AÔRARX
\
REVUE DE PHILOLOGIE
FRANÇAISE ET PROVENÇALE
SYSTEME ORTHOGRAPHIQUE
De la revue DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
1. — Remplacer par .-• IV* linal valant, ••*, sauf dans les noms propres
et noms de liens.
2. — Écrire par s ou ^ detisièinc, tfoi.^iémc, sisicnie, disicine,
(lisciinc, ou dptizième, etc.
8. — A l'indicatil présent des verbes en re, oir et u\ terminer
toujours par un t la troisième personne du singulier, et supprimer
toute consonne qui ne se prononce pas devant l's des' deus premières
])ersonnes et devant le t de la troisième : je m'asslés, il s'assiet; Je
roii.^, il cout; je prcns, il pi-ent; je pers, il pert; je concains, il
cnncaint ; je pennés, je coinhas, j' interrons.
4. — Ne jamais redoubler VI ni le t dans les verbes en cleraien eter.
5. — Ne jamais faire l'accord du participe quand le complément
direct est le pronom en. Faire ou ne pas faire l'accord, sans y attacher
aucune importance, pour les participes coûté et valu, qu'ils soient
pris au propre ou au figuré, et de même, quand un participe est suivi
d'un infinitif sans préposition, ne pas s'inquiéter si le pronom qui
précède est sujet logique ou régime de l'infinitif.
Ce programme vise, non à simplifier l'orthographe, mais
à la rendre plus correcte; il se trouve d'ailleurs qu'en deve-
nant plus rationnelle, elle devient aussi plus facile; car notre
réforme, bien que partielle, supprime déjà une vingtaine de
règles, exceptions ou remarques des grammaires, qui ne
peuvent se justifier par aucun argument sérieus. Les personnes
qui concevraient des doutes sur la légitimité de telle ou telle
modification sont priées de se reporter aus fascicules de la
Revue de Philologie française, où chaque article du pro-
gramme est proposé et discuté (tome III, page 270; tome IV,
pages 85, 153, 161, 235; tome V, pages 81 et 308).
Les premiers adhérents ont été MM. Michel Bréal, Edouard Hervé,
Francisque Sarcey, Paul Pass}', Camille Chabaneau, Louis Havet,
Charles Lebaiiiue, Ferdinand Brunot, Eugène Monseur, etc.
Nous recommandons particulièrement aus directeurs de
Périodiques, favorables à la réforme, la mise en pratique de
l'article 1, qui n'exige aucun effort d'attention do la part de
MM. les Protes.
Dans sa Grammaire historique posthume, Arsène Darmestcter dit
excellemment : « C'est à une succession d'erreurs qu'est due la
fâcheuse habitude de l'orthographe moderne de noter par œ presque
toute .s- qui suit un u Il serait grand temps qu'une orthographe plus
correcte et plus simple rétablit partout !'*• finale ;\ la place de cette a?
barbare. »
CIIALON-SUll-SAONE, IMPRI.MKRII'; DE L. MAKCliAU.
V >^ i:^T> i TVTn A TCT7 ^
FRANÇAISE
ET dlft- t^-
PROVENÇALE
(Ancienne REVUE DES PATOIS)
RECUEIL TRIMESTRIEL
CONSACRÉ A l/ÉTLDK DKS LANMiUES,
DIALECTES ET PATOIS DE ERAISCE
rUHLIli PAU
Léon CLÉ DAT
PROFESSEUR DE LA FACULTÉ DES LETTRES DE J.YON
Tome VII. — 1893
f^t^^ ni/*
PARTS
EMILE BOUILLON, KDITEUR
07, RUE DE RICHELIEU, (>7
(Tous droita iTserréi^)
0(
t,9
SUIl L\ VEUSIFICATION DE MAROT
La versification de Marot marque le point culminant
de tout un système. De très bonne heure les poètes
français ont cessé de se contenter des procédés assez
simples qu'on avait mis tout d'abord en usage. La nature
même de leur langue^ moins sonore et moins fortement
accentuée que les dialectes plus mëridionaus, issus delà
même source, les amenait à remplacer Fassonance par
la rime. j\Iais une fois leur attention portée sur ce point,
une fois l'oreille accoutumée à être charmée par ce re-
tour régulier des mêmes sons, les rimeurs se sont vite
lancés dans cette voie au delà des bornes que devait plus
tard imposer un plus juste sentiment de l'art. Négli-
geant de plus en plus le rythme, qui est pourtant
peut-être l'élément le plus essentiel d'une belle versi-
fication, ils se sont phi d'une part à multiplier ces rap-
prochements de sons, soit à la fin, soit à l'intérieur du
vers, et de l'autre à les rendre de plus en ])lus sensibles.
Dès le XIII® siècle, cette tendance est déjà fort marquée
chez des écrivains comme Rutebeuf. Mais il est encore
fort modéré, si on le compare à certains poètes des âges
suivants. Au xvr' siècle, cette recherche poussée à
l'excès est devenue larègle. Mais nul n'y a apporté une
virtuosité égale à celle de Marot, qui met quelque art
dans le mauvais goût et ne sacrifie pas trop souvent la
pensée à ces ornements multipliés du vers.
Les consonances ou rapprochements de sons dont
nous voulons parler appartiennent à dcus classes : l'alli-
tération ou la rime.
Rkvuk de piiii.oi.DCii:, vu. 1
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
I
Il ne serait peut-être pas hors de propos de définir
l'allitération. C'est une consonance, un rapprochement
de consonnes , sensible. Il faut donc deus conditions
pour qu'il y ait une allitération, pour que deus mots
allitèrent entre eus. Tout d'abord il faut que la même
consonne se trouve dans les deus mots qui allitèrent, il
faut en second lieu que la présence de cette consonne
soit bien sentie par l'oreille. Dans les langues germa-
niques^ rallitération n'est sensible que lorsqu'elle porte
sur les consonnes initiales de la syllabe accentuée. En
latin et dans les langues romanes elle est sensible sur-
tout dans les consonnes initiales du mot. Sens et savoir
forment une allitération en français, mais n'en seraient
pas une en allemand. En revanche, sens et liaison for-
meraient une allitération parfaite en allemand et n'en
sont pas une en français, du moins elle n'est pas géné-
ralement considérée comme telle. Il est évident que
cette allitération est moins sensible que celle de sens
et savoir' ; mais ne l'est-elle point du tout ? Les poètes
du moyen âge, qui aimaient tant à rapprocher ces deus
mots sens et raison, n'y sentaient-ils pas la présence
des deus mêmes consonnes s ?
En tous cas il est incontestable que l'allitération peut
se produire, en français comme en latin \ en dehors de
la première syllabe, lorsque un ou plusieurs des mots
qui doivent allitérer, commencent par un préfixe.
L'allitération est parfaitement sensible^ par exemple,
dans ce vers du roman de Troie.
Leissicz nos ont et reLinqui (v. 25017).
1. Voir Wôlfflin, « Die allitteriereiulon Verbiiulungcn der latciui-
schen Sprachc.
SUR LA VERSIFICATION DE MAROT à
L'allitération peut avoir lieu enfin non seulement
entre deus consonnes, mais encore entre deus voyelles.
Dans les langues germaniques, elle a lieu entre n'importe
quelle voyelle. Ort und Eiide, par exemple, forment une
allitération parfaite. Elle ne serait pas sensible en
français. Dans notre langue l'allitération ne peut se
produire qu'entre dons voyelles semblables, semblables
pour l'oreille.
Il est enfin une dernière espèce d'allitération qui est
très fréquente dans notre poésie. C'est celle qui a lieu
entre deus préfixes. Le préfixe qui commence le mot
joue alors le rôle d'une simple consonne. Tel ce vers de
Marot :
Autre raison qui m'induit et inspire, i, 119 '
Marot prentgrandplaisir à l'allitération. Des passages
comme le suivant (r, 1.21) le démontrent amplement :
Triste, Transy, Tout Terni, Tout Tremblant,
Sombre, Songeant, Sans Seure Soustenance,
Dur D'esperit, Desnué D'espérance,
Mélancolie, Morne, Marry, Musant,
Pasle, Perplex, Paoureux, Pensif, Pensant,
Foible, Failh^ Foulé, Fasché, Forclus,
Confus, Courcc; Croire Crainte Concluz...
Il ne saurait l'accumuler toujours ainsi ; mais elle est,
sous une forme plus modérée, si fréquente dans ses vers,
qu'on peut affirmer qu'il l'a recherchée et cultivée tant
qu'il a pu, et en a fait un des ornements les plus fré-
quents de sa versification.
La forme sous laquelle nous rencontrons le plus
souvent l'allitération dans Marot est celle qu'ont cul-
tivée tous nos viens poètes et (pii abonde dans la prose
1. Je cite d'aprôs récliiioii Garuier, Paris, 1879,
4 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
de Rabelais et de Montaigne. Nos anciens écrivains, en
effet, aimaient à joindre entre eus deus termes syno-
nymes. Cette répétition' est la figure de rhétorique la
plus souvent employée par eus ; quelques-uns n'en
connaissent guère d'autres. L'allitération donnait plus
de force et d'harmonie à ce rapprochement ; elle servait
aussi à réunir dans une idée commune deus mots qui
forment antithèse, par exemple: cœur et corps, pour
dire l'être entier ; chauves et chevelus pour signifi.er
tout le monde. Le plus souvent ces expressions sont de
véritables formules; elles se retrouvent à chaque instant
dans les écrits les plus divers ; on les rencontre aussi
chez Marot, mais il s'est complu tout particulièrement
à cette consonance et l'a employée, en dehors de ces
formules, dans une foule d'expressions semblables, qui
n'étaient point usitées avant lui.
Ainsi il réunit par l'allitération :
a) Deus substantifs :
AUoient semens Roses et Romarins, i, 10
Suyvans jardins, boys, Fleuves et Fontaines, i, 11 '
Mais à grand peine eus-je veu à travers,
Que hors de moi cheurent PLainteset PLeurs%
Comme en y ver seiches Feuilles et Fleurs, i, 21 *
Car ce sont crys, PLeurs et comPLainctcs. i, 16
Adoncques l'herbe en Forme et Force croist. i, 38
Vivre deux jours en Paix et Patience, i, 45
Me demandant ma Naissance et mon Nom. i, 51
Aucuns propos, ou Moyens, ou Manières i, 55 *
...Les brebis ne craindront
Lyon ne Loup, i, 58
1. Cp. Tant par les mers que .es fleuves et fontaines. {Conjlict de
Caresmeet charnaige, Montaiglon, x, 117.)
2. Fréquent, Montaiglon, v,239; viii, 97.
3. Gaydon, 9498 : Par icel Deu qui fait et foillc et flor.
4. Le bon moyen et manière de vivre. (Fr. Girault, Le Mo'/en de
soy enrichir, Montaiglon, x, 86.)
SUR LA VKUSl FI CATION DK M A ROT 5
Reçois dcja et rilommagc et l'Honneur
Du bien futur, i, 59
Viens voir ce monde, et les Peuples et Princes
Régnans sur luy. i, 61
Visiteront leurs Pays et Provinces, i, 73
Au bruit duquel Nayades et Naphées
Délaisseront leurs sources estouppées. i, 93
Pour mieulx congnoistre et Beautez et Bontez. i, 103
Telz Apparens et autres Accidens. i, 104
Pleine de Pleurs et de Piiroles dures, i, 105
Elle, prenant à desHonneur et Honte, i, 109
Si ruay sus encre, Papier et Plume, i, 121
Ou qu'à présent à ton vouloir tu tinses
Par le licol, par Queue ou par Collet
Le bon cheval du gentil Pacollet. i, 131
Car A polio, ne Clyo ne Mercure
Ne m'ont donné Secours, ne Seing ne cure, i, 149
Au fons d'Enfer, plein de Peines et Pleurs, i, 155'
La Foy lo3^alIe et tes Façons pudiques, i, 163
Et moy, cliétif; qui ne suis Roy ne Rien, i, 173
Qu'il n'y perdra que l'Argent et l'Attente, i, 177
Adieu ses FLèches et FLambeaux. i. 205
Mais il convient garder Rithme et Raison;
Rithme et Raison, ainsi comme il me semble
Doivent tousjours estre logez ensemble, i, 222
Ce fut par Pierres et Plastras
Qu'eust espoir d'avoir recompense, i, 248
Aller dicter les Plaisirs ou les .Pleurs
Que l'on reçoit de sa dame chérie, i, 260
N'ayez donc peur, Deffiance ne Doubte. i, 264
S'il ne me vient de ta GRace et bon GRé. i, 268 *
Trouvons moyen, trouvons Lieu et Loysir
De mettre à fin le tien et mien désir, i, 268
Etc., etc., etc.
1. Ainsi ay dcsix'iiilu mes jours; — N'en retien que peines et
pleurs. La Cotn/)laini;to de Varna damnée. (Montaiglon, viii,9'J.)
2. Je ne t'en sai ne gré ne grâce, /iîa^c^ea/ (Jubinal, ii, 249. 355.)
En tel manière qu"il face — Chose dont il ait gré et grâce. Rutcbcuf
(Moutaiglon, iv, 120.)
b rtHVUK DE PIIILDLOGIK FRANÇAISE
6) Deiis adjectifs; lopins souvent deus épithètes :
Dont cognoissant ma cruelle maîtresse
Estre trop Forte et Fièro Forteresse, i, 9 '
Croy moy que de tenir les choses
D'amours si Couvertes et si Closes, i, 23
Vien Sain et Sauf, i, 61 ^
La muse Héroyque et Hardie, i, 40
Et qui au Fort et au Foible est commune, i, 80 ^
C'est une Lourde et Longue maladie, i, 174
Mes damoysclles
Bonnes et Belles, i, 187 *
Tant Bonne, tant sage et Bénigne, i, 219
C'est un meschant Fol et Flatteur, i, 243
Fors seulement d'un Seul et Simple point, i, 266
Il deviendra Fertile et Fleurissant, n. 5
c) Deus verbes; c'est ici cju'on rencontre le plus sou-
vent rallitération des préfixes :
Et qu'à son veuil il se Tourne et Tempeste. i, 85
L'un, que tourment Poursuit et imPortune. i, 88
Dont ma douleur Renforce et Renouvelle, i, 116
A.utre raison quim'INduitet m'INspire. i, 119
A tous humains bien DEmontre et DEsigne. i, 313
Et pour son bien combatent et conseillent, i, 213
d) L'énumération enfin appelé volontiers chez Marot
l'allitération, qui s'étent alors souvent sur un grand
grand nombre de mots et sur plusieurs vers :
L'été lui donnait des raisins
Des Pommes, des Prunes, des Poires,
Des Pois vertz, des cerises noires,
1. D('>jàdansla « Clianson de Roland » (1879, 2125, 3393) et depuis un
peut partout; se trouve encore ailleurs chez Marot.
2. Ces formules allitérantes nous sont restées, comme «gros et gras,»
que Marot emploie également.
3. Une des formules qui signifient tout le monde. Se trouve partout
au moyen âge et semble avoir été particulièrement affectionnée par
Rutebeuf.
SUR LA VERSIFICATION DE MAROT 7
Du Pain bosnit, du Pain d'espice. i, 31
Ce sont serpents Enflez, Envenimez,
Mordans, Mauldictz, Ardans et Animez, i, 47
De GRos, de GRans, de moyens et de GResles. i, 47
Comme Mollars, Merles, Maulvis, Mésanges,
Pinsons, Pivers, Passes et Passerons, i, 260
Mais notre poète est loin de se borner à cette forme
de rallitération. Il réunit autant qu'il le peut par cette
consonance tous les mots que le sens unit déjà, tous
cens, pour parler le langage de la grammaire^ qui se
rapportent l'un à l'autre. Ainsi il fait allitcrer :
a) Le substantif avec son épithète ou son attribut :
Portant un Fer Forgé par Desplaisance
Au feu ardent de Rigoureux Refus, i, 8
Les Passans Pèlerins, i, 10 '
Don il cstoit Premier Portier, i, 12
Rendans un Son si très-Solacieux. i, 15
...Si onc eu ces bas estres,
Daignas ouir CIIANsonnettes CHAMpestres. i, 35
Quand elle veoit les Satyres Suyvants. i, 52
De la Malice aujourd'huy Manifeste, i, 58
Je dy que tel par sa Foy peu Féconde
En Jésus Christ a très Petite Part, i, 82
Et faux Pasteurs Parjures etmeschans. i, 88
De qui jamais Vice ne fut Vainqueur, i, 122
Parquoy, am}^ si tes Dictz sontDecens. i, 122
Et de bon Vin Versé en maint flascon. i, 135
...Tais toi, Lyon Lié. i, 138.
De pardonner à leur Folle Fureur, i, 170
Que Maie Mort les deux jambes lui casse! i, 170
Tes poincts sont grans, tes Mètres Mesurez,
Tes Dictz tous D'or, tes termes azur.és. i, 178
Que tu congnois que le souverain bien
De l'amytié ne gist en Longues Lettres,
En mots exquis, en grand numbre de meU'cs,
En Riche Rithme ou belle invention, i, 179
8 HKVUK DK l'IIllAJLOGlK FKANTAlSli
6) Le substantif avec son régime :
Trois potz a pisser pour le moins, i, 38
Car bien nourris sont du /aict de la /ysse
Qui nommée est du «ionde la 7>îalice. i, 49
Plus coile au cent ne fera la gallée. i, 58
En regardant de leur Mal la Moylié. i, 88
Le bon vieillard, vray Confort des Craintifz. i, 123
Prince de Prix, i, 179
c) Le verbe et son régime, ce qui est une forme qu'il
semble affectionner tout particulièrement :
Pretz de chanter chansonnettes divines, i, 14
Elle vous avoit un corset
D'un fin bleu, Lassé d'un Lacet
Janine, qu'elle avoit faict exprès, i, 25
Sans eulx (mon livre) en mes vers pourras prendre
Vie après moi i, 1
Il daigna bien luy mesmepeine prendre, i, 37
...Où pour prendre pasture. i, 37
...Pour/rommages/ormer. i, 38
Estre repeu de l'humaine pasture. i, (36
...Car Saint-Paul testifie
Que Jésus-Christ nos w?embres /nortifie. i, 80
...Et Sonner ne S'amuse
Sinon tes loz, ma tendre cornemuse? r, 94
Scrablablement la Fable Faut ouyr. i, 106
S'en va dehors, et Liberté nous Laisse, i, 107
Dont (par mallieur) se trouva Pris au Piège, i, 138
Vous me Tenez Termes plus rigoureux
Que le Drappier au berger Douloureux, i, 142
Si tu Vas Veoir la Ville désirée, i, 161
Si en cest art veulx ta Pointe Poursuivre, i, 178
Pour le Bon Bruict d'autruy Briser, i, 214. Etc., etc.
d) Le verbe et son sujet :
Hz ont laissé le Pain qui ne Perisl. i, 75.
Mais si Quelc'un a cecy Contrarie, i, 80
Où nostre bien et vray Plaisir est Pris, i, 85
SUK r,A VKRSIFKATION I)H MAROT V
Et. (qui plus est) gras Bœufz en Brameront,
Et par plaisir Brebis en Besleront. i, 93
Encore ay paour ([ue Dieu ne soit Desdit. i, 169
Ne Papillon pas ne le Point
Ne Thenot ne le Tenue point, i, 214
Leur Pied même s'est venu Prendre, i, 215
Dans tous les exemples (jui prccèdeiil, nous voyons
Marot par l'allitération donner plus de force à des
rapprochements de signification, et pour ainsi dire,
resserrer le lien grammatical et logique. ]\Iais dans une
foule de vers rallitëration se manifeste franchement
comme un pur orneiuent de la versification. Le plus
souvent un mot du premier hémistiche allitôre avec un
mot du second :
Soit le dernier mot do IMuMiiistiche avec le dernier
mot dti vers :
Mais faulx Danger gardoit sur le Derrière
Un portail, i, 13
Par cestc Foy, nul n'aura Fantaisie, i, 72
Ains vraye Amour à l'aimer nous Attire, i, 83
Si Mcrcy ay Cupido par Mérites, i, 21
Où les plus GRans logeront en GReniers
. De toutes Pars Percez comme Paniers, i, 159
En leur Séant sur le pré S'amassèrent, i, 160
N'est point Prisé au temps Présent, i, 166
Si ofliciers en l'Estat seurement
Sont tous Couchez fors le povre Clément,
Qui comme un arbre est Debout Demeuré, i, 167
Et me Desplail qu'il faut que je le Die. i, 169
Quand je n'ay Seu moy mesmes Secourir? i, 170
Il ne Parloit tout que de Playderie. i, 170
M'y Reverront si on ne m'y Rameine. i, 171
Je ne suis Point vers vous allé Parler, j, 171
Quand je me Vey sans honncste \''esture. i, 74
Quand tout est Dict, les louenges Données, i, 178
Qui un Resvant en fiebvre Reprendra, i, 178
Parmi les Pieds je puisse être Pendu, i, 308
10 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Soit le dernier mot du premier hémistiche avec le
premier de l'hémistiche suivant, du moins avec le
premier mot accentué :
Fors qu'on mes Pleurs Plaisir luy donnerayo. i, 294
Lors à ce Bruict, là-Bas n'y a povre âme
Qui ne FRémisse et de FRayeur ne tremble. 1, 49
Que le Seigneur pour Sienne a esleue. i, 81
Puisqu'au Partir de Paris ce grand lieu, i, 141
Me voyant Loing de L'estat jà fermé,
Jusques au Jour qu'il sera deffermé. i, 167
Ce temps Pendant, à Pasturer m'ordonne, i, 167
Le bon Loysir et L'entière sauté, i, 179
Toutes par Moy, le Moindre du troupeau, i, 180
Que vostre Dire est un Divin oracle, i, 181
Qu'un de mes Serfs pour Sauver sa jeunesse, i, 296
Soit le premier mot de chaque hémistiche :
Cierges, rameaux, et Sièges la verdure, i, 19
Lascher faulçons, Lévriers courir au boys, i, 19
Soit, mais plus rarement, deus mots qui se trouvent
dans des positions autres que celles-là :
Ausquels Douleur fait toujours Dure presse, i, 79
Souvent se Fault tenir Ferme debout, i, 172
Enfin l'allitération se rencontre aussi, en dehors des
cas déjà énoncés, soit dans l'intérieur du même hémis-
tiche, soit dans des vers sans césure :
Ausquelz il a ses secrets révélez
Qu'il a cachés aux Sages, et Celez, i, 76
Puis mect à terre un Genouil Gentement. i, 138
Toustefoys tu cuydes avoir
Chanté en Rossignol Ramage, i, 157
Dedans Paris et Tousjours bien Traictez. i, 159
Si me vient il Tousjours en cueurou Teste, i, 159
Près du ruisseau Caballin Composée, i, 163
En ce palais, me Dire en Desarroy. i, 169
Non, pour certain; Motif en est Mercure, i, 172
SL'R LA VKUSIFICATION DK :\IAROT 11
Est-il besoin de dire que Marot est heureus quand il
peut multiplier ces consonances qui lui font un tel
plaisir et qu"il ne recule pas devant une allitération
portant sur trois, voire sur quatre mots ?
Vindrent ^^olo^ sur ces Vertes courtines, i, 14
Vien Sain et Sauf : tu peulx estrcaSSeuré
Que ... I, 61
Mal ni ennuy dont Maint Mortel s'estonne. i, 81
Sont Dons de Dieu très-Doux et savoureux, i, 83
C'est lu}' qui est Vérité, Vie et Voye. i, G6
Et ne Poindra Par moy non Plus qu'il Poinct. i, 141
J'ayle Papier, l'encre et la Plume Priuse. i, 156
Prendre la Plume, et faire en Prose ou mètre
Quelque réponse à ma grossière lettre, i, 161
Et tant de Veaux qui Vont par Ville, i, 165
Puissant Prélat, je me Plains grandement, i, 169
Et Pars demain, des Princes l'outréPasse. i, 179
Puis l'œil Terni, Triste, vers moy Tourna;
Sa sèche Main dedans la Mienne a Mise, i, 237
Sans vous Touciier, Tenir, Taster, Tenter, ii, 3
Nous trouvons même des vers ornes d'une double
allitération :
Des Dictz Dorez et de Rithmez Rommants. i, 172
Venez, Venez, Sotz, Sages, Folz et Folles, i, 307
L'allitération s'étent assez souvent à deus, même à
trois vers, soit qu'un mot d'im vers allitcre avec un
ou plusieurs du vers suivant, ou réciproquement,
comme :
Ce que voyant le bon Janot mon père
Voulut gaiger à Jacquet son compère, i, 36
Si je vous Dy, qu'au monde vicieux
N'est rien si Doux, qui ne soit très-amer, i, 83
Là en public on Manifeste et dit
La Mauvaisetié de ce Monde Maudict. i. 15
Dieu tout Puissant, qui tant est déboumiire,
12 KHVL'K DR PHILOLOGIE FRANÇAISE
Qu'à ses enfants la Pierre pour du Pain
Ne donne Poinct. i, 79
Jettans un feu qu'à Peine on Peult esteindre,
Et en Piquant dangereux à l'atteindre, i, 47
Que nonobstant que nostre amitié Ferme
Tousjours Fleurisse en sa verdeur Fréquente, i, 163
La dure Mort de la Mère du Roy,
Mon Mecenas. i, 178
Car quelque Don que D'elle soit Donné,
(Tantsoit-il Doulx. i, 295
Soit que dans 1(3 second vers se reproduise une alli-
tération qui forme déjà l'ornement du premier :
Que toy, qui es des Pastoureaux le PRince,
PRinsses Plaisir à mon chant escouter. i, 39
Car le Plaisir que je Prens à vous veoir
Passe tous ceulx que je Pourroye avoir, i, 159
Propos qui fust si fort Plaisant au maistre
Que mal Plaisant ne Peust à la dameestre. i, 162
Ce Monsieur là (Syre) c'estoit Moy Mesme,
Qui, sans Mentir, fuz au Matin bien blesme. i, 174
Pinseur Pinsant, entre autres Poinctz
Je l'ay Pinsé de ce mot : Pinse;
Les bons n'y sont Pinsez ni Poinctz,
Mais les mesclians, dont tu es Prince, i, 177
0 Nuict heureuse, o doulce Noire Nuict,
Ta Noireté aux amants point ne Nuyt. i, 274
Et les Marys, c'est force qu'ilz deMeurent
(Bons ou Maulvais) jusques à ce qu'ils Meurent, i, 293
Mon lot qui eut l'acCol de chevalier,
Est acCollé de trop mortel Collier, i, 297
Chez Marot, l'allitération. est aussi riche que hà rime ;
c'est-à-dire qu'il ne se contente pas de la similitude
d'une, voire de deus consonnes. Aussi souvent qu'il le
peut, la voyelle qui suit ces consonnes est la même dans
les deus mots ; ainsi qu'on a pu le remarquer dans les
exemples qui précèdent : Roses, romarins ; hommage
SUR LA VERSIFICATION DK MAROT . 13
et honneur ; pasteurs, parjures, etc. La similitude
s'ôtcnt môme à la première syllabe tout entière, et
nous avons ainsi de véritables rimes riches initiales :
forme et force, chansons champestres :
Et me sourient que bien souvent aux festes. i, 36
Vendent leur chair cher comme cresme. i, 199
Mais il va plus loin encore, et de même qu'à la rime
il n'hésite pas à répéter le même mot, ainsi dans Thité-
rieur du vers il joue avec les formes diverses d'un
même vocable, rapproche les dérivés d'une même ra-
cine. Nous sommes loin, il est vrai, de l'allitération
proprement dite ; nous touchons au jeu de mots. Mais
c'est toujours la conséquence du même principe, de ce
plaisir que prent Marot à multiplier cesra})prochoments
de consonances :
Là biens sans cause en causes se despendent;
Là les causeurs les causes s'entrcvendent. i, 45
Ou autrement les bons bontés fuyroient. i, 4G
O Roy heureux soubs lequel sont entrez
(Presque péris) les lettres et lettres, i, 53
Qu'à ta naissance avecque toi naistra. i, 01
Sinon qu'il est plus vain que vanité,
Et plus léger que la légèreté, i, 78
T'ont faict jecter maintefoys maintes larmes, i, 114
Donne response à mon présent affaire,
Docte Docteur, i, 136
le ne t'escry d'aèi^s trop abusant, i, 137
Mais despita chatz, chutes et chatons,
Et prisa fort ratz, rates et ratons, i, 138
Tu n'as cousteau, serpe ne serpillon
Qui sceut coupper corde ne cordillon. i, 138
Si n'est-il loup, louve, ne louveton. i, 142
Car le cheval que je pourmaj/ie et meine
Est malheureux, et brunche en pleine plaine, r, 153
le ne veut point de mule ne mu.let. i, 154
Sans les susdiclz blasonneurs blasonner. i, 188
14 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
II
Théoriquement rallitéralion et la rime sont deus
choses différentes. Elles sont cependant l'une et l'autre
les résultantes d'un même phénomène : le charme que
notre oreille trouve à la répétition des mêmes sons ;
l'une est un écho qui répète la fm des mots, et l'autre
en répercute le commencement. L'une et l'autre peu-
vent d'ailleurs se mêler et se produire en même temps
sur le même son, la même syllabe. Dans laquelle des
deus catégories doit-on ranger, par exemple, les con-
sonances qu'ofîrent des vers comme les suivants f
Raison me dit qu'il me faut rcùRer. \, 217
Donc, puis qu'en vous joye et soulas reDojine. i, 318
Car on t'atTend : puis quand seras en Tente, ii, 6. Etc.
Marot avait un nom pour la « rithme », il n'en avait
pas pour Fallitération, qui venait à peine d'être bap-
tisée ^ Il avait pour la première des règles et des théo-
ries, ainsi que le prouve un passage, qu'on a souvent
cité, de répitre LU (i, 214). Il ne semble pas avoir
employé la seconde d'après des principes aussi cons-
cients. Mais peu importe; pour l'une et pour l'autre,
pour la rime et pour l'allitération, il obéit aus mêmes
habitudes d'une oreille particulièrement ralhnée et
exercée, à la même loi plus instinctive encore que cons-
ciente : appuyer le rythme du vers par le plus grand
nombre possible de consonances, et rendre ces con-
sonances, ou rapprochementhi de sons, aussi sensibles,
aussi frappants que possible. Il étent la similitude des
sons initiaus au plus grand nombre de lettres et de
1. Par J. Jov. Pontanus, dans son dialogue iutiUilé « Actius. «
SUR LA VERSIFICATION DE MAROT 15
syllabes qu'il peut, ainsi que nous l'avons vu dans ce
qui précède ; il procède absolument de môme pour les
sons finaus.
Marot devait donc nécessairement cultiver la rime
riche. J'estime à peu près à deus pour cent la proportion
des rimes c[ui, chez notre poète, ne sont pas riches, —
j'entents au sens technique du mot, car des rimes
comme peine, pleine ^ — andoilles, gargoilles — cou-
che, bouche — estre, prebstre, etc., ne sont pas des
rimes pauvres.
La rime riche, à le bien prendre, est une rime plus
une allitération, puisque, outre la similitude de la fin
du mot à partir de la voyelle de la syllabe accentuée, —
ce qui est l'essence de la rime, — elle nous offre encore
la similitude des consonnes qui précèdent cette voyelle
— dites consonnes d'appui — ce qui est l'allitération.
Cela est si vrai, que les peuples chez lescjuels l'allité-
ration a été la base de la versification et dont les poètes
l'emploient encore, non plus comme, un élément essen-
tiel, mais comme un ornement du vers, ont horreur de
la rime riche. Ils n'aiment pas à accumuler en un seul
endroit, sur une seule syllabe, des similitudes de con-
sonances que leur oreille est habituée à trouver dis-
tribuées en des places différentes du vers. Mais ce n'est
pas à Marot qu'il faut demander de pratiquer en ces
matières le quicl ni/nis. Il ne se contente même pas des
rimes riches que la langue fournit tout naturellement,
de celles qui sont produites par les syllabes finales de
deus mots. Il fait naître souvent cette allitération des
consonnes d'appui, là où elle ne se présente pas d'elle-
même. Des deus mots qui se trouvent à la rime, l'un
commence-t-il par une voyelle? De gré ou de force —
h tort ou à droit, comme on disait encore de son temps,
1. Remarquez que oetle rime, sau.s être une rime riche au sens
propre, nous otfrc une rimo plus une alliléraiioii ; il y en a un certain
nombre de ce genre dans Marot.
16 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
— Marot rapprochera de cette voyelle une consonne,
qu'il demandera presque toujours à la finale du mot
précédent et qui lui fournira l'allitération cliercliée :
Tel est son nom, qui est de mort un umbre.
Regarde un peu, en voyla un grand nombre, i, 47
En m'écoutant jectèrent larmes d'yeux;
Si feirent bien les plus souverains Dieux, i, 39
Et au matin que la clère aurora
En ce bas monde esclercy le jour a. i, 117
Reçoy moi donc, et ton estomac ouvre,
A cette fin que dedans toy recouvre, i, 2G6
Ainsi devant moy plus vites'enfuyra
Que devant luy ne vont fuyant les Muses,
Quand il verra que de faveur tu m'uses, i, 41. Etc.
Il étent la rime, quand il le peut, à deus syllabes :
Car^ bien nourris sont du laict de la lysse
Qui nommée est du monde la malice, i, 49
Qui le sera peult estre si bon heur
Que le proufïît sera joinct à l'honneur, i, 182
Et la fait riche par les mêmes procédés qu'il emploie
pour la rime d'une syhabe :
Qu'impossible est qu'en armes ne l'imites
Et que (partant) passeras ses hmites? i, 63
11 a des rimes de trois syllabes :
Par à peu près :
Et le labeur qu'après moi il mit tnnt
Certes, c'estoit affîn qu'en riniilant. i, 37
SUR LA VERSIFICATION DE MAROT 17
Pauvres : — le terme est iei singulier :
Long temps y a si grand bien n'acquisl l'on
Que de vous veoir : venez-vous d'Acquillon? i, 101
Riches :
Mais qu'est-il ce gentil salaeur
Qui ose approcher sa lueur
Du cler soleil? i, 171
Enfui il est allé jusqu'à employer des rimes — des
rimes riches ! — de quatre syllabes :
Toujours les a la louve entretenus
Et près du cuer de son ventre tenus, i, 49
Il n'est pas allé plus loin ; mais qu'on le croie bien,
ce n'est pas qu'il ne l'ait voulu et qu'il ait été arrêté par
des scrupules de goût. C'est que, malgré toute sa vir-
tuosité, il ne l'a pu.
On pourra facilement multiplier ces exemples en
parcourant les œuvres de Marot ; mais il faut se garder
de faire entrer eu ligne de compte des pièces comme
l'épitre vi (i, 132), la fin de l'épitre xxv (i, 167) ou la
première épigrainme, où Marot s'amuse à accumuler les
rimes les plus étranges en y mêlant le jeu de mots. Nous
n'avons voulu parler dans tout ce qui précède que des
procédés ordinaires de la versification de notre poète^
de ceus qu'on rencontre chez lui à chaque pas dans tous
les genres et sans recherche d'un eiïet comique ou
burlesque.
Pour donner une idée complète de cette versification^
à la recherche de toutes les consonances, il faudrait
signaler encore l'emploi de toutes les espèces de rimes
intérieures, telles que celles qu'offrent ces vers :
Point il n'habite en temples faitz de mains,
Et révéré n'est par mains des humains, i, 71
Rkvue de riiiLOi.oc.li:. vu. 2
18 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Bigotz, cagotz, goclz et magodz,
Fagotz, escargotz etmargotz. i, 251
Dieu gard en fin toute la fleur de lys,
Lime et rabot des hommes mal pollys. i, 213
Combien que Genncs dans sa eosie
Costoye un périlleux fatras, i, 248. Etc.
Mais ce sont là des ornements et des jeus qu'on ren-
contre plus rarement et dont on ne peut pas dire qu'ils
fassent, comme l'allitération et la rime ultra- riche,
partie essentielle d'un système de versification.
J. FiRMERY.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BAS-GATINAIS
Par C. Puichaud
Abaculer, verbe actif. Abacaler une charrette, la mettre
les brancards en l'air.
Abécher, v. act. Donner la becquée. La mère abèclie ses
petits.
Abourde, nom commun féminin. Béquille. Boiteus, prens
tes abourdes. Cf. le bourdon de pèlerin.
Abourder, v. act. Étayer. Abourdons la maison.
Abramer, v. pas. et neut. Se plaindre de. Être abramé de
faim.
Abre, n. c. m. Arbre.
Abrévier, v. act. Abréger. Employé par Rabelais.
Abrevou, n. c. m. Abreuvoir.
Abrever, v. act. Abreuver.
Abric, n. c. m. Abri.
Abrier, v. act. Couvrir de quelque chose. Il faut abrier de
paille ses récoltes. Voir abric.
Abuc, n. c. m. Arc-boutant.
Aburer, v. act. Enlever le trop plein de. Aburer un vase.
Abusion, n. c. m. Erreur. Quelle abusion de croire cela!
Abuter, v. act. Soutenir, appuyer. Abuter un mur.
Acacher, v. neut. Appuyer fortement sur une chose. Dans
Taillevent et Villon on trouve escacher.
Acassau, n. c. m. Acacia.
Acotigner, v. act. Faire contracter des habitudes. Acoti-
gner un chien.
Acotigner (s'), v. pr. S'attacher trop. S'acoquiner. Voir
acotigner.
Accailler, v. n. Se coaguler. Le laitaccaille vite en été.
Accaser, v. n. Se rasseoir, en parlant des liqueurs.
20 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Acclocher, v. unipers. Se dit de la cloche qui no sonne
plus que par coups à la fin d'une sonnerie. Pressons-nous
d'aller à la messe, il accloche.'
Acertener,v. act., se trouve dans Marot, assurer quelqu'un
d'une chose. Je puis vous acertencr qu'il fera beau demain.
Accoubler, v. act. Accoupler.
Accoubler (s'), v. pr. S'accoupler. Voirie verbe précédent.
Accouser, v. unip. Devenir lourd. Le pain accouse. Le mot
se prononce par s très bref.
Accumer, v. act. Accumuler.
Achaler, v. act. Donner de la chaleur. Échaufïer.
Achaler (s'), v. pr. S'échauffer. On s'achale vite en hiver
quand on travaille de force.
Achayer, v. act. Se dit d'un oiseau qui abandonne son nid.
Je permès de ramasser les œufs quand l'oiseau a achayc son
nid.
Achée, n. c. f. Lombric, ver de terre.
Acremer, v. act. Recommander dans le sens de répéter.
J'ai acremé mon frère de bien soigner ses bœufs.
Acrenailler, v. act. rendre chétif. Malheureus que je suis!
la misère m'a tout acrenaillé.
Acreur, n. c. f. Acreté.
Acucher, v. act. Égoutter un vase. Acucher un pot.
Adoubage, n. c. m. Assaisonnement.
Adouber, v. act. Assaisonner.
Adoubou, n. c. m. Empirique. Rhabilleur.
Adressée, n. c. f. Droit chemin.
Adret, -ète, adj. Adroit.
Adrètement, adv. Adroitement.
Afïenage, n. c. m. Ration de loin Mettre un cheval à
l'afïenage.
AfTener, v. act. Fournir de foin à discrétion. J'afïène mes
chevaus.
Afïîage, n. c. m. Plantation.
AfTier^ v. act. Planter. Ailier 'des chous.
Afiîer (s'), v. pr. Se planter. Nous ne sommes plus dans
l'âge d'or où les champs s'affiaient tout seuls. Par extension
s'afTier signifie se pourvoir de. Aflîons-uous de bétail en ce
moment.
f
DICTIONNAIRE Df PATOIS BAS-GATINAIS 21
Affilée (d')^ loc. adv. !<> Sans interruption. 2° Avec abon-
dance. 1° Faire dis lieues d'affilée. 2» Notre vache allaite
d'affilée.
Affiler, V. n. Donner du lait avec abondance. Les vaches
commencent à affiler.
Affranchir, v. act. Castrer.
Agât, n. c. m. Dégât.
Agâter, v. act. Endommager.
Agauler, v. act. Égauler.
Ageasse, n. c. f. Pie.
Aglion, n. c. m. Aiguillon.
Agnelle, n. c. f. Brebis.
Agroler, v. n. Parler agréablement. Ce jeune homme agrole.
Agueille, n. c. f. Aiguille.
Aguser, v. act. Aiguiser.
Aggraver, v. act. et neutre. Éprouver des blessures aus
pieds. La marche m'aggrave vite. J'aggrave.
Aggraver (s'), v. pr. Se blesser les pieds en marchant. Mes
bœufs se sont aggravés hier.
Aggrouer, v. act. Abriter des poussins en parlant de la
poule. La poule aggroue bien ses petits.
Aggrouer (s'), v. pr. S'accroupir.
Agissances, n. c. f. pi- Façon d'agir, pris en mauvaise part.
Je n'aime pas tes agissances.
Agrener, v. act. Fournir de grain. Agrène les volailles.
Aguigner, v. act. Exciter à se battre. Je n'aime pas agui-
gner les gens.
Ahonter, v. act. Faire avoir honte à quelqu'un. Ahonter
son voisin.
Aiguail, n. c. m. Rosée.
Aiguailler, v. unip. Y avoir de la rosée. Il aiguaille fort ce
matin.
Aiguailler (s'), v. pr. Se tremper de rosée. On s'aiguaille
vite le matin dans l'herbe.
Aiguer, v. act. et n. Opérer le chargement d'une charrette
en se tenant dessus. Il est peu de gens qui sachent aiguer.
Aigueur, n. c. m. Celui qui aiguë.
Airaut, n. c. m. Sorte de charrue.
Airaus, n. c. m. pi. Aires ou cours de fermes.
22 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Airée, n. c. f. Contenu d'une aire.
Airer, v. act. Aérer.
Aizie, n. c. m. Aise.
Aive, n. c. f. Eau.
Aivée, n. c. f. Giboulée. Il est tombé une forte aivée.
Aiver (faire), v. act. et n. Faire abreuver (les champs).
Bouchez les rigoles, les prés ont assez aivé.
Aiveus, -euse, aclj. Imbibé d'eau, plein d'eau. Champs
aiveus, fruits aiveus.
Ajoncer, v. act. Balayer. Ajoncer la place.
Aie, n.c. f. Aile.
Alier, n. c. m. Alisier.
Aile, pr. pers. Elle.
Alliate, adj. des deus genres. Tenace, compact.
Amatonner, v. act. et n. Former des caillots, des nœuds.
La bouillie amatonne facilement.
Amatonner (s'), v. pr. Se dit des caillots, des nœuds, des
duretés qui se forment dans une substance.
Amblet, n. cm. Anneau de cuir, de bois tordu ou de fer
qui sert à atteler les bœufs.
Amoustillé, -ée, adj. Émoustillé.
Anderce, n. c. f. Dartre laiteuse des gens.
Annet, adv. Aujourd'hui.
Apparager, v. act. Assortir, apparier. Apparager des laines,
apparager des animaus.
Appâturer, v. act. Entretenir de pâture. Appâturer des
animaus.
Applaner, v. act. Aplanir.
Appouer, v. act. et n. Appuyer. Appouer une pelle contre
un arbre. Appoue-toi sur moi.
Apprentif, n. c. m. Apprenti.
Apprentive, n. c. f. Apprentie.
Appriver, v. act. Apprivoiser.
Approprir, v. act. approprier.
Aqueder, v. n. Rester tranquille, calme. Aquéderas-tu?
Arain, n. c. m. Airain.
Arantèle, n. c. f. Toile d'araignée.
Aranteler, v. act. et n. Enlever d'un lieu les toiles d'arai-
gnées.
r
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 23
Arauder, v, n. Chanter en conduisant les bœufs pour les
exciter.
Arcan (à V], loc. adv. A l'abandon.
A rive, loc. adv. De retour. Ton père est-il à rive?
Arondelle, n. c. f. Hirondelle. Raie.
Argua, u. c. m. Sorte de mélange destiné à combuger les
barriques.
Arrc (en), loc. adv. Par-derrière.
Arroler, v. act. Bercer.
Arroler (s'), v. pr. Se bercer.
Arrosser, v. act. Tondre eu broutant. Un bœuf arrosse un
champ. Môme signification que rosser.
Arroué, n. c. m. Réservoir.
Arroucr, v. act. Mettre en forme de roue des substances
telles que du foin, delà paille.
Ars, arse, adj. Brûlant, desséchant. Temps ars. Se prononce
par a long.
Arson, n. c. m. Sorte de démangeaison qu'ont les ani-
maus. Un bœuf a souvent de l'arson au printemps.
Arteil, n. c. m. Orteil.
Assavanter, v. act. Informer. Assavanter quelqu'un do
quelque chose.
Assavanter (s'), v. pr. S'informer. S'assavanter d'un fait.
Assai, n. c. m. Essai.
Assayer, v. act. Essayer.
Assègrer, v. n. Déposer, en parlant d'un liquide qui se
sépare de la lie. Un mélange assègre. S'emploie le plus sou-
vent avec faire. Faire assègrer du vin.
Assent (d'j, loc. adv. D'accord.
Assérer, v. act. Affermir. Assérons le cœur des malheu-
reus.
Assiment, n. c m Épices, condiment.
1. Assimenter, v. act. Épicer. Voir assiment.
2. Assimenter, v. act. Fermer, boucher avec du ciment.
Atorné, -ée, adj. Paré, parée, couvert d'atours.
Attelles, n. c. f. pi. Le joug et les courroies qui servent à
atteler les bœufs.
Aumailles, u. c. f. pi. Bêtes à cornes.
Auré, -ée, adj. Doré, ée. Se trouve dans Rabelais.
24 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Auteur, n. c. m. Cause, motif. Quel est l'auteur de ta con-
duite ?
Avâcrer, v. neut. Effondrer. La charpente avâcrera si vous
la chargez trop. S'emploie aussi avec l'aire ; faire avâcrer un
mur.
Avaler, v. act. Descendre. Même signification que dévaler.
Avaluer, v. act. Évaluer.
Avange, n. c. f. Avance.
Avanger, v. n. et act. Avancer. Avanger son traA^ail, s. act.
L'ouvrage avange, s. neut.
Aveigle, u. et adj. Aveugle.
Aveillon, n. c. m. Petit tas de foin.
Avenage, n. c. m. Ration d'avoine.
Avène, n. c. f. Avoine.
Avener, v. act. Bourrer d'avoine. Avener des chevaus.
Avenir, v. n. Convenir, aller bien. Cette robe lui avient.
Avenu, -e, adj. Devenu grand, grande. Enfants avenus.
Avirer, v. act. Écarter, éloigner de, Avirez les méchants.
Avouiller,-v. n. Affluer. L'eau avouille. A quelquefois un
sens actif , et équivaut alors à inonder : L'eau nous
avouille.
Avoure (d')^ adverbe. D'où.
B
Babouineries, n. c. f. pi. Singeries, grimaces. Se trouve
dans Rabelais. Finis donc tes babouineries.
Badigouler, v. n. Bavarder.
Bagnole, n. c. f. Mauvaise voiture.
Bagoulier, n. c. m. Gosier.
Baile,n. c. f. Endroit bas et marécageus d'un champ.
Baillotte, n. c. f. Bois creusé où l'on dépose les enfants au
maillot.
Balot, n. c. m. Grosse lèvre. Je ne voudrais pas avoir un
balot comme tu en as un.
1. Baller, v. n. Danser. Ballez, enfants, vous ne ballerez
jamais plus jeunes.
2. Baller, v. n. Flotter, surnager. Le liège balle sur l'eau.
DICTIONNAiru; DU PATOIS BAS-GATINAIS L'o
Ballet, n. c. m. Hangar où l'on met la paille.
Ballière, n. c. f. Paillasse faite de balle.
Ballotte, n. c. f. Balle à jouer.
Baraudage, n. e. m. Discours, paroles sans raison. Votre
conversation n'est qu'un baraudage.
Barauder, v. n. Déraisonner. Vous baraudez. mou ami.
Bardeau, n. e. m. Petite éoluse qui barre un cours d'eau.
Français batardeau.
Bardou, n. c. m. Ane (animal).
Barge, n. e. f. Tas de foin, de paille, bois, genêt, etc. Barge
de foin,
Barrèmes, n. c. m. pi. Contes en l'air.
Basse heure (de), loc. adv. Sur le tard. Ne pas rentrer de
basse heure.
Batail, n. c. m Battant de cloche.
Battou, n, c. m. Battoir. Une bonne laveuse frappe des
coups de battou nombreus dans un jour.
Bauje, n. c. f. Jauge. Dans un coup incertain, quand on
joue ans boules on a l'habitude de passer la bauje.
Baujer, v. act. Jauger. Je crois avoir gagné et je veus
baujcr.
Baulement, n. c. m. Hurlement. Bergers, veillez ans
troupeaus. Je viens d'entendre le baulement des loups.
Bayer ou beyer, v. n. Se dit du poisson qui paraît sur
l'eau en ouvrant la bouche.
Bé ou ben. adv. Bien.
Beacop, adv. Beaucoup.
Becaud. n. c. m. Chevreau.
Bêchée, n. c. f. Bouchée. Bêchée de pain.
Bêcher, v. act. Percer avec le bec, se dit quand le petit
oiseau entr'ouvre la coquille qui l'enveloppe en la perçant avec
le bec.
Becclau, n. c. m. Rut, ne s'applique qu'à la chèvre.
Becotter, v. n. Mettre bas en parlant de la chèvre,
Bedat, n. c. m. Verrat. Par extension homme gros et gras.
Bégasser, v. n. Bégayer.
Bégassous, -ouse, n. c. Bègue.
Bejou, n. c. m. Amande qui se trouve dans le noyau d'un
fruit.
26 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Belin, n. c. m. Bélier (animal). Je te vens un belin.
Belinage, n. c. m. Accouplcmient du bélier.
Bergeon et Brcjon, n. c. m. Sillon qui ne traverse pas
entièrement un champ. Dans le milieu de mon champ il y a
un bouquet d'arbres qui me force à faire des bergeons.
1. Berne, n. c. f. Cardamine (plante).
2. Berne, n. c. f. Bâche en toile.
Besson, n. c. m Jumeau. Ces deus enfants sont bessons.
Bicle, n. etadj. des deus genres. Bigle, louche.
Bicler, v. n. Bigler, loucher. Vous aurez beau me regarder
en biclant, vous ne me ferez pas peur.
1. Bidet, -tte, n. c. Petit cheval. Mou bidet. Ma bidette.
2. Bidet, n. c. m. Un (nombre). J'ai amené le numéro bidet
au tirage au sort.
Bidrouillet, n. c. m. Mauvais vin. Dans les auberges on
est sujet à boire du bidrouillet.
Bigailler, v. act. Troquer. Bigailler un cheval pour un
autre. Le viens français avait le mot birjuer, même sens que
bigailler.
Biguenailler, v. n. S'amuser à des riens, baguenauder.
On ne s'enrichit point en biguenaillant.
Biger (ou biser), v. act. Embrasser. Biger sa mère.
Bilau, n. c. m. Chat à longs poils.
Bine, n. c. f. Race, pris en mauvaise part. Un tel est parti
avec toute sa bine.
Bioter, v. n. Boire au biberon. Mon chevreau biote tous
les jours, car sa mère est morte. Bioter se prent aussi dans
un sens actif, faire bioter un animal.
Bireuil, n. c. m. Louche. Homme bireuil, femme bi-
reuille.
Birot, ote, adj. et n. Niais, niaise.
Biroter, v. n. Regarder niaisement.
Bisaguë, n. c. f. Outil de charpentier à deus branches
aiguës. Fr. bisaiguë.
Bisquer, v. n. Être contrarié. Je bisque.
• Blanchet, n. c. m. Gilet de laine blanche.
Boirie, n. c. f. Action de boire. Je n'aime pas les gens
adonnés k la boirie.
Boitouscr, v. n. Boiter. Une longue marche fait boitouser.
DICTIONNAIRK DU PATOIS liASGATINAIS 27
Borde, n. c. f. Arête de poisson. Déficz-vous des bordes
en mangeant du poisson.
Borderie, n. c. f. Petit domaine. Dans la eoutume du
Poitou, Jean Lcdet, qui la commente, fait observer qu'en
Gastine gagnerie de deus bœufs est prise pour borderie. En
un mot, borderie comprcnt une quantité de terre que deus
bœufs peuvent labourer pendant un an.
Bordier, ière, n. c. Cultivateur d'une borderie.
Bosser, v. n. Se dit d'un légume dont la racine prent en
terre la forme arrondie.
Bot, n. c. m. Sabot.
Boubo, adj. des deus genres. Enflé, -éc.
Boubelin, -ine, adj. Diminutif de boube.
Boude, n. c. f. Génisse qui tète.
Boudet, n. c. m. Veau de lait.
Boudin, n. c m. État du foin placé en forme de boudin
pour le faire sécher. Ramenons pour la nuit notre foin en
boudin.
Boudiner, v. act. Mettre du foin en boudin. Qui boudiné
son foin ne pert pas son temps.
Boudingue, n. c. f Vessie.
Bouffer, v. n. Bâfrer. C'est en bouffant qu'il mange ce
qu'il a.
1. Bouillard, n. c. m. Pluie abondante et soudaine, gibou-
lée. Il est tombé un bouillard.
2. Bouillard, n. c. m. a. Fois. Il y a des bouillards où
l'on est malheureus. b. Réprimande. Administrer un bouil-
lard.
Bouine, adj. fém. Qui sattaclie ans bœufs. Mouche
bon ine.
Bonne, adj. f. Bonne.
Boula, n. c. m. Bouleau.
Boulassier, n. c. m. Celui qui récolte les branches du
bouleau pour en faire des balais.
Bouler, v. act. Troubler (un liquide). Bouler l'eau.
Bouleter, v. n. Se dit des plantes dont les racines preimont
en terre la forme de boulettes.
Boulile, n. c. f. Petite ouverture, œil-dc-bœuf. Pas.ser sa
tête dans la boulite.
28 REVUE DE PilILOLOGIE FRANÇAISE
Boulitean, n. c. m. Diminutif de boulite,
Bouliler, v. n. Regarder ctirieuseiiient, regarder jDar la
boulite.
Bouloir, n. c. m. Rabot, sorte de perche employée à trou-
bler l'eau pour la pêche.
Boulot, -otte, n. c. Personne grasse. Cet homme est un vrai
boulot.
Boulotter, v, n. Rouler. Boulotter de haut en bas.
Boulotter (se), v. pr. Se rouler. Se boulotter par terre.
Boulotter , v. act. Manger. Boulotter un morceau de
pain.
Bourder, v. n. Se reposer. Le meilleur ouvrier ne peut se
dispenser de bourder quelquefois.
Bourdouneau, n. c. m. Extrémités du montant de la porte,
qui servent de pivot.
