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Full text of "Revue de l'Orient chrétien"

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AUG    1  i  1377 


PER   BR    140    .R42    v.9 

Revue  de  l'Orient  chr  etien 


REVUE 


UE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


RECUEIL    TRIMESTRIEL 


NEUVIÈME  ANNÉE 


PARIS 

LIBRAIRIE   A.    PICARD   ET   FILS 
82.   Rue  Bonaparte,  82 


TABLE  DES  MATIERES 

CONTENUES  DANS  CE  VOLUME 


!.  -  LE  DOGME  DE  LIMMACULÉE  CONCEPTION  ET  LA  DOCTRINE  DE 
L'ÉGLISE  GRECQUE,  par  D.  Placide  de  Meester,  O.  S.  B.  .  .     1,  188,  .jl-> 

IL  —  LES  THÉOTOKIES  OU  OFFICE  DE  LA  SAINTE  VIERGE  DANS  LE 
RITE  COPTE,  par  A.  Mallon.  S.  J K 

m.  —  UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  O.MIADES  DE  DAMAS  {fin), 
pai-  H.  Lammens,  S.  J 2i 

iV.  —  LA  FORME  CONSÉCRATOIRE  DU  SACRE.MENT  DE  L'ORDRE  DANS 
I.-ÉGLISE  GRECQUE,  D'APRÈS  UN  .AIANUSCRIT  DU  XIU  SIÈCLE,  pai- 
Élie  Batareikh,  prtMro  groo-nielchito (»,"» 

V.  —  TEXTES  ORIENTAUX  INÉDITS  VW  .MARTYR  DE  JUDAS  CYRIAQUE. 
ÉVÉQUE  DE  JÉRUSALEM,  pari.  Guidi.—  I.  Texte  svkiaihe.  —  IL  Texte 
f  OPTE 71I,  .jln 

VL  —  LES  COLONIES  D'ORIENTAUX  EN  OCCIDENT.  DU  V- AI  VIIL'  SIÈ- 
CLE, par  L.  Jalabert.  S.  J.  .  ■ 'Hi 

ML  —  HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE  DE  L'ARMÉNIE (s/a/e), par 
Fr.  Tournebize,  S.  J 107.  212.  393,  537 

Vlll.  —  CORRESPONDANCES  DIPLOMATIQUES  ENTRE  LES  SULTANS  MAM- 
LUKS  D'EGYPTE  ET  LES  PUISSANCES  CHRÉTIENNES,  par  H.  Lam- 
mens, S.  J IjI.  .'!5'.' 

IN.  -  OFFICE  DE  SAINTE  MARINE.  Iexti:  sm:u..lk.  i^ar  Léon  Clu- 
gnet 210.    Kl'.) 

X.  ^  QUELQUES  MANUSCRITS  DE  MUSIQUE  BYZANTINE,  par  J.-B.  Re- 
bours, des  Pères  Blancs 29!» 

NI.  -  SAINT  JEAN  LE  PALÉOLAURITE.  PRÉCÉDÉ  D'UNE  NOTICE  SUR 
LA    VIEILLE  LAURE.  par  S.  Vailhé  et  S.  Pétridès.  A.  A 333.  4',i| 

NIL  —  SAINTS  JUMEAUX  ET  DIEUN  CAVALIERS,  par  Henri  Grégoire.    4ô3 


VI  TABLE    DES    MATIERES. 


XIII.  —  RITUEL  COPTE  DU  BAPTÊME  ET  DU  MARIAGE  (nc//^),  pai'  V.  Er- 
moni,  P.  M 5-26 

XIV.  —  VIE  DE  SAINTE  MARINE,  par  Léon  Clug-net  (sidle) 5H0 


MELANGES 


I.  -  BULLE   DU    PATRIARCHE  METROPHANE   SUR   LE  MARIAtiE,   par 

L.  Petit,  A.  A BJ'.l 

II.  —   UN  COiMMENTAIRE  INÉDIT  SUR  LA  BAGARRE  DU  SAINT-SÉPUL- 
CRE EN  1698,  par  H.  Lammens,  S.  J 111 

m.  —  UN  PATRIARCHE    SORCIER     A    CONSTANTINOPLE,    par    Louis 
Bréhier JGI 

IV.  -  MARONITES,  MAZONITES  ET  MARANITES,  par  F.  Nau -\)S 

V.  —  DENNABA  DE  SAINTE  SILVIE  ET  DUNIP  DES  .MONUMENTS  ÉGYP- 
TIENS, par  H.  Lammens,  S.  J '27(i 

VI.  —  NOTE  SUR  LA   LOCALITÉ  PALESTINIENNE  .MAOUZA  OU  .MAOZA 

DE  lAMNlA,  par  M. -A.  Kugener.  . Ui 


BIBLIOGRAPHIE 


l>Oin  .M.   F(''rotiii.  O.  S.  B.,  /.e  crrilaùle  uuIl'ih'  de  lu  I'rie;/ri/i'il io  Sihuuv.  lu 
ricfgc  rspar/nnle  Elhérin  (Léon  Clugnet) 1  Ki 

DiHii     II.    Li'clorcc].    Les     i/imii/rs.    II.    ]j'    Troisième    siècle.    Diorlèlien   (J. 
(le    L.) 1  i; 

1.    Pizzi,   L'isluiiiismn.   —   L  Pizzi,   LeilrnUura   nrdlm.    —   (J.   Si-liiaparfUi. 
L'Asb'unumia  upW  nnliio  'J'cslanvulo  (L.  C.) 118 

I.    Rosonberg,    Lcln-lmili     der    Xi-nsyrisc/ii-ii    Sclnifl-unil     l'iii;/<ni;/sspri(c/ic 
(A.    G.) ' lil) 

1>.   Evi'tls,  Ilislori/  iif  Ihe  l'dlriurc/ndc  of  llie  mplii-  CIiidcIi  of  Alc.nijiiJiin. 

—   I.    Ephrcm    11    Rahniani,   Slvdia  syridca.  —  E.   W.    Brooks,   Seled 
'  Icllci-s  uf  Screrus  of  Antioch.   —  J.    Hoboika,    Téntoiynaijes    de    VEgliiir 

Miu-onile  en  fiiveur  de  riiitiiutruh'c  ConcepUon  (F.  Nau) •281 

E    Blocliet,   /,!■  Mi'ssiiiiiis/iic  dans  l'/ièlérodo.iie  tiiusuJirninr  (H.  Laininciis).  .     ■l\yi 

G.   Sclinïii-ei',   Die   urspriinylichc    l'emplen-f/el  krilisc/i  anlersiicltl,   und    he- 
rai(s;/ec/eben  (H.  Laïuniciis) -2'.)o 

P.  Aubrj-,   Le  Hyllune  Ionique    dans   la  Poésie  iilurgiqac  cl  dans   le  citant 
des  Églises  vhréliennes  au  moyeu  âge  (A.  Gastoué) 204 


TABLE    DES    MATIERES.  VII 

l'âge,-. 

Adélaïde  Sargenton-Galichoii,  Sina'/',  Maan,  Pclm.  Sur  A'n  traces  iVhrarl 
l'I  r/ie:  les  yaba(cenf<  (Li'on  riugii(M) ■-".•'> 

liullellit  ilr  lu  Sorii'li'  l'runruisn  de  fouilles  archcol'iiyiqurs.  Premier  l;isc-icule 
(L.  (':) '. i'M 

.1.  Strzygowski,  Byzantinisc/u-  DenkinOler  II l,  Urspi-uny,  und  Sieg  der 
AUbyzanlinischen  Kunls.  —  Drr  Doiii.  <ii  Aachen  inid  seine  Enlslelttoi;/. 
Eiii  Protest  (L.  .lalabert) lUI 

W.  Xorden,  Das  Pa/islain  und  Bi/ianz  (S.  Vailhé) UN 

l>.   II.  [it'clercq,  L'Afrique  c/trétienne  (I..  ('.) 131 

F.  .Macler,  Histoire  d'Héraclius  pur  l'éveque  Sébéos,  traduitr  île  l'arménien 
(F.  Tournebizo) l-'d 

F.  W.  Rrooks,  The  sixth  bonk  nf  the  seleci  letters  uf  Severus,  pulriairh  nf 
Antioch  (M.  A.  Kugener) 00'.) 

F.  Hc\'illout,  Les  Évangiles  des  douze  apùlres  et  de  saint  liarthéleniy  (Pu- 
trulogia  Orientalis).  Te.r te  copte  avec  traduction  (F.  Nau) 01,! 

!'.  (ireiiier,  L'Empire  bi/zantin.  Sun  l'rolution  sociale  et  politique  [.).  l'ar- 
goire) 015 

A.  Wright.  A  synopsis  of  t/w  (!osj)els  in  greek  (A.  (Juigard) OUI 

.1.  Gay,  Le  pape  Clément  17  et  les  affaires  d'Orient  (loI2-lo52)  (L.  Breliier)  .    O"..'! 

\ .  Zapletal,  Le  récit  de  la  création  dans  la  Genèse  explique  d'à  pics  les  dé- 
i-nuvertcs  les  plus  récentes  (S.  Vailhé) Oi-Jl! 

A.  Suiilli  Lrw  is,  Ilurae  semitirae.  III.  Aiiu  utgtholugicu  Apostulurum 
(A.  G.) 0:^4 


LE  DOGME 

DE 

L'IMMACULÉE  CONCEPTION 

ET  LA  DOCTRINE  DE  L'ÉGLISE  GRECQUE 


Nul  n'ignore  la  grande  importance  des  monuments  littéraires 
de  l'Église  grecque  au  point  de  vue  du  dogme  de  l'Immaculée 
Conception. 

On  sait  l'ardeur  avec  laquelle  les  théologiens,  appelés  à  exé- 
cuter les  travaux  préparatoires  à  cette  déclaration  dogmatique, 
comp'ulsèrent  les  livres  liturgiques  et  les  recueils  des  Pères,  et 
l'immense  succès  dont  leurs  efforts  furent  couronnés.  Nombre 
de  travaux  sont  là  pour  l'attester  (1). 

Mais  il  est  intéressant  de  constater  Lattitude  prise,  en  pré- 
sence de  ces  documents,  par  divers  membres  de  l'Église. 

Parmi  les  catholiques,  quelques  théologiens  éprouvèrent  un 
peu  d'hésitation,  et,  au  moins  à  certains  de  ces  instruments  de 
la  tradition  écrite,  d'aucuns  refusèrent  même  de  reconnaître 
une  force  probante,  accueillie  au  contraire  par  d'autres  à  bras 
ouverts,  si  je  puis  ainsi  parler. 

Dans  l'Église  grecque,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  les  at- 
taques furent  nombreuses  et  la  lutte  reste  ouverte  encore  à 
présent. 

En  Russie,  M.  Lebedev  (2)  consacra  une  thèse  doctorale  à  dé- 
montrer l'insuffisance  de  la  tradition  et  l'erreur  dogmatique 
dont  est  entaché  le  soi-disant  nouveau  dogme. 

.  (1)  Passaglia,  De  Immuculalo  Deiparae  semper  Virginis  Conceplu  commenla- 
rius;  Roscovaii}-!,  B.  V.  in  sua  Conceplione  Immaculata;  ftlalou,  V Immaculée 
Coracejo</o?i ;  Ballerini,  Sylloge  momnnentorum  ad  mysterhim  Immaculatae  Concep- 
tionis  spectantium,  etc. 

(2)  PasHOCTii  uepusefi  bocto'iuou  ii  sanaiiHoii  bi>  yqeHiii  o  iipecu.  4'i'B'lj  Mapiii  Bo- 
ropoAiiu.'fe,  no  noBOAy  jiaTimeKaii  jorMaxa  o  nenopoiHaro  aa'iaTiii.  BapiuaBa  1881  r. 

ORIENT   CIir.ÉTIEN.  1 


2  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

En  Roumanie,  renseignement  des  écoles  théologiques  défend 
les  mêmes  idées,  et  il  n  y  a  pas  jusqu'aux  manuels  d'histoire 
qui  en  soient  remplis  (1). 

Pour  terminer  cette  tournée  littéraire,  fort  incomplète  d'ail- 
leurs, avec  les  représentants  hellènes  de  la  Grande  Église, 
Sa  Béatitude  Anthime,  dans  sa  réponse  à  l'Encyclique  de 
Léon  XIII  Praeclara  gratulationis  (20  juin  1894),  n'hésite 
pas  à  compter  le  dogme  de  l'Immaculée  Conception  parmi  les 
neurinnovations  antiévangéliques  qu'il  reproche  à  l'Église  de 
Rome  (2).  Les  répliques  qui  dans  la  suite  sortirent  de  la  plume 
des  écrivains  catholiques  provoquèrent  encore  d'autres  tra- 
,  vaux;  ils  vinrent  s'ajouter  à  ceux  suscités  par  la  promulgation 
du  dogme  (3). 

Cette  attitude  agressive  de  l'Église  orthodoxe  est  d'autant 
plus  singulière  que  Photius,  tout  en  ne  songeant  pas  plus  que 
les  écrivains  antérieurs  à  soulever  la  question  dogmatique  de 
l'Immaculée  Conception,  expose  une  doctrine  mariologique  con- 
tenant tous  les  éléments  voulus  pour  arriver  à  cette  conclusion. 
Ce  dogme  se  trouve  en  germe  dans  ses  écrits  comme  dans  ceux 
des  siècles  précédents.  Toutes  les  expressions,  toutes  les  images 
employées  pai-  les  saints  Pères  pour  désigner  et  proclamer  l'ab- 
solue sainteté  de  Marie  se  retrouvent  dans  Photius  (-4). 

Et  n'est-il  pas  curieux  de  voir  aujourd'hui  rétrograder  l'O- 
rient, alors  que  lui,  le  premier,  donna  le  branle,  pour  ainsi 
parler,  à  ce  mouvement  progressif  du  dogme  qui  finit  par  s'é- 
panouir en  une  déclaration  officielle  de  l'Immaculée  Con- 
ception? 


(1)  Vasilc  Oiaga,  Isloria  hisericé/^cfh  Edi^.  I,  Bucurcscï  1903,  p.  256.  S.  Calinoscu, 
Lec^ium  de  leologia  dogmatica,  edit.  nona,  Bucurescï,  p.  238.  W.  Guettée,  Expu- 
nerea  doclrineî  bisericeï  cresline  orlodoxe,  Bucurescï  1901,  p.  42  (Cfr  Papalilalea 
cretkà  de  Wladimir  Guettée.  Traductiume  de  Cier.  Saffirinu  ROumicu  Vàlcei  1885, 
pp.  121-144). 

(2)  ...  'H  iza.Tzvt.ri  'ExxyriTia  £7.atvoTG!J.r,(jî  TrdéXiv  [jlôÀi;  upo  xeaoapâxovTaeTi'ar  ooyjxa- 
TÎffaffa  xaivoçavà;  ôôyuia  îrspl  à(77îi),o'j  (j'jX).y;']/îa);  ifiç,  Weoto'v.ou  xat  àsiTtapÔivou  ÏMa&ta;. 
Lettre  encyclique,  %  19. 

(3)  Cfr  par  exemple,  Xpu^oaTÔfiou  ^ k^y}o\.a.-A.àvo\> .  \\tç\  'Exy.Xr](7Îa;  'Ev  K.  ttô- 
),£t.  TôjAOi;  B',  p.  561  et  suivantes. — O^o:?.  twv  è?  'IwawivMv,  'Ettktx.  Kajinocv'aç 
TajjiEïov  'OpSoôo^ta;.  'Ev  TpiTiôXet,  1888,  p.  104  et  suiv.  X.  'AvopoOtffou.  Ao- 
XÎ1I.10V    Sy  (lêo),  1X7)  ;.  'Ev  'AQrjvai;,  1901,  p.  173,  ffyjfA.  ê',  etc.,  etc. 

(4)  Cfr  IlergenroetlKU",  Piiotius,  III,  p.  555  à  55G.  —  Passaglia,  up.  cit.  Éd.  de  Na- 
ples,  MDCCCLY,  III,  p.  720. 


LE    DOGME    DE    l'i.MMACULÉE    CONCEPTION.  3 

Dans  la  question  qui  nous  occupe,  en  effet,  il  ne  faut  pas 
oublier  l'évolution  de  cette  vérité  théologique. 

Ce  fut  en  Orient  que  furent  débattues  le  plus  vivement  toutes 
les  graves  questions  touchant  la  personne  de  Jésus-Christ  et 
celle  de  la  sainte  Vierge  .Alarie,  louchant  la  grâce  et  le  péché 
originel.  En  Orient  encore,  furent  célébrées  en  premier  lieu  les 
fêtes  de  la  Nativité  et  de  la  Conception  de  la  Mère  de  Dieu. 
L'Orient  enfin  produisit  au  début  le  plus  d'écrivains  qui  consa- 
crèrent à  Marie  bon  nombre  de  leurs  travaux. 

Cette  période  d'activité  dura  environ  jusqu'à  l'introduction 
en  Occident  des  fêtes  susdites.  Alors,  en  effet,  commencèrent  les 
discussions  au  sujet  de  l'opportunité  de  la  fête  de  la  Conception 
de  Marie.  Puis  Tattention  se  porta  davantage  sur  le  côté  dog- 
matique de  la  question  et  les  interminables  controverses  aux- 
quelles donnèrent  lieu  les  traités  de  Duns  Scot  finirent  par 
trancher  la  question  dans  le  sens  aujourd'hui  admis  par  tous 
les  catholiques. 

Tels  sont  les  deux  stades  bien  distincts  de  l'évolution  de  ce 
dogme. 

On  Comprend  aisément  dès  lors  que  l'Église  grecque,  dont  le 
système  tliéologique  ne  repose  pas  sur  les  principes  aristotéli- 
ciens de  la  scolastique  latine,  éprou^"e  je  ne  sais  quelle  dif- 
ficulté d'unir  le  dogme  actuel  <le  Tlmmaculée  Conception  et 
toutes  ses  subtiles  distinctions  à  la  doctrine  mariologique  des 
premiers  siècles,  doctrine  rjui.  à  leur  point  de  vue,  n'a  pas 
subi  d'évolution,  ou  du  moins  fort  peu. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  développer  davantage  cette  observation 
qui  pourrait  s'appliquer  aussi,  mutatis  mutancUs,  aux  autres 
questions  dogmatiques  divisant  les  deux  Églises,  telles  que  la 
procession  du  Saint-ï]sprit  et  la  primauté  du  Patriarche  de  Rome. 

Dans  les  pages  qui  vont  suivre,  j'essaierai  de  montrer  le  lien 
delà  doctrine  présente  avec  les  écrits  des  premiers  Pères.  Sans 
entrer  directement  en  lutte  avec  les  adversaires  de  l'Imma- 
culée Conception  de  Marie,  je  prendrai  un  terrain  qui  nous  est 
commun  cependant,  et  ils  pourront  eux-mêmes  tirer  les  consé- 
quences :  ce  terrain  commun  est  celui  du  raisonnement. 

Il  semble  qu'il  faille  user  de  cette  arme  plus  innocente  que 
les  autres,  surtout  à  l'heure  actuelle  où  tous  les  esprits  éprou- 
vent un  réel  besoin  de  charité  et  de  cohésion. 


4  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

LES  ÉPITHÈTES  MARIOLOGIQUES 

Les  livres  liturgiques  et  les  écrits  des  Pères  grecs  abondent 
en  épithètes  et  en  appellations  de  toutes  sortes  à  Tadresse  de 
Marie.  Je  me  contenterai  d'en  énumérer  les  principales  suivant 
le  P.  Passaglia  (1),  bon  guide  et  maître  en  la  matière,  mais  en 
modifiant  un  peu  sa  classification.  La  langue  française  n'étant 
pas  assez  riche,  il  me  semble  opportun  de  leur  conserver  la 
traduction  latine. 

Pour  partir  des  êtres  inférieurs,  l'on  rencontre  un  grand 
nombre  d'images  et  d'expressions  rappelant  la  lumière,  les 
fleurs,  comme  le  lys  et  la  rose,  les  animaux  mêmes,  comme  l'a- 
gneau, dont  le  symbolisme  suggestif  rappelle  la  pureté  et  l'in- 
nocence. 

Puis  ce  sont  des  attributs  reflétant  toute  ^acti^'ité  d'un  con- 
cept. Les  uns  mnt  négatifs ,  et  tant(!»t  exprimés  au  degré  posi- 
tif, comme  âV.o>,y.cç,  à;j.oVr;Toç,  insoiis,  labis  e.rpeis;  ôiGr.ù.cç. 
intemerata;  à[j,iavTo;,  intaminata;  à[;.6AuvTc;,  impoUuta;  a\j.t\j- 
r.xzqyinculpata;  ày.r,paT:o:,  illaesci;  x(^fiopz:.  àoiioOopoq,  etc. ,incor- 
rupta;  aypavTiç,  illibata;  aôr/.Toç,  à—ôiJ.avToç,  etc.,  intacta;  tan- 
tôt indiquant  la  plénitude  de  la  perfection  dénotée  par  ces 
mêmes  attriljuts,  comme  zavâ ;;,(.) ;j.:r,  penitus  insons;  Traviypav- 
Tcç.  perfecfe  illibata:  r,y.vy.::-\Kzz.  undequaqne  intemerata,  etc. 

D'autres  attributs  sont  affirmatifs,  mais,  comme  dans  la  caté- 
gorie précédente,  employés  dans  les  deux  degrés.  Tels  sont  â^ix, 
sancta,  x-(n,)i:à-r„sa)ictissima;  Itpi, sacra,  Ispwtar/; ,  sacratissima  ; 

y.aOapx.  pura,    -/.aOapoj-raT-/;.  jmvissima;    à^vr,,    imiOCens ;    (bpata, 

speciosa;  y.tyapi-MijATq,  gratia  plena;  Htz-ptr.-qq,  Deum  decens; 
zavaYia,  penitus  saucta;  r.'hzt\jyzz.  penitus  venerabilis;  r.av-^-j- 
Xb-rr-.zç.  prorsus  benedicta;  r^y^n-j-pt-r,:.  plene  concinna,  etc. 
Pai'lbis,  ces  épithètes  sont  accunmlées  dans  une  seule  et 
même  phrase,  comme  si  l'auteur  voulait  renforcer  et  compléter 
un  concept  par  l'autre;  ou  bien,  on  les  rencontre  employées  par 
antonomase.    C'est  ainsi  que  la  Mère  de  Dieu  est  appelée  -^ 

o:\).hy^.zz,.  r,  ào-TTiAoç,  -t,  xypxv-zz,  r,  x'^ix,  r,  y.'[vr,,  r,  7.v/y.pi-u)\J.éTq,  etC. 

Plus  tranchée  que  les  précédentes  est  la  catégorie  des  ex- 

(1)  Ed.  cil.,  p.  I,  n°'  400  et  suivants. 


LE    DOGME    DE    L  IMMACULEE    COXCEPTIOX.  O 

f 

précisions  abstraites  dont  on  entoure  le  nom  de  Marie.  En  voici 
quelques  beaux  exemples  :  â^veiaç  -b  -/.xaaoç,  innocentiae  pul- 
chritudo;  x^^tiy.:;  -h  zivavvcv  hzi7.i-r,'^.x,  innocenéicie  innocen- 
tissimum  Itospitium;  ï-;/,-SÙMr.iQr.[j.y.  sûg-swç,  naturae  decus. 

Suit  une  série  d'expressions  dont  le  concept  commun  est 
d'exalter  la  nature  de  Marie  au-dessus  des  créatures  même  les 
plus  parfaites.  Et  d'abord  en  général,  comme  •j-cpâîJ.w;j.oc,  super- 
innocens;  jj/jptay.t;  y.aôapâ,  decies  millies  pura;  û-épaYvs;  -/.ai 
■jrav'jrlpaYvoç,  superinnocens  et  undequaque  superinnocens; 
•J-cpSâXÀcuja  y.aOapsTYjç,  superexcedeus  piaitas;  oiô-jazo;  Gauy.a- 
-ojv,  cd)yssi(S  miraculoriim;  r.h-by»  6a'j;j.âT(ov  •J'rrsp-rÉpa,  uiiracu- 
lis  oinnUjus  sub/hnior.  Puis  la  Mère  de  Dieu  est  comparée  aux 
mortels  et  aux  justes,  bi-Mç  ïrA/.i':rj.  ^ipstwv,  vere  moi-talUnis 

superior;  x-^i^y  x\'uo-ipx,  sailCtis  sanciior;  r,  r.pM-i^rq  twv  àyu^v, 

sanctoruni  praecipua.  Les  esprits  célestes  ne  sont  pas  exclus  : 
àYYsXiy.wv  o'Jvâ;j.E(ov  jT.zpiyoj^y.,  aïKjelicis  virtutUms  potiov;  àv».)- 
-ipT.  Twv  à'vo)  ojvx;j.Ea)v,  SKpenu's  virtutibus  sanctior;  Xtpo'jô\[).  v,xl 
Ilôpaçiy,  ïvTwç  7.a6apa)-:£pa,  Cherùbim  et  Sevaphim  verissime  pu- 
rior.  Bref,  il  n  y  a  que  la  sainteté  de  Dieu  qu'elle  ne  puisse 
égaler  :  -/copiç  0£:j  y.ivcj  zâvTwv  àvwTÉpa,  omnibus  Deo  excepta 
suldimior;  mais  elle  est  remplie  des  grâces  de  la  Sainte  Tri- 
nité, Tpiaoïy.wv  yxpi-L,y/  '::Kr,pM[j.y.,  et  elle  est,  par  Dieu  même,  ap- 
pelée et  fille  de  Dieu,  Ozzv.'/.r^-z:  -/.y),  (itz-y.;. 


Que  croire  maintenant  de  la  valeur  d'un  argument  tiré  de 
ces  épithètes  en  faveur  de  l'Immaculée  Conception? 

Petau,  on  le  sait,  et  d'autres  après  lui,  ont  refusé  toute  force 
probante  à  des  témoignages  traditionnels  de  cette  nature  (1). 
Passaglia,  au  contraire,  s'en  est  fait  l'ardent  champion. 

Le  premier  de  ces  théologiens  pense  que  ces  expressions  et 
ces  images  attribuant  une  pureté  extraordinaire  à  Marie,  peu- 
vent parfiutement  s'adapter  à  la  plénitude  de  grâces  qui  dé- 
truisit dans  son  âme  le  péché  originel  avec  toutes  ses  suites 
funestes,  sans  qu'il  soit  pour  ce  motif  nécessaire  de  les  éten- 
dre â  sa  conception  même,  sans  la  tache  originelle.  Car,  dans 

(1)  De  Incarivilione,  lib.  XIV,  cap.  ii,  %  ix. 


6  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

cette  dernière  hypothèse,  quantité  de  termes  semblables  dans 
la  sainte  Écriture  acquerraient  la  même  valeur. 

Passaglia  (1)  ne  peut  supporter  le  rejet  pur  et  simple  de  té- 
moignages qui,  pour  lui,  ont  tant  de  poids;  aussi  y  oppose-t-il 
plus  d'une  raison.  Petau,  dit-il,  ne  tient  pas  compte  de  la  par- 
tie matérielle  de  l'argumentation,  car  il  la  fait  reposer  sur 
quelques  épithètes  seulement,  et  encore  sont-elles  toutes  de 
forme  négative  et  exprimées  au  degré  positif.  Ensuite,  il  faut 
bien  considérer  sa  véritable  forme  :  quelques  expressions  ne 
peuvent  donner  les  éléments  d'une  conclusion  certaine,  ni 
même  l'une  ou  l'autre  catégorie  en  particulier,  mnis  la  vérité 
de  notre  thèse  doit  se  dégager  de  toutes  les  catégories  prises 
ensemble.  Enfin,  autre  est  le  sens  de  immaculé  dans  les  ci- 
tations, faites  par  Petau,  des  Psaumes,  de  l'Apocalypse  et  des 
épîtres  de  saint  Paul,  autre  celui  de  ce  même  attribut  appli- 
qué à  la  sainte  Vierge.  Il  faut  considérer  le  sujet  auquel  vien- 
nent s'adjoindre  les  épithètes,  et  le  sens  de  celles-ci  change 
selon  la  nature  de  celui-là.  Cette  observation  est  si  juste,  con- 
clut Passaglia,  qu'en  d'autres  endroits,  le  docte  .Jésuite  s'est 
servi  des  mêmes  expressions  pour  appuyer  la  thèse  de  l'Im- 
maculée Conception,  à  laquelle,  en  définitive,  il  souscrit  contre 
l'opinion  de  plusieurs  de  ses  contemporains. 


Cette  divergence  de  vues  est  encore  partagée  par  d'autres 
auteurs.  Il  me  semble  qu'il  faille  se  rallier  à  l'opinion  de  ceux 
qui  concilient  les  deux  extrêmes  (2).  Il  ne  faut  pas  attribuer 
une  importance  trop  exclusive  à  ces  épithètes,  mais  il  ne  faut 
pas  non  plus  les  rejeter  en  bloc;  car  où  peut-on  mieux  trouver 
les  traces  de  la  tradition  de  l'Église,  sinon  dans  les  hymnes 
liturgiques  et  dans  les  homélies  des  Pères,  documents  dont 
l'usage  et  la  destination  doivent  attester  le  sentiment  comnmn 
des  fidèles"? 

Certes,  — il  l'a  été  déjà  observé,  — cette  tradition  à  l'endroit 
de  l'Immaculée  Conception  n'est  pas  sans  offrir  plus  d'une  dif- 

(1)  Loc.  cil.,  sectio  II,  art.  iv. 

(2)  Par  exemple,  Perrone,  De  Immac.  B.,V.  J\I.  Conc.  dtsquis.  theoL,  p.  52;  et 
plus  récemment,  L.  Jansscns,  0.  S.  B.,  Summa  Theologica.  t.  V,  p.  126. 


LE    DOriME    DE    L  IMMACULEE    COXCEPTION.  7 

ficiilté.  Et  la  raison  en  est  multiple.  Ce  dogme  ne  louche  pas 
immédiatement  aux  principales  vérités  de  la  religion,  pas 
même  à  celles  ayant  trait  à  Dieu  ou  à  la  deuxième  personne 
de  la  Sainte  Trinité;  conséquemment,  les  apôtres  et,  après  eux, 
les  Pères  de  l'Église  ne  sentirent  pas  le  Ijesoin  de  l'exprimei' 
d'une  façon  explicite.  Le  développemeni  du  dogme,  surtout  son 
développement  rationnel,  amena  les  thécdogiens  à  déterminer 
d'une  façon  plus  précise  le  sens  de  l'immunité  complète  de 
fautes  dans  la  personne  de  Marie.  Or,  le  pécliè  est  double  :  ori- 
ginel et  personnel.  Quant  au  second,  on  se  trouvait  d'accord 
depuis  longtemps  déjà  pour  en  proclamer  l'absolue  exemption 
dans  la  sainte  Vierge.  Le  péché  originel,  au  contraire,  depuis 
Pelage,  a  toujours  été  sujet  à  plus  amples  discussions  et  l'ob- 
jet de  spéciales  difficultés.  Comment  les  Pères  eussent-ils  alors 
entravé  la  défense  de  la  vérité  catholique  par  de  subtiles  dis- 
tinctions au  sujet  (le  Marie?  Ils  se  contentèrent  d'exalter  sa 
sublime  innocence  enlaçant  dans  cet  unique  concept  tout  ce 
que  la  précision  théoiogique  a  séparé  jtar  après. 

C'est  ici  l'occasion  d'appliquer  le  raisonnement  auquel  je 
faisais  appel  au  début  de  ce  travail. 

Aux  uns  il  faut  concéder  qu'à  les  prendre  tellement  quelle- 
ment  les  épithètes  et  les  dénominations  théologiques  ne  cons- 
tituent pas  d'argument;  mais  que  c'en  est  un  de  réelle  valeur, 
—  et  ceci  vaut  pour  les  autres,^ — quand  elles  ont  passé  parle 
crible  du  raisonnement . 

Passaglia  (1),  en  son  temps,  dressa  une  liste  de  règles  à  ol)- 
server  dans  l'interprétation  des  attributs  de  la  Mère  de  Dieu, 
règles  dont  l'opportunité  pourrait  parfois  être  discutée  et  que 
je  reproduis  ici  sous  bénéfice  d'inventaire. 

1.  — Il  faut  se  garder  de  prononcer  un  jugement  sur  ces 
épithètes  avec  des  idées  préconçues. 

2.  —  L'interprétation  donnée  à  Tune  d'elles,  en  particulier, 
ne  peut  pas  être  en  contradiction  avec  le  sens  qu'il  faut  leur 
attribuer,  quand  elles  sont  prises  dans  leur  totaliU'. 

3.  —  Par  conséquent,  seule  est  licite  l'interprétation  qui 
s'harmonise  avec  le  sens  général. 

4.  — De  plus,  l'interprétation  ne  peut  pas  être  en  désaccord 

(1)  Loc.  cil.,  pp.  -212  ot  ■■IV.j. 


8  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

avec  les  explications  qui  en  sont  données  par  les  écrivains  eux- 
mêmes  et  qui  leur  servent  comme  de  commentaires. 

5.  —  Mais  il  faut,  au  contraire,  que  ces  explications  soient 
prises  comme  la  norme  générale  de  rinterprétation  qu'on  veut 
leur  donner. 

6.  —  Enfin,  pour  déterminer  et  préciser  le  sens  de  ces  at- 
tributions, il  faut  tenir  compte  du  sujet  auquel  elles  sont  ap- 
pliquées. 

Mais  la  rigoureuse  observation  même  de  ces  règles  ne  peut 
pas  encore 'donner  la  certitude  de  la  vérité  qu'on  se  propose 
de  démontrer.  A  celles-là,  répétons-le,  il  faut  ajouter  le  raison- 
nement. Or,  quel  sera-t-il? 


On  pourrait  établir  le  syllogisme  suivant  : 

De  nulle  créature,  même  la  plus  juste  et  la  plus  sainte,  les 
monuments  écrits  n'exaltent  l'innocence  et  Tintégrité  avec  l'in- 
sistance et  la  variété  d'expressions  que  l'on  retrouve  au  sujet 
de  Marie. 

Or,  ce  fait  n'a  d'autre  explication  suffisante  qu'en  supposant 
en  elle  l'exemption  totale  de  la  tache  originelle  au  moment  de 
sa  Conception.  Donc  celle-ci  fut  immaculée. 

Que  les  auteurs  ecclésiastiques,  en  parlant  de  Marie,  aient  ac- 
cumulé au  plus  haut  degré  les  expressions  de  sainteté  et  de 
justice,  la  très  incomplète  énumération  des  épithètes  faite  plus 
haut  le  montre  déjà  suffisamment.  Pour  peu  que  l'on  parcoure 
les  écrits  des  Pères  et  les  livres  liturgiques  de  l'Église  grecque, 
l'on  ne  tardera  pas  à  se  convaincre  de  cette  primauté  de  Marie 
sur  les  autres  justes,  comme  sur  saint  Jean-Baptiste,  sainte 
Anne,  saint  Jean,  etc.,  et  d'autres  saints  encore.  En  quoi  sa 
sainteté  diffère  spécifiquement  de  celle  de  ces  justes,  j'aurai 
l'occasion  de  le  démontrer  plus  tard  en  me  basant  sur  les  ins- 
truments de  la  tradition  eux-mêmes.  Pour  le  moment,  il  suffit 
de  constater  le  fait  d'une  exubérance  d'expressions  à  l'endroit 
de  l'innocence  de  la  Mère  de  Dieu. 

On  dira  encore  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner,  puisque, 
seule  de  toutes  les  créatures,  elle  a  eu  le  privilège  de  la  mater- 
nité divine.  Cette  observation  ne  fait  que  corroborer  la  précé- 
dente et  elle  s'harmonise  merveilleusement  avec  la  doctrine  de 


LE    DOGME    DE    l'lMMACULÉE    COKCEPTIOX.  9 

l'Église  catholique,  car,  selon  celle-ci,  le  privilège  de  l'Imma- 
culée Conception  est  proclamé  en  vue  et  en  vertu  de  celui  de 
la  maternité. 

Mais  encore  un  coup,  dans  la  question  présente,  il  n'y  a  qu'à 
s'occuper  du  fait  évident,  historique,  de  sa  justice  exaltée  de 
mille  manières  différentes. 

Plus  ardu  est  l'examen  de  la  mineure  de  l'argument. 

Une  première  conclusion  à  tirer  de  l'analyse  des  textes  ren- 
fermant les  épithètes  dont  nous  parlons  est  que  ceux-ci  parlent 
de  l'innocence  de  Marie  d'une  façon,  absolue,  c'est-à-dire  sans 
préciser  la  nature  de  la  faute  dont  ils  la  déclarent  complètement 
exempte. 

En  voici  quelques  exemples,  pris  au  hasard  : 

Saint  André  de  Crète  s'exprime  ainsi  (1)  : 

^è  Tr//   XG~Ckzv    à[j.vâsa,    tç/   t^v    à'picv    Xp'.jTO)    y.:vr,v    ïv.  7,zùJ.x^ 

«  Te  intemcratam  agnam,  quae  vestem  Christo  lanam, 
nostram  videlicet  substantiam,  ex  tuo  solo  ventre  protulisti,  te 
ex  Anna  progenitam  omnes  hymnis  honoramus  (2).  » 

Dans  le  cTand  canon  de  la  Sainte  Viero-e  (3)  on  lit  ces  belles 
paroles  : 

— è  T'r;v  àvvrjv ,  ce  ty;v  IIapOÉv;v  y.yX  y.z-CkZ'i  ^  [j.Wr^'i  ^ip(o ,  ~î'-"/-ç 
x-pzs'^Àyr,-o^,  y.y-xo'j^'-q'i.  r/.É-TjV  /.paTatàv,  c-Xov  (jW-'r;pia;. 

«  Te  puram,  te  Virginem  et  intemeratain ,  solam  habeo 
murum  inexpugnabilem,  refugium,  praesidium  validum,  scu- 
tum  salutis.  » 

La  fête  de  la  Purification  contient  ces  paroles  du  moine  saint 
Cùme  (4)  : 

0  r.çn))~z~z'AZz  £7.  ~z\i  IlaTpb;;  -pz  a'.tovwv,  r,ç,(ù~'z-zv.zz  yr-.izq,  Kzpr^^ 
xoHzpz'j  TO)  'ASày,  yv.px  r.pz'zinir/  ï-iz^xvz. 

«  Primogenitus  ex  Pâtre  ante  secula,  primogenitus  puellae 
incorruptae  parvulus  apparuit,  protendens  manum  Adae.  » 
Et  le  8  du  même  mois  (5)  : 

(1)  Canon  pour  la  fèto  de  la  Xativitô  de  îa  Sainte  Vierge.  1'"  ode.  A'  ti'opaire. 

(■2)  Cette  traduction  ainsi  que  les  suivantes  sont  empruntées  à  Passaglia,  op.  c. 

(3)  Kavwv  irapaxÀYiTixô;  6  |J.ÉYaç  sî;  Ty;v  -JTrcpaYÎav  ©sotôxov.  4^  ode,   3<=  tropairo. 

(4)  2  février.  3^  ode,  1'^''  tropaire. 

(5)  Kavwv  Toy  àyto-j  I\I.  ©ewSôpoy.  1"'''  ode,   dernier  tropaire. 


10  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Nïxoç    [j.cr,   cîoi'j,    riavaY'.a   xypoc'^-z,   tw   v.y-y/^iy^'zv-'.   ù-'z    t-^jv   ijr,v 

(c  Victoriara  mihi  tribue,  sauctissima  intaminata,  confu- 
gienti  sub  tuum  praesidium,  meqiie  jiigiter  tuis  precibus  e. 
calamitatibus  eripe.  »  -' 

A  la  fin  de  la  3®  ode  du  canon  en  l'honneur  de  sainte  Théo- 
dora  d'Alexandrie  (11  septembre),  Thymnographe  s'adresse  en 
ces  termes  à  la  sainte  Vierge  : 

£7:É7,T£tvov,  OTTWç  (TwOsiç  ;j.sYaAÛvo>  az. 

«  Fac  mei  miserearis,  o  plane  insons,  atque  ut  misericors 
mihi  praesidii  tui  dexteram  porrige,  ut  te  servatus  magni- 
ficem.   » 

Et  tous  les  soirs,  à  Compiles,  l'Église  grecque  invoque  la 
sainte  Vierge  dans  une  ravissante  prière  commençant  ainsi  : 

Aff-fAS,  î;;j.iAUVT£,  à'oOcps.  ôcypyv-z,  y^^'Tr,  IlapOsvs,  Btbvj[j.oi  \i- 
a-oivy. 

Or  bien,  pour  déclarer  quelqu'un  innocent,  pur,  saint,  in- 
tègre, il  faut  exclure  de  son  àme  toute  ombre  de  souillure  et  de 
faute.  Mais  de  quelle  nature  peut  être  la  faute? 

Les  théologiens  distinguent  le  péché  originel  et  le  péché 
actuel  ou  personnel;  celui-ci  se  subdivise  en  péché  mortel  et  en 
péché  véniel. 

La  laideur  du  péché  mortel  est  écartée  sans  difficulté  aucune 
du  concept  de  la  pureté  de  Marie. 

Que  dire  du  péché  véniel?  Faut-il  aussi  le  croire  exclu  par 
l'absolue  pureté  de  Marie  dont  font  foi  les  épithètes  de  nos 
livres?  Mais,  outre  qu'à  présent  il  existe  parmi  les  théologiens 
de  toute  école  une  unanimité  parfaite  à  rejeter  le  moindre  soup- 
çon de  faute  même  vénielle  dans  l'âme  virginale  de  la  Mère 
de  Dieu,  on  ne  peut  même  pas  supposer  à  beaucoup  de  ces 
épithètes  le  sens  d'exemption  de  faute  vénielle,  puisqu'elles 
parlent  de  souillure  et  de  contnmination  dans  l'âme  et,  selon  la 
doctrine  de  saint  Thomas  presque  universellement  adoptée ,  le 
péché  véniel  n'entache  l'âme  en  rien  (1), 

Restent  la  souillure  et  la  culpabilité  du  péché  originel  et 
celles-là  valent,  ce  semble,  pour  toutes  les  autres  ensemble. 

(1)  s.  TheuL.  111.  q.  LXXXIX,  art.  1. 


LE    UOG.ME    DE    l'iMMACLLÉE    CONCEPTION.  11 

Mais  les  épithètes  en  question  nient  toute  souillure,  toute  cul- 
pabilité, car  elles  ne  distinguent  pas  entre  péché  mortel  et 
péché  originel,  mais  elles  affirment  la  parfaite  innocence  de 
Marie.  De  quel  droit  viendrait-on  donc  faire  a  priori  cette 
distinction  qui  non  seulement  n"y  existe  pas,  mais  pour  laquelle 
il  n"y  a  même  pas  de  fondement  assuré? 

A  cette  considération  doit  s'en  ajouter  une  autre.  Il  faut  ap- 
pliquer à  ces  épithètes  ce  que  Petau  dit  en  général  de  tant  de 
textes  où  la  sainte  Écriture  et  les  saints  Pères  parlent  de  l'uni- 
versalité de  la  faute  originelle  dans  la  nature  humaine  (  l;.  S'il 
est  vrai  que  ceux-ci  sont  contraires  ù  l'exception  privilégiée 
de  Marie,  il  faut  renoncer  du  même  coup  à  soutenir  l'exemp- 
tion en  elle  de  tout  péché  actuel,  et,  selon  d'autres,  sa  justifi- 
cation dans  le  sein  de  sa  Mère  avec  la  disparition  des  traces 
et  des  conséquences  du  péché  originel,  puisqu'il  ne  s'en  trouve 
aucune  exception  chez  les  hommes,  au  dire  des  mêmes  livres 
saints.  Semblablement,  on  s'appuie  sur  tant  de  belles  dénomi- 
natirms  chez  les  Pères  de  l'Église  pour  déclarer  la  sainte  Vierge 
exempte  de  tout  péché  actuel,  et  l'on  refuse  d'y  trouver  un  appui 
quelconque  pour  soutenir  son  inmiunité  de  la  faute  originelle, 
quoique  les  raisons  soient  identiques  pour  l'une  et  l'autre  con- 
clusions. Étrange  contradiction;  car,  si  vous  niez  cette  dernière 
conclusion,  par  le  fait  même  vous  sapez  les  bases  de  l'autre. 


Il  importe  encore  de  remarquer  que  la  justesse  de  cette  ap- 
plication des  épithètes  au  péché  originel  est  comprouvée  par 
nombre  de  textes  dans  lesquels  sont  juxtaposées  l'intégrité  de 
Marie  et  la  culpabilité  du  genre  humain  avec  toutes  ses  misères 
spirituelles  et  corporelles.  Le  sens  absolu  que  nous  faisions 
observer  tout  à  l'heure  se  restreint  dans  ce  cas  et  devient  re- 
latif ^àv  l'antithèse. 

Tels  seraient  les  textes  suivants  : 

'A;j.i/.'jv-:£  Gv.ryr^.  T.y.yy.\''.7.  -y.zhvtt^  [j.z'/.'jHv/-y.  y.î  ztivMÇ  r.xfiCr/ 
ï~X'(iii^{j!.iç,  TY]  ^7:r^^[f^  toj  èXéouç  ccj  y.ifJxpo'/,  v.xl  oiç  ;j.:i  z\j.cpz'j:  -/.y-y- 
vj^ctoç.  AÉJ-îtva,  y.\i.y.p-.[y.z  ^ti'jHz'f  v.y.-y.v.Kyizv-y.z  (2). 

(1)  De  Incarn.,  1.  XIV.  e.  ii.  §  xii. 

(2)  Toù  àyiou  Iwspovto-j  TpuJoiov.  Clr  Mai,  Sjjidf.  Runtanum,  t.  IV,  p.  \o2. 


12  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

«  Impollutum  tabernaculiim ,  Virgo  undequaque  sancta, 
misericordiae  tuae  fonte  me  purifica  passiomini  iUecehris  dire 
pollutum,  et  da  mihi,  o  Domina,  compunctionis  imbres  qui 
peccati  abyssum  abluant.  » 

©a[j.6£ÎTai  èv  ^'JAw  zçibiGa  XpijTbv  û'iwÔsvTa  '^oxi'K-qQti  -q  'A[j,s;j.7:toç 
"/.ai  y'kyJ.Z'^zT.  èy.paÛYausV  T'.é  ;xo'j  xai  ©se,  woïva?  èv  tw  -'//.tsiv  AaOoyca, 

vuv  coLivaç  Ù7::;7.iV(o  àoîy.coç,   67:2  àvi;.»,o)v  c:Ta'jpîj;j.£v:u  ccu  (1). 

«  Christum  in  ligno  voluntarie  exaltatum  conspiciens  Incul- 
pata  illa  prae  dolore  stupens  cum  gemitu  exclamabat  :  Fili  et 
Deus  meus,  quae  dolorum  fui  nescia  quum  te  in  luce  ederem, 
nunc  injuste  dolores  sustineo,  quum  tu  ab  hijustis  crucin- 
geris.  » 

Ey.  TO)v  a'.[J-âT(ov  twv  è[/wv  ^jp^-z:;  \'zyév^r,GM,  èx  twv  y.l[xx-u)V  zï 
Twv  G-wv  iJpS"2'^Ç  ïQcwaaç,  TCjç  iSpwast  oè  çOapÉVTaç,  Î^T/Tcov  y.aT-PjAGcç  wç 
û-îpavaOoç"  iSôa  TràXai  •/;    "A[ji,£[;.7:toç  iv  y,Aau6[/Ç)   Xpto-Tbv    Ôp'/]vcjt:a 

Xpc[J.â[J.£VOV  £V  CTa'jpw   (2). 

«  Ex  sanguine  meo  mortalis  factus  es,  ex  tuo  autem  san- 
guine mortales  Dec  conjunxisti,  et  bonitate  superexcellens 
descendisti  ad  nos  (juaerendos  (jui  fuerant  cibo  corrupti,  ex- 
clamabat olim  non  sine  fletu  h)ru/j)al((  ///r/,  Christum  lamen- 
tans  in  cruce  suspensum.  » 

Saint  Germain  s'adresse  à  la  sainte  Vierge  en  ces  termes  : 

Stpy-fjzzv  Ta  ~py:j\xy-y.  -f^z  'Vj'/-^ç  ;;.C'j,  tov  vcîjv  ;j.:u  ffy.cTuii^.svsv 
à[j.£A£ia,  6ssv'j;j,ç;£,  xaTaj-j'a^cv  l'va  'l^aAAo)'  z'j%  £-tiv  à';j.£[j.7:TCç,  w.;  cj 
'jravâ[j.o)[j.£,  y.ai  cjy.  £7tiv  y.ypy.'noz  iCkT;"*  gz'j.  \iar.z\>iy  (3). 

«  Sana  vulnera  animae  meae,  mentemque  meam  incuria 
obtenebratani,  0  Dei  sponsa,  illumina  ut  psallam  :  nemo  repe- 
ritur  inculpatus  sicuti  tu,  0  pcnitus  immaculata,  et  nemo 
praeter  te,  0  Domina,  reperitur  inviolatus.  » 

Si  donc  ces  passages  et  d'autres  encore  font  allusion  au  pé- 
ché originel,  soit  dans  son  principe,  soit  dans  ses  conséquences, 
et  y  opposent  l'absolue  sainteté  de  Marie,  pourquoi  ces  mêmes 


(1)  lIaoay.).'.Ttxfj.  Éd.  cl(^  Ymiise,  1874,  p.  "28.  iTaupoôeotoxtov  t-^;  wôô;  i  (Canon 
de  saint  Joseph  Thymnographe).  Voici  donc  la  sainte  Vierge,  exempte  de  toute 
culpabilité  (i'jjiEjxTiTo;),  condamnée  a  souffrir  injustement  pai'  fe  l'ait  d'homnios  in- 
justes. 

(•2)  2Ta-jpo6£OToy.;ov  après  la  2^  stichologie,  au  vendredi  du  8"  ton  (nap*y.).i.Tixr„ 
p.  351). 

(3)  'Avei).6Yiov.  É<1.  de  Venise,  MDCCCXXXVIIl,  page  193. 


LE    DOGME    DE    l/lM.MACULÉE    CONCEPTION.  13 

dénominations  n'auraient-elles  pas  la  même  valeur,  quand  elles 
ne  se  trouvent  pas  placées  en  antithèses  ? 


Au  demeurant,  l'analyse  étymologique  de  ces  expressions 
conduit  à  la  même  conclusion. 

Les  unes  regardent  la  faute,  culpa ;  les  autres,  la  souillure 
produite  dans  l'àme  par  le  péché.  Les  épithètes  nient  que  l'une 
et  l'autre  se  soient  rencontrées  dans  l'àme  de  Marie. 

Parmi  les  premières,  il  faut  ranger  surtout  :  à'y.ojy.cç,  à';j.3;j.- 
T.-.zz.  labisexpers,  irrepre/wnsibilis;  et  parmiles secondes,  plus 
nombreuses,  l'on  trouve  :  xg-ikc:.  intemerata;  '/.y.Hy.^y.^  pura; 
à[v.yM-zz.  iiitaminata ;  3.\j.ok'j'nzç,  impoli uta;  x:^f)cpzq,  nicorrupta. 

Déjà,  il  a  été  fait  allusion  à  cette  distinction  entre  faute  et 
tache;  déjà  aussi  il  a  été  dit  que,  si  la  supposition  d'un  seul 
péché  actuel  en  Marie  est  unanimement  écartée  en  raison  du 
sens  de  ces  épithètes,  les  mêmes  motifs  doivent  conclure  au  re- 
jet de  l'autre  supposition  :  celle  du  péché  originel. 

Cette  conséquence  logique  est  corroborée  par  le  fait  que  telle 
dénomination  est  appliquée  indifféremment  à  Jésus  et  à  Marie, 
tandis  qu'on  ne  la  retrouvera  pas  attribuée  à  d'autres  saints. 

Et  qui  osera  dire  que  la  personne  adorable  de  Jésus-Christ 
ait  été  un  seul  instant  entachée  du  péché  originel  ou  sujette  au 
péché  actuel?  Néanmoins  pour  exprimer  cet  état  de  choses  la 
tradition  emploie  également  les  dénominations  de  à'-zpavTcç, 
â;j.to;rr,T:ç.  à'ç;0:psç,  etc,  pour  la  Mère  et  le  Fils,  se  délectant  par- 
fois, dirait-on,  à  les  rapprocher  plus  encore  par  une  identité 
d'expression. 

Voici,  par  exemple,  ce  que  dit  saint  Théophane  : 

'Pû-ov  Tbv  -f,z  9'J7£(o;  Tjy.ojv  Xp'.îTbv  ■/.'A^-y.zy.  Tiv  y.iv:v  à'-/savTvV, 
aasco^  à-izX'Jvaç,  dy Çiy.v~z.  Beitcv,;  7:ava;j.to;j.-/;TE'  v.yl  Xcp:j5',;./.  y.ai 
Sspaçl'.;.  '^'i\'zvy:  'jzspOîv  twv  Ijitôvttov"  IlivTa  tz  ^PY^:  •j[j.'n'~t  tsv 
K'jpiov  (1). 

«  Sordem  naturae  nostrae  apte  abluisti,  parions  Christum 
qui  solus  est  inteineratus,  o  intemerata,  o  Deipara  cujusvis 

(1)  Dernier  tropaire  de  la  <s«  ode  du  Canon  do  l'office  de  l'Aurore  pour  saint 
Nicète,  martyr  (15  septembre).  Observez  encore  qu'on  appelle  Jésus-Christ  le 
seul  immaculé. 


14  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

prorsus  labis  expers.  Proinde  superior  facta  es  Cherubim  at- 
que  Seraphim  qui  clamant  :  Benedicite  omnia  opéra  Domi- 
num.  » 

Et  saint  Basile  s'écrie  : 

«  Quid  miriim  ut  illorum  omnium  accessione  pu  rus'  iWe  et 
inta  minât  as  cum  intaminata  et  viri  nescia  Virgine  ac  matre 
obeat  purificationem  lege  praescriptam  ;  quo  factus  sub  lege , 
ut  ait  Apostolus,  eos  liberet  qui  sub  lege  erant  (1)?  » 

Voici  d'autres  paroles  empruntées  à  saint  Sophrone  de  Jéru- 
salem : 

'Et.  c-su  toj  0cOÎ>  r^  acsi'a  oiy.ov  sauTf^  Zo\i:r^a!x\)ÀTq   ï<7y.pv.M(}r,   à-op- 

èy.XsAszai  a  ©  0  o  p  o  ç  à  9  0  6  p  s  u    zlq  •/.auci/.iav  AÔvsu  (2) . 

«  Ex  te,  0  puella  thori  expers,  Dei  Sapientia  propter  ineffabi- 
lem  pietatem  suam  domum  sibi  aedificans  incarnatus  est.  So/(( 
enim  ex  omnibus  generationibus  electa  fuisti  incorrupta  in 
habitaculum  verbi  incorrupti.  » 

Saint  Sophrone  s'exprime  encore  ainsi  : 

'Afj.apTtav  Tou  7.6(71X01)  tov  a'ipov-a  a^^pavxov  'A[j,vbv  c-uXAa6oÎjffa,  Ilavâ- 
[X(o;j.e,  y.[j.y.p-iMV  (j\)^['/Mpr^Giv  âxo'jaojTcst  ooO-^vai,  iziç  coù'koi:  cou  (3). 

«  0  prorsus  'un  macula  ta,  quae  intami)iaium  agnum  qui  tol- 
litpeccatum  mundi  concepisti,  procare  ut  servis  tuis  peccato- 
rum  venia  donetur.  * 

D'un  coté  donc  Jésus  et  Marie,  de  l'autre  les  hommes  :  voilà 
la  vérité  qui  découlera  de  la  lecture  de  tant  de  passages  dans  les 
monuments  de  la  littérature  ecclésiastique  grecque.  La  con- 
ception des  deux  premiers  est,  évidenmient  à  des  degrés  diffé- 
rents, la  même  dans  sa  nature,  immaculée,  sans  la  tache  origi- 
nelle commune  à  celle  des  autres  hommes. 


Je  viens  de.parler  de  Jésus-Christ  et  du  genre  humain.  Entre 
la  nature  du  Christ  et  la  nature  des  mortels  vient  se  placer  la 
nature  angélique. 

(1)  Orat.  in  Symeonem,  p.  087.  A.  B.  apud  Combef.  Acut.  t.  I. 
(•2)  TpiwStov,  Mai,  op.  cit.,  p.  2-2i. 

(o)  Dernier  tropairo  de  la  C«  ode.  Canon  de  l'office  de  l'aurore  pour  saint  Po- 
lycarpe,  évèque et  martyr  (23  février). 


LE    DOGME    DR    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  15 

Quelle  position  Marie  prendra-t-elle  vis-à-vis  de  celle-ci? 

Pour  être  complet  je  devrais  encore  en  dire  un  mot;  mais, 
pour  ne  pas  multiplier  les  citations,  il  suffit  de  renvoyer  à  l'é- 
noncé des  épithètes  donné  plus  haut  et  aux  textes  cités  pour 
voir  que  la  pureté  mariale  est  placée  bien  au-dessus  de  celle  des 
Anges.  Or,  ceux-ci  sont-ils  affectés  d'une  souillure  quelconque 
et  d'un  péché  d'origine? 

II  reste  donc  acquis  que  ces  termes  d'innocence  et  de  pureté, 
de  par  leur  caractère  cVuiuversa/ité,  n'admettent  pas  de  limites 
ni  de  restrictions,  et,  en  parlant  de  Marie,  doivent  être  appli- 
qués aussi  à. son  exemption  de  toute  tache  et  faute  originelles. 


Mais  Ton  objectera  sans  doute  que,  si  les  épithètes  mariolo- 
giques  peuvent  s'étendre  au  concept  d'une  immunité  complète  à 
l'endroit  du  péché  originel,  cet  argument  ne  prouverait  pas 
pour  cela  que  la  conception  de  Marie,  prise  au  sens  passif  du 
mot,  soit  immaculée.  Je  dis,  prise  au  sens  passif  du  mot,  en 
voulant  seulement  par  là  la  distinguer  d\ine  façon  générale  de 
la  part  active  des  parents  (I). 

Ici  de  nouveau  l'un  peut  faire  plusieurs  hypothèses.  La  sainte 
Vierge  a  été  libérée  du  péché  originel  et  soustraite  à  toutes 
ses  conséquences  vulnérantes,  soit  au  moment  où  elle-même 
conçut  Jésus-Christ  par  l'opération  du  Saint-Esprit,  soit  avant 
cet  instant;  et  de  nouveau  ceci  eût  pu  se  réaliser  soit  après  sa 
naissance,  soit  avant  de  voir  le  jour,  et  encore,  immédiatement 
après  sa  conception  ou  quelque  temps  après  celle-ci,  sans  que 
pour  cette  raison  il  soit  nécessaire  de  soustraire  son  âme  à  la 
tache  qui  enraye  toute  la  nature  humaine.  Enfin,  et  c'est  notre 
thèse,  kï instant  niênte  de  sa  conception,  la  personne  de  Marie 
a  été  exempte  du  péché  originel,  sans  qu'un  seul  moment  son 
ombre  même  offusquât  son  âme  ou  son  corps. 

Ajoutée  aux  précédentes,  cette  dernière  hypothèse  est-elle 
contredite  par  les  épithètes  et  les  dénominations  des  écrivains? 
Nullement.  Ni  du  côté  de  la  supposition,  car  ell.e  est  sur  le 

(1)  En  philosophie  la  concpption  passive  résulterait  plutôt  de  ranimation  de 
l'être,  tandis  que  le  côté  actif  de  la  conception  aurait  trait  à  toute  l'évolution  du 
germe  précédant  ce  dernier  état. 


16  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

inêiiie  rang  que  les  autres  et  peut  prétendre  au  même  degré  de 
créance  que  celles-ci.  Ni  du  côté  des  épithètes,  et  il  suffirait 
pour  l'Immaculée  Conception  en  soi  de  repéter  toute  l'argumen- 
tation  développée  au  sujet  du  péché  originel  en  général.  Non 
seulement  ces  appellations  ne  contiennent  rien  de  i^épugnant  à 
cette  assertion,  mais  leur  note  d'universalité,  leur  caractère 
absolu,  leur  frappante  accumulation,  ne  peuvent  s'expliquer 
sans  elle. 

Enfin,  si  beaucoup  de  ces  épithètes  se  trouvent  de  préférence 
dans  les  textes  où  il  est  fait  mention  de  la  maternité  divine  de 
Marie,  elles  ne  restreignent  pas  à  ce  moment  la  réalisation  du 
privilège  qu'elles  indiquent.  Elles  dénotent  tout  au  plus  parla 
que  Marie  doit  au  privilège  de  Mère  de  Dieu  celui  d'être 
exempte  du  péché  originel. 

De  quelque  côté  donc  que  Ion  se  tourne,  on  doit  arriver  à. 
cette  conclusion  :  les  épithètes  de  sainteté  et  d'innocence  qui 
entourent  le  nom  de  Marie  d'une  si  brillante  auréole  doivent 
par  la  voie  du  raisonnement  se  rapporter  à  son  Immaculée 
Conception. 

{A  suivre.) 

Rome,  Collège  Grec. 

D.  Placide  de  Meester, 

0.  s.  B. 


LES  THÉOTOKIES 

ou 
OFFICE  DE  LA  SALNTE  VIERGE  DANS  LE  RITE  COPTE 


I 

L'Église  d'Egypte  a,  dès  l'origine,  témoigné  une  grande  dé- 
votion et  un  ardent  amour  pour  la  sainte  Vierge.  Témoin  les 
nombreuses  fêtes  instituées  en  l'honneur  de  la  Mère  de  Dieu  et 
le  grand  nombre  de  sanctuaires  érigés  sous  son  vocable.  Mais 
l'amour  ne  va  pas  sans  la  louange.  Les  Coptes  ne  pouvaient 
manquer  de  célébrer,  dans  leur  langue,  celle  qu'ils  aiment  à  se 
représenter  portant  FEnfant  Jésus  sur  le  sol  de  leur  patrie. 

Les  principales  hymnes  qu'ils  lui  ont  consacrées  sont  con- 
tenues dans  le  livre  appelé  les  théotokies  (I). 

Ce  livre  est  bien  connu  de  ceux  qui  s'occupent  de  littérature 
copte.  Il  a  été  imprimé  en  17(34,  à  Rome,  aux  frais  de  la  Propa- 
gande, par  Raphaël  Tuki,  sous  le  titre  : 

IHAtOII    HT(3   IIIO(30rOKIA 
lieîLI    KcVTA    TAgIC    IITO    IIIABOT    lïOlAK 

ce  Livre  des  théotokies  avec  le  rit  du  mois  de  Khiak  ».  C'est 
donc  un  recueil  d'hymnes  à  la  Mère  de  Dieu  {Hiz-.zv.zz). 

(1)  eeOTOKIA  pluriel  de  Oeotox-ov.  Ce  mot  est  employé  comme  un  singulier 
dans  les  livres  coptes.  Osotoxîov  est  le  terme  consacré  dans  l'office  grec  poui- 
désigner  les  versets  et  les  hymnes  à  la  Sainte  Vierge.  On  peut  se  demander 
si  l'office  copte  dont  nous  parlons  n'est  pas  une  simple  traduction  du  grec. 
Nous  ne  le  pensons  pas.  Sans  doute,  la  composition  des  hymnes  coptes  qui 
forment  le  recueil  des  théotokies  trahit  en  plusieurs  endroits  une  influence 
hellénique.  La  répétition  de  phrases  prises  mot  pour  mot  de  l'office  grec 
comme  celle-ci  :  ■ji'^Xçtz  xexap'TwjxévYi,  ô  Kûpioç  (ASTà  aoù,  nous  indique  suffisamment 

ORIENT   CHRÉTIEN.  2 


18  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN- 

Ce  livre  était  très  répandu  dans  l'Église  copte  ;  il  n'était  pas 
de  monastère  qui  n'en  possédât  une  ou  plusieurs  copies. ^C'est 
ce  que  prouve  le  grand  nombre  de  manuscrits  qui  nous  en  sont 
parvenus.  Je  ne  pense  pas  qu'il  fasse  défaut  à  aucune  collection 
copte. 

La  Bibliothèque  nationale,  à  elle  seule,  en  possède  au  moins 
onze  exemplaires  (1). 

Un  de  ces  manuscrits  est  venu  s'égarer  sur  les  sommets  du 
Liban;  il  a  été  retrouvé  à  Homs,  l'année  dernière,  par  le  R.  P. 
Louis  Cheikho.  Sans  doute  il  avait  été  apporté  là  par  quelqu'un 
de  ces  nombreux  Égyptiens  qui,  fuyant  les  grandes  chaleurs 
d'Egypte,  viennent  chaque  année  passer  l'été  sous  les  frais  om- 
brages de  Syrie.  Nous  allons  en  donner  une  rapide  description. 

Ce  manuscrit  compte  430  pages  d'une  assez  belle  écriture.  Le 
texte  copte  est  accompagné  presque  partout  d'une  traduction 
arabe;  chaque  page  porte  une  seule  colonne  quand  le  copte  est 
seul  et  deux  colonnes  inégales  quand  il  est  traduit.  Les  colon- 
nes sont  séparées  par  deux  lignes  rouges  ;  le  tout  est  compris 
entre  un  triple  encadrement ,  deux  lignes  rouges  et  une  ligne 
bleu  clair.  Les  premières  lettres  de  la  page  de  droite  sont  tou- 
jours répétées  hors  des  lignes  au  fond  de  la  page  de  gauche. 
L'encre  est  noire  pour  le  texte,  rouge  pour  les  majuscules,  les 
secondes  lignes  des  titres  et  les  remarques  en  arabe.  Le  ma- 
nuscrit mesure  0'",22  sur  O'^jlS  et  l'encadrement  0"\16  sur 
O"^,!!.  Il  est  fait  de  papier  ordinaire;  les  fautes  y  fourmillent; 
aussi  ne  peut-on  lui  donner  guère  plus  de  cent  ans. 

Le  copiste  n'a  pas  oublié  de  nous  faire  connaître  son  nom,  il 
le  répète  même  plusieurs  fois  à  la  fin  des  chapitres  avec  l'in- 
vocation :  «  Souvenez-vous,  Seigneur,  du  copiste  Marc,  fils  de 
Théodore,  dans  votre  royaume  éternel  ». 

Ce  manuscrit  fut  offert  en  legs  pieux  (>— à'j)  à  l'Église  Saint- 
Marc  d'Alexandrie,  le  5  du  mois  de  Pachons  15.50  de  l'ère  copte 
(1834  de  notre  ère),  comme  l'indique  un  texte  arabe  écrit  à  la 
dernière  page. 

que  les  auteurs  coptes  avaient  un  texte  grec  sous  les  yeux,  ou  dans  la  mé- 
moire. Mais  ce  texte,  croyons-nous,  n'a  été  pour  eux  qu'un  thème  qui  les  a  ins- 
pirés et  leur  a  fourni  les  principales  idées  développées  dans  leurs  poésies. 

(1)  Voir  dans  le  Bessarione,  année  VI,  sér.  II,  vol.  I,  fasc.  62,  page  230,  la  liste 
des  manuscrits  liturgiques  coptes  de  laBibl.  nat.  donnée  par  D.  Paul  Renaudin. 


LES    THÉOTOKIES.  19 

Mais  ce  texte  est  d'une  écriture  différente  de  celle  du  manus- 
crit. Il  est  accompagné  du  sceau  de  Tévêque  jacobite  d'Alexan- 
drie Sérapamon  et  d'un  autre  cachet  plus  grand,  qui  est  peut- 
être  celui  de  l'église  : 

«  Au  nom  du  Dieu  clément  et  miséricordieux  ;  gloire  à  Dieu 
au  haut  (des  cieux)  ». 

C'est  sans  doute  cet  évêque  qui  a  écrit  ou  au  moins  dicté  le 
texte  arabe  dont  nous  avons  parlé,  car  il  lance  l'excommuni- 
cation et  les  plus  fortes  malédictions  contre  quiconque  empor- 
tera ce  livre  hors  de  l'église  à  laquelle  il  a  été  affecté. 

Abordons  maintenant  l'analyse  de  l'ouvrage  lui-même.  C'est 
une  espèce  d'office  de  la  Sainte  Vierge;  non  pas  un  office  comme 
le  nôtre  composé  de  psaumes,  en  majeure  partie,  mais  un  re- 
cueil de  prières,  d'hymnes,  de  doxologies  qui  ont  pour  Ijut  de 
célébrer  les  grandeurs  de  Marie. 

Cet  office  pouvait  être  récité  pendant  toute  l'année,  mais  il 
était  surtout  fait  pour  le  mois  de  Khiak  (déceml)re)  et  devait 
servir  de  préparation  à  la  grande  fête  de  la  Nativité  qui  termine 
ce  mois. 

Il  est  divisé  en  sept  jours,  de  sorte  que  chaque  jour  de  la  se- 
maine a  des  leçons  particulières  et  différentes  de  celles  des  au- 
tres jours,  mais  la  seconde  semaine  est  semblable  à  la  première 
et  ainsi  de  suite. 

En  outre,  tous  les  jours  ont  une  partie  commune,  c'est-à-dire 
les  prières  préparatoires  à  l'exercice  lui-mèmv.  Le  Fa  ter ,  ÏAoe, 
l'action  de  grâces  (utvpeii^enTuo?).  Le  psaume  Miserere,  un 
invitatoire,  une  hymne  sur  la  résurrection,  un  cantique  (-^tot;) 
formé  de  versets  pris  à  différents  psaumes  (1). 

EXERCICE  DE  CHAQUE  JOUR 

L'office  spécial  de  chaque  jour  (excepté  celui  du  dimanche) 

(1)  Pour  l'ordre  des  prières,  nous  suivons  celui  que  donne  notre  manusci-it;  il 
a  au  moins  le  mérite  de  correspondre  à  une  réalité.  11  a  sûrement  servi  à  l'é- 
glise, comme  le  prouvent  les  nombreuses  taches  de  cire  qui  en  souillent  toutes 
les  pages,  et  nous  sommes  certains  que  les  hymnes  ont  été  récitées  dans  l'ordre 
qu'il  indique.  L'édition  de  Tuki  a  une  disposition  un  peu  différente,  mais  je  ne 
pense  pas  que  ce  livre  imprimé  ait  jamais  été  employé  pour  la  récitation  de 
l'office.  Les  coptes  schismatiques  ne  s'en  servent  évidemment  pas  et  les  catho- 


20  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

se  compose  de  quatre  parties  ou  quatre  sortes  de  lectures  qui 
ont  toutes  un  nom  différent. 

La  partie  principale  est  l'hymne  appelée  théotokie  (eeoTOKiA 
^!-'j),  elle  est  précédée  d'une  poésie  intitulée  -Iwai,  psallie, 
et  suivie  de  ce  que  j'appellerais  la  conclusion  (.vioBiy  ;j^) 
et  d'une  glose  i-j^)- 

Disons  un  mot  de  chacune  de  ces  parties. 

La  psallie  (-Iwai)  de  -Haamu  «  chanter,  psalmodier  »,  pré- 
cède toujours  la  théotokie  ou  le  cantique  (-ecoc).  C'est  comme 
un  invitatoire  particulier,  dans  lequel  le  lecteur  ou  chantre 
s'excite  lui-même  et  excite  les  assistants  à  louer  la  Mère  de  Dieu. 
Elle  contient,  en  général,  comme  l'argument  de  l'iiymne  à 
laquelle  elle  sert  de  préparation.  La  psallie  est  relativement 
courte;  dans  notre  manuscrit  elle  n'est  jamais  traduite  en  arabe, 
tandis  que  toutes  autres  parties  sont  accompagnées  de  leur  tra- 
duction. 

Comme  exemple  nous  donnerons,  à  la  fm,  la  psallie  du  mer- 
credi. 

La  théotokie  (eeoTOKuv)  est  l'hymne  proprement  dite,  com- 
posée dans  un  style  plus  ou  moins  poétique.  Elle  consiste  en 
une  série  de  comparaisons,  tirées  parfois  de  la  nature,  mais  le 
plus  souvent  de  l'Ancien  Testament.  On  y  rappelle  les  sym- 
boles, les  emblèmes,  les  prophéties  ayant  quelque  rapport  avec 
la  Sainte  Vierge.  On  y  exalte  ses  grandeurs  incomparables, 
ses  privilèges  et  spécialement  ceux  de  sa  virginité  immaculée 
et  de  sa  maternité  divine.  On  y  énumère  ses  titres  glorieux 
et  les  bienfaits  sans  nombre  qu'elle  ne  cesse  de  répandre  sur  les 
hommes. 

Le  style  est  vif,  ardent,  varié  et  trahit  tous  les  accents  d'un 
enthousiasme  sincère;  il  sait  d'un  récit  imagé  passer  au  dis- 
cours direct,  mêler  les  apostrophes  à  une  vivante  description, 
animer  le  sujet  par  de  fréquentes  exclamations. 

Ce  n'est  pas  certes  une  poésie  soutenue  et  de  haute  envolée, 
mais  il  y  a  là  certainement  de  vraies  qualités  littéraires. 

La  théotokie  est  généralement  assez  longue  :  celle  du  di- 

liqufs  qui  ont  continué  à  réciter  les  théotokies  se  sont  certainement  servis  de 
manuscrits.  Les  indications  ou  rubriques,  vagues  et  rares  dans  Tuki,  sont  beau- 
coup plus  nombreuses  et  plus  précises  dans  le  manuscrit. 


LES    TIIÉOTOKIES.  21 

manche  compte  157  strophes  de  4  vers  chacune,  les  autres 
sont  un  peu  moins  longues.  Elle  est  divisée  en  chapitres,  com- 
posés chacun  d'un  nombre  variable  de  strophes. 

La  troisième  partie  est  ce  qu'on  appelle  le  MOB^y.  Notre 
manuscrit  lui  donne  toujours  ce  titre;  dans  l'édition  de  TuJvi, 
c'est  le  dernier  chapitre  de  la  théotokie.  Le  mot  .vtoB^  sio-nifie 
proprement  «  toit  d'une  maison,  couronnement  d'un  édifice  ». 
C'est  donc  l'achèvement,  la  conclusion  de  la  théotokie.  Elle 
explique  les  symboles  rappelés  dans  celle-ci,  et  en  fait  l'appli- 
cation à  la  Sainte  Vierge.  Elle  se  termine  toujours  par  une 
prière. 

La  glose  ~P=  est  uniquement  en  arabe.  Ce  n'est  pas  une  sim- 
ple traduction  de  la  théotokie,  c'est  un  résumé,  une  récapitula- 
tion des  idées  principales  énoncées  dans  les  autres  parties. 
Celles-ci  sont  récitées  ou  chantées  en  chœur,  tandis  que  la  .alose 
est  une  simple  lecture  faite  au  peuple  par  un  seul.  A  l'origine 
cette  partie  ne  devait  pas  exister,  car  elle  ne  se  trouve  pas  dans 
l'édition  de  Tuki.  Elle  a  été  introduite  dans  la  suite,  lorsque 
l'arabe  remplaçant  le  copte  était  devenu  la  langue  populaire. 

Les  offices  du  samedi  et  du  dimanche  présentent  quelques 
divergences.  La  théotokie  du  samedi,  étant  trop  longue  pour 
être  récitée  d'un  seul  trait,  est  divisée  en  trois  parties  dont 
chacune  est  précédée  d'une  psallie  et  accompagnée  d'une  glose. 
L'exercice  comprend  encore  une  hymne  à  Notre-Seigneur, 
avec  psallie  et  glose. 

L'exercice  du  dimanche  suit  une  autre  marche.  La  théotokie, 
très  longue,  se  divise  en  onze  hymnes.  Les  six  premières,  pré- 
cédées de  trois  psallies  dont  la  seconde  est  en  arabe,  sont  sui- 
vies chacune  d'une  explication  (Bto.v^^r*^')  en  copte  et  en  arabe 
et  d'un  passage  de  l'Évangile.  Les  cinq  autres  suivent  la  mar- 
che ordinaire  des  théotokies.  Le  tout  se  termine  par  une  liymne 
sur  la  résurrection  et  une  autre  à  Notre-Seigneur  avec  psallie, 
glose  et  longue  explication  en  arabe. 

L'édition  de  Tuki  contient  encore  sept  hymnes  à  la  Sainte 
Vierge,  appelées  doxologies,  spéciales  au  mois  de  khiak.  Il  est 
probable  qu'on  récitait  chaque  jour,  à  la  fin  de  l'exercice,  une 
de  ces  hymnes. 

Outre  les  sept  théotokies  et  leurs  divers  accessoires,  l'office 
de  la  Sainte  Vierge  comprend  quatre  cantiques  (?toc),  qui  en 


22  rf:vue  de  l'orient  chrétien. 

font  partie  intégrante.  Chacun  de  ces  cantiques  est  traité  comme 
une  théotokie  ordinaire,  c'est-à-dire  qu'il  est  précédé  d'une 
psallie  et  suivi  du  acob^j  et  de  la  lilose  ~-^. 

Le  premier  est  le  cantique  de  Moïse,  Ex.  xv.  Il  se  trouve  avant 
la  théotokie  du  lundi. 

Le  deuxième  est  le  psaume  135;  il  est  placé  avant  la  théotokie 
du  mercredi.  Le  troisième,  cantique  des  Trois  Enfants,  est  placé 
après  la  théotokie  du  jeudi.  Enfin  le  quatrième,  formé  des  psau- 
mes 148,  149  et  150,  vient  immédiatement  après  le  troisième. 

Tel  est,  dans  ses  grandes  lignes,  l'office  consacré  par  l'Église 
copte  à  honorer  la  Reine  des  Cieux.  Durant  tout  le  mois  de 
khiak,  le  souvenir  de  Marie  était  rappelé  encore  d'une  manière 
spéciale  à  la  messe  solennelle  du  dimanche.  On  y  chantait  des 
traits  ou  répons  qui  se  rapportent  aux  mystères  de  l'Annoncia- 
tion et  de  la  Nativité.  La  messe  se  terminait  toujours  par  une 
longue  hymne  à  la  Sainte  Vierge,  où  elle  est  saluée  sous  tous 
les  titres  que  peut  inventer  une  piété  ingénue. 

Après  ces  explications,  on  comprendra  sans  peine  le  titre 
arabe  de  notre  manuscrit.  Nous  le  donnons  ici  en  entier  dans 
l'espoir  qu'il  pourra  aider  à  en  traduire  d'autres  semblables. 

«  Au  nom  de  Dieu  clément,  miséricordieux;  nous  implorons 
son  secours,  amen.  Nous  commençons  avec  le  secours  de  Dieu 
très  haut  et  la  bonté  de  son  assistance  à  transcrire  la  psalmo- 
die (titre  général  de  l'ouvrage)  comprenant  les  sept  (théotokies) 
et  les  quatre  (cantiques),  les  gloses  et  les  psaUies  et  tout  ce 
dont  on  a  besoin  pendant  le  mois  béni  de  khiak.  » 

Outre  l'office  de  la  Sainte  Vierge,  le  recueil  des  théotokies 
contient  un  certain  nombre  d'hymnes  et  de  doxologies  en  ITion- 
neur  des  saints,  depuis  saint  Josepli,  saint  Jean-Baptiste  et  les 
Apôtres  jusqu'à  saint  Cyrille  et  saint  Pachôme. 

Les  anges  n'y  sont  pas  oubliés  et  une  place  d'honneur  est 
donnée  aux  trois  archanges  Gabriel,  Raphaël  et  Michel,  à  Michel 
surtout,  si  célèbre  dans  la  littérature  copte. 

LES  DEUX  AIRS 

Nous  ne  pouvons  terminer  ce  rapide  aperçu  sans  dire  un 
mot  des  deux  termes  hxog  batog,  hxoc  aaau,  si  souvent 
répétés  dans  les  théotokies. 


LES    THÉOTOKIES.  23 

Comme  l'indique  le  mot  nxoc.  ^t=^'  «  chant,  air  »,  ce  sont 
là  deux  modes  différents  de  psalmodie,  deux  airs  sur  les- 
quels on  chantait  les  hymnes.  Ces  deux  termes  ont  été  pris 
dans  ce  sens  parce  qu'ils  commencent  chacun  une  théotokie  : 
AAAii  «  Adam  »  est  le  premier  mot  de  la  théotokie  du  lundi, 
et  liAToc  «  le  buisson  »,  le  premier  de  celle  du  jeudi.  Ils  n'ont 
aucun  rapport  ni  avec  le  rythme,  ni  avec  la  structure  des  vers, 
car  ils  s'appliquent  aussi  aux  cantiques  et  aux  psaumes,  les- 
quels évidemment,  cités  mot  à  mot,  ne  sont  pas  mis  en  vers, 
si  Ton  peut  appeler  Aers  ces  lignes  de  longueur  à  peu  prcs 
égale,  qui  riment  parfois,  mais  pas  toujours. 

La  psalmodie  copte  n'est  pas  limitée  à  ces  deux  airs.  Vanslel». 
dans  «  Lliistoire  de  V Église  d\4.lexandrie;  y>-  58,  en  indique 
huit. 

La  récitation  des  théotokies  en  demande  au  moins  trois  : 
les  deux  que  nous  venons  de  nommer  et  un  troisième  propre 
au  lobsc/t. 

Durant  un  long  séjour  en  Egypte,  nous  avons  eu  l'occasion 
d'assister  à  l'exécution  de  cette  psalmodie.  Il  faut  lui  rendre 
cette  justice,  que  si  elle  est  monotone,  elle  a  du  moins  le  mérite 
d'être  bien  rythmée  et  bien  cadencée. 


II 

Il  serait  intéressant  de  savoir  à  quelle  époque  précise  remonte 
l'institution  de  l'office  de  la  sainte  Vierge  dans  TÉglise  copte. 
Malheureusement,  nous  n'avons  sur  cette  question  aucun  docu- 
ment positif. 

Il  faut  nous  contenter  des  données  que  nous  fournit  le  livre 
lui-même.  Et  d'abord  il  est  évident  que  toutes  ces  hymnes  ne 
sont  ni  du  même  auteur  ni  de  la  même  époque.  Le  recueil  con- 
tient des  doxologies  aux  saints  :  or,  les  derniers  saints  men- 
tionnés sont  saint  Cyrille  (f  444),  saint  Macaire  (f  390),  saint 
Pacôme  et  son  successeur  saint  Théodore.  Ces  doxologies  peu- 
vent donc  être  au  plus  tôt  du  v®  siècle.  Il  est  probable  qu'elles 
sont  postérieures  à  cette  époque. 

D'autre  part,  la  composition  de  ces  hymnes  a  dû  suivre  et 
non  précéder  la  pieuse  institution  des  exercices  du  mois  de 


24  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

khiak.  Car,  à  cette  époque,  on  n'écrivait  pas  pour  écrire,  mais 
bien  pour  répondre  à  un  besoin  pressant,  ou  tout  au  moins  réa- 
liser un  Ijut  utile.  Les  fidèles  avaient  la  coutume  de  se  préparer 
à  la  naissance  du  Sauveur  non  seulement  par  un  jeûne  rigou- 
reux, mais  aussi  par  la  récitation  en  commun  de  prières  appro- 
priées au  temps.  Leur  piété  simple  et  cordiale  se  portait  avant 
tout  vers  la  Mère  de  Dieu;  l'adage  :  Per  Mariam  ad  Jesum, 
a  toujours  été  vrai  dans  l'Église. 

C'est  sans  doute  pour  satisfaire  aux  exigences  de  cette  dévo- 
tion que  furent  composées  ces  prières  et  ces  hymnes,  que  rem- 
plit la  louange  de  Marie. 

Ce  devait  être  un  beau  spectacle  que  celui  des  grandes 
assemblées  de  fièles  réunis  aux  pieds  des  autels  et  chantant  à 
l'envi  les  gloires  de  l'Emmanuel  et  de  sa  Mère  Immaculée.  Mais 
ces  beaux  jours  furent  bientôt  assombris  par  les  querelles  et  les 
dissensions  religieuses  d'abord,  puis  par  l'invasion  musulmane. 

Les  désastres  qui  pesèrent  sur  le  rite  entier  n'épargnèrent 
pas  non  plus  l'office  de  la  Sainte  Vierge.  Les  Coptes  Jacobites 
récitent  cependant  encore  les  théotokies  pendant  le  mois  de 
khiak.  Pour  s'éviter  sans  doute  la  peine  d'aller  chaque  soir 
à  l'égHse,  ils  psalmodient  l'office  tout  entier  le  samedi  soir 
et  ils  ne  craignent  pas  d'y  consacrer  toute  la  nuit. 

Parmi  les  Coptes  catholiques,  cet  usage  s'est  aussi  conservé, 
mais  en  partie  seulement.  Ceux-ci,  en  effet,  réduits  à  un  petit 
nombre,  dispersés  dans  diverses  localités,  sont  restés  long- 
temps sans  églises  et  sans  prêtres,  et  il  leur  a  bien  fallu 
renoncer  à  quelques-unes  de  leurs  anciennes  pratiques. 

Cependant,  dans  quelques  villages  de  la  Haute-Ég3^pte,  la 
coutume  existe  encore  de  chanter  les  théotokies  au  moins  tous 
les  samedis  de  khiak.  Dans  d'autres  endroits,  on  ne  les  chante 
que  la  nuit  de  Noël,  avant  la  Messe  solennelle. 

Enfin  la  liturgie  de  tout  le  rite  conserve  dans  la  Messe  du 
dimanclie  quelques  strophes  tirées  des  théotokies,  comme  ces 
vers  : 

X^pt:    ii(i    UivpiA   'fo'poiiiii    eeii6G(0(; 
•   eneTACuici  luvu  ii<t)+    ni.voroc 

Je  vous  salue,  Marie,  belle  colombe, 
vous,  qui  nous  avez  enfanté  Dieu  le  Vei-be. 


LES   THÉOTOKIES.  25 

ueo  ne  i~,"Jov|)ii  iiiiovb  iiKAOdpoc 

t:r(|AI     licV    lli:^(:B(:   il\'pCOII    t;T(;U AptUOVT 

Vous  (Hos  IVncensoir  d'or  pur, 
Qui  contient  le  charbon  du  feu  béni. 

Voilà  ce  qui  reste  d'une  pratique  qui  fut  une  des  gloires  de 
l'Église  d'Alexandrie. 

Nous  allons  en  donner  quelques  extraits,  pour  que  le  lecteur 
puisse  juger  par  lui-même  du  genre  et  de  la  valeur  de  ces 
hymnes. 

III 
PSALLIE  DU  MERCREDI,  POUR  LE  MOIS  DE  KHIAK 

Tuki,  |).  -283. 

Aiepee.vnic  epoK  iiAiiovf  J'^'  ^^P^'^  '^'i  ^o"^'  "^«n  Dieu  : 

\lO  IIHI    eBOA    CO    riAcrc   inc  pardonnez-moi.  Seigneur  Jésus, 

2IT6II      IlinpeCBIA      ll  +  UAC-  par  les  prières  de  la  More  de  Dieu, 

[iiovf 

LIApiA  +crpoiini    CîBlieccoc.  Marie,  la  belle  colombe. 

BOIIIIIBBII  fïT2i:V(3ll  niKA^I  Tous  les  habitants  de  la  terre 

evf-tOOV  llf-KABApoc  rendent  gloire  à  la  Vierge  pure, 

Xli     IIITATLIA     TMpov      llTtî  et  tous  les  chœurs  des  cieux 

lIII(1)II()VI 

Cf;^:tO   llliecUAKApiGUOO  proclament  ses  bénédictions. 

ru    PAp    IIOO(;    ne    +UAC-  Car  elle  est  la  Mère  de  Dieu 
[iiovf 

IIHII  +11  VA  H   II  TU   IlIllAII^MAI  la  porte  de  l'orient. 

iKiLl   -f-CKiniH    UUA'ecilovf  le  second  tabernacle, 

eilAV    uriXU   AACDIIAI.  la  Mère  du  Christ  Adonaï. 

AA'/IA  AqTAUOIl  lIllAipH'f'       David  nous  l'a  annoncé  : 
2S.G  AVCA3^I  n?All  TAIO  UOBH'f"       on  a  proclamé  tes  louanges, 
CO   -fBAKI    llTH   <t)lJOvf-  ô  cité  de  Dieu, 


26  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

BHGT  A  ri\'0  >^JAI   IIAll   HBOA-  du  sein  de  laquelle  le  Christ  a  brillé 
[lll3H'f~.  [pour  nous. 

eeBe    IIApiA    'fTIApBf-llOO  C'est  grâce  à  la  Vierge  Mtarie 

AV^A^yill    (5   III    ovpAlloc;  que  sont  parvenus  au  ciel 

AAAU  IIGLI  lieillO+  IJApxeoc  Adam  et  nos  anciens  Pères, 

lieu         llllipochHTHO        linil  1<  s  prophètes  et  Tes  justes. 
[lllAlKeOC 

^A^yq  irrAi'liA  eT|36ll  tc|)H  Les  sept  légions  célestes 

fjvf  (OOV  lie   lO  'f  OVpK)  vous  glorifient,  ô  Reine, 

3Ce  A  (|)l(t)T  ^:o'i\"JT  (;liO.\j)eil  car  le  Père  a  considéré  du  haut  du  ciel 

[t(|)(; 

uneqxeu    (|)HeToiii    iiiio.  '-"^  "'-'^  t™"^'*'  P^i-sonne  qui  vous  lut 

[semblable; 

Hnne     AAlietoe     Apetruil  Oui,  vous  êtes  vraiment  élevée 

e^OTe      II  A      lll(|)HOVl      ii(;U  au-dessus  des  habitants  des  cieux,  au- 
[lllAp\H  [dessus  des  puissances, 

Xfi    lliovptoov    TMpov    lire  et  totis  les  rois  de  la  terre 

[lIKAei 

ceuo'^SI    'xjll   lieovtDIIII.  marchent  à  votre  lumière. 

BAI    Te  i'O'Mni   erA(;itO()'i'  Elle  est  la  nu(e  légère 

BneTA(;(|AI       llliBVpo       irre  qui  a  porté  le  Roi  de  gloire; 

[iKOB'i" 

Xfi  A  c|)l(BT  eprexillTIK;  (îpo  ^'°"^  ^^^^  l'œuvre  des  mains  du  Père, 

A  II  I  II  1 1  tvr  II  A  tîBBVA  r>  I  uxa) .  ^^  ^"'"  ^'0"s  «'est  l'eposé  le  Saint-Espi'it. 

IHC   n^'JUpi    llc|)HeT(rO(;i  Jésus,  le  fils  du  Très-Haut, 

Aqiieiipe  TeilApBeillA  a  aimé  votre  virginité, 

BVB2     0'/^:ou      irre     (j^ner-  et  la  vertu  du  Très-Haut 

[CFBCI 

6BllAepJ3HIBI    epo    LIApiA.  vous  a  couverte  de  son  ombre. 

Ke     l'Ap      ilBB(|      Uc|)H6T-  Vers  VOUS  son  ambassadeur 
[Tell^BT 


LES    THÉOTOKIES.  27 

Aqovtopn      epo      GBO.vbeii  a  été  délégué  du  ciel  ; 

[T(t)e 

:VG  xepe  GHeeuee  iieiiOT  salut,  pleine  de  grâce! 

et)  'f'KAOApoc   iKrc  iie3Uf3.  0  Vierge  pure,  le  Seigneur  est  avec 

[vous. 

AOIIIOII  IIB(>(|  H6U6  pi^ii^  lui-même  a  conversé  avec  vous. 

[a(|OA.\I 

jjeil    OVCLIM    UT(3    ll«e.\H.\  avec  la  voix  de  l'allégresse  : 

ye  2Hnn6   eTepfipBtOKI  voici  que  vous  concevrez 

()'»"0?         6p6LllGl  iKîiiiiA-  et  ([ue  VOUS  enfanterez  l'Emmanuel. 

[lIOVH.V. 

1 1 A p I A  f  ,"J 6 .V M ■!•   I II I H I  jiarie  est  l'épouse  véritable, 

ilApiA  llOtof  IlliniireniOC  Marie  est  le  salut  de  notre  race, 

LIApiA  -flIOVKI    lllllti  Marie  est  la  véritable  échelle 

Oli(3'r  A  IAKtOli  lIA'i'  (3poo.  que  jadis  contempla  Jacob. 

llOO    ne    nillApAAICOC  Vous  êtes  le  Paradis  doué 

IIAOI'IKOII   HT(3  ii\pi(rroc  d'intelligence  où  habita  le  Christ, 

ll(3U   eilO'.MII    IIIIIAIKHUO  VOUS  êtes  la  racine  des  Justes, 

OLIAV  U(|)-f-  m.VOroG.  la  Mère  de  Dieu  le  Verbe. 

fi^tVipHTCOC        III        opeo-  Les  chrétiens  à  la  foi  droite  surtout 

[aosoc 

nvftOO'/im  )3t3ll  ^AM^VIlllOC  vous  rendent  gloire  dans  leurs  hym- 

[nes  : 

X6  \ept3   IIIOpoilOC   II    IIX<'  salut,  trône  du  Christ 

neiJIlHB    lictOTHp    IIIIIKOO-  Notre-Seigneur,  le  Sauveur  du  monde! 

[uoo. 

OV^'JAI    unApoeilIKOll  C'est  la  fête  de  la  virginité, 

H(3U  OVetOB  lIlluevilATIKOll  l'œuvre  de  l'Esprit-Saint, 

OViycJ)Hpi   LiriApAAOgOII  une  merveille  qui  dépasse  la  nature, 

KATA  lllCUH   Liripoct)HTIKOII  annoncée  par  la  voix  des  pi'ophètes 

ne        ni^ClllUlCl        BTCUA-  que  l'enfantement  béni 

[pCOOVT 


28  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

eBOAlieil  lIApiA  -fiiiVpGeilOC       de  la  Vierge  Marie, 
f'AAO'i"    IIOAlie    OH6Teil2()VT       la  fille  sage  et  fidèle, 
'h^'JO'i'pn  IIIIOVB  IIKAOcVpoo.       rcncensoir  d'or  pur. 

pA^I  tu  'f">yeAH'r   uum  Réjouissez-vous,  ô  épouse  véritable, 

to  i'IlOAlO   IIIIHI   OICOII  ô  vraie  ville  de  Sion, 

LIApiA  "fovpco  UU Ml  Marie,  la  Reine  véritable, 

eilAV   UIIIOVpo   IIIJI6U)IJ .  la  Mère  du  Roi  des  siècles. 

L'hymne  a  encore  sept  strophes,  où  se  répètent  les  mêmes 
idées  sous  des  formes  à  peu  près  semblables. 


EXTRAIT  DE  LA  THEOTOKIE  DU  SAMEDI 

Tuki,  p.  137. 

X'epe  OH   CiOLie?   II^UOT  Salut,  ô  pleine  de  grâce, 

'hllApeeilOO    lIArotOAOB  Vierge  sans  tache, 

'fcKMIIII    IIATLIOIIK    ll::\:i>:  tal)ernacle  que   ne   fit   pas   une   main 

[humaine, 

niA20  HT(i  -f-ueeUHI.  trésor  de  la  justice! 

Xe\y^i  t(rpouiii  eeuectoc  salut,  belle  colombe 

BH  eTACei^eilllOVqi   iiaii  qui  nous  a  annoncé 

iifeipHiiH   iiTe  (J)f  la  paix  de  Dieu, 

OH   6TAC:^(_oni   ^yA    IliptULII.  pai  venue  jusqu'aux  hommes! 

\6pe  eUAV  U(|)H  eTAqep-  Salut,  Mère  de  Celui  qui  s'est  fait  homme  ■ 
[pcoui 

1)611  neqovtox^  un  m  ijuoq  par  sa  propre  volonté, 

II6U    n+LUvf  uneqia)T  avec  le  bon  plaisir  de  son  Père 

II6U   niniJA  eov.  et  du  Saint-Esprit  ! 

\epe    IIIGTAUIIOC    IIIIOVB  Salut,  vase  d'or 

ep6     niUAIIIIA    2Hn     IlilHTq  dans  lequel  était  cachée  la  manne. 

M6U     ni^yBCOT     ll.'ye     une}V-  verge  de  bois  de  pin 

[kiiicoii 

GTA  UtOTCHC  LlA^-f  uneTpA  avec  laquelle  Moïse  frappa  la  pierre. 
[lijiHTq. 


LES   THÉOTOKIES.  29 

X'epH   KexapiTOUeUH  Salut,  pleine  de  grâce, 

to  +TpAneï.A    UllllATIKH  ô  table  mystique 

ecf    LllltUllb    IIOVOII    IIIB6II  qui  donne  la  vie  à  quiconque 

eeilAOVtOLI  6BO.\   llj)HTC.  mange  de  ce  quelle  porte! 

Xepfi   m  KVniAAIOU  IIA<J)-  Salut,  calice  incorruptible 
[eApTOII 

UTe  -fueeiiovf  de  la  divinit<', 

eTep{|)AJ)pi      IIOVOII      IIIB6II  qui  donne  la  guérison  à  quiconque 

eoilACtO    OBO.V    llj)trr(|.  boit  de  son  contenu  ! 

6IHAep2HTO  J3(3II   O'.Mri^-  CVstavecun  vif  désir  que  je  connnence 
[^toov 

HTAKIU     LirioprAIIOII     LillA-  à  mouvoir  l'organe  de  ma  langue 

[\A.V. 

lITA^LtO      LiriTAlO      HTG     TAI  pour  chanter  l'honneur  de  cetto  Vierge 

[nApotîiioc 

lieu   iiecerrtouioii  tivcoii-  et  célébrer  ses  louanges, 

XG     HBOC     iwp     ik;     II(;M-  Car  elle  est  notre  gloire, 
[^OV,"JO'." 

IIKII    TeiieeMlIC    lieu    neil-  notre  espoir  et  notre  force, 

[TA3:po 

|)(3II  TllApovciA   lineilllOV+  dans  l'avènement  de  notre  Dieu, 

liniKroïc   IMC  iiVd.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ. 

TeilO-iCI      ULiO      beil      OV  C'est  à  juste  titre  que  nous  t'exaltons 
[eu  11  ^j  A 

lieu  e.MGABeT  Te  CTrreiiHC  avec  ta  parente  Elisabeth  : 

XH    TCUAptOOVT     IIOO     |)eil  tu  es  bénie  entre  toutes  les  femmes 

[iiieioui 

(jeuAptoovT     113:6     UOVTA2  et  béni  est  le  fruit  de  tes  entrailles. 
[iiTe  reiie^ki. 

Teilf-  lie   unixepencuoc  Nous  t'offrons  la  salutation 

UGU    TABpill.v    iilArre.VOC  avec  l'ange  Gabriel: 

Xe  xepe  KeXApiTOIieilH  Salut,  pleine  de  grâce, 

O  KVpiOC  ueTA  COV.  Le  Seigneur  est  avec  toi  ! 


30  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

•r(;llT20   tvpilieiiuevi  Nous  t'en  lirions,  souvipus-loi  de  nous;- 

co  fiipOGTATHC  GTeiieOT  ô  fidèle  protectrice, 

llcvepeil   neilOC   IHC   nxt;  devant  Notre-Seigneur  Jésus-Christ, 

MTeqx*^  iJeilllOBI  lltVU  tSIiOA.  afin  qu'il  nous  pardonne  nos  péchés! 

PREMIÈRE  DOXOLOGIE  DU  MOIS  DE  KHIAK 

Tiiki,  p.  2lia. 

fi|)H     noOACeA     ll  +  MApoo-  L'honneur  de  la  Vierge 
[hoc 

UApiA  T^epi  Linovpo  AcVVIA  Marie,  fille  de  David, 

CAOVIIIAU    II    IHC   ll\(;  est  d'être  à  la  droite  de  Jésus-Christ, 

il^lipi   LkI)^  niLIOlipir.  1(>  Fils  bien-aimc  de  Dieu. 

KATA   iKîAA'i    llliovpo  Selon  la  parole  du  chantre 

ine'rilOAOC   1)611   ni  'I'AMJOC  royal,  dans  le  psaume  : 

Xlî  AVAYll  epATC  II^CH  -fovpco  La  Rcine  s'est  tenue  debout 

(iAOVIIIALI    lIllIopoilOG.  à  la  droite  du  trône. 


Teo'OGi  e   iii\(;povr>iii 


Tu  os  exaltée  au-dessus  des  chérubins, 


to    OUAV    U    (\)f   cj)A    ||IAUAV!I       ù  Mère  du  Dieu  tout-puissant, 
■|'<rrAIHOVT  G   lliGBpA(blU  ^"^'^  honneur  surpasse  celui  des  séra- 

[phins, 
j)GII  Tc|)G  IIGLI  2I>:gii  niKA2l-       au  ciel  et  sur  la  terre. 

tOOVIIIA-f  lieo  UApiA  Tu  es  heureuse,  ô  Marie, 


XG    ApG,\(J)0    IMIIAAHOIIIOG 


car  tu  as  enfanté  le  Dieu  vrai, 


(JGTOB   li:^G  M'GGnApeGIIIA  sans  briser  le  sceau  de  ta  virginité, 

ApGoei   GpOl    unApOGIIOG.  tu  es  toujours  restée  Vierge. 

KATA  <|)pH't  eTAq3:OG  Selon  ce  qu'avait  annoncé 

ii^:g      HGAIAG      1)GII      OVCUII  la  joyeuse  prédiction  d'Isaïe  : 

[lieGAHA 

XG   IG  AAOV  U   HApeGIIOG  une  jeune  vierge 

GGGLllGl   llAll  IJGUUAIIOVHA.  nous  enfantera  l'Enimanuel. 

TGIJCFICI         ULIO         UIJHIII  Nous  t'exaltons  chaque  jour, 

[liuhiji 


LES    THÉOTOKIES.  31 

lieu    TABpiHA    IIIAri'eAOO  Avec  l'ange  Gabriel  : 

A:e  \fîp(;  Ke\ApiTOUeilH  Salut,  pleine  lie  grâce, 

()    KVpiO(i    lieTA  COV  Le  Seigneur  est  avec  toi  ! 

AIKtîOO    KAI  AgIOC  Oui,  en  toute  justice, 

KAI  IIII^A  IIIIIACIIACUOC  tu  mérites  nos  hommages. 

«)    PAIipiUA   niArr(:AOC  ù  ange  Gabriel. 

ni    t|Al^eillH)'/(|l     IIACtOilA-  porteur  incorporel  de  la  bonne  nouvelle. 

[toc. 

«h'h  At|()'."()pnK    HiiAiecoii  l'ieu  t'a  t'ait  son  ambassadeur,  ■ 

llllO'/f^    lllier^ion  Dieu  t'a  choisi 

beil       2iyj(3llllOV(|l       II        mi  ]iour  porter  la  bonne  nouvelle 

[eeo'i'Aii 

UApiALI   XH  COVAB.  à  Marie,  la  vierge  sainte  (^  puri\ 

t;TA(|;y(;   6J)OVII   epoc  Quand  il  fut  entré  vers  elle, 

A t| ( ; p \ e p fi  r I Ï.1 1 1    II  II o (j  i  1  la  sal u a, 

J3eil  npA^I    HTfi  IIAIKOCIIOC  pour  la  joie  de  ce  monde  : 

3^e    fiUUAIIOVH.V  >yoil    llfiUfi  L'Emmanuel  est  avec  toi.  toute  i)ure. 
[tO  i'KAOApOfi. 

\epe     llfi    CO    tiiApOfilloc  Salut  à  toi.  ô  Vierge, 

"hovpto  Lllllll    llAAHeilIH  Ô  Reine  véritable, 

X'fipe        ll^JOV^OV        Llllfill-  salut,  gloire  de  notre  race, 
[reiioc 

ApeA:(|)OIIAII  II  fiUUAIIOVH.V.  'oi    "1"'    '""tantas  pour  nous  l'Emma- 

[nuel! 

Alexis  Mallon,  S.  J. 


UN  POETE  ROYAL 

A  Ll  COUR  DES  OMIÀDES  DE  DAMAS 

[Suite)  (1) 


IX 


Comme  nous  l'avons  montre  ailleurs  {Chantre  des  Omiades, 
29  sqq.),  Ahtal  était  Jacobite.  Notre  démonstration  a  sans  doute 
manqué  de  clarté,  puisque  dans  un  compte  rendu,  d'ailleurs 
très  élogieux,  consacré  à  notre  travail,  M.  Carra  de  Vaux  a  pu 
écrire  :  «  L'auteur  discute  sans  pouvoir  la  résoudre  la  question 
de  savoir  si  Ahtal  était  lui-même  Jacobite  ou  Nestorien  (2).  » 
Le  monophysitisme  de  notre  poète  ne  peut  plus,  croyons-n<  ais, 
faire  l'objet  d'un  doute.  Si  la  population  de  Hîra,  patrie  pré- 
sumée de  Ahtal  (3),  était  en  majorité  nestorienne,  cette  ville 
possédait  double  évèché  :  nestorien  et  jacobite  (4).  Les  Jacobites 
vont  jusqu'à  réclamer  pour  eux  les  Lahmides,  souverains  de 
Hîra,  à  tort  assurément.  Il  suffit  de  parcourir  Le  Livre  de  la 
Chasteté  (5)  ;  le  nestorianisme  des  Lahmides  y  éclate  presque 
à  chaque  page  (6).  Dom  Parisotafflrme  {Jour.  Asiat.,  1898^  274) 
qu'une  partie  des  Tagiibites  étaient  nestoriens,  mais  sans  fuur- 


(1)  Voy.  vol.  VIII,  1903,  p.  325. 

(2)  BuUclin  crilique,  15  mai  1896,  269. 

(3)  Comparez  notre  troisième  avant-dernière  note. 

(4)  W  Duchesne,  Églises  séparées,  349,  352. 

(5), Texte  syriaque,  publié  et  ti-atluit  par  l'abbé  J.-B.  Chabot. 
(6)  Par  ex.  :  n<"  17,  19,  46,  47,  74-76. 


UN  POETE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OML\DES  DE  DAMAS.    ôo 

nir  aucune  référence.  Cette  hypothèse  paraîtra  d'ailleurs  peu 
vraisemblable  à  qui  connaît  la  cohésion  des  tribus  arabes  en 
ces  ciuestioiis.  Ardent  Tauiibite,  Ahtal  a  dû  appartenir  à  la 
confession  suivie  par  sa  tribu  et  cette  confession  était  bien  la 
jacobite.  En  voici  une  preuve  nouvelle.  La  liste  des  évèques 
jacobites,  publiée  d'après  la  Chronique  de  Michel  le  Syrien 
par  l'abbé  Chabot  {ROC,  1899,  p.  450),  mentionne  vers  la 
fni  duviii"  siècle,  «  David  évèque  pour  les  Tai}libites  de  Gozarte 
et  de  Mossoul,  dans  le  village  de  Daqla,  siège  [épiscopal]  des 
Tai4'libites  »,  et  plus  Inin  «  Othnian,  évèque  pour  le  peuple  des 
Taglibites  qui  est  à  Gozarte  ».  Cette  dernière  localité  est  sans 
doute  «  Cazîrat  ibn  'Omar  »,  bâtie  par  un  chef  taglibite  sur  le 
Tigre  (1). 

Jacobite,  parce  que  Taglibite,  il  ne  s'ensuit  pas  que  Ahtal 
ait  été  un  sectaire.  Si  les  allusions  chrétiennes  sont  rares  dans 
ses  poésies  (2),  encore  moins  y  peut-on  relever  la  trace  des  idées 
et  des  passions  jacobites.  Nous  le  regrettons  presque  au  point 
de  Aue  de  l'histoire  religieuse  de  la  Syrie,  à  une  époque  où  les 
coreligionnaires  de  Ahtal  polémiquaient  avec  tant  de  vigueur 
contre  les  Maronites  (3)  et  les  «  Chalcédoniens  »  ouJ\I<dkites.  Mais 
Comme  l'a  observé  Noldeke  à  propos  des  phylarques  gassanides, 
si  ardents  monophysites,  notre  poète  ne  devait  <■<■  pas  compren- 
dre grand'chose  aux  subtilités  (4)  »  doctrinales,  divisant  alors 
les  chrétiens  d'Orient.  A  Damas  nous  le  voyons  fréquenter  assi- 
dûment la  maison  du  père  de  saint  Jean  Damascène,  un  Mel- 
kite  convaincu  ;  et  à  la  c^tur  du  calife,  Ahtal  s'intéresse  cordia- 
lement au  bien  général  de  la  chrétienté. 

Brockelmann,  dans  son ///si(o/rtu/6'  la  lUtèratiire  arabe  (p. 29), 
observe  avec  raison  que  «  le  solitaire  chrétien,  le  Râhib,  est 
dans  la  poésie  une  figure  populaire  »,  sur  laquelle  les  chan- 
tres de  l'ancienne  Arabie  reviennent  volontiers.  C'étaient  sur- 
tout les  formes  extraordinaires  du  monachisme  oriental  qui 

(1)  Et  non  sur  l'Ruphratp,  comme  porte  notre  texte  du  Chantre,  19o. 

(2)  Les  allusions  musulmanes  sont  à  peine  plus  tVéquentes  chez  les  poètes 
islamites  de  la  première  période  omiade.  Un  des  contemporains  de  Ahtal,  le  poète 
Qais  ar-Roqaijàt,  se  déclare  «  prêt  à  partager  a\'ec  son  amie  Fislàm  ou  le  po- 
lythéisme »  (55,  7;  éd.  Rhodokanaki). 

{3)  Cfr.  Machriq,  1903,  130,  107,  notre  article  :  L'expansion  de  la  nation  maro- 
nite; et  Topographie  de  la  vie  de  S.  Maron,  Ibid..  idO. 
(1)  Die  Ghassanischen  Flirsten,  21. 

ORIENT    CHllÉTMîM.  3 


34  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

paraissent  les  avoir  frappés.  Ainsi  les  moines  pasteurs  ou  pais- 
sants, ^iaxoi,  menant  une  vie  errante,  sans  domicile  (1),  les 
«  sâ'il.i  »  (2),  comme  les  appelaient  les  Arabes,  sorte  d'ascètes 
gyrovagues,  vivant  des  fruits  de  la  campagne  ou  de  la  cha- 
rité publique  (3),  et  dont  les  institutions  de  derviches  forme- 
ront plus  tard  la  contrefaçon  musulmane.  C'est  le  genre  de  vie 
que  voulut  embrasser  un  roi  de  IJîra,  dégoûté  des  vanités  du 
monde  (4).  L'écrivain  monophysite  Georges,  qui  fut  peut-être 
le  propre  évêque  de  Ahtal  (5),  nous  en  a  laissé  un  tableau  sai- 
sissant (G),  fait  d'après  nature. 

Plus  tard,  sous  l'influence  de  .tendances  hostiles  au  mona- 
chisme  chrétien,  qui  se  manifestèrent  promptement  dans  Tis- 
lam  (7),  le  terme  «  sâ'ih  »  perdit  sa  signification  primitive  pour 
ne  plus  désignerqu'un  mystique  ou  simplement  un  jeûneur. 

Mais  c'est  surtout  le  genre  de  vie  des  stylites  qui  impres- 
sionna les  anciens  Arabes.  Ceux  des  déserts  de  Syrie  et  de  la 
Mésopotamie  apprirent  de  bonne  heure  à  le  connaître  au  pied 
de  la  colonne  de  saint  Siincon  Stylite  où  nous  les  voyons  ras- 
semblés (8).  Le  nom  de  (laljal  Sim'ân,  donné  à  la  chaîne  limi- 
tant au  Nord-Ouest  le  bassin  fermé  dont  la  ville  d'Alep  mar- 
que le  centre,  conserve  jusqu'à  n«>s  jours  le  souvenir  du  célèbre 
pénitent.  Pour  ce  qui  est  de  ses  imitateurs,  nous  renvoyons  au 
travail  de  Goldziher  sur  le-s  stylites  dans  la  littérature 
arabe  (0).  La  vieille  poésie  célèbi-e  la  lampe  du  stylite,  qui 
comme  un  phare  guide  de  nuit  la  marche  de  la  caravane. 

Les  stylites,  nous  le  savons,  étaient   nombreux    dans   Tan- 

(1)  Diclionnaire  de  Ihéologie  catholique,  I,  11 11.  (Vacant). 

(2)  Littoral,  errant.  La  nouvelle  langue  ou  l'afabo  uioilcrne  a|)pliqu('  encoi'c 
ce  tenue  aux  explorateurs  et  aux  touristes. 

(.3)  Voir  dans  Boljài'i,  Manàqib  al-ansài',  une  parole  attribuée  à  Aboù  li  ikr, 
u"  45. 
'      (1)  Cfr.  Rothstein,  op.  cit. 

(5)  Contrairement  aut  Tanoùhites  et  aux  Tou'ites,  les  Taglib  ne  sont  nulle  part 
dési"'nës  au  nombre  de  ses  ouailles.  Il  nous  semble  prouvé  cju'à  cette  époque  un 
unique  diocèse  monophysite  englobait  tous  les  Arabes  chrétiens  de  Méso])o- 
tamie.  CIr.  Duchesne,  op.- cit.,  349,  3Li-i. 

(6)  Ryssel,  Georç/  dir  Araberbiscliof,  Vj,  i;j!,). 

(7)  Ct'r.  Moham.  Stud.,  II,  393. 

(8)  Sur  ce  tait  et  sur  les  stylites  en  général,  voir  le  travail  que  leur  a  consacré 
le  Bollandiste  H.  Delehaye,  Les  Stylites  ;Nd\d(ike,  Orienlalische  Skiizen,  233,  235; 
Duchesne,  op.  cit.,  312. 

(9)  ZD-VG,  LV,  oOl.  ^iWdi'ke, (iescliir/ite  di's  ()o/rt//.s,  107  n.  3. 


UN  POETE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OAHADES  DE  DAMAS.    Ô5 

cienne  province  d'Arabie  et  dans  les  districts  mésopota- 
miens  (1),  voisins  de  la  péninsule  arabique.  Nous  pouvons 
attester  leur  présence  dans  le  IJauràn  (2),  grâce  aux  signatures 
de  la.  Profession  de  foi  des  abbés  dWrabie,  publiée  dans  les 
actes  du  onzième  congrès  des  Orientalistes  (3). 

M^''  Lamy  propose,  il  est  vrai,  de  lire  au  lieu  de  'amoùda,  co- 
lonne, 'oùmra,  couvent  (4);  mais  cette  correction  aboutirait  à 
rinvraiseniblable  tautologie  :  couvent  du  couvent,  et  suppose- 
rait chez  l'autour  ou  cliez  le  copiste  de  ce  vénérable  document 
syriaque  uno  trop  constante  distraction.  On  retrouvait  des  sty- 
lites  jusque  dans  le  Yérnen,  en  pleine  Arabie  (5). 

Les  œuvres  de  Georges,  évèque  (6)  des  Arabes  jacobites  de 
Mésopotamie,  et  probablement  aussi  des  Taglibites,  attestent 
l'état  florissant  du  stylitisme  à  son  époque  (7).  Ils  forment  une 
catégorie  spéciale  de  moines  et  sont  mentionnés  à  côté  des  ar- 
chimandrites. Plusieurs  des  réponses  de  ce  docteur  monophy- 
site  sont  adressées  à  des  slyliles.  Georges  nous  apprend,  ce 
que  nous  savions  d'ailleurs,  que  ces  ascètes  ne  résidaient  pas 
toujours  sur  leur  colonne  et  venaient  parfois  se  mêler  au  clergé 
et  aux  fidèles  pour  assister  aux  cérémonies  du  culte. 

Ahtal  les  a  connus.  Car  c'est  bien  eux  qu'il  a  en  vue  lorsque 
dans  son  Divan  (8)  il  jure  «  par  le  Dieu  des  solitaires  (9),  mar- 
chant au  sommet (10)  de  leur  colonne,  sauma'a  ».  Aquels  autres 


(1)  Parmi  les  140  notices,  consacrées  par  le  Livre  de  la  Chaslelé  aux  moines 
célèbres  de  la  iMésopotamic  nestoricnne,  il  est  fort  surprenant  de  ne  pas  voir 
mentionné  un  seul  stylite. 

(i)  ZDMG,  1875,  428,  429,  130. 

(3)  4°  section,  130,  133. 

(4)  Voir  la  remarque  de  Baki'î,  Dicl.  .ye'oyr.,  3lJ',J,  Vigne  12:  et  Yàqoùt,  II.  701, 
Ki;  le  terme  syriaque  a  passé  en  arabe,  Ibid.,  11,  701,  18,  et  surtout  Marâskl  al- 
i!!,ilà\  1,  421,  où  la  synonymie  de  dair  et  "omr  est  indiqui-e. 

"(5)  Cfr.  ZDMG,  LV,  30-^. 

(6)  Un  contemporain  de  Ahtal. 

(7)  Cfr.  V.  Ryssel,  Georr/  der  Araberbischof,  5,  00,  lOS,  122,  1  l-'j,  et  Wellhausen, 
Reste  Arabischen  Ileldenlums,  2"  éd.,  232. 

(8)  71,  Ij. 

(9)  «  habis  »,  littéral,  enfermé,  retenu  ;  enfin  solitaire. 

(10)  La  colonne  des  stylites  se  terminait  par  une  plate-forme,  pai'fois  assez  large. 
Cfr.  le  travail  du  P.  Delehaye.  Au  lieu  de  yamsi  (marche),  le  manuscrit  de  Bagdad 
offre  ici  la  variante  beaucoup  moins  expressive  yomsi  (se  trouve),  adoptiie  par 
le  scoliaste,  lequel  ne  paraît  pas  avoir  pensé  au  stylitisme,  di'finitivement  éteint 
à  son  époque   Cfr.   ZDMG,  LV,  504,  note  4. 


3G  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

en  effet  appliquer  des  expressions  aussi  caractéristiques?  Nous 
nous  étonnons  que  nous  ayons  pu  nous  y  méprendre  jadis  (1), 
ou  que  personne  parmi  les  orientalistes  n'ait  relevé  notre 
erreur.  Car  c'en  était  une  quand,  à  la  suite  de  certains  lexico- 
graphes postérieurs  (2),  nous  avons  rendu  «  sauma'a  »  par 
ermitage,  sens  que  lui  assignent  le  plus  souvent  les  diction- 
naires actuels.  Ce  n'est  là  ni  l'unique  ni  surtout  la  primitive 
signification  du  terme  (3),  lequel  se  dit  originairement  d'une 
construction  élevée,  se  tei'minant  en  forme  de  tour  ou  de  pyra- 
mide (4).  C'est  ainsi  que  les  minarets  des  mosquées  -sont  égale- 
ment appelées  sauina'a,  et  l'ancien  tombeau  romain  de  Homs, 
à  furme  pyramidale,  porte  encore  ce  dernier  nom.  C'était  bien 
aussi  une  demeure  de  stylite  que  la  sauma'a,  bâtie  par  le  moine 
'Abdoîin  devant  la  porte  du  couvent  de  Saint-Jean ,  près  de 
Takrît,  et  signalée  par  Yâqoût  (5). 

La  signification  d'ermitage  s'est  développée  beaucoup  plus 
tard  (6),  quand  on  avait  perdu  le  souvenir  de  la  vie  des  stylites 
et  peut-être  aussi  sous  l'influence  de  cette  hostilité  contre  le 
célibat  et  l'ascétisme  monastiques,  hostilité  concrétisée  dans 
cet  aphorisme  très  musulman  :  «  les  ermitages  {lydes  fidèles, 
ce  sont  leurs  demeures  (8)  >->. 

En  y  regardant  de  près,  on  pourrait  relever  bien  d'autres 
vestiges  chrétiens  dans  les  poésies  de  Abt;il-  Ré'pondant  à 
'Abdalmalik,  qui  l'appelait  à  l'islam,    il  proclame   qu'il  conti- 


(1)  Chanlre,  IG. 

ci)  Faut-il  rappeler  rinsuflisanco  de  nos  dictionnaires  arabes  actuels? 

(3)  On  peut,  croyons-nous,  retrouvei'  des  traces  du  ])assage  de  la  signification 
de  colonne  de  stylite  à  celle  d'ermitage  dans  la  Geschkhle  von  Sul  und  Scliumul, 
publiée  parle  D''  C.  F.  Seybold,  surtout  pp.  2,  ligne  5;  3,  4,  14;  10,  7,  <S;  7(),  \i,  etc., 
où  l'on  rencontre  les  expressions  si  significatives  :  «  au  haut  de  sa  saum'a  »;  «  il 
descendit  du  sommet  de  la  sauma'a  »,  etc. 

(4)  Cfr.  S.  Fraonkel,  Aramœis.  Fremdioorter  im  Arabischen,  269. 

(5)  II,  701,  1.  G.  Taki'it  bornait  au  Sud-Est  le  territoire  des  Taglibites  mésopota- 
miens. 

(6)  Cependant  dans  les  recommandations  faites  ])ar  le  calife  Alioù  Bakr  aux 
troupes  i)artant  pour  la  Syi'ie,  au  sujet  des  <■  hommes,  qui  se  sont  isoh'-s  dans 
des  sawâmi'  »,  le  sens  tVermUage  semble  plutôt  indiqué.  Cfr.  Tal)arî,  I,  IHÎJO,  et 
de  Goeje,  Mémoire  sur  la  conquête  de  la  Syrie,  22,  23.  Page  42  de  ce  mémoii-e  il 
s'agit  non  de  Taglibites,  mais  de  QodàMtes,  comme  l'indique  clairement  le  con- 
texte de  Bilàdori  et  aussi  Yàqoùt  (s.  v.  Qosam). 

(7)  Sawàmi';  on  pourrait  donc  aussi  traduire  colonnes. 

(8)  Ad-dahabi,  Mhân  al-i'iidâl,  II,  387. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMIADES  DE  DAMAS.    37 

iiuera  à  se  prosterner  au  lever  do  l'aurore  (1),  allusion  directe, 
selon  nous,  au  sacrifice  de  la  messe  (2). 

Pour  en  comprendre  toute  la  signification,  il  faut  se  rappeler 
que  Mahomet  avait  défendu  aux  siens  de  prier  au  lever  du 
soleil,  «  le  démon  ayant  établi  son  trône  entre  les  cornes  de  cet 
astre  ».  D'aprè><  G.  Palgrave,  «  ce  fut  en  haine  du  christianisme 
que  le  Prophète  prit  cette  mesure.  Il  se  souciait  en  réalité  fort 
peu  des  cornes  de  Satan;  mais  cette  partie  du  jour  était  consa- 
crée chez  les  chrétiens  orientaux  à  la  messe  (3)  ».  Cette  expli- 
cation n'offre  rien  d'invraisemblable.  Mais  une  autre  se  pré- 
sente également  :  p<'ut-étrt'  Mahomet  a-t-il  voulu  simplement 
éviter  l'apparence  d'adorer  le  soleil,  pratique  jusque-là  fort 
répandue  en  Arabie  (4).  Quoi  qu'il  en  soit,  le  poète  de  Taglib 
ne  pouvait  plus  clairement  affirmer  sa  résolution  de  demeurer 
chrétien. 


X 


Nous  pouvons  nous  rejeter  sur  une  autre  classe  d'allusions 
chrétiennes,  dont  fourmillent  les  poèmes  de  Ahtal  :  nous  voulons 
parler  de  l'éloge  du  vin.  Comme  cette  proposition  ne  peut  man- 
quer de  paraître  étrange,  pour  ne  pas  dire  malsonnante,  nous 
demandons  à  nous  expliquer.  Le  vin  a  été  un  véritable  agent 
de  propagande  chrétienne  au  sein  de  l'ancienne  Arabie  (5). 

(1)  Divan,  154,  4.  —  «  Ce  vers  est  intéressant,  parce  qu'il  montre  que  la  vieille 
coutume  des  chrétiens  primitifs,  de  s'assembler  en  se  tournant  vers  le  soleil 
levant,  s'était  encore  conservée  au  vni°  siècle  chez  les  Arabes  de  la  tribu  de 
Taghlib  »  (Clément  Huart,  Littér.  arabe,  48).  11  eût  été  plus  exact  de  dire  «  vers 
l'Orient  -  et  d'observer  que  l'orientation  des  églises  chrétiennes  n'a  pas  d'autre 
origine.  Dans  sa  notice  de  Ahtal  (47-18)  M.  Huart  a  omis  de  mentionner  la  remar- 
quable édition  du  P.  Salhani;  oubli  sui'prenant,  même  dans  un  ouvrage  s'adres- 
sant  au  grand  public. 

(2)  Cfr.  Chanlre,  10.  —  On  ne  rencontre  rien  de  pareil  dans  le  L>ivan  de  Qotâmi. 
Ce  silence  fournit  au  moins  une  preuve  indirecte  à  l'assertion  que  ce  Taglibite  a 
Ihii  par  embrasser  l'islam.  De  là  sans  doute  ses  invectives  contre  Ahtal,  auxquelles 
ce  dernier  ne  parait  pas  avoir  répondu.  Voir  l'Introduction  au  Divan  de  Qotàmî 
par  J.  Barth. 

(3)  Une  Année  dans  U Arabie  centrale,  II,  oG,  trad.  iVançaise. 

(4)  Goldziher,  Abliandlunfjen,  I,  113,  où  les  textes  sont  discutées.  Voir  aussi 
Revue  archcolog.,  1903,  p.  133. 

,    (5)  Cfr.  Clément  Iluart,  Littérature  arabe,  Paris,  1902,  p.  6  et  29. 


38  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Beaucoup   de    cabarets  (1)  étaient  tenus   par   des  chrétiens. 

C'était  spécialement  le  cas  des  éclioppes,  établies  à  côté  des 
couvents  chrétiens  (2)  et  où  Ton  débitait  le  vin,  fabriqué  par 
les  religieux  (3).  Très  intéressante  cette  inscription,  trouvée  à 
Al-Kafr,  à  TEst  de  Bosrâ!  On  y  célèbre  la  construction  de 
l'c'.voO-r)/.-/;  t-^:;  àyio::  [j.cv^ç  'Axâcu;  (4)  —  quG  Hous  identifions  avec 
le  couvent  arabo-syriaquede  'Atoù  (5)  —  etdontonfaitcomplai- 
saniment  honneur  à  Tabbé  du  monastère.  Un  véritable  cellier! 
Le  vin  de  ces  parages,  si  écartés,  n'allait  certainement  pas  inon- 
der le  marché  syrien,  déjà  encombré.  Restait  donc  à  l'écouler 
en  Arabie  ou  à  le  vendre  aux  caravanes  de  passage.  L'expor- 
tation s'imposait  :  Sarhad  (6)  et  Bo.srà  étant  également  des  cen- 
tres vinicoles.  On  ne  se  contentait  pas  de  boire  dans  ces 
cabarets.  On  y  rencontrait,  comme  de  nos  jours  dans  les  cafés 
de  l'Orient,  des  conteurs,  d<»nt  le  répertoire  était  habituellcmienl 
emprunté  à  la  Bible  et  surtout  aux  Évangiles  apocryphes  (7), 
récits  mer\eilleux  ayant  toujours  joui  d'une  grande  vogue  parmi 
les  populations  orientales,  comme,  en  témoigne  le  Coran  lui- 
même. 

Sur  les  frontières  de  la  Mésopotamie  méridionale  et  de  la 
province  romaine  d'Arabi(>,  dans  les  états  des  Lahmides  de 
I.Iîra  (S)  et  des  phylarques  gassanides  de  la  steppe  syrienne,  les 
couvents  étaient  nombreux  (9).  D'après  une  ingénieuse  conjëc- 

(1)  Le  noiii,  d'oi'igine  araméoimi^,  dénolL'  suirisaiiuiiciit  riulliKMicc  des  clirclions 
aranicons.  Cfr.  Fraenkel,  op.  cil.,  l"î'2. 

(2)  Voir  surtout  le  Dictioiin.  géogi-.  de  liakri,  IJIi'J  (luiliru  de  la  pas'e). 

(3)  Cfr.  Ycàqoût,  II,  667,  ligne  7;  679,  8,  etc. 

(4)  PEF.  Q.  StaL,  1895,  276,11''  152;  r('>lablie  par  Dussaud,  Mission  dans  les  ré- 
gions désertiques,  251. 

(5)  Son  identification  a  résisté  aux  rechei'clies  de  Noldek(\  ZDM(1,XXIX,  138: 
et  de  Lamy,  op.  cil.,  133,  n"  3. 

(6)  Dussaud,  Mission,  256,  n°  46;  Yàqoùt,  III,  3tS0  Ahoùllidà  ;  2iJ9. 

(7)  Bakrî,  371,  5;  llothstein,  op.  cil.,  26. 

(N)  Cl'r.  Le  Livre  de  la  Chaslelé,  n°'  74,  78,  82,  122  ci  jiassim ;  là  Oesch  ichle  de  Sul, 
1,1.  3,  niiMitionne  une  .saunia'a  de  religieux  dans  le  Yaman. 

(9)  Voir  les  articles  que  leur  consacrent  Yàqoùt  dans  son  2'=  vol.,  639-710,  et  Bakri, 
:]39-381.  Ces  pages,  fexti'èniement  documentées,  mériteraient  une  étude  spéciale, 
laquelle  éclairerait  d'un  jour  nouveau  l'induence  du  monachisme  chrétien  sur  la 
soci('té  arabe  avant  et  après  l'islam.  Comparez  aussi  G.  Le  Strange,  T*alesiine 
unter  Ihe  moslcms,  427-435.  Les  extraits  sont  parfois  insuffisants,  les  coupur(^s  mal 
faites  et  les  traductions  pas  toujours  exactes.  Rarement  le  travail  du  savant  an- 
glais dispense  de  recourir  aux  textes  originaux.  La  bibliothèque  de  Berlin  pos- 
sède un  manuscrit,  le  Kilâbad-diâràt,  «  donnant  l'histoire  de  nombreux  couvents. 


UN    POÈTE    ROYAL    A    LA    COUR    DES    OML\DES    DE    DAMAS.         39 

ture  (le  M.  René  Dussaïul,  plusieurs  fortins  de  l'ancien  limes 
romain,  abandonnés  par  leurs  garnisons,  auraient  été  «  occupés 
par  des  moines,  d'où  le  nom  de  deir,  crnivent,  conservé  par  un 
grand  nombre  d'entre  eux  (1)  ».  Dans  les  souscriptions  syria- 
ques du  concile  monophysite  de  la  province  d'Arabie  nous 
trouvons  effectivement  un  couvent  de  «  Parsîdîn  »  (2),oùNoldek(' 
{ZDMG,  1875,  441)  reconnaît  avec  raison  le  latin  prœsidium 
(::pa',a'2t:v).  C'était,  croyons-nous,  un  ancien  fortin,  Iransformé 
en  couvent.  (Voir  aussi  Lamy,  op.  cit.,  131,  n"  84.)  Les  annales 
musulmanes  nous  offrent  des' exemples  d'une  transformation 
analogue  :  les  anciens  «  ribàt  »  ou  postes  fortifiés  élevés  sur  les 
«  og'oûr  »  ou  frontières  militaii-es  devinrent  plus  tard  des 
dervicheries  et  des  asiles  pour  les  ascètes  musulmans  (3),  et  dan^ 
la  langue  le  ribàt  ou  fortin  a  tîni  par  piendre  la  signification 
de  couvent  (1). 

Tout  attirait  vers  ces  couvents  les  enfants  du  déseit  :  les 
églises  avec  leurs  éblouissantes  icônes  byzantines  (5),  le  site 
admirablement  choisi  sur  des  collines,  dominant  les  alentours((J), 
ou  bien  au  carrefour  des  routes  suivies  par  les  caravanes  (7), 
au  milieu  de  jardins  (8),  de  vignobles  créés  par  l'industrieuse 
activité  des  religieux  (9),  près  de  citernes  et  de  vastes  bas- 
sins (10)  soigneusement  entretenus.  En  fallait-il  davantage  pour 
faire  «  de  ces  deir  des  points  naturels  de  rassemblement  pour 


buts  de  pèlerinage,  sis  aux  environs  du  Tigre  et  de  TEuphrate  ou  en  Egypte; 
c'est  en  réalité  une  anthologie  des  vers  où  ces  couvents  ont  été  céli'bi-t's  ».  (Cl. 
lluart,  LlUéral.  arabe,  185.)  L'auteur  en  est  Sàbosti  et  non  coiunie  pense 
M.  Huart  celui  du  Kitàb  al-Agàni,  cfr.  ;  OLZ,  19()3,  289. 

(1)  Cfr.  C.  R.  Acad.  Inscripl.,  1902,  p.  251  sqq. 

(2)  Ou  Prasidin;  comp.  TtpaatSiv  de  la  carte  mosaïque  de  Jlàdaba. 

(3)  Cfr.  Von  Krenier,  Cullurgeschichle  des  Orients,  I,  21(j. 

(4)  D'où  "  moi'àbit  »,  marabout  :  bien  différent  du  «  nioràbit  ■>  des  inscriptions, 
contrairement  à  JL  Ilerz-bey  dans  Comité  de  conservaiion  des  monumenls  arabes, 
1900,  107. 

(5)  Que  les  anciens  poètes  arabes  ne  cessent  de  célébrer  dans  leui's  vers.  Cfr. 
Fraenkel,  Aramœische  Fremdivork'r,  271. 

(6)  Cfr.  Fraenkel,  op.  cit.,  269. 

(7)  Yàqoùt,  II,  662,  10;  701,  5. 

(8)  Cfr.  Maràsid  al-iltilà',  1,421,  dernière  ligne. 

(9)  Il  faudrait  citer  presque  toutes  les  notices  de  Yàqoùt,  principalement  II 
642,  I;  649,  18;  663,  12;  665,  19;  693,  6. 

(10)  Yàqoùt,  II,  643,  16;  661,  16,  17;  697,  13;  701,  9;  703,  13;  ajoutez  l'article 
consacré  à  Rcsàfa,  II,  784. 


40  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  pasteurs  du  désert  »  (Dussaud)  (1)?  Et  puis  les  moines  se 
montraient  si  accueillants;  ils  distribuaient  la  plus  large  hos- 
pitalité (3)  et  versaient  généreusement  le  vin  récolté  sur  leurs 
terres  (4).  Georges,  évê(iue  des  Arabes,  atteste  que  «  les  pauvres, 
les  étrangers  et  les  voyageurs  vivaient  des  dons  de  leurs 
mains  (5)  ».  A  la  plupart  des  monastères  syriens  et  mésopota- 
miens  étaient  annexés  des  -xvBcysîa  dont  M.  de  Vogiié  a  étudié 
des  spécimens  à  Dair  Sim'àn  et  à  Tourmanîn. 

Comment  résister  à  de  pareilles  avances  et  ne  pas  finir  par 
aimer  la  religion  d'hommes  aussi  prévenants  ((!)?  Mahomet  en 
avait  fait  l'expérience.  «  La  légende  du  moine  Bahîra,  à  qui  l'on 
rapporte  l'éducation  du  prophète,  est  un  des  souvenirs  les  plus 
remarquables  de  rinfluence  des  couvents  chrétiens  sur  les 
Arabes  nomades  »  (Dussaud). 

On  a  longuement  discuté  sur  les  motifs  qui  engagèrent 
Mahomet  à  proscrire  l'usage  du  vin.  11  faut  probaltlement  y 
comprendre  le  désir  de  séparer  les  Arabes  musulmans  de  leurs 
compatriotes  chrétiens  et  de  les  soustraire  à  toute  propagande 
suspecte  :  on  voulait  prévenir  la  répétition  de  cas  comme  celui 
du  célèbre  poète  A'sà,  lequel,  au  dire  duKitàbal-Agàni  (VIII,  79), 
aurait  puisé  ses  idées  chrétiennes  (7)  dans  la  fréquentation  des 
cabnretiers  de  Ilîra.  Mais  jusque  sous  les  'Abbasides,  les  mu- 
sulmans continueront  à  visiter  les  couvents  chrétiens  et  à  parti- 
ciper aux  réjouissances  populaires,  célébrées  à  l'occasion  des 
fêtes  patronales  (8).  Inutile  d'observer  qu'ils  «  n'allaient  pas  y 
chercher  des  motifs  de  dévotion,  mais  tout  simplement  l'occa- 
sion d'y  boire  du  vin,  liqueur  prohibée  dans  les  villes  musul- 
manes. Les  poètes  célébraient  par  reconnaissance  le  lieu  béni  qui 


(1)  Comp.  Rendus  Acad.  InscripL,  loc.  siip.  cit.  ci  Mission,  77. 
(•2)  Yàqoùt,  II,  64:^,  I->;  641,  24;  (i45,  15,  li):  iu2,  6;  684,  9;  701,  5. 
(S)  Voir  les  articles  correspondants  de  Bakri  et  do  Yâqoût,  dans  ce  dernier  II, 
659,  4,  5,  etc. 

(4)  Cfr.  Ryssel,  op.  cil.,  4,  149. 

(5)  Voir  aussi  BCH,  1902,  p.  2(iO.  C'est  peut-être  en  fréquentant  les  pandocheia 
des  moines  que  les  Arabes  ont  appris  le  mot  fundoq,  hôtellerie,  entré  de  bonne 
heui'e  dans  leur  langue. 

(6)  Cfr.  G.  Jacob,  Beduinenleben,  99;  Wellhausen,  Reste  arab.  Heidenlums  2,  231. 

(7)  Très  éclectiques:  ne  composa-t-il  pas  une  poésie  en  l'honneur  de  Mahomet, 
où  il  le  loue  comme  prophète  ?  ^Z>.l/G,  1875,  330-331. 

(8)  Ici  on  pourrait  citer  presque  toute  la  sectionde  Yàqoùt  consacrée  auxrf«w'; 
surtout,  II,  643.  18;  647,  7,  20;  603.  19:  (81,  4;  683.  14;  6'J5.  15:  (197,  21. 


UN    POÈTE    ROYAL    A    LA    (ni  R    DES    U.ML\LiE.>    HE    DA.MAS.  l) 

leur  avait  procuré  des  moments  de  douce  ébriété  (1)  ».  Il  faudra 
la  sévère  réaction  sunnite,  qui  suivit  1  avènement  des  dynasties 
turques,  et  surtout  la  ruine  des  monastères  chrétiens  pour  ar- 
rêter ces  visites,  que  les  princes  autorisaient  souveni  par 
leur  exen'ple  (2). 

Au  dire  du  calife  'Alî,  les  Taglibites  n'avaient  «  emprunté  au 
christianisme  que  la  coutume  de  boire  du  vin  (3)  ».  Aljtal,  comme 
on  a  pu  s'en  apercevoir  déjà,  ne  démentait  pas  sous  ce  rapport 
son  origine  taiilibite.  Il  ne  faisait  d'ailleurs  que  continuer  les 
traditions  des  vieux  poètes  bédouins,  qui  tous,  à  en  juger  d'après 
leurs  poèmes,  étaient  d'intrépides  buveurs. 

Au  sujet  des  anciens  Arabes,  Ammien  Marcellin  a  consigné 
cette  curieuse  observation  :  «  Plerosque  nos  vidimus  frumenti 
usum  et  vini  penitus  ignorantes  »  (XIV,  c.  1).  Il  faudrait,  [)en- 
sons-nous,  s'abstenir  de  tirer  de  cette  assertion  des  conclusions 
outrées.  L'historien  latin  n'a  pu  avoir  en  vue  que  quel(iues  mi- 
sérables tribus  des  steppes  de  la  Syrie  et  de  la  Mésopotamie.  Le 
portrait  qu'il  en  trace  vise  principalement  à  l'effet  et  est  par 
suite  enqtreint  d'exagération.  Ammien  Marcellin  a  eu,  selon 
nous,  le  tort  de  collectionner  des  exceptions  (  1)  et  d'en  composer, 
à  la  façon  des  historiens  classiques,  un  tableau  d'ensemble, 
frappant  peut-être  mais  d'une  ressemblance  douteuse. 

Quoiqu'il  en  soit,  il  n'a  pas  manqué  de  théologiens  nmsulmans 
—  et  le  grave  Ibn  Haldoùn  lui-même  est  du  nombre  —  pour 
prétendre  que  les  Arabes  ignoraient  l'usage  du  vin,  que  le  liquide 
dont  ils  se  gorgeaient  dans  leurs  buveries  était  du  lait  pur,  le 

(1)  Cl.  Huart,  Lillér.  nvdbc,  lN.j. 

(i)  Yàqoût  p((ss(//i  et  dans  Bakri  iirincipalciiiciil  :!5".i.  oiiO,  'Mvl.  Tout  couiuie  les 
Oiuiades,  les  'Abbàsides  choisissaient  les  couvents  pour  leurs  parties  fines;  la 
tradition,  on  peut  le  dire,  n'a  jamais  été  complètement  perdue.  Cfr.  Clc'ment 
Iluart,  Littérature  arabe,  SQ  et  la  littérature  uicdiiHali^  des  pèlerinages  en  Tciie 
Sainte;  on  y  surprendra  sur  le  vif  le  motif  qui  amenait  d'ordinaire  les  li.nits 
fonctionnaires  musulmans  dans  l'enceinte  des  monastèi'es  chrétiens. 

(3)  Cfr.  Zamahsari  et  Baidàwi  sur  sourate  V,  7. 

(4)  A  qui  fera-t-on  croire  que  les  Nomades  «  ignoraient  absolument  l'usage  du 
pain  »"?  Les  Banoù  Sahr  de  la  TransJordanie  restent  parfois  des  semaines  ne  se 
nourrissant  que  du  lait  de  leurs  chamelles.  Mais  encore  une  fois  ce  sont  là  des 
exceptions,  à  la  suite  des  mauvaises  récoltes  ou  de  différends  avecl'autorité  tur- 
que. Comp.  pourtant  le  •■  Livre  des  avares  ■>  de  Gàhiz  (éd.  Van  Yloten),  p.  254,  où 
le  pain  est  signalé  comme  un  aliment  de  prix  chez  certains  Arabes;  et  dans 
Spartfen  (Hist.  Aug.,  7,  8)  la  réponse  de  Pescennius  Miger  qualifiant  les  Sarrasins 
de  «  buveurs  d'eau  ». 


42  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

lait  de  leurs  chamelles  (1).  Quant, aux  nombreux  poèmes  bachi- 
ques, composés  avant  et  après  Tapparition  de  l'islam,  ce  seraient 
de  pures  fictions,  rien  de  plus.  La  théorie  est  commode;  elle 
écarte  la  voix  de  «  la  protestation  vivante,  que  pendant  plusieurs 
siècles  la  poésie  éleva  contre  la  religion  officielle  (*2)  ». 

En  réalité,  les  Arabes  connaissaient  les  deux  boissons  et  ne 
les  séparaient  pas  dans  leur  estime  (3).  «  Ce  qui  nous  étonne 
le  plus,  nous  lecteurs  d'aujourd'hui,  habitués  à  la  sobriété  des 
musulmans,  c'est  de  voir  quelle  place  honorable  y  tiennent 
l'ivresse  et  le  vin.  Ce  liquide,  ils  le  chantent  en  ivrognes  fer- 
vents (4)»  .Comment  expliquer  les  expressions,  consacrées  par  l'an- 
cienne langue  au  vin,  presque  aussi  nombreuses  que  les  syno- 
nymes désignant  le  chameau,  l'animal  par  excellence  du  désert? 
Le  dictionnaire  devient  ici  un  auxiliaire  de  l'histoire  (5).  Une 
telle  profusion,  même  à  défaut  d'autres  preuves,  nous  donnerait 
le  droit  d'aflirmer  que  le  vin  ne  fut  pas  en  Arabie  une  rareté, 
un  objet  de  luxe. 

Nous  le  voyons  au  contraire  jouer  un  rôle  important  dans 
l'ancienne  société  arabe.  On  lerencontre  jusque  dans  les  moin- 
dres campements.  Comment  y  arrivait-iT?  car  ce  n'est  pas  un 
produit  du  désert  (6).  Voyez-vous  là-bas,  un  peu  à  l'écart,  cette 
tente,  que  rien  ne  distingue  extérieurement,  excepté  pourtant 
un  petit  drapeau  fixé  au  sommet?  Pénétrez-y  :  vous  trouverez 
un  personnage  aux  allures  discrètes,  obséquieuses,  dont  l'ap- 
pendice nasal,  à  défaut  d'autres  signes,  trahit  l'origine  juive  (7). 


(1)  Leur  boisson  nationale,  Ag.,  V,  191. 

(2)  Mohamm.  Slud.,  I,  28,  20.  Voir  par  ex.  les  innombrables  citations  de  poèmes 
musulmans  bachiques,  accompagnant  la  description  des  «  couvents  »  chrétiens, 
dans  le  2"  volume  de  Yàqoùt. 

(3)  C'est  une  exagération  en  sens  contraire  de  dire  avec  le  P.  L.  Fonck,  S.  .J., 
l'auteur  du  remarquable  travail  «  Die  Parabcln  des  Herrn  ira  Evangelium  » 
(Innsbruck,  1!I02),  qu'en  Palestine  «  le  vin  constitue  avec  le  pain  la  nourriture 
(|uoti(lienne  de  la  plupart  des  habitants  ».  Dans  l'alimentation  des  Syro-Palesti- 
niens  le  vin  joue  un  rôle  beaucoup  moins  important.  Les  Orientaux  boivent  peu 
ou  point  pendant  leurs  repas.  Cela  ne  les  empêche  pas  de  faire  ensuite  comme 
les  anciens  Grecs  de  véritabk^s  Guanôaïa. 

(4)  Psiiû  Raùiot,  Les  vieux  A i^abes;  l'arl  et  rame,  l\. 

(5)  Cfr.  Fraenkel,  op.  cit.,  Ib4.  Tout  le  chapitre  est  à  citer. 

(6)  Il  y  a  pourtant  quelques  l'égions  vinicoles  en  Aral)ie,  par  ex.  les  monta- 
gnes du  Yémen.  Cfr.  D"'  Ci.  Jacob,  AU  Beduineiileben,  97;  Fraenkel,  o^j.  cit.,  15."), 
156,  et  Tàïf  dans  le  Iligàz  (Von  Kremer,  Cutliirf/esch.  des  Orients,  1,111). 

(7)  li'g.,  XI!,  121:  XI,  91  ;  ZDMG,  XLVI,  18;  AU  Bedulncnlcben,  905  sqq. 


U\  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  HES  OMIADES  DE  DA.MAS.    43 

C'est  le  tà{ji)'  ou  marchand  de  viii(i),  car  tel  est  le  sens  pri- 
mitif de  ce  mot,  devenu  depuis  synonyme  de  négociant.  La 
tente  est  encombrée  d'outrés  de  vin,  et  entre  les  outres  il  y 
a  place  pour  quelques  menus  objets,  dont  les  nomades  sont 
toujours  friands  :  des  sachets  de  parfums,  du  «  kohl  »  ou 
collyre,  du  hennà  pour  teindre  les  ongles,  des  étoffes  éclatantes 
que  le  colporteur  leur  abandonne  contre  des  tètes  de  bétail , 
monnaie  courante  de  l'Arabie  qui  n'en  connaît  guère  d'au- 
tre (2i.  Quand  la  provision  de  vin  est  épuisée  —  et  cela  ne 
tarde  guère  —  l'adroit  Sémite  abat  son  drapeau,  replie  sa 
tente  et  va  plus  loin  écouler  son  fond  de  boutique. 

Chez  les  Arabes  le  vin  figure  non  seulement  dans  les  festins, 
dans  les  libations  monstres,  mais  encore  dans  les  contrats, 
dans  les  alliances  solennelles  :  on  mêlait  le  sang  des  contrac- 
tants et  on  le  buvait  a\'ec  du  vin.  On  le  préconisait  comme  re- 
mède contre  la  migraine.  La  coquetterie  savait  aussi  l'utiliser. 
Étendu  d'eau,  il  servait  de  dentifrice  (3).  On  l'employait  à  des 
usages  beaucoup  plus  macabres  :  on  en  arrosait  les  tombes; 
nous  trouvons  cités  des  Arabes,  sans  doute  des  buveurs  cmé- 
rites,  qui,  fatigués  de  l'existence,  au  lieu  de  recourir  à  la 
corde  ou  au  poison,  se  suicidèrent  en  buvant  du  vin  (1). 

Les  Bédouins  tiraient  des  liqueurs  enivrantes  non  seulement 
du  raisin,  mais  de  toutes  les  matières  susceptibles  de  fermen- 
tation. Le  célèbre  A'sâ,  une  des  plus  grandes  illustrations  du 


(1)  Comparez  Divan  d'ALikU,  -^7,  voi-s  6;  Atr.,  V,  180;  Fracnkol,  op.  cit.,  loH, 
181. 

(2)  Comme  prix  d'une  outre  de  vin  Aboù  Mihjian  indique  un  chameau  de  trois 
ans.  Comparez  Tarala,  V,  4i;  Zouhair,  XV,  34.  On  donnait  aussi  en  paiement 
des  juments,  des  étalons  et  même  des  esclaves  (Ag.,  XVIII,  156),  rarement  de 
l'arsent  {Moufaddalhjât,  XXXYIl,  2-2).  L'argent  monnayé  n'était  pas  conunun 
en  Arabie.  Les  anciens  poètes  en  font  i-arement  mention,  par  ex.  :  'Antar  {Mu\tl- 
hir/a,  V.  37).  Cfr.  Fraenkel,  op.  cil.,  lill,  102. 

(3)  Moh.  Studien,  II,  50;  Nàbiga,  XXVI,  9,  27;  'Alqama,  Xlll,  30. 

(4)  Cfr.  Caussin  de  Perceval,  Essai  sut^  l'histoire  des  Arabes,  II,  275.  Le  sui- 
cide est  très  rare  en  Orient  et  non  pas  uniquement  dans  l'Islam,  comme  semble 
l'admettre  Nôldeke,  Oriental.  Skizzen,  77.  Sur  le  suicide  chez  les  Arabes,  cfr. 
D"-  G.  .lacob,  139;  Ag.,  III,  17;  Mas'oùdi,  Prairies  d'or,  VIII,  192;  sur  le  suicide 
d'un  contemporain  de  Farazdaq.  D"-  .J.  llell,  Farazdaq's  Lobgcdicld,  33,  et  aussi 
un  fait  cité  par  D"^  JM.  Hartmann  d'après  le  roman  des  Banoù  Ililàl.  Cfr.  Die 
Béni  Hilâl  Geschichlen,  p.  3Ul.  En  1260,  le  philosophe  IbnSab'in,  le  coi-respon- 
dant  de  l'empereur  Frédéric  de  Hohenstaufen,  se  suicide  à  la  Mecque.  ]\Iahomet 
fut  tenté  de  suicide,  Noldeke,  Gesch.  des  Qorans,  67. 


44  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Parnasse  arabe,  ne  voyageait  jamais  sans  sa  provision  de  vin. 
Pour  être  sûr  de  n'en  pas  manquer,  il  s'était  construit  chez 
lui  un  pressoir,  où  il  fabriquait  lui-même  le  jus  adoré  avec  des 
raisins  qu'on  lui  expédiait  de  fort  loin  (1). 

Les  Arabes  ne  se  contentaient  pas  de  boire  le  vin,  tel  qu'il 
sortait  du  pressoir.  En  le  combinant  avec  des  épices  et  de  l'eau 
chaude,  ils  en  préparaient  une  sorte  de  punch.  Au  vin  ils 
mêlaient  du  miel,  des  aromates  ;  quelques-uns  y  mettaient 
même  du  poivre  (2).  Des  goûts  et  des  couleurs  il  ne  faut  dis- 
puter; mais  j'imagine  que  pour  s'accommoder  de  cette  boisson 
incendiaire  il  fallait  un  palais  et  des  entrailles  singulièrement 
cuirassés  ['A). 

Tout,  jusqu'à  ces  excentricités,  montre  que  le  vin  était  d'un 
usage  courant  chez  les  anciens  Arabes.  Un  de  leurs  serments 
les  plus  solennels  revêtait  la  forme  suivante  :  «  Je  ne  boirai  de 
vin  qu'après  m'être  vengé  (4)  »,  locution  vide  de  sens,  s'ils 
étaient  vraiment  les  grands  abstèmes,  comme  certains  nous 
les  dépeignent.  La  littérature,  la  poésie  surtout,  leflètent  sans 
doute  les  sentiments  et  les  aspirations  d'un  peuple.  Voilà  pour- 
quoi les  poètes  arabes  ont  emprunté  au  vin  leurs  plus  flam- 
boyantes comparaisons.  L'usage  en  était  si  bien  établi  que, 
dans-  une  pièce  récitée  en  l'honneur  du  Prophète  et  en  sa  pré- 
sence, Ka'b  bin  Zohair  fit  comme  tout  le  monde  et  prit  le  vin 
conmie  terme  de  comparaison.  Tant  pis  pour  qui  s'en  fût  scan- 
dalisé ! 

Quand  donc  les  vieux  chantres  du  désert  célèbrent  l'eni- 
vrante liqueur,  ils  parlent  en  connaissance  de  cause,  et  une 
fois  à  l'œuvre^,  ils  pouvaient  tenir  tète  à  toute  la  Pologne, 
comme  ce  héros  dont  parle  la  mo'allaqa  de  'Antar,  qui  «  faisait 

(1)  Cfr.  Hamdàiii,  Ôa:iirat  ttl-\Arab,  66  (éd.  D.  II.  Jluller). 

(2)  Cfr.  Fraonkd.  up.  cit..  162,  ITI.  Yazîd,  le  patron  de  Aljl.al,  Ijiuait  du  vin 
imisqué. 

(o)  Les  Romains  ci'oyaient  pallier  les  funestes  effets  de  la  boisson  en  assaison- 
nant le  \in  d'ingrédients  ayant  un  arôme  plus  ou  moins  délicat,  tels  que  le  gin- 
gembre, le  poivre,  les  épices.  Ils  y  mêlaient  du  miel  et  une  sorte  d'oxymel  était 
préparée  par  l'addition  d'eau  de  mer,  de  vinaigre  et  d'huile  de  roses.  Grecs  et 
Romains  avaient  l'habitude  d(^  uK'langer  leur  vin  de  résine  (Plutarque,  Sj/mp., 
V,  3,  1)  et  aussi  d'eau  de  mer,  probablement  pour  lui  permettre  de  se  mieux  con- 
server. Actuellement  encore  les  \ins  de  Grèce  sont  fortement  goudronnés. 

(4)  Ag.,  IX,  7;  VIII,  m-,  XIII,  7;  XIX,  I30,Tabarî  (!"•  série,  YUI,  p.  2525), 
ZDMG,  1803.  p.  81  ;  IJamàsa,  385. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OML\DES  DE  DAMAS.    45 

en   buvant,    tomber  les  drapeaux  des  marchands  de  vin   ». 

Dans  sa  passion  pour  le  vin  Ahtal  ne  faisait  donc  que  suivre 
d'illustres  exemples  (1).  Il  ne  lui  fut  jamais  bien  difficile  de  la 
satisfaire  et  ses  différents  déplacements  ne  l'écartèrent  jamais 
beaucoup  des  localités  produisant  les  crus  les  plus  estimés 
par  les  anciens  buveurs  arabes.  En  Mésopotamie  Abtal  avait  le 
choix  entre  ceux  de  'Ana  sur  l'Euphrate  (2)  ou  de  Hîra  (3).  A 
Damas,  outre  le  vin  de  Ijalboùn,  célèbre  depuis  l'antiquité  bi- 
blique, Bosrâ,  Sarhad,  Ijàhr,  Maqadd,  Bait  Ràs  (1),  d'autres 
localités  de  la  Damascène,  de  TAuranitide  ou  de  la  Pérée,  solli- 
citaient ses  préférences,  principalement  BaitRàsetvSarhad,  dont 
Ahtal  parait  surtout  avoir  apprécié  les  produits  (5).  Résidait-il 
au  milieu  des  siens,  dans  les  campements  voisins  de  l'Eu- 
phrate, il  se  trouvait  à  proximité  des  centres  vinicoles  de  l'É- 
mésène  (6)  et  de  la  Parapotamie,  d'Andarîn  par  exemple,  YAn- 
drona  des  Gréco-Romains,  si  fréquemment  céléltrée  par  les 
poètes  buveurs  de  l'Arabie  préislamite  (7). 

Dans  sa  passion  pour  le  vin,  Ahtal  apportait  non  seulement 
de  la  conviction,  mais  encore  une  certaine  affectation  d'r/r- 
chaïsme,  ou  le  désir  d'imiter  les  anciens  modèles.  S'il  aime 
la  liqueur  d'or  qu'on  recueille  à  Homs,  à  Bait  Ràs  et  à  Gadar  (8), 
c'est  parce  qu'elle  le  place  à  côté  des  grands  poètes  antéislami- 
ques  «  dans  ce  genre  particulier  qui,  en  dépit  des  prohibitions 
du  Coran,  forme  une  des  sections  principales  de  la  poétique 
musulmane  (9)  ».  C'était  aussi  une  façon  originale  de  se  dis- 
tinguer de  ses  confrères  islamites  et  de  faire  un  brin  d'opposi- 
tion au  régime  établi.  Celle  qui  se  traduisait  par  des  attaques 
ouvertes  n'était  pas  toujours  sans  danger,  comme  nous  avons 


(1)  IJolai'a  ost  uu  des  rares  poètes  inusuluians  anciens  n'ayant  pas  cliant('  le 
vin  (Cfr.  son  Divan  dans  ZDMG.,  1892  et  1893);  il  emprunte  ])ourtant  des  com- 
paraisons au  vin  ;  voir  Qasîda,  XVl,  4;  XXlll,  2  ;  LXXIX.  4. 

(2)  Ibn  Sikkitz,  ■•  Tahzib  al-Alfà?  >.,  132;  Yàqoùt,  etc. 
(3).  Ag.,  Il,  125,  126;  Vlll,  79;  X,  86,  89,  91  ;  XX,  87. 

(4)  Mas^oùdi,  III,  .389;  Xàbiga,  XXVL  10;  Maqdisî,  1.51  ;  Ag..  XIX,  95:  Yàqoùt. 
IV,  589;  G.  .lacob,  op.  ciL,  98  ;  R.  Dussaud,  Mission,  256,  n°  40. 

(5)  Voir  Divan  de  Aljtal,  97,  ligne  I  et  4  verso  du  msc.  de  Bagdad. 

(0)  Voir  les  premiers  vei's  du  panégyrique  des  Oniiades  et  notre  article  iln  Ma- 
chriq,  VI,  356. 

(7)  Machrirj.  VI,  356,  et  S.  Fraenkel,  157. 

(8)  Voirie  Divan  d'Ahtal. 

(9)  Barbier  de  Meynard.  11  s'agit  des  «  hamriyàt  ■■,  ou  poésies  bachiques. 


46  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

pu  le  constater.  Au  temps  de  Alitai  le  vin  était  devenu  une 
marque  caractéristique,  presque  une  manifestation  de  foi  chré- 
tienne (l).  Cela  suffisait  à  notre  hénjs,  quand  même  ses  goûts 
personnels  ne  l'eussent  pas  porté  de  ce  côté-là. 

Tout  comme  Horace,  Aljtal  attribuait  à  cette  boisson  une 
grande  vertu  inspiratrice.  Volontiers  il  lui  demandait  un  sur- 
croît de  verve  (2).  Mais  il  demeura  toujours  otvoouvàr/)ç,  comme 
auraient  dit  les  Grecs.  Il  plaignait  bien  sincèrement  ceux  de 
ses  confrères  musulmans  qui  croyaient  devoir  s'en  priver.  Il  leur 
conseillait  à  l'occasion  d'user  de  ce  moyen  pour  donner  plus 
d'éclat  à  leurs  compositions. 

Motawakkil  était  un  poète  originaire  de  Koùfa.  Il  avait  paru 
non  sans  éclat  à  la  cour  de  Mo'âwia  et  de  Yazid,  qui  avaient 
apprécié  son  talent.  Fier  des  palmes  cueillies  dans  la  cité  des 
califes,  un  jour  qu'il  apprit  la  présence  de  Ahtal  à  Koûfa,  il 
brûla  de  se  mesurer  avec  ce  rival.  «  Allons!  dit-il  à  l'un  de 
ses  amis,  allons  le  provoquer  à  une  joute  poétique!  »  Quand  ils 
l'eurent  salué,  ils  le  prièrent  de  leur  faire  entendre  quelques- 
unes  des  productions  de  sa  muse.  Ahtal  s'excusa  déclarant  qu'il 
ne  se  sentait  pas  disposé  ce  jour-là.  Motawakkil  crut  devoir  insis- 
ter et  s'enhardit  jusqu'à  lui  dire  :  «  Père  de  Màlik,  je  me  fais 
fort  d'opposer  à  chacune  de  vos  pièces  une  qasida  égale  ou  su- 
périeure aux  vôtres.  » 

La  provocation  produisit  son  effet.  Ahtal  se  sentitpiqué.  «  Qui 
es-tu?  »demanda-t-il  à  son  interlocuteur.  Celui-ci  s'étant  nommé: 
c(  Eh  bien  !  reprit  Ahtal,  je  t'écoute.  »  Motawakkil  n'attendait 
que  cette  invitation  et  il  déclama  trois  de  ses  qasîdas.  Elles  ne 
déplurent  sans  doute  pas  au  chantre  de  Taglib  puisque  à  la  fin' 
il  dit  à  son  confrère  :  «  Si  de  temps  à  autre  tu  te  réchauffais  les 
entrailles  avec  un  verre  de  vin,  tu  serais  le  roi  de  la  poésie  (3).  » 
Mieuxque  personne  'Abdalmalik  connaissait  ces  prédilections 
de  son  favori.  Par  une  froide  matinée  il  arriva  à  ce  prince  de 
citer  le  vers  de  Ahtal  : 

(1)  Palgrave  (Voyage  en  Arabie,  I,  427)  a  prétendu  que  Mahomet  a  interdit  le 
vin  par  haine  pour  le  sacrifice  de  la  Messe.  Cette  assertion  n'a  rien  d'invraisem- 
blable, quoiqu'eUe  ne  puisse  s'appuyer  sur  des  témoignages  formels  (Cfr.  D''  G. 
Jacob,  105). 

(2)  D'autres  poètes  musulmaas  faisaient  de  même.  Voir  un  curieux  ti'ait  dans 
ZDMG,  LIV,  448 

(3)  Ag.,  XI,  :fJ;   IJhânat   al-adal>,  lU,in3. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMLVDES  DE  DAMAS.    47 

«  Celui  qui  le  malin  boit  trois  rasades  sans  mélange  d'eau  se 
sent  pDi'té  à  la  générosité  (l).  » 

«  Oui,  continua  le  calife,  je  me  le  représente  à  cette  heure 
matinale  enveloppé  dans  son  manteau,  le  visage  tourné  vers  le 
soleil,  assis  dans  une  des  tavernes  de  Damas.  »  Sur  Tordre  du 
souverain  on  alla  voir  et  tout  se  vérifia,  comme  'Abdalmalik 
l'avait  indiqué  (2). 


XI 


La  dernière  caractéristique  des  poésies  d'Ahtal  c'est  la  note 
patriotique.  Pour  tout  Bédouin,  la  patrie  se  confond  avec  la 
tribu.  Ce  culte  de  la  tribu,  notre  héros  le  poussa  jusqu'à  ses  der- 
nières limites.  Aussi  demeura-t-il  toujours  réfractaire  aux  splen- 
deurs de  la  métropole  syrienne  et  tout  spécialement  au  merveil- 
leux paysage  qui  lui  sert  de  cadre. 

Qu'on  songe  à  l'éblouissement  produit  sur  les  premiers  con- 
quérants bédouins  par  cet  immense  verger  de  la  Damascène, 
où,  le  long  d'innombrables  canaux,  les  arbres  se  pressent  aussi 
serrés  que  les  épis  d'un  champ  de  blé,  spectacle  impressionnant 
même  l'Occidental,  habitué  à  la  sombre  verdure  des  climats 
septentrionaux.  En  parlant  de  Damas,  Ahtal  ne  se  souvient  que 
des  frissons  de  la  fièvre  qu'il  y  a  gagnée  (4).  Évidemment  il  n'était 
pas  fait  comme  le  reste  de  ses  compatriotes.  Longtemps  même 
après  être  sorti  du  désert,  l'Arabe  «  garde  encore  dans  l'œil  le 
reflet  des  sables  et  des  rocs  du  sol  natal  ;  le  plus  maigre  feuil- 
lage l'étonné  et  le  moindre  gazon  l'enchante;  il  fait  une  ri- 
vière d'un  mince  filet  d'eau  courante  (5)  ». 

Tel  ne  fut  pas  Ahtal.  Il  ne  séjournait  à  Damas  que  le  temps 
nécessaire  pour  faire  sa  cour  au  calife.  Il  n'avait  pas  d'ailleurs 
à  s'éloigner  beaucoup  de  la  capitale  pour  se  retrouver  au  milieu 

(1)  Ahta  traduit  encore  ici  un  sentiment  très  arabe.  Boire  du  vin,  se  livrer  au 
jeu  passaient  dans  l'Arabie  préislamite  pour  des  marques  de  générosité  et  de 
grandeur  d'âme. 

(i)  Ag-.,  Vil,  173;Sarîsi,  etc. 

(3)  Cl'r.  iNoldeke,  Oriental.  Ski'.zen,  12. 

(4)  Divan,  p.  112. 

(5)  Caudel  dans  ,yo((rH.  .Is.,  ISljri,  l,lol. 


4S  RKVVK    DE    l'orient    CIHîÉTlEN. 

de  ses  contribules.  La  partie  de  l'ancienne  Parapotamie,  voi- 
sine de  Rosâfa,  formait  le  territoire  de  Gosam  bin  Bakr,  le  clan 
taiilibite  auquel  il  se  rattachait  (Ag-.,  XI,  60).  Du  temps  de 
Abtal  la  steppe  syrienne  n'était  pas  encore  devenue  le  désert 
que  nous  connaissons  depuis.  La  plupart  des  localités  gréco- 
romaines  continuaient  à  être  habitées  :  Rosàfa-Sergiopolis,  où 
le  fils  de  'Abdalmalik,  le  calife  Ilisâm,  entreprit  de  grands  tra- 
vaux de  restauration  :  IJonàsira  ou  Anasarlha  avec  un  monas- 
tère célèbre,  Andarîn,  l'antique  Androna,  etc.  (1).  Cette  dernière 
produisait  un  vin  estimé  des  anciens  Arabes.  Gadar,  à  l'extré- 
mité de  l'Émésène,  n'était  pas  loin  et  nous  savons  le  cas  que 
Ahtal  faisait  de  son  vin  (2).  Vrai  Bédouin,  identifié  avec  l'exis- 
tence de  sa  tribu,  sachère  tribu  de  Taglib,  le  barde  syro-mésopota- 
mien  eut  l'bcrasion  de  faire  éclater  son  patriotisme  dans  la 
guerre  sanglante  faite  aux  Taglibites  par  les  tribus  de  Qais. 

Cette  guerre  n'est  au  fond  qu'un  épisode  d'une  rivalité  sécu- 
laire, dominant  à  partir  de  l'Islam  toute  l'histoire  de  la  pénin- 
sule arabique  :  nous  voulons  parier  des  luttes  entre  le  parti 
yamanî  et  le  parti  qaisî  (3),  partis  existant  encore  à  l'heure  ac- 
tuelle, au  moins  de  nom,  dans  certains  cantons  du  Liban  (4). 

Dans  le  principe  les  Tajilibites  étaient  demeurés  simples 
spectateurs  de  ces  luttes  fratricides.  Arabes  du  nord,  ni  la  race 
ni  les  sympathies  ne  les  rapprochaient  des  Yéménites  ;  chrétiens 
et  loyaux  sujets  des  Omiades,  ils  ne  tardèrent  pas  à  être  en  butte 
aux  tracasseries  des  Qaisites  musulmans,  bientôt  en  révolte  ou- 
verte contre  les  califes  de  Damas.  Entre  Qais  et  Taglib  la 
guerre  finit  par  éclater;  elle  dura  de  l'an  69  jusqu'à  73  de  l'hé- 
gire (5).  Une  première  rencontre  fut  malheureuse  pour  les  con- 
tribules de  notre  poète. 

El  pourlaiit  les  guerriers  chrétiens  s'étaient  vaillamment 
comportés.  Un  de  leurs  chefs  eut  la  jambe  emportée  d'un  coup 
de  cimeterre;  il  se  maintint  en  selle  et  continua  le  combat  en 
répétant  ce  vers  :  «   Les  Qaisites  savent,  et  nos  compagnons 

(1)  Voii'  les  articles  que  Yàqoùt  consacre  à  ces  localités. 

(•2)  Il  le  nomme  dans  son  panégyrique  des  Omiades. 

(3)  C'est  la  vieille  rivalité  entre  Nord  et  Sud,  les  Yéménites  {)'amams)  descen- 
dant probablement  de  populations  antochthones,  ayant  certainement  leur  lan- 
gue à  eux,lehymiarite,  et  beaucoup  plus  civilisés  que  les  Arabes  du  Nord. 

(  i)  Surtout  chez  les  Druses. 

(5)  Voir  une  bonne  exposition  dans  rintroduction  au  Divan   de  Qolàmî,  x-xiv. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OML\DES  DE  DAMAS.    49 

d'armes  aussi,  qu'un  guerrier  se  bat  même  après  la  perte  d'un 
membre  ».  Il  fallut  le  hacher  en  morceaux.  Quand  ses  soldats 
le  virent  tomber,  ils  descendirent  de  cheval,  coupèrent  les 
jarrets  de  leurs  montures  et  se  tirent  tous  tuer  sur  son  ca- 
davre (1). 

Tant  de  bravoure  força  l'admiration  des  ennemis  eux-mêmes. 
Lorsque  le  chef  qaisite  aperçut  les  restes  du  héros,  il  convo- 
qua ses  hommes  et  leur  dit  :  «  Venez  contempler  le  lion 
mutilé!   » 

Ahtal  pleura  ces  morts  héroïques  dans  une  élégie  dont  mal- 
heureusement il  ne  nous  reste  que  deux  vers.  La  guerre  con- 
tinua ensuite  a"\ec  des  alternatives  diverses  pour  les  deux 
partis.  Les  Qaisites  s'y  distinguèrent  par  leur  cruauté  encore 
plus  que  parleur  courage.  Quand  les  Taglibites  virent  l'achar- 
nement de  leurs  adversaires,  ils  mirent  sur  pied  toutes  les 
forces  dont  ils  purent  disposer.  Ils  furent  aidés  par  leurs  alliés 
de  Namir  ibn  Qàsitet  aussi,  croyons-nous,  par  les  Yàd  (2),  tribu 
chrétienne  presque  vassale  de  Taglib  (3).  Leurs  cousins  de 
Bakr  paraissent  également  avoir  répondu  à  l'appel  (4).  De  leur 
côté  les  Qaisites  reçurent  des  renforts  considérables.  On  se 
rencontra  à  I.Iassàk.  La  bataille  durait  depuis  deux  jours;  les 
combattants  montraient  tant  d'acharnement  que  la  nuit  seule 
put  les  séparer.  Le  troisième  jour,  les  Taglibiles  s'engagèrent 
par  serment  à  tenir  ferme  et,  comme  signe  de  leur  détermi- 
nation, postèrent  leurs  femmes  au  milieu  et  à  la  fm  des 
rangs. 

Toutes  elles  étaient  d'une  race  guerrière  ; 
Quand  dans  une  bataille  on  les  voit  en  arrière, 
C'est  pour  fermer  la  route  et  ramener,  souvent 
A  coups  de  javelots,  les  fuyards  en  avant. 

(H.  de  Bornier,  Mahomet,  III,  se.  v.) 

Quand  au  matin  'Omair,  un  des  principaux  chefs  qaisites, 
vit  ces  dispositions,  il  conseilla  aux  siens  la  retraite.  On  ne 

(1)  D'autres  documents  rapportent  ce  lait  à  une  bataille  postérieure. 

(2)  Cfr.  ZDMC,  XXIII,  567;  XXVII,  341. 

(3)  Laquelle  formait  une  véritable  confédération,  servant  de  centre  à  tous  le 
clans  rabîMtes  et  chrétiens  de  la  Mésopotamie. 

(4)  Voir  la  XIX'  pièce  du  Divan  de  Qotàmî. 

ORIENT    CHRÉTIEN,  4 


50  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Técoiita  pas.  La  charge  des  guerriers  chrétiens  fat  tellement 
irrésistible  que  l'armée  qaisite  s'enfuit  clans  le  plus  grand 
désordre.  'Omair  périt  dans  la  déroute.  Sa  tète  fut  envoyée  à 
.Abdalmalik  (1). 

Ahtal  célébra  bruyamment  le  triomphe  de  ses  compatriotes. 
Une  de  ses  odes  se  terminait  ainsi  (2)  :  «  Entre  l'Iraq  et  Man- 
big  (3),  les  guerriers  de  Taglib  chevauchent,  armés  de  leurs 
lances  brunes;  vers  toi,  ô  Commandeur  des  Croyants,  nous 
poussons  nos  chamelles,  montées  par  les  princes  de  Bakr  (4). 

«  Portant  la  tète  d'un  homme,  qui  a  séduit  Soîaim  et 
'Âmir  (5),  plongé  Qais  dans  un  abîme  de  maux, 

«  Cinq  jours  ils  ont  marché;  au  terme  de  leur  course,  ils 
communiquent  des  nouvelles  plus  douces  que  le  vin. 

«  Arrière,  fils  de  Saffàr  (G),  ne  parle  plus  de  gloire,  ne  vante 
plus  les  serpents  de  la  tribu. 

«  Parmi  les  Taglibites,  il  s'est  dressé  un  serpent,  pareil  à 
celui  de  Moïse,  le  jour  où  Dieu  lui  vint  en  aide. 

«  La  renommée  a  publié  qu'entre  Radàn  et  IJadr  (7)  les  Arà- 
qiin  (8)  ont  fendu  le  crâne  des  Qaisites, 

<c  De  ces  hommes  qui  n'ont  point  répugné  à  l'injustice,  qui 
n'ont  fait  aucune  distinction  entre  la  bonne  foi  et  la  trahison.  » 

Ce  dernier  vers  fait  allusion  à  un  acte  d'une  barbarie  in- 
croyable. C'était  à  la  première  bataille  dont  l'issue,  nous  l'a- 
vons vu,  fut  défavorable  aux  Taglibites.  'Omair  parcourait  la 
plaine  en  huilant  :  «  Tuez!  massacrez!  point  de  quartier!  ».Au 
milieu  de  la  déroute,  un  Qaisite  nommé  Nadàr  s'écria  :  «  J'ac- 
corde ma  protection  à  toute  femme  enceinte  qui  se  rangera  au- 

(1)  Les  Qaisites  étaient  également  adversaires  des  Oniiades. 

(2)  Cfr.  Divan,  106  et  135. 

(3)  Ville  syrienne  près  de  l'Euphrate,  l'ancienne  Hiérapolis. 

(4)  La  tribu-sœur  de  Taglib  alors  réconcilié'O  avec  celle-ci.  Connne  il  est  per- 
mis de  le  conclure  du  Divan  de  Qotàmî.  elle  avait  i»ris  part  à  la  bataille  (Cfr.  In- 
ti'oduction,  xni). 

(5)  Tribus  qaisites. 

(6)  Poète  qaisite,  qui  célébra  la  boucherie  des  femmes  taglibites,  dont  nous 
allons  parler.  Saffàr  signilie  cuivrier  et  confirme  l'existence  de  mines  de  cuivre 
en  Arabie.  Cfr.  Sprenger,  Die  alte  Géographie  Arabiens,  52;  Fraenkel,  o/?.  cit.,  253; 
Schrader-Winckler,  Keilinschriflen  unddasA.  Teslamenl,  15. 

(7)  Localités  de  la  ^Mésopotamie  :  on  ne  sait  à  quel  fait  d'armes  ce  vers  fait  al- 
lusion. 

(8)  Ce  mot  qui  signifie  serpents  était  une  désignation  collective  de  plusieurs 
familles  taglibites. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMIADES  DE  DAMAS.    51 

tour  de  moi!  »  Comme  il  était  inouï  qu'un  guerrier  arabe  eût 
violé  sa  parole,  donnée  en  de  pareilles  circonstances,  un  grand 
nombre  de  ces  malheureuses  répondirent  à  l'invitation.  Quand 
elles  furent  rassemblées,  Nadàr  et  les  Qaisites  en  firent  une 
effroyable  boucherie;  puis  avec  la  pointe  de  leurs  sabres,  ils 
fouillèrent  ces  entrailles  sanglantes  (1).  Un  de  leurs  poètes  (2) 
eut  même  le  courage  de  célébrer  ce  triste  exploit  que  les  Qaisites 
renouvelèrent  plusieurs  fois  (3)  dans  le  cours  de  ces  luttes  bar- 
bares. Aussi  comprend-on  les  cris  de  vengeance  poussés  par  le 
chantre  de  cette  guerre,  cris  qui  n'ont  rien  d'évangélique,  nous 
en  convenons.  La  vengeance  fut  de  tout  temps  le  dernier  re- 
tranchement que  la  douce  religion  du  Christ  ait  pu  forcer  dans 
l'âme  Itédouine.  Il  y  a  sept  ans,  à  Màdabà  dans  la  Transjorda- 
nie,  comme  nous  passions  au  milieu  d'une  colonie  de  Bédouins 
catholiques,  le  curé  nous  raconta  que  lorsque  pour  la  première 
fois  il  commenta  devant  eux  le  texte  évangélique  :  «  Aimez  vos 
ennemis,  faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  persécutent  »,  un  vieux 
cheikh  interrompit  le  sermon  :  «  Halte!  prêtre,  de  pareils  dis- 
cours, va  les  tenir  aux  vieilles  femmes!  » 

Depuis  la  publication  du  Divan  de  Qotàmi  (4)  nous  ne  pou- 
vons plus  mettre  en  doute  que  la  principale  responsabilité  des 
luttes  fratricides  entre  les  Arabes  mésopotamiens  doit  être  re- 
portée sur  le  solaimite 'Omair  ibn  al-Hobàb.  Plus  clairvoyant, 
le  principal  clief  qaisite,  Zofar  ibn  al-Hàrit,  fit  ce  qu'il  put  pour 
les  prévenir,  ou  du  moins  pour  en  adoucir  la  fureur.  Ses  efforts 
échouèrent  devant  l'obstination  des  autres  Qaisites,  décidés, 
semble-t-il,  à  exterminer  la  tribu  chrétienne  de  Taglib.  La  joui- 
née  de  Hassâk  démontra  que  l'entreprise  était  au  moins  préma- 
turée. C'est  seulement  après  le  xiv^  siècle  qu'on  perd  définitive- 
ment la  trace  des  Taglibites  (5). 

(1)  Coutumo  ancienne  en  Orient.  CtV.  IV  Rois,  vu,  12 ;  xv.  16;  Amos,  etc. 
Pour  l'Arabie,  Ag.,  II  (éd.  Salliani),  5o,  ligne  1;  40,  I.  1;  80,  5,  etc. 

(2)  Ibn  Saffàr  nommé  plus  haut  par  Ahtal. 

(3)  Entre  autres  à  la  bataille  de  Bisr,  dont  le  nom  est  sans  doute  conservé  par 
la  montagne  Al-Bisri,  au  nord-est  de  Rosàfa;voir  la  carte  de  la  Syrie  de  R.  Kic- 
pert  et  Balcri  (179)  cité  par  le  P.  Salhani  (134,  note  b). 

(4)  Cfr.  J.  Bavth,  Diioan  des  'Umeir  ibn  Schuyeim  Al-Qiitàmi,  Berlin,  1002.  Voir 
xi-xn  de  l'Introduction  et  dans  le  Divan  les  pièces  II,  36-44;  XIII,  37-43,  et  aussi 
VIII,  IX,  X,  où  le  poète  fait  l'éloge  de  Zofar. 

(5)  Voir  «  TàrihBairoût  »  de  Sàlil.i  b.  Yahyà,  108,  124,  281,  par  le  P.  L.  Cheikho, 
S.  J.,  si  toutefois  la  leçon  du  manuscrit  doit  être  maintenue. 


52  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


XII 


Quoi  qu'il  en  soit,  les  deux  derniers  vers  que  nous  venons  de 
citer  sont  demeurés  célèbres.  Dans  un  cercle  littéraire,  sous  les 
'Abhàsides,  on  vint  à  parler  de  Garir  et  de  Farazdaq,  les  deux 
rivaux  poétiques  du  chantre  de  Taglib.  Un  des  assistants  fit  aux 
admii-ateurs  de  ces  poètes  la  proposition  suivante  :  «  Je  citei'ai 
un  distique  de  Ahtal  auquel  vous  opposerez  ce  que  vous  voudrez 
dans  les  œuvres  de  vos  auteurs  favoris,  »  Puis  il  se  contenta 
de  déclamer  les  deux  vers  en  question.  L'assemblée  répondit 
par  le  silence  à  sa  proposition  et  personne  ne  releva  le  déli  (1). 

Le  triomphe  de  ses  compatriotes  fut  une  des  dernières  conso- 
lations de  notre  poète.  L'âge  était  -senu  avec  son  cortèii'e  hal)i- 
tuel  d'infirmités.  'Abdalmalik,  son  royal  protecteur,  ne  tarda  pas 
à  descendre  dans  la  tombe.  Il  semble  bien  qu'à  la  fin  du  règne 
de  ce  calife,  la  faveur  de  Ahtal  aA^ait  baissé.  Si  'Abdalmalik 
n'autorisa  pas  l'attentat  de  Bisr  (2),  il  manqua  d'énergie  pour  le 
prévenir.  De  là  les  menaces  de  Ahtal  (3)  :  «  Si  Qorais  (c'est-à-dire 
ici  les  Omiades)  ne  porte  remède  à  la  situation,  eh  bien,  nous 
nous  détacherons  de  Qorais!  »  Plus  tard  le  souverain  montrera 
également  beaucoup  de  faiblesse,  quand  il  s'agira  de  punir  Gah- 
hâf,  chef  arabe  qui  faillit  s'emparer  de  notre  poète. 

Après  la  mort  de  'Abdalmalik,  Ahtal  ne  fit  plus  que  languir. 
De  loin  en  loin  il  reparut  encore  à  Damas,  dont  le  séjour  lui 
était  devenu  odieux. 

Dans  l'intervalle  le  jeune  fils  de  Sargoiin,  celui  qui  devait 
plus  tard  illustrer  l'Église  sous  le  nom  de  saint  Jean  Damascène, 
était  devenu  en  dépit  de  sa  jeunesse  un  prodige  de  science,  le 
premier  de  cette  longue  chaîne  de  savants  chrétiens,  qui  allaient 
initier  les  Arabes  à  la  culture  gréco-romaine  (4).  Ahtal  aimait 
à  fréquenter  cette  demeure  hospitalière,  rendez-vous  des  beaux 


(I)  Ibn  al-Alîr,  IV,  133;  Ag.,  XI,  58. 

(-2)  Chantre,  140. 

(3)  Divan,  10  et  11. 

(4j  Cfr.  Journal  Asiatique,  ISOlJi,  60-61.  Jean  Damascène  était  né  en  G7(j.  Ses  opi- 
nions ont  trouvé  un  écho  dans  la  littérature  arabe  de  cette  époque.  CiV.  C.  Bro- 
ckclmann,  Geschichte  der  Arablschen  Litleratur,  I,  00. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OML\DES  DE  DAMAS.    53 

esprits  de  l'époque.  Nous  pouvons  heureusement  en  préciser 
remplacement,  occupé  actuellement  par  la  résidence  des  Jé- 
suites de  Damas.  On  y  montre  encore  un  arceau  que  la  tradition 
fait  contemporain  d'Ahtal  et  de  Jean. 

Étendu  sur  de  riches  divans,  dans  la  cour  pavée  de  mosaïques 
et  de  marbres  précieux,  le  troubadour  de  Mésopotamie  a  dû  plus 
d'une  fois  déclamer  ses  plus  brillantes  compositions  au  bruit 
des  jets  d'eau  «  qui  ne  se  taisaient  ni  jour  ni  nuit  (1)  ».  Si  nous 
possédions  le  recueil  complet  de  ses  poésies,  on  y  retrouverait 
sans  doute  plus  d'une  qasîda  en  l'honneur  du  ministre  des  fi- 
nances de  'Abdalmalik  (2).  Quelle  impression  ces  chants  du  dé- 
sert ont-ils  produite  sur  le  jeune  Damascène,  musicien,  poète, 
métaphysicien,  esprit  délicat,  très  lin,  nourri  dos  chefs-d'œuvre 
de  la  Grèce  (3)?  La  pensée  lui  est-elle  venue  d'initier  le  vieux 
Taii'libite  à  ces  produits  de  la  culture  intellectuelle  de  l'Occident? 
Nous  l'ignorons.  La  tentative  n'aurait  sans  doute  pas  abouti. 
Un  siècle  plus  tard,  la  traduction  en  syriaque  des  poèmes 
d'Homère  entreprise  par  un  savant  maronite,  Théophile  fds  de 
Thomas    (4),   restera    sans    écho    sur    la    littérature    arabe, 

(1)  Et  qu'on  retrouve  dans  toutes  les  maisons  de  Damas. 

(2)  Sur  l'architecture  de  Damas  au  temps  des  Omiades  et  de  Ahfal  voir  Von 
Ki-emer,  CuUurgeschichle,  I,  128,  135.  Certains  palais  des  Omiades  (-taient  pavés 
de  marbre  vert.  Faudrait-il  retrouver  dans  ce  détail  l'explication  du  nom  d'  «  Al- 
IJadrà  »,la  n'-sidence  royale  des  Omiades?  Sur  la  situation  de  ce  palais,  cfr.  Ibid., 
I,  143,  note  1. 

(3)  Von  Kremer  dit  de  Damascène  qu'il  était  ■•  echt  griechischer  Herkunft  » 
(Cultur^geschichle des  Orients,  II,  AOi),  assertion  difficile  à  établir.  La  l'amille  sem- 
ble avoir  porté  le  nom  arabe  de  Mansoùr  et  le  père  de  Jean,  on  l'a  vu,  celui  de 
Sariioùn  à  terminaison  sji-iaque.  Quoiqu'il  en  soit  de  son  origine,  les  sympathies 
politiques  de  la  famille  n'allaient  pas  au  régime  grec  ou  byzantin  et  elle  s'est  fa- 
cilement, trop  facilement  résignée  à  la  domination  arabe,  laquelle  lui  conserva  la 
direction  des  finances  de  la  Syrie  (Voir  les  textes  réunis  par  le  P.  Salhani  dans 
Divan  de  Ahtal,  346,  347).  Les  Perses  paraissent  également  l'avoir  maintenue  dans 
ses  fonctions.  Cette  souplesse,  s'accommodant  si  bien  des  régimes  politiques  qui 
se  succédèrent  en  Syrie  pendant  la  première  moitié  du  vn«  siècle  (Cfr.  noti-e 
mscr.  d'Ibn  BatTiq,  139  verso),  ne  laisse  pas  que  de  paraître  suspecte.  La  vie  origi- 
nale de  saint  Jean  Damascène  fut  écrite  en  arabe.  Les  Bollandistes  lui  attribuent 
la  traduction  du  syriaque  en  grec  du  martyre  des  soixante  pèlerins  d'Amorium, 
t.  \'III,  d'oct.  360.  (Voir  pourtant  Échos  d'Orient,  1898,  39.) 

(4)  D'après  Winckler  «  si  l'élément  mythologique  est  moins  saillant  dans  la 
poésie  arabe,  c'est  que  la  tradition  arabe  s'est  chargée  de  l'élaguer  »  (Schrader- 
Winckler,  Keilinschriften,  138).  Ce  travail  de  revision  a  certainement  existé,  mais 
d  faudrait,  croyons-nous,  se  garder  d'en  exagérer  l'importance.  La  tradition  mu- 
sulmane a  dû  se  comporter  ici  comme  elle  l'a  fait  vis-à-vis  des  Divans  des  an- 
ciens ]ioètes  chrétiens.  (Voir  ce  que  nous  aAons  dit  plus  haut  à  ce  sujet.) 


54  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

décidément  fermée  à  Tidée  épique  et  aux  formes  de  la  pensée 
t>Tecque  (1), 


XIII 


Arrêtons-nous  sur  ce  tableau  :  Aljtal  et  Damascène  sont  la 
personnification  d'une  époque  de  transition,  ou  plutôt  de  deux 
civilisations,  dont  l'union  eût  pu  être  féconde.  Tous  deux  chré- 
tiens convaincus  :  l'un  jeune,  beau,  de  la  beauté  un  peu  frêle 
des  races  fatiguées;  l'autre  déjà  sur  le  déclin,  grandiose  et  mo- 
notone comme  le  désert,  nature  nerveuse,  sensible  surtout  aux 
fortes  impressions,  aux  sentiments  vigoureux.  En  dépit  de  son 
génie,  le  bel  adolescent  fourvoyé  en  ce  siècle  de  décadence  ne 
pourra  arrêter  le  recul  de  la  vieille  culture  gréco-romaine,  tra- 
hie par  ceux  qui  en  étaient  les  défenseurs-nés,  les  indignes 
Césars  de  Byzance  avec  lesquels  le  père  ou  l'aïeul  de  Damas- 
cène  n'hésitera  pas  à  rompre  (2)  et  dont  l'insidieuse  diplomatie 
cherchera  à  les  perdre  dans  l'esprit  des  Omiades.  Encore  quel- 
ques années  et  le  grec,  qui  ne  fut  jamais  en  Syrie  qu'une  langue 
savante,  comme  le  latin  dans  l'Europe  médiévale,  le  grec 
cédera  définitivement  le  pas  à  l'idiome  des  descendants  d'Is- 
maél. 

(1)  Cfr.  Bavhohrxus,  Histoire  des  dynasties  (M.  Salhani),  BojTOuth,  41,  219. 

(2)  Le  rùlo  joué  par  ce  personnage  pendant  le  siège  de  Damas  par  les  Arabes 
n'est  pas  encore  tir(' au  clair  (Cfr.  De  Goeje.  Mémoire  sur  la  conquête  delà  Syrie, 
88).  Si  réellement  il  a  trahi,  cela  expliquerait  sa  faveur  et  celle  de  sa  famille  auprès 
des  Omiades,  comme  aussilahaine  que  leur  vouèi'entles  Césars  byzantins.  Ces  der- 
niei-s  n'obi'issaient  peut-être  pas  exclusivement  à  des  rancunes  iconoclastes.  Le 
récit  si  circonstancié  d'ibn  Batrîq  ne  laisse  guère  de  doutes  sur  la  trahison  de 
Mansoûr,  père  ou  aïeul  de  Damascène.  Ce  haut  fonctionnaire  aura  voulu,  semble- 
t-il,  se  venger  des  extorsions  de  Héraclius  et  des  mauvais  traitements  de  cet  em- 
pereur (Cfr.  Eutychius  P.  G., t.  CXI,  c.  1089, 1097,  1098,  1141  et  Ibn  Batrîq, mscr.  de 
notre  bibliothèque,  139  A-erso,  145,  etc.).  Le  patriarche  melkite  d'Alexandrie  devait 
être  bien  informé  et  n'aA^ait  aucune  raison  de  chai-ger  la  mi'uioire  d'une,  famille 
aussi  considérée  chez  les  Melkites  que  celle  de  S.  Jean  Damascène.  L'idée  d'une 
trahison  s'impose  d'ailleurs.  Il  suffit  de  considérer  l'inaptitude  des  Arabes  de  ce 
temps  au  siège  des  villes  et  comment  les  autres  cités  tombèrent  en  leur  pouvoir. 
iMansoùr  a  craint  peut-être  que,  victorieux  des  Arabes,  Héraclius  ne  lui  deman- 
dât compte  de  sa  gestion  financière  pendant  la  période  perse  et  les  années  trou- 
blées qui  la  suivirent  (Cfr.  Ibn  Batriq.  lue.  cit.).  Au  xni"  siècle  le  dominicain  Guil- 
laume de  Tripoli,  né  probablement  en  Syrie  et  ayant  utilisé  des  documents 
arabes  (Voir  son  traité  latin  publié  par  H.  Prutz,  Kullurgesck.  der  Kreuzzi'ige, 
579),  accuse  ouvertement  le  père  de  Damascène  d'avoir  livré  Damas. 


UN  POETE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMIADES  DE  DAMAS.    DO 

Alitai  était  seul;  il  disparut  trop  tôt  pour  imprimer  à  la  nouvelle 
littérature  un  caractère  sufiisamment  chrétien.  La  mission  était 
d'ailleurs  au-dessus  de  ses  forces,  vu  surtout  Fidéal  exclusivement 
bédouin,  qui  demeura  toujours  le  sien.  Un  demi-siècle  plus  tard 
la  dynastie  très  syrienne  (1)  des  Omiades  succomba.  Le  régime 
qui  lui  succéda  engl<jbera  dans  une  réprobation  générale  tout 
ce  qui  de  près  et  de  loin  rappelle  l'ancienne  organisation  (2). 
La  réaction  sera  si  violente  qu'en  notre  siècle  on  n'a  pu  trouver 
qu'une  seule  copie  des  poésies  du  «  chantre  des  Omiades  », 
devenu  odieux,  non  seulement  comme  chrétien,  mais  comme 
partisan  et  panégyriste  de  la  dynastie  déchue.  Cette  défaveur, 
s'attachant  au  nom  de  Ahtal,  explique  pour  la  littérature 
de  l'époque  'abbaside  la  rareté  des  citations  de  ce  poète 
si  important  non  seulement  comme  teste  de  lingua,  mais 
pour  l'histoire  et  la  géographie.  L'unique  manuscrit  de 
Ahial,  où  l'on  retrouve  seulement  une  partie  de  son  œuvre  litté- 
raire, a  servi  de  base  à  la  Délie  édition  de  mon  docte  confrère 
le  P.  Salhani  (3). 

Important  au  point  de  vue  de  la  langue,  des  mœurs  et 
de  l'histoire  de  l'ancienne  société  arabe,  le  Divan  d'Ahtal  ne 
peut  réclamer,  croyons-nous,  qu'une  place  secondaire  dans 
les  annales  de  la  littérature  générale  (4).  Il  serait  injuste 
d'en  faire  remonter  la  responsabilité  jusqu'à  son  auteur.  L'œuvre 
d'Ahtal  partage  la  destinée  de  toute  la  poésie  arabe  (5).  On  a  pu 
jadis  se  lancer  dans  d'ardentes  polémiques  sur  la  valeur  esthé- 
tique de  ces  productions  du  désert.  D'après  M.  P.  Radiot,  «  le 
plus  grand  honneur  que  l'on  puisse  faire  à  cette  antique  poésie 
des  Arabes,  c'est  de  dire  qu'elle   nous  émeut  encore,  qu'elle 

(l)La  Syrie  ne  s'ost  pas  consoh'O  d'avoir  avec  les  Omiades  perdu  l'espoir  de 
régner  sur  le  momie  musulman.  Jamais  les  'Abbàsidesne  sont  parvenus  ky  faire 
aimer  leur  domination. 

(-2)  Delà  la  destruction  du  palais  des  Omiades  «  Al-IJadrà  »  et  de  leurs  tombeaux. 
(Cl'r.  Xonlircmev,  CuUurgeschichle,  I,  lo56.) 

(3)  Beyrouth,  imprimerie  catholique,  1891-1892.  Voir  plus  loin  notre  appendice, 
où  il  est  question  du  manuscrit  de  Bagdad. 

(4)  On  doit  regretter  que  dansià  Littérature  arabe, vécemmont  parue,  M.  Cl.Huart 
n'ait  pas  pris  la  peine  d'étudier  l'intluence  de  cette  littérature  sur  le  mouvement 
des  idées.  Il  y  avait  là  matière  à  d'intéressants  développements,  à  peine  indiqués 
par  quelques  traits  épars. 

(5)  Sur  la  valeur  des  productions  poétiques  des  Bédouins  modernes,  voir  une 
remarque  de  Wetzstein  dans  ZDMG,  XXII,  71. 


56  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

nous  enflammerait  presque,  à  tant  de  siècles  de  distance,  et 
refroidis  que  nous  sommes  par  nos  préoccupations  d'esclaves; 
oui,  elle  nous  prend  avec  certains  frissons  de  grandeur,  de  vé- 
hémente passion  et  de  force,  qui  se  dégagent  d'elle  et  nous 
relancent  aux  sentiments  chevaleresques  de  Corneille...  C'est 
là  son  mérite,  pour  ainsi  dire  inexplicable  d'abord,  àcette  poésie 
de  simples  nomades  qu'elle  ne  nous  paraisse  pas  bonne  à  être 
reléguée,  comme  tant  d'autres  efforts  de  Fart  asiatique  ou  afri- 
cain, parmi  les  œuvres  rudimentaires  créées  par  d^s  peuples 
enfants.  Une  petite  vibration,  rebelle  à  s'éteindre,  se  transmet 
et  nous  gagne,  malgré  le  détail  d'événements  tout  restreints 
devant  l'Histoire  et  qui  ne  sont  triomphes  ou  catastrophes 
qu'aux  yeux  d'une  tribu,  les  voynnt  à  la  loupe  (1)  ». 

Aujourd'hui  une  conclusion  semble  bien  près  de  «  rallier  tous 
les  suffrages  :  la  poésie  arabe, avant  comme  après  la  prédication  de 
l'islam,  ne  doit  plus  être  étudiée  pour  sa  valeur  intrinsèque.  Elle 
a  quitté  les  régions  de  l'idéal  pour  entrer  dans  le  domaine  de 
l'érudition  ;  elle  s'est  faite  —  et  ce  n'est  pas  un  mince  mérite  — 
l'auxiliaire  de  l'histoire.  C'est  elle  qui  explique  et  complète  la 
chronique,  nous  révèle  la  conscience  du  monde  arabe  et  jette 
sur  sa  condition  morale,  politique  et  sociale,  une  lumière  qu'on 
demanderait  en  vain  aux  Annales  de  Tabarî  et  d'Ibn  al-Athîr. 
C'est  par  là  surtout  qu'elle  revendique  notre  curieuse  attention 
et  nos  plus  sérieux  efforts  (2)  ».  H.  Winckler  va  beaucoup  plus 
loin  et  croit  retrouver  dans  l'ancienne  poésie  arabe  des  traces 
de  la  «  Weltanschaung  »  des  Sémites  primitifs  (3);  consé- 
quence d'une  portée  bien  plus  considérable,  si  elle  nous  parais- 
sait suffisamment  justifiée. 

Ahtal  ne  fut  pas,  semble-t-il,  un  novateur.  Un  des  premiers 
pourtant,  il  a  donné  le  signal  de  la  réaction  contre  la  tyrannie 
des  vieux  pastiches  poétiques  (4). 

Les  circonstances,  le  milieu  où  il  a  vécu  ne  lui  ont  pas  permis 
de  frayer  à  la  poésie  arabe  des  voies  nouvelles  ;  nous  avons  vu 
pourquoi.  Ses  successeurs  auraient  pu  utilement  lui  emprunter 
d'autres  leçons  :  plus  de  naturel  dans  l'expression,  une  grande 

(1)  Les  Vieux  Arabes,  S. 

(2)  Schrader-Winckler,  Keilinschriflen  und  dus  aile  Testament,  138. 

(3)  B.  de  Meynai'd,  op.  cit.,  p.  2. 

(4)  Ibid.,  20. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMLVDES  DE  DAMAS.    57 

noblesse  de  sentiments,  un  ton  plus  personnel,  plus  chaleureux, 
(le  la  dignité,  de  la  retenue  jusque  dans  la  satire. 

Ces  titres  suffisent  à  la  gloire  de  notre  héros  (l).Nous  avons 
essayé  de  les  mettre  en  lumière  dans  cette  causerie,  consacrée  à 
faire  revivre  la  mémoire  du  dernier  des  grands  poètes  chrétiens 
de  la  littérature  arabe. 

H.  Lammens,  s.  J. 


(1)  Lo  D"-  J.  Ilell  (op.  cit.,  -29)  fait  mourir  Ai.ital  sous  lo  califat  doSolaimàa.  Nous 
pensons  avoir  montre  le  contraire  (Voir  Chantre,  \^.  183,  18  Ij. 


APPENDICES 


I.  Un  nouveau  manuscrit  de  Ahtal. 

Comme  on  l'a  vu  plus  haut,  c'est  sur  l'unique  manuscrit  de 
Saint-Pétersbourg  —  le  seul  connu  —  cju'a  été  exécutée  la 
belle  édition  du  P.  Salhani.  Il  n'y  a  pas  longtemps  nous  ap- 
prîmes par  un  arabisant  distingué,  le  P.  Anastase,  de  l'ordre 
des  Carmes,  missionnaire  à  Bagdad,  l'existence  en  cette  ville 
d'une  copie  manuscrite  du  Divan  de  Ahtal  et  nous  fûmes  assez 
heureux  pour  l'acquérir. 

Elle  se  compose  de  87  feuillets,  chaque  page,  de  20  x  14,5 
centimètres,  comprenant  19  lignes  d'une  bonne  écriture  nashi. 
La  vocalisation  est  abondante,  mais  extrêmement  défectueuse. 
Certains  ^ers  sont  accompagnés  d'un  commentaire  parfois 
assez  étendu,  d'ordinaire  peu  saillant.  Connue  contribution  à 
une  future  édition  le  manuscrit  de  Bagdad  apporte  environ 
180  vers,  omis  par  celui  de  Pétersbourg  (1);  le  texte  est 
bon,  en  général  même  supérieur  à  celui  de  la  première  copie. 
Sur  plusieurs  points  il  a  confirmé  les  conjectures  et  corrections 
du  professeur  J.  Barth  dans  WZKM  (2). 

L'auteur  de  cette  nouvelle  recension  ne  nous  a  pas  fourni  son 
nom.  Le  manuscrit  débute  par  la  formule  :  «  Gloire  à  Dieu! 
Au  nom  de  Dieu,  clément,  miséricordieux!  Seigneur  facilite! 
Ahtal  a  dit  à  la  louange  de  Yazîd,  fils  de  Mo'âwia  ».  Suit  la 
qasîda  :  «  Sahà'lqalbou,  etc.  >> 

Le  colophon  de  lafm  n'est  pas  plus  explicite  :  «  L'achèvement 
de  cette  copie  bénie  (inobâraka)  a  coïncidé  avec  le  Lundi  W  de 
Zoù'l  Higga  775  (1373  de  J.-C.)  par  le  moyen  de  'Abdarrahmân 
fils  de  Mohaminad,  fils  de  Ga'far,  Dieu  lui  pardonne!  »  D'après 
mon  confrère  le  P.  Salhani,  comme  le  IP  de  Zoù'l-Higga  775 


(1)  Lequel  contient  plus  de  mille  vers,  omis  par  la  nouvelle  recension. 

(2)  1901,  p.  1-23.  Zur  KritikiindErklarung  des  Ahtal-Diwâns. 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OAUADES  DE  DAMAS.    59 

ne  tombe  pas  un  lundi,  un  des  possesseurs  du  manuscrit  a 
probablement  essayé  de  vieillir  l'âge  de  sa  copie,  afin  d'en 
augmenter  la  valeur  vénale  (1). 

L'auteur  de  la  recension  est  certainement  musulman.  On  le 
voit  par  la  formule  initiale  du  manuscrit,  donnée  plus  haut. 
Après  le  curieux  vers  de  Ahtal  :  «  Nous  avons  bu  à  en  mourir, 
comme  au  bon  vieux  temps  (2),  alors  qu'on  ignorait  Mahomet  », 
le  copiste  ou  l'auteur  de  la  riwâya  ajoute  en  marge  le  sigle 
musulman  saVam,  de  rigueur  après  le  nom  du  Propliète.  Et 
pourtant  il  n'a  pas  cru  devoir  écarter  cette  boutade  si  peu  res- 
pectueuse. Il  a  eu  sous  les  yeux  la  recension  de  Aboû  'Abdallah 
Mohammad  ibn  al-'Abbâs  al-Yazîdî  (3),  ayant  servi  de  base  à 
l'édition  du  Divan  ;  il  le  cite  plusieurs  fois  (par  ex.  76  recto) 
comme  aussi  Aboû  'Amr.  Le  scoliaste  du  manuscrit  de  Bagdad 
apporte  quelques  bonnes  remarques  criticjues.  Ainsi  p.  7(3  [verso] 
il  observe  que  la  pièce  appartient  à  un  autre  poète  taglibite 
(Voir  aussi  8  recto).  Nous  renvoyons  pour  une  plus  ample  des- 
cription du  nouveau  manuscrit  à  Machrif/,  VI,  433. 


II.  La  corporation  des  «  râwlv  ». 

Nous  en  avons  déjà  parlé  dans  le  Chantre  des  Omiades  (177- 
181).  Voici  quelques  notes  complémentaires.  La  connaissance 
exacte  de  leur  rôle  a  son  importance  dans  la  question,  toujours 
controversée,  de  l'authenticité  et  de  l'intégrité  des  anciennes 
poésies  arabes. 

Le  rchvia,  avons-nous  dit,  corrigeait  parfois  les  vers  de  son 
patron.  Le  fait  est  rapporté  du  rhapsode  de  Ka'b,  fils  de  Zo- 
hair(4).  Circonstance  beaucoup  plus  grave,  chargés  de  répandre 
la  connaissance  des  œuvres  du  maître,  certains  y  inséraient 
des  vers  de  leur  cru.  Hammàd  ar-râwia  se  permit  plusieurs 
de  ces  additions.  Et  comme  il  était  peu  ferré  sur  la  grammaire 
et  la  syntaxe  arabes,  il  répondait  aux  observations  à  ce  sujet  : 

(1)  Cfr.  Machriq,  VI,  435.  Cette  conjecture  est  maiiiteiiant  une  certitude. 

(2)  «  Gàhiliya  ».  Le  vers  contient  un  jeu  do  mots  intraduisible. 

(3j  Sur  ce  philologue  arabe    voir  les  renseignements  réunis  dans    WZKM, 
1902,  p.  331  ;  Cl.  lluart,  LiUérat.  arabe,  IIG. 
(4)  Ag.,  XV,  147,  23;  VIII,  184.  Noldeke,  Bcilruge  zur  Poésie...,  47. 


60  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

<c  Moi,  je  m'adresse  à  la  foule  et  j'emploie  son  langage  (1)  ». 
En  particulier,  Hammàd  a  surtout  infligé  ce  traitement  au 
Divan  de  Hotai'a  (2).  Il  est  accusé  comme  faussaire  par  Mo- 
faddal,  lequel  à  son  tour  mérite  le  même  reproche  (3).  Halaf 
al-Ahmar,  disciple  de  Hammàd,  fabriquait  des  qasîdas  en- 
tières (4)  et  les  incorporait  aux  recueils  anciens  (5). 

Le  râwia  se  trouvait  être  parfois  un  poète  de  renom.  On  dit 
alors  :  «  I^tama 'lahou  as-si'r  war-riwâya  »,  il  fut  à  la  fois 
poète  et  rhapsode  (6).  Beaucoup  de  grands  poètes  avaient  dé- 
buté en  qualité  de  râwia  au  service  d'un  autre  poète.  Ce  fut  la 
situation  de  Farazdaq  vis-à-vis  de  Hotai'a,  de  celui-ci  vis-à- 
vis  de  Zohair,  et  de  Zohair  par  rapport  aux  deux  poètes 
Aus  b.  Hogr  et  Tofail  al-Ganawî  (7).  D'autres  sources  four- 
nissent une  série  de  râwia  un  peu  différente  et  deux  fois 
plus  longue  (8).  Ces  divergences  mêmes  attestent  avec  quelle 
facilité  on  passait  du  modeste  rôle  de  ràwia  à  la  haute 
position  de  poète.  Les  relations  de  Hotai'a  avec  Zohair  sont 
connues;  l'auteur  de  VAgàni  l'appelle  «  ràwia  de  Zohair  et 
de  son  fils  »  et  ailleurs  «  ràwia  de  Zohair  et  de  la  famille 
de  Zohair  (9)  ».  Nous  connaissons  Irop  peu  les  détails  de  la 
jeunesse  d'Ahtal  pour  décider  si  lui  aussi  a  débuté  comme 
rhapsode  au  service  d'un  autre  poète,  hypothèse  d'ailleurs  vrai- 
semblable. 

D'ordinaire  les  râiv ia  étdiient  d'assez  petites  gens  (10).  Ainsi 
celui  du  poète  Miskîn  est  appelé  son  esclave  (golàm)  (11). 
AboûTAtâ  as-Sindi  (12),  affligé  d'un  défaut  de  prononciation, 
faisait  réciter  ses  vers  par  son  maulâ  ou  affranchi  (13).  Celui  de 


(1)  Ag.,V,  115. 

(2)  ZZ>J/6',  XLVl,  51. 

(3)  ZDMG,  XLIX,  40,  320. 

(4)  Ahluardt,  Bemerkungen,  84;  Jour.  Asiat.,(i^  série,  Xll,  256. 

(5)  On  voit  combien  est  justifié  le  scepticisme  des  derniers  éditeurs  de  Divans 
arabes.  Voir  aussi  Broclcelmann,  Geschichte  der  arabischen  Litteratur,  I,  17. 

(6)  Sur  le  sens  exact  de  rmvia,  voir  Goldzihor,  Abhandlungen,  I,  99,  note  1. 

(7)  Cfr.  Al-'Àinî,  I,  113,  et  Gàhiz,  Kitâb  al-bayân,  fol.lOo  b. 

(8)  Ag.,  XXI,  264,  \%;  Hizânalal-adab,  IV,  84. 

(9)  Ag.,  11,46,  47;  XV,  147. 

(10)  Voir  Chantre,  180. 

(11)  ZDMG,  LIV,  448. 

(12)  Fin  des  Omiades  et  commencement  des  'Abbàssides. 

(13)  Ag. ,  XVI,  8G,  15.  —  «  Une  sorte  de  héraut —  ri'pétiteur  ou  liomme-porte- 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMIADES  DE  DAMAS.    61 

Aljtal  nous  apparaît  également  comme  un  Arabe  de  condition 
inférieure  (cfr.  Chantre,  18U). 

Pour  la  situation  des  ràwia  dans  l'Arabie  contemporaine, 
nous   renvoyons  à  Socin,  Diwân  aus  Centralarabien,  II,  G. 


III.  Le  r  vaisseau  du  désert  »  et  la  navigation 

DE    l'EuI'IIRATE. 


Nous  avons  parlé  plus  haut  de  la  part  prise  par  les  Taglibites 
à  la  navigation  de  TEuphrate.  Une  partie  de  cette  tribu  se 
composait  certainemeni  de  marins.  j\ 'était-elle  pas  originaire 
du  Bahrain,  dont  la  population  a  toujours  vécu  de  la  mer?  La 
Mo'allaqa  du  taglibite  'Amr  b.  Koltoûm  fait  clairement  allusion 
à  cette  situation  (1)  : 

—  «  Nous  avons  rempli  le  continent,  devenu  trop  étroit  pour 
nous,  comme  nous  couvrons  de  navires  la  surface  de  la  mer.  » 

C'est  probablement  à  la  suite  de  leurs  marins  que  les  Tagli- 
l)ites  du  Bahrain  ont  remonté  l'Euphrate  et  sont  venus  en  Syrie 
et  en  Mésopotamie  occuper  les  deux  rives  du  ileuve.  Cette  navi- 
gation, fluviale  et  maritime,  a  dû  être  pour  la  tribu  chrétienne 
une  source  de  riehesse  et  d'influence.  Ahtal  y  insiste  avec 
raison.  Garîr  lui  ayant  objecté  que  sa  tribu  <'  ne  possédait  rien 
ni  dans  le  Nagd  ni  dans  lé  Tihâma  », 

—  «  Par  l'église  (2)  !  riposta  le  Taglibite,  nous  avons  l'Iraq 
et  son  fleuve  (3)  où  Ton  voit  la  nef  (4)  fendre  les  ondes. 

(c  Entre  Manbig  et  Gàf  dans  le  'Oman,  tout  nous  appartient  : 
nous  l'emportons  donc  en  richesse  (5)  !  » 


voix,  qui,  placé  à  côté,  ti-ansmettait  et  renforçait  les  paroles  »  (P.  Radiôt).  Les 
ràwia  «  étaient  bien  des  hommes-cylindres  tout  enregistrés  »  {Idem).  Voir  aussi 
Cl.  Huart,  Littéral,  arabe,  50. 

(1)  Vers  102.  Sur  le  Bahrain  actuel  cfr.  Rev.  des  Deux-Mondes,  Ib août  VMS,  891,  etc. 

(2)  Variante  du  niscr.  de  Bagdad. 

(3)  Ou  sa  mer,  le  ternie  "  Ijahr  >■  comportant  les  deux  significations. 

(4)  L'arabe  «  qorqoùr  >•  indique  un  grand  vaisseau  de  transport.  Le  terme 
appartiendrait  principalement  à  l'arabe  de  Mésopotamie.  Cfr.  Fi-aenkel,  op.  cit., 
217. 

(5)  Divan,  307.  Légères  variantes  dans  le  mscr.  de  Bagdad,  pai-  ex.  mamdoùdoûn 
au  lieu  de  moqtâdoûn. 


62  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Wellhausen  (1)  relève  avec  raison  chez  Ahtal  «  la  familiarité 
avec  les  grands  fleuves  et  la  navigation  »,  qu'on  ne  retrouve 
nulle  part  dans  les  chants  des  poètes  de  l'Arabie  propre.  Rien 
de  plus  favorable  en  effet  que  la  position  de  Taglib.  Cette  tribu 
occupait  non  seulement  la  majeure  partie  de  la  rive  mésopota- 
mienne  de  l'Euphrate,  mais  encore  sur  la  rive  syrienne,  dans 
l'ancienne  Parapotainie  (2),  les  bords  du  fleuve  compris  entre 
Manbig  et  Rosàfa  (3)  jusqu'en  face  de  l'embouchure  du  Balîh, 
principalement  la  section  de  l'Euphrate  où,  après  le  coude  de 
Thapsacus  (  l),  le  fleuve  coule  dans  la  direction  du  Sud-Est  pour 
se  rapprocher  du  Tigre.  Si  le  mont  Bisr,  où  eut  lieu  la  dernière 
bataille  entre  Qaisites  et  Taglibites,  correspond  au  Gabal 
Bisrî  (5)  actuel,  identification  infiniment  vraisemblable  (6),  le 
territoire  des  derniers  comprenait  également  la  bande  de  terre, 
longeant  le  fleuve  jusqu'au  delà  de  l'antique  Zenobia  et  non 
loin  de  l'embouchure  du  Chaboras,  dont  la  vallée  abritait  leurs 
meilleurs  établissements  (7).  Une  ingénieuse  conjecture  de 
Yâqoùt  permet  également  d'assigner  comme  habitat  aux  Tagli- 
bitcs  ou  à  leurs  cousins  de  Rabi'a  les  massifs  syriens  des  monts 
Ahass  etSobait(8).  Cela  explique  la  trouvaille  en  ces  régions  de 
la  trilingue  de  Zebed,  l'existence  du  culte  deS.  Sergius(9)etaussi 
pourquoi  Ahfal  a  pu  indiquer  Manbig  comme  limite  septentrio- 


(1)  Deutsche  Litteraturzeit,  1891,  col.  1G39. 

(•2)  Polybo,  V,  48, 16;  GO,  5;  Strabon,  XVI,  c.  ii,  11. 

(3)  Divan  do  Ahtal,  307,  7;  134,  3,  4;  96,  3. 

(4)  D'après  R.  Kiopert,  le  cours  de  l'Euphrate  se  serait  modifié  depuis  l'expc'di- 
dition  du  colonel  anglais  Chesney  (CiV.  Begleitwort,  dans  Von  Oppenheim,  Vom 
Millelmeer  zumpers.  Golf,  II,  408).  Yàqoùt  fait  déjà  la  même  observation  en  j)ar- 
lant  de  la  ville  de  Bàlis  (s.  v.). 

(5)  Voir  la  carte  de  Syrie  de  R.  Kiepert,  accompagnant  rou\rage  du  l)aron 
d'Oppenheim,  Vom  Millelmeer  zum  persischen  Golf. 

(6)  La  même  carte  enregistre  également  au  milieu  de  la  chaîne  de  Bisri  une 
localité  «  Rahoûb  »,  nom  donné  aussi  à  la  bataille  de  Bisr.  Les  indications  topo- 
graphiques s'accordent  donc  à  identifier  l'ancienne  montagne  de  Bisr  avec  le 
moderne  Gabal  Bisri.  Cela  étant,  il  n'est  pas  permis  de  placer  Bisr  «  nicht  weit 
von  Manbig  »  (  Barth,  Divan  de  Qotàmi,  Introd.,  xiv,  note  1). 

(7)  Cfr.  Chantre,  3  et  passim. 

(8)  Voir  Yàqoùt  à  ces  mots  et  Ag.,  IV,  141.  Comp.  llamdàni,  Gazîrat  al-'Arab, 
171,  26;  180,  19.  Ahass  et  Sobait  sont  deux  noms  de  lieu  de  l'Arabie,  appartenant 
aux  Taglilîites.  Il  est  naturel  de  supposer  que  ces  derniers  ont  appliqu*.'  ces 
toponymes  à  deux  montagnes  voisines  dans  le  territoire  occupé  par  eux  en  Syrie. 

(9)  Comp.  le  pseudo-Antonin  martyr  au  sujet  de  Sergiopolis  :  «  Intus  ineremo 
inter  Saracenos  (Taglibites?)  requiescit  S;  Sergius  ». 


UN  POÈTE  ROYAL  A  LA  COUR  DES  OMIADES  DE  DAMAS.    63 

nale  des  possessions  taj^'libites.  L'ancienne  prospérité  de  cette 
partie  de  la  steppe  syrienne,  le  nombre  des  localités  occupant 
sur  tout  ce  parcours  les  deux  rives  de  TEuphrate,  tout  démontre 
rimportance  et  aussi  l'activité  du  transit,  lequel  leur  avait  donné 
naissance  (1).  Il  est  naturel  de  supposer  qu'il  a  dû  profiter  à 
l'entreprenante  tribu,  qui,  maîtresse  des  deux  rives  du  fleuve, 
pouvait  en  fermer  ou  en  ouvrir  la  navigation,  comme  le  font 
encore  de  nos  jours  les  nomades,  Kurdes  ou  Bédouins  (2),  ri- 
verains du  Tigre  et  de  l'Euphrate. 

Cette  situation  explique  les  ménagements  infinis  avec  lesquels 
'Omar  et  les  premiers  califes  omiades  traitèrent  toujours  les 
Banoù  Taglib.  Elle  aide  à  comprendre  la  phrase  de  Tabrîzî  : 
«  Sans  l'apparition  de  l'islam,  Tajilib  aurait  tout  dévoré  (3)  ». 
Au  sujet  de  cette  navigation  de  l'Euphrate,  décrite  par  Aljtal  (4), 
le  manuscrit  de  Bagdad  contient  une  curieuse  explication  (5) 
du  vers  (6)  de  notre  poète  : 

—  «  Elles  (7)  ont  quitté  leur  séjour  sur  des  navires,  qui  leur 
font  fendre  les  flots  soulevés  ». 

Le  scoliaste  y  ajoute  le  commentaire  suivant  :  «  Le  poète  com- 
pare ici  les  chamelles  aux  vaisseaux  parce  que  les  chamelles 
sont  les  vaisseaux  de  la  terre,  sofonou'1-barr  »;  il  cite  un  vers 
de  Doù'r-Romma  :  «  Safînatou  barrin  tahta  l.iaddi  zimàmohà  ». 
Et  continuant  à  exploiter  cette  idée  au  vers  suivant,  le  scoliaste 
explique  le  terme  «  mallàh  »,  marinier,  par  «  gammâl  »,  cha- 
melier. 

Inutile  d'insister  sur  la  méprise  totale  du  commentateur.  La 
longue  description  de  Ahtal,  où  il  est  question  de  bateaux  en 
bois  contre  les  flancs   desquels    l'eau  bruisse,  etc.,  proteste 


(1)  Plusieurs  routes  commerciales  aboutissaient  de  ce  côté  à  l'Euphrate  et 
franchissaient  le  lleuve  aux  points  jadis  occupes  par  les  villes  de  Cœcihana, 
Barbalissus,  Thapsacus,  Callinicon  (Raqqa),  etc.  Cfr.  la  carte  de  R.  Kiepert  et 
l'étude  de  K.  Regling,  Zur  historischen  Géographie  des  mesopotamischen  Paralle- 
logramms  dans  BeUruge  zur  alten  Geschichte,  I,  443  sqq. 

(2)  Cfr.  D.  de  Rivoire,  Les  vrais  Arabes  et  leur  pays,  122,  etc.;  Dûment  d'Urville. 
Histoire  générale  des  Voyages,  IV,  325;  IL  Bindei-,  Au  Kurdistan,  en  Mésopotamv: 
et  en  Perse,  270. 

(3)  Voir  Chantre,  p.  4. 

(4)  Divan  (édit.  Salhani),  52,  53. 

(5)  Manuscrit,  8  verso. 

(6)  Divan,  52,  vers  9. 

(7)  Il  s'agit  de  femmes  taglibites. 


64  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

contre  cette  interprétation  par  trop  détournée.  Mais  aux  exem- 
ples, collectionnés  par  Goldziher  dans  son  article  «  Das  Schiff 
der  Wïiste  »  {ZDMG,  1890,  p.  165)  on  peut  ajouter  Texplication 
de  notre  scoliaste  ainsi  que  le  vers  de  DoûY-Romma,  par  lui 
allégué.  A  notre  connaissance  du  moins,  on  ne  les  a  pas  encore 
cités  parmi  les  rares  spécimens,  conservés  dans  la  langue  litté- 
raire (1),  de  la  locution  «  safinat  al-barr,  le  vaisseau  de  la  terre 
ferme  »,  dont  on  a  fait,  dans  nos  littératures  occidentales,  «  le 
vaisseau  du  désert  ».  Cette  dernière  expression,  devenue  banale  à 
force  d'être  répétée,  se  rencontre,  je  crois,  pour  la  première  fois 
sous  une  plume  européenne  dans  les  Voyages  de  Chardin  (2)  : 
«  Les  Orientaux  appellent  le  chameau  navire  de  terre,  en  vue 
de  la  grande  charge  qu'il  porte  et  qui  est  d'ordinaire  de  douze  ou 
treize  cents  livres  pour  les  grands  cliameaux  (;]).  »  C'est  là  que 
Buffon  est  allé  la  chercher.  La  citation  de  Chardin  se  trouve  en 
note,  p.  303,  t.  XV,  des  œuvres  de  Buffon  (édition  d'Eymery, 
1829);  d'où  elle  a  sans  doute  passé  dans  la  littérature  «  touriste  », 
si  friande  d'expressions  pittoresques,  dont  elle  ignore  trop  sou- 
vent l'origine  et  la  signification  exactes. 

Université  do  Bojrouth,  2  fôvrici-  1003. 

H.  Lammens. 


(1)  Comparez  aussi  Ta'àlibi  clans  ZDMG,  VII,  541. 

(2)  II,  27. 

(3)  On  aui-ait  pu  trouver  une  explication  plus  juste.  Voir  l'article  do  Goldzihei', 
ZDMG,  1890,  p.  165. 


LA  FORME  CONSECRATOIRE 

DU 

SACREMENT  DE  L'ORDRE 

DANS  L'ÉGLISE  GRECQUE 

d'après    un    manuscrit    du   XII    SIÈCLE 
(Bibliothèquo  du  Saint  Sôpulcro  ms.  519.) 


Dans  rÉii'lise  latine  et  dans  l'Ég'lise  grecque  il  n'y  a  pas  de 
difticulté  en  pratique  pour  la  collati(.tn  des  ordres  majeurs.  Mais 
au  point  de  vue  spéculatif,  quand  il  s'agit  de  déterminer 
ontologiquement  la  matière  et  la  forme  essentielle  du  diaconat 
et  de  la  prêtrise,  on  est  alors  en  présence  de  multiples  opinions. 

Ainsi  pour  beaucoup  de  théologiens,  comme  Billuart, 
Gury,  etc.,  la  forme  du  diaconat  dans  l'Église  latine  est  :  «  Ac- 
cipe  Spiritum  sanctum  ad  robur,  ad  resistendum  diabolo  et 
tentationibus  ejus  ».  D'autres,  comme  Lehmkuhl,  Tanquerey 
joignent  à  cette  forme  la  suivante:  «  Accipe  potestatem  legendi 
Evangelium  in  ecclesia  Dei  tain  piv>  vivis  quam  pro  defunctis.  » 
Mais  d'autres  auteurs  qui  ont  joint  à  la  méthode  scolastique 
plus  de  théologie  positive,  ont  une  autre  opinion.  Ainsi  le 
P.  Christian  Pesch  (1)  dit  expressément  :  «  Verba  «  Accipe  Spi- 
ritum sanctum  »  neque  sunt  forma,  neque  quicque  refert 
quoad  valorem  ordinationis,  etiamsi  omittantur  ».  C'est  aussi 
le  sentiment  du  P.  L.  Billot  (2)  :  «  Verum  verba  quae  tune  epi- 
scopus  profert  «  Accipe  Spiritum  sanctum  ad  robur  et  ad  resi- 
stendum diabolo  etc.  »  non  videntur  habenda  tanquam  forma 


(1)  Prselecliones  doi/mcUicse,  tom.  YII,  n.  013. 
(•2)  De  Eccl.  Savramenlis,  toni.  II,  279. 

ORIENT   CHRÉTIEN. 


66  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

essentialis,  cum  in  eis  niliil  expressum  inveiiiatur  quod  perti- 
neat  ad  collationem  potestatis  ministerii,  et  ad  proprium  ac 
distinctivum  ordinationis  effectiis.  Ergo  rursiis...  impositio 
liianiis  est  inateria  inadœquata  tantiim  qua3  postea  conipletur 
per  traditionem  libri  EA'angeliorum,  additis  tune  verbis  formai  : 
«  Aecipe  potestatem  legendi  Evangelium,  ete.  >^ 

Dans  ses  De  antiquis  Eccl.  rit.,  Dom  Martène  adopte  la  même 
conelusion.  Pour  lui  !'«  Accip'e  Spiritum  sanetum  »  n'existe 
nulle  part aAant  le  xii°  siècle. 

Il  en  est  de  même  pour  la  matière  du  diaconat  :  les  uns  veu- 
lent qu'il  n'y  ait  qu'une  matière  :  l'imposition  de  la  main,  seul 
rit  mentionné  dans  la  Sainte  Écriture.  Les  autres  veulent  qu'il 
y  ait  avec  cette  imposition,  la  poi-reetion  des  instruments. 


Pour  la  prêtrise,  les  opiniuns  sont  aussi  variées.  La  matière 
très  probablement  est  la  seule  imposition  de  la  main,  comme 
dans  notre  rit  grec.  A  notre  humble  avis,  il  faudrait  renoncer 
à  chercher  la  forme  de  la  prêtrise  dans  la  prière  :  «  Oremus 
fratres  »  qui  correspond  à  notre  formule  grecque  :  'H  H-J.y.  yâ- 
ptç...  cù;w[j.£6a  cuv  ûzÈp  ajTou...,  formule  qui  a  été  prise  aussi 
pour  la  forme  de  l'ordre,  mais  qui  (nous  allons  le  prouver)  n'est 
qu'une  prière  déclaratoire,  affirmant  l'existeni-e  de  l'élection 
divine  et  une  invitation  à  prier  pour  Tordinand. 


Si  nous  avons  rappelé  ces  discussions,  c'est  pour  dire  que 
dans  le  rit  grec  aussi,  la  question  est  sujette  à  beaucoup  de 
controverses.  Nous  allons  traiter  la  question  d'après  un  ms. 
grec  du  xii''  siècle.  Ainsi  nous  avons  l'honneur  de  présenter  au 
pul)lic  de  l'inédit,  qui  est  toujours  bien  accueilli  et  qui  est  une 
récompense  et  une  consolation  dans  notre  travail. 

Nous  décrirons  soimnairement  le  ms.  et  nous  tâcherons  d'en 
déduire  un  argument  qui  prouve  que  la  prière  «  'Il  ©sia  y<xç>iz  », 
parallèle  à  la  formule  latine  «  Oremus  fratres  »,  n'est  la  forme 
ni  du  diaconat,  ni  du  presbyterat,  ni  de  l'épiscopat. 

Dans  cette  étude  nous  chercherons  uniquement  à  voir  ce  que 


LA    FORME    CONSÉCRATOIRE    DU    SACREMENT    DE    l'oRDRE.         67 

dit  le  ms.  lui-même,  mettant  notre  esprit  en  équation  avec  la 
mérité  objective  qu'il  enseigne.  A  tout  prix  nous  voulons  éviter 
ce  subjectivisme  de  certains  auteurs  qui  torturent  les  textes, 
pour  les  plier  aux  exig'ences  de  leurs  idées  préconçues. 


Conunençons  par  décrire  brièvement  ce  précieux  ms.  Il  ap- 
partient à  la  bibliothèque  de  la  communauté  hellène  du  Saint- 
Sépulcre  à  Jérusalem.  C'est  un  rouleau  (ûk-q-ô^)  en  parchemin 
qui  a  0,22  centimètres  de  largeur  sur  S'", 20  de  longueur.  Il  est 
opisthographe,  s-ijOÔYpa^o;,  c'est-à-dire  écrit  des  deux  côtés. 
Les  lignes  sont  tracées  avec  un  poinçon  en  métal  au-dessus  de 
l'écriture.  Les  caractères  appartiennent  à  la  minuscule  nouvelle, 
où  l'on  distingue  des  initiales  chrysographiées  et  ornées,  qui 
font  complètement  saillies  dans  la  marge. 

Il  contient  les  rits  d'ordination  du  lecteur  et  du  chantre,  du 
sous-diacre,  du  diacre,  du  prêtre  et  de  l'évêque  avec  d'autres 
prières  liturgiques.  M.  Papadopoulos  Kerameus  en  a  donné  la 
description  dans  sa  'lepo!7oXDi).i-i7.r,  ^lèKlo^^/.r^,  Toi^,.  I,  àp.  519. 

On  peut  voir  dans  l'Euchologe  de  Rome.  p.  131  à  131,  le  rit 
d'ordination  du  diacre.  VAmi  du  Clergé  Ta  décrit  tout  au  long 
dans  le  tome  21,  année  1899,  p.  611  et  sq.  M.  Léon  Clugnet  et 
M.  le  chanoine  Dubois  ont  traduit  ces  prières  en  français,  dans 
une  l)rochure  intitulée  «  L'ordination  dans  l'Église  grecque  (1). 

Il  n'est  pas  besoin  de  rapporter  ici  l'ensemble  de  cette  ordi- 
nation. Qu'il  nous  suffise  de  citer  les  trois  prières  que  le  pontife 
prononce  sur  la  tête  de  l'ordinand,  pour  voir  quelle  est  des  trois 
la  forme  essentielle  du  diaconat. 

Voici  la  première  que  l'évêque  dit,  de  nos  jours,  avec  l'im- 
position de  main,  ysipoôsafa,  quand  on  lui  présente  l'ordinand  : 

«  'H  Bzix  yàpi^  q  TavTO-s  xà  àcrÔEV^  Ospa-îûiuja,  y.xl  'x  iXXsi'irovTa 
àva-Ar,pouja,  r.pzyzipiZt-xi  (tbv  âsîva)  tôv  £'jAa5s7-:aT0v  û-:2iay.:v5v, 
eiq  Aiiy.svîv,  cj^o')[;,£Oa  cùv  ij-ïp  xjTOîi,  ïva  sAQ-r,  sz'  ajTbv  r,  yip'.^  toù 

«  La  grâce  divine ,  qui  guérit  toujours  les  infirmités  et  para- 


(1)  Cf.  aussi  :  Gasparri,  Traclatus  canonicm  de  sacra  ordinalione,  p.  2-29.    — 
Denzigor,  Rllm  orienlalium...  in  administratione  sacvamenlorioii,  passim. 


68  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

chève  les  imparfaits,  élève  le  très  pieux  sous-diacre  (un  tel)  à 
Tordre  de  diacre.  Prions  donc  pour  lui,  afin  que  la  grâce  de 
TEsprit  très  saint  descende  sur  lui.  » 
La  2"  prière  est  dite  aussi  avec  imposition  de  main  : 

«  Kûpie  5  0£bç  r^\)MV,  o  tt^  T:pcyyMGZi  -f,  afi  t"/;v  t;j  'Aytiu  cou 
nvî'j[J.aTC?  yop'qyia'f  '/,y.-a.7:i[J.TA)ri  ït:\  tcjç  (ôpto-i^-svcuç  ùzb  ty;ç  a^ç 
àve^iy^vuîTC'j  ouvà[;,îu)ç,  AîiTOupYOÙ^  Y£v£(76ai,  y.ai  £^u-*/;pcTîîa6at  tcTç 
à^pâvrciç  CCI)  [ji,u7i:Y;pioiç"  aÙTOç,  AsaTroxa,  xai  toutov,  ov  £jB6x*/]aaç 
Trpc'/îipitjft'^vai  "^ap'  è[;.oj  s'.ç  t*/;v  -:y;ç  Siay.oviaç  AeiTOupYÎav,  èv  Tiâtry; 
QZ\j.^b-rf~i  5iarf(P"/;(72v.  ïyz^'x  -o  [auari^piov  tyJç  TritjTSWç  èv  xa9ap5 
o-uvsior^asi"  o(op-r;7at,  oè  aÙTO)  T-r;v  "/apiv ,  -l^v  Èowpr^o-w  — TEçàvw  tw 
TLpiji-o\J.'xp~upi  cou,  iv  y.a:  iy.aAsaa;  Trpw-cv  eîç  to  spvîv  t"^ç  cta/.cviaç 
cou'  xa\  7.aTa^io)(70v  «Ùtov  '/.a-rà  to  (jcI  sùâpsdTCV,  c'.xovoixy;G-ai  tsv  Tzapcn, 
■zf^q  tj-qç,  à^( cx.fi b~.-qxzç,  oè  owp'^'j.iVov  aù-w  ^aG[J.bv'  oî  Yap  xaXwç  cta- 
/.ovfjCravTcÇ,  ;3a0iJ.bv  éauTOî?    xaAbv   TTîpi-oiouvtat.   y.al  léAsicv    àvàosi^ov 

OOUAÔV    (70U. 

«  "Oti  cou  àaiiv  •/;  (âaaiAsia,  xaî  r,  C'jvaij.iç,  y.al  •/;  oo^a,  -zoï)  IlccTpiç, 
xal  Toy  Yloj,  y.aî  tou  àYicu  llvî'j;j.aTvÇ,  vjv  y,x\  oczl  7.y.l  elq  toù»;  aîwvaç 
Twv  alwvojv.    A[;.-riv.    » 

«  0  Seigneur,  notre  Dieu,  vous  qui,  dans  votre  prescience, 
envoyez  l'abondance  de  votre  Esprit  saint  sur  ceux  que  votre 
puissance  inaccessible  a  désignés  pour  être  vos  ministres  et 
servir  vos  saints  mystères;  vous-même.  Seigneur,  conservez 
dans  toute  sainteté  celui  que  vous  avez  daigné  faire  élever  par 
moi  au  ministère  du  diaconat;  qu'il  ait  le  mystère  de  la  foi 
dans  une  conscience  pure;  donnez-lui  la  grâce  accordée  par 
vous,  à  votre  premier  martyr  Etienne,  que  vous  avez  appelé 
le  premier  au  ministère  du  diaconat.  Rendez-le  digne  de  rem- 
plir, selon  votre  bon  plaisir,  Toffice  que  votre  bonté  lui  a  donné  : 
car  ceux  qui  remplissent  bien  l'office  de  diacre,  se  procurent  à 
eux-mêmes  une  dignité  honorable,  et  montrez  votre  serviteur 
parfait.  Car  à  vous  appartiennent  la  royauté,  la  puissance  et  la 
gloire.  Père,  Fils  et  Saint-Esprit,  maintenant,  toujours  et  dans 
les  siècles  des  siècles.  Amen.  » 

Suivent  ensuite  des  Elp-çn%i,  c.-à-d.  des  prières  pour  l'Église, 
le  pontife,  l'ordinand,  etc.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  cette  de- 
mande : 

«  'Yxào  TCîj  coÛAO'j  Tcy  0cou  (tcO  csïvcç)  tou  v'jvi  ::  po  y^îtpuc- 
(xévou  oiaxôvou,   7.3.1  t^ç  GMvqpixq  œjioXt  -:cii  Kuptou  cr/;Ow;j.îv.   y 


LA    FORME    CONSÉCRATOIRE    DU    SACREMENT    UE    l'oRDRE.         G9 

«  Pour  le  serviteur  de  Dieu,  N.,  qui  est  maintenant  élevé  au 
diaconat  et  pour  son  salut,  prions  le  Seigneur.  » 

Faisons  remarquer  aussitôt,  pour  ne  pas  avoir  à  y  revenir, 
que  le  grec  emploie  un  temps  présent  :  «  Tcu  vuv'.  r.pcyv.pi'^o- 
[j.v/zj  c'.a-/.iv:u,  qui  est  maintenant  élevé  au  diaconat  ». 

Le  temps  présent,  en  grec,  signifie  une  action  ou  un  état 
commencé  maintenant,  considéré  dans  sa  durée,  disent  les 
grammairiens,  alors  que  l'opération  est  commencée  mais  non 
terminée;  le  participe  présent  signifie  la  même  chose  mais 
dépendamment  du  verbe  principal.  Le  sens  de  notre  texte  est 
donc  celui-ci  :  Prions  pour  un  tel  qui  maintenant  est  en  train 
d'être  ordonné  diacre,  mais  qui  ne  l'est  pas  encore  complète- 
ment. Il  va  recevoir  la  plénitude  de  l'ordre  de  diacre  par  l'acte 
qui  s'accomplit  et  qui  va  finir. 

Enfin  la  troisième  prière  dite  avec  imposition  de  main  est 
celle-ci  : 

«  '0  Qtbq  b  ^^i)^:^^^p  -riiJ.wv,  6  ty]  àsOâpTw  gsu  owvrj  Tcf.;  'A-CTTiXsi? 
GZ'j  f^m-'.Gxq  Tcv  -f,:;  oiay.îvia.;  vi;j.cv,  v.x'.  tsv  T:pij)-o[J.xp-:'jpoi  — TÉsa- 
vcv  Ti'.ojTCv  àvas£Ô^aç,  "/.al  TrpwTiv  xl>-zv  ■/.r^pjÇy.z  Tb  -zXt  Ai:z/.ivo;j 
-\T,pzjy-y.  spYOv,  /.aOw?  Y-V?^~~^'  ^'^  "'T*  EùavYsXwo  az'j'  cc-iq  Ôéaei 
iv  'j;j.tv  s'.vat,  Towto^,  ïjTto  û;j.ojv  ziiv.zyz:'  — 'j  XijTZZ-oc  xu)v  à-âv- 
tiov.  7.y.i  -zv  oîjXÔv  az'j  t:ut:v.  cv  y. aT-r;  ç{w7aç  Tr, v  toj 
A'.ay.ivc'j  it-z'.-JiKfizXv  Kzi'zjpyix'i .  TA-/;po)a'CV  7:y.7r,:  r.!.- 
c  T  £  (0  ç  ,  y,  a  i  à  y  a  t:  r,  ç  y.  aï  o  j  v  i  ;j.  s  o)  ç  y.  a  '.  à  y  '•  a  j  ;j.  c  5  ,  t  r,  s  z  i  s  c  i  - 
-r^aii  TCJ  àvr'o'j  y.  ai  ^wcttc'.cj  cz'j  llv  sj  [xaTS  ;  '  cù  yàp  iv  t'^ 
ïr.ùiuv.  T(ov  à[j,wv  yiipd^t'  oCkk  èv  t^  àziTy.î--^  twv  zAï'JT^tov  aou 
oly.-:r.p[j.wv,  oisiTai  X^?^'  "^^?  à;(si«  usu,  ïva  xai  ob-zq,  'izôncr^q  OL\J.'xp- 
~iy.z,  ày.TC;;  ysvit^.svoç,  iv  ty)  ©cêspa  "/nJ-spa  -■^ç  y.picôw-  aou,  à[j.£[;.- 
-TO);  azi  -apac:-?;,  y.x:  -bv  [^.iTObv  "liv  à;i.â'J>£ua"::v  -y;-  c-^ç  £7:aYV£A^a^ 
'/.z\).iTr-.y.i'  Il]j  Y^p  si  5  0£s^  r,[J.a)V,  y.al  c:*  ty;v  oi;av  àva-i[;.-csj.£v, 
To)  Ila-rpf.  y.a',  TO)  Tûo  y.a',  tw  (ZY'.';)  nVc'j[j,aTt,  vuv.  y.ai  y.i\  y.a'i  £'.:;  tcjç 
aîwva^   Twv   aîojvojv.  » 

«  0  Dieu,  notre  Sauveur,  vous,  qui  par  votre  voix  immortelle 
avez  prescrit  à  vos  Apôtres  la  loi  du  ministère  et  l'avez  mon- 
trée dans  votre  premier  martyr  Etienne,  à  qui  vous  avez  ins- 
piré le  premier  de  remplir  l'office  de  diacre,  selon  ce  qui  est 
écrit  dans  votre  saint  Évangile  :  «  Celui  qui  veut  être  parmi 
vous  le  premier,  qu'il  soit  votre  serviteur  »  ;  vous,  Seigneur 
de  toutes  choses,  remplissez  votre  serviteur  N...  que  vous 


70  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

avez  jugé  digne  de  s'engager  dans  le  niinistère  du  diaconat, 
remplissez-le  de  toute  foi,  de  charité,  de  force  et  de  sainteté 
par  la  venue  de  votre  Esprit  saint  et  vivifiant.  Car  ce  n'est 
pas  par  l'imposition  de  mes  mains,  mais  par  la  visite  de  vos 
riches  miséricordes,  cjne  la  grâce  est  donnée  à  ceux  qui  sont 
dignes  de  vous;  afin  que  ce  sujet,  devenant  exempt  de  toute 
faute,  paraisse  devant  vous  sans  reproche,  au  jour  du  Jugement, 
et  reçoive  la  fidèle  récompense  que  vous  avez  promise.  Car 
c'est  vous  qui  êtes  notre  Dieu  et  à  vous  nous  rapportons  la 
gloire,  ô  Père,  ô  Fils,  ô  Saint-Esprit,  maintenant,  toujours  et 
dans  les  siècles  des  siècles.  » 


Or  dans  laquelle  de  ces  trois  prières  faut-il  voir  la  forme  du 
diaconat?  Est-ce  dans  la  formule  «  'H  Ôsia  -/âpi;  »?  Plusieurs 
l'ont  pensé  et  de  nos  jours  presque  tout  le  monde  le  croit. 

Nos  frères  séparés  semblent  l'admettre  à  en  juger  par  les 
termes  du  manuel  de  théologie  de  M^'"  Macaire,  le  plus  suivi. 
Dans  le  volume  qui  traite  des  sacrements,  p.  3(l0,  on  lit  en  effet 

ces  mots  :  «  Ot  OL^yxloi  $!,câ77.aX:t,  -f^q  v/.yX-qGix:  [j,v/;[j,ovsuou(ji  TSpi 
T^ç  xpccsuy^-^ç  -f^z  ^stpoTCv'aç  zi  •/;;  èyivîto  y;  Ï7:'.-/.Kr,7i:  -cj  Avij'j 
T[vtù\).x-oq  ïo  £v  È^îvcTC  y;  k~(()zG'.q  twv  ytipor/.  'H  xj-'r,  î'J'/''i  -'•" 
vai  £v  ypif^t'.  'Myp'-  cr^j/spcv  iv  -f,  ip6coi;(.)  'E/,-/,A-/;!jt:c,  :tov'  «  'H 
Szioc.  yxpi:  v..   -.   A.  » 

«  Les  anciens  maîtres  ecclésiastiques  mentionnent  la  prière 
de  l'ordination  par  laquelle  a  lieu  l'invocation  de  l'Esprit-Saint 
sur  le  sujet  auquel  on  imposait  la  main.  Cette  même  prière  est 
en  usage  jusqu'à  nos  jours  dans  l'Église  orthodoxe,  ainsi  con- 
çue :  «  La  grâce  divine,  etc.  » 

Nous  avons  même  interrogé  plusieurs  professeurs  compé- 
tents. Ils  ont  affirmé  que  c'est  la  prière  «  'II  0s(a  yxpi;...  »  qu'ils 
regardent  comme  forme. 

De  même  Y  Ami  du  Clergé  (I)  dit  que  cette  même  formule 
est  «  reii-ardée  comme  étant  la  forme  du  sacrement  »  de  l'ordre. 


(1)  Année  1899,  p.  01 1. 


