations ils ont intro- 
duites sur ce thème. Nous traduirons ensuite les principaux pas- 


sages des derniers livres du Qalementos (7) éthiopien, ouvrage 


inédit, dont le docteur Haffner, professeur à l’université d’Inns- 
prück, prépare une édition (au moins des deux premiers livres) 
pour la Patrologie Orientale Graffin-Nau. Ce dernier ouvrage, 
apparenté aux Récognitions latines et aux Homélies grecques 


(1) Catalogue raisonné des manuscrits éthiopiens appartenant à Antoine d'Ab- 
badie, Paris, 1859, p. 60-63. 

(2) A Mayence, 1899, par M5 Rahmani. — M. Dib a montré qu'une version 
arabe de cet ouvrage ἃ été faite sur le syriaque. Cf. ROC, 1905, p. 418-425. 

(3) ROC, 1907, p. IS. 

(4) Zocwcit., p.62, 

(5) ROC, 1906, p. 427-430. 

(6) 2OC, 1907, p. 1-8. 

(7) Ou Apocalypse de Pierre. 


140 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


pseudo-clémentines, n’était connu jusqu'ici que par l'analyse de 
A. Dillmann (1) et par la publication de la version arabe du 
premier livre, faite par M. D. Bezold (2) et par Μ᾽" D. Gibson (3). 
En somme, nous nous proposons de faire mieux connaître les 
écrits pseudo-clémentins, conservés dans la littérature éthio- 
pienne. 


I. LA SECONDE VENUE DU CHRIST ET LA RÉSURRECTION 
DES MORTS. 


Cet apocryphe, contenu dans le ms. d'Abbadie n° 51 fol. 131 
r° a au fol. 146 v° a, est une révélation, faite par Jésus à Pierre 
et transmise par Pierre à Clément, sur les événements de la fin 
des temps, les supplices de. l'enfer et la miséricorde du Sei- 
gneur pour les hommes. Il est intitulé : 49° 1 ΜΈ τ AnCh#n : 
"ἢν τ PDT 4 τ 

Bien qu'ici, comme du reste en tout livre oriental, les divers 
sujets traités ne soient pas exposés avec beaucoup d'ordre, nous 
pouvons diviser l’apocryphe en six parties principales : 

1° La venue du Christ, la fin du monde et le jugement 
général. 

2° Les supplices endurés par les pécheurs. 

3° Le ciel, demeure des bienheureux. 

4° Le but de la création des êtres. 

o° La miséricorde du Seigneur envers les hommes. 


6° Ordonnances disciplinaires et liturgiques à propos des 


principales fêtes chrétiennes. 


1° La venue du Christ, la fin du monde et le jugement géné- 
ral (4) (fol. 131 r° ἃ au fol. 133 v° a). 

Réunis sur le mont des Oliviers, les apôtres supplient le 
Christ de leur indiquer quels seront les signes de sa venue et 
de la fin du monde (5). Le Christ leur dit que 16 temps de sa 


(1) Dans Nachrichten… der K. Gesell. der Wiss. zu Güllingen, 1858, p. 185-226. 
(2) Die Schat:hühle, Leipzig, 1888, 

(3) Kilab al-Magall, or the book of the Rolls, Londres, 1901. 

(4) Cette Apocalypse est encore à rapprocher de celle qui commence le Testa- 
ment Rahmani et de celle qu’a signalée M. Guerrier (loc. cit.). 

(9) Même commencement dans le Testament Rahmani : « Après que Notre- 
Seigneur, ressuseitant des morts et nous apparaissant, eut été touché par Thomas, 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 141 


venue n'est pas connu, qu'elle se fera tout à coup, comme 
l'éclair, qui apparaît de l'orient à l'occident, et leur rappelle la 
parabole du figuier qui bourgeonne et annonce l'été prochain. 
A Pierre, qui demande un éclaireissement sur cette parabole, 1] 
répond, en commentant la parabole du figuier stérile, au lieu 
d'expliquer celle du figuier qui verdoie. 

Dans les derniers jours il viendra de faux Messies qui sédui- 
ront les hommes. C’est alors qu'Hénoch et Élie seront envoyés, 
pour enrayer le mal accompli par ces imposteurs. Jésus montre 
à Pierre comment toutes choses se passeront à la fin des temps 
et comment les pécheurs, séparés des justes, seront punis. 
Effrayé du châtiment des pécheurs, Pierre déclare qu'il vaudrait 
mieux pour ceux-ci n'être pas nés. ἃ quoi le Christ réplique 
que, lorsque Pierre aura vu les crimes des pécheurs, 11 com- 
prendra la sévérité de la punition du Seigneur. 

Vient ensuite un tableau du jugement dernier. Tous les êtres 
réapparaitront à la fin des temps pour être jugés. La prophétie 
d'Ézéchiel sur les os sera accomplie. De même que les graines, 
semées sèches en terre, deviennent vivantes et fécondes, de 
même les hommes sortiront de la tombe, pleins de vie. Le 
jugement se fera au milieu du feu. Le feu sera partout, car la 
plupart des éléments, v. g. les eaux, la mer... se changeront en 
feu. Des flammes inextinguibles amèneront les hommes, dans 
un fleuve de feu, au jugement de colère. Alors, le Christ viendra, 
précédé de sa croix, sur une nuée lumineuse, et son Père cé- 
leste, après lui avoir posé une couronne sur la tête et l'avoir 
intronisé, lui donnera plein pouvoir, pour rendre le jugement 
dernier. 


2° Les supplices endurés par les pécheurs (fol. 135 v° a au 
fol. 136 r° à). | 

Aucun des damnés n’échappera au feu de la géhenne. Mais 
le feu ne sera pas le seul supplice. Il y aura aussi des tourments 
spéciaux, pour la punition de chaque sorte de péchés. Les 
damnés endureront donc des supplices qui varieront avec la 
nature des fautes commises. C’est ainsi que les scélérats seront 


Matthieu et Jean, Pierre et Jean lui dirent : « Seigneur, dis-nous les signes de 
la fin du monde et tout ce que feront les habitants du monde, pour que nous 
l'annoncions à ceux des nations qui croiront en ton nom... » loc. cil., p. 2 à 4. 


142 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


jetés dans une fosse contenant un brasier immense, les pros- 
tituées, pendues par le cou et les cheveux, les homicides, dé- 
vorés par des bêtes furieuses et rongés par les vers, les femmes 
coupables d’avortement, dévorées jusqu’au cou et cruellement 
torturées par les démons, les tueuses d'enfants, déchirées 
par des animaux féroces, les persécuteurs auront les intestins 
dévorés par les vers, les impies, les yeux brülés par un fer 
rouge, les faux témoins, les lèvres coupées, les usuriers seront 
brülés jusqu'aux genoux, les idolâtres et les adultères, harcelés 
par les démons, les serviteurs désobéissants se rongeront la 
langue, les sorciers et les sorcières endureront le supplice des 
roues de feu. Ourael et Ezrael auront pour mission de veiller à 
l'application intégrale des tortures aux pécheurs. 


3° Le ciel, demeure des bienheureux (fol. 136 r° a au fol. 137 
γ᾽ à). 

Les élus et les justes, amenés par les anges, seront introduits 
dans le royaume céleste. Pour lui faire mieux saisir ce qu'est 
la gloire du ciel, Jésus ordonne à Pierre de l'accompagner à la 
montagne sainte. Sur la montagne, se trouvent des personnages 
au visage plus brillant que le soleil et aux vêtements étincelants 
de lumière. « Mon Seigneur, qui sont ceux-ci? » s’écrie Pierre. 
« Ce sont Moïse, Élie, Abraham, Isaac, Jacob et les autres Pères 
justes, » répond le Christ. C'est alors que le paradis, séjour des” 
élus, s'ouvre tout grand. Émerveillé du spectacle qui se déroule 
à ses yeux, Pierre veut dresser sur la montagne trois tentes, 
une pour Jésus, une pour Moïse et une pour Élie. Soudain, une 
voix du ciel se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien- 
aimé, objet de mes charmes. Il observe mes ordres. » Les 
apôtres lèvent les yeux : ils aperçoivent, dans le ciel, de vrais 
hommes qui viennent à la rencontre de Notre-Seigneur, de 
Moïse et d'Élie, et ensuite pénètrent dans un autre ciel. A ce 
moment, le ciel se ferme aux yeux des apôtres. Ceux-ci, en des- 
cendant de la montagne, remercient le Seigneur d’avoir inscrit 
le nom des justes dans le livre de vie. 


4 Le but de la création des êtres (fol. 137 v° a au fol. 139 
r°-b): 
Le Seigneur a créé les êtres uniquement pour sa gloire. La 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 143 


conséquence de cela c'est que toutes les créatures sont stricte- 
ment obligées de célébrer le Seigneur. Les anges et les bien- 
heureux accomplissent ce devoir en exécutant un concert in- 
cessant de louanges, les damnés, en subissant leur châtiment, 
les éléments, en obéissant aux lois qui les régissent, le diable 
même, en demeurant fixé à Jamais dans son état de déchéance, 
Adam enfin et ses descendants, en adorant la majesté divine. 

La gloire du Seigneur est immense et sans fin. Lorsqu'ils 
s'associent par leurs hymnes et leurs chants aux louanges que 
décernent à Dieu les autres créatures, les hommes se préparent 
à recevoir le bonheur éternel qui leur est destiné. La glorifica- 
tion de Dieu est le gage de la gloire dans le ciel. C’est ainsi que, 
pour s'être toujours complu à célébrer le Seigneur avec un 
très grand zèle, les anges ont un visage plus brillant que le 
soleil, des yeux aussi étincelants que les étoiles du matin, 
des habits semblables à ceux dont Moïse et Élie étaient revêtus 
pendant la transfiguration sur le Thabor. 


Ὁ la miséricorde du Seigneur envers les hommes (fol. 139 
r° b au fol. 145 v° b). 

La préoccupation dominante de Pierre est de savoir quelle 
sera la miséricorde du Seigneur envers les pécheurs au dernier 
jour. En effet, une double mort leur est réservée. La première 
mort est celle qui, transmise par la procréation, s'étend à tous 
les êtres vivants, doués d’un corps. Le Christ lui-même, Verbe 
du Père, l’a connue, en tant qu'homme. Quant à la seconde 
mort, elle frappera exclusivement les pécheurs après la résur- 
rection des morts. Elle est plus redoutable que la première, car 
elle est définitive. 

Pour délivrer Pierre de la frayeur qui l’obsède relativement 
à la seconde mort des pécheurs, Jésus lui fait une révélation 
sur la miséricorde du Seigneur. La clémence divine s'étend à 
tous les hommes. Il en est d'elle comme du soleil que le Père 
céleste fait lever indistinctement sur les justes et sur les pé- 
cheurs, et de la pluie qu'il répand sur les bons et sur les mau- 
vais. De plus, le Christ qui avait pour mission de faire ici-bas 
l'œuvre de son Père, n’a-t-il pas guéri un paralytique le jour du 
sabbat malgré les malédictions et les blasphèmes des Juifs? Un 
tel fait prouve que l’œuvre du Seigneur est essentiellement une 


144 : REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. à 


œuvre de miséricorde. L’apôtre Paul, lorsqu'il affirme qu'après 
la seconde venue du Christ et le jugement général, la mort 
sera le dernier ennemi détruit, montre aussi par là combien 
le Seigneur est miséricordieux. 

La comparaison, faite par le Christ, du Seigneur à un potier 
qui, ne trouvant pas réalisé l'idéal entrevu, brise le vase qu'il 
vient de finir, pour essayer de le refaire plus beau, indique exac- 
tement quelle est la conduite miséricordieuse de Dieu envers 
Adam pécheur. Si le Seigneur ἃ puni Adam, ce n’est que pour 
un temps. La récompense éternelle, destinée à Adam, n'est point 
supprimée; elle est seulement différée. Lorsqu'il aura accompli 
sa punition, Adam possédera la récompense entière. David, 
de son côté, a exprimé la grandeur de la miséricorde de Dieu 
dans ses psaumes. Le Christ cite à Pierre divers passages, tirés 
des psaumes, et commente la parole de David : « Le Seigneur 
m'a fortement chàätié, mais ne m'a pas livré à la mort. » 

Cette révélation sur la miséricorde divine, que Jésus n’a faite 
qu'à Pierre seul (en effet, les anges, les justes, les martyrs, les 
prophètes l'ignorent), doit être un mystère caché, C'est que, si 
les pécheurs venaient à la connaître, ils s'en autoriseraient 
dans leur malice, pour pécher davantage, et ils diraient : « Le 
Seigneur aura pitié de nous au dernier jour. » Le Christ, d'ail- 
leurs, n'a fait à Pierre une telle révélation que parce qu'il a 
vu. son abattement, ses larmes, ses angoisses et qu'il a en- 
tendu ses supplications ardentes, entrecoupées de sanglots. 
Aussi, n'est-il pas permis à Pierre de divulguer le mystère que 
Jésus lui a exposé, sauf aux sages, qui sont capables de le 
porter ? : 

Une dernière révélation du Christ à Pierre a trait à la hié 
rarchie qui sera gardée dans le royaume éternel. Au ciel, les 
. bienheureux seront placés suivant leur dignité. C’est ainsi que 
les patriarches seront sur les trônes des Chérubins, les évêques 
sur ceux des Séraphins, les prêtres sur ceux des Puissances, les 
lecteurs sur ceux des Archanges, les rois et les souverains sur 
ceux d'Hénoch, d'Abraham, d’'Isaac et de Jacob. Une fois que 
les bienheureux seront installés dans le royaume éternel, le 
monde sera complètement bouleversé. Les cieux et la terre se- 
ront en feu. Il n’y aura plus ni soleil, ni lune, plus d'hiver, ni 
d'été. Ce sera comme à l’origine des temps, avant la création. 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 145 


Pierre, s'adressant à son disciple Clément, lui fait remarquer 
qu'il lui a exposé intégralement la révélation qu'il tient de la 
bouche même du Christ, lui recommande d'en déposer le livre 
dans un coffret caché, où personne ne mettra la main, lui in- 
dique ce qu'étaient les apôtres avant la venue du Paraclet, ce 
que l’Esprit-Saint leur a appris, et attire son attention sur le 
bonheur du ciel et le soin avec lequel il faut préparer notre ad- 
mission dans le royaume éternel. 


6° Ordonnances disciplinaires et liturgiques à propos des 
principales fêtes chrétiennes (fol. 145 γ᾽ Ὁ au fol. 146 v° 8). Im- 
médiatement après l'exposé de la miséricorde du Seigneur se 
trouve une liste des fêtes chrétiennes, classées dans l’ordre où 
elles doivent être célébrées. Un tel ordre a été choisi pour faci- 
liter l'audition des Écritures et pour établir le cours liturgique 
de l’année éthiopienne. Comme, dans la fixation de l’époque des 
fêtes, deux manières de compter sont indiquées : à savoir la 
manière égyptienne et la manière hébraïque, le mois et le jour 
sont déterminés pour chaque fête, suivant l’une et l’autre ma- 
nière. Pour célébrer les fêtes de l’année, il faut se reposer et 
honorer Dieu, la Vierge ou le Saint, en observant ce que pres- 
crivent les règles du culte. Citons quelques-unes des fêtes éthio- 
piennes, énumérées dans l’apocryphe : la Naissance du Christ, 
l’Ascension, la Descente du Saint-Esprit sur les apôtres, la Cir- 
concision, l'Annonciation, la Transfiguration, la Saint-Étienne, 
la Saint-Michel, etc. Le jeûne est prescrit aussi à certaines 
époques. 

La finale du ms. indique clairement ce qu'est l'apocryphe : 
une révélation, faite par le Christ à Pierre et rapportée par Pierre 
à Clément. Elle mérite d'être citée intégralement : ee : a 
22 3 NOTA : διὰ : LE : ΜΈ τ LPC: ἢ 
D: QE : ACER : PI FM : DAMES : γἹΖ : PAM. 
C:hon : A βιὮλ" τ AA τ PECU 00: : ΠΣ : 2L : AA : 
Noo : Rihe : AIM. hPa: : NO : ADALE : PRIVYM 
ἢ : A8 : ADAN : Ah : AGDE, : ANA : AYA QD! : 
ἀλη" : A2 ::: 


(Ms. φλοδϑὴ : 
ORIENT CHRÉTIEN. 10 


146 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


II. LE MYSTÈRE DU JUGEMENT DES PÉCHEURS. 


Ce bref traité est conservé dans le même manuscrit du fol. 
146 ν᾿ ἃ au fol. 157 v° Ὁ et ἃ pour titre : Exposé du mystère glo- 
rieux et caché — et recherche de cet exposé — sur le juge- 
ment des pécheurs. à τ ΔΊΣ : AMC : HEC : Th 
PPE 2 ΔΉΓΥΕ : PIC © NA : τὴ : ΦΆΤ : Le contenu 
correspond plutôt au sous-titre qui est : Pierre sonda Notre- 
Seigneur au sujet de sa miséricorde pour Adam. (ΝΠ : 
δι δ : ΔΑ ΠΥ : NAT : ΖΦ : 49° : Car le 
thème fondamental et le vrai but de l’apocryphe semble bien 
être la miséricorde du Seigneur envers les hommes. 

Le manuscrit est écrit sur deux colonnes et comprend vingt- 
cinq lignes par colonne. Il se termine brusquement par une 
colonne complète, sans aucun signe indiquant que le sujet est 
terminé. Nous devons donc en conclure que l'ouvrage est in- 
complet. C’est ce qu'avait déjà noté M. A. d’Abbadie : « La sec- 
tion est imparfaite à la fin, écrivait-il. J’ignore s'il manque 
plus d'un feuillet » (1). Nous ne connaissons pas d'autre ma- 
nuscrit du même ouvrage et nous nous proposons donc d'éditer 
celui-ci, tel qu'il nous ἃ été conservé. 

Des sujets tout à fait différents les uns des autres sont traités 
dans cet apocryphe. S'ils ont un lien, c’est certes la miséri- 
corde du Seigneur, car cette idée est clairement exprimée après 
les principaux développements (notamment dans cinq endroits 
différents), et l’auteur semble avoir pour unique but, en admet- 
tant que les Orientaux puissent avoir un but lorsqu'ils écrivent, 
de démontrer, par des textes et par des faits, l'existence et la 
grandeur de la miséricorde du Seigneur envers les hommes. 

Bien que l’apocryphe n'ait point de suite dans ce qu’il expose, 
nous pouvons diviser son contenu tout entier en cinq parties 
principales : 

1° Exhortation de Pierre à ses frères et énumération des attri- 
buts du Seigneur. 

2° Enseignement de Pierre à son fils Clément. 

39 Avis et révélations de Notre-Seigneur à Pierre. 

4 Récit de la chute originelle; explication de la manière 


(1) Loc. cit. 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 147 


dont le Seigneur ἃ remédié aux conséquences funestes de la 
chute; exposé de la miséricorde de Dieu envers l'homme et de 
la grandeur de ses œuvres. 

0° Abraham, Melchisédec et le Christ. 

Nous allons résumer les idées les plus importantes, très dif- 
fuses dans l'apocryphe, qui semblent se rattacher à ces titres 
généraux. 

1. Exhortation de Pierre à ses frères et énumération des at- 
tributs du Seigneur (fol. 146 v° ἃ au fol. 149 r° 8). 

Pierre recommande à ses frères de ne pas se laisser séduire 
par les choses éphémères de ce monde, mais d'éviter tout mal 
et de suivre constamment le droit chemin jusqu’à l’arrivée à la 
demeure éternelle. Vient ensuite une longue énumération des 
attributs du Seigneur, qui à trait à sa nature (éternité, immu- 
tabilité, science absolue, sagesse et intelligence profondes), à sa 
majesté (beauté sereine, gloire sans fin ni vicissitude, que célè- 
brent les anges et les saints), à son rôle envers le monde (créa- 
teur, ordonnateur, cause universelle, providence, maître absolu) 
et à son rôle envers les hommes en général (bonté, justice, 
miséricorde, paternité), envers les fidèles (rapports intimes avec 
eux, manifestation de son cœur), envers les faibles (vengeur des 
opprimés, afin de rétablir les droits violés), envers les pécheurs 
et les égarés (indulgence et pitié, afin de ramener ceux qui 
errent dans le droit chemin), envers les bons et les méchants 
(récompense des bons et châtiment des méchants). | 

2° Enseignement de Pierre à son fils Clément οἱ: 149 r° a au 
fol. 150 v° b). 

Les principaux points traités dans cet enseignement, sont, 
d'une part, un exposé sur les anges et les bienheureux, surtout 
dans leurs rapports avec le Seigneur, et d’autre part, un exposé 
sur les enfants d’Adam et la Rédemption. 

La nature et les attributs des anges sont nettement indiqués 
(spiritualité, éternité, impassibilité, gloire sans fin, intelli- 
gence sereine, absence complète de défauts). Quant à leur fonc- 
tion, elle consiste à célébrer le Seigneur avec beaucoup de 
spontanéité et de modestie, par le chant, par les cris, par la 
parole, avec une crainte respectueuse, sans discontinuation ni 
fin. Les bienheureux sont les enfants d'Adam, qui, associés aux 
anges, ont la même fonction qu'eux : célébrer le Seigneur. Dans 


148 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


la gloire, 1l résulte un nouvel état de choses pour les enfants 
d'Adam, qui ne sont plus du tout sous l'influence des méchants. 

La Rédemption est un bienfait de premier ordre pour les 
hommes, à qui elle a rendu leur droit d’'hériter de la vie éter- 
nelle. Sa cause est le péché de nos premiers parents. Opérée 
par la mort du Christ et par l’aspersion de son sang, la Rédemp- 
tion s'étend à tous les enfants d'Adam. Ses conséquences sont 
nombreuses et importantes. Le Fils du Seigneur, après avoir 
brisé les portes d’airain du Schéol, ἃ délivré les âmes prison- 
nières. Les hommes deviennent les enfants du Père, sont aimés 
par lui, sont exaucés en toutes choses, ont des droits au bon- 
heur sans fin, ont la puissance de Jésus, sont instruits par l'Es- 
prit-Saint. Le démon est vaincu définitivement et enfermé dans 
le cachot des impies. C'est pour lui comme s'il n'avait jamais 
été créé. Des devoirs spéciaux découlent de la Rédemption. Les 
hommes doivent coopérer à la Rédemption et surtout croire en 
Jésus, manger son corps, boire son sang, suivre la trace de son 
chemin, afin de ne faire qu’un avec lui et de devenir les enfants 
du Père céleste. 

3° Avis et révélations de Notre-Seigneur à Pierre (fol. 150 v° Ὁ 
au /fol."154 va). 

Notre-Seigneur donne à Pierre divers avis. Il lui indique 
d'abord son devoir, lequel est d’instruire Clément, à qui il dira 
ce qu'est la divinité (1), et les fidèles, à qui il exposera comment 
les bienheureux seront unis à Dieu dans le ciel, comment ils ne 
pourront se séparer de lui, pas plus que le poisson ne peut se 
retirer de l’eau, quel nouvel état de choses il résultera pour les 
bienheureux, comment le Seigneur est le chef et le maitre, la 
vie et l'espoir des enfants d'Adam. 

Notre-Seigneur explique ensuite à Pierre les motifs pour 
lesquels il lui a fait une révélation. C’est à cause des instances, 
des prières, des larmes, des supplications de Pierre. 

Enfin, 11 lui recommande de cacher au commun des hommes 
le mystère, qui lui a été révélé, car les hommes sont des in- 
sensés, qui s’autoriseront de la miséricorde du Seigneur, pour 
pécher davantage. Ne le divulguer qu'aux sages, qui peuvent en 
connaitre le sens et sont capables de le cacher et faire de ce 


(1) I y ἃ un jeu de mots sur pan :, qui est employé à la fois dans le sens 
de divinité et dans celui de domination. 


Ν 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 149 


mystère un bouclier, un sujet de tristesse, un principe de 
crainte et de repentir. La crainte et le repentir peuvent seuls 
conduire l’homme à la pratique du bien. L'homme est sembla- 
ble à un enfant désobéissant, qui, pour ne plus pécher, ἃ besoin 
de se souvenir des coups qu’on lui a infligés comme châtiment. 

Les révélations de Notre-Seigneur à Pierre ont trait à la rétri- 
bution d’outre-tombe et à ses suites, à la manière dont Dieu se 
comporte ici-bas envers ceux qui lui sont fidèles et envers ceux 
qui lui manquent de fidélité, enfin, à l'intention que s'est pro- 
posée le Seigneur en créant Adam. 

La rétribution des bons et des méchants aura lieu à la fin des 
temps. Deux sentences seront prononcées par le Christ : une 
sentence de bénédiction pour les Justes, qui seront récompensés 
à jamais, et une sentence de malédiction pour les méchants, qui 
seront châtiés éternellement (supplices nombreux, endurés avec 
les démons, et tous d'espèce différente). Le Christ viendra 
ensuite dans le monde entier, qui sera bouleversé et renouvelé. 
Les justes seront définitivement fixés dans le bonheur. Les im- 
perfections de leurs facultés auront disparu. Les saints auront 
des ailes spirituelles, ce qui leur permettra de voler dans les 
lieux élevés et jusqu'aux extrémités de la terre. Quant aux 
démons, ils seront terrassés pour toujours, ce qui réjouira les 
enfants d'Adam et ne les empêchera plus d'entrer en possession 
de l'héritage céleste. 

Parmi les hommes, les uns demeurent fidèles au Seigneur, 
les autres lui manquent de fidélité. Le Seigneur comble de biens. 
les premiers et punit sévèrement les seconds, jusqu'à ce qu'ils 
se corrigent et reviennent à lui. C'est ainsi, d’ailleurs, qu'il 
s'est comporté envers les Israélites, qui, tantôt fidèles, furent 
alors récompensés, tantôt infidèles, furent alors châtiés. 

Le Seigneur a créé Adam exclusivement pour le bonheur et 
non point pour un vain but, ni pour le châtiment. La punition 
n'a eu lieu qu'à cause de la prévarication d'Adam. Elle est tem- 
poraire. Accomplie, elle ne se renouvellera pas. En effet, le 
Seigneur destine Adam à la vie éternelle. 

4 Récit de la chute originelle; explication de la manière 
dont le Seigneur ἃ remédié aux conséquences funestes de la 
chute; exposé de la miséricorde de Dieu envers l'homme et de 
la grandeur de ses œuvres (fol. 154 v° ἃ au fol. 157 r° b). 


150 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Le récit de la chute originelle est détaillé. Le démon trompe 
nos premiers parents et les engage à manger du fruit défendu, 
afin de devenir Dieu. Avant le péché, nos premiers parents se 
promenaient dans le paradis, étaient les enfants du Maitre du 
‘paradis et mangeaient toutes sortes de fruits. Lorsqu'ils aper- 
çcoivent l'arbre défendu, le Seigneur leur recommande, par plu- 
sieurs fois, de ne pas manger de ses fruits et leur expose les 
conséquences désastreuses de leur désobéissance. La consé- 
quence la plus pernicieuse sera la corruption des membres de 
nos premiers parents. Le fruit défendu n’est autre que le Μὴ : 
(fruit vert). Rendus fous par le démon, nos premiers parents 
transgressent l'ordre du Seigneur et sont expulsés du paradis, 
pour une contrée de ronces et d'épines. 

Le Seigneur a remédié d’une façon merveilleuse aux suites 
néfastes de la chute originelle. Il a connu la tentation et le 
péché de nos premiers parents. Le démon s'était affublé de la 
chair d'un serpent. Pour le vaincre, Notre Sauveur s’unira à la 
chair d'Adam. Il s'incarnera, après avoir tardé longtemps, afin 
de pouvoir surprendre le démon. L'Incarnation rend les hom- 
mes égaux à Jésus, les fait participer à sa vie intime et est la 
cause de la défaite finale et définitive de Satan et de ses démons. 

Suit un exposé de la miséricorde de Dieu envers l'homme. 
D'une façon générale, la miséricorde du Seigneur est l’objet 
d'un continuel souvenir de la part de l’homme et la cause de 
multiples actions de grâces, étant donné le nombre considé- 
rable des actes de la clémence divine envers l'homme. Elle doit 
aussi être consignée et racontée à la postérité. Plus spéciale- 
ment, elle s’est manifestée envers les enfants d'Adam par le 
zèle qu'a mis Notre Sauveur à délivrer l'homme des entraves 
de Satan et par son humiliation dans l’Incarnation. La compa- 
raison du Christ à un arbre montre quelle ἃ été la miséricorde 
de Dieu. Quelques considérations sur la grandeur des œuvres 
du Seigneur sont ajoutées ici. L'œuvre du Seigneur est im- 
mense. C'est un devoir pour l’homme que de chercher à la pé- 
nétrer. Le Seigneur connaît à fond son œuvre. Les pensées les 
plus intimes du cœur de l’homme ne lui sont pas cachées. 
L'homme est le chef-d'œuvre de la création. Les attributs du 
Seigneur (richesse, clémence, etc.) conviennent éminemment 
à l'homme. 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 151 


9° Abraham, Melchisédec et le Christ (fol. 157 r° Ὁ au fol. 
157 v°b). 

L'auteur, parlant du mystère de la Paques affirme que c'est 
Abraham qui a entrevu le premier ce mystère, lors de son 
. retour du massacre des rois d'Amalec. Melchisédec a été associé 
à Abraham dans l’accomplissement du mystère de la Päque. 
L'auteur dit aussi qu’il y ἃ deux prophètes et deux prêtres, qui 
ne sont autres que l’ancien prophète et l’ancien prêtre, repré- 
sentés par Melchisédec, et le nouveau prêtre et le nouveau pro- 
phète, représentés par le Christ. Abraham a offert à Melchisédec 
la dime de tout ce qu'il possédait. Le sens symbolique de cette 
dime est expliqué ici. En effet, la dime, donnée par Abraham à 
Melchisédec, constitue le mystère des rois et des prêtres. Les 
rois et les prêtres sont inséparables, étant tous deux le fonde- 
ment de la société. Les rois doivent, par leurs offrandes, faire 
l’'aumône aux prêtres et ces derniers, en retour, doivent inter- 
céder pour les rois, auprès du Christ. C’est ainsi que rois et 
prêtres participent à la foi. 

Ici se termine ce qui nous reste de cet ne Dans la 
finale, il est indiqué que Melchisédec, Abraham et le Christ 
forment l'objet d'un troisième mystère. 

La langue n’est pas partout ni très pure, ni très claire. Au 
point de vue morphologique, 1] faut noter la permutation fré- 
quente des consonnes de la même classe, l'indécision des 
voyelles, de nombreuses fautes de quantité dans la formation 
des syllabes, des incorrections dans les formes verbales et no- 
minales. Il y ἃ très peu de mots et de formes qui ne se trouvent 
pas dans le Lexicon æthiopicum de Dillmann. Pour ce qui est de 
la syntaxe, plusieurs phrases restent obscures. Des restitutions 
paraissent s'imposer, le texte étant parfois inintellig'ible. Il est 
-à observer que la mise en relief des mots importants est fré- 
quemment employée, que le rapport du génitif est souvent 
exprimé par le moyen de la préposition À —, enfin que l’idée 
de but est plutôt traduite par la conjonction f@æ : que par le 
subjonctif sans conjonction. L'auteur ou le copiste doivent aussi 
être responsables de certaines négligences, consistant surtout 
dans l’inachèvement ou la répétition de certaines phrases. 

(A suivre.) 


Yvetot, le 15 avril 1907. Sylvain GRÉBAUT. 


ÉTUDE 


SUR LA CONVERSION DE L’ARMÉNIE AU CHRISTIANISME 


AINSI QUE SUR LA DOCTRINE ET LES USAGES DE L'ÉGLISE 
ARMÉNIENNE PRIMITIVE 


(Suite) (1) 


10. — La conversion de l'Arménie par Grégoire semble 
avoir été un réveil et une diffusion plus grande, plus intense, 
et non une conversion sans aucuns précédents, sauf cepen- 
dant à la cour et probablement parmi les nakharars. — 
Les quelques communautés chrétiennes fondées en Arménie 
avec le concours des missionnaires grecs et syriens du Pont, 
de la Cappadoce et de l'Osrhoène, avaient été bouleversées et 
désorganisées, mais non entièrement anéanties, quand com- 
mença l’apostolat de Grégoire l'Illuminateur. Si le christia- 
nisme, en effet, avait alors entièrement disparu de l’Arménie 
et avait été étouffé dans le sang, comment s'expliquer le si- 
lence des historiens chrétiens, grecs et syriens qui ne disent 
rien de ces persécutions? Si l'Arménie eût été complètement 
païenne et eût passé soudain au christianisme, à la voix de 
Grégoire, un tel spectacle aurait sans doute vivement frappé 
des hommes tels que Théophile d'Édesse, Théodoret, Eusèbe. 
Or, ces historiens ne paraissent avoir été frappés ni de la ri- 
cueur des persécutions, ni de la diffusion du christianisme en. 
Arménie: fait bien étonnant, si cette propagation avait mar- 
ché avec l'extraordinaire rapidité décrite par Agathange et 
Moise. 

Dans son récit du martyre de Guria et de Schamona, placé 


(1) Voy. 1907 p.22. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 153 


l'an 618 des Séleucides et 306 de Jésus-Christ, Théophile si- 
gnale quelques-unes des régions ensanglantées par les persé- 
cutions de Dioclétien, notamment les environs de Martyropolis 
et de Mélitène (1). Pourquoi ne fait-il aucune allusion à celles 
de la Grande-Arménie? Théodoret raconte la conversion des 
Ibériens et même des Éthiopiens (2), et il ne dit rien de la 
conversion d’un peuple plus voisin, et dont le récit serait pour 
les Grecs d'autant plus intéressant. Eusèbe lui-même, qui est 
bien au courant de l’état de la chrétienté arménienne (Π. E., 
IX, ὃ, etc.), ne dit pourtant rien de l’apostolat de Grégoire, dont 
il ne relève même pas le nom. Au ve siècle seulement, le 
Grec Sozomène rappelle en peu de mots que Tiridate et ses 
nakharars furent convertis un peu avant les Ibériens, grâce à 
un prodige (3). Comment donc concilier, d’un côté le fécond 
apostolat de Grégoire, sous lequel le christianisme devient re- 
ligion de l'État, et de l’autre le silence de ses contemporains 
grecs et syriens ? 

Ces faits, en apparence incompatibles, s'accordent aisément, 
si l'on admet qu'avant la prédication de Grégoire, quelques 
foyers de vie chrétienne étaient répandus çà et là, surtout dans 
les provinces arméniennes de l’ouest et du sud, où se trouvaient 
en nombre, ici des Syriens, là des Grecs. Ces foyers qui étaient 
assoupis, mais non étouffés, le zèle de Grégoire les réveilla. Il 
en alluma d’autres plus grands et plus intenses à travers 
toute l'Arménie et mérita ainsi d’en être appelé, sans exagéra- 
tion, l'Iluminateur. 

11. — Un noyau primitif, consistant en une Vie de Gré- 
gotre, a dù exister au quatrième siècle. Le récit actuel d’A- 
gathange, mêlé de légendes, en est le développement. — On 
peut regarder comme historique dans ses grandes lignes le 


(1) Éd. Rahmani, Rome 1899; version grecque de Métaphraste, Migne, CXVI, 
col. 127 et suiv. La version arménienne, publiée par G. Mkertschian (Jour- 
nal Ararat, août 1896), ἃ été traduite en anglais par Conybeare, {he Guar- 
dian, 10 février 1897. Voir aussi Zinige edessen. Martyrerakten par Nüldeke 
(p. 13-22, dans Strassb. Festschr. z. XLVI Versam. deutsch Philol., Strasbourg, 
1901). 

(2) Æ. E., 1, 22 et 23: Migne, LXXXII, n. 804-809. Voir Eusèbe, A. E., IX, 8, etc. 

(3) À. E., I, 8. Un catholicos arménien, Grégoire, est louéau vi siècle comme 
célèbre et juste, dans l’Æistoire eccl. attribuée à Zacharias le Rhéteur; voir 
Die sogenannte Kircheng. von Zacharias Rhetor, Leipzig, 1889, p. 252. Ce Gré- 
goire est évidemment l’Iluminateur. 


154 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


récit de l’apostolat de Grégoire et de la conversion de Tiridate, 
qui nous est parvenu sous le nom d’Agathange. L'œuvre ori- 
ginale, le noyau primitif autour duquel se sont ensuite for- 
mées les légendes qui le travestissent, paraît remonter au qua- 
trième siècle. Ce texte original semble bien perdu. Vers l’an 
560, une version arménienne fut élaborée d’après des textes 
plus anciens, parmi lesquels se trouvait une Vie de Grégoire. 
Quant à la version grecque, que nous possédons aujourd’hui, 
elle fut faite, semble-t-il, un peu après le milieu du vif siècle. 
Procope, en effet, parait l'avoir eue sous les yeux, de même 
que Lazare de Pharbe, écrivant un demi-siècle plus tôt, avait 
connu l’Agathange arménien (1). C’est du récit d'Agathange 
que se sont principalement inspirés les auteurs des âges sui- 
vants qui ont écrit sur Grégoire et Tiridate. Le pseudo-Zénob 
de Glag appartenant au ν᾿ siècle, on n'est guère tenté de le 
croire, quand il attribue seul à Grégoire l'inscription de l'É- 
glise d’Innaknian (des neuf sources) en l'honneur de saint Jean 
Baptiste et de saint Athénogène (2). Les inscriptions grecques 
chrétiennes d’'Etschmiadzin sont également postérieures au 
temps de Grégoire; la forme des lettres ne permet pas de les 
faire remonter au delà du quatrième siècle (3). 

En dehors des textes conservés et souvent travestis par le 
pseudo-Agathange, il nous reste heureusement une Vie assez 
ancienne de Grégoire, que l’évêque arabe George ἃ reproduite 
vers 714, au cinquième chapitre de sa lettre à l’ermite Je- 
schoua. L'étude minutieuse de ces sources ἃ permis de déga- 
ger avec assez de vraisemblance un noyau historique des dé- 
tails lécendaires. Peut-être même doit-on faire la part de 
l'histoire plus large que ne l’a jugé Gutschmid, le savant cri- 
tique de l’œuvre d'Agathange. 

12. — Que Grégoire ait eu pour père un Arsacide, Anag, 
“meurtrier de Chosroëès, cela, quoique peu vraisemblable, 


(1) Gutschmid, Αἰ. schr., TT, 346-381, et dans la ZDMG, XXXI (1877), Agathan- 
gelos, p. 1-60. — Ayathangelos chez l’évêque George, Dashian, 16; Procope, V,5; 
Lazare de Ph.,S 2. Voir l'édition arménienne d’ BEMRANES Venise, 1862. 

(2) L. Hovnanian, Hantess Amsorya, 1888, n. 2, p. 18, a conclu que le récit de 
Zénob et sa continuation seraient également l’œuvre de l’évêque Jean Mamigo- 
nian. 

(3) Strzygowski, das Etschmiadzinevangeliar, p.7, Vienne, 1891; Zénob de Glag 
(dans Langlois, 1, 348»). Sur cet auteur, Chalathean, Vienne, 1893, armén. 


SOUS 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 155 


est pourtant bien possible. — Dans l’esquisse de l'apostolat de 
Grégoire, tracé ailleurs, nous avons simplement exposé la tra- 
dition arménienne qui fait descendre Grégoire d'un prince bah- 
lavien, Anag, meurtrier de son parent le roi arménien Chos- 
roès. Faut-il, avec certains critiques, regarder ce récit comme 
une pure légende? Il nous semble également excessif de re- 
jeter comme entièrement fausses, ou d'affirmer comme abso- 
lument certaines, les données des anciens historiens arméniens 
sur l’origine de Grégoire. Sans doute, plusieurs des circons- 
tances qui encadrent la généalogie et l'enfance de Grégoire 
sont plus que suspectes. Les plus importantes même de celles 
qui ont trait à sa filiation sont peu vraisemblables; celles-ci 
ne sont pourtant pas impossibles. À coup sûr, il était plus na- 
turel que le fils du meurtrier Anag fût transporté vers la 
Perse, si peu éloignée de Vagharschabad, alors surtout que le 
frère de Grégoire y trouvait un refuge; et le roi des rois, ins- 
tigateur du crime d’Anag, devait être le premier protecteur de 
ses fils. — Mais l’imprévoyance des criminels est-elle chose 
si rare? Des fugitifs, traqués de toute part, se réfugient où 
ils peuvent; et, puisque la nourrice, qui parait avoir sauvé 
Grégoire, était chrétienne et originaire de Césarée, est-il très 
étonnant qu’elle ait préféré emporter son nourrisson au delà 
de l'Euphrate, parmi ses propres coreligionnaires? Que les fu- 
gitifs, conduits par quelques serviteurs fidèles, aient fait ce long 
trajet sans être arrêtés, le fait, quoique peu ordinaire, n'est 
pas impossible. | 

Les raisons alléguées par des critiques contemporains con- 
tre cette généalogie de Grégoire, sont ingénieuses ; elles en 
ébranlent peut-être la certitude, mais n’en détruisent pas la 
probabilité. D'ailleurs, ce qu'on ἃ tenté de substituer à la tra- 
dition ou, si l’on veut, à la légende arménienne offre, d’ordi- 
naire, plus de prise que celle-ci aux difficultés. Selon Gelzer, 
Grégoire serait fils d’un prêtre païen, et les Arméniens des 
âges postérieurs auraient pris à tâche de faire oublier cette 


descendance en inventant la légende d’Anag (1). Cette hypo- 


thèse se heurte à bien des objections : On n'’offusquait pas 
moins les Arméniens en faisant descendre leur illustre apôtre 


(L) Anfänge…., p.146, p. 104 de la trad. armén. — Gutschmid nie aussi qu’Anag 
ait été le père de Grégoire; Xl. schr., 380 et suiv.; ZDMG, p. 31 et suiv., ἢ. 98. 


156 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


d'un Arsacide, meurtrier de son parent et de son roi, qu'en 
le disant issu d’une famille de grands prêtres païerns. Les an- 
ciens historiens arméniens ne cachent pas que beaucoup de 
prêtres chrétiens appartenaient à des anciennes familles de 
prêtres paiens; et, à la manière dont ils en parlent, on devine 
qu'ils n’attachaient aucune tare à cette descendance. La fa- 
mille sacerdotale des Aghpianos, par exemple, garda son 
ancien prestige après avoir été convertie au christianisme; et 
plusieurs de ses représentants furent promus à la dignité de 
catholicos. Par contre, la popularité même des rois Arsacides en 
Arménie rendait plus exécrable tout attentat contre leur vie et 
plus odieux leur meurtrier. Les fils les plus vaillants de l’Ar- 
ménie croyaient forfaire à l'honneur en levant la main contre 
leur roi légitime, mème pour défendre leur vie menacée. Mal- 
traité par Bab, le brave Mouschegh s’écriait : « Füût-il sur le point 
de m'ôter la vie, 16 ne tuerais pas un roi qui porte la cou- 
ronne » (Faustus, V, 45). Quand, pour venger la mort de Mou- 
schegh, Manuel se décide à combattre contre Varaztad, des- 
cendant collatéral des Arsacides, il refuse pour lui-même et 
défend aux autres de tuer son roi (F., V, 5, 37). Témoin d'un 
outrage fait au roi captif Arsace par le chef perse des écuries 
royales, Vasag le Mamigonian immole sur-le-champ linsulteur 
(F., IV, 16). Enfin, quand ce même roi Arsace est captif en 
Perse, les Arméniens oublient tous leurs anciens griefs et ma- 
nifestent dans les termes les plus touchants leurs vifs regrets. 
L'hypothèse qu'on oppose à la tradition touchant Anag ne 
simplifie donc pas les difficultés. Il y ἃ plus : On se demande 
comment la légende arménienne, en la supposant dénuée de 
tout fondement, aurait pu se former. Faustus, avant la fin du 
iv° siècle, appelle déjà Grégoire fils d'Anag (III, 2). Un siècle 
plus tard, Lazare de Pharbe donne le surnom d’Arsacide de 
la famille Sourên Bahlav à Sahag descendant de Grégoire (1). 
2. — l'appellation de Romain ou mieux de Grec 
donnée à (Grégoire ne prouve rien contre sa descendance 
d’'Anag, et s'explique par la patrie d'adoption, l'éducation, 
et les sympathies de Grégoire. — Il est vrai que, vers la 
fin du vu siècle, l'évêque arabe George appelle Grégoire un 


(1) N. 18, Langlois, p. 268 ; n. 14, p. 271. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 157 


Romain, c'est-à-dire un Grec (1). Mais cette appellation, excel- 
lent areument contre le point de vue de nationalisation à ou- 
trance, sous lequel certains vartabeds représentent l'Église 
arménienne, s'explique bien par les attaches de Grégoire avec 
Césarée, par le choix de la moitié de ses collaborateurs et sur- 
tout par son éducation toute grecque. Assurément, nul ne 
conteste que des missionnaires syriens aidèrent aussi Grégoire 
à évangéliser surtout les provinces méridionales et que lui- 
même prêcha parfois à ses compatriotes en langue armé- 
nienne (2). Il n'en est pas moins vrai qu’il employa la langue 
crecque, surtout à la cour, et qu'il choisit parmi les Grecs 
beaucoup de ses coopérateurs (3). 

Après avoir reçu la consécration sacerdotale et épiscopale à 
Césarée, de la main de l'archevêque Léonce et des évêques, 
assemblés en synode, Grégoire s'était arrêté, au retour, à 
Sébaste; il avait emmené de cette ville plusieurs moines, qui, 
tous, devaient le seconder dans son apostolat, et dont quelques- 
uns étaient destinés à devenir évêques. La plupart de ces col- 
laborateurs étaient Grecs. Des douze évêques mentionnés par 
Agathange, presque la moitié au moinsétaient aussi Grecs d’ori- 
cine, si on en juge par le nom; tels sont Eusebius, Agapius, 
Euthalius, Ardités (4). Les fils de Grégoire, Verthanès et le 


(1) Voir l’Agathange de l’évêque arabe monophysite George (686-724), par Das- 
hian, p. 4 οὐ 54; et dans Ryssel, Ein Brief Georgs, bishof der Araber, Gotha, 
1883, Theol. stud., LVI, p. 353. Un autre texte arabe du pseudo-Agathange, un 
peu plus court et un peu différent des textes actuels, surtout dans la partie 
parénétique, a été publié, traduit et commenté en russe par N. Marr, dans les 
Zapiski de la sect. Orient. de la Sociélé archéol. impér. de Russie, XVI, 1905. L’édi- 
teur pense que cette version arabe à été faite au νι" siècle, dans la province de 
Daikh, par des Chalcédoniens. Selon lui, cette version aurait été faite sur une 
recension d’Agathange, élaborée au v° ou au ν᾽ siècle, par Mesrob ou ses dis- 
ciples, et antérieure, par conséquent, aux textes actuels d’Agathange. Ce point 
ne peut être examiné ici. Disons seulement que cette version arabe, dont les 
10 premiers paragraphes manquent malheureusement, ne fail point mention 
d'Anag, dans les parties qui nous restent (loc. cit., $ 11, p. 70). Au contraire, dans 
les passages correspondants des autres textes (Stilting, ἢ. 94 et codex Bibl. 
Barb., n. 23; éd. armén., ὁ. x1, p. 101), un satrape déclare à Tiridate que Gré- 
goire est le fils du régicide Anag. Sur le texte et l'étude de N. Marr, cf. P. Pee- 
ters, Anal. Boll., ΧΧΥῚ, fase. 1, p. 117. 

2) Agathange, n. 158; et éd. de Venise, 1862, c. 123, p. 636. 

(3) Dans Stilting et Langlois, n. 140, 154, 161. 

(4) "Apt; probablement lArdités ou Artités, cité par Moïse de Khorène, II, 
80. Voir Agathange, loco cit. 


158 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


moine Arisdaghès, furent, comme leur père, élevés en Cappa- 
doce. C'est dans ce milieu tout grec qu'on alla les chercher, 
sur la requête de Tiridate, quand Grégoire voulut se retirer 
dans la solitude du mont Maiark, connue sous le nom d’antre 
Mané. C'est Arisdaghès, formé sur le modèle des moines de 
Cappadoce, qui fut le premier successeur de Grégoire; et 
celui-ci, au dire d'Açoghig, l'envoya à Césarée pour y recevoir 
la consécration patriarcale (1). Grégoire lui-même emprunte à. 
la Cappadoce les institutions monastiques d'hommes et de 
femmes; 11 les introduit sur plusieurs points soit habités, soit 
inhabités de l'Arménie, et prélude ainsi au large développe- 
ment que l'un de ses descendants, Nersès, les yeux fixés sur 
l'Église de Césarée, donnera, vers l'an 360, au monachisme 
arménien (2). 

Enfin, tandis que Grégoire, avec une largeur d'esprit qu'on 
ne saurait trop louer, faisait apprendre à la moitié des enfants 
destinés à la prêtrise la langue grecque, à l’autre moitié la 
langue syrienne, et laissait dans le sud de l’Arménie ses 
auxiliaires syriens célébrer en leur langue l'office divin, 1] 
adoptait lui-même, semble-t-il, la liturgie de son consécra- 
teur (3). 

Voilà, sans doute, plus de motifs qu'il n’en faut pour expli- 
quer cette épithète de Romain ou de Grec donnée à Grégoire 
par l’évêque George. Ces faits prouvent d'ailleurs que Gré- 
soire, suffragant de Césarée, était en même temps en commu- 
nion avec l'Église syrienne, qui lui donnait de vaillants mis- 
sionnaireset à laquelle lui et ses successeursallaient emprunter: 
une partie de leur liturgie. En d’autres termes, il apparaît que 
l'Église de Grégoire faisait bien partie, dans toute la rigueur 
du mot, de l'Église universelle (4). 


(1) Agathange, n. 159 et 160, dans Langlois et Stilting ; Acoghig, Liv. 11, ch. 1; 
Trad. Dulaurier, p. 98. 

(2) Voir pourtant les textes trop restrictifs de Cassien, niant qu'il y ait eu des 
anachorètes en Arménie, au temps de Grégoire, Coll. XVIII, 7; Migne, P. L., 
XLIX, col. 1106-1108; Sozomène (Π. E., II, 14; Migne, LVII, col. 1079) attribue 
l'introduction du monachisme dans la Petite-Arménie à Eustathe de Sébaste. 
Voir sur ce dernier, Socrate, II, 43; Migne, LVII, 391, ete. 

(3) Catergian, Lilurgie chez les Arméniens, Ὁ. 69. 

(4) Que le catholicos arménien ait été, jusqu’au temps de Nersès, subor- 
donné à l’archevèque de Césarée, cela paraît certain. Voir Gelas. cyz. dans 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 159 

14. — La date la plus vraisemblable pour la conver- 
sion de Tiridate et la consécration de Grégoire est anté- 
rieure à 296, probablement en 290-295. — Que Grégoire 


l'Illuminateur ait été consacré à Césarée, c’est un fait hors 
de conteste. Il paraît également certain que cette consécra- 
tion eut lieu entre l’an 276 et l’an 310. Mais, si on veut, 
entre ces limites extrêmes, chercher une date précise, on 
n'aboutit quà des hypothèses plus ou moins vraisembla- 
bles. De sérieuses raisons nous inclinent à placer entre 290 et 
295 la conversion de Tiridate. Par contre, d’autres motifs, 
moins persuasifs sans doute, mais non dépourvus de toute 
valeur, amèneraient à la fixer entre l’an 305 et 310. La première 
date tient le milieu entre les époques les plus extrêmes, assi- 
gnées par quelques savants modernes ou contemporains, c’est- 
à-dire entre l’an 276 indiqué par Ter Mikélian après Saint- 
Martin, et les années 305-310 auxquelles descend Cater- 
gian (1). 

C'est une tendance assez marquée, à notre époque, de faire 
remonter un peu plus haut que ne le voulaient les anciens, 
l'apostolat et le sacre de saint Grégoire. Harnack, à la suite 
de Gelzer, désigne 285-290 et Simon Weber l'an 295, pour l'or- 
dination de l'Illuminateur (2). 

L'hypothèse que nous préférons s'éloigne peu des deux 
précédentes. Voici, d’ailleurs, sur quels motifs elle se base : 


Mansi, 11, 929. Ce fait, ou plutôt cette série de faits persisterait, alors même 
que l’on contesterait l’authencité de la lettre de Léonce réservant à son siège 
le privilège de consacrer le catholicos arménien. Voir Agathange, dans Langlois 
et dans Stilting, ἢ. 147; à ce dernier la lettre paraït suspecte. Gutschmid la re- 
jette, ZDMG, XXXI, p. 56-57. Voir en sens contraire Sarkisean, Agathange, Ve- ὁ 
nise, 1890, en arménien, p. ‘184. Il importe de noter à l'encontre de Gutschmid 
(loc. cit.), qu'il n’y ἃ pas d’opposition entre les textes qui affirment la dépen- 
dance de l'Église arménienne à l'égard de Césarée et le texte d'Élisée (e. ΟΣ 
dans Langlois, Il, 206), attribuant à l’évêque de Rome la propagation de 
la foi en Arménie. Il ne faut pas oublier, en effet, que le siège de Césarée était 


hiérarchiquement uni à celui d'Antioche et celui-ci au siège de Rome. Voir 


conc. de Nicée, can. 6. Doctrine d'Addée, Phillips, p. 50; Eusèbe, VII, 30; Cu- 
reton; Anc. syr. Doc., p. 71-72; Busèbe, A. E., VI, 43,42; NII, 5. 

(1) Mikélian, Die Armen. K., 7; Saint-Martin, Mém. sur l'Arménie, t. 1; Add. 
à Lebeau, Hist. du Bas-Empire, 1, 76; Fragm. Hist. des Arsac., 11, 290. Cater- 
gian, ist. univ., 11, 477, Vienne, 1852, en armén. 

(2) A. Harnack, Mission und Ausbreilung des Chrislentums in den ersten drei 
Jahrh.?, 11. 171; Simon Weber, p. 190. 


160 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Il est à présumer que la conversion de Tiridate et le sacre de 
Grégoire eurent lieu avant la persécution de Dioclétien, et par 
conséquent avant l'année 303. Le voyage de Grégoire à Cé- 
sarée, fait avec un pompeux appareil, ne pouvait guère trouver 
place, pendant que sévissait une cruelle persécution en Cappa- 
doce, 303-305. Il était également bien difficile d'effectuer ce 
voyage en 296-297, alors que les Romains et les Arméniens 
étaient aux prises avec les Perses. Si, comme l'a observé Gelzer, 
les nakharars, postés aux frontières arméniennes limitrophes 
de la Perse, ne figurent point dans le cortège de Grégoire, et 
si leur absence trahit la défiance de Tiridate à l'égard des 
Perses, rien toutefois n’accuse une guerre actuelle entre les 
deux nations. En un mot, le voyage de Grégoire ne s’accomplit 
pas au temps de la double campagne de Galère contre les 
Perses (296-297). D'autre part, on ne sent pas cette pleine sé- 
curité que devait donner la paix signée en 297 avec le roi 
Narsès par Dioclétien et Tiridate, après la seconde et brillante 
campagne de Galère en Arménie (1). Et cette considération 
nous incline à chercher avant 296 la date des deux événements 
signalés plus haut. 

Nous ne croyons pourtant pas qu'il soit nécessaire de les 
faire remonter au delà de 290. 

15. — Pour préciser la date de la conversion de Tiridate 
et de la consécration de Grégoire, il faut déterminer celle 
de la restauration de Tiridate, qui ne parait pas avoir eu 
lieu avant 276. — La conversion de Tiridate, que suivit im- 
médiatement la consécration de Grégoire, se réalisa très vrai- 
semblablement entre là douzième et la dix-septième année de 
son règne. Or, toute hypothèse, d'après laquelle Tiridate aurait 
été établi sur son trône avant le règne de Probus (276-282) 
se concilie difficilement avec certains événements dûment 
constatés. — Sans nous heurter à aucun fait jugé certain, 
nous pouvons supposer que Chosroès fut assassiné par l’un 
de ses parents, vers l'an 2358 au plus tôt, vers l'an 258 au 
plus tard; ce meurtre eut lieu vraisemblablement vers l’an 
252, à l'instigation de Sapor, qui depuis 241 avait succédé à 


- (1) Ammien, XXII, 5, 11; Eutrop., IX, 2%; Ruf., Brev.,25; Petrus Patric., fragm. 
14, dans Müller, IV, 189. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE, 161 


son père Ardeschir, le fondateur de la dynastie sassanide. Si 
l'on place le meurtre de Chosroès vers 238-240, date qui est 
possible, on ne peut néanmoins prouver qu'Ardeschir, délivré 
de son rival, ait immédiatement conquis l'Arménie, en par- 
ticulier l'Arménie septentrionale, et surtout ne lui ait pas 
laissé comme vice-roi quelque prince indigène. Il faudrait 
admettre que des parents de Tiridate, ses oncles au témoi- 
gnage d'Élisée, après avoir participé à l'assassinat du père, 
auraient régné douze ou treize ans au nom du fils, Ti- 
ridate. Celui-ci, dans l'hypothèse qui place la mort de Chos- 
roès vers 239, serait né vers 237, ainsi que Grégoire. Mais, si 
l'on admet la supposition la plus probable, qui fixe vers l'an 
250-252 la fin de Chosroès, on peut, avec assez de vraisem- 
blance, placer vers l’an 245 la naissance de Tiridate et celle de 
Grégoire. D'ailleurs, certains faits connus de l’histoire romaine 
comme le maintien de l'alliance de Philippe l'Arabe avec les 
Arméniens, son refus, en 244, d'observer le traité par lequel il 
abandonnait l'Arménie à Sapor, laissent deviner la présence 
de Chosroès à la tête des Arméniens et permettent de reculer 
sa mort jusqu'après l'an 244 (1). 

Quoi qu'il en soit, un historien d'ordinaire bien informé, qui 
devait avoir sous les yeux des documents antérieurs à son 
époque, Zonaras, raconte que, vers l’an 252, au temps de l’em- 
pereur Gallus, Sapor réussit à s'emparer de l'Arménie. Il 
ajoute que le roi arménien Tiridate s'enfuit chez les Romains, 
tandis que ses enfants passaient du côté des Perses. Prise 
telle quelle, cette dernière citation serait en opposition avec 
toutes les anciennes sources arméniennes, qui attestent que 
Tiridate était encore enfant, quand il se réfugia à la cour 
romaine. Pour concilier avec l'historien grec les auteurs ar- 
méniens, bien renseignés, selon toute apparence, sur un fait 
aussi saillant, on peut accepter les observations ingénieuses 
présentées par Gutschmid et Marquart. Le premier suppose 
que, dans le texte de Zonaras, il faudrait substituer au mot 
παίδων, enfants, le mot πολιτῶν, citoyens ou sujets; le second 
croit pouvoir remplacer παίδων par πατρώων, oncles paternels. 
Cette dernière correction surtout nous semble très plausible. 


(1) Zonaras, XII, 19; Evagrius, V, 7 ; Moïse de Khorène, II, 72. 
ORIENT CHRÉTIEN, 11 


162 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Elle s'accorde parfaitement avec un passage d'Élisée, où il est 
dit que Tiridate, dans son enfance, échappa des mains de ses 
oncles cruels et régicides et se réfugia vers l’empereur. Les 
oncles de Tiridate usurpèrent probablement la couronne de 
leur neveu, avec l'agrément de Sapor dont ils devinrent les 
vassaux. L'un de ces oncles de Tiridate ne serait-il pas l’Ar- 
tavasde signalé- par Trebellius Pollion comme occupant, vers 
260, le trône de l’Arménie sous la suzeraineté des Perses? La 
conjecture parait fondée; par contre, l'historiographe de Valé- 
rien a bien pu regarder comme roi d'Arménie le puissant na- 
kharar, Artavasde Mantagouni; et, celui-ci, d'après Moïse de 
Khorène, était l’un des gouverneurs de Tiridate, qui, au rap- 
port d’Agathange, le dérobèrent au glaive des meurtriers de 
son père (1). 

Tiridate avait été mené à la cour romaine, ou, comme le 
veut Agathange, auprès de Licinius, que son âge présumé ne 
permet guère de confondre avec le futur empereur Lici- 
nius (2). La première grande expédition organisée par les 
Romains contre les Perses, après la mort de Philippe (249), 
arriva trop tard, dit Moïse de Khorène, pour sauver la cou- 
ronne de Tiridate (II, 76-77). On sait, en effet, que Valérien 
(253-260) fut pris par Sapor et périt misérablement. L’Arta- 
vasde mentionné par Trebellius Pollion continua probablement 
de régner sous la suzeraineté des Perses. Il est vrai qu'Odenath, 
prince de Palmyre et allié des Romains, fit bientôt évacuer 
aux Perses la Mésopotamie, et pénétra deux fois Jusque sous 
les murs de Ctésiphon. Tiridate, qui avait alors au moins 
vingt ans, eut-il quelque part à ces exploits? Nous l’ignorons. 
En tout cas, si Odenath, vers l’année 264-265, replaça l'Armé- 
nie sous la suzeraineté de Rome, ce fut pour peu de temps. 


(1) Voir Zonaras, XII, 21; Élisée, III, dans Langlois, Il, 206; trad. de G. Kaba- 
ragy Garabed, Paris, 1844, p.83; Trebellius Pollio, Valer., 6; Moïse de Khorène, 
ΤΙ, 76, 78; IN, 6; Lazare de Pharbe, ὁ. πὶ; Agathange, ἢ. 16. Gutschmid, ZDMG, 
XXXI, 49; Marquart, ZDMG, 1890, p. 692. Agathange dit que Tiridate fut sauvé 
par ses gouverneurs, Lazare de Pharbe qu’il le fut par ses gouvernantes. Moïse 
de Khorène appelle Artavasde le frère de lait de Tiridate ou le fils de sa nourrice, 
Taiégorti! Artavasde Mamigonian était généralissime, texte arabe d’Agath., 120. 

(2) Agathange, n. 17. Le nom soit sous sa forme grecque Likianos, Likinianos, 
soit sous la forme arménienne Lighianos, prête à la confusion. Moïse, II, 88, etc. ; 
Agathange, n. 17, 19, 20; Gutschmid, Z2MG, XXXI, 51, note 2. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L’ARMÉNIE. 163 


En 271-272, l'épouse d'Odenath, Zénobie, luttant contre Auré- 
lien, se disait assurée du concours des Perses, ainsi que des 
Arméniens et des Sarrasins, placés, les uns et les autres, sous 
la dépendance des premiers (1). 

Aurélien, ayant écrasé l’armée de Zénobie et les Perses, 
venus au secours de la reine de Palmyre, ramena les Armé- 
niens sous la dépendance de Rome, et mérita le titre d’Arme- 
niacus, si l’on en croit son biographe (2). Il est même à pré- 
sumer que-les Arméniens, après la mort de Sapor I, arrivée en 
272-273, demandèrent à Aurélien pour roi Tiridate, le pro- 
tégé de Rome. Aurélien était, certes, bien capable de rétablir 
le prince arménien sur son trône; mais il ne semble pas que 
le poignard, dont il fut frappé, lui en ait donné le temps. C’est 
seulement à partir du règne de Tacite, en 276, que les tradi- 
tions arméniennes font allusion aux relations de Tiridate avec 
les maîtres de Rome, et à son retour sur le trône de ses 
pères (3). Comme ses prédécesseurs, Tacite souhaita sans doute 
cette restauration; mais il n'eut ni le temps ni les moyens de 
la réaliser. 

16. — Des années 278-279, date vraisemblablement une 
restauration partielle de Tiridate, complétée ou confirmée 
par Carus, en 283 et surtout par Dioclétien en 286-288 et en 
297. — Sous Probus, 276-282, s'offrirent au contraire, pour 
Tiridate, de sérieuses chances de recouvrer la royauté. Il est 
même assez probable que le prince arménien reconquit alors, 
au moins provisoirement, une partie de son royaume. Quelques 
documents d'origine arménienne suggèrent cette hypothèse; 
et les historiens grecs et latins n'y contredisent pas. Les traits 


(1) Sur Odenath, voir Eutrope, IX, 10, 11; Zonaras, XII, 23, 24. Paroles de 
Zénobie : nobis Persarum auxilia non desunt, quæ jam speramus, pro nobis sunt 
Sarrâceni, pro nobis Armenii, Vita Aureliani, 27. 

(2) Vita Aureliani, 27-30; 39 ; 41. 

(3) Moïse de Khorène (11, 76) semble dire que, l’empereur près duquel se ré- 
fugia Tiridate était Tacite. Si cela était rigoureusement exact, on pourrait en 
conclure que Tiridate, même avant le temps de Dioclétien, aurait été chassé 
deux fois du trône arménien. Rétabli une première fois dans son royaume par 
Odenath ou Aurélien, il aurait été obligé de l’abandonner de nouveau à la mort 
de ce dernier et se serait alors réfugié à la cour de Tacite, le nouvel empereur. 
Mais ces conjectures ont une base trop fragile. En réahté, Moïse qui à parlé dela 
fuite de Tiridate pour l’époque de Valérien, fond ensuite en un très court espace 
de temps les 16 années qui séparent Valérien de Tacite. 


164 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


᾿ 


de vaillance par lesquels le jeune Tiridate, vivant dans le 
camp romain, se serait signalé contre les Goths, semblent, les 
hyperboles mises à part, avoir eu lieu au temps de Tacite et de 
Probus. Oukhtanès, qui avait probablement sous les yeux des 
documents aujourd'hui perdus, déclare que les exploits de 
Tiridate contre les Goths furent accomplis en présence de 
Probus, et que cet empereur, auquel Tiridate venait de livrer 
le roi des Goths vaincu en combat singulier, envoya le prince 
arménien dans son royaume. Il est vrai que cet auteur se con- 
tredit ailleurs en suivant Moïse de Khorène (1). Mais, tout en 
se contredisant, il observe, comme Moïse de Khorène (I, 
76), que Tiridate était réfugié auprès du prédécesseur de Pro- 
bus, Tacite (275-276). Ne serait-il pas bien étonnant que les 
deux historiens àrméniens aient relevé avec tant d’exactitude 
les règnes obscurs et éphémères de Tacite et de son frère 
Florien, si les rapports qu'ils supposent entre Tiridate et Tacite 
étaient complètement imaginaires? Peut-être Tiridate avait-il 
vécu près de Tacite, avant que ce dernier fût nommé empe- 
reur. Toujours est-il que la lutte de Tacite contre les Goths 
n’est pas une invention des écrivains arméniens. Les Goths, 
sous prétexte de prêter main-forte aux Romains contre les 
Perses, étaient descendus des rivages de la mer d’Azof, avaient 
suivi les côtes orientales de la mer Noire et envahi l'Asie Mi- 
neure. Claudius Tacitus se fit transporter au-devant d'eux en 
Cilicie et les tailla en pièces (2). Il est donc très vraisemblable 
que Tacite vit Tiridate se distinguer dans son camp et quil 
s'intéressa d'autant plus à la cause du prince arsacide. Mais 1] 
n'est guère possible que ce vieillard, qui régna seulement 


(1) Oukhtanès, $ 67 et 73 dans Brosset; les paragraphes 70, 71, 91 contredisent 
le 739. Le texte de Zénob de Glag, traduit dans Langlois, 1, 343, n’attribue pas à 
Probus la restauration de Tiridate; c’est pourtant l'opinion de Zénob, a dire 
d'Oukhtanès. Elle se trouve en effet dans d’autres exemplaires du pseudo-histo- 
rien de Daron. Cf. la trad. de Zénob, par Evariste Prudhomme, p. 30. 

(2) Zozime, I, 63, 1; Zonaras, XII, 28; Malalas, XII, 901. Moïse de Khorène nomme 
mal à propos, semble-t-il, un Ardeschir, comme chef de l’armée d’invasion 
et lui attribue la victoire. La preuve que les envahisseurs, au moins les prinei- 
paux, étaient bien les Goths, c’est que Claude Tacite, comme en témoignent ses 
monnaies, reçut les surnoms de Gothicus maximus, CZL, XII, 5563. Dessau 591. 
Monnaies avec l'inscription Victoria Gothica, Eckhel, VIT, 498, ou encore Victoria 
pontica, Tacite régna du dernier tiers de septembre 275 jusqu’au mois de fé- 
vrier 276. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 165 


quelques mois, ait fourni à Tiridate les moyens de recouvrer 
son royaume. 

Le soutien efficace, présenté par les historiens arméniens 
comme la récompense des prouesses de Tiridate, ne peut avoir 
été octroyé que par les successeurs de Tacite, et tout d’abord 
par Probus, monté sur le trône immédiatement après lui. On 
est, d’ailleurs, fondé à croire que Tiridate se signala sous Pro- 
bus plus encore que sous Tacite. Il se peut même fort bien que 
le nouveau Saül, qui nous apparait dans une mise en scène 
naïve, à côté du nouveau David luttant contre un nouveau Go- 
liath, ne soit autre que Probus; mais un Probus diminué, ra- 
baissé à la taille de l'empereur Tacite, pour ménager à Tiri- 
date l'occasion de son duel et de son triomphe. Le nom de 
Probus est d’ailleurs expressément indiqué par Oukhtanès et 
par Moïse de Khorène. Rappelons, d’après Agathange, les cir- 
constances caractéristiques de ce combat, où tout ne doit pas 
être faux: nous savons, par exemple, que Probus avait pro- 
mis une pièce d’or à tout soldat, pour chaque tête de barbare 
qu'il lui apporterait (277-278). 

Donc, au dire d'Agathange, le roi des Goths avait défié en 
combat singulier l’empereur. Celui-ci « fut effrayé..…, car les 
forces physiques lui faisaient complètement défaut (1). Abattu, 
il ne savait que répondre ». Heureusement, Licinius, étant ar- 
rivé au camp de l’empereur avec son armée, le mit au cou- 
rant des prouesses de Tiridate. « Le descendant des rois d’'Ar- 
ménie » fut alors revêtu des insignes de la souveraineté et 
marcha contre le roi des Goths; il saisit son adversaire et le 
conduisit en face de l’empereur. Alors le monarque romain cei- 
gnit Tiridate du diadème, le revêtit de la pourpre, lui donna 
une armée pour l’appuyer, et le renvoya dans sa patrie ». 

La débilité qu'Agathange prête à l'empereur ne pouvait 
convenir qu'à Tacite, car celui-ci était âgé de soixante-quinze 
ans quand, devenu empereur, il se fit transporter en Asie Mi- 
neure et réussit à repousser momentanément les Alains et les 
Goths, qui venaient de l'envahir. La lutte contre ces derniers 
fut surtout l'œuvre de Probus. Aussi, tous les traits du récit 


(1) Ἐφοθήθη λίαν, ὅτι ἀναλχέστατος ὑπῆρχε τῇ τῶν ὀστῶν δύναμει, Agath, n. 18. 
Voir la suite du récit, n. 18-21. 


166 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


d'Agathange et d'Oukhtanès lui conviennent bien, si l’on ex- 
cepte le manque de vigueur. L'énergique Probus, en 278, 
repoussa de l'Illyrie et de la Mésie les Sarmates et les Goths. 
A cette époque, et surtout les années suivantes, on lui décerna 
les titres de Gothicus, verus Gothicus maximus (1). Zozime 
nous apprend qu'il vint ensuite combattre les brigands de 
l'Asie Mineure et de l'Isaeuri. En 279-280, il était en Syrie et, si 
l’on en croit une source malheureusement peu sûre, il recevait 
une ambassade du roi de Perse Bahram I1(277-294). Ce dernier, 
à peine affermi sur le trône, était alors en lutte contre les dis- 
ciples de Manès. Ces embarras devaient le rendre plus souple et 
plus docile à l'égard de son impérieux voisin. Il est donc vrai- 
semblable que Moïse de Khorène et Oukhtanès ne se trompent 
point en parlant d'un partage de l'Arménie entre Probus et le 
roi de Perse qu'ils nomment par erreur Ardeschir. Malheu- 
reusement, pour confirmer ces témoignages, nous n'avons que 
des textes d’autres historiens également suspects, comme Vo- 
piscus (2), qui parle d’un traité entre Probus et Narsès; Vo- 
piscus, pensons-nous, se trompe seulement en ce qu'il substi- 
tue Narsès à Bahram. Peut-être, enfin, pourrait-on voir l'indice 
d'une convention de Probus avec Bahram dans cette inscrip- 


(1) Verus Gothicus, CZL, XIT, 1178; Gothicus Maximus CZZ, VIII, 5467; sur ses 
combats en Asie Mineure, Zozime, 69,1. 

(2) Moïse de Kh., 77, 79; Oukhtanès, ἢ. 67 609] : Vartan expose aussi l'opinion 
du rétablissement de Tiridate par Probus. — Vopiseus, Vita Probi, 17-18 ; Vopiscus 
dit que Probus conclut un traité avec Narsès. Ce dernier nom est-il un lapsus 
pour Bahram (277-294)? ou Vopiscus a-t-il attribué à Probus le traité conclu par 
Dioclétien avec Narsès en 297? Voir sur Vopiscus, Études sur l'Histoire Aug., 
par Ch. Lécrivain, Paris, 1904, p. 377-378; — de Gutschmid, ZDMG, XXXI, 50, 
a placé au temps de Probus l’ambassade perse dont parle Synesius, De Regno, 
c. 18. Mais Synesius dit que le Romain auquel s’adressait le roi perse; prêt à 
toutes les concessions, était Carinus; et, s’il fallait une correction, ne vaudrait-il 
pas mieux nommer Carus que Probus? Ceci est l’opinion de Mommsen, Æom. 
Geschichte, V, 442, note 1. Selon Moïse de Khorène (II, 90 et 91), Arisdaghès aurait 
tenu le siège patriarcal depuis la 47° ou 46° jusqu’à la 53° année du règne de Ti- 
ridate. Comme Arisdaghès occupait très vraisemblablement le siège archiépiscopal 
de l'Arménie en 325, ainsi que l'indique sa présence au concile de Nicée, l'avènement 
de Tiridate remonterait au moins à l’année 278, si le calcul de Moïse était exact. 
D’après le même auteur, Grégoire avait été catholicos, la 17° année du règne de 
Tiridate; donc, au moins l’an 29%, et il aurait exercé ses fonctions jusqu’à la 
46° année du règne de Tiridate, c’est-à-dire jusqu’à l'an 324. Il serait resté 
90 ans catholicos. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 167 


tion gravée au revers d’une monnaie de l'empereur : armée 
perse, exercitus persicus (1). 

Cependant, le traité de Probus avec les Perses serait-il en- 
core plus certain qu'il n’est, on pourrait seulement conclure 
de là qu'il y eut une restauration de Tiridate sur une partie de 
l'Arménie ; et celle-ci, comme le dit Moïse de Khorène, aurait 
été divisée entre Probus et le roi de Perse. Que Tiridate ait 
non seulement mis le pied en Arménie, mais qu'il se soit, du 
coup et définitivement, établi dans sa capitale, cela est fort 
douteux ; car le texte d'Agathange est trop suspect et d’ailleurs 
trop vague, et celui d'Oukhtanès, auteur du x° siècle, tout ‘en 
étant très précis, n'a d'autre valeur que celle du texte d'Aga- 
thange, ou de ses autres sources que nous ne connaissons pas. 

Concluons que la restauration de Tiridate dut être projetée 
et très probablement commencée par Probus, mais qu'elle ne 
s'étendit qu'à une partie de l'Arménie ou, du moins, ne fut 
pas définitive. Il est assez probable que Carus affermit et com- 
pléta cette restauration par sa brillante campagne vers Cté- 
siphon (283). Par la force des choses, Tiridate prit part à cette 
expédition, Il est facile de démêler ce fait historique, au mi- 
lieu des additions fantaisistes si nombreuses chez Agathange, 
et surtout chez: Moïse de Khorène. Le premier nous dit que, 


pendant le séjour de Grégoire dans la fosse d’Ardaschad, et 


« durant tout le temps de son règne, Tiridate détruisit et 
dévasta le pays placé sous la domination des Perses, ruina 
lAssyrie et y fit un grand carnage » (n. 55). Sans doute, l’au- 
teur fait ici allusion aux combats de 296-297 ; mais les luttes 
de 283 ont dû laisser un souvenir tout aussi vivace. Et, pour 
expliquer ces allusions, il n’est pas nécessaire de remonter à 
vingt ans en arrière, jusqu'aux campagnes d'Odenath. Tiridate, 
au dire de Moïse, « était avec Carinus, quand celui-ci, après la 
mort de Carus, fut défait par les Perses. Revêtu de ses ar- 
mes et chargé des harnais de son cheval, qui avait été blessé, 
il traversa l'Euphrate à la nage, pour rejoindre les troupes et 
Licinius » (II, 79). S'il est un fonds de vérité dans ce récit, c’est 
que Tiridate aurait pris part aux exploits de Carus, et, après 
sa mort, aurait été enveloppé dans une défaite du plus jeune 


(1) Eckhel, VII, p. 504. 


108 | REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


fils de Carus, Numérien : défaite signalée par Zonaras (XII, 30). 
Car Carinus ne passa jamais l'Euphrate. Les anachronismes 
et la confusion du récit de Moïse permettent difficilement de 
distinguer ce qui se rapporte à l’année 283-284 et aux années 


296-297. La prétendue prise de la seconde Ecbatane aux septmu- " 


railles par Tiridate, prise que l’auteur (11, 87) place au temps 
de Constantin, est probablement une réminiscence de l’occupa- 
tion de Ctésiphon par l’armée arméno-grecque, en 283. C’est 
un peu plus tard, en effet, que Moïse place le règne de Nerseh 
(Narsès) dont il marque exactement les neuf années de règne 
(IT, 89). Le traité dont Tiridate craint la violation de la part des 
Perses est sans doute celui de 297 (1). 

Introduit en Arménie par Probus, affermi un instant par la 
victoire de Carus, Tiridate put bien abandonner sa capitale 
par suite de la retraite de l'armée de Numérien et de la guerre 
civile entre Dioclétien et Carinus (284-285). Cette hypothèse 
permet de concilier les conclusions précédentes avec la. tradi- 
tion arménienne, vulgarisée surtout par Moïse de Khorène, et 
d'après laquelle Tiridate aurait été intronisé par Dioclétien. 
Cette tradition, sans doute, n'est pas unanimement admise des 
auteurs arméniens. Il en est, nous venons de le voir, qui attri- 
buent le couronnement de Tiridate à Probus, et d’autres, à 
Dioclétien. Parmi ces derniers, les uns fixent larestauration du 
trône de Tiridate à la première année, d’autres à la seconde 
ou à la neuvième, la plupart à la troisième année de Dioclé- 
tien (2). Tiridate devait régner sur une partie de l'Arménie, 
quand Dioclétien devint empereur. 


(1) En se guidant sur les indications de Moïse, Samuel d’Ani place les regnes 
de Nerseh (Narsès) en 337, celui d’'Hormizd en 347, c’est-à-dire plus de 40 ans: 
après leur date réelle; dans le tableau de Samuel, ils auraient régné, alors que 
les fils de Grégoire étaient catholicos ; l'avènement du premier aurait coïncidé 
avec celui d’Arisdaghès! Brosset, p. 569. Le texte arabe Vopiski, p. 70 et 82, ne 
parle pas expressément de guerre avec les Perses; mais le début du texte est 
mutilé. - 

(2) Moïse de Khorène (11, 82) dit que, la 3° année du règne de Dioclétien, Tiri- 
date vint occuper son trône à la tête d’une nombreuse armée, et, qu'arrivé à Cé- 
sarée, avant de pénétrer en Arménie, il vit venir à lui un grand nombre de na- 
kharars. Samuel d’Ani rappelle les divergences signalées plus haut pour la date 
et l'avènement de Tiridate sous Dioclétien. « L'opinion cependant la plus com- 
mune s'arrête à la deuxième ou troisième année de Dioclétien ». Samuel d’Ani, 
année 289, dans Brosset, Collection d'Hist. Arm., 11, p. 365. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 169 


Peut-être, cependant, avait-il de nouveau perdu sa couronne ; 
et dans ce cas, il aurait été rétabli par Dioclétien avant l'an- 
née 289. à 

Ce qui est certain, c’est que la protection de Dioclétien lui 
permit de consolider sa puissance et de l'étendre dans le sud- 
est de l'Arménie. Bahram II, alors en lutte avec son frère Hor- 
mizd et avec les Manichéens, dut être facile aux concessions. Ma- 
mertinus, dans un discours prononcé à Trèves en 289, nous 
dit que les Perses avaient permis à Dioclétien d'étendre les li- 
mites de l'empire, borné auparavant à l'Euphrate (1). Que la 
suzeraineté sur l'Arménie ait été comprise dans cette cession, 
si le Romain ne la possédait déjà, cela parait hors de conteste. 
Et précisément, vers 296, au moment où un panégyriste ro- 
main parlait ainsi des concessions que Dioclétien avait arra- 
chées aux Perses sans tirer l’épée, le successeur de Bahram, 
Narsès (294-303), fils de Sapor, réclamait impérieusement l’Ar- 
ménieet la Mésopotamie, il envahissait l'Arménie romaine et la 
Mésopotamie et poussait ses troupes jusque vers Carrhes au sud 
d'Édesse. Galère Maximus qui, depuis l’an 293, avait été créé 
César par Dioclétien, attaqua l’armée perse, entre Carrhes et 
Nicéphorion, sur la rive gauche de l'Euphrate; il fut écrasé. 
Très probablement les Arméniens de Tiridate avaient pris part 
au combat du côté des Romains. Il est encore plus vraisembla- 
ble qu’ils secondèrent Galère, quelques mois plus tard, quand 
celui-ci pénétra en Arménie, y tailla en pièces l’armée de Nar- 
sès et lui enleva son trésor, ses femmes et ses enfants (2). 
Comment auraient-ils bénéficié de la victoire et obtenu l’Adher- 
baidjan avec la forteresse de Zintha pour frontière du côté de la 
Médie, s'ils n'eussent auparavant pris parti en faveur des Ro- 
mains ? Il est bien vrai que Galère, à en juger par les titres 
qui lui furent décernés, aurait vaincu, outre les Perses, les 
. Arméniens, les Mèdes et les Adiabéniens (3). Pourtant, nous 
pensons qu'il est ici question, non des sujets du roi Tiridate, 


(1) Syriam velut amplexu suo tegebat Euphrates antequam Diocletiano sponte 
-se dederent regna Persarum (Panég. Il, 7 ; IL, 10; II, 6). Voir aussi panég. V,3 et 
10 de l’année 296. Ce dernier panégyrique parle d’un abandon de territoire par 
les Perses jusqu’au Tigre, Partho, ultra Tigrim reducto. 
(2) Voir Ammien, XXII, 5, 11; Eutrop., IX, 24; Ammien, XXV, 7, 9; Petrus 
Patricius, fr. 14, dans Müller, IV, 189; Rufus, Brev., 25. 
(3) Eusèbe, H. E., VIII, 17; Migne, XX, 792, 


ἊΝ 


170 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


mais de provinces arméniennes détachées du royaume et alliées 
des Perses, ou encore de quelque parti d'Arméniens, opposé 
aux Romains. A la rigueur, le titre d'Armeniacus se justifie 
par le fait que Galère ἃ triomphé dans l'Arménie, déjà envahie 
et conquise par Narsès. L'écrasement de la première armée de 
Galère laisse supposer que Tiridate dut, lui aussi, reculer de- 
vant les envahisseurs. Il est même possible qu'il ait été ren- 
versé de son trône et que sa restauration définitive date de 297. 

On le voit, suivant la date à laquelle on s'arrête pour l'avè- 
nement de Tiridate, la conversion de ce prince et la consécra- 
tion de Grégoire se trouvent avancées ou reculées dans la même 
mesure. La date la plus probable pour l'avènement du roi 
arménien étant placée entre l’an 278 et l’an 280, nous inclinons 
à fixer vers 290-295 le sacre de Grégoire et le baptême du roi. 
Mieux que toute autre, cette combinaison nous semble se con- 
cilier avec le fonds du récit d'Agathange, qui nous montre 
Tiridate, après son avènement au trône, luttant contre les 
Perses, à plusieurs reprises, et parfois avec le secours des Grecs. 
Elle s'accorde également avec la déclaration de Sebêos, que 
Grégoire annonça l'Évangile à Tiridate et aux chefs de l’Armé- 
nie, environ trente ans avant Constantin (1). 


(A suivre.) 


François TOURNEBIZE. 


(1) Agathange, n. 55; Sebèos, III, 33. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS 


(Suite, ms. Coislin 126, fol. 167 sqq.) 


38. — ἔλεγέ τις τῶν πατέρων, ὅτι ἣν τις μαγιστριανὸς πεμφθεὶς 
εἰς ἀπόκρισιν βασιλικήν. Kai ἐν τὴ ὁδῷ εὗρε τινὰ πτωχὸν νεκρὸν κεί- 
μενον γυμνόν. Καὶ (167 ν σπλαγχνισθεὶς λέγει τῷ παιδὶ αὑτοῦ" 
Aube τὸν ἵππον χαὶ πρόελθε μιχρόν. ἹΚαὶ χατελθὼν, ἀπεδύσατο ἕν τῶν 
λινουδίων αὑτοῦ, καὶ ἐπέθηκε τῷ χειμένῳ νεχρῷ χαὶ ἀπῆλθεν. 

Πάλιν μεθ᾽ ἡμέρας, ἀπεστάλη ὁ αὐτὸς μαγιστριανὸς εἰς ἀπόκρισιν. 
Συνέθη δὲ ἐξελθόντος αὐτοῦ τὴν πόλιν, καὶ ἔπεσεν ἀπὸ τοῦ ἵππου χαὶ 
ἐκλάσθη ὁ ποὺς αὑτοῦ. Kai ἀποστρέφει ὁ παῖς αὐτὸν εἰς τὸν οἶκον 
αὑτοῦ, καὶ οἱ ἰατροὶ ἐπεμελοῦντο αὐτοῦ. Μετὰ δὲ πέντε ἡμέρας, ἐμε- 
λανίασεν ὁ ποῦς αὑτοῦ. Καὶ ἰδόντες οἱ ἰατροὶ μελανωθέντα τὸν πόδα. 
αὐτοῦ, ἔνευσαν πρὸς ἀλλήλους, ὅτι κοπῆναι ὀφείλει ὁ ποῦς, ἐπεὶ σήπει 
ὅλον τὸ σῶμα καὶ ἀποθνήσχει ὁ ἄνθρωπος. Καὶ λέγουσιν (167 ν΄) αὐ- 
τῷ" ᾿Ερχόμεθα πρωΐ, καὶ θεραπεύομέν σε. Ὁ δὲ ἀσθενῶν νεύει τῷ 
παιδὶ αὑτοῦ ἐξελθεῖν ὀπίσω τῶν ἰατρῶν καὶ μαθεῖν παρ᾽ αὐτῶν τί βού- 
λονται. Kai λέγουσιν αὐτῷ: Ὁ ποῦς τοῦ κυρίου σου ἐμελανίασεν, καὶ 
ἐὰν μὴ κοπῇ, ἀπόλλεται ὁ ἄνθρωπος, ἐρχόμεθὰ πρωΐ, καὶ ὃ θέλει ὁ 
θεὸς ποιοῦμεν. Kat εἰσέρχεται ὁ δοῦλος χλαίων πρὸς τὸν δεσπότην 
αὐτοῦ λέγων" Ὅτι τάδε βουλεύονται περὶ σοῦ᾽ ὁ δὲ ἀχόυσας ἐλυπήθη, 
χαὶ ἀπὸ πολλῆς ἀθυμίας οὐχ ἐκοιμήθη. ἮΝν δὲ χανδίλα φαίνουσα. Περὶ 
δὲ τὰς μέσας νύκτας, ὁρᾷ ἄνθρωπον διὰ τῆς θυρίδος κατερχόμενον 
χαὶ ἐρχόμενον πρὸς αὐτὸν καὶ λέγοντα αὐτῷ᾽ Τί κλαίεις, τί λυπῆσαι ; 
Ὁ δὲ (168 r°) λέγει. Κύριε, οὐ θέλεις ἵνα χλαύσω χαὶ λυπηθῶ, ὅτι 
ἐκλάσθην, χαὶ τάδε βουλεύονται περὶ ἐμοῦ οἱ ἰατροί: xui λέγει αὐτῷ 
ὁ φανείς" Δεῖξόν μοι τὸν πόδα σου. Καὶ ἀλείφει αὐτὸν χαὶ λέγει" 
᾿Ανάστα ἄρτι χαὶ περιπάτει. Καὶ λέγει ὁ ἀσθενῶν᾽ ἱΚέκλασται καὶ οὐ 
δύναμαι. Καὶ αὶ λέγει αὐτῷ" ᾿Επιστηρίχθητι ἐπ᾽ ἐμέ. Kai ἐπιστηριχθεὶς, 


172 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


περιεπάτει χωλεύων. Kat λέγει αὐτῷ ὁ φανείς" ᾿Αχμὴν χωλαίνεις, θὲς 
ἑαυτὸν πάλιν. Καὶ δῆθεν πάλιν ἀλείφει αὐτὸν ἐξ ἴσων τοὺς πόδας αὐ- 
τοῦ. Καὶ λέγει αὐτῷ: "Ἔγειρε ἄρτι περιπάτει. Καὶ ἀναστὰς περιε- 
πάτησεν ὑγιῶς. Καὶ λέγει αὐτῷ" Θὲς ἑαυτὸν ἀναπαύθητι. Καὶ εἶπεν 
αὐτῷ τινὰς λόγους περὶ ἐλεημοσύνης, ὅτι εἶπεν ὁ χύριος" (168 r') Μα- 
χάριοι οἱ ἐλεήμονες, ὅτι αὐτοὶ ἐλεηθήσονται, καὶ ἀνήλεος ἡ χρίσις τῷ 
un ποιήσαντι ἔλεος, χαὶ ὅσα τοιαῦτα. Καὶ λέγει αὐτῷ" Σώζου. Λέγει 
ὁ μαγιστριανός" Ὑπάγεις; Λέγει αὐτῷ" Τί γὰρ θέλεις ἐξότε ὑγίανας; 
Λέγει αὐτῷ ὁ μαγιστριανός" Τὸν θεὸν τὸν πέμψαντά σε, εἰπέ μοι τίς 


. Λέγει αὐτῷ" Βλέψον εἰς ἐμέ. ᾿ὐπιγινώσχεις τοῦτο τὸ ὀθόνιον ἀχρι- 


Où ὦ, 


ὡς; Λέγει αὐτῷ Ναὶ, χύριε, ἐμὸν ἐστίν. Kai λέγει αὐτῷ ἐκεῖνος" 
9 ͵ὔ » A] + \ se , ΕἼ Σ € ΡΒ \ 790€ LA \ 
Ἐγώ εἰμι ὃν εἶδες νεχρὸν ἐῤῥιμένον ἐν τῇ ὁδῷ, χαὶ ἔῤῥιψάς μοι τὸ 
λινούδιν. Καὶ ἀπέστειλέ με ὁ θεὸς ἰάσασθαί σε. Εὐχαρίστει οὖν διαπαν- 
\ , 
τὸς τῷ θεῷ. Καὶ ἀνῆλθε πάλιν δι’ ἧς κατῆλθε θυρίδος. Καὶ ὑγιάνας 
τὸν αἴτιον παντὸς ἀγαθοῦ θεὸν ἐδόξασεν, 
90. — ([08. v') ἴΑλλος τις μαγιστριανὸς ὑποστρέφων ἐπὶ Κων- 
/ ΕΣ il / » \ Fr ͵ Ψ = 2 
ὁταντινουπόλιν ἀπὸ. [Παλαιστίνης, εἰς τὰ μέρη Τύρου ἀπαντᾷ τινὰ 
πολυσλέποντα χατὰ τὴν ὁδὸν μηδένα ἔ ἔχοντα ὁδηγόν. Ὅστις τῆς φωνο- 
e D: 
Gohias τῶν ἱπποχόμων ἀχούσας. ἐπλαγίασε παρὰ τὴν ὁδὸν μιχρὸν, χαὶ 
7? 2 
ἐκτείνας τὰς χεῖρας, ἐλεεινὰ χαὶ πτωχὰ ἐλάλει ἐῤῥανιζόμιενος παρ᾽ αὐτοῦ 
ἐλεημοσύνην. Ὁ δὲ περιφρονήσας, ἀντιπαρῆλθεν αὐτὸν, χαὶ ἀπὸ 
5... / / = \ ΕΣ 
ὀλίγου διαστήματος Frans, ἔστησε τὸν ἵππον, χαὶ λαδὼν τὸ 
χερμοθυλάχιον. αὐτοῦ ἐξή AVE YXEV ἕν τριμίσ LV, χαὶ ἐπανέλυσε πρὸς τὸν 
πτωχὸν δι ἑαυτοῦ, χαὶ παρέσχεν αὐτῷ τὸ τριμίσιον. Δεξάμιενος δὲ 
ἐχεῖνος (108 v)) εὔξατο αὐτῷ λέγων" [lioreto εἰς τὸν θεὸν ὅτι δύσε- 
, AE] \ “ 340 δὲ € 3 A 
ταί σε ἣ ἐντολὴ αὕτη ἀπὸ τ ΠΟΙ σμοῦ. δέξατο δὲ ὁ μαγιστριανὸς τὴν 
εὐχὴν μετὰ πληροφορίας, χαὶ ἀπελθὼν ἐν τῇ πόλει, εὗρε τὸν ἄρχοντα 
ἐχεῖ, χαί τινας παμμαχαρίους παραχαλοῦντας πλοϊσθῆναι ὑπ’ αὐτοῦ 
» = ΄ € - ͵ - δ 
χαὶ ἀχοντιζομένους. Οἱ οὖν παμμαχάριοι ἴδοντες τὸν μαγιστριανὸν, 
παρεχάλεσαν αὐτὸν αἰτῆσαι τὸν ἄρχοντα δοῦναι αὐτοῖς πλοῖον ἐφ᾽ ᾧ 
1 + Eu LA N \ - ? -Ἔ “«“ᾧ 7 ΄ 
ἐχδημῆσαι τῆς πόλεως. Καὶ πεισθεὶς τῇ αὐτῶν παραχλήσει, γέγονε 


\ \ C2 \ \ RTE e/ , 5 δός: 
προς TOY TEA χαι εἰπὼν αὖτ ῳ πέρι 9£9€ ὧν LV αὐτῷ OGn, 


ἤχισε χαὶ περὶ τῶν πὰάμμαχαρίων. Λέγει οὖν τοῖς παμμαχαρίοις ὁ 
ἄρχων χαριέντως" ᾿Εὰν θέλητε (169 1°) ἵνα ὑμᾶς ἀπολύσω, πείσατε 
\ τ A EU ἢ Ὁ \ L} 7 ee 7 € A 
τὸν μαγιστριανὸν συμπλεῦσαι ὑμῖν, καὶ εὐθέως ἀπολύεσθε. Οἱ δὲ 


τοῦτο ἀκούσαντες, ἔμειναν ἐπιπολὺ παραχαλοῦντες τὸν. μαγιστριανὸν 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 173 


- », 


᾽ Ε ᾿ -» \ l δ ᾽ ΝΥ 2 
ἀνασχέσθαι συμιτ᾽τχ: αὐτηῖς. Καὶ χὶ δὴ GuvIsyévon αὐτοῦ ἔδωχεν αὖ-- 
DT - τ “7 14 5 ε et τι 
τοῖς τὸ πλοῖον ὁ ἄρχων. “Ἐὐπλευσαν οὖν ἅμα ὅ τε μαγιστριανὸς χαὶ 
5 " ᾿ 2] N 
οἱ παι μια ἄριοι, ἐπιτήδειον ἄνεμον λαθόντες. Συνέθδη δὲ τὴν νύχτα 


\ \ 2 Le € \ 04 Ἄ Ὁ \ ? es 
τὸν υναγιστριᾶνον, ὀχληθέντα ὑπο τῆς αὐτοῦ γαστρὸς, ἀναστῆναι 


€ ®. 


πρὸς χρείας, καὶ γενόμενος εἰς τὸ πλάγιον τοῦ πλοιοῦ, ῥαπισθεὶς ὑπὸ 
τοῦ ἀρμένου ἔπεσεν εἰς τὴν θάλασσαν. Ἤχουσαν οὖν οἱ ναῦται τοῦ 
πτώματος αὐτοῦ, καὶ ἐπειδὴ νὺξ ἦν χαὶ ([° 169 τ) ἄνεμος ἐπιτήδειος 
οὐχ ἠδυνήθησαν αὐτὸν ἀνασπᾶσαι. ᾿Εφέρετο οὖν ὁ μαγιστριανὸς ἐπὶ 
τοῦ ὕδατος ἐλπίζων ἀποθνήσχεν, ἀλλὰ τῇ ἑξῆς, θελήσει τοῦ θεοῦ, εὑρέθη 
πλοῖον ἐρχόμενον χαὶ ἰδόντες αὐτὸν οἱ τοῦ πλοίου, ἀνήγαγον αὐτὸν, καὶ 
εἰσῆλθον ἐν T πόλει ἐν ἢ χαὶ οἱ παμμαχάριοι ἀπῆλθον. Οἱ δὲ ναῦται 
ἑχατέρων τῶν πλοίων, ἐξελθόντες εἰς τὴν γῆν, γεγόνασιν ἐν καπηλείῳ 
τινί. Ka συμδαίνει τινὰ τῶν ναυτῶν τοῦ πλοίου, ἐξ οὗ ἔπεσεν ὁ μαγι- 
στριανὸς, ἐπιμνησθέντα αὐτοῦ στενάξαι nai εἰπεῖν' ἼΑρα τί γέγονε τῷ 
υμαγιστριανῷ ἐχείνῳ. Καὶ τοῦτο ἀχούσαντες οἱ τοῦ ἑτέρου πλοίου ναῦται, 
ἐπηρώτων περὶ ποίου μαγιστριανοῦ ἐστέναξεν, (ἢ 169 v*) καὶ μαθόντες 
τὸ πρᾶγμα, εἶπον αὐτοῖς ὅτι ἡμεῖς ἐσώσαμεν αὐτὸν, καὶ ἔχομεν μεθ’ 
ἑαυτῶν. Kat γνόντες ἐχεῖνοι ἐχάρησὰν χαὶ ἐλθόντες ἔλαδον αὐτόν. Καὶ 
διηγήσατο αὐτοῖς ὁ μαγιστριανὸς, ὅτι ὁ πολυδλέπων, ᾧτινι ἔδωχα χατὰ 
τὴν ὅδον τὸ τριμιίσιον, αὐτός με ἐδάστασε περιπατῶν ἐπὶ τοῦ ὕδατος. 
Κι αὶ τοῦτο ἀκούσαντες ἐδόξασαν τὸν σωτῆρα at θεόν. 

Ἔκ τούτου οὖν μανθάνομεν, ὅτι ἡ ἐχ διαθέσεως ἐλεημοσύνη οὐκ 
ἀπόλλυται, ἀλλ᾽ ὁ θεὸς ἀμείθεται ἐν χαιρῷ ἀνάγχης τὸν ἐλεήμονα. 
Kara τὴν θείαν οὖν γραφὴν μὴ ἀποσχώμεθα εὐποιεῖν ἐνδεεῖ, ἡνίχα 
ἔχει À χεῖρ ἡμῶν βοηθεῖν. 

ARE "Eee δέ τις τῶν φιλοχρίστων ἔχων τὸ χάρισμα τῆς 
( 169 ν᾽) ἐλεημοσύνης, ὅτι ὀφείλει ὃ παρέχων ἐλεημοσύνην, ὡσαύτως 
ἐχεῖνος λαμιδάνων οὕτως παρέχειν" ἡ τοιαύτη ἐλεημοσύνη πλησιάζει πρὸς 
θεόν. 

41. --- Δύο τινὲς ἀδελφοὶ εἱλχύσθησαν εἰς τὸ μαρτυρῆσαι, χαὶ 
βασανισθέντες ἅπαξ ἐδλήθησαν εἰς φυλαχήν᾽ ἐλυποῦντο δὲ ποὸς ἀλλή- 
λους. Ὃ εἷς οὖν βάλλει μετάνοιχν τῷ ἀδελφῷ λέγων: Συμδαίνει ἡμᾶς 
«αὔριον τελειωθῆναι, λύσωμιεν οὖν τὴν χατ᾽ ἀλλήλων ἔχθραν, LOL ποιή- 


᾽ 7 »” , / - LA Ῥω ΄ ΄ 
σωμεν ἀγάπην' 6 δὲ ἄλλος οὐχ ἐπείθετο. Τὴ οὖν ἑξῆς, φέρονται πάλιν 
ἜΝ ΤΣ “, LPS EUR ἣν ὃ (4 = A UT FEUX FAI En 
χαὶ βασανίζονται, xx ὁ μὴ ὀεξάμενος τὴν μετάνοιαν, ἀπὸ πρώτης 


ΟἹ αν 


προσθολῆς ἠτγήθη, καὶ λέγει αὐτῷ ὃ ἄρχων" Διατί χθὲς τοσαῦτα βασα- 


174 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


νισθεὶς οὐχ ἐπείσθης pot; (170 50 δὲ ἀποκριθεὶς εἶπεν ὅτι τῷ 
ἀδελφῷ μου ἐμνησικάκησαι, καὶ οὐχ ἔσχον μετ᾽ αὐτοῦ ἀγάπην, διὰ τοῦτο 
ἐστερήθην τῆς τοῦ θεοῦ μου παραχλήσεως. , 

DD Ce PA TNE DENT παραδοθεὶς εἰς μαρτύριον ὑπὸ τῆς ἑαυτοῦ 
δούλης ἀπίων ἐπὶ τὸ τελειωθῆναι εἶδε τὴν δούλην αὑτοῦ τὴν παρα- 
δοῦσαν αὐτόν. Kat λαδὼν ὃν ἐφόρει δακτύλιον χρυσοῦν, ἔδωχεν αὐτῇ 
λέγων Εὐχαριστῶ σοι ὅτι τοιούτων ἀγαθῶν πρόξενός μοι γέ 
γονας. 

1 PE ᾿Αδελφός τις ἐχάθητο εἰς χελλίον τῆς Αἰγύπτου ἐν πολλῇ 
ταπεινώσει διαλάμπων. Ὑπῆρχε δὲ αὐτῷ ἀδελφὴ πορνεύουσα ἐν τῇ 
πόλει, καὶ πολλαῖς ψυχαῖς προξενοῦσα ἀπώλειαν. Πολλάκις οὖν παρενο- 
λήσαντες οἱ γέροντες τὸν ἀδελφὸν ἠδυνήθησαν πεῖσαι καταντῆσαι 
Δ ἢ πρὸς αὐτὴν εἴπως γουθετήσας χαταργήσει τὴν ἁμαρτίαν τὴν 
δι’ αὐτῆς γινομένην. Ὡς δὲ ἔφθασεν ἐπὶ τὸν τόπον" ἰδὼν αὐτόν τις 
τῶν γνωρίμων, προλαδὼν ἀπήγγειλεν αὐτῇ λέγων" ᾿Ιδοὺ ὁ ἀδελφός σου 
ἐπὶ τὴν θύραν. Ἢ δὲ, συνεχθεῖσα τοῖς σπλάγχνοις, χαταλείψασα τοὺς 
ἐραστὰς οἷς διηχόνει, γυμνὴ τῇ κεφαλῇ ἐπὶ τὴν θέαν τοὺ ἀὸ εἐλφοῦ ἐξεπή- 
δησεν. Πειρωμένης δὲ αὐτῆς περιπλέχεσθαι αὐτῷ, λέγει αὐτῇ νησία 
μου ἀδελφὴ, φεῖσαι τῆς ψυχῆς σου, ὅτι διὰ σοῦ πολλοὶ ἀπώλοντο. Καὶ 
πῶς δυνήσῃ ὑπενεγχεῖν τὴν αἰώνιον χαὶ πικρὰν βάσανον. Ἢ δὲ σύν- 
τρομοὸς γενομένη λέγει αὐτῷ" Οἴδας ὅτι ἔστι μοι σωτηρία ἀπὸ τοῦ νῦν; 
Ὁ δὲ λέγει αὐτῆ" ᾽Εὰν θέλῃς, ἔστι ([5 170 v°) σωτηρία. Ἢ δὲ ῥίψασα 
ἑαυτὴν εἰς τοὺς πόδας τοῦ ἀδελφοῦ, παρεκάλει αὐτὸν ἵνα λάθῃ αὐτὴν 
εἰς τὴν ἔρημον μετ᾽ αὐτοῦ. Ὁ δὲ λέγει αὐτῇ᾽ Θὲς τὸ ἱμάτιόν σοὺ ἐπὶ 
τὴν χεφάλην σου χαὶ ἀχολούθει μοι. Λέγει αὐτῷ éxeivn’ Αγωμεν, συμ- 
φέρει γάρ μοι ἀσχημονεῖν γυμνῇ τῇ χεφαλῇ, ἢ εἰσελθεῖν ἔτι εἰς τὸ 
ἐργαστήριον τῆς ἀνομίας. Ὡς δὲ εἴχοντο τῆς ὁδοῦ, ἐνουθέτει αὐτὴν 
πρὸς μετάνοιαν. Βλέπουσι δέ τινὰς ἐρχομένους εἰς ἀπάντησιν αὐτῶν, 
χαὶ λέγει αὐτῇ᾽ Ἐπειδὴ οὐ πάντες οἴδασιν ὅτι ἀδελφή μου εἶ, ὑποχώ- 
DAGOV μιχρὸν τῆς ὁδοῦ ἕως οὗ παρέλθωσιν. Μετὰ δὲ ταῦτα, λέγει αὐτῇ᾽ 
᾿Απέλθωμεν τὴν ὁδὸν ἡμῶν, ἀδελφή. Ὡς δὲ οὐκ ἀπεχρίθη αὐτῷ, 
ἐχνεύσας εὗρεν αὐτὴν νεχράν᾽ ([5 170 ν") θεωρεῖ δὲ καὶ τὰ ἴχνη τῶν 
ποδῶν αὐτῆς Ὡμαγμένα, ἦν γὰρ ἀνυπόδετος. 

Ὥς δὲ ἀπήγγειλε τοῖς γέρουσιν ὁ ἀδελφὸς τὸ συμθᾶν, ἀντέδαλον 
εἰς ἀλλήλους. ᾿Απεχάλυψε δὲ ὁ θεὸς ἑνὶ γέροντι περὶ αὐτῆς" ὅτι ἐπειδὴ 


δ». ἮΝ \ Ἴ / ES ᾽ \ \ ἘΦ ἐδ ͵ 2 
ὅλως οὐδενὸς ἐμερίμνησε σαρκικοῦ, ἀλλὰ HAL τοῦ ἰδίου σώματος χατε- 


ἜΝ 
τι 


σι 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 1: 


φρόνησε νὴ στενάξασα ἐν τῇ τοσαύτῃ πληγῇ; τούτου χάριν προσεδε- 
ξάμιην αὐτῆς τὴν μετάνοιαν. 

44, — Ἦν τις γέρων ἔχων μαθητὴν, χαὶ ἐπολεμιεῖτο ὁ ἀδελφὸς 
εἰς πορνείαν, χαὶ παρεχάλει αὐτὸν ὁ γέρων λέγων" Ὑ πόμεινον, τέκνον, 
ὅτι πόλεμος τοῦ ἐχθροῦ ἐστιν. ὋὋ δὲ λέγει αὐτῷ" Οὐκέτι ὑπομένω 466%, 
ἐὰν μὴ ποιήσω τὸ πρᾶγμα. Καὶ προσεποιήσατο ὁ γέρων, καὶ λέγει 
αὐτῷ: ἹΚαγὼ πολέμουμαι, (ἢ 171 τὸ) τέκνον, ἀλλ᾽ ἄγωμεν ὁμοῦ nai 

- \ - ΧΆ ! 2 \ / € a 5 \ e 
ποιοῦμεν τὸ πρᾶγμα, χαὶ ἐρχόμεθα εἰς τὸ χελλίον ἡμῶν. Eiye δὲ ὁ 
γέρων νόμισμα ἕν, χαὶ ἐόάστασεν αὐτὸ μεθ’ ἑαυτοῦ, χαὶ ὡς ἀπῆλθον 
ἐπὶ τὸν τόπον, λέγει ὁ γέρων τῷ μαθητῇ αὑτοῦ" Μεῖνον ἔξω, ἄφες 
πρῶτον εἰσέλθω ἐγὼ, χαὶ πάλιν ὕστερον σύ. Kai εἰσέλθων ὁ γέρων, 
ἔδωχε τῇ πόρνῃ τὸ νόμισμα, καὶ παρεκάλεσεν αὐτὴν, μὴ μιάνῃς, λέγων, 

\ ὃ " A; 4 A 2 € / =& , \ - 
τὸν ἀδελφὸν τοῦτον. Kat ἔδωκε λόγον ἡ πόρνη τῷ γέροντι μὴ μιᾶναι 
τὸν ἀδελφόν. ᾿Εξῆλθεν οὖν ὁ γέρων, καὶ λέγει τῷ ἀδελφῷ εἰσελθεῖν. 
Καὶ ἅμα τὸ εἰσελθεῖν αὐτὸν, λέγει αὐτῷ ἡ πόρνη" Μεῖνον ἄδελφε, ὅτι 
εἰ χαὶ ἁμαρτωλή εἰμι, ἀλλὰ νόμον ἔχομεν καὶ χρὴ αὐτὸν πρῶτον ποιῆ- 
σαι ἡμᾶς. Ἐκέλευσεν ([5 171 r°) οὖν αὐτὸν στῆναι: παραμέρος χαὶ 
8] / / / A , \ / € r \ 
βάλλειν πεντήχοντα μετανοίας, καὶ αὐτὴ παραμέρος ὡσαύτως. Μετὰ 
οὖν τὸ βαλεῖν τὸν ἀδελφὸν εἴκοσι ἢ καὶ τριάκοντα μετανοίας, κατενύγη 
χαὶ λέγει ἐν ἑαυτῷ Πῶς τῷ θεῷ προσεύχομαι, τοῦτο τὸ μύσος προσ- 
δοχῶν ποιῆσαι. Καὶ εὐθέως ἐξῆλθε μὴ μιανθεὶς, καὶ ἰδὼν ὁ θεὸς τὸν 
χόπον τοῦ γέροντος, ἦρε τὸν πόλεμον τοῦ ἀδελφοῦ, χαὶ ὑπέστρεψαν εἰς 
τὸ χελλίον δοξάζοντες τὸν θεόν. 

4. — Γέρων τις ἀπήει πωλῆσαι τὰ μαλάκια αὑτοῦ. Τούτῳ δαίμων 
ἀπαντήσας, ἄφαντα. αὐτὰ πεποίηκεν. Ὁ δὲ γέρων ἐτράπη εἰς εὐχὴν 

ἔλεγεν᾽ Εὐχαριστῶ σοι, ὃ θεὸς, ὅτι ἀπήλλαξάς με πειρασμοῦ. ‘O 
δὲ δαίμων μὴ ( 171 v') ὑπομείνας τὴν φιλοσοφίαν τοῦ γέροντος" 
ἔκραξε λέγων. Ἰδοὺ τὰ μαλάχιζ σου χαχόγηρε. Ὃ δὲ γέρων λαδὼν 
ἐπώλησεν αὐτά. : 

40. --- Διηγήσατό τις τῶν πατέρων ὅτι σχολαστικός τις ἀπὸ Θεου- 

/ , 6) 1 ΄ , À / 3 à eo 
πόλεως εὐλαδὴς παρήδρευέν τινι ἐγχλειστῷ, καὶ παρεκάλει αὐτὸν ἵνα 
δ εἶ ed 4 / / 7 ι γον ῶν, τ Ce ῃ ᾽ \ , 
δέξηται αὐτὸν χαὶ ποιήσῃ (LOVE Ov. Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων᾽ Ἐὰν θέλῃς 
ἵνα δέξωμαί σε, ὕπαγε πώλησον τὰ ὑπάοχοντά σοι χαὶ δὸς πτωχοῖς 

\ \ » A - / λ ΄ / F) \ ie 2 , 
χατὰ τὴν ἐντολὴν τοῦ χυρίου, χαὶ δέχομιχί σε. ᾿Απελθὼν οὖν ἐποίη- 
σεν οὕτως. Μετὰ ταῦτα πάλιν λέγει αὐτῷ" ᾿Αλλὴν ἐντολὴν ἔχεις φυλά- 
Eau, ἵνα μὴ, λαλῆῇς. Ὃ “δὲ συνέθετο, χαὶ ἐποίησε πέντε ἔτη χαὶ οὐχ 


176 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. : 


ἐλάλησεν. Ἤρξαντο οὖν τινὲς δοξάζειν αὐτὸν, καὶ λέγει αὐτῷ ὁ 

(PAL) ἀξξας αὐτοῦ οὐχ ὠφελῇ ὥδε, ἀλλὰ πέμπω σε εἰς χοινόθιον 

εἰς Αἴγυπτον, χαὶ ἔπεμψεν αὐτόν. Οὐχ εἶπεν δὲ αὐτῷ πέμπων αὐτὸν 
? \ ῃ ϊ 


ἔμεινε μὴ λαλῶν. 


λαλῆσαι ἢ μὴ λαλῆσαι" αὐτὸς δὲ τηρῶν τὴν ἐντολὴν, 
Θέλων δὲ πεῖρᾳ δοχιμᾶσαι αὐτὸν ὁ ἀδδὰς δεξάμενος αὐτὸν εἰ ἄλαλός 
3 “Δ s\ 7 ᾽ \ » » = ed - 
ἐστιν ἢ οὗ, πέμπει αὐτὸν εἰς ἀπόκρισιν ἐν τῇ τ τοῦ ποταμοῦ, 


ἵνα ἀναγχασθὴ εἰπεῖν ὅτι οὐχ ἡδυνήθην περᾶσαι, χαὶ ren τεῦ ἀδελφὸν 


r - 


ὀπίσω αὐτοῦ, ἵνα ἴδη τί ποιεῖ. Kai ὡς ἦλθεν ἐπὶ τὸν ποταμὸν, à 
δυνάμενος περᾶσαι ἔκλινε γόνυ, χαὶ ἰδοὺ ἔρχεται χροχόδειλος, χαὶ βα- 
στάζει ἑαυτὸν χαὶ ἀποφέρει εἰς τὸ πέραν, καὶ ὡς ἐποίησε τὴν ἀπόχρισιν 
χαὶ ἦλθεν (5 172 r°) ἐπὶ τὸν ποταμὸν, πάλιν βαστάζει αὐτὸν ὁ χροχό- 
δειλος εἰς τὸ πέραν. ᾿᾿ὐλθὼν δὲ ὁ ἀδελφὸς ὁ πεμφθεὶς ὀπίσω αὐτοῦ χαὶ 
ἰδὼν τοῦτο, ἀνήγγειλε τῷ d66% καὶ τοῖς ἀδελφοῖς χαὶ ἐξεπλάγησαν. 

Συνέδη δὲ αὐτὸν μετὰ χρόνον χοιμηθῆναι, καὶ ἔπεμψεν ὁ ἀρθὰς 
λέγων τῷ πέμψαντι αὐτόν Εἰ χαὶ ἅλαλον ἔπεμψας ἡμῖν, ἀλλ᾽ ὁμῶς 
ἄγγελον θεοῦ. Τότε πέμπει ὁ ἐγχλειστὸς λέγων" “Ὅτι οὐχ ἦν ἄλαλος, 
ἀλλὰ τηρῶν τὴν ἐντολὴν ἣν ἐξ ἀρχῆς ἔδωχα αὐτῷ, ἔμεινεν ἄλαλος. 
Καὶ ἐθαύμασαν πάντες χαὶ ἐδόξασαν τὸν θεόν. 

- Βλεγέ τις ὅτι ἐν AXE ξανδρεία ἢ nv τις πλούσιος χαὶ ἡσθένη- 
σεν χαὶ δειλιάσας τὸν θάνατον λαμδάνει τριάχοντα λίτρας χρυσίου χαὶ 
παρέχει ([5 172 1°) αὐτὰ τοῖς πτωχοῖς. Eyévero δὲ αὐτὸν ὑγιᾶναι, 
χαὶ ἤρξατο μεταμελεῖσθαι ἐφ’ οἷς ἐποίησεν. Εἶχε δέ τινα φίλον 
εὐλαδῇ, χαὶ ἐθάῤῥησεν αὐτῷ ὅτι μεταμεμέλημιαι ἐφ᾽ οἷς ἐποίησα. Ὁ δὲ 
εἶπεν αὐτῷ" ὅτι μᾶλλον ὥφειλες χαίρειν τῷ Χριστῷ προσενέγχας αὐτάς. 
Ὁ δὲ οὐχ ἐπείθετο. Λέγει αὐτῷ" ἰδοὺ αἱ τριάκοντα λίτραι, ἦν γὰρ 
πλούσιος καὶ αὐτός" δεῦρο εἰς τὸν ἅγιον Μηνᾶν χαὶ εἶπε᾽ Οὐχ εἰμὶ 
ἐγὼ ὁ ποιήσας τὴν ἐντολὴν, ἀλλ᾽ οὗτος ἐστιν, χαὶ λαδὲ αὐτάς. Καὶ 
ὡς ἦλθον εἰς τὸν ἅγιον Μηνᾶν, εἶπεν οὕτως χαὶ ἔλαδε τὰς τριάχοντα 
λίτρας, χαὶ ἐν τῷ ἐξέρχεσθαι αὐτὸν τὴν θύραν, ἀπέθανεν. Λέγουσιν οὖν 
τῷ χυρίῳ τῶν νομισμάτων" Λαδὲ (5 172 v°) τὰ σά. Ὁ δὲ εἶπεν" Μὴ 
γένοιτό μοι παρὰ κυρίου, ἐξότε γὰρ ἔδωχα. αὐτὰ τῷ Χριστῷ, αὐτοῦ 
εἰσιν, ἀλλὰ δοθῶσι πτωχοῖς. Οἱ δὲ ἀχούσαντες τὰ γενόμενα, ἐφοσήθη- 
σαν, καὶ ἐδόξαζον τὸν θεὸν ἐπὶ τῇ προθέσει τοῦ ἀνδρός. 