Bouret, -ette, adj. Froid, humide. Gelée bourette.
Bourgne, n. c. f. Engin de pêche en clayonnage.
Bournais, Bournier, n. c. m. Ruche. Les abeilles ne sortent
pas encore du bournais, du bournier.
Bourner, v. act. Sonner, résonner. Le canon l)ourne. Par
extension, bourner signifie frapper de façon qu'il en sonne.
Si tu n'aquèdes pas, je m'en vais te bourner.
Bourniger, v. n. Fureter. Les enfants bournigent partout.
BouroUo, n. c. f. Nasse.
Bouroller, v. n. Pêcher à la bouroUe. Le meilleur temps
pour bouroller est l'été.
BouroUet, n. c. m. Petite bourolle.
Bourrée, n. c. f. Litière de foin, paille, etc., que l'on met
dans ses sabots.
Bourrelet, n. c. m. Bourrelet.
Bourret, -ette, adj. A longs poils. Chien bourret, vache
bourrette.
Beurrier, n. c, m. Les balayures. Enlever le beurrier.
Bourrin, n. c m. Anon.
Boursiller, v. n. Payer de sa bourse. Quand on fait des
achats, on doit boursiller.
Bouter, v. act. Mettre, serrer, viens mot. Bouter l'arbre
dans son creus. V. n. Soulever avec la tête le museau. La
taupe boute.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 29
Boulcc, n. c. f. 1° Secousse, poussée. Tirer par boutées.
2° Effort. Allons, les enfants, encore une boutée, nous nous
reposerons après.
Boutole, n. c. f. Réservoir qui se trouve à la sortie des
étangs. Nous avons pris tout le poisson dans la boutole.
Brailler, v. n., 11 mouillées. Pleurer.
Bramer, v. n. Se plaindre, crier. Bramer de faim. Ce
verbe a un sens plus large que le verbe français bramer qui
ne s'applique qu'au cri du cerf.
Braucal, n. cm. Brancard.
Brèche, n. c. m. Rayon de miel. J'ai acheté une brèche de
miel.
Bredasse, n. c. f. Femme bavarde.
Bredasser, v. n. Bavarder. Tu brodasses trop.
Bredasseries, n. c. f. pi. Bavardage. Finis tes bredasserics.
Bredassou, n. c. m. Bavard.
Brehaigue, adj. fém. Stérile. Femme brehaigne, vache
brehaigne, viens mot.
Brelaud, n. c. m. Ver. Fruit plein de brelauds.
Brelaudé, -ée, adj. Vérous, -euse. Fruit brclaudé.
Brelière, n. c. f. Anse. Brelière de seau.
Brenée, n. c. f. Pâtée faite de bran.
Brèner, v. n. Arrêter, accrocher. Je n'aime pas passer dans
les bois, ça brène trop.
Breton, n. c. m. Étincelle.
Bretonncr, v. n. Se dit de ce qui produit des étincelles. Le
feu bretonne.
Brelicle, it. c. f. Lueur éclatante.
Breticler, v. n. Briller vivement. Un sabre breticle. Le feu
breticle.
Brette, adj. fém. Se dit d'une vache sans veau. La vache
brette pert souvent son lait.
Brcvage, n. c. m. Breuvage.
Brider, v. n. Être arrêté. Un ivrogne bride partout.
Brime, n. c. m. Mauvais vent qui brûle les récoltes. Un
brime est tombé sur mes pruniers. •
Brimer, v. n. Se dit du mauvais vent qui détruit des
récoltes. Mes blés sont brimés.
Brize, u. c. f. Braise.
30 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Bremer, v. n. Bramer.
Brou, n. c. m. Lierre.
Brouée, n. c. f. Bruine. Une forte brouée vous enfont
jusqu'à la peau.
Brousseau, n. c. m. Hallier, touffe d'ajoncs, de ronces,
etc. Tomber dans un brousseau.
Broussée, n. c. f. Comme brousseau.
Brut, n. c. m. Bruit. Entendre un grand brut.
Bu, n. c. m. Bœuf.
Buaille, n. c. f. Chaume. Champ do buaille.
Buaillaud, n. c. m. Petit chaume. On coupe le chaume
avec la faucille et le buaillaud avec le dail.
Buailler, v. n Couper la buaille.
Buchaille, n. c. f. Menu brin de bois, diminutif de bûche.
Buchailler, v. n. Ramasser de la buchaille.
Buchelier, n. c. m. Lieu où l'on met le bois, bûcher.
Buffer, V. act. Souffler. Buffe le feu. Bufler au figuré veut
dire haleter. Buffer après une course.
Buffet, n. c. m. Soufflet.
Buie, Bie, Bue, n.c. f. Cruche à contenir l'eau pour boire.
Amyot emploie le mot buie.
Burettée, n. c. f. Pleine burette. Burettée d'eau, devin.
Burgauder, v. u. Beugler. Qu'ont donc nos boeufs à
burgauder?
Burgot, n. c. m. Gros morceau. Un burgot de pain.
Burquer, v. n. Heurter, butter. Il a burqué dans moi.
Burrelot, n. c m. Bourrelet.
Cabosse, n. c. f. Bosse. Je me suis fait en tombant une
cabosse au front.
Cabosser, v. act. Faire des bosses à... Cabosser sa lanterne
en la lafssant tomber.
Cabot, n. c. m.' Battant de la cloche.
Caboter, v. n. Sonner avec le cabot la cloche sans la mettre
en branle. On cabote pour un baptême.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 31
CaboLirgnc, u.c. f. Trou. Jeter de la terre dans la cabour-
gne.
Cabrenot, -otte, adj. Creus, -se. Arbre cabrenot. Souche
cabrenotte.
Cabrenotte, n. c. f. Tronc d'arbre creus.
Cadrou, n. c. m. Convulsions de Tagonie. (En mauvaise
part.) Faire le cadi'ou.
Gagne, n. c. ni. Petit trou. Faire des cagnes dans une
enclume.
Gagner, V. n. S'enfuir, se cacher.
Gagner (se), v. pr. Se cacher. Où t'cs-tu cagné ce matin?
Je n'ai pas pu te voir.
Gagnon, n. c. m. Gros morceau de pain. Le français a
quignon.
Gaillebotter, v. n. Se dit quand quelque chose se convertit
en grumcaus, en caillots. Le lait caillebotto.
Gaillebotter (se), v. pr. Se réduire en caillots. Le sang se
caillebotte.
Caleau, n. c. m. Nois dépourvue de l'écale.
1. Galer, v. act. a Mettre quelque chose dans un endroit.
Caler sa main dans un trou, h Galer s'emploie pour vêtir.
Cale ta culotte.
2. Caler, v. n. Glisser. La route cale beaucoup ce matin.
Caler (se), v. pr. Se cacher. Se caler dans un four.
Calfreter, v. act. (Rabelais). Calfeutrer. Vous aurez beau
ealfreter votre maison, la mort y rentrera toujours.
Gamouffe, n. c. f. Chandelle.
Capot, n. c. m. Coiffe de femme, capote de femme.
Caquette^ n. c. f. Dent. Terme de mignardise.
1. Caraud, n. c. m. Mauvais plat.
2. Caraud, n. c. m. Vieille femme. Voyez ce vieus caraud.
Caraudage, n. c. m. Carrelage.
Carbon, n. c. m. Charbon en feu.
Carne, n. c. f. Mauvaise viande. A la boucherie la carne
se paye comme la bonne viande.
Casarne, n. c. f. Caserne.
Cascaret,-ette, adj. Fou, folle. Je crois qu'un tel est un tant
soit peu cascaret.
Casse, n. cf. Lèchefrite.
32 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Castille, n. c. f. Groseille à petit grain. Aimer les caslilles.
Cavarne, n. c. f. Caverne.
Cendrille, n. c. f. Mésange.
Cerne, n. c. m. Cercle. Les oies sauvages font un grand
cerne avant de s'appuyer.
Cerner, V. n. Tourner en cercle. J'ai vu des gens cerner
autour delà maison. A l'actif, entourer. Cerner une troupe
de soldats. C'est alors le sens français.
Cha(-g-un), loc. adv. Par un. On dit aussi cliadeus,
cha-trois, etc., par deus, par trois.
Chafïre, n. c. m. Résidu du beurre lavé. Le beurre qui
n'a pas été privé du chaffre n'est pas bon.
Chague, n. c. m. Chêne.
Chagnaie, n. c. f. Plantation de chênes.
Chaise, u. c. f. Chaire. Quand le curé monte en chaise, il
faut être attentif.
Chalibaude, n. c. f. Feu vif de paille, genêt ou autres
substances produisant beaucoup de chaleur, mais sans durée.
Chance, n. c. f. Provision d'une chose. Cette année j'ai
une belle chance de pommes de terre.
Chancer, v. act. Fournir quelqu'un d'une chose. L'année
passée, je t'ai chance de carottes ; cette année, en échange,
chance-moi de navets.
Chancer (se), v. pr. Se fournir de. Se chancer de graines.
Champis, -ise, n. c. Bâtard. Un champis, une champise.
On lit dans une lettre de Costard : « Dans le Poitou les bâtards
sont appelés champis, comme qui dirait faits dans les champs. »
Nous croyons qu'il serait mieus de modifier ainsi la fin de
cette phrase : « trouvés dans les champs. »
Chapuser, v. act. Travailler sur le chaput le bois, le métal.
Chapuscr un maillet.
Chapuser (se), v. pr. Se travailler. Le bois dur se chapuse
plus proprement que le bois tendre. Par extension se chapu-
ser signifie se battre. Tu te chapuses trop souvent, mon gars,
il finira par t'en cuire.
Chaput, n. c. m. Billot Tout sabotier doit avoir un cha-
put.
Charcher, v. act. Chercher. Que charches-tu là?
Charde, n.c f. Écharde. Enlever les chardes d'un poisson.
DICTIONNAIRE PU PATOIS BAS-GATINAIS 83
Chai'pin, n. c. m. Charpie. Mettre sa culotte en charpin en
passant dans les bois.
Charquoi, n. c. ni. Carcasse. Mangeras-tu ce cbarquoi de
poulet?
Charre.n.c. f. Ouverture dans une haie. Sortir par la eharre,
Charreau, u.c. m. Petit sentier où passent les charrettes.
Suis ce charreau, il conduit tout droit à la roule.
Charreli, n. c. m. La voiture sans les roues. Je viens
d'acheter un charreti de charrette et de commander des
roues chez le charron.
Charrière, n. c. f. Comme eharre.
Chat, n. c. m. S'adjoignant à certains mots, avec la
même signification qu'en français: chat fouin, la fouine;
chat putois, le putois.
Chatelet, n. c. m. Dévidoir. Mettre le fil sur le chatelet.
Chatouille, n. c. f. Se trouve dans Rabelais. Sorte de petite
anguille. Les chatouilles sont en grand nombre dans les
ruisseaus.
Chaud, -de, adj. En rut. S'aj)plique à l'espèce chevaline.
Chaulong, n. c. m. Chou vert. As-tu planté tes chaulongs?
Chauloiniière, n. c. f. Semis de chaulongs. Mes chaulon-
nières sont en bon état.
Chaumeni, n. c. m. Pourriture. Voilà du pain tout couvert
de chaumeni.
Chaumenir, v. n. Pourrir. Le fromage chaumenit; viande
chaumeni(^
Ciiauveni, n. c. m. Moisissure, échauflfement. Ça sent le
chauveni chez vous.
Chauvenir, v. u. S'échaufïer, moisir. Le bétail se soucie
peu du foin chauveni.
Cheintre, n. c. f. Lisières des champs touchant aus haies.
Il n'est pas facile de cultiver les cheintres à cause des racines
d'arbres qui s'y développent.
Chemineau, n. c. m. Plaque de cheminée. Les amateurs
d'antiquités n'ont pas encore collectionné les chemineaus.
Cheminet, n. c. m. Petit chemin. Passer par le cheminet
pour se raccourcir.
Chérant,-te, adj. Qui vent ciier. l^ourquoi vous montrer si
chérant? Cela vous nuira.
Hi:vLK i)K i'iiii.oi.O(Ui:, vu. 3
34 REVUE DR PHILOLOGIE FRANÇAISE
Chérrée, chérrio, n. c. f. Cendre qui a servi à la lessive.
Combien avez-vous étendu de chérrée sur vos prés. Fr.
charrée.
Chéti, adj. m. Cliélif. Chéti gars ;dans cette locution chéii
veut dire mauvais.
Cliétivcté, n. c f . Malice. Enfant rempli de chétiveté.
Cheure, v. n. Choir. Si tu n'avais pas été si vite^tu n'au-
rais pas ché.
Chevêche, n. c. f. Chouette.
Chevrette, n. c. f. Trépied de potager. Où est la chevrette?
J'en ai besoin.
Chevroter, v. n. Mettre bas, en parlant de la chèvre. Ma
chèvre est prête à chevroter.
Chicoter, v. n. Se dit d'une chienne qui met bas. Une
chienne qui chicote.
Chiron, n. c. m. Rocher volant, c'est-à-dire qui ne forme
qu'un seul morceau sans couches.
Chocasse, n. c. f. Gousse d'un fruit. Chocasse de marron,
de pois. Enlever la chocasse des nois.
Chois, n. c m. Différence. Il y a grand chois entre les
deus.
Choppe, adj. des deus genres. Pourri à Tintcrieur. Poire
choppe.
Choppesir, v. n. Devenir choppe, se gâter. Tous les fruits
choppesissent cette année.
Choulong. Voir Chaulong.
Choulonière. Voir Chaulonière.
Cince, n. c. f. Instrument de boulanger composé d'une
perche à laquelle sont attachées des guenilles et qui sert à
nettoyer le four avant d'y mettre le pain.
Cincer, v. act. Se servir de la cince. On ne peut trop
engager les boulangers à cincer leur four.
Citrolle, n. c. f. Citrouille. Comment sont vos citrolles?
Civrée, n. c. f. Pleine civière Dans une bataille combien
ramasse-t-on de civrées de morts !
Clarser, v. act. Sarcler. A Tlioure qu'il est, les semis
devraient être clarsés.
ClaS;, n. c. m. Glas. Je n'aime pas entendre sonner un clas.
Claveau, n. c. m. Clou recourbé.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 35
Clavelcr, v. act. Motti'C des claveaus, Claveler un porc
pour Teni pêcher de fouger.
Cleion, n. c m. Claie. Fermez le cleion derrière vous.
Coche, n. c. f. Truie. Mener une coche à la foire.
Cocher, V. act. Marquer au moyen de coches. Puisquo
vous ne jouez pas, cochez les jeus.
Cocuë, n. c. f. Ciguë. On nous conte qu'autrefois les cri-
minels étaient empoisonnes avec du jus de cocuë.
Coëner, v. n. Crier, en parlant du cochon. Ton cochon
coëne bleu fort.
Coet, n, c. m. Godet où Ton met la coue.
Coille, n. c. f. (pron. par 11 mouillées). Courge.
Cointer,v. act. Assujettir à l'aide de coins. Cointer un outil.
Coiraud,-aude, adj. Étonnée, -ée, stupéfié^ -ée. Un tel a l'air
joliment coiraud. Mine coiraud(>.
Coire, n. c. f. Cheville qui sert à tenir une claie fermée.
Mettre la coire.
Coirer, v. act. Attacher avec la coire. Il n'en coûte guère
de coirer le cleion et de contenter par là le propriétaire du
champ.
Coissin,n cm. Coussin. Pile decoissins.
Colas, n. c. m. Niais, homme stupide
Commentage, n. c. m. Ce qui se mange avec le pain. Sans
commentagc le pain n'est pas bon.
Commenter, V. act. Manger. Commenter un morceau de pain .
Consent, -te, adj. Qui consent. Être consent, -te, à quelque
chose.
Conséquent, -te, adj. Important, -ante. Homme conséquent.
Cop, n. c. m. Coup. Si je te donne un cop de fouet, tu
aquéderas.
Copage, n. c. m. Semis de plantes fourragères qu'on fait
manger au bétail dans la crèche.
Gope, n. c. f. Coupe. Je me suis fait une cope au doigt.
Coper, V. act. Couper. Coper un bâton.
Copie, n.c. m. Couple. Un copie de poulets. Al'inversedu
fr. couple, ce mot n'est jamais féminin.
Corner, v. n. Donner des coups de corne Par extension
loucher. Une vache corne tout le monde. Vous cornez, mon
cher.
36 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Coronel, n. c. m. Colonel.
Cosse, n. c. f. Bûche. Ta cosse de Noël est choisie assez
grosse pour brûler plusieurs jours.
1. Coter, V. act. Toucher. Si tu me cotes, je t'assomme.
2. Coter, v. n. Être arrêté. Ma charrette a coté.
Cotien, n c. m. Coquin.
Couasser, v. n. Se dit de la poule qui annonce par son cri
qu'elle veut couver. Les poules couassent toutes au printemps.
Couane, n. c. f. Couenne. La couane de goret est bonne
à graisser les souliers.
Couble, n. c. m. (Rabelais.) Même sens que copie. Couble
de chapons.
Coubler, v. act. Accoupler. Coubler des bœufs.
Coucher, v. act. Déposer son enjeu. Couche ton argent.
Coudin, n. c. m. Coing. Les coudins servent pour la
confiture.
Coudinier, n. c m. Cognassier.
Couailles, n. c. f. pi. Laine de la queue des brebis. Les
Gouailles sont le rebut de la laine.
1. Coue, n. c. f. Queue. Coue d'agneau, coue de renard.
2. Coue, n. c. f. Pierre à aiguiser. Prête-moi ta coue.
Couer, V act. Couver. La poule coue ses œufs. S'emploie
aussi au neutre. Le feu coue sous la cendre. Œufs couôs.
Couet, n. c. m. Ponceau. Je viens de faire rentrer un lapin
dans un couet.
Cougner, v. act. Serrer. Cougner sa main dans sa poche.
Cougner (se), v. pr. Se cacher. Je ne sais pas où s'est
cougné notre ami. Je ne puis le trouver.
Couiller, n. c. m. Valet de charrue. Un bon couiller se
gage cher.
Counœuvre, n. c. m. Second blé sans fumure. Champ de
counœuvre.
Coupeau, n. c. m. Copeau. Coupcaus secs.
Courail, n. c. m. Verrou, targette. Fermez le courail, per-
sonne n'entrera.
Courailler, v. act. Fermer avec le verrou. Couraille la
porte, j'ai un secret à te confier.
Courbasse, -ée, adj. Courbé sous le poids des années. Un
vieillard courbasse m'a dit hier qu'il ferait beau aujourd'hui.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 37
Courgo, adj. des dcus genres. Souple. Voilà un jeune
homme bien courge
Courgée, n. c. f. Charge de la courge. Voy. Décourgor.
Jeune fille, prenez une courge pour porter votre linge à la
rivière, avec votre force une courgée ne vous pèsera pas.
Courgeon, n. c. m. Galon de cuir.
Courger, v. act. Charger de la courge. Voyez Dccourger.
Courge ton frère.
Courger (se), v. pr. Se charger de la courge. Courgc-toi et
va-t'en.
Courraie, n. c. f. Courroie. Marchand decourraie.
Courtoire, n. c. f. Couvercle de pot de marmite. J'ai acheté
à la foire toute une provision de courtoires.
Coussière, n. c. f. Pied de hous. Couper un bâton dans
une coussière.
Coussotte, n. c. f. Godet à puiser l'eau dans le seau. Boire
à même la coussotte.
Coûte, n. c. f. Dépense Ne pas craindre la coûte.
Cous, n. c. m. Hous. Le cous est un bel arbre.
Couvrailles, n. c. f. pi. Temps et action de semer le blé.
As-tu réussi pour tes couvrailles?
Cracasser,v.n.Se dit du bruit qui se produit par la rupture
et le frottement d'un corps sec qui cède ou supporte un effort.
Cracot, -otte, adj. Creus, creuse. Chêne cracot, branche cra-
cotte.
Cracotte, n. c. f. Tronc d'arbre creus.
Créable, adj. des deus genres. Croyable.
Crenon, n. c. m. Petit renfermé. Où sont les chevaus?
Dans leur crenon.
Crère, v. act. Croire. Je le crès pas.
Crever, v. n. Sortir d'un lieu en brisant avec bruit les clô-
tures. Je ne t'avais pas commandé de crever au bout de cette
haie.
Croisée, n. c. f. Carrefour. J'ai dit à mon domestique de
m'attendra à la croisée.
1. Croie, n. c. f. Vaisseau à contenir du feu. A défaut de
chaufferette, on se contente d'une croie.
2. Croie, n. c. f. Vieille femme. S'emploie toujours avec
l'adj. vieille.
38 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Crôlcr, V. act. Faire des amitiés à quelqu'un. As-tu fini
de crôler cette fille?
Crouston, n. c. m. Croûton. Dans le "pain je préfère le
crouston.
Croûter, v. act. (Montaigne.) Recouvrir d'une croûte. La
boue a croûte mes souliers.
Cru, n. c. m. Sorte de bouton. qui se développe sur le dos
des bêtes à cornes par la piqûre d'un insecte qui y dépose ses
œufs ; le bouton devient creus après éclosion de ces œufs.
Cueusse, n. c. f. Cuisse. J'ai mal à la cueusse.
Curiage, n. c. m. Vipérine, plante.
D
Dadire, adj. des deus genres. Absent, -te. Je trouve bien
des objets dadire dans ma maison. [Décomposez de à dire.]
Dail, n. c. m. Faus. Le dail est un outil indispensable.
Darre, préposit. Derrière. Pourquoi marcher per darre ?
Darrière, n. c, m. Derrière. Tomber sur le darrière.
Darrière d'une charrette.
Débouler, v. n. Partir. Le lièvre a déboulé si vite que
nous n'avons pu le tirer.
Débouler, n. c. m. Départ. Le débouler d'un renard.
Débouler (au), loc. adv. Au départ. Peu de chasseurs
tueront le lapin au débouler dans un bois.
Déburer, v. act. Vider. Déburer une marmite.
Décaler, v. act. Dépouiller un fruit do son enveloppe.
Décanicher, v. n. Sortir d'une cachette. Fais donc décani-
cher ton chien de cette cracotte.
Déchocasser, v. act. Sortir de la chocasse, de l'enveloppe.
Déchocasser des pois.
Décoirer, v. act. Ouvrir en enlevant la coiro. Si vous dé-
coirez un clion, coirez-le sans tarder.
Décoper, v. act. Débaucher, détourner de l'ouvrage. Un
ivrogne a décopé tous les ouvriers que j'avais aujourd'hui.
Décoper (se), v. pr. Laisser un ouvrage commencé.
Décourger, v. act. Enlever la courge à quelqu'un. (La
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 39
courge est un bâton recourbé à l'aide duquel on porte des
fardeaus, mot français.)
Dêcourger (se), v. pr. Se décharger de la courge. On se
décourge avec plaisir.
Décourir, v. n. Déborder. La rivière a découru.
Décours, n. c. m. (Rabelais.) Fin, terme. Au décours du
jour.
Décrouler, v. u. Crouler. La maison va décrouler.
Défaire, v. act. Mettre à mort. J'ai défait dis perdris.
Défruchcr, v. act. Défricher. Tous mes champs ne sont
pas encore déf ruches.
Dégacer, v. act. Enlever la bouc à. Dégace donc tes sa-
bots.
Dégâter, v. act. Défricher.
Degêner. v. act. Écarter ce qui nous gêne. Tu m'as gêné
en m'empruntant de l'argent, degêne-moi.
Dégouler, v. act. et n. Vomir. Act. : Dégoule ton vin. Neut. :
Il adégoulé pour avoir trop mangé
Dégourd, adj. m. (Rabelais.) Dégourdi. Faut être dégourd
pour s'échapper.
Dégousser, v. act. Écosser. Dégousser des pois.
Déjabotter, v. act. Enlever les vêtements qui couvrent la
poitrine.
Déjabotter (se), v. pr. Se découvrir la poitrine.
Déjobrer, v. act. Débarbouiller. Tu es sale, déjobre ta
figure pour le moins.
Déjoue, n. c. m. L'heure à laquelle les oiseaus sortent du
juchoir. Quand viendra le déjoue nous irons aus champs.
Déjoue lau), loc. adv. A l'iicure ou les oiseaus quittent le
juchoir. Au déjoue, les oiseaus sont aisés à tuer.
Delinquer, v. n. Diminuer. Le froment delinque déjà.
Périr. Voilà un homme qui delinque.
Délurer, v. act. Déniaiser. Je te laisse mon ami avec charge
de le délurer.
Délurer (se), v. pr. Se déniaiser. Comment ne s'être pas
déluré après avoir passé tant de temps à la ville?
Démain (à la), loc. adv. Contrairement à la position qu'il
faudrait occuper pour être à son aise. Si vous exigez que je
travaille à la démain, je ne ferai pas grand ouvrage.
40 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Déraaler (se), v. pr. Se plaindre. Rien ne sert de sedéma-
1er.
Dénanger, v. act. Oter les herbes d'un lieu. Dénanger un
champ du chiendent.
Déober, v. n. Partir, se mettre en route. Quand tu le
voudras, nous déoberons.
Département, n. c. Départ. Je suis sur mon département.
Départir, v. n. Partir. Dépars donc si tu n'es pas content.
Dépellonner, v. act. Dégager du pellon. Dépelonner des
châtaignes.
Dépenailler, v. act. Mettre en désordre. Ilpasse son temps
à dépenailler son linge.
Dépendre, v. act. Dépenser. C'était bien la peine de dé-
pendre son argent en de telles futilités !
Dépocher, v. act. Payer. Dépocher son argent. V. n. Tuas
perdu, dépoche.
Dépresser, v. n. Diminuer. L'ouvrage dépresse. V. actif.
Aider quelqu'un pour que son ouvrage ne le presse pas trop.
Un tel m'a dépressé beaucoup.
Dérocher, v. act. Déterrer. Dérocher de l'argent.
Désabrier, v. act. Découvrir. Oter de l'abri. Désabrie tes
artichauts, les gelées sont passées.
Désabrier (se), v. pr. Se découvrir. Ce n'est pas l'heure de
se désabrier en hiver.
Désafïîer, v. act. Oter d'un terrain ce qui y a été planté,
semé. Ta récolte est mauvaise, désaffie-la.
Désaiguailler, v. act. Faire tomber l'aigail. Prenez une
branche etdésaiguaillez cette allée, pour que j'y puisse passer.
Désavancer, v. act. Cueillir à l'avance, avant maturité.
J'ai bien envie de désavancer quelques raisins.
Désavenir, v. n. Mal seoir. Ce chapeau me désavient.
Det, n. c. m. Doigt. (Villon.)
Détrcvirer, v. act. Tourner sens dessus dessous, boule-
verser. Le vent m'a détreviré.
Détrier, v. act Priver de l'allaitement. Les enfants détriés
tard ne s'en portent que mieus.
Détrouiller, v. act. Dévider. Détrouillez ces écheveaus.
Détrouiller (se), v. pr. Se dévider. Fais attention que le
câble ne se détrouille pas.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 41
Dovallêo. n. c. f. Penchant cU^ coteau. Serrer la mécanique
de la voiture à la clévallée.
Dévaller, v. u. Descendre la vallée. Je dévalle. La route va
tout le temps en dévallant.
Devanteau, n. c. m. Tablier d'homme. Prens un devan-
teau pour ne pas te salir.
Devantère, n. c. f. Tablier de femme. Salir sa devantère en
faisant la cuisine.
Dévers, u. c. m. Équilibre. Tiens bon le dévers, la charrette
ne cheura pas.
Dévirer, v. n. Se tourner d'un côté, sortir de sa route. Tu
dévireras si tu passes par ce chemin.
Dévirer (se), v. pr. Se détourner. Tombe sur lui avant qu'il
ne se dévire.
Devors, n. c. m. La partie extérieure. Le devers de ta
maison est mieus entretenu que le dedans.
Devoure, loc. adv. D'où. Devoure vient-il?
Différer, v. n. Se refuser à faire une chose. Je diffère
absolument de faire cela.
Dire (à), loc. adv. Comme Dadire. Absent. Cette locution
est dans Montaigne.
Dispart (à), loc. adv. A part, séparément Je mes mon
froment ici, mes le tien à dispart.
Divorce, n. c. m. Trouble, querelle. Introduire le divorce
quelque part.
Do, dos, art. conlract. du, des. Donne-moi do pain et dos
châtaignes.
Dolouère, n. c. f. Doloire.
Dorne, n. c. f. Giron, espace depuis la ceinture jusqu'aus
genous quand on est assis. Réchauffer un petit enfant dans
sa dorne.
Dornée, n. c. f. Plein giron. Dornée de fruits.
Doue, n. e. f. Marc d'eau. Tomber dans la doue.
Doué, n. c. m. Lavoir. Aller laver au doué.
Donnée, n. c. f. Donnée, aumône. Faire une donnée.
Doutance, n. c. f. Doute. Je suis en doutance.
Dramer, v. n. Travailler sans relâche. Qu'il faut drainer
pour s'enrichir!
Drappe, n. c. f. Trappe. Fermer la drappe.
42 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
1. Drapper, v. n. Se dit quand il pleut à torrents. O drappe.
2. Drapper, v. act. Fermer Ta porte du four avant d'y mettre
le pain pour que la chaleur devienne égale partout.
Dré, n. c. m. et adj. m. Dernier. Sortir le drè.
Drère, n. c. f. et adj. f. Dernière. La drère de mes ouailles
est morte.
Drèe, n. c. f. Ivraie, plante. Tous mes champs sont
couverts de drèe.
Dreliner, v. n. Sonner faiblement. J'entens dreliuer la
sonnette de mon mulet.
Dret (tout), loc. adv. Tout droit- Va tout dret.
Dret, drète, adj. Droit, droite.
Droissée. ou dressée, n. c. f. Droit chemin. Passer par la
dressée
Drôle, drôlesse, n. c. m. Petit garçon, petite fille. J'ai un
drôleet deus drôlesses. Les mots sont pris en bonne part.
Drosser, v. act. Tondre. Mes bœufs ont drossé complète-
ment ce pré.
Drosses, n c. f. pi. Résidu des graines passées au moulin.
Drouger, v. act. Ronger. On n'engraisse pas à drouger des
os.
Dubet, n. cm. (Rabelais.) Duvet. Je n'ai pas dormi encore
dans le dubet et dans la soie.
Dubeté, -ée, adj. Couvert, -e de duvet. Brossez ces effets,
ils sont dubetés.
Duppe, n, c. f. Huppe. Certains oiseaus ont des duppes
sur la tête.
Duppé, -ée, adj. Huppé. Oiseau duppé.
Durer, v. n. Patienter, rester en pais, en repos. Si tu ne
dures pas, je m'en vais te corriger.
E
Ébôe, n. c. f. Bief d'un moulin. Les ébées sont pleines
d'eau.
Ébouiller, v. n. Bouillir. Quand l'eau cbouillera, vous me
préviendrez.
DICTIONNAIRE Df PATOIS BAS GATINAIS 43
Kbouzer, v. act. Mettre en bouzc. Ébouzor des pommes do
terre qu'on a fait cuire.
Ébouzer (s'), v. pr. Se réduire en bouillie, en forme de
bouze. A force de bouillir, les légumes s'ébouzent.
Ébrener, v. act. Réduire en bouillie, écraser. Une pierre
tombée du haut d'une maison a ébrené un maron.
Ébrener (s'), v. pr. S'écraser. S'ébrentu' en dégringolant
d'un arbre.
Écalé, -ée, u. etadj. Homme ou femme qui a les jambes
écartées.
Écaler, v. act. Écarter (ne s'emploie que pour les jambes).
Écaler les jambes.
Écaler (s'), v. pr. Se dit d'un individu qui écarte les
jambes. Tu te feras arriver du mal à force de t'écaler.
Écalette, n. c. f. Échasse.
Écarde, u. c. f. Écaille. Écarde de poisson. Voir Écharde.
Écarder, v. act. Écailler. Il n'est pas facile d'écarder les
perchaudes anciennement sorties de l'eau.
Écarqueler, v. act. Écarteler. Jadis on écarquelait les cri-
minels.
Échalle, n. c. f. Échelle. Monter dans l'échalle.
Échafîourer, v. act. Effaroucher. Le renard a échafïouré
mes poules.
Échappe, adj. des deus genres. Échappé, -ée. J'ai vu bien
de la misère, et je n'en suis pas encore échappe.
Échapper, v. act. 1° Disposer de. Echapper une heure.
2" Avoir de quoi nourrir. Échapperas-tu ton bétail cet hiver.
C'est le verbe fran(^ais échapper avec une acception plus
large.
Écharbot, n. c. m. Escarbot. (Rabelais : escharbot.)
Écharde, n. c. f. Écaille. Voir écarde.
Écharder, v. act. Écailler. Voir écarder.
Échumeau, n. c. m. Entamure faite dans une barge de foin.
Écouailles, n. c. f. plur. Laine défectueuse d'une toison,
provenant surtout de la queue.
Écramoller, v. act. Amollir, par extension écraser. Écra-
moUer des patates.
Écramoller (s'), v. pr. S'amollir, par extension s'écraser.
Je lui ai jeté un œuf qui s'est écramoUé sur sa figure.
44 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Écrapoutir, v. act. Écraser. Cet homme a été écrapoutipar
la chute d'une pierre. L'abbé Rousseau fait observer avec
raison que ce verbe dit plus qu'écrabouiller et écramoUer.
Écurer, v. act. (Rabelais : escurer.) Récurer. Vous ferez
bien d'écurer votre vaisselle.
Écurer (s'), v. pr. Se nettoyer. Écure-toi donc avant de
sortir.
Écurieus, n. c. m. (Rabelais et Marot : escurieus.) Écu-
reuil.
Efïouracher, v. act. Effaroucher. Attention, tu vas m'effou-
racher.
Efîourniller (s'), v. pr. Abandonner le nid, par extension
être grand. Je connaissais un nid de merles, mais les petits
se sont efïournillés aujourd'hui. Tes enfants sont-ils efîour-
nillés.
Efïournillon, n. c. m. Oiseau qui vient de s'effourniller.
Je vois un efïournillon.
Égauler. v. act. Couper les branches de, à. Égauler des
têtards.
Égousser, v. act. Sortir de la gousse. Égousser des pois.
Égrafigner, v. act. Égratigner. Ne joue pas avec ce chat, il
t'égratignera.
Égrafigner (s'), v. pr. S'égratigner. On ne s egrafigne pas
pour son plaisir.
Égrafignure, n. c. f. Égratignure. Avoir les mains cou-
vertes d'égrafignures.
Égruneau, n. c. m. Marron sorti de son pellon. Acheter
deségruneaus.
Égruneau (à 1'), loc. adv. Nu, -e. Ne fait pas bon aller à
l'égruneau au mois de janvier. Extension du mot précédent.
Élegir, V, act. Rendre plus mince, diminuer l'épaisseur
par le moyen des moulures, sculptures. Élegir un meuble.
Élocher, V. act. Détruire les loches de. Élocher un jardin.
V. n. Passer sa journée à élocher.
Éloise, n. c. f. Un éclair. Quelles éloises! elles mettent le
ciel en feu.
Éloiser, V. u. Faire des éclairs. Il éloisera ce soir, car le
temps est orageus.
Élucer, V. act. Arracher les branches de. Élucer des arbres.
DICTIONNAIRK DU PATOIS BAS-GATINAIS 45
Embeber, v. act. Imbiber. Euibcber une éponge.
Embijôler, v. act. Enjôler. Ce cluirlatan m'a embijôlé.
Emblavaison et emblaison, n. c. f. Emblavure et embla-
vage. Comment sont tes emblavaisons? As-tu fini tes embla-
vaison s?
Embobeliner, v. act. Couvrir, entourer de vêtements. Em-
bobeliner un malade de couvertures.
Embourrer, v. act. Rembourrer. (Rabelais.) Embourre ton
enfant, et partons.
Embourrer (s'), v. pr. Se rembourrer. T'es -tu embourre?
Embourreur, n. c. m. Celui qui rembourre.
Embout, n. c. m. Morceau de métal qui se met au bout
d'un morceau de bois pour empêcher Tusure.
Embouter, v. act. Mettre un embout à. Emboute ton pa-
rapluie.
Embrené, -ée, adj. Sali, couvert de breuée. (Rabelais.)
Embrênement, n. c. m. Obstacle, embarras. Comment sor-
tir de cet embrênement de voitures?
Embreuer^ v. act. Couvrir d'ordures, salir. Embrener
quelqu'un de boue. Par extension signifie aussi embarrasser.
Il veut m'embrener dans ses entreprises.
Éméyer, v. act. Informer. Éméye ton père de mon arrivée.
Éméyer (s'), v. pr. S'informer. Qui s'est éméyé de moi.
Émorche, n. c. f. Touffe d'herbe que le bétail ne mange
pas dans les champs de pacage.
Émoucheteur, n. c. m. Celui qui chasse les mouches.
Émouler, v act. Écraser, mettre en pièces.
Émouver (s'), v. pr. Se secouer, se remuer. « J'ai froid. —
Si tu t'émouvais, tu ne te plaindrais pas. »
Empas, n. c. m. Empan (mesure de longueur).
Empêcher, v. act. Rendre enceinte. Je ne te fais pas com-
pliment d'avoir empêché cette fille. Ma femme est empê-
chée.
Empour, prép. En échange de. Je te doime mon cheval
empour ta vache.
Empuer, v. act. Embrocher avec une pue ou pointe d'ou-
til. J'ai empué un crapaud avec ma fourche.
Énandrer, v. act. Engendrer. La mauvaise graine enandre
de mauvais fruits.
46 REVITE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Énangcr, v. act. Planter, semer. Eiiangcs-tu ton champ
d'orties? Il en est couvert.
Énanger (s'), v. pr. Naître'. 11 ne s'énange rien de bon
dans mes champs.
Enchâbler, v. act. Empêcher de bien venir. La mauvaise
nourriture enchable mon bétail.
Enchantable, adj. des deus genres. Qui donne du plaisir.
Il fait un temps enchantable.
Encorner, v. act. Frapper à coups de cornes. Cette vache
est toujours prête à encorner le monde.
Encrechcr, v. act. Accroclicr. Encrèche tes hardes au
plancher.
Enderce, n. c. f. Voir Anderce.
Endurasser, v. act. Endurcir. Le travail endurasse le
corps.
Endurasser (s'), v. pr. S'endurcir. Son cœur s'endurasse
avec l'âge.
Enferger, v. act. Attacher avec des entraves, Enfergef un
cheval.
Enferger (s'), v. pr. S'attacher avec des entraves. Je me
suis enfergé pour faire croire qu'on m'avait attaché. Au fi-
guré s'embarrasser. S'enferger dans des épines , dans de
mauvaises affaires.
Enferges, n. c. f. pi. Entraves. Au figuré empêchements,
obstacles.
Enflamber, v. act. Enflammer. L'orage a enflambé ma
grange qui a entièrement brûlé.
Enflamber (s'), v. pron. S'enflammer. Le ciel s'enflambe.
Au figuré, s'emporter, s'irriter. Inutile de t'enflamber pour
cela.
Enfondrer, v. act. Défoncer. Tu vas enfondrer la terre.
Enfondrer (s'), v. pr. Se défoncer. Les greniers s'enfon-
dreront sous le poids du grain à îa prochaine récolté.
Enfondre, v. n. et act. Être pénétré par la pluie. J'enfon-
drai jusqu'aus os si je sors par ce temps.
Enfondre (s'), v. pr. Se dit de ce qui est pénétré par la
pluie. Il y a un mur de la maison qui s'enfond.
Enfondure, n. c. f. Action d'être trempé de pluie. Gare à
l'enfondure si vous partez sans manteau.
DICTIONNAIRF, DU PATOIS BAS-GATINAIS 47
Engarder (s'), v. pr. Se garder de. Je m'ongarderai bien de
suivre tes avis.
Engiponncr, v. act. Couvrir d'un jupon. Engiponne tous
tes enfants.
Engiponner (s'), v. pr. Se couvrir d'un jupon. Mon gar-
çon, tu es trop âgé pour t'engiponner.
Engouler, v. act. Avaler. Ton chien a failli m'engoulor la
main.
Eugourdeli, -ie, adj. Engourdi, -ie. Avoir les mains en-
gourdelies.
Engourdelir, v. act. Engourdir. Le froid engourdelit les
membres.
Engourdelir (s'), V. pr. S'engourdir. Tu t'engourdeliras à
ne rien faire.
Engraver, v. act. et neutre. Graver. J'ai engravé mon nom
sur mon couteau. Engraves-tu bien.
Engregnousir, v. n. Envenimer. Ma blessure engregnousit.
Engregnousir (s'), v. pr. S'envenimer. Ton mal s'engre-
gnousit.
Enloppe, n. c. f. Enveloppe. Mettre quelque chose sous
enloppe.
Enlopper, v. act. Envelopper. Enloppe ce paquet.
Enlopper (s'), v. pr. S'envelopper. S'enlopperde son man-
teau .
Enraidir, v. n. et act. Rendre, devenir raide. Le froid en-
raidit les gens les plus réchauffés. Mes membres enraidissent.
Enraidir (s'), v, pr. Se raidir. Mon corps s'enraidit sous
le poids des ans. Au figuré, tenir ferme. S'enraidir contre le
malheur.
Enrimer, v. n. Enrhumer. J'enrime.
Enrimer (s'j, v. pr. S'enrhumer. Tu t'enrimeras k courir
dans l'aigail.
Enrimeure, n. c. f. Rhume. J'ai attrapé l'enrimeure.
Enrocher, v. acl. Enterrer. Se prent en mauvaise part.
Enroclier un chien.
Enrrère, adv. Enliii, luainN'ii.nil. Il est, venu enrrère.
Enseller, v. act. et n. Se dit d'un animal dont les reins
s'affaissent comme si on lui mettait la selle. Tu mènes ta
bête trop jeune, tu l'enselleras.
4b REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ensuairer, v. act. Couvrir d'un suaire. C'est un triste mé-
tier que d'ensuairer les gens.
Entome, n. c. f. Entame, ,entamure. Faire une entome
dans un pain.
Entomer, v. act. Entamer. Entomer le pain.
Entour, adv. Alentour. Les ennemis sont entour de nous.
Entrerais, -ise, adj. Déterminé, -ée. Un gars entremis.
Enveuver, v. n. Devenir veuf. J'ai enveuvé l'an passé.
Envrillonner, v. act. Envelopper en tortillant. Envrillon-
ner un objet dans du papier.
Envrillonner (s"), v. pr. S'entortiller. Le serpent s'euvril-
lonne souvent autour d'une branche d'arbre. '
Épale, n. c. f. Épaule. Avoir mal à l'épale.
Épaffer (s'), v. pr. S'essouliler. Tu t'épaffes à tort.
Épanter, v. act. Épouvanter. Épanter les ennemis.
Épanter (s'), v. pr. S'épouvanter. Ne t'épante pas.
Éparée, n. c. f. Étendue. Tu as une belle éparée de mois-
sons.
Éparer, V act. Éparpiller. Le veut éparpille les balles de
l'aire.
1. Éparer (s'), v. pr. S'éclaircir. Les poules s'éparent dans
les champs.
2. Éparer (s'), v. pr. S'éclaircir, eu parlant du temps. Le
temps s'épare.
Éparvier, n. c. m. Épervier. J'ai vu un éparvier qui pre-
nait un oiseau.
Épauler (s'), v. pr. Se déboiter l'épaule. Mon cheval s'est
épaulé hier.
Épibocher, v. act. Scruter. Si j'épibochais tes actions !
Nettoyer (en parlant des oiseaus) ses plumes avec son bec.
La première acception est l'extension de la seconde.
Épibocher (s'), v. pr. Se dit d'un oiseau- qui nettoie ses
plumes avec son bec. Quand vous verre/ les poules s'épibo-
cher défiez-vous de la pluie.
Épiéter, v. act. et n. Souffrir, endurer. Ne pouvoir épiéter
sa maladie. Épiéteras-tu?
Épiozer, v. act. Épucer. Épiozer son enfant.
Épiger, V. n. Épier, c'est-à-dire monter en épi. Le froment
épige bien cette année.
DICTIONNAIUE DU PATOIS DAS-GATINAIS 49
Épondoire, n. c. f. Sorte de fourche destinée à enlever le
fiiniior des êtables. Prens l'épondoirc et enlève ce fumier.
Erabinêe, n. c. f. La moitié de la journée. Travailler pen-
dant une érabinée.
Kraler, v. act. Déchirer, érailler. Éraler un arbre.
Kralure, n. c. f. Déchirure. Raccommoder l'éralurc d'un
effet.
Érauder ou rauder, v. n. (Voir Rauder^i. Chanter en con-
duisant les bœufs.
Érener, v. act. Casser les reins. J'ai érené mon baudet en
le chargeant avec excès. C'est la vieille forme française.
Escarres, n. c. f. Embarras. Faire des escarres.
Escarpiner(s'),v. pr. Se sauver. Il s'escarpinait rapidement.
Esclafer (s'), V. pr. Éclater (de rire). Dans Rabelais.
Escusc, n. c. f. Excuse.
Essemer ou cssèmer, v. n. Sentir bon. Les roses essèment.
Essarter, v. act. Déchirer. Dis-moi donc où tu as essarté
tes liabits. Essarter une plante.
Essarter (s'), v. pr. Se déchirer. Tu t'essarteras la peau si
tu cherches dans cette haie.
Essor, n. c. m. Temps sec. Tu sortiras ton linge au pro-
chain essor.
Essor (à V), loc. adv. Au sec. Le temps est à l'essor.
Estoper, v. act. Raccommoder grossièrement.
Estopure, n. c. f. Raccommodage grossier. Contente toi
de faire une estopure à ma blouse, le temps presse.
Etaler, v. act. Effeuiller. Étaler des chous.
Étoumesir, v. n. S'altérer, moisir. Mes fromages étoume-
sissent.
Etouner, v. act. Étonner. Il étouneson monde.
Étonner (s'), v. pr. S'étonner. Il s'étoune de rien.
Étrange, adj. des deus genres. Étranger. J'ai parcouru les
pa3's étranges. C'est la vieille acception de ce mot français,
on la trouve encore dans Lafontaine.
Étrieu, n. c. m. Étrier. Se cramponner à l'étrieu.
Etroller, v. aet. Cueillir des feuilles à. Etroller les chous
de son jardin.
Evader, V. act. l^viici'. (Rabelais. ) J'ai évad('' le danger qui
me menaçait.
Rkvl'iî uic i'iiu,oi.o(;ii:, vu. 1
50 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Évolager, v. act Rendre volage, par extension faire partir.
Tâclie done d'évolager les oiseaus qui mangent ma récolte.
Extaser (s'), v. pr. S'extasier. 11 s'extase à propos de tout.
Faim-galle, n. c. f. Faim- val le.
Faindre (se), v. pr. Se ménager. Mon domestique n'a pas
son pareil pour se faindre, aussi je n'ai pas l'intention de le
conserver.
Fciiscelle, n. c. f. Vase en terre ou en métal où l'on met
égoutter le lait caillé.
Fait, n. c. m. Faîte. Le fait d'une lice est l'endroit le plus
élevé.
Falun, n. c. m. Déchet des épis ou enveloppe du grain.
Un tas de faluns est un lit moelleus.
Faraud, -de, n.c etadj. Celui qui porte de beaus habits
et en est fier. Jamais on n'a pu voir un gars plus faraud.
Farauder, v. n. Se requinquer. Tu faraudes joliment
depuis quelque temps.
Fauche, n. c. f. Manière de faucher Avoir une bonne
fauche. Le français a ce mot avec une acception différente.
Fave, n c. f. Fève.
Fayant, n. c. m. Hêtre, bois. Couché sous un fayant.
Fein, n. c. m. Foin. Les feins sont coupés.
Feinte (ma), loc. adv. Ma foi, sorte de juron.
Fener, v. act. Faner. Il est temps de fener les prés. S'em-
ploie aussi au neut. D'où viens-tu? De fener.
Férieus, -se, adj. Fort, -e, puissant, -e. Homme férieus.
Bête férieuse.
Fermage, n. c. m. Fromage.
Fermi, n. c. f. Fourmi.
Fermilière, n. c. f. Fourmilière.
Fescer, v. act. Frapper avec une gaule. Fcscer un cheval.
S'emploie aussi au neutre. Fescc donc plus fort.
Feuillet, n. c m. Scie. Trancher du bois avec un feuillet.
Février, n. c. m. Violette. Allons ramasser des févriers.
Ainsi nommé parce qu'il fleurit au mois de février.
DICTIONNAIRK Dl' PATOIS UAS-GATINAIS 51
Fis, 11. c. m. Verrue. Cicêron avait un fis sur le nez.
Fiable, adj. des deus genres. (^)ui inspire de la confiance.
Persoinie liable, peu fiable.
Fiance, n. c, f. Confiance. J'ai fiance en moi.
Fie (ma), loc. adv. Ma foi. Sorte de juron. Je ne ferai pas
cela, ma fie.
Fignoler, v. n. Se dit d'une personne qui veut s'élever par
sa mise ou son langage au-dessus de sa position.
Fignolard, -de, adj. et n. Celui ou celle qui veut se
mettre au-dessus de son rang par des façons de parler ou de
se vêtir.
Fillol, -oie, u. c. Filleul, Filleule. (Rabelais.)
Fion (Voir Fayant), n. c. m. Hêtre.
Fisson, n. c. m. Aiguillon, dard. Fisson de serpent.
Flàclie, n. c. f. Défaut d'épaisseur dans certains objets.
Tu m'as vendu des planches qui ont beaucoup de flâches.
Flâclicus, -se, adj. Se dit de bois qui manque d'épaisseur.
Bois flâcheus.
Flambe, n. c. f. Flamme. Quand un pailler brûle, la
flambe s'élève très haut.
Floquer, v. n. Fairedu bruit. L'eau floque dans mes sou-
liers.
Foi, n. c. f. Quantité. Il y avait une grand foi de gens à
la ballade.
Fond, )i. c. m. Culotte. Ne pas tenir dans son fond.
Foreiable, adj. des deus genres. Qui exige de la force.
Faire un ouvrage foreiable.
Formance, u. c f. Apparence, formation. Le monstre a de
loin formance d'homme.
Fornicle, adj. des deus genres. Non apprivoisé, en parlant
des animaus ; par extension, s'applique ans personnes sus-
ceptibles.
Fouacier, n. c. m. Fabricant de fouaces.
Fouger, v. n. Fouiller la terre. Les porcs fougent toujours.
Fouillard, -de, adj. Feuillu, -e. Arbre fouillard.
Fouillouse, n.c. f. Petit sac, bourse. (Rabelais.) As-tu ta
fouillouse garnie?
Fouir, V. act. Enfouir. J'ai foui mon argent dans la terre,
mais il n'est pas perdu pour cela.
52 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Fouir, V. n. Fuir. Tu fouirais plus vite que je te rattrape-
rais encore.
Foumé, n. c. m. Fumier.
Fourclietle, n. c. f. Fourche que forment les jambes. En-
trer dans l'eau jusqu'à la fourchette.
Fourmouger, v. act. Enlever le fumier de, nettoyer. Four-
mouger une étable.
Fournille, n. c. f. Menu bois destiné à chauffer le four.
Faire des fagots de fournille.
Fousse, n. c. f. Fosse. (Rabelais.) Tomber dans une fousse.
Fouyardj -de, adj. Fuyard. Les oiseaus sont fouyards.
Fràgne, n. c. m. Frêne, arbre.
Frai, n. c. m. Alevin. J'ai mis du frai dans mes étangs.
Ce mot diffère du français frai, qui signifie plus particuliè-
rement œufs de poisson, tout en signifiant aussi petits pois-
sons, car le mot patois frai ne comprent que l'alevin.
1. Franc, franche, adj. Résolu, -e, courageus, -se.
2. Franc, -che, adj. Apprivoisé, -ée. Moineau franc.
Frapperie, n. c. f. Action de frapper. Je n'aime pas les
frapperies. (Rabelais.)
Fred, n. c. m. Froid. Le fred est fort.
Fred, frède, adj. Froid, froide. Le vent est fred.
Frediner, v. n. Rendre un son clair, en parlant de corps
sonores qui s'entrechoquent.
Frelasser, v. n. Se dit des corps qui rendent un son clair
en se frottant contre quelque chose. La soie frelasse
quand on la secoue.
Freiner, v. act. Fermer. Fremons la porte derrière nous.
Fremoir, n. c. m. Fermoir. (Rabelais.)
Frenicle, adj. des deus genres. Insoumis, en parlant des
animaus; en parlant des gens susceptibles, vif^ chatouil-
leus.
Frenicler, v. n. Etre indomptable, vif, susceptible. Mon
cheval frenicle. Mon garçon, à q-uoi te sert de frenicler?
Fresaie, n. c. f. Orfraie, oiseau.
Frilaie, n. c. f. Comme le précédent.
Frioller, v. n. Se dit du beurre qui crépite dans la poêle.
Entendez-vous? le beurre frioUe.
Frogner, v. act. Froncer. Frogner le nez sur un plat.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 53
Frogner (se), v. pr. Se frotter contre quelqu'un ou quelque
chose. As-tu fini de te f rogner contre moi?
Fronde, n. c. m. Furoncle Souffrir d'un fronde.
Fronteau, n. c. m. Objet qui se met sur le front comme
un bandeau, un diadème; sorte d(? chapeau à rebords élas-
tiques qui se met sur la tête des enfants pour les empêcher
de s<^ blesser au front en toml)ant. Le français a fronteau,
bandeau de religieuse, avec un sens moins large que le mot
patois.
Fruclie, n. c. f. Friche. Terres en fruche.
Frucher, v. n. Devenir sec. Par ces temps de ars la terre
fruche énormément.
Fruitage, n. c. m. Les fruits en général. J'aime le fruitage.
Frument, n. c. m. Froment. (Rabelais.)
Frusques, n. c. f. pi. Ce qu'on a de nippes et d'argent.
Enlever ses frusques. Le français a frusquin.
Fumelle, n. c. f. Femelle.
Fumerolle, n. c. f. Taupe, grillon, courtilière. La fume-
rolle est un animal nuisible.
Furgailler, v. act. et n. Chercher avec la fourche, par ex-
tension fouiller, remuer, mettre sens dessus dessous. Fur-
gailler dans un arbre. Furgailler des hardes.
Furcheter, v. act. et n. Fouiller avec la fourche. Furche-
ter un lapin dans un arbre.
Furcheteur, n. c. m. Celui quifurcliète.
Furgon, n. c. m. Fille qui se tient mal, hétaïre,
FurgoUj n. c. m. Fourgon, perche qui sert à remuer le
bois qui briîle dans le four.
Furgonner, v. act. et n. Remuer avec le foui-gon la braise
du four. Fourgonner le four. Es-tu las de furgonner?