LA    FORME    COXSÉCRATOIRE    DU    SACREMENT    DE    l'ORDRE.        71 

Si  nous  faisons  un  mouvement  régressif,  nous  trouvons  la 
même  doctrine  dans  Gabriel  de  Pliiladelpiiie,  cité  par  Goar  (1)  : 

Cîwç   tcj    xpy'.zZÎM-   ï-\   Tcv   -/£',p;-svcj;x5vcv    v.y!.-tpyz[J.vrr,,    v.xl  téÀsicv 

xli-ly  T.ciz'jzx.  La  forme  de  l'ordination  est  la  grâce  divine  qui 
par  rimposition  de  la  main  du  pontife,  descend  sur  Tordinand 
et  le  rend  parfait.  » 

Dans  son  De  Conrordia  (2),  Arcudius  réfute  avec  esprit 
l'archevêque  de  Philadelphie.  «  Miror,  dit-il,  quomodo  non 
dixerit  baptismi  formam  esse  divinam  gratiam  et  hac  ratione 
una  eritet  eadem  omnium  sacramentorum  forma.  Nam  in  om- 
nibus divina  Gratia  in  eos  descendit,  qui  ea  suscipiunt.  :» 

Cependant  Goar,  qui  admet  que  la  prière  r,  f)zi-j.  yy-^^-z  est  forme 
du  sacrement,  réprouve  l'argumentation  d'Arcudius.  .Alais,  à 
rencontre  du  célèbre  dominicain,  nous  croyons  qu'Arcudius  a 
raison  :  le  ms.  que  nous  citerons  plus  loin  le  prouvera. 

Siméon,  archevêque  de  Thessalonique,  est  encore  pour  la 
prière  :  «  La  grâce  divine...  »  «  "A[;.a  oè  tw  aôyw  (-^j  ôsîa  -/âpiç)  /.ai 

TS  •/âp'.7;j.a  oîsoTai"  cjoè  73:^  '/pivio  ty;  7:3:vT0Cuvxtj.(p  y.al  ajTC-rsAîi  cuvâ- 
[J.51.  —  «  E'.ç  oiây.cviv  »  Vt  v.-uyi  '/.'A  tb  /âpi7|J.a  oîowtiv.  Kai  h  ytipz'Z- 

«  La  grâce  est  donnée  en  même  temps  que  la  prière  (la  grâce 
divine);  car  il  n'est  pas  besoin  de  temps  à  la  puissance  omni- 
potente et  absolue.  Quand  il  a  dit  :  «  Au  rang  de  diacre  »,  la 
grâce  est  donnée.  L'ordinand  a  reçu  aussitôt  le  diaconat,  par 
l'effet  de  la  parole  du  pontife  (3).  » 

Mais  si  le  savant  archevêque  de  Thessalonique,  qui  vivait  â 
la  fin  du  xiv^  siècle,  avait  connu  notre  ms.  du  xii''  siècle,  il 
n'aurait  pas  admis,  comme  forme  du  sacrement,  la  prière  y;  Htiy. 
yipi:. 

En  effet  de  ce  ms.  il  ressort  clairement  que  cette  prière, 
identique  à  Va  Oremus  fratres  charissimi  »  du  rite  latin,  est, 
comme  elle,  une  simple  proclamation  invitant  le  peuple  à 
prier  pour  Vordinand.     > 

On  en  jugera  par  les  termes  du  manuscrit  lui-même. 

(1)  p.  259. 

(•2)  Lib.  VI,  cap.  8,  De  Concordla  ecclesuv  occld.  et  orlenl.  in  sepleiu  sacram.  ad- 
ininistratione. 
(3)  Migne,  Pat.  Gr.,  t.  CLY,  col.  377. 


72  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

«  Tâ^iç  yivoiJ.hr,  ir.l  yiipc-ovix  ct.-z/.ovcj.  Mstoc  to  ycna^on.  t"J;v  àyiav 
àvasopàv  xai  Tiç  6upa?  àvoiY"'/'''^^  ''■^^  "2'''  ^py^-pix  èy.çojv^aai  t:'  xal 
è'(j-a!,  Ta  èA£-/]...,  ~plv  zlr.ziy  tsv  oixy.ovcv  tÔ'  zavTOJV  twv  «7(0)7...,  0  [j.£A- 
Xwv  -/etpc-svcTo-Ôai  TupcoraY^'^jt,  u-b  tcj  àpyioix/.zvoo,  r,  y.al  STSpou  Tivbç 
Ttov  ciay.ivwv,  t^  Upa  Tpa-s^-/;,  y.arà  to  îsçibv  tcîj  àp^^tspéwç  yApoç.  0 
oè  )^ap-cçûXa^,  ày.  -zX>  àpts-rspcj,  c'3wst  to)  àp'/ispsï  yâ.p~r{y  cy^pascv, 
y.al  iy.a/ojvojvTOç  aÙTCu  ~oXt  yy.p-Z'yj\y.7.zz,  r^  y.'A  toîj  àp/iciay.èvou,  ~h' 
TzpôaymiJ.ey,  àvaYiY'^way.si  -uà  -{zypX'^.iJ.v^y.  b  àp^/'.spsjç,  sic  èr-f^y.oov  twv 
TCep't  aÙTw,  £)jovTa  cutwç'    H  Szix  yjxp'.:  '/■■  t.  a. 

«  Koc'i  ■;:3tv-())v  AS';ivTO)v  iy.  y'  "^  Kjpie  £AÉr,!TCv,  c  y£ipo-cviJ;j.îvo^ 
y.A(v£i  TO  o£^tbv  Y^v'J  "/.a't  0  àpyi£p£'jç,  7::twv  £7:1  t^^  y.coaX-^v;  ajTcy  Tp£tç 
a-aupo'jç,  y.aî  £yo)V  £7:iX£i[J-£v/;v  ajTCj  r/jv  yEipa,  E'jyîtar,  cjtwç'  Kjpi£  ô 
0£bç  rj[J.ojv,  c  Tï5  7: pz\'v (jia t'.  -:f^  gyj,  »,  etc. 

Puis,  après  les  ép-q^i-Ai,  le  ms.  ajoute  :  «  Ky.l  t;jt:j  A£YO[j.£voy  0 

àpy_i£p£'jç  l'ywv  côffaÛTO)^  tyj  tcl)  y£i,poTCVGU[AiVSD  xopuçY]  T'/(V  ytXpx 
i7:!,y.£y.sr.[X£V*^v  £"jy£-ai  cjtwç'     0   0£bç  c  ZI())T-J;p  y;[j.wv.    » 

«  Après  la  sainte  anaphora.  quand  les  portes  (saintes)  ont  été 
fermées  et  que  le  pontife  a  dit  :  Ky.\  li-.yi.-y  ï\ir^y  etc.,  avant  que 
le  diacre  ait  dit  :  llâvTcov  twv  «y^ov,  le  futur  ordinand  est  conduit 
à  Tautel,  à  droite  du  pontife,  par  l'archidiacre  ou  par  un  autre 
des  diacres.  Le  chartopliylax,  à  gauche,  donne  au  pontife  une 
feuille  écrite.  Puis,  quand  le  chartophylax  a  dit  :  Ilpct7y(o;x£v, 
le  pontife  lit  ce  qui  est  écrit,  de  manière  à  être  entendu  de 
tout  son  entourage,  et  qui  est  conçu  en  ces  termes  :  La  grâce 

divine,  etc.  (àvaY^Y'^*'*^"''--^  "^  ';i';  px[J.[J.iy  y...  ïyz^'x  cjto).;' 
'H  Oôia  yapiç,  etc.). 

«  Quand  tous  disent  trois  fois  KJp'.££A£r,jov,  l'ordinand  fléchit 
le  genou  droit.  Le  pontife  fait  trois  signes  de  croix  sur  sa  tête 
et  dit  cette  prière,  en  lui  imposant  la  main  :  Seigneur  notre 
Dieu,  vous  qui  dans  votre  prescience,  etc. 

«  Pendant  les  £'.py;viy.a,  le  pontife  ayant  pareillement  la  main 
imposée  sur  la  tête  de  l'ordinand  prie  ainsi  :  0  Dieu,  notre  Sau- 
veur, etc.  » 


On  voit  dans  ce  texte  non  seulement  que  la  prière  r,  %-J.y.  yapiç, 
où  Ton  veut  voir  la  forme  du  diaconat  et  du  sacerdoce,  est  dite 
.par  le  pontife  sans  imposition  de  main,  mais  aussi  que  pendant 


LA    FORME    COXSÉCRATOIRE    DU    SACREMENT    DE    l'ûRDRE.        73 

ce  temps  Tordinand  est  debout  et  ne  fait  aucune  cérémonie  in- 
diquant qu'il  est  en  train  d'être  ordonné. 

Mais  aux  prières  suivantes,  Tévêque  lui  imposera  la  main. 
L'ordinand  est  agenouillé  du  genou  droit  et  la  nature  des  céré- 
monies montre  qu'un  grand  acte  s'accomplit.  En  conséquence, 
il  nous  semble  qu'on  peut  faire  ce  raisonnement  :  La  forme  du 
sacrement  de  l'ordre  doit  être  unie  à  la  matière  et  l'acte  accom- 
pli par  le  pontife  doit  constituer  un  signe  sensible  de  la  grâce 
donnée.  Or,  d'après  notre  manuscrit  du  xii"  siècle,  la  prière  -r; 
0SU  -/âpiç  n'est  pas  accompagnée  de  l'imposition  de  la  main ,  ma- 
tière du  sacrement;  et  l'acte  accompli  par  le  pontife  ne  consti- 
tue pas  un  signe  sensible  de  la  grâce  donnée.  Elle  n'est  donc 
pas  la  forme  du  sacrement  de  l'ordre. 

Cette  conclusion  est  vraie  au  moins  pour  le  xii''  siècle.  Mais,  à 
partir  de  cette  époque,  la  prière  r,  Qv.y.  yipiq  serait-elle  devenue 
forme  du  sacrement,  et  les  deux  autres  formules  auraient-elles 
perdu  leur  force?  Nous  ne  le  pensons  pas.  Sans  doute  l'Église, 
d'après  une  école  aujourd'hui  nombreuse  et  presque  univer- 
selle, a  le  pouvoir  de  déterminer  iii  iiuUviduo  les  formes  et 
les  matières  des  sacrements  laissées  indéterminées  par  Notre- 
Seigneur;  mais  rien  ne  prouve  ici  qu'elle  ait  remplacé  une 
forme  par  une  autre. 

A  notre  humble  avis,  il  est  arrivé  insensiblement,  dans  notre 
Église  grecque,  qu'au  lieu  d'attendre  le  pontife  finir  la  procla- 
mation «  y;  Qi'.y.  yipi;  ».  l'ordinand  se  hâta  de  s'agenouiller.  Le 
pontife  le  voyant  ainsi  prosterné  lui  imposa  la  main,  comme  si 
la  prière  y;  0.  7.  était  la  forme  du  sacrement. 

Peut-être  peut-on  fixer  au  xiv°  siècle  cette  transition,  car  Si- 
méun  de  Thessalonique,  qui  vivait  à  la  fin  du  xiv^  siècle,  admet 
comme  forme  la  prière  r,  (-).  7. 

Y  a-t-il  quelque  hardiesse  à  émettre  une  pareille  hypothèse? 
Nullement.  Guar,  en  effet,  cite  d'autres  mss.  de  la  Biblio- 
thèque royale  (L)  de  Paris,  de  la  bibliothèque  Barberini,  de  celle 
du  monastère  de  Grotta  Ferrata  du  cardinal  Bessarion,  tous 
identiques  quant  au  sens  et  absolument  parallèles  à  notre  ms. 
du  Saint-Sépulcre. 

Voici  la  teneur  du  ms.  du  fonds  Barl»erini,-  qui  aurait  dû, 

(1)  Aujourd'lmi  nationale 


74  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

comme  les  autres  similaires,  attirer  davantage  rattention  des 
théologiens  (1). 

7:ph    î'.'ireTv    tbv   otx/.svcv*    zâvxwv   twv   à^ttiiv    [Ji.vr([J.vV£'J(7av-£ç,    7:pocâ- 
vîTai  5    ;j.£AAo)v  -/îtpoTCVETaôa',   otây.ovcç  tw  àpyieTTiay.ô'Trw  /.al  [j.£-à  to 

î'.ZSÎV'       H    Gsia    yxpiç'     YCVJ-/,AIT£Î    O     '/£lpOTOVO'J[Jl,£VGÇ    xa'i    tcoiwv 

TpôTç    cTaupiù?   5    7.p'/ii7:'.'j'/.z~oq    i-\    t'/;v    z,£Ç'aA'/;v    ajTOJ,    /.al    è-iOsiç 
a'JTw  T-i;v  X-\^^  £~£J"/£Ta',  cjto);'  K'jp'.£  ô  Ocbç  -/jij.ojv  (2).   » 

Ici,  comme  dans  le  ms.  du  Saint-Sépulcre,  la  proclamation 
i,  6.  y.  est  prononcée  sans  imposition  de  main  et  sans  que  l'or- 
dinand  se  mette  à  genoux  pour  montrer  qu'un  grand  acte 
s'accomplit.  Sans  doute  dans  le  sacrement  de  l'ordre  l'union 
morale  de  la  matière  et  de  la  forme  suffit;  mais  ici  V imposi- 
tion de  la  main  se  rapporte  à  ce  qui  suit,  non  à  ce  qui  précède, 
comme  il  appert  du  texte  même  de  la  rubrique  des  diffé- 
rents mss.  On  peut  voir  dans  Denziger  i2),  comme  confirmatur 
à  notre  thèse,  que  les  autres  rites  orientaux  ont  cette  prière  : 
ce  sont  les  Maronites,  les  Syriens,  les  Coptes  et  les  Nesto- 
riens,  etc.  Or,  chez  les  Syriens  et  chez  les  Coptes,  la  formule 
qui  correspond  à  i^  Qiix  yip^.:,  non  seulement  n'est  pas  dite 
avec  imposition  de  main,  mais  encore  elle  est  proférée  par 
l'archidiacre,  non  par  Tévèque. 

Nous  pouvons  donc  conclure  que  la  prière  •/;  0.  -/.  n'est  pas  la 
forme  du  diaconat.  Par  conséquent  valide  est  l'ordination  où 
elle  serait  omise  avec  l'imposition  de  main  qui  l'accompagne 
de  nos  jours. 


Mais  si  la  prière  -q  0.  y.  n'est  pas  la  forme  du  diaconat,  serait- 
elle  celle  de  la  prêtrise"?  A  priori,  par  analogie  avec  les  prières 
du  diaconat,  il  y  a  déjà  présomption  qu'elle  ne  l'est  pas,  attendu 
qu'elle  est  une  simple  proclamation  et  une  invitatoire.   • 


(I)  Qu'il  nous  soit  permis  de  faire  ici  le  vœu  de  voir  nos  frères  les  Occiden- 
taux examiner,  à  ce  point  de  vue  spécial,  les  mss.  de  Rome,  de  Paris,  de  Londres, 
de  Berlin,  etc. 

(-2)  Goar,  p.  -251. 

(o)  Denziger,  Ritus  OrlenlaUum  :  Coptorum,  Syrorum,  Armenoruin,  etc.,  in 
ad  m  i)ii  s  Ira  liane  sacramenlalibus,  ex  Assemani,  Renaudot,  etc.  —  passim. 


LA  FORME  CONSÉCRATOIRE  DU  SACREMENT  DE  l'oRDRE.    75 

Les  rubriques  du  ms.  du  Saint-Sépulcre  le  prouvent  posi- 
tivement comme  pour  le  diaconat.  Là  aussi,  en  effet,  la  prière 
r,  0.  -/.  est  dite  par  Vévèque  sans  imposition  de  main  et  avant 
que  Vordinand  ne  se  mette  à  genoux.  Les  mêmes  arguments 
donnés  au  sujet  du  diaconat  peuvent  être  appliqués  ici. 

Voici  le  texte  même  du  ms.  : 

a'  -zhtiM'/.  (Ils  doivent  avoir  trente  ans  révolus.) 

«  MsTa  Tb  £'.î£vsyO-?;va'.  v.xl  àTriTEGïjvxi  -x  <hiy.  c(opa  il:  Tr.v  3:71x7 
ipi-iÇT/'  TSKr,pii)fif,vy.i  -i  Tbv  ;j.'J7T'.7.bv  'j;j.v:v,  -pzsx\'z-2i  b  ytipz-z- 
veTo-ftai  jj-iAAwv  Jzb  -.zXi  à'  (tt^wtou)  twv  Tcpî^o'JTspwv  "i^  à'AAou,  -f^  Up5c 
-paTÉwY;,  y.al  t:j  yy.p-zs'j\y.7.zz  oioivTiç  tw  àpyispîî  yy.p-r^-'i  'éyypixozv, 
v.xl  £7.5(ovcjv7:ç  xj~z\i  ■?!  Tij  apy.oia7.ivci>  to*  7:pi7y(j);j.£v,  x'/x^frr^h)tr/.zi 
xà  Y^YP^!^'!^*^'^*  ^  xpyitpzbç  tlq  ï~r,y-zz'/  twv  Trspl  éa'JTw,  iyzv-x  ojtcoç* 
H  0sia  yxp'.z  7,.  T.  X. 

«  Ivxî  ::âvTtov  XsYivTtov  57.  7  -ri'  Kjpis  ï'ki'r,7zv,  z  yiipz-z')Zj\xzvzq 
x\j.(^'z-zpy  v.Kvm  va  -^ivaTa  àzl  t-?;ç  /.pri^îscç'  z  zï  xpy.zpt'j-  -cioiv  sic 
r/)V  7.£©aA'J;v  ajTOJ  cTaupcùç  "pît?  7.a'.  i^tov  È'::i7.£'.;j.£v/;v  aÙTCj  t-J^v 
ytXpy  t'jyt-.xi  z'j-Mç,'     0  Hsbç  :  x'ixpyzz » 

Dans  les  litanies  qui  suivent  on  trouve  aussi  au  présent  : 

«  T^rèp  TOu   (ocîvcç)   zz\i   vjv',  rpsy  sip  r/^c  y,£v:u   -pSTCJTsp  ;'j  y.al 

T-^ç  c-(or/;piaç  auTOj  to'J  Kupicu  c£Y;Qwt;.cV 

«  Kal  TCJTO'J  'L"[Z'}.vtz'j  z  y.pyizpz:jzïyi>y'  ô;j.c(wç  tyjv  yi'-py.  ÏT.':/.^'.\}.vr^^'^ 
Tï]  "iJ  y£tpo~îv:'j;j.Év:'j  7.:p'jç;'^  t'jyt~xi  ojtwç"    0  0£bç  s  \J-i"[y-Z  t..  t.  "a.  « 

La  même  conclusion  se  dégage  des  manuscrits  parallèles  de 
Paris,  de  Rome  et  de  Venise  cités  par  Goar,  p.  -297  et  sq.  Voici 
la  teneur  du  manuscrit  de  la  liibliothèque  barbérine  : 

«  MsTa  TO  £la'£V£y6y;vat  Ta  avia  owpa  7.a'.  à':::T£6f/^a'.  iv  t^  àyîa 
Tpa-ÉwY]  7.a't  -A-^ptoft-^vai  Tbv  ;j.'J7T',7.bv  uy.vcv.  i-\z''.zz-y.i.  -m  ypy.t-i- 
'v.z~M  Z  "pbç  :7uvr/j£'.av  yy.p-.r^:'  v.yl  yyy.'(i^yn>i!j'AZ[j.ivz'j  ajTSJ  £'.ç 
èKT^T-oiv  -âvTcov.  -pzzy.';t-:y.i  z  ;j.£AAojv  ycipiTCVîTjQaf,,  7,ai  tîjto'J 
yôvu  y.âtj.TTTCVTOç,  7:cioJv  7:p£i^  jTa'jpcjç  àitl  Tr,v  v.iox\r^v  aÙTOj.  7.a': 
à'yojv  È7:i7.£',;j,£V/;v  rr^v  yt^px,  ïr^tjyz-yizyXt-x'    0  Qizç,  z  'hypyzz,  7,.  -.  A.  » 

Ici  on  fait  simplement  allusion  à  la  prière  •/;  0£ia  /âpt;  et  on 
ne  mentionne  que  la  prière  de  la  forme  véritable. 

(Jn  pourrait  objecter  un  texte  d'un  catéchisme  en  grec 
vulgaire  imprime  sur  Tordre  de  la  Congrégation  de  la  Propa- 
gande, et  cité  par  Goar,  p.  298  : 

«    H    ja*/;    ajTCj    TSj    ;j.'j7T'r;p{c;j    zlixi   tz    ^âXai/cv   twv   yt\pCo'i   'z^t 


76  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

ocpyitpioiq,  elq.  T'/îv  y.ssaXr^v  ây.sivwv  ctcoj  ysipOTCVSJVTai"  ts  stcoç  -(^youv 

y,-A  ~y.  r-f,ç.  La  matière  de  ce  sacrement  est  l'imposition  des 
mains  du  pontife  sur  la  tête  des  ordinands.  La  forme,  c'est-à- 
dire  les  paroles  qui  donnent  au  sacrement  sa  vertu,  consiste 
dans  les  paroles  :  La  Grâce  divine,  et  ce  qui  suit.  » 

Sans  compter  que  les  mots  7,7.1  ta  è;-^;  sont  élastiques,  pou- 
vant s'étendre  à  la  forme  réelle  qui  vient  aussitôt  après,  nous 
pouvons  dire  que  ce  catéchisme  n'est  pas  infaillible,  et  la  Con- 
grégation de  la  Propagande,  en  ordonnant  de  l'imprimer,  n'a 
certes  pas  entendu  lui  donner  le  caractère  d'inerrance. 


Reste  enfin  à  déterminer  la  forme  de  l'épiscopat.  Là  aussi  on 
peut  dire  a  priori,  par  analogie  avec  les  autres  ordinations, 
que  la  prière  r,  Qiix  yipi;  n'est  pas  la  forme  de  l'épiscopat. 

Mais  raisonnons  sur  des  données  positives.  En  collationnant 
notre  manuscrit  avec  d'autres  textes  parallèles,  nous  sommes 
arrivés  à  ce  résultat  : 

Dans  l'Euchologe  d'Allatius  cité  par  Goar,  p.  300,  il  n'y  a 
pas  d'imposition  de  main  à  la  prière  r^  6.  -/.;  de  même  dans 
l'Euchologe  dont  Goar  s'est  servi,  p.  302. 

Dans  le  manuscrit  de  la  bibliothèque  barbérine  on  trouve 
cette  imposition  de  main  (1).  Enfin  dans  l'Euchologe  de 
Rome  (2)  que  nous  suivons  aujourd'hui,  la  formule  r,  S.  -/.  est 
accompagnée  de  l'imposition  de  la  main,  dans  la  première 
manière  de  sacrer  un  évèque;  mais  dans  la  deuxième  ma- 
nière (;]),  elle  ne  l'est  pas. 

Or  que  prouve  cette  hésitation,  ce  désaccord,  sinon  que  cette 
imposition  de  main,  à  la  prière  ■/;  0.  y.,  est  une  clause  bien 
tardive.  En  effet  si  nous  remontons  à  une  source  plus  pure, 
au  manuscrit  du  xii'  siècle,  nous  voyons  que  cette  imposition 
de  main  n'existe  pas  du  tout  dans  la  prolation  de  la  prière 

Dès  lors  les  mêmes  arguments  donnés  au  sujet  du  diaconat 

(1)  Goar,  p.  304. 

(2)  E'jy/j/.ôyiov  tô  Msya.  p.  137. 

(3)  Idem,  p.  ■jtç'. 


LA    FORME    CONSÉCRATOIRE    DU    SACREMENT    DE    l'ORDRE.         77 

retrouvent  ici  toute  leur  force.  On  ne  pose  pas  la  forme  d'un 
sacrement  bien  avant  la  matière. 
Voici  les  rubriques  du  manuscrit  du  Saint-Sépulcre  :  ce  Tà;i; 

à'vstaiv   0   àp'/ispîj?  î!;   rr^v  /.pqr.Xox  -:-À;v   r.po  Tqq  aY'^a;  -.parAZ-q^,   -ax'. 

T.pOaX'[  =  -Xl    -SÙZtù    ■KXpOl    TWV    ŒUIJ.ZapivTWV    TWV    TplWV    àp"/l£p£(i)V   5    "/^tipO- 

TCVEicOxi  ;j.ÉAAo>v  £•/.  7:j  c£;i:j  [j.Épcj;'  6  os  yy.p-c^'j\xç,  kv.  t:u  àp'.ffTîpcîi 
o'3a)(7iv  ajTw  yy.p-r,'/  iv  w  \'i\'py.--xi. 

^YJçw  /.at  cc7.i;j.a7{a  twv  Oîcs',A£7TâT(ov  àztsy.izojv  y.x'i  -wv  cffiwrâTcov 
zpîffSu-Épwv  y.al  $u7.iv(ov   :  r,  ©sîa  '/àpiç  y.,  t.  X. 

'E7:iotoc[j.£vc'j  Tîîvjv  toj  tcicjtçu  yxp-zj  tw  xpy.ipz'.  y.ai  tcû  yxp-zo- 
ojhocY.zz  ff  7z\j  xpy.ziy.Y.ô'KJ  aéyivtcç  tÔ'  -psT/wy.îv ,  5  àp)^iîpî'jç 
à  V  a  Y  t  Y  V  to  7  y.  si  -y.  *;  î  y  ?  ^-  y-  \^-i">'J-  î  '•  ^  ^  t:  r,  y.  ;  ;  v  t  w  v  t:  s  p  i  s  7  t  03 1  w  v  " 
y.aî  zzvTtov  5a)v:jvT(ov  èy.  y  "i'  Kjpi£  £X£-/^3-:v.  y.'tyrJ.';ti  iz  z'jx';\'i'/dZ'f 
c  y.py}tpt-jc,  '/.y).  ïr.vJ.^T^zi  'r^  y.îsaX'^  y.y).  ~m  'pyyr[iM  tcu  yt\pz'z^iz\i- 
;j.£v:'j*  7'JV£y.£5a7:Tc;j-iV0)v  y.al  tîov  iXXiov  xpyitpibr/.  EiTa  ttciwv 
(7  T  a  'j  p  2  ù  ç  t  p  £  î  ç  £  •::  ':  t  ■?;  ç  y.  £  s  a  /.  '^  ç  a  j  t  c  i  y.  a  t  £  ■/  (o  v  £  ■::  i  y.  £  i  ;j.  £  v  r,  v 
ajTw  T-^v  y^'-py  z'jyz-xi  c'j-m:'  Aé^-o-y  Kjpit...  »  Pendant 
les  £!pr,vty.z,  révoque  dit  la  S*"  forme  :  «  K:zl  tcjtwv  X£y::j.£vwv  5 

àpyi£p£Ùç  ^X^*^''  tb^aJTw;  T-^  Tij  yt\pz~z'/zj\).viz'j  y.;pu5'^  Tr^v  /îioa 
£-r/.£iy.£v^v,  i'jyj.-y.i  cjto);'  Kjp'.£  5  B£;ç  »,  etc. 

De  tout  ce  qui  précède,  nous  pouvons  conclure  que  la  prière 
y;  0.  •/.  n'est  la  forme  ni  du  diaconat,  ni  de  la  prêtrise,  ni  de 
l'épiscopat.  II  faut  cliercher  la  forme  dans  les  deux  prières 
qui  suivent.  Très  probablenieni  elle  est  dans  la  troisième  for- 
nmle  qui  suit  les  v.pr,vv/,y.  Dans  tous  les  autres  sacrements  en 
effet,  il  y  a  des  prières  préparatoires,  des  £;pY;viy.â  ou  une  suite 
de  demandes,  puis  vient  la  forme  essentielle  du  sacrement. 

Gasparri,  dans  son  Tractatus  canonicus  de  sacra  ordina- 
tione  (I),  avait  déjà  émis  l'hypothèse  que  la  prière  y;  0£''a  -/âptç 
n'était  pas  la  forme  de  l'ordre.  Après  lui,  un  de  mes  vénérés 
professeurs  de  théologie,  dont  je  tairai  le  nom  pour  ne  pas 
offenser  sa  modestie,  avait  enseigné  une  doctrhie  analogue. 
Mais  ni  les  uns,  ni  les  autres,  n'avaient  donné  des  arguments 
positifs. 

(1)  T.  II,  n-  10:39-1050-1090. 


78  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Puisse  cette  petite  découverte  contribuer  à  la  connaissance 
(le  plus  en  plus  approfondie  des  questions  orientales  ! 

Jéiaisaleiii. 

Elie  Batareikh, 

prêtre  grec  mclchite. 

P.  S.  —  Ces  lignes  étaient  déjà  imprimées,  quand  nous  a'sons 
lu  dans  les  Études  (1)  l'article  du  R.  P.  Antoine  Valmy,  intitulé 
Les  livres  liturgiques  de  l'Église  russe,  analyse  sommaire 
des  publications  de  M.  l'archiprètre  Alexios  von  Maltzew,  cha- 
pelain de  Tambassade  russe  à  Berlin.  Nous  avons  été  heureux 
de  nous  trouver  en  conformité  d'idées  avec  le  Révérend  Père. 
A  propos  de  la  prière  •;;  Stia  yipi;,  il  écrit  :  «  ...  cette  formule 
doit  être  moi))s  ancienne  et  moins  essentielle  que  la  longue 
prière  qui  la  suit,  pendant  laquelle  le  pontife  continue  riinpo- 
sition  de  mains  et  dont  le  style  rappelle  tout  à  fait  les  oraisons 
et  préfaces  des  anciens  ordinaux  latins  tels  que  les  rapporte, 
entre  autres,  M^'  Duchesne  »  [Origines  du  culte  chrétien, 
chap.  x). 

(Ij  T.  XCVII,  dccembro  1903,  p.  819-850. 


TEXTES  ORIENTAUX  INEDITS 


DU    MARTYRE    DE 

JUDAS  CYRIAQUE 

ÉVÈQUE  DE  JÉRUSALEM 

I 

TEXTE  SYRIAQUE 


AVANT-PROPOS 

La  légende  du  martyre  de  Judas  Cyriaque,  prêtre  ou  évèque 
de  Jérusalem,  quoique  dénuée  de  fondement  hist<>rique.  n'en  est 
pas  moins  passée  dans  les  principales  littératures  de  rOrient 
chrétien  ;  nous  en  possédons  les  textes  syriaque,  copte  et  éthio- 
pien. Je  me  propose  de  publier  et  de  traduire  dans  la  ROC  ces 
textes  inédits,  en  commençant  par  le  premier,  le  syriaque,  qui 
est  en  même  temps  le  plus  ancien. 

Le  texte  syriaque  est  tiré  du  ms.  Add.  14644  du  British  Muséum 
et  j'en  dois  la  copie  à  l'obligeance  de  M.  Cook.  D'après  le  juge 
le  plus  autorisé  en  pareille  matière,  M.  Wright,  ce  ms.  est  écrit 
«  in  a  fine,  regular  Edessene  hand  of  the  V"  or  \T"  cent  » 
{Catal.  of  Sijr.  mss.  Br.  mus.,  1083);  la  légende  elle-même 
est  donc  tout  au  moins  aussi  ancienne.  Elle  répond  exacte- 
ment à  la  Passio  latine  publiée  par  les  Bollandistes,  XII,  439, 
traduite,  sans  doute,  sur  un  texte  grec,  qui  pourtant  paraît 
perdu.  On  peut  se  demander  si  ce  texte  grec  est  également  l'o- 
riginal du  syriaque,  ou  si,  par  contre,  il  n'en  est  que  la  traduc- 
tion. C'est  une  question  importante  pour  l'iiistoire  littéraire  et 
pour  l'origine  de  la  légende,  que  je  me  propose  de  traiter,  dès 
que  la  publication  intégrale  des  textes  sera  achevée. 

Ign.  GuiDi. 


HISTOIRE  DU  BIENHEUREUX  JUDAS 

QUI  ÉTAIT  JUIF  ET  DEVINT  CHRÉTIEN  ET  FUT  ÉLEVÉ  A  l'ÉPISCO- 
PAT  ET  NOMMÉ  CYRIAQUE,  ET  IL  FUT  AUSSI  MARTYR  AUX  JOURS 
DE   l'impie   JULIEN,    LORSQUE  CELUI-CI    ÉTAIT   A   JÉRUSALEM. 

Dieu  qui  avant  la  création  du  monde  et  avant  celle  d'Adam 
connaissait  tous  ceux  qui  devaient  naître  de  celui-ci.  Dieu  qui 
considère  les  actions  des  hommes  et  sait  leurs  pensées,  jusqu'à 
la  fin  du  monde,  qui  est  Roi  éternel  et  dispense  les  dons  à  ses 
saints,  sanctifia  Judas  dès  le  sein  de  sa  mère,  de  sorte  que  sa 
mère  aussi  ressembla  à  sainte  Anne  (1)  et  fut  glorifiée  avec 
tous  les  saints  et  avec  joie  reçut  la  couronne  du  martyre  avec 
son  fils.  Après  la  mort  du  glorieux  Constantin,  quelque  temps 
écoulé,  régna  l'impie  Julien,  qui  poussé  à  aller  à  la  guerre  con- 
tre les  Perses,  vint  à  Jérusalem  et  entendit  la  renommée  de  la 
vie  parfaite  de  Judas  et  de  sa  foi.  Il  rechercha  le  bienheureux, 
qu'on  amena  devant  lui,  et  il  l'interrogea  et  lui  dit  :  «  Quel  est 
ton  nom?  »  Il  répondit  :  »  Je  m'appelais  d'abord  Judas;  mais 
lorsque  le  vrai  Dieu,  qui  est  le  Christ,  eut  pitié  de  moi,  il  me 
rendit  digne  du  rang  épiscopal,  et  l'impératrice  Hélène,  remplie 
d'amour  pour  {amante  de)  Dieu,  me  donna  le  nom  de  Cyria- 
que,  et  le  bienheureux  saint  Eusèbe,  évéque  de  Rome,  m'im- 
posa la  main  et  me  fit  évéque.  »  Julien  lui  dit  :  »  Tes  parents 
sont-ils  encore  en  vie?  »  Cyriaque  dit  :  «  Ma  mère  seulement  est 
en  vie.  »  Julien  dit  :  «  Qu'on  l'appelle  ici.  »  Et  quand  elle  fut 
venue  en  sa  présence,  il  l'interrogea  :  «  Quel  est  ton  nom?  —  Mon 
nom  est  Anne,  »  dit-elle.  Julien  lui  dit  :  De  quelle  religion  es- 
tu?  »  Elle  répondit  et  dit  :  «  Je  vénère  Jésus  roi  céleste,  qui 
s'est  manifesté  à  moi  par  mon  fils  Judas.  »  Julien  dit  :  «  Où 

(Ij  La  mère  de  Samuel  (I  Rois,  i.). 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  81 

est  à  présent  ton  fils?  »  Anne  dit  :  «  Celui  qui  se  tient  debout 
devant  ton  tribunal,  c'est  mon  fils,  dont  le  nom  est  Cyriaque.  » 
Julien  dit  :  «  Voilà,  je  mets  devant  vous  des  biens  et  des  riches- 
ses en  grande  quantité,  mais  obéissez-moi  et  sacrifiez  au  grand 
dieu  Zeus.  »  Cyriaque  dit  :  «  J'adore  le  seul  Dieu,  Jésus-Christ 
qui  est  roi  de  tous  les  siècles  et  à  Lui  seul  j'offre  un  sacrifice 
pur.  »  Julien  dit  :  «  Moi  aussi,  je  me  suis  adonné  longtemps  à 
cette  doctrine  à  vous,  mais  je  n'en  ai  tiré  aucun  profit.  »  Cyriaque 
dit  :  «  Tu  as  dit  vrai  :  je  n'en  ai  tiré  aucun  profit;  car  tu  as 
bien  scruté  les  livres  saints,  mais  après  les  avoir  appris,  tu  les 
as  écartés  de  ton  esprit,  tu  as  méprisé  les  mystères  vénérés. 
Quoique  tu  ne  fusses  pas  digne  de  cet  honneur,  Dieu  miséricor- 
dieux fa  confié  l'empire,  car  tu  pouvais  te  convertir,  peut-être; 
mais  non  seulement  tu  as  été  menteur,  mais  tu  as  été  impie  en- 
vers Dieu,  en  reniant  sa  religion;  et  voilà  que  tu  persécutes 
aussi  ceux  qui  croient  en  Lui.  Pour  cette  cause  l'orgueil  de  ton 
âme  impure  et  méprisable  sera  bientôt  détruit.  »  Julien  dit  : 
«  Plusieurs  de  ceux  qui  croyaient  dans  le  Christ  ont  quitté 
cette  vie  dans  de  nombreux  tourments,  et  vous  également,  si 
vous  ne  voulez  pas  m'obéir,  vous  subirez  des  tourments  durs 
et  amers.  »  Cyriaque  dit  :  «  Tu  ne  trouveras  pas  de  tourments 
aussi  durs,  et  qui  puissent  faire  souffrir  autant  notre  corps  que 
ceux  que  le  Christ  a  préparés  aux  âmes  qui  le  renient.  Car  le 
corps  qui  est  tourmenté  sur  la  terre  ressemble  à  un  champ  qui, 
tant  que  le  laboureur  le  lacère  constamment  avec  le  soc,  produit 
de  bons  fruits  pour  le  laboureur.  En  effet,  tandis  que  le  corps  est 
défait  par  les  tourments,  l'àme  jouit  du  repos  avec  joie  en  com- 
pagnie du  corps,  auprès  de  son  Créateur,  et  pleine  de  confiance 
se  présente  à  son  Maître  parce  que  pour  le  nom  de  Lui  elle  a 
donné  son  corps  à  la  mort.  »  Julien  dit  :  «  Qu'est  donc  ce  que 
tu  dis,  Cyriaque?  Veux-tu  mourir  pour  Celui  qui  a  été  cruci- 
lié,  et  ne  pas  sacritier.  »  Cyriaque  dit  :  «  Non  »  (1) 

et  du  corps;  nous  tous  nous  sommes  l'œuvre  de  tes  mains.  Je  te 
prie,  ô  Seigneur  Jésus-Christ,  envoie  Michel,  ange  de  lumière, 
et  délivre-moi  du  roi  impie;  que  son  orgueil  ne  puisse  me  vain- 
cre! mais  soutiens-moi  dans  l'endurance  qui  m'est  donnée  de 

(1)  Lacune  d'un  feuillet  dans  le  ms. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  6 


82  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

ta  part,  car  tu  es  loué  et  glorifié  dans  tous  les  siècles,  amen.  » 
Cyriaque  ayant  terminé  sa  prière,  Julien  lui  dit  :  «  Cyriaque, 
vois  combien  je  t'ai  permis  de  dire  de  sottises,  et  plusieurs  fois  tu 
as  dit  de  telles  choses  ;  mais  aucun  de  ceux  qui  m'ont  résisté 
n'est  revenu  à  la  vie,  à  moins  qu'il  n'ait  sacrifié.  Du  reste,  je 
n'ai  aucune  envie  de  tuer  qui  que  ce  soit  des  Galiléens  ;  c'est  par 
d'autres  moyens  que  je  détruirai  ce  peuple;  mais  tu  n'échap- 
peras pas  à  mes  mains  !  Car  moi  aussi,  j'adorais  Celui  qui  a  été 
crucifié  sans  en  tirer  aucun  profit;  mais  maintenant  j'en  suis 
revenu,  et  je  vénère  les  dieux  immortels  qui  donnent  la  vie  à 
ceux  qui  les  aiment.  »  Cyriaque  dit  :  «  Je  sais,  moi  aussi,  que  tu 
confesses  le  diable,  ton  père,  et  ses  anges  qui  jettent  dans  l'en- 
fer ceux  qui  les  adorent,  dont  toi,  impur,  tu  es  le  premier.  » 
Julien  dit  :  «  Sacrifie  avant  que  j'ordonne  des  tourments  plus 
forts  que  ceux-ci.  »  Cyriaque  dit  :  «  Je  ne  sacrifie  pas  à  des  cho- 
ses vaines  {des  idoles).  »  Julien  dit  :  A  cause  de  votre  orgueil 
je  n'ai  pas  dressé  de  statue  de  dieux,  pour  que  vous  l'adoriez  ; 
mais  sacrifie  secrètement  et  dis  seulement  :  Zeus  est  un  grand 
dieu!  »  Cyriaque  dit  :  «  J'adore  le  vrai  Dieu,  je  lui  offre  un  sa- 
crifice en  le  confessant;  car  il  te  fera  tomber  de  ton  orgueil.  » 
Julien  ordonna  d'apporter  un  lit  [de  cuivre],  et  d'y  étendre  le 
bienheureux  Cyriaque  dessus,  et  d'y  accumuler  dessous  des 
charbons  ardents  et  d'y  répandre  de  l'eau,  du  sel  et  de  la 
graisse.  Il  ordonna  de  flageller  le  saint,  par-dessus,  avec  des  ver- 
ges jusqu'à  ce  que  son  intérieur  et  les  entrailles  fussent  cuits  et 
son  flanc  fût  déchiré  des  verges,  par  en  haut.  Alors  le  bien- 
heureux éleva  sa  voix  en  parlant  hébreu  et  dit  :  «  0  Dieu,  ô  Dieu 
qui  donnes  la  vie  à  ceux  qui  croient  en  Lui!  c'est  Toi  qui  par  le 
prophète  Jonas  as  montré,  par  avance,  la  figure  de  ta  résurrec- 
tion, qui  eut  lieu  après  trois  jours,  et  qui  as  fait  monter  au 
ciel  le  prophète  Élie  sur  un  char  de  feu  ;  viens  à  moi,  ô  Seigneur, 
maintenant  aussi  et  allège-moi  ces  tourments,  car  je  les  souffre 
pour  ta  cause.  »  Le  tyran  était  stupéfait  de  son  endurance,  et  or- 
donna de  l'enfermer  dans  une  maison  obscure  (^iine  prison)  jus- 
qu'à ce  qu'il  décidât  ce  qu'il  lui  ferait  et  de  quelle  mort  le  faire 
mourir. 

Après  deux  jours,  la  mère  du  bienheureux  vint  à  lui  et 
lui  dit  :  «  Tu  as  été  bien  vaillant  dans  ce  grand  combat  que 
tu  as  combattu  pour  le  nom  du  Christ;  rappelle-toi  ton  vénéré 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  83 

père,  qui  mourut  étant  juif,  et  racliète  ses  péchés,  toi  qui  as 
part  avec  le  saint  martyr  Etienne.  Souviens-toi  aussi  de  moi, 
qui  suis  ta  mère,  qui  ai  souffert  dans  ton  enfantement,  qui  ai 
travaillé  pour  t'élever;  car  demain,  ô  mon  fils,  par  la  bonté  de 
Dieu,  tu  vas  être  couronné.  »  Alors  les  ministres  du  tyran  l'entre- 
tinrent immédiatement  sur  la  bienheureuse  Anne,  et  il  ordonna 
de  l'amener  en  sa  présence.  Quand  elle  fut  venue,  il  lui  dit  : 
«  Veux-tu  aussi  obéir  et  sacrifier?  car  ton  orgueilleux  fils  a  pré- 
féré mourir.  »  Elle  dit  alors  :  «  Mon  fils  a  désiré  la  vie  céleste  et 
pour  cette  cause  il  ne  sacrifie  pas  aux  démons  ;  car  cette  vie  est 
passagère.  »  Julien  dit  :  «  Que  dis-tu  donc?  ne  veux-tu  pas, 
toi  aussi,  sacrifier  et  vivre?  »  Anne  dit  :  «  0  athée  {impie)  et 
ennemi  des  hommes,  cruel  et  maître  de  tout  mal  ;  tes  mots  ne 
me  font  pas  peur;  car  Jésus  a  versé  son  sang  pour  nous,  afin 
de  libérer  des  péchés  le  monde  entier,  à  nous  davantage  qui 
sommes  des  pécheurs,  il  nous  faut  mourir  pour  nos  âmes.  «  Le 
tyran  s'irrita  et  ordonna  de  la  suspendre  et  de  la  déchirer  avec 
des  peignes,  et  lorsqu'ils  la  déchiraient  pendant  trois  heures, 
elle  ne  répondit  pas  un  mot.  Le  tyran  lui  dit  :  «  Eh  quoi,  Anne, 
ces  peignes  te  sont-ils  convenables?  ont-ils  pénétré  en  toi?  » 
Mais  elle  dit  :  «  0  chien  impur,  ô  artisan  d'impureté,  ne  com- 
prends-tu donc  pas  que  je  n'ai  pas  senti  tes  peignes?  Mais  si 
tu  as  des  tourments  plus  forts,  applique-moi-les,  car  je  suis 
prête  à  vaincre  le  diable  ton  père  par  la  force  de  Dieu,  qui  me 
fortifie.  »  Le  tyran  ordonna  d'allumer  des  torches  brûlantes  et 
de  les  approcher  de  ses  lianes.  Elle  s'écria  et  dit  :  «  Dieu  saint 
qui  as  sauvé  Loth  du  feu  de  Sodome,  qui  au  son  de  la  trompette 
as  détruit  les  murs  de  Jéricho,  qui  as  vaincu  les  Amalécites 
par  ta  main  puissante,  qui  par  la  main  de  Judith  as  tué  l'or- 
gueilleux Holopherne,  écoute  ta  servante,  ô  Seigneur,  et  fortifie- 
moi  afin  que  j'achève  ma  carrière,  et  toute  joyeuse  j'entre  avec 
mon  fils  dans  ton  saint  paradis.  »  Ayant  dit  ces  mots,  elle  ren- 
dit l'âme  à  Notre-Seigneur,  et  on  l'entoura  de  bandelettes  funè- 
bres et  on  l'ensevelit. 

Julien  ordonna  d'amener  le  bienheureux  Cyriaque  en  sa 
présence,  et  quand  il  fut  venu  et  l'ayant  vu,  il  fut  étonné 
en  voyant  combien  son  visage  était  joyeux.  Il  lui  dit  :  «  Dis-moi, 
Cyriaque,  par  quelles  sorcelleries  as-tu  fasciné  les  yeux  de  nous 
tous,  de  façon  à  paraître  ne  pas  sentir  ces  tourments?  Ne 


g4  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

veux-tu  pas  sacrifier?  »  Le  bienheureux  dit:  Je  t'invective,  ô 
chien  impur,  qui  appelles  la  force  de  Dieu,  force  des  démons.  » 
Juhen  dit  :  «  Si  tu  ne  veux  pas  sacrifier,  dis  seulement  ces 
mots  :  Je  ne  suis  pas  chrétien.  »  Le  bienheureux  dit  :  «  Parce 
que  tu  t'es  tourné  loin  de  la  vérité,  tu  veux  aussi  tourner  vers 
toi  ceux  qui  croient  en  Jésus?  INfeis  tu  ne  pourras  pas  le  faire, 
<et  cela  ne  te  réussira  pas;  car  je  sais  que  dans  peu  de  temps 
un  signe  manifeste  du  ciel  va  t'atteindre,  et  tu  ne  reviendras 
pas  vivant  de  l'expédition  où  tu  vas,  car  tu  as  excité  la  colère 
du  Dieu  vivant  et  vrai.  »  Le  tyran  ordonna  de  creuser  une  fosse 
profonde.  Il  appela  des  sorciers  et  leur  dit  d'apporter  de  nom- 
breux serpents,  des  basilics  et  des  vipères,  et  de  les  jeter  dans 
la  fosse  qui  avait  été  creusée,  pour  jeter  le  bienheureux  au 
milieu  d'eux.  Les  sorciers  firent  de  la  sorte,  etyjetèrent  toutes 
espèces  de  reptiles  nuisibles.  Et  pendant  qu'ils  amenaient  le 
bienheureux  pour  l'y  jeter,  il  priait  et  disait  :  «  Viens  et  vois,  ô 
Seigneur  Jésus,  ce  combat;  c'est  toi  qui  as  sauvé  Joseph,  ton 
serviteur,  de  la  fosse  de  la  prison;  tu  as  broyé  les  tètes  des  dra- 
gons dans  les  eaux;  à  présent  aussi  viens  à  mon  aide,  écarte 
loin  de  moi  ces  reptiles  mauvais,  amers,  et  cruels,  afin  que 
mon  ennemi  ne  dise  pas  :  Je  l'ai  vaincu  ;  et  mes  persécuteurs 
ne  se  réjouissent  pas  contre  moi  en  me  voyant  trembler.  »  Saint 
Cijriaque  ayant  parlé  ainsi,  ils  le  jetèrent  dans  la  fosse,  mais 
à  ce  même  instant,  tous  ces  reptiles  périrent  (1).  Le  bien- 
heureux disait  avec  grande  joie  :  «  J'ai  connu,  ô  Seigneur,  et 
je  connais  que  Tu  n'es  pas  du  tout  loin  de  tes  serviteurs;  je  te 
rends  grâce,  ô  Seigneur  Jésus,  car  la  parole  de  David  ton  servi- 
teur, ne  s'est  pas  accomplie  pour  lui  seulement,  mais  Tu  m'as 
fait  digne,  moi  aussi,  de  fouler  avec  les  pieds  les  serpents  et 
les  dragons.  »  Julien  ordonna  de  brûler  au  feu  tous  ces  reptiles 
et  de  sortir  de  la  fosse  le  bienheureux,  pour  d'autres  tourments. 
Alors  Admon,  le  chef  des  devins  et  des  sorciers,  lui  dit  :  «  0 
roi,  tu  agis  bien  follement  en  voulant  tuer  cet  liomme;  tu  n'as 
pas  honte,  ô  tyran,  et  tu  ne  comprends  pas  que  ni  devins  ni  sor- 
ciers ni  tes  vains  dieux  ne  pouvaient  faire  un  tel  miracle.  Songe 
combien  de  tourments  tu  lui  as  fait  subir  sans  pouvoir  vaincre 
son  courage.  Désormais  je  sais  vraiment  que  le  Dieu  des  Chré- 

(1)  =:  ÈEriçàvôriaav. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CVRIAQUE.  85 

tiens  Jésus-Christ,  est  le  Dieu  grand  et  saint.  »  Lorsque  le  ty- 
ran entendit  ces  paroles  de  sa  bouche  et  connut  que  vraiment 
il  avait  crû  dans  le  Christ,  il  ordonna  de  couper  par  le  glaive  la 
tète  d'Admon,  qui,  ayant  entendu  cet  ordre,  sans  délai  courut 
vite  à  l'endroit  où  il  devait  recevoir  le  supplice,  et  priait  et 
disait  :  «  0  Dieu  du  bienheureux  et  saint  évèque  Cyriaque, 
reçois  en  paix  mon  àme.  »  Lorsqu'il  prononçait  ces  mots,  sa  tête 
fut  couronnée,  il  fut  martyrisé  par  le  glaive,  et  il  alla  vers 
Notre-Seigneur. 

Alors  le  tyran  ordonna  d'appeler  le  bienheureux  Cyriaque. 
Quand  il  fut  venu  et  se  tint  en  sa  présence,  il  lui  dit  :  «  Renie 
celui  qui  a  été  crucifié,  et  je  te  laisserai  libre.  »  Le  bienheureux 
dit  :  «  0  cœur  pervers,  ô  esprit  pervers!  que  dis-tu?  Me  dis-tu, 
ô  démon,  de  renier  le  Dieu  saint  qui  a  opéré  à  mon  égard 
tous  ces  grands  miracles?  de  renier  et  d'être,  comme  toi, 
transgresseur  de  la  loi?  »  A  ces  mots  le  tyran  se  mit  en  colère 
et  ordonna  encore  d'apporter  une  grande  chaudière,  de  la  rem- 
plir d'huile  et  de  la  chauffer  avec  du  feu.  Et  il  fut  fait  ainsi.  Et 
quand  elle  fut  cliauffée  au  point  qu'elle  débordait  jjar  rëbulli- 
tion  (1),  personne  de  ceux  qui  se  trouvaient  là  n'osait  en  ap- 
procher. Il  ordonna  d'y  jeter  le  bienheureux,  qui  dit  à  ceux  qui 
le  faisaient  avancer  :  «  Éloignez-vous  jde  moi,  afin  que  personne 
de  vous  n'éprouve  de  dommage  !  »  Et  ayant  fait  le  signe  de  la 
croix,  il  entra  dans  la  chaudière  en  disant  :  «  0  Christ  qui  as 
purifié  le  Jourdain,  et  as  permis  à  Jean  d'être  ton  précurseur, 
tu  m'as  fait  digne  du  baptême  de  vie  éternelle  par  l'eau  ;  rends- 
moi  digne  encore  à  présent  d'être  baptisé  par  l'huile,  au  moment 
de  recevoir  le  baptême  de  sang  qui  m'est  réservé  depuis  long- 
temps !  »  Alors  le  tyran  s'irrita  et  ordonna  de  le  percer  au  cœur 
avec  une  longue  lance;  et  étant  frappé,  le  bienheureux  ne  dit 
qu'un  mot,  à  savoir,  il  pria  Dieu  de  venir  à  son  aide  et  de  rece- 


(1)  Ce  sens  pour  ^^^  résulte  du  contexte  aussi  bien  que  de  la  comparaison 
avec  le  latin  (efferbuit)  et  le  copte;  »:^'^-"^ô'»  a  ce  même  sens  dans  le  passage  des 
AclaMart.,e(\.  Assemani,II,  102,  ILa*;^»»  W»\=>  ^oov»h-»»>  ,^.è^v^î«  qu'Assemani  a 
mal  traduit  :  "  donec  ipsorum  animae  foetore  conficiantur  ».  Le  lexique  de  Bro- 
ckelmann  donne  :  conficio  (?),  celui  de  Brun  omet  ce  mot.  On  peut  comparer 
l'arabe  IsLL,  xL,  dont  le  sens  ■<  exundavit  »  (  y^^  À-^-  j~^^^  -*-») 
parait  être  le  sens  primitif,  quoique  donné  (Cf.  Zamakhsarî,  Asâs  s.  v.)  comme 
dérivé. 


86  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

voir  son  esprit,  pour  aller  de  ce  monde  vers  Notre-Seigneur. 
Le  saint  combattit  donc  un  beau  combat  et  s'en  alla  vers  Notre- 
Seigneur.  Il  fut  couronné  {martyrisé)  au  jour  de  samedi,  à  la 
fin  du  mois  d'Ayyar,  mois  de  l'Invention  de  la  Croix.  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ  règne  sur  nous,  à  Lui  conA-ient  la  gloire 
pour  tous  les  siècles.  Amen. 

Fin    du    martyre  du  bienheureux  Judas,    évêque,    qui  fut 
martyrisé  à  Jérusalem,  aux  jours  de  l'impie  Julien. 


TEXTE  SYRIAQUE 

(bRITISH    MUSEUM,    ADD.    14644) 

.(1)  o^^Ka/o   .  )ia-2L-a.m_âjl    o^^l/o  J    i  »  ^   <y>,  •>  Jooio 
^  .jb^-ot^  .sapai .«No  »  v.*.^ci.*,a  .)90(..fiD  .«â/  .jooio  .^£00.0^90^ 

>o^— 15   ^iboo   )    v>\  \;    oiJSw»_ioVl   ^t—û    ^-^î    )oi-^ 

V  A  N^  o|j^09  yOoi\ni->  001  sm<^  v>  yo^jï  '^  --^^  -i  ->■; 
001  >^f^  JKolJuCI^o  jjy  \o  CD  «o_ium  l'ytNaii  \  )bo^b>o  .oooi 
^^00  jKidOta^o  oou  s^oio  iii  »»  n\o    Vl^^.^>^  {"^N  v>  ^oioJS^/9 

|JS>.iu^^.O   (^SjjjLw^â   O\^ol    sâ/l    jjLSOt    JfOOI..*^   OMi^   0(.^/    vfiD'^ 
)_^N.-<i»Jl9    061    )     l    ->J     «K-d     )oO|    ^2^w^{    .sflDO  I.,«..JSJLJV  <ioo,.r> 

(4)^ci^sJiioji  )l/o  ia..*«J9  W*"^^  l"*^-^*»^!  )^V-a^o  .^coo  1  »\a., 

♦  OtlaJU^CL^OlO     |900|.»*9     ^010*^099     )io9^s..M.^9     )L^     )oO|     >«^^eLJLO 

*^/o  oi^jLjio  v^^oio-^^   ^ota^^«»*/o   JJL^Q.^^  04^   ^0|..«.^^^0 

(1)  Ms.  -«. 

(2)  Ms.  "wa^^ûJv 

(3)  Ms.H-3. 

(4)  lAIs.  »W 


10 


10 


15 


20 


88  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

)   ..  »tv>  ^doK-/;   )t-»t-*^   )ou2^  s.iJ^^  vfiÛM**  ^;   t^  «^^û-t-o 

, 'l  N^/  -^r>  r>  .;rt  ft  ...^Qj/  ,  -  ^/^  -  <^  ^OiS/  '^Z  ^^<^<  «No  » 
)  l  .,    ipo/     ^9     v^OI    .wO-^CLU    ^^     Ôt^j^    ^OIO.^^    il/     ^9 

J^sjL^o  ...ukJuK^/  jJ^C^^^;  )^/  ^  V^)  sfloo.l  ■.\q^  (l)>^..vi» 
,.-^i  sjC^s^  oC^^^/;  ooi  jj^^^i  )ju>n»    )jL^^^>o  >^aju^    ^V^/o 

oiiCLSij  ^t-ii  CL»ooi   Ni\  »»   ^cu-^  ^t-o  ^)— o?   oôi    Ipo/    ^; 

^ «^ .  v>^  f>   j il     v>|  ôft    jo(  V-^/   ncdo  »  i>  Vq^  .»»vrf>o  f>  »>a-o 

)__S9  )oiAJJ  a-«^;o  om  >g>  ^1/  JJ  /  J)  «  ^fif>  );la-i.o  ),i.«in 
^.^^  ).^.»-t v>  >&ajL«  )oj!^  t-<^  )^/  V^l  ^fiDQ-a^9Q^  ..vcdoj 
^oio»a....\  ^  o^o  l-ioSLi.  yooî^;  )*>\>o  w»oioJ^/j  oôC^  .)j/ 
)jL3j  )j{  sâ{  po{  vcno  I  >\o  »  >Ul  o't  nv>  )J^^-«^;  )^^-^[-^?J 
...cic-jUo/  |)  ^t^oo  yo  *>  I  o>  Ng^  )»Joi^  K..ULb.l/  ))  «^ff> 
•^-.^^o  »  rf>iv>  .^^io  ^Uo/  Ji;  Ipo/  V-*^^  V^/  ^Éoon-iîa^ 
J^.a'S.»»   »K-s  >  v>o   .).  t •»>  n  )JiKjL^  vpoiA  K-ooi  )  tv>iv> 

OL^   ^O   )t-ii^^    )jV/    ii^-^O  .^yJU^;    ^    vQj/    Xf^ii./    v<^/ 

oi^f^  ^l  fil  .JL^;  9a^..N  ^  K-ooi  jJ  ^9  Kj/  .)jLaU  v^a; 
j^/  sS»;  )oio  .oiK^^^9  ^^  K,^^^/;  wôi.»  )oî^)»d  KbJiî/ 
"^  -     ^   ^   J—ioi   ^^w^<-io  .OI-»    ^.^-^  «ou^;    y  \^fi    va/ 

(1)  Ms.   ui-^*.. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  89 


'--^      ' 


25 


)-iOj   .)-^9)^    ViOjJ^  t  v>i    t-"^^  )»-^   .o«_s   vV2l_d;    )Kiig>»\ 

^^s^oo  )la^oi^  (l)ôiVs^  K.SOU;  ^^=^^^^-io  jij-i.  J^jLol  6«v^ 

(2)    [t^]» 

^^o  ou«-âo  .jioia-i;    |^jL^    ^.J'^-*-^    ^t-*-  J-**-*-*^    >^aju> 
^^N^  >  «  I  >  '^o  VI  rr>  jJ/   .otUo.^  s^uu-Djj   |1o  ).-^s.>j>»   )  '^  \v> 


(1)  Ms.  01  _. 

(2)  lacune. 

(3)  3Is.  sans  s'yâme. 

(1)  Sic,  pour  **.N7>Ra^  (le  latin  :  contradicons  mihi). 


10 


15 


20 


10 


IT) 


20 


90  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

^J   (jiOI    .w^Uo/    JJ    ^^JiOO    ^2u0jj/»    (2)oÔÎ^   K*00|    ^«^30  V-^-.x 

^1.  \  vJJ   )    V  .i  >    ,»M.->ôu;   llcil  »v>  JJ   joiJ^JJ   K2b^.««90  J^i 


m99 


yO^ôi  ^^oto-ajl  v>\o  ^o-a)  {3)\...j^  ro\    ^ou^K-^^oK^/; 

ooi  K-j/f   vooiu!^   V^   ^^'"^   ^^''^'^   V^[^?j   v^-*^  *  JJ  ! 

JJ;  yOf.^  wy^j»9  «V-^/  vroo  i^\o  »  ♦yOOUJ^y^  ^K^/  )<M^ 
JJ    \^ol    s£Da.û-»9aâ   •t'^^OI    ^^   ^y^fl^i    \flx    y-^.N    |K^/ 

s-«^;    JJ/  .yO^.,^£ol    ou^»   )^^9tj{    Kicui-o/    JJ    (V)yaDlaioi 

JK-.jolj  )K-^;  ou^o  .)l-j/  t-^-^  )V-V*  )o«-^JJ  )^-j/  V-^/ 
^9  v£oaJu»\a^  r^UTa^     ^^o    y.qi ..  m  i    0019  )«j/   <o'^  n  v> 

ô^-^^Jis.  yQ.£o*^o   ôUitla^i  l^o-i;  j'^Liboa^  >  ■>  »  aKjo     J  «  -^^ 

oiw«o  0  ^\  ^-^  o(Q — ^  OLijL-iboo  ex  n>\  0  I  «g..^;  Jl-^f^ 
)  I  "^g  ^  ^9  001  ...J-js  H  »  ^:^  ^^sbCS.  ^:^  vxojx-m^K^o 
^^wJJ   )L:Lm  oôu  ^oi^  c»oC^  «V^/o  J^|v-2l^  oC^us  yo-t'^l 


(1)  Ms.  i^U-. 

(2)  Ms.  o«>vi^. 

(3)  Ms.  —  «^. 

(4)  Ms.  — >ov 


LE    MARTYRE    DE   JUDAS    CYRIAQUE.  91 

|JS>  «  ^  •>  >t  ^  oKj;    i—nâo  .otlaj'^  ^  «  fr>v>  ^  )— fo'^   jooi   90lio 

|LjLda^9  Oi^/  U)  ^JL^oa^  ^Vi  ïKj»  ^^oo  .oiK»oaj  )la^ 
*)Lâ9  )boi  JLja^)^  K^oi{  ^v^  V-*-^^  .ou\  i'po{o  oïLaJbw 
}  '  f^   -    ^o-djj    'pii/   .| t  ^;    o|.^aji    v:iâ/    ""^^  KaKoI/) 

•  ^  *  ♦  * 

^oicii  t  viiiVi  ....JLj)    ""^^oK^  )oi^!    01X0  ^  »  ^<-s  ^V^  V-*~<^ 

)-a^)*^K.^  061  V^^^  vuOV^  >  «  ..3»1»  «^Kj/  sa/  A  m  «'°>^1/ 
.s^V^     v^V-^X/    l"^i-^^>e>-»   JJLJS.  Iv^/   ^9   ^o(  .^oa^a\  oj^ 

)VQ-3Lis  ^^0(  V-^^l-i-s*  .s^w^^^  JJ  );)  i>\  )joi  ^^is_^ioo 
Jl  sa/  .w»Kj/  IV-^/  ^.^SOI  I  IV>  .'yJ^l  ^JOO  1^\q^  ...yOj/ 
OU^  jJ;  0/  .IV-^/  )  «  «»  .^.«.^lo  »  «  ..  ^;1;  s^K.i^:d«  v^Kj/ 
jJ  JKJL^^  ^(hI^o;  JLju2l^:^o  )  .i.»v\,^  )  »  Y  «  i  ^  ^-jlcdo 
•.^«.âii^^^    t-^/    0(^9    V-*"^  >^aju»   .^A^k^o    ^«^  y  !î  "^ ^ 

'\~o'y.£o  ^^01  ^i^siS.  ^^j.^  .)Ljl^  jjLibo  jjo;.^  ôf!^  V^/  .K.iaâ  jJ 


10 


15 


20 


25 


10 


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20 


92  REVUEDE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Jb»3o  )^^J  )  ^\'>  i-V-^/  ^:^?  ^oi  ..(1)  sjwDa-^^jauD  ', ,» °>  t 
jj/   ♦ .  y. ,  oy  iY>  •>  ^^^■*^/    i^?    ^/    ^j*^Kio    ^^^   JJ  Jlaa.i,  .^» 

V-^^  OCH    Ul     )  ^  »  ^^i^    ^-^    OV-O    ^*^V0M     I^JlJi     yS.    K^/     y/ 

.s^  "^^...V»^  )oi^9  JL»i^->  >a.^{  )-JL^  m\  v^oicuOj/; 
^^O  ^C^^  ^T*^?  I^'l^t^  )oi^  .iv^/o  K.^wA  y^oio  «9»  *  ^^ 
J^^^.^^^    K^900U    f.*~âO    JK  l.>,t\     Vt^l^    K..1OJ     »f>  <.\.v>s>\o 

.♦6|Q^.?>\0     0001     ÔfOJULOO    .J^^s.^^„^/     vV^O^     (2)ÔMl2lJ     >    «\o| 

|l/    fjno   ^0(0-^^   ).-i^a^^    v^oi..iUoK.aJ9    y  mai  «>\o  »  ^.^âo 

JLl^O    OtâO^'^â     )oO|     s.»^«.â   j..JLaLrw«]/r9]    od).^^^^    90ti    .w*OU>^0 

)jLy.\  If^/  \-^''{-^    >  »\  »),a  :)».â^9Q^    w^   V-^/   .ou^   V^/^^" 
•q^m^PclX  Kj/   l^t  JJo  .^«^01  )^  »»  •>  ^^^^  «J^?   7^/   ^^^^! 

)90i  •.^^0^9!;  Kj/  l^^  jJ/  V^o/  ^floo  I  «\o  i  .Kj/  )v^  hl^! 
""^.^s:^  .^ibo/  )  I  ">o  ^  .|  I  «  ^^-flpyo  s.^)^/  JJ9  V-^{  9a.*«^  •> 
>  I.  tv>.»ot.^9  ^~«^^ji  va/;  f^l  \-^'>  •Jf't^  ^^  Kaâoi  Kj/9 
y^  joou  JJo  jU/  ys.  K^  JJ/  .^la\  v^oj/  ^.âod  ^^aJL.lw^ 
yJ^  jLo»^  '^-«ir^KX»  jJLdj  9Kâ9  |Li  /  >«.^  t^-^  ^i  ,yooh^2)a^o 
^/  ^j/»  )--»olL^  J^j/  sû^^<"ûO  JJo  .)K„«J^^)l/  )ui.^aji  ^^ 
^9  t-^â  .)i.«'^jLO  l—^^  Joi.J^JJ   i>.^/9   ^^bo  .JJLm^^  ôiJd 


(1)  Dans  le  latin  :  bene  te  acceperunt;  à  lire  :  usa-x-^û? 

(2)  aïs.  w. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  93 

/«.^o,^  yOj/  yO^opo  voJ^.«J  )jp/o  |xv>y:.o»o  JJJI^^D  IIocLm) 
>«.i,v>   >0G^«^o  ^^MO^V  )1  ^.«v^  JLjioi  sa/  .jJiL^  ^^^^  K^i; 

vo  •>  ^^X\^    V-^o)^     Vl     l-*^^P^^<^     IV^V-^O    )    ».«'-'    JLJOI    jLlUw>9 

jULdO^  .^xjx*/    oî^      o6i    )  t  ,*j    jK^kJud  ôudo  .061  IpoQ.^ 

JJ;     '.i-j/    "«w^O    ^po    J^^    .joOt    V-^/     )I)     «  ^<T>    )iOf..«^u3    ^9 

y^'f^o   -^  l^l  l^o.^    >ooK:m  ^^  ^  »^  H\  ^^  K.j/  ^a.^v^ 
1P^£^.£d/    90.^^^^  01.^  )ooi  jJ   .^t-^kb»  ^09  pof;   7^/;  "^QJU. 

sflOaJLrf^SQ*    ^.XLâO   .jjLiLlio    jlocL^    "^09/9    wuJ^QJl/    wi^   "^Z  i^/ 

),  lii  \  I  »  >o^s^  ♦>^ot.»uo  n  m  )o  .^^jj   )9QJL:d   |jum9  o6(  0(^.^9 

0/     .)LâaJt./90     I    ,ty,<.«9     1-^9     ya.^90/     oi^    po/     ^M*^    'U<f-**l 

)a*^    Ji9    )j/    sAV^  Jio  .)jov^  0/   t^/   loi-»   jlo  .jboi  ),  ^^ 

)i9Q^9l    i  >^  '^  na\     0001    ^>^     I  n  »y  ff)     Nk^oC^     JJo    LâoLn/    jJo 
.^0(a2^^     K^K-,/    Jt-J^     J-iCUD     ''^w.-JOI     ^^wDK_Û0/     .)90| 

K^lf^V^  "^.AjLio  V-»».^).-!/  '\-^)^i  K  ..nu)   JJ   otio  ^  »,  ^\\o 


15 


20 


(1)  Ms.  ;*'o. 


10 


15 


94  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

>&f.^o  •.oi.^aâ  ^^  Ijoi  K^^^o  jjov^  NNVii   po  .)jl^^.oo  )ud9 

|._d9  j^oi'f_d  ^oioi  jJ;  ''«ik-^cuji  ^  0010  .'*'^>u>K_jlj  j  «^  »  m  > 
Jooi  "^j  /  J-A^^  V»  m  v>  01^  joof  '^  ^  n  v>;  v^ot  jK^o^ 
vffîo  n  »9a-is  I  t  »»  no  |  1   ^>o  ^;    oio|.2!^  .^.^/o  )ooi    )1  ^..-^o 

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) i-.âj   ^^^?  *^'''^^?!    UV-^/    )K^»9a  ^.v^   oC^  I   NI,»  f>  ooi 

)....V>OV^9  t-<lâO  )LjoV^  J^OCUmI/  ^t^OI  .01^  )V'''^J  iJ^-'^-^^fD 
)i^^^^^  )90|  )l  -Xl^  OOI   V^«^    yJSO  .OlOkSi^.  (1)   s>0|0*^^    )KaL>9/ 

(I)  Sic;  cf.  Nôlciekc,  Gramm.  -,  133. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  95 

JV-^SuH    ^^^.-.^-DOt    J-JQ-^/    Vr^    loA    ).^C^s^    jLlO!    ^iO    ^JJJO 

)KjlIi[;]   jboou^  ^^SiJ>l/o  «vjpo  lo^  ^;/o  K^a^  ji^dX/ 
^^^^.^olS^  ^cl^^^   )L^w..^Qji  oi-^[;]   ^«»^^v^   y^OOJ    )..  ^%\n 

^^-^/ 


LES 

COLONIES  CHRÉTIENNES  D'ORIENTAUX 

EN  OCCIDENT 

DU  V  AU  VHP  SIÈCLE 


Il  y  aurait  un  livre  à  faire  sur  Ici^  Orientaux  en  Occident, 
qui  embrasserait  leurs  migrations  successives  vers  les  côtes 
et  dans  l'intérieur  du  continent  européen,  depuis  les  premiers 
colporteurs  phéniciens  jusqu'aux  colons  syriens,  leurs  succes- 
seurs aux  époques  historiques.  Pour  l'écrire,  il  faudrait  dé- 
pouiller avec  le  soin  le  plus  minutieux  les  textes  littéraires, 
pour  y  tenir  compte  des  moindres  allusions  ;  relever  avec  exac- 
titude les  inscriptions,  dédicaces  religieuses  ou  stèles  funé- 
raires, qui  jalonnent  les  routes  suivies  par  les  Orientaux  dans 
leur  pénétration  progressive  au  sein  du  monde  occidental,  et 
y  marquent  la  place  de  leurs  établissements  temporaires  ou 
durables.  Il  faudrait  encore  démêler,  dans  l'histoire  de  l'art, 
les  intluences  orientales  sur  les  types  occidentaux  et  arriver  à 
déterminer,  avec  un  peu  de  précision,  dans  quelle  mesure  des 
caractères  communs  permettent  de  conclure  avec  certitude  à 
un  emprunt,  c'est-à-dire  à  une  action  directe  des  Orientaux 
sur  l'Occident.  A  ce  prix,  on  pourrait  arriver  à  des  conclu- 
sions intéressantes,  à  des  résultats  neufs  et  dignes  de  confiance  : 
à  déterminer,  par  exemple,  quelle  a  été  au  juste,  dans  les 
diverses  périodes  historiques,  l'influence  de  ces  Orientaux, 
que  l'amour  du  lucre  seul  poussait  à  s'expatrier  (1),  non  seu- 

(1)  «  Avidissimi  mortalium  Sj'ri  »,  écrivait  saint  Jérôme  (Épist.  CXXX,  7 
Pi.  XXII).  Le  mot  n'a  pas  vieilli.  L'amour  du  lucre  a  été  de  tout  temps  la  carac- 
téristique des  Syriens;  ils  n'ont  point  changé,  nous  en  avons  La  preuve  dans  les 
émigrations  incessantes  des  Libanais  vers  les  deux  Amériques.  Comme  autrefois 


LES    COLONIES    CHRÉTIENNES    d'ORIENTAUX.  97 

lement  sur  les  arts  et  la  civilisation  matérielle  de  l'Occident, 
mais  encore  —  et  c'est  ce  qui  importe  le  plus  —  sur  les  idées 
et  les  doctrines. 

De  cet  ouvrage  qui  demanderait  peut-être  une  vie  d'homme, 
M.  Bréliier  s'est  proposé  d'écrire  un  chapitre  dans  un  «  Mé- 
moire sur  les  colonies  d'Orientaux  en  Occident  au  commen- 
cement du  moyen  âge,  du  v''  au  viif  siècle  (1)  ».  C'est  ce 
mémoire  sur  un  sujet  encore  neuf.  (2)  et  piquant  d'intérêt  que 
nous  nous  proposons  de  faire  connaître  aux  lecteurs  de  la 
Revue,  par  une  analyse  rapide.  Si  ce  résumé  trop  succinct  ne 
peut  prétendre  à  donner  une  idée  complète  d'un  travail  qui 
vaut  autant  par  l'abondance  du  détail  précis  que  par  la  net- 
teté de  l'allure  et  la  franchise  des  conclusions,  il  en  fera  du 
moins  entrevoir  la  richesse,  lui  gagnera  des  lecteurs  et  peut- 
être  suscitera  chez  quelques-uns  d'entre  eux  le  désir  de  pous- 
ser plus  avant  une  de  ces  questions  dont  les  savants  chré- 
tiens, et  particulièrement  ceux  qui  se  consacrent  à  l'étude 
de  l'Orient,  ne  sauront  jamais  trop  s'occuper. 

Le  mémoire  de  M.  Bréhier  comprend  deux  parties  nettement 
délimitées  :  les  Colonies  cV Orie^itaux en  Occident;  les  Impor- 
tations orientales. 

Dans  le  premier  chapitre,  l'auteur  passe  en  revue  les  éta- 
blissements  d'Orientaux  (3),  c'est-à-dire  de  Grecs,  d'Asiati- 

les  «  Syriens  ■>  on  Occident,  ils  s'en  vont  amasser  là-bas  un  pécule  pour  s'as- 
surer une  petite  aisance,  sur  le  tard,  au  pays.  Ils  n'ont  pas  d'autre  but;  mais 
on  peut  dire  cependant  que  ces  Orientaux  ne  seront  pas  sans  influence  sur  les 
pays  d'Amérique  où  ils  vont  s'établir.  Ils  colportent  toutes  sortes  d'objets  orien- 
taux qui  feront  souche  dans  l'art  américain,  et  les  produits  de  cet  art  hybride 
feront,  dans  quelque  quinze  siècles,  l'étonnement  des  archéologues  qui  ne  soup- 
çonneraient pas  l'existence  d'autant  de  colonies  hbanaises  dans  le  nouveau 
monde. 

(1)  Mémoire  présenté  au  XIIT  congrès  des  Orientalistes  à  Hambourg,  8"  sec- 
tion, et  publié  dans  la  «  Byzantinisehe  Zeitschrift  ■•.  t.  XII.  Ce  mémoire  a  été 
offert  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  en  termes  très  flatteurs, 
par  M.  Schlumberger.  Cf.  C.  R.  A.  1903,  p.  239. 

(2)  M.  Bréhier  cite  ceux  qui  ont  abordé  avant  lui  la  même  question.  On  verra, 
en  le  Usant,  combien  il  renouvelle  un  sujet  qu'ils  avaient  à  peine  entrevu,  à 
part  Scheffer-Boichorst.  —  Aux  historiens  de  la  culture  orientale  en  Occident  il 
faut  encore  ajouter  G.  .Jacob,  ■■  Ostliche  Kulturelemente  in  Abendland  »,  Berlin. 
1902.  De  cette  conférence,  il  a  paru  une  édition  anglaise,  retouchée  par  l'auteur, 
dans  '•  Smithsonian  Report  <•  for  1902,  pp.  509-529. 

[o]  Il  est  regrettable  que  M.  B.  n'appelle  pas  davantage  l'attention  sur  les  .Juifs, 
qu'il  rencontre  souvent  sur  son   passage  dans  le  dénombrement  des  colonies 

ORIENT   CHRÉTIEN.  7 


98  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

ques,  de  Syriens,  d'Égyptiens  qui,  sous  le  nom  collectif  de 
«  Syriens  »,  vinrent  s'établir,  à  l'époque  romaine  (1)  et  à  l'é- 
poque barbare,  dans  les  principaux  centres  de  l'Occident;  à 
Rome  surtout,  puis  dans  toute  l'Italie,  en  Afrique,  en  Espa- 
gne, dans  les  Gaules,  la  Germanie  et  la  Grande-Bretagne. 

Le  deuxième  chapitre  est  consacré  à  l'étude  de  l'influence 
qui  a  pu  être  exercée  sur  l'Occident  par  l'Orient,  par  l'inter- 
médiaire de  ces  colonies  orientales,  dont  l'occupation  s'est 
mamtenue  en  Occident  jusqu'au  viii''  siècle,  sans  solution  de 
continuité.  Cette  influence,  M.  Bréhier  essaie  de  la  préciser  par 
l'examen  des  importations  orientales  d'ordre  commercial,  ar- 
tistique, intellectuel  et  moral,  et  les  faits,  accumulés  avec 
surabondance,  font  toucher  du  doigt  l'action,  si  peu  étudiée 
jusqu'ici,  de  la  culture  orientale  sur  la  société  barbare. 


Le  courant  qui  portait  les  Orientaux,  les  Syriens  surtout, 
vers  Rome  ne  subit  pas  d'interruption  au  seuil  des  temps  mo- 
dernes. Au  v'  siècle  les  «  graeci  negotiatores  »  ou  «  panta- 
polae  »  continuent  la  tradition  des  marchands  orientaux  qui 
ont  toujours  été  nombreux  sur  la  place  de  Rome  et  font  une 
telle  concurrence  aux  corporations  de  «  tabernarii  »  romains  (2) 
que  Valentinien  III  (440)  doit  les  expulser.  Mais  on  ne  pou- 
vait se  passer  longtemps  d'eux,  il  fallut  bien  les  rappeler  et 
même  la  colonie  de  Grecs  et  d'Orientaux  se  développa  au  point 
d'occuper  bientôt  tout  un  quartier,  au  pied  de  l'Aventin,  le 
long  de  la  voie  d'Ostie. 


orientales.  Le  sujet  est  piquant  et  il  est  loin  d'être  démonti'é  que  l'influence 
juive  sur  la  civilisation  du  liant  moyen  âge  ait  été  nulle.  On  voit  même  h  quel- 
ques traits  cités  par  ]M.  B.  de  quel  crédit  les  Israélites  jouissaient  à  cette  époque. 

(1)  Sur  ce  point,  une  équivoque  serait  fâcheuse  et  il  faut  la  prévenir.  M.  B. 
cherclie  seulement  à  établir  que  les  colons  orientaux  de  l'époque  barbai-e,  dont 
il  s'occupe  exclusivement,  avaient  eu  des  devanciers  dans  la  période  du  Haut 
Empire  et  pendant  les  premiers  siècles  de  notre  ère.  Les  quelques  traits  qu'il 
rapporte  n'ont  pas  d'autre  but  et  ne  doivent  pas  être  pris  pour  un  exposé  com- 
plet que  l'auteur  n'a  pas  voulu  faire. 

(2)  M.  B.  n'a  pu  consulter  l'article  singulièrement  riche  et  instructif  de 
MM.  Gagnât  et  Besnier  sur  le  commerce  romain  (Darembeçg  et  Saglio,  33'=  fasci- 
cule :  Mercalura). 


LES    COLONIES    CHRÉTIENNES    d'oRIENTAUX.  99 

A  la  suite  de  rexpulsion  des  Goths  et  de  la  conquête  de 
l'Italie  par  les  armées  byzantines,  un  nouvel  élément  oriental, 
plus  cultivé  et  plus  influent,  pénètre  à  Rome,  avec  les  fonc- 
tionnaires du  nouveau  pouvoir.  Cette  élite  nouvelle  grandit 
d'une  façon  très  sensible  le  rôle  social  des  Orientaux  en  Occi- 
dent. Ainsi,  dans  le  seul  clergé,  voit-on  croître  rapidement 
la  proportion  des  dignitaires  orientaux  :  du  i"'  au  v'  siècle  on 
ne  connaît  que  dix  papes  d'origine  orientale,  et,  parmi  eux,  un 
seul  est  syrien,  Anicet.  Pendant  le  vu"  et  le  viii"  siècle,  au  con- 
traire, presque  tous  les  papes  sont  orientaux  :  huit  sont  grecs 
et  cinq  originaires  de  Syrie.  Ce  fait  est  significatif.  Faut-il 
y  voir  l'effet  de  la  politique  des  empereurs  byzantins?  Il  y  a 
de  sérieux  motifs  de  le  croire;  mais  il  s'explique  aussi  con- 
jointement par  l'ascendant  moral  que  les  étrangers  d'origine 
orientale  avaient  pris,  dans  le  monde  du  clergé  romain,  par 
leur  science  ecclésiastique  et  probablement  aussi  leurs  vertus. 

La  colonie  orientale  était  grossie  tous  les  jours  de  nouveaux 
venus,  voyageurs  exilés  ou  pèlerins  (I)  qui,  de  tout  l'Orient 
grec  et  même  du  fond  de  la  Perse,  arrivaient  à  Rome,  attirés 
par  le  tombeau  des  apôtres,  et  linissaient  par  se  fixer  dans 
son  voisinage.  Elle  était  assez  nombreuse,  au  vu*"  siècle,  pour 
que  plusieurs  monastères  aient  pu  se  fonder  dans  la  ville,  où 
ils  introduisirent  la  règle  de  saint  Basile  (;2). 

De  ces  faits  principaux,  réduits  à  leurs  grandes  lignes,  et  des 
abondants  détails  qu'il  a  fallu  nr-gliger,  M.  B.  conclut  que  la 
colonie  orientale  de  Rome,  prospère  dès  le  début  de  l'ère  chré- 

(1)  M.  B.  parle  du  pèlerinage  d'Aborcius  à  Home  avec  une  réserve  qui  sem- 
blera exagérée.  De  plus,  la  mention  de  l'hypothèse  de  Ficker  appelait  celle  des 
théories  de  llarnack,  Hirschfeld,  Dieterich,  et  des  réfutations  victorieuses  dont 
elles  ont  été  successivement  Tobjet  de  la  part  de  de  Rossi,  Zahn,  Duchesno,  Cu- 
mont.  —  Quant  au  siège  épiscopal  d'Abercius,  en  dépit  des  alternances  vocali- 
ques  u  et  a,  il  vaut  mieux  écrire  Hieropolis,  pour  n'être  pas  exposé  à  confondre 
le  siège  d'Abercius,  llieropolis  en  Phrvgie  Salutaire,  avec  llierapolis  en  Phrygie 
Pacatienne. 

Cf.  l'article  Abercius  (dom  H.  Leclecq)  dans  le  ■•  Dictionnaire  d'archéologie 
chrétienne  et  de  liturgie  »,  publié  par  le  R.  P.  dom  Fernand  Cabrol.  Paris,  Le- 
touzez,  1903,  fasc.  I,  col.  66-87. 

(2)  Il  serait  intéressant  d'étudier  de  près  ces  communautés  de  moines,  dont  le 
titre  n'est  pas  sans  analogie  matérielle  avec  celui  des  corporations  commerciales 
et  religieuses  de  la  période  gréco-romaine.  Telle  est  par  exemple  cette  commu- 
nauté qui  nous  est  connue  par  les  actes  du  concile  de  Latran  (649)  :  t6  xotvôv  twv 
ÈvôdcOî  TTapotxo'jvTwv  rpar/.ôiv  T,!J.oypi;va)v  xai  [lova/wv  (Jlansi,  Concilia,  X,  p.  904-905). 


100  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tienne,  s'est  développée  surtout  au  vi«  et  au  vu''  siècle,  grâce 
à  l'activité  de  ses  marchands  et  à  l'autorité  de  ses  prêtres, 
jusqu'à  faire  de  Rome  «  une  ville  byzantine  ». 

Également,  dès  l'antiquité,  on  relève  des  traces  d'émigrés 
orientaux  dans  toutes  les  régions  de  Y  Italie  (1).  Ils  continuent 
à  les  fréquenter,  voire  même  à  y  résider,  après  les  invasions 
barbares  et  surtout  sous  la  domination  byzantine.  On  voit  alors 
les  Syriens  former  une  vraie  colonie  à  Ravenne  et  c'est  parmi 
eux  que,  pendant  les  quatre  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne, 
sont  choisis  ses  évêques.  A  Naples,  en  537,  un  marchand  syrien, 
du  nom  d'Etienne,  fait  partie  du  corps  des  notables  et  c'est  de 
lui  que  Bélisaire  se  sert  pour  obtenir  l'adhésion  pacifique  de  la 
population  à  l'empire  de  Justinien.  A  la  suite  des  armées  by- 
zantines. Grecs,  Syriens  et  Arméniens  envahissent  l'Italie  con- 
quise. Ce  sont  ces  nouveaux  venus  qui  reçoivent  les  charges, 
tandis  que  le  clergé  s'accroît  également  de  forts  contingents 
orientaux  et  que  des  monastères,  grecs  de  langue  et  de  disci- 
pline, fondés  par  les  autorités  byzantines,  répandent  la  règle 
basilienne  en  Italie  comme  à  Rome. 

L'action  de  la  politique  des  empereurs  est  facile  à  saisir  : 
elle  ne  tendait  à  rien  moins  qu'à  helléniser  entièrement  l'Italie 
et  à  en  faire,  à  tous  points  de  vue,  une  province  de  l'empire 
grec.  Ce  résultat  était  déjà  en  partie  atteint,  quand  les  invasions 
lombardes  et  franques,  puis  le  schisme  religieux  et  politique, 
amené  par  la  querelle  des  Iconoclastes,  vinrent  tout  arrêter. 
Cependant  l'Hellénisme  survécut  dans  l'Italie  méridionale  jus- 
qu'au xi^  siècle;  ailleurs,  dans  la  partie  qui  échappa  à  l'empire, 
l'intluence  orientale,  quoique  entravée  et  atténuée,  persista  en- 
core longtemps. 

Dans  V Afrique  latine  et  en  Espagne,  les  orientaux  avaient, 
de  toute  antiquité,  établi  des  comptoirs  et  des  colonies.  Ils  for- 
maient un  groupe  influent  à  Carthage,  sous  la  domination  van- 
dale. Là,  comme  en  Italie,  ils  prospérèrent  sous  les  empereurs 
byzantins  ;  mais  cette  prospérité  ne  devait  pas  être  durable,  car 
l'invasion  arabe  suivit  d'assez  près  l'expulsion  des  \'andales.  En 

(1)  11  serait  inutile  de  multiplier,  comme  on  serait  tenté  de  le  faire,  les  indica- 
tions relatives  à  la  patrie  des  éjnign^s  orientaux.  Voir  cependant  une  note  très 
instructive  de  J.-H.  Mordtmann  Junior,  «  Zur  Topographie  des  nordlichen  Syriens 
ans  griechischen  Inschriften  ..  {ZDMG.  XLI  (1S87).  p.  302-307). 


LES    COLONIES    CHRÉTIENNES    d'oRIENTAUX.  101 

Espagne  également  les  Arabes  trouvèrent  de  nombreux  centres 
orientaux,  où  se  perpétuaient  les  traditions  des  Phéniciens  et 
des.Cartliaginois  dans  le  trafic,  en  dépit  des  troubles  semés 
dans  la  péninsule  par  les  invasions  barbares. 

En  Gaule,  Marseille,  Nice,  Arles  (1),  Narbonne  conservèrent 
leurs  antiques  colonies  orientales  jusqu'à  l'époque  franque. 
Celles  de  Marseille  et  de  Narbonne  (2),  malgré  les  vexations  du 
gouvernement  barbare,  étaient  encore  assez  nombreuses  et  flo- 
rissantes au  vi°  siècle.  Des  villes  grecques  de  la  côte  méditer- 
ranéenne, les  Orientaux  avaient  pénétré  jusqu'au  cœur  de  la 
Gaule,  en  suivant  les  voies  naturelles  du  commerce,  les  vallées 
du  Rhône  et  de  la  Saône  et  celle  de  la  Garonne,  qu'utilisait  le 
réseau  routier  si  commode,  créé  par  les  Romains  pour  relier 
les  principaux  centres  commerciaux  et  militaires  des  pro- 
vinces gauloises. 

Dès  avant  le  iv^  siècle,  des  trafiquants  orientaux  sont  établis 
à  Bordeaux,  devenu,  sous  l'Empire  Romain,  un  grand  centre 
intellectuel  et  économique;  les  invasions  barbares  passent  et, 
après  elles,  on  y  retrouve  encore  une  colonie  de  Syriens.  Mais 
l'émigration  orientale  avait  suivi  surtout  le  cours  du  Rhône  pour 
pénétrer  dans  le  nord  de  la  Gaule  et,  de  là,  jusqu'en  Germanie. 
\'ienne,  Lyon,  Genay  près  Trévoux,  Besançon,  Genève,  ont  été 
les  principaux  comptoirs  des  importations  orientales  et  les  mar- 
chands syriens  y  ont  formé  de  nombreuses  colonies.  Entre 
toutes,  celle  de  Lyon  était  la  plus  prospère,  comme  en  témoignent 
des  inscriptions  relativement  abondantes. 

Le  bassin  de  la  Loire  s'était  ouvert  également  au  commerce 
syrien  :  Orléans,  Tours  sont  des  centres  très  importants  de  Sy- 
riens et  de  Juifs  à  l'époque  mérovingienne  et  c'est  à  Grégoire  de 

(1)  On  ne  saurait,  je  crois,  être  aussi  affirmatif  que  M.  B.  sur  les  relations  des 
'<  Naviculaires  »  d'.\rles  avec  l'Orient.  La  preuve  principale  qu'il  en  donne  est 
loin  d'être  décisive.  L'inscription  trouvée  à  Deïr  el-Kamar  (l'indication  de  la  pro- 
venance est  incomplète  et  fautive  dans  le  mémoire  de  M.  B.)  faisait  peut-être 
partie  du  monument  érigé  à  Cominius  (CIL,  XII,  672)  dont  le  piédestal  est  con- 
servé au  musée  d'Arles.  Cf.  Waltzing,  Élude  historique  sur  les  curpvralions  pru- 
fessionnelles  chez  les  Humains...,  t.  IV,  appendice,  pp.  616-G24.  Waltzing  y  corrige 
et  complète  ce  qu'il  avait  écrit  sur  ce  texte,  au  t.  Ill,  n°  I9G1.  M.  B.  semble  n'a- 
voir pas  eu  connaissance  de  cet  appendice. 

(2)  Cf.  les  Canons  du  Concile  de  Narbonne  (589)  qui  énumèrent  les  populations 
de  la  Narbonnaise  :  les  Goths,  les  Romains,  les  Syriens,  les  Cirées  et  les  Juifs. 
(Mansi,  lX,\y>.  1015  et  1017,  canons  IV  et  XIY). 


102  REVUE    DE     l'orient    CHRÉTIEN. 

Tours  que  nous  devons  les  détails  les  plus  abondants  et  les  plus 
typiques  sur  ces  colonies  étranges  qui  conservaient  leurs  usages 
nationaux  et  jusqu'à  leurs  langues,  au  milieu  des  populations 
parmi  lesquelles  elles  vivaient,  sans  toutefois  se  mêler  à  elles  (1). 

De  la  Loire,  elles  essaimèrent  de  bonne  heure  dans  le  bassin 
de  la  Seine,  où  Paris  devint  bientôt  une  des  places  fréquen- 
tées le  plus  volontiers  par  les  armateurs  d'Antioche.  Et  on  sait 
que  saint  Siméon  le  Stylite  interrogeait  Souvent  les  mariniers 
de  retour  en  Syrie  sur  la  sainte  de  Paris,  Geneviève. 

Enfin,  il  n'y  a  pas  jusqu'à  la  Germanie  et  à  la  Bretagne  où 
on  ne  relève  des  traces  de  Syriens,  à  Trêves,  à  Cologne,  en  Ba- 
vière, à  South-Shields. 

Ainsi,  et  jusqu'à  la  fin  du  viii^  siècle,  des  Syriens,  des  Égyp- 
tiens, des  Arméniens,  des  Persans,  des  Asiatiques,  des  Grecs, 
connus  sous  le  nom  générique  de  «  Syri  »,  forment,  à  travers 
tout  l'Empire,  des  groupes  compacts  où  se  conservent  les  usages 
et  la  civilisation  orientale. 

«  Les  in^  asions  barbares,  —  ajoute  M.  Bréhier  (2),  —  en  bou- 
leversant la  société  romaine,  accusèrent  les  caractères  nationaux 
de  ces  Syriens  et  augmentèrent  leur  intluence.  Pendant  long- 
temps ils  avaient  subi  en  Occident  l'attrait  de  la  civilisation 
romaine.  Lorsque  celle-ci  s'est  affaiblie,  ils  ont  gardé  les  habi- 
tudes, la  langue,  la  manière  de  vivre  de  leur  pays  d'Orient.  11 
n'est  donc  pas  étonnant  que  ce  contact  perpétuel  avec  les  Oc- 
cidentaux de  l'époque  barbare  et  ces  Orientaux  plus  raffinés 
qu'eux,  ait  amené  à  la  longue  des  échanges  d'idées  et  modifié 
dans  une  certaine  mesure  la  culture  occidentale  du  moyen  âge. 


Pour  apprécier  cette  action  des  colonies  orientales  sur  la  civi- 
lisation des  barbares  d'Occident,  il  faut  avant  tout  rassembler 


(1)  On  voit  ]t>  parti  que  l'on  peut  tirer  de  ces  faits  et  d'autres  analogues,  pour 
montrer  la  ténacité  singulière  avec  laquelle  les  Syriens  demeuraient  Iklèles  à  leur 
langue  et  à  leurs  usages  nationaux.  Il  s'est  passé  quelque  chose  de  semblable, 
quand  l'influence  de  l'hellénisme  d'abord,  puis  la  civilisation  romaine  atteignirent 
la  Syrie.  Cf.  Th.  Nôldeke,  «  Mummsen''s  Darsielhmg  der  rôinisclien Heryschafl  und 
rômiscimi  PuliUk  im  Orient  •>,  ZDMG,   XXXIX  (1885),  pp.  331-352. 

(2)  P.  19  du  tirage  à  part. 


LES    COLONIES    CHRETIENNES    d'ORIENTAUX.  103 

les  témoignages  qui  nous  restent  et  chercher  C|uelles  ont  été 
leurs  importations  réelles,  de  quelque  nature  qu'elles  soient  et 
qu'il  s'agisse  du  domaine  matériel,  artistique  ou  moral. 

Des  importations  commerciales,  il  y  a  peu  de  chose  à  dire  : 
les  Syriens  du  haut  moyen  âge  gardaient  en  Occident  le  mono- 
pole des  denrées  précieuses  et  des  objets  de  luxe  (1)  dont  ils 
étaient  déjà  les  courtiers  pendant  les  siècles  précédents,  sous 
la  domination  romaine. 

On  comprend  que  les  importations  artistiques  dépassent  de 
beaucoup  en  importance,  pour  le  sujet  qui  nous  occupe,  celles 
d'ordre  puremmit  matériel  et  que,  de  ce  côté,  il  puisse  y  avoir 
eu  une  réelle  influence  du  monde  oriental  sur  le  monde  barbare. 
Mais  cette  action,  si  elle  a  réellement  existé,  est  difficile  à 
saisir  et  à  préciser. 

M.  Bréhier  inventorie  avec  soin  les  objets  d'art  importés 
d'Orient  en  Occident  qui  sont  parvenus  jusqu'à  nous,  ou  qui 
nous  sont  connus  par  des  descriptions  suffisantes.  En  les  rap- 
prochant des  modèles  d'art  barbare  contemporains  ou  posté- 
rieurs, il  n'est  point  dupe  de  certaines  similitudes  qui,  ont 
induit  en  erreur  d'autres  savants.  II  conclut  avec  beaucoup  de 
sagesse  que,  en  dépit  de  la  faveur  dont  jouissent  parallèlement 
certains  motifs  caractéristiques,  tels  que  les  lignes  brisées,  les 
entrelacs,  les  spirales,  les  animaux  stylisés...  dans  l'art sassanide 
et  dans  l'art  barbare,  celui-ci  ne  procède  pas  de  celui-là.  L'art 
des  barbares  est  antérieur  à  toute  relation  avec  l'Orient  et  son 
origine  se  confond  avec  celle  même  de  leur  race. 

Il  ne  s'ensuit  pas  cependant  que  les  barbares  n'aient  rien 
emprunté  aux  œuvres  d'art  de  style  oriental.  M.  B.  concède 
parfaitement  qu'ils  aient  pu  s'inspirer  secondairement  des 
objets  d'orfèvrerie  et  des  étoffes  historiées  importées  alors 
d'Orient.  Il  admet  même  l'existence  d'un  «  art  d'importation  », 
art  religieux  avant  tout,  et  qui  nous  est  révélé  en  particulier 
par  les  mosaïques  et  par  ce  que  nous  savons  des  représenta- 
tions iconographiques  alors   en   usage   dans  les  églises   (2). 


(1)  On  en  trouvera  l'énumération  chez  M.  B.  et,  avec  plus  de  détail  encore, 
dans  le  tableau  synoptique  annexé  à  l'article  de  MM.  Cagnat  et  Besnier,  sur  le 
commerce  romain  (Daremberg  et  Saglio  :  Mercalura). 

(2)  M.  B.  touche  par  ce  côté  à  l'art  byzantin,  dont  les  origines  viennent  d'être 
étudiées  avec  autant  d'originalité  que  de  profondeur  d'éi'udition  artistique  par 


104  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Celles-ci  subirent  incontestablement  Tinfluence  orientale  et 
M.  B.  constate  même  que  ce  ne  fut  pas  sans  résistance  que 
certains  motifs  religieux  d'un  usage  courant  en  Syrie  pénétrè- 
rent en  Occident.  Tel  est  le  cas  de  la  représentation  du  Christ 
en  croix  (1)  :  c'est  seulement  à  la  fin  du  vi"  siècle  que  les 
Syriens  l'introduisirent  en  Gaule,  à  Narbonne.  Les  fidèles  y 
furent  choqués  tout  d'abord  de  cette  innovation  ;  mais  le  crucifix 
gagna  l'Occident  comme  il  avait  conquis  l'Orient. 

«  Les  intluences  de  l'Orient  sur  la  culture  intellectuelle,  sur 
les  croyances  et  les  coutumes  religieuses,  sont  encore  plus  dif- 
ficiles à  saisir  que  les  échanges  artistiques  entre  les  deux  civi- 
lisations. Là  encore  il  s'agit  moins  de  porter  des  appréciations 
forcément  arbitraires  que  de  rassembler  tous  les  faits  précis 
qui  nous  font  entrevoir  ces  intluences  (2).  » 

Fidèle  à  cette  méthode  tout  objective,  M.  B.  réunit  en  un 
faisceau  les  documents  de  diverses  sortes  que  nous  possédons 
sur  la  diffusion  de  la  culture  grecque  en  Occident,  d'une  part, 
et,  de  l'autre,  sur  la  faveur  dont  y  jouirent  les  institutions 
monastiques  et  les  dévotions  orientales.  Il  est  impossible  de  le 
suivre  dans  le  détail  de  son  exposé  et  on  ne  saurait  faire  un 
choix  parmi  les  traits  accumulés  (3),  qui  tous  ont  leur  prix,  et 
de  l'ensemble  desquels  peu  à  peu  se  dégage,  singulièrement 
nette  et  persuasive,  la  conclusion. 

«  Monastères,  reliques,  culte  des  saints,  légendes,  c'est 
presque  tout  le  domaine  de  la  vie  religieuse  des  hommes  de 


M.  Josef  Strzygowski,  dont  nous  no  citerons  iiiie  les  deux  principaux  ouvrages  : 
<'  Orient  oder  Rom,  Beitràye  zur  Geschichle  der  spaianlikcn  u.  fruhcr'tëllichen 
Kunsl  ..,  Leipzig,  Hinricii,  1901,  in-4";  ■■  Kleinasicn,  ein  Neidand  der  Kunstge- 
sehichte...,  •>  Leipzig,  Hinrich,  1903,  in-4''. 

(1)  Ce  point  d'arcliéologie  clirétienne,  un  des  plus  intéressants  abord('S  par 
M.  B.,  a  fait  l'objet  d'une  communication  à  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  [C.  R.  A.  1903,  p.  07-70).  Depuis,  l'auteur  a  repris  et  développé  ses 
conclusions  dans  une  brochure  nourrie  sur  les  «  Origines  du  crucifix  dans  l'art 
•religieux  •■,  Paris,  Bloud  (collection  Science  et  Religion),  1904,  in-S",  p.  62.  Il  n'est 
quejuste  d'appeler  l'attention  de  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'art  chrétien  sur 
cet  excellent  travail  qui  n'a  qu'un  seul  tort,  —  indépendant  du  reste  de  l'auteur, 
—  celui  de  n'être  pas  accompagne'  d'illustrations. 

(•2j  Page  30. 

(3)  Notons  tout  de  même  comme  spécialement  intéressant  le  témoignage  de 
Théodoret  {P.  G.,  LXXXll,  1474)  sur  la  faveur  extraordinaire  dont  jouissait  à 
Rome,  parmi  la  population  des  petits  boutiquiers,  la  dévotion  au  saint  stylite 
d'Autriche,  dont  la  statuette  ornait  la  devanture  de  tous  les  magasins. 


LES    COLONIES    CHRÉTIENNES    d'ORIENTAUX.  105 

rOccident,  au  moyen  âge.  Les  exemples  nombreux  et  authen- 
tiques que  nous  avons  recueillis  nous  permettent  craffirmer 
qu'à  la  base  de  cette  culture  morale  se  trouvent  les  influences 
de  rOrient  qui,  par  rintermédiaire  des  marchands  ou  des 
moines,  n'ont  cessé  de  pénétrer  dans  l'Europe  latine  pendant 
cinq  cents  ans  (1).  « 

Enfin,  revenant,  dans  un  tableau  dernier,  sur  les  diverses 
conclusions  formulées  par  lui  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  étaient 
acquises  par  son  enquête  historique,  M.  B.  résume  son  mé- 
moire dans  quelques  lignes  précises  et  franches  que  nous  ne 
pouvons  pas  ne  pas  lui  emprunter  encore. 

«  Quel  a  donc  été  le  rôle  de  l'orientalisme  en  Europe,  au 
début  du  moyen  âge?  On  aurait  tort  de  voir  partout  son  in- 
fluence, et  il  est  bon  de  ne  l'admettre  que  d'après  des  données 
certaines.  Mais,  ces  réserves  faites,  on  peut  dire  que  les  obscurs 
marchands  qui,  guidés  par  un  instinct  séculaire,  sont  venus 
chercher  fortune  dans  les  pays  barbares  d'Occident  ont  été 
involontairement  les  ouvriers  d'une  œuvre  féconde.  Au  moment 
où  la  culture  antique  s'affaiblissait  en  Occident,  alors  que  sous 
l'action  des  barbares  la  vie  devenait  plus  âpre  et  les  mœurs 
plus  rudes,  la  civilisation  qu'ils  apportaient  a  été  pour  l'Europe 
latine  un  principe  supérieur.  Grâce  à  eux  la  barbarie  a  été 
moins  grande  en  Europe;  leur  influence  a  maintenu  un  certain 
goût  du  luxe  et  de  l'art  qui  a  préparé  la  Renaissance  carolin- 
gienne. Encore  aujourd'hui  il  serait  impossible  d'analyser  ce 
tout  si  complexe  qui  forme  ce  que  l'on  est  convenu  d'appeler 
«  la  civilisation  européenne  »,  si  parmi  les  éléments  multiples 
dont  elle  est  composée,  on  ne  faisait  une  part  aux  usages  maté- 
riels et  religieux,  aux  croyances  et  aux  conceptions  artistiques 
que  les  sociétés  barbares  ont  reçus  des  «  Syriens  »  au  com- 
mencement du  moyen  âge  (2).  » 


Ceux  qui  auront  suivi  jusqu'au  bout  ce  rapide  exposé,  auront 
le  désir  de  faire  plus  ample  connaissance  avec  un  travail  d'un 


(1)  Page  36. 

(2)  Pages  38-39. 


106  REVUE    DE    l'orient    CIIRÉTIEX. 

aussi  puissant  intérêt.  Ils  seront  largement  récompensés  de  la 
petite  fatigue  qu'il  y  a  à  pénétrer  ces  pages  serrées,  regorgeant 
de  faits  et  hérissées  de  références  (1).  Ils  rendront  justice  à  la 
sûreté  de  méthode  avec  laquelle  est  conduite  cette  longue  dis- 
sertation, et  à  la  réserve  modeste  et  prudente  des  conclusions. 
Malgré  l'amplitude  de  son  enquête,  dont  les  références  variées 
donnent  une  idée,  —  bien  incomplète  cependant  :  que  de  livres 
dépouillés  rfont  rien  donné!  —  M.  Bréhier  s'est  bien  rendu 
compte  que  son  travail  n'est  pas  délinitif.  Il  semble  n'avoir 
voulu  lui  donner  qu'un  caractère  provisoire;  mais  c'est  un 
provisoire  qui  durera.  Et,  si  nous  pouvons  formuler  ici  un 
vœu,  c'est  que,  plus  tard,  M.  Bréhier  reprenne  dans  un  volume 
ce  sujet  qui  est  bien  à  lui  et  dans  lequel  ses  recherches  lui  ont 
assuré  dès  maintenant  une  maîtrise  incontestable  pour  l'avenir. 

Louis  Jalahert,  S.  J. 


(1)  Il  est  dommage  que  le  typographe  les  ait  spécialement  maltraitées.  vVinsi, 
le  texte  cité  de  Théodoret  se  trouve  à  la  col.  1474  et  non  1472;  au  lieu  de  Mansi, 
A',  p.  910,  lire  A',  p.  904-905;  l'indication  :  S.  Jérôme,  Epist.  7  {P.  L.,  CXXX 
p.  983)  doit  se  rétablir  Epist.  CXXX,  7  [P.  L.,  XXII,  9S3),  etc.. 


HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE 

DE  UÀRMÉNIE 

{Suite)  (1) 


'       Grégoire  II  (1065-1105) 

I  10.  Origine;  vertus;  science;  tentative  d'union  religieuse 
avec  les  Grecs.  —  Les  électeurs  réunis  dans  la  forteresse  de 
Dzamentav  désignèrent  d'une  voix  unanime  Grégoire,  fils  aîné 
du  prince  arménien  Grégoire  Magistros,  duc  de  Mésopotamie, 
de  rillustre  famille  des  Pahlavounis  (Tune  des  branches  arsa- 
cides,  originaire  de  Palh).  Il  était  connu  jusqu'à  ce  jour  sous 
le  nom  de  Vahram  et,  à  la  mort  de  son  père,  avait  reçu  de 
l'empereur  le  titre  de  duc  de  Mésopotamie.  Mai.s,  frappé  un 
jour  d'une  inspiration  suinte,  en  entendant  les  paroles  de 
Notre-Seigneur  :  «  Si  quelqu'un  veut  me  suivre,  qu'il  se  renonce 
lui-même,  prenne  sa  croix  et  me  suive  »,  il  avait  donné  aux 
pauvres  tout  ce  qu'il  possédait,  changé  son  nom  en  celui  de 
Grégoire  et  s'était  retiré  dans  la  solitude,  où,  n'ayant  d'autre 
souci  que  de  devenir  parfait,  il  menait  la  vie  la  plus  crucifiée. 
Il  fallut,  pour  ainsi  dire,  user  de  violence,  afin  de  lui  faire 
accepter  la  dignité  patriarcale.  Nul,  cependant,  n'en  était  plus 
digne  par  sa  science,  son  zèle  à  réformer  les  abus  et  son  atta- 
chement à  la  foi  catholique.  Il  passa  une  grande  partie  de  sa 
vie  au  couvent  d'Arek,  sur  le  mont  Amanus.  C'est  là  qu'il  tra- 
duisit un  grand  nombre  de  pieux  ouvrages  grecs  et  syriaques, 
beaucoup  de  vies  de  saints,  surtout:  ce  qui  lui  valut  le  surnom 

(1)  Yoy.  vol.  YII,  190-2,  p.  26,  277,  508;  vol.  VIII,  1903.  i>.  200,  577. 


108  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

de  Vegaïaser,  on  ami  des  martyrs.  Élu  patriarche  sous  le  nom 
de  Grégoire  II  (1065-1105),  il  établit  sa  résidence  à  Dzamentav,à 
l'ouest  de  lAlélitène,  dans  le  Taurus,  et  entreprit  aussitôt  l'œuvre 
qui  est  son  plus  beau  titre  de  gloire.  Persuadé  que  la  foi  des 
Arméniens,  dégagée  de  quelques  malentendus,  ne  différait  en 
aucun  point  essentiel  de  la  foi  catholique,  il  s'appliqua  à  re- 
nouer avec  l'Église  grecque  et  l'Église  romaine  des  relations 
que,  dans  le  premier  cas,  les  événements  politiques  et,  dans  le 
second,  la  distance  avaient  interrompues.  Il  se  rendit  à  Constan- 
tinople,  au  temps  de  l'empereur  Alexis  1"'  Comnène.  Mais  les 
pourparlers  n'aboutirent  pas  à  une  parfaite  entente.  Quelques 
Grecs  allaient  jusqu'à  rejeter  comme  invalide  le  baptême  des 
Arméniens.  Les  prélats  les  plus  conciliants  demandaient  seule- 
ment que  le  patriarche  supprimât  ou  corrigeât  certains  termes  de 
son  symbole.  Grégoire  refusa  d'y  rien  changer,  alléguant  que 
les  termes  incriminés  étaient  entendus  par  les  Arméniens  dans 
un  sens  orthodoxe. 

^11.  Ses  rapports  avec  le  pape  Grégoire  Vil;  Envoi  du 
pallium;  bref  affectueux;  quelques  usages  à  modifier.  —  Nul 
doute  que  son  accord  avec  l'Église  romaine  ait  été  plus  parfait. 
Il  envoya  au  pape  Grégoire  VII  le  prêtre  Jean,  porteur  d'une 
lettre,  dans  laquelle  il  témoignait  au  pontife  romain,  avec  son 
attachement,  le  désir  de  rétablir  l'union  de  son  Église  avec 
le  Saint-Siège  et  sollicitait  le  pallium,  comme  un  insigne  d'au- 
torité et  une  marque  de  communion  avec  la  chaire  de  Pierre. 
Le  pape  reçut  le  messager  avec  une  paternelle  tendresse.  Il 
agréa  toutes  ses  demandes  et  le  chargea  de  porter  le  pallium  au 
patriarche. 

Il  avertit  cependant  le  légat  patriarcal  de  certaines  accusa- 
tions dirigées  par  les  catholiques  contre  l'Église  d'Arménie. 
L'envoyé  s'efforça  de  montrer  que  quelques-uns  des  usages 
incriminés  étaient  légitimes,  comme  celui  de  consacrer  avec  du 
vin  pur  et  un  pain  azyme,  et  que  d'autres  pratiques  blâmables 
étaient,  à  tort,  attribuées  â  son  Église  :  celle,  par  exemple,  de  con- 
fectionner le  saint  chrême  avec  du  beurre,  au  lieu  de  baume, 
et  d'honorer  Dioscore  comme  un  saint.  Le  Saint  Père  adressa 
au  patriarche  un  bref  affectueux;  il  l'exhorte,  toutefoiSj  à  lui 
confirmer  lui-même,  par  écrit,  «  qu'il  reçoit  les  quatre  premiers 
conciles  généraux  admis  dans  l'Église  universelle  »,  et  il  l'en- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉXIE.  109 

gage  à  omettre  après  le  trLsagion  (Sanctus  Deus,  sanctus  fortis, 
sanctus  immortalis)  Taddition  :  «  qui  as  été  crucifié  pour 
nous  ».  En  la  supprimant,  il  fera  disparaître  toute  équivoque 
et  toute  occasion  de  scandale.  Quant  à  l'usage  du  pain  azyme, 
le  pape  le  déclare  légitime,  en  dépit  des  plaintes  passionnées 
des  Grecs  (1),  Ce  qui  montre  bien  que  Grégoire  Vil  regardait 
l'Église  arménienne  comme  orthodoxe,  c'est  qu'il  enjoint  à 
l'évêque  de  Bénévent  de  ne  point  admettre  à  la  communion 
catholique,  à  moins  qu'il  ne  se  rétracte,  un  homme  qui  a  été 
expulsé  comme  hérétique  de  l'Église  arménienne  (2). 

§  12.  Voyage  à  liomc  invraisemblable.  —  Au  dire  de  quel- 
ques historiens  arméniens  et  latins,  Grégoire  II  aurait  même 
fait,  en  1075,  le  voyage  de  Rome  pour  achever  de  dissiper, 
par  des  entretiens  de  vive  voix,  les  malentendus  qui  avaient 
tenu  les  Arméniens  éloignés  du  Saint-Siège  (3).  Ce  serait,  enfin, 
à  l'occasion  de  ce  voyage,  ajoutent  tels  d'entre  eux,  que  le 
père  de  Grégoire  'V^egaïaser,  Grégoire  Magistros,  aurait  composé 
l'hymne  fameuse,  dans  laquelle  il  exalte  «  le  Saint-Siège  de 
Rome,  où  fut  établie  la  pierre  de  la  foi,  le  fondement  de  la  sainte 
Église  »  (3). 

Malheureusement,  les  écrivains  postérieurs  qui  nous  content 


(1)  Galan.,  Pars  I,  p.  ii'J  et  sqq.  :  Baronius,  ann.  10»i,  TS,  74.  —  Grég.  VII,  LUI., 
lib.  VIII,  episl.  I  ad  Synnadcnsem  archiepiscop;  Migno,  t.  CXLYIII,  p.  571.  Nous 
cro3'ons  que  le  lieu  de  résidence  do  Grégoire  le  Martyropliile  était  non  Synnade, 
mais  Dzamentie  ou  Dzamentav. 

(•2)  Grég.  Vil,  epist.,  lib.  VII,  ëpist.XXXUl  ;  Migne,  ibid.,  p.  570.  Cf.  Mansi,  Concil. 
collect.,  t.  XV,  p.  310;  Galanus,  I,  2-27-232.  —  Inutile  de  relever  ici  d'autres  usages, 
blâmés  par  les  Grecs  et  déjà  présentés  au  cpncile  in  TruIIo  (629)  contre  les 
Arméniens,  quelques-uns  de  ces  usages  étant  licites,  et  les  autres  non  admis 
universellement  par  rÉgiiso  arménienne,  comme  de  se  nourrir  de  laitage,  les 
samedis  et  dimanches  de  carême,  de  faire  cuire  dans  le  lieu  saint  la  viande  offerte 
par  les  fidèles  et  de  la  diviser  ensuite  entre  les  prêtres,  de  n'admettre  à  la  prê- 
trise que  les  candidats  d'origine  sacerdotale,  c'est-à-dire  issus  de  prêtres. 

(3)  Matth.  d'Édesse,  ch.  cvni;  Cf.  xcix.  —  Baronius,  t.  VII,  ann.  1080;  Lequien, 
Oriem  Christ.,  t.  1,  col.  1396,  1397.  D'après  Matth.-  d'Édesse,  Grégoire  partit  pour 
Constantinople,  puis  pour  Rome,  d'où  il  passa  en  Egypte.  Ce  pays  comptait 
30.000  Arméniens;  il  y  établit  son  trône  partriarcal.  II  est  assez  naturel  que  l'au- 
tour ait  désigné  sous  le  nom  de  Rome  quelque  ville  latine  moins  éloignée  que 
Rome.  On  voit  aussi  que  Grégoire  avait  confié  à  Georges  de  Lori  la  charge  de 
vicaire,  mais  n'avait  pas  complètement  abdiqué  le  patriarcat.  La  preuve,  c'est 
qu'il  exerce  le  catholicat  en  Egypte  sous  le  Khalife  fathimite  Jlostanser-billah 
(1036-1094). 

(3)  Liv.  des  Hymnes,  5"  jour  do  l'Octave  de  la  Translation  de  la  Croix. 


110  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

ce  prétendu  voyage  ne  citent,  à  l'appui,  aucune  preuve  hors 
de  coAteste  (1).  Aussi  bien,  la  réconciliation  avec  l'Église  ro- 
maine que  les  faits  allégués  confirmeraient  est,  d'autre  part, 
nous  l'avons  vu,  solidement  prouvée.  L'union  devait  persévérer 
pendant  des  siècles,  maintenue  par  des  pontifes  dignes  de  ceux 
qui  l'avaient  rétablie. 

^  13.  Zèle  monastique  ;  Pseudo-patriarches  ;  le  catholicos 
Basile  d'Ani  fait  alléger  les  impôts  des  Arméniens  ;  il  désigne 
pour  lui  succéder  Grégoire  III.  —  En  même  1emps  qu'il 
infusait  dans  les  veines  de  son  Église  une  sève  nouvelle  et 
rendait  au  siège  patriarcal  son  ancien  relief,  Grégoire  faisait 
aussi  refleurir,  par  ses  exhortations  et  son  exemple,  les  insti- 
tutions monastiques.  Comme  pour  tout  le  reste  il  était,  à  cet 
égard,  le  digne  émule  de  Nersès  le  Grand  et  surtout  de  Sahag 
le  Grand.  Celui-ci,  en  effet,  avant  d'être  promu  au  catholicat, 
avait  réuni  70  disciples  et  les  avait  soumis  à  In  règle  du  couvent 
des  Spoudées  {<7-ouoy.Xoi,  studiosi);  règle  nustère,  qui  prescrivait, 
entre  autres  pratiques,  celle  de  porter  le  cilicc  et  d'aller  nu- 
pieds.  C'était  après  une  vie  analogue,  dont  il  avait  dtjà  goûté, 
que  soupirait  Grégoire.  En  1071,  ilavait  abdiqué  pour  se  retirer 
au  milieu  des  solitaires  dans  la  Montagne  Noire.  —  Mais  sa 
science,  son  zèle  et  sa  vertu  n'empêchèrent  pas  qu'il  eût  des 
adversaires  et  des  compétiteurs.  Le  docteur  Georges  de  Lori, 
son  chancelier,  avait  juré  de  le  suivre  dans  sa  retraite.  Puis, 
quand  Grégoire  eut  résigné  ses  fonctions,  l'infidèle  chancelier, 
raconte  Matthieu  d'Édesse,  accepta  la  charge  de  catholicos, 
que  lui  offraient  les  princes  et  les  évèques.  Bien  qu'attristé  par 
cette  sorte  de  parjure,  Grégoire  le  consacra  néanmoins  vice- 
catholicos.  D'ailleurs,  Georges  se  comporta  de  telle  sorte  que 
Grégoire  dut  le  déposer  (1073). 

Mais,  au  moment  où  lui-même  reprenait  possession  de  son 
siège,  l'arménien  Philarète  Brachame  l'invita  à  venir  s'(Hablir 
dans  les  provinces  soumises  à  son  autorité.  Le  catholicos  se 
défiait  de  ce  chef  cruel  et  refusa  son  offre.  Aussi,  peu  après,  un 
pseudo-patriarche,  Sergius,  fils  d'une  sœur  de  Pierre  I"',  était 
élu  par  les  soins  du  patrice  Philarète  et  fixait  sa  résidence  dans 
la  ville  de  Honi,  au  pays  de  Dchahan,  vers  la  source  du  Pyra- 

(1)  Tel  est  aussi  l'avis  du  savant  Balgy,  op.  cil.,  p.  30. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉXIE.  111 

mus  (Djihoim).  En  1075,  à  Sergius  succédait  Tlioros  ou  Théo- 
dore Alakhosig.  L'émir  turk  Bouldadji  ayant  enlevé  le  district 
de  Dchahan  à  Pliilarète,  celui-ci  essaya  inutilement  d'attirer 
Théodore  auprès  de  lui  et  fonda  enfin  à  Marasch,  en  faveur  de 
Boghos  ou  Paul  du  monastère  de  Varak,  voisin  de  Sébaste,  un 
patriarcat  particulier  qui  ne  subsista  que  six  mois  (1085). 

Tout  autre  fut  l'origine  du  catholicosat  de  Parsegh  ou  Ba- 
sile Anetsi  (né  à  Ani)  (1).  Fils  d'une  des  sœurs  de  Grégoire 
et  du  prince  Vasag,  il  fut  nommé,  par  son  oncle,  vicaire  patriar- 
cal (1074)  et  maintint  sa  résidence  à  Ani.  Témoin  de  l'oppression 
que  les  gouverneurs  établis  par  Mélik-Schah  faisaient  peser  sur 
le  peuple  arménien,  il  alla  trouver  ce  sultan  et  en  obtint  l'al- 
légement sollicité.  Il  réussit  même,  par  ses  prières  et  surtout 
par  de  riches  présents,  à  faire  exempter  de  toute  redevance  les 
églises,  les  couvents  et  les  possessions  du  clergé.  A  son  retour 
de  Perse  (1091),  Basile  chassa  Théodore  de  son  siège  de  Hoiii, 
et  Grégoire  en  mourant  le  désigna  pour  son  successeur  (1105). 
Demeuré  seul  patriarche,  il  transporta  sa  résidence  à  Schoughr- 
dnabad,  entre  Sis  et  Marascli,  aux  confins  du  district  de  Kes- 
soun,  où  régnait  le  chef  arménien  Basile  le  Voleur  ou  le  Rusé 
(Kogh-Vasil). 

Peu  de  temps  après,  Basile  vit  arriver  au  Couvent-Rouge 
(Garmir-Vank),  près  de  Kessoun,  plusieurs  émigrants  armé- 
niens, parmi  lesquels  était  un  jeune  prêtre  des  plus  distingués.  Il 
s'appelait  Etienne.  Sa  science  et  ses  autres  c{ualités  fixèrent  sur 
lui  l'attention  du  catholicos,  qui  le  nomma  bientôt  évèque  de 
Kessoun  et  supérieur  de  Garmir-Vank.  Maître  éminent,  il  eut 
des  disciples  qui,  en  le  dépassant,  créèrent  son  plus  beau  titre 
de  gloire.  Il  compta  en  effet  au  nombre  de  ses  élèves  les  futurs 
catholicos  Grégoire  Pahlavouni  et  son  frère  Nersès  le  Gracieux. 

Quand  Grégoire  II,  près  de  mourir  à  Garmir-Vank,  avait  dé- 
signé Basile  pour  son  héritier,  il  lui  avait  fait  promettre  de  lé- 
guer un  jour,  par  testament,  sa  charge  à  son  petit-neveu 
Grégoire,  né  du  prince  Abirad,  qui  était  lui-même  fils  d'une 
sœur  de  Grégoire  II.  Basile  tint  parole,  malgré  l'accident  im- 
prévu qui  détermina  sa  mort.  Un  jour  qu'il  était  sur  sa  terrasse 

(1)  Matth.  d'Édosse,  II,  cxx,  dit  que  Basile  déjà  archevêque  d'Ani,  fut  sacré  ca- 
tholicos à  Lorhi  (au  nord-est  d'Ani)  par  Etienne  d'Aghpat,  catholicos  des 
Agliouans,  sur  la  recommandation  du  roi  Goriguê,  fils  de  David  Anogliin  (1082). 


112  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

à  Vartahéri,  sur  les  confins  de  Behesni,  la  maison  s'écroula  et 
il  eut  l'épine  dorsale  brisée.  Transporté  à  Schougr,  il  expira  le 
troisième  jour,  après  avoir  demandé  que  son  trône  et  son  voile 
fussent  donnés  à  son  cousin.  La  même  année,  ce  choix  fut  con- 
firmé par  l'assemblée  des  évêques  et  des  prêtres  à  Garmir-Vank. 
Sacré,  en  un  même  jour,  évêque  et  catholicos,  l'élu  prit  le  nom 
de  Grégoire  111  (1113-1167).  Malgré  sa  jeunesse,  — il  n'avait 
que  vingt  ans,  —  on  ne  vit  pas  seulement  en  lui  l'arrière- 
petit-fils  de  Grégoire  Magistros,  le  neveu  de  Grégoire  II,  le 
rejeton  de  l'illustre  famille  des  Pahlavounis;  on  le  choisit  sur- 
tout à  cause  de  sa  sagesse,  de  sa  science,  de  son  admirable 
charité.  (Matth.  d'Édesse,  111,  187,  214,  215;  trad.  Dulaurier, 
pp.  258  et  286.) 


CHAPITRE  TROISIÈME 

IV*  DYNASTIE.  LES  ROUPÉNIENS,   ROIS  DE  LA  CILICIE  (1). 
Article  I'^  —  Histoire  politique. 

Au  moment  où  Grégoire  .Alartyrophile,  écoutant  la  voix  de 
Dieu  plus  encore  peut-être  ciue  la  voix  du  sang,  donnait  à  son 
Église  un  pontife  fidèle  aux  traditions  qu'il  avait  lui-même 
ressuscitées,  le  royaume  d'Arménie,  que  nous  avons  vu  expirer 
avec  son  roi  Kakig  II,  revivait  déjà.  Depuis  un  quart  de  siècle, 
il  avait  été  reconstitué  dans  cette  partie  extrême  de  l'Arménie, 
vers  laquelle  les  fils  de  Haïg  étaient  incessamment  refoulés  par 
les  invasions  des  Turks  et  des  Mongols. 

1 1.  Seigneurs  arméniens  réfugiés  dans  le  sud-ouest;  Vlsch- 
khan  Roupén,  maître  de  Partzerpert.  —  Nous  l'avons  dit  : 
lorsque  Kakig  II  fut  capturé  près  de  la  forteresse  de  Cybistra, 
ses  trois  compagnons  purent  s'enfuir  (1079).  Parmi  eux 
était  Roupên,  l'un  de  ses  parents.  A  la  tête  de  quelques  hommes 
déterminés,  il  se  réfugia  dans  les  gorges  du  Taurus,  en  Cilicie, 
et  se  rendit  maître  de  la  forteresse  de  Partzerpert  (2)  (1080,  529 
de  l'ère  arménienne.) 


(1)  Tout  en  continuant  de  confronter  les  divers  historiens  de  l'époque,  notam- 
ment ceux  réunis  dans  le  Recueil  des  Croisades  (Documents  arméniens,  t.  I),  nous 
suivrons  assez  souvent  ici  Matthieu  d'Édesse,  dont  l'histoire  s'arrête  à  l'an  1136, 
et  son  continuateur  Grégoire  le  prêtre,  dont  le  récit  se  termine  à  l'an  1162.  Ils 
n'ont  pas  l'art  de  la  composition  que  possiklaient  les  auteurs  de  l'âge  d'or;  de 
plus  leur  crédulité  les  égare  quelquefois;  leur  ardent  patriotisme  leur  fait  ac- 
cepter trop  aisf'ment  des  pri'jugés  nationaux  et  fausse  certaines  appréciations.  Ce 
sont  des  guides  qu'il  ne  faut  pas  suivre  aveuglément:  néanmoins  leur  témoi- 
gnage est  sincère  et,  d'ordinaire,  véridique. 

(•2)  Partzerpert  (forteresse  haute),  château  fort  dans  le  Taurus,  sur  un  affluent 
du  haut  Pyramus  (Djihàn-Tcha'ij,  vers  l'extrémité  septentrionale  de  la  Cilicie, 
à  une  journée  de  marche  au  nord  de  Sis.  Cf.   Matthieu  d'Édesse,  ch.  ci.i  (trad. 

ORIENT  CHRÉTIEN.  8 


114  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Avant  lui,  d'autres  chefs,  secondés  par  les  Arméniens  du 
pays,  avaient  déjà  érigé  quelques  principautés,  à  demi  indé- 
pendantes de  Constantinople.  Tel  était  le  nakharar  Oschïn. 

Ce  seigneur  était  jadis  maître  de  la  forteresse  de  JMaïriats- 
Dchourk  (Rivière  des  Sapins),  près  de  Kantzag  de  l'Albanie 
(Élisabethpol).  Forcé  de  fuir  devant  les  Seldjoukhides  (1075), 
il  vint  en  Cilicie  auprès  de  son  ami  Aboulkharib  Ardzrouni, 
que  l'empereur  avait  nommé  gouverneur  de  Tarse  et  de  Mop- 
sueste.  Au  nom  d'Alexis  Comnène,  son  protecteur  lui  donna,  à 
titre  de  fief  héréditaire,  la  forteresse  de  Lampron  (Nimroun)  (1). 

Nous  verrons  bientôt  un  descendant  d'Oschïn,  Hèthoum  I'"', 
devenir  le  chef  de  la  deuxième  dynastie  des  rois  de  la 
Cilicie  (1226).  Les  Grecs  eux-mêmes  favorisaient  parfois  la  fon- 
dation de  ces  petites  principautés  :  Ils  n'étaient  pas  fâchés  de 
voir  quelques  seigneurs  arméniens  devenir  leurs  gardes-fron- 
tières contre  les  Arabes.  Au  reste,  pendant  un  siècle,  les  chefs 
de  TArméno-Cilicie  se  contenteront  des  titres  de  prince 
(Ischkhan),  de  prince  montagnard,  de  grand  baron,  et  ména- 
geront ainsi  les  susceptibilités  jalouses  des  empereurs  de  Cons- 
tantinople et  des  princes  d'Antioche,  tour  à  tour  leurs  suze- 
rains (2). 

^2.  Constantin  I"  (1092-1100),  premier  baron  (3).  —  Le 
fils  de  Roupên  le  Grand,  Constantin,  enleva  aux  Grecs  la  for- 
teresse de  Vahka  (Féké),  située  sur  le  haut  Sarus  entre 
Hadchin  et  Bùlan,  et  y  établit  le  siège  de  son  gouvernement. 
Quand  les  Croisés,  sous  les  ordres  de  Godefroy  de  Bouillon, 


do  Dulauriei-,  Paris,  1858,  p.  217):  Guiragos,  j).  58  et  suiv.  — Selon  ((uolques  his- 
toriens (lléthoum  comte  de  Gorigos,  Table  chronol.,  an  5-25  ;  Valiram  d'Édesse, 
Chronique  rimée,  vers  160-170,  p.  497  du  Recueil  des  Historiens  des  Croisades) 
Roupèn  aurait  pris  la  forteresse  de  Gobidar  ou  Gossidar  (aux  environs  de  Cé- 
sarée?)  et  le  village  de  Goromozol  entre  le  Pyramus  et  le  Sarus  (Sihoùn)  vers 
le  district  actuel  de  Zeïtoun.  Voir  aussi  Léon  le  Magnifique,  roi  de  Sissouan  ou 
de  l'Arméno-Cilicie,  par  le  P.  L.  Alishan  (trad.  du  P.  G.  Bayan,  Venise,  1888),  p.  4-12. 
(,1)  Aujourd'hui  Nimroun-Kalessi,  au  nord  du  golfe  de  Tai'sous,  sur  un  rochei- 
isolé  et  taillé  à  pic,  à  1.250  m.  d'altitude,  au  milieu  de  trois  cours  d'eau,  qui  for- 
ment la  branche  occidentale  du  Cydnus  (Tarsous-Tchaï). 

(2)  Guillaume  de  Tyr,  XVIll,  10,  17,23:  XX,  25,  20;  XXII,  24. 

(3)  En  1095-1100  selon  saint  Martin,  d'après  quelques  historiens  arméniens;  Sa- 
muel d'Ani,  loc.  cit.,  p.  734:  Tchamitch  (Avdall)  II,  109.  Nous  suivons  de  préfé- 
rence la  Chronique  de  Sempad.  Recueil  des  Hisloriens  des  Croisades;  Documents 
armén.,  I,  610. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    LARMÉNIE.  115 

enirèrent  en  Cilicie,  ils  passèrent  près  de  cette  forteresse  et 
furent  bien  accueillis  de  Constantin  et  des  autres  cliefs  armé- 
niens. Ces  derniers  virent  en  eux  des  frères  par  la  religion  et 
de  précieux  auxiliaires  contre  les  Turks  :  «  Aucune  nation,  dit 
le  pape  Grégoire  XIII,  ne  vint  plus  spontanément  en  aide  aux 
soldats  de  la  Croix,  que  les  Arméniens.  Ils  leur  fournirent  des 
hommes,  des  chevaux,  des  armes,  des  vivres  »  (I).  Peut-être 
Tarmée  des  Croisés  aurait-elle  péri  de  faim  ou  de  misère,  au  siège 
d'Antioche,  si  Oschïn,  son  frère  Pazouni,  Constantin,  les  moines 
de  la  Montagne  Noire  et  les  chrétiens  des  environs  ne  fussent 
^enus  à  leur  secours,  avec  des  provisions.  En  récompense  de 
Sun  dévouement,  les  Franks  conférèrent  à  Constantin  P*"  les 
titres  de  comte,  de  marquis  et,  plus  communément,  celui  de 
baron,  qu'il  transmit  à  ses  successeurs,  Thoros  ou  Théodore 
(le  Tafroc  des  Croisés)  et  Léon  (2).  Le  mariage  de  la  fille  de 
Constantin  avec  Josselin,  comte  d'Édesse,  celui  de  la  fdle  de 
Thoros,  frère  de  Constantin,  avec  Baudoin,  frère  deGodefroy, 
resserrèrent  l'union  des  x^rméniens  avec  les  Franks  (3). 

%3.  Théodore  P^  (Thoros)  prend  Anazarbe;  exploits  de 
Basile  le  Larron.  —  Le  belliqueux  Théodore  agrandit  la  prin- 
cipauté de  son  prédécesseur,  grâce  à  la  connivence  de  Tancrède, 
prince  d'Antioche.  Descendant  de  son  nid  d'aigle,  Vahka,  le 
baron  arménien  s'avança  vers  la  plaine,  en  suivant  le  cours  du 
Pyramus.  Il  enleva  aux  Grecs  la  ville  d' Anazarbe  (Anavarza), 
surnommée  la  Nouvelle-Troie.  Cette  place,  jadis  fortifiée  par 
l'empereur  Justin  I"  et  le  khalife  Haroun-ar-Raschid,  passait 
pour  inexpugnable.   Théodore,   aussi   pieux  que  brave,  y  fit 


(1)  Bulle  de  1584  dans  le  Bull.  Rom.  Cf.  Matthieu  d'Édesse,  II'  partie,  ch.  cli  et 
suiv.  ;  Sempad,  Chron.  ad  an.  549. 

('2)  Valirani,  Chronique  rimée,  v.  197-198. 

(3)  Ces  unions  ne  faisaient  pas  toujours  disparaître  les  usages  caractéristiques 
lies  deux  nations.  .Jacques  de  Vitry  raconte  que  Théodore  tardant  à  payer  la 
dot  de  sa  fille  (60.000  besants  d'or),  Baudoin  qui  lui  avait  promis  de  laisser 
pousser  sa  barbe,  lui  écrivit  :  «  Mes  créanciers  vont  me  contraindre  à  me  raser 
la  barbe.  —  Non,  répondit  Théodore,  je  ne  veux  pas  que  vous  infligiez  cet  affront 
à  ma  fille  »  ;  et  il  lui  envoya  immédiatement  la  majeure  partie  de  la  dot.  Dans  les 
querelles  qui,  à  Édesse,  Antioche,  etc.  survinrent  entre  Franks  et  Arméniens, 
on  peut  dire  que  les  torts  étaient  réciproques,  les  Arméniens  reprochaient  aux 
Francks,  Baudoin,  etc..  d'impitoyables  exactions,  et  les  Franks  se  plaignaient 
que  les  Arméniens,  au  moindre  mécontentement,  fussent  prêts  à  appeler  les  in- 
lidèles. 


116  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

construire  le  temple  célèbre  dédié  aux  Saints-Généraux  (Zora- 
vark)  et  y  plaça  une  image  insigne  de  la  Sainte  Vierge,  qu'il 
avait  enlevée  du  cliâteau  de  Cybistra,  nous  dirons  bientôt  dans 
quelles  circonstances  (1),  Ses  fondations  s'étendaient  avec  ses 
conquêtes.  Près  de  Sis  (située  comme  Anazarbe  sur  un  affluent 
du  Pyramus)  il  bâtit  le  monastère  de  Trazargh  (S.-Maria-Trium 
Arcium)  où,  suivant  son'  exemple,  plusieurs  membres  de  la 
famille  régnante  seront  inhumés. 

Avec  le  secours  de  Tancrède,  il  s'était  emparé  de  la  plus 
grande  partie  de  la  Cilicie,  Mais  vers  l'an  1107,  des  hordes 
turques  et  perses  franchirent  les  défilés  du  Taurus  et  prirent 
quelques-unes  de  ses  villes,  entre  autres  Anazarbe.  Cependant, 
Thoros  parvint  à  les  refouler  vers  le  nord-est  d' Anazarbe,  sur 
les  limites  de  Marasch,  où  régnait  Basile  Kogh  (le  Voleur),  un 
ancien  émigré  de  l'Arménie  septentrionale.  Celui-ci,  joignant 
ses  efforts  à  ceux  de  Thoros,  fondit  sur  eux  près  de  la  place  et 
du  sanctuaire  de  Pertous,  et  s'empara  de  leur  butin.  Deux  ans 
plus  tard,  les  mêmes  envahisseurs  ravagèrent  le  district  de 
Haçan-Mansour  (Hisn-Mansour)  au  sud  de  Mélitène  et  au  nord- 
est  de  Samosate,  sur  la  rive  droite  de  l'Euphrate.  lis  assié- 
geaient la  forteresse  de  Harthan,  quand  Basile  les  assaillit  à  la 
tète  de  500  hommes.  Le  Mamigonien  Ablaçath  et  le  Gamsaragan 
Basile  Dgha  (l'Enfant),  le  futur  héritier  de  Kogh-Basile,  se  si- 
gnalèrent dans  ce  brillant  fait  d'armes.  Le  chef  ennemi,  que 
Matthieu  d'Édesse  appelle  sultan  d'Arménie,  fut  pris  et  mené  à 
Kessoun.  Son  armée  s'enfuit  en  désordre,  laissant  au  pouvoir 
de  Basile  de  nombreux  captifs  et  un  riche  butin  (2). 

(1)  La  légende  arménienne  raconte  que  le  général  romain  S.  Sarkis  (Serge), 
né  en  Cappadoce,  se  réfugia  en  Perse  sous  Julien  l'Apostat,  avec  son  fils  Martyros 
et  14  compagnons  d'armes  et  qu'ils  furent  martyrisés  par  l'ordre  de  Schapour  II 
(Sapor,  310-379).  Fête,  le  2  février;  Vie  des  Saiiils,  par  J.  B.  Aucher  (12  vol.  in-12, 
Venise,  I8I5),  t.  II,  p.  3  et  suiv. 

(2)  Matth.  d'Édesse,  part. III,  ch.  cxcvn  et  c.xcvni.  Basile  le  Voleur  est  le  C'ovasiiius 
de  Guillaume  de  Tyr,  VII,  v.  Il  était  maître  de  tout  le  district  de  Hisn-Mansour. 
Bien  qu'il  eût  enlevé  une  partie  de  ce  territoire  aux  Franks,  il  fut,  d'ordinaire,  leur 
ami.  Il  paya  lU.OOO  dinars  sur  les  100.000  exigés  pour  la  rançon  du  comte  Boho- 
mond  1", prince  d'Antioche,  Captif  de  l'émir  de  Cappadoce  Ismaïl,  fils  de  Danischmend 
et  arménien  d'origine.  Il  adopta  même  Bohémond  pour  son  fils.  Basile  résidait  à 
Kessounà  l'est  de  Marach,  dans  la  plaine  d'Araban.sur  un  affluent  delà  rive  droite 
de  l'Euphrate.  Voir  Matth.  d'Édesse  III,  clxxviu,  clxxxiu;  Chron.  Syr.  d'Aboulpha- 
radjetson  Hist.  Z'2/n(éd.Pocock, Oxford,  1663),  p.  245;  Albert  d'Aix,  Hisl.  Hieroso- 
limit.  Exped.,  III,  xvii. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  117 

I  l.  Théodore  repousse  les  Turks;  mort  cl' Abirad;  meurtre 
deKakig  II  vengé.  —  En  1110,  la  Cilicie  est  envahie  par  des 
Turcs  seldjoukhides  ou  des  Scythes,  pour  employer  le  hmgage 
des  historiens  arméniens.  Thoros  est  une  première  fois  repoussé; 
il  revient  à  la  charge  et  voit  tomber  dans  la  mêlée  deux  chefs 
arméniens  de  grande  valeur,  Tigrane  et  Ablaçath.  A  la  vue  de 
ces  deux  illustres  morts,  Léon,  le  frère  de  Thoros,  est  si  exas- 
péré qu'il  oublie  toute  prudence;  il  s'élance  au  milieu  des  enne- 
mis, ses  compagnons  le  suivent,  et  son  audace  décide  de  la  vic- 
toire. 

Repoussées  des  frontières  orientales  de  la  Cilicie,  les  bandes 
pillardes  coururent  vers  le  territoire  de  Kharpout  et  assiégèrent 
la  forteresse  de  Dzowk,  située  dans  le  lac  de  Kharpout,  appelé 
aussi  Gueuldjouk  (Petit  Lac).  Cette  place  forte  appartenait  au 
prince  Abirad,  le  petit-fils  de  Grégoire  Magistros  et  le  père  des 
patriarches  Grégoire  III  et  Nersès  Schnorhali  (1). 

La  voyant  imprenable,  les  ennemis  s'éloignèrent;  mais,  tan- 
dis que,  debout  sur  les  remparts,  le  prince  Abirad  les  obser- 
vait, il  fut  frappé  d'une  tlèche;  il  tomba  et  vint  se  briser  contre 
une  pierre  (II H). 

Le  sébaste  Basile  le  Larron  mourait  aussi,  l'année  suivante, 
sans  enfants;  sa  principauté  passait  au  chef  Gamsaragan,  Dghà 
Basile.  Bien  que  privé  de  si  utiles  auxiliaires,  Thoros  L'  n'en  con- 
tinuapas  moinsà  lutter  avec  succès  contre  les  ennemis  séculaires 
de  l'Arménie.  Il  n'avait  pas  oublié  l'assassinat  des  derniers  rois 
de  la  Grande  Arménie.  Vers  l'an  1112,  il  assiégea  la  forteresse 
de  Cybistra  (2).  Ne  pouvant  l'emporter  d'assaut,  raconte  Matthieu 
d'Édesse,  il  cacha  quelques  fantassins  non  loin  de  la  citadelle 
et  feignit  de  s'éloigner  avec  sa  cavalerie.  Les  trois  chefs,  se 
croyant  délivrés,  ouvrirent  les  portes  de  la  forteresse.  Aussitôt, 


(1)  Il  nous  semble,  contrairement  au  P.  Tchamitch  (III,  27-28),  que  cette  expé- 
rlition  sur  les  confins  de  la  Cilicie  était  commandite  non  par  le  sultan  seljoukliide 
de  Bagdad,  Daphar  (Mohammed-Schah,  110;j-1107),  l'un  des  fils  de  Malelv-Schah  l", 
mais  par  Malelc-Schah  l  (Saïsan,  lIOT-lIKj)  sultan  seldjoukliide  d'ikonium.  Ces 
derniers  dynastes,  en  effet,  prenaient  volontiers  le  nom  de  sultan  d'Arménie 
que  Matthieu  donne  au  chef  de  l'expédition. 

(2)  Ce  fort  appelé  Kendroskave  ou  Guentrosgavis  était  situé  près  de  Tzoughen- 
tchour  (la  rivière  aux  poissons),  à  300  stades  au  sud  de  Gésarée,  à  mi-chemin 
vers  l'ancienne  Tyane.  Strabon  nomme  cette  forteresse  Cybistra  (Xil,  I).  Une 
autre  Cybistra  ou  Cyzistra  était  au  sud  de  Tyane  (Ptolémée,  V,  vi,  15;  vu,  7). 


118  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

les  fantassins  de  Thoros  s'y  précipitèrent  et  en  gardèrent  les 
portes,  laissant  aux  cavaliers  le  temps  d'accourir.  Les  assiégés 
périrent  par  le  glaive.  L'un  des  trois  frères  Mantalé  se  précipita 
du  haut  des  remparts.  Thoros  brisa  lui-même,  à  coups  de  bâton, 
la  tète  du  second.  Le  troisième  fut  enchaîné  et  emmené  à  Vahka. 


LÉONr  (1129-1139). 

^  5.  Léon  F"  prend  iMamestia  et  Tarse  aux  Grecs;  guerre  et 
paix  avec  Raymond.  —  Constantin,  le  fils  du  dernier  roi,  ayant 
été  empoisonné,  Léon  V%  frère  de  Thoros,  lui  succéda.  11  prit  aux 
Grecs  la  cité  de  Mamestia  (Missis)  sur  le  Pyramus,  puis  Adana 
sur  leSarus  et  Tarse  sur  le  Cydnus  (Tarsous-Tchaï)  ;  il  s'avança 
victorieux  jusqu'aux  bords  de  la  Méditerranée,  en  refoulant 
les  hordes  sarrasines  que  la  nouvelle  du  décès  de  Thoros 
avait  attirées  sur  la  Cilicie(l). 

11  ne  fut  pas  moins  heureux  dans  sa  lutte  contre  Raymond  de 
Poitiers,  qui  par  son  mariage  avec  Constance,  fille  unique  de 
Bohémond  II,  était  devenu  prince  d'Antioche  (1136).  Les  fron- 
tières des  deux  principautés  étaient  trop  mal  définies  pour 
ne  pas  fournir  à  des  chefs  ambitieux  l'occasion  d'incessantes 
querelles.  Léon  avait  enlevé  à  la  principauté  d'Antioche  la  place 
forte  deSarovanticar  (1135)  ;  Raymond,  à  peine  arrivé  au  pou- 
voir, attira  le  baron  arménien  dans  un  guet-apens,  et  l'enferma 
dans  une  forteresse.  Léon  ne  recouvra  sa  liberté  qu'après  deux 
mois  de  captivité  ;  il  dut  livrer  à  son  adversaire  les  villes  de 
Mamestia,  d'Adana,  la  forteresse  de  Sarovanticar  sur  le  bas 
Djihàn,  payer  60.000  tahégans,  donner  son  fils  en  otage  et  pro- 
mettre de  s'unir  ^u  prince  d'Antioche  contre  Jean  Comnène. 
Mais,  devenu  libre,  il  ne  se  crut  point  engagé  par  son  serment. 
Il  attaqua  Raymond,  lui  reprit  les  villes  injustement  usurpées 
et  les  retint  malgré  la  coalition  du  prince  d'Antioche  avec 
Foulques  d'Anjou,  roi  de  Jérusalem.  L'intervention  de  Josse- 
lin  II,  comte  d'Édesse,  dont  le  père  avait  épousé  la  sœur  de  Léon, 
arrêta  les  hostilités  et  fit  conclure  une  paix  honorable  pour  les 
deux  partis   (1137).    Ils  devaient  se  prêter  un  mutuel  appui 

(1)  Cinnamus,  I,  7,  8;  Sempad,  ann.  578-588. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  119 

contre  Fempereiir  Jean  Comnène;  car  celui-ci,  se  basant  sur  «ran- 
ciennes  conventions  des  Croisés  avec  les  monarques  de  Constan- 
tinople,  prétendait  avoir  des  droits  sur  Antioche  et  la  Cilicie  (1). 

I  6.  Léon  P'  voit  Tarse,  Adana  etc.,  tomber  au  pouvoir  de 
Jean  II  Comnène;  il  meurt  en  captivité.  —  Tout  autre  fut 
l'issue  de  la  lutte  entre  Léon  et  Jean  II  Comnène,  empereur 
de  Constantinople  (1118-1143).  Cette  fois,  le  prince  d'Arménie 
et  celui  d'Antioclie  furent  également  vaincus  et  humiliés  (1137- 
1138).  Le  souverain  grec  apprenant  que  le  premier  avait  mis 
la  main  sur  quelques  places  de  l'Isaurie,  dans  le  bassin  du 
Calycadnus,  et  menaçait  Séleucie  qui  domine  l'embouchure  de 
ce  fleuve,  il  envahitlaCilicie.  Mèmeavec  le  secours  de  Raymond, 
Léon,  d'ailleurs  mal  secondé  par  les  seigneurs  arméniens,  ne 
pouvait  résister  à  son  adversaire.  11  s'enfuit  avec  sa  famille 
dans  les  montagnes  du  Taurus.  Mamestia,  Tarse,  Adana  se  sou- 
mirent. La  capitale  de  Léon,  Anazarbe,  opposa  pendant  plus 
d'un  mois  une  vive  résistance.  A  la  fm,  ses  défenseurs  réfugiés 
dans  la  citadelle  fermement  assise  sur  son  formidable  rocher 
obtinrent  une  capitulation  honorable.  Vahka  se  rendit  aussi 
après  une  énergique  résistance,  signalée  par  le  duel  d'un  sei- 
gneur arménien  nommé  Constantin  avec  un  Grec  de  Macé- 
doine. Le  Grec  enfin  l'emporta;  l'Arménien,  traîné  à  Constanti- 
nople, y  fut  jeté  dans  les  fers  (2). 

Quant  à  Léon,  cerné  de  tous  les  côtés  par  les  soldats  lancés  à 
sa  poursuite,  et  manquant  d'ailleurs  d'approvisionnements,  il 
fut  obligé  de  se  rendre  avec  sa  femme  et  ses  deux  fils.  Mené  cap- 
tif à  Constantinople  avec  sa  famille,  il  y  mourut  tristement 
(1141),  après  avoir  vu  ses  vainqueurs  brûler,  avec  un  fer  rouge, 


(1)  Sempad,  ann.  585-587  (10  fév.  1130-1 1  fév.  1139)  ;sur  le  caractère  de  Raymond 
cf.  Guill.  de  Tyr,  XIV,  21. 

(2)  Cinnamus,  l,  10-20,  dans  Migne,  t.  CXXXlII,p.  120  et  suiv.  Xicétas  Choniatès, 
Ilist.  de  JeanCumn.,  chap.  vi  et  vu,  dans  Migne,  t.  CXXXIX,  p.  346-348;  Vahram, 
Chrun.  rimée,  vers  292-300;  Matth.  d'Édesse  (Grégoire  prêtre),  lll,  104  ;  Guill.  de  Tyr, 
XIV,  24,30.  —  Anazarbe  (aujourd'hui  Anavarza),  nommée  jadis  Justinopolis  et  Jus- 
tinianopolis,  du  nom  des  deux  empereurs  qui  la  relevèrent.  La  forteresse  répa- 
rée se  dresse  au  S.-E.  de  Sis  sur  un  rocher  d'une  hauteur  de  300"",  au  confluent  du 
Deli-Tchaï  (rivière  de  Sis)  à  l'ouest,  et  du  Sauran-Tchaï  à  l'est,  deux  affluents  du 
Dijliàn  (Pyramus);  Mamestia  ou  Mopsueste  (aujourd'hui  Missis)  est  située  sur 
une  hauteur  de  la  rive  droite  de  Djiliàn,  non  loin  de  son  emboucluire;  jadis 
l'alliée  fédérale  de  Rome,  elle  n'est  plus  qu'un  petit  bourg. 


120  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  yeux  de  son  fils  Roupèn,  le  nouveau  Samson,  et  l'assassiner 
lâchement. 


Thoros  ou  Théodore  (1141-1168)  (1 


Après  la  mort  de  son  père,  Thoros,  captif  à  Constantinople, 
a\ait  gagné  les  faveurs  de  la  Cour  par  ses  manières  engagean- 
tes. «  C'était  un  jeune  homme  brun,  disent  les  chroniqueurs; 
et,  bien  qu'il  eût  le  nez  un  peu  long,  il  unissait  la  grâce  à 
la  vaillance  .»  Cependant,  ses  chaînes,  encore  qu'elles  fussent 
dorées,  lui  pesaient  toujours.  Aussi,  peu  après  l'intronisation  de 
Manuel  F' Comnène  (1143),  il  s'enfuit  déguisé  en  marchand, 
d'abord  â  Chypre,  puis  â  Antioche.  De  là,  suivi  d'une  petite  es- 
corte que  lui  avaient  donnée  le  prince  Raymond  et  le  patriarche 
monophysite  Athanase  VIII,  il  s'achemina  vers  les  montagnes 
centrales  de  la  Cilicie.  La  petite  troupe  grossit  en  route,  et  le 
jeune  héros  national,  celui  que  Guillaume  de  Tyr  appellera,  bien- 
tôt le  «  haut  et  puissant  homme  d'Arménie  »,  fut  bientôt  à  la  tête 
de  quelques  milhers  d'h(jmmes,  dont  plusieurs  étaient  proscrits 
comme  lui  et  qui  brûlaient  du  même  désir  de  chasser  les 
Grecs  de  la  Cilicie. 

En  quelques  années,  les  places  de  Amuda  (2),  Vahka,  Ana- 
zarbe,  le  château  de  Til-Hamdoun  "\oisin  d'Anazarbe,  Adana, 
Sis,  Arewdzpert,  Partzerpert,  bref  la  belle  plaine  de  la  Cilicie 
reconquise  par  Jean  II  Comnène  sur  Léon,  baron  d'Arménie,  et 
Raymond,  prince  d'Antioche,  fut  reprise  par  Thoros.  Au  cours 
de  ces  exploits,  ses  jeunes  frères,  Stéphane  et  Mleh,  qui,  avant 
la  prise  d'Édesse,  étaient  réfugiés  auprès  de  Josselin  II  leur 


(1)  Guill.  de  Tyr,  Hist.  occid.  des  Crois.,  t.  I,  part.  II,  1.  XVIII,  ch.  \,  xvii, 
xxiii,  .xxiv ;  1.  XIX,  ch.  ix;  1.  XX,  ch.  xxvi;  Senipad,  ann.  590  =14  fév.  1111  au  13 
fév.  1142.  Matth.  d'Édesse  (Grég. ~[:>rêtre),III,ch.ccLXin  et  suiv. ,  Aboulph.;  Cliron. 
Syr.,  p.  349  et  suiv.;  Michel,  Chron.  syr.,  éd.  Chabot  et  trad.  Langlois,  p.  307. 
Les  vieux  auteurs  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  manière  dont  Thoros  recouvra  sa 
liberté . 

(2)  Amuda  (aujourd'hui  Tumlo-Kalessi)  sur  la  rive  droite  du  Djihàn,  dans  la 
plaine  de  Melon,  entre  Anazarva  et  Missis.  C'est  là,  au  dire  do  IMichel  (Langlois, 
p.  307-308),  que  Thoros  aurait  d'abord  hissé  son  drapeau. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEfSE    DE    l'ARMÉXIE.  121 

cousin,  accoururent  vers  l'intrépide  Arménien,  afin  de  partager 
ses  périls  et  sa  gloire  (1). 

L'empereur  Manuel,  avisé  des  progrès  de  Thoros,  envoya 
contre  lui  son  cousin  Andronic  Comnène  (1152).  Celui-ci,  sou- 
tenu par  plusieurs  seigneurs  de  la  Cilicie  occidentale,  vassaux 
de  l'empereur,  vint  avec  une  armée  de  12.000  hommes  assiéger 
Mainestia,  qui  s'était  livrée  à  Thoros.  Le  héros  arménien,  pro- 
fitant d'une  nuit  orageuse,  ouvrit  une  brèche  dans  les  murailles 
et  fondit  à  l'improviste  sur  les  troupes  grecques.  Surprises, 
celles-ci  s'enfuirent,  laissant  de  nombreux  morts  sur  le  champ 
de  bataille  et,  aux  mains  de  Tlioros,  des  centaines  de  captifs, 
entre  autres  Oschin  11,  seigneur  de  Lampron  et  père  de  l'illus- 
tre évêque  qui  sera  saint  Nersès  (2).  —  On  raconte  que  des 
ambassadeurs  en\oyés  par  l'empereur  pour  racheter  ces  illus- 
tres captifs  ayant  prié  Thoros  d'en  fixer  la  rançon,  l'Arménien, 
aussi  rusé  qu'il  était  intrépide,  avait  répondu  :  «  Décidez  vous- 
mêmes  ce  que  valent  ces  prisonniers  »,  mettant  ainsi  les 
emoyés  grecs  dans  l'alternative  ou  de  déprécier  l'élite  de  leur 
nation  ou  de  débourser  une  grosse  somme  d'argent.  Ils  se  ré- 
cusèrent d'abord,  puis,  sur  les  instances  de  Thoros,  se  déter- 
minèrent à  compter  une  forte  solde.  A  leur  vue,  Thoros  la 
distribua  sur-le-champ  à  ses  soldats;  et,  comme  les  Grecs 
semblaient  ébahis  de  sa  munificence  :  «  Je  récompense  ainsi 
mes  soldats,  leur  dit-il,  afin  qu'ils  soient  prêts  amener  de  nou- 
veau à  mes  pieds  vos  chefs  captifs.  » 

§8.  Lutte  avec  le  sultan  de  Konieh,  avec  Benaucl  prince 
d'Antioche;  sac  de  Chyjwe ;  Thoros  et  Renaud  vassaux  de 
Manuel;  Thoros  venge  cruelleynent  Stéphane.  —  Le  basileus 
Manuel,  humilié  de  l'échec  de  son  général,  excita,  ou  du  moins 
encouragea  le  sultan  seldjoukhide  d'ikonium,  Masoud  P'' 
(1116-1156),  à  prendre  les  armes  contre  l'intrépide  montagnard 
Thoros.  De  l'an  1153  à  l'an  1155,  Masoud  poussa  trois  armées 
vers  la  frontière  nord-ouest  de  la  Cilicie.  La  première,  sous  les 
ordres  du  sultan,  n'atteignit  pas  les  troupes  de  Thoros,  postées  en 
deçà  de  la  chaîne  du  Taurus  qui  sépare  la  Cilicie  de  la  Lycao- 

(I)  Édesse  fut  prise  le  23  déc.  1144,  jour  de  Saint-Étienne,  par  Eimad-ed-Din 
Zangui,  émir  de  Mossoul,  puis  atàbek  d'Alep.  Assassiné  en  1146,  il  fut  remplacé 
par  son  fils,  le  fameux  Nour-ed-Din. 

{i)  Matth.d'Édesse  (Grég.  prêtre),  ch.  cclxhi;  Sempad,  anu.  600. 


122  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

nie.  Le  chef  arménien  ayant  fait  dire  à  son  adversaire  qu'il 
reconnaissait  sa  suzeraineté,  Masoud  se  retira.  L'année  suivante, 
sous  le  prétexte  vrai  ou  faux  que  Thoros  ne  tenait  point  son 
engagement,  le  général  de  Masoud,  Jakhoub,  entreprit  une 
nouvelle  expédition;  mais  il  fut  écrasé  par  les  chevaliers  franks, 
les  Templiers,  et  les  Arméniens  commandés  par  Stéphane  le 
frère  de  Thoros.  Les  bataillons  chrétiens  avaient  surpris  l'ar- 
mée musulmane  près  du  fameux  défilé  de  la  Portella,  entre  le 
mont  Amanus  et  le  rivage  de  la  mer.  Un  peu  plus  tard,  enfin, 
les  troupes  de  Masoud,  au  retour  d'une  expédition  vers  Khar- 
pert  (Charpout)  et  Marasch,  au  moment  où  elles  assiégeaient  le 
château  de  Til-Hamdoun,  au  sud-ouest  de  Sis,  furent  décimées 
par  une  maladie  contagieuse.  Les  Arméniens  virent  dans  ce 
fléau  un  châtiment  de  Dieu  et,  reprenant  l'offensive,  changèrent 
en  déroute  la  retraite  de  l'ennemi.  A  la  mort  de  Masoud,  son  fils 
Aseddin  Kilidj-Arslan  II  (1156-1193)  fit  la  paix  avec  Thoros 
et  le  laissa  maître  de  l'Isaurie. 

Thoros  avait  à  peine  écarté  Masou(  l  de  sa  frontière  occiden- 
tale, quand  sur  la  frontière  opposée  surgit,  pour  un  instant,  un 
adversaire  non  moins  terrilde,  et  c'était  un  chrétien,  un  Croisé, 
Renaud  de  Chatillon.  L'an  1153,  ce  célèbre  batailleur,  singu- 
lier mélange  du  héros  et  du  condottiere,  était  devenu  prince 
d'Antioche  ou,  du  moins,  tuteur  du  jeune  Bohémond  III,  par  son 
mariage  avec  Constance,  veuve  de  Raymond  de  Poitiers.  A  la 
mort  de  son  vaillant  époux,  tué  dans  une  embuscade  en  guer- 
royant contre  Nour-ed-Dîn,  sultan  ou  atàbek  d'Alep,  la  fille  uni- 
quede  Bohémond  II,  prince  d'Antioche,  avait  vu  deux  seigneurs 
byzantins,  présentés  par  l'empereur,  solliciter  sa  main.  Elle  les 
avait  éconduits  et,  à  la  surprise  de  bien  des  témoins,  leur  avait 
préféré  l'aventureux  chevalier  français.  De  là  le  courroux  du 
basileus.  Renaud,  qui  nous  apparaît  souvent  sans  peur,  mais 
aussi  sans  scrupules,  voulait,  de  son  côté,  se  faire  pardonner 
par  Manuel  sa  haute  fortune  et  lui  laissa  voir  qu'il  pouvait 
compter  sur  ses  services.  Manuel  le  chargea  donc  du  soin  de  sa 
vengeance  contre  Thoros,  et  prit  à  son  compte  les  frais 
de  la  guerre.  Telle  est  du  moins  la  version  présentée  par 
quelques  anciens  historiens.  Mais,  si  Ton  croit  Michel  le 
Syrien,  Renaud  aurait  attaqué  Thoros  parce  que  celui-ci 
refusait  de  restituer  aux  Templiers  le  château  de  Gastim  ou 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  123 

Gaston,  enlevé  jadis  aux  chevaliers  par  les  Byzantins  et  repris 
à  ces  derniers  par  Thoros;  poste  d'autant  plus  important  qu'il 
commandait  le  défilé  de  la  Portella,  le  seul  passage  par  où  les 
armées  pouvaient  pénétrer  de  Cilicie  en  Syrie  et  de  Syrie  en 
Cilicie. 

Quoi  qu'il  en  soit  des  causes  du  conflit,  les  Arméniens  de 
Thoros  et  les  Franks  de  Renaud  en  vinrent  aux  mains  à  l'ouest 
d'Iskenderoun  (Alexandrette),  à  l'entrée  du  défilé,  près  de 
la  porte  de  marbre  poli  et  orné  appelé  syncraton,  au  som- 
met de  laquelle,  dit  une  légende,  reposaient  les  os  d'Alexandre 
le  Grand.  Mais  l'issue  de  la  lutte  n'est  pas  mieux  connue  que  ses 
causes.  Au  dire  d'Aboulpharadj,  Renaud  fut  vainqueur  et  força 
Thoros  de  restituer  Gaston  aux  Templiers  ;  selon  Michel  le  Syrien, 
le  chef  arménien  aurait,  au  contraire,  refoulé  Renaud  et  restitué 
ensuite  de  plein  gré  la  forteresse.  Toujours  est-il  que  les  Tem- 
pliers rentrèrent  en  possession  de  Gastim  et  que  les  Arméniens 
et  les  Franks  d'Antioche  redevinrent  alliés. 

Cependant,  Renaud,  dont  les  ressources  étaient  épuisées  par 
cette  guerre,  demanda  le  remboursement  de  ses  frais.  Les  ré- 
ponses dilatoires  de  l'empereur  l'exaspérèrent  :  il  résolut  de  se 
dédommager;  les  moyens  lui  importaient  peu.  Tlioros  fut  bien 
aise  d'exploiter  contre  Manuel  cette  irritation  et  cette  soif  de  lucre 
de  son  nouvel  allié.  Il  lui  montra  l'île  de  Chypre,  l'un  des  plus 
beaux  joyaux  de  l'empire,  comme  l'une  des  plus  riches  proies 
qu'il  pouvait  souhaiter  :  les  troupes  qui  la  défendaient  étaient 
peu  nombreuses  ;  sous  la  garantie  des  traités,  les  Chypriotes 
ne  prévoyaient  aucun  danger  du  côté  de  la  Syrie.  Le  parti  de 
Renaud  fut  bien  vite  arrêté.  Pour  colorer  une  agression  dé- 
loyale, injustifiable,  il  se  posa  en  vengeur  des  Franks  et  des 
Arméniens  que  les  Chypriotes,  disait-il,  maltraitaient  avec  la 
connivence  de  l'empereur.  Thoros  se  borna-t-il  à  le  conseiller 
ou  prit-il  à  sa  campagne  une  part  plus  active,  on  ne  sait. 
Michel  le  Syrien,  Grégoire  prêtre  et  Sempad  nous  disent  qu'il 
excita  et  accompagna  Renaud.  Mais  la  plupart  des  historiens 
qui  racontent  le  sinistre  exploit  du  prince  d'Antioche  ne  par- 
lent point  de  la  participation  directe  de  Thoros  (1).  Ce  qui  est 
certain,  c'est  qu'une  flotte  promptement  équipée  transporta  en 

(1)  GuiU.  do  Tyr,  XVIII,  10;  Cinnamus,  IV,  17;  Voir  Hist.  Gr.  des  Croisades, 
t.l,p.  269. 


124  REVUE    DE    l'orient    CIIRÉTIEX. 

quelques  heures  sur  la  rive  de  Chypre  de  nombreuses  troupes 
et  que  celles-ci  étaient  composées  surtout  de  Franks  et  d'Armé- 
niens. Ce  qui  n'est  pas  moins  certain,  c'est  que  ces  bandes 
avides  tombant  à  l'improviste  sur  les  Chypriotes,  massacrèrent 
et  pillèrent  sans  merci,  mutilant  des  prêtres  et  des  évèques, 
outrageant  des  femmes,  emmenant  les  plus  nobles  de  l'île  et 
les  forçant  à  se  racheter  au  prix  de  tout  ce  qu'ils  possédaient 
(1155-1156)  (1). 

L'alliance  de  Thoros  avec  les  Franks  semble  ne  plus  s'être 
démentie  ;  nous  le  voyons,  l'année  suivante,  assiéger  avec  Re- 
naud et  le  comte  Thierry  de  Flandre  la  ville  de  Césarée  sur  l'O- 
ronte  (en  arabe  Sclieïzar)  dont  un  tremblement  de  terre  venait 
de  renverser  les  murs.  Mais  une  dispute  ayant  surgi  entre  les 
deux  Croisés,  au  sujet  de  la  suzeraineté,  l'armée  alliée  s'éloigna 
sans  avoir  pris  la  citadelle.  Thoros  et  Renaud  voyaient  d'ailleurs, 
à  ce  moment,  un  terrible  orage  se  former  contre  eux  du  côté  de 
Constantinople.  L'empereur  Manuel,  exaspéré  par  la  ruine  de 
Chypre,  préparait  une  expédition  qui  eut  lieu  l'année  suivante, 
1158.  A  la  tète  d'une  armée  de  50.000  hommes,  il  prit  le  che- 
min du  sud  et  traversa  la  Phrygie.  Arrivé  à  Attalie,  il  devança 
le  gros  de  son  armée  avec  une  petite  troupe  de  fantassins  d'élite, 
espérant  surprendre  Thoros  à  Tarsous  et  s'emparer  de  lui. 
Mais  le  baron  arménien,  averti  par  un  pèlerin  latin,  avait  eu  le 
temps  de  fuir  avec  sa  famille  et  ses  principaux  seigneurs  dans 
les  gorges  du  Taurus,  vers  le  château  fort  de  Dadjéghikhar 
(Château  des  Turks),  près  des  sources  du  Cydnus.  L'empereur 
s'empara  du  château  de  Lamos,  des  villes  d'Anazarbe,  de  Til- 
Hamdoun.  En  même  temps  son  beau-frère  Vatatzès  entrait  dans 
Tarsous,  tandis  que  les  habitants,  d'après  un  récit  de  Cinnamus, 

(l)Voir  Rbvicht,  G  esc  h.  d.  k.  J.,  p.  286.  \oïv  Renaud  de  ChatUlon,-p?iV(  j.^ç.h\\xm- 
borger  (Paris,  1898),  pp.  68-80.  Lo  reste  de  la  vie  de  Renaud,  fidèle  à  ses  débuts, 
offre  les  plus  étranges  contrastes.  Seize  ans  captif  de  Nour-ed-Din,  il  parvient  à  se 
racheter  au  prix  de  la  rançon  énorme  de  cent  vingt  mille  pièces  d'or.  A  peine 
libre,  il  est  l'un  des  adversaires  les  plus  intrépides  de  Saladin  (Salah-ed-Dîn). 
Il  est  seulement  fâcheux  que  plusieurs  de  ses  actes  soient  indignes  d'un  chré- 
tien, qui  doit  toujours  être  loyal  et  fidèle  à  sa  parole.  Renaud  fut  enfin  pris 
avec  le  roi  Guy  de  Lusignan  au  fameux  désastre  de  Hittîn,  à  neuf  milles  à  l'ouest 
de  Tibériade.  Amené  devant  son  vainqueur  Saladin,  il  fut  sommé  par  lui  d'ab- 
jurer la  foi  chrétienne.  Il  s'y  refusa  énergiquement,  déclarant  qu'il  pi-éf<>rait 
mourir.  Alors  Saladin  transporté  de  colère  fondit  sur  lui.  la  dague  à  la  main,  et 
regorgea  (samedi,  4  juillet  1187).  Voir  Reinaud,  £'aVr.  d'auteurs  arabes,  p.  194-200. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  125 

qui  paraît  peu  vraisemblable,  se  précipitaient,  fous  de  terreur,  du 
haut  des  tours  et  des  puissants  remparts,  sur  le  sol.  Le  fier  Re- 
naud, aussi  impuissant  que  Thoros  à  repousser  le  basileus,  vint 
au-devantde  celui-ci  àMamistra  (Missis).  Il  se  présentanu-pieds, 
la  corde  au  cou,  «  buvant  une  grande  honte»,  dit  le  chroniqueur. 
Reçu  en  grâce  parmi  les  vassaux  ou  les  serviteurs  de  l'Empire 
(AojAci),  selon  l'expression  de  Cinnamus,  il  osa  plaider  la  cause 
de  son  allié  Thoros.  Il  n'aurait  pourtant  pas  réussi  à  apaiser  la 
colère  de  Manuel,  si  Thoros,  en  fin  politique,  n'avait  offert  à 
celui-ci,  au  moment  opportun,  d'immenses  troupeaux  pour  ra- 
vitailler son  armée.  L'empereur  était  à  moitié  fléchi,  quand  ar- 
riva Baudoin  III,  roi  de  Jérusalem,  devenu  le  neveu  de  Manuel 
par  son  mariage  avec  la  jeune  princesse  Théodora,  fille  du  Sé- 
bastocrator  Isaac,  son  frère.  Baudoin  intercéda  pour  Thoros  et 
celui-ci  fut  confirmé  par  Chrysobulle  dans  la  possession  de  la 
plus  grande  partie  de  ses  États.  Le  baron  arménien  fut  aussi 
honoré  par  l'empereur  du  titre  palatin  de  pansébastos,  (|ui 
marquait  la  soixante-dix-septième  dignité  dans  la  cour  byzan- 
tine; et  il  semble  que,  dès  lors,  il  soit  resté  un  feudataire  dé- 
voué (1). 

Mais  ici,  encore,  tous  les  anciens  récits  ne  concordent  pas. 
Vers  1162,  en  effet,  sa  fidélité  envers  son  suzerain  fut  mise  à 
une  rude  épreuve.  Son  frère  Stéphane  n'avait  guère  observé  de 
trêve  avec  les  Grecs.  En  plus  d'un  endroit,  surtout  vers  Ma- 
rasch  et  Cocuse,  il  commit  toute  sorte  de  brigandages.  Au  re- 
tour de  l'une  de  ces  incursions,  invité  à  un  festin  par  Andronic, 
gouverneur  de  Tarse,  il  fut,  d'après  Aboulpharadj ,  étranglé 
près  des  portes  de  la  ville;  ou,  s'il  faut  en  croire  Vahrain  et 
Sempad,  les  Grecs  l'auraient  fait  périr  en  le  plongeant  dans  une 
chaudière  remplie  d'eau  bouillante  (2).   Bien  que  Thoros  eût 


(l)C'innamus,  III,  14,  15;  IV,  17,  18;  V,G,9;  Nicétas,  Fie  de  Manuel  Comn.,\\\,  1; 
IV,  4,  o;  GuilL  de  Tyr.,  Hisl.  occid.  des  Crois. ,i.  I,  p.  857,859;  t.  II,  p.  303  et  suiv.  ; 
Grog,  le  Prêtre,  ch.  cclxxiii  et  suiv.;  Vahram,  vers  500. 

(2)  Grég.  le  Prêtre,  ch.  cllxxxiii  ;  Vahram,  Chrun.  rimée,  vers  OIO.  Le  conflit  de 
Tlioros  avec  les  Grecs  dura  peu;  nous  voyons,  le  10  août  1104,  les  Arméniens  en- 
veloppt'S  avec  les  Chrétiens  dans  la  défaite  de  Harrenc  ou  Harem,  nom  d'un 
cliàteau,  flef  de  la  principauté  d'Antioche,  g,  l'est  de  cette  ville.  De  ce  cliamp  de 
bataill(^  Jlleh,  presque  seul  parmi  tous  les  chefs,  parvient  à  s'enfuir.  Thoros 
prévoyant  l'écrasement  de  ses  alliés  les  avait  dissuadés  de  combattre  Nour- 
ed-Dîn  et  s'était  retiré. 


126  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

désapprouvé  les  razzias  et  les  massacres  accomplis  par  son 
frère,  il  fut  indigné  contre  ceux  qui  l'avaient  mis  à  mort.  Gré- 
goire le  prêtre  nous  dit  qu'en  représailles  il  aurait  immolé 
1.000 Grecs;  Aboulpharadj,  Sempad  et  Samuel  d'Ani  portent  le 
chiffre  à  10.000.  Si  les  auteurs  arméniens  étaient  sur  ce  sujet 
moins  unanimes,  on  pourrait  supposer  qu'ils  rapportent  ici  aux 
années  1163-1165  des  événements  ayant  trait  au  sac  de  Chypre 
et  antérieurs  par  conséquent  à  Tassassinat  de  Stéphane.  Aboul- 
pharadj ajoute  que  ce  fut  encore  le  roi  de  Jérusalem  (alors 
Amaury  P')  qui  réconcilia  définitivement  Thoro  avec  Manuel. 

§  9.  Mleh  (1169)  V  usurpateur  ;  ses  talents,  ses  vices;  il 
est  assassiné.  —  A  la  mort  de  Thoros,  son  fils  en  bas  âge, 
Roupèn  II,  devait  hériter  de  sa  principauté,  sous  la  tutelle  de 
Thomas  le  baïle  (régent)  qui  était  le  fils  de  sa  tante  maternelle. 
Mais  11  fallait  compter  avec  le  frère  du  roi  défunt,  Mleh.  Celui- 
ci  était  un  ancien  templier  devenu  apostat.  Il  avait  jadis  at- 
tenté à  la  vie  de  Thoros  II  et,  banni  du  l'oyauine,  s'était  réfugié 
auprès  de  Tatàbek  d'Alep,  Nour-ed-Dîn.  Son  frère  disi)aru,  il 
réclama  sa  succession  et  envahit  la  Cilicie,  à  la  tête  d'une  armée 
fournie  par  Nour-ed-Dîn.  11  s'empara  de  plusieurs  milliers  de 
personnes,  les  vendit  à  Alep  et  en  distribua  le  prix  à  ses  soldats 
musulmans.  Ceux  qui  gouvernaient  au  nom  du  jeune  Roupèn 
offrirent  alors  à  Mleh  la  moitié  du  royaume,  à  la  condition  qu'il 
laisserait  son  neveu  en  paisible  possession  de  l'autre  moitié. 
Mleh  accepta.  Mais  celui  qui  avait,  semblait-il,  renié  son  Dieu, 
se  souciait  peu  de  violer  d'autres  serments  et,  dès  qu'il  le  put, 
il  usurpa  tout  le  pouvoir.  Thomas  le  baïle  s'enfuit  à  Antioche; 
le  jeune  Roupèn  avait  été  remis  à  la  garde  du  catholicos  Nersès 
à  Romcla,  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  d'être  assassiné. 

L'usurpateur  sembla  d'abord  jouir  du  fruit  de  ses  crimes.  Poli- 
tique  d'ailleurs  peu  scrupuleux,  il  resta  l'allié  de  l'atâbek  d'A- 
lep, Nour-ed-Dîn,  et  du  sultan  d'ikonium.  Intrépide  soldat,  il 
lutta  non  sans  succès,  au  témoignage  même  de  Cinnamus, 
contre  trois  généraux  de  Manuel  Coinnène  et  conclut  a\ec  cet 
empereur  une  paix  avantageuse  (1173).  Mais  vicieux,  cupide  et 
cruel,  il  ne  mit  aucun  frein  à  ses  injustices  et  à  sa  tyrannie.  La 
vue  des  Templiers  était  insupportable  à  cet  apostat;  il  les  chassa 
de  ses  États.  A  une  époque  un  peu  antérieure  (1170),  il  avait 
fait  arrêter  et  dépouiller,  près  de  Mamestia  (Missis),  Etienne, 


HISTOIRE   POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  127 

fils  de  Tliibaut,  comte  de  Champagne.  Indigné  de  cet  attentat, 
le  vaillant  Amauiy,  roi  de  Jérusalem,  de  concert  avec  Bo- 
liémond  111,  prince  d'Antioche,  marcha  contre  Mleh;  mais 
une  diversion  de  Nour-ed-Din  contre  Karakh  le  sauva,  et 
il  n'en  devint  que  plus  insolent;  il  lit  ensuite  crever  les  yeux  à 
plusieurs  seigneurs  et  même  à  plusieurs  évêques.  Ce  tyran 
exécré  de  tous,  cet  homme  «  très  pervers  )>,  nequissimus,  comme 
l'appelle  Guillaume  de  Tyr,  fut  enfin  massacré  par  ses  soldats 
dans  la  ville  de  Sis,  qu'il  venait  de  restaurer  (1). 

§  10.  Roupên  III  (  1 1 75-1 187)  ;  démêlés  avec  Bohémond  III; 
fiti  pieuse.  —  Les  grands  d'Arménie  choisirent  alors  pour 
chef  Roupên  111,  fils  de  Stéphane  et  neveu  de  Thoros  11  et  de 
Mleh.  Roupên,  avec  son  frère  Léon,  vivait  sous  la  protection 
du  prince  héthoumien  Pagouran,  seigneur  de  Babaron,  son 
oncle  maternel., Le  nouveau  roi,  raconte  Sempad,  avait  promis 
de  récompenser  les  assassins  de  Mleh.  Néanmoins,  deux  d'entre 
eux  s'étant  présentés,  il  les  fit  jeter  dans  un  fleuve,  une  pierre 
au  cou.  On  n'osa  l'en  blâmer.  Le  châtiment  des  régicides  était, 
après  tout,  un  acte  de  justice,  encore  qu'il  fût  un  peu  gâté  par 
la  duplicité.  Au  moment  où  nous  écrivons  ces  lignes,  impossi- 
ble de  ne  pas  songer  à  ce  pauvre  jeune  roi,  Alexandre  de  Ser- 
bie, tombé  sous  les  coups  de  ses  officiers,  et  dont  le  souvenir, 
d'autre  part  fort  peu  sympathique,  bénéficiera  cependant  aux 
yeux  de  l'histoire  de  l'horreur  de  l'attentat  et  de  la  complète 
impunité  des  meurtriers. 

Roupên  avait  cet  amour  de  la  justice,  qui  est  l'une  des  qua- 
lités foncières  d'un  bon  prince;  mais,  comme  la  plupart  des 
princes  orientaux  chrétiens  de  son  époque,  il  ne  comprit  pas 
assez  combien  il  importait  de  rester  uni  avec  ses  voisins  pour 
pouvoir  résister  à  l'assaut  des  forces  musulmanes  qui  se  con- 
centraient sous  l'autorité  de  Saladin.  Celui-ci,  maître  de  l'E- 
gypte, de  la  plus  grande  partie  de  la  Syrie,  serrait  déjà  de  tous 
les  côtés  les  chrétiens.  Kilidj  Arslan  11  implora  son  aide  contre 
les  Arméniens.  Saladin  accourut,  concentra  ses  forces  sur  les 
bords  du  Gueuk-Sou  (Eau  Bleue)  et  prit  une  forteresse. 

Roupên  l'écarta  de  ses  frontières,  en  lui  livrant  une  partie  de 


(\)  Cinnamus,  YI,  II  et  \i:  Michel  le  Syrien,  éd.  Chabot,  et  dans  la  trad.  Lan- 
jlois,  p.  3-25-3-2(j;  Aboulpharadj,  Chron.  Syr.,  p.  305;  Guill.  de  Tyr,  XX,  25-28. 


128  REVUE  DE  l'orient  CHRÉTIEN. 

ses  trésors  (1180).  Mais  à  peine  le  conquérant  sarrasin  s'était-il 
éloigné  que  l'accord  cessait  entre  Antioche  et  la  Cilicie.  Manuel 
avait  toujours  affecté  une  certaine  sympathie  pour  les  Latins. 
Bien  qu'il  fût  près  de  mourir,  peut-être  excita-t-il  son  vassal, 
Héthoum  de  Lampron,  et  le  prince  d'Antioche  contre  Roupên  au- 
quel il  ne  pardonnait  pas  de  lui  avoir  enlevé  Mopsueste  (Missis) 
etAdana.  Roupên,  de  son  côté,  était  très  défiant  à  l'égard  du 
Sébaste  (Auguste)  Héthoum,  bien  que  ce  dernier  fût  le  beau-fils 
de  Thoros  II  et  le  frère  de  Nersès  de  Lampron.  Aux  yeux  des 
Roupêniens,  les  seigneurs  de  Lampron  étaient  d'accord  avec 
l'empereur  et  toujours  prêts  à  lui  ouvrir  la  frontière  nord-ouest 
de  la  Cilicie,  dont  leur  citadelle  presque  imprenable  formait  la 
clef.  Prétextant  qu'il  avait  le  droit  d'être  maître  chez  lui,  prin- 
cipe dont  l'application  était  ici  douteuse,  Roupên  vint  assiéger 
Lampron.  Héthoum  était  bloqué  depuis  de  longs  mois,  quand, 
sur  son  appel,  il  fut  délivré  par  un  peu  loyal  stratagème  de 
son  allié,  le  prince  d'Antioche.  Bohémond  III  invita  Roupên  à 
une  conférence  et,  à  son  arrivée,  le  fit  emprisonner.  Telle  est, 
du  moins,  la  version  de  'Vahrain  ;  cependant,  le  véridique  Sem- 
pad  affirme,  au  contraire,  que  Bohémond  avait  fait  arrêter 
Roupên  à  Antioche,  à  cause  de  quelques  débordements  scanda- 
leux (I). 

Mais  Roupên  avait  pour  frère  celui  qui  sera  Léon  le  Grand. 
Ce  dernier,  dès  qu'il  apprit  sa  captivité,  revint  camper  devant 
Lampron  et  en  pressa  si  vivement  le  siège  que  Héthoum  solli- 
cita de  Bohémond  la  délivrance  de  son  captif.  Le  prince 
d'Antioche  y  consentit;  mais,  observe  Aboulpharadj,  il  exigea 
une  rançon  de  30.000  pièces  d'or  (dinars)  et  la  cession  d'Adana 
et  de  Mamestia  :  ces  deux  places,  Léon  et  Roupên  ne  tardèrent 
pas  à  les  reprendre.  Au  témoignage  de  quelques  historiens  ar- 
méniens, les  deux  frères  conquirent  aussi  la  ville  de  Tarse  sur 
les  Grecs.  Leur  récit  ne  s'accorde  pas  avec  celui  de  Guillaume 
de  Tyr;  ce  dernier  prétend  que  Tarse  appartenait  au  prince 
d'Antioche,  mais  que,  se  trouvant  trop  éloigné  pour  la  défendre 
contre  Saladin,  il  la  céda  au  roi  d'Arménie  contre  une  forte 
somme  d'argent. 

(1)  Chron.  de  Sompad,anni.  031-1182,  trad.  Langlois,  danslosJ/e'/H.  deVAcad.  des 
se.  de  St.-Pclersb.,  Yll^  série,  t.  IV,  n.  G,  p.  18;  Vahram,  vers  (565  et  suiv.,  084, 
etc.;  Aboulpharadj,  Chron.  Syr.,  p.  405;  Guill.  de  Tyr,  XXII,  7  et  24. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  129 

Nonobstant  sa  querelle  avec  Bohémond,  Roupên  III  sut  résis- 
ter à  quelques  malveillantes  insinuations  de  certains  Grecs  à 
l'égard  des  Latins,  et  il  vécut  en  bons  rapports  avec  ces  derniers. 
11  avait  épousé  Isabelle,  la  fille  de  Humfroi,  seigneur  de  Ivarak 
et  de  Toron  (1).  Ses  intérêts  le  rapprochaient  des  Occidentaux 
et,  aussi,  du  moins  sur  le  tard,  sa  piété.  On  reconnut  le  chré- 
tien généreux,  à  ses  libéralités,  aux  nomijreuses  maisons  reli- 
gieuses qu'il  érigea  et  qui,  autant  que  les  édifices  civils  dont 
il  orna  le  royaume,  particulièrement  la  capitale,  lui  méritèrent, 
au  témoignage  de  Guillaume  de  Tyr,  le  surnom  de  Magnifique. 
Il  donna  enfin  de  sa  foi  et  de  sa  dévotion  un  gage  encore  plus 
incontestable,  quand,  renonçant  à  sa  principauté  en  faveur  de 
son  frère  Léon,  il  prit  fhabit  religieux  comme  Thoros  II,  et 
s'enferma  dans  le  monastère  de  Trazargh,  où  il  mourut .  peu 
de  temps  après  (6  mai  1187). 


LÉOxN  II  le  Grand  (1185-1219),  1"  thakavor  (roi). 

§  II.  Léon  II  7^eçoit  la  couronne  de  Célestin  III  et  de 
Henri  VI  d'Allemagne;  clauses  religieuses,  avances  intéres- 
sées cV Alexis! Ange.  —  Le 2 octobre  1187,  Saladiii(Naser  You- 
souf-Salah-ed-Dîn)  s'était  emparé  de  Jérusalem.  Édesse,  la 
possession  la  plus  avancée  des  Croisés  vers  l'Euphrate,  avait 
été  reprise  depuis  près  d'un  demi-siècle  par  les  intidèles.  Pto- 
lémaïs  (St-Jean  d'Acre)  avait  capitulé;  Tripoli  et  Antioche 
étaient  menacées.  Ces  désastres  émurent  profondément  l'Eu- 
rope chrétienne;  et,  comme  si  Dieu  lui-même  les  appelait  en 
permettant  de  telles  catastrophes,  de  nouvelles  armées  se  levè- 
rent pour  courir  à  la  conquête  des  saints  lieux.  Mais  batailler 
et  conquérir  n'étaient  pas  tout.  Il  importait  de  consolider  les 
puissances  chrétiennes  déjà  établies  en  Orient,  d'agrandir  leur 
influence  et  de  leur  fournir  de  nouveaux  points  d'appui.  Cette 


■  (1)  Karak  (Krak  des  Croisés),  nom  de  deux  châteaux  forts,  l'un  à  l'est,  l'autre 
au  sud-est  de  la  mer  Morte.  Humfroi  lll  était  seigneur  de  Krak  du  chef  de  sa 
femme,  Stéphanie  de  Jlilly;  un  autre  château  de  Krak  non  moins  célèbre  était 
dans  la  principauté  de  Tripoli  (aujourd'hui  Qalaat-el-Hosn,  château  fortifié),  entre 
lloms  et  Tripoli.  Toron  (Tibnin)  à  une  journée  au  sud-est  de  Tyr.  Cf.  E.  Rey, 
Colonies  fr.  de  Syrie. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  9 


130  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tactique  si  sage  n'eut  pas  de  partisans  plus  zélés  que  les  papes 
et  c'est  grâce  à  leur  patronage,  sinon  à  leur  initiative,  que 
deux  royaumes  allaient  être  créés,  celui  de  Chypre  en  faveur 
d'Amaury  de  Lusignan,  et  celui  de  Cilicie  en  faveur  de  Léon  II. 

Frédéric  P'"  Barberousse,  qui  conduisait  la  troisième  Croisade, 
entra  dans  les  États  de  Léon  II,  pour  se  rendre  de  là  vers  Jé- 
rusalem. A  son  approche,  le  prince  arménien  se  hâta  de  lui 
envoyer  des  vivres  et  promit  même  de  se  joindre  à  l'armée  des 
Croisés  avec  une  partie  de  ses  forces.  En  retour  il  obtint  du 
souverain  allemand  l'assurance  qu'il  serait  reconnu  comme  roi 
de  la  Cilicie.  On  sait  que,  peu  de  jours  après,  l'empereur  périt  en 
se  baignant  dans  les  eaux  glacées  du  Calycadnus,  la  rivière  de 
la  Cilicie  appelée  aujourd'hui  Gueuk-Sou.  Cette  mort  retarda 
seulement  la  réalisation  du  projet  de  Léon.  L'empereur  alle- 
mand Henri  VI  allait  accomplir  la  promesse  faite  par  son 
père  (1). 

Mais  Léon  n'avait  pas  moins  à  cœur  d'être  reconnu  par  le 
pape  que  par  l'empereur.  Dès  1195,  il  envoyait  à  Cèlestin  III 
un  ambassadeur,  chargé  de  solliciter  pour  lui  avec  une  béné- 
diction particulière  la  couronne  royale.  Il  priait  en  même  temps 
le  pape  de  lui  obtenir  la  protection  de  Henri  VI.  Cette  requête, 
qui  entrait  tout  à  fait  dans  le  plan  du  pape,  fut  aussitôt  agréée. 
Par  l'ordre  de  Cèlestin  III,  le  cardinal  Conrad  de  Vittelsbach, 
archevêque  de  Mayence,  se  rendit  à  Tarse,  et,  le  6  janvier  1 199  (?), 
dans  l'église  de  Sainte-Sophie,  en  la  fête  de  l'Epiphanie,  le  légat 
pontifical  présentait  la  couronne,  et  le  catholicos  Grégoire  Abirad 
(1 195-1203)  donnait  l'onction  roj^ale  à  Léon  II  (2). 

(1)  Sempad,  Chron.,  trad.  Langlois,  p.22;  Jlicliel,  éd.  Chabot;  et  dans Langlois, 
p.  355;  Contin.  de  Guill.  de  Tyr,  XXVI,  27;  Guiragos  de  Kantzag,  Bibl.  des  Crois., 
Doc.  Arm.,  t.  I,  p.  422  et  suiv.  ;  Léon  Alishan,  Hiit.  de  Léon  le  Magn.,  chap.  ii. 
—  Dulaurier, /ococ<7.,  p.  270,  se  fait  l'écho  d'une  grave  accusation  contre  Grégoire 
IV  Dgha  et  Léon  II.  Tandis  que  l'un  et  l'autre  encourageaient  les  papes  Clé- 
ment III  et  CélestLn  III  à  organiser  la  croisade,  tandis  que  Grégoire,  avec  Nersès 
de  Lampron  et  d'autres  ambassadeurs  de  Léon,  allait  au-devant  de  Frédéric  Barbe- 
rousse, le  même  catliolicos  aurait  écrit  à  Salah-ed-Dîn  [une  lettre  obséquieuse, 
lui  i'aisant  connaître  la  situation  et  les  desseins  de  l'empereur  (dans  Beha-ed- 
Dîn,  trad.  de  Schultens,  p.  120-122;  Hist.  or.  des  Crois.,  t.  III,  p.  161  et  suiv.). 
Mais  cette  lettre,  comme  l'insinue  l'écrivain  arabe,  semble  l'œuvre  de  Kagigh, 
fils  de  Grégoire,  fils  de  Vassil.  L.  Alishan  (ouv.  cité,  p.  104)  fait  justement  ob- 
server que  le  reproche  fait  à  Grégoire  Dgha  ne  s'accorde  pas  avec  sa  vie  et  son 
caractère. 

(2)  Le  P.  Alishan  suit,  comme  nous,  ici,  Sempad  et  croit  que  la  solennité  du 


HISTOIRE  POLITIQUE   ET    RELIGIEUSE  DE    l'aRMÉNIE.  131 

La  suzeraineté  de  TArménie  échappait  ainsi  à  l'empereur 
de  Constantinople.  Alexis  III  l'Ange  (1195-1203)  essaya  vaine- 
ment de  la  retenir.  Ayant  appris  que  les  Latins  avaient  envoyé 
à  Léon  une  couronne,  il  lui  fit  parvenir  aussi  de  riches  présents 
ainsi  qu'une  couronne  rehaussée  d'or  et  de  pierreries,  avec  ces 
mots  :  «  Ne  mets  pas  sur  ta  tète  le  diadème  que  t'ont  donné  les 
Romains,  mais  le  nôtre,  car  tu  es  beaucoup  plus  près  de  nous 
que  de  Rome  (1).  »  Le  prince  arménien  accepta  ces  présents  avec 
empressement.  Parmi  ces  dons  figurait  un  étendard  où  était 
peint  un  lion  couché.  Cet  emblème,  Léon,  comme  ses  succes- 
seurs, le  substituera  à  l'aigle,  à  la  colombe  et  au  dragon  qui 
symbolisaient  jusqu'à  cette  époque  la  puissance  arménienne. 
Aux  dons  de  l'empereur  Léon  répondit  par  de  précieux  cadeaux, 
réussissant  ainsi,  sans  le  froisser,  à  garder  son  indépendance.  Il 
craignait  moins  d'accepter  la  suzeraineté  des  deux  souverainetés 
occidentales.  Elle  lui  semblait  moins  lourde  à  porter,  par  la 
raison  que  ces  puissances  étaient  plus  éloignées.  De  plus,  il 
pouvait  compter  sur  le  secours  des  chrétiens  occidentaux  con- 
tre les  musulmans,  tandis  que  les  Grecs,  au  lieu  de  s'armer 
contre  l'ennemi  commun,  jalousaient  trop  souvent  les  puissances 
chrétiennes  établies  en  Orient,  et  étaient  toujours  tentés  de 
regarder  l'Arménie  comme  un  fief  détaché  de  leur  empire. 

§  12.  Démêlés  avec  le  prince  cVAntioche;  guet-apens; 
fin  de  Roupên-Raymond  le  protégé  de  Léon.  —  Les  relations 
de  Léon  avec  les  princes  latins  furent,  d'ordinaire,  amicales. 
Il  faut  cependant  signaler  une  importante  exception.  Léon  et  le 
prince  d'Antioche,  Bohémond  III  le  Bègue  (le  Baube)  ou  l'En- 
fant (le  Bambe),  puis  son  fils  cadet,  Bohémond  IV  le  Borgne, 
étaient  trop  proches  voisins  pour  que  l'anibition  dont  ils  étaient 
tous  animés  ne  suscitât  point  sur  les  limites  communes  des 


couronnement  de  Léon  eut  lieu  le  6  janvier  1199  {Vie  de  Léon,  p.  170).  La  prin- 
cipale raison  est  la  lettre  de  remerciement  du  roi  au  pape,  datée  seulement 
du  23  mai  1199.  Dulaurier,  après  Guiragos,  Vartan,  Hétlioum,  fixe  au  contraire 
le  couronnement  au  6  janvier  647  =  1198  (t.  I  des  Doc.  arm.,  p.  634,  note  1). 
Il  y  eut,  semble-t-il,  deux  couronnements,  et  le  second,  le  plus  solennel,  parait 
avoir  été  célébré  le  6  janvier  1199.  Ceux  qui  l'avancent  d'un  an  se  basent  surtout 
sur  ces  deux  faits  :  Célestin  lll  et  Henri  VI  qui  avaient  accordé  le  titre  et  la 
couronne  de  roi  étaient  morts,  le  premier,  le  7  janvier  1198,  et  le  second,  le 
30  septembre  de  la  même  année. 
d)  Guiragos  (Moscou,  1858),  p.  92;  Docum.  arm.  des  Crois.,  1,  p.  124 


132  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

deux  petits  États  de  regrettables  conflits.  —  Nous  avons  dit 
plus  haut  que  Bohémond  III  s'était  emparé  par  surprise  de 
Roupên  II,  son  vassal.  Léon  II  employa,  sans  plus  de  scrupules, 
la  même  tactique  à  l'égard  du  prince  d'Antioche  (1).  Avec  la 
complicité,  semble-t-il,  de  Sibylle,  l'épouse  de  Raymond, 
il  attira  celui-ci  vers  les  confins  de  son  territoire,  au  fort  de 
Gaston,  près  de  Baghras.  Là,  il  se  saisit  de  lui  ainsi  que  de  ses 
principaux  dignitaires  et  les  conduisit  dans  le  château  de 
Sis  (1194).  Heureusement,  le  comte  Henri  de  Champagne, 
régent  du  royaume  de  Jérusalem,  s'interposa  entre  le  prince 
d'Antioche  et  le  baron  d'Arménie.  Grâce  à  lui,  Bohémond 
recouvra  la  liberté,  mais  après  avoir  souscrit  aux  deux  condi- 
tions suivantes  :  1°  restitution  du  territoire  enlevi-  à  Roupên, 
en  particulier  du  château  fort  de  la  Portelle;  2°  mariage 
d'Alice,  l'une  des  deux  filles  de  Roupên,  avec  Raymond  III, 
fils  aîné  de  Bohémond  le  Bambe.  Par  ce  traité  avantageux, 
Léon,  de  "\assal  qu'il  était,  devenait  le  suzerain  du  prince 
d'Antioche  (1193). 

Cependant  les  princes  d'Antioche  n'avaient  pas  renoncé  du 
fond  du  cœur  à  quelques  avantages  perdus,  et  les  conflits 
renaquirent  après  la  mort  du  vieux  Bohémond  (1201).  Roupên- 
Raymond,  le  fils  de  Raymond  III  et  d'Alice,  devait  succéder  à 
son  père,  mort  en  état  de  démence  (1200).  Mais  le  fils  cadet 
de  Bohémond  III,  Bohémond  IV,  comte  de  Tripoli,  en  apprenant 
la  mort  de  son  père,  accourut  à  Antioche,  assembla  les  cheva- 
liers et  les  bourgeois  et  obtint  d'eux  qu'ils  le  reconnussent 
pour  leur  prince.  Léon  soutint  son  petit-neveu  Roupên-Raymond; 
en  1203,  il  attaqua  Antioche;  mais  il  fut  repoussé  par  les  Tem- 
pliers auxquels  était  confiée  la  garde  de  la  citadelle.  Il  s'en 
vengea  en  allant  mettre  le  siège  devant  leur  château  de  la 
Roche-Russole,  proche  du  port  Bonnel  (aujourd'liui  Borounli), 
au  nord  de  Ras-el-Khanzîr.  Pendant  ce  temps,  Bohémond  était 
aux  prises  avec  deux  de  ses  feudataires  dans  le  comté  de  Tri- 


(1)  Michel,  texte  syr.  et  trad.  Chabot;  trad.  delà  version  arm.  Langlois,  p.  35»;; 
Aboulphai-adj,  Chrun.  Syr.,  p.  435;  Sempad,  aun.  643^  1  fév.  1194-31  janv.  1105; 
Iléthouni,  comte  de  Gorigos,  même  date;  Conlin.  de  Guillaume  de  Tyr,  dans 
HisL  occid.  des  Crois.,  XXVI,  p.  207-214";  ms.  D  P,  207,  208,212,  et  texte,  p.  214, 
225,  228°,  313,  318,  317.  Voir  aussi  Scinuto,  Sécréta  fidel.  crucis,  1.  111,  part.  10, 
ch.  8,  p.  201;  Arch.  de  l'Orienl  L.,  dans  Ann.de  Terre  Sainte,  t.  II,  p.  431. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  133 

poli;  il  assiégeait  l'un  d'eux  dans  Néphin,  quand  une  flèche 
l'atteignit  à  l'œil  et  détermina  l'accident  qui  lui  valut  son  sur- 
nom de  Borgne. 

En  1207-1208,  grâce  à  l'appui  du  patriarche  latin  d'Antioche, 
Pierre  d'Angoulême,  et  grâce  surtout  au  secours  des  Hospita- 
liers, Léon  pénétra  dans  la  ville  basse,  qu'il  occupa  jusqu'à 
l'église  Saint-Pierre.  Mais,  au  bout  de  trois  jours,  pressé  par 
les  Templiers,  descendus  de  la  citadelle  sous  les  ordres  de 
Bohémond,  et  menacé  par  Malek-ed-Daher,  prince  musulman 
d'Alep,  le  roi  fut  contraint  d'abandonner  sa  conquête. 

Léon  et  Roupên  gagnèrent  enfin,  par  de  riches  dons  et  de 
larges  promesses,  la  ville  qu'ils  ne  pouvaient  prendre  de  vive 
force.  Le  sénéchal  Acharie  leur  livra,  pendant  la  nuit,  la  porte 
dite  de  Saint-Paul.  Quelques  jours  après,  Pierre  II  de  Locedio 
sacrait,  à  l'église  Saint-Pierre,  Raymond-Roupên,  comme 
prince  d'Antioche  (1216). 

Léon,  cependant,  n'était  qu'en  apparence  au  bout  de  son 
rêve.  Sans  doute,  tant  au  point  de  vue  religieux  qu'au  point 
de  vue  politique,  la  situation  officielle  du  roi  de  Cilicie  s'était 
bien  améliorée.  L'excommunication  du  pape  qu'il  avait  en- 
courue en  refusant  de  rendre  aux  Templiers  leur  ancienne- 
place  de  Gaston  et  en  confisquant  leurs  autres  possessions  en 
Arménie,  avait  été  levée.  Il  était  réconcilié  avec  les  Templiers. 
Enfin,  le  grand  but  vers  lequel  avait  convergé  toute  sa  politique 
semblait  atteint  :  la  principauté  d'Antioche  paraissait  acquise 
à  son  neveu;  le  pape  Honorius  III  déclarait,  le  5  août  1217, 
qu'il  plaçait  le  principat  et  la  famille  de  Roupên-Raymond 
sous  la  protection  du  Saint-Siège  (1).  Brillants  résultats,  qui 
étaient,  en  grande  partie,  l'œuvre  de  Léon.  Et  pourtant,  l'in- 
fluence exercée  jusque-là  sur  son  neveu  allait  lui  échapper. 

Roupên-Raymond,  placé  désormais  entre  les  exigences  de 
son  grand-oncle  et  les  susceptibilités  de  ses  sujets,  ne  devait 
satisfaire  ni  ceux-ci  ni  celui-là.  Il  n'avait  pas  les  qualités  qui 
pouvaient  en  imposer  au  parti  grec  de  ses  sujets  toujours  hos- 
tile aux  Arméniens.  Le  jeune  prince  resta  pourtant  quatre  ans 

(1)  Pressuti,  Regesla  cV Honorius  III,  p.  118  ot  suiv.  ;  Gestes  des  Chyprois,  p.  20, 
etc.;  pour  les  relations  entre  la  principauté  de  Cilicie  et  celle  d'Antioche,  on 
trouve  l'indication  des  principales  sources  dans  l'article  substantiel  de  E.  Rey, 
NisL  des  pr.  d'Antioche,  Revue  de  l'Orient  latin,  1896,  pp.  3-21-408. 


134  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

souverain  d'Antioche,  protégé  par  le  clergé  latin  et  les  cheva- 
liers de  FHôpital.  Mais,  à  la  mort  de  Léon,  le  peuple  d'Antioche, 
craignant  sans  doute  que  la  principauté  ne  fût  annexée  au 
royaume  de  Cilicie,  se  soulevait  et  ouvrait  les  portes  à  Bohé- 
mond  le  Borgne.  Roupèn-Raymond  se  réfugiait  d'abord  dans 
la  citadelle  gardée  par  les  Hospitaliers,  et,  peu  de  temps  après, 
s'enfuyait  la  nuit  en  Arménie.  Prétendant  malheureux  au 
trône  de  Léon,  il  allait  tomber  aux  mains  du  baïle  Constantin, 
et,  si  l'on  en  croit  Aboulpharadj,  périr  avec  sa  mère  Alice,  par 
l'ordre  du  régent  (1). 

I  13.  Succès  de  Léon  contre  Rustem;  contre  Kilidj-A7's- 
lan  II  et  ses  fils;  réveils  et  mort.  — Pour  se  défendre  contre  les 
musulmans  qui  l'enserraient  au  nord  et  à  l'ouest,  Léon  fut 
obligé  de  tenir  la  Cilicie  sur  un  pied  de  guerre  continuel.  Vers 
l'an  1188,  un  chef  turkoman,  Rustem,  s'avança  jusque  dans 
la  plaine  de  Ravine,  non  loin  de  Sis.  Léon,  à  la  tête  d'une 
poignée  d'hommes  audacieux,  surprit  les  ennemis  au  repos, 
pénétra  sous  la  tente  de  leur  chef  qu'il  tua,  et  poursuivit  les 
fuyards  jusqu'aux  rochers  de  Saravane  (Serfendikiar,  selon  les 
Arabes)  au  bord  du  Djihân  (2).  11  vainquit  une  seconde  fois  les 
Turkomans  près  de  Germanicia  (Marasch).  Mettant  à  profit  les 
dissensions  survenues  entre  le  sultan  d'Ikonium  Kilidj-Arslan 
et  ses  fils,  il  s'empara  vers  la  même  époque  de  Bragana,  place 
située  probablement  au  nord-ouest  de  Tarse.  Puis,  poussant 
plus  loin  ses  conquêtes  vers  l'ouest,  il  prit  une  partie  de  l'Isau- 
rie,  dans  le  bassin  du  Calycadnus.  Tournant  enfin  ses  armes 
vers  le  nord,  il  envajiit  la  Cappadoce,  occupa  Héraclée,  Tyane 
et  menaça  même  Césarée.  —  L'an  1191,  Salah-ed-Dîn,  qui  venait 
d'arracher  au  prince  d'Antioche  les  forts  de  Baghras  et  de  Tar- 
bessag,  sur  les  frontières  orientales  de  la  Cilicie,  fut  obligé  de 
courir  au  secours  de  Ptolémaïs  et  des  autres  villes  fortes  de 
Syrie,  menacées  par  les  Croisés.  Léon  mit  aussitôt  la  main  sur 

{\)  Chron.  Syr.,  p.  4<S4:  Contin.  de  GuUI.  de  Tyr,  dansles  Hist.  des  Crois.,  p.  348 
<'t  405. 

(i)  Vahrain,  Chron.  rimée,  Docum.  armén.,  t.  I,  p.  510-511:  Grég.  Dgha,  Élégie 
sur  la  prise  de  Jérus..  op.  cit.,  p.  298-300.  Des  hist.  ont  confondu  le  turkoman 
Rustem  avec  le  sultan  d'Ikonium  Aseddin  Kilidj-Arslan  II  (1156-1188)  qui,  de  son 
vivant,  allait  livrer  son  i-oyaume  aux  disputes  de  ses  fils.  Vahram  attribue  la 
victoire  de  Léon  sur  Rustem  à  la  protection  de  saint  Georges,  auquel  était  dédié 
un  sanctuaire  dans  la  forteresse  de  Sis;  voir  Alishan,  Vie  de  Léon,  p.  85  et  suiv 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  135 

Baghras  et  Tarbessag-,  mais  céda  la  dernière  place  aux  cheva- 
liers de  l'Hôpital,  Plus  tard,  vers  1205,  il  dirigea  une  expédi- 
tion bien  au  delà  de  ces  frontières  et  arriva  sous  les  murs 
d'Ablasda  (aujourd'hui  Albistan).  Mais  il  ne  put  s'en  emparer  et 
dut  même  abandonner  au  sultan  d'Ikonium,  Ghaiassedin  Kai- 
khosrow  (1204-1210),  la  forteresse  de  Pertous  sur  le  Pyramus  ou 
Djihàn,  à  l'ouest  de  Marasch.  II  avait  jadis  accueilli  à  sa  cour 
son  vainqueur  d'aujourd'hui  (1),  quand  celui-ci  s'était  enfui  d'I- 
konium devant  son  frère  Rokn-ed-dîn-Sole'iman  II  (1201-1203). 

Avec  le  concours  des  chevaliers  de  l'Hôpital,  Léon  reprit 
l'avantage  contre  Aseddin  Kaikhaousl"  (  1210-1219),  le  successeur 
de  Kaikhosrow.  Ayant  uni  ses  forces  à  celles  de  Doughril-schah, 
sultan  d'Erzéroum,  il  devint  maître  d'Héraclée  et  de  Laranda 
(Derindeh)  à  quinze  lieues  au  sud-est  d'Ikonium  (1211).  Au  dire 
de  Sempad,  il  aurait  même  pris  Césarée;  mais,  ne  pouvant  la 
conserver,  il  l'aurait  revendue  aussitôt.  —  Le  roi,  devenu  vieux  et 
le  corps  brisé  par  la  goutte,  ne  perdit  pas  son  intelligence  de 
fin  politique,  non  plus  que  son  énergie  et  son  activité.  Les  re- 
vers qu'il  éprouva  firent  briller  en  lui  une  vertu  jusque-là  peu 
apparente,  l'humanité.  En  12IG,  KaikhaousP'  tailla  en  pièces  son 
armée  sous  les  murs  de  Gaban,  et  s'empara  du  généralissime  le 
connétable  Constantin  ainsi  que  de  plusieurs  seigneurs.  Le  vieux 
roi,  réduit  à  l'impuissance  avec  une  armée  privée  de  ses  meilleurs 
chefs,  consentit  à  livrer,  pour  leur  rançon,  l'Isaurie  jusqu'à 
Séleucie,  la  forteresse  de  Loulva  sur  la  route  de  Tarse  à  Ikonium 
et  l'imprenable  défilé  de  Lauzad  proche  des  PylaîCiliciœ,  et  qui 
débouchait  par  Podandus  dans  la  Cappadoce  (2). 

Ils  étaient  à  jamais  passés,  les  temps  où,  sous  ce  même  Léon, 
le  premier  et  le  plus  grand  de  ses  rois,  l'Arméno-Cilicie  s'éten- 
dait à  l'ouest  jusqu'au  Mêlas  (Manavgat-tchaï),  dépassait  à 
l'est  l'embouchure  du  Pyramus  (Djihàn)  et  englobait  le  défilé 


(1)  Sur  l'accueil  de  Kaïkhosrow  à  la  cour  do  Léon,  voir  Nicëtas  Choniates,  Vie 
d'Alexis  ni  VAnge,  III,  4;  dans  Wigne,  t.  CXXXIX,  p.  901. 

(2)  Le  savant  P.  Alishan,  suivant  en  cela  Vahram  et  quelques  autres  historiens 
(Voir  Chron.  rimée,  Doc.  arm.,  I,  p.  513),  masque  complètement  ce  grave  échec 
subi  par  Léon.  Nous  avons  suivi  les  liistoriens  arméniens  contemporains  de  ces 
faits,  le  connétable  Sempad  et  Héthoum  comte  de  Gorigos,  aun.  (565  =:  26  janv. 
1-216-25  janv.  1217:  Docum.  arm.,  pp.  483  et  644-645.  Sempad,  cependant,  attri- 
bue la  prise  de  l'Isaurie  au  sultan  d'Ikonium  Ala-ed-Dîn  Kadvobad  (1220-1237); 
elle  aurait  donc  eu  lieu  api'ès  la  mort  de  Léon. 


136  REVUE    DE   l'orient   CHRÉTIEN. 

de  la  Portelle  au  delà  d'Iskenderoiin  ou  Alexandrette.  Sa  lon- 
gueur de  l'est  à  l'ouest,  qui  mesurait  près  de  400  kilomètres 
et  représentait  dix  jours  de  marche,  venait  d'être  réduite.  Ses 
limites  dans  le  sens  de  la  largeur  que  le  voyageur,  venant  de 
la  mer,  franchissait  en  deux  jours  au  temps  de  son  plus  grand 
développement,  étaient  aussi  rétrécies  ;  du  nord  au  sud,  elles  ne 
mesuraient  en  moyenne  guère  plus  de  soixante-dix  kilomètres, 
au  lieu  de  quatre-vingts  qu'elles  comprenaient  quelques  années 
auparavant. 

Le  roi  mourut  peu  après  avoir  payé  la  rançon  de  ses  princi- 
paux serviteurs  captifs.  Son  corps  fut  déposé  dans  une  église 
qu'il  avait  bâtie  à  Sis;  son  cœur  fut  porté  au  couvent  d'Agner 
près  de  Tarse.  Des  nombreux  monastères  qu'il  avait  fondés, 
Agner  lui  était  le  plus  cher,  soit  à  cause  de  son  site  agréable 
et  pittoresque,  soit  à  cause  de  la  parfaite  régularité  de  ceux  qui 
l'habitaient.  On  y  pratiquait  une  stricte  abstinence,  tous  les 
jours  de  la  semaine,  sauf  le  samedi  et  le  dimanche,  où  il  était 
permis  de  se  nourrir  de  laitage  et  de  poisson. 

I  14.  Surnoms  de  Léon  II;  sceau;  qualités,  alliés  et  auxi- 
liaires. —  Avec  Léon  II,  la  principauté  cilicienne  atteint  son 
apogée.  Son  règne,  même  passé  au  crible  de  la  critique,  mé- 
rite encore  à  maints  égards  d'être  admiré.  Ce  n'est  pas  sans 
raisons  qu'on  lui  a  donné  les  titres  de  «  Grand  »,  de  «  Magnifi- 
que ».  Sans  prendre  ces  noms,  ce  qui  serait  de  sa  part  choquant, 
lui-même  —  par  exemple  dans  sa  première  lettre  au  Pape  — 
s'appelle  roi  de  maints  les  Arméniens,  et  son  crédit  est  assez 
grand  pour  transmettre  à  ses  successeurs  cette  prétention  un 
peu  ambitieuse.  Comme  sa  signature,  son  sceau  marque  son 
effort  constant  vers  un  idéal  de  grandeur.  On  a  retrouvé  un 
tahégan  d'or  arménien  qui  représente  Léon  II  assis  sur  un  trône 
supporté  par  deux  lions  ;  il  est  ceint  de  la  couronne  ;  sa  main 
droite  porte  un  globe  surmonté  de  la  croix,  sa  main  gauche  un 
sceptre  en  forme  de  fleur  de  lys;  au-dessous  ces  paroles  en 
exergue  :  Léon,  roi  des  Arméniens  (Levon  thakavor  Haïotz).  De 
l'autre  côté  du  sceau  royal,  un  lion  couronné  tient  dans  sa 
griffe  un  sceptre  surmonté  de  la  croix,  avec  cette  légende  :  Léon, 
par  le  Christ-Dieu,  roi  des  Arméniens. 

La  couronne  royale,  en  effet,  lui  fut  conférée  par  les  repré- 
sentants de  Dieu.  Mais,  pour  y  parvenir,  quelle  énergie,  quelle 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  137 

ténacité  il  déploya  et  aussi  quelle  souplesse  !  Ses  historiens  louent 
sa  bravoure  qui  était  réelle,  son  habileté  de  cavalier  qui  était 
peu  ordinaire,  son  humeur  aimable  et  enjouée.  Pourtant,  par 
là,  il  ne  se  distinguait  pas  de  ses  chevaliers  les  plus  preux,  ou 
de  ses  courtisans  les  plus  polis  et  les  plus  spirituels.  Le  trait 
saillant  qui  le  met  à  part,  c'est  surtout  la  prudence,  la  finesse 
du  diplomate,  la  perspicacité  du  politique. 

Par  des  alliances  habilement  ménagées,  il  sut  intéresser  les 
principales  cours  chrétiennes  de  l'époque  à  la  prospérité  de  sa 
famille  et  de  son  royaume.  Uni,  depuis  1190,  à  Isabeau,  nièce 
de  Sibylle,  femme  de  Bohémond  le  Bambe,  prince  d'Antioche, 
il  la  répudia  en  1205,  sous  prétexte  d'inconduite,  et  l'enferma 
dans  la  forteresse  de  Vahka,  après  avoir  fait  périr  plusieurs 
personnes  de  sa  suite  (1).  Cinq  ans  après,  il  épousa  Sibylle,  fille 
d'Amaury  ?■■  de  Lusignan,  roi  de  Chypre  et  de  Jérusalem.  Un 
peu  plus  tard,  Roupèn-Raymond,  son  petit-neveu,  devenait 
répoux  de  Helvis,  autre  fille  d'Amaury.  Nous  savons  déjà 
que  Roupèn-Raymond  était  né  du  mariage  contracté  l'an  1195 
entre  la  nièce  de  Léon  II,  Alice,  fille  aînée  de  Roupên  III,  et 
Raymond,  fils  aîné  de  Bohémond  le  Bambe,  prince  d'Antioche. 
Léon  recherche  aussi  les  alliances  avec  les  princes  grecs,  puis- 
qu'il fait  épouser  à  Philippa,  sœur  cadette  de  Roupên  III,  Théo- 
dore Lascaris,  fondateur  de  l'empire  de  Nicée.  Cependant,  il 
sollicite  de  préférence  pour  les  princesses  de  sa  maison  la 
main  de  princes  latins.  Ainsi  Rita  ou  Stéphanie,  née  de  son 
premier  mariage,  fut  unie  en  1214  à  Jean  de  Brienne,  roi  de 
Jérusalem  ;  et  Zabel,  née  de  sa  seconde  épouse,  était  fiancée, 
depuis  l'an  1218,  à  André,  troisième  fils  d'André  II,  roi  de  Hon- 
grie; mais  ce  dernier,  nous  ne  savons  pourquoi,  rompit  son 
engagement  au  moment  où  mourait  Léon  (2). 

(1)  Sempad  raconte  que  l'an  654  =  29  janv.i  1-205-28  janv.  1200,  lo  catliolicos 
Joan  VII  ayant  rapporté  au  roi  certaines  accusations  injurieuses  pour  la  reine, 
Léon  fit  mourir  une  foule  de  personnes  de  la  suite  d'Isabeau,  se  livra  contre 
elle  à  de  grandes  violences  et  l'enferma  dans  Vahka. 

(2)  André  écrivit  au  pape  Honorius  III  au  sujet  de  ces  fiançailles.  La  ré- 
ponse du  Pape  est  reproduite  dans  Alishan,  Vie  de  Léon,  p.  290.  Pour  doter  Rita, 
Léon  avait  emprunté  20.000  besants  d'or  àGuérin  de  Montaigu,  le  Grand-JIaître 
des  Hospitaliers;  et  celui-ci  avait  reçu  en  hypothèque  le  district  de  Dgigher  et 
le  poi't  de  Canamella  (qui  borde  au  nord-est  le  golfe  d'Alexandrette)  avec  ses 
taxes  tl'entrée  et  ses  revenus  pendant  deux  ans  (Voy.  le  contrat  dans  Alishan, 
Append.). 


138  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Pendant  que  Léon  devenait  ainsi  Fallié  des  principales  cours 
chrétiennes,  il  savait  aussi  discerner  autour  de  lui  les  hommes 
de  mérite  et  les  attacher  à  sa  cause.  Entendait-il  parler  d'un 
sage  conseiller,  d'un  savant,  d'un  orateur  disert,  en  un  mot, 
d'un  homme  de  conseil,  de  plume  ou  d'épée,  il  ne  négligeait 
rien  pour  s'assurer  ses  services.  La  remarque  est  du  connétable 
Sempad,  qui,  élevé  à  la  cour  de  Cilicie  par  la  faveur  de  Léon, 
sera  l'un  des  plus  précieux  auxiliaires  de  ses  successeurs. 
Dans  cette  élite,  les  guerriers  sont  naturellement  les  plus  nom- 
breux; et,  parmi  les  seigneurs  qui  commandent  les  soixante- 
douze  forteresses,  énumérées  par  les  anciens  auteurs,  nous  re- 
marquons, à  côté  des  noms  arméniens,  des  Grecs  ou  Arméno- 
Grecs,  des  Allemands  et  surtout  beaucoup  de  Français,  comme 
Tancrède,  Godefroy,  Robert,  Baudoin,  Henri,  Olivier,  Roger 
du  Mont,  Thomas  Maslebrun,  Guillaume  de  Tlsle  et  plusieurs 
autres. 

Fr.  Tourxebize. 
{A  suivre.) 


MÉLANGES 


I 


BULLE  DU  PATmARCHE  MÉTROPHANE  SUR  LE 
MARIAGE  (AOUT  1565) 

Malgré  plusieurs  tentatives  plus  louables  qu'heureuses,  nous 
en  sommes  encore  à  attendre  un  recueil  vraiment  critique  des 
décrets  promulgués  par  les  patriarches  de  Constantinople  sur 
les  divers  points  de  la  discipline  ecclésiastique.  Le  premier 
essai  en  ce  genre,  celui  de  Loewenklau,  a  été  compilé  avec  la 
plus  déplorable  légèreté;  il  a  de  plus  le  tort  de  ne  tenir  aucun 
compte  des  actes  postérieurs  à  la  conquête  ottomane,  usage 
contre  lequel,  en  matière  ecclésiastique  surtout,  on  ne  saurait 
trop  protester.  Les  éditeurs  athéniens  du  I!jv-:aY;j.a  twv  -.epwv  -/.a- 
vôvojv  n'ont  guère  fait  que  rééditer  Loewenklau,  sans  prendre 
toujours  soin  de  remédier  au  désordre  de  leur  devancier. 
M.  Manuel  Gédéon,  qui  avait  conçu,  entre  mille  beaux  projets, 
celui  de  doter  enfin  la  science  du  recueil  tant  désiré,  s'est  ar- 
rêté au  second  volume.  On  retrouve  chez  lui,  avec  les  pièces  de 
résistance  du  Jus  Graeco-Romanum,  un  désordre  plus  grand 
encore  que  dans  cette  dernière  compilation,  grave  défaut  que 
rachète  d'ailleurs  l'insertion  dans  ses  Kavsvr/.aî  Aia-câçeiç  de  quel- 
ques morceaux  inédits;  encore  ceux-ci,  à  en  juger  par  quelques 
spécimens  que  j'ai  pu  contrôler,  sont-ils  publiés  avec  certaines 
lacunes  qui,  pour  être  voulues,  n'en  sont  pas  moins  regrettables. 

A  défaut  de  recueil  bien  ordonné,  nous  avons  un  répertoire 
excellent,  quoique  très  incomplet,  en  tête  de  la  Geschichte  des 
griech-rômisch.  Rechts  du  regretté  Zachariae  de  Lingenthal, 
et,  pour  le  droit  matrimonial  en  particulier,  dans  l'introduc- 
tion au   vaste  traité   de  Jos.   Zhishman,  Bas  Eherecht  der 


140  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

oriental.  Kirche.  Aucun  de  ces  deux  savants  juristes,  ni  d'ail- 
leurs aucun  autre  auteur,  na  pourtant  signalé  l'important 
document  que  je  publie  ici.  On  y  trouve  sur  le  mariage  la  subs- 
tance même  de  la  doctrine  de  l'Église  ortliodoxe,  donnée  par 
le  chef  de  cette  Église  traitant  ce  point  capital  ex  professa, 
j'allais  dire  ex  cathedra.  On  y  remarquera  en  particulier  la 
question  de  la  clandestinité,  trancliée  dans  le  sens  du  concile 
de  Trente,  au  moment  même  où  ce  grand  concile  achevait  son 
œuvre.  La  bulle  du  patriarche  Métrophane  fournirait  occa- 
sion sur  ce  point  comme  sur  tant  d'autres  à  amples  dévelop- 
pements. Je  me  suis  contenté  de  renvoyer  le  lecteur  aux  sour- 
ces mêmes  que  le  patriarche  semble  avoir  utilisées.  Quand  tous 
les  documents  vraiment  importants  auront  vu  le  jour,  les  fai- 
seurs de  dissertations  ne  manqueront  pas  de  s'en  emparer.  Jus- 
que-là tous  nos  efforts  doivent,  semble-t-il,  se  combiner  pour 
arracher  à  la  destruction  ou  à  l'oubli  ce  que  le  malheur  des 
temps  ou  l'incurie  plus  néfaste  des  hommes  n'a  pas  emporté 
sans  retour. 

La  bulle  de  Métrophane  gisait  méconnue  dans  le  codex  Ot- 
tobonianus  gr.  75,  que  les  rédacteurs  du  Catalogue  (1)  indi- 
quent comme  étant  du  xvf  ou  du  xvii"  siècle,  mais  dont  M.  Gel- 
zer  détermine  l'époque  en  ces  termes  :  In  catalogo  ?nanuscrip- 
torum  librorum  pessimo  scriptum  est  XVI  vel  XVII  s.  quod 
sane  falsissimum  est.  Codicem  XVI  saeculi  esse  certo  certius 
est  cuique  rerum  palaeographicarum  non  plane  ignaro.  C'est 
à  l'inépuisable  obligeance  du  même  M.  Gelzer  que  je  dois  la 
copie  de  toute  la  pièce  ;  çà  et  là,  le  savant  professeur  de  léna 
a  semé  quelques  observations  en  latin,  que  j'ai  reproduites  tex- 
tuellement, pour  ne  pas  en  diminuer  la  saveur.  J'offre  ici  mes 
remerciements  à  M.  Gelzer  pour  ce  nouveau  témoignage  d'une 
amitié  déjà  ancienne,  mais  dont  les  ans  ne  font  que  resserrer 
les  liens. 

L.  Petit. 


(1)  Féron-Battaglini,  Codlces  manuscripli  graeci  Oltoboniani  Bibîiolhecae   Va- 
ticanae,  Rome,  1893,  p.  47. 


MÉLANGES.  141 


Igov. 


MviTpoçpavviç  s'Xéw  ÔsoO  àpy  t^TTiax.o  — o;  RcovGravT  ivou- 
TJo'XswÇj    Ns'aç    'Poi[J.r,ç,    /.al    o  ï/,fju|j.c  v  r/.o;  Tûarp  tàpy  •/)  ;  . 

'Ot!,  [/.èv    ô   yâp-o;   ev   tcov   é~-:à    tvi;   £x.x7.rj(jia^  y.7.0£'7Tr,/.£  [X'jttt,- 

5  pttov,    oavîpôv    ovf  TTO'j    xal   to^   âV.p(o  —  ojç  (ùccgl  —   tco  ^ax,Tu7vco 

Tôiv   £/,/,')v-/i(jiacTr/.ôiv  àtiia[j-£Vûiç,  /.y.l    oti  yajAo;  scttIv  àvr^po;;  xal  yj- 

vai/.oç   cuvz'peia   /.ai   a'jyy,V/{pco(7iç   TraGTiç  "Cwvi;  SstO'j  ts  -/.al  âvOooiTri- 

vo'j   f)L/.a'-ou    -/.oivcovia,   /.ai  oti   O'j    yivarai   yaaoç,   £i    y//;   'j'Jvaivsno'jGiv 

01     GOVaTÛTOfAEVOl    /.al     01     I^OVTcÇ     a'jTOÙç     ÙTTcÇO'J'jIO'JÇ,    6     àè  /^Wolç     (T'JV- 

0  cciviaitàq   Twv    yovÉcov    y£Vo'[/.£voç   yap'-oç    àviTy^DOo'ç    £(7Tiv,    yAl'     cotts 

TOÛTO    TCOV    Cl»VlGT(ÔVTCOV     TOV    ^/âv.OV     è'aip£TOV    yVCOOlGaa,    OTI    GT.u.ezoy 

OÙ  ij/ilvi  cuvaivsTci  6  yay.oç  GoviGTaTai  à7^V  £i  [j/o  /.al  Σpo'),o*'ia 
xpoo'^,  o\;T£  yap-oç  T'jviTTaTai  oCtî  /.col'jovTai  oi  (7uva'X'Xy''7'70vT£ç. 
àx'    àT^V/i'Xcov    ycopi'^E'jGai,    /.al   to'jto    àuT'jxcoGaTO    àià  vôapag   o    év 

5  pai7i')^£ijGiv  àoir^iao;  /.aÎTap  A£'cov  ô  oiloGo^po;  /.al  o  Tpi'7(Aa/.zoi'7Toç 
pa(7i>v£Ù;  /.aîcap  'A7^£^io;  ô  Roy.v/ivo^,  /.al  oti  t-^;  upoVjyia;  Tc^.c- 
gO£1'j71ç,  /.iv  IX-/1  ô  yajj.0?  Trpoov;  tItoi  tojv  rr'jvy.iv£<>a'vTOJV  Guvxcpsia, 
6[7.w^  yzjAoç  £CTi  /.al  To  GLtval7.ay|J!.a  [X£V£i  aluTov.  ôÎTa  ttz^.iv  tc£ûI 
[X'jGTi/.oû  yàaou    o   voaoç    77apa/.£7.£'j£Tai'  M-/;^£l^  ivjgziymç  OTSCpavou- 

(I  gGco,    à'XÀà  TuapovTWv  777.£iovcov    ô   "'ào  TO'JTO   /.aTaTo7v..y.-/i'(7ar   èoyaGa- 

GÔai,     GW(ppOVl'^£G0cO    Tiy.COpO'jacVO;    ()-/;7/JV0Tl,     /.7.1     TO'J     l£p£WÇ,    cîj^     to^- 

â7Cp£77£aiv  éaijTov  '  è[7-êàA7vOVTO^,  Ta;  àçiaç  £ÎG7wpaTTo;x£vou  £ÙO'Jva; 
/caTa  TTiV  TWV   £/,/.7.viGiaGTi/,tov  /.avovwv   ^laTa^iv. 

TaùTa  |X£v   o'Jv  /.al  Ta  TOiaÙTa  tcov  guvigtcôvto^v  tov  yàaov  £Igiv, 

'>  cbv   yojplr    TOV    yâaov    Tïapà   tvï   /.aO     vîaar    tou    Xoigto'j    atyxk'/]    y.yl 

/.aOQ7^i)tyi   £/-x,7^yiGia   tt,;  KcovGTavTivo'j77o7.£co;   GoviGTacOai   o7.co;    ày//(- 

■/avov.   71  os   àrcT^coç  /.al  /copl?  i£3o7^oyîaç   [-'-î^tç  où'5^o7vCoç  yzaoç,  à7;7và 


Corf.  Ottobon.  gr.  75,  saec.  xvi.  loi.  109''-11(>.  — 6-8.  yi\Loç  —  xoivwvîa,  Basil. 
XXVIII,  4,  1.  —  8-10.  o'j  Y'vETai  —  àvî^x^pô;  èdnv,  Basil.  iôicZ.,  2;  Harmen.  IV,  4, 
3.  —  12-18.  (iYi(i£pov  oO  4/t),Ti  —  [iévsi  àXyxov,  Schol.  ad  Harmen.  IV,  4,  19.  Ce  scholie 
provient  de  l'Ecl.,  1.  I-II,  Basil.  II,  3.  —  12.  •hvlfi  Cod.  —  (ayi  :  (iriv  Cod.  —  12-13. 
àXX'  si  —  ffuvîffTaxat  en  marge  dans  le  Cod.  19-23.  Mriôelç  jiyffTtxw;  —  xavôvwv 
ôtâxa^iv.  Nov.  Basil.  Maced.  dans  le  l-JvTaY[jia  xwv  xavôvwv,  V,  254;  Prochir.  IV, 
27  ;  Harmen.  IV,  4,  26.  —  22.  etffTtpaxTojisvov  eùSTivaç  Cod.  —  25.  irapà  t^;  Cod. 


142  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

77opv£ia*  avTixûuç  xat  tj.ax.pàv  toOto  to'j  ya|xixo'j  [xucTvipioi»  y.a6£(jTVix.£ 
xaoà  Toiç  EiKTsêÉGt,  /.al  opOo^o^oi;  ypiC/Tiavoiç*  où  y^P  iràca  cruvacpeia 
yaaov  ttoisT,  à).)^'  o  xapavo[;xoç  yfl'p'-ag  y,cà  ^h  xapavofxcoç  yaix-ziOsTca  30 
Tov  yyjxov  ^ia").'j£t.v  oovy.VTar  /,al  ôti  où  ^ùvaxai  0  ût^sçoucioç  v)  7Î 
ùxe^ouGioc  vopijj.coç  ya.[X£tv  av£u  yvc6[/,7iç  tou  â'yjjVTOç  aÙToùç  ûtteqou- 
aioDÇ'  £t.  yap  etti  TpiSTiav  auxou  aiyjAaAcoTOu  yov£coç  xaio£ç  vou.i[^-0)ç 
X£piy-£V£iv  o<p£iAoi)Gi  TT/V  TO'j  loiou  yov£wç  7.770  TTjÇ  atj^ji.aÂwci.aç  exavo- 
<^ov,  w(jT£  /_wpl;  TCarpu*^?  <7uvaiV£(7£to^  tov  yap.ov  [xvi  Guvi(7Ty.'j9ai  35 
(©•/ici  yàp  ô  vo[j,oc'  Eàv  xpo  tïîç  Tpuxiaç  oî  toO  aly^^oCkoirou  -Kaioeç 
71  Toù  à^.'Xwç  à-TTo'vToç  yaiXT^atoGi,  -/.al  ^rj'Xov  yÉv/iTai  àxapÉcxEiv  tw 
xarpi  To  TcpoctOTirov,  ô  yxjy.oç  où-/.  â'pptoTy.i),  Tt  -/[/r,  xal  >iy£iv,  oxav 
aùxôç  ô  TcaTTip  Cl  irapwv  /.al  èv^vijxcov  t*^  xoT^si  t^.v)  Guvaiv£C7£i  tw  toG 
îoiou  ÙTVE^ouaiou  Tvai^o;  yaij.w,  [;,à7.>vOV  oà  /.al  pviTcoç  àwxCkéyzi  ■/]  y,(d  4o 
£'j'Xoyoç  àvTt"X£y(ov  (paiv/ixat;  -/i  yàp  twv  yajxwv,  Ç'/jct,  •/_pvi'jip-o'T?iç 
où  [J.OVOV  i^la,  àXkcc  /.al  oy,[xo<jia  /,a6£(7T7]/.£,  /.al  où  [7-dvov  (puGi.y.oO 
xal  dÔvwcoû  /.al  7ro7viTi/.ou  ^ixalou  ô  yàp-oç,  7.Wy.  /.al  O£iou  t£  xal 
àvBpwTTivou,  cbç  £(p7;a£v,  /.oivcovia  7Vc'(pu/.£-  /.al  au  ô  vo[J.oç  Trapa/.aTiwv 
xpoTp£7ro'[j-£Vo;  ô[j-oO'  /.al  â7:oTp£7rdp.£voç  /.al  xa'oe  7:£pl  ya'f/.ou  oi£Ç£iaiv,  4:. 
OTt  Tj  ^laOsGiç  yxjxov  où  xoieT,  oÙ't£  r^k  r/.  toù  p/i  ^^tvin^a.i  cujj.êo'- 
};aia  àvaTp£TC£Tai  0  y/.[j.oç,  oÙt£  £/.  toù  ^evé^bon.  iGyuei  6  [/.•/;  tov  vd- 
jxiiJ-og  yaixo;,  Eicrl  oè  /.al  a'X'X'  aTTa  toù  voixi[J-ou  yâ[xou  cudTaTi/.a', 
à   cuvTOjxia;;   xapaA£i7C0[7,cV  yapiv, 

ÏoÙtwv   oùv  oùtcoç  £ydvTtov,  £7w£i^'/i    /.al  0  yp-/i<7i[;.(ôjJ!,aT0ç  /.ùp  r£wp-  50 
yioç   0   Aap-a7.aç   tw   y£V£i  ypai/.oç   /.al  ôVjç  •/Ïj/.î'v   /.al  tv;  /.aG'   vîp.a; 
TaÙTYi  [;-£yàX7;  /.al   /.a()o7a/.-^  ù'7rox£i[^.£VOç  fc/./.V/iTia,  £i  xal  £x  tv;;  Oeo- 

«ppOUpvfTOU    topi^^/lTai    Vvi(70U    XlOU,    T-Ô     "/jJJ-COV   TZpOCclÔwV     [X£Tplo'TyiTl    t^'/]- 

xr^ne    [xzrcc  xza-/iç,  -/^ç  TrpoG'^'xei,  £Ù7vaé£ia;  «7a(p-/]V£iav  £Ït£  oidv  T£  <^wç 
•/î"Xiaxôv  £x  TOÙ  £7riy£io'j  toutou  T-fi;  xaO'  vi(/,àç  iy.y.'krtniy.ç  GT£p£cô[JLaTOç,   55 
co(7T£  aÙTOv   6ioayHri^a.i  xal  cpcoTiTOr^vai  xal  aTçaTi-coç    [xaOfiîv  ttiv  toù 
yâ[7-ou  xupuoç  £/.x7;*/jcia'7Ti/.'/iv    cùcTa'7iv    xal   -koix  tlçi  tcc    xavcovi/.ôjç 

28.  xa6£(7TV)x£ç  Cod.  — 36-38.  iàv  îtpô  t^;  —  k'ppwxat,  Epanag.  XVI,  10.  —  37.  ànov- 
Twç  Cod.  —  38.  îpwTat  Cod.  —  30.  (xv)  ab  eadem  manu  ex  \iï  correctum.  — 
45.  7ipoTp£UTÔ(j,£voç  Cod.  —  46-48.  rj  SiâÔEui;  —  vôfiijAo;  yocfAoç,  cf.  Nov.  74,  cap.  4,  et 
117,  cap.  3;  Basil.  XXVIII,  4,  31  et  47.  —  46  et 47.  y^vriaSai  Cod.  —  48.  àlV  Cod.  — 
49.  à  Cod.  —  50.  xpY5(7t(Ji6TaTo;  Cod.  —  En  marge  reiopyio;.  —  53.  TrposXôwv  Cod.  — 
54.  irpodiQxvii  Cod.  —  aaipstveiav,  puis  craçi^vetav  CofZ.  Erat  et  quod  in  »]  correctum 
est  ab  eadem  manu.  —  55.  âniYYiou  Cod. 


MÉLANGES.  143 

cuviaTcovTX  tôv  yzaov,    cov    à'vs'j  o^t'   sivat,    ûut'    o^o^A^infiai  yy.[i,ov 

ypTj,   â'vOsV    TOI  loiTCOV    /.y-l     y,     [7-£TpidT'/lÇ   '/îl^ôiV   où     TOTOÙTOV   TOÛ    [/.cpi/,Oλ 

I  0(70v  TOU  xoivo'j  cu[/,^épovTOç  (ppovTîrouTx,  <C8ioC>  TtOV  £V  [/.-/laê'pxvî'.iç 
ypa[/.[xzTtov  TOÎ;  zÙGtSéGi  Tzôiai  y,al  toiç  àravTayO'j  ori'XoTTot.oufxsv  £it£ 
£VT£7.VJ[/.£0a  ypiaTiavoîç  xal  /.piTalç,  Upc.i[A£vo^  r,  /.al  lalV.oï;,  xal 
TravTl  Tto  ypi<7Ta)V'J[/.w  Toù  xupiou  "Xaoj  TCcpl  TO'j  7?po/.£i[Jt.£vou  C'/i'^'l- 
[xaTo;  "OTOi   7r£pl  ttiç  (7ui7TàG£co;  TOU   -TTap'   vi[xîv  voyiy,ou  yzp.ou    ogov 

1  Toîç  6£io(.ç  x,al  bpof^  xavoGi  7r£pl  Tr,ç  TotauTviç  oi.*fl'>.£i7ïTai  y.al  r^iv)- 
yo'p£UTat  77pay[j-3CT£ta^,  toc  àvcoTî'pco  Eip'/i'y.aij.sv.  7c'Xvipo(popoû[j!.£V  oùv 
aTravTa;,  TauT-/iv  ttjV  zaÔ'  vî[jt,aç  Ï£poayiav  £-/.x,7.-/i(jtav  -^TEpl  to'jtwv 
ouTw;  àvajJ-Çiêo'Xwç  cppov£lv,  x^jcl  £v  tou;  TOiauTai;  tiov  yz[j,wv  'jtzo- 
0£G£'7i.v  ouTco  xal  TauT"/]  GTOf/£îv  (XV3cvT'.pp'/iTto;   xal  jxvioèv    To   auvoT-ov 

'  Tuapà  TOÔJToc  y.aivoTOjx£ïv.  ÔG£v  £yc'v£TO  /.al  to  rapov  7Îu.£T£pov  caœ-/i- 
vtcTi/.ov  £v  [i,v)[j!,êpavatç  ypay-aa  xal  £T7£Oo'6vi  tco  <^ta'X7:!pO£VTi  /.ùp 
r£copyuo  TÔ)  Aaixala  oia  ypat/co  /al  ÛTTo/ety-Évco  t-^  xaG'  'fi'^ôiq  TauTv; 
Tvïç  KwvcTavTivo'j77d7.£Ojr  Uooayta  £/./'Xr,(jia,  co;  £l''7ro.a£v,  uîw  ^y; 
àyaTîr.Tw  r9,:  rjaoiv  |jL£TpioTyiTOç  £Îç  àfjC^xleiccv,  £v  £T£t.  ^^Y***'  ^^ 
[xvivl   aùyou(7TOU    ivot/.TUovoç  v;^. 

]MviTpO(paV/î;      £7^£tO       GeoÛ     àp^UTTtT/OTïOÇ     Kfa)V<7TaVTlV0U- 

7ïo'>>£wç,    N£aç    'PcofjLTiÇ,   /al   ot/oua£vi/ôç    TTaTpiàpy -/iç. 

59.  Iv9£v  TOI  :  èvôÉToi  Corf.  —  tJ^i^xpioTriç  Corf.  —  où  Corf.;  peut-être  vaudrait-il 
mieux  lire  fj.  —  60.  J'ai  suppléé  6ià  qui  parait  indispensable.  —  Gl.  àiravTaxoy 
Cod.  —  6"2.  ÈvT£X6[ji£6a  Cad.  —  65.  Ttepl  Y*i;  (!)  Cod.  —  oiYiyoprjETat  d"abord  écrit  ôtayo- 
peveTai.  —  76.  tepoayîav  :  lepovpyiav  Cod.  —  72.  En  marge  :  FewpYtoç.  —  74.  Le  Cod. 

indique  ainsi  l'année  :  C^on      ,  sur  quoi  M.  Gelzer  observe  :  homo  iiieptissimiis 

scribere  voluil  r^^Y  =  7073  ==  1565,  quo  cum  anno   VIII  indicliu  convenit. 


144  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


II 


UN  COMMENTAIRE  INÉDIT  SUR   LA  BAGARRE 
AU  S.  SÉPULCRE  EN  1698  {BOC,  vol.  VIII,  1903,  p.  471) 

Je  le  trouve  en  une  collection  de  pièces  manuscrites  de  notre 
bibliotlièque,  consacrées  aux  Missions  du  Levant  (IP  volume, 
p.  752  sqq.).  Les  détails  relatifs  à  la  bagarre  sont  extraits  d'une 
«  Lettre  d'un  religieux  observantin  écrite  de  Jérusalem  à  un 
de  ses  amis  sur  les  affaires  présentes,  traduite  de  l'italien  en 
français  ».  Cette  lettre  non  datée  est  certainement  contemporaine 
des  événements  relatés.  Quant  à  la  traduction,  elle  est  égale- 
ment ancienne  et  de  plus  légèrement  italianisante,  comme  un 
examen  de  l'orthographe  permet  de  s'en  convaincre.  Le  docu- 
ment est  anonyme,  et  nous  le  regrettons;  le  nom  de  l'auteur, 
incontestablement  un  homme  d'esprit  (1),  eût  mérité  d'être 
conservé. 