48 EN τὶς ζυγοστάτης ἔν τινι πόλει, καὶ ἔρχεταί τις τῆς 
πόλεως φέρων αὐτῷ σφραγίδα πενταχοσίων νομισμάτων, καὶ λέγε: 


αὐτῷ" Aube τὴν σφραγίδα ταύτην χαὶ ὅταν χρεῖαν σχῶ, παρέχεις μοι 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 1 


χαταμιέρος, οὐ παρῆν δέ τις ἐχεῖ ὅτε ἔδωχεν αὐτῷ τὴν σφραγίδα. Εἷς 
δὲ τῶν λαμπρῶν τῆς πόλεως, ἔξωθεν τοῦ ζυγοστάτου ἀναπατῶν, 
ἤχουε χαὶ εἶδεν ὅτι ἔδωκεν αὐτῷ τὴν σφραγίδα. Οὐχ ἤδει ὁ ζυγοστά- 
τῆς ὅτι ἤχουεν. ([5 172 v”) Μεθ’ ἡμέρας δέ τινας ἔρχεται ὁ δοὺς τὴν 
σφραγίδα χαὶ λέγει τῷ ζυγοστάτῃ" Δός μοι ἐκ τῆς σφραγίδος, ὅτι 
χρείαν ἔχω. Exeivos δὲ θαῤῥῶν, ὅτι οὐ παρῆν τις ὅτε ἔδωχεν αὐτῷ τὴν 
σῳραγίδα, ἠρνήσατο λέγων Οὐκ ἔδωχάς μοι τί ποτε. Kai ὡς ἐξῆλθεν 
ἐχεῖθεν τεταραγμένος, ἀπαντᾷ αὐτῷ ὁ λαμπρὸς ἐχεῖνος χαὶ λέγει αὐτῷ" 
Τί ἔχεις; Ὁ δὲ εἶπεν αὐτῷ τὸ πρᾶγμα. Kai λέγει αὐτῷ: ᾿Αχριδῶς 
ἔδωκας αὐτῷ; Λέγει αὐτῷ : Ναί. Λέγει αὐτῷ ἐχεῖνος: Εἰπὲ αὐτῷ: 
Δεῦρο πληροφόρησὸν μοι εἰς τὸν ἅγιον ᾿Ανδρέαν χαὶ ἀρχεῖ σοι. Ἦν 
γὰρ ἐχεῖ μαρτύριον τοῦ ἁγίου ᾿Ανδρέου. Ὅτε δὲ ἔμελλεν ὀμνύειν, 
λαμβάνει ὁ λαμπρὸς ἐχεῖνος τὸν παῖδα αὑτοῦ χαὶ ἀνέρχεται εἰς τὸν 
(ἢ 173 τ) ἅγιον ᾿Ανδρέαν, καὶ λέγει τῷ παιδὶ αὑτοῦ: Εἴ τι ποιῶ 
σήμερον, μὴ ταραχθῆς, ἀλλ᾽ ὑπόμεινον. Kat εἰσελθὼν εἰς τὸ μαρτύριον, 
ἀποδύεται τὰ ἱμάτια αὑτοῦ, χαὶ ἤρξατο’ ποιεῖν ἑαυτὸν δαιμονιζόμενον, 
χράζων φωνὰς ἀτάχτους. Kaï ὅτε εἰσῆλθον ἔλεγεν: Ὁ ἅγιος Ἀνδρέας 


λέγει" Ἰδοὺ 6 φαῦλος οὗτος ἔλαδε τὰ πενταχόσια Née τὸ τοῦ 


ο 


2 / > / 
ἀνθρώπου χαὶ θέλει ἐ ἐπιορχῆσα! με. Ar τε χετοι οὖν χαὶ πον αὐτὸν 
έγων: Ὁ ἁγιος ᾿Ανδρέας λέγει" Δὸς τὰ TEVTALOGUX νομίσματα τοῦ 
- Ν \ At ΄ 
ἀνθοώπου. ᾿Εἰχεῖνος δὲ ταραχθεὶς χαὶ φοσηθεὶς, ὡμολόγησε λέγων᾽ ᾿Εγὼ 
φέρω αὐτά. Ὁ δὲ ΧΕ αὐτῷ" "Αρτι φέρε αὐτά. ᾿Απῆλθεν οὖν εὐθέως 
χαὶ ἤνεγκεν αὐτὰ, καὶ λέγει ὁ δῆθεν Re τῷ χυρίῳ ({° 173 r°) 
τῶν νομισμάτων: Λέγει ὁ οἷς ᾿Ανδρέας" Θὲς εἰς τὴν τράπεξαν ἐξ 
νομίσματα. Ὁ δὲ ne μετὰ χαρᾶς. Ὅτε οὖν ἀνεχώρησαν, Axbwv τὰ 


, 


ἱμάτια, αὑτοῦ ἐφόρεσε χοσμίως, χαὶ ἀπῆλθεν ἀναπατῶν πάλιν εἰς τὸ 


ν 4 Î ΑΨ 2 δὲ δὲ 4. τὰ € / τς 
ζυγοστατεῖον χατὰ τὸ ἔθος. Ἰδὼν δὲ αὐτὸν ὁ ζυγοστάτης προσεῖχεν 

s Ἐπ L/4 Ἃ 1 \ ΄ὔ, LU -ὦἅ᾽οε € \ , πῶ / | 
αὐτῷ ἄνω χαὶ κάτω. Καὶ λέγει αὐτῷ ὁ λαμπρὸς ἐκεῖνος" Τί μοι προσ- 
΄ ε EU (2 ΄ - ΕἸ ΕΝ ὃ ῃ » , 
ἔχεις, ἑταῖρε; πίστευσον, χάριτι Χριστοῦ οὐκ ἔχω δαίμονα, ἀλλ 

à δὲ) Ὁ εἰ ὅδ nc ι (δ e χν0 NUE Lee Στ PE 
ἐπειδὴ ὅτε ἔδωχέ σοι τὴν σφραγίθα. ὁ ἄνθρωπος ἔξω ἤμην ἀναπατῶν, 
χαὶ ἤχουσα χαὶ εἶδον ἀχριδῶς χαὶ εἰ εἶπόν σοι, εἶχες λέγειν ὅτι οὐ 
πιστεύῃ μόνος, ἐλογισάμην ποιῆσαι τὸ δρᾶμα τοῦτο, ἵνα LA ἀπολέσης 

τὴν ψυχήν σου, χαὶ ὁ ἄνθρωπος ἀδίχως ζημιωθῇ τὰ αὑτοῦ. 

49. — (Ὁ 173 v') ᾿Αδελφὸς ἀπεστάλη ὑπὸ τοῦ d66& αὐτοῦ εἰς 

» , ΄ “΄ NN = ” Ὡς CU 
duanoviav, χαὶ ἐλθὼν εἰς τόπον τινὰ ἔχοντα ὕδωρ, εὗρεν ἐχεῖ γυναῖχα. 
πλύνουσαν ἱμάτια. ΤΠΠολεμιηθεὶς δὲ εἶπεν αὐτῇ ἵνα χοιμηθῇ μετ᾽ αὐτῆς. 

ORIENT CHRÉTIEN, 12 


178 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Λέγει αὐτῷ ἐχείνη: Τὸ μὲν ἀχοῦσαί σου, εὔχολόν ἐστιν, ἀλλ᾽ αἰτία 
σοι γίνομαι πολλῆς θλίψεως. Λέγει αὐτῇ" Πῶς; ᾿Απεχρίθη ἐχείνη" 
- “- , € r A 
Μετὰ τὸ ποιῆσαι τὸ πρᾶγμα, πλήσσει σε ἡ cuveldnois σου, χαὶ ἢ 
, / ε - s\ © ΄ ΄ὔ 7 3) ; A e 
ἀπογινώσχεις ἑαυτοῦ, ἢ πολλοῦ χόπου σοι χρεία ἵνα ἔλθῃς εἰς τὴν τάξιν 
ΠῚ 2 νος = ὩΣ NZ \ à 1 ΄ 
ἣν ἔχεις νῦν᾽ πρὸ τοῦ οὖν δέξασθαί σε τὸ τραῦμα, πορεύου ἐν εἰρήνῃ 
τὴν ὁδόν σου. “Ὃ δὲ ἀχούσας κατενύγη, καὶ εὐχαρίστησε τῷ θεῷ χαὶ 
- / ” - \ 5 Ν τ \ 5 - Ε] “ , 7, ΕῚ -Ὡ 
τῇ φρονήσει αὐτῆς, καὶ ἐλθὼν πρὸς τὸν 466 αὐτοῦ, ἀνήγγειλεν αὐτῷ 
, = ᾿ - , 
(0 179 ν᾽) τὸ πρᾶγμα, χαὶ ἐθαύμασεν αὐτήν. Kai παρεχάλεσεν ὁ 
ἣΝ ι Ψ - CNY ce ΞΟ Ἂς \ el 2 : = 
ἀδελφὸς τοῦ λοιποῦ μὴ ἐξελθεῖν τῆς μονῆς, καὶ οὕτως ἔμεινεν ἐν τῷ 
e 1 = ͵ 
μοναστηρίῳ ἕως θανάτου μὴ ἐξερχόμενος. 
Le NS vu y N , x - “- ce 
50. — Adekods ἀπῆλθεν ἀντλῆσαι ὕδωρ ἀπὸ τοῦ ποταμοῦ, εὗρε 
δὲ γυναῖχα πλύνουσαν ἱμάτια, χαὶ συνέθη αὐτὸν πεσεῖν μετ᾽ αὐτῆς. 
Μετὰ δὲ τὴν ἁμαρτίαν, λαδὼν τὸ ὕδωρ ἀπήρχετο εἰς τὴν κέλλαν 
αὑτοῦ. Ἐπεμπηδήσαντες δὲ οἱ δαίμονες διὰ τῶν λογισμῶν ἔθλιδον 
αὐτὸν λέγοντες" Ποῦ λοιπὸν ὑπάγεις ; οὐχ ἔδτι σοι σωτηρία, ἵνατι καὶ 
γᾷ 


τὸν χόσμιον ζημνιοῦσαι; Ἐπιγνοὺς δὲ ὁ ἀδελφὸς ὅτι θέλουσιν αὐτὸν 
ἰ ϊ ; 3 ς : 


παντελῶς ἀπολέσαι, λέγει τοῖς λογισμοῖς: [Πόθεν ἐπεισήλθετε χαὶ θλί- 
D 4 | ἣ 

Geré με ἵνα ἀπελπίσω ἐμαυτοῦ, οὐχ ἥμαρτον, ([" 174 r°) χαὶ πάλιν 

λέγω οὖχ ἥμαρτον. ᾿Απελθὼν δὲ ἐν τῷ χελλίῳ αὑτοῦ, ἡσύχαζεν ὡς 

θὲς χαὶ πρώην ᾿Απεχάλυψε δὲ ὁ χύριος ἑνὶ γευτονι. αὐτοῦ γέροντι 

AVES d 7 1Ye NE e © CUOEUS γε - ν γξἕρ . 

e ΒΡ ᾿ ὙΔ ae Ν DEL 2 1 5 x TAN € ΄ 

ιὁ ἃ ς ὁ δεῖνα πεσὼν ἐνίχησεν. ὖν πρὸς αὐτὸν ὁ γέρω 

ὅτι ὁ ἀδελφὸς ὁ δεῖνα πεσὼν ἐνίκησεν. Ἔϊλθων οὖν πρὸς αὐτὸν ὁ γέρων; 

έγει αὐτῷ Πῶς ἔχεις; ὋὉ δὲ λέγει: Ἱζαλῶς 466%. Λέγει αὐτῷ ὁ 
γέρων: Καὶ οὐδὲν ἐθλίδης τὰς ἡμέρας ταύτας; Λέγει αὐτῷ" Οὐδέν. 
Λέγει ὁ γέρων" ᾿Απεχάλυψέ μοι ὁ θεὸς ὅτι πεσὼν ἐνίκησας. Τότε ὁ 
ἀδελφὸς διηγήσατο αὐτῷ πάντα τὰ συμῥάντα αὐτῷ. Ὁ δὲ γέρων 
εἶπεν αὐτῷ" Φύσει, ἄδελφε, ἡ διάχρισίς σου συνέτριψε τὴν δύναμιν 
τοῦ ἐχθροῦ. 

51. --- Νεώτερός τις ἐζήτει. ἀποτάξασται χαὶ πολλάχις αὐτὸν ἐξελ- 
θόντα ἀνέτρεψαν οἱ λογισμοὶ συμπλέχοντες αὐτὸν τοῖς πράγμασιν, 
ἦν (f 174 γ᾽) γὰο χαὶ πλούσιος. Ἔν μιᾷ οὖν τῶν ἡμερῶν ἐξελθόντο 

ἢ ὶ ͵ LE 
αὐτοῦ, ἐχύχλωσαν αὐτὸν καὶ πολὺν χονιορτὸν ἤγέιραν ὅπως ἀποστρέ- 


᾿ , 


ψωσιν αὐτὸν πάλιν. Ὁ δὲ ἀθρόως ἀποδυσάμενος χαὶ ῥίψας τὰ ἱμάτια 


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rod, ἀπέτρεγε γυμνὸς εἰς τὰ μοναστήρια. ᾿Απεχάλυψε δὲ 
αὑτοῦ, ἀπέτρεχε γυμνὸς εἰς μοναστήρια. ᾿Απεχάλ 


ΓΤ 


νὶ γέροντι ὅτι" ἀνάστα δέξαι τὸν ἀθλητήν μου. ᾿Αναστὰς δὲ ὁ γέρων, 
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- \ \ Be > 4 Ὁ. _— 
ὑπήντησεν αὐτῷ, χαὶ μαθὼν τὸ πρᾶγμα, ἐθαύμασε χαὶ ἔδαλεν αὐτῷ 


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τὸ σχῆμα. Ὅτε οὖν ἤρχοντο πρὸς τὸν γέροντά τινες ἐρωτῆσαι περὶ 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 179 


λογισμῶν παντοίων ἀπεκρίνατο αὐτοῖς ’Eav δὲ περὶ ἀποταγῆς, ἔλεγεν" 
ἐρωτήσατε τὸν ἀδελφόν. | 

52. — Διηγήσατό τις ὅτι ἀδελφὸς μένων ἐν χοινοοίῳ ἐπέμπετο 
εἰς ἀποχρίσεις τοῦ χοινοδίου" ἦν ([" 174 ν᾿) δέ τις εὐλχδὴς χοσμιχὸς 
εἰς χώμην τινὰ; χαὶ ἐδέχετο αὐτὸν χατὰ πίστιν ὁσάχις ἤρχετο εἰς τὴν 

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χώμην. Εἶχε δὲ ὁ χοσμικὸς μίαν θυγατέρα προσφάτως χηρεύσασαν, 

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ποιήσασαν μετὰ τοῦ ἀνδρὸς ἐνιαυτοὺς δύο. Εἰσερχόμιενος οὖν ὁ ἀδελφὸς 

Vila / Ἴ a ᾽ Len 5 LAN ΝΥ A Ci Er 
χαὶ ἐξερχόμενος, ἐπολεμήθη εἰς αὐτήν. ᾿Ιὐκείνη δὲ συνετὴ οὖσα, ἐνόησε 

\ 5 , € \ K > - 5 L , “ -Ὁ a: - 
χαὶ ἐφύλατγεν ἑαυτὴν μὴ ἐλθεῖν εἰς πρόσωπον αὐτοῦ. Μιᾷ οὖν τῶν 
ἡμερῶν, εἰσῆλθεν ὁ πατὴρ αὐτῆς εἰς τὴν ἐγγὺς πόλιν διά τινα χρείαν, 
ἀφήσας αὐτὴν μόνην ἐν τῷ οἴκῳ. ᾿Ελθὼν δὲ ὁ ἀδελφὸς χατὰ τὸ ἔθος, 
© +4 7° > τ / \ ΄ 5 + - > e / J 
εὑρίσκει αὐτὴν μόνην χαὶ λέγει αὐτῇ" [lo ἐστιν ὁ πατήρ σου; Λέγει 
αὐτῷ" Εἰς τὴν πόλιν εἰσῆλθεν. ΓΠοξατο οὖν ταράτγεσθαι ([" 174 ν᾽) ὁ 
ἀδελφὸς ὑπὸ τοῦ πολέμου θέλων ἐπαναστῆναι αὐτῆ. Λέγει αὐτῷ ἐχείνη 
μετὰ συνέσεως" μηδὲν ταραχθῇς, ὁ πάτηρ μου ἕως ὅτε οὐκ ἔρχεται" 
τ , ᾿ € / - N el e - € * CAN τι » τ 
ὧδε ἐσμὲν οἱ δύο. Οἶδα δὲ ὅτι ὑμεῖς οἱ μοναχοὶ, οὐδὲν ποιεῖτε ἐχτὸς 
εὐχῆς.  Éyerpe οὖν͵ χαὶ εὔξαι τῷ θεῷ, χαὶ εἴ τι LAIT εἰς τὴν χαρ- 
δίαν σου τοῦτο χαὶ ποιοῦμεν. Ὃ δὲ οὐχ ἤθελεν, ἀλλ᾽ ἐταράτγετο ἀπὸ 

= 4 ΄ , D " τ ᾿᾿ x - 7 
τοῦ πολέμου. Λέγει αὐτῷ: Ὄντως σὺ ἔγνως ποτὲ γυναῖχα ; Λέγει 
αὐτῇ" OÙ, ἀλλὰ διὰ τοῦτο θέλω ἵνα μάθω τί ἐστιν. Λέγει αὐτῷ" 
Διὰ τοῦτο οὖν ταράσσῃ, ἀγνοῶν τὴν δυσωδίαν τῶν ἀθλίων γυναιχῶν. 
Kai θέλουσα μειῶσαι τὸ πάθος αὐτοῦ, ἔλεγεν ὅτι ἐν τοῖς μιηναίοις μοὺ 
εἰμὶ, χαὶ οὐδεὶς δύναται προσεγγίσαι μοι οὐδὲ (f° 175 n) ὀσφρανθῆναί 
μου ἀπὸ τῆς δυσωδίας. ᾿Αχούσας δὲ παρ αὐτῆς ταῦτα χαὶ ἄλλα. 

: 
τοιαῦτα, χαὶ σιανθεὶς χαὶ ἐλθὼν εἰς ἑαυτὸν, ἐδάχρυσεν. Ὅτε δὲ 
εἶδεν αὐτὸν ἐχείνη ὅτι ἦλθεν εἰς ἑαυτὸν, λέγει αὐτῷ" ᾿ἸΙδοὺ εἰ ἐπείσθην 
5 A \ 7 \ e ΄ 2 Ξ LU τ A 

σοῦ ἤδη ἤμεθα τελέσαντες τὴν ἁμαρτίαν. [loix οὖν ὄψει εἶχες λοιπὸν 
ἀτενίσαι εἰς τὸν πατέρα μου, ἢ ἀπελθεῖν εἰς τὸ μοναστήοιόν σου καὶ 
ἀχοῦσαι τοῦ χοροῦ τῶν ἁγίων ἐχείνων ψαλλόντων. Παραχαλῶ οὖν σε, 
>, = = \ ὯΝ θ 7 N \ Ν \ 7 4 Ἶ δὴ \ 
γῆψον τοῦ λοιποῦ, χαὶ μὴ θελήσης διὰ μικρὰν καὶ αἰσχρὰν ἡδονὴν 
ἀπολέσαι τοιούτους χαμάτους οὺς ἔχεις, καὶ στερηθῆναι αἰωνίων ἀγα- 
θῶν. Ταῦτα ἀχούσας τὰ ῥήματα ὁ παθὼν ἀδελφὸς παρ᾽ αὐτῆς ἔλεγε τῷ 
NS > - - - - 
διηγησαμένῳ ἐμοὶ, ([ 175 r°) εὐχαριστῶν τῷ θεῷ τῷ διὰ τῆς συνέ- 
σεως χαὶ σωφοοσύνης αὐτῆς μὴ ἐάσαντα αὐτὸν τελείως ἐχπεσεῖν. 

D Γέρων τις εἰχε μαθητὴν ὠνητὸν αὐτοῦ, καὶ θέλων αὐτὸν 
χρατεῖν, ἔπεισεν αὐτὸν τελείως ἔχειν τὴν ὑπακοὴν, ὥστε εἰπεῖν αὐτῷ 


.180 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


τὸν γέροντα᾽ Ὕπαγε, καὶ ἀναφθέντος τοῦ χλιδάνου σφοδοῶς, λαξὼν τὸ 
βιδλίον τὸ ἀνχγινωσχόμενον ἐν τῇ συνάξει, ῥίψον εἰς τὸν κλίδανον. ‘O 
δὲ ἀπελθὼν ἐποίησε ἀδιαχρίτως, καὶ ῥιφέντος τοῦ βιδλίου, ἐσδέσθη 
ὃ χλίδανος, ἵνα γνῶμεν ὅτι καλὴ ἡ ὑπαχοή᾽ Κλίμαξ γάρ ἐστιν τῆς 
βασιλείας τῶν οὐρανῶν. ᾿ 

54. --- Εϊδέ τίς τινα νεώτερον μοναχὸν γελῶντα, χαὶ λέγει αὐτῷ: 


Μὴ γελᾷς, ἄδελφε, ἐπεὶ διώχεις ἀπὸ σοῦ τὸν φόδον τοῦ θεοῦ. 
(Ὁ 175 ν᾿) Περὶ τοῦ σχήματος τοῦ ἁγίου τῶν μοναχῶν. 


δῦ. --- [Ἔλεγον οἱ γέροντες ὅτι τὸ χουχούλιον σημεῖόν ἐστι τῆς 
ἀχαχίας" ‘O ἀνάλαθος τοῦ σταυροῦ" Ἢ δὲ ζώνη τῆς ἀνδρείας. Πολι- 
τευσώμεθα οὖν πρὸς τὸ σχῆμα ἡμῶν, πάντα μετὰ σπουδῆς ποιοῦντες; 
ἵνα μὴ φανῶμεν ἀλλότριον σχῆμα, φοροῦντες. 

56. --- Ἔλεγον περὶ τινὸς γέροντος ὅτι χαθημένου αὐτοῦ ἐν τῷ 

ελλίῳ, ἦλθεν ἀδελφὸς νυχτὸς παραθαλεῖν αὐτῷ, χαὶ ἤχουσεν αὐτοῦ 
ἔσωθεν μαχομένου χαὶ λέγοντος" Ὦ,, καλῶς ἔχει, ἕως πότε, ὑπάγετε 
λοιπὸν, δεῦρο πρός με, φίλε. Εἰσελθὼν δὲ ὁ ἀδελφὸς εἶπεν αὐτῷ - ’A66G, 
μετὰ τίνος ἐλάλεις; Καὶ λέγει Τοὺς πονηροὺς λογισμούς μου ἐδίωχον, 
χαὶ τοὺς ἀγαθοὺς ἐκάλουν. 

57. — (P 175 v) Ἀδελφὸς εἶπέ τινι γέροντι: Οὐδὲν βλέπω πολέ- 
μου ἐν τῇ χαρδίᾳ μου. Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων" Σὺ τετράπυλον εἶ, χαὶ ὁ 
θέλων εἰσέρχεται χαὶ ἐξέρχεται διὰ σοῦ, σὺ δὲ οὐ νοεῖς. Ἔν δὲ ἔχεις 
θύραν καὶ χλείσῃς αὐτὴν, χαὶ μὴ συγχωρήσῃς εἰσελθεῖν δι αὐτῆς πονη- 
ροὺς λογισμοὺς, τότε βλέπεις αὐτοὺς ἔξω ἑστῶτας χαὶ πολεμοῦντάς σε. 

58. — - Εἶπεν γέρων᾽ ὅτι χαταφέρω τὸν ἄτραχτον, καὶ τιθῷ τὸν 


θάνατον πρὸ ὀφθαλμῶν μου πρὸ τοῦ ἀνενέγχω αὐτὸν. 


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\ Ki \ \ ἣν Ξ M où: εἰ 27e ὐὸὲ ἘΠ cer 
τὸ Κλύαμα, καὶ τὸ προχοροῦν ἔργον οὐχ εἰργάζετο; οὐδὲ εἰ ἐπέτασεν 
αὐτῷ τις ἐποίει. AN ὅτε χαιρὸς ἦν τῶν σαγήνων, εἰργάζετο στίπ- 
e »? 3 ? " - 7 
πύον, χαὶ ὅτε ἐζήτουν νήματα, εἰργάζετο (" 176 r°) λινοῦν, ἵνα μὴ 
= € = € “Ὁ Ω Nas d 

ταραχθῇ ὃ νοῦς αὑτοῦ εἰς τὰ ἔργα. 

θύ. --- ᾿Εσθιόντων ποτὲ τῶν ἀδελφῶν εἰς τὴν ἐχχλησίαν τῶν Κελ- 
LA 2 "11€ - 7 5, 2 - f ” \ τὰ ΄ 
λίων ἐν τῇ ἑορτῇ τοῦ πάσχα, ἔδωκαν ἀδελφῷ ποτήριον οἴνου καὶ ἠνάγ- 


DAS - ε δὶ , » ἰὸς #! à 2 7 , 
χασαν αὐτὸν πιεῖν. Ὁ ὁὲ λέγει αὑτοῖς - ΣὩυγχωρήσατέ μοι, πατέοες, ὅτι 


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“αι περίσυ ουτῶς μον ἐεποιήσοτε χαι ἐθλί Ἣν ἐπι πολὺν χρονῶν. 


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HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 181 


GE)=— Ἔλεγον περὶ τινὸς γέροντος ἐν τοῖς κάτω μέρεσιν" ὅτι ἐχά- 
θητο ἡσυχάζων, χαὶ εἷς κοσμικὸς πιστὸς διηχόνει αὐτῷ. Συνέδη δὲ τῷ 
υἱῷ τοῦ χοσμιχοῦ ἀσθενῆσαι. Kai πολλὰ παρακαλέσας τὸν γέροντα, 
ἠξίου ὥστε ἐλθεῖν χαὶ ποιῆσαι εὐχὴν περὶ τοῦ παιδίου" καὶ ἀναστὰς ὁ 
γέρων ἐξῆλθε σὺν αὐτῷ. Καὶ δραμὼν ὁ χοσμιχὸς, εἰσῆλθεν εἰς τὸν 
({°176r) οἶχον αὑτοῦ λέγων᾽ Δεῦτε εἰς τὴν ὑπάντησιν τοῦ ἀναχωρητοῦ. 
Καὶ ᾿Ιδὼν αὐτοὺς ὁ γέρων ἀπὸ μαχρόθεν ἐξερχομένους μετὰ λαμπάδων, 
ἐνόησεν, χαὶ ἐχδυσάμιενος τὰ ἱμάτια αὑτοῦ, ἔδαλεν εἰς τὸν ποταμὸν καὶ 
ἤρξατο πλύνειν στήχων γυμνός. Ὁ δὲ διαχονητὴς αὐτοῦ ἰδὼν ἠἠσχύνθη, 
χαὶ παρεκάλεσε τοὺς ἀνθρώπους λέγων" ᾿Αναχάμψατε, ὁ γὰρ γέρων ἐξέ- 
στη. Καὶ ἐλθὼν πρὸς αὐτὸν, εἶπεν αὐτῷ ’A66Z, τί τοῦτο ἐποίησας; 
πάντες γὰρ ἔλεγον ὅτι δαιμόνιον ἔχει ὁ γέρων. Ὁ δὲ λέγει αὐτῷ" Καὶ ἀγὼ 
τοῦτο ἤθελον ἀχοῦσαι. 

62. - Ἦν τις ἀναχωρητὴς βοσχόμενος μετὰ τῶν βουδάλων χαὶ 
ηὔξατο τῷ θεῷ λέγων" Κύριε, τί ὑστερῶ δίδαξον με. Kai ἦλθεν αὐτῷ 
φωνὴ (f° 176 ν᾽) λέγουσα: Ὕπαγε εἰς τόδε τὸ χοινόδιον χαὶ εἴτι 
ἐπιτάσσουσί σοι ποίησον. Ἐϊσελθὼν οὖν εἰς τὸ χοινόδιον ἔμεινε, καὶ οὐχ 
ἤδει τὴν ὑπηρεσίαν τῶν ἀδελφῶν. Καὶ ἤρξαντο οἱ μιχροὶ μοναλ οἱ δι- 
δάσχειν αὐτὸν τὴν ὑπηρεσίαν τῶν ἀδελφῶν, καὶ ἔλεγον αὐτῷ Ποίησον 
τοῦτο, ἰδιῶτα,, καὶ ποίησον ἐχεῖνο, σαλὲ γέρων. Καὶ θλιδόμενος ηὔξατο 
πρὸς τὸν θεὸν λέγων᾽ Κύριε, οὐχ οἶδα τὴν ὑπηρεσίαν τῶν ἀνθρώπων, 
πέμψον με πάλιν πρὸς τοὺς βουδάλους. Kai ἀπολυθεὶς ἀπὸ τοῦ θεοῦ, 


πάλιν ἀπῆλθεν εἰς χωρίον βοσχηθῆναι μετὰ τῶν βουδάλων. 


TRADUCTION 


38. — Un père racontait qu’un officier royal avait été chargé d’une 
affaire d’État. Durant sa route, il trouva un pauvre mort qui gisait nu. Il 
en eut pitié et dit à son serviteur : Prends le cheval et avance un peu. 
Puis, descendant, il quitta une de ses chemises, en revêtit le mort et s’en 
alla. ; 

Au bout d’un certain temps le même officier fut chargé d’une affaire, 
En quittant la ville, il tomba de cheval et se brisa le pied. Son serviteur 
le reconduisit chez lui et le remit aux mains des médecins. Au bout de 
cinq jours son pied devint noir et les médecins, le voyant prendre cette 
couleur, se firent signe qu'il fallait le couper de crainte que tout le corps 


182 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. / 


ne se corrompit et que l'homme ne mourût. Ils lui dirent : Nous viendrons 
au matin et nous te guérirons. Le malade fit signe au serviteur de suivre 
les médecins et d'apprendre ce qu'ils voulaient faire. Ils lui dirent : Le 
pied de ton maitre ἃ noirci; si on ne le coupe pas, il mourra; nous vien- 
drons au matin et nous ferons ce qui plaira à Dieu. Le serviteur s’en re- 
tourna en pleurant auprès de son maître et lui dit : Voilà ce qu’ils veulent 
(faire) de toi. 11 en fut très afiligé et, à cause de son chagrin, il ne se 
coucha pas; une bougie était allumée. Vers le milieu de la nuit, il vit un 
homme passer la porte, venir à lui et dire : Pourquoi pleures-tu, pourquoi 
es-tu triste? IL dit : Seigneur, comment pourrais-je ne pas pleurer et-ne 
pas être triste, car j'ai une fracture et voilà ce que les médecins veulent 
. me faire. L'homme apparu lui dit : Montre-moi ton pied. Il l'oignit et lui 
dit : Lève-toi maintenant et marche. Le malade répondit : C'est brisé, je ne 
puis pas. Et il lui dit : Appuie-toi sur moi. Il s’appuya sur lui et marcha en 
boitant. L'homme apparu lui dit : C’est à peine si tu boites, pose ton pied 
de nouveau. Il oignit de nouveau ses pieds et il lui dit : Lève-toi mainte- 
nant et marche. Il se leva et marcha plein de santé, et il lui dit : Repose- 
toi maintenant, puis il ajouta quelques paroles sur l’aumône dont le 
Seigneur a dit : Bienheureux les miséricordieux parce qu'ils trouveront 
miséricorde (1), et : Le jugement sera impitoyable pour celui qui n’a pas 
eu de pitié (2), etc. Et il lui dit : Adieu. L’officier lui dit : Tu te retires? 
Il lui dit : Que te faut-il de plus, puisque te voilà guéri. L'officier lui dit : 
Au nom de Dieu qui t'a envoyé, dis-moi qui tu es. Il répondit : Regarde- 
moi ; tu reconnais sans aucun doute cette bande de linge? Il lui dit : Oui 
Seigneur, c’est à moi. Celui-là lui dit : Je suis celui que tu as trouvé 
mort et gisant le long de la route et à qui tu as donné la chemise; Dieu 
m'a envoyé pour te guérir ; rends-lui donc toujours grâces. Il sortit ensuite 
par où il était entré et celui qui venait d’être guéri loua Dieu cause de 
tout bien. 

39. — Un autre officier royal (3) retournait de Palestine à Constanti- 
nople. Dans les environs de Tyr, il rencontra un aveugle qui se tenait le 
long de la route et n’avait personne pour le conduire. Celui-ci, entendant 
le bruit des palefreniers, s'écarta un peu le long de la route, étendit les 
mains, puis implora en demandant l’aumône. L'autre n'y fit pas atten- 
tion et le dépassa, mais, à quelque distance de là, il s'en repentit, il ar- 
rêta son cheval, prit sa bourse, en tira une pièce (4), retourna en personne 
auprès du pauvre et la lui donna. Celui-ci la reçut et pria en disant : Jai 
confiance en Dieu (et je crois) que cette bonne action te sauvera du péril. 
L'officier accueillit cette prière avec confiance, puis entra dans la ville et 
y trouva le gouverneur ainsi que des soldats (5) qui lui demandaient un 


(1) Matth., v, 7. 

(2) Cf. Matth., xvinr, 39. 

(3) Ms. 1596, p. 606 (OC, 1903, p. 95). Coislin 232, fol. 167; Grec 1036, fol. 236. 

(4) Tremissis (tiers d’as). 

(5) Ou gladiateurs. Nous n’avons pas trouvé ce mot dans les dictionnaires. Cf. 
infra, n. 166. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 183 


navire pour quitter la ville. Ceux-ci, voyant l'officier, le prièrent de de- 
mander un navire au gouverneur afin qu'ils pussent quitter la ville. Il 
acquiesca à leur demande, alla trouver le gouverneur et, tout en deman- 
dant des chevaux de poste pour lui, il présenta aussi la requête des sol- 
dats. Le gouverneur dit à ceux-ci : Si vous voulez que je vous congédie, 
persuadez à l'officier de faire le voyage par mer avec vous et je vous 
laisserai partir aussitôt. Ils prièrent donc pendant longtemps l'officier de 
faire voyage par mer avec eux. Il accepta, et le gouverneur leur donna 
un navire. Ils profitèrent donc d'un vent favorable et naviguèrent ensem- 
ble, l'officier et les soldats. IL arriva dans la nuit que l'officier, souffrant 
du ventre, se leva pour ses besoins. Arrivé sur le côté du navire, il fut 
frappé par la voile et jeté dans la mer. Les matelots l’'entendirent tomber, 
mais comme il faisait nuit et que le vent était violent, ils ne purent le re- 
tirer. L'officier, croyant périr, était porté sur l’eau, mais le jour suivant, 
par la volonté divine, un navire vint à passer et ceux du navire, le 
voyant, le retirèrent et le conduisirent à la ville (de Constantinople) où 
les soldats étaient allés. Les matelots des deux navires, arrivant à terre, 
allèrent dans une (même) auberge. L'un des matelots du navire d’où 
l'officier était tombé, vint à y penser et dit en gémissant : Quel malheur 
est arrivé à cet officier! Les autres l’entendant lui demandèrent de quel 
officier il déplorait le sort. Lorsqu'ils furent au courant ils dirent : Nous 
l'avons sauvé et nous l’avons avec nous. Les autres, pleins de joie, allè- 
rent le trouver et l'officier leur dit : L’aveugle à qui j'ai donné une pièce, 
est celui qui τη ἃ soutenu sur l’eau. Les auditeurs louèrent Dieu (notre) 
Sauveur. 

Nous apprenons par là que l’aumône faite suivant l’occasion n’est pas 
perdue, mais Dieu en tient compte à l'homme miséricordieux au moment 
où il en ἃ besoin. Selon la divine Écriture donc, ne refusons pas de faire 
du bien à l’indigent lorsque notre main peut le secourir. 

40. — L'un des amis du Christ qui avait le don de l'aumône disait : Il 
faut que le donateur fasse l’'aumône comme lui-même voudrait la rece- 
voir. Telle est l’aumône qui rapproche de Dieu. 

41. — Deux frères étaient conduits au martyre (1); après avoir été 
tourmentés une fois, ils furent jetés en prison; or ils étaient brouillés en- 
semble. L'un donc fit repentance à son frère et dit : Nous allons mourir 
demain, mettons donc fin à notre inimitié mutuelle et réconcilions-nous, 
mais l’autre ne le voulut pas. Le lendemain ils furent emmenés de 
nouveau et tourmentés. Celui qui n'avait pas accepté la repentance faiblit 
dès le premier choc et le gouverneur lui dit : Pourquoi ne m'as-tu pas 
obéi hier, lorsque tu souffrais de tels tourments? L'autre répondit : C'est 
parce que j'ai gardé de la rancune contre mon frère et ne me suis pas 
réconcilé avec lui que j'ai été privé de la consolation divine. 

42. — Un autre (avait été) livré au martyre par son esclave; au mo- 
ment où il allait à la mort, il vit cette esclave qui l'avait livré. Il prit 


(1) Cf. 2474, fol. 163. Paul, 260. 


184 . REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


la bague en or qu'il portait et la lui donna en disant : Je te remercie 
de m'avoir procuré de tels biens. 

43.— (1) Un frère demeurait dans une cellule d'Égypte et brillait par 
sa grande humilité, or il avait une sœur qui se prostituait à la ville et 
causait la perte de beaucoup d’âmes. Les vieillards pressaient donc sou- 
vent le frère et l’engageaient à aller la trouver pour lui persuader de ne 
plus provoquer de péchés. Quand il arriva chez elle, l’un de (leurs) fami- 
liers alla lui dire : Voici que ton frère est à la porte. Elle, pleine d’é- 
motion, abandonna les amoureux qu'elle servait et s’élanca, la tête non 
couverte, au-devant de son frère. Comme elle s’approchait pour l’embras- 
ser, il lui dit : Ma chère sœur, aie pitié de ton âme, car beaucoup se 
perdent à cause de toi; comment pourras-tu supporter les tourments éter- 
nels et pénibles? Elle devint toute tremblante et lui dit : Sais-tu si je 
puis encore me sauver à partir de maintenant? Il lui dit : Si tu le veux 
tu peux te sauver. Elle se jeta aux pieds de son frère et le supplia de l'em- 
mener au désert avec lui. Il lui dit : Mets ta coiffure sur ta tête et suis- 
moi. Elle lui dit : Alions, car il vaut mieux que je manque aux bienséances 
(en sortant) la tête nue que de rentrer dans la prison du désordre. Pendant 
qu’ils faisaient route, il l’exhortait à la pénitence. Ils en virent qui ve- 
naient au-devant d'eux et il lui dit : Comme tous ne savent pas que tu es 
ma sœur, éloigne-toi un peu de la route jusqu'à ce qu'ils aient passé. 
Quand ce fut fait, il lui dit : Continuons notre route, sœur. Comme elle 
ne lui répondait pas, il tourna la tête et vit qu'elle était morte. Il 
s’apercut aussi que les traces de ses pieds étaient ensanglantées, car elle 
était nu-pieds. 

Lorsque le frère eut raconté aux vieillards ce qui était arrivé, ils en 
conférèrent entre eux. Dieu fit une révélation à son sujet à l’un des vieil. 
lards : Puisqu’elle ne s’est préoccupée d'aucune chose temporelle et qu’elle 
a oublié jusqu’à son propre corps en ne gémissant pas lorsqu'elle souf- 
frait (de marcher nu-pieds), à cause de cela nous avons accueilli sa péni- 
tence. 

44. — Un vieillard (2) avait un disciple qui était tenté et le vieillard 
l’encourageait en disant : Résiste, enfant, c’est un combat que te livre 
l'ennemi. L'autre lui répondit : Je ne puis résister, abbé, si je ne fais pas 
la chose. Le vieillard se mit à feindre et lui dit : je souffre aussi, enfant, 
allons ensemble et faisons la chose, puis nous reviendrons à notre cellule. 
Le vieillard avait une pièce d'argent, il la prit et, lorsqu'ils arrivèrent au 
but, il dit à son disciple : Reste dehors, laisse-moi d’abord entrer, ce sera 
ensuite ton tour. Le vieillard entra, donna la pièce d’argent à la prosti- 
tuée et la pria de ne pas souiller ce frère. La prostituée lui promit de ne 
pas souiller le frère. Le vieillard sortit donc et dit au frère d’entrer. La 


(1) Cf. Histoire d'Abraham, M, 651-660. Paul, 508. On peut se demander si la 
fin de Phistoire d'Abraham n’est pas une paraphrase de la présente histoire. 
La traduction latine se trouve dans M, 808, n° 217 et 1048, n° 2, et le grec dans 
Paul, 10. 

(2) Coislin 127, f. 85. Paul, 511. 


"Αγ 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 185 


courtisane lui dit : Attends, frère, bien que je sois pécheresse, nous 
avons une loi et il nous faut d’abord l’accomplir. Elle lui ordonna donc 
de faire cinquante génuflexions de son côté, pendant qu'elle en faisait 
autant du sien. Lorsque le frère eut fait vingt ou trente génuflexions, il 
fut pénétré de douleur et se dit en lui-même : Comment puis-je prier Dieu 
lorsque je songe à accomplir cette abomination? Il sortit aussitôt sans 
s'être souillé et Dieu, voyant la peine qu'avait prise le vieillard, enleva 
les tentations du frère et ils retournèrent dans la cellule en louant Dieu. 

45) — Un vieillard (1) allait vendre ses corbeilles. Le démon le rencontra 
et les fit disparaître. Le vieillard se mit en prière et dit : Je te remercie, 
ὁ Dieu, de m'avoir délivré de la tentation. Le démon, ne supportant pas 
la philosophie du vieillard, commenca à crier et à dire : Voilà tes cor- 
beilles, mauvais vieillard. Le vieillard les prit et les vendit. 

46. — Un père racontait (2) qu'un pieux scholastique d’Antioche voyait 
assidûment un reclus et lui demandaït de le recevoir et de le faire moine. 
Le vieillard. lui dit : Si tu veux que je t’accepte, va vendre ce que tu pos- 
sèdes et donne-le aux pauvres, selon le commandement du Seigneur, et 
je te recevrai. Il s’en alla et le fit. Le vieillard lui dit plus tard : Tu dois 
observer un autre commandement qui est de ne pas parler. Il en convint 
et passa cinq ans sans parler. Quelques-uns commencaient donc à le louer 
et son abbé lui dit : Tu ne profites pas ici, aussi je vais t'envoyer dans 
une communauté d'Égypte, et il l'envoya. En l’envoyant, il ne lui dit pas 
de parler, ou de ne pas parler; mais lui, observant le précepte, demeura 
sans parler. L'abbé qui le recut, voulant savoir par expérience s’il était 
muet ou non, l’envoya en commission lorsque le fleuve, débordait, afin de 
l'obliger à dire qu’il ne pouvait passer, et il envoya un frère derrière lui 
pour voir ce qu'il ferait. Lorsqu'il arriva au fleuve, il ne put le traverser 
et se mit à genoux. Un crocodile vint et le transporta de l’autre côté. 
Lorsqu'il eut fait sa commission, il revint près du fleuve, le crocodile le 
porta encore de l’autre côté. Le frère qui avait été envoyé à sa suite arriva 
et vit tout cela. Il le raconta ensuite à l’abbé et aux frères et ils furent 
frappés de stupeur. 

Au bout d’un certain temps il mourut, et l’abbé fit dire à Cl qui l'avait 
envoyé : Bien que tu nous l’aies envoyé muet, c'était cependant un ange 
de Dieu. Alors le reclus lui fit dire : Il n’était pas muet, mais c’est parce 
qu'il gardait le premier commandement donné par moi qu'il restait sans 
parler. Tous furent dans l’admiration et louèrent Dieu. 

47. — On racontait (3) qu'il y avait un certain riche à Alexandrie; 1] 
tomba malade et, par crainte de la mort, prit trente livres d’or et les 
donna aux pauvres. Il arriva qu’il guérit et regretta ce qu'il avait fait. 
Il avait un ami pieux et il lui confia ses regrets. Celui-ci lui dit : Tu 
devrais plutôt te réjouir d’avoir donné cela au Christ; mais il ne put le 


(1) Paul, 358. 

(2) Ms. 1596, p. 604 (ROC, 1903, p. 95). Paul, 102. 

(3) Ms: 159%, p. 602 (ROC, 1993, p. 94). B, p. 897. Le syriaque ajoute que ce 
riche se nommait Dôminôs. 


186 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


convaincre. Il lui dit donc : Voici les trente livres — car lui-même était 
riche — mais viens à (l’église de) Saint Ménas et dis : Ce n’est pas moi qui 
ai accompli (ma) promesse, mais c’est celui-ci; après cela tu prendras 
l’argent. Quand ils arrivèrent à (l’église de) Saint Ménas, il prononca les 
paroles convenues, il prit l’argent et, au moment où il passait la porte, 
il mourut. On dit alors au maitre des pièces d'or : Prends ce qui t'appar- 
tient, mais il répondit : Je n’en ferai rien, par le Seigneur! car depuis que 
j'ai donné cela au Christ, c’est sa propriété, donnez-le aux pauvres. Ceux 
qui entendirent (raconter) ces événements furent remplis de crainte et 
louèrent Dieu (au sujet) de la conduite de cet homme. 

48. — Dans certaine ville 1] y avait un peseur public; un homme de la 
ville lui porta un sceau qui valait cinq cents pièces d’or, et lui dit : Prends 
ce sceau et lorsque j'en aurai besoin, tu m'en donneras la valeur petit à 
petit; il n'y avait personne présent lorsqu'il lui donna le sceau. Cepen- 
dant l’un des nobles de la ville, se promenant en dehors de la demeure 
du peseur public, entendit et vit qu’il lui donnait le sceau. Le peseur 
public ne s’apercut pas qu’on l’entendait. Au bout de quelque temps celui 
qui avait donné le sceau vint dire au peseur public : Donne-moi (une 
partie) du prix du sceau, car j'en ai besoin. Mais l’autre, estimant qu'il 
n'y avait personne présent lorsqu'il lui avait remis le sceau, refusa et 
dit : Tu ne m'as jamais rien donné. Comme il sortait rempli d'émotion, le 
noble (dont nous avons parlé) le rencontra et lui dit : Qu'as-tu? Il lui 
raconta la chose. Le noble lui dit : Tu le lui as vraiment donné? Il répon- 
dit : Oui. L'autre lui dit : Appelle-le en témoignage devant Saint André 
et tu auras satisfaction. — Car il y avait là un oratoire de Saint André. — 
Au moment où il devait porter témoignage, le noble se rendit à (l’oratoire 
de) Saint André avec son serviteur et lui dit : Quoi que je fasse aujour- 
d'hui, ne t'en fais pas de souci, mais attends patiemment. Il entra dans 
l’oratoire, quitta ses habits et commenca à contrefaire le démoniaque en 
proférant des paroles désordonnées. Lorsqu'ils arrivèrent, il cria : Saint 
André dit : Voilà que cet homme vil ἃ pris les cinq cents pièces d'or de 
l’autre et veut commettre un faux serment devant moi. Il s’'élança donc 
et le prit à la gorge en disant : Rends les cinq cents pièces d’or de cet 
homme. L'autre, saisi de terreur et de crainte, avoua et dit : Je vais les 
apporter. Celui-là lui dit : Apporte-les à l'instant. Il s’en alla‘ donc aussitôt 
et les apporta, puis le prétendu démoniaque dit au maïtre des pièces 
d'or : Saint André (te) dit de mettre six pièces d’or sur la table; et il les 
donna avec joie. Quand ils furent partis, il reprit ses habits, puis, mis 
avec élégance, il alla se promener, suivant son habitude, auprès de la 
demeure du peseur public. Quand celui-ci le vit, il l’examina du haut en 
bas. Et le noble lui dit : Pourquoi m’examines-tu ainsi, camarade? Crois 
bien que, par la grâce du Christ, je ne suis pas possédé; mais lorsque cet 
homme t'a confié le sceau, je me promenais au dehors, j'ai tout entendu 
et j'étais bien au courant, mais, si je te l’avais dit, tu aurais pu dire que 
tu n’ajoutes pas foi à un seul témoin, c’est pourquoi j'ai songé à cette 
mise en scène afin que tu ne perdes pas ton âme et que cet homme ne 
soit pas injustement privé de ce qui lui appartient. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 187 


49. — Un frère, chargé d’une affaire par son abbé (1), passa par un en- 
droit où il y avait de l’eau. Il y trouva une laveuse et, saisi de tentation, 
lui demanda à coucher avec elle. Celle-ci lui répondit : T’écouter est facile 
et cependant je te causerai beaucoup de tribulations. Il lui demanda : 
Comment? Elle répondit : Quand tu auras commis la faute, ta conscience 
te fera des reproches et, ou bien tu la mépriseras, ou bien tu auras beau- 
coup de peine à rentrer dans l’ordre où tu es maintenant; avant donc 
d’avoir été blessé, poursuis ta route en paix. Il se repentit, rendit grâces 
à Dieu et à la sagesse de cette femme, puis, revenu près de son abbé, il 
lui raconta la chose et celui-ci s’émerveilla (du bon sens) dé cette femme. 
Puis le frère demanda à ne plus quitter le monastère et il y demeura sans 
sortir jusqu'à sa mort. 

50. — Un frère, allant puiser de l’eau au fleuve (2), trouva une laveuse 
et pécha avec elle. Après le péché, il prit l’eau et retourna à sa cellule. 
Les démons le tourmentant par ses pensées le pressaient en ces termes : 
Où comptes-tu aller? il n’y ἃ plus de salut pour toi; pourquoi nuire plus 
longtemps au monde? Le frère s’aperçut qu'ils voulaient le perdre entié- 
rement et ii dit à ses pensées : D’où venez-vous pour me troubler ainsi et 
me conduire au désespoir? je n'ai pas péché ; je vous le répète : je n’ai 
pas péché. Il alla ensuite à sa cellule et s’adonna aux mortifications comme 
auparavant. Le Seigneur révéla à certain vieillard son voisin que tel frère 
était tombé et avait vaincu. Le vieillard alla donc le trouver et lui dit : 
Comment vas-tu? Il répondit : Bien, père. Le vieillard lui dit : N’as-tu pas 
eu de chagrin ces jours-ci? Il lui répondit : Aucun. Le vieillard lui dit : 
Le Seigneur m'a révélé que tu étais tombé et que tu avais vaincu. Alors 
le frère lai raconta tout ce qui était arrivé. Le vieillard lui dit : En vérité, 
à frère, ta décision ἃ vaincu la puissance de l’ennemi. 

Ὁ]. — Un jeune homme (3) cherchait à quitter le monde; au moment 
de partir, ses pensées le retinrent souvent en l’engageant dans diverses 
affaires, car il était riche. Un jour, au moment où il partait, elles l’obsédè- 
rent, et mirent tout en œuvre pour le ramener encore. Mais il se dépouilla 
tout d’un coup, jeta ses habits et courut nu aux monastères. Le Seigneur 
apparut à un vieillard pour qu'il se levàt et reçüt son athlète. Le vieillard, 
se levant, alla au-devant de lui, il fut dans l'admiration lorsqu'il sut de 
quoi il s'agissait, et lui donna l’habit. Lors donc qu'on venait interroger 
le vieillard sur divers sujets, il répondait; mais s’il s'agissait du renonce- 
ment, il disait : Allez interroger ce frère. 

92. — On racontait (4) qu’un frère demeurant dans une communauté 
était chargé d'aller régler les affaires de tous; or, dans certain bourg il y 
avait un séculier qui l’accueillait avec foi lorsqu'il passait par ce village. 
Ce séculier avait une fille, veuve depuis peu, après deux ans de mariage. 
Le frère, allant et venant, fut tenté à son sujet. Elle s’en apercut, car elle 


(1) Coislin 127, 85Y; grec 919, f. 151v. 

(2) Ibid. 

(3) M, 772, n° 67; 1028, ne 1, etc. Paul, 48. 
(4) Coislin 127, f. 86; grec 919, f. 151v. 


Ps: 


188 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


était intelligente, et elle évita de paraitre en sa présence. Certain jour 
cependant, son père se rendit à la ville voisine pour ses affaires et la 
laissa seule à la maison. Le frère venant selon son habitude la trouva 
seule et lui dit : Où est ton père? Elle répondit : Il est allé à la ville. Le 
frère commença donc à être troublé et à lutter; il voulait avoir com- 
merce avec elle. Elle lui dit avec à propos : Ne te trouble pas, mon père 
ne revient pas encore, il n'y a que nous deux. Je sais que vous autres, 
moines, vous ne faites rien sans prier. Lève-toi donc et prie Dieu, puis 
nous ferons ce qu'il te mettra au cœur. Il ne le voulut pas et continuait 
d'être tenté. Elle lui dit : Tu as peut-être déjà connu une femme? II lui 
dit : Non, c’est pourquoi je veux savoir ce que c’est. Elle lui dit : Tu es 
troublé parce que tu ne connais pas la puanteur des malheureuses 
femmes. Puis, pour diminuer sa souffrance, elle lui dit : Je suis au temps 
de mes règles et personne ne peut m'approcher ni supporter ma puan- 
teur. Α ces paroles et à d’autres semblables, il rentra en lui-même et se 
mit à pleurer. Quand elle le vit calmé, elle lui dit : Si je t'avais écouté, 
nous aurions accompli le péché. De quel front pourrais-tu voir mon père, 
retourner au monastère et entendre le chœur des bienheureux lorsqu'ils 
chantent? Je t'en supplie, mène désormais une vie pure et ne désire Ja- 
mais, pour un plaisir court et honteux, perdre tous les travaux que tu as 
accomplis et te voir privé des biens éternels. Après avoir entendu ces 
paroles, le frère tenté me les raconta aussitôt, à moi qui les écris, et 
rendit grâces à Dieu, qui ne l’avait pas laissé complètement choir, grâce 
à la prudence et à la sagesse de celle-là. | 

93. — Un vieillard (1) avait un disciple, son esclave. Pour le vaincre, il 
l’amena à pratiquer une parfaite soumission au point qu'il lui disait : Va 
prendre le livre qui a été lu dans l’assemblée et jette-le dans un foyer 
bien allumé. L'autre fit sans hésiter ce qui lui était commandé et, lorsqu'il 
eut lancé le livre, le foyer s’éteignit afin de nous montrer que l’obéissance . 
est belle, car c’est l'échelle du royaume des cieux. 

Ὁ4. — Quelqu'un vit rire un jeune moine et lui dit : Ne ris pas, frère, : 
car tu chasses ainsi la crainte de Dieu. 


SUR LE SAINT HABIT DES MOINES. 


99. — Les vieillards dirent (2) que la cuculle est le symbole de l’inno- 
cence; « l’analabos » (3) de la croix; la ceinture de la force. Appliquons- 
nous donc à notre habit pour en porter toutes les parties avec empresse- 
ment afin que nous ne paraissions pas porter un habit étranger. 

196. — On raconte (4) qu’un certain vieillard était dans sa cellule, un 
frère vint de nuit pour le voir et, du dehors, l’entendit lutter et dire : En 
voilà assez, allez. [Et il disait encore] (5) : Reste près de moi, ami. Le 

(1) Paul, 103. 

(2) M, 933, πο 115. 

(3) Superhumerale. 
(4) L, fol. 79v. B, p. 804, n° 267. Cf. B, p. 532, n° 243. 
(9) Ces mots se trouvent dans L et B. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 189 


frère entra près de lui et lui dit : Abbé, avec qui parles-tu? Il répondit : 
Je chassais mes mauvaises pensées et j’appelais les bonnes. 

97. — Un frère dit à un vieillard (1) : Je ne vois pas de lutte en mon 
cœur. Le vieillard lui dit : Tu es un carrefour et quiconque le veut entre 
chez toi ou sort sans que tu t'en apercoives. Si tu avais une porte, si tu la 
fermais et ne permettais pas aux mauvais raisonnements de la franchir, 
tu les verrais alors rester en dehors et te combattre. 

98. — Un vieillard dit : Je laisse tomber le fuseau, et je mets la mort 
devant mes yeux avant de le relever. 

09. — J'entendis raconter qu'un vieillard demeurait au temple et à 
Clysma et ne faisait pas le travail du moment, même si quelqu'un voulait 
le lui mettre en train, mais, au temps des nattes (2), il travaillait la 
paille (3) et lorsqu'ils s’occupaient des vêtements, il travaillait au lin afin 
que son esprit ne fût pas troublé par ces ouvrages. 

60. — Lorsque (4) les frères mangeaient dans l'église des Cellules, le 
jour de Pâques, ils donnèrent une coupe de vin à un frère et l’obligèrent 
à boire. Il leur dit : Épargnez-moi, (mes) pères, car vous avez déjà fait 
ainsi l’an dernier et j'en ai été longtemps afiligé. 

01. — On racontait (9) d'un vieillard des pays bas qu'il s’adonnait à 
l’ascétisme et qu'un séculier le servait. Le fils du séculier tomba malade 
et il supplia longtemps le vieillard pour qu'il vint prier sur son fils, et le 


vieillard partit avec lui. Le séculier courut dire à sa maison : Venez au- 


devant de l’anachorète. Quand le vieillard les vit venir de loin avec des 
lumières, il eut l’idée de quitter ses vêtements, de les jeter dans le fleuve 
et de se mettre à les laver en restant nu. Lorsque son serviteur le vit, il 
fut couvert de honte et dit aux hommes : Allez-vous-en, car le vieillard a 
perdu l'esprit. Puis il alla près de luiet dit : Père, pourquoi as-tu fait cela? 
car tous disent que le vieillard est un possédé. Celui-ci répondit : C’est 
précisément ce que je voulais entendre. 

.62.:— Un anachorète (6) paissait avec des buffles. Il demanda à Dieu : 
Seigneur, apprends-moi ce qui me manque. Une voix lui dit : Va dans 
tel monastère et fais ce qu'on te dira. Il alla donc demeurer dans ce mo- 
nastère et il ne connaissait pas le travail des frères, aussi les petits moines 
commencèrent à lui enseigner ce travail et ils lui disaient : Fais cela, 
idiot; fais ceci, βού vieillard. Ainsi opprimé, il pria Dieu et dit : Seigneur, 
je n’entends rien au travail des hommes, renvoie-moi auprès des bufles. 
Dieu le lui permit et il retourna dans la campagne manger avec les 


buffles. 
(A suivre.) 488 ANAU. 


(1) M, 939, n° 43. 

(2) Comme σαγίον. Voir Du Cange. 

(3) Nous n'avons pas trouvé ce mot dans les Dictionnaires. 

(4) L, fol. 82v. B, p. 470. Le syriaque ne dit pas qu'il s’agit des Cellules. 

(9) L, fol. 87r. B, p. 545, n° 268. M, 782, n° 18; 1020, n° 35; 1035, n° 7. Paul 166. 
(6) Publié ROC, 1905, p. 414-415. 


AA AMEN EE 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS 


TRADUCTION DE L’ARABE D'AL-MAKRIZI 


INTRODUCTION 


« Les Églises des Chrétiens » forment avec « les Couvents des 
Chrétiens » les derniers paragraphes du recueil d'Al-Makrizi 
Al-Khitat wal-athar, etc. (V. ROC, 1906, p. 149). Cet auteur 
mêle fréquemment des récits historiques à ses descriptions. 
Comme on ἃ pu le remarquer dans l’article précité où, à pro- 
pos des synagogues des Juifs, il raconte l'histoire de Moïse et 
d'Élie, de même en parlant des églises chrétiennes, il est amené 
à parler des événements qu'elles rappellent. Il s'étend particu- 
lièrement Sur la destruction des églises chrétiennes par les mu- 
sulmans sous le règne du sultan Al-Malek an-Nasser Muham- 
med ben-Qalaoun. 

Le récit animé qu'en fait Makrizi jette un jour tout particulier 
sur la situation de l'Église d'Égypte sous la domination musul- 
mane. On y voit les chrétiens, qui avaient vécu jusque-là dans 
une sécurité complète, occuper les plus hautes fonctions civiles; 
une multitude fanatique s’ameuter et renverser les églises à 
l'instigation des cheikhs et des fakirs, un souverain équitable 
essayer vainement de mettre un frein à ces excès, et, obligé de 
céder devant la violence des manifestations populaires, prendre 
contre eux des mesures vexatoires. 

C’est là, en raccourci, ce que furent les relations entre musul- 
mans et chrétiens après la conquête de l'Égypte par Amrou ben- 
el-Aas. Les chrétiens jouissaient d’une entière liberté de con- 
science et les emplois civils leur étaient accessibles. Leurs 
charges consistaient dans le paiement de quelques impôts, 


OT M EE RUN ΒΨ 
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Ἵ " , 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 191 


particulièrement de l’impôt personnel, la capitation. La bonne 
intellisence entre les deux races et les deux religions ne fut 
troublée qu’à de rares intervalles soit par l'intolérance du sou- 
verain, comme sous l'insensé khalife El-Hakem, de 386 à 411 de 
l'hégire (996 à 1021), ou par la cupidité de certains fonction- 
naires, entre autres du vizir Yazouri mis à mort en 453 (1061) 
sous le khalife El-Mostanser, ou par le fanatisme de la foule, 
comme dans le cas présent. 

Quelque rares qu'elles fussent, ces persécutions, jointes au 
prestige de la race conquérante, eurent néanmoins pour résul- 
tat de faire passer graduellement à l’islamisme un nombre con- 
sidérable de chrétiens, de sorte que leur proportion numérique 
alla sans cesse en décroissant. Ils formaient, dans les temps qui 
suivirent la conquête musulmane, la presque totalité de la popu- 
lation de l'Égypte. Aujourd'hui les Coptes ne sont plus que six 
cent mille environ au milieu d'une population musulmane qui 
atteint près de dix millions. 

Pour l'intelligence du récit, le lecteur devra se rappeler que 
la capitale de l'Égypte se composait de deux parties princi- 
pales : Fostat, la ville fondée par Amrou près de l’ancienne 
Babylone, en face de 1116 de Rodah (actuellement le Vieux Caire), 
et le Caire, fondé par El-Moëz ed-Din-Illah, le premier khalife 
fatimite, entre le Nil et le mont Mokattam au nord de Fostat,. 
Makrizi conserve à Fostat la dénomination de ‘Misr ou Masr, 
donnée successivement aux différentes capitales de l'Égypte. 
Entre Fostat et le Mokattam, au sud du Caire, s’étendait le 
quartier d’'EI-Kataïah, dont la mosquée d'Ahmed ben-Touloun, 
qui subsiste encore, occupait le centre. On l’appelait encore le 
quartier des ponts des lions ou des trois Hamras ou encore 


d’Al-Assaker, noms qu'il portait primitivement avant la fonda- 


tion d’AI-Kataïah par Ahmed ben-Touloun. 

Le quartier grec se trouvait au Caire. On l’appelait ainsi 
parce qu'il fut fondé par les auxiliaires grecs de l’armée du 
khalife El-Moëz ed-Din-Illah. 

Cet opuscule à déjà été traduit en anglais par M. Evetts 
comme appendice aux églises et monastères d'Égypte (Chur- 
ches and Monasteries of Egypt), ouvrage attribué à Abou-Saleh 
l'Arménien, et publié par la Clarendon Press. M. Evetts n'in- 
dique pas sur quel texte 1] ἃ fait sa traduction: J'ai traduit 


192 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


d'après le texte de l'édition des Œuvres de Makrizi publiée à 
Boulak en 1854 par Ali Effendi Djoudah. Les deux textes ne 
présentent que de légères variantes. Le sens est partout identi- 
que. C’est la même édition de Boulak que j'ai déjà suivie pour 
les synagogues des Juifs: 


LES DEUX ÉGLISES DU FOSSÉ. 


Elles sont situées à l'extérieur de la ville du Caire. L'une est 
dédiée à l'ange Gabriel et l’autre à Mercurius. On donne aussi à 
cette dernière le nom de Rouïs, moine illustre qui vivait après 
l'an S00. Les chrétiens enterrent leurs morts autour de ces 
églises et ce lieu est appelé cimetière du Fossé. Elles ont été 
construites pour remplacer les églises du Meks sous la domina- 
tion musulmane. 

L'Église du quartier de Zaouila au Caïre.— C'estune grande 
église qui appartient aux chrétiens jacobites. Elle est dédiée à 
Notre-Dame. On croit que c'est un vieil édifice qui doit son nom 
au sage Zailoun qui vivait environ 270 ans avant la fondation de 
l'islamisme.Il était versé dans les sciences occultes et 1] possé- 
dait un trésor auquel on accédait par un puits qui se trouve à cet 
endroit. 

L'Église dite d’Al-Mahichat. — Elle se trouve dans le quar- 
tier grec du Caire et elle est consacrée à Marie. Les Jacobites 
n'ont au Caire que cette église avec la précédente. II y avait en- 
core dans le quartier grec une autre église sous le vocable de 
la Visitation, mais elle fut détruite en 718. Voici quelle fut la 
cause de cette catastrophe : les chrétiens présentèrent au 
sultan Al-Malek al-Nasser-Mohammed-ben-Qalaoun (1) une re- 
quête pour lui demander la permission de restaurer cette église. 
Il la leur accorda et ils réparèrent si bien leur église qu'elle était 


(1) Muhammed en-Nasser ibn-Qalaoun régna trois fois sur l'Égypte. Il succéda 
en 692 (1293) à son frère El-Achraf Khalil le conquérant de Saint-Jean d’Acre. Il 
n'avait que neuf ans et fut bientôt détrôné par l’'émir Zein ed-Din Ketbogha. 
Rappelé par les émirs, ileut de brillants succès contre les barbares qu'il expulsa 
de Syrie. Il fut détrôné de nouveau en 708 (1309), et.se réfugia au château de 
Karak. Il revint l’année suivante, battit et fit mettre à mort l’usurpateur Bibars]Il 
et régna désormais sans interruption jusqu’à sa mort [741 (1341)]. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 193 


plus belle qu'auparavant. Mais un certain nombre de musul- 
mans en furent irrités et 1ls présentèrent à leur tour au sultan 
un rapport dans lequel ils se plaignaient de ce que les chrétiens 
élevaient, à côté de leur église, un nouvel édifice. Le sultan 
chargea alors l’'émir ‘Tlm ed-Din Singar al-Rhazen et la ville 
du Caire de détruire les nouvelles constructions des chrétiens. 
L'émir monta à cheval, la multitude s’attroupa, courut à l'église 
etladémolittoutentière en un instant: Puis ils élevèrent aumême 
endroit un oratoire, appelèrent les fidèles et firent la prière. Per-- 
sonne ἢ osa s'y opposer de crainte d’une sédition. Cette affaire 
consterna les chrétiens, et ils portèrent plainte auprès du cadi 
Karim ed-Din Nàäzer al-Khas. Celui-ci, irrité de l’outrage fait 
à la religion de ses ancêtres, ne cessa de solliciter le sultan 
jusqu'à ce qu'il eut obtenu l’ordre de détruire l'oratoire. C’est 
ce qui eut lieu et la place qu'il occupait ne fut plus qu'un mon- 
ticule de décombres et de terre. 


L'ÉGLISE DE BOU-MENA. 


Cette église se trouve non loin de la digue près des monticules 
qui bordent la route du Caire. Elle est formée de trois églises 
qui se joignent : l’une appartient aux Jacobites, une autre aux 
Syriens et la troisième aux Arméniens. On y célèbre une fête à 
laquelle les chrétiens assistent en grand nombre. 


L'ÉGLISE D'AL-MAALAKA. 


Elle est située dans la ville du Caire, dans la rue de Qasr ach- 
Chamaa. Elle est dédiée à Notre-Dame. Elle est en grande véné- 
ration chez les chrétiens. Il ne faut pas la confondre avec l'église 
d’Al-Qalaïat dont nous avons parlé ailleurs. 


΄ 


EGLISE DE CHANOUDA. 


Elle est située au Caire et est ainsi appelée du nom d’Abou- 
Chanouda, un ancien moine dont parlentles vieilles chroniques. 
On rapporte qu'il était de ceux qui passaient tout le carême sans 


manger. Il avait sous sa direction six mille moines qui, comme 


ORIENT CHRÉTIEN, 13 


194 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


lui-même, subvenaient à leurs besoins en tressant des nattes de 
feuilles de palmiers. Il a écrit plusieurs ouvrages. 


L'ÉGLISE DE MARIE. 


Elle se trouve dans le voisinage de l'église de Chanouda. Elle 


fut détruite par Ali ben-Suleïman ben-Ali ben-Abd-Allah ben- ὁ 


Abbas, émir d'Égypte, nommé wali par le Commandeur des 
Croyants Al-Hadi Mouça (1), en l’an 169 (786). Il détruisit alors 
les églises de la garde de Constantin. Les chrétiens lui offrirent 
cinquante mille dinars pour qu'il les épargnât, mais il refusa. 


Il fut remplacé, sous le khalifat d'Haroun ar-Rachid, par. 


Mouça ben-Issa-bou-Mouça ben-Muhammed ben-Ali ben-Abd- 
Allah ben-Abbas qui permit aux chrétiens de reconstruire les 
églises qu'avait détruites Ali ben-Suleïman. Cette permission fut 
accordée grâce aux conseils d'Al-Lith ben-Saad et d'Abd-Allah 
ben-Lahiat. Ils allécuèrent que cela contribuerait à l’embellisse- 
ment de la ville et ils rappelèrent que toutes les églises existant 
en Égypte avaientété bâties sous l'Islam, du temps des compa- 
gnons et des disciples du prophète. 


ÉGLISE DE BOU-GIRG ATH-THICA. 


Cette église est située dans une rue du quartier de Kasr ach- 
Chamaa, au Caire. Cetterue s'appelle Darb ath-Thica. Elle longe 
l'église de Bou-Girg. 


ÉGLISE DE BARBARA (sainte Barbe). 


C'est une des plus grandes et des plus belles églises chré- 
tiennes du Caire. Elle est dédiée à sainte Barbe. C'était une re- 
ligieuse qui vivait à la même époque que deux vierges céno- 
bites nommées Aïsa et Takla. Leur fête se célèbre dans cette 
église en présence de l'évêque. 


(1) El-Hadi Mouca, fils et successeur du khalife Mohammed el-Mahadi, ne régna 
qu'un an [169 (785)-170 (786). Il eut pour successeur son frère, le célèbre Haroun 
ar-Rachid. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 195 


ÉGLISE DE BOU-SERHA. 


Elle est située près de l’église Sainte-Barbe, non loin de l’er- 
mitage d'Ibn-Naaman. Elle renferme une grotte dans laquelle le 
Christ et Marie sa mère (salut à eux) se seraient reposés, d'après 
une tradition. 


ÉGLISE DE BABYLONE. 


Elle se trouve au sud de Kasr ach-Chamaa, sur le chemin du 
pont d'AlI-Aphram. Cette église est très-ancienne et très belle. 
On dit que dessous se trouve le trésor de Babylone. Le quartier 
environnant ἃ été détruit. 


ÉGLISE DE THÉODORE LE MARTYR. 


Cette église est située près de Babylone. Elle porte le nom du 
Martyr Théodore al-Asfahslar. Près de Babylone se trouve encore 
l'église de Bou-Mena. Ces deux églisessont fermées, le quartier 
où elles se trouvent étant dévasté et abandonné. 


ÉGLISE DE BOU-MENA. 


Elle est située au Hamrà. Le Hamrà se trouve aujourd'hui 
dans la rue des ponts des Lions entre le Caire et Masr (1). Cette 
église fut restaurée l'an 127 de l’hégire avec la permission 
d’Al-Oualid ben-Rafaat, émir d'Égypte. Ouahib al-Iahasbi en 
conçut un violent dépit : il s’insurgea contre le sultan et mar- 
cha contre Ibn-Rafaat, mais il fut pris et mis à mort. Cet Oua- 
hib était originaire du Yémen et était venu se fixer en Égypte. 


(1) Le mot HMasr (re) signifie Égypte. Ce nom fut donné par les Arabes à 
différentes capitales de l'Égypte : d’abord à Menf (Memphis), puis à Fostat, ville 
fondée par Amrou sur l'emplacement de son camp”près de l'ancienne Babylone 
d'Égypte (le vieux Caire actuel), et enfin de nos jours à la ville du Caire. Ma- 
krizi conserve à Fostat la dénomination de Masr au lieu de la donner au Caire, 
la nouvelle capitale créée par les caliphes Fatimites. 


196 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Les lecteurs (du Coran) s’ameutèrent alors contre Al-Oualid 
ben-Rafaat à cause de Ouahib, et ils lui firent la guerre. Maouna, 
femme de Ouahib, allait la nuit chez les lecteurs et les excitait 
à venger la mort de son mari. Elle s'était rasé la tête. C'était 
une femme énergique. Cependant Ibn-Rafaat Abou-Issa Me- 
rouan ben-Abd-ar-Rahmän al-Jahasbi s'empara des lecteurs 
et leur fit grâce. Il les laissa aller et Ia sédition s’apaisa après 
avoir coûté la vie à un assez grand nombre d'hommes. 

Cette église subsista au Hamrà jusqu'à l’époque de la des- 
truction des églises, sous le règne d'An-Nasser Mohammed 
ben-Qalaoun. Nous en parlerons plus tard et nous relaterons 
comment toutes les églises d'Égypte et les couvents chrétiens 
furent détruits en même temps. 


ÉGLISE D’AZ-ZAHARI. 


Elle était au lieu où se trouve maintenant l'étang nazaréen, 
près des ponts des Lions, près du Khalig occidental, et à l’ouest 
de la courbure. Il se passa au sujet de cette église une série 
d'événements. Voiciquelle en fut l’occasion : Quand Al-Malek an- 
Nasser Mohammed ben-Qalaoun fonda 16 manège des cha- 
meaux, près des ponts des Lions, en l'an 720 (1), il voulut cons- 
truire un enclos sur le bord du grand Nil près de la mosquée 
de Bibars, et il ordonna d'enlever un monticule de terre qui se 
trouvait là. Il fit creuser la terre par-dessous pour construire 
l’enclos et fit remplir d'eau la partie creusée. C'est ce qu'on 
appelle aujourd'hui l'étang nazaréen. On commença à creuser 
cet étang à la fin du mois Rabie'al-Awal de l'an 721. Les tra- 
vaux d’excavation se rapprochèrent bientôt de l'église dans la- 
quelle setenaient constamment un grand nombre de chrétiens. 
Il y avait en outre, non loin de là, plusieurs églises au lieu 
appelé aujourd'hui Haker Akbaha, entre les sept réservoirs et 
le pont de la digue en dehors de la ville de Fostat. Les ouvriers 
se mirent alors à creuser autour de l'église d'Az-Zahari au point 
qu'elle resta isolée au milieu de l'endroit que le sultan avait 


(1) L’an 1320 de l’ère chrétienne, sous le troisième règne de ce prince. (V. la 
note de la p. 192.) 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 197 


ordonné d'excaver et qui est maintenant l'étang nazaréen. On 
continua de creuser Jusqu'à ce que l'église restàt comme suspen- 
due au-dessus de l’excavation. On voulait la faire tomber sans 
chercher à la démolir directement. A chaque instant la foule 
des esclaves qui travaillaient au creusement et d’autres gens 
du peuple demandaient à grands cris aux émirs qu’on la démo- 
lit. Mais ceux-ci n'y prenaient pas garde. Cependant le neu- 
vième jour de Rabie' al-Akhir de la même année, un vendredi, 
au moment où l'on était en train de prier à la mosquée et où 
les travaux d'excavation étaient interrompus, il se forma, sans 
l’assentiment du sultan, un rassemblement tumultueux. Les 
mutins crièrent à haute voix : « Dieu est grand! » s'emparè- 
rent des outils et s'en servirent pour démolir l'église d’Az-Za- 
hari qui ne fut bientôt plus qu'un monceau de ruines. Ils tuë- 
rent les chrétiens qui s’y trouvaient et ravirent les objets qui 
étaient dedans. Ils détruisirent encore l’église de Bou-Mena, au 
Hamrà, qui était en grande vénération chez les chrétiens à 
cause de son ancienneté. Un certain nombre de chrétiens vi- 
vaient en reclus à l’intérieur. Les chrétiens de la ville leur 
apportaient tout ce dont ils avaient besoin. On leur offrait de 
riches ex-voto et d'abondantes aumônes. Aussi on y trouva de 
grandes richesses en argent et en objets précieux. La foule se 
hissa sur le toit; puis elle ouvrit les portes et emporta de l'ar- 
gent, des étoffes et des amphores de vins. Ce fut un spectacle 
épouvantable. 

Après avoir détruit l'église du Hamrà, les émeutiers se diri- 
gèrent vers les deux églises qui se trouvaient près des sept ré- 
servoirs. L'une d'elles était appelée l’église des Vierges, parce 
qu'elle était habitée par des vierges chrétiennes et des moines. 
Ils brisèrent les portes des deux églises, enlevèrent les vierges 
qui étaient au nombre de plus de soixante, leur prirent leurs 
vêtements et ravirent tout ce qu'ils purent trouver. Ensuite ils 
mirent le feu aux deux églises et les détruisirent de fond en 
comble. 

Α ce moment les hommes qui faisaient la prière du vendredi 
sortirent des mosquées et furent témoins d’un spectacle ef- 
frayant : une poussière épaisse, la fumée de l'incendie, le tu- 
multe de la foule qui emportait son butin faisaient songer aux 
horreurs du jugement dernier. La nouvelle s’en répandit aussi- 


198 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


tôt et parvint Jusqu'à Ar-Ramilat, au pied de la citadelle de la 
montagne. Le sultan, réveillé par les clameurs et le vacarme, 
envoya prendre des informations Quand il sut ce qui s'était 
passé, il fut saisi d'une grande indignation, et entra dans une 
violente colère de ce que la multitude avait agi ainsi sans sa 
permission. Il ordonna à l’émir Idhamach-Emir-Achour de 
marcher à la tête d'un détachement de sa garde, de réprimer 
le désordre et d'arrêter les coupables. Idhamach se disposait 
à monter à cheval quand la nouvelle parvint que la foule s'était 
précipitée au Caire et avait détruit une église dans le quartier 
grec et une autre dans le quartier de Zaouïla. En même temps 
on apprenait qu'une immense multitude s'était insurgée à 
Masr (1) et s'était dirigée vers l'église d'Al-Maalaka à Kasr 
ach-Chamaa, que les chrétiens s'y étaient renfermés et qu'ils 
étaient sur le point d'être pris. La colère du sultan ne connut 
plus de bornes; il voulait monter lui-même à cheval et fondre 
sur la foule, quand l'émir Idhamach revint de la citadelle avec 
trois autres émirs pour marcher sur Masr. L'émir Beybars al- 
Hadjib etl’émir AlI-Màs al-Hadjib marchèrent au lieu de l’exca- 
vation, tandis que l'émir Tinàl se dirigeait sur le Caire. Cha- 
cun d'eux avait avec lui une troupe nombreuse. Le sultan leur 
avait ordonné de tuer tous ceux qu’ils vaincraient sans faire 
de quartier à personne. Le Caire et Masr étaient en pleine in- 
surrection et le pillage était général. Les émirs ne vinrent à 
bout que de ceux dont l'ivresse paralysait les mouvements, car 
ils avaient bu avec excès du vin provenant du pillage des égli- 
ses. Ce fut alors que l’émir Idhamach arriva à Fostat. Avant son 
arrivée le wali s'était rendu au quartier d'Al-Maalaka pour 
en chasser les pillards, mais il avait été accueilli par une grêle 
de pierres et obligé de prendre la fuite, et bientôt après on 
avait mis le feu à la porte de l'églis:. Idhamach et ses compa- 
gnons dégainèrent pour charger la foule. Α ce moment ils 
rencontrèrent un uléma que ce tumulte n'avait pas effrayé. 
Idhamach, craignant des conséquences funestes, s’abstint de 
frapper et ordonna à ses compagnons de contenir la foule sans 
verser le sang. Ses hérauts crièrent alors que quiconque reste- 
rait là serait mis à mort. Toute cette multitude prit alors la 


(1) Fostat. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 199 


fuite et se dispersa. Toutefois Idhamach resta en ce lieu jusqu’à 
ce qu'on appelât à la prière du soir, de crainte que la foule ne 
revint. Puis il s'en alla en obligeant néanmoins le wali à passer 
la nuit à cet endroit avec ses satellites ; 11 lui laissa en outre 
cinquante hommes de la garde. 

Quant à l’'émir Al-Mas, il se rendit aux églises d'Az-Zahari 
pour les protéger, mais il n’y trouva que des monceaux de dé- 
combres, pas un mur n’était debout. Il revint alors avec les 
émirs et alla porter la nouvelle au sultan dont la colère re- 
doubla de violence. Les émirs s'empressèrent autour de lui jus- 
qu'à ce qu'ils réussissent à l’apaiser. 

Il se passa, au sujet de la destruction de ces églises, un fait 
étrange : les musulmans étaient réunis à la mosquée de la ci- 
tadelle pour la prière du vendredi. Au moment où ils finissaient, 
un homme se leva tout troublé et se mit à crier au milieu de 
la mosquée : « Détruisez l'église de la citadelle, détruisez-la! » 
et il redoubla ses cris effrayants jusqu’à ce qu'il tombât dans 
un état de délire et d'enthousiasme. Le sultan et les émirs 
furent très surpris, et le sultan ordonna au chef des armées et 
au chambellan d'aller voir ce qu'il en était. Ils se rendirent donc 
de la mosquée aux ruines tartares près de la citadelle, et ils 
virent que l’on détruisait l’église bâtie en ce lieu. On n'avait pas 
encore fini de la renverser que l'on apprit la chute des églises 
de Hamra et du Caire. La surprise du sultan fut d'autant plus 
erande au sujet du cas de ce fakir. Il chercha à s’en rendre 
compte, mais sans y réussir. 

Un fait semblable se produisit dans la mosquée d'AI-Azhar. 
Au moment où l'on était réuni pour la prière du vendredi, un 
fakir fut pris d’un tremblement après qu'on eut donné le signal 
qui précède le départ du prédicateur. Il s'écria : « Détruisez les 
églises des impies et des infidèles. Oui, Dieu est grand, 1] 
triomphe et il remporte la victoire! » Il manifestait un grand 
trouble et poussait des cris, se démenant d'un bout à l’autre de 
l'édifice. Tous les assistants avaient les yeux fixés sur lui sans 
comprendre ce que cela signifiait. Les avis étaient partagés; 
les uns disaient : « Il est fou », les autres affirmaient que cela 
signifiait quelque chose. Quand le prédicateur sortit, il cessa 
de crier. Quand la prière fut finie, on le chercha, mais on ne le 
trouva point. Ils sortirent à la porte de la mosquée et virent les 


e 


200 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


émeutiers qui emportaient des pièces de bois provenant des 
églises, des vêtements chrétiens et d’autres objets pillés. Ils 
leur demandèrent ce que cela voulait dire et 1] leur fut répondu 
que le sultan les convoquait à la destruction des églises. Ils le 
crurent d’abord, mais bientôt on eut l'assurance que cela se pas- 
sait sans l'ordre du sultan. Il y eut de détruit au Caire, une 
église dans le quartier grec, une église dans le Bindecanin et 
deux églises au quartier de Zaouïla. 

Le dimanche, troisième jour après le vendredi où furent dé- 
truites les églises du Caire et de Fostat, arriva un message de 
l'émir Bedr ed-Din Bilbek al-Mouassani, wali d'Alexandrie. Il 
annonçait que le vendredi neuvième jour de Rabie‘ al-Akhir, 
après la prière, les assistants s'étaient mutinés et étaient sortis 


en désordre de la mosquée. Ensuite on entendit crier : « Les. 


églises sont détruites. » Le mamluk (qui était de garde) partit 
aussitôt et trouva que les églises n'étaient plus qu'un monceau 
de ruines. Elles étaient au nombre de quatre. En même temps 
une lettre du wali de la Bohaïra (1) annonçaït que deux églises 
avaient été détruites à Damanhour au moment où les hommes 
faisaient à la mosquée la prière du vendredi. L'étonnement fut 
à son comble quand, le vendredi seizième jour du même mois, 
des nouvelles apportées de Kous (2) apprirent qu'au moment 
où on terminait la prière le vendredi neuvième jour de Rabie 
al-Akhir, un fakir se leva et s’écria : « Ὁ fakirs, allez détruire 
les églises. » Il sortit avec tous les assistants et trouva qu'en 
effet l’on avait détruit les églises. Il y en avait six à Kous et dans 
les environs et elles furent détruites toutes en même temps. Les 


nouvelles se succédaient, de la Haute comme de la Basse-Égypte, 


annonçant toutes qu'un grand nombre d’'églises et de couvents 
avaient été détruits en ce même vendredi à l'heure de la prière 
ou peu après, dans toute l'étendue de l'Égypte, depuis Kous jus- 
Alexandrie et à Damiette. La fureur du sultan redoubla, dans 
la crainte de désordres plus graves. Les émirs s’efforcèrent d’a- 
paiser sa colère en lui représentant que cela ne venait point des 
hommes et que le sultan n'aurait pu l'empêcher quand même il 


(1) Région située au sud des lacs Mariout et Edkou. Le mot Bohaîra signifie 
lac. 

(2) Kous, l’ancienne Apollinopolis parva, située à peu de distance au nord de 
Thèbes, était la ville la plus importante de la Haute-Egypte. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 201 


l'aurait voulu; que c'était l'œuvre de la volonté et de la puis- 
sance de Dieu (qu'il soit loué!) qui connaissait la grande per- 
versité des chrétiens et leurs excès d'impiété et qui avait voulu 
les en punir. 

La populace du Caire et de Fostat fut saisie d'une grande 
crainte en apprenant que le sultan les menaçait de mort, et un 
grand nombre de gens de la lie du peuple prirent la fuite. Le 
cadi Fakr ed-Din Nàzer el-Geich s’efforça alors de dissuader le 
sultan de faire charger la foule, et conféra avec lui sur les 
moyens d'améliorer la situation. Cependant Karim ed-Din el- 
Kebir, intendant particulier, excita le sultan contre les émeu- 
tiers et obtint d’être envoyé à Alexandrie pour recueillir des 
fonds et faire une enquête sur la destruction des églises. 

Un mois ne s'était pas écoulé depuis que les églises étaient 
détruites que des incendies éclatèrent en plusieurs endroits au 
Caire et à Masr. Il s'y passa deux fois plus d'horreurs qu'au mo- 
ment de la destruction des églises. Le feu prit dans une maison 
de la rue Ach-Chaouaïin, au Caire, le samedi, dixième Jour de 
Goumadi al-Awal. L'incendie se propagea aux alentours et dura 
jusqu'au dimanche soir. Les pertes qu'il causa furent énormes. 
Quand on l’éteignit, il était parvenu à la rue de Dilam, dans le 
quartier d’Al-Arisat, non loin des appartements de Karim ed- 
Din Nàzer el-Khas. C'était le quinzième jour de Goumadi el- 
Awal; toute lanuitsouffla un vent violent qui propagea l'incendie 
- aux environs, de sorte qu'il parvint jusqu'à la maison de Karim 
ed-Din. Lanouvelleen fut portée au sultan qui en fut très alarmé, 
car ses magasins se trouvaient tout près. 11 envoya aussitôt 
quelques émirs pour arrêter l'incendie. Ils réunirent dans ce 
but une troupe d'hommes qui devint bientôt très nombreuse. 
La situation s’aggrava de la nuit du lundi à celle du mardi et 
l'incendie devenait de plus en plus violent. Les émirs et la foule 
furent impuissants à 16 maîtriser à cause de sa grande étendue 
et à cause de la violence du vent qui poussait sur eux des nuages 
de fumée. Les barques du fleuve furent submergées et l'on 
croyait bien que la ville du Caire allait brûler. Lemuezzin monta 
alors au minaret et appela les fakirs et tous les gens de bien et 
de religion. Ils se mirent à proférer des formules de louanges et 
des invocations et à supplier Dieu. Les cris et les lamentations 
de la foule ne cessaient d'augmenter. Le sultan monta sur le 


202 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


toit de son palais, mais il ne put y rester, à cause de la vio- 
lence du vent. L'incendie continuait toujours et le sultan ne 
cessait d'insister auprès des émirs pour qu'ils l’éteignissent. 
Cela dura jusqu'au mardi. Ce jour-là, un représentant du sultan 
descendit du palais accompagné de tous les émirs et emmenant 
tous les porteurs d'eau. L'émir Biktamer as-Saki y vint aussi. 
Ce fut un spectacle grandiose, tel qu'on n'en peut voir de plus 
imposant et en même temps de plus terrible. L'émir plaça au- 
près des portes du Caire des hommes qui renvoyaient les por- 
teurs d'eau lorsqu'ils voulaient sortir de la ville, pour leur faire 
éteindre le feu, de sorte qu'il n’y eut personne, parmi les por- 
teurs d’eau des émirs ou de la ville, qui ne fût employé à ap- 
porter l’eau des écoles ou des bains. En outre tous les charpen- 
tiers et tous les maçons furent occupés à démolir les maisons. 
ils détruisirent autant que Dieu voulut de somptueux palais et 
de vastes demeures. Vingt-quatre émirs du premier rang tra- 
vaillèrent à maitriser cet incendie, sans compter les émirs des 
fanfares (1), des Compagnies et des Mamluks. Les émirs payè- 
rent de leurs personnes. L'eau était apportée de la porte de 
Zaouïlat à la rue de Dilam, près de’la route du canal, par un 
grand nombre d'hommes et de chameaux. L'émir Biktamer as- 
Saki et l'émir Arhoun, représentants du sultan, s’occupèrent de 
transporter les objets qui lui appartenaient, de la maison de 
Karim ed-Din à celle de son fils dans la rue Ar-Rassoussi. Seize 
maisons furent détruites tout auprès pendant le transport des 
richesses du sultan. 

On achevait à peine d’éteindre l'incendie sur ce point et de 
transporter ce qui appartenait au sultan que le feu prit dans la 
maison d'Ath-Thahir, en dehors de la porte de Zaouïla, et en- 
veloppa rapidement cent vingt maisons. Au-dessus de ce lieu 
se trouvait un vaste immeuble appelé la maison des fakirs. Un 
vent violent aidait l'incendie. Le chambellan et le wali par- 
tirent à cheval pour aller combattre l'incendie. Un grand 
nombre de maisons furent détruites dans ce quartier, avant 
qu'on püt s’en rendre maitre. Le lendemain un nouvel in- 
cendie éclata dans la maison de l'émir Salar, dans la rue qui 


(1) Il s’agit des musiques, composées pour la plus grande partie de tambours 
et de trompettes, qui précédaient le chef de l’armée. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 203 


passe entre les deux palais, à l'entrée d’Al-Bazhanag ; la flamme 
s'élevait à une hauteur de cent coudées. On travailla avec ar- 
deur à éteindre le feu et on y réussit. 

Le sultan recommanda à l'émir ‘Im ed-Din Singar el-Kha- 
zen, wali du Caire, et à l’émir Kin ed-Din Bibars, le chambel- 
lan, la circonspection et la vigilance, et l'ordre fut donné que 
dans toutes les boutiques on eût une jarre où une amphore 
pleine d’eau. Cet ordre s’appliquait à toutes les rues, places et 
quartiers de la ville. Le prix d’une jarre était de cinq dirhems 
et celui d'une amphore de huit dirhems. 

Le feu prit encore dans le quartier grec et en beaucoup 
d'autres endroits, de sorte qu'il ne se passait pas de jours sans 
qu'il y eût un incendie quelque part. On se demanda ce que 
cela pouvait être, et on pensa que c'était l'œuvre des chrétiens. 
C’est en effet dans les chaires des mosquées, sur les murs des 
mosquées et des écoles, que l’on voyait le feu prendre; c'est là 
que tout était préparé pour l'incendie. La matière inflammable 
était du naphte enveloppé dans de l'étoffe arrosée d'huile et de 
goudron. 

Pendant la nuit du vendredi, au milieu du mois de Gou- 
madi, on arrêta deux moines au moment où ils sortaient de 
l’école d'AI-Kahària, à une heure avancée du soir. Leurs mains 
sentaient le soufre. Le feu prit précisément dans cette école. 
On les conduisit à l’émir ‘Im ed-Din el-Khazen qui les fit 
mener au Caire. Le sultan en fut informé et ordonna de les 
punir. Il venait à peine de descendre de la citadelle, que la 
foule s'empara d’un chrétien que l'on avait trouvé dans la 
mosquée d'Ath-Thahir ayant sur lui un linge enroulé en forme 
d’anneau qui contenait du goudron et du naphte. Il en avait 
jeté un pareil près de la chaire et il était resté là jusqu'à ce que 
la fumée commencçät à sortir. Ensuite il avait voulu sortir de la 
mosquée. Mais il avait été aperçu par une personne qui l'ob- 
servait d'un endroit d'où elle ne pouvait être vue par lui. 
Cette personne l’arrêta. Aussitôt un attroupement se produisit 
et la foule courut à la maison du wali. Ce chrétien était habillé 
comme les musulmans. Il fut mis à la torture chez l'émir Kin 
ed-Din Bibars, le chambellan, et il avoua qu'une association 
de chrétiens s'était formée pour fabriquer du naphte, et le 
distribuer à leurs affidés dont lui-même faisait partie. On lui 


204 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


avait donné l'ordre de déposer ce naphte près de la mosquée 
d'Ath-Thahir. 

L'émir fit appliquer ensuite les deux moines à la torture. Ils 
avouèrent qu'ils étaient du couvent de Deir al-Bahal et que 
c'étaient eux qui avaient mis le feu aux monuments du Caire 
dont nous venons de parler. Ils avaient agi ainsi par Jalousie 
et par colère contre les musulmans qui avaient détruit leurs 
églises. Ils déclarèrent qu'une société de chrétiens s'était 
fondée et avait réuni des sommes d'argent considérables pour 
la fabrication du naphte. 

Karim ed-Din Nàzer el-Khas revint alors d'Alexandrie. Le 
sultan l'ayant mis au courant de l'arrestation des chrétiens, 
l’émir lui répondit : « Les chrétiens ont un patriarche de qui 
ils dépendent et qui a connaissance de leurs affaires. » Le sul- 
tan ordonna alors de faire venir le patriarche chez Karim ed- 
Din pour l'entretenir de l'affaire des incendies et de la part 
que les chrétiens y avaient prise. Il vint de nuit, sous la garde 
du wali du Caire par crainte de la foule. Quand il fut arrivé 
chez Karim ed-Din dans la rue de Dilam, on fit venir les trois 
chrétiens de chez le wali. Ils renouvelèrent à Karim ed-Din, en 
présence du patriarche et du wali, les aveux qu'ils avaient 
déjà faits. Le patriarche se mit à pleurer en entendant leur ré- 
cit et il s'écria : « Des chrétiens insensés ont agi comme les 
insensés musulmans qui ont détruit leurs églises. » Il prit en- 
suite congé de Karim ed-Din après en avoir reçu des témoi- 
gænages de respect et d'honneur. Il trouva à la porte une mule 
que Karim ed-Din avait fait préparer pour lui. II monta dessus 
et partit. Cela irrita la population qui s’insurgea comme un 
seul homme et, si le wali ne l'avait accompagné, c'en était fait 
du patriarche. Karim ed-Din monta à cheval pour se rendre à 
la citadelle, selon son habitude. Quand il fut descendu dans la 
rue, la foule lui cria : « Α quoi penses-tu, ὁ cadi? tu protèges 
les chrétiens après qu'ils ont brûlé les maisons des musulmans 
et tu les fais monter à mulet. » Ces propos lui déplurent et il 
en fut très vexé. Il eut avec le sultan un entretien dans lequel 
il s’'appliqua à diminuer l'importance de l'affaire des chrétiens 
arrêtés, alléguant que c'étaient des insensés et des ignorants. 
Néanmoins le sultan ordonna au wali d'aggraver leur peine. 
Celui-ci descendit donc à leur prison et leur fit subir des tor- 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 205 


tures douloureuses. Ils avouèrent alors que quatorze moines du 
couvent d'Al-Bahal s'étaient engagés par serment à brüler 
toutes les maisons des musulmans. 

Il y avait parmi eux un moine qui fabriquait le naphte. Ils 
s'étaient partagé le Caire et Masr : huit devaient opérer au Caire 
et six à Masr. Le wali fit aussitôt investir le couvent d'Al-Bahal 
et arrêter tous ceux qui s'y trouvaient. Il en fit brüler quatre 
le Jour du vendredi dans la rue qui passe en travers de la mos- 
quée d’Ibn-Touloun. Un nombreux rassemblement se forma aus- 
sitôt pour voir ce spectacle. La foule tourna alors sa fureur 
contre les chrétiens et se rua sur eux. Ils les dépouillaient de 
leurs vêtements et commettaient des atrocités qui excédaient 
toute mesure. Le sultan en fut fort irrité et songea à charger la 
foule. Au moment où il descendait de la citadelle pour se rendre 
au grand carrousel, le jour du samedi, il vit de grands rassem- 
blements qui remplissaient les rues en poussant des cris tels 
que ceux-ci : « Victoire au Dieu de l'Islam, qu'il fasse triom- 
pher la religion de Mohammed fils d'Abd-Allah. » I] passa 
outre. Au moment où il arrivait au manège, AI-Khazen lui pré- 
senta deux chrétiens que l'on venait d'arrêter au moment où 
ils mettaient le feu à des maisons. Il ordonna de les brûler eux- 
mêmes. On les emmena, on creusa une fosse pour eux et on les 
brüla à la vue du public. Pendant leur supplice, le secrétaire 
de l’émir Biktamer as-Saki vint à passer se rendant chez son 
maitre. Il était chrétien. La foule l'ayant aperçu, il fut jeté à 
bas de sa monture et dépouillé de tous ses vêtements. On l’em- 
portait pour le jeter dans le feu quand il cria qu'il faisait acte 
de foi et 1] fit profession d'islamisme. On le relàcha. Au même 
moment Karim ed-Din revenait du manège, revêtu de ses in- 
signes. La populace fit pleuvoir sur lui une grêle de pierres 
en criant : « Pourquoi protèges-tu les chrétiens et te joins-tu à 
eux ? » on faisait entendre contre lui mille imprécations et on lui 
barrait le chemin. [lui fut impossible d'aller rejoindre le sultan 
et il dut rester à l’hippodrome. Cependant le tumulte et les 
cris étaient si violents que le sultan les entendit. Quand Karim 
ed-Din put enfin revenir vers lui et lui apprendre ce qui se pas- 
sait, il entra dans une violente colère et il consulta les émirs. Il y 
avait là l’émir Gemal ed-Din Naïb el-Kork, l’émir Seif ed-Din 
al-Abubakri, l'émir Al-Khatiri, le chambellan Biktamer et plu- 


206 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sieurs autres. Al-Abou-Bakri parla ainsi : « La foule est aveugle; 
ce qu'il y ἃ de mieux à faire, c’est que le chambellan aille à elle 
et lui demande ce qu’elle veut; de cette manière on connaîtra 
ses dispositions. » Mais le sultan ne goûta pas cet avis. Naïb al- 
Kork parla à son tour : « Tout cela, dit-il, c'est la faute des 
fonctionnaires chrétiens que le peuple déteste ; je suis d’avis que 
le sultan laisse la foule en paix et se contente de révoquer les 
chrétiens employés dans l'administration. » Cette opinion ne 
plut pas davantage au sultan. Il dit à lémir AI-Màs al-Hadjib : 
« Va avec quatre autres émirs et charge la multitude depuis le 
moment où tu sortira par la porte du manège jusqu’à ce que 
tu arrives à la porte de Zaouïla. » Il chargea donc la foule, l'épée 
à la main, sans épargner personne, depuis la porte de Zaouila 
jusqu'à la porte de la Victoire. Le sultan commanda d'autre 
part au wali du Caire : « Va à la porte d'Al-Louq et à la porte 
d’Al-Bahr, ne laisse échapper personne, arrête tous ceux que tu 
trouveras et amène-les à la citadelle. Si tu ne m'amènes pas 
ceux qui ont jeté des pierres à mon ministre, je veux dire à 
Karim ed-Din, par la vie de ma tête, je te ferai pendre à leur 
place. » Il lui donna une troupe de mamluks de sa maison. 
Les émirs partirent, mais pendant le trajet, la nouvelle se di- 
vulgua, et ils ne trouvèrent personne, pas mème les serviteurs 
des émirs ou les gens de leur suite. Leur approche fut connue 
au Caire. Tous les marchés furent fermés et une panique ter- 
rible s’empara de la population. Les émirs marchèrent sans ren- 
contrer personne jusqu'à la porte de la Victoire. A partir de 
_ce lieu et dans la direction de Ja porte d’Al-Louq, de Boulaq et 
de la porte d’Al-Bahr, le wali arrêta un grand nombre de k1- 
labzia, de mariniers et de gens de la lie du peuple. La frayeur 
fut portée au comble et un grand nombre de fuyards passèrent 
sur la rive occidentale à Gizeh. Le sultan sortit du manège 
pour rentrer à la citadelle et ne trouva personne sur sa route. 
Quand il fut de retour à la citadelle, il envoya dire au wali de 
revenir promptement. Il revint en effet avant le coucher du so- 
leil avec ceux qu'il avait arrêtés ; ils étaient au nombre d'environ 
trois cents hommes. Le sultan en destina une partie à la potence, 
une autre partie devaient avoir le corps coupé en deux; quant 
aux autres, il ordonna de leur couper les mains. Ils se mirent 
alors tous à crier : « O Frère, reviens sur ton ordre; ce n’est pas 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 207 


nous qui avons jeté des pierres. » L'émir Biktamer et les autres 
 émirs présents pleuraient de compassion. Ils intercédèrent au- 
près du sultan jusqu’à qu il dit au wali : « Prends-en une partie, 
fais dresser des poteaux depuis la porte de Zaouïla jusqu’au 
marché aux chevaux, au bas de 14 citadelle, et suspends-y-les 
tous par les mains. » Illes suspendit donc le matin du dimanche. 
IL y avait parmi eux des personnes d'apparence distinguée. Les 
émirs passèrent devant eux; ils furent émus de compassion et 
se mirent à pleurer. Il n'y eut pas un commerçant qui ouvrit 
son magasin ce jour-là. Karim ed-Din sortit pour se rendre à la 
citadelle selon son habitude, mais il ne put passer devant les 
pendus et il s’écarta du chemin de la porte de Zaouïla. Le 
sultan était assis à sa fenêtre. On lui amena une partie de ceux 
que le wali avait arrêtés. Il fit couper les pieds et les mains à 
quatre d’entre eux. Les émirs ne pouvaient lui adresser la parole, 
tant sa colère était grande. Karim ed-Din s'avanca, se dé- 
couvrit la tête, baisa la terre et demanda grâce pour les prison- 
niers. Le sultan agréa sa demande et ordonna qu'ils fussent em- 
ployés aux travaux d’excavation de Gizeh. Puis il les fit sortir. 
Deux de ceux à qui il avait fait couper les mains moururent de 
ce supplice. Il fit ensuite descendre ceux qui étaient suspendus 
aux poteaux. 

Au moment où le sultan quittait la fenêtre, on entendit crier 
au feu dans la direction de la mosquée d’'Ibn-Touloun, ainsi 
qu'à la citadelle, à la maison de l'émir Roken ed-Din al-Ahmadi, 
dans la rue Baha ed-Din ; de même à un hôtel qui se trouvait 
en dehors de la porte d’Al-Bahr, à partir d’AI-Meks et des 
maisons qui sont au-dessus. Le matin du jour où le feu prit, on 
arrêta trois chrétiens sur lesquels on trouva des mèches de 
naphte. Ils furent conduits au sultan et ils avouèrent que 
c'étaient eux qui avaient mis le feu. L'incendie persista dans les 
endroits énumérés jusqu’au samedi. Au moment où ce jour-là 
le sultan se rendait au manège, selon son:habitude, il ren- 
contra un attroupement d'environ vingt mille personnes qui 
avaient teint en bleu une pièce d'étoffe et qui avaient figuré 
dessus des croix blanches. Quand ils aperçurent le sultan, ils 
s’écrièrent à haute voix et tous ensemble : « Il n’y ἃ pas d’autre 
religion que celle de l'Islam; que Dieu protège la religion de 
Mohammed fils d’'Abd-Allah. O al-Malek an-Nasser, ὁ sultan de 


208 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


l'Islam, fais-nous triompher des infidèles et ne protège pas les 
chrétiens. » Leurs clameurs terribles faisaient trembler la 
terre. Dieu fit entrer la terreur dans le cœur du sultan et des 
émirs. Le sultan devenait de plus en plus soucieux à mesure 
qu'il avançait. Il arriva à Fhippodrome poursuivi sans inter- 
ruption par les mêmes clameurs. Il comprit que la prudence 
l'obligeait à changer de politique. Il ordonna donc au cham- 
bellan de sortir et de faire publier qu'on lui amenât tous les 
chrétiens qu'on trouverait. Quiconque les arrêterait serait 
maitre de leurs biens et de leur vie. Il alla donc et publia cette 
décision. La foule se mit aussitôt à vociférer et à crier : « Que 
Dieu te donne la victoire! » et 115 poussaient des clameurs 


bruyantes. Les chrétiens portaient des turbans blancs. On. 


publia au Caire et à Masr que quiconque trouverait un chrétien 
portant un turban blanc pourrait disposer de sa fortune et de 
sa vie, et quil en était de même de ceux qu'on trouverait à 
cheval. En même temps paraissait un édit du sultan enjoignant 
aux chrétiens de porter des turbans bleus et leur défendant 
absolument de monter des chevaux ou des mulets. Ils pouvaient 
monter des ànes, mais en s’asseyant de côté. L'accès des bains 
ne leur était permis qu'à la condition de porter une cloche 
suspendue au cou. Ils ne pouvaient plus désormais porter le 
costume des musulmans. Il fut défendu aux émirs de les prendre 
à leur service. IIS furent chassés du divan du sultan et l'ordre 
fut expédié à tous les gouverneurs de renvoyer tous les fonc- 
tionnaires chrétiens. Les vexations des musulmans à l'égard 
‘ des chrétiens furent telles que ceux-ci s’abstinrent de paraitre 
sur la voie publique et qu'un grand nombre d’entre eux se firent 
musulmans. 


(A suivr'e.) 
L. LEROY. 


0.” 


MÉLANGES 


LES DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES EN PALESTINE, 
A PROPOS D'UN LIVRE RÉCENT 


Les fouilles pratiquées dans le monde gréco-romain ont pro- 
duit de tels résultats que l’on ne saurait trop attendre des tran- 
chées ouvertes en Orient : les trouvailles faites depuis plus de 
cinquante années en Mésopotamie et plus récemment en Élam 
ont permis de reconstituer l’histoire de peuples dont la Bible et 
les auteurs anciens n'avaient guère qu'enregistré le nom, et 
pour avoir moins produit qu'en d'autres pays, l'exploration de 
Canaan vaut pourtant d'être connue. 

Si les débris exhumés du sol palestinien sont aussi peu 
étudiés, c’est sans doute parce qu'ils sont anépigraphes et 
dépourvus de valeur artistique, mais aussi parce qu'il n'y avait 
Jusqu'ici aucune introduction à des recherches de détail minu- 
tieuses et longues. Le bulletin archéologique de la Revue 
Biblique était négligé par un trop grand nombre de lecteurs 
auxquels manquait une première initiation, et les doctes fasci- 
cules du Recueil d'Archéologie orientale avaient peut-être à 
l'étranger plus de succès qu’en France. Le ἢ. P. H. Vincent, 
dans son livre sur Canaan, a donné aux non-spécialistes un 
manuel archéologique qui facilitera l’utilisation des documents 
très nombreux dont il s’est fait le rapporteur. Un long séjour 
en Palestine, la visite journalière des divers chantiers de 
fouilles, une connaissance sérieuse des textes bibliques et des 
coutumes de l'Orient moderne ont permis les essais de synthèses 
qui donnent aux informations l'unité nécessaire et feraient 
presque regretter la timidité de l’auteur s’il ne valait pas mieux 


le féliciter de son exactitude scrupuleuse. 
ORIENT CHRÉTIEN. 14 


210 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Au printemps de 1890, la société anglaise du Palestine Explo- 
ration Fund chargeait MM. Flinders Petrie et Bliss de recon- 
naître le site probable de Lakisch ; cette entreprise fut le début 
d'une série de recherches scientifiques dans les tells de la 
Séphélah qui ont permis d’esquisser une histoire sommaire de 
la civilisation judéo-philistine. Depuis 1902, le chantier du 
Fund a été transféré à Tell Djézer, dont M. Macalister n'a pas 
encore épuisé les richesses. Moins longues, mais également : 
productives, les fouilles de M. Sellin à Ta‘annak et celles du 
 Deutsches Palestina Verein à Megiddo ont fourni pour le 
royaume du Nord de précieux renseignements; telles sont pour 
l'archéologie cananéenne les principales sources d'information. 

Les Hébreux ne pensèrent jamais que la Palestine avait été 
le berceau de leurs ancêtres; ils avaient eu trop de peine à s'y 
établir au temps de Josué et des Juges pour que le souvenir 
de la conquête eût disparu de leur tradition, pourtant la Bible 
est presque muette sur les peuplades qu'il fallut déposséder, 
races issues de Canaan, maudites comme leur père. L'archéolo- 
gie seule ἃ pénétré le mystère de ces siècles reculés dont 
les textes ne savaient rien, elle constate les migrations des 
peuples, tente d'écrire une histoire avant l'histoire. 

Trois mille ans avant notre ère, Gézer était habité; les troglo- 
dytes peuplaient ses cavernes, et avant même de connaître le 
métal, agrandissaient avec des instruments de bois les cavités 
naturelles du calcaire friable; de misérables huttes apparais- 
saient au sommet de la colline, semblables aux bâtisses de 
boue des villages modernes, et la cité était dès lors ceinte d'un 
mur. 

Les habitants de cette première époque incinéraient les 
cadavres de leurs défunts : dans un hypogée découvert au 
début des travaux, M. Macalister trouva une épaisse couche de 
cendres, mêlées d'ossements humains et de pièces appartenant 
à la poterie néolithique. La calcination pourtant violente n'avait 
pas été telle qu'il n'ait été possible de faire sur un grand 
nombre d'os des mesures anthropométriques, et d'une centaine 
de cadavres résultent les caractères physiques de ce peuple, 
petit de taille, de constitution grêle, mais bien musclé. Les 
crânes de forme ovale, à parois épaisses, et lourds, les côtés de 
la tête aplatis, le sommet bien arrondi permettent d'affirmer 


MÉLANGES. 211 


que ces hommes ne sont pas des sémites. Croyait-on déjà dans 
cette population grossière à une survie du mort? il ne semble 
pas téméraire de l’affirmer ; il y avait sans doute une prolon- 
gation de l'existence terrestre pour celui qu’on déposait sur le 
bücher et les vases remplis de provisions placés à son chevet 
formaient le mobilier indispensable à sa nouvelle habitation. 
Peut-être même croyait-on que les vases détruits et la nour-- 
riture convertie en fumée étaient plus utiles au défunt, le même 
feu consumait sa dépouille et sublimait sa provende. 

Les premiers envahisseurs adoptèrent pour leurs morts l’an- 
tique tombe indigène à peine transformée, les cadavres furent 
couchés sur le lit de cendres au hasard de leur arrivée, chacun 
d'eux ayant à son côté les provisions du dernier voyage. Contre 
les parois de la caverne une série d’enclos marquait peut-être 
les tombes de personnages distingués, enfin une jarre contenait 
les restes d’un enfant nouveau-né que M. Macalister n'a pas 
hésité à reconnaitre la victime du sacrifice de fondation. La 
nouvelle race qui occupe Gézer est plus grande que la précé- 
dente, plus robuste aussi; les os sont plus larges, les crânes à 
parois minces appartiennent à des sémites. 

Les lettres d'El-Amarna ont été une révélation de ce que 
fut avant l'invasion juive la situation politique du pays qui 
s'étend de Gaza à Byblos : l'Égypte avait compté de grands 
conquérants, Thoutmès IT et Ramsès IT avaient promené leurs 
armes victorieuses à travers la Syrie; les rois du pays étaient 
vassaux de Thèbes, et les fonctionnaires adressaient leurs rap- 
ports : « Au soleil, le roi, mon maitre! » Soumis à la domi- 
nation égyptienne, Canaan touchait au nord à la civilisation 
que Babylone avait répandue en Asie, l'écriture des tablettes 
d'El-Amarna vient de Chaldée, et la tradition juive ἃ conservé 
le souvenir d'une campagne des rois d'Orient, d'Élam et de 


Sennaar (1). La bibeloterie religieuse et civile pendant toute 


l'occupation sémite de la Palestine reflète cet état de choses, . 
[65 yeux d'Horus, précieux engins prophylactiques, côtoient les 
cylindres gravés à légendes cunéiformes. 

Le panthéon indigène est resté apparemment intact, le roi de 
Byblos souhaite au roi d'Égypte la protection de la déesse 


(L), Cf Gen, χιν. 


212 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


locale, Bêlit, représentée quelques siècles plus tard sur la stèle 
du roi Yehawmelek; les noms théophores sont Abd Milki, Abi 
Milki à Tyr, Abd Addi, Rib Addi, Addu dayan; et probablement 
l'aschérah de la Bible est cette déesse dont le nom d’Abd 
Aschratu assure l'existence. Le sanctuaire où Adad-Baal et 
Astarté recevaient les hommages de leurs fidèles est fréquem- 
ment cité sous le nom de bamah dans les livres saints. Les 
Cananéens avaient adoré sur les montagnes et pendant plu- 
sieurs siècles les Juifs continuèrent d'y porter leurs offrandes à 
Yahweh; l’histoire de Saül à Mispah est trop connue pour que 
l’on rappelle en détail le sacrifice organisé par Samuel. Le 
sommet qui a nom aujourd’hui En-Nebi Samwil était un centre 
de culte pour la tribu de Benjamin, l'Ébal et le Garizim étaient 
sacrés pour les habitants de Samarie, Élie trouva un sanctuaire 
sur le Carmel, et l’Hermon possède encore les ruines de plu- 
sieurs temples. Les textes sont donc assez nets sur les lieux 
préférés des cultes cananéens, mais ils parlent peu du mobilier 
sacré, et, faute d'avoir été vus, masseboth et aserim étaient 
l’objet de longues discussions. 

Il est possible maintenant de reconstituer l'aspect d'un haut- 
lieu. Gézer en a fourni un, bien authentique, indiscutable, qui 
a servi pendant de longs siècles, même après la conquête israé- 
lite. Il n'y ἃ pas lieu de décrire ici dans le détail la magnifique 
découverte de M. Macalister; le P. Vincent a donné dans son 
livre (1) la minutieuse analyse des divers éléments, colonnes 
dressées au nombre de huit, caverne sacrée, jarres funéraires, 
fosses à offrandes, autel, il faudrait le copier pour être complet. 
Sanctuaire vénéré pendant plus de mille ans, le haut-lieu de 
Gézer est passé par plusieurs phases de développement, et 
pour ne considérer que l'alignement de mégalithes, la diver- 
sité des formes et les différences des niveaux sont les indi- 
ces sérieux d’époques successives. Il est très probable que la 
petite colonne désignée par le n° 2 faisait partie de la plus 

ancienne combinaison; enterrée plus profondément que lés 
autres, elle semble avoir été l’objet d'une vénération spéciale, 
l'huile et le sang répandus sur sa pointe, les attouchements 
ou les baisers des dévots lui ont donné une patine spéciale 


(1) Canaan, p. 109-118. 


MÉLANGES. 213 


dont les pierres des lieux de pélerinage sont seules recouvertes. 

Dans un premier état du haut-lieu, deux masseboth seule- 
ment étaient dressées à côté d’une fosse à offrandes, et il en fut 
ainsi de sept à huit cents ans, c’est seulement au xiv° siècle 
que le dispositif actuel fut obtenu. L'un des piliers primitifs 
avait été renversé, peut-être dans quelque catastrophe, et 
s'était trouvé peu à peu recouvert de terre, on voulut ajouter à 
la majesté du lieu et l’on érigea, probablement en une fois, les 
six grandes colonnes qui portaient à sept le nombre des méga- 
lithes. Il s’en faut toutefois que cette reconstitution historique 
soit présentée comme certaine et la massebah n° 7, pour ne 
citer qu'un point, a provoqué de multiples hypothèses. D'un 
calcaire notablement différent de la pierre tendre de Gézer, elle 
serait d’après M. Macalister un trophée apporté des environs 
de Jérusalem après une campagne heureuse contre un clan 
voisin. L'arche de Yahweh déposée dans le sanctuaire de Dagon 
et les dieux de Babel demeurés captifs dans la capitale de 
l'Élam autoriseraient assez cette manière de voir qui reste dou- 
teuse. Trois stèles furent ajoutées récemment aux sept premiers 
monolithes du haut-lieu, mais placées au bord du tell, et 
demeurées apparentes alors que le vieux sanctuaire était enterré. 
deux d’entre elles furent brisées par un puritain de l’èpoque 
des Macchabées et le troisième ne dut qu'à une chute anté- 
rieure de n’être pas mise en pièces. 

Quel culte pratiquait-on dans ces sanctuaires grossiers des 
sémites pré-israélites? La Bible atteste pour les siècles récents 
de la royauté en Israël la pratique barbare des enfants passés 
par le feu : il est certain maintenant que les sacrifices humains 
furent pratiqués en Palestine comme ils l’étaient en Phénicie. 
L'offrande des prémices est un des actes les plus importants du 
culte chez les sémites, Baal en exigeait le plein accomplis- 
sement, tandis que Yahweh plus clément ordonnait le rachat 
des premiers-nés de l’homme. Carthage aussi pleinement ci- 
vilisée que Rome avait conservé cet usage barbare de l’immo- 
lation des enfants, et Tyr le pratiquait encore lorsque Alexandre 
la conquit, il ne faut donc pas s'étonner de trouver cette loi 
observée par les habitants cananéens de Gézer. Sur la plate- 
forme avoisinant les stèles du haut-lieu, M. Macalister fit l’é- 
trange découverte d’un cimetière d'enfants nouveau-nés : les 


214 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


petits cadavres avaient été introduits dans des jarres, comblées 
ensuite de terre ou de sable fin, leur mobilier, funéraire très 
réduit étant enfermé avec eux ou disposé auprès. Ces enfants 
n'avaient pas dépassé l’âge d’une semaine, on ne saurait donc 
croire à une immolation faite la veille d'une calamité, rappe- 
lant l'histoire de Mésa (1) ou le vœu téméraire de Jephté. Et 
l'hypothèse de premiers-nés offerts aux dieux suggérée par 
les textes est confirmée par ce fait que des enfants enterrés 
dans des jarres se sont retrouvés en connexion avec des autels, 
peut-être à Ta annak et certainement à Megiddo. 

« Les prémices de la famille n'étaient pas les seules vic- 
times humaines offertes aux divinités cruelles de Canaan (2) ». 
La jarre sépulcrale du cimetière de Gézer ἃ été mentionnée 
en son temps, au moins ne peut-on pas dire que les enfants sont 
toujours enterrés hors du cimetière; M. Macalister concluait à 
un sacrifice de fondation, il y ἃ d’autres cas non moins pro- 
bants. Le texte de Josué (3) servait ici de fil conducteur : « Mau- 
dit soit devant Yahweh l'homme qui se lèvera pour rebâtir cette 
ville de Jéricho! il en jettera les fondements au prix de son 
premier-né et il en posera les portes au prix de son plus 
jeune fils. » Pour répondre à ce double sacrifice, de fondation 
des murs et de consécration des portes, on trouve fréquemment 
à Gézer, au coin d’une muraille ou sous un seuil, des cadavres 
emmurés ou enfouis dans des vases semblables aux jarres sé- 
pulcrales du haut-lieu. A Megiddo le cas le plus saisissant 
encore est celui d'une fillette inhumée à la base d’un rempart 
de forteresse; sans doute, il ne faut pas conclure que tous les 
cadavres enterrés à l'intérieur d'une ville sont des victimes, 
mais il serait téméraire de nier à plusieurs cas une valeur sa- 
crificielle. Lorsque les Juifs eurent occupé effectivement le 
pays, les cadavres firent place au coin des murs à d’autres 
dépôts de fondations, et cela confirme l'existence des sacrifices. 

Le livre de Josué avoue que les fils d'Ephraïm n'avaient pas 
réussi à chasser les Cananéens de Gézer, l'archéologie montre 
que les pratiques païennes s'y maintinrent longtemps. Le haut- 
lieu demeuré en usage peut-être après Josias, les innombrables 


(1) II Rois, nt, 27. 
(2) Canaan, p. 196. 
(3) Josué, vi, 26; cf. I Rois, xvI, 34. 


δ εν AS 
rs 1 


MÉLANGES. 215 


Astarté retrouvées dans les couches récentes prouvent tout au 
moins que les deux peuples cohabitèrent dans la ville, et pro- 
bablement même, avant l'exil, les Juifs n'y furent-ils jamais 
la majorité. Ta‘annak et Megiddo subirent bien davantage l'in- 
fluence des conquérants, et à Lakisch M. Bliss ἃ pu distinguer 
avec certitude l’époque israélite. L'apparition du fer est lente ; 
au temps des Macchabées, le bronze était encore le métal le 
plus commun, la céramique subit plutôt une défaillance et le 
sceau gravé de Schema serviteur de Jéroboam est trop isolé 
pour que l'on puisse tenter l'éloge de l’art israélite. 

Quelques-unes des découvertes seulement ont trait aux 
coutumes religieuses :: les victimes humaines ont été rem- 
placées dans les fondations, dès la fin de la période précédente, 
par un singulier groupe de poterie composé de lampes et de 
bols. M. Macalister propose, pour expliquer ce rite, la série de 
transformations suivantes que l’on retiendra, faute de mieux : 
la victime était d'abord murée vive dans les fondations; plus 
tard, elle fut suffoquée par la terre dont on la couvrait dans une 
jarre ; l'addition de lampes et de coupes, remplies de sang, pour 
symboliser la permanence du sacrifice, et l'omission de la vic- 
time avec rétention du symbole sont au terme de cette évo- 
lution. 