Furguendlcou furquendle, u.c. f. Fragon, petit hous ou
buis piquaiu.
Futer^ v. act. Tromper de telle sorte qu'on ne se laisse
plus prendre au même piège. Tous les oiseaus qui ont
échappé aus gluaus sont futés. Futer quebju'un.
fA suivre. J
OBSERVATIONS A PROPOS
DES CHUINTANTES DU PATOIS DE COLIGNY
L'étude de M. Clédat sur le patois de Coligny (tome I de
la Revue, page 1G3) nous signale comme un fait remar-
quable la transformation habituelle de Vs douce de liaison en
j devant certaines voyelles initiales du mot suivant. En exa-
minant le glossaire qui termine cette étude, on se rent
compte que le fait dont il s'agit s'étent bien au delà du cas
particulier de liaison, c'est-à-dire se manifeste dans la cons-
truction même des mots et en toute occurrence : Bœatôja-
boiteuse, è/'o/'a- braise, camijeùla- c:m\\?,o\e, co/'a- cause,
6'em//"«-chemise, frij ë-îriser, //'o/a-fraise, ^/v/yV/Zr; -groseille,
etc., etc.
Dès qu'un dialecte transforme ainsi l'-s douce en y, on est
sûr a priori qu'il transforme également Vs dure en c/i ; voyons
le même glossaire: Cacheù-casseur, chàblou-sahle, chàbrou-
sabre, c/ién-saint, chènie-sainte, gàchon-gSirQon, Brache-
Bresse, et pour finir, un mot qui nous donne les deus trans-
formations, c/m/o/i-saison.
Il est donc évident que le remplacement de l'-s- douce de
liaison par le ,/ n'est que l'application particulière, dans ce
dialecte, d'une loi générale qui le caractérise.
Dans cette loi, bien constatée, on peut encore induire à
coup sîir la loi inverse qui transformera tout aussi naturel-
lement le/ en s douce et le di en .s- dure, ou si l'on veut, la
loi d'un va et vient continuel entre des articulations qui ont
d'ailleurs une si grand(> aflinité. Je laisse au lecteur le plaisir
d'en recueillir, toujours à la même source, autant d'exemples
qu'il voudra; je prendrai seulement de là occasion de for-
muler une autre observation de même nature, à savoir, que
ces particularités dialectales se reproduisent partout comme
individuelles, par l'effet d'une mauvaise prononciation, soit
affectée et volontaire, soit due à quelque défaut insurmon-
table de l'organe vocal.
CHUINTANTES DU PATOIS DE COLIGNY o5
Quand la bouche ne veut pas s'ouvrir suffisamment, elle
donne les voyelles troublées : a-è, è-é, é-i, a-ô, etc. Le
même trouble se produit par le nazillement. La bouche qui
affecte une ouverture excessive donne la gradation inverse :
i-ê, ê-è, è-a, ô-a, etc. Une projection outrée des lèvres en
avant amène le ch pour Ys dure, le,/ pour Vs douce ; c'est le cas
des régions sus-mentionnées du Sud-Est. Une pareille ten-
dance point dans cette partie des Vosges qui va de Ramber-
villers à Châtel; et les deus premiers supérieurs de notre
grand Séminaire, qui sortaient de là, en ont laissé un sou-
venir qui ne se perdra pas de si tôt. Je ne suis pas seul,
entre tous mes condisciples, pour s'être entendu dire, par
exemple: « Mochieur, vou-j-avez fort mal agi ! Ch'est avec
peine, Mochieur H., que je vous voi-j-encore auchi peu rai-
jonable ! » Un bon chanoine de Saint-Dié citait une fois, dans
un sermon à la cathédrale, cette parole de saint Paul :
«Chi quish chuorum curam non habet, etc. » et traduisait :
(( Chelui qui n'a pas choin des chiens est pirrrh qu'un infi-
dèle. » On a recueilli de sa bouche, dans un sermon sur le
jeûne, cette autre phrase : « Un chélchre médecA/n di/ait :
» Le mon-hcheau que vous laieJiez chuv votre ac/nette vous
fait plus de bien que chelui que vous mangez ! » Cette pro-
nonciation n'eût peut-être pas été remarquée à Coligny ;
mais à Saint-Dié, elle était phénoménale, et l'on doit penser si
des séminaristes, qui sont la gaieté incarnée, s'en amusaient.
Quant au vénéré supérieur, on n'avait envie de rire qu'assez
longtemps après, de ses c/i et de sesy, qui s'accentuaient sur-
tout dans ses réprimandes, parce qu'ils en marquaient le
degré de sévérité. — Tandis qu'un effort exagéré d'articulation
amène la substitution du / à Vs douce, et du ch à l'.s" dure,
en revanche, une articulation trop flasque fait redescendre
du ch à Vs dure, etduj à. 9 douce. Un enfant dira : « Ze veus
zouer ; allons sez nous ! » et un Marseillais : « Zuze, mon
bon ! » C'est souvent l'effet d'une affectation.
Celui qui, aftligé d'une conformation défectueuse des lèvres
ou des mâchoires, ne peut pas faire silller nettement les s, les
remplace, au moins dans nos contrées, par les aspirations
palatale et gutturale, c'est-à-dire l'.s- dure |)ar la spiration pala-
tale, et Vs douce par l'aspiration gutturale. Un ancien bour-
56 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
geois de Saint-Dié se trouvait dans ce cas, et on lui faisait quel-
quefois la malice de lui demander le numéro de sa maison
pour lui entendre d\ve: K/ioikhante-khikh (G(>). Il prononçait
d'une manière analogue : (( Vou-/?.-avez raiAon ! »
Puisque le th. anglais est purement et simplement une s,
non plus spirante, mais explosine\ le passage alternatif
de l'un à l'autre devient tout naturel, facile et fréquent; et le
th dur donnera l'.s douce. De fait, le glossaire de Coligny
nous en fournit une preuve surabondante; et nous en avons
encore une autre non moins forte en ce que le défaut de
bléser se reproduit individuellement dans tous les dialectes.
Il me sera donc permis d'établir en règle absolue que toute
prononciation estropiée peut devenir dialectale au lieu de
rester individuelle; et que, quand il se rencontre de ces pro-
nonciations vicieuses, gâtées, mauvaises, dans quelque
région sous le premier de ces états, on est certain de les
retrouver sous le second dans toutes les autres régions (|ui
parlent un idiome foncièrement identique.
Mais ce n'est ni à quelque affectation ridicule, ni à quelque
défaut d'organe qu'il faut attribuer la transformation si
fréquente et si caractéristique de l'.s douce, ainsi que du J
ou g dous, en h, et de i'.s dure, ainsi que du c devenu c/i ir.,
en kh, dans les patois lorrains de la zone la plus rapprochée
du domaine germanique; c'est, d'une part, à l'intime affinité
qui existe entre ces divers ordres de sifflantes; et d'autre
part, à la tendance qu'ont nos patois de ramener tous les
sifflements de l'extérieur à l'intérieur, de changer les sifflantes
dentales en la palatale, et les sifflantes labiales en la gutturale,
pour les adoucir -.
De la substitution de 17/ à I'.s- douce et du kJi à l'N'durc nos
patois fournissent des exemples ))ar centaines et par milliers,
1. C'est également la seule clitïéreuee (ju'il y ait entre le cA anglais
ou espagnol, et lech français.
2. C'est un préjugé vulgaire universel que les aspirations gutturale
et palatale, surtout cette dernière, sont d'une rudesse, d'une dureté
presque sauvage. Une pareille erreur provient sans doute de l'extrême
difficulté qu'éprouvent d'abord à émettre ces articulations cens qui
n'y sont pas habitués. C'est encore l'histoire du renard, taxant de ce
qu'on sait les raisins très mûrs et très dous qu'il ne peut atteindre.
CIIUINTANTIOS DU PATOIS DK COLIGNY 57
en toutos positions, sans nulles conclitions ni restrictions;
pour celle de 17; au g dous ou /, et du /.// au c qui a donné
le cJi français, les exemples en sont relativcnnent peu
nonibreus ; mais ils se rencontrent tous dans des mots très
usuels, et suffisent pour indicjuer un principe. Hneasse-
génisse; h-Iiénau-chonixl, etc., etc.
Ce qui porte à son comble le relief que ces dous aspirations,
donnent à nos dialectes, c'est (|u'elles saisissent inmicdia-
temenl les consonnes aussi bien ([ue les voyelles^ en se les
partageant selon les affinités physiologiques dont la loi est
très précise et très impérieuse. Ainsi, l'aspiration gutturale
et douce, h, prent les douces h, d, f/ et lo; la spiration
palatale et forte, kh, prent les fortes c dur (ou k ou q),p vit;
mais les deus prennent indifréremment les moyennes et
liquides /, m, n et /•. 11 n'y a que /, r, eh fr., c dous, J fr.,
6t, X et z, ([ui se refusent à l'union : les deus premières, /et r,
pour cause d'incompatibilité physiologique; les sis dernières
pour cause de rapprochement si intime que l'union cède la
place à la substitution. De plus, il convient de noter que
la loi des affinités oblige quelquefois accidentellement à
changer la douce en forte, et réciproquement, la forte en
douce. Ainsi : J/d/ie-mauvaise, se modifie en màkhe dans
makhe pèce, mauvaise pièce; ivakhe-vevt se modifie en
icaJie dans irahc f/énè(e-ycvt genêt. De même, tous les verbes
dont la syllabe flexionnelhiesten //, remplacent celle-ci par kh,
à la 3" jjers. pi. d(^ Tind. pr., oii le t doit toujours se faire
sentir: A ipiraahé-apai^ior, et et aipicauh'ht', ils apaisent.
Nos patois font donc jouer à h et à kh le même rôle que le
français à .s- devant les autres consonnes; ils remplacent les
sifllements par les aspirations. C'est d'une grande douceur
aussi bien que d'une grande originalité.
Le chanoine IIingre.
COMPTE 'RENDU
Adrien Thibault, Glossaire du pays blaisois. Blois et Or-
léans, s. d. (1892), 1 vol. in-8^ de xxvi-35G p.
L'ouvrage de M. A. Thibault tiendra une place fort hono-
rable dans la collection, malheureusement bien incomplète
encore, de nos glossaires dialectaus; on sent bien vite, en le
lisant, que l'auteur, enfant et habitant du pays dont il étudie
la langue, connaît à fond et aime son sujet. Signalons-y tout
de suite une innovation qui nous paraît fort heureuse : les
définitions y sont complétées et illustrées par des exemples
qui donnent à l'ouvrage une saveur toute particulière; ils
permettent de saisir sur le vif les tournures, si originales et
si variées, propres au langage populaire, et d'étudier la syn-
taxe, en même temps que le vocabulaire, des compatriotes de
M. T. Il est seulement regrettable que celui-ci, par une nou-
velle application d'un système fâcheus sur lequel nous revien-
drons, ait cru devoir franciser plus ou moins les mots qu'il y
fait entrer; ces phrases eussent dû, elles aussi, être l'objet
d'une transcription phonétique aussi exacte que possible.
Nous ne féliciterons pas moins M. T. de la grande place quil
a faite à l'exposé des coutumes, traditions et superstitions
locales; par là, il a donné un nouveau pris à son ouvrage,
qui ne sera pas consulté avec moins de fruit par les amateurs
de folk-lore que par les philologues. Enfin il ne s'est point
borné à l'étude du patois actuel : il a voulu en rechercher les
titres de noblesse dans un certain nombre de textes et de
documents anciens. A vrai dire, Tidée est plus louable que
l'exécution n'en a été heureuse, A procéder rigoureusement,
il faudrait se borner, dans une recherche de ce genre, aus
documents d'archives propres à la région étudiée et aus
œuvres des auteurs qui y sont nés. Les premiers surtout
fournissent une grande quantité de mots disparus, spéciale-
ment des termes techniques, ou des formes anciennes de mots
COMI'TE RKNbU 59
conservés, qu'il est iiiiportanl de* relever; il rsi regrettable
que M. T. n'ait pas étendu plus loin ses investigations dans
ce sens, au lieu de dépouiller une foule de textes qui n'ont
rien à faire avec le Blaisois. Qu'il ait accueilli les œuvres de
Tourangeaus,de Vendônioisjde Percherons comme Rabelais,
Ronsard et Belleau, on le comprent encore, car il est inté-
ressant de relever dans leurs onivres les traces des parlers
locaus'; mais il ne possédait pas de rancienne langue une
connaissance assez précise pour distinguer dans ces (cuvres
lesformes vraiment locales des formes, aujourd'hui disparues,
communes à toute l'ancienne langue; ainsi il n'y a aucun
intérêt à relever ber.s pour berceau, chaffaitdcr pour écJta-
J'aader, chardonnet pour cliardonneret. Mais ce qui est tout
à fait inutile, c'est d'alléguer, pour attester l'existence dans
l'ancienne langue de certains mots restés vivants dans le
Blaisois, des auteurs étrangers h. cette région; que nous
importe que ces mots aient été employés par Villehardouin
ou par Commines? Il suffisait de renvoyerà un dictionnaire
de l'ancien français-.
Mais ce sont là des questions d'application, et nous sonnnes,
(11 principe, d'accord avec M. T. Il n'en est pas de môme au
sujet de certaines questions de méthode. M. T. a senti qu'il
ne pouvait donner une idée complète de son patois qu'en fai-
sant précéder le Glossaire proprement dit d'une étude phoné-
tique; aussi a-t-il consacré quelques pages (xv-xxin) à la
« prononciation » ; malheureusement cette étude est très in-
complète et très vague ; les conditions des pliénomèncs y sont
rarement déterminées avec précision; on nous dit(|ue tel fait
se produit «(juelquefois)), ou «souvent»; mais dans des ques-
tions de ce genre, l'a peu près ne suffit pas; on ne pouvait
1. Oa savait depuis longtemps combien est considérable chez Rabe-
lais l'influence des dialectes du centre de la France ; les exemples
recueillis par M. T. montrent que cette influence est sensible aussi,
quoique moindre, chez Ronsard et quelques autres poètes de la
Pléiade.
2. Je ne sais, pour le dire en i)assanl, à ((uc! (iiclinniiaiic M. T.
recourt de préférence; on se demande où il a rencoiUré certains mots
dont l'existence est plus que suspecte, tels que hvhourdc (sorte de
lance), bcle (clochette), i-alci-re (danger), etc.
60 UKVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
du reste atleindre à une grande précision en partant du fran-
çais, qui représente une étape de la langue parallèle à celle
des patois; il fallait partir du kitin, comme l'a fait M. N. du
Puitspelu, dont le travail {Introduction au Dictionnaire
ètyniolofjiqne du patois li/onnais) pouvait, sur bien des points,
servir de modèle à M. T. Celui-ci semble du reste s'être
aperçu lui-même de cette insuffisance, qu'il essaye de compen-
ser çà et là dans le corps du Glossaire; ainsi, c'est au mol
ahager qu'il indique la transformation d'/y intervocali(|ue
en g comme une «loi» de son dialecte ^ Ce chapitre, s'il eût
étébien compris et bien traité, eût permis à l'auteur de réduire
du tiers ou du quart les dimensions de son volume. A notre
aviS;, en effet, un glossaire patois ne devrait comprendre que
les mots qui n'ont point de correspondant dans la langue
littéraire; quant à ceus qui présentent les mêmes élémoits
diversement transformés, ils doivent être simplement énumè-
rés dans le chapitre consacré à la phonétique; il suffisait,
pour revenir au dialecte blaisois, que M. T. déterminât dans
quels cas o passe à ou; dans quels cas e atone devient a, et
qu'il énumérât les principaus exemples de ces changements,
sans consacrer des articles spéciaus à tous les mots qui les
présentent".
Il est une autre catégorie de mots que nous regrettons de
voir figurer dans le Glossaire; ce sont ceus que M. T. range
dans le jargon, qu'il a raison de distinguer du patois. (( Un
parler qui s'affranchit de toute règle, dit-il, de toute logique
dans la formation des mots... c'est là un jargon. Quand j'étais
enfant, une vieille parente, fatiguée de m 'entendre faire des
ganniies sur le piano, s'écriait : «Tu m'abages avec ton piano! »
Abager est patois, piano est jargon. » L'exemple est joli,
mais la définition peu exacte. Le caprice, que M. T. invoque
ici, joue un rôle extrêmement restreint dans la transformation
des langues; les altérations les plus arbitraires en apparence
1. Cependant il enregistre charrcijci^ pour i-liarroijcr.
2. Voyez par exemple dans la leUre A, une foule de mots qui, sauf
le traitement du préfixe c.v-, n'ont rien d'intéressant, comme aljour-
c/eonner, ac/iapcr, aculcr. alite, atonncr, etc. De même la réduction
d'oi à c étant une loi du dialecte, il est tout à fait superflu de faire
des articles spéciaus pour creire, creitrc, dret, etc.
COMPTK RKNDL' Gl
peuvent elles-mêmes se ramener à des lois; bileiis, par
exemple, que cite M. T., est très régulièrement formé sur
bile; dans catécliime, il y a un archaïsme de prononciation,
dans catéddsse une substitution de suflixe, dans dcligcnce,
un fait de dissimilation; la vieille parente de M. T., en pro-
non(,ant piano, avait sans doute dans l'esprit Tidée d'une
surface plane. Il n'en est pas moins vrai qu'il n'y a aucun
intérêt à enregistrer au long toutes les formes de ce genre; il
suffisait d'essayer, dans le chapitre relatif à la phonétique,
d'expliquer la naissance des plus caractéristiques d'entre
elles. ()n n'est pas médiocrement surpris, après avoir lu
l'arrêt que nous venons de citer, de voir M. T. admettre des
mots comme amonition (pain d'), at-belète, arclietecie,
armena, bénijice, castrolc, calaplasse, etc.
Sur la part qu'il convient de faire aus recherches étymo-
logiques, M. T, s'exprime en ces termes : « Pour les mots
qui sont de la langue littéraire ou qui n'en diffèrent que par
quelques légers changements de forme, j'ai considéré que
leurs origines ayant été supérieurement étudiées par l(;s
maîtres dans des ouvrages qui sont entre toutes les mains, il
serait puéril de les relater. Je n'ai parlé de leur étymologie
que lors(iue j'ai vu ((ue la forme dialectale s'en approchait
da\'antage que la forme française. Quant à ceus qui n'ont
aucun rapport av(îc la langue académique, j'ai dû me borner
souvent à en indiquer simplement le radical, sans chercher
à expliquer la raison d'être de toutes les lettres qui les cons-
tituent. » L'idée de M. T., si je la comprens bien, est juste;
un glossaire patois doit se borner à donner l'étymologie des
mots dont les correspondants n'existent pas en français, et
à indiquer le radical des dérivés dont la formation, claire
encore pour un habitant du pays, pourrait ne pas l'être tou-
jours pour un étranger; il suffit alors de renvoyer à la racine
de ceus-ci, ou au mot français où entre cette racine. Mais
ces principes, qui semblent bien être ceus de M. T., sont
appliqués avec; une singulière inconséquence; on trouve à
chaque pas, chez lui, des conjectures, qu'il emprunte pure-
ment et simplement à Scheler ou à Littré, et qu'il reproduit
le plus souvent d'une manière incomplète, sans en citer les
auteurs. (Voyez alai/er, brenier, etc.) M. T. ne dissimule pas
62 RKVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
le peu deconfiance que lui inspirent «ces règles de permutation
ingénieuses, mais qui ont le tort d'être données comme ab-
solues ))^ établies par les ét>Tnologistes modernes. Avant de
médire de ces règles, il ne serait pas mal de les connaître :
tel n'est pas évidemment le cas de M. T., qui tire abri du bas
latin (?) ahrica, ahriga, agriote d'^Yp'-oç, ètves (écrit aitt-es)
d'atrium, bauge du bas-latin (?) berga, beliner de bèle\
berlofjuc du celtique luska^, bosse de caput (par cabosse),
choine de canus, clouer de claudere, dé/eu de defunctus,
délai^ (= humidité) de de l'aiguë''.
Je n'ajouterai plus qu'un mot concernant le système de
transcription adopté par l'auteur : M. T. donne le plus sou-
vent le mot patois sous une forme demi-française qu'il fait
suivre d'une notation phonétique assez défectueuse ; par
exemple : Bonhommeau'' (bon-non-mio). Mais si le suffixe
français, eau est réellement prononcé mu en blaisois, pourquoi
ne pas le donner uniquement sous cette dernière forme? C'est
qu'on entent aussi, nous dira sans doute M. T., la pronon-
ciation eau. Mais on ne l'entent que dans la bouche de gens
1. Ce mot est formé probablement sur belin ( ^z mouton), et signifie
dodeliner de la lête comme les moutons.
2. Le mot n'est évidemment que notre breloque, avec une métathése
signalée à mainte reprise par M. T. (conterbouter, berouette. etc.).
3. C'est manifestement le substantif verbal de délayer.
4. A côté de ces conjectures, il en est d'autres tout à fait heureuses
et qui montrent qu'avec une connaissance plus exacte des règles,
M. T. pourrait arriver à d'excellents résultats; ainsi il tire (mais
pourquoi ajouter ici le signe du doute '?) apetis A'adiposus, coyer
de cotarius. — Une bizarrerie que l'on ne s'explique pas consiste
à citer souvent, à côté du mot patois, la forme italienne corres-
pondante; il n'y a pas à cela grand inconvénient, bien qu'on ne voie
pas pourquoi l'italien est ici préféré à telle autre langue romane. Mais
ce qui est fâcheus, c'est d'indiquer (au moins par la disposition typo-
graphique) le mot italien comme source directe du mot patois; ainsi
aider est dérivé d'aiutare, aticher d'atticciare, cerfeuil de cerjbglio,
bouette de bucchetta. etc. Il n'y a Ki que des rapports de sons pure-
ment fortuits. Le seul mot blaisois qu'on puisse dériver de l'italien
est peut-être bastant, qui est un reste du français italianisé du
XVI« siècle.
5. De même presque partout pour les mots de ce genre; alors pour-
quoi aberiau, oafourniau? Cf. bcnaise. bein.
COMPTK RKNDl' (ÎH
essayant de donner au patois une tournure française, et cette
tentative est évidemment non avenue ans yeus du philologue.
Il fallait donner bravement et uniquement la forme paloise,
et ci'la dans une transcription aussi rigoureusement exacte
que le permettaient à l'autcmr les caractères typographiques
dont il disposait.
Toutes ces critiques ne nous empêchent pas de nMidrc
pleine justice à la conscience avec laquelle M. T. a rempli
une tâche fort utile; son volume rendra de grands services,
et il serait infiniment désirable qu'on en eût l'équivalent pour
toutes les régions de notre domaine linguistique.
A. Jeanroy.
PUBLICATIONS ADRESSEES A LA « REVUE DE PHILOLOGIE
Ch. Lebaigue. — La Réforme de roj-tJiograplie (8 pages
imprimées à Sceaux chez Cliaraire et C''^). — A propos de la
Note de M. Gréard.
G. Paris. — Laltévalion romane duc /rt/m(30pages in-8°,
dans Y Annuaire pour 1893 de C École des Hautes-Études,
section des sciences historiques et philologiques.)
T. Zanardelli. — Langues et Dialectes, n° 3 de la pre-
mière année (Paris, Bouillon, 1893).
A. ToBLER. — Etjjmologisches (12 pages extr. de
Sitzungshericlde der Akademie der \Mssenscha/ten zu
Berlin, 1893). — 11 s'agit du v. fr. menaison, -oison,
-ison et des mots actuels rets, haleter, aloj/au, ébouler,
hanneret.
P. Marchot. — Solution de quelques difficultés de la
phonétique française (91 pages in-S". Dissertation de doc-
torat. Lausanne, imprimerie Bride], 1893). — Les difficultés
dont il s'agit se réfèrent au traitement des voyelles a, i long,
o bref, u long..
Sernin-Santy. — La Comtesse de Die (Paris, Picard, 1893,
xvni-146 pages. Introduction par Paul Mariéton). Ce beau
volume contient les œuvres, — texte et traduction, — de la
comtesse de Die, avec une relation des fêtes données en
l'honneur de la « trouveuse » dauphinoise en 1888.
Pierre de la Loje — Glossaire du Bas-Berry, fascicule 3
(Paris, Bouillon, 1892).
Hatzfeld, Darmesteter et Thomas. — Dictionnaire de
la langue française, 10*^ fascicule, desassembler-doublage
(Paris, Delagrave). — Le verbe dévisager 2 nous paraît dériver
de dévisager 1 ; il est difficile d'admettre qu'il se soit formé
sur envisager par substitution de préfixe.
Clair Tisseur. — Modestes Observations sur l'art de
versifier (Lyon, Bernoux et Cumin, 1893, 355 pages). Nous
espérons pouvoir donner bientôt un compte rendu de cet
important ouvrage.
BULLETIN TRIMESTRIEL
1)K, I.A
SOCIÉTÉ DE RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE
(Avril 1893)
MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ
Membres à Vie
MEMBRES HONORAIRES
MM. A. d'Abbadie, de l'Institut, 120, rue du Bac, Paris;
A. M. Bell^l525, 35^1' strect, Washington D. C, États-
Unis;
Dr. J.-H. Gladstone, président de la Société de réforme
orthographique, Londres ;
L. Havet, prof, au Collège de France, 4, avenue de
rOpéra, Paris ;
Dr. F. March, Easton, Pa-, États-Unis;
F. Max MûUer, Queen's Collège, Oxford, Angleterre;
P. Meyer, de l'Institut, rue de Boulainvilliers, Paris;
Prof. A. Noreen, Upsal, Suède;
F. Passy, de l'Institut, Neuilly-Saint-James ;
Dr. E. Raoux, Lausanne, Suisse;
Rev. prof. A. II. Sayce, Queen's Collège, Oxford, An-
gleterre ;
Fr. Sarcey, publiciste, 59, rue de Douai, Paris;
Prof. E. Tegnèr, Lund, Suède;
G, Vianna, R. D. d'Arroios, OG B, Lisbonne, Portugal;
M. Vion, 8, rue de la Rêpubli((ue, Amiens.
Kkvui: oi'. iMiu.oi.otiii:, vu. 5
G6 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
MEMBRES FONDATEURS
MM. Jean Passy, bibliotliécairo, 8, rue Labordère, Neuilly-
Saint- James ;
Paul Passy, 92, rue de Longchamps, Neuilly-Saint-
James ;
M"ie P. Passy, 92, rue de Longchamps, Neuilly-Saint-
James ;
M. Ch. Roussey, 23, rue Cujas. Paris.
MEMBRES ACTIFS
MM. A. Barbou, bibliothécaire à Sainte-Geneviève, place
du Panthéon, Paris;
R. Barlet, prof . au Collège, rue Notre-Dame, Soissons;
Dr. J. Bertillon, 24, rue de Penthièvre, Paris ;
Mlle Brûlant, directrice du lycée de filles. Moulins;
M. Bonnet, prof, à la Faculté des Lettres, Montpellier ;
Mme Dupont, chez M. le Pasteur Dupont, Bréda, Hollande;
MM. E. Goret, direct. d'école, 4, rue des Feuillantines, Paris;
C. Lagache, anc. sénateur, 10, boulevard Raspail, Paris ;
E. Monseur, 10, avenue d'Avray, Liège, Belgique;
P. Oltramare, 6, rue Pierre- Fatio, Genève, Suisse;
L'amiral Réveillère, 3, rue Foy, Brest;
Dr. Ch. Richet^ 15, rue de l'Université^ Paris;
L'abbé Ragon, 77, rue de Vaugirard, Paris;
Prof. F. Wulff, Lund, Suède.
MEMBRES ADHÉRENTS
MM.J. Bevan, 2, Cranford Villas, Exmouth, Dcvou, An-
gleterre;
O. Cambier, juge de paix. Pâturages, Belgique ;
Chabert, trésorier général de Saône-et-Loire ;
F. Comte, 43, rue des Poissonniers, Paris;
E. Marie, 4, rue de Sèzc, Paris;
E. C. Roza, rue de D. Vasco, Belen Lisboa, Portugal;
Vallée, instituteur, rue Erpell, Le Mans.
MEMBRE ADJOINT
Miss Soames, 44, Marine Parade, Brighton, Angleterre.
BL'LLKTIN DE LA SOCIKTK DF, RKFORME ORTHOGRAPHIQUE 67
Ont versé par anticipation leur cotisation de membre actif
(comprise dans le dernier compte du trésorier) :
MM.Araujo, professeur, Alfonso XII, 7 pral, à Tolède,
Espagne ;
Bastin, conseiller d'État actuel à Saint-Pétersbourg;
Popofsky, professeur au gymnase Marie, à Saint-Pé-
tersbourg ;
A. Rancy, professeur au corps des pages, à Saint-
Pétersbourg.
Rey, professeur à l'institut des demoiselles nobles de
Smolna, Saint-Pétersbourg.
Ont en outre versé leur cotisation pour 1893:
MEMBRE FONDATEUR
M. V. Ballu, 9, rue Mayet, Paris.
MEMBRES ACTIFS
MM. Léon Clédat, professeur à la Faculté des Lettres de
Lyon ;
Bozo Dépoli, Gyor, Raab, Hongrie ;
Escriche, professeur de physique à llnstituto de Bar-
celone, Espagne ;
J. Firmery, professeur à la Faculté des Lettres de
Lyon ;
F. Gâche, prof, au lycée de Châteauroux ;
Hofïbauer, lieutenant d'artillerie, 15, place des Marchés,
à La Fère (Aisne) ;
A. Pichu, 8, rue Montpensicr^ Paris.
MEMBRES ADHÉRENTS
M. Balassa, Szekesfehervar, Hongrie.
MUe Ballu, 9, rue Mayet, Paris.
Les cotisations de MM. Ballu, Escriche, Balassa, Hofï-
bauer, Piche et de Mi'« Ballu ont été remises à M. Paul Passy.
Nous avons le regret d'enregistrer la démission de M. et
Mme Faivre, dcM'"^ Bonarayetde MM. Marais et Clabeaux.
68 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Les autres membres non portés sur la liste ci-dessus seront
considérés comme démissionnaires s'ils n'envoient pas leur
cotisation apr^ès réception dij, présent bulletin.
Le rôle de notre Société est loin d'être terminé par cela
seul que l'Académie Française s'occupe de la réforme. 11 est
extrêmement vraisemblable qu'après les décisions de l'Aca-
démie il y aura encore fort à faii'c, et nous devrons continuer
plus activement que jamais la propagande par l'exemple
pour arriver à réaliser des améliorations sérieuses.
LES REFORMES
PROPOSÉES PAR LA COMMISSION DU DICTIONNAIRE DE l' ACADÉMIE
Nous publions dans une autre partie de la Revue les
considérations élevées par lesquelles s'ouvre et se clôt la
« Note » de M. Gréard. Elles encadrent les propositions sui-
vantes :
1° LES MAJUSCULES
Est-ce par une série de fautes d'impression que pour certains mots
le Dictionnaire porte tantôt une majuscule, tantôt une minuscule?
qu'il écrit : la Bourse de Paris est un beau monument »et « la bourse
de Paris est périptère »; — Le Théâtre Français et la Comédie
française; — « Hérodote est le [icre de l'histoire, François 1" le
Père des Lettres? » N'est-il pas inconséquent de dire : « Ce ministre est
le Mécène des poètes » et « ce vieillard est le mentor de la famille » ?
Dans l'un et l'autre cas il y a métonymie : la différence du traitement
orthographique ne semble pas justifiée.
2" LES -nuETs
Le tiret ou trait d'union est d'origine relativement récente. Au té-
moignage de A. F. Didot, il date de 1573. A partir de ce moment,
on s'en est beaucoup servi. Qu'on en ait abusé ne serait rien. Le
danger c'est d'en mal user, ou d'en user et de s'en passer tour à tour
sans apparence de raison, tant dans les mots doubles que dans les
locutions composées.
BLLLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE RÉFORME ORTHOGRAPHIQUE 69
On l'a supprimé dans contretemps et conservé clans rontre-cœur;
supprimé dans entretenir et conservé dans entrc-bâiller; supprimé
dans portecrayon et conservé dans porte-plume ; supprimé dans arc
de triomphe et conservé dans arc-en-ciel; supprimé dans au dedans
et au dehors, conservé dans au-dessus et au-dessous; supprimé dans
/ace à face, conservé dans tôte-à-iôte ; supprimé dans c'est à sacoir,
conservé dans c'est-à-dire. Sur quoi reposent ces distinctions?
Pour les locutions composées, le plus simple et le plus naturel ne
serait-il pas de décider la suppression définitive?
Pour les mots doubles ou juxtaposés, deux règles ont été proposées:
souder les mots toutes les fois que le soudage est possible; dans les
autres cas, faire disparaître le trait d'union ainsi ({u'on a fait en 1878
pour tous les mots précédés de très.
Par exemple :
Dire sans tiret et en soudant les mots : contrecoup, contrepied,
contri'Jour. contrelettre, comme ou dit contrepoids, contredit, contre-
poison, contredanse; — entrechoquer, entretemps, comme on dit
entrefaites, entrepont, entresol, entrefilet, entreposer, — tirebouchon,
comme on dit tourner is et tournchrodie; — passepartout. comme
on dit passeport ; — portecigare, porte momiaie, portemontre, porte-
coix, porteclefs, comme on dit portehalle, portefaise, portemanteau,
portefeuille, et laisser tomber dans portecigare le signe du pluriel qui
n'a pas plus de raison d'être que dans portefeuille.
Dire, sans souder les mots, mais sans tiret : belle de nuit, comme
bleu de ciel; le Théâtre français comme la Comédie française, etc.
Et appliquer la même règle aux formes redoublées : moi même,
eux mêmes, cet homme ci, cette femme là, ainsi qu'aux constructions
nterverties dors tu, puisse je.
D'une façon générale, il semble que le tiret n'ait de sens et par
suite de valeur orthographique que :
1° Lorsqu'il remplace, en fait, la conjonction d'union ou la prépo-
sition de dépendance : un dictionnaire //■a/îm'ft'-^rt^'/î, c'est-à-dire un
dictionnaire //•anfat.s et latin; un enldnt sourd-muet, l'armée franco-
russe, trente-trois, hôtel-Dieu, timbre-poste.
2" Lorsqu'il est destiné à indiquer une concomitance, une con-
nexité intime : un aceugle-né, une tragédie mort-née, un prési_
dent-né ;
3" Lorsqu'il marque un lien de parente : beau-fils, petite-fille,
grand-oncle, mère-grand ;
4- Lorsqu'il sert à caractériser, par le rapprochement do deux mots
qui, isolés, n'offrent plus le même sens, une application spéciale,
technique : le grand-licre, état-major, etc.
70 REVUE DF PHILOLOGIE FRANÇAISE
3° LES SIGNLS OHTllOGKAPIIIQUKS
L'accent circonjlcœc. — Chute, 'joute, otarjc, meunier, on perdu leur
accent circonflexe, depuis 1835. Vraiment et (jentinwnt en avaient été
dépouillés auparavant. Dans ces derniers mots comme dans les pre-
miers, l'accent circonflexe servait à remplacer ou à rappeler, soit une
consonne, soit un e muet que l'usage avait fait tomber. On admet
déjà à titre égal décoùmcnt et découcment. crucifiement et cruci fi-
nie ni, aboiement et aboiment. (jaiement et çiaiment. No pourrait-on
laisser tomber partout l'accent et dire assidûment, de même qu'on
dit hardiment et poliment ?
L'accent grâce et l'accent aigu. — Y a-t-il lieu de continuer à écrire
acènementeiécénement, règlement el réglementer, religieux elirré-
ligieuœ, rebelle et rébellion, tenace et ténacité, serein et sérénité,
s'énamourer et s'enorgueillir ou s'enicrer?
Ou a substitué l'accentgrave à l'accent aigu, dans sécc,/jiège,coll.ège,
assiège. Pourquoi laisser l'accent aigu dans dussé-Je, pussé-je, aimé-jc ?
* Est-il nécessaire de distinguer par un signe extérieur Za article de
l(À adverbe, des article de dès proposition, ou conjonction de où ad-
verbe, alors que la fonction du mot dans la phrase établit nettement
la différence? Toute notation a été supprimée en latin dans cum qui est
à la fois conjonction et préposition : les enfants, conduits par la lo-
gique, ne s'y trompent pas.
L'apostrophe, le tréma. — L'apostrophe est-elle indispensable dans
des mots étroitement réunis par l'usage et où la prononciation ne fait
plus sentir l'élision comme entr'oucrir, s'cnti-'aimer, s'entr'aeertir,
s'entr'aider, s'entr'accorder, s' cntr' accuser, s'entr'appeler, presqu'île,
enî;/-'ac!;e.? Faut-il laisser subsister le tréma dans ïambe, ïambiqtie,
alors qu'il n'est plus conservé dans iode ni dans ionique?
De minimis non curât..., dira-t-on. Mais l'orthographe, par sa na-
ture, se compose de minuties, et ce sont ces détails contradictoires
qui contribuent à hérisser notre langue de difficultés irritantes.
4" LES MOTS D'oKKiLNL ÉTRANCJÈHR
C'est une difficulté grave, même pour les étrangers, que l'ortho-
graphe des mots que nous leur empruntons. Redingote, châle, chèque,
wagon, tunnel, paquebot, J'ash ion. budget, cerdict, sport, yacht, que
nous avons pris à l'anglais sont devenus français, comme chérubin.
* Les propositions marquées d'un astérisque sont celles que, en
raison de leur importance, la Commission du dictionnaire a cru
devoir soumettre directement à l'examen de l'Académie.
BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE RÉFORME 0RTHOGRAI'IIIU>rE 71
«.«sa^iism, escadron, tulipe, café, thé, casistas, que nous avons tirés
de l'hébreu, de l'arabe, de l'espagnol, du turc, du chinois, de l'alle-
mand, si corrcctenienl et si profondément français, qu'il faut aujour-
d'hui un effort de réflexion pour retrouver leur origine étrangère.
N'est-ce pas dans le même esprit que nous devons à notre tour tra-
vailler pour nos descendants"? Nous écrivons rosbif et bi/tecl.- à la
française. Pourquoi persister à écrire à l'anglaise break, spleen, nuc-
ting, cottage, club, stcc/>le-chase, clown, spccc/i, en indiquant —
singulier procédé d'éducation, — comment ils doivent se prononcer?
Ne pourrait-ou aussi franciser dclinitivemcnt contralto et soprano.
dont le pluriel s'écrit des contralto ou des contraltes,des soprani ou
des sopranes ? Dès le moment qu'un mot répond à un besoin, qu'il a
été accepté, ii'est-il pas sage de « le soumettre à notre génie », comme
le demande Fénelon, c'est-à-dire de lui donner ses lettres de natu-
ralisation conformes à notre prononciation, sous peine de le voir forcer
les frontières en coatrebande et s'imposer un jour par l'usage, irré-
gulièrement, Montaigne disait barbaresquemenf?
Parmi ces étrangers, il en est qui, originaires de la Grèce ou de
Rome, attendent depuis longtemps qu'on les régularise. Pourquoi
écrit-on des agendas et des errata, des alinéas et des du/dicata, des
çKirfams et des «ce, des trios et des quatuor? N'avons-nous pas à
nous prononcer sur les recto, les ecrso, les lavabo, les intérim, dont
ou exclut le pluriel au moins par prétention, en même temps que la
porte est ouverte à celui d'ncce^-^^tï, et alors qu'^/iî'é/v/H est déjà fran-
cisé par l'accent qu'on lui impose"? On comprendrait l'emploi exclusif
du singulier comme une inconséquence générale bien résolue. L'em-
barras est qu'on ne peut expliquer par des raisons acceptables ni la
règle ni l'exception.
Il y a des locutions latines qui sont entrées toutes vives, pour ainsi
dire, dans notre vocabulaire et qui à cette sorte de violence durent
offrir, semble-t-il, plus de résistance. C'était un joli emprunt et bien
fait que celui d'à parte. Mais pour les délicats combien il dut être
dur au commencement d'écrire comme ou écrit aujourd'hui par in-
jonction du Dictionnaire, un aparté, des apartés! Ce que nous de-
mandons ici est de moindre conséquence.
5' LES .MOTS L)K GliNUli OU UlC NO.MBUl'; DIl'KlillliNTS.
LliS ,\l)JIiCTIKS .VOVKIlUIirt
Cette observation sur les importations des langues vivantes ou
mortes nous amène à rechercher si nous n'aurions pas ix re viser certains
mots français dont l'état civil parait avoir été déterminé d'une façon
singulière.
D'où vient (\\i hémisphère cl jilanispiièrc sont du luasculin, alors que
72 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
le féminin, qui est seul conforme à l'étymologie, a été allribué à
atmosplière ?
D'où vient que. sur les portos jLl'un même étage, dans un établisse-
ment d'instruction publique, les enfants peuvent lire : réfectoire,
chauffoir et dortoir, les trois mots étant du masculin et le premier
portant Vc qui semble être le signe <lu féminin, pour les mots de
même formation : baignoire, rôtissoire, passoire, et bassinoire^ ?
On conçoit qu'un mot change de genre quand il change de sens,
que foudre soit féminin quand il signifie le feu du ciel et masculin
quand il veut dire une grande tonne; qu'on distingue entre un garde
et une garde, le garde montant la garde; qu'on écrive le gros œuore
et la belle œucre, un office de magistrat noblement rempli et une office
de cuisinière proprcm.ent tenue. Le P. Bouhours avait beaucoup de
goût pour ces mots « mâles et femelles »; et quand il les explique, il
se met en frais de bonne grâce. Il les considérait comme des orne-
ments de la langue. Il n'y a pas lieu de l'en dépouiller. Mais n'est-il
pas fâcheux que période qui, au fond, n'a qu'un sens, ait les deux
genres, qu'orgue soit tour à tour du masculin ou du féminin, selon que
le mot est employé au singulier ou au pluriel, et n'est-ce pas le cas de
regretter qu'on ait laissé tomber le délicat usage du féminin pour délice
dans le singulier, en le conservant dans le pluriel?
N'est-il pas bizarre aussi que la place d'un mot en modifie l'ortho-
graphe; qu'on écrive différemment une demi-heure et une licure et
demie, nu-tête et tête nue. la feue reine et feu la reine, quand dans les
deux cas le rapport grammatical est le même?
Ne faut-il pas au moins laisser le libre choix entre les deux façons
d'écrire : des habits d'homme ou d'hommes, une gelée de groseille ou
de groseilles, des professeurs en bonnet carré ou en bonnets carrés,
des prêtres en surplis blanc ou en sur/)lis blancs, les explications four-
nies pour justifier exclusivement l'une ou l'autre façon étant de pures
subtilités?
* Ne serait-il pas possible enfin de réduire au moins les variétés d'ap-
plication orthographique de cent et de ringt ; de tout et de même
considérés tour à tour comme adjectif et comme adverbe; par exemple,
de permettre d'écrire indifféremment : les hommes mêmes chantaient
et les hommes même chantaient; — elle est toutk son devoir ou totcte
â son devoir? Tout, dans le Dictionnaire, occupe à lui seul six
colonnes, — une vraie grammaire!
1. Les exemples de rectifications de cette nature opérées dans
l'usage ne sont pas rares. Amyot disait : une grosse narire. Balzac
et Voiture écrivent : la doute; en revanche on trouve dans de Bèze
un erreur. Ménage insiste pour qu'on ne dise plus : un insulte. Il n'y
a pas bien longtemps qu'é/>*ia/>/(e n'est plus que du féminin.
BULLETIN Dt; LA SOCIETE DE REFORME ORTHOGRAPHIQUE /S
6° LES VOYELLKS DOUBLES ET LES VOVKl.I.KS COMPOSÉES
Dès W23, Balzac voulait qu'on « raclât totalement l'ij » et qu'on lui
substituât partout l'i français pour incliquer que les mots où l'/y se
trouvait autrefois étaient « devenus bien nôtres et non plus incogneus
estrangers ». Richelet, dans son édition de 16S0, déclarait que presque
partout il avait adopté l'f. Bossuet écrivait mlstèrc, mistérieuœ, ti-
ran, tipe; M""= de Sévigné : stilc, siiiaf/Of/tic. Efjipte; La Bruyère:
hipcrbole, phisionomic; Voltaire : piratnidc, sindic, cnciclopédie.
Généralement on peut dire que la pensée traditionnelle de l'Aca-
démie a été de se défaire de ïy, quand il ne remplaçait pas un double
/, com.rae dans royal, ou quand il ne marquait pas la trace de l'éty-
niologie, comme dans p/iijsiquo et syjiodc.
On peut suivre ce travail à travers les éditions successives. L'y a
perdu du terrain dans les finales dès 1718. En 1740, il disparaît défini-
tivement, et on écrit : moi. roi, ici. En 1762, il est remplacé dans
l'intérieur des mots partout où ni 1 etymologie savante, ni la formation
primitive ne sont intéressées : il n'est presque plus conservé, disait-on,
que pour l'ornement de l'écriture.
L'édition de 1798 attaque nettement l'étymologie et admet analise.
De nouveaux sacrifices étymologiques ont été faits, en 1835, sur ci nu;
abîme, chimie, anécrismc, colisée, giratoire, satirique, cristal. Four
les mots de même origine où la réforme a été commencée, ne siérait-
il pas de l'achever, et de ne plus laisser l'esprit partagé, l'usage flot-
tant, entre Sylcestre et Saint-Silcestre, etc. ?
* Dans ceux où l'y représente un i simple, r.\cadémie tend depuis
plus d'un siècle à substituer l'i accentué d'un tréma. Ainsi a-t-on fait
pour baïonnette, faïence, aïeul, naïade, païen. La logique ne demande-
t-elle pas aujourd'hui qu'on fasse de même pour quelques autres mots
tels que tuyau, bayadi'i-e, grasseyer, mayonnaise? A l'édition sui-
vante, quand l'œil et la main y seraient habitués, le tréma tomberait
à son tour, ainsi qu'il en est déjà à peu prés dans l'usage pour baion-
nettc, faience, naiade, païen : ce serait un nouveau gain en espé-
rance.
• Dans le même ordre d'observations, les réformistps qui comptent
au nombre des plus modérés demandent qu'on supprime de toutes
les voyelles doubles la voyelle qui échappe complètement h la pro-
nonciation, — comme l'o dans sœur ou bœuf, lequel a disparu dans
peur et neuf; — comme l'a dans curaçao, dans Saône, dans août : ne
trouve-t-on pas chez La Fontaine : avant Voùt? — comme l'o dans
paon, faon, taon: M"' de Sévigné écrivait /(an et tan, Racine et Vol-
taire/an;— comme l'o redoublé dans alcool; — comme \'<e dans
nœud et dans œcuménique : n'écrit- on pas depuis longtemps économie ?
74 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
* On propose aussi d'écrire cuil en se référant à la langue du moyen
âge et pour faciliter rintclligence du pluriel yeux. Sommes-nous
prêts à une nouveauté ou à une réaction aussi considérable?
7" LIÏS DOUBLES ET LES TRIPLES CONSONNES
LE fil, LE th, LE Ch, LE ph.
La question de la suppression des doubles et triples consonnes parait
plus mûre
Dès 1680, Richelet disait dans son Avertissement : « On a écrit ici
acocat, baUstère, batème, colère, mélancolie, autre, tlsaiine, trône
et non pas adcocat, baptistère, baptcmc, cliolère, inclancholic, aultre,
ptisanne, thrônc. » Mais Richelet n'était qu'un précurseur indépendant.
C'est en 1740 et en 1702 que s'accomplit la véritable révolution. Elle
fut comp'létée pour certaines formes, presque radicale. « Coiguard a
depuis six semaines la lettre A, écrivait l'abbé d'Olivet au président
Bouhier le 8 août 1736 ; mais ce qui fait qu'il n'a pas encore com-
mencé à imprimer, c'est qu'il n'avait pas pris la [précaution de faire
fondre des É accentués, et il en faudra beaucoup, parce qu'en beau-
coup de mots, nous avons supprimé l'-s de l'ancienne orthographe
comme dans dcs/iescher que nous allons écrire dépôchcr, tête,
mâle, etc. » C'est également d'un trait que furent rayées les doubles
consonnes dans nopce, picqurc, bienfaicteur, sçacant, recepcoir, etc. !
On opéra beaucoup moins hardiment sur les mots marqués du rli,
th, du cil et du pli. La question fut plutôt posée que résolue. Depuis
elle est restée ouverte. A chaque édition on a fait un pas, mais en
craignant d'aller jusqu'au bout.
Le rapporteur de 1878 fait ressortir avec une pointe de satisfaction
malicieuse que lui aussi il a marché, qu'il a supprimé deux h, l'une
dans phtisie, la seconde, l'autre dans rythme, la première. Le motif
donné par M. de Sacy, c'est que, dans les mots tirés du grec il n'y a
pas d'inconvénient à retrancher une lettre, quand cette lettre ne se
prononce pas. Rien de mieux. Mais pourquoi, dans les mots qui en
ont deux, supprimer l'une plutôt que l'autre? Pourquoi la maintenir
dans les mots qui n'en ont qu'une, que la prononciation ne fait pas
sentir da\antage : rliétorique, rhinocéros, rhododendron, rhubarbe,
rhume, rhumatisme, etc. ? Si la pensée a été de conserver l'aspiration,
l'esprit rude de la langue d'origine, jwurquoi l'avoir laissé tomber dans
rapsode, rabdomancic, deux mots grecs par excellence? Si ce sont
les consonnes consécutives que l'on veut proscrire, comme on l'a fait
dans autochtone et dans ichtyologie qui n'ont plus conservé l'un et
l'autre qu'une h, pourquoi maintenir 1'//, unique dans asthme et
arthrite qui ont aussi quatre consonnes de suite? Les modificatious
DCLLiniN DK LA SOCIKTK DH HKKoKMK ol; IIK )GKAI'llI(^i;i-; (O
les plus simples sont pleines d'illogisme. Qui oserait au jourd'liui écrire
thrésorf Et on dit encore thésaurise/-.
Le ch ne présenfe pas moins d'anomalies. L'A a disparu dans carte,
colère, colique, corde, école, sépulcre, scolastique, scolic, stomacal,
mécanique, métempsycose, pascal, patriarcal, et dans vingt autres :
F. Didot en a fait le compte. Mais après ces changements qui ont
depuis longtemps force de loi, y a-t-il des raisons plausibles pour con-
tinuer k dire anachorète, anachronisme, barr/iaiiale, chalcorjrap/iie,
catéchumène, chronologie, chryscintème, polytcclmique, etc. Les Ita-
liens et les Espagnols dont la langue est plus voisine de la source
commune écrivent C/isto. cristianesimo, cristianismo? V. Cousin
imprimait couramment psycologie.
Mêmes observations pour \e ph. Dans un grand nombre de cas, ou
l'a transformé en/. Dès le XV l" siècle, après Robert Estienne, ou
avait admis or/elin, Jlegme, fantastique, en Iais.sant, il est vrai, sub-
sister phantôme. En 1762, on a discuté phantôme, phantaisie, méta-
physique, phrase, philosophie, blaspj/ième, al/ihabet, phaisan, phiolc,
souphre, QicA Fa. passé A-àwa fantôme, Jlerpnatirpie, fantaisie, fré-
nésie, faisan, soufre, fiole, faséole. Ne pourrait-on reprendre l'e.xamen
de quelques-uns des mots qui n'ont pas été modifiés, tels que blas-
phème, alphabet pour lesquels nous avons encore l'exemple logique
des langues néo-latines qui ont sacrifié le //// même dans inctapliy-
sique et philosop/iie?
Dans ces diverses formes, ce que demandent les réformistes — et
je ne parle toujours que des sages, — c'est un élargissement des bar-
rières. Il n'est question que de prendre un peu plus de champ, sans
esprit d'aventure, avec suite.
A voir, en effet, ces mutilations de Procuste opérées tantôt au com-
mencement, tantôt au milieu, tantôt à la fin des mots avec tant d'ar-
bitraire, la crainte est que la langue, atteinte de toutes parts ne finisse
par tomber eu lambeaux. I,a prudence est d'accord avec le goût pour
nous conseiller de pourvoir méthodiquement aux transformations qui
s'imposent par cela seul qu'elles sont déjà en partie faites. II ne faut
céder que lentement, dit-on, à ces tyrannies de la nécessité. Assuré-
ment. Mais préparons raisonnablement la retraite inévitable, si nous
voulons éviter la déroute.
• Or, ne serait-il pas raisonnable :
D'accepter que l'/t suivant une des consonnes r, t, c, soit au com-
mencement d'un mot, soit dans le corps d'un mot, et qui ne se pro-
nonce pas, peut cire supprimée;
D'admettre du même coup, dans les mêmes conditions, la trans-
formation du p/i en/;
D'appliquer d'abord ces règles aux mots dont la modification a été
76
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
préparée par des discussions antérieures du Dictionnaire et qui ont
trouvé des patrons autorisés dans les maîtres de la langue' ;
Et, pour ménager la transition,' de tolérer jusqu'à nouvel ordre les
deux orthographes?
Cette fois encore nous n'irons pas jusqu'au bout de la réforme.
Mais la voie sera régulièrement ouverte devant nous et nos succes-
seurs.
8" LES CONTRADICTIONS ENTRK LES MOTS DE MÊME KA.MILLB
OU DE FAMILLE ANALOGUE
L'Académie, dans sa dernière édition, a unifié l'orthographe d'asso-
nance, dissonance et consonance (ce dernier mot comportait autrefois
deux «), et M. de Sacy relève encore cette économie de lettres avec
un demi-sourire-. Même opévalionsuv emmailloter et démailloter ([ui
n'ont plus l'un et l'autre qu'un t,Jicelier et tonnelier qui n'ont plus
l'un et l'autre qu'une l, bourrellerie ei chapellerie qui en ont reçu
chacun deux.
Mais, pour être d'accord avec le Dictionnaire, on doit continuer à
écrire :
résonner et résonance,
souffle/- et boursoujler,
siffler et persifler,
grelotter et dorloter,
trotter et gigoter,
ballotter et barboter,
calotte et papillote,
carotte et compote,
abattoir et abatis,
abattcur et abatage,
courriez- et coureur,
charrette et chariot,
apparaître et apercecoir,
bonhomme et bonhomie,
.dénommer et innomé,
patronner et patronage,
honneur et honorer,
tonner et détoner,
trappe et attraper,
confidentiel et artificiel,
1. Molière écrivait misantrope ; La Bruyère, patétiquc; Voltaire,
entousiasme ; Corneille, ortographe, etc.
BL'LLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE REFORME ORTHOGRAPHIQUE I (
il absout
et
elle coud,
lu plains
et
tu moi'ds.
colonne
et
colonel.
allonger
et
alourdir.
holocauste
et
olographe.
aggracation
et
agression.
agglomération
et
agrégation.
imbécile
et
imbécillité,
tutelle
et
clientèle.
renoucellcment
et
écartèlement.
je jetterai '
et
j'achèterai.
il appelle
et
il ensorcelé.