«  Le  P.  de  Lardezaval  était  mort  quelques  mois  auparavant 
que  le  nouveau  Révérendissime  arrivât  et  le  R.  P.  Raphaël  lui 
avait  succédé  dans  la  charge  de  Procureur.  Il  était  tout  préoc- 


(1)  En  voici  une  preuve.  On  parlait  alors  d'établir  à  Jérusalem  un  consul 
français  et  de  lui  adjoindre  un  chapelain  jésuite.  Voici  les  réllexions  originales 
que  ce  projet  —  tombé  à  l'eau  depuis  —  suggère  à  l'auteur  :  «  Quelle  appa- 
rence quand  ils  [les  Jésuites]  auraient  des  ordres,  qu'ils  n'obtiendront  sans  doute 
jamais,  qu'ils  puissent  trouver  les  sommes  que  nous  recevons  annuellement  de 
toutes  les  parties  du  monde  et  qui  tariraient  aussitôt,  et  quand  ils  auraient 
tout  l'argent  nécessaire,  c'est  mal  connaître  le  génie  de  ces  Pères  de  penser 
qu'ils  voulussent  achepter  à  ce  prix  la  liberté  de  s'ennuyer  dans  des  déserts 
affreux;  comment  desserviraient-ils  les  chœurs  et  rempliraient-ils  ici  les  autres 
fonctions  si  nécessaires  à  opposer  à  celles  des  Grecs  pour  la  conservation  des 
chrétiens  Romains?  Pourraient-ils  d'ailleurs  faire  corps  [se  fixer]  à  Jérusalem 
sans  contribuer  à  l'exemple  des  autres,  aux  avanies  générales  sur  les  nations: 
peut-on  croire  qu'on  obligeât  nos  familles  [les  couvents  de  T.  S.]  à  payer  pour 
les  leurs;  si  l'on  voyait  quelques-unes  de  ces  entreprises  injustes,  alors  on 
aurait  i-aison  de  s'allarmer  et  de  se  plaindre  >•  (Vol.  II,  p.  763). 


MÉLANGES.  145 

cupé  du  glorieux  projet  de  rétablir  un  nouveau  dôme  au  Saint- 
Sépiilclire  et  de  s'attirer  par  le  succès  d'une  entreprise  à  laquelle 
il  semblait  que  son  devancier  avait  feint  de  mettre  la  main,  une 
réputation  qui  confirmât  celle  qu'il  s'était  acquis  {sic)  en  d'au- 
tres occasions  de  ne  trouver  rien  d'impossible  et  d'être  le 
fléau  des  Grecs... 

«  A  l'égard  du  dôme,  lorsqu'on  prétendait  mettre  la  main  à 
l'œuvre,  les  Grecs  et  les  autres  schismatiques  qu'on  avait 
exclus  de  contribuer,  piqués  au  vif  et  déjà  prévenus  contre  le 
P.  Raphaël,  suscitèrent  d'abord  les  Arabes  pour  attaquer  ceux 
qui  conduisaient  nos  bois  à  Jérusalem  et  occasionnèrent  une 
avanie  de  dix  mil  écus  à  la  custodie.  Ils  agirent  ensuite 
auprès  du  Pacha  et  des  autres  Puissances  (2),  et  trouvèrent  le 
secret  par  les  efforts  qu'ils  firent  du  bon  côté  (3)  d'affaiblir  de 
telle  sorte  l'autorité  du  Capigi  qu'on  avait  envoyé  (4),  que  la 
protection  nécessaire  à  cet  ouvrage  manquât  alors  ;  comme  si 
c'eût  été  par  un  défaut  de  la  protection  de  l'ambassadeur  de 
France  que  la  fabrique  (5)  eût  manqué,  on  députa  vers  Sa  Ma- 
jesté très  chrétienne  le  P.  Perrin  Vicaire,  pour  demander  à  sa 
Majesté  des  ordres  à  son  ambassadeur  d'une  protection  plus 
forte  pour  les  affaires  de  la  custodie...  » 

La  lettre,  très  longue,  est  tout  entière  sur  ce  ton.  Le  temps 
n'est  pas  encore  venu  de  la  publier  in  extenso. 

H.  Lammens. 


(1)  Cfr.  ROC,  1903,  p.  472. 

(2)  Fonctionnaires  de  Jérusalora,  expression  d'un  usage  courant  jusqu'à  la  fin 
du  xvni<^  siècle. 

(3)  Euphémisme  très  clair. 

(4)  De  Constantinople.  Cfr.  ROC,  p.  473. 

(5)  La  construction  du  dôme. 


ORIENT   CHRETIEN.  10 


BIBLIOGRAPHIE 


Dom  M.  FÉROTIN,  0.  S.  B.  —  Le  véritable  auteur  de  la  Peregrinatio 
Silviae,  la  vierge  espagnole  Éthéria  (Extrait  de  la  Beoue  des 
questions  hisluriques).  Paris,  aux  bureaux  de  la  Revue,  1903;  in-S", 
34  p. 

Les  quelques  pages  de  cette  mince  brochure  contiennent  une  découverte 
des  plus  intéressantes.  Dom  Férotin  démontre,  en  effet,  à  l'aide  de  preuves 
indiscutables,  que  l'auteur  de  la  Peregrinatio  ad  loca  sancla,  que  l'on 
avait  cru  devoir  attribuer  à  sainte  Silvie,  sœur  de  Rufia,  a  été  écrite  par 
une  moniale  espagnole  nommée  Éthéria.  Ces  preuves,  il  les  tire  d'une  let- 
tre adressée,  vers  la  fin  du  vu''  siècle,  par  Valérius,  moine  de  Galice,  aux 
solitaires  de  Vierzo,  lettre  dans  laquelle,  pour  stimuler  leur  ardeur  au 
service  de  Dieu,  il  analyse  le  récit  que  la  vierge  Ethéria  a  laissé  de  son 
voyage  aux  Lieux  saints  et  exalte  le  courage  et  la  piété  de  cette  vaillante 
femme.  Or,  quand  on  compare  cette  analyse  avec  ce  qui  nous  reste  de  la 
Peregrinatio,  il  est  impossible  de  ne.  pas  reconnaître  immédiatement  que 
c'est  bien  cette  dernière  que  Valérius  avait  sous  les  yeux. 

Dom  Férotin  a  publié  le  texte  de  la  lettre  du  moine  espagnol  d'après  un 
manuscrit  de  la  bibliothèque  de  l'Escurial  et  il  y  a  joint  les  variantes  con- 
tenues dans  les  deux  autres  manuscrits,  où  ce  texte  se  trouve  également, 
celui  de  Carracedo  et  celui  de  Tolède.  La  seule  difficulté  que  soulèvent 
ces  variantes  porte  sur  le  nom  de  la  pieuse  pèlerine,  car  elle  est  appelée 
tantôt  Ethéria,  tantôt  Echeria  ou  Egeria.  Dom  Férotin  suppose  que  la 
forme  Ethéria  est  la  véritable;  or  le  P.  Edmond  Bouvy,  dans  une  intéres- 
sante étude  sur  la  découverte  du  savant  bénédictin,  présente  en  outre  la 
forme  Eueheria  qu'il  a  trouvée  dans  Fabricius  et  qui  pourrait  bien  être  la 
meilleure  (1).  Aussi  n'est-ce  que  très  timidement  que  j'émettrai  l'avis 
que  la  forme  Echeria  pourrait  avoir  pour  origine  le  mot  eche  (==  mai- 
son), qui  entre  dans  la  composition  d'un  si  grand  nombre  de  noms 
propres  basques.  Mais  ce  détail  est  d'une  importance  secondaire.  Ce  qui 
est  d'une  importance  capitale  c'est  que,  en  dehors  du  nom  approxima- 
tivement    fixé   de    l'auteur  de  ■  la  Peregrinatio,     nous    connaissons   sa 

(1)  Revue  Augusiinicnne,  n°  du  13  décembre  -1003. 


BIBLIOGRAPHIE.  147 

patrie  et  sa  qualité.  Elle  est  née  dans  le  nord-ouest  de  TEspagne  et 
elle  vivait  dans  un  monastère  de  vierges  consacrées  à  Dieu.  En  outre,  des 
raisons  très  plausibles  permettent  à  Dom  Férotin  de  faire  une  supposition 
fort  intéressante.  Notre  pèlerine,  qui  certainement  était  d'une  haute  nais- 
sance, aurait  été  une  parente  de  l'empereur  Théodore  I".  Il  est  à  souhai- 
ter que  quelque  nouvelle  découverte  vienne  nous  apprendre  ce  qu'il  faut 
penser  de  cette  hypothèse.  Enfin,  la  certitude  de  l'identité  entre  la  moniale 
espagnole  et  l'auteur  du  récit  attribué  à  tort  à  sainte  Silvie,  conduit  à  cette 
conclusion  importante  que  la  partie  la  plus  considérable  de  la  Peregri- 
natio  nous  est  encore  inconnue.  L'analyse  que  le  moine  Valérius  donne 
de  cette  relation  le  prouve  clairement.  Aussi,  nous  associant  au  vœu  de 
Dom  Férotin,  redirons-nous  avec  lui  :  «  Puisse  quelque  heureux  chercheur 
retrouver  bientôt  en  Espagne,  sous  la  poussière  séculaire  d'un  trésor  de 
manuscrits  jusqu'ici  inconnus,  ce  qui  nous  manque  encore  de  l'œuvre  si 
curieuse  de  la  vierge  Éthéria.  » 

Léon  Clugnet. 


Dom  H.  Leclercq.  —  Les  Martyrs.  II.  Le  Troisième  siècle.  Dioclé- 
tien.  Paris.  Ou<iin:  100:5.  In- 18  de  l-406  p. 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  signaler  aux  lecteurs  de  la  Revue  de 
l'Orient  chrétien  l'apparition  du  deuxième  volume  des  Martyrs,  l'impor- 
tant recueil  entrepris  par  Dom  Leclercq,  volume  qui  embrasse  la  période 
des  persécutions  de  Dioclétien.  Comme  son  aine,  qui  a  été  annoncé  dans 
cette  Revue  en  1902  (1),  celui-ci  est  divisé  en  trois  parties.  La  première 
est  formée  par  la  Préface  qui  contient  la  Légende  de  Théodore  d'Ancyre, 
qu'on  est  un  peu  étonné  de  trouver  à  cette  place,  et  par  une  intéressante 
étude  sur  les  chrétiens  condamnés  aux  mines.  Dans  la  deuxième,  que  pré- 
cède un  chapitre  intitulé  :  Comment  le  christianisme  fut  envisagé  dans 
l'Empire  romain  (2),  sont  réunis  quarante  actes  authentiques.  La  troisième 
renferme  quatorze  actes  non  historiques  ou  d'une   rédaction  postérieure. 

On  retrouve  dans  ce  deuxième  volume  toutes  les  qualités  qui  ont  fait 
accueillir  le  premier  avec  tant  d'empressement.  On  y  constate  également, 
par  exemple,  que  l'auteur,  tout  en  écrivant  pour  le  grand  public  et  en 
s'abstenant  de  discuter  à  perte  de  vue  sur  le  degré  d'authenticité  de  cer- 
tains actes,  s'est  laissé  guider  par  les  règles  de  la  plus  judicieuse  critique 
dans  le  choix  qu'il  a  fait  des  documents  qu'il  publie.  Les  lecteurs  aux- 
quels il  s'adresse  et  dont  plus  d'un  ne  pourrait  vérifier  par  lui-même  si  ce 
choix  est  excellent,  peuvent  être  assurés  que  ce  volume  a  l'approbation 
des  savants  les  plus  difficiles  à  contenter  quand  il  s'agit  de  textes  hagio- 

(1)  Nous  appelons  l'allenlion  du  lecteur  sur  une  deu.xiéme  édition  de  ce  premier  vo- 
lume, parue  en  1903,  et  dans  laquelle  l'auteur,  tenant  compte  de  quelques  critiques  qui 
lui  avaient  été  adressées,  a  remanié  certains  passages  d'une  laçon  excellente. 

(2)  Peut  être  cùt-il  mieux  valu  souder  ce  chai)ilic  à  la  Préface  sous  la  pagination  en 
chiiïres  romains. 


148  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

graphiques.  D'un  autre  côté,  la  traduction  est  très  fidèle,  ce  qui  ne  l'em- 
pêche nullement  d'être  fort  claire  et  d'une  allure  bien  française.  Enfin  de 
courts  avant-propos  et  des  listes  bibliographiques  en  tète  des  actes  seront 
fort  appréciés  par  les  lecteurs  plus  érudits. 

En  un  mot,  nous  ne  connaissons  pas  d'œuvre  de  savante  vulgarisation  et 
de  sérieuse  édification  qui  ait  autant  de  valeur  que  les  Martyrs  de  Dom  Le- 
clercq.  Puisse  l'empressement  que  l'on  mettra  à  se  procurer  le  deuxième 
volume  encourager  l'auteur  à  nous  donner  bientôt  le  suivant! 

J.  DE  L. 


I.  Pizzi.  —  L'Islamisme.  Milano,  Hoepli;  1903,  in-16  de  viii-496  p. 

I.  Pizzi.  —  Letteratura  araba.  Milano,  Hoe})li:  1203,  in-16  de  .\i-388  p. 

G.  SCHiAPARELLi.    —   L'Astronomia  nell'  Antico  Testamento.    Milano, 
Hoepli;  1903,  in-16  de  viii-196  p. 

Ces  trois  volumes  ont  enrichi  récemment  la  collection  des  Manunli 
Hoepli,  dont  la  série  scienliflque  comprend  déjà  un  nombre  respe(;table 
d'ouvrages  de  valeur. 

Les  deux  premiers,  qui  se  complètent  l'un  l'autre,  comblent  une  lacune 
en  mettant  entre  les  mains  des  personnes  qui  n'ont  ni  le  temps  ni  la  faci- 
lité d'étudier  les  travaux  des  spécialistes,  ini  résumé  très  substantiel  et 
bien  écrit  de  l'histoire  de  l'islamisme  et  de  la  littérature  arabe.  La  connais- 
sance d'une  civilisation  et  d'un  système  religieux  qui  régnent  sans  inter- 
ruption du  centre  de  la  Chine  au  Maroc  présente  un  puissant  intérêt  et 
son  utilité  est  indiscutable.  D'un  autre  côté,  les  œuvres  littéraires  des 
divers  peuples  musulmans  et  particulièrement  la  poésie  des  Arabes  offrent 
un  attrait  considérable  même  à  ceux  qui  ne  peuvent  les  aborder  que  dans 
des  traductions.  En  rendant  facile,  même  aux  personnes  que  rebutent  des 
livres  d'une  allure  trop  scientifique,  l'acquisition  d'un  aussi  vaste  ensem- 
ble de  notions  de  la  plus  haute  importance,  M.  1.  P.  Pizzi,  le  distingué  pro- 
fesseur de  l'Université  royale  de  Turin,  a  rendu  un  service  dont  un  grand 
nombre  de  lecteurs,  nous  n'en  doutons  pas,  lui  sauront  gré. 

L'ouvrage  de  M.  G.  Schiaparelli  conduit  sur  un  terrain  plus  restreint, 
mais  l'objet  dont  il  traite  n'est  pas  moins  intéressant.  Bien  que  les  Hébreux 
n'aient  pas  découvert  les  principes  des  sciences,  rôle  qui  était  réservé 
au  Grecs,  on  ne  peut  pas  prétendre  qu'ils  se  soient  absolument  refusés  à 
rechercher  les  causes  de  ces  phénomènes  de  la  nature  qu'ils  ont  si  sou- 
vent et  si  merveilleusement  décrits  dans  les  livres  de  l'Ancien  Testament. 
Obligés  par  leur  loi  à  célébrer  leurs  fêtes  religieuses  à  des  dates  rigoureu- 
sement déterminées,  ils  durent  surtout  s'efforcer  d'acquérir  la  connais- 
sance des  temj)s  et  durent,  par  conséquent,  étudier  les  astres,  dont  cette 
connaissance  dépend.  De  ces  efforts  est  sorti  tout  un  ensemble  de  notions 
qui  constitue   la  cosmogonie  et  l'astronomie  juives.  Ce  sont  ces  notions 


BIBLIOGRAPHIE.  149 

qui  sont  exposées  avec  une  clarté  parfaite  dans  le  livre  de  M.  G.  Schiapa- 
relli.  Personne  plus  que  le  savant  directeur  de  TObservatoire  astronomi- 
que de  Milan  n'était  capable  de  l'écrire.  En  le  lisant,  non  seulement  on  se 
rendra  un  compte  exact  de  ce  que  fut  la  science  astronomique  chez  les 
Hébreux,  mais  on  y  trouvera  l'explication  d'un  bon  nombre  de  termes 
techniques  dont  la  présence  rend  parfois  obscurs  certains  passages  de 
l'Ancien  Testament. 

L.  C. 


I.  RosEXBERG.  —  Lehrbuch  der  Neusyrischen,  Schrift-  und  Umgangs- 
sprache.  Wien,  Hartleben,  s.  d.  (1903).  In-18  de  vni-160  p.  (Dans  la  col- 
lection :  Die  Kunst  der  Pohjglollie).  Prix  :  2  marks. 

Le  P.  Pierre  Hobeica.  curé  maronite.  —  Guide  pratique  de  la  conver- 
sation dans  la  langue  syriaque.  —  Textes  syriaque,  arabe,  fran- 
çais. Chez  l'auteur,  à  Basconta  (Liban),  par  Beyroutli,  Syrie;  1«K)3. 
ln-18  de  64  p.  Prix  :  1  franc. 

Les  populations  dites  Nestoriennes  (hérétiques)  et  Chaldéennes  (catho- 
liques) qui  habitent  la  région  comprise  entre  Van,  Ourmia  et  Mossoul, 
sont  les  seules  qui  parlent  encore  une  langue  araméenne.  Ce  .syriaque 
moderne  est  très  impur,  étant  mélangé  d'un  grand  nombre  de  mots  étran- 
gers, turcs,  arabes  ou  kurdes,  suivant  les  localités.  De  plus,  il  est  divisé 
en  une  multitude  de  dialectes  et,  enfin,  il  ne  possède  pas  de  littérature 
qui  lui  soit  propre.  Aussi  cette  langue  est-elle  fort  peu  connue  des  Euro- 
péens. Seuls  des  missionnaires,  les  uns  catholiques,  les  autres  protestants, 
qui  se  sont  établis  sur  le  territoire  où  il  est  parlé,  l'ont  étudié  soigneuse- 
ment. Bien  plus,  en  traduisant,  à  l'usage  des  Chaldéens  ou  des  Nestoriens, 
divers  ouvrages,  religieux  pour  la  plupart,  et  en  fondant  au  milieu  d'eux 
deux  revues  périodiques,  ils  ont  réussi  à  créer  une  langue  littéraire  qui 
tend  à  se  purifier  par  l'élimination  des  termes  étrangers  et  à  devenir  un 
lien  commun  entre  ces  populations,  que  la  variété  des  dialectes  tenait 
isolées  les  unes  des  autres.  L'attention  de  certains  orientalistes  étant  ainsi 
attirée  .sur  ce  dernier  reste,  encore  vivant,  du  groupe  araméen,  il  en  est. 
tels  que  MM.  Th.  Nôldeke  et  Maclean,  qui  nous  l'ont  fait  connaître  par 
des  grammaires  et  des  dictionnaires  très  estimés.  Mais  à  côté  de  ces 
ouvrages  qui,  par  leur  allure  scientifique,  s'adressent  surtout  aux  spécia- 
listes, il  convenait  de  publier  des  livres  plus  simples,  d'une  lecture  plus 
facile,  et  d'un  prix  moins  élevé.  C'est  cette  lacune  que  M.  I.  Rosenberg 
vient  de  combler  en  partie,  en  composant  son  Manuel  de  syriaque  mo- 
derne. 

Ce  petit  volume  est  divisé  en  trois  parties.  La  première,  que  précède 
une  intéressante  introduction  sur  l'état  et  la  topographie  du  syriaque  parlé 
actuellement,  contient  une  courte  grammaire,  accompagnée  d'exercices 
de  lecture,  formant  un  manuel  de  conversation;  la  seconde  renferme  des 


150  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

modèles  de  correspondance  ;  la  troisième  est  une  chrestomathie  compre- 
nant divers  extraits  d'origines  diverses.  Tous  ces  textes  sont  suivis  d'une 
traduction  et  d'une  transcription  en  caractères  liébreux.  Enfin  quelques 
modèles  d'écriture  courante  terminent  heureusement  ce  manuel.  Pour- 
quoi M.  Rosenberg  ne  nous  donnerait-il  pas  maintenant. un  petit  diction- 
naire à  l'aide  duquel  on  pourrait  lire  facilement  les  revues  publiées  par 
les  missionnaires  catholiques  et  par  les  protestants? 

L'opuscule  du  P.  Hobeica  nous  ramène  dans  la  Syrie  proprement  dite, 
c'est-à-dire  dans  la  région  du  syriaque  littéraire.  Comme  tous  les  prêtres 
maronites,  cet  ecclésiastique  connaît  le  syriaque,  qui  est  la  langue  liturgi- 
que de  son  Eglise,  il  parle  l'arabe,  qui  seul  est  d'un  usage  courant  en 
Syrie,  et  enfin  le  français  lui  est  familier  comme  une  seconde  langue  ma- 
ternelle. Désireux  d'utiliser  ses  connaissances  en  facilitant  aux  Français 
l'étude  du  syriaque  et  de  l'arabe,  il  a  composé  divers  ouvrages  dont  les 
personnes  qui  débutent  dans  l'étude  de  ces  deux  langues  peuvent  tirer 
un  bon  parti,  entre  autres  le  petit  guide  de  la  conversation  mentionné 
plus  haut.  Il  est  à  désirer  qu'un  bon  accueil  soit  fait  à  ces  diverses  pu- 
blications, ce  qui  encouragera  l'auteur  à  en  multiplier  le  nombre. 

A.  G. 

G.  MiLLKT,  J.  Pargoire  pt  L.  Petit.  —  Recueil  des  inscriptions  chré- 
tiennes du  Mont  Athos.  —  Première  partie,  contenant  56  figures  dans 
le  texte,  II  planches  hors  texte  et  de  nombreuses  reproductions  (91"  fasc. 
de  \ii  Bibl.  des  Écoles  franc.  d'Athènes  et  de  Home).  Paris,  Fontemoing; 
1904,  in-80  de  192  p. 

Au  moment  où  ce  fascicule  de  la  ROC  va  être  mis  sous  presse,  je  reçois 
le  volume  publié  par  MM.  Millet,  Pargoire  et  Petit.  Je  ne  puis  donc  que  le 
signaler  rapidement  aux  lecteurs  de  la  revue.  Il  est  à  peine  utile  de  dire 
que  la  collaboration  de  trois  hellénistes  et  épigraphistes  aussi  distingués  a 
produit  une  œuvre  de  premier  ordre,  destinée  à  combler  de  joie  tous  ceux 
qui  attendent  impatiemment  qu'on  arrache  à  la  mystérieuse  montagne  de 
r Athos  les  trésors  d'informations  qu'elle  renferme. 

La  deuxième  partie  de  ce  travail  paraîtra  au  commencement  de  1905.  De 
plus,  un  supplément  y  sera  joint,  qui  contiendra  les  inscriptions  décou- 
vertes au  cours  d'un  nouveau  voyage  et  qui  n'ont  pu  être  insérées  dans 
le  premier  volume.  Dès  que  l'ouvrage  sera  terminé,  la  Revue  de  l'Orient 
chrétien  en  rendra  compte  et  s'efforcera  de  mettre  en  lumière  toute  son 
importance. 

L.  C. 


Le  Directeur-Gérant 
F.  Charmetant. 


Typographie  Firmin-Diclot  et  C".  —  Paris 


Librairie  VICTOR  LECOFFRE,  rue  Bonaparte,  90,  PARIS 


L'ancien  Clergé  de  France,  par  m.  l'abbé  sir.Mu..  j  voi.  iu-8\    is  iv. 

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Tome  I".  Les  Évêques  avant  la  Révolution.  .?«  édition.  Vn  voi.  \\\-X-^     . ,  .       ji  /r. 
Tome  II.  Les  Évêques  pendant  la  Révolution,  de  1789  à  la  Constitution  civile 

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Jean    DertaUt,  (I552-I6II),  par  m.   rabbe   Georges  Grente,   docteur   es  lettres. 

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la  législation.  Deuxième  édition.  Un  volume  in-8" b  ir. 

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dateurs de  la  Société  de  Saint- Vincent-de-Paul  (1810-18y2).  1  v.  in-12.     .     .    2  Ir.  50 

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LES  FILS  DE  MDAB,  FILS  DE  RMAB,  ET  LES  ILES  FORTOIES 

(HISTOIRE   DE  ZOZIME) 

TEXTE  SYRIAQUE    DE  JACQUES    DÉDESSE 

PUBLIÉ   POUR    LA   PREMIÈRE  FOIS  AA'EC   UNE    TRADUCTION    FRANÇAISE 
d'après   les   manuscrits  DK  PARIS  ET  DE   LONDRES 

Par  F.  NAU 

Docteur  es  sciences  mathématiques. 
In-S"  de  36  pages.  —  Paris,  LEROUX,  1899. 

BIBLIOTHÈQUE  HAGIOGRAPHIQUE  ORIENTALE 

éditée  par  liéon  CLiUCtlVET 

I.  —  VIE  ET  RÉCITS  DE  DANIEL  LE  SCÉTIOTE.  Textes  grec,  sy- 
riaque et  copte,  publiés  par  Léon  CLUGNET.  F.  NAU,  I.  GUIDI.  In-8o.    8  fr. 

II.  —  VIE  DE  JEAN  BAR  APHTONIA.  Texte  syriaque  publié  et  traduit 
par  F.  NAU .- 3  fr.  50 

III  —  1.  COMMENT  LE  CORPS  DE  JACQUES  BARADÉE  FUT  EN- 
LEVÉ DU  COUVENT  DE  CASION  PAR  LES  MOINES  DE  PHÉSIL- 
THA.  Texte  syriaque,  publié  par  M.  A.  KUGENER.  —  2.  HISTOIRE 
DE  SAINT  NICOLAS,  SOLDAT  ET  MOINE.  Texte  grec,,  publié  par 
LÉON  CLUGNET 3  fr.  50 

lY.  —  VIE  ET  OFFICE  DE  MICHEL  MALÉINOS,  SUIVIS  DU  TRAITÉ 
ASCÉTIQUE  DE  BASILE  LE  MALÉINOTE.  Texte  grec,  publié  par 
Louis  PETIT,  A.   A G  fr.  » 

V.  —  VIE  ET  OFFICE  DE  SAINT  EUTHYME  LE  JEUNE.  Texte  grec, 
publié  par  Louis  PETIT,  A.  A G  fr.     » 

VI.  —  I.  VIE  DE  SAINT  AUXENCE.  Texte  grec,  publié  par  Léon  CLUGNET. 
—  2.  MONT  SAINT- AUXENCE.  Étude  historique  et  topograpliique,  par 
Jules  PARGOIRE,  A.  A S  fr.     » 

Paris,   PICARD. 


Ty|ioi;ra(>liie  Finnin-Didot  et  C".  —  Paris 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


1904.   —  N«  2. 


SOMMAIRE 


I.  —  H.   Lammens,    S.   J.    —    Correspondances  diplomatinues 

entre  les  sultans   mamlouks  d'Egypte  et  les  puissances 
chrétiennes 151 

II.  —  D.  Placide  de  Meester,  O.  S.  B.  —  Le  dogme  de  l'Imma- 

culée .Conception  et  la  doctrine  de  l'Église  grecque  (suite).  188 

III.  —  Fr.  Tournebize.  —  Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Ar- 

ménie isiiite) 212 

IV.  —  Léon  Clugnet.  —  Office  de  sainte  Marine.  Texte  syriaque.  240 

V.  —  Mélanges  : 

I.  Louis  Bréhier.  —  Un  patriarche  sorcier  à  Constanti- 

nople • 261 

II.  F.  Nau.  —  Maronites,  Mazonites  et  Maranites 268 

m.  H.   Lammens,   S.  J.    —   Dennaba   de   S'*'  Silvie   et 

Dunip  des  monuments  égyptiens 276 

VI.  —  Bibliographie.  ^. 284 


PARIS 

LIBRAIRIE   A.  PICARD   ET  FILS 

82,    BUE   BONAPABTE,    82 

1904 

Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  France  :  13  fr.  —  Étranger:  17  fr. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  par  fascicules  formant  chaque  année  un  volume  de  plus 
de  500  pages  in-8°,  avec  des  textes  en  langues  grecque,  slave, 
syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.,  et  des  planches. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  envoyées 

à  M.  Léon  GLUGNET 

Secrétaire  de  la  Revue  de  /'Orient  chrétien,  à  Fresnes-lez-Rungis  (Seine). 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exem- 
plaire aura  été  adressé  à  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  chez  MM.  A. 
PICARD  ET  Fils,  libraires,  rue  Bonaparte,  82,  à  Paris. 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

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RUE  BONAPARTE,  82. 

(  France 15  fr. 

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Prix  de  la  livraison. 4  fr. 

On  peut  se  procurer  les  volumes  qui  ne  sont  pas  épuisés 
à  raison  de  16  francs  le  volume. 


CORRESPONDANCES  DIPLOMATIQUES 

ENTRE 

LES  SULTANS  MAMLOUKS  D'EGYPTE 
ET  LES  PUISSANCES  CHRÉTIENNES 


I 

QALQASANDI  ET  SON  ŒUVRE 

Les  extraits  suivants  sont  empruntés  à  une  compilation 
arabe,  intitulée  Sobh  al-a'm  Fl-kitâbat  al-insâ  ou  «  L'aurore 
de  l'éméralope  (1)  dans  Fart  de  la  correspondance  ». 

L'auteur  se  nomme  Sihàb  ad-dîn  Aboù'l-'Abbàs  Ahmad  bin 
'Alî  bin  Ahmad;  il  portait  le  surnom  Al-Qalqaéandi  parce  que 
sa  famille  était  originaire  de  Qalqasand,  village  situé  dans  la 
province  égyptienne  de  Qalioùb. 

Attaché  à  la  chancellerie  des  sultans  mamlouks  du  Caire,  il 
y  composa  le  «  Sobh  al-a'sà  »,  manuel  de  diplomatique,  ou 
mieux  véritable  encyclopédie  arabe,  où,  sous  le  prétexte  de 
fournir  aux  écrivains  de  cette  administration  les  connaissances 
nécessaires  à  leur  emploi,  il  parcourt  tout  le  cj^cle  des  sciences 
cultivées  de  son  temps  et  disserte  de  omni  re  scibili.  «  Cet  ou- 
vrage, au  dire  de  Hàgg  Halîfa,  se  compose  de  sept  parties,  for- 
mant chacune  un  volume  considérable  :  il  traite  de  la  correspon- 
dance, ne  passant  aucun  détail  important  ou  peu  considérable  ». 
C'est  bien  cela. 

Dans  d'autres  manuscrits,  V Aurore  de  Qalqasandî,  au  lieu 

(1)  «  A'sà  »,  littér.  «  qui  n"}^  voit  pas  la  nuit  ».  C'est  le  nom  de  plusieurs  anciens 
poètes  arabes,  probablement  affectés  d'  «  ëméralopie  ». 

ORIENT   CHRÉTIEN.  H 


152  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

de  sept,  se  divise  en  dix  parties.  Voici  l'idée  qu'en  donne  l'au- 
teur lui-même  dans  sa  préface.  Nous  empruntons  la  traduction 
latine  d'Uri  :  «  Opus  integrum  constat  decem  tractatibus  plura 
in  capita  diductis  :  primus  agit  de  artibus  et  disciplinis  in  eo, 
qui  regibus  a  secretis  esse  velit,  requisitis;  item  de  calamo, 
cliarta,  atramento,  deque  characterum  formis  et  ductibus  ;  se- 
cundus  de  terra  ejusque  figura  et  situ,  de  climatibus,  maribus, 
insulis,  regnis,  prœsertim  de  Egypti,  Syria^,  Armenia^  Gni3- 
cm  (1)  urbibus  et  provinciis,  proprietatibus  et  mirandis;  ter- 
tius  de  nbminibus  et  cognominibus,  de  formulis,  initialibus  et 
finalibus,  itemque  de  loquendi  modis  in  aula  usitatis  etc.  »  On 
y  trouve  des  tableaux  chronologiques  des  diverses  dynasties 
arabes,  des  abrégés  d'histoire,  des  notions  de  syntaxe,  jusqu'à 
un  traité  de  minéralogie;  et  cela  pour  la  raison  très  inattendue 
que  les  scribes  du  Foreign  office  du  Caire,  pouvant  avoir  dans 
leurs  dépêches  à  mentionner  les  pierres  précieuses,  ne  le  feront 
à  bon  escient  qu'à  condition  de  posséder  des  notions  de  miné- 
ralogie et  (le  joaillerie. 

Comme  pour  la  plupart  des  grandes  collections  arabes  ma- 
nuscrites (2),  l'ampleur  de  l'œuvre  de  Qalqasandî  lui  a  été  fu- 
neste. Reculant  devant  la  dépense  de  temps  et  d'argent  qu'eût 
exigée  une  transcription  intégrale,  on  s'est  contenté  d'en  faire 
des  extraits,  des  abrégés  (3).  Aucune  bibliothèque  n'en  possède 
un  exemplaire  complet.  Celles  d'Europe  et  la  bibliothèque  khé- 
diviale  en  ont  des  sections  plus  ou  moins  étendues.  La  biblio- 
thèque de  l'Université  catholique  de  Beyrouth  a  hérité  d'une 
bonne  copie,  due  à  la  main  de  l'habile  arabisant  Rizqallah  I.Ias- 
soùn;  .elle  comprend  la  majeure  partie  de  l'œuvre  primitive. 
Plusieurs  extraits  ont  déjà  paru  dans  la  revue  arabe  «  Al- 
Machriq  »  (1),  où  nous-mème  nous  avons  publié  la  description 
de  la  Chine  d'après  Qalqasandî  (5).  Bonne  en  général,  excel- 
lente même,  notre  copie  n'est  pas  pourtant  irréprochable;  on 

(1)  Plus  exactement   :  l'Anatolie  ou .  Asie  Mineure,  appelée  ar-Roi'nn  par  les 
Arabes,  la  Romanie  du  moj'en  âge. 

(2)  Par  ex.  le  «  Kitàb  al-Agàni  »,  la  chronique  de  Tabari  etc. 

(3)  Comme  l'abrégé   de  la  section  géographique  i-elative  à  TÉgjpte,  traduite 
jiar  Wïistenfeld. 

(■4)  Années  1900,  p.  310:  1901,  p.  14,  278,  745:  1903  etc. 

(5)  IbkL,  406,  446  etc.  Également  noud)rcux  extraits  de  cet  auteur  dans  notre 
Cours  de  Iraductiun  française-arabe,  2  volumes,  Beyrouth,  1891. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  153 

s'en  apercevra  plus  loin.  La  vari('té  des  sujets  abordés  par 
Qalqasandî  dans  son  immense  compilation,  la  multiplicité  des 
noms  propres  et  des  termes  techniques  dont  elle  est  émaillée 
n'ont  pas  manqué  d'embarrasser  Hassoim.  Il  s'est  tiré  de  ces 
difficultés  en  homme  d'esprit  et  —  ce  qui  vaut  mieux  pour 
nuus  —  en  copiste  loyal,  préférant  ne  pas  comprendre  que  de 
mal  comprendre,  se  contentant  de  reproduire  sans  ponctuation, 
ou  mieux  de  dessiner  les  endroits  demeurés  inintelligibles  à  ce 
savant  consciencieux,  si  familiarisé  pourtant  avec  la  paléogra- 
phie arabe. 

Quand  nous  aurons  ajouté  que  (jalqasandî  fut  Sàfrite,  qu'il 
composa  plusieurs  autres  ouvrages,  qu'il  mourut  en  1418  de 
notre  ère,  nous  aurons  dit  à  peu  près  tout  ce  qu'on  sait  sur  ce 
fécond  polygraphe  (1).  Il  ne  paraît  pas  avoir  jamais  joué  de 
rôle  politique.  Sous  les  .Mamlouks,  la  politique,  les  grands 
commandements  militaires  et  civils  formaient  l'apanage  ex- 
clusif de  l'oligarchie  d'esclaves  importés  de  la  Circassie  et  de 
l'Asie  centrale.  Aux  indigènes  syriens  ou  égyptiens  on  aban- 
donnait les  emplois  inférieurs,  ceux  surtout  supposant  une 
formation  littéraire  ou  scientifique,  à  laquelle  les  sultans  mam- 
louks et  leurs  prétoriens,  tous  de  condition  servile,  demeurèrent 
toujours  étrangers.  Qalqasandî,  originaire,  nous  le  savons  déjà, 
de  la  haute  Egypte,  appartenait  probablement  à  la  race  de  ces 
Coptes,  passés  à  l'islam,  scribes  de  père  en  fils,  chez  lesquels 
les  traditions  du  métier  se  transmettaient  comme  un  héritage 
de  famille.  Toute  la  résignation,  toute  la  placidité  du  fellah 
égyptien,  patiente  et  éternelle  victime,  ont,  semble-t-il,  passé 
dans  son  àme;  c'est  vainement  que  dans  son  immense  com- 
pilation on  chercherait  la  trace  des  révolutions  de  palais,  des 
sanglantes  tragédies  jouées  à  quelques  pas  du  bureau  où  il 
composa  sa  mosaïque  encyclopédique.  C'étaient  là  jeux  de 
princes;  et  fidèle  aux  traditions  constantes  de  l'Orient  musul- 
man, le  scribe  égyptien,  pour  être  sûr  de  n'en  point  parler, 
évitait  même  d'y  penser. 

(1)  On  peut  consulter  sur  Qalqasandi  la  célèbro  bibliothèque  de  Hàgg  Halîfa. 
n°  7710;  Wiistenfeld,  Geschichtschreibcr  der  Araber,  n<'467;  Geof/raphie  und  Vcr- 
walLung  von  .^gypten  (d'après  Qalqasandi),  p.  3-4;  Machriq,  aux  endroits  cités; 
Ch.  Rieu,  Supplément  of  tlie  catalogue  of  the  arab.  mss.  in  the  Brltish  Muséum, 
n"'  595,  1020;  A.  G.  Ellis,  Catalogue  of  arable  books  in  the  British  Muséum,  I,  141. 
Qu('l(|ues  lignes  insignifiantes  dans  Cl.  Iluart,  Littérature  arabe,  351. 


154  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 


L'œuvre  de  Qalqasandî  n'est  pas  unique  en  son  genre.  Nous 
connaissons  toute  une  catégoivie  de  manuels  ou  guides  k  l'usage 
des  écrivains  de  la  cliancellerie  égyptienne  (1).  Notre  écrivain 
leur  doit  beaucoup  ;  il  utilise  principalement  deux  de  ses  devan- 
ciers, les  auteurs  du  Tarif  et  du  Tatq'tf. 

Le  titre  complet  du  premier  ouvrage  est  «  At-ta'rîf  bil-mos- 
talah  as-sarlf  »  ou  La  connaissance  de  l'auguste  protocole.  Il 
a  pour  auteur  le  qàdi  Sihàb  ad-dîn  Aboù'l-'Abbàs  Ahmad  bin 
Yahyà,  surnommé  Ibn  Fadlallah  al-'adawî  al-'omarî,  natif  de 
Damas,  mort  en  1348  (2).  La  bibliothèque  khédiviale  possède 
une  copie  de  cet  ouvrage  (3)  lequel  a  été  publié  au  Caire  (4). 
(Qalqasandî  en  fait  le  plus  grand  cas;  il  lui  reproche  pourtant 
des  lacunes  (5),  avec  raison  d'ailleurs.  Comparé  à  l'œuvre  de 
Qalqasandî,  le  Ta'rif  peut  tout  au  plus  être  considéré  comme 
un  canevas,  où  certaines  parties  seules  ont  reçu  les  développe- 
ments nécessaires.  Mais  ces  développements  sont  d'une  grande 
précision  et  Qalqasandî  se  contente  d'ordinaire  de  les  incorporer 
textuellement  et  intégralement  dans  son  recueil. 

Le  «  Tatqîf  »  a  pour  auteur  le  qàdi  Taqî  ad-dîn  bin  Nàzir 
al-gai.s.  Comme  Taqî  ad-dîn  s'était  proposé  de  compléter  et 
d'améliorer  le  Ta'rîf;  il  intitula  son  travail  «  Tatqîf  at-Ta'rîf  », 
Correction  du  Ta'rif.  Il  y  ajouta  les  modifications  subies  par 
le  protocole  égyptien  depuis  la  mort  de  son  prédécesseur.  «  Ce 
livre,  dit  Qalqasandî,  était  devenu  fort  rare...  L'auteur  avait 
pourtant  omis  d'emprunter  au  Ta'rîf  des  matières  dont  l'écri- 
vain ne  peut  se  passer  (6).  » 

Les  lacunes  de  ces  deux  ouvrages,  Qalqasandi  s'est  proposé 
de  les  combler,  comme  aussi  d'en  corriger  les  erreurs.  A  cet 


(1)  Cfr.  Van  Berchem,  Corpus  inscript,  arabicarwn,  p.  184,  n.  1. 

(2)  Cfr.  Wustenfeld,  Gesclùchtschreiber,  n°  411,  où  l'autour  traduit  ainsi  io  titre 
du  Ta'rif  :  rnsliluiio  adsiilum  sublimen  (sic).  «  Sarîf  »  a  ici  le  sens  d'impérial,  au- 
guste. Comparez  l'expression  «  Ijatt  sarîf  »,  devenue  chez  les  Turcs  ■■  hatti  sérif  ». 

(3)  Catalogue  arabe,  IV,  129. 

(4)  An  1312  de  l'hégire;  édition  in-S"  assez  fautive,  sans  notes  ni  variantes. 

(5)  Le  texte  imprimé  compte  239  pages. 

(6)  Nous  ne  connaissons  le  Tatqîf  que  par  Qalqasandi,  II.  1117.  Je  n'ai  \)\x  me 
renseigner  ailleurs  sur  le  curriculuni  vilœ  de  l'auteur. 


CORRESPONDANCES  DIPLOMATIQUES.  155 

effet  il  ne  manque  pas-de  recourir  directement,  aux  archives 
de  la  chancellerie  du  Caire,  alléguées  par  lui  dans  les  cas  dou- 
teux et  là  où  le  recours  à  ses  prédécesseurs  n'apporte  aucun 
éclaircissement.  Les  extraits  donnés  plus  loin  fourniront  des 
spécimens  de  la  méthode  de  notre  auteur.  Quant  à  l'ampleur 
de  son  plan,  un  chiffre  —  ajouté  aux  détails  précédents  — 
achèvera  d'en  donner  une  idée  :  le  manuscrit,  d'ailleurs  incom- 
plet, de  notre  bibliothèque,  compte  plus  de  2000  pages  grand 
in-8°,  d'une  écriture  très  serrée. 


Notre  publication  projettera,  nous  l'espérons,  quelque  lu- 
mière sur  les  relations  encore  peu  connues  des  états  musul- 
mans avec  les  gouvernements  chrétiens  pendant  la  période 
médiévale  (1).  On  y  surprend  les  procédés  habituels  aux  isla- 
mites  en  face  de  Yinfidèle  :  obséquiosité  avec  les  forts,  air 
protecteur,  hauteur  dédaigneuse  avec  ceux  dont  on  pense  n'a- 
voir rien  à  craindre.  Mais  même  avec  les  premiers,  les  scribes 
du  Caire  trouvent  moyen  de  glisser  une  menace  ou  des  insi- 
nuations désobligeantes  (2)  dans  les  plis  ondoyants  d'une  ex- 
pression arabe.  C'est  là  une  façon  de  prendre  leur  revanche. 
Rien  d'agaçant  comme  ces  roueries  diplomatiques,  manquant 
habituellement  de  dignité  et  toujours  de  franchise. 

Puis  ce  sont  des  subtilités,  renouvelées  de  Byzance,  sur  le 
choix  des  termes  à  employer,  des  titres  à  décerner  aux  destina- 
taires (3).  Il  fallait  éviter  de  créer  un  précédent  et  de  paraître 


(1)  L'empire  germanique  n'est  pas  mentionné  par  Qalqasandî.  Des  relations 
existèrent  pourtant  entre  les  deux  gouvernements.  Cfr.  Weil,  Geschichte  des 
Abbaùdenchalif'ats  in  Egyplen,  I,  153;  Revue  historique,  1902.  E.  làlochei.  Les  rela- 
lions  diplomatiques  des  Hohenstaufen  avec  les  sultans  d'Egypte.  Je  n'ai  pas  vu  ce 
tlernier  travail.  On  connaît  les  l'apports  de  Frédéric  II  avec  le  monde  musulman. 
Voir  aussi  Rôhricht,  Geschichte  des  Konigreichs  Jérusalem,  768,  780  etc.  ZDPV, 
IV,  'Tio;  Steinscheider,  Polemische  Liltératur,  236,  n.  3. 

D'autres  états  du  Nord  auraient  également  entretenu  des  rapports  avec  l'Egypte. 
On  parle  d'un  traité  conclu  entre  le  roi  Magnus  de  Norvège  et  le  fameux  sultan 
Baibars.  Cfr.  de  iMas  Latrie,  Relations  de  V Afrique  septentrionale  avec  les  nations 
chrétiennes  au  moyen  âge,  242. 

(2)  V^oir  plus  loin  les  correspondances  avec  les  souverains  de  CastiIll^  Ces  dei'- 
niers  paraissent  avoir  tout  spécialement  agacé  la  diplomatie  égyptienne. 

(3j  Voir  correspondance  avec  le  roi  de  Chypre. 


156  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

f  céder  quelqu'une  des  prérogatives  que  prétendait  s'arroger  le 
gouvernement  égyptien  même  sur  les  souverains  musulmans. 
A  cet  effet  tous  les  procédés  sont  bons;  les  jeux  de  mots  même 
ne  sont  pas  non  plus  dédaignés  (1). 

Le  style  de  ces  documents  est  ce  qu'on  pourrait  appeler  le 
«  style  mamlouk  »;  langue  ampoulée  et  embarrassée,  artifi- 
cielle et  toute  de  convention.  Les  correspondances  traduites 
par  nous  sont  hérissées  d'expressions  vulgaires,  de  tournures 
incorrectes,  de  termes  d'origine  turque  et  mongole.  Rien  qu'à 
les  lire  on  devine  qu'une  caste  barbare,  étrangère  aux  mœurs 
et  à  l'idiome  du  pays,  domine  l'Egypte. 

Quoique  appartenant  à  la  race  indigène,  les  scribes  des  «  de- 
meures augustes  »  (2)  ne  peuvent  se  soustraire  complètement  à 
cette  influence  décadente  (3).  Toute  leur  attention  se  porte  sur 
les  expressions  rares  et  recherchées,  sur  le  «  saga'  »,  sorte 
d'assonances  ou  b\].z'.o-iXz'o-y.^  aussi  vides  de  sens  qu'impossibles 
à  rendre  en  français.  C'est  le  triomphe  du  goût  turco-persan, 
si  opposé  à  la  simplicité  du  génie  arabe  (4). 

Quant  au  jugement  à  porter  sur  l'ensemble  de  l'œuvre  de 
Qalqasandî  et  sur  la  valeur  de  l'écrivain,  on  nous  permettra  de 
reproduire  ce  que  nous  en  disions  à  notre  cours  de  géographie, 
professé  à  la  Faculté  orientale  de  Beyrouth  en  1903. 

La  lecture  de  Qalqasandî  produit  l'impression  d'un  écrivain 
plutôt  consciencieux  et  méthodique  qu'original  et  profond; 
avec  cela  laborieux,  ami  des  livres,  fréquentant  les  bons  au- 
teurs et  leur  faisant  de  larges  emprunts,  dont  il  ne  paraît  pas 
toujours  s'être  assimilé  suffisamment  les  données.  Son  insis- 
tance à  les  citer  pourrait  sembler  fastidieuse,  si  on  ne  devait 
lui  savoir  gré  de  rompre  sur  ce  point  avec  les  traditions  pla- 
giaires des  écrivains  arabes  (5),  et  cela  à  peu  près  vers  le  temps 

\(1)  Correspondance  avec  le  régent  de  Sinope. 

(2)  Terme  officiel  do'signant  le  palais  dos  sultans  manilouks. 

(3)  La  façon  dont  le  Ta'rîf  et  Qal(^asandî  traitent  parfois  la  gi-ammaire  arabe, 
donne  la  mesure  de  cette  décadence.  Et  pourtant  c'étaient  les  beaux  esprits  do 
l'époque! 

(4)  «  Le  génie  sémitique  n'est  pour  rien  dans  ces  misérables  subtilités.  Le 
goût  sémitique  est  de  lui-même  sobre,  grand  et  sévère  et  n'a  rien  de  commun 
avec  ce  style  détestable  qu'on  s'est  habitué  à  appeler  oriental,  tandis  que  les 
Persans  et  les  Turcs  devraient  seuls  en  porter  la  responsabilité  »  (Renan,  His- 
loire  des  langues  sémitiques  1,  p.  383). 

(5)  Cfr.  noti'o  article  Un  poète  royal  à  la  cour  des  Onriades  dans  ROC,  1903,  p.  349. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  157 

et  dans  cette  même  vallée  du  Xil  où  le  célèbre  Maqrîzî  n'hési- 
tait pas  à  démarquer  des  ouvrages  entiers  pour  s'en  attribuer 
la  paternité.  Depuis  des  siècles  l'originalité  était  bannie  de  la 
littérature  arabe,  où  elle  a  toujours  occupé  si  peu  de  place. 
L'histoire  de  cette  dernière  pourrait  se  borner  à  l'étude  de 
quelques  individualités;  les  autres  n'étant  que  des  compila- 
teurs, des  abréviateurs  ou  des  plagiaires  éhontés.  Si  cette  cir- 
constance —  on  n'y  a  peut-être  pas  fait  assez  attention  —  di- 
minue notablement  la  valeur  de  cette  immense  production, 
d'autre  part  en  réduisant  à  des  proportions  ordinaires  le  cadre 
d'une  histoire  littéraire  arabe  (1),  elle  permettra  de  combler 
enfin  une  lacune,  très  sensible  dans  les  études  orientales  (2). 
Pour  nous  borner  à  la  géographie,  Idrîsî  et  Yàqoût  sont  les 
derniers  écrivains  ayant  fait  œuvre  personnelle.  Encore  chez 
Yàqoùt  il  ne  peut  être  question  que  du  plan,  véritablement 
encyclopédique,  de  son  travail,  dont  l'étendue  et  la  variété  mé- 
ritent encore  notre  admiration. 

Je  me  figure  Qalqasandî  comme  le  type  de  l'honnête  bu- 
reaucrate, vieilli  (3)  dans  les  emplois  de  la  haute  administra- 
tion, précis,  méticuleux  même,  épris  d'exactitude,  à  cheval  sur 
le  protocole,  ergotant  sur  les  formules  du  jargon  diplomatique, 
notant  scrupuleusement  les  titres  des  divers  fonctionnaires 
égyptiens  et  leur  situation  dans  l'échelle  hiérarchique.  Cette 
dernière  particularité,  on  la  passera  volontiers  à  l'auteur  d'une 
compilation  destinée  aux  employés  de  la  chancellerie  du  Caire. 
Qalqasandî  a  voulu  être  utile  ;  et  cette  préoccupation  l'a  engag»' 
dans  des  hors-d"œuvre  —  véritables  traités  —  dont  le  lien  avec 
la  diplomatique  nous  échappe  parfois. 

(1)  "  On  pourrait  alléger  l'histoire  (1«  la  littératui'e  française  d'une  foule  d'œu- 
vros  et  de  noms  qui  l'encombrent  sans  titre  ni  raison  suffisante.  Si  déjà  l'iiis- 
toire  d'un  genre  —  de  la  comédie  française  ou  du  roman  anglais  —  n'a  pas  à  tenir 
compte  de  tous  les  romanciers  ni  de  tous  les  auteurs  comiques,  à  plus  forte  raison 
l'histoire  d'une  littérature.  »  Brunetière,  Revue  des  Deux-Mondes,  t.  CY,  p.  223. 
Cette  remarque  s'applique  avec  infiniment  plus  de  justesse  à  la  littérature  arabe. 
si  pauvre  d'idées  et  d'œuvres  originales.  Il  nous  faut  une  histoire  et  non  pas 
une  statistique  de  la  littérature  arabe. 

(2)  Brockellman  et  Cl.  Huart  n'en  ont  pas  tenu  assez  compte.  Aussi  leurs  his- 
toires de  la  littérature  arabe  —  du  premier  surtout  —  ressemblent-elles  trop  à  un 
catologue  de  bibliothèque. 

(o)  Je  le  suppose  du  moins;  il  a  pu  mourir  jeune,  car  nous  ignorons  l'année 
de  sa  naissance. 


158  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Les  détails  réunis  par  lui  ont  le  mérite  d'être  en  général 
puisés  à  de  bonnes  sources  et  à  la  fin  de  ses  notices  on  a  chance 
de  rencontrer  quelques  observations  inédites,  provenant  soit 
des  archives  de  l'état,  soit  de  témoins  bien  informés.  Des  es- 
prits comme  Qalqasandî  n'abondent  nulle  part ,  surtout  dans 
le  domaine  des  lettres  arabes  et  ajoutons  :  pendant  la  période 
de  décadence  où  nous  nous  trouvons  à  sa  suite. 

Pour  mieux  connaître  l'œuvre  et  la  personnalité  de  Qalqa- 
sandî, attendons  l'édition  complète,  commencée  par  l'imprimerie 
nationale  du  Caire.  Les  éditeurs  paraissent  vouloir  aller  vite  en 
besogne,  à  en  juger  du  moins  par  les  deux  premiers  cahiers 
que  nous  avons  eus  entre  les  mains.  Nous  posséderons  enfin  la 
majeure  partie  du  texte  de  Qalqasandî,  malheureusement  publié 
dans  le  «  style  »  massif  des  éditions  égyptiennes,  sans  alinéas, 
sans  notes,  sans  variantes  surtout  (1),  et  probablement  sans 
tables  d'aucune  sorte.  On  ne  peut  que  regretter  l'abandon  de 
tout  appareil  ciitique  dans  une  publication  de  cette  ampleur 
et  de  cette  importance. 


Dans  notre  traduction  nous  avons  avant  tout  visé  à  être  lit- 
téral, sans  nous  dissimuler  toutefois  les  inconvénients  de  cette 
méthode.  A  cotte  catégorie  de  documents  on  peut  appliquer 
la  remarque  de  M.  Barbier  de  Meynard  au  sujet  de  la  vieille 
poésie  arabe.  «  Quel  que  soit  le  talent  du  traducteur,  dans  une 
paraphrase  élégante,  mais  inévitablement  infidèle,  elle  étonne 
et  fait  sourire;  dans  une  traduction  littérale,  elle  rebute  par  ses 
obscurités,  ses  soubresauts  et  l'étrangeté  de  ses  images.  »  Or 
nos  documents  rappellent  la  poésie  arabe  par  une  des  caracté- 
ristiques les  plus  déplorables  de  la  rhétorique  orientale  :  l'inva- 
sion du  saé"a'  ou  prose  rimée  devenue,  depuis  Harîrî  surtout, 
un  des  ornements  obligatoires  du  prétendu  style  soutenu. 
Afin  de  ne  pas  surcharger  le  bas  des  pages,  nous  n'avons  pas 
hésité  à  insérer  dans  le  texte  même  de  Qalqasandî  certains  com- 
mentaires, destinés  à  en  faciliter  l'intelligence.  II  sera  facile  de 


(1)  Nous  n'en  avons  pas  vu  trace  dans  les  spécimens  ayant  passé  sous  nos 
veux. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  159 

les  reconnaître  aux  crochets  [    j  dans  lesquels  nous  les  avons 
encadrés. 

Pour  ne  pas  soumettre  à  une  trop  forte  épreuve  la  patience 
du  lecteur,  nous  nous  sommes  parfois  permis  de  supprimer 
dans  notre  traduction  certaines  formules,  revenant  avec  une 
désespérante  monotonie.  Il  ne  perdra  rien  à  ces  coupures, 
vides  de  sens,  dont  nous  avons  pris  soin  de  prévenir  et  que 
Torientaliste  retrouvera  sans  peine  dans  le  texte  arabe.  Celles 
que  nous  avons  laissées  subsister,  en  trop  grand  nombre  peut- 
être,  suffiront  à  donner  une  idée  de  la  virtuosité  des  scribes  du 
Caire  (1). 


Afin  de  faciliter  l'intelligence  de  certaines  expressions  re- 
venant constamment  sous  la  plume  de  Qalqasandî,  nous  em- 
pruntons à  une  autre  section  de  sa  vaste  compilation  une  série 
de  remarques  sur  les  correspondances  officielles.  Elles  achève- 
ront de  faire  connaître  l'organisation  de  la  chancellerie  égyp- 
tienne. Pour  le  texte  arabe  de  ces  remarques  nous  renvoyons 
au  2°  volume  de  notre  Cours  gradué  de  traduction  française 
arabe  (2),  où  on  le  retrouvera. 

«  V  Dimensions  des  formats  en  usage  dans  les  bureaux  de 
rédaction.  Pour  les  lettres  envoyées  au  nom  du  sultan,  [on  se 
borne  à]  quatre  formats  :  le  premier  ou  grand  format  de  Bag- 
dad (3).  C'est,  on  l'a  vu,  celui  des  lettres  [adressées]  aux 
Khans  (4).  Le  second  est  le  demi-format  (5);  on  en  fait  usage 


(1)  Voici  l'oxplication  des  siglos  ou  abréviations  les  plus  fréquentes  dans  ce 
travail  : 

CIA  =  Max  Van  Bercheni,  Matériaux  pour  un   Corpus  inscriplionum  arabl- 
cnrum. 
ZDMG  ^  Zeilschrift  des  deutschen  MoryenUindischen  Gesellschaft. 
ZDPV  =  Zeilschrift  des  deutschen  Pulastina-Verein . 
ROC  =  Revue  de  l'Orient  chrétien. 
ROL  :=  Revue  de  l'Orient  latin. 

(2)  P.  28.  Beyrouth,  1890,  Imprimerie  catholique. 

(3)  Comme  le  dit  ailleurs  Qalqasandî ,  «  c'était  un  papier  de  luxe,  à  la  l'ois 
épais  et  moelleux,  réservé  d'ordinaire  pour  les  copies  du  Coran  ».  De  ce  dernier 
détail,  il  est  permis  d'inférer  que  c'était  le  format  in-folio. 

(4)  De  la  famille  de  Gengis-Khan. 

(5j  Les  dimensions  de  ce  format  me  sont  inconnues. 


160  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

pour  les  grands  souverains,  inférieurs  aux  Khans.  Le  troisième 
ou  format  in-quarto  (1)  est  pour  les  rois  de  second  ordre.  Le 
quatrième  ou  format  ordinaire  est  pour  les  petits  princes,  les 
gouverneurs  etc. 

«  2"  Ibn  Sit  (2)  dans  ÏArt  d'écrire  avertit  qu'il  ne  faut  rien 
mettre  sur  la  marge  des  lettres  du  sultan.  Ce  serait  vouloir 
économiser  le  papier;  préoccupation  indigne  du  souverain  et 
évidemment  honteuse,  même  chez  un  particulier. 

«  3°  Si  les  lettres  expédiées  par  la  chancellerie  du  sultan 
sont  adressées  aux  grands  souverains,  comme  les  Khans  en 
Orient,  les  rois  du  Magrib  ou  autres  princes,  qui  recherchent 
Télégance  dans  leurs  propres  dépêches  (3),  il  faudra  cons- 
tamment employer  les  assonances.  On  pourra  s'en  dispenser 
en  écrivant  aux  petits  souverains  ou  aux  gouverneurs.  Si  Ton 
écrit  à  un  habitant  du  royaume,  après  un  grand  événement, 
comme  l'annonce  de  la  crue  du  Nil,  Tavènement  d'un  nouveau 
sultan,  son  relèvement  de  maladie,  ou  la  naissance  d'un  de  ses 
fils,  la  nouvelle  d'une  victoire,  l'invitation  à  la  parade  du  Mai- 
dàn,  ou  le  cadeau  d'un  cheval  etc.,  on  usera  également  des  as- 
sonances. Hors  de  ces  cas  le  style  ordinaire  est  de  mise  (4)  ». 

Remarquons  enfin  :  les  documents  officiels  conservés  par 
Qalqasandî  forment  non  seulement  un  chapitre  de  l'histoire  des 
relations  diplomatiques,  en  attestant  l'existence  dans  l'Orient 
islamite  d'un  protocole,  plutôt  compliqué.  Il  y  a  plus  :  en  sup- 
posant entre  les  diverses  nations  représentées  au  Levant  une 
similitude  de  traitement  et  de  privilèges  reconnus  et  jouissant 
d'une  certaine  stabilité,  ces  pièces  nous  permettent  d'assister 
pour  ainsi  dire  à  la  naissance  d'une  sorte  de  droit  interna- 
tional (5)  que  les  siècles  suivants  se  chargeront  de  préciser  en 

(1)  Littôralomont  :  le  format  tierco,  probabléinont  i)ar  rapport  au  foriuat  do 
Bagdad.  J'ignore  à  quelles  dimensions  correspond  cette  indication. 

(2)  'Abdarrahîm  ibn  Sit,  écrivain  attaché  à  la  chancellerie  des  derniers  sultans 
ayyoubites  (Qalq.,  IV,  12).  D'après  les  extraits  que  lui  emprunte  notre  auteur,  son 
travail  devait  ressembler  aux  manuels  de  diplomatique. 

(3)  Voir  p.  ex.  dans  Machriq,  15  déc.  1903,  la  lettre  d'un  sultan  du  Maroc  au 
pape  Innocent  IV,  un  pur  chef-d'œuvre  de  verbiage. 

(4)  Voir  p.  ex.  les  firmans  émanés  des  sultans  mamiouks  en  faveur  des  Fi"an- 
ciscains  de  Terre  Sainte,  dans  Golubovich,  Serw  cronologica  dei  superiuri  cU 
Terra  Santa. 

(5)  Cfr.  Francis  Rey,  La  prolecllon  diplomatique  et  consulaire  dans  les  échelles 
du  Levant  et  de  Barbarie,  42  etc. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  161 

développant  le  régime  des  capitulations  et  de  la  protection.  Les 
nombreux  documents  tirés  depuis  quelques  années,  principale- 
ment des  archives  italiennes,  avaient  déjà  permis  d'entrevoir 
cette  conclusion.  Il  ne  peut  être  indifférent  de  la  voir  confirmée 
par  des  renseignements  d'origine  orientale. 
Voici  maintenant  la  traduction  du  texte  arabe  de  Qalqasandî. 


II 

TRADUCTION  DE  QALQASANDI 

Correspondance  avec  les  rois  infidèles  de  l'Occident  :  à  savoir  l'Andalousie  et  les 
pays  voisins,  situés  au  nord  de  l'Andalousie  et  [faisant  partie]  de  la  Grande 
Terre  (1). 

Comme  il  a  été  dit  au  chapitre  des  Routes  et  Royaumes 
dans  notre  deuxième  Traité,  les  musulmans  firent  la  conquête 
de  TAndalousie  sous  le  califat  du  prince  des  croyants,  'Otmân 
fils  de  'Affàn  (2).  Cette  contrée  demeura  en  leur  pou\oir  jus- 
qu'au commencement  de  l'année  600  de  l'hégire  (3).  Actuelle- 
ment ils  n'en  conservent  plus  que  la  province  de  Grenade  et  les 
districts  à  l'est  de  l'Andalousie,  occupant  une  superficie  de  trois 
journées  de  large  sur  dix  de  long  (4).  Le  reste  de  cette  grande 
presqu'île  est  retombé  sous  la  puissance  des  chrétiens  francs  (5) 
infidèles. 

Parmi  eux  on  compte  quatre  rois  : 

Le  premier,  le  souverain  de  Tolède  et  autres  états  dépen- 
dants. On  l'appelle  «  Adfouns  )>,  sorte  d'appellation  commune  à 
tous  les  rois  de  cette  contrée  (6).  Chez  les  Magrébins  le  peuple  (7) 
le  nomme  «  Alfons  »;  son  royaume  fort  considérable  et  ses 
possessions  étendues  embrassent  Tolède,  la  Castille,  Séville, 

(1)  Voir  plus  loin  le  sens  de  cette  expression. 
(2) Erreur!  Cfi".  Wellhausen,  Skizzen,  VI,  G. 

(3)  1203  de  .I.-C. 

(4)  Évaluation  exagérée.  Sous  la  dénomination  d'Andalousie  les  auteurs  mu- 
sulmans comprennent  toute  la  presqu'île  ibérique. 

(5)  C'est-à-dire  les  chrétiens  de  l'Occident,  par  opposition  aux  chrétiens  orien- 
taux, a,ppelés  Roùm  ou  Cirées. 

(6)  Les  auteurs  arabes,  partisans  décidés  de  l'homonymie  ou  de  l'atavisme 
onomastique,  ont  imaginé  de  la  sorte  une  appellation  commune  à  tous  les 
membres  d'une  même  dynastie  :  Pharaon  pour  les  souverains  d'Egypte,  César 
pour  ceux  de  Rome,  Chosroès  pour  ceux  de  Perse,  etc. 

(7)  On  pourrait  traduire  aussi  :  la  plupart  des  Magrébins...;  dans  le  texte  : 
«  'Ammatal-Maéàriba  ». 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  163 

'Alsâna  (1),  Cordoue,    Jaën,    la  Galice   et    autres    provinces. 

Le  second,  le  souverain  de  Lisbonne  et  des  provinces  con- 
nues sous  le  nom  de  Portugal.  Son  état  peu  considérable,  situé 
à  l'extrémité  occidentale  [de  l'Andalousie],  comprend  Lisbonne 
et  l'ouest  de  la  Péninsule. 

Le  troisième,  \e souverain  de  Barcelone,  d'Aragon,  de  Xativa, 
Saragosse,  l'île  de  Dénia  (2)  et  Majorque. 

Le  quatrième,  le  souverain  de  Navarre.  Ce  royaume  est 
enclavé  entre  les  états  de  Castille  et  ceux  de  Barcelone.  La  capi- 
tale est  Pampelune  et  les  habitants  s'appellent  Basques.  Au 
delà,  dans  la  Grande  Terre  (3)  règne  le  souverain  de  la  France, 
origine  de  la  puissance  des  Francs  (4),  comme  il  a  été  dit  au 
chapitre  des  Routes  et  Royaumes.  Son  souverain  s'appelle  «  roi 
de  France  »  (5).  D'après  le  Ta  'r/f{Q),  c'est  un  prince  redouté  et 
puissant  (7).  Si  les  Magrébins  (8)  insistent  davantage  sur  la 
puissance  d'Alplionse,  c'est  à  cause  de  la  proximité  de  ce  der- 
nier et  de  l'éloignement  du  roi  de  France.  [Reprenons  notre 
énumération.] 

Le  premier  est  Alphonse. 

Nous  commençons  par  lui.  On  lit  dans  le  «  Ta'rîf  »  :  Toute 
l'Andalousie  est  soumise  à  son  influence.  C'est  lui  qui  a 
anéanti  le  pouvoir  de  ses  potentats  (9).  11  est  l'héritier  de  Lo- 
drîq  (10). 

(1)  Voir  les  notes  du  texte  arabe. 

(2)  En  réalité  c'est  une  ville;  voir  les  notes  du  texte  arabe. 

(3)  «  Par  cette  dénomination  les  Arabes  entendaient  au  moyen  âge  l'empire  des 
Francs,  tel  qu'il  avait  été  développé  par  Charlemagne  »  Reinaud,  Géographie 
d'AboiVlfidâ  IF,  85,  note  6.  L'habitude  invétérée  du  plagiat  chez  les  auteurs 
arabes,  leur  indifférence  pour  tout  ce  qui  n'est  pas  musulman  expliquent  com- 
ment à  l'époque  de  Qalqasandi  on  en  était  encore  aux  idées  du  temps  de  Mas- 
'oùdi  sur  la  géographie  politique  de  l'Europe  centrale  et  à  considérer  les  Valois 
comme  les  héritiers  directs  de  la  puissance  de  Charlemagne.  En  géographie  sur- 
tout, il  faut  bien  en  convenir,  notre  auteur  est  à  cheval  sur  les  épaules  de  ses  de- 
vanciers qu'il  oublie  j^arfois  de  citer. 

(4)  Expression  exacte,  en  tenant  compte  de  l'explication  donnée  dans  la  note 
l)réc(''dent(\ 

(5)  En  arabe  •<  raidefrans  »,  expression  traitée  comme  un  nom  jiropri',  d'après 
le  système  de  rhomonymie  ilynastique. 

(6)  A^oir  notre  introduction  sur  Qalqasandi. 

(7)  Voir  note  du  texte  arabe. 

(8)  Auxquels  notre  auteur  emprunte  ses  renseignements. 

(9)  Musulmans. 

(lOj  Cfr.  Mas'oùdî,  Prairies  d'ur,  I,  359.  Lodriq,  déformation  arabe  de  Rodrigue. 


164  REVUE    DE   l'orient   CHRÉTIEN. 

Ce  Lodriq,  mentionné  dans  le  Ta  'rîf,  est  celui  sur  lequel  les 
musulmans  au  début  de  l'islam  conquirent  TEspagne. 

L'auteur  du  Ta'rîf  reprend  :  Voici  ce  que  m'a  appris  un 
envoyé  d'Alphonse,  dont  les  paroles  m'ont  été  transmises^  par 
un  interprète  digne  de  confiance,  nommé  Salâh  ad-dîn,  drog- 
man  du  sultan  Al-Malik  an-Nàsir  (1).  Alphonse  descend  d'Hé- 
raclius,  celui-là  même  sous  lequel  se  fit  la  conquête  de  la 
Syrie  (2).  Quant  à  la  noble  lettre  du  Prophète  à  Héraclius  (3), 
elle  est  transmise  de  père  en  fils  et  conservée  par  ces  princes, 
enveloppée  dans  le  satin,  comme  le  plus  précieux  dos  joyaux. 
Elle  se  conserve  toujours  sans  qu'il  soit  permis  de  l'emporter, 
objet  de  respect  et  de  vénération  extrêmes,  sentiments  hérités 
des  ancêtres  et  transmis  de  génération  en  génération. 

Or  Alphonse  était  de  ceux  qui  vers  le  df'clin  de  la  puissance 
fatimite  élevèrent  des  prétentions  sur  l'Egypte  et  la  Syrie  (4). 

D'après  le  Ta'rîf,  les  correspondances  échangées  avec  ce 
prince  sont  continuelles  et  les  envoyés  entre  lui  et  nous  toujours 
en  route;  cela  en  dépit  des  mauvais  desseins  et  des  projets  hos- 
tiles nourris  par  lui.  En  une  circonstance  il  offrit  au  sultan  une 
longue  épée,  un  habit  de  Venise,  une  targe  (5)  allongée,  pareille 
à  une  civière  :  véritable  provocation  (6),  comme  on  le  voit,  allu- 
sion très  claire,  quoique  figurée!  En  guise  de  réponse  on  lui 
retourna  une  corde  noire  et  une  pierre,  pour  lui  donner  à  en- 
tendre qu'il  n'était  qu'un  chien,  digne  d'être  lié  ou  chassé  à  coups 
de  pierres. 

Voici  d'après  le  Ta'rîf  le  protocole  à  observer  dans  les  lettres 

(1)  Fils  (le  Qalaoûn,  sur  lequel  on  peut  consulter  Blaqrizi,  Sitllans  mamlouks 
(Quatremère),  II,  2"=  partie;  Weil,  Gcsclùchlc  des  Abhasidenchalifals  in  Ef/ypten, 
I,  cil.  VI,  IX,  XI. 

(2)  Par  les  musulmans. 

(3)  Dont  parlent  tous  les  auteurs  de  «  Magàzi  »  et  les  historiens  arabes. 

(4)  Nous  ne  savons  à  quels  événements  il  est  t'ait  allusion.  Il  est  regrettable  que 
notre  auteur  ne  se  soit  pas  exprimé  plus  explicitement  sur  la  nature  de  l'hostilité 
l)arlui  attribuée  à  Alphonse. 

(5)  Sur  ce  terme  voir  nos  Remarque»  sur  les  muls  français  dérivés  de  l'arabe, 
p.  236.  L'arabe  porte  «  làriqa  »,  grand  bouclier  oblong,  couvrant  presque  toute 
la  partie  inférieure  du  corps.  Cl'r.  Dozy,  Supplément  aux  dictionnaires  arabes. 
s.  V. 

(6)  Henri  IV  de  Castille  montra  encore  plus  d'énergie.  Il  i-enversa  les  mos- 
quées dans  ses  états  jusqu'à  ce  qu'en  1160,  on  restituât  le  mont  Sion  aux  Fran- 
ciscains. Cfr.  notre  étude  Fr.  Gryphon  et  le  Liban  au  XV  siècle,  p.  G.  Ces  procé- 
dés expliquent  la  mauvaise  humeur  de  Qalqasandi. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  165 

qu'on  lui  adresse  :  «  Dieu  prolonge  rexistence  de  Sa  Majesté,  le 
haut  et  puissant  prince,  le  roi  illustre,  magnanime,  le  lion  cou- 
rageux (1)  et  vaillant,  descendant  de  Salam  (2)  et  de  César  (3), 
le  champion  des  champions  de  la  race  blanche  (4),  héritier  de 
Lodriq  et  d'une  longue  suite  de  rois,  paladin  de  la  terre  et  de 
la  mer,  roi  de  Tolède  et  des  provinces  adjacentes,  héros  du 
christianisme,  soutien  des  fils  du  baptême,  porte-étendard  de 
la  chrétienté,  héritier  des  couronnes,  pareil  à  saint  Jean-Bap- 
tiste (5),  ami  des  musulmans,  favori  des  rois  et  des  sultans.  » 

Vœux  (6)  et  début  à  employer  :  «  Dieu  le  garde  contre  ses 
mauvais  instincts  (7),  lui  fasse  récolter  ce  qu'il  a  planté  (8),  le 
préserve  de  recommencer  aujourd'hui  ce  à  quoi  il  a  été  forcé  la 
veille,  lui  donne  de  voir  le  succès  sur  l'Océan,  qu'il  défend  de 
son  rempart  et  protège  de  son  bouclier  (9).  Nous  lui  avons 
adressé  cette  lettre.  Or  l'armée  de  Dieu  (10),  aucun  obstacle  ne 
peut  l'arrêter...  » 

[Ici  le  texte  de  notre  manuscrit  est  corrompu;  nous  l'avons 


(1)  Comparez  Quatremère,  Sidl.  mam!<niks,  l-,  p.  190. 

(2)  Il  s'agit  de  Salam  ibn  Afridoùn,  duquel,  d'après  la  tradition  arabe,  descen- 
draient les  rois  de  Roùm  et  de  l'Occident.  Cl'r.  Yàqoùt,  I,  418;  et  Ta'àliliî,  Hisl. 
des  rois  de  Perse,  «  Ahbàr  moloùk  al-Fors  »,  éd.  Zotenberg,  40. 

(3)  Placé  ici  pour  l'allitération,  Nous  avons  vu  aussi  plus  haut  que  notre  auteur 
le  fait  descendre  d'Héraclius.  Voir  dans  le  Ta'rîf,  62,  une  curieuse  remarque 
sur  Héraclius. 

(4)  «  Banoù'l-asfar  ».  Cfr.  Goldzihev,  .hu/iaiiuiieda».  Sludien,  I,  iij9;  ZDMG,  II, 
237;  III,  3G3;XV,  143;  XXIII,  626,  note  2;  et  H.  Lammens,  Russes  et  Xosairis  dans 
ROC,  1903,  p.  149.  '<  Asfa'r  »,  littéral.  «  jaune  »,  a  ici  le  sens  de  blond,  et  chez  les 
musulmans  modernes  «  Banoù'l-asl'ar  »  désigne  surtout  les  Russes.  Cfr.  Quatre- 
mère,  .S'«//.  mamlouks,  II',  128,  note. 

(5)  Toujours  pour  l'allitération,  qui  parait  avoir  été  la  siiprema  lex  des  sty- 
listes du  Divan  égyptien.  Le  lecteur  occidental,  peu  familiarisé  avec  les  produc- 
tions de  la  rhétorique  orientale,  voudra  bien  tenir  compte  de  cette  particularit(' 
et  mettre  à  son  actif  l'incohérence  manifeste  des  idées  que  notre  traduction, 
sous  peine  d'être  infidèle,  ne  pouvait  dissimuler. 

(6)  «  Do'à'  »  ;  formules,  contenant  les  voeux  et  les  souhaits,  par  lesquelles  d(''- 
butent  toutes  les  correspondances  arabes.  Comme  elles  doivent  être  proportion- 
nées à  la  dignité  du  destinataire,  elles  font  partie  intégrante  du  protocole;  de 
là  l'attention  que  leur  accorde  notre  auteur. 

(7)  Pourrait  signifier  aussi  :  le  mal  qui  le  menace.  Tous  les  membres  de  phrases 
de  ce  do'à'  sont  à  double  entente. 

(8)  Voir  note  du  texte  arabe. 

(9)  Tout  ce  passage  est  d'une  obscurité  motivée  par  les  menaces  que  les  scribes 
du  Caire  ont  tenu  à  envelopper  dans  les  replis  de  leur  style  tortueux. 

(10)  C'est-à-dire  les  armées  des  sultans  d'Egypte. 


166  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

rétabli  (1)  en  nous  aillant  de  l'édition  du  Ta'rîf.  Le  sens  n'y  a 
pas  beaucoup  gagné  et  partant  la  traduction  demeure  toujours 
difficile.  Nous  croyons  inutile  de  nous  arrêter  à  la  solution  de 
ces  rébus,  où  sous  le  voile  de  phrases  amphibologiques  (2) 
percent  la  menace  et  surtout  la  crainte,  inspirée  par  le  sou- 
verain espagnol]. 

J'ajoute  (3)  :  il  faut  employer  le  demi-format. 

[Sur  les  relations  entre  les  rois  de  Castille  et  les  sultans  du* 
Caire,  on  peut  consulter  Quatremère,  Sultans  Mamloiiks,  P,  24; 
il  est  question  d'un  ambassadeur  castillan,  porteur  de  présents 
pour  les  Isma'ilis  de  Syrie;  11^  8,  autre  ambassade  espagnole  à 
Malik  Sa1d,  souverain  de  Karak.  Voir  aussi  Weil,  Geschichte 
des  Abbasidenchalifats  in  Egypten,  I,  14,  164,  et  notre  travail 
Frère  Gryphon  et  le  Liban  au  XV  siècle,  p.  6. 

Les  Aragonais  ou  plutôt  les  Catalans  ont,  dès  avant  cette 
époque,  des  relations  très  suivies  —  de  commerce  surtout  — 
avec  les  états  relevant  des  mamlouks  d'Egypte  (cfr.  «  Târîh  Bai- 
roùt  )),  éd.  Cheikho,  138  etc.  ;  la  thèse  latine  de  J.  Marchand,  De 
Massiliensium  cum  Eois  populis  commercio,  99  etc.  ;  Prutz, 
Kultiir geschichte  der  Kreuzzûge,  113,  359  et  passim).  Comme 
ils  étaient  surtout  préoccupés  de  leurs  intérêts  commerciaux  et 
n'avaient  plus  à  combattre  contre  les  musulmans  d'Espagne, 
Qaflqasandî,  lequel,  en  tout  ce  chapitre,  relève  principalement 
des  écrivains  magrébins,  les  juge  plus  favorablement  que  les 
Castillans.  En  Egypte  le  roi  d'Aragon  était  surtout  connu 
comme  roi  de  Barcelone.  Damas  possédait  un  consulat  catalan. 
Cfr.  Archives  de  l'Orient  latin,  I,  541.  Dès  lors  le  souverain 
d'Aragon  exerce  un  véritable  protectorat  sur  les  chrétiens  d'O- 
rient; il  demande  et  obtient  l'ouverture  des  églises  des  chré- 
tiens melkites  et  même  jacobites.  Ch.  Sultans  Mamlouks,  IF, 
180,  229;  Weil,  I,  268.  Autres  rapports  entre  les  deux  cours, 
Weil,  I,  44,  352,  note  4;  524,  note  1]. 

Le  second  :  le  souverain  de  Barcelone. 

Le  Tatqîf  se  trompe  en  le  confondant  avec  l'Alphonse  précité 
et  en  le  surnommant  «  Atfoûns'  »  sans  [y  joindre  le  titre  de]  sou- 


(1)  Voii-  les  notes  du  texte  arabe. 

(2)  On  en  verra  d'autres  .spécimens  plus  loin. 

(3)  Remarque  de  Qalqasandi. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  1G7 

verain  (1).  C'est,  ajoute-t-il,  [le  roi  de]  la  nation  des  Catalans. 
On  lui  écrit  sur  papier  demi-format  avec  le  grand  caractère 
A'fa  tolot  »  et  le  protocole  suivant  :  «  Dieu  perpétue  la  splendeur 
,  |de  la  haute  Majesté  du  roi  magnanime,  glorieux,  considéré, 
M  vaillant  héros,  lion  invincible,  roi  d'Aragon,  N...,  défenseur  de 
la  chrétienté,  honneur  de  la  nation  de  Jésus,  espoir  de  la  race 
chrétienne,  protecteur  des  places  frontières,  souverain  des  côtes 
et  des  mers ,  soutien  [de  la  religion]  du  baptême,  aide  du  Pape 
de  Rome,  refuge  des  chevaliers,  beauté  des  trônes  et  des  dia- 
dèmes, ami  des  rois  et  des  sultans,  souverain  de  Barcelone.  » 

L'auteur  du  Ta'rif  ajoute  :  Quant  au  roi  de  France  [2],  une 
seule  fois  il  nous  est  parvenu  un  envoyé  de  sa  part  (3).  Il  venait 
au  sujet  de  Jérusalem  et  se  mit  à  tonner  et  à  lancer  des 
éclairs  (4),  exigeant  qu'on  lui  abandonnent  la  côte  de  Césarée  ou 
d'Ascalon.  Les  musulmans  garderaient  en  ces  deux  centres 
leur  administration  à  côté  de  la  sienne;  les  mosquées  seraient 


(1)  Eii  arabe  :  «  Atfoùns  doùn  hàkiiu  ».  Ne  l'aiulrait-il  pas  traduire  :  Alphonse 
don  Jaime?  antérieurement  à  l'auteur  du  Tatqîfon  connaît  deux  souverains  ara- 
g'onais  du  nom  de  Jaime.  raléographiquement  le  passage  de  IJàkim  à  IJàini 
(Jaime)  est  facile. 

(i)  Raldfrans  ou  I ta idâfrans  chez  Qalqasandi,  comme  chez  les  autres  écrivains 
arabes  de  cette  époque.  Par  le  même  procédé  Richard  deur-de-Lion  devient  Al- 
Inkilâr,  Al-lnkilir,  ou  Inkltir  (Angleterre).  Dans  une  h3'mne  syriaque  nesto- 
rienne  sur  la  prise  de  Jérusalem  par  Saladin,  l'empereur  Barberousse,  noyé  dans 
le  Cyilnus  en  Cilicie,  est  appelé  «  roi  de  Dalmanutha  ",  par  suite  d'une  confu- 
sion entre  (roi  d")  Allemaijnc  et  Dalmanuthn  de  l'Évangile  (Marc,  vni,  10).  Voir 
ZDMG,  XX vu,  303. 

(3)  Cette  remarque  trahit  suffisamment  la  mauvaise  humeur  et  explique  le  ton 
agressif  de  l'auteur.  Des  lors  déjà  les  gouvernements  islamites  affectaient  de 
considérer  les  rapports  entretenus  avec  eux  par  les  états  chrétiens,  comme  une 
marque  de  vassalité.  C'est  encore  là  l'opinion  de  la  plèbe  musulmane  dans  le 
Levant,  opinion  soigneusement  entretenue  par  ia  presse  ottomane.  On  en  a  eu 
un  exemple  dans  la  manière  dont  elle  a  présenté  la  visite  de  l'empereur  CtuII- 
laume  II  au  sultan  en  1898.  Les  Chi'ites  ne  sont  pas  mieux  traités.  Les  journaux 
turcs  n'ont-ils  pas  laissé  croire  à  leurs  lecteurs  qu'en  1900  le  Shah  de  Perse  est 
venu  à  Stamboul  pour  rendre  hommage  à  'Abdulhamîd? 

(4)  On  ne  pouvait  peindi'e  plus  vivement  la  fui^ia  francese.  Le  Ta'rîf  ajoute  : 
«  wa  ahraqa  binàrihî  »,  expression  correspondant  assez  à  notre  locution  :  jeter 
feu  et  flammes.  Rapprochons-en  le  jugenient  du  célèbre  Averroès  :  «  Concedi- 
mus  aliam  nationem  ad  aliud  virtutum  genus  nielius  a  natura  esse  paratum,  ut... 
in  Gallis  aliisque  hujusmodi  gentibus  iracundia.  »  En  citant  ce  texte,  Renan 
(Avei-rocs  et  l'Averroïsme,  10,  note  5)  ajoute  :  >•  Je  suis  porté  à  croire  qu'il  y  a  ici 
une  interpolation  ou  une  altération  du  traducteur;  »  Pas  n'est  besoin  de  recou- 
rir à  cette  explication.  Actuellement  encore  la  gravité  orientale,  toute  de  sur- 
face, apprécie  de  même  la  vivacit('  et  la  brusque  franchise  franques. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  12 


168  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

maintenues  et  les  honoraires  des  desservants  exactement  payés. 
Les  Francs  y  ajouteraient  chaque  année  200.000  dinars  repré- 
sentant les  revenus  du  pays  (1)  à  occuper,  [revenus]  calculés 
sur  une  moyenne  de  trois  ans.  A  ce  tribut  annuel  on  joindrait 
des  cadeaux  et  des  présents  de  valeur  (2). 

Ce  projet  fut  chaudement  défendu  par  certains  scribes  coptes, 
devenus  d'importants  personnages  dans  l'état  (3),  cachant  leurs 
noirs  desseins  sous  des  turbans  blancs  (4),  demeurés  au  fond 
des  ennemis  mortels.  Ils  travaillèrent  à  faire  aboutir  la  combi- 
naison. Le  poison  se  glissa  dans  les  -seines  et  vainement  on 
chercha  un  antidote.  «  Voilà,  disaient-ils,  une  somme  considé- 
rable, toute  prête.  Et  puis  qu'avons-nous  à  craindre  d'eux?  Ils 
sont  une  goutte  dans  l'Océan,  quelques  cailloux  [épars]  dans  le 
désert!  » 

Or,  [continue  l'auteur  du  Ta'rifj  mon  père  (Dieu  lui  fasse 
miséricorde!)  eut  vent  de  l'affaire  (5).  Il  résolut  de  se  mettre  en 
avant,  de  faire  jouer  tous  les  ressorts  et  de  lutter  jusqu'à  la  der- 
nière extrémité.  S'il  voyait  le  sultan  disposé  à  écouter  les  pro- 
positions de  ces  imposteurs,  il  était  décidé  à  l'en  détourner  (6). 

«  Tu  vas  venir  avec  moi,  me  dit  mon  père,  et  tu  parleras, 
quand  même  nous  devrions  baigner  nos  habits  dans  le  sang  !  » 
Nous  nous  adressâmes  alors  au  grand  juge  (7)  le  prédicateur 
de  Qazwin  (8).  Il  répondit  à  notre  appel  et  montra  les  meil- 
leures dispositions. 

(1)  D'après  le  Ta'rîf  :  de  la  moiti(''  du  pays. 

(2)  Sur  cotte  étrange  négociation  ch\  Sullans  Mnitilui'ks,  II',  TA;  Wi'il,  Ge- 
sr/iichle,  l,  153,  363. 

(3)  Très  jalousés  par  leurs  collègues  musulmans,  et  fréquemment  expuls(''s,'ils 
ne-  tardaient  pas  à  rentrer  dans  les  bureaux  administratifs,  où  leurs  services 
étaient  indispensables  (cfr.  Quatremèro,  Sullans  Mamlouks,  II',  p.  S).  Al-Malik 
an-Nàsir,  le  sultan  dont  il  s'agit  ici,  les  traita  avec  une  fa\eur  relative.  (Jfr. 
Weil,  GescMcIde,  I,  355. 

(4)  Réservés  aux  musulmans.  Voir  dans  i\Iaqrîzi  les  nombreux  décrets  portés 
en  ce  sens  par  les  sultans  mamlouks.  Sull.  maml.,  Il-,  p.  178. 

(5)  Il  était  secrétaire  au  divan  des  affaires  étrangères,  où  son  fils  lui  succéda. 

(6)  Notre  texte  arabe  est  fort  peu  clair  en  cet  endroit;  la  phrase  est  incorrecte 
et  mal  construite.  Nous  renvoyons  ici  surtout  aux  notes  et  variantes  du  texte 
arabe. 

(7^  Littéralement  :  le  juge  des  juges. 

(S)  Il  s'agit  de  Galàl  ad-din  JMohammad  bin  'Abdarrahmàn  al-Qaz\AÎni,  mort 
en  720  (1320  de  J.-C).  Cfr.  Ibn  Ayàs  (éd.  du  Caire),  I,  140,  IGl.  Weil,  Geschichlc 
des  Abbasidenchalifats  in  Efjyplcn,  I,  398.  Il  était  grand  juge  des  Safi'itos  (>t  en 
grande  faveur  auprès  du  sultan. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  169 

Le  lendemain  matin  nous  nous  rendîmes  pour  l'audience 
du  sultan  au  palais  de  justice.  Survinrent  les  envoyés  [francs]  ; 
un  des  scribes  [coptes]  était  présent,  prêt  à  parler;  nous  l'é- 
tions également  de  notre  côté.  Le  sultan  (1)  ne  leur  laissa  pas 
le  temps  d'achever  leur  harangue.  Sa  colère  éclata  :  il  jeta  feu 
et  flamme. 

Peu  s'en  fallut  qu'il  n'écrasât  les  infidèles  et  ne  leur  fît 
sentir  les  effets  de  sa  fureur.  Il  commença  par  fermer  la 
bouche  au  traître  (2),  et  le  couvrit  de  confusion.  Nous  gar- 
dâmes le  silence,  satisfaits  de  la  honte  dont  venait  de  Taccabler 
le  sultan.  Ce  démon  fut  réduit  à  Fimpuissance;  Dieu  dispensa 
les  fidèles  de  la  lutte  et  renvoya  les  traits  contre  ceux  qui  les 
avaient  lancés. 

«  Malheureux!  s'était  écrié  le  sultan;  rappelez-vous  la  dé- 
faite que  vous  infligea  à  Dainiette  l'armée  d'Al-Malik  as-sàlih, 
composée  de  hordes  kurdes  indisciplinées.  Nos  Turcs  (3)  n'é- 
taient pas  encore  là!  Vous  essayiez  de  profiter  de  la  diversion 
opérée  par  nos  guerres  avec  les  Tatars  (1).  Mais  aujourd'hui, 
grâces  à  Dieu,  nous  avons  fait  la  paix  et  ne  formons  qu'un 
seul  peuple,  tous  d'accord  (5).  Nous  ne  demandons  qu'à  ouvrir 
les  hostilités.  Mais  venez  donc  si  vous  osez!  Si  vous  ne  venez 
pas,  nous  irons  vous  rejoindre,  quand  il  nous  faudrait  traverser 
la  mer  à  cheval.  Misérables!  Vous  avez  retrouvé  la  langue, 
vous  osez  mentionner  Jérusalem  (6).  Par  Dieu!  vous  ne  tou- 
cherez de  sa  poussière  que  ce  que  les  vents  répandront  sur  vos 
cadavres,  préalablement  mis  en  croix  (7)!  » 

Puis  finissant  par  une  clameur  qui  les  glaça  d'épouvante, 
il  les  rpnvoya  ignominieusement  sans  vouloir  entendre  la  lec- 
ture de  leur  message.  Ce  fut  toute  sa  réponse  ! 

(1)  Al-JIalik  an-Nàsir  Mohamniad,  fils  de  Qalàoûn. 

(2)  Le  scribe  copte,  gagné,  seinble-t-il,  au  iirojet  IVanc. 

(3)  Il  s'agit  des  mamloiiks  turcs  ou  bahrites,  qui  succédèrent  aux  Ayyoubitcs 
d'origine  kurde. 

(4)  L'assertion  est  exacte  :  se  rappeler  les  alliances  des  Croisés  avec  les  Tatars 
contre  les  sultans  d'Egypte. 

Çj)  Avec  les  Tatars,  devenus  musulmans  dans  rinter\alIo. 

(6)  Comprenez  :  la  Palestine,  la  Terre  Sainte. 

(7)  Ces  invectives  ont  dû  être  prononcées  telles  que  l'écrivain  les  consigne  ici; 
le  texte  arabe  est  plein  de  locutions  et  de  formes  vulgaires  caractéristiques, 
comme  elles  sont  sans  doute  sorties  de  la  bouche  du  sultan.  Ce  n'est  point  là  une 
de  ces  harangues  à  la  Tite-Live.  Un  littérateur  eût  fait  parler  autrement  son  héros. 


170  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Rejnarque  :  Si  l'on  a  à  écrire  au  susdit  roi  de  France,  on 
recourra  au  protocole  observé  à  l'égard  du  roi  Alphonse,  ou 
même  à  des  termes  plus  relevés  (1). 

[C'est  en  effet  le  ton  de  la  lettre  adressée  en  1510  par  le 
divan  égyptien  à  Louis  XII.  La  traduction  française  très  trans- 
parente et,  semble-t-il,  assez  fidèle  pour  permettre  de  recons- 
tituer le  texte  arabe,  montre  combien  peu  avait  varié,  un  siècle 
après  Qalqasandî,  le  style  des  correspondances  diplomatiques  : 

c<  La  présence  (liadrat)  du  roi  exalté  et  magnifique  comba- 
teur  très  fort  et  très  noble  Loys  de  Valois,  Deffendeur  des 
Royaumes  de  la  Chrestienté,  Nobilitateur  de  la  loy  chrestienne, 
Exaltateur  du  peuple  chrestien,  Saige  en  ses  Royaumes,  Deffen- 
deur de  ses  vassaux,  Gardien  de  la  terre  et  de  la  mer  et  des 
citez  et  ports...  Justificateur  de  la  loy  et  du  baptesme,  sanc- 
tiffyé  par  dessus  les  Royz  et  souldans.  Dieu  le  maintiegne 
avec  sa  noblesse  et  garde  sa  personne  et  lui  baille  puissance 
avec  bon  moyen  de  redresser  les  choses  gastées  et  le  conserve 
en  sa  bonté  acoustumée.  La  lettre  présente  pour  lui  faire  par- 
ticipation de  tout  bien  en  conservation  et  qu'il  lui  plaise  ac- 
cepter notre  bénivolence  que  lui  faisons  sca^'oir  ce  qui  n'est 
point  absent  à  son  intelligence...  »  etc.  (2). 

Ce  roi  de  France  est  le  prince  qui,  à  l'instigation  d'Al- 
phonse (3),  souverain  de  Tolède,  mentionné  plus  haut,  débarqua 
en  Egypte  et  s'empara  de  Damiette.  Cette  expédition  eut  lieu 
sous  la  dynastie  a}youbite,  au  temps  d'Al-Malik  as-sàlih.  Fait 


(1)  Après  co  qu'on  vient  do  liro,  on  ne  s'attendait  guère  à  cette  remarque.  Elle 
cadre  pourtant  avec  la  représentation  que  Qalqasândî  se  faisait  encore  d'après 
les  anciens  géographes  ai'abes  de  la  puissance  territoriale  des  états  9u  roi  de 
France,  le  souverain,  d'après  eux,  de  «  la  grande  terre  »,  expression  sous  laquelle 
ils  comprenaient  tout  l'empire  de  Cliarlemagne,  comme  nous  l'avons  observé 
précédemment.  D'après  Prutz  (KuUurgcschichle  der  Kreuz-ziige,  406),  S.  Louis 
aurait  reçu  d'un  mamlouk  d'Egypte  (lequel?)  le  cadeau  d'un  éléphant.  Nous  ne 
savons  où  Prutz  a  puisé  ce  renseignement.  Voir  une  des  notes  suivantes. 

La  rareté  des  correspondances  avec  la  France  s'explique  par  la  situation  de  la 
Provence  vis-à-vis  de  la  couronne  de  France;  puis  au  xv  siècle  par  la  ruine 
de  leur  commerce  oriental.  Cfr.  P.  Masson,  Hisl.  du  commerce  français  au  Levant, 
XL  Charles  le  Bel  essaya  mais  sans  succès  de  n(''gocier  avec  le  soudan  d'Egypte 
En  1447  on  mentionne  une  ambassade  du  roi  de  France  Charles  Vil  au  sultan 
d'Egypte.  Voir  la  réponse  de  ce  dernier  dans  Ed.  Salvadoi-,  L'Orient,  Marseille  et 
la  Méditerranée,  102 

(2)  Citée  dans  Fr.  Rey,  La  protection  dipldmalique,  111,  note  2. 

(3)  Nous  ignorons  si  cette  assertion  est  fondée.  Cfr.  Ta'rîf,  01. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  171 

prisonnier,  le  roi  de  France  fut  enfermé  dans  la  maison  ha- 
bitée par  Fahr  ad-din  Loqmàn  (1),  chef  de  la  chancellerie  des 
dépêches,  à  Mansoùra,  sous  la  garde  de  l'eunuque  Sabîh.  Le 
prisonnier  fut  ensuite  relâché  sous  certaines  conditions  qu'on 
lui  imposa  (2).  Gamàl  ad-din  bin  Matroùh  (3)  composa  à  ce 
propos  ses  v^ers  bien  connus. 


Correspondances  avec  les  princes  infidèles  du  Septentrion, 
Grecs  et  Francs,  nationalités  diverses  mais  toutes  de  la  con- 
fession melkite  (4).  Le  Ta'rîf  et  le  Tatqîf  mentionnent  douze  (5) 
de  ces  souverains  a,vec  lesquels  on  entretient  des  relations. 


I.    —   CORRESPONDANCE    AVEC    LE    SOUVERAIN    DES    GRECS, 
EMPEREUR    DE    CONSTANTINOPLE. 

Comme  nous  l'avons  dit  au  traité  des  Routes  et  Royaumes, 
cette  ville  est  dernièrement  tombée  au  pouvoir  de  Lascaris, 
nom  devenu  [comme]  une  qualification,  passant  de  souverain 
en  souverain  {Q). 

On  lit  dans  le  Ta'rîf  :  Avant  la  conquête  des  Francs  (7) 


(1)  II  devint  vizir  dans  la  suitr.  Cfr.  Qiiatreinoro,  5*?//an.<i  mamlouks,  1, 1"  partie, 
150;  II,  1'°  partie,  p.  7. 

(2)  II  n'est  pas  resté  trace  de  conventions  commerciales,  et  surtout  consulaires, 
conclues  entre  S.  Louis  et  le  gouvernement  égyptien.  La  tradition  contraire  est 
manifestement  dénuée  de  fondement.  Cfr.  Fr.  Rey,  La  proleclion  diplomatique 
el  consulaire  dans  les  échelles  du  Levant,  104,  105. 

(3)  Voir  Clément  Huart,  Litlérature  arabe,  117. 
M)  C'est-à-dire  catholique.  Cfr.  ROC,  1903,  103. 

(5)  Qalqasandî  n'en  donnera  que  onze.  De  ce  nombre  il  faut  défalquer  la  cor- 
respondance avec  le  Pape,  plac(''e  ici  en  premier  lieu.  Nous  lavons  traduite  dans 
ROC,  1903,  101-110. 

(6)  Qalqasandi  répète  ici  les  affirmations  des  écrivains  antérieurs,  comme 
Aboù'Hidà  etc.  Dans  Maqrîzi  le  souverain  de  Constantinople  s'appelle  toujours 
Lascaris.  Voir  par  ex.  Quatremère,  Sultans  mamlouks.  II,  1'°  partie,  p.  51,  fil,  104, 
139  etc.  Les  Lascaris  ont  seulement  régné  à  Nicée.  Ce  fut  Michel  Paléologue  qui 
reporta  le  siège  de  l'empire  à  Constantinople  Depuis  lors  aucun  empereur  n'a 
porté  le  nom  de  Lascaris.  Mais  l'emploi  de  ce  terme  a  continué  chez  les  écrivains 
arabes,  appliquant  à  tort  et  à  travers  le  système  de  l'homonymie  dynastique. 

(7)  Des  Croisés. 


172  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

c'était  un  monarque  respecté,  auquel  recouraient  les  autres 
princes,  parmi  les  adorateurs  de  la  croix,  et  dont  personne,  ni 
grand  ni  petit,  ne  pouvait  se  passer.  Les  chroniques  sont  rem- 
plies du  récit  de  ses  actions,  de  ses  guerres  et  de  ses  prouesses. 
Le  premier  qui  l'humilia  et  ébranla  sa  puissance  fut  Haroùn 
ar-rasîd,  au  cours  de  l'expédition  que  lui  confia  son  père  Al- 
Mahdî.  L'empereur  grec  en  sortit  diminué  et  affaibli.  Quant 
aux  campagnes  de  Maslama  fils  de  'Abdalmalik  et  de  Yazîd 
fils  de  Mo'àwia  (1),  elles  n'atteignirent  pas  les  proportions 
d'une  défaite  et  ne  produisirent  pas  grand  résultat  (2). 

Actuellement,  ainsi  s'exprime  le  Ta'rîf,  le  sultan  Uzbek  (3) 
a  presque  enlevé  la  couronne  à  cet  empereur ,  l'a  réduit  à 
l'impuissance  et  lui  a  fermé  toute  issue  du  côté  de  la  mer. 
L'empereur  s'est  vu  obligé  de  ménager  le  sultan  et  de  lui 
payer  de  grosses  sommes.  Il  ne  respire  qu'à  la  condition  de 
tout  supporter,  de  payer  un  tribut  lixe  et  des  sommes  déter- 
minées. Nous  n'avons  plus  eu  par  la  suite  de  leurs  nouvelles 
ni  des  revers  qu'il  a  éprouvés. 

Voici  d'après  le  Ta'rîf  le  protocole  observé  avec  ce 
prince  : 

«  Dieu  augmente  la  splendeur  de  la  haute  Majesté  de  l'em- 
pereur vénérable  et  puissant,  lion  courageux,  héros  vaillant, 
noble  et  de  haute  extraction,  Paléologue,  roi  d'Aragon  (1), 
régnant  sur  les  états  grecs,  gouvernant  les  provinces  mari- 
times, héritier  des  anciens  Césars,  rénovateur  des  doctrines 
des  philosophes  et  des  sages,  versé  dans  les  dogmes  de  sa 
religion,  équitable  dans  ses  états,  force  de  la  chrétienté;  sou- 
tien du  christianisme,  incomparable  parmi  les  rois  de  la  re- 
ligion de  Jésus,  conférant  les  trônes  et  les  diadèmes,  protecteur 
des  mers  et  des  détroits,  le  dernier  des  souverains  grecs,  roi 
des  rois  syriens  (5),  soutien  des  fils  du  baptême,  favori  du 
Pape,    le  Pontife  de   Rome  (6),   le  meilleur  des  conlidents, 

(1)  Sous  les  premiers  califes  omiados. 

(2)  Curieux  euphémisme  !  Elles  se  terminèrent  en  réalité  par  des  désastres  poui' 
les  musulmans. 

(3)  Successeur  et  neveu  de  Toktai,  khan  de  Crimée  et  du  Qibgaq. 

(4)  Le  texte  arable  porte  ,_ji  .!jjJ!.  C'est  une  erreur  de  copiste  ou  un  (>m- 
jn'unt  maladroit  à  Aboù'Ifida,  "208. 

(5)  Incise  amenée  par  l'allitération. 

(6)  Allusion  aux  nombreuses  tentatives  d'union  avec  Rome  (■?).  D'autre  pai't  le 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES,  173 

ami    des    musulmans,    modèle    des    rois    et  des    sultans.    » 

Suit  le  nom  de  l'empereur,  qu'on  accompagne  de  vœux.  Le 
Ta'rîf  oublie  de  mentionner  le  format  à  employer.  Voici  da- 
près  le  même  recueil  des  vœux  et  un  début  dignes  du  sujet  : 

«  Dieu  lui  accorde  la  tranquillité  au  sein  de  son  pays  (1)  et 
dans  la  jouissance  de  son  autorité,  qu'il  affermisse  la  posses- 
sion tle  ses  diadèmes  et  la  perpétuité  de  son  trône,  grâce  à  ses 
forteresses,  entourées  d'une  ceinture  de  détroits,  que  les  fruits 
(le  l'amitié  ne  cessent  de  s'incliner  [vers  luij  sur  leurs  bran- 
ches  !  » 

[Nous  ne  pousserons  pas  plus  loin  la  traduction  de  ce 
«  doa'  »,  où  le  bel  esprit  des  l'cri vains  du  Caire  s'est  donné 
libre  carrière  (2).  Qalqasandi  mentionne  ensuite  une  seconde 
formule  (3)  et  l'accompagne  de  la  remarque  suivante.] 

Observation  :  Ces  vœux  (do'â')  et  ce  début,  quoique  signalés 
dans  le  Ta'rîf  parmi  les  formules  usitées  avec  l'empereur,  sont 
d'un  ordre  moins  élevé  que  [celles  mentionnées]  dans  le  for- 
mulaire précédent.  A  moins  pourtant  qu'on  ne  veuille  laisser 
percer  le  dédain  ou  la  menace  et  autres  sentiments  semblables. 

D'après  le  Tatqîf,  voici  le  protocole  observé  de  nos  jours. 
Sur  une  feuille  demi-format  on  écrit  comme  suit  :  «  Dieu  aug- 
mente la  majesté  du  roi  honorable,  respecté,  lion  redouté, 
héros  vaillant,  courageux,  N...,  savant  dans  sa  nation,  équi- 
table pour  ses  sujets,  force  de  la  religion  chrétienne,  chef  des 
sectateurs  de  la  croix,  splendeur  des  fils  du  baptême,  épée  des 
princes  grecs,  lance  du  royaume  macédonien,   roi   des  Bor- 


Forcl'/ii  office  du  Caii'o  ne  paraît  pas  avoir  soupçonné  le  schisuio  grec.  A  ses  j-eux 
tous  les  chrétiens,  à  part  les  Nestoriens  et  les  Jacobites,  sont'Melkites,  c'est-à-dii-e 
soumis  au  Pape.  Pour  certaines  correspondances  (voir  plus  loin  celle  de  Rhodes) 
les  rédacteurs  égyptiens  observent  pourtant  qu'il  faut  supprimer  le  titre  :  ami  du 
Pape.  S'ils  ne  le  font  pas  ici,  c'est  apparenunent  que  la  rupture  religieuse  entre 
l'Orient  et  l'Occident  n'était  pas  officielle.  Nous  en  avons  donné  une  preuve  pour 
le  jiatriarcat  d'Antioche  (cfr.  ROC,  1903,  103). 

(1)  Le  Ta'rif  (voir  variantes  du  texte  arabe)  a  une  leçon  bien  tliff<Tente  faisant 
allusion  à  sa  position  critique  par  rapport  à  ses  voisins  musulmans. 

(2)  On  en  a  vu  plus  haut  des  spécimens;  d'autres  suivront.  C'est  du  ])ur  ver- 
biage, aussi  pauvre  de  forme  que  de  fond. 

(3)  Agrémentée  de  jeux  de  mots  et  de  souhaits  légèrement  insolents.  Nous  n'a- 
vons pas  pensé  qu'ils  valaient  une  traduction.  Qalqasandi  llii-mème  s'est  rendu 
couqne  (voir  les  lignes  suivantes)  que  ce  «  do'à'  »,  primitivement  destiné  à  quelque 
roitelet  qu'on  n'avait  pas  intérêt  à  ménager,  n'est  pas  à  sa  place  ici. 


174        .  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

£;aliya  (1)  et  des  Amlâhiya  (2),  suzerain  du  pays  des  Russes  (3) 
et  des  Alains,  protecteur  de  la  croyance  des  Géorgiens  (4)  et 
des  Syriens  (5),  héritier  d'une  longue  suite  de  rois,  maître  des 
forteresses,  des  mers  et  des  détroits,  Ducas  l'Ange,  Cominène, 
Paléologue  (6),  ami  des  rois  et  des  sultans!  » 

Suivent  les  vœux  [ainsi  que  la  formule]  :  «  Cette  missive  est 
adressée  à  Sa  Majesté  pour  la  remercier  de  son  amitié,  lui  ex- 
poser ce  sujet  (7)  et  le  porter  à  sa  glorieuse  connaissance.  » 

J'ai  vu  dans  les  archives  que  la  finale  est  ainsi  conçue  : 
<■<  Voilà  ce  que  nous  avons  voulu  lui  faire  savoir.  Que  Dieu  pro- 
longe son  existence  !  » 

D'après  l'auteur  du  Tatqîf,  le  titre  officiel  est  :  souverain  de 


(1)  Corruption  dp  Biilgaros  ou  di;"  BapaYyoi  (??),  Yarègucs,  troupos  auxiliairos  à 
Byzance  coinmo  l'étaiont  aussi  los  Bo-jXyaooi  (cfr.  Archives  de  rOrienl  lalin,  I,  097) 
ou  Boûpyapot.  Ctr,  Revue  oyicntale  (l(^  Buda-Pestli,  IV,  ^47,  359-301.  Plus  vraisem- 
blablement il  est  question  de  ces  derniers. 

(2)  Ce  sont  les  habitants  de  VAnovlachie  ou  V'alachle  supérieure  comme  l'ap- 
pellent les  auteurs  byzantins;  ils  occupaient  les  n'gions  du  Pinde.  Unis  aux  N'a- 
laques  du  Balkan,  ils  fondèrent  un  état  dont  les  souverains  prenaient  le  titre  de 
roi  des  Bulgares  (probablement  nos  BuryùUya)  et  des  Valaques.  Ils  succombèrent 
sous  les  coups  des  Grecs  de  Salonique  et  de  Byzance  (1269).  La  pi-incipauté  va- 
laque  de  l'Anovlachio  continua  pourtant  à  subsister,  vassale  en  titre,  en  fait  in- 
dépendante. Cfr.  V.  Bérard,  La  Turquie  et  l'IieUcnisme  roniemporain,  245.  Nous 
avons  là  sans  doute  l'explication  du  titr(^  de  c  roi  des  Borgaliya  (>t  des  Amlâhiya  » 
donne''  au  souverain  de  Byzance. 

(3)  Les  Pwç  sont  aussi  mentionnés  parmi  les  mercenaires  de  Byzance;  ou  bien 
cette  dernière  revendiquait-elle  la  suzeraineté  de  la  Moscovie? 

(4)  La  mention  des  Géorgiens  est  assez  étrange,  encore  plus  ce  qu'on  lit  IV,  154 
de  Qalqasandi,  où  leur  souverain  est  appelé  «  descendant  des  i-ois  grecs,  parti- 
sans du  Papc~de  Rome  ».  Dans  le  Ta'rif  (p.  52)  les  Géorgiens  ne  sont  pas  men- 
tionnés. Ils  devaient  pourtant  être  bien  connus  au  Caire  par  suite  de  leurs  im- 
portantes colonies  de  Palestine.  Cfr.  ZJJPV,  XI,  259;  XII,  35. 

(.5)  Même  remarque  pour  les  Syriens  (les  Jacobites  évidemment),  à  moins  qu'il 
ne  s'agisse  des  ftlelkites  de  Syrie,  toujours  appelés  <•  Suriani  »  dans  les  monu- 
ments francs.  En  réalité  la  manie  du  saga'  a  joué  un  mauvais  tour  aux  nklac- 
teurs  égyptiens.  II  s'agissait  de  trouver  une  rime  à  Alains  et  ils  n'ont  imaginé 
rien  de  mieux  que  Syriens  (Soriân).  Autant  valait  reconnaît l'e  les  prétentions 
byzantines  sur  la  Syrie  et  cela  dans  une  correspondance  diplomatique  !  Pour  une 
fois  leur  .finesse  s'est  trouvée  en  défaut. 

(0)  En  arabe  il  y  a  :  le  Commène,  le  Paléologue.  Dans  le  dernier  foi-mulaire, 
cité  d'après  le  Tatqif,  l'auteur  de  cette  collection  parait  avoir  maladroitement 
combiné  les  titres  et  les  noms  des  différents  -souverains  grecs  avec  lesquels  la 
chancellerie  des  JMamlouks  avait  eu  à  traiter,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  Bli- 
chel  VIII  Paléologue,  lequel  prit  les  noms  de  Ducas,  VAnge,  Commène.  Cfr.  Saba- 
tier-Cohen,  Monnaies  byzantines,  II,  237,  238. 

(7)  Traduit  approximativement,  l'original  arabe  étant  corrompu  en  cet  endroit. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  175 

l'empire  grec.  11  ajoute  que  [dans  son  ensemble]  ce  protocole 
est  employé  par  les  écrivains  du  bureau  des  correspondances 
!  diplomatiques]  et  que  lui-même  s'en  est  servi.  Il  néglige  seu- 
lement de  citer  in  extenso  le  protocole  mentionné  d'après  le 
Ta'rîf  et  se  contente  d'y  renvoyer  ceux  que  cela  peut  intéresser.' 


[La  collection  de  Qalqasandî  atteste  l'existence  de  relations 
plutôt  amicales  entre  l'Egypte  et  les  Génois.  Ce  n'est  pas  sans 
étonnement  qu'en  ouvrant  ensuite  le  «  Tarih  Bairoùt  »,  on  y 
lit  la  série  de  leurs  attaques  armées  contre  la  côte  syrienne, 
pendant  le  courant  du  xiv''  et  les  premières  années  du  xv'  siè- 
cles. 

En  1333  des  galères  génoises  viennent  saisir  dans  le  port 
de  Beyrouth  une  caraque  catalane,  enlèvent  du  château  les 
enseignes  du  sultan  et  restent  pendant  deux  jours  maîtresses 
de  la  ville  (1). 

En  1382  une  escadre  génoise  s'empare  de  Saidà,  la  livre  au 
pillage,  emmène  quantité  de  barques  et  de  navires  à  Fama- 
gouste  \2),  puis  reparaît  devant  Beyrouth.  Elle  y  saisit  deux 
caraques  vénitiennes,  essaie  contre  la  ville  un  coup  de  main, 
lequel  échoue  devant  la  résistance  des  défenseurs  (3). 

En  1404  les  Génois  paraissent  de  nouveau  sur  la  côte  de 
Syrie.  Ils  s'emparent  de  la  Marine  de  Tripoli.  Leur  escadre, 
reprenant  la  mer,  arrive  en  vue  de  Beyrouth.  La  population 
affolée  prend  la  fuite  et  pendant  plusieurs  heures  les  Génois  li- 
vrent la  ville  au  pillage.  Ils  se  retirent  avant  le  soir,  cinglent 
dans  la  direction  de  Saidà,  débarquent  près  de  la  ville,  s'y  heur- 
tent aux  renforts  accourus  de  Damas,  et  vont  partager  leur 
butin  à  Famagouste,  leur  quartier  général  dans  la  Méditerranée 
orientale  (4). 

Il  ne  serait  pas  difficile  d'allonger  la  liste  de  ces  actes  d'hos- 
tilité. Il  paraît  moins  aisé  de  trouver  l'explication  de  l'attitude 
adoptée  par  notre  auteur.  Affectait-on  en  Egypte  de  considérer 

(1)  «  Tarih  Bairoùt  »,  138,  140,  1G7. 

(2)  Leur  centre  clans  la  Méditerranée  orientale. 

(3)  Ibkl.,  53-55,  229-230. 

(4)  Ibid.,  56-58. 


176  REVUE    DE   l'orient   CHRÉTIEN. 

ces  attaques  comme  des  faits  isolés  de  piraterie?  Comment  ne 
pas  reconnaître  la  complicité  des  autorités  génoises  dans  l'or- 
ganisation de  ces  puissantes  croisières,  pourvues  d'artillerie, 
de  troupes  de  débarquement  et  de  cavalerie?  Si  la  chancellerie 
du  Caire  a  fait  ces  considérations,  elles  n'ont  pas  laissé  de 
traces  dans  le  Sobh  al-A'sà  pas  plus  dans  la  section  consacrée 
par  Qalqasandî  à  «  la  correspondance  avec  les  régents  de  Gênes  », 
que  dans  la  supplique  adressée  en  1411  (1)  par  les  Génois  de 
Famagouste  au  gouvernement  égyptien  et  dont  on  verra  le 
texte  plus  loin. 

Remarquons  aussi  que  dès  le  xiv°  siècle,  Gênes  avait  obtenu 
rautorisation  d'établir  à  Jérusalem  un  consul,  ayant  juridic- 
tion sur  tous  les  Occidentaux  en  résidence  en  cette  ville  et 
sur  les  pèlerins,  un  véritable  protectorat!  En  1403  les  chevaliers 
de  Rhodes  reçurent  également  licence  (2)  d'établir  un  consulat 
à  Jérusalem  (3),  et  Venise  en  1415  (4).  Les  mamlouks  furent 
aises  de  limiter  par  ces  concessions  postérieures  l'ampleur  du 
privilège  génois]. 


II.  —  CORRESPONDANCE  AVEC  LES  REGENTS  DE  GENES. 

Ils  sont  plusieurs,  différents  en  dignité,  à  savoir  :  le  Podes- 
tat, le  Capitaine  et  les  Sénateurs.  D'après  le  Tatqîf  on  emploie 
le  format  in-quarto  et  le  protocole  sui^'ant  : 

«  Cette  correspondance  est  adressée  à  leurs  Excellences,  le 
Podestat,  le  Capitaine,  très  hauts,  très  puissants,  très  respectés 
Seigneurs  N...  N...,  ainsi  qu'aux  augustes  sénateurs,  formant 
le  conseil  de  la  commune  (5)  de  Gênes,  gloires  de  la  nation  du 
Messie,  illustrations  de  la  religion  du  Christ,  amis  des  rois  et 
des  sultans.  Dieu  leur  montre  le  droit  chemin  (6),  couronne  leurs 
entreprises  de  succès  et  inspire  leurs  conseils  !  » 


(1)  Quelques  années  donc  après  l'aUaque  de  1404,  que  Qalqasandî,  mort  en  1418, 
n'a  pu  ignorer. 

(2)  En  usèrent-ils"? 

(3)  ROL,  IV,  "239  et  Flandin,  Hht.  des  chevaliers  de  Rhodes,  158. 

(4)  Fr,  Rey,  La  proleciion  diplomatique,  59,  60. 

(5)  Kommoùn  dans  le  texte  arabe  ;  ailleurs  Qalqasandi  orthographie   Qoûmoûn. 
(G)  Cela  veut  dire  :  les  amène  à  la  connaissance  de  lïslam  ! 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  177 

Suivent  leurs  noms  N...  N...  et  la  qualification  de  régents 
de  Gènes  (1). 

Le  Tatqîf  ajoute  :  Voici  la  situation  au  commencement  de 
Tannée  767  (1365  de  J.-C).  On  a  cessé  de  s'adresser  au  Podes- 
tat et  au  Capitaine,  ces  derniers  ayant  été  remplacés  par  le 
Doge.  [On  écrira  donc]  de  la  manière  suivante  :  «  Cette  corres- 
pondance est  adressée  au  Doge  très  haut,  très  puissant,  très  res- 
pecté Seigneur  N...  et  aux  Sénateurs...  »  Le  reste  comme  plus 
haut. 

Remarque  :  Le  Tatqîf  écrit  [doge]  avec  un  dâl,  un  wâw  et 
un  ^Im.  On  remplace  d'ordinaire  cette  dernière  lettre  par  un 
Kâf,  comme  nous  le  dirons  quelques  lignes  plus  loin  à  propos 
du  régent  de  Venise.  Il  faut  observer  également  que  le  Tatqîf 
mentionne  comme  relevant  du  doge  de  Gênes  un  commandant 
des  galères  de  Chypre  ou  plus  exactement  de  Famagouste  (2). 
Au  mois  de  Ramadan  on  lui  adressa  sur  [papier  de]  format  or- 
dinaire (3)  une  réponse  ainsi  conçue  :  «  Nous  accusons  réception 
de  la  lettre  du  respectable  Seigneur,  le  vaillant  capitaine  N..., 
gloire  de  la  religion  chrétienne,  grand  parmi  les  sectateurs  de 
la  Croix,  favori  des  rois  et  des  sultans!  «  Suivent  les  vœux  et 
le  titre  :  commandant  des  galères  génoises  à  Chypre. 


m.  —  CORRESPONDANCE  AVEC  LE  REGENT  DE  VENISE. 

On  lit  dans  le  Tatqîf  :  Voici  Te  protocole  observé  lorsqu'on  lui 
a  répondu  au  mois  de  Ragab,  Fan  767  (126^  de  .J.-C).  Il  s'ap- 
pelait alors  Marc  CoiHado  (4)  ;  on  se  servit  du  format  in-quarto. 

<(  Nous  avons  reçu  la  lettre  du  très  haut,  très  puissant,  très 
honoré  Doge,  Marc  Coriado,  gloire  de  la  nation  du  Messie, 
splendeur  des  sectateurs  de  la  Croix,   Doge  de  Venise  et   de 


(1)  Sur  les  relations  entre  Gènes  et  les  sultans  uiamlouks  voir  aussi  Weil,  Ge- 
schichte,  I,  153,  164,  513. 

(2)  Les  Génois  se  maintinrent  à  Famagouste  de  1373  à  14(34.  »  L'autorité  su- 
prême était  exercée  par  un  capitaneus  dont  l'importance  et  le  l'aste  étaient 
grands.  »  Schlumberger,  .Xumisma ligue  de  l'OrietU  latin,  -210.  Voir  aussi  «  Tarih 
Bairoùt  »  de  Yahià  b.   Sàlih,  54,  55. 

(3)  Voir  les  détails  fournis  dans  notre  introduction. 

(4)  Il  faut  lire  3Iarc  Cornaro,  doge  de  1365-1367. 


178  , REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Dalmatie  (1),  doge  de  Croatie,  [soutien  de  la]  religion  des  fils 
du  baptême  (2),  ami  des  rois  et  des  sultans.  » 

Suivent  les  vœux  et  le  titre  :  régent  de  Venise. 

Puis  le  Tatqîf  mentionne  d'après  un  manuscrit  du  qadî  Nâ- 
slr  ad-dîn,  fils  d'An-Nisài  (3),  la  réponse  faite  au  doge  de  Ve- 
nise :  «  Nous  avons  reçu  la  lettre  du  doge  très  haut,  très  puis- 
sant, très  honoré,  lion  magnanime,  vaillant,  considéré,  gloire 
de  la  religion  chrétienne,  illustration  de  la  nation  de  Jésus, 
soutien  des  fils  du  baptême,  aide  du  pape  de  Rome,  ami  des 
rois  et  des  sultans,  duc  des  Vénitiens  (4)  et  de  Croatie  (5),  des 
chefs  et  des  Constantinopolitains  (6).  » 

Le  Tatqîf  ne  mentionne  ni  le  titre  ni  le  format  à  employer. 

Ce  recueil  transcrit  d'après  la  même  source  (7)  le  protocole 

(1)  Le  ms.  a  «  Walmàsia  »,  évidemment  pour  <■  Dàlmàsia  ■•,  grapliies entre  les- 
quelles la  confusion  est  facile  en  arabe. 

(2)  Tout  ce  paragraphe,  relatif  à  Venise,  a  été  très  maltraité  par  les  co- 
pistes. Pour  la  restitution  de  ce  passage  voir  la  note  du  texte  arabe.  Comme  les 
doges  de  Venise  prenaient  aussi  le  titre  de  dux  Croatiae,  nous  croyons  retrouver 
ce  dernier  nom  dans  le  groupe  arabe  «  Kràd  ».  Ensuite  le  copiste  aura  sauté  un 
mot,  probablement  «  'imàd  »,  soutien,  terminé  par  les  mêmes  lettres  que  le 
terme  précédent.  On  a  déjà  signalé  la  fréquence  des  erreurs  par  répclition  dans 
les  mss.  arabes;  on  aurait  pu  y  ajouter  celles  par  ressemblance,  surtout  dans  les 
documents  comme  ceux  que  nous  traduisons,  fai'cis  de  noms  [tropres  ('trangers 
et  de  titres  fastidieux. 

Le  document  suivant  justifie  notre  correction  et  contient  en  substance  les  titres 
énumérés  par  le  Tatqîf.  C'est  la  traduction  latine  d'un  traité  entre  Venise  et  l'é- 
mir de  Safad  (Galilée)  en  1304  :  «  Alto  et  potenti  et  excelso  domino  gubei-natori, 
justitie  Dei  in  terra  manutentori,  Dei  gratia,  duci  honorabilis  civitatis  Venetie, 
Dalmatie  atque  Chroacie,  domino  quarte  partis  et  dimidie  totius  Imperii  Ro- 
mani, amico  dilecto  sanctiPape  de  Romaet  omnium  regum  Ponentis,  victorioso 
super  omnes  inimicos  vestros,  ensi  legis  Christi  ;  manutentori  christianorum, 
rolumpne'  omnium  baptizatorum,  laudi  et  glorie  omnium  illorum  qui  adorant 
crucem  ;  et  rogamus  Deum  quod  ipso  tribuat  vobis  gaudium  completum  sicut 
vestrum  cor  desiderat  etc..  «  Archives  de  V Orient  latin,  I,  406.  La  version  d'une 
lettre  du  17  sept.  1415  (contemporaine  par  conséquent  de  Qalqasandi  et  peut-être 
rédigée  iiar  lui)  contient  également  les  titres  de  <•  doxe  dé  Venitiani,  Crohatie, 
Dalmatie Qi  Romanie  ».  ROL,  IV,  551-552. 

Le  texte  arabe  portait  probablement  'imûd,  soutien;  le  traducteur  aui'a  lu 
'amoûd,  <■  colonne  »;  les  deux  graphies  ne  se  différencient  en  arabe  que  par  une 
seule  lettre. 

(3)  Sur  ce  personnage,  cfr.  Qalqasandi,  II.  1117,  1.  3. 

(4)  En  arabe  «  doùq  al-Banàdiqa  »,  probablement  traduction  du  titre  latin  : 
dux  Venetiarum  :  on  aura  voulu  rendre  la  forme  du  pluriel. 

(5)  Le  ms.  porte  ici  :  «  wa  Dariàqa  »;  est-ce  une  altération  de  Dyrrac/iium? 

(6)  La  colonie  vénitienne  de  Constantinople  avait  son  organisation  propre  et 
une  importance  considérable.  Est-ce  à  eux  que  le  texte  arabe  fait  allusion? 

(7)  C'est-à-dire  Nàsir  ad-dîn.    . 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  179 

suivant,  comme  usité  avec  le  doge  de  Venise  :  «  Cette  lettre 
est  adressée  au  Seigneur  vénérable,  respecté  et  magnifique,  le 
vaillant  héros  N...,  gloire  de  la  nation  chrétienne,  splendeur 
du  peuple  de  Jésus,  soutien  des  fils  de  la  Croix,  ami  des  rois 
et  des  sultans.  » 

Voilà,  continue  le  Tatqif,  ce  que  j'ai  trouvé  (1)  sans  mention 
de  titre  ni  de  format.  Puis  il  ajoute  sans  autre  explication  :  ce 
n'est  prol)aI)lement  pas  le  même  personnage  (2). 

J'observerai  [de  mon  côté]  (3)  :  De  tout  ce  qui  précède  il  suit 
que  le  doge  n'a  rien  de  commun  avec  le  roi.  Dans  le  premier  et 
le  second  exemples  [cités  plus  haut]  le  protocole  est  sensible- 
ment le  même  (4),  contrairement  au  troisième,  qui  indique  un 
rang  inférieur.  On  a  vu  précédemment  au  traité  des  Routes  et 
royaumes,  paragraphe  relatif  à  Venise,  d'après  Ibn  Sa'îd  (5), 
que  le  souverain  de  cette  ville  se  nomme  le  Doge.  Voilà  ce  qu'il 
fallait  consigner  ici.  Si  le  Doge  est  vraiment  un  monarque,  la 
différence  des  protocoles  provient  de  la  différence  des  circons- 
tances, de  l'ignorance  des  écrivains  ou  de  leur  négligence  à 
s'informer  de  la  dignité  des  destinataires,  ainsi  que  de  la  mul- 
titude des  affaires  qui  surviennent,  comme  on  le  conçoit  aisé- 
ment (6). 

IV.  —  AU  PRINCE  DE  SINOPE,  [sUR  LA  CÔTE  .MARITIME  DU  PAYS 
DE  ROUM  (7),  AVANT  LA  PRISE  DE  CETTE  PLACE  PAR  LES  TUR- 
COMANS]   (8). 

On  lit  dans  le  Ta'rîf  :  Sinope  est  située  sur  le  golfe  de  Cons- 

(I)  Dans  les  archives  du  Caire  ou  clans  les  recueils  antérieurs. 

{■l)  C'est  également  notre  opinion  et  celle  de  Qalqasandî,  comme  il  le  montrera 
dans  les  ligues  suivantes.  11  s'agit  probablement  d'une  lettre  adressée  à  quelque 
fonctionnaire  subalterne,  gouverneur  d'une  des  nombreuses  colonies  vénitiennes 
dans  la  Méditerranée  orientale. 

(3)  La  remarque  est  de  Qalqasandi. 

(4)  C'est-à-dire  :  conviennent  à  un  personnage  de  sang  roj'al  ou  souverain. 

(5)  Historien-géographe,  connu  surtout  par  l'usage  qu'en  a  fait  Aboù'lfidà. 
Cfr.  Wûstenfeld,  GeschiclUschreiber  der  Ayaber,  n°  353. 

(6)  Pour  la  protection  des  Lieux  saints,  telle  que  l'entendit  Venise  jusqu'au 
xvu'  siècle,  voir  Fr.  Rey,  La  protection  diplomatique,  324  etc. 

(7)  C'est  la  Romanie  des  Croisés,  la  Pw[iavta  des  Byzantins,  l'Asie  Mineure 
actuelle. 

(8)  Comme  c'était  le  cas  du  temps  de  Qalqasandi. 


180  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

tantinople  (1  ).  Son  souverain,  de  l'ancienne  maison  impériale,  est 
parent  de  rempereur  de  Constantinople.  Son  père,  dit-on,  appar- 
tiendrait même  à  une  dynastie  plus  ancienne  que  l'empereur 
actuel.  Mais  ses  possessions  sont  peu  étendues  et  ses  ressources 
limitées.  Dans  ses  guerres  avec  les  émirs  turcs  il  a  d'ordinaire 
le  dessous.  D'après  le  Ta  rif  on  use  avec  lui  du  protocole  em- 
ployé dans  les  correspondances  avec  le  souverain  cfe  Sis  (2)  : 
u  Cette  lettre  est  adressée...  »  etc. 

[Toujours  le  même  formulaire,  plus  des  jeux  de  mots  sur  le 
sens  arabe  de  Sinope  (3).  Inutile  de  les  traduire]. 


V.  — AU  PRINCE  DES  BULGARES  ET  DES  SERBES. 

De  ce  que  nous  avons  dit  précédemment  (1),  en  parlant  d'après 
le  Ta'rif,  des  correspondances  avec  les  princes  musulmans  du 
Septentrion,  il  ressort  que  le  souverain  de  cette  contrée  est  mu- 
sulman. Voilà  pourquoi  nous  avons  indiqué  au  même  endroit  le 
protocole  d'usage,  le  seul  mentionné  par  le  Ta'rîf. 

D'après  d'autres  renseignements,  consignés  plus  haut  et  em- 
pruntés au  «  Masàlik  al-absàr  (5)  »,  cette  région  est  tombée  au 
pouvoir  de  princes  chrétiens.  C'est  la  version  du  Tatqif,  adoptée 
par  nous. 

Selon  le  Tatqîf,  lequel  donne  comme  garant  Ibn  Nasàï,  le  for- 
mat d'usage  est  l'in-quarto  et  le  protocole  comme  suit  : 

«  Dieu  prolonge  l'existence  de  Sa  Majesté,  le  roi  vénérable, 
honoré,  respecté,  héros  vaillant,  Ducas  Ange  Commène  (6), 
N...,  soutien  du  christianisme,  roi  des  Serbes  et  des  Bulgares, 
honneur  de  la  nation  de  Jésus,  espoir  du  peuple  chrétien,  héros 
des  mers,  protecteur  des  forteresses  et  des  places  frontières.  » 


(1)  Appellation  étondue  par  abus  à  la  mer  Noire. 

(2)  C'est-à-dire  de  la  Petite  Arménie,  capitale  Sis. 
(o)  Rattaché  au  verbe  arabe  nâb,yanoub. 

(4)  Vol.  IV,  153  de  notre  mss.  —  Qalqasandi  confond  ici  les  Bulgares  musulmans 
du  Volga  avec  les  Bulgares  chrétiens  des  Balkans.  Sur  les  relations  entre  Bulgares 
et  Mamiouks,  cfr.  Weil,  44,  153. 

(5)  Ouvrage  de  l'auteur  du  Ta'rif.  Le  titre  complet  est  «  Jlasàlik  al-absar  fi  ahbàr 
moloûk  al-amsàr  ». 

(6)  C'est  la  leçon  du  texte  arabe.  Nous  ne  pouvons  nous  charger  de  la  justi- 
lier. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  181 

Suivent  des  vœux  et  la  formule  :  «  Cette  lettre  est  adressée...  » 
Son  titre  est  :  souverain  des  Bulgares. 

Remarque.  Le  Tatqîf,  après  avoir  mentionné  d'après  Ibn 
Nasàî  (1)  ce  même  protocole  en  usage  avec  le  souverain  des 
Serbes  et  des  Bulgares,  ajoute,  toujours  d'après  le  même  auteur: 
Pour  le  prince  de  Serbie  le  format  est  l'in-quarto,  comme  avec 
le  souverain  de  Sîs  (2).  On  emploiera  également  le  protocole 
suivi  à  l'égard  de  ce  dernier  :  «  Cette  lettre  est  adressée  à  Sa 
Majesté  le  roi  vénérable,  honoré,  puissant,  vaillant  et  sage, 
N...,  gloire  de  la  religion  chrétienne,  grand  parmi  les  secta- 
teurs de  la  croix,  soutien  des  enfants  du  baptême,  anu  des  rois 
et  des  sultans,  Dieu  perpétue  son  autorité  et  conserve  son  exis- 
tence! Nous  lui  faisons  savoir  que...  »  Le  titre  :  prince  de 
Serbie. 

Le  Tatqîf  continue  :  J'ignore  si  ces  dignités  sont  réunies  ou 
bien  réparties  entre  deux  titulaires.  Dans  ce  dernier  cas  il  eût 
fallu  mentionner  à  part  les  correspondances  adressées  au 
prince  de  Bulgarie,  comme  on  l'avait  fait  pour  celui  de  Serbie. 

J'ajouterai  que  l'une  ou  l'autre  supposition  est  possible;  les 
deux  dignités  ont  pu  se  trouver  réunies  et  l'on  aura  mis  à  la 
suite  un  des  deux  titres,  en  se  dispensant  de  mentionner  l'autre 
ou  en  s'adressant  spécialement  au  prince  de  Serbie,  tout  en 
observant  pour  le  format  les  mêmes  prescriptions  que  si  les 
deux  titres  s'étaient  trouvés  réunis.  Il  ne  s'ensuit  pas  pourtant 
qu'on  ait  écrit  séparément  au  prince  de  Bulgarie,  le  contraire 
demeurant  probable.  Enfin  c'est  une  question  où  l'on  doit  s'en 
rapporter  à  la  tradition  (3). 


VI.  —  AU  SOUVERAIN  (4)  DE   RHODES. 

On  lit  dans  le  Ta'rîf  :  c'est  une  île,  faisant  face  au  pays  de 
Roùm  (5).  Les  habitants  exercent  la  profession  de  corsaires.  Si 

(1)  Un  vizir  Dià  ad-din  an-Nisài  ost  inentionné  par  Ibn  Aj'às,  I,  150.  Ce  n'est 
pas  le  nôtre,  appelé  Nàsir  ad-din. 

(i)  En  Cilicie,  capitale  du  royaume  de  la  Petite  Arménie. 

(3)  Dans  tout  cet  alinéa  le  style  de  notre  auteur  est  compliqué  et  manque  de 
clarté;  remarque  générale  que  nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  produire. 

(l)  En  arabe  il  y  a  malik,  «  roi  ». 

(y)  Asie  Mineure. 


182  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

un  musulman  tombe  entre  leurs  mains,  ils  le  dépouillent  et  se 
contentent  de  le  réduire  en  esclavage  (1).  Si  c'est  un  Franc,  ils 
le  tuent  après  l'avoir  dépouillé  (2). 

Le  protocole  est  celui  dont  on  fait  usage  avec  le  souverain  de 
Sîs,  on  supprime  seulement  la  qualification  d'ami  du  pape  de 
Rome  (3);  on  abrège  également  certaines  autres  qualifications 
honorifiques,  car  il  est  d'un  rang  inférieur.  On  lui  écrira  donc 
comme  suit  : 

«  Cette  correspondance  est  adressée  au  prince  magnanime,  au  " 
héros  vaillant  N...,  épéedes  sectateurs  du  Messie,  ressource  de 
la  chrétienté,  ami  des  rois  et  des  sultans  »,  ou  d'autres  formules 
analogues. 

Remarque  :  Dans  le  Tarif  la  qualification  d'ami  du  Pontife 
romain  n'est  pas  mentionnée  parmi  les  titres  du  souverain  de 
Sîs  (4). 

[Suivent  deux  «  do  Vf  »,  empruntés  au  Ta'rîf  ;  la  menace  y 
est  à  peine  déguisée  et  témoigne,  selon  nous, de  la  terreur, 
causée  aux  musulmans  par  les  croisières  des  Hospitaliers,  les- 
quels ne  sont  pourtant  pas  nommés]. 


VII.   —   AU    PRINCE    DE    l'ILE    DU    MASTIC  (5). 

C'est,  dit  le  Ta'rîf,  une  petite  île,  peu  éloignée  d'Alexandrie 
[sic).  Le  prince  est  pauvre  en  hommes  et  en  ressources.  Son 

(1)  Voir  les  vai'iantes  du  toxto  arabe. 

(2)  Ces  d(Hails  du  Ta'rîf  ne  peuvent  convenir  qu'à  la  Rhodes  antérieurement  à 
l'établissement  des  Hospitaliers.  L'île  fut  alors  occupée  par  des  aventuriers  gréco- 
byzantins,  hostiles  en  général  aux  Latins  et  se  livrant  à  la  piraterie.  Cfr.  Numis- 
malique  de  l'Orient  chrétien,  215-217.  11  est  surprenant  que  ce  paragraphe  ne  fasse 
pas  explicitement  mention  des  Hospitaliers.  Ils  entretenaient  pourtant  des  rela- 
tions régulières  avec  les  sultans  d'Egypte,  dans  les  états  desquels  ils  avaient 
obtenu  de  se  faire  représenter  par  trois  consuls  :  un  à  Ramleh,  un  à  Jérusalem, 
un  troisième  à  Damiette. 

(3)  Blême  remarque  que  dans  la  note  ])récédente  :  il  ne  peut  s'agir  du  grand 
maître  de  l'Hôpital. 

(4)  Allusion  à  une  époque  antérieure  à  l'union  des  Arméniens  avec  Rome. 

(5)  C'est  l'île  de  Chio.  Cfr.  Aboù'lfidà,  189.  Dans  la  citation  du  Ta'rîf,  il  y  a  con- 
fusion évidente  avec  une  autre  île  de  la  Bléditerranée  orientale,  difficile  à  dé- 
terminer. Idrisî  (éd.Jaubert,  II,  127)  parle  aussi  du  mastic  récolté  à  Samos,  mais 
il  la  décrit  comme  une  «  île  considérable,  peuph'e  et  boisée  ...  Voir  aussi  Di- 
masqî,  182,  188  (trad.  française). 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  183 

pays  éprouvé  par  la  sécheresse  est  impropre  à  la  culture  comme 
à  l'élevage  des  troupeaux  ;  elle  produit  seulement  le  mastic  (1). 
On  en  fait  une  grande  exportation,  ce  qui  y  attire  les  vais- 
seaux. Le  prince  se  montre  serviable  pour  nos  envoyés  qui 
relâchent  dans  l'île;  il  les  pourvoit  du  nécessaire  et  leur  donne 
toutes  les  facilités  à  l'aller  et  au  retour. 

Le  protocole  est  celui  usité  avec  le  prince  de  Rhodes,  men- 
tionné plus  haut,  à  savoir  :  «  Cette  correspondance  est  adressée 
au  seigneur  magnanime  j>  etc.  Voici  d'après  le  Ta'rîf  les  vœux 
qui  lui  conviennent  :  «  Dieu  l'amène  à  son  obéissance  et  lui 
permette  dans  la  mesure  de  son  pouvoir  de  mettre  à  exécution 
ses  desseins  amicaux !  » 

[Suivent  d'autres  «  do'à  »  dans  ce  genre  et  ne  sortant  pas  de 
la  banalité  habituelle!. 


VIII.    —   AU    ROI    DE    CHYPRE. 

On  l'appelle  en  réalité  maître  (2)  de  Chypre,  cette  île,  con- 
quise d'abord  par  les  musulmans,  étant  tombée  au  pouvoir  des 
chrétiens  qui  la  gouvernent.  [Pour  cette  raison]  celui  qui  la  dé- 
tient est  qualifié  de  maître  et  non  de  roi.  Le  Tatqîf  observe  d'a- 
près le  qâdîNàsirad-dînNan-isàî,  qu'en  s'adressant  à  ce  person- 
nage on  l'appelle  maître  de  Chypre;  il  n'ajoute  aucun  autre 
détail.  Il  faudra  donc  lui  écrire  comme  il  est  d'usage  de  le 


(1)  Sur  co  commerce  cfr.  Sclilnmberger,  Principaulés  /'ram/ues  du  Levant  d'a- 
près la  nuniismaLique,  109,  et  Numismatique  de  l'Orient  latin,  408;  Hoyd,  H'ist.  du 
commerce  du  Levant,  II,  G33.  Le  mastic  est  une  résine,  qui  découle  d'incisions 
faites  au  terebinthus  lentiscus  L.  «  Le  mastic  est  de  quelque  usage  en  médecine 
où  on  l'emploie  particulièrement  pour  apaiser  les  maux  de  dents.  On  s'en  sert 
aussi  dans  la  composition  du  vernis  et  les  orfèvres  en  mêlent  avec  la  térében- 
thine et  du  noir  d'ivoire  qu'ils  mettent  sous  les  diamants  poui-  leur  donner  de 
l'éclat  »  (Savary  de  Brusions,  Dictionnaire  universel  du  commerce,  Paris,  1723, 
3  vol.  in-4°). 

(i)  Motamallik,  celui  qui  agit  en  roi;  souverain  de  fait,  non  de  droit;  ce  der- 
nier s'appelle  malik.  La  chancellerie  du  Caire  se  complaît  dans  ces  distinctions 
l^yzantines.  Le  Zoubdat  (p.  G7)  mentionne  parmi  les  titres  des  sultans  d'Egypte 
celui  de  «  suzerain  des  îles  chypriotes  «;  ce  titre  ne  date,  croyons-nous,  que  de 
l'expédition  de  1426,  qui  rendit  Chypre  tributaire  de  l'Egypte.  Voirie  détail  dans 
Zoubdat  Kaifal-mumàlik  (éd.  Ravaisse),  138,  m). 

oun:Nï  CHRiiriuN.  13 


184  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

faire  au  souverain  (1)  de  Sis,  en  employant  le  format  ordinaire  (2). 

«  Cette  lettre  est  adressée  à  Sa  Majesté,  le  roi  magnanime, 
vénéré,  respecté,  sage  et  vaillant,  N...,  honneur  du  culte  chré- 
tien, grand  dans  la  religion  de  la  croix,  soutien  des  fils  du  bap- 
tême, ami  des  rois  et  des  sultans.  Dieu  perpétue  son  bonheur  et 
protège  son  existence!  »  Comme  titre  :  maître  de  Chypre. 

L'auteur  du  Tatqîf  ajoute  :  A  part  ces  détails,  je  n'ai  pu 
découvrir  qu'on  ait  ouvert  directement  des  correspondances 
avec  lui  ni  qu'on  lui  ait  répondu.  Seulement  à  la  conclusion  de 
la  paix  en  l'année  762  (3),  on  lui  a  écrit  de  la  part  (4)  de  l'émir 
Algaï  al-yousofî  (5),  pendant  que  ce  dernier  était  atabec  des 
troupes  du  Sultan  (6). 


[Le  titre  du  paragraphe  suivant  est  fort  curieux.  Quel  est  ce 
roi  de  Montferrat?  On  pense  immédiatement  au  royaume  latin 
deTliessalonique,  fondé  par  Boniface  de  Montferrat  (1204-1207). 
Seulement  cet  état  n'existait  plus  en  733  de  l'hégire  (1332  de 
J.-C).  Pourquoi  au  lieu  du  titre  de  roi  de  Montferrat,  qui  n'a 
jamais  été  porté,  n'est-il  pas  question  du  roi  deTliessalonique? 
Rappelons  ici  un  sceau,  publié  par  M.  Schlumberger.  Il  porte 
au  droit  le  marquis  de  Montferrat  avec  la  légende  Bonifatius 
marchio  Montisferrati,  au  revers  la  ville  de  Thessalonique 
avec  les  mots  Civitas  Tlièssalonicarani.  «  Boniface  n'y  ligure 
qu'avec  son  titre  de  marquis,  de  même  du  reste  que  dans  les 

(1)  Molamalllk.  Pour  les  con-espoudances  avec  les  souvei'aius  de  la  Potito-Ar- 
luénie  voir  notre  uiamiscr.  IV,  155-15?. 

(2)  Usité  seulement  avec  les  simples  j;ouvenieurs.  Comme  ou  le  voit,  la  chan- 
cellerie égyptienne  tenait  à  bouder  les  Lusignans  de  Chypre.  On  s'y  rappelait 
encore  la  prise  d'Ale.xandrie  par  Pierre  de  Lusignan  (octobre  13(35)  et  plus  ré- 
cemment les  ravages  exercés  en  1401  par  une  flotte  génoise  et  chypriote,  com- 
mandée par  le maréchal  de  Boucicaut,  sur  la  côte  de  Phénicie.  Beyrouth  fut  in- 
cendiée etc. 

(3)  1360  de  J.-C. 

(4)  Nouvelle  preuve  de  mauvaise  volonté  :  le  sultan  évite  d'entrer  directement 
en  relations  avec  les  Lusignans,  qu'on  allectait  de  considérer  comme  des  usur- 
pateurs. 

(5)  Sur  ce  personnage  mort  en  775  de  l'hégire  (1373  de  J.-C),  voir  Van  Ber- 
chem,  Corpus  Imcript.  arable,  291.  D'après  Van  Berchem,  il  fut  nommé  atabec 
seulement  en  704.  Notre  texte  obligerait  à  avancer  cette  date,  plus  conforme 
aussi  aux  données  de  jMaqrizî. 

(6)  Sur  ce  titre  cfr.  CIA,  "200. 


CORRESPONDANCKS    DIPLOMATIQUES.  185 

actes  qu'il  a  signés,  et  ne  s'intitule  point  roi  de  Salonique,  bien 
que  la  légende  et  le  type  du  revers  prouvent  avec  certitude  que 
le  sceau  a  bien  été  gravé  pour  la  souveraineté  orientale  du  fa- 
meux chef  croisé.  »  D'après  le  comte  Riant  il  faudrait  admettre 
(juc  Boniface  «  se  souciait  peu  du  titre  royal  de  Salonique...  que 
d'autre  part  Innocent  III,  qui  ne  pardonna  jamais  à  Boniface 
d'avoir  détourné  la  croisade  de  son  but  véritable,  s'est  obstiné 
de  son  côté  à  ne  jamais  reconnaître  ni  lui  ni  sa  femme,  ni  son 
fils  comme  roi.  L'aljsence  de  monnaies  et  de  sceaux  royaux,  qui 
pouvait  mal  s'expliquer  par  la  brièveté  ou  l'agitation  du  règne, 
s'expliquerait  bien  mieux  par  le  dédain  du  marquis  Boniface  » 
(Schlumberger,  Mélanges  d'archéologie  byzanline,  58,  59). 
Ce  titre  de  Montferrat,  on  le  comprend,  aurait  donc  été  le 
seul  sous  lequel  il  ait  été  vulgairement  connu  en  Orient,  lui  et 
son  royaume.  Il  faudrait  supposer  également  que  la  chancel- 
lerie du  Caire  a  alors  entretenu  des  relations  avec  lui  et  que 
les  scribes  des  âges  postérieurs,  conservateurs  inintelligents, 
ont  servilement  reproduit  dans  leurs  dépêches  ce  titre  de 
Montferrat  (I),  longtemps  même  après  que  Téphémère  dynastie 
franque  eut  cessé  de  régner  à  Salonique.  Nous  en  avons  vu 
de  nombreux  exemples  plus  haut.  Notre  document  apporterait 
ainsi  une  confirmation  assez  inattendue  à  Tingénieuse  explica- 
tion proposée  par  le  comte  Riant]. 

IX.    —    AU    ROI    UE    MONTFERRAT    (2). 

D'après  le  Tatqîf,  il  s'y  trouvait  un  lils  de  l'empereur  de  Cons- 
tantinople  (3).  Vers  733  (4)  on  lui  écrivit  en  ces  termes  : 

(1  )  Comme  celui  de  Lascaris  pour  les  empereurs  de  Constantinople.  Voir  plus  haut. 

(2)  Il  s'agit  du  royaume  latin  de  Salonique  dont  le  marquis  Boniface  de  Mont- 
ferrat fut  le  premier  titulaire  (1204-1207).  Blichel  l'Ange  Commène,  fils  naturel 
du  sébaslocralor  Jean  l'Ange,  parvint  à  se  rendre  maître  de  la  Thessalie,  de 
rÉpire  et  de  l'Étolie  qui  formèrent  VEmpire  de  Thessalonique.  Ce  Michel  l'Ange 
Commène  serait-il  «  le  lils  de  l'empereur  de  Constantinople  »  dont  parie  le  Ta'rif  ? 

f3)  Peut-être  Demetrius,  second  et  dernier  souverain  latin  de  Salonique  (1207- 
1222).  Il  était  fils  de  Boniface  de  Montferrat  et  de  Marguerite  de  Hongrie,  veuve 
d'Isaac  l'Ange,  empereur  de  Constantinople.  A  ce  titre  notre  auteur  l'appelle 
sans  doute  «  flls  de  l'empereur  de  Constantinople  ».  Il  pourrait  aussi  être  ques- 
tion de  Manuel,  fils  d'Isaac  l'Ange  et  de  Marguerite  de  Hongrie,  au  nom  duquel 
Boniface  feignit  pendant  quelque  temps  d'exercer  l'autorité.  Ce  jeune  prince  ne 
régna  jamais  et  mourut  en  Italie.  Niminmalique  de  l'Orient  latin,  279,  280. 

(4)  1332  de  J.-C.  Depuis  un  siècle  le  royaume  de  Salonique  avait  cessé  d'exister. 


186  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

«  Cette  lettre  est  adressée  à  Sa  Majesté  le  roi  magnanime  et 
vénéré,  le  héros  vaillant  N.,.,  gloire  du  christianisme,  hon- 
neur (le  la  religion  de  Jésus,  soutien  des  fils  du  baptême,  splen- 
deur des  deux  races,  grecque  et  franque  (1),  roi  de  Montferrat, 
héritier  de  la  couronne,  favori  du  Pape  (2)  Dieu  prolonge  son 
existence...!  »  [etc...]. 

Suivent  ses  titres...  etc.,  etc..  Le  Tatqîf  ajoute  :  Voilà  les 
renseignements  écrits  que  j'ai  pu  trouver  au  sujet  du  protocole 
à  observer;  mais  on  ne  lui  a  jamais  écrit  pendant  mon  secré- 
tariat (3).  J'ignore  également  son  adresse  et  le  format  à  em- 
ployer. A  ce  qu'il  me  semble,  on  use  du  format  ordinaire  et  du 
titre  :  roi  de  Montferrat. 


X.  —  A   LA    souveraine   DE  NAPLES. 

D'après  le  Tatqîf  elle  se  nommait  Jeanne  (4)  et  vers  la  fin  de 
773  (5)  on  lui  aurait  écrit  en  la  forme  suivante  :  «  Cette  lettre  est 
adressée  à  la  reine  N...  très  haute,  très  auguste,  très  puissante 
princesse,  savante  dans  son  culte,  équitable  dans  son  royaume, 
gloire  de  la  religion  chrétienne,  aide  des  disciples  de  Jésus, 
protectrice  des  frontières,  amie  des  rois  et  des  sultans.  «  Suivent 
des  vœux  contenant  ses  titres.  L'adresse  :  souveraine  de  Naples. 

Remarque  :  Si  le  royaume  est  gouverné  par  un  prince  il 
faudra  faire  usage  du  masculin  et  d'expressions  plus  relevées, 
à  cause  de  la  prééminence  du  sexe  fort  (6). 

(1)  Cette  remarque  conllrine  qu'il  s'agit  d'un  l'oyauiue  latin  de  Salonique,  au 
moins  dans  l'esprit  des  scribes  du  Caire. 

(:.')  Nouvelle   confirmation  et  nouvelle  confusion!  La  dynastie  des  Montlei'rat 
de  Salonique  s'éteignit  en  1222.  En  1232  l'empire  de  Thessalonique  fut  r('uni  à 
l'empire  de  Nicée.  Cfr.  Sal)atier-Cohen,  Monnaies  byMnlinca,  II,  2N(). 
1    (3)  Pai-la  raison  bien  simjile  que  cet  état  n'existait  i)lus. 

(4)  La  célèbre  .Jeanne  de  Naples. 

(5)  1371  de  J.-C;  .Jeanne  (*). 

(•)  Obtint  à  prix  d'or  du  Sultan  un  hospice  pour  les  Franciscains  en  1372.  Cfr. 
Golubovick,  Ichnographiee,  229,  et  Série  cronologica,  15-16. 

(G)  Textuel.  —  Robert  et  .sa  femme  Sanche,  souverains  de  Naples,  achetèrent 
au  commencement  du  xiv'  siècle  des  sultans  d'Egypte  la  possession  des  Saints 
Lieux.  Il  semble  que  les  longues  négociations  relatives  à  cette  affaire  n'auraient 
pas  laissé  de  traces  aux  archives  du  Caire.  Cfr.  Golubovich,  Ic/inograpJiise  locoriim 
(H  monmnenloriun  T.  S...  a  P.  Elzcariu  Boni,  Gl.  Le  sultan  Baibars  avait  égale- 
ment entret(>nu  des  relations  avec  Jlanfred  de  Sicile,  au(|uel  il  envoya  des  che- 
vaux tatares.  l'nitz,  Kvllini/fsclile/ile,  101. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  1S7 

Voilà  tous  les  princes  (1)  dont  les  correspondances  sunl  con- 
signées dans  le  Ta'rîf  et  le  Tatqif  (2).  Si  Ton  a  à  écrire  à  d'au- 
Ires  souverains  [de  cette  catégorie],  il  faudra  se  régler  sur  ce 
qui  précède. 

Le  Ta'rîf  mentionne  encore  le  consul  de  Kahâ  (3),  district 
relevant  de  Gênes,  et  ajoute  que  l'auguste  chancellerie  (4)  ne 
lui  a  jamais  écrit  (5).  Rien  d'étonnant  en  cela,  la  dignité  de 
consul  étant  trop  modeste  pour  qu'on  s'adresse  à  lui  au  nom 
du  sultan  (6). 


{A  suivre.) 

H.  Lammens,  s.  J. 


(i)  Dos  doiizo  eoiTOspondancos  annoncées  plus  haut,  Qalqasamli  n'en  a  donm'' 
que  onze  :  celle  adressée  au  roi  d(^  Bulgarie  et  de  Serbie  ptMit  se  dédoubler,  il 
est  vrai. 

(i)  Cela  conlirme  que  ces  deux  recueils  ont  été  les  principales,  sinon  les  seules 
sources  d'information   de  notre  auteur. 

(3)  Sans  doute  la  colonie  genoi.se  de  Caffa  en  Crimée  (ou  Kafà  comme  écrit 
correctement  Ibn  Batoûta)  gouvernée  par  un  consul.  Cfr.  Numismatique  de  l'O- 
rient latin,  455.  «  Elle  faisait  le  commerce  des  esclaves  pour  l'Égjpte  qui  l'ecru- 
tait  ses  mamlouks  parmi  les  jeunes  gens  de  race  tartare,  tcherkesse  ou  russe... 
La  métropole  tolérait  ce  scandale  pour  ne  pas  s'attirei-  l'inimitié  du  sultan 
d'Egypte.  »  Ibid.,  157. 

(4)  Du  Caire. 

(5)  Directement  et  au  nom  du  Sultan. 

(6)  La  mention  du  Ta'rîf  montre  qu'on  était  en  relations  a^•ec  ce  personnage. 
Seulement  les  lettres,  quoique  rédigées  à  la  chancellerie  du  Caire,  étaient  au 
nom  de  quelque  haut  fonctionnaire.  —  Comparez  à  cette  attitude  hautaine  celle 
de  la  cour  de  France  vis-à-vis  du  jn-ince  de  Monaco,  dans  la  question  des  droits 
levés  par  ce  seigneur  sur  les  navires  marseillais  fréquentant  son  port.  En  1629, 
les  consuls  de  Marseille  demandèrent  au  roi  d'intervenir.  La  cour  affecta  d'i- 
gnorer son  existence.  «  C'est  un  prince  à  qui  le  roi  n'a  jamais  écrit,  répond 
aux  consuls  leur  avocat  au  conseil,  et  qui  lui  est  nécessaire  de  savoir  en  quel 
pays  il  fait  sa  demeure  et  en  quel  lieu  il  empêche  les  sujets  au  roi,  il  vous  plaira 
donc  m'envoyer  mémoires  amples  sur  ce  sujet  »  (Lettre  du  30  août  1629,  .4 r- 
c/iives  communales  de  Marseille).  Pourtant  le  prince  de  Monaco  était  pair  de 
France!  Sur  toute  cette  affaire,  cfr.  P.  Masson,  ZTis^  du  commerce  français  dans 
le  Levant  au  XVII"  siècle,  p.  73,74. 


LE  DOGME  DE  L'IMMACULÉE  CONCEPTION 


ET 


LA  DOCTRINE  DE  L'ÉGLISE  GRECQUE 

{Suite)  (I) 


II 


LES    FIGURES    TVr'IQIES    DE    MARIE    DANS    L  ANCIEN    TESTAMENT. 

Dnns  rarticle  précédenl,  nous  avons  exaraiiK'  lestermes  dont 
se  sont  servis  les  Pères  e1  les  écrivains  ccrlésiastiques  pour 
indiquer  la  pureté  et  In  sainteté  de  Mai'ie,  et  cet  examen  a 
conduit  à  cette  conclusion,  que  renseignement  de  TÉglise  grec- 
que contient  tous  les  éléments  nécessaires  pour  alTiriner  l'exis- 
tence chez  elle  de  la  doctrine  de  l'Immaculée  Conception. 

L'argument  (2)  tiré  des  épithètes  mariologiques  n'est  pour- 
tant pas  le  seul  que  nous  offre  la  tradition  de  l'Eglise  grecque. 

Loin  de  là.  Qui  s'est  tant  soit  peu  fainiliarisi'  avec  ses  li\'res 
liturgiques  et  ses  écrits  patristiques,  renfermant  tous  les  deux 
(riiieomparables  richesses  doctrinales,  restera  stupéfait  d'y  ren- 
contrer à  chaque  instant  des  allusions,  et  plus  même,  des 
emprunts  entiers  et  fréquents  aux  livres  de  FAncien  Tes- 
tament. 

En  effet,  l'usage  que  les  Pères  et  les  écrivains  de  l'Église 
grecque  ont  fait  des  saintes  lettres,  peut  être  considéré  à  un 

(1)  Voy.  p.  1. 

(2)  Eli  nous  sei'vanf  du  terme  arf/umoil,  nous  ne  voulons  pas  entendre  par  là 
un  raisonnement  strictement  dit,  mais  un  éLmient  démonstratif  de  la  grande 
preuve  qu'est  la  tradition  écrite.  A  d'aucuns  le  développement  que  nous  avons 
donné  à  ce  sujet  semblera  peut-être  exagéré,  mais  il  était  nécessaire  pour  éta- 
blir les  bases  de  l'argumentution. 


LE    DOGME    DE    l/lMMACULÉE    COXCEPTION.  189 

triple  point  de  vue,  currespondant,  du  reste,  au  triple  sens  de 
la  sainte  Écriture  admis  de  fait  et  de  théorie  par  les  théolo- 
giens des  deux  Églises. 

Le  sens  de  la  sainte  Écriture  peut  être  littéral,  accumiunda- 
tice,  allégorique  ou  mystique,  c'est-à-dire  que  Ton  peut  prendre 
les  paroles  inspirées,  telles  qu'elles  sont,  selon  racception  ordi- 
naire que  leur  a  donnée  le  langage  humain;  on  peut  en  consi- 
dérer l'adaptation  à  d'autres  circonstances  de  personne  ou  de 
lieu  faite  par  voie  autorisée;  enlin,  le  commentateur  peut  envi- 
sager non  pas  ce  (lue  les  paroles  signifient  en  elles-mêmes, 
mais  d'autres  choses  encore  signifiées  de  par  l'intention  de 
l'auteur  inspiré  ou  l'inspirateur. 

Nous  verrons  plus  tard  les  passages  des  saintes  Éei'ilures  se 
rapportant  directement  ou  par  ac(^ommodement  au  mystère 
qui  nous  occupe. 

Tour  le  moment,  il  qous  faut  développer  le  sujet  indiqué  par 
le  titre  de  cet  article. 

Le  sens  allégorique  ou  mystique  est  ainsi  appelé,  non  pas 
qu'il  contienne  une  mé'taphore  ou  tout  autre  trope  de  ce  genre, 
mais  parce  que,  appliqué  aux  textes  de  l'Ancien  Testament, 
il  indique  un  fait  ou  une  personne  du  Nouveau  Testament.  La 
personne,  la  chose,  le  fait  donc  de  l'ancienne  Alliance,  servant 
à  représenter  un  objet  ou  un  fait  de  la  nouvelle,  se  nonunent 
types  ou  images  de  ceux-ci. 

Or,  la  lecture  des  monuments  littéraires  laissés  par  les  saints 
Pères  nous  apprend  que  ceux-ci  ont  constamment  mis  à  contri- 
bution leur  profonde  connaissance  des  saintes  Écritures  pour 
dépeindre  l'incomparable  nature  de  la  Vierge  Marie. 

Il  en  résulte  qu'il  existe  un  grand  nombre  de  types  de  la 
Mère  de  Dieu. 

On  pourrait  se  demander  si  les  images  typiques  que  nous 
rencontrons  dans  leurs  écrits  ont,  toutes  sans  distinction,  reçu 
cette  inspiration  du  Saint-Esprit  nécessaire  pour  en  faire  de 
A-raies  figures  prophétiques. 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  résoudre  ce  grave  problème,  et  il  n'y 
en  a,  du  reste,  aucune  nécessité,  étant  donné  qu'il  suffit  d'exa- 
miner la  nature  de  ces  types  pour  en  tirer  un  argument  en 
faveur  de  l'Immaculée  Conception. 

Mais  un  fait  est  à  observer  : 


100  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

A  part  quelques  images,  comme  le  paradis  teri-estre,  la  terre 
non  labourée  et  d'autres  semblables,  prises  plutôt  comme  sym- 
boles et  comme  emblèmes  tout  en  restant  empruntées  à  la  sainte 
Écriture  (1),  tous  les  autres  types  sont  donnés  par  les  saints 
Pères  comme  de  vraies  figures  prophétiques  trouvant  leur  ap- 
plication dans  la  Vierge  Marie.  Et,  comme  l'on  pourrait  croire 
qu'ils  s'en  sont  si  largement  servis  uniquement  pour  poétiser 
leurs  écrits  ou  parsemer  leurs  discours  de  lleurs  de  rhétorique, 
il  n'est  pas  hors  de  propos  de  relever  leur  doctrine  en  passant. 

En  effet,  presque  à  chaque  pas,  l'on  rencontre  des  expressions 
comme  celles-ci  :  Tb  twv  T,po(DrjTO)v  àva9o')VY;[xa"  To  Twv  Gsi'oiv  ^p'^atj.wv 
èy.TrA-rjpo3[j,a  (2). 

Saint  Germain  (3)  adresse  ce  salut  à  Marie  :  -/aipoiç,  •/)  viij-ou 

litchiç  xal  y^txpiTcq'  ts  •KaAaiaç  xal  véaç  twv  oiaÔYjxwv  £7ciaçpâYi(7[j-a" 
TO  TiàaYjç  7îpo(pY)T£(aç  èxcpavstjTaTOv  7:X'^po)[j.a"  y]  ày.pocj-iy/iç  i-qq  OîCTuveii- 
(7TCU   Tcov   Ypaçwv   oiArfidotc.    Et  de   son  côté ,    saint   André   de 

Crète  (4)  :  yaipciq  TO  yotpov  ■^•qq  oicpaTtx-^ç  TrpoYVwaîwç  xaTCTTTpcv, 
oi  ou  TYjV  Tvspt  Tiixaq  à7:sr,poo'jva[xcv  toî)  Osou  a-UYV.aTaôocaiv  ol  /.Ast- 
vo'i  TOu  Tiveûp-aTOç   ÙTîOçp^Tai  (j/jcttixcoç   èçavTàaGr,(7av. 

Pour  terminer  ces  citations,  mentionnons  encore  ces  paroles 
de  saint  Germain  qui  résument  toute  la  doctrine  des  Pères  (5)  : 

Séa  Y^P  ocùrJjv  'i:!j\\)G-i]\).oiq  bvb[j.ocai.  xaAX'JVO[;,£vy)v,  xal  TUoXXayoj  Trjç 
ypxf-qq  £[j.©avTixwç  OYiXou[J.£vr(V...  xac  oaa  TaùxYjv  oS  y.Xeivoi  tou  Tuveû- 
[j-aTOç  uTuoçYjTai,  xaTa  t-^v  sv  (j'j\j.6b'Koiq  [j^uctix-J^v  è-OTCTefav  TCpoêAs- 
XTtxœç  èvo[j-aucuctv. 


Les  types  et  les  figures  de  l'Ancien  Testament  que  l'on  ren- 
contre chez  les  Pères  peuvent  se  ramener  aux  trois  catégories 
suivantes  : 

Les  uns  sont  empruntés  aux  objets  sacrés  des  Juifs,  tels  que 
le  temple,  le  tabernacle,  le  candélabi-e,  et  tout  ce  qui  s'y  rat- 
tache. 

(1)  Aussi  ost-co  la  raison  poui'  laquollo  nous  los  avons  assimilées  aux  auti'os 
types. 

(2)  Jacques    Moine,    Sermon  pour   la  Nativit(''   de   Marie.    Combef.  Auct.,  I, 
p.  1254.  Cf.  aussi  Georges  de  Nicom.,  Sermon  pour  la  Présentation,  ibid.,  p.  1086. 

(3)  Sermon  pour  la  Nativité,   ibid.,  p.  1310. 

(4)  Sermon  pour  l'Annonciation.  Galiand,  t.  XIII,  p.  103. 
(.5)  L.  c. 


L[':    DOGME    DE    l'lMMACULÉE    CONCEPTION.  101 

D'auti-es  regardent  des  faits  historiques ,  pris  soit  coinme 
figures,  soit  comme  emblèmes  de  la  pureté  de  Marie;  nous  eu 
avons  des  exemples  dans  l'arche  de  Noé,  l'échelle  de  Jacob, 
mi  bien  le  paradis  terrestre,  l'arbre  de  vie. 

Enfin,  les  saints  Pères  ont  fréquemment  recours  à  des  ima- 
ges puisées  dans  les  écrits  prophétiques,  comme  nous  nous 
en  apercevons  à  propos  du  livre  et  de  la  porle  scellés,  du  livre 
nouveau,  etc. 

Pour  mettre  plus  d'ordre  dans  le  développement  de  ce  suje1, 
nous  commencerons  par  la  nomenclature  des  types  selon  la 
division  adoptée,  en  ajoutant  chaque  fois  les  éléments  néces- 
saires à  bien  établir  leur  portée  et  leur  signification  (1). 

Puis,  nous  tirerons  les  conclusions  que  comporte  cet  exposé. 

1.  Les  figures  typiques  de  Marie  empruntées  au  temple 
et  aux  objets  sacrés  des  Israélites.  —  Dieu  avait  ordonné  à 
Moïse  la  construction  du  tabernacle  et  lui-même  en  avait  in- 
diqué minutieusement  toutes  les  parties  (2).  Plus  tard,  Sa- 
lomon,  respectant  scrupuleusement  le  plan  révélé,  lui  donna 
des  assises  plus  stables  en  élevant  à  Jérusalem  un  temple  d'une 
somptuosité  et  d'un  faste  inouïs. 

Le  tabernacle  comme  le  temple  étaient  regardés  par  le  peu- 
ple de  Dieu  comme  la  demeure  de  JéJtovah.  Ce  n'était  pas, 
comme  nos  églises,  un  lieu  destiné  à  l'assemblée  des  fidèles; 
mais,  inaccessible  à  tout  mortel,  il  représentait  tout  ce  qu'il  y 
a  de  plus  saint  et  de  plus  auguste  au  monde. 

Le  tabernacle  e1  le  temple  devinrent,  aux  yeux  des  écrivains 
ecclésiastiques,  des  images  fidèles  de  la  bienheureuse  Vierge 
Marie. 

Jean  d'Eubée  (3)  s'écrie  :  <I>r,ffl  ^àp  b  xpoç-rir/jç'  xal  àvaa-rjao)  r/;v 

(7'/."^vy;v  Aa'Jtâ  T'/;v  Tï£Trxo)y,'Jtav*   y.ai  àvoiy,ooo[j//iaa)  xà   y.aT£(7y.a;j.[J.£va  au- 

-f^q'  locj    b^À-j-y-yx  r^   GV.riVr,    Aau:o    àv  t^    cuXXvI^st  '/.xi    ^(vrrCiGzi  tY/Ç 

TJioX)  Guya-po;. 

«Ait  enim  Propheta  (Amos,  ix,  11),  et  erigam  tahernabu- 
lum  Davidis  quod  cecidit  et  illius  ruinam  iterum  aedificabo. 


(1)  C'est  pour  ce  motif  et  pour  faire  connaître  davantage  les  trésors  contenus 
dans  les  écrits  des  Pères  de  l'Église  grecque  que  nous  avons  multiplié  les  textes 
et  les  citations,  si  nombreux  que  l'on  n'est  embarrassé  que  du  choix. 

(2)  Exode,  xxv-xxx  ;  xxxvi-xxxvni. 

(3)  Sermon  pour  la  Conception  de  Marie. 


191  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  objets  les  plus  chers  aux  traditions  des  Israélites,  arrhes  de 
la  singulière  sollicitude  du  Très-Haut  à  leur  égard;  là  enfin, 
résidait  la  majesté  de  Dieu. 

L'arche  d'alliance  y  était  conservée  recouverte  de  lames  d'or; 
elle  était  fermée  au  moyen  d'un  couvercle  d'or  très  pur,  appelé 
propitiatoire,  d'où  Dieu  prononçait  les  oracles,  quand  il  le 
voulait.  Deux  chérubins  également  d'or,  placés  aux  deux  extré- 
mités du  couvercle,  voilaient  l'arche  de  leurs  ailes  déployées, 
comme  pour  témoigner  de  sa  sainteté  et  pour  garder  les  trésors 
qu'elle  contenait.  Car  Dieu  avait  prescrit  à  Moïse  d'y  déposer 
les  tables  de  la  loi  ainsi  qu'un  vase  renfermant  la  manne  mira- 
culeuse et  la  verge  d'Aaron  (1). 

Ces  parties  du  temple  avec  les  différents  oltjets  qu'il  abritait 
deviennent  autant  de  types  de  Marie  sous  la  plume  des  Pères. 

Saint  Isidore  de  Thessalonique,  dans  son  homélie  sur  l'entrée 
de  Marie  au  temple,  estime  que  le  Saint  des  Saints  fut  ainsi 
appelé  non  pas  tant  à  cause  de  sa  destination  première  que 
parce  qu'un  jour  il  devait  recevoir  dans  son  enceinte  Marie, 
nommée  elle  aussi  Saint  des  Saints,  mais  dont  la  sainteté  et 
l'excellence  surpassent  encore  celles  du  type  primitif  (2). 

Théodore  Studite  (3),  Jean  d'Eubée  (4),  Jean  Damascène  (5), 
Méthode  (6),  l'empereur  Léon  (7)  l'appellent  arc/ie,  «  arche 
dorée  à  l'extérieur  et  à  l'intérieur,  dit  Proclus,  c'est-à-dire 
sanctifiée  de  corps  et  d'esprit  (8)  ». 

Et  comme  si  cette  figure  ne  suffisait  pa?,  Modeste  n'hésite 

pas  à  lui  adresser  ce  salut  :  yaipoiç  -.XaaTvipiov  -o  OstixaTov  y.al  Ôcot- 
opuTov,  Cl  ci;i  TcD  gù\j~xvxc:  y.i(7[j.cu  Trpo^XOcv  lKxG\).b:  y.al  c70)TYip  Xpiaxèç 
c  0s6ç. 

«  Amq  propi tia torium  divinissimum  et  in  Dec  fundatum,  per 


(1)  Ex.,  XVI,  31;  Num.,  xvii,  10 :  saint  Paul  aux  Hébreux,  ix,  4.  Quand  Saloraon 
transporta  l'arche  d'alliance  dans  le  temple,  elle  ne  contenait  que  les  tables  de  la 
loi.  III  Reg.,  vni,  9;  II  Paralip.,  v,  10. 

(2)  H.  Maraccii  Pielaft  Mariana,  Or.  '2\ 

(3)  Sermon  pour  la  Dormition  de  Marie.  Mai,  nov.  Bibl.  PP.,  t.  V,  p.  ni. 

(4)  L.  e. 

(5)  2«  Sermon  pour  la  Dormition  de  Mario. 

(6)  L.  c. 

(7)  Sermon  pour  la  Dormition  do  Marie.  Combel".,  I,  p.   1?15. 

(8)  ...  avirri  :fi  x£-/pu<7(i)|j,évri  è'ffwôev  xaî  s|u9ev  xiêwTÔ;,  awfjiaTt  xal  nveO^Aati  riytacTfAivr,. 
Sermon  sur  la  Vierge.  (îall.,  t,  IX. 


LE    DOGME    DE    l'IMMACULÉE    CONCEPTION.  195 

quud  processit  propitiatio  niuiidi  univers!,  Salvatur  Christus 
Deus(l).  » 

Enfin  il  n'est  pas  de  rapprocliement  plus  familier  aux  saints 
Pères  que  celui  de  l'urne  contenant  la  manne  prodigieuse  (2). 
comme  on  le  voit  cliez  saint  Germain  (3),  Josepli  le  Confes- 
seur (4),  le  moine  Jacques  (5).  Saint  André  de  Crète  (G).  Pour 
ne  pas  encombrer  ces  pages  d'une  multitude  de  textes,  qu'il 
suffise  de  transcrire  ces  belles  paroles  de  saint  Jean  Damas- 
cène  (7)  :  "/atpî  (j-:â;j.vs,  xb  '/puo-ô-XacjTiv  xy^oç,  r,  -xvtc;  i'YYO'j;  '^~^^~ 

«  Ave  coma,  ex  auro  contlatum  vas,  ab  ornni  vase  secretum, 
quo  mundus  universus  impensum  sibi  manna  accipit,  vitae 
scilieet  panem  deitatis  igné  coctum.  ■> 

2.  Les  types  de  Marie  empruntés  à  Vliistoire  tjiblique.  — 
Reportons-nous  aux  origines  de  l'univers,  alors  que  le  souffle 
créateur  venait  de  faire  sortir  du  néant  des  êtres  d'une  beauté 
si  ravissante  que  Dieu  lui-même  ne  pouvait  s'empêcher  d'en 
reconnaître  l'excellence  :  /.yl  slssv  c  Qioq  'iTi/.aXiv. 

Par-dessus  tout  planait  le  firmament  dont  la  continuelle  lim- 
pidité n'était  troublée  par  aucune  tempête  et  au  sein  duquel  le 
soleil  étincelait  de  lumière  et  de  gloire. 

Les  saints  Pères  se  sont  attachés  à  reproduire  ce  rapproche- 
ment avec  la  Mère  de  Dieu. 

Xafps  ojpavà,  s'écrie  saint  Jean  Damascène  (8),  -b  xzX)  r.zpvAz- 

7;ji.''o'j  '/wp^'J  bfOixh-qiJ.y  TijJ.uoTspcv*  r,  Taîç  -wv  àps-wv  Ayi[f.';:T,obai  xaTa- 
CTspo;,  è^  -q:;  b  t-?;ç  ov/.yiz^ùrr^z  r^K\zz  x'ni-'Xv^,  ■qiJ.ipy.'f  yoù-z'j  aiùrqpiy: 
àvOpwTC'.ç  yqiuz'jpYr^GyiJ.v/z:. 

«  Ave  caelum,  habitaculum  loco  qui  mundum  ambit  nobi- 
lius;  virtutum  fulgoribus  uti  stellis  coruscans,  ex  qua  iustitiae 
sol  ortus  est,  salutis  quae  nunquam  occidat,  diem  hominibus 
condens.  » 

(\)  L.  c.  Saint  Jean  Damascène  dit  de  même   :  x«'P<";  ^ô  -jtcô  twv  o-jo  lepaçtix 
/aTacrxia^6tJt.£vovl>va(7Xïîpiov.  Sermon  pour  l'Annonciation.  Combef.,  t.  I. 

(2)  Je  ne  parle  pas  de  la  verge  d'Aaron  qui  n'a  i)as  .grande  importance. 

(3)  Sermon  cité  et  le  7  septembre.  'Avôo/oytov,  ii.  1(3. 

(4)  Canon  du  13  janvier,  8'=  ode. 

(3)  Sermon  pour  la  Nativité.  Combef.  Auct.,  1. 

'(j)  Sermon  pour  l'Annonciation.  Galland,  t.  XllI,  p.  102. 

!/)  2°  Sermon  pour  la  Nativité. 

(8)  fbid. 


19G  REVl'E    DR    l'orient   CHRÉTIEN. 

En  plusieurs  autres  endroits  encore,  le  même  poète  n'hésite 
pas  à  déclarer  sa  nature  plus  sublime  encore,  plus  parfaite  que 
l'image  primitive. 

Puis  vient  le  paradis  terrestre,  synonyme  de  lieu  de  délices  de 
tous  genres,  auquel  vient  s'ajouter  le  concept  de  l'innocence  et 
de  l'intégrité  originelles. 

Le  grand  docteur  de  Damas  vient  en  première  ligne. 

S'j  'Eoè[x  vct^ty;   v.iypTi'^.i-iY.y.:,  ty;;  -àXai  -.îpwTÉpa  /.aï  ftsicTs'pa  (1), 

dit-il. 

«  Tu  spiritalis  es  Eden,  antiqua  illa  sanctior  ac  divinior.  » 
Théodote  d'Ancyre  (2)  s'écrie  :  «  0  Vierge  qui  as  surpassé 

le  paradis  des  délices  même!  »  'Q  TiapOsvoç,  ajTbv  vr/,r,aao-a  t-^ç 

'Eoèj;-  Tov  xapâostaov. 
Saint  André  de  Crète  (3)  résumant  les  deux  idées  de  Ciel  et 

de  Paradis  terrestre  salue  Marie  en  ces  termes  :  yj.iç>z\i  ojpavÈ, 

-oXi  r^'/J.oo  -fii  ozçq:  û-spiupâviov  z\v.r,[j.y.'  yxipzi.ç  \'-q  â'(ix  TrapOsvr/.f,, 
ïç,  riq  3  véoq  'Aoà;A  àppr,T(|)  i)zzT.'Ly.a-J.y.  È7pr,;^.âTi7£,  i'va  tsv  za/aisv 
àvaatoff'^Tau 

«  Ave  ca^lum  caelo  altius  solis  gloriae  domicilium,  ave 
sancta  oirginalis  terra,  ex  qua  novus  ille  Adam  inelfabili  a 
Deo  fictione,  veteri  recuperando  novus  Adam  factus  est.  » 

L'arbre  de  vie  planté  au  milieu  de  l'Éden  est  encore  une  image 
typique  de  Marie,  à  lire  entre  tous  Joseph  FHymnographe  qui 
met  ces  paroles  dans  la  bouche  de  saint  Zacharie  s'adressant  à 

sainte  Anne  :  NDv  s'yvwv,  \'j\j.\.  o-aoéo-Taxa,  Trpc&ivoi^  ïoTi  b  yr,pa.Coq, 
ç,ù'kov  àv  [J-É!7(i),  Mç  ày.SXao'-âvîi  vasj'  'Oizzp  £çavÔr,<Jci  6£îcv  îvtwç  xap- 
Ttbv,  TrapaCciijO)  î'.Tor/.iiTcv-a,  io\jq  ^ipt.Wîi  èçojo'ôiVTaç  ziOopxç.  àvaSotoviaç 
yy.px'  z'j'Ko^s.'-i  r.y.v-y  Ta  ïpyx  Kuptsu  tov  Kûpf,:v  (1). 

«  Liquide  nunc,  mulier,  cognovi,  prophetice  ait  senex,  quo- 
modo  germinct  lignum  in  medio  ternpli.  Hoc  enim  productu- 
rum  est  fructum  vere  divinum  qui  nos  in  paradiso  habitare 
lacit,  cibocorruptionis  expulses,  iterum  cum  gaudio  clamantes  : 
benedicite  omnia  opéra  Domini  Dominum  » . 

A  cet  âge  d'or  de  l'humanité  innocente,  la  terre  elle-même 


(1)  l'"'  Seriuon  pour  la  Dormitiou  de  Marie. 

(■>)  Sermon  pour  la  Naissance  du  Sauveur.  Gall.,  t.  IX.  p.  lld. 

(3)  L.  c.  Gall.,  t.  XIII. 

(4)  8<^  Ode  du  canon  de  .Josepii  rilymnographe  au  -10  novembre  (  l''  ti'ojiaiiv)- 


LE    DOG.MK    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  107 

était  intacte  et  vierge,  et  la  malédiction  divine  ne  l'avait  pas 
encore  remplie  de  ronces  et  d'épines. 
Photius  (1)  dit  en  parlant  de  rincarnation  :  M-/)T;pa  îo-i  y.âTco 

oiiu-rpE-iffO^vai  -cou  -AacTOu  v.ç  to  auvTpiêàv  àva-AaffaaOai'  -/.y.'.  ta'jT'/jv 
7:ap6ivcv,  tv'  wîTrsp  èy.  TrapOiVOu  v^ç  è  7:pwTCç  avOpw-oç  c',s-s'::AaaTO. 
C'JTW  où  zapOsvou  [;.r,Tpaç  -paYjj.aTS'jftYJ  •/;  àvâ7:Xa7ir. 

«  Erat  itaque  conditoris  praeparanda  mater,  quo  sic  refmge- 
retur  ([uod  confractum  erat;  illamque  virgineni  esse  uporte- 
bat,  ut  sicut  primas  homu  e  terra  virgine  factus  fuerat,  sic  ex 
utero  virginis  nova  iterum  fictio  ederetur.  « 

Et  saint  Jean  Damascène  (2)  :  Vf,  àa-iv,  s©'  -i^v  ty;;  à[j.apTîa; 

a/.avOa  oùy.  àvsTîfAi,  TvùvavTÎov  cà  [xaXXcv  Bù  tsu  xa'j-Y;?  l'pvouç  •::pip- 
p^o;  sy.-STfAtaf.*  y?;  èsTiv,  oùy  co;  -q  r.pbztpo'/  ■/.x-r,py.iJ.v/r,.  v.a',  r;;  y.ap- 
"koI  zA'i^pîiç  ày.avOwv  y.al  TpiSâXwv,  àXX'  Iç'  r^v  ejAcvia  Kup-'ij.  y.al  •/;; 
sjXc;Yrj;j.£vs^  6  y.ap-bç  rf,ç  y.oiAïaç,  wç  çr,ffr.v  5  '-îpb;  Xsyc?. 

«  Terra  est  in  qua  nulla  peccati  enata  spina,  econtra  potius 
per  ipsius  germen  illud  radicitus  evulsum  est.  Terra  est  non 
uti  prier  maledicta,  et  cujus  fructus  spinis  atque  tribulis  hor- 
rescant;  sed  super  quani  l»enedictio  Doniini  fuit,  et  cujus  Iruc- 
tus  ventris  benedictus,  ut  sacro  dictum  est  oraculo.  » 

Enfin,  qu'il  soit  permis  d'insister  sur  cette  figure,  à  cause  de 
son  importance,  en  citant  ces  mots  de  la  lettre  des  prêtres  et 
des  diacres  d'Achaïe  :  Ka-.  o-\  ;;  à[j.M'^.o-j  -;f,:  vévovev  :  ~pM-o:  av- 
OpwTTOç,  œfy.yAOLio^/  r^v  è^  à[JM\j.O'j  -apOÉvij  y.'jT,0^va'.  -bv  téasicv  av- 
6po)T:sv,  hx  ô  Toî  0s;î)  y'.bç,  s-poV^v  T.ovr,(jx:  -bv  avOpo)-cv,  uo-^v  t*/;v 
7.'.(.')viov,  -rjv   à-wAeaav   o'.  à'v0po)7:ot.  âià  tsu   'Aoà;x,   cT0t[J.â73:'.. 

«  Et  propterea  quod  ex  immaculata  terra  creatus  fuerat  pri- 
mus  homo,  necesse  erat  ut  ex  immaculata  Virgine  nasceretur 
perfectus  homo,  quo  Filius  Dei  qui  antea  cundiderat  hominem, 
vitam  aeternam  quam  perdiderant  homines  per  Adamum,  re- 
pararet  (3).  » 


Quand  l'homme  eut  prévari(|ué  et  que,  par  la  transgression 
du  précepte  divin,  il  fut  entré  dans  la  voie  du  crime,  la  cor- 

(1)  Sormoii  pour  la  Nativité.  Combef.,  I,  ]).  Kjni. 

(2)  Deuxième  sermon  pour  la  Nativité. 

(3)  A  cette  idée  de  la  terre  non  frappée  encore  de  la  malédiction  di\ine,  .se 
rattache  celle  de  terre  non  labourée,  ^  àvi^poTo;  à'poupa,  comme  nous  la  retrou- 
vons fréquemment  dans  saint  Germain. 


198  REVUE    DE    l'orient    CIIRF^TIEN. 

ruption  alla  toujours  grandissant  et  le  genre  humain  s'attira 
tous  les  jours  davantage  les  foudres  de  la  colère  du  Seigneur. 
Le  déluge  en  fut  la  preuve,  comme  la  preuve  de  la  singulière 
miséricorde  divine  fut  Tarche  de  Noé.  Dieu  en  prescrivit  exac- 
tement la  construction,  indiquant  lui-même  les  matériaux  in- 
corruptibles qui  devaient  entrer  dans  sa  fabrication.  La  nature 
de  cette  arche,  sa  destination  providentielle  en  font  un  des 
types  de  Marie  les  plus  familiers  aux  saints  Pères. 

Proclus  (1)  en  fait  l'application  à  Marie  en  termes  admira- 
bles ;  AsuTs,  iosTS  ^sucv  xaTaz,Auij[;,bv,  tcûAù  ^zKtIm  v,a\  xpstiTOva  toD 
ZTzl  Nw£  ôswpouiJ-évou'  £X£Ï  To  uoo)p  TOJ  7.aTay.Aua[J.oy  rJ]v  àvôpwTcsiav  ^ûuiv 
iOavaTwasv*  èviauOa  oè  to  uowp  xou  l3a7i:Tic7[ji,aTOç,  ota  tou  ^axTto"6év- 
Toç,  Toùç  ÔaViVxaç  i^tooxoi'/jijîv'  ï%e.X  c  Nojs  kv.  ^'jX(ov  àa'^-Twv  7.160J- 
Tov  (jUvsirrj^aTO'  ivTau9a  oà  6  XpiuTOç,  c  vcr,Tb;:  N(T)£,  sv.  vqç  acpOopcu 
Mapiaç  T'r]v   tou  utôiJ.aTOç   yaSwxbv   y.aTcO-y.îijaaîv. 

«  Agite,  spectate  mirum  novumque  diluvium,  majus  prae- 
stantiusque  diluvio  quod  Noe  temporibus  conspectum  fuit.  Illic 
enim  diluvii  aqua  humanum  interemit  genus  :  at  heic  baptismi 
aqua,  ejus  (Christi)  potentia  qui  est  baptizatus,  mortuos  ad 
vitam  revocavit.  Illic  Noe  ex  lignis  incorruptibilibus  arcam 
compegit  :  at  Christus  heic,  spiritualis  Noe,  ex  Maria  incorrupta 
corporis  sibi  arcam  composuit.  » 


Se  rendant  en  Mésopotamie,  Jacob,  lassé  des  fatigues  de  la 
route,  se  prit  à  dormir.  Durant  son  sommeil,  il  vit  une  haute 
échelle  se  dressant  de  la  terre  au  ciel,  du  sommet  de  laquelle 
Dieu  lui  faisait  entendre  sa  voix.  Quand  il  se  réveilla,  il  s'é- 
cria :  Comme  ce  lieu  est  terrible!  Il  est  vraiment  la  demeure 
de  Dieu  et  la  porte  du  ciel  (2)!  Cette  scène,  si  grandiose  dans 
sa  simplicité,  a  fourni  aux  écrivains  ecclésiastiques  l'occasion 
d'en  rapprocher  les  mystères  qui  entourent  la  personnalité  de 
Marie. 

Dans  ses  deux  sermons  pour  la  Nativité  de  la  sainte  Vierge, 
saint  Jean  Damascène appelle  Marie  l'échelle  de  Jacob;  et  il  esl 
beaucoup  d'endroits  dans  les  livres  liturgiques  où  l'on  ren- 

(1)  Septièmo  sermon  pour  rÉpi]iljanio.  (iall.,  1.  c. 

(2)  Gen.,  xxviii. 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  199 

contre  des  passages  .semblables  à  celui-ci,  tiré  de   rEuclio- 

loge  (1)  :    Hv   z'.oz  ■/jJ.[j.y./,y.  -STc  6     lav.too,  zapOÉvs,  gï  7:pozor,'koj   ky 
^{vrrqav/  TZpoÀîiTS'jpYOJVTa  TCtUTOjç. 

<r  Scala,  quam  in  spiritu  Jacob  olim  vidit,  te  praenunciabat, 
Virgo,  in  ea  namque  angelorum  descendentiiim  et  superius 
remeantium  progressio  divinae  filii  tui  nativitati  ministerium 
fidèle  pollicebatur.  » 

Cette  image  a  encore  suggéré  à  tant  de  Pères  d'appeler  la 
Vierge  bénie,  le  pont  jeté  sur  l'abîme  creusé  par  le  péché  entre 
Dieu  et  les  mortels. 


Dans  rÉglise  latine,  Ton  connaît  bien  la  figure  de  Marie  em- 
pruntée au  buisson  ardent.  L'on  ne  commettrait  pas  d'erreur 
en  affirmant  qu'elle  a  été  inspirée  par  les  écrivains  orientaux  : 
ceux-ci  ont  fait  de  larges  emprunts  à  la  scène  du  mont  Horeb. 
Sévère  d'Antioche  (2)  s'exprime  en  ces  termes  : 

<c  Volenti  mihi  ad  virginem  matrem  oculos  attollere,  perque 
dictas  de  ea  sententias  suspenso  ob  reverentiam  vestigio  ince- 
dere,  quaedam  veluti  a  Deo  vox  deferri  videtur,  measque  aures 
clamore  valide  impellere  his  A^erbis  :  cave  ne  hue  accédas,  toile 
calceos  de  pedlhus,  locus  enim  in  (/uo  insistis,  terra  sancta 
est.  Reapse  oportet  mortali  qualibet  carnalique  phantasia,  tan- 
quam  calceis,  sublato,  mentem  illam  semet  exuere,  quae  ad 
divinarum  rerum  contemplationem  conscendere  nititur.  Quid 
vero  cogitari  augustius  vel  excelsius  potest  quam  Dei  mater? 
Certe  qui  ad  eam  accedit,  ad  sanctani  veluti  terrani  sic  appro- 
pinquat,  ut  ipsum  denique  caelum  attingat.  » 

La  montagne  elle-même,  témoin  des  colloques  sacrés  entre 
Moïse  et  Dieu,  est  à  ses  yeux  la  figure  de  Marie  (3). 

Dans  l'homélie  qu'il  prononça  au  concile  d'Éplièse  en  pré- 
sence de  saint  Cyrille,  Théodote  (4)  s'écrie  :  T-:  vàp  ejteXécrTspov, 

v.rSt,  jââ-oç  ■(]  [j.-q-px  TrapBîvr/vf^  y.xfixp!)!.  twv  x[J.7.p'ixq  :ra6ojv  ;  sjy.  :loar 


(1)  Canon  funèbre  pour  les  défuntes.  Goar,  l.  c. 

(•2)  Homélie  sur  la  sainte  Vierge.  Mai,  Spic.  Rom.,  t.  X,  p.  :211. 

(3)  L.  c,  p.  213. 

(4)  Hom.  sur  la  Naissance  du  Sauveur.  Galland,  t.  IX. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  14 


200  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

ixi  -uà  àp-/aîa  [J,£A£rr,  tojv  vswTc'pwv,  y.ai -wv  vuv  vevo'j.ivwv  £œ-i',  ira  yàp 
[jLuari^pia  TrpoTUTroIivTa',  où  twv  TraXatwv"  3ù  tcjto  ^aTO?  âva-TîTai, 
TCup  çpaiV£-:au   xal  rà  xupoç  oùx   svspyer    apa  £v  t^  ^â-uw   0'j)r  opaç   ty;v 

-apOc'vsv;  «  Die  inihi  qiiid  est  vilius,  riibiisne  an  utérus  virgi- 
iieus  ab  omni  passioue  peccati  punis?  Ignoras  quae  antiquitus 
gesta  sunt,  recensiorum  eorumque  quae  nunc  contingerunt, 
esse  praeludium.  Mysteria  namque  veteribus  illis  typis  praefi- 
giirantur.  Quare  rubus  accenditur,  igiiis  conspicitur,  et  quae 
tamen  ignis  natura  fert,  non  operatur.  Nonne  Virginem  in  rubo 
animadvertis?  » 

Après  la  scène  du  mont  Horeb,  la  lecture  des  offices  liturgi- 
ques et  des  homélies  des  Pères  nous  oblige  à  commémorer  la 
toison  de  Gédéon  (1).  Psellus  (2)  met  en  relief  la  force  de  ce 
type  avec  sa  précision  habituelle  :  nî-z.ov  aï  t.xamzv  ttooeCocv  5  Fs- 

0£(ov,  £9'  ov  /.aTacécYjy.îv  ô  0£bç  m:  iti'oç^  y.y.1  rr;v  yy;v  ::£-/./( pw7.£V  aj- 
TCij,    ;j/r(-:p;7:âpO£V£    àvv/;,   ~.f,q    £7:r,Yvwc7£(i)ç.    «    Vellus    te  antiquituS 

praevidit  Gedeon,  ad  quod  Deus  relut  pluvia  descendit,  et  ter- 
rain ipsius  cognitione  replevit,  o  innocens  mater  simul  atque 
virgo.  » 


Pour  terminer  ce  paragraphe  il  reste  à  dire  un  mot  des  types 
de  Marie  se  rapportant  au  vase  nouveau  d'Elisée  (3),  aux  villes 
de  Jérusalem  et  de  Bethléem  (4),  ainsi  qu'à  la  montagne  de 
Sion  (5). 

Elisée  habitait  Jéricho,  quand  les  habitants  se  plaignirent 
auprès  du  prophète  de  la  mauvaise  condition  des  eaux  et  de  la 
stérihté  de  la  campagne.  Il  se  fit  apporter  un  vase  nouveau  et 
y  ayant  mis  un  peu  de  sel  il  se  rendit  à  la  fontaine  et  y  jeta  le 
sel.  Aussitôt  les  eaux  devinrent  salubres  et  les  champs  se  cou- 
vrirent d'abondantes  moissons.  De  là  les  dénominations  de 
vase  non  contaminé  et  admirable,  vase  précieux  et  niagni- 


(1)  Judic,  VI,  37  ss. 

(2)  Cf.  Allatius,  De  Symeonum  scriptis,  p.  238. 

(3)  IV  Reg.,  II,  20. 

(4)  Ps.  XLv;  II  Reg.,  xxiii,  17-18. 

(5)  Ps.  cxxxi,  13;  Is.,Lix,  20. 


LE    DOGME    DE    L'iMMACULÉE    CONCEPTION.  201 

fique  (1),  c(  plus  saint  encore  que  toute  autre  chose  sainte  »  (2). 

3.  Types  de  Marie  empruntés  aux  livres  des  Prophètes.  — 
Cette  catégorie  de  types  est  inférieure  en  nombre  et  en  impor- 
tance aux  précédentes. 

La  plupart  proviennent  des  prophéties  d'Isaïe. 

Au  chapitre  vi^  (v.  G  et  7),  le  grand  voyant  d'Israël  raconte 
comment  un  Séraphin  prit  avec  des  pinces  un  morceau  de 
charbon  ardent  qu'il  approcha  de  ses  lèvres  en  prononçant  ces 
mots  :  «  Voilà  que  ce  charbon  a  touché  tes  lèvres,  ton  iniquité 
sera  effacée  et  tu  seras  purifié  de  ton  péché  ».  Après  saint  André 
de  Crète  (3),  l'empereur  Léon  (4)  salue  Marie  en  ces  termes  : 

y^aîpî,  -q  Tov  àc7Tî7.-ov  àv6pa/,a  TTEpiff/ouja  Xa6'.ç.  c',  sO  ~,f^q  pu-^apaç  à;j.ap- 
TÎa;  £V  T^   yvXiiùv  -îrpsu'iauac'.   £y//.a6a'.pi[;.36a.    «   Ave  forcepS  carbo- 

nem  illum  importal)ilem  complexa,  qua  a  peccati  sordibus  la- 
biorum  contactu  emundamur.  >■> 

A  ce  type  s'ajoute  immédiatement  celui  du  livre  nouveau 
décrit  au  chapitre  viii"  (v.  1). 

Georges  de  Nicomédie  (5)  dit  en  parlant  de  la  Mère  de  Dieu  : 

Ta'j~/;v  6  xaôapw-aTOç  ~z]j.oç,  £or,Xwj£v,  èv  w  àypacpo);  b  AÔyc;  ~T/J^~ 
pay^Qziç,  10  Tvjç  ocT.i--qq  yEipb^;poc<DOV  sV/iasv.   «    Hujus  typum  gessit 

mundissimus  ille  tomus,  in  quo  nulla  scriptioiie  exaratum  ver- 
bum  erroris  chirographum  disrupit.  » 

L'image  de  la  Jiuée  (6)  n'est  pas  dépourvue  d'importance  à 
cause  (les  épithètes  qui  l'accompagnent.  On  proclame  Marie 


(1)  Saint  Épiphaiie,  Contra  haeres.,  1.  III.  Combef.,  t.  I,  p.  I043-I044. 

Il  me  semble  être  le  moment  d'attirer  ici  l'attention  des  lecteurs  de  l'OccidcMit 
sur  les  litanies  de  Lorette.  Comme  ils  auront  pu  l'observer,  jusqu'ici  et  dans 
les  lignes  qui  suivront,  maintes  fois  les  types  relatés  se  retrouvent  dans  les  sus- 
dites litanies  :  vase  spirituel  etc.,  maison  d'or,  arche  d'alliance,  porte  du  ciel  etc. 
Mais,  tandis  que  dans  celles-ci  les  images  sont  rappelées  dans  leur  briève  sim- 
plicité, les  hymnes  grecques  les  accompagnent  toujours  de  quelque  commen- 
taire, et  contiennent  en  outre  des  types  plus  nombreux  et  plus  importants  par 
leur  signification.  Ils  sont  d'ailleurs  plus  abondants  aussi  dans  d'autres  formes 
de  litanies  qu'on  trouvera  dans  l'ouvrage  du  Père  de  Santi,  S.  J.  :  Les  litanies 
de  la  sainte  Vierge.  Étude  historique  et  critique.  Traduit  de  l'italien  par  l'abbi' 
A.  Boudinhon.  Paris,  Lethielleux. 

(2)  Cf.  Modeste  de  Jérusalem,  /.  c. 

(3)  Sermon  pour  l'Annonciation.  Ciall.,  t.  XII,  p.  102. 

(4)  Sermon  pour  la  Dormition  de  3Iarie.  Combef.,  l.  c. 

(5)  Sermon  pour  l'entrée  au  temple.  Combef.  Auct.,  I.  Cf.  aussi  .Joseph  l'Hym- 
nographe,  7'  ode  du  canon  du  6  mars,  et  d'autres  écrivains  encore. 

(6)  Is.,  .xix,  1  :  'ISoù  Kûpto;  "/.âOriTai  èul  vecpâV/]?  xoO-jyi;,  xat  vi^si  et;  Aîyvtttov 


202  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

«  nuage  tout  resplendissant  de  lumière  (1)  »;  «  nuage  qui 
en  s'élevant  dans  les  airs  a  dissipé  les  épaisses  ténèbres  du 
péché  (2)  »  :  «  nuage  tout  resplendissant  de  gloire  (3)  ». 

Saint  Jean  Clirysostome  (4),  dans  un  beau  mouvement  ora- 
toire, s'écrie  :  "A7,c'Jo-cv  ti  r.zpl  -zX>  àvcpcç  tcjtou  v.a'i  t-^ç  -apOivcj 
6  •xpoçp'i^TTjÇ  ar^ai'  oo6'(^c£Tai  to  kGc^pa^^iGijAvcv  ^iBkicv  àvcpi  slcôti  ypi[J.- 

«  Audi  quid  de  viro  hoc  (Joseph),  deque  virgine  Propheta 
dicat  :  Dabitur  obsignatus  liber  viro  scienti  litteras.  Qui  liber 
iste  obsignatus  nisi  omnino  atque  penitus  immaculata  Mater?  » 

Le  grand  docteur  fait  allusion  au  livre  fermé  avec  des 
sceaux  de  la  prophétie  dlsaie  (5)  que  nul  ne  savait  lire,  si 
ce  n'est  celui  qui  l'avait  scellé.  Ce  que  Georges  de  Nicomé- 
die  (6)  applique  si  bien  à  la  sainte  Vierge  en  disant  :  TaÛTYjv  •/; 
£(7ppaYtijH.£v/]  (iîêXoç  £[;.r,vua£v,  r^v  oùo£tç  àv^yvo)  Ypa[j-[;-âTwv  k~io-T^- 
[Awv,  xXtjv  tou  açpaYio-avToç,    "/.al   ÙTràp   'k'z-^zv  i-qp-q'yixvicq. 

«  Hanc  obsignatus  iUe  liber  designavit  quem  nemo  legit 
doctus  litteras,  eo  dumtaxat  excepto  qui  obsignavit,  et  altiora 
supra  rationem  modo  conservavit.  » 

Saint  Germain,  dans  son  énumération  des  types  de  Marie  (7), 
dit  encore  :  «  Eye  s'appelle  Sion,  par  allusion  au  chap.  lix  d'I- 
saïe  (v.  20)  et  à  ce  verset  du  Ps.  cxxxi  :  Izi  ïzXhi\y-o  Kjpicç 

ty;v  Siwv,  -/jpETicTaTS  œj-r^^  tlq  v.ot.-zv/ly.v  sauTw.  Elle  s'appelle  ci.té 
saillie,  selon  le  Ps.  LXXXVI  (v.  3)  :  o£Oo;aa[;.£va  èXocATt^r,  r.epl  acj 
Y)  TuôXiç  Tûu  0£ou  »,  parolcs  admirablement  commentées  dans  un 
autre  discours  (8). 


(1)  TTiépcpwTe  vEcpÉAv].  Menées,  17  juin,  9^  ode. 

(2)  Nùv  ô  ^dçoç  T^ç  y.axîa;  éKjjLEtoîJffôai  àTrâpxexaf  y|  yàp  £a'|/u-/o;  VEyÉ).-/)  àv£T£i)>£.  Iblcl., 
4"  ode  du  canon  au  7  septembre. 

(3)  na[Ji;par)ç  v£:p£),y).  Modeste,  /.  r. 

(4)  Sermon  pour  l'Annonciation. 

(5)  Is.,  XXXIX,  11  et  13. 

(6)  L.  c. 
{^)L.c. 

(8)  nôAtv  Sè  taÛTTiV  oT[JLai  (rapéataTa  xal  àvavTip(îy]TtxwTaTa  X'/jv  ôvxo);  lxX£),£Y[iL£vr|V 
xal  Ttaffwv  •j7t£p£)(0U(jav  qjàvaf  oO^  ÛTtspoxvi  6ou.y](jLâTwv  xat  vl/et  yew/ôçwv  èTtaptxâxwv, 
àWÀ  T7)v  Tîi  [jL£YaXoiu{qc  xwv  èvOéwv  ij7i£prip[J.£v/iv  àp£Tùv,  xal  xri  xaÔapiirrjTt  ùnsçéyo-jaa.-/ 
Maptav  TYiv  ûTOpàyiov  -/.ai  Û7r£pà[xwt<.ov  Geotôxov.  Sermon  pour  la  déposition  de  la 
ceinture  de  Marie.  Comb.  Auct.,  I,  p.  232-231.  Cf.  aussi  Georges  de  Nicomédie, 
In  Metaphr.  Of/icio. 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  203 


Pour  finir,  deux  images  tirées  des  prophéties  d'Ézéchiel  et 
de  Daniel.  Le  premier  décrivant  la  porte  fermée  dit  :  'H  ttuXyj 

auTYj   7.£/,X£i(j[j.£VYi    É'jTat ,   oj/.    àvoiyG-^ijETai ,    v.ai    ojcstç    \j.t^    0'.rA6Y;    oi 
ajTï;^,  OT',  K'JptvÇ  5  Ossç   'Ispav;/.   EÎTEAEJTSTa',  $'.    :zjr?;^,  7.a':  s7Ta'.  7,s- 

XA£IC7[J.ÉVY;    (1). 

Denys  d'Alexandrie  (2)  parle  ainsi  de  Marie  :  K-A  Ï7opy.\-''.7f)r,  r^ 

r.J\r^  -r^ç  :;v:r,vf,^  glùx  y.a'.  àppx-'r,;  -/.yÀ  ày.sA'jVTîç'  '/sip'.  Y^?  '^•i~'fty~^'- 
Ssou   y.x'.  ïaz'pi^^'i^-y.i   oy/.-j/M. 

«  Et  signata  est  porta  tahcriicfculi  intégra  et  incorrupta  et 
inviolata,  manu  enim  Dei  clausa  est  et  digito  ejus  signata.  » 

Qui  ne  connaît  la  fameuse  prophétie  de  Daniel  figurée  par  la 
statue  aux  pieds  d'argile  qui  est  renversée  par  une  petite  pierre 
détachée  de  la  montagne  (3)? 

Saint  Théophane  (4)  l'applique  à  i^Iarie  en  ces  termes  :  "Opcç 

èOîwpsi;  v;-/;Tbv,  Axvt'JjX  '.spwTaTS.  tt^v  [j,iv^v  â'-/pxv-:cv  7.zp-çi. 

«  Daniel  sanctissime  monteni  conspexisti  spfrita/etn,  solam 
illibatam  semperque  virginem  puellani.  » 

La  prophétie  de  Daniel  rappelle  tout  naturellement  la  7noïi- 
tagne  de  Pharan  décrite  par  Habacuc  (5),  et  saint  André  de 
Crète  (6)  unit  les  deux  prophéties  avec  les  autres  endroits  de 
l'Écriture  où  il  fait  mention  de  cette  figure  :  Sj  [j.iv/;  àAr^Owç 

£jAoy'^[;.év/;,  r,v  cpo;  âtôpa  [J-^Ya  Aavir,A  6  twv  £'::'.6usj.tcov  àvJ;p,  -/.ai  cpoç 
y.aTâay.tcv  A66a7.v'j[j.  6  6au[j.âji3c,  cpo:;  tî  0£OJ,  y.al  opoç  zïov,  opcç 
T£Tupw[j.iVsv,  ïpcç  £  £joi7."/;!J£v  S  (■)£bc  7.y-zv/.tvf  £V  ajTOJ. 

«  Sola  tu  vere  benedicta  es,  quam  montcm  magnum  vir  ille 
desideriorum  Daniel  vidit,  et  montem  umbrosum  Abbacum  ille 
admirabilis,  montem  praeterea  Dei,  et  montem  pinguem,  mon- 
temque  jucundum,  ac  montem  quem  Deo  placuit  habitare.  » 

(1)  Ez.,  xuv,  2. 

(2)  L.  c. 

(3)  Dan.,  ch.  ii. 

(4)  Menées,  canon  du  17  décem.,  r«  ode. 

(5)  Hab.,  ni,  2.  Cf.  Joseph  l'Hymnographe,  \'  ode  des  canons  du  10  et  du  24  oc- 
tobre. 

(6)  Sermon  pour  l'Annonciation. 


204  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

CONCLUSION 

Nous  avons  terminé  rénumération  des  principaux  types  de 
Marie,  se  retrouvant  dans  les  livres  de  F  Ancien  Testament  et 
transmis  par  la  tradition  patristique.  Cette  nomenclature,  sans 
doute  un  peu  sèche  et  longue,  était  nécessaire  pour  appuyer 
les  considérations  qui  vont  suivre. 

Tout  d'abord,  il  se  pose  naturellement  une  double  question  : 
Ces  types  peuvent-ils  constituer  un  argument  en  faveur  du 
dogme  de  ITmmaculée  Conception  de  Marie?  Quelle  valeur  au- 
rait un  argument  de  ce  genre? 

Une  remarque  préliminaire  n'est  peut-être  pas  hors  de  pro- 
pos et  peut  servir  à  répondre  à  cette  seconde  question. 

Dans  ces  pages,  nous  avons  eu  en  vue  de  montrer  com- 
ment la  tradition  de  l'Église  grecque  au  sujet  de  la  sainteté  et 
de  l'intégrité  de  Marie  est  en  accord  entier  et  parlait  avec  la 
doctrine  actuelle  de  l'Eglise  catholique,  et  puisqu'elle  y  est  en 
germe  comme  une  conclusion  dans  ses  principes,  il  faut  l'en 
dégager  par  voie  de  raisonnement. 

Cette  tradition  résulte  de  plusieurs  éléments.  Dans  le  cha- 
pitre précédent,  nous  avons  parlé  des  épithétes  mariologiques, 
maintenant  des  figures  typiques.  Pas  plus  que  les  épithétes, 
les  types  de  Marie,  pris  isolément,  sans  commentaire,  ne  peu- 
vent établir  le  dogme  d'une  façon  absolue  et  complète.  Ce 
résultat  sera  obtenu  quand,  après  l'analyse  de  chaque  élément, 
il  sera  possible  d'en  faire  la  synthèse  et  d'en  dégager  une  con- 
clusion unique  qui  sera  cet  accord  doctrinal  des  deux  tradi- 
tions, latine  et  grecque. 

Analysons  maintenant  l'argument  traditionnel  basé  sur  les 
images  typiques  de  Marie. 

Quel  a  été  le  mobile  des  écrivains  ecclésiastiques  en  recou- 
rant aux  images  typiques  de  l'Ancien  Testament,  quand  ils 
parlaient  de  Marie? 

Voilà  une  demande  au  premier  aspect  peut-être  oiseuse. 

D'aucuns  diront  qu'ils  ont  simplement  aouIu  en  orner  leurs 
compositions  poétiques  et  oratoires;  mais  dans  ce  cas,  pour- 
quoi ne  pas  employer  n'importe  quelles  images  et  pourquoi  tant 
appuyer  sur  le  caractère  prophétique  de  ces  types? 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE    CONXEPTION.  205 

,  Or,  c'est  précisément  ce  caractère  qui,  à  leurs  yeux,  leur 
donnait  tant  de  poids  et  d'autorité.  De  plus,  si  l'on  en  considère 
attentivement  le  choix,  l'on  reconnaîtra  immédiatement  qu'ils 
ont  toujours  trait  à  quelque  objet  grand  et  noble,  soit  à  le  consi- 
dérer en  lui-même,  comme  le  ciel,  le  paradis  terrestre,  l'arbre  de 
vie,  soit  au  point  de  vue  de  l'histoire.  Si  l'on  pouvait,  en  effet, 
embrasser  d'un  coup  d'œil  les  faits  et  gestes  d'une  nation  aussi 
célèl)re  que  le  peuple  de  Dieu,  comme  l'on  considère  une  grande 
ville  ou  un  panorama  à  vol  d'oiseau,  ne  devrait-on  pas  dire  que 
l'arche  de  Noé,  l'échelle  de  Jacob,  le  buisson  ardent,  la  toison 
de  Gédéon  et  d'autres  souvenirs  encore  ressemblent  à  ces  mo- 
numents dont  l'imposante  majesté  se  dégage  des  mille  petites 
constructions  environnantes? 

A  cela  s'ajoute  que  noml»re  de  ces  types  représentent  tout  ce 
(lue  les  Juifs  pouvaient  concevoir  de  plus  précieux  et  de  plus 
cher  à  leurs  traditions  :  l'arche  d'alliance  avec  les  tables  de  la 
loi  et  le  vase  de  la  manne  miraculeuse,  le  propitiatoire,  siège 
de  la  divinité  et  témoin  de  ses  oracles,  le  saint  des  saints  qui 
renfermait  tous  ces  trésors,  le  tabernacle,  le  temple,  œuvres 
personnelles  de  Dieu,  peut-on  dire,  à  cause  des  plans  qu'il  en 
avait  communiqués. 

Enfin,  viennent  les  figures  les  plus  fameuses  chez  les  Hé- 
breux et  les  prophéties  qui  illustrèrent  davantage  les  grands 
voyants  d'Israël  :  le  livre  et  la  porte  munis  de  sceaux,  ];i  cité  de 
Sion,  la  montagne  de  Daniel. 

Tout  cet  ensemble  n'est-il  pas  de  nature  à  faire  concevoir 
quelque  chose  d'exceptionnel,  de  surnaturel,  dans  la  créature 
(]ui  en  est  l'objet,  fait  qui  n'aurait  pas  sa  raison  d'être  suffisante, 
s'il  s'agissait  seulement  d'une  action  ou  d'un  événement  de  sa 
vie,  sans  embrasser  le  plus  intime  de  son  extraordinaire  per- 
sonnalité? 

Mais  il  y  a  plus  encore.  Les  saints  Pères  ne  se  sont  pas  con- 
tentés d'appliquer  à  Marie  ces  types,  en  eux-mêmes  déjà  très 
significatifs  et  très  grands,  mais  ils  y  ont  ajouté  des  épithètes 
et,  souvent,  des  commentaires  qui  en  rehaussent  le  prix  et  la 
signification. 

Parlant  de  la  terre  vierge  et  intacte,  les  saints  Pères  la  pro- 
clament  terre  sainte  et  tout   immaculée  (1),   terre  qui  na 

(1)  Saint  Germain,  sermon  pour  l'Annonciation.  Maraccius,  ojo.  cit.,  p.  100-101. 


206  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

donné  naissance  à  nulle  épine  du  péché  (1),  terre  sainte  et 
désirée  de  tous  (2). 

Autour  du  type  emprunté  à  la  porte  munie  de  sceaux,  nous 
rencontrons  ces  appositions  :  porte  intacte,  non  corrompue , 
non  violée,  formée  de  la  main  de  Dieu  et  scellée  de  son 
doigt  (3),  porte  à  laquelle  le  mensonge  ne  peut  avoir  ac- 
cès (4). 

Marie  est  appelée  par  Basile  de  Séleucie  (5),  temple  vraiment 
digne  de  Dieu;  par  saint  Jean  Damascène  (G),  maison  de 
Dieu  étincelante  des  splendeurs  divines,  pleine  de  la  gloire 
du  Seigneur,  spirituellement  plus  brillante  que  les  Séraphins 
ardents.  Mais  je  n'en  finirais  pas,  s'il  fallait  citer  toutes  les 
appellations  qui  acconapaernent  les  figures  typiques  de  Marie, 
et  comme  elles  ne  serviraient  qu'à  former  un  argument  sem- 
blable à  celui  développé  dans  le  chapiti*e  précédent ,  ou  tout 
au  plus  à  le  corroborer,  je  préfère  passer  à  un  autre  ordre 
d'idées. 


En  examinant  de  plus  près  la  nature  intrinsèque  des  noniT 
breux  types  scripturaires  que  les  saints  Pères  ont  appliqués 
à  Marie,  on  arrivera  à  des  conséquences  d'un  poids  très  grand 
pour  l'objet  de  cette  étude. 

Une  image  restera  toujours  image,  c'est  là  une  vérité  incon- 
testable qu'il  est  peut-être  puéril  de  répéter.  Mais  parce  qu'elle 
est  image,  ne  sert-elle  qu'à  donner  les  contours  extérieurs  de 
la  réalité,  ou  bien  doit-elle  reproduire  aussi  quelques-uns  de 
ses  éléments  constitutifs  et  même  quelque  chose  de  son  es- 
sence? 

Il  nous  semble  que  les  deux  hypothèses  sont  également  ad- 

(1)....  e^i'  v;v  TTji;  àaapTÎa:  àxav6a  oùx  àvÉTsi/s.  Saint  Jean  Damascène,  deuxième 
sermon  pour  la  Nativité. 

(2)  'ETtiô-jtiTîTiri  xal  àyta  v^-  Jacques  IMoinc,  sermon  pour  la  Nativité  de  Marie. 
Combef.  Auct.,  t.  1. 

(3)  HuAio...  (jwa  xal  àppay/;Ç  xal  à(J.6X-jvT0ç,  "/etpt  yàp  TtéjiYixTai  f)£où  xat  âffcspàyKTTat 
ôayTTj)>w.  Denys  d'Alexandrie,  /.  c. 

(4)  'Ev  -Q  <\ie\)ooz  o\)  TtpoffETrD.atïEv.  Modeste,  /.  r. 

(5)  Naô;  OTtâp/et;  ovtw;  à^ôyeo;.  Sermon  sur  la  sainte  Vierge.  Comb.,  I,  p.  501. 

(6)  Olxo;  QsoO  à  6siat;  iyla.i'xiz  lx)>à'^7:wv  ô6[j.o;.  Deuxième  sermon  pour  la  Na- 
tivité. 


LK    DOGME    DE    l'lMMACULÉE    C0XCEPTD)N.  207 

missibles  surtout  pour  ce  qui  concerne  les  types  prophétiques 
de  l'Ancien  Testament,  et  la  réalisation  de  Tune  ou  de  l'autre 
dépendra  de  la  nature  du  type  même. 

Pour  appliquer  cette  doctrine  à  notre  sujet,  les  types  de  Ma- 
rie, tels  que  les  pinces  et  la  nuée  dlsaïe,  la  toison  de  Gé- 
déon,  la  montagne  de  la  prophétie  de  Daniel,  et  d'autres  en- 
core, regardent  un  des  côtés  de  la  personnalité  de  Marie,  si  je 
puis  m'exprimer  ainsi,  comme  serait  celui  de  sa  maternité,  et 
la  preuve  qu'on  en  tirerait  pour  son  incomparable  pureté,  se- 
rait indirecte,  résultant  plutôt  de  la  destination  de  ces  types, 
ainsi  que  des  épithètes  qui  les  accompagnent. 

Mais  d'autres  types  —  et  ils  sont  nombreux  —  ont  déjà  une 
nature  en  soi  si  excellente,  que  celle-ci  semble  indiquer  de 
première  intention  la  nature  de  la  chose  réalisée.  C'est  ainsi 
que  le  temple,  pris  comme  image  de  Marie,  ne  peut  pas  avoir 
sa  signification  limitée  exclusivement  à  son  privilège  d'avoir 
contenu  dans  son  sein  la  divinité,  car  le  temple  de  Salomon  en 
soi  était  d'une  richesse  inouïe.  La  même  observation  doit  se 
faire  à  propos  de  l'arche  d'alliance  recouverte  à  l'intérieur  et  à 
l'extérieur  de  lames  d'or,  du  propitiatoire  étincelant,  du  chan- 
delier d'or  (1),  etc.  Et  pour  indiquer  que  ces  précieuses  quali- 
tés de  la  matière  doivent  se  rapporter  à  la  partie  spirituelle  de 
Marie,  les  écrivains  ont  bien  soin  d'employer  des  expressions 
telles  que  arche  animée  (2),  tabernacle  raisonnable  (3), 
tabernacle  sanctifié  (4),  arche  sanctifiée  de  corps  et  d'es- 
prit (d). 

(1)  L'or,  lo  métal  le  plus  précieux  et  le  plus  pur,  souible  avoir  eu  le  don  d'attirer 
l'attention  des  saints  Pères  qui  l'appliquent  avec  insistance  à  la  Vierge  bénie  : 
■/atps  -/pyaîov  -xaOapov,  -fi  èv  -/coveîa  toù  0£oO  ooxtixaaOsTaa  T«p  'Jtupl  xoO  uvEUfiaio;,  xal 
(xr,ôa(j.où  putioa  xaxia;  ^spoucra"  è?  o-j  i]  Xuyvia  xs  xal  i\  TpiTceîJa,  xal  uàvxa  ta  Y.a.xà.  tôv 
v6[iov  y^ip-JatoL,  xax'  saçaoïv  àXXriYOpixrjV  im  ai  xôv  5(pu(Twvu[jiov  xal  iro),\ja>vy[xov  (/.=xa>,a[j.- 
êàvîxai. 

«  Ave  aurum  puruni,  quae  igné  Spiritus  in  Dei  contlatorio  ])robata  es,  nec 
malitiae  usquam  rugine  deformis;  ex  quo  auro  tum  candelabrum,  tum  mensa, 
tum  reliqua  omnia  legis  ritu  aurea,  allegoriao  non  ambigua  significatione  de  te 
aureis  multisque  nominibus  celebri  accipiuntur.  •■  Saint  Jean  Damasc,  2°  Ser- 
mon pour  la  Nativité. 

(2)  'Q;  ëfA'jiuxoi;  xtêtoxô;.  Menées,  canon  du  1"  octobre,  6'=  ode. 

(3)  AoYixy;  ffx-/ivi^.  Modeste,  /.  c. 

(4)  Ta  i?iYtaa(i.évov  axYivtûjjLa.  Georges  de  Nicomédie,  l.  c. 

(5)  'H  x£Xpy(îW!J.svYi  j'atoOcv  xal  k'^wOsv  xiêwxô;.  Procle.  sermon  sur  la  Bière  de  Dieu. 
Gall.,  t.  XL 


208  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

D'autres  types  cependant  expriment  Fintégrité  de  Marie  de 
par  leur  destination  ou  leur  nature  première.  Prenons  l'arche  de 
Noé  par  exemple.  Elle  était  faite  de  matières  incorruptibles, 
elle  servit  à  préserver  de  la  mort  tous  ceux  qu'elle  contenait; 
bien  plus,  pour  conserver  les  autres,  elle  dut  elle-même  demeu- 
rer à  l'abri  de  toute  injure.  N'est-elle  pas  l'image  parfaite  de 
Marie,  telle  que  la  doctrine  catholique  nous  la  dépeint?  La 
Mère  de  Dieu  est  destinée  à  porter  en  elle  le  salut  du  genre  hu- 
main; pour  remplir  cette  mission,  il  faut  qu'elle-même  soit 
d'al:»ord  sauvée,  et  elle  est  sauvée  en  vertu  de  celui  qui  devra 
sauver  les  autres. 

Qu'y  a-t-il  de  plus  pur  que  le  firmament  en  soi^?  Marie  en  est 
l'antitype. 

Les  saints  Pères  ont  encore  recours  au  paradis  terrestre,  à  la 
terre  non  maudite,  qu'ils  arrivent  même  à  nommer  la  patrie 
terrestre  du  Christ  (1),  ï~i-;tizy  t:j  Xp^tcO  r.oc-pizoc,  et  à  l'arbre 
de  vie;  ils  appuient  sur  l'idée  de  l'état  d'innocence  auquel  par- 
ticipaient même  ces  éléments  matériels,  la  terre  dépourvue 
d'épines,  mais  surtout  des  épines  du  péché  (2);  le  jMradis 
protégé  des  embûches  du  serpent  (3),  toujours  en  fleurs  (4); 
l'arbre  de  vie,  qui  non  seulement  donne  l' immortalité,  mais 
en  soi  est  incorruptible  (5). 

Enfin,  comme  si  toutes  les  qualités,  toute  la  bonté  de  la  na- 
ture, observées  dans  ces  types,  ne  suffisaient  pas,  la  réalité, 
selon  les  Pères,  a  encore  dépassé  l'image,  le  surnaturel  a  fail 
place  au  naturel,  le  créé  a  disparu  devant  un  monde  nouveau. 

Avant  de  décrire  la  Vierge  bénie  comme  un  Paradis  renou- 
velé, saint  Germain  (6)  en  donne  la  raison,  disant  :  «  ...  Mens 
tua  supra  quam  dici  et  cogitari  polest  pura  et  defaecata  ad  mi- 
nimam  motionis  inordinatae  minusque  convenientis  umbram 
atque  vestigium  omnes  aditus  intercludit.  » 

Georges  de  Nicomédie  (7)  la  proclame  temple  meilleur  que 


(1)  Modeste  de  Jérusalem,  /.  c. 

(2)  Saint  Jean  Damascène,  2°  Sermon  pour  la  Nativit(''. 

(3)  Ibid. 

(4)  Proclus,  &"  Sermon  sur  les  louanges  de  Marie. 

(5)  Saint  Jean  Damascène,  /.  c. 

(0)  Sernjon  pour  l'Annonciation.  Maracc,  L  <*. 
(?)  Sermon  pour  la  Présentation.    Combef.,  t.  I. 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  209 

fes  deux,  plus  vaste,  plus  étendu  que  tout  le  monde  des  créa- 
tures. 

Et  pour  ne  pas  multiplier  les  citations,  celle-ci,  tirée  d'un 
sermon  d'Isidore  de  Tliessalunique  sur  la  Présentation,  résu- 
mera et  complétera  tout  à  la  fois  les  considérations  précéden- 
tes (1)  :  «  sicut  lucernae  lumen  egregio  lucet  et  usui  est,  dum 
latet  illud  vas  quod  simul  inservit  praeestque  diei,  magno  vero 
luminare  oriente,  supervacaneum  est  quod  impenditur  in  lucem 
lucernae,  et  omnino  parvipendendum  ob  radii  solaris  exuberan- 
tiam;  ita  locus  qui  Sancta  Sanctorum  vocabatur,  nunc  delite- 
scit,  et  cum  nulli  sit  usui,  extinctus  est,  quoniam  alia  sacratior 
domus  consurrexit  et  splendescit,  purissima,  inquam,  et  luci- 
dissima  sponsa.  » 


Concluons  à  notre  tour.  —  Mettons  en  regard  d'un  côté  la 
nature  des  images  typiques  de  Marie  empruntées  aux  livres  de 
l'Ancien  Testament,  les  commentaires  et  les  épithètes  qui  les 
accompagnent  dans  les  écrits  des  Pères,  l'importance  qu'elles 
revêtent  à  leurs  yeux,  leur  caractère  prophétique,  et  de  l'autre 
côté  le  dogme  de  l'absolue  pureté  de  Marie  et  partant  de  son 
Immaculée  Conception.  Le  premier  élément  ne  s'harmonise-t-il 
pas  avec  le  second  à  tel  point  qu'il  le  réclame  comme  son  com- 
plément nécessaire? 

On  pourra  dire  que  ces  types  reflètent  tout  au  plus  la  singu- 
lière pureté  de  Marie,  mais  ce  serait  le  lieu  de  répéter  ici  ce  qui 
a  été  dit  dans  le  chapitre  précédent.  Si  ces  types  indiquent 
l'extrême  sainteté  de  Marie,  supérieure  à  celle  de  toutes  les 
créatures,  et  non  l'exemption  en  elle  de  la  faute  originelle,  il 
n'y  a  aucune  raison  de  soutenir  la  première  vérité  et  d'exclure 
la  seconde,  sous  peine  d'infirmer  par  là  même  celle-là. 

Ensuite,  quand  il  s'agit  de  termes  semblables  appliqués 
à  Notre -Seigneur,  toutes  ces  distinctions  tombent  d'elles- 
mêmes.  Évidemment  la  conception  du  Verbe  est  immaculée  à 
d'autres  titres  et  à  un  autre  degré  que  celle  de  sa  Mère,  mais 
quant  aux  modes  de  l'exprimer,  le  langage  humain  fait-il  une 

(1)  zi"  Sermon.  Maraccius,  op.  c,  p.  27-29. 


208  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

D'autres  types  cependant  expriment  l'intégrité  de  Marie  de 
par  leur  destination  ou  leur  nature  première.  Prenons  l'arche  de 
Noé  par  exemple.  Elle  était  faite  de  matières  incorruptibles, 
elle  servit  à  préserver  de  la  mort  tous  ceux  qu'elle  contenait; 
bien  plus,  pour  conserver  les  autres,  elle  dut  elle-même  demeu- 
rer à  l'abri  de  toute  injure.  N'est-elle  pas  l'iiiiage  parfaite  de 
Marie,  telle  que  la  doctrine  catholique  nous  la  dépeint?  La 
Mère  de  Dieu  est  destinée  à  porter  en  elle  le  salut  du  genre  hu- 
main; pour  remplir  cette  mission,  il  faut  qu'elle-même  soit 
d'abord  sauvée,  et  elle  est  sauvée  en  ^ertu  de  celui  qui  devra 
sauver  les  autres. 

Qu'y  a-t-il  de  plus  pur  que  le  firmament  en  soi'?  Marie  en  est 
l'antitype. 

Les  saints  Pères  ont  encore  recours  au  paradis  terrestre,  à  la 
terre  non  maudite,  qu'ils  arrivent  même  à  nommer  la  patrie 
terrestre  du  Christ  (1),  è-ÎYsicv  tcu  XpKjTsu  -ra-rpioa,  et  à  l'arbre 
de  vie;  ils  appuient  sur  l'idée  de  l'état  d'innocence  auquel  par- 
ticipaient même  ces  éléments  matériels,  la  terre  dépourvue 
d'épines,  mais  surtout  des  épines  du  péché  (2);  le  paradis 
protégé  des  embûches  du  serpent  (3),  toujours  en  fleurs  {A); 
r arbre  de  vie,  qui  non  seulement  donne  l'iininortalité,  mais 
en  soi  est  incorruptible  (5). 

Enfin,  comme  si  toutes  les  qualités,  toute  la  bonté  de  la  na- 
ture, observées  dans  ces  types,  ne  suffisaient  pas,  la  réalité, 
selon  les  Pères,  a  encore  dépassé  l'image,  le  surnaturel  a  fait 
place  au  naturel,  le  créé  a  disparu  devant  un  monde  nouveau. 

Avant  de  décrire  la  Vierge  bénie  comme  un  Paradis  renou- 
velé, saint  Germain  (6)  en  donne  la  raison,  disant  :  «  ...  Mens 
tua  supra  quam  dici  et  cogitari  polest  pura  et  defaecataad  mi- 
nimam  motionis  inordinatae  minusque  convenienlis  umbram 
atque  vestigium  omnes  aditus  intercludit.  » 

Georges  de  Nicomédie  (7)  la  proclame  temple  meilleur  ciue 


(1)  IModcste  de  Jérusalem,  l.  r. 

(2)  Saint  Jean  Damascène,  2°  Sermon  pour  la  Nativité. 

(3)  Jbid. 

(4)  Proclus,  6"^  Sermon  sur  les  louanges  de  IMarie. 

(5)  Saint  Jean  Damascène.  /.  c. 

((3)  Sermon  pour  l'Annonciation.  JMaracc,  /.  c. 
(?)  Sermon  pour  la  Présentation.    Combef.,  t.  I. 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  209 

les  deux,  plus  vaste,  plus  étendu  que  tout  le  monde  des  créa- 
tures. 

Et  pour  ne  pas  multiplier  les  citations,  celle-ci,  tirée  d'un 
sermon  d'Isidore  de  Thessalonique  sur  la  Présentation,  résu- 
mera et  complétera  tout  à  la  fois  les  considérations  précéden- 
tes (1)  :  «  sicut  lucernae  lumen  egregio  lucet  et  usui  est,  dum 
latet  illud  vas  quod  simul  inservit  praeestque  dlei,  magno  vero 
luminare  oriente,  supervacaneum  est  quod  impenditur  in  lucem 
lucernae,  et  omnino  parvipendendum  ob  radii  solaris  exuberan- 
tiam;  ita  locus  qui  Sancta  Sanctorum  vocaljatur,  nunc  delite- 
scit,  et  cum  nuUi  sit  usui,  extinctus  est,  quoniam  alla  sacratior 
domus  consurrexit  et  splendescit,  purissima,  inquam,  et  luci- 
dissima  sponsa.  » 


Concluons  à  notre  tour.  —  Mettons  en  regard  d'un  côté  la 
nature  des  images  typiques  de  Marie  empruntées  aux  livres  de 
l'Ancien  Testament,  les  commentaires  et  les  épithètes  qui  les 
accompagnent  dans  les  écrits  des  Pères,  l'importance  qu'elles 
revêtent  à  leurs  3^eux,  leur  caractère  prophétique,  et  de  l'autre 
côté  le  dogme  de  l'aljsolue  pureté  de  Marie  et  partant  de  son 
Immaculée  Conception.  Le  premier  élément  ne  s'harmonise-t-il 
pas  avec  le  second  à  tel  point  qu'il  le  réclame  comme  son  com- 
plément nécessaire? 

On  pourra  dire  que  ces  types  reflètent  tout  au  plus  la  singu- 
lière pureté  de  Marie,  mais  ce  serait  le  lieu  de  répéter  ici  ce  qui 
a  été  dit  dans  le  chapitre  précédent.  Si  ces  types  indiquent 
l'extrême  sainteté  de  Marie,  supérieure  à  celle  de  toutes  les 
créatures,  et  non  l'exemption  en  elle  de  la  faute  originelle,  il 
n'y  a  aucune  raison  de  soutenir  la  première  vérité  et  d'exclure 
la  seconde,  sous  peine  d'infirmer  par  là  même  celle-là. 

Ensuite,  quand  il  s'agit  de  termes  semblables  appliqués 
à  Notre -Seigneur,  toutes  ces  distinctions  tombent  d'elles- 
mêmes.  Évidemment  la  conception  du  Verbe  est  immaculée  à 
d'autres  titres  et  à  un  autre  degré  que  celle  de  sa  Mère,  mais 
quant  aux  modes  de  l'exprimer,  le  langage  humain  fait-il  une 

(1)  i"  Sermon.  Maraccius,  op.  c,  p.  27-29. 


210  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

distinction,  comme  il  le  fait  quand  il  s'agit  de  la  sainteté  des 
autres  hommes?  Et  ceci  se  vérifie  aussi  dans  certains  types. 
Par  exemple,  Denys  d'Alexandrie  (1)  en  parlant  de  Marie  la 
compare  au  tabernacle  qui  n'est  pas  fait  de  la  main  des  hom- 
mes, expression  que  saint  Paul  applique  aussi  au  Christ,  en 

parlant  de  sa  passion  :    oià  -f,q   \xzïC,zvoq   xai  TsAsiOTspa;  CAr^v-qq  z-j 

"/stpcTTiivîTiu  (Hebr.,  ix,  11). 

De  plus,  beaucoup  de  textes  qui  contiennent  les  types  dont 
nous  avons  parlé  font  clairement  allusion  au  péché  originel  et  à 
ses  suites.  Tantôt  le  souvenir  en  est  évoqué  d'une  façon  géné- 
rale, tantôt  le  moment  en  est  précisé  davantage,  à  propos  soit 
de  la  Nativité  de  la  Mère  de  Dieu,  soit  même  de  sa  conception. 

Saint  Jean  Damascène,  dans  son  premier  sermon  pour  la 
Nativité  plusieurs  fois  déjà  cité,  exprime  ces  paroles  dont  le 
sens  devrait  être  sérieusement  pesé  :  'Q  ÔJYaTpiov    Iwaxv.sîiJ.  te 

7.al  Avv/;ç  "îb  îîpwTaTCv,  to  Xaôbv  -:àç  àp^àç  y.ai  -àç  è^cucia^  xal  -rà 
-37:upa)[jiva  '^iXr^  xzXt  7:crr,pc^'  to  èv  6aXa[j.w  toj  iz^eùij.qc-oç T.oKi-tU!ji\).t- 
vov,  xai  Tr,pr^Gàv  a[j.a);j.cv  zlq  vùixor^v  ©scj,  y.al  [j/q-zipoi.  oùuu  tcj  ©scj'  (i) 
Ouyaipicv  [spwTa-ov,   to   l~\  '^.r,-pi-A-qq    oaivô[j.svcv    wAév^ç,    xal   çoêspbv 

^oàç  â-ocTTa-r/.aïç  5jvâ;j,£C7iv.  <(  0  Joachimi  et  Annae  sacratissima 
filia,  quae  Principatibus  et  Potestatibus,  igneisque  maligni  te- 
lis  latuisti  :  quae  in  Spiritus  thalamo  versataes  et  sine  macula 
custodita,  ut  sponsa  Dei  et  natura  Dei  mater  esses.  0  sacratis- 
sima lilia,  quae  in  maternis  ulnis  cerneris,  apostat icisque  Vir- 
tutibus  formidabilis  es.  » 

Si  en  effet  Marie  avant  sa  naissance  a  été  à  couvert  des  traits 
perfides  des  esprits  malins,  si,  venue  au  monde,  elle  est  un 
objet  redoutable  aux  anges  apostats,  pourquoi  ne  l'aurait-elle 
pas  été  déjà  dès  sa  conception? 

Nulle  part,  il  est  vrai,  chez  les  saints  Pères  la  distinction 
entre  ces  deux  moments  n'est  formulée  d'une  façon  positive,  mais 
dans  certains  textes  cette  conclusion  logiquement  déduite  est 
clairement  exprimée  à  l'état  de  fait.  Témoin  ces  belles  paroles  de 
Pierre  d'Argos  (2),  lequel,  avant  d'énoncer  l'accomplissement 
de  certaines  figures  prophétiques,  personnifie  la  nature  hu- 
maine et  lui  fait  dire  ces  mots  :  Aià  tojt:  y.apaç  Ta  ffjij.-avxa 


(1)  Epist.  adv.  Paul.  Sanios. 

(2)  Sermon  poui-  la  Conception  de  la  Mère  de  Dieu. 


LE    DOGME    DE    l'IMMACULÉE    CONCEPTION,  211 

V-Vi^-  <y''^([^'£pov,  y.at  y;  oùaiç,  •r;;j.wv  )^ap',jrr,p{c'jç  Tzpcsoipti  çwvàç  -m  Szm' 
zltyxpiGzoi  aot  Aca::OTa,  Xs^ouca,  oti  [;.£  a-£îpav  oùaav  y.a',  à'^cvov  '^rpbç 
Tî'/.voYOViav  ot(^Y=^2*Ç*  '^'^^  t'-^'^  '^'^Ç  '^Ç  /.aTaxpiaeco?  ây,àvGa>;  à-îipHoj,  y.a!, 
-pbç  çuT0UpY''3:v  otà  t^ç  ôsiaç  "Avv*/]ç  y.at  tou  Io)ay.£l[;<  y.aOa)[j(.âAiffaç" 
î'j}(api(JTàJ  c;'.  Tw  TraiGî'JaavTt  y.al  tt^Aiv  7:po(yXa[A6avop.£Vcp  (77^[J,£pov'  où 
Yuvar/.b?  [Ji-^XP^  '^^  ^^''  àOXia  £Yw,  Bià  Y'>'''3cr/,bç  à'pTt  [j.ay.apta  yô^évï;- 
[jLau  «  Ob  id  hodie  universa  gaudio  exsultant,  naturaque  nostra 
gratiarum  actione  refertas  voces  Dec  offert  dicens  :  gratiastibi 
ago,  Domine,  qui  me  sterilem  et  infecundam  libei-is  procrean- 
dis  excitasti,  et  me  a  damnationis  spiiiis  purgari  coepisti, 
culturaeque  propter  divam  Annam  et  Joachim  adaptasti.  Gra- 
tias  ago  tibi  qui  me  postquam  erudieris,  iterum  hodie  suscipis. 
Ob  mulierem  hue  usque  infelix  ego,  ob  mulierem  nunc  beata 
8um  affecta.  » 

La  nature  humaine  salue  donc  en  Marie  les  prémices  de  sa 
libération  de  la  faute  originelle,  l-.i  \).z'j  -y.z  -f,^  y.aTaxpfffcO);  àxav6aç 
à-£':p^oj  (1),  et  non  pas  en  général,  mais  d'une  façon  bien  spéci- 
fiée, au  moment  de  sa  conception. 

L'on  ne  peut  donc  sans  témérité  affirmer  que  les  types  de 
Marie  doivent  se  rapporter  uniquement  à  sa  maternité  virgi- 
nale. 

Une  objection  plus  sérieuse  provient  du  concept  du  péché 
originel  sur  lequel  quelques  théologiens  de  l'Église  grecque  ne 
sont  pas  d'accord. 

Nous  aurons  l'occasion  d'en  dire  un  mot  plus  loin. 

[A  suivre.) 

Rome,  Collège  Cîrec. 

D.  Placide  de  Meester, 
0.  S.  B. 

(1)  Les  effets  .sont  mis  pour  la  cause. 


HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE 

DE  L^ARMÉNIE 

(Suite)  (1) 


Le  roi  apprécie  grandement  le  puissant  concours  que  les 
chevaliers  Teutoniques  et  les  Hospitaliers  prêtent  à  son  armée. 
Aux  premiers  il  a  confié  notamment  la  place  d'Amouda  (entre 
Anazarbe  et  Mopsueste);  aux  seconds  il  a  donné,  en  1210, 
Séleucie  avec  Norpert  et  Camardias  dans  la  vallée  de  Séleucie. 
Il  utilise  aussi  la  vaillance  des  Templiers  au  début  et  à  la  fin  de 
son  règne.  A  l'article  suivant,  nous  dirons  d'où  naquit  le  con- 
flit qui  mit  aux  prises  Léon  et  les  Templiers  jusqu'à  Tan  1214. 

I  15.  Régime  jjolitique;  la  vieille  royauté  arménienne. 
En  Cilicie,  les  liens  des  seigneurs  avec  le  roi  sont  plus  étroits  ; 
cour  de  Sis  modelée  sur  la  cour  féodale  des  Franks  :  admi- 
nistrateurs, dignitaires,  chevaliers.  —  Si  peu  étendu  que  fût 
son  royaume,  Léon  II  n'avait  rien  à  envier,  au  point  de  vue  de 
l'autorité,  aux  anciens  monarques  arméniens.  Pour  ne  point 
remonter  à  l'histoire  légendaire  de  la  dynastie  de  Haïg,  on  se 
rappelle  que  ses  successeurs  les  Arsacides  d'Arménie,  comme 
ceux  de  la  Bactriane  et  du  nord  de  la  mer  Caspienne,  étaient 
placés  sous  la  suprématie  du  chef  de  la  famille,  le  roi  des  rois, 
qui  seul  portait  le  bandeau  royal,  appelé  varçagal,  et  se  réser- 
vait le  privilège  de  battre  monnaie.  Tributaires  du  monarque 
suprême  de  Perse,  les  anciens  Arsacides  arméniens  n'étaient 
guère  distingués  de  leurs  plus  puissants  satrapes  que  par  la 
couronne  ou  tiare  arménienne,  insigne  de  leur  dignité.  Nous 

(1)  Voy.  vol.  VII,  1902,  p.  26,  277,  508;  vol.  VIII.  1903.  p.  206,  577;  vol.  IX, 
1904,  p.  'l07. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  213 

savons  que,  maîtres  à  peu  près  absolus  dans  leurs  domaines,  les 
nakhararq  pouvaient  refuser  leurs  troupes  au  roi,  sans  que  la  loi 
les  déclarât  déchus  de  leur  seigneurie  ou  passibles  de  quelque 
i^rave  peine.  Si  le  roi  était  trop  faible  pour  les  réduire  par  les 
armes,  il  n'avait  d'autre  alternative  que  de  souffrir  l'injure,  ou 
de  confier  aux  autres  satrapes  le  soin  de  le  venger,  en  leur 
offrant  en  récompense  les  dépouilles  du  rebelle. 

La  terre  ne  les  unissant  pas  au  trône  par  un  lien  assez  puis- 
sant, le  roi  devait  s^ittacher  les  nakhararq  par  des  privilèges 
personnels,  soit  en  les  retenant  à  la  cour  par  quelque  dignité,  soit 
en  leur  confiant  quelque  haut  poste  militair(^  ou  administratif. 
C'était  cette  préoccupation  politique  qui  avait  introduit  en 
Arménie  un  usage  en  vigueur  chez  les  anciens  monarques  par- 
thes,  le  privilège  d'assister,  sur  un  siège  plus  ou  moins  élevé, 
aux  banquets  de  la  cour  royale.  Au  dire  de  Fauste  de  Byzance, 
le  nombre  des  nakhararq  ayant  coussin  à  la  table  royale,  vers  le 
milieu  du  iv®  siècle,  s'élevait  à  neuf  cents.  En  admettant  que  l'au- 
teur ait  exagéré  à  son  ordinaire,  d'autres  témoignages  con- 
temporains ne  nous  permettent  pas  de  réduire  ce  chiffre  au- 
dessous  de  quatre  cents. 