Une seule pièce de mobilier religieux proprement dit a été 
mise à jour, et il faut en faire honneur à M. Sellin dont la pa- 
tience et l’habileté ont su reconstituer le monument exhumé 
par lui des tranchées de Ta annak. Dans une couche de débris 
caractérisée comme certainement israélite, au milieu de tessons 
datés du 1x° siècle ou du vu siècle, gisaient trente-six frag- 
ments de poterie aux représentations les plus disparates, corps 
d'animaux, têtes d'hommes, etc. Il ne manquait presque rien, et 
les. pièces une fois raccordées, on obtint une sorte de tronc 
de pyramide à base carrée large de 45 centimètres, haut de 
90 centimètres, creux par le dessous et recouvert au sommet 
par une coupe peu profonde. Sur la face antérieure appa- 
raissent de chaque côté trois têtes d'hommes, séparées par des 
mufles de lions rugissants, tandis que sur les côtés, cinq corps 
de quadrupèdes achèvent ces êtres fantastiques à la facon des 
génies qui se tiennent aux portes des palais assyriens. Les 
trous d’aération pratiqués dans les parois et l'intérieur forte- 


216 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ment calciné attestent assez que l'objet reconstitué était une 
fournaise mobile et M. Sellin conclut avec raison à un brüle- 
parfums. Deux volutes au bord de la coupe supérieure étaient 
les cornes de cet autel ou de simples poignées, permettant son 
transport; les débris d’un instrument de même genre trouvés 
comme ceux-ci dans les ruines d'une maison privée laissent à 
penser qu'il s'agissait d'un culte domestique, il importe de le 
noter. L'explication de ce monument est loin d’être simple, 
mais quelle lumière ne projette-t-il pas dès maintenant sur 
plusieurs textes difficiles : la fournaise qui marche devant Abra- 
ham (1), et [6 feu pris entre les chérubins (2), qui sont le trône 
de Yahweh, reçoivent une excellente illustration. Il faut même 
rapprocher ce réchaud de terre cuite du texte de l'Exode où sont 
données les dimensions de l'autel des parfums : « Sa longueur 
sera d’une coudée et sa largeur sera d'une coudée, il sera carré 
et sa hauteur sera de deux coudées. Tu feras des cornes qui sor- 
tiront de l'autel; tu le couvriras d'or pur (3)... » Les dimensions 
du monument de Ta‘annak sont exactement celles qu'impose la 
Loi, mais au lieu d’acacia recouvert d’or, on ἃ trouvé un usten- 
sile de terre, et les influences assyriennes ont inspiré une or- 
nementation que réprouve le code lévitique ; les Juifs se maiïnte- 
naient difficilement, il faut le constater une fois de plus, dans la 
pure tradition monothéiste. 

Ces quelques pages ne prétendent aucunement donner une 
idée complète du livre qui les ἃ inspirées: il faut pénétrer plus 
avant dans ce domaine trop peu connu de l'archéologie, suivre 
le P. Vincent dans les chapitres qu'il a consacrés aux idoles, 
aux rites funéraires, à la céramique même, et l'on y trouvera 
nombreux les détails qui éclairent l'histoire biblique. Il ap- 
partient à des voix plus autorisées de féliciter l'auteur, on ne 
saurait trop le remercier de cet ouvrage, puisse-t-il ne pas le 
laisser longtemps seul ! 


29 mai 1907. 
Eug. TISSERANT. 


(Den vil: 
(2) Ezéch., x, 7. 
(3) Exode, xxx, 2 ss. 


BIBLIOGRAPHIE 


VAN DEN STEEN DE JEHAY (le comte F.), Ministre Résident de 5. M. le Roi 
des Belges. — De la situation légale des sujets ottomans non musulmans. 
Ouvrage accompagné d’une carte administrative en couleurs de la Tur- 
quie d'Europe et de la Turquie d'Asie. (Bruxelles, Oscar Schepens et Cie, 
éditeurs, rue Treurenberg, 16.) Un vol. in-8° de 556 pages. — Prix : 
10 francs. 


Cet ouvrage offre un intérêt et un profit particuliers pour plusieurs ca- 
tégories de lecteurs. 

Les historiens aimeront à voir, dans l’exposé de la situation des diffé- 
rentes nationalités soumises à la domination du sultan, le résultat et le 
souvenir de nombreux événements, conquêtes ou révolutions, dont la pé- 
ninsule des Balkans, l’Asie Mineure, le Liban, la Syrie, ont été le théâtre 
depuis une douzaine de siècles. 

Les diplomates y trouveront une mine de renseignements précieux. Ils 
y verront, indiqués avec exactitude par un témoin bien informé, qui pen- 
dant plusieurs années a rempli les fonctions de Conseiller à la Légation de 
Belgique à Constantinople, et méthodiquément groupés, les droits, pri- 
vilèges, usages reconnus des divers sujets non musulmans de cet em- 
pire si complexe. Il leur sera spécialement utile de connaitre les dé- 
tails très curieux que leur fournit l’auteur sur la situation politique et 
administrative des habitants, soit des principautés vassales, soit des pro- 
vinces placées sous une administration étrangère. 

Les simples touristes pourront profiter des indications relatives à l’orga- 
nisation des différentes parties de l'empire, et surtout des régions plus 
pittoresques et d’un caractère plus original, telles que le Moutessarifat du 
Liban (p. 423), la Principauté de Samos (p. 458), le Mont-Athos (p. 476). 

Mais c’est au lecteur de la Revue de l'Orient chrétien, c’est-à-dire à ceux 
qui s'intéressent aux choses et aux personnes chrétiennes en Orient, que 
ce livre semble tout particulièrement s'adresser. Je ne connais pas d'autre 
ouvrage où l’on trouve ainsi réunis, avec clarté et précision, ces rensei- 
gnements dont on ἃ si souvent besoin et qu’on ne sait pas toujours où 
trouver, sur l’origine, l’organisation, la situation civile et religieuse des 
groupes chrétiens, soit non unis, soit unis à l’Église romaine, qui vivent 
côte à côte sur le territoire ottoman. S'il y avait à choisir entre tant de 
chapitres intéressants, j'indiquerais les chapitres relatifs aux Arméniens 


218 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


catholiques (p. 244), aux Melkites (p. 268), aux Maronites (p. 296). Les ob- 
servations psychologiques ne manquent pas non plus, et l’auteur a bien 
raison de citer, comme offrant quelque intérêt, les considérants par les- 
quels débute le bérat d’investiture donné à Me" Mazloum en 1847, et qui 
fut le premier bérat octroyé à un Patriarche grec-melkite (cf. p. 272). 

L'ouvrage est divisé en trois grandes parties dont voici les titres : 
I. Privilèges religieux accordés aux sujets ottomans non musulmans et 
droits civils qui en découlent; IT. Privilèges territoriaux (accordés aux ha- 
bitants de certaines régions); III. Privilèges consulaires (accordés à un 
certain nombre d’Ottomans protégés par des puissances étrangères). 

Deux tables permettent de trouver sans perte de temps tous les rensei- 
gnements désirés. Une copieuse bibliographie les accompagne; et l’on 
trouve à la fin de l'ouvrage une grande carte coloriée de la Turquie d'Eu- 
rope et de la Turquie d'Asie, donnant très clairement toutes les divisions 
administratives. 

La grande érudition de l’auteur se révèle sous une forme très littéraire 
et très agréable. 

J. BOUSQUET. 


\ 


Ebuarp SACHAU, Syrische Rechtsbücher (herausgegeben und übersetzt von). 
Erster Band; Berlin, G. Reimer, 1907, 8°, xx-224 pages. — Prix : 16 Mk. 


En 1880, M. Sachau publia en collaboration avec M. Bruns, professeur 
de droit à l'Université de Berlin, sous le titre Syrisch-rümisches Rechtsbuch 
aus dem f[ünften Jahrhundert, une série de rédactions et de versions d’un 
recueil de lois syriaque. L'examen critique de ces différents textes amena 
M. Sachau à supposer qu'il avait dû exister, à côté de la rédaction L, con- 
tenue dans l'add. 14598 äu British Museum (écrit vers 510-520 après J.-C.), 
une autre rédaction syriaque d’où dérivaient la rédaction P du ms. 112 de 
la Bibliothèque nationale et les versions arabe et arménienne. Une notice 
parue quatorze ans plus tard dans la Zeëtschrif für Assyriologie (1) et si- 
gnalant dans un manuscrit du Musée Borgia (K. VI, vol. 3), aujourd'hui 
conservé à la bibliothèque du Vatican (Siriaco Borgiano, n° 81), trois ré- 
dactions nouvelles du même recueil de lois, confirma pleinement l’hypo- 
thèse de M. Sachau. Photographiées depuis lors par les soins de l’infatigable 
M. Guidi, ces trois rédactions du Vatican [R(omanus) 1, R I, et R INT] sont 


publiées, traduites et annotées aujourd'hui par M. Sachau dans le premier 


volume de ses Syrische Rechtsbücher. 

Le manuscrit du Vatican a été apporté à Rome en 1869. Les trois nou- 
velles rédactions du recueil de lois qu'il contient, ont été copiées peu de 
temps auparavant, soit à Mossoul même, soit dans les environs de cette 
ville, selon toute apparence, sur le manuscrit de la bibliothèque du cou- 
vent des Chaldéens de Notre-Dame des Semences, qui est décrit par 
M“ Addai Scher dans le Journal asiatique, 1906, t. VIII, p. 55-59 (ms. 90, 


(4) Vol. IX (1894), p. 366 : Les manuscrits orientaux de ΜῈ David au Musée Borgia de 
Rome, par P. Cersoy. : 


BIBLIOGRAPHIE. 219 


textes III, IV et V). Ce manuscrit est antérieur, d’après Ms Addai Scher, 
au xIve siècle. 

La plus étendue des trois rédactions du manuscrit du Vatican est R II, 
d’où dérivent R I, P (rédaction de Paris) et les versions arabe et armé- 
nienne. R ΠῚ comprend deux partiès : une partie À qui est identique à L, 
et une partie B qui en diffère. La partie A représente une tradition plus 
ancienne et parfois meilleure que celle du manuscrit de Londres (add. 
14528), la partie B semble tantôt provenir de sources inconnues, tantôt 
n'être qu'un remaniement simplifié de l’archétype de L. Quant à la rédac- 
tion R III, elle est une copie de L, faite d'après un manuscrit différent de 
celui du British Museum, et débarrassée des termes techniques grecs et 
latins. 

Let RIT dans sa partie A constituent l'élément le plus ancien du recueil 
de lois, et sont antérieurs à Justinien. Cet élément ancien est lui-même 
séparé par un certain nombre d'intermédiaires de la première version 
syriaque et de l'original grec auquel il remonte. 

L'original grec primitif du recueil de lois ἃ été concu, selon toute appa- 
rence, dans la chancellerie du patriarchat d’Antioche, avant l’époque de 
Constantin. Rédigé par un clerc qui n'était pas juriste, afin de faciliter 
aux fidèles de l’Église leurs rapports avec les autorités païennes, le recueil 
était plutôt mal composé et dépourvu de tout saractère littéraire. Toutefois, 
comme il provenait du patriarchat d’Antioche, il fut accueilli par toutes 
les communautés chrétiennes de l'Orient et y jouit d’une faveur incon- 
testée. Il se modifia naturellement avec le temps, et la version syriaque 
qui en fut faite, de bonne heure sans doute, fut elle-même remaniée 
constamment, surtout, semble-t-il, dans le but d'y introduire plus d'ordre 
et d’en rendre la lecture plus accessible aux Syriens. 

La version syriaque du recueil de lois partage, avec la version de la Bi- 
ble dite Peschitto, le privilège de jouir d’une égale faveur auprès des Ja- 
cobites et des Nestoriens. Le titre sous lequel elle est généralement citée 
est celui de Leges Constantini Theodosii Leonis. Ce titre inexact est dû à 
ce que ces trois empereurs chrétiens sont seuls mentionnés dans le re- 
cueil. La rédaction R III porte un titre bien énigmatique : Leges laïcae 
Romanorum factae ab Ambrosio confessore, quum jussus essel a rege Valen- 
tiniano ut ordinarel τὸν ἡγεμόνα alque quomodo judicarel omnemquemque in 
(justitia) et in timore dei. Quel est l’empereur Valentmien qui a donné au 
confesseur Ambroise l’ordre de faire un recueil de lois à l'usage d’un 
ἡγεμών Et ce confesseur Ambroise doit-il être identifié, comme l’a fait 
Ebedjésu, avec le célèbre évêque de Milan? Il est malaisé de répondre 
avec certitude à ces questions. Quoi qu'il en soit, il semble bien que le 
titre de R Π| remonte à un texte grec, les empereurs Valentinien, l’é- 
vêque Ambroise de Milan (en admettant qu'il s'agisse de lui) et le nom 
même d'Ambroise étant pour ainsi dire inconnus dans l'Orient syrien. 

Le premier volume des Syrische Rechtsbücher débute par une introduc- 
tion de vingt pages, remarquable par la clarté de son exposé, donne en- 
suite le texte des trois recensions R 1, R IT, et R ΠῚ avec la traduction en 
regard, continue par un commentaire où les difficultés du texte sont 


. 


t 


20 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


élucidées dans la mesure du possible, et se termine par plusieurs tables, 
dont la dernière, la table des matières, a été dressée par M. Stephan 
Brassloff, Privat-Docent à la faculté de droit de l'Université de Vienne. 
M. Sachau a reproduit tel quel le texte des rédactions R I'et R II, se bor- 
nant à signaler en note les corrections à y faire. Les fautes dont four- 
millent ces rédactions et l’absence de recensions parallèles ne lui per- 
mettaient pas d'en établir le texte d’une manière certaine. Par contre, 
pour la rédaction R ΠῚ, qui est mieux conservée que les deux premières et 
qui est une copie, comme nous l’avons vu, de L, faite d’après un autre ma- 
nuscrit que celui du British Museum, M. Sachau s’est efforcé de donner 
un texte lisible et en quelque sorte définitif. Il a introduit ses corrections 
dans le texte et relégué les fautes au bas des pages. 

Les Syrische Rechtsbücher doivent la beauté de leur exécution typogra- 
phique — ils sortent des presses de l’Imprimerie impériale — à une sub- 
vention de l’Académie royale des sciences de Berlin. La maitrise avec la- 
quelle ils sont publiés par M. Sachau est digne en tous points, comme il 
fallait s’y attendre, de ce haut patronage. 

Bruxelles. 
M.-A. KUGENER. 


J. ROSENBERG, Phœnikische Sprachlehre und Epigraphik, petit 8, 174 pa- 
ges, quatre planches: Vienne, A. Hartleben. — ὃ M. 


La librairie Hartleben, qui publie une collection de manuels sur toutes 
les langues orientales et occidentales, nous donne, sous le n° 92, un manuel 
de la langue phénicienne. Une introduction historique résume ce que nous 
savons de la Phénicie et des Phéniciens ; la première partie (p. 29 à 90) est 
consacrée à la grammaire, la seconde (p. 97 à 115) à l’histoire de l’épigra- 
phie phénicienne : difficultés, procédés, résultats. Enfin la dernière partie 
(116-174) reproduit les principales inscriptions phéniciennes, puniques et 
néo-puniques qui sont ensuite transcrites en caractères hébreux et latins, 
traduites et commentées. 

Les caractères phéniciens employés dans l'ouvrage sont fort beaux, les 
planches IL, III, IV qui reproduisent les inscriptions montrent l'accord des 
caractères d'imprimerie avec les anciens caractères et les altérations qui 
se sont produites en passant au néo-punique. La planche I donne les di- 
verses formes de chaque lettre. 

Ce petit volume, si bon marché, suffit pour faire connaitre et la langue 
phénicienne et les progrès récents de l’épigraphie sans qu'il soit besoin 
d’ailleurs d’aucun professeur pour l'expliquer. Il se recommande donc à 
tout élève qui a déjà fait un peu d’hébreu. 

F.. Nat. 


CHARLES DIEHL, professeur adjoint à l’Université de Paris, Études byzan- 
tines, &, vui-438 pages; Paris, Picard, 1905. 10 fr. 


L'auteur ἃ réuni et complété un certain nombre d’études parues dans di- 


BIBLIOGRAPHIE. 221 


verses revues, pour donner une vue générale de ce que fut la civilisation 
byzantine et nous la faire connaître en détail par un certain nombre de 
monographies qui peuvent servir de modèles et suggérer aux jeunes byzan- 
tinistes des sujets d’études analogues. 

Aux chapitres généraux sur l’histoire de Byzance (1-20), sur les études 
byzantines en France depuis le xiIxe siècle (21-105) et sur la civilisation 
byzantine (106-181) s'ajoutent les monographies sur Byzance et la papauté 
(182-197), les monuments de l'Orient latin (198-216), l'empire byzantin 
sous les Paléologues (217-240), la colonie Vénitienne à Constantinople à la 
fin du xiv® siècle (241-275), l’origine du régime des thèmes dans l'empire 
byzantin (276-292), la date de quelques passages du Livre des cérémonies 
(293-306), le trésor et la bibliothèque de Pathmos au commencement du 
ΧΙ siècle (307-336), et quatre articles sur les origines asiatiques de l'art 
byzantin et les mosaïques de Nicée, de Saint-Luc et de Kahrié-Djami (1) 
(337-431). Cinquante et une figures illustrent l'ouvrage. 

C’est donc là une importante contribution au renouveau des études 
byzantines tuées en France, non par l'ouvrage de Lebeau ou les plaisante- 
ries de Voltaire (p. 22), mais par la Révolution qui a supprimé les centres 
d'étude, massacré et déporté les seuls hommes qui s’occupaient avec plein 
désintéressement de ces études assez ingrates. Ces travailleurs désintéressés 
n'ont pas été remplacés, et les études byzantines ont langui jusqu'au jour 
où l’on ἃ doté des chaires ad hoc et payé des professeurs (2). Nous avons lu 
aussi avec grand intérêt l'étude consacrée à la bibliothèque de Pathmos, 
mais ce qui nous étonne, ce n’est pas de n'y plus rencontrer que 108 des 
267 manuscrits sur parchemin qui s’y trouvaient au commencement du 
xHe siècle (p.327), c'est d’en rencontrer encore un aussi grand nombre. Car 
il ne faut pas oublier que ces manuscrits étaient de simples livres d'office 
et de lecture comme nos paroissiens et les livres de nos cabinets de lecture, 
ils étaient donc exposés à être salis, déchirés, perdus. De plus, ces malheu- 
reux moines étaient en butte aux déprédations des Turcs, des pirates et des 
touristes amateurs. Combien de fois en 800 ans n’auront-ils pas eu à pro- 
téger leurs livres contre les vols et les incendies! Il est remarquable qu'ils 
aient eu assez de soins et d’attentions, dans leur misère et leur pauvreté, 
pour sauver près de la moitié de leurs manuscrits lorsque nous autres, 
nous avons vu tant de conservateurs et de bibliothécaires, payés pour con- 
server les nôtres, laisser dévaster nos plus belles bibliothèques au courant 


(1) Cf. infra, page 222, ΠΙ. 

(2) C’est un procédé général en France : des hommes s’occupaient de l'instruction et de 
l'éducation des enfants et ne coûtaient que 600 francs par an. Au lieu de les remercier de 
leur abnégation on les a expulsés et remplacés par d’autres qui coûtent déjà 2.000 francs, 
et nesont pas encore contents de leur salaire. L’assistance publique, réformée d’après les 
mêmes principes, paie déjà 50.000 francs rien qu’au directeur et à sa famille, et on peut 
prévoir le jour où le plus clair de ses revenus ne servira plus qu’à ses employés et à leurs 
parents et amis. Jadis on aurait trouvé facilement un homme qui aurait non seulement 
dirigé gratuitementces importants services, mais qui leur aurait encore consacré sa fortune 
personnelle. Il en sera ainsf jusqu’au jour où le peuple souverain s’apercevra qu’on n’a pas 
le droit de lui imposer des impôts excessifs qu’il n’a pas explicitement consentis et refu- 
sera de les payer. 


222 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


du dernier siècle par le sieur Libri. Si encore ces vols ne se renouvelaient 
pas journellement, à l’école des Beaux-Arts et ailleurs! Très instructive 
aussi la conférence sur les monuments de l'Orient latin ainsi que l’article 
sur la colonie Vénitienne à Constantinople. L'Orient « latin » était surtout 
l'Orient « franc », au temps où les luttes intestines n’absorbaient pas toute 
l’activité de nos hommes politiques. Que n’impose t-on à ceux-ci de pro- 
duire quelques diplômes d'histoire générale et quelques monographies? ce 
serait un moyen d'encourager les études historiques sans bourse délier et 
de ne plus voir parmi ceux qui s’intitulent nos représentants, des hommes 
qui n'ont puisé leurs connaissances historiques et leurs principes politiques 
que dans les romans et les feuilletons. Heureux sont-ils que la carrière po- 
litique en France n’exige aucun diplôme ni aucune connaissance de ceux 
qui veulent s’y engager. L'histoire cependant n’est qu'un perpétuel re- 
commencement et son étude approfondie éviterait bien des pas de clercs. 
Nous applaudissons donc à tout réveil des études historiques en France 
et leur souhaitons de nombreux adeptes. 
F. Nav. 


LIVRES NOUVEAUX 


I. Dr CarL WESsELY, Sahidisch-Griechische Psalmenfragmente, 8°, 196 pa- 
ges et 2? planches; Vienne, 1907. (Extrait des Sifzungsberichle der 
K. Ak. der Wiss. in Wien, phil.-hist. Klasse, t. 155, 1.) 


M. Wessely décrit et publie des papyrus (pages entières et souvent 
fragments) de la collection archiducale de Vienne qui renferment une 
version sahidique des psaumes et parfois un texte grec (sans doute l’ori- 
ginal du sahidique) vis-à-vis du copte. Ces papyrus sont pour la plupart 
du 1ve au vie siècle et constituent donc une très importante contribution à 
l’histoire des versions coptes et de la tradition manuscrite des psaumes. 


Π. Bysantina Chronica, τ. XIII, 2; Saint-Pétersbourg, 1906, p. 257-520. 


Signalons une étude (en russe) de M. ΜΡ. Touragieb sur quelques Vies 
de saints abyssins contenues dans la collection d’Abbadie lil analyse en 
particulier les Vies de saint Yafgiranna Igzii (ms. 56); de saint Samuel 
(mss. 32 et 61) et de Takla Hawaryat (ms. 63)] et la publication de dix let- 
tres de Georges Bardane, métropolitain de Kerkyra, ou de Jean Apokau- 
kos (xine siècle) faite par M. Papadopoulos Kérameus. 


ΠΠ. Bulletin de l'Institut archéologique russe de Constantinople, tome XI, 
gr.-8°, 306 pages; Sophia, 1906 avec un album de 92 planches, 80 francs. 


Contient en particulier (p. 227 à 294) : Le texte grec de deux rédac- 
tions de la Vie de Michel, prêtre et syncelle de la ville de Jérusalem 
{ix° siècle), et d’un discours de Nicéphore Grégoras sur la naissance et 
l'entrée au temple de la Sainte Vierge. Le volume est consacré à la mos- 


dt 2 fs 


BIBLIOGRAPHIE. 223 


quée actuelle de Kahrié-Djami, reste du célèbre monastère τῆς χώρας 
antérieur au ve siècle, reconstruit au vis, transformé au ΧΙ", restauré 
enfin au xive par Théodore Métochite et « désaffecté » au xv° siècle, 
Par une heureuse chance, un bon nombre de mosaïques du xiv° siècle, 
représentant en particulier les scènes de la vie de Notre-Seigneur et de 
la Vierge, ont été épargnées par le badigeonnage à la chaux imposé au 
reste de l'édifice. Elles avaient déjà prêté sujet à bien des études. Les 


- savants russes viennent de leur consacrer un travail que l’on peut re: 


garder comme définitif; les quatre-vingt-douze planches (dont deux en 
couleur) reproduisent toutes les mosaïques avec des vues et des plans 
de l’église, tandis que le tome XI, après l’histoire du monastère, explique 
et commente longuement toutes ces mosaïques. — Michel le Syncelle 
avait été renvoyé à Constantinople pour faire des représentations au 
patriarche Théodote et à l’empereur Léon l’Arménien qui étaient icono- 
clastes. I1 devait aussi aller à Rome au sujet du Filioque, maïs il ne dé- 
passa pas Constantinople où il fut flagellé et emprisonné. Plus tard 
l'impératrice Théodora le délivra et le nomma hégoumène du monastère 
de Chora. C’est par là que sa biographie se rattache étroitement à l'étude 
sur Kahrié Djami. De même le discours de Nicéphore, ami du Métochite 
et contemporain de la restauration de l’église, fait grand usage des apo- 
cryphes et commente heureusement les scènes de la vie de la Vierge. 


IV. Lauri G. G. KAILA, Zur syntax des in verbaler abhängigkeit stehenden 
Nomens im alttestamentlichen Hebräisch mit beräcksichtigung der kasus- 
verhältnisse in anderen semitischen Sprachen, 8°, 102 pages, thèse de la 
faculté de théologie d'Helsingfors. 


Il reste en hébreu si peu de traces des désinences casuelles, que l’au- 
teur a dû, à bon droit, élargir son sujet, et étudier les désinences con- 
servées par les autres langues sémitiques : arabe, éthiopien, assyrien, 
araméen, pour essayer de remonter à l’idiome source qui offrait ces dési- 
nences, et conclure à ce que l’hébreu ἃ perdu sinon à ce qu’il ἃ conservé, 
C’est une intéressante contribution à la syntaxe comparée des langues 
sémitiques. 


V. Skrifter utgifna af Kung. Humanistiska Vetenskaps-samfundet Ti Up- 
psala, tome IX, & ; Upsal et Leipzig (0. Harrassowitz). 


Ce volume, publié par l’université d'Upsal, après un court annuaire 
pour 1905-1906 (p. 1-x) contient six travaux que les auteurs ont eu l’atten- 
tion de résumer en allemand, en anglais ou en français lorsqu'ils étaient 
écrits en langue suédoise. 1° Une reproduction publiée par 1. Collijn, de 
trois calendriers du xv® siècle en bas allemand, comme contribution à 
l'histoire de l'imprimerie à Lubeck (pp. 1-32). 2° Une étude, par Otto Va- 
renius, sur le développement du système fiscal en Angleterre. Lorsque les 
revenus ordinaires du domaine royal sont devenus insuffisants, on a dû 
établir des taxes, des subsides et enfin des impôts extraordinaires. L’au- 
teur expose leur histoire et comment ils arrivent à équilibrer les dépenses 


224 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


en 1906 (pp. vi et 1-173 + vi). 3° La reproduction et la transcription, par 
Otto van Friesen, de deux feuillets qui sont peut-être le plus ancien mo- 
nument de la langue suédoise. L'auteur les étudie, les commente et croit 
qu'ils auraient été écrits au commencement du xme siècle (pp. 1-50 + 1v). 
40 Une étude de M. August Hahr sur l’art et les artistes à la cour de Ma- 
gnus Gabriel de la Gardie, chef du gouvernement de la régence pendant 
la minorité de Charles XI. Gabriel de la Gardie fut un grand ami des arts 
et un grand.constructeur. L'auteur étudie les diverses influences, souvent 
françaises, qui se sont alors développées dans l’art suédois. Un certain 
nombre de photographies de monuments et de tableaux complètent le 
travail (pp. 1-200 + vu). 5° Une étude de H. Sjôgren (écrite en allemand, 
sur l'usage du futur dans l’ancien latin (pp. vi et 1-243). 6° Une contri- 
bution d'Otto von Friesen à l’histoire des langues du Nord (pp. 1-39 + τὴ. 


VI. Ernsr von Do8ELN, Ur Nihajat al Bahÿa, af Ibrahim ἃ Sabistari an 
Nak&bandi, 8, vin, 32 et 16 pages; Leipzig, Drugulin, 1906. 


L'auteur publie, traduit (en suédois) et commente le court traité intitulé 
« le plus haut degré de la beauté », lequel n’est, en dépit de son titre, 
qu'un traité arabe de grammaire écrit en vers. Cette publication commen- 
tée ἃ valu à l’auteur le titre de docteur en philosophie de l'université 
d'Upsal qui reste ainsi, depuis Tornberg, une pépinière d’arabisants. 


VII. P. BEDJAN, Homiliae selectae Mar-Jacobi Sarugensis, tome IF, 80, xvur 
et 892 pages de texte syriaque ; Paris, 1906. 


Dans ce volume le ἢ. P. Bedjan publie trente-huit homélies métriques 
de diverses longueurs. La plus longue, sur la semaine sainte, compte 
164 pages. Les sujets, très variés, sont des commentaires sur des passages 
de l'Ancien et du Nouveau Testament et des considérations sur les prinei- 
pales fêtes et sur les vertus. Comme l’a écrit le Père Bedjan (p. xvi) : 
« Ces homélies forment le plus beau commentaire des faits et des mys- 
tères de l'Écriture sainte : on éprouve une sainte joie à retrouver, dans un 
auteur d’une si vénérable antiquité (ve-vie siècle) la même piété, la même 
discipline, la même morale et le même dogme que la sainte Église de 
Dieu enseigne et professe aujourd’hui comme autrefois. » 


Le Directeur-Gerant : 
F. CHARMETANT. 


Typographie Firmin-Didot et Οἷς, — Mesnil (Eure). 


Tome IV. — Fasc. 3. — Histoire nestorienne inédite (chronique de Séert), 
texte arabe publié par M# Appaï SCHER et traduit en français par plusieurs 
orientalistes, Prix : ὁ fr. 20; franco, 6 fr. 70 (pour les souscripteurs, 3 fr. 90: 
franco, 4 fr. 40), Paru. LAS 


Fasc. 4. — Recueil de monographies, — II. Histoire de 5. Pacôme, 
texte grec inédit des ms. de Paris 881 et suppl. 480, avec une traduction fran- 
çaise de la version syriaque et une nouvelle classification des sources grecques; 
III. Histoire de 5. Jean Baptiste et miracle de 5. Michel à Colosses, 
d’après un palimpseste du wm£ siècle, par MM. J. BOUSQUET, vice-recteur et 
professeur de grec à l’Institut catholique de Paris, et F. Nav. 


Fasc. 5. — The hymns of Severus of Antioch and others in the syriac 
version of Paul of Edessa as revised by James of Edessa ; texte syria- 
que, traduction anglaise par E.-W. Brooks. 


Tome V. — Fasc. 1, — Histoire des patriarches d'Alexandrie (suite), par 
B. EVETTS. 
Fasc. 2. — Recueil de monographies. — IV. Les Plérophories de 


Jean, .évêque de Maïouma, texte syriaque inédit, traduction francaise 
par F. Nav. 


DE NOMBREUX OUVRAGES SONT EN PRÉPARATION. Mentionnons : 


Théodore le Lecteur. Histoire tripartite, texte grec inédit avec la version la- 
tine d’EÉpiphane Cassiodore, édité par D. SERRUYS, directeur adjoint à l’école 

- des Hautes Etudes. : 

L'Oraison funèbre de Basile le Macédonien, texte grec, traduction francaise 

par D. SERRUYS. 


Les Apocryphes Coptes (fascicule Il), par E. REVILLOUT, 
Vies de Sévère, introduction, commentaire, index et tables, par M.-A. KUGENER. 


Chronique de Mahboub (Ἀγάπιος) le Grec, fils de Constantin, évêque de 
Menbidj (x° siècle), texte arabe, traduction française par A.-A. VASILIEV, pro- 
fesseur à l’Université de Dorpat (Oprer®). : 

Coptic Texts relating to Ecclesiastical history (mostly unpublished), edited 
with English translation by W.-E, CRuM. Σ 


Les versions arabes des Apocryphes Apostoliques : — [.Le Testamentum 
D. Ν. J. C., texte arabe inédit, traduction française par 5. B. Me RarHMani, 
L.DESsNoveRs et P. Dig. —II.Les Canons des Apôtres, texte arabe en majeure 
partie inédit, traduction francaise par MM. J. PÉRIER et J.-B. PÉRIER. — III. La 
Didascalie, texte arabe inédit, traduction française par P. CHÉBLI. 


Les versions éthiopiennes des Apocryphes du Nouveau Testament : 

.-- 1. Le Testamentum D. N. ΖΦ. C., texte éthiopien inédit, traduction latine 
par M. l’abbé GUERRIER. — IL. Apocryphes attribués à saint Clément, 
texte éthiopien inédit, traduction française par M. l'abbé GREBAUT. — III. Le 
Fekârêé Iyasus et la vision d’Abbà Sinoda, texte éthiopien inédit, traduc- 
tion italienne par M. C. ConTI-RossiNI. — IV. La Didascalie, texte éthiopien 
en partie inédit, traduction française par M. l’abbé FRANCON. 


L'Histoire des conciles de Sévère ibn-al-Moqaffa’, texte arabe inédit, traduc- 
tion française par M. L. LEROY, professeur à l’Institut catholique d'Angers. 
Mélanges de Théologie jacobite : Les Lettres encycliques et les Profes- 
sions de foi des évêques jacobites, texte syriaque, traduction française par 
F. Nau. 


(Demander tous renseignements et adresser les souscriptions à la librairie 
FIRMIN-DIDOT, 56, rue Jacob, Paris.) 


ΒΕ. GRAFFIN. — ΕΞ NAU 


PROFESSEURS A L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS 


Patrologia orientalis 


TOME 1. — Gr, in-8° (format de Migne), χα et 706 pages. Prix : 43 fr. 


I. Le livre des mystères du ciel et de la terre (éthiopien et francais), par 
J. PERRUCHON et 1. Guiot, 6 fr. 50. — IT et IV. History of the Patriarchs 
of the Coptic Church of Alexandria (arabe et anglais), par B. EVETTS, 7 fr., 
et 8 fr. 39, — III. Le Synaxaire arabe jacobite, Tout et Babeh (arabe 
et français), par René BAssET, 10 fr. — V. Le Synaxaire éthiopien, Mois 
de Sané {éthiopien et francais), par 1. Guipt, 11 fr. 20. 

Ce volume ἃ coûté seulement 26 fr. 95 (port en 5115) aux souscripteurs, 


TOME IT, 690 pages. Prix : 41 fr. 


I. Vie de Sévère par Zacharie le Scholastique (syriaque et français), 
par Μ.-Α. KUGENER, 7 fr. — Il. Les Évangiles des douze apôtres et de 
saint Barthélemy (copte et français), par le D'E. REvVILLOUT, Ὁ fr. — ΠῚ. Vie 
de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Beith Aphthonia, 
suivie d’un recueil de fragments historiques syriaques, grecs, latins et arabes 
relatifs à Sévère, par M.-A. KUGENER, 11 fr. 90. — IV. Les Versions grec- 
ques des Actes des martyrs persans sous Sapor II (grec et latin), 
par H. DELERAYE, S. J., Bollandiste, 9 fr. 50. — V. Le Livre de Job (éthio- 
pien et\francais), par E. PEREIRA, 7 fr. 70. 

Ce volume ἃ coûté seulement 25 fr. 90 (port en sus) aux souscripteurs. 


TOME IN. — Fasc. 1. — Recueil de monographies. — I. Les histoires d'A- 
houdemmeh et de Marouta, primats jacobites de Tagrit et de l’Orient (vie- 
vue siècles), suivies dutraité d’'Ahoudemmeh sur l’homme, texte syriaque inédit, 
traduction française par F. Nau. Prix: 7 fr. 15; franco, 7 fr. 65 (pour les sous- 
cripteurs : 4 fr. 50; franco, 5 francs). 

Fasc. 2. — Réfutation de Sa îd Ibn Batriq (Eutychius), par Sévère À 
Ibn-al-Moqaffa‘, évêque d’'Aschmounaïn, texte arabe, traduction française 
par P. CHÉBLi1, prêtre maronite. Prix : 7 fr. 40; franco, 7 fr. 95 (pour les sous- 
.cripteurs : 4 fr, 65; france, 5 fr. 20). 

TOME IV, — Fasc. 1. — Les Homélies de Sévère d’Antioche, texte syriaque 
inédit, traduction francaise par R. DuvaL et M.:A. KUGENER, avec le concours 
de E.-W. Brooks. Fasc. 1, par Rubens DuvaL. Prix : 5 fr.70; franco, 6 fr. 10 
(pour les souscripteurs : 3 fr. 60 ; franco, 4 fr.). 

Fasc. ὃ. — Papyrus grecs relatifs à l’antiquité chrétienne, publiés 
et traduits en français par le D' C. WESsELY, conservateur de la Bibliothèque 
impériale de Vienne. Prix : 7 fr. 90; franco, 8 fr. 45 (pour les souscripteurs : 
Ὁ fr.; franco, Ὁ fr. 55). Les planches sont comptées pour 1 fr. (Pour les sous- 
cripteurs : 0 fr. 65). 


VONT PARAITRE : 


TOME II]. — Fasc. ὃ. — Le Synaxaire Jacobite (suite), par René BASSET. 
Fasc. 4. — La cause de la fondation des écoles, par MAR HADBESCHABBA 
ARBAIA, évêque de Halwan, texte syriaque, publié, traduit et annoté par Me Addaï 
Scher, archevêque chaldéen de Séert. 
Fasc. 5. — The Life of Severus, patriarch of Antioch, by Athanasius, 
texte éthiopien inédit, traduction anglaise par E.-J. GooDSPgep, 


(Voir la suile à la page 3 de la couverture.) 


L'ORIENT CHRÉTIEN 


DEUXIÈME SÉRIE, Tome II (XII) — 1907. — N° 3 


| = SOMMAIRE 


I - Ὁ. Nau. — Une didascalie de Notre-Seigneur Jésus-Christ 

(introduction, texte sréc et traduction}. > :...7 ; 1... 

IT. — J. Bousquet. — Récit de Sergia sur Olympias (introduction 

FE TB ea DS CR OS ER RS RL RAC ΕΣ Ὁ Ὁ ΨΕΝῚ 

IH. — L. Leroy. — Les églises des chrétiens (traduction de l'arabe 

ΠΕ ΑΕ (MN) CR AU Ne ΕΣ ΤΣ, RTE ον 

IV. — F.Tournebize. — Etude sur la conversion de l'Arménie au 

Christianisme ainsi que sur la doctrine et les usages de 

l'église arménienne primitive (suite)... . . πε 2. 

V. —S. Grébaut. — Littérature éthiopienne pseudo Clémentine 

. (texte éthiopien et traduction du mystère du jugement des 

ΜΕ ΘΝ ΞΘ. πες τ πο τον τας ΤΕΣ ete ai à con D ie EL ΚΤ ΤΟΣ ΟΣ ΤῊΣ 

VI. — 5. Vailhé. — Saint Euthyme le Grand, moine de Palestine 

: ἐς TERRE A RÉ RE CN CNT MORE LU AR PRE PE 
VII — Mélanges : 

- F. Nau. — À propos d’une édition des œuvres de Sche- 

noudi: La version syriaque des prières de Schenoudi, de 

Jean le Naïn, de Macaire l'Egyptien et de Sérapion (texte 

RS NHAQUE CRPAURCUOR)S: πὴ ANT. Men NE en τ 

VII. — Bibliographie. — Le Père BEccanri, 5. J., Rerum aethiopicarum 

scriptores occidentales «a saeculo XVI ad XIX, τ. LT et IV 

(René Basset). — FRANz CumonT, Les religions orientales 

dans le paganisme romain (M.-A. Kugener).— R. DuvaL, La 

littérature syriaque (F. Nau). — AMÉDÉE GASTOUÉ, Les ori- 

gines du chant romain, l’'antiphonaire grégorien (F. Nau). — 

D. C. HESSELING, Essai sur la civilisation byzantine (F, Nau). 

— À. MALLON, Grañmmaire copte(F. Nau). — M. CHAINE, Gram- 

maire élhiopienne (F. Nau). — PAUL SCHWEN, Afrahat, seine 

Person und Sein Versländniss des Christentums (F, Nau) . . 


τ--- -ο 


PARIS: 
BUREAUX | LIBRAIRIE 
DES ŒUVRES D'ORIENT A. PICARD ET FILS 
RUE DU REGARD, 20 RUE BONAPARTE, 82 
AU SECRÉTARIAT 
DE L'INSTITUT CATHOLIQUE LEIPZIG 


RUE DE VAUGIRARD, 74 OTTO HARRASSOWITZ 
Recueil trimestriel. — Prix de l’abonnement : 12 fr, — Étranger : 14 fr. 


329 


La Revue de l'Orient chrétien (recueil trimestriel) | 
paraît en avril, juillet, octobre et janvier par fascicules formant 


_chaque année un volume de près de 500 pages in-8° 


Prix de l'abonnement : 12 francs, — Étranger : 14 francs. 
Prix de la livraison : 3 francs net, 


Les communications relatives à la rédaction doivent être adressées 


ἃ M. le Secrétaire de la Revue de l'Orient chrétien. 
A LA LIBRAIRIE PICARD 
RUE BONAPARTE, 82, PARIS, 


ΠῚ sera rendu compte de tout ouvrage relatif à l'Orient dont on enverra 
un exemplaire à la précédente adresse, 


COMITÉ DIRECTEUR : 


Mer CHARMETANT (%), protonotaire apostolique, Directeur des OŒuvres d'O- 


rient, président. — M. l'abbé BousQuET, vice-recteur et professeur de grec. 


à l’Institut catholique de Paris. — Mer GRAFFIN (X), prélat de Sa Sain- 
teté, professeur d’hébreu et de syriaque à l’Institut catholique de Paris. — 
M. l'abbé LEROY, professeur d’arabe et d’égyptologie à l’Institut catho- 
lique d'Angers. — M. l’abbé MANGENOT, professeur d'Écriture sainte à l’Ins- 
titut catholique de Paris. — M. l’abbé Nav, professeur de mathématiques 
à l’Institut Catholique de Paris, 


Le Comité est assuré du concours de spécialistes compétents : pour l’Ar- 
ménien, M. BasMaDJIAN, directeur de la revue « Banasêr », et le ἢ. Ρ, 
PEETERS, Bollandiste ; pour lAssyrien, etc., le P. SCHEIL, professeur à 


l'École des Hautes Études ; pour le Copte, le R. P. MALLON, professeur à | 


l'Université de Beyrouth ; pour l'Éthiopien, M. I. Guini, professeur à l’Uni- 
versité de Rome, M. l’abbé F, MARTIN, professeur à l’Institut catholique de 
Paris, et M. E. PEREIRA ; pour le Mongol et le Persan, M, BLOCHET, attaché 
à la Bibliothèque Nationale. me 

En dépit du contrôle qui sera exercé par ces divers savants, chaque 
auteur conserve l’entière responsabilité de ses articles. 


«Δ΄. ὦ 


- 


- 
Lt 


UNE DIDASCALIE 


DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST 


(OU : CONSTITUTIONS DES SAINTS APOTRES) 


INTRODUCTION 


I. ANALYSE. — Pour donner plus d'autorité à leurs théories 
personnelles sur le ciel, la fin du monde, le jugement dernier, 
et pour imposer plus strictement certains préceptes moraux 
ou certaines lois positives, les hommes ont imaginé de bonne 
heure de placer théories, préceptes et lois dans la bouche des 
prophètes de l'Ancien Testament, de Notre-Seisneur Jésus- 
Christ, de la Sainte Vierge et des Apôtres. De là sont nées les 
Apocalypses apocryphes d'Esdras, d'Hénoch, de Moïse, de 
Paul, d'Isaïe, de la Sainte Vierge aussi bien que les Constitu- 
tions apostoliques, les Canons des Apôtres, bon: nombre d’A- 
pocryphes clémentins orientaux et les divers Testaments de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ. Le présent écrit procède des 
mêmes préoccupations. Il ἃ pour but général d’inculquer le res- 
pect du Carème (1), du Dimanche (vi, vir, ΧΙ), du mercredi 
et du vendredi (vi); de rappeler les prêtres (ΧΠῚ, xxx), les 
diacres (ΧΙ, xxx1), les clercs (x, ΧΧΧΊΙ, ΧΧΧΊΠ), les moines xix, 
les moniales (xx), les séculiers (1v, x11, XVI à xvin) et les 
femmes (xv, xvir, xx) à la pratique des vertus de leur état, et 
de révéler les mystères de la création (vi), du ciel (xx1), de la 
chute des Anges (ΧΧΠ à xxv), de la récompense des justes 
(vu, 1x) et de la punition des pécheurs (Kxvr à xxx111). 

IT. FORME DE L'OUVRAGE. — La première partie (I-xxx) $e 

ORIENT CHRÉTIEN. 15 


226 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


passe dans la vallée de Josaphat. Notre-Seigneur apparaît à ses 
apôtres sous la forme d'un ange et chacun d'eux (Pierre, Paul, 
André, Jacques, Barthélemi, Thomas, Jean, Philippe, Luc, 
Matthieu, Marc, Thaddée) l’interroge sur le sujet qu'il ἃ à cœur. 
La forme rappelle donc celle du règlement ecclésiastique ap- 
pelé Apostolische Kirchenordnung, dont l'original grec porte 
le titre de Διαταγαὶ τῶν ἁγίων ἀποστόλων (1), et l'on comprend très 
bien que l’un de nos deux manuscrits (Paris 929) ait pris le 
titre équivalent : C'onsfitutions des saints Apôtres. Cependant, 
comme la parole est toujours à Notre-Seigneur Jésus-Christ, le 
second manuscrit (Vat. 2072) ἃ pris le titre plus adéquat de : 
Didascalie de Notre-Seigneur Jésus-Christ (en réponse) aux 
demandes des saints Apôtres. 

La dernière partie (xxx-xxx1v) suppose que les Apôtres sont 
transportés dans l'enfer et y voient les châtiments de divers 
pécheurs; sa forme se rapproche donc plutôt de celle des Apo- 
calypses. 

III. Les ΜΑΝΌΒΟΒΙΤΒ. — Nous utilisons deux mss.: 1° Vadic. 
2072, fol. 179-182, du ΣῚΡ siècle (— B) (2) et-2° Paris:929; 
p. 480-501, du xv° siècle (— A). 

Les deux manuscrits ont une partie commune (1-ΧΠ|); les 
chapitres xiv à xx ne se trouvent que dans B et les chapitres 
XXI à XXXIV ne figurent que dans A. 

Le ms. B, en dépit de nombreuses fautes d'itacismes, est 
beaucoup meilleur que le ms. Δ; c'est cependant ce dernier qui 
nous ἃ conservé la meilleure partie de l'ouvrage (1-ΧΠῚ, ΧΧΙ- 
xxxiv). La partie qui lui manque est pleine de répétitions et ne 
comprend guère que des exclamations; elle n'est peut-être 
qu'une addition postérieure (xiv-xx). Nous allons donc ajouter 
quelques détails sur le fond et la forme de ce ms. 929 (A) qui 
est le plus important : 

Il nous ἃ conservé quelques pièces qui ne se retrouvent pas 


(1) P. pe LaGarpe, Reliquiae juris eccl. ant. graece, Leipzig, 1856, p. 74-79. La 
même forme se retrouve dans les T'estaments de Notre-Seigneur Jésus-Christ et 
dans La fidèle sagesse, où les Apôtres, « s’avançant » tour à tour, interrogent le 
Seigneur. : 

(2) Cf. Anal. Boll., t. XXI, fasc. 1. Ad Catalogum codd. hag. gr. bibl. Vaticanae 
supplementum. Pitra avait déjà signalé ce manuscrit et en avait donné une 
courte analyse (Juris ecclés. graecorum hist. el mon., t. 1, p. 421). Με Graffin 
.nous ἃ procuré gracieusement une photographie de la présente pièce. 


ΚΝ ΑΜ 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 227 


ailleurs comme : 1° la lettre de Jean, archevêque de Nicée, sur 
le jour de la naissance du Christ (1); 2° l'homélie de saint 
Athanase τρία ἀπαιτεῖ ὁ θεός (2); 3° l'apocalypse d'Esdras (3); 
4° une homélie de saint Jean Chrysostome sur le saint Dimanche 
προσελθών τις ἀνὴρ εὐλαδής qui n'est pas mentionnée dans Fa- 
bricius (4). Vient ensuite la lettre de Jésus-Christ trouvée à 
Rome dans l’église Saint-Pierre qui est bien connue par ailleurs. 
Le scribe semble avoir voulu réunir à la fin de son manus- 
crit des pièces ayant trait à la sanctification du Dimanche, car 
c'est le principal sujet des cinq dernières pièces : les Cons- 
titutions que nous publions (p. 480), l'homélie de saint Atha- 
nase (p. 502); l'apocalypse d’Esdras (p. 510), l'homélie de 
saint Jean Chrysostome (p. 532), et la lettre de Notre-Seigneur 
Jésus-Christ (p. 548) (5). 

Si le fond du ms. est important, la forme en est malheureu- 
sement on ne peut plus défectueuse. En sus de toutes les fautes 
d'itacismes, les voyelles longues remplacent les brèves et réci- 
proquement, les singuliers remplacent les pluriels, souvent 
singuliers et pluriels sont mélangés dans la même phrase. Le 
scribe n’a pas d’ailleurs de procédé uniforme : ainsi le nom de 
Matthieu se trouve deux fois, la première il est écrit Μαντθέος la 
seconde Μτθαίος (sic). De plus l'encre employée par le scribe 
a par endroits rongé le papier et bon nombre de lignes portent 
une fente horizontale plus ou moins large en leur milieu. 
Aussi Tischendorf écrivait au sujet de l’apocalypse d’Esdras 
connue par ce seul ms. : Operae pretium videbatur eliam Pa- 
risiensem lextum edere. Nec id vero facili negotio erat. 
Scriplura entm codicis, quo solo uli poleramus, passim male 


(1) Éditée par Couseris, Auct. novum, 11, p. 298. 

(2) Éditée par Moxrraucon, I, p. 469 (P. G., τ. XX VIII, 1108). 

(3) Éditée par Tiscuexporr, Apocalypses Apocryphae, Leipzig, 1866, p. 24-33. 

(4) Nous l’avons d'ailleurs trouvée sous un autre nom dans un autre manus- 
crit. Ces homélies ne sont ni de saint Athanase ni de saint Jean Chysostome. 

(9) Ce ms. commence par l'évangile. de Nicodème et a été utilisé par Thilo et 
Tischendorf. On n’a pas encore signalé, croyons-nous, que trois feuillets, ren- 
fermant les chapitres x1, 3 à xur, 3, sont reliés au milieu du ms., p. 319 à 324 
(ef. Tisch., Εν. ap., p. Lxx, ms. E). L'Évangile de Nicodème doit être lu dans 
l'ordre suivant : pages 29, 30, 15/à 28, 321 à 324, 319, 320,32, 81, 33, 34, 1 à 14. 
Le Physiologus de ce ms. (p. 32%), utilisé par Ducange pour son (lossarium 


PNEU SLT ie 


nuaire de l’Associalion pour l'encour. des éludes grecques, Paris, 1875. 


228 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


conservala alque viliosissima est (p. xu-xi1) (1). Nous ne 
citerons ici qu'un exemple du mauvais état de ce texte. L'au- 
teur avait cité le passage Genèse 1, 26: ποιήσωμεν ἄνθρωπον χατ᾽ 
εἰχόνα ἡμετέραν χαὶ χαθ᾽ ὁμοίωσιν. Sous la plume du scribe du ms. 
929 ces mots sont devenus (p. 494) : ποιήσωμεν ἄνθρωπον χατοιχό- 
γασιν χαὶ ὁμοίω τὴ ἡμετέρα, OÙ l'on trouve deux mots réunis en un, 
° pour €, deux datifs au lieu de deux accusatifs et surtout la 
syllabe σιν portée à un mot précédent. 

IV. LA PRÉSENTE ÉDITION. — Nous avons tàché de donner un 
texte intelligible. Dans la partie commune aux deux manus- 
crits, nous avons suivi celui qui donnait le meilleur sens ou 
nous les avons combinés ensemble, mais en reproduisant el quel 
aux variantes ce que nous ne pouvions donner dans le texte. 
Quant aux passages propres à chaque manuscrit, nous avons 
corrigé du mieux que nous l'avons pu les fautes d'itacisme, 
les permutations de voyelles, etc. (2) sans indiquer ces mêmes 
fautes aux variantes. Enfin nous avons ajouté une traduction 
française pour les lecteurs de la Revue qui ne lisent pas le 
grec. 

V. ÉcriTs APPARENTÉS. — L'auteur cite Hénoch, mais ne sem- 
ble pas avoir connu son livre (ch. xx1); un passage (ΧΧΠΙ-ΧΧΥῚ) 
se trouve à peu près textuellement dans le livre d'Adam (3), 
nous avons déjà dit que le plan semble emprunté aux Διαταγαί 
des Apôtres, enfin un bon nombre de passages ont leurs paral- 
lèles dans les Apocalypses d’Anastasie, d'Esdras, de Paul, de 
la Vierge (4), dans la lettre de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur 
le dimanche et dans les homélies de saint Athanase et de saint 
Jean Chrysostome déja mentionnées, comme on le verra dans 
les notes que nous ajoutons à la traduction. 

VI. DATE DE L'OUVRAGE. — Le ms. de Rome (xr° siècle) nous 
fournit un {erminus ad quem. L'imitation des Διαταγαί nous 
fournit un {erminus a quo (11° siècle). Il est difficile de préciser 
davantage parce que l'écrit renferme peu de faits caractéris- 


(1) Montfaucon avait écrit aussi que l’homélie de saint Athanase, éditée 
d’après ce ms., était imperili el inelegantis scriploris. P. G.,t. XXVII, col. 
1108. 

(2) Nous avons mis nos restitutions entre < >. 

(3) Traduit dans Kautzsch, Die Apocryphen und Pseudep. des Allen, Test. 
t. 11, Tubingue, 1900. ϊ \ 

(4) Περὶ xohäcewv, Texts and Studies, Cambridge (1895), t. IL. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 229 


tiques et surtout parce que le mauvais état des mss. ne nous 
permet pas de discerner clairement ce qui appartient à la ré- 
daction primitive et ce qui a pu lui être ajouté depuis dans 
l'un ou dans l’autre manuscrit. Les principales idées : obser- 
vance du Carême et du Dimanche et leur personnification, 
avaient cours dès le ἵν siècle. On raconte que saint Pa- 
côme voyait déjà les anges du mercredi et du vendredi ac- 
compagner le cercueil d'un homme qui avait jeüné durant ces 
deux jours (1). Il est d’ailleurs possible qu'une étude plus 
approfondie des documents similaires (2) conduise à une date 
plus précise (3). 


(1) Nous avons traduit ce texte dans Les récils inédits du moine Anastase, 
Contribution à l'histoire du Sinaï au commencement du VII siècle, Paris, 1902, 
p. 63, et én avons alors donné une interprétation inexacte (/bid., p. 62). Il figure 
dans la Vie de Pacôme du ms. suppl. 480 que nous éditons, Patr. Or., t. IV, 
p. 209-510. 

(2) Dans Tischendorf, Apocal. apocr., et dans les Texts and Studies de A. Ro- 
binson. La lettre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui existe dans toutes les lit- 
tératures orientales, à été éditée en grec par Vassiliev, Anecdola graecobyzan- 
tina, Moscou, 1893. 

(3) Pour notre part, nous placerions volontiers vers la fin du vn° siècle, au 
plus tôt, la composition de la présente pièce et même la composition des docu- 
ments similaires : Apocalypse d’Esdras, homélies de saint Athanase et de saint 
Jean Chrysostome et première lettre de Notre-Seigneur. Car les lettres de Notre- 
Seigneur sont rapportées aux années 642 et 747 (cf. ms. syriaque de Berlin, 
Sachau 221), nous avons un motif aussi pour rapporter à la fin du νη siècle la 
rédaction actuelle des homélies. On peut done, en attendant mieux, rapporter 
à la même époque la composition des deux autres pièces similaires. L’apoca- 
lvpse d’Anastasie qui est, au plus tôt, de la fin du x° siècle, est un des écrits les 
plus récents de ce cycle. 


TEXTE 


Διδασχαλία τοῦ Kupiou ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ (1), ἐπερωτησάντων 
τῶν ἁγίων ἀποστόλων. Εὐλόγησον δέσποτα (2). 


Ι. -- Ἔν ταῖς ἡμέραις ἐχείναις, μετὰ τὸ ἀναληφθῆναι τὸν Κύριον 
ἡμῶν ᾿ἸΙησοῦν Χριστόν, ἐκ τοῦ ὄρους (3) τῶν ἐλαιῶν, χατῆλθον οἱ 
δώδεχα μαθηταὶ αὐτοῦ ἐν τῇ χοιλάδι τοῦ ᾿Ιωσάφατ (3°), χαὶ ἐνεθυ- 
μἤθη εἷς (4) ἕκαστος (4) αὐτῶν περὶ τῆς (A, p. 481) γενεᾶς τῶν 
ἀπίστων (9) ἀνθρώπων, καὶ ἑχάστου a 2705 (6), πῶς πταίουσιν οἱ 
ἄνθρωπο: (7) ἵνα γνῶσιν τί υέλλουσιν € ἐργάζ ζεσθαι πρὸς συγχώρησιν τῶν 
παραπτωμάτων (8). 


IT, — Ποιήσαντες δὲ ἡμέοας τε ae τ ΤΣ δι τῇ χοιλζδι , νηστεύον- 


͵ 
τες χαὶ Rene ἐγένετο ἐπ᾽ αὐ) τοῖς ἔχ τασις ἡμέρας δέκα. 


" 


᾿Επιφωσχούσης παρασχευῆς, ἔστη χατενώπιον αὐτῶν ἄγγελος te 
χαὶ λέγει (9): € αρσεῖτε οἱ πολλὰ χεχοπιαχότες ταῖς τεσσαράχοντα ἡμέ-- 
pus ταύταις ἐν νηστείαις χαὶ προσευχαῖς (10). 

IT. — ᾿Αναστὰς δὲ Πέτρος προσεκύνησεν (Β, fol. 179) αὐτὸν 
χαὶ λέγει (11): ἸΚύριε, θεωρῶ τὸ πρόσωπόν σου ὡς τὸ πρόσωπον τοῦ 
διδασχάλου pou, τοῦ ἀναληφθέντος εἰς τοὺς οὐρανοὺς, ἐξαστρά- 


(1) δίάταξης τῶν ἁγίων ἀποστόλων A. 
Nous conservons dans les variantes toutes les fautes des manuscrits, même les 
fautes d’accent. | 
(2) Α om. ἐπερ..... 
(3) εἰς τὸ ὄρος A. 
(99) μαθ.. ἐν τῇ κοιλάδι, Ἴωσ. B. 
(4) χαὶ ἐνευθυμούντων B. 
(4:) εἰς ἔχαστον A. 
(9) τῆς ἀπίστου τῶν Β. 
0) χαιφάλαια ἑχάστου πταίσματα A. 
) τοῖς πτ. ἀνθρώποις B. 
) πταισμάτων αὐτῶν Β. 
) Sic Β. ᾿Βγένετω δὲ ἐπ᾽ αὐ. ἔκ. ἡμέρας ἐπιφχύσις παρασ. χαὶ ἡστήχυσαν ἐνώπιον 
θεοῦ τῶν ἀγγέλων ἐν αἰσθήσεσιν Aeuxwv: χαὶ λέγουσιν αὐτοῖς À. 
(10) κοπιάσαντες (χοπ. ταῖς σαράχοντα un. ταῖς B) χαὶ προσευχόμενοι 
(11) Πέτρος εἶπεν πρὸς αὐτόν Α. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 251 


mrovra (12), καὶ φόδος με συνέχει σφόδρα, νῦν δὲ ἐρωτησάτω ὁ δοῦλός 
σου (13) περὶ τῶν τεσσαράχοντα (14) ἡμερῶν τῶν πρὸ τοῦ Π|Ζσχα (15). 
᾿Αποχριθεὶς δὲ ὁ ἄγγελος εἶπεν᾽ Λέγε ῥῆμα πιστόν. Λέγει ὁ [léroos (16): 
Κύριε, (À, p. 482) ἀποχάλυψόν μοι τὸν μισθὸν αὐτῶν (17), ἵνα χἀγὼ 
ἀναγγελῶ τοῖς υἱοῖς τῶν ἀνθρώπων ([8). 

Λέγει ὁ ἄγγελος τῷ Πέτρῳ Ὃ μισθὸς τῶν τεσσαράχοντα ἡμερῶν 
πολύς ἐστιν τοῖς νηστεύουσιν αὐτὰς (1) εἰλικρινῶς καὶ ἀμέμπτως" 
τὰς εὐχαριστίας, τῷ θεῷ ἀναπέμποντες (20) καὶ an Die ἐν 
ταῖς ἁγίαις τοῦ Oeoù ἐχχλησίαις, ἐν τ ροσεῤχ αῖς χαὶ δεήσεσιν (21), Λέ- 
γεν γὰρ ὁ (22) Acid Μακάριοι οἱ ἐξερευνῶντες (23) τὰ μαρτύρια 
αὐτοῦ, ἐν ὅλῃ καρδίχ ἐχζητήσουσιν αὐτόν (24). Ὅστις γὰρ ἔχει τὰς 
ἁμαρτίας ὡς ἡ ἄμμος τῆς θαλάσσης καὶ νηστεύει τὴν ἁγίαν τεσσα- 
ραχοστὴν μεταδιδὼν πτωχοῖς τὴν χαθημερινὴν τροφὴν, μαχαριοῦσιν 
αὐτὸν πᾶσαι αἱ γενεαί (25): ἄγγελοι δὲ τῷ ἀριθμῷ μ΄ παρεστήχεισαν 
ἀπέναντι ἐξαλείφοντες τὸ χειρόγραφον τῶν ἁμαρτιῶν (26) αὐτῶν. 

IV. — Προσελθὼν δὲ (A, p. 483) ὁ Παῦλος ἐρωτᾷ αὐτὸν (27) 
περὶ τῶν πόρνων χαὶ ἀρσενοχοιτῶν. Λέγει αὐτῷ ὁ ἄγγελος ἸΚυρίου᾽ 
Ὁ πόρνος ἔχει δοῦναι ἀπολογίαν εἰς τὸν πύρινον ποταμὸν, ἰδοὺ γὰρ (28) 


ὁ πύρινος ποταμὸς αὐτὸν ἀπούλέπει (29): ὁμοίως δὲ χαὶ τὸν ἀρσενο- 


) ἐν τοῖς οὐρανοῖς Β. 
) À add. ἐνώπιόν σου. 
Ἢ μ' B. σαράχοντα A. 
) B om. πρὸ τοῦ πάσχα. 
) À om. Ἀποχριθείς... 
) μοι τί 6 μισθὸς τῶν μ΄ ἡμερῶν τῶν πρὸ τοῦ πάσχα B. 
) τοῖς γνωρίζουσιν τὴν δύναμιν τοῦ θεοῦ Β. 
9) αὐτήν Α. 
)}) ἀναπέμπουσιν A. 
) ἵνα nai προσχαρ. ἐν τῇ ἐχχλησίᾳ ἐν προσευγ. χ. ὃ. καὶ μετανοίαις B. 
) A add. ψαλμὸς τοῦ. 
) ἐξερευνοῦντες ΑΒ. 
24) αὐτά Α. 

(39) Nous reprenons le texte et mettons entre parenthèses les lecons des ms. 
(ὥστις γὰρ A; εἴσε val B) ἔχει (ἁμαρτίαν A) (ὥσει ἄμμον A) τ. 6. x. (νηστεύσει B) τ. 
ἅγ. (σαρχκοστήν ΑΒ) (Β add. εἰλιχρινὸς) (υεταδοῦναι τοῖς B) nr. τ. καθ. (τρωφήν A) 
uax. (αὐτὴν ΑἹ π. (ἐγενεαὶ A). 

(26) ᾿Αγγέλων τῶν ἀριθμῶν B (A om. τ. ἀρ.) παρηστἤχησαν (ἱστήχησαν B) ἐνώπιον 
αὐτῶν ἐξαλείφωντες (---λή--- B) το χειρ. A (Β om. τῶν ἀμ... 

(27) Προσελθὼν λέγει καὶ ὁ IL. ἐπερωτῶ A. 

(28) Sic Β. Λέγει αὐτὸν 6 ἄγγελος Παῦλε ἀγαπηταὶ τοῦ θεοῦ. χαὶ ὁ πόρνος ἄγγελον 
ἔχει τοῦ δοῦναι ἀπολογίαν. ἰδοῦ Α. 

(29) ἐν αὐτῷ εἰσαποθλέπει B. 


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232 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


! , ΄ il #0 \ "» 6 A e 7 a , 7 , x 
χοίτην ἀναμένει TO πῦρ TO AGLEGTOV XAL ὁ σχώληξ 0 ἀχοίμιητος͵ Πὰν 


δὲ / ᾽ δ ᾽ / SE VE , 
Σ μετανοήσωσιν ἐχ τῆς ἀσελγείας αὐτῶν, καὶ ἐξαχολουθήσαντες θεο- 


’, " r , ! τ / 7 
σεξέσιν ἀνδράσιν, ἀχρουύμενοι αὐτὸ τὸ ἐπιτίμιον ἐν νηστείαις ἔτη 


ὀχτὼ, λύεται αὐτῶν τὸ ἁμάρτημα (30) Et δὲ ἐπιμένωσιν ἐν ταῖς 
ἀσελγείαις αὐτῶν, οὐαὶ αὐτοῖς ἐστιν (9 1) ἐν ἡμέρᾳ τὴς ἀνταποδόσεως (932). 

Υ. --- Ὁμοίως δὲ χαὶ ᾿Ανδρέας λέγει" Κύριε, γνωρίζω ὅτι σὺ εἶ 
ὃ διδάσχαλος ἡμῶν, χαὶ γὰρ ἢ λαλία σου μηνύει ὅτι σὺ εἶ ὁ Χριστὸς, 
ὁ υἱὸς τοῦ το τοῦ ζῶντος, χαὶ ἐν σχήματι ἀγγέλου (33) ἐφάνης 


τοῖς (Β, fol. 1799) δούλοις (A, p. 484) σου, πειράσαι αὐτούς. Καὶ 
νῦν, Κύριε, γινώσχω ὅτι σὺ εἶ μετὰ τῶν δούλων σου" ὁρῶ γὰρ, Κύριε, 
χυχλοῦντάς σε τῶν ἀγγέλων (34) δυνάυ μεῖς ἐν ποιχίλαις μορφαῖς, 
χαὶ ζῷα Fe ἑξαπτέρυγα μετὰ φόδου βοῶσιν (35) Δόξα ἐν ὑψίστοις 


θεῷ, χαὶ ἐπὶ γῆ ἧς Elonvn. 


VI. — ᾽᾿Αχούσας δὲ ταῦτα ὁ Σωτὴρ, ἐνεφανίσθη αὐτοῖς τελείως, 
χαὶ εἶπεν ᾿Ανδρέας (36) Κύριε, δείξζον μοι τὴν δύναμιν τῶν ἑπτὰ (37) 


ἡμερῶν τῆς. ἑδδομάδος, ἐν ποίχ δόξα παρίστανταί (38) σοι. 
᾿Αποχριθεὶς δὲ ὁ ἸΚύριος λέγει τῷ Ἀνδοέχ" Ωσπερ ἀστὴρ ἀστέρος 


διαφέρει ἐν φωτὶ, οὕτως χαὶ ἡμέρα ἡμέρας διαφέρει ἐν δόξῃ. Πρώτη 
ἡμέρα ἐστὶν ἐν ἦ ὁ Πατὴρ ἐποίησεν (39) τὸν οὐρανὸν χαὶ τὴν γῆν, 
1e 


, / ͵ ΄ ΄ \ 09 
χαὶ ομοίως πάντων pee τέρα, ηὑρέθη, διὰ τοῦτο χυριαχὴν ταύτην 


ἐχάλεσε. Ererra (40) ἐποίησεν ὁ Θεὸς τοὺς δύο pose τοὺς μεγά- 
λους, εἰς διχχήσινησιν τῆς ἡμέρας χαὶ τὴς νυκτός᾽ τὸν μέγαν ἐχάλεσεν 
ἤλιον, καὶ ποικίλως κεχοσμιημένος, ἀερίνοις δρόμοις (4 A1) (A, P- 485) 


ἐλαυνόμενος, ὑπὸ ἄομιατος πυρὸς χχτίνας πολυμμόρφους ἐχπέμπων, τὴν 


(30) Ἐὰν δὲ μ. ἐχ τ. 4o. αὖ. νηστευσάτω ὁ ἀρσενοχοίτης ἔτι η΄. χαὶ δέχεται αὐτὸν (?) 
6 θεὸς ἐν τῇ ἐχχλησία. ὁ δὲ- πορνεύσας. ἔτι πλεία Β. 
(31) ἰδὲ ἔτι ἐπιμένουσιν τῆς ἀσελγείας, οὐαὶ αὐτοὺς ἔχει A. 


(32) B om. ἐν ἡ». τ. ἄντ. 

(99) δούλου Β. 

(34) Β om. τ. ἀγγ. 

(99) δυνάμεις ἑξαπτέρυγα μετὰ φωνῆς (B : μετὰ 50600 φωνῆς) σοιῶσοιν A. 
(30) ᾿Αχούσα: δὲ ταῦτα ἐν αὐτῷ τῆς μαθηταῖς αὐτοῦ. τότε λέγει ᾿Ανδραίας A. 
(37) ἘΞ B. 

(38) δόξει παροιστήχησάν Α. 


(39) ᾿Απεχρίθη Κύριος χαὶ εἶπεν τῷ ᾿Ἀινδραίᾳ ὥσπερ ἀστὴρ ἀστέρων διαφέρη ἐν δόξῃ. 
πρῶτον ἐποίησεν ὁ θεὸς A. 

(40) ηὑρέθη ἡ ἁγία χυριάχη. διὰ τὶ χυριαχὴν ἐχάλεσεν λοιπὼν A. 

(41) τὸν μέγαν φωστήραν ἐχάλεσεν ἥλιον. ποιχίλοις χείμενος ἀεριχῷ (ἀεριχοῖς A) 
δρώμῳ, χαὶ ὑπὸ ἵππων ἀχάμπτων B. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 233 


. / / δύ se / δὲ \ \ / A ΄, 

ἡμέραν τελέσας διαδύνει᾽ ὁμοίως δὲ χαὶ τὴν σελήνην, τὴν νύχταν 
ἐχτελεῖν (42). Τὴν δὲ τετάρτην ἡμέραν, εἰς ἔργα δικαιοσύνης καὶ 
νηστείας. Τὴν δὲ TÉUTTAV (43), εἰς διαχώρησιν γῆς χαὶ ὕδατος. T3 
ἕχτῃ δὲ ἔχτισεν ἄνθρωπον χαὶ χτήνη χαὶ ἑρπετὰ τὰ ἕρποντα ἐπὶ τὴν 
Bu eo OS MAS κ δῷ νὰ τε ὅδ ΚΟ CS: 
γῆν, χαὶ ἰχθύας χαὶ χήτη, καὶ ὅσα ἐν τοῖς ὕδασιν. Kai τῇ ἑδδόμη 


« 


͵7͵ , ᾿ e τ , A / 4 ᾿" , NS 
ἡμέρᾳ κατέπαυσεν ὁ Θεὸς ἀπὸ πάντων τῶν ἔργων αὐτοῦ. Καὶ ἔθηχεν 


« 


e A , A - » € ee 1 A / € - 
ὁ Θεὸς εἰς κεφαλὴν τῶν ἕξ ἡμερῶν τὴν Ἰζυριχχὴν κυρίαν εἶναι τῶν 
\ Ὁ , / » e V4 € 4 2 - Ν, 
Διὰ τοῦτο μαχάριός ἐστιν ὁ ἀνθρωπὸς ὁ μετὰ εἰλικρινῆς χαρδίας 
-- δ᾽ ΔῈ - e ΄ , 
νηστεύων καὶ προσευχόμενος τῇ τετάρτη χαὶ τῇ ἕχτῃ ἡμέρχ᾽ ᾿Ἐξαίοε- 
τος δὲ, χαὶ CO > τὴν ἁγίαν κυριακὴν «φυλζσσων"- ἀπὸ ὥρας ἐννάτης 
. -- Δ e Lu / A \ 9 Ὁ \ « , , \ , 
τοῦ σαδδάτου, ἵνα ἐπήρῃ τὸν λαὸν αὐτοῦ, χαὶ ὑπάγη εἰς τὴν ἐχχλη- 
n UN - r “ θεί ee ῖ Οὐ \ EU , γα 
σίαν. Οὐαὶ τοῖς παραχούουσιν τῶν θείων γραφῶν Οὐαὶ τοῖς ἐργαζο- 
, La \ Ὁ δ Ω 
μένοις τὴν ἁγίαν χυριακήν! Οὐαὶ ro. s παραδιχοῦσιν! ὅτι (À, p. 486) 
3, τὸ 
οὐχ ἔχουσιν ἄνεσιν. 


VIT. — Προσελθὼν χαὶ ὁ ἸζΖχωύος, ἐπηρώτησεν λέγων" Κύριε, τί 


ὁ μισθὸς τῆς τετράδης χαὶ τῆς παρασχευῆς; Λέγει ὁ σωτήρ (46): 


Le ΕΣ [2 
"Ééaiperos χαὶ τρισμαχάριστός ἐστιν ὁ ἄνθρωπος ὁ (B, fol. 1807 
“- #3 “ ,ὕ -Ὁ δ - e ΄ 
περιπατῶν αὐτοῖς ἐν νηστείαις χαὶ προσευχαῖς, ὅτι τῇ EXT ἡμέρᾳ 
ἐδσλήθη Adau τοῦ παοχδείσου. Kat ἐχ τοῦ ἐξελθεῖν τὴν Ψυγὴν τοῦ 
᾿ À i Ψ 
Le 2 24 3 = ι 
ματαίου βίου τούτου, ὑπαντῶσιν αὐτῇ ἐχεῖναι, χαὶ προσπίπτουσιν 
US \ δ: - / À / 3 UE ee ἢ use 
αὐτῆ, καὶ μετὰ χαρᾶς λέγουσιν Χαίρου, ψυχὴ διχαία, ἡ πολλὰ κοπιΐ- 
τὸ τῷ δδ, δ - 
caca ἐπὶ τὴς γῆς, νῦν δὲ χαίρουσα, χατάμενε ἐν τῷ τόπῳ σου. Καὶ 
ἀσπάζονται αὐτὴν HAL > λέγουσιν: ἔρχεται ἡ χυρία ἡμῶν n ἁγία 
\ \ , \ , J. ΄ (2 , L \ ἰδ A 
Κυριακὴ μετὰ οκτὼ ἀγγέλων λαμπροφόρων ἵνα σε ἀσπάσῃ. Kat ἰδοὺ 
εἰσῆλθεν ἡ ἁγία χυριακὴ, καὶ ἠσπάσατο αὐτῇ, καὶ λέγει τοῖς ἀγγέ- 


ri » ε ᾽ LAN - 
λοις (47): Ἴδετε ψυχὴν δικαίαν, ἥτις μώλωπα οὐχ ἔχει οὐδὲ τραῦμα, 


(49) dut. ἐχπ. τὴν ἣμ. τελείως εἰσθαπτίζεται, ὁμοίως δὲ καὶ ἣ σελήνη τὴν νύχταν 
ἐχτελεῖ A. 

(43) Καὶ τῇ τετάρτῃ ἡμέρᾳ ἐποίησεν ἔργον διχ. χαὶ νησ. τὴν δὲ πέμπτη ἡμέραν B. 

(44) Τὴν ἔχτην δὲ χτήσιν ἀνθρώπων χαὶ κτηνῶν χαὶ ἑρπετῶν. Τὴν δὲ ἑόδομὴν χατέ- 
πᾶυσεν ὁ θεὸς ἀπὸ πασῶν τῶν ἔργων αὐτοῦ χαὶ ἔθηχεν εἰς κεφαλὴν τῶν ἔργων αὐτοῦ 
χαὶ ἡμερῶν ἁγίαν χυριαχήν A. : 

(49) ἄνθ. ὁ φυλάσσον τὴν ἡμέραν τῆς τετράδης χαὶ τῆς παρασχενῆς A. 

(46) Β omet depuis le précédent ἐξαίρετος jusqu'ici. 

(47) Λέγει ὁ σωτήρ᾽ μακάριός ἐστιν ὃ ἐν τῇ πίστει φυλάττον αὐτὰς, ὅτι αὐτὲς, μετὰ 
τὸ βληθῆναι ἐχ τοῦ σχολιγῦ βίου, χαὶ ἀπελθὼν εἰς προσχύνητιν τοῦ ἀχράντου θρόνου, 
ὑπὸ ἀγγέλων. χαὶ ἐν τῷ εἰσιέναι τὴν ψυχὴν αὐτοῦ ἐν τῷ οὐρανῷ. ὑπαντούσιν αὐτὸν αἱ 


234 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 
ἥτις χαλῶς ἠγωνίσατο ἐπὶ τῆς γῆς χαὶ ἐπετήρησέν με ἐκ τῶν ἔργων 


2 U 


τοῦ duxbodou, χαὶ πόλλα χοπιάσασα, ἐπάτησεν τὸν diébohov: νῦν δὲ 
χαίρουσιν ἐπ᾿ αὐτῇ (18) οἱ ἄγγελοι χαὶ πᾶσαι αἱ δυνάμεις τῶν οὖρα- 
νῶν (49). Οὗτος δέ 


χαὶ τὴν τετραδὴν χαὶ τὴν παρασχευὴν νηστευσάντων (50). ᾿Εξαίρετος 


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τῷ Ce ei 
ἐστιν ὁ μισθὸς τῶν τὴν ἁγίαν χυριαχὴν φυλαξάντων 
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δὲ \ A ro r A G \ 7 LE PR δὲ \ A Ù ΄ 
δὲ χαὶ τὴν ἁγίαν χυριαχὴν ὁ μὴ κάμνων. ᾿Ιὰν δὲ χαὶ μὴ ἀκούσωνται 
τῆς θείας γραφῆς καὶ « μὴ: φυλάξωσιν τὴν ἁγίαν χυριαχὴν ἀπὸ πάντων 
τῶν ἔργων αὐτῶν ἐξαποστελῶ αὐτοῖς λιμὸν, χαὶ μάχαιραν, καὶ œi- 
χμαλωσίαν, καὶ θηρία πτερωτὰ, ἵνα χαὶ φάγωσιν τοὺς μὴ τιμῶντας 
τὴν ἁγίχν χυριαχήν" χαὶ οὐ μὴ τύχωσιν ἐλέους εἰς τὸν αἰῶνα. Οὐαὶ 
τοῖς μεταλαμθάνουσιν τὴν ἁγίαν κυριακὴν χαὶ εἰς πορνείαν ἐμπίπτου: 
σιν (51). ; 
ΝΠΠ. — Προσελθὼν χαὶ Βαρθολομαῖος λέγει’ ᾿Ἰὑπερωτῶ τὸν 
\ \ \ (2 ,ὕ - ΕἸ , ὃ ι À ” / ι 
μισθὸν χαὶ τὰς ὑποθέσεις τῶν ἀποχλειομένων dix τὸ ὄνομα σου. Καὶ 
εἶπεν αὐτῷ Ἐὰν καλῶς ἀποχλείωνται χαὶ ET τάδοσιν ποιῶνται πτω- 


-Ὁ Ὁ \ 
χοις; χαὶ διὰ παντὸς προσευχόιλενοι χαὶ χαθαροὶ μετὰ στεναγμιων χαι 


δαχρύων, ἡ δέησις αὐτῶν εἰς τὸν οὐρανὸν ἀνχθαίνει, εἰς υνημόσυνον 
7 "“ 
αἰώνιον (92). 
IX. -- Προσελθὼν δὲ ὁ Θωμᾶς ἐπερώτησεν τὸν Κύριον λέγων" 
Κύριε, οἱ φυλάξαντες ἑχυτοὺς χαὶ ποιήσαντες τὰ τῆς γραφῆς, τί ὁ 
μισθὸς αὐτῶν; Kat ὁ σωτὴρ λέγει" ὋὉ μισθὸς αὐτῶν πολὺς ἐν οὐρανῷ, 


μετὰ ἀγγέλων χορεύωυσιν εἰς αἰῶνας αἰώνων (3). 


ἡμέραι τετράδι χαὶ παρασχευῇ μετὰ χαρᾶς λέγουσαι. χαῖρον φίλαι ἡμῶν. ὁ χαὶ πολλὰ 
χοπιάσας ἐπὶ τῆς γῆς. νηστείαις χαὶ ἀγρυπνίαις δεῶμενος τῷ θεῷ. χαὶ ὅλον σου τὸν 
οἶχον χολύων ἀπὸ πάσης χολῆς τῶν πύχνων. νῦν δὲ χαῖρου χαὶ εὐφραίνου ἐν παραδεῖσῳ. 
χαὶ λαλοὔντων αὐτῶν ἔρχεται χαὶ ἡ ἁγία χυριαχῆ, μετὰ ὁχτῶ ἀγγέλων λαμπροφῶρων, 
χαὶ (A, p. 487) αὐτὴ μέσων χεχοσμημένη ὡς θυγάτηρ σιῶν. μαρτυροῦσα τὴν Ψύχην χαὶ 
ἀσπαζομένη χαὶ λέγουσα" τῆ: ὁχτὼ ἀγγέλοις τοῖς ἐν αὐτῇ δεύτε A. 

(48) εἴς τις μόλωπας οὐχ ἔχει. εἰ τῆς καλῶς ἀγωνισάμενη ἐπὶ τῆς γῆς χαὶ ἐφύλαξεν 
αὐτὴν ἀπὸ πάσης ἐργίας τοῦ ὃ. τότε χέρουσιν χὐτὴν Α. 

(49) À add. τότε διασπαζῶμενοι τὴν ψυχὴν τὴν καλῶς πολιτευσαμένη. 

(90) τοῦτος ὁ μισθός ἐστιν τοῖς χαλῶς νηστεύσασιν τῇ τετάρτῃ χαὶ τῇ ἔχτη ἡμέρᾳ Β. 

(91) Après παρασ. νηστευσάντω", À porte : Οἱ δὲ τίς δοχημάσαι νηστεύσαι θέλων 
μῆνας ἢ καΐρους πρὸς ὑπόλυψιν ἀνθρώπων. χαὶ ἀπολέσει. μιᾶς τῶν ὁχτῶ ἡμερῶν ἐὰν 
τίς νηστεύσαι ἡμέρας ἑπτὰ ἀπὸ πάσης ἀχαθαρσίας μετὰ πάσης ταπεινῶσεως. δεχέσθω 
(A, p. 488) αὐτὸν χοινῶν τὴν αὐτὴν νηστεῖαν. τῆς τετράδης χαὶ τῆς παρασχενῆς. Οὐαὶ 
τοῖς μὴ ἀχοῦουσιν τῶν θεΐων γραφῶν. Οὐαὶ τοῖς ἐργαζομένοις τὴν ἁγίαν χυριαχὴν, ἀπὸ 
παντὸς ἔργου. ὅτι οὐχ ἔχουσιν ἔλος εἰς τὸν αἰῶναν À, 

(99) B omet le chap. var. 

(3) A omet le chap. 1x, 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 23a 


X. — ᾿Αποχριθεὶς δὲ ὁ Θωμᾶς λέγει" Κύριε, ἐὰν χληριχὸς ἀφήσῃ 
τὴν ἐχχλησίαν αὐτοῦ ἕνεχεν αἰσχροχερδείας χαὶ πραγματείας, τί ἢ 
χύλασις (54) αὐτοῦ; (B, fol. 1805) Λέγει ὁ σωτήρ᾽ ὁ τοῦτο’ ποιή- 
σας, ἐὰν ἐπιμένη χαὶ μὴ (A, p. 489) ἐπιστρέψη καταδικάζεται ὡς 
πόρνος ἐν τῷ πυρίνῳ ποταμῷ. Εἰ δὲ ἐπιστρέψει καὶ μετανοήσει (55), 
εὐλογηθεὶς ὑπὸ τοῦ ἱερέως χαὶ μετοαλαδὼν τοῦ τιμίου (56) σώματος 
χαὶ αἵματος τοῦ δημιουργοῦ τῶν ὅλων, τότε εἰσιῆται ἐν τῇ ἐχκλησία. 

ΧΙ. --- Ὁ δὲ δίγαμος διάχων, ἀφοριζέσθω ἐχ τοῦ θυσιαστηρίου (57). 
Καὶ τότε, καθίστατε εἰς τὴν διαχονίαν, μἀναίτιον, μιᾶς γυναικὸς ἄνδρα, 
τῇ πίστει ἐστηρίγμενον, τὴν διχθηχην τῆς ἐπαγγελίας φυλάσσοντα (98). 

XIE. — ‘O πορνεύων ἢ λοιδορῶν ἀφοριζέσθω ἐχ τοῦ ναοῦ τοῦ Θεοῦ, 
χαὶ εἰς τὸ θυσιαστήριον μὴ ψχλλέτω ἕως οὗ εἰσέλθωσι μάρτυρες ἐν 
αὐτῷ, καὶ τότε εἰσιέτω, χαὶ ἣ μαρτυρία τῶν μαρτύρων ἀναδῇ πρός με 
χαγὼ αὐτοῖς δωρήσω μὲν ἄξια τῆς μαρτυρίας (Ὁ. 

NME" 9 ἱερεὺς ὁ διγαμῶν uh εἰσελθέτω ἐν τῷ θυσιαστηρίῳ, 
μηδὲ μολυνέτω τὸ ἄχραντον δῶρον τοῦ Θεοῦ. Οὐαὶ τοῖς ἱερεῦσιν, oirt- 
νες τὰς χληρουχίας καὶ τὰς χρίσεις (99) ποιοῦσιν ἐν τῇ ἐχχλησίᾳ τοῦ 
Θεοῦ τῇ ἁγίᾳ χυριακῆ, χαὶ χρίνοντες λαοὺς χαὶ προσωποληψίας λαμδά- 
νοντες χαὶ ἐγχειρίζοντες τῶν θείων μυστηρίων, ὅτι ποταμῷ πυρίνῳ 
χαυθήσονται, χαὶ οὐχ ἔστιν ὁ ἐλεῶν αὐτούς. 

Οὐαὶ, οἱ τὰ δῶρα διδόντες τοῖς ἀγνοοῦσιν, ὅτι ἄγγελος παρίσταται 
φυλάσσων τὸ ἄχραντον δῶρον. Τὰ δὲ Χερουδὶμ. καὶ τὰ Σεραφὶμ. καλύ- 
πτονται τὴν ἁγίαν τράπεζαν ἔνθεν χαὶ ἔνθεν τοῦ ἱερέως. ᾿Αγγελος δὲ 
παρίσταται σὺν τῷ ἱερεῖ ἐν τῇ χοινωνίχ, χαὶ ἐὰν μὲν ἔλθη τις ἔχων 
ἐν τῇ ψυχῇ αὐτοῦ ἰὸν, νομίζων δέξασθαι τὸ δῶρον, δέχεται πῦρ ἐν 
ταῖς ἐσχάταις αὐτοῦ (00)). 


(04) εἴ τις χληρικὸς ἀφήσι τὴν ἐχχλησίαν αὐτοῦ ai ὑπάγῃ εἰς ἐσχροχερδείας τί ἐστὶν 
χύριε τῶ πταῖσμα Α. ; 

(99) À om. χαὶ μετ. 

(96) εὐλογεῖται ὑπὸ τοῦ ie. καὶ μεταλαμδάνη ἐκ τοῦ B. 

(97) B omet depuis τότε εἰσιῆται. 

(58) A omet depuis Καὶ τότε. 

(29) A omet le chap. ΧΙ. 

(995) ἱέρευσιν. καὶ τῆς χληρουχιας. ἢ τι σύνχριτα B. 

(60) Au lieu du commencement du chap. xur, A porte : Ὃ ἱερεὺς ὁ ἐν πορνίᾳ 
À ἐν διγαμιία. εἰσιαΐνε ἐν τὸ θυσιαστηρίῳ ai μολύνων τὸ δῶρον τὸ ἄχραντον. τὰ χερουδὶμ. 
χαὶ τὰ σεραφὶμ χαταχαλύπτουσιν τὴν ἁγίαν τράπεζαν. ἡ δὲ τὸν ἰἱἐρέαν, ἐχεῖνον τὸν 
γινώσχοντα ταύτα᾽ χαὶ οἱσίοντα εἰς τὸ θυσιαστήριον. χαὶ ἔρωτα τὸ δῶρον ἐν ταῖς χερσὶν 
αὐτοῦ. καὶ ἐπὶ διδῶντα τοῖς ἀγνωοῦσιν ἀνθρώποις. ἐστὶν ἀπρόσδεχτος τῷ θεῷ A. 


2306 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ὋὉ Θεὸς γὰρ μαχρόθυμος χαὶ πολυέλεος, χαὶ μετανοῶν ἐπὶ χαχίαις 
τῶν ἀνθρώπων χαὶ ἄγων αὐτοὺς εἰς φῶς δικαιοσύνης (Ὁ 1)" οὗτος λέγει 
διὰ (A, p. 490) Ἐζεκιὴλ τοῦ προφήτου: ᾿Αφὲς αὐτοὺς ἴσως μετα- 
νοήσωσιν χαὶ ἐπιστρέψωσιν πρός με, κἀγὼ αὐτοὺς χρινῶ (62). Πολ- 
Aus δὲ χαὶ ὁ προφήτης Ἣ σαίας βοᾷ ὑμῖν (63): Οὐαὶ ὑμῖν, νομοδι- 
D + ε € » PART 4 \ a nu , 6/ [2 Le pres 
δάσχαλοι, ὅτι ἀναγινώσχετε χαὶ οὐχ ἐπιγινώσχετε (64), ὅτι οὐχ ἔρχε- 

\ " CR 2 - - = - 5) > > 1 3 ἊΣ 
ται τὸ ὄμμα ὑμῶν ἐν τῷ ναῷ τοῦ Θεοῦ, αλλ’ ἔχετε τοὺς ὀφθαλμοὺς 
ὑμῶν ἐν τῇ ὡραιότητι τῆς σαρχὸς, ἥτις πρὸς ὀλίγον χρόνον ἐστὶν, χαὶ 
λοιπὸν ἐχλείπει καὶ εἰς γὴν ὑπάγει χαὶ χοῦς γίνεται χαὶ δτὸ σκωλήχων 
ἁλίσκεται (65). (B, fol. 181") Οὐαὶ ὑμῖν, πρεσδύτεροι τοῦ λαοῦ, 
ὅτι χαθέζεσθε ἐν τῇ are χυριαχἢ ζητοῦντες πράγματα ἄδικα, ἃ οὐκ 
ἔξεστιν πρᾶξαι τὴν ἁγίαν χυριαχήν᾽ ἀλλὰ παρηχούσατε τῆς διαθήχης 


A ὡς \ : Led \ e , τ ΡΝ 
χι τὴς ἐπαγγελίας, LOL οὐχ ἐφυλάξατε τὴν ἡμέραν τῆς αἀγίας χυρια-- 


αν 


“ 4 οἰ ’ , \ LES νι 1 "4 
xs, ἐλέους OÙ μὴ TUYETE εἰς τὸν αἰῶνα, χαὶ ἀπολογίαν χετε δοῦναι 


ἐν τῷ pobepc ᾧ βήματι τοῦ χριτοῦ, ὑπὲρ τοῦ λαοῦ τοῦ συνειχοῦντὸς 
ἐν ὑμῖν, οἵτινες Οὐχ ἐδιδάχθησαν παρ᾽ ὑμῶν οὐδὲ ἐνουθέτησαν τὰς 
7, 0 Υ 
θείας γραφάς (66). 
, - \ L/4 - , _ 
Οὐαὶ τοῖς λαμβάνουσιν τὴν ἄχρᾶντον χοινωνίαν, χαὶ τῇ αὐτῇ 


ἡμέρᾳ (A, p. 491) γυναιξὶν (67) συγγινόμενοις - οἱ μαχόμενοι, οἱ ψευ- 
δόμενοι, οἱ ὀμνύοντες, οἱ γελῶντες, οἱ λέγοντες τὸ κακὸν, οὗτοι εἰς 
γεένναν τοῦ πυρὸς He Oùat τοῖς μὴ πιστεύουσιν τῶν θειῶν 
αφῶν (68)! Οὐαὶ τοῖς μὴ φυλζσσουσιν τὴν νύχταν τὴς ἁγίας χυρια- 
Ton ΐ 


: 


xs (69) ἀπὸ πορνείας χαὶ παδῶν τῶν χαχῶν ἐπιθυμήσεων (70)! 
Εἴη LE 


74 », " τς \ πε “ 
᾿Αχούετε τοῖνυν. OLOUG ἐςελεζ ἄμιην ἐν τῇ διαθήχῃ υου, HAL ταῦτα τὰ 


μυστήρια, ἃ λέξομαι ὑμῖν, γράφετε ἐν τοῖς βίόλοις, χαὶ ἐπιδίδοτε τοῖς 


1) B omet depuis 6 θεὺς. 
52) μεταν. χαὶ ἔλθωσιν, εἰ δὲ μὴ οὐ χηρύξουσιν πρός με. χἀγὼ QUT. χρίνω ἐν πυρὶ 


(09) βοᾷ χαὶ λέγων Α. 

(04) ἀναγινώσχεται ἐν τῷ στόματι ὑμῶν ἣ δὲ χαρδία ὑμῶν πεπορομένῃ ἔσται. Οὐαὶ 
ὑμῖν οἱ εἰσίοντες ἐν τῇ ἐχκλησίᾳ χαὶ χαλλωπισμένη πλήρης ἀνομίας A. 

(60) Α om. χαὶ ὑπὸ ox. ἁλ. 

(66) ἱερεῖς τοῦ λαοῦ τοῦ πτέσαντο:. ὅτι οὐκ ἐνουθέτησαν «παρ᾽ ἡμῶν. οὐδὲ ἐδιδάχθησαν 
ἀπὸ τῶν θεῖων γραφῶν A. 

(67) Οὐαὶ τοῖς λαμ. τὴν ἁγίαν χοιν. χαὶ τὴν ἡμέραν ἐκχεῖνην μετὰ γυναιχὸς À. 

(08) B omet depuis οἱ μαχόμενοι. 

(09) τὴν ἁγίαν χυριαχὴν τὴν νύχταν Β. 

(10) ἀπὸ πορ. καὶ au, ἐπ. B. χυριαχῆς ἀπὸ πασῶν τῶν ἐπὶθυμιῶν À, 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 25 


μετὰ γενεὰν ταύτην, ὅπως κἀκεῖνοι γνώσονται τὰς ἐντολὰς τοῦ πατρός 
uov (71). 
“Ὁ \ 

[XIV. — (1) Λαλεῖτε δὲ ὑμεῖς, ἱερεῖς, περὶ τῆς ἀναστάσεώς μου, 
τοῦ μὴ ἐργάζεσθαι τὴν Ὁ ον χυριαχήν.. Οὐαὶ τοῖς wa ἀκουομένοις (2) 
ἐν τῇ ἐκκλησίχ τῆς ἁγίας λειτουργίας, ὅτι τῷ Ταρτάρῳ παραδώσω 
αὐτούς! Οὐαὶ τοῖς ἐν τῇ ἡμέρα τὴς ἁγίας RIpienne ποιοῦσιν (9) συνά-- 
ξεις χαὶ ὁ ἱερεὺς εἰσερχόμενος ἐν τῷ νχῷ χαὶ πίεσ σθείαν ποιῶν περὶ 
τοῦ λαοῦ, χαὶ οὐδεὶς εἰσερχόμενος μετ᾽ αὐτοῦ, ὅτι παραδώσω αὐτοὺς 
, πῶ 1 τῷ \ 7) \ € / , / Dax = 
ἐν τῷ πυρίνῳ ποταμῷ, χαὶ οὐδεὶς ὁ λυτρούμενος αὐτούς. Οὐαὶ τῷ 
ἱερεῖ τῷ μὴ φυλάττοντι τὰ ἅγια δῶρα ἀπὸ ῥυπαρῶν χειρῶν! Οὐαὶ 

- 1V \ 7 il U “ Ν PA , 
τοῖς χαθαρίζουσιν χαὶ χουρταλίζουσιν, χαὶ ὀρχοῦσιν μετὰ τῶν αὐλῶν, 

\ ΓῚ ΄ 4 ” \ e 7 ΄ ! 74 \ / x / F 
χαὶ ἀποθήχας ἀνοιίγουσιν τὴν ἁγίαν χυριαχὴν | Kai τί πολλὰ λέγω 

ΜΕΝ, ne / ἐ \ / 7N ᾿ 57. 
Οὐαὶ τοῖς λέγουσιν" (Β, fol. 181°) Ποιήσωμεν τόδε εἰς ἄλλον χαὶ 
περὶ τῶν ἐχεὶ πάλιν βλέπωμεν! Οὐαὶ τοῖς ἁρπάζουσιν τὸ ἅγιον δῶρον 
χαὶ ἐξέρχονται πρὶν τῆς ἀπολύσεως! Οὐαὶ τῷ ἀνθρώπῳ τῷ ἀχροχτῆ, 
χαὶ εἰσφέρει (4) σχάνδαλον ! 

, CA Σ CN , ΄ - - Ὁ 

XV. — Οὐαὶ ταῖς γυναϊξὶν ταῖς εἰσερχομέναις ἐν τῷ ναῷ τοῦ 
Θεοῦ ὡς ἀσπίδες τ αὔται χαταποντισθήσονται ἐν τῷ πυρίνῳ 
ποταμῷ. Οὐαὶ. ταῖς γυναιξὶν Tais ἐρχομέναις ἐν τὴ θείχ λειτουργίᾳ χαὶ 
πρὸς ἀλλήλας ἔχουσιν ὁ ὁμιλίας, ὅτι οὐχ ἔχουσιν ἔλεον οὐδὲ ἄνεσιν ὑπὸ 
τῶν βρυγμῶν τῶν ὀδόντων, ἀλλὰ μᾶλλον πρέπει αὐτὰς ἐξορίζεσθαι ἐκ 
τοῦ ναοῦ. Οὐαὶ τοὺς λαμόάνοντας χρίσμον τὴν ἁγίαν χυριακήν! 

ΧΟ I Οὐ \ - LUE - \ ΄ Il 7h UMA - A / 

NN ODA τοῖς un ἀγαπῶσιν τὸν Θεόν: Οὐαὶ τοῖς μὴ τρέχου- 
σιν τῇ ἐχχλησίχ τοῦ Θεοῦ προθύμως ! Οὐαὶ τοῖς λοιδοροῦσιν! Οὐαὶ τοῖς 
ἁρπάζουσιν τὰ ἀλλότρια! Οὐαὶ τοῖς μαγευομένοις ὅτι (5) καθέζονται 


μετὰ βλασφήμων αἱρετικῶν! Οὐαὶ τοῖς ἐνυδρίζουσιν τὰς θείας γραφάς! 


(71) Sic A. Ἀχούσατε οὖν, ἀδελφοὶ, λόγους, oùc ἐξελεξάμιν ἀποστόλων, χαὶ ἀπεστι- 
λάμιν διδασκάλους, τοὺς ἀποστόλους χαὶ τοὺς προφήτας, καὶ οὐχ ἠσαχοῦσεται αὐτοῖς, 
ἔχοντες δὲ nai ἐνέχειρον᾽ τὴν θείαν διδασχαλίαν ἐκ τῶν βιόλίων καὶ πᾶσις σοφίας μου, 
ἱερεῖς λαλεῖται εἰς ὦτα ἀχονώντων, ὅτι ἐν ἡμέρα φοδερὰ δίχην λάδεται μετὰ τῶν προ- 
Gatwv χαὶ παντὸς τοῦ λαοῦ πιστευωμένου παρ᾽ ἐμοῦ. Ὑμεῖς δὲ οἱ ἀχροναταὶ οἱ μιηδὲν 
φυλάτγοντες ἐν τοῖς βασάνοις διαμερίσω ὑμᾶς Β. 

(1) A partir d'ici les deux manuscrits n’ont plus de point commun, nous 
mettons entre crochets la fin de B qui semble être une longue addition aux 
chapitres x à x. Nous terminerons par la fin de A (cf. ch. xxr). 

(2) ἀκροναζωμεένοις B. 

(3) ποιοῦντας B. 

(4) B add. χαὶ ἀποφέρει χαὶ προτίθη. 

(Ὁ) τοῖς μὴ γομένοις χαὶ B. 


238 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


\ , , A De À ΟΣ “ , ἘΞ τῷ Ϊ᾽ πὰ Ne D ῳ 
Καὶ τί λέγω ταῦτα; Οὐαὶ τοῖς ἐξ ἀριστερῶν λαχοῦσιν ἐν τῇ ἡμέρα τῇ 
pobeo&, ὅτι σχοτισθήσονται καὶ τοὺς ὀδόντας βρύξουσιν ὅταν ἀχούσω- 

AS € - » oo - 
Guy’ οὐχ οἴδα ὑμᾶς. Οὐαὶ τοῖς χατηγόοοις Οὐαὶ τοῖς φαρμάκοις! Οὐαὶ 

-Ὁ \ - ε ΩΣ - 

: τοῖς μεθύουσιν! Οὐαὶ τοῖς ὑδρίζουσιν τοὺς ἱερεῖς χαὶ λειτουργοῦντας 
2 = = , \ “Ὁ \ . 
ἐχχλησίαν τοῦ Θεοῦ! Οὐαὶ τοῖς μὴ φυλάσσουσιν τὰς παραγγελίας καὶ 
/ - 4 δ 0 2 1 2 ᾿ς 
νουθεσίας τῶν ἱερέων, ὅτι οὐ μὴ τύχωσιν ἐλέους εἰς τὸν αἰῶνα. Οὐαὶ τοῖς 
ἀπρεπέοσι! | 
, \ τς “. μὲ - r --- ΄ / - 

XVII. --- Οὐαὶ ταῖς γυναιξὶ ταῖς χτενιζομέναις τῇ ἡμέρα τῆς 
ἁγίας χυριαχῆς, ὅτι οὐχ ἔχουσιν ἔλεος εἰς τὸν αἰῶνα. Οὐαὶ ταῖς γυ- 

es - € Ὁ = - . 
ναιξὶ ταῖς μὴ φυλαττούσαις τὰς ἑορτὰς τοῦ Θεοῦ χαὶ τῶν ἁγίων 
ἀποστόλων! Οὐαὶ τοῖς μὴ ἀχούουσιν τὸ ἅγιον βάπτισμα, ὡς εἶπεν 
€ 4 el - € 1 UC, ΄ Ε] / Ὁ ᾽ , 
ὁ Κύριος" ὅτι πᾶσα ἁμαρτία χαὶ βλασφημία ἀφεθήσεται τοῖς ἀνθρώ- 
ποις, ἐν μετανοίᾳ καὶ νηστεία χαὶ δεήσεσιν, ἡ δὲ τοῦ (B, fol. 1825 
πνεύματος τοῦ ἁγίου οὐ μὴ αὐτοῖς ἀφεθήσεται, οὔτε ἐν τῷ αἰῶνι 
τούτῳ οὔτε ἐν τῷ μέλλοντι, Οὐαὶ τοῖς ψευδομαρτυροῦσιν Οὐαὶ τοῖς 
Del , “- , 7, -ῷὸ , -Ὁ ΄ 
ἐξερχομένοις τῆς ἐχχλησίας πρὸ τῆς ἀπολύσεως Οὐαὶ τοῖς προγευομέ- 

Fe e ul 7 0 LS à 02 2 
vots πρὶν τῆς ὥρας τῇ ἁγία Κυριάχη] Οὐαὶ τοῖς ἄρχουσιν οἱ τοὺς 
\ \ nl = \ 
πτωχοὺς παραχρίναντες χαὶ LATES D OUGLV" οὗτοι χληρονομήσουσιν μετὰ 
τοῦ Ἡρώδου χληρονομίαν | ᾿ 

XVIIT. --- Οὐαὶ τοὺς μὴ προσκυνοῦντας τὰς ἁγίας εἰχόνας τοῦ 
Χριστοῦ; ὅτι χληρονομήσουσιν τὸ πῦρ τὸ τῆς Γεέννης. Οὐχὶ τοῖς pic où 

« et ᾽ 5 2 \ 
σιν τὰς θείας γραφὰς ὅτι αὐτοὶ γενήσονται μισητοὶ τοῦ Θεοῦ χαὶ 
᾽ ΄ - , 10 φῶ 
ἀχούσονται" Οὐχ οἷα ὑμᾶς. 

XIX. — Οὐαὶ τοῖς μοναχοῖς, τοῖς ἀναισχύντως προστρέχουσιν εἰς 

πραιτωρίους χαὶ εἰς ἀχμῶν λαοῦ, χαὶ ποιοῦσιν (6) χρίσιμα, αὐτοὶ 
2 Miss Ê 1 , À “ A 
κληθήσονται δοῦλοι τοῦ ᾿Αντιχοίστου. Οὐαὶ ταῖς μοναχαῖς, αἵτινες τὸ 
C2 er 626 te \ Ϊ᾽ 1 RUN A % ὃ ἮΝ 
αγιον σχῆμα περιοέοληνται χαὶ οὐ φυλάσσουσιν αὐτᾶς, χατὰ τὴν ὁιόδα- 
LA ΄“-- “ \ LA 
σχαλίαν τοῦ Χριστοῦ, ἐν νηστείχις χαὶ μετανοίαις χαὶ προσευχαῖς; ἐν 

/ \ / \ VAN ἢ » 2 er 3 -Ὕ» δος τ 
πείνῃ χαὶ δίψῃ χαὶ φθειροχομίδη χαὶ ἀλουσίχ, ἵνα τὸ σῶμα, αὐτῶν 
τήχη (7) ὑπὸ σχολήχων, αἱ δὲ ψυχαὶ αὐτῶν εἰσέρχωνται ἐν τῷ παρα- 

- N : ι “ = - 
δείσῳ μετὰ τῶν μαρτυρησάντων dix τὸν Χριστόν. Οὐαὶ τῷ μοναχῷ 
τῷ μεθύσῳ χαὶ χαθημένῳ μετὰ χοσμιχῶν χαὶ συμφέροντι λόγους αἰ- 

RAT ἢ e Εν -ς € \ DS ἡ τῷ / 3 3 δ 
σχρούς: Οὐαὶ ταῖς μοναχαῖς αἱ τὸ σχῆμα τὸ ἅγιον μιαίνουσιν ἐν ἀσελ 
γείαις χαὶ μέθαις, ἐν πορνείαις καὶ αἰσχροχερδείαις᾽ φαίνονται μὲν ὡς 

(0) εἰς πρετωριὰσμοὺς καὶ εἰς ἀχμὼν λαοῦ χαὶ ποιοῦν Β. 

(7) καὶ φθηροχωνίδες χαὶ &. ἢ τὸ σ. αὐ. ταχεὶ B. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SÉIGNEUR JÉSUS-CHRIST, 239 


δοῦλαι Χριστοῦ, ἔχουσαι δὲ ἐν ταῖς ψυχαὶς αὐτῶν τὸν ᾿Αντίχριστον 
Ω τ Tan / τ -" Ἣν ΔΝ A πὸ ἊΣ | 4ἍΥΝ À 

αὗται γενήσονται χληρονόμαι αὐτοῦ. Οὐαὶ τοὺς ὑδρομίχτας: Οὐαὶ τοὺς 
»δί, ἐ γᾷ 0 æ €! ε à AS Es θ ἜΝ y Si 9 ΤΑ 
ἀδίκως παραζυγοσταθμοῦντας, ὅτι οἱ δώδεχα. θρόνοι τῶν ἀποστόλων ζυ- 
γοσταθμιήσουσιν αὐτοὺς (Β, fol. 182) ἐν τὴ δικαιοσύνῃ καὶ ἀληθείχ͵ 

XX. — Οὐαὶ ταῖς γυναιξὶν ταῖς ἐχούσαις ἄνδρας καὶ ἐπὶ πορνείαις 
πιπτούσαις, ὅτι ai ἡ Εὔα παραχούσασα τῆς ἐντολῆς ἐξεόληθη τοῦ 
παραδείσου, αὗται γενήσονται χληρονόμοι τοῦ Ἰούδα, ὅτι χαὶ αὐτὸς 
ὁ ᾿Ιούδας ἐσθίων χαὶ πίνων μετὰ τοῦ Κυρίου ἡμῶν ᾿Τησοῦ Χριστοῦ ἐπαο- 
ἔδωκεν αὐτὸν τοῖς Ἰουδαίοις, ἀλλ᾽ αὐτὸς βουλήματι παθὼν ἐτάφη χαὶ 
ἀνέστη τῇ τρίτῃ ἡμέρα κατὰ τὰς γραφάς. Καὶ τί πολλὰ λέγω; Οἱ μὴ 
ποιοῦντες τὰς παραγγελίας τοῦ Χριστοῦ, αὐτοὶ χληρονομήσουσιν τὴν 
ἀγχόνεν ᾿Ιούδα τοῦ προδότου, ὅπερ μὴ γένοιτο τυχεῖν ἡμᾶς, εἰς 
δόξαν τοῦ Κυρίου ἡμῶν Ἰησοῦ Χριστοῦ τοὺς ἀπεράντους αἰῶνας τῶν 
αἰώνων. ᾿Αμὴν] (8). 

(9) XXI. — Λέγει Βαρθολομαῖος" ᾿Αλλὰ «-ἐπερωτῶ--- χαὶ τὰ μυ- 

ἦ - nez ἢ ῃ / € RAA S ÿ ἘΣ » / 
στήοια τοῦ πατρός σου τοῦ ἁγίου. Λέγει ὁ σωτήρ᾽ * Av οἰζεσθε τῇ πίστει 
ὅπως σχοτισμὸς μὴ πέση ἐφ᾽ ὑμᾶς. Δρξομαι χαὶ τῶν ἄνω δυνάμεων 
διηγήσασθαι ὑμῖν, πῶς δημιουργοῦνται. 

Ὁ πρῶτος (A, p. 492) οὐρανὸς ἔχει πλῆθος ἀγγέλων ἀναριθμήτων 
OÙs προσέταξεν φυλάσσειν τὸν Παράδεισον. Kai ἔταξεν ὁ Θεὸς ἐνώπιον 
“- » ΄, ΄ ᾽ / \ 7 \ à / τῇ ἐἰ - \ 
τῶν ἀνθρώπων δύο ἀγγέλους, τὸν ἕνα τὸν δρόμον τῆς ἡμέρας καὶ τὸν 
ἕνα τὸν δρόυιον τῆς νυχτὸς, τοῦ ἀναφέρειν τὰ ἔργα αὐτῶν ἐνώπιον τοῦ 

Θεοῦ: ὁ δὲ χαρδιογνώστης Θεὸς τὰ πάντα γινώσκει. 
Καὶ δεύτερον οὐρανὸν ἔθετο "Evoy (10) βροντῆς καὶ τῆς ἀστραπῆς" 
\ ἢ , \ € ͵ Ἀπ ᾿ ΄ β \ D 2 

χαὶ τρίτον οὐρανὸν ὑδάτων, παχνῶν (11), χρυστάλλων' τὸν δὲ τέταρ- 
τον οὐρανὸν τοὺς χλειδούχους τῶν χαταρράκτων χαὶ τὴν ἁγίαν Σίων" 

\ \ / , 1 - “ N Ἵ C3 ε ΄, 72 
τὸν δὲ πέμπτον οὐρανὸν χῆπον τοῦ [lapadeicou, ἐν ᾧ οἱ δίκαιοι πορεύον- 

\ , 4 e MS; \ ε " ᾽ , Vu en 7 
ται" χαὶ εἰς τὸν ÉXTOY οὐρανὸν α! δυνάμεις ἀγγέλων, χαὶ δρόμος ἡλίου 
χαὶ σελήνης" τὸν δὲ ἕδδομον οὐρανὸν ἐνεστηριγμέναι «εἰσὶ αἱ" (12) 
δυνάμεις τῶν Χερουδὶμ,, καὶ ὁ θρόνος ὁ ἄχραντος, εἰς (A, p. 499) τές- 


\ τ ΄ ΄ , 
σαρας ἀρχὰς χινούμενος, καὶ τῶν ἁγίων πολυομμάτων ποοσώπων --- 


(8) Ici se termine le ms. B. Comme nous l'avons dit, le texte entre crochets 
manque complètement dans A. 
(9) Toute la fin, à partir d'ici, ne se trouve que dans le ms. A. 
: (10) ἔθεντω ἐνῶχ A. 

(11) χαχνῶν A. ‘ 

(12) οὐρανὸν ἐν otn:txrat A. 


240 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ἕτερος ἀετὸς χαὶ ἕτερος ἄγγελος, ὁ ἔνδοξος Σεραφὶμ, — συνπετομέ- 
ρος ἀετὸς χαὶ ἕτερος ἄγγελος, Eos Σεραφὶμ πετομέ 
νων (13) αὐτοῖς, εἰς τέσσαρας ἀρχὰς συγχινουμένων, ἑξαπτέρυγα 
πρόσωπα, συγχαλυπτόμιενα, πολυόμματα,, ταῖς μὲν δυσὶν πτέρυξιν χα- 
ταχαλύπτουσιν τὰ πρόσωπο. αὐτῶν, καὶ ταῖς δυσὶν τοὺς πόδας, ταῖς δὲ 
δυσὶν πετόμενα βοῶσιν τὸν ἐπινίκιον ὕμνον, τὴν τρισαγίαν φωνὴν ἀκα- 
ταπαύστως. Ἕτεροι ἀγγελοί εἰσιν οἱ κρατοῦντες τὰς φιζλας τῶν θυμια- 

΄ 7 Ὁ 7 Ὁ = A , Ra ἢ \ 
μάτων χατέναντι τοῦ θρόνου τοῦ φούδεροῦ, χαὶ ψάλλοντες τὸ “Ωσαννὰ 
ἐν τοῖς ὑψίστοις. Οἱ δὲ ἀρχάγγελοι τῶν δυνάμεων βοῶσιν τὸ ᾿Αμὴν 
χαὶ τὸ ᾿Αλληλούια. Ὃ δὲ ἀρχάγγελος Γαύριὴλ Σοφία βοᾷ ἐνώπιον τοῦ 
Θεοῦ, ὁ δὲ ἀρχιστράτηγος (A, p. 494) Μιχαὴλ τὸ Προσχῶμεν λέγει. 
Ὁ δὲ ἀόρατος Θεὸς διδοὺς πάλιν τὴν εἰρήνην; χαὶ οἱ ἂν εἰρήνην οὐκ 
ἐόντες (14) ἀλλὰ κατ᾽ ἀλλήλων pra χαὶ ζῆλον, οὗτοι εἰς τὸ πῦ Do τὸ 
αἰώνιον παραπέμπονται. 

XXIT. — Καὶ προσεκύνησεν ᾿Ιωάννης ἐνώπιον Kupiou μετὰ φωνῆς 
λέγων᾽ Διδάσχαλε, Baup τὸ πρόσωπον σου ἐν δόξῃ χυχλούμιενον, χαὶ 
οὐ τολμῶ ἀτενίσαι καὶ ἠρωτῆσαι τὸ ὄνομά σου τὸ ἄχραντον χαὶ ἅγιον 
7 - / ΡΝ Ὁ ὃ 0 NE 
ἕνεχεν τῶν μυστηρίων «τῶν δαιμόνων;». 

«Λέγει ὁ σωτήρ.» Ταῦτα γέγονεν διὰ τὸν πρωτόπλαστον ᾿Αδάμ. 
Κα χτασχευάσαντος τοῦ δημιουργοῦ τὰ πᾶντα, λέγει ὁ δεσπότης θεὸς τῷ 


ἰδί ΄ Il tr vb ἊΝ Ἀ ἢ DA ME ARS / \ e 

ἰδίῳ πνεύματι: ΠΠοιήσωμεν ἄνθρωπον χατ᾽ εἰχόνα χαὶ ὁμοίωσιν τὴν ue- 
\ νὴ / - LA ’ , A] \ -- - “ LU LU 

(15). Kat χπέστειλεν ἀγγέλους ἐπὶ τὴν γῆν, τοῦ ἀνενεγκεῖν χοῦν 


αὐτῆς. Καὶ προσελθόντες εὗρον αὐτὴν χαθεύδουσαν χαὶ ἦραν τὸ χοῦν 
αὐτῆς, χαὶ ἀνέθησαν χαίροντες χαὶ (Δ, p. 495) ἀγαλλιώμενοι. Μὴ 
γνοῦσα δὲ ἡ VA xt διυπνισθεῖσα χαὶ νοήσασα δύναμιν ἐξελθοῦσαν ἐξ 


Ms «| 
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1 
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αὐτῆς, θεωρεῖ τοὺς ἀγγέλους ὅτι ἀνέδαινον χαίροντες, χαὶ λέγει" Χαί- 
ροντες ἀφεῖλον τὸ χοῦν ἀπ᾿ ἐμοῦ, μετὰ στεναγμοῦ καὶ χλαυθμοῦ πά- 
λιν εἰς ἐμὲ εἰσελεύδεται. 

ΧΧΠΠ. — Καὶ ἀνελθόντες «“ἀγγελοι;», ἔθηχαν τὸ χοῦν ἐπὶ τοῦ 
φοῦες εροῦ βήματος. Ὁ δὲ τὰ πάντα δημιουργήσας Θεὸς, λαδὼν τὸ χοῦν, 
ἔπλασεν τὸν ἄνθρωπον χατ᾽ εἰκόνα ἰδίαν καὶ ὁμοίωσιν, καὶ εἶπεν ταῖς 
στρατιαῖς (16) τῶν ἀγγέλων' Δεῦτε προσκυνήσατε τὸ ἔργον τῶν χειρῶν 


μου. Καὶ λαδὼν ὁ Γαδριὴλ πᾶσαν τὴν στρατιὰν αὑτοῦ προσεχύνησε, 


Ὁ) συνπετωμένοις A. 

4) χαὶ ἡμεῖς εἰρήνην οὐκ ἔχωμεν A. 
κατοιχόνασιν καὶ ὁμοίω τῇ ἡμετέρα A. 

0) στρατηγίαις Α. 


ᾳ 
( 
(15) 
Ὶ 


UNE DIDASCÂLIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 24] 


ὁμοίως δὲ χαὶ Μιχαὴλ χαὶ πᾶσαι αἱ στρατιαὶ τῶν οὐρανῶν. Σαμουὴλ 
δὲ ἠθέτησεν λέγων: Πῦρ φλογὸς γέγονα ἡμῖν, χαὶ οὐ δύναμαι προσχυ- 
νῆσαι πηλὸν χοινόν (17). Προσελθὼν δὲ Γαύριὴλ λέγει" (A, p. 490) 
ἤΛγγελε Σαμουὴλ, πρόσελθε προσχύνησον τὸ ἔργον τοῦ πλάσαντός σε, 
υππῶς ὀργισθῇ σοι Κύριος ὁ Θεός. Λέγει Σαμουήλ’ Θρόνον ἔχω χαθότι 
καὶ αὐτός «ἐὰν» ὀργίσθη μοι, χτίσω τὸν θρόνον μου χαὶ ἀρῶ τὴν 
στρατιάν μου, καὶ ἔσομαι ὅμοιος τοῦ Θεοῦ. 

XXIV.— Kai τότε ὀργίσθη Κύριος ὁ Θεὸς, χαὶ λέγει τῷ l'a- 
δριήλ᾽ ἍΛψαι αὐτοῦ τῶν πτερυγίων σου, χαὶ χατενεχθήτω εἰς τὰ 
χαταχθόνια. Λαδὼν δὲ labour δύναμιν παρὰ τοῦ ἀοράτου Θεοῦ, ἐπά- 
ταῖεν αὐτὸν τῶν πτερυγίων αὐτοῦ λέγων᾽ KareNe εἰς τὰ χαταχθόνια 
ἃ εἶπεν ὁ Θεός. Kai ἠνοίχθησαν οἱ χαταοράκται τῶν οὐρανῶν χαὶ 
ἐκρεμάσθη ὁ Σαταναὴλ, καὶ χατέφερεν τὰς στρατιὰς τῶν ἀγγέλων AU 
τοῦ: δοχοῦντες ὅτι ἐν ἀποχρίσεσιν πορεύονται, συγχατέθησαν αὐτῷ 
ἄγγελοι, καὶ ἐγένοντο πνεύματα πονηρά. 