Ce ne sont que des exemples pris pres(iue au hasard, comme ils se
présentent, eu feuilletant le Dictionnaire. Et qu'on se mette à la place
des maîtres qui ont à expliquer ces anomalies, des enfants qui ont à
les comprendre, des étrangers qui en cherchent la raison ! Chercher la
raison qui est au fond des choses, c'est pour tous les esprits un travail
fécond. Mais s'enquérir de raisons qui n'existent pas, et finalement
être obligé de charger de formes incohérentes la mémoire qui, elle
aussi, a sa logique, une logique résistante, quel labeur plus inutile et
plus ingrat!
Or, pour les mots congénères, ne devrait-on pas simplement, ainsi
qu'il en a été de consonance et d'emmailloter, les faire rentrer dans
le moule commun?
Quant aux formes qui tiennent à des usages grammaticaux comme
il appelle et il ensorcelé, la solution semble plus facile encore. L'ac-
cent grave et le redoublement de la consonne l ou t n'ayant l'un et
l'autre pour objet que de marquer la place de l'accent tonique, y a-t-il
utilité à conserver deux procédés différents pour un résultat iden-
tique, et, le plus simple des deux étant l'accent grave, ne convient-il
pas de lui donner la préférence?
Rien n'empêche au surplus de maintenir provisoirement la double
orthographe jusqu'à ce que la meilleure ait prévalu.
90 LES TEllMI.N.MSONS EN Cnt KT EN ant.
A. -F. Didot demandait qu'on remplaçât ent par ant dans tous les
qualificatifs employés adjectivement ou substantivement, et dans
leurs dérivés. Ainsi éviterait-on le désaccord entre présidant et
président. Ainsi éviterait-on encore pour l'orthographe des yeux : un
al/luent et ils ajjlucnt, un expédient &i ils expédient, un équicalcnt
et ils équicalent. On ne s'explique pas en effet ce qui fait dire : le
78 REVUE DR PHILOLOGIE FRANÇAISE
prétendant a couverli les dissidents ; le ministre résident a reçu les
résidants. La proposition de Didot semble aisée à appliquer. Ce
qui serait grave, ce serait de n'aji'oir point de règle. Dans la dernière
édition, le Dictionnaire a substitué excédent à excédant et créé une
exception de plus.
10" I.A TRANSFORMATION DE L'a? EN S DANS LES PLURIELS KT DANS
LES PERSONNES DE CERTAINS VERBES
Au xvir siTcle, l'Académie a remplacé lœ par l'^dans le pluriel de
Zo/ et de r/ofi. A quoi lient-il qu'il n'en ait pas été de même pour
tuyau, clnipeau,feu, genou ? N'écrivait-on pas, au xvi'" siècle, chceaus,
égaus ? « Une des premières choses qu'on enseigne aux enfants, dit
M. Michel Bréal, ce sont les sept noms en ou qui, au lieu de prendre
une s au pluriel, veuleut un œ. Mais par quel secret motif ces mots
ne se plient-ils pas à la règle commune? Personne n'a jamais pu le
découvrir. Douœ forme deuœiénie qui conserve Va; du primitif, mais
diœ fait dizaine. Qui peut pénétrer les mystères d'une réglementa-
tion aussi décousue? » N'est-il pas sage, renonçant à les découvrir,
de se décider à les supprimer? On se trouverait ainsi amené à écrire
/œureus et jalons, ie pcus, tu peus, je caus. tu r,aus. Le féminin
d'heureus et de jalons se composerait dès lors comme tous les fémi-
nins. Valoir et couloir •■^e conjugueraient comme craindre et venir.
Des exceptions, dont l'origine est au moins fort obscure, disparaî-
traient ainsi sans fracas et allégeraient d'autant nos grammaires. Dieu
nous garde de vouloir faire de la langue une lande monotone! Dieu
nous garde surtout de toucher aux idiotismes qui en sont le nerf et la
grâce! Mais autre chose est le tour original, primesautier, donné à la
pensée et où se traduit, où éclate le génie d'un peuple, autre chose
ces bizarreries de vocabulaire qui ne sont que des habitudes vicieuses
créées par une sorte de caprice et tolérées par une tradition irréfléchie
ou aveugle.
BL'LLKTIN DF LA SOCIÉTÉ DE RÉFOFiME ORTHOGRAPHIQUE 79
PROPAGANDE PAR LE FAIT
Lorsqu'on voit une même idée germor indépendamment
de divers côtés, c'est le signe qu'elle rcpont h un besoin du
momiMit, et que son avènement est proche. Aussi sommes-
nous heurcus d'annoncer que M. Jean Bourdette a eu le
courage, bien qu'il se crût seul quand il s'y est résolu,
d'imprimer ses ouvrages en orthographe simplifiée. M. Bour-
dette est un travailleur qui, « par amour du Labédâ (ou
Lavedan) », son pays natal, a entrepris d'en retracer la phy-
sionomie géographique, historique, linguistique, sociologique.
Il a publié jusqu'ici chez Faure, à Argelès-cn-Labédâ, deus
volumes : Le Labédâ, r^écits, 1890; et Mémoire du pa;is et
des Étais de Bigorre, par Louis de Froidour, publié par
J. Bourdette, 1893. Il y applique les simplifications sui-
vantes :
1° Remplacer ph par^ ; fisique;
2° Remplacer par i Vy qui suit une consonne : sistème;
3° Supprimer h après toutes les consonnes, sauf lorsque,
combiné à c, il représente le son de chant;
4° Écrire avec deus /* les mots parroisse, parroissial,
charriot, parce qu'on y prononce deus r (??).
Peut-être faut-il regretter que M. Bourdette ait modifié
légèrement l'orthographe de Froidour. Ce n'est pas qu'elle
présente un intérêt quelconque; mais il est bon que tout le
monde sache bien à quel point l'orthographe a varié. Si on
savait plus généralement combien celle de Corneille ou de
Bossuet différait de la nôtre, la tâche des réformateurs serait
bien simplifiée.
Plus utiles sont les modifications que M. Bourdette a hardi-
ment fait subir aus noms de lieus. Bien utiles surtout dans une
région où l'orthographe de ces noms conserve les conventions
graphiques de l'ancien gascon écrit, qui différaient notable-
ment des nôtres. D'où il résulte que, ne comprenant pas ces
conventions, nous les interprétons à notre façon, et que la
prononciation des noms de lieus va se corrompant de jour en
jour. Ou commence^ même parmi le peuple qui imite « les
moussus », à prononcer yei< ce qui s'écrit Geu, mais se
80 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
prononce dyèou [d palatal ; é tonique ; ou atone formant
diphtongue avec è) ; sirèks, ce qui s'écrit Sireix, mais se
prononce sirèch; silèn, co qui s'écrit Sllhen, mais se prononce
siYZien (1 mouillée) . M. Bourdette, sans chercher à être pho-
nétique, ni à remplacer toutes les conventions graphiques
gasconnes par des conventions françaises, écrit Bieouzac et
non Vieuzac; Sén-Sabi, non Saint-Savin; Moun-né, non
Mout-né; Perjra-hita, non Pierrefitte; Tarbe, Lourde^ non
Tarbes, Lourdes (cet s n'est même pas étymologique, mais
simplement analogique à des noms comme Bourges de
Bituriges; Nantes de Namnetes).
Nous regrettons que M. Bourdette ne se soit pas rallié à
notre programme, car la discipline est nécessaire; mais nous
ne pouvons que le féliciter de sa courageuse initiative, et
nous souhaitons qu'elle porte bonheur à ses intéressantes
publications. J. Passy.
DISCUSSIONS ACADÉMIQUES
Nous lisons dans le compte rendu donné par le Temps de la
séance tenue par rAcadémie française, le 16 février 1893 :
Après diverses présentations d'ouvrages, l'Académie s'est occupée
de la question des réformes à apporter dans l'orthographe de la
langue française.
La question à traiter, hier, était celle des majuscules, sujet assez
ingrat, assez stérile eu apparence, mais qui prête à de curieuses
observations sur la valeur des mots. M. le duc d'Aumale. M. de Bro-
glie, M. Hervé, M. de Vogué, M. Rousse, M. Boissier, M. C. Dou-
cet, M. L. Halévy ont pris toar à tour la parole, et M. Gréard a
répondu à tous avec la compétence et la précision qu'on lui connaît.
Le Dictionnaire offre sur ce point les contradictions les plus bizarres.
II écrit la Bourse de Paris, monument, tantôt avec un grand B,
tantôt avec un petit. Il dit un Mécène avec une grande M et un
mentor avec une petite, etc., etc.
M. Gréard. résumant toutes les observations, a demandé qu'on
posât une régie et qu'il fût établi que tout nom commun, employé
dans le sens figuratif, prendrait une majuscule, et que tout nom
propre, devenu un nom commuu, n'en prendrait pas. Une proposi-
tion conforme a été formulée par M. Rousse et votée à l'unanimité.
C'est le vœu de Bossuet : il faut Autant que possible uniformiser le
Dictionnaire.
Le Gérant : E. Bouillon.
CHALON-SUR-SAÔNE, IMIMU.MRRIK DE I.. MARCEAU
NOTE PRIÎ:SENTËK VXK M. GRÉARD
A L'aC.VDIÎMUC l-IiANÇAl::;!': AU NOM UK LA COMMISSION DU DICTIONNAIRE
Au cours de la préparation de la première édition
du Dictionnaire, Furetièrc disait un jour : « Ils ne se
pressent pas et ils ont raison. Leurs règles intéressent
tout au plu^^ quelques centaines de personnes : ils ont
fait de la langue un fief. » Était-ce une ré])onse à ce
passage de la déclaration de l'arrêt d'enregistrement de
1G3G : « Les membres de l'Acach'mie ne connaîtront
que... des livres qui seront par eux faits ou par autres
personnes qui le désii-eront et voudront? » Au fond la
boutade portait. L'usage de la langue française était,
même en France, le privilège d'une élite : de la cour,
de l'église, de la magistrature, du théâtre, de quelques
gazetiers qui, de Paris, envoyaient les nouvelles dans
le^ ])ri)vinces. Même pour cette élite, les règles n'étaient
pas fixées. L'orthographe de Bossuet, la preuve en a été
faite, varie presque d'année en année. Vaugelas disait
(jue. d'un bout du volume à l'autre, un écrivain ne pou-
vait pas être sûr d'être d'accord avec lui-même et de
finir comme il avait commencé.
La langue française avait à peine droit de cité dans
l'enseignement. C'est sui- le psautier latin (pie les en-
fants apprenaient l'aljjhabet à l'école; au collège, c'est
en latin qu'on leur parlait et qu'ils devaient parler entre
eux dans les classes, pendant les récréations, en prome-
nade, partout. L'essai de substitution du français au
latin, timidement inauguré par l'Oratoire, poursuivi
avec plus de hardiesse par Port-Royal, était tombé dès
(]ue P(jrt-Royal n'uNait plus r[r là pour le soutenir. Le
Ivi:vuK DK i'iiii.oi.O(.ir:, vu. 0
82 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
de Ratione diceiidict docendi du P. de Jouvency date de
1692, et en 1762, l'année de l'expulsion des Jésuites,
SCS préceptes étaient pratiqués, comme ils avaient été
rédigés, en latin. Peu s'en était fallu, enfin, que ce ne
fût en latin que Rollin eût à son tour écrit le Traité
des Études; ses amis, qui n'ignoraient pas qu'il n'avait
commencé à écrire en français qu'à plus de soixante
ans. admiraient avec quelle élégance il s'en était tiré.
Si, dans cet intervalle et depuis l'édit de Vilîers-
Cotterets, le français était devenu la langue des actes
publics et de la diplomatie, si les souverains étrangers
se piquaient de le cultiver pour eux-mêmes et d'en
entretenir autour d'eux l'usage, si au dix-huitième siècle
les savants et les hommes de lettres en devaient acqué-
rir tant bien que mal le maniement pour suivre le mou-
vement des idées, au-dessous de ces cercles restreints
et choisis, le français était ignoré, presque dédaigné.
C'est sous le patronage et grâce au truchement de l'an-
glais, du hollandais, du portugais, de l'espagnol, de
l'italien^ dit l'abbé de Saint-Pierre, que nos aventu-
riers et nos colonisateurs abordent les parages de l'Amé-
rique ou de rOcéanie. Quand Dupleix et La Bourdon-
nais pénétrèrent dans les Indes, ils eussent été bien
en peine, de leur propre aveu, s'ils n'avaient su que le
français.
Les temps sont changés. Dans quel coin de la France
n'écrit-on pas aujourd'hui? Je ne parle pas seulement
de l'invasion du journalisme. Les statistiques de l'ins-
truction publi(]ue faisaient porter autrefois le dénom-
brement sur ceux qui savaient tenir une plume; on
compte aujourd'hui ceux qui ne le savent pas. L'étude
de la langue française esi devenue la base de l'enseigne-
ment primaire, et l'enseignement secondaire moderne
y cherche son princii)al appui. Des milliers de maîtres
l'enseignent a des millions d'enfants. Il faut qu'au jour
de l'épreuve finale — certificats d'études et baccalau-
NOTE PRÉSENTÉE PAR M. GRÉARD 83
réats — toute cette jeunesse soit dressée à écrire correc-
tement, j'entends suivant les règles strictes. D'autre
part, tandis qu'à l'étranger la langue française est con-
sidérée comme le complément nécessaire d'une éduca-
tion distinguée, nous nous efforçons nous-mêmes d'en
répandre l'usage dans nos colonies et dans les pays qui
les environnent'. Pour seconder ce mouvement de pro-
pagande , pour alléger l'enseignement de dilTicultés
inutiles et lui rendre l'aisance nécessaire aux études
multiples qui se disi)utent les années aujourd'hui si
courtes de l'éducation, pour mettre enfin â la porlée de
tous ceux qui en ont besoin un instrument plus com-
mode, on a demandé cpic le mécanisme de la langue fût
revisé et l'ortliographo simplifiée. L'émotion, très vive
à l'origine, parait aujourd'hui moins excitée. L'inquié-
tude subsiste, d'autant plus profonde qu'en d'autres
pa3's, en Allemagne surtout, ce travail de simplification
a été résolument entrepris et se poursuit. Une instruc-
tion oflicielle, destinée à apaiser les esprits par la recon-
naissance publique de certaines tolérances, n'a fait
({u'irriler l'impatience en y ajoutant la confusion. Une
circulaire pouvait-elle se substituer au Dictionnaire
ou faire loi contre lui? L'opinion n'a pas suivi ces ten-
tatives de réforme administrative. C'est à l'Académie
qu'elle avait adressé son appel. Elle l'a maintenu, et
elle attend.
Nous ne saurions nous plaindre de cette déférence.
Est-il beaucoup d'autorités qui ins])irent ce respect ?
Nul n'ignore sans doute qu'une édition nouvelle du
Dictionnaire est une œuvre de longue haleine, que plu-
sieurs générations seront appelées à y mettre la main
1. Oti sait quels résullats considérablos a drjà obieinis l'Alliance
françai.sc, association fondée par M. P. FoncAn pour la /iro/iaijntion
(le la laiif/ue françaifte dans les colonies et à l'étranger. Elle ooniple
dans les difTérentcs parlics du monde civilisé pn'-s de deux cents
écoles.
84 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
et que nous ne pouvons lier nos successeurs. Mais les
graves intérêts d'éducation nationalCj de relations
étrangères, d'expansion coloniale, c|ui sont engagés
dans la question, ne permettent pas d'en différer davan-
tage l'examen; et, puisque la tache nous est échue de
commencer la revision, c'est à nous que le devoir s'im-
pose d'en discuter les principes.
I
Les publicistes qui ont pris part avec plus ou moins
d'ardeur à ce qu'on a appelé X agitation orthogi-aphique
peuvent se diviser en trois catégories : ceux qui de-
mandent tout, ceux qui n'accordent rien et ceux qui
sont prêts à faire quelque clioseV
Ceux qui demandent tout ont un système. Ce n'est
qu'au nom d'un système qu'on peut se permettre ces
exigences. Il se résume en un mot : écrire conrme on
l^arle. La règle de l'orthographe, ou comme on dit, de
la graphie, c'est pour eux la prononciation. Un signe par
son, un son par signe. L'idée n'est pas nouvelle : elle
date du seizième siècle. Elle a été soutenue à la Renais-
sance non sans esprit par Meigret, Péletier, Ramus,
reprise plus tard avec passion par Perrot d'Ablancourt
et Beauzée, de nos jours par Marie. On nommait Mei-
grettistes ceux qui se sont appelés aujourd'hui eux-
mêmes du nom générique qui répond à leur chimère,
les phonétistcs.
1. Darmcsteter, Ruliques scientifiques, t. ii. — Michel Bréal, la
Réforme de l'orthof/raphe française. — Ch. Lebaigue. la Reforme
orthor/rap/iique et V Académie française. — Louis |Havet, la Simpli-
fication de l'orthographe. — La A^ourelle Orthographe, jotirnal ency-
clopédique, rédacteur en chef, M. Paul Passy. — L. Clédat, Reçue de
[iliilologie française. — Les publications de la Société philologique
française, président, M. Pierre Malvesin, etc.— Cf. Ambroise Firmia-
Didot, Observations sur l'orthographe française ou Orthograp/iie
française, 2' édition, 1868.
NOTF PRI-:SKNTRE PAR M. CKKARD 85
La chimère a été combattue dès sa naissance par
Estiennc Pasquicr et par TIenri Estienne. Au dix-
septième siècle, Bossuel lui opposait cette i(Muar(|ue de
bon sens : « Il ne faut pas soulïrir cette fausse règle
d'écrire comme on prononce, parce qu'en voulant ins-
truire par là les ëtrangers et leur faciliter la pronon-
ciatiou de notre langue, on la fait méconnaître aux
Français mêmes... Si on écrivait tans, cJian, cmais ou
éniés, anierremaii, qui reconnaîtrait ces mots ? Qn ne
lit pas lettre à lettre ; mais la figure entière du mot fait
son impression tout en.semble sur l'œil et sur l'esprit,
de sorte que, quand cette figure est considérablement
changée tout à coup, les mots ont perdu les traits qui
les rendent reconnaissables à la vue et les yeux ne sont
pas contents. » « Une autre raison (jui me semble bien à
propos, avait dit le premier Théodore de Bèze, est que
l'écriture doit toujours avoir quelque chose de plus
élabouré et de plus accoutré que la prolation (la pro-
nonciation) qui se perd incontiment. )) Et l'on ajoutait,
comme on a répété plus d'une fois dans ces derniers
débats : Qui peut concevoir une langue remise au parler
des différentes régions de la France, au Provençal et
au Flamand, au Breton et au Basque, au Franc-Comtois
et au Gascon? Arrivât-on par miracle à composer un
alphabet qui, pour un jour, mît d'accord l'écriture et la
prononciation, dès le lendemain elles varieraient, non
seulement de pays à pays, mais de ville à ville, de quar-
tier à quartier, de sexe à sexe, d'homme à homme, et.
dans le môme homme, selon l'âge, la santé et l'humeur.
— A quoi les phonétistes répondent, aujourd'hui ainsi
qu'autrefois : Le régulateur s'établira par l'u.sage. Et
aujourd'hui — c'est là qu'est le progrès — pour être
plus sûr de voir fonctionner le régulateur, on le crée.
Rien de plus facile, dit-on, que de ivgler la prononcia-
tion d(} la langue comme on i-ègie les poids et mesures,
d'ajjrès le type légal. II sullit (pie l'Académie possède
(SC) RKVt'K l)K IMIILOLOCIE FKANTAISE
un ])honogra|)lie (Malon, au((nel, dos difîérents points
du pays, on vienne de l^emi)S à autre prendre l'accord.
« L'appareil sauvegardera l'incorruptibilité des sons
français à travers les siècles. » Telle est la déclaration
authentique.
Quelques indépendants, il est vrai, n'admettent pas
ce contrôle. Ils laissent à chacun la liberté de prononcer
et d'écrire à sa façon. C'est la pure discipline de l'ab-
baye de Thélème : « Fay ce que voiddras. » jNIais les
doctrinaires du phonëtisme repoussent cette prétention
avec vigueur. Ils considèrent l'unité de la prononciation
comme une des formes nécessaires de l'unité nationale,
et, pour sauver le régulateur, ils n'invoquent rien
moins que les glorieux souvenirs auxquels se rattache
l'unification de la France consommée par la Révolu-
tion.
Les plus emportés d'ailleurs ne font pas ditiiculté de
l'avouer : ils n'ont point la prétention d'obtenir sur-le-
champ tout ce qu'ils désirent. « Le phonétiste, disent-
ils, accorde aux usages, aux préjugés mêmes, le droit
de ralentir la réforme... Peut-être, en se plaçant dans
l'absolu, pourrait-il demander d'écrire katrotn pour
quatre hommes; mais à quoi bon, puisqu'il n'y arrive-
rait pas?... Le phonétisme pour but idéal, la modéra-
tion pour règle immédiate!... »
Même lorsqu'elles ne sont pas ainsi com])attues ou
amendées par leurs propres partisans, de telles concep-
tions ne sont pas à craindre, (|uelle que soit l'autorité
des savants qui les soutiennent. Elles répugnent au bon
sens public qui a bientôt llairé le danger d'un retour à
la barbarie et qui se cal^re. Mais l'inévitable consé-
(juencc de ce radicalisme, c'est ([u'il excite en sens
contraire l'esprit do conservation.
Ici, toutefois, il faut distinguer. Il y a, en ortho-
graphe comme en tout le reste, conservateurs et con-
servateurs. Il y a d'abord ceux qui tout simplement
NOTE PRRSKNTKH TAU M. r.l^KAUI) 87
n'ontendcnt point qu'on change leurs habitudes et qu'on
les renvoie à l'école avec leurs enfants : telle ils ont
appris jadis à écrire roi'lhograi)h(', telle ils veulent
récrire toujours et obliger tout le monde à l'écrire
comme eux. Il y a, d'autre part, ceux pour qui l'habileté
à éviter les pièges ou à vaincre les dillicultés de la
hmgue est le signe, la forme visible d'une certaine
supériorité d'éducation et qui ne veulent rien perdre de
ces avantages. Le nivellement grossier d'une ortho-
graphe sans m}' stère, banale, accessil)le au premier
venu, blesse leurs instincts aristocratiques : Odi profa-
num vulgus et arceo. Il y a enfin les poètes, habitués
à trouver dans les irrégularités de langue toutes sortes
de ressources pour rendre les nuances de l'harmonie,
de la couleur, du sentiment, et (jui craignent qu'on ne
porte la main sur leur trésor.
Des premiers il ne faut rien espérer. Ce sont les
mêmes gens qui protestent contre l'ouverture des
grandes voies réclamées par l'hygiène générale, parce
(pi'elles troublent le cours ordinaire de leur petite pro-
menade, ou qui empêcheraient, s'ils le pouvaient, de
substituer, dans les jardins publics, de jeunes plants
aux vieux arbres épuisés, parce (jue depuis cinquante
ans ils ont rha1)itude de venir se reposer sous ce (|ui
leur reste d'ombre. Leur égoïsme est irréductible. Ils
ne peuvent se rendre com])te que chaque génération n'a
pas seulement à jouir de l'heure présente, mais qu'elle
doit préparer pour ses descendants la vie du lendemain.
Ils n'ont jamais compris la douce et mâle sagesse des
conseils du vieillai'd de La Fontaine :
Mes arrière-neveux me devront cet ombrage.
Aux aristocrates de l'orthogiaplie. il sullira (1<' faire
rcmar<|uer que le génie d'un idiome réservera toujours
SCS scci'(;ts à ceux-là seuls qui sont capables de l'appro-
88 KE\L'E DK l'IllLOI-OGIK KHANTAISH
fondii% et qu'après toutes les réformes il subsistera
encore assez de fautes- à commettre pour marquer les
distinctions et maintenir les distances. Quant aux
poètes, ces divins créateurs de la langue avec le peuple,
— car, quoi qu'en ait dit Dumarsais, la langue ne se
fait pas toute aux halles, — ne savent-ils pas que de
Ronsard à Renan, de Montaigne à Victor. Hugo, en
passant par Racine, Fénelon, La Fontaine, La Bruyère,
Montesquieu, Rousseau^ Bufïon, Chateaubriand, l'or-
thographe usuelle a été bien des fois maniée et rema-
niée, ëcourtée, allongée, transformée, sans que les
sources du grand art en fussent appauvries, sans que la
pensée ou la rime aient eu à en souffrir? Corneille,
Bossuet, Voltaire ont été de leur temps des réforma-
teurs décidés : quelle garantie plus sûre ! Ce qu'il faut
bien que tout le monde arrive à reconnaître, c'est que,
depuis trois- siècles, à chaque édition du Dictionnaire,
les simplifications ont été, par définition, par tradition,
un des plus impérieux devoirs de l'Académie. L'unique
question a toujours été, comme elle est aujourdliui, de
les faire avec mesure et opportunité.
Dictionnaire de l'usage, le Dictionnaire de l'Acadé-
mie doit régler l'usage en s'y accommodant. Or, par
cela même qu'il dépend des idées, des mœurs, des inté-
rêts qui se modifient avec la vie d'un peuple, l'usage
est essentiellement variable. Le mouvement est la loi
du langage, a dit le grammairien ^' arron. Et comme le
développement de l'activité humaine s'accélère avec le
développement de la civilisation, la conséquence natu-
relle, nécessaire, est qu'au fur et à mesure que la pensée
s'étend à un plus grand nombre de sujets, les signes
destinés â en fixer l'expression deviennent plus simples.
Si l'opinion publique, qui ne s'est jamais privée de
railler l'cuuvre de l'Académie, ])ersiste néanmoins dans
une confiance illimitée en ses arrêts, c'est qu'ils ont
toujours été inspirés de cet esprit. Enrichir le fonds de
NOTI-; PRKSENTKl". l'AK M. (.Ul'IAUD 89
la langue et en alléger les formes, tel a été, de tout
temps, le double travail du Dictionnaire. Les auteui-s
des préfaces en font l'un après l'autre nettement pro-
fession. Comme pour mieux établii' leur solidarité, la
préface de 17G.2 reproduit textuellement sur ce point la
préface de 1740. Le rapporteur de 1835 y insiste à son
tour. Le dernier, celui de 1878. malgré son ])cu dégoût
personnel pour les innovations, ne ])eut s'abstenir de
s'incliner devant le principe. Et les actes répondent
aux déclarations. Il n'est pas une édition où un certain
nond^re de mots n'aient été dépouillés de signes consi-
dérés comme superflus ou de lettres reconnues inutiles.
On a calculé qu'en 1740, les réformes atteignirent ])rès
de 5,000 articles sur ^0,000.
Mais quelle a été, quelle doit être la- règle de ces
réformes? La difficulté fondamentale de l'ortliograplie
française provient de sa double origine. Formé de la
transformation du latin classique, le français, comme
toutes les langues à leur naissance, a d'abord été pres-
que exclusivement parlé. Quand on commença à rédi-
ger, on écrivit comme on put. d'après la prononciation.
et la prononciation du petit nombre des clercs quiécii-
vaient faisant loi, l'ortliograplie, bien (pi'irrégulière et
sans principes fixes, ne manquait ni de caractère, ni de
simplicité, ni de clarté. Aux approches du quatorzième
siècle, la philologie naissante, travaillant à retrouver le
fond primitif de l'idiome national, se mit à déconstruire
et à reconstruire les mots d'a])rès l'étymologie. Il s'a-
gissait de substituer aux traditions les règles, aux habi-
tudes de l'accent le principe de la racine. Deux langues
vécurent alors, supei'posées ou juxtaposées, pour ainsi
dire, et cherchant à se supplanter'. De là ce <|u'on a
1. Il suflira de relever ici quelques cxcnipics. On écrivait d'après
la règle traditionnelle : abé, hcle, najic, ncccu, oreille, loricr, reeccoir,
cscriture, trait; d'après la règle savante : ahbé, belle, nappe, nepceu,
aurcillc, laurier, recepcoir, c?cript(ire, traict.
90 RHN'UB de l'IIlI.OLOGlK FliANÇAISK
appelé les doublets, c'est-à-dire les mots issus l'un de la
source populaire, l'autre-du laboratoire des savants, et
(pli furent simultanément conservés : dîme et décime,
de décima; champ et ccunp, de campus; métier et
ministère, de ministerium ; sourdre et surgir, de sur-
(jere; compter et computer, de computare; frêle et
fragile, de/ragilis, etc. Dans les vocables où la séini-
ration s'éta1:)lit ainsi, la langue conserva sa régularité
relative; aussi rortbograplie des doublets nous est-elle
])arvenue presque absolument intacte : ce sont comme
deux courants, coulant à peu de distance l'un de l'autre,
dans une même vallée, mais ayant chacun son lit
propre. Mais pour le plus grand nombre des mots, les
savants et les partisans de la langue traditionnelle vou-
lurent chacun y imprimer leur marque, retrancher ou
ajouter une lettre, insister sur l'accent ou sur l'étymo-
logie, et, rim])rLmerie aidant — une imprimerie savante,
elle aussi, toute jeune en outre, et pleine de zèle, — les
mots se trouvèrent chargés de signes ou de lettres para-
sites qui les défiguraient pour tout le monde \
Lorsqu'on entreprit le Dictionnaire, que pouvait-on
faire? Revenir à l'orthographe traditionnelle ou adopter
l'orthographe étymologique? Vaugelas que Boileau
tenait pour « le plus sage des écrivains » était prêt à
résoudre le problème «sans tant de consultations».
«Le bon usage, disait-il, est la façon de parler de la
plus saiu(> partie de la Cour. » Après avoir écouté ce
qui se disait au Louvre, il se concertait simplement
avec Coelîeteau, Chapelain, Patru et quelques autres
sur ce (pi'il appelle les mots de bonne marque ; il ne
croyait point nécessaire de remonter pour « l'estude »
au delà d'Amyot, ni de recourir à la langue grecque ou
à la latine, bien qu'il coimût à fond l'une et l'autre.
1. Une édition de Rabelais, celle de Juste (1572), dit Darmestetcr,
imprime le mol /inile en huit lignes, de trois manières diHéreutes :
huile, liuillc, /luijle. (Gargantua, Prologue.)
NOTE PRKSKNTKK VAH M. (JKKARD 91
« Si Paris, princes, princesses, conseil, cavaliers, dames,
la Cour en somme, répétait après lui M"^' de Gournay,
si Tours et Oi'léans encore, Cju'on l'épute les sœurs do
Paris pour la pureté du langage, peuvent vider la ques-
tion, c'est grande erreur de ta laisseï' indécise. »
L'Académie cherchait une base plus ferme. Mais les
avis étaient partagés entre La science et la tradition. Ni
la tradition ni la science ne prit décid(''ment l'avantage.
L'application absolue de l'un des deux systèmes n'était
déjà plus possible en ir)l)4, ainsi que le remarque le
rapporteur de 1718. Quand les grammairiens de Port-
Royal édictaient que toute tigure devait marquer un
son et ne marcpier qu'un son, simple ou double, diffé-
rent du son marqué par les autres figures, ils ne se dis-
simulaient j)oint que, pour appliquer intégralement ces
principes, il eût fallu reprendre le monde à son origine.
Un idiome qui compte huit ou neuf siècles d'existence
ne se refait pas au creuset. On avait commencé, on dut
continuer simplement à dépouiller la langue de ce qui
la complicpiait sans profit, d'après les indications que
fournissait l'usage. « Touchant rorthographe, disait
Richelet, j'ai gardé un milieu entre l'ancienne et celle
qui est tout à fait moderne et cpii défigure les formes.
J'ai seulement retranché de plusieurs mots les lettres
(jui ne rendent ])as les mots méconnaissables quand
elles sont ôtées et qui, ne se prononçant point, embar-
rassent les étrangers et la plupart des provinciaux. »
Telle fut la direction, je n'ose dire la méthode. On se
régla sur la physionomie générale du mot, sur son air
de famille avec tel ou tel autre, sur la popularité que
celui-ci avait acquise, sur l'isolement dans lequel celui-
là était resté. Les formes ont leur fortune, leur faveur
du moment; elles plaisent ou déplaisent, elles re[)<)us-
sent ou attirent. \^jltaire éci'ivait, suivant l'humeur du
jour, philosophie aiJiloHofic, niéiaphorc et métafore,
thcàireQi tcaiie, châieau et chnldti. vous acôsaX vous
92 KHVL'K I)K IMULOLOCIK KKANfAlSK
pouvez, citoien et citoyen, faon ai fan, abé et abbaye,
salisse et sauce, érecsion et persécution. C'est avec
cette fantaisie (écrite par y ou pli) qu'il poussait à la
réforme du Dictionnaire, et c'est presque avec cette
fantaisie qu'on Texécutait.
Très spirituelle quelquefois dans ses effets, très pi-
quante quand on en étudie le détail, cette. dispersion
d'efforts sans suite ni coordination n'était point faite
pour populariser la langue. Si l'on continue à faire
épeler les enfants dans le psautier latin, disait l'abbé
Girard, un membre de l'Académie, c'est parce que le
latin a des principes consacrés par le temps; le bon
Kollin déclarait lui-même qu'il eût été fort embarrassé
de donner une leçon de lecture sur un texte français.
Bossuet avait bien demandé à l'Académie qu'elle tàcliât
de rendre autant qu'il se pourrait « l'usage uniforme ».
Tel était le fondement sur lequel il fallait s'établir et
que Vaugelas définissait agréablement « le droit coutu-
mier de la langue». Mais ce n'était qu'un vœu. La
règle de ce droit coutuniier faisait défaut.
Elle n'a été, si je ne m'abuse, nettement formulée
que de nos jours par Littré. « Les modifications ortho-
graphiques étant inévitables, dit-il, il importe qu'elles
se fassent avec sj^stème et jugement. Or, le jugement
veut que l'orthographe aille en se simplifiant, et le
système doit être de combiner les simplifications de
manière qu'elles soient graduelles et conséquentes, et
((u'elles s'accommodent le mieux possible avec la tra-
dition et l'étymologie. »
C'est à la lumière de ce principe que nous voudrions
indicjuer les modifications auxquelles pourrait donner
lieu l'édition nouvelle.
Deux mots encore cependant avant d'en dresser la
liste, — si modeste qu'elle soit, — pour ceux que le
seul mot de liste effrayerait.
Il n'est presque pas de réforme qui n'ait rencontré
NOTE PRÉSENTÉ!-', PAR V. GRÉAUO 93
do gi-aiulcs, parfois d'illustres résistances. Pendant la
préparation de l'édition de 1835, — je tiens ranccdotc
de Mllcmain, — lorsqu'il fut (piestion de substituer
ai ;i oi dans les formes j'aùnois, je reconnoîtrois, une
discussion vive s'éleva à laquelle Chateaubriand et
Nodier prirent une part très brillante. Jamais ils ne
cùderoient, déclarèrent-ils en terminant; ils en prc-
noient l'engagement public. A la séance suivant(\
Nodier s'adressant à Chateaubriand : a Monsieur le
Comte, dit-il, l'autre jour, nous avons eu tous les
dcnix beaucoup d'esprit; mais il faut en revenir au sens
commun : il a toujours le dernier mot. Il y a plus de
cent cinquante ans que les entêtés demandent ce chan-
gement : à ces deux siècles d'attente nous avons ajouté
liuil jours; l'honneui' est sauf. » Cet exemple de rési-
liiKition aimable est bon à noter.
D'autre part, en tète des Calu'ei's de remarques
])ubliés par Ch. JNIarty-Laveaux, on lit : « La première
observation que l'Académie a cru devoir faire en abor-
dant l'étude du Dictionnaire, — on sait qu'il s'agit de
celui de 1694, — est C|ue, dans la langue française
comme dans la plupart des autres, l'orthographe n'est
pas tellement hxe et déterminée qu'il n'y ait plusieurs
mots qui se peuvent écrire de deux ditlerentes manières
qui sont toutes deux également bonnes. » Fidèle à cette
doctrine, l'Académie, dans sa dernière édition, dit plus
d'une fois : On écrit de telle façon, on écrit aussi de
telle autre; quelques-uns disent ; plusieurs suppriment
ce signe. NouH ne croyons pas que l'Académie puisse
toujours se désintéresser ainsi. Mais cette faculté
d'option est une solution transitoire qui s'accommode
à un certain nombre de cas, et elle a l'avantage de
donner satisfaction aux résolus sans in(|uiét('r les cir-
conspects.
94 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
II
Nous commencerons par les propositions les plus
inofïensives afin de nous y habituer.
Pour toutes, nous ne citerons, dans chaque catégorie
de remarques, qu'un certain nombre d'exemples, les
plus frappants. C'est au fur et à mesure que viendra
l'examen de chacun des articles du Dictionnaire que
les modifications seront introduites, s'il y a lieu, soit
sous la forme d'un amendement commun â une même
famille de mots, soit par espèce. Il ne s'agit ici que de
chercher les règles générales qui devront nous diriger
dans cet examen \..
III
Je m'arrête, n'ayant voulu qu'indiquer les lignes
générales du travail à entreprendre.
On le voit, il s'agit, non de bouleverser, mais simple-
ment de régulariser le Dictionnaire sur certains points
déterminés, c'est-à-dire de reprendre avec méthode et
de poursuivre, en les rattachant les unes aux autres,
quelques-unes des améliorations introduites peut-être
et certainement accomplies sans ensemble.
On dirait parfois qu'à chacune des réformes propo-
sées, quelqu'un était là, dans l'Académie ou hors de
l'Académie, qui, après deux ou trois changements,
s'écriait : « C'est assez. » Ce n'était pas assez, ou c'était
trop. Dans bien des cas, il aurait presque mieux valu
ne pas corriger que de corriger à demi arbitrairement.
« Il ne faut pas se brouiller avec l'usage, écrivait un
de nos premiers confrères; on a beau invocjuer contre
1. Nous avons ])ublic dans notre (Icriucr luiniéio. pages 68 etsuiv.,
le texte dos proposiiions do M. Gréard.
NOTE PRÉSENTÉE PAR M. GRKAKD 95
lui l'iiscien et toutes les puissances graniinaticales : il
reste le maître; communis crror facitjus, disent les
jurisconsultes .» Mais il ajoutait : « L'usage fait l)eau-
coup de choses par raison, l)eaucoup contre raison, ot
celles-ci, on ne doit pas les accepter. » Ce n'est (pTaux
choses faites contre raison et déjà discutées poui- la
plupart dans les éditions antérieures que nous nous
sommes attachés ici. Travail I(M' à les ramener progres-
sivement, gradnelU'nK^ît, à l'ordre, à Tharmonie, à la
logique, nous ne {)roposons rien de plus (pie cet elîort
])rudent et efficace. Prudent, on ne peut le méconnaître.
KHica('(% nous en avons la confiance. 11 ouvre la porte
à des simplihcations plus pi'ofondes, plus complètes,
qui seront l'œuvre de l'avenir. A charpie g(Miération sa
peine. M. Clédat fait remarquer (pi'il a fallu s'y prendre
à quatre fois pour arriver à la réforme sui- laqu(Mle
Chateaubriand et Nodier avaient commencé par ap])eler
les foudres de tous les lettrés, et qu'on a dit successi-
vement (r('dition en édilion : je corjnoistrois, je roii-
fioistrois, je coiinoîtrois, je connaîtrais. Nous ne de-
mandons qu'à fournir une étape.
Cela seul dés maintenant répond, semhlo-t-il, à ce
que le sentiment pu])lic cherche, à ce qu'il continuera
de chercher dans le même esprit pendant les quelques
années qui nous séparent encore de l'édition nouvelle.
A tous égards, il serait préférable (pie cet intervalle
fût court. De 1718 à 17G2, c'est-à-dire en moins de
quarante-cinq ans^ trois éditions ont paru, toutes trois
considérables par les changements (prelles consacraient.
Tel fut l'empressement, lors de la préparation de l'édi-
tion de 1740, que pour arriver plus vite au commence-
ment d'uniformité dont on sentait le besoin, rAcad(''-
mie, après (pielques mois de discussion, remit ses
pouvoirs à un j)lénipotentiaire. (( \'ilaine besogne,
écrivait confidentiellement le plénipotentiaire — l'abbé
d'()livet — au |)iésidcnt Bouliicr; mais il a bien fallu
96 HEVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
m'y résoudre; car sans cela nous aurions vu arriver non
pas les calendes de janvier 1736, mais, je crois, celles
de janvier 1836, avant que la Compagnie eût pu se
trouver d'accord. » La crise que nous traversons n'est
pas moins grave et l'accord sera plus facile à établir.
Ce sera déjà un notable service que de la discussion
ouverte se dégagent un certain nombre de principes
dont, sous forme de tolérance, il soit loisible d'admettre
par avance le bénéfice. Quelle économie de force et de
temps dans l'éducation, quelle économie au profit de
l'étude de la langue elle-même, qu'une orthographe
mieux coordonnée, plus sobre, phis nette ! Et quel
attrait nouveau pour l'étranger !
Si nous pouvions nous permettre de dire toute notre
pensée, nous voudrions que l'Académie osât s'emparer
aussi d'un projet de grammaire, « de grammaire courte
et facile », comme disait Fénelon^ avec ce tour d'exquise
et engageante hardiesse qu'il portait dans toutes ses
entreprises. Dans- la pensée du fondateur, n'était-ce pas
un des objets de l'institution de la Compagnie? Mais
mieux vaut sans doute, en conckiant, signaler quelques
points relatifs à la confection même du Dictionnaire.
Si ces observations n'intéressent pas directement l'or-
thographe, elles peuvent contribuer à en faciliter l'in-
telligence, et, à ce titre, elles méritent peut-être de
trouver place ici.
Conformément au plan adopté par les Estienne. l'Aca-
démie, dans sa première édition, « avait jugé qu'il serait
agréable et instructif de disposer le Dictionnaire par
racines, c'est-à-dire de ranger tous les mots dérivés et
composés après les mots primitifs dont ils descendent».
Notre orthographe aurait à coup sûr gagné au maintien
de ce procédé; forcément elle se serait régularisée
d'elle-même. Mais le procédé était contraire à l'idée
même d'un Dictionnaire d'usage. Comment, ainsi que
lé remarque M. Cli. Lebaigue, obliger le lecteur pressé.
NOl'K PKKSKNTKK l'AK M. GKKAKl> 97
impatient, à aller l'hcrcher l'ortho.i^raijhe iï accumuler
sous son générateur comble .^ La nomenclature alpha-
1)('ti(iue s'imposait. Dès la deuxième édition. l'Aeadé-
niie y est revenue.
Mais ne j^ouvait elle tirer de (••> plan nouveau un ])arti
meilleur et associer, dans une certaine mesure, les
avantages des deux systèmes? La méthode pratiquée
depuis 1718 con.siste à prendre un mot dans son accep-
tion la plus usuelle, et à énumérer ensuite, en ne dis-
tinguant guère que le sens propre du sens figuré, les
ditiérentes applications du mot, sous cette rubri([ue,
qu('l([uel'ois bien fatigante : // s'emploie encore pour
dire. Prenons le mot conunetfre : c'est l'exemple de
Littré. Commettre, faire, dit le Dictionnaire, et tel est
bien, en eti'et, le sens qui, d'après l'usage, s'ofl're le
premier à l'esprit. Mais combien il est loin de s'expli-
quer par lui-même! Comment en faire sortir logique-
ment : commis, commissaire, commission, commis-
sure? Achevez l'article. toutes les indications nécessaires
pour arriver à ces déductions s'y trouvent, mais pêle-
mêle. Un dictionnaire d'usage n'est ni un dictionnaire
étymologique, ni un dictionnaire historique, sans aucun
doute. Cependant ne serait-il pas naturel qu'après avoir
signalé le sens ordinaire de commettre signitiant fai/'e,
on arrivât tout de suite à celui de commettre signifiant
mettre avec, charger de, réunir, etc., de façon à éclai-
rer, sans appareil d'étymologie, par un simple appel de
l'attention, la teneur entière de l'article?
Peut-être enfin ne serait-il pas impraticable de retour-
ner, pour ainsi dire, le plan de la première édition. Le
Dictionnaire de 1G94, après avoir groupé les mots par
familles, .se termine par un clas.sement des mêmes mots
d'après l'ordre alphabétique. Il s'agirait, commençant
par la nomenclature alphabéticpie. de la faii'e suivre de
la nomenclature par familles. Travail considéiable
assurément, malgré les progrès si surs de la scicnc*}
Rkvl'k r)h: i'iiii.oi.o<.ii:. vu. 7
98 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
philologique. Mais combien intéressant et utile !
Autre vœu. — Nos définitions sont-elles toujours
sunisamment définissantes? C'est l'exemple, dira-t-on,
qui fournit l'exactitude du sens ou la délicatesse de la
nuance. Je n'en disconviens pas. Mais encore faudrait-
il que l'exemple fût toujours bien choisi. Or, à quelque
page qu'on ouvre le Dictionnaire, voici ce qu'on ren-
contre : beaucoup d'exemples en général, trop d'exem-
ples même d'ordinaire pour le sens banal, dont tout le
monde a l'idée : Van\ s'y promène avec indifférence,
l'esprit s'y noie; — et le plus souvent point d'exemple
du tout pour celui des sens qu'il vaudrait la peine
d'éclaircir. Ne conviendrait-il pas qu'il y eût toujours
autant d'exemples cités que de sens indiqués, et qu'il
n'y eût jamais pour chaque sens qu'un seul exemple,
mais un exemple topique?
N'y aurai t-i] pas intérêt surtout à ce que les dél ini-
tions des mots appartenant aux sciences fussent serrées
de près, aujourd'hui que la science a pris partout une
place presque prépondérante? Et ne devons-nous pas
souhaiter que, pour la création des mots dont elle ne
saurait se passer, nous commencions par contribuer de
notre propre fonds avant de puiser dans celui des autres ?
Fénelon voulait qu'on ne laissât s'introduire du dehors
aucun mot (pii ne nous fit absolument défaut. Or nous
empruntons bien souvent sans avoir compté avec nos
propres richesses. Quel besoin d'aller prendre aux
Anglais le mot de rail, alors que nous trouvions chez
nous le mot si français de rais, les rais du soleil, les
rais de la roue, un mot si expressif et si bien dérivé de
radius! Et voyez la conséquence! De rail on a tiré
dérailler cpii semble répondre à railler, se moquer,
alors (pie dérayer découlait si naturellement de rais.
N'eût-il pas été possible au moins de dire : déraUerf
Je sais bien que l'industrie suit avant tout ses besoins
et qu'il lui sullit de se faire entendre; mais pour assurer
Mtri-; pi;i':si:nti';i-; iwi; m. (;K'i;\Ki> 09
le respect de iioti'e patrimoine iialioiial, car la langue
en l'ait partie, (pii pourrait refuser de se laisser avertir
et éclairer?
Dei'nier vœu. — Nous sera-t-il permis enfin d'appeler
l'attention sur le choix même des mots? Ici point de
règle; c'est uno fpiesti(Mi de tact grammatical et litté-
raire, et 1(^ iacl ne se réglemente ])as. Mais peut-être
est-il l)on do nous mettre en garde contre les surjirises
de la langue excessive ou relâchée, delà langue d'à peu
près de la publicité ou di^ la parole coui'ante. On ne
saurait, semble-t-il, se montrer tro]) rigoureux pour les
locutions obscures, mal faites, de basse extraction,
disons le mot, pour r(\sj)èce d'argot ou de jargon cpii
tend aujourd'hui à so glisser, bien plus, à s'imposer
partout. Je sais que le Dictionnaire d'usage ne ])('ut se
dispenser d'enregistrer ce qu'a établi l'usage, et qu'il
ne relève certaines expressions qu'en les stigmatisant.
Est-ce assez? Faut-il leur faire une si grande place' ?
Notre langue n'est plus la gueuse dont parlait Voltaire.
Du temps de Fénelon, elle compi'enait de 16 à 18.000
mots. En 1740, nous l'avons rappelé, ce nombre s'élevait
a un peu plus de j?0.000. Il est aujourd'hui de près de
32.000 : il a d(»n(' pr('S(pi(' douljh'' on doux siècles. Tout
en continuant de s'enrichir avec le développement et
suivant les 1)esoins de la démocratie moderne, nous
voudrions, pour l'honneur même do la démocratie, (pie
la langue francai.se restât une langue lière. qu'elle fût.
comme elle a toujours été. la langue de la l)onne com-
l)agnie, des idées claires, de la ])récision et de la m(\sure.
Le mot a sa puissance propre. Trop souvent la pensée.
dans son travail int(''i'ieur. aujourd'hui surtout (pi'on
travaille si vite, saisit la ])remière exi)ression (lui se
1. Qiiinlilien, définissant Tiisage, dit que c'est le concert des gens
fie goût qui doit faire la régie de la langue de même que l'accord des
honnêtes gens fait la règle de la vie. K/-;/o conauetudincin scrmonis
cocaho conaensuni cruditoruin, sirut cicendi, ron-'^eiisu/n bonoruin.
100 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
présente avant d'avoir pris le temps de faire un choix.
C'est le mot alors qui donne à la pensée son caractère,
cjui la (iLialilie, (jui la crée presque. Il faut que le Dic-
tionnaire nous oblige et nous aide à nous défendre
contre ces défaillances. Le vocabulaire qu'on entend
tous les jours appliquer autour de soi, dont parfois on
arrive à se servir malgré soi, finit par imprimer à l'es-
prit sa marque. L'âme d'un peuple s'élève ou s'abaisse
avec sa langue.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BAS-GATINAIS
Par C. Puichaud
(Suite ')
G
Gâche, n. c. f. Pain en long. Si tu vas à la ville, tu m'ap-
porteras une gâche.
Gaitfer, v. n. Produire de nouvelles pousses. Terme de
jardinage. Couper la souche pour faire gaifîer.
Gainer, v. act. Mettre dans la gaine. Je te conseille de
gainer ton couteau.
Gale, n. c. f. Gaule. Abattre des fruits à coups de gale.
Galvauder, v. n. Rapiner, courir. Passer son temps à
galvauder avec de mauvais sujets. Le français a ce verbe
av'ec un sens différent.
Galvaudeur, n. c. m. Vagabond, mauvais sujet. Au fém.
galvaudeuse.
Ganibille, n. c. f. Jambe. Avoir mal à sa gambille.
Gamme, n. c. f. Accès de rage. J'ai vu passer un chien
enrage qui avait sa gamme. Par ext. signifie aussi accès de
colère. Se mettre dans une jolie gamme.
Ganif, n. c. m. Canif. Rabelais dit : ganivet.
Gâpeille, n. c. f. Femme peu économe. Mieux vaut se
marier avec une femme pauvre, mais ordréc, qu'avec une
gâpeille.
Gâpeiller, v. act. Gaspiller. Que de gens gâpeillent leur
avoir !
Gardiatcrre, n. c. m. Homme d'affaires, secrétaire.
1. EiutATA de la première partie : A rondelle; au lieu de raie lire
Ralj. (dans Rabelais). — Bcj'ou, lire Bejon. — Bonlerie; au lieu de
Jean Lcdet, lire Jean Lelet. — Brèriic ; au lieu de une brèche, lire un
hrcc/ia. — Chatouille ; ;ui li<Mi de jictitr luit/i'ille. lire /irtitc laiD/iroie.
102 RKVUE L)K l'IllI.OI.DGIK FKANÇAISli
Gardon, n. c. m. Banneton, coffre à renfermer le poisson.
Garobe, n. c. f. Jarosse, plg,nte fourragère.
Garou, n. c. m. Maïs.
Garrocher, v. act. Jeter, lancer. Garrocher une pierre à
quelqu'un.
Garrocher (se), v. pr. Se jeter mutuellement des pierres ou
autres choses. Nos enfants se sont fait du mal en se garro-
chant des boules de neige.
Garsailler, v. n. Courir les femmes. Je n'aime pas les
gens qui passent leur temps à garsailler.
Gasse, n. c. f. Boue. Tomber dans la gasse.
Gassouil, n. c. m. Trou bourbeus. (Montaigne.) Il y a un
gassouil dans le milieu de la cour.
Gassouiller, v. act. Couvrir de boue, d'eau vaseuse. Gas-
souiller quelqu'un.
Gassouillet, n. c. m., diminut. de gassouil.
Gaspeiller, v. act. et n. Gaspiller, môme sens que gâpeil-
1er. Il ne faut jamais gaspeiller ce qu'on a.
Gavachon, n. c. m. Ajonc épineus. Champ de gavachons
n'est pas facile à traverser.
Gavagner, V. act. Faire mal un ouvrage, endommager
par extension. Tu gavagnes la besogne. Gavagner ses effels.
Geale, n. c. f. Geôle.
Geau, n. c. m. Coq. Un geau ne vaut pas une pouletle.
Geaulage, n. c. m. Accouplement du coq.
Geauler, v. act. Féconder en parlant du coq.
Gélif, -iv^o, adj. Sujet, -te à la gelée. Arbre gélif, plante
gélive.
Gemme, n. c. f. Pois d(^s cordonniers.
Geneil, n. c. m. Genou.
Gencvrè, genèvre, n. c. m. Genévrier.
Gerne, gernon, n. c. m. Germe.
Gerzelure, n. c. f. Gerçure.
Giber, v. n. Donner des coups de pied en parlaiU d'un
animal.
Gigue, n. c. f. Jambe. J'ai mal à la gigue. Ce mot a plus
d'extension que le mot français qui ne s'applique qu'à la
cuisse du chevicuil.
Glas, n. c. ra. Glace. Route couverte de glas. (Rabckiis.)
DICTIONNAlUK OU PATOIS BAS-GATINAIS lOo
Glomcau (à), loc. adv. A tas. Il y aura des fruits à glo-
mcau cette année.
Gloube, n. c. f. Morceau de bois qui sert à glouber.
Glouber, v. act. Nettoyer (des boyaus). Gloube rapide-
ment ces bo3'aus.
Goblias, n. c. m. pi. Tripes de bœuf.
Godelit, n. c. m. Pli artificiel que l'on fait dans un vête-
ment et qu'on décout pour allonger ce vêtement quand le
besoin s'en fait sentir.
Godet, n. e. m. Sot. Vous m'avez l'air d'être un fameus
godet.
Godiche, n. c. m. et. fém. Niais, niaise.
Godron, n. c. m. Sorte de longue scie qui sert à tronçon-
ner des arbres, ou à les abattre.
Gogue, n. c. f. Sorte de mets fait avec du sang d'oie, de
pouhn.
Goïon, n. c m. Goujon, poisson.
1. Gorette, n. c. f. Truie. Ce mot est le féminin du fram;.
goret.