Les  circonstances  au  milieu  desquelles  s'effondra  la  monar- 
chie arsacide  arménienne  nous  ont  montré  que  ces  liens  arti- 
ficiels créés  par  la  politique  du  roi  n'avaient  pas  toujours  en- 
chaîné à  sa  cause  l'ambition  des  principaux  seigneurs;  et 
ceux-ci,  retranchés  dans  leurs  forteresses,  derrière  quelque  ri- 
vière ou  sur  quelque  mont,  limites  de  leurs  domaines,  ne  s'é- 
taient guère  fait  scrupule  de  bra^'er  leur  suzerain. 

L'assujettissement  des  seigneurs  de  Cilicie  à  leur  roi  fut  plus 
étroit.  Aussi,  dans  le  royaume  cilicien,  à  côté  des  traces  de 
l'influence  grecque,  on  retrouve  plus  profondes  encore  et  plus 
nombreuses  les  empreintes  laissées  par  les  cours  occiden- 
tales. Les  alliances  de  Léon  avec  les  princes  latins^  comme  le 
voisinage  de  ces  derniers,  contribuèrent  beaucoup  à  introduire 
chez  les  Arméniens  maints  usages  politiques  des  Franks  et  à 
modeler  en  particulier  la  cour  de  Sis  sur  celle  d'Antioche  et  de 
Jérusalem.  Les  assises  de  Jérusalem,  qui  étaient  reçues  dès 
le  xii"  siècle  dans  les  principautés  de  Syrie,  avaient  déjà 
pénétré  et  commençaient  de  faire  loi  dans  la  Petite-Ar- 
ménie. Bien  que  les  assises  d'Antioche  ne  fussent  point  encore 


214  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

traduites  en  arménien  ni  même  fixées  par  récriture,  les  us  et 
coutumes  de  cette  capitale  de  la  Syrie  chrétienne  formaient 
cependant  une  tradition.  En  raison  de  sa  proximité  et  aussi 
des  liens  de  vassalité  contractés  par  ses  premiers  barons, 
rArméno-Cilicie  se  conforma  surtout  aux  coutumes  et  à  l'éti- 
quette en  vigueur  à  Antioche.  Au  régime  de  l'ancienne  cour  fut 
substitué  un  vrai  régime  féodal.  Pendant  que  le  latin  et  le  fran- 
çais prenaient  à  la  cour  et  à  la  grande  chancellerie  un  caractère 
officiel,  à  côté  de  l'arménien,  les  nakhararq  devenaient  des 
barons  et,  plus  tard,  des  comtes.  Ils  se  liaient  au  roi  par  le 
serment  de  vassalité  et  s'engageaient  à  lui  fournir  des  troupes 
en  temps  de  guerre.  De  son  côté,  le  roi  les  appelait  à  siéger  dans 
la  haute  cour  qui  réglait  les  principales  affaires  du  royaume;  il 
les  confirmait  dans  la  possession  de  leurs  fiefs.  Il  pouvait  aussi 
confisquer  aux  seigneurs  les  domaines  qu'ils  tenaient  de  lui  et 
hériter  de  ceux  qui  n'avaient  point  de  successeurs  (1). 

Sans  doute,  plusieurs  des  charges  en  usage  à  la  cour  des 
rois  Arsacides  furent  maintenues,  et  le  roi  Héthoum  F''  va 
même  rétablir  celle  de  Thakatir,  «  poseur  de  couronne  ».  Mais 
combien  d'autres  emplois  furent,  sinon  créés,  du  moins  dénom- 
més sur  le  modèle  des  titres  principalement  usités  dans  les 
cours  latines.  On  appela  baïles  (bajulus)  le  régent  ou  tuteur  du 
prince  héritier.  Près  de  mourir,  Léon  II  se  conformant  au  dis- 
positif des  assises  de  Jérusalem  nomma  même  deux  baïles, 
l'un  pour  élever  et  protéger  la  princesse  héritière,  l'autre  pour 
gérer  ses  biens.  Le  premier  baïle  ou  bailli  portait  aussi  le 
nom  de  père  du  roi,  iSao-ùsc-aToip ;  c'était  le  principal  person- 
nage après  le  roi.  La  deuxième  place  était  occupée  par  le  second 
baron,  souvent  appelé  prince  des  princes.  Il  figurait  déjà  au 
temps  des  Arsacides  sous  le  nom  de  lieutenant  du  roi.  Le  gé- 
néralissime échangea  son  ancien  nom  de  sbaçalar  contre  celui 
de  connétable  (cornes  stabuli).  C'était  lui  qui,  à  la  guerre,  por- 
tait la  bannière  du  roi,  surmontée  d'un  lion  debout.  Le  ma- 


(1)  Les  familles  nobles  furent  régies  par  la  Haute-Cour.  Celles  du  peuple  le 
furent  par  la  Cour-Basse.  Ici,  les  affaires  litigieuses  étaient  traitées  par  les  mem- 
bres d'un  tribunal  composé  de  bourgeois.  Les  citadins,  sous  le  nom  de  bour- 
geois, formaient  une  classe  intermédiaire  entre  les  nobles  et  les  paysans,  rustici  : 
parmi  ces  derniers  se  trouvaient  des  colons.  —  Les  assises  d'Antioche  furent 
traduites  en  arménien  par  le  connétable  Sempad  (édit.  L.  Alishan,  Venise,  1876). 


HISTOIRE    POLITIQUE    RT    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  215 

l't'chal  (marescalcus)  commandait  sous  le  connétable  et  tenait 
le  grand  étendard  national.  Ces  deux  dernières  dignités  survi- 
vront au  royaume.  Après  qu'il  aura  été  conquis  par  les  Mame- 
louks d'Eg'ypte,  les  Lusignan  de  Chypre,  héritiers  du  dernier 
roi  Léon  VI,  maintiendront  les  titres  de  maréchal  et  de  chan- 
celier. En  1159,  Phœbusde  Lusignan,  fils  naturel  du  roi  Janus 
et  seigneur  de  Sidon,  portera  encore  le  nom  de  maréchal 
d'Arménie.  L'ancien  asbahabed  ou  commandant  de  la  cavalerie 
avait  ainsi  cédé  le  pas  au  connétable  et  au  maréchal  et  n'était 
plus  que  le  troisième  chef  de  l'armée. 

Au-dessous  des  dignités  précédentes  figuraient  celles  de 
chambellan  et  de  grand  chancelier;  la  dernière  était  confiée, 
d'ordinaire,  à  Tarchevêque  de  Sis.  Les  autres  hauts  fonction- 
naires, tels  le  grand  l)Outeiller,  le  grand  courrier,  etc.,  avaient 
aussi  leurs  attributions  et  leur  rang  hi(''rarchique,  comme 
dans  les  cours  féodales.  Seuls,  quelques  noms  de  dignités, 
d'origine  parthe,  arménienne  ou  grecque,  comme  ceux  de 
proximos  (sorte  de  ministre  des  finances),  de  sébaste  et  de  pan- 
sébaste,  conférés  par  les  empereurs,  continuèrent  de  subsister 
jusqu'à  la  fin.  —  L'introduction  des  usages  féodaux  exigeait 
que  la  noblesse  arménienne  fût  organisée  sur  le  modèle  de  la 
chevalerie  des  Fraiiks.  Aussi,  tout  baron  fut-il  tenu  de  se  faire 
armer  chevalier  par  le  roi,  qui  en  faisait  ainsi  son  chevalier- 
lige.  Le  privilège  d'armer  chevaliers  les  seigneurs  arméniens 
avait  d'abord  été  réservé  au  prince  d'Antioche;  et  Léon  II  avait 
reçu  l'accolade  de  la  main  de  Bohémond  le  Bambe.  Mais  Léon  II 
devenu  roi  revendiqua  le  pouA  oir  de  conférer  à  ses  sujets  la 
dignité  de  chevaliers.  Ses  successeurs  l'imitèrent  :  en  127  1, 
Bohémond  VII,  le  dernier  prince  d'Antioche,  sera  armé  cheva- 
lier par  son  oncle  Léon  III,  roi  d'Arménie  (1). 

§  16.  Le  royaume  de  Léon  IL  Défenses  naturelles  et  châ- 
teaux forts.  —  Léon  avait  vu  son  royaume  atteindre,  à  l'ouest, 
jusqu'au  Manavgat-Tchaï  (Mêlas)  qui  formait  jadis,  au  dire 
de  Pline,  la  limite  occidentale  de  la  Cilicie.  De  ce  côté,  il 
était  protégé  par  les  hautes  chaînes  de  l'Isaurie  et  de  la  Cilicie 
Trachée,  dont  le  massif  triangulaire  s'avance  des  plaines  de  la 


(1)  Voir  Alishan,  Vie  de  Léon,  ch.  v,  n.  3-6,  p.  192-217.  Voy.  Langlois,  Le  Tré- 
sor de^  chartes  d'Anjiénie,  p.  31  et  suiv.  ;  Dulaurier,  Doc.  arm.,  inlrod. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  15 


216  REVUE   DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Lycaonie  au  cap  Anemour.  A  ces  boulevards  naturels,  les  anciens 
maîtres  de  la  Cilicie  :  Assyriens,  Perses,  Macédoniens,  Romains, 
Grecs  et  Arabes  surtout,  avaient  peu  à  peu  ajouté  une  ligne  de 
places  fortes  qui,  sur  le  parcours  des  rivières  comme  à  travers 
les  défilés,  interceptaient  tous  les  passages.  Telle,  la  citadelle 
de  la  ville  de  Sélefké  (Séleucie),  à  vingt  kilomètres  en  deçà  de 
l'embouchure  du  Saleph  (Calycadnus)  dont  elle  commandait  le 
cours,  se  dressait  comme  une  barrière  infranchissable  devant 
les  musulmans  d'Ikonium. 

En  marchant  vers  la  frontière  la  plus  proche  d'eux,  celle  du 
nord,  ces  envahisseurs  se  heurtaient  auBoulghar-Dagh  et  à  l'Ala- 
Dagh.  La  dernière  chaîne,  se  soudant  au  flanc  oriental  du  massif 
montagneux  précédent,  laisse  seulement  ouvert  à  son  extré- 
mité occidentale,  entre  la  Cilicie  et  la  Cappadoce,  l'étroit  défilé 
des  Pyla3  Cilicia?,  appelé  Gouglag  par  les  Arméniens  etKoulek- 
Boghàz  par  les  Turks.  En  le  gardant,  ce  qui  était  aisé,  le  roi 
arméno-cilicien  était  donc  maître  de  la  fameuse  route  mili- 
taire et  commerciale  à  travers  la  péninsule  anatolique,  route 
suivie  par  tant  de  conquérants,  depuis  les  Pharaons  jusqu'à 
Ibrahim-Pacha  :  Cyrus  le  Jeune,  Alexandre,  les  Croisés,  dont 
les  noms  ne  font  pas  oublier  le  grand  orateur  de  Rome,  Cicé- 
ron,  s'acheminant  par  cette  voie,  l'an  51  avant  J.-C,  vers  son  • 
gouvernement  de  Cilicie. 

Les  Pyla3  Cilicia3  étaient  dominées  par  des  forteresses  dont 
on  voit  encore  les  ruines.  Au  nord-ouest,  sur  le  revers  du  Tau- 
rus  s'élevait  Cybistra,  à  deux  journées  sud-ouest  de  Cybistra 
du  Lycandus,  qui  vit  le  meurtre  de  Kakig  et  la  vengeance  de 
Thoros.  Vers  le  sud-est,  à  l'entrée  du  défilé,  sur.  un  affluent  du 
Sarus,  on  rencontrait  Podandus;  plus  loin,  à  droite,  au  pied  du 
versant  méridional  du  Boulghar-Dagh,  se  détachait  la  forteresse 
dé  Lampron  (Nimroun),  l'une  des  clefs  de  la  Cilicie,  et  dont, 
par  un  stratagème  déloyal,  s'empara  Léon  II.  —  Un  autre  réseau 
de  forteresses  partait  de  l'extrémité  orientale  du  Taurus  cilicien 
et  s'échelonnait  sur  les  montagnes  qui  forment  le  bassin  du 
Pyramus.  A  droite  de  ce  fleuve,  sur  l'un  de  ses  affluents,  était 
solidement  assise  l'imprenable  Gaban  (aujourd'hui  Geben),  sur- 
veillant la  route  qui,  en  longeant  le  Pyramus,  reliait  la  Cilicie 
à  la  Cappadoce  et  aux  régions  du  Haut-Euphrate.  Au  sud-ouest 
de  Gaban,  sur  la  rive  gauche  du  Déli-Tchaï,  un  peu  au-dessus 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  217 

de  la  légère  courbe  qu'il  décrit  vers  l'est  avant  de  se  jeter  dans 
le  Pyramus,  apparaissait  la  ville  de  Sis,  au  pied  d'un  haut  ro- 
cher, l'un  des  premiers  contreforts  du  Taurus.  Sur  le  Déli- 
Tchaï,  non  loin  de  son  confluent,  était  aussi  bâtie  Anazarbe; 
elle  fut  quelque  temps  la  capitale  de  la  Cilicie  ;  mais  Léon 
voulant  se  soustraire  à  toute  surprise,  surtout  de  la  part  des 
princes  d'Antioche,  transporta  la  résidence  royale  à  Sis,  qu'il 
fit  entourer  d'une  ceinture  de  fortifications,  dont  les  ruines 
imposantes  subsistent  encore.  Enfin,  Mopsueste  (Missis),  aujour- 
d'hui misérable  bourgade,  mais  cité  alors  florissante,  termi- 
nait avec  sa  citadelle  le  boulevard  intérieur,  élevé  le  long  du 
Pyramus  (1). 

Au  delà  du  Pyramus,  la  chaîne  de  TAmanus,  qui  court 
du  nord  au  sud-ouest,  projette  deux  rameaux  comme  des  bras 
puissants  autour  du  golfe  d'Alexandrette.  Cette  formidable 
barrière  n'était  coupée  que  par  trois  passages,  qui  donnaient 
accès  de  la  Syrie  à  la  Cilicie.  C'étaient  d'abord  les  Pyhe  Ama- 
nides,  que  plusieurs  auteurs  ont  confondues  avec  le  Démir-Kapou 
ou  Kourd-Koulek.  Elles  s'ouvraient  entre  le  Gusel-Dagh  et 
l'Akma-Dagh,  au  nord-est  d'Iskendéroun  (Alexandrette),  et 
aboutissaient  aux  Pyla3  Syro-Ciliciaî  appelées  aussi  La  Portelle, 
Piliers  de  Jonas,  Sakal  Toutàn.  Vers  ce  dernier  point  conver- 
geait également  le  défilé  des  Pyla3  Syri^e,  que  l'on  franchissait 
en  venant  d'Antioche  et  qui  commençait  aux  environs  de  Ba- 
ghras,  au  sud  de  Beïlaii.  Mais  quand  on  avait  franchi  La  Portelle 
et  contourné  la  côte,  on  était  encore  arrêté  à  l'angle  nord-ouest 
du  golfe  d'Alexandrette,  à  l'entrée  de  la  Cilicie.  L'étroit  pas- 
sage entre  le  rocher  et  la  mer  était  fermé  par  une  porte  colos- 
sale, le  Démir-Kapou  ou  Kourd-Koulek. 

Ces  trois  passages  des  Pylœ  Syri^e,  des  Pyla?  Amanides  et 
du  Démir-Kapou  furent,  du  moins  pendant  quelque  temps,  au 
pouvoir  de  Léon.  La  chaîne  de  l'Amanus  et  le  fleuve  du  Pyrame, 
qui  formaient  à  l'est  la  défense  naturelle  de  ses  États,  étaient 
renforcés  par  une  vingtaine  de  forteresses,  dont  les  deux  plus 
extrêmes  étaient,  au  midi,  celle  de  Gaston  ou  Gastim,  située  à 

(1)  Sur  l'état  actuel  des  ruines  de  Sis,  du  château,  du  palais  du  roi,  de  l'église 
Sainte-Sophie,  etc.,  voir  V.  Langlois,  Voyage  dans  la  Cilicie  (1861,  Paris),  p.  381 
et  suiv.  —  Le  château  fort  Ijàti  sur  le  rocher  qui  domine  Sis  fut  commencé  en 
1186  par  Léon  II  et  terminé  probablement  \yài-  Héthoum  I". 


218  REVUE    DE   l'orient   CHRÉTIEN. 

quatre  milles  à  Touest  d'Antioche,  et  au  nord  celle  de  Haroun. 
à  l'est  de  Gaban,  sur  les  limites  de  la  Syrie  et  de  la  Mésopota- 
mie. Mais  le  roi  fut  forcé  par  Innocent  III  de  se  dessaisir  de  la 
première  en  faveur  des  Templiers,  auxquels  avant  le  règne  de 
Léon  elle  avait  appartenu.  D'autres  places  furent  confiées  ou 
vendues  aux  Hospitaliers  et  aux  Teutoniques. 

En  enchaînant  ainsi  ces  preux  chevaliers  à  sa  cause,  Léon 
agissait  en  sage  politique.  Plût  à  Dieu  que  les  princes  d'An- 
tioche et  les  rois  de  la  Petite-Arménie  eussent  encore  mieux 
compris  qu'une  alliance  étroite,  une  entente  cordiale  étaient 
l'une  des  conditions  de  leur  sauvegarde.  Mais,  voisins  l'un  de 
l'autre  avec  des  frontières  indécises,  ils  détourneront  parfois 
les  yeux  de  leurs  intérêts  à  venir  et  de  ceux  de  la  chrétienté; 
et  ils  entreront  en  lutte,  éblouis  par  des  avantages  immédiats 
beaucoup  plus  apparents  que  réels.  A  mesure  que  la  princi- 
pauté d'Antioche  sera  battue  en  brèche  par  les  Égyptiens,  la 
ligne  de  défense  de  la  Petite- Arménie,  sur  la  frontière  orientale, 
fléchira;  elle  sera  entamée  et  bientôt  ouverte  à  l'invasion  vic- 
torieuse, quand  sa  voisine  aura  été  subjuguée. 

I  17.  Pourquoi  la  Cilicie,  vicmc  sous  Léon  II,  iieut  point 
de  vaisseaux  de  guerre.  —  On  peut  se  demander  pourquoi  les 
rois  de  la  Cilicie,  dont  le  royaume  était  limité  à  une  longue 
bande  déterre  sur  les  bords  de  la  Méditerranée,  n'ont  pas  eu 
l'ambition  de  se  créer  une  marine.  A  qui  examine  les  condi- 
tions géographiques  de  la  Cilicie,  il  devient  manifeste  que 
tenter  une  pareille  entreprise  était  une  chimère.  De  l'embou- 
chure du  Mêlas,  limite  extrême  du  royaume  arinéno-cilicien, 
jusqu'à  l'embouchure  du  Calycadnus,  on  ne  rencontre  aucune 
découpure  assez  vaste  et  profonde  pour  abriter  des  iiaA  ires  de 
guerre  ou  même  de  grands  vaisseaux  marchands  (1).  Il  est 
vrai  qu'à  l'est  du  Calycadnus,  la  côte  cilicienne  est  creusée 
assez  avant  par  les  deux  golfes  de  Pompeiopolis  (Tarsous)  et 
d'Iskendéroun  (Alexandrette)  ;  mais  ces  larges  découpures,  par 
leur  largeur  même,  donnent  prise  aux  vents  du  sud,  tandis  que 
ducôté  de  l'est,  par  les  gorges  profondes  de  la  montagne,  s'élance 
parfois  un  vent  aussi  soudain  que  violent,  particulièrement 
redoutable  aux  navires  qui  mouillent  dans  le  golfe  d'Alexan- 

(l)  Cf.  Hitler,  Erdkunde,  Baïul  IX,  Klein-Asien,  Tliril  II;  Dulaurici',  luco  cil. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  219 

drette.  D'ailUnirs,  ces  deux  golfes  de  la  Cilicie  eussent-ils  été 
mieux  abrités,  une  puissante  marine  n'aurait  pu  y  trouver 
place  à  cause  des  bancs  de  sable  qui  peu  à  peu  s'y  accumulent 
et  que  la  main  de  l'iiomme  serait  impuissante  à  refouler.  Il  est 
aisé,  en  effet,  d'observer  que  la  Cilicie  Champêtre,  et  en  parti- 
culier r.Vleïus  Campus,  la  plaine  basse  moderne (Tciioukour-Ova) 
qui  s'étend  de  remboueliure  du  Cydnus  à  celle  du  Pyrame,  est 
l'œuvre  du  Cydnus,  du  Sarus  et  du  Pyrame.  Or,  bien  que  les 
deux  plus  considérables  de  ces  lleuves,  le  Sarus  et  le  Pyramus, 
prennent  leur  source  à  une  altitude  très  élevée  dans  le  Taurus 
et  l'anti-Taurus,  le  parcours  du  Pyrame  n'est  que  de  76  lieues 
et  celui  du  Sarus  de  90.  On  comprend  que  leurs  sources  si 
hautes  étant  si  rapprochées  de  leur  embouchure,  ils  précipitent 
leurs  ondes  à  la  manière  d'un  torrent.  Ils  entrahient  pêle-mêle 
dans  leurs  flots  impétueux  la  terre,  le  sable  et  les  pierres  arra- 
chés à  la  croupe  et  aux  lianes  des  montagnes.  Ainsi,  comme 
l'avait  déjà  remarqué  l'oracle  antique  rapporté  par  Strabon  (XII), 
ils  prolongent  peu  à  peu  le  rivage  vers  l'ile  de  Chypre. 

Mais,  en  même  temps  qu'ils  agrandissent  et  engraissent  la 
plaine  de  leurs  détritus,  leur  lit  et  surtout  leur  embouchure 
successivement  envasés  se  (h'placent  constamment.  Le  Cydnus 
était  jadis  navigable  jusqu'au-dessus  de  Tarse,  alors  éloignée 
d'un  ou  deux  kilomètres  de  la  mer;  tandis  que  Marc  Antoine 
résidait  dans  cette  ville,  on  vit  Cléopàtre  y  aborder  sur  une 
galère  pompeusement  ornée.  Aujourd'hui,  l'ancienne  embou- 
chure du  Cydnus  est  envasée;  l'échelle  de  Tarse  s'est  transpor- 
tée à  22  kilomètres  à  l'ouest.  Le  Cydnus  passe  à  trois  kilomètres 
à  l'est  de  la  ville,  distante  elle-même  de  22  kilomètres  de  la 
côte.  Le  Bas-Seyhoun  (Sarus)  et  le  Bas-Djihàn  (Pyrame)  étaient 
unis  autrefois  et  portaient  d'assez  forts  navires  au  delà  de 
Mopsueste  (Missis)  ;  depuis,  l'embouchure  du  Sarus  s'est  trans- 
portée de  l'est  à  l'ouest;  elle  est  aujourd'hui  à  19  lieues  de  celle 
du  Pyrame;  ce  dernier  s'est  replié  en  spirale  vers  l'est  et  se 
déverse  dans  la  baie  d'Aïas. 

Avec  des  ports  si  peu  sûrs,  si  vite  ensablés,  avec  des  fleuves 
si  rapides  et  si  capricieux,  il  était  donc  difficile  aux  rois  cili- 
cie ns  d'équiper  des  vaisseaux  de  guerre  ou  même  de  gros  na- 
vires marchands.  Le  plus  entreprenant  de  ces  princes  recule 
lui-même  devant  cette  tâche  excessive.   L'historien  Guiragos 


220  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

raconte  que  Léon  revenant  un  jour  de  Chypre  fut  attaqué  sur 
mer;  il  dut  aussitôt  rentrer  dans  l'île  et  y  prendre  les  galères, 
à  la  tête  desquelles  il  coula  Tembarcation  qui  portait  le  chef  des 
ennemis  et  dispersa  le  reste  de  sa  flotte. 

§  18.  Conditions  favorables  au  commerce;  son  essor  sous 
Léon  et  ses  premiers  successeurs;  traités,  exemptions  et  capi- 
tulations obtenus  des  Génois,  des  Vénitiens,  etc.  —  Si  la  Ci- 
licie  se  prêtait  peu  à  la  création  d'un  grand  établissement 
maritime,  elle  offrait,  sur  sa  côte  coupée  par  tant  de  fleuves 
et  de  torrents,  une  multitude  d'abris  pour  les  petites  embarca- 
tions. Elle  était,  de  plus,  par  sa  situation  même  entre  la  Syrie 
et  l'Asie  Mineure  et  par  le  génie  de  ses  habitants,  le  centre 
naturel  d'un  commerce  de  transit.  Les  souverains,  depuis 
Léon  II  surtout,  le  comprirent. 

Au  temps  des  Roupéniens,  les  Pyla?  Cilicia^  étaient  Tune  des 
stations  du  commerce  entre  la  Cilicie  et  l'Asie  Mineure.  C'était 
par  là  que  les  marchandises  débarquées  à  Aïas  ou  Lajazzo,  dans 
le  golfe  d'Alexandrette,  pénétraient  dans  l'empire  d'Ikonium. 
Les  voyageurs  venant  du  sud-ouest  prenaient  une  route  qui  re- 
montait la  rive  gauche  de  l'Ermének-Sou,  passait  par  Claudio- 
polis  (Moût),  Ermének  (Germanicopolis),  s'infléchissait  vers  le 
nord  en  suivant  la  vallée  de  Nawahyet  aboutissait  aune  douane 
qu'un  chroniqueur  chypriote  du  xv  siècle,  DiomèdeStrambaldi, 
appelle  Pilerga  et  qui  doit  être  le  bourg  actuel  de  Pirlewganda. 
Cette  voie  tracée  par  le  Calycadnus  et  ses  affluents  est  sans 
doute  fort  ancienne. 

A  l'autre  extrémité  de  la  Cilicie,  entre  le  Sarus  et  le  Pyrame 
serpentait  aussi  une  route,  par  laquelle  les  commerçants  armé- 
niens ou  les  étrangers  débarqués  à  Aïas  communiquaient  avec 
la  Cappadoce  et  les  régions  du  Haut-Euphrate.  Elle  était  suivie 
par  de  nombreuses  caravanes,  dont  quelques-unes  se  dirigeaient 
vers  la  Perse;  leurs  principales  stations  en  partant  du  port  de 
Aïas  étaient  Mainistra  (Missis),  Sébaste  (Siwas),  Erzenga,  Er- 
zeroum,  Etchmiadzin,  Tauris.  Les  commerçants  qui  entraient 
en  Cilicie  par  le  nord-est  s'acquittaient  des  droits  de  douane 
près  de  la  forteresse  de  Gaban. 

Les  marchandises  qui  provenaient  de  Syrie  par  voie  de  terre, 
payaient  les  droits  d'entrée  à  La  Portelle,  à  30  kilomètres 
au-dessus  d'Alexandrette.  Mais  les  marchands  étrangers  qui 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉXIE.  221 

débarquaient  à  Aïas  relevaient  de  ladministration  centrale 
établie  à  Tarse  ;  ils  étaient  tenus  d'aller  trouver,  dès  leur  arri- 
vée, le  clief  de  la  douane  (capitaneus  pasidoni)  établi  dans  cette 
^ille;  ils  en  obtenaient  un  acquit-à-caution;  à  leur  retour,  ils 
le  présentaient  au  minaban  d'Aïas  (gardien  du  port);  dès 
lors,  ils  étaient  admis  à  négocier  librement  dans  le  royaume. 

L'essor  donné  continua  sous  les  successeurs  de  Léon  et 
atteignit  son  plus  haut  degré  sous  Léon  III.  Il  diminua,  dès  le 
début  du  xiv^  siècle,  à  mesure  que  les  Mamelouks  d'Egypte  s'a- 
vançaient; il  persistait  encore,  bien  que  très  affaibli,  sous  Léon  V 
(I320-I341).  Léon  II,  le  premier  disons-nous,  sut  attirer  les 
marchands  de  l'Europe  méridionale  ;  sous  son  règne,  ils  com- 
mencent à  affluer  à  Tarse,  Adana,  surtout  à  Aïas.  Les  plus 
nombreux  senties  Génois  et  les  Vénitiens,  peut-être  parce  qu'ils 
sont  les  plus  favorisés.  Ils  possèdent  à  Aïas,  à  Mamistra,  à  Sis, 
à  Tarse,  des  comptoirs,  des  magasins  et  des  églises  et  sont  en 
relations  continuelles  avec  les  Arméniens. 

Les  traités  qui  réglementent  ces  rapports  sont  d'autant  plus 
intéressants  qu'ils  constituent  les  premiers  monuments  des 
capitulations  obtenues  par  les  Européens  en  Orient.  Le  pre- 
mier, daté  de  mars  1201,  accorde  aux  Génois  pleine  liberté 
pour  leur  commerce  en  Cilicie.  Au  mois  de  décembre  suivant, 
les  Vénitiens  obtenaient  le  même  privilège.  Leurs  franchises 
étaient  assez  étendues,  mais  non  complètes.  En  passant  à  la 
douane  de  La  Portelle  ils  devaient  payer  la  même  taxe  que  les 
autres  chrétiens.  Dans  un  second  traité,  conclu  en  1215  en  fa- 
veur des  Génois,  Léon  II  les  exempte  des  redevances  communes 
auxquelles  sont  astreints  les  autres  trafiquants;  mais  ils  de- 
vront s'acquitter  d'un  autre  impôt  particuher,  quand  ils  fran- 
chiront les  passages  gardés  par  ses  feudataires  de  Gorigos,  de 
Djigher  ('?)  (aujourd'hui  Païas),  de  Gaston  et  de  Gaban.  Ils  ne 
sont  pas  davantage  dispensés  du  cens,  censarium,  dû  au  trésor 
royal  pour  les  marchandises  qui  se  vendent  sur  les  places  pu- 
bliques ou  dans  les  magasins  particuliers.  Néanmoins  ils  échap- 
pent à  bon  nombre  de  contributions  forcées  (angaria),  de  pres- 
tations (drictus),  de  taxes  (passagium)  établies  à  l'entrée  des 
ports,  des  fleuves,  des  villes,  et  au  passage  des  rivières.  Tou- 
tefois, en  dépit  des  garanties  octroyées  par  les  bulles  royales, 
les  commel'çants  les  plus  privilégiés  ne  laissaient  pas  d'être 


222  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

exposés  parfois  aux  vexations  des  officiers  du  fisc.  Sur  les  récla- 
mations de  Michel  Justininni  adressées  au  doge  de  Venise,  Jean 
Soranzo  (f  1328),  Léon  V  interdira  aux  officiers  royaux  de 
contraindre  les  Vénitiens  à  leur  acheter  le  sel  et  le  blé  ou  de 
leur  imposer  aucune  corvée. 

11  existait  encore  à  cette  époque  en  Cilicie  un  autre  droit 
abusif.  L'État  s'arrogeait  le  pouvoir  de  confisquer  les  l»iens  des 
vaisseaux  brisés  ou  jetés  par  quelque  naufrage  sur  les  rives  du 
royaume.  C'était  une  coutume  païenne,  qui,  effacée  jadis  du 
code  romain  sous  l'inlluence  du  christianisme,  avait  reparu  chez 
les  Musulmans  et  même  chez  les  Européens  avec  la  poussée 
des  peuples  barbares.  Elle  résistait  aux  anathèmes  de  TEghse 
qui  l'avait  frappée  dans  l'un  de  ses  conciles;  et  les  princes 
de  Cilicie  avaient  été  encouragés  à  la  maintenir  par  l'exemple 
des  princes  latins.  Cet  usage  injuste  et  inhumain  était  trop 
préjudiciable  aux  commerçants  étrangers  pour  qu'ils  ne  s'effor- 
çassent point  de  le  faire  abolir,  en  leur  faveur.  Aussi  les  Génois 
et  les  Vénitiens  firent-ils  insérer  dans  leurs  premières  capitu- 
lations une  clause  qui  les  soustrayait  à  ce  brigandage  légal. 
Avec  l'exemption  du  droit  de  bris  et  de  naufrage,  ils  obtinrent 
l'exemption  du  droit  d'aubaine  qui  n'était  guère  moins  barbare 
et  odieux.  En  vertu  du  droit  d'aubaine,  le  fisc  s'adjugeait  la 
succession  de  tout  étranger  mourant  en  Cilicie  sans  laisser 
d'héritier  qui  fût  le  sujet  du  roi.  Encore  une  de  ces  coutumes 
opposées  à  l'esprit  du  christianisme,  et  que  les  princes,  soit 
latins,  soit  indigènes,  n'avaient  pas  abolies.  Les  capitulations 
accordées  aux  Génois  et  aux  Vénitiens  garantirent  la  transmis- 
sion de  leurs  biens  à  leurs  héritiers  légitimes  ou  aux  destina- 
taires qu'ils  avaient  librement  désignés.  Si,  au  moment  de 
l'échéance,  les  héritiers  ne  se  trouvaient  point  en  Cilicie,  fhé- 
ritage  laissé  par  le  défunt  était  mis  sous  séquestre  à  la  cour 
de  l'archevêque  de  Sis,  chancelier  du  royaume.  Il  était  trans- 
mis au  titulaire  légitime,  génois  ou  vénitien,  dès  que  le  doge 
de  Gènes  ou  de  Venise  l'avait  désigné  par  une  lettre  munie  de 
son  sceau. 

Par  un  dernier  privilège,  non  moins  précieux  que  les  précé- 
dents, les  Vénitiens  et  les  Génois  obtinrent  que  les  contestations 
survenues  entre  Vénitiens  ou  Génois  seraient  réglées  confor- 
mément à  leur  loi,  dans  le  premier  cas  par  le  baïle  des  Véni- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  223 

tiens  et  dans  le  second  cas  par  le  consul  des  Génois,  l'un  et 
l'autre  assisté  de  Sfs  prudhommes.  Mais  si  l'un  des  conten- 
dants  n'était  p;is  le  compatriote  de  l'autre,  la  contestation  res- 
sortissait  à  la  cour  du  roi.  C'était  à  ce  dernier  tribunal  que 
devaient  être  porti'S  les  différends  entre  les  autres  étrangers  et 
toutes  les  affaires  criminelles,  alors  même  qu'elles  n'intéres- 
saient que  les  Génois  ou  les  Vénitiens.  La  cour  royale  (roiale 
haute  cort  ou  cour  des  barons)  était  présidée  par  le  roi  et,  en 
son  absence,  par  le  connétable  ou  le  maréchal  d'Arménie;  elle 
compienait  dans  son  ressort  la  cour  do  rarclievêque  de  Sis, 
chancelier  du  royaume,  la  cour  ducale  ou  tribunal  de  l'assesseur 
du  connétable  et,  en  troisième  lieu,  le  bailliage  royal. 

Dès  qu'un  marchand  génois  ou  vénitien  débarquait  à  Aias, 
celui-ci  faisait  constater  son  identité  par  le  baïle  des  Vénitiens, 
celui-là  par  le  consul  des  Génois.  Le  nouvel  arrivant  recevait 
ensuite  de  la  douane  la  libre  pratique  pour  lui  et  ses  mar- 
chandises. Les  franchises  dont  ils  jouissaient  attirèrent  un 
nombre  considérable  de  Vénitiens  et  surtout  de  Génois  vers 
les  villes  du  littoral,  notamment  Aïas,  qui,  avant  de  tomber  aux 
mains  des  Égyptiens  (1322),  était  devenue  l'entrepôt  du 
commerce  de  l'Orient.  Ils  trouvaient  là  tous  les  produits  de 
l'Asie  :  poivre,  épices,  aromates,  encens,  savons,  pierreries,  per- 
les, soies  grèges,  fins  tissus,  draps  d'or.  Les  vendeurs  venaient 
jusque  des  Indes,  à  travers  la  mer  Rouge,  le  golfe  Persique; 
ils  remontaient  le  Tigre  d'oii  ils  gagnaient  Tauris,  ville  renom- 
mée par  ses  draps  d'or  et  ses  tissus  de  soie,  et  où  aboutissait 
la  voie  de  terre.  De  là,  quelques-unes  de  ces  caravanes,  tra- 
^•ersant  la  (trande- Arménie  du  sud-est  au  nord-ouest,  se  di- 
rigeaient vers  Trêbizonde  et  les  régions  de  la  mer  Noire,  où 
elles  entraient  en  relations  avec  des  marchands  gv-nois,  véni- 
tiens, russes  et  bulgares;  les  autres  caravanes  passaient  au 
pied  méridional  de  l'Ararat,  s'arrêtaient  à  Etschmiadzin,  Erze- 
roum,  Erzinga,  Siwas  (Sébaste),  Gobidar,  au  nord  de  Sis,  et 
arrivaient  jusqu'à  Aïas. 

Malheureusement,  ce  n'étaient  pas  seulement  les  encens  de 
l'Arabie  et  les  brocarts  de  l'Aderbaïdjan  qui  attiraient  les  trafi- 
quants de  l'Europe  méridionale  en  Cilicie.  Là  se  faisait  un 
négoce  encore  plus  lucratif,  la  traite  des  esclaves.  On  voit  par 
le  privilège  de  1288  que  les  Génois  n'ont  plus  de  droit  à  payer 


224  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

pour  cette  exportation  de  chair  humaine,  et  ils  vont  la  re- 
vendre aux  infidèles  avec  de  gros  bénéfices,  en  dépit  des  ana- 
thèmes  de  l'Église  romaine.  Le  roi  de  Cilicie  Léon  III,  tout  en 
souffrant  cet  odieux  trafic,  interdit  pourtant,  par  un  reste  de 
religion  et  d'humanité,  de  vendre  les  esclaves  chrétiens  à  des 
infidèles  ou  à  des  maîtres  disposés  à  les  leur  revendre. 

Autant  qu'on  en  peut  juger  par  le  traité  Pratica  délia  Mer- 
catura,  de  Balducci  Pegolotti  (1),  les  négociants  qui  abor- 
daient en  Cilicie  étaient  divisés  en  trois  catégories.  Les  fran- 
chises dont  jouissaient  les  trafiquants  génois  et  vénitiens 
étaient  presque  absolues  pour  un  grand  nombre  de  marchan- 
dises, soit  d'importation,  soit  d'exportation;  ils  payaient  seule- 
ment le  censarium  ou  cens  royal  dont  nul  n'était  dispensé, 
avec  une  taxe  de  un  à  quatre  pour  cent  sur  quelques  marchan- 
dises spéciales.  Après  eux,  les  marchands  les  plus  favorisés 
furent  les  Catalans,  les  Montpelliérais  (actes  de  1314  et  de  I33I), 
les  Provençaux,  les  Pisans  et  les  Siciliens  :  ils  payaient  seule- 
ment deux  pour  cent  sur  les  objets  tant  d'importation  que  d'ex- 
portation. Les  Siciliens  obtinrent  même  les  privilèges  accordés 
aux  Génois  et  aux  Vénitiens,  quand  Léon  V  eut  épousé  Cons- 
tance de  Sicile.  —  Enfin,  les  autres  nations  qui  n'avaient  point 
obtenu  de  capitulations,  devaient  payer  quatre  pour  cent. 

§  19.  Jugement  d'ensemble  sur  Léon  II;  malgré  ses  fautes, 
ce  fut  un  roi.  —  A  qui  veut  la  peindre,  après  un  attentif  exa- 
men, la  physionomie  de  Léon  II  paraît  assez  complexe.  Un  ju- 
gement d'ensemble  sur  son  règne  doit  nous  le  montrer  en 
abrégé  tel  qu'il  fut  :  mélange  où,  près  de  la  grandeur,  trouve 
aussi  place  la  petitesse.  Toutes  ses  entreprises  ne  furent  pas 
louables;  parfois,  elles  furent  viciées  par  la  duplicité  ou  ins- 


(1)  Balducci  Pegolotti,  Prdlka  delkt  .Verculura,  dans  l'on vi-ago  de  Pagiiini,  Délia 
Décima  di.Firenze,  t.  III,  Lisbonne  et  Lucques,  1765-1766.  —  Voir  dans  Dulaurier, 
Histor.  des  Croisades,  Docum.  armén.,  t.  I,  Tintrod.,  la  bibliograph.  et  dans  l'ap- 
pendice, p.  745  et  suiv.,  les  4  chartes  arnién.  (avec  traduct.  franc.)  contenant  les 
privilèges  dont  nous  avons  parlé.  HisL  de  Chypre  de  Mas-Latrie,  in-8°,  Paris,  1852- 
1861,  3  vol.  ;  le  même,  Relaiions polit,  ri  commerciales  de  l'ile  de  Chypre  avec  l'Asie 
Mineure,  sous  le  règne  de  la  Maison  de  Lusignan,  Bibl.  de  l'École  des  chartes, 
2»  série,  t.  1,  1844;  II,  1845-1846;  Discorso  sulle  relazioni  commerciali  dei  Veneziani 
con  l'Armenia...  nei  secoli  xni  et  xix,  archivio  storico  ital.,  append.  n.  29,  Fi- 
renze,  1853;  Alishan,"  Vie  de  Léon,  traités  de  commerce  avec  les  occidentaux, 
p.  217;  Recueil  de  documents  sur  l'hist.  de  l'Arménie  (Moscou,  1838),  t.  II. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  225 

pirées  par  une  ambition  iramodérée.  N'est-ce  pas  Tun  de  ses 
panégyristes,  Guiragos  de  Karitzag,  qui,  en  parlant  de  la  ré- 
pudiation d'Isabeau,  la  première  épouse  de  Léon,  reproche  dis- 
crètement à  ce  monarque  d'avoir  trop  écouté  ses  passions?  Pour 
nous  en  tenir  ici  aux  actes  de  sa  vie  publique,  il  faut  avouer 
qu'elle  offre  plusieurs  exemples  de  cette  politique  cauteleuse 
que  Machiavel  érigera  plus  tard  en  principes  :  Pour  s'agrandir 
il  ne  fut  pas  toujours  délicat  dans  le  choix  des  moyens;  nous  le 
verrons  plus  loin  s'insurger  pendant  quelque  temps  contre 
l'Église.  Il  trahit  le  même  manque  de  scrupule,  en  se  délivrant 
de  rivaux  gênants  :  Il  fit  crever  les  yeux  à  son  cousin  Georges, 
fils  naturel  de  Mleh.  C'est  par  la  ruse  et  la  violence  qu'il  s'em- 
para de  la  forteresse  de  Lampron  :  Sous  prétexte  de  marier 
Philippa,  fille  de  Roupên,  avec  Oschïn,  fils  aîné  de  Héthoum, 
il  attira  les  Héthoumiens  à  Tarse,  se  saisit  d'eux  et  retint 
Héthoum  en  prison,  pendant  qu'il  faisait  occuper  sa  forteresse; 
Héthoum  ne  trouva  enfin  grâce  aux  yeux  du  roi  qu'en  prenant 
l'habit  religieux  et  en  acceptant,  en  échange  de  sa  seigneurie, 
la  direction  du  couvent  de  Trazargh.  —  Si  graves  cependant  que 
soient  nos  critiques,  le  souvenir  des  grandes  choses  accomplies 
par  Léon  nous  remet  sur  les  lèvres  le  mot  d'un  célèbre  his- 
torien parlant  de  Louis  XIV  :  malgré  tout,  c'était  un  roi; 
ajoutons,  un  roi  chrétien,  qui  tout  en  poursuivant  de  grandes 
visées  politiques,  se  préoccupa  aussi  des  intérêts  moraux  et 
des  intérêts  matériels  de  ses  sujets  :  témoin  les  églises  et  les 
nombreux  couvents  qu'il  érigea;  témoin,  en  particulier,  cet  asile 
où  furent  recueillis  les  lépreux,  jusque-là  errants  et  abandonnés. 


Zabel  ou  Isabelle. 

§  20.  Philippe,  son  premier  époux,  détrôné,  le  régent  force 
Zabel  d'épouser  sonfds  Héthoum  /".  —  Zabel,  l'héritière  dési- 
gnée par  Léon,  était  née  de  sa  seconde  épouse.  Sibylle,  fille 
d'Amaury  de  Lusignan,  roi  de  Chypre,  et  d'Isabeau  de  Planta- 
genet.  Le  l"  mai  1219,  Léon,  près  de  mourir,  avait  recom- 
mandé aux  grands  du  royaume  de  la  mettre  sur  le  trône.  Elle  fut, 
en  effet,  proclamée  reine,  sous  la  régencedesireAdam  de  Gaston. 
Celui-ci  ayant  été  massacré  deux  ans  plus  tard  par  les  Ismaéliens 


•226  REYVK    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

OU  Assassins,  sa  charge  de  baïle  échut  au  i;rand  baron  Cons- 
tantin, de  la  famille  Héthoum  de  Lampron.  Le  nouveau  régent 
était  à  peine  installé,  quand  Raymond-Roupên,  issu  du  mariage 
de  Raymond  III  d'Antioche  avec  Alice,  fille  de  Roupèn  II,  essaya 
de  renverser  Zabel.  Constantin  marcha  contre  lui;  et  l)ientôt  le 
petit-neveu  de  Léon  fut  pris  dans  Tarse  et  mis  à  mort 
(voir  §  12).  —  C'était  un  nouveau  ferment  de  discorde  jeté 
entre  la  Cilicie  et  les  principautés  chrétiennes.  Pour  Tétouffer, 
le  baïle  Constantin  et  le  catholicos  .Jean  VII  le  Magnanime  fi- 
rent épouser  à  la  jeune  reine  le  prince  Philippe,  fils  de  Raymond 
le  Borgne,  comte  de  Tripoli.  Malheureusement,  Philippe  fut 
bientôt  accusé  par  le  parti  prédominant  de  ses  sujets  d'être  trop 
favorable  aux  Franks  et  de  modifier,  contre  sa  promesse,  les 
anciens  usages  arméniens.  Le  grand  baron  Constantin,  poussé 
par  les  mécontents,  fit  saisir  l'infortuné  prince,  pendant  la 
nuit.  Des  gens  déguisés  en  chasseurs  le  garrottèrent,  malgré 
les  larmes  de  Zabel,  et  l'emmenèrent  de  Thil  à  Sis;  deux  ans 
après,  il  mourait  empoisonné  dans  la  forteresse  de  Partzerpert 
(1225). 

Zabel,  alors  âgée  de  douze  ans,  voulut,  probablement  à  l'ins- 
tigation de  sa  mère,  s'enfermer  dans  un  couvent.  Cependant, 
Constantin  hi  pressait  d'épouser  son  fils  Héthoum.  Pour  échap- 
per à  ses  instances,  elle  s'enfuit  près  de  ses  parents  latins,  à 
Séleucie  (Selefkeh).  Cette  forteresse  était  confiée  aux  Hospitaliers 
(I2I0-I226),  avec  charge  de  fournir,  chaque  année,  lOU  lances 
au  roi.  Constantin  menaça  de  la  saccager,  si  Zabel  n'en  sortait 
de  plein  gré  et  n'acceptait  la  main  de  son  fils.  La  jeune  reine 
résistait,  encouragée  par  sa  mère.  Mais  le  chef  des  Hospitaliers, 
Bertrand,  qui  se  défendait  avec  peine  contre  le  sultan  d'iko- 
nium  Alla  ed-Dîn  Kaïkobad,  saisit  cette  occasion  pour  aban- 
donner définitivement  à  Constantin  la  forteresse  de  Séleucie. 
La  reine  fut  conduite  à  Tarse,  où,  sur  les  pressantes  sollicitations 
du  baïle  et  d'une  partie  du  haut  clergé,  elle  dut  consentir  au 
mariage  avec  Héthoum  (1).  Elle  se  montra,  d'ailleurs,  le 
modèle  des  épouses  et  des  mères.  A  l'hôpital  de  Sis,  élevé  par 
ses  soins  en  1241,  on  la  vit  soigner  de  ses  mains  les  malheu- 

(1)  Seinpad,  ad  an.  (375  (1226);  Aboulpliar.,  Chron.  Syr.,  p.  48."j  et  197.  Ibii  Ala- 
thir,  ad  an.  623,  t.  XII  (éd.  Tornberg),  p.  303  et  304.  Cunlin.  de  Guill.  de  Tyr, 
p.  348  et  102.  Héthoum  est  couronné  le  M  juin  1126, 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMKXIE.  227 

reux.  Elle  mourut  le  12  janvier  1252,  après  avoir  donné  au  roi 
trois  fils  et  cinq  filles. 

Parmi  les  monnaies  fort  nombreuses  qui  nous  restent  de 
Hélhoum,  il  en  est  qui  représentent  les  deux  époux  debout, 
vêtus  d'une  robe  flottante,  la  couronne  au  front,  et  portant 
entre  eux  une  longue  croix.  C'est  bien  le  touchant  symbole  de 
leur  concorde  toute  chrétienne  et  aussi  de  leurs  tribulations. 
Le  souvenir  des  épreuves  par  lesquelles  passait  alors  le 
royaume  ressort  mieux  encore  sur  d'autres  monnaies  qui 
portent  des  légendes  écrites  en  deux  langues;  telles  ces 
drachmes  sur  lesquelles,  d'un  côté,  figure  Héthoum  à  cheval, 
avec  une  légende  en  caractères  arméniens,  tandis  que  sur 
l'autre  face  est  empreinte,  entourée  d'une  légende  arabe, 
l'image  du  sultan  de  Roum,  Kaïkobad  (1220-1237)  dontlaCilicie 
fut  quelque  temps  tributaire. 

§  21.  La  Grande- Arménie  envahie  par  les  hordes  mon- 
goles de  Tchinguiz-Khan;  Djelal  ed-I)in  ravage  l'Asie  Mi- 
neure; sa  nio)-t.  —  Le  règne  de  Héthoum  P',  commencé  en  122G, 
dura  44  ans  et  fut  le  plus  prospère  de  sa  dynastie.  Tributaire 
pendant  quelque  temps  du  sultan  d'ikonium,  il  en  fut  affranchi 
à  l'improviste  par  de  terribles  auxiliaires  (1).  Le  mongol  Té- 
moudjin,  surnommé  Tchinguiz-Khan  ou  roi  auguste,  après 
avoir  conquis  les  pays  situés  au  nord  du  Gange  et  de  l'indus, 
venait  de  chasser  du  Kharisnie  le  sultan  Ala  ed-Dîn  Moham- 
med (1199-1220).  L'un  des  fils  du  souverain  dépossédé,  Djelal 
ed-Dîn  Mangberti,  refoulé  vers  l'ouest  par  l'invasion  mongole, 
se  jeta  sur  l'Aderbaïdjan  et  les  provinces  arméniennes  de  Siou- 
nik  et  de  l'Ararad.  L'Arménien  Ivaiié,  atabek  «>u  grand  vizir 
de  la  reine  géorgienne  Rousoudan,  fut  vaincu  ;  hi  Géorgie  fut 
dévastée  comme  l'Arménie;  puis  Djelal-ed  Dîn  soumit  le  seigneur 
d'Erzen  er-Roum,  prit  et  saccagea  Kelath  (2).  Mais,  cette 
fois  du  moins,  les  princes  de  l'Asie  Mineure,  el  parmi  eux  Hé- 
thoum, s'unirent  sousla  direction  du  sultan  d'ikonium  Ala  ed-Dîn 
Kaïkobad  (1220-1237).  L'ennemi  commun  fut  écrasé;  il  s'enfuit 
dans  le  Kurdistan,  et,  toujours  redoutable  malgré  ses  débauclies, 

;l)Ayton  (Héthoum), />^  rfrr/rtr/.s  Liber,  c.  -23;  Guiragos,  trad.  Brosset,  p.  114  et 
siiiv.  ;  Les  Mongols,  d'après  les  Hist.  cirmcn.,  Journal  asial.,  1858. 

(2)  Voir  VHisloire  de  Djelal-ed-Din,  par  Mohammed  en-Nessavvi,  trad.  par  Oii- 
das,  Paris,  1895;  Guii-agos,  dans  Journal  asiatique,  lévriei'-inars  1858. 


REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

il  méditait  une  revanche  quand  le  poignard  d'un  Kurde  mit  fin 
à  ses  tragiques  aventures  (1231). 

§  22.  Les  fils  de  Gengiskhan  dévastent  la  Grande-Armé- 
nie; sultan  d'Ikonium  battu;  Héthoum,  allié  des  Mongols,  lui 
prend  VIsaurie.  —  Les  villes  ruinées  par  Djelal  ed-Dîn  n'avaient 
encore  pu  se  relever,  quand  le  fils  et  successeur  de  Gengiskhan, 
Oktaï-Khan  (1227-1241),  chargea,  le  seigneur  Tcharmaghan 
(en  mongol  Tcharmaghan-Nouïan)  de  soumettre  les  régions  à 
l'ouest  de  la  mer  Caspienne.  En  1235,  les  Mongols  exterminè- 
rent presque  tous  les  habitants  de  Kantzag  (Elisabethpol);  les 
deux  années  suivantes,  ils  pillèrent  Lori,  Gayan,  Ani,  Kars, 
marquant  leur  passage  par  des  massacres  et  des  ruines.  Vers 
l'an  1242,  le  mongol  Batchou  était  mis  à  la  place  de  Tcharma- 
ghan, tombé  en  démence.  Il  marcha  vers  Garin  (Erzeroum) 
alors  soumise  au  sultan  d'Ikonium,  Gaiath-ed-Dîn  Kaïkhosrou 
(1237-1247).  La  ville  fut  prise  et  incendiée.  Kaïkhosrou  II,  qui 
s'était  frayé  le  chemin  du  trône  par  le  meurtre  de  son  père 
Kaikobad,  n'avait  ni  son  habileté  ni  sa  valeur.  Il  fut  complète- 
ment battu  par  les  Mongols  entre  Garin  et  Erzenga;  les  vain- 
queurs ravagèrent  ensuite  Césarée,  rançonnèrent  Sébaste, 
pénétrèrent  par  ruse  dans  Erzenga  et  en  massacrèrent  les  ha- 
bitants. 

Héthoum  comprit  que  c'en  était  fait  de  son  petit  royaume 
encore  intact,  s'il  ne  parvenait  à  désarmer  Batchou.  Il  s'em- 
pressa de  lui  envoyer  des  ambassadeurs  qui  offrirent  au  chef 
tartare  la  soumission  de  leur  Maître,  avec  de  riches  présents. 
Batchou  répondit  qu'il  acceptait  le  roi  de  Cilicie  pour  allié, 
mais  à  la  condition  que  ce  dernier  lui  livrerait  la  mère,  la 
femme  et  la  lille  du  sultan  d'Ikonium  réfugiés  à  la  cour  de 
Sis.  Héthoum,  bien  à  regret  sans  doute,  eut  la  faiblesse  de  livrer 
ses  hôtes.  Kaïkhosrou,  pour  se  venger,  soutint  contre  Héthoum  la 
révolte  du  seigneur  de  Lampron,  qui  était  le  beau-frère  du  ré- 
gent et  s'appelait  comme  lui  Constantin.  Le  sultan  de  Roum 
(Ikonium),  guidé  par  le  seigneur  de  Lampron,  franchit  la 
montagne  de  Babaron  et  se  mit  à  promener  l'incendie  dans 
la  plaine.  Héthoum  se  réfugia  dans  Adana,  le  grand  baron 
Constantin  et  le  connétal)le  Sempad  s'enfermèrent  dans  Tarse. 
Constantin  de  Lampron  et  Gaiath  ed-Dui  Kaïkhosrou  II  se 
portèrent  vers  cette  dernière  place  et  campèrent  au  pied  de  la 


HISTOIRE   POLITIQUE   ET   RELIGIEUSE   DE    l'ARMÉNIE.  229 

colline,  derrière  le  Cydnus.  Mais  au  bout  de  six  jours,  ils 
levèrent  le  siège  et  se  dirigèrent  vers  le  défilé  de  Gouglag. 
Le  régent  Constantin  et  Sempad,  prenant  alors  l'offensive,  les 
poursuivirent  jusqu'à  Podandus  (1). 

Si  Héthoum  rejeta  par  delà  sa  frontière  nord-ouest  ses  deux 
redoutables  voisins,  s'il  reconquit  à  la  mort  de  Gaiath  ed-Dîn  la 
forteresse  de  Bragana  qu'il  avait  dû  lui  céder,  ce  fut  grâce  au 
concours  des  Tartares.  Aussi,  le  roi  de  la  Cilicie  voulut-il  af- 
fernûir  son  alliance  avec  le  gi-and  Khan  mongol,  maître  dQ 
l'Asie  centrale.  Vers  1248,  le  connétable  Sempad  fut  envoyé 
en  ambassade  à  la  cour  de  Kouïouk-Khan  (1241-1249),  le  suc- 
cesseur d'Oktaï  (2).  Il  fut  parfaitement  accueilli  ;  et  le  grand  Khan 
promit  de  prêter  main-forte  à  Héthoum  pour  reprendre  quel- 
ques villes  de  Cilicie,  encore  au  pouvoir  des  Seldjoukhides 
d'Ikonium.  La  bienveillance  du  Khan  tartare  n'empêcha  pourtant 
pas  les  plus  criants  abus,  les  plus  cruelles  exactions  de  la  part 
des  principaux  officiers  chargés  de  lever  les  impôts.  Pour 
soustraire  son  peuple  à  de  si  tyranniques  exigences,  Héthoum 
se  rendit  en  personne,  en  1254-1255,  auprès  de  ses  protec- 
teurs mongols,  Batou  et  Mangou-Khan,  deux  petits-fils  de  Gen- 
giskhan,  dont  le  dernier  avait  été  nommé  grand  Khan,  après 
la  mort  de  Kouïouk.  Héthoum,  ayant  traversé  le  pays  des 
Aghouans  et  franchi  la  porte  de  Derbend,  visita  d'abord  Batou 
qui  campait  au  nord  de  la  mer  Caspienne,  sur  les  bords  du 
Volga.  De  là  il  se  dirigea  vers  l'est  et  atteignit  enfin  Karako- 
rouin  où  résidait  Mangou.  Après  avoir  reçu  les  présents  de 
Héthoum,  le  grand  Khan  lui  remit  deux  diplômes,  revêtus  de 
son  sceau;  par  l'un  il  défendait  de  rien  tenter  contre  le  roi 


(1)  Constantin  de  Lampron  ayant  été  pris  en  1250  fut  mis  à  mort.  —  D'après 
le  P.  Alishan  (op.  cil.,  p.  364),  Héthoum  aurait  en  1249  enlevé  au  sultan  d'Ikonium 
sa  tente  d'une  valeur  de  500  pièces  d'or  et  en  aurait  fait  présent  à  saint  Louis. 
On  sait  que  le  roi  de  France  avait,  peu  avant,  apaisé  un  conflit  entre  Héthoum 
etBohémond  V  d'Antioche.  Nous  ignorons  à  quelle  source  est  empruntée  la  men- 
tion du  cadeau  fait  à  saint  Louis.  Mais  le  fait  n'a  pu  avoir  lieu  que  vers  l'année 
1249.  Ce  fut  probablement  pendant  le  séjour  du  saint  roi  à  Chypre,  alors  que  le 
catholicos  et  plusieurs  seigneurs  vinrent  le  complimenter  au  nom  de  Héthoum. 
En  1251,  le  jeune  Bohémond  VI,  avec  sa  mère  devenue  veuve,  se  présentait  de- 
vant saint  Louis  à  Jaffa  et  le  priait  de  l'émanciper  de  la  tutelle  maternelle. 

(2)  Voir  la  relation  de  Sempad,  lettre  écrite  de  Samarcand  à  son  beau-frère 
Henri  I",  roi  de  Chypre,  dans  le  Recueil  des  Hist.  de  France,  publié  par  l'Acad. 
des  Inscriptions,  t.  XX,  p.  300.  Guiragos(éd.  Brosset),  ch.  59. 


230  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

et  son  royaume;  par  l'autre  il  déclarait  les  Églises  exemptes  de 
toute  redevance.  Ces  égards  des  descendants  de  Gengiskhan 
pour  le  clergé  chrétien  ne  sont  pas  un  fait  isolé.  Oi)  n'a  môme 
point  lieu  d'en  être  surpris,  si  on  se  rappelle  que  la  pre- 
mière femme  de  Houlagou,  Dokouz-Khatoun,  était  chrétienne 
comme  Sartakh,  le  fils  de  Batoii,  et  que  l'un  et  l'autre  usèrent  de 
leur  grande  influence  pour  alléger  les  charges  des  chrétiens 
et  libérer  de  tout  impôt  les  prêtres  et  les  églises. 
.  Avec  l'appui  des  renforts  tartares,  Héthoum  reconquit  Ger- 
manicopolis  sur  le  Calycadiius  et  repi-it  l'isaurie  au  sultan 
Azz  ed-Dîn  Kaï-Kaous  II. 

I  23.  Houlagou,  l'allié  de  Héthoum,  ravage  la  sullanie 
de  Roum  (Ikonium),  s'empare  de  Bagdad,  Alep,  etc..  H  re- 
part pour  l'Orient,  Sartakh;  Bibars  écrase  les  Arméniens  ;  le 
frère  Macaire.  —  Vers  rnn  1257,  Houlagou,  le  frère  de  Man- 
gou ,  auquel  était  confié  le  c<  »mman(  Icnient  des  régions  comprises 
entre  l'Asie  Mineure  et  la  Perse,  ordonna  à  son  lieutenant 
Batcliou-Nouïn  de  rassembler  ses  troupes  disséminées  en  Géor- 
gie et  en  Arménie  et  d'envahir  les  tei-res  du  sultan  d'Ikonium. 
Houlagou  arriva  lui-même  avec  une  formidable  armée,  à  la- 
quelle s'était  joint  Héthoum.  Rien  ne  pouvait  tenir  contre  un 
tel  déploiement  de  forces.  Garin,  Erzenga,  Sébaste,  Césarée, 
Ikonium  furent  pillées  et  les  habitants  massacres.  Maitre  de  la 
sultanie  d'Ikonium,  Houlagou  tourna  ses  forces  contre  le 
khalife  de  Bagdad.  La  grande  ville  fut  prise  le  4  février  1258; 
regorgement  du  khalife  Mostassem  ainsi  que  de  ses  deux  fils 
fut  le  prélude  «l'un  horrible  massacre  qui  dura  quarante  jours. 
Les  chrétiens  cependant  fureni  ménagés,  gi-àce  à  l'intervention 
de  Dokouz-Khatoun.  Le  tenlble  Mongol  se  dirigea  ensuite 
vers  le  Moyen-Euphrate,  emportant  sur  <les  milliers  de  cha- 
meaux menés  à  la  suite  de  son  armée,  d'immenses  richesses. 
Les  années  suivantes,  il  fit  subir  le  sort  de  Bagdad  à  plusieurs 
villes  de  la  Mésopotamie;  Martyropolis  fut  saccagée;  seules, 
les  églises  restèrent  intactes.  Un  peu  plus  tard,  Alep  fut  prise 
et  son  sultan,  de  la  race  de  Saladin,  fait  prisonnier;  ce  fut 
ensuite  le  tour  de  Damas,  Kharan,  Édesse,  Amid.  Héthoum 
avait  rejoint  Houlagou,  et  il  est  vraisemblable  que,  docile  à  ses 
conseils,  Houlagou,  avant  de  regagner  l'Asie  centrale,  voulait 
délivrer  Jérusalem  du  joug  sarrasin.  Mais  les  graves  dissen- 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉXIE.  231 

siens  survenues  après  la  mort  de  Mangou,  entre  les  descen- 
dants de  Gengisklian,  ne  lui  permirent  pas  de  réaliser  ce 
plan  et  le  rappelèrent  brusquement  vers  l'Orient. 

Les  ennemis  de  la  Cilicie  allaient  exploiter  ce  départ.  Un 
autre  prince  mongol,  Sartakh,  fils  de  Batou,  avait  aussi  semblé 
devoir  être  un  ferme  appui  pour  le  petit  royaume;  il  paraissait 
d'autant  plus  capable  de  maintenir  la  paix  parmi  les  tribus 
tartares  que  son  sincère  christianisme  n'excluait  pas  un  large 
esprit  de  tolérance  à  l'égard  des  mahométans;  mais  il  avait 
été  assassiné  par  ses  deux  oncles  musulmans,  au  moment  où 
Mangou  venait  de  l'établir  khan  de  la  Horde  d'Or  (1256).  11  est 
vrai  qu'à  Houlagou,  mort  en  1265,  succède  sur  le  trône  de  Perse 
Abaka-Khan.  Bien  que  ce  dernier  ne  soit  pas  chrétien  quoi 
qu'en  dise  Guiragos,  au  moins  est-il  favorable  aux  chrétiens  et 
par  conséquent  aux  Arméniens  (1).  Mais  déjà  les  Tartares  sont 
divisés;  Béréké,  l'un  des  deux  meurtriers  de  Sartakh,  est  khan 
du  Kipehak  occidental  et  s'allie,  comme  plus  tard  son  successeur 
Mangou-Timour,  à  Tun  des  plus  redoutables  adversaires  des 
chrétientés  orientales,  le  sultan  d'Egypte,  Bibars,  de  la  dynastie 
des  Mamelouks  Baharites  (1260-1277). 

Bibars  appelé  Bondokdari,  du  nom  de  son  ancien  maître, 
avait  été  esclave  et  était  originaire  du  Kipehak  (Bulgarie).  Actif, 
habile,  rusé  politique,  comme  le  plus  fameux  de  ses  prédé- 
cesseurs Saladin,  et  encore  plus  implacable  que  lui  dans  sa 
haine  contre  les  chrétiens,  il  avait  résolu  de  les  faire  dispa- 
raître de  toute  l'Asie  Antérieure.  Aboulpharadj  raconte  qu'il 
somma  Héthoum  de  lui  payer  tribut  et  d'accorder  aux  Égyptiens 
pleine  liberté  de  trafiquer  en  Cilicie.  Héthoum  ne  voulant  pas 
mécontenter  les  Tartares,  ses  alliés,  rejeta  sa  demande. 

Au  reste,  pour  donner  à  son  agression  quelque  apparence 
de  légitimité,  les  prétextes  ne  manquaient  pas  à  Bibars.  Héthoum 
n'était  pas  seulement  le  vassal  des  Tartares  ;  il  était  aussi, 
depuis  dix  ans,  l'allié  fidèle  de  Bohémond  VI,  prince  d'Antioche. 
En  1254,  il  lui  avait  donné  pour  épouse  l'une  de  ses  filles. 
Sibylle;  en  1259,  il  avait  réconcilié  avec  son  gendre  l'ordre  de 

(1)  Voir  Guiragos,  dans  le  Journal  AsiaL,  trad.  Dulaurier,  juin  1858,  surtout 
p.  482  et  508.  Guiragos  de  Kantzag,  le  contemporain  de  ces  événements,  avait  étu- 
dié au  couvent  de  Kédig  (district  de  Gaïen,  prov.  de  Koukark)  sous  le  célèbre 
docteur  Jean  Vanagan.  Guiragos  (éd.  Brosset),  ch.  25,  54  et  60. 

ORIENT   CHKÉTIEN.  1^ 


232  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

l'Hôpital  et  les  seigneurs  de  Giblet  et  du  Boutron,  révoltés  contre 
leur  suzerain,  le  comte  de  Tripoli.  Ensemble,  ils  avaient  pris 
part  à  l'expédition  de  Houlagou-Khan  à  travers  la  Syrie  ;  bref, 
toute  la  conduite  politique  du  jeune  prince  subissait  l'influence 
de  son  beau-père.  Or,  outre  que  le  sultan  avait  liàte  de  mettre 
la  main  sur  la  brillante  cité  d'Antioche,  la  haine  qu'il  nourris- 
sait contre  les  princes  chrétiens  était  surtout  vivace  à  l'égard 
de  Bohémond.  Il  lui  reprochait  d'avoir,  après  la  prise  de  Damas, 
déterminé  Houlagou  à  consacrer  la  grande  mosquée  de  Damas 
au  service  du  culte  chrétien  et  à  transformer  les  autres  mos- 
quées en  écuries  ;  et  c'était  le  prince  arménien  uni  aux  Tartares 
qui  avait  fait  échouer  la  première  attaque  du  sultan  contre 
Antioche  (1262)  ;  de  plus,  juste  au  moment  où  Bibars  préparait 
une  seconde  expédition,  Héthoum  faisait  parvenir  des  secours 
à  Antioche  menacée  par  les  Musulmans,  s'emparait  de  Marasch 
et  achetait  Béhesni.  C'en  était  trop  pour  l'implacable  Mamlouk. 
Il  allait  justifier  contre  ses  deux  plus  proches   ennemis  les 
surnoms  de  Malek-Caher  (prince  terrible)  et  de  Malek-Daher, 
(prince  triomphateur).  Mettant  à  profit  l'éloignement  des  Tar- 
tares, il  fit  envahir  la  Cilicie  par  ses  généraux  Melik-Man- 
sour,  prince  de  Hamah,  l'émir  Kelaoun  et  Azz  ed-Dîn  Igan 
surnommé  Semm  al-Maout,  le  poison  mortel  (1).  Ils  écrasèrent 
près  de  Derbeçak,  au  nord-ouest  d'Antioche,  les  faibles  troupes 
rassemblées  à  la  hâte  par  Léon  et  Théodore,  les  deux  fils  de 
Héthoum.  Théodore,  craignant  peut-être  que  sa  patrie  n'achevât 
de  s'épuiser  en  payant  sa  rançon,  refusa  de  se  faire  connaître  et 
périt  sur  le  champ  de  bataille;  Léon  fut  emmené  prisonnier 
(24  août  1266)  (2).  Les  vainqueurs  se  portèrent  ensuite  vers 


(1)  Do  Mas  Latrie,  dans  sa  belle  éd.  de  la  Chronique  cVAmadi  (Paris,  ISni), 
p.  208,  dit  que  Semelmot  est  probablement  El-IMelik  el-Mançour,  prince  de  Ilaniah, 
et  renvoie  le  lecteur  au  t.  II  des  His.t.  Arm.  des  Crois.,  p.  12,  n.  1.  L'opinion  du 
savant  auteur  est  en  contradiction  avec  le  récit  de  Blalirizi,  trad.  Quatrenière, 
partie  II,  pp.  3.3-34  et  146. 

(2)  Aboulpharadj,  Chron.  Syr.,  p.  569,  dit  que  Léon  fut  pris  le  24  août  1206.  Cf. 
Makrizi,  dans  Quatremère,  t.  I,  IP  part.,  p.  33  et  34,  54-56;  Aboulféda,  Hisl.  or. 
des  Crois.,  t.  I,  p.  152  et  suiv.  —  Vartan,  avec  moins  de  vraisemblance,  place 
deux  ans  plus  tard  le  combat  où  fut  pris  L('on.  Voir  aussi  Aboulpharadj,  Hist. 
IJyn.  (Pocock),  p.  356  et  357  (545-548  du  texte  );  Héthoum,  op.  cit.,  c.  33;  Sempad, 
an  717;  Vahram,  Chron.  rimée,  vers  1050;  Chant  popul.  sur  la  mort  de  Léon,  dans 
les  Hist.  des  Crois.,  t.  I  des  Z)oc.  arm.,  p.  537  ;  Contin.  de  Guill.  de  Tyr,  p.  455; 
Sanuto,  p.  222  et  suiv.  —  Pour  les  deux  autres  expéditions  et  la  mort  de  Bibars 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  233 

Amouda,  place  très  forte  des  Templiers;  ils  la  prirent,  la  pillè- 
rent et  la  livrèrent  aux  flammes  après  en  avoir  égorgé  les 
habitants.  Sis  fut  bientôt  investie  et  saccagée  et  sa  magnifique 
cathédrale  incendiée.  De  là,  raciaite  Makrizi,  pendant  que 
l'émir  Igan  se  dirigeait  vers  le  pays  de  Roum,  l'émir  Kelaoun 
allait  saccager  Missis,  Adana,  Aïas  et  Tarsous.  —  Deux  ans 
après,  le  19  mai  1:^,68,  Antioche,  l'alliée  de  la  Cilicie,  était  en- 
levée aux  Francs;  dans  la  riche  cité  qui  était  restée  170  ans  au 
pouvoir  des  chrétiens,  il  ne  resta  que  des  ruines  ;  les  hommes 
furent  massacrés,  et,  comme  toujours,  les  femmes,  aussi  bien 
que  les  trésors  et  les  objets  ayant  quelque  valeur,  furent  dis- 
tribués entre  les  soldats.  La  prise  d'Antioche  aggravait  encore 
la  triste  situation  de  la  Cilicie. 

Au  moment  où  ses  fils  succombaient  glorieusement,  Héthoum 
rentrait  en  Cilici(^  avec  quelques  troupes  tartares  fournies,  sur 
sa  demande,  par  Abaka.  Mais  le  renfurt  <''tait  trop  faible  et  se 
composait  d'ailleurs  de  soldats  trop  indisciplinés  pour  mettre 
le  roi  en  état  de  lutter  contre  Bibars.  Il  dut  conclure  avec  le 
sultan  une  trêve  onéreuse  (juin-juillet  1268).  Il  céda  Derbeçak, 
Béhesni,  Merzeban,  Raban.  Bibars  consentit  à  échanger  le  fils  du 
roi,  Léon,  contre  son  favori  Schems  ed-Din  Sonkor  al-Aschkhar 
(le  faucon  roux),  fait  prisonnier  par  Houlagou  au  siège  d'Alep. 
Héthoum  obtint  d'Abaka  la  liberté  du  fameux  Faucon  roux; 
bientôt  après,  Léon  arrivait  à  Damas  avec  Bibars  ;  là,  debout,  la 
tête  découverte,  il  jurait  l'observation  du  traité  sur  le  même 
exemplaire  qui  avait  reçu  le  serment  de  son  père.  — Le  retour  de 
son  filsàSis  fut  pour  Héthouml'unede  ses  dernières  joies  ici-bas. 
Dégoûté  de  ces  grandeurs  dont  il  avait  senti  toute  hi  caducité, 
il  abdiquait  en  faveur  de  Léon;  puis,  ayant  pris  l'habit  religieux, 
sous  le  nom  de  frère  Macaire,  il  s'enferma  dans  un  cloître,  où 
il  mourut  le  28  octobre  1270.  Le  couvent  de  Trazargh  reçut 
les  dépouilles  de  ce  prince,  digne  d'être  regretté  pour  ses 
vertus. 


voir  Reinaud,  Extraits  des  auteurs  arabes  relatifs  aux  croisades,  pp.  500,  512,  53S 
et  siiiv.  ;  Makrizi,  p.  l-2o  et  147-1.")0. 


234  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


LÉON  III,  I269-I289. 

§  M.  Qualités;  complots;  les  Égyptiens  pilleiit  deux  fois 
la  Cilicie;  mort  de  Bibars.  —  Le  fils  de  Héthoum  fut  sacré  à 
Tarse  (1271).  Ce  prince  méritait  aussi  d'être  aimé  de  ses  sujets: 
il  était  bon,  affable,  plein  de  sollicitude  pour  les  intérêts  soit 
temporels,  soit  religieux  de  sa  nation.  Malheureusement,  les 
jalousies  qui  avaient  accéléré  la  ruine  du  royaume  arménien 
des  Arsacides  et  des  Pagratides,  paralysèrent  la  résistance  de  la 
Cilicie  contre  ses  implacables  envahisseurs.  Le  moine  \'ahram 
Raboun,  secrétaire  de  Léon  III,  raconte  que  des  seigneurs  am- 
bitieux, dont  quelques-uns  étaient  unis  au  roi  par  des  liens  de  pa- 
renté, conspirèrent  contre  ce  dernier.  Léon  déjoua  leur  complot  et 
se  contenta  de  les  priver  de  leurs  places  fortes.  Mais  sa  clémence 
ne  désarma  pas  tous  ses  adversaires.  Il  y  en  eut  qui  achevèrent 
d'exciter  contre  leur  souverain  le  sultan  Bibars.  Celui-ci  ne 
cherchait  qu'un  prétexte  pour  ruiner  la  Cilicie.  L'émir  Kelaoun- 
Alfi  et  l'émir  Bedr  ed-Din  Bilik  le  Khazindàr  (trésorier),  à  la 
tête  d'une  armée  composée  d'Égyptiens,  d'Arabes  et  de  Turko- 
mans,  surprirent  Missis  dont  ils  égorgèrent  les  habitants.  Peu 
de  temps  après,  le  sultan  avec  son  armée  se  présenta  devant 
Sis.  La  ville  résista.  On  raconte  qu'un  prêtre  étant  sorti  des 
murs  avec  un  groupe  de  braves,  fit  reculer  les  assaillants,  tua 
un  de  leurs  chefs,  puis  succomba  sous  le  nombre.  L'historien 
des  sultans  mamelouks,  JMakrizi,  prétend  que  Bibars  serait  entre 
dans  la  ville  et  l'aurait  livrée  au  pillage  de  ses  soldats.  Les  auteurs 
arméniens  affirment,  au  contraire,  que  Bibars  fut  repoussé  de 
Sis;  alors  il  se  dirigea  vers  Tarse,  s'en  empara,  enleva  le  trésor 
royal,  incendia  un  palais  avec  l'église  Sainte-Sophie,  bâtie  par 
Héthoum;  quinze  mille  habitants  périrent  par  le  glaive  et  dix 
mille  furent  traînés  en  captivité.  Un  détachement  d'Égyptiens 
envoyé  à  Aïas  ayant  trouvé  la  ville  dégarnie  de  troupes,  la 
pillèrent  et  firent  main  basse  sur  la  population  franque  et  armé- 
nienne (1274-1275). 

C'est  au  cours  de  l'année  suivante,  semble-t-il,  que  doit  se 
placer  le  curieux  épisode  rapporté  par  Aboulpharadj  et  la  prise 
d'armes  qui  en  fut  la  conséquence.  Au  dire  de  Bar-Hebrasus, 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉXIE.  235 

trente  fakirs  étant  venus  à  Tarse  vénérer  le  tombeau  de  Mah- 
moun,  Léon  s'imagina  que  Bibars  se  cachait  parmi  eux  et  les 
retint  prisonniers.  Un  corps  de  500  Égyptiens  entra  en  Cilicie  et 
fut  défait.  Alors  Bibars  envoya  8.000  hommes  qui  dévastèrent 
de  nouveau  la  région  depuis  Sis  jusqu'à  Aïas.  Les  Turkomans 
s'étaient  joints  aux  envahisseurs.  Quand  leurs  bandes  pillardes 
ne  furent  plus  soutenues  que  par  une  centaine  d'Égyptiens,  Léon 
les  attaqua  au  nord-est  d'Alexandrette,  près  de  lAlarasch.  Les 
Arméniens  furent  vainqueurs,  mais  après  avoir  subi  de  grosses 
pertes.  Trois  cents  chevaliers  furent  tués  ;  le  vieux  connétable 
Sempad,qui  à  la  tête  de  sa  division  venait  de  repousser  l'ennemi, 
fut  jeté  par  son  cheval  contre  un  arbre,  avec  tant  de  violence  qu'il 
mourut  à  Sis  des  suites  de  ce  choc. 

Des  écrivains  arméniens  ont  raconté  que  Bibars  avait  le 
commandement  des  envahisseurs  auxquels  Léon  et  Sempad 
venaient  de  couper  la  retraite.  A  les  entendre,  il  aurait  même 
reçu,  en  fuyant,  une  blessure,  dont  il  serait  mort  peu  après  à 
Damas  (1).  On  commet  ici,  nous  semble-t-il,  une  confusion.  En 
réalité,  dans  le  courant  de  1276-1277,  Bibars  s'était  dirigé  vers 
le  nord  de  la  Syrie  en  passant  par  Damas,  Alep,  Aïntab;  dans 
la  province  d'Ablastha  (Albistan)  il  se  Ijattit  contre  une  armée 
de  Tartares,  estimée  à  12.000  hommes,  parmi  lesquels  se  trou- 
vaient des  Arméniens.  Vainqueur,  il  poursuivit  son  expédition 
jusqu'à  Césarée  de  Cappadoce,  dont  il  s'empara.  Pendant  qu'il 
revenait  par  Antioche,  Abakha-Khan  s'emparait  de  nouveau  de 
Césarée  et  des  régions  voisines,  dont  il  massacrait  les  musul- 
mans. Bibars  continua  sa  retraite  vers  Damas,  où  il  mourut  le 
30  juin  1277.  Même  les  historiens  musulmans  ne  s'accordent 
pas  dans  le  récit  de  sa  mort.  Selon  les  uns,  il  expira  pour  avoir 
bu  avec  excès  du  koumiz,  boisson  formée  de  lait  de  jument  fer- 
menté. Selon  d'autres,  il  périt  empoisonné,  ayant  pris  par  mé- 
garde  du  poison  préparé  par  son  ordre  pour  Melik-Kaher,  l'un 
de  ses  lieutenants,  dont  il  était  jaloux.  Aboulpharadj  croit  qu'il 

(1)  Tchamicch  (Avdall).  II,  260;  Chalmazarian,  Hlst.  de  V Arménie,  \>.  74,  contre 
Makrizi,  IIP  partie,  t.  II,  p.  35,  63;  Reinaud,  Exlr.  des  Hisi.  av.,  p.  539-541; 
Alioulléda,  Hist.  or.  des  Crois.,  tf  I,  p.  150  ;  Héthoum,  comte  de  Gorigos,  Table 
c/iro/i.,an.  731  (10  janvier  1 28-2-9  janvier  1283);  Sanuto,  liv.  III,  part.  XII,  c.  xvnt; 
Hayton,  c.  xxxv;  d'Ohsson,  Hisl.  des  Mongols,  t.  III,  p.  525.  —  Voir  l'article 
très  documenté  de  R.  Rohriclit  sur  les  batailles  de  Hims  (1281  et  1299),  Archives 
de  l'Orient  latin,  t.  I  (Paris,  1881),  pp.  633-652. 


236  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mourut  des  suites  d'une  blessure  reçue  dans  la  dernière  guerre. 
Cependant  l'hypothèse  d'un  empoisonnement  n'est  pas  sans 
vraisemblance.  Ce  prince  est,  aux  yeux  de  Makrizi,  l'un  des 
meilleurs  princes  qui  aient  régné  sur  les  Musulmans,  comme 
si  l'énergie  et  les  talents  du  conquérant  pouvaient  faire  oublier 
son  manque  absolu  d'humanité! 

§  25.  Défaite  entre  Émèse  et  Hama;  traité  de  Léon  avec 
Kelaoun.  —  La  mort  de  Bibars  ne  marqua  qu'une  courte  trêve 
pour  les  Arméniens.  Bientôt  l'émir  Kelaoun,  un  ancien  esclave, 
également  originaire  du  Kipchak,  supplantait  les  deux  fils  de 
Bibars  et  prenait  le  titre  de  sultan,  sous  le  nom  de  Malek-Man- 
sour  (roi  invincible).  Sonkor-Aschkar,  vice-roi  de  Syrie,  fidèle 
à  la  cause  de  son  bienfaiteur,  se  révolta  contre  Kelaoun;  il  prit 
le  titre  de  sultan  à  Damas  et  fit  appel  aux  Tartares  et  aux 
Arméniens.  Mais,  dès  qu'il  apprit  que  l'armée  tartare,  conduite 
par  Mangou-Timour,  frère  d'Abaka,  venait  de  passer  l'Euphrate, 
il  réunit  ses  forces  à  celles  du  sultan  d'Egypte.  Ce  fut  dans  la 
plaine  de  Homs  (Émèse),  au  sud  de  Hama,  que  se  livra  la  ba- 
taille entre  les  Égyptiens  et  les  alliés  des  chrétiens.  Mangou- 
Timour,  placé  au  centre,  avait  sous  ses  ordres  50.000  Tartares. 
L'aile  droite  de  son  armée  était  formée  de  25.000  chrétiens, 
Arméniens,  Géorgiens  et  Fraid^s.  Le  combat  fut  long  et 
acharné;  les  chrétiens  enfoncèrent  l'aile  gauche  de  l'armée 
musulmane,  dont  une  partie  s'enfuit  jusqu'à  Damas.  Mais 
tandis  qu'ils  se  croyaient  vainqueurs,  Kelaoun  parvenait  à 
tailler  en  pièces  le  gros  de  l'armée  tartare;  et,  dès  lors,  la 
retraite  soit  des  Tartares,  soit  des  Frankset  des  Arméniens,  se 
changea  en  désastre  (29  octobre  1281).  Kelaoun,  pour  punir  les 
Arméniens  de  leur  alliance  avec  les  Tartares,  envoya  plus  tard 
une  petite  armée  en  Cilicie  ;  elle  pénétra  jusqu'à  la  ville  d'Aïas, 
et,  sur  son  parcours,  mit  tout  à  feu  et  à  sang  (1283). 

L'expédition  était  d'autant  plus  facile  que  la  Cilicie  n'avait 
plus  d'alliés.  Le  khan  de  Perse  Abaka  était  mort  le  P'  avril 
1282;  son  frère  et  son  successeur  Tagoudar-Ogoul,  qui  avait 
été  baptisé,  s'était  déclaré  musulman  sous  le  nom  de  Ahmed; 
puis  il  avait  envoyé  une  ambassade  à  Bibars.  Quant  aux 
principautés  chrétiennes  non  encore  conquises,  elles  étaient 
isolées,  ne  songeant  guère  qu'à  leurs  intérêts  immédiats  et 
s'empressant  à  l'envi  de  reconnaître  la  suzeraineté  du  sultan. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  237 

De  l'an  1283  à  Tan  1285,  Lt'-on  III  envoya  plusieurs  fois  des 
ambassadeurs  à  Bibars.  lAIais  le  sultan,  qui  voulait  terroriser  un 
peuple  devenu  trop  faible  pour  lui  résister,  retint  les  ambas- 
sadeurs prisonniers.  Enfin,  l'an  1285,  Léon  ayant  choisi  comme 
intermédiaire  le  commandeur  des  Templiers  de  la  Petite-Armé- 
nie, celui-ci  se  présenta  au  sultan  avec  une  lettre  du  roi  et 
une  autre  du  grand  maître  de  son  ordre.  Grâce  à  la  médiation 
de  ces  chevaliers  qui  lui  avaient  rendu  d'importants  services, 
Kelaoun  accorda  la  paix  au  roi  d'Arménie,  pour  dix  ans,  dix 
mois  et  dix  jours;  mais  les  conditions  en  furent  assez  dures  : 
Les  Arméniens  devaient  payer  chaque  année  un  tribut  d'un 
million  de  dirhems  (pièces  d'argent),  soit  en  espèces,  soit  en 
nature,  chevaux,  mulets,  etc..  Déplus,  le  roi  d'Arménie  s'en- 
gageait à  mettre  en  liberté  tous  les  marchands  musulmans, 
prisonniers  dans  ses  états,  et  à  leur  rendre  tout  ce  qu'ils 
avaient  possédé;  le  sultan  promettait  aussi  la  liberté  aux 
captifs  arméniens,  mais  refusait  de  restituer  ceux  de  leurs 
biens  qui  avaient  disparu.  Des  deux  côtés,  on  devait  rendre 
les  fugitifs  ;  avec  cette  différence  que  les  fugitifs  arméniens 
devenus  musulmans  ne  seraient  point  livrés.  Une  clause 
concernant  le  commerce  n'était  pas  moins  humiliante.  Chaque 
nation  accordait  à  l'autre  pleine  liberté  de  trafiquer  chez  elle, 
mais  avec  l'autorisation  pour  les  musulmans  d'acheter  en 
Arménie  des  esclaves  de  l'un  et  l'autre  sexe,  de  tout  âge,  de 
toute  condition  et  de  toute  nationalité,  aussi  librement  qu'ils 
pouvaient  le  faire  pour  les  chevaux,  les  mulets,  etc.  —  Le  roi 
accepta  cette  condition  bien  à  contre-cœur,  puisque,  trois  ans 
plus  tard,  il  exigera  des  Génois  qui  achetaient  des  esclaves  en 
Arménie  de  ne  point  vendre  ceux  qui  sont  chrétiens  à  des 
musulmans  ou  à  des  gens  en  relation  avec  des  musulmans  (1). 
Enfin,  Léon  fut  même  forcé  par  Kelaoun  de  rendre  les  captifs 
qu'il  avait  pris  sur  les  terres  du  sultan  d'Ikonium,  avec  lequel 
il  était  en  lutte. 

L'accord  avec  Kelaoun  coûtait  donc  bien  cher  à  la  Cilicie  ; 
mais  elle  n'avait  pas  d'autres  moyens  de  se  soustraire  à  de 
continuelles  razzias.  Au  reste,  la  fertilité  de  ses  plaines,  l'in- 

(1)  Makrizi,  op.  cil.,  \lh  partie,  t.  II,  append.,  p.  201-212;  Reinaud,  Extr.  des 
Hist.  nr.  des  Crois.,  p.  552-558.  Ce  traité  se  trouve  aussi  dans  Le  Trésor  des  Charles 
d'Arménie,  de  Langlois,  p.  217  et  suiv. 


238  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

diistrie  de  ses  habitants  allaient,  à  la  faveur  delà  paix,  se  dé- 
velopper assez  pour  suffire  à  de  si  lourdes  charges. 

I  26.  Politique  intérieure  :  Léon  favorise  le  commerce,  les 
sciences,  les  œuvres  de  charité;  Kyr  Anna.  —  Léon  n'avait 
rien  négligé  pour  recruter  une  bonne  armée.  Déjà,  avant  lui, 
les  soldats  recevaient  une  solde;  cette  solde, Léon  l'augmenta, mal- 
gré l'épuisement  des  trésors  de  l'État.  La  paix  conclue,  la  prospé- 
rité commença  à  reparaître,  à  mesure  que  le  commerce,  paralysé 
par  la  guerre,  reprenait  son  ancien  essor.  La  ville  de  Lajazzo 
(l'antique  ^^ga3,  appelée  aujourd'hui  Aïas,  dans  le  port  d'A- 
lexandrette),  la  ville  de  Tarse  ou  Darson  et  quelques  autres  de 
la  côte  cilicienne  sont  encore,  vers  la  fin  du  xiii®  siècle,  rangées 
parmi  les  plus  commerçantes  de  fOrient  (1).  Aragonais,  Proven- 
çaux, Génois,   Vénitiens,  etc.,   continuent  d'affluer  dans  ces 
entrepôts,  où  se  vendent  les  marchandises  de  la  Syrie,  de  la 
Cappadoce,  de  la  Perse  et  même  des  Indes.  —  En  favorisant  ce 
qui  contribue  directement  au  bien-être  matériel  de  son  peuple, 
Léon  s'occupe  aussi  d'autres  institutions  qui,  tout  en  visant  un 
but  plus  élevé,  le  développement  de  la  vie  morale,  concourent 
puissamment  à  la  prospérité  matérielle.  Il  fonda  des  maisons 
destinées  au  soulagement  des  malades,  à  la  prière  et  à  l'étude. 
Tel  fut,  entre  autres,  le  couvent  de  Medzaqar  ou  du  grand  ro- 
cher, qui  devint  une  haute  école  de  théologie.  Soit  au  couvent 
d'Etchmiadzin,  soit  chez  les  Pères  Mekhitaristes,   on   trouve 
encore  aujourd'hui  des  centaines  de  manuscrits  qui  furent  com- 
posés ou  copiés  sous  son  règne,  preuve  palpable  de  son  zèle  à 
répandre  dans  son  peuple  l'instruction  et  surtout  l'instruction 
religieuse.  Son  exemple,  d'ailleurs,  excita  jusque  dans  la  mai- 
son royale  une  noble  émulation.  Sa  sœur  Fimie,   épouse  de 
Julien,  comte  de  Sidon,  devint  religieuse  après  la  mort  de  son 
époux.   Quant  à  l'épouse  de  Léon,  la  bonne  reine  Anne,  Kyr 
Anna,  elle  sut,  comme  épouse  et  comme  mère,  seconder  les  gé- 
néreux desseins  du  roi.  Deux  des  onze  enfants  qu'elle  lui  avait 
donnés,   Nersès  et  Regina,  moururent  prématurément  (1278). 


(1)  Langiois,  op.  cit.,  p.  88,  105,  etc.  ;  Numismallque  de  l'Arménie  au  Moyen 
Age,  par  le  même,  p.  17.  —  Marco  Polo  (.\iv«  siècle).  2  vol.  in^",  Paris,  1867;  — 
Archives  de  l'Orient  latin,  t.  I.  Actes  génois  d'Arménie. — Aïas  est  le  centre  du 
commerce  de  tout  le  Levant,  comme  en  témoignent  les  nombreux  actes  passés 
dans  ce  port  de  1271  à  1279. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  239 

La  reine  les  suivit  en  1285,  pendant  que  TArménie  souffrait 
encore  des  suites  de  la  guerre,  de  la  peste  et  de  la  famine,  qui 
venaient  de  la  désoler. 

Fr.  Tournebize. 
{A  suivre.) 


OFFICE 


DE 


SAINTE  MARINE 


TEXTE  SYRIAQUE 


AYANT-PROPOS 

L'office  en  langue  syriaque  (2)  de  sainte  Marine,  dont  le  texte 
est  donné  ci-après,  est  inédit.  En  effet,  on  ne  le  trouve  pas 
dans  le  recueil  des  offices  propres  de  TÉglise  maronite,  qui  a 
été  publié  aux  frais  de  la  Propagande,  par  les  soins  de  A.  Ec- 
chellensis  et  de  F.  Nairon  (3);  c'est  dire  qu'il  a  été  composé 
postérieurement  à  cette  publication.  Si,  comme  on  l'admet, 
sans  pouvoir  d'ailleurs  le  prouver,  il  a  pour  auteur  le  pa- 
triarche Joseph  Estéphan,  qui  a  gouverné  l'Eglise  maronite 
de  176G  à  1793,  il  aurait  été  rédigé  dans  la  deuxième  moitié 
du  xviir  siècle.  Plein  de  longueurs  et  de  redites,  il  a  tous  les 
caractères  de  ces  offices  de  date  récente,  composés  surtout  pour 
des  moines  sans  grande  instruction.  Sa  valeur  littéraire  est 
peu  considérable  et  son  importance  au  point  de  vue  historique 
est  moindre  encore.  Il  y  a  lieu,  malgré  cela,  de  le  publier, 
d'abord  parce  qu'il  complétera  la  série  des  textes  relatifs  à 
sainte  Marine,  ensuite  parce  qu'il  est  classé  parmi  les  offices 


(1)  Voy.  vol.  YI,  lUOl,  p.  283,  357,  572:  vol.  VII,  1902,  p.  130,  245,  478,  047 
vol.  VIII,  1903,  p.  288. 

(2)  Seules  quelques  oraisons  sont  en  langue  arabe,  (luoiquo  écrites  en  carac- 
tères syriaques. 

(3)  Rome,  1G5G-I66G,  2  vol.  in-fol. 


OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  211 

spéciaux  qui  sont  admis  dans  l'Église  maronite.  Sans  doute  ces 
offices  ne  sont  pas  obligatoires;  mais  ils  sont  toujours  chantés, 
à  leur  date  propre,  là  où  il  s'en  trouve  un  texte  imprimé  ou  ma- 
nuscrit, c'est-à-dire  dans  certains  monastères  et  dans  quelques 
paroisses  pourvues  de  chantres  assez  instruits  et  assez  nom- 
breux. 

On  trouvera,  à  la  fin  de  cet  office,  le  trisagion  jacobite  qui, 
sans  doute,  ne  devrait  pas  figurer  dans  les  prières  d'une  Église 
catholique.  Je  crois,  toutefois,  qu'il  ne  faut  pas  attacher  à  ce 
fait  une  importance  exagérée.  A  l'époque  où  l'office  a  été  com- 
posé les  Maronites  étaient  sans  aucun  doute  étroitement  unis  à 
l'Église  latine,  et,  d'un  autre  côté,  son  auteur,  de  science  très 
restreinte,  ne  pouvait  se  rendre  compte,  comme  le  ferait  un 
théologien  occidental,  de  la  portée  que  ce  trisagion  a  pu  avoir 
autrefois.  On  ne  peut  donc,  ce  me  semble,  pas  plus  conclure 
de  cette  invocation  à  l'hétérodoxie  des  Maronites  qu'on  ne  doit 
taxer  d'hérésie  le  clergé  du  diocèse  de  Paris,  qui  a  conservé 
dans  son  propre  des  prières  d'origine  certainement  janséniste, 
telles  que  la  Préface  des  Saints. 

L'office  de  sainte  Marine  se  trouve  dans  une  dizaine  de  ma- 
nuscrits, paraît-il,  conservés  pour  la  plupart  dans  des  monas- 
tères. Le  texte  qui  en  est  donné  plus  loin  m'a  été  procuré  par 
le  P.  Pierre  Hobeïka,  curé  de  Basconta,  au  Liban,  un  des  prêtres 
les  plus  instruits  et  les  plus  obligeants  de  l'Église  maronite.  Il 
a  été  imprimé  à  Beyrouth  sous  la  surveillance  du  P.  Cheïkho, 
le  savant  jésuite,  qui  a  bien  voulu  en  corriger  les  épreuves. 

Il  était  inutile  de  traduire  en  entier  un  office  aussi  long  et 
sans  grand  mérite  littéraire.  Cependant  il  a  paru  bon  de  ré- 
sumer en  français  et  de  grouper  ensemble  les  passages  qui  ont 
trait  à  la  Vie  de  sainte  Marine,  afin  qu'on  pût  facilement  les 
comparer  avec  les  différentes  versions  de  cette  Vie,  donnée  plus 
haut.  Avec  sa  complaisance  habituelle,  M.  l'abbé  Nau  s'est 
chargé  d'extraire  les  passages  en  question  et  de  les  traduire. 

Léon  Cluuxet. 


EXTRAITS  DE  L'OFFICE  DE  SAINTE  MARINE 

Cette  longue  pièce  a  pour  titre  :  «  Avec  le  secours  de  la  sainte 
Trinité  nous  écrivons  Toffice  de  sainte  Marine,  vierge  ».  Au  mi- 
lieu des  prières,  des  répons  et  des  hymnes  se  trouve,  plusieurs 
fois  répétée,  l'histoire  de  sainte  Marine.  Nous  résumons  ici  les 
notions  nouvelles  contenues  dans  ces  récits  : 

P.  2  :  A  Qilmon  était  un  homme  nommé  Abraham;  il  prit  une 
femme  qui  lui  enfanta  une  fille  nommée  Marina  et  qui  mourut 
bientôt  après.  Il  alla  aussitôt  au  désert,  et  arriva  au  monastère 
de  Qinoubine  ;  il  demanda  à  devenir  moine  et  prit  l'habit  après 

un  temps  de  probation Un  jour  il  pensa  à  sa  fille  et  voulut 

la  revoir.  Il  dit  au  supérieur  du  monastère  :  «  Mon  père,  j'ai  un 
fils  et  je  l'ai  laissé  dans  le  monde;  je  désire  beaucoup  le  voir  et 
je  veux  aller  le  voir  si  tu  le  permets  ».  Le  supérieur  lui  dit  : 
«  Va  et  amène-le  près  de  nous  ».  Abraham  alla  donc  à  Qilmon 
il  y  vit  Marina  qui  voulut  retourner  avec  lui.  Abraham  refusa 
d'abord,  puis  finit  par  lui  couper  les  cheveux  et  l'emmener  au 
monastère.  (La  suite  comme  dans  les  autres  versions  avec  un 
grand  nombre  de  considérations.) 

P.  7  :  Je  dirai  maintenant,  si  je  le  puis,  l'histoire  admirable 
de  sainte  Marina.  Elle  naquit  dans  le  village  de  Qilmon  et  elle 
habita  dans  le  monastère  de  Qinoubine,  Dieu  la  choisit  dès  le 
sein  de  sa  mère  et  la  plaça  (comme)  une  lumière  sur  un  chan- 
delier  le  père  de  la  fille  séduite  fut  rempli  de  colère  et  accou- 
rut au  monastère.  .Alarinos  a  séduit  ma  fille,  dit-il  au  supérieur 

elle  resta  durant  quatre  ans  sur  la  porte  du  monastère 

Viennent  ensuite  trois  pages  de  carchouni  (arabe  écrit  en 
caractères  syriaques),  p.  8-10,  puis  des  prières  qui  pourraient 
convenir  tout  aussi  bien  à  une  autre  sainte  avec  cependant 
de  fréquents  rappels  de  l'histoire  de  Marina  qui  revient  de 
place  en  place  comme  le  leitmotiv  d'une  partition,  par  exemple 
page  12:  Il  y  avait  un  homme  qui  voulut  se  faire  moine;  il 
avait  une  petite  fille  et  elle  lui  demandait  qu'il  l'emmenât 
avec  lui  et  la  fît  habiter  avec  les  frères.  Il  la  repoussait  et  ne 


OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  243 

le  voulait  pas;  il  lui  disait  :  «  Si  tu  veux  être  religieuse,  je  te 
conduirai  dans  un  monastère  de  vierges  :».  La,  jeune  fille  aimée 
et  chérie  versa  des  larmes  et  elle  persuada  son  père  en  lui  di- 
sant :  «  Père  cher  et  aimé,  sache  que  je  t'aime  beaucoup,  et 
que  je  veux  te  voir  tous  les  jours,  et  que  je  ne  puis  vivre  loin 
de  toi,  prends-moi  avec  toi,  donne-moi  des  vêtements  d'homme, 
et  je  vivrai  avec  toi ^> 

P.  21  :  Sainte  Marine  brillait  au  temps  des  rois  chrétiens, 
elle  était  vierge;  Dieu  la  choisit  dès  le  sein  de  sa  mère;  dès 
sa  jeunesse  elle  quitta  le  monde,  car  elle  résolut  dès  sa  jeunesse 
de  prendre  le  joug  du  roi  Messie. 

P.  22  :  Seigneur,  donne  intelligence,  parole  et  science  à  ton 
faible  serviteur  pour  raconter  Thistoire  de  cette  vierge,  fille 
d'Abraham  de  Qilmon  ;  sa  mère  mourut  quand  elle  était  encore 
enfant  et  elle  demeura  orpheline. 

P.  32  :  JMarina  durant  quntre  ans  pleura  nuit  et  jour  et  sup- 
plia ceux  qui  entraient  au  monastère  et  ceux  qui  en  sortaient 
de  prier  pour  que  le  Seigneur  Dieu  lui  pardonnât  le  péché 
qu'elle  avait  commis... 

P.  33  :  Il  y  avait  un  fidèle  qui  faisait  de  grandes  aumônes 
aux  moines  de  (^inoubine;  il  rencontra  Marina  et  l'obligea  à 
aller  chez  lui.  Ce  fidèle  avait  une  fille  qu'un  méchant  séduisit, 
et  ce  méchant  lui  dit  :  <■  Quand  ton  père  t'interrogera,  tu  diras 
que  c'est  Marines  »... 

P.  15  :  On  la  compare  à  tous  les  personnages  de  l'Ancien  et 
du  Nouveau  Testament  :  Moïse,  Élie,  Josué,  Samson,  Judith, 
Esther,  Pierre,  etc. 


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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  245 

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246  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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248  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  429 


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250  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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252  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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254  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


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256  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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258  ftEVUE    DE    l'orient    CHRETIEN, 

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260  REVUE    DE    l'oRIEXT    CHRETIEN. 

•  JL--U.-J  ^^i^^^o  ©tlv^l  J-Liû^ovio  Ui^o  JLaaJ:^:^ 

{A  suivre.) 


MÉLANGES 


UN  PATRIARCHE  SORCIER  A  CONSTANTINOPLE 

Il  est  un  patriarche  de  la  période  iconoclaste  qui  a  gardé 
dans  les  traditions  populaires  le  même  renom  équivoque  qu'en 
Occident  le  pape  Sylvestre  II  :  c'est  le  fameux  Jean  Hylilas, 
patriarche  sous  Théophile,  en  834,  et  déposé  après  le  rétablisse- 
ment des  images  en  8 13.  Son  savoir  était  peut-être  moins  en- 
cyclopédique que  le  fut  celui  de  Gerbert,  mais  il  passait  du 
moins,  comme  lui,  pour  un  adepte  de  la  sorcellerie.  Cette  ré- 
putation est-elle  justifiée  par  les  témoignages  historiques  ou 
doit-on  la  mettre  au  rang  des  légendes? 

Il  est  inutile  d'insister  sur  la  place  que  tenaient  les  sciences 
occultes,  magie,  astrologie,  chresmologie,  etc..  dans  la  vie 
byzantine  (1).  Les  musées  et  les  collections  sont  remplis  d'a- 
mulettes à  inscriptions  magiques  dont  le  nombre  augmente 
chaque  jour  (2).  A  l'époque  des  iconoclastes  en  particulier,  ces 
connaissances  paraissent  avoir  obtenu  comme  un  regain  de 
faveur.  Il  n'est  question,  dans  les  chroniques  de  cette  période, 
que  de  sacrifices,  de  conjurations,  d'oracles,  de  prophéties. 
En  717,  les  Arabes  assiégeaient  Pergame  :  pour  écarter  le 
danger  les  habitants  firent  un  véritable  sacrifice  humain  dans 
des  conditions  particulièrement  révoltantes;  une  jeune  femme, 
sur  le  point  de  devenir  mère  de  son  premier  enfant,  fut  égor- 
gée, et  tous  les  soldats  s'aspergèrent  de  l'eau  dans  laquelle  ils 

,  (1)  Voir  les  détails  sur  la  littérature  à  laquelle  elles  ont  cloiiuc^  lieu  dans  Rkim- 
BACHER,  Gesch.  der  Byz.  LUI.,  p.  (ji  1  suiv. 

(2)  SCHLUMBERfiER,    Amulettcs   byzaïU'nu  anciem,   1892,   et  Bijzantiu.  ZeKsc/n'Ifï 
1893,  p.  187-91. 


262  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

avait  fait  bouillir  son  fruit  pour  so  rendre  invulnérables  (1). 
Un  siècle  plus  tard,  en  803,  ce  furent  aussi  des  Asiatiques, 
des  Pauliciens,  qui  enseignèrent  à  Nicéphore  le  moyen  de  venir 
à  bout  d'un  de  ses  ennemis,  le  patrice  Bardanès,  révolté  contre 
lui.  Après  avoir   creusé  une  fosse,   l'empereur  attacha  à  un 
poteau  de  bronze  un  taureau,  la  tête  tournée  vers  le  sol,  puis, 
pendant  qu'on  égorgeait  la  victime,  il  broyait  en  sens  inverse, 
dans  un  moulin,  un  des  vêtements  de  Bardanès  en  récitant  des 
formules  magiques  (2).  La  prédominance  d'Orientaux  à  moitié 
païens  à  Constantinople  et  dans  tout  l'empire,  où  ils  formaient 
des  colonies  compactes,  peut  expliquer  cette  recrudescence  de 
superstition.  Les  iconoclastes  qui  tiraient  de  ces  Orientaux  la 
principale  force  de  leur  parti,  paraissent  avoir  été  très  favo- 
rables à  toutes  ces  pratiques  et  c'est  là  un  trait  qu'il  est  impos- 
sible de  négliger  lorsqu'on  cherche,  malgré  rinsuffisance  des 
sources,  à  se  rendre  compte  de  leurs  doctrines.  A  côté  des 
théologiens  rigides  qui  croyaient  poursuivre  dans  le  culte  des 
images  une  nouvelle  idolâtrie,  il  y  avait  certainement  parmi 
eux  de  purs  Orientaux,  héritiers  d'un  pa.canisme  encore  peu 
éloigné,  non  du  paganisme  hellénique,  favorable  à  l'art,  mais 
des  doctrines  zoroastriennes  ou  sémitiques  qui  s'étaient  mé- 
langées à  tous  les  dogmes  hérétiques,  pauliciens,  athingans, 
etc..  répandus  dans  tout  l'Orient.  C'est  dans  cette  mesure  que 
la  querelle  des  images  fut  une  nouvelle  bataille  entre  l'Europe 
et  l'Asie. 

Le  patriarche  Jean  Morocharzanios,  ou  Jean  Ilylilas,  sur- 
nommé lannis  par  les  orthodoxes,  paraît  avoir  été  un  des  re- 
présentants de  ces  tendances.  Les  sources  ne  nous  renseignent 
guère  sur  son  origine,  mais  son  surnom  de  «  JMorocharzanios  » 
et  le  nom  bien  caractéristique  de  son  frère,  le  patrice  Arsaiber, 
permettent  d'affirmer  que  sa  famille  était  orientale  et  proba- 
blement arménienne  (3).  «  Lecteur  et  grammairien  »,  il  prit  une 
part  active  au  deuxième  renversement  des  images  en  SI  1,  et 
ce  fut  lui  que  Léon  l'Arménien  chargea  de  faire  une  enquête 
dans  les  bibliothèques  des  églises  et  des  monastères  pour  ras- 


(1)  NiCKPH.,  Chron.,  59(P.  (?.,C.  957);  —  Théoph.  (P.  G.,  CVIII.  789). 

(2)  Théoph.  iP.  G..  CVIII.  981). 

(3j  Contia.  Théoph.  iP.  G.,  CIX,  1G9). 


MÉLANGES.  263 

sembler  les  actes  du  concile  iconoclaste  d'Hieria  (1).  On  le  re- 
trouve plus  tard  sous  Michel  le  Bègue,  comme  higoumène  du 
monastère  des  saints  Serge  et  Bacchus  à  Constantinople  (2). 
Il  se  lia  d'amitié  avec  cet  empereur,  qui  avait  puisé  dans  les 
traditions  de  sa  famille  originaire  d'Amorium  en  Phrygie 
un  mélange  extraordinan-e  d'opinions  hérétiques,  juives  ou 
païennes,  l'observation  du  sabbat  et  de  la  loi  de  Moïse,  la 
croyance  au  salut  de  Judas,  la  négation  de  la  résurrection 
future,  pour  n'en  citer  que  quelques-unes,  etc..  (3).  Michel  le 
Bègue  fit  de  lannis  le  précepteur  de  son  fils  Théophile,  et 
lorsque  son  élève  fut  devenu  empereur  après  la  mort  de  son 
frère,  en  829,  il  témoigna  sa  reconnaissance  à  lannis  en  le 
créant  d'abord  syncelle,  puis  en  834,  patriarche  de  Constanti- 
nople (4);  plus  tard  il  en  fit  son  ambassadeur  auprès  du  calife 
de  Bagdad  et,  d'après  la  tradition,  le  patriarche  sut  étonner 
les  musulmans  par  le  faste  qu'il  déploya. 

Le  goût  de  lannis  pour  la  magie  est  attesté  par  les  conti- 
nuateurs dont  la  chronique  fut  rédigée  au  x"  siècle^  et  par 
Georges  le  Moine  qui  a  été  presque  son  contemporain  (5).  Leurs 
témoignages  sont  d'accord  sur  ce  point.  L'élève  impérial  de 
lannis,  Théophile,  avait  reçu  de  lui,  très  probablement,  ce  goût 
du  merveilleux  (6)  qui  lui  faisait  chercher  l'avenir  de  sa  race 
auprès  d'une  prophétesse  arabe  (7).  Mais  lannis  lui-même 
paraît  avoir  été  le  principal  intermédiaire  auquel  l'empereur 
s'adressait  pour  communiquer  avec  les  puissances  surnatu- 
relles. Le  peuple  racontait  a^■ec  effroi  qu'il  se  retirait  dans 
une  maison  appartenant  à  son  frère,  le  patrice  Arsarber,  et 
située  aude  là  du  Bospliore  (8).  A  l'époque  de  Georges  le  Moine, 
on  appelait  encore  cette  maison  «  Troulos  »,  le  Dôme,  et  nul 
n'avait  jamais  osé  l'habiter,  car  on  la  regardait  comme  hantée 
pour  toujours  par  les  esprits  ténébreux  que  le  patriarche  se 


(1)  Vita  Leonls  (P.  G.,  CVIII,  1025-1028). 

(2)  Contiu.  Théoph.  (P.  G.,  CIX). 

(3)  Contin.  Théoph.  {P.  G.,  CIX,  01). 

(4)  Contin.  Théoph.  (P.  G.,  CIX,  136,  21  avril). 

(5)  V.  Krumbacher,  Gesch.  d.  Byz.  LUI. 

(6)  'EtÛYxavs  "^wv  àuoxpûçwv  âyav  !^-/ÎTyiTw6;  ô  0£6si),oç  (Contin.  Théoph.,  P. 
CIX,  129). 

(7)  Id.,  136. 

(8)  Contin.  Théoph  (P.  G.,  CIX,  172). 

ORIENT   CHRÉTIEN.  18 


264  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

plaisait  à  évoquer  (1).  C'est  là  qu'il  aurait  travaillé  au  milieu 
d'un  véritable  harem  de  vierges  et  d'anciennes  religieuses, 
dans  un  souterrain  affreux  qu'on  n'atteignait  qu'après  avoir 
descendu  un  long  escalier  (2).  L'examen  des  foies  {■'q-aToav.orUa.), 
l'observation  des  liquides  dans  un  bassin  (Xsy.aiciJ.avxsïa)  (3),  la 
magie  (Yc-^-siat),  l'évocation  des  morts  (v£y.'jo[j.avTsTa)  étaient  les 
principaux  moyens  qu'il  employait  pour  pénétrer  l'avenir  et 
c'est  de  cette  officine  que  sortaient  toutes  les  prophéties  qu'at- 
tendaient avec  impatience  l'empereur  et  ses  familiers  (4). 

Il  se  peut  que  l'imagination  populaire  ait  grossi  les  faits  pour 
les  rendre  plus  dramatiques  ;  il  ne  faut  pas  oubher  que  lannis 
ne  nous  est  connu  que  par  les  partisans  des  images  qui  avaient 
de  bonnes  raisons  de  le  détester.  En  outre  il  faut  remarquer 
que  Georges  le  Moine,  plus  près  des  événements  que  le  Conti- 
nuateur de  Théophanes,  est  moins  prodigue  de  détails  que 
celui-ci  ;  mais  sa  chronique  est  évidemment  moins  bien  infor- 
mée que  celle  qui  a  dû  très  probablement  son  arrangement 
définitif  à  Constantin  Porphyrogénète  au  x"  siècle.  Il  n'y  a 
donc  pas  de  bonnes  raisons  pour  récuser  l'autorité  du  Conti- 
nuateur, et  la  scène  si  étrange  qu'il  nous  raconte  et  qui  ne  peut 
avoir  été  inventée  de  toutes  pièces,  jette  le  jour  le  plus  curieux 
sur  les  pratiques  de  magie  usitées  à  Byzance  à  cette  époque. 

Une  tribu  barbare,  commandée  par  trois  chefs,  ravageait  sans 
cesse  le  territoire  de  l'empire,  et  Théophile  n'avait  pu  mettre  fin 
à  ses  brigandages.  Dans  son  embarras  il  s'adressa  à  lannis 
qui  lui  offrit  de  le  défaire  de  ses  ennemis  par  le  secours  de  la 
magie.  Il  y  avait  au  milieu  de  l'Hippodrome,  près  de  l'Euripe, 
ou  plus  exactement  sur  la  longue  terrasse  de  la  «  Spina  »,  cou- 
verte des  plus  précieux  monuments  de  l'antiquité,  une  statue  de 
bronze  à  trois  têtes-.  Au  moyen  d'incantations  magiques,  lan- 
nis transforma  ces  trois  tètes  en  celles  des  trois  chefs  de  tribu, 
puis  il  fit  fabriquer  trois  énormes  marteaux  qu'il  confia  à  trois 
hommes  vigoureux.  Vêtu  d'un  costume  laïque,  il  vint  avec  eux 
à  l'Hippodrome  au  milieu  de  la  nuit.  Là,  il  recommença  ses 

(1)  Geokg.  Mo.nach.  (P.  G^,  CIX,  8GU). 

(2)  Contin.  Théoph.  (P.  G.,  GIX,  172). 

(3)  Sur  cette  pratique,  v.  Bouché-Leclercq.  Hist.  de  la  Divination  dans  l'anli- 
quité,  t.  I,  p.  184,  d'après  Pselles.  De  opérai,  daemon. 

(4)  Jd. 


•'y^Ko^iJ^'^loj-  Oj'.-i-tmc»K 


LE  PATRIARCHE  lANNIS  FAISANT  SES  INCANTATIONS  A  l'iIIPPODROME.    (.MS.   de   SkvlilZÈS,  XIV"  S.) 

Cliché  de  la  coUeclioii  de  l'École  des  Hautes  Études. 


MÉLANGES.  267 

incantations  et  «  fit  passer  dans  la  statue  la  force  qui  résidait 
«  dans  les  chefs  ou  plutôt  par  l'effet  de  ses  paroles  magiques 
«  il  anéantit  celle  qui  était  dans  la  statue,  puis  il  ordonna  à 
«  chacun  de  frapper  avec  vig-ueur  ».  De  leurs  énormes  mar- 
teaux les  trois  aides  se  mirent  à  frapper  à  coups  redoublés  sur 
les  trois  tètes  de  bronze  ;  deux  d'entre  elles  tombèrent,  mais 
la  troisième  résista  et  ne  put  être  détachée  entièrement.  Quel- 
ques jours  après  les  trois  chefs  se  prenaient  de  querelle;  deux 
d'entre  eux  étaient  pris  par  leur  rival  et  condamnés  à  avoir  la 
tète  tranchée,  tandis  que  le  survivant  lui-même  était  gra- 
vement blessé  et  que  la  tribu  découragée  regagnait  son  pays 
d'origine  (1). 

Une  miniature  du  manuscrit  de  Skylitzès  de  la  bibliothèque 
de  Madrid  (xiv''  siècle)  montre  la  statue  à  trois  tètes  sur  une 
colonne  élevée,  tandis  que  de  chaque  côté  deux  ouvriers  grim- 
pés à  une  échelle  se  préparent  à  la  frapper  de  leurs  marteaux. 
A  droite,  un  homme  habillé,  contrairement  au  texte,  de  longs 
vêtements  sacerdotaux,  semble  les  encourager  du  geste  (2). 

La  statue  de  bronze  à  trois  têtes  dont  il  s'agit  est  évidemmeni 
la  fameuse  colonne  de  Delphes  érigée  en  l'honneur  de  la  vic- 
toire de  Platées,  dont  les  débris  mutilés  se  voient  encore  à  Cons- 
tantinople  sur  la  place  de  l'Atmeïdan  à  côté  de  l'obélisque  de 
Théodose  (3).  Elle  se  composait  de  trois  serpents  enroulés  en 
spirale  et  dont  les  têtes  s'écartaient  pour  supporter  un  trépied 
d'or.  Le  trépied  avait  disparu  depuis  longtemps  à  Tépoque  de 
lannis  ;  la  tradition  du  x"  siècle  recueillie  par  le  Continuateur 
de  Théophane  le  rend  responsable  de  la  mutilation  des  trois 
têtes. 

Mais  le  principal  intérêt  de  ce  récit  provient  des  détails  si 
curieux  qu'il  nous  donne  sur  les  pratiques  de  sorcellerie  usi- 
tées à  Constantinople  au  ix"  siècle.  Que  l'on  rapproche  cette 
cérémonie  cabalistique  des  rites  de  l'envoûtement,  tel  qu'il 
était  pratiqué  en  Occident  et  que  les  révèlent  les  procès  scan- 
daleux de  Guichard,  évêque  de  Troyes,  de  Robert  d'Artois,  ou, 


(1)  Contin.  Thkoph.  (P.  G.,  cix,  169-172). 

(•2)  Voyez,  pi.  XV,  la  reproduction  de  cette  miniature  dont  le  cliché  nous  a  été 
gracieusement  communiqué  par  M.  Gabriel  Jlillet,  maître  de  conférences  à 
l'École  des  Hautes  Études. 

(3)  DiEHL,  Justinien,  p.  439. 


268  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

en  plein  xvii"  siècle,  la  triste  affaire  des  poisons,  on  verra  qu'il 
s'agit  de  la  même  pratique  et  que  seules  quelques  formalités 
diffèrent.  Les  sorciers  occidentaux  se  servent  d'une  poupée  de 
cire  à  laquelle  ils  donnent  le  nom  de  leur  ennemi  en  parodiant 
les  cérémonies  du  baptême.  lannis  choisit  pour  son  opération 
une  statue,  mais,  et  c'est  ce  qui  semble  être  la  partie  essen- 
tielle de  l'envoûtement,  il  commence  par  faire  passer  au  moyen 
de  ses  incantations  la  personnalité  et  en  quelque  sorte  la  force 
vitale  des  chets  barbares  dans  les  trois  têtes  de  bronze.  Une 
fois  seulement  ce  rite  accompli,  les  mauvais  traitements  exercés 
sur  l'objet  inanimé  produisent  leur  effet  sur  l'ennemi.  La  céré- 
monie est  donc  la  même,  mais  tandis  qu'au  xiv''  siècle  l'en- 
voûtement s'est  compliqué  de  la  profanation  du  baptême,  au 
ix"  siècle  il  garde  encore  son  caractère  exclusivement  païen. 
L'origine  de  l'envoûtement  comme  d'un  grand  nombre  de 
pratiques  de  sorcellerie,  paraît  bien  être  orientale  et  en  particu- 
lier chaldéenne  (1)  ;  il  était  déjà  connu  dans  le  monde  européen 
de  l'antiquité,  mais  le  christianisme  l'avait  fait  oublier.  Il  se 
peut  que  le  récit  du  chroniqueur  nous  permette  de  saisir  une 
des  étapes  que  cette  superstition  revenue  d'Orient  a  franchie 
avant  de  reparaître  plus  tard  en  Occident.  Il  est  donc  permis 
de  croire  que  le  patriarche  lannis  et  les  Asiatiques  du  parti 
iconoclaste  ont  contribué  à  la  diffusion  en  Europe  de  cette  pra- 
tique que  les  procès  politiques  du  moyen  âge  devaient  rendre 
tristement  célèbre. 

Louis  Bréhier. 


II 

MARONITES,  MAZONITES  ET  MARANITES 

I.  —  Dans  le  tome  III  de  la  Bibliotheca  orientalis  d'Assémani 
on  trouve  de  nombreuses  mentions  des  i-jo-,:^  (Marunolé;  cf. 


(1)  Voir  los  textes  indiqués  dans  Fkazer,  Le  Rameau  d'Oi\  t.  l,  p.  Il  et  suiv., 
de  la  traduction  française. 


MÉLANGES.  269 

p.  127,  129,  132)  que  ron  pourrait  étymologiquement  confondre 
avec  les  Maronites,  car  les  terminaisons  oié  et  ites  se  permu- 
tent fréquemment  en  passant  du  syriaque  aux  langues  Euro- 
péennes, par  exemple  ^^^^(Kouscholé)  donne  Kouscliite,  et  d'ail- 
leurs en  de  nombreux  endroits  le  mot  mo-p»  (Marunoîé)  désigne 
les  Maronites  (cf.  Payne-Smith,  Thésaurus  syriacus, col.  2221). 
Ces  Marunoîé  constituaient  au  vii^  siècle  une  communauté 
Nestorienne  considérable  (1).  Vers  l'an  645,  les  musulmans  leur 
donnèrent  le  choix  ou  d'abjurer  leur  religion  ou  de  céder  la 
moitié  de  leurs  biens.  Les  Marunoîé,  attachés  aux  biens  de  la 
terre,  embrassèrent  la  religion  mahométane  et  le  patriarche 
Nestorien  Jésuyab  III  d'Adiabène  déplore  cet  événement  dans 
de  nombreuses  lettres.  J.  S.  Assémani  donna  le  texte  et  la 
traduction  des  lettres  où  cet  épisode  se  trouve  relaté  (2); 
voyant  par  ailleurs  qu'il  ne  pouvait  s'agir  des  Maronites  dans 
cette  conversion  en  masse  d'une  communauté  nestorienne, 
il  émit  l'hypothèse  qu'il  pourrait  s'agir  des  hal^itants  de  Merv 
(opo)  (3).  Comme  les  habitants  de  Merv  sont  appelés  Maruzoïé, 
il  dut  émettre  la  nouvelle  hypothèse  que  Marunoîé  et  Maruzoïé 
désignaient  le  même  peuple,  c'est-à-dire  les  habitants  de  Merv, 
dans  le  Khorasan. 

II.  —  Pour  trancher  cette  question,  il  faut  étudier  le  contexte 
et  y  chercher  quelques  détails  géographiques  qui  précisent 
l'emplacement  du  «  grand  peuple  »  des  Marunoîé.  Or  il  est  fait 
mention  d'eux  dans  des  lettres  adressées  à  Siméon  évêque  de 
Râurdaschîr  qui  élait  la  ville  métropolitaine  du  Fars  (4).  Si- 
méon est  rendu  responsable  de  la  perte  des  lAIarunoîé,  ils  dépen- 
daient donc  de  lui.  On  en  trouve  mention  dans  les  nombreuses 
lettres  de  Jésuyab  III  adressées  aux  évéques,  au  peuple  et  aux 
moines  des  Qétroîé  qui  tous  dépendent  aussi  du  métropolite 
Siméon. 

Comme  le  Fars  est  une  province  riveraine  du  golfe  Persique 
et  comme  les  Qétroîé  {w^  ne  peuvent  être  que  les  habitants 

(1)  UJoV-io»  \^'>  l-va^  ow  ^2u.^  Qu'est  devenu  ce  «  grand  peuple  »  des  MarwvAé? 
B.  0.,t.  III,' p.  130,  col.  I. 

(2)  Bibl.  or.,  t.  III,  loc.  cit. 

(3)  Bibl.  or.,  t.  III,  p.  130,  col.  1. 

Cf.  Braun,  Dos  Buch  der  Synhados,  Stuttgart  und  Wien,  1900,  p.  II,  note  I. 


270  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

de  la  presqu'île  de  Katar  en  Arabie  près  des  îles  Bahre^yn  (1), 
en  face  du  Fars,  il  s'ensuit  que  nous  devons  chercher  les  Ma- 
runoïé  dans  ces  mêmes  parages.  Si  l'on  remarque  de  plus  que 
les  Marunoïé  sont  appelés  les  camarades  des  Qétroïé  (2)  et  leur 
sont  constamment  associés,  il  s'ensuit  enfin  qu'on  doit  les 
placer  en  Arabie. 

Pour  déterminer  leur  emplacement  de  manière  plus  précise, 
M.  Braun  (3)  trouvant  mention  d'évêques  de  Maroun  propose  de 
corriger  ce  mot  en  Mazoun,  par  suite  les  Marunoïé  correspon- 
dants seraient  des  Mazunoîé.  On  passe  d'un  nom  à  l'autre  par 
un  simple  changement  de  place  des  points  du  pluriel  (ujov^ 
et  1-jSj.io),  substitution  facile;  d'ailleurs  le  pays  de  Mazoun  est 
mentionné  par  Yacout  (t.  IV,  p.  521).  Ce  serait  selon  lui  le 
pays  d'Oman.  Voici  son  texte  que  M.  Rubens  Duval  a  bien 
voulu  nous  transcrire  et  nous  traduire  : 


'i)'ii  i^;J  j  ï^ru  j_^  ^.!  s^!  s^^!  uu 


ij^j^^  o'  ^'^'  J  t^'  ^y^-  b-^-^  ^'  ij'  --:-h^^'  ^^  ^-:^  y} 
^rr.^^-i'  (jj^-^V  ^L''  ^''^^  -•'  J^^  y^  Lf  f*  ^-^^^  J^^  ^'!;'  u,^*-5 

(1)  D'après  Palgi-ave  le  paj^s  de  Katar  comptait  en  18G2-1863  quarante  villages 
et  135.000  habitants  qui  fournissaient  un  contingent  do  6.(X)0  guerriers.  Cf.  Une 
année  de  voyages  dans  l'Arabie  centrale,  trad.  par  Emile  Jonveaux,  Paris,  1866, 
t.  Il,  p.  408.  —  On  trouve  d'ailleurs  déjà  dans  Ptolémée  Kàôapa  tcôXiç  (alias  Kâ- 
Spaa,  Géogr,  VI,  7,  15)  dans  le  pays  de  'A-rxacwv  (EI-Haça)  et  KàTapa  non  loin  de 
là  {Ibid.,  VI,  7,  32).  —  Assémani  {loc.  cit.,  p.  136)  place  à  tort  les  Uv^-û  à  Soco- 
tora  et  aux  environs. 

(2)  vûa*V-=i*»  l*JoV-»o  ^i.  's^^?  r*''  N?"^^^  "^^  ^  ^^'-  ^^ous  pleurons  sur  vous 
{Qéiroié)  comme  nous  pleurons  sur  les  Marunoïé  vos  camarades. 

(3)  Loc.  cit.,  p.  108,  113.  Cf.  p.  165. 


MÉLANGES.  271 

«  Al-mozoïiii  est  le  pluriel  de  màzin  qui  signilie  celui  qui 
s'en  va  dans  le  pays.  On  dit  mazana  fi-l-ard  s'il  s'est  en  allé  dans 
le  pays.  On  dit  yoin  mazn  si  c'est  le  jour  de  la  fuite  devant 
l'ennemi.  Mozoun  signifie  l'éloignement.  Il  peut  être  transmis 
avec  le  fatah  du  mim  (al-mazoun)  si  l'on  envisage  le  nom  de 
lieu  et  non  pas  le  nom  d'action,  et  c'est  un  des  noms  d"Omàn. 
C'est  pourquoi  al-Komaït  a  dit  : 

—  «  Quant  aux  Azd.  les  Azd  d'Abou  Sa'ïd,  il  me  répugne  de 
les  nommer  al-Mazoun.  » 

«  Abou  Sa'ïd  —  c'est  Mouhallab  fils  d'Abou  Sofra —  dit  :  Il  me 
répugne  de  rapporter  leur  origine  à  al-Mazoun,  qui  est  le  pays 
d"Oman.  Il  dit  qu'ils  étaient  de  Modar.  Abou  'Obeida  a  dit  : 
II  a  voulu  par  al-Mazoun  désigner  les  marins.  Ardasir  fds  de 
Bàbek  avait  (Habli  les  Azd  comme  marins  sur  la  côte  d"Omàn 
avant  rislamismo  en  l'année  600.  Djarîr  a  tlit  : 

—  «  Tu  as  éteint  les  lumières  d'al-Mazoun  et  de  ses  gens, 
alors  qu'ils  désiraient  qu'elles  brillassent  comme  tentation.  » 

Nous  ferons  remarquer  du  moins  que,  sur  deux  manuscrits 
du  Livre  des  Synodes  (1)  qui  mentionnent  en  quatre  endroits 
différents  des  évêques  de  Maroun,  un  seul  en  un  endroit  écrit 
Mozoun;  il  y  aurait  donc  sept  fautes  contre  une  bonne  lecture. 
De  même  les  deux  manuscrits  des  lettres  (2)  de  Jésuyab  écri- 
^•ent  toujours  Marunoïé.  Nous  a^■ons  relevé  ce  mot  en  sept  en- 
droits, ce  qui  donne  quatorze  fautes  pour  quatorze  leçons. 

Si  l'on  admet  cette  explication,  on  est  conduit  à  un  peuple 
bien  connu  :  les  MajovîTai  de  Ptolémée  qui  écrit  :  ûzb  cà  -où-cj: 

os  jj,£ffr,[j.6p(a?   TYÎç  ICkiiJ.x-Aoq   Maaovïtai,    ei~a   — xpT-rai   y.y.l   Trapà   tijç 

'Oij:r,piixç  Zazçapuai  y.. t. A.  (3).  Les  Mazonites  sont  donc  encadrés 
entre  les  Xy.-px\jMri-o^i,  habitants  de  l'Hadramaut  au  sud  de  l'A- 
rabie en  face  de  Socotora,  et  les  Homérites  (Himyarites)  au  sud 
de  l'Arabie  jusqu'à  Bab  el-Mandeb.  Les  auteurs  arabes   pla- 


(1)  Traduit  d'abord  par  Braun  (v.  sitpra),  édité  et  traduit  à  nouveau  par  M.  Cha- 
bot qui  admit  riiypothèse  de  M.  Braun  et  la  correction  de  Maroun  en  Jlazoun. 

(2)  Nous  tenons  ce  détail  et  quelques  autres  du  cours  oral  de  M.  Rubens  Du- 
val  qui  admet  aussi  l'hypothèse  Mazunoié  pour  Marunoié.  Cf.  Assémani,  Bibl. 
ot\,  t.  III,  p.  1-27-137. 

(3)  Géogr.,  VI,  7,  25.  Éd.  Nobbe,  II,  p.  1041. 


272  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRÉTIEN. 

cent  les  Mazîn  au  sud  de  l'Arabie  et  les  rattachent  aux  Ghassa- 
nides,  on  devrait  donc  les  chercher  plutôt  vers  la  mer  Rouge 
que  vers  le  golfe  Persique. 

III.  —  Cependant  il  semble  avoir  existe  aussi  une  ville  de 
Maroun  près  du  pays  des  (v>étroï('',  près  du  golfe  Persique,  car 
on  la  trouve  mentionnée  dans  riiistoire  de  lunan  Nucrîta  (Ij. 
A  moins  de  supposer  ici  encore  des  fautes  d'écriture,  nous  se- 
rions porté  à  nous  demander  si  les  Marunoîé,  au  lieu  de  de- 
voir être  corrigés  en  Mazunoié,  ne  seraient  pas  simplement  les 
MapavîTai  (Maranites)  de  Strabon  et  les  habitants  du  Mahrah 
actuel,  province  d'Arabie  située  à  Test  de  THadramaut  et  au 
sud  de  la  presqu'île  de  Katar.  Dans  cette  hypothèse,  un  village 
aurait  pu  s'appeler  de  leur  nom,  Marun. 

Strabon,  en  effet,  après  avoir  nommé  les  Mivatcr,,  les  rzppy.ici 
et  leurs  voisins  qui  font  le  commerce  des  aromates,  ajoute  :  El-:' 

cîkkr,  Trapa/aa  Tzpz-zpcv  |j,£v  MapaviTÎov  /.aAcuiJ-svrj .  wv  zî  tj,£v  r,<jœf 
YcwpYci,  Tivèç  c£  T/.r,vi-ai,  vDv  oà  Fapivoaitov  àveXcvTtov  ïv.iivcjç  o6Xo)* 
£7î£6svTC  yxp  xjTc\'ç  7:£VTjC£':'r;pi7.r,v  -ivx  ~y.'rr^'('jpv)  èKiTcAOJCi,  v.jX  to'jtsu^ 
C£    Zii'^btipoLv ,  '/.a!,    'O'jç,    ak'kzuq    £7:£aOsvt£ç    apOY;v    oi£Xu;j//îvavTO    (2). 

Ensuite  vient  un  autre  pays  que  l'on  appelait  {pays)  des  Ma- 
ranites dont  les  uns  étaient  agriculteurs  et  les  autres  habi- 
taient sous  des  tentes,  mai ntenant  {c'est  le  pays)  des  Gar in- 
diens qui  ont  tué  ceux-là  par  ruse.  Car  ils  les  attaquèrent 
tandis  qu'ils  célébraient  une  fête  quinquennale ,  ils  tuèrent 
ceux-ci  et  attaquant  {ensuite)  les  autres  les  ruinèrent  com- 
plètement. Il  faut  entendre  sans  doute  que  les  Maranites  durent 
céder  tout  ou  partie  de  leur  pays;  en  tout  cas  leur  ancien 
pays,  sinon  le  nouveau,  put  toujours  conserver  leur  nom  et 
M.  Jomard  le  reconnaît  dans  le  pays  de  Mahrah  (3)  que  l'on 
rattache  quelquefois  au  Hadramaut.  Pour  Edrisi,  le  pays  de 
Mahrah  est  à  l'orient  du  Hadramaut,  au  bord  de  la  mer,  il  a 
900  nulles  de  longueur  et  15  à  23  de  largeur  (4).  Il  s'étend 


(1)  Bcdja.n,  Acta  Martyrwn  et  Sanclorum,  t.  I,  Paris,  1890,  p.  491,  1.  17;  p.  492, 
1.  9;  cf.  p.  494,  1.  14. 
i'i)  Slrabonh  Geographica,  Édition  Meiiielve,  Leipzig,  1877,  t.  111,  p.  1081. 

(3)  Élude»  géof/raphiques  sur  V Arabie,  p.  133. 

(4)  Géograpliie  d'Eclrisi.  traduction  Jaubert,  t.  1,  p.  149-151. 


MÉLANGES.  273 

donc  jusiiirà  la  province  d'Oman  et  il  est  séparé  des  habitants 
de  Katar  par  le  grand  désert  d'Arabie. 

IV.  —  Cette  étude  nous  montre  du  moins  combien  l'identifica- 
tion d'un  nom  géographique  peut  être  difficile.  Le  mot  syriaque 
Marunoîé  (u>o-po),  qui  partout  ailleurs  désigne  les  Maronites 
du  Liban,  ne  peut  leur  être  appliqué  dans  les  lettres  du  patriar- 
che Nestorien  Jésuyab.  Il  est  heureux  toutefois  que  le  contexte 
soit  formel,  sinon,  appuyés  sur  l'identité  de  nom,  leursennemis 
auraient  pu  prétendre  qu'ils  avaient  été  Nestoriens  et  qu'ils 
s'étaient  convertis  à  l'islamisme  ensuite  pour  ne  pas  perdre  la 
moitié  de  leurs  biens. 

Assémani  au  xviir'  siècle  a  placé  les  Marunoîé  à  Merv  et 
cette  opinion  a  été  reproduite  —  en  particulier  par  M.  Payne- 
Smith  dans  son  Thésaurus  —  jusqu'en  1900  où  M.  Braun  a 
proposé  de  remplacer  Maroun  par  Mazoun.  M.  Chabot  a  con- 
servé l'hypothèse  de  M,  Braun.  Les  Marunoîé  devenaient  donc 
des  Mazunoïé.  —  Enfin  pour  la  première  fois,  croyons-nous, 
nous  proposons  de  voir  dans  les  Marunoîé  les  My.pyM-y.i  de  Stra- 
bon  et  les  habitants  du  Mahrah. 

V.  —  Nous  nous  sommes  demandé  s'il  n'y  aurait  pas  eu  une 
confusion  analogue  à  propos  d'une  lettre  d'un  autre  patriarche 
Nestorien,  Timothée  I"  (779-823).  Cette  lettre  «  adressée  aux 
moines  de  S.  Maron  »  (1),  inédite  jusqu'ici  mais  dont  on  an- 
nonce la  publication  prochaine,  a  été  citée  par  M^*^  David  comme 
si  elle  était  adressée  aux  Maronites  du  Liban  (2).  Nous  croyons 
que  l'on  peut  en  douter  avec  raison.  M.  l'abbé  Labourt,  qui  a 
bien  voulu  relire  cette  lettre  sur  notre  demande,  a  eu  l'obli- 
geance de  nous  apprendre  que  l'on  n'y  rencontre  aucun  détail 
géographique  ou  historique  touchant  la  région  du  Liban.  On  y 
trouve  mentionnés  seulement  les  Turcs  et  la  conversion  d'habi- 
tants du  Nedjran  (Himyarites),  ce  qui  nous  ramène  à  l'Arabie. 
D'ailleurs  tandis  que  les  lettres  de  Jésuyab  relatives  aux  Maru- 
noîé forment  tout  un  faisceau  (car  il  n'y  a  pas  moins  de  six 

(1)  Cf.  Perpétuelle  orthodoxie  des  Maronites  par  Sa  Cxrandour  31-''  Joseph  Debs, 
Arras,  1896,  page  62-64. 

(2)  IMi^''  David  vont  conclure  de  cette  lettre  que  les  Maronites  du  Liban  ont  ét<'' 
monotliélites. 


274  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

lettres  relatives  aux  mêmes  régions  qui  se  suivent  sans  discon- 
tinuité), la  lettre  de  Timotliée  aux  moines  en  question  se 
trouve  entre  une  lettre  adressée  à  Rabban  Sergius  (d'Elam?)  et 
une  lettre  adressée  aux  moines  de  Mar  Gabriel  à  Mossoul.  A 
moins  donc  de  chercher  les  moines  de  Maron  entre  TElymaïde 
et  Mossoul,  nous  ne  trouvons  rien  qui  nous  détermine  leur 
pays.  Ajoutons  que  parmi  les  cinquante-neuf  lettres  de  Timothée 
qui  nous  ont  été  conservées  aucune  n'est  adressée  à  un  corres- 
pondant syrien.  Il  est  donc  vraisemblable  que  les  moines  en 
question  ne  doivent  pas  non  plus  être  cherchés  en  Syrie  où 
Timothée  ne  semble  pas  avoir  eu  de  correspondants.  C'est  ce 
que  vient  nous  confirmer  le  titre  de  la  lettre  (1)  : 

\-''r'f  :  )t<L>..30  )=>Si  1.::^/  .^^.in  «vi  |l.n>rn..  )lo  /Iota»,'»»  oo)  |jL9oof^o  :  t,i,..^a«  oô;  puv^> 
^^»    ....)ovS\;    Ijjti.    IJOi.)     oô)    w£Do|^sàeu>4,    •v>-3VQ-io     QJLj..io)_3    IEsJl.tvj     p^o^-ao    |  n  >.w>«     |  ->\.3 

Aux  membi-es  du  Messie  Xotre-Seignetir  qui  participent 
au  royaume  du  ciel,  qui  portent  sui'  eux  sur  terre  l'image  de 
l'homme  céleste  {du  Messie),  et  qui  dans  cette  vie  mortelle 
acquièrent  même  l'impassibilité,  aux  frères  purs  et  modes- 
tes, AUX   MOINES  QUI   DEMEURENT  DANS   LA  TENTE    DE  MaR  MaROUN 

et  qui  offrent  les  victimes  de  l'esprit  et  spirituelles  au  Messie 
qui  est  le  Dieu  de  l'univers,  avec  un  cœur  contrit  et  un  esprit 

humble,  Timothée  le  faible  serviteur  de  Dieu vous  salue 

en  esprit. 

Nous  refusons  de  reconnaître  les  Maronites  du  Liban  dans 
ces  moines  qui  demeurent  dans  la  tente  de  Mar  Maroun,  car 
M.  Payne-Smith,  qui  consacre  cinquante  lignes  aux  mots  ji^^^^^o 
et  i^-^^so  (tente)  (2),  ne  leur  donne  nulle  part  le  sens  de  monas- 
tère; il  ne  s'agit  donc  pas  -en  cet  endroit  du  monastère  de 
S.  Maron. 

D'ailleurs  les  Maronites  sont  appelés  yo»:»  ^-^  t.^,  ^o,,  ceux  de 


(1)  Ce  titre  nous   a  été   aimablement  communiqué   ])ar  .M.  l'abbé  Labourt, 
comme  tout  ce  qui  concerne  cette  lettre  inédite. 

(2)  Thésaurus  syr.,  col.  1 170-J471. 


MÉLANGES.  275 

Deith  Mar  Maron  (1)  ou  les  moines  de  Beitli  Maron  {2);  /es 
moines  de  Beith  Maron  qui  sont  dans  le  territoire  d'Apa- 
mée  (3);  di/ophy sites  de  Beith  Maron  {^o-^  c.^.  \a:;^  ^^-h  o\)  (4); 
l'assemblée  de  Beith  Maron  (5);  et  leur  monastère  est  désigné 
par  le  monastère  (i;-.)  du  InenheureiLv  Mar  Maron  (6);  le 
saint  monastère  (ipoq^)  de  Mar  Maron  le  bienheureux  (7);  le 
monastère  {];^<^)  de  Mar  Maron  (8);  la  locution  qui  se  trouve 
dans  le  titre  de  la  lettre  de  Tirnothée  ne  désigne  donc  ni  les 
Maronites  ni  leur  monastère. 

VI.  —  Que  peut  signifier  dès  lors  la  phrase  :  aux  moines  qui 
demeurent  dans  la  tente  de  Mar  Maroun  ?  Nous  ferons  remar- 
quer d'abord  que  vop»  est  un  nom  très  répandu,  nous  venons 
déjà  de  le  trouver  en  Arabie;  Payne-Smith  cite  quatre  person- 
nages de  ce  nom  (y  compris  S.  Jean  Maron)  (9)  et  cette  liste 
pourrait  être  beaucoup  allongée;  il  nous  avertit  d'ailleurs  au- 
paravant (10)  quovow^  (Maroun)  est  dans  certains  cas  la  même 
chose  que  viopo  (Merwan),  nom  très  répandu  cliez  les  Arabes.  Il 
peut  donc  s'agir  de  moines  installés  dans  la  demeure  ou  plutôt 
sous  la  tente  d'un  Maruun  ou  d'un  Merwan  quelconque.  Nous 
pouvons  supposer  qu'il  s'agit  d'un  Arabe  de  Mésopotamie  puisque 
les  lettres  voisines  ont  traita  l'Elymaïde  et  à  Mossoul. 

Connne  seconde  hypothèse  nous  ferons  remarquer  qu'on 
571  existait  un  monastère  «  des  tentes  »  (II).  Si  ce  monastère 
ou  un  mo7iastère  analogue  existait  au  temps  de  Timothée,  on 
peut  supposer  que  celui-ci  s'adressait  aux  moines  d'une  frac- 
tion de  ce  monastère,  à  ceux  qui  demeuraient  «  dans  la  tente 
de  Mar  Maroun  (12)  ».  Nous  ne  prétendons  pas  tranclier  la  ques- 

(1)  Opuscules  Maronik'ft,  première  partie,  p.  36,  ligne  16  du  texte  lithographie. 

(2)  Bullelin  de  S.-Louis  des  Maronites,  yàtiviev  1903,  p.  318:  avril  1903,  p.  367; 
Bar  Hebraeus,  Chron.  eccl.,  273,  8. 

(3)  Bullelin,  ibid.,  p.  381. 

(4)  Ibid.,  p.  371,  j'ai  traduit  «  Maronites  partisans  de>  deux  natures  •■. 

(5)  Ibid.,  p.  381. 

(6)  Opuscules  Maronites,  seconde  partie,  p.  21,  1.  1.  Bullelin,  p.  346, 1.  3. 

(7)  Op.  Mar.,  seconde  partie,  p.  21,  1.  6. 

(8)  Wright,  Catal.  of  syr.  mss.,  p.  454,  b. 

(9)  Thés,  syr.,  col.  2220-2221. 

(10)  Col.  2220. 

(11)  Cf.  P'ayne-Smith,.  Thés,   syr.,  col.  2078.  Cf.  ROC,  1903,  p.  479-480  où  \o 
R.  P.  Lammens  fait  du  pluriel  U^^'^so  un  nom  de  localité. 

(12)  Comme  troisième  hjpothèse  on  pourrait  proposer  de  lire  Mazoun  (peu 


276  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

lion  surtout  avant  la  publication  de  la  lettre  qui  nous  intéresse. 
Si  Ton  a  mis  deux  cents  ans  à  identifier  les  Maronites  {\^o-^)  du 
patriarche  Nestorien  Jésuyab  et  à  reconnaître  qu'ils  habitaient 
le  sud  de  l'Arabie",  on  pourra  bien  mettre  quelques  années  en- 
core à  identifier  «  les  moines  qui  demeuraient  dans  la  tente  de 
Mar  Maroun  »  et  auxquels  le  patriarche  Nestorien  Timothée  a 

adressé  une  lettre. 

F.  Nau. 


m 

DENNABA  DE  S'"  SILVIE  ET  DUNIP  DES  MONUMENTS 

ÉGYPTIENS 

Dans  les  lettres  de  Tall  al-'Amàrna,  il  est  à  plusieurs  reprises 
question  d'une  localité,  nommée  Dunib-Tunip  (1),  dont  l'i- 
dentification a  déjà  beaucoup  exercé  la  sagacité  des  orienta- 
listes. 

Noldeke,  suivi  par  Maspero  (-2)et  Flinders  Pétrie  (3),  la  place 
au  nord-ouest  d'Alep  ;  direction  où  Ton  rencontre  en  effet  un 
A'c//r  Tinnib,  toponymie  très  satisfaisante  sous  le  rapport 
phonétique,  mais  ayant  contre  elle  «  une  situation  trop  sep- 
tentrionale )),  comme  l'observe  M.  W.  Max  Millier  (1). 

Ainsi  qu'il  ressort  de  l'ensemble  des  documents  égyptiens, 
Dunib  appartient  à  une  région  directement  soumise  et  d'une 
façon  stable  aux  Pharaons.  Dans  leurs  lettres  (5)  à  ces  derniers, 

probable)  et  de  placer  ces  moines  en  Arabie  puisque  Timothée  leur  cite  l'exem- 
ple du  Nedjran,  contrée  du  sud-ouest  de  l'Arabie.  —  D'après  Bar  Hebraeus  les 
évèques  du  Fars  se  séparèrent  du  catholique  >Jestorien  depuis  Jésuyab  jusqu'à 
Timothée  (cité  en  Assémani,  B.  0.,  III,  p.  127,  col.  2).  Il  pourrait  donc  s'agir  ici 
du  retour  à  l'Église  nestorienne  de  moines  qui  auraient  l'ait  défection  sous 
Jésuj^ab.  La  letti-e  de  Timothée  servirait  de  pendant  à  celles  de  son  prédécesseur. 

(1)  Avec  nombreuses  variantes  :  redoublement  de  n,  e  au  lieu  de  v,  b  et  p. 

(2)  Hisioire  ancienne  des  peuples  de  VOrienl,  II,  142,  note  G,  et  143,  carte  du  Na- 
haraina. 

(3)  Hislory   of  Egypl   during  Ihe   11  and  IS  dynasties,  passim,  et  carte   de  la 
p.  321. 

(4)  Asien  und  Europa  nach  allaegypt.  Denkmûlern,2b7. 

(5)  Les  numéros   de- ces  lettres  sont   cités  dans  les  sources,  auxquelles    nous 
renvoyons. 


MÉLANGES.  '  277 

les  habitants  de  Dunip  rappellent  non  seulement  leur  propre 
loyalisme,  mais  celui  de  leurs  ancêtres  envers  les  souverains 
égyptiens.  11  semble  même  que  Dunib  ait  fait  partie  du  nombre 
des  villes  syriennes,  conquises  et  rebâties  par  les  Pharaons,  où 
ces  derniers,  pour  mieux  affirmer  leur  suzeraineté,  avaient  in- 
troduit le  culte  égyptien  (1);  avec  Qatna,  sur  laquelle  nous 
reviendrons  plus  loin,  un  des  rares  essais  enfin  de  colonisation 
dans  la  Syro-Palestine,  tentés  par  les  souverains  de  la  vallée  du 
Nil  (2). 

Or,  nous  le  savons,  à  n'en  pouvoir  douter,  la  suzeraineté 
effective  de  TÉgypte  ne  s'étendit  jamais,  au  moins  d'une  ma- 
nière durable,  jusqu'au  vilayet  actuel  d'Alep  (3).  Comme  Ta  ob- 
servé Maspero  (4),  elle  «  s'arrête  parfois  près  de  Béryte,  aux 
berges  du  Lykos,  parfois  même  un  peu  plus  au  nord  entre  Byblos 
et  Arad;  mais  elle  fléchit  aussitôt  qu'on  s'éloigne  de  la  Méditer- 
ranée et  la  courbe  qu'elle  décrit  traverse  la  Célésyrie  en  diago- 
nale du  nord-ouest  au  sud-est  jusqu'à  la  pointe  de  l'Hermon. 
Damas  lui  échappe  le  plus  souvent,  retranchée  qu'elle  est  der- 
rière l'Antiliban.  Les  maîtres  de  l'Egypte  réussissent  d'ordinaire 
à  conserver  sans  peine  la  possession  des  contrées  qui  s'étendent 
au  sud  de  cette  ligne  ». 

Actuellement  égyptologues  et  assyriologues  ont  renoncé  pour 
la  plupart  à  chercher  Dunib  dans  la  région  d'Alep  pour  se  rabattre 
sur  la  Syrie  centrale.- Dans  Y Academy  (1891,  I,  65-187),  H.  Ho- 
worth  a  proposé  de  reconnaître  dans  Dunib  le  nom  hittite 
delà  ville  de  l.lamà,  «  identification  peu  plausible  et  générale- 
ment rejetée  (5)  ».  M.  W.  -Alax  Millier  croit  pouvoir  affirmer  que 
«  d'après  toutes  les  listes,  Tunip  était  au  nord  de  Qadès,  non  loin 
de  la  mer;  le  butin  retiré  de  Tunip,  étant  chargé  sur  des  na- 

(1)  E>"autres  localités  syro-palestiniennes,  comme  Tyr  et  J(''riisalem.  paraissent 
également  avoir  reçu  un  culte  égyptien  (cf.  Schrader-Winckler,  Die  Keilin- 
schriflen  und  dus  aile  Teslam.,  194-195),  mais  toutes  sont  situées  au  sud  de  la  lati- 
tude de  Damas  ;  circonstance  à  retenir. 

(2)  Schrader-Winckler,  op.  cil.,  193. 

(3)  A  mesure  qu'on  connaît  mieux  Torganisation  militaire  de  l'ancienne  Egypte, 
on  tend  de  plus  en  plus  à  restreindre  l'étendue  et  surtout  la  stabilité  des  con- 
quêtes égyptiennes  en  Syrie.  Clr.  \^^  Jlax  Jliiller,  Die  allen  ^-Egyplerah  Krleger 
et  Asien  und  Europa,  2  sqq. 

(4)  Op.  cit.,  II,  -^78. 

(5)  Benzinger  dans  ZZ'P  r,  XVI,  12N-1-29,  où  l'on  peut  voir  la  bibIiograi»hie  rela- 
tive à  cette  discussion. 


278  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

vires  (1)  ».  Conformément  à  ces  conclusions,  il  place  cette  der- 
nière «  au  sud-ouest  cl'Alep,  vers  le  cours  moyen  de  TOronte  »  (2) 
et  avec  plus  de  précision  sur  la  carte,  jointe  à  son  ouvrage,  vers 
remplacement  actuel  de  Qal'at  al-Ma(.Uq-Apamée  (3).  La  prin- 
cipale raison  ayant  déterminé  Téminent  ég-yptologue  à  assigner 
à  Tunip  cette  position  encore  bien  septentrionale,  c'est  qu'il 
croit  devoir  la  rattacher  à  l'ancien  pays  de  Naharina,  ou  région 
comprise  entre  l'Euphrateet  l'Oronle. 

Mon  savant  confrère  le  P.  Delattre,  S.  J.,  dont  on  connaît  la 
compétence  dans  les  questions  de  géographie  assyrienne,  opine 
tantôt  pour  la  vallée  de  l'Oronte,  tantôt  pour  la  région  de  Damas- 
Balbek  ou  pour  celle  de  Homs-Balbek  (4).  Dans  un  autre  endroit 
il  place  Tunip  non  loin  de  Irkata  (5),  c'est-à-dire  du  site  bien 
connu  de  l'ancienne 'Arqa,  à  trois  heures  nord-est  de  Tripoli. 
Ces  fluctuations  intéressantes  à  noter  nous  indiquent  du  moins 
dans  quelle  direction  il  faut  désormais  chercher  la  solution  du 
problème  topographique  qui  nous  occupe. 

M.  Hugo  Winckler  se  prononce  pour  Héliopolis-Balbek  (6). 
Quand  les  habitants  de  Dunip  écrivent  au  Pharaon  :  «  Tes  dieux 
se  trouvent  parmi  nous  »,  le  professeur  allemand  voit  dans  cette 
expression  une  allusion  à  un  culte  solaire  (7),  tout  en  déclarant 
cette  donnée  insuffisante  pour  faire  songer  à  Héliopolis,  la  ville 
du  soleil  (8).  Dans  son  plus  récent  ouvrage,  il  maintient  d'ail- 
leurs purement  et  simplement  Tidentification  de  Dunip-Hélio- 
polis  (9).  Pour  la  rendre  acceptable,  il  faudrait  avant  tout  re- 
trouver parmi  les  anciennes  toponymies  de  cette  ville  uii  nom 
renfermant  les  principaux -éléments  du  vocable  Dunip,  démons- 

(1)  Asien  und  Euroj^a,  257. 

(2)  Ibid.,  258. 

(3)  Voir  du  même  auteur,  Die  allen  Jj^gyplcr  als  Krieger,  19,  dans  la  collection 
Deralle  Orient. 

(4)  Le  jjays  de  Chanaan,  province  de  l'ancien  empire  égyptien,  25,  61,  84. 
(5)/6ù/.,  61. 

(6)  Miltheilun.  des  vorderasiat.  Gesell.,  1896,  206-207. 

(7)  Nous  avouons  ne  pas  comprendre  (ibid.),  quand  Winckler  parle  du  «  Gebiet 
«Jstlich  vom  Antilibanon  :  hier  liegen  :Nuhassi  (=  Aleppo)  ;  Ni  (Apamea?)  Kades...  » 
Faut-il  lire  Liban  au  lieu  d'Antiliban?  mais  alors  même  ni  Alep  ni  Apamée  ne  se 
trouvent  à  l'est  du  Liban  actuel. 

(8)  Cfr.  Schrader-Winckler,  KeiUnschriften,  163,  183,  193,  etc. 

(9)  On  peut  en  voir  la  discussion  dans  S.  Ronzevalle,  S.  i..  Bas-relief  du  Jupiter 
Heliopolilanus,  dans  C.  R.  Acad.  Inscripl.,  1901,  p.  437.  —  Schrader-Winckler, 
op.  cit.,  472,  note  2. 


MÉLANGES.  279 

tratioii  qu'on  n'a  pas  encore  essayée,  et  pour  cause.  Rien  qui,  de 
loin  ou  de  près,  rappelle  Dunip-Tunip. 

Dans  la  toponomastique  de  la  Syrie  centrale  et  palestinienne 
il  ne  manque  pas  pourtant  de  noms  que  la  phonétique  permet- 
trait de  rapprocher  de  Dunip.  Il  y  a  d'abord  la  AswaSa  (Sep- 
tante), Aavvxcâ  (Eusèbe-Jérôme,  Onomasticon)  biblique,  ou 
Dinhaba  (Gen.,  xxxvi,  32),  comme  propose  Neubauer,  dont  je 
ne  connais  l'opinion  que  par  la /?et'tfeî  arc/ieo/o(7.,  1892,  I,  137, 
probablement  la  «  Danaba  »  placée  par  Yàqoùt  dans  le  Balqà. 
Seulement  la  Bible  et  Yàqoût  nous  éloignent  trop  de  la  région 
où  s'agitent  les  acteurs  de  T.  al-'Amàrna  et  avant  tout  Aziruu, 
prince  des  Amorrhéens,  durit  les  menées  obligent  ceux  de  Dunip 
à  crier  vers  le  Pharaon. 

Cette  dernière  objection  ne  peut  être  faite  à  la  Aavx6a  de 
Ptolémée  (V,  15)  dans  laPalmyrène,  kXdiDanovade  laPeutinge- 
riana  (1).  que  le  D'  M.  Hartmann  place  à  une  vingtaine  de  kilo- 
mètres au  nord-ouest  de  Qariatain  (2)  ;  au  yjù\}.y.  Aavaowv  (3)  dans 
le  Hauràn,  situé  entre  Saqrà  (lisière  occidentale  du  Lagà)  et 
Saih  Miskîn,  qui  est  peut-être  le  «  Dunébe  »  (4)  de  la  carte  du 
Hauràn  de  Stubel  (5)  et  la  «  Danaba  »  mentionnée  par  Yàqoùt 
(II,  724)  comme  appartenant  «  au  district  (a'màl)  de  Damas  ». 
Toutes  ces  toponymies  contiennent  une  racine  commune,  d'ori- 
gine sémitique  et  probablement  arabe,  désignant  un  creux,  une 
sorte  de  bas-fond,  où  seréunissent  les  eaux.  Les  Danaba,  Danaba, 
Dinàb,  Danà'ib,  Donaiba,  etc.,  abondent  dans  l'onomastique 
arabe,  ancienne  et  moderne  (Voir  Yàqoùt,  II,  723-724,  etc.)  (6). 

Le  7^1X7  Aavâêwv  nous  a  sensiblement  rapproché  d'une  de  ces 
Danaba  (7),  qu'on  n'a  pas  encore  —  que  nous  .sachions  —  fait 
intervenir  dans  la  question. 

(1)  A  iaoiti(''  chemin  entre  Palniyre  et  Damas. 

(2)  ZDPV,  XXII,  139,  141. 

(3)  Waddington,  Inscrip.  de  Syrie,  n°  L'505. 

(4)  Un  diminutif  arabe  de  Danaba;  cfr.  Schumacher,  Das  siklUche  Basan,  dans 
ZDPV,  XX,  131;  cet  appellatif  est  fréquent  dans  la  région,  comme  remarque 
fort  bien  Clermont-Ganneau,  Quart.  Slalem..  1902,  12  note,  2. 

(5)  Dans  ZDPV,  XII. 

(6)  Citons  encore  une  Danaba  en  Mésopotamie.  Cfr.  Paul\--Wisso\va,  s.  v.  Danaba, 
Dennabe  dans  le  territoire  de  Césarée  de  Palestine.  Cfr.  Clermont-Ganneau. 
R.A.O.,  I,  334;  II,  98;  Rôhricht  écrit  «  Dennabe  ■■  (ZDPV,  X,  246,  251). 

(7)  Nous  ne  croyons  pas  que  les  deux  localités  n'en  fassent  qu'une  seule.  Pour- 
tant nous  ne  savons  pas  au  juste  ce  que  représente  le  xw[xa  (tell?)  Aavâêwv. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  19 


280  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEiX. 

Nous  lisons  dans  la  Peregrinatio  de  sainte  Silvie  d'Aqui- 
taine :  «  Volui  etiam  adregionem  Ausitidem  (l)accederepropter 
visendam  memoriam  sancti  Job  gratia  orationis...  Habens  ergo 
iterab  lerosolima  usque  ad  Carneas  eundo  per  mansiones  octo. 
Carneas  autem  dicitur  civitas  Job,  quœ  mite  dicta  est  Dennaba 
in  terra  Ausitidi,  in  fmibus  Idumea3  et  Arabia?  (2).  » 

CQiieCarneas  ou  Carnet  correspond-elle  à  l'antique  Astaroth 
Qarnaim"?  Nous  n'avons  pas  à  nous  en  préoccuper  ici  (3).  Nous 
retenons  seulement  :  1)  La  Carneas  de  sainte  Silvie  représente  la 
localité  actuelle  de  Saih  Sa'd  (4),  siège  du  moutasarrif  du  Hauràn, 
où  Schumacher  a  dernièrement  signalé  le  monument  de  Jol)  (5) 
ou  «  Sahrat  Ayyoùb  »  ;  2)  Dennalja  aurait  été  le  nom  ancien  de 
Carneas  (6)  ;  3)  cette  dernière  était,  au  temps  de  la  pèlerine 
d'Aquitaine,  une  localité  importante  (7)  et  ville  épiscopale  (8). 

Allant  plus  loin,  nous  proposons  de  reconnaître  dans  la  Den- 
naba de  sainte  Silvie  la  Dunip-Tunip  des  lettres  de  Tall  al- 
'Amârna.  D'abord  les  deux  appellations  sont  les  mêmes,  «  condi- 
tion première  de  toute  identification  topographiquede  ce  genre  » 
(Clermont-Ganneau),  et  attestent  une  fois  de  plus  la  ténacité  avec 
laquelle  les  noms  anciens  s'enracinent  au  sol.  Ensuite,  toutes  les 
particularités  topograpliiques  et  historiques  que  nous  possédons 
sur  Dunip,  s'appliquent  fort  bien  à  Dennaba.  Celle-ci  se  trouve 
non  seulement  au  sud  de  la  ligne  ou  limite  septentrionale  de  la 
suzeraineté  effective  de  l'Egypte  en  Syrie,  direction  vers  laquelle 
l'insuffisance  des  identifications  précédentes  nous  a  constam- 
ment ramené,  mais  à  proximité  du  pays  des  Amorrhéens,  dont 
le  souverain  pèse  si  lourdement  sur  les  destinées  de  Dunip(9). 

(1)  On  terro  de  Hus.  le  Ilauràn  actuel. 

(2)  Édit.  Gaïaurrini,  57-58. 

(3)  Cfr.  ZDPV,  X\,  196. 

(4)  Ibid.,  201. 

(5)  C'est  bien  à  Saih  Sa'd  que  les  pèlerins  latins  du  moyen  âge  allaient  visiter 
le  tombeau  de  Job.  Cfr.  noti-e  ti'avail  Frère  Gryphon  et  le  Liban  au  XV"  siècle, 
p.  13. 

(G)  Voir,  dans  Quart.  Statem.,  les  ingénieuses  conjectures  de  Clermont-Ganneau 
(1902,  p.  12-15).  Le  savant  archcl'ologue  considère  Tidentification  Dennaba-Carneax 
comme  le  résultat  d'une  confusion,  facilitée  par  l'existence  dans  le  voisinage 
d'une  ancienne  Danaba. 

(7)  Cfr.  Onomasticon  s.  v.  Kapvasîfji. 

(8)  Sainte  Silvie,  loc.  cil. 

(9)  D'après  la  Revue  archéologique  (1892, 1,  139),  «  M.  Chejne,  à  l'exemple  de 
M.  Halévy,  cherche   Tnnip  dans  les  environs  de  Damas  »,  direction  ([ui  nous 


MÉLANGES.  281 

Rien  de  plus  naturel  alors  que  les  craintes  des  habitants  :  Azi- 
rou,  une  fois  libre  du  côté  nord  par  la  prise  de  Simyra,  ne  tarde- 
rait pas  à  se  tourner  contre  eux. 

Dunip  est  habituellement  nommée  avec  Qatna,  particularité 
permettant,  semble-t-il,  de  conclure  au  voisinage  des  deux  cités. 
Or,  avec  d'autres  orientalistes  (1),  nous  croyons  pouvoir  placer 
la  dernière  localité,  à  quelques  kilomètres  au  sud  de  Damas,  à 
Qatana  (qui  nous  fournirait  de  la  sorte  un  nouvel  exemple  de 
la  persistance  des  anciennes  toponymies),  plutôt  que  sur  un 
point  indéterminé  de  TÉmésène  (2)  comme  le  propose  H.  Win- 
ckler{3). 

La  Carneas-Dennaba  de  sainte  Silvie  se  trouve  dans  une  ré- 
gion ayant  relevé  de  l'Egypte  au  moins  depuis  les  campagnes 
de  Toutmosès  III.  Astaroton  (4)  est  nommée  parmi  les  villes 
conquises  parce  prince.  C'est  bien  là  également  qu'il  faut  cher- 
cher la  «  Tounipa  (5)  »  prise  par  ce  conquérant  après  la  des- 
truction d'Irqata  et  des  forteresses  du  Liban.  Pour  avoir  placé 
Tounipa  dans  le  vilayet  d'Alep,  Maspero  est  obligé  de  le  faire 
tourner  brusquement  vers  le  nord-est,  sauf  à  signaler  ensuite 
comme  une  anomalie  la  constante  fidélité  de  cette  ville  aux 
souverains  égyptiens  (6).  Avec  notre  identification  le  problème 
se  simplifie. 

La  découverte  de  la  «  Sahrat  Ayyoûb  »  fournit  un  nouvel 
argument,  qui  jusqu'ici  n'a  pas  encore  été  —  à  notre  connais- 
sance —  versé  aux  débats.  Ce  monument,  une  stèle  égyptienne 
avec  inscriptions  hiéroglyphiques  (7),  montre  d'une   manière 

semble  la  bonne.  Malheureusement  nous  n'avons  pas  à  notre  disposition  les  re- 
vues où  ces  savants  développent  leur  système. 

(1)  Comme  le  P.  Delattre. 

(2)  En  ajoutant  :  «  dans  l'hinterland  de  l'Antiliban  »,  Winckler  prouve  qu'il 
ne  pense  pas  à  Qattiné,  à  l'angle  nord-est  du  lac  de  Homs,  village  inii)ortant 
avec  restes  anciens.  Il  donne  actuellement  son  nom  au  lac  appelé  «  Bahrat  al- 
QaUîné  ».  Cfr.  Lammens,  Notes  épigraphiques  et  lopographiques  sur  l' E mes ène,  44. 
Nous  ne  connaissons  pas  dans  la  région  de  Iloms  d'auti-e  toponyme  renfermant 
les  radicales  K(q),  t,  n. 

(3)  Schrader-Winckler,  Keilinschriflcn,  163. 

(4)  Astaroth  carnaim. 

(o)  Forme  égyptienne  de  Tunip. 

(G)  Cfr.  Maspero,  op.  cit.,  II,  260,  279,  contradiction  assez  inexplicable  chez  un 
savant  qui  a  si  bien  fixé  la  limite  septentrionale  de  la  domination  égyptienne  eu 
Syrie. 

(7)  ZDPV,  XIV,  142;  XV,  193,  2U5. 


282  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

frappante  Tinfluence  de  TÉgypte  à  Dunip,  peut-être  même  l'exis- 
tence d'un  culte  d'origine  égyptienne  (1),  dont  le  prétendu  monu- 
ment de  Job  atteste  jusqu'à  nos  jours  (2)  l'importance  passée. 

La  «  Danabi  »  (3)  conquise  par  Salmanazar  II  dans  la  Da- 
mascène,  ou  plutôt  dans  le  Haurân,  achève  de  démontrer  que 
nous  ne  nous  égarons  pas  en  cherchant  à  localiser  Dunip  en 
cette  région.  Mais  il  nous  sera  permis  d'exprimer  notre  étonne- 
ment  que  le  rapprochement  «  Danabi-Dunib  »,  indiqué  par 
H.  Winckler  (4),  n'ait  pas  engagé  cet  assyriologue  à  renoncer 
à  Féquation  Dunip-Héliopolis. 

Faut-il  s'arrêter  maintenant  à  discuter  les  droits  de  la 
Aavâ8a  de  Ptolémée,  de  Danova  de  Peutinger  à  représenter  Fan- 
tique  Dunip?  Cette  dernière,  comme  Dennaba-Carneas,  comme 
Saih  Sa'd,  actuellement  markaz  du  moutasarrifat,  formait  un 
centre  d'une  réelle  importance  (5).  On  n'en  peut  dire  autant  de 
AavaSa  et  de  Danova  (6),  grands  khans  fortifiés,  haltes 
autour  d'une  source  ou  d'un  puits  pour  les  caravanes  traver- 
sant la  Palmyrène.  Rappelons  pourtant  qu'au  temps  de  la 
Notitia  dignitatiim  un  fort  détachement  de  la  legio  III  Gal- 
lica  campait  à  Danaha-Danova ,  principale  station  de  la 
route  Damas-Palmyre,  station  qu'on  a  voulu  retrouver  à  Sadad. 
Mais  les  partisans  de  Danaba-Sadad  conviennent  que  les  an- 
ciennes indications  de  distance  concordent  mal  avec  cette 
identification,  laquelle  impose  à  la  route  Damas-Nezala  un 
coude  inexplicable  vers  le  nord  (7).  Il  faudrait  également  dé- 
montrer que  Sadad-Sedad  a  jamais  porté  un  autre  nom,  dé- 
monstration n'jiyant  pas  encore  été  essayée  (8).  Il  semble  donc 
que  Danaba  de  la  Palmyrène,  le  «  castrum  Danabenum  »  dont 
un  évêque  est  nommé  dans  Lequien  (II,  847),  soit  encore  à  re- 
trouver. 

(1)  Attesté  à  Dunip,  comme  ou  Ta  vu  plus  haut. 

(2)  II  est  toujours  visité.  Cîv.  ZDPVaws.  endroits  cités. 

(3)  Qui  semble  bien  devoir  être  identifiée  avec  notre  Dunip-Tunib-Tounipa. 

(4)  Mitt.  VAG,  loc.  sup.  cil. 

(5)  Dans  l'antiquité  elle  commandait  la  grande  route  commerciale  faisant 
communiquer  Damas  avec  la  Galilée  et  la  ^Méditerranée.  On  comprend  l'intérêt 
des  Pharaons  et  d'Azirou  à  s'assurer  une  telle  position,  située  au  centre  des  ri- 
ches plaines  du  Hauràn. 

(6)  Cfr.  ZDPV,  XXII,  139,  141  ;  et  la  carte  de  Hartmann  dans  le  vol.  XXIII. 

(7)  Cfr.  Pauly-Wissowa,  s.  V.  Danaba. 

(8)  Cfr.  ZDPV,  XXIII,  110. 


MÉLANGES.  283 

Nous  avions  d"abord  pensé  à  Al-Gontor,  prononciation  bé- 
douine de  AI-Qontor  :  on  y  trouve  de  l'eau  courante  et  Sacliau  (1) 
y  a  signalé  de  gros  murs  à  appareil  antique.  Gontor-Qontor  for- 
mait sans  doute  un  ancien  centenarium,  -/.vz-z^^xpiow,  fortin  ou 
construction  militaire,  qu'il  faut  ajouter  à  ceux  que  M.  Cler- 
mont-Ganneau  a  retrouvés  dans  la  toponymie  de  la  Palestine  (2). 
Le  nom  actuel  Gontor-Qontor  remonterait  ainsi  jusqu'à  la  pé- 
riode byzantine,  ce  qui  ne  permet  pas  de  le  superposer  sur  l'ap- 
pellation Danaba-Danova,  datant  au  moins  de  la  même  époque. 

Quoi  qu'il  en  soit,  l'isolement  de  ces  derniers  sites  au  milieu 
de  la  steppe  de  Palmyre,  leur  éloignement  de  la  Damascène,  où 
semble  devoir  être  cherché  l'emplacement  définitif  de  Dunip, 
tout  cela  nous  paraît  de  nature  à  décourager  ceux  qui  cherchent 
aies  identifier  avec  la  localité  mentionnée  dans  les  documents 
de  Tall  al-'Amàrna. 

Beyroulli,  8  janvier  1903. 

H.  Lammens. 


(1)  Reise  in  Syrien  und  Mesopot.,  51-52;  ZDP\\  XXIII,  7U-71.  D"aj)ré.s  Ilartiiianii 
(ibicL,  15)  il  faudrait  éci'ire  Gontor. 
{i)RAO,  5"  vol.,  104  et  201. 


BIBLIOGRAPHIE 


I.  History  of  the  Patriarchs  of  the  Coptic  Church   of  Alexandria, 

fasc.  1.  S.  Mark  to  Theonas;  texte  arabe  édité,  traduit  et  annoté  par 
B.  Evetts.  [Forme  le  fasc.  Il  du  t.  I  de  la  Patrologia  orientalis 
éditée  chez  Firmin-Didot].  Prix  fort  7  francs;  pour  les  souscripteurs 
4  fr.  35. 

II.  Studia  Syriaca  seu  collectio  documentorum  hactenus  ineditorum  ex 
codicibus  syriacis  primo  publicavit,  latine  vertit  notisque  illustravit 
Ignatius  Ephrem  II  Rabmani,  patriarcha  Antiochenus  Syrorum,  54  et 
74  pages  in-4°,  Paris.  Leroux.  1904. 

III.  Select  letters  of  Severus  of  Antioch,  seconde  partie  du  texte 
syriaque  publié  par  E.  W.  Brooks  (pages  261  à  530),  Londres  et  Oxford, 
1904. 

IV.  Témoignages  de  l'Église  Maronite  (textes  syriaques  et  arabes) 
en  faveur  de  l'Immaculée  Conception  de  la  Très  Sainte  Vierge  Marie, 
par  le  Père  J,  Hobeika,  traduits  en  français  par  son  frère  le  Père  P.  Ho- 
beika,  100  et  64  pages  8°,  chez  l'auteur  à  Basconta  (Liban),  par  Bey- 
routh; 5  francs. 

I.  L'ouvrage  de  M.  Evetts  (1),  commencé  depuis  très  longtemps  au  su 
de  plusieurs  orientalistes,  annoncé  par  M.  Crum  le  12  février  1902  dans  les 
Proceedings  S.  B.  A.  (Cf.  Eusebiiis  and  Coptic  Church  historiés,  p.  2, 1.  7-8 
du  tirage  à  part),  aurait  pu  paraître  il  y  a  plus  d'un  an  si  M«'"  Graffin  n'a- 
vait voulu  un  caractère  arabe  dessiné  et  gravé  exprès  pour  la  Patrologie  (2). 
Car  nous  possédions  les  deux  premières  parties  de  l'ouvrage  (ms.  301  de 
Paris),  texte  et  traduction,  en  janvier  1903,  aussi  cet  ouvrage  était-il  l'un 
des  cinq  que  nous  avons  annoncés  sur  notre  premier  prospectus  à  la  fin  de 
janvier  de  la  même  année.  Comme  nous  annoncions  une  traduction  en 
langue  vulgaire^  deux  orientalistes  étrangers  se  sont  découvert  peu  après 
la  vocation  plutôt  rare  à  notre  époque  des  traductions  latines  ;  ils  ont  fait 


(1)  Voir  l'annonce   de  la  Patrologia  orientalis  et  des  deux  premiers  fascicules,  ROC, 
1903,  p.  154  et  042. 
(•2)  A  la  Foniierie  générale,  rue  Duguay-Trouin,  Paris. 


BIBLIOGRAPHIE.  285 

annoncer  l'édition  des  mêmes  ouvrages  avec  traduction  latine  et  ont  de- 
mandé communication  des  manuscrits  de  Paris  qui  avaient  servi  à  nos 
collaborateurs  pour  préparer  leurs  éditions;  j'ai  écrit  à  l'un  de  ces  orien- 
talistes pour  lui  annoncer  où  en  était  notre  préparation  et  je  n'en  ai  reçu 
aucune  réponse.  Dans  ces  conditions  nous  étions  beaucoup  moins  pressés 
d'avancer  nos  publications,  afin  que  les  amateurs  de  thème  latin  ne  pus- 
sent se  borner  à  mettre  en  latin  cicéronien  nos  traductions  en  langue  vul- 
gaire. Nous  leur  demandons  pardon  de  cette  supposition,  mais  une  pre- 
mière incorrection  commise  donne  le  droit  d'en  craindre  une  seconde  et 
nous  ne  pouvons  comprendre  pour  notre  part  que,  parmi  quelques  cen- 
taines d'ouvrages  inédits,  des  orientalistes  capables  de  faire  un  travail  de 
jtremière  main,  choisissent  précisément  ini  ouvrage  en  cours  de  publica- 
tion et  causent,  bien  inutilement,  un  préjudice  matériel  à  leurs  éditeurs  res- 
pectifs. 

M.  Evetts  a  d'ailleurs  fait  sa  spécialité  de  l'étude  de  l'histoire  ecclésias- 
tique en  Egypte  et  a  déjà  publié  une  histoire  des  monastères  de  ce  pays. 
Il  a  disposé  pour  établir  son  texte  de  six  manuscrits  :  deux  de  Londres, 
deux  de  Paris  et  deux  de  Rome  ;  un  septième  manuscrit  a  été  collationné  à 
Paris  au  fur  et  à  mesure  de  la  publication  par  M.  P.  Theillet,  vice-consul  de 
France,  et  les  variantes  les  plus  intéressantes  ont  été  ajoutées  en  appen- 
dice. Le  fascicule  suivant  comprendra  l'histoire  des  patriarches  d'Alexan- 
drie depuis  Théonas  (300)  ju.squ'à  Agathon  (678).  Il  n'est  pas  néces.saire 
de  donner  de  grands  détails  sur  cet  ouvrage,  oar  il  est  bien  connu  des 
orientalistes.  Tous  savent  que  Renaudot  y  a  puisé  les  éléments  de  son 
IIistori(f  patriarcharum  Alexandrinorum  publiée  à  Paris  en  1713.  Le  texte 
arabe  qui  paraît  pour  la  première  fois  dans  la  Patrulogie  orientale  est 
bien,  comme  M.  Evetts  l'a  écrit  dans  son  avertissement,  le  Liber  Pontifi- 
calis  de  l'Eglise  copte. 

Ce  fascicule  sera  suivi  immédiatement  des  apocrji plies  copies  relatifs 
aux  Evangiles,  presque  tous  inédits,  qui  sont  publiés  avec  traduction 
française  par  M.  Révillout,  professeur  à  l'école  du  Louvre,  et  qui  sont  rat- 
tachés par  lui  à  YEvangile  des  douze  Apôtres  et  à  YEvangile  de  S.  Barthé- 
lémy (1). 

II.  Dans  ce  fascicule,  Mt''"  Rahmani  publie  et  traduit  en  latin  un  certain 
nombre  de  textes  syriaques  presque  tous  inédits,  puis,  dans  de  courtes, 
annotations  (53-71),  il  fait  ressortir  leur  intérêt  pour  l'histoire  de  la  littéra- 
ture syriaque.  Notons  en  particulier  : 

1"  la  lettre  apocryphe  qui  aurait  été  écrite  par  saint  Jacques,  évêque  de 
Jérusalem,  pour  annoncer  àQuadratus  ce  qui  s'était  passé  depuis  la  résur- 
rection du  Christ.  La  traduction  arménienne  seule  a  été  publiée  en  1896. 
puis  traduite  en  allemand. 

(1)  Un  caractère  copte  est  en  cours  de  préparation  pour  la  Patrologie.  Nous  avons  com- 
mencé la  publication  des  Apocryphes  avec  un  caractère  provisoire,  de  crainte  qu'il  ne  se 
rencontrât  un  troisième  orientaliste  pour  en  annoncer  une  traduction  latine  et  pour 
essayer  de  nous  gagner  de  vitesse,  suivant  la  mode  inaugurée  vers  1899  par  certain  abbé 
à  l'occasion  d'un  ouvrage  que  nous  rencontrerons  tout  à  l'heure. 


286  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

2"  Llihloirc  de  S.  Paul  qui  prétend  reposer  sur  les  données  chronolo- 
giques d'Eusèbe.  Une  note  reporterait  à  l'an  505  la  première  traduction 
faite  avant  l'héracléenne,  bien  qu'on  la  place  d'ordinaire  en  819  d'Alexan- 
dre, c'est-à-dire  en  508,  d'après  le  manuscrit  syriaque  de  Paris  n"  54, 
fol.  240^;  malheureusement  cette  note  —  comme  il  arrive  souvent  chez 
les  Syriens  —  nous  donne  un  faux  synchronisme  et  nous  laisse  perplexe 
sur  la  vraie  leçon.  Elle  fait  correspondre  à  l'an  810  d'Alexandre  l'année  505 
(  =  69  -f  430)  de  J.-C,  ce  qui  est  inexact  :  à  l'an  810  d'Alexandre  corres- 
pond l'année  501  ou  l'année  499  suivant  qu'on  fait  naître  Notre-Seigneur 
en  309,  comme  lèvent  Jacques  d'Édesse  (1),  ou  en  311.  11  faudrait  lire  814 
au  lieu  de  810.  En  somme  il  y  a  une  faute  dans  ce  texte  et  nous  ne  pou- 
vons donc  qu'en  prendre  note  en  attendant  d'autres  manuscrits. 

3"  L'énumération  des  j^oys  évangélhés  par  les  apôtres  qui  se  trouve  dans 
la  version  syriaque  de  l'octateuque  de  Clément  et  a  été  publiée  par  La- 
garde,  Reliquiae  (Leipzig,  1856,  syriace  p.  42-44  et  graece  p.  94-95).  Mieux 
vaut  lire  avec  de  Lagarde  :  Alexandrie  la  grande,  la  Thébaïde,  la  Pen- 
tapole  et  tout  le  pays  d'Egypte  depuis  la  frontière  de  Palestine  jusqu'à  la 
frontière  des  Couchites  (Éthiophie)  ».  De  même  plus  loin,  il  faut  peut-être 
remplacer  la  Galatie  par  la  Cappadoce  et  la  Gothie  par  la  Galatie.  Cette 
pièce  diffère  d'ailleurs  complètement  de  la  pièce  analogue  attribuée  à  Hip- 
polyte  et  publiée  dans  Migne,  P.  G.,  t.  X,  col.  951-958. 

4"  Quatre  pièces  inédites  de  S.  Ephrem.  L'une  est  dirigée  contre  Barde- 
sane  d'après  son  titre.  En  réalité  Bardesane  ne  figure  que  dans  le  dernier 
vers  sous  la  forme  suivante  :  «  0  Bardesane  !  qui  vagari  fecit  intellectum 
suum,  et  fert  ejus  cognomen  ».  En  étudiant  cette  pièce  à  la  lumière 
d'autres  documents  similaires,  on  y  retrouve  les  quelques  idées  chères  à 
S.  Ephrem  :  «)  le  mot  être  (pi^/)  doit  être  réservé  à  Dieu  seul,  (Bardesane) 
n'a  donc  pu  rappliquer  à  d'autres  êtres  sans  en  faire  par  là  même  des 
dieux,  lors  même  qu'il  ne  le  voudrait  pas.  —  C'est  évidemment  là  une 
question  de  définition,  —b)  (Bardesane)  déclare  que  le  monde  actuel  a  été 
créé  à  l'aide  de  certains  éléments  :  lumière,  ténèbres,  feu,  eau.  Pour 
S.  Ephrem,  (Bardesane)  introduit  une  matière  éternelle  et  des  éléments 
éternels,  tandis  que,  d'après  ce  que  nous  savons  de  Bardesane,  il  reconnaît 
que  tout  a  été  créé  par  Dieu,  mais  il  professe  les  théories  grecques  des 
quatre  (ou  cinq)  éléments  constitutifs  de  tous  les  corps.  11  n'y  a  pas  très 
longtemps  que  ces  théories  sont  abandonnées,  c)  D'ailleurs  les  dernières 
phrases  montrent  bien  que  S.  Ephrem  condamnait  surtout  les  spéculations 
philosophiques  et  scientifiques.  Pour  lui,  ancien  garçon  de  bain  devenu 
moine  dans  la  montagne  d'Édesse,  toutes  ces  spéculations  grecques  étaient 
lettre  morte  et  ne  pouvaient  que  conduire  au  paganisme  d'où  elles  prove- 
naient, c'est  bien  là,  croyons-nous,  le  sens  de  sa  conclusion  : 

Poui-  perdre  sa  vie,  il  ouvre  sa  bouche  pour  parler  de  tout. 
Celui  qui  hait  son  àuie  veut  délimiter  Dieu  lui-mèmc(2): 

(1)  V.  ROC,  diKtO,  p.  68-2. 

(2)  Lire  Iw^H  ov^o,  comme  le  suppose  d'ailleurs  la  traduclion  de  Ms'  R.  (et  non    Ho>. 


BIBLIOGRAPHIE.  287 

Quand  un  lioiiiiuc  veut  scruter  los  prodiges  il  commet  une  grande  impii'lé; 
Jlème  lorsqu'il  croit  parler  joie,  il  arrive  au  paganisme. 
0  Bardesane  !  dont  l'esprit  bouillonne  comme  le  prénom  (1). 

5'^'  La  lettre  de  Jacques  d'Edesse  sw^  les  ^rois /sa«c  (2).  Mfe''Rahmani  montre 
très  clairement  (p.  57-60)  que  l'un  d'eux,  disciple  de  S.  Ephrem,  vivait  vers 
la  fin  du  iV^  siècle  ;  le  second,  monophysite,  vers  la  fin  du  v'',  et  le  troisième, 
orthodoxe,  vers  le  commencement  du  vr;  puis,  il  essaie  aitssi  de  leur 
départager  les  ouvrages  conservés  sous  le  nom  d'isaac. 

G"  Extraits  du  commentaire  sur  les  psaumes  de  Daniel  de  Salah.  Cet 
auteur  écrivait  non  pas  au  xn'^  ou  au  viii*^  siècle,  mais  en  542. 

7  "  Quelques  documents  historiques  sur  le  monastère  de  S.  Mathieu  qui  fut 
souvent  le  lieu  de  résidence  du  patriarche  jacobite.  Ces  documents  sont 
tirés  de  la  chronique  de  Micliel.  On  sait  que  le  texte  syriaque  de  cette 
chronique  regardée  comme  perdue  fut  découvert  à  Edesse  par  M^'''  Rah- 
mani  (3)  qui  vint  en  montrer  une  copie  à  Rome  et  à  Paris  avant  1894 
(V.  Journal  As.,  IX«  série,  t.  III,  1894,  p.  135).  Il  espérait  tirer  honneur  et 
profit  de  sa  publication  et  avait  déjà  obtenu  du  gouvernement  français  une 
fonte  de  caractères  syriaques  dans  ce  but  (4)  quand  il  se  trouva  dépos- 
sédé. L'original  semblait  inaccessible,  protégé  qu'il  était  par  la  finesse  de 
M^""  Rahmani  et  aussi  par  des  anathèmes,  mais  la  clef  d'or  ouvre  bien 
des  portes.  Il  y  a  là  une  curieuse  histoire  de  lutte  entre  abbé  et  patriarche 
qui  nous  intéresse  tous,  car  chacun  de  mes  lecteurs  peut  espérer  découvrir 
un  ms.  important  ;  je  lui  demande  donc  quels  seraient  ses  sentiments,  si, 
après  l'avoir  fait  transcrire  à  grands  frais  et  au  moment  où,  livré  à  ses  seules 
ressources,  il  en  prépare  péniblement  l'édition  princej)s,  l'un  de  ses  amis, 
par  des  moyens  que  l'on  ne  peut  écrire,  se  procurait  une  copie  du  même 
manuscrit,  et  si,  grâce  à  l'argent  donné  par  une  société  ou  une  personne 
pieuse  et  grâce  aux  photographes  et  aux  ressources  d'une  capitale,  cet  ami 
annonçait  qu'il  va  le  gagner  de  vitesse  (5). 

On  remarquera  de  plus  que  Monsieur  l'abbé  a  causé  un  préjudice  matériel. 
considérable,  bien  que  ne  tombant  sous  aucune  loi  positive,  à  Monseigneur 
le  patriarche,  car  celui-ci,  qui  avait  déjà  obtenu  des  caractères  syriaques 
pour  l'impression  de  la  très  importante  chronique  de  Michel,  aurait  encore 
obtenu,  sinon  une  subvention  de  l'Institut,  du  moins  de  nombreuses  sous- 
criptions d'orientalistes  dont  auraient  ainsi  bénéficié  ses  publications 
ultérieures.  Pour  notre  part  nous  regrettons,  au  point  de  vue  scientifique, 

(1)  Daisan  est  le  nom  du  torrent  d'Edesse  qui  détruisit  plusieurs  fois  la  ville  par  ses 
inondations. 
i2)  Publiée  par  l'aljbé  Martin,  Siji-o-clmldaicae  institutiones,  Paris,  1873,  p.  09-70. 

(3)  Cf.  ROC,  1900,  p.  32-2. 

(4)  Ces  caractères  ont  servi  à  imprimer  le  fascicule  dont  nous  rendons  compte  ici.  On 
reconnaîtra  facilement  le  caractère  jacobite,  dessiné  et  gravé  sous  la  direction  d'Assémani 
et  dont  se  sert  encope  notre  Imprimerie  Nationale. 

(,■;)  Cette  histoire  a  été  «  gazée  »  parle  PèreParisot  en  ces  termes  :  «  De  patientes  recher- 
ches permirent  à  M.  l'abbé  Chabot  de  trouver,  en  1897,  ce  manuscrit  dans  la  bibliothèque 
de  l'église  jacobite  d'Orfa  (Édesse)  »  ROC,  1900,  p.  3-22.  «  Ce  manuscrit  »  est  le  ms.  décou- 
vert par  MS'  Rahmani,  transcrit  par  ses  soins,  annoncé  par  lui  en  Europe  et  dont  il  pré- 
parait à  ce  moment  la  publication. 


205  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

que  cette  chronique  paraisse  avec  autant  de  lenteur  à  Paris  qu'elle  aurait 
pu  le  faire  à  Beyrouth.  Cette  publication,  annoncée  en  mai-juin  1899 
{Jnwn.  as.,  p.  555)  et  dont  le  premier  fascicule  a  paru  cette  même  année,  en 
est  maintenant  à  la  page  352  (sur  777  pages),  bien  que  le  traducteur  n'ait 
pas  à  toucher  au  texte  qu'un  photographe  lui  reproduit  et  bien  que  la  plu- 
part des  textes  de  cette  première  période  aient  déjà  été  jnibliés  et  traduits 
plusieurs  foi^  en  d'autres  langues  ou  par  ailleurs.  On  sait  enfin  que  l'Ins- 
titut couvre  les  frais  tnatériels  —  ce  qui  est  la  question  primordiale,  trop 
souvent  oubliée,  de  toute  publication  scientifique  —  en  souscrivant  pour 
cent  exemplaires.  Dans  d'aussi  favorables  conditions,  qui  ne  se  sont  trouvées 
réalisées  Jusqu'ici  en  faveur  d'aucun  orientaliste,  nous  ne  pouvons  com- 
prendre la  lenteur  de  cette  publication. 

8"-10"  Notices  hiographiques  sur  Isaac,  évéque  de  Ninive,  Jean  de  Dalia- 
tha,  Abraham  de  Nephtar,  Jean  Phencaïa,  Saba  l'ascète  et  David  de  Beith 
Rabban.  A  l'aide  de  ces  notices,  M*^""  Rahmani  peut  corriger  les  données 
biographiques  admises  jusqu'ici  et  relatives  ces  auteurs.  On  remarquera 
(p.  68)  que  l'inventeur  des  points-voyelles  et  des  points  nommés  roucocho  et 
Kouschoïo  serait  un  jacobite  nommé  Sabroes  qui  devait  vivre  vers  le  com- 
mencement du  vil''  siècle,  car  David,  qui  en  descendait  à  la  cinquième  gé- 
nération, vivait  vers  le  milieu  du  huitième  siècle. 

1 1"  Dans  une  compilation  extraite  des  auteurs  païens,  grecs  et  égyptiens, 
Ms""  Rahmani  a  recueilli  des  fragments  d'un  ouvrage,  intitulé  Révélation, 
qui  aurait  été  composé  par  un  païen  de  Harran,  nommé  Baba,  avant  l'ère 
chrétienne.  Cette  révélation  contre  Harran,  écrite  un  peu  dans  le  style  des 
propliéties  de  Jérémie  contre  Jérusalem,  n"est  pas  assez  claire  en  faveur 
du  christianisme  pour  qu'on  doive  la  supposer  composée  après  coup. 
D'ailleurs  l'idolâtrie  se  maintint  à  Harran  jusqu'au-  ix*^  siècle  (p.  70)  et  l'on 
peut  croire  que  cette  pièce,  antérieure  sans  doute  au  ix^"  siècle,  ne  pouvait 
inventer  ni  Baba  ni  ses  œuvres.  11  serait  à  souhaiter  que  tous  ces  extraits 
de  Thaïes,  Orphée,  Platon,  Pythagore,  soient  publiés.  La  bonne  foi  de  l'au- 
teur reconnue  pour  les  morceaux  d'auteurs  conservés  nous  conduirait  à 
admettre  sa  bonne  foi  vis-à-vis  des  morceaux  d'auteurs  perdus. 


Au  point  de  vue  matériel  la  liste  déjà  longue  des  errata  aurait  pu  être  en- 
core beaucoup  allongée,  par  exemple  p.  ,,  1.  2,  iioçuv-  (et  non  ->-);  p.  w, 
1.  1  et  13,  ^.m.iv»  et  t^^j  au  lieu  de  ^.o.^■ax.^  et  n^_a;  etc.  ;  mais  tel  qu'il  est, 
cet  ouvrage,  joint  au  Testamentum  J).  i\.  J.  C.  et  aux  Acta  Guriae...  déjà 
publiés  par  M^"  Rahmani,  montre  que  ce  prélat,  par  ses  nombreux  manus- 
crits et  son  activité  littéraire,  soutiendrait  la  comparaison  avec  tout  autre 
orientaliste  s'il  avait  à  sa  disposition  les  fonds  de  l'Institut  avec  les  plioto- 
graveurs  et  les  typographes  de  Paris. 


111.  Nous  nous  bornons  à  quelques  remarques  sur  cette  importante 
publication  qui  doit  faire  ici  même,  de  la  part  de  M.  Kugener,  l'objet  d'un 
compte  rendu  détaillé .: 


BIBLIOGRAPHIE.  289 

Les  quatre  mille  lettres  de  Sévère,  écrites  au  jour  le  jour,  sous  forme 
d'exhortations,  d'instructions  et  de  réponses  aux  jacobites  de  Syrie,  de 
Constantinople  et  d'Alexandrie .  formeraient  une  source  incomparable 
pour  l'histoire  des  jacobites,  dits  monophysites.  au  commencement  du 
vi"  siècle.  La  plupart  sont  perdues.  11  en  reste  heureusement,  en  sus  de 
divers  fragments,  un  livre  d'extraits  portant  sur  123  lettres  dont  M.  Brooks 
achève  de  publier  le  texte  syriaque.  Signalons  seulement  les  passages 
relati's  à  la  consei'vation  et  à  l'envoi  de  la  sainte  communion,  à  la  rebap- 
tisation,  aux  canons  des  apôtres  et  au  Testamentum  D.  .V.  /.  C. 

On  avait  encore  coutume  au  vi*^  siècle  de  demander  du  pain  consacré  à 
l'évêque,  même  très  éloigné,  avec  lequel  on  voulait  être  en  communion, 
puis  on  le  gardait  chez  soi  pour  en  prendre  quand  on  le  jugerait  à  propos. 
Nous  avons  déjà  trouvé  cette  pratique  dans  les  Plerophories  de  Jean  de 
Maiouma,  Paris,  1899,  chap.  xxxvni  et  Lxxvni;  nous  avons  signalé  alors 
qu'on  en  trouve  trace  aussi  dans  le  Pratum  spivituale  de  Moschus,  chap. 
Lxxix;  Migne,  Pair.  Gr.,  t.  LXXXVIII,  3  et  Pair.  LaL,  t.  LXXIV,  col.  158. 
Sévère  s'élève  contre  cette  coutume;  on  doit  uniquement  s'informer,  dit-il, 
si  le  prêtre  est  orthodoxe:  il  n'y  a  aucune  différence  entre  la  communion 
donnée  par  tel  ou  tel  prêtre  orthodoxe  (p.  201-262).  Il  est  vrai  que  cet  usage 
chez  certains  tendait  à  devenir  abusif  :  Misaël,  ancien  cubiculaire,  que  Sé- 
vère avait  voulu  retenir  dans  le  monde  pour  ne  pas  perdre  un  puissant 
appui  à  la  cour  (p.  516)  et  qui  avait  fini  par  entrer  dans  le  clergé  et  par 
devenir  diacre,  lui  envoyait  un  cotïre  i)lql3^>j  pour  que  Sévère  le  lui  rem- 
plit de  la  sainte  communion  \\.»..^  \i.2,;a^  .^\.  Il  refusa  à  bon  droit 
(p.  278-2791. 

Certains  voulaient  rabaptiser  les  partisans  du  concile  de  Chalcédoine  qui 
devenaient  jacobites.  car  ils  les  assimilaient  aux  Paulianistes  (1  que  le 
concile  de  Xicée  ordonnait  de  rebaptiser  p.  319  et  335\  Sévère  condamne 
ce  second  baptême,  il  conseille  le  baptême  sous  condition  quand  on  doute 
de  l'existence  d'un  précédent  baptême.  Il  cite  l'exemple  d'un  Ethiopien 
du  monastère  de  Romanos,  près  de  Beith-Djibrin  (Éleuthéropolis)  :  celui-ci. 
après  avoir  participé  souvent  aux  saints  mystères,  vit  les  cérémonies  du 
baptême  et  comme  elles  ne  lui  rappelèrent  aucun  souvenir,  il  en  vint  à  dou- 
ter qu'il  eût  été  baptisé  dans  son  pays.  On  le  baptisa  donc  sous  condition. 

Enfin  Sévère  nous  donne  ici  le  plus  ancien  témoignage  en  faveur  du  Tei<la- 
menlum  Domini  nostri  Jesii  Christi  et  sans  doute,  comme  nous  allons  l'éta- 
blir, en  faveur  de  VOctateuque  de  Clément. 

Jean,  scholastique  (avocat/  de  Bosra,  interroge  Sévère  au  sujet  d'un 
malheureux,  enfermé  dès  son  enfance  avec  les  moines  et  qui  crut  faire 
une  belle  action,  au  moment  où  lui  vinrent  d'irrésistibles  tentations, 
d'en  supprimer  la  cause,  car  il  ignorait  la  défense  du  concile  de  Nicée. 
Sévère  répond  (page  463-464)  : 

(1)  si  le  concile  de  Laodicée  dont  il  est  question  |)age  319  est  le  concile  de  l'an  372,  il 
l'aut  peut-être  lire  ^g^û4j:::..^a3  et  non  t^Yv>.t.-^a3^  car  ce  concile  tcanon  7)  fait  men- 
tion des  <ïïtût£tviavâiv  et  non  des  partisans  de  Paul  de  Samosate,  cf.  p.  335,  ligne  12.  Au 
contraire  le  concile  de  Nicée  (canon  19)  mentionne  les  Paulianistes. 


290  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Il  fallait  d'abord  observer  l'intégrité  des  canons  qui  fut  promulguée  par 
le  moyen  de  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  à  savoir  par  les  saints  apôtres 
et  par  les  pasteurs  vénérables  qui  les  suivirent;  je  veux  dire  le  canon  vingt 
et  uji  de  ces  o'.axdÇstç  qui  furent  envoyées  par  les  apôtres  aux  nations  par  le 
moyen  de  Clément  qui  porte  (1)    : 

'0  âxptoTîr)pidaa;  iauibv  p-rj  yivsaôoj -/Aripixôç,  aÙToaovEUTrj; -^àp  ïan,  zat  lySpo;  t% 
ûrjfiioupYtaç  Tou  Osou.  Et  aussi  le  canon  vingt-deux  porte  : 

Et'  Tiç,  xXrjpixb;  tîSv,  à/.ptûTr]pida£i  lauxôv,  x.a6aip£{Œ0w,  oovàu;  yàp  sa-tv  lautou. 
Et  le  canon  vingt-trois  (2)  ajoute  encore  lorsqu'il  dit  :  Aat'xbç  àxpwTrjptdaaç 
iauTov  àaopii^ÉirOw  'hri  Tp{a,  I;:{6o'jXoç  yàp  ïa-i  ttjç  lauTou  Çojîj;.  Et  aussi  ce  premier 
canon  du  grand  synode  des  3J8  Pères  {de  Nicée),  dont  celui  qui  me  ques- 
tionne a  déjà  fait  mention,  proclame  aussi  des  choses  qui  concordent  avec 
celles  des  otaxâ^Etç  apostoliques,  lorsqu'il  rejette  du  clergé...  (3). 

Dans  une  lettre  à  Thècle  comitissa,  Sévère  mentionne  le  Testamenlum 
dans  les  termes  suivants  : 

^qjI  oov^ojl  |--po(  I^N^M  v*-^'  :) ..  «v«; 

Aussi  au  sujet  de  cette  question  (jtpôBscjt;;  baptême  conféré  par  un  diacre) 
et  de  sa  facilité,  il -est  écrit  dans  les  ota-âÇEi;,  c'est-à-dire  «  les  préceptes  » 
des  apôtres  que  l'on  a  appelés  «  Testament  du  Seigneur  »,  que  le  diacre 
peut  procéder  à  la  rénovation  baptismale  d'un  enfant  quand  on  ne  trouve 
pas  de  prêtre  et  qu'on  est  pressé  par  (la  menace)  d'une  issue  mortelle  (4). 
Le  testament)  proclame  ta  légitimité  de  cette  pratique  par  ces  paroles  : 
«  Diaconus,  necessitale  urgente,  et  non  reperto  presbytero,  baptizet  (S)  ». 

Nous  avons  donc  là  des  citations  des  canons  des  apôtres  et  du  Testamen- 
lum. Si  l'on  remarque  que  les  canons  ont  précisément  le  môme  titre  que 
dans  VOctaleiique  de  Clément  où  ils  sont  intitulés  aî  Siaxa^Eiç  xGJv  àjcouToXwv 
al  8ià  KXifixEVToç  k'Ovsai  rsix'fOeî'aai.  Cf.  Lagarde.  Reliquiae...  syriace,  p.  44; 
graece,  p.  xxvn,  on  pourra  conclure  avec  quelque  probabilité  de  ce  fait  et 
du  voisinage  du  Testament um  (qui  forme  le  premier  livre  de  l'Octateuque), 
que  Sévère  possédait  l'Octateuque  de  Clément. 

Dans  la  première  partie  de  cet  ouvrage  (Select  letters,  1903,  traduction 


[\)  Nous  ne  cUoiis  pas  le  texte  syriaque  de  la  suite,  car  il  Importe  moins  à  notre  dé- 
monstration. Nous  traduisons  en  grec  le  texte  syriaque  des  canons. 

(2)  La  numérotation  de  Sévère  est  conforme  à  celle  de  Harduin  et  non  à  celle  de  Denys 
le  Petit  ou  de  Lagarde. 

(3)  Sévère  cite  ensuite  les  canons  1,  î)  et  10  de  Nicée. 

(4)  C'était  le  cas  proposé  à  Sévère  :  Un  enlant  était  près  de  mourir  et  on  ne  trouvait 
pas  le  prêtre.  Le  diacre  qui  le  baptisa  dans  ces  conjonctures  est-il  blâmable/ 

(o)  C'est  le  texte  donné  par  Uahmani  :  Testamenlum  D.  N.  J.  C,  Moguntiae,  I89!i. 
p.  132-133.  —  D'ailleurs  Sévère  citait  encore  le  Testament  dans  une  autre  lettre  sans  doute 
l)erdue,  à  l'occasion  de  ceux  qu'il  ne  faut  pas  admettre  aucatéchuménat.  Kalunani,  p.  xvi. 


BIBLIOGRAPHIE.  291 

pages  208-214)  nous  avons  déjà  trouvé  une  citation  de  Simon  le  Cananéen 
qui  peut  viser  le  premier  canon  du  livre  VI  de  FOctateuque  aussi  bien  que 
le  chapitre  xxvii  du  livre  Vlll  des  Constitutions  apostoliques.  Un  certain 
Isaïe  l'Arménien  fait  fonction  d'évèque  à  Émèse;  il  dit  avoir  été  consacré 
par  un  seul  évêque  et  cite  en  sa  faveur  un  canon  de  Simon  le  Cananéen. 
Sévère  dit  que  ce  canon  n'a  pas  prévalu  dans  les  saintes  Eglises,  n'a  pas 
été  reçu  par  les  saints  synodes  et  n'a  aucunement  été  mentionné  chez  eux 
(trad.  p.  211-2121.  Cependant  Sévère  accorde  un  certain  crédit  à  ce  canon, 
car  il  le  cite  d'abord  en  entier,  puis  il  montre  qu'Isaïe  a  tort  de  s'en  pré- 
valoir, car  il  ne  l'a  pas  observé.  Voici  la  restitution  grecque  de  la  traduc- 
tion syriaque  : 

Stjitov  ô  ■/avavat'o;  vÀ-^ii  otaTsasofiai  u[j.rv,  'jtCo  rôawv  6'^£{X£t  •/EipoTovsî'CTÔat 
È;îÎCTy.oiroi;.  'E7:(3y.OT:o;  uto  oûo  r\  uj:b  Tpiôiv  i-t(j/.ô:ra)v  ysipoTOVSÎaOoj.  'Eàv  oi  ttç  ujtÔ 
iv'oç  ETtiaxénou  -/cipoTovrjÔrJ,  xaOatpsJaOw  -/.xi  aùt'oç,  xal  ô  yEipoTOVTÎaa;  auTov.  'Eàv  8È 
àvdy/.T)  -/.a-aXâÇr,  Oro  Ivb;  y£tpo":ovr,Of)va'.  oià  to  jj.r)  ^ûvaaOat  zXsîovaç  TrapavÉvEaGai, 
ôiwy[ioD'  ÔvTo;  r\  aîxta;  Tivb;  aXXrjç,  y.oii.iXéaôto  ■I/rJ3t'î[jia  1%  È::tTpo:r%  £;:t(jx6iîwv  ttXeiÔ- 
viov. 

M.  Brooks  place  cette  lettre  écrite  d'Egypte  de  518  à  519  (trad.  p.  207}. 
Il  s'ensuit  donc  qu'à  cette  date  on  citait  à  Emèse  en  Asie  le  sixième  livre 
de  l'Octateuque  (ou  le  huitième  livre  des  Const.  apost.),  et  Sévère  en  pos- 
sédait en  Egypte  le  texte  grec  et  le  transcrivait.  De  même  les  lettres 
précédentes  nous  ont  montré  que  peu  après  520,  Sévère  possédait  en 
Egypte  le  texte  grec  du  premier  et  du  huitième  livre  de  l'Octateuque. 

Signalons  encore  la  citation  faite  par  Sévère  Cpage  307  du  texte  syria- 
que; cf.  p.  335)  «  des  canons  1.35  et  13G  »  qui  ne  sont  autres  que  les 
canons  32  et  33  de  Laodicée.  Nous  pouvons  donc  en  conclure  que  Sévère 
possédait  une  collection  canonique  à  numérotation  continue  formée  des 
20  canons  de  Nicée,  24  d'Ancyre,  14  de  Néo-Césarée;  20  de  Gangres;  25 
d'Antioche,  puis  Laodicée,  car  une  numérotation  continue  donne  ainsi  le 
numéro  135  au  canon  32  de  Laodicée  (1  . 

On  ne  trouve  pas  dans  ces  lettres  de  profession  de  foi  proprement  dite  ; 
signalons  cependant  dans  cet  ordre  d'idées  la  phrase  suivante  (pages  315- 
316)  :  Timothée  (patriarche  jacobite  d'Alexandrie)  combattit  également 
Vhérésie  des  deux  natures,  c'est-à-dire  les  Nestoriens,  et  la  conception  (©av- 
Taa(a)  impie  des  Eutychiens.  Il  prêcha  Emmanuel  un  de  deux  natures,  à 
savoir  de  la  divinité  et  de  l'humanité,  et  le  même  consubslanliel  au  Père 
dans  la  divinité  et  consubstantiel  à  nous,  hommes,  dans  l'humamté,  car  il 
prit  de  la  race  d'Abraham  et  il  fut  assimilé  en  tout  à  nous  ses  frères,  à 
l'exception  du  péché... 

Ainsi,  d'après  ce  nouveau  texte,  les  Jacobites  condamnaient  les  Euty- 
chiens  (qui  sont  les  monophysites  proprement  dits)  et  auraient  cru  être 
Nestoriens  s'ils  avaient  adhéré  au  concile  de  Chalcédoine. 

(1)  Dans  la  première  partie  Select  letter><...,  vol.  H,  part.  1,  Londres,  1003,  pages  2C-27,  on 
trouve  encore  que  la  Collection  commence  par  Nicée  et  que  le  canon  107  est  le  canon 
4  de  Laodicée;  pages  29-30  les  canons  81  et  87  sont  les  canons  3  et  9  d'Antioche;  pages 
134-135,  les  canons  84,  90  et  82  sont  les  canons  G,  12  et  4  d'Antiociie. 


292  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

IV.  La  fête  du  cinquantenaire  de  l'Immaculée  Conception  a  suscité 
un  certain  nombre  d'ouvrages.  Il  nous  reste  à  faire  connaître  le  monu- 
ment élevé  à  la  gloire  de  la  Très  Sainte  Vierge  —  et  aussi  de  l'Église 
syro-maronite  —  par  les  frères  J.  et  P.  Hobeika,  religieux  maronites. 
Après  une  courte  préface,  l'auteur  publie  une  poésie  syriaque  qu'il  com- 
posa en  l'honneur  de  Pie  X  et  la  fait  suivre  des  traductions  de  deux  poètes 
arabes  qui  la  traduisirent  en  deux  mètres  différents.  Il  nous  rappelle  ainsi 
l'âge  héroïque  où  tous  les  événements  étaient  traduits  chez  nous  en  vers 
latins.  Car  le  syriaque,  qui  est  la  langue  liturgique  des  Maronites,  corres- 
pond exactement  à  notre  latin.  Le  Père  J.  Hobeika  a  réuni  les  passages 
syriaques  de  livres  d'offices,  édités  et  inédits,  consacrés  à  la  Sainte  Vierge 
et  les  a  publiés,  avec  une  traduction  arabe.  Son  frère,  le  P.  P.  Hobeika, 
les  a  traduits  en  français  et  les  a  mis  ainsi  à  la  portée  des  Occidentaux 
qui  accueilleront  avec  intérêt  ces  témoignages  nouveaux  en  faveur  de  la 
Conception  Immaculée.  L'unique  ambition  des  auteurs  —  comme  ils  l'é- 
crivent page  21  —  est  «  d'exalter  et  de  publier  les  grandeurs  et  la  dignité 
de  la  Vierge  Notre  Mère  »  et  de  servir  dans  la  mesure  de  leurs  moyens  la 
double  cause  de  la  Religion  et  de  la  Science.  Nous  ne  pouvons  donc  que 
souhaiter  succès  et  diffusion  à  leur  petit  ouvrage. 

F.  Nau. 


Le    Messianisme  dans  l'hétérodoxie   musulmane,   par  E.   Blociiet. 
Paris,  Maisonneuve,  1903. 

Dans  ce  travail  très  original  l'auteur  s'est  proposé  d'élucider  une  des 
questions  les  plus  obscures  des  études  islamiques.  Les  musulmans  con- 
naissent un  messianisme  ou  mahdisme  vague,  imprécis,  en  somme 
orthodoxe  et  un  autre  qui  ne  l'est  pas  du  tout.  C'est  aux  manifestations 
de  ce  mahdisme  hétérodoxe  que  M.  Blochet  s'attache  de  préférence.  Très* 
familiarisé  avec  les  études  iraniennes  et  l'ésotérisme  islamique ,  il  a  fait 
peut-être  la  part  trop  belle  à  ces  influences  sur  le  développement  des 
théories  messianiques  chez  les  musulmans.  Ainsi  d'après  M.  Blochet  «  l'in- 
fluence étrangère  que  l'on  remarque  dans  les  sectes  hétérodoxes  de  l'isla- 
misme jtroYient  uniquement  (1)  de  l'Iran  »  (page  172).  L'auteur  n'aurait-il 
pas  cédé  à  la  tentation  qui  guette  d'ordinaire  les  spécialistes?  Cela  ne  nous 
empêche  pas  de  reconnaître  que  plusieurs  des  textes  exhumés  par 
M.  Blochet  —  surtout  celui  de  Nowairi,  cité  p.  136  —  apportent  une  pré- 
cieuse confirmation  à  ses  idées.  Nous  craignons  seulement  que  la  forme 
un  peu  absolue  sous  laquelle  l'auteur  les  présente  parfois  n'empêche 
bien  des  lecteurs  de  les  partager.  Cette  matière  de  l'ésotérisme  et  du 
mahdisme  musulmans  a  été  si  peu  étudiée  que  nous  faisons  des  vœux 
pour  voir  paraître  prochainement  le  grand  ouvrage  de  l'auteur  sur  «  les 
mystiques  de  l'islam  »  (VIII)  et  dont  la  présente  étude  n'est  qu'un  extrait. 
Nous  y  trouverons  sans  doute  les  développements  et  les  preuves  de  cer- 

(1)  Le  soulignement  est  de  moi. 


BIBLIOGRAPHIE.  293 

tailles  théories  nouvelles  que  l'auteur  du  «  Messianisme  »  se  contente  sim- 
plement d'énoncer  ou  d'appuyer  d'analogies  et  de  rapprochements,  qu'on 
peut  ne  pas  toujours  trouver  convaincants. 

Les  transcriptions  laissent  parfois  à  désirer.  Ainsi  Moaviyya  avec  deux 
y.  Le  nom  arabe  de  la  Transoxiane  est  tantôt  écrit  «  Ma-vera-el-nahr  » 
(p.  28),  tantôt  «  Ma-vara-nnahar  »  (p.  97).  P.  177  il  s'agit  évidemment  non 
de  «  l'année  1223  de  l'hég-ire  »,  mais  de  l'ère  chrétienne.  Nous  aurions 
des  réserves  à  faire  sur  la  nouvelle  esquisse  de  l'auteur  du  système  reli- 
gieux des  Nosairis,  leur  mahdisme,  leur  filiation  qaisanite,  etc.  La  lecture 
Miqdar  au  lieu  de  Miqdad  (178,  n**  3)  nous  semble  bien  risquée.  Mais 
encore  une  fois  il  est  préférable,  avant  de  se  prononcer,  d'attendre  l'ou- 
vrage complet. 

H.    La  M  MENS. 


Die  urspriingliche  Templerregel  kritisch  untersucht  und  heraus- 
gegeben  von  D""  Gust.  Schnûrer,  professer  an  der  Universitât  zu  Frei- 
burg-  in  der  Schweiz.  —  Fribourg'  (Brisgau),  Herder,  1903.  —  Prix  : 
M.  2,80. 

L'histoire  si  mouvementée  et  la  fin  tragique  des  Templiers  continuent  à 
alimenter  une  littérature  abondante  mais  de  valeur  très  inégale.  Le  D'"G. 
Schnùrer  a  jugé  le  moment  venu  de  soumettre  à  un  nouvel  examen  l'ori- 
gine et  les  développements  de  la  règle  de  ces  moines-soldats.  A  en  croire 
le  professeur  H.  Prutz  nous  ne  posséderions  plus  la  rédaction  attribuée  — 
à  tort  selon  lui  —  au  concile  de  Troyes;  saint  Bernard  ne  se  serait  jamais 
occupé  des  Templiers  et  le  texte  français  serait  le  texte  primitif  de  leur 
règle.  Le  D""  Schnilrer  prend  résolument  le  contrepied  de  ces  assertions, 
émises  par  un  auteur  dont  le  volumineux  pamphlet  Kulturr/eschichte  der 
Kreuzzûge  a  suffisamment  démontré  la  légèreté  et  le  part  pris.  Dans  une 
discussion  des  plus  serrées  il  montre  : 

1)  Que  la  règle  latine  est  l'original  sur  lequel  fut  exécutée  plus  tard  et 
en  Occident  une  version  française,  dont  les  inexactitudes  et  même  les 
contresens  trahissent  suffisamment  le  caractère  et  la  dépendance;  2)  que 
le  texte  latin  nous  offre  la  forme  primitive  de  la  règle,  la  seule  ayant  eu 
force  de  loi  pour  les  Templiers,  il  faut  pourtant  y  distinguer  deux  parties  : 
la  première,  sortie  des  délibérations  du  concile  de  Troyes  et  rédigée  par 
saint  Bernard.  Cette  ébauche  devait  recevoir  les  compléments  que  le  Pape, 
le  Patriarche  de  Jérusalem  et  le  chapitre  de  l'ordre,  résidant  à  Jérusalem, 
jugeraient  à  propos  d'y  ajouter.  Honorius  II  ne  jugea  pas  à  propos  d'inter- 
venir. Tout  au  contraire  le  patriarche  Etienne  de  Jérusalem,  après  avoir 
consulté  le  chapitre  des  Templiers,  reprit  le  projet  de  règle  esquissé  à 
Troyes,  y  introduisit  d'importantes  modifications,  d'une  opportunité  par- 
fois douteuse,  et  donna  à  l'ensemble  sa  forme  définitive  et  officielle. 

11  nous  paraît  difficile  de  ne  pas  se  rallier  aux  conclusions  du  savant 
professeur  de  Fribourg,  à  son  argumentation  serrée  jusqu'à  la  ténuité, 


294  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

attestant  une  familiarité  parfaite  avec  les  documents  de  l'Orient  latin.  Le 
dernier  chapitre  de  son  travail  contient  une  édition  critique  du  texte  même 
de  la  règ-le,  où  l'auteur,  au  moyen  de  procédés  typographiques,  essaie  de 
déterminer  les  remaniements  successifs  du  texte.  Nous  y  relevons  au  n'^  40 
la  licence  accordée  aux  chevaliers  de  chasser  le  lion  ;  preuve  de  la  pré- 
sence de  ce  redoutable  carnassier  dans  la  Syro-Palestine  pendant  la  pé- 
riode franque!  Quelque  temps  après  la  rédaction  de  cet  article  de  la  Règle, 
l'émir  syrien  Ousàma  ibn  Mouqid  écrivait  sa  curieuse  autobiograpliie,  édi- 
tée par  M.  H.  Derenbourg,  où  les  récits  de  chasse  au  lion  occupent  une  si 
large  place.  Comme  l'auteur  du  «  ïarih  Bairoùt  »,  récemment  publié  par 
mon  confrère,  le  P.  L.  Cheikho,  nous  montre  également  cette  chasse  pra- 
tiquée dans  le  Liban  jusqu'en  plein  xiv*  siècle,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'arrê- 
ter à  l'assertion  du  D""  Prutz,  lequel,  pour  pouvoir  donner  un  démenti  aux 
écrivains  des  croisades,  nie  {Kiilliirgeschichle.  322)  l'existence  du  lion  en 
Syrie  pendant  le  moyen  âge. 

H.  Lammens. 


Pierre  Aubrv.  —  Le  Rythme  tonique  dans  la  Poésie  liturgique  et 
dans  le  chant  des  Églises  chrétiennes  au  moyen  âge.  —  Paris, 
H.  Welter,  1903.  In-4'^'  de  84  pages. 

Le  nouvel  ouvrage  de  M.  P.  Aubry  intéresse  autant  les  musiciens  que 
les  littérateurs,  et  ceux  qui  s'occupent  de  l'histoire  ecclésiastique  trou- 
veront à  y  glaner  des  aperçus  intéressants  sur  des  points  souvent  peu 
connus. 

Ce  livre  est  la  plus  importante  contribution  à  un  travail  d'ensemble  sur 
les  origines  et  le  développement  des  formes  rythmiques  dans  la  littérature 
et  la  musique  de  nos  églises. 

D'une  manière  aussi  claire  que  savante,  M.  P.  Aubry  démontre,  non 
point  en  chercheur  d'hypothèses  plus  ou  moins  soutenables,  mais  avec 
pièces  à  l'appui,  que  le  rythme  tonique  existe  à  l'origine  de  la  littérature 
liturgique,  —  paroles  et  musique,  —  dans  tous  les  rits  de  l'Eglise  chré- 
tienne. 

On  sait  en  effet  qu'une  thèse,  assez  récente  du  reste,  faisait  grand  état 
des  mélodies  mesurées  qu'on  rencontre  à  chaque  instant  dans  les  chants 
populaires  des  diverses  Églises,  surtout  d'Orient.  Le  P.  Dechevrens,  en 
particulier,  émettait  comme  un  axiome  :  que  les  communautés  d'Orient 
ayant  plus  conservé  que  les  autres  certaines  traditions  primitives,  leur 
musique,  en  tant  que  partie  de  la  liturgie,  devait  donc  remonter  aux  âges 
primitifs.  Et  la  conclusion  était  assez  inattendue  :  les  mélodies  mesurées 
des  Églises  d'Orient  procédaient  directement  des  chants  métriques  de 
l'antiquité,  et,  en  conséquence,  on  devait  ramener  à  la  même  règle  les 
autres  mélodies  orientales  ou  occidentales  qui  étaient  censées  s'en  être 
écartées. 

Mais  le  postulat  était  vicieux  :  les  chants  qui,  dans   la  haute    antiquité 


ISIBLIOGRAPHIK.  295 

uTccque,  suivaient  le  moule  des  paroles,  ne  rentraient  déjà  plus  dans 
l'esthétique  uausicale  et  littéraire  des  premiers  siècles  de  notre  ère.  De 
plus,  savait-on  à  (|uelle  épocjue  remontaient  les  mélodies  mesurées  dont 
un  se  prévalait? 

M.  P.  Aubry  a  développé,  de  la  façon  la  plus  heureuse,  ces  divers  points. 
Il  montre,  d'une  manière  irréfutable,  que  les  poètes  et  les  musiciens 
chrétiens,  dès  l'origine,  se  sont  astreints,  dans  les  pièces  populaires  des 
hymnes,  des  odes,  des  hirmi,  des  antiennes,  etc.,  à  écrire  à  peu  près 
unicpiement  suivant  les  lois  de  l'accent,  aussi  bien  les  latins  et  les  byzan- 
tins que  les  arméniens,  les  syriens  ou  les  coptes. 

Quant  aux  fameux  chants  orientaux  mesurés,  ou  la  transcription  que 
l'on  en  possédait  jusqu'à  ces  derniers  temps  était  défectueuse,  ou  bien  leurs 
auteurs  ne  vivaient  guère  dans  une  antiquité  plus  lointaine  que  la  fin  du 
\vnr  siècle,  et  se  préoccupaient  surtout  d'imiter  et  de  simplifier,  au  profit 
de  leurs  liturgies,  les  rythmes  de  la  musique  turque!  Dates,  noms  et  faits, 
on  trouvera  toutes  les  preuves  dans  l'ouvrage  de  M.  P.  Aubry. 

Amédée  G.vstolé. 


Adélaide  Saroenton-Galichon.  —  Sinaï,  Maan,  Pétra.  Sur  les  traces 
d'Israël  et  chez  les  Nabatéens.  —  Paris.  Lecoffre.  1004.  In-IG  de 
\v-30r)  p. 

Ce  charmant  petit  volume  contient  le  récit  d'une  excursion  au  travers 
(1(>  la  péninsule  sina'itique  organisée  par  les  PP.  Dominicains  de  Jéru- 
salem. Partis  de  Suez,  les  voyageurs  se  dirigèrent  d'abord  vers  le  mont 
Sinaï  par  la  voie  habituelle  et  firent  une  station  au  monastère  de  Sainte- 
Catherine:  puis,  étant  remontés  à  l'extrémité  du  golfe  Klanitique,  ils  lon- 
gèrent, à  l'est,  rOuady  el-Araba,  afin  de  visiter  les  lieux  célèbres  île 
.Maan  et  de  Pétra,  et  enfin,  après  avoir  suivi  le  plateau  qui  domine  la  rive 
orientale  de  la  mer  Morte,  ils  traversèrent  le  Jourdain  on  face  de  Jériclio 
et  rentrèrent  à  Jérusalem. 

Les  hardis  touristes  qui  accompagnaient  le  P.  Jaussen  dans  cette 
tournée  pénible  et  quelquefois  périlleuse,  n'avaient  pas  pour  but  de  se 
livrer  à  des  recherches  scientifiques  proprement  dites.  Aussi  ne  faut-il 
pas  chercher  dans  l'ouvrage  de  M"^''  Sargenton-Galichon  l'exposé  métho- 
dique et  moins  encore  la  solution  des  nombreux  problèmes  historiques 
qui  se  posent  à  chaque  pas  sur  le  parcours  indiqué  plus  haut.  Ce  qu'il 
faut  lui  demander,  c'est  la  peinture  vive  et  imagée  des  sites  visités, 
ainsi  que  la  fine  analyse  des  sentiments  éprouvés  par  des  Européens 
brusquement  transportés  dans  une  région  si  nouvelle  pour  eux.  Il  est 
impossible  de  le  lire  sans  ressentir  pendant  quelques  instants  les  fatigues 
d  une  longue  marche  dans  le  désert  brûlant,  les  charmes  d'une  halte  au 
sein  d'une  fraîche  oasis,  les  émotions  qu'inspirent  la  vue  du  sommet 
imposant  où  fut  promulgué  le  Décalogue  et  la  contemplation  des  ruines 
de  la  mystérieuse  Péti'a. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  '20 


296  REVUE    DE    l/ORIENT    CHRÉTIEN. 

Une  préface  due  à  la  plume  de  M.  le  marquis  de  Vogué  met  en  relief, 
mieux  que  nous  ne  pouvons  le  faire,  tout  l'intérêt  que  présentent  ces 
pages  si  agréablement  écrites. 

Léon  Clugnet. 


XIV^  Congrès  international  des  Orientalistes,  Alger,  1905. 

Le  XIV«  Congrès  international  des  orientalistes  se  tiendra  à  Alger,  du- 
rant les  prochaines  vacances  de  Pâques,  sous  la  présidence  de  M.  René 
Basset,  directeur  de  l'École  des  lettres  d'Alger  et  dont  les  nombreuses  pu- 
blications sémitiques  (arabe  littéral  et  dialectes,  et  étliiopien)  formeraient 
toute  une  bibliothèque. 

Le  montant  de  la  cotisation  est  fixé  à  20  francs  ;  les  femmes  ou  pa- 
rentes de  congressistes  accompagnant  ceux-ci  auront  droit  à  une  carte  de 
dinne  du  prix  de  10  francs. 

Des  excursions  seront  organisées  pour  mettre  les  orientalistes  en  con- 
tact avec  les  dialectes  et  les  coutumes  arabes  qu'ils  connaissaient  surtout 
d'après  les  manuels  et  les  récits  des  voyageurs.  Dans  ce  congrès,  unique 
jusqu'ici  grâce  à  la  position  privilégiée  occupée  par  Alger  entre  les  deux 
civilisations,  l'agrément  ne  le  cédera  donc  pas  au  profit  scientifique.  Les 
cartes  de  souscripteurs  donneront  droit  à  des  réductions  })rès  d(>s  comjja- 
gnies  de  chemin  de  fer  et  de  navigation. 

On  peut  adresser  les  adhésions,  à  Paris,  à  M.  Leroux,  libraire,  rue  Bona- 
parte, 28  (VI^). 


Bulletin  de  la   Société  française   de  fouilles  archéologiques. 

Premier  fascicule.  Paris.  Leroux.  1904.  In-8. 

Dans  ce  fascicule  on  trouve  clairement  indiquée  par  hi  plume  du  pré- 
sident, M.  E.  Babelon,  la  tâche  que  s'impose  cette  Société.  «  La  Sociélr 
françaitie  des  fouilles  archéolor/iqnes  tient  à  proclamer  que  son  but  est  de 
suppléer  dans  la  mesure  de  ses  facultés  et  la  plénitude  de  son  indépen- 
dance, aux  efforts  et  aux  sacrifices  consentis  par  l'État,  pour  recueillir  et 
sauvegai'der  les  vestiges  du  passé,  dans  notre  pays  et  à  l'étranger. 

«  Les  fondateurs  de  la  nouvelle  Société,  en  se  groupant  spontanément 
autour  de  M.  Bischoffsheim,  se  sont  émus  de  constater  que,  chez  les  na- 
tions étrangères,  en  Angleterre,  en  Amérique,  en  Allemagne,  en  Grèce,  il 
existe,  à  côté  des  institutions  d'État  et  des  missions  officielles,  des  asso- 
ciations indépendantes,  richement  dotées  par  leurs  membres,  et  dont  la 
féconde  activité  contribue  puissamment  â  l'accroissement  des  collections 
scientifiques  et  artistiques  de  ces  divers  pays.  La  Société  française  des 
fouilles  avehèologiques,  soucieuse  du  grand  renom  scientifique  de  la 
France,  enflammée  du  désir  de  voir  nos  collections  d'art  ancien  et  de 
monuments  historiques  s'accroître  dans   les  mêmes  proportions  que  les 


BIBLIOOll.VPHIE.  297 

musées  étrangers,  veut  tenter  d'organiser  une  œuvre  d'explorations  et  de 
fouilles  sur  le  modèle  de  celles  qui  fonctionnent  dans  les  autres  pays 
(p.  27).  » 

Comme  on  le  voit,  le  programme  de  la  jeune  Société  est  excellent  et 
Ton  ne  peut  que  souhaiter  de  voir  le  nombre  de  ses  adhérents  augmenter 
i'ai)idement.  Il  n'est  pas  douteux  qu'elle  ne  réussisse  à  rendre  les  plus 
grands  services  à  la  science,  si  elle  accueille  toutes  les  bonnes  volontés 
L'important  est  qu'elle  ne  devienne  pas,  comme  tant  d'autres  sociétés,  une 
petite  église  d'où  telle  ou  telle  personne  soit  écartée  pour  des  raisons  au- 
tres que  rincompétence  scientifique.  J'insiste  sur  ce  point,  parce  que  j'ai 
constaté  avec  étonnement  que,  dans  le  premier  fascicule  de  son  Bulletin. 
tandis  que  de  grands  éloges,  fort  mérités,  du  reste,  sont  adressés  à  M.  de 
Sarzec,  à  M.  et  à  M™^  Dieulafoy  et  à  M.  de  Morgan,  pour  les  fouilles  re- 
manjuables  qu'ils  ont  exécutées  en  Mésopotamie  et  en  Perse  (p.  28-31)  .un 
silence  absolu  est  fait  sur  le  nom  du  P.  V.  Scheil,  le  savant  dominicain, 
professeur  d'assyriologie  à  l'École  des  Hautes-Etudes,  qui  est  attaché  à  la 
délégation  scientifique  française  en  Perse,  ([ui  a  pris  une  part  active  aux 
fouilles  entreprises  par  celle-ci,  et  qui  a  rédigé  la  plupart  des  magnifiques 
Mémoires  dans  lesquels  sont  consignés  les  résultats  des  découvertes  faites 
à  Suzc. 

L.  C. 


Le  Directeur-Gérant 

V.    ClIAKJIETANT. 


Typographie  Finnin-UKlot  cl  C"-.  —  Piiris 


Librairie  Alphonse  Picard  et  fils,  82,  rue  Bonaparte. 

DICTIONNAIRE  GREC-FRANÇAIS 
DES   NOMS  LITXJRGhIQXJBS 

EN  USAGE  DANS  L'ÉGLISE  GRECQUE 

Par  L.  CLUGNET 

Un  Tol.  in-8o  de  186  pages.  —Prix,  6  fr.  —1895, 

LÀ  mMn  BIBLIQUE  CHEZ  LES  aiHOLIiES  DE  MEl 

J^VL    XIX-    Siècle 
Par    Albert   HOUTIN 

1  vol.  in-8''  (iv-324  p.)  •  •  :  ■  •• 4  fr. 


Hûgel  (Baron  Fréd.  de).  La  méthode  historique  ou  son   application  à  l'étude 

des  Documents  de  l'Hexateuque.  1898,  8» 1  fr.  50 

Turmel  (J.).  L'Eschatologie  à  la  fin  du  iv«  siècle.  1900,  8°,  br.   .    .     I  fr.  50 

Margival    (Henri).    Essai   sur   Richard    Simon    et    la    critique    Jbiblique    au 

xvii«  siècle.  1900,  1  vol.  8°,   br 12  fr.  »- 


MANUEL     D'ARCHÉOLOGIE     FRANÇAISE 

DEPUIS  LES   TE.MPS   MÉROVIXGIEXS  JUSQU'A"  L.\  RENAISSANCE 

Première  parfie  :  ARCHITECTURE 

par  Camille  ENLART 

Ancien  membre  de  l'École  française  de  Rome,  Membre  résident  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France. 

I.  —  ARCHITECTURE  RELIGIEUSE 

II.  —  ARCHITECTURE  CIVILE  ET  MILITAIRE 

2  vol.    in-8"  (1660  p.   et  700  pi.   et   fig.) 30  fr. 

Legrand  (Emile),  professeur  à  l'École  Nationale  des  Langues  Orientales.  —  Biblio- 
thèque hellénique  ou  description  raisonnée  des  ouvrages  publiés  par  des  Grecs 
au  XVIf"  siècle,  accompagnée  de  notices  bibliographiques  et  documents  inédits. 

1894-1896,  4  vol.  gr.  in-8o 100  fr. 

Pour  les  abonnés  de  la  Revue  <lc  l'Orient  Cbrctien.  .  .      60  fr. 


LES  FILS  DE  JiADÂB,  FILS  DE  RÉCHAB,  ET  LES  ILES  FORTiÉES 

(HISTOIRE   DE  ZOZIME) 

TEXTE  SYRIAQUE    DE   JACQUES   D'ÉDESSE 

PUBLIÉ   POUR    LA    PREMIÈRE  FOIS  AVEC    UNE    TRADUCTION   FRANÇAISE 
d'après   les  manuscrits  de  PARIS  ET  DE   LONDRES 

Par  F.  NAU 

Docteur  es  sciences  mathématiques. 
In-8°  de  36  pages.  —  Paris,  LEROUX,  1899. 


BIBLIOTHEQUE  HAGIOGRAPHIQUE  ORIENTALE 

éditée  par  liéon  CL<lJGi\'E:T 

I.  —  VIE  ET  RÉCITS  DE  DANIEL  LE  SCÉTIOTE.  Textes  grec,  sy- 
riaque et  copte,  publiés  par  Léon  CLUGNET.  F.  NAU,'I.  GUIDI.  In-8".    8  fr. 

II.  —  VIE  DE  JEAN  BAR  APHTONIA.  Texte  syriaque,  publié  et  traduit 
par  F.  NAU 3  fr.  50 

III.  —  I.  COMMENT  LE  CORpS  DE  JACQUES  BARADÉE  FUT  EN- 
LEVÉ DU  COUVENT  DE  CASION  PAR  LES  MOINES  DE  PHÉSIL- 
THA,  Texte  syriaque,  publié  par  M.  A.  KUGENER.  —  2.  HISTOIRE 
DE  SAINT  NICOLAS,  SOLDAT  ET  MOINE.  Texte  grec,  publié  par 
LÉON  CLUGNET 3  fr.  50 

IV.  —  VIE  ET  OFFICE  DE  MICHEL  MALÉINOS,  SUIVIS  DU  TRAITÉ 
ASCÉTIQUE  DE  BASILE  LE  MALÉINOTE.  Texte  grec,  publié  par 
Louis  PETIT,  A.    A G  fr.  » 

V.  -  VIE  ET  OFFICE  DE  SAINT  EUTHYME  LE  JEUNE.  Texte  grec, 
publié  par  Louis  PETIT,  A.  A G  fr.     » 

VI.  —  I.  VIE  DE  SAINT  AUXENCE.  Texte  grec,  publié  par  Léon  CLUGNET. 
—  2.  MONT  SAINT- AUXENCE.  Étude  historique  et  topograpbique,  par 
Jules  PARGOIRE,  A.  A 8  fr.     » 

Paris,   PICARD. 


Typographie  Firmin-Didot  et  C-«.  —  Paris 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


1904.    —  N'   3. 


SOMMAIRE 


I.  —  J.-B.  Rebours,  des  Pères  Blancs.  —  Quelques  manuscrits 

de  musique  byzantine .2W 

II.  —  I.  Guidi.  —  Textes  orientaux  inédits  du  martyre  de  .Judas 

Cyriacjue.  évèque  de  .Jérusalem.  —  II.  Texte  copte 31(1 

III.  —  S.  Vailhé  et  S.  Pétridès,  A.  A.  —  Saint  Jean  le  Paléolaurite, 

précédé  d'une  notice  sur  la  vieille  Laure 33:{ 

IV.  —  H.   Lammens,    S.   J.    —    Correspondances  diplomatiques 

entre  les  sultans  mamlouks  d'Eiiypte  et  les  piiissaace.s 
chrétiennes  {(tn) 35*.) 

V.  —  Fr.  Tournebize.  —  Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Ar- 

ménie {suite) '.].)'.'> 

XL        —  Léon  Clugnet.   —  Office  de  sainte  Marine.   —  Texte  sy- 
riaque (sifilc ) .' .  -H)\) 

VII.  —  Mélanges  : 

M. -A.  Kugener.  —  Xote  sur  la  localité  palestinienne  dite 
Maouza  ou  Maôza  de  Tamnia 442 

VIII.  —  Bibliographie ." . . .    44(1 


PARIS 

LIBRAIRIE   A.  PICARD    ET  FILS 

82,    BUE   BONAPARTE,    82 

1904 

Recueil  trimestriel.  —  Prix  de  l'abonnement  :  France  :  Vi  fr.  —  Étranger:  17  fr. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  par  fascicules  formant  chaque  année  un  volume  de  plus 
de  500  pages  in-8°,  avec  des  textes  en  langues  grecque,  slave, 
syriaque,  arabe,  arménienne,  copte,  etc.,  et  des  planches. 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  envoyées 

à  M.  Léon  GLUGNET 

Secrétaire  de  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  à  Fresnes  lez-Rungis  (Seine). 

Il  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient^  dont  un  exem- 
plaire aura  été  adressé  à  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  chez  MM.  A. 
PICARD  ET  Fils,  libraires,  rue  Bonaparte,  82,  à  Paris. 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

A   LA   LIBRAIRIE   A.   PICARD 

RUE  BONAPARTE,  82. 

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(  Etranger 17  fr 

F^rix  de  la  livraison 4  f r 

On  peut  se  procurer  les  volumes  qui  ne  sont  pas  épuisés 
à  raison  de  16  francs  le  volume. 


QUELQUES  MANUSCRITS 

DE    MUSIQUE    BYZANTINE 


(Ms.  332  de  la  Bibl.  du  Saint-Sépulcre  de  Jérusalem.) 

L'étude  de  la  musique  byzantine,  on  le  disait  récemment, 
obtient  enfin  un  juste  retour  de  fortune. 

De  toute  part,  on  se  met  en  devoir  de  rechercher  les  principes 
constitutifs  d'un  art  réel,  mais  malheureusement  tombé  dans  un 
état  non  moins  réel  de  décrépitude!  État  tel,  que  l'on  a  pu 
écrire  :  «  En  présence  des  ruines  antiques,  l'artiste  découvre 
la  magnificence  d'un  ancien  édifice  et  les  merveilles  de  l'art,  là 
où  le  simple  passant  n'aperçoit  que  décombres  et  débris  épars. 
Ainsi,  dans  cet  Orient  qui  conserve  inconscient  les  restes  pré- 
cieux de  plusieurs  civilisations,  si  l'on  sait  écouter,  il  est  im- 
possible de  ne  pas  apercevoir  dans  la  voix  des  peuples  nou- 
veaux quelque  chose  du  pur  accent  des  ancêtres,  et  dans  leurs 
chants,  plus  d'une  réminiscence  des  vieux  airs  dont  s'égayaient 
les  aïeux  (1).  » 

Nous  ne  voulons  pas  discuter  ici  les  causes  qui  ont  pu  ame- 
ner cet  état  de  choses  misérable,  on  l'a  fait  longuement  dans 
divers  articles  ou  brochures,  mais,  après  l'avoir  constaté,  ap- 
porter notre  modeste  pierre  à  l'édifice  que  l'on  s'efforce  de  re- 
lever. 

Les  ouvriers  ne  se  font  pas  illusion;  ils  savent  que  ce  n'est 
pas  l'œuvre  d'un  jour,  et  que  peut-être  ils  n'en  verront  pas  le 
couronnement.  Est-ce  une  raison  pour  ne  pas  continuer?  Non, 
certes  ;  et  c'est  ce  qu'ont  compris  tous  ceux  qui  dans  les  der- 
nières années  ont  travaillé,  de  près  ou  de  loin,  à  la  restauration 
de  l'antique  musique  byzantine. 

(1)  Tiiibaut,  Tribune  de  Saint-Gervais,  oct.  1898. 

ORIENT  CHRÉTIEN.  21 


300  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Dans  son  ensemble,  cette  étude  présente  un  problème  très 
complexe,  peut-être  irréductible;  la  notation  elle-même  offre 
des  difficultés  telles,  que  l'on  est  loin  de  s'entendre  sur  sa  valeur 
séméiographique. 

Rechercher  et  fixer  autant  que  possible  l'ancienne  notation, 
est,  ce  nous  semble,  ce  qu'il  importe  de  faire  d'abord.  Déjà,  les 
travaux  du  R.  P.  Thibaut  nous  ont  fait  faire  un  pas  sérieux 
dans  cette  voie.  Espérons  que  l'éminent  musicologue,  en  con- 
tinuant ses  recherches,  et  en  nous  en  faisant  profiter,  nous 
permettra  de  pénétrer  de  plus  en  plus  les  secrets  d'une  tech- 
nique jusqu'ici  trop  méconnue. 

Pour  arriver  à  quelque  résultat,  nous  devrons  suivre  la  mé- 
thode que  nous  ont  tracée  les  habiles  restaurateurs  du  grégo- 
rien. OEuvre  de  patience,  s'il  en  fut  ;  œuvre  qui  n'est  pas  du  tout 
«  le  résultat  de  tendances  théoriques  arbitraires  ou  personnel- 
les, et  dans  tous  les  cas,  discutable  » ,  mais  bien  œuvre  de  re- 
cherches sérieuses  à  travers  les  manuscrits  différents  d'époques 
et  de  pays.  Le  mauvais  goût  d'une  critique  de  parti  pris,  a  pu 
seul  en  faire  juger  autrement. 

Les  manuscrits  de  chant  byzantin  ne  manquent  pas;  sans 
doute,  nous  ne  pouvons  guère  remonter  au  delà  du  x'  siècle; 
mais  on  le  sait,  à  cette  époque,  on  se  servait  encore  de  la  nota- 
tion dite  damascénienne  ;  et  cette  notation,  très  simple,  sera 
facile  à  lire,  semble-t-il,  quand  on  aura  déchiffré  complètement 
celle  de  Koukouzélès  qui,  somme  toute,  n'a  fait  que  compliquer 
la  première  en  conservant  ce  qu'elle  avait  d'essentiel. 

Toutefois,  il  ne  parait  pas  vraisemblable  que  Koukouzélès  ait 
à  lui  seul  introduit  le  nombre  considérable  de  signes  dont  se 
compose  la  notation  cheironomique  du  xiv'  au  xix°  siècle.  Un 
simple  coupd'œil  sur  les  manuscrits  d'âges  successifs,  fait  voir 
que  bon  nombre  de  ces  signes  ne  sont  introduits  que  peu  à  peu. 
Nous  signalons  simplement  la  chose,  nous  proposant  d'y  re- 
venir plus  tard. 

C'est  donc  à  l'étude  des  manuscrits  qu'il  nous  faut  recourir. 

La  bibliothèque  du  Saint-Sépulcre  à  Jérusalem  en  possède 
une  quarantaine.  Grâce  à  l'extrême  obligeance  du  R.  P.  Cléo- 
phas,  bibliothécaire  de  la  communauté  du  Saint-Sépulcre,  il 
nous  est  loisible  de  les  étudier  et  même  de  les  photographier. 
Qu'il  nous  soit  permis  de  lui  en  témoigner  ici  toute  notre  re- 


1  p// 


302  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

connaissance,  et  de  louer  le  zèle  intelligent  avec  lequel  il  con- 
serve ce  trésor. 