ΧΧΥ. --- Ἰδὼν δὲ ὅτι ἐχινοῦντο (A, p. 497) οἱ οὐρανοὶ, καὶ 
χατεσπούδαζον αἱ δυνάμεις σὺν αὐτῷ, λέγει οὖν ὁ Μιχαήλ᾽ Προσχῶμιεν 
λοιπὸν, στῶμεν χαλῶς, στῶμεν μετὰ φόδου. Ὃ δὲ ἀόρατος Θεὸς διδοὺς 
εἰρήνην ἐκλείσθησαν οἱ καταρράχται τῶν οὐρανῶν. Καὶ οἱ συγχαταῦαί- 
νοντες τῷ Σαταναὴλ ἧσαν χατοιχοῦντες εἰς τὰ ξόανα χαὶ εἴδωλα τῆς 
γῆς, χαὶ ἐκλήθησαν Δαιμόνια, χαὶ οὐδεὶς δὲ ἐξ αὐτῶν ἀθροιχοστή- 
σαντες (18). Kat συνετέθησαν οἱ λέγοντες" πεντήκοντα ἐννέα, διὸ χαὶ 
τὸν κοαταχιλυσμιὸν ἐποίησεν ὁ Κύριος. à 

XXVI. — Kat προσεκύνησεν Φίλιππος λέγων: Κύριε, ἱνατί χρίνον- 
ται οἱ ἄνθρωποι μεταῤληθῆναι τῆς γῆς τῆς σχολιᾶς (19) ταύτης: Ὁ 
δὲ Κύριος εἶπεν’ Αχουσον, Φίλιππε, αὐτὸς διὰ τοῦ στόματός σου 
σχολιὰν ταύτην ἐχάλεσας, χαὶ τί ἐπηρωτᾷς με; 

XXVII. — Λέγει Φίλιππος" Κύριε, διατί ἐκλήθη (A, p. 498) 
σχολιά; «ὁ δὲ Ἰζύριος εἶπεν" Διὰ τὰ παραπτώματα ὑμῶν τῶν ἀν-- 
θρώπων᾽ Ebdounxovra γὰρ ἑπτὰ πταίουσιν εἰς ἐμέ" mai ἐν τῷ βοᾶν 
τὰς χήρας χαὶ τοὺς ὀρφανοὺς, χαὶ χαθήρπαξαν ἄνδρας χαὶ γυναίχας, 


χαὶ ἐδυνάστευσαν αὐτῶν (20), χῆραν ἔθλιψαν καὶ προσωποληψίαν ἔλα- 


(17) πηλῶν ἀχοῖνητον A. 
(18) ἀθρεχαστῆσαντες A. 
(19) τῆς γεὰς τῆς κοιλίας A. 
(20) καὶ δυναστεύουν αὐτοὺς A. 
ORIENT ΟΗΒΕΤΙΕΝ. . 10 


249 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Gov, χαὶ où κατὰ τὸν νόμον ἐποίησαν, πορνείαις συνεμίχθησαν (21) καὶ 
μοιχείαν συνέμειναν, ἀσέλγειαν οὐχ ἐφείσαντο, χλέπτας συνέχρυψαν 
χαὶ ἔργα συνέμειναν, καὶ ἀρσενοχοίτησαν χαὶ προσεχύνησαν εἰδώλοις, 
χαὶ Θεὸν τὸν πλάσαντα αὐτοὺς ἠθέτησαν, Lai τόκους ἔλαθον, χαὶ οὐδὲν 
“7 , "ἢ RL ἢ - \ NME , 

ἔπραξαν ἀγαθῶν, χαὶ διὰ τοῦτο γενεὰ σχολιὰ ἐχλήσθησαν. 

XXVIII. — Προσέλθοντες δὲ καὶ οἱ τέσσαρες μαθηταί: Λουχᾶς, 
Ματθαῖος (22), Μάρκος καὶ Θαδδαῖος προσεκύνησαν ἐνώπιον Κυρίου 
λέγοντες" Διδάσκαλε, (A, p. 499) ἱνατί τὸ κριτήριον τοῦτο ἡτοίμασας 
τοῖς ταῦτα πράττουσιν (29); 

XXIX. — Λέγει ὁ Σωτήρ’ Ἕχαστος αὐτῶν ἰδίαν χρίσιν ἔχει" οἱ 
μετὰ τῆς νύμφης αὐτῶν συγγινόμενοι, ὑπὸ βλεφάρων (24) πεπυρωμέ- 

à à à £ \ 17 \ ἜΧΕΝ CUBE \ e A 
vou, δώδεχα μοχλοὶ μερίζουσιν τὰς σάρκας αὐτῶν. Kat οἱ μαυλησταὶ 
τῶν ἰδίων τέκνων, ἐὰν συνευδοχήσωσιν τοῖς τέχνοις τὸ χαχὸν, καὶ μὴ 
ἐχχόψωσιν αὐτοὺς τοῦ κακοῦ, ὁμοίως καὶ τὰ τέχνα εἰς τὸ σχότος ἀπέρ- 
χονται. 

XXX. — Καὶ ἐν τῷ λαλεῖν ἡμᾶς, ἦρεν ἡμᾶς νεφέλη φωτεινὴ, καὶ 
272 ΄ ε € - , \ à ’, “- Γ [eg (2 / 
ἄγγελοι Κυρίου ὡδήγησαν ἡμᾶς ἐπὶ τὰ μέρη τῆς ἀρρήτου, χαὶ ὑπέδει- 
ξεν ἡμῖν ἡ χεῖρ Kupiou οἰχισμοὺς "Aou καὶ τὸν Τάρταρον τῆς ἀπω- 
λείας, καὶ ψυχὰς διαφόρους οὔσας ἐν τὴ χολάσει, τῷ μὲν σχήματι ἱερεῖς. 
Καὶ εἴπαμεν ὡσεὶ ἑνὸς στόματος" eicau, Κύριε. Καὶ εἶπεν ἡμῖν ὁ 
Σωτήρ᾽ Οὗτοι εἰσὶν (A, p. 500) ἱερεῖς οἱ λειτουργοῦντες ἐν τῷ θυσια- 
στηρίῳ, οἵτινες ἐμόλυναν ἑαυτοὺς διὰ γυναικῶν παραγενόμενοι, ἐμίαναν 
τὸ ἄχραντον σῶμα χαὶ τὸ αἵμα τοῦ Σωτῆρος. 

ΧΧΧΙ. — Kai εἴδομεν διάκονον ἑστῶτα, ἔχων τὰς χεῖρας πεπυρὼ- 
μένας καὶ τοὺς ὀφθαλμοὺς αὐτοῦ. Φλὸξ πυρὸς πολὺς χαὶ ἐπὶ τοῦ στό- 
ματὸς «ἦν». Καὶ ἐπηρώτησα ἐγὼ Ματθαῖος (26), καὶ εἶπέν μοι τὸ 
πνεῦμα τὸ ἅγιον" Οὑτός ἐστιν ὅστις ἐγχατέλιπε τὴν γυναῖχα, (27) 
αὐτοῦ HAL ἑτέραν συνήγετο, καὶ τὴν ἐπιοῦσαν ἡμέραν οὐκ ἐφείσατο τῆς 
χρίσεως τοῦ ἁγίου εὐαγγελίου, ἀλλὰ λασὼν αὐτὸν ἐν ταῖς χερσὶν ἀνε- 
γίνωσχεν. 

(21) πορνίαις συμιΐἥστρισαν A. 

(22) οἱ τέσσαροις μ. A. Μαντθέος A. 

(23) τῶν ταύτα πράττοντα A. 

(24) ὑπὸ βλεφάρων. καὶ δώδεχα μοχλοῖ πεπυρωμένοι, μερίζ. A. Cf. Apoc. Esdrae, 
p. 38, 1. 25 : ἄνθρωπον χρεμάμενον x τῶν βλεφάρων. 

(23) ὡς ξενὸς A. 


(26) Μτθαίος A. 


97 € > 2 ! x ΄ A 
(27) ὡς τῆς ἐγχατέλοιπεν τὴν γυναίχαν À. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 243 


XXXIT. — Καὶ εἴδομεν ἕτερον ἔχων νόμον ΠΠαύλου ἐν ταῖς χερσὶν, 
χαὶ πέταλον πεπυρωμένον ἦν ὁ χιτὼν αὑτοῦ, καὶ ἐχκ τοῦ στόματος αὑ- 
τοῦ ἀνέθαινεν βράσμα λέθδητος (28), διότι ἐδίδασχεν (A, p. 501) τὸν 
λαὸν, χαὶ αὐτὸς οὐχ ἐφύλασσεν ἀλλ᾽ ἐμολύνετο πορνείαις χαὶ συνέχετο 
toy Elus. 

XXXIII. — Καὶ εἴδομεν ἕτερον ἄνθρωπον ἀπαιτούμιενον ὅτι ἦρεν 
ἐκ τοῦ ἱεροῦ τοῦ Θεοῦ, καὶ ἑπτὰ ἄγγελοι ῥαπίζοντες αὐτοῦ καὶ λέγοντες" 
᾽ (4 \ = € “- ΕΣ f € ? 29 - / 
Απόδος τὰ τοῦ ἱεροῦ ἃ χαχῶς ἐδαπάνησας. Ὁ ἐν τῷ ναῷ δουλεύων, 
» = - ΄ 1 S\. 7 \ A\ ? » , 

EX τοῦ ναοῦ τραφήσεται, GÙ δὲ ἐσύλησας χαὶ εὐθὺ οὐχ ἐποίησας (29). 

ΧΧΧΙ͂Ν. --- Βλέπετε οὖν, τεχνία μου, μήπως ἔλθῃ ἐφ᾽ ὑμᾶς πει- 
ρασμός. 

Καὶ μετὰ τὸ λαλῆσαι τὸν δημιουργὸν πᾶσαν σοφίαν πρὸς τοὺς ἀπο- 

, Ἦ ͵΄ \ - ΕΣ \ r , ᾽ 7 
στόλους, ἐπέθηκε τὰς χεῖρας ἐπὶ ἕκαστον λέγων᾽ Χαίρετε, ἀδελφοί μου 
ἀγαπητοὶ, Adbere πνεῦμα ἅγιον, χαὶ πορεύεσθε μαθητεύοντες πάντα 
τὰ ἔθνη, βαπτίζοντες αὐτοὺς εἰς τὸ ὄνομα τοῦ πατρὸς καὶ τοῦ υἱοῦ χαὶ 
τοῦ ἁγίου πνεύματος νῦν χαὶ ἀεί. 


TRADUCTION 


Didascalie de Notre-Seigneur Jésus-Christ (en réponse) aux demandes 
des saints Apôtres (1). Bénis, Seigneur! 


I. — En ces jours-là, après que Notre-Seigneur Jésus-Christ fut monté 
au ciel du mont des Oliviers, ses douze disciples descendirent dans la 
vallée de Josaphat, et chacun d’eux réfléchissait sur la race des hommes 
incrédules et (sur) chaque faute, (et) jusqu’à quel point les hommes pè- 
chent; afin de savoir ce qu'ils devaient faire pour obtenir la rémission 
‘des péchés. 

ΤΠ. — Après avoir passé, dans cette vallée, quarante jours dans le jeûne 
et la prière, ils furent en extase durant dix jours (2). Au commencement 
du Vendredi, un ange du Seigneur se tint devant eux et dit : Ayez con- 


(28) λευΐτος A. 

(29) καὶ εὐθαῖς (εὐθής 2) οὐ ai ποίησας A. 

(1) « Constitutions des saints apôtres » A. 

(2) Le ms. A ne mentionne pas ces dix jours. Nous les conservons parce que 
l'auteur à pu songer aux cinquante jours (40 + 10) qui conduisent à la Pente - 
côte. Cependant le point de départ est l'Ascension et l’ange ne parle plus bas 
que de quarante jours et non de cinquante. 


244 REVUE DE L'ORÆNT CHRÉTIEN, 


fiance, vous qui vous êtes beaucoup fatigués dans le jeûne et la prière 
durant ces quarante jours. 

III. — Pierre, se levant, adora l’ange et dit : Seigneur, je vois ton vi- 
sage briller comme celui de mon Maitre qui a été enlevé au ciel, et une 
grande crainte me saisit. Maintenant, ton serviteur pourra-t-il t'inter- 
roger sur les quarante jours qui précèdent la Pâque? Et l’ange répon- 
dant, dit : Parle avec confiance. Pierre dit : Seigneur, révèle-moi leur. 
récompense (1), afin que je puisse moi aussi la faire connaitre aux fils 
des hommes. 

L'ange dit à Pierre : Le salaire des quarante jours est grand pour ceux 
qui jeünent alors avec pureté et sans reproche, qui adressent à Dieu des 
actions de grâces et qui sont assidus aux prières et aux supplications 
dans les saintes églises de Dieu. Car David a dit : Heureux ceux qui 
gardent ses témoignages, de tout cœur ils le rechercheront (2). Quiconque 
a (commis) des péchés aussi nombreux que le sable de la mer et jeûne 
la sainte quarantaine en donnant (sa) nourriture quotidienne aux pauvres 
sera proclamé bienheureux par toutes les générations, car des anges, au 
nombre de quarante (3), s'étaient tenus en sa présence pour effacer la 
mention de ses péchés (4). 

IV. — Paul, s'avançant, l’interrogea sur les impudiques et les sodomites. 
L'ange du Seigneur lui dit : L’impudique en rendra compte dans le fleuve 
de feu (5), car le fleuve de feu le guette. De même le feu inextinguible 
et le ver qui ne s'endort pas attendent le Sodomite. Mais s’ils regrettent 
leur conduite déréglée, s’attachant à des hommes pieux et accomplissant 
jusqu’au bout dans le jeûne leur peine durant huit années (6), leur péché 
sera pardonné. S'ils persistent dans leur conduite déréglée, malheur à 
eux au jour de la rétribution. 

V. — André dit aussi : Seigneur, je vois que tu es notre Maitre, car 
ta manière de parler elle-même montre que tu es le Christ, le Fils du 
Dieu vivant; tu es apparu, sous la figure d’un ange, à tes serviteurs pour ἢ 
es éprouver. Maintenant, Seigneur, je reconnais que tu es avec tes ser- 
viteurs, car je vois autour de toi les troupes des anges sous diverses 
formes et les saints animaux aux six ailes (les Chérubins?) crient avec 
tremblement : Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre (7). 

VI. — A ces paroles, le Sauveur se manifesta complètement à eux et 
André dit : Seigneur, montre-moi la vertu des sept jours de la semaine . 
et quelle est leur gloire (leur importance) en ta présence. 


(1) La récompense des quarante jours (Carême) qui précèdent la Päque B. 

(2) EPS σαν te: 

(3) Le nombre des anges manque dans A. 

(4) Même locution dans Apoc. Pauli, éd. Tisch., p. 47,1. 12-13. 

(5) Ce fleuve de feu figure Apoc. Anast. (éd. R. Homburg, chez Teubner, 
p. 16, 18, 19); dans $. Athanase (ms. 929, p. 505); dans Apoc. Pauli (éd. Tisch., 
p. 57-59); dans Apoc. Joh. (éd. Tisch., p. 90). 

(6) La peine est de sept et de quatorze ans dans 1 ἐπιτίμια des Apôtres; Pirra, 
Juris eccl. graeci hist., 1, p. 105, n. 13, 14, 20. Cf. canons de 5. Basile 69, 72. 

(7) Luc, nn, 14. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 245 


Le Seigneur répondant dit à André : De même qu’un astre diffère en 
clarté d’un autre astre, ainsi un jour diffère en gloire d’un autre jour : Le 
premier jour est celui où le Père ἃ fait le ciel et la terre, il l'emporte sur 
tous les autres, aussi il l’a nommé Dominical. 

Dieu fit ensuite les deux grands luminaires pour gouverner le jour 
et la nuit (1). Il nomma le plus grand soleil, et (celui-ci) orné avec variété, 
s'élancant dans les routes aériennes, lançant les rayons de son char de 
feu, se couche après avoir rempli le jour; (il fit) de même la lune pour 
remplir la nuit. (Il fit) le quatrième jour pour les œuvres de justice et de 
jeûne et le cinquième pour séparer la terre de l’eau. Au sixième jour, 
il créa l’homme, les animaux, les reptiles qui rampent sur la terre, les 
poissons, les monstres marins et tout ce qui est dans les eaux. Le septième 
jour, Dieu se reposa de toutes ses œuvres. Et Dieu mit ie Dimanche en 
tête des six jours pour être le maitre des autres. 

Aussi bienheureux l’homme qui jeüne et prie avec un cœur pur durant 
le quatrième et le sixième jour (2). Illustre surtout, celui qui observe le 
saint dimanche, à partir de la neuvième heure du samedi (3), pour ré- 
conforter le peuple de (Dieu) et se rendre à l’église. Malheur à ceux qui 
refusent d'entendre les saintes Écritures! Malheur à ceux qui travaillent 
le dimanche! Malheur à ceux qui commettent l’iniquité (en ce jour)! Ils 
n'auront pas de pardon. 

VII. — Jacques, s’avancant aussi, interrogea et dit : Seigneur, quel est 
le salaire du mercredi et du vendredi? Le Sauveur dit : Illustre et trois 
fois bienheureux est l’homme qui passe ces (jours) dans le jeûne et la 
prière, car, le sixième jour, Adam fut chassé du Paradis (4). De plus, 
lorsque l’âme est sortie de ce vain monde, ces (deux jours) viennent au- 
devant d'elle, se prosternent devant elle et disent avec allégresse : Salut, 
âme juste, qui as beaucoup souffert sur la terre, maintenant viens occuper 
ta place dans la joie. Ils l’'embrassent et ils disent : Notre maitresse, la 
sainte du Dimanche (5) vient, avec huit anges superbement vêtus, pour 


(1) Cf. Genèse, τ, 16 et 18. 

(2) τετράδην xai παρασχευὴν voteue, τὰς δὲ ἄλλας ἐξουσίαν ἔχεις (S. Athan., ms. 929 
p. 506). 

(3) Signifie sans doute que la nuit du samedi au dimanche fait déjà partie 
du dimanche. Chez les Sémites le jour commence en effet la veille au soir. 
Même limite d’ailleurs dans Apoc. Anast., p. 12-13 : ἐπικατάρατος 6 oïxoç ἐχεῖνος, 
ὅστις ἀπὸ ὥρας ἐννάτης τοῦ σαδδάτου ἕως δευτέρας ἐπιφωσχούσης ἡλίου ἔργου ἅψηται, 
et dans la lettre de J.-C. (ms. 929, p. 553 et 557). 

(4) Le ms. 929 (p. 119) énumère ce qui arriva le vendredi. En ce jour, Adam 
fut créé et pécha, Caïn tua Abel, David tua Goliath et mourut, Élie tua les pro- 
phètes, le Christ fut crucifié, Jean fut décapité, Marie monta au ciel, Pierre et 
Paul furent décapités, saint Étienne fut lapidé; en ce jour encore l’antéchrist 
viendra combattre Hénoch, Élie et Jean, à Jérusalem. 

(9) Ici et partout : « la sainte dimanche », car ce mot est féminin en grec et 
se trouve personnifié, comme le mercredi et le vendredi. Le mercredi, le ven- 
dredi et le dimanche sont aussi personnifiés dans Apoc. Anast., p. 6, 12, 13 : 
ἵσταντο γυναῖχες τέσσαρες... ἡ μία ἐστὶν ἡ ἁγία Θεοτόχος χαὶ À ἄλλη ἡ ἁγία Κυριαχὴ 


246 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


te saluer. Et voici que vient la sainte du Dimanche et, après l’avoir saluée, 
elle dit aux anges : Voyez (cette) âme juste, qui n’a ni meurtrissure ni 
blessure, qui a bien travaillé sur la terre et m'a préservée des œuvres 
du diable; maintenant les anges et toutes les vertus des cieux se réjouis- 
sent en elle. Telle est la récompense de ceux qui observent le saint Di- 
manche et qui jeûnent le mercredi et le vendredi. Illustre (entre tous) 
celui qui ne travaille pas le saint (jour du) Dimanche (1). Mais s’ils n’é- 
coutent pas la divine Écriture et ne s’abstiennent pas le saint (jour du) 
Dimanche, de tous leurs travaux, j'enverrai sur eux la famine, la guerre, 
la captivité et les animaux ailés afin qu'ils dévorent ceux qui ne respectent 
pas le saint (jour du) Dimanche; ils ne trouveront jamais de miséricorde. 
Malheur à ceux qui passent le saint Dimanche à leur manière et qui tom- 
bent dans l’impudicité. 

VIII. — Barthélemi, s'approchant, dit : Je voudrais connaitre la récom- 
pense et les motifs d'agir de ceux qui sont enfermés pour ton nom. Et il 
lui dit : S'ils sont bien reclus, s’ils font une part aux pauvres, S'ils prient 
toujours dans la pureté avec gémissements et larmes, leur prière montera 
au ciel, en monument éternel. 

IX. — Thomas, s’avancant, interrogea le Seigneur et dit : Seigneur, 
ceux qui se gardent (du mal) et accomplissent l’Écriture, quelle sera leur 
récompense? Et le Sauveur dit : Leur récompense est grande dans le 
ciel, ils feront partie des chœurs des anges dans les siècles des siècles. 

X. — Thomas, répondant, dit : Seigneur, si un clerc abandonne son 
église à cause d’un honteux amour du gain ou pour faire du commerce, 


quelle sera sa punition? Le Sauveur dit : Celui qui fait cela, s’il persiste 


et ne se convertit pas, sera puni comme l’impudique dans le fleuve de 
feu (2). S'il se convertit et se repent après avoir été béni par le prêtre et 


avoir participé au précieux corps et au sang du Créateur de l’univers, il 


entrera ensuite dans l’église. 

XI. — Le diacre bigame (3) sera chassé du sanctuaire. Ensuite vous 
chargerez de l'office du diaconat un homme sans faute, n’ayant qu'une 
femme, affermi dans la foi et qui observe le Testament de la promesse. 

XII. — L'impudique comme le médisant sera chassé du temple de Dieu; 
il ne chantera pas dans le sanctuaire avant que des témoins ne viennent 
(s'en porter garants); le témoignage de ces témoins me sera adressé et je 
leur donnerai ce que leur témoignage mérite. 

XIII. — Le prêtre bigame (4) n’entrera pas dans le sanctuaire et ne 


χαὶ ἣ ἑτέρα ἡ ἁγία Τετράδη ai ἡ ἁγία Παρασχευή. Item dans l'apocalypse de la 
Vierge περὶ χολάσεων. 
(1) C’est le sujet du discours Προσελθὼν attribué à Saint Jean Chrysostome 


(ms. 929, p. 532-547) : un homme pieux demande à son évêque pourquoi il ne ἡ 


faut pas travailler le jour du dimanche et quelle sera la récompense de ceux 
qui ne travaillent pas. 

(2) Cf. supra, τν. 

(3) Cf. infra, xxxr. 

(4) Mentionné aussi Apoc. Anast., p. 20. Cf. infra, xxx. 


4 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 247 


souillera pas le pur présent de Dieu. Malheur aux prêtres qui font des 
partages et des jugements (1) dans l’église de Dieu, le jour du saint Di- 
manche, qui font acception de personne lorsqu'ils jugent et qui livrent 
les saints mystères, car ils seront brülés dans le fleuve de feu et personne 
n'aura pitié d'eux. 

Malheur à ceux qui donnent les Mystères @) aux ignorants, Car un ange 
est chargé de la garde du Mystère pur. Les Chérubins et les Séraphins 
voilent la sainte table de part et d'autre du prêtre. Un ange assiste avec 
le prêtre à la sainte communion et si quelqu'un s'approche ayant du 
venin (3) dans son âme, lorsqu'il croit recevoir le mystère il recoit du 
feu pour l’autre vie. 

Car Dieu est patient et plein de miséricorde (4); il pardonne les mé- 
chancetés des hommes et conduit ceux-ci à la lumière de la justice. Il dit 
par le prophète Ézéchiel (5) : Laïsse-les (6), peut-être se convertiront-ils 
et se tourneront-ils vers moi, (sinon) c'est moi qui les jugerai. Souvent 
aussi, le prophète /saïe vous crie : Malheur à vous, docteurs de la loi, 
parce que vous lisez el vous n'apprenez pas; votre vue n'est pas dans le 
temple de Dieu, mais vous portez les yeux sur la splendeur de la chair qui 
est passagère, disparaît bientôt et va dans la terre pour y devenir poussière 
et être la proie des vers. Malheur à vous, prêtres du peuple, parce que 
vous siégez le saint Dimanche en cherchant des affaires injustes qu'il 
n'est pas permis de faire le saint (jour du) dimanche, vous désobéissez 
au testament et à la promesse (7), vous n’observez pas le jour du saint 
Dimanche, vous ne trouverez jamais de pitié et vous devrez rendre raison, 
devant le redoutable tribunal du juge, à l’occasion du peuple qui vous 
invectivera parce qu'il n'aura pas été ne par vous et que vous ne 
l’aurez pas fait ressouvenir des saintes Écritures. 

Malheur à ceux qui recoivent la pure communion et, le même jour, ont 
rapport avec les femmes (8), (malheur) à ceux qui attaquent, qui men- 
tent, qui jurent, qui rient, qui disent le mal; tous ceux-là iront dans la 
géhenne du feu. Malheur à ceux qui ne croient pas aux saintes Écritures! 
Malheur à ceux qui ne se gardent pas de l’impureté et de tous les mau- 
vais désirs durant la nuit du saint Dimanche! Écoutez donc, vous que j'ai 


(1) D’après 5. Jean Chrys. (ms. 929, p. 539) beaucoup disent : ἔρχεται ἣ χυριαχὴ 
χαὶ λέγωμεν τὴν δίκην ἡμῶν. 

(2) Litt. « les dons ». 

(3) Cf. ÉzécHrEL, χχιν, 11-12. 

ον "8: 

(5) Nous n'avons trouvé ni cette citation ni la suivante. 

(6) ἀφιῶ B. Nous avons mis l'impératif par analogie avec l’Apocalypse d'Anas- 
tasie, Ὁ. 26 : μαχροθύμησον ὅπως ὑποστρέψωσιν, ἐὰν δὲ μὴ, κἀγὼ χρινῶ αὐτοὺς. On 
trouve la même locution dans l’Apoc. Pauli, éd. Tisch., p. 36, 37 et 39 : μὴ 
παύσασθε ἴσως ἐπιστρέψωσιν᾽ εἰ δὲ μήγε, ἥξουσιν πρός με χἀγὼ αὐτοὺς χρινῶ. 

(7) On lisait plus haut (ΧΙ) : « le testament de la promesse ». 

(8) Dans l’Apoc. Anast., p. 20, cette malédiction ne porte que sur le prêtre, 
le dimanche. 


248 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


choisis dans mon testament (1), écrivez dans les livres ces mystères que 
je vais vous dire et donnez-les à ceux qui suivront cette génération afin 
qu'eux aussi connaissent les commandements de mon Père. 

[(2) XIV. — Vous, prêtres, dites de ne pas travailler le saint Dimanche 
à cause de ma résurrection (3). Malheur à ceux qui n’entendent pas la 
sainte liturgie dans l’église parce que je les livrerai au Tartare (4). Mal- 
heur à ceux qui se réunissent le jour du saint Dimanche, puis, lorsque 
le prêtre entre dans le temple et fait la prière pour le peuple, personne 
n'y entre avec lui, car je les livrerai au fleuve de feu et personne ne les 
délivrera. Malheur au prêtre qui ne préserve pas les saints mystères. 
Malheur à ceux qui jouent de la cithare (5), qui dansent avec des flûtes, 
qui ouvrent des magasins le saint Dimanche! Pourquoi en dire plus? 
Malheur à ceux qui disent : Nous ferons cela pour un autre, quant à ceux- 
là nous verrons après! Malheur à ceux qui reçoivent les saints mystères 
et qui partent avant la fin (6)! Malheur à l’auditeur qui fait du scandale! 

XV. — Malheur aux femmes qui viennent dans le temple de Dieu comme 
des serpents inhumains, elles seront submergées dans le fleuve de feu. 
Malheur aux femmes qui viennent à la sainte liturgie et se mettent à 
parler entre elles, car elles n'auront ni pitié ni pardon pour les grince- 
ments de dents, mais il vaut mieux les chasser du temple. Malheur à 
ceux qui sont condamnés (7) le saint Dimanche. 

XVI. — Malheur à ceux qui n’aiment pas Dieu! Malheur à ceux qui ne 
courent pas allégrement à l’église de Dieu! Malheur aux médisants! Mal- 
heur à ceux qui prennent le bien d'autrui! Malheur aux magiciens, parce 
qu'ils siégeront avec les hérétiques blasphémateurs! Malheur à ceux qui 
insultent les Saintes Écritures! Pourquoi dire tout cela? Malheur à ceux 
qui tombent à gauche au jour redoutable, parce qu'ils seront dans les ténè- 
bres et grinceront des dents lorsqu'ils entendront : Je ne vous connais 
pas. Malheur aux accusateurs! Malheur aux sorciers! Malheur aux ivro- 


(1) C’est la troisième fois qu'on trouve ce mot, ef. XI, ΧΠΙ. 

(2) Ces chapitres entre crochets ne se trouvent que dans le ms. B. Ce sont des 
répétitions et des développements des précédentes malédictions. 

(3) Le dimanche est donné partout comme le mémorial de la Résurrection. 
Cf. Const. Apost., Vu, 56. 

(4) « L'adversaire des hommes montera ἀπὸ τῶν Ταρτάρων », Apoc. Esd., Ὁ. 37. 
Item, p. 38,1. 5; p. 30, dern. ligne. Dans l’Apoc. Pauli (p. 48), παραδοθήτω Ταρτα- 
ρούχῳ ἀγγέλῳ. 

(5) Suit un mot non identifié, à moins qu'il ne soit une répétition très dé- 
formée du précédent (écrit χηθαρίζουσιν dans le ms.). On trouve aussi dans 
l'homélie attribuée à Saint Jean Chrysostome (ms. 929, p. 541): οὐαὶ τοὺς ἐν 
χυριαχῇ ἐργαζομένους, ἢ ôuviovotv, ἢ χιθαρίζουσιν, ἢ ὀρχίζουσιν. 

(6) Mème idée dans Saint Jean Chrysostome (loc. cit., p. 559), lequel rappelle 
que Judas est sorti avant la fin de la Cène. De même Ὄρος χανονιχός : « Si quel- 
qu'un sort de l’église avant que le prêtre cesse, qu'il soit maudit ». LAGARDE, 
Reliquiæ.… græce, p. 36. 

(7) χρίσμος ne peut pas être rapproché de χριγμός mais plutôt de χρίσιμος. 
D'ailleurs on trouve plus bas (ch: ΧΙΧ) χρίσιμα. 4 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 249 


gnes! Malheur à ceux qui outragent les prêtres et les serviteurs de l’église 
de Dieu! Malheur à ceux qui ne tiennent pas compte des préceptes et 
des avertissements des prêtres, parce qu’ils ne trouveront jamais de pitié! 
Malheur aux inconvenants! 

XVII. — Malheur aux femmes qui ont orné leur chevelure le jour du 
saint Dimanche, car elles n'auront jamais miséricordé! Malheur aux 
femmes qui n’observent pas les fêtes de Dieu et des saints Apôtres! Mal- 
heur à ceux qui n’écoutent pas le saint baptême; comme l’a dit le Sei- 
gneur (1): Toute faute et tout blasphème sera remis aux hommes dans 
la pénitence, le jeûne et les prières, mais la (faute) contre le Saint-Esprit 
ne leur sera pas remise, ni dans ce siècle ni dans le siècle à venir. Malheur 
aux faux témoins! Malheur à ceux qui sortent de l’église avant la fin (2) ' 
Malheur à ceux qui mangent avant l'heure, le (jour du) saint Dimanche (3, ! 
Malheur aux chefs qui ont mal jugé les pauvres et mangent avidement ; 
leur part d’héritage sera avec Æérode. 

XVIII. — Malheur à ceux qui n’adorent pas les saintes images du Christ, 
parce qu'ils hériteront du feu de la géhenne (4). Malheur à ceux qui 
haïssent les saintes Écritures, parce qu’ils seront haïs de Dieu et enten- 
dront : Je ne vous connais pas. 

XIX. — Malheur aux moines qui vont sans pudeur dans les prétoires 
et dans la masse (Ὁ) du peuple et qui relèvent de la justice: ils seront 
appelés serviteurs de l’Antéchrist. Malheur aux moniales qui portent le 
saint habit et ne se maintiennent pas, selon l’enseignement du Christ, 
dans les jeünes, les génuflexions, les prières, dans la faim, la soif, la 
vermine et la malpropreté, afin que leur corps soit consumé par les 
vers (6), mais que leur âme aille dans le Paradis avec celles qui ont rendu 
témoignage pour le Christ. Malheur au moine ivre qui s’assied avec les 
séculiers et qui tient des discours honteux! Malheur aux moniales qui 
souillent le saint habit dans la débauche et l’ivrognerie, dans l’impureté 
et le honteux amour du gain, elles semblent être les servantes du Christ, 
mais elles ont l’Antéchrist dans leur âme et elles deviendront ses héri- 
tières. Malheur à ceux qui mélangent l’eau (au vin)! Malheur à ceux qui 


(1) Marru., x, 31-32, 

(2) Se trouve déjà plus haut (xiv). 

(3) On lit dans le Testamentum, τι, 20 (éd. Rahmani, p. 141) : « Si quelqu'un, 
avant d'avoir reçu la communion eucharistique, mange quelque autre chose, 
il pèche et son jeûne ne lui sera pas compté ». Item, 11, 25 (p.147) : « que le fidèle 
ait toujours soin, avant de manger, de participer à lEucharistie ». 

(4) Il n’est question que des images du Christ; il n’y a donc peut-être pas 
nécessairement ici une trace des querelles iconoclastes. 

(5) Nous lisons ὅχλον. 

(6) Ces excès ont été l'exception, mais ont existé. Saint Siméon Stylite l'ancien 
s'était serré autour du corps une corde de palmier; « il la garda jusqu’à ce que 
lui ayant fait des plaies profondes, les vers s’y mirent et le sang qui en coulait, 
joint à la mauvaise odeur qui sortait de son corps, trahit son secret auprès des 
Frères ». Le supérieur, bien entendu, fit aussitôt appeler un médecin. 


250 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


font injustement usage de faux poids, parce que les douze trônes des 
Apôtres les pèseront dans la justic: et la vérité. 

XX. — Malheur aux femmes qui ont un mari et qui tombent dans 
l'impureté, parce que ve elle-même, pour avoir désobéi au précepte, a 
été chassée du Paradis; elles partageront l'héritage de Judas, parce que 
celui-ci, mangeant et buvant avec Notre-Seigneur Jésus-Christ, l'a livré 
aux juifs, et Notre-Seigneur, souffrant par sa volonté, fut enterré et res- 
suscita le troisième jour, selon les Écritures. Pourquoi en dire plus? 
Ceux qui n’accomplissent pas les préceptes du Christ partageront la pen- 
daison du traître Judas. Que cela ne nous arrive pas pour la gloire de 
Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans les éternels siècles. Amen (1).] 

XXI (2). — Barthélemi dit : Je te demande aussi les mystères de ton 
saint Père (3). Le Sauveur dit : Fortifiez-vous dans la foi, pour que l’obs- 
curité ne tombe pas sur vous. Je commencerai par vous parler des puis- 
sances d’en haut (et par vous dire) comment elles sont créées : 

Le premier ciel contient une multitude innombrable d’anges que (Dieu) 
a préposés à la garde du Paradis. Dieu mit deux anges devant les hommes, 
un (durant) le cours du jour, et un (durant) le cours de la nuit, pour 
porter leurs œuvres devant Dieu (4). Mais Dieu, qui scrute les cœurs, 
connait tout. Ἷ 

Hénoch (5) fait, du second ciel, (celui) du tonnerre et des éclairs (6); 
du troisième ciel (celui) des eaux, des frimas et de la glace; du troisième 
les porte-clefs des cataractes (7) et la sainte Sion; du cinquième le jardin 
du Paradis, où se promènent les justes (8). Dans le sixième ciel (sont) 
les troupes des anges et le cours du soleil et de la lune (9); (dans) le 


(1) Ici se termine le ms. B. 

(2) Toute la suite ne se trouve que dans le ms. A. 

(3) C'est aussi la demande d’Esdras au début de son apocalypse (p. 24) : ἔχραξα 
λέγων πρὸς τὸν Ὕψιστον" Κύριε, δὸς τὴν δόξαν, ἵνα ἴδω τὰ μυστήριά σου- 

(4) Dans lApoc. Anast., ch. v, p. 24, les deux anges écrivent l’un les péchés, 
l'autre les bonnes actions : Καὶ γὰρ τὸν ἄνθρωπον δύο ἄγγελοι φυλάττουσιν αὐτόν᾽ 6 
εἷς γράφει τὰς ἁμαρτίας, χαὶ ὃ ἕτερος τὰς δικαιοσύνας. Cf. 1bid., p. 25-26. Dans l’Apoc. 
Pauli (éd. Tisch., p. 38) ces anges sont nombreux, peut-être un ou deux par 
homme. 

(9) L'auteur ne semble pas avoir connu le livre d'Hénoch, car il n’y ἃ pas de 
ressemblances textuelles maïs seulement des équivalences. 

(6) « eton me conduisit au séjour de la tempête et sur une montagne dont le 
plus haut sommet touchait au ciel. Je vis les demeures des luminaires et du 
tonnerre, dans l’abime où sont l'arc de feu, les flèches et leur carquois, le 
glaive de feu et tous les éclairs ». Le Livre d'Hénoch, trad. F. Martin, Paris, 1906, 
ch. xvir, 2-3. 

(7) « Puis on m’emmena jusqu'aux eaux de vie... Et j'arrivai jusqu'à un 
fleuve de feu dont le feu coule comme de l’eau et se déverse dans la grande 
mer. Et je vis les grands fleuves... » Zbid., xvir, 4-6. 

(8) «et là je vis une autre vision : les habitations des saints et les lits de 
repos des justes ». Zbid., xxx1x, 4 et xLI, 2. 

(Ὁ) «Je vis les réservoirs du soleil et de la lune... » 1614... χιι, 5. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 295] 


septième ciel sont établies les troupes de Chérubins et le trône pur, porté 
sur les quatre Principautés, pendant que les saintes figures aux nom- 
breux yeux — l’une est un aigle et l’autre un ange : le célèbre Séraphin 
— volent autour d’elles et se déplacent avec elles; — figures douées de 
six ailes, voilées, aux yeux nombreux (1): avec deux ailes elles cachent 
leurs visages, avec deux leurs pieds (2); elles volent avec les deux autres 
et chantent l’hymne triomphal, le trisagion, sans se lasser (3). — IL y ἃ 
d’autres anges qui tiennent les coupes d’encens devant le trône redou- 
table et qui chantent l’Hosanna in excelsis. Les archanges des troupes 
célestes chantent l’Amen et l’Alleluia. L’archange Gabriel crie Sapientia 
devant Dieu. L’archistratège Michel dit le Procedamus (4), et le Dieu 
invisible donne encore la paix. Ceux qui n'ont pas la paix, mais seule- 
ment guerre et envie les uns pour les autres, sont envoyés au feu éternel. 

XXII. — Saint Jean se prosterna devant le Seigneur et lui dit à (haute) 
voix : Maitre, je vois ton visage entouré de gloire; je n'ose ni le regarder 
ni interroger ton nom pur et saint au sujet des mystères (des démons). 

(Le Sauveur dit) : Cela est arrivé à cause du premier créé : Adam (5). 
Lorsque le Créateur eut tout préparé, Dieu le maitre dit à son Esprit (6) : 
Faisons l’homme à notre image et ressemblance, puis il envoya des anges 
sur la terre pour en apporter de la poussière ; ils y allèrent, trouvèrent la 
Terre endormie, lui prirent de la poussière et remontèrent pleins de joie 
et d’allégresse. La Terre ne s’en était pas apercue. A son réveil, compre- 
nant qu'une force était sortie d’elle (8), elle vit les anges qui montaient 
(au ciel) pleins de joie et elle dit : Ils m'ont pris de la poussière dans la 
joie, mais elle me reviendra dans les gémissements et les pleurs (9). 


(1) Cf. Apoc., τν, 8. 

(2) Cf. Ézécuez, 1, 11. 

(3) Cf. Apoc., 1v, 8. L'Apoc. Anast., p.68, se rapproche davantage d’Ézéchiel : 
τὰ étantépuya Χερουδὶμ, xai τὰ πολυόμματα Σεραφίμ.... 

(4) Cf. infra, ch. xxv. 

(5) Cf. Vie d'Adam, ch. xu : « Le diable dit : .… C'est à cause de toi que j'ai été 
expulsé et privé de la gloire que j'ai eue dans les cieux au milieu des anges, 
c'est pour toi que j'ai été jeté sur la terre ». 

(6) Le Saint-Esprit est introduit pour expliquer le pluriel qui suit. 

(7) Cf. Genèse, 1, 26. 

(8) Cf. Luc, vu, 40. 

(9) Le ms. 929, p. 309, parmi des explications symboliques des diverses parties 
de l’église et de l’office, donne une explication des paroles liturgiques τὰ σὰ ἐχ 
τῶν σῶν qui commente et continue le présent texte : « τὰ σὰ Ex τῶν σῶν à. 
l'image de ce qui s’est dit à la mort d'Adam. Car 152 anges vinrent pour enter- 
rer Adam, mais la Terre ne voulut pas le recevoir. Elle dit : Michel m’a pris 
de la terre dans la joie et l’allégresse et voilà que vous me la rapportez dans 
les pleurs et les gémissements. Je ne veux pas la recevoir. Alors un des anges 
alla dire au maître : La terre ne reçoit pas Adam. Le maitre lui répondit : 
Allez dire à la terre : Nous t’apportons τὰ σὰ ἐκ τῶν σῶν. La terre l’entendant 
dit : Nous te chantons, nous te louons, etc., et elle recut Adam ». — Le même 
auteur (p. 316-318) dit que le μανδήλιον du diacre est le symbole du φαχεώλιον 


254 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


XXIII. — Les anges, montant (au ciel), mirent la poussière sur le re- 
doutable trône. Dieu, qui a tout créé, prit la poussière, en fit l’homme 
à sa propre image et ressemblance et dit aux troupes des anges : Venez 
adorer l’œuvre de mes mains. Et Gabriel, prenant toute sa troupe, adora, 
ainsi que Michel et toutes les milices célestes. Mais Samuel refusa et dit : 
Le feu enflammé est notre (partage) et je ne puis pas adorer une vile 

- boue. Gabriel s’avancant dit : Ange Samuel, va adorer l'ouvrage de celui 
qui t’a fait, de crainte que le Seigneur Dieu ne s’irrite contre toi. Samuel 
dit : J'ai un trône aussi bien que lui; s’il s’irrite contre moi, je construirai 
mon trône, j'emmènerai ma milice et je serai semblable à Dieu (1). 

XXIV.— Alors le Seigneur Dieu s’irrita et dit à Gabriel : Touche-le de 
l'extrémité de tes ailes et qu'il soit précipité dans les profondeurs. Gabriel, 
soutenu par la puissance du Dieu invisible, le frappa du bout de ses ailes 
et dit: Va dans les profondeurs dont Dieu vient de parler. Et les cata- 
ractes des cieux s’ouvrirent et Satanaël fut suspendu et, il emmena les 
milices de ses anges. S’imaginant être envoyés en message, les anges 
l’accompagnèrent et devinrent les esprits mauvais (2). 

XXV. — Voyant que les cieux étaient ébranlés et que les milices (de 
Satanaël) se hâtaient avec lui, Michel dit : Approchons-nous, nous autres, 
tenons-nous bien, tenons-nous avec crainte (3). Le Dieu invisible ayant 
donné la paix, les cataractes des cieux furent fermées. Et ceux qui des- 
cendirent avec Satanaël habitèrent dans les statues et les idoles de la 
terre, ils furent appelés Démons et nuls d’entre eux ne demeurent réunis 
ensemble. Mais ceux qui disent (4), (au nombre de) cinquante-neuf furent 
réunis ensemble, c’est pourquoi le Seigneur fit aussi le déluge. 

XXVI. — Et Philippe adora disant : Seigneur, pourquoi les hommes 
sont-ils jugés pour être enlevés de cette terre perverse? Le Seigneur dit : 
Écoute, Philippe, toi-même de ta propre bouche tu as appelé cette terre 
(du monde) perverse, pourquoi donc m'interroges-tu ? 


(faciale) que le cursor envoyé par Pilate ἃ étendu sous les pas de Notre-Seigneur. 
Il cite à cette occasion un long passage de l’évangile apocryphe de Nicodème 
(éd. Tisch., p. 208 à 211). 

(1) Cf. IsaïEe, χιν, 13-14. 

(2) Dans la Vie d'Adam (ch. xmr-xvr) le diable raconte sa chute de la même 
manière : « Michel alla chercher tous les anges et leur dit : Adorez l’image du 
Seigneur Dieu, comme le Seigneur Dieu l’a ordonné. Michel adora le premier, 
puis il m’appela et me dit : Adore l’image du Dieu Jéhovah. Je répondis : Je 
n'ai pas à adorer Adam. Comme Michel me pressait d’adorer, je lui dis : Pour- 
quoi me presses-tu? Je n’adorerai pas celui qui est au-dessous et après moi. 
J'ai été créé avant lui; avant qu'il fût j'étais déjà fait, c’est lui qui doit m’adorer. 
A ces paroles, les autres anges, qui m'étaient subordonnés, ne voulurent pas 
adorer et Michel dit : Adore l’image de Dieu; si tu ne l’adores pas, le Seigneur 
Dieu sera irrité contre toi. Je répondis : S’il se fâche contre moi, je mettrai 
mon siège au-dessus des astres du ciel et je serai semblable au Très-Haut.…. » 

(3) Cf. Apoc. Anast. (p.8) : xai ἦλθεν φωνὴ λέγουσα᾽ στῶμεν χαλῶς, στῶμεν μετὰ 
20600. προσχῶμεν. : 

(4) Cette fin n’est pas claire. Il doit manquer quelques mots. 


UNE DIDASCALIE DE NOTRE-SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST. 253 


XXVII. — Philippe dit : Seigneur, pourquoi a-t-elle été nommée per- 
verse (1)? Le Seigneur dit : À cause des fautes de vous autres les hommes, 
car ils pèchent (chaque jour) soixante-dix-sept fois contre moi, et à cause 
des cris des veuves et des orphelins : ils ont ravi les hommes et les 
femmes et les ont dominés, ils ont opprimé la veuve, ils ont fait acception 
de personne, ils n’ont pas agi selon la loi, ils se sont livrés à la débauche 
et ont persisté dans l’adultère; ils ne se sont pas abstenus du libertinage, 
ils ont caché les voleurs et ont partagé (leurs) œuvres; ils sont tombés 
dans la sodomie et ont adoré les idoles; ils ont méconnu Dieu qui les 
a créés ; ils ont prêté à usure; ils n’ont fait aucun bien, c’est pourquoi ils 
ont été appelés une race perverse. 

XX VIII. — Les quatre disciples : Luc, Matthieu, Mare et Thaddée s’ap- 
prochant, adorèrent devant le Seigneur et dirent : Maître, pourquoi as- 
tu préparé ce (même) jugement à ceux qui font tout cela? 

XXIX. — Le Sauveur dit : Chacun d’eux ἃ son propre jugement : Ceux 
qui ont commerce avec leur belle-fille, (sont) brülés, sous les paupières, 
douze barres divisent leurs chairs (2). Ceux qui prostituent leurs enfants, 
s'ils permettent le mal à leurs enfants et ne les en éloignent pas, iront 
avec leurs enfants dans les ténèbres. 

XXX. — Tandis que nous parlions, une nuée lumineuse nous emporta 
et les anges du Seigneur nous conduisirent dans les régions de l’inef- 
fable et la main du Seigneur nous montra les habitations de l’/adès et le 
Tartare (3) de perdition et diverses âmes qui étaient dans les tourments 
et qui portaient des habits sacerdotaux. Et nous dîimes tout d'une voix : 
Aie pitié, Seigneur. Et le Sauveur nous dit : Ceux-ci sont les prêtres qui 
faisaient l'office dans le sanctuaire et qui se sont souillés, entrainés par 
les femmes, ils ont profané le pur corps et le sang du Sauveur. 

XXXI. — Et nous vimes un diacre debout, avec les mains et les yeux 
en feu. Une grande flamme de feu était aussi dans sa bouche. Moi, Mat- 
thieu, j'interrogeai, et l'Esprit saint me dit : Celui-ci a abandonné sa 
femme et en a pris une autre (4); le jour suivant, il n’a pas redouté la 
punition du saint Évangile, mais il l’a pris dans ses mains et l'a lu (durant 
l'office). 

XXXII. — Nous en vimes un autre qui tenait la loi de Paul dans ses 
mains; une plaque incandescente lui servait de tunique, et de sa bouche 
sortait un brasier de chaudière parce qu'il avait instruit le peuple et lui- 
même n'avait pas observé, mais il s'était souillé dans la débauche et avait 
commis l’adultère. 

XXXIII. — Et nous vimes un autre homme auquel on demandait compte 
de ce qu'il avait enlevé du temple de Dieu. Sept anges le frappaient et 


1) ἐχλήθησαν σχολιαὶ À, ce qui conduirait à sous-entendre αἱ yevsai. 
2) On trouve dans Apoc. Esdr., Ὁ. 28 : ἄνθρωπον... κρεμάμενον ἐκ τῶν βλεφάρων... 
npoïs μοχλοῖς χατεχόμενον. ᾿ 
9) Cf. supra, xIv. 

(4) Cf. supra, x1. Dans l’Apoc. Pauli (p. 58-59) se trouvent aussi, pour d’autres 
fautes, les punitions d’un prêtre, d’un évêque et d’un diacre. 


σι 


( 
( 
ὃ 
( 


254 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


disaient : Rends les biens du sanctuaire que tu as dissipés à tort. Celui 
qui sert dans le temple sera nourri (des biens) du temple, mais toi tu 
as volé et tu n’as pas fait le bien. 

XXXIV. — Voyez donc, mes petits enfants, à ne pas tomber en tenta- 
tion. 

Après que le Créateur eut enseigné toute sagesse aux Apôtres, il im- 
posa les mains à chacun et dit : Réjouissez-vous, mes chers frères, re- 
cevez le Saint-Esprit et allez enseigner toutes les nations, les baptisant 
au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (1), maintenant et toujours. 


Juillet 1907. 
F. Nav. 


(1) Cf. MarrH., xxvur, 19. 


rl SE M LR 
δ." 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS 


INTRODUCTION 


Dans l'étude que nous avons faite ici même (année 1906, n° 3, 
p. 225 et suiv.) du document anonyme intitulé Vie d’Olympias, 


nous avons dû nettement séparer un chapitre de cette Ve, le 


chapitre xt, du reste de l’ouvrage; et, en remarquant que ce 
chapitre interrompait la suite du récit, qu'il présentait un vo- 
cabulaire spécial, que surtout il avait un caractère légendaire 
tout à fait absent des autres chapitres, où ne se rencontre la 
mention d'aucun prodige, nous avons conclu que nous étions en 
présence d'une interpolation. 

C'est à ce morceau interpolé que se rattache directement, dans 
son ensemble, le document dont nous donnons aujourd’hui la 
traduction, et qui a pour titre Récit de la Supérieure Sergia 
sur. sainte Olympias. 

Il se trouve dans le même manuscrit que la Vie d’'Olympias 
(grec 1453 de la Bibliothèque nationale), où il occupe, presque 
immédiatement à la suite de cette Vie, les pages 210 r à 216 r. 
On le trouvera édité dans les Analecta Bollandiana, tome XVI 
(1897), p. 44: 


* 
* # 


Dès les premiers mots de son récit, l’auteur fait allusion aux 
vertus et aux pratiques ascétiques de sainte Olympias, et s’en 
rapporte à ce sujet au témoignage des documents déjà connus, 
τῶν προαναφερομένων. Ces documents sont évidemment les pas- 
sages relatifs à notre sainte tirés de l'Histoire lausiaque et du 
Dialogue de Palladios, et qui, comme nous l’avons vu, sont re- 
produits dans la Vie. Mais le Récit n’a pas à insister là-dessus : 


256 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


il ne recommence pas la description des vertus d'Olympias. Ce 
qu'il donne d’abord, c’est une suite aux passages les plus origi- 
naux de la Vie, ceux dans lesquels étaient racontées l'origine du 
monastère et les fondations de la sainte diaconesse : les cha- 
pitres πὶ et πὶ du Récit nous font donc connaître l'histoire du 
monastère de Sainte-Olympias, sa destruction lors de la sédi- 
tion Mika et sa reconstruction par l'empereur Justinien. 

Avec le chapitre 1v commence le récit merveilleux de la 
translation des restes d'Olympias, et des prodiges accomplis à 
cette occasion. C’est cette partie de l’opuscule, jusqu’au cha- 
pitre x inclusivement qui renferme la continuation directe du 
chapitre x1 de la Vie, et des événements miraculeux qui avaient 
amené au monastère de Saint-Thomas de Brokhthes le corps 
de sainte Olympias. Apparition, prodiges de toute sorte — mais . 
surtout puérils, — délivrances de possédés, guérisons de ma- 
lades, voilà les faits qui provoquent ou accompagnent la trans- 
lation des saintes reliques du monastère de Saint-Thomas à 
celui de Sainte-Olympias et dont le récit remplit tous ces cha- 
pitres. 

La fin de l'opuscule (xr-xvi) ne contient que des exhortations 
ou demandes de prières. 


. 
-κ 


En voilà déjà assez pour comprendre ce qui distingue le su- 
jet et le ton du Récif de ceux de la V£e, si nous retranchons de 
ce dernier ouvrage le chapitre x1. Mais la langue et le style pré- 
sentent de non moins grandes différences. 

La langue indique un état d'évolution beaucoup plus avancé : 
ce sont, particulièrement dans le langage liturgique, des termes 
nouveaux (σίτλα, σάῤανα), ou des mots anciens pris dans une ac- 
ception nouvelle (vit : πίστις — profession de foi, signe de 
croix); dans la déclinaison et la conjugaison, des formes dues 
à une fausse analogie, comme ταύτη (VI11), comme ces radicaux 
d’aoristes seconds combinés avec une désinence d’aoriste pre- 
mier : γεναμένης (1V), ἀγάγαι (vint), etc.; enfin, des constructions 
dénotant une syntaxe plus lèche et moins régulière : la con- 
fusion entre ὡς et ὅτι ou l'emploi redondant des deux conjonc- 
tions (11, Υ : ὡς ὅτιπερ), le verbe au pluriel après un sujet neutre 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 297 


(IE : ἀπῆλθόν πάντα; V : τὰ ὕδατα ἦσαν; VILL : τὰ πνεύματα ἐόόων), la 
prédominance de la préposition εἰς (cf. le titre même), des 
phrases encombrées et mal bâties comme celle qui forme le 
chapitre ΧΙ, comme la longue phrase du chapitre xu1 où nous 
voyons ἀξιωθῆναι servir de complément à ἀξιωθῶμεν. 

Cette dernière remarque nous amène à parler du style, qui 
est aussi mauvais que possible. On ne s’apercevra que trop, 
même en lisant seulement la traduction, de la répétition fasti- 
dieuse des mêmes formules : ἐγὼ ἡ ἁμαρτωλὸς ai ἀναξία Σεργία; 
λοιπόν, ὡς εἴρηται, μεχρὶ τοῦ παρόντος (qui revient jusqu’à trois 
fois en huit lignes dans le chapitre n1), de l’infatigable prolixité 
de la narration et surtout des exhortations, de ce désespérant 
verbiage qui fait répéter plusieurs fois les mêmes choses, 
même après des finales apparentes comme celles qui terminent 
les chapitres ΧΠῚ et xv. 


* 
# * 


L'auteur est une femme : c’est elle-même qui se fait con- 
naître, et il n’y ἃ aucune raison d’en douter. Elle nous dit 
plusieurs fois qu’elle s'appelle Serg'ia, et qu'elle est supérieure 
du monastère de Sainte-Olympias. Elle-même enfin date son 
ouvrage : elle écrit sous le patriarcat de Sergius (610-638) et 
a vu au moins une incursion des Perses sur le territoire de 
Chalcédoine, dont relevait le monastère de Brokhthes, en face 
de Constantinople; or les attaques des Perses se sont renouve- 
lées plusieurs fois entre 616 et 626. D'autre part, quand Sergia 
raconte ces événements, il semble que la paix règne dans la 
capitale, et qu'on n'a plus d'inquiétude pour l'avenir; Sergia 
elle-même pense à sa mort prochaine (xvi), et écrit pour l’ins- 
truction de celles qui doivent lui succéder (1). Il est donc vrai- 
semblable que cet opuscule a été composé quelque temps après 
les événements, aux environs de 630. 


Ἄν 
* *# 


Tous ces détails confirment ce que nous avions dit en don- 
nant la traduction de la Vie d’'Olympias. L'historien Ni- 
céphore, en attribuant à la même Sergia la Vie et le ÆRécit 

ORIENT CHRÉTIEN, 17 


258 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


(Hist. eccl., x, 24: P. G.,t. CXLVI, col. 1010-1014), a donc 
commis une confusion. Sauf l’anecdote racontée au chapitre ΧΙ 
de la Vie, et destinée à expliquer la présence au monastère 
de Brokhthes du corps de sainte Olympias, la Vie est antérieure 
de cent ans au moins, de cent cinquante ans peut-être, au Ré- 
cit. Mais ce dernier, l'œuvre authentique de la supérieure Ser- 
gia, suppose la connaissance générale de l’ancien document ; 
de plus, il est la suite directe et immédiate du chapitre x1, au- 
quel il ressemble pour le ton et pour la nature de sujet : il nous 
permet donc d'affirmer que la Vie de la sainte fondatrice, con- 
servée et lue dans le monastère de son nom, s'y était accrue de 
ce chapitre légendaire, dû évidemment à la dévotion pour la 
mémoire de sainte Olympias, et peut-être au besoin de préparer 
et justifier le récit merveilleux de la seconde translation. Sergia 
elle-même aurait-elle été l'auteur de cette addition? Ce n'est ni 
impossible, ni certain. 


TRADUCTION 


RÉCIT DE LA VÉNÉRABLE ET TRÈS AMIE DE DIEU, SERGIA, SUPÉRIEURE, 
SUR LA VÉNÉRABLE OLYMPIAS. Bénis, Père. 


I (1). Nous avons appris dans le plus petit détail ce qui con- 
cerne la vie et pratique spirituelle, toute pleine de Dieu, toute 
vertueuse, de la vénérable et sainte Olympias, et les récits 
précédents (2) nous en donnent une connaissance assurée : je 
veux donc, moi aussi, Sergia la pécheresse, qui par la grâce 
de Dieu ai été commise à l'administration, autrement dit au 
supériorat du saint monastère qui porte son nom, recueillir 
quelques-uns des traits que j'ai reçus des saintes mères et mai- 
tresses précédemment décédées, et les transmettre à celles qui 
me succéderont dans l'administration du monastère. 


(1) Ces divisions sont celles qu’a établies l'éditeur des Analecta Bollandiana, 
et que nous conservons pour la commodité du lecteur. 

(2) Τῶν προαναφερομένων : il s’agit évidemment des récits et descriptions de 
vertus contenus dans la Vie d'Olympias. Cf. l'introduction. 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 259 


Mon intention a donc été d'insérer ces détails dans le pré- 
sent livre pour la sécurité et l'utilité de nos âmes, et pour que 
tous et toutes connaissent le bouleversement causé par nos 
péchés, puis, par la grâce de Dieu, le nouvel établissement dans 
le présent monastère. 

IT. Qu'il soit donc bien connu de tous comme quoi la cons- 
truction et le monastère fondé par la vénérable et inoubliable 
Olympias, aussi bien que cette règle divine, vigilante, ver- 
tueuse établie par elle, demeurèrent sans changement jusqu'à 
la sédition Vika (1), qui eut lieu sous le règne du bienheu- 
reux Justinien; mais quand, par suite de nos péchés, arriva, 
comme il a été dit, cet incendie lors de la sédition Vika, 
et que la Grande- Église fut brûlée, alors ledit monastère de 
la sainte et vénérable Olympias, situé tout auprès (2), fut éga- 
lement brülé. Toutes les parties, l’une après l’autre, périrent 
dans cet incendie; et par suite de cette fatale et terrible catas- 
trophe, toutes les personnes qui habitaient ledit monastère 
durent s'enfuir toutes nues et se retirer à Saint-Ménas (3). 
Elles y demeurèrent pendant six ans, parce que près de Saint- 
Ménas était la maison appelée maison des engins (4), et le 
moulin (5) qui en dépend : et c'est de là qu'elles purent retirer 
quelque adoucissement à leurs besoins; car cette maison ap- 
partient, jusqu'à présent, à ce monastère, si souvent nommé, 
de sainte Olympias. ἵ 

Après cet incendie, la sainte et auguste Grande-Église fut 
donc reconstruite par le bienheureux Justinien (6); et avec le 
monastère, aujourd'hui subsistant, de la sainte et vénérable 


(1) Cette sédition, qui eut son point de départ dans les factions du Cirque, 
éclata en janvier 532, aux cris de Nix, sois vainqueur ! Il ne fallut pas moins; 
pour la réprimer, que les effors réunis de Justinien, de Théodora et de Béli- 
saire; elle fit trente mille victimes. Cf. Procorz, de Bello persico, 1,24. 

(2) Ce monastère était à l'angle méridional de la Grande-Église. Cf. Vie, νι. 

(3) Monastère dédié à saint Ménas (Menne), le mégalomartyr de Phrygie, mort 
au commencement du 1v° siècle. 

(4) Τῶν Μαγγάνων. Du Cange, au mot Μάγγανον : « 77. proprie appellatur quidquid 
repellendis fallendisque hostibus solers militum cura comminiscilur… Hinc μάγγανα 
dictae aedes Cpoli, in quibus asservabantur machinae bellicae.….. » 

(5) Μαγχκιπεῖον : ce moulin (ou cette boulangerie) est sans doute le Σιλιγνάριον 
dont il est question au chapitre v de la Vie. 

(6) Empereur de 527 à 565. La reconstruction de la Grande-Église, sous le nom 
de Sainte-Sophie, fut terminée en 537. 


f. 210 v, A 


f. 210 v, ] 


211 77 A; 


ol.2117,B 


260 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Olympias. Ce monastère s'appelle jusqu'ici, comme vous le savez 
tous, la maison d’Olympias (1), d'après le nom de la sainte. 
Du haut du ciel, en effet, depuis l'origine, c'est sainte Olym- 
pias elle-même qui est le chef, le fondement, le salut dudit 
monastère de son nom et des âmes qui y résident. De plus, 
jusqu'à ce jour, elle ne cesse, d’une manière saisissante, par 
de merveilleuses apparitions, de surveiller, de considérer, de 
protéger, de gouverner en toutes choses son propre monas- 
tère et, comme on l’a dit, les âmes qui y habitent : c'est ce 
qui ressort évidemment, dans les récits qui vont suivre, de 
cette apparition où l’on entendit sa voix, disant : « Je suis 
avec vous tous les jours de votre vie. » 

IT. Ayant donc reconstruit ledit monastère, le bienheureux 
Justinien fit revenir toutes ces âmes de Saint-Ménas dans leur 
propre monastère, auquel il assura trois onces d'eau par jour (2), 
une part sur les approvisionnements publics (3), et des objets 
précieux; car l'incendie, comme il a été dit, avait détruit les 
uns après les autres tous les objets qui y étaient auparavant. 
Le bienheureux Justinien fit la dédicace de la grande église 
la veille de la sainte et toute glorieuse nativité de Notre Sei- 
eneur et Sauveur Jésus-Christ; et le lendemain, c’est-à-dire le 
jour même de la fête solenrielle de la sainte naissance du 
Christ, il fit la dédicace du monastère de la vénérable et juste 
Olympias, de celui qui, comme il a été dit, subsiste encore 
aujourd'hui. 11 lui donna les trois onces d'eau quotidiennes, 
et le reste. 

IV. Quelques années plus tard, Dieu permit que la charge 
de supérieure dans ce monastère m'échüût, à moi, Sergia, 
indigne pécheresse. Alors survint l'invasion des Perses im- 
pies (4), qui brülèrent le monastère de Saint-Thomas, situé de 
l’autre côté du détroit, à Brokhthes. C'est là, comme 1] a été 


(1) Τὰ Ὀλυμπιάδος. Cf. Vie, v, et la note (Revue de l'Orient chrétien, 1906, 
p. 238, n. 4). 

(2) Comme mesure de capacité, l’once, d’après Hesychius, valait huit drach- 
mes, et la drachme dix-huit cornes (κέρατα, cornua) : la corne formait un grand 
vase à boire; trois onces représentaient 432 fois cette quantité. 

(3) Πολιτιχοὺς ἄρτους. Cf. Vie, vu (Revue, 1906, p. 240, n. 3). 

(4) La première de ces invasions sur le territoire de Chalcédoine eut lieu en 
616; elle fut suivie de plusieurs autres, jusqu’en 621. Héraclius régnait alors à : 
Constantinople. 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 261 


indiqué plus haut (1), qu'étaient déposées les précieuses et au- 
gustes reliques de la vénérable Olympias : le cercueil lui-même 
et ces saints restes avaient été apportés sur les eaux. 

J'ai cru bon, pour l'utilité et le réveil de beaucoup d’âmes, 
spécialement de celles qui sont consacrées à Dieu, de faire con- 
naître aussi le fait suivant dans le présent livre : 

V. Dès que j'appris, moi Sergia l’indigne pécheresse, comme 
quoi, en punition de nos péchés, avait été brûlé ledit monas- 
tère de Saint-Thomas, j'en conçus un grand désespoir : puis en 
toute hâte je traversai (le détroit), et je recueillis les saints restes 
que les eaux avaient remplis (2); mais les eaux, dans lesquelles 
nageaient ces ossements, étaient, croyez-moi (3), remplies de 
sang. Frappée d'admiration, je glorifiai donc le Dieu ami des 
hommes qui donne sa gràce aux saints et, par eux, fait des 
prodiges pendant leur vie et après leur mort : c'est lui qui 
glorifie ceux qui le glorifient, comme le dit la sainte Écri- 
ture (4); et ainsi, dans cette bienheureuse sainte, s’accomplit 
ce qui est dit dans le psaume XXVIIT, par la bouche du saint 
prophète et chantre David : « Le Seigneur veille sur leurs os- 
sements; aucun d'entre eux ne sera brisé (5). » 

Ainsi qu'il a été dit, je pris donc, moi Sergia la pécheresse, 
et je recueillis tous ces restes avec crainte et aussi grande 
assurance, en même temps que j'étais pénétrée d’une joie im- 
mense; puis je les portai au couvent habité par ses servantes. 

VI. Voici jusqu'à quel point la grâce de la sainte consentit 
à habiter avec nous, pécheresses, ses indignes servantes, et 
en cela faire revivre d’une certaine manière sa présence ef sa 
conversation parmi nous; tandis que j'étais en effet, moi 
Sergia la pécheresse, là-bas de l’autre côté de l'eau, ἃ Brokhthes, 
ainsi qu'il ἃ été dit, pour recueillir et ramener ces précieux et 
saints restes, en cette même nuit elle apparait en songe, dans 
l'intérieur du monastère, à une de nos sœurs et lui dit: « Voici 
qu'après tant d’annés je suis venue habiter avec vous, et dé- 


(1) Cf. Vie, xx. 

(2) Ces eaux, pense l’éditeur des Analecta Bollandiana, étaient celles dont on 
s'était servi pour éteindre l'incendie. 

(3) Πχηροφορήθητε. Le mot est déjà employé dans ce sens par saint Paul : Rom., 
IV, 21 et χιν, 9. 

(4) I Sam., 11, 30. 

CPS xx 21 


f. 211 v, A 


f. 211 v,B 


262 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sormais je ne vous quitterai plus. » Plus tard, quand je fus 
moi-même de retour de la rive opposée, avec ses saints restes, 
j'appris cela; et je glorifiai encore plus le Dieu ami des hom- 
mes, celui qui, ainsi qu'il ἃ été dit, fait seul d'aussi grandes 
merveilles par ses saints (1), pour sauver nos âmes, à nous 
pécheurs, et nous réveiller enfin de notre torpeur. 


VII. Aussitôt donc, j'envoie un message à notre très saint 
et très bienheureux patriarche œcuménique Sergius (2), en vue 


. de déposer la précieuse relique dans le monastère de ses ser- 


vantes ; et 1] envoie le prêtre Jean, celui qu'on surnomme des 
paneliers (3), avec d'autres membres très pieux du clergé, 
pour procéder à l’inhumation. 

Croyez-moi done, moi la misérable et pécheresse Sergia, car 
je ne dis rien en dehors de la vérité, sinon que je ne puis 
raconter comme elles le méritent les vertus de la vénérable et 
bienheureuse. Eh bien! aussitôt que le prêtre déjà nommé, le 
Père (4) Jean, fut arrivé pour retirer l’eau (5) des saintes re- 
liques, avec l’aiguière (6) qui sert au saint baptême, en présence 
des susdits personnages (7), des très pieux membres du clergé, 
et de nous toutes, sœurs pécheresses, devant tous, les saintes 
reliques firent jaillir assez de sang pour remplir les mains du 
Père Jean. De plus, quand il porta les mains à son visage, à la 
profession de foi (8) et à la bénédiction de l'eau (9), son visage 
aussi fut rempli de sang; tous les linges d’ailleurs le furent 
également, qui avaient servi à envelopper les saintes reliques. 


( CPS. LxNIT, 90. 

(2) Patriarche de 610 à 638. On sait quelle influence Sergius eut alors sur les des- 
tinées de l'empire : c’estlui qui affermit Héraclius dans la résistance et le décida 
à faire contre Chosroës cette diversion qui délivra Constantinople (626). 

(3) Τὸν ἐπίκλην ἀπὸ μαγχίπων. Les μάγχιπες formaient une corporation qui avait 
pour charge de préparer le pain destiné aux distributions publiques, les πολιτιχοὺς 
ἄρτους. 

(4) Παπᾶς Ἰωάννης. 

(9) Τοῦ ἀπομυρίσαι. 

(0) Εἰς τὴν σίτλαν. Le mot σίτλα (lat. Sifula) est employé vers la même époque 
par le médecin Alexandre de Tralles (Éd. Puschmann, I, 2). 

(7) Τῶν προειρημένων χυρίων. 

(8) Πίστιν, profession ou symbole de foi, signe de croix. 

(9) γιασμόν, « ensemble des rites qui s’accomplissent et des prières qui se 
disent, lorsque le prêtre sanctifie une certaine quantité d’eau » (CLuGnET, Diction- 
naire des noms liturgiques en usage dans l'Église grecque, Paris, Picard, 1905 ; au 
mot ἁγιασμός). 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 263 


Ce n’est pas tout : un des très pieux clercs assistants, dans f. 212 r,E 


cette même onction, ayant reçu les saintes et vénérables reli- 
ques des mains du Père Jean, le sang précieux fut assez abon- 
dant pour lui remplir aussi les mains, et son visage de même : 
car pour se signer il avait, lui aussi, frotté ses mains à son 
visage. Après tout cela, tous et toutes, petits et grands, furent 
saisis de crainte, de tremblement, et d’un tel saisissement que 
tous disaient en gémissant : « Nous n'avons jamais vu de pro- 
diges aussi extraordinaires. » 

VIII. Quant aux guérisons merveilleuses et mémorables qui 
se produisirent lors de l’inhumation de ses saintes reliques, 
voilà une chose qu'il ne faut pas non plus passer sans la signa- 
ler, de peur qu'on ne nous demande des comptes pour avoir 
composé avec négligence ce récit des vertus de la sainte; car 
vous n'ignorez pas, vous tous qui avez l'amour de Dieu et 
jetez les yeux sur ce livre, quel profit et quel stimulant apporte 
à ceux qui luttent encore aujourd'hui, aux amis de Dieu, la 
lecture des souvenirs et des vertus des saints, spécialement de 
ceux qui ont passé tout le temps de leur vie dans l'exercice de 
la perfection, les tribulations et les épreuves, et sont arrivés 
au port tranquille de l'éternel salut. 

Ce qui concerne cette vie toute en Dieu et toute pleine de 
vertus, cette conduite, cette patience de notre sainte et véné- 
rable Olympias, tout cela, comme vous le savez, a été indiqué 
plus haut; maintenant, il est nécessaire et tout à fait profitable 
ae reprendre la suite du récit, et de vous faire connaître quel- 
ques détails sur les guérisons opérées par les restes précieux 
de la Bienheureuse, toujours digne de souvenir. Maïs, au nom 
du Seigneur, vous tous qui lisez le présent livre, recevez en 
toute certitude (1) ce que j'écris, moi Sergia la pécheresse; 
et qu'on ne me soupçonne pas de signaler aucun détail en 
dehors de ce qui est vrai et convenable. Cela tend en effet à 
l'utilité de nos âmes; car vous savez ce que dit Notre-Seigneur 
Jésus-Christ au saint apôtre Thomas qui s'était défié : « Sois 
fidèle et non plus incrédule (2) »; et ailleurs : « Bienheureux 
ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru (3). » 


(1) Μετὰ πάσης πληροφορίας. Cf. p. 261, note 8. 
(2) Jean, xx, 27. 
(3) Jean, xx, 29. 


LE PRO. 


22137, (Δ; 


SUB 


204 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Voici donc ce que je dis : les saints et précieux restes de 
cette vénérable et toute vertueuse Olympias ont guéri un grand 
nombre d'hommes et de femmes de démons impurs et d’autres 
maladies. Mais ceux qui furent guéris de démons impurs les. 
avaient gardés en secret pendant de nombreuses années; car 
ces démons impurs, quand ils s’en allaient chassés, criaient 
ainsi : «Π| y a tant d'années que nous nous tenons cachés au 
milieu des hommes, et personne ne nous a découverts, sinon 
maintenant cette méchante vieille femme! » Un de ces démons 
renversalt une femme de toute sa hauteur sur le dos : elle 16 
chassa après neuf ans de possession (1). 

IX. Et pourquoi raconter en détail les guérisons et les mira- 
cles de cette divine et vertueuse Olympias? Car je sais bien 
que si je veux raconter par le menu toutes ses vertus, le temps 
me manquera tout à fait pour ce récit; et je crains que la 
multitude des choses que 6 dirais n’ennuie mes auditeurs amis 
de Dieu, ou les lecteurs du présent livre. 

Pour tout dire, en un mot, beaucoup d’autres guérisons se 
produisirent lors de l'inhumation de ses saintes reliques : et 
jusqu'aujourd'hui encore nous les voyons s’accomplir en beau- 
coup d'hommes, de femmes et d'enfants, soit par des appa- 
ritions éclatantes et merveilleuses de la sainte ou des manifes- 
tations de sa présence, soit par ses saintes reliques, comme il ἃ 
été dit, en faveur de ceux qui, de tout leur cœur et d’une foi 
sincère, s'adressent à elle, pour en recevoir la délivrance de 
leurs peines avec la guérison de leurs maux. 

X. Pour toutes ces causes, il faut donc glorifier le Dieu ami 
des hommes et miséricordieux, qui fournit la grâce à ses saints, 
spécialement à ceux qui, par beaucoup de tribulations et de 
patience, ont suivi la voie étroite et pénible qui conduit à la 
vie. Car la divine Écriture dit, comme vous le savez : « Étroite 
et resserrée est la voie qui mène à la vie, et peu nombreux 
ceux qui la suivent pour entrer (2). » Voilà pour ce point; 
quant au fait que Dieu donne sa grâce à ses saints et à tous 
ceux qui le craignent, voici ce que dit notre saint et juste pa- 


(1) Nous ne proposons cette traduction que sous les réserves le plus expresses. 
Le texte du ms. est inintelligible : τὸν δὲ ἕνα δαίμονα ἐξ αὐτῶν τῶν ἀστραγάλων χά- 
τωθεν τῆς γυναιχὸς ἀνήγαγε χαὶ ἐξέθαλε δι᾽ ἐννέα ἐτῶν. 

(2) Matth. vu, 14. 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 265 


triarche, le prophète David, dans ses cantiques : « Le Seigneur 
se tient tout près de ceux qui l’invoquent avec sincérité; 1] 
accomplira la volonté de ceux qui le craignent; 11 exaucera 
leur prière et les sauvera (1). » 

XI. Et vous donc, mes enfants et mes sœurs, moi Sergia la 
misérable pécheresse, qui par la permission de Dieu suis 
nommée votre mère, 16 vous en prie, par la miséricorde de 
Dieu, puisque vous savez de quelle femme sainte et vénérable 
et bénie vous êtes appelées les enfants et les servantes, com- 
battez donc en toutes choses pour le Seigneur et imitez, selon 
votre pouvoir, sa conduite toute divine, par vos mœurs, par 
vos exercices, par votre patience; afin que vous soyez jugées 
dignes, par ses saintes prières, (de vous présenter) sans repro- 
che, sans honte et à visage découvert (2), vous et toutes celles 
qui doivent par l’ordre de Dieu, après mon départ de la vie, se 
joindre à vous et concourir avec vous dans cette profession an- 
gélique et agréable à Dieu, de vous présenter toutes sans 
exception, petites et grandes, avec vos lampes bien garnies 
d'huile (3), devant son terrible et redoutable tribunal; puis 
d'être admises au nombre de ces bienheureuses vierges sages. 

XII. Je vous conjure aussi vous toutes, au nom du Seigneur, 
de prier continuellement pour moi, Sergia la misérable péche- 
resse, qui suis votre mère par la gràce de Dieu, afin que le 
Dieu miséricordieux ferme les yeux sur la multitude de mes 
péchés graves et daigne avoir pitié de moi; puissé-je aussi, 
par le secours de sa grâce, après avoir combattu avec vous 
selon mon pouvoir, et m'être bien conduite avec charité, au 
jour qui plaira à sa bonté, quitter cette vie humaine et me 
trouver avec assurance dans son royaume céleste et éternel, 
admise au nombre des âmes saintes et justes avec vous toutes, 
afin que 16 puisse lui dire : « Me voici, Seigneur, moi et les 
enfants que tu m'as donnés! » 

XIII. Oui, dames (4) bénies, mes sœurs, écoutez la prière 
que je vous adresse : craignons et aimons Dieu de tout notre 
cœur; en toutes choses, gardons avec zèle, avec empressement, 


(1) Ps. cxLiv, 18-19. 
(2) 11 Cor; ur, 18. 
(3) Matth., χχν, 7. 
(4) Εὐλογημέναι xuptor. 


f 213% 


[215.} 


214. γ, Α. 


266 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


avec beaucoup de soin et de vigilance, (gardons) avec beau- 
coup d'humilité et un cœur contrit, (gardons) d’un esprit intré- 
pide et d'un visage ferme ses justes et utiles commandements. 
Car, vous le savez, ce n’est pas une petite condamnation qui 
est portée contre ceux qui le servent avec dédain et négligence; 
et ce qui nous est réservé, à nous qui sommes séparées du 
monde et de ses préoccupations, et qui nous sommes attachées 
à Lui seul, au Dieu ami des hommes, c'est de le servir et de 
lui être toujours unies, avec notre immaculée Dame (1), toute 
sainte et bénie, la mère de Dieu, qui l'a enfanté en demeurant 
vierge, et avec tous ses saints. Aimons-nous sincèrement de 
tout notre cœur; honorons-nous les uns les autres (2); soyons- 
nous soumises les unes aux autres pour le Seigneur (3); en 
un mot, portons les fardeaux les unes des autres, et ainsi nous 
accomplirons la loi du Christ (4). Car, comme vous le savez 
toutes, c'est pour cela que nous avons quitté le monde, ainsi 
qu'il a été dit, et tout ce qui est dans le monde; et nous avons 
promis de porter son joug qui est bon et léger (5); afin que, 
par quelques petites tribulations, par quelques efforts pour 
supporter avec patience les maux qui doivent naturellement 
nous assaillir, nous soyons trouvées dignes, toutes sans excep- 
tion, chastes et pures d'âme et de corps, n'ayant absolument 
aucune tache ni aucune ride (6) ni rien que notre conscience 
puisse nous reprocher, mais portant, comme il a été dit, nos 
lampes brillantes et sans danger de s’éteindre, (nous soyons 
trouvées dignes) d'aller au-devant de notre époux Jésus-Christ, 


. d'entrer avec lui, revêtues de robes blanches et immaculées, 


aux noces du royaume céleste, et d'entendre cette bienheureuse 
voix, nous appeler : « Venez, les bénis de mon Père : recevez 
en héritage le royaume qui vous a été préparé depuis la créa- 
tion du monde (7)! » Puissions-nous ne pas entendre au con- 
traire cette parole : « Comment êtes-vous entrés ainsi, n'ayant 


(1) ᾿Αχράντῳ δεσποίνῃ ἡμῶν. 
(2) Cf. Rom., xur, 10: 

(3) Cf. Éph., v, 21. 

(4) Cf. Gal:,1vx, 2. 

(5) Cf. Matth., χι, 30. 

(6) Cf. Éph., v, 27. 

(7) Matth., χχν, 94. 


RÉCIT DE SERGIA SUR OLYMPIAS. 267 


pas la robe nuptiale (1)? » Puissions-nous ne pas non plus 
entendre celle-ei : « Allez-vous-en loin de moi : je ne sais qui 
vous êtes (2)! » Au contraire, puissions-nous, sans empêche- 
ment ni obstacle, surmonter toutes les puissances hostiles et 
adverses, et être jugées dignes de nous établir dans les de- 
meures éternelles, et d'entrer, avec tous ses justes, en possession 
de ses biens éternels par les prières des saints. Amen. 

XIV. J'ai confiance dans mon Christ : je crois que, par les 
prières de la vénérable et sainte servante de Dieu Olympias, 
notre maitresse et notre mère, celle qui ἃ été, après le Dieu 
miséricordieux et compatissant, notre salut à nous toutes, notre 
soutien, notre protection, et qui l’est encore jusqu'à ce mo- 
ment, comme vous le savez toutes, par la continuité de sa pré- f. 214: 
sence au milieu de nous, nous dirigeant, nous réveillant (3) 
de notre torpeur, (je crois que) nous serons jugées dignes 
d'obtenir les biens que Dieu à promis à ceux qui lui ont été 
agréables, pourvu, comme il ἃ été dit, que nous nous tenions 
suivant notre pouvoir réveillées de ce sommeil de mollesse 
qui nous envahit, et que nous gardions, sans altération ni 
diminution, avec tout notre zèle, la règle qui nous a été trans- 
mise : c’est en tout cela que Dieu met sa complaisance. 

XV. Quant à moi, Sergia la pécheresse, votre mère, si jamais 
en quelque chose Je vous ai contristées, soit par mes paroles, 
soit par mes manières, soit par mes actions, au nom du Sei- 
gneur pardonnez-moi; car vous savez quelles sont les préoc- 
cupations et les tribulations des supérieurs : ils sont forcés 
en quelque sorte de rendre des comptes, s'ils négligent leur 
troupeau sur quelque point, ou s'ils omettent une des choses 
nécessaires au soutien et au salut de leurs subordonnés en 
détresse. Plüt à Dieu que nous ne fussions pas (4) justement 
éprouvés! Mais enfin, puisque nous sommes tous faibles, Dieu 


(Ὁ Matth., xxu, 12. 

(2) Cf. Matth., xxv, 41, 12. 

(3) Διεγέρσεως τῆς ἡμετέρας νοθρότητος, et, un peu plus bas : διεγειρομένων Ex τοῦ 
περιέχοντος ἡμᾶς ὕπνου. Ces expressions expliquent le sens du mot διέγερσις, qui ἃ 
été si souvent employé au figuré dans ce récit. Cf. 1v, vi, vin : ὠφέλειαν καὶ διέγερ- 
σιν. 

(4) Le manuscrit porte ici très lisiblement : χαὶ εἰ χαλῶς οὐχ ὠφείλαμεν θλίδεσθαι- 
Le texte des Anal. Boll., est un peu différent et présente un autre sens, Nous 
nous conformons au manuscrit. 


14%, Β. 


268 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


aura pitié de nous tous. Au nom du Seigneur, priez donc pour 
moi, afin que je sois trouvée digne, avec vous, de me présenter 
sans encourir la condamnation à son terrible et redoutable 
tribunal. 

XVI. Et moi, la pécheresse, j'ose vous dire : si je trouve là- 
haut bon accueil, je ne cesserai de fléchir le Dieu compatissant 
et miséricordieux pour que vous toutes dans la vie présente 
il vous protège et vous gouverne, et après votre sortie d'ici- 
bas il vous trouve dignes de son céleste et immortel royaume, 
et vous y admette avec moi votre mère par la grace de Dieu. 
Ainsi, comme il a été dit, je pourrai lui dire : « Me voici, moi 
et les enfants que tu m'as donnés, Seigneur ! » Amen ! ainsi soit- 
il dans le Christ Jésus Notre-Seigneur, à qui gloire et puissance 
dans tous les siècles des siècles ! Amen! 


Paris. 


J. BousqQuET. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS 


TRADUCTION DE L’ARABE D'AL-MAKRIZI 


Fin (1) 


Il n'avait pas été question des Juifs dans la durée de ces 
troubles. Aussi quand un chrétien voulait sortir de chez lui, il 
empruntait un turban jaune à quelque juif et le portait pour 
n'avoir pas à craindre de la part du peuple. Il arriva qu'un 
fonctionnaire chrétien auquel un juif devait 4.000 dirhems, alla 
de nuit, sous un déguisement, trouver le juif pour lui réclamer 
sa dette. Le juif le saisit en criant : « Au secours, par Dieu et 
les Musulmans! » A ces cris la foule accourut pour s'emparer 
du chrétien. Celui-ci se réfugia à l’intérieur de la maison du 
juif et implora la protection de sa femme. Il donna au juif quit- 
tance de sa dette et fut reläché par lui. 

On découvrit au couvent d'AI-Khandak (du Fossé) un certain 
nombre de chrétiens qui préparaient du naphte pour incendier 
les maisons. Ils furent arrêtés et cloués à la potence. Un décret 
public accorda à la foule l’amnistie et en même temps l’autori- 
sation de sortir librement, comme à l'habitude, au moment où 
le sultan passait à cheval pour se rendre au manège. Ce décret 
fut motivé par la crainte dans laquelle ils vivaient, depuis qu'ils 
avaient si souvent assailli les chrétiens et commis toutes sortes 
d'excès. Ils furent rassurés et sortirent comme de coutume du 
côté du manège. Ils acclamèrent le sultan par ces cris : « Dieu 
vous aide, souverain du pays, nous sommes sauvés, nous 
sommes sauvés! » Le sultan.en fut surpris et sourit à ces paroles. 


(1) Voy. 1907, p. 190. 


270 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Cette même nuit le feu prit à la maison de l'émir Al-Mas, le 
Chambellan, près de la citadelle. Il faisait un vent violent qui 
activa l'incendie et le fit parvenir jusqu'à la maison de l'émir 
Itmich. La population du quartier de la citadelle, ainsi que celle 
du Caire, furent affolées et crurent que la citadelle tout entière 
était la proie des flammes. On n’a jamais entendu parler de ca- 
lamité plus terrible : l'incendie allumé par les chrétiens dé- 
vora au Caire une partie des maisons du marché d’Al-Chaouàn 
et de l'allée d’Al-‘Arissa dans le d’'Ad-Dilam; seize maisons 
près de la demeure de Karim ed-Din et un grand nombre 
d’autres dans le quartier grec ; la maison de Bahader près de 
l'oratoire d'Houssein; d’autres maisons près de l’étable d'At- 
Tarina dans la rue du Miel; le palais de l’'émir Selah et celui de 
l’'émir Selar dans la rue qui sépare les deux palais; le palais de 
Bisari et le khan d’Al-Hadjar, Al-Djamloun, les magasins d’Al- 
Adam et la maison de Bibars, dans la rue d’As-Salahiat; la 
maison d'Ibn al-Moghrebi dans la rue de Zaouïla, plusieurs 
habitations dans la rue du Puits de l’Hirondelle, à AlI-Hakar et 
à la citadelle de la montagne, un grand nombre de mosquées 
et d’oratoires et autres édifices à Masr et au Caire, dont l’énu- 
mération serait trop longue. 

Quelques églises furent aussi détruites, entre autres une 
église aux ruines tartares, près de la citadelle de la montagne, 
l’église d’Az-Zahari à l'endroit où se trouve maintenant l'étang 
d'An-Nasir; l’église du Hamra, une église située près des sept 
fontaines et appelée l'église des Filles, l’église d’Abou al-Ména 
(saint Mennas); l’église d’Al-Fahadin au Caire; une église au 
quartier grec; une église près d'Al-Bandacarin (les archers), 
deux églises dans le quartier de Zaouïla, une église près du 
magasin des étendards, une église près du Fossé; quatre églises 
dans la ville frontière d'Alexandrie; deux églises à Damanhour 
al-Ouahach, quatre églises dans la province de Gharbieh, trois 
églises dans la province de Charkieh; six églises dans la pro- 
vince d’Al-Bahanassah; à Siout, à Manfalout, à Muniat al- 
Khassib, huit églises ; à Qous et Assouän, onze églises; dans la 
province d’Al-Atfh, une église; au marché de Ouardàn, dans 
la ville de Masr, dans les quartiers d'Al-Massassah et de Kasr 
al-Chamaa à Masr, huit églises. Un grand nombre de couvents 
furent également détruits. Le monastère d'Al-Bahal (du mulet) 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 21 


et le monastère de Chaharàn restèrent longtemps inhabités. De 
si grands événements, qui exigent ordinairement une longue 
durée, eurent lieu dans un court espace de temps. Le nombre 
des victimes, la quantité de richesses qui furent perdues et 
l’'énumération des édifices qui furent détruits, défient toute des- 
cription. La fin de toutes choses est aux mains de Dieu. 

L'église de Mikaël (saint Michel). — Cette église était située 
près du canal des Beni-Ouûil, en dehors de la ville de Masr, au 
sud d’Akabah Yahasub, à l'endroit qui est maintenant le vil- 
lage du Pont d’al-Afram. Elle fut rebâtie sous l'Islam dans un 
style élégant. 

L'église de Mariam (Marie), — Elle se trouve dans les jardins 
du vizir, au sud du bassin d’Al-Habach. Elle est abandonnée, 
et aucun fidèle ne la fréquente. 

L'église de Mariam (Marie). — Elle est dans le quartier 
d'Al-‘Adouïat du côté du sud. Elle est ancienne et en ruines. 

L'église d'Antonios. — Elle est située dans le quartier de 
Bayad au sud d’Atfih (1). Elle ἃ été restaurée. Il y avait dans 
le district de Charnoub plusieurs églises qui ont été ruinées; il 
en reste une dans la région d'Ahrit, à deux journées au sud de 
Bayad (2). dt 

L'église de Notre-Dame se trouve dans la région d’Achkar. 
Il y a près de la porte une tour bâtie en larges briques. On rap- 
porte que c’est le lieu de naissance de Moïse fils d'Amran (salut 
à lui). 

L'église de Mariam (Marie) dans la région d’Al-Khoussous. 
C'était une maison particulière qu'on a transformée en église. 
Elle est dans un état négligé. 

L'église de Marie, l’église d’AI-Kassir et l’église de Gabriel 
se trouvent toutes les trois dans le district d’Anboub. 

L'église d’Assoutir (Soter), c’est-à-dire du Rédempteur. Elle 
est située dans la ville d’Akhmim (3). Elle est sous le vocable 


(1) Atfih sur la rive droite du Nil à soixante kilomètres environ au sud du 
Caire sur les ruines de l’ancienne Aphroditopolis, dans les montagnes qui bor- 
dent la vallée du Nil. Un peu à l’est de cette ville se trouve le premier ermitage 
de saint Antoine. 

(2) Bayad, village situé en face de Beni-Soueif, est le point de départ d’une 
route qui mène au couvent de saint Antoine et de saint Paul. 

(3) Akhmim, l’ancienne Khemmis ou Panopolis, est encore une ville importante 
de la Haute-Égypte. Elle fut le lieu d’exil de Nestorius. | 


272 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


des saints martyrs. Elle renferme un puits dont l’eau devient 
rouge comme du sang quand on la met dans les lampes. 

L'église de Mikaël (Michel) se trouve aussi à Akhmim. Les 
chrétiens ont coutume, lorsqu'ils célèbrent la fête de l'olivier, 
appelée la fête des Rameaux, de sortir en procession. Les prêtres 
et les diacres marchent portant des encensoirs avec de l’encens, 
des croix, les Évangiles, et les cierges allumés. Ils s'arrêtent 
devant la porte du Cadi et devant la porte des principaux mu- 
sulmans. Ils brülent de l’encens et lisent un passage de l'Évan- 
gile et entonnent un chant en son honneur. 

L'église de Bou-Bakhom (saint Pacôme), dans le district 
d'Atfah, est la dernière église sur la rive orientale. Bakhom ap- 
pelé aussi Pakhomius était un moine qui vivait du temps de 
Bou-Chanouda (saint Sinuthius). Il est surnommé le Père de la 
Communauté, parce qu'il augmenta considérablement le nom-. 
bre des moines et il donna un directeur pour deux moines. Il 
n'était pas permis d'introduire du vin ou de la viande dans son 
monastère. Il faisait une obligation de jeüner jusqu'à la fin de 
la neuvième heure du jour. Il leur faisait manger des pois chi- 
ches rôtis qu'ils appelaient pois de rareté. Son couvent a été 
détruit, mais son église subsiste à Atfah, au sud d’'Akhmim. 

L'église de Marc l'Évangéliste à Gizeh fut détruite après 
l'an 800 {de l'hégire), puis rebâtie. Ce Marc était l’un des apô- 
tres qui occupa la chaire d'Égypte et celle d'Éthiopie. 

L'Église de Bou-Girg (saint Georges) dans le district d’Abou 
an-Ninros, province de Gizeh, fut détruite en l’an 780 (de l’hé 
gire) comme nous l'avons rapporté précédemment. Elle fut 
restaurée dans la suite. 

L'église de Bou-Far, à l'extrême limite de la province de 
Gizeh. 

L'église de Chanouda (Sinuthius), dans la région de Harab- 
chat. 

L'église de Bou-Girg (saint Georges), dans le district de 
Babah (1), est en grande réputation chez les chrétiens. Ils y 
apportent des offrandes votives. Ils jurent par elle et rappor- 
tent à son sujet des choses merveilleuses. 

L'église de Saint-Maroutha, au pays de Chamustah. Ils ont 


(1) Sur la rive orientale du Nil, au sud de Beni-Soueif. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. Jo 


une grande vénération pour ce Maroutha. C'est un de leurs 
moines les plus célèbres. Son corps est conservé dans une 
chàsse au monastère de Bou-Bichaï dans la plaine de Chaïat. 
On y va en pèlerinage jusqu'à ce jour. 

L'église de Mariam (Marie), à Al-Bahanasa (1). On dit qu'il 
y avait trois cent soixante églises à Al-Bahanasa. Elles ont 
toutes été détruites, or il ne reste plus que celle-ci. 

L'église de Samuel, dans le district de Choubra. 

L'église de Mariam, dans la région du Tounbada (2). C'est 
un vieil édifice. 

L'église de Mikhaïl, dans la région du Tounbada. C’est un 
édifice vaste et ancien. Il y avait dans le même district plu- 
sieurs églises qui ont été détruites. La population du Toun- 
bada est composée, en majorité, d'artisans chrétiens. 

L'église des Apôtres, dans le district d'Achnin (3), est très 
grande. 

L'église de Mariam est un vieil édifice dans le même dis- 
trict d'Achnin. 

L'église de Mikhaïl (Michel) et l'église de Gabriel sont situées 
aussi dans la région d’Achnin. Il y avait dans ce district 
cent soixante églises qui ont toutes été détruites à l'exception 
de ces quatre dernières. Les habitants d’Achnin sont en majo- 
rité chrétiens. Ils surveillent (les palmeraies) moyennant 
salaire. Il y ἃ, à la surface du sol, des restes d'églises où ils 
célèbrent leurs fêtes, entre autres l'église de Bou-Girg, l’église 
de Mariam, l’église de Maroutha, l'église de Barbara (sainte 
Barbe) et l'église de Gafril, c’est-à-dire de Gabriel (salut à 
lui). 

A Minia-Ibn-Khassib (4), il y ἃ six églises : l’église d’Al- 
Maalaka, c'est-à-dire l’église de Notre-Dame, l'église de Pierre 


(1) Al-Bahanassa, sur le Bahr Youssef, à quelque distance au nord de Minich, 
est l’ancienne Oxyrynchos ainsi nommée à cause du poisson de même nom qui 
y était révéré chez les anciens Égyptiens. La vie chrétienne y fut ensuite si 
florissante qu’au v° siècle elle comptait, dit-on, 10.000 moines et 12.000 reli- 
gieuses. 

(2) Tounbada, située entre le Nil et le Bahr Youssef, était à peu dé distance au 
nord d’El-Bahanassa. C’est actuellement le village de Tanbada. 

(3) Achnin était une localité voisine de Tounbada. 

(4) C’est la Minieh actuelle, ville importante de la Moyenne-Égypte. Il y avait 
en Égypte quatre autres Minia : Minia Andouna, Minia al-Kaïd, Minia ach- 
Channuas et Minia as-Soudän. 

ORIENT CHRÉTIEN, 18 


274 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


et de Paul, l'église de Mikaïl, l'église de Bou-Girg, l’église 
d'Anba Boulà de Tamouïh, l’église des trois jeunes gens, Ana- 
nias, Azarias et Misaël. C’étaient des militaires qui vivaient 
du temps de Boucht Nasser (Nabuchodonosor) et qui servaient 
en secret le Dieu Très-Haut. Ils furent découverts et Nabucho- 
donosor voulut les faire revenir au culte des idoles. Ils refusè- 
rent et furent mis en prison pour les faire apostasier. Mais ce fut 
en vain. Nabuchodonosor les en fit sortir et les fit jeter dans la 
fournaise, mais ils ne furent pas brülés. Les chrétiens leur 
rendent un culte bien qu'ils aient vécu avant le Christ. 

Une église dans la province de Tahà (1), sous le vocable des 
disciples qu'ils appellent Apôtres. 

L'église de Mariam qui se trouve aussi dans la province de 
Tahà. 

L'église des deux Médecins, dans le district de Manhari. On 
y célèbre une fête solennelle au mois de Bachens en présence 
de l’évêque et il s’y tient un grand marché à l’occasion de cette 
fête. Ces deux médecins sont les deux moines Côme et Da- 
mien. 

L'église de Notre-Dame, dans le district de Be est an- 
tique et vaste. 

Dans le district de Melaui (2) une église dédiée aux Apôtres 
et deux églises en ruines : l’une sous le vocable de saint 
Georges et l’autre dédiée à l’archange Michel. 

Dans la province de Dalga (3) il y avait un grand nombre 
d'églises, mais il n’en reste plus que trois : une grande église 
dédiée à Notre-Dame, l'église de Chanouda (Sinuthius) et l’église 
Mercoura (Mercurios). Toutes les autres sont entièrement dé- 
truites. 

Dans la région de Sanbou (4), une église dédiée à Anba 
Boula (saint Paul ermite), et une autre église dédiée à saint 
Georges. Sanbou compte un grand nombre de chrétiens. 


(1) Tahà est un village situé entre le Nil et le Bahr Youssef, à peu de distance 
au nord de Minieh. 

(2) Sur la rive gauche du Nil, non loin d’Achmounein, l’ancienne Hermopolis; 
en face, sur la rive orientale, se trouvent les ruines de Tell el- “ἌΠΘΆΚΠΙ, la capi- 
tale fondée par Aménophis IV. 

(3) Dalga se trouve au pied de la chaîne libyque, au sud d’Achmounain et un 
peu à l’ouest de Melaoui. 

(4) Se trouve un peu au sud des localités précédentes. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 979 


Dans le district de Biblaou, au nord de Sanbou, se trouve 
une ancienne église dédiée à saint Georges. Elle est située sur 
le bord occidental de ce canton, lequel compte un grand 
nombre de fellahs chrétiens. 

Dans le canton de Darout il y ἃ une église qui à l’intérieur 
ressemble à un monastère. Elle est dédiée au moine Sarama- 
toun qui vivait du temps de Chanouda (Sinuthius). Il devint 
évêque et a laissé de nombreux souvenirs. 

Dans le district de Bouk Beni-Zéid, il y ἃ une grande église 
dédiée aux Apôtres. On y célèbre une fête solennelle. 

Dans la province de Kous se trouve l'église de Marie et l'église 
de Gabriel. 

Dans le canton de Damchir se trouve l’église du martyr Mer- 
curius qui est très ancienne. Il y a un grand nombre de chré- 
tiens. 

Dans le district d'Oumm el-Koussour, l’église de Bou-Ba- 


” khens al-Kassir (le Bref) qui est très ancienne. 


Dans le district de Béla-Ouza, à la limite de Menfalout (1), 
est une petite église où habite le prêtre avec ses enfants. 

Dans le canton de Chakalkil, il y ἃ trois églises, grandes et 
anciennes. L'une est sous le vocable des Apôtres, l’autre sous 
celui de Michel, et la troisième est dédiée à saint Mennas. 

Dans le canton de Menchaä en-Nassara, l'église de Saint- 
Michel. 

Dans la ville de Siout, l’église de Bou-Sadra (saint Théodore) 
et l'église des Apôtres. Α l'extérieur de la ville, l’église de 
Saint-Mennas. 

Dans le district de Drounkà (2), il y a une église très ancienne 
sous le vocable des trois jeunes hommes, Ananias, Azarias et 
Misaël. Elle est un lieu de refuge pour les chrétiens pauvres. 
Drounkà est habité par des chrétiens qui connaissent la langue 
copte et qui la parlent entre eux, grands et petits. Ils savent 
aussi la traduire en arabe. 

Dans le district de Rifà (3), se trouve l’église de Bou-Colta 


(1) Menfalout est une localité située sur la rive gauche du Nil, un peu au nord 
de Siout. 


(2) Drounkà se trouve sur le canal de Sohag, à trois kilomètres au sud de 
Siout. 


(3) Rifà est aussi sur le canal de Sohag, quatre kilomètres plus loin. 


276 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


(saint Coluthus). C'était un médecin moine qui opéra de mer- 
veilleuses cures de maux d'yeux. On célèbre une fête en son 
honneur dans cette église. 

Dans la même région, l'église de Saint-Michel. Les vers ont 
rongé le côté ouest (de l'église de) Rifà. 

Dans le district de Moucha (1), il y a une église construite 
sur un établissement de bains. Elle est dédiée à saint Victor 
le Martyr. Elle fut construite sous le règne de Constantin, fils 
d'Hélène. Elle ἃ une terrasse large de dix coudées et trois cou- 
poles hautes chacune d'environ quatre-vingts coudées. Elles sont 
entièrement bâties en pierres blanches. La partie occidentale 
de l’église s’est écroulée. On raconte qu'il y a dessous un trésor 
et qu'il y ἃ un souterrain qui conduit de cet endroit jusqu’à 
Siout. 

Dans le district de Bakour, sur les limites du Boutigi (2), se 
trouve une vieille église dédiée au martyr Claude. Les chrétiens 
le mettent au même rang que Mercurius, Georgios (le même 
qu'Abou-Girg), le commandeur Théodoros et que Minàos. 
Claude avait pour père l’un des généraux de Dioclétien, et il 
était renommé pour sa bravoure. Il se fit chrétien. L'empereur 
le fit arrêter et torturer pour le faire revenir au culte des 
idoles. Mais il resta ferme et fut mis à mort. On rapporte 
beaucoup de choses à son sujet. 

Dans la région d’Al-Katiah, une église sous le vocable de 
Notre-Dame. Il y avait là un évêque nommé Ad-Daouïn. Des 
discussions ayant éclaté entre lui et ses ouailles, il fut enterré 
vivant. C’étaient de mauvais chrétiens connus pour leur malice. 
L'un d’entre eux, nommé Girgis Ibn-ar-Rahiba, dépassa toutes 
limites par sa méchanceté. Il fut décapité au Caire par l'émir 
Djemal ed-Din Yousef, intendant du Palais, sous le règne d’Al- 
Nasser-Farag Ibn-Barkouk. 

Dans le district de Boutig il y avait de nombreuses églises 
qui ont été détruites. Les chrétiens de ce pays font la prière en 
particulier chacun dans sa maison; puis quand vient le jour, 


(1) Moucha est une localité plus importante située un peu à l’est de Rifà, entre 


le Bahr Youssef et le Nil. 
(2) Boutig ou Aboutig, sur la rive gauche du Nil à 24 kilomètres au sud de 
Siout, est encore aujourd’hui un port fluvial important. Le nom d’Aboutig est 


une déformation du grec ἀποθήχη qui signifie « magasin ». 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. EUR 


ils vont aux ruines des églises, y font un enclos de feuilles de 
palmiers en forme de cage, et y célèbrent leur culte. 

Dans le district de Makrouna se trouve une vieille église 
dédiée à saint Michel. On y célèbre chaque année une fête so- 
lennelle. Les habitants de ce district sont chrétiens. Ce sont 
pour la plupart des bergers, gens de basse condition. 

Dans le district de Douina une église sous le vocable de Bou- 
Bakhens al-Kassir (saint Jean le Nain). C’est une vaste coupole. 
Il y avait dans ce pays un homme nommé Jonas qui fut choisi 
pour évêque. Il était illustre par l’étendue de ses connaissances. 
Sa science excita l'envie de ses concitoyens et ils l’ensevelirent 
vivant, mais son corps disparut. 

A Al-Maraghà, entre Tahtà et Timà, il y ἃ une église. Le dis- 
trict de Kilfaou possède une vaste église. Les chrétiens de ce 
pays sont connus pour leur habileté dans la magie et les 
sciences occultes. Sous le règne d’Az-Zaher Barkouk, il y 
avait un diacre appelé Absaltis qui était très puissant dans ces 
arts. On rapporte à son sujet des choses ‘que je ne veux pas 
raconter tellement elles sont étranges. 

Dans le district de Farchout (1) l’église Saint-Michel, et l’é- 
glise de la Vierge Marie. verts 

Dans la ville de Houa (2) l’église de Notre-Dame et l'église 
de saint Mennas. 

Dans le district de Bahadjourà (3), l’église des Apôtres ; à Esnà, 
l'église de Marie, l’église de saint Michel, et l’église de Jean- 
Baptiste, c'est-à-dire Yahïa fils de Zacharie (salut à lui). 

A Nakàda(4), l'église de Notre-Dame, r'église de Jean-Baptiste, 
l'église de Gabriel, et l’église de Jean le Miséricordieux. Ce 
Jean était d’Antioche, et possédait une grande fortune. Il se 
fit moine et distribua tout son bien aux pauvres. Puis il voyagea 
à travers le monde en faisant profession de la religion chré- 
tienne. 565 parents lui firent des funérailles, croyant qu’il était 


(1) Actuellement station du chemin de fer un peu au sud de Girgeh. 

(2) Haona, au commencement de la grande courbe du Nii est l’ancienne Dios- 
polis parva. 

(3) Bahadjourà est située sur la rive gauche du Nil, à 20 kilomètres en aval de 
Denderah. Esnà se trouve dans les environs. Il ne faut pas confondre cette lo- 
calité avec la ville du même nom située entre Louksor et Assouän. 

(4) Nakàäda est située sur la rive occidentale du Nil, en face de Kous. Cette 
petite ville estencore presque entièrement peuplée de Coptes. 


PAR REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


mort. Il revint plus tard à Antioche dans un état tel qu'on 
ne le reconnut pas. Il habita dans une hutte sur un dépôt de 
fumier, sustentant sa vie de ce qu'on Jetait sur ce fumier. Il 
vécut ainsi jusqu'à sa mort. Au moment de ses funérailles, 
son père, qui y assistait, reconnut l'étui de son évangéliaire. 
Il l’examina de plus près et reconnut que c'était son fils. Il le 
fit enterrer et bâtit sur son tombeau l'église d’Antioche. 

Dans la ville de Koft (1), l'église de Notre-Dame. 

Il yavait à Asfoun (2) plusieurs églises qui ontété détruites en 
même temps que la ville. 

De même à Kous 1] y eut plusieurs couvents et églises dé- 
truits avec la ville. Il reste encore l’église de Notre-Dame. 

Il ne reste pas, dans la Haute-Égypte, d’autres églises que 
celles que nous venons d'énumérer. 


ÉGLISES DE LA BASSE-ÉGYPTE. 


A Munia Surad près du Caire, il y a une église dédiée à la 
Vierge Marie; cette église est en grande vénération chez les 
chrétiens. 

Dans le district de Sandoua, une église neuve sous le vocable 
de saint Georges. 

A Marsafa, une église restaurée dédiée aussi à saint 
Georges. 

A Samanoud une église sous le vocable des Apôtres. Elle a 
été disposée à l'intérieur d’une maison. 

A Sanbat une église dédiée aux Apôtres. Elle est en grande 
vénération chez les chrétiens. 

A Sandafà une église célèbre également dédiée à saint 
_ Georges. 

ΠΑ Ar-Raïdànià l’église de Notre-Dame qui est aussi très vé- 
nérée des chrétiens. 

A Damiette il y a quatre églises : elles sont dédiées à Notre- 
Dame, à saint Michel, à Jean-Baptiste et à saint Georges. Elles 
jouissent parmi eux d’une grande renommée. 


(1) L'ancienne Koptos, ville florissante à l’époque gréco-romaine. 
(2) Asfoun, entre Gebelein et Esneh, en amont de Thèbes, était la station chré- 
tienne la plus avancée de la Haute-Egypte. 


LES ÉGLISES DES CHRÉTIENS. 279 


Dans le district de Soubk al-Abid il y a une église nouvelle 
dans une maison cachée. Elle est sous le vocable de Notre- 
Dame. 

A An-Nahräouia il y a encore une église neuve dans une 
maison dissimulée. 

Α Lakana, l’église de Bou-Bekhens al-Kassir (saint Jean le 
Nain). 

À Damanhour, une église nouvelle dans une maison privée, 
dédiée à saint Michel. 

A Alexandrie, l’église d’Al-Maälaka sous le vocable de 
Notre-Dame, l’église de Saint-Georges, l'église de Jean-Baptiste 
et l’église des Apôtres. 

Ce sont là les églises des Jacobites en Égypte. Ils ont en 
outre, à Gaza l’église de la Vierge Marie, à Jérusalem la Kou- 
mama (1) et l’église de Sion. 

Quant aux Melkites, ils possèdent au Caire l'église Saint-Ni- 
colas, à Al-Bandakanin (les Archers) ; 

À Masr l'église de l'ange Gabriel dans le quartier de Kasr ech- 
Chamaà. Elle renferme une cellule pour leur patriarche; dans 
le même quartier de Kasr ech-Chamaà l’église de l'ange Michel 
près de l'église Sainte-Barbe à Masr; l’église Saint-Jean dans 
le quartier du monastère d’At-Tin. 

Angers, 22 juillet 1907. 
L. LEROY. 


(1) La Résurrection. C’est une simple chapelle attenant à l’édicule du Saint Sé- 
pulcre. 


ÉTUDE 
SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE AU CHRISTIANISME 


AINSI QUE SUR LA DOCTRINE ET LES USAGES DE L'ÉGLISE 
ARMÉNIENNE PRIMITIVE 


(Suile) 


17. — Moins probables que les précédentes, les opinions 
qui reculent la consécration de Grégoire jusque vers l'an 301 
el même jusque vers 308-310, gardent encore quelques légères 
chances d’'étre vraies. — Si notre hypothèse préférée cadre bien 
avec maints passages d’Agathange, elle s'harmonise moins faci- 
lement avec certains autres. Que Tiridate ait été le persécuteur 
du christianisme avant d’en être le défenseur, cela est bien vrai- 
semblable; et, de l’an 280 à l’an 290, par exemple, il put bien 
sévir contre les chrétiens, en particulier contre Grégoire. Mais 
Agathange observe que Tiridate devint persécuteur à la suite de 
l'exemple donné par le prince, (Ἄρχων) des Grecs ( 17). Ce 
prince serait-il Dioclétien? — En ce cas, il faudrait reculer la 
conversion de Tiridate au delà de 304. Nous ne croyons pour- 
tant pas que Dioclétien soit ici visé par Agathange; car le pré- 
tendu secrétaire de Tiridate raconte que Grégoire s'était attaché 
à la suite du prince, avant la lutte de ce dernier contre les 
Goths et, par conséquent, avant son avènement au trône d’Ar- 
ménie; c'est aussi avant de raconter, à sa manière naïve et 
romanesque, les prouesses de Tiridate, qu'Agathange parle des 
premières persécutions exercées contre Grégoire. 

Dès lors, pourquoi le prince grec persécuteur, dont le futur 
roi d'Arménie suit déjà l'exemple, ne serait-il pas Valérien, ou 
le superstitieux Macrien, son mauvais génie, ou même Aurélien ? 
Ce dernier, arrêté par la mort, fit peu de victimes; mais ce 
fanatique dévot du soleil avait, quelques mois avant d'être 
assassiné, lancé un édit contre les chrétiens; il était naturel 
que, çà et là, quelqu'un de ses lieutenants se hâtàt d'exécuter 
ses ordres; c’est ce qu'atteste la tradition, et, en particulier, la 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 281 


tradition arménienne (1). Il se peut aussi qu'avant l’édit de 
persécution de Dioclétien (303), et à partir de 293, plus d'un 
chrétien soumis au gouvernement du césar Galère ait subi bien 
des vexations, comme cela eut lieu assez souvent dans les 
intervalles des persécutions officielles. Il n’est donc pas invrai- 
semblable que la persécution ait sévi, à cette époque, en Arménie 
et sur quelques points des provinces orientales de l'empire. 

Il resterait seulement à expliquer comment la translation des 
reliques d’Athénogène (Athanakinès), ancien chorévêque de 
Sébaste, ἃ été attribuée à Grégoire et fixée à l'époque où Grégoire, 
sacré catholicos à Césarée, revenait en Arménie. Nous pensons 
que l'existence de ces reliques n’est pas une pure invention, 
quoi qu’en dise un savant critique allemand. Athénogène a bien 
pu périr par le feu, sans que ses ossements aient été entière- 
ment consumés (2). 

Quant à la translation de ses reliques, elle fut vraisembla- 
blement accomplie, ou par Grégoire, plusieurs années après sa 
consécration, ou par ses premiers successeurs. L'assertion con- 
traire des historiens arméniens ne prouve rien; car ils ont 
souvent attribué à Grégoire telle ou telle institution qui ne 
remontait certainement pas jusqu'à lui (3). On a aussi remarqué 
que le récit de cette translation est sans lien avec le reste et a 
bien l'air d'une enclave ajoutée au texte primitif. Mais l'argu- 
ment est peu probant; outre qu'il s’agit d’un ouvrage qui ne 
fut jamais un modèle de composition, un auteur, plus soucieux 
d'être véridique et complet que méthodique, peut bien faire çà et 
là quelque addition à son œuvre, sans prendre soin de l’harmo- 
niser avec ce qui précède et ce qui suit. On pourrait donc 
admettre, à la rigueur, que Grégoire, à son retour de Césarée, 
fit lui-même la translation des reliques de saint Jean-Baptiste, 
et que ce fut là plus tard comme un point d'appui pour lui 
attribuer la translation des reliques de saint Athénogène, véné- 
rées dans le même sanctuaire. 

Malgré leur peu d'autorité, les affirmations d'Agathange, 


(1) Oukhtanèés, $ 68, 69; Goerres, der Aurelian. Verfolg., Jahrb. f. Protest. Th., 
IV, 1880, p. 449-494. 

(2) ZDMG, XXXI, p. 5. Sur le martyre d’Athénogène, Basile, de ἜΝ S., ad 
Amphilochum, c. 29. Migne, P. G., XXXII, col. 205. 

(3) Catergian-Dashian, La ΕΣ chez les grméniens, p. 61. 


282 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


relatives à la translation des reliques d’Athénogène et au sacre 
de Grégoire par Léonce de Césarée, servent encore d'appui aux 
opinions qui reculent la conversion de Tiridate et le sacre de 
Grégoire en deçà de 295. Tout en préférant les opinions qui 
fixent ces événements vers 290-295 et même vers 285-290, 
l'évidence nous manque pour condamner comme impossibles 
les deux séries de dates, postérieures à 295. On peut admettre, 
tant que cela n’est pas démontré faux, que la restauration de 
Tiridate remonte exactement à la seconde ou troisième année 
de Dioclétien, comme le veut la tradition arménienne; au prin- 
temps de 286, par exemple. A ce moment, Dioclétien était en 
Syrie et devait y séjourner quelques mois, avant de partir pour 
la Thrace. Il dut, sans franchir l'Euphrate, profiter des embarras 
du roi de Perse pour établir ou confirmer la royauté de son pro- 
tégé Tiridate. Mais, si l’on admet que, vers 286-287, eut lieu non 
plus seulement la confirmation, mais la prise de possession de 
la royauté de Tiridate, on est amené à placer sa conversion 
entre les années 298 et 302, comme l'avaient pensé jusqu'ici la 
plupart des historiens arméniens. 

Quant à l'opinion qui fixe à l’année 297 l'avènement au trône 
de Tiridate, elle nous semble encore moins probable que la 
précédente; sans être évidemment fausse, elle soulève autant 
d'objections que l'hypothèse de Saint-Martin, Gelzer, Mikélian, 
etc., qui attribue à Odenath le rétablissement du trône de Tiri- 
date (261 ou 261-267). Si Tiridate n’a commencé à régner qu’à 
la suite du traité imposé par Dioclétien à Narsès, sa conversion 
ne peut se placer qu'entre les années 306 et 311, dont la pre- 
mière marque l’abdication de Dioclétien, et l’autre l'édit de 
Tolérance de Galère. | 

Si improbable, toutefois, qu’elle paraisse, en regard des quel- 
ques dates certaines fournies par les historiens grecs et latins, la 
dernière opinion se concilie si bien avec certains faits racontés 
par Agathange, qu’elle a convaincu des hommes comme Ba- 
ronius, le bollandiste Stilting, et plusieurs savants arméniens 
contemporains, tels que Sarkisean, Karakashian. — Voici les 
raisons qui nous persuaderaient, si les motifs opposés, allégués 
précédemment, ne nous semblaient beaucoup plus convaincants. 

Si la conversion du roi et le sacre de Grégoire ont eu lieu 
entre les années 305 et 311, il n’est pas nécessaire de consi- 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 283 


dérer comme un événement postérieur au retour de Grégoire, 
de Césarée, la translation des reliques de saint Athénogène, 
qui souffrit le martyre sous Dioclétien, probablement vers 303- 
304. On s'explique aussi plus aisément un fait attesté par la 
tradition arménienne, à savoir, que Grégoire fut consacré par 
Léonce de Césarée : on sait que Léonce était archevêque de 
Césarée en 325 et en 314. Qui s’étonnerait qu'il fût archevèque 
quelques années plus tôt? Enfin, l'hypothèse qui date de la 
période comprise entre 305 et 311 la conversion officielle de 
l'Arménie, se concilie facilement avec l'opinion de Sozomène, 
qui déclare que la conversion de l'Arménie eut lieu un peu avant 
celle des Ibériens; elle cadre surtout parfaitement avec les affir- 
mations de Théophanès et de l’auteur de la Diégésis sur les 
choses arméniennes, dont l’un recule la conversion du roi 
d'Arménie jusqu’au temps de Constantin et l’autre jusqu'à la 
vingtième année avant le concile de Nicée, c'est-à-dire jusqu'à 
l'année 305-306. II faut aussi reconnaitre que l’une des raisons 
pour lesquelles plusieurs auteurs font remonter à la période de 
276-295 la conversion de Tiridate et de ses nakharars, parait 
peu fondée. Ils affirment que si le roi, les satrapes et le peuple 
lui-même n'avaient été unis, affermis dans la foi chrétienne, 
et, par conséquent, convertis avant la fin du Π|" siècle, ils n’au-. 
raient pu résister victorieusement à Maximin Daia (305-313), 
qui voulut les contraindre d’abjurer le christianisme. L'ob- 
jection s'appuie sur une base bien branlante; car il est très 
vraisemblable que les Arméniens persécutés par Maximin 
appartenaient, non au royaume de Tiridate, mais aux provinces 
arméniennes situées entre le Tigre et le lac de Van; ces satra- 
pies avaient été détachées de l'Arménie et directement soumises 
aux Romains par le traité de 297 (1). Étant donné surtout le 
silence des historiens arméniens, il n'y ἃ guère d'apparence 

(1) Voir Baronius, t. III, Ann. 311, n. 22-28; Stilting, Acta SS., Sept. 50; VII, 
311 et suiv.; sur Athénogène, Agathange, n. 142. — Sur Léonce, comme ayant 
dans son ressort la Petite et la Grande-Arménie, Gélase de Cyzique, Hist. du conc. 
de Nicée, 11, 27 ; Mansi, II, 929; Migne, P, G., LXXXV, 1310. — Agathange, n. 159, 
140. Sozomène, II, 8; Théophanès, Chronogr., éd. Bonnæ, 1839, 35, 13. Sur les 
Arméniens que Maximin voulut forcer à sacrifier d’après Eusèbe, ἢ. E., IX, 8. 
Voir L. Duchesne, l'Arménie chrét. dans l'Hist. eccl. d'Eusèbe, Mélanges Nicole, 
Genève, 1905, p. 107-109; l’auteur fait observer que les hostilités de Maximin ne 


durent pas être poussées à fond et que Licinius, vainqueur de Maximin, fut quelque 
temps encore tolérant à l'égard des chrétiens. — Pour parler avec plus d’exac- 


284 : REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


que Maximin ait pris les armes pour ramener Tiridate au paga- 
nisme. D'autre part, les termes d'anciens alliés employés par 
Eusèbe ne conviendraient pas aux habitants de la Petite-Armé- 
nie, devenus depuis longtemps sujets de l'empire; mais ils 
s'appliquent bien à la petite principauté arménienne hérédi- 
taire que nous avons mentionnée. 