2. Gorette, n. c. f. Cloporte.
Gosser, v. act. Se moquer de. Pourquoi gosser ce pauvre
homme. Le français a : se gausser, se railler.
Gouaille, n. c. f. Raillerie, persiflage. Gouaillez, j'entens
bien la gouaille.
Gouéré, -ée, adj. Trop salé. Sauce gouérée.
Gouffe, adj. des deus genres. Émoussé, -ée. Franc, goflfe.
Voilà un outil bien goufiEc.
Gouger, v. act. Gaver. Nourrir (les volailles) avec la
gouge. On gouge les oies pour les engraisser.
Gouger (se), v. pr. Se gorger de nourriture. L'homme n'a
pas été créé pour se gouger.
Gouine, n. c. f. Femme de mauvaise vie.
Goule, n. c. f. Gueule. Avoir mal à la goule.
Goumon, n. c. m. Grosseur à la gorge des animaus, goitre.
Gourbille, n. c. f. Corbeille.
Gourouner. gouronner, v. n. Mettre l)as, en parlant de la
truie. Ma gorette a gouronné hier.
Gourounère, n. c. f. Truie pleine.
Gours, n. c. m. Fosse profonde dans une rivière.
104 REVUE DE Pinr.OLOGll'. FRANÇAISE
Gousier, n. c. m. Gosier. (Rabelais.)
Gouspiller, v. act. Faire périr. Gouspiller ses effets.
Graffigner, v. act. Égratigner. Le chat te graffignera les
mains si tu le pvens.
Graippe, adj. des deus genres. Engourdi, -e par le froid.
Avoir les mains graippes. Ne s'applique qu'aus mains et
aus doigts. [Forme dialectale de l'ancien adj. français crespe. ]
Grâler, v. n. Rôtir, dessécher à l'excès. Les châtaignes
grâlent. Ce verbe s'emploie aussi activement, mais moins
souvent qu'au neutre. Grâler ses jambes auprès du feu.
Faire grâler quelque chose.
Grapaud, n. c. m. Crapaud.
Grapauder, v. n. Marcher comme un crapaud. Cet enfant
grapaude, il n'est pas assez fort pour marcher.
Grappechat (à), loc. adv. A quatre pattes comme un chat
en parlant d'un bimane. Aller à grappechat.
Graver, v. n. Monter, gravir. (Rabelais.) Graver dans un
arbre.
Greigne, n. c. f..Grignon. Aimes-tu lagreigne?
Grelet, n. c m. Grillon du foyer.
Grelle, n. c. f. Sorte de crible à passer du sable, etc.
Grcller, v. act. Passer à la grelle. Grellez ce tas de sable.
Grelleyures, n. c. f. pi. Le résidu de ce qui a été passé à
la grelle.
Gremillon, n. c. m. Petit grumeau, diminutif de ce mol.
Cette bouillie est pleine de gremillons.
Gremillon (à), loc. adv. A petits grumeaus.
Grenailler, v. act. et neutre. Remuer, éparpiller. Pourquoi
grenailler le feu?
Grenè, n. c. m. Grenier.
Grenoille, n. c. f. Gronouill(\
Grenoillère, n. c f. Grenouillère.
Grenotter, v. n. Remuer en faisant du bruit. Qu'as-tu donc
à grenotter dans ce coin?
Gréselcr, v. n. Trembler de froid. .Te grésele.
Grette, n. c. f. Débris de chénevotte. Dormir sur la grette
n'annonce pas la richesse.
Grève, n. c f. Raie sur la tête. Tu es bien fier avec ta
grève sur le milieu de la tête!
DICTIONNAlKK Kl' l'ATolS liASGATIN AIS 105
Grignc, n. c. f. (irippc. jncrsion. ;iiiti|);itlii('. Avoir ((iiel-
qu'un (Ml grigiio.
(liiiiguoiiassci", V. 11. (irineor (des dents), se disputer,
(^liiiguonasser des dents. Ils gringueiiassent toujours entre
eus.
(ji'igue, n. e 1". Une miette. N'avoir pas grigue de pain à
se mettre sous la dent.
Grippe, u. e. 1'. Outil de fer muni de crochets qui sert à
retirer les seaus tombés dans les puits. Par extension grippe
signifie aussi main. Avoir la grippe dure.
Grippée (à), loc. adv. A poignée. Prens ce sac à grippée.
Gripper, v. act. Prendre brusquement, accrocher, saisir.
Fais attention que je ne te grippe. Ce verbe a plus d'extension
que son homonyme français.
Grire, v. n. Plair(\ Tes façons d'agir ne me grieni |)as.
GroUeau. n. c. m. Petit de la grolle. Toute grolle (pii a
groUeaus ne mange pas de bons morceau s.
Grouée, n. c. f. Couvée; grouée de poulets. — Grand
nombre; grouée de gens- — Troupeau; grouée de moutons.
Grouer, v. act. Abriter des poulets, de petits oiseaus, en
parlant des volatiles. La poule groueses poussins.
Gruau, n. c. m. Grumeau. Ne pas confondre ce mot avec
le français gruau qui a une tout autre signification. Je sens
le lait se former en gruaus sur mon estomac.
Grune, n. c. f. Fruits en grappe. Acheter des cerises en
g ru ne.
Gruzelle, n. c. f Groseille.
Gruzellè, n. e. m. Groseillier.
Guarir, v. act. et neut. Guérir.
Guarisoii, n c f. Guérison.
Guède, adj des deus genres. Raide. Être tout guède à
force de manger.
1. Guener, v. act. Salir. Couvrir de boue. Cette voiture a
guené ma culotte en passant.
Guener (se), v. pr. Se .salir, .se couvrir do boue.
2. Guener ou Quem-r. \'. ii. Haleter, cire essoulll»', hors
d'haleine.
(juéreter, v. act. Mettre en gué'ret. (lucjrète ton champ.
Guiljole, 11. c. f. Jaml)e. A\()ir mal à laguii)ole.
106 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
H
Hacher, v. act. Fatiguer excessivement. Cette course m'a
haché. Voir Jachcr.
Haïable, aclj. des deux genres. Haïssable.
Hannet, adv. Aujourdhui. Fait-il beau hannet ? [Il n'y a
aucune raison pour écrire le mot avec une /«.]
Harbe, n. c. f. Herbe.
Harasse, n. c. f. Sorte de cage destinée à renfermer des
animaus.
Harner, v. act. gager. J'ai harné hier un domestique.
Harner(se), v. pr. Se gager. Un domestique se harne faci-
lement en été.
Haumuré, -ée, adj. Comble, très plein. Sac haumuré.
Hausser (se), v. pr. Se mettre au beau en parlant du temps.
Le temps paraît vouloir se hausser.
Ilégron, n, c. m. Héron.
Hontable, adj. des deus genres. Qui doit causer de la
honte. Tu as commis là une action hontable.
Hopper, V. act. Appeler. Hopper les domestiques pour le
repas..
Houzegnic, n. c. m. Buis. L'houzegnic devient rare au-
jourd'hui.
Hurter, v. act. Heurter. Hurter quelqu'un en passant.
Au neut. frapper. Je viens d'entendre hurter à la porte
I
I, pr. pers. des deus genres. Je. I voudrais voirça. Voy. lo.
Hlè, adv. Là. Ouest Jean ? Hlè.
Imbédient, -te, adj. Imbécile. Quel imbédient!
Incisure, n. c f. Incision. "(Rabelais.) Le médecin m'a
fait une incisure.
Incréable, adj. des deus genres. Incroyable. Tu me ra.-
contes là un fait incréable.
lo, pr. pers. Je. Veus-tu venir avec moi? lo veus. Voy. /.
Iqui, adv. de lieu. Ici. Je t'attens iqui.
lilClli>N.NAIKi: l)i; PATOIS BAS-GATINAIS 107
Jaelier, v. act. ILu-lier, voirco mot. Ce verbe signifie aussi
endommager.
Jacopin, n. c m. Jaeobin.
Jadeaii, n. e. m. Jatte, panier long où le boulanger met
lever ses pains.
Jadeaulèe, Jadrollëe, n. e. f. Plein jadeau. Tue jadeaulée
de farine.
Jagouillard, -de, adj. etsubst. Bavard, -de, diseur, -se de
riens. Je déteste les jagouillards.
Jagouiller, v. neutre. Bavarder, parler sans utilité.
Jan, n. c. m. Cocu. Je te: plains, pauvre Jan.
Jarousse, n. c. f. Gesse vulgaire, ])lante.
Jarc, n. c. m. Jars, oie mâle. (Rabelais ('crit jard.)
Jase, n. c. f. Babil, jaserie.
Jaspiner, v. n. Bavarder, caqueter, jaser, 'travaille donc,
au lieu de jaspiner tant.
1. Jau, n. c m. Coq.
2. Jau, n. c. m. Robinet de barrique.
Jauler, v act et neut. Voir Geauler.
Javasser, v. n. Babiller, jacasser. As-tu bientôt fini de
javasser?
Javelon, n. c. m. Petit tas de blé coupé et étendu sur le
sillon en attendant d'être mis en gerbe.
Jeunesse, n. c f. Génisse. Mettre les jeunesses dans le toit.
Jobrer, v. act. Barbouiller (la figure). Jobre donc la figure
de ton frère.
Jobrer (se), v. pr. Se barbouiller la figure. Mange plus pro-
prement, tu te jobres tout.
Jocler, v. n. Plaisanter, badiner. L'ouvrage ne se fait pas
6)1 joclant.
Joncer, v. act. B;il;iycr. Joncer l'aire.
Jornée, n. c. f. Journée.
Joie, n. c. f. Joue. Avoir mal à la jote.
1. Joue, n. c. m. Joug. Mettre les bœufs sous le joue.
2. Joue, n. c. ni. Jucboir. (Despcrriers ('crit juc.j \'ous ra-
contez des histoires à faire tomlx-r les poules du joue.
108 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Jouquer, v. n. Jucher. Où jouquent tes poules?
Jucher, v. act. Appeler. Xucher son domestique.
Juriste, n. c. et adj. des deus genres. Jureur.
Justin, n. c. ra. Sorte de casaquin, vêtement de femme.
Juter, V. n. Donner du jus. J'aime les fruits qui jutent. Le
français a juteus.
Labâche ou Rabâche, n. c. f. Tique ou pou des chiens.
Labourons, n. c. m. Laboureur.
Laiter, v. n. Donner du lait Une vache qui laite bien est
précieuse.
Landon, n. c. m. Lisières. Conduire un enfant avec le
landon.
Laquer, v. act- et n. Laper. Laquer sa pitance.
Larder, v. act. Enferrer. Larder un loup.
Larder (se)^ v. pr. S'enferrer. Se larder soi-même.
Lardouère, n. c. f. Lardoire.
Laurè, n. c. m. Laurier.
Lèche ou Lice, n. c. f. Bande de terre composée de plusieurs
sillons.
Lende, n. c. f. Œuf de pou, franc, lente.
Lendous, -se, adj. Paresseus -se, franc, lendore.
Lentille, n. c. f. Plante qwi flotte sur les eaus marécageuses
et dont la feuille ressemble à la graine de la plante légu-
mineuse qui porte ce nom.
Lessif, n. c. m. Lessis.
Let, n. c. m. Lit. Se coucher siir son let.
Létière, n. c. f. Litière. Couche de létière.
Leûte, n. c. f. Lutte. Aimer la leùte.
Leûter, v. n. Lutter. Veus-tu leûter avec moi ?
Leûteur, -se, n. c. Lutteur, -eu se.
. Levée, n. c. f. La partie la plus haute d'un champ. Les
levées sont toujours sèches.
Levère, n. c. f. Levier, et surtout une barre de fer qui sert
à percer des trous dans la terre.
Lézinard, -de, n. c. et adj. Lambin, -ne. Quel lézinard tu
me fais !
niCTIONNAIHK UV PATOIS UAS-GATINAIS 109
Léziiier, v. n. Lambiner. Cessez de léziner, il faut rat-
traper le temps perdu.
Lézi, n. c. ra. Loisir. Profiter d'un instant de lêzi.
Li, pron.desdeus genres. Lui. elle, (^ui a fait cela ? Ce
n'est pas moi, c'est li.
Liavard ou Lavard, n. c. m. Lézard vert.
Liclieur, -euse, n. c. et adj. Gourmand, -de. Un licheur
devrait être riche pour se contenter.
Lidoire ou Ridoire. n. c f. Truie en rut.
Lignou. n.e. lu. Fil poissé qu'emploient les cordonniers.
Ligneul.
Li moire, u. c. m. Salamandre.
Linccu, n. c. m. Linceul, drap. Dormir entre deus lin-
ceus bien blancs.
Liotron, n. c. m. Laiteron, plante.
Lippe, n. c. f. Mauvais chien.
Lire, n. c. f. Bouchon percé et traversé d'un tuyau qui
s'adapte à une bouteille pour boire plus facilement.
Liron, n. c. ra. Loir, animal. (Rabelais.)
Litout, pron. Lui aussi. Viendra-t-il litout?
Lizard, -de, n.c. Lézard. Les lizards nesont pas à craindre.
Loche, n. c. f. Limace.
Logis, n. c. rn. Maison de maître à la campagne.
Longe, adj. féminin. Longue. J'ai une route bien longe à
faire avant d'arriver.
Loquence, n. c. f. Éloquence. Il n'est pas facile de trouver
des hommes doués de loquence.
Louère, n. c. f. Loutre. Prendre unelouère au picge.
Longée, n. c. f. Espace en long. Grande longée de terres.
Lopiner, v. act. Couper par morceaus. Lopiner du drap,
des champs.
Lugrant, -te, adj. Gras, -sso, onctueus, -se. Substance
lugrante.
Lugrer, v. act. Graisser. Lugrer la figure de quelqu'un
avec de l'huile ou autre substance grasse.
Lumas, n. c. m. Limaijon.
110 UKVUE DF. PHILOLOGIE FllANÇAISE
M
Maclior, v. act. Contusionner. La chute que j'ai faite m'a
tout mâché.
Mâcher (se), v. pr. Se contusionner. On se mâche en fai-
sant cet ouvrage.
Mâchis, n. c. m. Râpe de fruits pressés.
Machure, n. c. f. (prononcez par a bref). Contusion. (Dans
Montaigne on trouve mascheure.)
Maglot(à), loc. adv. A tas, sans ordre. Je t'engage ii être
plus soigneus, à ne pas jeter tes effets à maglot.
Maie, n. c. f. Pétrin. Nettoyer hi maie.
Mail, n. c m. Maillet. Fendre des bûches avec le mail.
Maillochon, n. c. m. Petit maillet.
Maingaud, n. c. m. Manchot.
Malader, v. n. Être malade. Votre maisonnée malade
depuis longtemps.
Malcontent, -e, adj. Mécontent, -e.
Man, adv. Certes. Il fait beau man aujourd'hui.
Manclier, v. act. Emmancher. Mancher un outil.
Mangeailler, v. n. Manger souvent. As-tu fini bientôt de
man geai lier?
Marmotte, n. c f. Vaisseau de ici're où Ton met du feu
pour se chauffer les pieds.
Marotte, n. c. f. Camomille puante.
Marre, n. c f. Râcloir. La marre sert à racler les chemins.
Marronner, v. n. Être en colère, murmurer. Tu marronnes
de n'avoir pas suivi mes conseils.
Masse, adj. des deus genres. Massif, -ive. Ton outil est trop
masse.
Mastoc, n. c. et adj. Lourdaud. Quel est le mastoc qui
rentre ici?
Masureau, n. c. m. Masure, -Ix'itiment en ruine.
Mate, adj. des deus genres. Mollasse, brûlé par le soleil.
Bois coupé devient mate avanl d'être sec. Fruits mates.
Mâtezir, v. n. Devenir mate. Un brin de hous est facile à
redresser (|uand il a mâtezi.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 111
M;iii>ii. n. c. ni. Griini(\iii. Je iraiinc pas les matons dans
la bouillie.
Matrouiller, v. act. Màchor. Voilà de la viande difiicile à
matronillor.
Mau, n. ('. m. Mal. Avoir mnu à la tête.
Maugant. voir Moganl.
Maugi'é, pi'»''|>. Malgré. Bon gré maugrê, faudra que tu
viennes.
Mauret, -ette, n c. et adj. Personne barl)ouill(''e, noire.
Mauvaisch'. u. e. f. Mèelianeetê. Personiu^ rcMiiplii; de
niauvaiseté.
Mè, prou. Moi. Qui est là? C'est mê, Jean.
Mecmode, adj. des deus genres. Mal commode, peu endu-
rant, -te. Voiture mecmode, personne mecmode.
Mègue. n. c. m. Eau qui sort du lait caillé. Le mègue est
une mauvaise boisson.
Meil, n. c. m. Mil, millet.
Melage, n. c. m. Fruits mêlés ou cuits au four ou au soleil.
Les mclages sont bons en été quand il n'y a encore aucun
fruit de mûr.
Mêle, n. c. f. Xèlle.
Mêler, v. act. Qui s'emploie avec faire. Faire sécher des
fruits au four, au soleil. Faire mêler des poires.
Mêlier, n. c. m. Néflier.
Melou, Meloir, n. c. m. Clayonnage sur lequel on étent
des fruits pour les faire sécher. Mettre le meloir au soleil.
Même, n. c. f. Grand'mère. Vas-tu voir ta même?
Même (à), loc. adv. En grand nombre. Tout me fait présa-
ger qu'il y aura des fruits à même cette année.
Ménet, n. c. ni. Minuit.
Men, mène, pr. poss. Mien, mienne. Tes sermons feront
plus d'effet que les mens. Cette pomme est mène.
Mêrine, n. c. f. Marraine.
Mérienne, M<^riennêe, n. c. f. Méridienne, sommeil au
milieu du jour. En été tous les travailleurs font la mérienne.
Mérienne (à), loc. adv..\ la méridienne. Aller à mérienne.
Mérienner,v.n. Dormir au milieu du jour. On ne nu'rienne
guère en hiver.
Mésiiy (durant), loc. iidw Désormais.
ll'i REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Métai, 11. c. m. Métayer.
Métive, n. c. f. Moisson. Mes métivos sont achevées.
Métive (à), loc. adv. A la moisson. Allons, les gars, courons
à métive.
Métiver, v. act. Moissonner. Tu métivcs trop tôt.
Métiveur, -euse, n. c. Moissonneur, -euse. (Rabelais :
niesiiver.)
Métou, pron. Moi aussi. Je voudrais faire ainsi métou.
(Molière, Marivaux.)
Mette, n, c. f Premiers coups de cloche précédant la
sonnerie d'une cérémonie religieuse.
Meugne, n. c. f. Grimace. Faire la meugne à quelqu'un.
Meur, -e, adj. Mùr, -e. Fruits meurs.
Migaillère, Maingaillère, n. c. f. Fente dans les vêtements.
Boutonner une migaillère.
Miget, n. c. m Mets composé de pain émié dans du lait
ou du vin.
Minche, n. c. f. Quille employée dans le jeu de palets.
Mettons de l'argent sur la minche.
Mincher, v. act. Faire entrer, faufiler. Mincher son bras
dans un trou.
Mindrer, v. n. Diminuer. Notre tas de froment mindre.
Ministrer, v. act. Administrer. Combien de gens rainis-
trent les affaires des autres sans savoir ministrer les leurs!
Mirouer, n. c. m. Miroir.
Misérer, v. n. Être malheureus. Tout en miséraut Ton
peut vivre.
Mitan, n. c. m. Milieu. (Rabelais, Brantôme.)
Mitou, n. c. m. Hypocrite. Cet homme m'a l'air d'être un
franc mitou.
Mogant, n. c. m. Mets composés de lait caillé.
Mointe, adj. des deus genres. Maint, -te. Mointes personnes
ne savent pas ce qu'elles doivent faire.
Montrance, n. c. f. Apparence. Votre bétail n'a pas grande
montrance.
Moque, n. c. f. Tasse en terre.
Moque, n. c, m. Museau. Taper un coup de bâton sur le
moque d'un chien.
Morcia, n. c. m. Morceau. Morcia de pain.
DICTIONNAIRK DU PATOIS BAS-GATINAIS 113
Morelle, n. c. f. Douce-anièro, plante.
Motte, n. c f. Émiiience de terre. Il y a auprès des anciens
cliâteaus des mottes qui passent pour être des tombeaus .
Motter (se), v. pr. Se cacher en se faisant petit. Le lièvre
que nous poursuivons a dû se motter dans ce champ.
Mouche, n. c. f. Meule, tas de quehiue chose. Mouche de
bois, de paille.
Moujasse, n. c. f. Fillette en bas âge. Vous n'êtes pas plus
sage que cette moujasse.
Mouillassous, -ouse, adj. Plu viens, -euse. Saison mouil-
lassouse.
Mouiller, mouillasser, v. imp. Pleuvoir. Il mouille. Il
mouillasse.
Moulant, n. c. m. Courant d'eau. Quand la rivière est
grande, il ne ferait pas bon tomber dans le moulant.
Moule, n. c. f. Comme mouelle (moelle). Chous moule.
Moure, n. c. f. Mûre, fruit.
Mousse, adj. des deus genres. Énioussé, -ée. Mes outils
sont mousses.
Mugne, n. c. f. Voir Meugne.
Muloter, v. n. Remuer la langue dans sa bouche. Un en-
fant mulolte avant de s'endormir.
Murailler, v. n. Achever de mûrir. Mes poires muraille-
ront rapidement sur la paille. — V. act. Faire reposer. Faire
murailler de la terre, de la chaus pendant quelque temps.
Musard, -de, n. et adj. Lambin, -ine. Quelle musarde vous
êtes, finissez-en !
Musse, n. c. f. Trou. Passer par la musse.
Musser, v. act. Faire passer dans un passage étroit. Musse
ton bras. S'emploie aussi au neutre : Mussons par là. (Rabe-
lais, Montaigne.)
N
Nafrer, v. act. Blesser. Nafrer son ennemi mortellement.
Naide, n. c. f. Lieu marécageus dans les champs. Il y a
toujours de l'herbe à couper dans les naides.
Napper, v. n. Se dit de la pluie qui tombe avec abondance,
en formant pour ainsi dire une nappe.
Ui;vui'. UK l'ini.oi.ociii:, vu. 8
114 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Nau, n. pr. Noël. Fête de Nau.
Naulet, n. c. m. Gâteau dii Noël.
Navarit, n. c. m. Coffre en bois que l'on transporte dans
les champs pour se coucher.
Naveau, n. c. m. Navet. (Rabelais.)
Nayer, v. act. Noyer. (Rabelais.)
Nayer (se), v. pr. Se noyer. En voulant nayer son chien^ il
s'est nayé lui-môme.
Ner, nère, adj. Noir, noire. Vache nère, bœufner.
Nèretie, n. c. f. Tache noire dans le ciel. Il va pleuvoir, le
ciel est couvert de nèreties.
Net, n c. f. Nuit. Quand la net sera venue.
Nettier, v. act. Nettoyer. Nettier ses effets.
Nettier (se), v. pr. Se nettoyer. On doit se nettier souvent.
Neuser, v. n. Nuire. Neuserà quelqu'un.
Nias, niase, adj. et n. c. Niais, niaise. Impossible de voir
plus nias que toi.
Niaud, -e, n. c. et adj. Sot et niais. Tu as fait là un tour
de niaud.
Nigeant, -te, adj Qui exige une attention minutieuse.
Travail nigeant.
Nigeasser, v. n. S'occuper à des riens. En nigeassant le
travail n'avance pas.
Nigeassous, -ouse, n. c. et adj. Celui, celle qui emploie son
temps à des bagatelles.
Niger, v. n. Faire son nid. La poule que nous cherchons
nige ici. - V. act. Placer, caser en un lieu. Où l'a-t-onnigé?'
Niger (se), v. pr. Se nicher. Je me nige dans les bons
endroits.
Nigreiller, v. act. Remuer avec bruit. Qxù nigroille par là?
Nio, n. c. m CEuf qu'on laisse dans un nid pour y attirer
les pondeuses.
Noge, n. c. f. Génisse d'un an. Nogis n. c. m. Veau.
Noget, n. c. m. Veau d'un an.
Nore, n. c. f. Bru. Ma nore est aimable.
Nouassous, -se, adj. Noueus, noueuse. Arbre nouassous.
Noue, n. c. m. Nœud. Le noue que tu as attaché ne tient
pas.
1. Noué, n. c. m. Noyer. Les noués produiront cette année.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 115
2. Noué, n. c. f. Nois. Aimer les noués.
1. Noui'rain.n.c m. Jeunocochon. Engraisser un nourrain.
2. Nourrain, n.c. m. Champ destiné au pâturage du bétail,
pacage. Champ de nourrain.
Nouseille, Nousille, n. c. f. Noisette.
Nouseiller, n. c. m. Noisetier.
Noustou, pr. pers. Nous aussi. Nous irons noustou à
la foire.
Nuisance, n c. f. Tort, dommage. Si votre bétail me fait
de la nuisance, je vous obligerai à m'en rémunérer.
O
Ober, V. n. Partir. Ober d'un lieu pour aller dans un autre.
Œils, n. c. m. pi. Yeus. Avoir mal aux œils. (Rabelais.)
Œule, n. c. f. Huile. Œule d'olive.
Oïard, n. c. m. Peuplier.
Oisi, n. c. m. Osier, plante. Brins d'oisi.
0, 01, pr. déra. Ce. 01 est li : C'est lui. Où est-o qu'il est?
Où est-ce qu'il est?
Omblet, n. c. m. Anneau de cuir, de fer ou de bois tordu
qui sert à atteler les bœufs.
Ondain, n. c. m. Rang de foin disposé en forme d'onde.
Onger (s'en), v. pr. S'en aller. T'en onges-tu?
Ordre, -ée, adj. Soigneus, -euse. Ses gens sont très ordres.
Osia, n. c. m. Oiseau.
Ouche, n. c. f. Jardin potager d'une métairie. Planter des
arbres dans l'ouche.
Ouo, adv. d'affirm. Oui. Viens-tu? Ouè.
Ouillage, n. c. m. Action d'ouiller. OuiJlagede la barrique.
Ouiller, v. act. Terme de vigneron. Remplir un fût. Par
ext. rassasié, avec être : Je suis ouille de te voir.
Ouillette, n. c. f. Petit entonnoir qui sert à ouiller.
Oumeau, n. c. m. Ormeau, arbre.
Ous, n. c. m. Os. Avoir mal aus ous. Avoir un ous cassé.
(Rabelais.)
Ouvent, n. c. m. Contrevent.
116 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
PaboLi, n. c. m. Pavot.
Pacllelte, n. c f. Grappe. Les cerises sont à pacllcttes
dans les arbres (11 mouillées).
Paculot, n. c. m. Gros derrière. Ce bœuf a un bon paculot.
Paelon, n. c. m. Poêlon. (Rabelais.)
Pailler, v. act. Former avec de la paille, et par extension
avec une autre matière, le siège d'une chaise, ou garnir
quelque chose de paille. Pailler une chaise. Pailler une
grange pour empêcher le vent d'y pénétrer.
Paillis, n. c. m. Torchis, mortier de terre grasse mélangée
de paille. Plafond en paillis.
Paillon, n. c. m. Corbeille de paille oi!i l'on met le pain
pour lui donner la forme avant la cuisson.
Paisan, -anne, n. c. Paysan, -anne.
Palène, n. c. f. Scirpe, plante.
Palisse, n. c. f. Haie épaisse.
Palisser, v. act. et n. Réparer (une haie). Il me faut un mois
pour palisser dans mes champs.
■ Palisson, n c. m. Petit paillon.
Palissonner, v. n. Faire des palissons. Passer ses veillées
à palissonner.
Palle, n. c. f. Pelle.
Pallerée, n. cf. Pelletée.
Palleyer, v. act. Remuer avec la pelle. Palleyer de la terre.
Paour, n. c. f. Peur. J'ai eu grand paour hier.
Paouvi'e, n. c. et adj. des deus genres. Pauvre. Un paou-
rre. Paouvre homme.
Paouvrous, -ouse, adj. Peureus, -euse. Gens paouvrous.
Par (de), loc. adv. A moitié. Mettons-nous de par pour
acheter ce champ.
Parage, adj. des deus genre». Égal. Mon intelligence est
à peu près parage à la tienne.
Parager, v. act. Égaliser, partager par égales portions.
Par extension assortir. Parager deus lots. Parager deus bœufs.
Pan^onnier, -ière, n. c. Celui, celle qui est domestique avec
un autre. Mon parçonnior n'est pas aimable.
DICTIONNAIRK DU PATOIS DAS-GATINAIS 117
Parement, n. c. ni. Parure. Cette fennne aime le parement.
L'Académie adopte ce mol en lui donnant une autre signifi-
cation.
Parer, v. act. Peler. Parer un fruit.
Paroir, n. c. m. Couteau à deus manches.
Parpaillon, n. c. m. Papillon. Les parpaillons commen-
cent à voler.
Parure, n. c. f. Pelure. Parure d'un fruit.
Passe^ n. c. f. Moineau.
Pater, v. n. (a bref). Lutter, rivaliser. Tu ne peus pater
avec moi.
Pâtisseau, n. c. m. Petit pâtis.
Patrouille, n. c. f. Boue. Patauger dans la patrouille.
Patrouiller, Patouiller, v. n. Piétiner dans la boue. (Ducer-
ceau.) Patrouiller dans une mare.
Palté, -ée, adj. Pattu, -e. Poule pattée.
Patter, v. n. S'attacher aus pieds, en parlant de la boue.
Quand la gelée font, ça patte.
Patter (se), v. pr. Se remplir de boue aus pieds. Je me suis
tout patte en traversant les champs.
Pau, n. c. m. Pal, épieu. (Rabelais.)
Peautou, n. c. m. Chausson de cuir.
Peautrer, v. act. Tacher. Pautrer sa robe.
Pecaud, n. c. m. Sorte de couverture en laine, qui se met
sous les enfants en bas âge par précaution.
Péehard, -de, adj. Couleur de pêche. Cheval pêchard.
Peigne, n. c. m. Plante ombellifère connue sous le nom de
peigne de Vénus.
Pellée, n. c f. Plaque de gazon qu'on a levée à l'aide d'un
instrument, motte de terre gazonnée.
Pellasse, n. c. f. (prononcez plasse). Écoree : pellasse
d'arbres; — pelure : pellasse de châtaignes.
Pellon, n. c. m. Enveloppe d'un fruit, écale. Pellon de
marron.
Penè, n. c. m. Panier.
Péneus, -euse, adj. Qui craint ses peines. Je ne suis point
péneus.
Penille, n. c. f. Guenille, lambeau d'éto(î<\ liaillon. Gens
en penilles.
118 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Penne, n. c. f. Branche dont les feuilles sontdisposées sur
la tige de la même façon que les barbes d'une plume.
Pépè, n. 0. m. Grand père' aïeul.
Fer, prcp. Pour. Partir per l'Amérique. — Par. Passer
pcr un chemin.
Perchaude, n. c. f. Perche, poisson. La perchaude est la
perdris de la rivière, et la perdris la perchaude de l'air.
Perdriau, n. c m. Petite perdris.
Perquè, conj. et adv. Pourquoi? Dis-moi perquè tu te
trouves là?
Persec, n. c. m. Pavie, fruit.
Persequier, n. c. m. Arbre qui produit le pavie.
Personnier, -ière, n. c. Voir Parçonnier.
Pertot, adv. Partout. Il y a pertot d'honnêtes gens.
Peta, n. c. m. Marque, tache. Avoir des petas de rousseur
sur le visage.
Petassage, n. c m. Bavardage. Finis ton petassage.
Petassé, -ée, adj. Marqueté, -ée, tacheté, -ée. Peau petassée
d'un chien.
Pétasse, Petassard, adj. Bavard, -e, radoteur, -euse. Femme
pétasse, homme petassard.
Petasser, v. n. Bavarder, radoter. Je n'aime pas entendre
petasser.
Petonner, v. n. Murmurer, grogner. A quoi te sert de
petonner pour si peu?
Petrasse, n. c. f. Embarras. Être dans la petrasse.
Petrasser, v. n. S "impatienter. Tu auras beau petrasser,
les affaires n'en iront pas mieus.
Petrolle, n. c. f. Digitale, plante.
Pia, n. c. f. Peau. Avoir la pia dure.
Piard, n. c. m. Houe, instrument de jardinage.
Piassement, n. c. m. Cri des poulets. Entendre le piassc-
ment d'un poulet.
Piasser, v. n. Piauler, glousser. J'entens les poulets
piasser, va donc voir ce qu'ils ont.
Piau, n. c. m. Poil. Cet homme a le piau noir.
Pibau, n. c. m. Petite anguille de marais.
Pibole, n. c, f. Cornemuse.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DAS-GATINAIS 119
Pibolcr, V. n. Jouer de la pibole. Voulez-vous entendre
piboler?
Pic à pic, loc. adv. Sans retour. Clianger pic à pic un
cheval pour un autre.
Picassé, -éo, adj. Marqueté, -ce, moucheté, -ée. Avoir la
figure picassée de taches de boue.
Picasser, v. act. Moucheter. Picasser un habillement de
taches.
Pichet, Pichotte, n. c. f. Vase à boire. Donner le pichet, la
pichotte, à quelqu'un pour se désaltérer.
Pichottée, n. c. f. Pleine pichotte.
Picocer, v. act. et n. Piquer avec le bec. Les oiseaus ont
picocé toutes les cerises.
Picote, n. c. f. Petite vérole, variole. (Rabelais.)
Picque, n. c. f. Querelle, discussion. Avoir une picque
ensemble.
Pidaler{set, v. pr. Se plaindre sans cesse et sans motif. Ce
pauvre va toujours en se pidalant.
Piger, V. act. Piquer. Les oiseaus ont pigé tous les fruits
mûrs.
Pigouille, n. c. f. Gaffe à croc. Conduire un bateau avec la
pigouille.
Pigouiller, v. n. Conduire avec la pigouille. Sais-tu pi-
gouîller suffisamment pour nous sortir de là? — S'emploie
aussi activement avec le sens de piquer avec une pointe :
Pigouiller un bœuf avec l'aiguillon.
Pigrelé,-ée, adj. Marqueté, tacheté. Avoir la ligure pigrelée
de taches d'encre.
Pigreler, v. act. Marqueter, tacheter. Pigreler une muraille
de l;oue.
Pigrolè, n. c. m. Pivert.
Pile, n. c. f. Pilon. (Rabelais.) Écraser dans la pile
Pilé, n. c. m. Pilier. Pilé d'église.
Pinchau, n. c. m. Primevère sauvage.
Pingcon, n. c. m. Bondon d'étang.
Pinno, n. c. f. Pomme de pin.
Pioze, n. c. f. Puce.
Pipou, n. c. m. Pourpier.
Piquasse, n. c. f. Piquant. Bâton couvert de piquasses.
1.20 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Piquereau, n. c. m. Renoncule sauvage.
1. Pire, n. c. L Poumon. Pire d'oie.
2. Pire, n. c. f. Oie.
Piron, n. c. m. Oison.
Pirotte, n c. f. Oie.
Piscanne, n. c. f . Sorte de seringue en bois dont les enfants
se servent pour lancer de l'eau. Fr. Clifoire.
Pitrix, n. c. f. Cossarde.
Pivart, n. c. m. Pivert, oiseau.
Pivette, n. c. f. Herbe fine qui commence à poindre.
Place, n. c. f. Rez-de-chaussée d'un appartement; plancher.
Balayer la place
Plasse, n. c. f. Voir Pellasse.
Plaisi, n. c. m. Plaisir. Voulez-vous me faire plaisi ?
Plan, n. c. m. Terrain plat et uni. Allez danser sur le plan.
Le mot français plan n'a pas cette acception.
Pleume, n. c f. Plume. Avoir une pleume à son chapeau.
Pion, n. c. m. Gazon. Se reposer sur le pion.
Plumager, v. act. Nettoyer avec le plumail. Piumager des
meubles.
Plumail, n. c. m. Plumeau. (Rabelais.)
Poche, n. c. f. Sac. J'ai acheté vingt poches de grain. Ce
mot et le suivant s'emploient pour désigner un hectolitre.
Pochée, n. c. f. Plein sac. La pocliée d'avoine pèse environ
cinquante kilogrammes.
Pôcre, n. c. f. Grosse main sale. Enlève donc tes pôcres
delà!
Pôcrer, v. act. Salir avec la pôcre, et même tout simple-
ment salir. Avez-vous fini de pôcrer mes habits ?
Poi, adv. Peu. Voulez-vous me vendre un poi de froment ?
Pointuscr, v. act. Rendre pointu, aiguiser. Pointuser un
bâton.
Pompe, adj. des deus genres. Spongieus. Cette terre est
très pompe.
Pôner, v. act. et n. Payer, mettre son enjeu. Pôner son
argent. Tu as perdu, pône.
Ponet, n. c. m. Toton. Jouer au ponet.
Ponne, n. c. f. Cuvier. Ponne à laver le linge. Par ex-
tension, trpu rempli d'eau. Tomber dans une ponne.
DICTIONNAIRK DU l'ATOIS BAS-GATINAIS 121
Ponnoiiu, 11. c. 111. P»'tit(> ponno. Ponneau plein d'eau.
Ponncltc, n. c. f. Vaisseau de terre où Ton met le lait.
Ponsè, n. et adj. masc. Pansu. Ce gros ponsè est souvent
malade.
Porrée, n. c. f. Comme porreau (poireau). Aimer la
porréc».
Portage, n. c. m. Canal ou fossé qui reçoit le trop plein de
la rivière ans abords d'un moulin. Déversoir.
Portement, n. c. m. Etat de santé. (Rabelais.) Comment
va le portement ce matin ?
Potet, n. cm. Petit pot. (Rabelais.)
Potte, n. c. f. Patte A bas les pottes !
Pou, n. c. f. Peur. Avoir pou.
Pouclie, n. c. f. Sédiment des liqueurs.
Pouère, n. c. f. Poire.
Pouèrè, n. c. m. Poirier.
Pouet, n. c. m. Puits.
Pougne,n. e. f. Étreinte de la main. Avoir la pougne
bonne.
Pougner, v. act. Tricher en avançant trop le poing au jeu
des billes.
Pougneter. v. n. Lutter avec les poignets. Veus-tu pou-
gneter avec moi?
Pouil, n. c. m. Pou. Avoir des pouils.
Pouiller, v. act. Revêtir. Pouillor ses habits.
Pouillcr (se), v. pr. Se vêtir. Combien passes-tu de temps
à te pouiller?
Pouillous, -ouse, adj. Pouilhnis, -euse. Enfants pouillous.
Pouline, n. c. f. Jtnuie jument. Ce mot était employé dans
le viens français. AujouKriiui on a poulinière = jument qui
produit des poulines.
Poultre, 11. c. f. .Icuiic jument bonne à monter.
Poulie, n. c. f. Ampoule. Avoir une poulie à la main.
PouUer, V. act. et n. Se développer en parlant des poulies.
I/ortie fait pouUer les mains.
Poupette, 11. e. f. Pourpier des murailles.
Pouple, n. e. m. Sorte de peuplier.
Pourrin, n. c. m. Poudre d'arbre pourri.
Poûvre, n. c. f. Poussière. Le vent chasse la poûvre.
122 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
1. Poûvrer, v. act. Couvrir de poussière. Ces enfants nous
poûvrent en s'arausant.
2. Poùvror, v. imp. Être poussiéreus. La route poûvre fort
ce matin.
Pouvrcus, -euse, adj. Poussiéreus, -euse. Habillements
pouvreus.
Pouzc, n. c. m. Pouce.
Praie ou Prée, n. c. f. Prairie, pré.
Pre, pré p. Voir Per.
Préchat, n. c. m. Parleur, bavard.
Prêcher, v. n. Parler. Ce verbe ne doit pas être confondu
avec le français prêcher, qui a un sens tout différent. Ne prêche
pas, je t'en prie.
Préciôté, n. c. f. Chose rare. Apporter une préciôté à
quelqu'un.
Preluchcr, v. act. Lécher avec raffinement. Prelucher
ses lèvres.
Prelucher (se), v. pr. Se lécher avec raffinement. Se prelu-
cher les babines.
Premè, -ère, adj. Premier, -ière.
Prequè ou Perquè. Voir ce dernier.
Prenne, n. c. f. Prune.
Prime, adj. des deus genres. Précoce. Les récoltes seront
primes cette année.
Prêt, n. c. m. Dindon.
Prouail, n. c. m. Sorte de timon mobile qui sert à faire
tirer les bœufs.
Provarbe, n. c. m. Proverbe.
Pue, n. c. f. Dent d'instrument. Pue de râteau, de fourche.
Punésie, n. c. f. Pleurésie.
Pupu, n. c. f. Huppe, oiseau.
Q
Quairreu, n. c. m. Terrain vague. J'ai l'intention de
nettoyer ce quairreu.
Quarte, Quarteron, le premier n. c. f., le second n. c. m.
Les trois mois d'été. Se gager pendant la quarte, le quarteron.
Quemment, adv. Comment. Quemment vas-tu?
DICTIONNAlRt; DU PATOIS BAS-GATINAIS 123
Quenaille, n. c. f. Enfants. Envier le sort de la qucnaillc.
QuenailkT, v. n. Agir en enfant. On ne devrait pas que-
nailler à cet âge.
Qucnailleries, n.c. f. pi. Conduite, propos d'enfants. Finir
ses qucnailleries.
Quenaus, n. c. m. pi. Les jambes.
Quener, v. n. Respirer bruyamment. On dit aussi guener.
J'ai tant travaillé que j'en quène.
Quoter, v. act. Toucher. Ne me quote pas.
Queu, adj. des deus genres. Quel, quelle. Queu gars,
queu femme!
Qu'houre? loc. adv. Quand? Qu'heure irons-nous chez
vous?
Quintau, n. c. m. Tas de gerbes composé de cinq.
Quoi (de), loc adv. Quelque chose. Avoir de quoi (être
riche).
R
Rabale, n. c, f. Racloire.
Rabalée, n. c. f. Grand nombre. Il y aura cette année une
rabalée de fruits. Rabalée signifie une quantité telle qu'il
serait nécessaire d'y passer la rabale. Métonymie.
Rabaler, v. act. et n. Passer la rabale, araser, tout
ramasser Rabaler quand la mesure est comble. Le mauvais
temps a rabale les récoltes.
Rabalon, n. c. m. Outil de boulanger qui sert à retirer la
cendre du four.
Rabâter, v. act. Frapper avec le bâton
Rabe, n.c. f. Rave. (Rabelais.)
Rabéle, n. c. f. Pluie violente.
Rabèler, v. n. Pleuvoir violemment. Il est temps de rentrer,
car il va rabéler.
Rabinée, n. c. f. Voir Érabinée.
Rabiner, v. act. Suivre. Prens les devants, je ne tarderai
pas à te rabiner.
Rabistoquage, n. c. m. Réparation. Votre habit a grand
besoin d'un rabistoquage.
Rabi>itoquer, v. act. lii-parer, raccommoder. Il est utile de
faire rabistoquer cet instrument.
124 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Raboui,-e, adj. Rabougri.
Racasse, n. c. f. Carcasse, os dépouillé de sa chair.
Racasser, v. n. Faire du bruit comme si on remuait des
os. Entendre racasser.
Râche, n. c. f. Crasse dans les chevcus.
Râcheus, -euse, adj. Celui ou celle qui a delà crasse dans
les clieveus.
Raclette, n. c. f. Petit racloir.
Racoin, n. c. m. Petit coin. J'ai l'intention de me cacher
dans ce racoin.
Radoubage, n. c. m. Raccommodage, réparation. Faire un
radoubage à un habit.
Radoubeur, -euse, n. c. Rebouteur, -euse.
Radressée, n. c. f. Droit chemin, le plus court. Passer par
la radressée.
Rafale, -ée, adj. Ruiné, -ée. Gens rafales.
Rague, n. c. f. Mauvaise bête. On n'a pas de bénéfice à
acheter des ragues.
Ragouillage, n. c m. Mets très aqucus. Vous ne mangez
que du ragouillage. Signifie aussi eau répandue : Ne faites
pas de ragouillage dans cette cuisine.
Ragouiller, v. n. Agiter l'eau. Les enfants se plaisent à
ragouiller.
Rais, n. c. m. Rayon (de soleil). Un rais de soleil est bon
en hiver.
Raide, adj. Beaucoup. Il y avait à la foire raide de per-
sonnes.
Raie (en), loc. adv. L'un portant l'autre. Mon argent en
intérêt rapporte en raie quatre francs.
Ralle, n. c. f. Branche d'arbre.
Rallette (à la), loc. adv. En rasant le sol. Quand il pleut
remarquez que les hirondelles volent à la rallette.
Ramasse, n. c. f. Tète d'arbre.
Ranche, n. c. f. Ridelle. Prjmitivement une branche ser-
vait de ranche.
Rapailler, v. act. Ramasser en fraude. Rapailler des fruits.
Rapailleur, -euse, adj. Celui ou celle qui rapaille. .
Râtelle, n. c. f. Instrument à dents pour remuer la terre,
râteau.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DASGATINAIS 125
Ral-fouin, n, c. m. Fouine.
Ratonner, v. n. Grogner comme un rat. Cesseras-tu de
ratonner?
Ratouère, n. c. f. Ratière. (Rabelais.)
Ratouillé, -ée, adj. Inondé, -ée deau. Être ratouillo,
Ratouiller (se), v. pr. S'inonder d'eau. Je me suis tout ra-
touillé.
Rauder, Rôder, v. n. Chanter pour exciter les bœufs.
Les bœufs ne se fatiguent pas tant quand on raude
Raudeur, n. c. m. Celui qui raude.
Ravas, n. c, m. Ravin.
Rayer (faire), v. act. et n. Rouir (faire), rouir II faut faire
rayer le lin. Le lin raye. On fait rayer le lin pour((ue l(>s filets
se séparent de la partie ligneuse.
Rebiner, v. n. Refaire deus fois les mêmes choses. Quand
on manque un ouvrage, on rebinc
Rebouter, v. act Mettre bout à l)Out, par conséquent rac-
commoder. Rebouler un bras cassé.
Rebrancher, v. n. Muer. Les oiseaus rebranchent tous les
ans. Ne s'applique qu'aus volatiles.
Recaler, v. act. Refaire (un fossé).
Recaler, v. act Rafraîchir, donner des forces. Le vin re-
cale vite un homme.
Recaler (se), v. pr. Reprendre des forces. Se recaler auprès
du feu.
Recenser, v. act. Rappeler souvent (une chose). Tu me
recenses toujours la même chose.
Récion, n. c. ra. Second repas. Prendre son récion.
Récionner, v. act. Manger pour la seconde fois. A quelle
heure récionnerons-nous? (Ral)elais : réciner.)
Recremer, v. act. Rappeler, recommander. Recremer quel-
que chose à quelqu'un.
Recremer (se), v. pr. Se ressouvenir, se rappeler. Quand
nous étions jeunes, te recrèmes-tu ce que nous disions?
Recuvrage, Recuvrailb'S, u.c., le premier masc, le second
fém. plur. Ensemencem(!nt.
Recuvrcr, v n Labourer pour enterrer la semence. Mes
champs sont recuvrés.
Régent, -te, n. c. Instituteur, institutrice.
126 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Rein, n. c m. Endroit raarécageus où les bécasses vont
se nourrir.
Remeil, n. c. m. Pis, mamelle. Celte vache a un beau
remeil.
Remeiller, v. n. Se dit du bétail dont le pis se gonfle à
l'époque de la parturition. Une vache remeille.
Remeler, v. n. Grommeler. Qu'as-tu à rcmeler?
Rémotif (en), loc. adv. A l'abandon. Laisser son bétail, ses
travaus, en rémotif.
Remoufler, v. n. Renâcler. Mon cheval remoufle à force
de travailler.
1. Remuer, v. n. Être issu de. Cousin remué de germain.
Je remue d'un tel.
2. Remuer, v. n. Déménager. Je remuerai à la Saint-Jean.
Remuer (se), v. pr. Déménager. Je me remue tous les ans.
Renaler, v. n. Faire le rencau. J'airenalé pour S(;mermon
blé.
Renaré, -ée, adj. Rusé, ée. Homme renaré.
Reneau, n. c. m. Terre relevée en rond entre deus sillons.
Renoncier, v. act. et n. Ne pas connaître. Renoncier ses
dettes.
Renoter, v. act. et n. Répéter une chose. Tu renotes un
mensonge.
Réorte, n. c. f. Lien de bois tordu, hart. Voir Revorte.
Réparon, n. c. m. Morceau d'étofïe qui sert à réparer.
Retaillon, n. c. m. Morceau, rognure; français retaille.
Résiée, Résie, n. cf. Soirée. Se reposer la résiée.
Respire, n. c. m. Respiration. Perdre le respire.
Retirance, n. c. f. Asile, lieu où l'on habite.
Rétiver, v. n. Faire le rétif. Je n'aime pas les chevaus qui
rétivent. (Pasquier.)
Revange, n. c. f. Revanche. (Brantôme.)
Revanger, v. act. Revancher. Revanger sa famille.
Revanger (se), v. pr. Se revancher, rendre la pareille soit
en bien, soit en mal. Se revanger d'un bienfait, d'un outrage.
Revorte, Réorte, n. c. f. Lien de bois tordu, hart.
Revorter,v. act. Attacher avec la revorte. Revorter une haie.
Rhoberbe, n. c. f. Rhubarbe.
Riboule, n. c. f. Boule au bout d'un bâton. Bâton à riboule.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BASGATINAIS 127
Ricoiner, v. n. Crier. Voilà un cochon qui ricoine fort.
Ricoines, n. c f. pi. Contes bizarres. Je suis fatigué de
vos ricoines.
Ridoire, n. c. f. Truie en feu. Voir Lidoiro.
Rifler, v. act. Égratigner. Le chat m'a riflé la main.
Rigois, -se, n. c. Riche égoïste. Rigois de bourgeois!
Rigourdainc, n. c. f. Bourde, récit plaisant. Ce vieillard
aime encore la rigourdaine.
Rimé, -ée, adj. Qui a pris au pot, qui a tourné. Kxpression
culinaire. La crème est rimée.
Rimer, v. n. Prendre au pot, brûler. Prens garde que ce
lait ne rime.
Rimoire, n. c. m. Voir Limoire.
Rin, n. c. m. et pron. indéfini. Rien.
Ringer, v. n. Ruminer. Le bœuf ringe.
Ringue, n. c. f. Toupie. Jouer à la ringue.
Riper, v. n. Glisser. Riper sur la glace.
Rippe, n. c. f. Copeau de menuisier.
Rique, n. c. f. Mauvaise jument.
Riquet, n. c. m. Mauvais cheval. Voir Rique.
Ritre, n. c. m. Mauvais sujet.
Rivoleau, n. c. m. Petit ruisseau.
Rize, n. c.f.Creus du sillon. Onsèmelagrainedanslesrizes.
Robe, n. c. f. Habit de dessus des hommes, veste. Prendre
sa robe.
Rober, v. act. Habiller; à proprement parler, couvrir de la
la robe. Rober un enfant.
Rober (se), v. pr. S'habiller. Robe-toi vite.
Roche, n. c. f. Fosse, trou. Mettre un chien dans une roche.
Rôder, v. n. Voir Rauder.
Roibertaud, n. c. m. Roitelet.
1. RoUer, v. act. Rouler, retrousser. Roller un lit.
■-.'. Roller, V. n. Plier sous le fais. Voir ArroUer.
Rollet, n. c. m. Petit rouleau. Rollet de papier.
Rolloir, n. c. m. Rouleau.
Rollon, n. c. m. Degré d'échelle. Echelle de dis relions.
1. Ronde, n. c. f. Sillon arrondi. Cette ronde est ensemen-
cée. — Forme arrondie. Mettre du foin en ronde.
'2. Ronde, n. c. f. Ronce. Je crains les rondes.
128 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Roquer, v. n. Craquer sous la dent. Les nois roquent
quand on les mâche. — Ce verbe s'emploie aussi avec faire, il
a alors un sens actif. Faire roquer un objet dans sa bouche.
Roquille, n. c f. Fruit mal venu et petit. Je vous ai acheté
de belles pommes, et vous ne m'envoyez que des roquilles!
Rossée, n. c. f. Correction. Recevoir une rossée.
Rosser, v. act. Voir Drosser. Brouter entièrement l'herbe
des prés. Les chevaus rossent rapidement un pré.
Rouan, n. c. m. Lieu préparé pour jouer aus boules.
Rouavre, n. c. m. Plante dépurative qu'on nomme patience
ou parelle.
Rouche, n. c. f. Iris sauvage.
Rouère, n. c f. Rigole pleine d'eau. Boucher les rouères.
Rouger, v. act. Ronger. Même sens, même radical que
Drouger.
Rouget, n. c. m. Os. N'avoir que les rougets sous la peau.
Rouilleau, n. c. m. État de celui qui a lesyeus fixes. Avoir
le rouilleau.
Rouiller, v. n. Tourner, rouler (lesyeus). Rouiller des yeus,
Roumeler, v. n. Ronfler en dormant. Qui roumelle ici?
— Grommeler. Qu'as-tu donc à roumeler?
Rousons, n. pr. m. pi. Fêtes des Rogations.
Rôvre, adj. des deus genres. Raboteus, -euse. Route
rôvre. — Au figuré dur, scabreus, difficile. Homme rôvre,
caractère rôvre.
Ruages, n. c. m. pi. Cours non renfermées des fermes.
Les ruages sont souvent une source de procès.
Ruquer, v. n. Roter.
1. Russe, n. c. f. Rouge-gorge, oiseau.
2. Russe, n. c. f . Goutte d'humeur qui peut au nez, roupie.
Mouchez-vous, vous avez la russe.
S.
Sabaron, Sabiron, n. c. m. Chausson de cuir ouvert à
l'extrémité pour laisser passer les doigts des pieds.
Saboureau, n. c. m. Grosse boule qui sert au jeu de quilles.
Le saboureau pèse dans la main.
niCTIONNAlRK DU PATOIS BAS-GATINAIS 129
1. Saccage, n. c. m. Destruction. La gelée a fait un grand
saccage de fruits.
2. Saccage, n. c. m. Grand nombre. A la dernière foire, il y
avait un saccage de gens.
Sacquer, v. act. Mettre comme dans un sac. Sacquer un
objet dans un endroit.
Sacquer (se), v. pr. Se cacher. Se sacquer quelque part.
Sagaud, n. c. m. Omelette avec de la farine.
Sagouiller, v. act. Salir avec de la boue. Fais attention de
ne pas me sagouiller.
Sagouiller (se), v. pr. Se salir. Vous n'aimez pas vous
sagouiller, et vous avez raison.
Saper, v. act. Sucer en faisant sonner la langue.
Saidine, n. c f. Larve déteigne.
Sargail, n. c. m. Fille volage qui se tient mal.