Retrouver  l'ancienne  notation  pourrait  sembler  chose  facile, 
puisqu'il  y  a  à  peine  cent  ans  que  la  dernière  et  malheureuse 
réforme  s'est  accomplie.  Il  faut  distinguer;  dans  l'ancienne 
notation,  il  est  relativement  facile  de  suivre  le  mouvement 
mélodique  d'un  morceau,  mais  de  là  à  pouvoir  interpréter  ce 
même  morceau  jusque  dans  ses  moindres  nuances,  de  là  sur- 
tout à  interpréter  les  neumes  byzantins,  la  distance  est  grande. 

La  difficulté  serait  de  beaucoup  diminuée,  si  les  méthodes  que 
l'on  possède  donnaient  une  définition  claire  des  neumes  ou  des 
signes  multiples  qu'elles  contiennent;  mais  souvent  les  défini- 
tions, noyées  dans  une  foule  d'explications  diffuses  et  confuses, 
loin  d'apporter  la  lumière,  font  naître  l'obscurité  la  plus  com- 
plète. C'est  ce  que  remarquait  avec  un  peu  d'humeur  l'auteur 
du  traité  dont  nous  donnons  le  texte  :  «  ....  y.al  fàp  Ypâçouat  tivsç 
/,paTrjf;.cy.aTa6a^cavâ6a(j[ji.a,  aXXoç  stépav  ffûvGîJtv  (j-r;[xaBia)V,  xÇaxi- 
(7;j,aTa,  xat  (jTpaYYit7[j.aTa,  xai  â'ÀAoç  éxépav  tjûvôeaiv  Ycp9[j.wv,  %ai  sxepoç 
u-Ttov ,  xal  aXXoç  [xapyov  Tpsjj-o'JTixbv,  xai  aTrXwç  èa-uiv  zâvia  -à 
cvoixaTa,  ar^tp  Xéyouaiv  ev  t^  Oéaet  xwv  (7r([ji.aoia)v,  [j.y]  vccîjvtsç  tiwç  e^st 
TO  àXvjôàç,  xa't  [j-svetw  àpy-^  -/j  -jîoXuXoYi'a,  îva  [^/J]  àx'/joi'av  çpépwiJ-sv 
r.poq  Toùç  àp^apbuç  (1)-...  » 

Les  manuscrits  de  la  bibliothèque  du  Saint-Sépulcre  contien- 
nent plusieurs  méthodes.  Jusqu'ici,  nous  en  avons  trouvé  au 
moins  huit;  mais  toutes  ne  sont  qu'un  abrégé  d'une  méthode 
plus  complète  supposée  connue.  Les  Codices  433,  598,  652  du 
fonds  de  Saint-Sabba(on  sait  que  la  bibliothèque  de  Saint-Sabba 
a  été  transportée  à  Jérusalem,  et  réunie  à  celle  du  Saint-Sépul- 
cre), 296,  527,  495  du  fonds  de  Jérusalem,  renferment  de  ces 
abrégés  théoriques,  tous  plus  ou  moins  semblables,  répétant, 
sans  aucune  explication,  une  terminologie  supposée  connue. 
Les  traités  dont  Villoteau  donne  la  traduction  (2),  se  trouvent 
dans  deux  de  ces  codices,  mais  le  célèbre  musicien  n'a  pas 
connu  de  traités  plus  complets. 

Le  ms.  332  (fonds  de  Jérusalem)  qui  doit  nous  occuper  d'abord, 

(1)  Les  commençants. 

(2)  Étal  actuel  de  l'art  musical  en  Egypte. 


QUELQUES   MANUSCRITS    DE    MUSIQUE    BYZANTINE.  303 

et  d'une  façon  toute  spéciale,  renferme  six  traités  assez  déve- 
loppés ;  nous  ne  pensons  pas  cependant  que  ce  soit  là  ce  qu'on 
peut  trouver  de  plus  étendu;  ils  supposent  connues,  eux  aussi, 
certaines  choses  qui  ont  dû  être  écrites. 

Déjà,  en  1901,  le  R.  P.  Thiliaut  publiait  ici  une  des  sept 
méthodes  trouvées  par  lui  dans  le  ms.  811  du  métochion  du 
Saint-Sépulcre  (Phanar).  Le  codex  qui  va  nous  occuper,  con- 
tient identiquement  le  même  traité,  mais  plus  complet. 

La  publication  du  R.  P.  Thibaut  s'arrêtant  à  la  page  13  de 
notre  ms.,  nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  ce  commencement, 
et  nous  nous  contentons  de  donner  la  suite  du  même  traité. 

Un  mot  cependant  sur  le  titre  :  Tcu  haian  Traxpsç  y)[j-wv  'lojâwoj 
To3  Aajxaavtr^volj  èpwTaTïOxptastç  xf^q  TcaTuaSix^ç  -iyyr^q etc. 

Assurément,  saint  Jean  Damascène  n'est  pas  l'auteur  de  ce 
traité,  mais  bien  «  quelque  moine  ou  magister  du  xiv^  ou 
xv^  siècle  (1)  ». 

On  considère  saint  Jean  Damascène,  généralement  du  moins, 
comme  l'auteur  d'une  notation  séméiographique.  Loin  de  nous 
la  pensée  de  le  nier  a  priori;  mais  n'est-il  pas  étrange  que  nulle 
part,  dans  les  œuvres  du  Saint,  on  ne  trouve  une  allusion  qui 
puisse  laisser  soupçonner  son  talent?  —  Et  l'Octoëchos?  dira-t-on. 
Supposons  bien  prouvé  que  le  saint  Sabbaïte  soit  l'auteur  de 
l'Octoëchos;  peut-on  raisonnablement  en  tirer  un  argument  en 
faveur  de  son  talent  de  musicien?  Cette  disposition  de  l'office 
dans  le  cercle  des  huit  tons,  est  très  heureuse,  assurément, 
mais  ne  saurait  prouver  à  elle  seule  que  son  auteur  était  grand 
mélode. 

D'un  autre  côté,  comment  expliquer  ces  titres  de  presque 
toutes  les  méthodes  médiévales  qui  revendiquent  pour  auteur 
saint  Jean  de  Damas? 

Nous  l'avons  dit,  rien  de  positif  ne  peut  nous  éclairer,  mais 
devant  cette  tradition  il  est  permis  de  penser  que  saint  Jean 
Damascène,  désireux  de  donner  une  plus  large  place  au  chant 
dans  l'office  divin,  a  été,  sinon  l'auteur,  du  moins  l'instigateur 
d'un  traité  qui  devait  servir  de  type  à  ceux  des  âges  suivants. 
C'est  ce  que  semble  établir  l'auteur  de  la  méthode  dont  le  texte 

(1)  Thibaut,  Échos  d'Orient,  1904. 


304  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

suivra,  quand  il  dit  :  «  èy.âOia-av  ot  oc-fioi  '6  te  'Io)avvï;ç  ô  oa[j,aa)CY)- 
vbç,  xai  Tupb  TOUTOU  è  )(pua6aTOjj-oç  'IcoavvTjÇ,  xai  ô  ayioç  Kc(T[j-aç  b 
TCOtrjTYjç,  y.ai  èTrotYjuav  tovouç  xal  a-/;[;.xota  7;poç  àvafxv^tjiv  xat  âôçav 
620 j )) 

A  son  tour,  Villoteau  (1),  après  avoir  décrit  un  ms.  par  lui 
apporté  d'Egypte,  et  qui  est  probablement  du  xvii^  siècle  (1614), 
écrit  en  note  :  «  Depuis  que  nous  avons  écrit  ceci,  nous  avons 
encore  trouvé  en  feuilletant  le  même  livre,  en  haut  d'une  page 
et  dans  la  marge,  cette  date  :  ETO!i]  QKE  ;  ce  qui  ferait  :  an 
825;  si  c'était  là  la  date  de  ce  livre,  il  remonterait  à  peu  près 
au  temps  même  de  saint  Jean  Damascène,  qui  est  l'inventeur 
de  la  musique  grecque  moderne  ;  et  cela  ajouterait  sans  doute 
beaucoup  au  mérite  de  ce  manuscrit.  » 

Il  semble  que  par  l'écriture,  Villoteau  eût  dû  se  rendre  compte 
de  l'époque  approximative  du  ms.  ;  quoi  qu'il  en  soit,  sans  ad- 
mettre que  le  traité  remonte  à  cette  époque  (825),  on  peut  ce- 
pendant expliquer  cette  date  d'une  façon  assez  simple,  donnée 
par  tous  les  manuels  de  paléographie.  Il  est  arrivé  que  des 
moines,  transcrivant  un  manuscrit,  ont  également  transcrit 
sans  la  modifier,  la  date  de  l'original,  ,d'où  suscription  er- 
ronée. Le  fait  a  pu  se  produire  pour  le  traité  de  Villoteau,  ce 
serait  toujours  autant  d'acquis  en  faveur  de  l'opinion  qui  donne 
saint  Jean  Damascène  comme  l'auteur  d'un  traité  (2). 

Toutefois,  si  la  question  est  intéressante,  elle  est  loin  d'être 
tranchée. 

Suite  du  premier  traité  (3)  (Ms.  332  du  Saint-Sépulcre). 

iLTepat   ^£ipovo|X'.ai    ôtacpopot    sv    tyi    j^sipovow.ia,    /.ai     eiç     auxwv 


(1)  De  l'art  musical  en  Égyple,  p.  180. 

(2)  Il  est  arrive  que  les  auteurs  ont  daté  leurs  mss.  non  pas  de  l'ère  chrétienne, 
mais  de  l'ère  de  Constantinople  680.  Voire  même  de  l'hégire  622.  Dans  la  pre- 
mière hypothèse,  le  ms.  serait  du  xvi'  siècle  (1505);  dans  la  seconde,  il  serait 
du  xv«  (1447). 

(3)  Nous  l'avons  dit  plus  haut,  le  commencement  de  ce  traité  a  été  publié  dans 
YOrient  chrétien  en  1901  par  le  R.  P.  Thibaut. 

Voici  la  description  que  fait  de  ce  ms.  le  catalogue  de  la  bibliothèque  du 
Saint-Sépulcre:  TsO/o;  japzSxi'j  (0,182  X  0,125)  ex  çûXXwv  123,  -ypayàv  [xsnoOerrii;  t^; 


QUELQ'UES   MANUSCRITS    DE   MUSIQUE    BYZANTINE.  305 

Tx  ovdaarx   xal   sv   r/i  5^etpovo[A(z  j^aXlov   Sï    y.xl  ttoo;   (5v   e[/,a6ov, 

Tt  6£[7-év(t)V  TÔiv  yctpovo[7-iàiv  /.al  TÛv  ôvo;j.aTCL)v  aÙTÔiv,  w;  [7//1 
vooOvTEç  xaXwç,  x.xl  yàp  i— tGTa.j/.ai  leyeiv  ôît-cO  aÙTor  olVk  oO 
yo-/]  ouTw,  ^lÔT'.  TzoXkxi  dai  (ïY)|xaSuov  Oeaeiç,  àXX'  où  8ii  /cxl 
ôvoaocTa    T^sysiv,    Sioxi    où   "Xî'youG!.    i^àvTe;    stuigtiç. 

Ylùc,  8i',  Si6ti  y.od  tÔ  tyjç  TraTia^i/cy^ç  (3iê"X{ov  où  awi^éxai  on 
i/.diri  {jTzo  aGeêo'jç  PaciT^stoç  Trpô  toO  nTO>.£^aa.(ou  toj  [iaçiXéto;  (1), 
•/.al  vî  aouci/.'/i ,  /.al  à"XXa  TTZfXiro'XXa  Ta  )tp£(TT0va  (âi^Ka,  ^là 
toOto  sarepriOviGav  àiravTeç  tô  tyîç  Tûa-rraSi/.-^ç  ^lêX-'ov  tyïç  [xou- 
(H'ATiÇ  'kéyoi,  /.al  fy/o  ouva[/.sv(ov  tûv  àvOpwxwv  eTe'pojç  tcwç  Ù|/.v£vv 
Tov  0SOV,  OTi  £^£x.Xivav  7ïcptccroT£pwç  £ir  TÙaTuava  xal  aùXoù;  xal 
xi6apa;  /.al  à7:>.<ii;  à-av  sîç  aTiavra  xà  -aiyv{^ia,  /.al  £V  xaî; 
sx.xXw-aiç  OÙ/.  £i(7"/i'yovTo-  £/.aOt<7av  oî  ayioi  0  ts  'loiâw/iç  ô  ^aj^aT/z/ivô?, 
/.al  Twoo  toÙtou  b  ypjTOdTOf/.o?  'Iwàvvviç,  /.al  ô  ayioç  KoTfxâç  ô 
TCOiyiTïiç,  /.al  £7voc'/iGav  tovou;  /.al  Griy.aoïa,  —poç  àva[;-vriCriv  /.al 
^o^av  0£ou  /.al  v/.ySk'/]GioiC[Jsj\J,  /.al  toù  (pO£yyo[/.£vo'j  [xsXouç  riyouv 
ToO  opyavou,  xptirXoxov  y.aTac/.Euy'cavTSç  TrpoGcobîav.  UpcoTOV  j^iv, 
T'/iv  TO'j  voo'j  (/.ï'Xoupyiav.  AeÙTspov  ^è  t-/iv  tou  tovo'j  <7Vi[/.eiw(Jiv  yvwpi- 
(^6p.£Voi  Toî?  p.aGïiTEUojx'ÉvoK;,  xà/.£(vot;  àxoT^ouOsiv  /.al  o6£yy£'76ai. 
TpÎTOv  ^£  T7]v  ^£ipovo[7-iav  TcpocéOevTO  /.a'X'Xi£py£Îv,  Ta  Tpia  [/.sv 
oùv  TCpwTov  b  voijç  ysvva,  0wpa^  £/.t7£[/.7T£'.,  yslp  os  (jyi[X£ioîiTai  /.al 
à/.o'XouOsl'  £ypz;(p"/icav  os  /.a-  7;ap'  TiU-civ  /.al  xap'  a'Xltov  aÙTal  aï 
6£<7Siç,  cbç  l'va  Xa^z-êavcoTi  [j/./.pov  t-zjv  TCpoyùp^acnv  ot  àp/apioi, 
i'TïsiTa  /.aTa'Xsywci.  oè  xal  ^|/aXlw(7!.v,  eItx  Pab^WTt  /.al  ttsûI  t"^ç 
Tipo'^w,  /.al  yàp  ypaoouT'!  tivs^  /.3aTyî[7-o/.aTaêa'Coavz§a<yp.a,  aXXo; 
cùvÔe^'-v  ariiJ.oiSibiv ,  T'Ca)tii7[J!.aTa,  /.al  aTpayyÎG;j,aTa,  /.al  à"X>.o;  éTs'pav 

CT<JV6£GIV     y0û6[;.0iV,    /.al    £T£pOÇ     OTïTtOV,    /.xl    aD^OÇ    JJLapyOV    Tp£[7.0UTlXÔV, 

xal    â77X£)ç    scTtv   TûzvTx    Ta    ovojj.xTa,    àîcsp    ^s'you-riv    sv    Tfi    OsGst 

IZ'  éxaT.  Ka8'  éxiaTrjV  <T£).iôa   18   crTi'xot  (0,125   X  0,08),  àv^xs  ôà  uiXai  AavÎTiX  Ypa(i- 

(laTlXâi. 

(1)  Le  Ptolémée  dont  parie  ici  l'auteur  du  traité  ne  peut  être  que  Ptolémée 
Auletes  qui  vivait  au  1''  siècle  av.  J.-C.  Nous  ne  pensons  pas  qu'à  cette  époque, 
\&%  papadiques  existassent  déjà!  mais  c'est  une  manie  chère  à  tous  les  hommes, 
que  de  vouloir,  selon  la  remarque  de  Villoteau,  chercher  une  origine  ancienne 
à  tout  ce  qui  leur  appartient,  croyant  par  là  en  rehausser  le  mérite. 


306  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Tùv  (77i[xa^uov,  [J.ri  vooGvxeç  ttwç  ïyzi  to  àV/iOèi;,  /.al  {/.evsTW  àpyjj 
71  'Kokukoyia,  l'vx  p-vj  à/.'/i^txv  «pe'pcofxev  Trpoç  toÙç  àpj(^apiouç,  ri^uva|A?iv 
ypa^J/ai  Tvls-'ovaç  cryijxocotcov  (juv6s(7ei<; ,  -nroi  yj.i^ovo}xloLç,  àXkk  ^tà  ttiv 
Twv  àpyapiwv  àyavo^x,Tvi(7i.v,  xa.1  tûv  tvo'X'Xùv  G7)[/,arîuov  tov  vtopov, 
£ypai]/a  tvjv   p^Dcpàv    TauTviv  TCpoyu'j.vaciv. 

'EpcoT.    IloOsv  7Î  yéveciç  twv   tovcov   xai  tûv   c-/i[xaS''cov  ; 

'A7roV.p.  ÂttÔ  ttî;  ypoc(/[j-aTtXYiç*  tô  X  xo-t6[j,£vov,  xoieî  c/^eïav  -/.al 
[Bapeïav  to  a  ttoie?  tyiv  IV/iv  t6  0  x.otuto [7-£vov ,  oXiyov,  xxl  £"Xa(ppov, 
/cXàajJ-a,    xai   Ta   aT^'Xa    6[;.oito<;  (1). 

Suit  un  exercice  de  quatre  lignes  ayant  pour  titre  : 
Tovoi   [Jt,£Tà    ^Ckouç. 

OuToi  £t(7tv  oî  TOVOI*  'XÉyovxai  ^£  xal  [jiV/i  Tpîa  (j-/i{/,3c^ia,  cwpiaTa, 
ny/i^xccxa,   xal   oijvaL/-£iç,   Tiyouv   Ta    £[X(pcova  crvî[/,àoia. 

'EpojT.  Dû;  lÉyovTai  tovoi  xal  [X£)iY];  x.al  ttwç  lÉyovTai  (jwjj.otTa, 
aj^ri^.y.Taj  xal  ^uva[7-£tç;  ti  r^tacpopàv  £j<£t  £V  sjiaGTOV  twv  (jvi[/.aoi(ov' 
XXI  Tvwç  é p [/.•/] V£uovTa i  ;  ti  'XÉyETai  Igov  oi'  yjv  aiTtav,  -/.où.  oià  ti  t6 
Icov  £y£V£To;  /.al  ti  ètti  to  oXiyov,  xal  Ta  é^'ôç  cvi[AaW; 

'Axo'xp.  To'voi  [X£v  "kiyovTOLiy  dix  to  av£u  twv  toioutwv  àcpwvwv 
Tovwv  ^é\'/]  où  ^|;aX'X£(70at,*  ^j.iX-ri  ^è,  ôti  £^  aÙTÛv  tùv  tovwv  tx 
[a-/i'ayi  è^EoyovTai'  cr7i[j-aot,a  ^è  ÔTt  c7i[Jt.£Uocrai  Ta  c7i|j,ao[a  TauTa 
xal  Taç  «pœvàç,  xal  Ta  [Jt.£);7i  àTûOTE^^Eiç,  C7i[/,à§ta  ^ï  outw  >,£yovTai, 
OTav  (j^xXlovTat,  xoivti  yàp  Xe^eiç  èciTi  to  "kéyen^xi  Gr,[i.a5ia,  [xàXT^ov 
Se  Gri[JL£Î'a  TauTX  ^tl  \iytiv'  (7(6[7,aTa  Se  lÉyovTxt,  ^lo'xt  av£u  Tôiv 
TotouTWV  £[x(p(ôvcfjv  /.al  Gtù[/,aTcov,  Ta  àçpcova  at.o^y.TOi.  où  /.ivoOvTai, 
O'JTS  Ta  £[/,cptova  GÔjxaTa  £X-tÔç  tùv  à(pwvtov  acojy-aTtov  cr^*4[/.aTa  ^è 
Tx  Tp(a  TaijTa  );£yovTai  to  tteIoccîtov,  tô  xou(pi.<7[/,a,  xal  tô  /.paTTr,[7-o- 
/.XTxé'ac[/.x,  oio'ti  r!yr,[j.xT(^siç,  ysipovofjiiav,  oïav  tcov  cuvÔetcjv  tovcov, 

TO'JT'    £(JTl    (J^Vl[XaT(6T£pOV      TÙJV      xlXcOV      £[X(pwV(OV     (J-/l»7,£{a)V.     Auvà|J.£i(; 

(1)  Ce  qui  vient  d'être  expliqué  dans  la  réponse,  pourrait  .sembler  œuvre  de 
pure  imagination  ;  nous  pensons  cependant  qu'il  y  a  dans  cette  réponse  un  fon 
dément  réel.  On  sait  en  effet  que  les  anciens  Grecs  employaient  pour  représen 
ter  les  sons  dans  chacun  de  leurs  modes,  un  nombre  considérable  de  signes. 
Selon  Alypius,  le  nombre  de  ces  signes,  représentés  par  les  lettres  de  l'alphabet, 
prises  dans  diverses  positions,  s'élevait  à  plus  de  seize  cents  (Daniel.  Mus.  ar.), 
C'est  Boèce  qui,  au  commencement  du  vi'=  siècle,  réduisit  ces  lettres  à  quinze. 
Et  si  l'on  jette  un  regard  sur  l'écriture  tacliygraphique,  on  y  retrouvera  bon 
nombre  de  signes  actuellement  encore  employés  en  psaltique. 


QUELQUES   MANUSCRITS    DE   MUSIQUE    BYZANTINE.  307 

bï  OTi  àv£D  TÛv  TOiotjTcov  ouvx[xewv,  xi  oovyj^j.iiç  ToO  fJLÉXo'jç  oOx- 
s/,TC'X7ipoOvTa'.,  s'fxeT^Xov  aTvo.VTy.ç  s^r/y/fasiç  £^  ^-Ç'/'M  '^^^  '7-/i[J!.a^ia)v 
ô'Xwv,  oià  0£  Toij  xxipo'j  T-/1V  oy'k-fiGiv,  y.yj.  to  [r/i  'fiauyicc'^  ^'/^'■'^ 
xaT£Xei(|/oc  Taç    £^-/iy7i'(7£i;    àiTxGy.ç,    -/.al   [j(.'/i    y.£;-'-Cp"/l    vîp.îv. 

'EpwT.  Rai  ^là.  xi   cyi[/.r.^ia; 

Airoxp.  A'.à  TO  (îr,{A£iou(y9y,i  £V  toTç  yapTiot;,  /.al  ôvo{/.x(^£(79ai 
[y,£Tà  tôv  £';Tavo|Jt,a(^ojj.£vov  àpiB[y.ov  —  O'jtoi  £i(Tiv  ol  a<pwvoi  tovoi, 
^.Eyovrat  oè  jcal  c>-/i[7-£Ta.,  <7ri[j.xr)t,a,  Tcôj/.ara,  x,al    ouva[i.£tç,   xal    oôToi 

£Î(71V   0'.    GUvÔfiTOl  TOVOl,  >.£YOVTai    Ss  /.xl  CTUvSECjV.Ot.,   T'JvOsTOl,   C'Jy.7wlO'/-0'., 

(yj^n^MTXy  <7W[J!.aTa,  cuvxyfAaTa,  y.al  ^ijva(Jt,£iç,  Yi'youv  Ta  acpwva  Gvip.eta, 
àX>>à  -/.al   (7yi[xà^ta. 

Suit  le  tableau. 

'Ex.  Twv  ToiouTwv  oùv  (r/i(xaotwv  àcpwvwv  8ï  -/.al  £[i.(p(i>V(i)V,  eIcI 
/'.paT-/i[AaTa,  Tpia,  oviXovoTt  to  [xÉya  ■/.paTVijj.x  £^£1  Tr,v  TrpwTViv  àpyriV, 

Xal    •/]    ^ItcX'?!    TVIV   0£UT£pav,    01     §£   ^UO    aTTo'cTpOCpOt.   T-/1V   TpiTTlV*    TVpWT'/lV 

yàp  àpy£iav  ty^ouai  xai  aÙTol,  alla  /.al  £v  Taf;  xaTa^^aivouTai;  (pwvaf; 
xal  [j-ovov,  oioTt  wTTCEp  TiôfiVTai  -iî  oiTrXïi  -/.al  to  [J-éycx.  /.pav/iy-a 
£v  Taïç  y,a.Tx^ XIV o'jGxiq  (pwvaT;  £Ï;  izhny.  to'tcov  y.al  tovov  o)GTr£p 
Ti6£VTat.  £v  Taîç  àvioijGatç  (pwvalç,  où/,  av  £t{0£vto  /.al  ol  (^uo  àxô- 
cTpo(po!.  £v  Taïç  /.aTaé'aivouaaii;  (pwvaTç  £V£/.a  t"^;  àpy£taç*  £Î  8ï 
/.al  cpcovàç  2iy^£V  -/î  TOiauTv:  ik^ye.ix  TjTOi  ô  à7UOc>Tpoipo;  ço)v/iv  [/.Ixv 
xai   01  ouo  TTiV  [j.tav. 

nv£U{j!.aTa  ^£   eict  f^£'jT£pa. 

'EpcoT.    T;    £(7Ti.  Tt:v£'ji[;.a  ; 

'Â-TTOxp.  rivEijjxa  [/,£v  £rp-/iTai  ôiÇ  àv  Tïàv  veO'j.x  o^ecoç  ttxvtI 
V£'jov  /.al  /,ivou[/.cvov  £ip'/iTai  oè  tô  7rv£'j(/,a  £v  T'io  ypst^'fi  TETpa^w;* 
7rv£'j[J!.a  TO  àyiov,  T:v£ij[ji,a  6  àyy£>.oç,  TCVEÛjAa  6  av£[/.o;,  /.al  ô  t-^ç 
àyy£>vU"^;  àTïOTrsTwv  Tâ^£Co^  S  ta  t-/iv  £xap(7iv  oiaêoXo;'  dm  o'  ot£ 
y.al  d  vouç  TTVEufAa  £Ïp7iTat,  /.al  uav  to  {/.ri  6£opou[i.£Vov,  7rv£U|za 
£(7Tr  TaijTa  Tcpo£ypa(pvi.  Etal  ^s  /.al  xî(j6-/î«7£t.ç  TC£vt£,  olov  ïyoMai 
/.al    aî'j6'/i'(7£!,ç,   /.al    £/.    tùv    x.paTvi|y.aTO!)v    (i,£pw/iv    T'.va    àpy£iav   £tç 

TÔTVOUÇ,     /.aOûç     C[)£p£t    TO     p.£Xoç'     /-xl     TO     [7-£V     T'!^Z/.t.<î[/,X     Xxl    TO    /.OU- 

(piGp.a    £j^ou(jI    to'tïouç'    to    /.O'j'^wjXa   oè   coTiTEp   tI   /.oOcpov(l)   /.al    ev 

(1)  Le  Koûçi(T[j.a  doit  donc  être  compté  parmi  les  signes  de  Chiroiioniie,  car  il 
a,  de  t'ait,  une  cliironomie  propre.  Toutefois,  il  a  en  premier  lieu  une  valeur 


308  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

TV)     y£ipOVOU!,l5C     'ACÙ     slç    TO     [XsXoç*     TO    ^S    T^y.y.Hjy.'X    AOLTX    TVJV    8X(0Vll- 

(xiav  aÙToG  T^az-t'Csi  [J!.ix,pov  toù;  oaîCTuXouç  tyiç  X^'P^??  *'"''^°'  x^^àrai, 
/CTUTCslxat  ôXîyov,  àpysîTat,  (xtxpov,  6  ta  toOto  yoDv  IsysTai  T^à-/,iG[/.a* 
Y)  §£  7ra.pocx,A'/;Ti/<.-/i,  xa.1  aÙTT)  upôç  T'/iv  x.'XTiGtv  aÙT7}ç,  x,)^a'j0|7.6ç 
IcTi  x.at  ô§upt7.ôç  ToG  [7,£>>0'jç  aùr^ç,  >(.auO[/.'^pc^£i,  TCxpa/."XviT£U£i, 
7rapax.aX£Î  ^a-/.puppoou'7!X,  x.at  xAaiEi  toÙç  loyouç  aùr^ç,  ^là  to'jto 
youv  'X£y£Tat  TrapaxAviTix'/i  '  7Î  ^à  «pGopà,  /.al  aùry;  Tupoç  tyiv  xV?jG-tv 
a'JT'ôç  /.aÔûç  ÔTav  ti;  ^j;à'XV/rl,  xal  ^£y'{]  (xlT^o;,  otov  apa  sttI  fiou- 
T^YlÔfilç   àva'XXayPjv    toO   [j.£"Xo'j;  TTOivi'Tar   fl(vappo£î    ^'^wvà;  Tpei;   rj   x,ai 

7V);£0V,     •/]     [XiaV,     'AOcHoiÇ     (p£p£l     TO     àp^O[JL£VOV    |a.£XoÇ,     (pO£tp£Tai     yàp     TO 

àpy6w.£Vov  p,£Xoç,  x,al  ^tà  toûto  çOopà  XÉyETai'  «7r,[j-£ioÙTai  ^à  xal 
aTuo  G^-iOp'-aToç  aÙTr,?  wç  î,'va  yivcicr/iTat,  to  (p9£ipo[/.£vov  ^AXoç' 
tbcra'JTCoç  /.al  to  H}J.ol,  ÔTav  T',ç  [X£X-/i  X2ipovo(;/^(7ai  {xiav  £tç  y£i- 
povo[j.tav  ££?  TO  X^'pt,  "/IToi  TO  Ôsjv.a  tô  ocTrVjijv,  t6t£  ypacp£iç  TO 
ayri^x  toO  8£[/.aT0?,  /.ai  '77i[X£iO'JG-at.  aÙTo,  w;  ïvx  Tr;V  y£îpa  to'j 
^£ipovo[7-yiCTYiç  àTrV^v,  ottco;  xItipcoO-?]  7Î  aiTOviçK;  tou  ôc'jxaTo;,  /.al 
^là  TO'JTO  >.£y£Ta'.  Ô£[xa,  t^toi  /.al  •/)  OsGi;  ài^VT;  tojt'  etti  ^£tpovo- 
p-i'a    aT^Vo*   eÎTa   apyovTai   aï   (pwvxi. 

Suit  l'exercice. 

'EpwT.   Rai  Tzônixi  çcova-!; 

'A7v6/.p.    'EiTTût. 

'EpwT.   Kal   5taTÎ  £i'7!.v   sTTTz  cpwva;  *, 

'ÂTTOxp.  KaTa  ^Âi^j/riO'.v  twv  STîTa  à-TT^pcov  tcov  TrXav/iToiv  toO 
oùpavoij,  x,al  twv  Étttz  aîwvojv,  /.al  ttôcv  to  £êooij.ov  apiTTov  (j-sTa 
TTji;  ïaviç  §£  £t<jiv  ô/.Tw,  -/lyouv  tô  Itov,  xal  uw;;  à'/coucov  apj(_£<7ai 
£i;  TÔ  (XEl-^Taî  Tt,  /.al  T-/)Vi/.a'jTa  vî  Tïpofpopà  tvi'ç  cpcov^'ç  è^Tiv 
Itov,  x.al  î^où  ^X^tç  [xîav  [xsTà  os  TauTa  £)t<pojv£Î'ç  y.xl  £T£paç 
£77Tà,  xal  eî'rlv  6/,tù(1). 

tonique;  il  se  trouve  rangé  parmi  les  six  corps  ascendants  et  indique  que  la  voix 
s'élève  d'un  degré.  Il  ne  rentre  dans  la  chironomie,  semble-t-il,  que  lorsqu'il  est 
joint  à  "idov  ou  à  un  signe  descendant,  dans  lequel  cas  il  perd  sa  valeur  to- 
nique. 

(1)  L'auteur  ne  nous  indique  pas  quelles  sont  ces  sept  voix;  mais  il  faut  en- 
tendre ici  par  cowvai,  ce  qu'ailleurs  il  désigne  par  (rrifià^ia  £(j,^a)va.  Toutefois  il 
faut  noter  qu'à  la  question  irôaa  ariiiàoia  êii'fwvâ  eluiv,  il  répond  :  èwÉa,  et  il  les 
énuniîre  ainsi  :  -fj  ïa/]  (le  neutre  Itov  est  plus  employé), t6  ôXi'yov,  v)  ô^sta,  ■}]  nzxaa-cri, 
6  aitôarpopo;,  xà  xivrvi^ja,  Y)  -j-ff]!-!],  to  èXappôv  xaî  y)  yapiriXi^.  Quant  à  ces  comparai- 


QUELQUES   MANUSCRITS    DE   MUSIQUE   BYZANTINE.  309 

'EpwT.    T-'   iijTi  ^wvo,    /.îil  Ti   £TU[7/Aoy£iT5Ci  (1)  ; 

Tivoç  àpaovtxç  £^a.YOfA£Vou ,  )cal  àpTr,ptaç  irpocSfioi/.Évou ,  (pcovvi  ^è 
£Tuao'XoY£ÎTai  oià  to  (pàiç  eivat  vooç*  z  yàp  6  voù^  y£vv/;(7£i,  TxoTa. 
£!;  cpô;  l^ayEt.-  £(7X1  o£  ri  (ptov^  7rv£U{i.x'  TCV£Ufi.x  /.y.l  VI  £p!.a£>.oç  (pwvr,, 
77V£0[i,x  -/.ocl   -ri  £y.TÔç  [xÉXouax   <p(ov^'. 

Suit   un   exercice  sur  les  voix   ascendantes  et   descen- 
dantes. 

Atatp£<7iç  Tr]ç  [/.ouTi/.ric. 

'H     [J.O'J(7l>C7)      6l0tip£ÏTa,t     Ziq     Tpl'x"       S<7Tt      ()£      «.Ùty;;     £V     [^£V      (XÙtO'J 

TO'j     (7Top-a.TOÇ    é'pyov,     â'xEpov    ôe    /£ipcov    y.a.i     (7to[/.xto;,    a>.'Xo    Sa 

[AÔvOV  ycipCOV.  ÂÙTOÛ  [/.£V  OÙV  TOij  (TTOpLO-TO;  â'pyOV  £(7TtV,  ai  T£  (obai, 
y,y.\    OÎ     T£p£Tl'7[i,ol,     X.7.1     TX     TOtXÛTX.     ïciiv     ^£     y£tpwV     X.XÎ     ToO     i7t6- 

[7.XT0Ç,    VI     o£    yocoV/-|TU"/i    xxl   "ô    xÙÀriTtx.*/)    y,xl   tx    ôy,ot.a.    Tojv    oè 

/EipwV     'h     XlOxpiTTl/.-/),     Xxl     TiX     TOIxOtX     TViÇ     [^.O'JÇl /,'?;;     5'-fy-j     "'5     (/.£'v 

icTi    mx    CTOjxxTOç,    TO    o£    oià    X^sipcov    {/.OVOV. 

(i4  suivre.) 

Jérusalem.  J.-B.    RebOURS, 

des  Pères  Blancs. 

sons  avec  la  nature,  on  sait  combien  elles  sont  chères  aux  Orientaux,  aux 
Arabes  surtout,  qui  l'ont  correspondre  chacun  de  leurs  douze  modes  à  un  signe 
du  zodiaque,  à  un  tempérament,  et  à  un  des  quatre  éléments! 

(1)  Cette  question  se  trouve  reproduite  identiquement  dans  la  première  partie 
du  traité.  Répétition  par  conséquent.  Ce  n'est  d'ailleurs  pas  la  seule.  Les  ré- 
ponses varient,  il  est  vrai,  au  moins  sous  le  rapport  de  la  longueur;  d'un 
autre  côté,  nous  savons  que  le  souci  de  l'ordre  n'est  pas  très  prononcé  chez  les 
Hellènes;  toutefois,  ne  les  chargeons  pas  trop. 

Ne  vaut-il  pas  mieux  voir  ici  deux  traités  différents  réunis  en  un  seul  par 
un  auteur  qui  a  constaté,  avec  raison  d'ailleurs,  que  l'un  compléterait  l'autre? 
Ce  qui  nous  porte  à  le  croire,  outre  les  répétitions,  c'est  que  le  R.  P.Thibaut, 
qui  en  1901  publiait  la  première  partie  de  notre  traité  '^donc  premier  traité),  ne 
parle  pas  de  la  seconde,  qui,  croyons-nous,  ne  se  trouve  pas  dansleMs.  811  de 
Constantinople. 

Or,  cette  seconde  partie  est  assez  importante,  et  le  R.  P.  Thibaut,  trop 
bon  musicologue  pour  l'avoir  négligée  s'il  l'eût  connue.  De  son  côté,  Villoteau 
{Èlat  actuel  de  l'art,  mus.  en  Egypte),  qui  cite  presque  intégralement  notre 
seconde  partie,  la  donne  comme  r«/i  des  traités  apportés  par  lui  d'Egypte.  Or, 
ici  encore,  nous  disons  que  la  première  partie  est  trop  importante,  pour  que 
Villoteau  l'ait  omise,  s'il  l'eût  connue.  Conclusion,  nous  sommes  en  présence  de 
deux  traités  réunis,  assez  maladroitement,  il  faut  le  reconnaître,  par  un  musicien 
du  xvH"  siècle. 


TEXTES  ORIENTAUX  INEDITS 


DU    MARTYRE   DE 


JUDAS  CYRIAQUE 

ÉVÊQUE  DE  JÉRUSALEM 

(Suite)  (1) 


II 

TEXTE  COPTE 


AVANT-PROPOS 

Le  texte  qui  suit  est  tiré  du  manuscrit  Vatic.  copte  n''  68;  cf. 
Mai,  Script,  veter.  Nova  Coll.,  VL  II  est  inédit,  à  l'excep- 
tion d'un  court  fragment  publié  par  Zoega  dans  son  Catal. 
cod.  coptic,  p.  114,  d'après  une  copie  de  Tuki,  conservée 
également  à  la  Vaticane,  et  non  d'après  l'original.  On  sait  que 
la  précieuse  collection  de  Mss.  Boheïriques  de  la  Bibliothèque 
Vaticane  était  à  Paris,  lorsque  le  savant  Danois  publia  son 
catalogue. 

Je  dois  à  l'obligeance  de  mon  ami,  M.  Crum,  la  connaissance 
et  la  copie  d'un  feuillet  en  mauvais  état,  qui  est  au  British  Mu- 
séum {Add.  14710,  A,  f.  16)  et  qui  contient  la  fin  de  notre 
texte.  Ce  feuillet  ne  porte  pas  de  date,  mais  il  paraît  être  du 
même  âge  à  peu  près  que  le  ms.  du  Vatican.  J'en  ai  donné  les 
variantes  qui  sont  assez  nombreuses,  quoique  peu  importantes, 
en  le  désignant  par  la  lettre  L. 

L  G. 

(1)  Voy.  p.  79. 


TRADUCTION 


MARTYRE  DE  SAINT  CYRIAQUE  ARCHEVEQUE  DE  JERUSALEM,  QUI  TROUVA 
LA  SAINTE  CROIX  DE  NOTRE-SEIGNEUR  JÉSUS-CHRIST,  ET  d'aNNE  SA 
MÈRE,  DANS  LA  PAIX  DE  DIEU,  AMEN. 

Il  arriva  que  Constantin  le  juste,  devenu  empereur,  embrassa 
la  foi  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  aimant  le  Christ  de  telle 
manière,  non  comme  s  il  était  un  laïque,  mais  comme  un  évêque 
choisi,  orthodoxe,  en  glorifiant  le  Dieu  du  ciel  par  un  saint  ser- 
vice, nuit  et  jour.  En  scrutant  les  Saintes  Écritures  inspirées 
par  Dieu,  avec  une  âme  ardente,  il  s'adonna  au  service  du 
Christ,  de  toute  sa  force,  comme  le  prophète  David.  Et  sa  bien- 
heureuse mère  qui  servait  Dieu  généreusement  de  tout  son 
cœur,  et  était  parfaite  dans  toutes  les  vertus  du  Saint-Esprit, 
désira  ajouter  à  toutes  ses  belles  œuvres  encore  celle-ci,  à  sa- 
voir, de  rechercher  le  bois  de  la  Croix  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ.  Dans  la  ferveur  de  l'esprit  elle  alla  à  Jérusalem  pour 
accomplir  son  désir.  Un  nommé  Judas  qui  était  juif,  de  la  des- 
cendance d'Etienne  protodiacre  et  protomartyr,  le  lui  fit  con- 
naître (le  bois  de  la  croix),  ainsi  que  les  clous  qui  furent  enfon- 
cés dans  les  mains  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  sur  la  croix. 
Judas,  lui  aussi,  crut  dans  le  Christ,  et  fut  illustre  et  vaillant 
dans  plusieurs  sièges  épiscopaux,  tellement  qu'il  fut  digne 
d'être  le  souverain  prêtre  du  Christ,  archevêque,  à  Jérusalem 
par  l'élection  du  Dieu  Créateur  et  on  l'appela  du  nom  de  Cy- 
riaque. 

Lorsque  Hélène,  pleine  d'amour  pour  Dieu,  eut  accompli 
nombre  d'autres  belles  œuvres,  elle  mourut  en  paix.  L'empereur 
Constantin  à  cause  de  son  amour  grand  et  parfait  envers  Jésus- 
Christ  eut  un  grand  succès  dans  le  gouvernement  de  l'empire, 


312  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

entouré  qu'il  était  d'une  paix  générale,  et  mourut,  ayant  en- 
gendré deux  fils  :  Constance  et  Constant.  L'aîné  Constance  lui 
succéda,  mais  son  cœur  n'était  pas  parfait,  comme  son  père. 
Mais  Dieu  le  renversa  bientôt,  en  portant  à  sa  place  son  frère 
Constant,  qui  aimait  grandement  le  Christ;  on  eût  presque  dit 
que  Constantin  lui-même  n'était  pas  mort.  La  paix  de  Dieu 
régnait  dans  toutes  les  églises,  la  croyance  des  idolâtres  ayant 
totalement  disparu. 

Il  était  un  fils  de  la  sœur  du  grand  Constantin,  appelé  Julien, 
impie  dans  ses  opinions  et  qui  aimait  l'idolâtrie.  Le  roi  Cons- 
tant le  voyant  impie  à  ce  point,  le  donna  à  l'Église  et  on  en  fit 
un  diacre,  dans  l'espoir  qu'il  changerait  ses  mauvaises  opinions. 
A  la  mort  de  Constant  cet  impie  Julien  s'empara  par  la  force  du 
règne,  et  immédiatement  il  embrassa  le  paganisme,  voulant 
ouvrir  encore  une  fois  les  portes  des  temples  et  soulever  de 
grandes  souffrances  contre  les  chrétiens.  Il  disait  dans  son  im- 
piété :  «  Je  ne  susciterai  pas  de  tourments  {je  ne  ferai  subir 
des  t.)  contre  les  chrétiens,  de  peur  qu'ils  ne  se  vantent  d'être 
des  martyrs,  mais  je  les  affligerai  dans  les  prisons  jusqu'à  ce 
qu'ils  renient  celui  qui  a  été  crucifié.  »  Et  il  promulgua  dans 
son  empire  une  loi  ainsi  conçue  :  ceux  qui  adorent  les  dieux 
donneront  conmie  impôt  un  loukottin(I)  par  an;  ceux  qui  ado- 
rent le  crucifié  donneront  trois  onces  d'or. 

Lorsque  cette  proclamation  fut  apportée  en  Palestine,  le  bien- 
heureux Cyriaque  rassembla  la  foule  et  lui  parla  et  dit  :  «  Cou- 
rage, ô  mes  enfants,  ayez  bonne  espérance,  car  le  Christ  nous 
protégera;  ne  reniez  pas  Notre-Seigneur  pour  tout  ce  monde; 
car  sa  main  est  toute-puissante.  Je  vous  porte  témoignage  au- 
jourd'hui que  si  nous  avons  un  ferme  espoir  dans  notre  prêtre 
le  Christ,  il  ne  permettra  pas  qu'un  seul  cheveu  de  notre  tête  ne 
soit  touché.  ))  Il  promulgua  ces  choses  aussi  dans  tout  ce  pays-là, 
en  fortifiant  leurs  cœurs  dans  la  foi  au  Christ.  La  nouvelle  en 
arriva  à  Julien  le  transgresseur  ;  il  lui  écrivit  une  lettre  de  la 
teneur  suivante  :  «  Cesse  (il  est  assez)  de  détourner  les  cœurs 
des  hommes  des  dieux  sauveurs;  au  cas  contraire,  par  Zeus!  à 
mon  retour  de  la  Perse  j'exigerai  des  chrétiens  ce  {tribut)  que 
j'ai  dit,  et  je  te  ferai  subir  des  tourments  à  toi  aussi.  »  Quand 

(I)  Pièce  de  monnaie. 


LE   MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  313 

on  apporta  cette  lettre  à  l'évêque  Cyriaque,  il  lui  écrivit,  à  son 
tour,  une  lettre  dans  ces  termes  :  c-  Si  tu  reviens  de  la  Perse,  le 
Christ  ne  m'a  jamais  parlé  !  »  Julien  se  mit  dans  une  grande 
colère  et,  l'âme  pleine  du  fiel  de  son  père,  le  diable,  alla  à  Jé- 
rusalem et  ordonna  de  lui  amener  le  bienheureux  Cyriaque. 
Quand  celui-ci  fut  amené,  Julien  lui  dit  :  «  Est-ce  toi  qui  troubles 
la  Palestine,  en  empêchant  d'adorer  les  dieux?  »  —  «  Oui,  c'est 
moi,  »  répondit-il.  Près  de  lui  se  tenait  sa  mère  qui  était  devenue 
vieille  et  très  grasse.  Julien  lui  dit  :  «  Qui  est  celle-ci  d'entre 
tes  parents?  »  —  «  C'est  ma  mère  qui  aime  Dieu,  »  répondit- 
il.  Julien  lui  dit  {à  elle)  :  /<  Quel  est  ton  nom?  »  —  «  Mon  nom, 
répondit-elle,  celui  qui  m'a  été  donné  par  mes  parents,  c'est 
Anne,  mais  mon  véritable  nom  est  :  chrétienne.  »  Julien  lui  dit  : 
«  Grand  honneur  et  gloire  vous  sont  réservés,  si  vous  sacrifiez 
au  grand  dieu,  Zeus.  »  Cyriaque  lui  dit  :  «  J'offrirai  un  sacrifice 
au  grand  Dieu  Jésus-Christ,  qui  est  roi  éternellement.  »  Ensuite 
il  {Julien)  dit  à  Anne  :  «  Que  dis-tu,  ô  vieille"?  »  La  bienheureuse 
lui  dit  :  «  Je  sers  mon  roi  qui  est  dans  le  ciel,  Jésus-Christ,  qui 
s'est  manifesté  à  moi  par  mon  fils  bien-aimé  ».  Le  transgresseur 
dit  :  «  Croyez-moi,  vous  ne  tirerez  aucun  profit  de  ces  paroles  ; 
car  j'ai  été,  moi  aussi,  dans  ces  sottises,  et  elles  ne  m'ont  ap- 
porté aucun  avantage.  »  Le  saint  évêque  Cyriaque  dit  :  «  Tu  as 
dit  vrai  qu'elles  ne  t'ont  apporté  aucun  avantage;  car  tu  as 
rejeté  les  Écritures  de  l'Esprit  de  Dieu  et  tu  ne  t'es  pas  appliqué 
à  les  bien  lire.  Pour  cette  cause  tu  n'as  pas  connu  les  mystères 
de  Dieu  qui  t'a  donné  cet  empire,  tu  t'es  revêtu  (1)  de  ton  père 
le  diable  en  persécutant  ceux  qui  adorent  le  Christ.  Pour  cette 
cause  Dieu  va  t'ùter  ton  règne  d'un  coup,  et  détruire,  toi,  et 
l'orgueil  de  ton  âme  réprouvée.  »  Julien  dit  :  «  Ce  n'est  pas  le 
Christ  qui  m'a  donné  ce  règne,  mais  Zeus.  »  Tout  de  suite  un 
démon  prit  l'extrémité  de  sa  langue  {de  saint  Cyriaque),  la  tira 
de  la  bouche  par  la  longueur  d'un  palme,  et  le  tint  en  haut  sus- 
pendu de  la  terre,  quelque  temps.  Lorsqu'on  le  descendit,  Julien 
s'irrita  et  dit  :  «  Tu  vois  comment  Zeus  t'a  appliqué  des  tour- 
ments, parce  que  je  suis  tolérant  envers  toi  jusqu'à  ce  point.  » 
Alors  il  ordonna  d'apporter  les  instruments  de  torture  et  de  les 
placer  devant  lui,  et  il  lui  dit  :  «  Sacrifie  et  ne  meurs  pas  misé- 

(I.)  C'est  le  IvûûsdÔxi,  induere,  de  saint  Paul  (Rom.  13, 14;  Gai.  3,  27). 


314  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

rablement  dans  ces  durs  tourments,  et  dans  d'autres  encore  plus 
durs  que  ceux-ci,  que  j'apprêterai.  »  Cyriaque  lui  dit  :  «  Tu  n'es 
pas  de  force  d'apprêter  des  tourments  corporels  comparables  aux 
tourments  que  le  Christ  a  préparés  à  toute  âme  apostate  qui  l'a 
renié  comme  tu  as  fait.  Car  le  corps  souffre  pour  peu  de  temps^ 
mais  produit  pour  l'âme  un  grand  avantage  ;  et  comme  la  terre, 
lorsqu'on  la  bat  avec  la  pioche,  et  on  la  lacère  (1)  avec  le  soc, 
produit  ses  fruits  plusieurs  fois  autant,  de  la  même  manière, 
lorsque  le  corps  périt  et  se  dissout  dans  beaucoup  de  tourments, 
l'âme  prend  {pousse)  des  ailes  (2)  et  s'envole  en  haut,  vers  le 
Christ,  qui  a  souffert  pour  elle,  en  portant  des  gerbes  de  se- 
mences multipliées  cent  fois  autant.  »  Julien  dit  :  «  Que  penses- 
tu  donc,  ô  Cyriaque?  Es-tu  prêt  à  souffrir  et  à  mourir  pour 
celui  qui  a  été  crucifié?  »  Cyriaque  dit  :  «  Je  suis  prêt  et  plein 
d'espérance  et  de  promptitude.  »  Julien  dit  :  «  Abandonne  cette 
erreur  et  confesse  les  dieux  vrais  et  sauveurs.  »  Le  saint  évè- 
que  dit  :  «  Il  ne  sera  pas  que  j'adore  ces  êtres  sans  âme  et  qui 
gâtent  l'âme,  pour  abandonner  Jésus-Christ  qui  m'a  tiré  de 
l'erreur  où  je  vivais  auparavant  et  pour  devenir  égal  â  toi, 
apostat,  qui  as  abandonné  celui  qui  t'a  fait  des  bienfaits,  pour 
adorer  des  morceaux  de  bois  et  des  pierres,  qui  n'ont  la  force 
ni  de  voir  ni  d'ouïr,  ni  de  marcher;  ils  leur  ressembleront,  dit 
le  Saint-Esprit,  tous  ceux  qui  s'adonnent  à  eux  ;  tu  as  accompli 
la  volonté  des  démons  qui  te  devront  tourmenter  avec  eux,  dans 
la  géhenne  du  feu.  »  Julien,  en  entendant  ces  mots,  s'irrita 
comme  une  bête  féroce  et  ordonna  d'apporter  des  torches  brû- 
lantes pour  les  appliquer  à  ses  flancs  et  lui  dit  :  «  Voilà  la 
géhenne  du  feu  où  je  serai  précipité  !  »  Le  saint  lui  dit  :  «  0 
malheureux!  plût  à  Dieu  que  le  feu  où  tu  seras  précipité  at- 
teigne seulement  la  force  de  celui-ci!  Cai-  ce  feu-ci,  un  peu 
d'eau  suffit  pour  l'éteindre  et,  comme  tu  vois,  je  ne  le  sens 
pas  du  tout.  Mais  le  feu  où  tu  seras  précipité  avec  ton  père  le 
diable,  les  eaux  qui  sont  dans  le  ciel  et  celles  qui  sont  sur  la 
terre  ne  pourraient  l'éteindre.  »  Julien  dit  :  «  Puisque  tu  as 
vaincu  ce  feu,  j'apprêterai  contre  toi  un  autre  feu  auquel  on 

(1)  Cf.  le  Aiuiarium  du  Lcxi(jue  de  Poyron  s.  cbopc- 

(2)  p6T  est   régulièrement    la    forme    construite  de   ptOT;   peT  TGH? 

ne  signifie   donc  pas  :  alas  explicare  comme  voulait  Zoega  catal.  OIG,  n.  2,  ni 
alaUtm  esse  comme  proposait  Poyron. 


LE    MARTYRE    DE   JUDAS    CYRIAQUE.  315 

n'échappe  pas.  »  Alors  il  orduiinà  de  fondre  du  plomb  au  feu, 
pour  le  verser  sur  lui.  Le  bienheureux  évêque  dit  :  «  A  la  vé- 
rité, c'est  comme  de  l'eau  fraîche  dans  ma  gorge,  par  la  force 
de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  »  Le  transgresseur  dit  :  «  Voilà 
que  la  flamme  {colère)  du  grand  feu  vient  sur  toi;  voyons  qui 
pourra  te  sauver!  »  Il  ordonna  alors  d'apporter  un  lit  de  fer  pour 
étendre  dessus  le  bienheureux,  et  d'allumer  le  feu  par-dessous, 
et  d'y  verser,  par-dessus,  de  la  graisse  et  de  l'huile,  jusqu'au 
moment  que  le  feu  eut  dévoré  ses  viscères,  et  il  dit  :  «  Main- 
tenant tu  vas  vaincre  le  feu!  »  Le  bienheureux  pria  de  cette  fa- 
çon et  dit  :  «  0  mon  Seigneur  Jésus-Christ,  Créateur  de  toutes 
les  choses.  Sauveur  de  mon  âme  et  de  mon  corps  ;  tu  es  ma  force 
et  ma  fermeté  et  mon  refuge,  mon  protecteur,  mon  sauveur, 
celui  qui  me  défend  et  en  qui  j'espère;  regarde,  ô  Seigneur, 
ton  serviteur,  sauve  le  fils  de  ta  servante,  car  il  n'y  a  que  toi, 
ô  mon  Seigneur,  Jésus-Christ.  »  Lorsqu'il  disait  ces  mots,  le 
tyran  était  étonné  et  disait  :  «  Par  Zeus!  Je  m'étonne  qu'il  soit 
encore  en  vie!  «  Et  plein  de  honte,  il  dit  :  «  Tu  as  vaincu  le 
feu,  ô  Cyriaque.  >■>  Le  saint  lui  dit  :  «  Je  l'ai  vaincu  et  je  le 
vaincrai  encore  par  la  grâce  de  mon  Seigneur  Jésus-Christ; 
et  non  seulement  moi,  mais  tous  ceux  aussi  qui  espèrent  en 
Lui.  Mais  quant  à  toi,  un  feu  inextinguible  va  t'atteindre  à 
cause  de  ton  impiété.  »  Irrité,  le  transgresseur  ordonna  de  le 
battre  sur  le  dos  avec  des  verges  fraîchement  coupées,  pendant 
qu'il  était  étendu  sur  le  ht  de  fer  où  le  feu  brûlait;  mais  le  Sei- 
gneur le  protégeait  et  il  ne  sentait  pas  la  moindre  douleur.  Ju- 
lien s'irrita  contre  les  serviteurs  et  leur  dit  :  «  Pourquoi  n'allu- 
mez-vous pas  bien  le  feu?  »  Mais  ils  dirent  :  «  Tu  vois  qu'il 
flamboie  énormément,  car  tel  est  aussi  notre  désir.  »  Quand  ils 
eurent  prononcé  ces  mots,  les  flammes  sortirent  et  brûlèrent 
1 1  individus  d'entre  eux.  Celui  qui  siégeait  à  côté  du  roi  (1'  «  as- 
sessor  »)  lui  dit  :  «  Que  l'on  jette  des  pierres  sur  cet  homme-ci, 
afm  que  par  ses  sorcelleries  il  ne  nous  fasse  pas  dévorer  tous 
par  le  feu.  »  Mais  lorsqu'ils  lançaient  des  pierres  contre  lui,  les 
pierres  ne  l'atteignaient  pas,  mais  revenaient  en  arrière,  de  fa- 
çon à  faire  périr  une  grande  quantité  d'impies,  païens  qui 
étaient  attachés  au  service  du  roi.  Alors  Julien  ordonna  de  le 
faire  se  tenir  en  sa  présence  et  lui  dit  :  «  N'as-tu  pas  recouvré 
ton  intelligence,  ô  Cyriaque,  pour  sacrifier  au  grand  dieu  Zeus  ?  » 

ORIENT    CHRÉTIEN.  22 


31(i  REVUE    DE    l'orient    CIIRÉTIEX. 

Le  saint  lui  dit  :  «  0  athée  {impie),  toi  plutôt,  tu  as  perdu  (laissé) 
ton  intelligence,  étant  devenu  transgresseur  à  tel  point  d'ou- 
blier le  Dieu  qui  t'a  créé  et  la  gloire  de  ses  saints  autels,  pour 
adorer  des  ^norceaux  de  bois  et  des  pierres  inanimés.  »  Le 
transgresseur  dit  :  «  Je  servais  autrefois  Jésus,  mais  sans  qu'il 
me  donnât  aucun  profit  ;  alors  je  me  suis  repenti  et  j'ai  confessé 
les  dieux  véritables  qui  me  donnent  le  salut  et  la  victoire.  »  Le 
saint  lui  dit  :  «  Je  sais  que  tu  as  confessé  Ion  père  le  diable.  » 
Le  transgresseur  donna  ordre  de  lui  couper  la  main  droite  et 
dit  :  «  Celle-là  est  la  main  qui  a  écrit  la  lettre,  lorsque  tu  per- 
vertissais les  cœurs  de  la  multitude  pour  qu'elle  ne  confessât 
pas  les  dieux.  »  Le  saint  évêque  Cyriaque  dit  :  «  Tu  as  bien  fait 
eu  ordonnant  de  me  couper  la  main,  ô  chien  impur,  tu  ne  sais 
pas  que  par  là,  tu  m'ns  apprêté  la  vie  éternelle.  Car  autrefois, 
avant  de  connaître  mon  Sauveur  Jésus-Christ,  j'écrivais  sou- 
vent aux  synagogues  des  juifs  pour  que  ceux-ci  ne  crussent  pas 
en  Lui.  Tu  vois  comment,  en  coupant  la  main  qui  a  écrit  ces 
lettres,  tu  ôtes  [coupes]  le  scandale  de  mon  corps.  Car  il  est 
I)on  pour  moi  que  l'un  de  mes  membres  périsse  et  que  tout 
mon  corps  ne  soit  pas  jeté  dans  la  géhenne.  »  Le  transgresseur 
dit  :  «  N'a-t-on  pas  dit  aussi  [dans  VÈvangile)  :  l'œil  droit  et 
le  pied?  »  et  lui  fit  crever  l'œil  et  couper  le  pied. 

La  vieille  mère,  la  bienheureuse  Anne,  se  tenait  près  de  lui 
pendant  que  tout  cela  se  passait  et  l'encourageait  en  lui  di- 
sant :  «  Courage !.y>  f exhorte,  quoique  te  voilà  fort;  sois  vail- 
lant, .;>  t'exhorte,  quoique  te  voilà  vaillant  par  toi-même,  car 
tu  as  observé  la  loi  de  ton  Seigneur!  »  Tandis  qu'elle  disait  ces 
mots,  le  tyran  lit  enlever  l'œil,  la  main  et  le  pied  [de  Cyriaque) 
et  les  jeta  au  visage  d'elle  {Anne)  et  lui  dit  :  «  Voilà  la  loi  de 
son  Seigneur!  qu'il  vienne  le  sauver  maintenant.  »  La  bien- 
heureuse Anne  dit  :  «  0  insensé  et  maudit,  tu  verras  la  force  de 
mon  Dieu  !  Alors  elle  prit  les  saints  membres  du  bienheureux 
évêque  et  les  remit  un  à  un  à  leur  place  et  dit  :  «  0  mon  fils  et 
mon  père,  dis  :  Au  nom  du  Christ!  »  Lorsqu'il  eut  prononcé  ces 
mots,  ses  membres  devinrent  tout  de  suite  comme  ils  étaient 
auparavant.  Toute  la  foule  s'écria  disant  :  «  La  puissance  du 
Christ  est  grande!  »  Le  transgresseur,  plein  de  iionte,  dit  : 
«  Maintenant  je  sais  que  vous  êtes  des  sorciers  d'élite,  mais 
j'amènerai  des  sorciers  meilleurs  (|ue  vous. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CVRIAQUE.  317 

Alors  on  lui  trouva  un  grand  sorcier  qui  s'appelait  Admon, 
et  il  lui  dit  :  «  Je  veux  que  tu  remplisses  une  fosse  de  serpents, 
de  dragons,  de  lions,  de  scorpions  et  de  basilics.  »  Admon 
fit  par  son  art  méchant  ce  qu'il  lui  avait  ordonné.  Alors  il  fit 
lier  le  bienheureux  pour  le  jeter  dans  la  fosse,  et  se  tournant 
vers  sainte  Anne,  il  lui  dit  :  <f  Que  dis-tu,  ô  vieille?  Que  Jésus 
vienne  à  présent  le  sauver!  »  Mais  elle  dit  :  «  Il  la  sauvé  et  II 
le  sauvera  encore!  »  Le  saint  évêque  se  tenait  au  milieu  des 
bêtes  féroces  et  priait  ainsi  :  «  Je  te  remercie,  ô  mon  Seigneur 
Jésus-Christ,  qui  as  été  mon  aide;  car  en  ton  nom  nous  avons 
foulé  aux  pieds  les  serpents  et  les  scorpions,  par  la  puissance 
que  tu  as  donnée  à  ceux  qui  croient  en  Toi  !  »  Les  bétes  féroces 
dormaient  toutes  par  la  force  du  Christ,  comme  des  morts. 
Lorsque  le  tyran  vit  qu'il  n'avait  ressenti  aucun  dommage,  il 
ordonna  de  jeter  du  feu  dans  la  fosse,  afin  qu'il  brùlàt  lui  et 
les  bêtes  tous  ensemble.  Et  en  effet,  le  feu  brida  (consuma)  les 
bêtes  féroces,  mais  quant  au  Saint,  il  ne  brûla  pas  un  de  ses 
cheveux.  Et  par  la  puissance  du  Christ  ils  le...  (?)  l'amenèrent 
en  la  présence  du  roi.  La  foule  à  cette  vue  était  stupéfaite 
et  disait  :  «  Il  n'y  a  pas  d'autre  Dieu  que  toi,  ô  Christ;  le  Dieu 
de  Cyriaqui'  est  unique.  »  Sa  mère  le  proclama  heureux  à  haute 
voix  et  dit  :  «  0  toi  heureux,  mon  fils  bien-aimé,  car  tu  as  com- 
battu le  beau  combat,  tu  as  accompli  la  carrière,  tu  as  conservé 
la  foi;  car  tu  as  vaincu  le  feu  comme  les  trois  saints  de  la 
fournaise  ardeitle.  On  t'a  l)attu  avec  des  verges,  comme  Paul; 
on  a  jeté  des  pierres  contre  toi,  comme  ;i  Etienne,  ton  frère. 
Et  si  ce  que  je  vais  dire  n'est  pas  téméraire,  tu  as  foulé. le 
serpent  et  le  basilic,  tu  as  foulé  le  lion  et  le  dragon,  comme  il 
est  écrit  au  sujet  du  Christ.  »  Le  tyran,  plein  de  honte,  grinçait 
des  dents  contre  eux,  voulant  les  tuer.  Mais  Admon  le  sorcier, 
à  la  vue  de  ces  miracles,  dit  au  roi  :  «  Tu  es  bien  insensé,  en 
voulant  tuer  ces  justes.  A  la  vérité,  il  n'y  a  pas  d'autre  Dieu, 
excepté  le  Christ,  le  Dieu  de  ces  saints;  désormais,  moi  aussi, 
je  crois  en  Lui.  »  Le  tyran  entra  en  colère  et  ordonna  de  lui 
couper  la  tète;  mais  il  se  jeta  aux  pieds  de  saint  Cyriaque  et 
dit  :  <(  0  mon  Seigneur,  mon  père  évêque,  donne -moi,  à  moi 
aussi,  le  sceau  du  Christ  avec  le  baptême  et  purifie-moi.  »  Et  il 
{saint  Cyriaque)  fit  sur  lui  le  signe  de  la  croix  {le  scella)  en 
disant  :  ^  La  sainte  Trinité  te  marquera  de  son  sceau,  ô  mon  fils  ! 


318  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

Quant  au  baptême,  tu  seras  baptisé  par  les  tourments,  dans  ton 
sang.  ^>  Et  ainsi  il  tendit  le  cou,  tourné  vers  d'Orient,  et  dit  : 
«  0  mon  Seigneur  Jésus,  ne  m'imputes  pas  mon  ignorance, 
mais  compte-moi  aussi  au  nombre  de  tes  saints  martyrs.  »  Im- 
médiatement on  lui  coupa  la  tête  et  il  fut  digne  de  la  vie  éter- 
nelle. Mais  Julien  le  transgresseur  dit  à  saint  Cyriaque  :  «  Ne 
veux-tu  pas  nous  montrer  comment  tu  as  appris  cette  grande 
sorcellerie;  car  voilà  que  tu  as  séduit  le  chef  des  devins  ».  Le 
saint  dit  :  «  Je  ne  connais  personne,  excepté  mon  Seigneur  Jé- 
sus. »  L'impie  dit  :  «  Par  Zeus  !  à  mon  retour  de  la  Perse,  je  dé- 
truirai tous  ceux  qui  croient  en  ce  nom  à  savoir  :  le  nom  de 
Jésus;  et  qui  est  Jésus?  »  Le  saint  dit  :  «  Sache,  ô  chien  impur, 
que  tu  iras  en  Perse  vivant,  pour  en  revenir  mort.  Percé  par 
une  épée  invisible,  tu  seras  bientôt  renversé  de  ta  gloire  par 
Celui  que  tu  as  blasphémé.  » 

Le  méchant  s'irrita,  et  le  fit  suspendre,  pour  lui  faire  subir 
des  tourments,  et  dit  à  la  bienheureuse  Anne  :  «  Que  dis-tu, 
Anne"?  Sacrifie  et  ne  sois  pas  insensée  conmie  ton  fils,  qui  a 
préféré  la  mort  à  la  vie.  »  Mais  elle  dit  :  «  Ferme  ta  bouche,  ô 
impur,  car  plutôt  il  va  hériter  la  vie  éternelle,  au  lieu  de  cette 
mort  et  de  la  vie  passagère  de  ce  monde.  »  Le  tyran,  irrité, 
la  fit  suspendre  par  les  cheveux  de  sa  tête,  après  lui  avoir  fait 
subir  des  tourments  pendant  environ  trois  heures;  mais  par 
la  grâce  du  Christ,  elle  ne  sentit  rien  du  tout  et  s'écria  et 
dit  :  «  0  toi  maudit  de  tous!  si  tu  as  encore  des  tourments, 
fais-les-moi  subir!  »  De  nouveau  il  fit  appliquer  des  torches 
brûlantes  au-dessous  d'eux  pendant  quelque  temps,  mais  le 
Seigneur  protégea  ses  saints.  Saint  Cyriaque,  suspendu  en  haut 
avec  sa  mère,  fit  la  prière  suivante  :  «  0  Dieu  tout-puissant, 
qui  as  créé  du  néant  toutes  les  choses,  tu  as  créé  l'homme  à 
ton  image  et  selon  ta  ressemblance,  et  l'as  placé  dans  le  jardin 
des  délices.  Quand  il  fut  tombé  de  cette  gloire  par  la  séduction 
du  serpent,  tu  ne  l'as  pas  méprisé,  car  il  est  ta  créature.  Et 
dans  ta  uiiséricorde,  tu  Tas  aidé  par  la  loi  et  les  prophètes, 
mais  l'homme  s'est  tourné  une  autre  fois  vers  le  bas,  il  a  rampé 
comme  un  serpent  ce  genre  humain,  audacieux  dans  sa  grande 
impiété.  Car  tu  es  le  Dieu  vraiment  patient,  qui  sauves  en  tout 
temps  et  en  tout  lieu  ceux  qui  espèrent  en  toi,  en  punissant 
les  impies,  comme  tu  as  fait  à  l'égard  du  bienheureux  Noé,  que 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CVRIAQUE.  319 

tu  as  sauvé  dans  Tarche,  en  détruisant  les  impies  par  le  dé- 
luge. Quand  le  péché  se  multiplia  chez  les  habitants  de  Sodome, 
tu  as  détruit  la  Pentapole  impie,  mais  ton  juste  Lotli  tu  Tas 
sauvé,  à  son  tour.  Mais  le  mal  grandissait  chaque  jour;  on 
adorait  la  créature,  on  t'irritait,  tui,  le  Créateur.  Dans  la  fin 
des  jours  tu  as  envoyé  dans  le  monde  ton  fils  unique,  le  Verbe 
vivant,  issu  de  toi,  que  tu  as  engendré  avant  tous  les  siècles. 
Il  se  fit  homme  pour  les  hommes,  et  les  racheta  par  le  salut 
qu'il  opéra  au  milieu  de  la  terre  {à  Jérusalem),  sur  cette  croix 
sur  laquelle  il  soulTrit  la  mort,  pour  racheter  l'homme  une 
autre  fois,  et  pour  le  ramener  au  paradis  d'où  il  était  tombé. 
Quand  ton  salut,  la  réilemption,  se  propagea  en  tous  lieux  et 
que  les  hommes  eurent  connu  leur  Créateur,  ils  abandonnèrent 
l'erreur  de  l'idolâtrie  par  la  sainte  croix  de  ton  Fils  bien-aimé, 
par  lequel,  moi  aussi,  j'ai  été  délivré  de  mon  erreur.  Mainte- 
nant cet  impie  a  entrepris  de  nouveau  de  ressusciter  l'erreur 
de  l'idolâtrie,  qui  était  éteinte.  Mais  je  sais  que  tu  vas  bientôt 
le  ruiner,  lui  et  son  culte  abominable,  et  tu  sauveras  ton  peuple 
et  rachèteras  ton  héritage  et  l'exalteras  éternellement,  pourvu 
qu'il  reste  fidèle  à  tes  préceptes,  que  tu  nous  as  donnés  par 
Jésus-Christ  Notre-Seigneur,  avec  qui  est  due  la  gloire  à  toi  et 
avec  le  Saint-Esprit,  pour  les  siècles.  Amen.  »  Après  cela,  ils  le 
descendirent,  et  le  transgresseur  dit  :  «  Vous  voyez  combien  je 
vous  ai  supportés  jusqu'à  vous  permettre  de  dire  tant  de  sottises, 
car,  moi  aussi,  j'ai  souvent  prêté  l'oreille  à  ces  sottises  sans 
qu'elles  m'aient  apporté  aucun  avantage.  Je  sais  que  vous  êtes 
des  orgueilleux  et  que  vous  avez  honte,  c'est  à  cause  de  cela 
que  je  ne  dresserai  pas  de  statue  d' idole  pour  que  vous  Vado- 
riez,  mais  confessez  seulement  que  Zeus  est  grand,  et  reniez 
celui  qui  a  été  crucifié,  et  je  vous  laisserai  libres.  »  Les  justes 
répondirent:  «0  toi  maudit  entre  tous  les  hommes,  renierons- 
nous  Celui  qui  nous  a  accordé  tous  ces  bienfaits"?  Mais  tu 
iras  à  la  ruine  avec  tes  dieux  abominables.  »  Lorsqu'il  entendit 
ces  mots,  il  s'irrita  et  ordonna  de  chauffer  de  l'iuiile  dans  une 
chaudière  jusqu'à  la  faire  devenir  tout  à  fait  bouillante,  pour 
la  jeter  sur  lui.  Le  bienheureux  dit  à  sa  mère:  «Courage,  ma 
mère,  le  Christ  est  avec  nous,  ne  crains  pas.  »  La  vaillante 
dans  le  Seigneur  dit  :  «  J'ai  courage  par  tes  saintes  prières  et 
ce  que  tu  vois,  cette  huile  bouillante,  a  été  pour  moi  comme  une 


320  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

piscine  d'eau  fraiche.  »  Le  bienheureux  dit  aux  fidèles  qui  l'en- 
touraient :  «  Allez  loin,  ô  mes  fils,  de  peur  que  vous  ne  soyez 
blessés.  »  Alors  il  prit  la  main  de  sa  mère  et  tous  deux  descen- 
dirent dans  la  chaudière,  comme  s'ils  descendaient  dans  une 
source  d'eau  fraîche,  le  liquide  bouillant  déborda  et  lit  périr 
quelques-uns  des  serviteurs  athées,  païens,  et  des  Juifs  qui  se 
tenaient  là.  Alors  le  transgresseur,  honteux  et  perdant  courage, 
les  fit  percer  avec  une  longue  lance  qui  pénétra  jusqu'au  cœur, 
et  ayant  fait  sur  eux-mêmes  le  signe  de  la  croix,  ils  rendirent 
leurs  esprits  entre  les  mains  de  Dieu,  et  furent  dignes  de  la  vie 
éternelle.  Les  fidèles  transportèrent  leurs  corps  et  les  enseveli- 
rent, en  les  déposant  dans  un  lieu  sacré.  Une  grande  quantité 
de  guérisons  avaient  lieu  par  leurs  corps.  Le  transgresseur, 
irrité  et  désespéré,  alla  faire  la  guerre  à  la  Perse,  mais  Dieu 
vengea  ses  serviteurs  qu'il  avait  tourmentés,  le  perça  d'une 
lance  invisible  provenant  d'une  armée  sainte,  céleste,  qu'il 
voyait  venir  en  l'air  contre  lui;  et  ainsi  il  expira. 

Et  Dieu  suscita  un  autre  roi  juste  dont  le  nom  était  Jovien, 
qui  était  fidèle  et  pieux  dès  son  enfance,  et  de  cette  manière 
la  paix  de  Dieu  se  répandit  partout.  Le  saint  martyr  de  Jésus- 
Christ,  Cyriaque,  évêque  saint,  et  Anna,  sa  mère,  et  Admon  le 
sorcier  moururent  le  27  de  Paopi,  ayant  reçu  la  couronne  du 
combat,  du  niart^jre,  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  par  lequel 
la  gloire 


TEXTE  COPTE 

(Ms.  vatic.  copie  68,  f°*  IV -'iV)  :  ly. 

fuApTVpiA  HT(3  IIIAriOC  K'/|)IAKUC  iiiApxHenicKonoc 
IIIAIIII  (t)H  (JTA(|:!tllll  IIMICTAVpOC  (iOOVAB  HTH  lieilO(; 
n\G.    II6II    AIIIIA    Te(|UAV    IjGII    OVeipilllll     IITC    <|)f    AIIHII. 

Ac:±iujni    eîTAtjepovpo    11:^0    KtocTAiniiioc    iiiAïKfioi; 

(1)  Dans  le  texte  qui  suit,  comme  dans  l'éditiou  de  la  Vïla  cli  abba  Daniel  (vo}-. 
L.  Clugnet,  I.  Guidi,  F.  Nau,  Vie  et  récils  de  l'abbé  Daniel  [Paris,  1901],  p.  83),  la 
virgule  répond  à  un  petit  espace  que  le  sens  laisse  entre  les  membres  de  la  phrase, 
et  le  point  marque  la  fin  d'une  ligne  suivie  par  un  alinéa,  dont  la  première 
lettre  est  plus  grande  que  les  autres. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CVRIAQUE.  321 

A(|AMOIII     NlllilAei^     iri'O      IKMIOC      IliC      liyC      (;(|()l      IIIIAI\C 

irrAijX:      iiiix;     ^coc     kociiikoc     ah     a.v.va     2toc     r.corn 

IIHIIICKOIIOC  IIOpOOAOgOC  CH|+a)()'/  ll(|)+  IIT(;  T<|)(;  •)«•• 
OV.\lll."JC3li:'ll  (HK)VAB  II.VCOp^  11(311  ll(;()|.  (■() j)()l' j)(3T  lllll- 
r|KV<|)ll  lllll(|)l  IITf;  (|)f  j)(3ll  ()'i\\(()(|  lieilT  Ai\i^  llf3(|^IIT  & 
(3(3|)iU(>K  llliyc  j)(3ll  Tt5t|A'()U  THpC,  ll(|)|>lli-  IIAAVIA 
lliri|)()(t>H'l'll(;.  rt3(|IIAKApiA  A(3  IIIIAV  (3A(3IIII  (3G()I 
liyjAli:^y(3   IIOV^-   (3llieoVO  j)C3ll    rif3C'eilT   TMp(|,   0V02  (30AHK 

eBOA  i)(3ii  ApuTii   IIIB6II   HTe   nifiiiA  eoovAB  (1).  Acepe- 
riioviiiii  f3ovA2  HAiKeveT  eA'eii  iiecKATopecouA  Tiipov,    lo 
eT(3     (|)Ai    iKi    eepe(;Kco+    imîa    ii,"je    iiriicTAvpoc    iit6 
MHiioc  me  ri\c.  ovoe  ec^jim  j)6ii  miiiii[a  agi  6im]aii  (2) 

(îAtOK     GBOA     IIT[eGeril]ev[lllAj-        OVAI      A(3      :X(3      iovaag, 

noviovAAi    ri(;    gboa    l^eii    iirGiioc    iiGT(3(|)AiK)r.   iiiiipo- 

rOAlAKtDII,  iVrOZ  miip(()T()IIApi"/pt)C,  A(|()'i'OH?(|  IIAG  15 
GBOA  IIC3II  IIIK(3iqT  GTAVeOgOV  GIIGIi:^l3:  illlGIIOG  IHC  ?! 
IIIGTAVpO(;.  A{|IIAe+  ?a)t|  Gn\G  IIAG  lOVAAG,  OVOe 
A((;'J(()III  lIGtOir  G(|  TAApilOVT  HTAli)G  TlipG,  j)(3ll 
2AIIIIII''J  iriA^O  GpAlO'/,  ?(t)GAG  I  IT(3t)Gpi  1(31 1 1  l."J  A  ll  +  IIG- 
TApXHGpGVG     IITG     IIVG     j)(3ll      lAIIII,     eiTGII     f'l".'(|>()G     IITG     20 

<|)"h   iiiAimio'.'pi'OG,   ivroz  A'i'invi'f  (3iiG(|pAii   a:(3   i;/piA- 

KOG.  O'/O^  (3TAG3:tl)K  A(i  GBOA  I  leAI  I  K(3  II  M,"i  1 1  K  A  TOpOCOI  I A 
IIA(3  +IIAIII(3'i'+  GAGIIH,  AGGIIKO'I"  j)(3ll  OV2ipilllH-  IIOVpO 
A(3  K(0(;  TAU  TIIIOG,  (3(3B(3  T(7(|l  1 1,")+  IIAI'AIIII  (3rAMK  (3BOA 
(;i)OVII  Gri\G,  A(|Gp20'/0()IGI  GIIA;'J(0  |)GII  IIAIIAei  IITG  2ô 
tlIGTOVpO,  (30'."0II  O'/eipilllll  Ka)f  epO(|  GAGA  IIIBGII, 
0V02  AqilTOII  IIII0(|  GA(|A<|)(3  ,"JHpi  B  K(OGT  Al  ITIOG  IIGU 
KOGTOG.  A(|l  GriG(|IIA  IIAG  K(()GT  Al  IT  lOG  nGqill^'f  II^Hpi, 
0'»'0?  ilAp(3  riGqeUT  AHK  GBOA  Ail  11(3,  IKtipill"  1 1 1 1(3(|  KOI'- 
(|)AI  AG  [a  (^-fl  (|>OIIAC|  hGII  OVIHG  *  GA(|IIII  IIKOGTOG  30 
HGqGOII     GflGqUA    GOVllAI\(;    nG    GnieOVO,    GVGAOII    GAO(î 

AG    uncquoT    pto    iiag    K(OGiAirrMioG.    iiAp(3    i~eipiiiiii 

IITG      (J)+     ,")OII      i)GII      lll(3KKAIIGiA      THpOV      11(3     GA      (jiHCVI 
llllipGq^AII,"JG      IA(OAOII      IIOVIIK      GIITHpq.     IIG     OVOII    (3) 

(1)  Le  mot  a  été  ajouté  après.  —  (i)  Les  lettres  en  [    ]  ne  se  voient  presque  plus. 
—  (0)  Ajouté  après. 


322  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

GV^Hpi  lire  Tctoiii  iiKdjr.TAiiTiiior,  niiii>y'f,  eneqpAii 
ne  lovMAiioc  eovAiiouoc  ne  beii  Tec|riitouH,  equei 
iii^iieT>yAU"je  iaujaoh.  (|)Ai  Ae  eTAqiiAV  epot|  lixe 
KocToc    no'i'po,   xe.    eqoi    mamolioo    iinAipui-,    A(|THiq 

5      e"f"eKKAIICIA,      AVAiq       IIAIAKOIIOC,     XG      ApHOT      qilA>'JIB+ 

iiTeqriKOliH  ereajov.  erAquov  Ae  iia"6  koctoc,  ac|2(o- 
Aeii  ii'fiieTovpo  ija:e  niAceBHc  e'reiiiiAV  iovaiaiioc, 
0V02  CATOTq,  AqeiTOTq  e+ueT2eAAHiioc,  eAqov(t)^ 
eAOTtoii    ii<J)p«    iiiii(;p(t)H()vi    iiKecon,    o'/o?    eToviioe 

10     2AIIIII,'y+      lljlK.I       IIIIIVpiK.TIAIIOC      IIAqA'CO      iiuoc      jîeii 

Te(|nApAiiouiA  Ae  'fiiAToviux;   oACAiioe    iieii   au  exeii 

IIIXpHCTIAIIOC,  A'e  llll()V>y()V>'IOV  IILKOOT  Ae  Aiiep- 
LIApTVpOG-     AAAA     +1 1  AT?eil  K(()()V     h[eil]  Il  1  Al  1 1  lOeiOl  1 , 

^jATovA'toA  eiiOA  ii<|)ii  (;TAvepeTAvp(()i il 1 1  iiiu)(|.  ovoe 
15  nAipHi~  A(|ej)Ai  eBOA  j)(;ii  re(|ii(î  ro'rpo,  Ae  <|)ii  etniA- 
^^Jell,"Jl  iiiiiii()v+,  e(|e+  iiovaovkottiii  iiovcot 
ii'fpoiiiii-  <|)ii  e()iiA,")eii;Mi  (1)  ii(|)ii  e'iA'i'ciAvixoiiiii 
uiioq,  e(|e+  iir  iioitia  iiiiovb.  cîtavihi  A(;  iiiJAiej)Ai 
e'f  iiAAeeTiiiii     A(|BC(){)'i+      iiiiiiiii^m      iiAe      miiAKApioe 

20     KVpiAKOe,  A(|eAAI    IKîllCOO'i'    (:() AU)    lllioe-   A(;  Opo    IILICO- 

T(:ii  iiA^^JHpi,  ov()2  iiTeTeiiAeuiioii'f ,  Ae  ovin  i\xc.  iia+ 
eephi  eAtoii-  niiepAcoA  cjboa  nneiMiiure  (;0B(:  iiaikoc- 
noe  Tnp(|,  a(:  ovni  ovon  ^maoii  iit(U|aia'  eecoB  iiiBeii. 
f^epLKjepe   inoreii   iniAie2()ov,  Ae  An^'jAnAiioin   llf^•^(;A- 

25  nie  eTTAA'pnovT  ej)OTii  eii(;iiiiin>  ii\e,  <|iiA\A  o'iHUoi 
irre  TeiiA(|)e  au  eKiii.  iiai  a(;  on,  A(|(;j)nTov  eBOA  j)eii 
•fxcopA  Tiipo  ereniiAv,  (iqTAA'po  iinoveiiT  j^eii  <j)nA?+ 
nii\e-  A  iii,"jiiii  Ae  TA?e  lO'iWiAiKx;  iiiiiApABArne 
eeBHTq,  a(|(;J)ai    nA(|    iiovtîiiieTOAn    iniAipnf^.   a(;   kiiii 

30  epoK  eKTAcoo  iin?nT  nniptuin  esoA  eA  innor'f 
iipeqTovAo.  linon  [^]e  niï.eve  Ai,"JAnTACBo  eBOA  Uan 
-fnepeie,  -fiiA^AT  *  ni\pneTiAiioe  iiiin  eTAiAorov 
iiKeneoK  ?(ok  +iiAnKAe  iiak.  erAViin  Ae  niiAiejiAi 
unieniCKonoc.    a(jcIjai   eojq    novenicTOAii    iia(j   eqAto 

(  1)  Corrigé;  la  première  main  avait  écrit  eeilA^I 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CYRIAQUE.  323 

LiuoG,  :xe  e^tun  ak^aiitacook  gboa  Ijeii  i^nepcic,  une 
n\c  CcV^i  iiIjht  eiiee-  At|A«)UT  ag  ii>:6  iovaiaiioo  ]>eii 
oveii^A^'ji  (l)  ine  neqitoT    iiiaiaboaoo   a(|i  eiAiiii,  a(|- 

OVACA?lll  (illll  IIA(|  MMIIIAKApiOO  K'i'piAKOC  t;TAVt;IK|  ACÏ 
lieA'A(|     IIAtj,   A(;    IIOOK    11(3    (|)ll    (iT^OOpT  ej)    llf^l  I A  AdCTI  II  1 1     ^ 

eKTAeiio   uru'jeii^Mi   iiiiiiiov'h,   ik:AA(|   iia(|  a'g  a?a  aiiok 

MO.  IIACOei  A(;  KpATC  ll(3IIA(|  IIA(3  T(JC|UAV  «  ACt;  pj)(:  A  A(() 
CiCKHIIKOOVT  (iUA,"JtO.  II6A'A(|  IIAtJ  lOVAI  Al  lOC,  AH  lilll 
IITAK     TO     HAI,     rif7AA<|      Ae     TAIIAV     1 1 1 1  Al  Il()v1~     Te,     OVOe 

iieAe  IOVAIAIIOO  iiao  Ae  mu  ne  riepAii-  iiooc   Ae  rieAAo    lo 

A'e     HApAII      lieu     (;TA'/Tlil(|     epoi     UA(:     UAI()+     ll(:     AIIIIA, 

iiApAii    A(:    iiiiiu    lie    vpuoTiAiiii.   iieAe    lovAiAiioc:    Ae, 
o'.'oii  o'/uiyi+  Il  TAio  lieu  ovcoov  \ii  ikoicmi  ej)piu  a|>C;- 
T(;ii;'JAii(;poveiA    iiiiiiii"j^^    imovf   iiiï.eve.    iieAA(|    ua(; 
KvpiAKoe,   A(;   AIIOK   ei(;Ova)pu   en^Jtoi    iiovoveiA    um-    i5 
iiiX'i'f   iiiiov+  lue   ii\e.       (hii   eroi   iiovpo  >yA  eiu-e.    ita 

ll(:AA(|    IIAIIIIA.     A(;    Ap(3ACO    lllioe    ACî    OV    -t'ieAAa).     lieA(; 

-fuAKApiA  iiA(j,  Ae  AIIOK  eliyeu^yl  iiiiAovpo  (njieni  t<|)(; 
luc  u\c,  (\)Ai  eTA(|ovtou?  iiui  eiiOA  eiT(:ii  iiA^Miipi  iiue- 
iipiT.  iieAe  iiiiiApAi>ATii(:,  Ae  iia^^  epoi  Ae  TeTeiiiiAAc;-   20 

?UOV    II2AI    AU    j)eil     IIAUiAAi.     Kei'Ap    AIIOK    ?«)    Al^(;    JX-II 

UAiiieTeoA  OV02  iirovfeuov  luii  ireAi.  ugag  KV|)iAKoe 
<|>u  eoovAti   iieuieKoiioe,  Ae   kaacoc  akaoc   Ae   11110'/+- 

^IIOV     uni     eil'l'Up(|-     AK\(0     l'Ap     ll(:(OK     IUIU'pA(|)U     lllll(|l 

ine   ({yfy  uneK-feoiiK    eo^'jov   iikaa(()g,   eoBe  <|)ai   iiikjk-   •>:> 
eovtoii  uiiiveTiipioii   inc:  (\^f■,  (|)u  (:TA(|+  iiak   iitai  ih;- 

TO'/pO,  AK+   l'ApeKOTK   IIIK-KKOT  III A  1 A  IlO  AOO  A  K(KO  A  I    IICA 

iiu  (;00vco^T  iui\e.  ef)Be  (|)ai  jjeii  ov^^ytor  eBOA  (|ua(oai 
iiTeKiKrrovpo  irroTK,  ovo2  u  reqjyep^copK  iieii  +ueT- 
oAci^iiT    ine   TeKyv\u    eiTAeouovT   eBOA.    ueA(;   lov-   3o 

AlAIIOC,    AG    fixe    AU    U(:    erA(|+    IIUI    IITAIIieTOVpo,    aaaa 

niï.evc  ne.  catot(|  a  ovAeiiioii  auoiii  ueou(|  iiiie(|[AA]e 
A  (|coKq  eBOA  heu   ptocj  iioveprco,  ovo^  A(|A^q  eu^jcoi 

IIATKA?!     liOVOVIIOV.   eTA((VA((    Ae    (3  Ijpil  1   A(|  ACOIIT  OVO? 

(1)  Le  II  a  été  ajouté  après. 


324  REVU  E    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

riBXA((  yp.  X'iiAV  xe  cTA(|epBA(;Aiiiïjii  MiioK  iiA^^)  iipui- 
112^(3  nir.ovo,  .\n  'fcoov  iieiiT  iigiiak  htai'jo  Tiipc    rore 

AqOVA2(iA2lll,      eBpOVIIII      llllICKCîVOC      IIIÎAGAIlICTIipiOll, 

iicoxAV     iiiiequoo     (-liOA,     iiexA(|     iia(j.     xii    ApievciA 

1  miepilOV  IIKAKtOG  JJGII  ilAllUVGAIlIGTIipiOll  (JT'eiOOV  11(511 
^AIIKO\•(()OVIII  (:Vea)OV  OeOTf:  IIAI,  (illlAeAUllOO'i'.  ll(îA(i 
KVpiAKOG  IIA(),  A(;  IIIIOII  ^y^OU  IIIIOK  GBAIIIO  ll?AIIAI- 
IKOpiA  IKMOIIATIKOII,  GVTei  lOCOI  IT  61 1 1  A  1 1  KO  pi  A  GTA  ll\(; 
CeBTUrrOV  liyT\ll  IIIBfîll  IIAIIOOTATIIG  GTAVAOAC)  gboa 
10     llll(;KpH  +  .     IIICCOIIA    IIGII     l"Ap    (|,"J()I  I  j)  ICI     npO(;    O'i'KOVAh 

(|A(hn  AG  iio'i'iii^+  ii2H()V  ifhyvvii.  ii<|)pii+  iwp  iiiiika 

ei,  GVeiOVI  l|ljHT(|  linillAlKVAAG,  OVOe  (JV(|)Op(;  IIIIO(| 
llineGBh  G,"JA(|IIII  IIIIG()OVTAe  Gii;y(()l  ll?Allllli;'J  lIKtOB- 
IIAI(>ll'f       ^(()(|       IIIGCOIIA,       eOTAII       AC|^MAIIJ)()mI)C:II,       OVO? 

15  ||iGt)Ba)A  GBOA  eiTCni  eAllj)IGI  (:V(),"J,  TOT(;  ,"KVpG  fvpVXII 
pGT  "I(;II2  HTGG?(t)A  GFIOKil  ."JA  1 1  \G  c|)H  G;rA<|,"JGri  j>l(;i 
(;()BHTG,  GG(|AI  llllIXilA'i"  HT(;  IliA'ptOA:  GVKIIB  lip  ilKtOB- 
*  neXG  lOVAlAIIOG  AG  ()V  OVIl  116  GTGKUGVI  GpO(|  KVpiAKG 
KGGBT(()T     (:>yGnUKA2     O'i'C)?     GIlOV     j)A    (|)H     GTAVGpGTAV- 

20  pCOIIIII  IIUO<|.  HGAG  KVpiAKOG,  A(:  +GGBT(t)T  OVO? 
-fGpeGAIIIG,  OVO? -fptOnVT.  ll(;A(:  lO'i"  Al  A  I  lOG,  AG  \(()  lIGtOK 

ii-iaihaaiiii  o^■o^  iitgkgo'.coii  iiiiiovI^  iiiiiii  ovoe  lipG(|- 

TOVAO.  OVOe  IIGAG  IIIATIOG  1 1(:  1 1 IGKOI I  OC  A(;  1 1 1 1  (:(;,"M()l  1 1 
IIHI     HTA()V((),"JT    IIIIAlAy'iWOll     lipG(jTAKG    yv\ll    HTA\(() 

2ô  IIGCDI  ll<|)H  (rrAC|Glir  (JBOA  j)GII  'flIAAIlM  (31 1 A 1 1 1|)  I  ri'G 
ll^yopil  IMG  ll\G,  ()^*0^  IITA,"I(()III  gioiii  iiiiok  iiaiiog- 
TATIIG,  GAK\«)  IIG(()K  ll(|)ll  GTA()(i|)  ll(3MIIAIIG(|  IIAK, 
AK,"JGII>^JI  II2AII^G,  IIGLI  eAIKOllI  MAI  (3TG  IIIIOII  ^lAOll 
IIIKOOV    (-IIAV    IIBOA,   OVAG    GG(OTGII    OVA(;    GIIO,"J|.   GVGIIII 

30  ULI((30V  nGAA(|  IIAG  IIIIIMA  GBOVAB,  IIAG  OVOII  IIIB(;II 
GpG  20H0V  XII  GptOOV,  GAKAtOK  GBOA  llc|)()VCO,"J  IIIIIA(3- 
IIOII,  MAI  GTGKOII^M  GOpOV+?AII  (jpOK  IIGIKOOV  jxill 
+  rGGIIIIA  IITG  niVptOII.  (3TAqG(OTGII  AG  GIIAI  IIAG 
lOVAlAIIOG      A(|A(OHT      ll(|)pil'f     IIOVOHpiOll      A(|OVA2CAei  1 1 

35  GepOVIIII  lieAIIAAIlilAG  IIXP«JUi  IICG2ITOV  jjA  *  IIGqCc|)l- 
p(OOVI,     GqAtO    UUOC    IIA()    AG    BAI    TG     -f-fGGlillA     IIXpUJU 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    CVRIAQUE.  325 

6  TO'riltV?!  T  (;|)()(;.   lie:V(:    IIIAI'IOC    IIA(|   .\(j  AUDI  (O    iik^bihii 

."lA  (|)Ai  iiiiA'i'ATt)  ne  ni\'p(()ii  e  ro'i'iiAeiTK  epcx),  «eBei 
A(3  iiAi\|)(()ii  (|)Ai  :yA|)e;  ovko'/xi   iiikoo'/  o^'jikmj-  o'^'o^ 

M(f)|)M+  2(()K  GTCJKIIA'»'  I  I  +  (:|>(î(;OA  1 1(;(;0(}  tipOCj  Ail 
(3MTII|)(|.    (|)ll     A(;     IIOOC)     (-TOVIlA^ITIv     (;|>0(|     11(311     IKÎKKOT       > 

iiiAiAiiovoc,     iiiiKoo'i'     (-rjxjii     T(|)n     11(511     un     (;iei,\(;ii 

riKAei,  llll()V,"J()'(3ll()(|.  n(3.\(3  lOV.MAlKXi,  Af3  K;A(3  AK(r|)0 
eilAIVpCOII  (^Al:  ^11  Ail  II  eA«)K  IIK(3\p(()ll  IIAT(3p  (3B()A 
(3p()().  TOT(3  A(|()VA2(3A2III  (3(ip()VBlO.\  IIOVTATe  (3B().V 
j)(3ll  OVVptOII   IIC(3AO:'J(j    (;j)pill    (3eOII(|.  II(3A(3    I  II  1 1  AH  ApiOC     ^^ 

ii(3iii(;K()no(:    A(3    aaikxoc    A(|ii(|)pn^    iio/ikoov    (3(|KnB 

j)(:ll  •|A,"JB({)BI  eiT(3n  TAOll  IIIIAOC  IIIC  liyc.  n6AC: 
nillApABATIIC,  A(3  lO  enilll(3  IliAtOUT  IIT(:  in\'p(()ll 
eOIIA^yr  IIIIOV  (3AU)K,  «VOe  IIApillAV  A(3  <|>II  (3T(3IIIIAV 
IIA^yilAeU(3K.       T()T(3       At|OVAeCA?lll       (^OpO'/l  II  I       IIOVO'AOA     Ij 

iiB(3iiiiii,    ii(;(3''ji()    iinniAKApioc    (•a(()(|,    o'/o?    ii(:(3(,Ae+ 

j)Ap()(|  CAIKSCIIT  lin()(|  *  (3VA(3;'i  (OT,  11(311  11(3?  (;A"(()(| 
,"iAT(3  lll\p(()ll  ()'i'(()ll  IICA  ll(3(|('.IIAAI'll(>ll  (3(|A(()  IIIIOC, 
AG     'flIO'i"     X'IlAOpO      (3lll\p((>ll-     nniAKApiOC     A(3     A(|T(OB? 

iniAipn'f  (3(|A(()  iiiioc,  A(3  iiAOc  IIIC  II \(;  niAiniio'i'pi'oc   20 
iiT(3    (3ii\Ai     iiiB(3n    iKHornp     iirAy'i'vn    ii(3ii    iia(^(Uiia. 

IIOOK  ll(;  lAA'OII  11(311  IIAlAApO  11(311  1 1 A 1 1  Ali  (^(O'I  • 
IIAIIA^'J^     IIAp(;(|  TO'iAOI,    IIAp(;(|+  (Sepill  (3A'(()I    (:"f  (;  p?(3  Al  I  Kî 

epo(|.  AO'i'yjT   noc  (3A6ii   ii(3kb(()k,  ii()?(3ii   iinyinpi   iitg 

T(3KB(()KI,     A(3     IIIIOII     K(3()'iAI     (3BIIA     (3()()K      HOC      IIIC      liyc.     2b 
IIAI     A(3    (3(|A(0     IlIKOO'i',     A()(3|).")(|)l  I  pi      IIA(3     1 1 1  T'i"  pAI  1 1 1()(; 
OVOe     lieAÂ(|     A(3     ^'J(3     lllï.(3V(;    i^(3p:'J(|)ll  pi     A(3     (3II    (|()llj), 
f3(|ll(32  A(3  GBOA   1)611   ()V^(|)IT  rieAA(I,  AG   AKO'po  Gm\p(()ll 
K'i"piAK(3.     MGAG     IIIAriOG     IIA(|,     11(3     AKVpO     OVO?    +IIA(rp(J 

on,  ?iTGn  ineiioT  nT(3  iiaoh;  iik^  n\c,  ov  lioiioii  aiiok,    oO 

AAAA  IIGII  OVOII  IIIB6II  GTGp2GAni(î  GpO(|.  IIOOK  AG 
IIOOK,  ni\p(OII  IIAT(rGIIO  IIACI  IIIIOK,  GOBG  TGKIIGTA- 
CGBHC-  GTA(|Aa)liT  AG  IIAG  nillApABATIIG  A(|OVA?GAeni 
G^IOVI     GAGII     T(3qOM(:i     lieAli^BCOT     GVAHK,     *    G(j;aTHOVr 

GAGii    nuFAOA    iiBGnini    GpG    ni\pcoii    U02   iiApoq,   n(rc   3ô 

AG        nA()GpCKGnAï.lll        IIIIO(|       IIG       IIAqGIII       Ail       GGIIKA? 


326  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

6nTHpc|.  lovAiAiioo  A(3  AC|A(()HT  (M I i2vnepeTHc,  nesAq 

IKOOT,    XH     Heii6    OV     lOTOI  KVC-pO    Ail    lllli\p(OII    IIKA.\(()C. 

iiHtooT   Ae    iif3:x(()ov,    yo   ?iiiiiie   xiiav   yu   t|f.")A2   jxîii 

OTUOTeOVO,       KOrAp      OAI      eU)ll      Te      TeiieniGTLIiA-       ilAI 
5        eTAT3i:OTOV,    A    lll\pU)ll     UO^^Ji    eBOA,    A(|p(UK2    IIIA    lll)H- 

Tov.  ne:x6  nicriiKAoeApoo  iitc;  iio'/po  iia(|,  xv.  iiApov- 
2i(()iii  ea^eii  <|)Ai,  iiiioii  (|iiAep(3  iiixptnii  «voirrnii 
THpfiii  erreii   ii6(|UAriA,  eTAveitoiii  A6  epo(),  ne  iiriApe 

tOlli       TA?(){|       11(3      AAAA      ^'JAVKOTOV       e/c|)A20'i',       IICeTAKO 

10  ii2aiiuh:^  jîeii  iiiAOïiovl-  eBiiiiii  enovpo-  TOTe  AtjovA- 
2GA2iii  iiA'e  lOTAiAiioe  e()pnv'rA2n(|  epAT(|  iiii(3(|ii()() 
rie^LAtj  iiAtj,  XB  urieKAeii  lusKiiove  KvpuvKe,  iri(:K(;p- 
BTCiA  iiriiiii,"j1-  iiMovl-  m-(f.evc.  iieAC  riiAi'ioe  iiA(|,  xv. 
to      mAeiiov+     iiGOK     iiaaaoii     ne     (îTaka'a     neKiicive 

15        eAK^'JU)ril     lUIApAliAllie     nTAlj)(3     'IHpe.     eCOCAC:     IIT(3K(3p- 

ruoB^'j  uc|)+ eTAqoAuioK,  iieu  ritoov  uiieKOVCîiACiTiipioii 
eeovAB  irreKjyeu^yi  n2Aii^e  iieu  eAiicoiii  iiATyvAMi- 
ne:N:e  ninApAiioiioe,  xn  ilAl•yc;ll^Mi  ikîii  iiiiie  iiiiieiiov 
eTeiiiiAv  ère  uiie(|i-?nov  Ae  uni  n?Ai,  toto  Aiepiie- 
20  'iAiioiii,  Aiccoovii  iiiiiov^  irrA(|)inii,  un  eT+  iiiiio'i'aai 
11(311  nnvpo  uni  (1)  .  nexe  niArioc  iia(|,  a:(3  +(3iii  a(3 
eTAKOOven  neuicoT  iiiaiaboagc  nniApABATiie  Ae, 
A(|epKeAe'rin  eopov^toi'  eBOA  nTe(|AiA'  iio^'iiiaii  (;(|A'(() 

IIIIOC.     A(3     OAI    T(:    +A'IA    eTAej)AI     1  l+(;n  l(3T()  Ali ,    (;K(|)(()II^ 

25     iiir^iiT  iiiinin,"j  (3,"JT(3neoveii  111110'!'+.  iieA(3  (|)n  (30ovab 

ll(;llieKOIIOe        K'i"|)IAKO(3,        A(3        KAA(0(3        AKAIO        IIIO'i'20p 

e'r(rAJ)eii,  nK(3(0()'iMiov  au,  Ae  ov(oiij)  ii(3ne^  iieiAK- 
eeBTtoT()  uni.  J)at?ii  iien  l'Ap,  iinA+(;oveii  iiACtoTiip 
iHC  ii\(i,  11(3  ^•JAiej)Ai  (3nieviiAr(Oi"M  irre  iiiovaai 
30  iioniH."j  iicon ,  e,"JT(3iiopoviJA'e^~  epo(|  \'iiav  Ae 
niGKAiiAAAon  eT,beii  riACtoiiA,  ak^'jat(|  eBOA  uiio(|. 
iiAiiec  i"Ap  mil,  nie  ovai  iiiiAiieAoe  tako,  iice^yreu- 
2IOVI  iinAeioiiA  Tiip(|  e'freeiniA.  iieAA(|  iiAe  iiniA- 
pABATue,    Ae    ovKovii    AVAe    niKenAA    iioviiiaii    *  lieu 

(1)  Ajouté  après. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    SYRIAQUE.  327 

•i~(rA.\():x,     0V02      A(|epov(|)topK      unotjiiA.v     (îboa     oroe 

IIO(ÎA(0:XI  eiiOA  HT6C|(rA.\():V.  TO(jj)e.\.\aj  A6  UIIA'i"  f^llAKA- 
piA      AIIIIA,      IIAC02I      epATO     )jATOT(|      j)(3ll      MAI       THpOV, 

cc+iiOLif^    iiAt|    (JG3:co    Liuoc    iiAq.    :v6    (rpo    uuok    kaii 
ica:eK    TA^:pHOVT   3:fiuii()U^    kaii    ic^^gk    ;X6uiiouf^   pou,      s 
ak:x(()k  l'Ap  eiiOA  ii(|)iiouo(:  uiieKoti.  haï  ag  eTAc:\:oTO'i' 

A  niTVpAIIIIOC  epOVtOAl  UIIIBAA  11611  +2^:12:  IJ6U  'fcPAAoa:, 
AVCATOV  ej)ovii  jjeii  noc20  eqAxo  uuoc  iiag  xg,  ic 
<J)iioiioG    un6<|oc,    UApGqi    +IIOV    irr(Jt|Tova:oq.    ne;3;6 

-fuAKApiA       AIIIIA,       Xli      (Ai      OVIieilT       IIOVKOVAI,       U)      c[)H      10 
GTCeOVOpT  0V02  \IIAIiAV  fiTAOll   UnAIIOV+.   TOTO    ACUJAI 
IIIIIIIGAOC    GOOVAB    HTG    II  I  II  AKApiOi;    lieiUCKOnOC    ACTGU 

LiiiiovAi  iiiovAi  eridquA,  ovoe  iihaac  iiAq,   au  riA^'Jiipi 

OVO^  IIAKOT,  AAOG  AG  jieil  4>P^VII  liri\(;.  GTAqAGG  AG 
GATOT(|  A  IIGqUGAOC  Gp  IU)Vpil+  UT(;  ^'JOpn.  IIIUH^y  AG  15 
Tlipq  AVCO^'J  GBOA  GVAtO  UUOC,  AG  OVNI^f-  TG  TAOU 
llll\G.  GTAq^yc|)IT  AG  IIAG  1 1 1 1 1  ApABATHC  IIGAA(|,  AG  +IIOV 
AIGUI  A(;  IIOCOTGII  eAlKHOIMI  UIIAI"()C  *  AAAA  AIIOK 
-flIAIIII  II^AIIIIA|■()G  G^OTGpOJTGII.  TOTG  AVAIUI  IIA(| 
IIOVIII,"j1~  IIAX'tO  GUGCIpAII  IIG  AAU(OIJ  OVO?  IIGAAq  IIAq,  20 
AG  GlOVtU^y  IITGKUO?  IIO'i","JIK  I^^O(|,  IIGII  ApAK(UII,  IIGII 
IIOVI,  IIGII  CrAM,  IIGU  BACIAKîKOG.  IIH()()  AT:  A((ipi  j)GII 
TGqTGXHM  IIGT2COOV  Uc|)H  GTA(JOVAeGAei  1 1  llUOq  IIAq. 
TOTG  A(|OpOVC(OII2  1 1 1 1 1  U  AKApiOG  IICG2ITq  GJ)pHI  GHI^iK, 
A(|KOT(|  AG  G+IIAKApiA  AIJIIA  IIGAAq  (1)  IIAG,  AG  ()'/  25 
IKiTGAtO  IIIIOCj  i^jjGAAUJ,  UApG  IMG  +II()V  IIAeilG(|  IIOOG 
AG  HGAAG,  AG  AqiJAeUG(|  OVOe  (|IIAIIA2UGq  OU-  IIIAI'IOG 
AG  IIGIIIGKOIIOG,  IIA(|Oei  AG  GpATq  IIG  j)GII  0UM  + 
IIIIIOHpiOll  G(|'l(OB2  IIIIAipH+  GqAU)  UUOG-  AG  'f:^GII- 
euor  IITOTK  IIAO"G  IIIG  ll\G  AG  AK^tOIll  lllll  IIOVBOHOOG,  30 
GJ)pill  l'Ap  1)GII  HGKpAII  AliecOUi  6AGII  lll^Oq  IIGU  IIIOWII, 
KATA  +GgOVGIA  GTAKTIIK;  IIIIII  GOIIAe'h  tJpOK.  llieupiOII 
AG  IIAV2IIIIU  TlipOV  IIG  j)GII  TAOU  IIIIXG,  U<|)pilf^ 
ll2AlipGqUtOOVT.    GTA()IIAV  AG   IIAG   IIITVpAIIIIOG   AG    UHG 

(1)  Ms.  HGAAqAAq;   IIGAAq  est  à  la  lin  de  la  ligne. 


328  '  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

2AI  iiTAKo  yjtoni  uiioq,  * AqovA2CA2iii  6CI+  iiovjcptou 
eJ3pHi  fmi.^yiK,  xg  eiiiA  n(-3:A(|  iieotj  iieu  iiieHpioii 
iiTOTptoK2  evGon.  0V02  A  nixpu)u  pcoK'e  lieu  iiibh- 
pioii.  iiiArioc  Ae  ovAe  uneq^cjDeeB  iiovqcoi  iiTAq. 
5  <)vo2  j)eii  T>ou  un\c  AVGAqq,  avovo?  iiijo(|  iiiiolkjo 
uiiovpo.  eTAViiAv  A 6  ii:vtj  IIIUII^  AVfip.^y (|)l ipi  eVAll) 
ULIOC,    Ae     LIUOII     KeilOV+    6BHA    6pOK    IIXO,    «VAI     lie    cl)^- 

iiKvpiAKoe.  AC(o:^u  Ae  eBOA  iiAe  TequAV  eeepuAKApiï.n' 

llll()(|       (JCAtt)       llll()t|.       Ae      tOOV      IIIAÏK       IIOOK       IIA>4Mpi 

10      LiLMiiipiT     Ae     AKepArtoiiiï.ecoe      iiiiiArioii      e()iiAiie(|, 

IIIApOUOe     AKAOKq    C;B()A,     IIIIIA2+    AKApee    epOK-    AKOpO 

TAp  enix'ptoii  iK|)pii+  unir  iiArioe.  AVOve^oTco^yK 
Liii^BtoT  u(|)pii'h  uiiAVAoe,  Aveitoiii  eAOJK  uc^pu-f 
iieTe(|)Aiioi    iieKeoii.   ovo?   icA'e   ovroAuiipoii  au  iiel"- 

15  IIAAO(|,  AKAAIII  eAeil  0V20q  lieu  OVBACIAICKOC,  AKetOMI 
eAeil  OVUOVI,  lieU  OTApAKtOII,  kata  (tipu^f  eTCJlUOVT 
eoBe  iive.  iiiTvpAiiiioe  Ae  e(|,"j(|)iT  iiA(|j)pAAp6A  iiiieq- 
IIAA2I  ej)piii  eAioo'i",  (i(j()'i'((),"i  e|)ooB{)'i'.  aaikdii  Ae 
iiiiiAi'oe     e"rA()iiAV     eiiAiyK|)iipi,    iieA'A(|     uiiovpo,     Ae 

20  AKiioe  eBOA  j)eii  oviu,")^-  iiii(ri'AT?iiT  eKovco^j  ehuïTeB 
iiiiAiouui-  AAiincue  iiiioii  K(}ii()'i':h  ik^a  ii\e  <J)'f  iiiiaia- 
rioe,  <|)Ai  ?«)  (î+iiAe-h  epoq  icAeii  "fuo'i'.  iiiT'i'pAiiiioe  Ae 
AqA'CDiir      A()()'iA?eAeiii      (itoAi       iiT(;(|A<|)(j.       iiooq      Ae 

Aq(|)AJ)T((      j)A      IHilKVAAAVA"      UIIIAriOe      K'i'piAKOe     etjA'Cl) 

25  uuoc.  Ae  iiAO'c  iiuoT  iieilicKOlioe  iioi  uni  e(o  ufc(J)pA- 
rie  lire  ii\'g  iieii  liuoije,  ovoe  iiatovboi.  iinoq  Ae 
Aqepc(|)|>Anïjii  iui()(|  e(|Aii)  iiiioe,  a<;  i^rpiAe  (joo'i'ab 
ee(;epec|)pAi"iï.iii  uuok  iiA^^iipi-  iikoikj  A(;  \iia<)"I'I(( 
'^iTeii  iieKciioq  uuiii  (1)  uuok,  ovo?  iiAipii-f  AqeovTtoii 

3"  TeqiiAeBi  eBOA  eqc|)oii2  eiieieBT  e()A'(o  iiiioe.  Ae  iiao'c 
luc  uiiepioii    epoi   iiiiAiieTATeui,    aaaa   oiit    eco   eiieK- 

IIApT'i'|)OC       eOOVAB,       0V02       CATOT(j        AV(O.M       IITeqA(|)e 

Aqepiieuu;yA    iiiiuoii))    iieiie?-    iovaiaiioo    Ae    uiUApA- 

BATUG    UeAAq    UIUATIOC     K'i^piAKOC,    Ae    \IIATAIIOI    AU    A6 
(1)  Ms.   uni. 


Ll'^    MAIlTVIïE    DE    JUDAS    SYRIAQUE.  329 

RTAK6UI     f3TAIIII^+     1 1 1  KiT  1 1 ATOC     IIA,"J     11^11  +  -    eilline     IVVp 

AKOcopeii  uriApxtoii  *iit(;  iiiiiai-oc,  iieAie  iiiAnoc  X(r. 
ii+ctoo'/n  U2.VI  AH  ii(;a  iiaou;  iiig-  ne>;e  iiiaiiouoc,  xt'- 
,"j(]  iiiï.evc  Ai;yAUTAC()o  eBOA  i)eii  friepcic  +iia(|<o+ 
or.oA  iiovoii  IJIB6II  (jeiiAe-h  eiiAipAii  113:0  inc,  mu  ea)(|  5 
ne  iHC.  n6a:6  niArioc  3:0  Apieui  iiak  nioveop  gtcfa- 
|)(5U,  >:e   \iiAetuA  e-fnepcic   eKoii'i,    iiTeKi   (3koi    iipt3(|- 

NtOOVT-    6AVl)eAJ)tOAK    1)611    OVCHqi    eC2Hn,    UTH{)c|)()IIA'K 

iivaiAeii  GBOA  jïeii  lUJKtoov,  xixe  c|)h  eTAK:ïfiovA  (-pcxi- 
AC|ÀCOUT  Ae  ii:^n  niAiiocioc  AqopovA^'jq  Hepiii  iicoeuJKi    10 

ULIOq,  OVOe  IK33:A((  llfllAKApiA  AIIIIA,  3:B  OV  n6T6.\(t) 
IILIOCj  AIIIIA,  ApieVCIA  UIK3pGpAT2HT  ll(|)pHl-  IIIIH."nipi 
A(3  A()OIOTI1  IIAC|  ll<|)IIOV  62016  ntOllj).  HBOC  A(3  IM3AA6, 
A(3  etOII  lipUJK  (|)ll  6T(rAJ)eU,  UAAAOII  AO  IIH()(| 
6(|IIA6pKAHpOliOUIII  UlIKUll})  1161162,  6c|)UA  1 1 1 1  Al  1  lO/  lô 
(|)AI    II6U     nAltOllj)    linpOC    OVCHOV.    6TAqAa)IIT    A6    IIA6 

niTvpAiiiKx;      A(|ep()VA,"jr.     6iuytoi      iiga     iiiq(i)i      HT6 

T6(;Ac|)6,    (3AV2COKI     LIUOG     IIAV      1'+     IlOVIlOV,    OV()2     2IT6II 
III2UOT      liT6      n\G,      IIAG6p6GeAli6GB6      AU      116      6IITMp(|, 
AGCO^     Ae     GBOA     6GAtO     UUOG*    XG     (^11     6TGOVOpT     IIApA     20 
O/OII       IIIBGII       IGAG      OVOIITGK      BAGAIIOG      UIIAV      AIIIOVI- 
IIAAIII    OH    AqOpOV^IOVI    lieAI  I  K  Al  I  Al  I  AA   II  \pCOU    GAIH3GHT 
IllUOOV     IIAV     OVIIOV.      OVOe     IIAPG     lUrG  (1)     GpGKGIlAZ.IH 
llll(3qAriOG     116.      HIAI'IOG     A6     KVpiAKOG,    Al|+    HTAHipOG- 
6V\H    6qA^I    G'epHI    II6U    TG(|HAV   6q:Xa)    UUOG    UHAipH  +  .     :>5 
A'6     HtrG     HIHAHTOKpATCOp,    (jiH     GTAqGtOHT     lietOB    IIIBGII 
(3BOA   j)6ll    (|)ll    6'l"6    IIAt|,"JOII    AH.    IIOOK    AKOAIHO    IHiqXOHI 
KAI'A    Ï6K2IKCJUII,    IIGU    KATA    HGKIIII,    AKVA(|    j)6ll     llHlApA- 
AIGO(;      IIIG      IIOVIIOC).      CTAqeGI      Ae      6BOA     jj6li      nicoov 
GI<3UUAV,     211611    -fAIIATH     Hr(3     Ill20t|     IHIGKeill20     UIIO((      30 
A6     lUJKHAAGUA    116.    0V02    2tOG    ,"J  Al  lOU  AJ3T    AKGpBOHOIH 
Gpoq,    2IT6II     HlliOUOC    11(311     1 1 1 H  pO(|)HTHG,     HAqKOA>:    OH 

GJjpm    113^:6    c|)pujui,    etjco^ji-   2hi6ght    ii(1>P"1^    iiiii2oc| 

GAq'yG    IIGGIG    j)GII   HA,"JAI    I  ITGq  IIGTAGH  BUG ,    HAG    nTGUOG 

(Ij  Ajouté  sur  la  ligne,  ainsi  que  les  deux  lettres  Gp  suivantes. 


330  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

iiiiipcuiii.    iiooK    ivvp    lie    (|)i^    nipGqtooviienT    iiaahgi- 

IlOC.     <|)ll     e3TII0^6U     lIGHO'i'     llllieil     1)611     UAI     IMB6lh     IHIM 

erepeGAiiu;     opoK,     ovoe     akom     uii^i^'j      uni  iViioiioc, 

U(|>PH+     GTAKAIC    ^1     MIIIAKapiOC     IHOG,     HAKTOVXOt]     ^3611 

5       O'i'KIBtOTOC  ,     AKTAKO     Af;     IIIIIAGf3BII(;     j)GII      OVKATAKAV" 

CUOC  HTA  <))IIOBi   A6  A.^^AI  21    1 1 1  pCiUCOAOU  A  (1  )   AKTAKO   IIG 

iinoAio  iiAceBHc,  neKHUHi  An  ou  mot  AKiiAeueq  ovoe 
iiApe  nmeT2tooT  nhot  iiepm^'f  liuiiiii,  (■vov(o>'jt 
iiiiiccoiiT  GT'h^:ajnT  mak    iiook  J)a   iiipeqccoiiT.  eiiij)Ae 

10  AU  HTG  III6200V  AKOVtOpil  II  lieKIIOI  lOI'GI  1 IIG  ll."Jlipi 
eilIKOCLIOC  niAOrOG  GTOIIJ)  IIIGBOA  UIIOK  c|)II  GTAKJÏ())Oq 
J1A3:GII  IIIGIIG2  TUpOV.  OVO?  AC|GpptOUI  60BG  (|)p(OUI 
AtlGCot  UUOq  2ITGII  IIIOV:^AI  GTAqGp2tOB  Gpoq  b^U 
OIIII+        IIIIIKAei.         niGTA'i-pOG        (|)AI        GTA<  jGpeVMOUGI  1 1 1 1 

15  G(|)UOV  GBOA  ^ITOiq  .'yATGqGCoi^  U<|)p(OiJI  IIKGGOII.  O'i'Oe 
IITG(|TAGOO(|  tJIIIIIApAxVIGOG.  IIIIIA  GTACj^GI  GBOA  llj)IITq, 
GA  HGKOVA'AI  (jiUip^y  GBOA  GIIAI  IIIBGII  GA  cJ)ptOUI  AG 
GOVtOII  HGqpGqCaJHT.  AV\<JL>  IJCtOOV  llfllAAIIII  (2)  IITG 
i~UGT,"JAU,^yG     IA(OAOIIi     2ITGII      HIGTAVpOG      GOOVAB      IITG 

20  IIGKIIGIipiT  II^^JHpi,  c|)AI  2(0  GTAIGppGlieG  (-BOA  j)(3ll 
TAIIAAHII  l|l)HTC|.  -flIOV  AG  OU  A(|eiTOT(|  IIAG  IIAIAIIO- 
UOG,  (ÎTOVIIOG  TIIAAIIU  llf^l  IGT,"J  AU,"J(;  IA(OAOII,  OAI 
GTAGCO,"JGU.  AAAA  ^(itOOVIl  AG  A'UAJ)Opq  IIVCOAGU,  IKJII 
TGqOpiGKIA  UBO+,  UTGKII02GII  UIIGKAAOG,  OVOe 

2J  IITGKGIO+  IITGKKAUpOIIOlJIA,  UT(;K(rAGOV  'yA  GIIG?» 
UGUTOITG  AV;'JAIIOei  j)GII  llll  GT(:  IIOVK  IIOVA2GA2III.  IIU 
GTAKTUITO'i"  IIAII  211(311  IIIG  U\'G  IIGlUrG,  (J)AI  GTG  IIUOOV 
(jpupGUI  IIAK  IIGUA(|i  IIGII  IIIUIIA  GOOVAB  >^JA  GIIG? 
AUUII-    IKÎIHillGA     UAI    A'i"\AV    GIKJGIIT,    0V02     IIGJkG     illllA- 

30  pABATIIC,  AG  TGTGIIIIAV,  Aei  AIGpAlHîX'ïîGOG  UUCOTGII 
^ATGTGIIAG  O'i'lip  ll,"J(|(0,  KCJl'Ap  AIIOK  2(0  AKMOTGII 
GIIAI^'J()CO     IIOVIIII,"!     IICOII.     0'i"02     IIIIOVOAIIIG    2AI     U2UOV 

iuu,1~eui    rA|>  AG  iiO(or(;ii  2aiioagi2UT,  ovoe  TGTGII^y- 


(P)  Le  III  est  ajouté  après  sur  la  ligne. 
{2)  Ajouté  après  sui"  la  ligne. 


LE    MARTYRE    DE    JUDAS    SYRIAQUE.  331 

(|)IT.       eeB6      (|)AI      -flIATcVee      OOVtOT      GpcVTC|      IHOTOM       AU 

Lioijoii  cvpiouoAonii  XP.  oviii^'f  ne   niï.tivc,  ovo?  xmx 

tîBOA  UC|)II   eTcVVepCTAVptOIIIII    llllOt|  OV()^   +IIA\AOIUI()V 

GBOA.  AVGpovto  ii,\e  iiiAiKeoc,  xa  4>"  erceovopT  (îboa 
ovre  ptuui  iiiBeii,  aiiiiaacoa  oboa  u<\)h  e  TAC|ipi  iieuAii     5 
HUAI     ueTp6(|GprieouAUOV    Tiipov.     GKe^'Jtoiii     eiiTAKO 
IIC3LI     iinKiiovii    iuu)+.     OTAqccoTeu    Ae    euAi    ac|uboii 

OVOe      AqOVAeCAeill       (3()pOV(JA2+      ))A      OV\AAKIOII      11116?, 

>uATeqBepBop    c3ua,"J(o,    iicoerrov    ebpm    epot)-    iie^^e 
iiiuAKApioc    irretjUA'i-,  yii  a:t;Uiiou+   tauav,   ii\o   ,"Jon    i*^ 
ii(-UAii  unepep2of.  ne3:e  fa^topi  j)f;ii  lurc,  ^e-f-xeuiiou-f 

IIA^JIipi     eiTeil      lieK^JAIIA     fiOOVAB,     C)V02     (^c\l      OTeKUAV 

(]pot|,  A()oi  u(|>pii-h  ii<)V(|)u:kiiia  uucoov  oqKUB  iinAueo. 

lie3X(i  lllUAKApU)C  A(;  1 1 1 1 1 1 1  l(;T()0  eTKtO+  tipO(|,  AO 
eC3UOIIII()V  GBOA  ei  (|)()VGI  IIA,"JHpi,  UHntOC  UTGTeiKri  ^^ 
6pj>OT.  TOTG  A(|AII()III  IIIA'IA"  IIT(3  TGqUAV  A%\"l(;  (1) 
UtOOV  IIIIB  GJipMI  (;lll  VAAKIOII  IK^pili"  (:VIIA  (;j)pill 
GOVIIVIMI  UlItOOV  (;<|KIIB,  1 1 1  BCjpBG  p  AG  AC]  I  lO'i'A'b  GlIi^CJUI, 
AtjTAKO  ll2AIIO'»"()II  ))(;ll  IIIA(»II()V+  UevnGpGTUC,  II6U  (2) 
IIIIOVAAI  GTOei  GpATOV-  lOrG  I  M 1 1  ApABATIIC  (3)  GTA(|,"J-  ^^ 
<|)IT,    ()V02    GTAqGpKOVAI    U^IIT,    A()()pOVJ3GAl)U)AOV    l)GU 

ovAoï-vii  Gorniov  iij)ovii  (1)  j)(:ii  iioveiiT  ovoe  GTAvep- 

Gt|)pAI'l(flll  *    llUtOO'/    (j),    Avf    IIIIOVIIIIA    GIIGIIAIA"     U(|)+. 

ovoe  AV6pn6Lu]nîyA  UllltOUJ)  iigiig?  (0).  avioai  ag 
iiiiovctouA    Mxa    iiiriicTO(;      avavaidaov,    av\av    'îgii    i:> 

OVUA  (7)  GBOVAB,  eAIIUH,"!  AG  IITAACVO  AV,"ja)lll  GBOA 
eiTOTOV-  lUIlApABATIIC  AG  A(|^G  IIAq  j)GII  ()VA(OHT, 
U6U  OVAHOIIOIA,  G-hllGpCIG  6f~  OVBHC.  <\)f  AG  AqtFI  (8) 
UriGU^I^yi  IIIIGqGBIAlK  GTAq  +  ljlCI  IIOJOV,  ACjjjGAJitOAt) 
•)GII  ()VAOI"\H  GC2im,   IITG  t)'i'GTpATIA   UAriOG(9),  GAqilAi 

(1)  Ici  commence  le  fragment  conservé  au  British  Muséum.  —  {i)  L  oui.  — 
(3)  L  add.  lOVAlAIIOC-  —(1)  L  GJJOVII.  —  (3)  L  add.  UJXG  IIAIAI'IOO 
UIITVnOG  uniCTAVpOG  GOOVAB.  —  (6)  L  add.  J3GII  BUGTOVpO 
IIIJI(|>MOVI>  —  (7)  Illisible  dans  L.  —  (8)  L  niATABOC  GqO'l-  - 
(9)  L  add.   UUApTVpOC 

ORIENT  CHRÉTIEN  23 


30 


10 


3d2  REVUE    DE    L  ORIENT    CHRETIEN. 

epoc  eciJHov  eepHi  (3i:to()  eBo.v  beii  niAHp,  ovoe 
iiAipH+     Aq?i      iieqeiiov-     c|)'f     ag     At|Tovnoc     Keovpo 

IIOIIHI  (1)  (3IU3qpAII  ll(;  IO'/BIAIIO(ô  OVptUUI  MC;  liniCTOC, 
OV()2  lie'/CIIBHC  ICa:eiJ  T6qU6TKOV:^l.  OVO?  IIAipili"  A 
+eipHIIII    IIT6  (t)'f  4)U)p^y    eBOA    13(311    MAI    II  I B6II .  (3TAV.\tOK 

GBOA  (2)  ii::^(3  iiiArioc  uiiApTvpoc  lire  ri\G  me  KvpiA- 
Koc   neniGKOlioc    eeovAB  (3),  iihu   aimia  TaqiiAV,    iieii 

AALIUJII  IIILIArOC  IICOVKB  LiriAOlll-  6A'i"(ri  IIIIIV.\a3U 
IIABAUJII    ))eil    (4)    MVC    IHC    ll(3ll()(3.    cj)AI    6T(3    6BOA    eiTOTtj 

epe  a)ov... 

(1)  L  add.  OVO^  IIIIAIIIOv1~.  —  (:.')  L  Af3  GBOA  IIIIOVAfCUII 
lieu  ÏO'i"AOAII(;i(3.  —  {3)  L  IIGIKrC  IHC  ll\(;  IIIAI'IOG  K'i'piA- 
K()(;     IIIApXHeneCKOnOCÎ     IIIG      IAIIIJ.    —    (4)    D'ici    à    la    lin    L    : 

j)(3ii  oiiGTOvpo  iieiie?  ijt6  iieiloo  ovo?  iieiiii()v+  o'i'oe 

lIGlICtOTIip  IIIO  ll\C.  c|)AI  eTt3  GBOA  eiTOTq  lltOO'/  U(|)ia)T. 
ll(3IIAq  IIGII  IIIIIIIA  GGOVAB  lip(3qTAIlj)0  0V02  IIOIIOOV- 
GIO(J  IIGIIA(|-  'hllO'i*  IIGU  IKiHO'i"  IIIBGII  IIGII  ^'JA  GIIGe 
[llJTG     IIIGIIG^     THpOV      Allllli:: 


SAINT  JEAN  LE  PALËOLAURITE 


PRECEDE 


D'UNE  NOTICE  SUR  LA  VIEILLE  LAURE 

Par  les  RR.   PP.   Siméon    VAILHÉ  et  Sophrone  PÉTRIDÈS 

des  Aiigustins  do  l'Assomption 


I.  —  SOUK  A  OU  LA  VIEILLE  LAURE 

La  Vieille  Laure  a  porté  ce  nom  de  boïine  heure,  afin  qu'on 
pût  la  distinguer  de  la  Grande  Laure  ou  laure  de  Saint-Sabâs 
et  de  la  Nouvelle  Laure,  autre  fondation  monastique  impor- 
tante qui  s'élevait  non  loin  de  Théeua.  Elle  s'appelait  aussi,  du 
nom  de  son  fondateur,  laure  Saint-Chariton,  nom  sous  lequel 
elle  est  le  plus  connue  et  qui  lui  est  resté  dans  la  tradition  popu- 
laire. En  effet,,  aujourd'hui  encore,  les  cartes  mentionnent  près 
de  son  emplacement  le  Ouacly-Khareitoun,  vallée  de  Chariton, 
le  Mogliar-KhareUoun,  grotte  de  Chariton,  et,  sur  son  empla- 
cement même,  \e  Khirbet-Khareitoun,  ruines  de  Chariton.  Elle 
s'appelait  enfin  Souka  ou  Chouka,  mot  syriaque  qui  signifie 
couvent  et  parait,  dans  le  cas  présent,  être  synonyme  de  laure. 

Sous  ces  désignations  diverses,  notre  maison  religieuse  a 
vécu  une  existence  passablement  obscure,  quoique  assez  mouve- 
mentée; c'est  elle  que  je  voudrais  esquisser  rapidement  à  pro- 
pos d'un  de  ses  saints,  qu'un  document  nouveau  nous  fait  un 
peu  mieux  connaître.  L'histoire  de  la  Vieille  Laure,  commen- 
cée dès  la  première  moitié  du  iv^  siècle,  se  termine  vers  la  fin 
du  xir,  date  probable  de  sa  disparition;  soit,  en  tout,  800  ans 
d'existence,  mais  avec  des  hiatus  considérables  que  ne  réussis- 


334  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

sent  pas  à  combler  quelques  maigres  données  des  pèlerins  ou  des 
hagiographes. 

Cette  (Hude  comprendra  trois  petits  chapitres  : 

1"  Les  fondations  de  saint  Chariton  ; 

2"  De  saint  Chariton  à  la  mort  de  saint  Cyriaque  ; 

3"  De  saint  Cyriaque  à  la  destruction  de  la  laure. 

Quant  à  saint  Jean  le  paléolaurite,  le  saint  religieux  de  la 
laure  qui  est  roccasion  et  l'objet  de  cette  publication,  je  donne- 
rai sa  biographie  dans  la  seconde  partie  de  ce  travail,  pendant 
que  mon  confrère,  le  R.  P.  Pétridès,  éditera  les  nouveaux  textes 
poétiques  qui  le  concernent. 


1.    —    LES    FONDATIONS    DE    SALNT    CHARITON 

La  première  maison  religieuse  du  désert  palestinien,  la  mai- 
son mère,  si  j'osais  risquer  cet  anachronisme,  est  sans  contre- 
dit la  laure  de  Pharan.  Les  origines  de  cette  laure  n'ont  pas  en- 
core déj)0uillé  toute  obscurité.  Cela  tient  en  partie  à  ce  que  le 
biographe  anonyme  et  tardif  de  son  fondateur,  saint  Chariton, 
n'avait  pas  de  documents  écrits  à  sa  disposition.  Même  s'il  n'a- 
vait pris  lui-même  la  précaution  de  nous  l'avouer  naïvement  à 
la  fin  de  son  travail  (1),  on  l'aurait  deviné  sans  peine  à  tous  les 
traits  légendaires  dont  il  émaille  son  récit.  L'explication  qu'il 
en  donne  est  des  plus  naturelles.  Bien  des  années,  bien  des  siè- 
cles peut-être,  s'étaient  écoulés  depuis  le  moment  où  saint  Cha- 
riton souffrit  courageusement  pour  la  foi,  jusqu'au  jour  où  ce 
disciple  inconnu  résolut  d'offrir  l'exemple  de  son  père  à  notre 
imitation.  Or,  il  ne  faut  pas  oublier,  remarque-t-il  avec  raison, 
que  les  chrétiens  étaient  peu  nombreux  en  Palestine  à  l'arrivée 
du  saint,  et  les  solitaires  encore  moins.  Eussent-ils  songé  à 
mettre  par  écrit  les  actions  mémorables  et  les  héroïques  vertus 
du  fondateur  du  monachisme,  qu'ils  n'en  auraient  guère  ti'ouvé 
le  temps  ou  l'occasion.  Les  poursuites  des  païens,  la  haine  na- 
tive des  Juifs  et  des  Samaritains,  les  querelles  ariennes  et  mo- 
nophysites,  qui  boulev^ersèrent  de  fond  en  comble  le  sol  de  la 
Terre  Sainte  durant  les  iv*"  et  v"  siècles,  voilà  tout  autant  de 

(1)  A.  SS.,  t.  VII  sept.,  n"  19,  ji.  r,si. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  335 

causes  qui  contraignaient  les  moines  à  gagner  les  solitudes  les 
plus  austères,  les  cavernes  les  plus  isolées,  pour  y  vivre  séparés 
les  uns  des  autres,  sans  aucune  relation  avec  le  inonde,  sans 
livres  et,  sans  doute,  presque  sans  vie  intellectuelle.  Dès  lors,  à 
qui  s'adresser  pour  retrouver  les  vestiges  de  l'homme  qui  avait, 
le  premier,  implanté  la  vie  des  anges  sur  le  sol  de  la  Terre 
Promise  et  lui  avait  assuré  une  prospérité  ininterrompue?  A  la 
tradition  orale,  dont  les  disciples  du  saint  se  présentaient  comme 
les  meilleurs  garants.  Eux,  du  moins,  avaient  sauvé  du  nau- 
frage de  l'oulili  quelques  parcelles  historiques,  enrichies  et  gros- 
sies de  contes  légendaires,  et  renoué  de  maître  à  disciple  le  fil 
brisé  de  la  tradition.  Voici  ce  que  cette  tradition  lui  apprit. 

Sous  le  règne  de  Constantin  le  Grand,  un  pèlerin  quittait  Ico- 
nium,  sa  ville  natale,  pour  se  rendre  à  .Jérusalem.  Il  se  nommait 
Chariton(l).  Ses  membres  portaient  encore  les  stigmates  dou- 
loureux des  supplices  qu'il  venait  d'endurer  pour  le  Christ  pen- 
dant les  persécutions.  Au  terme  de  son  voyage,  le  pèlerin  tomba 
entre  les  mains  de  voleurs,  qui  le  dépouillèrent  de  son  petit 
avoir,  le  lièrent  et  l'emmenèrent  dans  une  grotte  inaccessible, 
située  à  deux  lieues  environ  de  Jérusalem.  Ces  scélérats  repar- 
tirent bientôt  pour  continuer  leurs  brigandages,  laissant  le 
pauvre  voyageur,  tout  seul,  enchaîné  dans  la  grotte.  A  leur  re- 
tour, ils  se  mirent  à  boire  sans  mesure  d'un  vin  probablement 
empoisonné  et  moururent  tous  la  nuit  même  dans  d'atroces 
souffrances. 

Le  prisonnier  qu'on  avait  privé  de  sa  fortune  se  trouvait 
ainsi  par  cette  fin  traglipie  le  seul  héritier  de  ses  spoliateurs.  Ne 
voulant  pas  faire  tourner  à  son  seul  avantage  des  biens  aussi 
mal  acquis,  il  en  distribua  une  partie  aux  pauvres,  une  autre 

(1)  Saint  Charitou  jouit  oiicon^  d'un  j;i'aiul  cuito  dans  sa  patrie.  A  une  lieue 
(le  Koniah,  l'antique  Iconiuni,  à  l'extrémité  d'un  vallon,  est  blotti  Aq-Monaslir, 
le  monastère  blanc,  dédié  à  saint  Chariton  et  ainsi  dénommé  à  cause  des  roches 
crayeuses  qui  l'entourent.  Chaque  année,  on  organise  de  Koniah  deux  grands 
pèlerinages  au  monastère  blanc.  Après  avoir  assisté  aux  offices,  les  pèlerins  se 
réunissent  autour  d'une  fontaine  et  y  boi\-ent  avec  piété  l'eau,  que  saint  Chari- 
ton aurait  fait  jaillir  de  la  roche  pour  désaltérer  la  foule  pendant  une  période 
de  sécheresse.  Le  Grand-Tchélébi  lui-même,  le  supérieur  général  des  derviches 
turcs,  se  rend,  une  ou  deux  fois  par  an,  à  Saint-Chariton  pour  se  retremper  dans 
la  ferveur  {Missions  des  Augustins  de  l'Assomplion,  Paris,  août  1901,  p.  372). 
M.  Franz  Cumont  a  publié  une  très  intéressante  inscription  b3'zantine  de  ce  mo- 
nastère dans  la  Byzcaainische  Zeilschrifl,  t.  IV  (1895),  p.  99-lOG. 


336  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

aux  solitaires  qui  se  sanctifiaient  sur  les  bords  de  la  mer  Morte, 
dans  les  grottes  de  Calamon,  se  réservant  le  reste  pour  se  cons- 
truire un  ermitage  dans  la  profondeur  de  la  vallée.  La  caverne 
des  voleurs  devint  une  chapelle  qu'on  nommait  la  vieille  église, 
lorsque  l'hagiographe  anonyme  écrivait  la  vie  de  notre  saint; 
elle  servit  d'oratoire  pour  les  pieux  fidèles  qui  étaient  venus  se 
ranger  sous  la  discipline  de  Chariton  et  commencer  l'apprentis- 
sage de  la  vie  monastique. 

Les  bandes  de  rochers  présentaient  à  des  hauteurs  inégales 
de  petites  cavités,  faciles  à  agrandir,  où  les  moines  se  retiraient 
pour  vaquer  à  la  contemplation.  Une  échelle  permettait  d'accé- 
der à  cet  asile  aérien.  Là,  dans  sa  cellule  suspendue,  lesohtaire, 
seul  à  seul  avec  Dieu  et  avec  sa  conscience,  tressait  des  nattes 
et  des  corbeilles,-  chantait  les  psaumes  aux  heures  prescrites  et 
ne  descendait  que  le  samedi  et  le  dimanche  pour  participer  aux 
saints  mystères.  Bientôt,  l'édit  de  Constantin  délivrait  la  Pales- 
tine et  le  monde  romain  de  la  persécution  de  Licinius;  doréna- 
vant, l'heure  de  la  délivrance  avait  sonné  pour  le  christianisme, 
qui  prenait  sa  place  au  soleil  de  la  liberté.  Comme  la  grotte 
devenait  par  trop  étroite,  l'higoumène  construisit  une  église 
plus  vaste,  que  l'évèque  de  Jérusalem,  saint  Macaire,  vint  con- 
sacrer vers  l'année  330.  La  laure  de  Pharan  se  trouvait  définiti- 
vement établie  et  devait  obtenir  dans  la  suite  une  célèbre  re- 
nommée. 

Sans  mentionner  toutes  les  légendes  (1)  que  raconte  le 
biographe  de  saint  Chariton  et  que  j'ai,  à  dessein,  passées  sous 
silence,  Cyrille  de  Scythopolis  au  vi'  siècle,  attribue  la  fondation 
de  Pharan  à  notre  saint.  .T'ai  lu  même  quelque  part,  mais  je 
n'ai  pu  retrouver  lacitation,  qu'il  rattachait  celui-ci  à  la  vie  mo- 
nastique d'Egypte.  Si  ce  renseignement  était  exact,  il  s'ensui- 
vrait que  saint  Chariton  serait  un  disciple  de  saint  Antoine, 
tout  comme,  à  la  même  époque,  saint  Hilarion  de  Gaza.  De  la 
sorte,  le  monachisme  de  Palestine  serait  uni  d'une  manière 
très  étroite  au  monachisme  d'Egypte,  il  aurait,  comme  lui,  la 


(1)  Simon  Gioras,  le  chef  principal  des  zélotes  révoltés  contre  l'autorité  romaine, 
69 et  70  après  J.-C,  cachait  ses  troupes  et  ses  trésors  dans  les  grottes  de  Pharan 
qu'il  avait  creusées  en  grande  partie,  et  semait  delà  avec  sa  bande  à  l'assaut  des 
paisibles  habitants  (Josèphe,  Anliq.  jtid.,  IV,  ix,  4).  Ce  l'ait  historique  a  pu  don- 
ner lieu  à  la  légende  des  brigands,  qui  emprisonnent  saint  Chaiitou. 


SAINT   JEAN    LE    TALÉOLAU-RITE.  337 

même  origine  historique  et,  comme  lui  aussi,  le  même  initia- 
teur, saint  Antoine. 
Le  Ouady-Farah  (1)  garde  de  nos  jours  le  nom  et  le  souve- 


(1)  Qu"on  me  permette  do  résumer  brièvement  en  note  ce  que  nous  connais- 
sons de  l'histoire  de  Pharan.  On  verra  que  tous  nos  renseignements  se  réduisent 
à  quelques  maigres  notices  puisées  dans  les  documents  hagiographiques  de 
l'époque  et  que.  si  la  laure  paraît  être  encore  debout  à  la  fin  du  w"  siècle,  il  n'est 
pas  du  tout  certain  qu'elle  ait  survécu  aux  invasions  qui  désolèrent  la  première 
moitié  du  siècle  suivant.  Un  siècle  après  saint  Chariton,  Pharan  comptait  parmi 
ses  solitaires  un  des  plus  illustres  pères  do  la  vie  monastique,  saint  Euthyme, 
que  les  Grecs  ont  surnommé  le  Grand  et  aussi  le  Ihéophore  ou  porto-Dieu.  Celui- 
ci  se  lia  d'amitié  avec  son  voisin  de  cellule.  Théoctfste,  et,  chaque  année,  aux 
approches  du  Carême,  il  allait  avec  lui  dans  le  désert  de  Coutila  se  préparer  pai- 
une  retraite  plus  rigoureuse  aux  fêtes  de  Pâques.  Euthyme  resta  cinq  ans,  -106- 
111.  à  notre  lauro.  avant  de  se  fixer  dans  la  gorge  sauvage,  qui  devait  voir  bien- 
tôt s'élever  le  monastère  de  saint  Théoctiste  {Vita  s.  Euthymii,  n"'  10-12,  14,  15, 
119,  120  et  154).  Cyrille  de  Scythopolis  parle  de  la  laure  comme  existant  encore, 
au  moment  où  il  écrivait  la  vie  de  saint  Euthyme  {Op.  cit.,  n"  154),  c'est-à-dire 
dans  les  premiers  mois  de  557.  Peu  après,  5(34,  Pharan  a-\ait  pour  higoumène  le 
moine  Grégoire  (Pratum  xpirituale,  cap.  139),  qui  devint  ensuite  supérieur  du 
monastère  du  Sinaï,  défendit  ce  couvent  contre  les  pillards  arabes  et  reçut  en 
récompense,  570,  la  chaire  patriarcale  d'Antiocho. 

,Iean  Mosch,  qui  passa  dix  années  complètes  à  Pharan  (Pratum  spirilitale,  cap. 
40),  nous  a  laissé  sur  quelques-uns  doses  moines  dos  traits  édifiants,  venus  par  le 
canal  des  anciens  ou  qu'il  avait  vus  de  ses  propres  yeux.  C'est  l'abbé  Cosmas, 
vieillard  et  rude  défenseur  de  la  foi,  qui,  du  tombeau  où  il  était  enseveli  à  côté 
d'un  évoque  à  l'orthodoxie  douteuse,  criait  à  son  voisin  :  «  Ne  me  touche  pas, 
iK-rétiquo  !  N'approche  pas  de  moi,  ennemi  do  la  sainte  Église!  »  (Op.  cit.,  cap.  40). 
C'est  l'abbé  Paul,  austère  et  silencieux,  qui  jouissait  du  don  des  larmes  et  pleu- 
rait avec  tant  de  consolation  que  .Jean  IMoscli  no  vit  jamais  rien  de  pareil  {Op. 
cil..,  cap.  41).  C'est  l'abbé  Auxanon,  dont  l'abstinence  était  telle  qu'un  seul  petit 
pain  d'autel  suffisait  à  sa  nourriture  durant  quatre  jours,  parfois  durant  une 
semaine  entière  (Op.  cit.,  cap.  42).  Quant  à  l'époque  du  séjour  de  Jean  Mosch,  les 
divers  renseignements  qu'il  nous  a  livrés  sur  ces  trois  ou  quatre  religieux  per- 
mettent de  la  fixer  d'une  manière  assez  précise.  En  effet,  d'une  part,  il  se  lia 
d'amitié  à  Pharan  a\ec  Auxanon,  ox-syncelle  du  patriarche  Grégoire  d'Antiocho, 
par  conséquent  après  570,  date  initiale  du  patriarcat  de  celui-ci;  d'autre  part, 
il  connut  dans  la  mémo  laure  le  moine  Cosmas,  mort  depuis  à  Antioche  sous  le 
patriarche  Git'gnire.  donc  avant  l'année  593,  date  finale  du  patriarcat  de  celui- 
ci.  Ainsi  mis  en  relation,  ces  deux  faits,  qui,  pris  séparément,  ne  prouveraient 
rien,  aboutissent  à  la  conclusion  que  .Jean  Mosch  habitait  Pharan  sous  le  pa- 
triarcat de  Grégoire  d'Antiocho.  Comme  le  patriarcat  do  Grégoire  s'étend  de 
l'année  570  à  l'année  593,  il  est  assez  difficile  d'enfermer  entre  doux  dates  défi- 
nitives le  séjour  de  dix  ans  que  fit  Jean  Mosch  dans  cette  laure.  On  peut  néan- 
moins supposer  que  ce  séjour  est  antérieur  au  voyage  qu'entreprit  en  Egypte 
ce  marcheur  infatigable  vers  l'année  578  ou  579  [Op.  cit.,  cap.  112  et  Bibliolheca 
Photii,  codex  199),  car,  à  ce  moment,  Jean  Mosch  paraît  avoir  quitté  définitive- 
ment la  Palestine.  La  première  ou  la  seconde  année  du  règne  de  Tibère  II,  .578 
ou  579,  marquerait  donc  la  fin  de  ce  séjour,  tandis  que  le  début  en  devrait  être 


338  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

nir  de  l'antique  laure.  C'est  une  gorge  étroite,  resserrée  entre 
deux  bandes  de  rochers  gris,  d'une  hauteur  variant  entre  60  et 
100  mètres,  et  qui  courent  parallèlement  du  couchant  au  levant. 
Une  source  limpide  jaillit  du  roc  et  forme  sur-le-champ  un  gros 
ruisseau,  qui  roule  ses  eaux  pures  à  travers  les  pierres  polies, 
les  roseaux  et  les  tamaris.  Une  cinquantaine  de  grottes,  en  par- 
tie naturelles,  en  partie  creusées  de  main  d'homme,  se  voient 
encore  le  long  des  roches,  avec  leur  ouverture  régulière,  taillée 
en  forme  de  porte  et  donnant  sur  la  vallée.  «  On  en  voit  à  toutes 
les  hauteurs.  Quelques-unes  sont  inaccessibles  :  sans  doute,  le 
solitaire  y  arrivait  par  quelque  corniche  de  rocher  que  le  temps 
aura  fait  tomber.  L'une  des  plus  singulières  parmi  ces  habita- 
tions se  trouve  sur  la  rive  droite,  à  peu  près  en  face  de  la  source. 
Elle  se  compose  de  trois  grandes  pièces  avec  porte  et  fenêtres 
sur  la  vallée.  »  Elle  est  à  trois  ou  quatre  mètres  du  sol.  On  ne 
peut  s'y  introduire  qu'en  se  hissant  péniblement  sur  des  pierres 
amoncelées  et  roulantes  pour  grimper  à  travers  un  trou  rond, 
sorte  de  col  d'entonnoir  taillé  dans  la  masse  énorme  du  rocher. 
Je  crois  que  cette  grotte  vaste  et  pittoresque  nous  représente  la 
caverne  des  voleurs,  où  saint  Cliariton  fut  enfermé  et  qu'il  con- 
vertit bientôt  en  église. 

«  Plusieurs  belles  citernes,  en  bon  état  de  conservation,  se 
voient  au-dessous  des  cellules  avec  rigoles  taillées  dans  le  ro- 
cher pour  y  amener  les  eaux  pluviales.  Les  moines  qui  les  ont 


fixé  à  rannéc  IJŒ  ou  û(39.  Par  ailleurs,  il  n'est  guèi'o  possible  de  i-eniouter  plus 
haut,  car  Cirégoire,  le  futur  patriarclie,  était  encore  liigoumène  de  Pharan  en 
564  (Pralum  spiriluale,  cap.  139),  et  Jean  Mosch,  qui  parle  de  ce  personnage  à 
plusieurs  reprises  [Op.  cit.,  cap.  40,  139  et  140),  ne  témoigne  jamais  l'y  avoir 
connu  personnellement. 

Le  séjour  de  .lean  Mosch  est  l(^  (hM'nier  fait  historique,  qui  nous  ait  été  con- 
servé sur  cette  laure.  Celle-ci  dut  sui'vi\i'e  à  l'invasion  ])erse  de  614,  car  on  ne 
s'expliquerait  pas  que  le  Pré  spirituel,  lancé  dans  le  public  en  620  au  plus  tôt, 
ne  mentionnât  pas  sa  desti-uction,  si  elle  était  alors  un  fait  accompli.  Le  Vivre  de 
.Josué,  xvni,  "23,  parle  d'une  bourgade  du  nom  de  Farah  dans  la  tribu  de  Ben- 
jamin. Le  Khirbet  Tellel-Farah  indique  aujourd'hui  la  position  de  ce  village.  Le 
sommet  de  la  colline  est  coupé  en  deux  par  une  légère  dépression  centrale  ;  il  est 
couvert  de  menus  matériaux,  vestiges  d'habitations  complèteuKMit  rasées.  En 
deux  mots,  Cyrille  de  Scythopolis  indique  la  situation  de  ce  misérable  hameau  : 
"  C'est,  dit-il,  un  village  situé  vers  l'Orient,  à  dix  stades  de  la  laure  de  Pharan, 
et  nommé  lui  aussi  Pharan.  Ce  nom  ne  lui  vient  pas  de  la  laure,  c'est  plutôt  lui 
qui  l'a  donné  à  ceUe-ci  •>  (VHas.  Eiithymii.  n"  151).  Il  serait  impossible  d'être  plus 
concis  et  plus  précis. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  339 

construites  avaient-ils  seulement  en  vue  de  s'épargner  la  peine 
ou  la  distraction  de  descendre  de  leur  cellule  à  la  source  puiser 
l'eau  nécessaire  à  leurs  besoins?  Nous  croyons  plutôt  qu'ils  ont 
voulu  entretenir  un  peu  de  verdure  autour  de  leurs  cellules  et 
réserver  les  eaux  de  la  source  à  l'irrigation  de  petits  jardins 
établis  dans  la  partie  inférieure  de  la  vallée,  où  ils  faisaient 
croître  quelques  herbes,  quelques  légumes  destinés  à  \narier  un 
peu  leurs  maigres  repas.  Les  restes  d'un  aqueduc,  construit  en 
belles  pierres  au-dessous  de  la  source  et  se  prolongeant  au  loin 
dans  la  vallée,  suggère  du  moins  cette  conjecture. 

«  Le  plus  intéressant  est  V église  de  la  laure.  Les  Pères  Blancs 
sont  parvenus  à  la  découvrir  au  cours  d'un  récent  congé.  Elle 
est  au  centre  de  la  région  des  grottes,  le  long  d'un  petit  chemin, 
aujourd'hui  interrompu  en  plusieurs  passages,  qui  suit  à  peu 
près  la  base  des  rochers  de  la  rive  droite.  Les  fouilles  ont  mis 
à  nu  jusqu'ici  quelques  assises  de  l'abside  et  des  murailles  en 
belles  pierres,  un  pilastre  en  marbre  blanc  d'un  singulier 
dessin,  un  pavé  en  marbre  présentant  un  assemblage  géomé'- 
trique  de  carrés  et  d'hexagones  allongés,  les  premiers  noirs, 
les  seconds  blancs.  Elle  mesure,  autant  que  nous  avons  pu 
nous  en  rendre  compte,  13  mètres  de  long  sur  e^oO  de  large. 
C'est  incontestablement  la  nouvelle  église  de  la  laure  construite 
par  saint  Chariton  et  consacrée  par  saint  Macaire  de  Jérusalem, 
Plusieurs  séminaristes  travaillent  avec  ardeur  à  déblayer  ses 
ruines,  animés  par  l'espoir  d'y  retrouver  le  tombeau  de  saint 
Chariton  et  les  restes  d'autres  vénérables  solitaires. 

«  Vancienne  église  ou  chapelle,  établie  dans  la  caverne  de 
voleurs  où  fut  enfermé  saint  Chariton,  n'a  pas  laissé  de  traces 
reconnaissables.  On  est  tenté  de  la  placer  dans  une  belle  grotte 
creusée  en  dôme,  située  cent  pas  plus  haut  sur  le  même  sen- 
tier. Il  nous  paraît  plus  vraisemblable  qu'elle  a  disparu  par  la 
chute  des  gros  rochers  amoncelés  près  de  l'église  nouvelle  (1).  » 

(l)  Cotte  description  minutieuse  des  ruines  de  la  laure  est  empruntée  au  P.  Jli- 
cliel  Jullien,  S.  1.,  Une  vallée  des  anciens  solitaires  de  Palestine,  paru  dans  les 
Missions  catholiques  et  reproduit  dans  les  Échos  de  Xotre-Dame  de  France,  t.  IV 
(nov.  189B), p.  291-300;  je  puis  on  garantir  la  parfaite  exactitude.  Toutefois  il  me 
parait  préférable  d'identifier  l'ancienne  église,  bâtie  par  saint  Chariton,  avec  la 
grotte  dont  j'ai  parlé  tout  à  l'heure.  Quant  au  tombeau  du  saint,  il  est  assuré- 
mont  possible  qu'on  en  ait  remué  les  restes  dans  les  fouilles  commencées  à  la 
nouvelle  église,  mais  ce  serait  perdre  son  temps  et  sa  peine  que  de  vouloir  y  re- 


340  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 


L'affluence  nombreuse  de  disciples  qui  l'avaient  suivi  à  Pha- 
ran,  le  bruit  qui  se  faisait  autour  de  son  nom,  ainsi  que  les 
mille  soucis  de  sa  charge,  gênaient  de  plus  en  plus  Chariton 
dans  ses  relations  intimes  avec  Dieu;  en  conséquence,  il  confia 
la  direction  de  sa  laure  au  plus  éprouvé  de  ses  enfants  et, 
libre  désormais  de  toute  sollicitude,  se  mit  à  la  recherche  d'un 
asile  moins  fréquenté.  Il  crut  l'avoir  trouvé  aux  approches  de 
la  vallée  du  Jourdain,  non  loin  de  Jéricho,  sur  les  flancs  d'une 
élévation  assez  raide,  où  s'étageaient  toute  une  série  de  grottes 
naturelles  ou  creusées  par  la  main  des  hommes,  tout  à  fait 
propres  à  son  plan  de  vie.  Des  miracles  sans  nombre,  des  bien- 
faits de  toute  nature  manifestèrent  bientôt  aux  habitants  de 
Jéricho  et  des  villages  environnants  la  puissance  surnaturelle 
de  leur  nouvel  hôte  et,  sans  tarder,  des  recrues  vinrent  se  ran- 
ger sous  l'obéissance  du  saint.  Les  grottes  abondaient  le  long- 
dès  parois  de  la  montagne;  peu  à  peu,  chacune  trouva  son  lo- 
cataire et  des  divers  étages  montait  nuit  et  jour  vers  le  ciel 
la  prière  incessante  des  religieux.  Il  est  probable  qu'il  faut  in- 
terpréter de  la  sorte  les  expressions  vagues  du  biographe,  qui 
semblerait  attribuer  à  saint  Chariton  la  construction  d'un  mo- 
nastère, STspôv  ol-ACOoiit'.  y.aî  wos  twv  àpcTWV  c'y.r,r(^ptov  (1).  Le  saint 
ne  fit  pas  un  séjour  bien  prolongé  dans  cette  l'ésidence,  car 
nous  le  retrouverons  tantôt  à  la  recherche  de  cette  solitude,  qui 
se  dérobe  à  son  étreinte  dès  qu'il  paraît  la  saisir. 

L'hagiographe  dessine  ensuite  rapidement  l'histoire  de  cette 
laure  nommée  Douca,  dont  il  nous  retrace  r(''tymologie  po- 
pulaire. Après  Chariton,  il  s'y  établit  sous  la  conduite  de  saint 
Eipide  une  florissante  communauté.  «  Elpide  aurait  reru  le 
nom  de  àoj;  {(lux,  chef  d'armée),  parce  qu'il  avait  pris  le  com- 
mandement de  la  laure  comme  un  dux,  en  la  défendant  contre 
les  attaques  des  Juifs  qui  habitaient  le  village  voisin  de  Noéron.  » 


trouver  les  restes  mortels  de  Chariton.  De   bonne  heure  (mi  effet,  peut-être   lors 
(le  la  destruction  de  Pharan,  le  coi-ps  du  fondateur  fui  transporté   à  la  Vieille 
Laure  et  saint  Théodore  Studite  l'y  vénérait  déjà  vers  l"nnnée  817  (IMigne,  P.<!. 
t.  XCIX,  col.  1160). 
(1)  .4.  SS.,  t.  vu  sept.,  n"  11,  p.  578. 


SAINT    JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  311 

Cette  explication  enfantine,  résultant  de  nombreuses  confu- 
sions, amène  le  sourire  sur  les  lèvres  et  il  est  bien  évident  que 
l'écrivain  a  pris  une  fois  encore  le  Pirée  pour  un  homme.  Il 
donne  à  saint  Elpide  en  personne  le  nom  déjà  ancien  de 
Doiica  que  portait  la  montagne,  quitte  à  l'expliquer  par  une 
de  ces  légendes  naïves,  dont  les  moines  d'autrefois  n'ont 
malheureusement  pas  g-ardé  pour  eux  le  secret. 

Par  bonheui',  nous  possédons  le  récit  d'un  témoin  oculaire 
et  nous  pourrons  avec  ce  document  contrôler,  et  rectifier,  au 
besoin,  le  dire  de  l'anonyme.  Pailadius,  évêque  d'Hélénopolis 
(n  Bilhynie  et  ami  fidèle  de  saint  Jean  Chrysostome,  nous  a 
laissé  VHistoria  ad  Lausum,  dans  laquelle  il  nous  raconte 
avec  un  style  sans  apprêt  les  vertus  et  les  actions  mémorables 
des  pères  du  désert  qu'il  avait  connus.  Lui-même  avait  em- 
brassé vers  l'an  386  la  vie  monastique  dans  une  laure  qu'il 
appelle  Acov.y.,  erreur  de  copiste  très  facile  à  corriger  en  Acjy.a. 
En  eflét,  il  s'agit  bien  toujours  du  même  monastère,  situé 
aux  environs  de  Jéricho  «  èv  -o>.:  y.x-à  'Isp'-yw  qt.t^lv.ziç  ».  Pai- 
ladius rapporte  qu'il  avait  connu  un  saint  moine,  nommé  El- 
pide, originaire  de  la  Cappadoce  et  qui  se  signalait  par  ses 
austérités  entre  tous  les  anachorètes  de  Douca.  Il  habitait  une 
grotte  sur  le  sommet  de  la  montagne,  à  deux  pas  d'un  gouf- 
fre béant,  ne  mangeait  que  le  samedi  et  le  dimanche  et  restait 
debout  toute  la  nuit  à  chanter  des  psaumes.  Un  jour,  durant 
la  psalmodie,  un  scorpion  le  mordit  au  pied,  sans  que  le 
saint  manifestât  par  l'altération  de  ses  traits  ou  le  trouble  de 
sa  voix  la  douleur  cuisante  qu'il  ressentait.  Un  autre  jour, 
il  plantait  sur  les  bords  du  précipice  un  sarment  desséché  qui 
retrouvait  en  terre  sa  vieille  sève  et  devenait  une  vigne  consi- 
dérable, au  point  découvrir  toute  l'église  de  ses  rameaux  ver- 
doyants. 

Au  retour  de  longues  pérégrinations  acromplies  dans  son 
pays  natal  et  ailleurs,  Pailadius  fut  informé  par  les  disciples 
de  saint  Elpide  d'une  dévotion  de  celui-ci,  dont  l'étrangeté  nous 
surprend,  même  à  une  époque  où  l'on  en  rencontre  de  si 
bizarres.  Debout  dans  sa  cellule  et  le  visage  tourné  vers  l'O- 
rient, le  saint  s'était  imposé  la  mortification  de  ne  jamais  tour- 
ner les  yeux  vers  l'Occident  et  de  ne  jamais  regarder  du  côté 
du  soleil  à  partir  de  midi,  bien  que  l'astre  du  jour  appliquât 


342  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

(raplomb  ses  rayons  sur  sa  tê(e.  Durant  25  ans,  il  persévéra 
dans  ce  genre  de  vie  extraordinaire  sans  voir  une  seule  fois 
le  ciel  de  TOccident  et  sans  sortir  de  sa  cellule.  Cette  vie  de 
stylite-reclus  s'accorde  fort  mal  avec  l'humeur  guerrière  que 
lui  prêtait  tout  à  l'heure  le  biographe  de  saint  Charilon.  Une 
chose  vraie  pourtant,  c'est  que  les  disciples  accouraient  en 
foule  auprès  de  saint  Elpide,  qui  «  présidait  à  tous  les  exer- 
cices de  dévotion,  comme  la  reine  des  abeilles  aux  travaux  de 
ses  subordonnées  ».  Parmi  eux,  se  distinguaient  deux  frères 
selon  la  chair,  Enèse  et  Eustathe,  ainsi  qu'un  esclave  nommé 
Sisinnius,  issu  de  la  Cappadoce  (1). 

Le  nom  de  Saint-Elpide  resta  depuis  attaché  à  la  laure  con- 
jointement avec  celui  de  Douca  et  nous  voyons  dans  le  Pré 
Spirituel  (2)  un  ermite  du  nom  de  Nicolas,  qui  avait  sa  cel- 
lule dans  le  torrent  de  Bethasimu.^^,  entre  Saint-Elpide  et  le 
monastère  des  Étrangers  aux  alentours  de  Jéricho.  Cependant 
la  laure,  privée  de  bonne  heure  de  ses  grands  fondateurs,  dé- 
clinait sensiblement;  vers  la  fin  du  v^  siècle,  saint  Sabas  n'y 
rencontrait  plus  qu'un  vieil  anachorète,  seul  au  milieu  des 
ruines  depuis  38  ans  et  qui  semblait  attendre  sa  venue  pour 
mourir.  Lors  de  la  prise  de  Jérusalem  par  les  Perses,  614,  les 
grottes  étaient  complètement  aljandonnées;  ermites  et  cénobites 
de  Khoziba  s'y  réfugièrent  à  l'envi  pour  échapper  à  la  l)rutalité 
des  envahisseurs.  Au  viii'  siècle,  saint  Etienne  le  Thaumaturge 
habita  quelque  temps  les  cavernes  de  Douca.  Il  y  vint  une  se- 
conde fois  avec  des  religieux  d'autres  monastères,  parmi  les- 
quels son  futur  biographe  Léonce,  afin  d'y  jeûner  quarante  jours 
en  l'honneur  de  saint  Sabas.  Le  Carême  terminé,  saint  Etienne 
monta  jusqu'au  sommet,  afin  de  jouir  de  la  vue  et  de  l'entre- 
tien d'un  anachorète  fameux,  qui  avait  établi  en  haut  sa  rési- 
dence (3). 


(1)  Palladius,  Ilisl.  Ictus.,  cap.  civ  à  ex,  Migno,  P.  G-,  t.  XXXIV,  col.  k'il  ot 
seq.  Saint  Elpido  est  vénéi'é  le  2  septembre.  Une  ville  porte  son  nom  en  Italie, 
dans  la  Marche  d'Ancône,  près  de  Lorette.  Dès  l'année  1512,  on  y  possédait  son 
corps  et  ceux  de  ses  compagnons  (.4.  SS.,i.  I  sept.,  p.  378  et  seq.). 

(2)  Migne,  P.  G.,  t.  LXXXVII,  cap.  cliv,  col.  3021. 

(3)  .4.  S8.,  t.  m  jul.,  n"  58,  p.  527;  n"  92,  p.  540  et  n°  139,  p.  559.  Le  nom  de 
Douca  ou  Doch  est  assez  ancien;  on  le  rencontre  tont  d'abord  dans  le  premiei- 
livre  des  Machabées,  cap.  xvi,  11  à  18,  comme  désignant  un  petit  fort,  bâti  par 
Ptolémée,  tils  d'Abob  et  gendre  du  grand  prêtre  Simon  Machabée.  C'est  là  (jue. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLALRITE.  343 


A  peine  la  laure  de  Douca  était-elle  constituée  et  la  discipline 
monastique  s'y  voyait-elle  étalilie,  que  Cliariton  abandonnait  sa 
grotte  pour  courir  à  la  recherche  d'un  site  plus  retiré.  11  s'en- 
fonçait une  journée  entière  dans  les  solitudes  mornes  du  désert 
de  Juda  et  remarquait  à  l'est  de  Thécoa,  à  14  stades  environ  de 
cette  localité  (2  kilomètres  et  demi),  une  gorge  désolée,  en- 
tourée de  montagnes  abruptes  et  lui  offrant  un  asile  inviolable. 
Peine  inutile!  le  bruit  de  sa  renommée  avait  pénétré  partout,  le 
désert  aride  allait  de  nou^"eau  se  couvrir  de  Heurs.  Les  habitants 
de  Thécoa  furent  ses  premières  conquêtes,  la  vallée  inhospita- 
lière retentit  bientôt  des  louanges  de  Dieu.  Une  troisième  laure 
était  fondée.  On  lui  donna  le  nom  syriaque  de  Souka  ou 
Chouka,  qui  signifie  couvent,  tandis  qu'on  l'appelait  de  préfé- 
rence en  grec  la  Vieille  Laure  :  oii  Tau-ra  /.xl  i-répav  èxeIts  •Ay.-.y.- 

7"/.îuâ^£i  Xat'jpav  h  ôaujj.ajtbç  z'j-oç,  Xapi'-wv,  -/jv-sp  hnzi  [Aèv  -f^  GÙpx 
vX'Ôtty;  }llc'j/.à:v  ovs[J.a!^c'jj'.,  à'XXot  os  xa-rà  t-J;v  'K'kkixcx  swv/jv  llaXaiàv 
A:zjpav   X'ZZY.xXo^ov/  (1). 

La  longue  carrière  de  Chariton  touchait  à  sa  fin;  son  corps, 
alourdi  par  les  aimées  et  par  les  privations  de  toutes  sortes, 
demandait  à  la  terre  un  repos  momentané  et  son  âme  une  de- 
meure de  gloire  au  ciel.  Laissant  donc  la  direction  de  la  laure 
à  l'un  de  ses  disciples,  il  se  retira  dans  une  grotte,  surnommée 
Crémaste  à  cause  de  sa  position  abrupte  et  de  son  ouverture 

apivs  un  festin  trop  copieux,  tomba  victime  d'un  odieux  guet-apens,  Simon,  le 
dernier  survivant  des  grands  ^lachabces,  février  135  avant  J.-C.  Peu  de  temps 
après,  Jean  Hyrcan,  fils  de  la  victime,  venait  assiéger  le  traître  dans  sa  forte- 
resse, afin  de  venger  la  mort  de  son  père;  mais  une  l'use  de  guerre  permettait 
encore  à  Ptolémée  d'éloigner  ce  redoutable  péril  (Josèphe,  Antiq.  jud.,  XIII,  vni, 
1,  et  De  bello  jud.,  I,  2,  3  seq.).  On  a  voulu  retrouver  l'emplacement  de  ce  fort  et 
de  cotte  laure,  soit  à  l'\4ïii  ed-Douq,  source  située  à  6  kilomètres  environ  au 
nord-ouest  de  la  Jéricho  moderne,  soit  sur  le  sommet  du  Djebel  Quaranlal,  aux 
ruines  dites  Tahounel  el-Haoua,  moulin  à  vent,  où  se  trouvent,  en  effet,  les  restes 
d'une  grande  construction  qui  pourrait  représenter  le  chàteau-fort  et  d'une  cha- 
pelle avec  abside.  Les  flancs  de  la  montagne  sont  percés  de  nombreuses  cellules 
et  il  suffit  d'une  courte  promenade  pour  constater  un  peu  partout  les  vestiges 
d'une  vaste  laure.  Voir  Van  Kasteren,  Doch  dans  le  Dkiionnaire  de  lu  Bible  de 
M.  Vigouroux,  t.  Il,  col.  14.54-1  TjG  et  Doch  dans  la  Revue  biblique,  t.  VI,  1897, 
p.  99-1U4. 
(1)  -4.  SS.,  t.  vu  sept.,  n-  1-2,  p.  579. 


344  REVUE    DE    L'ORIENT    CHRÉTIEN. 

très  élevée.  On  n'y  pouvait  atteindre  qu'avec  une  échelle,  et 
de  nos  jours  encore  l'entrée  s'étale  béante  à  une  vingtaine  de 
mètres  au-dessus  du  principal  sentier.  Pour  se  dérober  en- 
core plus  complètement  aux  pieux  empressements  de  ses  dis- 
ciples, le  solitaire  fit  couler  une  source  qui  lui  fournissait  l'eau 
nécessaire  (1),  puis,  comme  il  avait  toujours  présents  à  la  mé- 
moire les  heureux  jours  passés  à  la  laure  de  Pharan,  il  résolut 
de  réserver  à  sa  cellule  primitive  les  derniers  moments  de  son 
existence.  Entouré  des  supérieurs  des  trois  maisons  religieuses 
qu'il  avait  fondées,  il  vint  donc  mourir  à  Pharan,  plein  de  jours 
et  de  mérites,  escorté  de  la  foule  de  ses  moines  et  des  anges  qui 
saluaient  son  arrivée  parmi  eux. 

Ses  restes  mortels  furent  de  bonne  heure  transportés  à  la 
Vieille  Laure  et,  dès  l'année  817,  de  son  exil  de  Bonéta,  l'il- 
lustre saint  Théodore  studite  manifestait  à  son  higoumène  le 
vif  désir  qu'il  avait  de  vénérer  le  tombeau  et  les  reliques  de 
saint  Chariton  :  «  £6ouXô]j.r,v...  zpoay.uv^o-ai  -ro  ôstov  è'caçoç,  e'y.aaxa 
"/.aTaŒ/,07:-?jaat,  r.yj  z  ayioç  tcD  0£Ou  6  (pcpwv'jjxw;  Xapixwv  '::£T;A'/]pu)[j.£voç 
bnfiXr^az  jj-apiupixtoç  t£  'z\j.z\)  -/.al  àa'/."^-:i/,(oç,  ■::•?;  os  Tb  \=fo^f  aÙTOu  aw[j-a 
T£Ta[j.t£UTat*  0  ovto)»;  Ô'/juaupb^  xwv  àp£Twv,  5  tvjç  èpr^jj-cu  -ûoAit'^ç,  y.a'. 
■xf^z  oîy.cu[J.£V/]ç  'K'x\J.--•^^p . . .  v.-'h.  (2).  » 


II.    —    DE    SAINT    CHARITON    A    LA    MORT    DE    SAINT    CVRIAQUE 

Durant  le  v"  et  le  vi'  siècles,  les  grands  noms  d'Euthyme,  de 
Gérasime,  de  Sabas  et  de  Théodose  rejettent  dans  l'ombre  celui 
de  Chariton  ;  les  laures  et  les  couvents  célèbres  qui  doivent  à 
ceux-ci  leur  existence  surpassent  en  illustration  et  en  gloire  la 
laure  de  Souka.  C'est  avec  peine  que  nous  réussirons  à  grouper 
trois  ou  quatre  menus  faits,  qui  attestent  encore  que  cette 
maison  religieuse  n'est  pas  morte,  en  attendant  que  les  vertus 
de  saint  Cyriaque  fassent  rejaillir  sur  elle  un  peu  de  renommée. 
Il  s'agit  tout  d'abord  d'une  hôtellerie  que  possédait  la  laure  de 

(1)  La  source  de  la  grotte  de  saint  Chariton  a  été  retrouvée  de  nos  jours;  i)ar 
une  transposition  assez  fréquente  dans  ces  sortes  de  légendes,  la  source  miracu- 
leuse est  vénérée  aussi  près  de  Koniali,  au  monastère  ù.'Aq-Monaslir,  dont  nous 
avons  parlé  plus  liant. 

(2)  Migne,  P.  G.,  t.  XCIX,  lettre  XVII.  col.  1108. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  345 

Souka  à  Jérusalem,  près  de  la  tour  de  David,  et  qu'elle  vendit 
au  monastère  de  Saint-Eutliyme,  moyennant  200  pièces  de  mon- 
naie. Ce  contrat  de  vente,  nous  dit  Cyrille  de  Scythopolis  (1), 
fut  passé  vers  la  fm  de  la  8'^  indiction,  c'est-à-dire  pendant  l'été 
de  Tannée  485.  Jusque-là,  le  couvent  de  Saint-Eutliyme  et  celui 
de  Saint-Tliéoctiste  avaient  possédé  par  indivis  une  hôtellerie 
commune  dans  la  Ville  Sainte,  mais,  à  la  suite  d'une  brouille 
qui  survint  entre  ces  ileux  monastères,  l'hôtellerie  resta  en  la 
possession  délinitivedeSaint-Théoctiste,  pendant  que  Saint-Eu- 
thyme,  indemnisé  de  ses  droits,  se  procurait  la  propriété  de  la 
laure  de  Souka. 

Vers  l'année  507,  la  Vieille  Laure  fut  témoin  d'un  spectacle 
étrange,  qui  malheureusement  n'est  pas  assez  rare  dans  les 
annales  de  la  vie  religieuse  en  Palestine.  Soixante  moines  ré- 
voltés contre  saint  Sabas  venaient  d'être  contraints  de  sortir 
de  la  Grande  Laure.  Loin  de  s'exécuter  de  bonne  grâce,  ils  tin- 
rent à  laisser  avant  leur  départ  de  tristes  souvenirs  de  leurs 
rancunes.  Au  moyen  de  tous  les  outils  qui  leur  tombèrent  sous 
la  main,  ils  rasèrent  la  tour  du  saint,  brisèrent  les  meubles  et 
jetèrent  le  tout  pêle-mêle  dans  le  lit  du  Cédron;  puis,  après 
s'être  approprié  toutes  les  richesses  qu'ils  avaient  pu  décou- 
vrir, ils  se  présentèrent  humblement  à  la  porte  de  Souka.  Re- 
poussés par  l'higoumène  Aquillin  qui  ne  daigna  même  pas 
leur  offrir  l'hospitalité,  les  rebelles  poursuivirent  leur  course 
et  allèrent,  tout  près  de  là,  relever  les  cellules  en  ruines  de  l'an- 
cien monastère  de  Romain  et  fonder  la  Nouvelle  Laure  de  si 
triste  mémoire  (2). 

A  l'higoumène  Aquillin  succéda  probablement  le  moine  Isi- 
dore. Nous  ne  connaissons  celui-ci  que  par  une  citation  de 
Théodore  de  Pétra  (3),  le  panégyriste  de  saint  Théodose.  Isi- 
dore assistait  en  simple  religieux  à  la  fameuse  réunion  du  Saint- 
Sépulcre,  dont  les  abbés  orthodoxes  prirent  l'initiative  en  513 
contre  les  menées  eutychiennes  de  l'empereur  Anastase  (4).  De- 

(1)  Vila  .«.  Cyriacl  dans  les  .4.  6'.S'.,  t.  VIII  sept.,  n"  7,  p.  149. 

(•2)  ]'Ua  s.  Sabae,  n"  36,  p.  "271,  et  Fr.  Diekamp,  Die  origenistisclien  Slreilig- 
keiten  im  sechslen  lahrhunderl  und  das  fiinfle  allgememe  Concil,  Munster  i.  W., 
1899,  p.  17  et  139. 

(3)  H.  Usener,  Der  hcUigc   Tln'odosios.  Schrtflen  des   Tlieodoros  und  Kyrillos. 
Leipzig,  1890,  p.  71  et  72. 
,    (4)  Vita  s.  Sabae,  n"  dO,  p.  308,  et  Fr.  Diekamp.  Op.  cil.,  p.  21. 


346  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

puis,  il  fut  élevé  à  la  dignité  de  supérieur  de  la  Vieille  Laure 
et  il  paraît  avoir  encore  rempli  cette  fonction,  le  11  janvier  530, 
lorsque  Théodore  de  Pétra  prononça  son  panégyrique  (1).  C'est, 
du  moins,  ce  qui  semble  résulter  de  ses  paroles  :  «  où  zôppwOsv 

-suTwv  (>ta.Gy.\).iTr,  Taîcwpcv  tov  ôcCsiASiTTaTOV,  cç  t9;ç  î'javsû;  -cXt  ^cjy.a 
Xxùpxq  uaxspov  kytyb^ei.  -/.aô'rjvsiJ-wv  (2)    ». 

Peu  après,  les  querelles  origénistes  soulevaient  de  violentes 
tempêtes  dans  les  couvents  de  Palestine.  Nonnos  et  Léonce  de 
Byzance,  ouvertement  soutenus  par  leurs  anciens  confrères,  les 
évoques  Domitien  et  Askidas,  recrutaient  des  adhérents  dans 
tous  les  monastères,  déposant  de  force  les  supérieurs  favorables 
à  l'orthodoxie  et  les  remplaçant  par  leurs  créatures.  Partout,  il 
n'était  question  que  de  la  préexistence  des  âmes,  de  la  miti- 
gation  des  peines  éternelles  et  autres  hardiesses  théologiques 
attribuées  au  célèbre  docteur  d'Alexandrie.  Isidore  était  murt 
et  les  origénistes  mettaient  tous  leurs  moyens  en  œuvre  pour 
entamer  la  'Vieille  Laure  et  l'attirer,  si  possible,  dans  leurs  in- 
térêts. Ils  y  réussirent  on  partie  et  s'efforcèrent  de  lui  imposer 
conmie  higoumènes  deux  des  leurs,  Pierre  d'Alexandrie  et 
Pierre  de  Grèce,  mais  la  communauté  se  révolta  contre  un 
pareil  despotisme;  par  deux  fois,  elle  expulsa  les  créatures  des 
origénistes  et  choisit  en  fin  de  compte  un  moine  de  Saint-Sabas, 
dont  l'orthodoxie  était  irréprochable  (3).  Le  nouvel  higoumène 
s'appelait  Cassien.  Originaire  de  Scythopolis,  non  loin  du  Jour- 
dain, il  avait  d'abord  mené  la  vie  monastique  à  la  laure  de 
Saint-Sabas,  et  avait,  en  qualité  de  prêtre,  représenté  son  cou- 
vent au  concile  de  Constantinople  de  .536  (4).  Quatre  ans  après, 
540,  il  était  appelée,  diriger  la  Vieille  Laure.  Il  resta  huit  ans, 
nous  dit  Cyrille  de  Scythopolis  (5),  dans  cette' charge  et  fut 
ensuite  nommé  higoumène  de  Saint-Sabas.  On  était  alors  au 
mois  de  septembre  547.  Dix  mois  après,  vers  le  20  juillet  548, 


(i)  D'après  M.  Usener,  Op.  cil.,  p.  i\.  co  pauégyricjue  do  Tliéodoi'c  lïit  pro- 
noncé le  11  janvier  530,  pour  lo  ])reiiiu'r  anniversaire  de  la  mort  de  saint  Théo- 
dose,  mais  il  fut  publié  un  peu  plus  taid,  api'ès  l'année  5"JG  et  avant  l'an- 
née 547. 

(-2)  H.  Usener,  Op.  cit.,  p.  71. 

(3)  \'ita  s.  Cyriaci,  n"  14,  p.  153. 

(4)  Mansi,  VIII,  883. 

(5)  ]'ita  s.  Sabae,  n°  88,  p.  371.  Pour  la  lixation  des  dates  voir  Fr.  Diekamp, 
Op  cil.,  p.  58  et  139. 


SAINT    JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  317 

Cassien  passait  à  une  vie  meilleure  (1).  C'est  pendant  son  su- 
périorat  à  la  Vieille  Laure,  ,540-547,  qu'il  avait  fondé  dans  sa 
ville  natale  de  Scythopolis  le  monastère  de  Zoungas  (2),  que 
nous  ne  connaissons  pas  autrement  (3). 

Il  nous  reste  à  parler  maintenant  d'un  ermite  de  la  Vieille 
Laure,  qui  se  disait  ajuste  titre  le  disciple  et  l'héritier  d'Eu- 
Ihyme  et  de  Gérasime  et  allait  faire  revivre  à  Souka  les  vertus 
de  son  fondateur.  Né  à  Coi'inthe  le  9  janvier  448,  Cyriaque  se 
rendait  en  Palestine  au  mois  de  septembre  465  et  passait  l'hi- 
ver au  couvent  d'Eustorge,  près  de  Jérusalem.  Son  amour  de 
la  retraite  le  poussait  au  printemps  de  l'année  suivante  vers  saint 
Euthyme,  qui  le  revêtit  de  l'habit  religieux  mais  refusa,  en 
raison  de  sa  jeunesse,  de  l'admettre  dans  sa  laure.  Le  jeune 
Cyriaque  descendit  ensuite  au  couvent  de  saint  Gérasime  et, 
neuf  années  durant,  466-475,  il  se  plia  sous  sa  direction  à  tous 


(1)  Vila  s.  Sabae,  n"  88,  p.  371,  et  Fr.  Diekamp,  Op.  et  l.  cit. 

(2)  Fr.  Diekaïap,  Op.  cit.,  p.  58.  Cotte  fondation  de  Zoungas  n'est  pas  men- 
tionnée dans  l'édition  de  la  Vila  s.  Sabae  faite  pai"  Cotelier,  mais  seulement  dans 
les  Additamenla  du  t.  III  de  son  ouvi-age  et  dans  la  réédition  qu'en  a  donnée 
.M.  Pomjalovskij,  p.  513. 

(3)  Je  cite  en  note  un  trait  qui  a  eu  lieu  au  iv""  siècle  et  qu'on  attribue  parfois, 
à  tort  certainement,  à  notre  laure.  .Jean  Cassien,  dans  sa  sixième  Collation, 
cap.  I,  ifi'cnd  occasion  du  martyi-e  do  nombreux  ermites  do  la  Palestine,  égorgés 
par  les  Sarrasins,  pour  nous  donner  une  conférence  spirituelle  sur  l'action  de  la 
i'rovid(>nce  dans  le  monde  :  ■<  In  Paiaestinae  partibus  juxta  Thecue  vicum,  qui 
.Viijos  prophetam  moruit  procreare,  solitudo  vastissima  est  usque  ad  Arabiam 
ac  mare  Mortuum,  quo  ingressa  deficiunt  (Uienta  Jordanis  et  cineresSodomorum 
amplissima  extonsione  porrecti.  In  hac  summae  vitae  ac  sanctitatis  monachi 
(liutissime  commorantes  repente  sunt  a  discurrontibus  Sarracenorum  latrun- 
culis  interompti.  Quorum  corpora,  licet  sciremus  tam  a  Pontificibus  regionis 
illiiis  quam  ab  universa  plèbe  Arabum  tanta  voneratione  praerepta  et  inter  re- 
liquias  martyrum  condita,  ut  innumeri  populi  e  duobus  oppidis  concurrentes 
gi-avissimum  sibi  certamen  indixerint,  etc.  »  —  Les  évoques,  le  peuple  innom- 
brable d'Arabes  chrétiens  et  les  deux  cités  que  mentionne  Cassien,  ne  peuvent 
évidemment  pas  désigner  la  région  do  Thécoa  et  de  la  Vieille  Laure,  l'égion  qui 
était  déserte,  sans  ville  et  sans  évèque.  Il  s'agit  ici  de  la  presqu'île  sinaïtique  et 
du  désert  au-dessous  d'Hébron,  où  .se  trouvaient  plusieurs  villes,  entre  autres 
Arad  et  Elusa.  Par  suite,  les  martyrs  dont  parle  Cassien  n'appartenaient  pas  à 
la  laure  de  Souka  et  le  nom  de  Thécoa  no  figure  dans  son  teste  que  pour  indi- 
quer le  point  de  départ  du  désert  arabique.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  cor- 
liger  le  Martyrologe  romain,  au  28  mai,  et  c'est  ce  qui  explique  pourquoi  les 
livres  liturgiques  de  Palestine  gardent  le  silence  sur  ces  martyrs,  silence  dont 
s'i'tonnent  si  fort  les  Acla  Sanclorion,  t.  VI  mai,  p.  746.  A  propos  de  la  Fito 
s.  Charitunis  dans  les  A.  SS.,  t.  Vil  sept.,  note  /t,  p.  582,  les  Bollandistes soutien- 
nent encore  que  ces  martyrs  appart^na'ent  à  la  Vieille  Laure. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  24 


348     .  REVUK    DK    l'orient    CHRETIEN". 

les  travaux  et  à  toutes  les  habitudes  de  Fascèse.  La  mort  de 
son  maître  et  ami,  5  mars  475,  Tayant  laissé  orphelin,  il  re- 
tourna à  la  laure  de  saint  Euthyme,  mais  les  disputes  à  main 
armée  qui  s'élevèrent  entre  cette  maison  et  celle  de  saint  Théoc- 
tiste  le  contraignirent  dix  ans  après,  août  485,  à  se  retirer  à  la 
Vieille  Laure.  Il  y  mena  pendant  plus  de  70  ans  la  vie  la  plus 
austère,  entrecoupée  de  séjours  plus  ou  moins  prolongés  au  dé- 
sert de  Natoupha  ou  à  Termitage  de  Sousakim,  et  même  à  la 
grotte  de  saint  Chariton  (1),  toute  voisine  de  la  Vieille  Laure. 
Lorsque  les  Origénistes  menacèrent  de  faire  triompher  leurs 
idées,  les  religieux  fidèles  rappelèrent  le  vieillard  de  sa  retraite  de 
Sousakim  et  Topposèrent  pendant  cinq  ans,  542-547,  comme  une 
digue  vivante  aux  flots  toujours  montants  de  l'hérésie.  La  mort 
du  principal  hérésiarque,  Nonnos,  février  547,  lui  ayant  rendu 
quelque  tranquillité,  Cyriaque  échangea  une  fois  encore  la  grotte 
de  saint  Chariton  pour  Termitage  de  Sousakim,  février  547-dé- 
cembre  554.  Au  bout  de  huit  années,  les  religieux  le  ramenaient 
encore  à  la  grotte  du  fondateur,  où  il  terminait  le  29  septem- 
bre 55G,  à  l'âge  d'euAiron  109  ans,  une  ^ ie  consacrée  tout  en- 
tière au  service  de  Dieu  et  de  la  religion  (2). 

(1)  J'emprunte  à  un  voyageur  moderne  la  description  de  cette  célèbre  grotte 
dont  j'ai  déjà  parlé  :  «  En  descendant  le  ravin,  après  avoir  grimpé  des  parois 
vei'tlgineuses  et  des  rochers  éboulés,  on  arrive  difficilement  à  l'entrée  basse  et 
(•troite  de  la  célèbre  grotte  de  Moghar-Khareiloun...  Cette  excavation  est  rcinar- 
(piable  par  son  étendue,  l'immensité  de  plusieurs  de  ses  salles  et  la  multiplicité 
des  souterrains.  La  longueur  de  ce  labyrinthe  naturel  est  considérable;  de  tous 
les  côtés  se  trouvent  des  culs-de-sac  et  des  cavités  int(''rieures  dans  lesquelles  les 
guides  ordinaii'cs  n"osent  pas  s'aventurer,  retenus  par  une  terreui- superstitieuse 
ou  par  la  crainte  de  s'égarer...  Ainsi  qu'il  est  facile  de  s'en  assurer,  lorsqu'on 
l'élève  le  plan  de  la  caverne  à  la  boussole,  cette  succession  de  cavités  et  de  cou- 
loirs a  été  primitivement  formée  par  les  cassures  des  couches  rocheuses  qui  ont 
eu  lieu  dans  le  sens  de  la  direction  de  la  vallée,  puis  toutes  ces  anfractuosités 
ont  été  agrandies  et  sculptées  lentement  par  des  eaux  courantes  dont  on  re- 
trouve partout  les  traces  sur  les  parois.  On  peut  donc  affirmer  que  ce  labyrinthe 
n'est  autre  chose  que  l'ancien  lit  d'une  rivière  souterraine,  qui,  après  avoir  exé- 
cuté son  travail  d'érosion,  venait  tomber  dans  le  ouady  par  l'ouverture  actuelle 
de  la  grotte,  en  une  magnifique  cascade  semblable  à  celle  du  Vaucluse.  A  l'inté- 
rieur, la  chaleur  est  insupportable,  la  température  dépasse  24  degrés.  Dans  cer- 
taines allées,  des  myriades  de  chauves-souris  nous  frôlent  le  visage  de  leurs  ailes 
visqueuses.  Ces  animaux  désagréables  et  répugnants  sont  suspendus  à  la  voûte 
de  ces  immenses  souterrains...  »  (Lortet,  La  Syrie  d'aujourd'hui,  Paris,  1881, 
p.  338). 

(2)  Le  texte  grec  de  la  \'io   de  saint  Cyriaque  par  Cyrille  de  Scythopolis,  son 
contempoiaiu.  est  publié  dans  les  A.  SS..  t.  Vlll  seiit.,  p.  148-1.08;  il  est  assez 


SAINT   JEAN    LE    PALEOLAURITE.  349 

«  Parmi  les  poèmes  liturgiques  édités  par  le  cardinal  Pitra, 
on  en  remarque  un  (1),  qui  a  pour  sujet  la  résurrection  de  La- 
zare par  Jésus  et  a  pour  acrostiche  :  [nc(]T,iJ.:z  Kupix-/.oy.  Le  poème 
i\p  Cyi'iaque  n'est  pas  inférieur  aux  meilleures  productions  de 
riiymnographie  grecque,  constatation  qui,  jointe  à  l'obscurité 
qui  enveloppe  le  nom  du  mélode,  nous  invite  à  chercher  celui- 
ci  au  premier  âge  de  la  poésie  liturgique.  Observons,  en  outre, 
que  nous  ne  connaissons  aucune  autre  œuvre  du  mélode  Cyria- 
que,  et  que  le  rythme  dont  il  se  sert  n'a  été  imité  qu'une  seule 
fuis  par  un  seul  des  niélodes  postérieurs.  Ceci  veut  dire  sans 
duute,  sinon  que  Cyriaque  a  peu  écrit,  au  moins  qu'il  a  eu  peu 
d'influence  :  il  est  permis  de  supposer  que  c'est  parce  que,  vivant 
loin  de  Constantinople,  il  n'a  pu  rivaliser  de  vogue  avec  les 
hymno<iTaphes  de  la  capitale. 

«  C'est  pourtant  le  plus  célèbre  de  ceux-ci,  saint  Romain,  qui 
a  fait  à  Cyriaque  l'honneur  de  l'imiter.  Dans  le  poème  de  Ro- 
main sur  la  trahison  de  Judas  (2),  le  mélode  n'a  pas  créé  un 
rythme  nouveau,  il  en  a  emprunté  un  tout  fait  à  un  mélode  plus 
ancien,  il  a  calqué  l'r.pi/iç  d'un  prédécesseur.  Les  premiers 
mots  de  cet  i:^]i.bq  montrent  qu'il  est  tiré  d'un  cantique  sur  La- 
zare. La  comparaison  des  strophes  de  Romain  avec  celles  de 
Cyriaque  montre  que  ce  cantique  sur  Lazare  n'est  autre  que 
celui  de  Cyriaque  :  le  rythme  est  le  même... 

«  Si  l'on  s'obstine  à  placer  Romain  sous  Anastase  P",  191- 
."jIcS,  on  peut  renoncer  à  identifier  Cyriaque.  Mais  si,  comme  je 
le  crois  définitivement  prouvé,  Romain  vint  à  Constantinople 
sous  Anastase  II,  713-71G,  la  question  me  paraît  moins  ardue... 
Le  sujet  et  la  manière  dont  le  poème  de  Cyriaque  est  traité 
trahissent  un  mélode  palestinien.  La  commémoraison  solennelle 
du  miracle  de  Béthanie  est  d'origine  hiérosolymitaine;  nous  la 
voyons  attestée  à  Jérusalem  dès  la  fin  du  iv  siècle...  Le  samedi 
(le  Lazare  est  considéré  comme  jour  baptismal  dans  l'Église 
grecque...  Cette  innovation  a  sa  place  dans  l'Église  de  Jérusa- 
lem; avait-elle  pénétré  ailleurs  a^ant  le  viii"  siècle?  Ce  n'est 
guère  probable... 

défectueux,  au  moins  en  tout  ce  qui  regarde  la  chronologie.  J'ai  pris  [jou.r  guide 
F.  Diekamp,  Op.  cil.,  p.  06. 

(l)  Analecta  sacra,  t.  I"',  p.  284-288. 

(2j  Analecta  sacra,  t.  I",  p.  92.  . 


;15()  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

«  Ces  prémisses  posées,  je  n'hésite  pas  à  identifier  l'auteur  de 
ce  cantique  avec  saint  Cyriaque  l'anachorète,  fêté  par  l'Église 
grecque  le  29  septembre...  Dans  sa  Vie  très  détaillée,  écrite  par 
Cyrille  de  Scythopolis,  nous  relevons  un  passage  très  important 
pour  le  sujet  qui  nous  occupe.  Cyriaque,  étant  diacre  ou  prêtre, 
a  rempli  pendant  31  ans,  498-529,  à  Saint-Chariton,  la  double 
charge  de  ■Aei\).r,\i(xpyT,q  et  dexavovâp'/r^ç.  La  première  lui  donnait 
le  soin  des  vases  sacrés,  des  reliques,  du  trésor  de  son  couvent. 
Comme  canonarque,  il  annonçait  les  exercices  de  sa  commu- 
nauté en  frappant  le  fer  ou  le  bois  des  a-ô[xxvTpa;  mais  surtout, 
selon  l'étymologie  du  mol,  il  dirigeait  le  chant  du  canoyi,  de 
l'office,  en  donnant  le  ton  des  morceaux  à  exécuter.  Il  était  donc 
musicien.  J'ajouterai  musicien  habile,  puisqu'il  conserva  sa 
fonction  trente  et  un  ans.  De  ceci  nous  avons  d'ailleurs  un  té- 
moignage formel.  Deux  siècles  après  la  mort  de  Cyriaque,  dans 
le  canon  qu'il  composait  pour  s;i  fête,  saint  Etienne  le  sabbaïte 
le  représentait  «  chantant  harmonieusement  dans  les  vigiles  »  : 
î'jT5V(oç  [^.sXwSoOvTa  àypuTTvi'aiç  aTrajuToiç.  Les  mots  employés  par 
Etienne  ne  peuvent  être  regardés  comme  une  formule  banale 
applicable  à  tous  les  moines  morts  en  odeur  <lo  sainteté;  car  son 
ca?iO)i  est  visiblement  calqué  sur  la  Vie  écrite  par  Cyrille  de 
Scythopolis  et  montre  dans  quel  sens  il  faut  entendre  l'expres- 
sion de  canonarque.  Saint  Cyriaque  a  été  un  mélode;  on  peut 
en  conclure  qu'il  a  été  aussi  un  hymnographe,  car  les  premiers 
chantres  de  l'Église  grecque,  dont  nous  connaissons  les  œuvres 
d'une  manière  certaine,  ont  tous  été  à  la  fois  des  poètes  et  des 
musiciens.  Ne  négligeons  pas  d'observer  encore  que  Cyriaque 
avait  reçu  une  brillante  éducation,  et  que  sa  science  théolo- 
gique lui  permit  de  prendre  part  aux  discussions  contre  lesOri- 
génistes.  Enfin,  la  tradition  (i)  le  met  avec  son  maître  saint 
Euthyme,  avec  saint  Théodose,  avec  saint  Sophrone,  etc.,  au 
nombre  de  ceux  qui  ont  modifié  ou  complété  le  typikon  de  saint 
Sabbas  (2).  » 

Je  viens  de  résumer  l'article  consacré  par  mon  confrère,  \c 
R.  P.  Pétridès,  au  mélode  Cyriaque  ;  on  peut  lire  tout  le  déve- 

(!)  M.  GôcU'Oii,  Fvtodstç  £K  ToO  TUTtixoO  TôJv  [J.OVWV  To'j  ra)r|.(7iou  ôpobç,  )>.  '27;  Papa- 
dopoulos-Kerameus,  MaupoYopSaTsto;  Bi6).to9)iy.-o,  p.  Uyl. 

cl)  S.  Pétridès,  Les  mélodes  Cyi-idijiw  et  T/iéophane  le  Sicilien,  dans  les  Échos 
d'Orienl,  t.  IV  (1901),  p.  28-2-284. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAUP.ITE.  351 

loppement  de  son  ingénieuse  hypothèse  et  des  preuves  techni- 
ques qu'il  a  apportées  dans  la  revue  que  je  citais  tout  à  l'heure. 
Je  dois  ajouter  toutefois  que  ses  conclusions  n'ont  pas  été  ac- 
ceptées de  tous  les  critiques,  et  en  particulier  de  M.  Krumba- 
cher,  qui  a  écrit  toute  une  brochure  (1)  sur  la  dépendance  réci- 
proque des  niélodes  Cyriaque  et  saint  Romain.  Sans  refuser 
absolument  de  voir  dans  le  mélode  Cyriaque  le  moine  de  la 
Vieille  Laure,  M.  Krumbacher  maintient  pourtant  l'existence 
de  saint  Romain  sous  Anastase  I";  il  conclut  aussi  que  Cyria- 
que et  Romain  sont  indépendants  l'un  de  Tauti-e  et  ont  utilisé, 
en  le  modifiant  chacun  à  sa  manière,  un  poème  antérieur  d'un 
mélode  inconnu.  La  conclusion  était  assez  inattendue.  Et,  s'il 
est  bien  vrai  que  saint  Romain  vivait  sous  Anastase  I",  491- 
518,  et  que  le  mélode  Cyriaque  doit  s'identifier  avec  saint  Cy- 
riaque de  Souka,  448-55(3,  comme  il  est  non  moins  vrai  que  les 
origines  de  la  poésie  religieuse  byzantine  remontent  seulement 
à  la  seconde  moitié  du  V  siècle,  je  ne  vois  pas  trop  quel  peut 
être  ce  mélode  inconnu  et  comment  il  a  pu  être  imité  de  son 
vivant  et  par  saint  Romain  à  Constantinople  et  par  saint  Cy- 
riaque à  la  Vieille  Laure.  Mais  ceci  nous  entraînerait  hors  de 
notre  sujet,  en  nous  lançant  une  fois  de  plus  dans  la  fameuse 
controverse  qui  se  livre  depuis  des  années  autour  de  saint  Ro- 
main et  qui  est  loin  d'avoir  amené  tous  les  éclaircissements 
désirables.  Disons  seulement  que  si  l'hypothèse  du  P.  Pétridès 
n'est  pas  al)Solument  évidente,  celle  de  M.  Krumbacher  est  en- 
core moins  de  nature  à  entraîner  un  complet  assentiment. 


III.    —    DE   SAINT   CYRIAQUE    A    LA    DESTRUCTION    DE    LA    LAURE 

Après  la  mort  de  saint  Cyriaque,  20  septembre  556,  l'obscu- 
rité se  répand  sur  notre  laure.  Les  historiens  de  Palestine  disent 
généralement  qu'elle  fut  démolie  par  les  soldats  de  Chosroès 
avec  les  autres  couvents  du  pays  et  rebâtie  bientôt  après,  puis- 
que ses  religieux  figuraient,  paraît-il,  dans  le  cortège  triomphal 


(l)  Romanos  und  Kyriakos.  Extrait  des  Silzungsbei-ichteti  de)-  p/ii/us.    itnd  der 
hislor.  Classe  dcr  KgLbayer.  Akademie  der  Wisscnschaften,  1001,  p.  693  à  766. 


352  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

d'Héraclius  vainqueur,  lors  de  son  entrée  au  Saint-Sépulcre. 
Les  BoUandistes  (I),  à  leur  tour,  veulent  que  les  Arabes  l'aient 
détruite,  lors  de  l'invasion  et  de  la  conquête  de  la  Palestine  au 
VII  siècle.  Toutes  ces  hypothèses  sont  plus  ou  moins  erronées 
et  ne  tiennent  pas  devant  la  précision  des  textes.  En  effet,  Geor- 
ges le  Syncelle  (2)  qui  avait  séjourné  longtemps  en  Palestine 
avant  de  devenir  le  syncelle  du  patriarche  saint  Tarai  se,  784- 
806,  et  de  composer  sa  Chronographie,  nous  apprend  lui-même 
qu'il  avait  souvent  visité  cette  laure  et  qu'elle  était  de  son  temps 
l'objet  de  fréquents  pèlerinages  :  laùvr^q  (Tay-rjX)  èyà)  r;;v  \âç>^y:m 
xfjç  Y^?  JTuspy.eiiJiv'^v  TcX/.ây.tç  ixilit  T.y.poiz'jMV  irJ.  BrfiXzkix  y.xî.  Tr,v 
TraXaùv  ASYCijivr^v  Aaûpav  tsj  stîou  Xapixwvoç  âiopaxa  (3).  Dans  le 
courant  du  viii"  siècle,  nous  trouvons  également  plusieurs  de 
ses  religieux,  qui  se  retiraient  avec  saint  Etienne  le  thaumaturge 
dans  les  grottes  de  Douca  poiu'  y  jeûner  et  y  prier  quarante 
jours  en  l'honneur  de  saint  Sabas  :  r^vS/.cùOrisà  r.oxe  zoùzm  zm  ye'povti 
i7u"i  là  (j-'r]Xaia  toîj  Aouy.a  j'jv  âtépciç  Tial  tcov  Tratepwv...  Tr^q  tou 
Ilouxa  Xaùpaç(4).  La  date  précise  de  ce  voyage  particulier  n'est 
pas  indiquée  par  Léonce,  biographe  de  saint  Etienne,  mais 
comme  celui-ci  mourut  le  2  avril  71)  1  et  que  Léonce  fut  attaché 
à  son  service  quelques  années  seulement  avant  sa  mort,  il  ne 
sera  pas  téméraire  de  la  placer  vers  la  fin  du  viii'^  siècle. 

C'est  également  à  la  fin  du  vm^  siècle  que  remonte  une  catas- 
trophe, qui  fut  le  point  de  départ  de  toute  une  série  de  malheurs, 
cause  prépondérante  de  l'affaiblissement  graduel  de  notie  mo- 
nastère, en  attendant  sa  complète  disparition.  Le  13  mars  796, 

(1)  Les  Bollandistos  laissent  entciulre  à  plusieurs  reprises  dans  la  \'il<i  s.  chn- 
ritonis,  A.  SS.,  t.  VII  sept.,  n"*  12  à  M,  p.  570,  que  la  laure  de  saint  Cliariton  ne 
survécut  pas  aux  invasions  des  Perses  el  des  Arabes.  Ils  veulent  inèiiie  déduire  de 
ce  fait  que  cette  Vie  n'a  ]ias  été  écrite  par  Syniéon  Métaphraste,  mais  par  un 
moine  de  la  Vieille  Laure,  au  vi=  siècle,  ce  qui  me  parait  légèrcnKMit  exaj,'éré. 

(2)  H.  Gelzer  a  résumé  tout  ce  que  nous  connaissons  de  la  vie  de  ce  personnage 
(Sextus  Jidius  Africanus  und  die  byznnlinische  Chrunographie,  Leipzig,  1885, 
ir  partie,  p.  176-184).  La  chronique  de  Georges  le  Syncelle  va  d'Adam  à  l'empe- 
reur Dioclétien;  elle  a  été  publiée  par  Goar  dans  la  Byzanline,  t.  V,  de  l'édition 
de  Venise  en  1729,  et  n'a  pas  malheureusement  été  réckliti'e  par  Migne.  Georges 
le  Syncelle  mourut  en  810  ou  811  et  ce  lut  son  ami,  saint  Théophane  le  clirono- 
graphe,  qui  mit  en  œu\re  et,  à  l'aide  de  ses  notes,  compli'ta  son  travail. 

(3)  Georgii  syncclli  Chrunograplria,  t.  V,  de  la  Byzantine,  p.  85.  et  IL  <_ielzer, 
Op.  cit.,  p.  179. 

(4)  Vila  s.  Stephani  xribaUac  Ihaumalurçji  dans  les  .4.  NS'.,  t.  III  jul.,  \\"  KW, 
p.  559. 


SAINT   JEAN    LE    PALEOLAURITE.  Ô-Jo 

la  laure  de  Saint-Sabas  était  envahie  par  une  troupe  de  Bé- 
douins, campés  aux  environs,  et  qui  comptaient  recueillir  d'im- 
menses richesses  dans  les  cellules  des  religieux.  Cette  première 
attaque  amena,  avec  le  pillage  de  la  laure,  des  mauvais  traite- 
ments infligés  aux  moines  qui  eurent  une  trentaine  de  blessés. 
La  semaine  suivante,  durant  la  nuit  du  samedi  au  dimanche, 
sur^  inrent  coup  sur  coup  deux  messages  de  la  Vieille  Laure 
et  de  Saint-Euthyme,  qui  présageaient  de  cruelles  tortures  pour 
la  nuit  même.  Les  moines,  en  effet,  ne  tardèrent  pas  à  subir 
une  nouvelle  attaque.  Ils  succombèrent  sous  le  nombre;  vingt 
d'entre  eux  périrent  étouttes  dans  les  tlammes  ou  martyrisés  de 
diverses  manières,  20  mars  796  (1).  Ces  martyrs  appartenaient 
à  la  laure  de  Saint-Sabas  et  non  à  celle  de  Saint-Chariton,  mais 
celle-ci  ne  fut  guèi-e  plus  épargnée  que  l'autre.  Avant  le  premier 
assaut  dirigé  contre  Mar-Saba,  13  mars  796,  les  Bédouins  s'é- 
taient réunis  dans  les  environs  de  la  Vieille  Laure;  ils  l'avaient 
ensuite  pillée,  ne  laissant  absolument  plus  rien  à  la  disposition 
des  moines,  mais  exerçant  par  conti-e  toutes  sortes  de  cruautés 
à  leur  égard.  Après  quoi,  ils  établirent  leur  quartier  général  à 
Saint-Charitun,  se  préparant  de  là  à  dévaster  les  campagnes 
voisines  et  à  prendre  de  force  la  laure  de  Saint-Sabas  (2).  C'est 
en  ces  fermes  très  vagues  que  saint  Etienne  le  Sabaïte  nous  a 
retracé  tout  ce  qu'eurent  à  souffrir  les  moines  de  Souka  durant 
cette  période  de  troubles,  sans  nous  informer  pourtant  si  notre 


(1)  Passiu  sanrloruia  viyinli  inartijiunt  luurac  S.  Subae  clans  les  .4.  .S'.V.,  1.  111 
niait.,  p.  I(J6-179.  Le  texte  grec  est  imprinK-  à  la  fin  du  voluiiio.  L'année  de  <•(> 
martyre  est  très  discutée.  Etienne  le  mélodo  dit  que  l'invasion  eut  lieu  l'année 
tJ-288  de  la  création  du  monde,  l'année  788  de  notre  ère,  la  5'=  indiction.  La  5"  in- 
diction va  du  1°'  septembre  796  au  31  août  797  et  l'année  6288  du  monde  pareil- 
lement. C'est  donc  le  20  mai's  797  que  les  sabaïtes  auraient  été  niart)Tisés.  comme 
l'a  noté  le  P.  Papebrok,  t.  III  mart.,  n"  6,  p.  166;  mais  celui-ci  a  eu  tort  de  faire 
correspondre  le  20  mars  797  avec  le  jeudi  de  la  semaine  sainte,  puisque  Pâques 
tombait  le  23  avril  cette  année-là.  Le  P.  .Jean  Pien  n'admet  pas  la  chronologie 
de  son  confrère,  il  corrige  la  5''  indiction  en  la  4*"  et  se  prononce  pour  le  20  mars 
796  (J.  SS.,  t.  III  jul.,  n"'  17  et  18,  p.  501).  Pourquoi?  Parce  que  Pâques  tombait 
en  796  le  3  avril  et  que  les  sabaïtes  périront  à  la  tin  du  Carême,  (t.  III  mart.,  n''2I, 
p.  169),  peu  avant  le  vendredi  saint  {0[j.  cil.,  n"  78,  p.  177).  Dès  lors,  la  première 
attaque,  signalée  comme  ayant  eu  lieu  le  13  mars  (n"  21,  p.  169),  se  serait  produite 
en  effet,  le  13  mars  796,  un  dimanche.  Le  massacre  proprement  dit  serait  arriv(' 
le  dimanche  suivant,  le  20  mars  796. 

(2)  Passio  sanctorum  viginiimarlyrum,  n"  7,  p.  3*;  lautre  passage  concernant 
la  Vieille  Laure  se  trouve  au  n"  28,  p.  5*. 


354  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

laiire,  romme  celle  de  Saint-Sabas,  eut  la  gloire  de  compter  plu- 
sieurs martyrs.  Ce  silence  de  sa  part  n'a  rien  cjui  puisse  nous 
surprendre.  On  sait,  en  effet,  comment  les  moines,  prodigues 
de  détails  sur  tout  ce  qui  touche  à  leur  maison  religieuse, 
glissent  avec  une  rapidité  surprenante  sur  ce  qui  serait  de  nature 
à  faire  rejaillir  quelque  éclat  sur  le  monastère  voisin,  qui  est 
presque  toujours  le  monastère  rival. 

Parmi  les  moines  de  Saint-Sabas  qui  échappèrent  mystérieu- 
sement aux  violences  des  Sarrasins,  se  trouvait  un  diacre  du 
nom  de  Thomas,  médecin  habile  et  praticien  fort  entendu, 
auquel  les  descendants  d'Agar  avaient  voué  une  haine  toute 
particulière.  Après  le  départ  des  nomades,  Thomas  s'occupa 
des  nombreux  blessés  et  ne  craignit  pas  de  recourir  aux  ampu- 
tations. Sauf  un  vieillard  qui  déclina  l'offre  de  ses  services,  ce 
chirurgien  expert  réussit  à  conserver  la  vie  à  tous  les  blessés  et 
l'on  peut  lire  encore  avec  quel  naïf  étonnement  son  ami 
Etienne  le  Mélode  nous  a  tracé  le  tableau  de  ses  cures  merveil- 
leuses (1).  Peu  après,  dans  le  courant  de  cette  même  année  796 
très  probablement,  Thomas  devenait  higoumène  de  la  Vieille 
Laure  (2).  Il  ne  semble  pas  avoir  exercé  longtemps  cette  charge. 
En  effet,  lorsque  Léonce  écrivait  la  biographie  de  saint  Etienne 
le  Thaumaturge,  au  début  du  ix'  siècle,  Thomas  était  déjà  pa- 
triarche de  Jérusalem  (3)  et  nous  savons  positivement  qu'au 
mois  d'août  807  il  correspondait  en  cette  qualité  avec  l'empe- 
reur Charlemagne  (1).  Vers  818  ou  819,  Thomas  occupait 
toujours  la  chaire  patriarcale  de  Jérusalem  (5). 


(1)  Passio  sanclurum  viginll  marlyrirm,  t.  III  niart.,  n"  "24,  p.  5*;  n°  46,  p.  7* 
et  n"  63,  p.  9*.  Voir  aussi  Vila  s.  Slephani  mbailar  l/mumalurgi,  t.  III  jul., 
n°  136',  p.  558. 

(2)  La  Passio  sanclorum  v'ujiali  inarlyriim  est  un  paucgyriqiio,  qui  fut  couiposi'^ 
par  saint  Etienne  le  Mélode,  à  la  prière  de  Basile,  higoumène  de  Saint-Sabas,  et 
prononcé  sans  doute  dans  l'église  de  la  laure,  en  présence  de  tous  les  religieux, 
le  21)  mars  797,  pour  l'anniversaire  de  ce  glorieux  mai'tyre.  Or,  à  ce  moment, 
Thomas  était  déjà  higoumène  de  la  Vieille  Laure  {Op.  cit.,  n"  46,  p.  7*). 

(3)  Vila  s.  Slephani  sabailae,  t.  III  jul.,  n°  136,  p.  558. 

(4)  Le  QuienlOnms  chrislianus,  t.  III,  col.  321  et  342.  On  peut  lire  sur  l'atlaire 
du  Filioque,  qui  motiva  cette  intervention  du  patriarche  Thomas  auprès  de 
Charlemagne  et  de  saint  Léon  III,  S.  Vailhé  :  Saint  Michel  le  Syncelle  et  les  deux 
frères  Grapti,  saint  Théodore  cl  saint  Théophane  dans  la  Revue  de  l'Orient  chré- 
tien, t.  VI,  I90I,  p.  320-329. 

(5)  Sur  la  correspondance  engagée  entre  le  patiùarche  Thomas  et  saint  Théo- 


SAINT   JEAN    LE    PAEÉOEAURITE.  355 

La  mort  du  calife  Haroun  ar-Raschid,  ami  de  Charlemagne 
et  protecteur  des  chrétiens,  fut  suivie  d'une  guerre  civile  entre 
ses  fils  Mohammed  et  Abdallah  qui  se  disputaient  sa  succes- 
sion. Les  ravages  de  cette  lulte  fratricide  se  firent  particulière- 
ment sentir  en  Palestine,  qui  fut  le  thcàtre  sanglant  de  plusieurs 
combats.  Le  récit  abrégé  de  ces  horreurs  nous  a  été  laissé  par 
un  contemporain,  le  chronographe  Théophane.  Celui-ci  nous 
apprend  qu'en  l'année  809  Jérusalem  fut  saccagée,  ainsi  que 
les  deux  laures  de  Sainl-Chariton  et  de  Saint-Sabas  et  les  deux 
monastères  de  Saint-Euthyme  et  de  Saint-Théodose  :  è'vOa  oy;  '/.t. 

a',  y.aià  ty;v  àyiofv  Xpiaxcu  tou  0îoj  r^\)xoy  tSkv)  £y.xXr,(7{ai  ■r^ç,•^^\JMiv~aL\^ 
Ta  T£  [J,ovao-T-/îpia  twv  Suo  [j.£Yd!Àojv  Xaupoiv,  toO  èv  àyiciç  XapcTwvcç  /.at 
Ku.pia/,o'j,  -/.y!'.  -;j  àyiou  ÏIâ66a,  y.a',  xx  Xci-i  /.civiSia  twv  àvicov  E'jOj- 
p.icu  /.aï  Bsoocaicu  (1).  Les  désordres  augmentèrent  encore  les 
années  suivantes.  En  812,  les  sanctuaires  de  la  Résurrection 
et  du  Calvaire  furent  profanés,  les  laures  de  Saint- Chariton  et 
de  Saint-Sabas  à  moitié  détruites,  les  monastères  du  désert  et  les 
diverses  églises  de  Jérusalem  complètement  saccagés  :  c[;,o(w;  oè 

v.x-x  -.r,v  'épr,iJ.ov  o'.y.oôr,-:oi  Ky.upy.i  -zii  y.^'J.z'j  Xapi-rwv:;  /.ai  tsj  àY''ou 
— âcSa,  y.a'i  xà  Xci-à  [j.z'fy:^-r,p'.y  y.al  a-  èy.y.Xr^jiat  •^pY)î;.(o9Y;(7av  (2).  Cette 

fois,  il  se  commit  tant  de  meurtres,  de  vols  et  d'impudicités, 
que  les  chrétiens,  n'y  tenant  plus,  se  résolurent  à  placer  la  mer 
(onnne  barrière  entre  eux  et  leurs  envahisseurs.  Les  moines 
échappés  au  massacre  s'enfuirent  à  Chypre  et,  de  là,  plusieurs 
gagnèrent  Constantinople  où  l'empereur  et  le  patriarche  leur 
offrirent  la  plus  cordiale  hospitalité.  Ces  massacres  sans  cesse 
renouvelés  et  dans  les  mêmes  monastères  ne  doivent  pas  trop 
nous  surprendre;  il  était  bien  rare,  en  effet,  que  les  religieux 
survivants  se  décidassent  à  quitter  définitivement  leurs  cel- 
lules. Ils  se  cachaient  durant  la  persécution  et,  la  tourmente 
une  fois  passée,  revenaient  dans  leur  cher  couvent  rendre  les 
derniers  devoirs  aux  restes  de  leurs  frères  martyrs  et  continuer 
près  de  leurs  tombes  glorieuses  leur  vie  de  pénitence  et  de 
pardon.  C'est  ainsi  qu'à  la  suite  de  cette  destruction  que  l'on 
serait  tenté  de  croire  complète,  la  laure  de  Saint-Chariton  re- 
dore stiidito,  voir  Migiie,  P.  G.,  t.  XCIX,  col.  1160  et  S.  Vailhé,  Op.  cit.,  p.  326- 
3-29. 

(1)  Migne,  P.  G.,  t.  CVIII,  col.  973  A. 

(i)  P.  G.,  t.  CYIIl,  col.  1001  B. 


356  REVUE  DE  l'orient  cîirétiex. 

naquit  pour  ainsi  dire  de  ses  cendres,  puisque  nous  avons  en 
817  une  excellente  lettre  de  saint  Théodore  studite,  adressée  à 
son  supérieur  et  à  ses  moines  (1). 

Dans  les  premières  années  du  ix"  siècle  également,  nous 
avons  deux  attestations  officielles  de  l'existence  de  la  Vieille 
Laure.  C'est  d'abord  le  Commemoratorium  de  oasis  Dei  vel 
monasteriis,  qui  paraît  remonter  à  l'année  808  et  est  le  relevé 
très  exact  des  églises,  chapelles  et  couvents,  qui  s'élevaient 
alors  en  Palestine.  «  In  parvo  monasterio,  quod  sanctus  Cha- 
riton  construxit  et  ubi  ipse  sanctus  ab  uno  milliario  requie- 
scit,  abba  nomine. ..  »  dit  le  texte  qui  malheureusement  se  trouve 
incomplet  (2).  Un  peu  plus  tard,  vers  l'année  820,  Épiphnno 
l'hagiopolite  assure  que  «  au  sud  de  Bethléem,  sont  les  deux 
monastères  de  Saint-Sabas  et  de  Saint-Chariton  (3)  ».  Il  nous 
faut  alors  franchir  près  de  trois  siècles,  pour  découvrir  dans  le 
pèlerinage  de  l'higoumène  russe  Daniel  la  description  suivante 
de  notre  laure  :  «  Au  midi  de  Bethléem,  se  trouve  le  couvent 
de  Saint-Chariton,  sur  le  fleuve  Étham  ci-devant  cité,  non 
loin  de  la  mer  de  Sodome,  au  milieu  de  montagnes  pierreuses 
et  dans  un  endroit  désert.  Il  est  terrible  cet  endroit  et  aride  : 
l'eau  y  manquant  absolument;  une  effrayante  gorge  rocailleuse 
est  à  ses  pieds.  Ce  couvent  était  entouré  de  murailles  et,  au 
milieu  de  l'enceinte,  s'élèvent  deux  églises  dont  la  plus  grande 
contient  le  tombeau  de  saint  Chariton.  Hors  des  murs  se  trouve 
une  grande  grotte  sépulcrale,  contenant  des  reliques  des  saints 
pères,  qui  y  reposent  au  nombre  de  plus  de  sept  cents;  il  y  a, 
entre  autres,  les  reliques  de  saint  Cyriaque  le  Confesseur, 
dont  le  corps  est  parfaitement  conservé,  et  des  fils  de  Xéno- 
phon,  Jean  et  Arcadius,  qui  exhalent  un  merveilleux  parfum. 
Nous  saluâmes  ce  saint  lieu  et  gravîmes  la  montagne  qui  est  à 

(1)  Migne,  P.  G.,  t.  XCIX,  col.  1168-1173.  Cette  longue  lettre  de  saint  Tliéodoiv 
studite  ne  renferme  rien  de  spécial  touchant  notre  laure:  elle  fut  ('crite  à  l'occa- 
sion de  riconoclasnie  pour  luctti'i'  en  garde  les  religieux  et  obtenir  le  secours  de 
leurs  prières. 

(2)  Ilinera  hierosolymifana  el  descriplioiirs  Trirar  sanclac.  t.  1.  "2,  p.  :jOo. 

(3)  Migne,  P.  G.,  t.  CXX,  col.  264.  A  la  suite  d'une  série  dai-licles  écrits  d(> 
divers  côtés,  il  a  été  prouvé  qu'Épiphane  l'hagiopolite  vivait  vers  l'année  820  el 
devait  se  distinguer  d'un  autre  Épiphane,  auteui'  d'une  Vie  de  la  Sainte  Vierg(> 
et  qui,  lui,  vivait  dans  la  seconde  moitié  du  vui''  siècle.  Jusque-là,  on  avait  con- 
fondu ces  deux  écrivains.  Sur  cette  question  voir  la  Geschuhle  der  byzaniini- 
sc/ien  LUleralur  -  de  JI.  Krumbacher,  p.  420. 


SAINT   JEAX    LE    PALÉOLAURITE.  357 

une  versfp  du  couvent  vers  le  sud  (1).  »  A  cette  description  de 
1106  il  convient  d'ajouter  le  témoignage  de  Jean  Phocas  qui, 
en  1177,  vit  encore  debout  et  habité  le   monastère  de  Saint- 

Chariton  :  y.at  Tf,^  haùpaq  èy.cï6cV  wael  [j.iXia  te  ,  tï;ç  tou  PcjSS  £p-r);/oy 
zXrjfftov  ïazh  y;  [j,2vy;  toj  «yicj  XapiTwvcç  (2). 

Je  rejette  en  note  (3)  deux  autres  passages  de  pèlerins  pos- 
térieurs, qui  parlent  de  la  Vieille  Laure,  alors  qu'elle  était  dé- 
truite, et  très  probablement  sans  l'avoir  vue.  La  sécurité  des 
chemins  était  trop  aléatoire,  pour  qu'ils  se  soient  hasardés  dans 
une  région  aussi  mal  famée.  De  même,  on  trouvera  en  note  (4) 
quelques  textes,  qui  se  rapportent  au  monastère  de  Saint-Cha- 
riton  à  Jérusalem,  monastère  qu'il  ne  faut  pas  évidemment 
confondre  avec  le  nôtre.  Je  ne  saurai  dire,  même  par  conjec- 
ture, à  quelle  époque  remonte  ee  couvent  hiérosolymitain  ; 
mais  il  est  possible  que  ce  soit  une  procure  de  la  Vieille  Laure, 
un  métokhion  comme  disent  les  Grecs,  qui  se  sera  peu  à  peu 
transformé  en  monastère,  ou  liien  qu'il  ait  été  construit  pour 
remplacer  la  Vieille  Laure,  lorsque  celle-ci  devint  inhabitable. 


(1)  Vie  el  pè/crùiiv/e  de  DnnirI,  héijoumèno  russe,  dans  les  Itiiirraires  rxsscs  en 
Orient,  traduits  pour  la  Société  de  l'Orient  latin,  t.  I,  1,  p.  18. 

(2)  Migne,  P.  G.,  t.  CXXXIII,  col.  9(50.  Dans  l'ancien  Typikon  liturgique  de 
rEgli.se  de  .Jérusalem,  qu'a  publié  M.  Papadopoulos-Kerameus,  'AvâXexxa  l£oo'îo)u- 
jiiTiviïiç  (TTa'/uoXoyîaç,  t.  II,  p.  I  et  seq.,  et  qui  paraît  remonter  au  moins  au  .\i"  siè- 
cle, il  est  fait  mention,  p.  1 17,  des  moines  de  Saint-Sabas,  do  SaitU-Charilon,  etc. 
pour  un  office  au  Saint-Sépulcre.  Le  couvent  n'était  pas  encore  détruit. 

CÀ)  Un  anonyme,  qui  n'est  pas  antérieur  au  .\v"  siècle,  dit  :  <<  à  33  milles  de 
.Jérusalem,  le  saint  monastère  île  Saint-Chariton  »  {De  lacis  sanctis  dans  Migne, 
P.  G.,  t.  CXXXIII,  col.  984).  Un  Proskynitarion  grec  du  premier  tiers  du 
xvn"  siècle,  édité  par  M.  PapadopoulosKerameus,  Pravusl.  Pal.  Sburnik,  1900, 
53*  fasc,  p.  31,  dit  également  que  :  •■  au  midi  de  Saint-Sabas  se  trouve  le  mo- 
nastère de  Saint-Chariton;  il  contient  un  hagiasma  (source  miraculeuse),  que 
Dieu  lui  accorda  en  raison  de  sa  prière  ». 

(4)  «  Après  par  devers  celle  issue  du  Sépulcre  par  dehors,  devers  bise,  est 
l'yglise  de  Saint  Caristo,  et  là  aussi  doit  estre  son  cors  »  {Les  pelerinaiges  par 
aler  en  Jh^rusalem  dans  Itinéraires  à  Jérusalem  et  Descriptions  de  la  Terre 
Sainte,  rédigés  en  français  aux  .xi»,  xu"  et  xin«  siècles,  p.  94).  «  Et  par  celé  issue 
dou  Sépulcre  irez  à  Saint  Carito  •>  {Les  saints  pèlerinages.  Op.  cit.,  p.  104'').  "  Après 
celé  ychue  dou  Sépulcre  por  dehors  vers  boire,  est  l'yglise  de  Saint  Carito, 
e  là  aussi  est  son  cors  »  {Les  chemins  et  les  pèlerinages  de  la  Terre  Sainte,  Op. 
cit.,  p.  182  et  193).  «  E  de  coste  la  Sépulcre,  ne  mie  molt  loyns,  est  le  Ilospital 
seint  Johan,  e  là  deprès  si  est  la  esglise  Saint  Caryout,  e  de  lees  si  est  la  Latyne  ■• 
{Pèlerinages  et  pardouns  de  Acre,  Op.  cit.,  p.  230).  «  Quatorzième  :  le  couvent  du 
saint  père  Chariton  le  confesseur  »  {Le  pèlerinage  de  Basile  Posniakov,  15.58-1 56  J, 
dans  les  Itinéraires  russes  en  Orient,  p.  326). 


358  re"st;e  de  l  orient  chrétien. 

par  suite  des  tracasseries  constantes  des  Bédouins.  Ce  couvent 
de  Saint-Cliariton  se  trouvait  près  du  Saint-Sépulcre. 

De  nos  jours,  des  ruines  informes  et  de  nombreuses  grottes 
naturelles  ou  percées  par  la  main  des  hommes  dans  les  flancs 
de  la  montagne  attestent  seules  la  présence  de  la  Vieille  Laure. 
Si  loin  que  le  regard  se  porte,  il  n'embrasse  qu'un  horizon  ro- 
cheux, imposant  par  sa  sauvage  grandeur,  et  des  collines  nues, 
calcinées,  où  les  ravins  profonds  creusent  des  gerçures  irré- 
gulières. En  l)as,  le  ouady  sans  eau  découvre  ses  l'ocailles  polies, 
tandis  que  les  oiseaux  de  proie  qui  tourbillonnent  dans  l'air 
à'  la  poursuite  des  chauves-souris  jettent  des  notes  stridentes 
aux  échos  de  la  vallée.  Raremenl,  un  pareil  silence  a  favorisé 
davantage  le  recueillement.  On  s'éprend  à  la  longue  d'une  ad- 
miration réelle  pour  la  vie  si  rude  de  ces  moines,  qui  n'avaient 
((u'à  jeter  les  }eux  sur  cette  nature  stérile  et  grillée  pour  avoir 
une  image  vivante  de  l'enfer  (I). 

(A  suivre.) 

S.  V. 


(1)  J'avais  déjà  dans  le  Bessariuiie,  t.  III  (INÛT),  p.  50  scr).,  es(|ui,ss('  l'histoii'o 
do  ce  monastrre,  mais  ceux  qui  auront  lu  les  deux  ('tudes  trouveront  sans  doute 
que  celle-ci  ne  fait  pas  double  emploi  avec  la  précédente. 


CORRESPONDANCES  DIPLOMATIQUES 

ENTRE 

LES   SULTANS    MAMLOUKS   D'EGYPTE 

ET  LES  PUISSANCES  CHRÉTIENNES 

{Fin) 


III 


[Voici  maintenant,  toujours  d'après  Qalqasandî  (1),  certaines 
lettres,  envoyées  par  des  souverains  chrétiens  aux  sultans  du 
Caire.  Le  texte  arabe  de  ces  pièces  est  extrêmement  vulgaire  (2); 
le  style  làclie  et  trivial,  la  plirase  sans  nerf  ne  font  pas  honneur 
aux  connaissances  linguistiques  des  «  drogmans  des  portes 
augustes  »  (3)  en  même  temps  qu'ils  augmentent  pour  nous  les 
difficultés  de  la  traduction.  Les  lettres  qui  suivent,  toutes  con- 
tempoi-aines  de  Qalqasandî,  sont  dans  son  recueil  précédées  de 
l'introduction  suivante  :] 

I.   —    LETTRES   ENVOYÉES  PAR  LES   PRLNCES  GRECS 

Le  premier  de  tous  (4)  est  l'empereur  de  Constantinople.  J'ai 
suus  les  yeux  une  de  ses  lettres,  arrivée  le  27  Safar  814  (5), 

(1)  IV=  voL,  p.  222,  etc.  de  notre  manuscrit. 

(2)  On  y  retrouve  les  locutions  et  les  formes  populaires,  encore  usitées  de  nos 
jours.  C'est  à  croire  que  l'arabe  vulgaire,  une  langue  vivante  pourtant,  n'a  pas 
changé. Phénomène  surprenant  quand  on  considère  les  modifications  subies  par 
nos  idiomes  occidentaux  en  moins  d'un  siècle. 

(3)  Titre  officiel  des  interprètes,  attachés  à  la  chancellerie  du  Caire. 

(4)  A  l'époque  de  Qalqasandi,  il  existait  encore  un  certain  nombre  de  princi- 
pautés grecques,  plus  ou  moins  indépendantes. 

(5)  1411  de  J.-C. 


o60        ,  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Elle  était  dans  un  rôle  (1)  de  papier  franc  (2)  d'environ  20 
wad  (3)  de  dimension,  demi-format.  En  haut  on  voyait  un 
wasl  en  blanc  et  en  bas  deux  wasl.  A  droite  et  à  gauche  de  la 
dépêche  on  avait  laissé  des  marges  d'environ  deux  doigts.  Les 
lignes  étaient  inégalement  espacées;  en  haut  le  vide  entre  cha- 
que ligne  était  de  quatre  doigts  serrés  [l'un  contre  l'autre].  A 
peu  près  vers  le  tiers  de  la  lettre  il  n'était  plus  que  de  trois 
doigts  et  plus  loin  de  deux  seulement;  enfin  de  trois  jusqu'à  la 
fin  de  la  lettre.  Les  caractères  étaient  extrêmement  tins.  La 
dépêche  se  terminait  par  trois  lignes  et  un  cachet  rouge  (4); 
ces  lignes  étaient  d'une  écriture  un  peu  plus  soignée  que  la 
précédente. 

Voici  le  texte  de  cette  lettre,  traduite  (5)  par  le  patriarche 
des  Melkites  (G)  en  présence  du  drogman  Saif  ad-dni  Soù- 
doûn  (7)  : 

«  [Au]  très  illustre,  très  glorieux,  très  honoré  monarque,  le 
grand  sultan,  sultan  d'Egypte,  de  Damas,  d'Alep  et  autres 
[lieux]  (8).  Al-Malik  an-nàsir  Farag,  fils  du  grand  sultan  feu 
[Al-Malik]  az-Zàhir  Barqoùq  (9)  aimé  de  nous  et  très  ciier  (10) 

(I)  Ce- terino  dt-signe  une  subdivision  de  la  rouille  de  papier.  Quati'Ciuère  dans 
SOS  Sultans  mamlouks  le  traduit  constamment  par  «  bande  »,  traduction  (|ui  nous 
paraît  peu  exacte. 

(i)  «  Darag  ».  Sur  ce  mot,  cfr.  Quatremère,  op.  cil.,  I'.  ir.i,  note  50. 

(3)  Faramji,  c'est-à-dire  de  fabrication  occidentale. 

(4)  Littér.  et  un  morceau  en  rouge.  On  pourrait  aussi  comproiKho  que  les  ti'ois 
dernières  lignes  étaient  à  l'encre  rouge. 

(5)  La  traduction  consiste  en  un  véritable  mot-à-mot,  suivant  servilomont  l'or- 
dre des  termes  grecs,  .sans  tenir  compte  des  exigences  de  la  grammaire  ai-abe. 

(6)  D'Alexandrie.  Au  lieu  de  la  forme  arabe  «  Malakiya  »  l'auteur  emploie  tou- 
joui's  la  forme  syriaque  «  Malkà'iya  »  même  quand  il  est  question  comme  ici 
des  Melkites  d'Egypte. 

(7)  II  semblerait  que  le  grec  n'était  pas  familier  à  Soûdoùn.  Ce  Soùdoùn  parait 
être  le  personnage  mentionné  dans  une  inscription  non  datée  (6'.  /.  A.,  ;J9)  et  que 
JIM.  Van  Berchem  a  fort  bien  attribuée  au  ix^  siècle  de  l'hégire.  Il  y  est  qualifK' 
d' ..  Altesse  »  et  de  «  vice-roi  du  royaume  ».  Comme  on  le  voit,  il  avait  fini  par 
faire  son  chemin.  Contrairement  à  la  conjecture  émise  par  le  docte  éditeur  du 
G.  I.  A.  (p.  60),  nos  documents  montrent  qu'il  ne  peut  être  question  do  Ft-mir 
Soûdoùn  al-Fahrî,  vice-roi  en  781  et  792.  Sans  parler  de  la  différence  des  noms, 
notre  Soûdoùn  en  814  n'était  encore  que  «  drogman  des  portes  augustes  ». 

(8)  Dans  le  texte  :  "  al-'azîz  al-akbar  »  ;  a-t-on  voulu  rendre  de  la  sorte  un  su- 
perlatif grec,  l'arabe  ne  possédant  pour  les  formes  de  compai'aison  que  l'éialif? 

(9j  A  ces  titres  les  sultans  égyptiens  ajoutaient  encore  celui  de  sultan  des  pro- 
vinces de  l'Euphrale,  etc. 

(10)  Sur  ces  deux  sultans  Barqoùq  ol  Farag  on  peut  cousuUer  W.  .Muir,  The 
rnanieluke  or  slave  dynastie  ofEyypl,  105  sqq. 


COHRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  361 

aux  sujets  (1)  de  notre  empire,  faisons  savoir  [ce  qui  suit]  : 
«  Nous  et  notre  royaume  [nous  allons]  bien  par  la  grâce  de 
Dieu.  Qu'il  en  soit  de  même,  s'il  plaît  à  Dieu,  de  votre  illustre 
sultanat!  L'amitié  et  la  concorde  n'ont  cessé  de  régner  jusqu'au 
dernier  moment  entre  votre  père  et  le  nôtre.  Par  suite,  notre 
affection,  grâce  à  Dieu,  n'a  fait  que  croître  et  augmenter. 
Puissent  les  relations  cordiales  entre  nous  et  votre  illustre  sul- 
tanat s'affermir  à  jamais!  et  aussi  —  comme  il  est  juste  —  vos 
envoyés  continuer  à  nous  parvenir  chargés  de  vos  messages 
ainsi  que  les  nôtres  avec  nos  lettres  jusqu'à  votre  royaume. 
Notre  intention  était  de  vous  envoyer  un  ambassadeur;  mais 
les  troubles  survenus  dans  nos  états  (2)  et  la  nouvelle  du  départ 
de  Sa  Majesté  le  sultan,  du  siège  de  son  empire  (3)  sans  qu'il 
fût  possible  de  savoir  où  il  s'était  dirigé,  [tout  cela]  nous  a  forcé 
de  retarder  [l'exécution  de]  ce  dessein.  Le  porteur  de  cette 
lettre  adressée  à  l'illustre  sultan,  le  marchand  Soiimas  (4)  de 
Constantinople,  est  [envoyé]  de  notre  part.  Il  a  l'habitude  de 
fréquenter  vos  illustres  états. 

«  Sachant  que  Votre  Majesté  aime  les  faucons,  nous  expédions 
cinq  de  ces  oiseaux  et  un  fauconnier  en  compagnie  du  [mar- 
chand] mentionné,  dans  l'espoir  que  vous  daignerez  leur 
accorder  un  regard  favorable,  ainsi  qu'aux  patriarches  (5),  aux 
chrétiens  et  aux  églises  selon  la  décision  de  la  justice  du  sultan 
et  de  son  amitié.  [Qu'il  veuille  bien]  les  recommander,  leur  ga- 
rantir sa  bienveillance  à  eux  et  à  leurs  frères,  [vivant]  selon 
leurs  usages  sans  [aucune]  perturbation,  comme  sa  justice  les 
y  a  depuis  longtemps  accoutumés,  [et  cela]  par  amitié  pour 


(I)  Littéral,  aux  enfants. 

ii)  Guerres  avec  les  Ottomans  et  aussi  la  révolte  de  son  petit-fils  Jean. 

(3)  C'est-à-dire  du  Caire,  pour  aller  apaiser  une  révolte  en  Syrie.  L'année  de 
riiégire  814  ayant  commencé  le  25  avril  1411  et  Safar  étant  lo  deuxième  mois  de 
l'année  musulmane,  il  s'ensuit  que  les  trois  letti-es,  traduites  ici,  n'ont  jamais  été 
remises  au  sultan  Farag-,  assassiné  à  Damas  le  23  mai  1411  (Muir,  p.  128,  et  Ibn 
Ayàs,  I,  856).  Elles  doivent  sans  doute  à  cette  particularité  d'être  restées  aux 
Archives  du  Caire. 

(4)  La  graphie  arabe  cache  un  nom  grec,  mais  lequel? 

(5)  Grecs  d'Alexandrie,  de  Jérusalem  et  d'Antioche.  —  C'est  l'exercice  par  les 
empereurs  byzantins  du  protectorat  sur  les  églises  grecques  d'Egypte  et  de  Syrie 
(d'y.  Quatremère,  Sultans  mamlouks,  I'.  p.  177;  11-,  p.  180).  héritage  que  les 
tzars  de  Russie  s'ellbrceront  de  recueillir  plus  tard,  comme  on  le  voit  de  nos 
jours. 


362  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

nous.  Les  patriarches,  il  est  vrai,  m'ont  appris  (1)  que  Sa  Ma- 
jesté le  sultan  vient  de  rendre  un  décret  en  leur  faveur.  Ils  ne 
cessent  de  faire  des  vœux  pour  lui,  pénétrés  de  reconnaissance 
pour  sa  justice;  ce  qui  augmente  notre  [propre]  gratitude  pour 
ce  bienfait.  Puissent-ils  avec  l'aide  de  Dieu  persévérer  de  la 
sorte  et  notre  amitié  croître  pendant  votre  règne  et  le  nôtre!  Si 
Sa  Majesté  désire  quelque  chose  dans  nos  états,  qu'elle  nous  le 
fasse  savoir  et  nous  nous  empresserons  de  l'exécuter.  » 

A  la  fin  de  la  lettre,  à  Vencre  rouge  [se  lif]  la  signature  de 
r empereur  :  «  Manuel  (2),  chrétien  par  la  grâce  de  Dieu,  souve- 
rain de  l'empire  grec,  Paléologue  (3).  » 


II.    LETTRES    ECRITES    PAR   LES   ROIS   FRANCS   DE    L  ANDALOUSIE,  DES 
.PAYS    SEPTENTRIONAUX    ET    LIEUX    CIRCONVOISINS  (4). 

Elles  sont  habituellement  en  langue  franque  (5),  le  plus  sou- 
vent sur  format  de  papier  franc,  rappelant  assez  le  format  égyp- 
tien (G)  ou  un  peu  moins  grand,  écrites  en  langues  et  caractères 
francs  aux  lignes  serrées.  Le  tout  est  ensuite  plié  à.  plat,  l'a- 
dresse miseau  milieu,  en  ramenant  les  deux  extrémités  de  façon 
à  la  rendre  bien  apparente  sur  le  pli.  Ensuite  on  le  perce  (7) 

(1)  Les  patriarches  communiquaient  donc  avec  l'empereur  malgré  la  défense 
formelle  qui  leur  en  était  faite  dans  le  brevet  d'investiture  que  leur  octroyaient 
les  sultans  mamlouks.  On  y  lit  :  «  Qu'ils  évitent  avec  le  plus  grand  soin  de  tenir 
secrètes  les  correspondances  qui  leur  arriveraient  de  la  part  des  rois;  qu'ils  se 
gardent  aussi  de  leur  écrire  ou  d'entrer  dans  cette  voie!...  «  (cfr.  Ta'rif,  p.  145). 
Les  sultans  ottomans  surveilleront  avec  non  moins  de  vigilance  lés  relations  des 
prélats  chrétiens  de  leur  empire  avec  les  puissances  chrétiennes. 

(2)  Manuel  II  Paléologue  (I39I-1J23).  Le  ton  si  humble  de  sa  lettre  s'explique 
par  la  ti-iste  situation  de  l'empire  byzantin  à  la  veille  de  diparaître. 

(3)  Sur  les  monnaies  il  porte  le  titre  de  Mavou^X  ôecrTrôTri?  [ou  pàniXsu;]  na)io),oyo;. 
Cfr.  Sabaticr,  Cohen,  op.  cit.,  275  sqq.  Nous  pensons  que  l'arabe  ••  dabit  -  i-eud 
le  grec  ô£(T7t6tyi:. 

(4)  Nous  n'avons  pu  retrouver  dans  le  volumineux  ouvi'ago  de  Qalqasandî  au- 
cune correspondance  originaire  de  l'Espagne  et  del'Eui'ope  occidentale. 

(5)  Compi'enez  :  en  latin.  Ce  dernier  terme  est  demeuri'à  peu  près  inconnu  aux 
Arabes  et  n'a  jamais  désigné  chez  eux  un  groupe  linguistique. 

(G)  "  Baladî  »,  indigène. 

(7)  Pour  attacher  les  cordons  destinés  à  porter  les  yjto//((!/s  ou  bulles. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  363 

et  on  ferme  avec  de  la  terre  à  cacheter  (1).  Par-dessus  est  apposé 
le  sceau  sur  cire  rouge,  comme  nous  l'avons  expliqué  au  sujet 
des  lettres  des  rois  du  Masirib  (2).  A  l'arrivée  [de  la  dépêche]  au 
divan  impérial  le  sceau  est  rompu;  le  drogman  officiel  fait  la 
traduction  sur  une  feuille  séparée,  laquelle  est  collée  à  la  dépê- 
che, après  qu'on  a  écrit...  (3),  comme  il  a  été  dit  dans  la 
préface  du  livre  (4). 

Copie  cVune  lettre,  expédiée  par  le  doge  de  Venise  Michel  (5) 
par  l'entremise  de  son  envoyé  Nicolas  le  Vénitien,  16Safar 
814  (6);  traduction  de  Sams  ad-dîn  Sonqor  et  Saif  ad-dîn  Soû- 
doùn,  drogmans  au  divan  impérial;  format  de  papier  franc  aux 
lignes  carrées  (4'')  : 

«  Au  grand  sultan,  roi  des  rois  (7)  Faragallah,  le  héros  (8) 
de  la  nation  musulmane,  Dieu  perpétue  son  pouvoir! 