Aussi, est-ce la considération d'autres faits mieux prouvés, 
qui nous amène à préférer comme date de la conversion offi- 
cielle de l'Arménie, le dernier quart du ππ|΄ siècle, et surtout 
la période de 290-295. Quand on se rappelle les dates cer- 
taines de la captivité du roi Arsace en 366-367, de la mort du 
catholicos Nersès en 372-373 et du roi Bab en 374, on s’aper- 
çoit que les anciens auteurs arméniens ont prolongé outre 
mesure après la conversion de‘Constantin, le règne de Tiridate 
et le catholicat de Grégoire. Si, comme le prétendent Moïse de 
Khorène, Samuel d’Ani, etc., Grégoire avait encore été catho- 
licos en 336; si Tiridate avait régné jusque vers l’an 346, 
serait-il possible de trouver place pour trois générations entre 
Grégoire et Nersès, qui devint catholicos au plus tard en 362; 
et entre Tiridate et Bab, qui fut roi à partir de 367? Comme 
Nersès devait être né vers 336-337, Grégoire aurait ainsi vu le 
petit-fils de son petit-fils Iousig ; fait d'autant plus invraisem- 
blable que Verthanès, le fils ainé de Grégoire, était déjà vieux, 


assure Faustus, quand il engendra ses deux fils jumeaux Kri- 


koris et Iousig, le grand-père de Nersès (Faustus, ΠῚ, 5). Voilà, 
selon nous, le motif le plus décisif, qui force d'avancer le règne 
de Tiridate et le catholicat de Grégoire. Cette nécessité a été bien 
comprise par Saint-Martin, Gelzer, Ter Mikélian, etc., seule- 
ment, n'ont-ils pas été à l’autre excès, en plaçant, par exemple, 
la restauration de Tiridate vers 260 et la consécration de Gré- 
goire vers 276 Ὁ 


(A suivre.) François TOURNEBIZE. 


titude, la contrée que Narsès, en 297, céda aux Romains, s’étendait de l’'Euphrate 
à la rivière du Nymphius, aujourd’hui Batman-Sou, et du Nymphius à la Kor- 
duène; elle comprenait donc les satrapies arméniennes de l’Ingilène et de la 
Sophène, et de plus l’Arzanène, la Korduëne et la Zabdicène (Petri Patr. 
fragm. 14, Dindorf, I, 433). — Maximin Daïia avait été nommé, en mai 305, gou- 
verneur des diocèses d'Orient et d'Égypte. Voir Lactance, De mortibus persecut., 
19-1 ; Eusèbe, A. E., VIII, 14, 9; IX, 1. — Symmaque, Lettres, I, 2, 7; Hübschmann, 
Die altarmen. Orisnamen (1904), p. 219-220. 


«---- 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE 
PSEUDO-CLÉMENTINE 


(Suite) (1) 


Nous éditons et traduisons ici Le mystère du jugement des 
pécheurs analysé plus haut (p. 146-151). Nous avions préparé 
cet ouvrage (comme le précédent, p. 140-145) pour l'éditer 
dans la Patrologie orientale, mais M. 1. Guidi, après avoir 
eu l'extrême obligeance de revoir notre travail, ἃ jugé que le 
manuscrit Abbadie 51, seul utilisé par nous, était trop mau- 
vais pour permettre d’en donner une édition suffisante. Il ἃ 
déclaré insolubles, pour l'instant, plusieurs difficultés qui nous 
avaient arrêté. Ces difficultés portent principalement sur des 
mots et des formes (une vingtaine environ) tout à fait incon- 
nus, par exemple : 

20 : σοι. : 10-C : PAPA : νὰ τ JUC : 

Les autres seront indiqués au fur et à mesure de l'édition. 

Il nous ἃ donc paru préférable, ainsi qu'à M. Nau, d'après 
le bienveillant avis de M. Guidi, de publier d'abord cette pièce, 
tronquée à la fin, dans la Revue de l'Orient chrétien. Nous 
espérons que sa publication fera découvrir à l’un des savants 
qui voudra bien la lire, ou un manuscrit plus correct, ou même 
l'original arabe, car il est fort probable que cette pièce, comme 
tant d’autres, n’est qu'une traduction faite sur larabe. On 
pourrait ensuite en donner une définitive édition. 

L'introduction précédente (p. 146-151) est destinée à guider 
un peu le lecteur dans la lecture de l'ouvrage. 


(1) Voy. 1907, p. 139. 


286 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Nous croyons bon cependant de compléter les quelques re- 
marques philologiques de la page 151. 

D'une façon générale, la langue est obscure. Sans parler des 
formes et des mots inintelligibles, déjà mentionnés plus haut, 
les formes ordinaires elles-mêmes contiennent beaucoup d’in- 
exactitudes : des syllabes manquent; la vocalisation est in- 
complète, fautive, contraire mème aux lois de la phonétique 
éthiopienne. C'est ainsi que än, àt, ὅ, — g« : remplacent ἃ, at, 
à (Imparfait), — ἢ, : La voyelle 1, qui unit les pronoms suf- 
fixes au pluriel des noms, fait souvent défaut. Les pronoms 
suffixes de la première personne — @ :,— #:, — #: sont 
employés l’un pour l’autre. | 

La syntaxe est peu classique. L'auteur abuse de la conjonc- 
tion finale fe : et de la conjonction causale 4ñan : Généra- 
lement Mme : est suivi de l’imparfait, au lieu de l'être du sub- 
jonctif. Bon nombre de propositions relatives sont enchevêtrées, 
les corrélatifs étant mal placés ou bien l’ensemble des termes 
étant disposé de telle manière qu'il est très difficile d'aperce- 
voir les relations grammaticales de dépendance. 

Des lacunes doivent être comblées : tantôt ce sont des subor:- 
données qui n'ont pas de principale à laquelle elles puissent 
se rapporter, tantôt des conjonctions, destinées à introduire 
une complétive, ne sont suivies d'aucun verbe à un mode per- 
sonnel, alors que les compléments circonstanciels eux-mêmes 
sont énoncés. La mise en relief des mots est trop fréquente. Le 
pronom personnel copule n’est pas ordinairement à sa place. 
Il résulte de là que les rapports entre le sujet et le prédicat 
demeurent incertains. Les formes verbales régissent leurs 
compléments au moyen de prépositions différentes de celles qui 
sont indiquées dans le Lexicon aethiopicum de Dillmann. 
Presque tous les adjectifs sont formés par des propositions re- 
latives. Le nombre et le genre sont indécis; les temps, égale- 
ment : ainsi l’imparfait remplace le parfait et vice versa. 

De nombreuses négligences doivent être attribuées au co- 
piste. Des mots sont dépourvus de sens (1). Une même phrase 


(1) Certaines formes, rencontrées dans le ms., sont suivies, dans le Lexicon 
aethiopicum de Dillmann, de la mention « absque sensu bono ». 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 287 


est écrite deux ou plusieurs fois. Les particules qui servent 
à la liaison des mots, v. g. ἃ —, ὦ —, fl — eic., sont 
maintes fois omises. D'autres termes grammaticaux, tels que 
le pronom relatif, une conjonction de subordination, voire des 
substantifs, compléments et sujets, font défaut aussi. Les radi- 
cales sont déplacées v. g. ygg : au lieu de gygv : Ceci est 
vrai surtout pour les deux racines σοι : et σοί : La pre- 
mière est presque toujours changée par le copiste en la se- 
conde et réciproquement. Quant à la ponctuation, elle est en- 
tièrement négligée. Il faut lire plusieurs colonnes, avant de 
trouver le signe # Le signe : est placé çà et là après des parti- 
cules inséparables, v. g. ἃ : ἢ = etc. Les autres signes de ponc- 
tuation (le signe x — τ surtout) ne se rencontrent qu'excep- 
tionnellement et sont, comme le signe =, intercalés dans le corps 
de la phrase, au lieu de servir à indiquer la fin de la phrase ou 
du morceau. 


_Yvetot, le 22 juillet. 
Sylvain GRÉBAUT. 


TEXTE 


(F. 146 v'a) γ1ζ : PME : ΠῈΣ : NEC : ©t17"? 
2 AUYE : IC : NAT : τ 2: SPA : Οὐ]: : δ. 
ἃ ὁ ΔΆ AT 2 AE: PET : 3.95 -ἰ DAALP τ hh°1®- 
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“: UC : θη“. : ῥά ου- : ῃῇσν : Dh : AI°NC : À 
pos : DEA, τ 4.6: : Αι ἢ" : ANR : DPCOT : DAT 
"χά. τ LAC τ ROAD: τ ἤθισν : ACTO- τ 1Φ.-ὉΔ Τ Ὧσν- : AN : 
AR αν τ ΠΩ - JAH Po : ἢ : FIRE - ὑζ4:1}" : “ἢ : À 
AN τ (Ε. 146 v° b) 8® : @h979° : AN : A Cab : 9° 
M: “5]σν : Aûoo : AAU: : 20 : F2 dt : DhLOT : NA 
C2 OAV: : LOT : σου, : (1) AA. : AAA : @-it : 
agp : DAT. τ NA : [ot :] (2) AAC : Hd : 
NEA - 95 9. ΠῚ τ AVR A ot τ Oh τ ΠΟΥ : DAo-NE : 
nt : Oh τ AY τ CO ? AAC τ HN 57 : (3) 074 
Lt: HLCA τ MAT : OL τ AN : ON ALT : ME : 
dû: OR, : dû : DA τ HA LADY : ET : AN : 
hu: : συ : ON : AAA : TALOP : Dao θυ: : NN: 
τ AAA - 939 τ he : Nhû : LECUP : ait iy 
À τ ἀλὰ : 247229 : DNA, : (4) AAA : FAC PHP : ON 


Ms. oyye, : 

Ms. δὴ : σή λῆς : 
Ms. ΠΗ 7 : 

Ms. @oNA.4. : 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 289 


Ah. : AAA : rt: (1) REP. ὁ (F. 117 r° à) AL, wav: : 
AU: : (2) A7 : πὰ. Του : GR τ HA CA YY : PNNE : H 
A CHEN. : 20,0, : HA TIME : σου 7 : HA LPANA : own ù 
& : DT τ HA STE A6 : ON, : HA BTUNL : ἸΏ : Δ. 
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ORIENT CHRÉTIEN, 19 


290 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


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8) Ms. gaæœ-ù — « alin de les appeler » (7) 
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LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 20] 


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(11) NS. nov : (Π7" : 

(12) Ms. ere "ar : 

(13) Ms. A : 

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292 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


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LAJAA : (0) A9 39 : ΩΝ : 1 4.1} αν- : AAA : PNA. : Ὁ 
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Ἔ : AAA : PAAAP oO: : ANA : MATE : ἣσν- : DÉALS: : NA 
ὝΤ' : ἧσυ- : NC: : (ἢ τ συ- : συ 5] : HAU: : Οἷα : 
θην. : ΠῚ ἈΗΗΊυ: τ LEE" αν. τ Non 5] τ ἅυ: © À 
À: ἈΓΠΏ αν : PP: : NEC : NAT τ ἢ Δ} 0: : (F. 148 
γ᾽ ἃ) AAde: (4) Oûo- : HA NA : AR CT : NU: : συ 7 : 
HAL PNA : 24: HA BTPEA : VUNT : HA LTUNL : 
4: HLTANCD : a), : HAE TIME : he τ HA CTNU 
À: ἘΔ : HA ρα : PO-L : (5) HAL 95 95 : σοι HA. 
BANC : Feb τ HART TT τ Ὁ τ NNC : ΔΊ Δ : NC? 
ἡ τ 0,697" τ HALENN : RAGE τ NOA : HA LOF : 78 
τ NC : ΔΉΔ'Φ- : [u]erAnc :(6) PAPE : HAL NEA : a 
AU : (7) HACHhHY : συγ, : HA ἈΦ : ANAL τ HA LA 
ag : ao, : HABTLER : ANL : DOAE. : HA .LTUNE : 
σοὶ] ἴλην, : HAL : OR : A7 : HAL ALT - AGP : 
ANAL: AA : θυ ὴ ἐν. : PCPL : ΔΆ συ- Ὕ : AN : ANT 
o-07 : oo : CRT: ἈὙΦΆ : σο θυ : NN : {δ : 
NI: AADY τ GS, : DANNY : (FE. 148 v° D) PP. : 
DAA AA : LPAA : DATA : Dm. : DAT 2 Ἴ : σοὶ" 
GA" de: DA ἸΘΔΎ : σο θὮσῃ - DÉTLPA : Δ] 4.7 : Non : 
LAN : Eh τ ANLAL-D τ ΘΓ Φ : (8) ao PNA, : HLON. : 7ἢ 


(1) Μ5. ha : 

(2) Ms. AC : Mn rfo : 
(3) Ms. œÿA : (?) 

(4) Ms. où : 

(5) Ms. φρο" : 

(6) Ms. eync : 

(7) Ms. ge : 

(8) Ms. ze-pn : 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 293 


A 2 Neo : [en :7(1) APT : ΦΗΚΊΥ τ APN : ἀν : ANA 
Nb : DA : τὴ ἐν. : ΠῚ: : NNCo- : C2) Hô Fov-z : AN : 
AL ἈΠ - DABRTNUA : ΔΊ“ : (9) Ἀδον : DE: : 
AIPAN - ANA - DAAN : HL AI Co: : (4) ΘΠ Δι : ἃ. ὙΠ Δύ : 
ΘΠ 0,701: ἃ ΤΟΝ: ΟἸΉΎ: A NI δ συ- : (5) HAdTAAD!: (6) 
AAA : LdC? : ὨἨΏΩ : (7) HAGAP : ht : AH: : 
οἰ δῆ ἢ συν τ HA ΘΠΔ, : HAT : MALO: : DAAG 
"συ. : AAN : Ωὐ δ. τ ΠΡ ΠΉ : [HA a:] and : (8) ΘᾺ 
AT: HNAdhSG : AA: NEDC - HNAAP : AH : θιἡνηῆι 
D : (9) ΔΆ. Ἤν : (EF. 149 r° ἃ) mRNE-r-: (10) σφώ : 
home : P9ù τ Aûoo : LOGE τ (11) GATE : Φη ΔΎ ἡ 
(A suivre.) 


Ms. no : φῆ: : 
15, nNCov: : NNCo0-7 : 
Ν 


Ι 
LS. H£n9°2: : 
NS. Ἀν. 75 αὶ : 


ire AHhñT SAR : (?) 
Ms. nn: : 


Ls. Δ7 7951 τ m. à m. « d’en discourir » 
I 


1 
(11) Ms. pocé. : 


TRADUCTION 


(F. 146 vo a) Exposé du mystère glorieux et caché et recherche de cet 
exposé sur le jugement des pécheurs. Pierre sonda Notre-Seigneur sur 
sa miséricorde (1) (pour) Adam. Méditez (ce mystère) (2), à mes frères, et 
que les choses de ce monde ne vous rendent pas insensés, ni l'or, ni 
l'argent, ni les gemmes, ni les vêtements précieux, car tout sera laissé 
ici et on (s’en) ira nu, comme on est sorti du ventre de sa mère. Quant 
à maintenant, laissez tout mal et libertinage. Ne regardez pas en arrière. 
Poursuivez (votre marche) en avant. Rendez droite votre course, en sorte 
que vous parveniez à votre domicile où est étendu le repos, où il n'y a 
pas (F. 146 v° b) de maladie et de souffrance, où l’on ne mourra plus (3) 
de nouveau, car lui-même est la source de la joie et la vie de la gloire. 
Lui-même est la vie, le consolateur et le sauveur de ceux qui sont dans 
les abimes, le libérateur de ceux qui sont dans les liens, (l'être) qui fait 
passer l’âme accablée des ténèbres dans la lumiere et de la corruption 
du péché dans la foi droite, la science véritable, la lampe qui fait voir 
(les choses) cachées. Il scrute le cœur et les reins. (Il est) le créateur de 
tout. 11 voit tout. (Il est) l'auditeur qui ne fait pas le sourd, le chemin vers 
son Père, le trésor conservé pour ceux qui ont espéré en lui, le magot 
caché pour ceux qui ont eu confiance en lui, (l'être) qui a pitié de ceux 
qui le craignent, (l'être) clément pour ceux qui lui sont fidèles (4), le 
libérateur de ceux qui s'appuient sur lui, le libérateur de ceux qui chan- 
cellent et tendent (F. 147 r° a) leur main vers lui, le vêt’ment qui n'est 
pas tissé, le jugement qui ne fléchit pas, le refuge qui ne reproche pas, 
l’intendant qui ne se lasse pas, le trésor qui n’est pas épuisé, le nour- 
ricier qui n’est jamais oublié (9), le donateur qui n’est pas indolent, la 
gloire qui ne s'avilit pas, le fort qui ne devient pas faible, la colonne qui 
ne vacille pas, le protecteur qui n’est pas indécis (6), (l'être) triple qui 
n'est pas divisé, la beauté qui étincelle, la splendeur qui ne finit pas, 


(1) τ. à m. « Ἰὼ». 

(2) m. à m. « méditez-le ». 

(3) Agvy : = calors ». 

(4) « comptent sur lui » (?). 

(8) « qui ne s’oublie jamais » (7). 
(Ὁ) « n'hésite pas », 


ι 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 295 


le bouclier solide qui n’est pas transpercé, le soldat qui ne fuit pas devant 
l'ennemi, l’ornement des rois, le mystère des prêtres, la citerne qui ne 
tarit pas, le puits qui n’est pas vide, qui n’a pas soif (?), le fleuve de 
vie qui réjouit ceux qui le regardent, le torrent immense. (Il est) glorifié 
dans (1) les apôtres, loué dans les grands, saint dans les saints, 
glorieux dans les humbles, caché aux veilleurs. (Il est) le Seigneur 
des (F. 147 r° b) armées du ciel, la robe des anges, le Seigneur des Sei- 
gneurs, le roi glorieux, la lumière éternelle, le Père de toute créature, 
la lumière et la splendeur pour tous les yeux, l'intelligence et la science 
pour tout (être) qui pense avec droiture, la tour et la base pour tout 
(être) qui se réfugie sous sa protection, (l’être) qui prend en pitié et qui 
soulage tout (être) qui se repent (et se tourne) vers lui. Il tient (2) les 
extrémités de la terre dans ses mains. Il est l'explorateur de la pro- 
fondeur des gouffres de la mer. Lui-même réclame (aux impies) le chä- 
timent des innocents (3). Il est le consolateur du cœur des tristes. Il est 
le destructeur des orgueilleux et des insensés (4). Il est l’auxiliateur des 
abattus et des faibles. Il est (l'être) qui ramène les opprimés et les captifs. 
Il est (l'être) qui a pitié des pécheurs et des criminels. Il est le guide (5) 
des boiteux et des estropiés. Il est le conducteur des sourds et des 
aveugles. Il est le médecin des pauvres et des (êtres atteints) de l’élé- 
phantiasis. (F. 147 vo à) Il est l’auxiliateur des persécutés et des déses- 
pérés. Il est le sauveur du voyageur et de l’étranger. Il est le juge des 
justes et des pécheurs. Il est (l’étre) qui recueille les bons et les miséri- 
cordieux. Il est (l'être) qui recueille les pauvres et les riches. Il est le 
gardien nuit et jour. Il est.le créateur (6) du soleil et de la lune. Il est 
(l'être) qui commande aux (êtres) qui sont dans le ciel et aux (êtres) qui 
sont sur la terre. Il est le principe et la base du monde entier, le derrière 
et le devant de ceux qui sont bâtis en lui, la porte et le fondement de 
ceux qui habitent en lui, le refuge et le lieu fortifié de ceux qui se reti- 
rent sous sa garde, la nourriture et le breuvage de ceux qui lèvent (les 
yeux) vers lui, l'habileté et la sagesse de ceux qui le cherchent. Il fait 
sortir de l'’abime ceux qui croient en lui. Il exauce la demande des soli- 
taires et les fait habiter (7) dans sa maison, (eux) qui se sont confiés à 
lui. Sa force est terrible et (F. 147 vo b) son royaume est puissant. Il 
tient (2) les extrémités du monde dans sa main. Il compte les étoiles. Il 
(les) appelle chacune par leur nom. L’étincelle des éclairs est envoyée 
de dessous son trône. La flamme du feu est envoyée sur son ordre. Nuit 
et jour, sa gloire est racontée. Les anges le louent. La mer aussi est com- 


(1) « par » (?). 

(2) m. à m. « il est tenant ». 

(3) m. à m. « purs ». Sens » infligé aux purs ». 

(4) « pusillanimes ». 

(5) m. à m. « le maître de course ». 

(6) m. à m. « l’auteur ». 

(7) autre trad. « Il fait sortir... et exauce leur demande. Il fait habiter les 
solitaires... » (ἢ). 


296 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


mandée par sa voix. Lui-même enferme les vents (1) terribles. Lui- 
même adoucit le bruit des coups de tonnerre. Lui-même refrène le ton- 
nerre terrible. Lui-même aussi limite les ondes de la mer et limite 
aussi ses flots par le sable. « Ne franchis pas (cet endroit) là », comrmande- 
til de sa voix. Lui-même a fondé la (partie) souterraine de la terre. Il 
a fait chaud le corps (des animaux qui sont) dans les eaux, afin que leur 
habitation ait lieu dans l’eau. Tu as fait froid aussi le corps des animaux 
qui sont sur la terre (9), afin qu'ils pussent vivre, (F. 148 r° ἃ) car — cela 
te convient — tu (y) as pensé d'avance. En effet, (le Seigneur) est le 
Père de nous tous. Il commande (aux êtres) supérieurs et inférieurs (3) 
et à la géhenne. Il comble les abimes. Il abaisse les orgueilleux. Il élève 
les humbles. Il affaiblit les forts. Il fortifie les faibles. Il ranime les 
débiles. Il déracine les superbes (4). Il abaisse les méchants. Il garde les 
justes. IT réjouit les tristes. Il rend tristes les (êtres) joyeux impéni- 
tents (5). Il appauvrit les riches. Il enrichit les pauvres. Toute son œuvre 
est vraiment merveilleuse et prodigieuse. Il est le lieu fortifié (6) de celui 
qui se réfugie sous sa protection. Il écoute la prière de celui qui ie 
prie (7). Il ne fait pas périr (8) la récompense de celui qui lui est 
fidèle (9). Il prête oreille (10) et découvre son cœur à celui qui se confie 
à lui. Il ouvre sa main, afin d’avoir pitié de celui qui l'aime. Il fait 
entendre les oreilles du sourd, afin de l’assagir. Il ouvre la bouche du 
muet, afin de le rendre intelligent (11). Il exauce (12) la prière de‘celui qui 
prie, (F. 148 r° b) afin de le conduire dans son chemin. Il délivre les (êtres) 
enchainés dans le péché, afin qu'ils aillent dans son chemin. Il ramène 
les égarés, (touchés) par le repentir (15), afin qu'ils (reviennent) dans son 
enclos, dans la joie des pécheurs. Ceux qui habiteront dans sa demeure 
se réjouiront (14) d'avoir pris soin d'écouter (sa) parole et ses commande- 
ments. Ils se promèneront dans sa propre joie, pour avoir fui la voie 
étroite et avoir brisé l'œuvre et les liens pernicieux (15) de celui qui 
s’acharne contre ceux qui se confient (au Seigneur). Il est l’espoir de 
ceux qui ont perdu espoir dans le repentir. Il est la gloire de ceux qui 


(1) mot mis en relief. 

(2) τὸ: à tm. « le sec », | 

(3) m. à m. « aux êtres des lieux élevés et des lieux inférieurs ». 
(4) “- 41 : sens ordinaire « gras, épais ». 

(9) m. à m. « les joyeux sans repentir ». 

(6) « le rempart ». 

(7) m. à m. « lui demande ». 

(8) « fait disparaître ». 

(9) « compte sur lui ». 

(10) m. à m. « il écoute ». 

(11) m. à m. «le faire comprendre ». 

(12) m. à m. « il accorde ». 

(13) m. à m. « qui sont dans le repentir ». 

(14) « et afin que ceux qui... se réjouissent... »; dans Ce cas, conserver g% 


ἀ δὴν 


15) τη. à mm, « la malice de l'œuvre et des liens ». 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 297 


ont mouillé (leurs yeux) de larmes et ont gémi (1). Il est la grace de 
ceux que les hommes haïssent à cause de son nom et qui sont persécutés 
à cause de son nom. Son propre royaume sera leur gloire et leur héri- 
tage. Ceux qui vont dans ses commandements se réjouiront dans son 
propre royaume. Ceux qui ont fait profiter son argent par le trafic de 
leurs propres talents (2) (F. 148 v° a) lui demanderont (3) leur récompense 
sans honte. Il est le trésor qui n’est pas épuisé, la joie qui ne s'achève pas, 
le don qui n’est pas lent à venir, la beauté qui étincelle, l'intendant qui 
ne se lasse pas, l’(être) miséricordieux qui ne domine pas par la force, 
le roi qui n’est pas destitué, l’(être) sain (4) qui n’est pas malade, le 
pavire qui ne fait pas naufrage, la construction qui n’est pas démolie, le 
don de gloire à jamais, la lumière de vie que n’atteignent pas les ténèbres, 
la richesse que n’entoure pas la pauvreté, la gloire (qui) subsiste à jamais, 
le voile qui n’est pas divisé, le consolateur qui n’est pas triste, le purifica- 
teur qui n’est pas souillé, il exauce (5) sans faire le sourd (6), il estle maitre 
qui ne néglige pas l’insensé (7), le rémunérateur qui n’est pas indolent, 
l(être) procurant la joie qui n’est pas triste, le donateur de grâce qui ne 
se retire pas, l(être) pardonnant les péchés à ceux qui se repentent, le lieu 
de rafraîchissement des assoiffés, le Père des solitaires, le trésor de se- 
cours, la porte du salut, la gloire du monde entier, le chasseur des dé- 
mons, l(être) (F. 148 vo b) brisant Satan, le destructeur du Schéol, le con- 
vertisseur des pécheurs, [ 6006) réjouissant les probes, I(être) affaiblissant 
les forts. Il venge les opprimés, afin de rendre justice (8) à celui qui est 
réellement juste. Il est le maitre qui exalte le repentir. Comme (dit) David, 
la crainte du Seigneur est le commencement de la sagesse. Quant à 
ceux qui font pénitence, leur gloire d’une part et leur récompense de 
l’autre seront auprès du Seigneur. Il n’est pas possible de les exprimer, 
car elles dépassent l'intelligence (9) de l’homme, personne ne les connaît, 
elles n’ont pas été concues par l'intelligence, elles n’ont pas été vues par 
les yeux, l'oreille ne les ἃ pas entendues, la gloire éternelle et la joie à 
jamais qu’il a préparées pour ceux qui l’aiment. Quant à leurs vêtements, 
(ce seront des vêtements) qui ne s’useront pas (et) ne seront pas faits 
à la main. Leur intelligence n'aura pas d'autre souci que la louange et la 
prière, (dites) dans une seule pensée, dans l'amour et dans la paix, alors 
qu'ils glorifieront le Seigneur (F. 149 r° a) et deviendront la demeure de 
l'Esprit-Saint, car les saints se reposeront pendant le jour. 
(A suivre.) 


(1) restitution probable, car &æ4 τ n’a pas de sens. 

(2) m. à m. « de leur propre talent ». 

(3) conserver φῇ ἣν : = « et qui lui demanderont » (?). 
(4) restitution. ; 

(5) nom d'agent. M. à m. « il est l’auditeur ». 

(6) m. à m. « qui ne fait pas le sourd ». 

1) « lignorant ». 

(8) « rendre jugement pour » (?). 

(9) « le cœur ». 


SAINT EUTHYME LE GRAND 


MOINE DE PALESTINE (376-473) 


Avant de parler du saint, présentons son biographe. Cyrille 
de Scythopolis est l’une des plus belles gloires du monachisme 
palestinien et de l'hagiographie byzantine. Lui-même a fourni 
dans ses nombreux ouvrages certaines indications et certaines 
dates, qui permettent de retracer la plus grande partie de sa 
courte existence. Il naquit au plus tôt (1) en 524 dans la riante 
ville de Scythopolis, baignée par un des affluents occidentaux 
du Jourdain. Son père y était architecte et conseiller de l’évêque 
Théodose. Cyrille était encore bien jeune, lorsque saint Sabas 
vint, pendant l'hiver de 531, apporter au métropolitain un 
nouvel édit religieux de l'empereur Justinien. Sa rencontre 
avec l'illustre anachorète détermina sa vocation. Saint Sabas, 
qui logeait chez ses parents, lui prodigua mille tendresses, le 
nommant le fils du père du désert et le considérant dès lors 
comme son disciple. 

Admis de bonne heure parmi les religieux de sa ville natale, 
Cyrille ressentit bien vite le désir de visiter Jérusalem et de 
s'établir dans les environs. Sa mère lui recommanda en pleu- 
rant d'éviter les pièges des Origénistes, dont les rêveries fantai- 
sistes soulevaient en ce moment la Palestine, et de remettre la 
direction de son saintème à Jean le Silentiaire, le reclus de 
Saint-Sabas, 


Cet ascète muet qui ne parlait qu'aux anges, 


(1) M. Diekamp ἃ établi (Die origenistischen Streiligkeiten im sechsten Iahrhun- 
dert, Munster, 1899, p. 6) que Cyrille était né vers 924 et non en 9514, comme on 
le croyait généralement, 


+ 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 299 


comme ἃ dit un fin critique, qui est à ses heures un excellent 
poète (1). 

Le jeune homme suivit tout d'abord les conseils de la pru- 
dence maternelle et, au mois de novembre 543, il quittait Scy- 
thopolis pour se rendre à Jérusalem. Il y assista, le 21 novembre, 
à la consécration de l'église Sainte-Marie la Neuve, bâtie sur 
l'esplanade du Temple et dont la dédicace annuelle valut à 
l'Église universelle la fête de la Présentation; de là, il courut à 
la laure de Saint-Sabas consulter Jean le Silentiaire sur sa vo- 
cation. Celui-ci l'adressa au couvent de Saint-Euthyme, mais, 
comme le désir de Cyrille était de se retirer dans un monastère 
des bords du Jourdain, il vint à la laure de Calamon. Une grave 
maladie, qui dura six mois, le rappela bientôt à la stricte ob- 
servation de ses engagements. En même temps, un songe le 
relevait de son profond abattement et lui montrait le chemin 
du couvent de Saint-Euthyme, où il trouverait sa guérison. Il 
obéit au signe d'en haut et, depuis le mois de juillet 544, fut 
inscrit parmi les religieux de ce monastère. 

Cyrille y serait sans doute demeuré toute sa vie sans une cir- 
constance fàcheuse qui modifia complètement son avenir. La 
Nouvelle-Laure, ce foyer ardent de l’origénisme, était pour le 
pays et même pour l'empire un danger toujours menaçant; la 
tranquillité ne fut assurée que du jour où ses moines, très ins- 
truits, mais brouillons et utopistes, furent déportés hors de la 
Palestine et remplacés par une colonie de cent vingt moines fer- 
vents et soumis à l'Église, choisis dans les monastères les plus 
en renom, 21 février 555. Cyrille était du nombre, mais son 
séjour n'y fut pas de longue durée. La destinée que saint Sabas 
lui avait prédite dans son enfance, les instances pressantes de 
son ami Georges, qui n'avait pas oublié les paroles du solitaire, 
tout, jusqu'aux conseils de saint Jean le Silentiaire, conspirait 
à l'arracher à la Nouvelle-Laure et à l’attirer à Saint-Sabas. 
Dans les premiers mois de 557, il s'était déjà procuré une cel- 
lule à la Grande-Laure. 

Depuis longtemps, Cyrille ressentait le vif désir de recueillir 
les traditions et les souvenirs des moines pour écrire la vie des 
principaux d’entre eux. Dans ce dessein, il parcourut les mo- 


(1) Le R. P. Edmond Bouvy dans une fête de famille, 


300 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


nastères et les laures, interrogeant de préférence les témoins 
oculaires des faits à raconter. La mémoire inépuisable et un 
peu grossissante de saint Cyriaque, disciple des saints Euthyme 
et Gérasime; les souvenirs plus sobres de saint Jean le Silen- 
tiaire, ami de saint Sabas; ceux du prêtre Thalélée, du cheikh 
Térébon et d'autres vieillards, servaient ses désirs à souhait. 
Pas un fait avancé sans qu'en soit indiquée la source; pas un 
miracle donné comme tel, sans que Cyrille en précise la nature, 
le sujet, le lieu et la date. Tous les événements sont passés au 
crible d’une critique, novice encore mais qui a de beaucoup de- 
vancé son époque, et les histoires édifiantes ou les récits légen- 
daires sont rangés parmi les senilia des narrateurs, sur les- 
quels on ne saurait asseoir une conviction. 

En 555, lors de sa translation à la Nouvelle-Laure, Cy rille 
devait avoir terminé en majeure partie ses recherches sur la vie 
de saint Euthyme et celle de saint Sabas. Cependant, elles 
étaient encore sans ordre, à l'état de simples notes jetées sur le 
papier, bien qu'il fût arrivé à un éclaircissement satisfaisant 
des circonstances et des événements essentiels. Son ami Georges 
de Béella, près de Scythopolis, mis au courant de ses recherches, 
priaCyrille de terminer son travailet de le lui envoyer, tandis que 
le patriarche Eustochios lui en faisait presque une obligation. 

Les recherches méthodiques et les voyages ne semblent pas 
avoir causé à l'hagiographe de grandes difficultés, mais la cohé- 
sion des notes, leur arrangement, le style, les mille et un petits 
secrets du mét'er lui parurent des monts infranchissables. Son 
extrème modestie s'opposait aussi à ce qu'il osàt affronter les 
critiques de la publicité. Il se prit à regretter amèrement la for- 
mation pédantesque des rhéteurs, l’à-propos des citations et des 
allusions bibliques, les réminiscences des auteurs classiques, 
toutes choses qui semblaient alors inséparables d’un écrit édi- 
fiant, bref, tous les défauts et le manque de goût de ses con- 
temporains. Il sentait bien, dans son âme neuve et candide, de 
la chaleur, de l'amour, de l'enthousiasme même pour son œuvre 
de prédilection; il avait vérifié les dates, examiné les lieux pour 
les décrire au besoin, interrogé tous les survivants de ses héros, 
pris des précautions sans nombre pour n'avancer rien de con- 
traire à la vérité; sur Ce point, sa conscience ne lui adressait 
aucun reproche. Sans doute, mais il n'avait pas suivi les écoles 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 90] 


de rhétorique, il ne savait pas composer une préface, il ignorait 
l’art de parler longuement sans rien dire, de balancer des pé- 
riodes interminables et de bercer mollement le lecteur, avant 
de l’'endormir. 

La préface surtout lui causait des chagrins mortels, qui 
faillirent plus d'une fois lui arracher la plume des mains; il y 
pensait le jour et la nuit, au travail et à l'église, dans ses rêves 
et dans ses veilles, et il n'aurait point surmonté ses scrupules 
sans un songe, qui vint heureusement dissiper ses inquiétudes. 
Saint Euthyme et saint Sabas lui apparurent durant son som- 
meil, s’approchèrent de lui afin de le consoler et le premier, à 
la prière de saint Sabas, lui donna à boire un flacon d'argent, 
qui contenait, avec une liqueur céleste, le don inestimable d'une 
préface. Ces détails, qu'il nous donne lui-même avec une naï- 
veté charmante, à la fin de sa biographie de saint Euthyme, 
montrent du moins les soucis que lui avait causés sa fameuse 
préface. Enfin, il la tenait, sa préface; et elle n’a pas précisé- 
ment la saveur d’une inspiration céleste, remarque malicieu- 
sement un critique (1). Elle se compose d’une profession de 
foi, exposée dans un parfait accord avec la formule du concile 
de Chalcédoine, puis d'un coup d’œil rapide sur les moines et 
les martyrs que Cyrille invoque pour l'instruction de l'huma- 
nité. Et... c'est tout. La difficulté est vaincue, le biographe ἃ 
mis la main sur saint Euthyme. Il peut à présent coordonner 
les notes préparées depuis de longues années et achever, sans 
trop de peine, les biographies de saint Euthyme et de saint 
Sabas. Il les envoya aussitôt à son ami et protecteur, Georges de 
Béella, vers l'an 557, avant son passage de la Nouvelle-Laure à 
Saint-Sabas. 

Cependant, à mesure que Cyrille avançait dans son travail, 
le plan s'était élargi. Dans la biographie de saint Sabas, il ren- 
voie déjà à la vie de saint Jean le Silentiaire qu'il composera 
plus tard. L'approbation unanime que recurent ses deux pre- 
miers ouvrages l’affermit encore dans sa résolution. Dès lors, 
son projet parait être de rassembler tout ce qu’on savait de sûr 
sur les ascètes du désert palestinien et de publier ces divers 
souvenirs sous forme de petites biographies. Nous possédons 


(1) M. Usener dans son ouvrage, Der heilige Theodosios. Schriften des Theodo- 
ros und Kyrillos, Leipzig, 1890, p. xvr. 


302 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


aujourd'hui cinq de ces biographies : les vies de saint Jean le 
Silentiaire, de saint Cyriaque, de saint Théodose le Cénobiarque, 
de saint Théognius, enfin, une cinquième récemment décou- 
verte, la vie d'Abraham, disciple de saint Sabas et plus tard 
évêque de Cratia. 

De brèves indications, dispersées dans les derniers ouvrages 
de Cyrille, démontrent manifestement qu'il les considérait tous 
comme les parties connexes d'une œuvre d'ensemble, en dehors 
des vies de saint Euthyme et de saint Sabas, qui formaient, 
chacune prise à part, un tout complet. Les mots qui ouvrent la 
vie de saint Jean le Silentiaire : « Je place en tête l'abbé Jean 
dans mon récit », prouvent sans doute possible que cet ouvrage 
commençait la série des petites biographies. Ce fut la mort vrai- 
semblablement, qui empêcha Cyrille de réaliser son rêve, et les 
morceaux déjà prêts furent édités comme des œuvres séparées. 
Il est bien regrettable que la vie se soit dérobée à lui de si 
bonne heure, alors qu'il était dans la pleine maturité de l'âge 
et du talent. 

« Les récits de Cyrille, dit M. Couret (1), nous peignent la 
vie intérieure de la Palestine au γ΄ et au vi‘ siècle, les grandes 
fondations religieuses, les révoltes des moines, les violences des 
hérétiques et les luttes des évêques contre les usurpateurs qui 
tentent d’envahir leurs sièges. Son style, d'une élégance natu- 
relle, la simplicité un peu familière de sa narration, sa com- 
plaisance pour les détails intimes de la vie de ses personnages, 
la rapidité claire et précise de ses résumés historiques, l’art 
avec lequel il dégage de son récit tous les faits secondaires 
pour grouper autour de ses héros les grands événements de 
l'histoire, la poésie de ses descriptions le rapprochent de Plu- 
tarque et assurent à ses biographies un rang distingué parmi 
les œuvres historiques du vi‘ siècle (1). » 

Ce jugement est parfait et tous les critiques y souscrivent 
aujourd'hui sans regret. Malheureusement, quelques-uns 
d’entre eux trouvent que la saine méthode historique de Cy- 
rille est gâàtée par des contes merveilleux et des histoires d'un 
autre âge; et ils entendent visiblement par là les miracles di- 
vers qu'auraient accomplis les saints, dont il raconte l'exis- 
tence merveilleuse. Que plusieurs de ces miracles ne présentent 


(1) A. Couret, La Palestine sous les empereurs  recs, Grenoble, 1869, p. 206. 


<)'uà 2 ANSE 
à BA À roi 4 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 303 


pas toutes les garanties désirables, c'est possible. Nous croyons 
avoir élevé, au sujet de plusieurs qu'on attribuait à Euthyme, 
des réserves suffisantes; mais de là à les nier tous, il y ἃ un 
abime. On n’explique pas tous ces faits naturels par la solitude 
et la nature sauvage qui entouraient ces moines, pas plus que 


par leurs renoncements et leurs mortifications corporelles. Les 


visions ne sont pas nécessairement le fruit de cerveaux ma- 
lades ou peu nourris, et l’on n'a peut-être rien expliqué, lors- 
qu'on ἃ dit que les solitaires s'échauffaient mutuellement dans 
leurs visites et, faute de nouvelles courantes, se précipitaient 
avec une faim insatiable sur des contes à dormir debout. 

Voici les éditions des ouvrages de Cyrille de Seythopolis, qui 
ont été utilisées au cours de ce travail : 

1° Vila 5. Euthymii dans les Æ£cclesiæ Græcæ monu- 
menta de Cotelier, édition des Mauristes, t. IV, Paris, 1692, 
p. 1-99. La recension de Syméon Métaphraste est imprimée 
dans Cotelier, t. II et dans Migne, P. G.,t. CXIV. 

2° Vila s. Sabæ dans Cotelier, t. IT, p. 220-376. Un érudit 
russe, M. Pomijalovskij, ἃ reproduit l'édition grecque de Cote- 
lier en y ajoutant une ancienne traduction slave, Saint-Péters- 
bourg, 1890, p. 1-533. 

3° Vita 5. Joannis Silentiarii, édition des Bollandistes dans 
les Acta Sanclorum, mai, t. HI, en appendice, p. 16-21. 

4 Vita 5. Cyriaci, édition des Acta Sanclorum, septembre, 
t. VIII, p. 147-158. | 

Ὁ Vita s. Theodosii, éditée par M. Usener, Der heilige 
Theodosios. Schriften des Theodoros und Kyrillos, Leipzig, 
1890, p. 105-113. 

6° Vita 85. Theognii, éditée par le P. Van den Gheyn dans les 
Analecta bollandiana, 1891, t. X, p. 119-118, et en 1892 par 
M. Papadopoulos-Kerameus dans le Pravosl. Pal. Sbornik. 

1° Historia 5. Abramii dans les Analecta bollandiana 
(1905), t. XXIV, 350-356; la Νέα Σιών, t. IV (1906), juillet- 
août, supplément, p. 1-7; etla Revue de l'Instruction publique 
en Belgique, t. XLIX (1906), p. 281-296. 

A part cette dernière biographie et les Vies de saint Théo- 


gnius et de saint Théodose, qui ont été amendées par diverses 


études au point de vue philologique, les ouvrages de Cyrille de 
Scythopolis attendent toujours une bonne édition critique. 


CHAPITRE PREMIER 


LE MONACHISME PALESTINIEN AU IV° SIÈCLE. 


Conception différente de la vie religieuse en Occident et en Orient. — Les reli- 
gieux en famille. — Le monachisme égyptien et saint Ililarion. — Les fon- 
dations de saint Chariton. — Les premiers couvents de cénobites. — Les irré- 


guliers du monachisme. 


Le monachisme est une institution qui tient aux entrailles 
mêmes de l'Église; on le retrouve à tous les âges et sous tous 
les climats. D'origine divine comme son fondateur, il semble 
s'être proposé de reproduire, autant que le permettent les 
forces humaines et le secours de la grâce, la vie et les œuvres 
de son maître et de son modèle : Jésus-Christ. Mais, tandis que 
l'esprit souple, pratique et assimilateur de l'Occident en ἃ su 
varier les manifestations, du premier coup la vie monastique 
en Orient a été coulée dans un moule unique, figée et pour 
ainsi dire stéréotypée. 

Les moines d'Occident se réuniront en communauté comme 
Jésus avec ses disciples; ils se feront contemplatifs comme lui 
sur le Thabor, pauvres comme lui dans la crèche, souffrants 
comme lui sur la croix. Ce programme de perfection intérieure 
et toute personnelle ne leur suffit pas. Se rappelant les luttes 
du Christ avec les Scribes et les Pharisiens, ils deviendront 
des soldats de la parole ou de la plume, parfois même des 
soldats tout court. L'évangélisation des cités et des bourgades, 
le déboisement et le défrichement des forêts, l'éducation du 
peuple, l’'acheminement progressif des barbares vers la civili- 
sation chrétienne solliciteront les soins du plus grand nombre, 
tandis que d’autres se voueront corps et àme à panser les 
blessures de l'humanité souffrante, à prêcher aux Infidèles 
l'idéal élevé et consolant de la religion du Christ. En un mot, 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 309 


ils étudieront soigneusement le mal dont souffre chaque époque 
et lui opposeront les remèdes le mieux appropriés. 

L'Orient présente un aspect bien différent. La pénitence d'Élie 
et de Jean-Baptiste, le séjour de Notre-Seigneur dans le désert 
ont exercé une telle fascination sur ces imaginations ardentes 
et pucriles, qu'elles se refusent à concevoir un autre idéal. Se 
retirer dans un lieu solitaire, jeûner, prier, vivre pour Dieu et 
pour soi, tel est le but unique à atteindre, le modèle suprême 
à réaliser. Même les couvents de cénobites ne poursuivent pas 
d'autre fin. En Égypte comme en Palestine, ils ne sont le plus 
souvent destinés qu'à alimenter les solitudes et les déserts. 
Certes! si l’hérésie vient troubler la paix de l'Église et aussi 
leur repos, si l'âme du prochain ou la tranquillité de la so- 
ciété monastique courent de sérieux dangers, plusieurs soli- 
taires sauront travailler à la réfutation de ces doctrines 
perverses et trouver dans leur cœur des accents capables d’é- 
branler. Mais ce ne sera là que le fait du petit nombre, d’une 
élite, perdue au milieu d'une foule grossière et dont l’instruc- 
tion acquise dans le monde contraste singulièrement avec [1- 
œnorance des autres caloyers. La masse des simples moines, 
recrutée dans les milieux les plus populaires, ne comprend 
rien à ces polémiques, où l'existence de l'Église est parfois 
mise en péril, et elle apporte à la défense de la mauvaise 
comme de la bonne cause toute l'énergie de sa parole et toute 
la pesanteur de ses poings. La sanctification du prochain lui 
est, en somme, fort indifférente. En se retirant du monde, le 
moine oriental a dit adieu à la société laïque et il entend bien 
que cet adieu soit définitif. 

Saint Euthyme, qui vécut en Palestine au γ' siècle, fut moine 
et père de nombreux moines; il incarne même avec son dis- 
ciple saint Sabas l'idéal monastique en Orient. On ne saurait 
pourtant comprendre son existence d’anachorète, ni l'action 
profonde qu'elle a exercée sur le monachisme oriental, sans 
connaitre, au préalable, les origines de la vie religieuse en Terre 
Sainte et l’état où elle se trouvait, au moment où y aborda 
notre saint. 

Au 1v° siècle, lorsque l'empire païen perdit de son influence 
et que l'Église en recouvrant sa liberté se fut notoirement at- 


tiédie, « il se forma dans son sein un groupement des âmes 
ORIENT CHRÉTIEN. 20 


906 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. Ε 


les plus zélées et les plus ferventes. Ο᾽ ὀἰαϊθηΐ des hommes et 
des femmes, vivant au milieu du monde et sans se dégager 
des obligations et des relations de la vie ordinaire, mais 
s'engageant par une sorte de vœu ou par une profession pu- 
blique, à être chastes toute leur vie, à Jeüner toute la semaine, 
à prier tout le jour. On les appelait en Syrie monazontes et 
parthenæ : c'étaient les vierges et les ascètes. Ils formaient 
comme un tiers-ordre, une confrérie sans hiérarchie et sans 
lien, un tiers-état entre la cléricature et la laïcité, n'ayant — 
je parle des ascètes — aucun des pouvoirs des clercs et rien que 
des devoirs plus stricts que les laïcs. La vie religieuse propre- 
ment dite ne sera qu'un développement de cette institution 
séculière. Ces ascètes et ces vierges, nous les trouvons cons- 
titués de cette sorte dans toutes les grandes Églises d'Orient de 
la première moitié du 1v° siècle, à Alexandrie, à Jérusalem, à 
Antioche, à Édesse (1) ». 

Deux hommes surtout ont contribué puissamment, dans Ja 
première moitié du 1v° siècle, à transporter dans les déserts de 
la Palestine ces bonnes volontés retenues jusque-là dans leurs 
familles, à réunir ces forces éparses dans des groupements ré- 
guliers et à leur donner pour l'avenir un certain nombre de 
règles de conduite. Saint Hilarion, dans les vastes solitudes 
qui s'étendent autour de Gaza et d'Élousa; saint Chariton, aux 
environs de Jérusalem et de la mer Morte; tels furent les deux 
instruments de la Providence. Bien que contemporains, tra- 
vaillant à la même œuvre et ayant, semble-t-il, à peu près la 
même manière de vivre, les deux saints ne paraissent pas 
s'être connus. | 

Saint Hilarion se rattache à la vie monastique de l'Égypte. 
Disciple de saint Antoine, il tenta d'implanter dans le sud de 
la Palestine les pratiques religieuses de son maitre. Or, saint 
Antoine avait fait subir à la vie monastique sa première évo- 
lution en abandonnant l’érémitisme rigide de Paul de la Thé- 
baïde. Il dirigeait, avec Macaire et d’autres vieillards, des 
groupes de disciples, dont les cellules étaient encore isolées les 
unes des autres, mais tendaient sans cesse à se rapprocher. 


Déjà, à certains jours, des exercices communs réunissaient les 


(1) P. Batiffol, Histoire du bréviaire romain, Paris, 1894, 25 édition, p. 16. 


." Len 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 307 


anachorètes du voisinage. Encore un pas, et ces réunions al- 


laient devenir plus fréquentes, et l'enceinte d’un monastère 
abriterait les cellules et les frères sous une même règle de vie. 
Cette étape dernière, conséquence obligée de principes posés 
depuis longtemps, Pachome la fit franchir au monachisme 
égyptien. 

Le cénobitisme pachomien n'existait pas encore, lorsque, 
dans un séjour de deux mois qu'il fit auprès de saint Antoine, 
le jeune Hilarion apprenait de lui les premiers éléments de 
formation intérieure. Ce n’est donc pas cette forme de la vie 
religieuse qui s’introduisit tout d’abord en Palestine. On n'a, 
pour s’en convaincre, qu'à lire attentivement la célèbre biogra- 
phie que lui ἃ consacrée saint Jérôme. A travers la magie du 
style et l’imprécision des idées coutumière au solitaire de Beth- 
léem, le moine de Thabatha nous apparait comme un autre 
saint Antoine, vivant seul dans une petite cabane et n'ayant 
avec les ascètes du voisinage que des relations de maitre à élève. 
Une fois par an, d'ordinaire à l'époque des vendanges, 1l les vi- 
sitait tous, même ceux des régions les plus reculées, s’invitant 
à la table des plus riches ou des plus généreux et dispensant 
à chacun les avis spirituels et les conseils que lui suggérait sa 
prudence. Ces instructions une fois données, on se séparait et 
chacun s’assujettissait à nouveau au genre de vie qui lui conve- 
nait. On voit à ces détails, on voit aussi aux groupements plus 
importants de moines autour d'Hilarion et sans doute autour 
d’autres ascètes célèbres, que le monachisme primitif de Gaza 
reproduisait trait pour trait celui de l'Égypte et de saint 
Antoine. | 

Ce qu'Hilarion avait tenté dans la Palestine méridionale, 
voisine de l'Égypte et entretenant avec elle des rapports fort 
suivis, un autre moine, saint Chariton, le renouvelait avec 
succès à la même époque, tout près de Jérusalem. A vrai dire, 
nous sommes assez mal renseignés sur l'activité monastique 
de cet émule d'Hilarion, son biographe anonyme étant fort 
tardif, assez crédule et n'ayant disposé pour son travail que de 
renseignements oraux et, par suite, sujets à caution. Mais, 
sur le flot même des contes légendaires qui constituent pres- 
que tout son récit, surnagent des parcelles historiques, qui, 


soumises à un contrôle sévère, paraissent acceptables. 


308 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Chariton (1) était né à Iconium dans la Lycaonie et, après 
avoir peut-être souffert durant les persécutions, il avait quitté 
sa ville natale sous le règne de Constantin le Grand, 306-337, 
pour visiter les Lieux Saints. Sur les bords du Jourdain, non 
loin du gué célèbre où Jean-Baptiste avait baptisé le Christ, 
notre pèlerin rencontra quelques anachorètes, sans doute d’an- 
ciens . disciples d'Hilarion. Ils vivaient isolément dans des 
cabanes ou des grottes, fort nombreuses aujourd’hui encore en 
cette région. Après s'être initié auprès d’eux à la vie monasti- 
que, Chariton se retira dans la gorge de Pharan, située à neuf 
ou dix kilomètres de Jérusalem. L’affluence nombreuse de dis- 
ciples qui l'y suivirent, le bruit qui se faisait autour de son 
nom, ainsi que les mille soucis de sa charge, ne tardèrent 
pas à gêner ses relations intimes avec Dieu. Il confia donc la 
direction de la laure au plus éprouvé de ses enfants et, libre 
désormais de toute sollicitude, il se mit à la recherche d’un 
asile moins fréquenté. Il οὐαί l'avoir découvert aux abords de 
la vallée du Jourdain, près de Jéricho, sur les flancs d’une élé- 
vation assez raide, où s'étageaient une série de grottes, tout 
à fait propres à ses desseins. Des miracles sans nombre, des 
bienfaits de toute nature, que l'on rencontre habituellement 
dans la vie des premiers moines, manifestèrent bientôt aux 
habitants de Jéricho et des villages environnants la puissance 
surnaturelle de leur hôte. Sans tarder, des recrues, peut-être 
même des fugitifs de Pharan, se placèrent sous l'obédience du 
saint, qui ne séjourna pas, du reste, longtemps dans sa nou- 
velle résidence, car nous le retrouverons tantôt à la poursuite 
de cette solitude, qui se dérobe à son étreinte dès qu'il paraît la 
saisir. 

On appelait Douca la seconde laure établie par Chariton. 
C'était le nom même de la montagne, aux flancs de laquelle 
souvraient les grottes des ascètes, nom que l'on retrouve 
déjà au 1° siècle avant notre ère (2). 

(1) Vita s. Charilonis dans les Acta Sanctorum, t. VII, Sept, 572-581, et dans 
Migne, P. G., t. CXV, col. 900-917. 

(2) Le nom de Douca ou Doch se lit tout d’abord dans le premier livre des 
Machabées, x11, 11-18, comme désignant un petit fort, bäti par Ptolémée, fils 
d’Abob et gendre du grand-prêtre Simon Machabée. C’est là que, après un festin 
trop copieux, tomba victime d’un odieux guet-apens, Simon, le dernier survi- 
vant des grands Machabées, février 135 avant Jésus-Christ. Peu après, Jean 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 309 


A peine la laure de Douca était-elle constituée et la discipline 
monastique s'y voyait-elle établie, que Chariton abandonnait 
sa grotte pour courir à la recherche d'un site plus retiré. Il 
s’enfonça une journée entière dans les solitudes mornes du 
désert de Juda et remarqua, à l’est de Thécoa, patrie du pro- 
phète Amos, une gorge désolée, ceinte de montagnes abruptes et 
lui offrant un asile inviolable. Peine inutile! Le bruit de sa 
renommée avait pénétré partout; le désert aride allait de nou- 
veau se couvrir de fleurs. Les habitants de Thécoa furent ses 
premières conquêtes et la vallée inhospitalière retentit bientôt 
des louanges de Dieu. Chaque caverne de la montagne trouva 
bientôt son locataire et, des divers étages de cellules, montait 
nuit et jour vers le ciel la prière incessante des anachorètes. 

Une troisième laure était fondée. On lui donna en syriaque 
le nom de Chouka ou Souka, qui signifie couvent, tandis qu'on 
l'appelait de préférence en grec la Vieille-Laure. Le lecteur 
admirera sans doute combien les desseins de l’homme s’ac- 
cordent avec les vues de la Providence, tout en paraissant 
d'abord les contrarier. À deux reprises, Chariton avait fui 
la société monastique pour apaiser sa soif de repos et d'isolement 
et, à deux reprises, Dieu avait paru condescendre à ses désirs. 
En réalité, c'étaitune main mystérieuse qui le poussait en avant 
et le dirigeait pour qu'il disséminât les maisons de prière sur 
la terre de Palestine. 

Grace à saint Chariton, le ἘΠ ἌΡ égyptien était accli- 
maté, au 1v° siècle, dans le centre de la Palestine et il allait 
prendre bientôt un développement merveilleux. La vie des 
laures, en effet, exerçait alors sur les esprits une attraction 
très puissante. En dehors des trois qui se réclamaient du nom 
et de la gloire de saint Chariton, d’autres, plus obscures, 
émergeaient rapidement du sol. Tantôt les moines se propo- 
saient de veiller sur une grande mémoire, comme ceux qu'une 
pèlerine des Gaules ou de l'Espagne (1) rencontra, vers 3859, 


Hyrean, le fils de la victime, venait assiéger le traître dans sa forteresse, afin 
de venger la mort de son père, mais une ruse de guerre permit encore à Ptolé- 
mée d’éloigner ce redoutable péril. Josèphe, Antig. jud., XII, vi, 1, et De bello 
jud.,-1,.2, 3seq. 

(1) Il s’agit de l’auteur de l'ouvrage connu faussement sous le nom de Pere- 
grinalio Silviæ. 


310 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


au pied du mont Nébo, non loin du tombeau supposé de Moïse; 
tantôt ils voulaient situer un fait évangélique, comme ceux 
d'Enthenaneth ou du champ des Pasteurs. On dirait même, 
à lire les récits encore peu nombreux qui remontent à cette 
époque, que les préoccupations exégétiques influaient souvent 
sur le choix de tel ou tel terrain. Tout était à retrouver de 
l'Ancien et du Nouveau Testament; tout était à montrer aux 
pèlerins enthousiastes, avides comme les nôtres de précisions 
topographiques et prêts à s'incliner avec respect devant n'im- 
porte quelle ruine. 

Toutefois, un changement survient, dès la fin du ιν siècle, 
dans la conception de la vie religieuse. Sous l'effet des persé- 
cutions ariennes, qui désolèrent l'Orient, de la mort de Cons- 
tantin à l'avènement de Théodose, 337-378, ou sous l’action 
grandissante des idées pachomiennes, se fondent dans les 
grandes villes de vrais couvents de cénobites, couvents d'hom- 
mes et couvents de femmes, qui diffèrent assez peu de ceux 
d'aujourd'hui et partagent leur temps entre la prière et l'étude, 
le travail manuel et les œuvres de bienfaisance. Mais ces mo- 
nastères, par le personnel même qui les composait, passèrent 
presque inaperçus; ils n'étaient qu'un reflet de la vie mo- 
nastique occidentale, parfois de simples colonies de Latins. 
On les rencontre sur le mont des Oliviers avec Mélanie l’aïeule 
et Rufin, aux portes de Bethléem avec saint Jérôme et sainte 
Paule, près d'Éleuthéropolis avec saint Épiphane de Salamine. 
Quel prestige auraient pu exercer sur l'Oriental défiant et 
particulariste des hommes dont il ignorait généralement la 
langue et qui nourrissaient à l'endroit de ses dévotions ou de 
ses coutumes un dédain souvent arbitraire, presque jamais dé- 
guisé? Si édifiante que parüt leur existence et qu'elle le füt 
en réalité, la présence de ces étrangers n'était pour les Syriens 
qu'un scandale. Pouvaient-ils applaudir aux scènes de violence 
que suscitait à leur digne pasteur, Jean de Jérusalem, le tur- 
bulent Épiphane, un Palestinien sans doute, mais aussi le pro- 
tecteur avoué des Latins? Pouvaient-ils s'édifier au spectacle 
des brouilles et des réconciliations incessantes que tentaient 
Mélanie et sainte Paule, surtout Rufin et saint Jérôme, 
dont l'amitié proverbiale avait jadis couru le monde et qui 
se déchiraient aujourd’hui devant le monde entier? Aussi, n'y 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 311 


a-t-il pas lieu de s'étonner que les Orientaux aient d'ordinaire 
gardé le silence, et un silence calculé, sur de si belles fonda- 
tions monastiques et que d'autres ne les aient signalées que 
pour en marquer leur étonnement. Déjà, Possidoine chuchotait 
à l'oreille de Pallade tout ce qui se disait au monastère de Ja 
tour d'Ader sur le caractère irascible et vindicatif de saint Jé- 
rôme et Pallade lui-même nous confie discrètement que Paule 
la Romaine serait une sainte accomplie, si elle n'avait eu {a ma- 
lencontreuse idée d'accepter comme père spirituel le fougueux 
Dalmate. 

Les laures et les couvents de cénobites ne suffisaient pas à 
satisfaire tous les esprits ni tous les tempéraments. Si grande 
que füt la liberté laissée dans les laures à l'initiative person- 
nelle, elle se voyait restreinte, deux fois la semaine, par des 
exercices communs et, chaque jour, par une surveillance pa- 
ternelle, dont ne pouvaient s’accommoder certains caractères. 
A ces indépendants, les rênes de l’obéissance, si lâches et si 
flottantes qu'on les leur laissàt sur le cou. semblaient tou- 
jours d'un poids insupportable. Ils préféraient vivre seuls, à 
leur guise, dans le désert, aux abords des grands chemins ou 
près des portes des villes, selon que l'inspiration d'en haut les 
poussait ici ou là, ou qu'ils obéissaient à leurs caprices. S'il y 
avait de saintes gens parmi ces irréguliers de la vie religieuse, 
ce n'était pas le cas du plus grand nombre et beaucoup de 
ces gyrovagues déshonoraient par les scandales ou par leurs 
excentricités le saint état dont ils se disaient les représentants. 

Une classe de moines avait eu surtout le don d'attirer sur 
elle les regards complaisants de la foule et les sarcasmes bien 
Jjustifiés des honnêtes gens. On les appelait βοσχοί, mot grec qui 
signifie pâtres et que l’on devrait plutôt traduire ici par brou- 
teurs. Ces religieux, que l’on peut comparer aux gymnoso- 
phistes de l'Inde, hommes et femmes, vivaient dans les dé- 
serts ou dans les champs, à peine vêtus, paissant l'herbe 
comme les animaux qui composaient leur unique société. 
Trop souvent, ils ne se contentaient pas de manger comme 
les bêtes, ils en prenaient les mœurs et les allures et, quand 
se présentait une occasion favorable, ils se dédommageaient 
de leurs jeûnes contre nature par des orgies dont saint Jérôme 
nous ἃ laissé le récit écœurant. 


312 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Il y avait d'autres moines, qui détournaient une pensée de 
saint Paul de son vrai sens et simulaient la folie pour le Christ. 
Ceux-ci vivaient de préférence dans les grandes villes et, si 
le dixième seulement des singularités qu'on leur attribue est 
véridique, il faut en conclure que leur folie n'était pas du tout 
simulée. Tous ces traits qu'il serait facile d'appuyer de noms 
propres montrent à quelle aberration descend lanature humaine, 
quand elle n’est pas contenue dans les justes limites de la pru- 
dence et de la modération. 

Plus que toute autre, la nature syrienne y est inclinée. A 
l'aurore du v° siècle, le besoin se faisait sentir en Palestine 
d'une main de fer, qui vint imposer à tous une ferme discipline 
et refréner les ardeurs intempestives. Cet homme, désiré et 
préparé de loin par la Providence, c'était l'Arménien Euthyme. 
S'il ne réussit pas à ramener dans les laures et les monastères 
tous ceux qui vivaient plus ou moins en marge de la société 
monastique; s’il y eut encore, de son vivant comme après sa 
mort, des ermites, des brouteurs et des fous, du moins, sous sa 
chaude influence, les semences de la vie religieuse, déposées 
en terre par saint Chariton, germèrent et s'épanouirent en une 
floraison magnifique de science et de sainteté. 


(A suivre). 
S. VAILHÉ. 


à de 
mine" sh th dE ee, D À ini is  ἷ 


MÉLANGES : 


A PROPOS D'UNE ÉDITION DES OŒUVRES DE SCHENOUDI : 
LA VERSION SYRIAQUE DES PRIÈRES DE SCHENOUDI, 
DE JEAN LE NAIN, DE MACAIRE L'ÉGYPTIEN ET DE 
SÉRAPION. 


I 


Si l'on en croit les attributions des manuscrits, les solitaires 
écyptiens ont laissé de nombreuses productions littéraires. 
Sans parler de leurs Apophthegmata (ROC, 1907, p. 43 sqq.), 
sept lettres conservées en latin et treize lettres conservées en 
arabe sont attribuées à saint Antoine; cinquante homélies, 
sept opuscules, des règles, des lettres et des discours, le tout 
conservé en grec ou en syriaque, sont attribués à saint Ma- 
caire; vingt-neuf discours conservés en grec et en syriaque 
sont attribués à Isaïe de Scété; de nombreux écrits conservés 
en syriaque sont attribués à Jean de Lycopolis; des lettres, 
conservées en syriaque, sont attribuées à Ammon de Scété, etc. 
A tous ces ouvrages des moines écyptiens, M. Amélineau ajoute 
quelques fragments coptes, glanés dans les bibliothèques de 
Naples, d'Oxford et de Paris et qui sont attribués (deux par les 
manuscrits, les autres par les éditeurs) à Sinouthios, lequel 
s’identifierait avec Schenoudi, l’un des fondateurs du mona- 
chisme égyptien du 1v° au v° siècle (1). 

Ces fragments (p. 1-160) sont au moins au nombre de douze 
et proviennent de huit manuscrits différents. M. Amélineau 
les dispose sous cinq chapitres : | 

I. Six feuillets de Naples. Les quatre premiers qui se sui- 
vent « d’une onciale abâtardie de basse époque » portent (a) la 

(1) Œuvres de Schenoudi, texte copte et traduction française, t. I, fase. 1. 


Paris, Leroux, 1907, in-4, 160 pages de texte, traduction, variantes et notes, et 
cent douze pages d'introduction, cinq planches, 23 fr. 


314 REVUE DE L'ORIENT: CHRÉTIEN. 


fin d’un premier sujet, sans attribution, que nous transcrirons 
plus bas, puis un second sujet (b) qui porte deux fois (en tête 
et au haut d’une colonne), à l'encre rouge, le génitif grec 
cinoroïor « de Sinouthios ». Il est possible que ce second 
sujet où l'on ne trouve, ni éncipit ni desinit soit lui-même 
formé de deux extraits. Les deux derniers feuillets, qui sem- 
blent provenir d’un autre manuscrit, n'ont aucune attribution (c). 

II. Onze feuillets de Naples « d’une onciale très négligée » 
où « le scribe a commis des fautes atroces » et quatre feuillets 
d'Oxford qui contiennent : (d) un fragment sans attribution (p. 
15-16); (e) une fin de lettre sans explicil (p. 17) suivie immé- 
diatement du titre gTeC GéHOTOEIOT GHICTOAH: € Lettre de 
_Senouthios », cette lettre (7) suit (p. 18-33) sans encipil; et 
enfin (g) deux feuillets en mauvais état sans pagination. 

II. Trente-cinq feuillets de Naples « du neuvième siècle en- 
viron » et quarante-huit de Paris, sans aucune attribution, 
contenant (*) un fragment (p. 37-73) sans nom d'auteur, puis 
immédiatement un long discours (1) sous le titre : Discours de 
l'affligé ou de celui qui est triste (p. 74-137), et un fragment 
(j) (p. 137-149) sur les devoirs des supérieurs et de leurs se- 
conds, puis des procureurs et des moines. 

IV. Six feuillets de Naples sans aucune attribution (X) conte- 
nant une exhortation à la persévérance et des remerciements 
pour la confection de certains habits. Cette pièce semble appa- 
rentée aux pièces A et 1. 

V. Deux pages, sans attribution, d’un fragment (/) dont la 
plus grande partie est à paraitre. Nous nous bornerons donc 
à proposer quelques remarques sur l'authenticité des pièces a 
à k. Tous les auteurs qui se sont occupés de Schenoudi ont 
admis cette authenticité, sinon toute base leur aurait manqué 
pour asseoir leurs travaux. L'ordre logique aurait cependant 
été de publier d'abord et décrire tous les manuscrits, avant 
d'en étudier et commenter quelques fragments. Nous allons 
tomber dans le même travers en critiquant les premiers frag- 
ments, mais nous nous réservons du moins le droit de changer 
d'avis, s'il y a lieu, lorsque toutes les pièces des procès seront 
enfin sous nos yeux. 

1° Les pièces b et f sont seules attribuées nommément à Si- 
nouthios. On ne peut rien en conclure en faveur des pièces 


nd % ut. 


MÉLANGES. 319 


voisines, car la pièce b est notée d’un simple nom à l'encre 
rouge comme les extraits qui forment les chaînes; la pièce f n’a 
ni adresse ni incipit et semble aussi un extrait. Il semble donc 
que nous avons là des extraits d'auteurs quelconques et non 
d’un seul auteur. Il suffit de se reporter à la description du 
manuscrit qui était consacré tout entier aux œuvres de Sévère 
(supra, p. 120-122) pour se convaincre que les scribes coptes 
apportaient dans ce cas un tout autre soin au titre et à la nu- 
mérotation des pièces. 

De plus /a forme grecque Sinouthios (équivalent grec du 
copte Schenoudi) crée un préjugé en faveur d'une époque plus 
récente. Les homonymes ont dû être nombreux : Nous avons 
sous la main un patriarche d'Alexandrie vers l'an 869 (cf. 
Wricur, Mss. syriaques de Londres, p. 1196) et un autre ἢ 7.7: 
g-h (Senouthios) qui semble avoir été grand épistolier, car la 
littérature éthiopienne nous conserve deux lettres écrites par 
lui en 1054 et 1035 au seul Denys, patriarche d’Antioche (ZoTEN- 
BERG, Mss. éth. de Paris, p. 123) (1). 

Enfin si les deux pièces étaient attribuées clairement à l'ar- 
chimandrite (ce qui n’est pas), on aurail encore le droit de se 
demander st elles sont plus authentiques que bien des écrits 
mentionnés plus haut el attribués à Antoine, Macaire, Isaie, 
Ammon, elc. 

En somme Zoéga, vers l'an 1800, en face d’un monceau, de 


feuillets, ἃ choisi le premier fil conducteur qui s'offrait à lui, 


si ténu soit-il, et il ἃ eu raison, mais aujourd'hui, dans ce pre- 
mier fascicule, M. Amélineau a tort de se cacher entièrement 
sous les ailes de son ancêtre (2) et de ne rien voir au dehors. 
Il devait prendre pour titre : Œuvres attribuées à Schenoudi, 
nous faire gràce de ses cent douze pages d'introduction, donner 
des textes, des descriptions de mss. et des planches, et renvoyer 
toutes les théories à la fin de la publication. 

2° Le fragment d n'appartient pas à Schenoudi. On y lit : 

… Celui qui s’abstient en dehors de la doctrine des cent dix-huit (ste) 
évêques qui se réunirent à Nicée. Puisque votre Force fait souvenir 


(1) Ajoutons, comme homonyme, Sinôdà, préfet d’une province d'Égypte au 
ὙΠ" siècle, Chronique de Jean de Nikiou, p. 577. 

(2) Tous les fragments du présent fascicule sont empruntés à Zoéga, deux 
seulement sont complétés par un fragment de Paris et un fragment d'Oxford. 


316 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


de mon peu de valeur pour une œuvre de foi, mon Seigneur le Roi, qui 
est ce chien mort pour s’interposer à une œuvre de cette sorte? Le chien, 
à la vérité, par la sagesse extérieure, manifeste sa domesticité envers 
ceux qui sont doux à son égard en agitant vers celui-là son arrière-train 
ou Sa queue et en baissant ses oreilles derrière sa tête, comme le dit la 
philosophie platonicienne… 


M. Amélineau ἃ d’ailleurs écrit (p. Lxx11) : « je crois que cette 
lettre est un pur exercice de style »; nous ajoutons : « 5 un au- 
teur non désigné, mais pas de ou ». 

3° Le fragment 2 ne semble pas être de Schenoudi. 

Il est assez incohérent : l’auteur s'adresse la plupart du 
temps aux hommes, p. 42, p. 66; cependant, vers la fin, il s’a- 
dresse à la supérieure d'un couvent de femmes, p. 68 sqq.; tan- 
tôt il se vante et tantôt il s'excuse d'avoir fait œuvre de juge 
temporel, de gouverneur, comme il dit; enfin il cite Schenoudi 
et en est donc distinet (p. 40-43) : 


Peut-être me fais-tu honneur ou me glorifies-tu grandement parce que 
je force quelques-uns en toi, dans le trouble souventes fois, à aimer de 
force Dieu et ses commandements, à détester la souillure, la désobéis- 
sance et toute œuvre mauvaise! Je me suis fait étranger à la douceur, à 
la longanimité.. Je vous le dis, ὁ frères, tout trouble et toute œuvre de 
cette sorte que Dieu nous ἃ faits, m'étaient plus à cœur et à souci que le 
miel, et c’est ainsi que nous les avons tous faits, parce que c'était le temps 
et l’ordre de Dieu. Mais maintenant aussi, il ne m'est pas à souci de les 
faire, mais je les hais plus que le fiel... Il y a un temps pour toute 


chose... Ainsi si Schenoudi (9&HO-7T6) ἃ tué des hommes, c'est que 
leur vie était terminée ou que c’étaient les jours où il a plu à Dieu de les 
visiter. N’est-il pas écrit dans la lettre, ou ne te rappelles-tu pas que dés 
le commencement il a dit fort souvent, criant dans une grande affliction 
et avec reproche, assis en ton milieu, pendant que nous étions réunis en- 
semble (1). 


Comme l'auteur termine par une exhortation au support 


(1) D’après M. Amélineau « il a dit » est synonyme de « je vous ai dit ». C’est 
une manière d'expliquer un texte difficile, mais l'explication est assez étrange 
pour que nous ne l’admettions pas encore. Il faut d’abord que tout soit publié, 
puis que les Coptisants cherchent, en {enant compte des fautes ordinaires du 
scribe, si les traductions de M. Amélineau ne doivent pas être modifiées. Car 
l’auteur devait écrire pour être compris et bien des passages du présent frag- 
ment n’ont pas de sens. Nous regardons l’équivalence, supposée souvent, de la 
première et de la troisième personne comme un simple expédient en attendant 
mieux. 


FOOT CERN) 


MÉLANGES. at 


mutuel et au pardon (p. 70-73), on se le représente volontiers 
comme un de ces patriarches investis du pouvoir temporel par 
les Arabes et qui utilisaient ce pouvoir aussi bien pour faire 
rentrer les impôts que pour ramener au giron de leur église 
les brebis égarées. Il se trouve ensuite un peu gêné pour expli- 
quer ses actes de violence, assure qu'il ne recommencera plus, 
se prévaut d’une faute prétendue de Schenoudi, qu'il pallie 
d’ailleurs, et recommande enfin la charité. 

Cette manière de voir est encore confirmée par un autre texte 


(p. 59-60 et Lui). 


Est-ce que tu ne vois pas ou n’entends pas dire ce qu'ont fait les barbares 


Vn 


à des synagogues qui te ressemblent et aussi à la ville proche de toi, à 
des villages et tous les autres lieux? Certes la douleur, la ruine, la dévasta- 
tion qu'ont faites les ennemis des fils de l'Église, plus encore les morts des 
hommes suffisent pour châtier le cœur des sages. Est-ce que ce n’est pas 
une merveille que tu saches qu’une foule nombreuse est allée se noyer 
dans le fleuve, que beaucoup sont morts sur les montagnes, qu'on à fait 
beaucoup de prisonniers, qu'on a perdu un grand nombre de vierges, qu’on 
a brülé des églises, qu'on en a dépouillé d'autres, qu'on à fait de grands 
maux à nos amis ou à nos frères. Nombreux sont aussi ceux qui gémis- 
sent sur la terre à cause des querres el des souffrances qui existent. 


Puisqu'on fait mourir Schenoudi vers 451, nous ne voyons 
pas bien à quelles dévastations et persécutions il pourrait faire 
allusion au commencement du cinquième siècle; il ne peut 
pas s'agir des déprédations de quelques bédouins, tandis que . 
tout se comprend très bien au temps de la domination arabe et 
se trouve commenté par les textes de Makrisi traduits ci-dessus 
par M. Leroy. 

Bien d'autres passages encore nous semblent inapplicables 
à Schenoudi. Nous n'avons jamais lu qu'au commencement du 
cinquième siècle le supérieur ait eu droit de vie et de mort sur 
ses moines. Tout au contraire, il semble qu ἃ cette époque on 
quittait la vie religieuse aussi facilement qu'on l'avait embras- 
sée. Or l’auteur du fragment parle beaucoup de coups de bâton 
et de fouet, p. 44, 46, 47, 49; « des œuvres de gouverneur » 
qu'il a faites, p. 41, 42, 43, 48. 1] écrit encore, p. 44 : 


Est-ce que celui qui te parle n’a pas tourmenté quelques-uns en toi 
jusqu'à ce qu'ils se roulassent sur la terre à la facon de ceux qui vont 
mourir, et il n’en est rien résulté pour eux. Et s’il a frappé ou (donné) 


318 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


un seul coup de bâton à celui qu'il avait interrogé (et qui) avait menti, 
je sais qu’une foule parmi toi diront qu'il est mort violemment avant (la 


fin de) son âge. C’est pourquoi, non seulement certes je cesserai de faire 


ces œuvres de soldat, mais je ne donne pas aussi permission aux hommes 
parmi toi ou à d'autres en d’autres lieux, de frapper un homme en mon 
nom. 


Nous savons par contre qu'à l'époque de la conquête arabe 
les patriarches exerçaient la juridiction temporelle. C'est donc 
à cette époque que nous reporterons notre fragment; nous 
l'intitulerions volontiers : « Apologie et acte de contrition (ano- 
nyme) d’un émule vieilli et malade du Makaukas » (1). S'il 
écrivait d'Alexandrie aux moines de Schenoudi, il avait tout 


intérêt à s’autoriser d'un acte, plus ou moins authentique, de 


leur lésendaire fondateur (2). 


4951) n'y ἃ plus aucune raison pour attribuer à Schenoudi la 


pièce ἡ « discours de l’affligé » (3). L'auteur est affligé parce 
qu'il a transgressé un serment. Il le dit douze fois en neuf pages 
(p. 79-87) et le répète encore p. 94 à 99, 102 à 104, 115, 117 à 
119, 151. Si la pièce n’est pas un pur exercice littéraire, on la 
concevrait assez bien sous la plume d’un renégat repenti, et on 
la placerait volontiers aussi au temps de l'islam où 1] fallait 
employer quelques précautions pour rendre sa pensée sans 
choquer le rude vainqueur. 

»° Il en va de même de la pièce 7 qui porte aussi des indices 
récents (p. 146) : 


Ceux-là ont gardé les lois qui ont été données... les lois que nos pères 
nous ont données... ce que nos pères nous ont enseigné, les paroles qu’ils 
nous ont ordonnées ou toutes (celles) qu’ils nous ont écrites. 


Il ne peut donc s’agir de Schenoudi qui ἃ été le propre légis- 


(1) Ce Makaukas, patriarche, tyran, percepteur d'impôts, qui aurait introduit 
les Arabes en Égypte et envoyé à Mahomet, en cadeau, deux jeunes Égyptiennes 
de noble naissance, a d’ailleurs chance d’avoir été trop noirci par les écrivains 
grecs. 

(2) Les citations de l'Écriture mériteront aussi une étude très minutieuse. 
Beaucoup ne se retrouvent pas dans la Bible tels que les fragments coptes les 
donnent. Si l’ancienne version copte ne rend pas compte de ces différences, il 
restera à les expliquer. 

(3) On la lui attribuait parce qu’elle suit la précédente qui était censée lui 
appartenir. 


rss hs ψν 


MÉLANGES. 319 


lateur de ses communautés (1), mais d’un supérieur beaucoup 
plus récent. | 

6° On attribuait le fragment Æ à Schenoudi à cause de sa res- 
semblance avec les fragments L et À qui étaient censés être de 
cet auteur. Il est donc maintenant à rejeter aussi à l’époque 
arabe. 

7° Enfin les petits fragments & c 6 g n'ont aucune importance. 
Pour le montrer et donner une idée de ce genre de littérature, 
nous citons intégralement le fragment a (p. 1-3) : 


… l’homme melade que nous envoyons ou qui est près de vous, afin 
que vous nous l’envoyiez, surtout à cause de notre sollicitude, ou si 
vous ne dites pas père seulement de la langue. Qu'est-ce que cela fait si 
je le livre de mes mains à l’une chez vous ou même chez nous? Qu'est-ce 
qu'il ne faut pas (faire) certes, afin que je l’arrache de la main des autres 
de manière à ne pas la leur donner, ou que je vous exhorte à boire du 
vin, ce qui ne me plait pas, afin que les vaillants parmi vous fassent des 
œuvres de martyre? Est-ce que ce n’est pas l’œuvre de tous les saints, 
est-ce que ce n’est pas souffrance ou affliction ce qui est écrit dans l’Écri- 
ture? Est-ce qu'il n’y ἃ pas quelque repos ou... s’il ne le boit pas jusqu’à 
ce qu'il (en) meure? Mais je voulais, en dehors des canons qui nous 
gouvernent, faire que pas un seul de vous murmure (sic) ou accuse et faire 
que sa bonne action ne vienne pas par force, mais de son bon gré. C’est 
pourquoi informez-moi avec sûreté dans ce que vous m'écrirez toutes à 
la fois, sans rien cacher, comment vous avez enlevé cette règle chez 
vous afin que je sache quelle est l’utilité près de Dieu et près des hommes. 
Et quant à vos six fois du soir, faites votre prière seulement dans votre 
maison; ne faites rien jusqu'à ce que j'aie le loisir de considérer cette 
chose et d’autres œuvres encore ressemblant à celle-ci, car je juge de 
manière à faire que les hommes n'aient rien à dire sous aucun prétexte 
au jour du jugement. Et le matin aussi, faites vos prières bellement, et 
votre petit travail de mains, faites-le aussi selon nos canons; ne prévenez 
pas midi outre mesure, de peur que vous ne le fassiez étant troublés ; ne 
vous levez pas non plus avant l'heure. Je vous l'ai dit souventes fois : 
ce n'est pas le lieu pour l’homme de manifester sa vaillance que le milieu 
de vieillards et de vieilles femmes, d'enfants et de ceux qui souffrent 
tant et plus parmi nous; mais (c’est) le moment de prier sans cesse, des 


(1) Les règles attribuées à Schenoudi ne portent pas son nom. Elles peuvent 
n'être antérieures que d’assez peu à la rédaction légendaire de son histoire. 
Quant à l'oncle de Schenoudi, nommé Bgoul, la version syriaque de la Vie de 
Schenoudi (Paris, Leroux, 1900, p. 28) en fait un solitaire, qui habitait une cel- 
lule et la partagea avec son neveu. Le copte et l'arabe ont changé « cellule » 
en « monastère », Ce qui à permis d'imaginer que Bgoul lui-même avait dirigé 
un monastère et lui avait donné une règle. Avec un peu de bonne volonté, 
on reconnaissait même cette règle dans un fragment copte anonyme, 


320 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


récitations nombreuses et des nuits de veille avec force, c’est manifeste 
chez les sages. Et celui qui désire s'abstenir pour endurer des souffrances 
tant et plus, qui ne se réjouirait avec lui dans le ciel et sur la terre | 


parmi tous les hommes qui désirent la gloire de Dieu et l’honneur de 
ces lieux saints? Seulement ne négligez pas de m'informer, car la crainte 
de Dieu est en ma présence en toute heure à cause de vous. Je vous prie 
de prendre souci de vos compagnes en toute chose convenable, afin que 
vous donniez rafraichissement à mon cœur. Portez-vous bien, priez pour 
moi. 


Voilà tout le premier fragment, écrit en « parler nègre (1) », 
conservé dans un seul manuscrit, moderne et mauvais. Nous 
ne voyons pas quel motif on peut avoir de le reporter au com- 
mencement du cinquième siècle et à Schenoudi lui-même, 
nous n'osons pas en faire une critique interne de crainte de 
tabler sur une traduction imparfaite. 


Il 


Pour nous reposer un peu de ces textes tronqués, souvent 
incompréhensibles, sans attribution, conservés presque toujours 
dans un manuscrit unique et mauvais, nous avons songé à 
éditer, comme repoussoir, quelques versions syriaques d'écrits 
attribués aussi à des pères Égyptiens. Voici d'abord les prières 
à Schenoudi (2), Jean le Nain (3), Macaire l'Égyptien (4) et | 
Sérapion (5). 

Ces prières ont joui de grand crédit dans l'Église Jacobite, 


(1) & Au fond l’égyptien n’est que du pelit nègre plus précis, mais procédant 
d’une manière analogue. Et le copte fait de même », p. xxx, note 1. « Pour ex- 
primer les idées abstraites où parfois il se complait, Schenoudi n’a à son ser- 
vice qu'une langue vieillie à la vérité, mais qui ressemble, malgré tout, de 
très près à celles qu'emploient encore les Nègres dans l’intérieur de l'Afrique, 
où un même suffixe dans la phrase peut représenter jusqu’à trois sujets diffé- 
rents », p. VI. 

(2) 1v°-ve siècle. L'un des fondateurs des communautés monastiques. Accaparé 
par les Jacobites, il ἃ été négligé par le monde grec. Par contre les Jacobites 
lui ont consacré un certain nombre de panégyriques tendancieux, sans doute 
assez récents, en tout cas suspects. 

(3) Ou Jean le Petit, ou Jean Kolobos, moine de Scété (1v° au v° siècle), bien 
connu par les apophthegmes et par un panégyrique plus récent. 

(4) 1v° siècle, bien connu par les apophthegmes, l’histoire lausiaque, etc. 

(Ὁ) ive siècle. Sans doute le Sindonite, que l’histoire lausiaque conduit à 
Athènes, à Sparte et même à Rome. Son cantique est de beaucoup le plus long 
et a quelque ressemblance avec le Benedicite Dominum. 


MÉLANGES. 9321 


car elles se trouvent dans l'office des petites heures (mss. de 
Paris 111, 177, 178) (Macaire à Nones, Schenoudi au milieu du 
Jour, ms. 177, ou à Complies, ms. 178), et figurent encore à la 
suite des Psautiers (mss. 13 et 16) en compagnie des cantiques 
du prophète Isaïe, de Moïse, d’Ananias, de Siméon, de Za- 
charie etc. 


PRIÈRE DE SCHENOUDI. 


Haaauso Jaso Jeans &jhaso Das (3) Liu Jon — .(2) (γάλα pois (L) Les, 
ml» Re Vo cs 3925 Joh - par opso Paihs (ot ua paii Jo . Lab 
Haas JAsas cukijlo Lui H Ju . saxo sg Jon pl τ coass .flaudo fais 
«οὖ, bas ùs RUE H JON «ναῦν pans flo cucnil pRÇors ἢ JoN . JS Ro Heu 
ao p20/ χθονί αὶ JON .pasoçe “Κι } ἢ Ro! po07iS cause Fi J JON fais iso cie 
Nadoo Sd SM)lo joslfr [No Jon .(4) fatius JRNÇO JRaës Μὶ ΚΠ; Hoass 
ὧο αὐὐασδιυο JRias roi LS ον ἢ» χ9 saliacm] κοῦ, JON »ωο τοι ο 
τὸ χιῶο cas unes ass ᾿οαβαὶ JOHN Jus Qillr catassl H Jo .(5) pl 
Hat JAagur Fiaae Loos No fais fau pl Las pas Jo us ANSRuo ous 
00 du ins Do His Hi ja y Lao frais 55 où Juù . sd Go auf 70541 sua 
LS ΩΣ co Jo us fSbro Loos Ro JR candillo Lnxyil taf .JRARAN μϑνϑο; 
Ὁ Lol 0 δον. (6) JNxdsojol; | JLatsosos mi fans 


Prière du père Schanoudin. — Lieu, protège-moi de toute manière et 
toujours, dans le travail, dans la parole et dans la pensée du cœur. — 
Dieu, aie pitié de moi, dans ce monde et dans celui à venir. — Dieu, aie 
pitié de moi, car j'ai péché contre toi comme homme mortel, mais toi, 
comme Dieu bon et doux, pardonne-moi. — Dieu, ne m'effraie pas et ne me 
trouble pas à l'heure où l’âme quitte le corps. — Dieu, ne me réprimande 
pas alors dans ta colère et ne me châtie pas dans ton courroux. — Dieu, 
ne tirrite pas contre moi comme le méritent mes péchés et mes mauvaises 
actions. — Dieu, ne me cache pas ton visage lorsque je paraïtrai devant 
toi. — Dieu, ne détourne pas ta face de moi au jour où tu jugeras les 
(actions) cachées et connues des hommes. — Dieu le Verbe, qui s’est 
incarné, a été crucifié pour moi, est mort, a été enseveli et a ressuscité le 
troisième jour, attache-moi à toi pour que les mauvais esprits ne domi- 
nent pas sur moi et ne m'arrachent pas de tes mains. — Dieu, ne me 
laisse pas succomber à la perfidie. — Dieu, ne laisse pas l’Adversaire 


(1) Mss. syriaques de Paris, n° 177, écrit en 19521, fol. 14 (D), et n° 178, du 
xv° siècle, fol. 70. (E). Nous ne relevons pas les différences grammaticales. Les 
voyelles que nous donnons figurent dans les manuscrits. 

(2) lo sais [515 15Lae) ILSTE, 

(3) E add. à Hal Hs: 

(4) E omet la phrase precédente. 

(Ὁ) D omet les trois derniers mots. 

(6) E add. fisslo Ieasal ua 55 δὰ δ. 

ORIENT CHRÉTIEN. 21 


1922 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


trouver en moi quelque chose qui lui appartienne et dominer sur moi. — 
Dieu, rends mon cœur comme un glaive aiguisé contre toutes les pensées 
de péché, afin que je puisse les chasser de mon cœur. — Dieu, qui as 
réprimandé la mer et elle s’est apaisée, chasse les mauvaises passions de 
ma nature portée au péché, afin que le péché soit éteint et disparaisse de 
tous mes membres. — Dieu, donne-moi pour toujours un cœur pur dans 
la foi orthodoxe dans les siècles des siècles. Amen. 


PRIÈRE DE JEAN LE NAIN. 


Pas aus o NS Jr Las 50p)lo αὐ Lunsdosos, (550 — .Jias) «" "ον (1) LS ; 
5 Le oo Ko Lolo [50] pas) paf Ad 590 . 59 μας RC 


Prière de Jean le petit. — Notre-Seigneur Jésus le Messie, conserve-moi, 
et préserve-moi de tomber. Fortifie-moi de ta force et aide-moi en tout ce 
qui m'est utile. Donne-moi de faire ta volonté ici et là, notre-Seigneur et 
notre Dieu, à jamais. 


PRIÈRE DU PÈRE MACAIRE L'EGYPTIEN. 


opatso .JL] Qioias No tjr olisi Jon — .(3) Liyso «jose fs (2) Jles, 
HSor Ho LS χὰ ol ololiS olasuoys EUus o> 32 opso ΟΕ μιν ξρϑ So porfl fsoauy 
AS Ro . Es μὲ cond μα (4) Loir Jlamir Jniio . cuir] Hlido XL Jaakas 
Du pr Bof co xpo Lio ds cœmas cé Ποῦ Ÿs Esis Ets Ja 
Nas οὗ» .NfSaumio Nid as jou μὰς No frauÿ νὸν af Jo σα» 
saiNlo .ylatsan;s ns cata jf Lille io Lo ouf .RHS Nil 59 Ji 
bo css JL catadasai Jo .ps GS! [51 las» Gel cuasfs Hi .Jlasn 
χοῦ» JAsogad So ἀκα] Jo .plaml Go Jiaill Jo καθὰ Luisa LU mil Jo 
W JLoNasady o$ pas .L;5 fran US (6) χαϑὶ Jp Li ἢ (5) Lise «καλαί μι ρό 
Rai SJ JNGRS pes Jr .H34 (FOl. 107") 1,35) pussas υγζϑδαξ, jouf .conai 
AG HI SE Jr Had vus [μοι οὐδὲ Jia ado Lo μό 155 ον Do eus Ke 
Eusaso .p30a9 oloymc εὐ} are) ne) pleurs Se Lys 09 Fakoys 0-50 
. 2] SJ (7) Socasl | y1asa so » το | 


Prière du père Macaire l'Égyptien. — Dieu, qui es venu à la fin des 
temps pour nous sauver, qui as chassé Adam du Paradis à la chute du 
jour et qui l’as réintégré dans son héritage également à la chute du 
jour (δ), par ta crucifixion, aie pitié de moi, maintenant que la fin de ma 


(1) Ms. syriaque de Paris, n° 16, du xvi° siècle, fol. 123. 

2) Mss. syriaques de Paris, n° 16 (B), fol. 106'; n° 111, écrit en 1985, fol. 90 
(C); n° 178, fol. 46v (E). 

(3) 59. wmuiox C. 

4) utaws B. 

(5) use «al BE. 

6) LAS BE. 

7) uwæsllo pLaaSss E. 

(8) C’est ici, nous l'avons dit, une prière de None. 


PPT VV ET OS TUE 


Ÿ 
> 


MÉLANGES. 


t 


vie approche, que le soir m'atteint, que je ne puis accomplir le reste de la 
pénitence de mes péchés et que je ne puis demander une multitude 
d'années pour (expier) la multitude de mes péchés. Épargne-moi, Seigneur, 
devant ton redoutable tribunal ; aie pitié de moi, ὁ Dieu, lorsqu'il n’y aura 
pas de miséricorde pour beaucoup, et jette-moi un regard de paix et de 
douceur dans ce jugement que tu rendras avec justice. Guéris-moi dès 
ici et je serai en santé. Relève-moi dans ta miséricorde et conduis-moi à 
la pénitence, afin que je puisse te rencontrer là-(haut) à visage découvert. 
Ne me laisse pas au pouvoir de mes ennemis, Seigneur, que je ne de- 
vienne pas la proie de ceux qui tendent des embüches à mon âme, que 
je ne sois pas privé de ta grâce, et que je ne sois pas dépouillé du don du 
Saint-Esprit. Je laverai, Seigneur, la souillure de mes habits, pour que je 
n’aille pas aux ténèbres extérieures, avec celui qui n’a pas été jugé digne 
du festin. Éclaire ma lampe avec l'huile des bons serviteurs, afin que je 
ne sois pas jeté dehors avec les vierges folles. Notre-Seigneur, épargne- 
moi cette parole pleine de désespérance qui dit à ceux de gauche : Je ne 
vous connais pas. Par le sang de la Croix que tu as répandu pour nous, 
délivre-moi, vivitie-moi selon tes miséricordes pour que je garde le témoi- 
gnage de ta bouche, que je te glorifie et que je me complaise dans ton 
royaume durant les siècles des siècles. Amen. 


PRIÈRE DU PÈRE SERAPION. 


ARR jomso «fils can padags Lor Hi χὰ Μὲ Jiaso — .(ausic μ51; (1) Ile, 

caiRauo .fnifs Aadoy M/ «κοοας Vos καθα fRuasal (au caso Loof2 (2) Le 
cp ο «ἀϑί omSamus fans .JNa,o κύαθον iso Μὲ ge -Lasash οὐϑ his μο] 
aa JW Ji Eau ujso μὲ; (3) so hantusr βροὰς xp His Di οδωνθ uoj 
Go θ᾽ ον froysr JAsnino node juil Rif pions ARNO Jr NS .ylazg Woaad fi} 
«λόγο mao «asia (Lomia <AS$sr «μα foros fiis uiso piausas .fusaso pa) 
Opus] Lido ylasaksr «μιμοῦ [535 DGA uso (4) press -Hs «ρόδο Fuuaso χὰ 
(5) «85 Go OS coplhsyr .hasasy LES Hagiso üiso punis . sans (oo NS Qi 
ADS ui pJauD .Loaoeons Jiooo οοόοαν 9 fadas iso punis .firo farsans 
(6) «sspor μοδϑο roi vise piauñas .fartiad Jilo axsjsah pis eo paix Jo 
.JMis NS cmucois }| >> H9;so His io piauas .f5f LAS Foamad pir2a9 Lo 
Eadass 965 punis Lu uno maso pas ob Kaas JLRÇO EN vise prausas 
Hate 511 où pashas ppop . Nos pad oœaur No ΟΣ 1; olakedas (7) sS;5R 307 
ous (8) piasys Nil ag po cop No pasgls Roar plier fol ui pusal 


(1) Mss. syriaques de Paris, n° 16 (B), fol. 97 et n° 177 (D), fol. 42. 
(2) ὅν D... 

(3) No: xl Rss mie ῃ. 

(4) pau D. 

(Ὁ) wn5 D. 

(6) Shses B, wshos 

(7) 338.50 9 D 

(8) 7223 <br PB 


324 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Ras Nullo .plasaks ou Ram Jon χὰ (1) νον» ossi Cie κάβ ον Pos 
lis BR Rsopo .fasis ps] Loopo Rays Jiuiacor ol io piaushs .fastis 
DO piouSas .JRadS fioiao Jo opso .asir you fauoy Ode iso pus Jo 
Ge 09 ue pe usb No .Lrturs Jispoo .Lyngas Ilzso .(2) Lopuëso Ils 
vorusass [oÿo faïol Jia . (oo es Jileo . [589 Load] Labs iso pauses , pu Sal 
(3) 25 Ljuco .jyssas Uisaso .fatass LR Lis puausis . Hana Po fils cas 
Sansa ofhoomr JLant jo punil .Lisas θοῦ Luuns RRQ (4) Lace .pils 
EusosS LopAsopr Jia fsausosn fins Uiso puusas HU) us Joss oo Jrasso 
oproslo s55sl Jr fsagäcas pm He oc] χϑγραϑϑ, μβαΐδ,» JRUSS Lino pusal ον ΝᾺ» 
ΝΟ .bilr ομαδοοῦδν 9 οὐδοῦ Hltlo .fisoy Jlamusass «οὐ» μὼ iso pauses .fsil 
.añas Aus Lite LomAool ujso (D) put .yplanxfsaad Load ἢ JR His 
éco (oopadio Lama üjdo puma JS [λον Go [Ὁ] Liu, (oolaausi vise pusal 
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L09VSANS Lots) Lio pauses Rad ὁμοῦ ἀλλο JR ÙS pass Aus Euusso χὰ 
NI} Ho fañus vise puma Lil pe LaSèeS pis αὶ» μα4 bois iso χὰ 
το -JRuasal χὰ «κακοὶ ᾿νοῦ sas Koo χοὰς JON oo ΜΠ; pass Fax au 
μι} ujso pla HI «ρα No 5 5] Jp où fur Ras (7) Gallo LE 5) Vs Jlasil 

I . RD (8) alQul MO Filaisd (8) «ον» 


Prière du père Sérapion. --- Je te confesse, moi misérable, caché dans 
la poussière de la terre, et tous les os de tous mes membres glorifient tes 
miséricordes sur notre race, toi qui es venu marcher sur la terre et qui 
m'as montré la voie pour aller au ciel. J'adore, Seigneur, ta droite sainte : 
le Malin, dans son envie, nous ἃ chassés de l’Eden, et elle a ouvert la 
porte du Paradis devant le genre humain; pour moi, Seigneur, je ne suis 
que poussière, et je ne mérite pas de grâce parce que je π᾿ αἱ pas travaillé 
avec justice dans ta vigne. Le char des Chérubins te louera à ma place, 
lui qui est à l'entrée de ta splendide lumière. Les troupes des Séraphins 
te loueront, Seigneur, elles qui, dans l'agitation de leurs ailes, crient le 
Sanctus devant toi. Tout l’univers te proclame saint, Messie. Les légions 
des anges spirituels te béniront, Seigneur, toi qui as permis à notre race 
d'entendre leurs chants dans je ciel. Le voile splendide des cieux te 
louera, Seigneur; tu l’as constellé en haut de brillantes étoiles. Le soleil 
te louera avec ses rayons, Seigneur, et la lune avec ses phases. Les 
gouttes de pluie te loueront, Seigneur, ta volonté les garde pour faire 
croitre les fruits aux hommes. Les vents et les tempêtes te loueront, 


) x 
) 2.2.) Β, pau D. 

6) kïs550 paies pmlasss B. 
) allo D. 


DE LAS 


MÉLANGES. 329 


Seigneur, ton ordre les fait souffler pour la respiration des habitants de la 
terre. . 

Les nuées et les lourds nuages te loueront, Seigneur, ainsi que l’air 
qui distille (la rosée) sur la création. La neige et la glace te loueront, 
Seigneur, elles qui sont enfermées dans les trésors de ta volonté. À ma 
place, Seigneur, l’oiseau du ciel te louera, lui qui se récrée dans la légè- 
reté de l’air, parce qu’il a reçu la forme de la croix et alors l'air subtil lui 
a été soumis. La mère de ton fils te bénira, Seigneur, elle qui a été jugée 
digne de te porter dans ses bras, toi qui portes par ta volonté la construc- 
tion du monde. Le sein de la Vierge te louera, ὁ Dieu qui y es né par ta 
grâce et qui es apparu chez les hommes. Les seins de l’humble (femme) te 
loueront, Seigneur; comme homme tu y as puisé ta nourriture et, comme 
Dieu, tu as donné le lait aux personnes mariées. Nous te louerons, Sei- 
gneur, pour la croix humiliante sur laquelle tu es monté, et d’elle est 
venu le salut du monde. Les églises avec leurs prêtres te loueront, Sei- 
gneur, ainsi que les monastères avec leurs anachorètes et le désert avec 
les solitaires. Puisque ma langue est trop faible, Seigneur, pour te louer, 
à ma place te loueront les arbres de la forêt et les fruits qu'ils portent, 
les montagnes escarpées et la multitude des collines, la poussière de la 
terre et le sable de la mer. Te loueront, Seigneur, ceux qui demeurent 
sur les rochers, qui habitent dans les cavernes ou qui rampent dans les 
trous de la terre en attendant ta brillante apparition du ciel. Te louera, 
Seigneur, l’animal que tu as donné en nourriture, ainsi que la bête de 
somme dont tu as fait une aide pour les hommes. La chaude nature du feu 
te louera, Seigneur, elle que tu as donnée pour rendre service aux 
hommes. La cavité des mers te louera, Seigneur, elle qui par ta volonté 
s’est ceinte de sable comme de liens pour ne pas passer et ne pas couvrir 
la terre. Te louera, Seigneur, le reptile qui rampe dans la profondeur des 
eaux avec les monstres qui habitent dans les abimes de la terre. Et 
puisque les natures créées ne suffisent pas à te rendre grâces : Le scan- 
dale des apôtres parmi les nations (1) te louera, Seigneur; la persécution 
des prophètes par un peuple insensé te louera; le démembrement des 
martyrs qui témoignent de la vérité de ta foi durant les temps de persé- 
cution te louera. Les prêtres sur les saints autels te loueront, ὁ Messie qui 
[65 sacrifié sur le Golgotha pour le salut du monde. Les justes dans leurs 
travaux te loueront, ὁ Seigneur de la bonne vigne qui donnes ta récom- 
pense aux premiers comme aux derniers. Te loueront, Seigneur, les 
hommes doués d'intelligence que tu as placés dans le monde pour faire 
connaitre que tu es le seul Dieu. Vers toi enfin montera la louange de 
mon âme malheureuse en expiation de mes péchés pour que je trouve 
miséricorde au jour du jugement où toute chair aura tort. Ta grâce, Sei- 
gneur, qui est venue pour être clémente aux hommes, sera clémente à 
nous tous. Amen. 


HO σε θυ 


326 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ΠῚ 


Nous aurions aimé terminer ici notre étude si M. A. n'avait 
introduit, dans sa trop longue introduction, des sentiments, des 
panégyriques personnels et des critiques dont il ne nous plaît 
pas de paraitre dupes. 

Nous comprenons sa mauvaise humeur contre M. Paulin 
Ladeuze (p. xCvIHI-Cx11), Car celui-ci a relevé un certain nom- 
bre de ses méprises; encore n'a-t-1l pas tout dit. Cette sensibi- 
lité d'épiderme que révèle M. A. lorsqu'on relève ses fautes 
d'éditeur devrait le rendre indulgent pour les propres fautes 
des moines égyptiens du 1v° au v° siècle. Il préfère continuer à 
leur égard le petit jeu inauguré par lui dans de précédentes 
publications. Voici en quoi il consiste : M. A. ἃ copié certaines 
pages de copte dans la bibliothèque du Pape (Vies de Pakhôme 
et de Schenoudi) et a relevé des fragments publiés par Zoéga, 
interprète du pape Pie VI; ces pages et ces fragments étaient 
connus dès longtemps de tous les coptisants, mais M. A. s'est 
appliqué à y relever, amplifier, généraliser quelques menus 
incidents passionnels, pour passionner un peu ces récits qui 
dormaient depuis si longtemps dans la bibliothèque des Papes, 
pour battre le tam tam autour de cette langue nègre qu'est le 
copte (1) et peut-être — le dirai-je — pour charmer quelque 
ministériel protecteur. Car la vérité est fort simple et ne prête 
ni à pérorer ni à pourfendre : Dire que tous les moines égyp- 
tiens ont été durant toute leur vie des parangons de vertu est 
une sottise, mais dire que la plupart des moines égyptiens du- 
rant la plus grande partie de leur vie ont été des parangons du 
vice en est une autre encore plus forte. En réalité certains 
moines, du moins à certain moment de leur existence, ont 
péché. Dans ce cas — et M. A. le sait mieux que personne — 
on impose une pénitence au délinquant : s’il l’accepte, 1] mon- 
tre par là que son égarement n'a été que passager; sil ne 
l'accepte pas ou s’il récidive, on jette cet individu à la porte et 
on l'envoie opérer et pérorer dans le monde; après quoi, par des 
exhortations bien senties, on tâche de prémunir Ja commu- 
nauté contre toute contagion. Certains supérieurs — il yena 


(1) C’est l'expression de M. Amélineau. Cf. supra, p. 320, note 1. 


3 
ἡ 
| 
| 


MÉLANGES. 321 


toujours — prennent même ombrage des choses innocentes en 
soi et semblent toujours avoir les reproches à la bouche et le 
fouet en main. Leur communauté parfois n’en vaut que mieux. 
Ils crient souvent hors de propos, comme l’ànier de M. Amé- 
lineau (p. 56, note 5), mais c’est pour que les ânes qui peuvent 
s'être glissés dans leur communauté ne cessent pas de sentir 
leur main et « n’agissent pas avec ruse ». Tout homme pon- 
déré et instruit l'a compris et le comprend ainsi. M. A. aurait 
grand profit à faire comme tout le monde et à s'appliquer plu- 
tôt à la correction de ses épreuves. Car il ἃ écrit (p. vi) : « ce 
que je puis assurer au lecteur, c'est qu'il trouvera un texte 
impeccable ». Comme nous ne sommes pas des quelques-uns 
qui le croient encore sur parole, nous avons eu l’idée de colla- 
tionner certains textes qu'il cite en double ou triple exemplaire. 
Nous engageons les lecteurs à nous imiter : 

P. 80, 1. 5, esox manque dans P, p. ΧΕΙ, et n'est pas si- 
gnalé aux variantes. Item p. 81, 1. 3, rnpor. Par contre, 
comme compensation, il est dit p. 81, notes 2 et 4, que le ms. 
P porte uup et nerf, tandis que la reproduction de ce ms., 
p. xLvi, porte unp et nef. Ces différences ne sont pas les 
seules (1). De plus les renvois aux variantes sont parfois mal 
placés : p. SI, note 4; p. 88, note 8. 

Les négligences sont encore plus nombreuses dans le fran- 
Çais. P. x: « Celles-ci sont connues par la publication qu'en ἃ 
faite (sic) et la traduction qu'en ἃ donnée (sic) Mingarelli » ; 
p. xv : « qu'il me soit permis de faire une dieression (sic) »; 
p. xx : «il me faut occuper maintenant de »; p. ΧΧΙΝ : « le roi 
Calchédonien » ; p. ΧΧΧΠῚ : « ces leçons ne laissent aucun doute 
à entretenir »; p. xxxiv : « ἢ] est fort vrai qu'il me donne tort 
apparemment, mais seulement apparemment » (lire : en ap- 
parence) ; etc. 6 

Je ne comprends pas non plus, p. ΧΠῚ: « aux manuscrits qui 
portaient /e nom authentique de l'auteur; Zoéga ἃ mélangé », 


(1) Par exemple, p. Lxxvr, on lit AARANROC (un m de trop) et NEYWAXE (pour 
en...), cf. p. 62. — p. 88, il écrit HYAXKE-lorsque ses deux mss. (p. ΧΙΎΠῚ et 
xLIx) portent EWAXE. — /bid. la note 9 est mal rédigée, il faut « sans AATES- 


PURE H ». — P. 89, note 1, il oublie de dire que ce mot manque dans P, 
Chnaixux etc Adele 


328 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Ibid. : « toutes les œuvres authentiques, c’est-à-dire portant 
le nom de Schenoudi » ; p. xvi : « plus haut, en effet, commençait 
la religion des couvents pakhômiens » (la région?); p. 2, 
note 5 : « l'office catholique » (canonique ἢ), etc. Il n'est pas très 
harmonieux non plus de commencer par une phrase générale 
et de la corriger brusquement par un « quoique » sonore, p. XVI: 
« Ce couvent doit être considéré sans doute comme l'extrême 
limite où l’on puisse rechercher l'origine des manuscrits con- 
tenant les œuvres de Schenoudi, quorque je doive citer plus bas 
un autre couvent.qui possédait ces œuvres »; p. xvir : « Sche- 
noudi savait par cœur une grande partie de l'Ancien et du 
Nouveau Testament mais je crois qu'il les savait assez mal, 
QUOIQUE cependant son style soit nourri de l'Écriture », etc. (1). 


En somme il est très important de publier et traduire tous 
les fragments qui nous restent de la littérature copte, et les 
savants seront reconnaissants à la librairie Ernest Leroux de la 
part importante qu’elle prend encore à cette œuvre. Le format, 
l'impression, la disposition, les reproductions de planches — ici 
comme dans les publications analogues antérieures — sont 
des mieux choisis pour la commodité et l'utilité des lecteurs. 

Nous regrettons seulement que l'auteur impose cent douze 
pages d'introduction à un fascicule de cent soixante pages. Il 
n'est pas de fragment qui ne puisse être décrit en une ou deux 
pages de texte un peu serré et précis; d’ailleurs les notes phi- 
lolog'iques, les particularités du texte ont leur place marquée 
dans des notes concises placées sous la traduction. Nous es- 
pérons donc, lorsque nous annoncerons un prochain fascicule, 
qu'il comprendra une vingtaine de fragments et que ses 
272 pages se décomposeront en 232 pages de texte et traduc- 
tion, et quarante (tout au plus) d'introduction. Il serait préfé- 
rable aussi que la description d'un manuscrit précédàt immé- 
diatement son édition. 

F. Nav. 


(1) Quelques fautes sont évidemment permises, même dans un fascicule de 
vingt-cinq francs, mais l’auteur pourrait ne pas écrire : « je travaille sérieuse- 
ment », p. xxxIv, note 1, et ne pas se décerner lui-même des brevets d’intelli- 
gence, de travail et de mérite (Introd., passim). 


᾿ 
᾿ 
| 


BIBLIOGRAPHIE 


LE P. BECCARI 5. J., Rerum aethiopicarum Scriptores occidentales 
inediti ἃ saeculo xvI ad χιχ : t. III, Rome, 1905, in-4°; imp. de Luigi, 
XH-545 pp.; — t. IV, Rome, 1906, in-4°; imp. de Luigi, Xxx11-402 pp., 
avec deux planches. 


La collection des sources occidentales de l’Éthiopie par le P. Beccari 
S. J. s’est enrichie de deux nouveaux volumes qui ne le cèdent pas aux 
premiers pour l'intérêt. Le tome IIT contient la fin de la précieuse histoire 
d’Abyssinie du P. Paes que d’Almeida et Telles n’ont guère fait que suivre 
avec quelques additions. Cette partie comprend les annales des empereurs 
depuis ‘Amda Syon et nous voyons qu’au xvr siècle on ne possédait sur 
ces princes, en fait de chroniques indigènes, que ce que nous avons au- 
jourd’hui : ce sont celles des guerres d’‘Amda Syon, les annales de Zarëa- 
Ya‘qob, de Baëda Maryam, de Lëébna Déngël, etc. En ce qui concerne 
Sousnyos qui était contemporain de l’auteur, les renseignements du mis- 
sionnaire portugais complètent la chronique indigène publiée avec tant de 
soins par M. F. M. Esteves Pereira (1). Un index très complet des tomes IL 
et ΠῚ termine ce volume. 

Le tome IV renferme les traités du P. Em. Barradas 5. J.,qui décrivent 
l’histoire de l'Éthiopie à partir du moment où une réaction se produisit 
contre le catholicisme romain, c’est-à-dire les dernières années du règne 
de Sousnyos. On sait que le mouvement fut général et que malgré les sym- 
pathies de cet empereur, il dut céder aux instances de son fils Fasiladas 
qui s'était fait le champion de l’église d'Alexandrie. Le premier traité est 
consacré à l’histoire de cette réaction ; le second nous donne de précieux 
renseignements sur le royaume du Tigré, ses habitants, ses coutumes, 
ses villes : je citerai en passant ce qui se rapporte à Axoume (p. 232 et suiv.), 
ce qui à trait au monastère d’Abbà Garimà (p. 237-245), à celui de Hal- 
leluia (p. 245-255). Le troisième traité est relatif à la ville d’Aden où sé- 
journa l’auteur lorsqu'il fut chargé, avec trois de ses confrères, d'aller à 
Goa informer le vice-roi de l'Inde de la situation de l’Éthiopie et de l’hos- 
tilité qu'y rencontrait la mission catholique. 

Je ne puis que le répéter, la publication du P. Beccari est un immense 


(4) Cronica de Sousenyos, texte éthiopien, trad. portugaise et notes, Lisbonne, 2 vol. 
in-8°, 1892-1900, 


390 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


service rendu aux études historiques éthiopiennes et il a droit à toute 
notre reconnaissance. 
René BASsET. 


FRANZ CUMONT, Les religions orientales dans le paganisme romain. 
Conférences faites au Collège de France. Paris, E. Leroux, 1907, xx1-333 
pages 1η-12, — Prix : 3 fr. 50. 


Au mois de novembre 1905, M. F. Cumont, le distingué professeur de 
l'Université de Gand, bien connu par son ouvrage magistral sur les mys- 
tères de Mithra, inaugura au Collège de France, à la suite de M. Naville, 
la série des conférences instituées par la fondation Michonis. Quelques 
mois plus tard, il fut invité par le « Herbert-Trust » à développer à Oxford 
certaines questions auxquelles il n’avait fait que toucher à Paris. L’en- 
semble de ces deux séries de conférences, suivies de notes bibliographi- 
ques et de multiples références, constitue le petit volume que nous avons 
le plaisir de présenter aux lecteurs de la Revue. 

Après avoir établi que l'Orient, pendant les trois premiers siècles de 
notre ère, pénétra pacifiquement l'Occident par l'influence qu'il y exerça 
sur les institutions politiques, le droit privé, la science, l’art et l’industrie, 
M. Cumont détermine les sources auxquelles nous puisons notre connais- 
sance des religions orientales, puis étudie les causes qui amenèrent leur 
diffusion dans l'empire romain. Il passe ensuite en revue les cultes qui 
sont successivement venus d'Asie Mineure, d'Égypte, de Syrie et de Perse, 
et montre comment ces cultes orientaux transformèrent l’ancien idéal re- 
ligieux des Romains, et préparérent, malgré eux, la victoire finale du 
christianisme. 

« Ce fut d’abord l'Asie Mineure qui fit accepter ses dieux à l'Italie. Dès 
la fin des guerres puniques, la pierre noire qui symbolise la grande Mère 
de Pessinonte est établie sur le Palatin, mais ce n’est qu’à partir du règne 
de Claude que le culte phrygien se développe librement avec toutes ses 
splendeurs et ses excès. Il introduit dans la grave et terne religion des 
Romains une dévotion sensuelle, colorée et fanatique. Officiellement 
reconnu, il attire à lui et prend sous sa protection d’autres divinités étran- 
geres venues d’Anatolie, et il les assimile à Cybèle et à Attis, métamor- 
phosés en divinités panthées. Des influences cappadociennes, juives, per- 
siques et même chrétiennes modifient les vieux rites de Pessinonte, et y 
font pénétrer avec le baptème sanglant du taurobole, des idées de purifica- 
tion spirituelle et de rédemption éternelle. Mais les prêtres ne réussissent 
point à éliminer le fond de naturisme grossier que leur imposait une an- 
tique tradition barbare. 

« Depuis le πὸ siècle avant notre ère, les mystères d’Isis et de Sérapis se 
répandent en Italie avec la culture alexandrine, dont ils sont l'expression 
religieuse, et, en dépit des persécutions, ils s’établissent à Rome, où ils 
obtiennent de Caligula le droit de cité. Ils n’apportaient pas un système 
théologique très avancé, car l'Égypte ne produisit jamais qu'un agrégat 


. 


ie on . 


BIBLIOGRAPHIE. HE à à 


chaotique de doctrines disparates, ni une éthique très élevée, car le niveau 
de sa morale — celle des Grecs d'Alexandrie — ne dépassa que tardive- 
ment un étiage médiocre. Mais ils firent connaitre d’abord à l'Italie puis 
aux autres provinces latines un antique rituel d’une incomparable séduc- 
tion, qui savait surexciter les sentiments les plus opposés dans ses proces- 
sions éclatantes et dans ses drames liturgiques. Ensuite ils donnaient à 
leurs fidèles l’assurance formelle qu'ils jouiraient après la mort d’une im- 
mortalité bienheureuse dans laquelle, unis à Sérapis, participant corps et 
âme à sa divinité, ils vivraient dans la contemplation éternelle des dieux. 

« À une époque un peu plus récente, arrivèrent les Baals de Syrie, mul- 
tiples et variés. Le grand mouvement économique qui, depuis le commen 
cement de notre ère, amena la colonisation du monde latin par les es- 
claves et les marchands syriens, ne modifia pas seulement la civilisation 
matérielle de l’Europe, mais aussi ses conceptions et ses croyances. Les 
cultes sémitiques firent une concurrence heureuse à ceux de l'Asie Mineure 
et de l'Égypte. Peut-être n’avaientils pas une liturgie aussi émouvante, 
peut-être ne s’absorbaient-ils pas aussi complètement dans la préoccupa- 
tion de la vie future, bien qu'ils enseignassent une eschatologie originale, 
mais ils avaient une idée infiniment plus haute de la divinité. L’astrologie 
chaldéenne, dont les prêtres syriens furent les disciples enthousiastes, leur 
avait fourni les éléments d’une théologie scientifique. Elle les avait con- 
duits à la notion d’un dieu siégeant loin de la terre, au-dessus de la zone 
des étoiles, tout-puissant, universel et éternel, tout ici-bas étant réglé par 
les révolutions des cieux durant des cycles infinis d'années, et elle leur 
avait enseigné en même temps l’adoration du Soleil, source radieuse de la 
vie terrestre. 

« Les doctrines érudites des Babyloniens s'étaient imposées aussi aux 
mystères persiques de Mithra, qui considéraient comme cause suprême 
le Temps identifié avec le Ciel et divinisaient les astres; mais elles s’é- 
taient superposées, sans la détruire, à l’ancienne foi mazdéenne. Les 
principes essentiels de la religion de l'Iran, rival séculaire et souvent 
heureux de la Grèce, pénétrèrent ainsi dans l'Occident latin sous le cou- 
vert de la sagesse chaldéenne. La religion mithriaque, la dernière et la 
plus haute manifestation du paganisme antique, eut pour dogme fonda- 
mental le dualisme perse. Le monde est le théâtre et l’enjeu d’une lutte 
entre le Bien et le Mal, Ormuzd et Ahriman, les dieux et les démons, et 
de cette conception originale de l'univers découle une morale forte et 
pure; la vie est un combat; soldat placé sous les ordres de Mithra, le 
héros invincible, le fidèle doit constamment s’opposer aux entreprises des 
puissances infernales, qui sèment partout la corruption. Cette éthique 
impérative, productrice d'énergie, est le caractère qui distingue le mi- 
thriacisme de tous les autres cultes orientaux. » 

Cet extrait, où M. Cumont résume lui-même dans ses grandes lignes les 
croyances que les cultes orientaux introduisirent dans le paganisme ro- 
main, inspirera aux lecteurs de la Revue, nous osons l’espérer, le désir de 
lire d’un bout à l’autre son ouvrage. Écrit d'une plume élégante, avec 
une grande hauteur de vue et une érudition merveilleuse, le nouveau 


9 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


livre de M. Cumont recevra, nous en sommes convaincu, l'accueil le plus 
sympathique dans le monde savant. 
M.-A. KUGENER. 