Sargailler (se), v. pr. Se mal tenir, mener une mauvaise
vie. Assez sargaillê maintenant, soyez sage.
Sarpe, n. c. f. Serpe.
Sarper, v. act. Couper avec la serpe. Il est temps de sar-
per ce buisson.
Sarrailler, v. act. Comprimer. Sarrailler un paquet.
Sarrailler (se), v. pr. Se serrer trop. Pourquoi vous sar-
railler tant?
Sarrer, v. act. Serrer. Sarrer la gorge à quelqu'un.
Sarrer (se), v. pr. Se serrer. Il faut se sarrer un peu.
Sau, n. cf. Sel.
Sauma, n. c m. Saumure.
Savater, v. act. Abîmer (un objet) comme si on le froissait
à coups de savates. Savater l'herbe.
Savater (se), v. pr. Se froisser, se défraîchir. Ce drap se
savate au soleil.
Sauze, n. c. m. Saule, arbre.
Sauzaic, n. c. f. Plantation de saules, saussaie.
L Se, pr. pars. Soi. On ne vit pas uniquement pour se.
2. Se, n. c. f. Soif. Mourir de se.
Sec, n. c. m. Sécheresse. Le sec est grand.
Sèche, adj. des deus genres. Sec, sèche. Temps sèche.
Seillau, n. c. m. Seau. Seillau d'eau.
1. Seille, n. c. f. Comme seiUau, même radical. (Ces deus
FiEVL'Ii nii IMULOLOOIi;, VII. 'J
130 HEVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
mots se trouvent dans Rabelais ; scille est dans Brantôme.)
2. Seille, n. e. f. Seigle. Champ de seillc.
Seillée, n. c. f. Plein seau. Seillée d'eau.
Seillon, n. c. m. Sillon.
Sèr, n. c. m. Soir.
Sercler, v. act. Sarcler. Synonyme patois clarcer. Sorcier
un champ.
Sereiner (faire), v. act. Exposer au serein. Faire sereiner
l'herbe.
Sereiner, v. n. Être au serein. Le temps sereinerace soir.
Série, n. c. f. Soirée. Une belle série.
Serpoulet, n. c. m. Serpolet. (Rabelais.)
Servir, v. n. Etre fécondé. Ma jument a servi. Le verbe
s'emploie aussi avec faire, il a alors un sens actif : Faire ser-
vir une jument.
Seur, -e, adj. Sûr, -e. Ce que je te disestseur. (Rabelais.)
Sicot, n. c. m. Morceau de la racine d'un arbre, morceau
de bois sec.
Sicoter, v. act. Chercher avec un sicot. H y a un lapin
dans cet arbre, sicotez-le.
Sigouiller, v. act. (s très dur). Piquer. A force de me
sigouiller avec son bâton il a fini par percer mes habits.
Silement, n. c. m. Sifflement. Sileraent d'un serpent.
Siler, v. n. Siffler. Le vent sile, un serpent sile.
Sive, n. cf. Ciboule, échalote.
Sivre, v. act. Suivre. Sivre un cheval à la course.
Soguer, v. n. Attendre, faire le pied de grue, droguer. Je
t'attens là, ne me fais pas soguer.
Solage, n. c. m. Qualité du sol. Bon solage, mauvais sc-
iage.
Soqucille, Soquille, n. c. 1. Corne des animaus à pieds
fourchus.
Soubre, adj. des deus genres. En dessous terre, souter-
rain, -e. Maison soubre.
Souiïrcter, v. n. Souffrir. Vivre en soullreuint.
Souder, v. act. Priver d"humidité. Souder la salade.
Souille, n. c. f. Poche dans laquelle on renferme le linge
fin pour le mettre à la lessive.
Souleil, n. c. m. Soleil.
niCTIONXAIRK Dr IWTOIS B.VS-GATINAIS 1?A
Souleiller (fairoi, v. act. exposer au soleil. Faire souleiller
des graines.
Souleiller, v. n. Mire au soleil. Mou linge souleille.
Soûlant, -te, adj. Ennuyeus, fatiguant, importun. Gens
soûlants.
1. Soûlas, n. e. m. Grand nombre. Je crois qu'il y aura à
cette foire un grand soûlas de gens.
2. Soûlas, n. c. m. Soulagement. Mon gars ne me donne
pas grand soûlas.
Sourdre, v. act. Lover. Sourdre le bras. {Cent Nouvelles
Nourelles.)
Sourdre (se), v. pr. Se lever. Sours-toi.
Sourge, adj. des deus genres. Souple, agil(\ Un homme
sourge.
Sourgir, v. act^Élever. Sourgir un bâton. Même sens que
sourdre. Sourgir (se), v. pr. Même sens et même radical.
Soussayer, v. n. Paraître long. Le temps me soussaye.
Soutre, n. c. m. Couche de fagots, de paille pour recevoir
du foin, des fruits, etc.. Pourquoi mettre un soutre sous ce
pailler? Pour empêcher la paille de pourrir.
Subler, v. u, et act. Souiller. Subler dans un chalumeau,
subler un air.
Sublet, n. c. m. Sifllet. (Rabelais.)
Suc, n. c. m. Sureau, arbre.
Suçayer, v. n. Donner du suc. Une mamelle de vache
suçayc. Le sapin suçaye quand on le coupe.
Sumer, v. n. Suinter, remouiller, perdre son liquide
comme une mamelle trop pleine de lait.
Super, V. act. Sucer. Super une orange.
Surger, v. act. Guetter. Le chat surge la souris.
Suser, v. act. et n. Faire reculer. En disant aus bœufs:
Sus ! sus ! on les voit marcher en arrière. Onomatopée.
Tablée, n. c. f. Pleine table. Tablée de personnes.
Tabourner, v. n. Tambouriner. Pas extension, battre: Ta-
bourner quelqu'un.
132 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Taille, n. c. f. Bout, fin. Ne pas voir la taille d'un ouvrage.
Taille (à), loc. adv.' A tâche. Prendre un ouvrage à taille.
Taiser, v. act. Taire. Veus-tu taiser cela?
Taiser (se), v. pr. Se taire. Je t'engage à te taiser.
Talbot, n. c. m. Bâton qu'on attache au cou des animaus
pour les empêcher de courir.
Talboter, v. act. Charger du talbot. Talboter un chien.
Taie, n. c. t. Feuille. Taie de chou.
Tambouriner, v. act. Battre. Extension du français. —
Tambouriner quelqu'un.
Tamiser, v. unip. Se dit d'une fine pluie qui tombe, à pro-
prement parler, fine comme si ell(> était passée au tamis. Une
pluie qui tamise enfont encore vite.
Tantare^ n. c. f. Musique. Aimer la tantare.
Tapon, n. c. m. Bouchon.
Taponner, v. act. Boucher. Taponner une bouteifie.
Tardajouc, n. c. m. Paresseus.
Tatouille, n. c. f. Correction. Recevoir une tatouille.
Taupou, n. c. m. Taupier.
Taureau, adj. féininin. En rut, ne s'applique qu'ans vaches.
Tè, pr. pers. Toi. C'est pas mè, c'est tè.
Tèbla, n. c. m. Tuileau.
Tèble, n. c. f. Tuile.
Tèblerie, n. c. f. Tuilerie.
Télé, n. c. f. Toile. Acheter de la têle.
Teigne, n. c. f. Cuscute. 11 y a de la teigne dans ce champ
de luzerne.
Tenailler, n. c. m. Échelle horizontale servant à mettre le
pain.
Tenaud, n. c. m. Nigaud. Grand tenaud.
Tergeasse, n. c. f. Pie grièche.
Terjeter, v. act. Remuer (la terre, par ext. autre chose.)
Terjeter du fumier, de la terre.
Terquegner, v. n. Trépigner. Terquegner à l'annonce d'un
fait.
Terrager, v. n. Prendre les produits de la terre Terrager à
tour de rôle.
Terrière, n. c. f. Tarière.
Tet, n. c. m. Toit.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 133
Téter, v. n. Grossir de la tête. Nos oignons tètent fort.
Tétereau, n. c. m. Biberon.
Téteron, n. c. m. Cochon de lait.
Tetet, n. c. f. Sein.
Tétou, pr. pers. Toi anssi.
Tétreau, n. c m. Cognée.
Tiaiia, n. c. m. Espèce de grive.
Tie, n. c. f. Petit chapiteau de métal qu'on attache à
l'extrémité supérieure d'un fuseau pour le faire tourner dans
la main.
Tiédezir, v. n Tiédir. L'eau tiédezit.
Tigée, n. c. f. Race. Cet homme a une belle tigée.
Tilli.n. c. m. Plafond de planches.
Tillol, n. c. m. Tilleul, arbre. Un joli tillol.
Timbre, n. c. m. Cuvicr en pierre.
Tio (tiol devant voyelle), tielle, pr. démonstr. Celui, celle.
Tio gars. Tiol enfant, tielle femme.
Tion, n. c. m. Taon.
Tiraille, n. c. f. Viande de mauvaise qualité.
Tiraliro, n. c. f. Grand nombre. J'ai vu passer ce matin
une tii'alire de voitures.
Tirée, n. c. f. Ce que donne la vache ou l'animal qu'on
trait.
Tirer, v. act. Traire. Tirer une vache.
Tirer, v. n. Prendre de la peine. Quel avare ! il faut joli-
ment tirer pour avoir un sou.
Tirette, n. c. f. Tiroir. Fermez la tirette.
Tirondaine, n. c. f. Liasse d'objets attachés en forme de
rond.
Tonner, v. act. et n. Peler. Tonner un arbre. Les arbres
tonnent facilement au printemps.
Torser, v. act. et n. Tordre. Torser du bois.
Toucher, v. act. Conduire devant soi. Toucher des bœufs.
Tourte, n. c. f. Gâteau contenant do la viande et des œufs.
Traie, n. c. f. Sorte de grive.
Traine, u.c. f. Traîneau. (Rabelais.)
Traineau, n. c m. Femme sale. Mieus vaut ne jamais se
marier que se marier avec un traineau.
Trainer, v. act. Salir. 'l'raincr ses bardes.
134 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Trainer (se), v. pr. Se salir. Vous vous trainez beaucoup.
Trâlêe, n. c. f. Grand nombre, (juantitè. Cette année, il)' a
une trâlée de fruits sous les arbres.
Tranche, n. c. f. Pioche à large bec qui sert à trancher les
racines.
Traquet, n. c. ni. Sorte de petit moulin qui sert par son
bruit à épouvanter les oiseaus.
Travaillant, -ante, adj. etn. Homme laborieus, femme la-
borieuse. Ces gens sont travaillants. Gager de bons tra-
vaillants.
Trè, n. c m. Terrier Monter sur le trè.
Trelusant, -e, ou Tcrlusant, -e, adj. Brillant, reluisant.
Vo)'ez comme cette batterie de cuisine est treluisante!
Treluser, terluser, v. n. Reluire, briller. Que vois-je ter-
luser là-bas ?
Trempage, n. c. m. Potage, soupe, pain émié dans du vin,
du lat.
Trempine, n. c. f. Pain émié dans du vin. Faites-moi
manger une trempine.
Trenège, adj. des deus genres. Sale, sans éclat. Vous
avez la peau renège, lavez-vous.
Tréper, v. n. Trépigner. La colère les faisait trépor.
Trepette, n. c. f. Petit trépied.
Tretous, tretoutes, adj. Tous, toutes. Nos invités son tre-
tous venus.
Treuver, v. act. Trouver. Trouver un objet.
Tribouiller, v. act. l" Troubler. Votre ingratitude me tri-
bouille le cœur. 2" Tribouiller signifie aussi agiter de manière
à troubler une substance : Tribouiller l'eau.
Tricoler, v. n. Marcher en chancelant. Un ivrogne a de la
pejne à faire un pas sans tricoler.
Tricot, n. c. m. Tige. Le tricot d'une plante.
Trifler (se), v. pr. S'habiller. Gens bien trilles. Vous vous
triflez mal.
Trilouillage, n. c. m. Gâchis, projet ridicule. Quel tri-
fouillage dans cette chambre! Quel trilouillage méditez-vous?
Triures, n. c. f. pi. Résidu de ce qui a été trié.
Tronfle, n c. m. Trèfle, plante.
Trougne, n.c. m. Troène, arbre.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DAS-GATINAIS 135
Trougnon, n. c. m. Trognon. Trougnon de cliou.
Trouil, n. c m. 1" Treuil; 2" Dévidoir.
Trouiller, v. act. et n. Enrouler sur le trouil. Trouillor du
fil est peu distrayant.
Truon, n. c. m. Sorte d'outil qui diffère de la fourclio en
cela que les deus dents sont recourbées.
Tiutei-, V. act. Boire avec une paille, un dialumeau. Truler
du lait.
Trutet, n. c. m. Petit tuyau.
Turc, n. c. m. Larve du hanneton.
U
Umeau, n. c. m. Ormeau, arbre. (Dans Rabelais on trouve
ulnieau.)
1. Usager, n. c. m. Ce que l'usage prescrit de donner.
D'après l'usager, j'ai droit à cent livres de foin.
2. Usager, adj. masc. De coutume. Il est usager que mes
fermiers rae donnent un chapon.
Usse, n. c. f. Sourcil.
V
Va-devant, n. c. m. Celui qui dans les métairies dirige les
travailleurs.
Vacablc, adj. des deus geni'cs. Propr<; à. Cet homme est
vacable à tout fairi'.
Vaisselier, n. c. m. Meuble desliné à contenir la ^'aisselle.
Varain, -e, adj. Étiolé, -ée. Plantes varaines.
Varainer, v, n. Etioler. Si vous exposez ces fleurs au soleil
il est certain qu'elles varaincn-ont.
Vef , vève, n. c. et adj. Veuf, veuve. (Rabelais.)
Veigne, n. c. f. Vigne. Fruits ila la veigne.
1. Veille, n. c. f. et adj. f(''m. \'ii'ille. Vieille femme. Cette
veille passe pour sorcière.
2. Veille, n. c. f. Petit tas de foin. On met le foin en veille
pour que les intempéries des temps ne l'endommagent pas.
13G REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Veillotte, n. c. f. Diminutif du précédent.
Vêle, n. c. f. Génisse, féminin de veau.
Vener, v. act. Fatiguer à l'excès. Veoer un lièvre, un
cheval.
Ventrée, n. c. f. Plein ventre. J'ai pris une ventrée de lai-
tage. Le mot français ventrée n'a pas cette acception.
Verdelle, vredelle, n. c. f. Menues baguettes de .bois des-
tinées à faire des paniers, des clayonnages, scions.
Verdon, n. c. m. Vairon.
Verasse, vrasse, n. c. f. Mauvais lit^ mauvaise couche.
Dormir dans une vrasse.
Verasser (se), v. pr. Se rouler sur une verasse et par ex-
tension ailleurs. Se verasser par terre.
Verger, v. n. Cogner, frapper. Verge plus fort, si tu veus
fendre cette bûche.
Vergnasse, n. c. f. Aunaio, lieu planté de vergues.
Vergueiller, v. n. Osciller. Cet homme est ivre, voyez
comme il vergueille.
Verimer, v. n. Envenimer. Ma blessure verime.
Verimeus, -se, adj. Venimeus. Morsure verimeuse.
Vérin, n. c. m. Pus, venin.
Vérir, v. n. Être attaqué par les vers. Ce fruit vérit déjà.
Vernusser, vrenusser, v. n. S'occuper à des riens. Faisons
en sorte de ne jamais vernusser.
V^ernusson, n. c. m. Tatillon.
Verrouil, n. c. m. Verrou.
Versenne ou vercenne, n. c. f. Endroit ou les bœufs tour-
nent à la fin d'un sillon pour en commencer un autre. La
versenne se laboure après coup, elle est perpendiculaire au
premier labourage, et forme comme un cercle autour de ce
labourage.
Vortir, vretir, v. act. et n. 1° Entretenir, fournir. Vertir
quelqu'un d'argent. 2° Suffire. Ne pouvoir vertir à faire un
ouvrage.
Vesicler, v. n. (s dur). Ne rien faire de bon. Tu vesieles
toujours.
Vesiclou, n. c. m. Homme mou qui ne fait rien de bon.
Vesonner, v. n. (s dur). Résonner. J'entends vesonncr
une mouche.
DICTIONNAIRE DU PATOIS BAS-GATINAIS 137
Vêtimcnl, n. c. m. Les hubilloinents. Montrez votre véti-
ment.
Vezague, n. c. f. Chose sans consistance. Vous êtes mou
comme delà vezague. Par ext. mauvais travail : Ce que vous
faites n'est que de la vezague.
Vèze, n. c f. Sorte de cornemuse.
Viuette, n. c. f. Oseille. Soupe à la vinette.
Vire, n. c. f. Tourne, atout. Avez-vous la vire dans votre
jeu? Montrez-la.
Virer, v. act. et n. Tourner. Virer la main. Le moulin
vire fort.
Vire-main, n. c. m. Court espace de temps, le temps do
virer la main. Pars et reviens dans un vire-main.
Vironner, v. act. et n. Enrouler autour, tourner. Vironne
cette corde autour de ton bras, vironner la tête.
Vitrail, n. c. m. Une vitre, un carreau. J'ai cassé un
vitrail. Ne pas confondre avec le français vitrail qui s'ap-
plique à de grands panneaus de verres qui forment les croi-
sées des églises.
Vivature, n. c. f. Pitance, nourriture. Être fort pour la viva-
ture.
Vollet, n. c. m. Nénuphar.
Vollon, n. c. m. Sorte de serpe.
Vonté, adv. Peut-être. J'irai vonté bien à la foire.
Voure, adv. Où. Voure est-il. .
Voustou, pr. pers. Vous aussi. Vous m'ennuyez, voustou.
Vreille, n. c. f. Vrille.
Vreiller, v. act. eL n. S'entortiller, tortiller. La corde
vreille dans l'eau. Vreiller du fil.
Vreillonner, v. n. Même sens que vreiller, même radical.
(Se trouve dans Rabelais.)
Vrelope, n. c. f. Varlope.
Varloper, v. act. Vurloper. Vrelopper une planche.
Vrillée, n. c. f. Liseron, renouée.
Zire, n. c. f. Répugnance. Avoir /Avn da qui'l(|u"ui).
Zireus, Zireuse, adj. Qui a de la répugnance, dégoûté. Tu
parais bien zireus.
COMPTE RENDU
Clair Tisseur. — Modestes Observations sur l'art de ver-
sifier.— Lyon, Bernoux et Cumin, in-8«.
L'important ouvrage de M. Clair Tisseur étonnera peut-
être quelques lecteurs, peu habitués à trouver, sur un sujet
grave, des livres aussi plaisants, ou, tout au moins, aussi
aimables. Il semble qu'en écrivant ces savantes, fines, pro-
fondes et trop « modestes » pages. Fauteur ait eu constam-
ment en mémoire les statuts de certaine Académie l5^onnaise
— qu'il connaît bien — oîi « les travaus exclusivement
graves ne font pas titre » : on y stipule au contraire « que
les dicts travaus auront expressément le caractère populaire
et seront propres à chatouiller la rate, pour autant que le
rire est ce qui faict le plus de plaisir et ce qui couste le
moins ». — Ceci soit- dit, tout d'abord, pour les gens nourris,
comme dit l'auteur, « de Quitard et de Landais » — mettons
même de Tobler ou de Lubarsch, — pour tous cens qui ont
l'érudition grave ou pédantesque, le savoir solennel et
gourmé. Ce n'est pas ici leur fait. Ceci est un livre savant,
mais un livre de bonne humeur.
C'est aussi un livre révolutionnaire, et un livre neuf.
Il est neuf parce qu'il vise franchement à être un manuel
de l'art de versifier, plutôt encore qu'une étude historique et
théorique sur la versification. L'auteur pense nous apprendre,
en bon Lyonnais, la canuserie des vers (p. 28). Il y a, dit-il,
en poésie, comme en toute espèce d'art, des (( procédés, des
tours de main qui se peuvent acquérir. De même en musique
il y a un doigté, un travail harmonique qui s'étudie et s'as-
simile. Cela ne vous inspire pas de la belle musique, mais
si vous trouvez naturellement la "mélodie, cela vous met aus
termes de la transcrire sans fautes contre les lois ». (P. 329.)
— Or ceci (à l'exception du petit livre, si fantaisiste, de
Banville) n'avait jamais été fait, à notre connaissance, par
un poète doublé d'un érudit. Le livre de .M. T. comble donc,
de ce côté; une réelle lacune.
COMPTE KENDl' 139
J'ajoute que, pour un Traité de versification, il est révolu-
tionnaire, en ce qu'il fait appel loyalement, contre la routine,
au bon sens et à la logique.
M. T, pense, avec beaucoup de raison, que notre versifica-
tion — affranchie, en apparence, par le romantisme — n'a
jamais été plus esclave, plus victime des théoriciens, plus
incapable de s'accommoder d'un renouvellement, si dési-
rable pourtant, du fonds poétique. La poésie française se
meurt de langueur, sous les « bandages silicates » dont des
praticiens ignorants ont enveloppé ses membres délicats.
Force est donc, pour apprendre le métier de poète, de passer
au crible tous les préceptes qui tuent la poésie sous couleur
de la sauvegarder.
M. T. se rappèle-t-il l'étrange passage de la Préface
sur la Franciade, où Ronsard, cherchant à légitimer ses
rejets, s'exprime comme suit : «J'ay esté d'opinion en ma
jeunesse que les vers qui enjambent l'un sur l'autre n'estoient
pas bons en nostre poésie : toutefois j'ay cognu depuis le con-
traire par la lecture des autheurs grecs et romains, comme :
Lacinaquc ccnlt
Liltora. »
Et de même, si on lui reproche ses hiatus, ne peut-il pas
alléguer l'exemple de Virgile et des Latins, lesquels disaient
suh Ilio alto, loni'o in mar/no? — Voilà exactementla mesure
du sens critique dont ont fait preuve les auteurs de notre
système de versification, depuis la Renaissance. Et c'est ce
que M. T. démontre amplement, avec infiniment de vigueur
et de netteté — quoique d'une plume un peu trop discursive
— dans les 300 pages de cet aimable et savant livre, qui fera
époque, espérons-le, dans l'histoire de notre versification.
Posons d'abord le principe du vers français.
C'est, dit la tradition, le syllabisme orthographique. —
C'est, disons-nous avec M. T., le ri/lJime, c'est-à-dire uno
sorte de cadence ou de « mesure, en vertu de laquelle cer-
tains sons \ revenant à de certains intervalles réguliers (ou
1. La (Icfiniiion pn-tc peut-être k qucliiuc iiiceitiliuie : ce ne sont
pas les sona qui reviennent à intervalles réguliers ; il n'y a pas
nécessairement hoinophonic. mais sculcmcMit retour régulier de cer-
tains tcnijis ou accents.
140 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
môme irrêguliers), font plaisir à l'oreille » (p. 5). — « Le
rythme est l'unique harmonie du vers » (p. 152). — Il re-
pose essentiellement sur raccent, et sur l'accent proprement
rythmique (différent de l'accent tonique et de l'accent ora-
toire). Nous appelons, d'un nom tout lyonnais, lève et baisse
la Hebung et la Senkung des Allemands, Varsis et la thesis
des anciens (p. 7). — Nous admettons qu'il n'y a pas en
français de « pied », brèves et longues s'équivalant dans nos
vers, et nous proposons de supprimer définitivement une
appellation qui n'a, chez nous, aucune raison d'être. — Bref,
le fondement de la versification, c'est le rythme, c'est-à-dire
le plaisir de l'oreille, règle unique à laquelle doivent être
subordonnés tous autres principes.
Rien de plus juste, mais rien aussi de plus hérétique.
N'est-ce pas Banville qui proclamait encore que « la rime,
est tout le vers », et la rime, telle que Ventendait Banville,
n'est-ce pas surtout l'accord des mots pour les t/eus, la rime
du Parnasse, qui triomphe encore dans le chef-d'œuvre der-
nier de notre poésie, dans les Trophées de M de Hérédia
(1893)? — Je ne dis rien, pourl'instant de la césure considérée
comme pansé, de l'hiatus, de l'alternance des rimes et autres
chinoiseries traditionnelles, qui toutes n'ont rien à voir avec
ce principe souverain du vers, le plaisir de l'oreille.
La poésie étant une musique, ne faudrait-il pas, chaque
fois qu'on en étudie la langue, commencer par établir les
origines et la nature du rythme? Ceci est affaire de psycho-
logie et de physiologie. On s'en dispense donc, mais à tort.
Car rien ne prouverait plus éloquemment à quel point le
rythme est la loi essentielle de toute émotion humaine.
Tyndall et Spencer, Gurney et Guyau ont tenté la démons-
tration. M. T. ne l'a pas reprise pour son compte. C'est à mon
sens la plus grave lacune de son livre. Il eût fallu rappeler
au moins : 1° que toute émotion, à moins d'être excessive,
prent naturellement la forme rythmique: dans l'impatience
ou dans l'inquiétude, notre jambe remue ou oscille en cadence,
dans la souffrance physique, le corps se balance d'avant en
arrière ; dans la joie, nous sautons, nous dansons; la parole,
chez l'orateur ému, se rythme malgré lui, etc. ' ; 2" que,
1. Cf. Ouyau, Problèmes d'c.<thétiquc contemporaine, p. 176 et suiv.
coMPTK ri:ndl' 141
par une sympathie toute nerveuse, celte excitation rytlmiique
se transmet, et que le rythme du vers est semblable à un
battement de cœur devenu sensible à l'oreille, qui tendrait à
faire battre d'autres cœurs à l'unisson ; 3° que le vers est un
moyen de concentrer rêniotion, en économisant l'attention et
l'effort intellectuel. — De même qu'en inusi([ue oneoninioncc
par définir nettement la hauteur, \o timbre, Tintensité du
son, de même n'y aur;iit-il \ràs lieu de l'aire appel, au délnit
d'un livre sur le vers, à quelques principes physiologiques
essentiels et aussi à quelques principes purement musicaus?
Point de poésie sans musiciue.
Si le vers est pour l'oreille, non pour les yeus, il suit de
là que le rythme lui-même repose sur la prononciation. Mais
quelle? — M. T. se heurte ici à l'opinion de M. Psicluui qui,
partant du même principe., en tire cette conséquence impor-
tante : suivant M. I^sichari, Ve muet ne se prononçant pas
en français ne doit donc pas compter dans le vers : d'où suit
que le vers de V. Ilugo: Ma fille, va prier, vois, la nuit est
venue, est en réalité un vers de dis syllabes, à scander ainsi :
MaJilU , va prier, vois, la nuit est v^nu' (p. 28). M. T. s'insurge
contre cette scansion, et consent à sacrifier seulement l'e atone
à la césure, mais non les e atones à l'intérieur de l'hémistiche:
(( ceus-ci, la vois ne les laisse tomber que par une pronon-
ciation prosaïque affectée » (p. 50). J'en doute un peu, à vrai
dire, et crois qu'à tort ou à raison — et certainement à tort,
je le confesse — nous laissons bel et bien tomber l'e atone
sinon dans venue, du moins dans Jille^; quoi qu'en dise
M. T. (p. 50), je suis en tout cas tenté d'approuver ce vers
de M. Moréas :
Kt les deus mots dont ell' sut nie parler,
le trouvant très conforme à notre prononciation actuelle. Mais
c'est une question de fait. Si on la soulève ici en passant, c'est
pour faire toucher du doigt le point délicat de la théorie de
1. Le tort de .M. l^siehari est évidemment ici de jj'énéraliscr trop
vite. L'e atone final dans les terminaisons féniiuines tombe ou ne tomlic
pas suivant le groupe de consonnes (jui le précède ou le suii. i*our
/ille nolanunent, l'e mui;l serait préservé par Ifs II miniillccs — si on
l<?s prononçait.
142 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
M. T. Cl rineonvciiient — inévitable d'ailleurs — de la substi-
tution du rythme au pur syllabismc. Avec lesyllabisnie littéral
ou orthographique, rien de plus aisé que de se i'cndre compte
de la (( correction » d'un vers. Il n'en va plus de même si l'on
s'en rapporte (comme dans la poésie populaire) à l'oreille
toute seule. D'où la théorie, en apparence aventureuse, de
M. Psichari. mais qui au fond ne diffère pas sensiblement
de celle de M. T. — et ce n'est pas un reproche qu'on, lui fait.
Il faut ici, choisir entre la poésie pour l'œil et la poésie pour
l'oreille. Cela fait, il faudra, si celle-ci triomphe, s'attendre à
plus d'une chicane de détail. Mais qu'importe?
Il faudra compter aussi sans doute un peu plus que ne le
fait M. T. avec l'accent oratoire, élément perturbateur par
excellence et susceptible de changer du tout au tout l'allure
du vers \ En un mot, le nouveau régime serait un régime
d'autonomie et de liberté. Quel mal?
Faut-il aller jusqu'à admettre avec M. Dumur, cité par
M. T. (p. 33), des vers dont la cadence reposerait uniquement
sur le nombre des lèves et non plus sur le nombre des syllabes,
c'est-à-dire des vers français sur le type germanique?
Exemple :
Puissante, magnif/que, ilh/stre, grave, noble Renie,
O Tsaritza de glaces et de fastes ! Souveraine,
Matrone hiératrque et solennelle et vénérée.
Outre que ce type semble bien difficile à manier (et les vers
de M. Dumur ne paraissent pas faits pour nous démentir),
nous avons peine à admettre, quoi qu'en dise M. T., que ce
soient là des vers français : jusqu'à nouvel ordre, la preuve
n'est pas faite.
1. Je sais bien que scander un vers, ou le réciter, cela fait deus. 11
n'en est pas moins vrai que dans la pratique, la déclamation dérange
souvent la coupe du vers. Tel acteur met dans le premier vers
d'A thalie, un fort accent oratoire sur l'o d'adorer :
Oui, je viens dans son temple adorer l'Eternel.
Malgré cela, ou même parce qu'il en est ainsi, on peut poser en
principe avec M. T. (p. 7) que « dans tout vers bien tait, chaque
accent oratoire doit se confondre avec un accent rythmique ».
nOMPTF. RENDIT 143
Mais ceci est un détail, et nous aimons niieus signaler,
avec M. T., le caractère essentiellement ascendant du rythme
en français. Ceci revient à dire que le vers est essentiellement
ïambique, ou anapestique. Il n'y a guère de vers (|ui ne se
décompose en ïambes et en anapestes. Ainsi :
Que de soins | meut coûtés || cette të | té charmante!
Mïnôs I juge aux | enfers 1| tous lés pâ | lés humains.
Au contraire, rintroduetion du trochée dans le vers le
désarticule, et le rythme, suivant l'expression de M. T.,
« se casse le nez ». (P. 9.)
Soit ce vers de P. Verlaine :
et leur crï | râuqué | grm | ce a travers | lés espaces.
Quoi de plus chaotique, et, sau[ le cas d'un effet cherché,
quoi de plus pénible'? 11 faut savoir un gré tout particulier à
M. T. d'avoir mis nettement en lumière le caractère ascen-
dant du rythme qui résulte de la richesse du français en
oxytons.
Après avoir posé les principes généraus du rythme (p. 1-38),
M. T. consacre la deusième partie de son livre à l'étude
détaillée des différents mètres (p. 38-lo2), tant élémentaires
(octosyllabe, décasyllabe, dodécasyllabe) que composés ou
dérivés (à savoir tous les vers autres que ceus-ci, de une à
seize syllabes).
A propos de chaque mètre, l'auteur fait un historique
sommaire et précis. 11 lui arrive (p. 41) de donner par erreur
la Maceite de Régnier pour un poème en octosyllabes.
Il n'est pas tout à fait exact non plus (p. 73) que Ronsard
ait cru « que le décasyllabe seul convenait à l'épopée, » et
qu'il ait écrit Za Fraticiade en décasyllabes, en vertu d'une
conviction arrêtée. Si on croit ses biographes, Ronsard, qui
avait remis en honneur le vers héroïque, ne se serait décidé
à employer ici le décasyllabe qu'à son corps défendant et
sur la prière de Charles IX (qui, comme on sait, lut et annota
1. I.a diirotédii vers ne ti(MU-clle pas. d'ailleurs, à la n'p(''liiion des
/•, aiiiaiit qu";i la coupe if
144 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
les quatre premiers chants). S'il s'arrêta au quatrième chant,
c'est en grande partie parce qu'il s'aperçut qu'il avait fait
fausse route dans le chois du mètre.
M. T. signale avec toute la délicatesse d'un vrai poète les
divers emplois possibles des mètres, suivant la nature des
sentiments à rendre. Il cherche à déterminer, pour chaque
thème, l'instrument particulier qui lui convient. Toute cette
partie do son étude est neuve et juste. Je me permès de
trouver seulement que l'auteur a été un peu sévère pour le
décasyllabe césure à cinq (5-[-5), celui-là même que Bonaven-
ture Despériers appelait si dédaigneusement le Taraiantara.
M. T. cite, il est vrai, la délicieuse cJianson paimpolaise de
M. Le Goffic. Il aurait pu — pour démontrer que cette forme
de décasyllabe n'est pas nécessairement « sautillante » —
rappeler les belles strophes de Th. Gautier :
La barque est petite, et la nier immense;
La vague nous jète au ciel en eourrous.
Le ciel nous renvoie au tlot en démence :
Près du mât rompu prions à genous!
De nous à la tombe il n'est qu'une planche;
Peut-être ce soir, dans un lit amer.
Sous un froid linceul, fait d'écume blanche,
Irons-nous dormir, veillés par l'éclair! etc.
Mais la meilleure partie de l'étude des mètres est celle que
M. T. a consacrée aus k coupes ». Sur les coupes du dodé-
casyllabe, notamment (p. 74-113), il y a une étude très
minutieuse qui mérite de devenir classique. Toute la théorie
qu'il donne de Isicésure nous semble inattaquable. Dans une
métrique à base syllabique comme la nôtre, la césure n'a
d'autre but que de permettre à l'oreille de reconnaître le
nombre de syllabes composant le vers (p. 82). Il suit de là
qu'elle n'est pas nécessairement une pause. « On ne saurait
trop insisier, — dit excellemm.ent M. T., — sur notre erreur
française d'identifier constamment la lève et la pause.
L'harmonie repose principalement sur le chois de la place
assignée à la lève. La pause n'est pas nécessairement favo-
rable à cette harmonie » (p. 44). Ainsi, rien de plus légitime
que la « césure enjambante », si chère aus Italiens, et que
COMPTI-: RKNOU 145
nos classiques ont eu le grand tort de laisser tomber en
désuétude Cet alexandrin :
Dieus ! que ne suis-je assise dans ce bois obscur!
est correcte au même titre que le vers faaieus :
Dii'us! (|uo ne suis-je assise à l'ombre des forêts!
« S'il est moins bon, ce n'est pas qu'il soit boitons, ce
n'est pas que l'oreille ne perçoive distincteuu'nt les deus fois
sis syllabes, c'est tout simplement que l'e d'assise est moins
sonore que la préposition à dans le vers de Racine » (p. 1)0).
Aussitôt donc que dans un vers le nombre des lèves sera
suffisant pour permettre à l'oreille de distinguer le nombre
des syllabes, ce vers sera déclaré bon ^ Et c'est pourquoi je
persisie à regarder comme des vers — contre l'opinion même
de M. T., pris ici de scrupules inattendus, — cette ligne de
Verlaine :
Sur la citliare, sur la harpe et sur le lutli. . .
ou cet autre de Coppée :
L'habilleuse avec des épingles dans la bouche. . .
le nombre des lèves étant très suffisant jjour que l'oreille ne
s'y trompe pas, surtout si l'on replace ces vers dans la pé-
riode où ils s'enchâssent.
J'avoue aussi que je doute un peu de cet axiome, formulé
pitr Quicherat et accepté par M. T., o qu'il ne doit jamais y
avoir deus lèves en contact » (p. 101). Qui; cet effet soit
«généralement» désagréable, d'accord. Mais de là à le
1. CeUe Uiéorie nous semble infiniment plus juste qne celle de
M. Benlœw dans son Précis d'une théorie des rythmes, pp. 91-92 :
« Comme les accents ressortent peu en français, il ne suffit pas que
la vois puisse se reposer sur une syllabe accentuée, il faut encore
que cette syllabe se présente toujours au même endrok. que la vois
qui l'allent soit sure de l'y trouver. Il faut donc au rythme français,
naturellement si vague, pour le bien dessiuer, ft/ie césure masculine,
toujours la même. » Pourquoi cela ? L'expérience prouve au con-
traire : 1° que la î-ésure peut varii;r (juaut à sa place ; 2" qu'elle peut
être féminine.
Rr:vuic dk l'iui.Di.m.n;. vu. 10
146 REVIT. DK PHILOLOGIE FRANÇAISE
proscrire, il y a un i)as. Rien de plus dur que le A-crs de
Gautier :
Holbein l'esquisse d'un trait sec.
Mais n'est-ce pas un vers charmant que le vers de Racine :
Ma timide vois tremble à vous dire une injure?
N'est-ce pas un vers énergique que cet autre de Coppèe :
Ce soir, en attendant que le couvre-y'cH sonne f
A cet égard donc, nulle règle absolue.
Enfin, M T. me permettra-l-il do lui signaler, à propos
de la « césure romantique » (p. 75), un curieus passage de
Louis Racine dans ses Remarqurs sur les tragédies de Jean
Racine — d'où il appert que le (( tour preste et pimpant » du
vers n "était pas « proscrit dans la tragédie et la poésie ly-
rique » (p. 77) : « Les étrangers s'imaginent qu'en pronon-
çant deus vers, nous nous reposons quatre fois, à cause d(>s
quatre hémistiches : le sens et l'ordre des mots s'y opposent
souvent, surtout dans les vers de passion, et nous obligent
d'y faire deus ou trois césures et d'enjamber? Croieiit-ils que,
dans la colère, Hermione marche à pas comptés?
Adieu, tu peus partir, | je demeure en Epire, |
Je renonce à la Grèce, | à Sparte, à ton empiie, |
A toute ta famille, | et c'est assez pour moi, |
Traître, qu'elle ait produit | un monstre tel que toi. |
Voici comment la passion, peinte dans ces vers, conduit la
vois :
Adieu, I tu peus partir, | je demeure en Kpire, |
Je renonce | à la Grèce, | à Sparte, | à ton empire, |
A toute ta famille, | et c.'est assez pour moi,
Traître, | qu'elle ait produit un monstre | tel que toi. »
Le passage — cité récemment par M. Souriau^ dans soninté-
1. La Vcrsijication de Mallierl/c. par Maurice Soiirian. Poitiers,
189:2, p. 55.
COMPTK RENDU 147
ressantc élude sur la Verni ficat ion de AfalJierbe — prouve
à tout le moins que la variété des tours était l'un des soucis
de nos classiques. J'accorde d'ailleurs qu'ils ne l'ont pas
toujours réalisée, et qu'ils ont confondu la diction avec la
scansion du vers, l'accent oratoire avec l'accent rythmique.
La troisième partie du livre de M. T. (p. 152-284) est
consacrée à la rime et à la construction du vers (hiatus, en-
jaml)ement, inversion) .
M. T. admet que la rime est nécessaire en français. Mais
il lui conteste très justement le rôle exorbitant que lui
accordent nos contemporains. « La rime, écrit Banville, est
l'unique harmonie du vers.» Tant s'en faut! Elle est une
aide précieuse, mais seulement une aide. « Elle est propre-
ment l'accessoire, comme la parure est l'ornement de la
femme » (p. 154). La rime sert de métronome, en suppléant
à ce que le rythme français a de naturellement vague, en
donnant plus de solidité à la valeur un peu flottante des
éléments qui le composent ^ . — D'où suit qu'il faut, tout en
conservant la rime, la réduire au lot qui lui convient:
(( l^' 11 faut s'afïranchir des lois surannées et illogiques de
la rime à l'œil ;
» 2° Mais, aussi, tâche que ce ne soit que dans de beaus
vers (plus facile à conseiller qu'à faire). Écris ceci en ta
cervelle avec un style de fer : toute nouveauté qui ne s'appuie
pas sur de beaus exemples est non avenue ;
)) 3» Ne viole la règle de la rime à l'œil que dans les
rimes riches, pour autant que ce qui fera le mieus accepter
la réforme par le temps qui court, c'est la possibilité de
rimer plus richcuK'nl [on ne tourne pas plus adroitement la
difficulté] ;
» 4" En revanche, apporte plus de scrupule qu'on ne fait
dans la conformité du son des rimes. » (P. 205.)
Telles sont les conclusions — logiques, mais diploma-
1. La vcrsificalion française a évolué depuis ses origines, du
rythme à la rime. A mesure que l'accent perdait de sa vigueur dans
l'iiUérieur du vers, Ibomophonie finale est devenue plus précise et
plus complète. Par suite, le rythme s'est trouvé représenté presque
entièrement par ce qui n'en était d'abord qu'un élément et même
accessoire.
148 RK\UK DK IMIILOLDGIK FRANÇAISE
tiques — de M, T., sur celle grosse question de la rirae.
Rimons de plus en plus ppur l'oreille, de moins en moins
pour les yeus. Mais, pour faire passer la réforme, flattons
adroitement le goiît régnant. Ainsi ^enc/res rimera avec at-
tendre, foi avec autrefois, dire avec attendirent, etc.
Rien de mieus. L'essentiel est d'en finir avec le préjugé
traditionnel qui exige, contre toute logique, contre toute évi-
dence historique aussi, l'identité des consonnes muettes qui
suivent la voyelle rimante. Les lecteurs du livre de M. T. y
trouveront le plaidoyer le plus informé, le plus solide et
aussi le plus piquant contre ce monstrueus pédantisnie des
théoriciens. L'important est d'entamer le préjugé sur un
point. Ce point une fois atteint, le reste suivra tout seul.
En fait, l'importance qu'on a toujours attachée à la rime
s'explique — outre l'insuffisance rythmique du vers français
— par ce fait que la rime est un excellent moyen d'appeler
l'attention sur le mot principal, de la mettre en relief et en
saillie. « C'est le mot placé à la rime, dit Banville, le dernier
mot du vers, qui doit, comme un magicien subtil, faire ap-
paraître devant nos yeus tout ce qu'a voulu, le poète. » —
Comme telle, la rime est un inappréciable élément esthétique.
Est-il besoin de faire remarquer que dans la réforme pro-
posée, elle gardera ce rôle si légitime? Bien mieus, l'instru-
ment, augmenté de nouvelles cordes en nombre presque in-
fini, rendra des sons tout nouveaus aussi.
Si l'absurdité de la rime riche éclate à l'esprit, que dire
de l'absurdité de l'hiatus à l'œil, c'est-à-dire « proprement la
règle qui décrète l'absence d'hiatus quand il n'y en a point à
l'œil^ et que cependant il en existe un à l'oreille » (p. 233) ?
Ainsi le vers fameus de Hugo :
Naquit d'un sang breton et lorrrain à la fois,
sera correct, au lieu que cet autre :
C'est hideus ! Satan nu et ses ailes roussies
est condamnable — cà moins pourtant que par un artifice dé-
plorablement ingénieus, le poète ne s'avise d'écrire :
Satan nud et ses ailes roussies...
COMPTE RENDU 1 10
pour satisfaire à la morale des théoriciens ! — En vérité,
n'y a t-il pas une casuistique de la versification, et n'avons-
nous pas besoin de quelques Provinciales pour remettre un
peu de bon sens dans tout ce fatras de pédantisme et d'ab-
surdité?
M. T- pront vailhimment sa part de cette salutaire besogne,
en ce qui regarde l'hiatus. — Sur un seul point, nous lui
ferons une petite querelle — et encore a-t-il reconnu lui-même
son erreur dans Verrata (p. 355). M. T. conteste que ce vers
de M. Gabriel Vicaire :
Crient à Jésus miséricorde,
soit un octosyllabique, crient n'étant pas, en bonne pro-
nonciation, monosyllabique. Plus loin, M. T, reconnaît qu'à
Paris cette prononciation fait loi, et cite à l'appui le vers de
M. (1(> llérédia :
Ils fuient ivres de meurtre et de rébellion.
Nous pouvons assurera M. T. ([ue ce n'est pas seulement
à Paris, mais encore dans plus d'une province de l'ouest ou
du nord delà France, que crient est, depuis plusieurs années
sans doute, monosyllabique, et je ne verrais pas, pour mon
compte, grand inconvénient à ce que crient rimât avec rabou-
fjri — si ce n'est qu'il y a, entre les deus voyelles rimantes,
une différence de quantité.
La dernière partie du livre (p. 285-331) est consacrée aus
stances, tant anciennes que modernes, depuis le lai et le rire-
la 1/ jusqu'au (jhasel.
Il nous resterait, après avoir intli([ué (|ucl(jues nues des
idées neuves du livre si original de M. T., à signaler une
foule d'aperçus littéraires ou historiques qu'on y trouve semés
â profusion. Quelques-uns sont faits pour surprendre. Mettons
sur le compte de « l'aimable légèreté du boulevard » (p. 252)
propre aus Parisiens l'élonnement (jue nous cause l'enthou-
siasme un peu débordant de M. T. pour l'école lyonnaise.
Aussi bien quelques-unes des pièces que M T. a composées
pour son livre sont ciiarmantes et dignes du poète que nous
connaissions. —Mais est-il croyable que le Roland, soit, de
150 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
toutes les œuvres du moyen âge, (( la seule qui mérite l'ad-
miration, sinon la seule qui mérite d'être lue )) (p. 61 1? N'est-
ce pas de la critique un peu « verte )) que ce jugement sur
Malherbe : « Son œuvre n'est pas beaucoup plus qu'un tissu
de platitudes, d'enflures, de concetti, de galimatias, sur lequel
se dessinent en relief quarante ou cinquante beaus vers...
Les cochons, eus aussi, trouvent des truffes » (p. 74, ? —
Certain calembour sur Voltaire est fait pour étonner (p. 4).
Mais ce sont là des vétilles rachetées amplement par la
saveur de tant d'autres aperçus, et par l'originalité d'un style
très pittoresque. Il est rare que, dans un livre d'érudition, on
s'intéresse — en le lisant — à l'érudit. Le traité de M. T.
sur la versification fait aimer l'auteur, pour sa bonhomie, sa
finesse, son esprit alerte et délicieusement incisif,
Joseph Texte.
PUBLICATIONS ADRESSEES A LA « REVUE DE PHILOLOGIE »
G. Pai'is. — Extraits de la Chanson de Roland, A.' édition,
revue et eorrigée. (Paris, Hachette, 1893.)
J. Bastin. — Glanures grammaticale s. (Namur, impri-
merie Lambert de Roisin, 1893, 160 pages.) — Pour donner
une idée de l'intérêt de ce petit volume (nouvelle édition con-
sidérablement augmentée), nous reproduisons la table des
matières :
Formation des mots dans la langue française. — Accord du
participe laissé suivi d'un infinitif. — Opinion des bons gram-
mairiens sur la question du paitieipe j^assé précédé d'un adverbe
de quantité et du pi'onon en. — Accord du verbe après /'m/i et
l'autre. — Accord du verbe après ni l'un ni l'anti-e. — De la
répétition du pronom personnel sujet. — Le pronom /c. —Accord
du verbe être précédé de ce. — Accord des verbes après un col-
lectif partitif (indéfini). — Emploi de l'indicatif ou du sulDJonctif
après (ont que. — Emploi de son, sa, ses, leur, leurs, après
chacun. — Genre du mot amour. — Pluriel de quelques noms
composés. — De la variabilité de l'adverbe io((t. — Préposition
</(' remplaçant l'article indéfini ou l'article partitif devant un
adjectif. — Accord de l'expression seul à seul. — Accord et com-
plément de l'adjectif. — Peut-être, coici, voilà. — Béni, bénie;
béait, bénite. — Des temps antérieurs des verbes français. —
Remarques sur l'emploi de quelques temps. — Parallèle entre le
présent et l'imparfait. — Le passé délini. — Du passé indéfini
(passé par rapport au présent). — Le passé antérieur en français.
— Verbes aller et venir employés comme auxiliaires. — Emploi
de la négation ne après le verbe craindre. — Négation explétive.
— Accents ortbographiques; tiret ou trait-d'union. —Féminin du
mot (/rec. — La question « orthograpbe ». — Commentaires de
la circulaire ministérielle. — Cliangements proposés concernant
quelques-unes des règles des participes passés. — Des noms com-
posés. — Les mots demi, feu, nu, franc de port. — Verbes en
eler et r-n eler. — Verbes terminés par ai/er. — Le tréma. —
Emploi du pronom soi. — Les mots cinrjt, cent, mille. — Pronoms
adverbiaus en et // ou adverbes pronominaus. — Quelques cas
concernant les règles du participe passé. — Négation après avant
que, sans que. — Pas, poi/it, guère, nullement. — Nul. —
Aucun. — Rien. — Nennil. — Personne (pronom indéfini). —
On. — Temps du subjonctif. — Notes, additions, corrections.
152 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
A. Gasté. — Bossuef, Lettres et pièces inédites ou peu
connues. (Caen, Henri Delesques, 1893, 61 pages in-8.)
A. R. Hohlfeld. — Studies in french versification.
(Baltimore, 1893, 36 p. Extr. des Modem Language Notes.)
.1. Bédier. — De Nicolao Museto. (Paris, Bouillon, 1893,
135 pages in-8.) Étude biographique sur Colin Muset, et
édition critique de ses œuvres.
Le même. — Les Fabliaux, études de Littérature populaire
et d'histoire littéraire dumoyen âge. (Paris, Bouillon, 1893,
xxv-495 pages grand in-8.) — Ouvrage capital, à propos
duquel nous publierons dans notre prochain numéro un
article de M. Paul Regnaud.
Hatzfeld, Darmesteter et Thomas. — Dictionnaire général
de la langue française, IV fascicule. (Paris, Delagrave.) —
Ce fascicule va du mot double au mot émergence inclus,
et contient notamment les articles : eau, ébouler, écuijer,
étage, etc. Les états successifs du mot dérivé d'aqua,
dégagés des formes dialectales, sont légitimement réduits a.
aice, ève, eue, eaue, eau.
Lanusse. — De l'Influence du dialecte gascon sur la
langue française de la fn du XV" siècle à la seconde
moitié du XVIF. — Travail bien fait qui a valu à l'auteur, en
Sorbonne, le grade de docteur (unanimité).
Ed. Koschwitz. — Les Lauriers parisiens, anthologie p//o-
nétif/ue. (Paris, Welter, 1893, xxxii-148 pages in-8.) — Le
savant professeur de Greifswald note phonétiquement la
prononciation de MM. Daudet. Zola, Paul Desjardins, Rod,
Gaston Paris, Renan, d'Hulst, Père Hyacinthe, Got, de
Bornier, Silvain, M"»' Bartet, F. Coppée, Sully-Pru-
dhonnne, Leconte de Lisle*. Cette notation, faite avec la
plus grande sincérité, est particulièrement intéressante en ce
qui concerne les liaisons et la valeur donnée ans e dits muets ;
les littérateurs se font tant d'illusions sur leur propre pro-
nonciation !
jn LLETIN TRIMESTRIEL
DK LA
SOCIÉTÉ DE RÉFORME ORTIIOGIIAPIIIQEE
(Juillet 1893)
RÉFORME PAR VOIE ADMINISTRATIVE
L'usage serait assurément moins rebelle à une réforme
orthographique si, dans l'enseignement, dans les classes
primaires et secondaires, on laissait aus élèves une certaine
latitude pour les façons d'écrire où la règle officielle est
manifestement contraire à la logique et à l'histoire de la
langue.
Dans l'état actuel des habitudes, l'Académie ne pourra
faire ou plutôt n'osera faire qu'un très petit nombre de ré-
formes. Pour qu'une édition ultéi'ieurc du Dictionnaire soit
vraiment mise au niveau des progrès de la philologie fran-
çaise, il faut former des générations qui ne soient pas im-
prégnées de nos préjugés orthographi(|ues, il faut agir sur
l'école.
La circulaire de M. Léon Bourgeois était excellente dans
son esprit, mais elle avait le défaut de n'être pas impérative ;
les commissions d'examen n'en ont tenu aucun compte, et
les instituteurs iront |)u faire autrement que de continuer à
enseigner toutes les chinoiseries d'antan. Ce qu'il nous faut,
c'est un arrêté ministériel, dkfkndant de compter, dans h^s
classes et dans les examens, certaines prétendues fautes qui
s(;raif'nl indiquées dans un tableau méthodique et précis :
« A paiiir (le , dans les exercices scolaires et dans les
examens et concours, il ne sera plus compté de fautes d'or-
thographe pour les façons d'écrire comprises dans le tableau
ci-joint. . . ))
154 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
On nous permettra de proposer ici ce tableau des graphies
tolérées, tel que nous le concevons, avec la préoccupalion de
ne pas heurter trop violemment le préjugé :
I. — ^fots composés.
lo On pourra écrire en un seul mot tous les mots composés
({ui commencent par entre et contre et cens qui sont formés
d'un verbe suivi d'un régime direct: entredeus comme
entremets, contrecoup comme contrefcu'on, contrebalancer
comme contremander, portemonnaie comme portemanteau,
etc. ' ;
2" On pourra omettre le trait d'union dans les mots com-
posés au milieu desquels se trouve une préposition et dans
cens qui sont formés d'un substantif et d'un adjectif qui s'y
rapporte : arc en ciel comme cliemin de fer, plain chant
comme pleine lune, et aussi demi litre, etc.
II. — s pour X.
On pourra mettre un .s- à la place de j" final non prononcé
ou prononcé s (ou prononcé comme .s- en liaison) : des
caillons, desjojjaus, les Hébreus, Jalous, Je veus, lapais,
etc. ^
1. Voyez dans noire dernier numéro, page 6S. la partie de la note
de M. Gréard, relative ans tirets, et aussi, t. I\' de notre Revue,
pages 264 et 314.
2. C'est ainsi qu'écrivent les adhérents à In formule de la Rituo de
Pldlolofi'tc J'ranraisc, et on ne peut décemment compter comme
fautes des graphies que l'on trouve au-dessus de la signature de
MM. Michel Bréal, Edouard Hervé, Marty-Laveaux, Camille Cha-
baneau, etc. L'orthographe oincielle est le résultât d'une confusion
barbare entre la lettre as (valant ks] et un signe abréviatif (valant us)
qui ressemblait à se. Le latin rapillôs adonné régulièrement c/^ertî/s
puis clieceus ; selosum a donné Jalons, d'où Jalouse, Jalousie. Sex,
prononcé sers, a été trai'é comme factu/n, où le e devant une autre
consonne a produit un i : on a eu sieis et par contraction .sv> (com-
parez la prononciation de lis). Avant la confusion dont nous venons
de parler, le nom de nombre deux s'écrivait régulièrement dcus, avec
Vs du pluriel (latin populaire duos). L'as des mois paiœ, choix, noix,
etc., n'est pas meilleure, et éloigne ces mots de leurs àt\'\\é?, paisible.