«  Nicolas  (9),  doge  de  Venise,  baise  la  terre  en  sa  présence  et 
prie  Dieu  d'augmenter  sa  grandeur  ;  car  il  est  le  défenseur  (7'')  de 
la  vérité,  son  soutien  et  le  refuge  de  tous  les  états  musulmans  (10). 


(1)  «  Sliàt  "  et  non  avec  {liin,  comiiie  rauteur  écrit  (listiuct<'iuoiit  IV,  1")!. 

(2)  L'endroit  (IV,  151)  auquel  renvoi(^  l'auteur  ne  fournit  aucun  (•ciaii'cissc- 
ment. 

(3)  Doux  mots,  pi-obableun'iit  corrompus  par  les  copisU^s,  dont  le  sens  nous 
échappe. 

(4)  11  est  diflicilo  de  savoir  àqui'lle  partie  de  sa  volumineuse  collection  l'auteur 
prétend  renvoyer. 

(5)  Michel  Sténo  (1400-1413). 

(6)  L'année  814  correspond  à  1411  do  J.-C.  (•2°)  Papier  quadrillé"? 

(7)  II  est  douteux  que  ce  titre  se  trouvât  dans  l'original;  les  sultans  mandouks 
prenaient  celui  de  )naUre  des  rois  et  des  sultans.  Cfr.  C.  I.  A.,  ■lli)  ot  passim;  Qal- 
qasandi,  IV,  114,  etc. 

(8)  Le  traducteur  joue  sur  le  nom  d(^  Al-malik  an-.V«s//',  porti>  par  le  sultan 
Farag  ou  Faragallah. 

(9)  Lisez  :  Blichel.  (5°)  •<  Nàsir  »  :  nouveau  jeu  de  mots,  affectionné  par  le  sul- 
tan. Cfr.  Comité  de  conservation  des  monuments  de  l'art  arabe,  19(X),  p.  123.  Tout 
ce  prologue  est  le  fait  des  traducteurs.  Sans  cela  il  faudrait  admettre  chez  la 
Seigneurerie  des  connaissances  philologiques  et  une  ferveur  musulmane,  haute- 
ment invraisemblables. 

(10)  La  préoccupation  constante  des  sultans  d'Egypte  fut  de  se  présenter  comme 
les  héritiers  du  pouvoir  temporel  des  califes,  en  d'autres  termes  de  la  monarchie 
universelle  dans  l'Islam.  Le  Zoubdat  (p.  87)  va  jusqu'à  prétendre  qu'il  n'y  a 
qu'un  seul  sultaîi  :  celui  d'Egypte.  De  là  cette  affectation  de  désigner  l'Egypte 
sous  le  nom  des  «  états  musulmans  ».  Jkchel  Sténo  ignorait  certainement  ces 
prétentions,  mais  les  traducteurs  se  sont  chargés  de  le  lui  faire  dire  comme  aussi 
de  lui  faire  «  baiser  la  terre  en  présence  du  sultan  ».  Le  ton  très  ferme  de  cette 
lettre  ne  répond  guère  à  cet  humble  début. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  25 


364  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

«  Il  exprime  Tardent  amour  qu'il  ressent  pour  S.  M.  le  sultan. 
Les  principaux  marchands,  les  notables  et  les  Francs  fréquen- 
tant les  états  musulmans  (1),  pénétrés  de  reconnaissance  pour 
la  justice  de  S.  M.  le  sultan  et  [touchés  de]  l'état  de  sa  gloire, 
redoublent  de  vœux  pour  la  perpétuité  de  sa  dynastie.  Aussi 
les  commerçants  désirent-ils  fréquenter  son  auguste  royaume, 
confiants  dans  la  paix  et  l'amitié  établis  entre  nous. 

«  En  outre  nous  avons  appris  ce  qui  est  survenu  l'an  dernier. 
A  savoir  l'emprisonnement  de...  (2)  dans  la  place  de  Damiette, 
ainsi  que  l'arrestation  par  S.  M.  le  sultan  du  consul  vénitien  et 
des  commerçants  notables  dans  la  place  d'Alexandrie  (3),  leur 
mise  aux  fers  et  transfert  au  Caire,  les  avanies  subies  devant 
leurs  compatriotes  (4),  les  dommages  causés,  les  violences 
exercées  et  l'atteinte  portée  à  notre  p'  estige  parmi  nos  natio- 
naux (5).  Le  traitement  infligé  au  suF.lit,  [nous  le  considérons] 
comme  fait  à  nous-mêmes.  Nous  en  avons  été  surpris,  étant 
donné  l'innocence  de  notre  nation,  la  grande  justice  du  Sultan 
en  ses  états,  son  amitié  pour  nous  et  le  témoignage  que  nous 
en  avons  toujours  rendu  en  notre  pays,  ainsi  que  de  ses  bons 
sentiments  pour  les  nôtres  et  de  la  faveur  qu'il  leur  témoigne. 
En  outre,  nous  avons  recommandé  à  tous  nos  représentants 
d'honorer,  de  respecter  et  d'assister  tous  ceux  qu'ils  rencontrent 
dans  les  états  (6)  du  Sultan.  Nous  demandons  de  sa  bienveillance 


(1)  C'est-à;(lii'e  l'Egypte.  Voir  la  note  précédente. 

(2)  En  arabe  t^l,  un  nom  propre  .sans  doute;  mais  lequel?  Le  sultan  avait 
demandé  au  Vénitien  Tarquin  Orso,  facteur  de  quelques  marchands  à  Beyrouth, 
un  emprunt  de  20.000  besants.  Celui-ci  les  ayant  refusés  fut  emprisonné  et  mis 
à  la  torture  {ROL,   IV,  318). 

(3)  "  togr  ».  Devenue  une  vilh^  tiès  forte  depuis  le  coup  de  main  des  Chy- 
priotes (1365).  Voir  les  textes  dans  C.  I.  A.,  281,  n.  3. 

(4)  Nous  traduisons  ainsi  l'étrange  expression  :  «  bain  gonoùsihim  ». 

(5)  Le  17  juin  1410  Venise  décide  d'envoyer  se  plaindre  au  Caire,  '■  occasione 
inhonestissime  novitatis  facte  per  dominum  soldanum  Babilonio...  specialiter 
contra  consulem  nostrum  Alexandrie  etmercatores  nostros  »  ROL,  IV,  315,  318). 
En  1415  les  ambassadeurs  vénitiens  au  Caire  se  présentent  vêtus  d'une  robe  de 
soie;  chacun  est  accompagné  de  trois  damoiseaux,  un  notaire,  un  serviteur,  un 
«  expensator  »,  un  cuisinier,  un  interprète.  Ils  étaient  autorisés  parla  Seigneurie 
à  offrir  des  «  mangerie  »  (bakchich)  jusqu'à  concurrence  de  3.000  ducats  »  ROL, 
IV,  543). 

(6)  Voir  les  notes  du  texte  arabe;  il  faut  probablement  lire  :  des  états  du..., 
tous  les  sujets  du  sultan...  Cfr.  dans  ROL,  IV  617,  défense  de  la  Seigneurie  d'a- 
cheter des  esclaves,  sujets  du  sultan;  ordre  de  leur  rendre  la  liberté,  etc. 


CORRESPONDANCES   DIPLOMATIQUES.  365 

de  protéger,  d'assister  et  d'honorer  notre  consul  ainsi  que  les 
commerçants  et  les  autres  Vénitiens,  de  leur  prêter  secours  en 
leurs  affaires  et  de  prévenir  désormais  de  pareils  incidents  afin 
de  rendre  la  confiance  aux  commerçants,  fréquentant  son 
royaume.  » 

[La  colonie  vénitienne  de  Damas  eut  surtout  à  souffrir  sous 
le  règne  du  sultan  Farag  et  de  ses  successeurs.  En  1400  la 
Seigneurie  charge  son  représentant  en  cette  ^  ille  de  faire  des 
réclamations.  Il  quitte  Damas  Tannée  suivante  et  va  se  réfugier 
en  Chypre  {ROL,  IV,  228,  236j.  Les  vexations  reprennent  en 
1415  et  sont  suivies  d'énergiques  représentations.  Ces  réclama- 
tions obtinrent  enfin  leur  effet.  Un  traité  du  17  août  1415  con- 
firma les  privilèges  jadis  accordés  aux  Vénitiens  :  les  procès 
mixtes  seraient  jugés  seulement  par  les  officiers  du  Sultan  et, 
au  Caire,  par  ce  prince  lui-même,  le  nâib  ou  autres  grands  ma- 
gistrats; on  prélèvera  sur  les  droits  de  douane  les  sommes  que 
cet  office  doit  aux  Vénitiens;  un  Vénitien,  accusé  par  un  Sarra- 
sin, ne  devra  comparaître  que  lorsque  le  bien-fondé  de  la  récla- 
mation aura  été  constaté;  le  consul  de  Damas  recevra  lui  aussi 
une  subvention  du  gouvernement  égyptien  etc.  etc..  (1).  C'est 
une  vraie  capitulation  et  sur  bien  des  points  plus  libérale  que 
les  concessions  obtenues  plus  tard  par  la  couronne  de  France.] 


Voici  la  copie  d'une  lettre,  envoyée  par  le  capitaine  de 
Famagouste  (2)  et  ses  conseillers  en  cette  ville,  le  18  de  Safar 
814  (3);  traduction  de  Sams  ad-dîn  Sonqor  et  de  Saif  ad-dîn 
Soûdoûn,  drogmans  du  divan  impérial  (4)  : 

«  Au  roi  très  grand ,  le  roi  des  rois,  souverain  du  Caire  la 
[bien]  gardée,  Al-malik  an-nâsir,  Dieu  augmente  sa  gloire  (3). 


(1)  ROL,  IV,  552,  553.  En  1418  à  propos  d'ime  vexation  la  Seignourio  prie 
le  sultan  d'intorvcnir,  sinon  los  vaisseaux  do  la  République  déserteront  les  ports 
de  ses  états  {Ibkl,  IV  599). 

("2)  Voir  plus  haut  les  notes  sur  les  correspondances  avec  la  république  de 
Gênes.  Le  texte  arabe  porte  «  Kabtân  »,  capitaine. 

(3)  Comme  on  l'aura  remarqué,  ces  trois  lettres  sont  du  même  mois  et  do  la 
même  année  (1411  de  J.-C). 

(4)  Littéralement  :  des  portes  augustes. 

(5)  Comparez  le  début  d'une  lettre  du  consul  de  Caffa  (2  janv.  1426)  au  sultan 


36G  i;  REVUE  DE  l'orient  ciirétiex. 

Le  capitaine  et  les  conseillers  baisent  la  terre  en  sa  présence.  Ils 
font  savoir  que  jour  et  nuit  ils  forment  des  \œu\  pour  sa  con- 
servation et  s'efforcent  de  maintenir  sans  altération  la  paix  et 
l'amitié  entre  la  Commune  (1)  et  S.  M.  le  sultan.  Or  en  ces 
derniers  temps  l'équipage  d'un  navire  s'est  livré  à  la  piraterie 
sur  les  frontières  de  ces  pays  et  [près]  des  ports  musulmans  (2). 
Pour  nous,  nous  ne  cessons  de  leur  donner  la  chasse  avec  des 
vaisseaux  et  des  galères  pour  les  empêcher,  autant  qu'il  est  en 
notre  pouvoir;  si  bien  que  pas  un  seul  [d'entre  eux]  n'ose 
entrer  dans  le  port  de  Famagouste.  Nous  avions  l'année  der- 
nière sauvé  [des  mains]  de  ces  corsaires  25  musulmans.  Nous 
les  avons  traités  honorablement,  mis  en  liberté,  et  nous  les  en- 
verrons incessamment  à  Damiette  ou  à  Alexandrie  (3). 

«  En  outre  nous  avons  appris  que  Barthélémy  a  chargé  sur  ses 
navires  du  savon  à  destination  des  demeures  augustes  (4)  avec 
l'intention  de  l'emporter  frauduleusement  (5).  Aussitôt  nous 
avons  armé  un  grand  navire,  lequel  a  saisi  de  force  (6)  le  sus- 
dit Barthélémy  et  l'a  amené  à  Famagouste.  Le  patron  (7)  du 
navire  a  été  remplacé  par  un  certain  Armand...  (8),  honnne 

d'Egypte  :  <•  Excellentissimo  ac  potentissimo  principi  l't  domino,  domino  Sol- 
dano  Babilonie  ■•  ROL,  V,  311). 

(1)  «  Al-Qomoùn  »,  la  Commnnc  de  Gènes  :  le  terme,  n'existant  pas  en  arabe, 
a  été  simplement  transcrit. 

{'2)  Tonte  la  Méditerranée  orientale  était  infestée  de  pirates  catalans,  génois  et 
chypriotes.  L'accueil  qn'ils  recevaient  dans  les  ports  de  Chypre  déchaîna  sur  cette 
île  le  terrible  orage  de  1426  (Voir  plus  haut  les  notes  sur  les  correspond,  avec  Chy- 
pre et  Gènes).  Sur  l'extension  de  la  piraterie  des  chrétiens  dans  la  Méditerranée 
au  moyen  âge,  cfr.  de  Mas  Latrie,  Relalions  de  rAfrique  seplent.  avec  les  puis- 
sances chrétiennes,  175,  404  etc. 

(3)  Tous  ces  ménagements  avaient  pour  but  de  se  réserver  le  commcn-c  lu- 
cratif de  l'Egypte  et  en  évincer  leurs  rivaux  les  Vénitiens.  Nous  trouvons  le  ton 
de  ces  derniers  beaucoup  plus  digne.  Il  faut  observer  pourtant  que  la  lettre 
émane  non  du  doge  de  Gènes  mais  d'un  simple  gouverneur. 

(4)  C'est-à-dire  du  palais  du  sultan. 

(5)  Littér.  pour  s'enfuir  avec.  Si  nous  comprenons  bien,  Barthélémy  se  propo- 
sait de  vendre  ailleurs  à  son  compte  une  marchandise  déjà  acquise  par  le  sultan. 

(6)  Littér.  en  livrant  combat. 

(7)  En  arabe  «  batroùn  ».  La  linr/ua  franca,  on  le  \oit,  ne  date  pas  d'aujour- 
d'hui. Les  traducteurs  égyptiens  ont  préféré  y  recourir  au  lieu  de  se  servir  des 
termes  arabes  robbûa  ou  rais.  De  ce  dernier  les  Francs  avaient  jadis  tiré  leur 
mot  raïs  ou  réïs  =  capitaine  de  \aisseau.  Cfr,  Lammens,  Mots  français  déricés 
de  l'arabe,  197. 

(8)  ivt?(3-^  l:.'  J  f**îut-être  Ai-mand  Silvio  Bonoi''  ou  un  membre  de  la  fa- 
mille des  Savigngne,  établie  à  Famagouste.  Cfr.  Revue  de  l'Orient  latin,  I,  14. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  367 

d'une  probité  reconnue.  Nous  lui  avons  enjoint  de  se  rendre 
aux  magasins  de  savon  du  susdit  [Barthélémy]  afin  do  lui  de- 
mander s'il  avait  à  charger  des  marchandises  pour  S.  M.  le 
sultan  et  de  les  embarquer  pour  n'importe  quelle  destination 
(sic),  à  condition  de  les  remettre  (1)  entre  les  mains  de  celui 
que  les  ordres  impériaux  désigneront  à  cet  effet. 

<s  Tout  cela  fournira  à  Sa  Majesté  le  sultan  la  preuve  de  la 
sincérité  de  notre  amitié  et  de  notre  respect  pour  la  paix.  Que 
dans  sa  haute  bienveillance  (2)  il  daigne  accorder  sa  faveur 
aux  commerçants  génois,  établis  en  ses  états,  éloigner  d'eux  les 
avanies  et  étendre  sur  eux  sa  justice!  Que  Dieu  dans  sa  bonté 
et  sa  miséricorde  prolonge  son  existence  (3)  !  » 

(1)  Tout  ce  passayc'  est  Tort  (""mbrouillc.  L"s  ilru-miiis  di's  ■■  [l'irles  aiiy  listes  •■ 
n'ont  pas  dû  conipiTudrc. 

("2)  Le  texte  arabe  est  encore  plus  iiuuiljli';  il  porte  :  nous  demandons  des  au- 
mônes impériales  que...,  locution  du  «  style  nianilouk  ■>  dont  les  exemples  abon- 
dent chez  Qalqasandî  et  autr(>s  auti'urs  contemporains,  comme  le  ■<  T'ai'ih  Hai- 
roiit  »,  etc. 

(3)  On  trouvera  en  appendice  le  te.xte  arabe  des  lettres  e.xpédii'i's  par  les 
■Mamlouks  et  celui  de.5  missives  des  souverains  occidentaux. 


IV 


Qalqasandi  ne  cite  pas  le  texte  d'autres  lettres  envoyées  par 
les  souverains  occidentaux  aux  sultans  mamlouks.  Le  nombre 
restreint  de  ces  documents,  leur  date  récente,  contemporaine 
du  temps  où  Fauteur  de  VAiiroi^e  composait  son  recueil  de 
diplomatique,  nous  invitent  à  conclure  que  ces  pièces  n'étaient 
pas  conservées  aux  .archives  égyptiennes.  Comme  Qalqasandî 
nous  l'a  appris  plus  haut,  ces  lettres,  après  avoir  été  traduites  à 
la  secrétairerie  d'état,  étaient  envoyées  avec  la  traduction  au 
sultan  pour  qu'il  en  prît  connaissance.  Il  ne  semble  pas  qu'on 
ait  eu  la  précaution  de  renvoyer  l'original  pour  être  gardé 
aux  archives. 

Comment  expliquer  cette  négligence,  comparée  surtout  au 
soin  avec  lequel  on  y  conservait  la  minute  des  dépêches  expé- 
diées par  les  sultans  du  Caire  et  tant  d'autres  documents  d'un 
médiocre  intérêt,  que  Qalqasandî  n'hésite  pas  à  transcrire  in 
extenso?  Peut-être  se  montrait-on  choqué  en  Egypte  de  la  vi- 
vacité, parfois  menaçante,  de  ces  correspondants  inlidèles,  vi- 
vacité dont  la  lettre  du  doge  de  Venise,  citée  plus  haut,  garde 
des  traces  visibles,  en  dépit  des  atténuations  que  les  traduc- 
teurs des  «  portes  augustes  »  ont  essayé  de  lui  faire  subir. 
Plus  vraisemblablement  selon  nous,  les  scribes  égyptiens  n'ont 
pas  deviné  la  valeur  historique  de  ces  documents  occidentaux. 
La  routine,  l'esprit  conservateur,  qui  caractérisent  toutes  les 
administrations,  leur  conseillaient  au  contraire  de  garder  la 
copie  des  correspondances  envoyées  au  nom  du  sultan,  for- 
mulaires tout  préparés,  où  ils  pouvaient  puiser  à  discrétion, 
dépositaires  fidèles  des  traditions  de  la  politique  égyptienne 
dans  la  question,  si  délicate  pour  une  cour  islamite  surtout,  de 
ses  rapports  avec  les  gouvernements  infidèles.  Cette  précaution 
était  d'autant  plus  nécessaire  avec  un  régime  aussi  instable 
que  celui  des  mamlouks  où  les  révolutions  de  palais  renouve- 


CORRESPONDANCES'  DIPLOMATIQUES.  369 

laient  incessamment  le  personnel  des  plus  importants  services, 
à  commencer  par  les  chefs  de  l'état.  Aucune  de  ces  considéra- 
tions ne  militait  en  faveur  de  la  conservation  des  correspon- 
dances chrétiennes.  Si  quelques-unes  ont  été  sauvées  de  l'oubli, 
elles  le  doivent  sans  doute  à  un  heureux  concours  de  circons- 
tances, comme  d'être  arrivées  à  destination  au  moment  où 
notre  auteur  rédigeait  son  encyclopédie  diplomatique. 

Tels  quels,  ces  documents,  extraits  de  la  volumineuse  com- 
pilation de  Qalqasandî,  forment  une  contribution  b  l'histoire  des 
relations  diplomatiques  vers  le  fin  du  moyen  âge  et  projettent 
quelques  rayons  de  lumière  sur  la  situation  réciproque  do 
l'islam  et  de  la  chrétienté  dans  la  Méditerranée  orientale. 


Cette  situation,  nous  pensons  pouvoir  la  résumer  ainsi  :  les 
deux  partis,  tout  en  gardant  leurs  préventions,  cherchent  un 
modus  Vivendi,  à  conclure  un  accord  sauvegardant  les  inté- 
rêts matériels. 

L'épisode  des  croisades  est  clos  désormais;  mais  l'islam 
syro-égyptien  —  il  n'est  pas  enoore  question  des  Ottomans  — 
en  a  gardé  un  souvenir  ineffaçable,  et  vit  sous  la  menace  per- 
pétuelle de  les  voir  recommencer,  contrepoids  salutaire  aux 
réveils  toujours  possibles  du  fanatisme.  Si  les  expéditions  ar- 
mées en  Orient  ont  échoué,  si  la  chrétienté  n'a  pu  maintenir 
les  colonies  militaires  du  Levant,  en  revanche  l'Europe  a  énor-  '^  ^^, 
mément  appris  pendant  ces  deux  siècles  d'héroïques  aven- 
tures, période  préparatoire  aux  grandes  entreprises  colonisa- 
trices du  XV f  siècle  (1)  :  rappelons  seulement  les  prodigieux 
développements  de  la  marine  franque  dans  cette  Méditerranée, 
devenue  un  véritable  lac  latni.  Sur  mer  les  Francs  :  Italiens, 
Catalans,  Provençaux,  Chypriotes  desLusignans  et  Rhodiens  de 
l'Hôpital,  sont  les  maîtres  incontestés  (2).  L'îlot  de  Rhodes  était 

(1)  Sans  les  croisades,  Gènes,  demeuré  simple  port  de  cabotage,  n'eût  pas  pro- 
duit Christophe  Colomb,  le  plus  croise  des  grands  conquistadores  du  xvi"  siècle. 

(2)  Cfr.  Prutz,  Kulturgeschichte  der  Kreuzzilf/e,  209,  360;  ouvrage  d'ailleurs  mé- 
diocre et  inspiré  par  un  esprit  de  dénigrement,  très  peu  scientifique.  Comme  il 
est  dédié  au  père  de  l'empereur  Guillaume  II,  nous  nous  demandons  si  ce  n'est 
pas  là  que  le  souverain  allemand  a  été  puiser  ses  idées  sur  les  croisades  et  le  (eif- 
molif  de  son  ('trange  toast  de  Damas  en  1S98. 


370  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

leur  Malte  et  leur  Gibraltar;  Chypre  menaçait  en  même  temps 
les  côtes  de  Syrie  et  les  embouchures  du  Nil.  On  peut  compter 
les  caraques,  les  mahonnes,  les  chebecs  et  les  felouques  isla- 
mites,  assez  osés  pour  perdre  de  vue  les  rivages  musulmans 
et  se  glisser  entre  les  convois  de  voiles  latines  couvrant  la 
surface  de  la  Méditerranée  orientale. 

De  temps  à  autre  on  constate  des  réveils  de  l'esprit  des  croi- 
sades chez  ces  commerçants  aventureux,  qui,  se  transformant 
en  écumeurs  de  mer,  saccagent  les  rives  de  Syrie  et  d'Egypte, 
mettent  au  pillage  les  cités  les  mieux  défendues.  Alexandrie, 
Sidon,  Beyrouth  les  voient  ainsi  apparaître  soudain  devant  leurs 
remparts,  s'installer  pour  quelques  jours  à  l'intérieur  de  l'en- 
ceinte, puis  repartir  avec  la  même  soudaineté  sur  leurs  ga- 
lères chargées  de  butin  et  de  captifs  jusqu'à  en  couler.  Il  faut 
voir  dans  le  «  Tarîh  Bairoût  »  l'impression  produite  par  ces 
foudroyantes  «  manifestations  navales  »  (1).  Quand  Sàlih  ibn 
Yahyâ  veut  nous  faire  sentir  les  infortunes  d'un  de  ces  émirs 
du  Garb,  dont  il  s'est  fait  l'historiographe,  un  trait  lui  suffit  : 
«  il  fut  contraint  d'habiter  Beyrouth  ».  Et  en  effet  en  s'endor- 
mant  le  soir  dans  la  citadelle,  l'émir  pouvait  toujours  se  de- 
mander s'il  ne  se  réveillerait  pas  le  lendemain  à  fond  de  cale 
d'une  galère  génoise  ou  chypriote.  Ces  faits  ne  forment-ils  pas 
le  commentaire  naturel  des  titres  fastueux,  décernés  par  la 
chancellerie  égyptienne  aux  souverains  francs,  et  principale- 
ment au  Pape? 

Et  puis  comment  se  passer  de  cette  Europe?  la  principale 
consommatrice  des  épices,  des  parfums,  des  essences  rares,  des 
étoffes  diaprées,  que  le  commerce  islamite  allait  chercher  en 
Extrême-Orient  et  dans  la  péninsule  indienne,  ou  recueillait 
sur  les  bords  du  golfe  Persique  et  de  la  mer  Rouge.  Un  client  de 
cette  importance,  qui  en  outre  fournissait  à  l'Egypte  les  matières 
premières  qui  lui  manquaient,  importait  du  Caucase  ou  de  la 
Russie  méridionale  les  cargaisons  d'esclaves,  parmi  lesquels  se 
recrutaient  les  mamlouks  (2),  un  tel  client  méritait  bien  quel- 
ques ménagements  :  on  le  comprenait  au  Caire.  De  là  chez 

(1)  Les  l'éierences  ont  été  données  plus  haut  sous  la  rul)rique  :  (jènes. 

(2)  Voir  plus  haut  :  correspondance  avec  Gènes  ('). 

(*)  Au  sujet  des  Mamlouks  d'Egypte  se  recrutant  dans  la  Russie  méridionale, 
cfr.  Georges  Pachymère  :  Oapo-yiTavTs?  Taï:  èx  twv  2y.u9(î)v  duo-xâTai;  Suvàj;.£aiv. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  371 

les  gouvernants  égyptiens  la  préoccupation  constante  de  négo- 
cier avec  ces  Francs  impétueux,  qui  savaient  menacer  (1)  et 
qu'on  connaissait  capables  d'exécuter  leurs  menaces;  et  aussi 
le  désir  de  les  attirer  dans  les  centres  commerçants  par  l'appât 
de  privilèges  et  même  de  subventions  accordées  à  leurs  con- 
suls et  chargés  d'affaires  (2).  De  là  le  ton  modéré,  souvent  ob- 
séquieux, des  correspondances  traduites  plus  haut,  auxquelles 
l'Europe  chrétienne  répondait  par  d'autres  politesses,  ni  plus 
ni  moins  sincères. 

Dans  cet  Occident,  où  depuis  les  Croisades  on  s'était  habitué 
aux  articles  orientaux,  on  comprenait  non  moins  bien  l'utilité 
de  ces  relations  pacifiques,  sources  de  la  fortune  des  cités  et 
des  nations,  rivées  au  commerce  du  Levant  par  une  nécessité 
plus  impérieuse  que  les  querelles  de  religion  ou  de  politique. 

Ainsi  les  intérêts  matériels  inauguraient  un  modiis  vivendir 
sur  la  base  de  concessions  réciproques.  L'islam  apprenait  à 
être  plus  tolérant;  et  le  commerce  occidental  consentait  parfois 
à  oublier  certains  dénis  de  justice,  certaines  avanies;  effets 
nécessaires  du  régime  anarchique,  dont  il  avait  accepté  la  tu- 
telle. De  peur  de  voir  sacrifier  des  transactions  lucratives, 
il  négligeait  de  considérer  les  avantages  que  fislam  pouvait 
en  retirer  au  détriment  de  la  civilisation  occidentale.  Pour  la 
première  fois  on  s'essaya  à  mettre  dans  la  même  balance  les 
intérêts  privés  et  ceux  de  la  grande  famille  chrétienne.  Et  en 
dépit  des  énergiques  protestations  des  Papes,  les  premiers  ne 
l'emportèrent  que  trop  souvent.  En  interdisant  le  commerce 
des  armes  et  des  esclaves  avec  le  monde  infidèle,  la  clair- 
voyance politique  des  Pontifes  leur  avait  fait  prévoir  que  c'é- 
tait l'infaillible  moyen  de  réduire  l'Egypte,  manquant  de  fer 
et  de  métaux,  comme  de  races  guerrières,  de  l'amener  à  com- 
position et  d'en  faire  dès  lors  une  colonie  européenne  (3).  C'eût 
été  ouvrir  dès  le  xiv'  siècle  au  commerce  occidental  la  route  la 

(1)  CIV.  X.  Jorga,  Xolcs  cl  edtrail!<  jxjur  servir  à  l'/iislnire  des  Croisadrs  pen(l<uil 
le  AT"  siècle,  passini. 

Cl)  Le  cousul  vénitien  de  Damas  recevait  du  gouvernement  ('gyptien  une  allo- 
cation de  200  bosants.  Cfr.  Rev.  Orient  latin,  IV,  545. 

(o)  Dans  cette  intervention  pontiticale  Prutz  (Kullurgeschichle  der  Kreuzziîge) 
ne  voit  comme  toujours  qu'une  nouvelle  preuve  de  1'  «  ingérence  cléricale  ■>.  En 
revanche  le  5"  chap.  de  son  livrer  V  fait  bien  ressortir  ■<  l'esprit  nouveau  ■■  des 
siècles  postérieurs  aux  croisadi^s. 


372  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

plus  directe  des  Indes  !  Mais  cela  dérangeait  les  calculs  égoïstes 
de  l'oligarchie  à  courte  vue,  installée  à  Venise  (1)  et  à  Gênes, 
décidée  à  ne  pas  sacrifier  une  source  immédiate  de  lucre  à 
un  idéal  politique,  trop  élevé  pour  cette  caste  de  marchands. 
La  Renaissance,  la  Réforme  surtout  accentueront  encore  la 
distinction,  posée,  sinon  résolue,  dans  les  siècles  subséquents 
aux  croisades  et  prépareront  ainsi  les  temps  modernes  dont  le 
particularisme  sceptique  est  assez  connu. 

Beyrouth,  13  octobre  1903. 

H.  Lammens,  s.  J. 

(1)  Se  rappeler  le  dictou  v(3nitiea  :  ■•  Siamo  Veuetiaui,  poi  cristiaui  ». 


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^  dlU  ^^  J"jp  l^  J:^y i'Vi  4iîj  l^  Uj   ^ii»'w>UJjV) 

le  J*-^    Ϋ-J^    CJ^[f'J   l*Jào   4^JU_4  4!j  ^^^^  I  i_jl-J    ijl ill  Â^Wj 


(  I  )    Le  msc.  porte  Âlbli,  Castille. 

(2)    Ainsi  le  msc.  ;  faut-il  lire  illlt?  (Idrîsî,  éd.  Jaubert,  II  i?)  ou 
IjZJs,   (Idrîsî  éd.  Dozy  174,  208). 
(  5  )    Sans  doute  iJs^  Cordoue  ? 
(4)    Msc.  oL=-  ())    Msc. -ùi» 


374  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

(  3  )  *_11.^  ^L-J^j  î  2  )  ;^LLJ:j  (  »  )  ùjh'3  ^-Aii  v^-U  vl.ll:!l 

;ij.i;j  ^^j;  OVl^J  ^!L:l5    C;Vl^  ù)^  (/j  (  5  )  0^^    V>U  ^IJI 

^^U  Sju<jl  j5jVL  'V>  'bj  (7)  ^_^iClJI  l^5CU  Jlli.  j  (6)  i-^^,  ;;jj^ 

>  J  i 

r%,s  ^i.*-)  âJlji  jifc^  ^«  4)  j^_j^  ô^'^j'  — ^ij*^  J--^y^^'  uy^j  t5''-^^ 

(  I  )    Msc.    ôj^j\  (  2  )    Msc.  -uLL 

(  ^  )    Valence 

(4)  C'est  une  ville,  D^jma  (Idrîsî,  Jaubert  II,  37;AboûMfidâ,  31, 
178  etc.) 

(  I)  )    Il  faut  lire  l'^  Navarre  (Cfr.  Aboû'lfîdâ  181,  219). 

(6)    msc:  <ijl-  aIu* 

{ 7  )    Les  Basques  ;  et  au  lieu  de  l^  lire  l^SaU 

(8)  Msc.  ^*ij  .  Le  texte  imprimé  du  Tarif  porte  ici  :  e_;^=ij 
9_;jil  (sic) .  Nous  citerons  désormais  les  variantes  de  cette  édition. 

(  9)    Ta  rîf  :  4.s_j-.-i 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  370 

4 — jj.c  4)y»j5C^    J>U-Vl    0;*   4 i  jib    «Is-'^li  7^ — )   Vj  7:^4*^  iV*'-^'^ 

J:^^?-J  ô-i^slî^  -j^     le   «JaÂJj  U  4jLb  j  llL)  J^Jb   3^'^^  AXiT^SC*^  -  Jli  (<- 

>i-l  esTjVlj  (7)   JJ^I  L;;  ûl  ^ 

dlUi  s^>.  i^Ui s^i  .U;  ^1  JiLi:.^J^  v'S^^yj^  ^^^dl  ^  Ji; 

Jj  al^s-  «yU  -^r^^    JL  Â-2    •  ji^liuJI  .aIp^p^JI  J-UI  a--Vl  •(►l^i'  JJli^l 
c  10)  Ov'^MJIj  iJ^i  j.  Ji^  •  ùu-Ul  1.^  .  O'-Ull  ^  9  )  Ci:.'  '^'  A.xl 

>^     Uj  ol5j_J  .(II)  <u-^c    ^c   *^'-?  ""^   J^  eiâSj  •  ^  O^:!;  J-^J  •^■> 
ej^-.>  ^  ^^  ^  ^„  ti-JJ'  yii    *— wJl   jljll*    Jjij    -    4^^l  Jt4  Up  (  12  )  '_^4 

{ I  )    Tarif  :  j^\  K  i  )  Ta'rîf  :  Ji^i 

(  3  )    Ta.  :  ^H\)  (  4  )  Ta.  :  t^>l  i 

(  5  )    Ta.  :  cJ>'>pj  o'^-  (6)  Ta.  :  JLjl  ^1_^L1  j\|^ 

(  7  )    Ta.  :  Jil  <i  j. i  (  8  )  Lisez  (5jbi  comme  dans  Ta'rîf. 

(9)  Habituellement  écrit  lio-j^  jL. 

(10)  Le  Ta'rîf  ajoute  ici:   j^'i^\  ù>^^- (•') 

(11)  A  corriger  probablement  d'après  le  Ta'rif  :  »^J^  J.  »\:>.\j 
C 1 2  )    Corriger  d'après  Ta'rîf:  ^  (13)    Ta,  :  «i 


376  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

»i,>.j .  ^.  f  A^i  J^^l  .U5"j  .  ^^1  ^^i:  (4)  o^  «iSj  .  ^ 
l_^l;jA^i  .  rc*Ji  '^  UjU  (6)4.  ^ya^  li-ill^l  (  5  )  J-,V  i::»  '_^  ^^ 

^yji  v_^  4;!  :  Jlïj  oj^  |»^a1I  Jiiy:>Vl  ^jA  4U?=5  ^-A^l  J,  ^jj 
^f\\  ^y\  diill  S/^I  S^l  i_:^  J,U  ^1  ^\:>\  '  j^\  jjiil  ^i 

(I)  Ta.  :  ày 

(  2  )  Le  Ta'rîf  ajoute  :     ^U  yt  U  «il  (i  /"^i  Vj,   incise  réclamée  par 

le  saga'  et  le  parallélisme  et  omise  par  Qalqasandi  ou  le  copiste 

(  5  )  A  lire  d'après  Ta.   ^\  ^«^^14  wîbS^  ôj^,  Vj 
Ùj  "VI  IjJaL  V  jl4(>ï  (U  uPv^  JjW->  •  Ç^  ^4Ï    '^3-  ^r»/*. 

(5)  Ta.  J.J  V  C6)    Ta.  ojû.j  U  ^  ,y^<  ijjjl 

(7)  Lisez  d'après  Ta.  ^  .      (8)    Ta.  ^  »bj 

(9)  Ta.  i}j^jij  '^\  J/'il>« 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  377 

jw.lJl.1  j>.u^j  ii^lu  3>Ulj  -cVj  jc^  oVj  L^  /»!;A->lî  ûy^j  •  ûMIw p 

JS^^jU  J  OU^  ^Mj  J-U^  ^  V''^  c5^'  ^^-^^  ^  5  )  J(i.i  jjL'  C4)  ilw 
IjjU  \y^L.li\  ^"S^^  ^ÉS^IIa  ^Io-J  .  IJjuilj  ^1  ^'l^_  i__ 
jî"Vl  CjJ^\  ô^j4  ^^j)  ''-^^^  (**->  ^J^  j'^j-"!)    J^.  fVl**'.  *ÎJ-^^I  à>  '^JJ 

J=  ùl— UJI  (9)  (ijV  jlj  -ulc  jliî  L«:  vl-*iJ  i^^'  ^  >^^J  l-J^  J. 
sUj  ^Ul^  ^.ktl  ^^jjlil  sUtil  ^-^slî  (  "  )  Ji  LUIjj  .  (.jJl  bU  l;^ 
^I>o  ûV  -X— «:-lJ  \j^s\>-  i,:>ol  dliljl  jjajo  0^  J -J' ^  '3  ^  Cj_;-^ 

slSO  •  4-^t  j^?-J  û^^îl  w«ac  ^  fH'^^  (^~*''  ^'  C/'  ^^-^«^'  dlî-XTj 
L"> — -J  •  4Ô  jif  ^*^^  ^'^    cX-lj   •  4-Lc    ^  Jksculi^  J    '  4Ja>-  fvf^  f-r^ 

^;5^j   ôL-UJtJi  ^'^  ^  '4)  1^  .  cx:^  3^  G:  ùlLUi  ^  l:  curl  ^^ 

(  I  )    Ta.  j.6j|j  «jb  J^lj  ô^.b  jjj 

(  2  )    Ta.  -01  (  p    Ta.  (,*i.y 

(  4  )    Ta.  il-  "J^  (i  (  5  )    Ta.  ajoute  ^^ 

(6)    Ta.  (^^  Oij  (7)    Ta.jk^_ 

(  8  )    Ta.  <iL  (  9  )  Même  leçon  dans  Ta. 

(  10)  Msc.  *^\  ;  à  rattacher  à  la  racine  «iUl  mentir 

(  1 1  )  Jl  omis  dans  Ta.  (  I2 )    Omis  dans  Ta. 

(  1 3  )  Ta.  oy^a-l  (  14  )  Ta.  x^ 


378  REVUE  DE  l'orient  chrétiex. 

iijl" iclf  ijilTj  ^Ull viiUi  jdp  j^ i^i^i  i  j]  i:j!  U i3^  I, l( ï  >^'ij 

<3-_;^i>  1^^-^  rj"^}  '   <— '>l-»a^ jAj  4JI&  r^  j'^  <^.JuJi  \. .*  V  ^^y    f^'>^^«  -^ I 

lj_*  (i_j^  ^^ic  3j  Vj  •  ll:==»  ^i  ly,  Ij  3j  ^«1  ^:>jj  ^ly  C^>j 


i;i^^ 


•Jl  iJl5CIl  ûj5C^>5  j^aU  ^J-^Ji^'^lj^   ci*    w->^  ù'  JJjl  ùl*   •   ^^-^ 

j^  ô  jpV  <lj-^l  J,  ^^;o  i«*_j!'  sZ-olTj  i?L«i  l^îCU)  ej^=i  ^^lul'  iiLiL 

^M::;i  Je  ;^_^ij  ^Ji  ^^  J,l^i  _;U.l  jû.<ri  iJ^U  Jl  oKll  i 
J,  4JI  i«_Jl^=ill }  •>  ^^  ^^j  .  io'l^Cill  Aiu^  *ifcAfl:«,«  f^f-^3  f^-^-=^' 

ol*^^  o_^1p  ^^)  <§•■--'''  «-Jî-Â^lj  wa)j*Jl 

(  I  )    Même  leçon  dans  Ta  (  2  )    Ta.  <iil. 

(  3  )    Depuis  ♦  omis  dans  Ta.  (  4  )    Ta.  ajoute  j^Mj  ^i. 

(<,)    Même  orthographe  vulgaire  dans  Ta.        (6)    Sic. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQLES.  oTO 

^^;!U  »)  Jl  ^o  •  iJ^I  jU^J^I  :sU  ^^  4JI  «^x  %y>-  r5CU  rçijiJl 

J.«  Jjlj  •  ojtS'Ij  -u'I^J  }  ij    •  oj\ ^i  Zjyzl.,*   ^_J  jljdl  ,^ij   •  fJ>l«^l!j 


jvi=^i .  jif  1  dlUi  i^h^  ^^/Tn  L!i_Ji  s^l-t  i^  Ju;  ^\si  ^cU 

S^^Lill  CjjIj  .4.U-UI  ^MJI  ^-«U  .  i^jjl  dllijll  Ja,l;?  (9)  ù^jl-^iJl 
j«.«  45CjIj:  (i  (JiUJi  4:0  jj^i  lui  •  «l^CJ-lj  ii^Mill  JjU  ^i^--  ^«JuJI 
jli^l  (/U  .  ùWJIj  J^^^'l  J>  •  \ ^^^\ ii^il  j^jl  4^1  a. > .  L^i^l 

(  I  )  Ta.  ajoute  p^u  (  2  )  ajoutez  avec  Ta.  ^  JJl 

(  3  )  Ta.  ^U  (  4  )  Ta.  :  'JL. 

(5)  Ta.  J4  (6)  Ta.  w^ 

(7)  Ta.  j^^»  (8)  Ta.  UJL 

(  9  )  Sic;  même  leçon  dans  Ta. 

ORIENT    CHRÉTIEN.  !26 


380  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 


4! 
( 


Il  ^U\'^j  ■  l:>j^\  J>,  :>l^  •  ùl  ^1  i)^  ^i^  •  Oy  I  iltU >'''  •  ûUU-lj 

fi 

4I  c  3  )  '_^^  -\«JI  J-^''^-*-)  •  4il :*!  ^A  y^  :ij\  j\l  ws-j:  Vj  •  ^.'UU  jL\:l^ 

3  )  ©Jullj  •  45C3I  -iSj)  c-jilSOl^iS^  el^JJ  ■  4>Cli5J   (  7  )   olSj  oij)  t^JT  '  J 

45C^  lÀA  (ïo)  dL^Vj  Li5^II*  (9)  ejylTj-ljjl^lj  J^l  /ij  Je 
JbJi  ~J  SÀiU^  ÂJI4  \JJ^  js!^   'J\^\   ^\  ÂiUI  ol5dl  ^  ÂJjll    Jape:^  <J1J 

JifM  ^ f\\    Jii^l  dlill  »^.,i«-  JU  ^1  sJpU?  :  4iu'  U^^JI   »ia3  J,  Jl 

/  .  ^îCii^vi  JiWI  .  4:U  J  |.U1  û>U  (^Ip>:JI  ^1^1  J-UI  ^il  j--Vi 

(  I  )    Ta.  :  ^>^-Vl  *.  (  2  )  Ta.  .j^^xi- 

(3)    Ta.  ^s_p  (4)  Ta.  ôL| 

(5)    Omis  dans  Ta.  depuis  ♦       (6)  Ta.  *-i 

(7)    Ta.  <5dîj  -uirS  iV_^  Ul  ^iJ^\ 

(  8  )    Ta.  ^ftl  (  9  )  Ta.   .j^K^Xp  Uj 

(  10)  Ta.  ^<l. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  381 

ju  ai;Vi  oi>>i  aJjIjcIi  (/  i:i5Cli  ol*  ù»  Joj.^jJi  ;5CJLr  -L.l_:. 


Jl  ôisll 


;.,'Vi  ( 2 )  jiii .  ,y^  (  I  )  ^y^îCii  sj^^iij  ^^iji  ^w^i  ùj^i^i  7.^^=^' \ 

.j^Axlj  JU  ^1  j^ai  .ùvl^^Uljil^l  ^lïj^l  •  '^\^\j'^:>j}S^\  >  4^-M 


I  )    Lisez  ùj^\  >  la  Commune  {  2  )    Sic. 


382  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

u^ <i\   L5j  •  ^j}^  tllyt)l    U  A>v"^  o_jl>.  v_o-Uaî  (jli^^'  ^Juj\  (^  j  i  J3 
i..'Vl  A^  ô^i?  J-l-JI  ^Vl  )ji\  Jfii  Jii-l  ^tUl  i_^n5C.  Oijj 

I.;j.JI  ^:.U  Jl    Oli^l    :4.;ljl 
^i  Jil  }    (d])j.  i:»^^  ^J    •  Â-V^-J  c>l-J  ^  il~-  w:^J  j^-  ki  4;ljs.  4JI 

05UI  rJ5  •  i— ^i^îl  Âi.'ilkll  Jl?- .  l^^\  illl  ^  jjsl/'fjj-  '  Ji^ll 

S->JCJI  ....^l^  «ÙjjjJj  •  'Uoll^ 

•  ^o^jwiU  Jj  :>l^  •  4^  _j^i«n  i«Vl  ji^  •  ijl_;^JI  3ÎI  -J^  ..^jiy^l  yi;:iill  aU^I 

(  I  )    Lisez  :  i--.lli  Dalmatie 

(  2  )  Ou  ^\f^  probablement  Croatie.  11  doit  manquer  un  mot  avant 
iyi  :  Je  propose  de  restituer  ainsi  ce  passage:  ii_^»H  ^^  i>.iiLf--  i^J^rJ^ 
li  .  Voir  la  tradoction  française.  (  5  )    Amsi  dans  Msc. 


CORRESPONDANCES    DIPLO:\[ATIQUES.  383 


y 


.  i^-^\  z\.\  >  ùM* •  ^\^j^\  j-ui  •  (^^1  ('j<lii  /jH  jui  j^i  >^i 


•  ci\ LUI  ti  ''^Ijj  ^'*  Jjcl  sU  ù'  J^«J  •  J^  •  i-LL;L~A!l  ^^>.\^  (  }  )  >^-jli' 


(  I  )    Sic.  ;  voir  notes  de  la  traduction.  (  2  )    Sic. 

(  j  )    Ta.  v_.-»U  <il  ^^L  ^jJili  iUL\  vi^L.  ^2r«  o'jj  IjCT-j 


384  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

t  '  )  ^^:- 

jj^i  Ja^â  t^iiLSi  âi  cf  :fc  wi^^tiii  à  «  j1>  U  Je  ^'  v'^'  r^-> 
(.lê^i^^i  j^li  ^jCii  j_Ji^i  dUli  ;>>.  ^12,  JU  -uji  JlLi  :  4^.;  u 

.  ^icjjij  •j_j;:iij  ûj^i-i  (/U  j^i  ^jii  •  1^1 3ii>s .  4._j^u!i  i«vi  jît 

j\i\J\  ,_^»\i9  '^ij^J  •  Ï-jIm'  e>lfi>  l*j-U?l 

jI;l)|j^^JI  ,^^U  Â^luil  olOl  ijjl  ùl  A..  ^«i:dl  <i  411  rj^ 
(^  .wJ_^JI  v_^>-U»  J,l  i>_ 71^11  ùl  C^l  4j:e  >IaJ  ^i  t^LlÂll  O:'  ^jc  >lli 

jJi-i  dlUl  s^a>.  Jl  ol^i  ei*  vi)j-i^  •  ^j^  dlL:l  0I5CJI  J  -ulc 

(  I  )    Ta.  w_»y.t  et  ajoute  deux  lignes  de  do'â 
(  2  )    Cfr.  Ta.  p.  5 1 


CORRESPONDAXCES    DIPLOMATIQUES.  385 

^_,aâJLl  ù^"4  J^^J^'  ij  '  ô^  f  •  ^^1  ^>-U  ^ij«"j  '  l-v^  '-^  <*.UT 

^::^s=  ilj  j^lj!  ou^  t^r  L-*.ç,:l  jj:^  J*i^  â^^i  >^5"  :  ^ 
dl!5  ^«  *jij  Vj  •  4Î  \*^\  ^  ÂJj  ^^p  Jjjll   «Ja3  (i  <:jo  Ja^  ).j  •  o:>jk 

l_^lj:  Jl5  .  i-«jjl  :>!>^JI  J^_jkl  J.l^j  oj'_3>-  ç>  j  :  ^^j«:ll  ^  ^\\» 
\yJ^''\_i  »^L  j  C2)  e,>>lj  iîl^  l^iil  j^Ul  (  '  )  yli  1^1  1^1^  /\  S 

eU^=>J   •  jUtVl    4!    4Âli  /»JtS  •  jAj  '^ij*^'  ti  ej^  <— ',  J-l'i  *^^  '-^-^ 
(I)    Ta.    byt  (2)    Ta.  »j.->.\  (p    Ta.  «jj»^ 


386  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 


<U1 


0)1  dXi  '  >-T  .  jlji^l  (  2  )  -«  ûl  J-5  ^^1  i.«\t  ejj^j . jijbVl  (  »  )  ^\/i 
)u..^i  '  jj.jC*  A^\:s^}  ti^':^^  ûr*  ^  ^1>  cP  Jl**j'j_^U  Jp  45^^  j^ 

ji-JI  ^--j^J  •  ^^J  V-*    J*^"*  Oj^-îl    0-^*  0>A'J   ^^Vl   «P^.   V^*-    ^^l 

(  I  )    Ta.  ^y  (  2  )    Ta.  ^:,  V  b\ 

(  ?  )    L'allitération  demanderait  jyt;  au  lieu  de  j<\ 

(  4  )    Ta.  omet  j  (  5  )    Ta.  Jj^dT  qui  est  la  véritable  leçon. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  387 

IZ\^[\  (i  Jlî-I  4it  yl^l  l-^  Ji^  4JI  olsCll  ù/3  ijL>.j . dl! i  Je 
S^j^di  jé=>L.Jl  dXtl  (^li-l  ùlS^U  J^  (J.»;^  <jU  «^j  i>^j  ù}::\jl 


^r»  dll«  J,l  olsCll  :s/.U]l 


.  ^\^i  Jkîl  ^'j<:ii  Jii-I  dlili  ;^,i,.  Jl  Utjji^l  :  oU  «^j  oç:.Uj  ^1:' 
JL?" •  4):>_j^l  jj^  ^l/-  •  4)_^j,^l  j^  .  Sjl_^^l  j^  •  0^5  /»L-c^]l  Ju-Vl 


388  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 

^^:>.  4iru  y»  ^^  Jt  ^«i>  ^1^  a^lj  Jl  SJliCll  jo  I  ù^j 
O'^^tc  y^  Jr  ^^  3j3  rj^  ci  ^^  cj^'^-î  ""j^^  ^.-''  ^--^  j'-^  0-*  ^^--T^*''-^ 

JL^U  aIj  ô^^i^J    ^ii-'  cij  -^'j  J^^   0^'  d  J^y'-J  •  wi-^:5i  >«ia9   ^Uj 

ùj^j-   ùl-J^'  »-^— '  ^*>^4  ^^iOll  f^a;  A^-JV;  ij«^  v'^-^^-'  •■^*-> 

(  I  )    Probablement    C  ^' 
(  2  )    Voir  la  traduction  française. 

(  5  )    Inutile  de  signaler  en  détail  les  incorrections  et  les  vulgansmes 
des  textes  qui  vont  suivre. 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  389 

ilj  I :::^:>.  ^^^A  Jj^U^I  ^jr^*' (J^jj— Jâ-i'  ù^-JIJ,'  *  '^■^' 

C^^_)  ù\ laUÎI  Âla.^  j^^C-  Je  jj^sCSoij  (ijlioJlj  iijlkJI  Je  dilisO 

crd^-^  ûr*  f*^-*^'^  <Sj^  ^  f^r'y^'-'  ft-«^^>'-'  fv«^-î^«^->  f%t:  V'-'''-' 

Lj^Uj  /y5C«U  (^  SJjIju  â^\j  i>J?  J,liu  iôil  'Ll  û'  Ij^yCj  J  •  dAli    le 


390  ■  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

3^  ^4:^  o:>j\J\  ^ïîCsl  Silcj  •  ^.^jâîl  û^l)  ,»^3^ûl  (  '  )  «u»  SiUlj 

(^\Ij     ips^J  ©A*J 

*  -  •••  II. 

^.^j  ja:^  kj^ajl  ^^T  ~ijtj  '  iJU  0^ cj  S^^-  «j  jl  i:»-  fjjLu  y^  ^te 

.  j^tj-JI  4«)j*  j^jj  Jjj  i^j*  (^  4 âj  y'JI  t-)ljîVl  i-y-ljrtJI  Oj:>_^  ùi-*JI 


«/j 


4ljâc  Sij^  o\  ci^-î  4^)1   JUj  OilJl  -rj^  (4)  Vyi  oJ^  t>  J^^Ml  JIa|i 


(  I  )    Sic.  (  2  )    Corrigez  byS^. 

(  3  )    Sic.  ;  voir  note  de  la  traduction.     (4)    Lisez  ^^ 


CORRESPONDANCES    DIPLOMATIQUES.  391 

dUi  ik-lj)  iùy^LlI  -cJCJUt  Jl  iliill  jL-^M  ^^j  oij  aI'^^  4L  -IcoJI 
,»l.ll  jii'  L^  Ul  ili  dilS  jvi  Ùj  .  Â^b  ^.  ùVi  J^:l!  ^^il  J^Vj) 

U:*f«oj  l!**  J«>  ici  j/ull  jt^  J«s  (^iJI  i)\i ■  \ZAl^'i:>  JaI  tJU  'Ul4> ^^-JTj 

(liliaUl  tV^«  (  2  )  î$C.Lc  ijA4  i>«  '>*j^  (^'  ^' >  ^^-^^  Wyj  ffr^ 
L«*  J^^  !Sb  fv^Jj-*''  ci  jî^b  (^  jLJVlj  ^Ij^j  f^r^'j'-'  oiUI 

4:>CLrJ,l 


.1::^ 


4^—0  oJ^Aj 


i:-  ilji — n  Ji^  y:p  ^yl:  (^  l^^  û:  jlluilj  ï^y^Hl  0^ Mo'*  ^^-^ 

ùy  W^''  Ûj5j,^    Ol-^5'  wà~-J    jaI—  iXjJI  ^_^C^  i^j-  •  iJU  (jlcj  e_^':c    «.;  jl 

<i^i  |i  ^LJi  dlili  i-j/i  ^^^  ^>.\-^  iJ^i  dlu  ^ÀS  diui 


(  I  )    Sic  ;     voir  notes  de  la  traduction 
(  2  )    A  lire  i$d«..  ^ 


392  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIExN. 


l^^ll  V  J.Î1  Si_jllj  rJUall  j\j.,Z^\  J,   ûj-^^   -to^ — A)  JjL^  (jy^b 

i>Vlj  ^jll  |W:p=1»  Jj  f  j^j  i .M-Vl  OvJ>j  5>\_JI  el*  ol_;LL 

JUlij  dlU)^  ^j^.  (jl  »-^  û^Tj  <iy  j,  ûj>^ ^  ^-r^*  wflsI^U!  j-jl 

ii)  yjl  ^-IJll  ^^  j>  jy  J^.  f^UJ  0^1  ûl^  (i*  ci*  »>4->  ù^UJI  W_jl 

♦    <t^c  àCSS*A  j^\i  ^4-c    J_;-oîl  <^^ 'I  ^-ijj    A:CNjLf  Aie  Ol-^l  4)  yi-l 

A,«jrj   AÎC    c-l»)    -rJU    J,U  rtâllj 


(  I  )    Lisez 


u**-! 


HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE 

DE  L'ARMÉNIE 

(Suite)  (1) 


HÉTHOUM  OU   IIAYTON  II   (1289) 

^  27.  Vertus  privées;  situation  critique;  prise  de  Bom- 
cla;  le  Frère  Jean;  Hétlioum  chez  Kazan;  Sempad  usurpe  et 
perd  le  trône.  —  Au  premier  coup  d'œil,  il  semble  que  le  fils 
de  Léon  III,  Héthoum,  est  fait  pour  le  cloître  et  non  pour  le 
trône.  Humble,  pieux,  se  plaisant  surtout  dans  la  société  des 
clercs,  lecteur  assidu  des  Saintes  Écritures,  il  rappelle  à  cer- 
tains égards  notre  Robert  le  Pieux.  Cependant,  s'il  avait  la 
piété  et  les  goûts  studieux  d'un  homme  d'Église,  il  était  aussi 
homme  de  conseil  et  homme  d'action.  Il  n'était  certes  ni  un 
politique  aussi  fin  que  son  grand-père,  ni  un  guerrier  aussi 
redoutable  que  Thoros  II.  Mais  eût-il  réuni  les  ressources  per- 
sonnelles de  ces  deux  hommes  éminents,  il  n'aurait  encore  pu 
faire  face  aux  Mamlouks  d'Egypte.  Ceux-ci,  déjà  maîtres  des 
anciennes  principautés  chrétiennes  d'Édesse,  de  Jérusalem  et 
d'Antioche,  traitaient  les  autres  possessions  des  chrétiens  en 
pays  à  demi  conquis  :  Kelaoun  exigeait  avec  le  fort  tribut  promis 
par  Léon,  les  villes  de  Marasch  et  de  Béhesni.  Héthoum  se 
tourna  inutilement  vers  Philippe  IV  de  France.  Il  demanda  des 
secours  au  pape  Nicolas  IV  ;  mais  le  pontife  romain  répéta  vai- 
nement l'appel  qui  avait  jadis  soulevé  TOccident  contre  les 
profanateurs  du  tombeau  du  Christ.  Plusieurs  princes,  comme 

(1)  Voy.  vol.  VII,  1902,  p.  26,  277,  508;  vol.  VIII,  11103.  p.  20G,  577;  vol.  IX,  1804, 
p.  107,  212. 


394  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Alphonse  III,  roi  d'Aragon,  Dom  Jayme,  roi  de  Naples,  et  la 
république  de  Gênes  concluaient  des  traités  de  commerce  avec 
le  sultan.  Pendant  ce  temps,  le  cercle  de  fer  et  de  feu  se  resser- 
rait autour  de  laCilicie.  Kelaoun  s'emparait  de  Tripoli,  dont  il 
massacrait  les  défenseurs  et  réduisait  en  esclavage  les  femmes 
et  les  enfants  (1289).  Son  fds  Melik-Aschraf-Khalil,  après  trois 
violents  assauts,  prenait  Saint- Jean-d'Acre  (15  mai  I29I);  puis 
Tyr,  Sidon,  Beyrouth  tombèrent  en  son  pouvoir,  au  milieu  des 
scènes  de  carnage  et  d'enlèvements  qui  accompagnaient  d'or- 
dinaire toute  conquête  musulmane.  L'année  suivante,  il  pénétra 
jusqu'à  l'Euphrate  et  investit  Romcla,  oii  résidait  le  catholicos 
arménien.  Ce  château,  le  plus  fort  de  l'Eupliratèse,  était  bâti 
sur  un  promontoire  escarpé  qui,  par  trois  de  ses  côtés,  domine 
la  vallée  du  Marsifan  et  le  cours  de  l'Euphrate.  Il  était  entouré 
d'une  enceinte  de  quatre  murailles  et  fut  vaillamment  dé- 
fendu par  un  Franc,  le  baron  Raymond,  l'oncle  mater- 
nel de  Héthoum.  Mais,  tandis  que  les  mineurs  musulmans  en 
attaquaient  les  fondements,  vingt  catapultes  étaient  dressées 
contre  les  remparts  de  la  forteresse,  et,  après  un  siège  de  trente- 
trois  jours,  les  musulmans  réussirent  à  faire  une  brèche  par 
laquelle  ils  pénétrèrent.  Alors,  raconte  Makrizi,  la  garnison 
fut  égorgée,  les  femmes,  les  enfants  et,  à  leur  tête,  le  patriar- 
che Etienne  furent  emmenés  en  captivité  à  Damas  (16  juin 
1292).  Du  butin  énorme  qu'emportèrent  les  vainqueurs,  l'objet 
le  plus  regretté  des  Arméniens  fut  sans  doute  le  bras  de  Gré- 
goire riUuminateur.  L'année  suivante,  Aschraf  donna  l'ordre 
aux  troupes  de  Damas  d'aller  prendre  la  ville  arménienne  de 
Béhesni.  Héthoum,  sachant  bien  que  l'insatiable  Mamlouk  ne 
s'arrêterait  pas  là,  lui  offrit  aussitôt  par  ses  ambassadeurs  de 
rendre  Béhesni,  Marasch  et  Till-Hamdoun  (1).  Aschraf  en  prit 
possession  et  parut  satisfait.  Nul  doute,  cependant,  que  sa  soif 
de  conquêtes  ne  se  fût  bientôt  réveillée  et  ne  l'eût  jeté  de  nou- 
veau sur  la  Petite- Arménie,  s'il  n'avait  été  égorgé  en  1294  par 
quelques-uns  de  ses  émirs. 

Le  royaume  des  Mamlouks  traversa,  en  ce  moment,  une  crise 
qui  aurait  singulièrement  favorisé  une  restauration  des  prin- 


(1)  Makrizi.  Op.  cil.,  p.  117-118.  Sur  Romcla.  voir  p.  111;  Ucy.  Culunies  franques 
de  Syrie  aux  xu"  ot  xni'  sioclos.  p.  318. 


IllSTOIlîK    POI.ITIQUI';    ET    RELKilEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  305 

cipautés  chrétiennes,  si  celles-ci  n'eussent  été  presque  anéanties. 
Tandis  que  les  chefs  des  partis  musulmans  rivaux  s'entr'égor- 
geaient,  une  crue  très  faible  du  Nil  en  1294  et  qui  se  renouvela 
en  1295-1 290,  avait  amené  la  famine.  Le  melon  d'été  coûta 
jusqu'à  cent  pièces  d'argent  {(/ir/icins).  11  y  eut  des  personnes 
qui,  après  avoir  mangé  des  animaux  morts,  se  nourrirent  de 
cadavres;  par  suite,  la  peste  vint  ajouter  ses  ravages  à  ceux 
de  la  disette,  d'abord  en  Eg-ypte,  et  puis  dans  toute  la  Syrie. 
L'ancien  lieutenant  du  royaume  des  Mamlouks,  Melik-Adelzein 
ed-Dîn-Ketbogha,  qui  venait  d'enlever  1<'  trône  au  jeune  frère 
d'Aschraf,  Nacer  Mohammed,  lit  la  paix  avec  le  roi  d'Arménie, 
et  lui  rendit  la  dextre  de  saint  Grégoire,  les  vases  sacrés  enlevés- 
à  Romcla  et  une  partie  des  prisonniers  (1294).  Le  catholicos 
était  mort  pendant  sa  captivité. 

Immédiatement  après  la  perte  de  Bc'hesni  et  de  Marasch, 
Héthoum,  persuadé  que  son  frère  Thoros  était  plus  apte  que 
lui  à  défendre  la  Cilicie,  lui  avait  cédé  sa  place;  et  il  était  entré 
dans  un  couvent  de  Franciscains,  dnnt  il  avait  pris  l'habit  sous 
le  nom  de  frère  Jean,  Mais,  moins  de  deux  ans  après  sa  re- 
traite, en  1294,  vers  l'époque  où  se  concluait  la  paix  avec  Ket- 
bogha,  Héthoum  fut  pressé  par  son  frère  de  reprendre  le  pou- 
voir. Les  grands  du  royaume,  réunis  pour  assister  au  mariage 
d'Isabelle,  sœur  du  roi,  avec  Amaury,  comle  de  Tyr,  frère  du 
roi  de  Chypre,  Henry  11,  joignirent  leurs  instances  à  celles  de 
Thoros.  Héthoum,  cédant  à  ces  désirs  unanimes,  remonta  sur  le 
trône.  A  peine  réinstallé,  sa  première  préoccupation  fut  de 
gagner  de  nouveaux  protecteurs  à  sa  patrie  toujours  menacée. 
11  se  tourna  d'abord  du  côté  de  la  Perse.  Depuis  dix  ans,  ce  pays 
était  agité  par  des  révolutions  qui  avaient  permis  aux  Mam- 
louks d'étendre  leurs  conquêtes.  Argoun,  le  fils  d'Abaka,  avait 
détrôné  son  oncle  Ahmed  et  avait  vengé  ses  propres  partisans 
en  lui  faisant  briser  les  reins  (1282). 

Après  la  mort  d'Arti'oun,  son  frère  et  son  successeur  Gaykha- 
tou  avait  été  tué  au  bout  de  trois  ans  (1295).  Baydou,  le  neveu 
d'Abaka,  après  quelques  mois  de  règne,  ^■enait  à  son  tour  d'être 
attaqué  par  son  propre  neveu  Khazan,  Tun  des  deux  fils 
d'Argoun  (1295).  Héthoum  attendit  quelques  jours  à  Mara- 
gha  (vers  l'extrémité  sud-est  du  lac  d'Ourmiah)  l'issue  de  la 
lutte  entre  les   deux  rivaux.   Puis,  ayant  appris  le  triomphe 

OniENT   CHRÉTIEN.  27 


396  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

de  Khazan,  il  se  rendit  vers  lui  près  de  Dihbourkan,  et  le 
suivit  probablement  jusqu'à  Tauriz.  L'arrière-petit-fils  de  Gen- 
giskhan  renouvela  volontiers  avec  lui  Tancien  traité  d'alliance 
et  révoqua  en  faveur  des  Arméniens  l'édit  qui  ordonnait  de 
transformer  en  mosquées  toutes  les  églises.  —  Rentré  à  Sis  vers 
la  fin  d'octobre,  Héthoum  y  trouva  deux  ambassadeurs  d'An- 
dronic  II.  Ils  venaient  demander  la  main  de  l'une  des  sœurs  du 
roi  pour  Michel,  le  fils  de  l'empereur.  Héthoum  accueillit 
avec  joie  l'offre  d'une  alliance  si  avantageuse.  Le  16  janvier 
suivant,  Ritha  (Marguerite),  sa  sœur  aînée,  épousait  Michel 
récemment  associé  à  l'empire.  Les  Grecs,  après  lui  avoir  con- 
féré l'onction  du  saint  chrême,  changeaient  son  nom  en  celui 
de  Xénê  ou  Marie. 

En  s'alliant  ainsi  avec  les  Francs,  les  Tartares  et  les  Grecs, 
Héthoum  ne  cherchait  qu'à  se  protéger  contre  le  sultan  d'Egypte. 
Près  de  lui  cependant  était  un  ennemi  qu'il  ne  soupçonnait  pas. 
En  1297,  se  rendant  avec  Thoros  auprès  de  sa  sœur  Marie  à 
la  cour  de  Constantinople,  il  avait  confié  le  gouvernement  du 
royaume  à  son  troisième  frère  Sempad.  Celui-ci  travailla  aus- 
sitôt à  le  supplanter.  Il  prétendait  que  Héthoum,  ayant  abdiqué 
pour  devenir  moine,  n'avait  plus  le  droit  de  régner.  L'usurpa- 
teur fut  assez  habile  pour  gagner  à  sa  cause  ses  trois  jeunes 
frères  avec  le  patriarche  Grégoire  VII,  et  il  reçut  de  ce  dernier, 
à  Sis,  la  consécration  royale.  A  leur  retour,  Héthoum  et  Thoros 
furent  expulsés  du  royaume.  Ils  appelèrent  alors  à  leur  aide 
leurs  anciens  alliés,  le  roi  de  Chypre,  l'empereur  de  Constan- 
tinople et  le  khan  de  Perse.  Mais  le  premier  ne  leur  offrit 
que  des  condoléances;  le  second  ne  leur  fournit  qu'une  somme 
d'argent.  Quant  à  Khazan,  il  refusa  de  prendre  parti  contre 
Sempad  ;  car  ce  dernier  lui  a^■ait  demandé  et  avait  obtenu  de 
lui  l'investiture  de  la  Cilicie;  il  avait  même,  comme  jadis  son 
frère  Thoros,  épousé  une  princesse  de  la  famille  de  Gengiskhan. 
Sempad,  voyant  les  deux  exilés  sans  appui  et  néanmoins  obs- 
tinés dans  leurs  justes  revendications,  les  fit  saisir  près  de  Cé- 
sarée  et  enfermer  au  château  de  Partzer-pert.  Bientôt  après, 
par  son  ordre,  on  étrangla  Thoros  et  on  brûla  les  yeux  de 
Héthoum  avec  un  fer  incandescent. 

Ces  actes  de  cruauté  révoltèrent  le  prince  royal  Constantin, 
qui  avait  d'abord  favorisé  l'intrusion  de  son  frère  Sempad.  Il 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE   l'ARMÉNIE.  397 

surprit,  enferma  Fusurpateur  et  délivra  Hétlioum  ;  puis  il  se  fit 
proclamer  roi. 

I  28.  Héthoum  règne  une  troisième  fois  ;  exil  de  Constantin 
et  de  Sempad;  les  Mamlouks  prennent,  puis  évacuent  plu- 
sieurs forteresses  ;  ils  sont  dé  faits  ùHomspar  Varmée  arméno- 
mongole  ;  mais  celle-ci  est  battue  près  de  Damas.  — Cependant 
Héthoum  recouvra,  au  bout  de  quelques  mois,  l'usage  de  la 
vue.  Selon  plusieurs  historiens  arméniens,  saguérison  fut  l'effet 
d'une  miraculeuse  intervention  de  Dieu.  Il  se  peut  aussi,  comme 
l'affirme  Aboulféda,  que  tout  au  moins  l'un  des  yeux  du  pieux 
monarque  n'ait  pas  été  mortellement  lésé  par  le  fer  du  bourreau. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  seigneurs,  voyant  Héthoum  en  état  de 
régner,  le  pressèrent  à  l'envi  de  reprendre  le  pouvoir.  Il  y  con- 
sentit. Mais  Constantin,  gâté  par  la  jouissance  de  l'autorité 
souveraine,  ne  voulut  point  y  renoncer.  Coalisé  avec  Sempad 
qu'il  avait  tiré  de  prison,  il  opposa  une  vive  résistance.  Hé- 
thoum pourtant  fut  vainqueur,  grâce  au  secours  des  Templiers  et 
des  Hospitaliers  (1299).  Les  deux  frères,  ayantété  pris  et  envoyés 
à  l'empereur  de  Constantinople,  moururent  en  exil. 

A  ce  moment,  en  Egypte,  un  nouveau  prétendant,  Latchin, 
venait  de  chasser  le  sultan  Ketbogha.  Actif  et  ambitieux,  il  mit 
à  profit  les  dissensions  des  Arméniens  et  de  leurs  alliés  les 
Mongols  de  Perse.  Par  son  ordre,  l'émir  Bedr-ed-Dîn-Bektasch, 
à  la  tète  de  10.000  cavaliers,  s'achemina  par  Damas,  Alep  et  le 
défilé  de  Bagras  vers  Thil  ou  Ïell-Hamdoun,  la  Canamelle  des 
Croisés.  Cette  place,  située  à  l'extrémité  nord  du  golfe  d'A- 
lexandrette,  avait  été  reprise  par  les  Arméniens.  Une  première 
fois  Bektasch,  après  l'avoir  menacée,  prit  le  chemin  d'Adana  ; 
là,  il  fut  rejoint  parle  prince  de  Hamah,  Melik  Moudaffar,  qui 
venait  dépasser  le  Djihan  et  de  pénétrer  jusque  sous  les  murs 
de  Sis.  Les  deux  corps  d'armée,  pillant  et  égorgeant  les  Armé- 
niens qu'ils  rencontraient,  continuèrent  leur  retraite  par  Mop- 
sueste  et  Bagras;  puis,  sur  un  nouvel  ordre  du  sultan,  elles 
revinrent  s'emparer  de  Tell-Hamdoun.  Les  Arméniens  qui 
avaienl  quitté  cette  place  pour  se  réfugier  dans  celle  de  Naji- 
mah  y  furent  assiégés  et  durent  capituler  après  une  résistance 
de  quarante  et  un  jours.  Hamous  fut  ensuite  investie.  Un  grand 
nombre  de  personnes  s'y  étaient  réfugiées.  Au  bout  de  quelques 
jours,  les  défenseurs,  voyant  les  vivres  s'épuiser,  firent  sortir 


398  REVUE    DE    L  ORIENT   CHRETIEN. 

1.200  femmes  OU  onfnnls.  Les  assiégeants  se  les  paringèrent, 
comme  ils  eussent  fait  d"un  troupeau.  Aboulféda,  Tliistorien- 
médecin,  qui  sera  plus  lard  gouverneur  de  Hamah,  raconte 
dans  son  autobiographie  qu'il  eut  pour  sa  partdeux  jeunes  filles 
et  un  jeune  garçon.  A  la  fin,  Constantin,  qui  régnait  à  ce  moment, 
obtint  la  paix  en  livrant  Hainous  et  une  dizaine  d'autres  forteres- 
ses (août  1298).  Mais,  quelques  mois  plus  tard,  les  Egyptiens 
ayant  appris  que  les  Mongols  accouraient  au  secours  de  Hé- 
thoum,  abandonnèrent  ces  forteresses,  où  rentrèrent  leurs  an- 
ciens possesseurs. 

L'invasion  des    Mongols    en    Syrie   n'avait  pas   seulement 
été  provoquée  par   les  appels  réitérés  de  Héthoum.  Des  émirs 
égyptiens,  irrités  de  voir  Latchin  abandonner  toute  l'adminis- 
tration de  son  royaume  à  l'arbitraire  de  son  fiivoi'i   Mankou- 
Tiniour,  et   craignant  d'ailleurs  pour    leur   sûreté,    s'étaient 
réfugiés  près  de  Khazan  et  l'avaient  excité  à  entreprendre  sa 
campagne.  Sur  l'ordre  du  khan,  le  général  Selâmesch  partit 
avec  25.000  cavaliers  pour  conquérir  le  pays  de  Roum.  Mais, 
arrivé  en  Cappadoce,  Selâmesch  trahit  son  maître  et  fit  alliance 
avec  Melik-Nacer  Mohammed.    Khazan  envoya   contre   lui   le 
général  Boulai,  qui  le  défit  près  de  Siwas.  Selâmesch  s'enfuyait 
vers  les  régions  de  Sis  avec  une  escorte  d'Egyptiens,  quand  il 
fut  surpris  par  les  Tartares  unis  aux  Arméniens.  De  nouveau 
battu,  il  fut  pris  par  l'ordre  de  Héthoum  et  livré  à  Khazan  qui 
le  fit  mourir  (1).  C'était  un  nouveau  grief  qui  devait  redoubler 
l'animosité  des  Mamlouks  contre  Khazan  et  surtout  Héthoum. 
Une   grande  bataille  eut  lieu,  près   de   Homs  (22-23  décem- 
bre 1299).  L'armée  tartare,  à  laquelle  s'étaient  joints  les  Armé- 
niens et  des  Géorgiens,  comptait  près  de  100.000  hommes.  Après 
quelques  heures  de  combat,  l'aile  gauche  de  Khazan  rompit  l'aile 
droite  du  jeune  Melik-Nacer,  formée  surtout  par  les  Arabes,  et 
détermina  la  victoire.  Les  alliés,  dit  ]\Iakrizi,  auraient  anéanti 
l'armée  égyptienne,  s'ils  l'avaient  poursuivie.  Homs,  Damas, 
bref  la  Syrie  n'en  était  pas  moins  conquise  sur  les  Mamlouks  ; 
Tell-Hamdoun  et  les  autres  places  perdues  redevenaient  arnié- 

(I)  Selon  Makrizi,  la  révolte  et  la  défaite  de  Selâmesch  se  place  sous  le  sultan 
Jlelik-Nàcer  (pour  la  seconde  fois  sui-  le  trône)  et  non  sous  Latchin,  comme 
l'affirme  Dulaurier,  à  la  suite  de  quelques  historiens.  Cf.  Makrizi,  IV  partie, 
p.  •£k>&  et  suiv.  et  dans  Quatremère,  t.  Il  (IP  partie),  p.  128  etsuiv. 


HISTOIRE    POLITIQUE   ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  399 

nienhes.  Malheureusement,  réoiir  Kaiidjak,  l'un  des  transfuges 
égyptiens,  ayant  été  nommé  gouverneur  de  Syrie,  trahissait 
bientôt  son  nouveau  maître,  et,  avant  la  fin  de  Tannée,  les  pays 
occupés  étaient  évacués  par  les  alliés. 

I^lacée  entre  les  deux  grandes  puissances,  la  Cilicie  était 
obligée  de  payer  un  double  tribut,  l'un  à  sa  protectrice,  l'autre 
à  son  ennemie.  En  1302,  elle  refuse  ce  dernier.  Aussitôt  l'émir 
Bedr-ed-Dîn  Bektàsch  Fakhri  et  .Alelik-Adel-Ketbogha,  l'ancien 
sultan,  traversent  le  défilé  de  Baghras  et,  après  avoir  ravagé  la 
région  au  sud-est  de  Sis,  reviennent  à  Alep  avec  un  immense 
butin.  Khazan  entama  des  pourparlers  avec  Nacer;  mais  ils 
n'aboutirent  pas;  et  de  nouveau  les  Arméniens,  unis  à  leurs 
alliés,  furent  engagés  dans  une  grande  bataille.  Elle  fut  livrée 
au  pied  du  mont  Gabaghild,  près  de  Damas  (20  avril  1303). 
Après  avoir  tenu  ferme  pendant  un  jour,  un  corps  important  de 
l'armée  alliée,  pressé  par  la  soif,  se  précipita  vers  la  rivière  qui 
coulait  au  bas  de  la  montagne  sur  laquelle  il  campait.  Ce  mou- 
vement fut  la  cause  d'un  désastre.  La  plupart  des  Arméniens  et 
des  Tartares  furent  tués  sur  le  champ  de  bataille  ou  périrent,  soit 
en  fuyant  à  travers  les  plaines  inondées,  soit  en  traversant  l'Eu- 
phrate  gonflé  i)ar  les  pluies.  Héthoum  parvint  à  se  réfugier 
auprès  de  Khazan,  à  Niuive. 

§  29.  Les  Mongols  passent  au  mahométisme.  Les  Égyptiens 
défaits  à  BayJiias;  troisième  abdication  de  Héthoum;  il  est 
égorgé  avec  Léon  IV  par  Bilarghou.  —  Tandis  que  le  khan 
recevait  brutalement  les  généraux  vaincus  et  ordonnait  aux 
soldats  de  son  escorte  de  leur  cracher  au  visage,  il  accueillit, 
semble-t-il,  avec  sympathie  le  roi  arménien.  Il  lui  donna  même 
un  détachement  de  ."jOO  .Alongols,  commandés  par  le  g-énéral  Bi- 
larghou et  chargés  de  protéger  les  frontières  de  la  Cilicie. 

Mais  désormais,  le  rôle  des  Tartares  à  l'égard  des  Arméniens 
allait  se  modifier.  Voyant  que,  mali^ré  les  appels  réitérés  des  pa- 
pes, ils  ne  pouvaient  plus  guère  compter  sur  les  chrétiens  occiden- 
taux dans  la  lutte  engagée  contre  les  Sarrasins;  s'apercevant, 
d'autre  part,  que  leur  nation  était  de  tous  côtés  envahie  et  péné- 
trée par  l'élément  musulman,  les  khans  mongols  ne  songèrent 
plus  qu'à  sauvegarder  leur  propre  indépendance  en  se  rappro- 
chant des  princes  mahométans.  Sous  cette  préoccupation,  ils 
embrassèrent  le  mahométisme  et  firent  la  paix  avec  les  sultans 


400  REVUE   DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

mamlouks.  Déjà  Khazan,  sans  abandonner  complètement  les 
Arméniens,  s'était  déclaré  musulman,  vers  1296,  et  avait  en- 
voyé des  ambassadeurs  au  sultan  du  Caire  (1).  En  1304,  à  Khazan 
succédait  son  frère  Oldjaïtou  ou  Kharbendeh  (1301-1317).  Ce 
prince,  né  d'une  mère  chrétienne  et  baptisé  sous  le  nom  de  Ni- 
colas par  son  père  Argoun,  avait  passé  au  niahométisme.  Cepen- 
dant il  ne  se  montra  point  d'abord  hostile  aux  Arméniens;  mais 
vers  la  troisième  année  de  son  règne,  son  fanatisme  se  révéla. 
Les  chrétiens  de  la  Grande-Arménie,  de  l'Ibérie  et  de  l'Albanie 
furent  sommés  d'embrasser  le  mahométisme.  Ceux  qui  refusè- 
rent —  et  ce  fut  le  plus  grand  nombre  —  furent  condamnés  à 
payer  une  lourde  taxe  et  à  porter  un  vêtement  qui,  en  les  distin- 
guant des  musulmans,  les  désignait  à  leurs  outrages.  Plusieurs 
essayèrent  de  se  soustraire  à  de  telles  vexations  ;  mal  leur  en 
prit;  aux  uns  on  brûla  un  œil  avec  un  fer  rouge  pour  les  rendre 
semblables  à  Oljiaptou  qui  était  borgne  ;  d'autres  furent  circoncis 
ou  même  subirent  une  mutilation  plus  honteuse. 

Héthoum  et  Léon  ne  virent  que  le  commencement  de  la  com- 
plète volte-face  des  Tartares  de  Perse  ;  ils  restèrent  leurs  alliés  et 
furent  traités  comme  tels  par  les  Mamlouks.  En  1305,  sous  pré- 
texte que  le  roi  de  Sis  n'a  point  envoyé  à  temps  le  ti'ibut  promis, 
le  gouverneur  d'Alep,  Schems-ed-Din  Kara-Sonkor,  fait  envahir 
la  frontière  orientale  de  Cilicie  par  son  mamlouk  Kousch-Ti- 
mour.  Celui-ci,  à  la  tête  de  2.000  hommes,  pille  les  villages  et 
capture  une  multitude  de  femmes  et  d'enfants.  Mais  un  détache- 
ment de  Mongols,  également  envoyés  pour  lever  le  tribut 
convenu  avec  les  Arméniens,  vint  en  aide  à  ces  derniers,  ainsi 
qu'un  petit  nombre  de  Francs.  Kousch-Timour,  qui,  au  témoi- 
gnage d'Aboulféda,  avait  l'habitude  de  s'enivrer,  se  laissa  sur- 
prendre, au  retour,  dans  le  défilé  de  Baghras,  et  s'enfuit  avec 
peine  à  Alep,  après  avoir  perdu  la  plupart  de  ses  soldats. 

En  dépit  de  ce  brillant  succès,  Héthoum,  soucieux  de  prévenir 
les  représailles  de  son  puissant  adversaire,  fit  dire  à  Kara- 
Sonkor  que  si  la  troupe  de  Kousch-Timour  avait  été  extermi- 


(1)  Khazan,  comme  Houlagou,  avait  été  favorable  aux  chrétiens.  Mais  l'histoire 
de  son  baptême,  racontée  par  Villani  (Muratori,  XIII,  360),  ne  semble  pas  fondée  ; 
le  silence  de  Ilayton,  à  cet  égard,  est  significatif...  Sur  les  rapports  des  papes  et 
des  princes  occidentaux  avec  les  Mongols,  voir  l'indic.  des  sources  dans  les  Ar- 
chliKs  deVOrient  latin,  18S1,  t.  1,  pp.  GlJ-651  et  l'article  suivant  de  notre  Histoire. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE   L'aRMÉNIE.  401 

née,  la  faute  en  était  surtout  aux  chefs  tartares  ;  il  s'offrait  à 
solliciter  de  Kharbendeh  la  délivrance  de  quatre  officiers  égyp- 
tiens retenus  prisonniers.  Il  semble  que  le  gouverneur  d'Alep 
fut,  pour  le  moment,  satisfait  de  ces  avances. 

Ce  différend  à  peine  réglé,  Héthoum,  en  dépit  des  instances 
de  son  entourage,  résigna  une  troisième  fois  la  couronne,  pour 
reprendre  l'habit  monastique.  Non  marié,  il  fit  couronner  roi  à 
Sis  son  neveu  Léon,  fils  de  Tlioros  III  et  de  Marguerite  de  Lu- 
signan,  et  âgé  de  seize  ans  (1305).  Aussi  docile  qu'intelligent, 
Léon  IV,  dans  toutes  les  questions  graves,  rechercha  les  con- 
seils de  son  oncle.  Partisans  convaincus  de  l'union  de  leur 
Église  avec  l'Église  romaine  ;  se  sentant  soutenus  par  le  patriar- 
che Grégoire  VII  qui  avait  sacré  Léon  et  par  la  majorité  des 
évêques,  qui  acceptaient  comme  eux  la  suprématie  du  pape, 
peut-être  ne  se  défièrent-ils  pas  assez  de  la  résistance  et  des 
manœuvres  déloyales  de  quelques  adversaires.  Peut-être  aussi 
manquèrent-ils  parfois  de  prudence,  en  voulant  imposer  une 
certaine  uniformité  d'usages  et  de  discipline  que  n'exigeait  pas 
l'unité  de  foi. 

Un  parti  d'Arméniens  prit  prétexte  du  complet  accord  des 
deux  princes  et  du  patriarche  avec  les  Latins,  pour  susciter  aux 
premiers  de  grades  embarras.  Il  y  en  eut  même  dont  le  mécon- 
tentement, au  dire  de  Samuel  d'Ani  et  de  quelques  autres 
anciens  auteurs,  se  traduisit  par  une  odieuse  trahison.  S 'étant 
rendus  auprès  du  général  mongol  Bilarghou,  campé  près  d'Ana- 
zarbe  avec  cinq  cents  hommes,  ils  achevèrent  de  l'irriter  contre 
Léon IV  et  Héthoum;  celui-ci,  depuis  son  abdication,  se  conten- 
tait des  titres  de  grand  baron  ou  de  Père  du  roi,  mais  dirigeait 
encore  par  ses  conseils  la  politique  royale.  Déjà  Bilarghou  en 
voulait  aux  souverains  de  la  Cilicie  de  ne  lui  avoir  point  per- 
mis d'ériger  une  mosquée  à  Sis;  il  leur  reprochait  aussi  d'être 
hostiles  aux  Tartares  et  de  l'avoir  desservi  auprès  du  sultan 
d'Egypte  en  disant  que  la  Cilicie,  épuisée  par  les  chefs  mon- 
gols, devenait  impuissante  à  solder  le  tribut  dû  aux  Égyptiens. 
Les  rapports  exagérés  et  déloyaux  de  quelques  opposants  armé- 
niens poussèrent  sans  doute  à  son  comble  l'exaspération  du 
chef  barbare;  et,  le  désir  d'être  maître  de  la  Cilicie  s'ajoutant 
à  sa  soif  de  vengeance,  il  prépara  aux  chefs  arméniens  un 
infâme  guet-apens.  Invités  à  venir  à  Anazarbe  pour  conférer 


402  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

avec  lui  sur  les  questions  intéressant  le  royaume,  Héthoum  et 
Léon  s'y  rendirent  aussitôt,  escortés  de  quarante  des  prin- 
cipaux seigneurs,  parmi  lesquels  était  le  connétable  Oschïn. 
Peu  de  temps  après  qu'ils  eurent  été  introduits,  le  fanatique 
musulman  tira  son  sabre;  et,  tandis  qu'il  prononçait  le  tekbir 
(Allah  est  très  grand),  il  donna  aux  soldats  qui  l'entouraient  le 
signal  et  l'exemple  du  massacre,  auquel  nul  des  princes  et  des 
barons  arméniens  présents  n'échappa  (18  nov.  1308). 


RÈGNE    DE    OSCHÏN    (1308-1320) 

^  30.  Accord  avec  les  Latins;  Henri  II  captif;  ravage, 
échec  des  Égyptiens;  tremblement  de  terre.  —  Le  roi  et  ses 
barons  avaient  été  massacrés  sous  les  mui's  d'Anazarbe.  Le  chef 
de  la  garnison  arménienne  repoussa  les  égorgeurs  et,  au  moyen 
de  feux  allumés  sur  les  châteaux  forts,  l'alarme  parvint  bien- 
tôt jusqu'à  Sis.  Le  prince  Oschïn,  quatrième  frère  de  Héthoum, 
accourut  avec  une  petite  armée,  cliassa  Bilarghou  de  laCilicie  et 
fut  ensuite  sacré  roi,  à  Tarse,  dans  la  cathédrale  de  Sain te-So- 
pliie.  Le  nouveau  roi  avait  un  frère  jumeau,  Alinach,  qui  de- 
vait périr  le  24  août  1310,  dans  le  Cydnus.  Ce  généreux  prince, 
au  lieu  de  réclamer  la  couronne,  poursuivit  Bilarghou  à  la 
cour  d'Oldjaïtou  et  le  fit  condamner  à  mort. 

Persuadé  que  la  politique  religieuse  de  ses  prédécesseurs  était 
seule  compatible  avec  son  devoir  de  souverain  et  les  intérêts 
de  sa  patrie,  Oschïn  suivit  leur  ligne  de  conduite  :  les  opposants 
qui  avaient  combattu  son  frère  et  son  neveu  s'étant  déclarés 
contre  lui,  il  essaya  de  les  ramener  par  la  persuasion.  Cepen- 
dant, n'ayant  pu  désarmer  autrement  les  plus  opiniâtres,  il 
employa  contre  eux  l'exil  et  la  prison. 

C'était  sagesse  pour  les  rois  de  la  Cilicie  de  rester  les  alliés 
des  souverains  latins  de  Chypre,  les  seuls  princes  chrétiens  qui, 
avec  eux,  fussent  restés  debout  au  milieu  de  l'Islam.  Malheu- 
reusement, la  branche  des  Lusignan,  qui  régnait  à  Chypre, 
était  depuis  1300  profondément  divisée.  Aussi  actif  qu'ambi- 


(1)  >Sfm]iad,  Contlii.,  ad  an.  75G;  Saiiuiold'Aui,  6'o«//>j.,  mrme  année;  Héthoum 
de  (iorighos,  Hein;  Makrizi,  op.  cil.,  anno  70r  (i:î08),  p.  -279;  d'Ohsson,  p.  553. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l' ARMÉNIE.  403 

tieux,  Amaury,  prince  de  Tyr,  avait  peu  à  peu  évincé  du  trône 
le  roi  Henri  II  son  frère.  Oschïn.  dont  Amaury  avait  épousé  la 
sœur  Isabelle,  prit  parti  pour  son  beau-frère  :  les  principaux 
partisans  d'Henri  II  furent  exilés  en  Arménie;  Henri  lui-même, 
envoyé  vers  Oschïn  par  Amaury  et  Isabelle,  fut  pendant  plusieurs 
mois  interné  au  château  fort  de  Lampron  (1309-1310).  Mais,  le 
prince  de  Tyr  ayant  été  assassiné  le  5  juin  1310  par  Simon  de 
Montoliphe,  Raymond  de  Pin,  légat  du  pape,  qui  négociait  déjà 
en  Arménie  la  mise  en  liberté  du  roi,  l'obtint  aussitôt d'Oschïn. 
Henry  II  fut  réconcilié  avec  Isabelle,  et,  tandis  que  le  premier 
s'embarquait  à  Aïas  pour  aller  reprendre  à  Chypre  son  rôle  de 
souverain,  la  princesse  de  Tyr  abordait  au  même  port  avec  ses 
enfants  pour  demander  asile  à  son  frère  Oschïn  (I). 

Au  mois  de  mai  de  la  même  année  1310,  marquée  par  de  si 
tragiques  événements,  Oschïn  avait  vu  mourir  son  épouse, 
appelée  aussi  Isabelle  comme  la  princesse  de  Tyr.  Nous  pensons, 
à  rencontre  de  quelques  récents  historiens,  qu'elle  était  sœur  de 
celui  qui  sera  bientôt  le  régent  Oschïn ,  comte  de  Gorighos,  et 
non  pas  la  sœur  ou  la  fille  d'Hugues  III  de  Lusignan;  car  à 
cette  époque  il  n'existait  pas,  à  notre  connaissance,  dans  la  fa- 
mille du  roi  de  Chypre  de  princesse  du  nom  d'Isabelle.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  roi  de  Sis  épousa,  sept  ans  plus  tard,  Jeanne 
Irène,  fille  de  Philippe,  prince  de  Tarente. 

Pendant  que  par  cette  alliance  Oschïn  tâchait  de  déterminer 


(1)  La  quostioii  de  l'héritago  du  pi-inco  de  Tyr  n'étant  pas  encore  complète- 
ment régl('e,  on  avait  fait  un  nouvel  api)el  au  pape  Clément  V  (f  l:]ll).  A  sa 
mort,  la  querelle  était  assoupie,  non  entièrement  étouffée:  le  successeur  de  Clé- 
ment, Jean  XXll,  mit  tout  en  œuvre  pour  la  faire  disparaître.  Raynaldi  donne  la 
plupart  des  pièces  principales  de  ces  deux  papes  ayant  trait  aux  affaii-es  d'Ar- 
ménie (ann.  1311,  n.  77  ;  ann.  1318,  n.  8-17;  ann.  1319,  n.  10;  ann.  1321,  n.  8,  11, 
13;  ann.  1322,  n.  32-41;  ann.  1323,  n.  4  et  suiv.).  Pour  ces  démêlés  de  13UG  à  1311, 
\  oyez  aussi  Chronique  de  Chypre  de  Florio  Bustron  (éd.  R.  de  Mas  Latrie,  Paris, 
1886),  celle  de  Strambaldi  {ibld.,  1893)  et  surtout  celle  d'Amadi  {ibid.,  1891).  Elles 
sont  favoi-ables  à  Henri  II,  dont  elles  louent  la  modération  et  la  bonté.  Le  bon 
l'oi  Henry  II,  comme  l'appellent  les  chroniqueurs  de  Chypre,  parut  avoir  oublié 
ses  griefs  envers  Oschïn  et  sa  sœur  Zabloun.  En  1318,  il  offrit  secours  et  asile  aux 
Arméniens  pressés  par  les  musulmans,  et  par  cette  démarche  il  attira  sui-  son 
royaume  les  armes  sarrasines.  Ces  mêmes  chroniqueurs  (voy.  Auiadi,  p.  271) 
font  aussi  un  bel  éloge  du  roi  Héthoum  11,  que  quelques  historiens  même  armé- 
niens n'ont  pas  apprécié  à  sa  juste  valeui-  :  Héthoum,  disent  les  chroniqueurs  de 
Chypre,  était  le  bouclier  de  la  chrétienté  et  de  la  foi  catholique  sur  la  terre 
(Toutre-mer  et  sa  mort  fut  très  pn'judiciable  à  la  chrétienté. 


404  REVUE   DE   l'orient   CHRETIEN. 

dans  les  cours  d'Occident  un  courant  de  sympathie  pour  le 
petit  royaume  chrétien  d'outre-mer,  le  sultan  d'Egypte  Nacer 
Mohammed,  remonté  sur  le  trône  pour  la  troisième  fois,  in- 
corporait membre  à  membre  à  ses  vastes  États  l'ancienne  comme 
la  nouvelle  Petite-Arménie.  En  1315,  il  s'emparait  de  Mélitène 
(Malatia  )  ;  et,  bien  que  les  habitants  nmsulmans  et  chrétiens, 
dit  Aboulféda,  eussent  vécu  en  bonne  intelligence  et  fussent 
d'ailleurs  également  couverts  par  les  clauses  de  la  capitulation, 
tous  les  chrétiens  furent  traînés  en  esclavage.  Le  sort  des 
Arméniens  de  Mélitène  était  une  nouvelle  menace  à  l'adresse 
d'Oschïn.  Il  se  tourna  vers  le  pape,  le  seul  personnage  toujours 
prêt  à  venir  en  aide  aux  Arméniens.  Jean  XXII  prescrivit  à 
son  nonce  de  donner  à  Oschïn  30.000  pièces  d'or;  mais  l'appel 
du  pontife  en  faveur  d'une  nouvelle  croisade  ne  fut  pas  entendu 
des  princes  d'Occident.  —  Réduits  à  leurs  seules  forces,  les  Armé- 
niens résistèrent  cependant  à  Karaman,  le  célèbre  bey  turkoman 
qui,  de  l'empire  d'Ikonium  démembré,  s'était  adjugé  la  Phry- 
gie.  Il  venait  de  ravager  les  environs  de  Tarse,  quand  le  baron 
Oschïn,  comte  de  Gorighos,  le  surprit  au  pont  de  Pompeiopo- 
lis,  près  des  ruines  de  l'antique  Soli,  et  le  força  de  s'enfuir 
(1319). 

L'année  suivante,  une  troupe  d'Égyptiens,  envoyée  par  Melik- 
en-Nacer  pour  piller  la  partie  orientale  delà  Cilicie,  était  aussi* 
dispersée  par  les  Arméniens  à  Perikargou,  près  d'Aïas 
(22  septembre  1320). 

Le  roi  Oschïn  n'avait  pas  vu  ce  dernier  succès;  il  était  mort 
le  20  juillet,  pendant  que  les  bandes  d'En-Nacer  ravageaient  les 
environs  de  Sis.  La  terre  et  les  hommes  semblaient  conspirer 
ensemble  pour  accabler  les  fils  de  Haïg.  Deux  ans  aupara- 
vant, un  violent  tremblement  de  terre  avait  renversé  plusieurs 
villages  dans  les  provinces  d'Ararad  et  de  Siounie.  Ani  avait 
été  détruite;  ses  habitants  s'étaient  dispersés  dans  le  Vasbou- 
ragan,  la  Perse,  la  Tartarie,  la  Crimée  et  jusque  dans  la  Polo- 
gne et  la  Valachie,  oti  vivent  encore  leurs  descendants. 

LÉON  V   (1320) 

^  31,  Le  régent  Osc/ïin  fait  emprisonner  Zabloun;  ruine  de 
Aïas;  ligue  musulmane  ;  trêves.  —  Léon  V,  l'héritier  d'Oschïn, 


HISTOIRE   POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE   DE    l'aRMÉNIE.  40j 

était  né  de  sa  première  épouse,  Isabeau.  Il  n'avait  que  dix  ans. 
Son  père,  avant  de  mourir,  avait  nommé  régent  le  général 
Oschïn,  comte  de  Gorighos.  Celui-ci,  quelques  années  plus  tard, 
donna  sa  fille  en  mariag-e  au  jeune  roi  (1);  lui-même  épousa  la 
reine  Jeanne,  et  prit  les  titres  de  baïle  (rég-ent),  de  «  père  du 
rui  »,  de  baron  de  la  Cilicie  et  de  l'Isaurie.  Son  frère  Constan- 
tin fut  nommé  généralissime,  à  la  place  du  général  Héthoum, 
décédé.  Des  chefs  arméniens  en  prirent  prétexte  pour  conspirer 
contre  le  régent  ;  ils  y  étaient  aussi  excités  par  Isabelle  (Za- 
bloun),  sœur  du  dernier  roi  et  veuve  d'Amaury,  comte  de  Tyr. 
Oschïn  envaliit  Tarse,  captura  Isabelle  et  son  fils  Henri,  et 
les  fit  mener  à  Sis,  où  ils  moururent  dans  un  cachot  (1323). 
Deux  autres  fils  d'Isabelle,  Jean  et  Guy,  s'étaient  réfugiés  près 
de  leur  oncle  Henri,  roi  de  Chypre.  Ce  dernier,  alors,  se  crut 
libéré  de  ses  anciens  engagements  envers  le  roi  de  Cilicie;  mais 
l'accord  fut  rétabli  par  le  pape.  Aux  yeux  de  Jean  XXII,  en 
effet,  comme  aux  yeux  du  sultan  d'Egypte,  la  Petite-Arménie 
représentait  le  dernier  boulevard  de  la  chrétienté  en  Asie. 

En  1321,  à  l'instigation  de  Melik-en-xNacer,  Timourtasch, 
qui  gouvernait  le  pays  de  Roum  (Ikonium)  au  nom  des  ïar- 
tares,  avait  ravagé  le  district  de  Sis  et  traîné  en  captivité  des 
milliers  de  prisonniers.  Le  roi  et  beaucoup  d'habitants  avaient 
dû  abandonner  Adana  et  Mopsueste  et  se  réfugier  à  Aïas  (2). 

L'appel  réitéré  des  Arméniens  aux  princes  d'Occident  ne 
leur  était  d'aucun  secours  et  exaspérait  leurs  ennemis  :  Nacer, 
déjà  maître  d'une  partie  de  l'ancienne  Petite-Arménie,  de  la 
Syrie  et  de  la  Mésopotamie,  était  pressé  d'en  finir  avec  ces  alliés 
des  anciens  croisés.  A  une  coalition,   hélas  !  imaginaire  des 


(1)  Par  une  lettre  du  10  août  lo-Jl,  le  pape  Jean  XXII  accorde  au  iiatriarche 
arménien  le  pouvoir  de  lever  l'empêchement  de  consanguinité  entre  Léon  V  et 
sa  cousine  Alice,  la  fille  du  comte  Oschïn;  c.  Il,  3ul%  dans  VOrbis  chrisl.  de  H. 
Suarez  (B.  nat.,  L.  8984),  t.  XXII,  Pair.  Constantin...  cité  dans  les  Arch.  deVO- 
rienl  latin,  1. 1,  p.  267.  Dulaurier  {Duc.  arm.,  I,  p.  cxiv)  et,  après  lui,  E.  Rey  {Faiailles 
d'Oui re-Mer  de  Ducange,  p.  158)  se  sont  donc  trompés  en  disant  qu'Isabeau,  la 
1""  épouse  du  roi  Oschïn,  était  sœui'  d'Amaury  de  Lusigan  ou  tille  d'Hugues  III  de 
Chypre.  Elle  était  sœur  du  bade  Oschïn,  comme  on  le  voit,  et  celui-ci  était  l'oncle 
de  Léon  V. 

(2)  Voir  les  Continuateurs  de  Samuel  d'Ani  et  de  Sempad,  an.  770  (1321).  Un 
peu  plus  tôt,  le  pape  Jean  XXII,  en  raison  du  dépeuplement  de  Mopsueste,  rat- 
tachait au  titulaire  de  cet  archevêché,  Thomas,  l'église  de  Saint-Laurent  d'Aïas 
(28  sept.  1320),  c.  II,  326".  H.  Suarez,  op.  cit. 


406  REVUE   DE    l'orient   CIIRÈTIEN. 

princes  chrétiens,  il  opposa  celle  d'une  partie  de  l'islamisme; 
il  réunit  dans  sa  ligue  les  troupes  turques  sous  le  commande- 
ment de  l'émir  Omar  et  des  légions  tartares  voisines  de  la  Ly- 
caonie,  sous  la  conduite  du  général  Timourtasch.  Trente  mille 
Tartares  et  Turkomans  ravagèrent  d'abord  la  Cilicie,  et  emportè- 
rent un  riche  butin. 

A  peine  s'étaient-ils  retirés  que  les  Mamlouks  reparurent, 
détruisant  ce  qui  avait  échappé  aux  hordes  turkomanes,  de- 
puis Aïas  jusqu'à  Adana,  tuant  ou  réduisant  en  captivité  les 
Arméniens  qui  ne  purent  s'enfuir. 

Vainement  une  petite  troupe  de  jeunes  Arméniens  tombâ- 
t-elle à  rimproviste  sur  les  envahisseurs  campés  sur  la  rive 
gauche  du  Pyramus;  une  partie  de  l'armée  ennemie,  après 
avoir  reculé,  se  reforma,  franchit  le  ileuve  sur  un  pont  de  ba- 
teaux et,  refoulant  les  Arméniens  sous  les  murs  de  Missis,  leur 
tua  vingt  et  un  chevaliers  et  plusieurs  seigneurs,  parmi  lesquels 
on  comptait  le  baron  Héthoum,  seigneur  de  Tchelganotz,  et  le 
baron  Oschïn,  fds  du  maréchal  Constantin,  frère  du  régent 
Osehïn. 

Pendant  que  les  Arméniens  résistaient  ainsi  dans  une  lutte 
trop  inégale,  le  pape  Jean  XXII  écrivait  en  leur  faveur  au  roi 
Philippe  V  de  France  (22  juin  1322).  Le  4  juillet  suivant,  il 
recommandait  la  même  cause  au  khan  mongol  de  Perse,  Abou- 
Saïd  (1317-1335);  et  ce  dernier  reprenant  la  politifpie  de  ses 
prédécesseurs  envoyait  20.000  Tartares  au  secours  de  la  Cili- 
cie. Les  Arméniens  obtinrent  alors  de  Malek-en-Xacer  une 
trêve  de  quinze  ans  ;  elle  fut  conclue  à  Alep,  en  1323,  par  l'inter- 
médiaire du  catholicos  Constantin  IlL  On  promit  aux  Égyptiens 
un  tribut  annuel  de  50.000  florins  avec  la  moitié  du  revenu  des 
douanes  d'Aïas  et  du  sel  vendu  aux  étrangers.  A  ces  condi- 
tions, le  sultan  évacua  la  Cilicie  et  permit  de  relever  les  places 
qu'il  avait  ruinées,  sauf  la  forteresse  maritime  d'Aïas  (1). 


(1)  Voir  les  lettres  de  Jean  XXll  au  khan,  dans  Rayualdi  (éd.  Thoiner).  ad  ann. 
l:{22,  n.  XLI  et  suiv.  —  Le  traité  de  paix,  ibid.,  ad  ann.  1323,  p.  200,  n.  i>;  — 
Langlois,  le  Trésor  des  Chartes  d'Arménie,  p.  232-233.  Pegolotti,  Pralh-a  délia 
mercalura,]).  71,  fixe  le  tribut  à  1.200.000  dirhems,  petites  pièce.s  d'argent  dont 
le  nom  e.st  dérivé  de  drachme  et  d'un  poids  moyen  de  2  gr.  00  à  3  gr.  Jean  XXII 
écrivant  au  roi  de  France  évalue  la  somme  à  .jO.OOO  (lorins  (Raynaldi.  ad 
ann.  1323,  ii.  0  et  10:  voy.  ann.  1321,  n.  12;  ann.  1320.  n.  21-2."0. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  407 

§  32.  Appels  au  pape  et  aux  ptinces  occidentaux;  cruauté 
du  roi;  second  mariage;  pair  onéreuse.  —  La  paix  précédente 
était  trop  précaire  et  trop  désavantageuse  du  côté  des  Armé- 
niens. Aussi  le  roi  et  le  catholicos  continuaient-ils  de  pousser 
vers  le  pape  un  eri  de  détresse.  Mais,  à  leur  appel,  .lean  XXII 
ne  pouvait  que  répondre  par  l'envoi  de  30.(.»0U  tlorins  qui  les 
aidaient  à  réparer  d'immenses  ruines.  Un  seul  roi,  Hugues IV  de 
Chypre,  concluait  une  étroite  alliance  avec  Léon  V,  et  méritait 
ainsi  les  lélicitations  du  pape  (l'avril  1327).  Philippe  VI  de 
Valois,  roi  de  France,  croyait  avoir  assez  fait  en  envoyant  à  la 
Cilicie  10.000  l»esants  d'or  (1331)  et  en  ajoutant  deux  ans  plus 
tard  l.OOo florins  pour  la  reconstruction  des  forteresses.  Sur  les 
instances  de  Jean  XXII  et  de  son  successeur,  Benoît  XII,  le 
roi  de  France  promettait  enfin  de  se  concerter  avec  les  rois  d'An- 
gleterre, d'Aragon  et  de  Bohême  et  de  partir  pour  la  croisade. 
Mais  au  moment  où  il  agitait  ce  projet,  la  Fiance  sortie  épuisée 
de  la  guerre  de  Flandre  allait  commencer  sa  longue  et  désas- 
treuse lutte  contre  l'Angleterre  (1330).  —  D'autres  nations  obéis- 
saient à  regret  à  l'ordi-e  du  pape,  qui  interdisait  aux  chrétiens 
tout  commerce  avec  les  musulmans  afin  de  réduire  ceux-ci  à 
l'impuissance.  Les  Génois,  à  force  de  se  plaindre  du  déclin  de 
leur  prospérité  passée,  obtenaient  du  pape,  pour  deux  ans,  le 
privilège  de  trafiquer  dans  des  ports  accessibles  aux  Sarrasins, 
à  la  condition  expresse,  toutefois,  de  ne  fournir  à  ces  derniers 
ni  armes,  ni  fer,  ni  I»ois  pour  leurs  constructions  navales  (1325). 

Si  la  cause  de  l'Arménie  devait  être  sympathique  à  tous  les 
chrétiens,  le  prince  qui  la  représentait  alors  semblait  d'ailleurs 
peu  fait  pour  lui  rallier  les  dévouements  dont  elle  avait  be- 
soin. Le  2()  janvier  132î),  il  faisait  arrêter  et  mettre  à  mort  le 
régent  Oschin,  comte  de  Gorigiios,  et  son  frère,  le  connétable 
Constantin;  et,  pour  faire  sa  cour  à  ses  deux  redoutables  voi- 
sins, il  envoyait  la  tête  d'Oschïn  à  Melek-en-Nacer  et  celle  de 
Constantin  au  khan  mongol  Abou-Saïd.  La  femme  de  Léon  \ 
était  fille  du  régent;  il  prétendit  qu'elle  trompait  son  époux  et 
la  tua  dans  un  accès  de  fureur.  Devenu  veuf  à  19  ans,  il  épousa 
en  1333  la  veuve  de  Henri  II  de  Chypre,  Constance  Éléonore, 
fille  de  Frédéric  II  de  Sicile.  Si  utile  que  fût  cette  alliance,  elle 
était  le  fruit  d'un  crime  et  devait  donner  un  nou^  el  aliment 
à  l'opposition  des  barons  contre  le  roi. 


408  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

Les  circonstances  étaient  trop  favorables  pour  que  Melek- 
en-Nacer  les  laissât  passer.  Après  avoir  subi  un  grave  échec  à 
Aias  (25  novembre  1330),  les  Mamlouks  reprirent  cette  ville 
l'année  suivante.  En  1335  et  en  1336,  au  seul  bruit  d'une  croi- 
sade préparée  par  Philippe  VI,  ils  envahirent  à  nouveau  la 
Cilicie.  La  première  fois,  le  sultan,  pour  ne  point  paraître  violer 
ouvertement  son  pacte,  avait  confié  ses  troupes  à  l'émir  d'Alep, 
Altoun  Bougha,  qui  dévasta  Mopsueste  (Missis),  Adana,  Molé- 
von  et  s'avança  jusqu'à  Tarse,  d'où  il  se  retira  chargé  de  butin.  A 
cette  invasion  succéda  celle  des  Karamans  qui  ne  fut  guère  moins 
meurtrière.  Léon  envoya  au  sultan  des  ambassadeurs.  Mais 
ceux-ci  furent  arrêtés  par  le  gouverneur  d'Alep,  et  l'un  d'eux, 
le  maréchal  Baudoin,  mourut  en  prison  (12  décembre  1336). 
—  Enfin,  le  roi  obtint  la  paix  à  d'humiliantes  conditions.  11 
abandonnait  Aïas  et  ses  autres  possessions  jusqu'à  la  rive  du 
Djihan.  De  plus,  par  un  serment,  prononcé  sur  les  Saints 
Évangiles,  il  s'engageait  à  n'avoir  plus  aucune  relation  amicale 
avec  les  chrétiens  d'Occident  (1337).  Comme  nonobstant  cette 
promesse,  extorquée  par  la  crainte,  Léon  continuait  de  corres- 
pondre secrètement  avec  les  princes  latins,  il  souleva  une  vive 
opposition  de  la  part  du  catholicos  Jacques  II  et  d'un  certain 
nombre  de  seigneurs.  Aux  menaces  d'excommunication  il  ré- 
pondit en  déposant  Jacques  II.  Le  parti  des  mécontents  n'en 
devint  que  plus  implacable;  et  l'on  raconte,  mais  sans  preuve 
suffisante,  que  des  fanatiques  outrés  de  voir  le  roi  si  uni  aux 
Latins  l'assassinèrent  (28  août  1341).  Ce  meurtre,  en  effet, 
affirmé  par  Villani,est  passé  sous  silence  par  Dardel  (1). 

(A  suivre.) 

Fr.  Tournebize. 

(1)  Voir  le  cIi.  25  de  \a  Chronique  de  Dardel,  publiée  par  IM.  Ch.  Koliler,  t.  II 
des  Docum.  arm. 


OFFICE  DE  SAINTE  MARINE 

{Suite) 


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410  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 


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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  411 

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ORIENT    CHRÉTIEN.  28 


412  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  '  413 

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414  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  415 

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416  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE    :\IARIXE.  417 


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418  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  419 


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420  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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M..o;âj9  JL_^^a.**  yot  »:«  '«i-^I^  ^«=^0  t^zi^^i  )Jo  JLd^QLMid 

Va,^J  lof    JLâ9  JL»0    *>   *ri»(YI<^   u^V^£DO    ^i*^^|lo    ^lcL^,l 

J:^^9  lot- ^JL^  ^i   )vâ«oo  .  v^À^^  ^  >&.^A.9  JLl»)Jo  ^ 

J)  yl^  u.â^  lodf  JLa^ax  JLo  ♦>  ^lo*..^  JJ  CH.^  ^♦^xsaio^o 

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OFFICE    DE    SAINTE    M4RINE.  .  421 

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yO — io  hl  >Xi^  y  h^l  ll^oj^  w.^X  ^^4»»  ^î^  .  ^^Xï3^^«^9 

.^  ll^a — ^^l  u>'^viv  »'^v>^  u.^V^  )     >;v>N.  ^o  m  A  )Jo 

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422  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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JLla.  Ioa^  ^o  U^l  ^o  JukA^  f  ■*-^?  *  JLa«X  AJi  Jo^^^ 
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jL i9i.£E>0  JL^^J^    w.lt^  ^«^^    9^^*^^  «^^d^A,    «t.    y09«.i2>^ 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  423 

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)j^_:s.oJ^-s^  N)^  Jlïov^  JLiioa*  ,jsû:^  ^^r-^  IJ^oJ^^^ 

j— «O  N;^^^  JijJ^<^  JLM»-.Ai05    OV^^^olJ   ^CLsIj  ^^^  ^OV^^9 

1 i^^l  jLu;.^  fj^oJ^-^  ^A^.^^  tombai  !  JLicot  ôjc  o>^ 

Jl iû^^Jl  oîi^o  lov^  l^  )a — *Vio  IJ^oK^  )a^o 

\j^««1^o  JLv^o^  K^M.^^  Jl^^a^  V^bo  ja:^Jb  |j^oJ^^9 
Jl,  Jo^o^o .  Ilt^  <AjaL^.da^  ,\*  jLjcof  •  wiaAA*Jbo  lov^JLd  «^^^o) 

,**  i-^^9  <*  llrt'^'V^Q.'»  ^l  lU)  Uo  llof^  V?-^'^'  ùi^aL^l 
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424  REVUE    DE    l'orient   CHRETIEN. 

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OFFICE    DE    SAINTE   MARINE.  '  425 


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426  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

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OFFICE    DE    :>AI\TE    MARINE.  427 


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ORIENT    CNRÉTIEN. 


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428  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  120 


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430  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

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OFFICK    DF    SAINTE    MAHINR.  431 

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I — "ûs^J  ovi^o  JLo;^  )Jo  Jl.'>:^^o  •  li^;^^  ^l;.^  Jl^^l  ^^k:^ 

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432  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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OFFICE    I)F,    SAINTE    MARINE.  433 

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134  REVUE    DE    l/OIlIENT    CHRÉTIEN 

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OFFICE    DE    SAINTE    MARINE.  435 

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Jl a!  Il  ;oV^  ^JL*  ^SÎ  l).   >aA.  ''^^sO  j -.So  llj-»,-^   |3 

)J  >y     .cpo  ^:ïû.v.  JLd;j3  «-«^i^N^o  ii-xo  «xo   -^j^^  -^  ù>ii  --jj^  (  *  ) 

*^.      >  I  p^  )L-..A^  JLv^^  ^^!  JL:^*^  >x  .fioJLi  Usî  ^Hj 


436  REVUE  DE  l'orient  chrétien. 

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1 A*^olL^    OO.Ot    OM   i    l-^^t^O  Ot^2^  JJl^i^    OO.Ot  CtiûJSo 

-50I  l  \ooM»-2t->  ^iS^aa  ^;«^-^9  ^*^*^'?  l-^ioi  j^^  J-s"  ÔA. 
;     v»)j  .  ^»^^  JL«^  ^o».  >aA,  ^^>3^  |.A.^Q.ia.A*oC^o  Iw:^ 

^  ^_^V^^  yjL**  1-0  5  .  i^A^A*o  L^^^  OÔI^    .^  yGt-^iOoVS  ♦:♦ 

^j^^KjcJo  !)-**■•*  5  );-K,^^^^U^aio^**ô»  IIv-Vj^o  )l,*^ljL**^oi 

J nv>o^  ylàx  lUo  JLas:^  ^o*o'^*^o  ^  ^ota^o^t-^ 

.  JiJoJJD  ^.^5^0  •  yioL^l  IjLJ'i,^  Iqoto  y^^  uk^o  •  JLKw»*l 
jLàot-O  oojo  •  l^^'^^  JIa<^  jX^o.;^^  )ii-A.9  i-**9oi  ^  ^i^o 

^J^ D  "f^ot^J  K^*^^,  otlo'-^^^'^  ^^s;^o  ^^f»o  v^^ot 

^-^^i^oo  •  o»laa>v^'^  "^aVJo  •  IJ^^aJ^oi^  of>^^<0-V 

t_A*0  )f>^  •  otJ^^'i^V^O  loo^lo  •  JUbâJi.3^  o^^^9  i^t^  )3^ 
ll'^^OM  Ôv-'^Ia'^^  'j^£i^^lo  '>^-i^oU  ^^  JLl^'i-^  ^1*1.^  .  JL^^ 

Vo  '.^ — îî^^j  Vo  ot^^.3  liio  )J^-aJko♦^  )^^Vo♦:>^  *U**o 
•^ — .a-ûJo  *-^C:^^J^jl!  ^)-»^l  )JJ  Jlbo-ca::^  Do  JLl«>^>>». 
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L — io  iJ^io  o(  )joo»  Il^I  ♦^  li^fio  .^  JLii.^  •  o»^^ — ^^^v^^ 

l^ot  JLuv^  ^l*«^o  |J^.A««.J5  iJ^oJ^»^)  ôv-cf^Qj:^  ..Cl  ^  m  if 
*>^^j:i.ajo  ô♦^^^^  ^v  c>»;^5  Iv-i^i^  ^!^^-^-i  ô»la^^  ^f 

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OFFICE    DF>    SAINTE    MARINE.  437 

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,ia     "VJ^^-col  l^oj)  |j^â^V^a.^o  oJ^ro^  licL^*^  u^j^ucol^ 
l^ot  •  oviA^  'J^l:^b.^o  JL'i.sa'^    IjU*  ^dJL:>  ^.«^âlo  Jl-^^i^ 

^L  oqo»^  )Lj:i;:^.iû:^  ^  \^::^)  )Jo  JL i-aiS^a^,  Lj^^IJ 

)©v— ^JLs^  lloiiû-o^^  l^^^i^Jo   J^^^-^U  W  .  IV© — ïû.^ 

^'■^N.sriv^^  \:^^  ^*^l^  )lv2ij»-  J^-^^o!  yctào!  >à^*.  \Kj3J 

\i^^^  C>»V.^^3    J^-*^oJ  IViO^^    Jl^-aj^    yCLAl^JL    s^U^  |^0( 

llo  Jl^J:>^^:î»^  JLj^.i^^  ')^^^*^f^  UâiS^  'J^^^-®  JLa-i^o 
jL^A^a^  '>^«^^jLO  ôv^Aw^^  )j^.^a«  yoo^^^  A«|,^^l  yaJt 

OVV^-O  )j^:i-CO       J^AXU  ^^JLt^    v-.^Io    JLsUO:^       J^JH^J 

©v3  'J^'^o  )j;sl^^  Ô^^C^   J^js-^aa^  )J^^Kl^^l  >^.^oov* 
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438  REVUE    DE    l'OHIENT    CHRÉTIEN. 

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MÉLANGES 


NOTE  SUR  LA  LOCALITE  PALESTINIENNE 
DITE  MAOUZA  OU  MAOZA  DE  lAMNIA 

Parmi  les  quatre-vingt-seize  signatures  qui  accompagnent 
la  lettre  adressée  au  pape  Agapet  par  les  moines  de  Constant i- 
nople,  de  Jérusalem  et  de  l'Orient,  quelque  temps  après  la  dé- 
position du  patriarche  Anthime  (muis  de  mars  536),  on  voit 
figurer  la  suivante  (I)  : 

MaouJ^a     laij.viaç,  y.y.1  ù-àp  rrâvTcov  twv  ïv.tX'jt  /,Ar,p'//.tov  -/.ai  ,acvxywv. 

«  Faustinus,  moine  et  ambassadeur  du  couvent  de  saint 
Etienne  de  Maouza  de  lamnia,  (j'ai  signé  en  mon  nom)  et  au 
nom  de  tous  les  clercs  et  moines  de  là-bas.  » 

A  peu  près  les  mêmes  moines  envoyèrent  également  une 
supplique  à  l'empereur  Justinien,  vers  la  fin  du  muis  de  mai  de 
cette  année.  La  signature  que  Ton  vient  de  lire  y  reparaît,  mais 
sous  une  forme  légèrement  différente  (2)  : 

<I>(t)T£ivoç  hXéM  0£su  [j.ova'/b^  tcD  y.\'io'j  — Tcç-âvcj  toj  MxmZx  \x[J.vh.ç 
xp(i')T'/]ç  llaXar,aT''v«^ç.  v.y}.  ÛTZïp  ttxvtwv  twv  £v  xjTfo  [j.ova-/o)v.  oir^tl: 
è-£oo)y.a. 

«  Pliotinus,  par  la  grâce  de  Dieu,  moine  (du  couvent)  de  saint 
Etienne  de  Maôza  de  lamnia  de  la  Palestine  1'%  j'ai  supplié  et 
j'ai  souscrit  (en  mon  nom)  et  au  nom  de  tous  les  moines  du 
couvent.  » 


(1)  Mansi,  Concilia,  t.  VI II,  col.  911  e. 

(2)  Mansi,  Concilia,  t.  VIII,  coI.995a. 


MÉLANGES  443 

Ces  deux  signatures,  qui  semblent  l)ien  être  dues  à  une  seule 
et  même  main  (1),  présentent  un  certain  intérêt  et  méritent 
que  nous  nous  y  arrêtions  un  instant. 


Elles  nous  fournissent  d'abord  la  transcription  grecque  du 
nom  d'une  localité  qui  est  mentionnée  à  quatre  reprises,  sous 
sa  forme  araméenne,  dans  la  version  syriaque  de  la  Vie  de 

Pierre  l'Ibérien  (2)  :  l)  p.  123,  1.  5  :  jjg^^  V^fK^o;  oou^ 
)KjL*po  ^.^1  v>..»»;  2)  126, 1.  21  :  ^«>  i  v>  i»  )jo  «.  v>  oous 
)Kjl.^;   3j   p.    143,   1.    14  :  ^«jl.^cl.9   )jo*.->o  ooi  ^^;   4) 

p.  139,  1.  1  :  ))a.*A^o  oot-s. 

M.  Raabe,  le  traducteur  de  la  Vie  de  Pierre  VIbérien,  a 

considéré  dans  ces  passages  le  mol  )ja,.ww^  comme  un  nom 

commun  et  l'a  rendu  par  «  Vorstadt  »  (faubourg)  (3).  Les  signa- 
tures citées  plus  haut,  ainsi  qu'un  passage  des  P/t''>*op/K)>'/<?s  de 
Jean  de  Maïouma  que  nous  allons  signaler,  montrent  que  c'est 
un  nom  commun  devenu  mvn  propre.  11  ne  doit  donc  pas  être 
traduit,  mais  transcrit.  On  interprétera  par  conséquent  les 
passages  en  question  par  :  1)  «  au  (lieu)  dit  Maouza  de  <  la 
ville  de  >  lamnia  »  ;  2)  «  à  Maouza  de  <  la  ville  >  de  lam- 
nia  »  ;  3)  «  à  Maouza  de  lamnia  »  ;  4)  «  à  Maouza  ». 

Si  l'auteur  de  la  version  syriaque  de  la  ]'ie  de  Pierre  l'Ibé- 
rien a  substitué  à  la  transcription  Maouza  ou  Maw^a  du  texte 

original  la  forme  araméenne  jjo.^^,  le  Syrien  qui  a  traduit 

les  Plérophories  de  Jean  de  Maïouma  s'est  borné  à  transcrire 

servilement  le  nom  de  cette  localité  :  sop).^.jlm.»;  )jo).^CLd  est. 


(1)  <I>wT£iv6;  étant  lo  nom  d'un  hôrétiquo  (comme  tel  il  n'aura  guère  été 
porté),  nous  considérons  plutôt  <ï>auTTÏvoi;  comme  le  véritable  nom  de  ce  moine 
de  Maouza  de  lamnia. 

(Î5)  R.  Raabe,  Pelrus  der  Ihcivr,  herausgegeben  und  iibersetzt.  Leipzig,  Ilin- 
rich,  1895. 

(3)  P.  114,  1.  27;  p.  117,  1.  19  etc.  —  M.  Chabot  a  attribué  le  même  sens  à  ce 
moi{Pierre  l'Ibérien,  évêque  monophysUe  de  Mayuuma  [Gazci]  à  la  fin  du  V^  siècle, 
Paris,  Leroux,  p.  2.3,  1.  11). 

ORIENT    CHRÉTIEN,  30 


444  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

en  effet,  un  simple  décalque  de  h  Maou^a  ly.[j.viy.:  (1).  Le  passage 
des  Plérophories  est  précieux  :  il  confirme  l'existence  de 
Makouza  comme  nom  propre.  Cette  existence  est  également 
attestée  «  par  les  anciens  auteurs  arabes  qui  connaissent 
encore  MâJiouz  Youbna  (2)  ». 


Les  deux  signatures  nous  apprennent  encore  qu'il  existait  en 
536  à  Maouza  de  lamnia,  un  couvent  de  moines  orthodoxes  (3), 
dit  couvent  de  saint  Etienne.  Ce  couvent  n'est  pas  mentionné 
dans  la  Me  de  Pierre  l'Ibërieu.  Peut-être  n'existait-il  pas  encore 
à  l'époque  où  Pierre  séjourna  à  Maouza  de  lamnia  avec  ses 
disciples,  c'est-à-dire  en  488  (4).  Le  biographe  de  Pierre  nous 
donne  toutefois  un  renseignement  qui  explique  le  nom  de  ce 
couvent.  Il  nous  apprend  que  l'impératrice  Eudocie  bâtit  à 
Maouza  de  lamnia  (un  village  (.j)  dont  tous  les  habitants  étaient 
des  Samaritains)  une  grande  église  sous  le  vocable  et  pour  la 
déposition  d'Etienne  le  protomartyr,  de  Tapôtre  Thomas  et  de 
beaucoup  de  saints  martyrs  (G).  Tl  résulte  de  ce  renseignement 

•  (1)  F.  Nau,  Les  Plérophories  de  Jean,  rvèt/iie  de  Maiuuinu,  Paris,  Leroux,  p.  70, 
chap.  Lxxvi.  M.  Erruoni  {BuUelln  eriUque,  I8il!),  ]>.  3()(i)  et  M.  Clormont-Ganiioau 
{Ilecueil  d'archéologie  orienlale,  t.  III,  p.  212)  ont  cru  qu'il  fallait  corriger  lloi-io 
on  lia»»v5.  La  transcription  grecque  Maouza  ou  ^\cuùX,d.  montre  que  cette  correction 
n'est  nullement  nécessaire.  —  On  sait  que  Michel  le  Syrien  a  inséré  un  long 
résumé  des  Plérophories  de  Jean  de  Maïouma  dans  sa  Chronique  (1.  VIII).  Le 
cliai)itre  lxxvi  y  correspond  au  chap.  i,xi,  mais  le  nom  de  la  localité  qui  nous 
intéresse  est  omis  (.I.-B.  Chabot,  Chronique  de  Michel  le  Syrien,  t.  II,  p.  <S5 
de  la  traduction). 

(2)  Clermont-Ganneau,  Recueil  d'archéolni/ie  orientale,  t.  III.  p.  212.  et  Études 
d'archéologie  orienlale,  t.  II,  p.  5. 

(3)  Dans  la  première  lettre,  les  moines  se  jjlaignent  que  les  acép/mles  et  les 
sc/iismaliques  commettent  des  sacrilèges  contre  les  églises,  contre  le  jiape  et 
contre  rcmpereur,  et  demandent  au  pape  de  les  chasser  et  de  les  punir  eoulor- 
mément  aux  canons;  dans  la  seconde,  ils  prient  l'empereur  d'ordonner  au  pa- 
triarche Menas  et  au  concile  (assemblé  à  (ionstanlinople  en  530)  de  tenir  une 
nouvelle  séance  pour  punir  Sévère,  Pierre  et  Zoaras. 

(4)  Pierre  passa  les  deux  derniers  mois  de  sa  vie  à  Maouza  de  lamnia,  dans 
une  hôtellerie  qui  avait  été  bâtie  par  les  soins  de  l'impératrice  Eudocie  (Petriis 
der  Iberer,  p.  123  et  suiv.).  Il  y  mourut  le  \"  décembre  188.  Cf.  M. -A.  Kuoeneu, 
Observations  sur  la  Vie  de  l'ascète  Isaïe  etc.  dans  la  fSyzantinisc/ie  Zeilschrift, 
IX,  406. 

(5)  Pelrus  der  Iberer,  p.  123,  1.  M;  j).  127,  1.  2;  p.  137,  1.  20:  j).  13,s,  note  9. 
(0)  Pelrus  der  Iberer,  p.  123,  1.  15-17. 


MÉLANGES.  445 

que  le  couvent  des  moines  orthodoxes  a  emprunté  son  nom  à 
Téglise  construite  par  l'impératrice  Eudocie(l). 

M.  Clermont-Ganneau  identifie  la  localité  que  nous  appelons 
Maouza  de  lamnia  avec  le  port  actuel  Mincit  Roidiin,  qui  est 
situé  à  7  kilomètres  au  nord-ouest  de  Yebna  (lamnia)  (2).  Cette 
identification  nous  parait  absolument  certaine.  Maouza  de  lamnia 
était  en  effet  situé  sur  le  bord  de  la  mer  (3),  dans  le  voisinage 
d'un  fleuve  (1).  Or,  ce  fleuve,  dont  le  nom  n'est  pas  donné, 
n'est  autre  que  le  Roubin.  On  pourrait  supposer  tout  au  plus 
que  le  village  était  situé  un  peu  plus  près  du  fleuve. 

Bruxelles. 

M. -A.  KUGEXER. 


(1)  La  notice  que  M.  Vailiié  a  consaci'c'e  à  lamnia  dans  son  Rcpertoire  alpha- 
bclique  des  monastères  de  Palestine  (Revue  de  l'())'ient  Chrétien,  t.  IV  [LS'.tO], 
p.  511)  doit  être  modifiée  dans  le  sens  que  nous  venons  d'indiquer. 

(2)  Recueil  d'nrehéuluijie  orientale,  t.  III,  p.  "iAi. 

(3)  Pelrus  der  Iberer,  p.  1-23,  1.  6;  p.  Vil,  I.  ii;  p.  128,  1.  22. 
(1)  Pctrus  der  Iberer,  p.  128,  1.  5. 


BIBLIOGRAPHIE 


Jos.  Strzygovvski,  I.  —  Byzantinische  Denkmàler  III,  Ursprung, 
und  Sieg  der  Altbyzantinischen  Kunst.  —  Wien,  1903.  Iu-4",  p.  xxviii- 
126,  avec  4  planclies  et  13  illustrations  dans  le  texte. 

II.  —  Der  Dom  zu  Aachen  und  seine  Entstellung.  —  Ein  protest.  — 

Leipzig,  1904.  In-8'^,  p.  vi-102,  avec  2  planches  et  44  illustrations  dans  le 
texte. 

Le  nom  de  M.  Strzygowski  n'est  inconnu  pour  aucun  des  lecteurs  de  la 
Revue  et  tous  savent  déjà  de  quelle  façon  le  distingué  professeur  de  Graz 
est  intervenu  dans  le  débat  sur  l'origine  de  l'art  clirétien,  qui  divise 
depuis  si  longtemps  les  savants. 

Avec  l'entrain  que  donne  l'enthousiasme  d'une  découverte,  M.  St.  rom- 
pit en  visière  avec  les  vieilles  idées,  plus  ou  moins  acceptées  par  la  ma- 
jorité des  savants,  et  lança,  il  y  a  déjà  plusieurs  années,  une  théorie  nou- 
velle qui  bientôt  fit  fortune.  Selon  lui,  ce  n'est  point  du  tout  sous  l'influence 
d'un  art  romain  impérial,  —  qui  peut-être  n'exista  jamais,  du  moins  avec 
l'universalité  qu'on  lui  prête,  —  que  naquit,  se  développa  et  se  répandit 
l'art  chrétien;  mais  c'est  l'Orient  hellénisé,  avec  ses  écoles  régionales 
d'Alexandrie,  d'Antioche,  d'Éphèse,  d'AnatoIie  surtout,  qui  eut  un  rôle 
essentiel,  exclusif  même,  dans  sa  genèse.  Point  n'est  besoin  d'être  parti- 
san irréductible  de  Wickhoff  pour  être  frappé  par  tout  ce  qu'il  a  de  neuf 
dans  cette  théorie  et  pour  sentir  aussi  tout  ce  qu'il  y  a  de  hardiesse  dans 
cette  réaction  énergique  contre  des  préjugés  déjà  anciens  et  une  doctrine 
jouissant  presque  du  bénéfice  de  la  prescription. 

I.  —  Avec  l'ardeur  de  sa  conviction,  M.  St.  est  revenu  bien  des  fois  à 
la  charge  dans  l'exposition  de  sa  thèse  et  c'est  toujours  pour  l'affirmer 
davantage  et  l'étayer  de  nouveaux  arguments  (1).  Le  fascicule  que  nous 
avons  l'honneur  de  présenter  aujourd'hui  à  nos  lecteurs  est  le  troisième 


(1)  ConsuUer  surtout  les  deux  ouvrages,  où  M.  Strzygowski  a  donne  le  plus  d'ampleur 
au  développement  de  ses  idées,  et  où  sa  méthode,  en  se  faisant  plus  rigoureuse,  inspire 
le  plus  de  confiance  :  Orient  oder  Rom,  Deitrâge  zur  Gesctnclite  der  spâtanliken  und 
frûlicliristlicfien  Kunst,  Leipzig  1901;  Kleinasien,  ein  Neuland  der  KunslgescliicfUe, 
Leipzig,  1903.  On  sortira  de  cette  lecture  éclairé  et,  je  le  souhaite,  convaincu. 


BIBLIOGRAPHIE.  117 

d'un  recueil  (^ui  a  commencé  à  paraître  en  1801,  recueil  précieux,  puisqu'il 
met  entre  les  mains  de  tous,  luxueusement  publiées,  les  pièces  les  plus 
intéressantes  du  dossier  de  la  cause  dont  M.  St.  s'est  fait  l'avocat.  A  ce 
titre,  le  3'^  fascicule  des  Byzanttnische  Denkmciler  se  recommande  à  l'atten- 
tion des  lecteurs  curieux  de  choses  byzantines.  Toutefois  nous  leur  de- 
manderons la  permission  de  moins  nous  occuper  ici  des  deux  mémoires 
qui  le  composent  que  de  l'introduction  qui  les  précède.  De  ces  deux  mé- 
moires, le  premier  (p.  1-09)  est  l'œuvre  du  D""  Ernst  Diez  et  est  consacré  à 
une  étude  minutieuse  des  miniatures  du  Dioscoride  de  Vienne  ;  le  second 
(p.  73-119)  est  dû  à  la  plume  du  D"'  Josef  Quitt  et  a  pour  objet  les  mté- 
ressantes  mosaïques  de  St-Vital  de  Ravenne.  Quoi  qu'il  en  soit  de  l'impor- 
tance très  grande  de  ces  monuments  pour  l'histoire  des  origines  de  l'art 
byzantin,  importance  qui  ressort  du  reste  parfaitement  des  monographies 
précises  et  copieusement  illustrées  qui  leur  sont  consacrées,  on  peut 
presque  dire  que  c'est  la  préface  qui  constitue  la  pièce  la  plus  intéressante 
de  ce  fascicule.  Ces  (juelques  pages  (xi  à  xxvin)  ont,  en  effet,  toute  l'am- 
pleur et  la  netteté  d'un  manifeste  et,  à  ce  titre,  elles  méritent  d'être  rapi- 
dement analysées.  Aussi  bien,  ce  sont  elles  qui  donnent  aux  essais  qu'elles 
annoncent  toute  leur  signification,  en  faisant  mieux  pénétrer  la  cause 
qu'ils  doivent  appuyer.  A  défaut  d'étude  plus  étendue,  ce  sont  ces  17  pages 
qu'il  faudra  avoir  méditées,  pour  se  faire  une  idée  des  résultats  auxquels 
a  abouti  la  longue  enquête  de  M.  Strzygowski. 

Dans  trois  paragraphes,  pleins  de  clioses  et  d'idées,  M.  St.  étudie  suc- 
cessivement :  Conslantinople  et  la  zone  du  nord;  —  Constant inople  et  la 
zone  du  sud  ;  — La  victoire  dans  la  zone  méditerranéenne.  Il  faut  se  résigner 
à  ne  signaler  que  le  principal. 

Conslantinople,  dont  Constantin  prétendit  faire  une  «  nouvelle  Rome  », 
n'eut  de  l'ancienne  (pie  le  nom  et  de  vagues  apparences.  En  fait,  ce  fut 
une  ville  gréco-orientale,  où  s'amalgamèrent,  se  fondirent  en  un  tout 
nouveau,  les  éléments  artistiques  importés  d'Asie  Mineure,  de  Syrie,  d'E- 
gypte et  de  Perse.  L'art  anatolien,  plus  voisin,  et,  pour  cela,  adopté  le  pre- 
mier, se  transforma  sous  l'influence  des  types  du  Sud  et,  peu  à  peu,  cet 
art  liellénique  évolua  vers  quelque  chose  de  nouveau  qui  fut  l'art  byzantin. 
C'est  cette  transformation,  cette  évolution  que  M.  St.  étudie  dans  l'abon- 
dante diversité  de  ses  phénomènes  :  il  montre  que  la  basilique,  dont  on  a 
célébré  longtemps  l'origine  romaine,  a  passé  en  réalité  d'Anatolie  en  Occi- 
dent par  l'intermédiaire  de  Constantinople;  que  d'autres  types  d'églises, 
bientôt  répandus  en  Europe,  ont  été  empruntés  à  la  Syrie  du  Nord;  que 
les  sculpteurs  de  Byzance  se  sont  inspirés  de  modèles  coptes  et  que  ses 
peintres  ont  imité  les  artistes  d'Antioche. 

L'art  byzantin  était  à  peine  né  que,  dès  le  v°  siècle,  Byzance,  riciie  de 
ces  énergies  empruntées,  commença  à  rayonner  sur  le  monde  occidental. 
C'est  sous  Justinien  que  se  place  l'apogée  de  ce  rayonnement.  M.  St.  suit 
sur  la  carte  la  marche  progressive  des  importations  de  l'art  nouveau,  et 
les  étapes  des  types  artistiques  qui,  de  l'Orient,  se  diffusèrent  partout,  sur- 
tout en  Italie.  On  sera  surpris  peut-être  d'apprendre  qu'au  point  de  vue 
de  l'art  le  nord  de  l'Italie  est  dans  la  dépendance  de  l'Orient  et  non  de 


448  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Rome;  mais,  devant  les  faits  accumulés,  il  n'y  a  qu'à  s'incliner  et  à  rendre 
hommage  au  savant  qui  a  su  les  interpréter  d'une  façon  si  neuve  et  en 
tirer  des  inductions  si  saisissantes. 

Nous  avons  donné,  dans  ses  éléments  essentiels,  la  thèse  de  M.  Strzy- 
gowski;  il  n'entre  pas  dans  nos  vues  d'en  examiner  ici,  dans  le  détail,  la 
valeur  scientifique  et  de  la  vérifier  d'après  les  monuments.  Pour  y  réussir, 
il  faudrait  refaire  après  lui  l'enquête  qu'il  s'est  imposée.  Nous  pouvons 
être  sûrs  d'avance  qu'elle  a  été  conduite  avec  méthode  et  avec  loyauté. 

Mais,  d'ailleurs,  lentement,  cette  révision  se  fera  et  les  discussions  que 
soulève  cette  théorie  nouvelle,  qui  a  le  tort  de  déranger  trop  d'idées  re- 
çues, contribueront  certainement  à  faire  naître  la  pleine  lumière.  Il  se 
pourrait  que  la  thèse  de  M.  St.  en  sortît  modifiée  sur  certains  points  secon- 
daires. Il  s'apercevra  peut-être  lui-même  qu'il  a  un  peu  cédé  —  et  d'une 
façon  bien  compréhensible  !  —  à  l'enthousiasme  de  sa  découverte  et  qu'il  a 
peut-être  donné  de  légères  entorses  à  la  vérité,  à  force  de  vouloir  faire 
tenir  les  faits  dans  des  formules  rigides.  Mais  l'essentiel  demeurera,  on 
peut  l'assurer  déjà,  et  les  hardiesses  du  novateur  ne  doivent  rien  diminuer 
de  la  reconnaissance  que  nous  lui  devons,  ni  rien  enlever  à  l'admiration 
que  méritent  et  la  vaste  étendue  de  son  érudition  et  l'entrain  de  bon  aloi 
qu'il  met  à  défendre  une  thèse,  à  laquelle  son  nom  demeurera  glorieuse- 
ment attaché. 

II.  —  Avec  l'autre  brochure  de  M.  Strzygowski,  nous  passons  en  Occident, 
sans  toutefois  perdre  de  vue  l'Orient.  A  propos  de  la  restauration  que  l'on 
fait  subir  au  dôme  d'Aix-la-Chapelle,  M.  St.  étudie  les  attaches  de  ce  monu- 
ment avec  l'art  oriental  et  met  en  lumière  les  contresens  commis  par  des 
architectes  trop  peu  archéologues.  Il  faut  lire  cette  brochure,  aI)ondam- 
ment  illustrée,  pour  se  rendre  compte  de  la  façon  dont  on  entend  en  Alle- 
magne une  «  restauration  ».  Et,  en  la  fermant,  on  avouera  que  la  «  protes- 
tation »  est  sérieusement  documentée  et  que  le  réquisitoire  ne  frappe  que 
trop  juste.  Chemin  faisant,  on  aura  eu  l'occasion  de  faire  connaissance 
avec  des  monuments  de  l'art  byzantin  peu  connus  et  pas  assez  appréciés 
et  on  aura  senti  combien  est  féconde  en  révélations  la  comparaison  de 
notre  art  occidental  avec  ses  prototypes  orientaux. 

L.  Jalabert. 


VValter  Norhen.  —  Das  Papstum  und  Byzanz.  Die  Ttrnnunf/  (1er 
bciden  Màchte  und  das  Problem  ihrer  Wiedervereinigung  bù  ziim  Unier 
gange  des  by zantinischen  Reichs  (1453).  —  Berlin,  B.  Behr,  1903.  In-8°,  mx- 
764  pages. 

Qu'on  ne  se  trompe  pas  sur  le  contenu  de  cet  ouvrage.  Ce  n'est  pas, 
comme  le  titre  le  donnerait  à  supposer,  l'histoire  du  schisme  de  l'Église 
grecque  avec  ses  diverses  phases  de  retour  et  de  rechute  que  nous  y  lisons, 
mais  l'histoire  des  multiples  réunions  qui  furent  tentées  soit  du  côté  de 
Rome,  soit  du  côté  de  Byzance,  soit  des  deux  côtés  en  même  temps,  une 


BIBLIOGRAPHIE.  449 

fois  que  la  séparation  des  deux  Églises  fut  définitivement  aceomplie.  Une  ana- 
lyse détaillée  de  ce  travail  expliquera  mieux  ma  pensée.  L'introduction  ou  le 
prologue,  p.  1-31,  indique  brièvement  les  causes  historiques,  politi(|ues  et 
théologiques,  qui  motivèrent  l'éloignement  progressif  des  deux  Eglises  jus- 
qu'à la  rupture  finale  de  1054.  C'est  là  précisément  ce  que  l'on  est  convenu 
d'appeler  l'histoire  du  schisme  oriental  et  ce  qui  ne  forme  dans  l'ouvrage 
de  M.  Norden  qu'une  entrée  en  matière.  La  séparation  de  1054  une  fois 
perpétrée,  à  la  cour  de  Byzance  non  moins  qu'à  celle  de  Rome  se  posait  le 
problème  de  la  réunion.  Mais  comment  parvenir  à  une  solution?  De  deux 
manières,  répond  l'auteur,  suivant  que  l'on  se  plaçait  sur  le  terrain  reli- 
gieux ou  sur  le  terrain  politique,  car  Rome,  aussi  bien  que  Byzance,  était 
une  puissance  politique  tout  autant  qu'une  puissance  religieuse.  Et  ces  deux 
manières  de  solutionner  le  conflit  étaient  :  l'unionfranche  et  loyale  des  deux 
Eglises,  ou  bien  l'occupation  par  l'une  ou  l'autre  puissance  de  la  puissance 
rivale.  Ces  deux  manières  de  terminer  le  conflit,  qui  semblent  s'exclure 
mutuellement,  furent  essayées  en  même  temps,  soit  à  Rome,  soit  à  Byzance, 
suivant  que  l'une  ou  l'autre  y  trouvait  son  profit.  Durant  la  seconde  moitié 
du  xi'^  siècle  et  durant  presque  tout  le  xir',  en  d'autres  termes  sous  la 
dynastie  des  Comnènes,  la  Papauté  tente  par  ses  grands  pontifes  :  Grégoire 
VII,  Urbain  II,  Pascal  H,  etc.,  d'amener  l'Eglise  grecque  à  reconnaître  la 
suprématie  spirituelle  des  successeurs  de  Pierre,  pendant  que  les  Comnènes 
s'efforcent  de  reconstituer  l'empire  byzantin  de  Justinien  en  soustrayant 
l'Italie  à  la  domination  des  conquérants  normands  ou  des  empereurs  ger- 
maniques. Et  c'est  la  réalisation  de  cette  double  chimère,  menée  de  front 
sur  les  bords  du  Tibre  ou  de  la  Corne  d'Or,  qui  fait  l'objet  du  premier  li- 
vre, p.  35-159.  Inutile  de  faire  remarquer  qu'elle  échoua  misérablement  et 
qu'elle  ne  pouvait  avoir  un  autre  sort.  Les  révolutions  politicjues  qui  déso- 
lèrent Byzance  à  la  fin  du  xir  siècle  devaient  amener  dans  l'esprit,  sinon 
des  Papes,  du  moins  des  princes  occidentaux  qui  étaient  à  leur  dévotion, 
l'idée  de  mettre  fin  au  schisme  grec  par  l'occupation  violente  des  États 
byzantins.  C'est  précisément  ce  qui  arriva  en  1204  par  la  fondation  de  l'em- 
pire latin  de  Constantinople,  qui  dura  jusqu'en  1261,  et  ce  qui  fait  l'objet 
des  recherches  du  second  livre,  p.  163-383.  On  sait  comment  Michel  Paléo- 
logue  réussit  en  1261  à  réoccuper  Byzance  et  à  reconstituer  l'empire  grec 
et  comment,  pour  déjouer  le  péril  qui  le  menaçait  du  côté  de  la  Sicile,  il  ou- 
vrit avec  la  papauté  des  négociations  qui  aboutirent  à  l'union  du  concile  de 
Lyon,  1274.  Le  conflit  se  trouvait  donc  mis  hors  de  cause  par  la  première 
voie,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  troisième  livre,  p.  387-615.  L'union, 
conclue  au  concile  de  Lyon,  ne  survécut  pas  à  Michel  Paléologue;  Andronic 
détruisit,  dès  son  avènement,  l'œuvre  si  longtemps  poursuivie  par  son 
père.  Et  dès  lors,  par  suite  des  dangers  toujours  croissants  qui  venaient 
de  la  part  des  Turcs,  se  nouèrent  et  se  dénouèrent  entre  Rome  et  Cons- 
tantinople des  relations  amicales,  qui  avaient  toutes  pour  but  de  rétablir  le 
grand  œuvre  de  Lyon.  On  crut  un  moment  être  parvenu  à  une  solution 
équitable,  au  concile  de  Florence,  mais  une  réunion,  causée  presque  ex- 
clusivement pour  des  motifs  politiques,  devait  se  heurter  contre  l'in- 
transigeance des  prélats  grecs,  devenus  plus  libres,  en  attendant  que  les 


450  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Turcs  arrivassent  à  terminer  le  conflit  d'une  manière  inespérée,  bien 
qu'elle  fût  prévue  depuis  longtemps.  C'est  là  ce  que  nous  raconte  le  qua- 
trième livre,  p.  619-741. 

Delà  sorte,  M.  Norden  obtient  l'unité  pour  son  bel  ouvrage  et  l'on  .s'ex- 
plique pourquoi  la  part  du  lion  est  réservée  au  xni^  siècle,  p.  163  à  615.  Le 
xni«  siècle,  en  effet,  est  vraiment  le  centre  de  l'histoire  de  l'union  au 
moyen  âge,  et  non  le  concile  de  Florence,  comme  on  se  l'imagine  trop 
souvent.  Par  deux  fois,  durant  ce  siècle,  Byzance  s'est  unie  à  Rome,  et 
cela  des  deux  manières  :  soit  par  l'occupation  violente  de  ses  États  à  la 
prise  de  Constantinople,  soit  par  l'entente  fraternelle  au  concile  de  Lyon. 
En  conséquence,  l'histoire  des  rapports  établis  entre  Rome  et  Byzance,  au 
XI*'  et  xn''  siècles,  n'est  que  l'histoire  de  la  préparation  de  cette  union,  tan- 
dis que  l'histoire  de  ces  rapports  au  xiv''  et  xv''  siècles  ne  fait  qu'en  étudier 
les  conséquences. 

Telle  est  l'analyse  de  cet  ouvrage  capital,  bien  pensé,  consciencieusement 
écrit,  et  d'une  clarté  d'exposition  remarquable.  Chacun  des  quatre  livres 
contient  deux  ou  trois  parties,  qui  se  subdivisent  elles-mêmes  en  autant 
de  sections,  et  les  sections  en  autant  de  chapitres;  de  la  sorte,  il  suffit,  une 
fois  la  lecture  du  volume  achevée,  de  se  reporter  à  la  table  des  matières  fort 
détaillée  pour  avoir  une  idée  fort  nette  de  tout  l'ouvrage.  Dans  l'ensemble, 
les  jugements  de  l'auteur  sont  modérés  et  justes  et,  bien  qu'émanés  d'un 
protestant,  se  distinguent  par  assez  d'impartialité;  quelques  exceptions 
regrettables  sont  le  fruit  de  préjugés  fort  explicables  et  de  préoccupations 
politiques  et  religieuses  qui  ne  nous  surprennent  pas  trop.  Aussi,  est-ce  sans 
aucune  hésitation  que  je  recommande  la  lecture  de  son  ouvrage;  c'est 
vraiment  l'œuvre  d'un  liistorien,  et  d'un  historien  de  premier  mé- 
rite. 

Siméon  Vailiié. 


Dom  H.  Leclercq.  —  L'Afrique  chrétienne.  —  Paris,  Lecoffre,  1904. 
2  vol.  in-12  de  XLiv-435  +  380  p.  {Bibliothèque  de  Vensei finement  de  l'his- 
toire  ecclésiastique). 

Dans  ce  très  remarquable  ouvrage,  Dom  Leclercq  a  entrepris  de  nous 
faire  connaître  les  origines,  les  développements,  la  décadence  et  la  dispa- 
rition de  cette  Eglise  d'Afrique,  qui  a  joué  un  rôle  si  considérable  dans  l'é- 
tablissement du  christianisme.  Limitée  entre  les  débuts  du  ni»  siècle  et 
le  milieu  du  vn'',  cette  histoire  se  détaclie  nettement  de  l'histoire  générale 
de  l'Eglise  et  se,, prête  merveilleusement  à  la  composition  d'une  monogra- 
phie bien  définie,  bien  circonscrite.  Avec  une  parfaite  clarté  d'exposition, 
Dom  Leclercq  fait  passer  successivement  sous  nos  yeux  les  âges  héro'iques 
de  l'Eglise  africaine,  avec  ses  martyrs  célèbres,  ses  grands  théologiens  et 
ses  illustres  évêques;  la  période  de  ses  luttes  intestines,  au  temps  du  do- 
natisme  et  du  manichéisme;  son  affaiblissement  et  ses  souffrances  sous 
le  joug  des  Vandales  ariens;  son  réveil  et  son  éphémère  prospérité  qui 


BIBLIOGRAPHIE. 


451 


coïncident  avec  les  commencements  de  la  domination  byzantine  ;  sa  déca- 
dence irrémédiable  hâtée  par  celle  de  l'Empire  d'Orient;  enfin  le  désastre 
final  dans  lequel  elle  disparut  sous  la  poussée  de  l'invasion  arabe. 

Il  va  de  soi  qu'on  trouve  au  cours  de  cette  histoire  de  très  belles  pages 
consacrées  aux  grandes  figures  de  l'Église  d'Afrique,  les  Perpétue,  les 
TertuUien,  les  Cyprien,  les  Augustin,  mais  surtout  on  remarquera  avec 
quelle  habileté  et  quelle  précision  on  y  voit  exposé  l'enchainement  psy- 
chologique qui  explique  les  vicissitudes  historiques  de  l'Afrique  septen- 
trionale. De  plus,  l'ouvrage  est  encadré  entre  une  introduction  et  un  cha- 
pitre de  conclusions  où  se  pressent  les  idées  neuves  et  parfois  si  originales 
dont  l'auteur  a  le  secret.  Les  sources  ont  été  indiquées  à  chaque  page  en 
grand  détail,  ce  qui  est  d'un  secours  inappréciable  pour  le  lecteur  qui  veut 
approfondir  l'étude  de  telle  ou  telle  question.  Mais  pourquoi  le  livre  est-il 
privé  de  tables  de  noms  de  lieux  et  de  noms  de  personnes,  qui  seraient 
si  utiles  ;  et  surtout,  pourquoi  n'est-il  pas  accompagné  de  quelques  cartes 
qui  auraient  rendu  plus  compréhensibles  les  nombreux  et  précieux  ren- 
seignements géographiques  que  donne  l'auteur,  entre  autres,  les  diverses 
circonscriptions  civiles  et  ecclésiastiques  qu'il  mentionne  si  souvent? 

L.  C. 


Histoire  d'Héraclius  par  l'évêque  Sebêos,  traduite  de  l'arménien  et 
annotée  par  F.  Macler.  —  Paris,  E.  Leroux,  1904.  Gr.  in-8'^  de  166  p. 

Ceux  qui  s'intéressent  à  l'Histoire  du  Bas-Empire  et  surtout  de  l'xXr- 
ménie,  au  vii'-  siècle,  sauront  gré  à  M.  Macler  de  sa  traduction.  Sebêos 
est,  en  effet,  le  seul  écrivain  Arménien  du  vu'-'  siècle  qui  décrive  les  pre- 
mières invasions  des  Arabes  en  Arménie,  en  Asie  Mineure,  et  leur  con- 
quête de  la  Perse  sur  le  dernier  des  Sassanides.  Le  titre  :  Histoire  d'Hé- 
raclius est  assez  impropre,  puisque  l'ouvrage  embrasse  une  centaine 
d'années  et  s'arrête  à  l'avènement  du  Khalife  Moavia. 

La  traduction  a  été  faite  d'après  la  seconde  édition  du  texte  arménien 
publié  par  K.  Patkanian  (S.-Pétersbourg,  1879).  Des  trois  parties  dont  il 
se  compose,  le  traducteur  n'a  mis  en  français  que  la  dernière,  de  la 
page  22  à  la  page  153,  les  deux  autres  parties  n'étant  pas  de  la  plume  de 
Sebêos.  Même  en  réduisant  ainsi  sa  tâche,  M.  Macler  a  été  aux  prises  avec 
bien  des  difficultés,  dont  quelques-unes  lui  ont  paru  insurmontables;  et 
Patkanian  qui  a  donné,  en  1862,  une  traduction  russe  de  Sebêos,  a  dû 
omettre  également  quelques  passages  qu'il  déclare  inintelligibles. 

Le  traducteur  français  a  fait  suivre  sa  traduction  littérale  de  quelques 
notes  précieuses,  qui  en  sont  le  commentaire.  Elles  témoignent  en  général 
de  sa  connaissance  des  principaux  travaux  modernes  ou  contemporains, 
ayant  trait  à  son  sujet,  et  aussi  de  son  esprit  critique.  Attaché  à  la  Biblio- 
thèque nationale,  disposant  de  précieuses  ressources,  il  pouvait  mieux  que 
beaucoup  d'autres  nous  donner  une  œuvre  bien  documentée.  Malgré  cela, 
il  a  préféré  traduire  certains  termes  sans  les  expliquer,  certains  faits  sans 
les  contrôler.  Il  ne  faut  pas  lui   reprocher  de    n'avoir  pas  voulu   tout 

OBIENT   CHRÉTIEN.  31 


452  REVUE   DE  l'orient    CHRÉTIEN. 

éclaircir  :  cela  l'eût  mené  trop  loin.  —  Nous  aurions  pourtant  aimé  que 
l'auteur  nous  donnât  une  critique  un  peu  plus  complète  de  l'œuvre  de 
Sebêos.  Renvoyer  à  Hûbschmann  (Zur  Geschichte  Arméniens...),  c'est 
bien;  mais  tous  les  lecteurs  de  M.  Macler  n'ont  pas  cet  ouvrage  allemand 
sous  la  main. 

Nous  sera-t-il  permis,  enfin,  de  signaler  quelques  inexactitudes  dans  les 
questions  relatives  aux  controverses  religieuses?  Certes,  nous  ne  blâmons 
pas  le  savant  traducteur  de  n'avoir  pas  été  plus  clair;  dès  qu'il  aborde  la 
théologie,  le  langage  un  peu  déclamateur  de  Sebêos  devient  encore  plus 
confus  et  approche  d'une  véritable  logomachie;  mais  nous  sommes  sur- 
pris de  la  teneur  de  deux  notes  du  traducteur  sur  les  conciles  d'Éphèse 
et  de  Chalcédoine.  Pour  le  concile  œcuménique  d'Éphèse  (dont  on  fixe  la 
date,  par  une  erreur  typographique,  à  l'an  449,  au  lieu  de  431),  il  fut  sans 
doute  tenu  contre  Nestorius;  mais  Nestorius  n'enseignait  pas  seulement 
que  «  Jésus-Christ  aurait  conservé  ses  deux  natures  distinctes  ».  Ceci  est 
un  dogme  admis  de  tous  les  catholiques;  Nestorius,  là  est  son  hérésie  ca- 
ractéristique, admettait  en  Jésus-Christ  deux  personnes.  Quant  au  concile 
de  Chalcédoine,  il  est  bien  vrai  qu'il  définit  le  dogme  de  la  dualité  des 
natures  dans  l'unité  de  personne;  mais  il  n'est  pas  exact  qu'il  annule 
les  décisions  d'Éphèse  :  cette  dernière  thèse  est  celle  des  monophysites, 
dont  le  distingué  arménisant  qu'est  M.  Macler,  n'adopte  pas  sans  doute  le 
point  de  vue  injustifiable. 

F.    TOURNEBIZE. 


Le  Directeur-Gérant 
F.  Charmetant. 


Typographie  Firmin-Didot  et  C'«.  —  Paris. 


Librairie  Alphonse  Picard  et  fils,  82,  rue  Bonaparte. 

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IL  —  VIE  DE  JEAN  BAR  APHTONIA,  Texte  syriaque,  publié  et  traduit 
par  F.  NAU 3  fr.  50 

IIL  —  1.  COMMENT  LE  CORPS  DE  JACQUES  BARADÉE  FUT  EN- 
LEVÉ DU  COUVENT  DE  CASION  PAR  LES  MOINES  DE  PHÉSIL- 
THA.  Texte  syriaque,  publié  par  M.  A.  KUGENER.  -  2.  HISTOIRE 
DE  SAINT  NICOLAS,  SOLDAT  ET  MOINE.  Texte  grec,  publié  par 
LÉON  CLUGNET 3  fr.  50 

IV.  —  VIE  ET  OFFICE  DE  MICHEL  MALÉINOS,  SUIVIS  DU  TRAITÉ 
ASCÉTIQUE  DE  BASILE  LE  MALÉINOTE.  Texte  grec,  publié  par 
Louis  PETIT,  A.    A G  fr.  » 

V.  —  VIE  ET  OFFICE  DE  SAINT  EUTHYME  LE  JEUNE.  Texte  grec, 
publié  par  Louis  PETIT,  A.  A 0  fr.     » 

\T.  —  1.  VIE  DE  SAINT  AUXENCE.  Texte  grec,  publié  par  LÉON  CLUGNET. 
—  2.  MONT  SAINT- AUXENCE.  Étude  historique  et  topographique,  par 
Jules  PARGOIRE,  A.  A. 8  fr.     » 

Paris,   PICARD. 


Typographie  Firmin-Didot  el  C*.  —  Paris 


REVUE 


DE 


L'ORIENT  CHRÉTIEN 


1904.    —  N'   4. 


SOMMAIRE 


I.  -  Henri  Grégoire.  —  Saints  jumeaux  et  dieux  cavaliers 4"):^ 

II.  —  S.  Vailhè  et  S.  Pétridès,  A.  A.  —  Saint  Jean  le  Paléolaurite, 

précédé  d'une  notice  sur  la  vieille  Laure  {(in) 4'Jl 

III.  D.  Placide  de  Meester,  O.  S.  B.  —  Le  dogme  de  Tlmma- 

ciilée  Conceptiiin  i-t  la  doctrine  de  l'Église  grecque  isuUe).  ."il? 

I\ .        —  V.  Ermoni.  P.  M.  —  Rituel  copte  du  baptême  et  du  ma- 
riage. —  Baptême  (suite) â^H 

V.         —  Fr.  Tournebize.  —  Histoire  politique  et  religieuse  de  l'Ar- 
ménie tsuile' WM 

\[.  Léon  Clugnet.     -  Vie  de  sainte  Marine  ^suite) 560 

\  1 1 .      —  Bibliograpliie fiOO 


^■^Ji^^jr^^^KSi^  '^ 


PARIS 

LIBRAIRIE   A.  PICARD   ET  FILS 

82,    BUE   BOKAPAKTE,    82 

1.T 

BUREAUX    DES    ŒUVRES    D'ORIENT 

•Jll.    UIE    UL     RKGAKIi,    -20 

190 '( 

Kecueil  triiiifstriei.  —  Piiv  île  lahonnemeiii,    liance:  li  IV.  —  ÉU'aiii^er  :  14  fr. 


La  Revue  de  l'Orient  chrétien  (recueil  trimestriel) 
paraît  par  fascicules  formant  chaque  année  un  volume  de  près 
de  500  pages  in-8". 


Les  communications  relatives  à  la  rédaction  doivent  être  envoyées 

à  M.  Léon  GLUGNET 

Secrétaire  de  la  Reyue  de  /'Orient  chrétien,  à  Fresnes  lez-Rungis  (Seine  . 

11  sera  rendu  compte  de  tout  ouvrage  relatif  à  l'Orient,  dont  un  exem- 
plaire aura  été  adressé  à  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  chez  MM.  A. 
PICARD  ET  Fu,s,  libraires,  rue  Bonaparte,  82,  à  Paris. 


ON  S'ABONNE  A  PARIS  : 

A   LA   LIBRAIRIE   A.   PICARD 

RUE     Hd.NAPAHTK,     82 

et  aux  bureaux  des  Œuvres  d'Orient  rue  du  Regard,  20 


i  France 12  IV. 

Prix  de  l'abonnement 

'  Etranger 14  fr. 

Prix  de  la  livraison 3  ïv. 

On  peut  se  procuier  les  volumos  qui  ne  sonl  pus  épuisés 
;t  raison  de  15  francs  le  volume. 


SAINTS  JUMEAUX 


ET 


DIEUX   CAVALIERS 


Si  ce  travail  avait  xu  le  jour  il  y  a  quelque  cinquante  ans,  il 
aurait  pu  prétendre  à  T honneur  de  terminer  une  longue  et 
célèbre  controverse  hagiograpliique.  Les  trois  saints  jumeaux 
Speusippe,  Élasippe  et  Mélésippe  avaient-ils  subi  le  martyre  en 
Cappadoce,  ainsi  que  le  racontait  un  texte  latin  —  sans  doule 
une  version  des  Actes  originaux  —  publié  par  Rosweyde  et 
réimprimé  dans  les  Acta  Sanctoruni;  ou  bien  fallait-il  croire 
un  autre  texte,  qu'on  lisait  à  la  suite  du  premier  dans  le  Janvier 
des  Bollandistes,  et  daprès  lequel  les  Tergemini  auraient 
cimenté  de  leur  sang  l'édifice  de  la  jeune  Église  de  Langres?  A 
vrai  dire,  la  question  n'était  pas  difficile  à  résoudre.  La  version 
langroise  attribuée  à  tort  à  un  certain  Warnahaire,  qui  vers 
l'an  6Lj  l'envoya  à  saint  Céraune,  évèque  de  Paris,  la  version 
langroise  présentait  toutes  les  apparences  d'un  faux.  Mais  sou 
succès  avait  été  si  grand  dès  l'origine,  qu'elle  avait  fait  presque 
oublier  la  tradition  cappadocienne.  Le  Martyrologe  Jnéronij- 
mien,  et  après  lui  les  martyrologes  historiques,  l'avaient  défini- 
tivement consacrée.  Tant  qu'on  n'eut  pas  de  notions  précises 
sur  les  sources  du  Martyrologe  mis  sous  le  nom  de  saint  Jé- 
rôme, on  se  crut  autorisé  à  trouver  un  argument  en  faveur  de 
la  priorité  de  l'histoire  langroise,  dans  ces  quelques  lignes 
figurant  au   17  janvier    :    A'T7  Kal.  febr.  Lingonis.  Passio 

ORIENT   CHRÉTIEN.  32 


454  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Sauctorum  martyrum  geminorum  Speusippi,  Helasippi,  Me- 
lasippi,  Leonellae,  lunellae,  Neonis. 

Labbé  Bougaud  (1),  écrivant  en  1859,  démontrait  encore 
avec  un  grand  luxe  d'arguments,  que  la  Passion  dite  de  War- 
nahaire  était  bel  et  bien  l'original,  démarqué  ensuite  par  quel- 
que Graeculus  au  profit  de  la  Cappadoce.  Et  M.  Bougaud  n'avait 
pas  assez  de  mépris  pour  cet  hypothétique  faussaire. 

Aujourd'hui  la  question  est  tranchée.  L'abbé  Duchesne  {Fastes 
épiscopaux  de  l'ancienne  Gaule,  I,  48-54)  a  montré  comment 
les  légendes  qui  ont  la  prétention  de  raconter  l'origine  des 
Églises  de  Valence,  Besançon,  Laiigres,  Dijon,  Autun  et  Saulieu 
sortent  d'une  même  officine  hagiographique  qui  a  fonctionné 
dans  la  première  moitié  du  vr  siècle.  Si  le  Martyrologe  hièro- 
nyniien  fait  allusion  à  la  Passion  de  Warnahaire,  c'est  que  sa 
recension  gallicane  fut  rédigée  à  Auxerre  vers  l'année  590  et 
que  dès  cette  époque  les  six  romans,  acceptés  avec  enthou- 
siasme par  les  Églises  intéressées,  jouissaient  d'une  autorité 
absolue. 

Ainsi  donc,  si  j'apporte  ici  la  preuve  que  la  forme  cappado- 
ciennedel'liistoire  des  Tergcmi ni  en  est  bien  la  forme  originale, 
ma  démonstration  pourra  paraître  superflue  (2)  en  ce  qui  con- 
cerne la  vieille  controverse  sur  les  trois  jumeaux.  Mais  peut-être 
attirera-t-elle  l'attention  sur  la  légende  cappadocienne  elle- 
même,  qui  constitue  un  problème  hagiographique  digne  d'in- 
téresser les  hommes  compétents. 


II 


La  version  cappadocienne  n'était  connue  jusqu'à  présent  que 
par  le  texte  latin  publié  d'abord  par  Ros^A'eyde,  et  reproduit 
dans  les  Acta  Sanctorutn,  Jan.  II,  70. 


(1)  L'abbé  Bougaud,  Élude  hislo)-\que  et  crilir/ne  stn-  lu  mission,  les  actes  et  le 
ridte  de  saint  Bénigne,  Aulun,  1851t. 

(2)  Bien  que  le  débat  scientitlque  soit  clos,  à  propronient  parler,  les  tenants 
langrois  de  «  Warnahaire  »  n'ont  pas  tous  désarmé.  Voyez  l'abbé  Narbay, 
Supplément  aux  Acta  Sanctorimi,  in-4,  1896,  p.  270--28;3,  et  la  réponse  de  l'abbé 
Roussel,  Comment  Warnahaire...  a  composé  la  lé(/ende  lan>/roise,  Langi-es, 
Rallel-Bideaud,  1897,  10-2  p. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  455 

Ce  texte  était  incomplet  dans  les  Vitae  Patrum  et  dans  les 
Al- ta  Sanctonnn.  Tiré  d'un  manuscrit  de  Térudit  allemand 
Marc  Welser,  auquel  manquait  un  feuillet,  il  présentait  en  son 
milieu  une  fâcheuse  lacune.  L'abbé  Bougaud  en  retrouva  un 
exemplaire  complet  dans  le  ms.  34  de  la  bibliothèque  du  sémi- 
naire d'Autun  et  le  publia  dans  son  Étude  historique  et  critique 
(sic!)  swr  la  mission  de  saint  Bénigne,  p.  465-474.  Cette  édi- 
tion passa  inaperçue,  et  les  Bollandistes  imprimèrent  à  leur  tour 
le  morceau  qui  manquait  au  texte  des  Acta  Sanctorunt,  dans 
leurs  Analecta,  11(1883),  p.  378-380. 

Le  manuscrit  utilisé  par  eux  était  un  codex  Reginae  Sueciae 
qui  fuerat  nionasterii  Flaviacensis  (1.  c,  p.  378). 

Plus  réceininent,  les  savants  hagiographes,  dans  leur  Cata- 
log.  cod.  hagiogr.  bibl.  reg.  BruxeUensis,  II,  290-292,  signa- 
lèrent le  ms.  9289  lequel,  f.  I23'-125%  contient  un  morceau  qui 
n'est,  à  vrai  dire,  ni  le  texte  «  cappadocien  »  ni  la  version  dite 
de  Warnahaire,  mais  une  curieuse  combinaison  des  deux,  sorte 
de  compromis  entre  deux  rédactions  contradictoires.  Pour  la 
partie  publiée  dans  les  Analecta,  l'auteur  du  centon  suivait  la 
version  authentique. 

Tout  le  monde  est  d'accord  pour  admettre  que  le  texte  latin 
dit  authentique  par  opposition  avec  le  faux  de  Warnahaire, 
est  la  traduction  plus  ou  moins  libre  d'un  document  grec.  Le 
P.  BoUand  inclinait  à  croire  que  cet  original  grec  constituait 
les  actes  originaux  des  saints  Martyrs.  Le  texte  grec  que  nous 
allons  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur  ne  mérite  pas  ce  beau 
nom  A' Acta  Sincera  dont  Ruinart  s'est  montré,  à  bon  droit, 
si  avare;  mais  tel  quel,  il  nous  permettra  d'attendre  une  forme 
plus  ancienne  de  la  légende  des  Trois  Jumeaux. 

C'est  en  examinant  un  manuscrit  de  la  Biblioteca  delta 
Missions  urbana  dis.  Carlo,  à  Gênes,  que  j'ai  trouvé  le  MapTjpf.3v 
T(T)v  àyioiv  vy;-»ov.  La  Bibliothèque  de  la  Mission  urbaine  est  un 
des  dépôts  italiens  restés  le  plus  longtemps  inconnus.  M.  Ehrhard 
en  a  publié  un  inventaire  dans  le  Centralblatt  fïir  Bibliotheks- 
loesen  (X,  p.  192-217),  en  1893.  Ses  renseignements  sont  plus 
complets  que  les  notes  très  insuffisantes  de  Blume  et  de  Grassi  ; 
mais  le  travail  de  M.  Ehrhard  ne  peut  tenir  lieu  d'un  catalogue 
complet,  comme  ceux  dont  les  Bollandistes  ont  donné  les 
admirables  modèles. 


456  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Les  manuscrits  génois  s'appellent  Sauliani,  du  nom  de 
l'évêque  Filippo  Saoli  qui  les  avait  rassemblés  au  xvi^  siècle. 
Il  y  a  36  manuscrits  grecs,  dont  un  du  ix*  siècle  et  sept  du 
x^  Le  nôtre,  d'après  Ehrhard,  est  un  de  ces  derniers;  il 
porte  le  n''  34.  G.  Vitelli  a  attiré  l'attention  sur  lui  dans  les 
Studj  italiani  cli  fdologia  classica,  II  (1894),  p.  374,  comme 
contenant  cette  Vie  de  Théodose,  par  Théodore,  que  la  savante 
édition  de  M.  H.  Usener  a  rendue  célèbre  (I).  Et  c'est  en  pré- 
parant, avec  la  permission  de  M.  Usener,  une  édition  critique  de 
Yh(yMl).iz'/  de  l'évêque  de  Petrai,  que  j'ai  été  amené  à  étudier  le 
Saulianus  33. 

Il  est  en  parchemin  et  contient  207  (2)  feuillets  (30,2x22). 
Chaque  page  d'écriture  comprend  deux  colonnes  de  trente  lignes 
environ.  L'écriture  est  une  belle  minuscule  penchée  à  droite. 
Sur  le  verso  du  dernier  feuillet,  on  lit  cette  note  qui  a  échappé  à 

MM.  Ehrhard  et  Vitelli  :  Xp^c-avOcr.  s  cizr,pul)-r,:   xx-x  [J.-^va  aîivcu- 

CTTCV,    Z'Jl'. 

La  date  est  embarrassante;  cette  ligne  n'est  point  de  la  même 
main  que  le  reste  du  ms.  et  s'il  faut  prendre  le  premier  chiffre 
pour  un  stigina.  il  s'agit  du  mois  d'août  1»02.  La  note  serait  donc 
une  signature  de  possesseur,  et  il  faudrait  reporter  le  manus- 
crit à  la  fin  du  ix"  siècle  ou  tout  au  début  du  x^  Mais  pour  un 
stigma,  surtout  à  cette  époque,  la  forme  Z  est  très  insolite. 
D'autre  part  impossible  de  lire  Ç.  Nous  livrons  cette  difficulté  à 
des  paléographes  plus  compétents.  En  tout  cas,  le  nom  de  Xpûcrav- 
Ooç  0  jiêr^p'.côrr^;  est  complètement  inconnu.  !Ei6r,puoT-r;ç  peut  s'ex- 
pliquer comme  dérivé  d'un  nom  de  ville;  mais  de  quelle  ville? 
Serait-ce  de  Severias  ou  Seberias  en  Cappadoce,  l'ancienne  Si- 
beron,  siège  d'un  évèché  dépendant  de  Césarée,  à  l'époque  byzan- 
tine"? Cette  ville  est  appelée  Tibérias  (sans  doute  pour  Siberias) 
dans  la  liste  des  évêques  assistant  au  concile  de  692.  Si 
vraiment  notre  Chrysanthos,  possesseur  du  codex  Saulianus  33, 
était  originaire  de  Severias,  le  fait  emprunterait  un  certain 
intérêt  à  la  circonstance  que  plusieurs  des  textes  que  contient 
le  ms.  ont  trait  à  la  Cappadoce. 

Voici,  en  effet,  quel  est  le  contenu  du  manuscrit,  un  méno- 


(1)  Usener,  Der  heUige  Theodosios,  Leipzig,  1890. 

(2)  Et  non  -200  comme  le  dit  Ehrhard. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  457 

loge  du  mois  de  janvier.  Au  fragment  acéphale  par  lequel  il 

commence,  un  certain  nombre  de  pages  manquent  (1). 

•    1)  f.  1'  Basilii  magni  encomium  in  Gordium  {P.  G.,  XXXI, 

col.489sqq.). 

2)  f.  1^  \jf.zc,  y,y.i  r.oKi-iiy.  tsj  zaiz'j  zaTpb;  •f^[}.Mv  y.al  S[j.;'a2Y"'1"2j  Mi- 
'/ar^A  -psaS'JTipou  y.y}.  TJ"jSkko'j   yevcvstîç  r.zLZMz     UpC7;/.j;j.o)v. 

Inc.  Tàç  Toiv  à^aOtov  àvopoiv  àvaYpxTTTCj;  ~'J)i7hy.i  r.pxztiq. 

o)  f.  44"^  Bccç  y.al  TTcXiTsia  t;j  cfficy  TraTpbç  y;;^.wv  (")î2S(.')pc'j  txsva- 
y(;u  rfpui/évcu  [;.cvr,ç  ■:•?;?  Xcopaç. 

/?iC.  Ol  [;.a'/,apu.')Ta-ci  '/.al  a'-(izi  za-rÉpsç  sî  itpb  y;[j.(T)v  y.a'  io'  r,jj.(T>v  5ix 
y.aOapoij  y.a't  àvîziXr,T:T2u  3^2"^  ^''  Xw  àvaXiy/iiavTEç. 

4)  f.  55'  Homélie  de  saint  Jean  Chrysostome  sur  la  sainte 
Théophanie. 

5)  f.  IV  Homélie  de  Basile  de  Césarée  sur  le  saint  et  salvifique 
baptême. 

G)  f.  82'"  Homélie  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  e-.ç  -x  'i'[\-x 

7)  1.  94""  ("Jîsotôpc'j  Tra-rp'./.ic'j  toj  Aa^vo-â-cu;;  ^'^^Y^Ç  -U  ~V'  ^^   'Av- 
•T'.s-/£iaç  àvay.C[;,i5r,v  t^?  7£6aa'[;.(aç  y.al  Tcp.''a;  '/S'.ps;  "î^  npcop5;j.:'j. 

8)  f.  109''  ^lapTJp'wV  -::~j  'y.'(\z-j  ij.âp-:jpsç  KapTcp'!:j  tcj  Kxzttzo;- 
y.sç. 

/^C.    Ev  to)  y.a-:'  sy.sîv;    /.;£'-po>  33'!71>'^£jcvt2;  A'.;/./«"^t',5cv:j   iv   Niy.;- 

9)  f.  121'"  Map-'jptsv  Tcii  p,£Y3c'As;j,âpT'jp:ç  rTcA'jsjy.-cj. 

7/lC.  Njv  y;  "/âpic  TS^  6îsj  7:Xc'J7(a  y.x'.  ojvxtt,  où  -:(7)v  7:pâ;so)v  tcO 
àY'-^u  [j-xp-upoç  rioAys'jy.TC'j. 

10)  f.  13P  Bbç  v.a'.  zoÀiTsta  Tsj  £v  aYtciç  rxTpbç  y;(j,wv  Mapy.iavsJ 
-psaô'JTÉpc'j  Y£VS[j.£v:j  y.xi  î'.y.ov6;^.sj  -:•?;?  àY^OTar/;?  £y.y.A-/;7''a;  t-^ç  Ktov- 

JTaVTlVOU-KOAEO)?. 

/yiC.  E'jAGY'^Tb;  :  ©îi;  v.3:'  ~y.-r,p  toj  îXîYâXi'j  Hes-j  y.a',  ffoKYjps^ 
r,;j.wv    I-/](70u  XpiJTij. 

11)  f.  1  12""  Bi3ç  y.a't  -z'/.'-dx  -zj  xyizj  r.x-pz-  r,;j.ûv  à665  ©ecSco-'icu 
TSj   àp'/t[ji.3cv$p''Tî.j  zâ7r,r    t?;ç   £p'(^[j,;'j   r?;?   û-b    -r,'/  x\''.t^   XpiTTsy   Tcîi 

©£SU    •fl\)M'^     TûiXlV    SyYV?^?-'--?     "^"^       BEvOOjpCJ     TÎJ      ETT'.r/.ÎTTCU      n£TpO)V 

Y£vo[;.£vo'j  aj-rsu  {j,a6Yj":su. 

12)  f.  195"^  Maprjpi;v  -f,;  zziy.:  [J-âptupc;  XapiT^vv;;. 

/UC.  IIpoy.aOfeavTor  cjv  AoixiT'.avsî)  tou  y.siJ.rjTcr  i::'.  -.z\t  ^Afiiy-zz  v.y': 

(1)  Ehrhard  calcule  qu'il  en  manque  74. 


458  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

r^ç  aTpx-nù-VAf,q  -râ^sojç  \j'i:'qpt'iou\jAvr,q  aùxû,  'Ey.Br/.iiç  tiç  t*^ç  Kcupixi- 

13)  f.  201''  MapTupicv  Twv  à^^io)"^  Tpiwv  v/jtïuov  ^Treuaî'iTTrou,  'EXaat'::-' 

7:cu  y.ai  MeXsaÎTTTrcu,  /.ai  ty;ç  to'jtwv  [j//;Tpbç  NcCviA)vaç. 

A  Fépoque  où  Elirhard  rédigea  son  catalogue,  tous  ces  textes 
étaient  inédits,  à  rexception  des  trois  liomélies  et  des  numéros 
1, 9  et  11.  Bien  que  le  manuscrit  n'ait  été  utilisé  par  personne 
depuis  lors,  la  Vie  de  Michel,  prêtre  et  syncelle  de  Jérusalem, 
est  maintenant  connue  par  la  publication  partielle  de  Manuel 
Gédéon,  Bu^avTivbv  'EopTOAÔYicv.  Constantinople,  1899,  p.  231- 
242  (1).  Gédéon  s'est  servi  du  cod.  13  du  Pantocrator.  —  Notre 
Vie  diffère  de  celle  qui  se  lit  Cod.  Vat.  1085^. 

De  même,  le  n°  3,  la  Vie  de  saint  Théodore,  moine  et  higou- 
mène  du  monastère  de  Chôra,  toujours  inédite,  a  été  nnalysée 
par  Gédéon,  op.  rit,,  227-231,  d'après  le  13  du  Pantocrator 
également  (f.  175  [i-189  (i). 

N"  7.  Gédéon  en  a  donné  des  fragments,  p.  53  suiv.  de  son 
livre.  Lipomani  et  Surius  en  avaient  publié  un  texte  latin,  au 
29  août. 

N°  8.  J.  Compernass  n  publié  les  Acta  Carteril  Cappadocis 
(Bonn,  1902),  d'après  un  ms.  de  Paris.  Mais  notre  manuscrit  pré- 
sente une  rédaction  différente. 

N°  9.  Saint  Polyeucte.  Notre  rédaction  (B^  des  Bollandistes  (2)) 
diffère  de  l'œuvre  métaphrastique  qu'on  lit  sous  le  même  titre, 
P.  G.,  CXIV,  col.  117  sqq. 

N"  10.  Ehrhard  signalait  la  différence  de  ce  texte  d'avec  la 

Vie  de  Marcien,  par  Syméon  Métaphraste(Migne,  P.  G.,  CXIII, 

429).  Aujourd'hui,  la  version  du  Saulianus  33  est  publiée  d'après 

.d'autres  manuscrits,  par  MM.  Papadopoulos-Kerameus,   'Ava- 

"As-/.-a    Ispoa.    HTax'JOAovtaç,   IV,    258-270,  et    Gédéon,    Bui;avTivc;v 
'EopTCAÔviov,  272-277. 

N°  11.  Publié  par  Usener,  Der  heil.  Theod.,  Leipzig,  1900, 
d'après  le  Laur.  XI  9.  Autres  manuscrits  étudiés  par  Krum- 
bacher  [Sitz-unzgber.  der  MimcJmer  Akad.  d.  Wiss.  Phi- 
los.-philol.  Klasse,  Heft  II).  Cf.  E.  Rolland,  Une  copie  de  la 
Vie  de  saint  Théodose  par  Théodore  conservée  dans  le  Ba- 


il) Cf.  s.  Vailhé,  Bévue  de  VOrienl  chrèlien,  VI  (I!X)1).  ::îl3-a-2.  010-4-2. 
(2)  Bibliotheca  har/iof/raphica  graeca. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  159 

roccianus  18S,  Gand,  Engelcke,  1S99,  in-8%  40  pp.  (=  Recueil 
de  travaux  publiés  par  la  Faculté  de  phil.  de  l'Univ.  de  Gand, 
24"  fascicule).  Cf.  encore  Byz.  Zeitschr.,  2  (1893),  643  et  3 
(1894),  194. 

La  copie  génoise  se  rattache  nettement  à  la  ligne  P  du  Stomma 
de  M.  Krumbacher.  Elle  présente  beaucoup  d'analogie  avec  le 
ms.  A  (Patmiacus)  étudié  dans  5?/;.  Zeitschr. 

N"  12.  Sainte  Charitine.  Texte  différent  dans  Métaphraste 
(Migne,  CXV).  Cette  rédaction  est  inédite. 

N°  13.  Le  texte  grec  du  martyre  des  Trois  Jumeaux  no  se 
trouve  qu'ici. 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  dans  cet  ancien  ménologe,  c'est  le 
nombre  de  pièces  rares  ou  même  uniques  qu'il  renferme.  Qu'on 
le  compare,  en  effet,  aux  autres  ménologes  du  mois  de  janvier, 
bien  entendu  à  ceux  qui,  comme  lui,  sont  composés  exclusive- 
ment de  morceaux  anté-métaphrastiques.  S'il  a  de  commun 
avec  eux  V Éloge  de  Gordîns  par  Basile,  les  trois  homélies  sur 
l'Epiphanie,  le  Baptême,  Ta  "I>(o-:a,  la  Vie  de  saint  Théodose,  en 
revanche  les  Vies  des  saints  Michel  et  Théodore  et  celle  de  Mar- 
cien  sont  fort  rares,  celle  de  sainte  Charitine  l'est  plus  encore, 
la  rédaction  oii  se  présente  ici  la  Vie  de  Carterius  paraît  être 
unique,  et  le  martyre  des  saints  jumeaux  est  dans  le  même 
cas. 

Si  maintenant  nous  examinons  les  jours  du  mois  mentionnés 
en  tête  des  différents  morceaux,  nous  trouvons  que  ceux-ci  for- 
ment une  série  chronologique  continue  : 

'KyxwjjLtov  sur  Gordius 3  janvier. 

Vie  de  Michel  prêtre  et  syncelle 4 

Vie  de  saint  Théodore  de  Chora 5 

Les  3  homélies 6 

Transfert  de  la  main  du  Prodrome 7 

Carterius 8 

Polyeucte 9 

Marcien 10 

Théodose 11 

Charitine 12 

Trois  jumeaux -.   .    .  13 

Si  Ion  tient  compte  de  ce  fait  que  soixante-quatorze  feuillets 
manquent  au  commencement,  on  sera  tenté  de  conclure  que  le 


160  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Saulianiis  33  contenait  un  ménologe  complet  pour  les  treize 
premiers  jours  de  janvier. 

Mais  trois  dates  sont  étranges  :  celles  des  saints  Théodore, 
Charitine,  Speusippe  et  consorts. 

La  date  du  cinq  janvier,  attribuée  à  saint  Théodore,  est  en 
contradiction  avec  l'indication  de  Gédéon,  Bu^avTivbv  'Esp-oXi- 
vicv,  qui  place  ce  saint  au  8  janvier,  d'après  le  cod.  Pantocrator, 
13.  Saint  Théodore  ne  se  trouve  d'ailleurs  point  dans  les 
synaxaires. 

Charitine  figure  généralement  au  18  décembre.  Cependant 
certains  synaxaires  la  commémorent  le  20  janvier  ;  d'autres  la 
placent  au  13  (1). 

Quant  aux  trois  jumeaux,  ils  figurent  tantôt  au  16,  tantôt  au 
17  janvier. 

On  peut  se  demander  si  ces  trois  indications  ne  constituent 
pas  tout  simplement  Terreur  d'un  copiste  qui  se  sera  imaginé 
avoir  affaire  à  une  série  complète,  alors  que,  comme  dans  les 
plus  anciens  ménologes,  l'ordre  chronologique  n'était  pas  stric- 
tement observé,  et  que  plusieurs  jours  n'étaient  représentés 
par  aucun  saint. 

11  arrive  en  effet  fréquemment,  dans  les  anciens  recueils  de 
cette  espèce,  que  pour  des  raisons  d'ordre  intrinsèque,  un  texte 
est  rapproché  d'un  autre  alors  que  leurs  dates  devraient  les  sé- 
parer. Or,  les  deux  biographies  de  Michel  le  Syncelle  et  de  Théo- 
dore ont  ceci  de  commun  que  les  deux  saints  étaient  surtout 
vénérés  au  monastère  de  Chora,  à  Constantinople,  que  le  second 
avait  fondé  et  où  il  avait  été  higoumène  (f  846)  (2).  Quant  à 
Charitine  et  aux  Trois  Jumeaux,  nous  pensons  qu'ils  se  sui- 
vaient dans  le  modèle  (3)  qu'avait  sous  les  yeux  notre  copiste, 
comme  étant  respectivement  du  15  et  du  16  janvier;  tandis  que 
les  12,  13  et  14  janvier  étaient  simplement  passés.  Le  copiste, 
voyant  se  dérouler  du  6  au  11  janvier  une  suite  ininterrompue, 
écrivit  pour  Charitine  [j.ry'.  -m  tj-m  i6'  et  pour  Speusippe  :  ij.-/;v1 
-w  Tj-M  r;',  comme  il  avait  placé  Théodore  au  5  janvier,  parce 


(I)  Synaxarhttj)  ecclesiae  Cous  tant  inopolitanae,  éd.  Delehaye  (Propylaeum  ad 
Acla  Sanclorum  Novembris,  393,  47,  57). 

(■2)  Cf.  Gédéon,  l.  c. 

(3)  Modèle  où  pout-ètre  la  mention  [xrivl  Tôi  aùtài...  manquait,  ou  bien  était 
effacée. 


SAINTS   JUiMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  461 

que  sa  Vie  figurait  entre  Michel  (4  janvier)  et  les  homélies  de  la 
Théophanie- (6  j.).  Que  si  l'on  trouve  le  procédé  insolite,  il  faut 
se  souvenir  que  les  trois  Vies  mal  datées  sont  précisément  les 
trois  plus  rares  du  recueil,  celles  qui  manquent  dans  les  autres 
ménologes  de  janvier. 

III 

Notre  manuscrit  contient,  en  fait  de  légendes  rares,  deux  his- 
toires cappadociennes  (Carterius,  les  Trois  Jumeaux),  une  his- 
toire cilicienne  (Sainte  Charitine).  Saint  Théodose  est  originaire 
d€  Mogariassos  en  Cappadoce,  et  saint  Polyeucte  était  de  Mé- 
litène  en  Arménie.  Évidemment,  ce  n'est  pas  le  hasard  seul 
qui  a  fait  prédominer  dans  ce  recueil  l'élément  asiatique.  Et  de 
même  que  M.  Krumbacher  (1),  s'appuyant  sur  la  grande  impor- 
tance attribuée,  dans  le  \'aticanus  1589  et  le  Laurentianus  XI 9, 
à  l'ascétisme  palestinien,  admettait  que  le  premier  recueil  du 
genre  avait  été  formé  en  Terre  Sainte,  nous  pouvons  recon- 
naître dans  notre  ménologe  un  type  asiatique  et  probablement 
cappadocien.  Qu'on  rapproche  cette  constatation  de  l'énigma- 
tique  souscription  XpjsavOcr  :  -ic-qpiM-r,ç,  et  Ton  trouvera  sans 
doute  que  l'origine  cappadocienne  du  manuscrit  lui-même  n'est 
nullement  invraisemblable. 

Mais  voici  enfin  le  texte  du  martyre  des  trois  jumeaux.  Nous 
avons  été  forcé  d'y  faire  de  nombreuses  corrections;  la  leçon  du 
manuscrit  est  en  ce  cas  indiquée  dans  l'apparat  critique.  — 
L'iota  est  le  plus  souvent  ascrit;  les  mots  qui  dérogent  à  cette 
règle  sont  signalés  dans  l'apparat.  —  Il  n'y  a  guère  de  remar- 
ques- à  faire  au  point  de  vue  paléographique.  A  l'exception  des 
compendia  usuels  ouvoç  avsç  t?  yz  etc.,  les  abréviations  sont  rares  ; 
on  n'en  trouve  qu'à  la  fm  d'une  ligne  —  cùpavô)  est  même  pai-- 
fois  écrit  en  toutes  lettres  au  lieu  de  l'usuel  cjvoj-.. 

Nous  avons  cru  bon  de  réimprimer,  en  face  du  texte  grec, 
la  passion  latine  qui  ne  se  trouve  en  entier  que  dans  le  livre 
inaccessible  de  Bougaud.  Dans  les  notes,  A  désigne  le  texte  des 
Acta  Sanctorum,  B  celui  de  Bougaud.  Nous  avons  noté  un 
certain  nombre  de  variantes  intéressantes,  et  adopté  les  leçons 
les  plus  probables,  sans  prétendre  faire  une  édition  critique. 

(1"!  Siudien  zu  den  Legenden  des  Id.  Theodosios,  p.  'ZSQ,  237. 


462  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

1.  20 1--        Mv]vl  Tto  aÙToi  ly. 

-|-  MapTupiov  Twv    âyîo)v    Tpuov  vvj-icov   STreuffixTirou ,    'E)^açi7uxou, 
Me>.e<Tt7r7rou  xal  t-^ç  toùtwv  [xviTpQç  NsoviVAaç  y. 

"Ot£   tÔ  yu^AvaGiov   to^  toO   XptCTO'j    àÔX'/iTaî'ç  rposTiBsTO,   ots   'h 
ày-dpsTTo;   t^ç  xae^dxq  t^ov-tt'/]  £T8)i,£ÎT0   /.al  vî  to'j   biaêo'Xou  ÈTrXouTet,      r, 
aioynjTfij   ^psiç  ri«7av  Tviç  Ka777ra5ox,ûv  yjsipa.q  tÇ)  x);0UT(p  y£yr,6oTe;, 
oi;  xoù  xo'X'jç  ÛTT^pj^sv  ôoû'Xcov  TOX£Tdç,  xal  ttXouto'j  àvsipTiTov  Tc'XïiÔoç, 
y.al  st^wT^wv   àviGTaro   àfxuOviToç   àpi6[7-dç.    Olç    àvTiTwOfXTûrJei  XpiaToç 
'lïicouç  6  uîo;  Tou  0eoCi  TOij  TcavroxpâTopoç  ô  [/.ovoyEvvfç,   toutoiç  àvTr 
<7TpxT£U£Tai  ô   (^paj^uTaTOÇ  àpiÔpioç  Twv  Traibwv  £x.  NsovOvT^aç  ttîç  £Ùcr£-     lo 
êoOç  x,al   ooijV/iç  toO   XpiTToCi,   éx,  [xiàç  xoiT^iaç  xpixltovov  pd^ov  ô{/,oS 
xuxx^ovT£ç  cbç   èXaiocpuTa   y.apTro'j    7:poy^£ipou  xal   7.iTCy.poij.   TouTotç    oî 
xarà  (jàpxa  yov£Î';  SiT£U'7t'7r'7rov,   VE);z<7ixxov,  Mê*X£<7'.7:7ïov  TrpofjViydpeu- 
cav,    oûç  xal  £7raio£U(7av  ixavcô;.  ^Hv  yàp  xal  '/î  [xaj/,|j!,vi  aÙTwv  laTpixvîv 
[j.zTtay'riy.uïT.  zijyr;^^   aKkk  [/.viv  xal  ot  rpEi;  7rat'6£;  iTTXxXzGia  axpwç     li 
[/,£[/,a-/,vi6dT£i;,     o'.ç   £7r£yaipov  ot    xarà    cxpxa  xuptoi.    Toi    àè  xapdvTi 
xatpû  àim^tlxz,    £ibco7vc«)v    £T£);£Î'to  lopT'/f'  ot    ^è  7rpo£ipyi[7.£voi    t^    toîv 
[j!.xxapi(ov   iTTTurj'Xa'T'Ia    £vxêpuvdfj,£voi    £V£^£ixv'jvto,  /.al   à7r£(7T£i.'Xav   xù 

*    1.    201V     TOÙÇ    £V    TOXW    Xalo'J  *  <^[A£VtO>>    rixap-XCCp,     £vOx    TT|<;   '^l^jÀntlùC,    £<7T7]'- 

ptXTO  Pô£X'jy[/.a,  £v  to'ttco  tteSivw  -/.al  uXoS^Ei.  Ouç  §opu^op'fl'<7avT£ç  xxl    20 
xo'X>.x  6u{/,aTa  Stafpdpwv  Çwcov  £Ço^ia(7avTeç  oi  S£(77:dTxi,  ilq  tov  xpo£i.prj- 

{/,£VQV  (XX£(7T£l>.av  £Ù(poavGr,vai  TOTTOV.   Ol  0£    £X£Î<je  £77lGTaVT£Ç    £6£aCXVT0 

■7ro);"Xo'jç  [X£X)^ovTx.;  Gu£iv,  xxl  aifJLXTCov  £Xy''J(7£i;,  xal  i^éÎTirvov  TuXou- 
Tiov.  'O^  6e  T7]v  [xiav  -ÂfAÉpxv  xXouffuoç  £ÙcppavByi<7av,  xal  ttî  Èxauptov 
6{y.ot(»)ç  xap£(7X£ua<javT0,  XpiCTO;  xT^ouciav  xpxxe'^av   6£lç  xal  àyxOrjV    '•'••'• 

<^auTOÙç^  'XoiTCOV  âx[/.a(^OVTXÇ  £IÇ  àOxVX(7taÇ   XpOXO-VlV  £&X£X£V.    Et>.X£V 

yap  xÙTODÇ  Xpt<TTOÇ  'Ividoui;  ô  toO  HavroxpaTopoç  uîdç,  o  [j,ovoy£vyiç  xxl 
xptoTOTOxoç  0£Ôç  Ao'yoç,  £^  à(ppà(7Twv  xdlxwv  y£vv/i()£lç  xal  xxXecxç 
aÙTOuç.  Totyapouv  û-ojxvvicOfiVTEÇ  NeoviXaxv  ïtxeuctxv  £;;  t7}V  éai»TÔjv 
TpxxE^av  àyay£îv,  oùx  ÈyvwxOTE;  txutt.v  ol'jxoI;  xapa<7X£ua(^ou<7av  30 
TpxTr£>5av  oùpaviov.  Oî  ^£  £xl  to  xÙtô  oî  Tp£t'ç  xapay£vd[X£vot,  xaps- 
xxT^OKV  xÙttiv  IsyovTEç"  ■/îx£  xpoç  'flixàç'  x)^ou(7'.a  yàp  tx  xap'  tj^aîv. 
H   ࣠ N£Ovi};>,a   olx    XpuTToO   <jTpaTitaT-/i;    xxXou[^-£v/i    xvwOev,    toÙç 

II.  xy>.îaç.  Tp;x),ovov.  —  15.  InmlizoLi.  —  19.  xaXou  (sic).  —  X'O.  Tieôyivw.  OXwôt).  — 
21.  Çwwv.  —  2(3.  aÙTOù;  addidi.  IS^stiov.  —  30.  aùrou;. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  463 

Incipit  passio  trium  geminoriim  Speusippi  Melisippi  Ela- 
sippi. 

1.  —  Très  pueri  fratres,  quasi  très  rosae  ex  una  virga  natae 
florentes,  ita  hi  ex  uno  utero  simul  nati,  et  aspectus  gratia  et 
sapientiae  profectu  poUebant.  (juibus  cura  maxima  haec  erat  ut 
equos  alerent,  ut  familiam  ampliarent.  Quorum  avia  Leonilla 
iiomine  medicinam  instructe  cognoverat  et  notis  diligeuter 
instructa,  ut  incomparabilis  haberetur.  Memorati  autem  pueri 
1res  nepotes  ejus  et  nutritores  optimi  equorum  erant  et  ascen- 
sores  iiieomparabiles.  Qui  cursu  rapidissimo  ferebantur  paene 
cotidie  in  locum  qui  Palmasus  appellatur  sacriticabant,  in  quo 
stabat  Dea  Nemesis,  quam  gentilis  superstitiu  tune  colebat. 

2.  —  Isti  igitur  cum  aviam  suam  Leonillam  ad  suum  convi- 
vium  invitassent,  et  ea  quae  de  sacrificiis  Nemesi  attulerant 
quasi  pro  benedictionibus  posuissent,  Leonilla  avia  eoruni  dixit 
sis  :  Sic  omni  sapientia  eruditi  estis,  ut  nesciatis  idolorum  cul- 
turam  inimicam  salutis  humanae  semper  existere,  et  animas 
aeternis  poenis  in  Tartaro  religare.  Ego  Christi  ancilla  suni 
qui  fecit  caelum  et  terram,  maria  et  omnia  quae  in  eis  sunt, 
qui  post  tenebrosam  et  caecam  iioctem,  lumen  prodire  jussit, 
ortum  solis  et  occasum  segregavit,  dies  constituit,  tempora 
dispunxit,  lunae  cursum  certis  metarum  anfractibus  per  plateas 
caeli  ire  constituit,  stellis  quoque  splendentibus  varia  claritate 
caelum  ornavit,  statuit  montes,  fontes  aperuit,  campos  extendit, 
perpetuos  cursus  tluminilius  eontulit,  ab  arboribus  protulit 
poma,  vitibus  botryones  exhibuit,  olivae  nemora  pinguedinis 
gratia  tam  in  refectiones  quam  in  splendores  supplevit,  pela- 
gum  cum  litoribus  dilatavit,  aerein  avibus  dédit,  aquas  pisci- 
bus  adimplevit;  laxavit  nubibus  cursum,  ut  illic  influant  plu- 
viam  ubi  ipso  jubente  eas  distinxerunt  flabra  ventorum,  quae 
nunc  tepenti  molliore  tempérant  saeculum,  nunc  rigenti  algore 
pénétrant  mundum,  ut  fertilitatem  agris  impertiant  et  viven- 
tium  omnium  muniant  sospitatem  :  ipso  volente  vivimus,  ipso 
pascente  alimur,  ipso  douante  vescimur.  Hune  ego  Deum  culo 

1.  Deesl  in  A.  Elasipei  B.  —  5.  vita  B.  —  7.  disciplinam  B.  —  11.  loco  B.  —  IL 
sacriticabant  om.  A.  —  12.  gentiles  superstitione  colebant  A.  —  19.  eis  om.  A.  — 
22.  disposuit  A.  —  26.  olivae  nemora  pingue  dimis  gratiam  tam  in  rel'ectione 
((iiam  in  splendore  supplevit  B.  —  27.  pelagum...  adimplevit  om.  A.  —  29.  in- 
fluant sicut  A.  —  34.  jubente  alimur  B.  —  34.  dominante  vestimur  A. 


464  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

t.  20*2'  Tviç  £'j(7sêeiaç  aÙTviç  [/-a(^où;  TCV£tj[/.aT!.x.w  TpÉoou^TO,  yz'Xax.Tt,  v^xolouOsi 
ToTç  xaicTLV  ol  ^à  vsoi  izooT^éyo-^rzc,  ti'Hovto  wç  apve;,  àX"Xà  [Jt.-/iv  x.al 
Tov  T^ç  Tcpe^rêuTi^o;  oxvov  s-/,b£yd;/.£VOi,  [xai]  T'flç  |xz|j.fAvi;  aûxcov  Tviv 
j^apàv  oia  y£Xi^dv£ç  x£pi£7r£TavT0.  'H  ^£  iTa.paY£VO[J.£V/i  /.ai  xpô  t^ç 
Tpa— s'C'/i;   TÔ   GVi|j,£Îov  ToO   (TTaupou    j^apz^xca   tw    oaxTuXco,    TuV/ictov     i 

£>CaO£<7Gyi,     àTEvf^OUGa     Toiv     XTTx'XojV     àpVlWV     TVIV     £Ù7ïp£7:£t.aV.     TwV    0£ 

■7r7.tS(i)v  xpoTp£7ro[Jt,£'va)v  aÙTViV  àîràp^affOai  t"^  Y£tj(7£t  tûv  xpO/t£t[/.£V(ov, 
loGly^aTCi  -'n  ISeo-^iXka'  ù  izcxX^tç,  it  £[i.iov  ^£UT£pwv  Toxeràiv,  TptirT.ox.ov 
av6oç  £Ù(o^taç  y£[xov,  où  (/.iaivo  £(/.auT7iv  Èv  toutoi;  tok  y.pi[7.a'7i'  x,oà 
yàp  èyà)  TO'jTOiv   rtov  ppto[;-zTwv  yXkoz^ix  T'jyyavbi'  tccotol  ôai^OGi  T£-    i 
Ouxai,    £iSto);oi;  àcpiÉptoTat,    [/-axaiotç  Xiôoi;  £xa)vdy.aGTat,  /,al  et J;uyoi; 
âyocl[Jt.a<7tv  v^j^^uya.  £c(pa-/.Tat  (^ôa  [y.al  xtvoufxivaç  '^^jxç  «xivtÎtoiç  x.ai 
ç/ipoîç  l''6oi;.y.al  y  cupojxevotç  àya)^[xa(yi  TÉOuTai  Taùxa]'  w  tojv  /.a/ccov 
TCsx'XavïicÔE   7:a.î'^£ç'   [/.ocTaia  Taura*   où^èv  ic^uouciv,    àvOpwirtov  £[(7tv 
iT:iT-/]^vj^.y.Ty.  xcà  XiOo^dwv  xovv{f7-aTa  /,xl  |xavtaç  àXdytov  (]/£U()vi  ';T)^a:(j{Jt,aTa    i 
f.  202'     /.al  ^ir,yvi[j,aTa  ^ai[/.ovu'KÎ-/i  àuiôava,  à7r£p  'Kot.^éyji  -J-  tov  é'^ovxa  ïj^cO*^oç 
xal  aiwvtav    xdXaciv    co   TÉ/va  £p,a"   XpKTTOîî    xaî   0£oG  ^ôvto;    £i[J.i 
oouV/i  |jLOvoy£voOç,  oç  tov  Tzt^'.T.y.'k'kri  >c6<>{J!.ov  toOtov  iv  toTç  toù  irarpôç 
xd^Tvoiç  tov   £^r,[j,'.oi)py/i(7£,    ôç    [i.£Tà   Tr,v  ^0(p£pàv    -/.ai    yvocpwôïi  vuzTa 
opÔpov  oLviriCks.'^,  àvaTo'Aaç  •/iliou  /.al  c^uteiç  àvx'jT'fl'cra.ç,  7i|7-£paç  T£  xai    2 
vu/iTOç  à7;y."Xou;  8iyXka.yàç  ôptaaç,  geXvÎvvk;  xu/Acov  àpiOfxov  <^tav£(j,ojv , 
ypdvMv   xpoo^ouç,    Iviauxcov    x,al   pz/ivoiv    ctt3C<7£i;  ^'.aiTTrlTaç,    à<7T£pwv 
^opo'jç   £v   oùpxvw  <pxi(^puvaç,    [-/îi^spaç   t£   xal    vuxra;  àctwTT/iTa  (jt.£pvi 
•"îiopitraç],  oî/.o'j[A£v/;ç  xlocTOç  à-TîspavTOV  <7Ùv  toi;  dp£civ  ôpoO£T7i<7aç,  tco- 
Ta[/,oùç  à£vvaou;  cùv  Tïviyaïç  àcpOo'voiç  xaps'ytov  •flir'Xwfj'.Éva,  77e*XKyvi  <7Ùv    2 
aîyia^^oîç  -/,u(AaToucrt   TeTEtj^icjxÉva    6  vop.oO£TYiç  Xpicxoç   <7uve<7Tifi(7aT0, 

àÉpO.  (X£Ta^Ù  TOUTWV  à'];*/;Xz(pviTOV  «^tOl/.WV,  770T£  (Xàv  £'pa'7rTd[Jl,£V0V  V£Çp£>.WV, 

ojxêpouç  T£  y.at  ^£t[i,cyva;  £7ri[A£TpouvTa   Tri  yri,    xoTè   yaV/ivi(oVTa  xal 
e'joiov  [xaipdv].  y 'EîcVi^pwCE  Ta  TcavTa  sv  sJxovi  ^laçopw  [7.£[/.op(pa)|Jt.£va 
£v   àé'pi.  [ûv  [/.£T£Copov   6p[ji.-/iv,  £v   u^aTi,  ^£   VTi/.TÛv  /'.aTâ>.>>yi>.ov  (pûcriv,    3( 
^(ptov  <C^ï>  ^laçdpcov  /.ai  âp-jcETùv  xal  xv(o^a>.(i)v  àvapiôjAYiTa  y£vvi  £7ri 


1.  aÙT^ç.  —  2.  YiX^ovTo  scripsi.  r]xo>«û9oyv  cod.  —  3.  xai  seclusi.  aÙTwv.  —  8.  w. 
—  ',».  xpifjLOffft.  An  legendum  Ppwtj.a(n'?  —  II.  ènovônaffrai.  —  12.  ÎJ'ia.  — •  12-13.  xat... 
Taùta  soclusi.  —  16.  îttôavà.  fors,  tw  Tcpofféxo^^'-  —  l^-  w-  îwvtoç  eî{/.î.  —  21.  vûxta;. 
x•jxXo^/.  —  23-24.  :?)iiépaç...  Stoptua;  seclusi.  —  25.  Y)TCXo[xÉva.  —  26.  T£Tet-/i(T(X£VYiv.  — 
27.  ôtoixoùvta.  ÈcpaTtTÔfAEvo;.  —  28.  tr).  —  29.  xaipôv  seclusi.  —  31.  ôè  addidi. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX   CAVALIERS.  465 

etutipsum  exrolatis  admoneo.  Nemesis  enim  idolum  est,  quod 
exsecralur  Deus  qui  est  in  caelis.  Cognoscere  enim  debetis  crea- 
torem  omnium  Deum,  ut  de  tenebris  exeatis,  de  morte  resur- 
gatis  ad  vitam.  Ego  enim  matrem  vestram  in  hac  fuie  erudivi, 
quae  vos  très  cum  uno  subito  partu  effudisset  in  mundum,  tertio 
a  nativitate  vestra  anno  exire  jussa  est  de  isto  saeculo,  ad  alte- 
rum  saeculum  properare.  Post  cujus  obitum  pater  vobis  impe- 
dimentum  fuit,  ut  nec  ad  veritatem  potuissetis  attingere,  et  ad 
portum  salutis  a  tempestatibus  daemonum  pervenire.  Nunc 
vero  omnia  impedimenta  sublata  sunt,  et  sapientia  in  ^estris 
sensibus  régnât,  et  nihil  taie  profero  ex  ore  meo,  quod  non 
evidentius  agnoscatis.  Et  ideo  rogo  vos,  secundus  fructus  ven- 
tris  mei,  aperite  oculos  vestros  ad  caelum,  et  idolorum  omnium 
culturam  quasi  inimicam  saluti  vestrae  projicite  ut  possitis  ad 
aeterna  gaudia  pervenire. 

3.  —  Haec  cum  dixisset  Leonilla,  pueri  stupefacti  alius  ad 
alium  attendebant  et  fundentes  lacrimas  coeperunt  diceiv  : 
0  dulcissima  avia,  ubi  usque  nunc  istam  veritatem  a  nostris 
animis  occultasti?  Quibus  illa  respondit  :  Quoniam  pater  vester 
numquam  potuit  in  ista  veritate  esse  consensus,  idcirco  silui, 
ne  verbum  Dei,  qu<xl  in  ^■estl'is  mentibus  seminassem,  eo  pro- 
liibente  non  posset  fructum  adferre. 

4.  —  Tune  illi  très  recordati  sunt  visiones  quas  viderant  in  ea 
nocte  quae  transierat  et  exclamans  Speusippus  dixit  :  Videbam 
me  in  visu  noctis  praeteritae  in  sinu  aviae  meae  quae  mammil- 
lam  suam  plenam  lacté  labiis  meis  infundens,  dicebat  :  Speu- 
sippe,  bibe  lac  quo  in  agone  et  in  certamine  dum  veneris  quan- 
tum plus  biberistantum  fortius  et  velocius  vincis.  Et  cum  haec 
dixisset  Speusippus,  Elasippus  dixit  :  Crédite  et  me  vidisse 
hujuscemodi  visionem,  vidi  in  caelo  quemdam  quasi  primatum 
sedentem  super  sedem  magnam  ex  electro  et  gemmis  instruc- 
tam,  et  dum  me  .pavor  tenuisset  ita  ut  splendore  nimio  meus 
oculos  obumbrarem,  vocavit  me  ad  se  dicens  :  Noli  timere  : 
inimicum  tuum  vinces,  et  dum  viceris,  ad  palmas  attingis. 
Cumque  haec  Elasippus  retulisset,  exclamavit  Melesippus  di- 
cens :  Videbam  et  ego  visum,  et  nescio  quem  regem  compa- 

4.  vitani  aeternam  B.  —  5.  fudisset  in  niiindo  A.  —  8.  impedimonto  B.  —  2U. 
concussus  B.  —  ■2-2.  adferre  fructum  non  potuisset  B.  — 35.  Melasippus  A,  sempcr. 


466  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

f.  203''  Tou  XpiTTO'j,  ot  060.)  * TTiÇTeûovTeç,  o'I  T5C  tï^oiXcu.  TuàvTa  sî;  où^èv  T^oyi- 
'Co.ttevoi,  01  [/.aTocio,  àyâX[ji,ocTa  Po£>.u(y(jd[/.evot  /.ai  tocç  toutwv  ôuciaç 
£^ou^£vt6(7avTeç,  iTzzyviù-MTiç  Tov  x'jptov  x.al  X.TIGTY1V  ?i[j-(5v  'Ivicrouv  Xpt- 
(7T0V  •/iX6o|jt.£V  àiro  Too  G^toTouç  fiiç  To  6au;j.a«7Tov  aÙTOÛ  (pûç,  Ix  toO  ôavx- 

TOU  £tÇ   TYIV   (^(OTIV  '/,oà    dç  àvy.ffTaTlV  >.0YI.X.71V,   /tal   J/,£Tà  7C''(7T£0>Ç  ^pi(7T'.a.- 

vw^ç  Toi  0£w  xal  TraTpl  tw  x'jpt'cp  'IvicoO  XpicTw  aùv  àytw  irvEupaxi 
àva77£(/.7ro(y-ev  àvat[;.ay-TOv  Oucîy.v  àAlà  7i:aî'^£ç  £[xoi,  TCaui7ac»0£  ttiç  àcr£- 
êeiaç.  0'.  ^£  '7vatS£i;  £X.TC'Xay£VT£ç  tïj  toG  T^éyou  tyî'i;  -irpEcêuxi^Oç 
eùra^ia,  îtal  £lç  tco  évl  xpo<7£70VT£ç,  xa.1  à>.X7iXoiç  oàxpua  77poj^£ovT£Ç 
£(pa<jav  fe)  [/,-ÂT£p  çi)^-/)  [0£oo]-  àOpowç  Sï  tôjv  t^;  voxtÔç  6pa[.C3CT(tJV 
àva(xvvi(76£lç  6  Sire 6(717771:6?  cpyifftv  wjj.viv  £v  6pdc[/.aTt  ttiÇ  vuxto;  TaÛTr,; 
<^P>.£X£iv>  TYiv  {/,a;j-[;.Y;v  viy.àiv,  èv  àyxàT^a'.ç  {/.e  ola.  v^iriov  xparoOcrxv, 
/.ai  SiSouTxv  (/.oi  [/.a'Cov  &6v]'7^a*Cov  ^£  yaXz  yé{/,ov  ^pt[/.uTviTo;  xal  y'Xux.'J- 
TVjTo;'  6  ^£  TuîvovTo;  {/.ou  v£avi(7y.o;  tiç  kTzéjy^é  jxoi  v£)CTap  [ûoojp]  x.a.i 
£>,£y£  |j-oc-  S7V£U(7nr7r£,  v£vi/.yi)ta.i;  tov  àywva,  où  ïloCk^Aiou  y,cd  'Ep- 
[xoyévouç  /.al  Ro^pscTOu,  àT^'Xà  XptcrToo  àyûva  0£oû  ^wvtoç.  MExà  ^è 
TO  aÙTOv  xaùcadGai  'EXz<ri7f7ro;  £Itc£V  à  ttco;  Û7U£[;.v71(76-/iv  !  xxyiù 
i.  203*  xvopa  yàp  lÔEcipouv  *  £v  toj  ôpafxaT'!  j^-ou  sv  toîç  oùpavoiç,  iy.  oEQiôiv 
/.a6vip!,£V0ii  {jt,£yz};ou  àv^poç  où  ô  Opovoç  >.a{;.7rp6Tepoi;  viXiou  aTracTpy.xTwv 
«péyyoç  ^(^pitdauyèç  aTrlaTToV  at  ^£  toutwv  iSéai  (7'jyj^opot  /.al  à>>V/il(«)v 
«7i)V£7ua>>V/;loi,  o^xoio;  TvpwTo;  to>  ô£UT£pw.  K.a.1  y£Îpa  (/.oi  ooùç  £'X£y£v* 
cô  7:aîç  [Aoo  V£v(/.r,/caç  tov  ^ixêoXov.  EùOùç  ^à  6  MtkéGi-7:oç,  £77£(pwvvi- 
(j£V  ào£'Xooî,  oùo£v  £(jTi  xà  £l'(îco>.a  TxuTa,  jj-xTat,o;  6  àywv  vî[7-à>v, 
à^-V  ô  R'jpioç  mzircci,  vîjjiaç.  'E6£c6pouv  yàp  £v  toî  ôpa[7,aTi  Tiva 
[ia(7i7^£a,  ôç  fe)V£ÎTo  •Â[/.â;-  £ypa(p£  ^à  Trpô  t^ç  wv^ç  ttiv  £>>£uO£piav  vî[ji,ôiv 

£V   XpUGTO.T.'XÎvCi)   plê'Xw"    oî  0£    toutou   ffTpaTlô>Tai   oî   [J.èv  £[/,X(JT!.Î^OV    TOÙÇ 

/.up''ouç  vi[xà)v  [i,y.GTt.^iv  àvixTOiç'  oî  ^£  xÉXu/.a;  £^0VT£ç  7rxvTa  /.aT£)^U- 
Tav  Ta  £i^o)la.  'O  (îè  Pa<ytX£Ù;  é'vsuÉ  [J^ol  îXapôç  >iy(i)V  M£>.£criTC7r£ , 
àôavxTouç  Ï7T7rouç  7]Toî(J!.a(7a  (701  xal  toi;  à^£>,çoï;  (76u.  'Clc,  Se  to  è'vSo^ov 
T7)Ç  ÔEwptaç  Sir,yflcavTo  '7'j[7/p(ovov,   £ùâo^Î5C  7Î  7vp£'7êuTiç  àv£)cpa^£  XÉ- 

you(7a*  Aô^a  GoiKupi£  'IvigoO  XptcT£,  uîè  tou  xavToxpaTopoç  [j.ovoy£V7Î, 


1.  Yevri  .seclusi.  —  0-10.  xf.ç,...  eùraÇi'aç.  —  10.  zlç.  èvt.  —  11.  [AviTep.  Oeoù  seclusi, 
à6p6w;.  —  12.  aizzûmTznoz  çriaiv  w[ji.yiv.  —  13.  ^léittiv  addidi.  —  14.  SiSoûffav  (xoi.  — 
10.  ffue-jaiTte.  —  IH.  xayw.  —  21.  xoûiou.  eloéai.  —  22.  ô[xoîw;.  x^'P*  t^°''  —  ~^- 
ôpâjAaTi  Ttvâ.  —  20.  [xeXiffiUTtî.  —  3*1.  ■qxoi\ia.<!ct.  (70Ù;  àôsXcpou;  ffoy.  —  31.  TtpeiêyTYiî. 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX   CAVALIERS.  467 

rantem  nos.  Scribebat  autem  instrumenta  nostra  ex  auro,  et 
libertatem  nostram  simul  faciens  totos  très  nos  ad  militiam 
applicabat.  ciiigebat  balteis,  chlamydibus  induebat,  dicens  : 
Avia  vestra  talia  mihi  (ibtulit  mimera  et  taies  pro  vobis  die  ac 
nocte  per  seipsam  et  per  amicos  meos  effudit  preces  ut  vos  in 
meo  palatio  militetis.  Cumque  gratanter  ea  quae  nobis  dice- 
bantur  audirem,  vultu  hilari  rex  dixit  mihi  :  Melesippe,  im- 
mortales  equos  paravi  tibi  et  fratribus  tuis. 

5.  —  Et  haec  dicentes  stupebant  se  isti  très  fratres  invicem, 
et  lletum  tenere  non  poterant,  dicentes  visiones  suas  ita 
oblivionis  vinculo  fuisse  religatas,  ut  nisi  avia  nostra  liaec  verba 
ad  nos  locuta  fuisset,  ista  quae  vidimus  ad  memuriam  nostram 
penitus  non  redissent.  Tune  unanimes  dixerunt  ad  aviam 
suara  :  Indica  nobis  quid  del)eamus  facere,  ut  possimus  istum 
Deum  colère  qui  verus  est  et  aeternus.  Quibus  Leonilla  dixit  : 
Doceatvos  Imperatoris  exercitus  quid  faciat  tyranno  et  satelliti- 
bus  ejus,  ut  placeat  régi  suo;  et  vos  ut  placeatis  Régi  caelesti, 
haec  facite  Diabolo,  qui  est  verus  tyrannus,  et  satellitibus  ejus 
id  est,  daemoniis,  quae  in  idolis  habitant. 

Erant  autem  in  aedibus  eorum  duodecim  templa,  in  quibus 
erant  duodecim  simulacra  quibus  per  singulos  dies  in  singulis 
mensibus  sacrificia  exhibebant.  Accedentes  autem  unanimiter 
cum  servis  suis  dejecerunt  idola  rninutatim  mittentes,  templa 
autem  eorem  funditus  everterunt;  carnes  vero,  quae  sacrificatae 
fuerant,  canibus  projecerunt. 

6.  —  Tune  Leonilla,  positi.s  genibus  in  terra,  expandens  ma- 
nus  suas  ad  caelum  dixit  :  Haec  tua  sunt  opéra,  Pater  Domini 
et  salvatoris  nostri  Jesu  Christi,  quae  in  evangeliis  suis  excla- 
mavit  dicens  :  contlteor  tibi  pater  Domine  caeli  et  terrae,  qui  Math,  ii.yr, 
abscondisti  haec  a  sapientibus  et  prudentibus  et  revelasti  ea 
parvulis.  Ecco  enim  parvulis  re\elasti  regnum  tuum  et  confir- 
mas! i  mentes  eorum,  exaudisti  urationem  meam,  et  nepotum 
meorum  animas  liberasti  et  sensus  eorum  simulacris  vanis 
obligatos. 

7.  —  Tune  perrexit  ad  S.  Macariuin  Confessorem,  qui  erat  in  exilio  ab  An- 
tiochia  mi.ssus  in  ergastulo  Cappadociae,inmonte  Atharqui  est  in  suburbio 
Nazanzae  civitatis,  qui  orationibus  suis  aquam  fecit  in  ipso  monte  con- 

15.  aeternum  A.  —  •2i).  erant  in  doiao  illorum  A.  —  28.  et  salvatoris  cm.  A.  — 
28.  —  quae  tibi  Deus  et  Dominus  noster  .Jésus  Christus  in  evangeliis  A. 


Luc.  10.  21 


168  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

yrt^oLç,  0  Toù;  7;apoâ)^£iç  oiàa^aç  eïowT^a  Gpiapi-êeueiv.  Ol  rîè  Traii^eç  rà 

*  f.  204'    jxèv  *  sl'rWT^a  /iaTsVTpetj^av  Kal  £Îç  \it:tx  xaTsxT^aaav,  xà  ^s  [xiap66u7a 

-/.pev)  /tucri  xal  popêopw  xal  t9î  yssvvTi  toù  irupoç  y.ai  T"îp  rapà  too  ©eou 
wpt(7p-£vvi  cnztiVfi  â'ppt^J^av  ol[j.%  tY|  yT^u/.uTXTY)  [xzixpLvi ,  -/.al  v'/icte'jovtsç  5 
xal  7rpoc£U)(^6fA£vot  è^o^a^ov  t6v  0£ov  xal  tÔv  Rupiov  vîpLœv  'IvigoOv 
XpicTOv  TOV  à7uoy.a>j<|/avTa  aùxoù;  cpuy£Îv  àTCco7.£''aç  ÔzvaTov  r^  t£ 
£TCtO'j<7yi  vu/.tI  X.TÙ7Ï0Ç  Yjv  Tcoociv  /cal  TrocTavoç  Ïtuttsojv  y.a.1  ôjç^TiixaTwv 
cuvopo|A-/]  wç  <7£ii7[7,ou,  TY)  Tcov   /.axà  (Tzpxa  -/.upiojv  Ha'XixaTOu  y-al    Ep- 

{AOySVOUÇ     "/.al     Ro^pXTOU     iTTlTTaGtZ.     Kal      [£*(-/itoîjvto  oî    XpO£ip-ri[J!.£VOl     10 

7i:ai(^£ç]  £i-|-T7jv  "Ep!.£(7av  è6t[xo)ç  ê'Guaav  ItuuvÔocvovto.  'Oç  «^è  •/ixoucav 
x,al  TO  £r6oj'Xov  tï;ç  'Ef7,£(7viç  cuvxeTpicpôai,  x,al  Toùç  ^£x,a^ùo  9£oùç 
X£)t)i.aa6a.i,  xàvo  xpaTaiy.  t'^  cptov^  toutouç  rapEîvai  x£>.£'joocriV  wç  Se 
7i:ap£i7TVi<7av  |7-£ioiwVT£i;  xal  iXapol  toTç  TrpoGWTrot.ç,  ÏTTTavTO  (o;  CTpouOol 
£TOip!,oi  £lç  y,oCkix\.  15 

'Ap^zy.£voç  (^£  6  IIa>t[jLàTOç .  £t7î£V  S77£UGi7T-£,  Tiç  riT^y.Tr,cie'</  ùij.ôi; 
Toùç  GeoÙç  xaTacTTpÉj/ai  xal  y.ÙTOÙ;  fi'XaG(p7i[J'.£Î'v,  xal  IttI  avGpwTCov 
£(7Taupw|7.£vov   £1x1(77.1,  ov  £T£X£  Mapta,  à'vOpwxov  'lou^alov;    'A-TTOXpi- 

*  r.  204''    GeIç  oï  0  SrsùçiTTXo;  £ix£v*  *  S^aX'Xsi,  VloCkij.S.Te.  Xoigto?  ô  t)£o'ç  èctiv 

uîôç  0£oû  (^ûvTOç,  oç  xaT-z^py/icev  u[jt,wv  -xvTa  Ta  ^SsT^ûyjxaTa,  xal  20 
y£Îpaç  V£(j)v  svtcj^UGe  xa.Tax'XaGai  Ta  àxaÔapTa  uawv  Eiàw/.a  xal  ôptaa- 
^EUGai  Toùç  TO'JTOi?  TTpocxuvùuvTaç"  £1  oï  Ofioî  siGiv,  éauToùç  ix^ix'/icaTW- 
cav.  'O  ^è  'Epfxoyevviç  ppu^ac  xaTà  tùv  xaiSwv  £l7r£V  Nûv  Taç  càpxaç 
ûjxôiv  TCupl  7rapaoo)cto.  'ATTOxpiOfilç  oè  ô  'ET^aancxo;  £Tx£V  Xàpiv  £yoty,£v 
oTi  xal  xapa(pptov  wv(ppov£iç.  '0>.oxauT(ô[J!.aTa  yàp  r,y-àç  <<xal^  O'jct'av  25 
ày^pavTov  Xpi(7Toç  à7roo£^£Tat.  'Hu-eTç  oùv  Tàç  à.TTE'.'Xa'i;  cou  Tauxaç, 
'Eppooyévvi,  x£poo(;  vîyoujj.EÔa*  cv  ^à  £ip7)xaT£  àvOpwTïov  'IvicoOv  XpiCTov, 

«7TaUpC')0£lç    iaUTÔv    àv£(7Tyi'7£V,    xal    ol    0£ol   upLoiv   vOv   x7va(76£VT£^   éaUTO'jÇ 

àvaGT'ocouciv ;  Eî  os  àôpav-^  ovTa  éauTa  po'/iO'^cai  où  ^uvavTac,  ôfj!.£iç 
7ÏÛÇ  £xoiX£iT£   àvaicGriTa    fii^tola;    ti  jj,aTriV  Toùç  oSovTaç  7i[/.ô)V  cuv-    30 
Tpib£T£;  •iîu-Eîç  yàp  Ta    tt,;  vix-ziç  xal  t-^ç  £Ù<7£§£iaç  xpaToD[y,£v   [ipa- 


2.  TtàpSaXetc.  —  3.  (xtapwôuta.  —  1-5.  t^;  ysévvifi;...  rf]?...  wptTixevvî;.  —  7.  an  legeii- 
duin  aOxoï;"/  —  8.  èTrioûaY).  uaîowv.  CTxyijjLotxwv  (sic).  —  9.  xata  (Ttxpxa.  —  10-11. 
ÈSïlToùvTo...  TiaîSEï;  seclusi.  —  12.  ayvTetptipeai  —  M.  (XYiôttôvTî;.- ïJTTTavio.  —  10.  IlaX- 
[xâtoç.  —  19.  0£Ô;  È(7T!v.  —  22.  Gsot  eî^tv.  —  21.  Ixa)(i.£v.  —  25.  ûiJ.àç.  Kal  addidi.  — 

30.    £x5lK£ÎTai.   U|lô)V. 


SAINTS    JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  469 

fluere;  de  nono  enim  milliario  aquam  .sibi  exules  in  eodem  loco  damnati 
portabant.  Hos  igitur  nepotes  suos  perduxit  ad  eum  :  quos  ille  suscipiens, 
docuit  omnia  catholicae  fidei  mysteria,  unitatem  Trinitatis,  veritatem  Dei- 
tatis,  aequalitatem  omnipotentiae,  nihil  majus,  nihil  minus,  idem  esse 
substântiam,  majestatem,  Deitatem,  Patrem  vere  patrem  esse,  qui  genuit 
filium,  sicut  lumen  de  lumine,  fluvium  de  fonte,  sicut  verbum  ex  voce, 
sicut  sonum  ex  verbo,  sicut  rationem  de  eonsilio,  sicut  gaudium  de  bono 
nuntio;  ex  eo  esse  Filium.  ex  quo  est  Pater  sicut  ex  eo  fluvius,  ex  quo 
fons.  Qui  fluvius  etiamsi  doceatur  postea  cucurrisse.  semper  tamen  intus 
in  corde  fontis  fuit.  Non  enim  fons  aliquando  sine  aqua  esse  potuit,  sicut 
nec  fuit  aliquando  sine  Filio  pater  :  sicut  verbum  ex  voce  :  ex  quo  enim 
vox,  ex  eo  et  verbum,  sic  et  ratio  ex  eonsilio;  ex  quo  enim  consilium,  ex 
eo  et  ratio  :  sicut  et  gaudium  ex  bono  nuntio  :  ex  quo  enim  bonum  nun- 
tium,  ex  eo  et  gaudium.  Ideo  enim  et  Evangelium  bonum  nuntium  inter- 
pretatur,  quia  gaudium  donavit  flentibus,  libertatem  servis,  redemptionem 
captivis.  caecis  lumen  reddidit.  surdis  auditum,  salutem  infirmantibus 
contulit,  mortuis  vitam  restituit.  Haec  et  bis  similia  quae  necessaria  erant 
prudentes  pueros  diligenter  instructos  ad  domum  propriam  ire  prae- 
cepit. 

Venientes  aiitem  coeperunt  publiée  loqui  magnalia  Dei  et  per- 
seciitionis  fervorem,  qui  tune  bulliebat,  penitusnon  timere.  Ita 
autem  eoeperunt  esse  in  Christi  amore  perfecti  ut  vere  in  tri- 
bus his  Trinitas  divina  requiescere  probaretur.  Baptiz;i(i  autem 
non  erant  quia  perseeutor  omnes  oeciderat  saeerdotes. 

8.  —  Interea  ut  dictum  est  fama  volât  et  magnis  acuit  rumo- 
ribus  iras;  colliguntur  ab  universis  saeerdotibus  idolorum  uni- 
versi  honorati  provineiae,  ut  venirent  ad  deam  Nemesim.  Et 
non  invenientes  secundum  consuetudinem  quidem  faeta  sunt 
sacrifieia  per  triduum.  Post  haec  vero  perrexerunt  ad  domum 
eorum  ut  XII  deos  quos  in  templis  singulis  positos  colebant  an- 
tiquitus more  solito  adorarent.  Quos  invenientes  cum  templis 
suis  funditus  eversos,  una  voce  lamentationibus  perstrepentes 
clamores  intolerabilesefferebant.  Statim  de  oratorio  ejiciuntur 
laeti  tranquilli  gaudentes.  Et  sieut  erant  pulchri  in  aspeetu, 
sic  sereni  et  sine  aliquo  pavore  probantur  in  vultu. 

9.  —  Incipiens  autem  unus  e  majoribus  provineiae  dixit  : 
Speusippe,  quis  persuasit  vobis  Deos  derelinquere  et  insuper 
statuas  eorum  confringere  et  in  Jesum  nescio  quem  hominem 
spem  ponere,  filium  eujusdam  Mariae,  Judaeum,  quem  etiam 

30.  colebat  antiquitas  B,  —  33.  inl'erebant  A. 

OhlENT  CHRÉTIEN.  33 


470  REVUE   DE   l'orient   CHRÉTIEN.  { 

êeîa,  iy,ti  vîfxî'v  xô  àGavarov  iÎToi(ji.a.CTat  Seîtcvov,  aXXoç  >.oi7rov  Yi^aàç 
(I)Vvi'(7aT0  paatT^euç,  oùx,£Tt  ooo)i.oî  è<7|xev,  êXsuôspot.  tô  7vvetj[j,aTt  eiç 
/.ûfaiv    ecTïijxev    ctiu.sûov.    DtCTSÛGaTe    oùv    /,a.l    eleuôepojGvicecôs    tô 

)tTi<JTviv   àpvoù(A£VOi  6eov,  oî  Tov  irocpayaYovTa  û(;-àç  èx.  toû  [x-,q  ovtoç     5 
etç  To  elvai  {ay)  eTreyvwKOTSç,  01  Toùç  (j/à  ovraç  Gsoùç  wç  ovxaç  sirixaXotj- 
y.svot^.  ToS  ^£  Ro^ûocTou  TÛij^avTOç  xaîç  oudi  )(_£p<7t  to  éauToO  Tupocrw- 
*  f.  205''    *7ïov,    0   MzkéciTZTzoç    ârexpivaTO*    Tutîts    gou    ttiv  «l'uj^viv,   [J.z);>.OV  ^è 
TOTTTS  xà  aauxoC  at(76-/]T'fl'pia.  'O  Se  Ro^pâxoçelTCev  'E[xauxov  èxStxyiao) 
cvi'[xepov,  èiràv  aOxo'^^^eipoç  cou  Yiv(ù(jt.at.  'O  àè  MeT^eGiiTTroç  elxev  Rat    10 
x{   Ppa^uvetç;  çépg  xô  ^i^o;.  'O   ^è  Ro^paxo;  siTrev  Ilpwxdv  cou  xviv 
y}^(ôccav  s)txé(Jt.v(«)  iva  [xvi  laA^ç.  'O  8ï  M&Kiai'K'Koç  slireV  Ràv  x6  ctop-axi- 
y,ôv  opyavov  xsjxyiç  xal  xoG  'koCKii'^  jxt  /.co^^ocviç,  ô  xa  7CV£i»{/.axi)tà  «pÔpoc 
Ivi^oGsv  àpp'ca;,  àT^aV/îxw  (pcov^  oûxoç  (Aev  So^acGvfcsxai,  ce  Ss  )taxa^c)ta- 
c£i.   'ExàÔriCav  8ï  oi  xpsîç  xaxà  cxpxa  ;cuptoi  y.oà  xi  luoi-^cat  viTro'pouv.    15 
'O  ^£  STreuciinroç  àvexpaye  >>éy(oV  Tt  ^paSuvexe;  a(|/aT£  xô  ^op,  éxoi- 

[JI.3^CaX£    xô    ^t'CpOÇ,    £'X£u9£ptOCaX£  7Î[Aàç,    XOpÔÇ   O'jpàviOÇ   £X.O£J(^£Xat  ^(xaç* 

àlV  oùSè  6  vilioç  ^uv/i,  Trplv  vi  [vifJLà;]  Guci'a  xaÔapà  'irpoc£V£j(^Oa)(jL£v  xÇ» 
Geû*  ^TQcavx£ç  oùv  •flfJt.àç  [Gucta  jcaGapà  TCpoc£V£yG<Jii[Jt.ev  xû  Geû]  oxcoç 
[ouv]  Poo>.£cGe  Pacavicaxe.  'H^ksic,  yàp  éxocfAwç  aùxo[xo>.oiji[;,ev'  Xpicxoç  20 
'lïicouç  ô  uîoç  xou  0£oo  |/.£xa^ù  YiiAÛv  £cxr,x£v,  ou  àTracxpaTrxet  xo 
*  f.  205''  7rpo'cco*xov  s/i^oç  à7r£ptvoyiTOv  xal  àveV.cppacxov,  ôv  û{X£Tç  oùj(^  ôcaT£ 
y£(jt.ovx£ç  àc£ê£iaç  xat  [jL'.apôv  (^o^ov  7r£piê£ê>wy][y-£V0i.  'E)C£leuce  oà  y.al 
XTiv  Nsovt'XT^av  ayecGai'  tî  ^£  Spo[J!,otta  vipj^fixo,  xôv  ■irpecêuxix.ôv  à^odu- 
ca[J!.£VYi  oxvov,  v£oxv)xa,  Se  ày>^aïi^o(A£V/i.  ElpocTTTi^-fl'caca  ^£  /iotxeçilei  25 
xoùç  Traf^aç  ÉTTtê'oàJca*  *0  apv£ç  axaxot,,  >.ûy.(i)v  CTd;j.aTa  ^a>.tvwcavx£ç, 
xal  xveuao.xr/.oî'ç  xocl  xtiv  xwv  £ioa)7^a)v  [xaviav  iraxTjcavxeç.  Rai  oî 
(Ji.£v  àceê£Î'ç  £cx.£7rxovxo,  Tuwç  xoùç  TCat^aç  àva^ocouciv.  Oî  oè  V£oi 
Tirpôç  xviv  {;!,z[j.{JLr)V  aûxwv  (;,£Tà  ^azpuwv  IXeyoV  'O  y>.uxuxaxiri  (XYi'xvîp, 

(J!.^     £yxl7iGâ){;-£V    UTTÔ     XpiCXOU,    ÔXt   XÔ   ^a.TZ'^lG^CC  0Ù)t    etX-/1(pa[/.£V    Tj    oï     30 

eÎTrev  TÉxva  [xou,  at(jt,axi  XoucacGat  Gapceîxe*  )cai  ouxcoç  ol  xpe^ç  àXk/]- 


2.  SoùXoi  è(i(X£v.  —  4-7.  oî  (làTviv...  è7nxa),oû(i.evot  in  cod.  post  verba  ta  actvzoK» 
a'KTÔYiTyjpia,  inepte,  —  9.  è(T6yiTr,pia.  KoSpaTo;  ut  semper.  —  10.  ÈTcav.  —  11.  TrptÔTOv 
aou.  —  13.  T£(i.yiç.  —  14.  à>.a>.:ô'cw  ç'-vr).  outoç  o  in  rasura  (primum  u?)-  —  15.  xa-rà 
ffapxa.  —  18.  :^uà;  seclusi.  —  19.  ouata  —  ©eu  seclusi.  —  20.  o5v  seclusi.  —  23.  èxé- 
Xeuffs  (sic);  debuit  èxéXsuffav.  —  24.  Spo|xaîa. 


SAINTS   JUMEAUX   ET    DIEUX   CAVALIERS.  471 

Judaei  ci'Lici  fixerunt?  Respondens  autem  Speiisippus  dixit  ei  : 
Erras  Palmate,  Jesum  qiiem  tu  qualemcimque  hominem  putas, 
Christus  filius  Dei  vivi  est,  qui  de  caelo  descendens  hominem 
induit,  ut  iiominibus  subveniret.  Qui  ideo  cruci  figi  hominem 
quem  assumpserat  non  prohibuit  ut  lignum  praevaricationis 
ligne  crucis  vinceret  et  vitam  quaeperierat  saeculo  redonaret. 
Et  ideo  qui  vult  ad  vitam  pertingere  destruat  omnes  abomina- 
tiones  et  confringat  idola  vana,  surda  et  caeca  et  muta  et  im- 
mobilia  et  caduca  ut  possit  viventem  et  audientem  omnia  ha- 
bere  propitium.  Hermogenes  autcm  frater  Palmali,  stridens 
dentibus  contra  eos,  dixit  :  Modo  carnes  vestras  liinc  igné 
cremabo. 

10.  —  Respondens  autem  Elasippus  dixit  :  Gratias  agimus 
quia,  cum  non  sapias  quae  Dei  sunt,  sapienter  minatus  es;  si 
enim  igni  carnes  nostras  dederis,  illi  nos  sacrificium  offeres  pro 
cujus  nomine  nulla  supplicia  timemus.  Et  nos  quidem  tempo- 
ralem  ignem  temporaliter  patimur;  vos  vero  aeternum  ignem 
habebitis  nisi  Christum  Dei  filium  fueritis  confessi.  Exsurgens 
autem  Quadratus  percussit  pugno  in  faciès  amborum  Speusippi 
et  Elasippi,  qui  locuti  fuerant.  Tune  Melesippus  dixit  :  Quid  est 
quod  meam  laciem  ab  hacgloria  recusasti"?  Autnon  tibi  videor 
Christianus  quod  illos  honorasti  et  me  exhonorandum  exis- 
timans  reliquisti  "?  Dixit  ei  Quadratus  :  Vindicabo  hodie  et 
nostram  injuriam  et  deorum  cum  manu  mea  vos  trucidavero. 
Palmatus  dixit:  Nisi  linguas  eorumsecaverimus,  non  cessabunt 
loqui  de  injuria  nostra  deorumquenostrorum.  Melesippus  dixit  : 
Etiamsi  corporalem  linguam  secaveris  ut  non  loquatur,  in 
interioribus  tamen  nostris  inenarrabiliter  laudamus  Deuni  no- 
strum  Jesum  Christum  et  gratias  ei  agimus. 

11.  —  Et  cum  sederent  Palmatus,  Hermogenes  et  Quadratus, 
et  omnis  populus  exspectaret  quam  sententiam  darent,  stu- 
pentes  inter  se  cogitabant  quid  facerent  et  moras  patiebantur  in 
adinventionibus  suis.  Tum  Speusippus  exclamavit  dicens  :  Quid 
cessatis?  Accendite  ignem,  parate  gladios,  suspendite,  caedite, 
torquete,  et  si  doletis  deorum  vestrorum  injurias,  vos  vindi- 
cate  :  illi  enim  seipsos  vindicare  non  possunt. 