R. Duvar, professeur au Collège de France, La lillérature syriaque. 
Je édition, Paris, Lecoffre, 1907 ; in-12, 430 pages, une carte. — 3 fr. 50. 


Les nombreuses publications syriaques parues depuis la première édi- 
tion ont obligé M. Rubens Duval à refondre entièrement son ouvrage. 
Comme il le dit lui-même, « des chapitres ont été refaits en totalité ou en 
partie, tous ont subi de notables modifications ». 

M. R. D. ἃ conservé la division générale : 1° la littérature syriaque et 
ses différents genres, c’est surtout un catalogue ou une analyse, avec 
appréciation, des ouvrages syriens; 2 notions sur les écrivains syriaques, 
section surtout biographique qui renvoie pour le détail des ouvrages à la 
partie précédente. Une table des auteurs et des ouvrages anonymes per- 
met d’ailleurs de trouver facilement les renseignements cherchés. Nous 
espérons que cette édition aura encore plus de succès que les précédentes 
et récompensera un peu le savant et sympathique auteur de la peine qu'il 
a prise pour mettre son ouvrage à jour. 

F. Na. 


AMÉDÉE GASTOUÉ, professeur de chant grégorien à l’Institut catholique de 
Paris, Les origines du chant Romain; l'Antiphonaire Grégorien; Paris, 
Picard, 1907; gr. 8, xu1-307 pages. — 12 francs. 


L'ouvrage est divisé en trois parties : sources et origines premières; l’é- 
cole Romaine, son enseignement; développement et fixation du répertoire ; 
et se termine par cinq appendices. 

M. G. ἃ eu l’heureuse idée de rechercher les sources du chant romain. 
Iles ἃ cherchées bien entendu dans la liturgie juive d’abord, puisque les 
premiers chrétiens ne se sont détachés que peu à peu des synagogues, et 
aussi dans les chants gnostiques, magiques et paiens dont il reproduit 
quelques spécimens (p. 29-30) conservés sur papyrus. 

Au second siècle, un soliste chantait les psaumes et le chœur ajoutait le 
refrain. Du me au 1ve siècle, on chanta les psaumes en deux chœurs; de 
plus 5. Ephrem, pour remplacer les chants de Bardesane, composa des 
odes et forma des chœurs pour les chanter. En Occident, à l’époque de 
S. Ambroise, au chant des psaumes s'était joint celui d’antiennes, d’in- 
troïts et de répons en style fleuri. M. G. énumère (p. 57) ceux qui ont été 
empruntés au quatrième livre apocryphe d'Esdras. 

Vers l’an 400, l’hirmos — basé sur le nombre des accents du vers et 
non sur la quantité, le nombre ou le mètre de ses éléments — fut intro- 
duit à Milan « selon la coutume des Orientaux » et conduisit bientôt à la 
strophe rigide. M. G. détermine autant qu'il le peut l’origine de nos chants 


BIBLIOGRAPHIE. Does 


les plus anciens et arrive à 5. Grégoire le Grand et aux musiciens ro- 
mains, époque où les documents sont en grand nombre, et il sait en faire 
bel emploi, tant pour l’histoire proprement dite que pour déterminer l’au- 
thentique théorie de la composition et de l'interprétation musicale du chant 
grégorien. . 

La troisième partie, toute nouvelle, nous expose d’abord l’organisation de 
l'office romain : de l'office quotidien, du commun du temps et du propre 
du temps et des saints, puis, dans un second chapitre, l'étude critique 
du répertoire grégorien, de ses manuscrits et de sa restitution. 

L'appendice comprend : une section du traité de l’arrangement des mots, 
par Denys d’Halicarnasse; la lettre de saint Grégoire le Grand à Jean de 
Syracuse; le décret de saint Grégoire le Grand sur les diacres-chantres: 
le chant des diacres au rite ambrosien; l’ordo de l'après-midi de Pâques 
dans l’ancienne liturgie Romaine. Une table analytique des principaux 
mots guide les recherches, de nombreuses reproductions musicales illus- 
trent le volume. C’est donc un monument de quasi universelle érudition 
autour des origines, assez obscures jusque-là, du chant liturgique, et il 
donne la plus haute idée des connaissances et de l'esprit méthodique de 


l’auteur. 
F. Nat. 


D. C. HESSELING, professeur à l’université de Leyde, Essai sur la civilisa- 
tion byzantine, traduction francaise autorisée par l’auteur, avec préface 
par ἃ. SCHLUMBERGER, membre de l’Institut; Paris, Picard, 1907; in-12, 
xI-382 pages. — ὃ fr. 90. 


La variété qui règne dans cet ouvrage témoigne des nombreuses con- 
naissances de l’auteur. Guerres, administration, arts, sciences, poésie, 
lettres, médecine depuis la fondation de Constantinople jusqu’à la chute 
de l'empire sont représentés dans ce petit volume. 

M. Hesseling distingue trois périodes : 1° les origines et le développe- 
ment du byzantinisme (325-641); 2 les grandes guerres, consolidation de 
l'empire (641-1095) ; 3 décadence et ruine de l'empire (1025-1453), et donne 
un soin tout particulier au portrait de certains empereurs et de certains 
écrivains de choix, chaque fois que leur personnalité offre une importance 
particulière pour l’histoire de la civilisation. 

Nous ne savons pas ce qu'était l'ouvrage original écrit en hollandais: il 
est probable que la forme était à la hauteur du fond. La traduction fran- 
çaise « est adaptée au goût du publie francais », c’est-à-dire ne comporte ni 
notes, ni renvois, ni titres d'ouvrages ; sans doute pour lui donner un peu 
de l'intérêt des romans historiques. Nous ne pouvons blâmer l’auteur de 
s'être adapté à la débilité intellectuelle du grand public français : puisque 
celui-ci ne goûte plus les collections de textes inédits et de traductions, 
qui lui donneraient matière à travailler et à compléter (ou même à réfor- 
mer) les idées recues jusqu'à lui sur certains hommes où certaines pé- 
riodes, il faut bien lui présenter du roman. C’est d’ailleurs la orme de 
plus en plus adoptée, depuis les grandes revues comme la ÆRevue des 


994 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Deux-Moncdes et le Correspondant, dont les numéros achetés très cher se 
revendent de quinze à vingt centimes sur les quais. jusqu’à certains ou- 
vrages des membres de nos Instituts. 

Cette forme ne va pas sans négligences de fond et de style : p. 10, 
concile de Nicée en 328 (pour 395); p. 14, Constance était « plus franche- 
ment arien » que Constantin (celui-ci, qui ἃ réuni un concile pour faire 
condamner les ariens, ne passait pas pour être, même peu franchement, 
un de leurs adeptes); « l'artillerie surtout était devenue une puissance » 
sous Nicéphore Phocas, vers 963 (nous ne la savions pas si ancienne); 
p. 164, une phrase de 5. Grégoire de Nazianze interprétée de divorces 
successifs, ne peut s'entendre que de mariages successifs après la mort du 
conjoint, ete. Inutile de mentionner les négligences de style et les fautes 
d'impression. 

Notons plutôt que l’auteur semble peu favorable aux croisés (p. 255-258). 
Pour apprécier sainement cette période, il faut se garder de comparer les 
migrations des croisés aux voyages d’excursion que font nos savants, ren- 
tés et pensionnés. Ces migrations et ces levées de boucliers de peuple 
contre peuple doivent être comparées aux mouvements analogues des 
Huns, des Mongols, des Arabes. Et l’on n’aura pas de peine, croyons-nous, 
à montrer que ces croisés, en dépit de la nature humaine qui est mau- 
vaise et qui ne perd jamais tous ses droits, ont été plus désintéressés, plus 
nobles et moins sanguinaires que tous autres envahisseurs contemporains. 
Il en est de même de l'intolérance monacale, p. 97-98; ces malheureux 
moines, dans leur intolérance, montraient encore plus de tolérance et de 
mansuétude que leurs contemporains et ne le vraiment être tenus 
à beaucoup plus. 

Mais ce sont là détails isolés, car la science et l'intelligence de l’auteur 
l'ont prémuni contre le danger qui guette les savants jeunes, vaniteux et 
irréfléchis ; faute de savoir se transporter et vivre dans le milieu qu’ils ont 
à décrire, ils n’en donnent que des images infidèles, exagérées ou rétré- 
cies, et ne s’apercoivent pas que le procès intenté par eux aux siècles 
disparus ne repose au fond que sur leur ignorance et leur manque de 
jugement. Ils ressemblent au photographe qui oublierait de mettre son 
appareil au point et qui voudrait accuser le paysage de lincohérence 
constatée par lui sur ses clichés. 

M. Hesseling n’est guère tombé dans ce travers : il aime la civilisation 
byzantine et cherche à la mettre en relief; tâche difficile, car ses origines 
sont aussi mélées que la généalogie elle-même de ces Byzantins mâtinés 
d'Arménien et de Bulgare (cf. p. 191-192) ou de Sarrasin (p. 213-214) (1); 
son ouvrage forme donc un guide, bourré d'’intéressants détails, de por- 
traits, d'analyses et de citations. Il sera fort utile à qui veut prendre une 


(1) Par exemple, nous ne savons pas s'il est nécessaire de remonter à Hérodote et à 
Platon pour rendre compte des périphrases : « enfants de médecins » el « père de la 
guerre » employées par Simocatta, p. 114, car ce sont des locutions courantes chez les 
Syriens ; la prolixité de cet auteur pourrait dériver aussi du genre littéraire si cultivé en 
Orient, en particulier par 5. Ephrem et Jacques de Saroug, et qui consiste à accumuler le 
plus de vers possible sur le moindre sujet. 


BIBLIOGRAPHIE. 399 


idée générale de la civilisation du 1v° au xv° siècle, autour de Constanti- 
nople, et répond bien au but de vulgarisation que l’auteur avait en vue. 


F. Nat. 


A. MALLON, Grammaire copte, avec Chrestomathie, vocabulaire et bi- 
bliographie, 2° édition revue et augmentée; Beyrouth, 1907; &, xv.302° 
et 194 pages. — 9 fr. 50; affr., 0 fr. 60. 


Nos lecteurs ont à peine oublié l’annonce de la première édition (ROC, 
1905, p. 441) et nous venons déjà leur annoncer la seconde. Ce n’est pas 
simplement un nouveau tirage, l’auteur ἃ tout remanié et ἃ ajouté de 
nombreux compléments, comme la simple comparaison du nombre des 
pages des deux éditions suffira à le montrer. Cette grammaire mérite 
donc plus que jamais les éloges adressés par M. Maspero à la première 
édition : « Le Père Mallon nous ἃ donné ce qui n’existait ni en France ni 
ailleurs : une grammaire digne de remplacer celle de Peyron.. L’exposi- 
tion est claire, nette, abondante, les définitions sont précises, les exemples 
sont bien choisis et en nombre suffisant... Je suis assuré que sa gram- 
maire copte n'aura pas moins de succès en France et dans les autres 
pays savants de l'Occident qu’elle en ἃ eu en Orient » (cf. Revue critique, 


16 sept. 1905). 
FE. Nav. 


M. CHAINE, Grammaire éthiopienne; Beyrouth, 1907; 80, x-308 pages. 
Sr S0;attr., 0 Er 50: 


Ceux qui ont eu lieu de regretter, comme nous, que M. Praetorius n'ait 
pas donné une nouvelle édition de sa grammaire éthiopienne allemande 
depuis longtemps épuisée, pourront se procurer la grammaire du Père 
Chaine. Elle est rédigée dans le même esprit que la grammaire copte du 
Père Mallon et forme une petite encyclopédie élémentaire : grammaire, 
chrestomathie, vocabulaire, bibliographie, qui suffit aux commencants pour 
essayer leurs forces. à 

L'auteur ἃ simplifié l'exposé des règles et l’a accompagné de nombreux 
exemples pour amener le débutant à faire le plus tôt possible des lectures 
raisonnées de textes. Dans le même but, il a gradué les exercices de la 
chrestomathie et s’est astreint à traduire, analyser et annoter les sept 
premiers et les derniers. C’est la première grammaire éthiopienne écrite 
en francais. Les paradigmes sont réunis ensemble en un petit fascicule 
détaché. 

Nous espérons que les professeurs de l’Université St-Joseph continue- 
ront leur œuvre et nous donneront des Dictionnaires copte et éthiopien 
de prix abordable, analogues aux dictionnaires arabe et syriaque déjà pu- 


bliés par eux. 
F. Nav. 


336 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


PAUL SCHWEN, Afrahat, seine Person und sein verständnis des Chris- 
tentums, ein Beitrag zur geschichte der Kirche im osten; Berlin, Tro- 
witzsch, 1907; 8, vir-154 pages. — 4 M. 80. 


Ce travail, publié dans les « Nouvelles études pour l’histoire de la Théo- 
logie et de l’Église » de MM. N. Bonwetsch et R. Seeberg, traite de la vie 
et des écrits d’Aphraate (p. 1-25), des sources de l’enseignement d’A- 
phraate (p. 29-67), enfin du christianisme tel qu’on le trouve dans les 
écrits de cet auteur (p. 71-143). 

Aphraate, qui écrivait vers la Perse, de 337 à 345, est le plus ancien 
auteur syrien dont on ait conservé tous les écrits. Il est donc naturel que 
l’on y relève soigneusement les traces dogmatiques, exégétiques, liturgi- 
ques, historiques qu’ils peuvent contenir. Beaucoup d'auteurs l’ont déjà 
tenté. M. P. Schwen l’a fait avec grande érudition et méthode. Son ou- 
vrage est donc, comme il l’a dit, une importante « contribution à l’histoire 
de l'Église orientale » primitive. Il nous semble toutefois que le genre 
littéraire d’Aphraate n'étant pas bien tranché, — on ne sait pas s’il faut 
appeler ses écrits des lettres, des homélies ou des démonstrations (p. 14), 
ni s’il faut les ranger dans la littérature ascétique ou bien scientifique 
(Ρ. 21), — il faut être très réservé pour tirer de son œuvre des conclusions 
négatives. Par exemple, il est très intéressant de constater qu'il utilise 
les livres 1 et IT des Macchabées (p. 33) ; mais plus loin nous ne dirions pas 
(Ρ. 46) : « l'Apocalypse était inconnue d’Aphraate », nous dirions seulement : 
« Aphraate ne cite aucun texte de l’Apocalypse ». Il pouvait « connaître » 
ce dernier livre mais n’en avoir étudié aucun texte par cœur. C’est mon 
cas, et sans doute celui de beaucoup de mes contemporains; pourquoi ne 
serait-ce pas aussi le cas d’Aphraate ? Il faut reconnaitre d’ailleurs que 
presque tout l'ouvrage de M. Schwen est consacré à mettre en relief les 
renseignements positifs contenus dans Aphraate, et nous ne pouvons donc 
que le louer. Il renvoie à la traduction allemande de M. Bert parce que 
l'édition de la Patrologia syriaca de M£' Graffin n'était pas terminée; 
maintenant qu'elle l’est, on pourra, avec un peu de patience, passer de 
l’une à l’autre, parce que M. Schwen ἃ donné une concordance de la tra- 
duction de M. Bert avec l'édition Wright (p. 148-153) et M# Graffin une 
concordance de l'édition Wright avec la sienne (Patrologia syriaca, t. I, 


col. 487-489). PA 
. NAu. 


Le Directeur-Gérant : 
F. CHARMETANT. 


Typographie Firmin-Didot et Cie. — Mesnil (Eure). 


TomelIV.— Fasc.o. — Recueil de monographies.— II. Histoire deS, Pacôme, 


. texte grec-inédit des ms. de Paris 881 et suppl. 480, avec une traduction fran- 


çaise de la version syriaque et une nouvelle classification des sources grecques; 
III. Histoire de 5. Jean Baptiste et miracle de 5. Michel à Colosses, 
d’après un palimpseste du vime siècle, par MM. 4. BOUSQUET, vice-recteur et 
professeur de grec à l’Institut catholique de Paris, et F. Nau. 


Fasc. 6. — The hymns of Severus of Antioch and others in the syriac 
version of Paul of Edessa as revised by James of Edessa, texte syria- 
que, traduction anglaise par E.-W, Brooks. 


Tome V.— Fasc, 1, — Histoire des patriarches d'Alexandrie (suite), par 
B. EVETTS. 
Fasc. 2. — Recueil de monographies. — IV. Les Plérophories de 


Jean, évêque de Maïouma, texte syriaque inédit, traduction française 
par F. Nau, 


DE NOMBREUX OUVRAGES SONT EN PRÉPARATION. Mentionnons : 


Théodore le Lecteur. Histoire tripartite, texte grec inédit avec la version la- 
{πὸ d'Épiphane Cassiodore, édité par D. SERRUYS, directeur adjoint à l’école 
des Hautes Etudes. 


L'Oraison funèbre de Basile le Macédonien, texte grec, traduction francaise 
par D. SERRUYS. 


Les Apocryphes Coptes (fascicule Il), par E. REVILLOUT. 
Vies de Sévère, introduction, commentaire, index et tables, par M.-A, KUGENER. 


Chronique de Mahboub (Ἀγάπιος) le Grec, fils de Constantin, évêque de 
Menbidj (x° siècle), texte arabe, traduction française par A.-A. VASILIEV, pro- 
fesseur à l’Université de Dorpat (I0prer®). 


Coptic Texts relating to Ecclesiastical history (mostly unpublished), edited 
with English translation by W.-E. Cru. 


Les versions arabes des Apocryphes Apostoliques : — I. Le Testamentum 
D. N. J. C., texte arabe inédit, traduction française par 5. B. ME RAHMANI, 
Τ,. ΠΕΒΝΟΥΕΒΒ et P. Dig. — II. Les Canons des Apôtres, texte arabe en majeure 
partie inédit, traduction francaise par MM. J. PÉRIER et J.-B. PÉRIER. — III. La 
Didascalie, texte arabe inédit, traduction française par P. CHÉBLI. 


Les versions éthiopiennes des Apocryphes du Nouveau Testament : 
— I. Le Testamentum D. N. J. C., texte éthiopien inédit, traduction latine 
par M. l'abbé GUERRIER. — II. Apocryphes attribués à saint Clément, 
texte éthiopien inédit, traduction française par M. l'abbé GREBAUT. — III. Le 
Fekârê Iyasus et la vision d’Abbà Sinoda, texte éthiopien inédit, traduc- 
tion italienne par M. C. ConTI-Rossini. — IV. La Didascalie, texte éthiopien 

-_en partie inédit, traduction française par M. l'abbé FRANCON. 


L'Histoire des conciles de Sévère ibn-al-Moqaffa;, texte arabe inédit, traduc - 
tion francaise par M. L. LEROY, professeur à l'Institut catholique d'Angers. 


Mélanges de Théologie jacobite : Les Lettres encycliques et les Profes- 
sions de foi des évêques jacobites, texte syriaque, traduction française par 
F, Nau, 


(Demander tous renseignements et adresser les souscriptions à la librairie 
FIRMIN-DIDOT, 56, rue Jacob, Paris.) 


R. GRAFFIN. — F. NAU 
PROFESSEURS A L'INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS. 


Patrologia orientalis 
TOME Ï. — Gr. in& (format de Migne), χα et 706 pages. Prix : 3 fr, 


I. Le livre des mystères du ciel et de la terre (éthiopien et francais), par 5; # ee 


J. PEerrucuox et 1. Guror, Ὁ fr. 50. — IT et IV. History of the Patriarchs 
of the Coptice Church of Alexandria (arabe et anglais), par B, EVETTS, 7fr., 


οἱ 8. fr. 35. — ΠΙ. Le Synaxaire arabe jacobite, Tout et Babeh (arabe 


et francais), par René BAssET, 10 fr. — V. Le Synaxaire éthiopien, Mois 
de Sané (éthiopien et français), par 1. Guipr, 11 fr. 20. 
Ce volume ἃ coûté seulement 26 fr. 95 (port en sus) aux souscripteurs, 


ToME I, 690 pages. Prix : 41 fr. 


I. Vie de Sévère par Zacharie le Scholastique (syriaqué ct français), 6 


par M.-A. KUGENER, 7 fr. — Il. Les Évangiles des douze apôtres et de. 
saint Barthélemy (copte et français). par le δὲ Εἰ. RevicLour, Ὁ fr. — II. Vie 


de Sévère par Jean, supérieur du monastère de Beith Aphthonia, 
suivie d’un recueil de fragments historiques syriaques, grecs, latins et arabes 


relatifs à Sévère, par M.- À. KuGENER, 11 fr. 90. — IV. Les Versions grec. 
ques des Actes des martyrs persans sous Sapor 1 (grec et latin), 
par H. DELERAYE, $. J., Bollandiste, 9 fr. 50. — Ὑ, Le Livre de Job (éthio- … 
pien et francais), par É. PEREIRA, 7 fr. 70. É 
Ce volume ἃ coûté seulement 2 fr. 90 (port en sus) aux souscripteurs. 


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vue siècles), suivies dutraité d’Ahoudemmeh sur l homme, texte syriaque inédit, 
traduction française par F. Nav. Prix : 7 fr. 15; franco, 7 fr. 69 (pour les sous- 
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Ibn-al- te évêque d'Aschmounaïn, texte arabe, traduction francaise 
par P. CuéBLi, prêtre maronite. Prix : 7 fr. 40; franco, 7 fr, 95 (pour les sous- 
cripteurs : 4 fr. 65; franco, 5 fr. 20). ; 


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inédit, traduction francaise par R. Duvar et M.-A. KUGENER, avec le concours ἡ 
de E. ὟΝ. Brooks. Fasc. 1, par Rubens Duvaz. Prix : 5 fr.70; pe 6 fr. 10. 
(pour les souscripteurs : 3 fr. 60: : franco, À fr.). 


Fasc. 2. — Papyrus grecs relatifs à l’antiquité chrétienne, publiés 


et traduits en français par le D° C. WessELY, conservateur de la Bibliothèque … 


impériale de Vienne. Prix : 7 fr. 90; franco, 8 fr. 45 (pour les souscripteurs : 
9 fr.:; franco, 5 fr. 55): Les planches sont ἀνα ὩΣ pour 1 fr. (Pour les 50π5- 
cripteurs : Ὁ ἕν. 65). 

Fasc. 3. — Histoire nestorienne inédite (chronique de Séert), texte arabe 
publié par M Anpaï Scueret traduit en français par plusieurs orientalistes. | 
Prix : 6 fr. 20; /ranco, 6 fr. 70 (pour les souscripteurs: 3 fr. 90: franco, 4 fr. 40). 


Fasc. 4. — La cause de la fondation des écoles, par MAR FADBESCHABBA 
ARBAIA, évêque de Halwañ,textesyriaque, publié, traduitet annoté par Ms"Addai 
Scher, ‘archévèque chaldéen de Séert, Prix : 5 fr. 00; franco, 5 fr. 90 (pour les τ 1- 
souscripteurs : 3 fr. 45 ; franco, 3 fr. 85). jee 


VONT PARAITRE: 


ToME II, — Fasc. 3. — Le Synaxaire Jacobite (suite), par René BASSET.… 


Fasc. 4. — The Life of Severus, patriarch of Antioch, by Athanasius, 
texte éthiopien inédit, traduction anglaise par E.-J. GOODSPEED. 


(Voir la suile à la page 3 de la couverture.) 


(376- 2479). . es SD UN Ta ALES 
Tournebize. — Étude sur la. conversion a: de l'Arménie au 
ἊΣ ristianisme (suite). Grégoire et Tiridate. : : . : . 390. 
--5 Grébaut. — Littérature éthiopienne pseudo- -Clémentine Σ 
< (texte éthiopien et traduction du- Te du Jugement des 
pécheurs (5:6). 4, οςς 0 EN NE MER PO Een 380 


Ἢ . — Histoires des solitaires és syptiens (suite ; mé: 
Joislin Bo ES} EE TR 393 
J. Lagrange. — Le sanctuaire de la lapidation de saint 


Re SE Le Yan Li PUR dans τος 414 


nyme éditée par 5e B. Me Rahmani, Raerdhe ἃ des Syriens 


ἘΣ ΘΠ ΘΒ ee ur hit ds LD RES 
. HF Note sur dattes mss. latins de l'invention du Corps 
“de saint Étlénie Στὸ ἤν . 44] 
ΠῚ. Le XVe Congrès international des otiemanistes ea A44 


M — = Bibliographie. — Don Cur. BAuR, 0. 8. B., Saint Jean Chry- 
|  sostome et ses œuvres dans l'histoire littéraire (F. Nau). 
το FRrirz PRADEL, Griechische und suditalienische Gebete, Beach 
es wôrungen und Rezepte des Mittelalters (EF, Nau). — JR. Fe 
τς Resours, Traité de psaltique : théorie etpratique du chant 
dans l'église grecque (4.-Gastoué).. — 4. TrBAUT;, Origine 
byzantine : de la notation neumatique de l'Église late (A: 
ἿΣ HAN — - ARTHUR AACHLEINER, Jérusalem ἼΡ. Nau). . τες 445 


= 


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RUE BONAPARTE, 82, PARIS. 


un exemplaire à la précédente adresse. 


COMITÉ DIRECTEUR : 


Mer CHARMETANT (%), protonotaire apostolique, Directeur des ὀἠαξος d'o- 
rient, président. — M. l'abbé BOUSQUET, vice-recteur et professeur de grec 
à l’Institut catholique de Paris. — Me GRAFFIN (X), prélat de Sa Sain 
teté, professeur d’hébreu et de syriaque à l’Institut catholique de Paris. —, ἜΣ 
M. l'abbé LEROY, professeur d’arabe et d’égyptologie à l’Institut catho- 
lique d'Angers. — M. l'abbé MANGENOT, professeur d'Écriture sainte àlns-. : ie 
titut catholique de Paris. — M. l'abbé Nav, professeur de mathématiques ἘΝ 


à l'Institut catholique de Paris. 


Le Comité est assuré du concours de spécialistes compétents : pour l’A47- 
ménien, M. BASMADJIAN, directeur de la revue « Banasér », et le ἢ. P. 
 PEFTERS, Bollandiste ; pour ’Assyrien, etc., le P. SCHEIL, of. à 
l'École des Hautes Études pour le Copte, le R. P. MALLON, professeur d ας 
l'Université de Beyrouth ; pour l'Éthiopien, M. 1. Gumi, professeur àl’Uni- 
versité de Rome, M. l’abbé F. MARTIN, professeur à l’Institut catholique de. Re 
Paris, et M. E. Pereira; pour le Mongol etle Persan, M. BLOCHET, attaché τὸ 
à la Bibliothèque Naboniie. ne Ἢ 

En dépit du contrôle qui sera exercé par ces divers savants, chaque. ΕΞ 
auteur conserve l'entière responsabilité de ses articles. ὃ ΕΝ 


SAINT EUTHYME LE GRAND 


MOINE DE PALESTINE (376-479) 


CHAPITRE Π (1) 
SAINT EUTHYME ET SAINT THÉOCTISTE 


Premières années d'Euthyme. — Il se retire en Palestine. — Séjour à la laure 
de Pharan. — Son amitié avec Théoctiste. — Ils fondent de concert un monas 
tère. — Conversion d’une tribu sarrasine. — Histoire de cette tribu et de son 
évêché, établi par Euthyme. — Vie érémitique de saint Euthyme. 


Euthyme, surnommé le théophore, naquit en 376 à Mélitène, 
capitale de la province de la Petite Arménie. Son père s'appelait 
Paul et sa mère Denise. Sans être d’une naissance illustre, ils 
avaient tous les deux assez de bien pour couler doucement leurs 
jours dans une honnête aisance. Très chrétiens l’un et l’autre, 
le seul déplaisir qu'ils eussent éprouvé les premières années 
de leur mariage était de se voir sans enfants. Ils recoururent 
à la prière pour en obtenir de Dieu et, afin de rendre leurs 
oraisons plus efficaces, implorèrent le martyr saint Polyeucte, 
dont Corneille a immortalisé les traits. Leurs vœux furent 
exaucés. Une nuit qu'ils étaient dans l'église, ils entendirent 
une voix qui leur dit : « Prenez courage; Dieu vous donnera 
un fils que vous nommerez Euthyme, comme marque de la 
douceur de son esprit et de la tranquillité de son âme. Toute 
sa vie répondra à un nom si favorable et Dieu, au temps de sa 

naissance, rendra la paix à son Église. » L'événement justifia 
cette prédiction, car, peu après, la persécution arienne, qui 


(1) Voy. 1907, p. 298. 
ORIENT CHRÉTIEN. 22 


338 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


avait duré près de quarante ans, prenait fin avec la mort tra- 
gique de l’empereur Valens, 378. 

D’après le biographe de saint Euthyme, Cyrille de Scytho- 
polis, notre saint serait donc né miraculeusement et on l'aurait 
consacré à Dieu dès avant sa naissance. Mais ces traits revien- 
nent si fréquemment dans les biographies de Cyrille qu'ils 
sont passés à l’état de formules. Chez cet hagiographe, très 
consciencieux du reste et d'un scrupule historique fort rare à 
son époque, tous les anachorètes célèbres : Euthyme, Géra- 
sime, Sabas, Cyriaque, etc., sont nés de parents chrétiens et 
honorables, et tous ont été consacrés à Dieu. Il serait bien 
difficile, dans ces conditions, de déterminer auquel de ces nom- 
breux saints le trait se rapporte réellement ou même s'il n'est 
pas un simple artifice littéraire. 

Euthyme n'avait que trois ans lorsque son père mourut; c'est 
pourquoi sa mère le confia aussitôt à l’un de ses oncles, qui 
faisait partie du clergé de Mélitène. On rapporte que l'évêque 
Otreios, l'ayant aperçu, se serait écrié : « Vraiment, le Saint- 
Esprit reposera sur la tête de cet enfant. » Tandis que sa mère 
était rangée au nombre des diaconesses, le jeune Euthyme fut 
tonsuré, ordonné lecteur, nourri comme le jeune Samuel dans 
le sanctuaire et appliqué ensuite à l'étude des sciences ecclé- 
siastiques. À dix-neuf ans, il avait déjà franchi tous les degrés 
des ordres sacrés et on l’élevait malgré lui au sacerdoce; en 
même temps l'inspection des monastères de la ville lui était 
confiée. Si on lui remettait dans un àge si tendre des charges 
aussi importantes, c'est que l’on savait pouvoir entièrement 
se reposer sur lui, c’est que son sérieux et sa Circonspection 
présageaient déjà une maturité d'esprit peu ordinaire. Eu- 
thyme ne devait pas faire mentir de si belles promesses. Son 
biographe rapporte de lui qu'il était doué d’une piété angé- 
lique, qu'il aimait la retraite et la solitude, qu'il visitait sou- 
vent les églises de Saint-Polyeucte, des Trente-trois Martyrs et 
d’autres saints de la province. 

Les honneurs et les charges ecclésiastiques, périlleux pour 
la jeunesse, pesaient vivement à l'humilité d'Euthyme; il les 
déposa bientôt pour s'enfuir en Palestine; puis, la visite des 
sanctuaires une fois terminée, il songea à se fixer dans le 
pays. Il avait alors près de vingt-neuf ans; on était en l'année 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 339 


405. Avant de s’enfermer dans une cellule de la laure de 
Pharan, il fut tour à tour disciple et émule des plus fameux 
anachorètes. Tout nous autorise à penser qu'il habita quelque 
temps la laure de Douça, une fondation monastique de saint 
Chariton qui jouissait, à la fin du 1v° siècle, d'un renom bien 
justifié. Pallade, auteur de l'Histoire lausiaque et ami de 
saint Jean Chrysostome, y passa plusieurs mois vers l’année 
3806, vingt ans à peine avant l’arrivée d'Euthyme, et lui-même 
nous ἃ raconté ensuite dans un style sans apprêt les vertus et 
les actions mémorables des religieux qu'il avait connus. 

La laure obéissait alors à un saint prêtre, originaire de la 
Cappadoce et nommé Elpidios, à qui Chariton avait laissé autre- 
fois le soin de la laure et qui se signalait entre tous par ses 
austérités. Elpidios habitait une grotte sur le sommet de la 
montagne, à deux pas d’un gouffre béant, ne mangeait que le 
samedi et dimanche et restait debout toute la nuit à chanter 
des psaumes. Un jour, durant là psalmodie, il fut mordu au 
pied par un scorpion, sans qu'il trahit par l’altération de ses 
traits ou par le trouble de sa voix la douleur cuisante qu'il 
“ressentait. Un autre Jour, il plantait sur les bords du préci- 
pice un sarment desséché, qui retrouva en terre sa vieille sève 
et devint une vigne considérable au point de couvrir toute 
l'église de ses rameaux verdoyants. Au retour de longues 
pérégrinations accomplies en son pays natal et ailleurs, Pal- 
lade fut informé d’une dévotion de saint Elpidios, dont l’étran- 
geté nous surprend, même à une époque qui en suscita de si 
bizarres. Debout dans sa cellule cuverte, le visage tourné vers 
l'Orient, le saint s'était imposé la mortification de ne jamais 
tourner les yeux ni le jour ni la nuit vers le ciel de l'Occident, 
et il avait persévéré dans cette attitude pendant vingt-cinq 
ans (1). C'est un genre de torture, connu dans l’hagiographie 
sous le nom de station (2). 


(1) Saint Elpidios est vénéré le 2 septembre. Une ville porte son nom en Italie, 
dans la marche d’Ancône ; dès l’année 1512, elle se vantait de posséder son 
corps et ceux de ses compagnons. 

(2) « Elle consiste, dit le P. Delehaye (Les styliles, dans le Compte rendu du 
troisième congrès international scientifique des catholiques, cinquième section, 
sciences historiques, Bruxelles, 1895, p. 193), à demeurer debout un temps con-. 
sidérable et à goûter l’indicible souffrance qui résulte de la tension prolongée 
- des mêmes muscles. Un autre genre de mortification est celui qui astreignait 


340 REVUE ‘DE L'ORIENT CHRETIEN. 


Je ne sais si Elpidios vivait encore, lorsque Euthyme s’in- 
formait avec soin des pratiques des ascètes palestiniens. Même 
si la laure de Douca était déjà privée de sa présence, le jeune 
Arménien y retrouva plusieurs de ses disciples, qui s’ingé- 
niaient à reproduire le même genre de vie. Ainsi Énèse et 
Eustathe, deux frères selon la chair, s’entraînaient à l'exemple 
d'Elpidios. Un autre de ses disciples, Sisinnios, s’enfermait dans 
un sépulcre, où il passait trois ans, toujours debout et n'ayant 
d'autre occupation que de prier. Gaddanas vivait sur les bords 
du Jourdain, exposé aux intempéries des saisons, sans cabane 
et presque sans vêtements. C’est sans doute dans des exercices 
analogues, qui paraissent avoir été la spécialité de cette laure, 
que ὙΠ τα ἢ le futur évêque de Gaza, avait gagné, de 
377 à 982, les terribles rhumatismes qui le clouèrent de longs 
mois sur un lit de douleur. 

Des pratiques aussi singulières ne pouvaient convenir ne 
temps au caractère modéré et prudent d'Euthyme; il se retira 
à la laure de Pharan et là, isolé des autres solitaires, il s’aban- 
donna à ce tête-à-tête intime de l'âme avec Dieu, oraison 
d'amour et de quiétude qui convient si bien aux Orientaux. A 
ses pieds, si loin que portät son regard vers le désert, il n'em- 
brassait qu'un horizon rocheux, imposant par sa sauvage gran- 
deur, et des collines nues, calcinées, où les ravins profonds 
tracent des gercçures irrégulières. Nature stérile et grillée par 
les ardeurs d'un soleil tropical, image vivante de l'enfer! Pour 
compléter ce sombre tableau, alors comme aujourd'hui, des 


le pénitent à ne point quitter la place qu'il s'était choisie, ordinairement en 
plein air, sans abri contre la pluie, le vent et les vicissitudes des saisons. Saint 
Grégoire de Nazianze ‘+ 389, dans son poème sur les moines, décrit quelques- 

. unes des plus effrayantes inventions de la pénitence à son époque, et il cite en 
particulier un solitaire qui resta debout des années entières, absorbé dans la 
contemplation (P. G., τ. XXXVII, p. 1456). Un autre, qui s’était fixé au mont des 
Oliviers, se tenait également toujours debout, exposé à toutes les injures de 
l'air (P. G., Ὁ. XXXVII, p. 1457). Ces rigueurs l’eurent bientôt réduit à un état 
d’extrême faiblesse, sans qu’il songeàt cependant à déserter son poste. On se 
contenta de lui construire un abri. » Le premier moine, cité par saint Grégoire, 
menait un genre de vie analogue à celui d’Elpidios; le second n’est autre 
qu’Adolios, dont Pallade nous ἃ retracé la vie effrayante. Sans connaître ou, du 
moins, sans citer les exemples apportés par Pallade, le P. Delehaye voit avec 
raison dans ces deux stationnaires de saint Grégoire de Nazianze des précur- 
seurs des stylites ; les cas cités par Pallade ne peuvent que confirmer son opi- 
nion. 


ML”: 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 341 


éperviers et d’autres oiseaux de proie passaient rapidement 
à la poursuite d’innocents volatiles et lui rappelaient sans 
doute les courses vertigineuses des mauvais esprits pourchas- 
sant les pauvres âmes. 

La laure de Pharan se voit encore, et des moines russes, 
venus du mont Athos, ont essayé tout dernièrement de la re- 
constituer. Elle se trouve dans le Ouady Farah, à une dizaine 
de kilomètres environ de Jérusalem, dans la direction orientale. 
C’est une gorge étroite, resserrée entre deux bandes de rochers 
gris, d'une hauteur variant entre 60 et 100 mètres et qui 
courent parallèlement de l'Ouest à l'Est. Une source limpide 
et abondante jaillit du roc et forme sur-le-champ une petite 
rivière qui coule à travers les pierres polies, les roseaux et les 
tamaris. Sur les deux rives, le long des parois presque verti- 
cales, se voient une cinquantaine de grottes, en partie natu- 
relles, en partie creusées de main d'homme, avec une ou deux 
ouvertures plus ou moins régulières, taillées en forme de porte 
et plongeant sur la vallée. 

Un silence de mort flotte sur cette solitude, interrompu par 
le murmure des eaux dévalant en cascades, par le sifflement 


aigu des merles, qui tourbillonnent au-dessus des précipices 


et, de leurs ailes dorées, frôlent les corniches où les ramiers 
roucoulent en se dandinant. Peuplez par la pensée chacune de 
ces grottes, supposez dans ces asiles aériens la présence de so- 
litaires, occupés à tresser des nattes et des corbeilles ou à 
psalmodier les heures canoniques, et vous aurez sous les veux 
l'antique laure de Pharan, au temps de saint Euthyme. Des 
Jardinets minuscules, que l’on suppose établis dans la partie 
inférieure de la vallée, servaient à faire pousser des herbes et 
des légumes, le menu ordinaire des repas. Les laurites de 
Pharan n'avaient d'autre table que la terre ou les rochers qu'ils 
foulaient aux pieds. Comme le dit saint Ephrem de leurs 
émules de Mésopotamie : « L'eau de la rivière leur procurait 
un breuvage délicieux ; leur vin coulait des rochers. Ils n’a- 
vaient, sauf le samedi et le dimanche, d'autre église que leur 
bouche, dans laquelle leur langue célébrait les louanges de 
Dieu. Durant les douze heures de la journée, leur prière était 
ininterrompue. Lorsque la fatigue, le soir, saisissait leurs mem- 
bres, ils croyaient se ménager une grande jouissance, en s’é- 


342 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


tendant sur la terre nue ou sur une natte misérable... Enfin, 


l'endroit où ils terminaient leurs jeûnes avec leur existence. 


était bien souvent celui de leur sépulture (1). » 

Près de saint Euthyme, dans une grotte voisine, vivait à 
Pharan un jeune religieux originaire de la Cappadoce et nommé 
Théoctiste, qui l'avait choisi pour directeur de conscience. 
Caractère timide et irrésolu, celui-ci s’effaçait toujours devant 
son compagnon et ne prenait jamais une décision sans son 
consentement. Il était de ces âmes simples, qui sont ravies de 
trouver à leur côté un guide fidèle pour lui remettre le soin de 
penser et de vouloir à leur place, ce qui allège d'autant leurs 
facultés et leur permet de consacrer à l’action tout leur temps 
et toutes leurs forces. Chaque année, Euthyme engageait 
Théoctiste à partager dans la solitude sà retraite quadragési- 
male, pieuse coutume qu'il avait importée d'Arménie et qui 
devait en peu de temps, comme toutes les initiatives venues 
de lui, s'imposer à l’imitation des moines palestiniens. Après 
l'octave de l'Épiphanie, 14 janvier, tous les deux, avec la per- 
mission de l'higoumène (2), s’enfonçaient dans la profondeur 
du désert de Cotyla ou sur les rives désolées du lac Asphaltite. 
Ils employaient ce temps à la mortification et à la prière, et ne 
rentraient dans leurs ceilules de Pharan que pour le dimanche 
des Rameaux. Disons tout de suite, au sujet de cette coutume 
pratiquée encore au 1x° siècle, que le départ des anachorètes 
pour le désert eut lieu le 21 janvier, après la mort de saint 
Euthyme, 20 janvier 473, et qu'il fut ensuite déNees fixé 
au premier dimanche du carême. 

Il n'y ἃ peut-être rien au monde de plus agréablement despo- 
tique que l'amour de la solitude. Dès qu'il s’est emparé d'une 
âme, rien ne réussit à l'en expulser. Les tumultes et les joies du 
monde ont beau la saisir et la griser, il s'y mêle toujours je 
ne sais quelle amertume, qui ramène les réflexions de la pensée 
vers les douceurs de la condition première. Cinq années durant, 
les deux amis avaient goûté, pendant leur retraite de carême, 
des plaisirs imeffables et, chaque année, ils voyaient avec regret 
luire le jour qui les rappelait au sein de leur communauté. 


(1) Rphfemn, Sermo III in palres defunctos. 
(2) On appelle higoumène en Orient le supérieur d’une maison religieuse. 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 343 


Vers 411, les regrets devinrent si vifs qu'ils ne purent être sur- 
montés. Au lieu de rentrer à Pharan pour les fêtes de Pâques, 
Euthyme et Théoctiste gagnèrent une gorge inaccessible, située 
à droite de la route de Jérusalem à Jéricho, mais plus près de 
la vallée du Jourdain. 

Au fond de cette dépression énorme un torrent roulait en 
hiver ses eaux tapag'euses, qui se conservaient en partie, pen- 
dant les chaudes journées de l'été, dans les abris et les réser- 
voirs naturels. Les berges du torrent se dressaient à pic; çà et 
là, des grottes s'ouvraient sur la vallée aux flancs des parois 
rocheuses. Les anachorètes avisèrent bien vite une caverne de 
grandeur moyenne, percée sur la rive gauche, à une hauteur 
qui défiait toute escalade. Une piste légère, tracée sur les pierres 
glissantes par les bouquetins et les pieds nus des pâtres, les 
conduisit au bas de la grotte; une échelle à cordes, dont tout 
bon ermite avait la précaution de se munir, les transporta dans 
leur nouvel asile. A la vue de ce site sauvage et du torrent qui 
grondait au fond de la vallée, à la vue surtout de leur demeure 
rupestre si bien aménagée par la Providence, les deux amis 
poussèrent un soupir de satisfaction légitime; ils étaient dé- 
sormais introuvables. 

De fait, leur retraite ne fut pas remarquée de quelque 
temps. Un jour vint pourtant où des bergers de Lazarié (1), 
égarés dans ces lieux, menèrent boire leurs troupeaux aux eaux 
du torrent. En levant les yeux vers la grotte, ils furent 
frappés d'un phénomène étrange. Deux ombres noires, enca- 
puchonpées, revêtues de peaux de bêtes, d’une maigreur ascé- 
tique et portant des barbes vénérables, se dressaient là-haut 
immobiles et des paroles mystérieuses, des soupirs incompris 
s'échappaient de leurs lèvres pâlies. Étaient-ce les âmes des 
trépassés qui s'offraient à leur rencontre, ou les images sen- 
sibles des esprits infernaux qui hantaient ces solitudes? Ces 
deux questions se posèrent à l'esprit des bergers et la réponse 
immédiate fut une dégringolade instinctive à travers les roches 
du torrent. Les reclus, contrariés de la peur involontaire qu'ils 
avaient causée, donnèrent à leur voix les accents les plus 


(1) Dès le 1v° siècle au moins, le tombeau de Lazare avait valu au bourg de 
Béthanie le surnom de Lazarion ou Lazarié, qui s’est conservé depuis. 


344 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN 


tendres et les plus sympathiques pour ramener les fuyards et 
les délivrer de leur frayeur. Il faut croire que leurs cris, à dé- 
faut de leur attitude, avaient encore quelque chose d'humain, 
car ils finirent par convaincre les Lazariotes, qui s’approchèrent 
en tremblant, répondirent aux demandes des solitaires et, peu 
à peu, s'enhardirent jusqu'à grimper dans la caverne. Leur 
étonnement ne cessa de s’accroître en ne découvrant aucune 
provision de bouche; seules, des herbes et des racines, qui 5᾽6- 


talaient dans un Coin, composaient avec une cruche d’eau 


toutes les ressources des hommes de Dieu. Du coup la surprise 


fit place à l’admiration et ces cœurs généreux pourvurent dé- 


sormais aux besoins des deux ermites. 

De leur côté, les religieux de Plraran multipliaient les battues, 
afin de surprendre la retraite de nos fugitifs. La découverte 
des Lazariotes les décida à se présenter en groupe avec l'in- 
tention bien arrêtée de les arracher à leur réduit. Mais le site 
respirait une telle tranquillité, le visage d'Euthyme et de Théoc- 
tiste reflétait tant de satisfaction intérieure, que deux délégués, 
Marin et Luc, se détachèrent des autres pour rester avec Eu- 
thyme; ils devaient à leur tour fonder plus tard des monastères. 

L'exemple est contagieux; de nouvelles recrues de Pharan, 
des ermites dispersés dans les fondrières du désert accoururent 
se ranger sous la discipline d'Euthyme. Leur affluence crois- 
sante exigeait une prompte fondation, car on ne pouvait se 
contenter indéfiniment des quelques grottes taillées dans la 
vallée. Euthyme aurait bien désiré établir une laure sur le mo- 
dèle de celle de Pharan et disposer les cellules par étages, à 
droite et à gauche de la plus grande grotte; mais l'étroitesse 
de la vallée s'opposait à la construction en maçonnerie de 
nombreuses cellules. Il aurait fallu, en effet, les séparer les 
unes des autres, la règle monastique prescrivant entre chacune 
d'elles une distance assez considérable, de sorte que les chants 
ou les prières d’un moine ne pussent déranger le voisin de ses 
occupations ordinaires. Par ailleurs, la roideur des parois se 
refusait au percement de nouvelles grottes; bon gré mal gré, 
on devait recourir à une autre combinaison. 

Les ruines du couvent que l’on voit encore dans le Ouady 
ed-Dabor permettent de saisir le procédé qui fut employé. La 
plus vaste grotte, la demeure primitive d'Euthyme et de 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 345 


Théoctiste, surplombe le précipice, mais au-dessous (6116 s’é- 
tend une petite surface plane, qui peut se prêter à des cons- 
tructions. On jeta donc, sur la lisière de l’abîme, un puissant 
mur de soutènement pour retenir les terres et servir de contre- 
fort au monastère projeté. De la sorte, les cellules s'élevèrent 
à l’intérieur d’un couvent, défendu par une grosse tour carrée 
avec une porte basse et une lucarne pratiquée dans la partie 
supérieure. Comme tout l’espace libre était occupé par les 
cellules, la grotte contiguë fut convertie en église et saint 
Euthyme y célébrait les divins mystères. 

En recevant des religieux, Euthyme n’avait pas cependant 
prétendu renoncer à sa vie de silence et de recueillement; il 
demeura dans sa caverne. Son ami Théoctiste prit en mains la 
direction de la maison, mais aucune affaire importante ne se 
traitait, sans qu'on eût au préalable l’avis ou même l’autorisa- 
tion du reclus, qui restait en somme le vrai supérieur. 

Un matin, où le soleil émergeant des montagnes de Moab 
répandait sa lumière aveuglante sur les collines crayeuses, les 
moines furent distraits de leurs entretiens spirituels par un 
tintamarre effroyable. Du couloir abrupt de la gorge montaient 
des cris rauques de bêtes fauves, des grincements sonores, des 
mots barbares à demi mâchés, qui s’en allaient frapper les 
échos et mettre en fuite les ramiers et les merles. À mesure 
qu'il se rapprochait, le chœur de voix se faisait plus confus et 
plus bruyant. Soudain, devant le monastère, déboucha une 
troupe nombreuse d’Arabes au teint basané, drapés dans de 
majestueux manteaux blancs aux raies noires et coiffés de voiles 
multicolores. Les Sarrasins avaient derrière eux un passé de 
cruautés bien connu ; aussi leur arrivée imprévue jeta le trouble 
dans le monastère. Les religieux effrayés se blottissaient dans 
les cachettes, songeant par avance aux horreurs des supplices 
qu'il leur faudrait endurer et qu'adoucissait un peu la pers- 
pective du martyre. 

Dans un danger pressant, c’est au supérieur qu’il incombe 
de se dévouer pour ses frères ; Théoctiste le savait et il s’avança 
en parlementaire au-devant des nouveaux venus. Voici les 
nouvelles consolantes qu’il en rapporta : « Le phylarque des 
Sarrasins tributaires de l'empire romain, le grand cheikh 
Aspebet en personne, conduisait au monastère son fils Téré- 


346 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


bon, souffrant d’une hémiplég'ie incurable, et demandait à voir 
Euthyme. Il espérait que cet ami du Dieu des chrétiens met- 
trait le ciel dans ses intérêts et lui rendrait sain et sauf son 
fils, que les médecins avaient tourmenté vainement sans ame- 
ner aucune amélioration dans son état. La rumeur publique, 
qui attribuait toutes sortes de prodiges à la sainteté du soli- 
taire, bien plus, une vision céleste lui laissaient entrevoir une 
prochaine guérison. Quant à la suite considérable qui marchait 
avec le grand cheikh, elle ne devait inspirer aucune frayeur: 
ce n'était que l’escorte d'honneur du valeureux phylarque. » 

Euthyme, prévenu aussitôt, descendit de sa grotte; il pria 
longuement et avec ferveur, puis traça Sur le pauvre infirme 
le signe de la croix. Effet merveilleux du signe du salut! Le 
corps de Térébon devint à l'instant souple comme celui de ses 
compagnons et la grâce accomplit son œuvre dans les cœurs 
de ces Bédouins en les transformant. 

Le saint n'avait pas l'habitude de trainer en ces sb d’af- 
faires, remarque le biographe. Il vit que le cœur de ces hom- 
mes réclamait, à défaut de leur bouche, le sacrement de régé- 
nération. Ayant fait sur-le-champ creuser dans le roc un petit 
bassin qui lui servit de baptistère, 11 conféra le même Jour le 
baptème, avec les prières et les cérémonies d'usage, au cheikh 
de la tribu, à son fils Térébon, à son beau-frère Maris, ainsi qu'à 
toute la troupe. Si les Bédouins étaient baptisés, l'instruction 
chrétienne leur faisait absolument défaut; Euthyme les garda 
donc quarante jours auprès de lui pour leur inculquer les pre- 
miers éléments de la religion chrétienne, puis il les renvoya à 
leurs tentes. Cependant le beau-frère du cheikh avait senti au 
cœur un appel encore plus intime; il distribua tous ses biens 
au couvent et se consacra à Dieu en se rangeant parmi les 
frères. 

Ce n'était pas la première fois que des Sarrasins étaient : 
convertis par des solitaires. Au 1v° siècle, le cheikh Zocoum, 
désolé de n'avoir pas d'enfant, s’adressa à un anachorète, qui 
pria pour lui et lui promit de la postérité, s'il voulait recon- 
naître la vérité de sa religion. La promesse ayant été suivie 
d'effet, Zocoum et toute sa tribu reçurent le baptême (1). De 


(1) Sozomène, Hist. eccl., VI, 38. 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 347 


même, Rufin raconte l'histoire d'une reine des Sarrasins, qui, 
après avoir longtemps guerroyé contre les Romains, finit par 
accepter la paix, à condition qu'on donnât pour évêque à sa 
tribu un moine du Sinaï, nommé Moïse, en grand renom de 
sainteté et de miracles (1). Mais la présence de la tribu d’As- 
pebet sur le territoire de la Palestine et ses futures destinées 
tiennent à d’autres causes et réclament quelques mots d’expli- 
cation. 

Entre l'empire romain et l'empire perse ou parthe avaient 
vécu de tout temps des Arabes nomades, que l'on avait pu 
vaincre mais non soumettre, et qui se refusaient, malgré tous 
les efforts et tous les sacrifices, à entrer dans les cadres ordi- 
naires de la société. Moyennant de légers impôts et en ayant 
la liberté de s'administrer à leur fantaisie, ces Bédouins con- 
sentaient à renoncer à leurs déprédations coutumières et ils 
s'offraient même, au besoin, à rendre d’utiles services. De part 
et d'autre, du côté des Romains conime du côté des Perses, on 
résolut donc de les transformer en sortes d'états tampons. 

Pour assurer la tranquillité qui ἃ toujours manqué en Syrie, 
Rome avait protégé ses frontières par un ensemble de forte- 
resses, savamment disposées sur les bords du désert et dont 
les voyageurs admirent aujourd'hui les colossales ruines. Quand 
les recrutements militaires furent devenus impossibles, les 
camps romains, désertés par les troupes régulières, tombèrent 
aux mains des pillards, et les empereurs se virent dans la né- 
cessité de leur céder la défense de ces postes, créés tout exprès 
pour les repousser. «Ces tribus avaient à leur tête des cheikhs 
nationaux, investis par l'autorité romaine, un peu comme les 
princes maures dans l'Afrique berbère; administrativement, on 
leur donnait le nom de phylarques (c'est-à-dire chefs de tribus). 
Peu à peu, ces enclaves arabes se multiplièrent. On les organisa 
militairement, on les groupa par provinces; il y eut quelque 
temps des phylarques de Palestine, d'Arabie; enfin, l'impor- 
tance de ce moyen de défense se révélant de plus en plus, on 
en vint, vers 991, à établir un phylarque général, le chef de 
la tribu des Ghassanides. Ce fut un véritable roi vassal, dont 


(1) Rufin, Æist. eccl., 11, 6, voir aussi L. Duchesne, Aulonomies ecclésiastiques, 
Eglises séparées, Paris, 1896, p. 340 seq. 


348 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


l'autorité s’exerça sur les Arabes de toutes les provinces orien- 
tales de l’ancienne Syrie et rayonna vers le désert (1). » 

Dans l'empire perse fonctionnait une organisation analogue, 
plus ancienne et mieux entendue que celle des Romains, qui 
n'avaient fait, du reste, que l’imiter. Les Arabes, dont les chefs 
de tribus relevaient du roi des rois, « avaient un établissement 
stable dans la forteresse de Hatra, située à quelques lieues de 
la rive droite du Tigre, un peu au sud de Ninive (Mossoul)... 
Ils jouirent sous la dynastie parthe d'une grande autonomie, 
que les Sassanides ne crurent pas devoir respecter... Quand 
cet état vassal eut disparu, il s’en forma un autre, dont le 
centre fut à Hira, au sud de l’ancienne Babylone, à la lisière 
du grand désert pierreux. Cette localité devint le siège d'une 
dynastie de princes arabes, vassaux de l'empire sassanide et 
qui se faisaient obéir de toutes les tribus éparses en Mésopo- 
tamie, le long de l'Euphrate et du golfe Persique (2) ». 

Aspebet était le cheikh d’une de ces tribus arabes et païennes, 
établies en territoire perse et assujetties au grand roi. Or, 
vers l'an 419, sous le règne de Iazdgerd I‘, un prêtre dé- 
truisit, avec ou sans l'aveu d'Abda, évêque de Suze, un pyrée 
ou temple dédié à Ormuzd, qui était contigu à une église et 
constituait pour les chrétiens un voisinage fort incommode. 
Cette entreprise téméraire souleva les colères des adorateurs 
du feu. Le roi convoqua les dignitaires de sa cour et, sur leur 
conseil, prit les mesures les plus énergiques pour punir cette 
insulte faite à la religion nationale. Au début de l'année 420, 
il fit comparaître l'évêque devant sa cour et lui intima l’ordre 
de reconstruire à ses frais le temple détruit, le menaçant, en 
cas de refus, d'exercer de terribles représailles contre les chré- 
tiens. Abda demeura inflexible; il fut condamné à mort et 
exécuté presque aussitôt (3). 

En même temps qu'Abda était mis à mort, se déchainait 
contre les chrétiens une violente persécution, attisée par la 
jalousie et la haine dés Mages. Aspebet reçut l'ordre, commu- 


(1) L. Duchesne, op. cil., p. 339. 

(2) L. Duchesne, op. cil., p. 337. 

(3) Voir à ce sujet l'ouvrage de M. l'abbé Labourt, Le chrislianisme dans l'em- 
pire perse sous la dynastie sassanide, 224-632, Paris, 1904, p. 105 seq., auquel 
j'ai emprunté ce récit. 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 349 


niqué à tous les cheikhs, de surveiller la frontière et d'arrêter 
les chrétiens qui tenteraient de s'évader sur le territoire de 
l'empire romain. Cet acte barbare répugnait à sa nature droite; 
loin de livrer les fugitifs, il leur facilita les moyens d'évasion. 
Accusé de tiédeur, puis de trahison et voyant sa vie sérieuse- 
ment menacée, il recueillit sa fortune et passa subrepticement 
avec sa famille et sa tribu du côté des Romains. Sa fidélité à 
l'égard d'un Dieu qu'il ne connaissait même pas, non moins 
que sa haute position sociale lui obtinrent des dédommage- 
ments à son sacrifice. Le stratège d'Orient lui concéda des 
terres dans la province romaine d'Arabie, avec le titre de phy- 
larque et juridiction absolue sur les Sarrasins dévoués à 
Byzance. 

Après la conversion des enfants du désert, Euthyme, suivi 
de son disciple Domitien, se mit à parcourir diverses solitudes 
et finalement s'établit sur le petit mamelon qui porta dans la 
suite son monastère. La nouvelle de son arrivée causa un 
branle-bas général au douar arabe. Durant l'absence de son 
bienfaiteur, Aspebet avait satisfait son zèle de nouveau con- 
verti et il amenait avec lui un cortège de catéchumènes, le 
fruit de ses conquêtes. Euthyme descendit avec eux au monas- 
tère pour les baptiser et il revint ensuite à sa cellule. Elle 
couronnait une colline, qui se dressait comme un point de 
concentration au milieu d’une petite plaine verdoyante; tout 
autour, les Bédouins établirent leurs campements. Or, les 
Bédouins sont de grands enfants; ils en ont les vertus aïma- 
bles et aussi les caprices. Une fois qu’un endroit est à leur 
convenance, füt-ce la maison du voisin, ils y restent; on ἃ bien 
de la peine à les persuader de se retirer (1). La plaine choisie 
par Euthyme était riche en pâturages, fertile et bien arrosée; 
tout semblait à souhait pour y conduire les troupeaux et dresser 
les tentes. Le solitaire, qui aimait ses néophytes à la folie et 
leur pardonnait bien des défauts, tenait avant tout à la tran- 
quillité; il les pria donc de descendre un peu plus bas et vint 
lui-même choisir l'emplacement du camp. Et comme, au con- : 
tact de la civilisation romaine, les mœurs du désert tombaient 


(1) Un proverbe arabe dit encore aujourd'hui : « Dès qu’un Bédouin connaît 
la porte de ta maison, change de domicile. » Il ne manquerait pas, en effet, de 
venir souvent s'imposer à votre hospitalité. 


390 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


insensiblement dans l'oubli, le cheikh se bâtit une belle maison 
en pierres blanches, ceux de sa famille et son conseil en firent 
autant, alors que le menu peuple demeurait encore sous la 
tente. 

Les visites d'Euthyme au camp des Arabes étaient nom- 
breuses; il avait tant de vérités surnaturelles à leur commu- 
niquer pour les arracher à leurs grossières superstitions et les 
dégager d'un penchant irrésistible à la paresse, aux disputes 
et à l'attrait de la vendella. Il leur procura des prêtres, des 
diacres et des ministres inférieurs du culte, n'épargnant rien 
pour les rendre dignes de figurer auprès des autres fidèles. 
Ces prodiges accomplis en si peu de temps se répandirent vite 
parmi les tribus des environs; des groupes s’en détachaient 
sans cesse pour installer leurs tentes près de celles d’Aspebet 
et former de nouveaux campements. Bientôt leur nombre s’ac- 
crut dans de telles proportions qu’on institua un diocèse de 
Bédouins catholiques et qu'on construisit une cathédrale pour 
réunir ses diverses paremboles (campements). Le grand cheikh 
Aspebet, qui avait pris au baptême le nom de Pierre, parais- 
sait le plus propre à en devenir le titulaire; il reçut l’onction: 
épiscopale des mains de Juvénal, évêque de Jérusalem, vers 
l’an 425, et fut ainsi le premier élu de l'évêché de Paremboles 
ou C'astra Sarracenorum. 

Bientôt après, s'ouvrit à Éphèse, 431, le troisième concile 
œcuménique, chargé d'examiner les assertions hétérodoxes que 
l’on prêtait à Nestorius, évêque de Constantinople. Juvénal, qui 
briguait déjà le titre de patriarche de Jérusalem, tenait à se 
présenter au synode avec un cortège imposant d’évêques, qui 
n'étaient pas en droit ses suffragants mais qui, en fait, obéis- 
saient aveuglément à tous ses désirs. Pierre Aspebet, l’ancien 
cheikh des Bédouins, l’accompagna avec ses collègues de Pa- 
lestine. Euthyme, qui avait des raisons de mettre en doute les 
connaissances théologiques de son protégé mais savait en retour 
pouvoir compter sur son attachement inaltérable, lui conseilla 
très paternellement, avant le départ, de ne s’écarter en rien de 
la ligne de conduite que suivraient saint Cyrille d'Alexandrie 
et Acace de Mélitène. Pierre lui obéit docilement en tout et se 
montra son digne disciple; au concile, il ne vota qu'en faveur 
de l’orthodoxie. Ses hautes relations dans les sphères gouver- 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 5 15 ) MS 


nementales le firent même déléguer par les Pères du concile 
auprès de Nestorius, afin de briser l’obstination de l’hérésiar- 
que, puis auprès de Jean d'Antioche, qui, moitié par dépit, 
moitié par rancune contre saint Cyrille, tenait avec les évêques 
de son patriarcat un conciliabule favorable à Nestorius, tout 
en condamnant au fond ses témérités de pensée. Le concile 
d'Éphèse une fois terminé, Pierre revint en apporter les Actes 
au grand solitaire et ne songea plus qu’à améliorer le sort spi- 
rituel de son diocèse. 

Le successeur de Pierre sur le siège épiscopal de Paremboles, 
Auxolaos, n'imita pas sa sage prudence, Dévoué entièrement 
aux vues ambitieuses de Juvénal, il se rendit avec lui au bri- 
gandage d'Éphèse, 449, et vota comme lui la déposition de saint 
Flavien et la réhabilitation de l’archimandrite Eutychès. Le 
coupable encourut de ce chef l’inimitié d'Euthyme, dont l'âme 
était brisée par cette félonie. Le troisième évêque de Parem- 
boles, Jean, ancien religieux de saint Euthyme, assista au 
concile de Chalcédoine, en 451, et approuva les deux natures 
en Jésus-Christ. Α son retour, il présenta les Actes du concile 
à son ex-supérieur, tremblant au souvenir de la défection 
d'Auxolaos et redoutant pour lui-même d’avoir encouru un 
semblable malheur. Le solitaire lut attentivement cette série 
de pièces, vit que tout était conforme à la plus stricte ortho- 
doxie et se déclara dès lors pour la foi de Chalcédoine. N’est-il 
pas étrange de voir avec quelle humilité ces évêques courbaient 
le front devant les décisions d’un simple moine? 

Nous connaissons encore deux évêques de ce siège de Sarra- 
sins : Valens et Pierre Il, qui assistèrent à des conciles pro- 
vinciaux de Jérusalem, tenus l’un en 518, l’autre en 536. Il est 
probable que le diocèse ne dut pas survivre longtemps aux 
fréquentes incursions des nomades païens et qu'il avait disparu 
dès la seconde moitié du vi° siècle. Au moment où Cyrille de 
Scythopolis écrivait la Vie de saint Euthyme, 556, la tribu 
sarrasine existait encore et son cheikh Térébon II, l’arrière- 
petit-fils d’'Aspebet, contait à l’hagiographe (1) les joies et les 


(1) A la mort de Pierre Aspebet ou lors de son élection-épiscopale, Térébon 1°", 
son fils, devint phylarque des Sarrasins catholiques. Sous le coup d’une accu- 
sation lancée contre lui par un autre cheikh, il fut, vers l’an 458, arrêté et retenu 
dans les prisons de Bpstra par le stratège d'Arabie et ne dut sa délivrance qu’à 


HZ se REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


malheurs de sa famille. Avant que le féroce Alamundar (1) 
n'eût détruit les campements des Bédouihs catholiques, ceux-ci 
avaient établi leur séjour à mi-chemin de la laure Saint-Eu- 
thyme et du monastère Saint-Théoctiste (2). Ces deux maisons 
religieuses n'étaient d’ailleurs séparées l’une de l’autre que par 
trois milles romains, c'est-à-dire de quatre à cinq kilomètres. 

L'histoire de cette tribu et de cet évêché nous a retenus 
longtemps. Nous lui devions ce souvenir à cause de son origi- 
nalité, à cause aussi de la part considérable, on peut même dire 
prépondérante, que saint Euthyme prit à son établissement et 
à sa conservation. Il nous faut maintenant revenir à notre 
saint. En se retirant dans la grotte dont nous avons parlé, à 
une lieue environ de son monastère, Euthyme n'avait aucune- 
ment l'intention de fonder un second couvent ou même une 


l'intervention de saint Euthyme. 1] mourut en 484 ou 480, laissant de nom- 
breuses possessions aux deux monastères de Saint-Théoctiste et de Saint-Euthyme. 
Son fils, Pierre IT, hérita de sa charge de phylarque; nous ignorons la date de 
sa mort, mais nous savons qu’il avait en 556 transmis ses fonctions à son héri- 
tier, Térébon Il. 

(1) C’est du temps du phylarque Pierre II que les tentes de Paremboles furent 
à deux reprises renversées par les tribus païennes d’Alamundar, le grand cheikh 
des Arabes soumis à l'empire perse. Une première fois, ces Sarrasins du royaume 
de Hira brülèrent les tentes et détruisirent tous les campements; ils tuêrent, en 
outre, de nombreux chrétiens, emmenant prisonniers tous ceux qui n’avaient 
pu à temps se réfugier dans les villes. Le chroniqueur Théophane rapporte ce 


fait à la onzième année de l’empereur Anastase, c’est-à-dire en 502. Les cheikhs , 


de Paremboles groupèrent les membres survivants de leur tribu et se retirèrent 
aux abords du monastère de Martyrios, à deux heures de Jérusalem, pour y 
relever les tentes et leur église. Une seconde incursion de leurs ennemis leur 
prouva bientôt que, là aussi, leur vie était en péril. Cette fois, ce fut presque la 
ruine définitive. Les troupes d’'Alamundar tinrent la campagne durant plusieurs 
mois, parcourant le désert en groupes détachés et massacrant tous.les moines 
qui s’offraient à leur rencontre. De nombreux Bédouins de Paremboles réus- 
sirent à sauvegarder leur existence en se réfugiant dans les villes et les villages. 
La tourmente une fois passée, les campements se reformèrent et le siège épis- 
copal continua de recevoir des pasteurs, au moins jusqu’en 536; Vila 5. Eu- 
thym, n° 125 (Vila 5. Joannis Silentiarit dans les A4. SS.,t. III, mai, p. 237 
seq.; Pratum spirituale de Jean Moschus, cap. xxr et xx). Le martyrologe ro- 
main ἃ groupé au 19 février les victimes de ces différentes invasions arabes : 
« In Palestina commemoratio sanctorum monachorum martyrum, qui a Sarra- 
cenis sub duce Alamundaro ob fidem Christi sævissime cæsi sunt. » Il convient 
d'ajouter que le féroce Alamundar recut le baptême peu après, en 513, et passa 
au service des Byzantins. 

(2) Le R. P. Féderlin (La Terre Sainte, Paris, t. XXIV, 15 juin 1907. p. 177-182) 
vient de faire connaître l'emplacement exact de ce curieux évêché; le centre des 
campements se trouve à Bir ez-Zarra‘a. ° 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 395 


laure; aussi envoyait-il très régulièrement à son ami Théoctiste 
tous ceux que son expérience ou sa sainteté attiraient vers lui. 
Lorsque les desseins de Dieu sur sa personne furent plus ma- 
nifestes, il se résigna bien malgré lui à garder des vocations 
et à constituer ainsi le noyau de sa future laure. Il continuait 
toutefois d'adresser au monastère inférieur les jeunes gens et 
ceux qui désiraient auparavant suivre le régime cénobitique. 

En effet, la tendance universelle du moine palestinien était 
d'atteindre l'idéal réalisé par Paul de la Thébaïde et surtout par 
saint Antoine. La vie en commun dans un monastère n'était 
pour lui qu’un stage, parfois imposé, parfois choisi volontaire- 
ment, une sorte de noviciat qu'il s'empressait d'échanger pour 
l'existence des ermites ou des anachorètes. Qui ne connaît le 
mot célèbre de saint Sabas, le disciple d’Euthyme et son plus 
illustre imitateur : « La vie cénobitique précède la vie érémi- 
tique, comme la fleur précède le fruit »? Dès lors, il ne suffisait 
pas de viser à une perfection aussi élevée, il fallait encore se 
sentir la force et 16 courage d'y parvenir en subissant une série 
d'épreuves sagement graduées, d'où l’âme et le corps sortaient 
prêts à affronter les plus durs sacrifices. Il va de soi qu'une 
existence aussi rude, des exercices aussi pénibles n'étaient 
point faits pour des jeunes gens, ni pour ceux qui, avant d’en- 
trer dans le cloître, avaient goûté à toutes les délicatesses du 
monde; aussi les repoussait-on sans miséricorde. 

Pour les jeunes gens et les imberbes, des raisons spéciales 
s'opposaient toujours à leur admission dans les laures, quelque- 
fois dans les monastères; 1] s'agissait avant tout d'éviter les 
scandales que n'aurait pas manqué de provoquer leur ex- 
trême jeunesse. Sur ce point-là en particulier, à de très rares 
exceptions près, la règle se montrait partout inexorable. Tous 
ceux qui ont acquis une connaissance sérieuse de l'Orient, ne 
sauraient taxer d'exagération cette mesure de prudence. Aussi, 
lorsque le jeune Sabas se présenta à Euthyme, se déclarant ca- 
pable d'endurer les mortifications des plus vieux ascètes, celui-ci 
le renvoya au monastère de saint Théoctiste et il n’agit pas diffé- 
remment en refusant d'admettre parmi ses moines le futur 
saint Cyriaque, alors âgé de dix-huit ans. 

Un trait qui remonte à la fin du ν" siècle et s’est passé dans 
un mcnastère de Syrie, montre combien la pratique d'Euthyme 

ORIENT CHRÉTIEN. 23 


394 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


était sénérale et que rien au monde, pas même les ordres 
écrits d’un patriarche, n'auraient pu amener les supérieurs à 
modifier leur règlement. Je l'emprunte à un document mono- 
physite, la Vie de Jean bar-Aphtonia (1), écrite par un con- 
temporain. 

« La mère de Jean, dit cet écrivain, voyant que son fils était 
très jeune, car il n'avait que quinze ans, et qu'il ne serait pas 
reçu dans le monastère, agit de la manière suivante. Lorsque 
son fils eut été un peu initié aux livres profanes et qu'il eut 
goûté du bout des lèvres pour ainsi dire aux affaires du monde, 
elle le prit, courut à Antioche et supplia le patriarche Palladios 
de persuader les moines, par des ordres différents de ceux que 
donnaient les supérieurs du monastère. Elle alla ensuite à Sé- 
leucie et, quand elle arriva au monastère, pria les saints de 
garder l'enfant avec eux; elle donna aussi la lettre qui avait été 
écrite à son sujet et la présenta aux moines dès le commence- 
ment, pour les incliner en sa faveur. [15 transmirent sa de- 
mande à leur maître, à la porte du monastère. C'était un homme 
vénéré et vénérable, qui était arrivé à une extrême vieillesse, 
car il vécut près de cent ans. Il perdit la vue dans sa vieillesse 
comme le patriarche Isaac et se nommait Théodore. 

« Après qu'on eut fait entrer l'enfant et sa mère, elle lui ap- 
prit pourquoi elle s'était donné tant de peine et avait entrepris 
une si longue route. — « Pourquoi, lui dit le vieillard, as-tu 
« passé les autres moines et es-tu venue près de nous? » — Elle 
lui répondit : « Celui qui m'a inspiré, quand je le portais 
« encore dans mon sein, de le lui consacrer, celui-là m'a di- 
« rigée vers votre monastère et my ἃ amenée. » Elle présenta 
aussi les lettres avec la requête. Quand le vieillard l’eut en- 
tendue, il ordonna d'amener l'enfant à ses genoux: il lui tou- 
cha les joues et, les trouvant imberbes, il dit : « Tu ignores 
« donc, ὃ femme, que tu nous demandes de transgresser les lois 
« de nos pères? —Non, seigneur, mais je n'ai pas voulu attendre 
« qu'il eùt de la barbe, parce que je craignais que le monde ne 
mêlàt quelque chose de lui à mon offrande. Si l'offrande n'est 
pas parfaite, l’'empressement de sa mère complète ce qui lui 


A 


À 


(1) Revue de l'Orient chrétien, t. VII (1902), p. 121 seq. Cet écrit a été publié et 
traduit par M. l'abbé Nau. 


SAINT EUTHYME LE GRAND. 9399 


« manque. Comme un autre Héli, ὁ homme vénérable, reçois 
« donc mon Samuel. » — Il répondit : « Je ne transgresserai 
« pas les lois que nos pères ont établies. Prends-le donc et va- 
« t'en. Tu le ramèneras, quand tu verras que ses joues sont 
« couvertes de barbe. » Elle, qui ne savait pas insister, prit 
donc son enfant et s’en alla pleine de tristesse, comme après 
une offrande maudite. » 

Voilà une scène prise sur le vif et qui se renouvelait souvent. 
Qu'on remplace Théodore par Euthyme, Jean bar-Aphtonia par 
saint Sabas ou saint Cyriaque, et l’on aura sous les yeux ce qui 
a dû se passer lors de leur entrevue avec notre solitaire. IL im- 
porte cependant de remarquer que ces règles sévères avaient 
surtout leur application dans les laures. Dans les monastères 
pachomiens, en Égypte, il n'y avait pas d’âäge déterminé pour 
l'admission. Théodore devint cénobite à quatorze ans et, plu- 
sieurs fois, on rencontre de jeunes enfants dans les commu- 
nautés, où 115 remplissent même des offices monastiques (1). 


(A suivre.) Siméon VAILHÉ, 


des Augustins de l’'Assomption. 


(1) P. Ladeuze, Étude sur le cénobitisme pakhômien, Louvain, 1898, p. 279. 


ÉTUDE 
SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE AU CHRISTIANISME 


(Suite) (1) 


GRÉGOIRE ET TIRIDATE. CATHOLICITÉ DE L'ÉGLISE ORGANISÉE 
‘* PAR L'ILLUMINATEUR, AVEC LE CONCOURS DU ROI. 


18. — Grégoire n’a pas voulu fonder une Église indépen- 
dante. Sa prétendue vision à Etschmiadzin supposant l'au- 
tonomie de son siège n’est pas authentique; le siège d’'Et- 
schmiadzin est de date postérieure. Pas plus que Grégoire, 
Tiridate ne voulut une Église indépendante. — L'opinion d’a- 
près laquelle Grégoire ou ses premiers successeurs auraient 
constitué une Église autonome, ne s'accorde ni avec les faits ni 
avec les intentions de ceux qui, de la fin du 11° siècle Jusque vers 
l'an 365, furent prépôsés au gouvernement soit religieux, soit 
temporel de l'Arménie. Parlons d’abord des chefs spirituels. II 
est certain que Grégoire fut consacré prêtre et évêque à Cé- 
sarée. Consacra-t-il lui-même ses deux fils Resdaghès et Ver- 
tanès? Il consacra lui-même le moine Resdaghès, au dire du 
pseudo-Agathange. Notons, cependant, que d’après Acoghig, 
l’ordination du second catholicos aurait eu lieu à Césarée. Mais 
supposons que l'archevêque de Césarée ait autorisé Grégoire à 
consacrer ses deux fils, ce privilèce fut personnel, limité; le 
pouvoir de transmettre sa charge ne passa point sans réserves 
essentielles à ses successeurs. Quoi qu’il en soit de l’authenticité 
du pacte écrit qui affirme la dépendance perpétuelle du catho- 


(1) Voy. 1907, p. 22, 152, 280. 


CA 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 391 


licos arménien à l'égard de Césarée, au point de vue de son ordi- 
nation, il est certain que, pendant longtemps, cette pratique fut 
généralement en vigueur. La preuve en est que Housig, Pharèn 
ou Pharnerseh d’'Aschdischad, Sahag, de la famille Aghbianos, 
Nersès, reçurent également l’épiscopat des mains de l’arche- 
vêque de Césarée (1). 

Ainsi, pendant le premier siècle d'existence de l'Église armé- 
nienne, l’exarchat de Césarée lui fournit son point d'attache or- 
ganique avec l'Église universelle. 

A défaut de ces faits, le caractère de Grégoire nous interdi- 
rait de penser qu'il se soit arrêté à l'idée d'une Église armé- 
nienne indépendante. Lui qui, sincèrement, se disait indigne 
de l’épiscopat et même du sacerdoce, comment aurait-il refusé 
d’entrer,avecsa nouvelle chrétienté, dans l'organisme del'Église 
universelle et se serait-il érigé en chef ecclésiastique, égal aux 
chefs des Églises depuis longtemps constituées? Il faut replacer 
dans la région des légendes la partie du récit du pseudo-Aga- 
thange, où il nous montre le Verbe incarné apparaissant à 
Grégoire sur l'emplacement actuel d'Etschmiadzin et lui or- 
donnant d'y installer un siège subordonné seulement à son invi- 
sible fondateur. La tradition qui attribue à Grégoire l’institu- 
tion du siège patriarcal d'Etschmiadzin ne paraissant point 
avoir de racines dans le 11° ni même dans le 1v° siècle, son 
origine est justement suspecte. L'ancienne version arabe d’A- 
gathange, que N. Marr ἃ publiée et traduite en russe dans les 
Zapiski, nous semble confirmer l’assertion maintes fois répé- 
tée par Faustus, à savoir, que la principale église arménienne 
au temps de Grégoire et de Nersès était celle d’Aschdischad (2). 


(1) Le prétendu rescrit attestant le droit de l’archevèque de Césarée d’ordon- 
ner l’archevêque de la Grande-Arménie, dans Agathange, Stilting, ἢ. 147; seconde 
invective du dit Isaac, Combéfis, c. 13, col. 363; Migne, loco cit.; sur l’ordination 
de Housig, etc., Faustus, INT, 17. Acoghig (1. Il, ch. 1, trad. Dulaurier, p. 98) et 
Vartan (Histoire, Venise, 1862, p. 41) disent qu’Arisdaghès fut consacré à Césarée. 

(2) Voir notre Histoire, p. 147-149; de Gutschmid, ZDMG., XXXI, 23, 41-45. 
Dans les Zapiski édités par Von Rosen, Saint-Pétersbourg, 1905, t. XVI, 11-11, 
p. 66-211, N. Marr a publié, traduit et commenté en russe une version arabe 
d’un texte d’Agathange (cf. P. Peeters, Anal. Boll., XXNI, fase. 1, p.117), Martyre 
de Grégoire, de Hripsimé etc.; selon Marr, ce texte serait du v° ou du vie siècle 
et rédigé par Mesrob ou l’un de ses disciples; il serait plus ancien, par consé- 
quent, que les textes grecs ou arméniens actuels. Quant à la traduction arabe, 
Marr la fait remonter au viu* siècle; elle aurait été écrite dans la province de 


398 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


D'après l'Agathange arabe, l'archevêque et patriarche de 
Césarée, Léonce, après avoir conféré le caractère du sacerdoce 
à Grégoire et l'avoir salué avec les Césariotes du titre de mou- 
tran de la Grande-Arménie, lui donne une lettre pour Pierre, 
évêque de Sébaste. Dans cette lettre, le patriarche Léonce dé- 
lègue l'évêque Pierre, afin que celui-ci installe Grégoire sur son 
siège, comme l’ordonnent les règles de l'Église. En effet, dès 
que « le Bienheureux Grégoire », « le saint évêque Pierre » et 
leur escorte sont parvenus au pays de Daron, c'est l'évêque 
Pierre qui ordonne prêtres certains moines menés de Sébaste. 
Puis, un peu plus tard, à Aschdischad, après la construction et 
la dédicace de l’église de S.-Jean et du martyr Athénogène 
(Athanakinès), le Bienheureux Grégoire esf placé sur le siège 
des disciples, selon la Loi; et c'est à partir de ce moment 
seulement que Grégoire exerce ses fonctions de prêtre et d'é- 
vêque, qu'il baptise et confère la prêtrise et l'épiscopat (1) 

Quant au siège patriarcal d'Etschmiadzin, il n’en est point 
question, sauf dans la prétendue vision attribuée à Grégoire. 
Vagharschabad ne deviendra peu à peu la métropole religieuse 
de l'Arménie qu'après la mort de Nersès. D'abord, 16 siège 
d'Aschdischad restera vacant pendant 15 ans. Ensuite, il ne 
sera occupé que d’une manière intermittente par le fils de 
Nersès, Sahag le Grand. Les rivaux des Grégorides, Housig et 
ses successeurs, résideront à Vagharschabad, à l'exemple du 
premier Aghbianos établi jadis prélat de la cour par Grégoire 
l'Iluminateur. Ils seront eux-mêmes considérés par les anciens 
historiens comme de simples prélats de cour, n’ayant que le pri- 
vilège de présider l'assemblée des évêques, non celui de con- 
férer les ordinations épiscopales et de porter le titre de catho- 
licos. Voilà dans quelles circonstances la tradition primitive, 
qui considérait Aschdischad comme la métropole de l'Église 
arménienne, s’altéra peu à peu. La légende de l'apparition du 
Verbe à Etschmiadzin germait déjà; elle allait éclore après le 
milieu du v* siècle : abandonnée sans secours du côté des Grecs, 


Daïk et serait d’origine chalcédonienne. Nous ne pouvons trancher ie débat 
ayant trait au plus ou moins d'ancienneté du document de Marr. Ce qui est 
évident, c’est qu’il offre un texte d'ordinaire plus simple et un peu plus court 
que le texte grec et le texte arménien et intéressant davantage la Géorgie. 

(1) Zapiski, pp. 126-134; numéros 26*-29°, surtout 28° et 29*. 


LE rer 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 399 


violemment persécutée de la part des Perses, maïtres de Va- 
gharschabad, de Tovin et de la plus grande partie de l'Arménie, 
la chrétienté arménienne devait se replier sur elle-même et 
chercher du’seul côté qui lui semblait alors ouvert, du côté du 
ciel, des titres pour justifier l'autonomie de fait dont elle croyait 
avoir besoin et à laquelle ses chefs préludaient. 

Mais, au temps de Grégoire ou même de Nersès, rien de sem- 
blable. La capitale civile et politique Vagharschabad, puis Tovin, 
n'était point encore devenue la métropole religieuse. Le catho- 
licos n'y résidait pas. Il séjournait, au contraire, dans l'Armé- 
nie occidentale, assez souvent vers les districts d'Eghéghiatz 
et de Taranaghi, c’est-à-dire dans les districts actuels d'Erzin- 
jan et de Gamakh, sur les rives de l'Euphrate occidental, à mi- 
chemin entre Sivas et Erzeroum. Là se trouvent en effet Ani, 
Thortan où furent ensevelis les premiers catholicos, le mont 
Sebouh et l’antre Mané où vécut saint Grégoire. Ces régions 
n'étaient d’ailleurs pas très éloignées du district de Daron et 
de sa capitale Aschdischad, que Nersès, au dire de Faustus, in- 
diquait comme le lieu choisi par Notre-Seigneur pour lui donner 
son nom (1). 

Pas plus que Grégoire, Tiridate ne s’avisa de vouloir fonder 
une Église indépendante. De sa vie, parfois défigurée par la 
légende, quelques traits se dégageront assez nettement pour 
nous laisser percevoir sa foi chrétienne et son esprit vraiment 
catholique. Mais, avant de demander au zélé converti des 
preuves de son orthodoxie, essayons de préciser ce qu'il y a de 
vrai ou, du moins, de plus vraisemblable dans les actes de 
cruauté du Tiridate encore païen et dans le drame merveilleux 
de sa conversion. 

19. — Les douze supplices que Tiridate aurait fait subir à 
Grégoire ne sont probablement pas entièrement fichifs. Cer- 


(1) Faustus, IT, 14 et suiv. — Nous l’avons dit, cet auteur indique déjà le tom- 
beau de Grégoire l’Illuminateur, de Verthanès et de Housig à Thortan (II, L1, 
12), dans le canton de Taranaghi, près d’Ani ou Gamakh (Kamach) sur la rive 
De μὲ de l’Euphrate. Il place celui de Resdaghès et de Nersès à Thiln (HI, 
2; V, 24), dans le canton d’Eghéghiatz, non loin d’Erzinjan, à l'est du fleuve Gail, 
sur la rive droite d’un affluent de l'Euphrate, au pied occidental du mont 
Kohanam (Sebouh). Enfin, Pharên ou Pharnerseh, de la famille Aghbianos, fut 
enseveli dans l’église de Saint-Jean-Baptiste, près d’Aschdischad, au nord de 
Mousch (Faustus, II, 16). 


360 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


tains trails sont vraisemblables de la part d’un roi oriental, 
à celte époque. — L'’imagination populaire, dont les chroniques 
ne sont souvent que le fidèle écho, a fait de Tiridate un type 
surhumain de bravoure, un monstre de cruauté, puis un mo- 
dèle achevé de foi, de zèle et de sainteté. Bref, elle a poussé à 
l’extrème et réuni dans sa vie tous les contrastes. Mais, on le 
conjecture à divers indices, ces exagérations peuvent bien 
être le grossissement de certains faits qu'il est aussi téméraire 
de nier absolument que de vouloir préciser dans le détail. 

D'abord, le récit du martyre de Grégoire ne semble pas être, 
comme on l'a prétendu, une simple transposition du récit des 
supplices que les saints Guria et Schamona endurèrent à Édesse: 
pendant la persécution de Dioclétien (1). Qu'il y ait entre les 
deux narrations quelques circonstances analogues ou même 
semblables, cela n’est pas douteux. Il se peut même que l’his- 
torien ou le compilateur des actes de $S. Grégoire ait eu sous les 
yeux le martyre de Guria et Schamona, rédigé par Théophile. 
Mais, comme on l’a déjà remarqué, la ressemblance partielle 
entre les deux récits peut s'expliquer par l’analogie des situa- 
tions qui encadrent et pénètrent les deux scènes. Dès lors, on 
n'a pas le droit de considérer, sans autre preuve, la narration 
du martyre de Grégoire comme une simple imitation ou un 
décalque de l'œuvre du néophyte d'Édesse (2). 

Tout serait-il donc admissible dans le tableau des tortures 
tracé par le pseudo-Agathange? Non, sans doute. Il faudrait 
des motifs bien évidents pour accepter à la lettre les douze 
horribles supplices dont Tiridate torture Grégoire. Ces sup- 
plices sont tels que chacun d'eux aurait dû causer fatalement la 
mort de sa victime. Par exemple, on fait, de bas en haut, pé- 
nétrer de l’eau bouillante dans le corps de Grégoire; c'est son 
huitième martyre. On verse sur lui et on lui fait avaler du plomb 
fondu; c’est son douzième martyre. De tels tourments et d'au- 
tres semblables, quand 115 s'ajoutent les uns aux autres, dé- 
passent manifestement les bornes du vraisemblable; 1] est 


(1) Mkrttschian, Les sources d’'Agathange, Valarschabad, 1896; Gazette de l’A- 
rarat, 1896, p. 385-392, 425-440; 5. Weber, 157 : Dashian, ἢ]. A., 1901, p. 8, estime 
que la version arménienne du récit de Théophile serait du ν᾿ siècle et plus an- 
crenne que le texte syriaque de Ms" Rahmani; Sa Béatitude est d’un avis opposé. 

(2) Voir Marr, ἢ. A., 1898, p. 268; Oriens Christianus, 1901, p. 373-374. 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 361 


assez oisif de recourir, pour les expliquer, à la Toute-Puis- 
sance de Dieu, quand leur réalité semble en contradiction avec 
le but même visé par celui qui les inflige. Or, on dit que Tiri- 
date se proposait, non de faire mourir Grégoire, mais bien de 
le contraindre par la douleur à l’apostasie. 

Si exagérés qu'ils soient, les traits accumulés par le 
pseudo-Agathange ne dénotent pourtant pas nécessairement, 
ainsi qu'on l’a dit, l'imagination exaltée d'un moine, travail- 
lant sur les données de quelques martyres légendaires et s’ins- 
pirant de certaines atrocités accomplies par les rois de 
Perse (1). Non, quoi qu'en dise le savant von Gutschmid, 
l’auteur du martyre de saint Grégoire n'avait besoin d'aller 
demander, ni à la barbarie des monarques perses, ni à l'imagi- 
nation enflammée de quelque moine, tousles traits dont il com- 
posait son récit. Qu'il füt de la fin du quatrième ou du cin- 
quième siècle, 11 n'avait qu'à regarder plus près de lui, à con- 
sidérer les faits et gestes des princes arméniens qui l'avaient 
précédé. Là, c'était le gouverneur de la ΤΥ Arménie, Archélaüs, 
qui massacrait le catholicos Resdaghès, parce que celui-ci blà- 
mait sa conduite déréglée. Un peu plus tard, c'était Diran 
faisant assommer saint Housig, qui lui interdisait l'entrée de 
l'église. C'était le même roi ordonnant d'étrangler le vieux 
Syrien Daniel pour le punir de ses remontrances. Ici, c'était 
ΒΔ}, condamnant le martbed Haïr à périr exposé nu sur l'Eu- 
phrate glacé, pour avoir insulté Pharantzen. Enfin, c'était le 
même Bab qui, aux Justes reproches de Nersès, répondait en 
lui versant du poison (2). | 


(1) De Gutschmid, ZDMG, XXXI, 39. Voir Agathange, éd. armén., ὁ. x1 et 
suiv.; éd. grecq., c. 1v et v, n. 29-52; dans l’arabe de Marr, les pages où devait 
être exposé le commencement des supplices n’ont pas été retrouvées. L’infusion de 
l’eau bouillante de bas en haut et quelques autres surcharges ne sont pas men- 
tionnées, p. 68-70. Le traducteur de la collection Langlois a supprimé volontai- 
rement sur le texte grec les dialogues entre Grégoire et Tiridate. 

(2) Resdaghès fut massacré dans le canton de Dzoph, la Sophène des Romains, 
située sur la rive gauche de l’Euphrate, vis-à-vis de la Mélitène, entre le mont 
Masios et l’Anti-Taurus. Ce canton, comme ceux de Taranaghi et d'Eghéghiatz, 
où était Thil, domaine de Grégoire, faisait partie de la Haute-Arménie. Moïse de 

.Khorène le place dans la IV® Arménie (II, 91). Housig (Jousig) fut assommé en 
présence des prêtres attachés à l’église du palais ou du château royal de Pena- 
pegh, dans le canton du Grand Dzoph; la Sophanène des Romains, située à 
l’est de la Sophène, au 1v° siècle, était comprise entre l’Arzanène à l’est du 
Batman-sou et l’Ingilène près du Zibène-sou, et s’étendait au sud au delà du 


362 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Si plusieurs rois d'Arménie, déjà chrétiens, étaient capables 
de tels sévices, même à l'égard de catholicos universellement 
honorés, à quels excès de cruauté ne pouvait point se porter 
un roi idolàtre envers un chrétien encore sans autorité, re- 
belle à ses ordres et affichant son mépris pour la déesse Anahid, 
à laquelle Tiridate se croyait redevable de tous ses succès. Le 
fanatisme et les prétendues raisons d'État devaient suffire 
pour alimenter la fureur de Tiridate. Enfin, si l’on admet 
l'hypothèse non démontrée fausse, que Grégoire avait été le fils 
ou le parent du meurtrier de Chosroès, c'était un nouveau 
motif pour le fils du monarque assassiné d'inventer des tour- 
ments à la fois très longs et très raffinés. Nous avouons d’ail- 
leurs que les rois voisins, perses et grecs, pouvaient à cet 
égard aider un roi païen d'Arménie à compléter son farouche 
idéal, comme 115 pouvaient, nous n’en disconvenons pas, offrir 
l'idée de certaines surcharges à un pseudo-Agathange, moins 
soucieux du vrai que de l'extraordinaire (1). 

Pour résumer et conclure au sujet du martyre de Grégoire 
tel que le raconte Agathange, il nous semble d'abord que les 
longs dialogues entre le roi et sa victime sont, sinon inventés 
de toutes pièces, du moins très amplifiés. Ces homélies mises 
dans la bouche de Grégoire ne furent certainement pas pro- 
noncées dans les circonstances racontées par Agathange. Les 
sentences empruntées, par exemple, à la liturgie de saint Basile 
sont évidemment surajoutées. En outre, plusieurs des supplices 


Tigre, jusqu'aux chaînes du Masis, où se trouvait la forteresse de Penapegh. 

Relevé par les prêtres présents, Housig fut porté au village de Thortan dans 
le canton de Taranaghi; il y mourut au bout de peu de jours et y fut enseveli 
à côté de saint Grégoire et de ses Pères (Faustus, II, 12, 14). De cette assertion 
de Faustus, on peut conclure que la prétendue découverte du corps de saint Gré- 
goire au temps de l’empereur Zénon signifiait probablement la translation de 
ses reliques. 

Le chorévêque Daniel, intendant principal du district de Daron et proposé 
pour succéder à Housig, fut probablement assassiné en présence de ses disciples 
et des clercs du camp royal; car ce sont eux qui portent son corps au jardin 
des Frènes, Hatziatz-Trakht, dans le district de Daron (Faustus, Ill, 15). Sur le 
supplice de Hair, voir Fautus, V, 3. | 

(1) Nous maintenons le fond de la légende d’Anag comme probable, non 
comme certain. Ainsilimitée, l'hypothèse est encore la plus satisfaisante; et nous 
pensons à l'encontre de Gutschmid (p. 51) qu'aucun fait, pas même le nom d’é- 
tranger donné à Grégoire par Tiridate dans l’Agathange grec (n. 22), n’est in- 
compatible avec quelques rapports d'enfance entre Grégoire et Tiridate. 


DOME", 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 303 


auxquels on voit appliquer le saint apôtre, contiennent des cir- 
constances contradictoires ou tout à fait invraisemblables. 
Mais, sous ces broderies de la légende, dont il est souvent 
difficile de fixer les points d'attache, on ne saurait méconnaitre 
qu'il existe vraisemblablement un fonds historique. Tiridate 
sévit probablement contre Grégoire et le relégua quelque temps 
dans un cachot. Si, en raison de ses graves exagérations, le 
pseudo-Agathange est suspect à cet égard, il n'en est pas tout 
à fait de même de l’ancienne Vre de Grégoire, utilisée par 
l'évêque arabe Georges, et de l'Histoire de Lazare de Pharbe. 
Or, dans l’une et l’autre de ces sources, sont mentionnés « les 
cruels et multiples tourments » endurés par Grégoire et son 
long séjour dans un cachot souterrain (1). On peut donc rai- 
sonnablement supposer que Tiridate employa contre Grégoire 
et le fer et la prison. Α la durée de cet emprisonnement et à 
ses circonstances la légende a dû naturellement ajouter, comme 
aux persécutions qui l'avaient précédé. A la fosse d’Artaxata, 
où le martyr reste 15 ans, au milieu des serpents et des scor- 
pions, nourri par le pain que lui porte une veuve (2), on pour- 
rait substituer, non sans vraisemblance, un cachot comparable 
à cette grotte de Mambré, dans le canton de Dzoph, où s’en- 
ferma pendant sept ans un ermite, pour se punir d'avoir nié 
la présence réelle de Jésus-Christ dans la sainte Eucharistie (3). 
20. — Le martyre de Hripsimè el de ses compagnes peut 
contenir aussi un noyau historique enveloppé dans plusieurs 
circonstances légendaires. Témoignage de Faustus et de 
Lazare. Hripsimè el Gaianè distinctes de Prisque el de 
Valérie. — Que Dioclétien ait fait tracer par des peintres le 
portrait des plus belles filles de son royaume pour se choisir 
parmi elles une épouse; qu'il ait, à la suite de cet étrange 
concours, demandé en mariage Hripsimè; que cette vierge 
moniale, avec sa supérieure Gaianè et ses compagnes, pour 
échapper aux recherches de l’empereur, aient fui de leur cou- 


(1) Lazare, dans Langlois, n. 2, p. 260; n. 11, p. 267; n. 13, p. 269; n. 65, 
p. 910. — Agathange, d'après l'évêque Georges, Dashian, p. 5 et 6; Ryssel, p. 284 
et suiv. 

(2) Version arabe de Marr, p. 70, 72, 90 et 102; texte arm., cap. 11; texte grec, 
n°56, 90, 91: 

(3) Faustus, V, ?8. Il est tout à fait invraisemblable que l'emprisonnement de 
Grégoire ait duré 15 ans, dans les conditions précitées. 


304 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


vent de Rome jusqu’en Arménie : ce sont là des événements 
qui s’accommodent mal avec leur cadre naturel, avec les cir- 
constances de temps, de personnes et de lieu parmi lesquelles 
on les fixe; et une sage critique a le droit ou même le devoir 
de ne pas les admettre tels quels. Mais que les vierges d’un 
monastère, placé dansune province orientale de l'empire romain, 
aient été menacées dans leur foi et leur vertu, au cours d'une 
persécution déchainée par Dioclétien ou l’un de ses prédécesseurs, 
qu'elles aient voulu y échapper en se réfugiant de la Palestine, 
par exemple, vers la Syrie, puis vers l'Arménie; que le roi païen 
de l'Arménie ait voulu s'emparer de Hripsimè; que, devant la 
constance de la chaste héroïne, son amour se soit changé en 
fureur contre la chrétienne et celles qui l’encourageaient dans 
sa résistance, enfin qu'il ait fait égorger cette vierge, avec 
ses compagnes animées de la même foi incorruptible : en tout 
cela, il n'y ἃ rien d’incroyable pour qui se reporte aux persé- 
cutions de l’époque (1). 

Vraisemblable en lui-même, le martyre des Vierges hripsi- 
miennes estattesté, quant à la substance, par Faustus et Lazare 
de Pharbe, qui remédient en partie au défaut d'autorité d’A- 
gathange. Le premier parle, en effet, de la vénération qui s’at- 
tache à leurs restes mortels et des chapelles qui leur sont dé- 
diées comme aux prémices des martyrs. Le second affirme 
que leurs reliques sont vénérées dans le sanctuaire de Vaghar- 
schabad (2). Le respect de ces auteurs pour les restes des mar- 
tyrs, le soin avec lequel 115 en notent la provenance sont, à 
certains égards, des garants de leur véracité. Leur témoignage 
est encore corroboré par ce fait, que les églises de tous rites 
célèbrent la fête de Hripsimè, Gaïianè et de leurs compagnes (3). 


(1) Eusèbe, ἢ. E., VIIL, 14, dans Migne, P. G., XX, 781-788; Vie de Constantin, 
1,33, 34, Migne, tbid., 948 et suiv. — Acta SS.confess. Guriæ οἱ Shamonæ, éd. Rah- 
mani, p. 3. Keppler, Wanderfahrten und Wahlf. im Heil. Land, p. 175. 

(2) Faustus, 111, 14; Lazare de Pharbe, n. 2; Langlois, II, p. 260. 

(3) L'Église arménienne célèbre la fête des saintes hripsimiennes le lundi après 
l’octave de la Pentecôte, et celle de Gaianè et de ses compagnes le mardi sui- 
vant. Les autres Églises font mémoire des unes et des autres vers la fin de sep- 
tembre; certains calendriers latins et le calendrier syrien, le 27; le martyrologe 
romain, le 29. De même le calendrier copte, qui donne seulement à Hripsimè 
et à Gaianè sept compagnes; preuve que le nombre, d’ailleurs variable, fourni 
par les auteurs arméniens est loin d’êtie sûr. Enfin, le ménologe grec commé- 
more ces saintes vierges, le 30 septembre. Cf. Nilles, XKalend.…., I, 288, 290; IE, 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 365 


On est ainsi forcé de placer l’origine de leur culte au plus 
tard avant le milieu du v° siècle. Il est bien vrai que ce der- 
nier point n’est pas contesté, puisque les critiques les plus exi- 
geants, comme de Gutschmid, admettent qu’à défaut du mar- 
tyre des saintes vierges, la translation de leurs reliques se 
rattache indissolublement à la plus ancienne Vie de Grégoire (1). 
Mais cette concession paraît en réclamer logiquement une autre; 
c'est que ces saintes, au lieu d’être l’objet d’une légende d'ori- 
gine grecque, ont dû très vraisemblablement fuir, pour la plu- 
part, des provinces voisines de l'empire romain et périr en Ar- 
ménie. Toute autre hypothèse se concilie très difficilement avec 
le soin qu'avaient les chefs religieux d'Arménie d'écarter les 
fidèles d’un culte idolàtrique et de vérifier, par conséquent, l'au- 
thenticité des reliques proposées à leur vénération. 

On entrevoit donc suffisamment, croyons-nous, un certain 
fonds de vérité dans la légende de Hripsimè et de Gaïanë, pour 
ne pas la confondre avec celle de Prisque et de Valérie. Ceux 
qui prétendent que les anciens auteurs arméniens auraient 
simplement adapté et approprié à leur pays la légende grecque, 
nous semblent perdre de vue les différences caractéristiques 
entre les deux récits. Dans la légende grecque, Prisque et 
Valérie sont l’une l'épouse, l’autre la fille de Dioclétien. Valérie 
avait épousé Gajlère qui, en mourant, la confia à la protection 
de Licinius. Sollicitée par celui-ci de s’unir à lui, elle se rcfu- 
gia auprès de Maximin Daïa. Mais, Maximin ayant vainement 
tenté de la séduire, il la proscrit avec sa mère; elles s’enfuient 
en Syrie; elles errent pendant quinze mois en Orient, vêtues 
en plébéiennes; à la fin, elles sont saisies à Thessalonique et 
décapitées par l’ordre de Licinius. Il est clair que Valérie 
mariée et protégée par Dioclétien, son père, ne peut être iden- 
tifiée avec Hripsimè qui est vierge et que Dioclétien veut 
épouser. De plus, la mère et la fille de Dioclétien, si elles furent 
jamais chrétiennes, passent pour avoir apostasié, sous la 
pression de Dioclétien, et leur condamnation à mort par Lici- 
nius doit se placer vers 313, au plus tôt. Au contraire, les 
vierges martyres célébrées en Arménie ne sont jamais repré- 


579, 707; Notice sur le calendrier lilurg. de la nation armén., avec le calendrier 
de 1907, Bessarione, sept.-oct. 1906, p. δ]. 
(1) De Gutschmid, ZDMG, XXXI, 31; voir 39-36, et AT. Schr., 884 et suiv. 


366 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sentées comme ayant chancelé dans la foi, et leur mort doit 
avoir eu lieu, au plus tard, vers 303-304 (1). 

21. — Insuffisance des motifs d'ordre politique pour expli- 
quer la conversion de Tiridate; la légende de sa transfor-- 
mation en sanglier (varaz) et de son retour à la forme 
humaine et surtout sa conversion permetlent de conclure, 
avec beaucoup de probabilité, à quelque maladie extraordi- 
naire extraordinairement quérie. — Comment Tiridate, l’ado- 
rateur zélé d'Anahid, le persécuteur des chrétiens, devint-il 
l'adorateur du Christ, le fervent propagateur de l'Évangile et 
le destructeur des idoles? Des savants contemporains ont 
attribué ce changement à des causes d'ordre purement poli- 
tique. 

Il est bien possible, nous en convenons volontiers, que les 
heureuses conséquences politiques de sa conversion ne lui aient 
point échappé. Il entrevit probablement que la foi chrétienne, 
si elle était universellement adoptée par le peuple arménien, 
deviendrait une indestructible barrière qui l'empêchérait d’être 
absorbé par les Perses. Mais cette perspective avantageuse ne 
formait que l’un des divers points de vue sous lesquels appa- 
raissait alors l'horizon politique. N'oublions pas qu'à cette 
époque Constantin n'était point arrivé au trône, ou, du moins, 
qu'il ne protégeait point encore officiellement les chrétiens. En 
abjurant le paganisme, Tiridate risquait donc de mécontenter 
à la fois les Arméniens, les Perses et les Romains. 

L'empereur présumé, à cette date, qu'il s'appelàt Aurélien, 
Probus, Carus, ou ce qui est plus probable, Dioclétien, n'était 
cuère disposé à secourir un roi d'Arménie chrétien. Dioclétien, 
sans être d'abord hostile au christianisme, ne témoignait, à 
cet égard, que d’une indifférence dédaigneuse; et le moment 
approchait où les suggestions haineuses de Galère allaient 
transformer en persécution violente cette tolérance hautaine. 

La soudaine conversion de Tiridate, son absolue sincérité, 
ses hautes vertus, démontrées par le culte qui lui est rendu, 


(1) Sur Prisca et Valeria, Lactantius (?), De morlibus perseculorum, ἃ. 15, 39, 40, 
41, 50, 51; Migne, P. L., ΝΗ, p. 216, etc.; Sarkisean, p. 70; Bardenhewer, 
Gesch. der Altkirch. Litteratur, Freiburg im Breisgau, 1903, 11, 481-487. Langlois, 
I, 137, tient néanmoins pour vraisemblable que le récit relatif à Prisca et à 
Valeria aurait été adapté et approprié à l'Arménie. ἡ 


‘ 


ΜῊΝ 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 907 


ainsi qu'à Grégoire, avant la fin du 1v° siècle, nous laissent 
pressentir, au point de départ de cette volte-face vers la sainteté, 
la touche irrésistible du Maître des cœurs (1). Faustus, en 
affirmant que Tiridate est devenu chrétien par contrainte ou 
de bon gré, semble favorable à cette hypothèse; et la tradition 
vers le milieu du ν᾿ siècle, par la plume du Grec Sozomène, 
exprimera beaucoup plus nettement que la conversion du roi 
a été déterminée par un prodige divin (11. 8). 

Cet événement extraordinaire qui se trahit et, pour ainsi 
dire, se démontre par la grandeur même de ses effets, en quoi 
consiste-t-il? La métamorphose de Tiridate en sanglier, telle 
que la présente le pseudo-Agathange, est trop invraisemblable, 
trop dépourvue de garanties, trop remplie de contradictions 
de la part du narrateur, pour qu'on puisse l’admettre. D’ail- 
leurs l’ancienne Vie de Grégoire, telle que la reproduit l’évêque 
arabe Georges, ne porte point trace de cette transformation 
bizarre qu'aurait subie Tiridate après le martyre de Hripsimé, 
de Gaïanè et de leurs compagnes. Doit-on conclure de là que 
nul fait n’a fourni de fondement à la fameuse légende du san- 
glier, sauf que ce terme de Varaz ou de sanglier pouvait être 
le surnom de Tiridate? A l'appui de cette dernière conjecture, 
on pourrait alléguer que le sceau du roi des rois, c’est-à-dire 
du roi des Perses, représentait une tête de sanglier (2); on 
pourrait rappeler, surtout, qu'au vur° siècle, des princes de PAT 
banie porteront le nom de Varaz Terdat; que, vers l'époque de. 
Tiridate le Grand, le terme de Varaz entrait dans la compo- 
sition de nombreux noms iraniens et arméniens; que Faustus 
de Byzance, par exemple, cite un Varaz Schahouni, de Dzoph, 
dans le cortège de Housig se rendant à Césarée, et que le 


(1) « A Daron était la mère, la première et la plus grande de toutes les 
églises. On honorait aussi l’église de Thortan, qui renfermait le tombeau 
du patriarche Grégoire. Les mêmes honneurs se rendaient à la mémoire du roi 
Tiridate, qui, le premier, contraint ou de bon gré, se trouva digne d’embrasser 
la foi du Christ » (Faustus, II, 14; Langlois, I, 224). Aïlleurs (IV, 15) Faustus 
mentionne la célébration de la fête de Grégoire et de Tiridate, à Pakavan, au 
milieu d’une immense multitude de personnes du pays et de plusieurs évêques 
de différents cantons. Pendant que Khat, le vicaire de Nersès, et Mourig, son 
archidiacre, présidaient la cérémonie à Pakavan, Nersès célébrait la même fête 
au camp royal. 

(2) Faustus, IV, 53, parle de cette bague du roi des rois, dont le chaton por- 
tait la figure d’un sanglier. 


368 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


même historien appelle Varaz Schapour le prince Sassanide 
qui gouvernait l'Adherbeïdjan, un peu avant le milieu du 
iv° siècle (1). 

Cependant, le surnom de Varaz suffit d'autant moins ici à 
expliquer l'origine de la légende, que nul historien arménien 
ne donne à Tiridate cette appellation, soit avant, soit après sa 
prétendue métamorphose. Il n'est pas plus satisfaisant de voir 
sans autre motif, en cette lésende, une adaptation de tel ou tel 
mythe, comme celui de la métamorphose de Wishnou en san- 
glier, d'après les Pouranas des Indiens (2). 11] serait sans doute 
plus naturel de rapprocher la dégradation de Tiridate de celle 
que subit le roi des Germaniciens possédé par le diable, d’après 
la légende arménienne de saint Barthélemy (3). Mais, en sup- 


posant que ce dernier phénomène merveilleux ait été connu 


d'Agathange ou des auteurs dont il s’est inspiré, il reste encore 
à trouver dans la vie de Tiridate un fait quelconque, une si- 


(1) Faustus, III, 12, 20. A ce Varaz Schapour, qui nous paraît être le fameux 
Sapor Il, roi de Perse, se rattache un incident assez puéril, probablement 
enfanté et arrangé par l'imagination populaire, et qui, si l’on en croit Faustus, 
aurait été la cause déterminante du supplice de Diran. Au dire donc de Faustus, 
Phisac de Siounie, chambellan de Diran, avait persuadé à Varaz Schapour que 
le roi d'Arménie refusait à celui-ci un cheval gris pommelé fort convoité et qu’il 


visait même à s'emparer de l’Adherbeïdjan. Vivement irrité, poursuit le narra- 


teur, Varaz Schapour, avec une escorte de 3.000 hommes, accourut aussitôt dans 
le pays des Abahouni, vers le pied du Massis; et, à la faveur d’un festin organisé 
à la suite d’une grande chasse, il s'empara de Diran, de sa femme et de ses 
fils. Varaz Schapour dirigea ensuite ses captifs vers la Perse. Mais, arrivé au 
village de Talaris, depuis appelé Atzoukh, charbon, il prit une pique de fer 
rougie au feu et brüla les yeux de Diran. Plus tard, Varaz reconnaissant qu'il 
avait été trompé par Phisac, ordonna de l’écorcher et de rembourrer sa peau de 
‘paille. Tel est le récit de Faustus. Bien qu'on ait vu assez souvent de grandes 
catastrophes sortir des faits les plus menus et les plus futiles, il est plus vrai- 
semblable que Sapor, en aveuglant Diran, voulut le punir de son alliance avec 
les Grecs. Il est à présumer que Varaz Sapor fut obligé par les succès de l’armée 
grecque de mettre sur le trône de l'Arménie le fils de Diran, Arsace. 

L'alliance des Arméniens avec les Grecs est en effet attestée par Moïse de Kho- 


rène dars un passage que gâte, il est vrai, un anachronisme (II, 17. Voir- 


Faustus, III, 21). Selon Faustus, les Arméniens vainquirent les Perses près de la 
ville de Sadagh. On a quelque raison de penser que Sapor se vit alors contraint 
de donner la couronne d'Arménie à son captif Arsace. Marquart place cet évé- 
nement vers l’an 390 (ZDMG, XLIX, p. 221). — Il ne peut donc ici être question 
du rétablissement en Arménie du prince allié des Romains, qui eut lieu vers 
l'an 339 (Juliani Oratio I, 18, 19 et 20). 

(2) Hardy, Zndische Religions Gesch., Ὁ. 109, Leipzig, 1898. 

(3) Moesinger, Vita οἱ Martyrium S. Barth., Salisburgi, 1877, p. 10. 


. ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 369 


tuation, sur laquelle il ait pu se greffer. Ainsi, avant Faustus 
de Byzance et avant Bab, on croyait en Arménie à l'existence 
et à l’action malfaisante des devs. Pourtant, les contemporains 
de Bab, si crédules fussent-ils, n'auraient point raconté que les 
devs obsédaient Bab et le tourmentaient sous forme de serpents 
blancs, si sa corruption précoce n'avait offert une base et 
un point d'attache à la légende (1). Il en doit être de même 
pour Tiridate. Dès lors, à moins de nier l'existence d’un Etre 
souverain, invisible, capable d'intervenir dans les événements 
humains et d'en modilier la trame, on sera logiquement amené 
à la conclusion que voici : la légende qui transforme Tiridate 
en sanglier s'explique beaucoup mieux, si on suppose chez ce 
prince quelque maladie soudaine et humiliante, présentant à 
ses contemporains tous les signes d’un châtiment divin; telle 
serait, par exemple, une maladie mentale analogue à la Iycan- 
thropie, ou, si l'on veut, à une obsession diabolique et jugée 
incurable par les moyens humains. 

22. — La destruction des temples païens par le roi prouve 
sa sincérité, mais ne fait point entièrement disparaitre dans 
le peuple l’idolätrie; fondation d'écoles; dotation des églises; 
catholicat el épiscopat le plus souvent héréditaires ; opposi- 
tion des familles sacerdotales païennes et des femmes sur- 
tout, au christianisme. — Quel que fût le mal dont souffrait Ti- 
ridate, il est vraisemblable que quelques personnages de sa 
cour avaient aussi été frappés. La guérison soudaine du roi, et 
peut-être celle de quelques seigneurs, est encore l'hypothèse qui 
justifie le mieux la conversion si rapide du premier et l’entrai- 
nement d’une grande partie de la noblesse et du peuple vers le 
christianisme. Ne fallait-il pas que Tiridate en particulier crût 
obéir à la voix du ciel pour se sentir obligé, ou peut-être con- 
traint, selon l'expression de Faustus, d'embrasser le christia- 
nisme : il oppose son armée à ceux qui ne voulaient pas laisser 
transformer les temples en églises ; il brise par les mains de ses 
soldats la statue d’or d’Anahid à Erez et détruit ses autels au 
lieu dit Erazmoin, interprétation des songes, près d'Arda- 
schad (2). De tels actes laissent présumer que l’ancien dévot fa- 


(1) Faustus, IV, 44. 
(2) Agathange grec, n. 129-135; texte armén., ch. 103, 110, 114, 116, 120, ete. ; 
texte arabe de Marr, pp. 116, 120, n. 21-23. 
ORIENT CHRÉTIEN. 24 


370 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


natique d’Anahid était müû par un motif encore plus puissant 
que le souci de l'unité religieuse, encore que celle-ci ne düût 
pas le laisser indifférent. 

Néanmoins, une grande partie de la population resta étran- 
vère à la foi chrétienne par les actes extérieurs, les pensées et 
les sentiments. « Le ombre de ceux qui avaient embrassé sin- 
cèrement le christianisme, observe Faustus, était très restreint 
et se composait seulement des personnes versées dans la litté- 
rature grecque et syrienne. » La masse des Arméniens n'était 
convertie qu'extérieurement. Forcée de plier sous la main de 
fer de Tiridate, elle se dédommageait de cette contrainte en 
continuant, pendant la nuit, le culte de ses idoles (Faustus, IL, 
13, 14). Plusieurs des satrapes de tous rangs n'étaient pas 
moins réfractaires à l'esprit du christianisme. Tantôt la cupi- 
dité les armait les uns contre les autres. Tantôt leur orgueil, 
leur dureté s'attaquaient à Dieu ou à ses représentants et leurs 
passions farouches se déchaïinaient souvent sur les pauvres, les 
faibles, les captifs. Tel était le prince Manadjihr Rechdouni, 
grand vassal du roi d'Arménie. Jacques de Nisibe ayant tenté 
de le convertir à la clémence et à la douceur, le petit despote 
arménien le chassa de ses domaines, après avoir fait jeter sous 
ses yeux 800 prisonniers (?) à la mer, en lui disant : « Tu vois 


que j'ai tenu compte de ton intercession, puisque les prisonniers 


sont délivrés maintenant de leurs fers et nagent dans la mer » 
(Faustus, IT," 10). 

Ces faits ne sont pas très surprenants : Quand un peuple 
par ses institutions et toutes ses facultés s'est, pendant des 
siècles, profondément pénétré d’une religion, même fausse et il- 
logique, il ne s’en déprend pas en quelques jours, pas plus que 
l'organisme humain ne se débarrasse d’un poison, lentement 
et longuement absorbé. Grégoire et Tiridate comprirent que la 
seule méthode vraiment efficace pour former une nation fonciè- 
rement chrétienne, c'était de faconner d’après les principes de 
l'Évangile l'esprit et le cœur des enfants, avant que les erreurs 
ou les vices du paganisme les eussent infectés; et, à cette fin, 
ils érigèrent des écoles, où les jeunes Arméniens dévaient ap- 
prendre, les uns le grec, les autres le syriaque, c'est-à-dire les 
deux langues dans lesquelles étaient déjà traduites les saintes 
Écritures, et qui, au point de vue liturgique et dogmatique, 


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ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L’'ARMÉNIE. ΘΗ 


offraient déjà un riche trésor de littérature chrétienne. 

Pour assurer le progrès du christianisme à travers toute l’Ar- 
ménie, le recrutement du clergé et sa formation importaient 
encore plus que la multiplication et le bon fonctionnement des 
écoles. Mais il était bien difficile, pour ne pas dire impossible, 
de donner en peu de temps à l'Arménie un grand nombre de 
prêtres réalisant pleinement l'idéal du sacerdoce et de l’apos- 
tolat. Ce sera l’une des tàches principales auxquelles se con- 
sacrera Nersès et surtout Sahag le Grand. La préparation des 
premiers prêtres, sauf peut-être ceux qui avaient été formés 
hors de l'Arménie, devait être forcément hâtive ; et Grégoire ne 
pouvait euère exiger que les connaissances et les qualités indis- 
pensables. 

Quant à Tiridate, il réalisa, par de riches dotations, les con- 
ditions matérielles qui assuraient le recrutement des prêtres et 
leur indépendance à l'égard des fidèles. Le clergé païen fut 
dépouillé au profit du clergé chrétien. Celui-ci obtint une part 
des troupeaux et la dime des récoltes. Chaque église reçut 
quatre fermes dans les campâgnes et sept maisons dans les 
villes. Le haut clergé entra en possession de biens encore plus 
considérables : l'évêque Aghbianos eut en cadeau le village de 
Manavaz et l'évêque de Passène le pays de Ouortouni. Le zèle 
du roi et du saint archevêque pour le nouveau clergé ne leur 
faisait pas oublier les mesures que pouvaient conseiller la pru- 
dence et exiger l'humanité ou la justice. C’est pourquoi ils ou- 
vrirent aux enfants des anciennes familles sacerdotales Les sé- 
minaires nouvellement fondés et les mirent ainsi à même 
d'entrer dans le sacerdoce et de recouvrer, par ce moyen, l'héri- 
tage enlevé à leurs parents païens (1). 