DCLLETIN DK LA SOCIÉTÉ DE HEFOliME ORTHOGRAPHIQUE 155
III. — Formation et emploi du pluriel.
1° On pourra mettre le signe du pluriel à la fin de toufi
les mots d'origine étrangère : des allégros comme des solos,
des exéats comme des accessits, etc. (Voyez ci-dessus,
page 71, l'opinion conforme de M. Gréard.)
2° On pourra mettre ou ne pas mettre d'.s- au pluriel des
noms propres sans faire aucune distinction de sens '.
3° On pourra donner le signe du pluriel à rinf/t et à cent,
même s'ils sont suivis d'un autre nombre : rjuatre-cinr/ts-trois
comme quatre-vingts -.
4" On pourra mettre^ les compléments au singulier ou au
pluriel toutes les fois qu'il y aura une double interprétation
possible : des Iiahits d'homme ou dliomraex (pour un homme
ou comme en portent les hommes), de la gelée de groseille
ou de groseilles, etc. (Voyez ci-dessus, page 72, l'opinion
conforme de M. Gréard.)
IV.— Formation du féminin et accord de radjectif.
1° On pourra ne pas redoubler Vn et le t dans la formation
du féminin ; écrire cJiate comme raie, paijsane comme cour-
tisane, pàlote comme manchote, sujète comme discrète ^ ;
2" On pourra faire accorder les adjectifs rfem?', nu, feu, fort,
quelle que soit leur place, écrire « demie lieue » comme
apaiser, choii'ir, noisette, etc. Voj'cz Reine de P/iilolofjie Jrançaise,
VI, page 260. « Il serait grand temps, dit A. Daniiesteter, qu'une
orthographe plus correcte et plus simple rétablit partout r.< finale à la
place de l'.i- barbare. » M. Gréard demande à l'Académie de con-
sacrer cette réforme ici-dessus, page 78). -Il en résulterait que Va-,
chez nous comme chez les I-atins, n'aurait plus (juc sa valeur nor-
male de consonne double, dans a-^c;, ■•ie.re. a.cionie. clc
1. C'est le contexte qui indique si l'on veut parler de personnes
semblables à Corneille ou de membres de sa famille. Dans les deus
cas on a un nom propre, et dans les deus cas aussi un pluriel. Les
exemples des auteurs sont en conlradiclion avec les subtilités de la
règle actuelle.
2. XoyQ-A Reçue de P/iilolof/ie J'ranraisc, IV, 217, 275 et Mi.
3. Voyez Renie fie P/iilolof/ic p-anraise, IV, 216 (opinion de
M. Michel Rréal).
156 HiiVUE DE l'HILOLOGIE FRANÇAISE
(( une lieue et demie )), n m pieds comme pieds nus, feue la
reine comme la feue reine, « elle se hûtjhrte » comme a elle
se fait belle )).
De même, l'adverbe tout, devant un adjectif singulier,
pourra s'accorder aussi bien quand l'adjectif commence par
une voyelle que lorsqu'il commence par une consonne : toute
entière comme toute pleine ' .
V. — Verbes.
1° On pourra écrire par è, au futur et au conditionnel, les
verbes qui ont déjà cet è au singulier de l'indicatif présent :
Je protégerai comme ye te protège ;
2" On pourra ne jamais redoubler VI et le t dans les verbes
(( en eler » et en « eter » : j'appèle, Je cacheté, au lieu de
(( j'appelle, je cachette ^ » ;
3° On pourra supprimer les consonnes non prononcées
devant Vs et le t des terminaisons verbales : J'interrons ',
il interront, comme ^e doi^s (et non je dorms), il dort (et
non il dormt), etc. * ;
4° On pourra substituer t kd final à la troisième personne
du singulier : il coût, il prent, comme il absout, il peint;
5" On pourra faire ou ne pas faire l'accord du participe : a)
pour les verbes coûter et valoir, quelle que soit leur accep-
1. Voyez ReatiG do Phclologle/ranrai^^c, IV, 217 et 314. Cf. ci-dessus
l'opinion de M. Gréard, page 72.
2. An mot appeler, Litlré dit : « Dans ce verbe l'Académie exprime
par eU le passage d'e muet à e ouvert ; ailleurs elle rend ce passage
par èle comme dans ye gélo ; il serait bien utile d'adopter pour tous
les cas une orthographe uniforme. »
3. Ainsi écrit Bossuet.
4. Pour ce paragraphe et pour le suivant, nous répéterons ce que
nous avons dit pour .s substitué kx': on ne peut décemment compter
comme fautes des grai)hies que l'on trouve au-dessus de la signature
desavants tels que MM. Mirhel Bréal, Chabaneau, etc. Voyez Revue
de Phlloloyie J'ranraise, IV, 81. Four la même raison on devrait
admettre aussi les graphies enjarn*, parens^, etc. que l'on rencontre à
chaque ligne dans la Reçue des Deux-Mondes et le Journal des
Débats. Mais les enfants ne commettent guère cette infraction à la
règle générale du pluriel.
ncLLivriN m-: la soriiVn'; i>i-. kkimkmk (M;rii<)(;i;Ai'iii(a't: 157
lion; I>) lorsque lo conii/U'uiciit dii'cct est lo pi'onon en, et r)
lorsque le participe est sui\ i d'uu iiiliuilil' sans préposition :
je lésai r/( ou ms venir.
VI. — Mois dive/'s.
On pourra écrire rint au lieu de riiu/i \ set au lieu de
sept -, pois au lieu de ])oids ■\ J'orsenê \ moi-seau ■', con-
treindre % dcciller ', douter, pront % scidter, batèine et
batiser, doit au lieu de doigt % assoirai sursoir, douçàtre,
vermiceau ^".
Sur tous ces mots et quelques autres, voyez Reçue de Phi-
lologie française, VI, pages 264 et suivantes.
1. Vint, bien qu'il vienne de ciiji/iti. ne doit pas plus avoir de g
que trente = triginta.
2. On n'écrit pas il ^'«/7<^; (malgré le latin :<a/)it).
3. Pois se rattache au verbe peser, qui n'a pas de (/, et non au
latin pondus.
4. Forsené veut dire « hors du sens ».
5. Morseau est de la famille de morsure.
6. Contraindre est de la famille d'ctrcindrc.
7. Dcciller se rattache à cil.
8. Les graphies dompter et jirompt tendent ;\ corrompre la bonne
prononciation française de ces mots.
9. Doit (de diyitum] n'a pasplus droit au g q\xe/roid(dQjri;/idum).
10. Vermiceau est de la même famille que cermicellc.
158 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
LES RÉFORMATEURS DU XVn« SIÈCLE
Nous avons signalé les articles si intéressants de M. Monseur
dans la Reauc Unicersltalrc de Belgique. Ces articles vont
bientôt paraître en volume ; nous en détaclions pour nos lecteurs
le fragment relatif aus r>!' formateurs du XVII'^ siècle.
Le commencement du XVI P siècle vit renaître des tenta-
tives de réformes relativement systématiques, plus modérées
toutefois que celles du siècle précédent.
En 1609, Robert Poisson publie sous un titre qui montre
par lui-même jusqu'où il va, c'est-à-dire un peu trop loin
pour convertir le public, un Alfabet nouveau de la vi^ée et
pure ovlografe française et modèle sui^ iselui en/orme de
Dixionére ^.
En 1G.20, Jean Godard, dans un ouvrage sur la langue
française où il s'occupe spécialement de son orthographe,
n'hésite pas à imprimer anireprise (entreprise), jantille
(gentille), et {(.'■s.X), pié (pied)'-.
Au milieu du siècle, les Précieuses prirent en main la
cause de la réforme et lui firent faire de grands progrès.
Elles ne craignirent pas de déclarer qu'il fallait que les
femmes « peussent écrire aussi asseurement et aussi correc-
tement que les hommes » et décidèrent « que l'on diminue-
roit tous les mots et que l'on en osteroit toutes les lettres
superflues ». Som:iize nous a conservé un curieus procès-
verbal de leur délibération' et le fait suivre d'une liste
partielle de mots corrigés par ces femmes d'esprit. En voici
quelques extraits où je note entre parenthèses les orthogra-
phes de leur temps telles que Somaize les donne lui-même
en dessous de chaque mot: auteur (autheur), méchant (mes-
chant), acia (advis), cArf^eaw (chasteau), c/e/an^ (defîunct),
extr ordinaire (extraordinaire), éflcace (efficace), éfets
(cffects), èj'roii (efïroy), alnê (aisné), conait (connoist), calité
1. DiDOT, Obiiercations,\\.i-\\Ç>.
2. DinoT. Observations, 117- 122.
3. SoMAizn, Le f/rand Dictionnaire (les Précieuses. Paris, 1651.
Cité par Dn>OT, Obser cations. 124-127.
nCLLETIX DE LA SDCIKTK 01-; RKFOKMK OUTIIOf.K-.M'IIKjUE 151)
(qualité), dr/e (cage), t/'ion/'fins (irionijjlKUis), avocat
(advocat), indontnhle (indomptable), voùto (vouste), dame
{do&me),Jl(''rIiir (fleschir), rédeui- (ruidcur), saro//- (sravoir),
pie (piod). Il est indubitable que si nous écrivons aujourd'luii
la plupart de ees mots aussi simplement qu'elles, nous le
devons surtout à la profonde influence que cette coterie de
femmes intelligentes a eue sur la société du XVII" siècle.
Leurs orthographes pénétrèrent dans l'usage, et l'Académie,
après les avoir systématiquement rejetées dans son premier
dictionnaire, dut les accueillir pres(|ue toutes au siècle
suivant.
Peu de temps après, en 1GG4, Corneille, dans la préface
de l'édition de luxe qu'il a donnée de son théâtr(>, explique
(|u'il a (( hazardé » quelques « innouations en l'Ortographe »,
innovations qui nous semblent aujourd'hui très naturelles.
Son autorité a, en elfet, contril)ué pour beaucou|) à la
distinction de j et de i, de v et dru et à l'emploi rehitiviMuent
logique de è, de è et de ê '.
Des idées plus radicales de phonétism(> inspirèrent d'au-
tres réformateurs, notamment de l'Esclache et Lartigaur.
Le premier va réellement un peu loin, notamuKMit par
l'abus des accents, dans son livre sur Le>i vrrilahles rùjjle^
de Coriografe fvanckze ou l'Art d\fpraiid/-e en peu de
tams à écrire côrecteracnt (Paris, 16G8),
Le second, dans son petit livre sur Lc.'i prof/rrs de la
véritable orto[ji-afe, ou l' ortofjrafe francèz-e fondée .sur ses
principes, confirmée par démonstracions {Pavin, 16(59), ex-
pose et applicpie un syst('me plus radical et plus logique. ma.is
plein d'excellentes choses, ainsi qu'on pourra en juger par
cette phrase de sa préface : Je conès que rorto(jraje vulguùre
et amharasante pour la lecture, contrére à la véritable
prononciacion quélc doit exprimer et prcque" inposible à
■savoir sanz la conésance du f/rec et du latin ; ancor ij an
a-t-il irez peu qui la sachent parfètement avec tout cela.
< )u peut enfin considérer comme un disciple des Pré-
1. DiDor, Oh.-'i-rrations, 67.
:l. Telle était, au millifu du XVII' sit'cle, la proiinnciatinii du
mot /iresque.
160 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cieuses, Riclielel qui, dans son diclionnaire (1G80) imprime:
reçu, apôtre, dédain, eic, qui ont fini par passer, et de plus,
hatèine, afaire, ataqae, dlficidtc, que nous écrivons encore
aujourd'hui avec des lettres inutiles.
En résumé, l'on peut dire que si le XVI" et le XVII«
siècles ont eu une orthographe baroque, cette orthographe
fut cnergiquement combattue en théorie et s )uvent enfreinte
dans la pratique. Le dogme de la fixité de l'écriture qui nous
opprime aujourd'hui n'était pas encore formé. L'orthographe
était plus vilaine que de nos jours, mais elle était moins
tyrannique, et il n'est pas de grand écrivain de cette époque
chez lequel on ne puisse trouver par douzaines des graphies
simples et raisonnables qui seraient évaluées par des points
et des demis points dans les dictées des petits garçons de
maintenant. Bossuet écrivait pan/ze/* avec un a; Corneille,
armonie sans h et batu avec un seul t ; Boileau, pome avec
un m; Racine, je répons sans d ; Lafontaine, cJiartier
sans plus de lettres que quartier ; quant à Fénelon, il n'a
jamais imprimé que Les Avaniures de Teleniaque.
Xoiœelle adhésion.
M. Qarlos Qabezon , de Valparaiso (Chili) s'est fait
inscrire comme membre actif de notre Société. M. Qabezon
mène avec une grande activité dans son pays la même campa-
gne que nous 11 a publié notamment, comme ouvrage de pro-
pagande, des Notas sobre la reforma ortograjiqa.
Au moment de mettre sous presse, nous recevons un livre
excellent, que nous sommes heureus de recommander : La
nouvelle Orthographe, par Auguste Renard, avec une préface
de M. Louis Ilavet. (Paris, Delagrave.)
Le Gérant : E. Bouillon.
CHALON-SUK-SAONK, LMl'HLMKRIK DE L. MARCKAU
i;oiU(;i\K i)i:s contks dk fi:es
A PKOPOS d'un ouvrage RÉCENT
Parmi les problèmes que soulève la très savante et très
brillante thèse de M. Bédier sur les fabliaus', il en est un
dont la solution expéditive qu'il propose ne saurait être
considérée comme le dernier mot de la question. En ce qui
regarde les contes non ethniques. « il est impossible de
savoir, dit-il, où, quand chacun d'eus est né, puisque par
dédnition il peut être né en un lieu, en un temps quel-
conque ». Il faut avouer que voilà une règle qui simplifie
singulièrement pour tous les cas embarrassants la recherche
de l'endroit et de l'époque qui ont vu naître les contes dont
il s'agirait de trouver l'origine. Il suffit de les classer dans la
catégorie des non ethniques pour qu'il n'y ait plus lieu de s'en
occuper à cet égard. Rien de plus commode d'ailleurs que de
faire entrer un conte quelconque dans ce cercle dont il ne
sortira plus, et qui consiste à dire que puisqu'il n'est pas
ethnique il n'a pas de patrie, et réciproquement. Avoir une
patrie « quelconque » ou n'en point avoir du tout n'est pour-
tant pas la même chose, et le raisonnement de M. Bédier ne
serait solide que si les contes non ethniques étaient réellement
à ses yeus des sans patrie. Il est trop évident qu'il n'entent
pas la chose ainsi pour qu'il soit permis d'insister. Il a voulu
dire simplement que les contes qu'il appelé non ethniques
sont d('pourvus de caractères qui permettent d'oi retrouver
l'origine, au double point de vue chronologique et géogra-
phique. Or y a-t-il beaucoup de ces contes-là? C'est ce dont
M. Bédier me permettra de douter. Je vais du reste essayer de
justifif.'r les causes de mon scepticisme à cet égard, ou plutôt
je lâcherai de prouver que d'importantes séries de contes, que
1. Un volume g:-. :m-8', xxvii et 185 pp. Paris, Bouillun. IS'J'i.
Rkvuk dk imiii.oi.ocm:, vu. 11
162 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
M. Bédier n'hésiterait pas à classer parmi ceus dont il faut
désespérer de connaître jamais la provenance, peuvent être
sinon datés du moins rapatriés avec une quasi-certitude.
Les contes que j'ai en vue sont ceiis qu'on a l'habitude d'ap-
peler Contes c?e/ees. Mais la désignation peut paraître vague
à certains égards, et au risque de restreindre la portée de ma
démonstration, je préfère ne l'appuyer directement que sur
les récits contenus dans les recueils de Perrault pour la
France et des frères Grimm pour les pays germaniques.
Les contes non ethniques, pour reprendre une autre forme
de la définition de M. Bédier, sont ceus qu'on ne « pourrait
attribuer à tel peuple créateur » et qui « ne sont caractéris-
tiques d'aucune civilisation ». Est-ce le cas de ceus qui
forment les collections dont je viens de parler ? Je répondrai
hardiment non, en m'appuyant sur les considérations sui-
vantes.
La plupart des contes de Perrault et de Grimm n^posent,
par leurs traits les plus importants, sur une conception du
monde où les fées, les magiciens et les ogres jouent un rôle
prépondérant et caractéristique. Il y a là comme une religion
sui generis, tout à la fois fantastique et athée, en ce sens
qu'elle semble ignorer le nom des dieus, une religion systé-
matique dans sa bizarrerie et signalée par une physionomie
trop particulière pour qu'on puisse en faire le domaine banal
de n'importe qui. C'est bientôt dit de parler à ce propos de
survivance et d'animisme ; ce sont des mots de passe à
l'aide desquels, depuis une vingtaine d'années, on prêtent
tout expliquer en fait de croyances primitives, sans expliquer
rien. En réalité, quand on serre les choses de près sans
prendre pour argent comptant les formules vagues et les
expressions creuses, on s'aperçoit bien vite que nos contes
de fées répondent à des idées ethniques si une certaine
religion peut être considérée comme le propre d'une certaine
race, — si les fées, les ogres, .les magiciens, etc., qui sont les
acteurs essentiels des contes de France, d'Allemagne, etc.,
ne sont pas les acteurs essentiels de ceus « de la Kabylie et
du Groenland », à supposer que ces contrées aient des contes
qui leur soient propres, — si, surtout, on se rent compte
qu'il est aussi facile d'imaginer comment le Petit Poucet,
l'origink des contes de fées 163
par exemple, a pu ôtrc porté de France, d'Allemagne, etc.,
en Kabylie ou au Groenland (en admettant qu'il s'y trouve),
que l'hypothèse inverse est absurde.
Mais, si les contes de Perrault et de Grimm,ou les contes
de fées qui ont circulé de tout temps en Europe, ou bien
encore, ce qui revient au même, les récits que les mères-
grands de nos villages racontent depuis des siècles aus bam-
bins qu'elles élèvent, ont les caractères ethniques que nous
venons d'y reconnaître, quelle est la race à laquelle on peut
en rapporter l'invention?
La réponse que je vais faire à cette question ne saurait
être donnée comme neuve, mais je compte l'entourer de
raisons qui le seront davantage. En deus mots, je crois avec
MM. Max Mûller et Gaston Paris, pour ne parler que des
savants les plus célèbres qui se sont prononcés à ce sujet,
que les contes dont il s'agit sont d'origine indo-européenne,
c'est-à-dire qu'ils appartiennent au groupe ethnique dont les
principaus rameaus sont devenus les Hindous, les Perses,
les Grecs, les Latins, les Slaves, les Germains et les Celtes
et qu'ils remontent à une période antérieure à la cause quel-
conque qui a brisé l'unité primitive de ces peuples.
Dans les preuves que j'essayerai d'en fournir, je ne m'attar-
derai pas à démontrer d'abord que les contes dits populaires,
et qui le sont devenus en ce sens qu'ils se conservent surtout
parmi les vieilles femmes de nos campagnes, n'avaient rien
de populaire à l'origine. En pareille matière, les grand'mères
n'inventent rien et la perpétuité de ces contes sous des formes
à peu près invariables, en est le stîr indice. J'ajouterai que
toute tradition ancienne, qui n'est que tradition pure, a eu,
même sous ses aspects les plus humbles, la religion pour point
de départ, elle seule ayant eu l'autorité doctrinale suffisante
pour donner le branle aus enseignements, quels qu'ils soient,
que les générations des illettrés se sont depuis lors indéfini-
ment transmises; dans tel village où ce qu'on appelé le
folk-lore sera resté vivant, personne n'aura gardé le souvenir
traditionnel de l'histoire de ce même village s'il s'agit seule-
ment de remonter à soissanteou quatre-vingts ans. Disons tout
de suite où nous voulons en venir: les contes du genre de ceus
de Grimm et de Perrault sont des restes de la religion (ou de
164 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
la mythologie, ce qui est tout un) indo-européenne, assertion
qui m'oblige à exposer ausstrapidement que possible les prin-
cipaus caractères de cette religion.
Chez les peuples de notre race^ aus époques qui ont pré-
cédé de plus ou moins loin et suivi de près la séparation,
toute la liturgie était dans le sacrifice, c'est-à-dire dans l'en-
tretien au sein de chaque famille d'un feu perpétuel consi-
déré comme sacré et qu'on alimentait avec deè essences
inflammables (huile, beurre, alcool ou résine). A ce feu
étaient adressés des hymnes dans lesquels on célébrait en
langage métaphorique l'union des liquides sacrés et des
flammes qu'ils nourrissaient, l'éclat de ces flammes, leurs
crépitements, leur développement, non sans adresser des
objurgations à toutes les circonstances qui pouvaient retarder
ces effets de la cérémonie.
Dans la phraséologie des hymnes, en vue d'en amplifier
et d'en animer les détails, on personnifiait d'ailleurs les
différents phénomènes que présentait l'allumage du feu
sacré. Les flammes assimilées à des êtres vivants servirent
de base à l'idée des dieus (les brillants), — leurs crépite-
ments devinrent les vois divines considérées comme om-
niscientes et prophétiques à mesure que la notion des dieus
acquit des caractères merveilleus et mystiques, — leur ex-
pansion fut comparée à des édifices resplendissants, à des
parures magnifiques, à des objets de métal précieus. Quant
aus obstacles imaginaires qu'on s'amusait à regarder comme
retardant la manifestation des splendeurs et des enchante-
ments du sacrifice, on les symbolisa sous la forme d'êtres
malfaisants localisés dans les parties basses et obscures de
l'autel, au sein des liqueurs sacrées que le feu n'avait pas
encore atteintes ; ce ténébreus séjour fut le prototype des
enfers, comme ses habitants fictifs furent cens des démons.
Les hymnes liturgiques, avec tous les développements dus
à la rhétorique qui leur était propre, devinrent naturellement
la base et la matière même de la tradition religieuse sous
toutes ses formes ; c'est d'eus que sortit toute l'efflorescence
mythologique de l'Inde, de la Grèce et de toutes les contrées
que peuplèrent les Indo-Européens. Mais le privilège des
choses religieuses est de pénétrer partout. La mythologie des
l/()UIf;lNK DES CONTKS DE FÉES 165
hymnes ne fut pas seulement l'objet des brillantes variations
ausquelles la soumirent les poètes qui, comme Homère et
Hésiode en Grèce, tirèrent leurs chants des anciens docu-
ments sacrés. Grâce aus incantatcurs de bas étage, aus prêtres
de condition inférieure qui devinrent les sorciers, les for-
mules liturgiques avec leur cortège habituel de tours pro-
verbiaus, d'expressions énigmatiques ou paradoxales, do
récits pleins d'invraisemblances, descendirent dans le peuple
dont elles constituèrent tous les souvenirs traditionnels et
l'équivalent de la littérature des classes instruites. C'est
ainsi que les hymnes amorcèrent les contes de fées, cette
monnaie de la mythologie, et dont la ressemblance avec elle,
reconnue par M. Bédier lui-même, s'explique si bien par
la communauté des sources originelles.
Cette esquisse succincte des- rapports diifolk-lore indo-
européen avec les monuments primitifs de la religion de nos
pères rendra facile maintenant l'identification des principales
figures typiques des contes qui s'y rattaclient avec leurs
antécédents liturgiques, c'est-à-dire avec les éléments et les
phénomènes du sacrifice que les hymnes ont commencé à
personnifier.
Les fées (fai-va, celle qui parle, qui révèle; cf. fat-um le
destin considéré comme la révélation de l'avenir, -fatin dans
inf'anti, celui qui ne parle pas, /«-/•{ parler, etc.i qui résident
auprès des fontaines sont les sœurs des nymphes, fatidiques
comme elles, et qui, comme elles aussi, sont les habitantes
des eaus. Les unes et les autres symbolisent les liqueurs du
sacrifice et les crépitements prophétiques qu'elles font en-
tendre quand elles se transforment en flammes sacrées.
Le magicien (iJ^âyo;, radical apparenté à celui de ixi-i-i-^vo^i ,
stratagème, et iJLT,/-otvr;, ce qui instrumente, machine, édifie,
construit) est, dans les contes qui nous occupent, l'équivalent
ou le substitut du déva (ou dieu) des hymnes védiques. A
l'instar des dévas, les magiciens développent, à l'aide de leur
baguette d'or (figure du feu sacré), toutes les merveilles qu'il
leur plaît d'évo(iuer. Dans lamythologie grecque, le prototype
par excellence du magicien des traditions populaires est
lléphaistos, l'artisan sans ])areilqui fabrique toutes les choses
admirables ou merveilleuses dont les dieus ont besoin. Le
166 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
même rôle est rempli dans les hymnes védiques soit par
Tvaslar (le fabricant), soit par le déva Varuna. Du reste, c'est
comme magiciens suprêmes que^ dans l'une et l'autre mytho-
logie, les dieus sont considérés comme les créateurs du ciel
et de la terre, images primitives du sacrifice dont ils sont les
inventeurs.
Les ogres (latin Orcus, l'enfer personnifié ; cf. Hadès qui,
dans la mythologie grecque, désigne à la fois l'enfer et le
dieu des enfers) correspondent traits pour traits aus Raksas
ou Raksasas des Védas (la racine est peut-être la même), les
reteneurs ou les empêcheurs (du sacrifice). Ogres et Rak-
sasas (dans la mythologie postérieure de l'Inde) sont des
êtres horribles, aus formes monstrueuses, qui se nourrissent
de chair humaine, voyagent la nuit (dans l'obscurité des
sacrifices non allumés), et que le héros qui personnifie le
feu sacré triomphant des obstacles, est prédestiné à tuer au
moment de sa radieuse expansion sur l'autel.
Le rapprochement de tous les détails des contes de fées
qui coïncident avec les données de la mythologie des na-
tions d'origine indo-européenne, prise à leur source dans les
hymnes védiques, demanderait un volume. Ceus que je viens
d'indiquer sont assez caractéristiques, à mon avis, pour
dispenser d'une comparaison plus étendue; ils suffisent du
moins pour permettre de localiser avec certitude dans le
domaine indo-européen l'ensemble de ces contes, surtout si
au parallèle général qui précède j'ajoute l'examen analytique,
d'après la même méthode, d'un conte particulier choisi parmi
les plus répandus de la série dont il s'agit, soit la Petit Poucet.
Ce récit célèbre nous est connu par deus versions prin-
cipales assez difïérentes l'une de l'autre, dont la première est
celle de Perrauh, tandis que la seconde, dont les variantes
sont innombrables, a été l'objet d'un remarquable travail de
de M. Paris, qui a paru d'abord dans les Mémoires de la
Société de linguistique de Paris (I, p. 372 seqq.). Sous sa
double forme le Petit Poucet est trop généralement connu
pour qu'il me soit nécessaire d'en rappeler les détails. Je k>s
supposerai donc présents à la mémoire du lecteur dans
l'espèce de paraphrase explicative d'après la mythologie
védique que je vais essayer d'en donner.
l'origine des contes de fées 167
1° Le Petit Poucet de Perrault
Agni, le dieu-feu, avant de briller sur l'autel est caché ou
perdu dans l'obscurité que suppose l'absence du sacrifice, si
l'on n'a que lui en vue et qu'on le considère (c'est très sou-
vent le cas dans les hymnes) comme la lumière, le jour,
le soleil, ou le ciel par excellence.
Il y est petit, pareil à un fœtus, disent et redisent les
textes, — il ne sera grand qu'une fois allumé et qu'il se
dressera devant le sacrificateur sous la forme d'une flamme
brillante \
Il est sage ou sav^ant (vidcan), par emploi régressif en
quelque sorte de l'épithète à laquelle il a droit quand il
brille, quand il est éclairé et qu'il fait entendre sa vois
omnisciente.
Les libations qui le conliennenten puissance et ausquelles
il est identifié si souvent sont au nombre de sept, — elles sont
sœurs (ou frères quand on les personnifie au masculin).
La forêt où le Petit Poucet se pert avec ses frères et la
maison de l'ogre où il trouve un abri pendant la nuit sont
deus figures différentes d'un même objet, l'obscurité du non-
sacrifice.
Le Petit Poucet tue l'ogre comme Agni tue le Raksas.
Celui-ci et celui-là s'emparent alors des richesses de leur
victime, qui ne sont autres que les eaus abondantes et
nourricières de la libation ausquelles ils doivent la vi-
gueur et l'éclat.
1. Le vers du Rif/-Vcdn, IX, 15, 1, csa dliitjd ydty ancyû euro
rathcblnr ùçAibliilj, « celui-là (le liquide sacré prêt à flamber, soma
pa:anidna),le héros, se meut au moyeu de chars rapides (ses flammes)
et à l'aide d'une intelligence (dont la forme est) minuscule o, donne
très bien l'idée des formules sur lesquelles s'est développé notre
conte, surtout dans sa seconde version.
Un mythe de l'Inde, tiré évidemment de formules analogues h
celles qui ont abouti au conte du Petit Ponrct, est celui du nain
\V.s/(« qui, dans sa lutte contre le démon Bali, parcourt le monde en
trois pas (cf. les l)ottes de sept lieues).
168 REVUE DE PHILOr.OGIE FRANÇAISE
2" Le Petit Poucet d'api^ès les versions recueillies
PAR M. G, Paris
Ici, au lieu de conduire ses frères, Poucet dirige soit des
bœufs, soit des chevaus, soit un chariot, soit une charrue.
Rien de plus fréquent dans le Rir/-Véda que les vaches
(ou bœufs)-libations, ou les chevaus, ou les chars, figures
dos tlammes du sacrifice, qui traînent ou portent les libations
sous la conduite d'Agni.
D'ailleurs comme il s'agit du petit Agni, d'Agni-fœtus, il
est encore invisible et caché, tantôt à l'intérieur des vaches-
libations, tantôt dans le ventre du loup, tantôt enfin dans
l'oreille ' du cheval ou du bœuf. II y fait entendre sa vois
qui représente ses crépitements et qui est généralement le
signal de sa délivrance ; on ne l'entent qu'au moment où il
va échapper à l'obstacle et sortir de l'obscurité.
Pour se rendre compte de la circonstance d'après laquelle
le Petit Poucet serait le Bow-:r,; des sept bœufs de la Grande-
Ourse, il suffit de se rappeler qu'en pareil cas, comme dans
beaucoup d'autres du même genre, la m3'thologie indo-euro-
péenne s'est transformée en astronomie, ou plutôt celle-ci a
emprunté à celle-là sa nomenclature primitive. Les sept
bœufs de la Grande-Ourse ont passé du ciel du sacrifice au
ciel réel, à la faveur surtout du double sens (ours et chose
lumineuse) du mot sanscrit Riksa = grec apxToc.
Ai-je achevé ma démonstration et réussi à faire voir que
nos contes de fées ne sont ni une sorte de proies sine matre
creata, comme les folk-lorisles ont l'air de le croire-, ni
1. Cf. pour cette circonstance dont il est fait souvent mention, Rig-
Véda, II, 24. 8, où il est question d'oreilles qui sont la demeure des
flèches du feu sacré personnifié sous le nom de nrahnianasp;4i. .\u
vers V, 31, 9, il est dit aussi (jue les chevaus d'Indra =: Agni le
portent dans l'oreille.
2. Un fait curieus à noter c'est que la théorie des folk-lorisles n'a
d'abord été qu'une méthode. Il s'agissait simplement pour commencer
de réunir, abstraction faite de toute idée générale, les légendes popu-
laires partout où elles se trouvent. Le système n'est venu qu'après et
visiblement inspiré par la méthode : les légendes recueillies partout
I.'oUIGlNE DES fONTKS DE FKKS 169
d'éternels vagal)oncls dont le pMerinagr^ a commencé on ne
sait où, ainsi que M. Bédier paraît disposé à le penser ? On
me permettra, jusqu'à preuve du contraire, do pencher pour
raOïrmative et de croire plus que jamais, en j)résence des
raisons qui militent en sa faveur, à l'origine indo-européenne
des traditions ([ui |)ortent visiblement le cachet des an-
ciennes croyances indo-européennes.
Il me serait facile maintenant de montnn' que, j^arnu les
contes considérés à la fois comme (( ellmiques » et peu an-
ciens, un grand nombre ne doivent cette apparence qu'à la
mise en ouivre, avec quelques détails nouveaus inspirés par
le lieu de l'époque où la refonte s'c^st produite, de viens
thèmes légendaires, dont la véritable origine remonte ans
hynnies liturgiques du genre de cens que les Védas nous ont
conservés. Et ceci expli(|ue comment tel conte de l'Inde p'.'ut
avoir son correspondant en Occident (exemple : la légende
de Purùravas et d'Urvaci auprès de la fable de Psyché et
celle de Mélusine) sans qu'il y ait eu influence directe d'une
version sur l'autre. L'hypothèse, justifiée partant de faits, de
la communauté d'origine à une très haute ('poque et sous
une forme extrêmement rudimentaire explique les ressem-
blances de tel récit du Pancatttntra avec tel fabliau dé-
veloppé par les jongleurs, sans qu'il soit besoin d'admettre
d'intermédiaires quelconques. Aussi, toutes les théorif^s ex-
posées avec tant de verve; d'érudition <;t de clarté dans la
première partie du beau li\re de M. B(''dier doivent être
rectifiées on conséquence;.
En ce qui me concerne, et il est à i)eine besoin de le rap-
peler après tout ce qui précède, mes conclusions seront
celles-ci :
1° Tous les cont(;s où figurent les personnages typiques
des contes de Perrault et de Grimm sont d'origine imlo-
européenne et <mii leur source dans les anciens chants litur-
gie] ues de la race ;
sont devenues dogmatiquement celles de parlent. .Viijourd'lnii, de
par la doctrine, défense est faite de reclien-lier s'il u'v a pas eu de
centres d'éclosion et de propagation dont le rayounenicin a prnduil
la dillusion aciuellc de la niatiiTc légendaire.
170 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
2» Il est infiniment vraisemblable que tous les contes qui
portentle même caractère, claiis les contrées autres que celles
qu'habitent les Indo-Européens, y ont immigré avec ce
qu'on peut appeler le bagage verbal de la civilisation de
ceus-ci\
Paul Regnaud.
1. Parfois on pourrait croire que M. Bédier a sur les contes de
fées des idées voisines de celles que je viens de développer, par
exemple quand il dit (p. 248) :c< Beaucoup (de contes) renferment des
traits merveilleus, actuellement vivants, précieus aus mythologues,
qui font l'intérêt de nos contes de village : ils sont les matériaus de
la mj'thologie. » Mais on lit quelques lignes plus haut : « Nos contes
de fées, considérés comme des produits fabriques, indéfiniment
transmissibles, ne sont, en tant qu'ils sont communs aus diverses
nations, susceptibles d'aucune étude ; « et cette fois je renonce à
comprendre. Y a-t-il des contes de fées sans merveilleus, et si le
merveilleus est précieus aus mythologues, comment peut-on dire
que les contes où il y en a ne sont susceptibles d'aucune étude,
étude qui consistera justement à déterminer, à spécifier, à localiser
la mythologie qu'ils renferment, et à voir par là d'où ils viennent?
La tlièsc préconçue de l'auieur est ici en conflit aigu avec son vigou-
reus bon sens.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BAS-GATINAIS
(Supplément)
Par C . P ij 1 c H A u D
Abat, n. c. m. Cliutc (d'eau.) Par extension : Quel abat de
coups de bâton!
Abat (d ), loc. adv. S'applique à la pluie et signifie:
avec abondance. Dans cette pluie d'abat, je ne savais où me
mettre.
Abatage, n. c. m. Portée d'un levier. — Faire un abatage
c'est, avec un levier, produire un effort. J'ai fait un abatage
pour abattre ce mur, assez fort pour le relever.
Aburingues, n. c. f. pi. Le trop plein d'un vase. Heureus
sont ceus qui possèdent les aburingues de ton chaudron pour
nourrir leurs gorets.
Aeaclie, adj. des dous g. Pressé, -e, tassé, -e, non levé
(en parlant du pain). Le pain azyme estacache, acaclie aussi
la terre que la houe n'a pas façonnée.
Acoyau, n. c. m. Chevron qui déborde le mur, supportant
les pièces qui doivent en écarter les eaus pluviales.
Acrapassé, -ée, adj. Réuni, -e en tas pressé. En voyant mon
bétail acrapassé j'ai cru qu'il y avait quelque chose d'extraor-
dinaire.
Adoué, -ée, n. et adj. Personne unie en dehors des liens
du mariage. Les adoués ne se vantent pas de leur situation.
Auriez-vous cru que cette femme était adouée?
Affier, v. n. Ccrtifici'. Je vou^ aflii' (|u'il viendra. (Se
trouve dans Villon.)
Affouzeler (s'), v. a. S<.' dit des aiiimaus quand, tout en
restant debout. iN rassemblent leurs pieds. La rosée fait
172 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
afïouzeler les génisses. — V. pr., s'alïouzeler. Les chiens
s'affouzellent sur la gelée blanche.
Affronter, v. act. Faire éprouver un affront à... Il est
affreus d'affronter son père.
Agacia, n. c. m. Pommier sauv^age.
Agarder, v. act. Regarder. S'agarder, v. pr., S'agarder dans
la glace.
Ageneiller is'), v. pr., S'agenouiller.
AgOQt, n. c. m. Égout.
Agoutter, v. act. et n. Égoutter. — V. pr., s'agoutter.
Agréïance, n. c. f. Consentement. Donne ton agréïance.
Agroumer et s'agrouiner, v. a. et pr. Synonymes d'af-
fouzeler et (s).
Aiziment, adv. Aisément.
Ajeindre, v. act. Atteindre. Si je pouvais ajcindre cette
branche, j'abattrais les fruits qu'elle porte.
Ajeter, v. act. Acheter. — S'ajeter. V. pr. On trouve rarement
que le bonheur s'ajète trop cher.
Alinoter, v. n. Maigrir. Comme tu as alinoté depuis que
je ne t'ai vu !
Alizé, -ée, adj. Compacte. Pain alizé.
Amoindrezir, v. act. Diminuer. Tu me parais vouloir
amoindrezir le mérite de cet homme.
Amoisser, v. act. Exciter. Amoisser deus chiens l'un
contre l'autre. — S'amoisser, v. pr. Ces gens s'amoissent sans
raison.
Amounition, n. c. f. Munition. Fusil d'amounition.
Animau, n. c. m. Serpent. Tiol animau n'est pas verimeus.
Annui, adv. Aujourd'liui. Voir Annet et Hannet.
Apetitezir, v. act. et n. Devenir ))lus petit, diminuer.
Apetitezir son héritage. En vieillissant, l'homme apetitezit.
Apichener, v. act. et n. Taquiner. Les gens qui ont
l'habitude d'apichener sont détestés. N'apichène pas ce
taureau, il t'en ferait repentir. •
Ardillon, n. c. m. Orgelet, petit Ijouton qui vient au l)ord
des paupières.
Arguelissc, u. c. f. Réglisse.
Arrouser, v. act. Arroser. Arrousez vos cliamps pendant
les chaleurs.
niCTIONNAIHK Dl' PATOIS DT nAS-(;ATINAIS 17)^
Arroutci', v. act. Ai)proiKliv la roule à... Arronter son
cheval pour aller au champ.
Assaisonner, v. n. Mûrir. Dans jes années pluvieuses, les
haricots assaisonnent difïicileincMit.
Assouler, v. act. Presser. Assouler le foin, la i)aille.
B
Badigoulè, n. c. m. La bouche. Avoir mau au harligoulè.
Badrelle, n. c, f. Agaric comestible.
Baraton, n. c. m. Outil de bois (jui sert à brasser la crème
dans la baratte. Par extension, tout outil qui sert à brasser
un liquide, une pâte.
Bart)illons, n. c. m. i)l. Longs poils qui pendent sous le
menton de certains animaus.
Barbotte, n. c. f. Hanneton.
Bedcillon, n. c. m. Nain. Les farfadets de la légende
étaient des bedeillons.
Bedous, n. c. m. Un homme \entru.
Beguer, v. n. Rester bouche béante. 11 était si saisi qu'il
beguait.
Becler, v. n. Crier comme la chèvre, Tiol homme bècle si
bien que les chevreaus lui répondent. La chèvre bècle.
Bcter, V. n. Se figer. En été, le beurre bète difficile-
ment.
Bileus, -se, adj. Soucieus, -se, triste. Cet homme ne paraît
pas être bileus.
Bireuiller, v. n. Loucher. Les amoureus se regardent avec
tant d'amour qu'ils en bireuillent.
Bogui, -e et boïi, -e, n. c. Fiancé, fiancée. Quand on est
bogui, il faut être sérieus. Adj. Un homme bogui.
Boisson, n. c. m. Buisson.
Boquet et boguet. n. c. m. Pelle creuse en bois ou en
métal pour j(,'ter l'eau d'un endroit dans un autre.
Botte (en), loc. adv. En fumier, en décomi)Osition. Des
effets non soignés tomberont vite en botte.
Boucage, n. c. m. Bocage.
Bouilléc, n. c. f. 'Pouffe de I)ois sorlant d'un même pied.
174 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cépée. Touffe cUlierbes, de plantes, etc. Une belle bouillèe
d'ajoncs.
Bouqueiw. n. Bouder. Je n'aime pas les gens qui bouquent.
Bouter, v. act. Frapper avec la tête. Le veau, en tétant sa
mère, boute ses mamelles pour y faire affluer le lait.
Bousine, n. c. f. Sacoche. Remplir sa bousine d'écus.
Bralleries, n. c. f. pi. Pleurnicheries. Finis tes bralleries
(11 mouillées).
Brèche, adj. des deus genres. Bigarré, -ée. Une vache
brèche.
Bricoler, v. n. Chanceler. Tu as trop bu, tu bricoles.
Brimer, v. act. Empêcher de profiter. L'abus du mauvais
lait peut brimer un enfant.
Bringue, n. c. f. Femme maigre et de mauvaise tournure.
Comment! tu veus épouser cette grande bringue !
Broche, n. c. f. Aiguille à tricoter.
Brocher, v. act. Tricoter. Brocher une paire de bas. Au
neutre, bien brocher.
Broue, n. c f. Bruine, syn. de brouée.
Buffée, n. c. f. Souffle. Ou ne sent pas aujourd'hui une
bulïée d'air.
C
Cabèche, n. c. f. Tête. Avoir mal à la cabèche.
Caboter, v. n. Tousser. J'ai un rhume qui me fait caboter
fort. (Produisant l'effet d'un cabot qui s'agiterait dans la
poitrine.)
Cabourner, v. n. Tousser sourdement.
Calfreter, v. act. Calfeutrer. Calfreter sa porte. — Se cal-
freter, v. pr. 11 fait bon, l'hiver, quand on se calfrète chez
soi.
Caneçon, n. c. m. Caleçon.
Caus, n. c. m. et fém. Outil'de bois qui sert aus faucheurs
pour mettre leur pierre à aiguiser pendant qu'ils fauchent;
la pierre y trempe dans l'eau.
Cépée, n. c. f. Chêne ébranché chaque année.
Châble, n. c. m. Maladie de dépérissement du bétail. Mon
bétail est atteint du châble.
niCTIONNAIRK DC PATOIS DU BAS-GATINAIS 175
Cliacoter, v. act. et n. Frapper. Chacotcr qucbiirun.
Cliacoter à la porte.
Cliambalctte, n. c. f. Désordre, bouleversement. Quelle
chambalette clans cette maison! Si lu me cotes, tu vas voir
une belle chambalette.
Chaple, n. c. m. Sable gras. Lechaple pour la construction
ne vaut pas le sable.
Charjouère, n. c. f. Personne insupportable. Mon garçon,
tu es bien la plus fameuse charjouère que je connaisse.
Charnage. n. c. m. La chair. Être porté pour le charnage.
Charnail, n. c. m. Mamelle des bêtes grosse et vide. En
mauvaise part on dira d'une femme à forte poitrine, qui ne
peut nourrir son enfant qu'elle a du charnail.
Charte, n. c. f. Le premier livre de lecture. Il est des
enfants qui après cinq ans d'école ne connaissent même pas la
charte.
1° Chatouner, v. n. Mettre bas, en parlant des chattes.
A l'heure de mon départ, ma chatte chatounait.
2° Chatouner, v. n. Produire des chatons. Les sauzes
chatounent pendant l'hiver.
Chaudure, n. c. f. Chaleur. L'année 1893 sera célèbre par
sa chaudure.
Chen, n. c. m. Chien.
1° Chenasserie, n. c. f. L'ensemble des chiens, la meute.
(Se prent en mauv'aise part.) Avec votre chenasserie l'on ne
pourrait chasser un renard.
2" Chenasserie, n. c. f. L'œuvre de chair. Le neuvième
commandement de Dieu défont la chenasserie. (Se prent
toujours en mauvaise part.)
Chenassier, -e, n. c. etadj. Luxuricus, -se. Un chenassier.
Une femme chenassière.
Chenot, -te, n. c. Jeune chien, jeune chienne.
Chevau, n. c. m. Cheval. Monter à chevau sur une jument.
Chiasse, n. c. f. Pousse gourmande d'un arbre. Coupez
les chiasses pour que l'arbre greffé ne périsse pas.
Chiassous, -se, adj. Chassieus, -se.
Chou-ripouille, n. c. f. Chou frisé de Milan. Les chous-
ripouilles ne sont pas sensibles à la gelée.
Cimentière, n. c. m. Cimelière.
170 RKVLÎl-; DH IMUI.OI.OGIK FKANÇAISK
Cloe, onomatopée. Bruit légor (jik^ fait un corps tombant
dans l'eau.
Cloquer, v. n. Faire cloc. Ça vient de cloquer dans la
rivière, regardons ce qui est tombé dedans.
Cocatri, n. c. m. Petit œuf que les campagnards croient
être le produit de l'accouplement d'une volaille et d'un
reptile. En cassant un cocatri, il en naît un serpent.
Combè, adv. Combien? Combè vaut la douzaine d'œufs?
Comprenable,adj.desdeus genres. Compréhensible. Il n'est
pas comprenablequelebeurre ne se vende que vingt-deus sous
la livre quand le foin vaut deus cents francs les mille kilos.
Cornifler, v. n. bayer. En vous voyant ainsi cornifler, je
gagerais que vous êtes un fainéant.
Cotllan, n. c. m. Cotillon. Les cotllans de droguet sont
très prisés en Gâtine (11 mouillées).
Couet, n. c. m. Synonyme de Caus.
Couéti, n. c. m. Coutil. Pantalon de couéti.
Coui. -e, adj. Couvé, -e. Vous distinguerez les œufs couis
par leur brillant.
Communau, n. c. m. Terrain communal. Le français a ce
mot au pluriel.
Coumère, n. c. f. Femme qui vient d'accoucher. Il est
d'usage d'aller voir la coumère quand on est une amie de la
maison.
1. Coumin, -inc, adj. Commun, en grand nombre. Les
fruits ne seront pas coumins cette année.
2. Coumin, adv. Couci-couci. Comment vas-tu? Coumin.
Coure, adv. Quand. Coure viendras-tu?
Courpeignon, n. c. m. Croupion. Un courpeignon de
poulet est un morceau délicat.
Crêpou, n. c. m. Petite claie destinée à dégraisser les
crêpes que l'on retire de la poêle.
Cressence, n. c. f. Croissance. Un enfant dans sa crcssence
n'engraisse pas.
Crêt, n. c. m. Croît. Le crêt de mon bétail est médiocre.
Crottous, -se, adj. Couvert de crottes. Un poulet dont le
courpeignon est crottous n'échappera pas à la mort.
Cuet, -e, adj. Cuit, -e. Prononcer kè-te. Les poumes cuètes
sont plus saines que les crues.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BAS-GATINAIS 177
Cueurc, v. a. ot n. Cuire. Faire cueure un fruit. A ce
soleil tout cueut. Se cueure, v. pr. Vcla un fruit qui secueut
pas vite. Prononcez : keure.
Cueurgnoule, n. c. f. Crinière. Prononcez : kergneule,
e bref.
Cul-sur-pointe, loc. adv. En sens contraire du lieu où Ton
allait, sur ses pas. En me voyant si mal reçu dans cette
maison, je suis revenu chez moi cul-sur-pointe.
n
Daindegnous, -se, adj. Dédaigneus, -se. Pourquoi se
montrer daindegnous? On n'a rien à y gagner.
Dalle, n. c. f. Tuyau, chenal. Dalle d'étang. La dalle du
cou c'est le gosier.
Damas, n. c. m. Œillet rouge. Un général célèbre avait
pris pour emblème le damas. Par ext. toutes sortes d'œillets.
Dandilleus, -se, adj. Hasardeus, -e. Entreprise dandilleuse.
Dau, dans, art. contr. : Du, des. Dans hommes hardis pas-
sent partout. Les gens dau grand monde ne frayent pas avec
ceus de la campagne. Voir Do, Dos J'écris ces mots diffé-
remment à cause de la prononciation qui difTère.
Décarrer, v. n. Décamper. Je viens de voir un lièvre que
mon chien a fait décarrer rapidement.
Décesser, v. n. Cesser. Décessez de me parler ainsi, — V.
act. Décesser un travail.
Découleurer, v, act. Décolorer, Le soleil découleure les
tissus de couleur tendre. — V, pr. Se découleurer. Devenez-
vous malade, vous vous découleurez à vue d'œil.
Décrabasser, v. act. Nettoyer, décrasser (des boyaus).
Quand vous tuerez votre cochon^ je m'offre pour décrabasser
les tripes.
Défaite, n. c. f. Ophtalmie conjonctive. — Herbe de la
défaite: Géranium liobci-lianum. Cette plante est employée
pour guérir la défaite, d'où son nom.
Détenir, v. act. et n Défraîchir. Un vent brûlant a défeni
mes fleurs. Votre teint défenit. — Se défenir, v, pr. Un peu
plus tôt, un peu plus tard, tout se défenira.
TiEvui-; Dic piiiLOLOGu;, vil. 12
178 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Dégarrocher, v. act. Déraciner. L'orage a dégarrochê mes
plantations.
Dégoût, n. G. m. Mauvais goût. Cette viande a un dégoût,
jetez-la aus chiens.
Déjouquer, v. act. et n. Sortir du joue. Un renard a fait
déjouquer les poules. Mes dindons déjouquent.
Délivrance, n. c. f. Poche qui enveloppe le fœtus du bétail.
Délivres, n. c. f. pi. Terre qui sort des démolitions. Celui
qui répant des délivres sur ses cliamps s'en trouve bien.
Demage, n. c. m. Dommage.
Dépave, adj. desdeus genres. En liberté. Ne laissez pas les
taureaus dépaves. Qui est sorti. Quand je suis dépave, je suis
longtemps sans rentrer à la maison.
Déraser, v. act. Abattre tout à fait. Déraser un mur. Veut
dire aussi : écrêter. Dérasez ce mur d'un pied.
Dériorter, v. act. Enlever la réortc à. Dériorter une claie.
Devinaille, u.c. f. Énigme. Posez-moi donc une devinaille.
1° Douelle, n. c. f. Douve de barrique.
2» Douelle, n. c. f. Femme sans tournure et de mauvaise
vie.
Donner, v. act. Donner. Dounez-moi la main.
Drouine, n. c. f. Boîte que portent les mendiants pour
mettre leur nourriture et leurs effets, et les ouvriers pour
transporter leurs outils.
Durassier, -e, adj. Qui résiste à la fatigue. Comment se
fait-il que des gens paraissant moins forts que d'autres soient
plus durassiers? — Durassier, -e, veut aussi dire : avare.
Quelle femme durassière !
Duranmaisi, loc. adv. Dans le moment présent. Je ne vois
pas, duranmaisi, quand la pluie tombera.
Duret, n. c m. Troène.
E
Èble, n. c. f. Hièble.
Ébousailler, v. act. Mettre en bouse, en bouillie. Une
pierre a ébousaillé un maçon.
Écharogner, v. act. Mettre en charpie. Les rats ont écha-
rogné la couverture de mon lit.
nif-rioNNAiRr. ni; patois du bas-gatinais 170
iM'liiaillé, -c, adj. Maigre, attaqué d'êtisio. On voit, de
nos jours, beaucoup de gens ècliiaillês.
Embarrasser, v. act. Voir Empêcher, même sens.
1° Enibarrcr, v. act. Arrêter. Embarrcz cet honnne qui se
sauve, c'est un voleur.
2*^ EmbarriM', v. act. Entraver, eiiehaîner. Il ne faut pas
dédaigner d'embarrer les animaus malfaisants si on ne les
fait pas tuer.
Embellezir, v. act. Emi)ellir L'amour embellezit la vie.
Emboucagé, -e, adj. Boisé, -o. Terrain emboucagé.
Embounezir, v. act. Améliorer, bonifier. I^e temps embou-
nezit le vin. Au neutre : devenir meilleur. Mon cliien, à
l'âge qu'il a, n'embounezira pas. V. pi\ S'abounezir : s'amé-
liorer.
Éménej'er, v. act. llcmuer. Éméneyer des feuilles.
Émorcher, v. act. et n. Enlever les émorches. Dites ans
valets d'émorcher mon pré. (^)ue faites-vous? Jémorche.
Endret, n. c. m. I-jidroit, lieu. Re|)osons-nous dans ce
joli endret.
Enragé, -e, n. c. et adj. Servit(}ur qui a quitté la maison où
il était gagé avant le temps fixé. Défiez-vous des enragés.
J'ai refusé de gager hier une fille enragée.
Epince, n. c. f. Pinceties. Uneépincedure plus longtemps
qu'une palle.
Épouéser, v. act. Épuiser. Epouéser un(> doue. Au neutre,
On épouèse. S'épouéser Les pouets sont rares qui ne s'épouè-
sent pas par ce temps de chaleurs torrides.
Époussetou, n. c. m. Époussette, plunuNiu.
Ériguelte, n. c. f. Gaieté. Celui qui est en ériguette le
matin pleure quelquefois le soir.
Escoffier, v. act. Voler, soustraire. Un chasseur est fier
d'escofïîer un lièvre, à la barbe du garde, sur la ])roin'iété que
ce dernier doit défendre.
Estatuc, n. c. f. Statu*;. Ça doit coûter cher, une estatue !
Estature, n. c. f. Stature. 11 y a des hommes d'une estaturc
gigantesque et des bedeillons.
Elaudin, n. c. m. Goutte d'eau (|ui tombe parla eheminc'e.
Sans sortir du coin du feu je vous dis (|u'il pleut, et j'en suis
sûr, les étaudins me le font savoir.
180 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Etei'gner, v. act. et n. Épargner. Étergnons notre com-
mentage. Faut étergner dans sa jeunesse pour vivre heureus
clans ses vieus jours.