12.  — Dicit  ei  Hermogenes:  Stulte,  moras  nostras  otiosas  pu- 
tas;  non  sicut  vos  vultis  ita  peribitis.  Melesippus  dixit  :  Chorus 
nos  Christianorum  exspectat  :  occurrere  volumus,  si  non  ad  sex- 


472  REVUE  DE  l'orient  chrétien. 

Xo'jç  (7(ppayi(7avTeç  xal  irveu^y^aTiTcû  (piV/fjJLaTi  oCk'kii'ko^ji;  (piV/îcavTeç, 
ùfAvouvreç  eT^eyov*  Ao^a  coi,  TCaxep  riavTOJtpàTop,  So^a  croi  'Ivîcoij  XpiCTÈ 
0££  Tôiv  ô).tov,  sùj^apiCTOÛp-év  COI  cùv  àyicd  xvsujxxTi.  Kal  outoç  oÎ  avo- 
[j.oi  Toùç  [/,ax,y.piouç  TraîSaç  eîç  SévSpaàvTi  TrpocwTTOu  5cpe[xacxvTeç,  xAcivaç 
àxavOùv  çspscGat  toC  qssiv  toÙç  xaioaç  sx.s7.euov.  Oi  Sï  oûtwç  ê^scO'/i- 
*  f.  206''  cav,  o)ç  TTOcvTCov  Tùv  p.sXojv  xaTappu£VT(i)v  [Jt.£/pi.  x.ai  twv  octswv,  Ta 
o£  vsOpa  SiecTCacôvicav.  Oî  ^è  toû  XpiGTOo  apveç  ^lacTCcojxsvot  ùtco  Toiv 
luxwv,  yiwuiijiq  sçspov  wç  àÔV/jTal  toO  0eoO.  'I^pùvTsç  8ï  tcc 
TTpù'cwxa  àciw7rr;Tco  cpcovip  è^o'^arov  tov  0eov.  Kal  èxéleucav  oï  àceCsiç 
TTupàv  xàT^iv  yev£c6at  Iva  £[7-êV/i6<jJciv  oî  (j(.ay,zp!,oi  Tiai^sç  eîç  to  TTup.  lo 
Rai  Trplv  •/!  pT^TiGrjVai  aÙTOÙç  sivl  toO  irupoç  Yi^iouv  ttiv  [^.a{jt,p.yiv  aÙToiv 
leyovTsç*  M£f»-vvico  "ôjxôîv  xpoç  Kupiov,  ^euTspa  [xviV/ip.  'H  8l  el-rcev 
Kal  TCtoç  xax'  à^ixv  'jfjLvvi'cw  XpicTov  Èyco  vî  à[/,apTco7;o'v;  ;  01  ^s  eiT^ov 
'ETïàv  scGtVjÇ  TGV  apTov  cou,  pi(/.vv)co  7Î[/,(I)V,  xal  7:aç  ^è  6  toOto  xoiwv, 
/.al  [X£'[xvriTat  •iî{;.wv  Sxeuc'Trxou,  'EXaci^TTOu  xal  MeXectiTTCOu,  l'va  xal  15 
•iî[7.eîç  [/,vvicÔû){/.ev  aÙToO  èvtoTviov  toO  0£oG  tou  rFavTOxpaTopo;  £v  Toiq 
oùpavoîç,  xal  tou  [xovoyevoGç  aÙTOu  utoO  T/icoCi  XpiCTOu  toO  0£oO  toO 
^ûvToç.  To'te  "konzo-v  £X£"X£uov  £v  Tvi  xupa  flXr/Jr,vau  Ol  8ï  to  cvip-eiov 
TOÛ  otoTYipiou  cTaupoG  i'xacToç  tw  oaxTu^co  £(^wypoc(p£i,  ettI  tou  Tuupdç, 
xal  oÛTWç  TO  TTÛp  £xa(J!,apoÙTO  xal  Û']/oûto  xal  ù'Kty^^^ei,  xal  oùj^  "îjTrTeTO  20 
1*  1.  206''  aÙTwv  TO  xaOùlou  *  xal  ol  [JLaxxptoi  xaî^eç,  w;  im  xaX^  xoitv)  xpocxXi- 
ÔsvTe;,  ù^mCKouv  toîç  TcapECTôici  >,6yovT£Ç"  Mvi  Û7raxoucy]T£  à^txoiç 
àvôptoTCOiç,  u,-/)  [xtapocpayrlcTiTE,  [r/j  p£^yi>w(ocviT£  upxov  Tàç  ^uj(^a(;, 
CT-^T£  s^paîoi,  Tov  XptcTÔv  £7riyvcoT£,  0£Ôv  ô{jt,o>.oy?icaT£ .  "E^>.£y£  r^£ 
ôufAo;  TOV  DaTvp.aTov  xal  'Ef[;.oy£V/iv  xal  Ro^pôcTov,  xal  £X£X£uov  25 
likdwoL  ^uXa  ÛTïoé'aT.fiîv  tô  xupi,  (p£p£iv  h\  xal  ïlaiov  xal  ^x^ctc,  xal 
xvjpov.  01  0£  xai^e;  w;  £^  svoç  cTOfxaToç  eItuov  toïç  TC£pl  Da'Xp.âTov 
Xapiv  £5(0[j(.£v  ti)  àçi£pw6ripi,£v  0£6J,  ôti  £ti.  (^tovTwv  rjiy.wv,  vivayxacOYiTS 
xvipoùç,  xal  "ky.jj.'nix^ot.ç  àv^XTEiv.  Ol  ôà  ûxiopsTat  où  ^i£"Xi7rov  Ta  ^ula 
xal  tô  slatov  ûxoêa'X'XovTE;.  Rai  oi  [ji,axàpioi.  7i:alo£ç  lêovicav  xpoç  tov  30 
0£Ôv  'XÉyovTe;'  EùXoyou[/.£v,  û[;.vou[;.£V,  oo^o7voyoG;7.£v  xaT£pa,  uîov  xal 
àyiov  xv£u[Jt.a,    xal   TauTa    filxovTeç,    xal  Tàç  x£'|/a>.àç   xXi'vavTe;  Ta; 


3.  s\)ya.ç)i(jzo\n>.zv  (70t.  —  6.  xaTapyivxwv.  —  14.  èuâv  ésOCetc.  jtacrôé.  —  15.  èlaaninno'j 
(sic).  —  19.  èÇwYpàçï).  —  20.  v^'O'J'^"-  —  21.  xa^îj  xoityi.  —  25.  IlaXt^iâTov  deinceps 
semper.  —  26.  SâiSaç. 


SAINTS   JUMEAUX    ET   DIEUX   CAVALIERS.  473 

tam  velad  nonam,  si  non  ad  nonam,  vel  ad  undecimam,  ut  acci- 
piamus  et  nos  sicut  illi  qui  prières  laborasse  probantur,  merce- 
dem  martyrii.  Dicit  ei  Quadratus  :  Miser  mortein  tuam  ante 
oculos  vides,  et  sine  timoré  loqueris?  Melesippus  dixit  :  Nos 
mortem  non  videmus,  sed  videraus  vitam  nostiam,  vultu  hilari 
nos  respicientem  Dominum  Jesum  Christum  quem  vos  non  po- 
testis  videre  quiaoculi  vestri  pleni  sunt  caligine  idolorum. 

13.  —  Tune  jubent  adduci  aviam  eorum  Leonillam,  et  vo- 
cantes  eam,  secrète  dicunt  ei  :  Vade  ad  nepotes  tuos,  et  die  eis 
ut  deponant  vanitatem  mentis  suae,  et  reaedificent  templa  et 
restituant  deos,  ut  possint  sicut  semper  amati  sunt,  plus 
amari.  Qiiibus  ait  Leonilla  :  Ego  vadam  et  persuadebo  illis  ut 
vivant.  Cumque  Leonilla  venisset  ad  eos,  accedens  hilari  vultu, 
osculatur  eos,  et  dicit  :  0  agni  sine  macula  positi  in  medio  lupo- 
rum,  estote  prudentes  sicut  serpentes  et  simplices  ut  columbae 
in  mansuetudine  Christi  :  nuUa  vos  îerreat  difficultas,  nullac 
poenae  perterreant  :  occidi  enim  pro  Christo  majus  est  quam 
regnum  assumere.  Regnum  enim  mortale  est  hoc  quod  in 
mundo  est,  illa  autem  vita  aeterna  est. 

14.  —  Tune  suspendi  très  pueros  in  una  arbore  pracceperunt 
ligantes  manus  eorum  sursum,  pedes  vero  deorsum,  tantum 
trochleis  stridentibus  eorum  membra  traxerunt  ut  ossa  appare- 
rent,  et  nervi  quasi  in  cithara  extensi.  Illi  vero  sudorem  habentes 
in  l'acie  tacitis  vocibus  Deo  gratias  refercbant.  Tune  Quadratus 
dixit  :  Ubi  est  Deus  vester?  Speusippus  dixit  :  Hic  est,  et  ipse 
adjuvat  nos,  ut  de  poenis  vestris  non  solum  non  doleamus,  sed 
etiam  rideamus.  Palmatus  dixit  :  Infe lices  et  miseri,  uno  animo 
ad  mortis  vestrae  interitum  festinatis.  Elasippus  dixit  :  Unus 
venter  nos  uno  die  genuit,  una  mater  très  filios  dédit  saeculo, 
una  arbor  très  martyres  tradidit  Deo.  Quadratus  dixit  :  Non  in 
ista  arbore  moriemini,  sed  vos  hodie  ignis  consumit.  Melesip- 
pus dixit  ad  eum  :  Qui  unus  ignis  erit,  qui  trinitatem  nostram 
trino  Deo  tradat  in  sacrificium, 

15.  —  Tune  jubenlibus  his  Palmato,  Hermogene  et  Quadrato 
ignis  copiosus  accenditur.  Cum  autem  moras  facerent  ligna  por- 
tantes conversi  ad  aviam  suam  dixerunt  :  Memor  nostri  semper 
esto  in  orationibus  tuis,  et  cum  cibum  acceperis  frangis  panem, 
et  incipiunt  micae  cadere  de  fragmento,  collige  micas  de  mensa, 
et  memor  esto  nomina  nostra  ut  et  nos  gustemus  de  micis  men- 


474  REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

owv^;  £V  t2>  GTop-an  aùxôjv  où'cviç. 

'Iou>>ta  ^s  Tcç  yuv/i,  v/iuiov  /.oaTO'jaa,  àivo^epLÉv/i  aÙTO  £v  xw 
l^acpei,  àvxîipà^aca  eîTuev  Kizvà)  yptcTTiavri  eJjy.t.  0£w  xai  Xpiarto  tti- 
f.  207'  cTTS'Jco  àÔavzTcpxai  atwvuo  PaaiT^eî"  tz/iov  5e  *  Ixe'Xeucav  aùx'/iv  ayomoiç  5 
si;  xà  oTTiGco  è^ayy.covi'jÔ-^vai  xàç  yeîpaç  xal  eV.  xpij^wv  )cpe(AacOf;Vat 
£(0;;  ôx£  p-iapoçay/icr-/!  -/.al  xov  0£ov  'Ivicjouv  KpiGXOv  àpv/i'j-/ixai.  T*^  5e 
•;Tpo(T£};6œv  0  àv/ip  aùxYÏ;  D^eysv  'Io'j7.ia,  £[;-£  iXér^aùv  d  8ï  £{/,£  oùx 
£X££Tç  y.av  xo  v/ittiov  oïx.x£ipov.  'H  Sa  àTroxpiÔsicy.  elTC£V  To  v/i-rtov  dyco 
eysvvrjca,  £[X£  oè  ô  0eoç  '/i'j^vig£*  xpîvov  oOv  xiva  ';tpoxt,[j//icw[xa!,,  ô  iyoi  10 
àyî'vvvica  -/i  xov  aù^yi'aavxx  [J-£  y.ai  ôtaaw'Covxx  [xe  £v  •/îj/.spa  xpiaewç. 
Ilpo;  xauxa  5s  xà  stt'  aùx^ç  7xyj)ivT0i  Gaxxov  £-/.£")^£U(7£v  ànt^zy^eiGOLv 
aùx/jv  7vlri(7tov  Opêzowv  xr,ç  xwjJ-Yiv;  xyjv  xeçaV/jv  â7cox[/.7iO"^vai  a[/,a 
NeoviAV/i  x-?i  ;-'-z[^.y.'(i  Tcov  [xy.-z.apiwv  Try.tàwv. 

Newv  5è  6  xàç  à7ro/.pi'j£iç  xûv  7rat5tov  exXaaêavwv,  -/AEtcra;  xàç  15 
oAxojc,  Oùpoavfô  cruvoo'j'Xco  Ixibouc,  opav.cov  eJc  xo  N£a£<7i,ov,  xavxa 
x,ax£-/."XaG£  xà  £'{5co>>a.  "Oç  y.al  aùxoç  ixpa'Ce  ^.éywv  Xpi(7xi«voç  ecfxt, 
0e(o'(a)vri  ttigxsuoj.  Kai  aùxoç  xti  aùxTi  wpa  £X£>£iw6-/i.  MapxupoCai  5è 
X'^  Trpo  ^e/.aè^  y,a7>av5QV  cpeêpouapicov.  Rai  Oùpêavo;  §£  T:t(jx£uaaç  xô 
0£(o,  oùx  £1;  {/,ay.pàv  xal  aùxo;  £xe>.£u6f)ri  £v  Xpicxco  'Itigoû  xoi  'Âixàiv,  tp  2o 
7Î  c)o'^a  y.al  xo  y.paxoç  vGv  xal  ùzi  y,yX  £tç  xoù;  aJàiva;  xûv  aîwvcov. 
'Ap//iv. 

4-5.  0(1).  àôavâTW.  alwvico.  —  7.   (itapoça^^crei.  xï]  Se.  —  11.  SfxawEovtâ  (xs.   —  13. 
xôjJLYi;.  —  14.  NeoviXXiQ.  —  18.  tv)  aÙTÔ  âipa.  —  2'2.  a 

V-  +  -fi 


SAINTS  JUMEAUX   ET    DIEUX   CAVALIERS.  475 

sae  Kegis  nostri  quia  super  faciem  terrae  non  sumus  loti,  ut 
de  mensa  ejus  gustemus  panem.  Quibus  Leonilla  :  Saturi  estote 
quia  sanguis  vester  vos  lavabit  et  confessio  vestra  candidis 
vos  induit  vesti mentis.  Et  statim  ad  mensam  Régis  vestri  inter 
invitatos  accumbitis  quia  vestem  nuptialem  in  martyrio  sus- 
cepistis.  Ex  illo  enim  die  baptizati  estis,  ex  quo  idola  confre- 
gistis  et  credentes  Deo  sermonem  vitae  intus  in  anime  recepistis. 
Sicut  enim  si  quis  baptizetur,  et  non  credat  ex  toto  corde,  aqua 
baptismalis  non  solum  non  tollit  peccata  quae  habuit,  sed  incipit 
ei  addere  incredulitatis  suae  reatum  et  crimen;  ita  qui  ex  toto  Rom.io.  lo 
corde  crediderit,  si  illi  defuerit  baptismus,  non  eum  excludit  a 
numéro  fidelium.  Corde  enim  creditur  ad  justitiam,  ore  autem 
fit  confessio  ad  salutem. 

16.  —  Igitur  cum  eam  credentes  audirent  ligatis  pedibus  et 
manibus  in  medio  ignis  jactati  sunt.  Statim  sicut  de  tribus 
Hebraeis  legitur,  disrupta  sunt  vincula  eorum,  et  coeperunt 
stare  in  oratione,  et  Deo  gratias  agere.  Flamma  enim  in  modum 
arcus  exaltabatur  ad  nubes,  illi  vero  immobiles  permanebant 
monentes  servos  suos  et  dicentes  :  Videte  ne  seducamini  ab  eis 
et  timeatis  homines  vanos  et  ad  sacrificium  eorum  penitus  non 
accedatis.  Defecerunt  autem  ligna  portantes.  iMitterejusserunt 
taedas  oleum  pices  ceram  quae  omnia  arserunt,  famulos  autem 
Domini  in  nullo  penitus  contingebat  incendium. 

17.  —  At  ubi  finiti  sunt  ignés  et  ligna,  coeperunt  Sancti  in- 
sultare  judicibus  suis,  quibus  et  dixerunt  :  Dédit  nobis  Domi- 
nus  Deus  noster  potestatem,  utrum  velimus  exire  de  corpore 
nn  non,  quem  nos  rogavimus,  ut  igné  déficiente,  nos  insultare- 
mus  vestrae  perfidiae  qui  nobis  haec  praestare  dignatus  est. 
Ecce  modo  exultantes  egredimur,  nullam  de  igné  vestro  haben- 
tes  in  corpore  cicatricem.  Et  haec  dicentes  positis  genibus  in 
oratione  emiserunt  spiritum,  tanquam  agni  adhuc  a  ucem  bene- 
dictionis  in  ore  gestantes. 

18.  —  In  ea  hora  Junilla  quaedam  parvulum  tenens  jactavit 
et  exclamavit  dicens  :  Christiana  sum.  Uni  ego  Deo  meo  Jesu 
Christo  credo,  immortali  Régi  et  perpetuo.  Quam  irati  jusserunt 
post  tergum  manibus  a  capillis  suspendi,  dicentes  :  Nisi  promi- 
seris  negare  te  Christum  et  de  sacrificiis  manducare,  non  inde 
deponeris.  Ad  quam  accedens  maritus  ejus  dicens  :  Junilla  mea 
conjux  bona,  miserere  mihi  et  infanti  filio  tuo,  cui  eum  derelin- 


476  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

quis?Cui  illa  respondit  :  Parvulum  ego  geniii,  me  autem  Deus 
creavit,  quem  debeo  ego  anteponere,  parvulum  meum  creatori 
meo,  an  creatorem  meum  qui  me  et  creavit  et  judicaturus  est? 
Ad  aliorum  autem  metum,  cite  jussa  est  duci  ad  Vicum  orbatum 
et  una  cum  Leonilla  avia  Sanctorum  capite  caedi. 

19.  —  Néon  autem  exceptor  qui  gesta  ipsa  scripsit  claudens 
codices  suos  in  quibus  exceperat  collegae  suo  Turboni  consigna- 
vit  et  cucurrit  ad  Nemesim  ;  dejecit  eam  et  minutatim  marmora 
ejus  misit,  et  omnia  quae  erantidola  minuta  per  gyrum  ejus 
contrivit.  Quod  factum  custodes  templi  nuntiantes  tenuerunt 
tamdiu  caedentes  et  lapidantes  quousque  confessus  Dei  filium 
spiritum  exhalaret. 

20.  —  Turbon  autem  scribens  victorias  confitentium  Domi- 
num  Speusippi,  Elasip^i,  et  Melesippi,  Leonillae,  Junillae  et 
Neonis,  non  post  multum  tempus  martyrium  perpessus  est. 
Passi  sunt  autem  hi  qui  supra  XVI  Kal,  Februarias,  régnante 
Domino  nostro  J.  Ch.  cui  gloria  in  s.  s.  A. 


NOTES  CRITIQUES  SUR  LE  TEXTE  GREC 

Ce  petit  texte  est  déparé  par  une  quantité  respectable  de 
fautes  et  d'obscurités,  dont  les  unes  sont  imputables  au  copiste, 
mais  dont  plusieurs  pourraient  bien  remonter  à  Fauteur  du 
remaniement  maladroit  dont,  comme  nous  le  montrerons  plus 
loin,  le  texte  grec  a  été  l'objet. 

P.  462, 1.  3.  Mtkzd--oj.  Cette  forme,  estropiée  de  plusieurs 
façons  dans  les  synaxaires  (Mr^oriTr-s^,  BtXéair.zoq),  était  jusqu'ici 
inconnue.  MzKTtG'-r.o;  par  contre  se  trouve  fréquemment  (Michel, 
Recueil  (V Inscriptions  grecques,  282,  648).  Une  forme  qui  se 
rapproche  de  la  nôtre  est  MsMïtutïoç,  qui  figure  sur  plusieurs 
inscriptions  de  Théra  {CIGS  III,  634,  2;  63 1,  I  ;  335  B,  9).  — 
Ty;ç  -o'jkov  [j-'^i-rpi;.  Léonille  était  l'aïeule  des  trois  jumeaux  et 
non  leur  mère.  Évidemment  l'erreur  peut  provenir  d'une  sim- 
ple distraction.  Mais,  jointe  à  la  date  fautive  \}.r^v\  -coi  «j-w  r/' 
(laquelle  est  d'ailleurs  en  contradiction  avec  le  texte  de  la  \é- 
gende  :  [j.apTupoDji  -pb  osy-aà^  -/.aAavowv  çsopiuapiojv),  elle  semble 
prouver  que  le  titre  manquait  dans  l'archétype  et  qu'il  a  -été 
reconstitué  par  un  copiste  distrait.  Celui-ci  aura  sans  doute 


SAINTS    JUMEAUX   ET    DIEUX    CAVALIERS.  477 

lu  les  premières  lignes  du  texte  qu'il  devait  copier,  et  aura  été 
trompé  par  la  phrase  peu  claire  5  iSpa/j-rato;  àpiO[j,b;  twv  zx-'Bwv 

Ns;v(AXaç.  Sur  ce  génitif  en  x;  (pour  r,q)  qui  paraît  être 
dû  à  l'influence  de  la  déclinaison  latine  —  il  se  rencontre  d'a- 
bord exclusivement  dans  les, noms  propres  latins,  — v.  Wiener 
Studien  1903,  et  Bjjz.  Zeitschrift  XIII  (1904),  p.  160,  n.  1. 

L.  10-12.  5  (3paxû-:a-o;  àpi6[j.bç...  r.^r/À'lz-mq.  Cette  absence  d'ac- 
cord,  les  deux  h,  (èz.  NsovfAXaç  —  ï/.  ;j.r,3c;  /.zùJ.y.^),  l'expression  in- 
solite et  impropre  picov  —  -uy.ârov-s^,  tout  cela  rend  la  phrase 
bien  étrange.  Au  moins  faudrait-il  après  loùlr^q  tcu  XpiaTsu,  un 

participe  comme  -;z-(vnr^\j.i^tzi.  —  L.   11-12.  piocv...   wç  IXatôçu-a. 

Étrange  accumulation  de  métaphores. 

L.  13.  -zù-.ziz  -poTr,';zpfj7x^/.  Upzsxyzpvjiù  dans  le  sens  de  ap- 
peler ne  se  construit  qu'avec  l'accusatif.  Mais  la  manie  du 
datif  est  une  particularité  bien  connue  des  auteurs  post-clas- 
siques. «  Der  Dativ,  dit  M.  Krumbacher  (1),  loar  bei  den 
spàtgriechischen  Autoren,  gerade  weil  er  in  der  lebendigen 
Spraehe  ausstarb  oder  ausgestorben  tvar,  ein  hôclist  be- 
liebtcr  Casus  und  lourde  liaufig  mgar  falsch  angewendet  ». 
D'ailleurs,  le  plus  grand  nombre  des  verbes  composés  avec 
Tjpô;  régissant  le  datif  (2),  cette  construction  a  eu  une  tendance 
à  se  généraliser.  On  trouve  par  exemple  dans  le  Nouveau  Tes- 
tament: xaXiv  oï  h  Wzù.7.xzc,  r^pz^eodd-^rr^itv  aÙTofç,  Lc,  XXIII,  20. 

L.  15.  z'.  Tp£î;  -xlztz,  '.TT-sXaTai  axpo)ç  [j.£;j.a6r(7.STcç.  Ol^  du  ma- 
nuscrit est  incompréhensible.  II  faut  un  complément  direct  à 
\}.^\i.0Lih^y.'z-^q.  'lr,T.t\i.-.y.<.  est  évidemment  corrompu.  Nous  écrivons 
SxTTYjXâffta,  qui  a  l'avantage  de  fournir  à  z\q  un  antécédent  plus 
satisfaisant  que  z\  -pziq  r.aXoec.  —  Cf.  pour  ce  mot  Nicétas  Cho- 
niate,  M  igné,  P.  tr.,C\XXIX,  col.  573-576,  y.jvr^YSTÎsi?  ~pzzy.^nV/= 

■/.x\  ''.r.r.r^ky.fjiziz  ■TïpdasxîiTC. 

L.  20.  ou;  oopuçop-fjaavrsç.  Aopuçopw  signifie  faire  escorte, 
accompagner  comme  doryphore.  Ici  il  a  le  sens  de  donner 
une  escorte.  —  L.  21.  £9oor,zjavTz;.  Il  n'y  a  pas  d'exemple  d'èj. 
ainsi  construit  avec  deux  accusatifs. 

L.  24-29.  On  remarquera  le  nombre  de  fautes  qu'il  faut  ici 

(1)  Krumbacher,  0/7.  cit.,  p.  :.'78;  Kuhns  Zeitschrift  Wi\  (18(SG,  l'JG;  Beriiner 
ph.  W.  1889.  p.  1270. 

(2)  Blass,  Grammntik  d.  neulcstatu.  Griechisch  -,  p.  117-118.    • 


478  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

corriger  pour  obtenir  un  sens  à  peu  près  satisfaisant.  Ce  passage 
nous  paraît  une  interpolation.  En  biffant  le  mot  Xpiaxiç,  puis 
la  phrase  depuis  Btiq  jusqu'à  (jr.o[i^riaM^zeq  (1.  29)  inclusivement, 
on  supprime  l'intempestive  allusion  à  la  table  céleste  qui  se  re- 
trouve huit  lignes  plus  loin,  l'expression  inexacte  5...  à^  àçpajxwv 
/.ôXtiwv  Y£vv/;6£iç  xat  y.aXéaaç  aùioùç,  et  enfin  le  peu  compréhen- 
sible ûTro[xvr;a0£VT£ç,  que  nous  supposons  avoir  été  suggéré  à  l'in- 
terpolateur  par  une  sorte  d'anticipation  sur  les  événements  (cf. 
plus  bas,  p.  466, 1.  12  et  18). 

P.  464, 1.  1.  Tpéçouaa  est  bien  étrange.  On  attendrait  un  mot 
comme  Y£[j.cu(7a. 

L.  2.  Le  ms.  porte  :  ol  âè  véot  xpotp£"/ovT£ç  -^xoAoûOo'jv  wc  apV£ç. 
'HxoXouGouv  est  absurde  et  a  été  amené  sous  la  plume  du  co- 
piste par  yjxoXoûeei  qui  précède. 

L.  11  suiv.  Téôuxat,  àçiéponat,  £7:o)v6[j,aij-o:i,  è'aoay.tai.  Remarquez 

le  procédé  de  l'homoiotéleute  si  fréquent  dans  la  prose  rhé- 
torique de  tous  les  temps.  Cf.  un  passage  absolument  sem- 
blable de  la  Vita  Artemii,  AA.  SS.,  Octobr.  VIII,  868  B  :  ol  yàp 
0£of  aoi»,  oDç  aÙToç  'irpoa'y.uv£îç,  oat[j.6vo)v  £Î(jl  -\9.a]j.3.'za  v.al  [j.uOo)v 
£Ûp-/^l/aTa  xat  âia6oXr/,^ç  £V£pY£iaç  xuoçop'/î[j-aTa. 

Quant  aux  mots  y.xl  7.ivou;jL£vaç...  TÉOuTat  TaOïa,  il  est  impos- 
sible de  ne  pas  y  voir  une  addition  de  l'inintelligent  interpola- 
teur  :  xÉOuxai  est  une  répétition,  xivotj[;.£vaç.  .  àxiw^Toiç  reprend 
gauchement  l'idée  déjà  exprimée  à^^u'/oiç...  è^i^u/a,  l'accusatif 
xivou[xlvaç  àuxoiç  prouve  une  incroyable  ignorance  grammaticale 
qui  ne  se  rencontre  que  dans  les  phrases  interpolées,  enfin  l'épi- 
thète  (Tupop.évoiç  est  d'une  rare  ineptie. 

L.  15  suiv.  £7rtTV)§£U[.>.axa,  7covi^[j,aTaetc...  Remarquez  l'homoioté- 
leute et  le  rythme.  —  L.  16,  àz^ava  est  exigé  à  la  fois  par  le 
sens  et  par  le  rythme. 

L.  16-17.  aTr£p  Tzapéyei  xov  h/o^TO.  disuooç  y.at  aîwviav  y.ôXaaiv.  Les 
mots  Tov  è'yovTa  sont  évidemment  corrompus.  "^FeUooç  ne  donne 
guère  de  sens  non  plus.  Cf.  le  texte  latin  :  nesciatis...  idolorum 
culturam...  animas  aeternis  poenis  inTartaro  religare.  Synax.  : 

«Youo-iv  Tcpcç  à7î(ôX£uv  Toùç  aÙTOtç  xpoîiysvTaç.  Il  faut  donC  sans 
doute  corriger  xbv  è'yovxa  en  tw  7:potyr/cv-u 

L.  23.  Répétition  maladroite  de  20-21.  D'ailleurs  toute  cette 
période  est  en  très   mauvais  état.  Que  dire  de   àvatoXàç    xal 

o'jziiz   àvxŒ-ï^aaç    (l.    20)?  T£-£r/ic7[;,£v^v    pour  -:sT£r/tc-[J,£va   est  UUC 


SAINTS   JUMEAUX   ET   DIEUX   CAVALIERS.  479 

simple  distraction  ;  on  comprend  que  Bioi/.o  jvia  ait  pris  la  place 
de  oi:iy.wv  à  cause  de  à'>o>vX9Y;Tov  qui  le  précède  immédiatement 
(1.  27);  xaipôv  est  une  addition  ridicule  suscitée  par  la  fré- 
quente alliance  des  mots  t'ùo'.c:  v.xipôc.  Mais  le  verbe  personnel 
ffjvej-rjjaTo,  venant  s'intercaler  dans  une  série  de  participes! 
Mais  le  charabia  vraiment  désespéré  des  lignes  29  et  suiv.  !  On 
voit  partout  la  trace  des  bévues  d'un  remanieur  imbécile, 
gâtant  tout  ce  qu'il  touche  et  incapable  de  mettre  debout  la 
moindre  phrase. 

P.  466, 1.  11.  <fiXr,  esou  est  une  ineptie.  Texte  latin  :  o  dulcis- 
sima  avia. 

L.  28.  0'.  oè  TTÉAuxa;  r/ovTsç.  La  forme  ttéXj;  (class.  TTÉXr/.'j;)  se 
rencontre  presque  exclusivement  dans  les  textes  de  la  grécité 
postérieure.  Jérémie,  xxiii,  29.  Kov-ay.iov  de  S.  Théodose,  éd. 
Krumbacher,  Studien  zu  den  Légende)),  p.  328,  Xa{pci;  v.taz- 

P.  468,  1.  4.y,U5t  y.x',  ijcpSipw  [y.ai  ty;;  Yeévvrj?...  y.at  t-?;^...  Oi-ii\f,q\. 

Ces  deux  génitifs,  venant  après  deux  datifs,  doivent  sans  doute 
être  attribués  à  l'ignorance  de  l'interpolateur.  Cependant,  pour 
rendre  le  texte  lisible,  nous  avons  écrit  ys^^vy],  à^iiAY). 

P.   470,  1.    3.    IXEjespwO-^JSjes    TW    -izXrfiti   Tfiq   àffsêsiaç.    NoUVel 

exemple  d'un  emploi  maladroit  du  datif. 

L.  4-7.  Ol  ij.a-r,v...  k~iY,orKoù\iv/o<,.  Dans  le  ms.,  ces  mots  vien- 
nent après  aîcOrjTvîpia,  OÙ  ils  sont  tout  à  fait  «  en  l'air  ». 

IV 

Comparaison  du  texte  grec  avec  le  texte  latin. 

De  notables  différences,  dans  le  récit  des  faits,  se  remarquent 
au  premier  coup  d'œil  entre  le  texte  grec  —  nous  le  désigne- 
rons par  G  —  et  la  légende  latine,  que  nous  représentons  par  la 
lettre  L  (1).  G  n'est  donc  malheureusement  point  cet  original 
de  la  version  L,  dont  le  P.  Bollandus  regrettait  l'absence.  Néan- 
moins G  et  L  possèdent  un  grand  nombre  de  passages  parallèles, 
et  la  concordance  entre  eux  est  parfois  textuelle. 

(1)  Quand  nous  compai'ons  le  texte  latin  au  texte  grec,  il  va  sans  dire  que  nous 
(■utendons  parler  de  l'original  grec  de  L.  11  est  de  toute  évidence  que  cette 
histoire  cappadocienne  a  d'abord  été  rédigée  en  grec.  Cf.  d'ailleurs  §  3  :  Speusippe 
bibe  lac  quod  in  agone  et  in  certamine  dum  veneris. 


480  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Bornons-nous  d'abord  à  l'examen  de  ces  passages.  Disons 
tout  de  suite  que  cet  examen  nous  révélera  : 

a)  Que  la  rédaction  G  est  de  date  postérieure  à  la  î^édactionL. 

Notons  avant  tout  que  dans  L  —  bien  qu'une  version  latine 
fasse  courir  plus  de  risques  à  des  noms  propres  grecs  qu'une 
longue  suite  de  copistes  et  de  remanieurs  grecs,  —  on  lit  les 
formes  Turbo,  Junil]  a,  confirmées  par  la  tradition  liturgique 
de  l'Église  orthodoxe  (ToupSwv,  'louvuJ.a  :  Menées  et  Synaxaires), 
tandis  que  G  a  des  formes  simplifiées,  des  lectiones  facUiores  : 
Oijp6av6ç,  'louXia. 

Voyons  maintenant  les  passages  parallèles  qui  peuvent  servir 
à  établir  l'âge  relatif  des  deux  rédactions. 

Nous  énumérons  d'abord  les  endroits  où  G  en  dit  plus  que  L. 

G  p.  462,  1.  11-12.  L 

ky.  \u7.q  y.zCkiaq  Tpr/.Ao)vcv  pôoov        Quasi  très  rosae  ex  una  virga 

sij.oo  Truy.âÇov-eç  w;  èXxtôœuxa  xap-    natae  florentes  ita  hi  ex  uno 
Tzcj  xpo/sipou  y.aî.  Aizapcû.  utero  simul  nati. 

A  l'actif  de  G,  une  métaphore  incohérente. 

G  p.  464,  1.  4-8.  L 

Y)  oè  TCapa-cvotAÉvo  xal  Tupb  t^ç  Cum...  ea  quae  de  sacrificiis 
TpaTTsÇy;?  tb  g-^iasiov  tou  axau-  Nemesi  attulerant  quasi  pro 
poy  7api;a(ja  im  cay.TjAw  benedictionibus  posuissent, 
r.Xr^aiov  èy.aOécrô-r;...  twv  oà  -t.-    Leonilla  avia  eorum  dixit. 

co)V  xpOTp£n:o[X£V(ov  aùrJ;v  àxâpra- 
aOai   TTj    "^zÙQii    -o)v    7:pcy>.£i[j.svwv, 

èipôeYçaTC  -r]  N. 

On  observera  que  G  fait  faire  un  signe  de  croix  à  Néonilla, 
geste  rituel  qu'ignore  le  rédacteur  de  L.  De  même,  lorsque  plus 
tard  les  trois  martyrs  sont  sur  le  bûcher,  et  que  la  flamme 
s'écarte  d'eux  mii-aculeusement,  G  veut  que  ce  prodige  soit  dû 
à  la  vertu  d'un  signe  de  croix  ;  rien  de  pareil  dans  L  : 


SAINTS   JUMEAUX   ET   DIEUX   CAVALIERS. 


481 


Flamma  enim  in  modum 
arcus  exaltabatur  ad  nubes, 
illi  vero  immobiles  etc. 


G  p.  472,  I.  18-20. 

ŒTaupou  sxacTTOç  -Ç»  oax-uAw  clw- 
Ypâsci  £"ât  Tou  'î^upiç,  /.ai  outwç  -h 
■KÏip    £xap.apoîiTO...     y,at   uzSy^topst. 

Et  encore  p.  472,  1.  1. 

y.ai     oîiTU);    0'.    -ptX:    àXX-^Àijç 

CÇpaYl(73tVTSÇ. 

G  p.  464, 1.  8  suiv.  L 

(L  T.xi^iq...  viXaffiv.  Sic  omni   sapientia  eruditi 

estis,  ut  nesciatis  idolorum 
culturam  inimicam  saliitis  liu- 
manae  semper  existere,  et  ani- 
mas aeternis  poenis  in  Tar- 
taro  religare? 

Il  est  remarquable  qu'au  lieu  de  cette  simple  phrase  de  L, 
nous  ayons  dans  G  tout  un  développement  oratoire,  assez  puéril, 
mais  plein  d'artifices  de  rhétorique  étrangers  aux  plus  anciens 
textes  hagiographiques. 


Ego  Chriati  ancilla  sum  qui 
fecit  caelum  et  terram,  maria 
et  omnia  quae  in  eis  sunt. 


G  p.  464,  1.  17  suiv. 
(î)     Tsxva    k\j.6i'     XpiaTCU    '/.aï 

0£OD  ÇwvtÔç  £Î[Al  loÙ\r^   [J.OVOYÎ- 

vouç,  zc,  «£'.  y.al  t\q  toùç 
aï wvaç  oia[ji.£V£i,  oç  'bv  ::£- 
pty.aXX^  /ôaj^.ov  -cîjtcv  iv  toîç 
~z\)  7:aTpc!ç  /.oArS'.;  wv  èo"/;- 
[j-tcùp  Y'^/t^îv. 

L'auteur  de  la  rédaction  G  ne  peut  écrire  le  nom  du  Christ 
sans  lui  accoler  immédiatement  tous  les  prédicats  que  lui  sug- 
gère sa  théologie. 

G  p.  464,  1.  23-24.  Y;;a£pac...  âtoptaaç.  Cette  répétition,  mise 
entre  crochets  dans  le  texte,  manque  en  efTet  dans  L, 


G  p.  466,  1.  11. 

(0  ^riizp  (ptXr,  0£cu. 


0  dulcissima  avia. 


482  REVUE   DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

0SOÎJ  dont  nous  avions  signalé  l'absurdité,  manque  dans  L. 

G  p.  466,  1.  14  etsiv.  L 

StSoucâv   \i.u    [j-a^iv    èôriXa^cv  ...  in  sinu  aviae  meae  quae 

Se  yaXa  ^(i\i.c^)  Spi.auTYjToç  xat  yXu-  mamillam  suam  plenam  lacté 

xùxr^xoq-  h  lï  ii(vovt6ç  [;.ou  v£av(-  labiis   meis    infundens    dice- 

(Txoç  Tiç  èxexuve  [;-ci  véy.Tap  [uBwp]     bat  :  Speusippe  etc.. 

Ainsi  la  vision  de  Speusippe  est  plus  compliquée  dans  G  que 
dans  L.  Elle  y  est  même  tellement  compliquée  qu'on  a  beaucoup 
de  difficulté  à  se  la  représenter.  Comment  faisait  le  jeune  martyr 
pour  téter  la  mamelle  de  sa  grand'mère,  et  pour  déguster  en 
même  temps  le  nectar  que  lui  versait  le  vcavfcx^ç?  vcaviaxoç  et 
nectar  semblent  donc  bien  n'être  qu'une  invention  de  G. 

Vision  d'Elasippe  : 

G  p.  466,  1.  18  suiv.  L 

G)  xwç    uTr£[;.v7i(Tf)-/iv'  '/^-(iù  Hv-  Vldl    lu    caclos    sedentem 

opa  yàp    èôecopouv,  èy.   c£;twv  quemdam  super    sedem   ma- 

xa6Yj[;,£vcu    \).=-(à'kou  âvcpô;,  oZ  b  gnain  ex  electro  et  gemmis  in- 

epovoç  XaiJ.TCpoTEpcç -/lAîou...  structam  :  et  dum  me  pavor 

aX   II  TcijT0)v   lUai  auvycpci...  tenuisset  ita  ut  splendore  ni- 

ci[xowç  xponoç  Tw  âeuTÉpw.  mio  meos  oculos  obumbrarem, 

vocavitetc. 

Cette  vision  est  très  clairement  racontée  dans  L.  Un  homme 
assis  sur  un  trône  étincelant  encourage  les  martyrs  à  soutenir 
la  lutte.  Mais  cette  allégorie  ne  suffit  pas  à  G  qui  remplace  le 
personnage  unique  par  deux  personnes  divines.  L'une,  la  plus 
grande,  a  l'autre  à  sa  droite.  Au  reste,  les  deux  figures  sont 
exactement  semblables.  C'est  évidemment  une  préoccupation 
théologique  qui  a  inspiré  cette  modification  à  G.  Le  [j-éya;  àv/^p 
est  le  Père,  l'homme  assis  à  sa  droite  représente  le  Fils.  Mais 
précisément  de  telles  représentations  des  deux  personnes  di- 
vines sont  complètement  inconnues  aux  premiers  siècles  chré- 
tiens. Le  Père  et  le  Fils  ne  sont  figurés  ensemble  que  dans  l'art 
byzantin  et  encore  fort  rarement.  Ainsi  le  dédoublement,  sans 


SAINTS   JUMEAUX   ET   DIEUX   CAVALIERS,  483 

compter  la  confusion  qu'il  jette  dans  la  phrase  (impossible 
de  savoir  laquelle  des  personnes  divines  adresse  la  parole  au 
martyr),  nous  apparaît  comme  une  invention  nécessairement 
tardive. 

G  p.  466,  1.  24  suiv.  L 

àcsXtpot  oùâév  laxiTà  eiBiaXtx        Exclamavit  Melcsippus  :  Vi- 
TauTa,    [)Âx(xt.oq   à   àywv    t?][j.wv    debam  et  ego  visum. 
èôctopouv  Y^p  £v  TW  cpaj;.aTi... 

La  réflexion  que  G  attribue  à  Mélésippe,  répétition  de  celle 
de  Néoniila  (p.  464,  1.  14,  ij.â-aia  -rauTa),  est  peu  compréhen- 
sible et  parfaitement  superflue. 

Gp.466, 1.  31.  L 

EùSo^fa  i^  ■î:p£ff6'iTiç  àvéxp.  ob-  Cette  doxologie  et  la  cita- 
Ha  ...  6pia[ji,6Eùciv  tion  biblique  manquent. 

G  p.  468,  1.  4.  L 

x'jœI  -/.ai  Pop66p(i)  t  y^^'  '^ç  Cames  vero  quae  sacriflea- 
YsevvYjç  Toû  Tiupoç  y.aiTYjç  ...  tae  fuerant  canibus  projece- 
«TCeiXîSç.  runt. 

Les  deux  génitifs  que  nous  avons  suspectés  d'être  une  inter- 
polation de  G  n'ont  en  efl'et  point  de  correspondants  dans  L. 


G  p.  468,1.  6. 

L 

eSô^aÇov  xbv   ©sbv   xal   tôv  v.ù- 

manque. 

pio'i  -^[Aàiv  'Iyjjouv  XpuTÔv  etc. 

G  p.  472, 1.  2. 

L 

SôÇa  ffot  zaTep  ....  irveuixaTi. 

manque 

Voici  donc  encore  deux  doxologies  à  formule  trinitaire  qui 
manquent  dans  L. 

Il  en  est  de  même  p.  472, 1.  31. 

En  résumé,  si  nous  passons  en  revue  les  traits  qui,  dans 


484  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  passages  parallèles  de  G  et  de  L,  se  trouvent  seulement 
dans  la  rédaction  G,  nous  voyons  qu'il  s'agit  soit  de  mala- 
droites interpolations  qui  en  général  se  trahissent  au  premier 
coup  d'œil,  soit  de  formules  théologiques  introduites  à  profusioii 
dans  le  texte. 

Examinons  maintenant,  toujours  en  limitant  notre  étude  aux 
passages  parallèles,  les  cas  où  L  donne  davantage  que  G. 

Reprenons  le  curieux  passage  où  l'aïeule,  devant  ses  trois 
petits-fils  étonnés,  dénombre,  en  une  éloquente  profession  de 
foi,  les  oeuvres  du  Créateur.  Les  différentes  parties  de  cette 
longue  phrase  se  correspondent  assez  exactement  dans  L  et 
dans  G.  L  présente  une  phrase  très  intéressante  sur  les  fruits, 
phrase  qui  manque  dans  G  :  «  ab  arboribus  protulit  poma,  viti- 
bus  botryones  exhibuit,  olivae  iiemora  pinguedinis  gratia  tam 
in  refectiones  quam  in  splendores  supplevit  ». 

Cette  importance  donnée  aux  olives  «  qui  servent  à  la  fois 
à  l'éclairage  et  à  la  nourriture  »  est  très  caractéristique  et 
faisait  sans  nul  doute  partie  des  Actes  primitifs.  On  com- 
prend d'autre  part  que  le  détail  ait  paru  à,  G  un  peu  étrange 
dans  sa  précision  pittoresque  et  que  ce  rédacteur  l'ait  laissé  de 
côté. 

Peut-être  est-ce  ici  l'endroit  d'insister  quelque  peu  sur  cette 
intéressante  profession  de  foi  de  Néonilla.  Par  sa  forme  générale, 
elle  semble  inspirée  de  deux  passages  des  Actes  des  Apôtres. 
Saint  Paul  (Acta  Apost.,  xvii,  23  sqq.)  devant  l'Aréopage  révèle 
en  ces  termes  le  vrai  Dieu  aux  Athéniens  :  c  cuv  à yvoo'JvTsç  sjasScïTs, 
TOÙxo  èyù)  xaTa^YÉA/vO)  u[j,Tv  q  Qsbç  ô  TCOi'/)aaç  tov  v.ôa[xoy  v.al  T.iv-a  -a. 

£v  aÙTw,  oZxoq  O'jpavou  y.a"c  y*^?  ÛTrâp^jwv  xûpioç aùtoç  oicoùç  Tcact  Ct^"/)v 

7.ai  irvcr^v...   èv  ocÙtoî   yàp   Çà)[^.cV   y.al  y.ivoûi/sOa  y.y.\  âa[J.£v  y.TA. 

Ipso  volonté  vivimus,  ipsopascentealimur,  ditL.  —  Ch.  xiv,  ver. 
set  15  sqq.  :  zijOLy^;e\iL,ô\j.e'^oi  û,u.aç  àTîb  toutwv  twv  [^ataCtov  èTiia-péçsi^ 
£xl  Osbv  CôJvxa,  cç  èTroCïjasv  xbv  oùpavbv  xal  x'Jjv  y^v  y.al  tv;v  GâXaTaav 
%ai  xdtvïa -à  èv  œj-oiq...  oùpavsôsv  \j\JÀy  ûsto'jç  C'.ooùç  7,a.\  y.aipcjç  y.ap- 
Tîo^opouç,  è(J.'Ki[J.Ti:Aà)v  Tpcçyj;;  xa'i  s'jipoffûv/;^ 'àç  y.apotaç  ûy-wv.  On  peut 

dire  que  le  long  morceau  de  L  et  de  G  n'est  qu'un  développe- 
ment de  ce  texte  sacré.  Mais  ce  n'est  point  seulement  dans 
notre  légende  que  ce  développement  se  trouve.  L'ancienne  lit- 
térature chrétienne  nous  offre  plusieurs  exemples  de  ce  motif, 
traité  exactement  de  la  même  façon.  Ainsi  Clément  d'Alexan- 


SAINTS   JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  185 

drie,  Eiç  -bv  llaisavwYov  (Migrie,  P.  G.,  VIII,  683),  s'adressant  au 
Créateur  : 

àva^    ;3pCT(0V    JJ.Év^î^'îî  "^wv  7,aAWV  CCT-^p 

ijOXwv  yzpr^Y^  -/.y),  -o  Trav  7.->.Gy.:.  r.i-zp, 

sç   C'jpaviv  -es  y.at  tov  O'jpavoj   [j.ivoç 

5  oîîçaç  aÙTiç  r^\j.ipy.v  -z  y.a't  ça;ç 
)tat  Tov  TTOAoîifftv  ao-Tpoiç  v^i^îpTY;  opi[^,cv. 
El  -0)0    o-zi  Y^  y-^f-  6âXa(7c-a  7:pc7[j,Évcr, 
-psTrojv  Tî  y.aipsv  cjsTSy^o);  5r,7ar  y.jy."/.*.) 
sap  TS  y,ai  )jci[;.wva  y.al  G^pcç  TtâXtv, 
tou  Tî  [^.îTO'jrcopou  Tx^tv  è^Y;pTtij[j.iV/;v, 
oAov  Tî  y.so'[J.c;v  èç  àxocry-iaç  •/-iiy.ç,  /.ta. 

hes  Constitutions  crpostolùjues  (éd.  Lagarde,  p.  214, 1.  12  sqq. 

=  'C  34)  (îjXcyy/TS;;  î'I  y.'jpiî  ,3aîiA£u  t(ov  a'.(.')vo)v  c  cti  Xp'.^-oj  zc/i^-aç 
là  ôXa  '/.a'.  01  ajToO  àv  àp'/?/  y,oa-[j.r,(jaç  -a  xy.y.-y.Gv,zùy.a-x,  o-yj  y^P 
£vOu;j//;7Si  5  y.iij[ji.oç  -cçaîcp'JVTai,  ojpavc?  ce  (bç  y.a[J.âpa  ■::c--/)y[J|.£vc; 
•^Y^âïaxat  â'(JTpoiç.  Cf.  G  :  àaTî'pwv  -/opoùç  Iv  cjpavÔ)  çaiopùvaç  — 
s'iZciTa    otaçôpwv    Çwwv    y.a-cay.suâ^STC    Y-''''(5  '/spcatoiv,    £vjopo)v    xta.) 

présentent  un  tableau  plus  complet  encore  des  bienfaits  du 
Créateur.  Clément  de  Rome  (I  Cor.,  xx)  :  c-.  cjpavs-  -rf^  ziovATt^tt. 

aùxou  (7aA£UÔ[;.îvoi  èv  l'.p'qvr,  û-OTàffdovTai  aùxo)'  •/;[J.£pa  ~e  y,aî  vù^  tbv 
TîTaYl^-iVOv  ût:'   xjtoj   op6[;.ov   ovxvuouaiv,   ;xy;c£v    xWr^KO'.^   èy.'irooiuîVTa' 

YJ)vi6ç  •:£  y.al  GiKr^'rr,,  àî^ipo^v  t£  /^opcî k^i/J.GGCj'Vj . . .  tsÙç  5p'.ff[j.s'j>;" 

-/"îj  y.ucçopojaa -b  y.'jTc;  t-^ç  à-£ipo'j  fiy.'KXG7T,q y,ais:i 

àapivo'.     y.at     [>.z-OT.Mpi^^o\ àvÉ;j.wv    7-:a6[^.c(   v.-.'k...   Irénée 

[Contra  Eaereses,  1.  II,  c.  xxx,  n.  3  =  Migne,  P.  G.,  VII,  816) 
demande  ironiquement  aux  gnostiques  quels  présents  de  leurs 
Eons  ils  peuvent  opposer  aux  œuvres  merveilleuses  de  Dieu  : 
«  Sont-ce  eux  par  hasard  qui  ont  créé  le  monde?  Quos  caelos 
firmaverunt?  Quam  terram  solidaverunt?  Quas  emiserunt  stel- 

las?  vel  quae  luminaria  elucidaverunt? Quae  flumina  abun- 

dare  fecerunt?  quos  autem  adduxerunt  fontes?  quibus  autem 
floribus...  adornaveruiit...  vel  quam  multitudinem  animalium 
formaverunt,  partim  quidem  rationabilium,  partim  autem  irra- 
tionabilium?  »  etc. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  34 


486  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Comment  expliquer  le  rapport  de  ces  textes?  M.  Wilpert,  qui 
les  a  réunis  (1),  a  reconnu  que  les  différents  écrivains  qui  em- 
ploient ce  motif  l'ont  emprunté  à  la  primitive  liturgie,  où  se 
trouvait  une  longue  prière  de  remerciement  pour  la  création 

(Justin,  Apol.  I,  C.  LXV,  p.  85  :  aivov  xxl  o6;av  Tw  T.x-pl  Twv 
'sXo)v...  iizïp   TCO   '/,x-r,^iS)(jBoii   TO'jTwv   xap     ajToD   k~l    kSAÙ    xctsÏTat). 

Dans  ces  conditions,  il  y  a  quelque  intérêt  à  signaler  que  le  dé- 
veloppement se  trouve  aussi  chez  Minucius  Félix  (c.  xvii,  1-11  ; 
c.  xviii),  un  peu  délayé,  mais  parfaitement  reconnaissable  : 
Caelum...  late  tenditur,  in  noctem  astris  distinguitur...  in 

diem  sole anniun  ut  solis  arnbitus  faciat,  mensem  vide  ut 

luna  auctu  senio  labore  circumagat,  tenebrarum  et  luminis 

recursantes    vices ordo    teniporum  ac   frmjiun vide 

fontes,  manant  venis  perennibus...  mari  intende  :  lege  litoris 

stringitur  (cf.  G  .*  r^z-x^gj.z-j;  àîwâiu^  aùv  r.r,^(Ciiç  à'^Oivoiç  Tzocpéyiùv^ 
*rjT:Aw[j.£va  T.e\â^;r,  cjùv  a-.YaAoi;  v.uij.x-zjgi  T£Tîty_ia;j.£va.  Clément  de 
Rome   :   -zl    -/.y-cç    t-^ç     OaXâao"/;?...   cj   -jrapîy.êaîvsi   xà    zepi-eQcqxsva 

rj-fj  yXeXOpx àiva:(  ~t  T.r,';xi).  —  Minucius  a  même  un  détail 

qui  n'a  d'équivalent  que  dans  notre  Aersion  L  :  autumni  matu- 
ritas  grata  et  hiberni  olivitas  necessaria.  Ceci  confirme,  entre 
parenthèses,  ce  que  nous  disions  plus  haut  de  la  mention  des 
olives  dans  une  pareille  énumération. 

On  sait  combien  les  réminiscences  littéraires  chrétiennes 
sont  rares  dans  Minucius  Félix.  Je  n'ignore  pas  que  plusieurs 
traits  qui  figurent  ici  pourraient  avoir  été  empruntés  à  Cicéron 
et  à  Xénophon  (2).  Mais  il  semble  évident  que  l'ensemble  du 
développement  se  rattache  au  motif  chrétien  que  présentent  la 
légende  des  trois  jumeaux  et  les  textes  groupés  par  M.  Wil- 
pert. 

La  présence,  dans  la  plupart  des  textes  cités,  d'une  phrase 
sur  les  animaux  qui  remplissent  les  trois  éléments,  nous  fait 
croire  que  malgré  la  forme  embarrassée  sous  laquelle  cette 
idée  est  présentée  par  G,  elle  pouvait  bien  figurer  dans  la 
rédaction  primitive.  —  G  a  donc  pu  conserve}^  des  détails 
de  cette  rédaction  qui  sont  perdus  dans  L.  Retenons  cette 
constatation. 


(1)  Wilpert,  Fraciio  pcmis,  p.  49  suiv. 

{2)  Voyez  les  lexlimonia  de  roxcellcntc  édition  Boenif 


j 


SAINTS    JUMEAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  487 

Par  contre,  dans  la  majorité  des  cas,  nous  continuerons  à 
conclure  en  faveur  de  L.  Ainsi,  lorsque  Néonilla  a  fini  de  parler, 
les  jeunes  gens  stupéfaits  s'empressent,  dans  L,  de  demander  à 
leur  aïeule  pourquoi  elle  avait  si  longtemps  gardé  le  silence 
sur  les  mystères  de  la  foi  qu'elle  professait.  Et  Néonilla  d'expli- 
quer que  du  vivant  de  son  fils,  le  père  des  jumeaux,  qui  était 
païen,  elle  n'avait  osé  entreprendre  leur  conversion.  Cette  expli- 
. cation  nécessaire  est  bien  mal  remplacée  dans  G  i)ar  Texcla- 
mation  w  iJ.f,-tp  oiXrt  [Osou].  Si  G  aime  beaucoup  les  creuses  for- 
mules théologiques,  il  rogne  fâcheusement  d'utiles  détails. 

Nous  a^ons  vu  combien  malheureuses  sont  les  additions  de 
G,  dans  le  récit  des  trois  songes.  Quand  L  a  des  détails  en 
plus,  ceux-ci  sont  au  contraire  de  fort  bon  aloi;  la  description 
du  trône  aperçu  par  Élasippe  :  sedem  magnam  ex  electro  et 
geinniis  instructam,  est  plus  précise  que  le  Op6v:ç...  à-aaTpâxTwv 
oé-{yoç  xpuaauYèç  a-rcXaffirov .  L'effroi  d'Élasippe  cst  peint  dans  L  : 
(lum  me  pavor  tenuisset;  il  n'en  est  rien  dit  dans  G.  Les  paroles 
adressées  à  Élasippe  dans  G  :  w  r.xXz  [j.z-j  vEv(-/.r//.aç  tIv  oiâcoAsv 
sont  absolument  ineptes,  puisque  le  jeune  homme  ne  peut  sa- 
voir encore  qui  est  le  diable;  dans  L,  le  quidam  sedens  super 
sedeDi  magnant  emploie  le  langage  figuré  comme  les  autres 
apparitions  :  noli  timere  inimicum  tuum;  vinces  etc.. 

Troisième  songe  :  le  Roi,  ayant  affranchi  les  jumeaux,  les 
fait  entrer  dans  sa  milice.  L'opération  est  décrite  avec  des 
expressions  d'une  bonne  antiquité  :  cingebat  balteis,  chlamydi- 
bus  induebat.  Le  baudrier  était  par  excellence  le  signe  de  la 
militia,  et  chlamys  sous  l'Empire  est  le  terme  le  plus  général 
pour  désigner  le  vêtement  du  soldat. 

C'est  aux  prières  de  votre  aïeule,  dit  le  Roi  —  et  l'allégorie 
ne  manque  pas  de  finesse,  —  que  vous  devez  d'être  admis  dans 
mon  armée.  G  n'a  rien  compris  à  tout  ceci;  en  revanche  il 
nous  parle  de  soldats  qui  fouettent  les  maîtres  des  Jumeaux, 
ou  qui,  armés  de  haches,  abattent  toutes  les  idoles.  Encore  une 
fois,  il  commet  cette  énorme  maladresse  de  rompre  le  charme 
du  discours  figuré.  —  Après  le  récit  des  songes,  Speusippe, 
Élasippe  et  Mélésippe  (dans  L)  demandent  ce  qu'il  faut  faire. 
Réponse  :  «  Faites  comme  les  soldats  de  l'Empereur  font  aux 

(1)  Voyôz  Dicl.  des  antiquités,  s.  v.  Balleus,  chlamjs. 


488  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

soldats  du  tyran  ».  Intéressante  comparaison.  Nous  verrons 
bientôt  ce  qu'il  faut  en  penser.  G  ne  la  possède  pas. 

Les  Jumeaux  brisent  les  statues  des  douze  dieux.  Dans  L  ils 
se  bornent  à  abattre  celle  de  Némésis.  Nous  signalerons  plus 
loin  les  défauts  de  la  rédaction  Len  cet  endroit;  néanmoins,  ces 
douze  dieux  devaient  faire  partie  de  la  rédaction  primitive, 
car  G  lui-même  les  mentionne  plus  loin,  p.  468,  1,  13,  xal  toùç 

Le  jugement  offre  un  certain  nombre  de  variantes  où  il  est 
assez  difficile  de  décider  en  faveur  de  G  ou  de  L.  Voici  cepen- 
dant un  passage  où  la  leçon  de  G  ne  peut  reposer  que  sur  un 
malentendu. 

G  p.  470,  1.  7  suiv.  L 

Tou  oè  KoopaTcu  -rj'iavTs;  TaTç  Exsurgens  autem  Quadratus 
ouai  xEpal  To  âauTcu  Tzpôaoj-ov,  ô  pei'cussit  pugno  iii  faciem  am- 
M£A£(7t::'::oç  à7i£y.p{vaTc- TjTTTsac'j  borum  Speusippi  et  Elasippi 
TYjv  6uxYiv.  Ti  \).Tk\cy  TJ-Ts  Ta  qul  locutl  fucraut.  Tuuc  M.  dl- 
aauTou  oàGfhtTfipiy..  xit  :  Quid  est  quod  meani  fa- 

ciem   ab    hac   gloria   recusa- 
sti  etc. 

Jusqu'à  ce  moment,  Speusippe  et  Elasippe  ont  seuls  discuté 
avec  leurs  maîtres.  Mélésippe  n'a  encore  rien  dit.  Comme 
dans  la  plupart  des  actes  des  martyrs,  l'un  des  bourreaux  souf- 
flette les  deux  jeunes  chrétiens,  Mélésippe  réclame  ironi- 
quement sa  part  de  cet  honneur.  Rien  à  objecter  à  ce  passage 
de  L.  Le  texte  de  G  par  contre  est  incompréhensible.  Pourquoi 
Quadratus  se  frapperait-il  le  visage  de  ses  deux  mains?  Il  n'y  a 
qu'une  explication  possible  à  la  leçon  de  G.  Le  texte  original 
portait  sans  doute  conformément  à  la  traduction  de  L  :  tou  os 

Kzopx-z'j    -.ù'iixy-zç   ~xiç  X^P^-'''   à;j.'fCT£pwv   to   '::piffo)7:ov,  G  aura    lu 

à[;.çoT£patç.  Le  génitif  qui  déterminait  TrpôawTrov  disparaissant 
ainsi,  G  aura  cru  qu'il  s'agissait  du  visage  de  Quadratus.  Le 
lecteur,  qui  a  vu  avec  quelle  inintelligence  G  procède,  ne  s'é- 
tonnera point  qu'il  ait  commis  ici  pareille  bévue.  —  Seulement 
l'acte  de  Quadratus  ainsi  modifié,  la  réponse  de  Mélésippe  ne 
s'expliquait  plus.  Voilà  pourquoi  G  l'a  remplacée  par  cette 
phrase  vraiment  idiote  :   Frappe  ton  àme  (!)  ou  plutôt  frappe 


SAINTS   JUMKAUX    ET    DIEUX    CAVALIERS.  489 

tes  sens  (!).  —  D'ailleurs  G  lui-même  a  conservé  la  trace  de 
Tacte  de  Quadratus  qu'il  dénature  ici.  Il  fait  dire  quelques 
lignes  plus  bas  aux  martyrs  :  -:{ [xxr/;v  tcùç  ssîvtxç  r^iJ.Sy/  G'jv-piSeTs; 
Ce  qui  suit  est  abrégé  et  contracté  dans  G.  L  continue  à  pré- 
senter des  expressions  plus  pittoresques  et  plus  originales  : 

G  p.  470,  1.  18.  L 

«aX'  oùoè  5  r/Ai:;  oj^*r^,  r.p'.w  Si  non  ad  sextam,  vel  ad 
7^  'riij.x^  Ou(j{a  y.aOapà  ttoijcve/Ow-  nonam,  si  non  ad  nonam,  vel 
[j.tv  -0)  6£0).  ad  undecimam  etc.. 

G  ib.,  1.  -20.  L 

rt\>.tXq    kiciiJM;    xj-z[}.z\yj\j.tr        Q.  Miser  iTiortem  tuam  ante 

XpKjTOç    'Ir^ffsuç...    y.sTx;j     r^[jZr)     OCUlos  vides... 

is-Yîy.cv,  ol  à-xcTTpâzTEi  -o  -pôcrw-        Mel.  dixit  :  Nos  mortem  non 
r.zv.  videmus,  sed  vitam  nostram, 

Dominum  nostrum  J.  Ch.  etc. 

Néonilla,  que  Palmatus,  Hermogène  et  Quadratus  font  com- 
paraître, leur  adresse  ilans  L  de  touchants  conseils  :  0  agni  sine 
macula,  positi  in  medio  luporum,  estote  prudentes  sicut  ser- 
pentes et  simplices  sicut  columbaeetc.  Dans  G  nous  n'avons  que 
des  apostrophes,  dont  Tune  (7:v3j[j,aTr/.sîç  t.zg\  rJ;v  twv  s'.oioaojv 
y.avtav  7:aTr;aavT£;)  est  bien  dans  le  goùt  du  rédacteur;  mais  de 
conseils,  point;  la  phrase  n'est  même  point  terminée. 

Le  supplice  de  la  pendaison  et  de  l'écorchement  (1)  est  décrit 
par  L  avec  des  détails  beaucoup  plus  typiques  que  ceux  de  G. 
G  remplace  par  xXwvaç  àv.avôwv  l'instrument  de  supplice  célèbre 
que  sont  les  trodei,  et  G  n'a  point  cette  remarquable  comparai- 
son :  nervi  quasi  in  citharaextensi. 

Le  dialogue  qui  remplit  dans  L  la  fin  du  §  14  {Quadratus  :  Ubi 
estDeus  vester  etc.)  manque  entièrement  dans  G,  fort  au  détri- 
ment du  récit,  car  il  servait  à  amener  la  seconde  partie  du  mar- 
tyre, le  supplice  du  feu.  On  conviendra  en  effet  que  la  transi- 


(1)  Radere  et  suspeiidere.  Kraus,  RealencycL,  I,  p.  375.  Du  Cange,  s.  v.  Prudent. 
Prrisleph.,  109  (Migiie,  P.  L.,  LX,  col.  :385  :  vinctum  retortis  brachiis  versum  ac 
deorsum  entendite,  compago  donec  ossuuni,  divulsa  membratim  crepet.  Euseb., 
H.  E.,  V,  n;  VIII,  x. 


490  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tion  de  G  est  un  peu  brusque  :  xal  ixsXeuaxv  cî  àaeosiç  -jrupàv  TTGt/av 
YsvéaGau 

Concluons.  Le  rédacteur  G,  en  transcrivant  la  légende  des 
trois  jumeaux,  a  usé  des  procédés  chers  à  tous  les  «  méta- 
phrastes  ».  Les  additions  ont  un  but  soit  théologique,  soit  rhé- 
torique. Les  suppressions  portent  précisément  sur  ces  détails 
pleins  de  pittoresque  et  de  fraîcheur  qui  sont  le  propre  des 
documents  hagiographiques  originaux.  Mais  G  s'est  acquitté 
de  sa  tâche  avec  une  maladresse  peut-être  sans  exemple  dans 
toute  la  littérature  des  martyres.  Ses  modifications  se  reconnais- 
sent, au  premier  coup  d'œil,  à  la  perturbation  qu'elles  jettent 
toujours  dans  l'idée  et  dans  la  phrase. 

(^1  suivre.) 

Huy  (Belgique)'. 

Henri  Grégoire. 


SAINT  JEAN  LE  PALÉOLAURITE 

PRÉCÉDÉ 

D'UNE  NOTICE  SUR  LA  VIEILLE  LAURE 

Par  les  R.R.  P.P.  Siméon  VAILHÉ  et  Soplirone  PÉTRIDÈS 

des  Augustins  de  rAssoiiiption 

Suite  (1) 


II.  —  SAINT  JEAN  LE  PALÉOLAURITE 

I.    —   VIE    DE    SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE 

Ce  que  nous  connaissions  jusqu'ici  de  Jean  le  Paléolau- 
rite  (2),  autrement  dit  Jean,  moine  de  la  Vieille  Laure,  se  réduit 
à  de  brèves  notices  dans  les  Menées  et  les  Synaxaires,  parfois 
même  à  la  simple  mention  de  son  nom.  A  l'aide  de  ces  maigres 
ressources,  les  Bollandistes  rédigèrent  pour  lui,  sous  la  date 
du  19  avril  (3),  une  petite  biographie  qui  était  jusqu'à  nos 
jours  fort  suffisante.  Ils  débrouillèrent  même  avec  beaucoup 
de  flair  une  confusion  très  regrettable  entre  saint  Jean  le  Pa- 
léolaurite  et  saint  Jean,  disciple  de  saint  Grégoire  le  Décapo- 
lite,  confusion  qui  s'est  glissée  dans  nombre  de  livres  litur- 


(1)  Voy.  p.  333. 

(2)  Le  mot  de  paléolaurile  se  trouve  encore  dans  la  Passio  sanctorum  vii/inti 
martyr-um,  dans  les  A.  SS.,  t.  III  mart.,  n"  31,  p.  5'. 

(3)  A.  SS.,t.  II  april.,  p.  622. 


492  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

giques  grecs  et  qui,  hélas!  est  parfois  encore  reproduite  de  nos 
jours  (1).  S'ils  se  méprirent,  ainsi  que  cela  me  paraît  évident, 
sur  l'époque  à  laquelle  notre  saint  aurait  vécu,  c'est  en  s'ap- 
puyant  sur  des  raisons  assez  plausibles  et  parce  qu'ils  man- 
quaient, en  somme,  de  bons  éléments  d'information.  Ce  n'est 
donc  pas  pour  les  trouver  en  défaut  que  je  reprends  l'étude  de 
cette  question,  mais  plutôt  pour  confirmer  leurs  conclusions 
et,  avec  les  nouveaux  documents  qui  sont  édités  aujourd'hui 
pour  la  première  fois,  pour  jeter  un  peu  plus  de  lumière  sur 
quelques  points,  qui  sont  loin  d'être  encore  tout  à  fait  clairs. 

Jean  dit  le  Paléolaurito  est  fêté  dans  les  calendriers  liturgi- 
ques grecs  et  slaves,  sous  les  dates  du  18  avril  (2),  du  19  (3), 
du  20  (4),  du  21  du  même  mois  (5),  du  4  mai  (6),  du  26  (7)  et 
du  27  juillet  (8).  Il  est  très  possible  que  quelques-unes  de  ces 
dates,  surtout  celles  du  18  et  du  19  avril  (9),  proviennent  de  la 
confusion  que  j'ai  signalée  entre  notre  saint  et  saint  Jean,  lo 
disciple  de  saint  Grégoire  le  Décapolite.  Sans  discuter  la  date 
qui  revient  de  préférence  au  culte  de  notre  saint,  je  constate 
seulement  que  celles  du  20  avril  et  du  26  juillet  paraissent  lo 
mieux  établies. 


(1)  Le  P.  Df'lehay(\  S.  L,  paraît  avoir  coiiiniis  ciicoro  cette  méprise,  .Si/niixarium 
fcclesiae  constantinopolilanae,  Bruxelles,  1902,  col.  1028. 

(2)  Martinov,  S.  I.,  Annus  ecclesiaslicus  yraeco-alavus ,  p.  111;  II.  Delehaye, 
Op.  cit.,  codex  .V  (xi"  siècle),  col.  012^»;  Ménologe  de  Basile,  Migne,  P.  G., 
t.  CXVII,  col.  409  seq.:  Synaxarisle  do  Nicodème,  t.  II,  p.  270;  Ménéen  de  Venise, 
1880,  p.  63;  Grand  Synaxariste  de  C.  Doukakès,  Athènes,  1895,  avril,  p.  205. 

(3)  Martinov,  Op.  cit.,  p.  111;  II.  Delehaye,  Op.  cit.,  codex  de  Sirmond  (xii'- 
xiii"^  siècle),  col.  015  et  codex  D  (xii«  siècle),  col.  613;  l'apadopoulos-Kerameus, 
'hpoffoXupLtTtxyi  piêXioerixif),  t.  Il,  p.  130,  codex  72  de  Saint-Sabas  (xii"  siècle). 

(4)  Martinov,  Op.  ril.,  p.  112;  Delehaye,  Op.  cit.,  codex  Ha  (xir  siècle),  col. 
618*'"';  Synaxarisle  de  Nicodème,  t.  Il,  p.  278:  Menées  de  VeuLsc,  1895,  p.  73; 
Grand  Synaxariste  de  Doukakès,  avril,  p.  283  seq. 

(5)  Martinov,  Op.  cil.,  p.  113. 

(6)  Martinov,  Op.  cit.,  p.  122;  H.  Delehaye,  O/i.  cit..  col.  (itiO-'".  d'après  les 
Menées  de  Venise  de  1588. 

(7)  Martinov,  Op.  cit.,  p.  186;  Delehaye,  Op.  cit.,  codex  de  Sirmond,  col.  843 
seq.;  Papadopoulos-Kerameus,  Op.  cit.,  t.  II,  p.  129,  codex  71  de  Saint-Sabas 
(xi"  siècle). 

(8)  H.  Delehaye,  Op.  cit.,  codex  Bb  (xi"  siècle),  col.  852^''. 

(9)  Saint  Jean,  le  disciple  du  Décapolite,  est,  en  effet,  A'énéré  le  11  avril  tout 
seul,  puis  le  18  et  le  19  avril,  en  comjiagnie  de  saint  Jean  le  Paléolaurite.  Mar- 
tinov, Op.  cit.,  p.  107,  111  et  112;  H.  Delehaye,  Op.  cit.,  col.  613  et  61ij.  C'est  sur- 
tout à  la  date  du  18  et  du  19  avril  que  l'on  trouve  la  confusion  dans  les  notices 
des  Menées  on  des  Synaxaires. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  493 

On  peut  diviser  les  notices  des  Menées  et  des  Synaxaires  en 
trois  catégories  :  1"  celles  qui  se  bornent  à  la  simple  mention 
du  nom  ;  2°  celles  qui  donnent  quelques  détails  sur  Jean  le  Paléo- 
iaurite,  sans  le  confondre  avec  le  disciple  de  saint  Grégoire  le 
Décapolite;  3°  enfin,  celles  qui  donnent  les  mêmes  détails  sur  lui, 
mais  en  le  confondant  avec  l'autre  saint  Jean. 

1°  Dans  la  première  catégorie  rentrent  tous  les  Synaxaires 
rites  par  le  P.  Martinov  (1)  et  quelques  autres  édités  parle 
P.  Delehaye  (2).  Ils  disent  ordinairement  de  notre  saint  «  Jean  » 
lout  court,  ou  «  Jean  le  Paléolaurite  »,  ou  bien  «  Jean  le  Prêtre  », 
ou  encore  «  Jean  prêtre  le  Paléolaurite  ».  La  seule  chose  inté- 
ressante que  nous  ayons  à  retenir  de  ces  diverses  citations, 
(^v'est  que  saint  Jean  le  Paléolaurite  était  revêtu  de  la  dignité 
sacerdotale. 

2"  La  seconde  catégorie  comprend  une  notice  qui  se  trouve 
reproduite,  à  quelques  mots  près,  dans  le  codex  de  Sirmond, 
sous  la  date  du  26  juillet  (3),  dans  le  codex  D,  du  xii'  siècle, 
sous  la  date  du  19  avril  (4),  dans  les  Menées,  le  Synaxariste  de 
Nicodème,  le  Grand  Synaxariste  de  Doukakès,  etc.,  sous  la  date 
du  20  avril  (5).  Pour  en  donner  un  exemple,  je  cite  la  notice  qui 
se  lit  dans  le  Synaxaire,  dit  de  Sirmond  : 

T^  a-j-f^  r,;j.cpa  (  =  26  juillet)  \}■'n,\J.T^  toj  cabu  ::aTpc;;  ri;xo)v 
'lo)âvvc'j  zpsacuTipo'j  t2j  IlaXaioXaupC-cu. 

■/.ai  /,a-a)a7:(ov  -p'^orc*  -/.al  zsptsivî'-av  '^Iz'J  y.ai  à-s^evwQsiç  raTpBoç  xa\ 
Twv  c'.y.îi'wv,  y.al  tov  ataupsv  àpâ;j.=voç,  -^aOîv  sic  '/Mpoi.^  ^£v/;v  '/.a: 
à'YvoJTTOv,  où  Tbv  ÇEV'.TîûJavTa  Kjpiov  y.a:  ir':  zvrr^ç  -i'/^v»-y.'  y.xl  y.axa- 
Xaowv  TO'jç  cr£6a7[j.(;'jç  tÔ-î'jç,  iv  tyj  toj  ;j.ay.apvsu  Xap^Toivo^  k~iz-fi]J.ti 
;j.âvopa,  y.ày.eîjs  "J^p^ç  "îjç  àywvx?  à7::5'j7â;j.îv:ç  y.al  y.xXwç  -sAÉja^ 
7:5êaav  îosoçv  ip;-:-?;;,    -wv  ~ffii  \j.z-i(j-r^. 

En  dehors  de  la  dignité  sacerdotale  de  Jean  qui  est  encore 

(1)  Oi>.  ell.  cil. 

(2)  Op.  cit.,  col.  t;i2,  013,  618,  Vâi  et  660. 

(3)  H.  Delehaye,  Op.  cit.,  col.  813  seq. 

(4)  H.  Delehaye,  Op.  cit.,  col.  013. 

(o)  On  trouvera  les  citations  de  ces  trois  ouvrages  aux  passages  que  j'ai  indi- 
qués précédemment.  Dans  l'édition  du  Mrjvaïov  qu'a  publiée  l'arcliimandrite  Jean 
JMartinou  à  Athènes,  p.  82,  la  notice  est  prt'cédée  de  ces  deux  vers  iambiques  : 

JiÉov  TS  xépSo;  tôv  na>>aioXaupÎTriv 
'lwàvvr,v  x^'po'J'j'''  eOpôvTs;  vos;. 


494  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

mentionnée,  nous  apprenons  seulement  par  cette  notice  que  Jean 
se  mit  au  service  de  Dieu  dès  sa  plus  tendre  enfance,  qu'il  visita 
les  sanctuaires  de  Palestine  et  que,  à  l'exemple  du  Christ  qui 
s'était  fait  étranger  pour  nous,  il  se  fixa  dans  une  terre  étran- 
gère, à  la  laure  de  Saint-Cliariton,  où  il  mourut  dans  la  pratique 
des  plus  hautes  vertus.  L'insistance  particulière  qu'apportent 
les  livres  liturgiques  à  louer  saint  Jean  de  s'être  fait  étranger 
pour  le  Christ  —  éloge  que  nous  verrons  revenir  tout  à  l'heure 
—  me  donnerait  à  penser  que  le  saint  venait  d'une  contrée  assez 
lointaine,  probablement  de  l'Occident  latin. 

C'est  également  dans  la  seconde  catégorie  qu'il  convient  de 
ranger  les  divers  morceaux  poétiques  qui  sont  édités  sur  notre 
saint.  A  vrai  dire,  ces  deux  ou  trois  pièces  ne  contiennent  pas 
beaucoup  de  renseignements  nouveaux  et,  une  fois  de  plus,  il 
est  à  craindre  que  les  historiens  en  quête  d'inédit  refusent  de 
se  réconcilier  avec  ce  genre  de  littérature.  Néanmoins,  on  peut 
en  extraire  quelques  données  biographiques,  échappées  par 
inégarde  à  la  plume  du  poète  et  qui  éclaireront  la  physionomie 
de  notre  personnage.  Tout  d'abord,  il  est  certain  que  Jean  était 
prêtre.  Les  stichères  du  second  kathisma  l'affirment  en  termes 
assez  clairs  : 

YîY^vojç  à'çtoç  ^ù'Tf^ 

et  le  fait  se  trouve  confirmé  dans  la  première  et  la  cinquième 
odes  du  canon.  Il  est  non  moins  certain  que  Jean  était  étranger 
à  la  Palestine,  et  à  l'empire  byzantin  selon  toute  probabilité. 
Cette  pensée  revient  à  plusieurs  reprises  dans  les  vers  des 
kathisma;  l'acrostiche  du  canon 

Et:!  ^iv/;^  Oavsvta  Gt   y.po-S),   xâisp, 

le  déclare  formellement  et  l'éloge  de  ce  renoncement  et  de  cet 
exil  volontaire  de  Jean  se  présente  si  souvent  dans  les  strophes 
du  canon,  que  je  juge  inutile  d'insister  davantage.  Au  lecteur  de 
se  convaincre.  Il  semble  aussi  très  vraisemblable  que  Jean  a 
vécu  à  une  époque  de  luttes  religieuses  et  que  sa  science  théolo- 
gique a  trouvé  là  une  magnifique  occasion  de  se  déployer  contre 
l'hérésie  : 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  195 

alpéatiùq  ty;v  Au;j/fjV 
sçuysç  TCauav, 

lisons-nous  dans  les  stichères  du  premier  kathisma,  et  cetto 
pensée  revient  sous  une  forme  ou  sous  une  autre  dans  plusieurs 
odes  du  canon  : 

5*"  ode  :  aoçi'a  xal  sîYtjtaaiv 

•îpîjç  •/pvj;j,a-((Taç 

7*  ode  :  zàvTa 

zîipaaiJ.bv   alpiffîwv  ixçuYîtv 

•i^cuvr,6Y]ç 

8*  ode  :  ôstaç  y''*^'^-^?  ipY^'^^v 

xal  SoYlJ.â-:iov  y''"1<^^2"'1'0Ç- 

Enfin,  il  est  non  moins  vraisemblable  que  Jean  a  été  mélode 
et  qu'il  a  composé  des  poésies  religieuses.  A  l'appui  de  cette 
supposition,  on  peut  apporter  ces  vers  de  la  8'  ode  du  canon  : 

;j.î"/vwc{a;  ày.paiçvij; 

àvaj/.sXzwv. 

On  peut  aussi  apporter  un  fait  que  mon  confrère,  le  P.  Pé- 
tridès,  a  parfaitement  mis  en  relief.  Le  canon  de  saint  Chari- 
ton,  fondateur  de  la  Vieille  Laure,  est  attribué  dans  quelques 
manuscrits  à  Jean  le  Moine;  de  même,  d'autres  poésies  en 
l'honneur  du  même  saint.  Ne  pourrait-il  se  faire  que  ce  Jean  le 
Moine  fût  le  même  que  saint  Jean  le  Paléolaurite?  Les  religieux 
d'un  monastère  avaient,  nous  le  savons,  l'habitude  de  consacrer 
leurs  talents  poétiques  à  chanter  la  mémoire  des  hommes  qui 
s'étaient  sanctifiés  avant  eux  dans  le  même  couvent.  Si  cette 
hypothèse  trouvait  quelque  crédit,  nous  serions  du  coup  fixés 
sur  l'époque  à  laquelle  a  vécu  saint  Jean  le  Paléolaurite.  En  ef- 
fet, le  canon  de  saint  Jean  le  Paléolaurite  a  pour  auteur  saint 
Théophane  Graptos,  mort  en  845  ;  ce  qui  nous  force  par  consé- 
quent à  reporter  la  mort  du  Paléolaurite  avant  cette  date. 
D'autre  part,  le  canon  que  Jean  le  Paléolaurite  aurait  composé 
sur  saint  Chariton  est  nécessairement  postérieur  à  la  première 


496  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

moitié  du  viii'  siècle,  puisque  saint  André  de  Crète,  l'inventeur 
des  canons,  n'est  mort  qu'en  740  et  que  Vv.piJ.ô;  est  emprunté  à 
saint  Jean  Damascène,  encore  plus  récent.  Saint  Jean  le  Paléo- 
laurite  aurait  donc  vécu  dans  la  seconde  moitié  du  viii''  siècle  ou 
dans  la  première  moitié  du  ix-';  ce  qui  n'a  rien  de  bien  étonnant. 
Ainsi  s'expliquerait  la  participation  que  le  mélode  lui  prête  aux 
querelles  tliéologiques  de  son  temps  et  qui  ne  peuvent  être  que 
les  luttes  iconoclastes.  Sans  doute,  les  Bollandistes  ne  veulent 
pas  d'une  date  aussi  tardive,  lorsqu'ils  écrivent:  «  S.  Josephus..., 
intellecto  obitu  S.  Gregorii,  adjunxit  se  S.  Joanni  eique  convixit 
usque  ad  liujus  mortem  Constantinopoli,  quam  circa  annum 
DCCCL  contigisse  possumus  conjectare.  Contra  alter  Joannes 
decessit  in  Palaestina  et  eremo  sancta?  civitatis,  in  lauraS.  Cha- 
ritonis;  forsan  aliquot  seculis  citius,  cum  Palaestina  necdum  a 
Sarracenis  devastaretur,  multo  minus  seculo  Christi  nono, 
quando  pleraque  monasteria  ibidem  erant  destructa  (1)  »  et  en- 
core :  «  Tempus  quo  vixit  (S.  Joannes)  et  in  Laura  Veteri  mor- 
tem obiit,  nusquam  exprimitur.  Potuit  id  contigisse  adhuc 
quarto  seculo,  post  lauram  illam  constructam,  aut  eerte  sequen- 
tibus  Christi  seculis  potius  quam  nono,  quo  S.  Gregorius  Deca- 
polita  ejusque  discipulus  S.  Joannes  vixerint  :  tune  enim  mo- 
nasteria Palaestinaî  fere  desolata  et  a  Saracenis  destructa 
jacebant  (2)  »,  mais  tout  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut  de 
notre  monastère  vient  démentir  de  pareilles  informations. 

3°  Arrivons  maintenant  à  la  troisième  catégorie  de  docu- 
ments, c'est-à-dire  à  ceux  qui  confondent  saint  Jean  le  Paléolau- 
rite  avec  saint  Jean,  disciple  de  saint  Grégoire  le  Décapolite.  Ils 
se  trouvent  dans  le  Ménologe  dit  de  Basile,  dans  les  Menées  et 
dans  les  Synaxaires,  comme  celui  de  Sirmond  et  celui  de  Nico- 
dème  rHagiorite,  sous  la  date  du  18  ou  du  19  avril.  Dans  ces 
divers  ouvrages,  à  deux  ou  trois  mots  près,  la  notice  est  iden- 
tiquement la  même.  Chose  bien  plus  étonnante,  elle  est  iden- 
tique, et  pour  la  pensée  et  pour  les  expressions,  à  celle  qui  est 
Consacrée  à  saint  Jean  le  Paléolaurite,  sous  la  date  du  20  avril 
ou  du  26  juillet,  ainsi  qu'on  en  jugera  par  cette  reproduction  du 
Synaxaire  dit  de  Sirmond  (10  avril,  col.  015)  : 

(1)  De  sanclo  Joannr,  discipulo  S.  Gref/orii  Dccapolilne  dans  les^l.  SS.,  t.  II 
april.,  p.  580. 

(2)  De  S.  Joannc  PaJacolaiirlla  dans  les  .4.  SS.,  t.  II  a|tril.,  p.  (ji:\. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  497 

T^  aù-'^   ■'if'-??   t'-'^''/ !-'•■'(  "2^    boio'J     I(.)âvvc,»  ;j.a()r,-cj  tou   x\'i:'j    Ipr- 

O'jTOç  èç  â-aXwv  sv'>/wv  -:bv  Xpia-cv  àY^"'*^!'-^-?  àryjXOî  "pcç  Tbv 
[jLÉY^iv  rp-^vopicv  Tbv  Aîy.aTTCAir^v'  "/.ai  Yîvi[;.£voç  û-  èy.etvcj  [;.cva)^iç, 
Tou  Xoi-cj  a-jv?;v  ajTO),  àY'^'^'^^'y--''-?  ^''  "^t^'  '^•^'-  "-''  Bîbv  6£pa7:£Û(.)v. 
OJTO)  oà  Y-Y-''-''  -'•?  û-3:y.cr,v  7:cpt63-/;-:ç  y.ai  î-.ç  6::c-:aY"^v  TrsiOr^viiç 
y.a:  iTOijJLÔTaTOç  Ospa-îUTr,;,  coç  y.al  -ov  ;j.éY3tv  rp-r;Y3picv  è-  ajTO) 
y7.ipz.1v  7,x\  Tbv  ©sbv  ooçâvSiv.  Mstà  ce  Tr,v  tîasûoî'.v  .tcj  aYioy  I  pv;- 
Y^p'^cu,  à-'^AÔsv  £'.;  ;£vr,v  '/Mpy-^t  à'YvwjTcv  c'.à  tsv  ^£V'.T£jffavTa  Kjptcv 
y.al  £•::'.  Hfvr^ç  -zyjivz-x,  y.y.1  r,^^'iùviÇt-o'  ziix  y.x-xKoioùr/  toj;  x'^'izuz 
tÔ-ouç  à'::-^AO£v  î'.ç  Tr,v  -sj  «y'-cj  XapiTOJVc;  Àaûpav,  y.ai  kr.iztiyAzV  èajTSv 
£'.ç  t:}v£'.C'jç  «Y^ovaç  twv  àp£':cov  '  y.al  cjtwç  èv  î'-pr^vr,  àv£'::x'Jo-a':o. 

La  seule  différence  qu'on  constate  entre  cette  notice  et  la  pré- 
cédente, c'est  que,  avant  de  se  rendre  en  Palestine  et  de  s'enfer- 
mer à  lalaure  de  Saint-Chariton,  saint  Jean  avait  été  disciple 
de  saint  Grégoire  le  Décapolite.  D'où  Aient  cette  erreur?  Je  ne 
me  charge  pas  de  le  dire,  je  constate  seulement  qu'elle  est  très 
ancienne,  et  que,  selon  tuute  vraisemblance,  elle  provient  de  ce 
que  ces  deux  saints  portaient  le  même  nom  et  étaient  autrefois 
fêtés  le  même  jour. 

Il  suffit  de  comparer  ce  que  nous  possédons  d'authentique 
sur  ces  deux  saints  pour  que  nous  ne  les  confondions  pas. 
D'après  les  Synaxaires,  saint  Jean  le  Paléolaurite  renonce  au 
monde  dès  sa  jeunesse,  quitte  sa  patrie,  visite  les  Lieux  Saints 
et  s'enferme  à  la  laure  de  Saint-ChcU'iton,  où  il  meurt  dans 
Texercice  des  vertus  monastiques.  Rien  de  semblable  ne  se 
produit  pour  saint  Jean,  le  disciple  du  Décapolite,  qui  accom- 
pagne son  maître  Grégoire  à  Constant inople,  le  sert,  lui  survit 
quelques  années  pour  être,  après  sa  mort,  enseveli  avec  lui  dans 
le  monastère  bâti  par  saint  Joseph  THymnographe.  La  \'ie  de 
saint  Joseph,  écrite  par  son  disciple  Théophane  et  publiée  tout 
récemment  par  M.  Papadopoulos-Kerameus  (1),  ne  laisse  aucun 

doute  à  ce  sujet  :  «  5  ijA';xq  Tpr^^ipiz^ ■7:pcr/.apT£p£T  [;iv  ko  -zt.m 

TTjç  Oi\i~f,ç  oiXsjocpsu  7:aXaîj-paç  èY*/.2y.A£iî;j.iV2ç  kyb'^.zvzç  y,oi.\  G'j[j.iJ.tpi- 
(jTYjv  Twv  •::ôvci)v  'Ia)xvvr,v  'éyiàv  xbv  tcu  6£(cy  Fp-r^Y^pioy  ,y.a6-/^TY^v  tc  xal 
[hi\f.r,~-fi'f .    'A-avi-Tatai  se   ;j.£~à   ypzvzjq   rjyyo\jz  xwv  £y.£Î0£v  xai  tw  Toy 

(1)  Monumenla  </raeca  et  latiaa  ad  hhloriaia  Pholii  jxttrlarchae  perlinenlin. 
Saint-Pétersbourg,  19<Jl,  II.  in-H",  viii-il  pages.  Xotrc  citation  y  occupe  les  nu- 
méros 8  et  y,  p.  7  et  8,  de  la  Vie  de  saint  Joseph. 


498  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

[^.syâXcu  'Iwâvvsu  ar^xw,  w  twv  aôyw  •/]  x^?^?  *''"^'  '/^'^^?  Xpu(jô(iTC[j.ov 
èTTWVu'j-iav  Trapéa/c-o,  t^  xa6'  '/ji^-aç  y^^'^''^*^''*"^  t^-^^Tλ  ~°^  [AaxapiTou 
'Iwàvvcu  T.poq  ©ebv  £7,S-/3[J/f,aavTOç,  èp.çiAo^rwpsf  Itti  sty;  ttsv-s.  "Hâr^  âè 
xXsiovwv  j;.ovaÇôvT(i)v  tû  Ti[ji,to)  xa\  IspcoTa-w  Iwd*/;»  ayppsuadtvxwv  oià 
TY]v  Y.ocWiivriV  7,7.1  èvàpsTCV  aÙTOu  [Sior/jv,  y.x'.  auveivat  xô  tÔzo)  [j.y]  ou- 
vajj-svwv,  TO  /.a6'  r,iJ-5«î  if,ç,  àpi-cfiÇ  èv  "/^pw  2pT(P-co  t6t£  cvti  7,a6iopu- 
(jaxcj  çpovTta~rjpi5v'  iv  (o  to  toIj  [xsyâXou  Tpr^Yoptou  wç  6'/jaaupbv  àau- 
Agv  i^-s-axtÔYjŒUAsi'i^avov,  val  oy;  y.aL  Iwàvvsu  tou  à^iS7:a'!vou  6-0  xw  £•::''- 
TcpoaGsv  àoaçeiTvîç  "cj  subu  rp-r^Ycpbu  Or,/.-/;^  sYy.axaxpÙTCTît  -b  ay.v^vc;... 
Et  la  Vie  du  même  saint  Joseph  par  Jean,  diacre  et  orateur 
de  la  Grande  Église,  donnait  déjà  à  peu  près  les  mêmes  rensei- 
gnements (1).  Il  n'y  a  rien  non  plus  dans  la  Vie  de  saint  Gré- 
goire le  Décapolite,  dans  laquelle  il  est  question  de  son  disciple 
Jean  (2),  qui  nous  autorise  à  le  faire  voyager  en  Palestine  et 
mourir  à  Saint-Chariton.  Enfin,  la  chronologie  nous  oblige  à  le 
distinguer.  Saint  Jean  le  Paléolaurite,  avons-nous  dit,  mourut 
certainement  avant  saint  Théophane  Graptos  qui  a  composé  son 
office.  Or,  ce  dernier  mourut  au  mois  d'octobre  815.  La  mort  du 
Paléolaurite  arrivée  en  Palestine,  alors  que  saint  Théophane 
était  à  Constantinople  ou  à  Nicée  depuis  l'année  813,  doit  en 
conséquence  se  placer  au  plus  tard  dans  les  premières  années 
du  IX®  siècle.  A  ce  moment,  saint  Jean,  disciple  du  Décapolite, 
était  loin  encore  de  penser  à  quitter  cette  terre.  En  effet,  d'après 
la  Vie  presque  contemporaine  de  saint  Joseph  l'Hymnogra- 
phe  (3),  saint  Grégoire  le  Décapolite  mourut  à  peu  près  en  même 
temps  que  l'empereur  Théophile,  f  janvier  842,  c'est-à-dire  dans 
le  courant  de  l'année  842.  Son  disciple  Jean  lui  survécut;  [As-rà 
Xpovouç  auxvouç,  dit  le  passage  de  la  Vie  apporté  plus  haut,  et 
quelle  que  soit  la  longueur  de  ce  temps-là,  elle  nous  reporte 
certainement  au  delà  de  l'année  845.  On  ne  saurait  donc  à  l'ave- 
nir confondre  pour  aucun  motif  ces  deux  saints,  qui  ont  droit 
tous  les  deux  à  un  culte  distinct. 

S.  V. 


(1)  .4.  SS.,  t.  I  april.,  n»  24,  p.  xxxii.  Cette  Vie  dépend  de  celle  de  Tliéo- 
pliaiie,  ainsi  que  l'auteur  le  dit,  du  reste,  explicitement. 

(2)  Th.  Joannou,  MvYi[j.£ïa  àyto>.oYixâ,  Venise,  1884,  n"  -21,  p.  151. 

(3)  Papadopoulos-Kerameus.  Op.  et  l.  cit. 


SAINT  .ii;a\  le  paléolaurite.  499 


II.    —    OFFICE   INEDIT  DE    SAINT  JEAN   LE    PALAEOLAURITE 

L'ày.oAojô'a  iiiéilite  de  saint  Jean  le  Palaeolaurite,  dont  on 
Irouvera  le  texte  ci-après,  est  extraite  de  deux  manuscrits  ap- 
partenant autrefois  au  monastère  de  Saint-Sabl)as  et  conservés 
aujourd'hui  à  la  l)ibliuthèque  du  patriarcat  grec  de  Jérusalem. 
Le  premier,  cod.  Sal>.  71,  Cjui  semble  être  du  xi*:  siècle,  contient 
le  iJ//]vaîov  de  juin,  de  juillet  et  d'août  :  c'est  lui  que  je  désigne 
par  A.  Le  second,  cud.  Sab.  72,  du  xii*  siècle,  contient  le  |a-/;vx'::v 
(ravril,  mai,  juin  et  juillet;  je  le  désigne  par  B  (1). 

Les  deux  manuscrits  sont  indépendants  l'un  de  l'autre  :  A 
indique  Jean  comme  fêté  le  20  juillet,  B  le  place  au  19  avril  (2). 
Tous  deux  contiennent  un  %a6iT;j.a,  trois  G->.yr,px  et  un  -/.avwv  ;  mais 
les  quatre  premières  pièces  sont  absolument  différentes  dans 
les  deux  recueils;  seul,  le  canon  est  le  même  départ  et  d'autre. 
Cependant  A  y  a  omis  par  erreur  le  4'  tropaire  de  la  1"  ode;  le 
2*"  tropaire  de  la  6^  ode  diffère  d'un  codex  à  l'autre;  le  texte  de 
B  est  ici  d'une  littérature  moins  banale. 

B  attribue  le  canon  à  Tliéophane,  saint  Théuphane  Graptos, 
le  célèbre  hynniograplie  liiérosolyinitain,  -f-  84.j  (3).  Le  kathisma 
et  les  stichères  de  A  sont  sans  doute  aussi  de  lui;  ceux  de  B 
peuvent  être  l'œuvre  du  correcteur  qui  a  inodilié  plusieurs  pas- 
sages du  canon. 

Ce  canon  est  du  4'  ton,  sur  l'acrostiche  :  'Et:--  zirr,:  OavîvTx  -t 
y.poTw,  xaTsp-;  il  n'a  jamais  eu  de  deuxième  ode.  Tous  les  s'.p;j.cî 
sont  empruntés  au  canon  de  saint  Jean  Damascène  ;  Qx\x7zr,; 
-h  èpuGpaiov  xsXaYc;  (4),  sauf  l's-.piJ.:;  de  la  4"  ode  :  Ai"  àyâzr^aiv^ 
zl'/,-ip\).o^.  Chose  plus  curieuse,  le  théotokion  de  la  3'  ode  est  copié 
mot  pour  mot  du  canon  type. 

Si   maintenant  nous  examinons  le  canon  de  l'ofiice  de  saint 

(1)  On  peut  voir  la  d('scrii)tion  do  ces  deux  manuscrits  dans  A.  Papadopoulos- 
Kerameus,  'lepoffoXutiixixifi  pioXioÔv/.r;,  t.  II,  Pétersbourg,  1801,  p,  1-28-131. 

(i)  Jl.  A.  P.-Keramous,  ibùL,  p.  130.  indique  le  17  avril,  ce  qui  parait  être  uni» 
coquille. 

■  (3)  Sur  ce  saint,  cf.  S.  Vaillié,  Saint  Michel  le  syncelle  et  les  deux  fvères  Grapti, 
.•ini7U  Théodore  et  saint  Théuphane  dans  la  Revue  de  l'Orient  chrétien,  t.  VI,  p.  313 
scq.,  610  seq. 

(4)  napaxAYiTf/.ri,  ('dit.  Venise,  1,S97.  p.  107. 


500  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

Chai'iton  au  28  septembre,  nous  voyons  que  ce  canon  présente 
la  même  structure  que  notre  canon  à  saint  Jean  le  Palaeolau- 
rite  (!)•  Il  n'a  pas  d'acrostiche  cependant.  Mais  ses  v.p\j.cl  sont 
empruntés  au  canon  damascénien  :  6aÀâc7ff-/;?  -z  èpuôpaiov,  à  l'ex- 
ception de  l'slpjj-b;  de  la  4"  ode  qui  est  :  Ai'  àyi-r,(jiv,  or/,T(p[j.cv  ; 
et  en  outre,  par  une  coïncidence  qui  ne  saurait  plus  être  l'effet 
du  hasard,  le  théotokion  de  la  3'  ode  reproduit  à  une  syllabe 
près  le  théotokion  correspondant  du  canon  primitif. 

Il  appert  de  là  que  Théophane,  dans  son  canon  pour  saint 
Jean  le  Palaeolaurite,  a  imité  le  canon  de  saint  Chariton,  le 
fondateur  et  le  patron  de  la  Vieille  Laure.  Or  à  ce  dernier  canon 
la  tradition  donne  pour  auteur  Théophane  ou  Jean  le  Moine  : 
noiV([;.a  ©ecçâvou;,  cl  oè,  'Iwàvvoj  [j-cvayoïj.  Je  croirais  volontiers 
que  l'attribution  à  Jean  le  Moine  est  la  plus  vraisemblable  :  en 
dehors  du  canon,  en  effet,  un  seul  tropaire,  le  doxastikon  des 
stichères  de  vêpres  (2),  porte  un  nom  d'auteur,  et  ce  nom  est 
justement  celui  de  Jean  le  Moine. 

Ceci  admis,  je  me  demande  si  ce  moine  Jean  ne  serait  pas 
notre  Palaeolaurite.  Je  sais  bien  qu'on  a  attribué  (.3)  à  saint  Jean 
Damascène  les  innombrables  compositions  liturgiques  signées 
Jean  le  Moine  :  mais  sur  quelle  preuve  ou  même  sur  quel  sem- 
blant de  preuve?  On  n'en  apporte  aucun. 

Saint  Jean  le  Palaeolaurite  ne  serait-il  pas,  je  ne  dis  pas 
l'hymnographe  Jean  le  Moine,  mais  un  des  nombreux  moines 
qui  peuvent  se  cacher  sous  cet  humble  titre?  N'aurait-il  pas 
employé  d'abord  à  célébrer  le  fondateur  de  son  monastère  ces 
mêmes  rythmes  que  plus  tard  Théophane  aurait  fait  servira  le 
chanter  lui-même? 

L'hypothèse  paraîtrait  sans  doute  moins  fragile  si  une  édition 
critique,  basée  sur  l'étude  des  plus  anciens  manuscrits,  nous 
affirmait  que  l'auteur  de  l'office  de  saint  Chariton  est  bien  réel- 
lement un  moine  du  nom  de  Jean  :  mais  qui  nous  donnera  ja- 
mais une  édition  critique  des  menées?  Telle  qu'elle  se  présente 
à  nous  cependant,  cette  hypothèse,  il  n'est  peut-être  pas  trop 
imprudent  de  l'appuyer  sur  le  passage,  !-'■  tropaire  de  la  8'  ode 

(1)  MïivaîoN,  septembre,  édit.  Venise,  1895,  p.  163  soq. 

(2)  Mïivaïov,  ihid.,Y).  162. 

(3)  Cf.  G.  Paimdopoulos,  SujiêoXat   stç  zry   taTopîav   t^;  7:ap'   fiiAÏv    êxx/TjirtauTix-rjç 
IJiouffixrjî,  Athènes,  1890,  p.  212. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  501 

du  caiioii,  OÙ  Théophaiie  nous  montre  Jean  le  Palaeolaurite 
comme  une  lyre  mélodieuse  : 

y.ai   [J.î'/Mcixç  ày.paisvîj- 
AJca   YS-.'Évr7a'.. 


Cod.  Sab.  71  =  A,  fol.  70  v. 

Mr;v'-  -M  cij-o)   [=  Iz'jum)    a;'  -zj  Z7(fj  -x-p'z;  -/jy.fov   'I(oâvv;'j  -zj 
1 1  xX  a'.:X  a  -j  p  i-z  y . 

Kifhi-j.x-  f,yz:  -{'Aiyio;)  z' ■  ~pz;-   Ty;v  zzz(y.v. 

(")£U;)   IpWT'.,    [J.i-AXp, 

kzvniz'j^x:    ttacjtcv 

Tp'j^r^v,  Zcp'.sâvc'.xv 
•/.aï  Tiu  (ii:j  Tb  à'7TaT;v 

7:av7î'':TTojç   isuosaç 
£Y7.paTîtaç  •::;vs'.- 
[^.apâvaç  ts  ïw'j.à  t;'j 
y.ai  T^  T,7jyJ.x 
1j  oiazpcd/aç  àv$pî'!o)ç 

y.aTÉAassç,   ZGii, 
àpîToJv  Tb  ày.piTaTiv, 
s'.b  T.h'ii  ijZM[j.i'/  zzi' 

Zp;75£'J£    XpiïTCO    <C  ~<0  OîW 

20  Twv  T.-xiTj.x-.Lirt    â'sîïiv    cojpv^jaTOai 

t:Tc   èspTawCus'.  ^bOw 
":y;v  ^y'^xv    ;j.vr;y.r,v  7CJ  >. 

5.  TicO-I;  codex:  cf.  Joan.,  ii.  17.  —  7.  ■/.xxj.lv.-ûyi.  —  S.  Tiîp'.çiv.av.  —  11.  nx^t- 
TÉTTToç.  —  lâ.  àvo?"îiij;.  —  19-:Î2.  J"ai  suppli'é  la  fui  du  tropaire  d'apivs  le  tropain- 
type  et  les  nombreux  tropaires  similaires. 

OaiF.NT   CHRÉTIEN.  3.1 


502  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

—  -r/qpi'  fiY^oç  r.K{y.yioç)  x  '  7:y.pxhy.6z'     Ouït  xaxep  ''Gsoçôpa 

'Oai£  Trâ-ep 
Itoivvr^   àEtâvacTî, 
T(o  7:ô9w  èaTauptoO'/;? 

IttO'S/.'qGei  ^cVojOévtcç  '/.aï  iy.  ::apG£VO'j 
(japxa  ©opsaavTsç 
Xpta-oj  Tou   6£ou* 
Ç£v/;v  /o'jpav,    7râT£p, 
•  0  y.3cT£Aa6£ç  cV/.£''av 

y.al  Twv  -rjoÉojv  y.scr;j.cu  ':£p7:v(7)V 

à:7:v^£VoWaw 

£'.ç  TcXoç  a'j-èv,  7:a;j,t7.xy.ap, 

;j.£A£'Tr,v  Tî  6avà-:c'j 
y.al  èy^aXwwcaç 
-à  TrâO-/;  T'^   oia-Ar,Gv.  co'j 
'(■q'/M-q:  àvac£0£iY,y.£VC? 
Twv  zpb  (753  à(7/,'/;aâvT(»)v, 
O'.ç   o-uv'^opç-jç^  àzi 

"Oait  "Zik-zp 

I(.)âvv^  •;:avao{$i;j.£, 

-cîlJ-v/;  Xapi-wvc^ 

£Ç"/^v-:A"/;!7a^  wç  a-i'/YOç   y.z',  àv£;;.â;o) 

ç/;Xcoffa?  5cbv 
y.ai  èv  r,auyi7. 

Tov  ^icv   ciavjtja;; 

•/;çt(i)crai  tï;ç   c7£7:Ty;ç  '.îpcupYa; 

Y£Y2voj>:  à'ric;; 

Oùr^ç  6ua)v  wç  atj.£;j,'::Tcç 

Tov  àjjLvbv   y.a6'  £y.àcTY;v 


4.  £(jTauprj8r,; ;  cf.  Gai.,  vi,  II.  —  11.  sloécov.  —  15.  7;avû-/iov.  —  17.  âxaXivoira;. 
"21.  oviYxopSTj-/);.  —  31.  f|Hiw<7£. 


■20 


30 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  503 

Tbv  v;uv  -/.al  T"J;v  cuvciav 

iv  Oe{.)p(at^   ;j.'J7T'//,afç 
'0  "?-•;  àpijTY;v 

;j.a-/,3:pi;r/;Ta. 

'Iwâvv^  -a,y.;j-ay.api7T£, 

'■'j  £vs£5U|j.£vc;  caswç 

a'.p£t7£(i)v  -:r,v  'K•J\).r^'^ 
è'suyîç  Trasav 
•/.al  r.^zzi-€/.y.zxç, 

T(0     CVTl,     TCSî', 

•"jU  oià    0£Oi)pia; 

•/.a:  •::pâ^£oiç  £v6£C'j  ■/.aï  sOxsaç 

~pz:    TS    OCY.pb'X'O'f .    \).Ôc7.Xp, 

r^;   0£':a;  cir^ç  cvto);  £'::£T'j7£; 
•'•"»  ;j.£Tà  TSAc;   àçûoç 

•/.aï  è-x-'âXA-r;  vjv 

àYY£Ao)v  Ta^;  yzpv.yxz, 

3'Uva7TpazTc;.;.£v:r, 

sib  ;j.v/^jOr,-:i  twv  tîacûvtcov 
♦'•0  cou  T'J^v   ;j.V(^;x-^v 

alaiwç,  iç'.c63:y;j.X7T£. 

Cod.  Sab.  72  =  B.  fol.  35  v. 

'Iwâvvij   -.z\)    r.xXy.iz\Tjp':-.zj. 

K7.^\z\J.y.'  r,yz-  z''  T,y.py.Kyct'  Ky-zr.\y.\'r,   'Itozi^s. 
r-/;v   'z-M'/iiy.v  tij  Kpiz-zj 


o5.  xaÔspâjtsvo;.  —  36.    çtOTtÇwfXEvoç.  —  37.  o'.àvjav.  —   11.    -jS^vr;.     —     l(i.  âpÉ^rsoiv 
—    51.   7tpâ?£o;.  —  54.  ovtoç.  —  57.  ytopia'.;.  —  61.  ifj'.o);.  —  5.  -/aTEitXàvs'., 


10 


504  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN, 


■TTACUTCV    eAlTTîÇ  oôapTOV 

■/.ai  osSav  pÉsuffav,  crioé, 
■/.al  Tbv  ataupsv  acj  è'-oj[;-ov 
àpa[jL£voç  TpiSov 
T-/;v   a-TcV-/]v    ctwosuaaç 
TrxTcov  Taç  Y;covàç 

Tàç     S'/.   TCJ   CWiXaTCÇ 

Cl'  SY'/.paTSiaç,  cais, 

à7:âc-/;ç  ts  ■/.^■/.c-aOîtaç  y.ai  è'^Oaca? 

TOU  'TTapaosiG-cu, 
Iwâvv/;  zaT-^p  -/ji/wv. 


15 


-iTt)j'/;pa*    v/^Ç  ■;:A(aYtcç)    o'    zapâXaêe"    Tî   yp.aç    •/.aX£ao)[X£v. 

Fol.  oC>  v".  •  IIi-:sp   'I(oâvvY)  à:($i[j,î, 

T'^ç  ipr,[j,su  T5  çaiopbv 
C7J  ÔjçÔ-^ç  y.pivov   à'Ar^Ow^, 
5  [j.sval^cvtwv  "ib  Tîp-vbv 

à'vQ:-  uTrâpysi;  ■/.al  Aay.-piv' 
-poops'j.cu 

yxipz.  TraTcp,   w»   c;j.o')vu[j.cç* 
iv   Tpi-:u 
10  èTcavaAAei  wç  ^[j.ÔTpozoç' 

Tïta'cùç  ©po'jpsTç  TaTç  r/.eaiaiç  ccu 
y.at  */.i(7[j.cv  g"/.£'::'/;ç  svtîûcstiv  ' 
r/.ÉTS'Js 

15  Q  Twv  ûx3pTii;,o)v   à-'o'jvwv    a:'j  ' 

(oç  yip  -/.A-^ixa  eùOaAàc 

àvaêAaffxrjaa;  toTç  àv   vy) 

Iv  ào'y//;(7£i  xpC'/.aGa^pîtç 

ffou  TYjv  opéva   àA-r;f)wç, 
'iO  TTapaYsiç 

TTCTÎvîlÇ 

0.  EÀEiTiai?.  —  8-9.  Cf.  Mat.,  x,  38.  —  9-10.  Cf.  Mat.,  vu.  14.  —  17.  r)[Awv  Tipsir.  — 
4.  xpîvwv;  cf.  Is.,  XXXV,  1.  —  8.  ôîxôvujio;.  —  17.  àyy/).  —  19.  çpaîva.  —  20-22.  Cf. 
Ps.   LIX,    5. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  505 

C'.   7:pc5AÉ-CVTÎ^    TClCTtOC, 

Tiî;   £V  TTÉpao-iv  Ta  6a;j;xaTa, 
35  -pcXâjj-ît 

TCÎ;  èv  v.ijiJ.o)  Ta  TspajTU, 
oay.pûwv  pstOpoiç  aoiJ-vivîTai 
Ta  Twv  oa'.;x6vo)v  î'j7T"/);j.aTa' 

'I"  T;i  7(»)Gf(Vai  Ta;  'i^uyàç  r^i^wv. 

Cod.  Sab.  71  =  A,  fol.  71  r\ 

'0  xavwv    o^ps'.   ày.pisT  lyisa    tï;vo£'    'E::i    ^iV/;ç    OavôvTa    7e 
y.pOTto,  T:âTîp.    ©îisâvsjç. 

Q'.c-r;    a'   r^'/zz  z' '  ©aXâffîT^ç  to  âpj6paîcv 'TtÉXaYOC. 

EattÎsi  t-^   -pi.;  Oî-v  pojvvj;;.3v:; 
5  aTTO  VciTr,T:ç 

TCO   à-'aO(o  zpî7£$pa;j.£;   6£0), 
'Iwàvv/;  [j.ay.âpi£, 
't^.cvao',/.atç  à(7y."/^j£si 
ciasîpôvTWç   cyTSiytiûy-£Voç. 

10  nXc'JTiaç   y.al  çwTSsipcu  yâpiT:; 

àva-'.;j.7:Aa;j.£vc; 

y.al  jîcaffiJ.buç  ts-cuç  y,aTv'//.a)v 
7£6a7SJ.''w;  èêtojïaç 

35.  7rpo),â[j.7:-/i.  —  37.  pûSpot;  aujAvriyETa'..  —  1.  Fol.  3(3  r"  B.  —  "2.  ©eoçâvou:  répété 
en  marge.  —  4.  xv^ç  ar;;  Oeôv  A.  —  4-5.  Cf.  Ps.  lxx,  5.  —  8.  [jLOvaO'.xri;  àaxriiTïw;  B. 
—  9.  (ïTU-/ioO[Ji£vo;  AB.  —  13.  ÈêÔTi<7a;  A. 


506  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Tri    TOLi    XaptTtovcç 

Tcù  Bîcçopou  [;,âvBpa  -irpoçopai^wv 
£v   èy.sîvr,  ciÉzps'ia; 

•il»  UpsupYoç  Y -^^ [-'•-'''-? 

Esvwffaç  -wv  è'KiYStiov,  cais, 
TYjv  ar)V  oiavGtav 
Tccç  cùpavioiç  Ta'Jr/;v  ày^^-^?' 
■iô  'lojâvvr;,  Trpcar/Awaaç 

•/.ai  ty;?  iy.sîOsv  'é-oy^zq 

0£CTO7.(OV. 

'Et.  cou  y.î'/apiTwiJ.Év/jç,  TcivaYvs, 
i!i>  '/jlJ.Tv  àvé-siXîv 

or/.aiS(jJV/)ç  r^Xio;;   Xpiaxiç 
y.al  oiùxl  xaTeAà[;<TCpuv£v 
Toùç  xa6r/ix£vouç  zpoTspov 
èv  TOÎç  Toti  (jy.ÔTO'j;;  s)^'jpw;/aa'tv. 

o5  Qio-}]  y'*  E'jçpai'vsTai  èxi  aol*r,  kv.Y.'Kr,cCy.  acu. 

Nexpcooraç  ts  vqq  ffapxbç 
K»  Fol.  Tx'v".  St'  ÈY^paxeiaç  «/.piSoUç  op6v/;[j,a 

ÇwcTCOtw   T:v£'j[ji.a-t, 
7:à-£p  'Itoâvvr^,   xpsa-£3pat».£ç. 

l"  'H   6£ia  y.al  çoJTauY'']? 

iv  T'^  xapsia  acu,  cooé,  £XAa[X'l»iç 

owTiu-iy.wç   (ôy.Tjffîv, 

Tcâ-Ep  'Iwavv'/]   [j.ay,âpi£.  \ 

22-27.  Ce  tropaire  tout  entier  manque  dans  A.  —  28.  ©eoxoxtov,  abrégé  en 
marge  el  sic  de'mceps.  —  29.  xs^apiTofiévriA,  xat  yjxç\-zo^i\i\^  B.  —  30-31.  Cf.  Mal.,  iv. 
2,  —  32-34.  Cf.  Luc,  i,  79.—  36.  seq.  Cf.  I  Pet.,  m.  18.  —  39.  ît.  I.  7rpo(7ïiyY"ra«  ^î- 
—  lÔ.  Fol.  8G  V"  B.  —  41.  (Toy  o-atpwç  A. 


SAINT   JKAN    LE    PALÉOLAURITE.  507 

Ttov  û-èp  ©'jt7t,v  àyaôûv  TrpdcEvcç, 

cOcv  (701  TO  "/xTps  7.pa'JYâv^c;xîv. 
Q'.orj  5'  Al'   àY3t--/;fftv,   ilx-ipy.iv,    -:^ç  a^?  î'.p-i^v/;;. 

5()  ©îCosYyiît  yiopioiq  £v:£Opa;j.;j.;v;ç 

•/aà  çtoTsâwpw  X'JiJSi, 
•na-sp,    A£Aa[j.-p'J(7[J-£VGÇ 

Ôîôopwv    si£-pî'ii3:ç. 
55  'Az£^£vw0r((;  TraTpîcc;   /.a',  twv   ir/.sîtov 

y,xl   ~M  XpiJTW  ZpC(7^A6î^ 

-:bv  (îTaupbv  âpâtj,£vc? 
Oîsçpwv,  [j.xv.ipiz. 

(30  N£Vôxp(i)[;.£VOv;  à-îtJi  -sT;  9aiv;;j.£v:iç 

01     à(7X'^(J£(i);   ^^"O^î 

Iwavv/]  ■7iâvffoo£, 
T.plq  ov  £Ç£orj[r/;7a;. 

»j5  0£;-::/,t2v. 

'0  GTfV  -^(xi-épo!.,  7:apO£V£,  Tr,v  Qîcoô'/ov 
•J-£p9J(ï»ç  ffX'^voWa^ 
O'JTOç  "/.al  [j.ii'y.  TÔy.ov 
Gsïy.'^  0'jvâ[j.£t  (7£ 
70  r.xpMvz^   ï-■^^p■^^QVi . 

Q'.OY]  £'.   '^■'j.  y.'jpu'  [XCU,  OWÇ. 

r^rs'jyiy.   y,-r,(jy.[}.t^zq 

15-48.  Ce  tropaire  est  pris  mot  à  mot  dans  l'Oxxwri/o;,  édit.  Rome,  1880,  p.  i'>i. 

—  47.  (i^TYip  A  B.  —  49.  otxTrio(;.wv  A  B.  —  50.  xopîoi;  A  B.  —  5(5-58.  Cf.  Mat.,  x,  38. 

—  ()1.  X,.  Ta[jLÎw  A.  —  (>4.  d)v  A.  —  ()8.  toxmv  AB.  —  70.  sTriptuiv  A,  iTT)pY)(iaç  B. 


508  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


TCO  •::v£!j[J-aTt  ~o)  a^uo 

Tfi  yàpizi  6îoj 

Ispeùç  -/pr; p-aTica?, 
Traay.ây.ap,   îsstoTaTS. 


S(t 


90 


Bsot; 


Al  t: 


aaai  Yîvîai 


£'J7£0(jOÇ    [J.a7.api>.c'jffiv 
85  es,  zâvayve,  ty;v  Tîy.ousav 

Fol. '72  V".  Tbv  -(0   cvTt  [j.ay.âpicv. 

ip2G-r,ç  ifiÇ    èvOécu,  0ci7:v£ua-£, 
TW  TÎov  y^aptxtov  aT£çâv(o 


:ap'  «JT^ç,  -aixjj.ây.ap,  isTE^avwO'^; 


cAî-pszwç 

TO)    ç-dxjçcpo)    ooi-r^cy.q  Xap'.ttovi. 

95  "Ec-T-/;c-aç 

£-',   Xpiatbv  T'J;v  7:i-px'/  tcjç  zôoa;  7CJ 

àpsTafç,  G£;cppcv,  Ej^EScTpi-oj? 
àva6â(7£tç 
l*'(i  £v  Tr,  y.apGia  ccu,  r.i-tp,   ^([j.vk:. 

78.  X.  0-.  X.  ôûvap;  A.  —  79.  ÔEOcpwpe  A,  6£Oï)ivTop  B.  —  83.  Cf.  Luc,  i,  48.  —  88.  0. 
(TE  AB.  —  92.  £(7T£ç;avwe£i;  AB.  —  9G.  Cf.  I  Cor.,  x,  4.  —  97.  ÈTrtgaîvov  A.  —  98. 
Osôçpwv  A.  —  99.  àvaêdav];  A;  cf.  Ps.  lxx.xiii,  G.  —  95-100.  Cetropaire  est  remplacé 
dans  B  par  cet  autre  : 

afi  y.opuo'^  (ôpaîov  ctxoYjp.a 

y.aî  T£A£iaç,  zâ-£p,  ^tcieStixç 

xai  «Ywvwv 

TTVEuij.aTiy.wv  y.ai  zôvwv  àuy.v^C/îojç. 


SAINT   JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  509 

0£CTCXt3  V. 

Tvjç  ■::pz[j.r,-cpo;;  E'Jaç  -m  t;7.(;)   cz\> 
lAî'jGîpoj;j.îGa,  7j  \'7.p 
105  Tcv   XpWTbv  Tey.îOîa,  T.xp()vJZ\).f,-zp, 

'.cr,     ^       r^v  TYj  •/,3:;j.iV(o. 

110  cb^  ci-Aîtsa  zîpi7.£i;^.Ev;; 

râvTa 

-stpa7;j.bv  aipcj^wv  èx^puy-^'^ 
•^o'jvï;6-^ç,  7:a;j.y.ay.âpijT£* 

llô  èv  ToJ  vaoj  T'^;  5;;y;ç  -cj,    <C  "/.^p'.î  !>. 

'0  rsviTîJ'a^ 

Cl    ■';;-''5ç  zâvTwv,  TTZTsp,  /.jpi;^ 
;jTCç 

èzl  3év/;ç,    ;j.ây.ap,  se  -jzpcçiavwç 
120  ciîs'JXacîv  y.pTJ'i'xlz'nx  ' 

i'j'Kt';r^\j.ViZz  <  £1 

£V    T(0     VaW    T"^?    ^'^^'('i^    !j2'J,    7.Ôpl£  ^. 

0£  0TC7.  l'cv. 
Tb    toO    Ù'itTTv'J 

1-5  •'r{^(iOL!:]}.i-iz-'i  OiTcv  ;77.r,voj[;,a, 

'/afp£  • 

sià  CvU  7àp  OEOCTX'-  rj  yjxpi, 
OESTiy.î,   Toïç  xpauvâ^^cjo-iv  ■ 

£jAOV-/jiX£V5;    <C  tX 

130  £v   Tw  vao)  -f^q    î:H-/^;  cou,    /.jpi£   ^. 

1<)*J.  fw^l.av  A.  —  110.  0.  pyôjjievov  A.  —  IK*.  exçuvôiv  A.  —  11 1-115.  J'ai  supph'é  xûpte 
d'après  lecancn  type;  eOXoytiijlévoc eï  ôOsoç  (xou  B;  cf.  Dan.,  m,  53.  —  116.  ?eviT£ij0a; 
AB.  —  117.  àTiâvTwv  AB.  —  121.ei).0YriTÔ;  B.  —  127.  Séôote  AB.  —  120.  ôùXoyriTÔ;  B. 


Fol. 


510  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Qlori  -q' '  Xsîpaç   ïx-e-îXGxç. 
'QpaToç  'Axl  ffw[xa  v.yX  à'jyr,'* 

ù-ipyti^,  cuit, 
135  7,al  Gsiaç  yv^dsoiç  opyavov 

7.7.1  00Y;j.âTa)v  YV*/;a-iST*/]toç 
y.al  [j.îXwSta.;  ocv.pxiavc'ûq 

AÔpa  YSYî'vYjo-ai 

110  TravTa  Ta  è'pya  y.upîcu  tcv  y.ûp'.îv. 

y.aî  -rr^v  àôavatcv 
(j.ay.apiitTjTa 
[j.STay.£7wpr//.aç,  'c(7is, 
145  y.ai  àçOâpTCL»  xaxr,çio)sai 

àYaAAiaa-îo)?  tu)^£îv 
[j-£A'::o)v,   [j,ay.xpi£' 

£'jAOY£!;T£, 

<C  xxv-ra  Ta  ep^a  y.upr'cu  tov  y.ûpiov  >. 

150  ©£CToy.  (cv. 

'A'::cTtva7(ji[J.£Ga  tsv  )roijv 
àç)0apT^6[j.£vci 

TGV    T-^Ç    eV0TiT-/]TC? 

Tw  6£«;)  TÔy.cp  ffou,  Trivayvc  ' 
155  T'Jjv  Y^tp  ç^civ  y.al   y.upio)^   ^w'iv 

y.al  rJ;v    àicicv,  «yv/; 
oéuTCOiva,   T£Tcy.aç  ' 
cO£V  7:âv-£^ 
(jè    £ÙA0Y3!J[-'.îv.    Mapîa  Oîcvuîj.çî. 

loo  QîoY)  6''  Ai6oç  à;(£ip2T[ji.*rjT0^  cîpo'j?. 

T£Ao>;  7:a[j.[;,ây,apif7T0v  £yp£ç 
Twv  ty;;;  àay.r,fj£o)^  aYWVwv, 

13'.i.  Fol.  37  v"  B.  —  13().  Yv^jaiô-caTo;  A.  — 137.  (isXXoSiai;  A  B.  —  138.  aùpa  A.  —  14U.  Il 
manque  pour  le  sens  le  verbe  sùXoysïte  de  l'hirmus  type.  —  141.7rpb;  (xàv  ttiv  àôàvaTov 
Z.  A.  —  142.  T.  àT£)vEijTyiTov  A.  — ■  145.  à^pàcToy  xatri^cwiraç  B.  — ■  148.  txtloyrixàz  A 
B.  —  151.  àTioxEivafjTÔjjLeOa  AB.  —  155-156.  Tr)v  yàp  çCttiv  y.sviî^ojtxsOa  x.  t.  à.  A.  — 
Kil.  (j,axâpt<7T0v  A. 


SAINT    JEAN    LE    PALÉOLAURITE.  511 

■Kpoq  à-aOr,  y.al  à'-ovov 
'Çt>yr,-f^  r.x[J.[J.y.v,xp  hpM-x's. 


'Ev  ^rj,  T.xitp,   T-^  Twv  r.pxiiùv 
y.3CT*/;;wôGr;^  y.a-rciv.'^a'at 
170  C'.a  [j,t;j.r(--/;ç  yprt[)-(X-i(jy.z 

7.7.1    Oscsôpwv   àvopwv, 

OGit   [xiv.xp,  rr,v    à-ÎAayT'-v. 

'PsiGpcv   TC  T^ç  àôavao-âç 
Yjixîv  àvécAuffaç,  zapOiVs, 

180  w   y.aOaipiy.sôa 

à-b   'TravTbç  7-0m[j.3,-z: 
-f,^  ôc'^.xp-ixq.   Oî3VJ[j.s£y-:£. 


S.  p. 


ir«.Cf.  Ps.  xxxvi  (xxxvii),  11.  — Kif».  •/.aTaffy.r.vûnat  ï;?;w8-/;;  H.  —  170-17-2.  Alaplacc 
(le  ces  trois  incises,  o't  avôpûv  B,  dont  le  copiste  a  sauté  une  ligne.  —  178.  Cf. 
Ezech.,  XLvn,  3.  —  181.  <rinriXw[xaTo;  AB. 


LE  DOGME  DE  L'IMMACULEE  CONCEPTION 

ET 

LA  DOCTRINE  DE  L'ÉGLISE  GRECQUE 

{Suite)  (1) 


III 

LES  ARGU.MENTS  TIRÉS  DE  LA  SALNTE  ÉCRITURE. 

Les  types  de  Marie  empruntés  aux  Saintes  Lettres  et  examinés 
dans  le  chapitre  précédent,  ont  déjà  quelque  peu  introduit  les 
lecteurs  sur  le  terrain  de  la  sainte  Écriture.  Le  moment  est 
venu  de  s'occuper  directement  des  témoignages  que  nous 
fournit  le  texte  inspiré. 

Le  but  que  nous  'nous  proposons  dans  ce  nouveau  chapitre 
ne  diffère  pas  de  celui  poursuivi  dans  les  pages  précédentes. 

Nous  voulions  en  effet  démontrer  comment  dans  la  tradition 
écrite  de  l'Église  grecque  se  retrouvent  tous  les  éléments  qui 
constituent  le  dogme  actuel  de  l'Église  catholique  touchant 
l'Immaculée  Conception  de  Marie.  Prouver  ceci  est  par  le  fait 
même  prouver  que  la  portion  de  l'Église,  appelée  par  conven- 
tion Église  grecque,  possède  la  même  tradition  que  l'autre 
portion  de  l'Église,  appelée,  par  convention  aussi,  Église  latine; 
par  convention,  disons-nous,  puisque  la  vraie  Église  de  .J(''sus- 
Christ  n'est  ni  latine,  ni  grecque,  mais  simplement  catholique. 

Le  point  de  départ  de  cette  démonstration  est  l'acceptation 
non  discutée  de  l'enseignement  actuel  sur  le  péché  originel, 
l'économie  de  la  grâce  et  le  mystère  de  l'Incarnation.  Il  est  évi- 
dent qu'en  dénaturant  ces  concepts  ou   en    les   comprenant 

(l)Voy.  p.  1,  188. 


LE    DOGME    DK    l/l.MMACULÉE    CONCEPTION.  513 

d'une  façon  différente,  les  considérations  ici  développées  n'au- 
ront que  peu  de  valeur.  Les  théologiens  contemporains  grecs  et 
russes  ont  en  effet  une  conception  de  ces  dogmes  s'écartant  de 
la  nôtre.  On  ne  peut  négliger  ces  théories  nouvelles,  mais  nous 
remettons  cet  examen  à  une  autre  partie  de  notre  travail. 

En  outre,  puisqu'il  s'agit  d'une  promulgation  dogmatique 
toute  récente,  du  terme  extrême  d'une  évolution  intellectuelle, 
si  je  puis  ainsi  parler,  il  conste  que  dans  les  écrivains  des  pre- 
miers siècles  le  dogme  de  l'Immaculée  Conception  ne  se  re- 
trouvera pas  dans  cet  état  de  perfection  et  de  développement. 
Que  convient-il  alors  de  faire?  Il  faut  faire  subir  à  ces  témoi- 
gnages primitifs  toute  l't'volution  apportée  par  la  pensée  dog- 
matique des  âges  postérieurs.  Et  ce  travail,  comme  nous  l'avons 
déjà  expliqué,  se  fait  par  voie  de  raisonnement. 

Pour  revenir  à  l'objet  de  ce  chapitre,  nous  examinerons  donc 
la  pensée  des  écrivains  grecs  sur  les  passages  de  la  sainte  Écri- 
ture qui  ont  une  affinité  plus  ou  moins  étroite  avec  notre 
dogme,  tel  qu'il  est  exposé  par  les  théologiens  catholiques  de 
nos  jours. 

Or,  ces  passages  sont  de  deux  sortes.  Les  uns  sont  appliqués  à 
la  mère  de  Dieu  par  voie  d'accommodation,  les  autres  regardent 
directement  le  mystère  qui  nous  occupe. 

Il  serait  intéressant  de  dresser  une  liste  complète  de  ces  textes 
mis  à  contribution  par  les  écrivains  ecclésiastiques  et  se  retrou- 
vant dans  les  différents  éléments  de  la  tradition  :  commentaires 
spéciaux  et  homélies  des  saints  Pères,  lectures  dessynaxes  litur- 
giques, hymnes  et  prières,  etc.  Un  travail  de  ce  genre  donne- 
rait de  nouveaux  aperçus  sur  la  dévotion  de  l'Église  grecque  en- 
vers Marie  et  sur  l'accord  parfait  existant  entre  les  deux  Églises 
à  l'endroit  de  l'interprétation  et  de  l'application  des  textes  sa- 
crés; mais  il  n'entre  pas  dans  le  cadre  de  cette  étude.  Aussi  bien 
suffira-t-il  d'insister  seulement  sur  la  façon  dont  les  Itères  grecs 
ont  compris  les  témoignages  scripturaires  directs,  après  avoir 
indiqué  sommairement  les  principaux  passages  qui  sont  pris 
dans  un  sens  accommodatice.  Ceux-ci,  certes,  ne  porteront  pas 
grand  appoint  à  notre  démonstration,  mais  ils  serviront  du 
moins  à  confirmer  les  conclusions  précédentes  et  surtout  la 
suivante  :  d'après  la  tradition,  le  concept  de  Marie  est  celui 
d'une  créature  élevée  en  sainteté  au-dessus  de  toutes  les  autres, 


)14  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


au-dessus  même  de  ce  que  la  révélation  contenue  dans  les  saintes 
Écritures  renferme  de  plus  sublime  et  de  plus  parfait.  Ce  qui 
suppose  sa  conception  immaculée. 


1.  Passages  scripturaires  pris  dans  un  sens  accommodatice. 

a)  Le  chapitre  xviii  de  la  Genèse  (10-18)  qui  contient  l'é- 
pisode de  Sara  et  la  bénédiction  de  la  race  d'Abraham  est  lu 
aux  Vêpres  de  l'Annonciation.  Au  même  office  des  fêtes  de  la 
Nativité  et  de  l'Assomption  de  Marie,  on  lit  le  chapitre  xxviii 
(10-18)  où  est  décrite  la  scène  de  l'échelle  de  Jacob  et  où  sont 
renouvelées  les  promesses  faites  à  Abraham  et  à  Isaac.  Ces 
textes,  ainsi  que  d'autres  empruntés  aux  livres  suivants  et  sur- 
tout à  certains  psaumes,  ont  fourni,  aux  Saints  Pères  plusieurs 
des  images  et  des  types  de  Marie  dont  nous  avons  parlé  plus  haut. 
De  plus,  la  bénédiction  promise  à  la  descendance  d'Abraham 
annonce  de  loin  celle  qui  plus  tard  sera  bénie  entre  toutes  les 
femmes  et  que  toutes  les  générations  proclameront  bienheu- 
reuse. 

b)  Les  homélies  et  les  écrits  des  Pères,  etThymnologie  font  de 
fréquents  emprunts  aux  chapitres  viii  et  ix  du  livre  des  Proverbes. 
Ce  dernier  est  encore  lu  aux  fêtes  de  la  Nativité,  de  l'Annoncia- 
tion et  de  l'Assomption.  Nous  glissons  rapidement  sur  leur 
haute  signification  (1).  Certes  la  créature  que  Dieu  s'était  choisie 
de  tout  temps  devait  être  d'une  perfection  supérieure  à  celle  de 
toute  autre  ;  et  si  on  ne  suppose  pas  qu'elle  ait  été  exempte 
de  toute  faute,  même  originelle,  elle  n'aurait  pas  été  seule  à 
être  choisie  ni  seule  de  sa  dignité. 

npsTusvTw;  apa,  dit  saiiit  Grégoire  de  Nazianze  à  la  suite  de  bien 

d'autres  Pères  (2),  -:y;v  àyiav  Maptà;j.  37,  TTasoiv  YîVîcov  ;j.6v/;v  -q  yjcp'.: 
r/.A£Xî/.Tai*   oj  Y^^?  ôii.zia    xI)tq  kv.  Traawv   '^'v/im^   tiç  y£y2Vîv    zoj-sts. 

«  Convenienter  igitur  sanctam  Mariam  ex  omnibus  genera- 
tionibus  solam  gratia  elegit;  nam  similis  ei  ex  universis  gé- 
nérât! oni  bus  nulla  unquam  est  reperta.  » 

(I)  Los  conclusions  qu"on  peut  on  tirer  pour  le  dogme  de  l'innnaculée  Concep- 
tion sont  clairement  exposées  par  le  K.  1'.  D.  Laurent  Janssens,  0.  S.  B.,  Summa 
Theolof/ioa,  t.  V,  p.  5i)  et  suiv. 

(•2)  \"  Sermon  pour  l'Annonciation. 


LE    DOGME    DE    l/l.MMACULÉE    CONCEPTION.  515 

c)  De  même,  clans  les  compositions  oratoires  et  poétiques  d^s 
Pères  se  retrouve  tout  entière  l'exubérante  poésie  du  clia- 
pitre  xxiv  de  rEcclésiastique.  Ce  serait  un  parai^raphe  à  ajou- 
ter à  ceux  du  chapitre  précédent  de  notre  étude.  Aussi  passons- 
nous  outre. 

d)  Que  dire  du  Cantique  des  cantiques  ?  Dans  cet  ordre  d'i- 
dées, il  n'est  peut-être  pas  de  livre  plus  fréquemment  consulté 
par  les  auteurs  ecclésiastiques.  Les  six  premiers  chapitres  sont 
le  plus  souventcités.  Ces  paroles  de  saint  Germain(l)  expliquent 
et  résument  tout  à  la  fois  leur  doctrine  à  cet  endroit  :  «  Haoc 
cantici  problemata  atque  aenigmata  secundum  vulgarem  expe- 
ditumque  sensum  veris  adventum  significant,  quando  terra, 
parens  omnium,  hiemis  soluta  vinculis,  postquam  diu  concepit, 
sinum  suum  denique  aperit  atque  omnis  generis  herbas  pro- 
ducit. Dei  Acrci mater,  terra  vere  sancta,  et  quae sola sine  semine 
divina  fecunditate  ilhistris  est.  » 

Il  y  aurait  encore  à  faire  d'autres  citations  et  à  parler  d'au- 
tres textes,  mais,  comme  nous  l'avons  fait  observer,  nous  préf»'- 
rons  insister  davantage  sur  l'enseignement  patristique  touchant 
la  seconde  catégorie  des  textes. 

2.  Passages  de  la  Sainte  Écriture  s'appliçuant  directement 
à  /' Immaculée  Conception. 

Notre  intention  n'est  pas  de  reconstituer  les  arguments  qui 
se  trouvent  dans  tous  les  traités  de  théologie,  mais  bien,  si  déjà 
il  n'est  devenu  fastidieux  de  le  répéter,  de  montrer  que  la 
tradition  de  l'Église  grecque  s'harmonise  parfaitement  avec  la 
doctrine  actuelle  de  l'Église  catholique.  Aussi  bien  nous  conten- 
terons-nous d'examiner  un  à  un  les  divers  éléments  qui 
servent  à  établir  i-hacun  des  arguments  scripturaux  se  rappor- 
tant directement  à  notre  dogme. 

A.  Les  paroles  du  Protoévangile. 
Nous  les  citons  d'après  la  version  des  Septante  :  y.y.1  è'xOpav 

Or,7to  àvà    [XÉTCV  qZ'j  /.X'.  àvà    ;j.£7:v    tyjç    Y'jvar/.br,    '/.xl    àvà    [j.scrov    -o\i 
(1)  Sormoii  pour  rAnnouciatioa  do  Marie. 


516  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

GT.épii.xxzq  ITOU,  XX'.  àvà  [j.éctov  t;j  a-K£p[j,atoç  aj-y;ç*  aÙTSç  (jou  -ît- 
pr^azi  7.s5aA-/^v,  -/.ai  au  r/;p-(^(7îiç  «jtcj  Trtspvav  (Gen.,  III,  15).    • 

C'est  la  traduction  littérale  du  texte  hébreu,  tandis  que  la 
Vulgate  offre  deux  divergences  importantes.  La  première  est 
le  pronom  féminin  ipsa  au  lieu  du  masculin  Nin  en  hébreu. 
La  seconde  regarde  la  traduction  du  verbe  ^^îû  une  fois  rendu 
par  le  verbe  conterere  (conteret),  la  deuxième  fois  t^scv  insidiari 
{et  tu  insidiaberis,  "^2iurn)  plus  fidèle  au  sens  de  ce  mot  en 
hébreu.  Grâce  à  cette  nuance  de  'traduction  corroborée  par 
nombre  de  témoignages,  nous  sommes  fixés  sur  la  véritable 
interprétation  de  ce  membre  de  phrase  donnée  par  la  tradi- 
tion.      "  ^ 

Le  premier  élément  contribuant  à  donner  à  ces  paroles  de  la 
Genèse  tant  de  poids  et  de  valeur  est  leur  caractère  prophé- 
tique, lequel  leur  mérite  la  dénomination  de  protoêvangile. 
Toute  la  tradition  de  l'Eglise  grecque  est  unanime  à  recon- 
naître dans  ces  mots  l'annonce  solennelle  de  l'Incarnation.  Cet 
accord  se  manifeste  de  plusieurs  façons  :  directement,  quand 
les  saints  Pères  les  rapportent  en  termes  exprès  au  mystère  de 
la  Rédemption;  indirectement,  en  opposant  l'un  à  l'autre,  Eve 
et  Marie,  Adam  et  Jésus-Christ. 

La  même  unanimité  se  retrouve  encore,  quand  il  s'agit  d'in- 
terpréter les  différentes  personnes.  La  femme  dont  parle  l'ora- 
cle divin  est  Marie;  la  descendance  du  serpent  se  compose  des 
membres  du  genre  liumain,  tandis  que  la  progéniture  de  la 
femme  est  Jésus-Christ. 

Toute  cette  doctrine  se  retrouve  déjà  admirablement  expo- 
sée par  les  Pères  des  premiers  siècles,  entre  autres  par  saint 
Irénée  dans  son  ouvrage  Contra  Haereses  (1). 

Deux  considérations  différentes  permettent  de  conclure  des 
paroles  du  Protoévangile  à  l'Immaculée  Conception  (2). 

Dans  la  première  incise,  l'oracle  divin  établit  une  inimitié 
radicale  entre  le  démon  et  Marie,  opposée  à  l'inimitié  suscitée 
entre  les  hommes  et  Jésus-Christ.  Ces  deux  inimitiés,  d'après 


(1)  L.  m,  c.  xxi-xxiii:  1.  IV,  c.  XI..  Cfr.  A.  Dufourcq,  Sainl  Irénée,  Lecoffro, 
p.  r29. 

(2)  Ces  deux  points  de  vue  sont  lucidement  exposés  par  le  P.  AI.  Lépicier, 
Ord.  Serv.  B.  IM.Y.,  TracUxius  de  Bealissima  Virgine  Maria,  Paris,  Lethielleux, 
p.  1)7. 


LE    DOGME  DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  517 

le  texte  inspiré,  existent  au  même  titre  et  au  même  degré. 

Or,  l'antagonisme  entre  Jésus-Christ  et  le  genre  humain 
consiste  en  ce  que  celui-ci  est  entaché  de  la  souillure  du  péché 
originel,  tandis  que  Jésus-Christ  est  la  sainteté  même.  Donc 
cette  même  divergence  entre  les  deux  natures  ennemies  doit 
se  retrouver  entre  Marie  et  le  démon  (1). 

La  force  probante  de  cette  argumentation  consiste  d'un  côté 
dans  le  parallélisme  d'opposition,  et  de  l'autre  dans  la  nature 
de  l'inimitié.  Marie  et  son  divin  Fils  sont  opposés  au  démon  et 
au  genre  humain.  Ceux-ci  sont  privés  de  la  justice  originelle; 
et  cette  privation  même  appelle  dans  les  deux  antagonistes 
une  qualité  contraire,  la  présence  de  cette  même  justice. 

On  dira  que  Marie  a  reçu  le  privilège  d'être  préservée  de  la 
tache  originelle,  quand  elle  devint  Mère  de  Dieu,  ou  du  moins 
quelque  temps  auparavant,  sans  que  pour  ce  motif  sa  conception 
fût  immaculée.  Cette  alTirmation,  nous  l'avons  déjà  dit,  est  ab- 
solument gratuite.  —  En  second  lieu,  si  Marie  est  déclarée 
Y  ennemie  jurée  du  démon,  peut-on  supposer  qu'elle  ait  été,  ne 
fût-ce  qu'un  seul  instant,  son  alliée  et  son  amie,  c'est-à-dire 
contaminée  comme  lui  par  le  péché?  —  De  plus,  l'inimitié, 
dont  parle  le  texte  du  Protoévangile,  est  proclamée  bien  avant 
la  conception  de  Marie;  quoi  de  plus  naturel  que  cette  procla- 
mation, qui  est  une  prophétie,  se  réalise  au  début  même  de  son 
existence?  —  Enfin,  cette  inimitié  atteint  ceux  qu'elle  sépare 
dans  le  plus  intime  de  leur  être,  dans  leur  propre  nature,  dans 
leur  race.  Tout  ce  qui  appartient  à  la  race  d'un  être  se  re- 
trouve déjà  dans  sa  toute  première  origine.  Il  faut  donc  que 
Marie  soit  juste  dès  sa  conception. 

Nous  avons  insisté  sur  ces  conséquences  immédiates  dérivant 
des  paroles  de  la  Genèse,  pour  montrer  que,  si  les  saints  Pères 
parlent  seulement  de  l'inimitié  existant  entre  Marie  et  le  démon 
d'un  côté,  et  de  l'autre,  entre  Jésus-Christ  et  le  genre  humain, 
de  cette  inimitié  seule,  l'on  peut,  suivant  notre  méthode,  déduire 
toutes  les  conclusions  voulues  pour  établir  la  tradition  de 
l'Immaculée  Conception. 

(1)  11  faut  bien  se  gardoi- pourtant  de  croire  par  là  que  la  sainteté  etla  justice 
de  Jésus-Christ  et  de  sa  mère  proviennent  d'une  même  source  :  la  nature  de  Jé- 
sus-Christ est  la  justice  même,  la  nature  de  Marie  est  seulement  justifiée.  C'est 
un  point  de  vue  que  nous  supposons,  sans  y  insister. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  36 


518  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

Or,  très  fréquemment  cette  inimitié  est  dépeinte  par  les  écri- 
vains ecclésiastiques  sous  les  couleurs  les  plus  vives. 

Les  textes  sont  trop  longs  et  trop  nombreux  pour  être  tous 
cités.  Nous  mentionnerons  spécialement  quelques  endroits  des 
œuvres  de  saint  Grégoire  de  Nazianze  (1),  de  saint  Jean  Chry- 
sostome  (2),  et  de  Proclus(3),  et  nous  nous  contenterons  de  ce 
passage  d'Origène  (4)  qui,  avec  sa  concision  habituelle,  résume 
admirablement  ce  mystère  :  Suvôv^xa;  r.o-ï  h  cœtç  -pb;  ty;v  Eîiav 
sTCOi-i^aaTO,  7.a\  "^v  ajtw  ©(X*/;,  y.aî  o  coiç  t^  Yuvaiy.t"  oùX  h  Oebç  ÈTupay- 
[jLa-S'Jffaio,  ùiz,  àyaÔb^,  -àç  a-uv6v^/.aç  Taû-a;  XuO-^vai,  -/.ai  ty]v  ©iXtav 
TajTYjv  T-};v  7.ay,-J;v  oi3:(7/,£Sâaai,  y.a;  (î)?  aYaGbç  ©ebç  Xevsf/  'iy^^^cci  Gy^œw 
àvà  [J.saov  ccu,  xai  àvà  ;j-£!70v  t^ç  vuvar/.bç,  /.ai  àvà  i^iffcv  tcu  o--£p[j.aT6ç 
(jou,  xal  àvà  [asœov  tcj  a^spiJ-aTC?  aùx^ç.  EÙYvwtxivwç  oùv  àxoùctjLsv, 
7ÏWÇ  ô  Gsbç  £*/Gpav  xotet,  rJ)v  "^rpb;;  tÔvB£,  ïva  çtAtav  ■rroi-i^a-/;  rJjv  ■^rpbç  -bv 
XpiffTsV  àcuva-ubv  Yap  a[J,a  £Îvat  otXcv  xwv  èvav-r'wv  y.al  (oa'^sp  oùS£tç 
oûvaxai  §uaî  xupiciç  SouXsûsiv,  s'jto);  ojocIç  Suvaxai  £ÎV3:',  oiXoç  xal  0£O) 
xal  [j,a[ji.a)va,  çtXoç  xat  Xpicj-w  y,a\  cç£i  àXXà  àvaY*///;  y.al  T-r;v  cpiXi'av  x-/;v 
7:pb;  ^^xrszt^i  £'/Gpav  Tcoi^aai  "Jrpbç  xbv  ssiv,  y.al  -rr^v  oùJ.y.^)  t"/;v  7:pbç  xbv 

«  Pactum  olim  iniit  serpens  cum  Eva.  Illi  haec  erat  arnica,  et 
amicus  serpens  mulieri.  Sed  Deus  utpote  bonus  pacta  haec 
dissolvi,  et  amicitiam  hanc  pravam  deleri  curavit,  et  uti  bonus 
Deus  dicit  :  inimicitiam  ponam  inter  te  et  mulierem,  et  inter 
semen  tuum  et  semen  illius.  Pie  igitur  audiamus  quo  pacto 
Deus  inimicitiam  inter  hanc  et  illam  ponat,  ut  amicitiam  inter 
illam  et  Christum  conciliet.  Fieri  enim  nequit  ut  quis  contra- 
riorum  simul  amicus  sit.  Et  sicut  nemo  potest  duobus  dominis 
servire,  ita  nemo  potest  amicus  esse  Deo  et  mammonae,  amicus 
Christo  et  serpenti,  sed  necesse  est  ut  amicitia  Christi  inimici- 
tias  generet  cum  serpente,  et  amicitia  serpentis  inimicitias 
pariât  cum  Christo.  » 

De  deux  choses  l'une  :  ou  l'amitié  avec  le  Christ  et  l'inimitié 
avec  le  démon;  ou  l'amitié  avec  le  démon  et  l'inimitié  avec  le 
Christ.  Tel  est  en  résumé  le  raisonnement  d'Origène  qui,  appli- 
qué à  notre  dogme,  aboutit  aux  conclusions  exposées  ci-dessus. 

(1)  Premier  sermon  pour  rAnnonciation. 

(2)  In  cap.  m  Gènes.  Hom.  XVIII,  n.  7. 

(3)  Deuxième  sermon  sur  l'Incarnation  du  Christ. 

(4)  In  Jeremiam  hom.  XIX. 


LE    DOGME    DE    l'iMMACULÉE   CONCEPTION.  519 

Enfin  vient  l'expression  de  cette  profonde  inimitié.  Une  lutle 
terrible  s'engage  entre  les  deux  antagonistes.  Cette  lutte  a  un 
caractère  spirituel,  parce  que  Tinimitié  a  un  caractère  spirituel, 
et  que  l'enjeu  est  la  justice  originelle.  Cette  lutte  doit  finir  par 
le  triomphe  complet  de  Tune  ou  de  l'autre  partie  ;  car  si  les 
ennemis  devaient  pactiser  sur  quelque  point  du  litige,  il  n'exis- 
terait plus  d'opposition  formelle  entre  eux.  Or,  qui,  d'après 
l'Écriture,  remporte  la  victoire  finale?  Celui  qui  écrase  la 
tête  du  serpent.  Donc,  jamais  celui-ci  n'a  pu  avoir  sa  nature  con- 
taminée :  celle-ci  a  toujours  été  immaculée. 

Peu  importe  la  divergence  des  textes  qui.  d'après  les  diffé- 
rentes versions,  résulte  du  genre  des  pronoms.  Si  l'on  prend  le 
genre  féminin,  Marie  entre  directement  en  cause  et  la  conclu- 
sion finale  est  obtenue  directement.  S'il  s'agit  au  contraire  de. 
Jésus-Christ,  Marie  ne  peut  pas  en  être  séparée,  puisque,  comme 
dans  la  première  incise,  l'inimitié  entre  elle  et  le  démon  est 
de  même  nature  que  celle  existant  entre  Jésus-Clirist  et  le  genre 
humain,  de  même  son  triomphe  sera  identique  ;i  celui  de  son 
Fils.  Cette  conclusion  est  corroborée  par  la  docti'ine  de  la  co- 
rédemption,  si  familière  aux  Pères  de  l'Église  grecque. 

Nous  ne  mentionnerons  que  deux  de  ceux-ci. 

Dans  son  premier  sermon  pour  la  NatiA  ité  de  la  sainte  Vierge, 
l'empereur  Léon  (1)  s'adresse  ainsi  au  serpent  vainqueur  d'Eve  : 

AXXà  y,x^''.z-xzz  vijv,  !7Cç;i7Tà  t^;  /.ay.îa;,  v.z  r.z'.-^n^'i  Tfov  coXeptov 
èxeîvwv  (7/.s;j-;j.â-:a)v,  z\z  ~r\  -iiiôupw  '[kh^'SQr^  -oùç  £;j.sj^  è^cipY^t^co  -pc- 
zâ-opaç'  ;x5aacv  ce,  et'  cov  y.a6'  sXr^;  tyJ;  ojcrco);;  àtcyvâtyw  ty;v  ïAsGpiv  ' 
Tfir^  '{ocp,  T,or,  GOi  ii::  rr^v  7.ay.c[;/^)^avcv  y.£çaA'/;v  ib  7.a6'  r,[>.S)v  èvcx.fjTrtst, 
xay.sîipYOv*  iyf^^rfir,  ~fi  Eua  Taioiov,  zi  z'j  exeiv/jç  àva^aAsTiat  ;ji,èv  r, 
•fj-Ta...  îè  zï  x-ipT/Xr^-zç  î^-zx  ~zp<.7-Ziyti,    y.xI  ^ixfitXy.  '-•j\'vz-r,:. 

«  Jamvero  poenam  nunc  lue,  o  callide  malitiae  artifex,  pr»» 
molitionibus  dolo  plenis  quibus  susurrante  lingua  meos  progeni- 
tores  maie  habuisti,  immo  quibus  adversus  naturam  toUim 
interitum  machinatus  es...  Jam  enim  in  tuum  ^ertitur  malefi- 
cum  caput  quod  contra  nos  excogitasti  maleficium.  Nata  est 
Evae  puella,  per  quam  ejus  quidem  instauratur  ruina..,,  te 
vero  inconsolabilis  circumstabit  casus  et  profundus  moeror.  » 

Le  démon  donc   est  puni  par  oii  il  a  péché  :  la  nature  hu- 

(1)  1"'  Sormoii  pour  la  Nativité  de  Mario.  Conibef.  Auct.,  I,  p.  1010. 


520  -  REVUE    DE    l'orient    CHRETIEN. 

maine  par  lui  corrompue  est  rétablie  dans  son  intégrité  pri- 
mitive en  la  personne  de  Marie.  Et  de  même  qu'Eve  a  conduit 
à  la  ruine  toute  la  descendance  humaine,  aj^rès  avoir  elle-même 
joec/ic,  ainsi  Marie,  la  première  sauvée,  est  cause  delà  déli- 
vrance du  genre  humain  en  mettant  au  monde  le  Rédemp- 
teur. C'est  la  pensée  du  même  auteur  qui  dit  un  peu  plus  loin  : 
Atéao-zjXaç  tov  Ysvap"/-/;v,  axîAÎaaç  vuvaiw,  y.jcl  Tbv  oGops^oiov  tïjç  o-^ç 
G-U[j,6ouXv;ç  AÔycv  â-i  7,y.7M  tw  o-çwv  s'-etaa;  ss^acOai'  k-iyj)r^  zatotov 
y;[j-Tv  t^ç  aùxYjç  [Aèv  t-^  Elia  -Aaaso)?*  tcu  c-'JXAi^.atcç  g  aj-'^ç  -r;  àvcp- 
O(oatç,    y.ai  t-^ç  a-^;   r,    àsspp/J)   xxspvîasojc,   si;    tov  ^ojo-cibv   toj   0îou 

AÔYov  àppritio-;  xal  û-èp  voDv  û-ceços-au  «  Fefellisti  generis  paren- 
tem  et  per  feminam  supplantasti,  tuique  consilii  exitiosum  ser- 
monem  in  suam  ipsorum  perniciem  suscipere  persuasisti  :  at 
•nobis  nata  est  puella  ex  eodem  quidem  atque  Eva  figmento, 
quae  tamen  Evae  emetidatio  sit  atque  caiissa  qua  ipse  sitp- 
planteris  :  vivificum  enim  Dei  verbum  ineffabiliter  et  supra 
mentis  cogitationem  suscipiet  (1).  » 

Georges  de  Nicomédie,  dans  un  passage  que  nous  ne  voulons 
pas  transcrire  (2),  n'est  pas  moins  explicite.  L'idée  générale 
est  au  reste  la  même.  Dieu  voulant  donner  au  genre  humain  la 
victoire  sur  l'ennemi  qui  l'avait  terrassé,  ne  trouve  pas  de  moyen 
plus  propre  que  celui  de  revêtir  lui-même  la  nature  humaine. 
Comment  va-t-il  exécuter  son  dessein"?  11  met  le  fer  dans  la 
plaie,  et  là,  d'où  est  sorti  le  mal,  sera  appliqué  le  remède.  Une 
femme  a  péché,  une  femme  sera  la  cause  de  la  destruction  du 
péché.  Joachim  et  Anne  engendrent  cette  femme  «  imma- 
culée »  (3). 

B.  La  salutation  Angélique. 

Xaîps,  y.£^apiT(.);j.Évr(,  ô  Kûp',sç  \j.z-x(jz\)...  EùXoy'îJJi.ÉVY;  au  iv  yiivai^t, 
7,aî  sÙACiyrdxévoç  5  "/.OL^-Tioq  r^ç  '/,oùJ.aq  acu  (4). 

Telles  sont  les  touchantes  paroles  de  l'archange  Gabriel  et 
de  sainte  Elisabeth  à  l'adresse  de  la  Vierge,  dont  on  peut  tirer 

(1)  Ibid. 

(2)  Cf.  4"  sermon  pour  la  Pi-ésentation.  Ibid.,  p.  1071. 

(3)  C'est  souvent  accompagnées  de  tout  le  contexte,  disions-nous  plus  haut,  (lue 
les  épithètes  acquièrent  toute  leur  valeur.  En  voici  un  exemple  frappant. 

(4)  Luc,  I,  28  et  42. 


LE    DO(ii\IE    DE    l'immaculée   CONCEPTION.  521 

les  conclusirpiis  suivnntes  on  faveur  do  l'immaculée  Conception 
de  Marie. 

1.  L'archange  proclame  Marie  pleine  de  grâces.  Cette  pléni- 
tude est  affirmée  sans  limites  d'aucune  sorte,  ni  du  côté  de  la 
grâce,  ni  du  côté  de  celle  qui  la  reçoit,  ni  du  côté  du  temps  où  elle 
est  reçue.  Illégitimement  donc  exclurait-on  la  grâce  originelle, 
ou,  tout  en  l'admettant,  la  restreindrait-on  â  un  moment  donné 
de  la  vie  de  Marie.  Donc,  l'on  conclut  â  son  immaculée  concep- 
tion. 

Cette  conclusion  est  confirmée  par  les  paroles  suivantes  du 
céleste  messager  :  sjpsç  vip  yy.pv/  -apà  -m  t)s(;),n'assiiinant  pas 
plus  de  restrictions  que  les  précédentes,  et  par  le  fait  que  Jésus- 
Christ  aussi  est  appelé  r.Kqpr,:;  x^pi-oç  (1). 

Nous  possédons  des  témoignages  de  l'Église  grecque  on  ne 
peut  plus  clairs  à  ce  sujet. 

Saint  Épiphane  n'hésite  pas  à  dire  que  la  grâce  de  Marie  est 
infinie  (3),  qu'elle  possède  cette  plénitude  en  tout  (y.aTà  •r:âvTa)  (2). 
Saint  Sophrone  (4)  à  son  tour  constate  que  Marie  possède  la  plé- 
nitude de  la  grâce,  concédée  partiellement  aux  autres  créatures. 

«  Ave,inquit  («n^e/?/s),gratiaplena:  beneplena,  quia  ceteris 
per  partes  praestatur,  et  Marine  vero  siniid  se  Iota  infudit  ple- 
nitudo  gratia3.  » 

Cette  grâce  comprend  certes  la  justice  originelle  dans  la 
pensée  des  Pères.  Saint  André  de  Crète  (5)  commentant  les  pa- 
roles de  l'Ange  :  My;  çoe^y,  Mapix;.».,  etc.,  en  parle  clairement  : 

'llv  àT:a)A£!73V  Elia  "/âpiv,  -i^v  ojy.  iSsçato  — âppa,  /jV  sjy.  £7vo>  Ps- 
6£/,y,a,  xal  'Pa-/Y;X  ojy.  ^yvcôptaîv'  y^^-pvi,  r^v  ojosiç  ejpî  twv  à-   a'twvo.;,  (î)^ 

au.  «  Nimirum gratiam  quam  Eva amiserat; gratiam  (laam Sara 
non  accepit,  quam  non  cognovit  Rebecca,  quam  Rachel  ne- 
scivit.  Gratiam  invenisti  quam  nidlus  a  saecido  sicut  tu,  invc- 
nit.  » 

Cette  grâce  en  Marie  fut  tellement  abondante,  dit  encore  saint 
Sophrone  (6),  que  non  seulement  elle  surpasse  toute  celle  possé- 


(l)Joli.,  I,  14. 

<;1)  Sermon  sur  los  louanges  de  Jlarie.  'H  x*P'î  'ô  àirlpavTo;  xri;  âyiaç  iiapOsvoij. 

(3)  H,rres.,  LVIII  (LXXXVIIl). 

(4)  Sermon  pour  l'Assomption.  Inler  o/ip.  Ilieronymi.  t.  XI. 

(5)  Sermon  pour  l'Annonciation,  Galand,  t.  XIII. 
(G)  L.  -c. 


522  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

liée  par  les  justes  et  les  prophètes,  mais  encore  qu'elle  peut  être 
seulement  comparée  à  celle  qui  remplit  le  Christ,  quoique  ceci 
advînt  d'une  façon  différente. 

«  Quia  etsi  in  sanctis  patribus  et  proplietis  gratia  fuisse  cre- 
ditur,  non  tamen  eatenus  plena;  in  Mariam  vero  totius  gratia; 
qua?  in  Christo  est  plenitudo  venit,  quamquam  aliter.  » 

2.  Nous  retrouvons  les  mêmes  idées  et  les  mêmes  conclusions 
dans  les  paroles  de  l'archange  et  de  sainte  Elisabeth.  Tous  les 
deux  proclament  Marie  bénie  entre  toutes  les  femmes. 

En  effet,  si  la  future  mère  de  Dieu  eût  été  conçue  dans  le  péché, 
et  si  elle  eût  eu  seulement  le  privilège  d'être  justifiée  après  sa 
conception,  comment  sainte  Elisabeth  eût-elle  pu  prononcer  ces 
paroles?  comment  l'Archange  eût-il  pu  dire  à  Marie  qu'elle  est 
élevée  en  dignité  au-dessus  de  toutes  les  créatures  de  son  sexe? 
comment  enfin  la  tradition,  comme  nous  venons  de  le  voir,  peut- 
elle  proclamer  Marie  supérieure  aux  plus  saints  personnages  de 
l'Ancien  Testament"?  Dans  cette  supposition  en  effet,  la  Vierge 
eût  été  tout  au  plus  semblable  à  tant  de  saintes  femmes  qui 
l'ont  précédée  ici-bas.  —  Et  non  seulement  cela,  mais  elle  est 
bénie,  dit  l'ange,  comme  son  fils  est  béni.  La  communauté 
d'expression  indique  donc  bien  la  communauté  de  justice  dans 
la  mère  et  le  fils. 

Ces  considérations,  au  demeurant,  n'acquièrent  toute  leur  va- 
leur qu'en  confrontant  la  scène  de  l'Incarnation  avec  celle  de  la 
chute  des  premiers  parents.  Cette  comparaison  si  familière  aux 
écrivains  de  l'Église  grecque,  met  en  relief  la  genèse  et  les  ef- 
fets du  péché  originel,  auxquels  sont  opposés  l'origine  de  la 
justification  et  ses  effets  immédiats.  On  nous  permettra  de  nous 
y  arrêter  une  fois  encore,  à  cause  de  son  importance. 

XaTpe,  Mapta!  nouvelle  formule  de  salut  adressée  à  une  créa- 
ture, qui  révèle  immédiatement  quelque  chose  d'insolite  et  de 
mystérieux.  Cette  rétlexion  est  d'Origène  (1). 

Elle  seule  parmi  les  créatures,  dit  Sophrone,  a  mérité  de 
l'entendre  (2). 

Saint  André  de  Crète  (3)  scrute  plus  avant  ce  problème.  La 
Vierge,  dit-il,  en  entendant  ces  mots  de  l'Arcliange,  se  troubla. 

(1)  In  Lucam  hom.  VI. 

(2)  Triodion.  Mai,  Spicil.  Bom.,{.  IV. 

(3)  Sc^rmon  pour  l'Annonciation,  /.  c. 


LE    UOn.ME    DE    l'iMMACULÉE    CONCEPTION.  523 

Et  pourquoi?  Au  courant  des  saintes  Écritures,  elle  ne  put 
s'empêcher  de  reporter  sa  pensée  sur  l'histoire  de  la  chute 

d'Eve.  Eîxbç  ^àp  a'jrJ;v  sj^îv^tî  oJo-av  xaî  OuYa-spa  Aa6i3,  [i.-t]oï  twv  sv 
Ypa^aïç  à[j.oip£'v  èvOstwv  oi-/;Y-/;[j.âT(i)v'  w^  zapa7:é[;.t];at  tov  vouv  a'JTiV.a 
-pbç  xb  -ï;^;  7;pî;j.r(Tcpsç  7:Tà)[xa,  "b  àz.  -■?;?  àr^ivCtÇ  svOuiJ/^Ôstaav  ôXt- 
70r,[j,a,  y.al  eux  -uo'J-b-pzTzy.  TCtç  -aXaiot;  TrpotJ-bp-^-ai.   «   Verisimile 

est,  quum  esset  ingenua  et  Davidis  filia,  haud  fuisse  ignaram 
eorum  quae  Scripturis  sacris  continentur,  ut  suas  statim  cogi- 
tationes  ad  primae  parentis  lapsum  converterit,  secum  animo 
volvens  deceptionis  casum  ac  reliqua  hujus  generis  veterum 
historiarum  monimentis  prodita.  » 

Mais  si  Marie  rappelle  Eve,  les  deux  personnages  sont  bien 
différents,  et  les  saints  Pères  s'empressent  de  les  opposer  l'un 
à  l'autre. 

Eve  fut  maudite,  dit  Théophylacte  (1),  Marie  est  appelée  bénie. 
C'est  pourquoi,  dit  Sophrone  (2),  tout  ce  qui  a  été  transmis  de 
malédiction  dans  le  genre  humain  par  la  faute  d'Eve,  est  effacé 
par  la  bénédiction  de  Marie. 

Or,  si  Eve  a  été  maudite  pour  avoir  été  la  première  à  être 
dépouillée  de  la  justice  originelle,  Marie,  la  première,  la  seule 
même  qui  ait  été  acclamée  bénie  entre  toutes  les  femmes, 
devra  ce  privilège  à  un  honneur  correspondant  à  l'opprobre 
dont  Eve  fut  frappée  :  cet  honneur  n'est  pas  autre  donc  que 
celui  de  son  immaculée  conception. 

Il  semble  que  cette  conclusion  soit  exprimée  dans  ce  beau 
passage  de  Procope  de  Gaze  (3)  :  Ai'  r,v  q  y'jvy;  xaxaxpfvsxai  autt-?] 
xa'i  ffT£vaY[j.Ç)  v.od  oouXeia,  'iJ'éypi  -:y;v  àpàv  âià  ty;v  çiXav6p(i)-(av  eXuasv  6 
Xpi(jT:oç,  -v/Jit\q  cù  Yuvar/.bç*  /.a',  i~tio-q  ÛTraitia  cogx  oùy.ïjS'jvaTO  -îîxsîv 
tbv  àv$ùôuvcv,  xpoopa;j.(i)v  a^yî/voç  ~fi  yapx  t'J;v  Xûtïyjv  StsXuas,  7cpoot[;.iov 
-ou  Aovou  xb  yaiptvt  sî-wv  "  -/.y).  -r,w  a'.Tiav  £tct(^V£y/.îv  '  5  Kjpioç  [xezU  aolj. 
«  Propter  quam  mulier  addicta  est  tristitiae  et  dolori  et  servi- 
tuti,  donec  Christus  insita  benignitate  ex  muliere  natus  male- 
dictum  sustulit.  Et  quoniam  peccatis  impedita  non  poterat 
inculpatum  parère,  angélus  praecurrens  tristitiam  gaudio  abo- 
levit  ita  sermonem  auspicatus  :  Ave;  et  caussam  gaudii  illico 
subjecit,  Dominus  tecum.  » 

(1)  Coiament,  sur  le  chapitre  i"  de  saint  Luc,  v.  28. 

(2)  Sur  l'Assomption  de  Marie,  ch.  v.  Inter  opp.  Hieronymi,  l.  c. 

(3)  Conim.  in  Gen.  m.  Mai,  Class.  auct.,  t.  VI,  pag.  193  et  suiv. 


524  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Certes  deux  choses  sont  à  distinguer  :  la  maternité  de  Marie 
et  sa  sainteté  personnelle.  Au  premier  privilège  elle  doit  d'en- 
fanter sans  douleurs  et  de  détruire  la  puissance  du  démon;  mais 
ce  privilège  n'aurait  pas  existé,  si  elle  n'eût  été  complètement 
exempte  de  toute  tache.  Comment,  en  effet,  Marie  eût-elle  été  la 
cause  de  la  rédemption  tout  en  ayant  été  contaminée,  ne  fût-ce 
qu'un  instant,  par  la  faute  originelle,  elle  qui  est  pour  le  salut 
du  genre  humain  ce  qu'Eve  fut  pour  sa  perte"?  Aussi  bien  le 
même  auteur  ajoute-t-il  aussitôt  cette  idée,  en  faisant  allusion 
aux  effets  du  péché  originel  :  Eî/.wv  yàp  aï]--/;  -f,;  Eliaç  kT:ùY/.a'*^' 
uapôsvoç  yàp  ïy.cnziçiy.'  xaî  E'ja  yàp  Tjapôévoç  cuaa  r^\l.xp-^•'r  àW^  r,  [asv 
BG'/_e  rr^v  aûtït^v  e^  cçpswç,  xal  iolIç  èçe^^çàTcctaatç  •/,«•  a'JTaïçr^[/,apTY)"/,uiau 
Tv;ç  'K'J7:r,q  [xsTÉowy.sv,  -q  ce  tyjv  xxp'7.v  àz,  ©ccD  /.al  Tqv  àpàv  toÛ  ylvouç 
cisAUffî,     y.cà  ibv.oq    aTCaOrjç   tôv   èv    cTeva^[\).M  y.al    'kû~(xiq    xaTÉxaudcV. 

«  Maria  namque  imago  Evae  fuit  :  utraque  siquidem  virgo.  At 
Eva  in  virginitate  existens  peccavit,  proindeque  tristitiam  et 
dolores  a  serpente,  quos  deinde  transfudit  in  omnes  mulieres 
peccatrices.  Maria  autem  gaudium  ex  Deo  accepit,  et  maledic- 
tum  a  nostro  génère  fugavit,  et  parias  doloris  nescius  fmem 
illi  imposuit  qui  in  tristitia  ac  moerore  peragitur.  » 

.Jean  le  Géomètre  (1)  résume  et  confirme  tout  à  la  fois  les 
considérations  dont  nous  venons  de  nous  occuper  :  '0  \jà^  cuv 

otà  -bv  aoçiijT'J)v  t'^?  v.xY.dxq,  à-oaiéWeioa  w;  àvTiGs-iç*  kv.'kéyzzoLi  oï 
xai  oià  Tïjv  Yuvaïxa,  y\)Tr,'  oià  ty;v  Eiiav,  i^w/^'  otà  ty;v  oôapeTcjav,  xap6É- 
voç"  oià  ty;v  TrXavr^ôsfo'av,  yj  [j/^  auva-apY^îca'  Sià  tyjv  t^ç  'EÔ£[j.  ky.'::é- 
Souaav  yj  tw  vao)  Tcpotjayftsîa-a'  cià  tyjv  "/jâcvr^  csXsaaOeÏjav,  y)  [j,'/;oè 
XoYio-[Ji.oïç  eùxeôeîca'  cià  tyjv  /.axcoç  tw  3ai[j.cvi  d/iOupiaaaav,  •/)  oirjvey.wç 
TÛ  0cw  7cpco-ojj.iX-(^5atja"  cÉyîTai  r/;v  '/xpàv  oià  tt^v  àpâv,   «  Hlc  igitur 

(angélus)  veluti  antagonista  pro  malitiae  artifice  mittitur  : 
seligitur  autem  pro  muliere  mulier.  pro  E^a  vita,  pro  co7'- 
ruptaWirgo,  prodecepta  qiiae  abrepta  simul  in  transversuin 
non  fuit,  pro  ea  quae  ex  Edem  excidit  illa  quae  fuit  in  tem- 
plum  adducta,  pro  ea  quae  illecta  voluptate  fuit  illa  quae  nun- 
quam  mentis  fallaciis  obsequuta  est,  pro  ea  quae  maie  cum 
daemone  sermones  miscuit  illa  quae  continenter  versata  cum 
Deo  est.  Suscipit  gaudium  cum  maledictione.  » 


(1)  SuvaywYri  ÈÇriyT^ffEwv  e!;  tô  xatà  Aouvtàv  ày'o^  eùayYÉXi&v.  c.  i.  Mai,  Script,  vel. 
n.  coll.,  t.  IX. 


LE  DOGME  DE  L  IMMACULEE  CONCEPTION.         O'io 

Le  même  raisonnement  suivi  des  mêmes  conclusions  pour- 
rait se  faire  à  la  suite  des  écrivains  grecs  en  rapprochant  d'Eve 
maudite  Marie,  se  déclarant  proclamée  bienheureuse  parmi 
toutes  les  générations.  Quoique  ces  paroles  du  cantique  de  Marie 
soient  souvent  invoquées  pour  démontrer  le  privilège  de  sa  con- 
ception sans  tache,  nous  ne  croyons  pas  devoir  y  insister.  Nous 
ne  pouvons  toutefois  résister  au  désir  de  citer  encore  une  fois 
Procope  de  Gaze  (1)  dont  les  paroles  serviront  à  clore  ce  chapitre  : 

TCpcŒWTCOV  s^^ouffaT^ç  E'JaççYjaiv'  ISoù  vàp  «7:0  tcu  vuv  ,y-axaptcuai  jj-S7uaaai 
aï  Ysvcaî.  «  Ideo  hanc  (Evam  F)  omnes  culpant  et  incusant, 
illam  (Mariam  P)  omnes  laudant  et  beatam  proclamant  :  quae 
quasi  personam  Evae  gerens  inquit  :  ex  hoc  beatam  me  di- 
cent  omnes  generationes.  » 

{A  suivre.) 

Rome,  (^ollôge  groc. 

D.  Placide  de  Meester, 
0.  S.  B. 

(1)  L.  c.      ■ 


RITUEL  COPTE 

DU 

BAPTÊME  ET  DU  MARIAGE 


BAPTEME 

ENTRÉE    DU    PRÊTRE    DANS    LES    FONTS    BAPTISMAUX. 

{Suite)  (1). 

yAALIOC    It[|PAa] 

A  rurc  (;u)Tii  iicuoii  a(|C(ot  iiiioo  eovuAiiiytoni  iia(| 
AA.  cuov  epoi   ic  ^utîTAiioiA  \a)  ijHi  gboa.   iiaio^  lieu 

MAC    IIHOT    H^AHA    e2pHI    63:tOI. 

AOgA    riATpi    Ke    IJIIl[=   IIVIIJ   KH    Al[=  AHl]    KG   [61162?] 

(jCUAptOOVT  IJA6  ll(rO  <|)'f  (|)H  eT6povu)iiii  6pa>ui 
IIIB6II  60IIH0V  6niKO(;ii()(;. 

1~iioT  lieu  ijcuov  iJiBeii  iieu  ^^a  eiiee  ueu  ^ya  eue? 
irre  mené  thpo[t]  auhij.  aa. 

cuov   eq-f-. 

^COUC    IIUOK    IIAIIIU    jjeil    (|)pAII    U(l)ia)T    AIIHII 

+tOUC    UUOK    UAIIIU    13611    ct>pAII    URI^ipi    AUHIJ 

'ftOUC   UUOK   IIAIIIU    1)611   c|)pAII    UlliniIA    6eOTAB   AUHIJ. 

())iiHB    n(rc    (bf"    ninAiiTOKpATtop.    (|)p6C|BAUio    irreui- 
611  Tupq  eBOAljeii    (|)h    eiiAtj^on    au.   erreii    T6Kctoct)H 

[=   COrpia?]    AU  H  II. 
(1)  Voy.  vol.  V,  1900,  p.  445;  VI,  1901,  p.  453;  VII,  llK)i,  p.  303. 


RITUEL    COPTE   DU    BAPTÊME    ET    DU    MARIAGE.  527 

iieoK   ne   tîTAKOcoovf   iiiiiucoov.  ic?i:eii   en   eovuAii- 

OtOOvh    HOVtOT.   AKXtO    IIOVTAglC    6X611    IIITAUIO    THpOV. 
KATA    -huOTIII^ji-    UT6    TeK:VOII    II6I.I    imKKA'f    6Te    UUOII    M 

iiiToi    6ptoov    iieoK    neiiiiHiî    AKepe    haï     utoov    (|)ai 


:'ia)ni  j)6ii  ovTovBo  2it6ii  III2UOT  IIT6  n6\pc  lieu 
iiAiiii     ebpm     6:^toq     ijt6     n6KniiA     eeovAB.    Aq^jcuni 

llll6K6iîlAIK   6TAV(VI   (OUC   llj)HTC|    IIOVXOKeU   HT6  ni()VA2- 

(MiLiici.     II6U     ov:»:iii6pBepi      e3:oAeA     -fueTAnAc     mt6 

+  II.\AIIH.  AV6p()V(OIIII  1)611  (i)()V(nilll  IIT6  T6KII60II0V+ 
'r(:ui~20  ovoe  r(;IITtt)Be  Uri60K  [=  UII6UGOk]  HIAI'AOOC 
()V()2     ULIAipCUU     6Hp6KOVtOT6B      UIIAILICOO'i'     ()>AI     6Teq- 

<|)vcic  iiiyopn. 

enxiMTAceo  6iiKA'ei  iiKecon  u(t)piii~  iiiiiKecon  THpov. 

AllOlieCOII   IITC:K^M(OIII    IIAII    IIBOHOOC    0V02   1 1  p6(|  I  l()?(n  I 
(Ml-ftOOV      HAK      IIGHOV      IIIB6II      (|)KOT      II6U      ll^yiipi       II6U 


iiiMiiA  600VAB  0V02  T6IIOV  copri    iiAK   6n^u)i  uriitoov 

II6U    rilTAIO.    "flIOV. 

nfrc  6T60TOii>yxou  uuoq  uuAVATq  c|)H  6Tipi  ni*j<|)iipi 

IIIB6IJ.     0V02     UUOII     IXl     Ol     IIATjXOU      IITOIK      IKrC     AAAA 

2iTen  neKOTï'to^  iiceepecoB  I3611  etoB  uiBeu  11x6  TeKa:ou. 


Api\Apiï.6GG6      heu      OVIIIIA      e(|OVAB.      1)611       U;XIII2IOVI 

uiiiArioii  uuvp()ii[=  iiuvGTupioii?].  UApeqiyujiii  iiovc- 
<|>pAric  ectoiili  lieu  ovTAxpo  luieK  eBOAei'reii 
ueKuouoreiiHC  ii^^Hpi.  luc  iixc  ueKo-c  c|)ai  6Te. 

beu    c))pAii    uc|)noT    lieu     ii^upi    iieu     inniiA    eeovAB 

OTIIOT-f  IIOtOT.  0V0(02C  UT6  UI2UOT  UT6  niUiJA  eOOTAB 
AUUII-  OVOtJUeC  UT6  OVApUB  UT6  eU6TOVpO  iUII(|)HOVi 
AUUU- 

OVeCOeC     IIT6     OVU6T^<|)Hp    UTe    OVtOlll)     UeU62    0V02 
IIATUOV    AUHU. 

ovea>2c  eqoTAB  ure  n\c  neiniovf  ueu   ovc(t)pArMG 

UATBOA    6BOA    AUUII. 


528  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


n2ca)K     eBOA      HneuoT      ijtg      niniiA     gbovab-      imii 

•fl36AAIB^y    HTG    lllNA2'f    lieU    "fueeUH!    AUHII. 

eceaJ26u  uok  naiiiu  iioviiti?  eqovAB-  heu  c))p<\ii 
u<|)ia)T  ueu   n.'^Hpi   iieii   niniid  eeovAB  aumm. 

eKe^ycuni  TGKcuAptoovT.  J36II  riicuov  irre  iiaiii([)hovi 
IJ6U  nicuov  iiTR  iiArreAoo  6C|(3cuov  epoK  ii3:e  rurc 
iHC  n\c.  oToe  I3611  neqpAii  cri  moviiiia  nqovAB  ovo? 
:yu)ni  iioTCKevoo  6(|ovab  eBOAeiTOTq  iiihc  n\c  neinrc 
<t)H    eTe(l)U)q2    ne    mcoov    iinu    neqicoT    iiapaboc    ueu 


niniiA  eoovAB  i-iiov. 

oT2fîBcto  II  Te  ov(()iil3    iieiiez  ivroz  natta  ko  auhii. 
TCO  Kv  Aenecoueii. 

o  lepevc 

<t)iJHB  no'c  c|)'f-  ninAiJTOKpATiop  m  ,"ja  (siiee  iiuavat(| 
<|)itoT  uneiicrc  ovo2  iHniiiovh  ovoe  iieiictop  ihc  nxc. 
(l)H  eTAqovA2CA2iii.  eA(|>o  iiiieqeBiAiK  erreii  Mi:\'(OKeii 
MT6  niovzeuuici.  oToe  AKepxApiï.eeoe  iioiov  unxu) 
eBOAirreii  oviiobi.  nef-  eescto  iiTe  -fiieiATTAKo  iieii 
rii2UOT  iiTe  "fueT^iipi. 

iieoK     on     +110V     iieiiiiHB.     ovu)pii     eepni     exaio'i- 


uneKiiiiA      eoovAB       uiiapakamtoij.      ApiTOV      ii^c|)iip 
enitoub  Menée  iigu   ovneTAOuov. 

2inA  KATA  (lipui"  eTAqto^y  iia^e  rieKiioiioreiinc  ii^npi 
neiio'c  o'roe  neiiiiov+  ovo?  iieiiotop  me  nxe-  eA'/- 
UACov  iiKeeon  eBOAeiTen  ovucoov  neu  othiia  iitov- 
:xen3:ou.  e^ye  eliovii  e+ueTo[v]po  ine  iik|)hoti.  ben 
nipAn  2UOT  iiTe  neKiionoreiinc  ii^yiipi  img  ii\c  neiicrc 

<t>Ai. 

ncc  i^f  ninAiiTOKpATLup  <|)n[=  i]cot  nneiicrc  oto? 
nennoT'f  oto2  nenctop  ihc  njct:-  <]>h  eTAq'fxAon  e^ceii 


RITUEL    COPTE    DU    BAPTÊME    ET    DU    MARIAGE.  529 

iri(|cvri()o    iKvriocTOAOC    eeoTAB.     iieu    iieqnpocJ>Hrii(;. 

IIHII  ll(:t|UA|)IV|)OC.  IIH  6TAVpA  IIA()  'jeil  2AIIA"AOII 
IIATAtOU  lieOK  OH  "flIOV  CIlOV  eil AIXAOLI  6TAIICeBTtOTOV 
<;.\(;ll  II6K6BIAIK  MM  fîTAVeCOTn  eiiaJUC  GBOVAB.  2IMA 
MTOTiyOJMI    MtOOV   M^AMJC^OU    MCDOV    H6U   OVTAIOI   AUHH. 

2AU\AOII    MCUOV    MfiLI    OVCOOV   ALIHM- 

2AM\AOM  Mie  -f-ApMTH  MOU  "h-M  K60V0VII H  2AM\'AOU 
MOO<t)IA    MHU    UCTpeU    M?HT    ALIHM. 

UA3:OU  IIOJOV  2111 A  MTOTa:tOK  HBOA-  HliaK6llTOAil 
Heu     ll(iK()VAeCA2IH.     MTOV^yA^HI     eillArABOH     HTt;     +UC;- 


Torpo  HTe  iiK|)ii()'iM.  j)eii  ii\c  me  iieiicre  (Jjai. 

AogH    Ke     riuM    Ke    eTecjiAiiove    ac    avtovo    hathp 
evAorioe  c're<|)AHiT(()  mua  rMAi-ioii  HApArio(:iie  KereAii 

AgIOO     il     IMII     OVVpiCTIAHOC. 
AgIOe    II  lu     OV\pHTiA=    IIOcl. 


Agioc  ^rl  HoviiHA  eqovAB-  co  <|)h  eTAqcri  (oue 
ee[eeovAB]cri  hovhiia  iixe  ^f.  <|)h  6TAquA?K  iiov+UA'f. 
Agioe  (ri  eiiovmiA  ht(;  ueeAHA  eiTeii  iieHHOvf"  euiiA- 


iiovHA.    Agioe    (VI    iiovniJA    HTe    cJjpA^i    erreii    iiovpo 

iiiep^yi^yi  (ri  iiov\a()u  eBue?  iitoov  erreii  H\e  iiovpo 
lire  najov.  Agioc  (ri  iiak  iioviii^'f  ii\aou.  iiATep^uqi 
iiATAtDu  AgioG  (ri  ii()V\AOu  u ueTce u ii()(i  eireii  n\e 
(|)A  nievuiioe.   Agioe  (ri  (3ii()V\a()u    iiApuTH.  6TceA(;oA 

j)eiJ    OVeOlipHi".    AgKJG    OM     IIOV\AOU     HTe    (|)pA>yi-     lieu 

ovAtJupeA  irre  <\)-f.   Agioc  AKcri  T\Apie  HApA  \v  vc  ee 

AglOC  ()V\AOU  HIIOVB  ()V\AOU  II2AT  OV\AOU  IICOIII 
UUAprApiTOC. 

2AIIXAOU    HATAou.   AqTHiTOV  ii3l6  n(rc.  exeii  niaïue 
ee  [=  eoovAB]  irre  ihoiii.  (ri  boiiii  [=  bikoiii?]  (ri  boiiii- 

«JIJI    [=    BHa)lll?]    \piOTMAIIOC.    beil    (|)pAH    HeUUAII(|HA 

[=  euuAHovHA].    Hiynpi    ii    ve   ee    uApeiieoc  (^f.   beii 


530  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

eAMAOgOAOriA-   Uaeueil   6B0A2A  OVeovf  \tO   lUVIl    lilJAIIA- 

MouiA  KCLuvpa)ovT  AAHBoc   iitiu   neK. 

eKejc«>    (t)iiHB    n(rc    (|)'f'    e3:en    m6K6biaik-    ii2aii\aou 

eBOAJîfill      T(|)e      2AIJ\AOU      IITe     OVtIJOV.      eAII\AOU       IJT(J 

oviuve'f'  iiATcrpo  epoq  ovoe  iiatbcotc  ovbii(|.  2aii\aoh 

HTA3:pO.     2AII\AOU     IIT6     'fAI  KGOC'i'IIH  •     IIHKJ      IIII6KBIAIK 

eepoT^ujni  «vuee  eBOAJjeii  nieuor  iiio  iieKiiiiA 
eeoTAB.  eiTGii    iiiueT^J6iienT   lieu    ■f'uemiAiptDiii.    iith 

neKUoiioriiiiic.    ii^ipi   ihc  ri\c  neMcrc 

KCLIAptOOTT    c))IIHB     nCTO     (})+    Il  111  AIITOKpATtOp.     c|^IU)T 

iiiKiiuro  ovo?  neiictt)p  mo  ii\o.  (|)H  eTAqepe  iieqeBiAiK 
epne  unjyA  uiii^^cuneu  MTe  niovAeeuuiGi  iieu  n\u) 
«BOA    MTe   iiiiioBi.   lieu  +2eBcu)  iiTe  +ueTATTAKo    lieu 

IIIApHB  eTTAlHHVT   IITB  TCKUeTOVpO  OVO?    (30Ue2  lltOOV 


ueu  'fAUjpeA  irre  m  mua  eeovAB.  Teii'hzo  ovoe  TeuTtoB? 

UUOK     niUAIplOIII-    ApiTOV     lieU     n^A    ll'fKOlllCUUIA.     IIT(; 

niecouA  eBovAB   iieu   niciioq  eTTAiiiovr   irre   neKri\e. 

6AK6p2U()'r     llUOe     lltOOV     eTTAApHO'i'l".     eiiiA     (;vepiio- 

AiTeTcee  kata  ueKeirroAii.  ovo?  irro'/Apee  iieKovA2- 
CAeiii    eeovAB.   iiTovepne    un^A    ii-f iieTiiAKApioc    ut(; 

llieOOVAB     IITAK-      lieu     'fueTOVpOV     lITti     lll(|)HHVI     |)eii 

iii2[uot]  uApovAiAi  lixe  iieneBiAiK  cl^-f.  jxni  TeKCoc|)iA. 
UAKA'f  utoov  ebovii  eT6K2()1~.  AiiiTov  eii^oi  lire 
"fuAiH.  ApieuoT  iicuov  iiiiieui  iiTC  -fueouMi.  Apee 
epmov  jieii    niiiAe-f  (ivoi   iiATAcnii. 

eiTeii    iiinpecBVA.    iitb    -reiicrc    Tupeii.    f-oeoTOKoc 

eeoVAB    +AriA    IIApiA-    lieU     llllipOApOIIOC    UBAnTHOTUO. 

KOA  [=    icoAiiiiiicj.    lieu    n\topoc    Tupq    iiTe    eoovAB 

AU  H  II  (1). 

KG  Kc  evAoneoii   auhii   ao^a  neiiitOT   mai   un  <|)i-. 

(1)  Les  fol.  6il-71  sont  en  arabe. 


RITUEL    COPTE    DU    BAPTÊME    ET    DU    MARIAGE.  531 

iiTove>y  eHiiov  Ae  AiiepeTeii  oi  HATeui  mac  iihov. 
Ae  iieriio-f  THpovnAV\H  •3A  -fcruni  ne.  ovoe  avciiii 
THpov.  erreii  <|)iou  ovoe  Avcri  touc  THpuv  utovcMc 
))6ii  -fcrHiii    lieu    <|)iou- 


0V02     TAl     l)pe     IIOVtOT     HUnilATIKOll     AVCtOCJ      THpOV- 

iiAvoco  Tupov  6BOAJ3en  ovnuATiKoii  uneTpA,  i-ri6TpA 
AH    n\c. 

S'AALIOC. 
(|)IOII       AtJllAV       OVOe       A(|<|)a>T.       lillOpAAIlHC      At|K()T(| 

e<t)A2ov  ovncT  ^con  (J)'<>l'  ^W  AK(|)toT  ovoe  iieoK 
niiopAAUHC  3:e  akkotk  6(])A20v. 

evArre.v[ioiiJ  ka.\[=  kata]  uabt[=  uaotaioh]. 

TO're  Aqi  iia:e  ihg  eBo.xbeii  -fi-A.vi.vcîA.  eAeii  iiiiop- 
aaiihc  ?a  koaiiiihc  eepeqcri  (ouc  eBOA2iTa)T(|.  koaiihc. 
A:e  HAqTAïlio  uueq  eqxco  liuoc  xh  aiiok  eTepvpiA 
ecri  touc  eBo.veiTOTK.  ovoe  iieoK  eoiiuov  eApoi. 
Aqepovto  Ae  ii3:[el  luc  n6:ïA(j  iiAq.  x\fi]  \'ac  +iio'/ 
iiAipu-f  rAp    ner    ceun^A    iiaii     exeK     ueeuui    iiiBeii. 

TOT6  AC|\Aq.  eTAqtouc  Ae  ii3:e  ihg.  CATOTq  a(|i 
(jn^ycoi   eBo.vbeii    niutoov. 

ovoe  ZHn  lie  Avovcoii  ii:se  iik|)iiovi.  ovo?  AquAV 
einniiA  irre  (J)'f  eqiiuov  eneciiT  iKhpu'f"  iio'i'crpounf 
eqiiHov   eApoq. 

0V02  ic  ovcuu  Ac^ytoni  eBo.viieii  iik|)uovi  ecAto 
uuoc-  xe  (|)Ai  ne  iiA^upi  UAueiipiT  eTi+iiAT  uj)HTq. 

3C6  <|)A  ne  iiA^ipi  uAueitîpiT]  ijeii  ovueeun  (1). 
(1)  La  lin  du  verso  du  fol.  73  et  le  fol.  74  tout  entier  sont  en  arabe. 


TRADUCTION 


PSAUME    CXXXI  (1) 

Dieu  a  choisi  Sion;  il  l'a  choisie  pour  sa  demeure  : 
Alléluia.  Benis-moî;  la  pénitence  est  une  rémission;  heu- 
reuse est  la  prière  qui  descend  sur  moi{'2). 

Gloire  au  Père,  maintenant,  toujours  et  dans  les  siècles  des 
siècles  ! 

Béni  soit  Dieu,  le  Seigneur,  qui  illumine  tout  homme  venant 
en  ce  monde,  maintenant,  toujours  et  dans  les  siècles  des  siè- 
cles. Ainsi  soit-il!  Alléluia. 

Béni  le  Seigneur. 

Je  te  baptise  au  nom  du  Père.  Ainsi  soit-il  ! 
Je  te  baptise  au  nom  du  Fils.  Ainsi  soit-il! 
Je  te  baptise  au  nom  du  Saint-Esprit.  Ainsi  soit-il! 

Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  qui  as  tout  créé  du  néant  dans 
ta  sagesse.  Ainsi  soit-il! 

Toi,  qui  rassemblas  les  eaux  en  un  seul  lieu,  établis  l'ordre 
dans  toutes  les  créatures,  selon  ta  puissance  et  ta  science  ;  c'est 
Toi,  notre  Dieu,  qui  as  fait  cette  eau,  qui  sanctifie  dans  la  grâce 
du  Christ,  et  par  la  descente  en  elle  de  ton  Saint-Esprit.  Que 
tes  serviteurs  reçoivent  le  baptême  dans  le  bain  de  la  régénéra- 
tion, et  dans  le  renouvellement  de  la  vétusté  de  l'erreur;  qu'ils 
soient  illuminés  par  la  lumière  de  ta  divinité  ;  nous  te  prions 

(1)  %  13. 

(2)  Passage  très  obscur. 


RITLKL    COPTE    DU    BAPTÈMK    ET    DU    MARIAGE.  533 

et  te  supplions,  ô  bon  et  miséricordieux,  purifie  cette  eau  de 
sa  vieille  nature.  • 

Qu'elle  se  détourne  de  la  terre  cette  fois  comme  les  autres 
fois(?). 

Nous  t'atljurons  d'être  notre  secours,  et  notre  sauveur;  nous 
Te  glorifions,  en  tout  temps,  Toi  le  Père,  ainsi  que  le  Fils  et 
le  Saint-Esprit;  et  maintenant  comme  autrefois  à  Toi  soient 
la  gloire  et  la  louange. 

Dieu,  qui  as  la  puissance  de  faire  tous  les  prodiges,  à  qui 
rien  n'est  impossible;  mais  ta  puissance  peut  tout  faire  selon 
ta  volonté  ; 

Accorde-nous  tes  grâces,  dans  l'Esprit  saint;  dans  la  colla- 
tion du  saint  mystère  ('?).  Qu'il  soit  le  sceau  de  vie  et  la  force 
par  ton  Fils  Unique,  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  qui  est  etc. 

Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu. 
L'onction  de  la  grâce  du  Saint-Esprit.  Ainsi  soit-ilî  L'onction 
du  gage  du  royaume  des  cieux.  Ainsi  soit-il! 

L'Onction  de  la  communication  de  la  vie  éternelle  et  immor- 
telle. Ainsi  soit-ilî 

L'Onction  sainte  de  Jésus-Christ,  notre  Dieu,  et  le  sceau  in- 
dissoluble. Ainsi  soit-il  ! 

La  plénitude  de  la  grâce  du  Saint-Esprit  et  le  bouclier  de  la 
foi  et  de  la  justice.  Ainsi  soit-il  ! 

Qu'on  t'appelle  à  l'huile  sacrée,  au  nom  du  Père,  du  Fils  et 
du  Saint-Esprit.  Ainsi  soit-il  ! 

Tu  seras  béni  dans  la  bénédiction  des  cieux  et  dans  la  béné- 
diction des  anges.  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  te  bénira,  et 
en  son  nom  tu  recevras  le  Saint-Esprit  et  tu  seras  un  vase  sacré 
par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  à  qui  soit  gloire  ainsi  qu'au 
Père  bon  et  au  Saint-Esprit,  maintenant,  etc. 

Le  vêtement  de  la  vie  éternelle  et  immortelle.  Ainsi  soit-il! 

Prions  le  Seigneur  : 

Le  prêtre  : 

Seigneur,  Dieu  tout-puissant,  seul  éternel,  le  Père,  notre 
Dieu,  et  Notre-Seigneur  et  notre  Sauveur  Jésus-Christ;  qui  as 
ordonné  à  tes  serviteurs  de  renaître  dans  le  bain  de  la  régé- 
nération et  qui  leur  as  accordé  la  rémission  de  leurs  péchés; 

ORIENT   CHRÉTIEN.  37 


534  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

qu'ils  reçoivent  le  vêtement  d'incorruptibilité  et  la  grâce  de  la 
filiation. 

Maintenant,  ô  notre  Dieu,  envoie  sur  eux  ton  Saint-Esprit, 
le  Paraclet;  fais-les  enfants  de  la  vie  éternelle  et  de  Timmor- 
talité. 

Afin  que,  comme  Ta  ordonné  ton  Fils  Unique  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ,  notre  Dieu  et  notre  Sauveur,  ils  renaissent  par 
Teau  et  l'Esprit  de  puissance,  et  entrent  dans  le  royaume  des 
cieux,  par  la  grâce  de  ton  Fils  Unique  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  qui  est  etc. 

Seigneur  Dieu  tout-puissant,  le  Père,  et  Notre-Seigneur 
Jésus-Christ  notre  Dieu  et  notre  Sauveur;  Toi  qui  as  couronné 
tes  saints  Apôtres,  tes  prophètes  et  tes  martyrs  avec  des  cou- 
ronnes incorruptibles.  Bénis  maintenant  ces  couronnes  qui  sont 
préparées  pour  tes  serviteurs  qui  sont  rassemblés  pour  le  saint 
baptême,  afin  qu'eux-mêmes  deviennent  des  couronnes  et  une 
louange.  Ainsi  soit-il! 

Des  couronnes  de  bénédiction  et  de  gloire.  Ainsi  soit-il! 

Des  couronnes  de  vertu  et  de  justice,  des  couronnes  de  sa- 
gesse et  de  bénédiction.  Ainsi  soit-il"? 

Fortifie-les  afin  qu'ils  accomplissent  tes  commandements  et 
tes  préceptes,  et  acquièrent  la  béatitude  du  royaume  des  cieux, 
par  Notre-Seigneur,  qui  est  etc. 

Gloire  et  honneur  :  les  couronnes,  qui  ont  été  montrées  par 
le  Père  et  dont  couronne  le  Saint-Esprit,  le  Paraclet  et  le  Par- 
fait (1). 

Digne  trois  fois  tout  clirétien! 

Digne  tout  chrétien. 

Digne  celui  qui  a  reçu  l'Esprit  saint:  celui  qui  a  reçu  le  saint 
baptême  a  reçu  l'Esprit  de  Dieu,  qui  la  rempli  de  délecta- 
tion! —  Digne  celui  qui  a  reçu  l'Esprit  de  joie  dans  notre 
Dieu  Emmanuel!  —  Digne  celui  qui  a  reçu  l'Esprit  de  conso- 
lation dans  le  Roi  puissant,  qui  a  reçu  la  couronne  pleine  de 
gloire  dans  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  Roi  de  gloire!  — 
Digne  celui  qui  a  reçu  la  couronne  incorruptible!  —  Digne 

(1)  Je  corrigo    le   texte    défectueux,   qui    a     IIApAPieeiie     au    lieu    de 
HApAKAUTOII. 


RITUEL    COPTE    DU    BAPTÊME    ET    DU    MARIAUE.  535 

celui  qui  a  reçu  la  couronne  de  participation  (?)  dans  Jésus- 
Christ!  —  Digne  celui  qui  a  reçu  la  couronne  de  vertu,  bril- 
lante par  sa  beauté!  —  Digne  celui  qui  a  reçu  la  couronne  de 
joie  et  le  don  de  Dieu!  —  Digne,  car  tu  as  reçu  la  grâce  de 
Dieu  le  Fils!  —  Digne  la  couronne  d'or,  la  couronne  d'argent, 
la  couronne  de  pierres  précieuses! 

Les  couronnes  incorruptibles  données  par  Dieu  dans  le  saint 
baptême.  Le  chrétien  qui  a  reçu  la  perle  ("?)  au  nom  d'Emma- 
nuel, le  Fils,  Dieu,  qu'il  loue  Dieu  par  la  doxologie,  qu'il  nous 
délivre  de  nos  iniquités.  Sois  béni,  vrai  et... 

Tu  poseras.  Seigneur  Dieu,  sur  tes  serviteurs  des  couronnes 
(lu  ciel;  des  couronnes  de  gloire;  des  couronnes  d'une  foi 
invincible;  des  couronnes  de  force;  des  couronnes  de  justice. 
Accorde  à  tes  serviteurs  d'être  pleins  de  la  grâce  du  Saint-Es- 
prit par  la  bonté  et  4a  miséricorde  de  ton  Fils  Unique,  Notre- 
Seigneur  Jésus-Christ. 

Sois  béni,  Seigneur  Dieu  tout-puissant,  le  Père,  et  Notre-Sei- 
gneur  Jésus-Christ  notre  Sauveur;  qui  as  rendu  les  serviteurs 
dignes  du  bain  de  la  régénération  et  de  la  rémission  des  péchés, 
et  du  vêtement  incorruptible  ei  du  gage  glorieux  de  ton  royaume, 
et  qui  les  a  remplis  des  dons  du  Saint-Esprit.  Nous  Te  prions 
et  Te  supplions,  ô  miséricordieux,  rends-les  dignes  de  la  par- 
ticipation au  corps  sacré  et  au  sang  glorieux  de  ton  Christ; 
accorde-leur  la  grâce  de  la  force,  afin  qu'ils  vivent  selon  tes 
commandements,  et  observent  tes  sacrés  préceptes.  Qu'ils  de- 
viennent dignes  du  bonheur  de  tes  saints,  et  du  royaume  des 
cieux  par  la  grâce... 

Que  tes  serviteurs  croissent  dans  ta  sagesse;  donne-leur  Tin- 
telligence  de  ta  crainte;  conduis-les  à  la  justice;  donne-leui-  la 
science  de  la  vérité;  conserve-les  dans  la  force  enfin  qu'ils 
soient  immaculés. 

Dans  la  compagnie  de  Dieu,  de  la  Sainte  Mère  de  Dieu,  Marie, 
du  précurseur  Jean-Baptiste  et  du  chœur  de  tous  les  saints. 
Ainsi  soit-il! 

Seigneur,  Seigneur  béni.  Ainsi  soit-il! 


536  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Gloire  à  Dieu  notre  Père  : 

> 

Je  ne  veux  pas  vous  laisser  ignorer,  mes  frères,  que  tous  nos 
pères  étaient  sous  la  nue,  et  tous  passèrent  la  mer,  et  tous 
furent  baptisés  par  Moïse  dans  la  nue  et  la  mer  ;  et  tous  man- 
gèrent la  même  nourriture  spirituelle,  et  tous  burent  de  la 
pierre  spirituelle;  et  la  pierre  était  le  Christ  (1). 

PSAUME  CXIIl(2) 

La  mer  vit  et  s'enfuit  ;  le  Jourdain  recula.  Pourquoi,  ô  mer, 
t'es-tu  enfuie?  et  toi,  Jourdain,  pourquoi  as-tu  reculé? 

ÉVANCaLE  SELON  SAINT  MATTHIEU,    III,  13-17 

Alors  Jésus  vint  de  la  Galilée  au  Jourdain,  vers  Jean,  pour 
être  baptisé  par  lui;  mais  Jean  l'en  empêchait  en  disant  :  <r  C'est 
moi  qui  dois  être  Ijaptisé  par  toi  et  tu  viens  à  moi  !  »  —  Jésus 
répondit  et  dit  :  «  Laisse  maintenant;  car  c'est  ainsi  qu'il  nous 
convient  d'accomplir  toute  justice.  »  Alors  il  le  laissa.  Or  Jésus 
étant  baptisé  sortit  aussitôt  de  l'eau,  et  voilà  que  les  cieux  lui 
fuient  ouverts,  et  il  vit  l'Esprit  de  Dieu  descendre  comme  une 
colombe  et  venir  sur  lui  ;  et  en  même  temps  une  voix  du  ciel 
dit  :  «  Celui-ci  est  mon  Fils  bien-aimé  en  qui  je  me  suis  complu.  » 

Celui-là  est  en  vérité  le  Fils  bien-aimé. 

{A  suriTe.) 

V.  Ermoni. 

(1)  l  Cor.,  X,  l-I. 

(2)  f.  3,  5. 


HISTOIRE  POLITIQUE  ET  RELIGIEUSE 

DE  UÂRMÉNIE 

{SuUe)  (1) 


Article  II.  —  Histoire  religieuse. 

GrécxOire  III  (1113-1166). 

§  I.  Patriarcat  dWghthauiar;  synode  de  Siav-Liarn:  le 
cat/tolicos  à  Dzovkli.  —  Nous  avons  raconté  rélection  du 
catholicos  Grégoire  III  Bahlavouni  {ch.  II,  art.  x,  §  13)  (2). 
Il  réunissait  les  plus  rares  qualités;  mais  sa  jeunesse  con- 
trastait quelque  peu  avec  son  auguste  charge.  Aussi,  Tar- 
chevêque  d'Aghtliamar,  David,  fils  de  Tliornig  Marnigonian 
prince  de  Sassoun,  refusa-t-il  de  se  soumettre  à.  sa  juridiction; 
il  prit  lui-même  le  titre  de  catholicos  et,  appuyé  par  le  pouvoir 
civil  musulman,  se  fit  reconnaître  des  prêtres  et  des  fidèles  du 
Vasbouragan.  A  défaut  de  titres  vrais,  il  en  avait  d'apparents  : 
il  se  présentait  comme  le  successeur  de  Vahan,  qui  avait  été  illé- 
gitimement déposé  au  cunclle  d"Ani  (9G9);  et,  preuve  encore 
plus  décisive  de  sa  prétendue  légitimité,  il  montrait  un  bras 
qu'il  affirmait  être  celui  de  Grégoire  Tllluminateur;  il  possédait 
encore,  à  l'en  croire,  son  bâton  pastoral,  sa  ceinture  de  cuir  et 
même  une  chaussure  de  sainte  Hripsimé.  Grégoire  III  réunit 
au  couvent  de  Siav-Liarn  (Montagne  Noire)  un  synode  composé 

(1)  Voy.  vol.  VII,  190-2,  p.  -26,  277,  5U8;  vol.  VIII,  ltK)3,  p.  2(XJ,  577;  vol.  IX, 
1004,  p.  107,  -212,  39:1 

(2)  Grégoire  était  appelé  Bahlavouni  ou  Pahlavouni  (1(^  Parthe).  On  le  regar- 
dait comme  descendant  des  Arsacides,  originaires,  disait-on,  de  la  ville  de  Balkh 
(en  Arménien,  Bahlj  ;  par  .son  aïeule,  lille  de  Grégoire  Magistros,  il  remontait  a 
Grégoire  rilluminateur. 


538  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

d'évêques,  de  prêtres,  de  religieux  et  des  principaux  de  la  nation, 
dont  l'ensemble  s'élevait,  dit-on,  à  2.500  membres.  L'assemblée 
anatlîématisa  l'archevêque  rebelle  et  ses  partisans  (1114);  elle 
édicta  des  peines  contre  les  simoniaques.  On  lui  attribue  un  autre 
arrêtqui  n'est  pas  hors  de  conteste;  c'est  que  désormais  rélection 
du  catholicos  ne  serait  point  valide  sans  l'assentiment  des  quatre 
archevêques  de  Haghpad,  Dathev,  Pedchniet  Saint-Thaddée(l). 

En  dépit  de  l'excommunication  lancée  contre  son  fondateur,  le 
catholicat  d'Aghthamar  se  maintint  et  subsiste  encore  de  nos 
jours  ;  mais  son  autorité  resta  toujours  inférieure  à  celle  du  ca- 
tholicos suprême.  Grégoire  acheva  de  restreindre  le  cercle  d'in- 
fluence de  son  rival,  en  se  rapprochant  lui-même  un  peu  plus  de 
la  Grande- Arménie.  Vers  l'an  1125,  il  quitta  le  couvent  de 
Schougr,  situé  sur  une  élévation  boisée,  à  deux  journées  à  l'ouest 
de  Marasch,  et  s'établit  dans  la  forteresse  de  Dzovk'h-deghiq, 
au  milieu  du  lac  Kharpert  (aujourd'hui  Gueuldjouk,  petit  lac), 
dans  cette  région  de  la  Mésopotamie  septentrionale  qui  avait 
appartenu  à  son  père,  le  prince  Abirad.  Les  habitants  de  la 
Petite-Arménie  virent  avec  regret  le  catholicos  se  déplacer 
vers  l'orient;  ils  avaient  connu  sa  chaiité,  surtout  après  le  trem- 
blement de  terre  qui,  dans  la  nuit  du  29  au  30  novembre  1114, 
au  témoignage  de  Matthieu  d'Édesse,  avait  fait  périr  entre  la 
région  de  Sis  et  celle  de  Marasch  plus  de  40.000  personnes,  et 
enseveli  sous  les  murs  du  couvent  de  Schougr  trente-deux  reli- 
gieux. 

I  2.  Grégoire  au  synode  latin  de  Jérusalem;  bref  élo- 
gieux  et  prescriptioiis  disciplinaires  d'Eugène  III;  le  catholi- 
cos à  Hromgla.  —  En  même  temps  qu'il  réformait  les  abus  et 
groupait  les  tidèles  autour  de  son  siège,  Grégoire  III  se  préoccu- 
pait de  tirer  l'Église  arménienne  de  son  isolement.  S'étant  d'a- 
bord tourné  vers  ses  plus  proches  voisins,  les  Grecs,  il  se  heurta 
de  ce  côté  à  des  exigences  outrées  :  Alexis  I,  Jean  II  Comnène 
et  le  patriarche  Jean  IX  Agapétos  (1111-1134)  voulaient  que  les 
Arméniens  se  fissent  rebaptiser  (Matth.  d'Édesse,  111,228).  Alors 
Grégoire  regarda  plus  haut  et  plus  lohi,  vers  le  centre  de  la  ca- 
tholicité. Le  21  avril  1142,  il  assista  au  synode  latin  de  Jérusa- 


(1)  Sur  le  concile  de  Siav-Liarn,  voir  Nersès  IV  (Lettre  aux  évêques,  p.  65); 
Éludes,  IX,  p.  '21 1  et  suiv. 


HISTOIRK    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  539 

It'in,  i)résidé  par  Albéric,  é\'êqiie  d'Ostie  et  légat  du  pape  Inno- 
cent II  (1).  Les  Pères  de  cette  assemblée  ayant  fait  observer  à 
Grégoire  quelques  divergences  au  moins  apparentes  entre  la  foi 
des  Latins  et  celle  des  Arméniens,  Féminent  docteur  arménien, 
eximius  doctor,  comme  l'appelle  Guillaume  de  Tyr,  promit 
toutes  les  corrections  jugées  nécessaires  (2).  — Les  Francs  de 
Jérusalem,  ravisde  ses  conciliantes  dispositions,  lui  témoignèrent 
la  plus  grande  déférence.  Les  Arméniens,  d'ailleurs,  étaientalors 
en  faveur  auprès  des  Latins.  Cette  sympathie  s'était  accrue,  à  la 
suite  d'un  signalé  service  reçu  d'un  évêque  arménien.  Nous 
avons  raconté,  à  la  fin  du  précédent  chapitre,  «lue  Grégoire 
Vgaïacêr,  quittant  l'Egypte  après  un  séjour  de  quelques  mois, 
avait  laissé  à  son  neveu  Grégoire,  avec  le  titre  d'aradclmort,  la 
direction  spirituelle  des  Arméniens  du  pays.  Depuis,  la  commu- 
nauté arménienne  s'y  était  développée  et  avail  élargi  son  cer- 
cle d'influence.  Vers  Tan  1135-1137,  l'Arménien  Tadj-Addoulé 
Bahram  avait  été  nommé  vizir  du  khalife  Fatimite  d'Egypte 
Hafedh  (1130-1140).  A  cette  époque,  un  preux  chevalier  franc, 
Geoffroi  de  Latour,  qui  était  jadis  monté  le  premier  sur  les  murs 
de  Marasch,  vivait  captif  en  Egypte  depuis  trente-trois  ans.  Les 
Francs  réclamaient  vainement  sa  liberté,  quand  un  évêque 
arménien  de  Jérusalem  vint  trouver  le  vizir  et,  par  son  intermé- 
diaire, obtint  la  délivrance  du  vieux  chevalier  (3). 

Ces  échanges  de  bons  procédés  furent  profitables  à  l'union 
religieuse.  Elle  se  resserra  encore  sous  les  successeurs  du  pape 
Innocent  IL  Le  catholicos  Grégoire  III,  voyant  son  Église  en  butte 
aux  critiques  acerbes  des  Grecs,  en  appela  au  pape  Eugène  III  et 


(1)  Plusieurs  auteurs,  à  la  suite  de  Baronius,  placent  le  synode  en  1136.  Voir 
Xersès  de  Lanipron,  p.  479  (Éloije  de  Nersès  IV,  Etschniiadzin,  1875)  et  Guiragos, 
p.  61  (trad.  Brosset).  —  Il  est  bien  possible,  mais  non  certain,  que  Grégoire  avant 
de  se  rendre  à  Jérusalem,  ait  assisté  au  synode  latin  d'Antioche  (Tchamitch, 
History  of  Armenia,  11,  I8i)  dans  lequel  Albéric  d'Ostie  déposa  l'archevêque 
d'Antioche,  Raoul  de  Domlront,  ancien  archevêque  de  Mamistra  (Baronius,  an. 
1136,  n.  30-33). 

(2)  «  Cum  hoc  etiam  de  fidei  articulis,  in  quibusanobis  dissentire  vidctur,  ha- 
bitas est  tractatus  et  ex  parte  ejus  promissa  est  in  multis  correctio.  »  Guill.  de  Tyr, 
(XV,  18)  (Anne  Comnèno,  c.  10;  Baronius,  ann.  1118,  n.  27).  Les  Latins  insistaient 
plutôt  sur  l'emploi  du  vin  pur,  etl'additiondu  «  qui  crucifixus  es»  auTrisagion. 

(3)  Voir  Ibn-al-Athir  (t.  Ill  des  Hisl.  orient,  des  Crois.,  p.  408).  La  délivrance  de 
Geoffroi,  d'après  des  manuscrits  .syriaques  du  xn"  au  xni°  siècle,  dans  le  Journal 
asiatique  (novembre  et  décembre  1888). 


540  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

lui  expédia  des  ambassadeurs  (1145).  Après  un  voyage  de  dix- 
huit  mois,  les  députés  rejoignirent  le  pape  à  Viterbe.  Ils  lui  pré- 
sentèrent «  l'entière  soumission  de  leur  Église  »  et  le  prièrent 
de  se  prononcer  sur  les  principales  divergences  entre  les  Églises 
arménienne,  grecque  et  latine.  S'il  faut  en  croire  Othon  de  Frei- 
singen,  Dieu  aurait  lui-même  confirmé  la  foi  des  délégués  par 
un  signe  miraculeux.  Au  dire  de  cetévêque,  durant  Toctave  de 
Saint-Martin,  le  jour  même  où  l'on  célébrait  la  dédicace  de  l'é- 
glise du  Bienheureux  Pierre,  l'un  des  envoyés  assistant  au  saint 
sacrifice  vit  la  tête  du  pape  enveloppée  d'une  éclatante  lumière, 
au  milieu  de  laquelle  deux  colombes  montaient  et  descendaient. 
Quoi  qu'il  en  soit  de  cette  manifestation  :  que  la  croyance  du 
prélat  arménien  en  la  suprême  juridiction  du  pape  ait  été  con- 
firmée par  une  vision  réelle,  comme  le  veut  Othon,  ou  que  sa  foi 
émue  lui  ait  montré  en  une  saisissante  image  cette  vérité,  tou- 
jours est-il  que  les  décisions  du  pape  furent  écoulées  avec  un 
respect  filial,  et  Eugène  111,  accédant  au  désirdu  catholicos,  ré- 
pondit par  une  lettre  d'un  accent  tout  paternel;  il  lui  recom- 
mandait cependant,  comme  jadis  le  pape  Grégoire  VII  à  l'un 
de  ses  prédécesseurs,  de  verser  un  peu  d'eau  dans  le  calice  et  de 
célébrer  au  25  décembre  la  fête  de  la  Nativité  du  Sauveur  (1). 

Peu  après  le  retour  de  ses  délégués,  Grégoire  III  dut  aban- 
donner la  forteresse  de  Dzovk'h,  menacée  par  les  Sarrasins.  Il 
se  réfugia  dans  Roum-Qalaat,  forteresse  bâtie  par  les  Romains 
et  située  vers  le  point  extrême  de  la  courbe  que  l'Euphrate 
décrit  vers  l'Occident  (2).  Cette  place  appartenait  à  Béatrix, 
veuve  de  Josselin  II  de  Courtenay,  petit-fils,  par  sa  mère,  de 
Constantin  I  Roupèn.  Elle  la  céda  gracieusement  à  Grégoire  et 
à  son  frère.  Après  eux,  les  catholicos  continuèrent  d'y  résider  jus- 
Ci)  «  Dum  liisetaliis  intorse  (li.s.s('ntiivnt{(_ineciet  AnucMii)  KoniauamEcclesiani 
judicem  eligentes  coasultum  veniunt  (Armeni),  foi'inamque  sacrificii,  jiixta  con- 
suetudinem  ojus  sibi  tradi  dcposcviiit.  <•  Othon,  évc■(^uo  de  Froisingen,  Chron.,  1. 
VII,  ch.  31-33.  •'  Ex  parte  illiiis  Eccleshe  (Armenine)  subjectionem  oinniinodam  ol- 
ferentes.  »  Voir  Baronius,  ann.  1145,  n.  21  et  23;  concile  général  de  Sis  (1307), 
Balgy,  p. 309.  Quanta  l'addition  de  l'Annotateur  de  Baronius,  éd.  Theiner,  n.  7-8, 
d'après  laquelle  les  délégués  auraient  trompé  Eugène  111,  elle  ne  nous  semble 
pas  prouvée.  —  Sur  les  rapports  beaucoup  plus  anciens  des  Arméniens  avec  le 
siège  Romain,  voir  Mansi,  X,  890;  XV,  182,  401,  658;  XVI,  304;  Jaffé,  Regesla  pon- 
tif.,  n.  5171. 

(2)  Sur  l'importance  de  la  position  de  Roum-Qalaat  ou  llromgla,  voir  Elisée 
Reclus,  l'Asie  antérieure,  t.  IX,  p.  393  et  441. 


HISTOIRE  POLETIQUE    ET   RELIGIEUSE  DE    l'ARMÉNIE.  541 

qu'en  1293.  Grégoire  y  vécut  près  de  vingt  ans.  Quand  l'âge 
et  les  travaux  eurent  épuisé  ses  forces,  il  assembla  les  évèques 
arméniens,  se  démit  de  sa  charge  de  catholicos  et,  avec  l'as- 
sentiment du  synode,  confia  le  gouvernement  de  l'Église  ar- 
ménienne à  son  frère  Nersès  (1106). 


Nersès  IV  Glaietsi  (17  avril  1166-13  août  1173). 


I  3.  Le  poète  et  le  docteur;  exposé  de  la  foi  arménienne 
envoyé  à  la  cour  de  Constantinople.  —  Nersès  Glaietsi, 
du  nom  de  Hroinglah,  sa  résidence,  mérite  d'être  rangé 
parmi  les  plus  grands  hommes  dont  se  glorifie  à  bon  droit 
l'Église  arménienne.  Poète  éminent,  il  composa  sur  Jésus- 
Christ  un  poème  que  le  père  jésuite  \'illûtte  appelle  «  vrai- 
ment divin  »  (1)  et  un  livre  d'hymnes  qui  sont  encore  chantées 
dans  son  Église.  11  écrivit  aussi  en  vers  l'histoire  de  T Arménie 
jusqu'à  son  époque.  La  fraîcheur  de  son  imagination,  le  charme 
de  son  style  lui  ont  valu  le  nom  de  Schnorhali  (Gracieux).  A 
la  grâce  et  à  la  délicatesse  il  sait  pourtant  unir,  quand  le  sujet 
l'exige,  la  chaleur  et  la  force,  comme  dans  son  élégie  sur 
Édesse,  prise  et  ruinée  en  1114  par  l'atabek  Zangui.  Le  pro- 
sateur, en  lui,  n'est  pas  inférieur  au  poète  et  se  fait  remarquer 
autant  par  le  tour  heureux  de  la  phrase  et  la  maîtrise  de  la 
langue  qui  font  l'écrivain,  que  par  la  sûreté  et  la  profondeur 
de  la  doctrine  qui  constituent  le  docteur.  Ses  plus  importants 
écrits  théologiques  sont  un  exposé  de  la  foi  et  des  usages  de 
l'Église  arménienne.  Ils  furent  en  grande  partie  composés 
sur  l'invitation  de  l'empereur  Manuel  I  Comnène,  qui  préoccupé 
des  progrès  des  musulmans  travaillait,  de  concert  avec  le 
pape  Alexandre  111,  à  réunir  en  un  seul  corps  toute  la  chré- 
tienté. Voici  à  quelle  occasion  Nersès  fut  amené  à  collaborer 
à  cette  magnifique  entreprise. 

Au  cours  d'un  voyage  en  Cilicie,  Alexis,  gendre  de  l'empe- 


(1)  '<  Liboi'  vere  diviniis-  (Dictioim.  latiu-armon.,  p.  751).  Parmi  les  œuvres  de 
Nersès,  plus  de  8.000  vers,  presque  tous  composés  dans  sa  jeunesse. 


542  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

reur  Manuel,  s'était  arrêté  à  Mopsueste;  il  a^ait  rencontré  le 
gracieux  et  docte  évéque  et  s'était  longuement  entretenu  avec 
lui  des  choses  religieuses  intéressant  particulièrement  l'Église 
arménienne  et  l'Église  grecque.  Alexis,  charmé  de  la  courtoisie 
et  de  la  science  de  Nersès,  et  surpris  de  voir  combien  l'exposé 
de  la  foi  arménienne  différait  peu  de  celui  de  l'Église  univer- 
selle, s'empressa  d'en  donner  avis  à  l'empereur.  Celui-ci  ne 
pouvait  saisir  do  meilleure  occasion  pour  la  réalisation  de  son 
projet.  Comme  on  était  alors  dans  les  premiers  mois  de  1165, 
le  catholicos  Grégoire  111  vivait  encore.  Manuel  le  pria  aus- 
sitôt de  lui  envoyer,  sur  la  foi  de  l'Église  arménienne,  un 
exposé  encore  plus  complet  que  celui  présenté  par  Nersès  au 
prince  Alexis.  Grégoire  mourut  peu  après,  avant  d'avoir  pu 
répondre  au  désir  de  l'empereur.  Mais  Nersès  qui  avait  rem- 
placé son  frère  sur  le  siège  de  Hromgla  satisfit  pleinement 
à  la  demande  du  basileus. 

§  4.  Nonobstant  Vambiguité  c/a  certains  termes,  Nei^sès 
admet  la  dualité  des  natures  en  Jésus-Christ.  —  Dans  son 
traité,  Nersès  s'appliqua  surtout  à  montrer  que  la  doctrine 
alors  enseignée  dans  son  Église  était  celle  de  Grégoire  l'Illu- 
minateur  et  qu'elle  ne  différait  en  aucun  point  essentiel  de  la 
foi  catholique.  A  cette  époque,  la  plupart  des  théologiens,  sur- 
tout parmi  les  Grecs,  étaient  persuadés  que,  depuis  Nersès 
d'Aschtarag,  l'hérésie  monophysite  avait,  sauf  à  de  rares  in- 
tervalles, prévalu  dans  toute  l'Arménie.  Ce  grief,  Nersès  Glaïetsi 
avait  à  cœur  de  le  dissiper  :  dans  sa  réponse,  il  s'efforça  sur- 
tout de  prouver  que  l'expression  «  d'une  seule  nature  dans  le 
Christ  »  était  employée  par  les  Arméniens,  non  dans  le  sens 
d'Eutychès,  mais  dans  le  sens  ortliodoxe,  déjà  expliqué  par 
saint  Cyrille  d'Alexandrie  et  approuvé  depuis  par  l'Église  uni- 
verselle :  «  Nous  reconnaissons,  dit-il,  une  nature  dans  le 
Christ;  mais  cette  unité  n'est  ni  la  fusion  imaginée  par  Eu- 
tychés,  ni  la  mutilation  rêvée  par  Apollinaire...  mais  seulement 
Vunité  de  personne...  En  effet,  nous  maintenons  distinctement 
les  propriétés  des  deux  natures.  Nous  employons  le  terme  une 
seule  nature  pour  affirmer  l'union  indivisible,  ineffable  du 
Verbe  avec  l'humanité.  Au  reste,  nous  ne  refusons  pas  d'em- 
ployer l'expression  deux  natures,  s'il  s'agit  d'affirmer  ainsi 
non  pas  leur  division  (en  deux  personnes)  dans  le  sens  de 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉME.  543 

Ncstoi'ius,  mais  leur  disîiiiction  (en  tant  que  natui'es)  contre 
les  hérésies  d'Eutychès  et  Apollinaire   »  (1). 

Ces  paroles,  traduites  littéralement  sur  le  texte  publié  à 
Venise,  expriment  bien  la  pensée  du  saint  docteur.  Il  suffit  pour 
s'en  convaincre  de  confronter  notre  texte  avec  celui  qui  a  été 
transmis  par  Guiragos.  Cet  historien,  malgré  ses  préventions 
contre  le  concile  de  Chalcédoine,  prête  au  catholicos  un  langage 
qui  ne  diffère  pas,  quant  à  la  substance,  de  celui  que  nous 
venons  de  citer;  là  aussi,  Nersès  reconnaît  un  seul  et  même 
Christ  «  mort  par  son  corps  mortel,  vivant  par  sa  divinité, 
consubstantiel  au  Père  par  sa  divinité,  à  nous  par  son  huma- 
nité, mais  ne  formant  ni  deux  individus  au  sens  de  Nesto- 
rius  »,  ni  une  nature  où  se  confondraient  la  nature  divine  et 
la  nature  humaine,  comme  le  voulait  Eutychès.  —  Tout  au 
plus  pourrait-on  dire  que  le  savant  pivlat,  tout  en  interprétant 
dans  un  sens  orthoitoxe  la  doctrine  suivie  par  la  plupart  de  ses 
prédécesseurs,  reste  encore  trop  attaché  à  une  formule  un  peu 
équivoque  et  la  préfère  à  l'expression  plus  nette  et  plus  rigou- 
reuse de  deux  natures  unies  en  une  seule  personne,  dont  le 
sens  a  été  obscurci  par  les  attaques  des  monophysites  dans 
toute  l'Arménie.  Cet  épouvantail  du  nestorianisme  tant  agité 
par  les  monophysites  fait  qu'au  lieu  d'employer  le  terme  armé- 
nien anizn  ou  son  dérivé  abstrait  antznavourouthioun  qui  si- 
gnifient la  personne  ou  Fliypostase,  Nersès  préfère  exprimer 
l'idée  de  personne  par  pnouthioun  dont  le  sens  équivaut  plutôt 
à  celui  de  nature.  Ce  que  nous  appelons  une  nature,  pnouthioun, 
dit-il  au  prince  Alexis,  c'est  ce  que  vous  nommez  une  per- 
sonne, une  hypostase  :  fâcheuse  équivoque  dont,  de  nos  jours 
encore,  abusent  quelques  Grégoriens,  pour  maintenir  leur 
Église  séparée  de  l'Église  catholique  (2). 

(1)  Voir  S.  Nersetix  Glalensis  oj>era,  -^  voL  (Venise,  iiiipr.  des  Méchit.,  1833); 
EiJisl.  IV;  Libellus  confessionis  fidei,  t.  I,  surtout  pp.  182  et  183;  comparer  avec 
le  V°  conc.  fecum.,  can.  7  et  8,  et  le  conc.  de  Latran  ((349),  can.  5  et  6.  Nersès 
résume  ainsi  ses  explications  :  «  Itaque,  sive  dicitur  una  natura,  ob  indissolubi- 
lem  et  inseparabilem  unionem,  non  autem  ob  confusionem  ;  sive  duae  naturae 
(dicitur),  quia  sunt  inconfusae  et  inalterabiles,  non  ob  divisionem  ;  utrumque 
ergo  est  intraterminos  orthodoxae  vei'itatis.  »  Voir  aussi  Assemani,  Bihlioth.  or., 
II,  3M-365.  Il  semble  que  Nersès  attachait  au  terme  antsn  [uihâh]  l'idée  de  forme, 
de  figure,  plutôt  que  celle  de  substance  hypostutique. 

(2)  Voir  Guiragos  (trad.  Brosset),  pp.  20,  (J6,  69,  72,  90;  et,  eu  appendice,  la 
trad.  latine,  ilu  texte  de  Nersès  par  Petermann.  pp.  195-197.  Comme  Nersès, 


544  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

§  5.  Inconséquence  des  Grégoriens  <iui  repoussent  cette 
dualité,  tout  en  déclarant  le  Christ  Dieu  parfait  et  homme 
parfait;  explication.  —  Quand  Nersès  parlait  de  la  cont- 
mixtion  inscrutable  et  ineffable  des  deux  natures  en  Jésus- 
Christ,  et  de  la  nature  immuable  et  inséparable  qui  d'après 
ses  expressions  résulterait  de  cette  union,  ce  n'était,  au  fond, 
dans  sa  pensée  et  sous  sa  plume,  qu'une  manière  de  parler 
trop  peu  précise  ou  trop  subtile,  mais  non  une  profession  de 
foi  monophysite.  A  la  lumière  d'une  loyale  discussion,  il  va 
corriger  ces  équivoques  (1).  Le  point  de  vue  qu'il  désavouera 


lo  vartabedJacquos,  envoyé,  on  vue  do  l'union  religieuse,  vers  Jean  Ducas  Vataco, 
(>mpereur  de  Xicée  (1220-1255),  employait  aussi  le  ternie  de  pnouthioun  (une 
seule  nature  incarnée)  dans  le  sens  de  personne  (Guiragos,  p.  177).  Nous  avons 
dit  ailleurs,  sur  l'autorité  de  quelques  savants  arménisants,  notamment  do 
Dulaurier  (voir  1.  II,  ch.  i,  a.  IV,  §  2  et  6,  note),  que  les  Arméniens  n'avaient 
pas  de  terme  exprimant  exactement  l'idée  d'hypostase;  c'est  excessif.  Malheu- 
reusement, une  fois  le  mot  pnouthioun  adopté  tant  à  cause  de  l'interprétation 
trop  ("ti-oite  de  la  formule  nalura  iina  Verbi  incarnata,  que  par  suite  des  intri- 
gues monophysites,  la  plupart  dos  l'oros  Arméniens,  hypnotisés  d'ailleurs  par 
le  texte  do  saint  Cyrillo,  répugnaient  à  tout  cliangement  de  formule.  JMais  on 
lait  injure  à  ces  docteurs,  quand  on  pi-('tend  avec  Ter  Jlikélian  (Die  Armenische 
kirche,  pp.  52-55)  qu'ils  fui'ont  monophysites.  —  Nous  sommes  étonné  do  voir 
un  savant  professeur  de  léna,  Gelzer,  se  rangoi-  ici  à  l'opinion  de  Ter  Jlikélian, 
malgré  les  déclarations  les  j)lus  o.xpi'osses  de  Xei'.sès  que  nous  retrouverons  plus 
loin  {liealencykl.  fur  prolcslant.  TheuL,  Leipzig,  18!^t7,  t.  II,  p.  82).  Ajoutons  que  lo 
vartabed  grégorien  Ter  Mikélian,  on  i-angeant  Nersès  et  en  se  rangeant  lui-même 
parmi  les  adversaires  du  dogme  des  deux  natures,  part  d'un  faux  supposé;  car 
il  prétend  que  ceux  qui  admettent  la  dualité  des  natures  dans  le  Christ  souscri- 
A'ent  à  l'énoncé  suivant  :  autre  est  celui  qui  a  souffert  et  autre  celui  <jui  n'a  pas 
souffert.  Cette  formule  qu'on  attribue  à  tort  à  saint  Léon  insinue  la  dualité  des 
personnes;  en  ce  sens,  elle  est  nestorienne,  non  catholique.  Si  nous  disons,  au 
contraire,  avec  la  plupart  des  Pères  arméniens  :  l'Impassible  a  souffert,  etc.;  c'est 
que,  à  la  différence  des  prédicats  abstraits,  les  prédicats  concrets  affectent  direc- 
tement la  môme  personne  et  peuvent  à  ce  point  de  vue  s'énoncer  l'un  de  l'autre. 

(I)  Dans  sa  I'*  épUre,  écrite  par  l'ordre  de  son  frère,  il  dit  :  «  Non  merus  homo 
propter  humanitatem,  nequo  nudus  Deus  propter  Divinitatem;...  sed  unus  idem- 
que  homo  vorus  et  Dous  porfoctus  •  (t.  I,  p.  31  et  32).  —  Dans  la  letti-e  écrite  aux 
Arméniens,  à  son  avènement  (1166)  :  «  Unus  Christus  et  una  ojus  persona  ex  dua- 
bus  unitisnaturis  »  {ibid.,  p.  lûl).  — Dans  son  poème  de  Flrmamento  :  »  utraquo 
natura  confusa  non  est  »  ;  dans  son  poème  de  TriniluLe  :  ••  Christus  in  rosurrectiono 
Lazari  duplicem  naturam  et  oporationem  in  una  sui  ipsius  persona  ostendit 
Divinam  scilicet  ot  humanam  »,  etc.  etc. 

Il  est  donc  équitable  d'interpréter  l'expression  d'une  nature  une  et  inséparable, 
dont  se  sert  Nersès  (Balgy,  p.  41),  soit  par  le  contexte,  soit  par  les  passages  pa- 
rallèles qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'orthodoxie  de  sa  foi.  Mais,  si  on  s'arrête 
seulement  à  quelques  expressions  ambiguës  de  Nersès,  on  s'explique  l'apprécia- 
tion un  peu  trop  sévère  de  Galanus  (i)ars  I,  p.  239  et  suiv.).  A  no  s'en  tenir  qu'à 


HISTOIRE    l'OLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉXIE.  545 

reste,  au  contraire,  chez  un  certain  nombre  de  Grégoriens, 
une  doctrine  un  peu  confuse  sans  doute,  mais  fixe,  opiniâtre. 
Ils  se  sont  arrêtés  à  une  position  illogique,  qui  tient  le  milieu 
entre  Thérésie  d'Eutychès  et  le  dogme  catholique  défini  par 
les  Pères  de  Chalcédoine.  Les  trois  causes  qui  contribuèrent  le 
plus  à  donner  çà  et  là  au  langage  de  Nersès  un  sens  quelque 

la  lettre,  la  lornuile  i>liisieurs  fois  répétée  par  Nersès  était  celle  dont  se  servaient 
«le  préférence  les  Jacobites,  entre  autres  le  patriarche  Michel  le  Grand.  Cette 
affinité  extérieure  jiarait  plus  compromettante  encore,  si  l'on  songe  que  le  catho- 
licos  arménien  et  le  patriarche  syrien  échangeaient,  à  cette  époque,  à  leur 
entrée  en  charge,  avec  le  pacte  d'union  leur  profession  de  foi  et  que,  d'ailleurs, 
Michel  le  S\-rien,  comme  Nersès,  appelait  le  Christ  homme  par/ait  et  Dieu  par- 
fait. Mais,  à  la  différence  du  second  qui  ne  refusait  pas  d'admettre  les  consé- 
quences logiques  de  cette  double  affirmation  et  d'attribuer  par  conséquent  à 
Jésus-Christ  une  double  nature,  le  premier,  comme  un  assez  grand  nombre  de 
(grégoriens,  s'obstinait  à  maintenir  exclusivement  le  terme  d'une  seule  nature 
(Voir  la  profession  de  foi  du  patriarche  .lacobite;  Migne,  t.  CXXXIII,  pp.  :i79-285). 
Ce  personnage  usa  de  toute  son  iniluence  pour  i-etenir  Nersès  dans  une  sorte 
(le  nionophysisme  mitigé,  à  la  faveur  de  formules  équivoques.  Il  lui  envoya  le 
moine  Théodore  (anticatholicos  en  1180)  versé,  dit-il,  dans  les  sciences  philoso- 
phiques, afin  (le  l'assister  dans  ses  discussions  avec  Théorianos  ;  il  observe  avec 
une  sympathie  un  peu  dédaigneuse  que  les  Arméniens  n'avaient  point  de  philo- 
sophe qui  pût  les  représenter  avantagtHisement.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  considérants 
sur  lesquels  Michel  appuie  sa  doctrine  monophysite  ne  nous  donnent  pas  une 
idée  très  avantageuse  de  sa  science  métaphysique.  Il  ne  ((('couvrait  aucune  soite 
de  distinction  entre  les  concepts  de  nature,  de  personne  ou  d'hypostase  (Trpôo-wTrov, 
uTKjaxaffii;)  ;  il  prétendait  que  si  dans  le  Christ  il  n'y  a  qu'une  personne,  il  ne  doit 
y  avoii-  aussi  qu'une  seule  nature  (çOatî).  Il  confondait  ainsi  la  doctrine  de 
saint  Léon  comme  celle  de  tous  les  catholiques  avec  la  doctrine  des  Nestoriens. 
Il  ne  s'aperçoit  pas  qu'il  y  a  une  profonde  dilï'érence  entre  la  doctrine  catholique 
qui  reconnaît  dans  le  Christ  deux  natures  (çOffeii;),  l'une  divine,  l'autre  humaine, 
unies  hypo&tatiquement  (en  la  pei-sonne  unique  du  Verbe), et  la  doctrine  nesto- 
rienne  qui  nie  cette  union  substantielle  (hypostatique)  des  deux  natures  et 
n'admet  eptre  elles  qu'une  union  morale  comme  celle  qui  existe  soit  entre 
une  maison  et  la  personne  qui  l'habite,  soit  entre  deux  volontés  pleinement  d'ac- 
cord, soit  entre  deux  puissances  concourant  aune  même  opération.  Voir  la  Lelti-e 
dogm.  de  Léon  à  Flavien  (P.  L.,  t.  LIV,  755).  Bien  que,  selon  nous,  il  ne  soit 
pas  nécessaire  de  supposer  dans  la  personne  un(.*  entité  physi(iuo  distincte  de 
la  nature,  pour  la  différencier  de  celle-ci,  encore  faut-il,  cependant,  que  la  per- 
sonne soit,  comme  disent  les  théologiens,  non  seulement  une  substance  singu- 
lière, complète  comme  la  nature,  mais  de  pluss'appartenant  (sui  juris,  tota  in  se). 
Le  confus  réquisitoire  de  Jlichel  le  Syrien  (Voir  sa  Chronique,  texte  syr.,  avec 
trad.  de  J.-B.  Chabot,  t.  II.  Paris,  1901,  liv.  VIII,  ch.  ix-xiv  et  Aboulpharadj, //îs<. 
EccL,  II,  550)  est  un  tissu  de  citations  qui  portent  à  faux  ou  reposent  sur  des  ma- 
lentendus. L'àme  de  Nersès  était  plus  sereine  et  moins  crédule  que  celle  de 
Michel.  Eùt-il  été,  par  exemple,  opposé  à  l'empereur  Maz'cien,  il  n'aurait  point 
été  entraîné  si  aisément  que  lui  par  la  passion  à  accepter,  sans  examen,  certaines 
calomnies  répandues  par  les  monophysites  contre  ce  prince  et  son  épouse  Pul- 
chérie. 


546  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

peu  vague  et  suspect  ont  exercé  sur  une  partie  de  son  Église 
une  influence  plus  fâcheuse  et  plus  décisive.  Ces  causes  sont 
d'abord  la  fameuse  formule  de  Cyrille  d'Alexandrie  :  la  nature 
une  du  Verbe  Incarné,  formule  dont  on  mutila  le  contenu,  en 
la  prenant  dans  un  sens  trop  étroit,  en  l'isolant  soit  du  con- 
texte, soit  des  autres  passages  parallèles.  Ceux  qui  se  firent 
de  ce  texte  une  arme  contre  la  permanence  de  deux  natures, 
unies  mais  distinctes  dans  le  Christ,  ne  s'aperçurent  pas  que 
le  grand  docteur  les  avait  réfutés  à  l'avance  en  signalant  le 
mot  incarné,  incarnata,  comme  impliquant  l'essence,  l'inté- 
grité, la  perfection  de  la  nature  humaine,  après  son  union 
avec  le  Verbe.  —  Le  second  motif  pour  lequel  beaucoup  de 
dissidents  arméniens  n'acceptèrent  pas  la  doctrine  et  surtout 
l'expression  de  deux  natures  permanentes  après  l'union  en 
une  seule  personne,  ce  fut  la  comparaison  employée  par  quel- 
ques Pères  de  l'Église  entre  l'union  de  l'âme  avec  le  corps 
humain  et  l'union  du  Verbe  avec  la  nature  humaine.  Ils  ne 
prirent  pas  garde  que,  comme  toutes  les  comparaisons  prises 
des  choses  humaines  pour  être  appliquées  aux  choses  divines, 
celle-ci  n'était  vraie  qu'à  un  seul  point  de  vue,  celui  précisé- 
ment considi'ré  par  les  Pères.  Ce  que  ces  derniers  avaient 
voulu  faire  ressortir,  c'était  l'unité  de  personne  contre  Nes- 
torius.  L'hérésiarque  estimait  que  deux  éléments  aussi  hété- 
rogènes que  le  sont  l'humanité  et  la  divinité  devaient  rester 
divisés,  séparés  en  deux  personnes;  non,  répondaient  quelques 
Pères  avec  l'auteur  du  symbole  dit  d'Athanase;  mais,  de  même 
que  le  corps  et  l'âme  en  s'unissant  constituent  l'iiomme,  ainsi 
l'union  de  la  nature  humaine  avec  le  Verbe  constitue  un  seul 
Christ.  Comment  l'auteur  de  ce  syml»ole,  justement  révéri' 
des  Arméniens,  pourrait-il  d'ailleurs  sans  se  contredire,  avoir 
ici  en  vue  une  unité  de  nature  en  Jésus-Christ?  Il  reconnaît, 
en  effet,  un  peu  plus  haut  que  le  Christ  reste  Dieu  parfait. et 
homme  parfait,  c'est-à-dire  conserve  dans  son  intégrité  ce 
qui  nous  constitue  hommes  :  l'âme  raisonnable  substantiçl- 
lement  unie  au  corps.  — La  troisième  cause  enfin  qui  a  empêché 
et  empêche  encore  la  plupart  des  Grégoriens  d'accepter  les 
décrets  dogmatiques  de  Chalcédoine  sur  l'Incarnation,  ce  sont 
les  fausses  interprétations  répandues  à  l'origine  par  les  chefs 
du  monophysisme  contre  le  sens  de  ces  décrets.  Croirait-on 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  7)41 

que,  de  nos  jours  encore,  des  docteurs  grégoriens  les  repré- 
sentent comme  entachés  de  nestorianisme? 

Qu'on  ajoute  à  ces  raisons  d'ordre  intellectuel,  les  mobiles 
que  nous  avons  signalés  au  début  du  schisme  :  les  antipathies 
nationales,  les  griefs  contre  les  Grecs,  le  désir  de  se  soustraire 
à  leur  juridiction,  l'équivoque  des  termes  par  lesquels  on 
traduisit  le  sens  d'hypostase,  la  difficulté  enfin  pour  les  Ar- 
méniens d'être  exactement  renseignés  sur  l'objet  et  le  sens 
du  concile,  et  l'on  aura  une  explication  suffisante  de  la  révo- 
lution qui  jeta  l'Église  arménienne  dans  une  voie  que  ses 
principaux  représentants  ont  souvent  reconnue  comme  logi- 
quement intenable.  Il  va  sans  dire  que  ces  motifs  d'ordre 
inférieur  n'a\  aient  point  d'influence  sur  l'âme  élevée  de  Ner- 
sès. 

§  6.  Première  conférence  de  Nersès  avec  Théorianos  ;  lettre 
intime  à  Vempereur.  —  Nersès  justifiait  à  peu  près  l'ensei- 
gnement de  son  Église,  non  seulement  sur  l'Incarnation,  mais 
sur  les  autres  points  particulièrement  visés  par  les  Grecs. 
A  la  lecture  de  cet  exposé  modér(''  de  ton,  solide  et  judicieux, 
l'empereur  et  le  patriarche  d<'  Constantinople  n'hésitèrent 
pas  à  poursui^Te  des  négociations  si  heuieusement  commen- 
cées. Restaient  encore  quelques  malentendus  à  éclaircir.  A  cette 
fin,  on  envoya  de  Constantinople  à  Hromgla  un  théologien  et 
philosophe  célèbre,  Théorianos,  auquel  fut  adjoint  Atnian,  abbé 
du  monastère  arménien  de  Philippopolis,  située  dans  l'épar- 
chie  de  la  Thrace,  au  sud-ouest  deBerœa.  La  conféi'ence  entre 
Théorianos  et  Nersès  se  prolongea  du  milieu  de  mai  jusqu'au 
milieu  de  juin  1170.  L'enlente  se  fit  peu  à  peu  sur  les  prin- 
cipaux points  discutés,  entre  autres  sur  l'union  des  deux  na- 
tures; le  catholicos  fut  amené  de  bon  gré  à  reconnaître  qu'il 
existe  en  Jésus-Christ  deux  natures  hypostatiquement  unies, 
et  à  souscrire  aux  décisions  dogmatiques  du  concile  de  Clial- 
cédoine. 

A  son  retour  à  Constantinople,  Tliéorianos  présentait  à  Ma- 
nuel Comnène,  outre  le  résumé  de  sa  discussion  avec  le 
patriarche,  deux  lettres  de  Nersès;  l'une  intime  et  l'autre 
officielle.  Le  catholicos  y  manifestait  les  plus  conciliantes 
dispositions  en  faveur  de  l'Union  :  Avant,  dit-il,  d'avoir 
entendu  l'exposé  de  la  foi  romaine  par  la  bouche  de  Théorianos, 


548  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

il  craignait  que  les  Grecs  ne  fussent  entachés  de  l'erreur 
nestorienne;  de  leur  côté,  ajoute-t-il,  les  Grecs  accusaient  les 
Arméniens  d'eutychianisme.  Mais  la  discussion  poursuivie 
avec  l'envoyé  de  l'empereur  a  montré  que  les  Arméniens  ne 
sont  pas  plus  monophysites  et  partisans  d'Eutychès  que  les 
Grecs  ne  sont  nestoriens.  Lui,  Nersès,  confesse  donc  tous  les 
dogmes  admis  dans  l'Église  universelle.  Néanmoins,  avant  de 
rendre  publique  la  profession  de  foi  qu'on  lui  demande,  il  juge 
nécessaire  de  la  soumettre  à  l'examen  des  évoques  arméniens; 
ces  evêques  sont  dispersés  au  loin,  et  il  va  les  convoquer  le  plus 
tôt  possible. 