Parmi les biens transmis par Grégoire à ses descendants, le 
plus fameux est le domaine d’Aschdischad, considéré par Faus- 
tus comme le plus beau des 15 cântons que Nersès avait 
reçus en héritage, c'est-à-dire probablement le plus beau de ses 
héritages qui étaient situés dans 15 différents cantons. Or, Gré- 
goire avait-il reçu ce domaine de Tiridate? En ce cas, le tenait- 
il en qualité d'archevêque, ou bien à titre seulement privé, 
avec privilège de le transmettre à ses seuls descendants ? ou la 


(1) Faustus, V, 51: canons de S. Sahag; Gelzer, Anfünge..… et trad. armén., 
p. 104 et suiv. 


972 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


possession d’Aschdischad n’était-elle pas plutôt un héritage légué 
à Grégoire par ses ancètres et qui, pour cette raison, ne devait 
pas sortir de sa famille? Gelzer admet cette dernière opinion, 
qui corrobore à ses yeux son hypothèse, d'après laquelle Gré- 
voire serait issu d'un grand prêtre païen déjà maître d’Aschdi- 
schad. Mais la supposition du docte professeur de Iéna parait 
réfutée, soit par les raisons que nous avons développées ailleurs, 
soit par cette simple observation que si Grégoire avait reçu 
Aschdischad en héritage de ses ancêtres, on ne comprendrait 
plus la résistance acharnée, opposée par les familles sacerdo- 
tales de la région, à la prise de possession de cet immeuble. 
Grégoire reçut donc très probablement des mains de Tiridate le 
domaine d'Aschdischad; mais fut-ce avec le droit de le trans- 
mettre à ses descendants, alors même que ceux-ci ne rempli- 
raient point de fonction ecclésiastique? Si invraisemblable que 
soit un tel privilège, il est pourtant appuyé sur des faits. Bab et 
Athanakinès, fils du patriarche Housig, après avoir été ordonnés 
contre leur gré, deviennent soldats, épousent les sœurs ou les 
filles de Diran et n’en continuent pas moins d’habiter avec des 
courtisanes le palais épiscopal attenant à l’église d'Aschdischad. 
C’est dans cette demeure, qui paraît leur appartenir, qu'ils sont 
ou foudroyés ou égorgés. Plus tard, la fille de Sahag le Grand, 
qui est son enfant unique, épousera Hamazasb, fils de Manuel et 
prince des Mamigonians; et Vartan ainsi que Hemaïag Mami- 
conian, les deux fils nés de ce mariage, recevront en héritage le 
village d'Aschdischad (1). Comme il n’est pas vraisemblable que 
Sahag ait agi contre les intentions des donateurs arsacides, on 
peut supposer que Tiridate, en livrant à Grégoire le village 
d'Aschdischad, n'avait point interdit de l’aliéner en totalité ou en 
partie et de le transmettre à ses descendants, alors même que 
ceux-ci ne se consacreraient point à l'Église. Cela était d'autant 
plus naturel que, plusieurs catholicos étant mariés avant leur 
entrée en charge, il fallait bien procurer une résidence et les 
moyens de subsistance convenables à ceux de leurs enfants qui 
étaient inhabiles à leur succéder. Il est clair que cette disposi- 
tion dont bénéficiaient Bab, Athanakinès et la fille de Sahag 
avait un caractère exceptionnel; elle devait disparaitre en même 


(1) Lazare de Pharbe, ἢ. 18; Langlois, Il, 278. 


ν νὴ τς, 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 979 


temps que la licéité du mariage pour le candidat au catholicat. 
Les murmures du chef des eunuques contre les deux premiers 
rois arsacides chrétiens attestaient assez que le domaine d’Asch- 
dichad avait été destiné avant tout au clergé (1). La condi- 
tion généralement requise et d’abord observée pour retenir les 
biens ecclésiastiques dans une même famille, ce fut la trans- 
mission héréditaire des hautes charges ecclésiastiques. Cette 
transmission du père au fils ou de l'oncle au neveu parut jus- 
tifiée, par suite des circonstances, pour Resdaghès et pour 
Krikoris, restés célibataires. Mais, dans la plupart des cas, elle 
entrainait de graves inconvénients; elle exposait la dignité 
épiscopale à tomber sur une tête indigne et les biens de l’église 
à se confondre avec ceux du chef de famille. 

Les concessions de Tiridate et de Grégoire n'avaient pas dé- 
sarmé toutes les anciennes familles sacerdotales. Plusieurs de 
leurs membres, restés païens au moins par le cœur, avaient 
formé une ligue anti-chrétienne, dans laquelle entrèrent beau- 
coup de femmes, et qui, plus tard, devait avoir à sa tête l'épouse 
même du fils de Tiridate, la grande dame des Arméniens, ir- 
ritée d'entendre censurer sa conduite par le pontife Verthanès. 
Toujours fidèle à son rôle de défenseur de l'Église, ou, selon 
une expression fameuse, d'évêque du dehors, Tiridate fit en- 
tourer de murs les édifices chrétiens pour les mettre à l'abri 
d’un coup de main (2). 

23. — L'Église arménienne ne fut point strictement natio- 


.nale, c’est-à-dire autocéphale : Titres de Grégoire; Tiridate 


rend hommage à l’archevèque de Césarée; el, d'accord avec 
Grégoire, il ne fixe pas le siège de ce dernier à Vagharscha- 
bad. 

L'Église arménienne primitive pourrait donc être appelée 


(1) Invité à la table épiscopale de Nersès, à Aschdischad, Haïr, le chef des eu- 
nuques, ayant bu avec excès, se mit à lancer desinjures contre Tiridate.. contre 
les ancêtres et les descendants des rois arméniens arsacides : « Comment ont- 
ils pu, disait-il, accorder de pareilles possessions à des individus habillés comme 
des femmes et non pas à de véritables hommes! » (Faustus, IV, 14). Les domaines 
de Nersès, dit Faustus, se composaient de 15 cantons, qui avaient été octroyés à 
ses ancêtres, et où ils avaient leurs résidences d’été. Les principaux étaient : 
Ararat, Taranaghi, Eghéghiatz, Daron, Peznoun, Dzop, et les, autres au milieu 
ou aux environs de ces cantons (IV, 14). 

(2) Agathange, ἢ. 151, texte grec; p. 116 et n. 21° du texte arabe; texte armén., 
co: 


974 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


nationale, si on entend, sous ce nom, une société religieuse 
officiellement reconnue, dotée, protégée par le gouvernement 
civil, et possédant, avec une certaine unité organique, une 


langue, des usages et des rites, qui sans être entièrement spé-. 


ciaux, lui sont cependant appropriés. Mais n'est-ce pas abuser 
des termes que d'appeler nationale une Église ainsi cons- 
tituée? À proprement parler, l’église nationale est celle dont 
les éléments fondamentaux ne lui sont point communs avec 
les autres églises, et dont les sujets ne sont attachés par aucun 
lien réel de juridiction à une autorité spirituelle, différant de 
rite, de royaume, de race ou de nationalité. Or, cette Église 
nationale, c'est-à-dire isolée et schismatique, ni Grégoire, 
ni Tiridate n'en conçurent jamais le projet, ou, comme 1] 
semble, n’en eurent même l’idée. Par quels indices, en effet, 
pourrait bien se manifester, à cette époque, la prétendue créa- 
tion d’une Église autocéphale? Les noms par lesquels on dé- 
signe le chef immédiat des évêques arméniens au 1v° ou au 
v‘ siècle indiqueraient-ils sa complète indépendance? Nous ne le 
pensons pas. Ces titres sont en effet ceux de catholicos, d’ar- 
chiprêtre, d'archevêque ou de qahanaïabed et d’episcoposabed, 
enfin de patriarche (1). Mais le catholicos n'est que le procura- 
teur, c'est-à-dire un vicaire ou un légat, auquel un pouvoir su- 
périeur confie, pour une région déterminée, l’universalité des 
affaires ecclésiastiques; et Kricoris, par exemple, que Faustus 
appelle catholicos des Ibériens et des Aghouans, n'était pas 


complètement indépendant de l'archevêque de l'Arménie (2).. 


Les titres de Qahanaïabed ou chef des prêtres, d’épiscopos- 
abed ou de chef des évêques, ne marquent pas plus l’indépen- 
dance que ne l’affirme aujourd'hui le nom d’archevêque; or, 
nul ne conteste la subordination du simple archevêque à l'é- 
card du patriarche. Quant à ce dernier titre, outre qu'il n’im- 
plique pas l'indépendance absolue, il est assez remarquable que, 
dans l’ancienne version arabe d'Agathange, il soit donné à 
Léonce et non à Grégoire, ordinairement appelé moutran. 

Serait-ce Tiridate, qui, devançant ses descendants, Arsace 
et Bab, aurait cherché à ériger le siège de Grégoire en siège 


(1) Fautus, II, 6, 10. 
(2) Eusèbe, A. E., VII, 10; VII, 11; Migne, XX, 660, 769. Faustus, IT, 6. 


CO 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L’ARMÉNIE. 319 


indépendant? Non assurément. Tiridate relève, à l'occasion, par 
un éclat presque royal la dignité de l'archevêque; il le fait 
monter sur son propre char et l'envoie escorté des plus grands 
personnages recèvoir la consécration sacerdotale et épiscopale 
à Césarée. Maïs, tout en pressant le nouveau dignitaire de 
s'établir près de lui, il le laisse fixer sa résidence où il veut, et 
parcourir en apôtre l'Arménie. Au retour de Césarée, Grégoire 
s'arrête vingt jours, avec une préférence manifeste, dans la 
région d'Aschdischad, avant que le roi l'invite même à paraitre 
dans sa capitale; il le laisse célébrer là pour la première fois, 
depuis son entrée en Arménie, le « sacrifice salutaire » selon 
l'expression d'Agathange, et « distribuer le corps et le sang vi- 
vifiant du Christ ». Le roi ne se plaint pas que Grégoire vienne 
seulement le rejoindre, un peu plus tard, vers Pacavan, près des 
sources de l'Euphrate ou de l’Artsani (1). Au lieu d'exiger du 
catholicos qu'il fixe son siège dans la ville royale, 11] accepte à 
sa place, comme prélat de la chapelle royale, l’évêque Aghbianos; 
et, après quelques instances pour retenir Grégoire, il laisse le 
fondateur ou du moins le propagateur de la foi chrétienne en 
Arménie, tantôt jeter la semence évangélique à travers tout le 
pays, des rives septentrionales de l'Euphrate : Satala, Erzingan 
aux rives du Kour; des frontières de la Mésopotamie à celles de 
la Géorgie. Il le laisse concentrer principalement son activité 
apostolique dans les régions comprises entre Aschdischad et Tor- 
than; là est le séjour préféré de Grégoire, soit que, dans les 
montagnes solitaires du canton de Taranaghi, il façonne des 
moines à la vie érémitique, soit surtout qu'il y forme au sa- 
cerdoce les enfants des prêtres païens (2). 


(1) Dans l’Agathange grec, n. 141-149; l’'Agathange arménien, €. 114 et suiv.; 
texte arabe, n. 29%. 

(2) Sur la sépulture de Grégoire à Torthan, voir Faustus, II, 11, 12, 14. Pour 
la durée du pontificat des premiers catholicos et du règne des premiers rois 
chrétiens d'Arménie, nous proposons les dates suivantes, mais seulement comme 
approximatives, toute détermination rigoureuse paraissant actuellement impos- 
sible. 

Premiers rois chrétiens : Tiridate, né vers 237-244, règne de l’an 278-279, ou de 
l'an 283, ou enfin de l’an 286-287 jusque vers l’an 328 (selon Gelzer, de 261 à 317, 
Anfünge, p. 167; version arm., p. 148). — Khosroès, de 328 à 337 (317-526, selon 
Gelzer). — Diran, 337-390 (326-337, selon G.). — Arsace, 350-367 (337-367, selon G.). 
— Bab, 367-374, dates à peu près certaines. — Varaztad, fils d’Arnob, frère 
d’Arsace, 374-377. — Régence de Manuel Mamigonian, 377-385. 


3176 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


24. — L’Arménie, au temps de Constantin, renouvela très 
probablement son ancien pacte politique et y ajouta un ac- 
cord religieux. L'union religieuse des Arméniens avec les 
Ibériens el les Aghouans est un autre indice de la catholicité 
de l'Église arménienne, au temps de Grégoire. — Certains 
actes, qui comptent parmi les plus authentiques de la vie de 
Grégoire et de Tiridate, nous laissent donc voir que le premier 
catholicos d'Arménie ne fut point le chef d'une Église auto- 
nome. Il est tout à fait vraisemblable que, lorsque Constantin 


Les premiers catholicos : Grégoire l'Illuminateur, né vers 237-244, est catholicos 
vers 290 jusque vers 321, et meurt vers 325-326. — Resdaghès, 321-327. — Ver- 
thanès, né vers 261, engendre dans sa vieillesse (Faustus, ΠΠ1, 5) Krikoris et 
Housig, à peu près vers 306; il est catholicos de 327 à 339. Housig, né vers 506, 
père de Bab et Athanakinès, vers 319 (Faustus, III,5), catholicos, 339-344. Pharên, 
345-349. Schahag, 350-356. Nersès, né vers 337 d’Athanakinès et de Bambischen, 
engendre Sahag vers 356, est catholicos vers 357-362, est tué vers 372-373. Housig 
évêque de Manazgherd, de la famille Aghbianos, 372 ou 373-377. Zavên, de la 
même famille, 377-380. Isahag le Kurde de Gordjaïq, 380-383. Asbouraghès de 
Manazgherd, de la famille Aghbianos, 383-388. Isahag I le Parthe ou Isaac le 
Grand, 389-139. 

L'Histoire de Faustus fournit la plupart des données dignes de foi avant 
Élisée et Lazare. Mais elle contient maintes assertions dont la fausseté est mani- 
feste, et qui doivent être, le plus souvent, des additions ou des interpolations 
ultérieures. Nous ne voyons pas le moyen de maintenir le long pontificat prêté 
à Nersès par les anciens historiens. Nous réduisons de moitié les 34 ans donnés 
par Moïse de Khorène. Par contre, les pontificats de Pharên et d’Isahag Agh- 
bianos, rivaux des Grégorides, pourraient bien avoir été écourtés par les mêmes 
historiens. : . à 

Il semble, de plus, que le trône patriarcal resta vacant pendant plusieurs 
années. Faustus, en effet, laisse entendre qu'après le meurtre de saint Housig, 
on ne lui donna point immédiatement de successeur; car, dit-il, on ne voyait, 
parmi les descendants de Grégoire, aucun sujet doué des qualités nécessaires 
pour hériter de sa dignité. Il se peut aussi que Sahag Aghbianos, le successeur 
de Pharën, d’après Faustus, soit resté cinq ou six ans sur le trône patriarcal. 
Gelzer suppose même qu'il aurait encore occupé le pontificat suprême des Ar- 
méniens et qu'il aurait signé en 363, sous le nom d’Isakokès, la lettre adressée à. 
Jovien par les évêques réunis en synode à Antioche. Cette hypothèse permet- 
trait de donner raison au texte de Faustus qui fait consacrer Nersès par Eusèbe 
de Césarée (362-370) et non par Dianios son prédécesseur. 

Mais, d’autre part, si Nersès n’est monté sur le trône patriarcal que vers 
l'an 363, il faut effacer de sa vie le tiers des faits dont il serait l’auteur, au té- 
moignage de Faustus. Il vaut donc mieux dire que cet Isakokès était peut-être 
le Tschounag de Faustus (IV, 15); seuls, les deux évêques de Gortouk et d’Aghtz- 
nik avaient consenti à le consacrer, quand il fut substitué par Arsace à Nersès 
disgracié. Mieux vaut même supposer que ce pontife était un simple évêque de 
la Grande-Arménie, Isacoces Armeniæ Majoris (Socrate, Il, 2; Migne, LX VII, 
col. 454). Mais, cet évèque ᾿λομενίας μεγάλης représentait le catholicos. 


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ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 311 


fut affermi sur le trône et se posa en protecteur officiel de toute 
la chrétienté, les relations de l'Arménie avec l'empire devin- 
rent, jusque vers 363, plus étroites, plus intimes, soit au point 
de vue politique, soit au point de vue religieux. La restauration 
de l’ancienne entente politique devait être d'autant plus néces- 
saire qu'elle s'était sans doute relächée, sinon rompue tout à 
fait avec Maximin Daïa, par suite de la persécution de ce prince 
contre les Arméniens de la Petite-Arménie. Ce nouveau pacte 
parait attesté par un décret de Constantin, daté de l'an 315 et 
concernant le roi d'Arménie, Arsace (1). 

En effet, l'empereur peut bien appeler ainsi Tiridate, puisque 
les Arsacides arméniens, comme les Arsacides parthes, étaient 
souvent désignés sous ce nom d'Arsace. Or, s’il faut admettre 
un pacte politique, force est également de conclure à une en- 
tente religieuse. 

Cet accord, qu'il était difficile d'établir directement avec le 
pape, pouvait se faire plus aisément avec ses représentants. 
Et, si cette dernière hypothèse n’est pas rigoureusement prou- 
vée, elle justifie mieux que toute autre supposition le cri des 
Vartaniens vers Théodose le Jeune, pour le conjurer de les 
aider à défendre la foi que Tiridate avait reçue de l'archevêque 
de Rome (Élisée, c. 3). Encore qu'il soit plus naturel d’en- 
tendre par ce dernier nom l’ancienne Rome, la subordination 
de l'Église arménienne à l'égard de l'Église universelle n’en 
resterait pas moins hors de doute, s'il s'agissait ici de la Mé- 
tropole grecque à laquelle se rattachait immédiatement le catho- 
licos de l'Arménie. La présence même d’Arisdaghès au concile 
de Nicée rend plus palpable la place occupée alors par l'Église 
d'Arménie dans la chrétienté catholique; car il y apparait 
comme le suffragant de Léonce. Avec les autres Pères, il y ac- 
cepte les décrets soit dogmatiques, soit disciplinaires édictés 
par l'assemblée que président les légats du pape Sylvestre, 
Osius, Vite et Vincent; 1] y souscrit par conséquent à l'unité 
hiérarchique de l'Église. Revenu en Arménie, il semble avoir 
promulgué les vérités et les règles sanctionnées à Nicée (2). 


(1) Cod. Theodos., XI, tit. x, de Annona et Tribulis. Le Père Stilting, au con- 
traire, attribue ce décret à Constance. Acta SS., sept. VII, p. 314, n. 99. 

(2) Gorioun, dans Langlois, 11, p. 11 et 12; Faustus, IV, 39, 24, 58; Moïse de 
Kh., ΠΙ, 56. Promulgation en Arménie des Actes de Nicée. Voir lettre de Sahag 


378 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Le récit d'Agathange est ici extrêmement vraisemblable. On 
ne l'infirme pas en rappelant que les décrets de Nicée avec 
ceux d'Éphèse furent portés de Constantinople à Mesrob et 
Sahag par leurs disciples Ghevond de Vanant, Gorioun, Eznig; 
car il ne faut pas oublier que tous les documents chrétiens écrits 
en grec avaient été anéantis, en Arménie, par l’ordre des gou- ὦ 
verneurs perses. 

S'il en était besoin, on trouverait un nouvel indice de l'union 
de l'Église d'Arménie avec l'Église universelle, dans ce fait 
qu'elle fut étroitement unie à l'Église des Ibériens et des 
Aghouans. Il n'est certes pas prouvé que la première organi- 
sation de cette Église ait été l'œuvre de Grégoire l'Illuminateur. 
Mais il est certain que, vers 323, le petit-fils de l’apôtre de 
l'Arménie, Krikoris, âgé seulement de 16 ans et déjà voué ou 
célibat, fut consacré évêque de l’Ibérie et de l'Aghouanie (1), 


L 


le Grand à Proclus; Catergian, p. 25; Agathange, en grec, n. 169; en arabe, 
p. 146, fin; en arménien, ch. 127. 

(1) Faustus, III, 5. — Le récit de Moïse de Khorène sur la première évangéli- 
sation de lIbérie n’est pas très digne de foi. D’après une ancienne tradition, une 
vierge chrétienne, Nuno, guérit par ses prières la reine d’Ibérie. Celle-ci se con- 
vertit; le roi Mihran l’imita; exemple de leurs princes et les paroles de la vierge 
apôtre entrainèrent vers le Christ une partie des Ibériens. Ces convertis, il fallait 
les organiser en Église. Qui introduisit alors le sacerdoce et la hiérarchie ecclé- 
siastique en Ibérie? Au dire de Moïse de Khorène,'ce fut Grégoire l’Illuminateur. 
La version arabe d’Agathange est favorable à cette hypothèse (p. 134, n. 29* et 
p. 136). « Ce saint Grégoire qui devint catholicos de toute l'Arménie prépara des 
évêques pour toute l'Arménie... pour la Grousie..…. et le pays des Alaïns; il prit 
un Grousien parmi ceux qui étaient venus avec lui de Sébaste et l’'envoya comme 
métropolite de toute la Grousie (région à peu près identique à l’ancienne Ibérie, 
puis à la Géorgie, et située sur la rive gauche du Moyen-Kour, à l’ouest de PAI- 
banie ou Aghouanie). Il envoya comme évêque chez les Abkazes (ou Abasges sur 
la rive orientale de la mer Noire) le prêtre Sophrone de Cappadoce, et chez les 
Alanaïins (ou Alains, au nord de l’Ibérie) Thomas de Satala. » — Un peu aupara- 
vant, dans l’Euphrate, Grégoire, nous dit la même version arabe, avait baptisé 
en même temps que Tiridate, le roi de la Grousie, celui des Abkazes et celui des 
Alains. | 

Sur ce point encore, la source semble suspecte. Il est plus probable que le roi 
de l'Ibérie fit d'abord appel à l’empereur Constantin et que celui-ci lui envoya 
quelque évêque d’Antioche avec un certain nombre de prêtres. D’après une tra- 
dition, cet évêque aurait été Eustache d’Antioche; mais ce nom n’est point 
signalé dans les plus anciens écrits. Cf. Rufin, I, 10; Migne, P. L.,t. XXI, p.482; 
Théodoret, I, 24, 25, Migne, P. G., t. LXXXII, p. 972 et suiv. Socrate; I, 20; 
Migne, t. LXVII, p. 129 et suiv.; Sozomène 11, 7; Ὁ. LXVII de Migne, col. 95; 
Analecta Bolland., XX, 338-339. Les sources grecques disent seulement que, sur 
la demande des Ibériens, Constantin leur envoya des prêtres, pour organiser leur 


ÉTUDE SUR LA CONVERSION DE L'ARMÉNIE. 979 


étroitement attaché par ses origines avec l'Église d'Arménie, 
il ne l'était guère moins avec l'Eglise d’Antioche, et, partant, 
avec l'Eglise grecque et l'Eglise romaine. 


Beyrout. k 
François ToURNEBIZE. 


Église et administrer les sacrements (cf. Palmieri, La Conversione ufficiale degl' 
Iberi al Christianesimo, Oriens christianus, 1903, 169-171; voir sur les Aghouans 
le texte de Moïse Gaghangatouasti, Il, 48; et notre Histoire, p. 356-357). D’après 
une lettre du catholicos Kioud à Vatsché, roi des Aghouans, un évêque de Rome (?) 
aurait coopéré avec la vierge Nuno à la conversion des Ibériens. 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE 
PSEUDO-CLÉMENTINE 


TEXTE ET TRADUCTION DU MYSTÈRE DU JUGEMENT DES PÉCHEURS 


(Suite) (1) 


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(1) γον. 1907, p. 189 et 285. 

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LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 38 L 


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382 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


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LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 383 


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(1) Mot répété inutilement. 

(2) Ms. œv1m τ — (3) Ms. né : 

(4) Ms. »»γὔτσν. : 

(5) Ms. nn£hAdnav: : — (6) Ms. n7 : on : — (7) Ms. ρ΄ : ms 
op: — (8) Ms. ñne : 
. (9) Ms. oœAhez : — (10) Ms. œx.ne : — (11) Ms. on ren : — 
(12) Ms. “ιν: τ — (13) Ms. Τ᾽ δι "συ. : 


(14) Ms. mit : 


304 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


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LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 389 


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2 
(26) Ms. g°4.A : — (27) Ms. ηη1.σγ 0 σν.: 
ORIENT CHRÉTIEN. 25 


386 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


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(5) Ms. τὸσῦσν- : — (6) Ms. ny x — -- — (7) Ms. num : — 
(8) Ms. en9%7 : — (9) Ms. œxfanan-z : — (10) Ms. g07hn : — (11) Ms. 
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(17) Ms. δὴν : — EI? Ms. ennh : — (19) Ms. y : — (20) Ms. 
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LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. _ 337 


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(A suivre.) 

(4) Ms. agem# : — (2) Ms. ραν. : — (3) Ms. 2.07 : 

(4) Passage obscur. : 

(5) Ms. ὥδά. : — (6) Ms. œwrens : — (7) Ms. Δλ,6: : — [8) Ms. δῶν 


as : —(9) Ms. erœnav- : —{10) Ms. —:—(11) Ms. ena< : —(12) Ms. 
Añav : — (13) Ms. ῃ θὰ : 

(14) Ms. mens : — (15) Ms. ac : — (16) Ms. # — «- — (17) Ms. ἂν 
Δι : — (18) Ms. ren : — (19) Ms. z5mA : — (20) Ms. κα: : — 
Bu Ms. othgûtr : — (22) Restitution; Ms. @hdT : ont : 


) 1 
(23) Ms. nagentr : — (24) Ms. na : 


TRADUCTION 


Quant à maintenant, écoute-moi, ὃ mon fils, Qalementos. Avant que ne 
füt créé le monde, (le Seigneur) connaissait ses justes. C’est à cause d'eux 
qu’il a créé le monde, sachant qu'ils deviendraient des (êtres) pénitents 
envers lui. Il a fait (1) ses anges spirituels. Ils existeront jusques à jamais 
avec un cœur joyeux (2), avec un visage brillant, avec une intelligence 
droite (3), avec une gloire nouvelle à jamais. Ils adresseront (4) à leur 
Créateur l'honneur et la gloire sans fin (5) et la parole de leur louange, 
qui ne se taira pas. Ils ne seront pas malades (6), ils (ne) seront (pas) fai- 
- bles (7), ils n'auront pas faim, ils n'auront pas soif, ils n'auront pas de désir 
de vengeance (ni) de jalousie. Tout leur art et (toutes) leurs règles n’exis- 
teront que (pour) (8) la louange. Ils célébreront (le Seigneur) dans un 
concert qui ne se tait pas et avec des lèvres (F. 149 r° b) qui ne deviennent 
pas fatiguées, en chantant, en louant, en criant et en disant : « Saint, 
saint, saint est le Seigneur Sabaoth. (Tu) es parfait et (tu) remplis les 
cieux et la terre de ta sainteté. Tu es plus redoutable que les (êtres) re- 
doutables. Ta grandeur ne peut pas être exposée ni (9) être racontée. Ta 
grâce (10) est plus belle que tout. Ta lumière entoure les lumières et éblouit 
tous les yeux à cause de la multitude de ses flammes. (Le Seigneur) est 
le tout-puissant (11), le sauveur de nos âmes. Il nous conduit (12) dans son 
propre chemin et (sa propre) gloire, afin que nous (le) glorifiions sans 
paresse, (ni) discontinuation, sans apprêt (13), (ni) vaine gloire, (ni) jactance, 
sans jalousie. Le tonnerre de ses louanges est merveilleux. Des milliers 
d’anges le célèbrent par des louanges. Les Chérubins sont effrayés à cause 
de sa majesté redoutable. Ils adorent de loin celui qui se trouve près. Ils 


(1) M. à m. «il fera ». 

(2) M. à m. « dans la joie du cœur ». 

(3) M. à m. « dans une intelligence de droiture ». 
(4) M. à m. « ils enverront ». 

(9) « Qui ne finira pas ». 

(6) Autre trad. « ils ne souffriront pas ». 

(7) La négation a été ajoutée. 

(8) M. à m. « n’existeront pas en dehors de la louange ». 
(9) La négation à été ajoutée. 

(10) M: à m. « ta beauté ». 

(11) M. à m. « le dominateur de tout ». 

(12) M. à m. « nous ἃ conduits ». 

(13) M. à m. « pompe ». 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 389 


désirent (F. 149 v° a) le voir, mais, à cause de sa majesté redoutable, ils ont 
peur de le voir, alors qu'ils se trouvent dans sa main, parce qu'il leur 
semble qu'il les voit. Leur bouche n’arrête pas de le glorifier (1). Leur in- 
telligence ne cesse pas de (le) célébrer (2). Ils courent (emportés) sur des 
chars. Ils adorent la majesté de sa gloire. Leur intelligence n'arrête pas 
de le célébrer, car son nom glorieux demeure en (3) eux. C’est pourquoi 
ils n’ont pas (d'être) qui les égare. Quant aux enfants d’Adam, ils devien- 
dront un troupeau un comme eux. Leur louange sera unie à la louange 
des (êtres) célestes. Mais, dès maintenant, la corruption sera passée et la 
tristesse sera alors oubliée. A cette époque-là, personne ne les égarera, 
car celui qui aura creusé une fosse pour son prochain tombera dans (cette 
fosse), celui qui aura égaré l’humble tombera lui-même, celui qui aura 
frappé le pauvre sera frappé lui-même, et ceux qui l’auront égaré seront (4) 
chassés dans les profondeurs du Schéol. Quant aux enfants d’Adam (F. 149 
v° b) ils hériteront la terre de l'héritage et la vie, car le Fils du Seigneur 
est devenu leur rédemption. Alors qu'il n'avait pas de péchés, c’est à cause 
de nos péchés que le Christ mourut, comme dit l’Apôtre. C’est à cause de 
la justice qu'il fut trouvé à peine (juste) (5) et qu’il s’arrogea de mourir. 
Bien plus, c'est à cause des pécheurs et c’est à cause de nous qu'il mourut, 
lui, sans péché. Son corps (6) qu’il avait pris à une vierge était pur. Le 
mensonge ne s’est pas trouvé dans sa bouche. Personne ne l’a contredit 
touchant le péché, car ses paroles étaient justice etses jugements (7) étaient 
justice. C’est pourquoi les enfants de l’homme et (les êtres) aussi, qui avaient 
erré autrefois, il les ἃ rachetés par l’aspersion de son sang. Étant allé vers 
(les êtres) dont les âmes demeuraient prisonnières, il leur ἃ prêché la 
délivrance, car (8) la patience du Seigneur les avait attendus. Étant des- 
cendu dans le Schéol et ayant ouvert ses barrières et brisé ses portes d’ai- 
rain, (F.150 r° à) il a ditaux prisonniers : « Venez, sortez. » Ayant rompu les 
liens de la mort, il a dit (aux prisonniers) : « Venez avec moi. » Il les ἃ fait 
entrer dans la vie, les a placés dans le repos et la joie, (là) où se trouve la 
joie éternelle, où l’on ne meurt pas depuis à nouveau, (où se trouve) le pa- 
radis des délices et de la joie éternelle. Il (leur) a donné sa puissance, afin 
qu'ils devinssent puissants comme lui et suivissent sa trace. Il leur a donné 
sa puissance, afin qu'ils allassent dans son chemin, en sorte qu’il les fit 
parvenir là-haut (9) et les placät sur son trône avec son Père, et non seule- 
ment eux qui étaient dans le Schéol, mais aussi ceux qui étaient sur la 
terre. Il nous ἃ appris que nous devions lui devenir semblables en tout? 
lorsqu'il a dit : « Venez à moi. » Où se trouve mon Père, moi-même je me 


(1) M. à m. « ne se repose pas de sa glorification ». 

(2) M. à πὶ. « ne se tait pas de sa louange ». 

(3) M. à m. « sur ». 

(4) M. à m. « deviendront ». 

(5) Autre trad. « qu’il fut traité durement » (?). 

(6) Autre trad. « son corps... était sans péché (et) pur ». 
(7) Autre trad. « ses condamnations ». 

(8) Autre trad. « leur disant que ». 

(9) M. à m. « à l'endroit élevé ». 


390 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


trouverai; où je me trouverai moi-même, là vous vous trouverez avec 
moi. » (F. 190 τὸ b) En outre, l’Apôtre a dit : « Rassemblons donc nosforces, 
afin que nous passions avec lui et que nous entrions à l’intérieur du voile, 
où est entré Notre-Seigneur Jésus-Christ, l’Apôtre (1), avant nous. » Une 
fois entrés, il nous a réconciliés avec son Père. C’est de (son Père) qu'il 
a été l’Apôtre. Il nous a dit : « Croyez en moi; prenez ma chair et mon 
sang. Le sceau de ma grâce, c’est-à-dire l’Esprit-Saint, sera sur votre 
front. » Il nous a dit : « Ma chair, mon sang et ma grâce vous conduiront 
à moi et vous feront parvenir à la demeure de mon Père. Vous deviendrez 
comme moi, et mon Père vous aimera comme moi, car ma chair et mon 
sang vous feront parvenir à mon Père, crieront dans votre cœur et diront : 
« Abba, mon Père ». Quant à mon Père, il vous dira : « Vous êtes mes en- 
fants. » Il vous aimera comme moi. Ne me demandez pas, mais (demandez- 
lui). Lui-même vous aimera et vous exaucera dans tout ce que (F.150 vo à) 
vous voudrez lui demander. En outre, il vous donnera (le bonheur) qui ne 
finira pas, comme cela convient. L'Esprit de mon Père vous enseignera ce 
qui ἃ été à l’origine et ce qui sera à la fin (des temps). Quant-à maintenant» 
sachez et comprenez, (vous) qui vous trouvez dans un corps, que vous 
devez suivre sa propre trace et fouler la trace de son chemin. Vous direz 
à la mort : « Où est ta victoire, ὁ mort? Où est ta jalousie, à Schéol, si 
notre Dieu a pitié de nous? » Il n’a pas fait de péchés et le mensonge ne 
s’est pas trouvé dans sa bouche. C’est pourquoi il s’est moqué de la mort, 
du Schéol et de Satan, en disant : « Suivez-moi, venez à moi, devenez sem- 
blables à moi. De même que moi-même je suis devenu semblable à vous, à 
l'exception seulement du péché, de même vous, devenez semblables à 
moi, à l'exception seulement de la divinité, car la divinité appartient seule 
ment à mon Père, à (F.150 v° b) l'Esprit-Saint et à moi, car « malakot » (2) 
aussi veut donc dire, dans son interprétation, «masté ‘ar » (3). Quant à mon 
royaume qui ne finira pas, il sera comme je te (l’hai exposé, dans un 
autre récit et te (l’) ai enseigné. Enseigne Qalementos, ton disciple. 
(Rien) ne nous contient, mais nous, nous contenons tout. Personne ne 
nous domine, mais nous, nous dominons tout. Personne ne nous juge, 
mais nous, nous jugeons tout. Nous sommes (ce qu’indique) notre nom (4). 
Je t'ai donc appris une telle chose. Quant à la divinité, elle est proprement 
nôtre. Quant aux fidèles, enseigne-leur, afin qu'ils deviennent semblables 
à moi en toute parole et en (toute) action. Ils se trouveront avec moi (là) 
où je me trouverai moi-même avec mon Père. Vous reposerez dans notre 
demeure éternelle. Quant à nous, nous reposerons et nous ferons (notre) 
demeure en vous. Nous nous réjouirons en vous. Rien ne nous éloignera 
de vous. Soit que nous montions au ciel, soit que nous descendions sur la 
terre, (F. 191 r°a) vous vous réjouirez avec nous et vous ne serez pas Sépa- 
rés de nous, car notre Esprit reposera avec vous. C’est pourquoi vous ne 


(1) hPCR τ est un attribut ordinaire du Christ. 
(2) Jeu de mots sur GANT : 

(3) Passage obscur. 

(4) M. à m. « nous sommes notre nom ». 


LITTÉRATURE ÉTHIOPIENNE PSEUDO-CLÉMENTINE. 391 


serez pas séparés de nous et nous, à notre tour, nous ne nous séparerons 
pas de vous. Nous répandrons de l'ombre sur vous, sans que (1) vous soyez 
cachés par nous. Vous ne serez pas éloignés de nous, car nous-mêmes 
nous vous ferons approcher (de nous). Vous ne pourrez pas sortir de nous. 
De même que le poisson ne peut pas sortir de l’eau, (pour pénétrer) dans la 
chaleur de la terre (2) spontanément, de même (vous), vous nagerez (3) (en 
nous), sans sortir de nous, car vous êtes notre demeure, comme je vous 
l'ai dit naguère. Nous mettrons notre louange dans votre bouche. Nous 
vous glorifierons avec les (êtres) qui sont comme vous. Personne ne. vous 
égarera, (pour vous arracher à) nos louanges, comme l’ancien monde, car 
le diable et ses démons seront enfermés dans le cachot des impies. Per- 
sonne n'injuriera, personne n’invectivera ni ne haïra (F. 151 r° b) son pro- 
chain, car les auteurs d’inimitiés et les calomniateurs n’existeront (plus). On 
ne se dira (plus) l'un à l’autre : « Qu'est-ce que cette affaire? Raconte-(la)- 
moi, apprends-(la)-moi. Tous (les êtres) sauront que nous sommes les 
chefs et les maïtres, la vie et l’espoir (des êtres) qui ont été sauvés par 
nous, ont vaincu ce monde passager, sont sortis des liens pernicieux (4) 
de Satan qui s’acharna contre eux, sont passés de la mort à la vie, n’ont 
donc pas eu le désir du monde ni le souvenir d’une famille, ni d’une femme 
non plus, ni d'enfants. Ils ne se trouvent (plus) dans le monde, mais (dans) la 
joie, la réjouissance, le bonheur, le plaisir, les grandeurs et sont remplis 
de bénédictions. Je t'ai exposé ceci, parce que tu m'as interrogé, tu as 
pleuré et tu m’as imploré miséricorde, afin que je t'exposasse le mystère 
de cette chose. Cependant, (F. 151 v° a) veille à ce que les hommes ne (le) 
connaissent pas, car il existe des hommes insensés qui ne comprennent 
pas la force des paroles, ne connaissent pas le jugement du Seigneur et ne 
diront pas, même lorsqu'ils (l’hauront connu (5) : « Bien que nous mou- 
rions en ce monde, nous n’aurons pas une seconde mort, mais nous vi- 
vrons jusqu'aux siècles des siècles. » Eux-mêmes pécheront envers leur 
prochain et il en résultera pour eux une faute plus grande que l’ancienne, 
car (le Seigneur) ἃ dit : « Il eût mieux valu pour eux ne pas avoir juré 
que d’avoir juré par Celui qui les a pris sous sa protection, afin de garder 
son troupeau, comme le bon pasteur de brebis qui prend sous sa protec- 
tion ses brebis. C’est pourquoi ils connaitront ceci, afin qu'ils ne disent 
pas : « Nous n'aurons pas de condamnation. » Ils opprimeront (6) les 
faibles. Ils raviront les ressources des pauvres. Ils feront fléchir le droit 
de l’orphelin. Ils n'auront pas pitié de la vieille (ni) des pauvres, dansleur 
dénuement. (Ε΄. 151 vo b) Mais, 5115 sont châtiés par le repentir, (ce sera) 
afin qu'ils craignent le commandement du Seigneur, leur Dieu, car il dit 
dans le saint Evangile : « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui 


) M. à m. « et vous ne serez pas cachés ». 
) M. à m. « du sec », 
3) M. à m- « vous jouerez ». 
) M. à m. « de la malice des liens ». 
) Sens douteux. 
(6) Autre trad. « tromperont ». 


392 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


croient en moi, c'est à moi que vous l'avez fait, car moi-même j'ai eu faim 


et vous m'avez nourri, j'ai eu soifet vous m'avez abreuvé, j'ai été étranger 
et vous m'avez recu, j'ai été malade et vous m'avez visité, j'ai été mis en 
prison et vous m'avez parlé. Venez à moi, les bénis de mon Père, afin 
d'hériter du royaume des cieux qui a été préparé pour vous, avant que ne 
fût créé le monde. Ce sont donc ces (paroles, rapportées) ici, qu'il leur ré- 
pondra. Ils deviendront bien disposés. Ils feront du bien à leur prochain. 
Ils ne repousseront aucun des (êtres) rejetés de ce monde, afin que le 
Seigneur ne se fâche pas contre eux et ne leur dise pas : « Éloignez-vous 
de moi, maudits, (pour aller) dans le feu éternel qui a été préparé pour 
Satan et pour ses anges. (F. 152 r° a) Malheur à celui qui entendra cette 
parole, sur le point (1) d’être châtié. Que nombreux seront ses tourments : 
le feu qui ne s’éteindra pas, le ver qui ne dormira pas (et) qui sera dans 
le cœur des pécheurs. Ils se repentiront, alors que le repentir ne sera 
(plus) utile. Ils seront tristes et personne ne les réjouira. Ils se lamen- 
teront et personne ne les secourra, car (le Seigneur) lui-même les rétri- 
buera selon leurs œuvres. Parce qu'ils ont égaré les vivants, Satan et ses 
démons seront enfermés dans le cachot des impies, avec toutes leurs œuvres 
mauvaises. C'est alors que le Christ (viendra) dans le monde entier, (dans) 
un ciel nouveau et (sur) une terre nouvelle (2), et c’est en eux qu'il habi- 
tera. Fais attention : il n’y aura (plus) d’égarement, car voici : la nuit est 
passée, le jour est venu, l'hiver est passé, la bénédiction subsiste, la tristesse 
est oubliée, la bénédiction est venue. A cette époque-là, (F. 152 r° b) les justes 
n'auront (plus) rien des pensées de ce monde d'’ici-bas. Mais il leur sera 
donné des ailes spirituelles, afin de voler sur l’air, (dans) les lieux élevés, 
jusqu'aux extrémités de la terre. La chair est (trop) faible pour comprendre 
(cela). En effet, la faiblesse sera absorbée par la force. La chair sera absor- 
bée par l’esprit. L'insensé oubliera l’impiété et connaîtra (le Seigneur). 
L'ignominie sera absorbée par la gloire. La faiblesse sera absorbée par la 
force. La pesanteur de l'intelligence et de l’entendement sera absorbée par 
la science. En effet, la faiblesse de la chair et la force puissante (3) seront 
abandonnées par l'esprit. Le désir de la chair sera oublié. Le désir de la 
gloire de là-haut sera rénové et il n’y aura plus de désir (4) de ce monde. Il 
sera donné (aux bienheureux) (5) la grâce qui ne se retire pas. (Ils vaque- 
ront) à glorifier, à chanter, à célébrer, à honorer le nom (du Seigneur) (6), 
avec les (êtres) spirituels. Je répondis (au Seigneur), en disant : « Tu as 
bien parlé, (F. 152 v° a) mon Seigneur, toi qui fais justice, tires ven- 
geance et rends justice (en faveur (7) de) celui qui est juste ». 
(A suivre.) Sylvain GRÉBAUT. 


Gournay-en-Bray, le 44 Septembre 1907. 


(1) M. à m. « alors qu’il sera châtié ». 
(2) Passage obscur. 

(3) M. à m. « la puissance de la force ». 
(4) Restitution. 

(9) M. à m. « il leur sera donné ». 

(6) M. à m. « son nom ». 

(7) M. à m. « pour ». 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS 


[Suile (1); ms. Coislin 126, fol. 176 sqq.] 


63. — ᾿Αναχωρητῇ τινὶ παρέθαλον χοσμικοὶ, χαὶ ἑωραχὼς αὐτοὺς 
λας UPE ΐ (EUROS 
ἐδέξατο οἘ μετὰ χαρᾶς εἰπών: Ὅτι ὁ χύριος ὑμᾶς ἔπεμψεν ἵνα 
{{ 476 v') Ée θάψητε. Ἢ χλῆσις γάρ μου ἔφθασεν, ἀλλὰ πρὸς ὠφέ- 
λειαν ὑμῶν καὶ τῶν ἀκουόντων, διηγήσομαι ὑμῖν τὸν ἐμὸν βίον. ᾿Εγὼ, 
3 " 4 / , - = \ np ΄ - / 
ἀδελφοὶ, παρθένος μέν εἰμι τῷ σώματι, τῇ δὲ ψυχῇ, μέχρι τοῦ παρόν- 
3 ΄ - > / , Al εἰ EMA οἱ \ x 
τος εἰς πορνείαν πολειλοῦμιαι ἀπανθρώπως. Ἰδοὺ λαλῶ ὑμῖν χαὶ τοὺς 
ἀγγέλους θεωρῶ ἐχδεχομένους λασεῖν τὴν ψυχήν μου, χαὶ ἔνθεν τὸν 
Σατανᾶν ἱστάμενον χαὶ λογισμούς μοι πορνείας ὑπούάλλοντα. Ταῦτα 
ϊ { Ἷ ἰ \ \ 

δὰ SLI 42 / € 4 τ 2 74 δὲ Ci | e 

ΟΣ εἰπὼν ἐχτείνας ἑαυτὸν ἐτελειώθη. Σχηματίζοντες δὲ αὐτὸν οἱ χοσμι- 
χοὶ, εὗρον ὅτι χατὰ ἀλήθειαν παρθένος ἦν. 

Dee DR τις ἐπὶ πολὺν χρόνον NCAA ES ὑπὸ τοὰ δαί- 
ἔθος τῆς πορνείας, ἐν τῇ συνάξει αἰσθόμενος ἑαυτὸν πολεμούμενον, λοι- 
πὸν ([ 177 τ) ὀλιγωρήσας ἔμπροσθεν τῶν ἀδελφῶν ἐγύμνωσεν ἑαυτὸν 
χαὶ ἐξῆξε τοῦ Σατανὰ τὴν ἐνέργειαν εἰπών: Εὔξασθαι πε οἱ ἐμοῦ, ὅτι 
δεχατέσσαρα ἔτη ἔχω οὕτως πολεμούμενος. Kat duXx τὴν αὐτοῦ ταπεί- 


νῶσιν, A ὁ πόλεμος. 


65. — Εἶπεν γέρων᾽ Pia πάντων τῶν χαχῶν ἐστὶν ἡ λήθη. 
66. --- Πρεσθύτερός τις τῶν χελλίων διορατιχὸς ὧν, πορευόμενός 


ποτε εἰς τὴν ἐχχλησίαν ἐπιτελέσαι τὴν σύναξιν, ὁρᾷ ἔξω ἑνὸς χελλίου 
τῶν ἀδελφῶν πλῆθος δαιμόνων τινῶν μετασχηματισθέντων εἰς γυναῖ- 
χας KO ἀπρεπῆ λεγούσας. ἄλλους δὲ εἰς νεωτ épouc δυσφημοῦντας, ἣ 
ἄλλων ὁρ ῥχϑυ μένων: ἑτέρων δὲ εἰς διάφορα σ σχήματα μιε ἐεταδληθέντων. Ὁ δὲ 
γέρων στενάξας εἶπεν" (ὃ 177 r) πάντως ὁ ἀδελφὸς ἐν ἀμελεία διάγει, 


\ δ - \ ῃ « , ΗΒ " “- \ 
χαὶ διὰ τοῦτο τὰ πονηρὰ πνεύματα οὕτως ἀτάχτως χυχλοῦσιν αὐτοῦ τὸ 


(1) Voy. 1907, p. 48 et 171. 


394 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


χελλίον. ΠᾺ Apps οὖν τὴν σύναξιν, ὑποστρέφων εἰσῆλθεν εἰς τὸ χελλίον 
τοὺ ἀδελφοῦ, χαὶ λέγει αὐτῷ" nu ἄδελφε, πίστιν δὲ ἔχω εἰς σὲ, 
χαὶ ἐὰν εὔξῃ ὑπὲρ ἐμοῦ, πάντως χουφίζει ὁ θεὸς τὴν χαρδίαν μου ἀπὸ 


τῆς θλίψεως. Μετενόησεν οὖν ὁ ΕἸ φὰς λέγων" Πάτερ, οὐχ εἰμὶ ἱκανὸς 


4 ΄ 


εὔζασθαι περὶ σοῦ. Ὁ δὲ γέρων Dee παραχοϊλῶν χαὶ λέγων: Οὐχ 
ἀπέρχομαι, εἰ μὴ δῷς μοι λόγον ὅτι μίαν εὐχὴν ποιεῖς ὑπὲρ ἐμοῦ καθ᾽ 
ἑχάστην νύχτα. Ὑπήκχουσεν οὖν ὁ ἀδελφὸς τῇ προστάξει τοῦ γέροντος. 
Τοῦτο δὲ ἐποίησεν ὁ γέρων θέλων ἀρχὴν αἰτίας (" 177 v°) TALOCLGY εἷν 
αὐτῷ τοῦ προσεύχεσθαι τὰς νύχτας. ᾿Αναστὰς οὖν ὁ ἀδελφὸς τὴν νύχτα, 
ἐποίησε τὴν εὐχὴν ὑπὲρ τοῦ γέροντος. ΠΠληρώσας δὲ τὴν εὐχὴν ἐν χατα- 
γύξει γέγονε, χαὶ ἔλεγεν ἐν ἑαυτῷ: ᾿Αθλία ψυχή, ὑπὲρ τοῦ ie 
ηὔξω, καὶ ὑπὲρ ἑαυτῆς οὐχ εὔχη. "Ἔδαλεν οὖν χαὶ ὑπὲρ ἑαυτοῦ μίαν 
εὐχήν. ᾿Εποίησε δὲ οὕτως τὴν ἑδδομάδα, βάλλων χαθ᾽ ἑχάστιην νύχτα 
δύο εὐχὰς, μίαν ὑπὲρ τοῦ γέροντος, καὶ μίαν ὑπὲρ ἑαυτοῦ. Τῇ οὖν χυ- 
ptux, Treo) OILEVOS ὁ γέρων εἰς τὴν ÉXAANGIAV, ὁρᾷ πάλιν τοὺς δαίμο- 
νας ἔξω ἱσταμένους τῆς χέλλης τοῦ ἀδελφοῦ, στυγνοτέρους δὲ, χαὶ ἔγνω 
ὁ γέρων, ὅτι διὰ τὸ εὔχεσθαι τὸν ἀδελφὸν, ἐστύγνασαν οἱ δαίμονες. 
(LP 177 ν᾽ Καὶ περιχαρὴς γενόμενος, εἰσῆλθε πρὸς τὸν ἀδελφὸν λέγων" 
2 » r A ! € ι » = 2. "Ἔ , ΄ ΕΣ 7 
Ποίησον ἀγάπην χαὶ πρόσθες ὑπὲρ ἐμοῦ χαθ ἑκάστην νύχτα ἄλλην μων 


» / Ἢ / x ΄ » à € 1 - ΄ ΄ > 
EU AY. Kat ποιήσας τὰς δύο εὐχᾶς ὑπὲρ τοῦ γέροντος; πάλιν ἐν χατα- 


| κι / 3 ὅ - y 2 \ 5 
vider γενόμενος, ἔλεγεν ἐν éauro” Ὦ, ταλαίπωρε, πρόσθες καὶ ὑπὲρ 


ne 


? 
= 2 1 Ch e! ι ù 
σεαυτοῦ ἄλλην piav εὐχήν. "Emoincev οὖν ὅλην τὴν ἑδδομάδα οὕτως, 
τέσσαρες εὐχὰς ἐχτελῶν καθ᾽ ἑχάστην νύχτα. Πάλιν δὲ ἐλθὼν ὁ γέρων, 
Ξὸ 
εἶὸε τοὺς δαίμονας στυγνοὺς χαὶ σιωπῶντας, καὶ εὐ χαρίστησε τῷ θεῷ, 
χαὶ εἰ 0e πάλιν πρὸς rdv dde ελφὸν χαὶ RAGE REA αὐτὸν one 
ἄλλην PACA) εὐχὴν ὑπὲρ αὐτοῦ. Τ]ροσέθηχε δὲ ὁ ἀδελφὸς καὶ ὑπὲρ ἕαυ- 
(F 178 τ") καὶ ἐποίει κατὰ νύχτα ἕξ εὐχάς. Πάλιν οὖν ἐλθόντος 
- ΄ \ \ » \ » / ε d ἂχ 4 - 
τοῦ γέροντος πρὸς τὸν ἀδελφὸν, ὠργίσθησαν οἱ δαίμονες χατὰ τοῦ 
γέροντος χαλεπαίνοντες ἐπὶ τῇ σωτηρίᾳ τοῦ ἀδελφοῦ. Ὁ δὲ γέρων ἐδό- 
τῇ \ Ἂς τ ᾽ \ 2 \ r 5 = \ , ὁ “ὦ 
ξασε τὸν θεὸν χαὶ εἰσελθὼν εἰς τὸ χελλίον αὐτοῦ χαὶ παραινέσας αὐτῷ 
μὴ ἀμελεῖν ἀλλ᾽ ἀδιαλείπτως προσεύχεσθαι, ἀνεχώρησεν ἀπ᾽ αὐτοῦ. Où 
dE δαίμονες, ἑωραχότες αὐτοῦ τὸ ἔμμονον περὶ τὰς εὐχὰς LA τὴν νῆ- 
ψιν, ἀνεχώρησαν χάριτι τοῦ θεοῦ. 
67. --- Εἶπεν γέρων: Ὅτι ἦν τις γέρων καθεζόμενος ἐν τῇ ἐρήμῳ, 
πολλοῖς ἔτεσι δουλεύων τῷ θεῷ καὶ λέγων" Κύριε, πληροφόρησον με εἰ 


\ 


εὐηρέστησά σοι. Καὶ ὁρᾷ ἄγγελον λέγοντα αὐτῷ Οὔπω. ἐγένου χατὰ 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 399 


ET à \ ΕἸ = / | ΜΗ » NS , 
τὸν λαχανὰν τὸν ἐν τῷδε τῷ τόπῳ. ([° 178 r) ὋὉ δὲ γέρων θαυμά- 
- » € PE , , , \ , NN = , ; ” 
σας, εἶπεν ἐν ἑαυτῷ" ᾿Απέρχομαι εἰς τὴν πόλιν ἰδεῖν αὐτὸν, τί ἄρα 
ἐστὶν ὃ εἰργάσατο, ὥστε ὑπερθῆναι τὴν ἐργασίαν χαὶ τὸν πόνον τῶν 
τοσούτων ἐτῶν μου. ᾿Ανῆλθεν οὖν ὁ γέρων, καὶ ἦλθεν εἰς τὸν τόπον ὅπου 
ἤχουσε 1 ποιὰ τοῦ ἀγγέλου, χαὶ εὗρε πὸν PRE χαθεζ ζόμιενον χαὶ πῶ- 
λοῦντα τὰ λάχανα. Καὶ ἐχαθέζετο μετ᾽ αὐτοῦ τὸ ἐπίλοιπον τῆς ἡμέρας 
€ , Le 7 - ΄ NS 
καὶ ὡς κατέλυσεν ὁ ἄνθρωπος λέγει αὐτῷ ὁ γέρων’ Δύνῃ, CADRE dé- 
, 2 ἢ A ΄ ΄ 
ξασθαι με ἐν τῷ χελλίῳ σου τὴν νύχτα ταύτην; [Περιχαρὴς δὲ γενόμενος 
ὁ ἄνθρωπος, ὑπεδέξατο αὐτόν. ᾿Ανελθὼν οὖν ἐν τῷ χελλίῳ καὶ τοῦ ἀνθρώ- 
που εὐτρεπίσαντος τὰ πρὸς ἀνάπαυσιν τοῦ ΠΩΣ λέγει αὐτῷ ὁ γέ- 
pay” ( 178 v° ) ΠΠοιήσον ἀγάπην, HE εἰπέ μοι τὴν πολιτείαν σου). 
Τοῦ δὲ ἀνθρώπου wa βουλομένου ἐξειπεῖν, ἐπιπολὺ ὁ γέρων ἐπέμενε πα- 
ραχοιϊλῶν. Δυσωπηθεὶς οὖν ὁ ἄνθρωπος εἶπεν ὅτι χατ᾽ ὀψὲ ἐσθίω τὸ ὃ: 
[7 \ € ͵ x - . / 5 ΄ \ \ \ 
ὅλου, καὶ ὡς χαταλύω, τὸ τῆς τροφῆς [LOU μόνον ÉTAPE, χαὶ τὸ λοιπὸν 
παρέχω δεομένοις, καὶ ἐάν τινα τῶν δούλων τοῦ θεοῦ ποτ αὐ)»-- 
τοῖς ἀναλίσκω αὐτό. Καὶ ὡς ἀνίσταμαι τὸ πρωΐ, ποὶν χαθίσω εἰς τὸ 
ἐργόχειρον, λέγω ὅτι ἡ πόλις αὕτη, ἀπὸ μικροῦ ἕως μεγάλου, εἰσέρχον- 
᾽ À “F4 ὃ ᾿ 1 ὃ ΄ 3 © ΦΆΟΣ NI / ANR 
ται εἰς τὴν βασιλείαν dix τὰς ὀιχαιοσύνας αὑτῶν, ἐγὼ dE υὑόνος χληρο- 
- AVE " δ \ \ ΄ 2 \ / 4.0} 1 
νομῷ τὴν χύλασιν διὰ τὰς ἁμαρτίας μου. Kai πάλιν ὀψὲ πρὶν χοιμιη- 
- ΄ ᾽ \ ? « î 7 b 
θῆναί pe, λέγω τὸν αὐτὸν λόγον. ᾿Αχούσας δὲ ὁ (ἢ 178 ν᾽) γέρων, 
εν -Ἔ € , € De - \ 
εἶπεν αὐτῷ Καλὴ μὲν ἡ ἐργασία αὕτη, οὐκ ἄξια δὲ ὑπερδαλεῖν τοὺς 
4 na / 2 πα οὰ ὔ \ Ε] -ῷ 4 > ! 
πόνους μου τῶν τοσούτων ἐτῶν. Μελλόντων δὲ αὐτῶν γεύσασθαι, ἀχόυει 
ὁ γέρων εἰς τὴν ὁδόν τινων ἄσματα λεγόντων, ἦν γὰρ τὸ χελλίον τοῦ 
λαχανᾷ ἐν ἐπισήμῳ τόπῳ. Λέγει οὖν αὐτῷ ὁ γέρων" ἼΛδελφε, οὕτως 
βουλόμενος χατὰ θεὸν ζῶν πῶς ὑένεις ἐν τῷ τόπῳ τούτῳ, ἄρτι οὐ τα- 
ράσσῃ, ὅτε ἀχούεις τῶν λεγόντων τὰ ie ταῦτα; Λέγει ὁ ἄνθρωπος" 
Λέγω σοι, 466%, ὅτι dB érgre ie οὐδὲ ἐσχανδαλίσθην. None 


δὲ ὁ γέρων λέγει" Τί οὖν λογίζῃ ἐν τῇ καρδίᾳ σου ὅταν ταῦτα ἀκούης. 
Ὁ δὲ λέγει" ὅτι πάντως εἰς τὴν βασιλείαν ἀπέρχονται. ᾿Αχούσας δὲ ὁ 


L e , 


γέρων, ἐθαύμασε χαὶ εἴπεν᾽ ὅτι αὐτή (" 179 r°) ἐστιν à ἐργασία ἣ 


» 


ὑπερδάσα τῶν τοσούτων ἐτῶν μου τὸν κόπον, χαὶ βαλὼν μετάνοιαν 
εἶπεν" Συγχώρησόν μοι, ἄδελφε, οὔπω ἔφθασα εἰς τὸ μέτρον τοῦτο. Καὶ 
μὴ γευσάμενος, ἀνεχώρησε πάλιν εἰς τὴν ἔρημον. 

(RE MERE Διηγήσατό τις LAC ὅτι εἰς Σχῆτιν ὅτε προσέφερον οἱ 
χληριχοὶ, χατ τξαι ὦ 6 ὡς ἀετὸς ἐπὶ τὴν προσφορὰν χαὶ οὐδεὶς αὐτῶν ἔόλε- 


πεν, εἰ μιὴ οἱ χληριχοί. Μιὰ οὖν τῶν ἡμερῶν ἤτισέ τις ἀδελφὸς τὸν 


396 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


duérovov τίποτε, χαὶ λέγει αὐτῷ Où σχολάζω ἄρτι. ᾿Ανελθόντων οὖν. 


ΕἸ - 3 \ 1 ΟῚ » = \ € ΄ὔ - τ - \ Ἂς 
αὐτῶν εἰς τὴν προσφορὰν, οὐχ ἀπῆλθε τὸ ὁμοίωμα τοῦ ἀετοῦ χατὰ τὸ 
ἔθος. χαὶ εἶπεν ὁ πρεσδύτερος τῷ διακόνῳ Τί ἐστι τὸ πρᾶγμα, τοῦτο, 
ὅτι οὐ παραγέγονεν ὁ ἀετὸς χατὰ τὸ ἔθος, ἢ ἐν ἐμοί ἐστιν ([5 179 τ᾽) ἡ 

, “Δ Ω ΄ , ΄ 5 D, 97 Er = Δ ΔΝ - 
πλημμελεία ἢ ἐν σοί. ᾿Απόστα οὖν ἀπ᾽ ἐμοῦ, καὶ ἐὰν κατασῇ, γνω- 
σθήσεται ὅτι διὰ σὲ οὐ χατῆλθεν. Καὶ ἀποστάντος τοῦ διαχόνου, εὐθὺς 
χατῆλθεν ὁ ἀετός. Kai τελεσθείσης τῆς συνάξεως, εἶπεν ὁ πρεσδύτερος 
τῷ διαχόνῳ: Εἶπέ μοι τί ἐποίησας. Ὁ δὲ πληροφορῶν αὐτὸν ἔλεγεν" Οὐ 

pe 5 À e / , Al el 5 / > - \ 2 fé 
σύνοιδα ἐμαυτὸν ἁμαρτήσανται,, εἰ μιὴ ὅτι ἐλθόντος ἀδελφοῦ χαὶ αἰτή- 
! δ » ΄ ἀπὸ » a \ - e GC 
σαντος με τοὺς ἀπεκρίθην αὐτῷ" ἀσχολοῦμαι. Kai εἶπεν ὁ πρεσοδύτερος" 
Ὁ N ᾽ τι - = 2 … 
Οὐχοῦν διὰ σὲ οὐ χατῆλθεν, τοῦ ἀδελφοῦ λυπηθέντος χατὰ σοῦ. Καὶ 
ἀπελθὼν ὁ διάκονος μετενόησε τῷ ἀδελφῷ. 

09 "᾿Ελεγόν τινες τῶν πατέρων ὅτι μέλλοντος τελειοῦσθαι τοῦ 
ἁγίου Πέτρου τοῦ ἀρχιεπισκόπου ᾿ἈΑλεξανδρείας, ἰδεῖν (5 179 v°) τινὰ 
ἀεὶ πάρθενον ὀπτασίαν χαὶ ἀχοῦσαι φωνῆς λεγούσης" Πέτρος ἀρχὴ ἀπο- 

LL \ 7 Ψ' ’ 
στόλων, χαὶ Πέτρος πλήρωμα μαρτύρων. 

70. — Κοινοδιάρχης τις ἠρώτησε τὸν ἐν ἁγίοις πατέρα ἡμῶν Κύ- 
ρίλλον τὸν πάπαν ᾿Αλεξανδρείας λέγων" Τίς μείζων ἐν͵ πολιτείᾳ, ἡμεῖς 

€ 3 A » le ἃ τ γὰς ΄ , “" 
οἱ ἔχοντες ἀδελφοὺς ὑφ᾽ ἑαυτοὺς χαὶ διαφόρως ἕκαστον χειραγωγοῦντες 
πρὸς τὸ σωθῆναι, ἢ οἱ ἐν ἐρημίᾳ ἑαυτοὺς μόνους σώζοντες. ᾿Απεχρίθη ὁ 


f / 


πάπας χαὶ εἶπεν’ ᾿Αναμέσον Ἠλία, χαὶ Μωῦύσέως, οὐχ ἔστι διακρῖναι, 
ἀμφότεροι γὰρ εὐηρέστησαν τῷ θεῷ. 

PR LA ᾿Αδελφὸς ἠρώτησε τὸν 466av γέροντα λέγων᾽ [os ris γίνε- 
ται μωοὸς διὰ τὸν χύριον; Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων" Παιδίον ἦν εἰς χοι- 
νόδιον, χαὶ ἐδόθη γέροντι χαλῷ (5 179 ν᾽ ἵνα ἀνάγη αὐτὸ, χαὶ 
διδάσχῃ τὸν φόδον τοῦ θεοῦ. Καὶ ἔλεγεν αὐτῷ ὁ γέρων: Ὅταν ὑδρίσῃη 
σέ τις, εὐλόγησον αὐτὸν, χαὶ ἐὰν χαθίσης ἐπὶ τράπεζαν, φάγε τὰ σαπρὰ 
χαὶ ἄφες τὰ καλὰ, χαὶ ἐὰν πρόχειται ἱμάτιον ἐχλέξασθαι, ἀφὲς τὸ χαλὸν 
χαὶ λάδε τὸ σαπρόν. Λέγει αὐτῷ τὸ παιδίον" ΜΙωρός εἰμι ὅτι λέγεις 
μοι ταῦτα ποιεῖν; Λέγει ὁ γέρων" Διὰ τοῦτο λέγω σοι ποιεῖν ταῦτα ἵνα 
σοφίσῃ σε ὁ κύριος. Ἰδοὺ ἔδειξεν ὁ γέρων τί ποιῶν τις γίνεται μωρὸς 
διὰ τὸν χύριον. 

72. — Ἦν τις ἐν χοινοδίῳ ἀπὸ χόσμου ἔχων μεθ᾽ ἑχυτοῦ τὸν υἱὸν 
αὐτοῦ. Kat θέλων ὁ a66%c δοχιμᾶσαι αὐτὸν, λέγει αὐτῷ Ma λαλήσῃς 
μετὰ τοῦ υἱοῦ σου, ἀλλ᾽ ἔχε αὐτὸν ὡς ξένον. “Ο δὲ εἶπεν: Οὕτως ποιήσω 


( 180 T°) χατὰ τὸ pñux σου. Kat ἐποίησε πολλὰ ἔτη χαὶ οὐχ ἐλά- 


mûre is » É ea 


st ds dé tinte É 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 397 


Ance μετ᾽ αὐτοῦ. Ὅτε δὲ ἦλθεν à χλῆσις τοῦ υἱοῦ αὐτοῦ, καὶ ἔμελλε 
λοιπὸν ἀποθανεῖν, λέγει ὁ ἀδσδᾶς τῷ πάτρι αὐτοῦ: Απελθε λοιπὸν, λά- 
Ançov μετὰ τοῦ υἱοῦ σου. Καὶ λέγει αὐτῷ" Et χελεύεις φυλάξωμεν τὴν 
ἐντολὴν μέχρι τέλους. Kat ἐκοιμήθη χαὶ οὐχ ἐλάλησε μετ᾽ αὐτοῦ. Kat 
ἐθχύμασαν πάντες πῶς μετὰ χαρᾶς À ἐξχτο τὴν ἐντολὴν χαὶ ἐπλήρωσεν 
αὐτήν. 

73. — Καταύδαίνοντος ποτὲ γέροντος ἐν Σχήτει, συνῴδευεν αὐτῷ 
τις ἀδελφὸς, καὶ ἐλθόντες χωρισθῆναι ἀπ᾿ ἀλλήλων, λέγει αὐτῷ ὁ γέ- 
pwv" ASE ὁμοῦ, ἄδελφε. Ἦν δὲ πρωΐ χαὶ ἀρχὴ τῆς ἑδδομάδος. 


À 


᾿Ορθρίσας δὲ ὃ Ἴων τὸ σασθάτον, Tr τὸν ἀδελφὸν χαὶ λέγει 


ποὺ 
mr 

᾽ 
ε 


ἀφ᾽ ἧς ἐφάγομεν ὁμοῦ; 
Λέγει αὐτῷ ὁ ἀδελφός: Οὐγί, χαθ᾽ ἡμέοαν γὰρ ἐσθίων οὐ πεινῶ. Λέγει 
Ἷ : χ"»; ἱβεραν Xp Ÿ 


αὐτῷ" Ἄρα ἐπείνασας, (" 180 τ") ἀδελφε, 


αὐτῷ ὁ γέρων᾽ Φύσει, τέκνον, ἀπὸ τότε οὐχ ἔφαγον. ᾿Αχούσας δὲ ὁ ἀδελ- 
\ r \ \ ΟῚ ΄ 
φὸς, χατενύγη καὶ πολλὰ ὠφελήθη. 

74: — Μοναχός τις πάνυ εὐλαξὴς χαὶ θεοφιλὴς εἶχέ τινα ἀναχωρη- 
τὴν ἀγαπητὸν αὐτοῦ. Τελευτῷ ὁ ἀναχωρητὴς, χαὶ εἰσελθὼν ἐν τῷ μο- 
ναστηρίῳ αὐτοῦ ὁ ἀδελφὸς, εὑρίσχει πεντήχοντα νομίσματα, χαὶ ἤρξατο 

Ar \ ΩΣ _ 2 
θχυμάζειν χαὶ δακρύειν, φοθούμιενος LA, ἕνεκεν τῶν χρημάτων, προσχρούσῃ 
τῷ θεῷ ὁ ἀναχωρητής. Καὶ ὡς ἐδέετο τῷ θεῷ ἐπιπολὺ περὶ τούτου, ὁρᾷ 
ἀγγελον χυρίου λέγοντα αὐτῷ- Τί οὕτως ἀθυμεῖς περὶ τοῦ ἀναχωρητοῦ ; 
τοῦτο ὁ ζητεῖς τῇ (( 180 ν") τοῦ θεοῦ φιλανθρωπίᾳ χατάλειψον. E: 
πάντες ἦσαν τέλειοι, ποῦ ἐδείκνυτο ἢ φιλανθρωπία τοῦ θεοῦ. Kat οὕτως 
πληοοφορηθεὶς ὁ Dex ὃς, ὅτι cuyyvouns ἠξιώθ: γα εὐθυ-- 
popopnbeis φὸς, Dé ἡ ὁ ἀναχωρητὴῆς, εὔθυ 

μος ἐγένετο καὶ ἐδόξασε τὸν θεὸν ἐξ ὅλης χαρδίας. 

75. — Εἶπεν γέρων᾽ Εἰ θέλεις νόμῳ θεοῦ ζῆσαι, ὦ ἄνθρωπε, εὑρή- 
σεις ἀντιλήπτορα τὸν νομοθέτην. 

76. — Εἶπεν πάλιν" Εἰ θέλεις παραχοῦσαι τῶν ἐντολῶν τοῦ θεοῦ 
ἐχὼν, εὑρήσεις τὸν διάβολον συντρέχοντά σου τῇ πτώσει. 

7) .- - Δύο ἀδελφοὶ ἦσαν σαρχικοὶ χαὶ ἦλθεν ὁ διάθῤολος χωρίσαι 
αὐτοὺς ἀπ᾿ ἀλλήλων. Μιᾷ τῶν ἡμερῶν, ἀνῆψεν ὁ μιχρότερος τὸν 
λύχνον, χαὶ ἐνεργήσας ὁ δαίμων ἔστρεψε τὴν λυχνίαν χαὶ ἐστράφη χαὶ 

λύχνος, χαὶ ἔτυψεν αὐτὸν ὁ ἀδελφὸς ([. 180 v’) ἐν ὀργῇ, καὶ 
ἔδχλλε μετάνοιαν λέγων: Ναχροθύμησον, ἄδελφέ. μου, καὶ πάλιν 
ἅπτω. Kai ἰδοὺ δύναμις χυρίου ἐξῆλθε χαὶ ἐδασάνιος τὸν δαίμονα 


el r 


12 1 6 δ / Ἄν," ἡ = (155 Ἴ -“» 1 Le 
ἕως πρωΐ. Καὶ ἐλθὼν ὁ δαίμων, ἀνήγγειλε τῷ ἄρχοντι αὐτοῦ τὸ γενό- 


9398 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 
χαὶ ἐξελθὼν, γέγονε μοναχὸς, χαὶ ἐχράτησεν ἐξ ἀρχῆς τὴν ταπείνω- 


ΟΣ er « ‘4 “. 22 A δὺ D 9 Ὁ 
σιν. Kai ἔλεγεν ὅτι ἣ ταπείνωσις λύει πᾶσαν τὴν δύναμιν τοῦ ἐχθροῦ, 


#] 

ὥσπερ χαὶ αὐτὸς παρ᾽ αὐτοῦ ἤκουσεν: ὅτι ὡς ταράσσω τοὺς μοναχοὺς, 
τ γῶν » Eu \ ᾿ Ψ' \ ES x 

στρέφεται els ἐξ αὐτῶν χαὶ βάλλει μετάνοιαν, χαὶ χαταργοῦσι τὴν 

δύγαμιίν μου. 


178. — Πρὸς τὸν λογισμὸν τῆς πορνείας εἶπεν γέρων" Ταῦτα ἀπὸ 


ἀμελείας πάσχομεν εἰ γὰρ ἐπληροφορούμεθα ([. 181 r°) ὅτι ὁ θεὸς oixet 


Ἴ τ + s\ τ ΕΞ » ΄ ΓῚ € \ , 6 / « 
ἐν ἡμῖν, οὐχ ἂν ἄρα σχεῦος οσἰλλότριον εἰς ἑαυτοὺς ἐπεοάλλομεν. Ο 
\ 


γὰρ δεσπότης Χριστὸς συνοιχῶν χαὶ παρὼν, θεωρεῖ ἡμῶν τὴν ζωήν: 


e/ LS - Li Al , Ὁ » 7. 
ὅθεν χαὶ ἡμεῖς φοροῦντες χαὶ θεωροῦντες αὐτὸν, ἀμελεῖν οὐχ ὀφείλω- 
μεν, ἀλλὰ ἁγνίζειν ἑαυτοὺς χαθὼς χαχεῖνος ἁγνός ἐστιν. 
pet 5 ΄ - 4 € 
79. — Εἶπεν πάλιν: Στῶμεν ἐπὶ τὴν πέτραν, nat ῥασσέσθω ὃ 
# 


ποταμὸς, μὴ δειλιάσῃς καὶ οὐ un σε βάλῃ χάτω, ψάλε ἡσυχίᾳ λέγων" 
νῶν μος; μη . sn OA 5) [5] 9 “A ν΄. . νὰ © ‘4 Ve a Ÿ 


‘ 
Οἱ πεποιθότες ἐπὶ χύριον ὡς ὄρος Σιών. Οὐ σαλευθήσεται εἰς. τὸν 
αἰῶνα χατοιχῶν ᾿Ιηρουσαλήμι. 
80. --- Εἶπεν πάλιν᾽ Λέγει ὁ ἐχθρὸς τῷ σωτῆρι" Πέμπω τὰ ἐμὰ 
, \ \ “ r \ 2 2 \ ΄ , δύ 
εἰς τὰ. σὰ, ἵνα χαταστρέψω τὰ σά. Er χαὶ πονηρεύσασθαι οὐ δύναμαι 
À 


εἰς “τοὺς ἐχλεχτούς σου, χἂν φαντάζω αὐτοὺς (f. 181 τ᾽) διὰ τῆς 


νυχτός. Λέγει πρὸς αὐτὸν ὁ σωτήρ᾽ Εἰ ἔκτρωμα κληρονομήσει πατέρα 
αὑτοῦ, χαὶ τοῦτο λογισθήσεται εἰς ἁμαρτίαν τοῖς ὀκλεχτοῖς μου. 

81. — Eirey πάλιν" Διὰ σὲ ἐγεννήθη 6 Χριστὸς, ἄνθρωπε. Διὰ 
τοῦτο ἦλθεν ὁ υἱὸς τοῦ θεοῦ, ἵνα σὺ σωθῆς. Γέγονε παῖς, γέγονεν 
ἄνθρωπος θεὸς ὦν. ΠΠοτὲ μὲν ἀναγνώστης" Λαῤὼν γὰρ τὸ βιθολίον ἐν 


τῇ συναγωγῇ, ἀνέγνω λέγων" Πνεῦμα κυρίου ἐπ᾽ ἐμὲ οὗ εἴνεχεν ἔχρισέ 


με. Ὑποδιάκονος, ποιήσας φραγέλιον ἐκ σχοινίου, πάντας ἐξέθαλεν 


5 . € _ ν᾽, 56 \ \ ] / \ ι LA 1 

x τοῦ ἱεροῦ, τά τε πρόρατα χαὶ τοὺς βόας, χαὶ τὰ λοιπά. Atéxovoc, 
. r 2 5 ι Ν -΄ - " - 

διαζωσάμενος λέντιον ἔνιψε τοὺς πόδας τῶν μαθητῶν αὐτοῦ, ἐντειλά- 


” _ ” 2° 9 δ -Ὁ᾿ 
μενος αὐτοῖς νίπτειν τοὺς πόδας τῶν ἀδελφῶν. Πρεσξύτερος ([. 181] νἢ) 
Ve _ 4 NS LA 
χαθεσθεὶς ἐν μέσῳ τῶν πρεσδυτέρων, ἐδίδασχε τὸν λαόν. ᾿Επίσχοπος, 


Ὡς P : ” \ , ΄ ἔδ CU Ἔ CT ΕἸ -» 9 
λαοὼν ἄρτον χαὶ εὐλογήσας, ἔδωχε τοῖς μαθηταῖς αὐτοῦ. ᾿ἔμαστι- 


γώθη διὰ σὲ, χαὶ σὺ δι᾽ αὐτὸν οὐδὲ ὕῤριν φέρεις. Ἔτάφη, χαὶ ἀνέστη 


€ \ f Ν “ « La x ΄, τ 3 ΄ LA Ὁ 
ὡς θεὸς, πάντα οι" ἡμᾶς χατὰ τάξιν χαὶ ἀχολουθίαν ἔπρατγεν, ἵνα 
« Cod / ., ᾽ὔ | “- LA 4 
"ἡμᾶς σώσῃ. Νήψωμεν, γρηγορήσωμεν, ἐν προσευχαῖς σχολάσωμεν, τὰ 
ἀρεστὰ αὐτῷ ποιήσωμεν. 

82. --- Μαθητὴς μεγάλου γέροντος, πολεμιηθεὶς εἰς πορνείαν ἀπλ- 


θεν εἰς τὸν κόσμον zut ἐμνηστεύσατο. Ὁ δὲ γέρων λυπηθεὶς ηὔξατο 


4 
hs DRE dde. à. à. ὡ « 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 399 


τῷ θεῷ λέγων" Ἰζύριε Ἰησοῦ Χριστὲ, μὴ συγχωρήσης τὸν δοῦλόν σου 
μιανθῆναι. «Καὶ ὡς συνεχλείσθη μετὰ τῆς γυναιχὸς, παρέδωχε τὸ 
γεῦμα μὴ μιανθείς. 

83. --- Πρὸς τοὺς χαχοποιοὺς λογισμοὺς drexoivuro ([. 181 v') 
λέγων: Παραχαλῷ, ἀδελφοὶ, ἐπαύσομεν τὰς πράξεις, παύσωμεν καὶ 
ἃς ἐνθυμήσεις. Τί γὰρ ἐσμὲν ἀλλ’ ἢ χοῦς ἐχ χοός. 

84, --- Διηγήσατό τις τῶν πατέρων ὅτι δύο πραγματευταὶ ἧσαν 
φίλοι, ᾿Απαμεῖς, ἐπὶ ξένης πραγματευόμενοι. Ὁ εἷς πλούσιος, χαὶ 
ὃ ἄλλος σύμμετρος. Εἶχε δὲ ὁ πλούσιος γυναῖχα ὡραιοτάτην καὶ 
σώφρονα ὡς ἔδειξαν τὰ πράγματα. Τελευτήσας γὰρ ὁ ἀνὴρ αὐτῆς χαὶ 
εἰδὼς ὁ ἄλλος τὴν σεμνότητα αὐτῆς, ἠθέλησε λαδεῖν ἑαυτὴν ἑαυτῷ εἰς 
γυναῖχα, εὐλαθεῖτο δὲ εἰπεῖν αὐτῇ, μήπως οὐκ ἀνέξεται. ᾿Πχείνη δὲ 
συνετὴ οὖσα, ἐνόησε χαὶ λέγει αὐτῷ Κύῤι Συμεῶν, οὕτω γὰρ ἐλέ- 
γέτο, βλέπω σε λογισμοὺς ἔχοντα, ἀλλ᾽ εἰπέ μοι ὃ ἔχεις, χαὶ πληρο- 


φορῶ σε. Ὁ δὲ τὸ μὲν πρῶτον εὐλαδεῖτο εἰπεῖν, ὕστερον δὲ ὡμολόγη- 


ν 


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σεν ([." 182 r°) αὐτῇ, καὶ παρεκάλεσεν αὐτὴν, ὅπως λάθῃ αὐτὴν εἰς 
3 - ἰῷ ᾽ À / “λ: 2 ΄ ΄ 
γυναῖχα. ΠῚ: αὐτῷ" Eav ποιήσῃς ὃ ἐπιτάσσω σοι, ἀνέχομαι. Λέγει 
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αὐτῇ" Εἴτι ὃ ἂν ἐπιτάξῃς μοι, ἐγὼ ποιῶ. Λέγει αὐτῷ ἐχείνη" Καὶ ἀτελθε: 
Ἵ ᾽ “᾽ ΄ ᾽ 
σὺ εἰς τὸ ἐργαστήριόν σου χαὶ νήστευσον ἕως ἂν χἀλέσω σε, ἐμοῦ ἐν 
ἀληθείᾳ μιηθὲν γευομένης ἕως ἂν χαλέσω σε; ὁ δὲ συνέθετο, οὐχ. ἔδωχε 
δὲ αὐτῷ ὅρον, πότε χαλέσει αὐτὸν, ἐχεῖνος ᾿δὲ ἐνόμιζεν, ὅτι αὐτῇ τῇ 
ἜΑΡ ΠΣ eo a F / € ΄ ἢ ΄ ,ὔ ι Ἴ 
ἡμέρᾳ καλεῖ αὐτόν. Π᾿χρῆλθεν οὖν μία ἡμέρα, δευτέρα, τρίτη, χαὶ οὐκ 
2e ENS Vu 71 5 διὸ x \ CINE / 
ἐχάλεσεν αὐτὸν, χαὶ ἐνεχαρτέρησεν, εἴτε διὰ τὸν πρὸς αὐτὴν πόθον, 
εἴτε τοῦ θεοῦ ταῦτα οἰκονομήσαντος καὶ παρασχόντος ὑπομονὴν τοῦ 
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εἰδότος ποῦ μέλλει χαλεῖν αὐτὸν, ἐγένετο γὰρ μετὰ ταῦτα σχεῦος 
ἐκλογῆς. Τῇ δὲ ([, 182 r') ΤΕ ΤΥ ἡμέρα, πέμπει πρὸς αὐτόν. ’Exeï- 
δὲ ÿ \ Ù -“ γε Ὁ 
νος ÔE παρολίγον ἐξέλιπεν, χαὶ υἱὴ δυνάμενος τοῖς ποσῖν ἀνελθεῖν ἀπὸ 
/ A MIS ΤῊΝ 
ταλαιπωρίας, βασταζόμενος ἀνῆλθεν. Ἐχείνη δὲ λοιπὸν, ἕτοιμ ler 


τράπεζ 


αν χαὶ στρώννυσι χλίνην χαὶ λέγει αὐτῷ" ᾿Ιδοὺ ἡ τράπ εἴς χαὶ 

h χλίνη, ὅπου χελεύεις ὁρμῶ μεν. λέγει αὐτῇ" ἘΠῚ σου, ἐλέησόν LE, 
» ΄ \ - el r σα 

χαὶ δός μοι μικρὸν φαγεῖν ὅτι ἐχλείπω, οὐδὲ γὰρ εἰ ἔστι γυνὴ ἐπίστα- 

μαι ἐχ τῆς συνεχούσης με ἐχλείψεως. Τότε λέγει αὐτῷ ἐχείνη Ἰδοὺ 

/ \ - \ - 

ὅτε ἐπείνασας, καὶ ἐμοῦ χαὶ πάσης γυναικὸς χαὶ ἡδονῆς προετίμησας 

τὸ φαγεῖν᾽ ὅταν οὖν ἔχης λογισμοὺς τοιούτους, τούτῳ τῷ φαρμάχῳ 
= ᾽ / A + , / / ’ \ “ 

χρῶ, καὶ ἀπαλλάσσῃ παντὸς λογισμοῦ ἀτόπου. [{{είσθητί μοι γὰρ ὅτι 


\ a "» ς 8 5 , un = = \ 
μετὰ τὸν ἄνδοχ ([. 182 νὴ) μου, οὔτε σοι οὔτε ἄλλῳ συνάπτομαι, ἀλλὰ 


400 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


\ 


- / - “ e/ Ἢ “4 -“ -- ’ 

τῇ σκέπῃ τοῦ Χριστοῦ, οὕτως ἐλπίζω μεῖναι, χῆρα. Tote χατανυγεὶς 
χαὶ θαυμάσας τὴν σύνεσιν αὐτῆς χαὶ τὴν σωφροσύνην, λέγει αὐτῇ" 
) d} À LEE e ΄ 2 7 ( ᾿ - - / ὃ x = 2 
Ἐπειδὴ εὐδόχησεν ὁ χύριος ἐπισχέψασθαι τοῦ σῶσαί με OX τῆς συνέ- 

r ͵, Ξ 2 “ὦ : 3 Γγ / d: \ 5e - 
σεώς σου, τί συμβουλεύεις μοι ποιῆσαι; ᾿Ιὑχείνη δὲ μὴ θαῤῥοῦσα τῇ 

2 \ ᾿ς ͵ , Pr -- / Ὁ A , , -ἢ 
γεότητι χαὶ τῷ χάλλει, εὐλασηθεῖσα μήποτε χαιρῷ χαὶ αὐτῇ τι τοιοῦ- 
τον πάθῃ, λέγει αὐτῷ" Νομίζω ὅτι οὐδένα ἀγαπᾷς διὰ τὸν θεὸν λοιπὸν 
πλέον μου; Λέγει αὐτῇ" Οὕτως ἔχει. Εἶπεν δὲ αὐτῷ" Kay ἐν ἀλη- 

. , ἜΣ , ù e ΄ 

θεία κατὰ θεὸν ἀγαπῶ σε, ἀλλ᾽ ἐπειδὴ φωνὴ δεσποτική ἐστιν ἢ λέγουσα" 
Eï τις ἔρχεται πρὸς με, χαὶ οὐ μισεῖ τὸν πατέρα αὐτοῦ καὶ τὴν ᾿κητέρα, 
χαὶ τὴν γυναῖχα χαὶ τὰ τέκνα καὶ τοὺς ([. 182 vw’) ἀδελφοὺς, ἔτι 
NA 1 € Le \ TT, \ 

δὲ χαὶ τὴν ἑαυτοῦ ψυχὴν οὐ δύναταί μου εἶναι μαθητὴς, μαχρύνωμεν 
ἑαυτοὺς διὰ τὸν θεὸν ἀπ᾿ ἀλλήλων͵ ἵνα καὶ σοὶ λογίσηται ὁ χύριος ὅτι 
» ad x \ \ A -Ὁ ΄ ᾽ τ “ 2 2 ed 
ἀπετάξω διὰ τὸν θεὸν τὴν γυναῖχά σου, κἀμοὶ ὅτι ἀπεταξάμην τῷ 
ἀνδοί μου. ᾿Ιδοὺ οὖν μοναστήοιόν ἐστιν εἰς τὴν γώραν ἡμῶν ἐγχλείστων 

ΒΡ ον: OPEN 9 προσ UE ME LT MATE 

Ἴ ΕῚ ͵ 5 et » \ Ἵ - 3. / A , 

εἰς ᾿Απάμιειαν, εἰ ὅλως ἐπιποθεὶς σωθῆναι, ἐκεῖ ἀπόταξαι, HAL εὐαρε- 
στεῖς ἐν ἀληθεία τῷ θεῷ. Εὐθέως δὲ ἀπαλλάξας ἑαυτὸν τῶν πραγμάτων, 
ὥρμησεν εἰς ἐκεῖνο τὸ μοναστήριον, χαι ἔμεινεν ἐχεῖ ἕως οὗ AVETAN. 
Καὶ γέγονε δόχιμος, καθαρὸν ἔχων τὸν νοῦν, καὶ βλέπων πράγματα 
Ὑ - \ -- nd 4 S 4 
εὔθετα, χαὶ θεωρῶν αὐτὰ πνευματικῶς. Ταῦτα δὲ πάντα, αὐτὸς ὁ 
ἀδσρὰς Συμιεώνης ἐξηγήσατο τῷ διηγησαμένῳ. 

85. --- Διηγήσατό (f. 183 r°) τις τῶν πατέρων ὅτι τρία. πράγ- 
ματά εἰσιν ἔντιμια παρὰ τοῖς μοναχοῖς, οἷς δεῖ ἡμᾶς μετὰ φούου χαὶ 
τρόμου χαὶ χαρᾶς πνευματικῆς προσέρχεσθαι᾽ ἡ χοινωνία τῶν ἁγίων 
μυστηρίων, χαὶ ἡ τράπεζα τῶν ἀδελφῶν, χαὶ ὁ νιπτὴρ αὐτῶν. "ἔφερε 
δὲ χαὶ ὑπόδειγμα τοιοῦτον, λέγων Ὅτι ἦν ri γέρων μέγας διορατί- 

PORERME ALES | Ἣν RSNTE FETRE ù 
A "ᾳἭ ἡ ῶνς / \ / 2) - SRE - 
χος, χαὶ συνέθη αὐτὸν γενέσθαι μετὰ πλειόνων ἀδελφῶν, καὶ ἐν τῷ 
ἐσθίειν αὐτοὺς, προσεῖχε τῷ πνεύματι ὁ γέρων χαθεζόμενος ἐπὶ τραπέζης, 
- ᾿ ἔξλς- € Ν ᾿Ξ ! Σ ἐ θί ν a έλι Leo à e δὲ 4 la ᾿ "πὶ δὲ ν" < 
χαὶ ἔδλεπεν τοὺς μὲν ἐσθίοντας μέλι, τοὺς δὲ ἄρτον, τοὺς δὲ χόπρον. 
Καὶ ἐθαύμαζεν ἐν ἑχυτῷ, χαὶ ἐδέετο τοῦ θεοῦ λέγων" Κύριε, ἀποχάλυψόν 
νι _ el % , \ 2 7 
μοι τὸ μυστήριον τοῦτο, ὅτι τα αὐτὰ βρώματα πᾶσι προτέθεντα ἐπὶ 
τῆς τραπέζης, ἐν τῷ ἐσθίειν ([. 183 τ") οὕτως ἐνηλαγμένα φαίνονται, 
χαὶ οἱ μὲν ἐσθίουσι μέλι, οἱ δὲ ἄρτον, οἱ δὲ κόπρον. Kat ἦλθεν αὐτῷ 

Al 5») , «“ ε > ΄ , ci V4 " ε A 
φωνὴ ἄνωθεν λέγουσα: Ὅτι οἱ ἐσθίοντες μέλι, οὗτοί εἰσιν οἱ μετὰ 
φόύθδου χαὶ τρόμου καὶ χαρᾶς πνευματικῆς χαθεζόμιενοι ἐπὶ τῆς τρα- 


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27 A ᾽ν , / ἜΧΕΙΝ DES 3 _ € , 
πέζης, HAL ἀδιαλείπτως προσευχόμενοι, χαὶ Ἢ εὐχὴ αὐτῶν ὡς θυμίαμα 


ἀνέρχεται πρὸς τὸν θεὸν, δι᾽ ὃ καὶ μέλι ἐσθίουσιν. Οἱ δὲ τὸν ἄρτον 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. AO 


9 Ἢ + 7 , € , - DELA ἥν» / -Ὁ « \ 
ἐσθίοντες, οὗτοί εἰσιν οἱ εὐχαριστοῦντες ἐπὶ τῇ μεταλήψει τῶν ὑπὸ 
θεοῦ δεδωρημιένων. Οἱ δὲ τὴν χόπρον ἐσθίοντες, οὗτοί εἰσιν οἱ γογγύ- 
Pin: ι ΄ e A (Es LE 3 \ \ 
Covres χαὶ λέγοντες" Τοῦτο χαλὸν χαχεῖνο σαπρόν. Οὐ χρὴ δὲ ταῦτα 
λογίζεσθαι, ἀλλὰ μᾶλλον δοξολογεῖν τὸν θεὸν χαὶ ὕμνους ἀναπέμπειν 
αὐτῷ, ἵνα πληρωθῇ τὸ ῥητόν: Εἴτε ἐσθίετε, εἴτε πίνετε, εἴτε (f° 183 νἢ)} 
τι ποιεῖτε, πάντα εἰς δόξαν θεοῦ ποιεῖτε. 

86. --- Μοναχός τις εἰργάζετο ἐν ἡμέρᾳ Μάρτυρος, ἰδὼν δὲ αὐτὸν 
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ἄλλος μοναχὸς, λέγει αὐτῷ Ενι σήμερον ἐργάσασθαι; ὁ δὲ εἶπεν 
αὐτῷ" Σήμερον ὁ δοῦλος τοῦ θεοῦ ἐξέρχετο μαρτυρῶν χαὶ ἐθασανίζετο. 


κἀγὼ οὐχ ὀφείλω χοπιᾶσαι μιχρὸν ἐν τῷ ἔργῳ σήμερον: 


87. — Ἔλεγε γέρων᾽ ὅτι πολλάκις τοῦ διχχόνου λέγοντος" ᾿Ασπά- 
σασῆε ἀλλήλους, εἶδον τὸ πνεῦμα τὸ ἅγιον εἰς τὰ στόματα τῶν 
ἀδελφῶν. 

88. --- Τίς ποτε μετανοήσας ἡσύχασεν. Συνέξη δὲ αὐτῷ εὐθέως 


3 1 / ! Do \ δ € SATA τ x r 
ἐπὶ πέτραν πέσοντα, πληγῆναι τὸν TOÛX ὡς HAL αἷμα πολὺ ἐχχύσαι, 

LR ΄ > N — δ 4 Ua Ci ε ͵, ν 
χαὶ ὀλιγοψυχήσαντα ἀποδοῦναι τὴν ψυχήν. Ἔρχονται οὖν οἱ δαίμονες, 
θέλοντες λαδεῖν τὴν ψυχὴν αὐτοῦ, χαὶ λέγουσιν αὐτοῖς οἱ ἄγγελοι" 
(f 183 v') Προσέχετε τῇ πέτρᾳ nat θεωρήσατε αὐτοῦ τὸ αἷμα ὁ 
ἐξέχεεν διὰ τὸν χύριον. Καὶ τοῦτο εἰπόντων τῶν ἀγγέλων, ἡλευθερώθη 
ἡ ψυχή. 

89. — ἬἨρωτήθη γέρων ποῖον δεῖ εἶναι τὸν μοναχόν; at εἶπεν" 
ἜΣ « JANET / \ / à 

ἂν ὡς HAT ἐμὲ μόνος πρὸς μόνον. 

90. — Ἠρωτήθη γέρων' διατί εἰς τὴν ἔρημον περιπατῶν φοδοῦ- 
μαι; καὶ ἀπεχρίθη" ᾿Αχμὴν ζῆς. 

LS} Rp ΕΞ Ἤρωτηήθη γέρων" τί δεῖ ποιοῦντας σωθῆναι; Ἦν δὲ σειρὰν 
ἐργαζόμενος χαὶ μὴ ἀνανεύων ἐκ τοῦ ἔργου, χαὶ ἀπεχρίθη: ᾿Ἰδοὺ 

έπεις. 
βλ 

92. --- Ἢρωτηήθη γέρων διατί συνεχῶς ὀλιγωρῶ; Καὶ ἀπεχρίθη" 
Ἐπειδὴ οὔπω τὸ αὔλιον εἶδες. 

99. — Ἠρωτήθη γέρων Τί ἐστιν τὸ ἔργον τοῦ μοναχοῦ; Καὶ 
ἀπεκρίθη" Διάχρισις. 

PERRET Ἠρωτήθη γέρων: ΠΟσθεν μον τὸ εἰς πορνείαν πειράζεσθαι: 
Καὶ ἀπεχρίθη" (L° 184 r°) Διὰ τὸ πολλὰ ἐσθίειν χαὶ χοιμᾶσθαι. 

99. --- Ἡρωτήθη γέρων’ Τί di μοναχὸν ποιεῖν; Καὶ ἀπεκρίθη" 
Παντὸς ἀγαθοῦ ἐργασίαν, χαὶ παντὸς χαχοῦ ἀποχήν. 


96. — "Ἔλεγον οἱ γέροντες" "Ecorrodv ἐστι τοῦ ! ὃ ἡ εὐχή 
: ΕὙ γέροντες ᾿Εσοπτρόν ἐστι τοῦ μοναχοῦ ἡ εὐχή. 
ORIENT ΟΠΒΕΤΙΕΝ. 26 


A02 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


97. — Ἔλεγον οἱ γέροντες. Οὐδὲν τοῦ χρίνειν χεῖρον 

98. --- [Ἔλεγον οἱ γέροντες" Στέφανός ἐστι τοῦ po πε ἡ ταπει- 
γοφροσύνη. 

990. — "Ἔλεγον οἱ γέροντες" [Παντὶ τῷ ἐπαναδαίνοντί σοι λογισμῷ 
λέγε᾽ Ἡμέτερος εἶ, à τῶν ὑπεναντίων; χαὶ πο τὸς ὁμολογήσει 

100. --- ἔλεγον οἱ γέροντες ὅτι ἡ ψυχὴ πηγή ἐστιν, ἐὰν ds 
χαθαρίζεται, ἐὰν δὲ προσχώσης ἀφανίζεται. 

101. — Εἶπεν γέρων: Ἔ γὼ πιστεύω ὅτι οὐχ ἔστιν ἄδιχος ὁ θεὸς 
ἀπὸ φυλακῆς ἄραι χαὶ εἰς φυλαχὴν βαλεῖν. 

102. --- Εἶπεν γέρων: Τὸ εἰς πάντα ἑαυτὸν βιάζεσθαι (1° 184 1 
αὕτη ἐστὶν ἡ ὅδος τοῦ θεοῦ. 

103. — Εἶπεν γέρων: Μὴ πρότερον ποίει τι, πρὶν ἐξετάσης τὴν 
χαρδίαν σου εἰ χατὰ θεὸν γίνεται ὃ 

104. — Εἶπεν γέρων’ Τὰν μοναχὸς ὅτε ἵσταται εἰς προσευχὴν, 


ὑέλλεις ποιεῖν. 


τὸτε μόνον εὔχεται; ὁ τοιοῦτος ὅλως οὐχ εὔχεται. 

105. — Εἶπεν γέρων᾽ ὅτι εἴκοσι ἔτη ἔμεινα πρὸς ἕνα λογισμὸν πο- 
= Ά (72 / » θ0 ͵ὕ ε L 74 ( Vs: . 
λεμὼν, ἵνα πάντας ἀνθρώπους ὡς ἕνα βλέπω. 

106. ---- Εἶπεν γέρων᾽ ὅτι μεῖζον ποσὼν τῶν ἀρετῶν ἐστιν ἡ dut 


ἄρισις. 
O7 - Ἤρωτήθη γέρων᾽ Πόθεν χτῶται ταπείνωσιν à ψυχή; Καὶ 
ἀπεχρίθη" “Ὅταν τὰ ἑχυτῆς μόνης μεριμνᾷ χαχά 
108. — Εἶπεν γέρων: Ὡς ἡ VA οὐ πίπτει ποτὲ κάτω, οὕτως | 
οὐδὲ ὁ ταπεινῶν ἑαυτόν. ‘ | 


109. — Εἶπεν γέρων: Ὅσα ἠδυνήθην καταλαύεῖν οὐχ ἐδευτέρωσα. | 
110. — ([5 184 v') Εἶπεν γέρων’ ὅτι αἰσχύνη ἐστὶ τοῦ ον τ. ͵ 
ἐὰν ἐάσας τὰ ἑαυτοῦ ξενιτεύση δῪ᾽Άὰ τὸν θεὸν, χαὶ μετὰ ταῦτα εἰς : 


χόλασιν ἀπέλθῃ. 
111. --- Ἔλεγον οἱ γέροντες. Ἐὰν ἴδης νεώτερον τῷ θελήματ' 
αὐτοῦ ἀνερχόμιενον εἰς τὸν οὐρανὸν, χράτησον αὐτοῦ τὸν πόδα χαὶ δίψον 


? ! \ τ πὸ 
αὐτὸν χάτω, συμφέρει γὰρ αὐτῷ. 


112. — Εἶπεν γέρων Ἢ γενεὰ αὕτη οὐ Crest τὸ σήμερον ὥλλθϑ 
τὸ αὔριον. 

113. — Ττὴῖπεν γέρων" ὅτι τὸ ἔογον ἡμῶν χαίειν ἐστὶν ξύλα. 

114. -- Εἶπεν γέρων᾽ Μὸὴ θέλε εἶνα! en ne 

115. — Εἶπεν γέρων' Οὐχ ὀργίζεται ἡ ταπείνωσις οὐδὲ παροργίζε 


τινά. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 403 


106. — Εἶπεν πάλιν: Τὸ καθέζεσθαι ads ἐν τῷ χελλίῳ, ἐμπί- 
πλησι τῶν ἀγαθῶν τὸν μοναχόν. 

117. — Εἶπεν γέρων" Οὐαὶ ἀνθρώπῳ ὅταν τὸ ὄνομα (5 184 v') 
μεῖζόν ἐστι τῆς ἐργασίας αὐτοῦ. 

118. — Εἶπεν γέρων Ἢ παορησία καὶ ὁ γέλως, ἔοικεν πυρὶ ἐν 
χαιλάμιῃ χατεσθίοντι. 

19. — Εἶπεν γέρων: Ὁ βιαζόμιενος ἑαυτὸν διὰ τὸν θεὸν, ὅμοιός 
ἐστι ἀνθρώπῳ ὁμολογητῇ:- 

190. - Εἶπεν πάλιν: Ὃς ἐὰν γένηται μωρὸς διὰ τὸν κύριον GUVE 
τίσει αὐτὸν ὁ χύριος. 

121. — Εἶπεν γέρων Ανθρωπος ἔχων πρὸ ὀφθαλμῶν τὸν θάνατον 
πᾶσαν ὥραν, νικᾷ τὴν ὀλιγοψυχίαν. 

122. — Εἶπεν eo Ταῦτα ζητεῖ ὁ Bebe παρὰ τοῦ ἀνθρώπου, 
τὸν νοῦν καὶ τὸν λόγον χαὶ τὴν πρᾶξιν. 

123. --- Ὁ αὐτὸς εἶπεν Χρήζει ὁ ἄνθρωπος τούτων" Φούεῖσθαι τὸ 


e 


τοῦ θεοῦ χρίμα,, χαὶ μισῆσα: τὴν ἁμαρτίαν, καὶ ἀγαπῆσαι τὴν ἀρετὴν, 
χαὶ δέεσθα: τοῦ θεοῦ διαπαντός. 

124. — Εἶπεν γέρων" ᾿Απόστα ἀπὸ παντὸς ἀνθρώπου ἐν διαλέξει 
φιλονειχοῦντος. 

125. — Εἶπεν (P 185 r°) γέρων: Μὴ ἔχε φιλίαν μετὰ ἡγουμένου, 
υνηδὲ δώσης χαὶ λάθῃς μετὰ γυναιχὸς, μιηδὲ εὐποιήσῃς μετὰ μειλακίου. 

126. — Εἶπεν γέρων" τ τ δύσῃ ν, ἀδελφοὶ, καὶ χκαταγαγέτωσαν 
οἱ ὀφθαλμοὶ ἡμῶν δάχρυα, πρὶν ἡμᾶς ἀπελθεῖν ὅπου τὰ ἡμῶν δάκρυα 
χατακαύσει τὰ ἡμῶν σώματα. 

127. — Εἶπεν γέρων: Ἢ ἀμεριμνία καὶ τὸ σιωπᾶν, χαὶ ἡ χρυπτὴ 
μελέτη τίχτουσι τὴν ἁγνείαν. 

128. — Ἔλεγον περὶ τινὸς pres ὅτι ὥχει μετὰ ἀδελφῶν, χαὶ 
ἅπαξ ἔλεγεν αὐτοῖς ποιῆσαι te χαὶ εἰ οὐχ ἐποίησαν ἀνίστατο ὁ 
γέρων χαὶ ἐποίει αὐτὸ χωρὶς ὀργῆς. 

129. — ᾿Αδελφὸς ἠρώτησε γέροντα λέγων Καλὸν ἕξι ἔχειν πρὸς 
τὸν πλησίον; Λέγει αὐτῷ ὁ γέρων Αἱ τοιαῦται ἕξεις Fan οὐγ. 
ἔχουσιν κλᾶσαι κιμόν' πρὸς ([" 185 τ΄) τὸν ἀδελφόν σου ἕξιν ἔχεις, 
υᾶλλον εἰ θέλεις ἕξιν ἔχειν, ἔχε πρὸς τὰ πάθη. 

130. — ᾿Αδελφὸς ἠτεῖτο γέροντος εὐχὴν, σπεύδων ἐπὶ τὴν πόλιν. 
Ὁ δὲ γέρων πρὸς αὐτὸν ἔφη" Μὴ σπεῦδε ἐπὶ τὴν πόλιν, ἀλλὰ σπεῦσον 


τοῦ φυγεῖν τὴν πόλιν χαὶ σώζῃ. 


404 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


131. — Εἶπεν γέρων" "Avbowmos φεύγων, ἔοιχεν σταφυλῇ 07T7, ὁ 

δὲ ἐν μέσῳ ἀνθρώπων ὡς ὄμφαξ ἐστίν. 
132. — Εἶπεν γέρων: Εἰ ὁρᾶς ue λογισμὸν ἔχοντα ἐπάνω τινὸς 
dE pas x ; 


\ \ \ , \ 5/ 
XAL σὺ TOY αὑτὸν ἔχεις. 


TRADUCTION 


63. — Des séculiers tombèrent chez un anachorète et celui-ci les recut 
avec joie et dit : Le Seigneur vous a envoyés pour m'enterrer, car il m’ap- 
pelle à lui, mais pour votre utilité et celle des auditeurs, je vous raconte- 
rai ma vie : Je suis vierge de corps, mes frères, mais mon âme ἃ été 
jusqu'ici inhumainement tourmentée par la luxure. Voilà qu’au moment où 
je vous parle, je vois les anges qui viennent recevoir mon âme, pendant 
que, de l’autre côté, Satan m’oppose mes pensées de luxure. ἃ ces paroles, 
il s’allongea et mourut. Les séculiers l’habillèrent et trouvèrent qu'il était 
vierge en vérité. 

64. — Un moine (1) tourmenté depuis longtemps par le démon de la 
luxure en souffrit au moment de l’assemblée. Il la méprisa et, se dépouil- 
lant devant les frères, repoussa la force de Satan en disant : Priez pour 
moi, parce que depuis quatorze ans je suis ainsi tenté. A cause de son 
humilité, la tentation cessa. 

65. — Un vieillard dit : L’oubli est la racine de tous les maux. 

00. --- Un prêtre des cellules (2) était favorisé de visions : Comme il allait 
un jour à l’église pour faire l'office, il vit près de l’une des cellules des 
frères une multitude de démons habillés en femmes qui disaient des pa- 
roles inconvenantes, d’autres injuriaient les jeunes (moines), dansaient et 
prenaient divers déguisements. Le vieillard gémit et dit : Certainement 
ce frère vit dans la tiédeur, c’est pour cela que les esprits impurs envi- 
ronnent ainsi sa cellule. Quand il revint après l'office, il entra dans la 
cellule du frère et lui dit : Je suis affligé, frère, mais j'ai confiance que si 
tu veux prier pour moi, Dieu délivrera mon cœur de l’affliction. Le frère 
refusa et dit : Père, je ne suis pas digne de prier pour toi. Mais le vieil- 
lard continua à le prier et à dire : Je ne m'en vais pas si tu ne me promets 
pas de faire chaque nuit une prière pour moi. Le frère obéit donc à 
l’ordre du vieillard, qui voulait ainsi l’amener à prier durant la nuit. Le 
frère se leva donc durant la nuit et pria pour le vieillard; après cette 
prière il fut saisi de peine et se dit : Ame malheureuse, qui prie pour le 
vieillard et ne prie pas pour elle! Il fit donc aussi une prière pour lui et 
cela durant toute la semaine, faisant chaque nuit deux prières, l’une pour 


(1) Ct. M. 877, n. 14. 
(2) Paul, 180, attribue ee récit à Macaire. 


POP PTS PAL 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 405 


le vieillard et l’autre pour lui-même. Le dimanche donc, le vieillard se 
rendant à l’église, vit encore les démons au dehors de la cellule du frère, 
mais ils étaient beaucoup plus tristes, et le vieillard connut que la prière 
du frère attristait les démons. Il en fut rempli de joie, entra près du 
frère et lui dit : Fais charité et ajoute, chaque nuit, encore une autre 
prière pour moi. Quand il eut fait les deux prières pour le vieillard, il fut 
encore attristé et se dit : Malheureux! ajoute encore une prière pour toi. 
Il passa toute la semaine ainsi, faisant chaque nuit quatre prières. Lorsque 
le vieillard revint, il vit les démons tristes et silencieux; il rendit grâces 
à Dieu, entra de nouveau près du frère et le pria d'ajouter encore une 
autre prière pour lui. Le frère en ajouta encore une pour son compte 
et fit ainsi six prières chaque nuit. Quand le vieillard revint, les démons 
se fâchèrent contre lui, car ils supportaient avec peine le salut du frère. 
Le vieillard loua Dieu, entra dans la cellule et exhorta le frère à ne pas 
se relâcher mais à prier sans cesse, puis il le quitta. Les démons, voyant 
qu'il persévérait dans la prière et la vigilance, s’éloignèrent par la grâce 
de Dieu. | 

67. — Un vieillard dit (1) : Il y avait un vieillarl qui demeurait dans le 
désert; après avoir servi Dieu durant de nombreuses années 1] dit : Sei- 
gneur, fais-moi connaître si je t'ai plu. Et il vit un ange qui lui dit : Tu 
n'es pas encore arrivé à la hauteur du jardinier qui demeure en tel en- 
droit. Le vieillard fut dans l’étonnement et se dit : J'irai à la ville pour le 
voir; que peut-il faire pour surpasser l'efficacité et le profit de mes lon- 
gues années! Il partit donc et arriva à l’endroit désigné par l’ange; il 
vit cet homme occupé à vendre des légumes. Il s’assit près de lui le reste 
du jour et lui dit au moment où il partait : Peux-tu, frère, me recevoir 
cette nuit dans ta cellule? L'homme, plein de joie, accepta, et, arrivé à 
sa cellule, se mit à tout préparer pour le repos du vieillard. Celui-ci 
lui dit : Fais charité, frère, dis-moi ta conduite. L'homme ne voulut pas 
la dire et le vieillard resta longtemps à le supplier; enfin, ennuyé, il dit : 
Je ne mange que le soir; lorsque je termine, je ne garde que ce qu'il 
faut pour ma nourriture et je donne le reste à ceux qui en ont besoin; si 
je recois un serviteur de Dieu, je le lui donne. Lorsque je me lève le 
matin, avant de me mettre à mon ouvrage, je dis que toute la ville — 
depuis le petit jusqu’au grand — entrera dans le royaume (du ciel) à cause 
de ses bonnes actions, tandis que moi seul j’hériterai du châtiment à 
cause de mes péchés; le soir, avant de me coucher, j'en dis encore 
autant. Le vieillard l’entendant lui dit : Cette conduite est belle, mais elle 
ne peut pas surpasser mes travaux de tant d'années. Comme ils allaient 
manger, le vieillard entendit certains sur la route qui chantaient des 
chansons. Car la cellule du jardinier était en un endroit public. Le vieil- 
lard lui dit : Frère, puisque tu veux vivre ainsi pour Dieu, comment 
demeures-tu en cet endroit! n’es-tu pas troublé, en entendant ces chan- 
sons? L'homme lui dit : Je t’avoue, père, que je ne suis ni troublé ni 
scandalisé. À ces paroles le vieillard lui dit : Que pensestu donc dans 


(1) Ms. 929, p. 215. 


{ 


400 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. : 


ton cœur lorsque tu entends cela? Celui-ci dit : Je pense que tous iront 
dans le royaume (du ciel). Le vieillard l’entendant, fut dans l’admiration 
et dit : Voilà l’œuvre qui surpasse mes travaux de tant d'années; puis, 
lui faisant révérence, il dit : Pardonne-moi, frère, je ne suis pas encore 
arrivé à cette hauteur. Puis, sans manger, il retourna de nouveau au 
désert. 

68. — On racontait (1) qu'à Scété, au moment où les clercs faisaient 
l'office, il descendait comme un aigle sur l’offrande, et les clercs seuls le 
voyaient. Certain jour un frère demanda quelque chose au diacre qui lui 
dit : Je n’ai pas le temps. Quand ils allèrent célébrer la messe, l’appari- 
tion semblable à un aigle ne vint pas comme de coutume, et le prêtre dit 
au diacre : Qu'est-ce que cela? Pourquoi l'aigle n'est-il pas venu comme 
de coutume? Est-ce moi qui ai commis une faute ou bien toi? Écarte-toi 
donc et, s’il vient, on saura que c’est toi qui l’'empêchais de venir (2). Dès 
que le diacre se fut écarté, l'aigle vint, puis, à la fin de la synaxe, le 
prêtre dit au diacre : Raconte-moi ce que tu as fait. Il répondit : Je n'ai 
pas conscience d’avoir péché si ce n’est qu'un frère venant me demander 
quelque chose, je lui ai répondu que je n'avais pas le temps. Le prêtre 
dit : C’est donc à cause de toi qu’il n’est pas venu parce que tu avais 
affligé un frère. Et le diacre alla demander pardon au frère. 

69. — Quelques pères dirent qu'au moment où Pierre, archevêque 
d'Alexandrie, allait mourir, un certain, qui était resté vierge, eut une vi- 
sion et entendit une voix qui disait : Pierre chef des Apôtres et Pierre 
couronne des martyrs. 

70. — Un supérieur de monastère interrogea notre défunt père Cyrille, 
pape d'Alexandrie : Qui vaut le mieux, de nous qui avons des frères 
sous nous et les dirigeons de diverses manières vers le salut, ou de ceux 
qui travaillent à leur seul salut dans le désert? Le pape répondit : Il ne 
faut pas prononcer entre Moïse et Élie, car tous deux plurent à Dieu. 

71.— Un frère (3) demanda au vieillard (son) abbé : Comment quelqu'un 
devient-il fou pour le Seigneur? Le vieillard lui dit : Dans un monastère, 
il y avait un enfant qui fut donné à un illustre vieillard pour être dirigé 
et instruit dans la crainte de Dieu. Le vieillard lui dit : Si quelqu'un 
t'insulte, bénis-le; si tu es à table, mange ce qui est gâté et jette ce qui 
est bon; si tu as à choisir un habit, laisse le bon et prends le mauvais. 
L'enfant lui dit : Suis-je donc fou pour que tu me dises de faire cela? Le 
vieillard dit : Je te demande de faire tout cela afin que le Seigneur te 
rende sage. C’est ainsi que le vieillard montra ce qu'il fallait faire afin 
de devenir fou pour le Seigneur. 

72. — Dans un monastère, il y avait un séculier qui avait son fils avec 
lui. L'abbé, voulant l’éprouver, lui dit : Ne parle pas avec ton fils, mais 
traite-le comme un étranger. Il répondit : Je ferai ce que tu m’ordonnes; 
et il passa de longues années sans parler avec lui. Lorsque le fils fut rap- 


(1) L, fol. 102 r°. B, p. 546, n° 981]. 
(2) Il ne semble donc pas avoir eu d’autres clercs que le prêtre et le diacre. * 
(3) Paul, 156. Coislin 127, fol. 20 v°. 


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HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. ΛΟ 


pelé (à Dieu) et sur le point de mourir, l’abbé dit au père : Va et parle 
désormais avec ton fils. Mais l’autre dit : Si tu le veux, nous observerons 
ton commandement jusqu’à la fin; et son fils mourut sans qu'il lui eût 
parlé. Et tous furent dans l'admiration, de ce qu'il avait accepté et observé 
avec allégresse l’ordre (du supérieur). 

73. — Un vieillard marchait un jour à Seélé, et un frère faisait route 
avec lui. Au moment de se séparer, le vieillard dit à l’autre : Goûtons 
ensemble, frère. C'était au matin et au commencement de la semaine. Le 
vieillard ayant terminé les sept jours vint près du frère et lui dit : N’as- 
tu pas eu faim, frère, depuis le jour où nous avons mangé ensemble? Le 
frère lui dit : Non, car je mange chaque jour et je ne souffre donc pas de 
la faim. Le vieillard lui dit : En vérité, mon fils, je n’ai pas mangé depuis 
lors. À ces paroles, le frère fut pénétré de douleur et il en tira grand 
profit. 

74. — Un moine pieux et craignant Dieu, aimait certain anachorète qui 
vint. à mourir. Le frère entrant dans son ermitage y trouva cinquante 
pièces d’or et, dans sa surprise, se mit à pleurer de crainte que l’anacho- 
rète ne fût rejeté par Dieu à cause de son argent. Comme il priait beau- 
coup à ce sujet, il vit un ange du Seigneur qui lui dit : Pourquoi te 
chagriner à ce point au sujet de l’anachorète? Tu peux t'en remettre à ce 
sujet à la philanthropie divine. Si tous étaient parfaits, comment la phi- 
lanthropie de Dieu se manifesterait-elle? Le frère, assuré ainsi que l’ana- 
chorète avait été pardonné, fut rempli de joie et loua Dieu de tout son 
cœur. 


75. — Un vieillard dit : Si tu veux vivre selon la loi de Dieu, ὁ homme, 
tu auras pour défenseur celui qui a porté la loi. 
76. — Il dit encore : Si tu veux, de ton plein gré, refuser d’obéir aux 


ordres de Dieu, tu trouveras le diable pour courir avec toi à la perdition. 

77. — Il y avait deux frères selon la chair et le diable vint les éloigner 
l’un de l’autre. Certain jour, le plus petit alluma la lampe et le démon, 
par son opération, renversa le chandelier, et la lampe fut aussi renversée ; 
comme son frère, plein de colère, le frappait, il lui demanda pardon et 
dit : Prends patience, mon frère, je la rallumerai. Et voilà que la puissance 
du Seigneur se montrant tourmenta le démon jusqu’au matin. Ensuite ce 
démon alla raconter à son chef ce qui était arrivé. Un prêtre des paiens 
entendit ce récit, il se fit moine et pratiqua l'humilité en perfection. Il 
disait que l’humilité brise toute la puissance de l’ennemi comme il l’avait 
entendu dire à un démon : Lorsque j’excite les moines, l’un d’eux se met à 
faire repentance, et ils annulent ma puissance (1). 

78. — Un vieillard disait des pensées impures : C’est la négligence qui 
nous les cause; car si nous étions convaincus que Dieu habite en nous, 
nous n’y admettrions aucun objet étranger. Car le Seigneur Christ demeure 


(1) B, p. 523, n. 228 et p. 915-916. M, 748 avec une addition à la fin et 969, 
n. 89. Paul, 140. 

Nors. Les récits 7, 30, 31, 36 se trouvent dans L, fol. 169, 166, 173, 178 et le 
récit 11 se trouve dans M, 911. Ils appartiennent donc aux plus anciens recueils. 


408 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


et reste en nous, il regarde notre vie; c’est pourquoi, nous aussi, le portant 
et le voyant, nous ne devons pas être négligents mais nous purifier pour 
imiter sa pureté. 

79. — Il dit encore : Tenons-nous sur la pierre. Si le torrent gonfle, ne 
#effraie pas et il ne te fera pas tomber. Chante avec confiance et dis : 
Ceux qui se confient dans le Seigneur sont comme la montagne de Sion; 
celui qui habite Jérusalem ne sera jamais ébranlé (1). 

80. — Il dit encore : L'Ennemi dit au Sauveur : j'envoie les miens chez 
les tiens pour bouleverser les tiens. Si même je ne puis commettre le 
mal dans tes élus, du moins je les trompe durant la nuit. Le Sauveur lui 
répond : Si un enfant mal venu n’en est pas moins l'héritier de son père, 
de même ces (pensées nocturnes) seront comptées comme un péché à mes 
élus. | 

81. — Il dit encore : C’est pour toi, à homme, que le Christ est né. Le 
Fils de Dieu est venu pour que tu sois sauvé. Il se fit enfant, il se fit 
homme, étant Dieu. Certain jour il fut Lecteur : car il prit le Livre dans 
la SOLDE et le lut disant : L'esprit du Seigneur est sur moi, c’est pour- 
quoi il m'a oint (2). Il fut Sous-Diacre : Faisant un fouet avec de cordes, 
il les chassa tous du temple, les brebis, les bœufs et le reste (3). Diacre: 
ceint d'une serviette, il lava les pieds de ses disciples, leur ordonnant de 
laver les pieds de leurs frères (4). Prêtre : assis au milieu des prêtres, il 
enseignail le peuple (5). Évêque : prenant du pain et rendant grâces, il le 
donna à ses disciples (6). Il a été flagellé pour toi et tu ne supportes même 
pas une injure pour lui. Il fut enterré et il ressuscita comme Dieu; il fit 
tout pour nous selon l’ordre et en son temps, pour nous sauver. Soyons 
sobres, vigilants, prions, faisons ce qui lui plait (7). 

82. — Le disciple d’un grand vieillard, pressé par l’impureté, alla dans 
le monde et se maria. Le vieillard, chagriné, pria Dieu et dit : Seigneur 


Jésus-Christ, ne permets pas que ton serviteur soit souillé. — Quand il 
s’enferma avec la femme, il rendit l'esprit sans être souillé (8). 
83. — Il répondait aux pensées malfaisantes et disait : Je vous en prie, 


frères, nous avons laissé les (mauvaises) actions, laissons aussi les (mau- 
vais) désirs. Que sommes-nous en effet, sinon poussière de poussière. 

84. — L'un des pères racontait que deux marchands, originaires d’Apa- 
mée (9), étaient amis et commercaient à l’étranger; l’un était riche et 
l’autre de fortune médiocre. Le riche avait une femme très belle et chaste, 
comme l'événement le montra. ἃ la mort de son mari, l’autre, qui connais- 


) Ps. cxxiv, L. Coislin 127, fol. 21. , 

2) Luc, 18. 

Ἢ dan à Il, ie: 

(4) Jean, x, 4, 5, 14. 

(6) Cf. Luc, τι, 46. 

(6) Matth., xxvr, 26. 

(7) B, p. 858-859, n. 46 à 51 avec une addition à la fin. Coislin, 127, fol. 21. 
(8) Paul Ne 

(9) Ms. 1596, p. 509-510 et 49] (Cf. ROC, 1902, p: 611): 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 409 


sait son sérieux, voulut l’avoir pour femme, mais il n'osait le lui dire, de 
crainte qu'elle n'acceptât pas. Elle, qui était intelligente, le comprit et lui 
dit : Seigneur Siméon, — car c'était son nom, — je vois que tu as des 
préoccupations; dis-moi ce que tu as et je te répondrai. Il n'osait d'abord 
pas le lui dire, mais enfin il l’avoua et la supplia de vouloir bien être sa 
femme. Elle lui dit : Si tu fais ce que je vais t'ordonner, j'y consens. Il 
répondit : Quoi que tu m'ordonnes, je le ferai. Elle lui dit : Va donc dans 
ta boutique et jeûne jusqu’à ce que je t'appelle; moi-même, en vérité, je 
ne goûterai rien avant de t'appeler. Il accepta et elle ne lui fixa pas le 
moment auquel elle l’appellerait; il pensait qu’elle l’appellerait le jour 
même. Un, deux et trois jours se passèrent sans qu'elle l’appelât; il persé- 
véra Cependant, soit à cause de son désir pour elle, soit parce que Dieu 
dirigeait tout et lui donnait patience parce qu'il savait où il devait l’ap- 
peler — il devint plus tard un vase d'élection. — Le quatrième jour, elle le 
fit appeler. Il était défaillant et, ne pouvant se soutenir à cause de sa 
faiblesse, il se fit porter. Celle-ci de son côté avait fait préparer une table 
et tendre un lit; elle lui dit : Voilà une table et un lit, où veux-tu que nous 
allions? Il répondit : Je t'en prie, aie pitié de moi, donne-moi un peu à 
manger parce que je tombe en défaillance, je ne songe plus aux femmes 
à cause de ma faiblesse. Elle lui dit : Ainsi, lorsque tu as faim, tu places 
la nourriture au-dessus de moi, de toute femme et du plaisir; lors donc 
que tu auras de telles pensées, use de ce remède et tu seras délivré de 
toute pensée inconvenante. Crois-moi, après mon mari, je n'aurai com- 
merce ni avec toi ni avec aucun autre, mais, avec l’aide du Christ, je compte 
rester veuve. Il fut saisi de componction et, plein d’admiration pour son 
esprit et sa chasteté, il lui dit : Puisque le Seigneur a bien voulu me 
sauver par ta sagesse, que me conseilles-tu de faire? Elle qui se défait de 
la jeunesse et de la beauté, et qui redoutait d’endurer elle-même à certain 
moment les mêmes tentations, lui dit : Je pense, par Dieu! que tu n’aimes 
que moi? Il répondit : C’est vrai. Elle lui dit : Et moi en vérité je t'aime 
devant Dieu, mais puisque c’est la voix du Maitre qui ἃ dit : Si quelqu'un 
vient à moi et ne haît pas son pêre, sa mére, sa femme, ses enfants, ses 
frères et même sa vie, il ne peut pas étre mon disciple (1), éloignons- 
nous, pour Dieu, l’un de l’autre, afin que le Seigneur te tienne compte de 
t’'être séparé, pour (l'amour de) Dieu, de ta femme et me tienne compte 
de m'être séparée de mon mari. Voici donc que dans notre pays il y a un 
monastère de reclus à Apamée (2). Si tu veux vraiment être exaucé, vas-y 
vivre dans la retraite et tu plairas en vérité à Dieu. Il abandonna aussitôt 
les affaires, se retira dans ce monastère et y demeura jusqu’à sa mort. Il 
devint de bon aloi, voyant toutes choses sous le bon point de vue avec les 
yeux de l'esprit. L'abbé Siméonès (3) lui-même raconta tout cela au nar- 
rateur. 


(1) Luc, xiv, 26. 

(2) Près d’Apamée se trouvait du moins le célèbre monastère de saint Maron, 
éponyme des Maronites. 

(3) Siméon, dans le ms. 1596. 


410 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


85. — Certain père (1) racontait que trois choses sont précieuses aux 
moines et qu'il nous faut les poursuivre avec crainte, tremblement et allé- 


gresse spirituelle, à savoir : la participation aux saints mystères, la table 


des frères et le lavement des pieds. Il en apportait la démonstration sui- 
vante et disait : Il y avait un illustre vieillard doué de visions, il se trouva 


avec plusieurs frères et, pendant qu'ils mangeaient, le vieillard, assis à: 


. table, fut ravi en esprit et vit que les uns mangeaient du miel, d’autres 
du pain, d’autres des ordures. Il s’étonna et pria Dieu en disant : Sei- 


gneur, révèle-moi ce mystère, puisque la même nourriture est servie à Ὁ 


tous sur la table, comment se fait-il qu’elle me parait transformée lorsqu'on 
la mange et que les uns mangent du miel, d’autres du pain, d’autres des 
ordures? Une voix. d’en haut lui dit : Ceux qui mangent du miel sont 
ceux qui s’assoient à table avec crainte, tremblement et allégresse spiri- 
tuelle, et qui prient sans cesse; leur prière monte vers Dieu comme la 
fumée de l’encens; c'est pour cela qu'ils mangent du miel; ceux qui man- 
gent du pain sont ceux qui rendent grâces en prenant ce que Dieu leur ἃ 
donné; enfin ceux qui mangent les ordures sont ceux qui murmurent et 
qui disent : Ceci est bon, et cela est gâté. Il ne faut pas penser cela, mais 
plutôt louer Dieu et lui adresser des cantiques pour accomplir la parole : 
Que vous mangiez, que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour 
la gloire de Dieu (2). 

86. — Un moine travaillait le jour d’un martyr (3), un autre moine le 
voyant lui dit : Peut-on travailler aujourd’hui? L'autre répondit : Aujour- 
d’hui le serviteur de Dieu a quitté (la vie) par le martyre et a été tour- 
menté, et moi ne dois-je pas me fatiguer un peu en travaillant au- 
jourd’hui ? 

87. — Un vieillard dit : Souvent, au moment où le diacre disait 
Donnez-vous la paix les uns aux autres, je vis l’Esprit-Saint sur la bouche 
des frères (4). 

88. — Certain jour un pénitent quitta le monde (5). Il lui arriva aussitôt 
de tomber sur une pierre et de se blesser au pied. Il perdit beaucoup de 
sang, au point de défaillir et de mourir. Les démons vinrent pour prendre 
son âme, mais les anges leur dirent : Remarquez cette pierre et voyez 
son sang qu’il ἃ versé pour le Seigneur. A ces paroles des anges, son âme 
fut délivrée. 

89. — On demanda à un vieillard : Comment doit être le moine? Il dit : 
Selon moi, s’il est seul à seul (6). 


(1) L, fol. 149 v° B, p. 573, n. 345. M, 1000, n. 17. Paul, 204. 

(Ὁ) ΠΟ ΠΟΥ ΣΕ aile 

(3) Paul, 168., 

D’après les Constitulions apostoliques, vur, 33 : on ne travaillera pas le our 
d'Étienne, premier martyr, ni des autres saints martyrs, qui ont sacrifié leur 
vie au Christ ». MiGxe, 20. G., t. I, col. 1136. 

(4) Paul, 499. 

(9) Paul, 11. 

(6) Cf. B, p. 820, n. 339. Paul, 420. Paul ajoute : « c’est-à-dire voyant toujours 


« 


| 
2 à 
| 
| 
ῳ 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 411 


90. — On demanda à un vieillard : Pourquoi ai-je peur lorsque je vais 
au désert? Il répondit : A présent encore tu vis (1). 

91. — On demanda à un vieillard : Que faut-il faire pour être sauvé? 
Il travaillait le jonc sans détourner les yeux de son travail, et répondit : 
Tu le vois (2). 


99. — On demanda à un vieillard : Pourquoi suis-je toujours négligent? 
Il répondit : Parce que tu n’as pas encore vu le mille (3). 
93. — On demanda à un vieillard : Quel est le travail du moine? Il 


répondit : Le jugement (4). 

94. — On demanda à un vieillard : Pourquoi suis-je tenté par l’impureté? 
Il répondit : Parce que tu manges et dors trop (9). 

95. — On demanda à un vieillard : Que doit faire un moine? Il répondit : 
Pratiquer tout bien, s'éloigner de tout mal (6). 

96. — Les vieillards dirent : La prière est le miroir du moine (7). 

97. — Les vieillards dirent : Rien de pire que de juger (8). 

98. — Les vieillards dirent : l'humilité est la couronne des moines (9). 

99. — Les vieillards dirent : Dis à toute pensée qui t'arrive : Es-tu nôtre, 
ou viens-tu des ennemis? Et certes elle l’avouera (10). 

100. — Les vieillards dirent : L'âme est une source, si tu creuses, elle 
se purifie, si tu amasses de la terre autour, elle disparaît (11). 

101. — Un vieillard dit : J'ai confiance que Dieu n'est pas injuste pour 
(nous) arracher à la prison ou pour (nous) y jeter (19). 

102. — Un vieillard dit : Se vaincre en tout c’est la voie de Dieu. 


Dieu seul; car de même que la grappe de raisin trainant à terre devient hors 
d'usage, ainsi la pensée du solitaire qui s'attache aux choses terrestres ». 

(1) Sans doute : « tu n’es pas encore mort au monde ». On trouve une pensée 
analogue dans L, fol. 151 r° : « Pourquoi est-ce que la crainte me saisit lorsque 
je sors seul le soir dehors? Le vieillard dit : Parce que la vie de ce monde t'est 
encore chère ». Item B, p. 772, n. 188. Paul, 46. 

(2) L, fol. 155 v° B, p. 774, n. 196. 

(3) C'est-à-dire « le but ». Cf. B, p. 816, n. 306 : « Un frère demanda à un vieil- 
lard : Pourquoi mon esprit est-il constamment malade? Il lui répondit : Parce 
que tu n’as pas encore vu la demeure de vie ». 

(4) B, p. 816, n. 307. Cf. infra, 106. Paul, 545. 

(Ὁ) L, fol. 151 r° B, p. 665, n. 580. Paul, 208. 

(6 L, fol. 156. B, p. 816, n. 308. 

(7) Paul, 444. Cf. infra, n° 101. 

(8) L, fol. 156 r°. 

(9) Cf. B, p. 640, n. 515. M, 1036, n. 10. Paul, 140. 

(10) B, p. 817, n. 309. 

(11) Paul, 295. 

(12) L, fol. 151 reprend le ne 95 et lui ajoute 97, 96, 100 et 101 : « On demanda 
à un vieillard : Quel est le travail du moine? Il répondit : Opérer tout bien et 
fuir tout mal et prendre soin de ne pas juger et condamner les autres, car la 
prière est le miroir du moine, ainsi que l’obéissance et la pratique du bien. 
Car l'âme est une fontaine, si on en retire les ordures, elle se purifie, mais si 
le puits se remplit, Dieu ne vient plus nous arracher à la prison, il nous jettera 
à la prison ». Item B, p. 773, n. 189. Paul, 418, 451. 


412 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


103. — Un vieillard dit : Ne commence à rien faire avant d’avoir r demandé 
à ton cœur si ce que tu veux faire est selon Dieu (1). 
104. — Un vieillard dit : Si, lorsqu'un moine est en prières, il prie seul, 
c'est comme s’il ne priait pas (2). 
105. — Un vieillard dit : J'ai combattu vingt ans contre une PRRSÉS pour 
que je voie tous les hommes comme un (3). 


106. — Un vieillard dit : Le jugement est supérieur à toutes les ver- 
tus (4). 
107. — On demanda à un vieillard : Comment l’âme acquiert-elle l’hu- 


milité? Il répondit’: En ne se rappelant que ses propres fautes (5). 

108. — Un vieillard dit : De même que la terre ne tombe jamais en bas, 
ainsi quiconque s’humilie (6). 

109. — Un vieillard dit : Tout ce qui a pu me surprendre, je ne l’ai pas 
recommencé (7). 

110. — Un vieillard dit : C’est une honte pour le moine d’avoir aban- 
donné ses biens et d’avoir quitté son pays pour Dieu, puis d’aller ensuite 
à la punition. 

111: — Les vieillards dirent : Si tu vois un jeune homme qui s'élève 
vers le ciel par sa propre volonté, saisis-le par le pied et attire-le en bas, 
c’est lui rendre service (8). : 

112. — Un vieillard dit : Cette géhération ne se préoccupe pas d’aujour- 
d'hui mais de demain (9). 

113. — Un vieillard dit : Notre ouvrage est de brüler des bois (10). 

114. — Un vieillard dit : Ne cherche pas à ne pas être méprisé. 

115. — Un vieillard dit : L'humilité ne se fâche pas et ne fâche per- 
sonne (11). | 

116. — Il dit encore : Bien rester dans sa cellule comble le moine de 
biens (12). 

117. — Un vieillard dit : Malheur à l'homme dont le renom est supé- 
rieur aux œuvres. 


(1) Paul, 345. 

(2) Paul, 437. 

(3) Coislin 127, fol. 77. 

(4) L, fol. 156 r° Cf. supra, 93..B, p. 809, n. 279. 

(0) L, fol. 159 r° et 98. B, p. 811, n. 292. M, 797, n. 171 et 1036, n. 10. Paul, 140. 

(6) Paul, 140. 

(7) B, p. 810, n. 288. Paul, 341. Cf. L, fol. 160 : « Je n'ai pas conscience que les 
adversaires m'aient trompé deux fois de la même manière » (sic B, p. 57», 
n. 349 et p. 868, n. 88). 

(8) B, p. 877, n. Cette pensée est répétée et expliquée dans Β, p. 925. M, 
932, n.111° Paul,1339. 

(9) C'est-à-dire « pan sa conversion au lendemain », comme l’explique Paul, 
16. 

(10) Peut-être : « de bzrüler le bois (mort) ». B, p. 817, n. 317, écrit : « ce sont 
des bois qui brülent ». Paul, 345, écrit : « comme le feu brüle le bois, ainsi le 
travail du moine est de brüler les passions ». 

(11) L, fol. 159 r° M, 1037, 11 sous le nom de Motoïs. Paul, 140. 

(12) Paul, 418. 


HISTOIRES DES SOLITAIRES ÉGYPTIENS. 413 


118. — Un vieillard dit (1): La confiance et le rire ressemblent au feu 
qui brûle dans les roseaux. 

119. — Un vieillard dit : L'homme qui se fait violence pour Dieu est 
semblable à un confesseur (2). 

120. — Π dit encore : Le Seigneur instruira celui qui s’est rendu fou 
pour lui (3). ἢ 

121. — Un vieillard dit : L'homme qui ἃ toujours la mort devant les yeux 
vaine la pusillanimité. 

122. — Un vieillard dit : Dieu demande à l’homme l'esprit, la parole et 
l’action (4). 

123. — Le même dit : L'homme a besoin de craindre le jugement de 
Dieu, de haïr le péché, d'aimer la vertu et de prier Dieu toujours. 

124. — Un vieillard dit : Éloigne-toi de tout homme à la parole querel- 
leuse. 

125. — Un vieillard dit : N’aie Es amitié avec l'hégoumène (5), ne fais pas 
d'échanges avec une ne u’aie pas d'attention pour un adolescent (6). 

126. — Un vieillard dit : Re mes frères, que nos yeux produi- 
sent des larmes avant d'aller à l'endroit où nos larmes brüleront nos corps. 

127. — Un vieillard dit : La confiance, le silence et la méditation cachée 
engendrent la pureté. 

128. — On racontait d'un vieillard qu’il demeurait avec les frères, et s’il 
leur disait une fois de faire une chose et qu'ils ne la fissent pas, il se levait 
et la faisait sans colère (7). 

129. — Un frère demanda à un vieillard: Est-il bon d'avoir du carac- 
tère contre le prochain? Le vieillard lui répondit : Tout ce caractère n’a 
pas la force de briser un frein. Tu as du caractère contre ton frère! si 
tu veux en avoir, que ce soit contre les passions. 

130. — Un frère qui se hâtait vers la ville demanda une prière à un 
vieillard. Le vieillard lui dit : Ne te hâte pas vers la ville, presse-toi plutôt 
de fuir la ville et tu seras sauvé (8). 

191. — Un vieillard dit : L'homme qui fuit (le monde) ressemble au raisin 
mûr, mais celui qui demeure parmi les hommes est comme un raisin vert(9). 

132. — Un vieillard dit : Si tu crois que j'ai une pensée sur quelqu'un, 


c’est que toi tu as la même (10). 
F. Nav. 
(À suivre.) 


ΣΟΙ 97e Bip oloNnao7/re 
2) B, p. 739, n. 85. 
3) B, p. 790, n. 87. Paul, 56. 
4) Paul, 455. 
9) ette pensée est développée dans M, 967, n. 85. 
Nous lisons μειραχίου. 
) B, p. 631, n.475. 
8) Paul, 45. 
(9) M, 859, n. 10, où cette pensée est attribuée à Moyse. Coislin 137, fol. 45. 
(10) Vient ensuite le chapitre sur les saints anachorètes que nous avons publié 
ROC, 1905, p. 409 à 414 et que nous ne reproduisons done pas ici, 


B 
C 
N 
B, 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION 
DE SAINT ÉTIENNE A JÉRUSALEM 


En 1905, le R. P. Siméon Vailhé écrivait dans les Échos d'O- 
rient (1) : « Il est inutile de prouver longuement que le sanc- 
tuaire de la lapidation de saint Étienne se trouve au nord des 
remparts de Jérusalem, à l'endroit précis où les Pères Domini- 
cains ont retrouvé et reconstruit la basilique d'Eudocie. Le 
R. P. Lagrange l’a si bien démontré dans son livre et dans son 
article de la Revue biblique que tous les auteurs sérieux se sont 
rendus à ses raisons ». Et plus loin : « Les témoignages unani- 
mes et constants depuis le xr° siècle nous font remonter sans 
interruption jusqu'en 455, au moment de la construction de la 
basilique. Cette basilique est retrouvée; l'emplacement de la la- 
pidation, tel qu'on croyait le connaitre au v' siècle, nous est 


donc connu. Les premiers témoins de ia fausse tradition ne 


datent, au contraire, que du xn° siècle. La question est tran- 
chée ». 

Ces lignes n'étaient point écrites à la cantonade, sans un 
examen sérieux du sujet; elles formaient au contraire le début 
d’un article très étudié du R. P. Vailhé sur « les monastères et 
les églises Saint-Étienne à Jérusalem » (2). 

Dans le premier numéro de 1907 dela Æevue de l'Orient chre- 
tien (3), le R. P. ἃ changé d'avis. L’articleest intitulé les Eglises 
Saint-Étienne à Jérusalem (4). L'église des Dominicains occupe 


(1) Échos d'Orient, 1905, p. 78. 

(2) Loc. laud., p. 78-86, in-4° à deux colonnes. 

(3) Qui ne m'est parvenu à Jérusalem que le 2? juin. 

(4) Revue de l'Orient chrétien, 1907, p. 70 à 89; l’article est daté de Constanti- 
nople, le 14 avril. 


. .... 
5 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. 415 


toujours la place de la basilique d'Eudocie. Mais il y avait avant 
451 à Jérusalem, et dans la vallée du Cédron, une église bâtie 
par Juvénal dès les premiers temps de son épiscopat, et c’est cet 


autre sanctuaire qui avait été construit au lieu de la lapidation. 


« Il dut recevoir, dès son ouverture au culte, la plus grande 
partie des reliques du saint, qui jusqu'alors reposaient dans une 
chapelle du Cénacle; puis, au moment de la dédicace de la ba- 
silique d'Eudocie, en 460, les reliques furent transportées dans 
le sanctuaire du Nord, dans le tombeau que l’impératrice avait 
fait construire pour le premier diacre (1) ». Le R. P. reconnait 
très loyalement qu'il à « abouti à une conclusion diamétrale- 
ment opposée » à celle qu'il avait défendue jusqu'ici, «et à plu- 
sieurs reprises encore ». Mais quoi! « Ce ne sera pas la première 
ni la dernière fois, en matière topographique surtout, quela vé- 
rité d'aujourd'hui sera devenue l'erreur de demain ». 

Rien de plus honorable qu'une pareille attitude; il est tou- 
Jours pénible de se rétracter, et le public sait bon gré à ceux qui 
ont le courage de le faire, même avec cette désinvolture. Rien 
non plus qui soit plus propre à entrainer la conviction. Si un 
byzantiniste de la valeur du R. P. Vailhé est obligé de se con- 
tredire, c'est donc pour des motifs très graves, que le public, 
indifférent ou qui n’a pas encore pris parti, sera tenté d'estimer 
d'avance irréfragables. 

Serait-ce qu'on à produit un document nouveau et décisif? 

Comme le R. P. me fait l'honneur de me citer souvent, c'est 
pour moi un devoir d'examiner les arguments qui l'ont entrainé, 
un devoir de le suivre dans sa rétractation si elle est suffisam- 
ment motivée, mais un devoir aussi, dans le cas où elle parai- 
trait mal fondée, de le dire franchement. 


Si J'ai bien compris l'argumentation du R. P. Vailhé, sa po- 
sition nouvelle résulte : 1° d’un fait nouveau; 2° d’une revision 
des témoignages positifs qui situent la lapidation au nord et la 
basilique d'Eudocie au lieu de la lapidation; 3° d’une nouvelle 


(1) Zev. Or. chr., loc.laud., p. 88s. 


416 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


combinaison des textes, d’où il résulterait que le lieu de la lapi- 
dation était à l’est de Jérusalem. 
J’examinerai ces trois points. 


I. LE FAIT NOUVEAU. 


C'est le début même de l’article (1) : « communication inté- 
ressante », « découverte qui est appelée à un certain retentis- 
sement », « découvertes archéologiques ». M. Spyridonidis 
pense avoir retrouvé une église de 5. Étienne dans le Cédron 
parce qu'il a découvert en ce lieu une inscription grecque avec 
une invocation à ce saint. Le P. Vailhé est trop bon critique 
pour n'avoir pas compris combien la conclusion dépasse les 
prémisses : « La pierre pourrait avoir été apportée d’ailleurs ». 

C'est précisément le cas. Le R. Père, pour lequel je ne suis 
pas un étranger, voudra bien me croire sur parole, quand j'af- 
firme, d'accord avec le R. P. Vincent, avoir vu cette inscription 
au patriarcat grec, avant le mois d'avril 1904, quand nous som- 
mes allés étudier les inscriptions venues de Bersabée qui nous 
ont été communiquées si obligeamment par l’archidiacre biblio- 
thécaire, Cléophas Koïkylidès (2). 

D'ailleurs il sera loisible à tout le monde de constater que la 
Revue biblique contient, dès l'année 19053, la fin de cette inscrip- 
tion gravée sur un fragment de marbre trouvé à Bersabée (3). 
Personne ne pouvait soupçonner alors qu’un autre fragment de 
l'inscription contenait le nom des. Étienne, ni qu'ilserait trans- 
porté à Jérusalem pour être découvert dans la vallée du Cédron. 

Voici les deux textes, à gauche celui de M. Spyridonidis (4), à 
droite celui de la Revue biblique. 


(1) Les lecteurs voudront bien se reporter au texte de la Æevue de l'Orient chré- 
tien qu'ils peuvent facilement avoir sous les yeux, et me dispenseront ainsi de 
multiplier les longues citations. 

(2) Publiées par le R. P. Abel dans la Revue biblique, avril 1904, p. 266 ss. 

(3) Revue biblique, 1903, p. 428. 

(4) Palestine Exploration Fund, Quarterly Statement, avril 1907, p. 137 ss. avec 
une photographie qui permet de juger du caractère de l’écriture. — Nous repro- 
duisons le cliché qui a figuré dans la Æevue biblique, octobre 1907, p. 610. 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. 417 


+ 


Prègment À va ἃ Jerusalem en mars 1904, Fr B, Decouvert et eslamne à Bersabez 
alribus à Celhsémani par MLouvatis, en février 1903, εἴ RB,1903, 1. 


Νέα Eusv, 1906, fat), rar M Sryridenidis O3, go À a 

Les deux inscriptions sont gravées sur du marbre. La hauteur 
des caractères de l'inscription relevée à Bersabée est de 0,035; 
M. Spyridonidis n’a rien indiqué pour son fragment (1). 

Il faudrait des raisons bien graves pour nier que ces deux 
inscriptions n’en font qu'une. 

Dira-t-on que le second fragment a été porté de Jérusalem à 
Bersabée? C'eût été une bonne fortune pour Sévéros qui y aurait 
rencontré l’épitaphe de celle qui fut sans doute sa compagne, 
Flavia, si, par un coup du sort bien contrariant, cette épitaphe 
de Flavia n'était venue vers le même temps de Bersabée au pa- 
triarcat grec orthodoxe à Jérusalem (2). 

Parlons net. Quand on a commencé à remuer le sol à Bersabée 
pour y créer la nouvelle ville, on ἃ ramassé des inscriptions 
qu'on ἃ écoulées, soit à Gaza, soit à Jérusalem. Aux premiers 
Jours de ce déballage, nous y avons été trompés nous-mêmes, 
fort surpris de trouver à Jérusalem l'ère d’Éleuthéropolis (3). 
Maintenant que les faits sont clairs, il n'y ἃ qu'à reconnaître 
l'erreur : errare humanum est, perseverare diabolicum. Nous 
avons des assurances positives que le patriarcat grec orthodoxe 
ne voudra pas se lancer dans une impasse où il ne recueillerait, 
croyons-nous, que des déboires. 


(1) Les personnes qui feront la comparaison des reproductions d’après des pho- 
tographies voudront bien ne pas oublier qu’elles ne sont pas à la même échelle ; 
le fac-similé, ajouté à la correction des‘épreuves, rétablit les proportions. 

(2) Revue biblique, 1904, p. 268. 

(3) Revue biblique, 1902, p. 437 ss.; cf. 1903, p. 374 5. 

ORIENT CHRÉTIEN. 27 


A18 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Quant au R. P. Vailhé, il est très naturel qu'il ait tablé sur 
le fait que M. Spyridonidis affirmait avec tant d'assurance. On 
οὐδ pu s'attendre cependant à ce qu'il critiquàt plus sévère- 
ment les conclusions qu'on en tirait. M. Spyridonidis attribuait 
l'inscription au 1v° siècle, d’après la forme des caractères. Le 
R. P. Vailhé, qui a habité longtemps Jérusalem, doit savoir que 
nous ne possédons pas d'inscription du 1v° siècle dans la ville 
Sainte. Où donc a-t-on pris les points de repère ? Que l’on rap- 
proche cette écriture de celle des inscriptions de Bersabée 
datées du vi‘ siècle, la concordance est parfaite. La simple te- 
neur de la note de M. Spyridonidis aurait dû éveiller les soup- 
cons sur sa compétence : la transcription est inexacte, puis- 
qu’elle comprend les deux mots EN AYTH qui ne figurent pas 
sur la photographie; le mot AIKATOT est supposé suivre ces deux 
mots, contre toute vraisemblance. Et cependant le R. P. Vailhé 
conclut sans autre examen : « Quoi qu'il en soit de ces réser- 
ves (1), il est possible, fort probable même que l'on a retrouvé 
l'emplacement de l’église Saint-Étienne, qui se trouvait dans la 
vallée du Cédron. M. Spyridonidis assure que les caractères 
épigraphiques sont du iv‘ siècle; l’histoire nous apprend qu'une 
église Saint-Étienne existait dans cette vallée, dès la première 
moitié du ν᾿ siècle. Ce sont là deux affirmations analogues » (2). 
Et voilà l’accord, toujours si souhaitable, des documents et des 
monuments! Pour ce qui est du monument : 1° quand bien 
même M. Spyridonidis aurait trouvé dans la vallée du Cédron 
une invocation à saint Étienne, et du 1v° siècle, comme il ne 
prétend pas avoir relevé les moindres traces d'une église, 1] 
n'est ni fort probable, ni probable, ni même possible qu'il en 
ait retrouvé l'emplacement ; tout ce qui est possible, c'est qu'il 
se trouve sur cet emplacement sans le savoir; 2° de plus, l’ins- 
cription n’a été trouvée en ce lieu qu'après y avoir été apportée 
récemment; par qui? — nous l’ignorons et il importe peu. 

On voit maintenant ce qu'il faut penser du fait nouveau 
monumental. Passons aux documents. 

(1) Nous avons déjà indiqué ces réserves; le R. P. Vailhé n’a pas pu laisser 
passer sans protester l’affirmation de M. Spyridonidis : « L'inscription paraît 
être une preuve suffisante que ceci est l'emplacement exact de l’église primitive 
de Saint-Etienne. » Mais il paraît par la suite que ces réserves étaient presque 


académiques; il n’en est plus guère question. 
(2) APE? 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. . 419 


II. DISCUSSION DES DOCUMENTS POSITIFS QUI PLACENT 
LA LAPIDATION AU NORD. 


J'ai déjà dit que le R. P. Vailhé n’allègue aucun texte nou- 
veau. Il s’agit seulement d'une nouvelle interprétation des 
textes qui amène une meilleure intelligence des faits (1). Il y 
en ἃ deux groupes. Nous commençons par ceux qui affirment 
positivement que la lapidation a eu lieu au nord. 

Je me bernerai aux deux plus anciens. 

Theodosius, vers 930 : 


Sanctus Stephanus foras porta Galileæ lapidatus est; ibi et ecclesia erus est, 
quam fabricavit domna Eudocia uxor Theodosit imperatoris (9). 


Le R. P. Vailhé ne croit pas ce texte probant pour trois rai- 
sons, 1° La porte de Galilée est peut-être la porte de l’est, d’au- 
tant que le Breviarius de Hierosolyma entend par Galilée le 
mont des Oliviers. — Quoi qu'il en soit de ce dernier texte, il 
faut sans doute d’abord interpréter Theodosius par lui-même. 
Or il parle de l’église d'Eudocie, qui, d’après le R. P., est au 
nord. De plus, Theodosius compte six portes à Jérusalem, et la 
première de ces portes est la porte de Benjamin allant au Jour- 
dain, c’est-à-dire sans doute la porte de l'est (3); c’est celle-là 
qu'il eût fallu nommer porte de Galilée dans le sens du Zrevia- 
rius. Enfin 16 R. P. Vailhé ἃ probablement oublié que Theodo- 
sius nomme porte de Saint-Étienne celle qui conduisait à Cons- 
tantinople (4), c’est-à-dire sans doute dans la direction du nord 
ou de J'ouest. 

Voilà pour le texte imprimé de Theodosius. C’est assez clair. 
Mais le R. P. allègue, 2° « d’après les modifications subies par 


(1) P. 88. 

(2) Texte dans GEYER, /{inera hierosolymilan«, p. 141 5. 

(3) Civitas Hierusalem habens portas maiores VI absque posticia, id est porta 
Beniamin exiens ad lordanem, οἵα... (GEYER, p. 137). 

(4 Ipse vero præpositus Urbieius ipsum lapidem inciditet fecit eum quadrum 
in modum altaris volens eum Constantinopolim dirigere, et dum ad portam 
sancti Stephani veniret, jam amplius eum movere non potuit..… (GEvEr, p, 148). 


420 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


les manuscrits en cet endroit même, nous semblons bien être 
dans la vallée de Josaphat ». Si le R. P.a vu ces manuscrits, je 
suis prêt à l’en croire. Mais je constate qu'il s’en réfère simple- 
ment à M. Geyer. J’en juge par la note 2 de la page 76. « Et il 
(M. Geyer) donne des.exemples fort instructifs de modifica- 
tions qui se rapportent précisément aux pages 140 et 142, dans 
lesquelles est contenu le petit passage au sujet de Saint- 
Étienne ». Ce que j'ai à répondre sera bien difficile à faire 
admettre à ceux qui ont appris à estimer à si bon droit les 
études du R. P. Vaïlhé. 

M. Geyer ne cite aucun exemple de modifications! A la page 
citée, p. xxv, M. Geyer admet bien que l'ouvrage primitif a été 
augmenté — nous y reviendrons — mais, au lieu d'accorder 
que l’ordre des passages ἃ été altéré, il le défend au contraire 
contre un récenseur des éditeurs précédents. Ce recenseur avait 
prétendu que certains passages, d’abord ajoutés en marge, 
avaient été mal placés dans le texte. M. Geyer reconnait que 
l'argument a quelque vraisemblance, mais il prouve que 
l'ordre des manuscrits est bien enchainé. La manière dont je 
comprends le texte de M. Geyer est si différente de celle dont 
le litle R. P. Vailhé, que je me crois obligé de le transcrire 


en note (1). 


(i) Hoc opusculum non ab initio universa capitula 32 amplexum esse, quæ in 
hac editione excribuntur, sed paulatim additamentis auctum esse primo obtutu 
patet. Neque casu factum esse videtur, ut codex H cum capitulo 11 desinat ; nam 
deinceps ordo sæpe interpolationibus et addimentis turbatus est. Ille quidem 
vir doctus, qui editiones ἃ Gildemeistero et Pomialowskio confectas recensuit, 
Litterarisches Centralblatt 1892, p. 928, iam caput 9 posteriore ætate ad verba 
p. 140, 9-12 amplificanda, similiter caput 11 ad caput 9 (p. 142, 8) augendum et 
illustrandum in margine additum et ad suum utrumque locum transponendum 
esse censet. Quod quamquam aliquam speciem veri præ se ferre non nego, 
tamen ἃ transpositionibus abstinendum esse censui. Nam ipsum capituli 9 ini- 
tium Sanclus Iacobus — præcipitatus esl hoc capitulum ex antecedente capi- 
tulo ὃ Sanctus Stephanus foras porta Galilææ lapidatus est pendere docet.. Puis 
M. Geyer continue à défendre l’ordre suivi par les manuscrits. Le passage cité a 
évidemment attiré l’œil du R. P. Vaïlhé qui voyant une discussion sur ces pas- 
sages ἃ jugé, d’après le début de M. Geyer, qu’il y avait là du flottement dans 
les manuscrits. Il n’a pas pris garde à la conclusion formelle de la p. xxv1 : « Qur- 
BUS DE CAUSIS ORDINEM RERUM IN CODICIBUS TRADITUM MUTARE NON SUM AUSUS ». 

Ainsi M. Geyer maintient l’ordre suivi par les manuscrits; le R. P. Vailhé dit 
« modifications subies par les manuscrits en cet endroit même » (p. 79). Si ce 
n’est pas sur M. Geyer qu'ils’est appuyé, comme la note 3 de la page 70 l'indique, 
il lui reste à nous faire connaître les manuscrits qui ont échappé à M. Geyer. 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. 49] 


Le lecteur appréciera. D'ailleurs, indépendamment de l'opi- 
nion de M. Geyer, il demeure que Theodosius a une rubrique 
spéciale pour la vallée de Josaphat (1), et enfin son texte ne 
supporte pas l'hypothèse d’une modification qui transporterait 
la lapidation dans cette vallée, puisqu'il ne parle de la lapida- 
tion qu'à propos de la porte de Galilée et de la basilique d'Eu- 
docie. 

Aussi le R. P. propose de suspecter le texte : « À suppo- 
ser même que la « porte de Galilée » désigne la porte du Nord 
et que nous ayons le texte exact de Theodosius, ce que n'admet 
pas son dernier éditeur, M. Geyer ».. Et il est vrai, cette fois, 
que M. Geyer admet de Theodosius ce qui est toujours possible : 
l'ouvrage ἃ pu être grossi dans le cours du temps. Faisons état 
de cette possibilité. Rappelons cependant que d’après le savant 
éditeur le trouble du texte commence après le chapitre 11, tandis 
que le texte principal relatif à saint Étienne est au chapitres. De 
plus ce texte est édité sans aucune variante d'ordre topogra- 
phique d’après les meilleurs manuscrits, deux du vin siècle, 
un du 1x°. Dans cette situation nous avons bien le droit de nous 
en tenir au texte. : 

Il ne reste plus au R. P. Vailhé qu'une dernière ressource : 
« Theodosius a très bien pu confondre le sépulcre de saint 
Étienne, construit par Eudocie dans la direction nord, avec le 
lieu de sa lapidation » (2). Et cela encore est possible. Cepen- 
dant Theodosius, vers 530, n’est pas très loin de la construction 
de la basilique, dédiée en 460. Et on ne peut même pas alléguer 
que c’est la basilique qui l’entraine; car enfin il ne dit pas : 
la basilique ἃ été bâtie au lieu de la lapidation, mais simple- 
ment : saint Étienne a été lapidé hors de la porte de Galilée, 
et là se trouve son église. 

Nous ne pouvons combattre à armes égales avec la tradition 
de l’est. On objecte à nos textes positifs des confusions possi- 
bles. Nous ne pouvons pas rétorquer l'argument, pour la bonne 


Mais si c’est ainsi qu'il lit les textes. Ailleurs M. Geyer cite des modifications 
de détail dans les manuscrits, mais non point quant à l’ordre des choses, ordi- 
nem rerum, qui seul importe ici, et il semble que c’est surtout à partir du cha- 
pitre 11, après le chapitre 8 relatif à l’église d'Eudocie. 

(1) 10. Hic est vallis Josaphat..…, p. 142. 

(2) Loc. laud., p. 76. 


122 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


raison que les témoignages positifs en faveur de l’est ne com- 
mencent qu'au xr1° siècle. 

Pourtant Theodosius semble d'autant moins avoir confondu, 
qu'il s'accorde avec la relation de Lucien. 

Le R. P. Vailhé ἃ reconnu l'importance capitale du texte de 
Lucien dans la question qui nous occupe.Ill ἃ agrandi le débat 
en opposant l’une à l’autre les deux recensions connues de cette 
relation. Ce n’est pas notre faute si nous sommes obligé d’en- 
trer ici dans des détails très minutieux; la question des deux 
recensions ἃ d’ailleurs en elle-même son intérêt, qui-est préci- 
sément celui qui touche les lecteurs de la Revue de l'Orient 
chrétien. On me pardonnera donc de reprendre les choses d’un 
peu haut. 

Le prêtre Lucien ἃ écrit en grec, sur l'invitation d’Avitus 
de Braga, une relation des visions dont il ἃ été favorisé et qui 
ont abouti à l'invention des reliques de saint Étienne. Avitus 
a traduit cette relation. On estime depuis longtemps posséder 
cette traduction latine, publiée parmi les œuvres de saint Au- 
gustin. Une lettre d'Avitus explique ces faits et la traduction y 
correspond exactement, Lucien déclarant avoir écrit sur l'in- 
vitation d'Avitus. Il ΗὟ a aucune raison de penser que cette 
pièce ne nous soit pas parvenue dans les conditions normales 
de fidélité. Nous la désignons par la lettre A. Elle se trouve 
par exemple dans la Patrologie de Migne (1). 

Le R. P. Vailhé ἃ cependant élevé des doutes sur la valeur 
de cette pièce, en la comparant à une autre recension de la 
même relation. Cette deuxième recension, que nous nommerons 
B, était déjà connue par un texte latin, publié en face de l’autre 
dans l'édition de Migne; Tillemont avait jugé B inférieur à A. 
Depuis, M. Papadopoulos-Kérameus ἃ publié, d'après deux ma- 
nuscrits de Saint-Sabas aujourd'hui à la bibliothèque du pa- 


triarcat orthodoxe à Jérusalem, un texte grec qui est en subs- 


tance celui de la recension B (2). M. Nau, ne connaissant pas 
cette publication, ἃ analysé dans cette Revue trois manuscrits 
de Paris qui contiennent la même recension. Il ἃ cru de plus 
pouvoir établir que la version syriaque publiée par Land d'après 


()P. L., t. XLI, 807-808 à 817-818. 


(2) Avdexta ἱεροσολυμιτιχῆς σταχυολογίας, t. V, p. 28-40. 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. | 493 


un manuscrit syriaque du vi‘ ou du vn'siècle suivait cette même 
recension B (1). 

Le R. P. Vailhé, de son côté, a montré que cette recension, 
sous une forme à déterminer, était connue d'Eustrate, prêtre de 
Constantinople au γι" siècle, mais que Photius avait eu tort de 
l'attribuer à Chrysippe, frère de saint Gabriélos, établi par 
Eudocie Higoumène du monastère de Saint-Étienne. Je suis 
particulièrement reconnaissant au R. P. Vaïlhé d’avoir établi 
ce dernier point (2). J'avais révoqué en doute l'attestation de 
Photius (3), mais le R. P.,qui connaît beaucoup mieux que moi 
les auteurs byzantins, ἃ changé mes soupçons en certitude. 

Ceci posé, et sous les réserves déjà proposées par le R. P. 
Peeters (4) quant à la valeur de la version syriaque, je recon- 
nais volontiers l'existence de la recension B au vi‘ siècle. La 
question se pose de savoir quelle est la meilleure, A ou B? Pour 
prendre un point de comparaison fixe, nous nommons désor- 
mais B le texte publié par M. Papadopoulos-Kérameus, qui 
parait assez semblable au meilleur des textes analysés par 
M. Nau. Le ἢ. P. Vailhé, nous l'avons déjà indiqué, propose 
de réviser le jugement de l'opinion commune, qui préférait A 
à B (en latin); il voit même, sans trop d'hésitation, dans B le 
texte original de Lucien. L'argumentation est condensée en 
quelques lignes que nous devons reproduire. 


« Dès lors nous ne voyons pas pourquoi la première recension latine se- 
rait préférée à la seconde, alors que nous avons tant et de si bonnes rai- 
sons d'estimer davantage la seconde que la première. Une autre conclu- 
sion me semble s'imposer également. Si ce texte grec de Lucien, publié 
par M. Papadopoulos-Kérameus, est « l'original de la version syriaque », 
contenu déjà dans un manuscrit du vi au vue siècle, comme par ailleurs 
il répond au texte de la lettre de Lucien, utilisé par le. prêtre Eustrate au 
vie siècle, ïl ἃ beaucoup de chances d’être le texte original même du prêtre 
Lucien. Pour ma part, je ne vois aucune raison de lui refuser ce privi- 
lège. » 


Ces lignes résument fidèlement la discussion. Elle est som- 
maire. Le raisonnement est tout extérieur, d’après l'antiquité 


(1) Revue de l'Orient chrélien, 1906, p. 199 ss. 

(2) Note spéciale dans la Revue de l'Orient chrétien, 1905, p. 97-98. 
(3) Revue biblique, 1900, p. 142 5. 

(4) Analecta Bollandiana, 1907, janv. 1906. 


424 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


des attestations. Or nous ne pouvons lui accorder une valeur 
décisive. Samuel Berger disait des manuscrits de la Vulgate : 
« Dans tout ce qui précède on ἃ vu que l'âge des manuscrits 
est absolument étranger à l'ancienneté du texte qu'ils contien- 
nent (1)». 

Il était donc indispensable de comparer les textes entre eux, 
et c’est bien ce qu'avait fait Tillemont, qui ne s'était pas pro- 
noncé à la légère, et qui n'avait point eu pour raison principale 
la citation faite par Bède de la recension A. Ce que disait Tille- 
mont demeure vrai (2) : « elle a même un air plus simple et 
plus naturel que l’autre, et on la joint avec la lettre d'Avite, 
qu'on sait l'avoir traduite en latin, et l'avoir publiée dans 
l'Occident ». Je n'ai pas d'autre prétention que de justifier ces 
sages paroles du grand critique, en prenant pour termes de 
comparaison la première recension latine et le texte grec dont 
on veut faire l'original de Lucien. 

Une collation minutieuse exigerait la reproduction des deux 
textes ; Je me tiendrai à ce qui est le plus significatif. 

Je note d’abord ce qu'il y a en plus dans A, puis dans B, sans 
tenir compte du passage discuté, sur lequel il y aura lieu de 
revenir, ni des choses qui ne sont pas dites au même endroit, 
mais qui se trouvent dans les deux textes. 

A a en plus : ni bête, ni oiseau, ni chien, n’a touché le corps 
de saint Étienne [3]; Abibas avait 20 ans [3]; les reproches de 
Gamaliel dans la troisième vision sont plus développés [5]; le 
nom de la ville d’Aelia (Helia, 2); Sion la première église [6]; 
le synode de Diospolis|8|; mais les deux premiers points se trou- 
vent dans B, édition latine de Migne; de sorte que À n’a vrai- 
ment en plus comme traits positifs que des notes historiques 
parfaitement conformes aux faits et au langage du temps (3). 

B ignore ces particularités, mais combien d’autres choses 
il nous apprend! Gamaliel apparaît avec des sandales à cour- 
roies dorées, Nicodème était son cousin, il a été baptisé par 
les apôtres Pierre et Jean (4), a été battu cruellement par les 


(1) Histoire de la Vulgate.…, p. 315. 
(2) Mémoires…., t. II, p. 465. 
(3) Les rappor ts de Lucien avec Mégéthios sont aussi plus développés dans A, 
mais d’une manière combien plus naturelle ! Nous y reviendrons. 
(4) Et non pas seulement par les disciples du Christ. 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. 495 


Juifs qui l'ont laissé demi-mort, il a été un véritable confesseur, 
ses biens ont été confisqués sous prétexte d’en enrichir le 
Temple, Gamaliel et Abibos ont été baptisés par les mêmes 
apôtres, Abibos n'avait pas connu de femme et ἃ été nourri 
dans le temple de Dieu; la femme et le fils aîné de Gamaliel lui 
ont fait de mauvaises querelles; Lucien trouvera leur tombeau 
vide; Gamaliel pénètre le secret du cœur de Lucien et ses 
doutes ; il le prend par la main en extase pour le ramener dans 
son village ; il lui répète l'endroit où il faut chercher ; Lucien y 
fait une enquête; Lucien parle d’abord aux prêtres de Jérusalem, 
qui l’introduisent auprès de l'évêque, et se plaignent de trem- 
blements de terre quotidiens (1). Gamaliel apparaît à Lucien 
pour lui dire que ses recherches font fausse route, au lieu 
d'apparaitre seulement au moine Mégéthios ; on trouve au pre- 
mier endroit des fouilles une inscription hébraïque; on fait 
venir un hébreu pour la déchiffrer ; texte de cette inscription : 
« c'est le lieu de la lamentation des justes » (2); la vision de 
Mégéthios met sur les sarcophages des tapis, l'un comme un 
habit blanc, pour ceux qui avaient été nouvellement baptisés, 
l’autre orné de drap d'or et de pourpre (3). Lorsque les reliques 
apparaissent (avant l'arrivée de Jean!) tout le monde est plongé 
dans un sommeil surnaturel et le parfum se répand jusqu’au 
10° mille; les os de saint Étienne bondissent etse raniment (4)! 

Peut-être pourrions-nous nous en tenir là. Le récit de Lucien 
est très surnaturel, assez chargé de visions ; cependant 1] a été 
reçu dans l'Église où il ἃ trouvé crédit. Il est permis de croire 
qu'il n'a pas paru d’abord sous la seconde forme, amplifié, 
embelli, jusqu'au ridicule. Pour en venir au point précis, ἃ est- 
il un abrégé de B, ou B le développement de A? La seconde 
hypothèse est normale dans l’hagiographie; dans la première 
on n'expliquerait pas ce que Α ἃ en plus, comme données pré- 
cises. B sait tout, excepté ce que nous savons par l'histoire, le 
nom d’Aelia et le synode de Diospolis. 


(1) 39, 6 55. : τοὺς συνεχεῖς σεισμούς, τοὺς χαθ᾽ ἡμέραν γινομένους. 

(2) 99, 3 5.. lire δικαίων et non δίχαιον. ᾿ 

(3) 98, 16 5. : ὡς ἀπὸ λαμπρᾶς ἐσθῆτος ἐστρωμένη χαὶ ὡς νεοφωτίστων ὄντων τῶν ἐν 
αὐτῇ ἀναχειμένων, ἡ δὲ ἄλλη ὑπὸ χρυσούφων χαὶ βασιλιχῶν χεχοσμιημένη. 

(4) 99, 10 : ὥστε τὰ λείψανα τοῦ ἁγίου Στεφάνου σχιρτῆσαι χαὶ ἀναθάλαι. Exagération 


d’après Eccli. 46, 12 et 49, 10. 


426 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


Mais on peut serrer le problème de plus près, et montrer 
dans B des traces d’inconséquences qui montrent le peu de va- 
leur de cette recension. Dans A, Lucien arrête les fouilles au 
moment où il trouve l'inscription et fait prévenir l'évêque (1); 
dans B l'évêque vient seulement pour enlever les reliques. Or 
Gamaliel dit dès le début : « Va trouver l’évêque et dis-lui : 
Pourquoi ne nous ouvres-tu pas? » C'était à lui de faire l'in- 
vention (2) 

Autre inconséquence. L'apparition à Mégéthios complétait les 
révélations faites à Lucien. Dans A, Lucien qui ne se doute de 
rien veut faire la fouille à son idée; d’où le trait charmant : 
écoute d’abord ce que dit Mégéthios ! Dans B, Gamaliel ἃ dit la 
même chose à Lucien, ce qui est tout à fait superflu; et alors il 
ne devrait pas suivre sa première idée. Mégéthios d'abord qua- 
lifié de « plus jeune » est ensuite « le moine ». 

Enfin : dans A, Nicodème est banni par les Juifs. B ἃ retenu 
cette circonstance; mais elle ne s'accorde guère avec ce qu'il ἃ 
ajouté, que Nicodème avait été laissé demi-mort sur place (3). 

J'insisterai sur un détail qui montre A plus fidèle au texte 
primitif, même lorsqu'il n’a pas compris. On y voit qu'Abibas 
est ieratus in lege, ce que le traducteur probablement ἃ 
olosé : De ulero testimonii, id est iteratus in lege; il entendait 
sans doute qu’Abibas, né dans le judaïsme, avait été baptisé. 
Mais ce n'était rien dire de particulier. Or le mot #eratus est 
sûrement la transcription assez fidèle de δευτερωτής, en araméen 
ΝΠ; Abibas était, comme nous dirions aujourd'hui, un docte 
tannaïte. On se rappellera le texte de saint Jérôme : « Adivi (ou 
audivi?) Liddae quemdam de Hebraeis, qui sapiens apud 
illos, et δευτερωτής vocabatur, narrantem hujuscemodi fabu - 
lam.…. (4) ». 

B ἃ bien compris qu'il s'agissait d’exégèse, mais 1] ἃ rem- 
placé δευτερωτής par δεύτερος, qui ne signifie plus rien : Kat 


(1) Dans Migne, col. 815, lire : qui cum aperuissent,et non apparuissent. 

(2) 38, 1 5. : φρουρῆσαι τὸν τόπον αὐτὸν δι᾽ ἑαυτοῦ, δηλῶσαι δὲ διά τινος πιστοῦ γραμ.- 
ματοφόρου... le latin de A : sedens custodi locum, ét manda mihi per diaconum... 
ce diacre ne vaut-il pas mieux que le « fidèle porte-lettre » ? 

(3) Lors de sa première vision, Lucien est à la fois endormi et éveillé, puis il se 
réveille : 31, 12; 31, 16; 34, 4. 

(4) ἘΣ XXN, ce. 1901 


LE SANCTUAIRE DE LA LAPIDATION. 427 


αὐτὸς νομοθέτης ὑπάρχων ἤδη ὑπὲρ ἐμὲ χαὶ δεύτερος τῶν θείων Τραφῶν 
ἐξηγητής (1). 

Cela soit dit en passant pour expliquer un passage qui Π᾽ ἃ- 
vait pas, que je sache, attiré l'attention (2). D'ailleurs je ne 
suis point assez versé dans le byzantinisme pour décider du 
style de cette pièce. Je répugne néanmoins à attribuer au 
γ᾽ siècle commençant des mots comme σημιειόχριστα, χρυσολώρινα 
(grec et lorum, courroie?), γαμματια... (3); il me semble aussi 
que πληγαῖς δὲ οὐ ταῖς τυχούσαις (4) est une affectation d'élégance 
qui détonne sous la plume de l’humble desservant. 

Comment se fait-il d’ailleurs que la recension B se rencontre 
toujours, à Paris comme à Saint-Sabas, étroitementunie au ré- 
cit de la translation des reliques de saint Étienne à Constanti- 
nople? Ce dernier morceau est fort suspect. Le R. P. Vailhé 
n'en parle pas. L'invention des reliques, telle qu'elle est racon- 
tée, est certainement la relation de Lucien, mais il est si évi- 
dent qu’elle ἃ été retouchée pour figurer dans ce contexte, que 
le recenseur ἃ répété deux fois en plus de A « moi l’humble 
Lucien » et qu'il a même mis dans la bouche de Gamaliel : 
« à Kapargamala, où Lucien a eu la charge du sacerdoce » (5)! 
Cette relation figure donc ici comme un document employé 
par quelqu'un qui raconte une autre histoire, peut-être par 
un orateur, comme Photius en avait le sentiment (6). 

Si on voulait aller tout à fait au fond des choses, il faudrait 
même se demander si nous pouvons parler d’une recension B 
attestée au vi° siècle par Eustrate? Oui, sans doute, s’il s'agit 
d'une tradition différente de A; mais son texte était-il établi? 
La traduction syriaque est un abrégé; la traduction latine dif- 
fère très notablement du texte de M. Papadopoulos-Kérameus ; 
des trois manuscrits de M. Nau, l’un est, d’après lui, une révi- 


(PS8 M18;S.-Vct180, 227 

(2) Ce travail était achevé lorsque j'ai reçu Christlich-Palaestinische Frag- 
mente de Scaurraess, Berlin 1905; le texte syriaque de cette recension porte aulo, 
qui me paraît répondre précisément à l’action du Tanna. Malheureusement il ne 
reste en tout que quelques lignes; assez pourtant pour qu’on reconnaisse une 
recension particulière, plus voisine cependant de B. 

(3) 31, 14 5. 

(4) 33,5 s. 

(9) 89, 22 5. 

(6) P. G., CII, c. 500. 


498 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


sion métaphrastique qui fait apparaitre S. Étienne à la place de 
Gamaliel. Ces faits montrent clairement avec quelle liberté cette 
recension, qui n'avait rien d’authentique, était modifiée au gré 
de celui qui s’en servait. Peut-on, après cela, conclure, de la 
préseuce au γι" siècle de certains éléments de cette légende, 
que le texte de Papadopoulos existait déjà et tabler sur un de ses 
détails ou une de ses omissions? Cela est du moins fort douteux. 
Mais je n'insiste pas. Je me contente de signaler les excrois- 
sances exubérantes et suspectes du texte grec. Certes, l'examen 
interne ne fait que confirmer la conclusion à laquelle s’arrêtait 
le R. P. Peeters en parlant du texte latin A, attribué par tout 
le monde à Avitus de Braga : « Donc, Jusqu'à nouvel ordre, c’est 
sa traduction latine qui représente l'original disparu, réserve 
faite, cela va de soi, de certaines phrases qui forment comme 
des parenthèses du traducteur (1). » 


Jérusalem, 16 juillet 1907. ᾿ 
Fr. M. J.-LAGRANGE. 


(A suivre.) 


(1) Analecta Bollandiana, XX VI, fase. du ?8 janvier 1907, p. 105. 


MÉLANGES 


TRADUCTION 
DE LA CHRONIQUE SYRIAQUE ANONYME, ÉDITÉE PAR 
SA BÉATITUDE M RAHMANI 


Patriarche des Syriens catholiques 


Nous avons annoncé dans la Revue de l'Orient Chrétien 1905, 
pp. 439-440, l'édition du premier fascicule de cette Chronique, 
écrite vers la fin du xrr° siècle, en Mésopotamie (1). Le second 
fascicule va paraître et un troisième terminera l'ouvrage. Nous 
avons eu l'heureuse chance de rencontrer le bienveillant éditeur 
qui nous a permis de traduire des passages choisis de sa Chro- 
nique et d'en donner ainsi la primeur aux lecteurs de l'Orient 
Chretien. La traduction intégrale sera faite et publiée par 5. B. 
M Rahmani après l'apparition de tout le texte. D'ici là les 
fragments que nous traduisons permettront peut-être de clas- 
ser cette Chronique et contribueront en tout cas à mettre son 
importance en relief. 

La présente Chronique et celle de Michel 16 Syrien (2) sont 
contemporaines, elles ont des sources communes mais elles sont 
indépendantes l'une de l’autre. Jusqu'à Constantin, l'histoire 


(1) In-4°, viu-144 pages (1904), en vente chez l'éditeur, à Beyrout, Syrie. 

(2) Cette chronique regardée jusqu'alors comme perdue fut découverte aussi 
par M Rahmani. Elle est publiée par M. J.-B. Chabot, Paris, 1899 sqq. Nous 
renverrons quelquefois aussi à la Chronique syriaque de Bar Hébræus (éd. Be- 
djan, Paris, 1890) ou la Chronique ecclésiastique du même auteur (éd. Abbeloos et 
Lamy, Louvain, 1872). 


430 : REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ecclésiastique est mélangée à l'histoire profane, mais, à partir 
de Constantin, l'auteur a séparé ces deux parties, comme Bar 
Hébræus devait le faire aussi au siècle suivant. 

Nous ajouterons au fur et à mesure les notes qui nous sem- 
bleront utiles et les renvois aux auteurs que nous avons sous 
la main; nous donnerons entre crochets la pagination de l'édi- 
tion de M5 Rahmani; on pourra ainsi se faire une idée de la 
longueur relative des’ divers récits. Pour tous les noms con- 
nus, nous donnons l'orthographe usuelle (par exemple celle 
de la Vulgate pour les noms bibliques). 

La principale source, pour les premières pages, est la Caverne 
des trésors (1); il restera à déterminer si l’auteur l’a connue 
directement ou par l'intermédiaire d’un écrivain syrien (2). 


F. Nav. 


TRADUCTION 


Avec l’aide de Dieu, maître des temps, nous commençons à écrire la 
description des temps et la succession des patriarches et des 
rois célèbres, ainsi que des chefs et des juges des Juifs avec les 
temps des saints prophètes et ensuite des divins apôtres, des 
archevêques et des évêques célèbres qui ont surgi dans les sain- 


tes Églises, et aussi les temps des docteurs orthodoxes et les 


conciles qui eurent lieu pour cause de foi, et enfin l’époque des 
hommes illustres et des philosophes qui se signalèrent parifois 
et chacune des choses importantes qui arrivèrent dans le monde. 


Puisque nous avons promis d'exposer les années du monde, nous 
avertirons que beaucoup firent une complète description des temps et 
fixèrent le souvenir des événements qui étaient arrivés dans le monde, 


(1) Die Schatzhühle, éd. C. Bezold, Leipzig, 1883 et 1888. Un remaniemen 
arabe a été édité et traduit par M. D. Gibson : The book of the Rolls, dans Apo- 
crypha Arabica, Londres, 1901. 

(2) La Caverne des trésors est certainement un ouvrage d’origine syrienne et les 


ressemblances textuelles entre cet ouvrage et notre auteur dans les passages pa- 


rallèles montrent que celui-ci à utilisé le texte syriaque (et non un texte grec 
correspondant), mais ce texte syriaque peut être ou l’original ou un auteur syrien 
(Jacques d'Édesse?) qui aurait introduit dans son histoire des fragments de 
la Caverne des trésors. La présente Chronique et celle de Michel permettront 
peut-être de reconstituer l’œuvre d’Andronicos, chronographe peu connu jus- 
qu'ici. 


ΓΙ 
k 
; 

- 


MÉLANGES. 43] 


mais leurs œuvres ne sont pas concordantes, leurs écrits sont divers et 

différents, lesuns ajeutent des années, les autres en retranchent, les uns 

avancent les événements, les autres les retardent, au point qu'il n’en est 

aucun dont le comput et la théorie s'accordent avec ceux du voisin. Le 
nombre des années du monde n’est pas écrit de la même manière dans le 

livre de la Genèse chez nous Syriens et chez les Hébreux que dans la ver- 

sion des Septante et dans celle des Samaritains. Eusèbe de Césarée ἃ compté 

des années différentes dans la chronique qu'il composa, et il en est de 

même d’'Andronicos (1), de saint Jacques évèque d’Édesse (2) et de saint” 
Georges évèque des peuples arabes (3). Les philosophes sages, avec tous les 

chroniqueurs si nombreux, nous ont transmis de différentes manières les 

années du monde. 

Que fera donc celui qui veut trouver la vérité, lorsqu'il voit les différen- 
ces qui se trouvent dans les Livres sacrés et dans les chroniques des 
hommes illustres qui étaient des sages et des philosophes? Il ne pourra que 
marcher dans la voie tracée et sur les vestiges du livre sacré de la Créa- 
tion et écrire comme l'ont fait les sages chroniqueurs : Æusèbe de Césarée, 
Andronicos et Anianos, moine d’Alerandrie (4), auxquels beaucoup de 
Pères se conformèrent. Nous ne leur ajouterons rien de notre fonds, 
mais nous écrirons d’après leurs écrits et leurs théories en commençan 
— avec l’aide du Seigneur qui (nous) fortifie — par les jours de la création 
nouvelle et de la dédicace du ciel, de la terre et de toutes les créatures (5). 

Au commencement, le premier jour qui est le lundi, Dieu créa le ciel 
et la terre ainsi que les eaux, la lumière diffuse et tous les ordres des an- 
ges qui font l'office devant Dieu : tous les anges qui adorent (6), les anges 
qui louent, les souffles des vents, [p. 4] l’abîime, les ténèbres et les anges 
des vents qui soufflent ; il fit sept grands travaux durant le premier jour. 

Le second jour, Il créa le ciel inférieur et le nomma firmament. Le ciel 
supérieur est celui de la lumière et, d’après la doctrine de l’Église, c’est 
le paradis spirituel ou la Jérusalem céleste. En ce jour les eaux furent di- 
visées : une partie monta en haut et une autre partie resta sur toute la 
surface de la terre. Dieu ne fit que cela le second jour. 


L'auteur continue le récit de la création. Au cinquième 
jour les eaux engendrèrent le dragon, Léviathan, « Béhémoth 
qui est la sauterelle » (7), les oiseaux et les poissons; « à la pre- 


(1) « Plus récent et plus moderne qu'Eusèbe », 20C, 1900, p. 590. 

(2) Né vers 633, mort en 708. É 
© (3) Évéque de 686 à 724. 

(4) Vivait près d’un siècle après Eusèbe. 

(9) Les principales idées de ce début se trouvent dans la lettre de Jacques 
d'Édesse à Jean le Stylite, ROC, 1900,{p. 89-590 (tirage à part, Paris, Leroux, 1906, 
p. 9-10). Nous renverrons à ces lettres par le seul nom de l’auteur suivi de la 
page de la Revue avec, entre parenthèses, la page du tirage à part. 

(6) Litt. : les anges de la face. 

(7) Jacques d’Édesse, ROC, 1905, p. 262 et 279 (p. 70 et 87 du tirage à part). 


432 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


mière heure du vendredi, selon la doctrine de l’Église, Dieu 
dit au Fils et au Saint-Esprit : Faisons l’homme à notre image 
el à notre ressemblance ». L'homme fut créé à l’aide des quatre 
éléments. | 


[p. 5] Les anges s’inclinèrent et adorèrent l’homme. Lorsque le chef de 
la dernière cohorte vit la gloire d'Adam, il l’envia et ne voulut pas l’ado- 


rer. Il dit à ses troupes : Nous ne l’adorerons pas et nous ne le louerons ἡ 


pas avec les anges, c’est lui qui doit m’adorer, moi qui suis feu et vent, 
et non moi (qui dois adorer) la poussière, etc. Par ces paroles, le rebelle 
se sépara de Dieu, il fut rejeté et il tomba le vendredi avec ses anges (1), 
il fut dépouillé de sa gloire et fut appelé Satan parce qu'il s’éloigna, dia- 
ble parce qu'il fut rejeté et démon à cause du malheur qu'il eut de per- 
dre sa gloire (2). Lorsque le démon eut été chassé du ciel, Adam fut con- 
duit au Paradis sur un char de feu pendant que les anges chantaient de- 
vant lüi. 


Création d'£ve, tentation et chute. Adam et Eve passèrent 
six heures dans le Paradis et en furent chassés à la neuvième 
heure (3). [p. 6] Dieu ordonna à Adam de se faire embaumer 
après sa mort et de se faire déposer dans la « caverne des 
trésors » au milieu de la terre, où devait plus tard s’accomplir 
le salut de lui et des siens. Abel devait épouser Lebôdä, 
sœur jumelle de C'aÿn, et celui-ci devait épouser Xalmdä, sœur 
jumelle d’Abel, mais Caïn, contre l'ordre de Dieu, voulut 
prendre Lebôdà pour femme, Adam s’y opposa, Dieu n'agréa 
pas l'offrande de Caïn et sa jalousie contre Abel s’en accrut 
au point de le tuer (4). 


(1) Cf ROC, 1907, p. 252; Caverne des trésors, p. 16. 

(2) Figure dans la Caverne des trésors, p. 16 (Gibson, p. 7). 

(3) Tout paraît donc s'être passé en un jour. Cf. supra, p. 245, note 4 : « Le 
vendredi, Adam fut créé et pécha ». Même délai dans la Caverne des trésors, 
p. 20 (Gibson, p. 7 et 10); Cédrénus le trouve trop court. 

(4) Cf. Salomon de Bassora (χα siècle), Le Livre de l'Abeille, éd. W. Budge,; 


Oxford, 1880, p#25. — Ces récits, comme beaucoup d’autres de cette première . 


partie, sont tirés de la Caverne des trésors. 


MÉLANGES 433 


Succession des familles et des années des patriarches, et années 
des divers rois des Gentils, comme nous l'avons promis plus haut, 
d’après les données du Livre sacerdotal de la Genèse qui fut 
écrit par l'ange (1), d’après la parole du Seigneur par la main du 
prophète Moyse, et d’après les données d’Andronicos et des au- 
tres chroniqueurs. 


D'abord Adam, à l’âge de 230 ans, engendra Seth, d’après les données 
des chroniqueurs, et à l’âge de 130 ans d’après les Hébreux (2). [p. 7] Les 
chroniqueurs s'appuient sur le livre d’Æeénoch, d’après lequel Adam con- 
nut Zve 70 ans après sa sortie du Paradis et elle enfanta Caïn, puis, sept 
ans plus tard, Abel. Au bout de 53 ans, Caïn tua son frère Abel, et ce 
n’est qu'après avoir consacré cent ans au deuil qu'Adam connut Ave et 
qu'elle enfanta Seth (3). 


Adam réunitses enfants et leur demanda de l’enterrer sur 
la montagne dans la « caverne des trésors; » il mourut à l’âge 
de 930 ans (4), la 135° année de Malaléel, le 14 de Nisan, à 
six heures (5). Les fils de Sefh demeuraient sur la montagne 
près du Paradis et y passaient leur temps à louer Dieu. [p. 8] 
Certains d’entre eux montèrent sur le mont Hermon et — pour 
mériter de rentrer au Paradis — y vécurent à la manière des 
moines dans la chasteté et la prière. On les appela « Vigi- 
lants » et « Fils d'Elohim ». Lamech l'aveugle jeta une pierre 
et tua Cain (6). [p. 91] Mort des äutres patriarches jusqu'à Ha- 
laléel; à ce moment les fils de Seth qui s'étaient retirés sur 
l’Hermon, voyant qu'ils ne pouvaient rentrer au Paradis, des- 
cendirent pour prendre des femmes, sous la conduite de Sa- 
mazos. Les fils de Seth les leur refusèrent, ils prirent des filles 
de Caïn et engendrèrent les géants (7). Les premiers chroni- 
queurs se sont trompés lorsqu'ils ont cru que c'étaient des an- 


(1) Cf supra, p. 431, note 6. 

(2) Cf. Genèse, x, ὃ. 

(3) Cité par Michel le Syrien (Chronique, Paris, 1899, p. 3) sous le nom d’A- 
nianos. Ces chiffres ne se trouvent plus dans le livre d'Hénoch, trad. Martin. 
Paris, 1906, p. 198-199. 

(4) Cf. Genèse, v, 5. 

(9) A neuf heures, le vendredi, Caverne des trésors, p. 40. 

(6) Ce qui précède se trouve dans la C'averne des trésors, p. 42-48. Cf. Gibson. 
p. 19-20. 

(7) Cité aussi par Michel sous le nom d’Anianos, p. 5. Cf. p. 7-et 13. Une ré- 
daction un peu différente se trouve dans la Caverne des trésors, p. 64-68. 

ORIENT CHRÉTIEN. 28 


A34 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ges, qui avaient pris des filles des hommes (1).[p. 101,65 enfants 
de Cain inventèrent la danse et la musique et bien des enfants 
de Seth descendirent de la montagne pour aller prendre part 
à leurs débauches. Ceux qui descendirent ne purent plus re- 
monter; il ne restait à la fin que quelques patriarches avec 
Noë et sa famille (2). [p. 12] Noé construit l'arche, descend 
de la montagne, avec le corps d'Adam, le 14 du mois de For, 
entre dans l'arche le 17 de cé mois (3) et en sort au bout de 
150 jours, le 17 du septième mois, sur les monts Qardou:; 
[p. 43] les eaux diminuent jusqu'au dixième mois qui est 
Schebat. Quarante jours après, le dix d’'Adar, Noé envoie le 
corbeau; il sort de l'arche, maudit C'anaan, s’enivre, partage 
la terre entre ses fils. [p. 44] Il y ἃ quinze langues qui possè- 
dent la lecture et l'écriture. Un ange montre où on doit en- 
sevelir à nouveau Adam, au milieu de la terre. D'Adam au 
déluge, 11 v a, d’après les chroniqueurs, 2242 ans, et d’après les 
Hébreux, 1662 ans. 


Générations après le déluge. 


Sem entra de nuit dans l'arche et prit le corps d'Adam (4), puis il 
scella l’arche avec le sceau de Noë son père, et Sem dit à Mélék, fils d’Ar- 
phaksad et père de Melchisédek : Donne-moi Melchisédek ton fils pour venir 
avec moi et me tenir compagnie. Il lui dit : Emmène-le en paix. Et Sem 
prit Adam et partit de nuit avec Melchisédek, et l'ange du Seigneur les 
précédait. Lorsqu'ils arrivèrent au Golgotha, l'ange montra le milieu, de 
la terre [p. 15] et (Sem) mit le corps d'Adam dans une caverne et cet 
endroit fut appelé « crâne » parce qu'on y mit le chef de tousles hommes, 
et « Golgotha » à cause de sa sphéricité.… 


Sem laisse Melchisédek au Golgotha et, à son retour, an- 
nonce à sa famille qu’il est mort (5). Suite des patriarches 
[Ρ. 16. 


(1) Sic Josèpne, Ant. juives, I, τι. BARDESAXE, Le livre des lois des pays, Paris, 
1899, p. 31. 

(2) Caverne des hrésors, p. 72 et 76-78. 

(3) Genèse, vir, 11. 

(4) Tout ceci figure encore dans la Caverne des trésors. Cf. Le livre de l'A- 
beille, ch. xx. 

(9) Ce transfert d'Adam se trouve Caverne des trésors, Ὁ. 114-120. 


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MÉLANGES, 


Construction de la tour et division des langues. 


On construisit durant quarante ans et la tour s’éleva au point 
que si une bête de somme concevait au bas puis montait des 
pierres ou de la chaux, elle mettait bas avant d'arriver en haut. 
Dieu divisa les langues et chacun se rendit à la terre que Voë 
lui avait fixée, mais les fils de C'anaan ne voulurent pas quitter 
la Palestine (1). 


Les chroniqueurs disent qu'Abraham naquit deux cents ans après la 
division des langues au temps-du roi Vinus. Δ l’époque de Nemrod, le feu 
sortit de la terre, on l’adora et on lui donna des prêtres ; dès cette époque. 
les Perses commencèrent à adorer le feu (2). Vemrod bâtit la ville d’Æ£desse 
et les autres villes. 


A cette époque Yônatan(2?) mena une vie monastique [p. 47; : 
et obtint en retour une science universelle. Il transmit aux 
autres la science des sphères célestes, de la course des étoiles, 
des plantes et de leurs vertus. A l'époque de Saroug commença 
l’idolâtrie : un homme riche mourut, son fils lui fit une statue, 
_ Satan y entra et parla avec le fils, 11 lui demanda de lui im- 
moler l’un de ses enfants pour retrouver ses biens que les vo- 
leurs avaïent enlevés ; il lui enseigna aussi la magie, les sorts, 
l'astrologie et « dès lors les hommes se mirent à sacrifier leurs 
enfants aux démons et à adorer les idoles (3) ». 


A cette époque les descendants de Seth, voyant qu'on ne leur avait pas 
donné toute leur part d’héritage, se choisirent trois rois parmileurs frères : 
Saba, Ophir et Hévila — trois rois puissants de la maison de Joktan. — 
Ils commencèrent à fabriquer des armes et à combattre ceux qui occu- 
paient leur pays. Ils l’'emportèrent sur tous parce qu’ils combattaient avec 
des armes et que personne parmi les peuples n’avait encore eu l’idée de 
s’en procurer. On fuyait devant eux, on construisait des châteaux forts et 
lorsque les peuples virent qu'ils étaient vaincus par eux, ils leur donnè- 
rent leur part d’héritage. Alors les peuples commencèrent à se procurer 


(1) Cf. Jacques d'Édesse, ROC, 1905, p. 201-202 (p. 59-60). 

(2) Cf. Caverne des trésors, p. 140. 

-(3) Cf. C'averne des trésors, p. 138. La suite se trouve à la page 132 du même 
ouvrage. 


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436 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


des armes, à se soulever nation contre nation et tribu contre tribu; ils se 
pillaient les uns les autres, ils achetaient et vendaient des serviteurs et 
des servantes (1). 

A cette époque aussi, des femmes devinrent puissantes à la guerre et 
formèrent un royaume, dès lors elles s’imposèrent de ne pas élever de 
garcons mais seulement des filles. Une fois par an, elles avaient rapport 
avec leurs hommes et renvoyaient à ceux-ci tous les enfants mâles (2). 
Jusqu'à l’époque du roi Salomon, les femmes gouvernèrent. 

A cette époque on fit des mesures et des poids, des habits de soie et toutes 
sortes de tissus (3). 

Ragau (Ar'ô) mourut [p. 18] et Saroug son fils l’ensevelit au village de 
Arô'‘in. A l’âge de cent trente ans — selon les Hébreux à l’âge de trente ans 
— Saroug engendra Nachor. La Bible hébraïque retranche cent ans à chaque 
patriarche, depuis Adam jusqu’à Nachor, à l'exception de Jared, Mathu- 
salem et Lamech (4). 

La douzième année deVachor, régna sur l'Égypte Pharaon, le quatrième 
roi; c’est de ce Pharaon que les rois d'Égypte prirent leur nom (5). 

A cette époque eut lieu la lutte de Job et de Satan, durant sept ans (6). 
Il vainquit et l’emporta. D’autres placent cette lutte six cents ans plus 
tard. A cette époque on apporta en Égypte les livres (astrologiques) des 
Chaldéens et Armônis le Cananéen eut pour fils Sodome et Gomorrhe (7), 
ils bâtirent des villes et leur donnèrent leur nom. Saroug mourut et Nachor 
son fils l’enterra. 

A l’âge de vingt-neuf ans, d’après tous les chroniqueurs, Vachor en- 
gendra Tharé. À cette époque fut bâtie la ville de Damas. 

La centième année de Nachor, Dieu envoya un grand tourbillon qui 
extirpa toutes les idoles et les enfonca dans la terre. Les premiers chroni- 
queurs le nomment tempête (8) diluvienne. Il en résulta des tells et Dieu 
y cacha les démons qui demeuraient (auparavant) dans les idoles et les 
statues. Ces tells remplacèrent les statues et les démons. y demeurèrent. 
Il n'y a pas de tells sans démons; c’est pour cela qu'il y eut un déluge de 
tempête à cette époque (9). Certains disent qu'il y avait des tells au temps 
du déluge, mais ils se trompent en cela, car, avant le déluge, il n’y avait 
pas d’idolàtrie sur la terre, mais Dieu fit le déluge à cause de l’impureté 


(1) Michel, p. 22 et p. 25, 1. 8-9. 
(2) En général (Bardesane, loc. cit., p. 50, d’où Cédrénus; Michel, p. 22), on 
écrit qu’elles les mettaient à mort. 

(3) Michel, p. 24. 

(4 Cf. Michel, p. 24, L. 1-3. 

(2) Cf. Michel, p. 25. 

(6) Ou plutôt : sept fois. Cf. Michel, p. 24 et Jacques d’Édesse, ROC, 1905, 
p. 261-262 (p. 69-70). 

(7) Cf. Michel, p. 26 et 25. Η 

(8) JRxsa» (2). Dans la Caverne des trésors Ἰἦναωασ. 

(9) Cf. Michel, p. 33-34; la Caverne des trésors, p. 134-136, et Le livre de l'abeille, 
p- 39-40. 


MÉLANGES. 437 


de la maison de Caïn (1). À l’âge de soixante-dix ans, Tharé engendra 
Abraham. 

Depuis Adam jusqu'à Abraham, il y a trois mille trois cent vingt-neuf 
ans, d’après le comput des chroniqueurs, et deux mille cent deux ans, 
d’après les Hébreux. 

Lès l’âge de douze ans, Abraham reconnut l'erreur des hommes, car 
tous étaient tombés dans l’égarement des idoles et des faux dieux. ἃ Pé- 
poque de la moisson, chacun était sorti pour préserver sa récolte contre 
les corbeaux. Abraham alla avec eux et il criait aux corbeaux : « Retournez, 
retournez au pays dontvous venez, » et ils s’en retournaient. En ce jour il 
chassa soixante-dix fois les corbeaux, et il invoqua le Dieu du ciel qui 
l'exauca et les chassa (loin) de ses semences. Dès lors Abraham connut 
Dieu et promit de le servir (2). 


Abraham fait des remontrances à Tharé au sujet du culte 
des idoles. [p. 19] Tharé lui répond qu’il craint d'être mis à 
mort s'il parle contre elles. Α l’âge de cinquante-six ans, 
Abraham brûle le temple de Caëran, et Haran, frère d’A- 
braham, qui voulait sauver le temple, est brûlé et meurt (3). 
A l’âge de soixante ans, Abraham avec son père, Nachor et 
Loth, fils de Haran, quitte Ur des Chaldéens et habite à Haran 
durant quatorze ans; la cinquième année, le 14 du septième 
mois, Abraham observe les étoiles depuis le soir jusqu’au matin 
pour savoir quels seront les travaux de l'année, si le temps 
sera pluvieux; après cela il reconnait que tout dépend de Dieu 
et il le prie (4). Dieu lui dit de quitter ses parents et, deux ans 
après, Abraham va au pays de C'anaan, à l'âge de soixante-quinze 
ans (5); avec Sara et Loth. Vingt ans après, Agar, servante 
égyptienne que Pharaon lui avait donnée, lui enfante Zsmaël, οἱ 
Loth va à Sodome pendant qu'Abraham va habiter Hébron. 
Abraham délivre Loth [p. 20] et donne à Helchisédelk la dime 
de tout ce qu'il a. 

A l'âge de quatre-vingt-dix-neuf ans, Abraham reçoit l'as- 
surance qu'il aura un fils et Dieu détruit Sodome. Isaac nait 
lorsque Abraham a cent ans; quinze ans plus tard Jsaac est 
conduit sur le mont Jébus, où étaient le tombeau d'Adam et 


(1) Caverne des trésors, p. 136. 

(2) Cf. Jacques d'Édesse, ROC, 1905, p. 202-203 (p. 60-61). 
(3) Cf. ibid., p. 203-204 (p. 61-62). Figure dans Cédrénus. 
(4) Cf. Cédrénus. 

(5) Jacques d'Édesse, p. 204 (p. 62). 


438 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


l'autel de Welchisédek, pour être immolé (1). La quarantième 
année d’/saac, Abraham prend Qentourà pour femme, après la 
mort de Sara et d’Agar. La soixantième année d'Isaac, 76- 
becca, enceinte de Jacob et d'Ésaü, va demander les prières de 
Melchisèdek (2). [p. 21] Mariages de Jacob, naissance de ses 
enfants. Z?uben a rapport avec Belha à l'insu de celle-ci; il est 
maudit parJacob. Isaac meurt à cent quatre-vingts ans. Après 
sa mort, les fils d'Ésaü veulent massacrer Jacob et sa famille, 
parce qu'ils ont usurpé le droit d’aînesse; [p. 22] ils louent des 
hommes robustes, d'Aram et d'Edom, au nombre de 4.000, et 
obligent Ésaü à marcher à leur tête. Les habitants de Hébron 
avertissent Jacob qui pleurait alors la mort de Lia. Discours 
de Jacob et d'Ésaü. Jacob, de deux traits, frappe Ésaü au côté 
droit et Aroudä d'Aram au côté gauche (3). [p. 29] Histoire 
de Juda et de Thamar [p. 241. 


A cette époque eut lieu le déluge du temps d’Ogygés, et régna en Égypte 
le Pharaon dont Joseph expliqua les songes. ZLévi à l’âge de trente ans, 
d’après les trois chroniqueurs, engendra Caath; Caath, à soixante ans, 
engendra Amram; Amram, à soixante-dix ans, d’après les deux chroni- 
queurs Æusèbe et Andronicos, à quatre-vingts ans, d’après d’autres, engen- 
dra Moïse, Jacob avait cent vingt et un ans lorsque Joseph gouverna 
l'Égypte. À cette époque eut lieu le combat de Job le juste avec Satan du- 
rant sept ans. ἢ vainquit et l’emporta. Certains disent que cela arriva 
six cents ans plus tôt (4). 

Après la mort de Joseph et avant la naissance de Moïse les Hébreux fu- 
rent soumis aux Égyptiens durant soixante-quatre ans. La neuvième année 
du gouvernement de Joseph, qui est la seconde de la famine; Jacob et 
toute sa maison allèrent en Égypte et Jacob y vécut dix-sept ans. Il vécut 
cent quarante-sept ans et mourut dans une grande vieillesse avec allégresse 
de cœur. Joseph, son fils, l’ensevelit. 

A cette époque vivait Prométhée. On raconte dans les fables qu’il facon- 
nait des hommes; parce qu'il était (homme) de sage conseil et qu'il éloi-. 
gnait les hommes de la stupidité (5). 

Joseph vécut cent dix ans, il mourut et ses frères l’enterrèrent. Les 
Israélites furent soumis aux Égyptiens durant deux cent quinze ans, depuis 
leur entrée jusqu’à leur sortie. 


(1) Caverne des trésors, p. 146. 

(2) Michel, p. 35. 

(3) Résumé par Michel, p. 36, et par Cédrénus. 
(4) Cf. supra, p. 456. 

(5) Cf. Michel, p. 38. 


ΚΟ ΑΝΑΝ per ΩΝ ᾷ 7 
: ᾿ 


MÉLANGES. 439 : 


De la femme éthiopienne que Moïse épousa. 


Oppression des Israélites en Égypte, naissance de Moïse; 
Màris (1) fille de Pharaon, épouse du roi Chénéphré, le 
recueille [p. 25]. 


Un jour, le roi Pharaon prit Moïse sur ses genoux pour faire plaisir à sa 
fille, et mit son diadème sur la tête de l'enfant. Par l’opération divine 
celui-ci prit le diadème de sa tête, le mit à terre et le foula aux pieds, 
bien qu'il ne distinguât pas le bien du mal. Lorsque le roi vit ce que fai- 
sait Moïse, il pensa que ce serait lui qui détruirait la puissance égyptienne, 
comme l'avaient prédit les mages, et il songea à le tuer. Il ne le fit pas 
(alors) par égard pour sa fille, mais il en cherchait l’occasion. Sa fille s’en 
aperçuf, elle emmena Moïseet le cacha jusqu'à ce qu’ilfût devenu grand (9). 
Elle le donna alors à /annés et à Mambrés — les sages qui, plus tard, 
devaient lui résister — pour qu’il apprit toutes les sciences des Égyptiens. 
Par les soins de la fille de Pharaon, il apprit d’eux toutes les sciences : 
les incantations, la divination et tout l’art de la magie. Pharaon entendit 
(vanter) sa sagesse. 

A cette époque les Éthiopiens vinrent combattre les Égyptiens et Pha- 
raon dit à sa fille : « J’ai entendu dire que Moïse est instruit et habile dans 
toutes les sciences, je l’enverrai contre nos ennemis et — par ma vie! — 
je le ferai régner s’il vaine nos ennemis.» Celle-ci pensa que son père avait 
de mauvais desseins dans son cœur et elle l’adjura (de le lui dire), et il 
lui jura qu'il ne le tuerait pas, mais le comblerait d’honneurs. Alors elle 
amena Moïse devant le trône de son père, il l’établit chef et commandant 
de ses troupes et il l’envoya en guerre pour qu'il gagnât l'Ethiopie par 
mer, car personne ne pouvait y aller par terre à cause du grand nombre 
des bêtes sauvages et des serpents qui se trouvaient là. Moïse prit un 
oiseau qui tue ces mauvais reptiles. Au seul son de sa voix, pour ainsi 
dire, tout mauvais reptile fuyait et s’éloignait. Cet oiseau se nomme /bis. 
Moïse prit cet oiseau, lui fit une cage d’airain, l’'emporta avec lui et com- 
mença à s’avancer dans le désert, parce que les Éthiopiens tenaient la 
mer. Dès que l'oiseau sentait l’odeur d’un serpent, il criait et tous les 
reptiles s’enfuyaient. Ils purent ainsi arriver en Éthiopie. Ils parvinrent 
à une ville entourée par un fleuve et ils ne virent pas son entrée. Une 


/ 


(1) Dans la Chronique Pascale, Μεῤῥί. Dans la Caverne des trésors, Schipour ou 
Macri (p. 41, 42; Gibson, p. 45). Chez Josèphe, Θέρμουθις, Cette dernière forme 
se trouve aussi chez Cédrénus lequel écrit en un autre endroit Μούθιδις ou 
Φαρηΐς. Enfin Michel écrit (p. 39) : « Thermothisa, c’est-à-dire Ragusa, que les 
Hébreux appellent Märia. » 

(2) Cet incident se trouve dans Josèphe, Ant. jud., 11, 1x, 7. Il est résumé en 
deux endroits par Cédrénus. 


A40 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


femme éthiopienne regarda du haut du mur — c'était la fille du roi. — 
Elle vit que Moïse était désirable et beau et elle le désira. Elle lui fit dire 
par un interprète : « Situme jures de me prendre pour femme, je te mon- 
trerai l’entrée de la ville. » Moïse le lui jura et elle lui montra l’entrée de la 
ville qu’il conquit et dévasta. Il prit cette femme pour épouse, comme il 
l'avait juré, il l'emmena en Égypte et elle fut avec lui jusqu’au jour où il 
tua le roi Chénéphré (1), époux de Märis fille de Pharaon. Voici la cause de 
ce meurtre : [p. 26] Cet époux de Méris, fille de Pharaon, détestait Moïse à 
cause de ses hauts faits et cherchait à le tuer. Il envoya un Égyptien pour 
tuer Moïse. Lorsque celui-ci connut ce mauvais dessein, il envoya un poi- 
son mortel par un homme 511}, qui était des familiers de Chénéphré. 11 le 
lui fit boire et il mourut (2). Après cela Moïse craignit que Pharaon n’ap- 
prit cette affaire et ne le perdit. Il tua encore un autre Égyptien qui mal- 
traitait un Hébreu. Moïse demeura quarante ans en Égypte, puis tua Ché- 


néphré. 11 s'enfuit alors au pays de Madian près de Raguel et garda les : 


brebis. Il épousa Séphora, fille de Raguel, et en.eut deux fils : Gersam et 
Eliézer, comme l'écrit Josèphe dans son histoire (3). Il demeura qua- 
rante ans au pays de Madian. | 

A cette époque le roi d'Égypte contraignait les Hébreux à travailler la 
boue et les briques, il résista à Moïse et Aaron. Lorsqu'il apprit que les Is- 
raélites s’enfuyaient, il voulut les en empêcher et les poursuivit; il fut 
submergé dans la mer Rouge avec ses chars et son armée parce qu'il avait 
résisté à Dieu. 


Pourquoi, jusqu’à Moïse, la connaissance de la création et de la 
constitution du ciel et de la terre ne îut révélée à aucun autre 
homme. 


Dans leurs changements de places, de langues, de pays, de 
coutumes et de lois, les hommes perdirent peu à peu la con- 
naissance d’un seul Dieu et tombèrent dans l'erreur; c’est pour 
cela que Dieu choisit Abraham et fit des révélations à Hoïse. 

Vient [p. 26-27] la suite des juges jusqu'à Samson et Hesbôn. 


(A suivre.) 


(1) Ce qui précède provient sans doute de Josèphe, Ant. jud., IT, x. Cf. Jacques 
d'Édesse, ROC, 1905, p. 258 (p. 66). C’est résumé en quelques lignes dans Michel, 
p. 39, et plus longuement en deux endroits chez Cédrénus. Celui-ci raconte que 
l'ibis est redoutable aux reptiles, mais il ne dit pas que Moïse a utilisé cette pro- 
priété. 

(2) Aïlleurs (Michel, p. 40, Jacques d'Édesse, Chronique Pascale, Cédrénus) ce 
n’est pas le roi Chénéphré qui est tué par Moïse, mais bien son envoyé nommé 
Chanathôthés. Cet envoyé est nommé Pethkôm dans la Caverne des trésors 
(p. 42; Casoum dans Gibson, p. 45) et Le tivre de l'abeille (p. 49). 

(3) Ant. jud., 11, xm, 1. Exode, τι, 21-22. 


MÉLANGES. 441 


IT 


NÔTE SUR QUELQUES MSS. LATINS DE L'INVENTION 
DU CORPS DE SAINT ÉTIENNE 

La lettre du prêtre Lucien est représentée en latin par deux 
traductions différentes imprimées sur colonnes parallèles dans 
la Patrologie latine de Migne, au t. XLI (col. 807). La première 
place le lieu de la lapidation au nord de la ville et plait donc 
tout particulièrement au R. P. Lagrange. La seconde corres- 
pond à des textes grecs et syriaques anciens conservés jus- 
qu'ici, elle place le lieu de la lapidation en un endroit non dé- 
terminé « en allant à Cédar » et n'est donc pas contraire à 
l'opinion du R. P. Vailhé (1). Pour aider à faire un choix, 
nous avons classé tous les mss. latins de Paris et avons colla- 
tionné les quelques phrases où le lieu de la lapidation est men- 
tionné. 

Sur trente-trois manuscrits, il y en a exactement seize pour 
chaque traduction et un dernier qui constitue tout un rema- 
niement (2). 


TRADUCTION I 


1646 du xre 5. (A); 2873, du Χϑ 5. (B); 3789 du xr 5. (C); 3822 du χὸ 8. 
(D); 3951, du x° 5. (E); 5276 du xives. (F); 5296 du xur° 5. (6); 5296, du 
Xe 5. (H.); 5306 du xiv° 5. (1); 5575 du χα 5. (K); 9742 du χη 5. (L); 
12600 du xr 5. (M.); 13761 du xes. (N); 15437 du xr° 5. (0); N. A. 1405 
du x1v® 5. (P.); 11754 du x 5. (0). 


TRADUCTION II 


3793 du xur 5. (a); 3820 du xiv° 5. (b); 5274 du Χο 5. (c); 5278 du 
ΧΙΠ 5. (d); 5301 du x°s. (6); 5312 du χη 5. (f);, 5323 du xmne 5. (g); 5365 
du x 5. (ἢ) (9); 5566 du Χιϑ 5. (i); 8995 du χπιθ 5. (k); 10844 du χπὸ 5. 


(1) Cf. ROC, 1907, p. 82-88. 

(2) Le ms. 3278, du χιν" siècle, qui porte : ΕἼ cum interrogasset qui essent cum 
60, unus est, inquit, dompnus Stephanus a judeis pro fide chr'isti ierosolimis lapidibus 
oppressus lorrentis jussuque sacerdotum reliclus extra porlam, via quae mittit Ce- 
dar, bestiis et avibus devorandus. L'auteur semble aussi avoir identifié Cédar 
avec le Cédron lorsqu'il écrit que saint Étienne fut lapidé « avec les pierres du 
torrent ». 

(3) Ce ms. est tronqué et n’a conservé que 23 lignes du récit. 


NÉ AR EPP one A OPEN Es MEL AD Nan δν 
442 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


(Ὁ (1); 11798 du xur 5. {m); 12606 du xu°s. (n); 13758 du xr° 


du x1ne 5. (p.); N. A. 2289 du xve 


5. (0); 17005 


s. (q). ' 


La traduction 1 est beaucoup plus riche en anciens mss. : 
quatre du x° siècle et quatre du xr°, contre un et deux. 


Voici maintenant les textes édités par Migne avec les variantes 


des manuscrits précédents : 


Il 


Respondit mihi : Ego sum Ga- 
maliel, qui Paulum apostolum 
Christi (1) nutrivi etlegem docui in 
jerusalem (2). Et qui mecum est in 
orientali partemonumenti jacens (3) 
ipse (4) 681 domnus (5) Stephanus (6), 
qui lapidatus est ἃ judaeis et prin- 
cipibus sacerdotum in jerusalem 
pro Christi fide (7) foris portam (8) 
quae est (9) ad aquilonem, quae du- 
eit ad Cedar (10), ubi (11) die ac 
nocte jacuit projectus ut sepulturae 
non daretur secundum mandatum 
mpiorum principum (12) ut ἃ feris 
consumeretur corpus ejus. 


(1) Om. 0. 

(2) Legem in jer. docui B. 

(3) Alius hic mecum in orientali 
parte jacens P. 

(4) Qui autem in alia tecti mecum 
est positus, iste 1. 

(5) Dominus D; domnus meus NOP. 

(6) Sanctus autem stephanus mecum 
in orientali parte mon. jacens ipse est 
BEL. 

(7) Pro.fide Chriti 10. 

(8) Portae E; foras portam P. 

(9) G omet : quae est. 

(10) Cesaream BL. Cesariam H. Cae- 
dar NO. Sedar I. 

(11) Ibi H. 

(12) Secundum principum jussa 
CDEFGKMNOQ, 1 omet : sec. mand. imp. 
prince. 


Il 


Et dicit mihi : Ego sum Gama- 
liel, qui nutrivi Paulum qui (1) post- 
ea apostolus factus est. Qui autem 
jacet mecum domnus Stephanus 
est (2) qui ἃ judaeis jerosolymis (3) 
lapidatus est, et die noctuque in 
exapeleo jacuit civitatis (4), in 
via (5) euntibus Cedar (6), jussu im- 
piorum sacerdotum projectus (7) ut 
a bestiis et avibus devoraretur. 


(1) Et (au lieu de : qui) kImopq. 

(2) Ipse est domnus stephanus abcdef 
cikmopq; ipse est beatusstephanusl. 

(3) Hierosolimam c. 

(4) In saphylo jacuit civitatis abfi; 
in exapoli (exapolis k) jacuit civitatis 
cdek]; in exapoli jacuitcivitate mp (sic 
q lequel omet jacuit par inattention) ; 
in eliopoli (heliopoli o) jacuit civitate 
go. 

(5) abcdefgikq omettent :in via. 

(6) Cesar (au-dessus du mot, une 
main différente a ajouté : ea, ce qui 
fait encore Cesaream) e. 

(7) cegkmop omettent: projectus (q 
l'omet aussi, et porte en marge de se- 
conde main : derelictus). 


(1) Dans ce ms., le récit de l'invention suit l’homélie de saint Augustin sur 
saint Étienne : Znter purpureos martyrum choros et en est donné comme un 


commentaire. 


Lg 
#0 


MÉLANGES. 443 


On voit que les auteurs et les transcripteurs de la première 
traduction se sont ingéniés surtout à propos du mot Cedar et 
ceux de la seconde à propos des τὰ ἐξώπυλα (des faubourgs) de 
la ville. Ici la leçon qui répond le mieux au grec (in exapolis) 
n’est conservée que dans un manuscrit. 

Par contre trois manuscrits de la première traduction, dont 
un du x° siècle, nous donnent Césarée (1) et nous conduisent 
au texte : | 

Et qui mecum est in orientali parte monumenti jacens, ipse est dom- 
nus Stephanus qui lapidatus est ἃ judaeis et principibus sacerdotum in Je- 
rusalem, pro Christi fide, foris portam quae est ad aquilonem quae ducit 


ad Cesaream, ubi die ac nocte jacuit projectus, ut sepulturae non daretur, 
secundum principum jussa. 


Ce texte a l'avantage de ne plus renfermer l’inconnue Cedar; 
d’ailleurs Cedar dérive assez facilement de Cesaream par abré- 
viation [Voir supra, traduction Il, note 6] et changement 
d'une seule lettre. 

Si l’on veut donner ce texte pour l'original, on sera nécessai- 
rement conduit, croyons-nous, à dire que le texte grec actuel 
(et toutes ses traductions) dérive, lui aussi, de la traduction 
latine 1, car le passage de Ἰζαισαρεία à Κηδάρ ne semble pas pos- 
sible en grec et devrait provenir du latin 1 seul. 


LS 
Re 


- 


Voici maintenant quel semble être le meilleur texte de la 
traduction IT. 


Ego sum Gamaliel qui nutrivi Paulum, et postea apostolus factus est. 


‘ Qui autem jacet mecum ipse est domnus Stephanus qui a judaeis jeroso- 


lymis lapidatus est et die noctuque in exapolis jacuit civitatis, euntibus 
Cedar, jussu impiorum sacerdotum, ut a bestiis et avibus devoraretur. 


Les partisans de cette traduction, ou plutôt du texte grec 
qu'elle représente, diront qu'Avitus ἃ traduit en latin un texte 
grec au commencement du v° siècle, qu'il n'est donc pas vraï- 
semblable que ce texte grec ait disparu, mais qu’il a toute 
chance de se retrouver au vi‘ siècle dans l’archétype du syriaque 
qui est conforme à peu près au texte grec conservé dans les 


(1) A noter aussi que deux mss. portent Caedar; le scribé songeait-il à Caesar 
[eam |? 


444 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


mss. du x° au ΧΙ siècle et à la traduction latine IL. Ils feront 
remarquer quelie peine le traducteur II ou les transcripteurs 
ont pris sur le mot ἐξώπυλα dont ils ont fait la ville d'Exapo- 
lis ou encore d'Héliopolis. Ils supposeront donc que le traduc- 
teur 1 a pris la même peine sur Κηδάρ et en a fait « la ville de 
Césarée au nord », idée assez naturelle puisqu'un scribe de la 
traduction IT ἃ remplacé lui-même Cédar par Césarée (1). 

Pour nous, le texte : foris portam quæ est ad aquilonem 
queæ ducit ad Cesaream nous plaît beaucoup parce qu'il sup- 
prime toute inconnue et toute ambiguïté. Pour lui faire échec, 
il faudrait trouver une autre identification à Cédar. 

Aux textes grecs déjà signalés ajoutons encore l’homélie de 
Nicétas le Paphlagonien (mort vers 890) sur saint Étienne (2), 
qui renferme bout à bout le récit de l'invention et celui de la 
translation à Constantinople. Ce dernier était donc en faveur 
au milieu au moins du 1x° siècle; Anastase le bibliothécaire le 
traduisait d'ailleurs en latin, à Mantoue, vers cette époque (3). 


F. Nau. 


ΠῚ 


LE XVE CONGRÈS INTERNATIONAL 
DES ORIENTALISTES 


Aura lieu à Copenhague, du 14 au 20 août 1908. Cotisation : 
2» francs (carte de dame 12 fr. 50). Les correspondances et 
les demandes de renseignements touchant le Congrès devront 
être adressées à M. le secrétaire général, M. le ἢ" Chr. Sarauw, 
Frederiksberg Allée, 48; les adhésions accompagnées du 
montant de la cotisation, à M. I. Glückstadt, conseiller intime, 


Landmandsbanken, Holmans Kanal, 12. 
FANS 


(1) Le texte : foris portam quae est ad aquilonem, quae ducit ad Cedar, laisserait 
croire que Lucien connaissait un Cedar au nord. D'ailleurs les mots précédents 
qui manquent dans le grec passeront toujours, aux yeux de certains, pour une 
interpolation. Avec Cedar le motif de l’interpolation nous échappe. 

(2) Mss. grec n° 1180 (x: siècle) de Paris. 

(3) Nous avons lu la lettre d’Anastase dans le ms. latin 12606, fol. 73°. 


< phmanhé ΨΥ. 


D'PT ONNS NS 


NME Er | 


BIBLIOGRAPHIE 


Dou Car. BAUR, Ὁ. 5. B., Saint Jean Chrysostome et ses œuvres dans l'his- 
toire littéraire (18° fascicule du Recueil de travaux publiés par les mem- 
bres des conférences d'histoire et de philologie de l’université de Lou- 
vain); Paris, Fontemoing, 1907; in-8°, xu-312 pages. — Ὁ francs. 


Le R. P. Baur s’est proposé de « grouper les indications principales 
concernant l’autorité et l’influence exercées depuis quinze siècles dans 
l'Église, par saint Jean Chrysostome ». 

Il recherche quel usage les théologiens, grecs et latins, ont fait des œu- 
yres de saint Jean Chrysostome, quelle place ces œuvres ont occupée dans 
les bibliothèques grecques, quels historiens, chroniqueurs ou panégyristes 


ont traité du grand évêque de Constantinople. Il donne enfin la liste des 


éditions du texte grec et de ses traductions en toute langue, depuis lalle- 
mand jusqu’au valaque, et termine par l'indication des travaux littéraires 
qui ont été consacrés à l’auteur, à ses œuvres et à sa doctrine. 

C’est donc là un ouvrage bibliographique de grande érudition qui con- 
servera toujours son prix et sera indispensable à qui voudra pouvoir s’o- 
rienter sans trop de peine dans la luxuriante littérature soulevée par saint 
Jean Chrysostome. 

Au manuscrit vatic. syr. 211 du vue siècle (p. 56), il faut joindre le 
manuscrit syriaque de Paris n° 69, de l’an 615. D'ailleurs l’unique manus- 
crit grec du vire-Ix€ siècle (p. 29) est sans doute celui que nous avons 
analysé ci-dessus, ROC, 1906, p. 430, sinon il y en aurait deux. 

Terminons en transcrivant les justes louanges que l’auteur adresse 
(p. 265) au R. Ρ. 4. PARGOIRE, dont l’article sur saint Jean Chrysostome 
(Échos d'Orient, t. {ΠῚ est : un véritable modèle de critique chronologi- 
que. Les preuves de M. Pargoire sont concluantes et, avec les travaux 
de M. Haidacher, cet article, si petit soit-il, est ce qu’il y a de mieux dans 
la masse des écrits modernes sur saint Chrysostome. Au moment où 
M. Baur écrivait ces lignes, le Père Pargoire, des Augustins de l’Assomp- 
tion (mission de Kadi Keuï}, mourait d’une méningite foudroyante, à Saint- 
Pons de Mauchiens (Hérault), son pays natal. Il n'avait que trente-cinq 
ans. Il possède déjà la récompense promise à ceux qui combattent le bon 
combat, tandis que d’autres, avant de l'obtenir, sont encore condamnés à 
de nombreuses luttes et souffrances, mais les lecteurs de l'Orient Chrétien 


440 REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


qui connaissent le Père Pargoire (cf. AOC, VIT, 15, 240, 426, 550 ; IX. 615, 
X, 447) regretteront qu’il ait été enlevé si jeune à la science, à l'estime des 
savants, à l’affection de ses amis. 

F. Nat. 


FRITZ PRADEL, Griechische und suditalienische Gebete, Beschwürungen und 
Rezepte des Mittelalters (3 cahier du 3° volume des Religions geschicht- 
liche Versuche und Vorarbeiten de MM. A. Dieterich et R. Wünsch); Gies- 
sen, Alfred Tüpelmann, 1907 ; in-8, vin-192 pages. — 4 M. 


M. le prof. W. Kroll, lorsqu'il analysait les manuscrits astrologiques d’I- 
talie, a transcrit quelques pièces dans les mss. grecs Nanianus 225 du 
xvr siècle, et Barber. TI, 3 de l’an 1497, dont il a confié l’édition et le com- 
mentaire aux soins de son élève M. F. Pradel. 

Ce sont des prières pour la guérison des malades, des exorcismes con- 
tre le démon et des formules pour chasser les insectes des jardins et des 
vignes (prière du grand martyr Tryphon), pour tuer les vers, pour pren- 
dre des poissons, pour préserver des animaux nuisibles, avec des prières 
ou recettes pour guérir le mal de tête, la pierre, les maladies des brebis 
(prière de saint Mamas), et pour faire de beaux cocons ou pour préserver 
les écuries contre les maladies. 

La langue est chargée de mots et de formes modernes; on trouve en 
particulier un certain nombre de phrases italiennes, écrites en caractères 
grecs, dont l’auteur a donné la traduction (p. 139-142). 

Le commentaire (p. 38-138) met en relief toutes les particularités de ces 
textes, commente les passages intéressants; relève les indices qui peuvent 
nous faire connaitre l'origine, la date et la patrie des divers fragments. 

L'auteur croit que ces formules ont été non seulement transcrites mais 
usitées dans l'Italie du sud, et cela nous paraît très vraisemblable, car les 
premières ne seraient pas déplacées dans nos rituels où l’auteur trouvera 
des exorcismes et des prières pour demander le beau temps ou la pluie. 
Quant aux formules exagérées et ridicules, elles proviennent du manque de 
pondération et d'intelligence de leurs auteurs qui en restent seuls respon- 
sables. Lorsqu'on demandait à Jacques d'Édesse (VII siècle) : (Que faire) 
aux prêtres qui disent des incantations et prétendent prier, qui attachent 
des liens, font des amulettes et écrivent des formules (magiques) pour les in- 
flammations et les maux de tête? il répondait : S'il était possible de regar- 
der comme chrétiens ceux qui pèchent de l’une de ces manières, je dirais qu'ils 
loivent nécessairement être rejetés de leurs ordres; mais comme il n’est pas 
possible qu'ils soient comptés parmi les chrétiens, cette question est super- 
flue (1). 


(1) Cf. Les canons el les résolutions canoniques de Rabboula, Jean de Tella, 
Cyriaque d'Amid, Jacques d'Édesse, Georges des Arabes, Cyriaque d'Antioche, 
Jean III, Théodose d'Antioche, et des Perses, traduits en français par F. Nau 
[Paris, Lethielleux, 1906, in-8°, vn-112 pages], pages 53 à 97. 


BIBLIOGRAPHIE. 441 


Certaines de ces pratiques peuvent être très anciennes, ainsi la prière 
de 5. Tryphon peut n'être qu'une suite des procédés condamnés par Jacques 
d'Édesse et prônés par Palladius et Pline pour chasser les criquets et les 
chenilles des jardins (1). La publication de M. F. P. est un utile complément 
ajouté aux publications similaires citées par lui et une intéressante contri- 
bution à l’histoire des superstitions gnostico-chrétiennes dans l'Italie du sud. 


EF. NAU. 


R. P.J.-R. ReBours, Traité de psaltique : théorie el pratique du chant dans 
l'Église grecque ; Paris, Picard, 1907; gr. in-8, xvi-290 pages. — 12 francs. 


Voici un excellent ouvrage qui sera tout aussi utile à ceux qui s’occu- 
pent du chant byzantin en musicologues, qu'à ceux dont le devoir est de le 
pratiquer. Le P. Reboursgqui professe au séminaire grec-melchite de Jé- 
rusalem (Sainte-Anne), ΙΝ connu des lecteurs de cette revue : il ἃ déjà 
publié des études fort intéressantes sur ce sujet. 

Son livre est divisé en quatre parties. Dans la première, on étudie les 
notes, les martyries ou clefs, la mesure et les autres premiers éléments 
du solfège byzantin. Une seconde partie initie aux curieuses divisions 
de la gamme chez les Grecs et Syriens modernes; cette partie est com- 
plétée par l'étude des phthorar, de l’ison, etc. La troisième partie est con- 
sacrée à l'étude des huit tons, dont la nomenclature est si embrouillée, et 
où toutes les musiques d'Orient ont apporté leurs sédiments respectifs ; 
aux genres hismologique, stichirarique et papadique. 

La dernière partie est un répertoire courant des chants les plus com- 
muns des offices grecs, et trois appendices parlent de la musique litur- 
gique arabe, de la musique liturgique russe, des tons et des modes. 

L'ouvrage du P. Rebours contient en notes européennes la transcription 
d'environ quatre-vingts mélodies byzantines, une quinzaine de chants 
arabes, pour la plupart représentant une version des mélodies grecques, 
et les formules polyphoniques des huit psalmodiques russes. Ce travail fait 
le plus grand honneur au P. Rebours et aura, j’en suis sûr, un très grand 


succès, 
Amédée (ASTOUE. 


R. P. 1. TniBAUT, Origine byzantine de la notation neumatique de l'Église 
latine; Paris, Picard, 1907; gr. in-8° de vir-108 pages et 28 planches 
phototypiques. — 12 fr. 


Cet ouvrage forme le tome III de la collection entreprise par Pierre Au- 
bry sous le titre « Bibliothèque musicologique » qui comprend déjà les 
Origine du chant romain, et le Trait de psaltique du P. Rebours. 

Le livre du P. Thibaut, très curieux, est consacré à cette thèse : la no- 
tation, dite neumatique, de l'Église latine, n’est qu'une simple modifica- 


(1) Les canons, etc., p. 57. 


448 ; REVUE DE L'ORIENT CHRÉTIEN. 


ES 


tion de celle de Byzance. J'ai déjà dit ailleurs en quoi cet argument me. 
paraissait aventuré, et pour des raisons musicales, et pour des as 
paléographiques et historiques. τ 
Mais, cette réserve faite, je dois dire que DR apprendra best τ 
aux personnes peu familiarisées avec les questions de musicologie Die | 
tine. On doit remercier le P. Thibaut des nombreux extraits qu’il donne ἢ 
des anciens traités. Je signalerai plus spécialement un texte extrait de la τ 
Vie de Sévère d'Antioche, qui permet de constater au début du γι siècle 
l'usage des huit tons ecclésiastiques. Il est regrettable que l’auteur n'ait 
pas partout appuyé de preuves des affirmations dont quelques-unes sont 
de pures hypothèses, et ait laissé subsisté autant de fautes de typographie fe 
et de gravure; ces taches disparaîtront, il faut l’espérer, dans une revision 
prochaine. 


Amédée GASTOUÉ. NE 
à a 
ARTHUR ACHLEITNER, Jérusalèm, tableau de la vie religieuse dans la Ville 

Sainte. Traduit de l’allemand par Eugène VEYSsIER. Paris, librairie des 

Saints-Pères, 1907; in-1?2, xx1v, 352 pages. — 3 fr. 50 (franco 4 fr.). Ἶ 


L'auteur suppose qu’un jeune diplomate français arrive à Jérusalem en 
qualité d’attaché au consulat. Il nous raconte ses impressions de touriste 
et de chrétien, et nous promène à sa suite dans Jérusalem et jusqu'à 
Bethléem, aussi bien que dans les divers mondes et chez les diverses sectes | 
de ces antiques cités. Il s'applique tout particulièrement à nous faire Con- 
naître dans sa complexité la vie de la paroisse latine de Jérusalem avec 
les peines, les soucis et les avanies qui assaillent ses détenteurs : les R. P. 
Franciscains. À la pauvreté et au zèle apostolique de ceux-ci il oppose l’a- 
varice etles intrigues du grec orthodoxe Euthymios qui cherche à expulser  , 
complètement les Latins du Saint-Sépulcre et à faire massacrer, avec 
l'appui du consul de Russie, les Franciscains qui en sont les gardiens. 

« Historique par la vérité des faits racontés, ce livre l’est encore par la 
scrupuleuse ressemblance des principaux personnages officiels mis en 
scène; sous leur nom d'emprunt, tout pèlerin de Terre Sainte des années 
1900-1905 les reconnaîtra facilement aux portraits qu'en trace l’auteur. Un 
de ces personnages, l’archimandrite Euthymios, n'a même pas recu de 
pseudonyme » (p. xx1). D'ailleurs la forme choisie par l’auteur rend la 
lecture de son ouvrage facile et passionnante. Il comprend mieux qu'un 
Francais les droits et les devoirs du protectorat en Terre Sainte et nous 
décrit son déclin entre les mains des aveugles politiciens qui venaient déjà 
d'abandonner, pour une compensation toute imaginaire, les droits de la - 


France à Terre-Neuve et en Égypte. 
| F. Nat. 


Le Directeur-Gérant : 
F. CHARMETANT.: 


Typographie Firmix-Didot et Cie. — Mesnil (Eure). 


Le Synaxaire Taeobite dre René BASSET. 
Life of Severus, patriarch, of Antioch, by Athanasius, Ἶ 
opien inédit, traduction anglaise par E.-J. GOODSPEED: 


Tome IV. τς Fase, 6, — - The hymns of Severus of Antioch and ere in 
: the syriac version of Paul of Edessa as revised by James of pocsse ς 
texte yrIAqUe, traduction anglaise par E.-W. Brooks. : 


? Tome V. — Fasc. 1. — Histoire des patriarches d'Alexandrie (suite), par 7% Ἷ 
8. EVETTS. . 
Fasc. 2. — Recueil de monographies. — IV. Les Plérophories de 


τ Jean, sue de Maïouma, texte syriaque inédit, traduction francaise 
par F. HAS 


DE NOMBREUX QUVRAGES SONT EN PRÉPARATION. Matane : 


Théodore le Lecteur. Histoire tripartite, texte grec inédit avec la version js 
tine d’Épiphane Cassiodore, édité par D. SERRUYS, directeur adjoint à l'école 
des Hautes Etudes. 


L'’Oraison funèbre de Basile le Ma cedo uen, texte grec, traduction francaise 
par D. SERRUYS. 


Les Apocryphes Coptes ᾿Ξ Τὴ, par Ε. REVILLOUT, 
Vies de Sévère, introduction, commentaire, index et tables, par M.-A. KUGENER. 


- Chronique de Mahboub ( Ἀγάπιος) le Grec, fils de Constantin, évêque de 
-Menbidj (x° siècle), texte arabe, traduction française par A.-A. VASILIEV, pro- 
fesseur à l'Université de Dorpat (Oprers). 


Coptic Texts relating to Ecclesiastical history (mostly unpublished), edited 
with English translation by W.-E. Cru. 


Les versions arabes des Apocryphes Apostoliques : — I. Le Testamentum 
D. N. 5. C., texte arabe inédit, traduction française par 5. B. Me Rayman, 
E. Desnovers et P. Dis. — Il. Les Canons des Apôtres, texte arabe en majeure 
partie inédit, traduction francaise par MM. J. PÉRIER et J.-B. PÉRIER. — III. La 
Didascalie, texte arabe inédit, traduction française par P. CHÉBLI. 


Les versions éthiopiennes des Apocryphes du Nouveau Testament : 
— I. Le Testamentum D. N. J. C., texte éthiopien-inédit, traduction latine 
par M. l’abbé GUERRIER. — II. Apocryphes attribués à saint Clément, 
- texte éthiopien inédit, traduction française par M. l'abbé GRÉBAUT. — III. Le 
Fekârêé Ilyasus et la vision d'Abbà Sinoda, texte éthiopien inédit, traduc- 
tion italienne par M. C. ConTi-RossiNI, — IV. La Didascalie, texte éthiopien 

en partie inédit, traduetion française par M. l’abbé FRANCON. 


L'Histoire des conciles de Sévère ibn- al-Moqaffa*, texte arabe inédit, traduc- 
tion francaise par M. L. LEROY, professeur à l'institut catholique d’ Angers. 


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inédit, traduction francaise par R. Duvar ΕΜ Δ. KUGENER, avec lé concours ἢ 
dé E.-W. BROOKS. Fasc. 1, par Rubens DuvaL. Prix: Ὁ fr. 70: franco, 6 fr. 10° 
(pour les souscripteurs : 3 fr. 60: : franco, 4 fr.). 


Fasc, 2. — Papyrus grecs relatifs à l’antiquité chrétienne se Fe nes 
et traduits en français par le Dr C. WESsELY, conservateur de la Bibl othèque PR 
impériale de Vienne. Prix : 7 fr. 90; franco, 8 fr. 45 (pour les souscripteurs: τ 
Di franco, 9 fr. 55)-:Ees planches sont comptées pour 1 fr. (Pour τ sous 
a : O fr. 65). REA re 

à Fasc. 3. — Histoire nestorienne inédite (chronique de Séert), Σ ΠΕ arabe 

publié par M# ADpaï SCHER et traduit en français par plusieurs orientalistes.… 
Prix: 6 fr. 20; franco, 6 fr. 70 (pour les souscripteurs : 3 fr. 90; /ranco, 4 fr. 40). 


Fasc, 4. — La cause de la fondation des écoles, par Mar HADBESCHABE: 
ARBAIA, évêque de Halwan, texte syriaque,publié, traduitet annoté par M£" Addaï 
Scher, ‘archevêque chaldéen de Séert. Prix : 5 fr. 50; franco, 5 fr. 90. ns les = 
souscripteurs : 3 fr. 45; franco, 3 fr. 85). es 


Fasc. Ὁ. — Recueil de monographies. — JL: Histoire de S. Pacôme, mr 
texte grec inédit des mss. de Paris 881 et suppl. 480, avec une traduction fran- 
çaise de la version syriaque, analyse des mss. palimpsestes : Paris 480 et 
Chartres 1753, 1754. — III. Histoire de 5. Jean Baptiste. Miracle de 5. 
Michel à Colosses, avec l’ancienne traduction latine, par MM. J. BOUSQUET, 
vice-recteur etprofesseur de grec à l’Institut catholique de Paris, et R, Nav. 
Prix: 10 fr. θυ franco: 10 fr. 90 (pour les _ souscripteurs : 6 fr. 35; franco: 
10) Β planches sont comptées pour 0 fr. 50 (pour les souscripteurs : 0 fr. 25). 


| (Voir la suile à la page 3 de la couverture.) 


I-7 v.12 
Revue De L'Orient Chretien 


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