^  7.  Seconde  conféî^ence  avec  Tliëorianos.  —  Deux  ans 
plus  tard,  le  philosophe  Théorianos  et  l'abbé  Jean,  du  monas- 
tère de  Philippopolis,  vinrent  de  nouveau,  sur  Tordre  de  l'em- 
pereur, conférer  avec  le  patriarche  Nersès  (1172).  Le  théolo- 
gien grec  remit  à  celui-ci  une  lettre  écrite  par  le  patriarche 
de  Constantinople  Michel  Anchialos,  au  nom  de  Manuel  Com- 
nène.  L'empereur,  ou  plutôt  le  patriarche  grec,  félicitait  le 
patriarche  arménien  de  souscrire  aux  décisions  du  concile 
de  Chalcédoine.  Mais,  tout  en  louant  sa  foi,  son  zèle  et  sur- 
tout la  pureté  de  ses  intentions,  il  observait  que  son  langage 
avait  parfois  un  défaut  de  rigueur  et  de  précision,  dont  les 
oreillesgrecques  pouvaient  être  choquées.  Tandis  que,  disait-il, 
avec  le  concile  de  Chalcédoine  et  «  la  lettre  du  grand  et  saint 
pape  Léon,  toujours  considérée  par  notre  Église  comme  la 
colonne  de  l'orthodoxie  »,  les  Grecs  confessent  clairement  que 
la  nature  divine  et  la  nature  humaine,  même  après  leur  union 
dans  la  personne  du  Verbe,  demeurent  dans  leur  intégrité, 
indivisiblement  et  inséparablement,  vous  avancez,  vous,  qu'a- 
près l'union  il  ne  reste  qu'une  seule  nature;  vous  donnez, 
par  cette  formule  subtile  et  détournée,  occasion  ou  à  une  erreur 
involontaire  ou  à  une  hérésie  formelle.  C'est  mal  à  propos 
que  vous  comparez  l'union  des  deux  natures  dans  le  Christ  à 
celle  du  corps  et  de  1  ame  dans  l'homme.  Ici,  il  ne  saurait 
y  avoir  qu'une  seule  nature  :  on  ne  dit  pas  de  l'une  de  ces 
parties  qu'elle  est  homme,  comme  on  énonce  de  la  personne 
divine  de  Jésus-Christ  chacune  de  ses  natures  prises  concrè- 
tement :  Jésus-Christ  est  Dieu,  Jésus-Christ  est  homme.  Enfin, 
après  avoir  expliqué  comment    la   formule  de  saint  Cyrille 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  549 

una  natura  incarnata  peut  et  doit  impliquer  rintégrité  des 
deux  natures  dans  le  Christ,  le  correspondant  de  Nersès  l'ad- 
jurait de  corriger  ou  de  retrancher  de  son  symbole  un  mot 
qui  favorisait  le  schisme  (1). 

La  nouvelle  conférence  de  Théorianos  avec  Nersès  eut  lieu 
en  présence  de  quelques  prélats  et  docteurs  arméniens  et 
syriens,  dont  l'attitude  fut  d'ailleurs  conforme  à  celle  de  leur 
patriarche  respectif.  L'évêqueJean,  délégué  de  Michel  le  Syrien, 
refusa  de  modifier  sa  formule  d'une  seule  nature  après  l'union 
de  l'humanité  avec  le  Verbe;  mais  les  trois  Arméniens,  le  doc- 
teur Verthanès,  l'évêque  Isaac  et  surtout  l'évêque  Grégoire, 
cousin  de  Nersès,    acceptèrent  de   souscrire  dans  les  termes 


(1)  Balgy,  op.  cit..  p.  43,  44,261,  Dispul.  fl  Theotiani  Orlhodoxl  cum  Armeno- 
rum  Calholico,  dans  Migno.  P.  G.,  t.  CXXXIII,  ICI,  215,  ili. 

Nersôs  avait  dit  :  «  fitquo  ex  duabiis  poii'octis  naturis  Divina  et  lunuana  una 
pcrsona  pcrl'ecta,  immutabili  et  inseparabili  natura  ■■  (Balgy,  p.  41).  C'est  l'échodc 
la  formule  employée  par  saint  Cyrille.  Mais,  comme  l'observait  Tiiéorianos, 
Cyrille  ajoutait  d'ordinaire  à  l'expression  d'une  seule  nature,  quelque  mot  qui 
en  corrigeait  le  senséquivoque;  il  disait,  par  exemple,  ■■  una  natura  verbi  Incar- 
nait »  ou  plus  souvent,  «  una  natura  verbi  Incarnata  «,  ce  qui  impliquait  la  per- 
sévérance de  la  nature  humaine.  Voici,  par  exemple,  ce  qu'il  écrit  à  Successus 
(Epist.  XLVl.  Voir  Mai,  .\'.  B.  P.  P.,  11,  4  19  ss.)  :  «<  Si,  en  parlant  d'une  nature  du 
Verbe  nous  n'avions  pas  ajouté  incarnée,  (î£(7apxotx£vif],  niant  ainsi  pour  ainsi 
(lire  le  mystère  de  l'Incarnation,  on  aurait  le  droit  de  nous  demander  comment 
nous  conservons  à,  l'humanité  du  Christ  sa  perfection,  ou  comment  subsiste  notre 
substance  ;  mais  parce  que  l'addition  (reaapxoixevri,  incarnée,  indique  la  perfection 
(hins  l'humanité,  que  nos  adversaires  cessent  donc  de  s'appuyer  sur  un  roseau  •>. 
Cyrille  dans  la  lettre  2  àNestorius,etc.,  reconnaît  expressément  la  différence  des 
natui-es  unies  en  la  personne  du  Christ. 

Le  l'c'cit  de  la  douille  dispute  que  nous  racontons  est  dû  à  la  plume  de  Tliéo- 
lianos  (Migne,  loco  cit.,  t.  CXXXIII,  p.  121-279).  —  On  trouve  les  principaux 
jiassages  de  ces  deux  discussions  dans  Balgy,  appendix  IV  et  V,  pp.  220-258  et 
259-28:j.  La  l"-'  de  ces  conférences  a  été  traduite  en  latin  par  Leunclavius  (Bàle, 
1578);  la  seconde  parle  cardinal  Mai.  qui  compléta  la  première,  Script.  Vet.  nova 
coll.,W  (Rome,  1832),  314-415.  D'autres  théologiens  grecs  du  xn"  siècle  furent  moins 
conciliants  que  Théorianos  à  l'égard  des  Arméniens  :  tels  Euthymios  Zigabenos 
dans  sa  IIavoT:),ta&oY|xaTixo  (Migne,  CXXX),  art.  23;  Nikétas  Akominatos,  dans  son 
6r,(7a-jpô;  'OpOoSoÇ'iaç,  liv.  XVII  (Migne,  CXXXIX,  p.  1101  et  suiv.;  CXL,  90). 

On  a  attribué  à  un  soi-disant  patriarche  delà  Grande-Arménie,  nommé  Isaac, 
trois  traités  contre  les  Arméniens.  Dans  le  premiei-  est  (Hablie  la  doctrine  d'une 
double  nature  en  N.-S.,  d'après  les  Pères  du  iv*"  et  du  v"  siècle.  Dans  le  second. 
Fauteur  raconte  sa  conversion;  le  troisième  contient  une  histoire  de  l'Arménie 
flepuis  Cirégoire  l'Illuminateur  jusqu'au  xn"  siècle.  L'auteur  de  ces  écrits  parait 
être  un  simple  prêtre  arménien  du  xn""  siècle.  —  Éd.  Migne,  P.  G.,  CXXXII 
(1153-1257).  Cependant,  Le  Quien,  I,  col.  135G,  identifie  cet  auteur  avec  le  catho- 
licos  Isaac  III  (677-703)  qui.  réfugié  à  Constautinople.  se  convertit  à  l'orthodoxie. 

ORIENT   CHRÉTIKN.  38 


550  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

les  plus  clairs  aux  explications  et  corrections  d'où  Théorianos 
faisait  dépendre  l'union  de  l'Église  arménienne  avec  l'Église 
catholique.  Nersès  ne  fut  pas  moins  conciliant;  cependant,  au 
début  de  la  conférence,  il  sembla  vouloir  revenir  et  disputer 
sur  chacune  des  concessions  si  gracieusement  faites,  deux 
ans  auparavant.  Mais,  comme  le  remarque  Théorianos,  Nersès, 
en  faisant  examiner  à  fond  les  points  en  litige,  se  proposait 
d'éclairer  ses  évèques  présents  et  de  les  réconcilier  avec  les 
Grecs.  Il  se  peut  aussi  que,  mécontent  de  voir  publier  partout 
la  profession  de  foi  orthodoxe  qu'il  avait  secrètement  fait 
parvenir  à  l'empereur  par  l'intermédiaire  de  Théorianos,  et 
craignant  que  cette  révélation  trop  hâtive  ne  fût  préjudiciable 
à  l'accord  de  son  Église  avec  l'Église  universelle,  il  ait  voulu 
apaiser  les  murmures  des  docteurs  arméniens  et  faire  sentir 
à  ses  interlocuteurs  ce  qu'il  croyait  être,  de  leur  part,  une 
indiscrétion. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Nersès  était  trop  loyal,  trop  intelligent  et 
trop  attaché  à  l'unit»'  de  la  foi  catholique,  pour  s'opiniâtrer  à 
maintenir  des  formules  dogmatiques  impropres  ou  inexactes. 
Au  point  de  vue  dogmatique,  il  fit  droit  à  toutes  les  réclama- 
tions des  Grecs,  dont  Théorianos  lui  montrait  le  parfait  accord 
avec  la  tradition.  Bien  que  nous  soyons  convaincus,  dit-il,  que 
l'expression  d"une  seule  nature  dans  le  Christ  puisse  être 
expliquée  dans  un  sens  orthodoxe,  nous  voulons  désormais  évi- 
ter toute  occasion  de  scandale,  et  ne  plus  employer  cette  locu- 
tion (1).  Dans  sa  lettre  à  l'empereur  Manuel  Comnène,  qui 
commence  par  ces  mots  :  «  Majestatis  tuai  deliberatio  »,  il  est 
plus  explicite  encore  :  «  Nous  ne  divisons  pas,  avec  Nestorius, 
le  Christ  en  deux  personnes;  nous  ne  le  confondons  pas  en  une 
seule  nature,  comme  Eutychès.  Mais,  avec  le  Grand  Grégoire 
le  Théologien,  écrivant  à  Cledonius  contre  Apollinaire,  nous 
affirmons  qu'il  existe  deux  natures  en  J.-C;  et  la  raison,  c'est 
que  le  Christ. est  Dieu  et  homme  tout  ensemble.  » 

I  8.  Outre  le  dogme  de  la  dualité  des  natures  et  des  vo- 
lontés dans  le  Christ,  Nersès  accepte  la  correction  de  certains 
usages  dont  la  signification  paraissait  équivoque. 

Au  reste,  si  elle  avait  trouvé,  à  la  lumière  de  la  science 

(1)  Halgy,  appendix  V,  p.  283. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉNIE.  551 

grecque,  des  expre^i^ions,  plus  claires,  la  foi  de  Nersès,  au  fond, 
n'avait  pas  varié.  Il  avait  seulement  mieux  compris  combien 
l'union  intime  (hypostatique)  des  deux  natures  dans  le  Christ 
rtait  opposée  à  toute  confusion.  Nersès  admit  aussi  aisément  la 
dualité  des  volontés  et  des  actions  dans  le  Christ  et  accepta  le 
concile  de  Chalcédoine.  Il  céda  même  sur  quelques  autres 
points  moins  importants.  Il  souscrivit,  par  exemple,  à  l'usage  de 
mêler  au  vin  du  sacrifice  quelques  gouttes  d'eau,  usage  con- 
forme aux  liturgies  de  S.  Jacques  et  de  S.  Basile,  et  sanctionné 
par  le  concile  de  Carthage  et  le  concile  in  Trullo. 

L'usage  de  ne  point  mêler  un  peu  d'eau  avec  le  vin  du  saint 
sacritice  était  peut-être  d'origine  monophysite;  en  tout  cas,  il 
était  interprété  par  quelques  monophysites  dans  le  sens  de  leur 
doctrine  hérétique;  c'était,  à  leurs  yeux,  le  symbole  de  l'unité 
de  nature  dans  le  Christ.  Cet  abus  justifiait  suffisamment  la  cor- 
rection demandée  par  Théoriaiios  et  imposée  par  l'Église  catho- 
lique aux  Arméniens-unis.  Les  plus  sages  d'entre  les  Armé- 
niens, il  est  vrai,  n'expliquaient  point  cette  coutume  d'après  les 
vues  monophysites.  Nersès,  dans  l'exposé  envoyé  à  Manuel 
Comnène,  essayait  de  la  justifier,  en  s'autorisant  des  paroles  de 
N.-S.  :  «  je  ne  boirai  plus  du  jus  de  la  vigne  »,  etc.  (Matth., 
xxvi).  Le  jus  de  la  vigne,  c'est  du  vin,  disait-il,  et  non  de  l'eau. 
Dans  ses  discussions  avec  Théoriaiios,  il  insistait  sur  une  fausse 
interprétation  d'un  texte  de  Jean  Chrysostome,  commentant  le 
20''  verset  du  vingt-sixième  chapitre  de  saint  Matthieu  :  «  Je  ne 
boirai  plus  de  ce  fruit  de  la  vigne  jusqu'au  jour  où  je  le  boirai 
de  nouveau  avec  vous  dans  le  royaume  de  mon  Père  ».  Le  grand 
docteur  grec  ayant  rappelé  que  N.-S.,  après  sa  résurrection,  but 
avec  ses  disciples  du  vin,  non  de  feau.  condamnait  une  secte 
d'hérétiques  qui  employaient  de  l'eau  dans  la  célébration  des 
saints  mystères.  Faute  de  documents  qu'il  était  alors  difficile  de 
se  procurer,  Nersès  ainsi  que  la  plupart  des  Pères  de  son 
Église  ne  savaient  pas  que  les  hérétiques,  les  Hydroparastates, 
condamnés  par  Chrysostome,  einplciyaient  de  l'eau,  à  l'exclusion 
du  vin,  dans  la  célébration  des  saints  mystères  et  qu'ils  regar- 
daient le  vin  comme  l'œuvre  de  Satan.  Cependant,  pour  com- 


(I)  Gard.  Mai,  Script.  Vet.  coll.,  IV,  Siô;  —  Balgy,  p.  U.  —  Œuvres  de  Nersès, 
Episl.  vu,  Resp.  ad  Eplsl.  Manuelis,  p.  --.'ol-^SS. 


552  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

prendre  quel  était  l'usage  condamné  dans  le  commentaire  de 
saint  Matthieu,  il  suffisait  de  se  rappeler  que  saint  Jean  Chry- 
sostome  devait  lui-même,  conformément  à  la  coutume  de  son 
Église,  mêler  un  peu  d'eau  avec  le  vin  du  saint  sacrifice,  soit 
en  souvenir  de  l'eau  qui  avait  découlé  du  côté  entr'ouvertde 
Jésus,  soit  comme  symbole  de  l'union  des  deux  natures  en  la 
personne  de  Jésus-Christ.  Il  est  vrai  de  dire  que,  si  l'usage  dont 
il  se  faisait  le  défenseur  était  quelque  peu  suspect,  Nersès  mon- 
trait beaucoup  de  droiture  et  de  modération;  son  esprit  restait 
ouvert  à  toute  lumière  nouvelle,  comme  son  cœur  à  la  charité. 
Au  sujet  de  cette  coutume  et  de  quelques  autres,  il  ne  cessait  de  ré- 
péter :  ceux  qui  agissent  autrement  que  nous  ont  peut-être  rai- 
son... Ce  qui  importe  le  plus,  ce  qui  doit  rendre  le  sacrifice 
agréable  à  Dieu,  c'est  la  droiture  de  l'esprit,  la  sainteté  du 
cœur. 

Après  avoir  promis  d'interdire  l'usage  du  vin  pur,  depuis 
assez  longtemps  introduit  dans  son  Église,  Nersès  expliqua  pour- 
quoi les  Arméniens  faisaient  suivre  le  Tn'sa(/iio)i  de  l'addition  : 
qui  as  été  crucifié;  cette  invocation,  dit-il,  ne  s'adresse  qu'au 
Fils.  Tout  convaincu  qu'il  fût  de  la  légitimité  de  cette  addition, 
il  consentit  à  la  modifier,  de  manière  à  faire  disparaître  toute 
ambiguïté.  Il  s'engagea  également  à  faire  préparer  le  saint 
chrême  avec  de  l'huile  d'olives.  Dans  l'Arménie  orientale 
où  la  rigueur  du  froid  empêchait  la  culture  de  l'olivier,  on  avait 
employé  l'huile  de  sésame,  et  peu  à  peu  cet  usage  avait  pénétré 
dans  toute  l'Arménie.  Nersès  promit  enfin  de  se  conformer  pour 
la  célébration  de  l'Annonciation,  de  la  Nativité,  de  la  Circonci- 
sion, de  l'Epiphanie,  de  la  Purification  et  des  autres  fêtes  de  la 
Sainte  Vierge,  de  S.  Jean-Baptiste  et  des  apôtres,  à  la  coutume  de 
l'Église  universelle  (1). 

Les  concessions  du  vénérable  catholicos  allèrent  même,  on  le 
voit,  au  delà  des  conditions  qui  étaient,  en  droit,  exigibles  pour 
l'union  des  Arméniens  avec  l'Église  universelle.  Bien  queTliéo- 


(1)  On  sait  que  les  Arméniens  Grég.  c(''lébrent  par  oxonipl(>  la  Nativ.  de  N.-S.  au 
(j  janvier  en  même  temps  que  son  Baptême  :  cette  coutume,  Nersès  en  convient, 
venait  d'un  préjug*' fort  répandu  en  Arménie;  on  s'imaginait  que  le  premier-né 
était  porté  un  peu  plus  de  neuf  mois  avant  de  paraîti-e  au  monde.  Sur  ces  diver- 
gences, voir  Galanus,  I,  392,  300;  Hist.,  Dugmcs  de  VÉfjlise  armén.,  p.  87-90  (trad. 
Dulaurier). 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L  ARMENIE.  .)o3 

rianos  fût  disposéù  laisser  aux  Arméniens  l'usage  du  pain  azyme 
dans  la  préparation  du  saint  sacrifice  (1),  il  n'en  confondait  pas 
moins  les  questions  disciplinaires  avec  les  questions  dogma- 
tiques. Combien  plus  large,  et,  à  ce  point  de  vue,  plus  avisé 
était  le  patriarche,  quand,  après  avoir  promis  d'assembler  le 
concile  arménien  dans  le  plus  bref  délai,  il  ajoutait  :  «  Ce 
n'est  pas  nous  qui  mettrons  obstacle  à  la  réussite  de  cette 
grave  affaire...  N'agissons  pas  dans  toute  la  rigueur  de  nos 
droits;  soyons  conciliants  en  tout  ce  qui  ne  viole  pas  la  foi,  car 
la  différence  des  rites  ne  détruit  point  l'unité  de  la  religion 
chrétienne.  » 

§  9.  Sentiments  de  iXersès  et  de  Théorianos  à  l'égard 
de  V Église  romaine  ;  concile  ajourné  par  la  mort  de  Nersès. 
—  Avec  plus  d'équité  encore,  Nersès  faisait  preuve  de  ce  sage 
libéralisme  à  l'égard  de  l'Église  latine.  Nous  savons  qu'il  recon- 
naissait la  primauté  du  pape,  cette  pierre  d'achoppement  de  tous 
les  hérésiarques  :  «  Nous  avons  appris,  écrivait-il  quelques  an- 
nées auparavant  à  Manuel  Cumnène,  que  le  saint  et  le  pre- 
mier de  tous  les  archevêques,  le  pontife  Romain,  successeur  de 
Pierre,  vous  a  envoyé  quelques-uns  de  ses  plus  sages  confidents 
pour  traiter  avec  vous  de  l'union  religieuse  (2).  » 

Dans  son  élégie  sur  la  prise  d'Édesse,  Nersès  après  une  apos- 
trophe à  Jérusalem  saluait  la  ville  des  papes  en  ces  termes  :  <•  Et 
toi,  Rome,  mère  des  cités,  auguste  et  vénérable,  trône  du  grand 
prince  des  apôtres...  0  église  immuable,  construite  sur  le  rocher 
de  Céphas,  qui  est  invincible  pour  l'enfer,  et  qui  ouvre  le  ciel 
scellé...  »  On  le  voit,  la  foi  de  l'illustre  catholicos  en  Tindéfectibi- 
lité  de  l'Église  romaine  découlait  de  sa  foi  en  la  primauté  de 
Pierre.  Dans  le  poème  qui  débute  par  ces  mots  :  Hisous  Ouorti, 
Jésus,  Fils  (de  Dieu),  et  qui  est  l'abrégé  de  l'Histoire  sainte,  il 
proclame,  en  effet,  que  Jésus  a  fait  de  son  principal  disciple 
Pierre,  l((  pierre,  le  rocher  immuable  de  la  foi;  expressions 
qui  se  retrouvent  dans  ses  hymnes  consacrées  à  saint  Pierre  et  à 
saint  Paul. 

Ainsi,  en  dépit  de  maints  souvenirs  irritants,  entretenus  de- 


(1)  Disput.  II,  Balgy,  p.  282. 

(2)  (ouvres  de  Nersès,  Epist.    1'':  liespons.  ad    P'"  Man.  Imper.  Epist.   (t.  1, 
p.  202). 


554  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

puis  Photiiis  ou  Cérulaire,  et  que  les  croisades  avaient  plutôt 
ravivés,  l'Orient  comptait  plusieurs  hommes  instruits  qui  ne 
rendaient  point  la  religion  des  Latins  solidaire  des  griefs  ou  des 
antipathies  des  Grecs  :  «  Le  philosophe  Théorianos  écrivait  à 
des  moines  de  sa  nationalité  :  «  Aimez  les  Latins  qui  sont  vos 
«  frères  dans  le  Christ;  car  ils  sont  orthodoxes  et  les  fils  de  l'É- 
«  glise  catholique  et  apost  »lique  comme  nous.  Quant  aux  débats 
«  qui  peuvent  s'élever,  ils  n'entament  point  l'unité  de  foi  (1).  » 
Les  discussions  de  Théorianos  avec  Nersès  firent  honneur  à 
Fun  et  à  l'autre.  Si  le  philosophe  grec  l'emporta  par  la  science 
et  la  rigueur  logique,  Nersès  le  surpassa  par  sa  modération,  sa 
largeur  d'esprit.  En  acceptant  avec  tant  de  droiture  et  de 
générosité  les  corrections  dont  on  lui  avait  montré  l'oppor- 
tunité, il  a  conquis  notre  plus  haute  estime  et  nos  plus  pro- 
fondes sympathies.  Rien  de  plus  touchant  que  la  conclusion 
de  ses  entretiens  avec  le  délégué  des  Grecs.  Il  désirerait,  dit- 
il,  à  l'exemple  de  saint  Paul,  subir  la  mort  afin  de  frayer  à 
ses  frères  le  chemin  du  salut  :  nobles  accents,  auxquels  on 
reconnaît  bien  le  pasteur  affligé  de  l'abandon  et  de  la  disper- 
sion de  ses  ouailles,  sans  cesse  occupé  de  leur  envoyer  rà  et 
là  des  missionnaires  pour  les  instruire,  les  consoler,  subvenii- 
à  leurs  besoins;  toujours  attentif  en  même  temps  à  tracer  leurs 
devoirs  à  tous  :  prêtres,  moines,  princes,  simples  fidèles.  Cette 
fois,  il  se  proposait  de  réunir  en  concile  les  évêques  arméniens, 
de  discuter  avec  eux  les  conditions  de  l'union  et  de  les  amener 
peu  à  peu  à  désavouer  ce  qui,  dans  leur  doctrine  ou  leur-s 
usages,  pouvait  être  équivoque  ou  incorrect.  Il  espérait  leur 
faire  admettre  explicitement  le  dogme  des  deux  natures,  en 
leur.opposant  surtout  le  langage  décisif,  selon  lui,  du  patriarche 
.Jean  le  philosophe  qui  avait  vécu,  dit-il,  deux  cents  ans  plus 
tôt.  —  Quel  est  ce  personnage?  Ce  ne  peut  être,  semble-t-il,  le 
patriarche  Jean  Mantagouni,  qui  vivait  au  vi'  siècle.  Serait-ce, 
comme  la  plupart  le  pensent,   le  patriarche    Jean  Odznetsi 


(1)  Cité  dans  Balgy,  p.  33.  «  Diligite  Latinos,  qui  vestri  in  Christo  fratres  sunt  : 
orthocloxi  enim  sunt,  et  catholicas,  atque  apostolicœ  Ecclesia?  filii,  sicuti  et  nos. 
Etenim  si  qu*  exsurgunt,  ut  fieri  solet,  qucstiones,  hie  fidem  non  lœdunt.  »  — 
Dans  Migne,  P.  G.,  t.  XCIX,  pp.  1719-17~*0,  epistola  ad  moniicolas  sacerdotes.  — 
Voir  aussi  Migne,  t.  CXXXIII,p.  297,  n.  43,  en  note;  Nilles,  Kalendarium  maniialc 
uLriusque  Ecclesisp.,  t.  Il  (Œniponte,  1887),  p.  225. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    L  ARMENIE.  .JOO 

(717-728),  dont  nous  avons  discuté  ailleurs  la  problématique 
orthodoxie  (chap.  II,  art.  x,  %\).  En  ce  cas,  il  se  pourrait  que 
Jean  Odznetsi  ait  eu  une  double  doctrine  :  l'une  extérieure, 
professée  sous  le  regard  des  khalifes  Omayades  et  s'accom- 
modant  par  sa  réserve  extrême  aux  circonstances  de  temps  et 
de  lieu;  l'autre,  secrète,  plus  sincère,  plus  logique,  confiée  à  un 
cercle  intime  de  disciples. 

Nersès  croyait  à  la  bonne  foi  de  ses  subordonnés;  c'.est 
l'ignorance,  disait-il,  non  la  malice,  qui  les  retient  dans  l'iso- 
lement. On  pouvait  espérer  que  ces  ténèbres  se  dissiperaient 
peu  à  peu  devant  sa  science  et  surtout  sa  charité.  ^lalheureu- 
sement,  tandis  que  le  i<jrmalisme  mesquin  et  le  ton  hautain 
de  quelques  Grecs,  surtout  du  patriarche  Michel  III  Anchialos 
(1169-1177),  réveillaient  les  défiances  des  Arméniens,  lecatholi- 
cos  devait  laisser  inachevée  son  entreprise.  Il  venait  d'inviter  le 
patriarche  d'Albanie,  Etienne,  les  évoques  et  les  abbés  armé- 
niens, à  un  synode  général;  il  avait  commencé  à  les  mettre 
en  garde  contre  les  attaques  des  adversaires  de  l'union,  quand 
la  mort  Tarrêta.  Bientôt  après,  l'Église  arménienne,  ratifiant 
le  surnom  de  saint  que  lui  avait  décerné  Théorianos,  le  mit  sur 
ses  autels  (I). 


Grégoire  IV  Dc.iiA  (1173-1193).    Synode  de  Hromgla. 

§  10.  Grégoire  et  les  Syriens;  ses  efforts  pour  gayner  les 
opposants;  synode  arméaien  de  Hromgla;  nouvelles  équivo- 
ques. —  La  cause,  qui  échappait  des  mains  défaillantes  de 
Nersès,  fut  reprise  par  un  successeur  formé  par  ses  leçons  et 
animé  du  même  esprit  catholique.  Grégoire  IV  Dgha  (l'Enfaijt) 
était  fils  de  Vasil,  frère  de  Nersès  le  Gracieux.  On  sait  que 
cette  transmission  du  catholicat  d'oncle  à  neveu  fut  trop  sou- 
vent en  usage  chez  les  Arméniens.  Si  on  ne  peut  l'approuver, 
on  doit  convenir  que,  vers  cette  époque  surtout,  le  patriarcat 


(I)  Voir  Assemani,  Bibl.  or.,  II,  3G4.  Nersès  mourut  à  Hromgla,  le  13  août  1173. 
Le  Quieii  se  trompe  cloue  en  disant  qu'il  transporta  en  1171  son  siège  à  Sis  [Onens 
Christ.,  I,  1400).  Le  ménologe  arménien  fait  mention  de  saint  Nersès  au  5  août 
et  au  13  juin;  voir  Nilles,  II,  598.  Vie  des  Saints  Arméniens,  t.  V,  p.  330  et  suiv. 


556  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

fut  rarement  confié  à  des  indignes.  Michel  le  Syrien  dit  de 
Grégoire  Dgha  qu'il  était  aussi  saint  que  savant. 

Si  préoccupé  qu'il  fût  de  réaliser  le  projet  de  son  prédéces- 
seur et  de  faire  sortir  son  Église  de  Tisolement  où  la  laissait 
son  opposition  au  concile  de  Chalcédoine,  Grég-oire  envoya 
pourtant,  dès  son  entrée  en  charge,  sa  profession  de  foi  avec 
le  pacte  d'union,  ;iu  patriarche  monophysite  Michel  (1166-1 199). 
Celui-ci  en  fut  d'autant  plus  flatté  que  Grégoire  III  s'étnit 
sensiblement  éloigné  du  patriarche  syrien.  L'ancien  catholicos 
arménien  avait  reproché  aux  Syriens  de  faire  le  signe  de  la  croix 
avec  un  seul  doigt,  de  bénir  et  consommer  le  vin,  le  miel  ou 
l'huile  dans  lesquels  était  tombée  une  souris  :  griefs  assez  futiles, 
sans  doute,  mais  sous  lesquels  se  cachait  probablement  une 
désapprobation  du  monophysisme  et  la  résolution  de  rompre 
avec  une  Église  schismatique.  Nersès  lui-même  avait  gardé  à 
l'égard  de  Michel  une  assez  grande  réser^'e  :  il  avait  subi,  plutH 
qu'il  ne  l'avait  sollicité,  son  concours  assez  importun  dans  les 
pourparlers  avec  les  Grecs. 

Tout  charmé  qu'il  fût  du  rétablissement  des  bons  rapports 
avec  le  catholicos,  Michel  avait  trop  le  sentiment  de  sa  préten- 
due supériorité  pour  ne  point  adresser  à  Grégoire  des  conseils 
d'un  ton  quelque  peu  prolecteur.  Il  ne  blâmait  plus,  il  est 
vrai,  l'usage  du  pain  azyme  comme  une  coutume  judaïque: 
mais  il  reprochait  à  Grégoire  Dgha  de  n'avoir  point  laissé 
consacrer  Grégoire  Abirad.  élu  avant  lui;  et  il  l'avertissait  de 
faire  disparaître  de  l'Église  arménienne  le  seul  grave  abus 
qui  la  souillait,  disait-il,  la  perception  d'argent  pour  cause 
d'ordination. 

En  se  rapprochant  de  Michel,  dont  il  n'approuvait  pas  les 
tendances  schisinaUques,  Grégoire  obéissait  à  l'impulsion  de 
son  esprit  naturellement  conciliant.  Peut-être  aussi  voulait-il, 
en  vue  de  la  grande  union  religieuse  projetée,  ménager  les 
susceptibilités  d'une  partie  de  son  clergé  et  de  son  troupeau. 
De  tous  les  côtés,  en  effet,  allaient  renaître  les  difficultés  que 
le  talent  et  le  tact  de  Nersès  avaient  aplanies.  La  plupart  des 
conseillers  de  Grégoire  rejetaient  les  conditions  d'union  im- 
posées par  les  Grecs.  Le  catholicos  écrivit  à  ce  sujet  à  l'em- 
pereur (II75)  et  lui  envoya  son  ancien  maître  Constantin  pour 
établir  un  accord  sur  de  nouvelles  bases.  L'empereur  était  alors 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'ARMÉXIE.  557 

aux  prises  avec  le  sultan  d'Ikonium.  Dès  qu'il  fut  libre,  il  fit 
une  réponse  encourageante  (janvier  1177).  Il  loue  la  profes- 
sion de  foi  du  catliolicos.  Au  reste,  il  a  été  heureux,  dit-il, 
de  découvrir  que  les  Arméniens,  par  le  terme  de  pnouthioun 
(fAinipfit.'ij),  entendent  la  personne.  lia  l'air  de  ne  point  remar- 
quer Textrème  répugnance  de  la  plupart  d'entre  eux  à  exprimer 
l'hypostase  par  le  mot  Antzn,  qui  lui  répondrait  mieux;  il 
ajoute  qu'il  a,  d'ailleurs,  rencontré  dans  les  livres  liturgiques 
arméniens  la  doctrine  des  deux  natures.  Il  engage  enfin 
Grégoire  à  f;iire  adopter  dans  un  synode  la  résolution  d'un 
accord.  Plus  tard,  un  concile  qu'il  vaudrait  voir  réuni  à  Cons- 
tantinople,  complétera  et  sanctionnera  la  réunion.  Une  lettre 
du  patriarche  grec  Anchialos,  à  laquelle  avaient  souscrit  une 
vingtaine  de  membres  de  son  Église  réunis  en  synode,  faisait 
maintes  allusions  élogieuses  aux  écrits  de  Nersès  et  restrei- 
gnait les  conditions  d'une  entente  à  l'acceptation  de  la  formule 
d'une  double  nature  en  Jésus-Christ. 

Grégoire  convoqua  en  synode  les  membres  de  son  Eglise 
les  moins  éloignés  de  Hnuugla,  Mais  aussitôt,  les  abbés  de  quel- 
ques couvents  phicés  sur  la  rive  gauche  de  l'Araxe  protestèrent. 
A  quelle  fin  réunir  un  synode"?  leur  Église  n'était-elle  pas  irré- 
prochable? Voulait-on  délaisser  les  saines  doctrines  pour  se 
rallier  au  nestorianisme  cfe  Byzance  (1)?  Soumis  à  une  domi- 
nation étrangère  et  musulmane,  ces  dissidents  entravaient 
ainsi,  sans  risques  ni  périls  pour  eux,  la  réunion  en  un  seul 
corps  des  membres  épars  de  la  chrétienté.  A  les  entendre,  l'E- 
glise arménienne  ne  pouvait  prendre  aucune  décision  valable, 
sans  leur  assentiment.  Le  prudent  catholicos  essaya  de  les 
gagner  par  la  persuasion  :  Je  n'ai  entendu  dire  à  aucun  saint, 
leur  répondit-il,  que  le  même  Christ  ne  soit  pas  venu  pour  les 
Arméniens,  les  Grecs  et  les  Francs,  ou  qu'il  leur  ait  fait  un 
commandement  de  se  haïr...  Il  s'étonne  qu'on  regarde  les 
Grecs  comme  des  Nestoriens;  ce  sont  des  frères,  les  membres 
d'un  même  corps,  soumis  à  une  même  tête,  qui  les  invitent  à 
se  réconcilier  avec  eux,  comme  aux  temps  de  Grégoire  l'Illu- 
minateur,  de  Nersès  et  d'Isaak.  La  lettre  se  termine  par  l'appel 


(1)  Voir  Lettres  iHibli('"os  àEtschmiadziu,  186.1.  p.   131,  citées  par  Ter  Mik(''liaii 
(p.  101). 


558  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

le  plus  affectueux  :  Les  moines  auxquels  il  s'adresse  sont  ses 
yeux,  ses  mains,  sa  voix;  qu'ils  viennent  au  secours  de  leur 
chef  et  l'aident  ainsi  à  réaliser  l'accord  sollicité  par  les  Francs, 
les  Grecs,  les  Syriens  e1  les  Nestoriens  (1).  Ne  faut-il  pas  qu'il 
n'y  ait  qu'un  Seigneur,  un  baptême,  une  Église? 

Tout  autre  fut  le  ton  de  la  réplique  de  Grégoire  au  moine 
Touteôrdi,  l'un  des  plus  violents  adversaires  de  l'union.  Tou- 
teôrdi  ne  donne  pas  des  conseils,  mais  des  ordres;  il  ne  se  con- 
tente pas  d'injurier,  il  menace  de  mort  ceux  qui  ne  l'approu- 
vent pas.  Tandis  qu'il  reproche  aux  Chalcédoniens  de  renier  hi 
nature  divine,  ne  tombe-t-il  pas  dans  l'excès  opposé  en  reniant  la 
nature  humaine  du  Christ?  Mais  ici,lecatholicos,  au  lieu  de  s'en 
tenir  aux  dernières  explications  de  Nersès,  acceptées  de  tous  le 
catholiques,  se  contente  d'affirmer  que  le  Christ  est  Dieu  et 
homme,  une  nature  du  ]'ej'be  incarné  :  Grégoire  se  croyail 
obligé  de  louvoyer  pour  n'être  pas  désavoué  par  un  parti  dont 
il  redoutait  la  turbulence. 

Le  synode  national  convoqui'  par  Grégoire  se  tint  à  Hromgla 
(1179).  Il  réunit  33  membres,  dont  les  principaux  étaient  Etienne, 
catholicos  d'Albanie,  les  évêques  d'Antioche,  de  Jérusalem,  de 
Tiflis,  de  Césarée  en  Cappadoce,  de  Mélitène,  de  Séleucie,  de 
Samosate,  d'Anarzabe,  de  Tarse,  de  Mopsueste,  de  Chypre, 
d'Aschsmousat,  de  Nerperkert,  de  Sébaste,  de  Néocésarée,  de 
Cucuse,  d'Apaméeen  Syrie  et  de  Laodicée.  Les  Pères  armf'nieiis 
acclamèrent  la  profession  de  foi  rédigée  par  Nersès;  mais  ils 
se  bornèrent  à  la  déclarer  conforme  aux  trois  premiers  conciles 
généraux,  et  à  condamner  les  héréliques  Arius,  Macédonius, 
Paul  de  Samosate,  Nestorius  et  Eutycliès.  Leur  silence  au  sujet 
du  concile  de  Chalcédoine,  leur  obstination  à  maintenir  que, 
dans  le  Christ,  à  la  fois  Dieu  et  homme,  il  y  avait  une  nature 
après  l'union,  une  volonté,  etc..  Ce  langage  imprécis  et  équi- 
voque montrait  bien  qu'un  nationalisme  assez  étroit  prévalait 
dans  l'assemblée  (2).  Cependant,, on  parla  en  termes  très  res- 
pectueux de  la  profession  de  foi  des  Grecs  ;  les  évêques  armé- 


(1)  Recueil  de  letb-cs  déjà  cité,  p.  'lo3-157;  Mikôlian,  p.  lGU-101.  Un  autre  Re- 
cueil Ao  lettres  publié  à  \"enise,  18G5  (|)p.5-52),  contient  la  réponse  à  Touti^ùrdi. 

(2)  Recueil  cité,  p.  ^ô^  ;  Milcélian,  p.  104.  Plusieurs  historiens  ont  confondu  ce 
synode  national  avec  le  concile  arméno-grec  d(^  Tai'se,  que]\Iikélian,  p.  209,  place 
en  1I9C. 


HISTOIRE    POLITIQUE    ET    RELIGIEUSE    DE    l'aRMÉNIE.  559 

iiiens  envoyèrent  à  ces  derniers  une  copie  de  la  profession  de 
foi  deNersès,  qui  avait  été  uni\'ersellement  acclamée  ;  une  lettre 
l'accompagnait;  elle  ne  parlait  d'aucune  concession,  mais  rap- 
pelait que  la  croyance  en  un  Christ,  en  une  foi,  en  un  baptême, 
impose  aux  chrétiens  l'obligation  de  s'entr'aimer. 

Cette  dernière  lettre  fut  remise  au  synode  grec;  car  Manuel 
venait  de  mourir  (1180).  Gréi^-oire  IV,  privé  du  concours  de  ce 
zélé  promoteur  de  l'union,  vit  s'évanouir  pour  le  moment  l'espoir 
d'une  réconciliation  prochaine  avec  les  Grecs. 

{A  suicre.) 

Fr.    TOURNEBIZE. 


YIE 

DE 


SAINTE  MARINE 

{Suite)  (1) 


INTRODUCTION    (2) 

I.  —  Vie  de  sainte  Marine. 

L'histoire  de  sainte  Marine  peut  se  résumer  en  quelques 
lignes. 

Un  homme,  devenu  veuf,  se  retira  dans  un  monastère  et  y 
fit  accueillir  également  sa  fille,  une  jeune  enl'ant  qu'il  ne  vou- 
lait pas  abandonner  et  dont  il  avait  dissimulé  le  sexe  sous  des 
habits  masculins.  Après  sa  mort,  l'enfant  resta  dans  le  monas- 
tère et  y  grandit,  tout  en  faisant  l'édification  des  religieux  par 
sa  conduite  exemplaire. 

Mais,  un  jour,  la  fille  d'un  habitant  du  voisinage  ayant  eu 
des  rapports  coupables  avec  un  étranger,  pi'étendit,  lorsqu'il 
lui  fut  impossible  de  dissimuler  sa  faute,  que  c'était  le  jeune 
moine  qui  lui  avait   fait  violence.  Plutôt  que  de  révéler  son 

(1)  Voy.  vol.  VI,  1001,  p.  -,'S3,  357,  572;  vol.  VII,  1902,  p.  13(i,  240,  478.  Cl?: 
vol.  VIII.  1903.  p.  288.  OU;  vol.  IX.  1904,  p.  240,  409. 

(2)  C'est  M.  l'abbé  Nau,  professeur  à  l'Institut  catholique  de  Paris,  qui,  par 
un  travail  sur  sainte  Marine,  ins(M-é  dans  la  Revue  de  l'Orient  rhrélien  (vol.  VI. 
I90I,  p.  270-290),  m'a  suggi-ré  la  pensée  de  faire  paraître  dans  cette  même  re- 
vue tous  les  documents  relatifs  à  la  sainte  en  question.  C'est  à  lui,  en  outre, 
que  je  dois  la  connaissance  de  plusieurs  des  textes  donnés  sous  mon  nom.  Je 
tiens  à  l'en  remercier  ici,  comme  je  remercie  également  les  autres  savants  qui 
ont  bien  a'ouIu,  sur  ma  demande,  concourir  à  cette  publication. 

Trouvés  à- des  époques  différentes  et  devant  pour  la  plupart  être  imprimés 
dans  une  publication  périodique,  ces  différents  textes  n'ont  pu  être  classés  dans 
un  ordre  méthodique,  comme  cela  eût  été  convenable.  Le  lecteur  voudra  l)ien, 
je  l'espère,  regarder  avec  indulgence  une  irrégularité  (lue  je  suis  le  premier  à 
regretter. 

D'un  autre  côté,  on  ne  devra  pas  s'étonner  si  je  n'ai  essayé  d"étal)lir  la  lilia- 


VIE    DE    SAINTE    MARIXi:.  ."361 

sexe,  Marine  prêtera  ne  pas  repousser  Tacciisation  et  fut,  en 
conséquence,  soumise  à  une  pénitence  des  plus  rigoureuses,  au 
cours  de  laquelle  elle  fut  un  modèle  de  patience  et  d'humilité. 

Lorsqu'elle  mourut,  les  moines  chargés  de  l'ensevelir  recon- 
nurent son  sexe.  Aussitôt,  le  mépris  qu'on  lui  avait  témoigné 
se  changea  en  admiration  et,  dès  lors,  elle  devint  l'objet  d'une 
grande  vénération,  non  seulement  pour  les  religieux  du  mo- 
nastère, mais  encore  pour  toute  la  population  de  la  contrée. 

Marine  ne  serait  pas  la  seule  femme  qui  ait  vécu  sous  des 
habits  d'homme  dans  un  couvent  de  religieux  et  elle  ne  serait 
pas  la  seule,  non  plus,  qui  ait  eu  à  élever  un  enfant  supposé 
être  le  sien.  Cette  répétition  de  circonstances  presque  identiques 
dans  plusieurs  Vies  de  saintes  a  jeté  un  certain  discrédit  sur 
celle  de  sainte  Marine,  que  certains  ont  prétendu  être  une  pure 
invention.  .Je  ne  crois  nullement  qu'il  faille  se  ranger  à  cette 
opinion.  Tout  d'abord,  il  n'}^  aurait  rien  d'étonnant  à  ce  que 
dans  ces  temps  primitifs,  où  les  monastères  de  religieuses 
n'existaient  pas  encore  ou,  du  moins,  étaient  fort  rares,  certai- 
nes femmes,  désirant  fuir  le  monde,  aient  usé  du  même  moyen, 
c'est-à-dire  aient  déguisé  leur  sexe  sous  des  vêtements  d'homme, 
afin  de  se  faire  admettre  dans  des  couvents  de  moines  (1).  La 
chose  était  d'autant  plus  facile  qu'à  l'intérieur  des  vastes  encein- 
tes des  anciens  monastères  de  l'Orient,  les  cellules  des  moines 
n'étaient  par  contiguës,de  sorte  que  ceux-ci  vivaient  presque  au- 
tant en  anachorètes  qu'en  cénobites.  La  présence  d'une  femme 
pouvait  donc  y  passer  inaperçue.  Il  est  vrai  que  le  côté  force- 
ment assez  romanesque  d'une  pareille  existence,  rendue  plus 
étrange  encore,  pour  ce  qui  concerne  Marine,  par  la  nécessité 
où  elle  fut  d'élever  un  enfant  dont  on  l'accusait  d'être  le  père, 
devait  plaire  à  l'imagination  des  anciens  hagiographes,  tou- 
jours en  quête  d'extraordinaire  pour  l'intercaler  dans  les  Vies 
de  telles  ou  telles  de  leurs  héroïnes,  qui  se  prêtaient  à  la  chose, 


tion  ni  des  manuscrits  qui  contiennent  les  textes  latins  ni  do  c(Hix  qui  contien- 
nent les  textes  grecs.  Pour  le  faire,  il  eût  l'allu  avoir  tous  ces  textes  sous  l(>s 
yeux.  Or,  comme  on  le  verra  par  la  liste  donnée  plus  loin,  il  en  est  un  grand 
nombre  dont  je  n'ai  pas  la  copie  entre  les  mains,  et,  de  plus,  il  en  est  certaine- 
ment beaucoup  d'autres  dont  j'ignore  même  l'existence. 

(D  On  trouve  la  liste  de  celles  d'entre  ces  femmes  qui  sont  connues  dans  .4'/. 
Snnct.,  janvier  I.  Anvers,  1G13.  p.  2.58. 


562  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

par  exemple,  dans  celle  de  sainte  Théodora  (1).  Mais,  tandis  que, 
en  lisant  ces  Vies  et  particulièrement  celle  de  cette  dernière 
sainte,  on  ne  peut  éviter  cette  impression  qu'on  se  trouve  en 
face  d'additions  qui  dénaturent  des  textes  primitivement  plus 
simples,  on  n'éprouve  pas  un  sentiment  semblable  en  parcou- 
rant l'histoire  de  Marine.  En  fait,  on  sent  que  ces  traits,  qui, 
ailleurs,  paraissent  être  des  interpolations  répréliensibles,  sont 
les  seuls  qui  constituent  la  véritable  histoire  de  notre  sainte. 
Les  supprimer  reviendrait  à  la  supprimer  elle-même.  Il  est 
possible  qu'on  ait  voulu  rehausser  la  gloire  d'une  sainte  Théo- 
dora en  lui  prêtant  un  genre  de  vie  en  partie  modelé  sur  celui 
de  sainte  Marine,  mais  on  ne  voit  rien  dans  la  biographie  de 
cette  dernière  qui  ait  dû  être  tiré  d'ailleurs. 

La  biographie  de  sainte  Marine  se  trouve  dans  des  manus- 
crits latins,  grecs,  syriaques,  coptes,  arabes  et  éthiopiens  (2). 
Or,  il  suffit  de  parcourir  rapidement  ces  différents  textes  pour 
reconnaître  immédiatement  que  le  plus  simple,  le  plus  dépourvu 
d'amplification  et,  par  conséquent,  le  plus  conforme  à  la  rédac- 
tion primitive,  est  le  texte  latin  (3).  Et,  cependant,  celui-ci  con- 
tient déjà  divers  détails  qui  sont  dus  uniquement  à  l'imagina- 
tion de  l'auteur  qui  l'a  composé.  Ainsi ,  tandis  qu'il  nous  apprend 
que  le  sexe  de  Marine  ne  fut  jamais  révélé  ni  par  elle-même  ni 
par  son  père,  il  n'hésite  pas  à  rapporter  les  paroles  par  lesquelles 
celui-ci  aurait  invité  sa  fille  et  celle-là  se  serait  engagée  à  con- 


(1)  '<  Actaojus  fabulosa  ■>,  disent  les  Bollandistos  en  parlant  de  l'histoire  dv 
cotte  sainte  {Act.  SaiicL,  Septembre  III,  Anvers.  1750,  p.  788). 

(2)  Ces  anciens  textes,  les  abrégés  qu'on  en  trouve  dans  les  vieux  légendaires 
Irahçais,  allemands,  anglais,  espagnols,  provençaux,  etc.,  et  enfin  les  diverses 
poésies  composées  dans  les  siècles  jiassés  en  l'honneur  de  Marine,  prouvent  com- 
bien cette  sainte,  inconnue  aujourd'hui  en  Europe,  sauf  à  Venise,  était  estimée 
et  vénérée  dans  les  temps  où  les  chrétiens  avaient  l'habitude  de  lire  les  Mrs  de 
sainls. 

(o)  .le  veux  parler,  bien  entendu,  du  texte  latin  ancien,  c'est-à-dire  de  celui 
qui  a  été  inséré  par  Roswej'de  dans  son  recueil  De  vila  el  verbis  senioram,  et  non 
de  celui  que  Lipomani  a  donné  dans  son  ouvrage  De  vilis  sanctorum.  Ce  dernier, 
plus  moderne,  est  une  traduction  du  grec  métaphrastique.  II  faut  écarter  aussi 
les  recensions,  qui,  tout  en  reproduisant  l'ancienne,  l'ont  amplifiée  d'une  façon 
parfois  assez  plaisante,  telles  que  celle  du  ms.  Mm.  VI.  4  de  Cambridge. 
C'est  du  texte  ancien,  publié  par  Ros\^  eyde,  que  Le  Nain  de  Tillemont  disait  : 
«  Le  style  en  est  simple  et  grave,  et  il  n'y  a  aucune  circonstance  qui  en  affai- 
blisse la  vérité  »  [Mém.  pour  servir  à  l'Iiist.  ecclés.  des  six  premiers  siècles,  Paris, 
1701-171-2,  vol.  XVI,  p.  107). 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  563 

server  inviolablement  son  secret.  Cet  exemple  suffit  pour 
prouver  que  nous  ne  possédons  pas,  dans  la  plus  ancienne  iv- 
daction  connue,  une  histoire  originale  de  Marine. 

Après  cette  version  latine,  les  deux  plus  anciennes  sont  la 
grecque  et  la  syriaque.  Quant  aux  textes  copte,  arabe  et  éthio- 
pien, ils  dérivent  du  texte  grec  métaphrastique,  cela  n'est  pas 
douteux. 

Le  récit  contenu  dans  la  version  latine,  le  plus  ancien,  ainsi 
que  je  l'ai  dit,  donne  lieu  aux  remarques  suivantes  : 

Tout  d'abord,  on  y  voit  que  notre  sainte  porte  le  nom  de 
Marine  {Marina),  dont  la  forme  masculine  est  Marin  {Marinus). 
Or,  elle  est  appelée  Marie  en  grec  Çsly.ç,'.y.)  et  en  syriaque  (i-po), 
taudis  que  son  nom  masculin  est  Marines  (Mapïvoç)  dans  la 
première  de  ces  langues,  et  lAIarînà  (M-po)  dans  la  seconde.  Il 
semble  donc  fort  probable  que  c'est  le  nom  Marina,  dont  la  ter- 
minaison est  féminine  pour  l'oreille  d'un  Occidental,  qui  aura 
été  pris  par  l'auteur  de  la  version  latine  pour  le  nom  féminin 
de  la  sainte  moniale.  Dans  ce  cas,  il  faudrait  admettre  que 
cette  version  latine  a  été  écrite  ou  d'après  un  texte  syriaque 
primitif  (1)  que  nous  ne  connaissons  pas,  ou  d'après  un  texte 
grec  original,  également  inconnu,  dont  l'auteur  a  été  le  pre- 
mier à  prendre  ce  mot  Marina  pour  un  nom  féminin.  Il  est 
difficile  de  choisir  entre  ces  deux  hypothèses.  Ce  qui  inviterait 
à  adopter  la  seconde,  c'est  que  le  mot  Marina  n'est  pas  d'origine 
syriaque  (2),  alors  que  Map-va  est  le  nom  porté  au  moins  par 
une  autre  sainte  cliez  les  Grecs  et  que  son  correspondant  mas- 
culin n'est  pas  rare  en  latin  et  en  italien  (Marinus,  Marino). 
Mais,  si  notre  sainte  était  appelée  Mapîva  dans  un  texte  grec 
disparu,  comment  expliquer  que  dans  le  texte  métaphrastique 
qui  lui  a  été  substitué,  elle  soit  nommée  Mxpîa?  En  somme,  la 
la  question  est  insoluble  pour  le  moment.  Tout  ce  qu'on  peut 


Cl)  Si  cette  supposition  était  juste,  ou  couiprendrait,  sans  doute,  pourquoi  le 
traducteur  latin,  ne  reconnaissant  pas  dans  la  transcription  syriaque  le  mot 
iirec  uavSoyeû;,  hôtelier,  en  a  fait  le  nom  propre  Pandocius. 

(2)  M.  Blochet  a  écrit  que  marina  signitie  en  syriaque  noire  maître.  Mais 
31.  Guidi  m'a  envoyé  à  ce  sujet  la  note  suivante  :  «  En  syriaque  notre  maître 
ne  se  dit  pas  marina,  mais  màran.  Il  est  à  supposer  que  l'origine  géographique 
de  la  légende  pourra  éclairer  l'origine  du  nom  de  la  sainte.  »  Selon  moi  Marina 
serait  simplement  la  transcription  avec  une  terminaison  syriaque^  du  grec 
Mapîvo;. 


564  REVUE  DE  l'orient  chrétiex. 

conclure  des  faits  et  des  textes  connus,  c'est  ceci  :  P  bien  que 
tous  les  manuscrits  syriaques  disent  que  le  nom  féminin  de 
cette  sainte  était  Marie,  les  Maronites  Font  toujours  honorée 
jusqu'à  ce  jour  sous  le  nom  de  Marina;  -2"  les  Grecs  également, 
quoique  dans  leurs  livres  liturgiques  et  hagiographiques  elle 
soit  toujours  appelée  Marie,  lui  ont  dédié  des  églises  sous  le 
vocable  de  Haghia  Marina;  3°  Les  Latins,  soit  en  écrivant  sa 
vie,  soit  en  l'invoquant  dans  les  églises  bâties  en  son  honneur, 
ne  l'ont  jamais  appelée  autrement  que  Marina,  nom  qui  avec  des 
terminaisons  diverses  a  été  adopté  par  les  Français,  les  Alle- 
mands, les  Italiens,  etc. 

Aussi,  bien  que  j'essaye  de  persuader  le  lecteur  et  de  me  per- 
suader moi-même  que  notre  sainte  s'appelait  Marie,  je  ne  serais 
pas  éloigné  de  croire  qu'il  faut  demander  son  véritable  nom  aux 
fidèles  d'Orient  et  d'Occident,  chez  qui  son  culte  est  établi  de- 
puis si  longtemps,  plutôt  qu'aux  hagiographes  qui  ont  écrit  sa 
biographie.  A  s'en  rapporter  aux  premiers,  son  nom  serait  bien 
Marine,  Marina,  tandis  que  celui  de  Marie  lui  aurait  été  donné 
de  très  bonne.heure  parjl'auteur  de  sa  Vie  grecque  métaphras- 
tique,  pour  un  motif  qu'on  ne  peut  déterminer,  peut-être  pour 
la  distinguer  de  son  homonyme,  martyrisée  à  Antioche,  dont  il 
sera  question  plus  loin.  Et  naturellement  on  aurait  continué  à 
l'appeler  ainsi  dans  toutes  les  versions,  qui  ne  sont  que  des  tra- 
ductions et  des  remaniements  de  cette  Vie  grecque,  ainsi  que 
dans  le  calendrier  de  l'Église  grecque,  rédigé  postérieurement 
à  celle-ci. 

Si  le  nom  de  Marine  peut  ainsi  être  l'objet  d'une  sérieuse  dis- 
cussion, il  n'en  est  pas  de  même  de  ceux  de  ses  parents.  En 
effet,  dans  la  version  latine  ils  ne  sont  point  mentionnés.  C'est 
l'auteur  de  la  version  grecque  attribuée  au  métaphraste  qui  a 
inventé  pour  son  père  le  nom  d'Eugène,  Eùvsvi:;.  ou  plutôt,  ce 
sont  certains  copistes  (jui  ont  dû  transformer  les  mots  -^v  ->.: 
y.Tr,p  £>;3vr;;  de  certains  manuscrits  en  -^v  7-,;  'y.yr,p  i-tz'^.oL-i  Ejy£- 
vtc;  (1).  Il  est  à  peine  nécessaire  d'ajouter  que  les  noms  d'Eu- 
phimianos,  de  Hermas,  d'Abraham  donnés  au  père,  et  celui  de 


(1)  Cet  Eugène  est  mentionné  dans  les  synaxaircs  des  Éthiopiens  au  nombre 
des  saints  dont  il  est  fait  mémoire  chez  ce  peuple,  dans  le  courant  du  mois  de 
'lledàr  (Voy.  le  Ms.  éthiopien  1-26  do  la  Bibliotlièquo nationale,  T  1U3''). 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  5G5 

Badura  (Tadura?)  donné  à  la  mère  sont  de  création  plus 
tardive  encore. 

Quant  à  l'époque  où  vivait  sainte  Marine,  on  ne  peut  la  déter- 
miner que  d'une  façon  très  hypothétique,  car  pas  le  moindre 
détail  historique  dans  le  récit  de  sa  vie  ne  nous  aide  à  la  préciser 
avec  exactitude.  Si  nous  considérons,  d'une  part,  que  de  son 
temps  la  discipline  monastique  était  depuis  longtemps  solide- 
ment établie  et  que,  d'un  autre  côté,  en  778  (1),  son  histoire 
présentait  déjà  beaucoup  de  détails  légendaires,  on  peut,  je 
crois,  en  attendant  des  preuves  plus  formelles,  admettre,  ainsi 
que  Ta  fait  l'abbé  Nau,  qu'elle  vécut  au  v*^  siècle. 

Nous  ne  sommes  pas  renseignés  davantage  sur  la  région  où 
Marine  est  née.  Cette  lacune  dans  l'histoire  la  plus  ancienne  de 
sa  vie  a  été  comblée  postérieurement  par  les  traducteurs  et  les 
copistes,  suivant  la  fantaisie  de  chacun.  Voilà  pourquoi  les 
différentes  versions  la  font  vivre  en  Bitlnnie,  à  Alexandrie, 
dans  le  désert  de  Scété,  dans  la  Thrace  ou  «  Romaigne  »,  enfin, 
en  Italie,  à  Ardée,  etc.  (2).  La  multiplicité  de  ces  lieux  d'o- 
rigine les  condamne  tous,  et  l'on  doit,  à  mon  avis,  jusqu'à 
preuve  du  contraire,  s'en  tenir  à  ce  que  nous  apprend  la  tra- 
dition. Or,  la  tradition  n'existe  à  cet  égard  que  chez  les  Maro- 
nites du  Liban.  Ces  derniers  croient  fermement  que  le  monas- 
tère où  Marine  a  vécu  et  est  morte  est  celui  de  Kanoubine, 
situé  dans  l'oïdi  Kadicha,  au  sud-est  de  Tripoli  (:|).  De  plus,  le 

(1)  Date  du  manuscrit  syriaque  do  Sinaï. 

(2)  Quand  un  copiste  reproduisait  la  Vie  d'un  saint,  dans  laquelle  n'était  pas 
mentionnée  la  région  d'où  celui-ci  était  originaire  (et  même  souvent  aussi  lors- 
que cette  mention  y  était  faite),  il  trouvait  tout  naturel  de  lui  attribuer  pour  pa- 
trie la  contrée  qu'il  habitait  lui-même  ou  toute  autre  qui  lui  paraissait  cadrer 
plus  convenablement  avec  l'histoire  du  personnage.  Voilà  pourquoi  la  version 
grecque  métaphrastique  lait  vivre  Marine  en  Bithynie,  la  version  copte,  en 
Egypte,  la  version  latine,  dans  quelques  manuscrits,  en  Italie,  tandis  qu'un  ma- 
nuscrit grec,  conservé  et  sans  doute  écrit  à  Jérusalem,  dit  que  le  corps  de  la 
sainte  fut  transporté  dans  cette  ville.  On  lit  ailleurs  que  Marine  a  vécu  dans  le 
monastère  syrien  de  Kanoubine,  ce  que  je  crois  être  la  vérité.  Mais  où  trouve- 
t-on  cette  indication?  Uniquement  dans  des  manuscrits  arabes,  copii's  fort  proba- 
blement en  Syrie. 

(3)  Il  est  certain  que  le  monastère  où  jMarine  a  vécu  n'était  pas  très  éloigné 
de  la  mer.  La  distance  qui  l'en  séparait,  telle  qu'elle  est  donnée  dans  le  plus 
grand  nombre  des  manuscrits  latins  (31,  32  ou  37  milles),  se  rapportei'ait  avec 
une  approximation  suffisante  à  celui  de  Kanoubine.  Toutefois,  on  ne  peut  faire 
fonds  sur  cette  indication,  puisque  d'après  d'autres  manusciits  cette  distance 
n'était  que  de  3  ou  5  milles. 

OKIENT   CHRÉTIEN.  39 


566  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

culte  qu'ils  rendent  à  cette  sainte  est  établi  chez  eux  depuis  de 
nombreux  siècles,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

La  véritable  date  de  la  fête  de  sainte  Marine  n'est  pas  moins 
difficile  à  établir.  La  plus  grande  confusion  sur  ce  point  se  re- 
marque dans  les  martyrologes  et  les  livres  liturgiques;  aussi, 
malgré  tous  leurs  efforts,  les  hagiographes  n'ont  pas  réussi 
H  la  dissiper.  La  raison  doit  évidemment  en  être  cherchée  dans 
l'existence  de  diverses  saintes  portant  le  même  nom  qu'on  n'est 
pas  parvenu  à  distinguer  nettement  les  unes  des  autres. 

Si,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut.  Marine  a  probablement  vécu 
dans  la  vallée  syrienne  de  Kadicha,  c'est  aux  Maronites  qu'il 
faut  demander  la  date  de  sa  fête.  Chez  eux  elle  a  toujours  été 
fixée  au  11  juillet. 

Nous  trouvons  bien  une  Maptvx  inscrite  au  17  juillet  dans  le 
calendrier  grec,  mais  il  s'agit  d'un  autre  personnage,  c'est-à- 
dire  d'une  vierge  martyrisée  à  Antioche  de  Pisidie.  Il  semble 
que  les  Grecs  ont  dû  être  trompés  par  la  ressemblance  du  nom 
de  cette  martyre  avec  celui  de  la  religieuse  que  l'Église  maro- 
nite a  toujours  vénérée  sous  son  nom  masculin  Mm-inâ,  ijupo, 
plutôt  que  sous  son  nom  féminin  Maria,  ^v^.  Quant  à  Ma- 
rine la  moniale,  qu'ils  appellent,  comme  nous  l'avons  vu,  Ma- 
pia,  dite  Mxpîvoç.  ils  en  font  mémoire  le  12  février,  sans  qu'on 
puisse  dire  pour  quel  motif  ce  jour  a  été  choisi.  Si  les  Grecs  ont 
été  induits  en  erreur  par  une  similitude  de  noms,  il  semble 
bien  que  les  Latins  l'aient  été  également,  quoique  d'une  façon 
différente.  En  effet,  s'ils  n'ont  pu  confondre  notre  sainte  Marine 
avec  la  martyre  d'Antioche  de  Pisidie,  puisque,  pour  une  rai- 
son inconnue,  ils  nomment  celle-ci  non  pas  Marina,  comme  les 
Grecs,  mais  Margarifa,  Marguerite,  et  en  font  mémoire  le 
20  juillet  (1),  ils  l'ont  identifiée  avec  une  autre  Marine  qui  au- 
rait été  martyrisée  à  Alexandrie  et  qui  est  inscrite  au  Martyro- 
loge romain  à  la  date  du  18  juin  (2).  C'est  ce  que  l'on  cons- 
tate à  la  première  ligne  de  l'ancienne  Vie  latine  de  notre  sainte, 
car,  dans  un  grand  nombre  de  manuscrits,  le  titre  de  cette  Vie 
est  suivi  de  la  mention  :  «  XIV  Kal.  .Julii  »  (=  18  juin).  De 

(1)  Au  sujet  de  IMarina  =  Rlargarita,  voy.  Act.  SancL,  Juillet  V,  Anvers,  1727, 
p.  24-45.  Les  Bollandistes,  cela  se  comprend,  no  paraissent  pas  prendre  au  sérieux 
les  faits  bizarres  et  extraordinaires  rapportés  dans  la  légende  de  cette  sainte. 

(2)  "  Alexandriao  passio  sanctae  Marinae  Virginis.  >• 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  567 

plus,  c'était  également  à  cette  date  du  18  juin  que  la  mémoire 
de  sainte  Marine  figurait  autrefois  dans  le  calendrier  propre  au 
diocèse  de  Paris.  Mais  c'est  évidemment  à  tort  qu'on  a  voulu 
établir  un  rapprochement  entre  Marine  la  syrienne  et  Marine 
d'Egypte  (1).  D'abord  notre  sainte  n'a  pas  souffert  le  martyre. 
En  second  lieu,  les  manuscrits  latins  ne  signalent  jamais,  sauf 
de  rares  exceptions  (2),  la  région  où  elle  est  née,  et,  enfin,  les 
plus  anciens  d'entre  eux  ne  donnent  pas  la  date  de  sa  mort  (3). 
Il  est  donc  avéré  que  certains  copistes,  voulant  combler  cette 
lacune,  ont  ouvert  le  Martyrologe  romain  et,  y  ayant  trouvé 
une  Marine  d'Alexandrie  inscrite  au  18  juin,  lui  ont  emprunté 
ces  mentions  de  lieu  et  de  date  pour  les  attribuer  à  notre 
sainte.  Une  fois  admise,  cette  fausse  attribution  a  été  repro- 
duite dans  la  plupart  des  textes  latins  et  autres  qui  dérivent 
de  l'ancienne  Vie  latine  (4),  et  elle  a  passé,  au  moins  pour  ce 
qui  concerne  la  date  de  la  fête,  dans  l'ancien  calendrier  de  l'É- 
glise de  Paris  (5). 

Une  troisième  Marine,  vierge  et  martyre,  mais  espagnole 
celle-là,  est  nommée  dans  le  Martyrologe  romain  à  la  date  du 
18  juillet  (6j.  Elle  est  aussi  inconnue  que  son  homonyme  d'A- 
lexandrie :  les  anciens  martyrologes  ne  la  mentionnent  pas  et 
nulle  part  on  ne  trouve  l'histoire  de  sa  vie.  Aussi  Rosweyde, 
dans  ses  noies  (7),  n'hésite-t-il  pas  à  déclarer  qu'elle  n'est  autre 
que  Marine  d'Antioche  ou  Marine  d'Alexandrie,  transférée  en 


(I)Ce  rapprocheniont  était  facilité  par  ce  fait  qu'on  ne  sait  absolument  rien 
(le  la  vie  de  Marine  «l'Alexandrie.  Les  Bollandistes  n'ont  pu  lui  consacrer  que 
quelques  lignes  à  peine,  lesquelles  ne  nous  apprennent  rien  de  précis  sur  elle 
(Act.  SancL,  Juin  III,  Anven's,  1701,  p.  573). 

(2)  Par  exemple,  le  ms.  5296  (xui"  s.)  de  la  Bibliotlièque  Nationale  qui  place  le 
monastère  où  vécut  Mai'ine  dans  le  voisinage  d'Alexandrie. 

(3)  Entre  autres  le  ms.  2328  (ix°  s.)  de  la  Bibliothèque  Nationale. 

(4)  Rosweyde  et  Ughelli  ont  su  éviter  l'erreur  de  date,  en  plaçant  la  fête  de 
Marine  au  12  février,  comme  lesGrocs,  mais  le  premier,  dans  ses  notes,  s'est  trompé 
en  admettant    l'ideutilication  de  cette  sainte  avec  son  homonyme  d'Alexandrie. 

(5)  Je  dis  pour  ce  qui  concerne  la  dat(^  de  la  fête  de  sainte  Blarine,  car  dans 
les  anciens  bréviaires  manuscrits  ou  imprimés  du  diocèse  de  Paris  qui  ne  con- 
tiennent pas  de  leçon  historique  relative  à  cette  sainte,  la  région  où  elle  a  vécu 
n'est  jamais  indiquée.  \oy.,  plus  loin,  le  chapitre  où  il  est  parlé  du  culte  de 
sainte  Marine  à  Paris. 

(6)  «  Gallajciaj    in  Ilispania  sanctœ  Jlarinœ  Virginis  et  Martyi-is.  » 

(7)  De  vita  et  verbis  seniorum  libri  A',  Antverpiae,  1615,  p.  395.  —  Pair.  lat.  de 
Migne,  vol.  LXXIII,  col.  095. 


568  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Galice  on  ne  sait  pourquoi.  Or,  comme  Marine  d'Alexandrie, 
ainsi  que  nous  l'avons  vu,  est  un  personnage  tout  aussi  pro- 
blématique, il  s'ensuivrait  que  très  vraisemblablement  des 
quatre  Marine,  la  pisidienne,  la  syrienne,  l'égyptienne  et  l'es- 
pagnole, les  deux  premières,  c'est-à-dire  la  martyre  et  la  mo- 
niale, auraient  seules  existé  (1). 

En  résumé,  notre  sainte  aurait  vécu  probablement  au  v°  siè- 
cle; elle  serait  syrienne  et  c'est  le  monastère  de  Kanoubine 
qui  aurait  été  le  théâtre  de  ses  austérités;  enfin,  la  date  exacte 
de  sa  fête  serait  le  17  juillet,  jour  oîi  elle  a' dû  mourir  (2).  Si 
ces  conclusions  paraissent  acceptables  au  lecteur,  elles  devront 
annuler,  au  moins  en  partie,  le  jugement  porté  par  le  P.  J.-B. 
du  Sollier  :  «  Praeter  acta  in  vitis  Patrum  relata,  dubia  omnia 
sunt  quae  banc  Sanctam  circuinstant,  nam  quis  verus  ejus 
natalis  seu  obitus  dies  fuerit,  ubi  terrarum  degerit,  quo  sae- 
culo  vixerit,  hactenus  satis  incertum  est  (3).  » 


II.  —  Culte  de  sainte  marine. 

1.  Culte  de  sainte  Marine  chez  les  Maronites.  —  Sur  le 
versant  occidental  du  mont  Liban,  dans  la  Syrie  centrale,  s'ou- 
vre une  longue  vallée  arrosée  par  une  rivière  qui  va  se  jeter 
dans  la  mer,  après  avoir  traversé  la  ville  de  Tripoli.  Sauvage 
d'aspect,  surtout  dans  sa  partie  supérieure,  elle  fut  liabitée  dès 
les  premiers  siècles  par  un  grand  nombre  d'anachorètes  et  de 


(1)  Je  ne  mentionne  que  pour  mémoire  une  cinquième  Marine,  vierge,  fonda- 
trice du  monastère  cistercien  de  Saint-Mathieu,  à  Spolète  on  Ombrie,  morte  vers 
1300  {Act.  Sanct.,  Juin  111,  Anvers,  1701,  p.  665-607)  et  une  sixième  qui  aurait  vécu 
en  Sicile  {Ibid.,  p.  288).  De  cette  dernière  il  n'y  a  rien  à  dire,  sinon  que  les  Bol- 
iandistes  eux-mêmes  croient  qu'elle  n'a  pas  existé. 

(2)  Les  Coptes,  je  ne  sais  pour  quel  motif,  font  mémoire  de  sainte  Marine  le 
15  août  (Masori). 

(3)  Act.  sanct. ,  Anvers,  1725,  juillet  IV,  p.  278.  C'est  qu'en  effet,  le  savant  jésuite 
a  fait  de  louables,  mais  inutiles  efforts,  pour  dégager  des  anciens  textes  la  véri- 
table histoire  de  Marine  et  surtout  pour  la  distinguer  nettement  des  homonymes, 
vraies  ou  fausses,  avec  lesquelles  on  l'a  confondue  {Ibid.,  p.  278-286,  et  Marlyro- 
logium  Usuardl,  Antverpiae,  1714,  p.  91,  315,  408).  On  peut  en  dire  autant  de  Le 
Nain  de  Tillemont  [Méin.  pour  servir  à  Vhisl.  eccl.  des  six  premiers  siècles,  Paris. 
1701-1712,  vol.  XVI,  p.  167)  etd'A.  Baillet  (Les  Vies  des  saints,  Paris,  1701,  in-8. 
vol.  Yl  (mois  de  juin),  p.  445,  et  vol.  Vll  (mois  de  juillet),  p.  410-416). 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  569 

cénobites,  ce  qui  lui  a  valu  son  nom  de  Kadicha,  c'est-à-dire 
la  sainte.  Plusieurs  monastères  y  furent  construits,  dont  quel- 
ques-uns existent  encore,  entre  autres  celui  de  Kanoubine,  au- 
trement dit,  le  monastère  par  excellence  (y.or,vô6iov),  qui  aurait 
été  fondé,  dans  la  seconde  moitié  du  iv"  siècle,  sous  Théodose 
le  Grand,  et  qui  a  été  pendant  quelques  siècles  la  résidence 
d'été  des  patriarches  maronites  (1). 

C'est  dans  ses  murs  que,  suivant  une  tradition  fermement 
('tablie  chez  les  Maronites,  Marine  aurait  été  introduite  par  son 
père,  et  c'est  à  peu  de  distance  de  là  que  se  trouve  dans  le  ro- 
cher une  anfractuosité  où  elle  se  serait  retirée,  lorsqu'elle  eut 
été  chassée  par  les  religieux. 

«  Ce  n'est  qu'à  cent  pas  de  Canubin,  écrivait,  en  1722,  le 
voyageur  De  la  Roque,  qu'on  montre  la  Grotte  de  sainte  Marine 
Vierge  :  l'un  de  ces  bons  moines  nous  y  conduisit.  Elle  est 
formée  par  la  seule  nature  dans  un  grand  rocher,  où  l'on  ar- 
rive par  un  chemin  assez  commode  :  sur  le  devant  du  rocher 
il  y  a  une  espèce  de  terrasse  fermée  d'une  haye,  laquelle  a  vûë 
sur  la  montagne  qui  est  à  l'opposite,  dans  le  fond  du  vallon. 
Autrefois  on  n'entrait  que  par  l'ouverture  naturelle  du  rocher; 
mais  à  présent  il  y  a  une  muraille,  et  une  petite  porte  que  l'on 
tient  fermée,  parce  que  tous  les  jours  on  dit  la  Messe  dans  ce 
lieu,  et  qu'on  y  laisse  tout  le  service  de  l'autel. 

«  La  longueur  de  la  Grotte  est  d'environ  quinze  pieds,  et  sa 
largeur  de  huit  ou  dix  :  sa  hauteur  est  comme  celle  d'un  homme 
de  la  plus  avantageuse  taille  jusqu'à  l'autel,  derrière  lequel 
elle  commence  à  pencher.  La  dévotion  des  Maronites  est  si 
grande  pour  ce  lieu-là,  que  leurs  Patriarches  ont  choisi  pour 
leur  sépulture  le  terrain  qui  est  au-devant... 

«  Au  sortir  de  la  Grotte  de  sainte  Marine  pour  retourner  à  Ca- 
nubin, on  trouve  une  belle  fontaine  dont  l'eau  est  aussi  froide 
que  la  glace;  les  Maronites  en  boivent  par  dévotion,  en  mé- 
moire de  cette  pénitente  à  qui  elle  a  longtemps  servi  (2).  » 

Les  Maronites  croient  que  Marine  est  née  dans  la  petite  ville 


(1)  Sur  la  vallée  de  Kadicha  et  le  monastère  de  Kanoubine,  voy.  De  la  Roque, 
Voyage  de  Syrie  et  du  Mont-Liban,  Paris,  1722,  vol.  I,  p.  50  et  suiv.;  E.  Poujade, 
Le  Liban  et  la  Syrie,  Vav'is,  1860,  p.  175;  E.  A.  Spoll,  Le  monastère  de  Kanoubine, 
dan?,  Vllluslration,  Paris,  n»  du  23  mars  1861,  p.  179-180,  avec  une  gravure. 

(2)  De  la  Roque,  Op.  cit.,  vol.  I,  p.  59. 


570  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

de  Kalamoun,  qui  est  bâtie  sur  le  bord  de  la  mer,  à  une  petite 
distance  au  sud  de  Tripoli  (1).  Quant  au  village  où  vivait  la 
jeune  fille  qui  porta  contre  notre  sainte  une  fausse  accusation, 
ce  serait  celui  de  Torza,  qui  est  situé  à  six  heures  de  marche 
environ  de  Kalamoun  et  à  deux  heures  de  Kanoubine  Les  habi- 
tants de  la  vallée  prétendent  que  le  séjour  de  la  calomniatrice 
dans  ce  village  lui  a  porté  malheur,  car  il  est  toujours  mi- 
sérable et  a  été  plusieurs  fois  détruit  par  des  tremblements  de 
terre  (2). 

La  grotte  de  sainte  Marine,  qui  se  trouve  à  une  centaine  de 
mètres,  à  Louest  du  monastère,  et  qui  est  transformée  en  cha- 
pelle, n'a  jamais  cessé  d'attirer  des  pèlerins,  surtout  des  jeunes 
femmes  privées  de  lait  qui  viennent  prier  la  sainte  de  leur 
en  obtenir  (3).  Toutefois,  depuis  que  les  patriarches  maronites 
ont  transféré  leur  résidence  d'été  de  Kanoubine  à  Diman,  ce 
monastère  a  beaucoup  perdu  de  son  importance  et  n'est  plus 
habité  que  par  un  très  petit  nombre  de  moines.  Le  culte  de 
sainte  Marine  en  a  souffert  et  la  messe  n'est  plus  célébrée 
dans  sa  chapelle  que  le  jour  de  sa  fête,  c'est-à-dire  le 
17  juillet. 

De  la  vallée  de  Toïdi  Kadicha,  le  culte  de  sainte  Marine  a  été 
transporté  au  loin  par  des  émigrants  obligés  de  fuir  le  Mont- 
Liban.  C'est  ainsi  qu'il  fut  importé  dans  l'île  de  Chypre,  vers 
la  fm  du  XII*  siècle,  lorsque  de  nombreux  Maronites  y  cherchè- 
rent un  refuge  à  la  suite  de  Guy  de  Lusignan,  le  dernier  roi  la- 
tin de  Jérusalem,  et  il  s'y  est  perpétué  jusqu'à  nos  jours.  Au 
retour  d'une  mission  entreprise  sur  Tordre  du  patriarche  ma- 
ronite, M.  l'abbé  P»  Chebli  (4)  m'écrivait,  à  la  date  du  22  jan- 


(1)  Kalamoun  est  une  petite  ville  musulmane.  La  communauté  chrctieime  ma- 
ronite qui  habite  près  de  là  dans  la  montagne,  possède  une  église  où  sainte 
Marine  est  l'objet  d'une  grande  vénération. 

(i)  Quaresmius  s'est  déjà  fait  l'écho  de  cette  opinion  :  «  Villa  ubi  fiha  illa  bu- 
bulci  ab  alio  corrupta  detraxit  honori  S.  Marinae  Torza  nominatur,  semper 
miserabilis  et  egena;  crediturque  id  esse  ob  scelus  in  sanctam  virginem  perpe- 
tratum  :  distat  a  Canobin  sex  circiter  milliaribus  »  (Histor.,  theol.  et  moral.  Terr. 
Sanct.  elucid.,  Antverpiae,  1639,  vol.  II,  p.  89Ct). 

(3)  La  même  chose  a  lieu  dans  l'église  de  Kalamoun.  comme  le  disait  déjà  le 
patriarche  Douaïhi  (167(J-1704),  dans  sa  Chronique,  sous  l'année  1113. 

(4)  Je  tiens  à  remercier  ici  JI.  l'abbi''  P.  Chebli,  jeune  prêtre  fort  instruit,  at- 
taché au  patriarcat  maronite,  M.  l'abbé  Arida,  secrétaire  de  ce  patriarcat,  et  le 
P.  Pierre  Ilobeïka,  curé  de  Basconta,  au  Mont-Liban,  qui  m'ont  envoyé,  avec 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  ."(71 

vier  1904  :  «  Il  existe  dans  l'île  de  Chypre  un  village  maronite 
nomm(''  'A-^(x  Mapîva,  à  Textrémité  Nord-Ouest  de  la  province 
administrative  de  Nicosie.  J'ai  visité  ce  villaiie  il  y  a  deux  ans. 
Il  compte  environ  150  âmes.  L'église  paroissiale  est  dédiée  à 
sainte  Marine,  et  les  habitants  savent  par  tradition  qu'ils  sont 
originaires  de  la  vallée  de  Kanoubine  et  qu'ils  ont  apporté  avec 
eux  le  culte  de  leur  patronne.  II  existe  aussi  dans  l'île  d'autres 
localités  portant  le  nom  d"Avia  ^lapîva;  mais  je  ne  les  ai  pas 
visitées,  parce  qu'il  ne  s'y  trouve  plus  de  Maronites.  )> 

Pour  terminer  je  devrais  parler  ici  des  reliques  de  sainte 
Marine  qui  furent  conservées  à  Kanoubine,  mais,  pour  éviter 
des  redites,  je  crois  préférable  de  ne  le  l'aire  qu'un  peu  plus  loin, 
dans  le  paragraphe  où  il  sera  question  du  culte  de  notre  sainte 
chez  les  Vénitiens.  • 

2.  Culte  de  sainte  Marine  chez  les  Grecs.  —  (Jue  les  Grecs 
aient  particulièrement  honoré  dans  certaines  localités  la  mo- 
niale syrienne,  dont  ils  avaient  sans  doufe  été  les  premiers  à 
écrire  l'histoire,  c'est  chose  fort  probable.  Mais,  pour  le  mo- 
ment, je  ne  connais  que  les  édifices  religieux  érigés  sous  son 
vocable, au  cœur  même  de  la  Grèce,  à  Athènes  (I).  Voici  ce  qu'en 
dit  M.  L.  Petit  de  Julleville  : 

«  A  Athènes,  une  chapelle  creusée  dans  la  grotte  des  Nym- 
phes est  dédiée  à  sainte  Marine  ('Av.  Mapîva).  Une  église  de 
sainte  Marine  s'élève  sur  l'emplacement  du  temple  d'Artémis 
Eucléia  (Artémis  de  bellQ  renommée)  (-2).  » 

Et  ailleurs  : 

«  L'église  de  Hagia  Marina  ('A-;.  Mapiva)  située  sur  la  colline 
des  Nymphes  ou  plutôt  creusée  dans  cette  colline,  au  pied  de 
l'observatoire  astronomique,  se  compose  d'une  grotte  souter- 
raine, que  surmonte  une  petite  coupole  à  fleur  de  terre.  On  a 


une  extrême  obligeance,  de  j)récieux  renseignements  sur  le  culte  de  sainte  Ma- 
rine dans  leur  nation. 

(1)  C'est  sans  doute  d'une  chapelle  dédiée  à  sainte  Marine  que  tire  son  nom 
la  petite  vallée  de  Ay(a  Mapîva,  qui  se  trouve  près  de  la  forteresse  de  Rham- 
nonte,  à  quelques  heures  de  Marathon,  à  l'extrémité  orientale  de  l'Attique 
{Guides  Joanne.  Grèce,  I.  Athènes  et  ses  environs,  Paris,  1888,  j).  182). 

(2)  Recherches  sur  remplacement  elle  vocable  des  cfjUses  chrétiennes  en  Grèce, 
par  M.  L.  Petit  de  .luUeville,  ancien  membre  de  l'École  française  d'Athènes, 
dans  Arch.  des  miss,  scient,  et  littér.,  Paris,  2°  série,  vol.  V,  1868,  p.  508. 


572  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

trouvé  sur  cette  colline  une  inscription  portant  ces  mots  :  HIE- 
PON  NyM<ï>. ..  Hagia  Marina  succède  sans  doute  à  Thiéron  sou- 
terrain des  Nymphes  (1).  » 

M.  Petit  de  Julleville  n'hésite  pas  à  reconnaître  notre  sainte 
dans  Hagia  Marina  :  «  Sainte  Marine,  dit- il,  est  une  vierge 
dont  la  vertu,  indignement  méconnue  et  calomniée  durant  sa 
vie,  fut  justifiée  après  sa  mort.  C'est  la  chasteté  que  la  dévotion 
populaire  honore  en  elle;  ain>5i  cette  sainte  succède  assez  natu- 
rellement aux  Nymphes,  divinités  vierges,  à  Artémis,  déesse 
chaste,  et  particulièrement  à  Artémis  Eucléia,  c'est-dire  Arté- 
mis glorieuse  ou  bien  renommée  (2).  » 

Cette  identification  est  justifiée,  du  reste,  par  la  nature  des 
prières  adressées  spécialement  à  la  sainte  :  «  Il  paraîtrait  que 
les  jeunes  filles  nubiles  demandent  à  sainte  Marine  qu'elle  leur 
procure  un  mari  ;  les  femmes  stériles  l'implorent  pour  obtenir 
la  fécondité,  les  mères  pour  la  guéri  son  de  leurs  enfants  ma- 
lades. On  rendait  dans  l'antiquité  un  culte  analogue  à  Artémis 
Dictynna  (ou  chasseresse)  (3).  » 

Un  autre  auteur  ajoute  le  détail  suivant  :  «  A  l'extrémité  S.-E. 
(de  la  colline  des  Nymphes  où  se  trouve  la  chapelle  W[(x  Mapîva) 
le  rocher  a  été  aplani  et  poli  par  les  glissades  des  femmes  qui 
croyaient  trouver  dans  cet  exercice  un  remède  à  leur  stéri- 
lité (4).  » 

Enfin  Pittakys  a  écrit  ceci  :  «  Un  souvenir  des  anciens  usages 
pratiqués  dans  ce  temple  (c'est-à-dire  dans  un  petit  temple 
d'Hercule  qui  se  dressait  à  l'endroit  où  se  trouve  maintenant 
l'église  de  sainte  Marine)  s'est  conservé  jusqu'à  ce  jour  :  les  en- 
fants malades  sont  portés  par  leurs  mères  dans  cette  église, 
après  la  messe  on  leur  retire  leurs  chemises,  et  on  leur  remet 
de  nouveaux  vêtements.  C'est  une  cérémonie  qui  s'y  pratiquait 
anciennement  (5).  » 

H  est  évident  que  le  culte  de  sainte  Marine  a  été  substitué 
dans  ce  lieu  à  un  culte  païen,  avec  lequel  il  avait  certaines  ana- 
logies, et  que  c'est  au  mélange  de  l'un  et  de  l'autre  que  sont 


(1)  Petit  de  Julleville,  Op.  cit.,  ]).  488. 

(2)  Ibid.,  p.  508. 

(3)  Ibid.,  p.  508. 

(4)  Guides  Joanne,  vol.  cit.,  p.  77. 

(5)  Pittakys,  L'ancienne  Athènes,  Athènes,  1835,  p.  461. 


VIE    DE    SAINTE   MARINE.  573 

dues  les  pratiques  de  dévotion  populaire  en  usage  aujourd'hui. 
On  peut  se  demander  ici  comment  il  se  fait  que  les  églises 
placées  sous  le  vocable  de  notre  sainte  dans  les  pays  de  rite 
grec,  sont  toujours  désignées  par  Texpression  Xylx  Mapîva, 
tandis  qu'elle-même  est  invariablement  appelée  par  les  litur- 
gistes  et  hagiogrnplies  de  ces  pays  Mapîa  dite  Mxpiwzz.  Cette 
contradiction  s'explique,  à  mon  avis,  par  ce  fait  que  la  pro- 
pagation de  son  culte  et  l'érection  de  ses  églises  sont  dues 
à  une  influence  syrienne,  c'est-à-dire  maronite.  Nous  avons  vu 
que  l'île  de  Chypre,  habitée  surtout  par  des  Grecs,  possède  plu- 
sieurs églises,  d'origine  certainement  maronite,  dédiées  à  'Ayta 
Mapîva,  et  dont  quelques-unes  se  trouvent  dans  des  villages 
entièrement  grecs  à  Iheure  actuelle.  Il  se  peut  donc  que  le 
culte  et  le  nom  maronite  de  la  sainte  aient  été  importés  par 
des  Grecs  de  cette  Ile  dans  la  Grèce  continentale.  La  même 
chose  a  pu  se  produire,  lorsque  le  corps  de  Marine,  aAant  d'être 
transféré  à  Venise,  fut  apporté  à  Constantinople.  Un  pareil  évé- 
nement était  bien  de  nature  à  développer  la  dévotion  populaire 
envers  elle  chez  les  Hellènes,  et  surtout  à  leur  faire  adopter, 
pour  la  désigner,  le  nom  sous  lequel  elle  était  connue  dans  le 
pays  d'où  leur  venait  la  précieuse  relique. 

3.  Culte  de  sainte  Marine  à  Venise.  —  Sainte  Marine  est 
vénérée  à  Venise  depuis  le  jour  où  son  corps  a  été  apporté  d'O- 
rient dans  cette  ville.  Du  Cange  est  le  premier  qui  ait  fait  con- 
naître cette  translation  d'après  la  Chronique  d'André  Dandolo, 
alors  inédite  :  «  S.  iMarinae  corpus  haud  procul  ab  urbe  as- 
servatum  indeque  Venetias  translatum  an.  MCCXXX  scribit 
Andréas  Dandulus  in  Chron.  Ms.  :  Extra  urbem  Constantino- 
politanam  Joannes  de  Bora  de  quodam  monasterio  pretio  et 
precibus  inductis  custodibus,  corpus  B.  Marinae  Virginis,  quae 
in  cœnobio  Monachorum  accusata  de  adulterio  pœnitentiam 
egit,  abstulit,  et  Venetiis  in  Ecclesia  S.  Liberalis,  nunc  vocata 
ejus'nomine,  coUocavit  (1).  » 


(1)  Du  Cange,  Histor.  Byzant.,  Lut.  Paris,  1680,  liv.  IV,  p.  149-150.  Le  texte  de 
la  Chronique  d'André  Dandolo  a  été  imprimé,  depuis,  dans  la  collection  de  Mu- 
ratori.  Re7\  ilal.  script.,  Milan,  voL  XII,  1728,  col.  346,  et,  dans  ce  volume,  la 
date  assignée  à  la  translation  est  bien,  comme  chez  Du  Cange,  l'année  1230, 
c'est-à-dire  la  deuxième  du  dogat  de  Jacopo  Tiepolo. 


574  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Pietro  de'  Natali  rapporte  ainsi  cet  événement  :  «  Anne  au- 
tem  Domini  MCXIII  tempore  lacobi  Teopoli  ducis  Venetorum, 
quidam  lacobus  de  Bora  parochialis  ecclesie  sancte  Marine  de 
Venetiis  deuotus  sancte  virginis,  corpus  ipsius  de  partibus  Ro- 
mane sublatum  per  nauem  Venetias  direxit,  et  in  ecclesia  sua 
collocandum  ordinauit.  Cuius  meritis  naute  a  maris  tempestate 
liberati  sunt,  sicque  corpus  sancte  virginis  Venetias  delatum 
in  eadem  ecclesia  sepultum  est  calendas  septembris  (1).  » 

Ces  quelques  lignes  contiennent  au  moins  deux  erreurs.  D'a- 
bord l'église  où  fut  déposé  le  corps  de  la  sainte  ne  lui  était  pas 
dédiée  auparavant;  en  second  lieu,  cette  translation  ne  put 
avoir  lieu  en  1113,  puisque  Jacopo  Tiepolo  fut  doge  de  Venise 
de  1229  à  1249.  Cette  date  erronée,  provenant  peut-être  d'une 
faute  typographique,  a  été  acceptée  par  différents  auteurs,  entre 
autres  par  Le  Nain  de  Tillemont  (2). 

Pour  le  même  motif,  Théodore  d'Amadeni,  dans  son  ou- 
vrage inédit  sur  sainte  Marine  (3),  a  déjà  rejeté  une  troi- 
sième date,  celle  de  1213,  donnée  dans  une  Vie  manuscrite 
qu'il  a  eue  sous  les  yeux  et  que  je  crois  être  contenue  dans 
le  «  codicetto  membranaceo  »  du  xv"  siècle,  conservé,  au  dire 
de  G.  Bianchini  (4),  dans  les  archives  de  S.  Maria  Formosa. 
Comment  ce  dernier  auteur  a-t-il  pu  l'accepter  (5),  le  texte  en 
question  plaçant  également  la  translation  «  sub  tempore  Ja- 
cobi  Theopoli  Venetorum  ducis  »?  En  1213,  le  doge  était  Pietro 
Ziani. 

Les  Maronites  sont  persuadés  que  la  dépouille  mortelle  de 
sainte  Marine  a  été  conservée  très  longtemps  dans  le  monas- 
tère de  Kanoubine  et  qu'un  jour,  à  la  suite  de  circonstiinc(^s 
dont  ils  n'ont  pas  gardé  le  souvenir,  elle  leur  a  été  enlevée.  11 
ne  leur  en  serait  resté  qu'une  faible  partie,  un  bras  de  la 
sainte.  Comment  donc  ce  corps  a-t-il  pu  être  apporté  à  Venise 
de  la  «  Romaigne  »,  c'est-à-dire  de  quelque  monastère  de  Cons- 
tantinople  ou  des  environs?  Ne  ^-erait-il  pas  authentique?  Il 

(1)  Petrus  de  Natalibus,  Calalog.  mnclor.,  Lugduni.  15"JI,  liv.  IV,  chap.  lOîS. 
1°  104'»'.  (La  première  édition  de  cet  ouvrage  avait  \ràv\\  à  Voiiiso  on  14!>3.) 

(2)  Op.  cit.,  p.  167. 

(3)  Blologia  S.  Mariiuie,  p.  l'J-5U.  \o\.  plus  loin,  dans  les  Ajipcndices,  la  des- 
cription de  ce  manuscrit. 

(4)  La  chicsa  di  S.  Maria  Formosa.  Venezia,  1892.  ji.  35. 
(.j)  Ibld.,  \).  34. 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  575 

est  facile  de  répondre  à  cette  question.  Les  Byzantins  ont  tou- 
jours vivement  reproché  aux  Latins  d'avoir  dépouillé  leurs 
églises  d'un  grand  nombre  de  reliques.  Si  le  reproche  est  vrai, 
il  ne  l'est,  en  tous  les  cas,  pas  moins  que  celui  qui  peut  être 
adressé  aux  Byzantins  eux-mêmes.  Car  enfin,  si  les  Latins  ont 
trouvé  de  si  nombreuses  reliques  à  Constantinople,  n'est-ce 
pas  parce  que  beaucoup  d'églises  des  diverses  provinces  de 
l'Empire  en  avaient  été  dépossédées  au  profit  de  la  capitale? 
L'histoire  n'est-elle  pas  là  pour  attester  par  d'innombrables 
exemples  ce  pieux  et  incessant  drainage  qui  pendant  des  siè- 
cles a  accumulé  dans  les  monastères  de  Byzance,  du  Mont- 
Athos  et  de  vingt  autres  localités  de  la  Thrace,  tant  d'objets 
précieux  tels  que  reliques,  livres  liturgiques,  icônes,  etc. 

Que  le  corps  de  sainte  Marine  ait  été  ainsi  obtenu  de  gré  ou 
de  force  des  moines  de  Kanoubine  et  transporté  dans  quelque 
monastère  de  Constantinople,  à  une  date  qu'on  ne  peut  préciser, 
c'est  chose  fort  possible  et  fort  probable.  Et  quoi  de  plus  na- 
turel alors,  qu'à  une  époque  où  les  Grecs  trafiquaient  si  fa- 
cilement de  leurs  reliques  les  plus  vénérées,  un  riche  Véni- 
tien ait  pu  se  faire  céder  le  corps  de  notre  sainte"? 

L'église  paroissiale  de  Venise  à  laquelle  fut  confié  ce  pré- 
cieux dépôt  était  sous  le  vocable  de  saint  Libéral  et  de  saint 
Alexis,  mais  elle  ne  tarda  pas  à  prendre  le  nom  de  sa  iiou\elle 
patronne.  Lorsqu'elle  fut  démolie,  vers  1818,  le  corps  de  la 
sainte  fut  déposé  dans  l'église  de  S.  Maria  Formosa,  où  il  se 
trouve  à  l'heure  présente  et  continue  à  être  l'objet  d'une  grande 
dévotion  (1). 

Je  crois  bien  faire  en  reproduisant  ici  les  pages  intéressantes 
que  Théodore  d'Amadeni  a  consacrées  aux  précieux  restes  de 
sainte  Marine  dans  son  curieux  manuscrit  (2)  (p.  65-68)  : 

«  Statum  igitur,  quo  S.  corpus  hodie  subsistit,  et  in  quo 
conspicitur  explicare  desideravi,  partim  ut  magnalia  Dei  enar- 
rarem,  partim  ut  S.  Marinae  singularem  praerogativam  annun- 
ciarem.  Ut  huic  desiderio  meo  facerem  satis  aliisque  vera 
edicere  possem,  petii  S.  corpus  propius  intueri,  et  exactius  exa- 
minare.  Obtentâ  gratiâ,  cum  veneratione  accessi,  et  sindone 

(1)  Voy.  les  Appendices,  sous  le  n"  2.  L'église  de  Sainte-JIarine  était  située 
près  d'un  canal  qui  porte  encore  le  nom  de  «  Rio  di  Santa  Jlarina.  » 

(2)  Voy.  les  Appendices,  sous  le  n°  1. 


576  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

involutum  vicli,  eà  nimirum  (ut  creditur)  qiià  hue  allatum 
fuit.  Inde  explicatâ  sindone  ipsum  caput  consideravi,  quod 
carne  spoliatum  est,  à  collo  verô  reliqua  corporis  membra  carne 
et  pelle  vestita  admirando  prodigioconspiciuntur;  ad  cervicem 
caro,  ad  latus  versus  iugulum  caro,  cartilagines,  ac  nervi  per 
partes  ossibus  adhaerent;  ab  humeris  scapulae  et  interscapilium 
usque  ad  dorsum  inferius  non  nisi  carnem  pelle  tectam  exhibent. 
Ipse  thorax  et  pectus  illaesa  sunt;  hinc  credendum  est  quod 
viscera  et  intestina  omnia  adhùc  contineant.  Brachia  cooperta 
carne  apparent;  dexteri  tamen  pars  à  cubitu  usque  ad  manum 
turgida  et  quasi  inflata  videtur.  Dextera  manus  brachio  iuncta 
manet,  carne  pelle  et  unguibus  insignis  :  sinistra  à  corpore 
separata  est,  de  quâ  propterea  infrà  agendum  erit.  Separationis 
violentis  indicia  in  supereminentibus  nervis  ettendinibus  carni 
hinc  indè  coagulatis  admirantur.  Coxendices  ac  femora  tantà 
carne  repleta  sunt,  ut  tumida  iuxtà  ac  rotunda  videantur.  Indè 
genua  ac  poplites,  tibiae  ac  surae,  ipsa  quoque  suffrage  et 
planta  pedum  cum  talis  et  calcaneis,  cum  digitis  et  halluce  à 
curruptioiie  ilhiesa  sunt.  Hinc,  pellis  colorem  fulvum  imitatur, 
et  tenaciter  carni  adhaeret,  sed  (quod  omnem  admirationem 
superat)  in  pluribus  locis  sese  mollem  et  tractabilem  praebet. 
Hic  status  corporis  praerogalivam  exhibet  eximiae  castitatis, 
praerogativam  purissimae  virginis,  praerogativam  S.  Marinae. 

«  Hâc  praeviâ  informatione  corporis,  ad  manus  à  corpore  se- 
paratae  explicationem  pergo  :  est  ea,  ut  suprà  dixi,  sinistra,  ut 
reliquum  corpus  carne  et  pelle  tecta,  non  tamen  distenta  per 
longum,  sed  poUice  dempto  (qui  separatim  ostenditur)  ac  qua- 
tuor digitis  à  secundo  articulo  reflexis,  thecae  argenteae  inau- 
ratae  inclusa  ut  hic  conspicitur  (I). 

«  Inthecà,  cum  inscriptio  duplex,  una  aversa,  altéra  lateralis 
(iffendatur,  utramque  graeco  idiomate,  ut  illic  habetur,  ponere, 
deinde  latino  sermone  ut  res  magis  inclarescat,  explanare 
statui. 


(1)  Lo  manuscrit  contient  ici  une  aquarelle  représentant  le  reliquaire  en  ques- 
tion. 


VIE   DE    SAINTE   MARINE.  o/  / 


Inscriptio  lateralis  tliecae  in  tjud  nianus  S.  Marinae  conservalur. 
7yr,-i'.7Qt  x\j-'x  Ttvcç  r,  ytXp  ''J^c/i^m' 

'Hç  TO  y.pXTSç  i6Aa7£  opa/,svT(.)v  xàpaç.  • 
AjfrjV  [;.£  TTpbç  Zr,ir,:jVi  wTpuvs  syictç" 
Zr^TcOffa  Y^^''  st'j/ov  ajT'^ç  £•/.  zî6:j, 
Ilpoç  y.ijy.iv  lùv  ïzr.vjzT.  Tbv  T'^r  '/.zz\}.\y.z. 

Qiiaerantur  ista  cuius  haec  manus  sit  : 
Martyris  ista  Marinae  sanctae, 
Cuius  potentia  fregit  draconum  capita. 
Hanc  quaerendam  impulit  me  devotio. 
Quaerens  igitur  inveni  illam  ex  desiderio, 
Ad  ornatum  igitur  festinavi  ornatae  ex  se. 

Inscriptio  aversa  eiusdem  thecae  in  quâ  praedicta  tnanus  custoditur. 

■'Ojxwç  5'  àz£ip3ç  a'jv  -poaipÉffei  ttôQcC; 
Tsivuv   àjUapâv-ivov   à'vOs;   ;j.ap-:'jpwv, 
Zi'kr^z   pûsv   [xe  twv  vcrjTwv  ■;:v£'j[j.â-(.)v, 
Nîy.r,v   /.ax     ajTwv   y.al  Y.px'oq  -t  -apîyîtç, 
'AvâXo^ov  v£,acu(ja  t^   ^^'/^'-^  cistv. 

Parvus  quidem  iste  erga  magnam  est, 
Attamen  infinitus  ob  studium  alTectus. 
Igitur  non  marcesceus  flos  martyrum. 
Turbine  libéra  intellectualium  spirituum, 
Victoriam  super  ipsos  et  robur  praebe, 
Proportionale  impertiens  devotioni  donum.  » 

La  description  du  corps  de  sainte  Marine  n'est  pas  sans  im- 
portance, car  elle  paraît  fournir  une  preuve  de  son  authenti- 
cité. Il  suffira  pour  cela  d'en  rapprocher  ce  que  nous  appren- 
nent la  tradition  et  les  livres  des  Maronites.  Chez  ces  derniers, 
en  effet,  on  regarde  comme  un  fait  certain  que,  lorsque  le  corps 
de  Marine  fut  enlevé  du  monastère  de  Kanoubine,  on  y  laissa 
une  partie  du  bras  de  la  sainte,  laquelle  fut  conservée  longtemps 
par  les  moines,  jusqu'au  jour  où  elle  disparut  à  son  tour.  Or, 
Théodore  d'Amadeni  nous  dit  précisément  que  le  corps  qu'il  a 
si  minutieusement  examiné,  était  privé  de  la  main  gauche  et 


578  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

que  les  traces  de  la  violence  avec  laquelle  celle-ci  avait  été  ar- 
rachée étaient  parfaitement  visibles  sur  Favant-bras  (1). 

Quant  à  l'autre  relique  décrite  par  notre  auteur,  c'est-à-dire 
la  main  détachée  autrefois  du  corps  de  sainte  Marine,  qui  au- 
rait été  retrouvée  et  apportée  à  Venise,  il  est  certain,  d'après 
l'inscription  grecque  reproduite  plus  haut,  qu'elle  n'a  aucun 
rapport  avec  le  corps  en  question  (2).  Cette  inscription  dit  for- 
mellement qu'il  s'agit  d'une  relique  de  sainte  Marine  mar- 
tyre. Théodore  d'Amadeni  est  d'abord  quelque  peu  désorienté 
par  cette  assertion,  mais  aussitôt,  pour  calmer  ses  doutes  et 
persuader  ses  lecteurs  que  la  relique  est  authentique,  il  s'efforce 
de  démontrer,  à  l'aide  de  nombreuses  citations,  qu'on  donnait 
parfois,  au  figuré,  le  nom  de  martyr  à  un  saint  qui  n'avait  pas 
été  mis  à  mort,  mais  qui  avait  eu  à  support(T  de  grandes  mor- 
tifications (3). 

Il  n'y  a  évidemment  aucun  compte  à  tenir  de  cette  explica- 
tion. La  vérité,  la  voici.  La  pieuse  femme  qui  avait  pris  à  tâche 
d'enrichir  l'église  Santa  Marina  de  cette  main  qui  manquait  au 
corps  de  sa  patronne,  était  grecque.  Les  Grecs,  nous  le  savons, 
vénèrent  le  même  jour  que  les  Vénitiens,  c'est-à-dire  le  17  juil- 
let, une  sainte  Marina:  mais  celle-ci  est  un  personnage  diffé- 
rent, une  martyre  qui  a  versé  son  sang  pour  sa  foi  à  Antioche 
de  Pisidie.  C'est  certainement  une  de  ses  mains  que  l'on  croyait 
avoir  renfermée  dans  le  petit  reliquaire  (4).  Nous  sommes  donc 
ici,  une  fois  de  plus,  en  fîice  de  cette  confusion  qui  s'est  établie 
dès  l'origine  entre  Marine  la  moniale  et  Marine  la  martyre,  et 
que  nous  retrouvons  partout  e^  toujours  sous  des  formes  di- 
verses. 

(1)  Évidemmont  il  n'y  a  une  concoi-danco  parfaite  futre  ces  deux  affirmations 
(^uc  si  cette  partie  du  bras  de  la  sainte  conservée  à  Kanoubine  était  une  main , 
et  une  main  gauclie.  Je  n'ai  pu  savoir  malheureusement  ce  qu'est  devenue  cette 
relique,  qui  existait  encore  du  temps  du  patriarche  Douaïhi  (1(570-1704),  comme 
il  le  rapporte  dans  sa  Chronique. 

(2)  Le  pouce  de  cette  main  était  consei'vé  ù  part  dans  un  i)etit  reliquaire  en 
argent  portant  cette  inscription  :  Ar.'^/avov  t?;;  ây:a;  Mapiva;. 

(3)  Bioloyia,  p.  09-70. 

(4)  Je  n'ai  pas,  bien  entendu,  à  recherchei'  ici  si  cette  relique,  en  tant  que 
provenant  de  Marine  d'Antioche,  est  authentique  ou  non.  11  me  suffira  de  dire 
qu'une  autre  main  gauche  de  la  même  sainte  aurait  été  conservée  en  Belgique 
(Voy.  Act.  SancL,  Juillet  V,  Anvers,  1727,  p.  28),  et  qu'une  truisième  main,  éga- 
lement de  cette  martyre,  se  ti'ou^e  encore,  à  l'heure  actuelle,  dans  le  trésor  du 
monastère  de  sainte  Cathei'ine,  au  Jlont-Sina'i. 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  579 

J'ai  déjà  dit  que  les  Vénitiens  célèbrent  la  fête  de  sainte  Ma- 
rine le  17  juillet.  Coninie  ils  sont  les  seuls  dans  l'Église  latine 
qui  aient  adopté  cette  date,  il  faut  qu'ils  l'aient  empruntée  aux 
Maronites.  Cela  ne  serait-il  pas  une  nouvelle  |)reuve  de  l'au- 
thenticité du  corps  de  la  sainte?  Il  semble,  en  effet,  que  la  con- 
naissance de  la  véritable  date  de  sa  fête  a  dû  être  conservée  par 
ceux  qui  ont  successivement  possédé  cette  relique,  depuis  le 
jour  où  elle  a  été  emportée  du  monastère  de  Kanoubine  jusqu'à 
celui  où  elle  a  été  déposée  dans  l'église  Santa  Marina  de  Ve- 
nise. Cette  explication  me  parait  plus  plausible  que  celle  donnée 
par  le  Martyrologe  romain  1)  et  la  leçon  propre  du  bréviaire  de 
Venise,  d'après  laquelle  cette  date  serait  celle  de  la  translation 
du  corps  de  la  sainte  à  Venise  (2).  Il  n'est  pas  étonnant  qu'à 
une  époque  relativement  récente  on  ait  cherché  dans  cette 
translation  l'origine  de  la  fête  du  17  juillet,  puisque  l'on  ne  sa- 
vait plus  à  Venise,  en  admettant  qu'on  l'ait  jamais  su,  que  le 
corps  de  la  sainte,  apporté  de  Constantinople,  avait  été  conservé 
antérieurement  au  Mont-Liban.  La  leçon  historique  de  l'office 
de  sainte  Marine,  prupre  au  diocèse  de  Venise  et  qui  ne  doit 
pas  être  bien  ancienne,  nous  dit,  en  effet,  que  cette  sainte  aurait 
vécu  en  Bithynie  (3),  assertion  empruntée,  sans  aucun  doute, 
à  la  traduction  latine  du  texte  grec  métaphrastique  de  sa  Vie. 

4.  Culte  de  sainte  Marine  à  Paris.  —  Au  Nord  du  Par\  is  de 
Notre-Dame,  dans  la  Cité,  la  rue  la  plus  voisine  de  la  cathédrale 
était  autrefois  celle  de  Saint-Pierre-aux-Bœufs.  Quand  on  s'y 
engageait,  en  venant  du  Parvis,  on  y  voyait,  à  une  très  courte 
distance,  sur  la  droite,  l'église  paroissiale  à  laquelle  elle  devait 
son  nom,  et  à  peine  avait-on  dépassé  cet  édifice  qu'on  aperce- 
vait, avant  d'arriver  à  la  rue  Chanoinesse,  qui  existe  encore, 
et  toujours  sur  la  droite,  une  étroite  impasse  se  terminant  contre 
la  façade  d'une  toute  petite  église,  dédiée  à  sainte  Marine.  Cette 
église  se  trouvait  donc  à  quelques  pas,  en  arrière  et  au  nord,  de 
Saint-Pierre-aux-Bœufs,  et  sa  façade  était  à  peu  près  sur  la 
même  ligne  que  celle  de  Notre-Dame.    Autrement  dit,  si  elle 

(1)  «  Venetiis  Translatio  sauctae  Marinae  Virginis.  - 

(2)  Il  se  pourrait  d'ailleurs  qu'on  ait  clioisi  le  jour  même  de  la  fête  de  la  sainte 
pour  placer  solennellement  son  corps  dans  l'église  Saint-Libéral. 

(3)  -'  In  Bithynia  tloruit.  ■> 


580  REVUE   DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

existait  encore,  elle  serait  un  peu  en  saillie  sur  le  côté  oriental 
de  la  rue  d'Arcole.- 

La  paroisse  qui  avait  Sainte-Marine  pour  centre  religieux, 
était  la  plus  petite  de  Paris,  mais,  à  un  certain  point  de  vue,  elle 
était  la  plus  importante.  En  effet,  comme  elle  était  la  seule  qui 
fût  à  la  collation  des  évêques,  plus  tard  des  archevêques  de 
Paris,  ceux-ci  en  avaient  fait  la  paroisse  de  leur  maison.  La 
plupart  des  historiens  qui  lui  ont  consacré  quelques  pages,  ou 
plutôt  quelques  lignes,  disent  qu'elle  était  fort  pauvre  et  ils 
ajoutent  qu'elle  ne  comptait  qu'un  très  petit  nombre  de  parois- 
siens (1).  Sans  doute  les  officiers  et  les  serviteurs  de  Févèque 
étaient  peu  nombreux  et  peu  riches,  mais  grâce  à  la  proximité 
du  Palais  de  Justice,  où  siégeait  le  Parlement,  des  gens  de  loi, 
conseillers,  avocats,  etc.,  durent  toujours  habiter  près  de  Sainte- 
Marine.  Pour  s'en  convaincre,  il  suffit  de  parcourir  les  quelques 
registres  de  comptes  et  autres,  provenant  de  la  cure  et  de  la 
fabrique,  qui  sont  conservés  aux  Archives  nationales  (2). 

L'église  Sainte-Marine  fut  vendue  le  2  février  1792,  et  son  ac- 
quéreur ne  tarda  pas  à  y  installer  un  théâtre  populaire.  Plus  tard, 
elle  fut  transformée  en  atelierde  menuiserie  d'abord,  de  teinture- 
rie ensuite.  Elle  a  été  démolie,  sous  le  règne  de  Louis-Philippe, 
lorsque  ce  quartier  de  la  cité  fut  bouleversé  par  la  construction 
de  la  rue  d'Arcole.  Seuls,  quelques  Parisiens  se  souviennent 
encore  à  l'heure  actuelle  de  ce  modeste  édifice  qui,  pendant  huit 
siècles  au  moins,  fut  le  témoin  du  culte  rendu  par  leurs  ancêtres 


(1)  «  Dix  ou  douze  personnes  sont  paroissiens  de  ladicte  église  »,  (''crit  Jacques 
Dubreul  en  1612,  tandis  que,  en  1754,  l'abbé  Lebeuf  nous  apprend  que  •■  cette  pa- 
roisse n'est  composée  que  d'environ  vingt  maisons  ». 

(2)  Voici  l'indication  de  ces  registres,  avecles  cotes  sous  lesquelles  ils  sont  pla- 
cés :  (LL  842)  Registre  des  délibérations  de  messieurs  les  curé  et  mai'guilliers 
de  la  paroisse  Sainte-Marine  connnenceant  au  mois  de  febvrier  1669  (c'est-à-dire 
du  2  février,  jour  de  la  Purification,  et  se  terminant  au  3  avril  1689);  —  (LL843) 
État  des  fondations  faites  dans  l'église  et  paroisse  Sainte-Marine  en  la  cité  et  le 
Procès-verbal  de  son  E.  Jlonseigneur  le  cardinal  de  Noailles,  archevêque  de  Paris, 
portant  réduction  des  fondations,  1718:  —  (LL  844)  1°  Énuniération  des  services 
que  le  curé  Isoard  doit  célébrer  pour  des  membres  de  la  conirérie  de  S.  Rocli 
et  S.  Sébastien  établie  dans  l'église  Sainte-Marine  ;  2°  Procès-verbaux  des  déli- 
bérations de  l'assemblée  de  ladite  confrérie;  —  (LL  845)  1"  Sommaires  du  contenu 
de  divers  inventaires  des  droits  et  biens  appaitenant  à  la  cure  et  à  la  l'abrique 
de  Sainte-Marine;  2"  Procès  verbaux  de  délibih'ations  de  l'assemblée  des  niar- 
guilliers  et  paroissiens  ;  3°  Noms  de  messieurs  les  marguilliers  de  l'église  et  fa- 
brique IMadame  Sainte-IMarine  pris  sur  les  comptes  (de  1555  à  1754). 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  581 

à  une  sainte  dont  le  nom  et  l'histoire  ne  sont  plus  connus  que 
de  rares  érudits. 

On  ne  sait  ni  quand  ni  par  qui  fut  bâtie  Téglise  Sainte-JMa- 
rine  (1).  Les  historiens  ne  peuvent  que  placer  sa  construction  à 
une  époque  d'autant  plus  éloignée  que  les  titres  connus  par  eux, 
dans  lesquels  elle  est  mentionnée,  sont  plus  anciens.  Nous  les 
voyons  reculer  ainsi  cette  époqueau  delàde  1400,  de  1228,  de  1211 
et  enfin  de  1045  (2).  Cette  dernière  date  (3)  est  celle  d'un  acte 
dans  lequel  Henri  I",  roi  de  France,  donne  à  Imbert,  évêque  de 
Paris,  la  petite  abbaye  construite  par  son  père  Robert  11,  à  Saint- 
Germain-en-Laye,  ainsi  que  ses  diverses  dépendances,  entre  au- 
tres, «  l'église  de  Sainte-Marine  dans  l'île  de  Paris  ».  Ainsi 
Sainte-Marine  qui  n'a  pas  été  bâtie,  semble-t-il,  du  temps  de 
Henri  P',  remonte  au  moins  au  règne  de  Robert  le  Pieux  (996- 
1031).  C'est,  on  le  voit,  un  âge  respectable  pour  notre  petite 
église,  et  nous  devons  rejeter  complètement  la  supposition  de 
l'abbé  Lebeuf,  d'après  laquelle  elle  aurait  été  construite,  au 
commencement  du  xiii°  siècle,  par  quelque  riche  Vénitien  établi 
dans  la  Cité,  en  souvenir  de  la  patronne  de  sa  ville  natale. 

Plus  erronée  encore  est  l'opinion  de  certains  auteurs  qui  ont 
imaginé  que  Sainte-Marine  tirait  son  nom  des  mariniers  des 
bords  de  la  Seine,  qui  l'auraient  fait  bâtir  en  l'honneur  de  la 
Vierge,  protectrice  des  navigateurs.  Si  une  pareille  hypothèse 
avait  obtenu  créance  dans  le  peuple,  elle  aurait  certainement 
fait  attribuer  à  sainte  Marine  une  intluence  surnaturelle,  basée 
sur  une  fausse  étymologie  de  son  nom,  comme  cela  est  arrivé 
pour  un  si  grand  nombre  de  saints,  tels  que  saint  Expédit, 
invoqué  pour  la  prompte  expédition  des  affaires,  sainte  Fare,  qui 
obtient  la  guérison  des  maladies  d'yeux,  etc.  Au  lieu  de  cela, 
notre  sainte  fut  toujours  l'objet  d'un  culte  spécial  dont  l'origine 
doit  être  cherchée  dans  son  histoire  plutôt  que  dans  son  nom,  et 


(1)  L'abbé  Leboiif  nous  apprend  que  dans  la  première  moitié  du  wur  siècle 
cette  église,  quoique  fort  petite,  était  cependant  plus  vaste  que  l'édifice  primitif, 
lequel  avait  dû  être  remanié  et  agrandi  trois  cents  ans  plus  tôt.  Il  ajoute  que  les 
quatre  ou  cinq  marches  qu'il  fallait  descendre  pour  y  pénétrer  étaient  une 
preuve  de  son  antiquité. 

(2)  On  trouvera  reproduits  dans  les  Appendices  les  passages  où  ces  auteurs  dis- 
cutent sur  l'origine  de  Sainte-Marine. 

(3)  L'acte  en  question  n'est  pas  daté.  La  date  de  1045  est  donc  approximative. 
Jaillot  avait  adopté  celle  de  }0o6. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  40 


582  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

que  l'un  des  nombreux  auteurs  qui  nous  l'ont  fait  connaître 
décrivait  ainsi  :  «  C'est  dans  cette  église  que  se  font  par  autorité 
de  justice  les  mariages  des  filles  qui  ont  failli  à  leur  honneur; 
l'usage  ancien  était  de  leur  donner  un  anneau  de  paille  (1)  ». 
Cette  coutume  a  son  importance,  car  ainsi  que  l'a  déjà  fait  re- 
marquer M.  l'abbé  Nau,  «  elle  montre  que  sainte  Marine  honorée 
à  Paris  était  bien  l'héroïne  faussement  accusée  d'avoir  «  failli  à 
«  son  honneur  ».  Les  peines  qu'elle  avait  endurées  et  les  mérites 
qu'elle  avait  acquis  à  cette  occasion  étaient  sans  doute  censés 
devoir  profiter  aux  personnes  accusées,  avec  justice  cette  fois, 
de  s'être  trouvées  dans  la  même  condition  (2)  ». 

11  est  évident,  en  effet,  que  sainte  Marine  était  connue  dans 
le  diocèse  de  Paris  fort  longtemps  a^  ant  que  son  corps  eût  été 
apporté  à  Venise.  Son  histoire  figurait  dans  ces  vieux  légen- 
daires que  nos  pères  aimaient  tant  à  lire,  et  peut-être  des  Ma- 
ronites, établis  à  Paris,  avaient-ils  contribué  por  leurs  récits  à 
la  rendre  populaire.  Les  plus  anciens  bréviaires  et  missels 
manuscrits  du  diocèse  font  toujours  mention  de  la  mémoire  de 
cette  sainte,  à  la  date  du  18  juin  (3).  Je  n'ai  pas  à  revenir  ici  sur 
les  motifs  qui  ont  dû  faire  adopter  cette  date  (4).  Lorsque,  dans 
le  bréviaire  de  Paris,  publié  par  ordre  de  M^'  de  Vintimille, 
fut  insérée,  en  1736,  une  leçon  historique  concernant  sainte  Ma- 
rine (5),  on  ne  se  préoccupait  pas  beaucoup  de  la  valeur  des  do- 
cuments à  l'aide  desquels' on  rédigeait  les  leçons  de  ce  genre. 
Aussi,  dans  ces  quelques  lignes,  voit-on  accumulées  plusieurs 
erreurs.  11  y  est  dit,  par  exemple,  comme  dans  la  leçon  propre 
au  bréviaire  de  Venise,  que  sainte  Marine  était  originaire  de 
Bithynie,  détail  puisé  dans  la  Vie  métaphrastique  de  la  sainte 
et  qui  doit  être  faux,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  (6).  En  second 

(1)  Le  Maire,  Paris  ancien  et  moderne,  Paris,  1685,  vol.  II,  p.  87.  Voy.  aussi 
Les  curiosités  de  Paris,  de  Versailles...,  par  M.  L.  R.  (Le  Rouge),  Paris,  1716. 
vol.  I,  p.  20,  ainsi  que  plusieurs  des  textes  sur  l'église  Sainte-Marine,  reproduits 
■plus  loin  dans  les  Appendices. 

(•2)  Revue  de  l'Orient  chrétien,  Paris,  vol.  VI,  1901,  p.  281. 

(3)  Et  naturellement  aussi  les  anciens  bréviaires  et  missels  imprimés,  par 
exemple  le  Brevianim  parisiense  de  Ms"'  Pierre  de  Gondj-  (Paris,  1584),  où  on  lit 
à  cette  date  du  18  juin  :  ■«  Commemoratio  Mai-inae  virginis  >-. 

(4)  Voy.  p.  566. 

(5)  Voy.  p.  32.  L'oraison  de  l'office  de  sainte  Marine  a  toujours  ('té.-  à  Paris, 
celle  du  Commun  des  Vierges. 

(6)  Dans  le  Martyrologiam  ad  vsum  Ecclesiae  Parisiensis,  publii-  par  Jean  Le 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  583 

lieu,  on  y  prétend  que  Marine  vivait  vers  le  milieu  du  viii"  siècle, 
ce  qui  est  aussi  inexact.  Enfin,  on  affirme  que  les  reliques  de  la 
sainte  conservées  dans  son  église  avaient  été  apportées  de  Ve- 
nise, ce  dont  on  n'a  aucune  preuve. 

Du  Saussay  est  le  plus  ancien  auteur  qui  signale  l'existence, 
à  Paris,  de  reliques  de  sainte  Marine,  mais  il  se  garde  bien  de 
nous  dire  qu'elles  provenaient  de  Venise  (1).  Une  soixantaine 
d'années  plus  tard,  en  1701,  Adrien  Baillet  écrit  ceci  :  «  Se- 
rait-ce de  Venise  qu'on  aurait  fait  venir  à  Paris  les  reliques 
dont  l'auteur  du  martyrologe  de  Frnnce  dit  que  l'église  de 
mainte  Marine  a  été  enrichie  depuis  longtemps  (2)?  «  On  voit 
donc  que  l'auteur  de  la  leçon  du  bréviaire  de  M^""  de  Vintimille 
a  pris  sur  lui  de  transformer  une  simple  hypothèse  en  fait  cer- 
tain. La  mention  de  cette  origine  n'a  pas  été  maintenue  dans  le 
bréviaire  de  M^""  de  Talleyrand-Périgord,  réimprimé  sous  M^""  de 
Quélen  en  1822,  non  pas  qu'on  eût  alors  des  doutes  sur  celle- 
ci,  mais  parce  que  les  reliques  ne  se  trouvaient  plus  dans  l'é- 
glise Sainte-Marine,  laquelle  n'avait  pas  été  rendue  au  culte 
après  la  Révolution;  mais  elle  a  été  rétablie  dans  l'édition  pu- 
bliée, du  temps  de  M^'  Affre,  en  1847,  avec  cette  indication  sup- 
plémentaire que  les  reliques  avaient  été  déposées  dans  l'église 
métropolitaine.  En  effet,  ces  reliques  auraient  été  enlevées  de 
l'église  Sainte-Marine,  lorsque  celle-ci  fut  ^■endue  en  1792,  puis 

Mimerat  (Parisiis,  pcr  Guidonciu  Mercatoris,  14iA)).  ou  lit,  à  la  date  du  18  juiu  : 
«  Alexandrie  :  Marine  Virginis  ».  Cette  ligue  est  tirée  du  Martyrologe  Romain, 
sauf  que  le  mot  ■■  passio  •>  a  été  supprimé  ici,  parce  que  la  légende  de  Marine 
étant  connue  à  Paris,  on  savait  bien  que  cette  sainte  n'avait  pas  subi  le  martyre. 
Quant  au  mot  «  Alexandriae  ■• ,  s'il  a  ('lé  maintenu,  c'est  que  cette  légende  ne 
s'y  opposait  pas,  puisque,  dans  la  version  latine,  la  seule  qui  fût  alors  en  usage 
en  France,  elle  ne  mentionne  pas  la  région  où  Jlarine  a  vécu.  Lorsque,  plus  tard, 
l'auteur  de  la  leçon  du  bréviaire  de  1730  transporta  Marine  d'Egypte  en  Bithynie, 
il  crut  faire  acte  de  science  -en  faisant  cette  correction  d'après  la  Vie  grecque 
attribuée  au  Métaphraste,  que  l'on  considérait  alors  comme  plus  exacte,  parce 
«ju'elle  contient  plus  de  détails  que  la  Vie  latine.  Ces  tâtonnements  et  ces  diver- 
gences, dont  les  exemples  ne  sont  pas  rares,  prouvent  que  dans  nos  livres  litur- 
giques, il  est  beaucoup  d'indications  historiques  qui  doivent  être  soumises  à 
un  sérieux  contrôle. 

(1)  "  Decimo  sexto  kalend.  Augusti Eodem  die  beataeMarinae  Virginis,  cuius 

pignoribus  dudum  decorata  Augusta  Parisiorum  Lutetia  antiquam  habet  sub 
eius  patrocinio  (cuiEpiscopalis  familia  addictaest)  Ecclesiam  parœcialeni  »  (Mar- 
lyrolof/ium  GalUcanum...  studio  ac  labore  Andreae  Du  Saussay.  Lutetiae  Parisio- 
rum, 1037,  vol.  I,  p.  440). 

(2)  Lca  Vies  des  Saints,  Paris,  1701,  in-S,  vol.  Vil  (mois  de  juillet),  p.  510. 


584  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

transférées  (je  ne  sais  si  ce  fut  [immédiatement  ou  plus  tard) 
dans  le  palais  archiépiscopal,  qui  s'élevait  autrefois  à  l'extré- 
mité orientale  de  la  Cité.  Enfin,  en  1831,  lorsque  ce  palais  fut 
saccagé  au  cours  d'une  émeute,  elles  furent  sauvées  et  trans- 
portées à  Notre-Dame.  Voici  ce  que  m'écrivait  à  leur  sujet,  dans 
une  lettre  datée  du  12  juillet  1902,  M.  le  chanoine  Pousset,  ar- 
chiprêtre  de  Notre-Dame  :  «  On  conserve  dans  le  trésor  de  la 
cathédrale  une  des  deux  clavicules  de  sainte  Marine,  enfermée 
dans  un  simple  tube  de  verre,  scellé  du  sceau  de  M^'"  Darboy.  Je 
crois  me  souvenir  que  les  religieuses  de  l'Hôtel-Dieu  ont  dans 
leur  chapelle  une  autre  relique  de  la  sainte,  échappée  égale- 
ment au  pillage.  » 

La  relique  que  posséderait  la  chapelle  de  l'Hôtel-Dieu,  si 
elle  existe  réellement  (1),  ne  pourrait  être,  semble-t-il,  qu'un 
fragment  détaché,  à  une  époque  assez  récente,  de  celle  qui  se 
trouve  à  Notre-Dame,  car,  dans  un  inventaire  du  mobilier  de 
Sainte-Marine,  dressé  en  1627,  il  n'est  fait  mention  que  d'un 
seul  reliquaire  et,  par  conséquent,  d'une  seule  relique,  laquelle 
était  «  du  bras  »  de  la  sainte  (2). 

Et  maintenant,  cette  relique  est-elle  authentique"?  Il  faut  re- 
marquer d'abord  que,  suivant  l'inventaire  de  1G27,  elle  est 
«  du  bras  »  de  la  sainte,  tandis  que,  d'après  M.  l'archiprêtre  de 
Notre-Dame,  elle  consisterait  en  une  clavicule.  Il  est  fort  pos- 
sible que  le  rédacteur  de  l'inventaire  ait  cru  qu'une  clavicule 
pouvait  être  rangée  au  nombre  des  os  dont  un  bras  se  com- 
pose ;  mais  on  doit  regretter  que  dans  une  chose  aussi  grave 
(jue  la  description  d'une  relique,  un  pareil  manque  de  préci- 
sion, sinon  une  pareille  contradiction,  puisse  exister. 

Cependant,  une  difficulté  plus  sérieuse  se  présente  au  sujet 
de  cette  relique,  qu'elle  soit  une  clavicule  ou  l'os  d'un  bîas.  Nous 
avons  vu  que  Théodore  d'Amadeni,  qui  a  examiné  avec  le  plus 
grand  soin,  en  1675  ou  1676,  le  corps  de  sainte  Marine  conservé 
à  Venise,  a  constaté  que  la  seule  partie  de  ce  corps  qui  en  eût 

(1)  Pour  avoir  dos  ronseignemonts  précis  sur  coite  relique,  j'ai  écrit  à  M'"»  la 
supérieure  des  Auguslinos  hospitalières  do  riIôtel-Dieu,  mais  ma  lettre  est  restée 
sans  réponse; 

(2)  '■  Trois  reliquaires  en  bois  doré,  l'un  du  bras  de  M"""  Sainte  Marine  et  l'au- 
tre de  ]MSr  S.  Denys...  >-  {Inventaire  des  calices,  ciboires,  reliques,  livres,  ornements 
et  meubles  appartenants  à  ('Église  et  Fabrique  Madame  ,Ste  Marine  en  l'année 
4627.  Archives  nationales,  LL845). 


vip:  de  sainte  marine.  585 

été  détachée  était  la  main  gauche.  Le  thorax  était  intact  et  si 
Tavant-bras  droit  était  enflé,  on  ne  remarquait  pas  qu'un  os 
en  eût  été  enlevé  (1).  D'un  autre  côté,  nous  savons  que  les 
reliques  de  sainte  Marine  conservées  à  Paris  s'y  trouvaient 
depuis  longtemps,  lorsque  Du  Saussay  les  signalait  dans  son 
Martyrologe  (1G37).  Enfin,  comme  je  l'ai  déjà  montré,  c'est  à 
une  époque  récente  qu'il  a  été  supposé  que  ces  reliques  avaient 
été  apportées  de  Venise,  alors  que  les  anciens  historiens  qui 
auraient  dû  être  mieux  informés  de  ce  fait,  n'y  font  jamais 
allusion. 

De  tout  cela  il  résulte  que  les  reliques  possédées  autrefois  pai- 
l'église  Sainte-Marine  et  actuellement  par  Notre-Dame,  ne 
peuvent  provenir  du  corps  de  la  sainte  que  l'on  vénère  à  Venise. 
Ou  ce  corps  est  faux  ou  ces  reliques  le  sont  elles-mêmes,  et  il 
semble  bien  que  de  ces  deux  propositions  ce  soit  la  seconde  qui 
soit  exacte.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  l'église  Sainte-Marine 
existait  sûrement  au  commencement  du  xi'  siècle  ou  à  la 
fin  du  x%  c'est-à-dire  longtemps  avant  que  le  corps  de  Ma- 
rine eût  été  apporté  à  Venise,  et  que  dansées  temps  reculés, 
où  l'on  avait  la  passion  des  reliques,  toute  église  devait  pos- 
séder sinon  lé  corps  du  saint  à  qui  elle  était  dédiée,  du  moins 
une  partie  de  celui-ci.  Comment  se  procurait-on  alors  ces 
reliques  si  enviées,  qui  se  chargeait  de  les  fournir  à  qui  les 
demandait,  quelle  confiance  pouvait-on  avoir  dans  l'authenti- 
cité de  celles  qui  se  multipliaient  d'autant  plus  qu'elles  étaient 
plus  recherchées,  c'est  ce  que  je  ne  puis  entreprendre  ici  de 
rechercher.  Je  me  contenterai  de  renvoyer  le  lecteur  à  l'énu- 
mération  et  à  la  description,  données  par  les  Bollandistes,  des 
très  nombreuses  reliques  de  sainte  Marine,  qui  auraient  été 
conservées  dans  un  grand  nombre  de  localités  appartenant 
à  diverses  contrées,  alors  que  les  Vénitiens  étaient  persuadés 
que  le  corps  entier  de  sainte  Marine,  sauf  une  main,  était 
conservé  par  eux  dans  l'église  de  ce  nom  (2).  Cette  énuméra- 
tion,  jointe  aux  explications  présentées  plus  haut,  suffira  pour 
éveiller  des  doutes  sur  l'authenticité  de  la  relique  qui  a  trouvé 
un  dernier  refuge  dans  le  trésor  de  Notre-Dame. 


(1)  Voy.  p.  576. 

(•2)  Act.  Sancl.,  imWai   IV,  Anvers,  17-25,  p.  281-280. 


586  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 


III.  —  Iconographie  de  sainte  Marine. 

Comme  la  plupart  des  saints,  objets  de  la  dévotion  populaire, 
sainte  Marine  a  été  souvent  représentée  par  les  peintres,  les 
miniaturistes  et  même  les  statuaires. 

Chez  les  Maronites,  son  image  se  voyait  dans  la  grotte  où  elle 
s'était  retirée,  près  du  monastère  de  Kanoubine,  et  qui  a  été 
transformée  en  chapelle.  Je  n'ai  pu  obtenir  de  renseignements 
précis  sur  ce  tal)leau. 

Il  doit  exister  dans  les  pays  de  rite  grec  des  icônes  de  sainte 
Marine;  mais  jusqu'ici  je  n'ai  pas  encore  eu  l'occasion  d'en  voir 
une.  Je  ne  connais  pour  le  moment  que  la  curieuse  miniature 
qui  précède  un  panégyrique  de  la  sainte  dans  le  manuscrit  grec 
376  (cLxxxiv)  de  la  Bibliothèque  synodale  de  Moscou  (xi°  s.),  au 
folio  46''.  Cette  miniature,  en  partie  effacée,  est  identique  à  celle 
qui  se  trouve  en  tête  de  la  notice  consacrée  à  sainte  Marine  dans 
le  manuscrit  du  Ménologe  de  l'empereur  Basile  P'  (ix'^  siècle)  et 
qui  a  été  reproduite  dans  l'édition  de  ce  Ménologe  publiée  à 
Rome  en  1727  par  le  cardinal  Albani  (vol.  II,  p.  183).  On  y  voit 
la  sainte,  qui  vient  de  mourir,  étendue  à  terre  sur  une  natte.  A 
sa  tête  se  tient  le  supérieur  du  monastère  tandis  qu'un  autre 
personnage,  debout  également  et  placé  à  sa  gauche,  semble  être 
le  père  de  la  jeune  fille  qui  l'avait  faussement  accusée.  Enfin,  à 
ses  pieds,  on  aperçoit  cette  calomniatrice,  qui  se  reconnaît  au 
désordre  de  son  costume  et  ii  son  attitude  agitée.  On  sait,  en 
effet,  d'après  les  différentes  versions,  qu'immédiatement  après 
la  mort  de  Marine,  elle  vint  confesser  son  crime,  poussée  par 
le  démon  qui  s'était  emparé  d'elle. 

Dans  son  Historia  Byzmitina  (Lut.  Paris.,  1680),  Du  Cange 
donne  à  la  page  149  du  livre  IV,  et  cela  d'après  une  ancienne 
tablette  grecque,  une  gravure  représentant  les  trois  saintes 
Parasceve,  Barbe  et  Marine.  Cet  auteur  n'hésite  pas  à  recon- 
naître notre  sainte  dans  le  dernier  de  ces  personnages,  car  il 
dit  expressément  que  c'est  elle  dont  le  corps  a  été  apporté  à 
Venise  (l).  Or,  je  crois  que  Du  Cange  s'est  trompé.  Dans  toutes 

(1)  «  Sanctarmu  Parasceves,  Barljara?  et  Marinœ,  in  veteri  tabolla  graecanica 
expressas  imagines,  ex  Musaeo  canonicorum  Regularium  Sancta?  Genovefie  Pari- 
siensis  hic  exhibemus-  S.  ÏMarin*  etiaiii  corpus  liaud  procul  ab  urbe  asservatum, 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  587 

les  images  qui  nous  montrent  Marine  la  moniale,  celle-ci  est 
toujours  reconnaissable  à  quelque  signe  particulier  :  par 
exemple,  elle  est  accompagnée  de  Tenfant  qu'elle  dut  élever, 
ou  bien  on  la  voit,  toute  jeune  encore,  entrer  dans  le  monas- 
tère à  la  suite  de  son  père.  Au  lieu  de  cela,  sur  la  tablette  en 
question,  celle  des  trois  femmes  qui  serait  notre  sainte  est 
debout  comme  les  deux  autres  et  tient  simplement  une  croix 
à  la  main.  Aucun  attribut  spécial  ne  la  désigne  donc.  En  se- 
cond lieu,  il  existe  réellement  une  Marina  grecque,  dont  la 
biographie  est  ordinairement  placée  dans  les  manuscrits  près 
de  celles  d'autres  saintes,  martyres  comme  elle,  telles  que, 
précisément,  sainte  Barbe  et  sainte  Parasceve.  C'est  la  martyre 
d'Antioche  de  Pisidie  qui,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  a  si  sou- 
vent été  confondue  avec  la  moniale  de  Syrie.  Il  n'est  pas  dou- 
teux qu'il  ne  faille  la  reconnaître  dans  le  troisième  personnage 
de  la  tablette.  Ce  qui  confirme  la  chose,  c'est  que  son  nom, 
'Ayi'a  Mapîva,  y  est  inscrit.  Or,  nous  savons  que  dans  les  livres 
et  les  inscriptions,  les  Grecs  n'appellent  jamais  la  moniale 

Maptva,  mais  Mxpîa. 

En  France,  en  Italie,  en  Espagne,  et  sans  doute  aussi  dans 
d'autres  contrées,  on  a  souvent  représenté  sainte  Marine  dans 
les  collections  de  Vies  de  saints  imprimées  (1)  ou  manuscri- 
tes (2).  Tantôt  nous  la  voyons,  âgée  d'une  dizaine  d'années 
environ  et  vêtue  en  garçon,  arriver  avec  son  père  au  monas- 
tère, dont  la  porte  leur  est  ouverte  par  des  religieux;  tantôt 
nous  l'apercevons  dans  la  grotte  où  elle  s'est  réfugiée,  donnant 
ses  soins  à  l'enfant  qui  passe  pour  être  le  sien  ou  priant  à  ses 
côtés  pendant  qu'il  dort;  parfois,  on  nous  les  montre  tendant 
les  mains,  l'un  et  l'autre,  vers  un  passant  qui  leur  jette  un 
morceau  de  pain;  enfin,  souvent,  gravures  et  miniatures  met- 


incleque  Venetias  traaslatum  an.  MCCXXX  scribit  Andréas  I>anduliis  in  Chron. 
nis...  » 

(I.)  Par  exemple  dans  Les  vies  des  SS.  Pères  des  Déserts  et  des  Saintes  Solitaires 
d'Orient  et  d'Occident,  avec  des  Figures  qui  représentent  Vaustérité  de  leur  vie  et 
leurs  principales  occupations  (par  Bourgoing  de  Villefore),  Paris,  1706-1708,  vol.  II 
des  SS.  Pères  d'Orient,  p.  298,  et  édition  de  1722,  vol.  III,  p.  260. 

(2)  Voy.  les  miniatures  des  manuscrits  suivants  de  la  Bibliothèque  Nationale 
qui,  presque  tous,  contiennent  des  traductions  de  la  Légende  dorée  de  Jacques 
de  Voragine:  Français  241,  f»  139";  242,  f<>  120^^;  6848,  f  156";  20330,  f»  13-5';  24947, 
f  179';  Espagnol  41,  f'  123". 


588  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

tent  sous  nos  yeux  le  corps  de  la  sainte,  qui  vient  de  mourir 
dans  sa  pauvre  cellule,  entouré  par  les  religieux  qui  se  pros- 
ternent devant  lui. 

A  Venise,  l'église  Sainte-Marine  et  ses  dépendances  possé- 
daient UQ  certain  nombre  de  tableaux,  icônes,  statues,  bas- 
reliefs,  fresques,  mosaïques,  tapisseries  et  bannières,  d'un  tra- 
vail italien  ou  grec,  représentant  notre  sainte  dans  diverses 
attitudes  et  vêtue  de  façons  différentes.  Théodore  d'Amadeni 
nous  en  a  laissé  dans  son  manuscrit  (p.  35-47)  une  intéressante 
description,  accompagnée  de  onze  aquarelles.  Il  est  bien  pro- 
bable que  le  plus  grand  nombre  de  ces  objets  ont  disparu. 

Autrefois  les  peintres  et  statuaires,  quand  ils  dessinaient  ou 
modelaient  la  figure  d'un  saint,  se  souciaient,  trop  souvent 
aussi  peu  de  la  vérité  historique  que  les  hagiographes  qui  écri- 
vaient sa  Vie.  Voilà  pourquoi  Théodore  d'Amadeni  lui-même 
s'indigne  à  la  vue  de  tableaux  où  sainte  Marine,  qui  vécut 
en  Orient,  probablement  au  v''  siècle,  apparaît,  par  exemple, 
sous  le  costume  d'un  religieux  franciscain.  Il  est  vrai  que 
les  explications  dans  lesquelles  il  entre  pour  nous  apprendre 
comment  elle  devait  être  vêtue,  sont  de  nature  à  nous  faire 
sourire  à  notre  tour. 


BIBLIOGRAPHIE  DE  SAINTE  MARINE 

I.   TEXTES  LATINS 

1a  Vie  complète.  Manuscrits. 

Bruxelles.  Bibliothèque  Royale.  Ms.  98-100  (xii«  s.),  ^^  11^-12^  — 
7462-81  (xiiie  s.),  î'"  197--198^  —505-75  (xiv^  s.),  f"'^  153^-155^.  —  Cam- 
bridge. Bibliothèque  du  «  Corpus  Christi  Collège  ».  Ms.  36  (xiv*  s.), 
fos9  _  Bibliothèque  du  «  King's  Collège  ».  Ms.  4  (xv°  s.),  f°*  fd.  — 
Bibliothèque  de  rUniversité.  Ms.  Mm.  iv.  28  (xii'  s.),  f«*  141^-143'.  — 
VI.  4  (xiv«  s.},  f<"*  182'■-188^  —  Chartres.  Bibliothèque  de  la  ville.  Ms. 
168  (al.  192 -/B  (xiie,s.),  f^^  156'--157'.  —  Douai.  Bibliothèque  de  la  ville. 
Ms.  313  (xiie  s.),  foMlS'-lH^  -  870  (xii-^-xiiF  s.),  f"»  137'-137\  —Londres. 
Bibliothèque  du  British  Muséum.  1/s.  Add.  11,880  (xi-^  s.),  f»s?.  —Add. 
25,881  (xvi-^  s.),  fos  243-254.  —  {Fonds  Cotton.)  Nero  A  ÏII  (xiii-xv<=  s.), 
fos  52-55.  —  (Fo7ids  Hadeion.)  3597  (An.  1474),  f"*  191-193,  —  Milan.  Bi- 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  589 

bliothèque  Ambrosienne.  Ms.  D.  525  Inf.  (olim  0)  (xi«  s.),  f"'  128'-12<J'-. 
—  I.  01  Inf.  (XV  s.),  f°«  100^-102^  —  B.  49  Inf.  (olim  R.  978)  (xv«  s.j. 
f°'  135'^-136'"  (en  vers).  Reproduit  dan.s  Analecta  Bollnndiana,  Bruxelle.s, 
vol.  XII,  1892,  p.  240-249.  —  Oxford.  Bibliothèque  Bodléienne.  {Bibl. 
Canonic.)  Ms.  395 (An.  1441),  f°*  48-53.  —  (Bibl.  Laudian.)  Ms.  346(xv^s.,). 
f»s  159-171.  —  Bibliothèque  de  1'  «  Oriel  Collège  ».  Ms.  Lxxvi  (fin  du 
xin«  s.),  f°^  240-247.  —  Bibliothèque  du  «  St.  John's  Collège  ».  Ms. 
182  (xv«  s.),  f°'  105-108.  —  Paris.  Bibliothèque  Mazarine.  Ms.  1734 
500)  (xv"  s.),  f*"'  131-132.  —  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Latin  2328 
;ix«  s.),  P'  118--120''.  —  10840  Cxi«  s.),  f°"  145'•-147^  —  5345  (xii^  s.),  P'  87^- 
S8\  —  5573  (xii«  s.),  fo*  54>--56v.  —  5600  (xii«  s.),  f°^  52v-56'-.  —  2843  B  (xii^  s.), 
f'^^  122''-124^  —  2941  (xin"  s.),  f°^  74'--75'-.  —  5290  (xm«  s.),  f°^  63'•-^>4^  — 
5380  (xni"  s.),  f"^  122^-128^  —  12012  (xiii«  .s.),  f°^  182'--184'-.  -  3278  txiv»  s.), 
f'^^  56'-57^  -  5300  xiv-  s.\  f"s  lOr-102'-.  —  5307  xiv"  .s.  ,  f '^  32^-34^  — 
17632  (xv«.s.),  f»  07^-08^.  —  Reun  (Styrie  .  Bibliothèque  du  monas- 
tère cistercien  de  Sainte-Croix.  Ms.  11  (xii*^  s.),  î'""  10''-10^.  —  Rome. 
Bibliothèque  Alexandrine.  Ms.  93  (►!<.  i.  5)  (XYU*^  s.),  f»'  900'-901'.  — 
Venise.  Bibliothèque  Marcienne.  Ms.  a.  193,  i.  119  [z.  l.  dmi].  Ya 
ixiV"  s.),  f°  92.  —  Vienne.  Bibliothèque  du  monastère  ^  B.  M.  V.  ad 
Scotos  ».  Ms.  54,  f.  17  (xiv«  s.),  f<"*  220v-229^  —  Wolfenbuttel.  Biblio- 
thèque de  la  ville.  Ms.  322  Helmst.  (xv°  s.),  f"*  309'-3I0\  —  Zwettl 
Basse-Autriche.  Bibliothèque  du  monastère  cistercien  de  Z-wettl. 
Ms.  13  (xiii«  s.),  f«^?. 

*t.  Vie  complète.  Imprimés. 

De  vita  et  verbis  seniorum  libri  X.  Opéra  et  studio  Heriberti  Hosxoeydi 
UUraiectini  e  soc.  lesu  Theologi.  .\ntuerpiae,  ex  off.  Plantiniana,  1015.  In- 
fol.  (Voy.  p.  393-395).  Reproduit  dans  Acta  Sanctorum,  i\\\\\e%  IV,  Anvers, 
1725,  p.  280-287  (2«  édit.,  Paris,  1868,  mêmes  pages)  et  dans  Patrologia 
graeca  de  Migne,  Paris,  vol.  LXXIII,  1849,  col.  091-095.  —  De  vitis  sancto- 
nim  ab  Aloysio  Lipomano  olim  conscrintis  :  nunc  primum  a  F.-Laurentio 
Surio  carthiisiano  emendatis  et  auclis.  Venetiis,  1581.  In-fol.  (Voy.  vol.  I. 
fos  282^^-283%  8  février). 

3.  Vie  alirég^ée.  llanusei*i(!i» 

Jacobus  a  Voragine,  Legenda  aurea.  Dans  tous  les  manuscrits,  dont  cin- 
quante environ  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  Nationale. 

4.  Vie  abrég^ée.  Imprimés. 

Breviarnm  Parisieuse  (à  la  date  du  18  juin).  Toutes  les  éditions  anté- 
rieures à  l'introduction  de  la  liturgie  romaine  dans  le  diocèse  de  Paris, 
depuis  celle  de  M^f  de  Vintimille  parue  en  1730.  —  Fasti  Mariant  cum 
divorum  elogiis  in  singulos  anni  dies  distributis.  2»  edit.  Antv.,  1033, 
in-32  (Voy.  p.  92-93).  —  Jacobus  a  Voragine,  Legenda  aurea.  Dans  toutes 
les  éditions.  —  Petrus  de  Natalibus,  Catalogus  sanctonim  ex  diversis  ac 


590  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

doctîs  volwinnibus  congeslus.  Lugdimi,  1521,  in-8  (Voy.  liv.  VI,  chap.  1G8, 
fo  104'^). —  Officia  sanctorum pro  civitate  et  dioecesi  Venetinrtim  usque  nunc 
concéssa.  Mechlinae,  1863,  in-16  (Voy.  à  la  date  du  17  juillet,  p.  80).  — 
Vincentius  Belvacensis,  Spéculum  historiale.  Nurembergae,  1483,  in-fol. 
(Voy.  liv.  XVI,  chap.  74-75).  —  Ughelli,  Italia  sacra.  Romae,  1643-1662, 
in-fol.  (Voy.  vol.  VI,  col.  1217). 

II.  TEXTES  GRECS 

1.  Vie  complète.  Slanii^ïcritat. 

Berlin.  Bibliothèque  Royale.  Ms.  graec.  Quart.  16  (wii»  .s.),  f""  68'- 
86'.  —  Jérusalem.  Bibliothèque  du  monastère  du  Saint-Sépulcre. 

Ms.  grec  1  (x«  s.),  f°=  83^-84\  —  329  (xvii«  s.),  P'  108-117.  —  Mont-Athos. 
Bibliothèques  des  monastères  (excepté  ceux  de  Lavra  et  de  Vatopédi). 
D'aprè.s  le  catalogue  de  M.  Lambros  :  Ms.  4528'  (xiv*'  s.).  —  4812   (xvi'=  s.). 

—  1601»  (xvi^  s.).  —  2160'  (xvF  s.).  —  2173*^  ,xvi«  s.).  -  3223'  (xvi^  s.). 

—  2163'^  (xvii«  s.).  —  2423^  (xviF  s.)   —  2825^2  (xvii''  s.).  —  2833«  (xvii^  s.). 

—  4503'*(xvii^  s.)  —4589»"  (xyii*^^  s.j.  —  4808'-^  (xvii''  s.).  —  4872^  (xvii«s.). 

—  101-*  (xviii''  s.).  —  150"'  (xvin«  s.).  —  223P  (xviiF  .s.).  —  Moscou.  Bi- 
bliothèque synodale,  l/s.  grec  'iltj  I  — — — J  xv<i  s.),  f"^  69^-7b.  —  Pa- 
ris. Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Coislin  257  (xi^  s.),  f'""  46'"-48' .  — 
Coislin  283  (xi"  .s.),  fo*  38^-40'-.  —  Grec  2474  (xui-^  s.),  f'^^  249'-251\  -  1313 
(xv«  s.),  fo^  264--267V.  —  1632  (xvi'--  s.),  fo»  226'--233^  —  Rome.  Biblio- 
thèque Vaticane.  Ms.  Vatic.  866  (xii«  s.),  f^"  ôlS-'^m-.  —  1190  (xvr'  s.), 
f'« 853^-857'.  —  Ottob.  415  (xiv^  s.-,  f»*  .307v400^  —  92  (xvi'^  s.),  f»^  87^-91% 
Vienne.  Bibliothèque  Impériale.  Ms.  grec  11  {Hist.  ecclés.)  {'!  s.). 
fos  69^-73\  —  337  (  Théol.  gr.)  (?  s.),  f°-  66v-71\ 

!3.  Vie  complète.  Imprimést. 

Palrologia  graeca  de  l'abbé  Migne,  vol.  CXV,  Pari.s,  1864.  col.  347- 
355  (1). 

:i.  Vie  abi'ég^ée.  Manuscrits. 

Dans  tou.s  les  Ménologes,  Menées  et  Synaxaires,  à  la  date  du  12  février. 

4.  Vie  abi'ég^ée.  Imprimés. 

Dans  toutes  les  éditions  des  Menées,  à  la  date  du  12  février.  —  Menolo- 
gium  Graecorum  Jussu  Basilii  Imperatoris  graece  olim  editum,  studio  et 

(1)  Ce  texte  grec,  qui  est  la  version  attribuée  à  Syméou  Métaphraste,  serait 
reproduit  d'après  le  ms.  grec  1538  de  la  Bibliothèque  Nationale.  Cette  indication 
est  fausse.  Le  manuscrit  en  question  contient  bien  une  Vie  de  sainte  Marine, 
mais  celle-ci  est  tout  autre  que  la  Vie  imprimée,  car  le  personnage  qu'elle  nous 
fait  connaître  est  Marine  martyrisée  à  Antioche  de  Pisidie. 


VIE    m:    SAINTE    MARINE.  591 

(ipera  Card.  Albani.  Urbini,  1727.  In-fol.  (Voy.  vol.  II,  p.  183).  —  SuvaPa- 
p{3-7]i;  Tôiv  ôtoôey. a  ;j.7Îvwv  tou  iviauTou,..  auyypaoc'i;  Otco  Matpt- 
■/.t'ou...  [i-ETa  sipaiS  £  tç  unb  Nf/.ooiîfjLOu  '\y  top  s  itou.  "Ev  Bevetio:,  1819. 
In-4  (^'oy.  p.  122,  à  la  date  du  12  février). 


5.  Panég^yriques.  Maunscrits. 

/       183       \ 
Moscou.   Bibliothèque  synodale.  Ms.  qrec  376  ( |  (xF  .s.), 

\    CLXXXIV    / 

t'*47'-50-. 

III.   —  TEXTES  FRANÇAIS 

I .  Vie  oomplèto.  llanuscrits. 

Bruxelles.  Bibliothèque  Royale.  J/.s.  10205-304  , An.  1428-29),  f°«  ISS'- 
137''  (en  vers).   —  Paris.   Bibliothèque  Nationale.  Ms.   Français  1038 

(xiiio  S.),  f«^  88^-90^  —  422  (xiii*^  .s.),  f"*  77^-78^,  —  23117  (xiiie-xiv  s.), 
fos  456M58'-.  —  413  (xr^  s.),  f»»*  427'--428'-.  —  29911  (xv«  .s.),  f^*  91v-93'-.  — 
Rome.  Bibliothèque  Vaticane.  Ms.  172^  du  fonds  de  la  Reine  C/irisline 
de  Suéde  (xv^  s.  .  f"^  10o'"-110'^^  (en  vers;. 

"S.  Vlo  complète.  Imprimés. 

Jacques  du  Breul,  I.e  Théâtre  des  antiquités  de  P((ris.  Paris,  chez  Claude 
La  Tour,  1612.  In-4  Voy.  p.  88-89).  —  A/.,  édition  de  1639  (Voy.  p.  67-68).  — 
Les  vies  des  saints  Pères  des  déserts  et  de  quelques  Saintes  par  des  Pères  de 
l'Église  et  autres  anciens  auteurs  ecclésiastiques  grecs  et  latins,  traduites 
en  François,  par  M.  Arnaud  dWndilly.  Paris,  Le  Petit,  1662-1668.  In-8  (Voy. 
vol.  I,  p.  547-552).  —  Id.  Paris,  L.  Josse,  1701-1702  (Voy.  vol.  I,  p.  535- 
540).  (Traduction  du  texte  latin  de  Rosweyde).  —  A.  Baillet,  Les  Vies  des 
Saints,  Paris.  1701.  In-fol.  (Voy.  vol.  II,  mois  de  juillet,  H'-'/jour,  p.  253-254). 
(Traduction  libre  des  textes  latins  de  Rosweyde  et  surtout  de  Surius). 

3.  Vie  abré§rée.  llanusifi'itfs. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Français  24947  (xii'^  s.),  f°*  179^- 
181r.  _  423  (xiv'  s.),  f°  20^  —  241  xiv^  s.),  f«^  i39v- 140'.  —  20330  (xiv^  s.), 
f°^  135'-135^.  —  184  (xv«  s.;,  f^'^  154^-155^  —  242  (xv^  s.),  f°^  120^-121^  — 
243  (xiv«  s.),  fos  149^  150^  —  244  (xv  s.),  f°^  172'-172^.  —  414  (xV^  s.),  f'>  174''. 
—  415  (xv*'  s.),  fos  227^-228^  —  1534  (xv*'  s.),  f«s  44'--44^.  —  1535  (xv«  s.), 
p'  309^-310'-.  —  6448  (xv«  s.),  P^  156v-157'-.  -  17232  (xv«  s.)  f  140''.  — 
23114  (xv«  s.),  f»^  147'--147^  —  13498  (xvii«  s.),  P^  45'--45^.  (Ces  textes  sont, 
pour  la  plupart,  des  traductions,  parfois  assez  différentes  les  unes  des 
autres,  du  latin  de  Legenda  aurea  de  Jacques  de  Voragine). 


592  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN, 


4.  Vie  abrégée.  Imprimés. 

Jacques  de  Voragine,  La  Légende  Dorée.  Dans  toutes  les  éditions.  —  Les 
vies  des  SS.  Pères  des  Déserts  et  des  Saintes  Solitaires  d'Orient  et  d'Occi- 
dent, Avec  des  Figures  qui  représentent  Vaustérité  de  lettrvie  et  leurs  prin- 
cipales occtipations  (par  J.-F.  Bourgoing  de  Alllefore).  A  Paris,  chez  Jean 
Mariette,  rue  S.  Jacques,  aux  colonnes  d'Hercule.  170G-1708.  4  vol.  in-12 
(Voy.  vol.  Ildes  SS.  Pères  d'Orient,  p.  298-303).  —Id.,  édition  de  1722,  3vol. 
in-12  (Voy.  vol.  III,  p.  260-264).  (Traduction  libre  du  texte  latin  de  Ros- 
weyde). 

o.  Vie  paraphrasée,  llanusorifs. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  3Is.  du  Fonds  Duchesne  86  (xvii*  s.), 
p.  479-482  :  De  Sainte  Marine  grecque  vierge  religieuse.  Exiraicts  de  plu- 
sieurs légendaires  anciens  latins  et  français,  par  Pascal  Robin  sieur  du 
Faux.  —  M^'  P.  Guérin,  Les  petits  Bollandisles,  Paris,  vol.  VII,  1872, 
p.  134-136, 

<».   l'aiiég^yriqiies.  Imprimés. 

Jacques  Biroat,  Panéggriques  des  Saints.  Paris,  (.'outerot,  1667-16C9. 
3  vol.  in-8(Voy.  vol.  II,  p.  225-247).  —  Même  volume  et  mêmes  pages  dans 
les  éditions  postérieures. 

IV.  —  TEXTES  CATALANS 

Vie  abréjSfée.  llanuscrifs. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Espagno'l  44  (xiV  s.),  f^  123*- 
124'"  {Légende  Dorée  de  Jacques  de  Voragine). 

V.  —  TEXTES  PROVENÇAUX 

Vie  abrégée.  Manuscrits. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Français  9759  (xV  s.),  f°s  lôl""- 
161\  —  24945  (xv^  s.),  f'"*  57v-59^ 

VI.   —  TEXTES  BAS- ALLEMAND 

Vie  complète,  llanuscrits  et  imprimés. 

Wolfenbuttel.  Bibliothèque  de  la  ville.  Ms.  llelnisl.  1203  (xV  s.)' 
fos  72'-80^.  —  Reproduit  par  Cari  Schroder  dans  son  opuscule  Vrurenlof. 
V'rtrt  sunte  Marinen.  Mittelniederdeutsche  Gedichte.  Erlangen,  Ed.  Besold, 
1869.  In-8  (Voy.  p.  23-35).  (Envers).  —  Lehen  der  ffeiligen.Lubec'k,Steiïen 
Arndes,  1492  (Voy.  p.  40).  Voy.  aussi  les  éditions  de  1499  et  1507  :  Liibeck, 
Steffen  Arndes,  et  celles  de  1511  et  1517  :  Bàle.  Adam  Petrus.  (Ce  texte  a 
été  reproduit  par  Cari  Schroder,  op.  cit.',  p.  14-IG). 


VIE    DE    SAINTE    MARINE.  593 

VII.  —  TEXTES  HAUT  ALLEMAND 

Vie  complète,  ilaniiiscrits  et  imprimés. 

Leben  der  Ileiligen.  Augspurg,  Gunther  Zainer,  1472  (Voy.  fos  56'-56''). 
—  F.  Karl,  Kopke  Das  Passional.  Eine  Legenden-Sammlung  des  dreizehnten 
Jahvhunderts.  Quedlinburg,  1852  (vol.  XXXII  de  la  Biblioth.  d.  gesammt. 
National- Literalur).  (Voy.  p.  305-307).  (D'après  deux  mss.  du  xiv"  siècle, 
(lui  se  trouvent  Tun,  dans  la  Bibliothèque  de  Strasbourg,  et  l'autre,  dans 
celle  de  Kônigsberg;. 

VIII.  —  TEXTES  SYRIAQUES 

1.  Vie  complète.  Slanusct'its. 

Londres.  Bibliothèque  du  British  Muséum.  Ms.  Add.  14,  G49  (ix*^  s.). 
fo^  105-107.  —  Add.  12, 172  (x^--  s.),  fos  33-38.  —  Add.  14,  722  (xiii«  s.),  f°^  39- 
42.  —  Paris.  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Sgriaquc  234  (xiii'  s.i. 
fo«  165-167.  —  317  (xviu'  s.),  P^  165-167.  —  Sinaï.  Bibliothèque  du  Mo- 
nastère de  Sainte-Catherine.  Ms.  30  (An.  778).  f"*  70'-76'. 

2.  Vie  complète.  Imprimés. 

P.  Bedjan,  Acta  inartgrum  et  sanetonim.  Paris,  1890-1897.  In-12  (Voy. 
vol.  I,  p.  366-371:  II,  272-277).  —  Select  narratives  of  Holy  Women  from 
the  syro-antiochene  or  Sinai  Palimpsest...  Texte  et  traduction  anglaise  par 
Agnes  Smith  Lewis  (Fasc.  ix  et  x  des  Studia  sinailica).  Londres,  1900. 
ln-4.  (Voy.  p.  !^-v«bo  et  36-45). 

:i.  Office  propre.  Manuscrits. 

Dans  un  certain  nombre  de  manuscrits  (jue  possèdent  quelques  cou- 
vents maronites  du  Mont  Liban. 

IX.  —  TEXTES  COPTES 

Vie  complète.  Manuscrits. 

Oxford.  Bibliothèque  de  la  «  Clarendon  Press  ».  Fragment  59 
(xr  s.).  —  Paris.  Bibliothèque  Nationale.  Ms.  Copte  129^^  {x"-  s.),  ^^ 
38-41. 

X.  —  TEXTES  ARABES 

1.  Vie  complète.  Manuscritiii. 

Rome.  Bibliothèque  Vaticane.  Ms.  Fatic.  syr.  99  (An.  1545),  f»**  115^ 
ligv,  _  196  (An.  1551),  P*  409-414'-.  —Arab.  171  (.xviie  s.),  f^^  114^  115^.  — 
Sinaï.  Bibliothèque  du  monastère  de  Sainte-Catherine.  Ms  407  (An. 


594  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

1335),  n°  17.  —  Poésie  arabe  contenue  dans  quelques  manuscrits  conservés 
au  Mont-Liban,  entre  autres,  dans  un  ms.  du  monastère  de  Kanoiibine, 
daté  de  1G87. 

!3.  Vie  al)i'ég;ée.  llanu^^crits. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  3Is.  Arabe  4S10  (XW  s.),  f*"*  158'-15y*. 
—  256  (xYie  s.),  fo^  272^-273^  —4780  (xix"  s.),  f°^  250"^-252\ 

XI.  —  TEXTES  ÉTHIOPIENS 

Vie  complète,  llanuscrits. 

Paris.  Bibliothèque  Nationale.  .!/.<.  Éthiopien  128  (xvin"  s.),  f'"'  201'- 
202\ 


XII.  —  OUVRAGES  D'ENSEMBLE  SUR  LA  VIE 
ET  LE  CULTE  DE  SAINTE  MARINE 

1*  Manuscrits. 

Venise.  Archives  de  la  paroisse  de  S.  Maria  Formosa.  Biologiu 
S.  Marinae  monachnm  indutne  virginis  ex  vetustisstmo  autographo  ac 
variis  tam  antiquis  (juam  modernia  sc)'iplo}'ihus  co)icinnat(i  stiuiio  et  opéra 
Theodori  D'Amadeno  eqm'tis,  comitis  S.  Mariae  de  Castro  et  S.  Martae 
Ahbatis,  etc.  Venetiis,  anno  Domini  MDCLXXVI. 

*i,  Iniprimés. 

Les  Vies  des  Saints,  par  Adrien  Baillet,  Paris,  1701,  in-8,  vol.  VI  (mois 
de  juin),  p.  445,  et  vol.  MI  (mois  de  juillet),  p.  510-516.  —  Acta  Sanclorum 
publiés  par  les  Bollandistes,  Juillet  IV,  Anvers,  1725,  p.  278-287  (2e  édit., 
Paris,  1868,  même  vol.  et  mêmes  p.).  (L'auteur  est  le  P.  J.-B.  Du  Sollier).  — 
Net  solenne  giorno  che  celebrasi  ta  feslivilà  di  Santa  Marina.  Sloria  pa- 
rocchiale  dedicata  al  nierilo  de!  Signor  Giovanni  Battista  Brilti  attuale 
Guardiano  delta  Scola  e  Sovegno  solto  il  patroeinio  di  detta  Santa  Vanno 
1756.  Venezia,  (Feuille  volante)  (1).  ~  Compendio  délia  vita  diS.  Marina, 
il  eiii  s.  incorrotto  corpo  si  venera  in  Venezia...  Venezia,  1763,  in-12. 


(l)  «'  E  una  stoi'ia  in  versi  inartelliaiii  anonima,  nolla  qiiale  parlas!  délia  santa 
e  del  suc  corpo  che  riposava  in  quella  chiesa  di  oui  si  tesse  la  storia  e  la  série 
de'  piovani  »  (E.  A.  Cicogna,  Sa/jf/.  di  biblioyr.  venez-.,  Vonozia,  1847,  n"  .5838, 
p.  799). 

Léon  Clugnet. 


SUPPLEMENT 

AUX  TEXTES  ARABES 

La  poésie  arabe  sur  sainte  Marine,  qui  est  donnée  dans  les 
pages  suivantes  et  qui  n'avait  pas  encore  été  imprimée  jusqu'ici, 
est  conservée  au  Mont-Liban,  dans  un  certain  nombre  de 
cahiers  manuscrits,  dont  plusieurs  sont  mutilés.  Elle  est 
écrite  dans  un  mètre  analogue  au  mètre  syriaque  de  14  pieds, 
divisé  en  deux  hémistiches.  Dans  les  139  strophes  de  deux 
vers,  dont  elle  se  compose,  les  trois  premiers  hémistiches  ont 
une  rime  commune,  tandis  que  le  quatrième  se  termine  par 
une  syllabe  qui  est  la  même  d'un  bout  à  l'autre  de  la  pièce. 
Comme  dans  les  poésies  en  langue  vulgaire  de  tous  les  pays, 
l'auteur  supprime  souvent  des  accents-voyelles  pour  que  le 
nombre  des  pieds  exigé  par  la  mesure  ne  soit  pas  dépassé. 

La  langue  de  cette  poésie  est  le  dialecte  arabe  du  Liban 
avec  quelques  prétentions  à  l'arabe  littéraire.  D'ailleurs,  elle 
n'est  pas  exactement  la  même  dans  tous  les  manuscrits,  car 
il  est  évident  que  dans  les  plus  récents  elle  a  été  retouchée 
et  améliorée.  Le  texte  publié  ici  a  été  établi  par  le  R.  P. 
Cheïkho,  S.  J.,  le  distingué  arabisant  de  Beyrouth,  à  l'aide 
de  deux  copies  que  M.  l'abbé  Arida,  secrétaire  du  patriarcat 
maronite,  et  le  P.  Pierre  Hobeïka,  curé  maronite  de  Basconta, 
ont  eu  l'obligeance  de  me  procurer. 

L'auteur  de  cette  poésie  est,  à  n'en  pas  douter,  le  patriarche 
maronite  Joseph  Akouri,  qui  occupa  le  siège  patriarcal  de 
1644  à  1648.  Dans  plusieurs  strophes  il  raconte  son  histoire 
et  signale  les  difïérents  postes  dont  il  a  été  chargé  pendant 
sa  jeunesse  cléricale. 

Si  la  date  de  1641  appliquée  k  la  composition  du  poème  est 
exacte,  Joseph  Akouri  l'aurait  écrit  avant  son  élévation  à  la 
dignité  patriarcale. 

L.  C. 


Ij^U  Ca-wv^jJ^aH  Cvi^Jlo 


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VIE    DE    SAINTE    MARINE.  591 

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ORIUNT    CHRÉTIEN.  41 


598  REVUE  DE  l'orient  ciirétiex. 

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VIE    DE    SAINTE    MARINE.  i390 

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600  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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VIE    DE    SAINTE    MARINE. 


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VIE    DE    SAINTE    MxVRINE.  603 

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604  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

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VIE    DE    SAINTE    .MARINE.  605 

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VIE    DE    .SAINTE    MARINE.  607 

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REVUE    DE   l'orient    CHRÉTIEN. 

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BIBLIOGRAPHIE 


The  sixth  book  of  the  sélect  letters  of  Severus,  patriarch  of 
Antioch,  in  the  syriac  version  of  Athanasius  of  Nisibis,  edited  and  trans- 
lated  by  E.  W.  Brooks,  vol.  I  (texte  syriaque)  en  deux  parties,  ix  + 
vu  +  530  pp.  in-8o;  vol.  II  (traduction  anglaise)  en  deux  parties,  xiv  + 
VII  +  480  pp.  —  Londres,  Williams  and  Norgate,  1902-1904. 

Le  présent  ouvrage  paraît  sous  les  auspices  de  la  Text  and  Translation 
Society  que  de  savants  orientalistes  anglais  ont  constituée  dans  le  but  d'é- 
diter et  de  traduire  des  textes  orientaux,  principalement  des  textes  conser- 
vés au  British  Muséum. 

L'original  grec  des  lettres  de  Sévère,  comme  d'ailleurs  celui  de  toutes 
les  œuvres  de  cet  illustre  patriarche  d'Antioche  (512-518),  a  complète- 
ment péri,  sauf  quelques  rares  fragments  qui  nous  sont  parvenus  pour 
la  plupart  dans  des  catènes  grecques.  La  littérature  syriaque  compense 
heureusement  dans  une  certaine  mesure  la  perte  du  texte  grec  :  elle  nous 
a  transmis  le  sixième  volume  des  lettres  choisies  de  Sévère  dans  l'excel- 
lente version  d'Athanase,  de  Nisibe. 

Sévère  a  écrit  un  nombre  considérable  de  lettres.  Il  ressort  du  volume 
que  nous  en  possédons  qu'il  existait  de  lui  23  livres  de  lettres,  dont  4 
avaient  été  écrits  avant  son  épiscopat,  10  pendant  son  épiscopat  et  9 
après  son  expulsion  du  trône  d'Antioche;  que,  de  plus,  on  lui  connaissait 
des  lettres  qui  n'étaient  comprises  dans  aucun  de  ces  23  livres.  L'ensem- 
ble de  la  correspondance  de  Sévère  s'élevait,  d'après  les  calculs  de 
M.  Brooks,  au  chiffre  respectable  d'au  moins  3759  lettres.  De  ces  3759  let- 
tres, 123  seulement  nous  ont  été  conservées  par  la  version  d'Athanase  ; 
elles  remplissent,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  toujours  reproduites  in- 
extenso  et  qu'elles  soient  parfois  mutilées,  521  pages  in-S'',  ce  qui  re- 
présente, pour  la  collection  complète  des  lettres,  à  peu  près  160.000  pages! 
On  comprend  qu'une  correspondance  aussi  volumineuse  ait  amené  la  pu- 
blication d'un  recueil.de  lettres  choisies.  C'est  de  ce  recueil,  qui  compre- 
nait au  moins  six  livres,  que  le  prêtre  Athanase  de  Nisibe  traduisit  le 
sixième  en  syriaque,  en  l'an  669  .après  Jésus-Christ,  à  la  prière  de  Mat- 
thieu, évéque  d'Alep,  et  de  Daniel,  évèque  d'Édesse. 

Les  lettres  traduites  par  Athanase  traitent  toutes  des  questions  d'ordre 
ecclésiastique.  Elles  sont  réparties,  d'après  leur   sujet,   en  onze  sections 


610  REVUE    DE    l'orient   CHRÉTIEN. 

(t(tXoi),  et  une  note  marginale  indique  chaque  fois  la  place  qu'elles  occu- 
paient dans  la  collection  complète,  et  l'époque  à  laquelle  elles  appartien- 
nent. L'intérêt  que  ces  lettres  présentent  est  considérable,  et  fait  vive- 
ment regretter  la  disparition  du  reste  de  la  correspondance  de  Sévère. 
Transmise  au  complet  jusqu'à  nous,  celle-ci  aurait  constitué  une  source  de 
tout  premier  ordre  pour  l'histoire  de  l'Orient  à  la  fin  du  v'^  et  au  commen- 
cement du  VI''  siècle  de  notre  ère.  Les  lettres  conservées  nous  donnent  des 
détails  sur  un  grand  nombre  de  prêtres,  d'évêques,  de  dignitaires,  de  hauts 
fonctionnaires,  dont  plusieurs  n'étaient  pas  même  connus  de  nom;  elles 
enrichissent  notre  connaissance  de  la  toponymie  de  l'Asie  antérieure,  et 
surtout,  elles  nous  fournissent  des  renseignements  précieux  sur  la  vie  de 
Sévère,  sur  son  activité  littéraire,  sur  l'administration  de  son  vaste  pa- 
triarchat.  Ces  renseignements  ne  complètent  pas  seulement  ceux  que 
nous  connaissions  par  ailleurs,  ils  les  éclairent  encore  et  les  rectifitint. 
Plus  d'un  côté  resté  obscur  dans  la  carrière  de  Sévère  apparaît  mainte- 
nant au  grand  jour,  et  nous  permet  de  mieux  connaître  et  de  mieux 
apprécier  celui  qui  fut  vraiment  le  dernier  grand  Père  de  l'Eglise 
grecque. 

On  sait  avec  quelle  violence,  avec  quelle  âpreté,  Sévère  fut  attaqué 
après  la  mort  de  son  protecteur,  l'empereur  Anastase  (518).  On  lui  repro- 
cha notamment  de  tous  les  côtés  d'avoir  dilapidé  les  biens  de  l'Eglise 
d'Antioche  et  de  les  avoir  réduits  dans  un  état  tel  qu'il  ne  pouvait  plus  y 
être  remédié.  Or,  comme  ■  ce  reproche  s'affaiblit,  s'atténue  et  tombe 
même,  lorsqu'on  a  entendu  ce  véritable  cri  de  détresse  de  Sévère  :  «  Notre 
sainte  Église  est  très  pauvre  et  très  indigente  ;  elle  est  tellement  acca- 
blée et  écrasée  par  le  poids  des  intérêts  qu'elle  n'est  pas  même  en  état 
de  relever  un  peu  la  tête,  mais  les  dettes  s'ajou:tent  aux  dettes  et  les 
intérêts  aux  intérêts.  Tous  ceux  qui  habitent  cette  grande  ville  d'An- 
tioche sont  témoins  de  la  chose,  et  je  ne  crois  pas  qu'il  y  en  ait  beau- 
coup parmi  ceux  qui  se  trouvent  au  delà  de  ses  limites  qui  n'en  ont 
pas  entendu  parler.  Néanmoins,  des  personnes  de  la  ville  impériale,  et 
d'autres  de  son  voisinage,  importunées  par  certaines  gens,  ne  cessent  pas 
d'écrire  pour  ainsi  dire  chaque  jour  à  notre  faiblesse  pour  solliciter  des 
ordinations,  croyant  que  cela  n'est  pas  un  sujet  d'accablement.  Ce  désir 
a  rendu  certaines  personnes  tellement  insensées  qu'elles  ont  fait  semblant 
de  souhaiter  seulement  l'habit  sacerdotal,  sans  demander  à  recevoir  de  ré- 
tribution ;  mais  une  fois  en  possession  de  ce  qu'elles  avaient  recherché,  lors- 
que le  moment  de  la  distribution  était  arrivé,  elles  ont  tendu  en  quelque 
sorte  les  mains  avant  tous  les  autres  !  Il  en  est  résulté  que  non  seulement 
ceux  qui  se  moquent  des  choses  divines  ont  éclaté  de  rire  en  voyant  la 
ruse  et  la  supercherie,  mais  que  nous-mêmes  nous  avons  été  frauduleu- 
sement trompés.  Si  j'ai  été  amené  à  écrire  ces  choses  à  Votre  Magnifi- 
cence, c'est  parce  que  je  souffre  en  moi-même  et  que  je  sais  que  j'écris  à 
des  chrétiens  capables  de  sympathiser  avec  moi  et  peut-être  en  état  de 
me  tendre  la  main,  à  moi  qui  suis  las,  qui  suis  étourdi  comme  quelqu'un 
qui  est  étranglé  par  ses  créanciers,  et  qui  dois  entretenir  des  personnes 
dans  la  nécessité,  alors  que  je  n"ai  pas  de  revenus  ni  de  ressources  suffi- 


BIBLIOGRAPHIE.  611 

sants,   ù   cause  du  nombre  exagéré   d'une  demande  pieuse,  il    est  vrai, 
mais  difficile  à  satisfaire  par  suite  de  sa  fréquence  »  (I,  8). 

M.  Brooks  a  publié  les  lettres  de  Sévère  d'après  deux  manuscrits  prin- 
cipaux conservés  au  British  Muséum,  Vadd.  12,181  et  Yadd.  14,600,  qui 
datent  l'un  et  l'autre  du  vm"  siècle  de  notre  ère.  Son  édition  est  faite  avec 
une  grande  compétence  et  un  soin  extrême.  Tout  au  plus  peut-on  lui 
reprocher  d'avoir  poussé  le  souci  de  l'exactitude  jusqu'à  la  minutie.  C'est 
ainsi  qu'il  s'est  astreint  à  reproduire  d'un  bout  à  l'autre  de  son  ouvrage 
des  variantes  orthographiques  sans  importance  telles  que  \wq^oo  et  ^aa, 
alors  qu'il  aurait  suffi  de  les  signaler  une  fois  pour  toutes.  M.  Brooks  n'a 
pas  cru  devoir  introduire  d'alinéas  dans  le  texte  syriaque.  Nous  le  regret- 
tons :  les  alinéas  auraient  facilité  la  comparaison  de  la  traduction  avec  le 
texte  et  rendu  la  lecture  de'  celui-ci  plus  agréable.  Nous  aurions  égale- 
ment souhaité  que  les  lignes  fussent  numérotées  de  cinq  en  cinq  pour  la 
commodité  des  citations. 

Le  second  volume  du  texte  se  termine  par  une  liste  de  mots  rares  et 
difficiles  qui  se  rencontrent  dans  la  version  d'Athanase.  Cette  liste,  que 
l'on  souhaiterait  un  peu  plus  longue,  sera  accueillie  avec  reconnaissance. 
Elle  contient  des  renseignements  précieux.  Signalons  par  exemple  le  mot 
pLajLio  qui  signifie  proprement  «  tente  »  et  qui  apparaît  à  diverses  reprises 
dans  le  sens  de  «  scène  »  (ay.yiv75).  Ce  mot  |i->«.v^  se  lit  avec  la  même  signi- 
fication dans  la  Vie  de  Sévère  par  l'higoumène  Jean.  Le  passage  est 
assez  intéressant  pour  être  reproduit  ;  le  voici  :  a  Voyant  que  les  habitants 
d'Antioche  aimaient  les  cliants,  les  uns,  ceux  delà  «  tente  »  (pl^joû  ^;  ,-i-o,), 
c'est-à-dire  de  la  scène  (rà  àm  axrjv^ç),  les  autres  ceux  des  poètes  de 
l'Eglise  etc.  »  (Patrolagia  orièntalis,  t.  Il,  p.  244,  1.  2-3).  —  Relevons  en^ 
core  le  verbe  vœo,  que  l'on  croyait  devoir  corriger  jusqu'à  présent  en 
,5^03.  Un  nouvel  exemple  de  l'emploi  de  ce  verbe  est  également  fourni  par 
la  Vie  de  Sévère  de  l'higoumène  Jean  à  la  p.  2.35, 1.  13-14;  il  est  à  peu  près 
identique  à  celui  de  la  p.  225, 1.  17  des  Select  letlers.  —  M.  Brooks  rattache  le 
mot  |N."«>n\.v^,  qui  se  lit  à  la  p.  427,  1.  17  et  qui  se  rencontre  aussi  dans  la 
Vie  de  Sévère  par  Zacharie  le  Scholastique  à  la  p.  9,  1.  13,  au  mot  grec 
Mï)X(a  (y^),  qui  désigne  une  sorte  d'argile  que  les  peintres  mêlaient  à  leurs 
couleurs  pour  les  rendre  plus  durables.  Ce  rapprochement  ne  manque 
pas  d'ingéniosité,  mais  ne  nous  satisfait  pas  entièrement.  Il  n'existe  pas,  en 
effet,  du  moins  à  notre  connaissance,  de  locution  grecque  où  le  motMriXtoç 
soit  pris  absolument  au  pluriel  dans  un  sens  figuré.  Nous  n'aurons  tous 
nos  apaisements  que  lorsque  M.  Brooks  nous  aura  fourni  un  exemple  grec 
de  la  locution  qu'il  suppose.  En  attendant,  nous  continuerons  à  considérer, 
avec  M.  Brockelmann  {Lexicon  syriacon,  s.v.),  |i!o.::iS)Qi.io  comme  un  dimi- 
nutif à    sens  péjoratif  de  |isxso. 

La  traduction  de  M.  Brooks  est  vraiment'  digne  d'éloge  pour  sa  fidélité 
et  son  exactitude.  On  ne  pouvait  d'ailleurs  pas  s'attendre  à  moins  de  la 
part  d'un  syriaciste  aussi  distingué.  Toutefois,  comme  personne  n'est  im- 
peccable, il  nous  permettra  de  lui  faire  les  observations  suivantes  : 

P.  1,  1.   1,  au  lieu  de  «  He  that  meets  with  this  book  »  nous  traduirions 


612  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

plutôt  «  celui  qui  lit  ce  livre  »,  le  verbe  >»>,^9  correspondant  au  grec  Ivruy- 
X^iivw  «  lire  ».  Même  remarque  pour  la  p.  42,  1.  1  ;  350,  1.  6;  358,  I.  19  etc. 
—  P.  123,  1.  15-16,  au  lieu  de  «  and  shrink  from  setting  them  down  in  so 
manywords  in  this  letter  »,  nous  interprétons  :  «  j'hésite  à  en  tenir  compte  (Iv 
XàvwTtôsaOai)  dans  cette  lettre  ».  —  P.  340,  1.  5-8,  au  lieu  de  «  Among  wise 
men  outside  an  appearence  of  this  kind  consisting  in  the  rising  of  an  unu- 
sual  star  is  called  a  dokias  or  krinthiya  »,  il  faut  lire  «  cette  forme  (toioutov 
ax^^aa)  du  lever  d'une  étoile  insolite  est  appelée  par  les  savants  païens 
(ot  'é^u  ao5po{)  oQvAç,,  c'est-à-dire  semblable  à  une  poutre  ».  Dans  le  texte 
syriaque,  il  faut  maintenir  la  leçon  du  ms.  vœav.^0;  =  ôo/.fç,  qui  signifie 
proprement  «  petite  poutre  »  et  qui  désigne  une  sorte  de  météore,  et  il 
faut  corriger  i-to-vo  en  UjI!^.;-o  «  semblable  à  une  poutre  »  de  ^vo,  it^v^ 
«  poutre  ». 

En  tête  de  sa  traduction,  M.  Brooks  a  placé  une  courte  introduction 
dans  laquelle  il  es(iuisse  la  vie  de  Sévère.  Une  remarque  seulement  : 
M.  Brooks  croit  (p.  v,  note  1)  que  l'historien  Évagrius  autilisé  la  Vie  de  Sé- 
vère par  Zacharie  le  Scholastique  ;  nous  démontrerons  dans  l'introduction  à 
nos  Textes  syriaques  relatifs  à  la  Vie  de  Sévère  d'Antioche  que  c'est  la  Vie 
de  Sévère  par  l'higoumène  Jean  qu'il  a  eue  sous  les  yeux. 

Un  index  nominumet  locorum  et  un  index  des  citations  bibliques  et  des 
écrits  ecclésiastiques,  terminent  l'ouvrage  de  M.  Brooks,  qui  est  un  des  plus 
importants  qui  aient  paru  dans  ces  derniers  temps  dans  le  domaine  des 
études  syriaques. 

M. -A.    KUGENER. 
Bruxelles. 


Patrologia  orientalis,  tome  II,  fasc.  2.  Les  Évangiles  des  douze 
apôtres  et  de  S.  Barthélémy,  texte  copte  édité  et  traduit  par  le 
D"'  E.  Revillout,  professeur  et  conservateur  au  Louvre,  82  pages  grand 
in-8".  Prix  5  francs  (pour  les  souscripteurs  3  fr.  15  franco). 

Le  savant  professeur  et  conservateur  au  musée  du  Louvre  a  réuni 
sous  les  deux  titres  susdits  vingt  et  un  fragments  coptes  (17  +  4),  et  leur 
a  ajouté  une  traduction  française,  une  introduction  et  quelques  notes. 

Ces  fragments  qui  proviennent  de  manuscrits  du  xr'  au  xui*^  siècle,  d'a- 
près le  catalogue  de  Paris,  se  rapportent  à  la  querelle  d'Hérode  et  de 
Philippe  (1);  à  la  multiplication  des  pains,  à  la  résurrection  de  Lazare  et 
au  privilège  de  Pierre  (2)  ;  à  la  bénédiction  des  apôtres  (3)  ;  à  la 
royauté  de  Jésus  et  à  une  apparition  du  démon  (4j  ;  à  Judas  (5)  ;  à  la 
Cène  (6);  à  la  passion  (7),  etc.;  à  la  mort  et  à  la  résurrection  de  la 
Vierge  (16);  on  remarquera  encore  dans  l'Évangile  de  S.  Barthélémy  le 
fragment  (2)  Consacré  à  la  passion. 

Tous  ces  textes  sont  bibliques,  mais  il  ne  s'ensuit  pas,  à  notre  avis,  que 
l'on  puisse,  avec  certitude,  les  attribuer  aux  évangiles  célèbres  durant  les 
premiers  siècles:  le  plus  explicite  est  le  fragment  (2)  attribué  à  l'évangile 


BIBLIOGRAPHIE.  613 

de  saint  Barthélémy,  car  il  porte  :  s  moi  Barthélémy,  j"ai  vu  »  et  cela  dans 
deux  mss.  parallèles.  D'après  les  habitudes  courantes  qui  ont  fait  attri- 
buer à  l'évangile  de  Pierre  un  fragment  grec  contenant  les  mots  :  «  et 
moi,  Simon  Pierre  »,  M.  Revillout  a  le  droit  strict  d'attribuer  son  frag- 
ment à  l'évangile  de  saint  Barthélémy.  Nous  avons  déjà  écrit  cependant 
\La  Didascalie...  Paris,  1902,  p.  121,  note  Ij  que  ces  attributions  plausi- 
bles ne  nous  semblaient  nullement  certaines,  sinon  le  fragment  suivant  : 

•Jésus,  ce  jour-là,  était  dans  la  maison  de  Simon  le  lépreux  et  nous  y  étions 
avec  lui,  il  nous  racontait  ce  qui  devait  arriver.  Judas  sortit  de  près  de  nous  en 
cachette,  car  il  espérait  tromper  Notre  Seigneur,  et  il  alla  à  la  maison  de  Caïphe 
où  étaient  assemblés  les  princes  des  prêtres  et  les  vieillards... 

devrait  être  attribué,  sans  doute  possible,  à  l'évangile  des  douze  apôtres- 
Or  nous  l'avons  découpé  dans  lu  Didascalie  (page  119),  c'est-à-dire 
dans  un,  traité  de  droit  canon  et  non  dans  un  évangile  quelconque  (1). 

Nous  sommes  donc  loin  d'admettre  que  les  dix-sept  premiers  fragments 
ont  appartenu  à  l'évangile  des  douze  apôtres  si  célèbre  au  temps  d'Ori- 
gène  (2),  nous  nous  demandons  même  s'ils  n'ont  pas  été  découpés  dans 
des  sermons,  des  traités  de  droits  canons,  et  des  livres  d'office,  mais  cette 
opinion  nous  est  touie  personnelle  et  ne  nous  empêche  pas  d'avoir  grand 
respect  pour  l'opinion  contraire  et  surtout  pour  ses  promoteurs. 

Nous  nous  bornerons  à  citer  un  exemple  d'apocryphe  contenu  dans  un 
livre  d'office  :  Le  sixième  fragment  attribué  par  M.  Revillout  à  l'évan- 
gile des  douze  apôtres  porte  en  particulier  : 

Mathias  déposa  un  plat  sur  lequel  était  un  coq.  Le  sel  était  sur  la  Uible.  Le 
Sauveur  étendit  la  main  pour  prendre  du  sel  d'abord  et,  sur  la  table  qui  faisait 
le  tour,  tous  les  apôtres  en  prirent,  Mathias  dit  à  Jésus  :  Rabbi,  tu  vois  ce  coq; 
lorsque  l(^s  juifs  me  virent  le  tuer,  ils  diront  :  -  On  tuera  ton  maître  comme  ce 
coq  "... 

Jésus  toucha  le  coq  et  lui  dit  :  Je  te  dis,  6  coq,  de  vivre  connue  tu  l'as  lait, 
que  des  ailes  te  poussent  et  que  tu  voles  en  l'air  afin  d'avertii'  du  jour  où  on  me 
livrera. 

Se  leva  le  coii  sur  le  plat.  1!  s'échappa. 

Or  nous  nvons  trouvé  de  notre  côté  le  fragment  suivant  : 

Aussitôt  après  la  Sainte  Cène,  Akrosina,  lemme  de  Simon  le  Pharisien,  ap- 
f)orta  un  coq  rôti  dans  un  pot,  le  mit  sur  un  joli  plat,  et  le  posa  devant  notre 

(IJ  Ce  n'est  pas  seulement  dans  la  Didascalie  mais  encore  dans  les  constitulions  a|)Os- 
loliqups,  les  Récognitions,  les  Homélies  Clémentines,  que  l'on  trouve  des  fragments  attri- 
bués à  un  ou  à  plusieurs  apôtres  à  la  première  personne,  par  exemple, /}fcofiiw.,  I.  I. 
eh.  xLiii-\Li\: ...  Cum  aulem  nos  duodecim  apostoli  addiem  Pascliae  cum  ingenti  multitu- 
dine  convenis^emus  ingressi  ecclesiam  patrum  unusquis(|ue  no^trum...  Ibid.,  \.  vil,  ch.  vi  : 
Nos  enim  a  puero,  id  est  ego  et  frater  germanus  meus  Andréas,  non  solum  orphani,  sed 
et  valde  pauperes  crevimus  et  necessilaie  operarii  esse  consuevimus...  etc. 

(2)  Un  récii  syriaque  intitulé  :  «  l'Évangile  des  douze  saints  apôtres  et  les  Révélations 
de  chacun  d'eux;  traduit  de  l'hébreu  en  grec  et  du  grec  en  syriaque  »  a  éié  publié  et 
traduit  par  Rendel  Harris,  The  Gospel  of  the  twelves  aposlles...  Cambridge,  1900,  39  el 
il  pages.  Cet  écrit,  qui  a  l'avantage  de  porter  un  titre  et  de  former  un  tout,  n'a  rien  de 
commun  avec  la  piésente  publication. 

ORIENT   CHRÉTIEN.  i2 


614  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

Sauveur...  Pt  .Jésus  lui  i-endil  la  vie  en  le  louchant,  et  l'envoya  épier  Judas  dans 
.Jérusalem;  il  lui  donna  aussi  la  voix  humaine.  Et  Rigrimt,  femme  de  Juda*. 
l'envoj'a  au.x  juifs...  Le  coq  assista  au  marché  conclu  par  Judas  et  s'en  alla 
l'annoncer  à  Jésus  qui.  après  l'avoir  écouté,  l'envoya  monter  en  volant  jusqu'au 
ciel  pendant  dix  mille  ans... 

D'après  les  procédé.s  rapides  d'identification  adoptes  par  bleu  des  sa- 
vants et  qui  leur  font  trouver  partout  des  fragments  d'évangiles  ou  des 
Logia  Christi  (1),  ne  conclurait-on  pas  que  voilà  un  fragment  de  l'évan- 
.irile  des  douze  apôtres  parallèle  au  texte  cité  par  M.  Revillout  qu'il  com- 
plète d'ailleurs  très  heureusement?  Il  n'en  est  rien  cependant;  ce  n'e.st 
là  qu'un  i-èsumé  ÎRit,  craprès  un  livre  (Voffwe,  par  un  savant  du  xix^  siècle 
et  imprimé  à  Paris  en  1859. 

Nous  aurions  donc  préféré,  au  lieu  d'une  classification  artificielle,  une 
classification  plus  naturelle  qui  aurait  rapproché  avant  tout  les  divers 
fragments  d'un  même  manuscrit  original  —  on  peut  parfois  les  recon- 
naître dans  divers  volumes  et  diverses  bibliothèques,  au  caractère  de  l'é- 
criture et  à  la  pagination  —  afin  de  pouvoir,  dans  certains  cas,  connaître 
la  nature  de  l'ouvrage  (évangile,  sermon  ou  livre  d'office),  puis  aurait 
irroupé  tous  les  courts  récits  bibliques  à  la  suite  les  uns  des  autres  dans 
Tordre  des  Evangiles  canoniques  :  1^'  Récits  généalogiques,  2<^^'  Récits  re- 
latifs à  la  fuite  en  Egypte  etc.,  etc. 

Ce  desiderohim  n"a  pas  d'ailleurs  grande  importance,  car  le  principal 
est  de  publier  les  textes,  l'ordre  dans  lequel  on  les  groupe  est  secon- 
daire. Nous  ne  pouvons  donc  que  souhaiter  voir  M.  Revillout  publier  de 
nombreux  textes  quel  que  soit  l'ordre  dans  lequel  il  lui  plaira  de  les 
])rcsenter. 

Nous  ne  pouvons  entrer  dans  l'exanien  du  texte  et  de  la  traduction, 
mais  le  renom  de  M.  Revillout,  sa  carrière  déjà  longue  consacrée  à  l'E- 
gyptologie,  ses  nombreuses  publications  nous  sont  de  sûrs  garants  que  le 
texte  est  conforme  aux  manuscrits  lorsqu'ils  sont  lisibles,  on  présente  la 
lecture  la  plus  plausible  dans  les  passages  mutilés  ou  presque  indéchif- 
frables, et  que  la  traduction  rend  fidèlement  le  texte.  Cette  nouvelle  pu- 
blication du  .savant  professeur  et  les  fa.scicules  suivants  qu'il  nous  fait 
espérer  feront  époque  pour  la  connaissance  de  la  littérature  ecclésiastique 
et  de  la  langue  coptes. 

F.  N.\f. 


(Ij  Nous  sommes  aussi  frapiié  du  nombre  des  apocryiihes  qui  reproduisent  la  Passion. 
C'est  le  cas  de  l'Évangile  de  Pierre,  du  fragment  du  Kayoum,  des  deux  tiers  des  fragments 
publiés  par  M.  Revillout,  et  encore  le  savant  professeur  nous  annonce  deux  autres  récils 
de  la  passion  (cf.  p.  196,  note  1)  pour  le  procliain  fascicule;  ce  fait  nous  rappelle  que 
dans  le  département  du  Gard,  dans  ciiaque  paroisse,  le  jour  du  vendredi  saint,  oii  prêche 
.1  la  passion  ».  Cliaque  prêtre  a  donc  rédigé  «  une  passion  »  en  suivant  d'assez  près  le 
texte  des  Évangiles  qu'il  agrémente  cependant  suivant  son  imagination,  ses  lectures  et 
les  besoins  de  l'auditoire.  Ces  sermons  si  l'on  en  supprimait  la  première  et  la  dernière 
page,  c'est-à-dire  si  on  les  retrouvait  en  fragments  comme  les  manuscrits  coptes,  consti- 
tueraient sans  nul  doute,  dans  quelques  centaines  d'années  d'ici,  autant  d'évangiles  apo- 
cryphes. Nous  craignons  de  même  que  l'on  n'attribue  à  saint  Pierre,  aux  apôtres  et  à 
•saint  Barthélémy  les  sermons  rédigés,  du  vi""  au  vu''  siècles,  par  des  supérieurs  de  mo- 
nastère. 


BIBLIOGRAPHIE.  015 

P.  Greniek.  --  L'empire  byzantin.  Son  évolution  sociale  et  politique. 
I.  —  L'être  social,  .\xxi  1-340  pages.  11.  —  L'être  politique,  291  pages, 
Paris,  Plon-Nouirit  et  C^^  1904.  in-1?. 

.Je  prends  Touvrage  de  M.  Grenier,  t.  I,  p.  83,  et  que  vois-je?  Une  quan- 
tité prodigieuse  d'inexactitudes.  —  1"  L"auteur  parle  d'une  révolte  de 
moines  qui,  au  début  de  l'iconoclasme,  «  armèrent  une  flottille  de  bateaux 
et  marchèrent  sur  Constantinople  ».  Or,  cette  révolte  dut  son  origine  à 
deux  hauts  fonctionnaires  laïques  des  Helladiques  et  des  Cyclades.  — 
2"  Les  révoltés,  nous  dit-on,  furent  «  les  moines  de  nombreuses  iles  de 
l'Archipel  ».  Or,  en  fait  d'iles,  il  n'y  eut  que  les  Cyclades  à  tremper  dans 
la  rébellion  ;  la  Grèce  de  terre  ferme  y  prit  une  part  tout  aussi  considéra- 
ble. —  3'^  On  nous  parle  d'un  concile  iconoclaste  en  754.  Or,  ce  concile  eut 
lieu  en  753.  —  4"  Ce  fut,  écrit-on,  «  le  concile  de  Constantinople  ».  —  Or. 
à  part  la  dernière  séance  convoquée  aux  Blakliernes,  toutes  les  sessions  de 
ce  long  conciliabule  se  tinrent  à  Hiéria,  sur  la  côte  de  Bithynie,  au  sud-est 
de  Chalcédoine.  —  5"  «  Léon  IV.  dit  M.  Grenier,  combattit  aussi  le  mona- 
chisme  ».  Or,  malgré  les  rigueurs  iconoclastes  de  la  fin  de  son  règne,  cet 
empereur  fut  si  peu  monachophobe  qu'il  appela  des  moines  à  l'épiscopat. 
—  6*^^'  D'après  notre  auteur,  le  concile  de  Nicée  en  787  «  émancipa  les 
moines  des  évèques  ».  Or,  pas  un  des  canons  de  787  ne  porte  la  moindre 
trace  de  cette  émancipation.  —  1"  A  propos  de  ce  concile,  M.  Grenier 
parle  d'abbés  comme  supérieurs.  Or,  au  viii«  siècle,  chez  les  Byzantins,  le 
titre  d'abbé  se  donnait  aux  simples  moines  et  n'entraînait  avec  lui  aucune 
idée  de  supériorat.  —  8"  Le  concile,  aftîrme-t-on,  donna  «  aux  abbés  le 
droit  de  conférer  les  ordres  dans  le  couvent  ».  Or.  les  Pères  de  787  se 
contentèrent  de  reconnaître  aux  supérieurs  monastiques  le  droit  d'élever 
leurs  sujets  au  seul  anagnostat.  —  9'^  On  nous  parle  encore  d'un  concile  ico- 
noclaste en  816.  Or,  ce  conciliabule  appartient  au  mois  d'avril  815.  —  10°  Je 
lis  :  «  Avec  Théophile,  qui  réunit  en  816  un  concile  ».  Or,  Théophile  gou- 
verna l'empire  seulement  en  829  et  son  père  même  ne  s'empara  du  trône 
qu'à  la  Noël  de  820.  —  1 1"  On  nous  montre  Théodora  veuve  de  Théophile 
en  841.  Or,  Théophile  mourut  le  20  janvier  842.  —  12"  Théodora,  écrit-on, 
rétablit  le  culte  des  images  en  841  ».  Or,  le  culte  des  images  ne  fut  ré- 
tabli qu'en  843. 

Voilà  pour  une  page^,  pour  une  seule.  Comme  l'ouvrage  de  M.  Grenier 
en  compte  plus  de  650,  on  voudra  bien  me  dispenser  de  le  suivre  pas  à 
pas  et  d'en  relever  toutes  les  fautes.  Mieux  vaut,  du  reste,  indiquer  en 
quoi  ces  fautes  consistent. 

Et  donc,  en  premier  lieu,  M.  Grenier  a  écrit  son  livre  trop  vite.  De  là. 
au  seul  point  de  vue  de  la  forme,  tant  d'imperfections,  tant  de  mots  répé- 
tés, tant  d'expressions  ressassées,  tant  de  phrases  mal  bâties.  La  première 
phrase  de  la  première  page  du  premier  volume  dit  à  peu  près  le  contraire 
de  ce  que  l'auteur  a  voulu  dire.  Et  que  d'autres  n'expriment  sa  pensée 
qu'en  outrageant  la  syntaxe!  Veut- on  quelques  échantillons?  «  Empêcher 
l'usage  des  femmes  qui  servaient  le  clergé  »  (I,  78),  —  «  sans  que  l'équi- 
libre ne  fût  rompu  »  (l,  201),  —  «  cet  hymne  leur  avait  été  révélé  à  l'Eglise 


616  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

de  Constantinople  »  (I,  211),  —  «  il  est  vrai  que  Romain  Lécapène  n'était 
empereur  tuteur  de  Constantin  »  (II,  24),  —  «  sa  marche  de  Cilicie  à  Cap- 
padoce  »  (II,  129),  —  «  les  Lombards  étaient  à  une  (sic)  stade  de  l'évolu- 
tion économique  moins  avancé  que  ne  l'étaient  les  Ostrogoths  »  (II,  144). 
—  «  l'administration  était  formée  de  divans  ou  ministres  (II,  178),  —  «  le 
remplacement  graduel  du  monothéisme  au  polythéisme  »  (II,  262). 

Cette  rapidité  de  rédaction  a  produit,  en  outre,  la  plus  désagréable  va- 
riété d'orthographe  et  de  formes.  Nous  avons  stratège  (I,  147)  à  côté  de 
stratigoi  (1,  112)  et  de  stratigoï  (II,  188),  capetano  (I,  168;  II,  220,  221)  à 
côté  de  catepano  (II,  86),  despotes  (I,  122)  à  côté  de  despote  (II,  17,  91,  240, 
241),  écoles  (II,  122)  à  côté  de  scholes  (II,  185),  sans  compter  le  pluriel 
magistros  (il,  220)  après  les  pluriels  stratigoi  (I,  112)  ou  stratigoï  (II,  188) 
et  Scleri  (I,  112).  Pierre  de  Bulgarie  est  tsar  (II,  204)  et  czar  (II,  207).  Voici 
Sergius  (I,  97)  et  Sergios  (II,  309),  Aphthonius  (I,  299)  et  Aphthonios  (I,  300), 
Psellus  (I,  324)  et  Psellos  (I,  317),  Italus  (I,  324)  et  Italikos  (1,320),  Doukas 
(I,  321)  etDucas  (II,  16),  Cosmas  (I,  311)  et  Kosmas  (I,  327),  Blemmydè(l. 
317)  et  Blemnydès  (I,  326),  Metochita  (I,  317)  et  Metochites  (I,  326),  Rashild 
(II,  87)  et  Raschid  (II,  192).  Voici  encore  Burgondes  (I,  xxvi;  II,  133)  et 
Bourguignons  (I,  205,  235),  Chozares  (II,  24),  Khozares  (II,  104,  164)  et 
Khozars  (II,  182),  Seldjoucides  (II,  194,  200,  285)  et  Sel  ijoukides  (II,  225, 
230),  Madgyars  (II,  100)  et  Magyars  (II,  207),  Northmans  (II,  108)  et  Nor- 
mands (II,  230),  Mameluks  (1,  20)  et  Mameloucks  (I,  171).  Voici  de  même 
Durazzo  (11, 190,  208)  et  Dyrrachium  (II,  209,  210),  Philippopoli  (II,  210,  217) 
et  Phiiippopolis  (I,  13;  II',  209).  Nicopoli  (II,  258,  259)  et  Nicopolis  (II,  190). 
Dorystol  (I,  73)  et  Dorystolon  (II,  187,  217),  Pereiasiavetz  (I,  73)  et  Perias- 
lavetz  (II,  187),  Bœrée  (I,  197).  Berrhée  (II,  162),  Berrhea  (II,  209,  235)  et 
Bœrrhea  (11,  210).  Voici  enfin  «  aryen  »  (II,  93,  97,  98,  103,  106,  107)  pré- 
cédé etsuivide  «  arien  »  (I,  180;  II,  146,  154,  156,  172,  285). 

Rédacteur  rapide,  M.  Grenier  n'a  pas  lu  ses  épreuves  avec  moins  de 
rapidité.  Certaines  de  ses  fautes  typographiques  se  corrigent  d'elles-mêmes, 
mais  non  point  toutes.  Signalons  Clovis  affublé  du  patriarcat  (I,  x.xix)  au 
lieu. du  patriciat;  les  «  peuples  »  romains  substitués  aux  papes  (I,  44);  la 
Cilicie  et  Mélitène  transformées  en  ><  chefs  »  de  l'Asie  Mineure  (II,  188)  : 
Théophylacte  supplanté  par  Théophane  (1,  256)  et  par  Théophylaste  (I,  62)  : 
Justin  II,  Constantin  VIII  et  Constantin  XII  remplacés  respectivement  par 
Justinien  II  (I,  271j,  Constantin  111  (II,  16)  et  Con,stantin  XI  (II,  39);  des 
contemporains  de  Justinien  I""  logés  au  «  cinquième  »  siècle  (1,308).  Disons 
([ue  les  «  constructeurs  de  Sophie  »  ne  sont  autres  que  les  architectes  de 
Sainte-Sophie  (I,  305).  Lisons  sans  sourciller,  d'une  part  (I,  195)  que  «  la 
doctrine  chrétienne  née  au  milieu  du  peuple  juif,  .sur  les  confins  du  monde 
grec,  égyptien  et  perse,  était  donc  le  dernier  terme  de  l'évolution  reli- 
gieuse occidentale  d'alors  »,  et  d"autre  part  (I,  11)  que  «  en  Orient,  le.s 
Églises  de  Milan  et  de  Carthage  éclipsèrent  d'abord  celle  de  Rome  ».  Sur 
six  mots  imprimés  en  grec  dans  les  deux  volumes  (I,  110,  126,  208;  II,  249) 
vm  seul  est  bien  accentué.  Il  est  vrai  que  les  mots  grecs  imprimés  en  fran- 
çais ne  sont  pas  mieux  traités,  témoin  Nikka  (I,  255)  et  excolpia  (I,  231), 
sans    parler  de  .stratilatoi  au  singulier  (I,  113).  Et  que  de  noms  propres 


BIBLIOGRAPHIE.  617 

écorchés!  Des  noms  d'hommes  comme  Chrysobergius  (1,  236),  Antemius 
(I,  XX),  Hiéraclius  (II,  163),  Satroninus  (I,  xviii),  Kosmos  (I,  305),  Pro- 
dromes (I,  317),  Kimnamos  (I,  319),  Xiphilanos  (I,  324),  Stéthatès  (I,  326), 
Chalcocondylas  (I,  319),  Sophanias  (I,  325).  Christobulos  (I,  319),  Gainos 
(I,  205),  Odoaire  (II,  141),  Sisimios  (I,  62),  Anastios  (I,  304).  Des  noms  de 
peuples  ou  de  sectes  comme  Mardoites  (I,  164),  Puliciens  (I,  224),  Mario- 
nites  (II,  264).  Des  noms  de  villes  ou  de  provinces  comme  Dyolinotichon 
(I,  115),  Adranyte  (II,  4),  Iconum  (II,  118),  Armorium  (II,  177,  182,  193), 
Garni  (II,  199),  Lycanie  (II,  182i,  Vodhena  (I,  73;  II.  208.  210),  Sérès 
(II,  208). 

Pour  ces  deux  derniers  mots,  il  est  vrai,  la  faute  est  beaucoup  moins  au 
typographe  qu'à  l'auteur,  lequel  a  bien  voulu  les  écrire  ainsi.  Et  c'est  lui 
également  qui  emploie  le  mot  Vatican  comme  synonyme  de  papauté  dès 
430  (I,  16),  qui  nous  parle  des  Bourguignons  dès  le  v®  siècle  (1,  205,  235), 
qui  connaît  l'Anatolie  (I,  253)  et  la  Pologne  (II,  135)  au  vi«,  qui  dénomme 
Scutari  d'Asie  au  x^  (I,  252)  et  Démotica  au  xiv®  (I.  121),  qui  place  les  Mar- 
daïtes  dans  un  pachalik  turc  avant  1200  (I,  75). 

Unies  ensemble,  la  rapidité  de  rédaction  et  la  rapidité  de  correction 
nous  valent  des  dates  stupéfiantes.  Ainsi  Constantin  fonda  Constantinople 
en  329  au  lieu  de  327-330  (I,  7),  le  second  concile  contre  Chrysostome  eut 
lieu  en  407  au  lieu  de  404  (I.  15),  le  V"  concile  se  tint  en  533  au  lieu  de 
553  (I,  212),  TEcthèse  parut  en  638  au  lieu  de  639  et  le  Type  en  643  au  lieu 
de  648  (L  213),  le  culte  des  images  fut  rétabli  en  841  au  lieu  de  843  (I. 
219),  Michel  III  vécut  au  milieu  du  x'^'  siècle  au  lieu  du  ix"  (1,  255), 
Théophane  écrivit  à  la  fin  du  vni®  siècle  au  lieu  de  811/818  (1,  318). 
Bardanès  monta  sur  le  trône  en  713  au  lieu  de  711.  Théodose  111  en  715 
au  lieu  de  716  et  Léon  III  en  718  au  lieu  de  717  (II.  4).  les  Russes  assié- 
gèrent Constantinople  en  865  au  lieu  de  860  (II,  217);  Nestorius  resta 
patriarche  jusqu'en  435  au  lieu  de  431  (I,  17.  209),  Jean  l'Aumônier  devint 
patriarche  d'Alexandrie  en  606  au  lieu  de  610/611  (I,  20). 

Vétilles  que  tout  cela,  dira-t-on.  Ce  sont  des  détails,  je  le  veux  bien, 
mais  qui  ont  leur  importance  en  ce  qu'ils  montrent  le  sans-gêne  de 
M.  Grenier.  Ils  montrent,  par-dessus  le  marché,  que  l'auteur,  pour  bâcler 
son  ouvrage,  s'est  fait  une  science  d'occa.sion  en  pillant  de-ci  et  de-là,  dans 
divers  manuels  d'inégale  valeur,  qu'il  n'a  pas  même  pris  la  peine  de 
mettre  d'accord.  Si  encore,  dans  les  pages  basées  sur  d'excellents  travaux, 
il  avait  eu  soin  de  les  résumer  avec  fidélité  ! 

Que  M.  Grenier  ait  peu  fréquenté  les  sources  byzantines,  que  son  livre 
tout  de  seconde  main  trahisse  une  connaissance  eft'royablement  superfi- 
cielle de  la  question,  on  le  prouverait  dans  chacun  de  ses  chapitres  par 
les  innombrables  erreurs  de  fait  qui  s'y  étalent,  sans  parler  de  somissions. 
Faut-il  apporter  quelques  exemples  ?  L'auteur  prétend  que  les  basileis 
persécutèrent  les  juifs  comme  sectateurs  d'une  religion  hérétique  (I.  194), 
que  les  papes  de  Rome  adoptèrent  pendant  quelque  temps  l'Ecthèse  et  le 
Type  (I.  31,  213),  que  les  Nestoriens  «  conservèrent  leur  patriarche  »  à 
Antioche  (I,  215),  que  l'iconoclasrae  eut  pour  but  principal  de  combattre 
le  monachisme  (I,  218),  que  le  clergé  byzantin  cachait  le  Nouveau   Tes- 


618  REVUE    DE    l/oIilENT    CHRÉTIEN. 

taïuent  aux  fidèles  (I.  '2'3),  que  le  pape  était  représenté  par  des  envoyés  au 
V''  concile  d,  30),  que  «  l'Église  d'Orient  crut  ne  pas  pouvoir  astreindre  au 
célibat  les  diaconesses  »  (II,  250).  que  le  patriarcat  de  Jérusalem  fut  créé 
pour  faire  pièce  à  Rome  (I.  31),  qu'HéracHus  était  fils  de  l'exarque  d'Asie  » 
(II,  4),  que  cet  empereur  commença  sa  campagne  contre  les  Perses  en 
allant  débarquer  à  Issus  (I.  97.  24b;  II.  163),  qu'il  se  jeta  de  la  sorte  sur 
la  ligne  de  communication  de  ses  ennemis  (II,  130).  que  la  marine  byzan- 
tine joua  un  grand  rôle  dans  cette  guerre  (II.  130),  que  les  Pel^^es  restè- 
rent dix  ans  à  cette  époque  sous  Chalcédoine  (II,  162).  que  Photius  abhor- 
rait la  poésie  (I,  317),  que  sebastocrator  fut  un  titre  d'empereur-associé 
(II,  14),  que  la  ligne  des  feux-signaux  d'Asie  passait  par  Nicomédie  (II,  118). 
que  Justinien  fit  la  guerre  aux  ^  andales  et  aux  Gotlis  «  pour  mettre  sous 
la  domination  de  l'empire  d'Orient  les  deux  seuls  patriarches  de  la  chré- 
tienté qui  étaient  alors  indépendants  de  cet  empereur  »  (II,  137),  que  «  la 
cavalerie  était  répartie  dans  des  thèmes  dont  les  circonscriptions  étaient 
différentes  des  autres  thèmes  »  (II.  185),  que  Byzance  tenait  les  Armé- 
niens pour  «  dis(;ii)les  des  hérésies  de  Nestorius  et  d'Eutychès  »  (II,  200), 
que  la  Russie  reiaunllit  la  succession  des  patriarclies  de  Constantinople  en 
1453  (I,  206).  L'auteur  parle  des  monastères  du  mont  Athos  comme  s'ils 
existaient  avant  843  (I,  80)  :  il  envoie  sur  cette  montagne  en  972  un  saint 
Joné  inconnu  de  la  terre  et  du  ciel  (I,  98);  il  distingue  à  Byzance  entre 
moines  et  religieux  (I,  82,  250);  il  envoie  Justinien  F''  villégiaturer  "  à 
('halcédoine  »  et  Constantin  VII  «  à  côté  de  Scutari  »  dans  «  le  palais 
d'Hiérai  »■  (I,  252),  alors  qu'il  s'agit  exactement  du  mémo  point  suburbain, 
je  veux  dire  de  la  presqu'île  de  Héra,  dite  plus  tard  Hiéria,  au  sud-est  de 
Chalcédoine;  il  ne  connaît  aucune  cérémonie  de  trionqilie  entre  Héraclius 
et  Nicéphore  Phocas  (II,  258). 

Ces  exemples,  pris  entre  beaucoup  d'autres,  prouvent  assez  que  M.  Gre- 
nier ne  possède  point  son  empire  byzantin.  Pourquoi  dès  lors  a-t-il  voulu 
nous  en  montrer  l'évolution  sociale  et  politique?  C'est  que  M.  Grenier  est 
un  penseur  à  grande  envergure,  plein  de  pitié  sans  doute  pour  les  cher- 
cheurs obscurs  qui  ne  savent  pas  embrasser  d'un  regard  d'aigle  douze  à 
quinze  siècles  d'histoire  universelle  et  se  croient  obligés  de  baser  leurs 
thèses  sur  des  faits. 

La  thèse  de  M.  Grenier,  je  ne  saurais  dire  en  quoi  elle  consiste.  Mais  ce 
que  je  vois  bien,  c'est  que  l'auteur  ne  croit  pas  à  la  vertu  ou  du  moins  au 
désintéressement.  A  voir  comme  il  juge  les  choses,  quiconque  agit  sur  la 
terre,  agit  uniquement  par  ambition,  par  intérêt.  Ainsi  en  va-t-il  surtout 
de  la  papauté  dans  ses  rapports  avec  l'Orient  et  il  faut  être  bien  faible 
d'esprit  pour  s'imaginer  qu'un  évèque  de  Rome  ait  jamais  eu  en  vue  de 
travailler  pour  la  justice  et  la  vérité. 

Ce  que  je  vois  bien  aussi  chez  M.  Grenier,  c'est  que  le  christianisme, 
son  éclosion  en  Judée,  sa  diffusion  dans  le  monde  gréco-romain,  sont  pour 
lui  clios.es  d'ordre  absolument  naturel,  où  Dieu,  s'il  existe  et  s'occupe  du 
monde,  n'a  rien  à  voir.  Ecoutez  plutôt.  Tandis  que  l'ésotérisme  égyptien 
monopolisait  la  doctrine  monothéiste  (t.  1,  p.  182,  183),  Mo'i'se,  «  prêtre 
d'Osiris  »,  voulut  en  instruire  un  peuple,    «.  Ce  peuple  fut  les  tribus   des 


BIBLIOGRAPHIE.  619 

Hébreux  »,  lesquelles  gardèrent  la  ciiose  juvsqu'aux  Esséniens.  Aussi,  un 
jour  Jésus-Christ  put-il  parler  du  Verbe  divin,  du  Père,  du  Fils  de  Dieu, 
de  l'Esprit  de  Dieu  (t.  I,  p.  ?01,  203),  car  «  les  Esséniens  lui  avaient  appris 
ces  expressions  à  Engaddi,  sur  la  mer  Morte  ».  Avec  cela,  empruntez 
«  aux  juifs  leur  bible,  à  la  philosophie  grecque  .ses  idées  fondamentales,  à 
la  religion  égyptienne  et  à  la  religion  de  Zoroastre  leurs  dogmes  princi- 
paux »,  et  vous  avez  la  doctrine  chrétienne.  Vous  avez  aussi  «  le  dernier 
terme  de  l'évolution  religieuse  »  du  moment,  quelque  chose  par  suite  qui 
devait  se  répandre  comme  de  lui-même  à  travers  le  monde.  Tel  fut  en  effet 
le  sort  du  monothéisme  chrétien,  monothéisme  d'ailleurs  bâtard  que 
l'Eglise  corrompit  par  sa  manière  d'entendre  la  conception  trinitaire,  par 
ses  définitions  conciliaires  touchant  la  personne  et  les  natures  du  (^hrist, 
par  son  retour  au  polythéisme  sous  forme  d  u,  culte  des  saints.  Enfin 
Mahomet  vint... 

Mais  il  suffit.  Point  à  grands  coujjs  de  balai  par  un  auteur  qui  voit  if- 
christianisme  sous  cet  angle,  l'empire  byzantin,  empire  chrétien  jusqu'aux 
moelles,  ne  peut  qu'être  peint  ,sous  de  curieuses  couleurs. 

J.  Pargoire. 


Rév.  Arthur  WRUurr.  —  A  Synopsis  ofthe  Gospels  in  Greek, -witli  va 
rious  readings  and  critical  notes.  "2''  ('dit.  I.ondnn,  Macmillan,  lOO'A. 
In-i^  de  L.\.\-319  p. 

Le  Rév.  A.  Wright,  vice-président  du  «  (Jueen's  Collège  »  de  Cam- 
bridge, a  tenté  un  nouvel  elîbrt  pour  résoudre  la  question  synoptique  si 
controversée  et  si  obscure.  Adversaire  décidé  de  la  théorie  des  sources 
écrites,  il  expose  longuement  dans  l'introduction  placée  en  tête  de  cette 
deuxième  édition  de  son  livre  les  motifs  pour  lesquels  la  tradition  orale  peut 
seule,  selon  lui,  expliquer  les  ressemblances  c^ue  l'on  constate  dans  les 
synoptiques.  Sa  thèse,  qui  est  en  partie  nouvelle,  consiste  en  ceci.  Le  récit 
évangélique  primitif  fait  par  saintPierre  se  seraitgravé  dans  la  mémoire  des 
premiers  catéchumènes  et  un  certain  nombre  de  ceux-ci,  les  plus  capables, 
l'auraient  transmis,  presque  mot  pour  mot,  à  de  nouveaux  convertis,  trans- 
formés à  leur  tour  en  catéchistes.  Ainsi,  avant  l'institution  des  presbytres, 
il  aurait  existé  une  classe  de  fidèles  spécialement  chargés  de  donner  l'en- 
seignement évangélic[ue  sous  forme  de  leçons  apprises  par  cœur  et  répé- 
tées toujours  dans  les  mêmes  termes,  et  cela  en  conformité  avec  la  maxime 
rabbinique  :  «  Ne  confiez  rien  à  l'écriture  ».  En  Orient,  l'usage  a  toujours 
été  d'instruire,  moins  en  expliquant  la  doctrine  aux  disciples  qu'en  la 
fixant  dans  leur  souvenir  par  la  récitation  souvent  répétée  de  leçons 
reçues  oralement  des  générations  précédentes.  C'est  donc  à  une  tradition 
déjà  stéréotypée  en  quelque  sorte  que  les  trois  premiers  évangélistes  ont 
emprunté,  nonseidement  les  notions,  mais  les  termes  eux-mêmes,  à  l'aide 
desquels  ils  ont  composé  l'histoire  de  Notre-Seigneur.  Rien  d'étonnant, 
par  conséquent,  à  ce  qu'il  existe  tant  de   ressemblances   verbales  dans 


620  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

leurs  récits.  Ce  sont  bien  plutôt,  d'après  ce  système,  les  différences  et 
les  lacunes  que  l'on  y  constate,  qu'il  serait  difficile  d'expliquer.  Mais  le 
Rév.  Wright  n'est  pas  embarrassé  pour  en  donner  la  raison.  La  tradition 
orale  doit  forcément  se  développer  peu  à  peu  par  des  additions  qui  la 
complètent  et  l'éclairent.  Tel  un  arbre  qui  croit  et  pousse  de  loin  en  loin 
de  nouvelles  brandies,  ne  cesse  pas  d'être  toujours  le  même  arbre,  bien 
qu'il  devienne  de  plus  en  plus  touffu;  Or,  comme  les  synoptiques  n'ont 
pas  été  écrits  tous  les  trois  à  la  même  époque,  il  va  de  soi  que  chacun 
d'eux  nous  a  conservé  l'enseignement  oral  tel  qu'il  était  au  moment  de 
sa  rédaction.  Si  l'on  objecte  qu'il  est  étrange,  en  tous  les  cas,  que  les 
évangélistes  n'aient  pas  observé  le  même  ordre  dans  leurs  récits,  attendu 
que  dans  un  enseignement  oral  l'enchaînement  des  faits  doit  toujours 
rester  le  même,  on  nous  fait  remarquer  que  ceux-ci  ont  bien  pu  fixer 
d'abord  par  écrit  la  tradition,  sauf  à  classer  plus  tard  les  faits  dans  l'or- 
dre qui  leur  paraissait  le  plus  convenable,  lorsqu'ils  ont  composé  les 
synoptiques.  On  voit  que  le  savant  exégète  a  réponse  à  tout. 

Cette  théorie  que  son  auteur  a  développée  avec  beaucoup  de  sagacité, 
il  faut  le  reconnaître,  trouvera-t-elle  beaucoup  de  partisans,  c'est  douteux. 
Elle  repose,  en  effet,  moins  sur  des  preuves  solides  que  sur  de  simples 
suppositions.  Or,  des  suppositions,  quelque  ingénieuses  qu'elles  soient,  sont 
insuffisantes  pour  produire  la  conviction.  Il  n'est  guère  possible  d'admettre 
fjue  le  mode  d'enseignement  propre  aux  écoles  rabbiniques  ait  été  adopté 
par  les  premiers  chrétiens,  dont  le  genre  d'existence  fut,  dès  l'origine,  si 
différent  de  celui  des  Juifs.  Pleine  d'une  sève  vigoureuse,  la  jeune  com- 
munauté dut  se  dégager  promptement  des  méthodes  surannées  et  des 
agissements  traditionnels  de  la  synagogue.  Si  l'enseignement  oral  était 
pratiqué  primitivement  à  l'aide  de  catécliistes  qui  remplacèrent  plus  tard 
les  presbytres,  comment  se  fait-il  qu'il  n'en  soit  jamais  question,  ni  di- 
rectement ni  indirectement,  dans  aucun  des  livres  du  Nouveau  Testa- 
ment ? 

Après  avoir  exposé  son  »  oral  hypothesis  »,  le  Rév.  W.  consacre  plu- 
sieurs chapitres  à  l'examen  et  à  la  classification  des  sources  des  synopti- 
ques et  nous  fait  connaître,  par  conséquent,  la  méthode  d'après  laquelle 
il  a  composé  sa  synopse.  Celle-ci  est  divisée  en  cinq  parties,  dont  chacune 
comprend  l'une  des  cinq  sources  admises  par  l'auteur.  La  première  est 
formée  par  l'évangile  de  Marc,  en  regard  duquel  sont  placés  les  passages 
parallèles  de  Matthieu  et  de  Luc.  A  l'aide  de  signes  spéciaux  sont  indiqués 
les  phrases  ou  les  simples  mots  qui  appartiendraient  à  un  deutéro-Marc 
ou  même  à  un  trifo-Marc.  Dans  la  deuxième  partie  sont  groupés  en  vingt 
et  une  sections  les  /of//o  de  Matthieu,  accompagnés  des  passages  identiques 
ou  équivalents  de  Luc,  et  les  passages  parallèles  de  Marc  ou  d'autres  au- 
teurs. La  troisième  partie  contient  dix-neuf  discours,  paraboles  et  récits 
divers,  insérés  dans  l'évangile  de  Luc,  et  que  l'auteur  appelle  «  collection 
paulinienne  »,  en  attendant  qu'on  soit  mieux  renseigné  sur  son  origine. 
La  quatrième  partie  se  compose  décent  quarante  fragments  «  anonymes  ». 
de  provenances  diverses,  qui  se  trouvent  soit  dans  l'évangile  de  Matthieu 
soit  dans   celui   de    Luc.   soit  dans  l'un  et  l'autre.  Enfin,  dans  la  cin- 


BIBLIOGRAPHIE.  6*21 

qiiième  sont  réunis  seize  récits  historiques  qui  ne  se  trouvent  pas  dans 
Luc. 

Cette  classification  a  nécessité  un  travail  considérable,  au  cours  duquel 
l'auteur  a  déployé  beaucoup  d'habileté  et  une  grande  science.  Les  nom- 
breuses notes  qui  servent  à  l'étayer  sont  pleines  de  remarques  ingénieuses 
dont  le  lecteur  tirera  le  plus  grand  profit.  Toutefois,  il  est  hors  de  doute 
'  qu'on  ne  peut  pas  toujours  accepter  les  raisons  qui  ont  porté  le  Rév.  W. 
à  attribuer  à  certains  passages  des  synoptiques  telle  origine  plutôt  que 
telle  autre.  Je  ne  citerai  qu'un  exemple.  Il  nous  dit  que  le  récit  primitif  de 
la  guérison  du  paralytique  ne  devait  pas  contenir  le  mot  èÇopû^avis;  qu'on 
lit  dans  le  texte  de  Marc,  parce  que  les  hommes  qui  portaient  l'infirme 
n'ont  certainement  pas  fait  une  ouverture  dans  le  toit  de  la  maison  où  se 
trouvait  Notre-Seigneur,  et  le  motif,  c'est  que  les  personnes  qui  étaient 
réunies  à  l'intérieur  auraient  été  incommodées  par  la  chute  des  gravats  et 
de  la  poussière.  Avec  de  pareilles  explications  ne  serait-il  pas  facile  de  re- 
fuser l'authenticité  à  un  grand  nombre  de  passages  du  texte  évangé- 
lique  ? 

Je  me  hâte  d'ajouter  que  ces  quelques  critiques  n'atténuent  en  rien  la 
valeur  très  réelle  du  livre  du  Rév.  \V.  ;  elles  prouvent  seulement  combien 
le  problème  des  sources  des  synoptiques  est  difbcile  et  combien  nombreu- 
ses sont  les  façons  dont  il  peut  être  envisagé.  L'auteur,  du  reste,  n'a  nul- 
lement la  prétention  de  l'avoir  Résolu,  et  il  est  le  premier  à  reconnaître 
que  des  découvertes  ultérieures  pourront  modifier  telles  ou  telles  de  ses 
assertions  et  de  ses  hypothèses.  La  nouveauté  même  de  la  méthode  d'après 
laquelle  il  a  composé  cette  synopse,  invitera  ceux  qui  en  feront  usage  à 
étudier  les  synoptiques  avec  plus  de  soin. 

A.   GUIGARD. 


J.  Gay.  —  Le  pape  Clément  VI  et  les  affaires  d'Orient  (1342  1352). 

Paris.  Société  nouvelle  de  librairie  et  d'édition,  1904.  In-8'^  de  189  p. 

L'histoire  de  la  ligue  maritime  formée  en  1342  par  Clément  VI  pour 
réprimer  la  piraterie  turque  dans  l'Archipel  était  connue  dans  ses  grandes 
lignes,  grâce  aux  travaux  de  Mas-Latrie,  Delaville-Leroulx,  Jorga.  M.  J. 
Gay  a  pu  en  donner  un  récit  plus  complet  et  plus  exact  en  mettant  à 
profit  la  correspondance  inédite  de  Clément  VI,  contenue  dans  les  Registres 
du  Vatican  et  en  particulier  dans  le  registre  62  (lettres  des  papes  rela- 
tives aux  affaires  d'Orient).  Les  résultats  de  cette  étude  sont  des  plus  in- 
téressants pour  rhistoire  de  la  croisade  et  des  rapports  de  l'Occident  avec 
l'empire  byzantin.  Comme  le  dit  justement  M.  Gay,  les  papes  du  xiV^  siècle, 
ne  pouvant  plus  faire  triompher  leur  politique  en  Occident,  sont  attirés  de 
plus  en  plus  vers  l'Orient  et  on  est  étonné  de  l'activité  prodigieuse  que 
déploie  leur  diplomatie.  Elle  doit  suffire  à  toutes  les  tâches  :  provoquer 
les  Occidentaux  à  la  croisade  et,  pour  y  arriver,  chercher  à  substituer  la 
paix  générale  à  l'état  de  luttes  qui  divise  la  France  et  l'Angleterre,  Venise 

OKIENT   CHRÉTIEN.  43 


622  REVUE    DE    l'orient    CHRÉTIEN. 

et  Gênes  etc.;  récliauffer  le  zèle  des  chrétiens  d'Orient,  Hospitaliers  de 
Rhodes  et  rois  de  Cliypre;  chercher  un  terrain  d'entente  religieuse  avec 
Constantinople  ;  maintenir  les  Orientaux  dans  l'obédience  romaine  ;  né- 
gocier à  la  fois  avec  les  Serbes,  les  Turcs  d'Asie,  les  Tartares  de  Crimée. 
Pour  suffire  à  une  pareille  tâche,  il  eût  fallu  à  Clément  VI  l'appui  de 
toutes  les  forces  de  la  chrétienté  ;  mais  les  grands  États  se  dérobaient  de- 
vant la  question  de  la  croisade.  Renonçant  à  obtenir  l'aide  de  Philippe  VI 
engagé  dans  la  guerre  anglaise,  le  pape  se  tourne  vers  Venise  et  est 
réduit  à  accepter  l'inutile  secours  de  cet  étrange  Humbert,  dauphin 
V^iennois.  Est-ce  à  dire  que  les  résultats  de  sa  politique  aient  été  nuls? 
M.  Gay  a  pu  montrer  le  contraire  et  la  figure  de  Clément  VI  sort  grandie 
de  son  étude.  S'il  n'a  pu  organiser  «  le  grand  passage  »  qui  hantera 
encore  longtemps  l'imagination  des  Occidentaux,  il  a  poursuivi  un  but 
plus  modeste  et  il  Ta  atteint.  L'expédition  de  I34"J  a  débarrassé  l'Archipel 
de  la  piraterie  turque  qui  menaçait  de  faire  disparaître  les  débris  des 
colonies  latines.  Les  Occidentaux  ont  pris  pied  à  Smyrne  et  en  sont  restés 
maîtres  malgré  tes  attaques  des  Turcs.  Des  négociations  sérieuses,  des- 
tinées à  amener  le  rapprochement  des  Églises  d'Orient  et  d'Occident,  ont 
été  entamées  entre  Clément  VI  et  Cantacuzène  qui,  malgré  sa  stricte  or- 
thodoxie byzantine,  a  fait  les  premières  avances  au  pape  et  cherché  un 
terrain  d'entente.  Malheureusement  toutes  ces  promesses  d'un  avenir  meil- 
leur ne  devaient  pas  tarder  à  être  suivies,  du  vivant  même  de  Clément  VI, 
d'une  cruelle  déception  ;  l'indifférence  des  Occidentaux  a  rendu  la  croisade 
impossible  ;  Gênes  et  Venise  ont  trouvé  des  flottes  pour  se  faire  une  guerre 
sans  merci,  tandis  que  l'escadre  pontificale  était  réduite  à  quelques  vais- 
seaux; le  premier  essai  effectif  de  croisade,  celui  du  dauphin  Viennois, 
n'a  abouti  qu'à  une  promenade  stérile  dans  l'Archipel  ;  les  Arméniens  de  la 
Petite-Cilicie  sont  restés  séparés  de  l'Europe  et  exposés  à  toutes  les  attaques 
de  l'Egypte;  l'éloignement  d'un  grand  nombre  d'Orientaux  pour  l'union 
avec  Rome  a  montré  le  peu  de  solidité  de  l'influence  latine  :  l'enquête 
faite  par  Clément  VI  sur  les  croyances  des  Arméniens  et  résumée  par 
M.  Gay  (p.  133-150)  découvre  les  malentendus  graves  qui  ruinaient  tous 
les  essais  d'union;  enfin  les  chrétiens  d'Orient  donnaient  eux-mêmes 
l'exemple  de  l'entente  avec  l'infidèle  :  le  pape  reprochait  aux  chevaliers 
de  Saint-Jean  les  concessions  qu'ils  faisaient  aux  émirs  turcs,  mais  il  était 
obligé  lui-même  de  tolérer  la  reprise  partielle  du  commerce  vénitien  avec 
l'Egypte.  Signe  des  temps,  c'est  un  Soudan  d'Egypte  qui  accorde  aux  frères 
mineurs  de  Jérusalem  les  privilèges  religieux  qu'ils  possèdent  encore  au- 
jourd'hui dans  l'église  du  Saint-Sépulcre.  M.  Gay  a  su  avec  un  grand 
bonheur  mettre  en  lumière  le  caractère  de  transition  de  cette  époque  qui 
vit  encore  les  rêves  de  croisades  du  moyen  âge,  mais  qui  s'essaye  déjà 
aux  combinaisons  de  la  politique  moderne. 

Louis  Bréhier. 


BIBLIOGRAPHIE.  623 

V.  Zapletal,  0.  P   — Le  récit  delà  Création  dans  la  Genèse  (ch.  i.  1 
à  II,  3)    expliqué   d'après    les    découvertes  les   plus   récentes.  — 

Traduit  de    l'allemand  par  P.  Meyer-Boggio  de  Stadelhofen.  Genève, 
H.  Kûndig;  Paris,  F.  Alcan,  1904,  in-8°  de  xi-158  pages.  Prix  :  3  fr.  50. 

Le  succès  qu'a  obtenu  l'ouvrage  du  P.  Zapletal  sous  sa  forme  première, 
en  allemand,  ne  fera  sans  doute  que  s'affermir  et  se  propager,  grâce  à 
l'excellente  traduction  française  qui  vient  d'en  être  publiée.  C'est  là,  en 
effet,  comme  l'a  écrit  son  savant  confrère,  le  P.  Lagrange,  Revue  biblique, 
1903,  p.  145,  «  un  travail  solide  et  parfaitement  documenté  ».  Très  au  cou- 
rant de  la  littérature  antérieure,  non  moins  que  des  progrès  de  la  philo- 
logie, le  professeur  de  l'Université  de  Fribourg  commence  par  établir,  en 
l'analysant,  le  texte  de  la  Genèse  qu'il  s'agit  d'interpréter.  11  compare  en- 
suite la  cosmogonie  de  la  Genèse  à  celle  des  peuples  voisins,  Egyptiens, 
Phéniciens  et  Chaldéens,  et  prouve  qu'avant  de  pénétrer  dans  le  texte 
biblique  les  fragments  de  ces  dernières  ont  subi  une  transformation  com- 
plète, qui  tendait  à  les  dépouiller  de  leur  premier  aspect  polythéiste. 
Cette  conclusion  semblera  hardie,  bien  qu'elle  soit  admise  communémeiit 
par  une  école  catholique,  et  l'on  ne  devra,  à  son  sujet,  traiter  l'auteur  de 
«  rationaliste  »  que  si  l'on  prend  ce  dernier  mot  dans  le  sens  de  «  raison- 
nable »,  comme  il  le  fait  remarquer  lui-même  plaisamment  dans  son 
Avant-Propos.  A  l'exposé  de  ces  cosmogonies  succède  l'énumération  des 
différents  systèmes  d'interprétation  que  l'on  a  proposés  jusqu'ici  du  récit 
de  laGenèse,  systèmes  que  l'auteur  range  sous  quatre  groupes  principaux  : 
liKéral,  idéaliste,  périodisle  ou  concordiste,  mythique  enfin.  De  ces  quatre 
systèmes  il  extrait  la  part  de  vérité  qu'ils  lui  paraissent  contenir  pour 
arriver  à  une  solution  plus  satisfaisante.  Les  six  jours  de  la  création  for- 
ment ainsi  comme  le  type  du  sabbat,  en  même  temps  qu'ils  constituent 
une  sorte  de  schéma  qui  avait  l'avantage  d'être  facilement  compris  par 
les  Israélites.  Les  trois  premiers  jours  sont  consacrés  à  la  création  des 
régions  et  les  trois  derniers  à  celle  des  années  destinées  à  peupler  ces 
régions.  De  la  sorte,  nous  avons  le  ciel  pour  les  étoiles,  la  région  de  l'air 
pour  les  oiseaux,  l'eau  pour  les  poissons,  la  terre  enfin  pour  les  animaux 
et  les  hommes. 

Ce  système  n'est  autre  chose  que  celui  des  scolastiqueg,  qui  voyaient 
dans  les  trois  premiers  jours  l'œuvre  de  la  séparation  des  diverses  parties, 
opus  distinctionis,  et  dans  les  trois  derniers  l'oeuvre  de  leur  ornementa- 
tion, opus  ornatus,  système  que  le  P.  Lagrange  a  remis  en  honneur  en 
l'adaptant  aux  besoins  et  aux  découvertes  modernes.  Peu  importent  les 
termes,  du  reste,  du  moment  que  l'interprétation  est  scientifique,  basée 
sur  le  texte  et  accessible  à  tout  le  monde. 

S.  Vailhé. 


624    .  REVUE    DE    l'orient  CHRÉTIEN. 

Agnes  Smith  Lewis.  —  Horae   semiticae.    —   III.  Acta  mythologica 
Apostolorum.  —  IV.     The   mythological  Acts    of  the    Apostles. 

Londres,   Clay,    1904.  2  voL  in-4  de  6-288  +  xlvi-263  p.,    avec  6  pL 
h.  t. 

Cet  ouvrage  continue  la  nouvelle  série  de  publications  orientales  des- 
tinée à  faire  suite  aux  Studia  sinaïtica  et  si  brillamment  inaugurée  en 
1903  par  M°"^  M.  Dunlop  Gibson.  Ces  actes  apocryphes  sont  tirés  d'un 
manuscrit  arabe  du  monastère  égyptien  Deîr  es-Sùriân.  Les  lacunes» 
que  ce  dernier  contient  ont  été  complétées  à  l'aide  de  deux  autres 
manuscrits  qui  se  trouvent,  l'un  au  Vatican,  et  l'autre  au  monastère  de 
Sainte- Catherine  du  Mont  Sinaï.  C'est  également  un  manuscrit  du  Sinaï 
qui  a  fourni  les  fragments  des  actes  syriaques  de  saint  Thomas  qui  sont 
donnés  dans  un  supplément. 

Les  versions  grecque,  syriaque  et  éthiopienne  de  ces  actes  ont  déjà 
été  publiées,  mais  on  n'avait  que  des  fragments  des  versions  copte  et 
arabe.  Or,  les  versions  copte,  arabe  et  éthiopienne,  dont  la  seconde  dé- 
rive de  la  première,  et  la  troisième  de  la  seconde,  constituent  un  groupe 
spécial,  propre  à  l'Egypte,  et  contiennent  des  éléments  qui  ne  se  trou- 
vent ni  dans  le  syriaque  ni  dans  le  grec.  L'étude  de  cet  ensemble  de  lé- 
gendes, sous  la  triple  forme  qu'elles  ont  revêtue  dans  le  Patriarcat  d'A- 
lexandrie, présente  donc  un  intérêt  considérable,  et,  en  l'absence  du 
texte  copte,  qui  doit  naturellement  être  le  plus  imrportant,  c'est  la  ver- 
sion arabe  qui  nous  rapproche  le  plus  du  premier  texte  rédigé  sur  la 
terre  d'Egypte.  Cela  suffit  pour  faire  comprendre  combien  est  grand  le 
service  que  M""'  Lewis  a  rendu  aux  hagiographes. 

Il  est  inutile  de  dire  que  dans  l'édition  du  texte,  dans  la  traduction 
qui  l'accompagne  et  dans  les  prolégomènes  qui  précèdent  celle-ci, 
l'auteur  a  révélé  une  fois  de  plus  ces  éminentes  qualités  qui  l'ont  placée 
au  premier  rang  parmi  les  orientalistes.  Les  quelques  légères  imperfec- 
tions que  l'on  pourrait  signaler  de  loin  en  loin  dans  ces  deux  beaux  vo- 
lumes ne  sont  pas  de  nature  à  en  diminuer  la  valeur  ;  elles  sont  de 
celles  qu'il  est  impossible  de  ne  pas  rencontrer  dans  les  œuvres  les 
meilleures. 

A.  G. 


Le  Direcleur-Gérani 
F.  Charmetant. 


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Louis  PETIT.  A.    A G  fr.   » 

Y.  ~    VIE  ET  OFFICE  DE  SAINT  EUTHYME  LE  JEUNE.  Texte  grec. 

pulilié  par  Louis  PETIT,  A.  A G  fr..    » 

Vl.  —  1.  VIE  DE  SAINT  AUXENCE.  Texte  grec,  publié  par  Léon  CLUGNET. 
—  2.  MONT  SAINT-AUXENCE.  Étude  historique  et  topograpliique,  pai' 
.Ili.es  PARGOIRE,  a.  a 8  fr.     « 

Paris,   PICARD. 

GRAMMAIRE  COPTE 

AVE€  BIBLIOGRAPHIE.  CHRESTOMATHIE  ET  VOCABULAIRE 

Par  Alexis  MALLON,  S.  J.  * 

KK^'ROXJTH,   Imprinici-ie   catliolifixie. 

lu  sî"  (](>  .\-380  pages ,    7  fr.  5o 


Typographie  Firmin-Didot  el  C  •.  —  Paris 


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