Étoc, n. c. m. Étau. Quand cet homme vous tient, on se
croirait pris dans un étoc.
Évigasser, v. act. Rajeunir, rendre vif. La vue de cette
jolie femme évigasserait un vieillard. S'évigasser, devenir
vif. On ne s'évigasse pas quand viennent les hirondelles
d'hiver (les cheveus blancs.)
Faire, v, act. Castrer. On fait un veau avant l'âge de deus
ans.
Farfouiller, v. n. Faire du bruit (spécial aus liquides).
Dans les terrains marécageus l'eau farfouille sous les pieds.
En recevant ma barrique je l'ai secouée, et comme j'ai
entendu que ça farfouillait dedans, j'ai bien compris qu'on
.m'avait volé du vin pendant son transport.
Ferchaud, n. c. m. Tige de fer pointue qu'on fait chauffer
pour percer des trous dans du bois.
Fesce, n. c. f. Clayonnage. Quand j'ai pèche mon étang,
j'ai fait une fesce pour empêcher de sortir de la boutole mon
poisson.
Filandre, n. c. m. Filandres, et aussi la nervure d'une
feuille.
Fin-force (à), loc. adv. A force. Villon dit : « fine-force. »
A fin-force de forger on devient forgeron, mais à fin-force de
rôtir on ne devient pas rôtisseur : il y a des métiers que,
malgré l'investiture, on ne peut exercer.
Flon, n. c. Duvet que produit le linge usé. Pour essuj^er
des verres, ne prenez pas du linge neuf qui n'essuie pas, ni
du vieus qui laisse du flon sur le cristal.
Fouailler, v. act. Faire la luxure avec. Ne saluez pas cette
femme, qui fouaille tout venant.
Fouè, n. c. m. Foyer. La Vendée a vaillamment combattu
pour ses autels et ses fouès.
Fouillée, n. c. f. Fouillée, feuillage d'arbre. En cette
DICTIONNAIRE DM PATOIS DU BAS-GATINAIS 1^1
iimièo 1893 OU fait exactement ce qu'on a fait en 1870, on
fait ramasser la fouillée pour empêcher le bétail de crever.
Année de misère!
Fredeillous, -e, adj. Frileus, se. Oh! qu'en cet été torride
les fredeillous ont beau temps!
Fredinement, n. c. m. Bruit que produisent des corps
sonores en s'entre-choquant. Si l'on veut empêcher les
oiseaus de manger le grain dans les champs, on suspent à
un piquet des dails et des faucilles. Au souffle du vent ça
produit un fredinement formidable qui chasse les oiseaus
chez le voisin, à moins qu'il n'en ait fait autant.
Fréquenter, v. act. Faire la cour à. Chez nous, un paysan
ne se marie pas sans avoir fréquenté sa femme pendant
plusieurs années. Il est évident, qu'à l'heure du mariage, on
se connaîtra. Prens la fille de ton voisin, de ses défauts tu
seras plus certain.
Fressure, n. c. f. Mets fabriqué avec du sang, de la chair
de porc hachée et du pain, bouillis ensemble. Quand on fait
la fressure, toute la famille se réunit. La mort du cochon
sème la gaieté ; la fressure est appréciée hautement par les
plus fins gourmets.
G
Garât, n. c. m. Variété d'érable.
Garne. Imprécation, jurement.
Gerner, v. n. Germer.
Goudreille, goudrille, n. c. f. Mauvais petit couteau.
Goudj'eiller, v, act. Couper avec une goudreille. J'ai gou-
dreille la chair de mon cochon, elle est si vilaine que je ne
puis la vendre.
Goustre, n. c. m. Mauvais couteau.
Goustrill(?, n. c. f. Très mauvais couli-au. J'ai ('changé
mon goustre pour une goudreille et ma goudreille pour uu'-
goustrille.
Gousser, v. n. Produire des gousses. Les chaleurs de cet
été ont empêché mes haricots de gousser.
Graissée, n. c. f. Tartine de pain sur laquelle on a étendu
quelque mets gras. Graissée de confiture, de bcuire, de graisse.
Graissin, u. c. m. Enitrais f|Ui'](on<|Ui'. funiiiM-, amen-
182 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
dément. Le graissin, si corrompu qu'il soit, ne corront pas
la terre. Le graissin, que méprise la ville, nourrit les bons
légumes qu'elle mange avec un plaisir non dissimulé.
Grandet, -te, adj. Un peu gi-and. Un garçon grandet se
croit autorisé à parler comme un homme.
Greille, adj. des deus genres. Acariâtre. La femme de
Socrate était greille; que n'est-elle morte avant qu'elle ait
fait souche dans son genre !
Oreiller, v. n. Etre de mauvaise humeur. On greille en
voyant que le mauvais temps détruit les récoltes.
Gréseler, V. n. is. dur). Râler. J'ai dit au médecin que je
gréselais, il m'a répondu : (( Je ne sais ce que vous voulez me
dire, je vous reconnais atteint d'un râle crépitant. »
Grune, n. c. f. Graine.
Guicher, v. n. Se dit de l'eau qui bruit en sortant sous
pression d'un endroit resserré. L'eau guiche, elle va nous
inonder. Quand l'eau sort d'une pompe foulante, elle guiche.
H
Halenée, n. c. f. Souffle, émission d'haleine. Ce mot diffère
du français en ce sens qu'il n'implique aucune idée d'odeurs.
Rendre sa dernière halenée, c'est mourir.
Halener, v. n. Respirer. D'où venez-vous donc si vite,
que vous halenez si fort?
Hardi ve, adj. f. Hardie. Il faut que vous soyez hardi ve
pour faire ce que vous faites.
Herbe à la serpent. Arum serpentaire. (Arum maculntuin.)
Himeur, n. c. f. Humeur. Avoir mauvaise himcur. Lin
médecin recommande toujours de faire évacuer les himeurs.
1" Hucher, v. act. Appehn-. Huciie donc le valet, j'ai une
commission à lui faire faire,
2° Hucher, v. act. Gronder. (Dans Marot.) Je hucherai
cens qui, avunt sa maturité, passeront dans mon champ de
froment.
I
Ince, n. c. f. Dessus de l'articulation des phalanges.
J'avais si grand mau aus inces du médius de ma main
gauche que je ne pouvais pas tenir un outil.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BASGATINAIS 183
Impassablo, adj. des deus genres. Les chemins impassables
sont fréquents en Gâtine.
Infectiouner, v, n. Répandre une mauvaise odeur. Vous
avez tué, monsieur, un lièvre qui infectioune; j'afTirmerais
qu'il était mort longtemps avant que vous l'aj^ez tué. — S'em-
ploie aussi à l'actif. Voyageant en chemin de fer, de Niort à
Saint-Maixent, j'ai vu un voyageur mettant dans le compar-
timent d'à côté un panier do fromages, dans la crainte
d'infectiouner ses compagnons de route; quoique à côté, il le
surveillait... A l'arrêt, il allait vérifier son cher colis, (^ue
Dieu vous préserve, non du voyageur, mais de son voisinage!
Jaucoue, n. c. f. Sorte d'ivraie. La jaucoue ne craint pas
la sécheresse.
Javasse, n. c. f. Bavarde. Adj. Une femme javasse est
redoutée.
Javasson, n. c. m. et adj. Bavard.
Jeindre, v. adj. Joindre. Jeindre un cheval à la course.
Jerzeau, n. c. m. ^'esce (plante). On sème des jerzeaus
avec des pois verts et des maïs pour faire du coupage.
Laidurc, n. c. f . Laideur. Je n'aime la laidure ni au moral
ni au physique.
Laverasse, n. c. f. Vase pour se laver les mains.
Lequeu, pr. relat.; au féminin, laqucue Lequeu de ces
iiommes préférez-vous, laqueue de ces femmes?
Levrèche, n. c. f. Hase, femelle du lièvre. Un chasseur
est plus content de tuer un lièvre qu'une levrèche.
Lie, n. c. f. Corde, lien servant à attacher. A défaut de
corde, on fait une lie avec ce qu'on a sous la main, de la
paille, du bois vert, ou du fil de fer.
Lienne, n. c. f. Petite gerbe, qu'enserre la main, composée
d'épis glanés.
184 RLVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Liper, v. act. Laper. Un chien arrivant de la chasse lipe
en peu de temps sa soupe. SJemploie aussi au neutre. Un
chien qui sort sans liper n'ira pas loin.
Lirou, n. c. m. Loriot. On dit aussi •■ chante-lirou.
Lie, pr. pers. m. Il, ils. Lie viendra quand lie voudra. Lie
sont méchants les gens qui font courir ces bruits (11
mouillées).
M
Machouère, n. c. f. Mâchoire.
Macllotte, n. c. f. Grumeau de bouse sèche qui s'attache
aus poils des bœufs et des vaches. A voir des boeufs si cou-
verts de macllottes, on juge que leur propriétaire ne peut leur
donner une litière suffisante (11 mouillées).
MacUotous, -e. Couvert, -e de macllotes. Un bœuf macllo-
tous ne montre pas qu'il va pâturer au pré.
Main (à la), loc. adv, A son aise. On fait double de l'ou-
vrage qu'on ferait à la démain, en travaillant à la main.
Maladrct, -e, adj. Il faut être maladret pour faire de sem-
blables choses.
Malageus, -e, adj. Maladif, -ve. N'étant pas d'un tempé-
rament malageus, je ne me ménage pas.
Malon, n. c. m. Furoncle, anthrax. Un petit malon est le
furoncle, un gros est l'anthrax.
Manjouère, n. c. f. Mangeoire. Allons, les enfants,
remplissez les nianjouères des bœufs.
Marichau, n. c m. Maréchal.
Martyrer, v. act. Martyriser. Ne martyrez personne.
Messelè, n.c m. Dent molaire. Un messelè est plus dur
à arracher qu'une dent incisive.
Migaille, n. c. f. Le fait d'introduire sa main par la
migaillère. La migaille indique qu'on a des mœurs dissolues.
Migouri, n. c. m. Mélasse. C'est pendant le carême qu'on
mange le plus de migouri.
Mindre, adj. des deus genres. Moindre. Si vous aviez eu
la mindre honnêteté, vous n'auriez pas fait cela. Entre deus
maus il faut choisir le mindre.
Mônè, n. c. m. Meunier. Au fém. mùnère.
DICTIONNAIRK Pf PATOIS DU BAS-GATINAIS 185
Montre, n. c. f. Échantillon, spécimen. Je n'achèterai votre
froment que quand j'en aurai vu la montre.
Mort (à), loc. adv. Beaucoup, considérablement. S'ennuyer
à mort. Dans les années sèches, le froment grène à mort.
Morvia, n. c. m. Crachat muqueus.
Mouclle, n. c. f. Moule. Les moucUos ne sont pas bonnes
quand les huîtres sont dans leur bonté. (11 mouillées).
Mouelle, n. c. f. Moelle. Cassez les os pour avoir la
mouelle.
Moufle, n. c. m. Mufle.
Mulon, n. c. m. Tas. Mulon de foin.
Musarderie, n. c. f. Lenteur. (Marot emploie rausardie.)
La musarderie n'est pas estimable.
X
Natre, n. et adj. des deus genres. Traître. Les natres sont
méprisés de tous; ceus qui les emploient ne s'en vantent
pas. Une femme natre est plus dangereuse encore qu'un
homme qui aura ce défaut.
Nigeasserie, n. c. f. Bagatelle. On ne doit pas se fâcher
pour une nigeasserie.
Noireté, n. c. f. Ombre, ténèbre. fMarot.) Défiez-vous des
noiretés que vous verrez dans le ciel. Elles amènent de l'eau.
Nouailleus, -e, adj. Noueus, -e.
Xousillère, n c. f. Comme Xouseiller. Noisetier, coudrier.
Nu, -e. Neuf, -ve. J'ai des sabots nus et des chaussettes
nues.
O
Outrepasser, v n. Mourir. Le fait d'outrepasser n'a rien
de tentant
P
Partcment, n. c. m. Départ. (Villon, Montaigne. ) r)n est
généralement triste quand on est sur son parlement.
Pendcrller (]] mouillées), v. n. pendre.
186 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Pendllé (au) ou au pendillé (11 niouillées\ loc. adv. Sus-
pendu, -e. En voulant saute? un buisson, le loup est resté au
pendllé.
Percette, n. c. f. Vrille. La percette d'un vigneron.
Perdanllan, loc. adv. De l'autre côté. Passez donc per-
danllan (11 mouillées).
Petouère, n. c. f. Jouet d'enfant constitué par un tuyau
de sureau. A chaque extrémité on introduit un tampon de
substance malléable, généralement de lin ou de chanvre
mâché. Avec un piston on refoule vivement l'un des tampons.
L'air comprimé dans l'appareil agit sur le tampon antérieur
qui part avec violence et en pétant.
Pi, n. c. m. Pied. Avoir froid aus pis.
Piarder, v. act. et n. Travailler avec le piard. Piarder un
champ. Plus vous piarderez dans votre jardin, plus vos
légumes viendront vite.
Picot, n. c. m. Tache, petit trou dans la peau.
Pidi, n. c f. Pitié. Ayez de la pidi, vous n'aurez pas à le
regretter.
Pigreler, v. act. Tacheter. Il est facile de pigreler un mur
pour lui donner l'aspect d'un bloc de granit.
Pinè, n. c. m. Pin pinier.
Piniau, pineau, n. c. m. Noyau. Une amande, trop souvent,
ne vaut pas la peine qu'on casse son piniau.
Piounette, n. c. f. Lien qui, placé sur le sabot de bois au
cou-de-pied, l'empêche de fendre.
Pipou, n. c. m. Pourpier.
Pitiable, adj. des deus genres. Porté à la pitié. Il est bon
d'être pitiable vis-à-vis de tous.
Plange, adj. des deus genres. Plan, -e. Uni, -e. Terrain
plange. On avance plus vite à plange terre qu'à la côte.
PUâtrer, v. act. Flatter. Vanter avec excès. Défiez-vous de
cens qui vous pllâtrent (11 mouillées).
PUesser, v. act. Palisser. Il* est bon de pllesser les haies
pour empêcher les animaus de pénétrer dans les champs
(Il mouillées).
Poëlette, n. c. f. Poêlon. (Villon.)
Poirasse, n. c. f. Poirier sauvage. La poirasse est très
employée pour faire des bâtons.
DICTIONNAIRE DV PATOIS DU BAS-GATINAIS 187
Pois, poisille, poiseillo, le i)r('mici' iiuisculin, les dous
autres féminins. Haricot.
Poisiau, poiseau, n. c. ni. Le petit pois.
Poitrenail, n. c ni. l'oitrine. Dans le grand monde les
daines ont le poitrenail découvert au bal.
Potiron, n. c. m. Chani|)ig'non comestible. Le potiron de
chien est un champignon vcnéneus.
Pouéser, v. act. Puiser. Pouéser un seau d'eau. — S'emploie
aussi au neutre. Pouéser dans un trou.
Pouffîasse. n. c. f. Fille ou femme de mœurs légères.
Poume, n. c. f. Pomme. Dans les années sèches les poumes
ne donnent qu'un cidre médiocre.
Pouner, v. act. et neutre. Pondre. Ma poule a pouné dis
œufs. Quand une poule a pouné, elle cliante avant de sortir
du nid.
Prepou, n. c. m. Propos. Il ne coûte pas plus de tenir un
bon prepou que d'en tenir un mauvais, et l'on y gagne en
considération.
Pri, n. c. m. ou Prie, n. c f. Pré.
Puté, n. c. m. Purin. Le put('^ fait la valeur du fumier.
Putou, adv. Plutôt. Putou qu(> de mourir on aime mieus
soufTrir beaucoup et longtemps. — Signifie aussi plus tôt,
loc. adv. On est prêt putou quand on va à la noce que quand
on va à Tenterrement.
Q
Quatre-pis,'n . c m. Salamandre. Un proverbe patois dit
que quand on a été mordu par un quatre-pis on en meurt.
Que, pron, relat. (^(iioi. De que se moque-t-on ici? De ma
croyance, assurément.
Question, n. c f. Contestation, dispute. A propos de qui
avez-vous cette question?
R
Radivagc, n. c f. Bavardage. L'> radixage n'axance pas
le travail, il le retarde et ne donne rien en compensation ilu
temps perdu.
188 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Raillai'd, -e, adj. etsubst. Railleur. Il n'est point de femmes
qui ne soient raillardes. Les raillards sont les plus nombreus
à toute réunion.
Ramiôner et ramiouner, v. act. etn. Murmurer. Ramiùner
des menaces. Pourquoi ramiôner?
Ratliron. Voy. Liron.
Ravenelle, n. c. f. Navet sauvage. La ravenelle est une
plante des plus rustiques et des plus envahissantes.
Rebomber, v. n. Rebondir. En tombant à terre, un ballon
de caoutchouc rebombera.
Reboutou, n. c. m. Rebouteur.
Rède, adv. Beaucoup. Voy. Raide.
Refait, -e,adj. Guéri, -e. Je viendrai vous chercher quand
vous serez refait.
Remeiller (se), v. pr. Se remémorer. On se remeille
certains faits avec plaisir. S'emploie, mais plus rarement, à
l'actif : remeiller un épisode de sa vie à quelqu'un.
Répouner, v. n. Répondre. Un homme mal élevé ne
répounera jamais bien.
Repue, n. c. f. Le repas des gens et des bêtes. Aller prendre
sa repue. On dit d'un repas peu substantiel qu'il ne tient pas
la repue, c'est-à-dire qu'il ne soutient pas les forces.
Rèze, n. c. f. Voy. Rize.
Rifle, n. c. f. Même sens que Ravenelle.
Rime, n. c. f. Chassie.
Rimous, -e, adj. Chassieus, -e.
Rogne, n. c. f. Croûte de la peau. Quand on a des rognes
on est rogncus, -e.
Rouchail, n. c m. Tige d'une plante garnie de ses feuilles,
fane. Rouchail de pommes de terre.
Rouner, v. n. Grogner sourdement, en parlant des
aumailles, c'est-à-dire des bétes à cornes. Qu'ont donc à
rouner nos bœufs?
Sac, n. c. m. Contenance d'un hectolitre. Dans ce tas de
grains il y a dcus sacs.
Salou, n. c. m. Saloir, petit vaisseau à mettre le sel.
Signifie aussi charnier.
DICTIONNAIRE DU PATOIS DU BAS-GATINAIS 189
Saunière, n. e. f. Grand saloir. Le salou est suspendu
généralement, la saunière repose à terre ou sur quatre pieds
bas.
Sauret, -e, adj. Qui a les oreilles coupées. On ne voit que
des chiens saurets dans les campagnes.
Scell(M', V. n. Ne pas perdre. Un étang qui scelle est
enviable. Employé avec mal, ce verbe signifie perdre : un
étang dont l'eau se pert est un étang qui scelle mal.
Sérailler, v. act. Voy. Sarrailler.
Série, serée, n. c. f. Soirée (Marot, Bouchet.)
Serène, n. c. t. Sirène, (Marot, Villon.) J'ai entendu une
femme qui chantait comme une scu'ène.
Serpent, n. c. f. Serpent. Eve a été tentée par une serpent.
Sicllouère, n. c. f. Clifoire, jeu d'enfant (11 mouillées).
Somme, adj. des deus genres. Peu profond. Un puits
somme, un souterrain somme.
Soteria, n. c. m. Diminutif de sot.
Sottisier, n. c. m. Celui qui insulte. Méprisez les sottisiers.
Adj. sottisier, -e. Un liomme sottisier, une femme sottisière.
Souffrener, v. n. Peiner, avoir le cœur gros. Quand on
souffrène toujours, on vieillit vite.
Soulè, n. c. m. Soulier.
Sourder, v. n. Se lever. Cet homme avait été si maltraité
qu'il ne pouvait sourder.
Sourge, adj. des deus genres. Souple, agile. A soissante
ans, on n'est plus sourge,
Squasse (prononcez skasse), adv. De sitôt. Je n'ai pas
squasse fini.
Tabut, n. c. m. Trouble, peine. (Marot, Montaigne.) Cette
affaire me donne beaucoup de tabut.
Tièdczir, v. n. Tiédir. .Vvec faire, s'emploie à l'actif : Faire
tiédezir le vin.
Tiai, n. c. m. Hermaphrodite, qui est des deus sexes.
Tiller (le lin, le chanvre et autres matières textiles), v. act.
Démêler. (Villon.) — V. pr. : Il est certains lins qui se tillent
plus facilement que d'autres.
Tourte, n. c. f. Tourlerelle.
190 REVUE DE PHILOLOGIE FRAiNÇAISE
Toussir, V. n. Tousser. (Marot.) Les nois sèches font
toussir.
Trapassée, trapassie, n. c. f. Grand nombre. Cette année-ci,
il y aura une trapassie de raisins, et pour les cueillir il
faudra une trapassie de gens.
Trejou, adv. Toujours. Chien hargneus a trejou l'oreille
déchirée .
Tremble (au), loc. adv. En état de tremblement. La vue
du danger m'avait mis tout au tremble.
Trésia, n. c. m. Trio. Beau trésia de baudets.
Troipis, n. c. m. Trépied.
V
Veillezir, v. act. et n . Vieillir. Les ennuis veillezissent
l'homme. On veillezitsans s'en apercevoir. — V. pr.se veillezir.
On aime à se veillezir dans sa jeunesse, h se rajeunir dans
sa vieillesse.
Vêla, prép. Voilà. Vêla un rude gaillard. (E très bref.)
Vêlure, n. c. f. Action de vêler. Ma vache est à sa pre-
mière vêlure.
Ventrèche, n. c. f. Viande du ventre d'un animal. La
ventrèche n'est pas la meilleure partie des animaus.
Verdelle, n. c. f. Tige de bois vert Les verdelles d'osier
et celles de bourdaine sont excellentes pour faire des paniers.
Vergnasse, n. c. f. Aunaie. Les vergnasses sont toujours
dans des endroits marécageus
Verluter (se), v. pr. Se rouler. En se battant, ces jeunes
gens se verlutaient dans la boue.
Violer, v. n. Faire violence. Le vent viole ce matin. —
S'emploie aussi à Tact. Le vent violait cet enfant de telle
façon qu'il ne pouvait s'en défendre.
Violette, n. c. m. Présure.
Veuille, n. c. m. Bruit que fait un corps en tombant dans
un liquide. En tombant dans la rivière, tu as fait un fameus
veuille.
ESSAI SUR LE PATOIS D'ALENÇON'
(phonétique et vocabulaire) par HENR! viez-
OUVRAOES CITES
D. Dictionnaire du patois normand, par Edélestant et Alfred
du Mêril. Caen, 1849.
M. Dictionnaire du patois normand, indiquant particuliè-
rement tous les termes de ce patois en usage dans la région
centrale de la Normandie. (Campagne de Caen et pays d'Auge),
par Henri Moisjs Caen 1877. — 'M. indique que ce glossaire
donne l\'tymologie du mot en question ou en cite des formes
anciennes qui ne peuvent se trouver dans Godefroy.
H'-M. et qaclr/uej'ois C R. de M. — Vocabulaire du Haut-
Maine, par C. R. de M. (Comte René de Montesson). Nouvelle
édition augmentée. Le Mans et Paris, 1859.
V. fr. Dictionnaire de l'ancienne Langue française,'p<ivFrédéric
Godefroy (t. i-vii).— Vf., autre abréviation de cieus français, ne
reporte pas à Godefroy.
REMARQUES SUR LA PHONÉTIQUE
DU PATOIS D'ALENÇON
L'absence de monuments anciens du patois d'Alençon nous
empéclie d'en faire la phonétique détaillée, selon la seule
méthode vraiment scientifique; bornons-nous à le comparer
aus ^tois normand et manceau, en suivant d'abord (§ 1 et § 2)
la Pré/ace de Moisy, et à la fin (§ G) la Notice sur la pro-
nonciation (mancelle) de C. R. de M.
1. M. Léon Chambay a bien voulu me citer les mots qui sont suivis
au Vocabulaire de l'indication (L. C), me donner des renseignements
lihonéiiques et revoir la version en patois de la Parabole de l'Enfant
prodigue. Je le prie d'agréer l'expression de toute ma gratitude.
2. [Nous donnons, sans y rien changer, ce travail d'un débutant qui
promet. Les romanistes rectifieront d'eus-mémes les erreurs commises
dans le classement et l'interprétation des faits signalés]. {A^ote de la
Rédaction . )
192 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
§ 1. Le patois d'AIençon présente plusieurs caractères du
dialecte normand (Moisy) :-
1° Substitutions de lettres françaises :
On remplace ch par /' devant un e muet suivi d'une con-
sonne dure : fra on f val, cheval ; ajéier, ajéte, acheter, achète ;
d initial par ^^ dur : gulabe, diable;
71 par / dans canton, caleçon;-
g dur intervocalique par ï : haïette, baguette (d'ailleurs
V aïeule et la gueule sont presque homophones dans la bouche
d'un paysan).
2" Transposition de l'e muet :
Erdevoir, ercevoir, erdresser sont employés pour redevoir,
recevoir, redresser plus souvent que r'devoir, recevoir,
redresser.
3o Épenthèse de Vr devant r dans mairrie (maire-rie),
mairie.
4" Quelques retranchements de lettres :
Suppression de l'e initial de l'imparfait du verbe être,
f tais, [t'étais], il'tait, j'tions, (vs étiez), ils iaint ;
De Vu médial après o dans cosin, cousin;
De Va médial devant y, halier, balayer;
De l'e après u A^nsfumelle (voir au vocabulaire) vfr. feu-
rnelle;
De Vi médial après a : agu, aigu' ;
De Vi médial devant e dans ren, ben{rien, bien adverbej.
Bien substantif fait bien;
De VI dans quéque, quéqa'un, quelque^ quelqu'un;
De ou dans v's êtes, vs avez, vous êtes, vous avez; v'iez
vous, voulez-vous; Vt-à-flieure, tout à l'heure;
De l'e dans les, mes, tes, ses, suivis d'une voyelle (voir plus
loin, §2).
Autres contractions, astlieure pour à cette heure; pH-éte,
peut-être; élision de qui et de tu (mais non de si, comme il
arrive dans le normand) un homni quêtait là, fêtais; pour
l'élision des consonnes, voir plus bas, § 2.
1. Ou voit par cet exemple rincouvénient de la méthode employée
par Moisy : la forme agu, qui est étymologique, âcûtus, et qu'em-
ployaient tous les dialectes de la langue d'oïl, est présentée par lui
comme une particularité du dialecte normand.
ESSAI SUR LE PATOIS Ij'aLENÇON 193
§ 2. Voici quelques traits de prononciation normande
(Moisy)qui se retrouvent à Alençon : « L'on ditaussi bien iva
pour il va, i vont pour ils vont, mais il en est autrement,
lorsque le mot qui suit commence par une voyelle ou un h ;
dans ce cas 17 se fait toujours sentir il a, il ont\ Dans les
phrases interrogatives, quand les pronoms dont il s'agit
viennent après le verbe, 1'/ ne sonne pas davantage : viendra-
t-i, arriveront-i. » (Moisy.) — L'e est lettre oisive dans m'n
aller, Vn aller, s'n aller, substitués à ni'en aller, t'en aller,
s'en aller; VI dans babil, /il, etc.
A la fin des mots l'/ne donne aucun son en patois. Ainsi
l'on dit œuf, nœu/, seu/(soif, en patois normand sei). Pour-
tant œufs se prononce œuJJ'. — L'/ et Vr sont muettes à la
dernière syllabe des mots dont la terminaison est en ble, cle,
Jle, gle, pie, ou en bre, cre,fre,pre, tre, vre. — Enfin \'e muet
a un rôle complètement négatif : 1° à la première syllabe des
mots; 2o dans le corps des mots ; 3» dans les monosyllabes
cet, le, me, te, se, que, de, je, ne, etc.
§ 3. Tandis que « les terminaisons françaises è correspon-
dant aus suffixes latins atu,s, atum, atem sont remplacées en
patois normand par et que l'on prononce è » (Moisy), on les
prononce é très fermé à Alençon; il en est de même pour les
désinences françaises ee qui correspondent aus suffixes latins
ata et qui « forment en dialecte normand eie qui se prononce
k)). (M.) Au reste, o non muet (é, è, é) se prononce toujours
très fermé [é], aigu même à Alençon : ce fait tient au \'oisi-
nage du Haut-Maine où Ton dit tu é pour tu es, il ê pour il
est, et, avec presse, presse pour presse.
A la Ferté-Mac('' (chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Domfront, Orne) on prononce c,('(', à la normande et t', é comme
en patois d'Alençon, de sorte que. dans cette localité, on pourrait
dire, à l'inverse du fiançais, que l'Orne est la ricii-rc qui passe
dans les environs de la Fcrtè-Macù.
§ 4. I.o patois d'.MoïKjon traite avec liberté la diphtongue
française oi à laquelle correspont ei on patois normand, et qui
dans le patois du Haut-. Maine a se prononce tantôt oé, tantôt
ei)) (??i (C. R. de .M ) (.-t aussi quelquefois oi, puisque le
1. Voir le Vocabulaire, v° //.
Rkvlk dk l'Hnoi.oGii:, vu. 13
194 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
même auteur dit un peu plus loin : « Ois, se prononce très
long, ouâsiau (oiseau)... » Or, oi, dans les mots français
d'origine latine, peut venir : V> de / tonique bref {cjuïd, quoi);
2" de i atone bref ou long {indeviàre, envoyer) ; S^de e tonique
long (mè, moi); 4*^ de e atone long (pêcti'lna, poitrine);
5" de 0 bref, long ou en position, avec un i dans la syllabe
latine suivante {potiônein, poison); G" de u avec l'addition
d'un i : mucere, moisir; 7° de au : auca, oie.
Dans le patois d'Alençon : V' i tonique bref donne : (a) dans
les monosyllabes, généralement ei : ,^7^, (qu'il) scit; quid,
quei; (b) dans les polysyllabes i donne oé : pïra, poére;
bîhis, (tu) boés; digitarn, doé; video, (je) voés; vide-\-ecce
hic donne voéci. Siiim (en patois normand se/) 'donne s eu ;
2^^ i atone donne ei : *'indeiu('wit, env-éya;
3'^ ê tonique long donne : (a) dans les monosyllabes, ei, me,
mei; te, tei; se, sei; quelquefois ei sans doute après avoir
passé par ai, donne a : très, tras (en patois normand treis);
(b) à la pénultième é peut être libre ou en position. Libre,
il donne : 1" généralement oé, débet (il) doét; exceptons je
creis {credo), tu creis {rrêdis), etc., par analogie avec
creire (crédere) ; 2ooi, (prononcez oud) dansdevoir(c/eiër<?'i,
savoir' (sapêre] et peut-être boire, par analogie.
En position é donne ei : directntn, dreit; *addirectnm,
adreit; ajoutez mensis, meis, et pensum, peis, bien ((ue
l'e y fût libre après la chute de ïn.
4^ e atone long est libre ou en position :
(a) Libre devant c, il donne ci : nëcâre, néier (en patois
normand nier).
(b) En position, il donne oé : pectorina, poétrine.
5^ 0 bref, long ou en position avec un i dans la syllabe
laline suivante donne oué : *niuccatorium, raouchouér;
potionem, pou es on.
1. Ces formes se trouvent aussi dans le patois perclicron que nous
connaissons par la Lettre de la Moîtresse Pirandcau. dans le Conteur
lie la ceillce de 1892 imprimée h Nogent-le-Rotrou. On y lit f^acol
(sapëre). eha (cadéré pour càdt^re), à Alençon c/wir sans doute par
analogie avec {je) chée. (il) chéet. (ils) chéent, formes régulières
dnrivées respectivement de càdo, càdit, càdunt. (Les deus dernières
se trouvent dans la C/ianson de Roland, texte d'Oxford.)
KSSAI Sli; IJ-; PATOIS d'alen'çon 195
G*' u avec l'uddition d'un / donne oué : macère, mouésir-
Moisy, n(un propre, se prononce Mouési : L'gâsMouêsi.
7^^ au devant c donne ouà : auca, oiuie; aoicellus ou
aucoUnr., ouâ si au.
§ 5. Le patois d'Alencon a quelques caractères communs au
normand et au manceau, c'(îst-à-dirc le langage du Haut-
Maine : il ajoute un é devant Fr dans hérone/fe, iéruellc, pour
brouette, truelle; il remplace e par a et dit ^argent, sarvice
(sergent, service), foua, avoua' [fouet, avoué), nvA\^ non mortai
ni (iemojsa//e (mortel, demoiselle), formes que C. R. de M.
signale p. 27; devant gn V'\ devient ei et, comme en man-
ceau, ei se prononce alors fortement : heignc^ (voir le Voca-
bulair(^); on syncope Vo dans qumode, rac' taoder, etc., pour
commode, raccommoder ; on substitue est, esq à st, sq :
estatue, statue; esquélete, squelette; u devient eu : eun, un
(devant une vo3^elle); eune, une; pt-eune, prune; eau devient
iau : biau, nouviau, iau, beau, nouveau, eau; eur (féminin
euse) devient eus : roleus, trompeus ; dans les noms abstraits
il reste eu/' : grandeur, liauteur. On dit Ugéne, Ugénie,
bên]i.ureufi{h\c\\\ninvc\\ii); les désinences en î/' se prononcent i :
plaisi (ou plutôt 7:»ia/sï; cf. § G), qu'ri (quérir).
§ G . Examinons enfin ce que le parler d'Alençon a de com-
mun avec le manceau. On peut dire de l'accent alençonnais
ce que C. R. de M. dit (p. 17) de l'accent manceau : il (( est
long, traînant, et empâté, il affecte principalement ce carac-
tère quand il s'agit de la lettre a, dans les cas où il aurait le
droit de la faire un jxmi longue, droit qu'il outrepasse singu-
lièrement : il se retrouve même quand cette lettre est suivie
d'une consonne répétée, et nous disons encore plus souvent
ràbr que Vabhé et ùfreuH que affreun ». Préc<Hlée d'un(» autre
consonne et suivie d'une voyelle, 1'/ se change en i ou se
mouille: bié, h\ô; piaisi, plaisir ; (J!.s.srm/:*/V'V', «assemblée»
(voir ce mot au VocalMilaire); ai, è, è, se prononcent ê (cf. § 3);
on remarque la mélathèse dt.» Ve dans querver, Jierton,
guernier \>our ererer, Breton, grenier ; à l'o français venu
d'un '/ lai in en |)(jNiii(iii correspont ou : rout' {vontcr pour
1. Dans ces deus derniers mots Ya se fait à jieine entendre.
)l. De même trrijrr y^ww trier. — Jean le Hntiv oITre teillrr pour
liller.
196 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
vester), votre; î'oiUie {\o\v au Vocabulaire), grousse, grosse;
poiichetle (voir au Vocabulaire) ; de môme ou pour oh !
— Rousier, qui s'est maintenu comme nom de famille, ne se
dit plus en patois pour rosier (rosârium).
§ 7. Formes particulières au patois d'Alen(,'on, ou qui ne
sont signalées du moins ni par Moisy ni par C. R de M.
Piy' ou plutôt pilh [Ih ayant ici, comme en provençal, la
valeur de nos // mouillées), pays; vfrs et ancien normand
pais, devenu sans doute à Alençon, peis, puis pilh.
Pardié, pardi. De même Damignié [Damigniàcum] pour
DarnignV , village près Alençon.
Bi, sf. pi., pour billes.
Broiicette, bourcette (salade appelée aussi mâche).
Seilliète, calaubin pour sarriette, carabin (voir au Voca-
bulaire).
§8. Si le vocabulaire en est surtout normand, le patois
d'Alençon se rapproche, par sa constitution phonétique, des
patois manceau et percheron; non plus que ces deus idiomes,
il ne présente pas. deus des caractères essentiels du patois
normand :
1» Maintien du c dur latin suivi de a : campum, caneni,
cahallnm donnent en Normandie camp, quien, c/ca, à
Alençon : champ, chien, cheval i prononcé./'Dfl! ou j'val^) ;
2^' Changement du c dous latin en eh là où il a donné en
français c dous, ç ou .ss ; cenium, cerasam, ecee Jiic donnent
en Normandie chent, cherise, ichi, à Alençon eent, cerise,
ici^. *Calceas, qui offre à la fois un c dur et un c dous, donne
1. Fleury, Littérature orale de la Basse-Normandie, p. 45, en
note : (Gruchy) « Telle est l'onhographe officielle; mais dans le pays
on prononce Gruchiéi. Le Journal du sieur de Goubercille (1553-1562),
publié par l'abbé ToUemer (1 vol. in-lfî, 1880) parle à plusieurs
reprises d'une famille du nom de Gruchié. »
2. Exceptions : bmqucter . emhroqueter (voir le Vocabulaire),
formes refaites sur brocq, fourche *; saqueter, dérivé sans doute de
saquer, forme usitée au x\" siccle pour le vfr. sac/ier, tirer; enracer
(cf. en français race, de caream). forme usitée aussi dans le Haut-
Maine ; quant à cabot, dérive de ca/iito (?) et qui est au Littré, on le
trouve en français au xv siècle.
3. E.xception : f/rirher, crisser, forme d'aillours usitée danr- le Haut-
Maine.
ESSAI SUR LK PATOIS d'aLENÇON 197
en Normandie cauc/ies, à Alençon chausses. Voir Joret, des
Caractères et de l'Extension du patois normand, Bouillon.
PARTICULARITÉS DE CONJUGAISON
{Communication de M. Léon Chamhajj.)
\^ Le verbe acoii- fait, au participe passé yu : il a yu, il
a eu ;
2" La 3'î personne de l'imparfait, au pluriel, est en ainl
(prononcé in) : il-allaint s'promener, ils allaient se promener;
3» Le passé défini des verbes de la première conjugaison
est toujours en is, is, it, irent, dans le patois percheron; il
n'eu est ainsi, dans celui d'Alençon, que pour une partie de
ces verbes, et l'on dit à la fois -.je n' parlis d'ren, je ne parlai
de rien, et è n' se montra point, elle ne se montra pas.
Les formes verbales que nous avons signalées sont les
seules qui, particulières au patois du Perche, se retrouvent à
Alençon, où l'on ne dit point fêtas, facas.f aimas (j'étais,
j'avais, j'aimais), ni (ils) amenant, (ils) cl'cant (ils amènent,
ils élèvent), formes rencontrées dans le texte cité plus haut,
§ 4, note 1.
PARABOLE DE l'eNFANT PRODIGUE*
(Première partie).
En patois d'Alençon.
Eun' Il homme avait deus gas,
Et l'pus jeune dit h son père : (( Mon père, baillez-mei c'qui
dwét' m'ervoni* d'vout' bien »; etl'père, i leus || en || a fait
r part âge".
Quéques jous après, l'pus jeun' (l(; ces deus-effants, il ||
amassit tout c' qu' il || avait et s'en fut dans un pîlh-'
élwégné, iou qu' i mangit tout son bien à faire la fête.
1. Ecanf/ile de saint Liif. Cette vcr.-ioii en patois est, dans quelques
passages, plus fidèle au' texte latin que celle de Lemaistre de Saoy.
2. Il, signe indiquant les liaisons.
3. ivr =z 01 prononcé arcliaïquenienl rn\ oui'.
4. ç pointé se prononce.
5. Pays. Prononcez Ik comme il dans le lraM(;ais idUi'. \'oir plus
haut, t^ 7.
198 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Quand c'est qu'il || eut tout dépensé, v'ià qu'eune grande
famine elle arrivit dans 1' pîlh et i qu'mença à et' dans
rbesoin.
I s'n 11 alla don et s'mit en sarviee chez un des gens du
pîlh qui l'envéia dans sa maison des champs pour qu'il |1 y
gardât des gorins.
Et il II aurait été bénhureus d'rempli son vente avec les
'cales qu' les gorins mangeaient, mais personne n guî en
baillait.
Enfin i réfléchit et i dit : « Combin qui gn' en || a dans la
maison d' mon père des gens d'sarvice qu' ont pus d' pain
qu' i leus || en faut ! Et mei, j' se ici à mouri d' faim ! »
Faut que j' mei lève et que j' vage trouver mon père, et quç
j' guî dise : « Mon père, j'ai péché conte 1' ciel et cont' vous.
)) Et je n' se pus digne d'été appelé vont' fî; traitez-mei
comm'3 un d' vos gens d' sarviee. »
I sei 1' vit don et vint trouver son père, et comme il 'tait
cor bin loin son père l'aperçut et, pris d' pitié, courut vers li,
sei j'tit à son cou et 1' baisa.
Et son fî-yî dit : a Mon père, j'ai péché conte 1' ciel et
cont' vous; et je n' se pus digne d'été appelé vout' fî. »
Alors l'pére dit à ses gens : « Apportez vite sa première
robe et la-yî mettez; et mettez-yî eune bague au dwèt et des
souïers à ses pieds . »
Am'nez étou Y viau gras et 1' tuez ; mangeons et régalons-
nous paç' que mon gâs qu' vwéci, il 'tait mort et il || est res-
suscité; il 'tait perdu et il [| est r'trouvé
A m afin, ce matin, D. (Amathi), *M , If^-M.
Abouler, v. a., donner, appoVter vite, D., M.
Accou ver (s'), v. rèfl., s'accroupir, M. V. fr. acoaver, v. a.,
peut-être couvrir.
Achèe, s. f., ver de terre dit lombric, et qui sert d"ap|)at
à la pêche. *M., Ht-M.
Affoler, V. n., devenir fou. C'est le v. iv./olier, extrava-
ESSAI SUR LK PATOIS d'aLENÇON 199
gxxQV ifoler à Alcnçoii), précédé du préfixe a, mar-
quant le passage d'un état dans un autre, ^[ffolir est
au même sens dans M.
Age, s. f., âge. M. ((Y sont tous deus d' la même âge. »
Agri boni lier, v. a. écraser. De là, fromage agribouillé.
C'est un boilot (v. ce mot) écrasé et délayé avec du
lait, du poivre et du sel.
Agriote, s. f. (dérivé de acer, acris), « cerise à la fois sure
et noire assez grosse, excellente dans l'eau-de-vie )),
L. C. Chez M., cerise sauvage ; en v. fr., cerise aigre.
Agu, -c, adj., forme régulière de aigu {âcuius). M. v. fr.
Ahi ou Diouk ahi, interjection par laquelle on excite les
chevaus à avancer.
.\louvi, adj., gourmand, glouton, comme un loup (L. C).
V. fr.
Amont, prép. (le test toujours nul), sur: Prend' des pomm''s
amont l'arb', sur l'arbre; amont la main, à sa main,
à sa portée.
Amouillante (vache), prête à vêler, et dont le lait com-
mence à paraître (L. C). — V. fr. amoiller, mouil-
ler, tremper.
Angola, s. m., angora. M.
Anui , adv., aujourd'hui : J' avons diné par cœur anui. Nous
n'avons pas dîné aujourd'hui. M., D. [sow^ anieat,
inusité à Alençon). II'-M. — V. fr. anuit, aujour-
d'hui, cette nuit.
Aquanté, adv. (et non a<jnantele, Godef , v^ quant, ad
finem) avec. Aqu/mt et. M., Ht-'M. - V. fr. quant
et, loc. prép., avec.
Assemblée, asserabiée, s. f., fête de village, ordinaire-
ment à l'occasion de la fête patronale. *M.
Assire (s'), v. réfl., s'asseoir. Assisez-vous, asseyez-vous.
*M., Ht-M.
Astheure, adv., maintenant, 'M., II'-M. — V. fr.
Attraper (s'), v. réfl., se heurter violemment (L. C).
.\ucuns (d'). Cet archaïsme est encore très usité à Alen-
çon. *M.
.\xi, interj.,cri d"encourageni''in .'i un chien que l'on excite
à mordre. M.
200 REVUE DK PHILOLOGIE FRANÇAISE
B
Babiole, s. f., petite cerise sauvage, merise. Babiole est
la forme mancelle (C. R. de M.\ En Normandie,
on dit au même sens bagniolle, qui est la forme
correcte. (Voir Moisy.)
Babouin, s. m., statue grotesque que les enfants font avec
de la neige. Ils forcent parfois des « gâs » qui passent
à saluer V babouin. M.
Bade, s. f. boue. Voir Littré, v° boue, ad Jinem.
Bader (se), v réfl., se salir de boue.
Badrille, s. f., voiture d'enfant.
Baffe, s. f., gifïle, soufflet D., M'. V. fr.
Bahiette, s. f. baguette. M., bajjeite.
Bailler, v. a. donner. Banni de la langue usuelle, ce mot
est encore très usité à Alençon, dans le sens de faire
cadeau de.. D., M.
Baiser, v. a., surprendre, attraper quelqu'un ou quelque
chose : s' fair^'' baiser; on ma baisé ma casquette.
Chez M., duper. Baiser a dû ce sens à sa ressem-
blance avec l'ancien français boisier, v. a. tromper.
Baiser la poêle, commettre une irrégularité (terme des jeus
d'enfants).
Balier, v. a., balayer. *M., Ht-M.
Baliette, s. f., balayette. Ht-M.
Banniau, s. m., tombereau, voiture à bascule entourée de
planches et servant au transport des matériaus. *M.
Ban ni oie, s. f., carriole. M.
Bardance, -er, balance, -er.
Barge, s. f., pile de gerbes de blé dressée dans un champ
après la moisson. Cf. treisiau, truviau. M., Ht-M.,
V. fr., meule de foin ou de paille.
Bascules, s. f. pi., châtiment corporel infligé parfois au
joueur qui refuse d'être le patient ou le poursuivant.
Bastringue, s. f., jeu de quilles sur table.
Bâtiaus, s. m. pi., viens bois de construction.
Bazille, s. f., sorte de citrouille à peau verdàtre.
ESSAI SUR LE PATOIS d'aLENÇON 201
Beigne, s. f., coup donné à la tête avec la main. Deigne
en normand (*M.), higne en français, indiquent la
tumeur occasionnée par un coup à la tête; à Alen-
çon, beigne exprime le coup lui-même, mais dans
un sens restreint.
Béro nette, s. i., brouette. De là hêrouettêe, hérouetier.
M. On dit aussi bofi-ouette; *M., bouvrouette.
Bers (prononcer bè) ^. m., berceau. D. M. H^-M. V. fr.
dérivé du bas latin bersa, claie d'osier, ce mot est
en français moderne, sous la forme ber, un terme
de constructions navales.
Bièehe, adj., blet, blette. M. (sous bl(-(jue). V. fr. blécir.
BU'che, quoique inusité en français, figure dans les
dictionnaires au sens de faible de caractère.
Biquette, s. f., chevrette. M.
Biron, s. m. Au jeu de hiron. il s'agit de faire sortir des
bi (billes) d'un biron, ou cercle tracé sur le sol.
Bogue, s. f., gousse d'une légumineuse- Dans le patois
normand (M.), et en viens français, gousse signifie
enveloppe de la châtaigne.
Boilot, s. m., fromage blanc fait de lait caillé; écrasé et
délayé avec du lait, du poivre et du sel, il devient
Vagribouillé.
Bois, s. m., s'emploie souvent au sens de branche coupée,
gaule, bâton : Lou qiCes^t m^n boéi'
Bon ami, amant, en bonne part; fiancé. Au féni., bonne
amie. M.
Bonhomme, s. m- (au pluriel bonliommes). Le bonhomme
est formé de trois gerbes un peu obliques au sol et
se touchant en haut pour supporter une quatrième
gerbe hoiizontale. L'aspect général du bonhomme
lui a donné son nom.
Bouffer, v. n., manger vite, avec gloutonnerie. D. M. Mot
populaire. Hauffrer, botijff'er, ont eu autrefois le
même sens.
Boulet, s. 111., grosse bille en pierre (français non acadé-
mique, railol), en fonte ou en plomb.
Boulotter, v. iinp., ;iller assez, bien : Ça bonloUc AL
Boui'der, V. a.. .invtiT. barrer le |)assage à. II'-.M. En
202 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
V. fr. , hehorder, hourder, combattre à la lance,
faire un tournoi; interrompre un travail.
Bourdiu, s. ra., espèce de gâteau aus pommes dont la pâte
enveloppe le contenu. M., H^-M. Dérivé du v. fr.
bourde, s. f., tourte aus pommes, qui est resté en
patois normand. D., M.
Bourri, s. m., âne, mâle de la bourrique. M.
Bouzille, s. f., boue.
Bricoli, s. m., brocoli. M.
Broc (le c se prononce), s. m., fourche. — Dérivé régulière-
ment du lat. broccus (dent pointue), quoiqu'il ne
se rencontre pas en v. fr. — De là :
Broqueter, v. a., saisir avec une fourche.
Brouillasse, s. f., brouillard. De là, le v. imp. brouillas-
ser, en Normandie bérouasser. M. En v. fr. brouil-
las, s. m., brouillard.
Bu, adj., ivre. Ne s'emploie qu'avec le verbe être : // 'Uiié
bu; ailleurs, par exemple, pour homme ivre, on dit
bonhomme, plein .
Butiau, s. m., gerbe. H^-M. V. fr. boteau, boiteau, bouleau
(soiis botel).
Caboche, s. f., tête, au sens d'entêtement.
Cabot, s. m., chabot. *M.
Caboulot, s. m., petit cabaret (L. C). Même racine que le
V. fr. cabordate , s. f., et cabueil, s. m.
Cadet, s. m., sorte de petit gâteau.
Cale, s. f , écale (d'une fève, etc.). M.
Calot, s. m., morceau de bois à brûler; de? marchands
vendent le bois par calots, c'est-à-dire tout coupé.
Dans le Haut- Maine,* un calot est un morceau de
pain ou de viande.
Caniviau, s. m., rigole en terre ou en pierre. ID-M.
C a n n e -major, s . f . , tambour-major.
Carabin (et par corruption calaubin), s. m., sarrazin, pro-
prement : blé de Calabre.
ESSAI SUR LE PATOIS d'aLENÇON 503
Carnaviau, s, ni.. iiaV'Ct. Voir Naviau.
Casse-nousill(>, s. m., casse-noisotte.
Cassot, s. ni., slalle où Ton s'agenouille pour laver le
linge. Cas.'iot se rattache à casse, qui est le même
mot que caisse. V. fr. cassât, petite casse.
C asti lie, s. f., groseille à grappes. *M., H'- M.
Castonade, castrole, s. f., pour cassonade, casserole. *M.
Cenelle, s. f , fruit de raubépine. *M. EnvoN-cr quelqu'un
ans cênelles, c'est l'envoyer au diable, l'envoyer
promener.
Chasse, s. f., rut, en parlant des chats. Voir M.
C h a u f f e - p i e d s , s . m , chau fïerette. M .
Chausses, s. f. pi., bas. *M. (sous cauches). D., cauches.
Che venue (on prononce gènéralenK^nt j 'venue), s. m.,
meunier, sorte de gardon, poisson de rivière. M.
Dans le Haut-Maine, c'est une espèce de carpe.
V. fr. chevesne.
Ch. . . (cacatum). Au biron, le joueur dont le honlct ou bille
reste dans le biron, est ch... ; Xoui de cria! f se ch...
Cf. l'expression èt/'e bu.
Chikdeu. mot que crie un r/às pour provoquer un autre à
Se battre à coups de boule de neige avec lui.
1. Chiner, v. n., mendier. Chez M., c'est rapiner.
2. Chiner, \-. n., rechigner, contredire. Vous iiavez
qa faire de c/iiner. L'expression ne pas chiner,
outre qu'elle a le sens contraire à celui de c/ùner,
signifie aussi être tranquille, sérieus : A" chin point.
Selon Littré, reclâgner vient du préfixe re et de
l'ancien verbe chigner ou rjaigner, qui aurait signifié
sourire, mais qui n'est pas dans Godefroy.
Chioles, s. f. pi. Latrines. V. fr. diioir''.^. Chiotes est
en usage en Lorraine.
Chipolata, s m., petite saucisse. En fraïujais, c'est un
ragoût aux oignons.
Chômer, v. a., manquer de. On remarque la construction :
Je n cli<Jiii' poiii à f/ui les vend' (vendre).
Choper, v. a. Même sens que baiser, mais ne se dit que
des personnes : attraper, surprendre ((|Uclqu'uiil.
Choulout res, s. m. |j1., r-hous de Bruxelles.
204 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ci bot, S. m., ciboule. M. (sous chibot). D., chibot. V. fr.
cibot, civot.
Citre (on prononce cit'), s. m., cidre. *M.
Coche, s. f., taille des boulangers, qui y font une entaille
(en fr. coche), pour chaque pain fourni à crédit.
Servant de registre journalier, cette taille est une
baguette fendue en deus moitiés, dont l'une reste au
boulanger et l'autre est remise au client.
Cochelin, s. m., cadeau fait par le parrain et la marraine
à leur filleul qui se marie. D., M., présent. H'-M.,
présent et aussi gâteau. V. fr. cochei (présent fait
par le marié à ses compagnons de noces), qu'il ne
faut peut-être pas rattacher au v. fr. cochei, jeune
coq, car on peut le faire dériver de l'allemand kou-
chen, flamand houhe, gâteau.
Comme, conj., que. J'sé aussi grand comme tel (je suis
aussi grand que toi). *"M.
Conséquent, adj., conséquent, et aussi, puissant (L. C).
Coper (la), l'expier, le payer cher, la revaloir. Cf. le fr.
pop. écoper et le v. fr. compevei', payer, expier (?)
Cor, adv. /encore. H'-M.
Cosin, s. m., cousin. *M. Cosiii r'mué d' germains, cou-
sin issu de germains ; expression employée d'ail-
leurs par Regnard.
Conapelle, s. f., sorte de plante.
Couchette, s. f., morceau d'étoffe dont on enveloppe les
enfants au berceau. M.
Coucou, s. m , primevère jaune qui fleurit au retour du
coucou. *M.
Couloré, adj., colorié. Mot de la campagne.
Coup, s. m., fois. C'est /' mém' coup, c'est la même chose.
Du coup, cette fois, pour le coup.
Créraère, s. f., lacs en crin que l'on tent sur un appât. On
emploie aussi crignéè. Cf. D.
Curé, s. m., dinde, dindon; en Normandie, yes«a7e. Ces
deus dénominations viennent sans doute de ce que
cet oiseau fut introduit, ou plutôt répandu en
France, par des Jésuites.
Cusscr (se), V. réfl., se plaindre, en parlantdes petits enfants.
ESSAI SUR LE PATOIS d'aLENÇON 205
D
Dedans, d'dans, prêp.. dans. *M. De môme, dessus ou
d'ssus, prép., sur.
Dégoullière, s. f., gouttière. M., II^-M. V. fr.
Débucher, v. n , descendre, en parlant d'un corps qui
flotte ou qui vole. Dérivé de hucher (M.), pour
jucher. Pour un changement inverse de h en y, voir
Juper.
Delà (nom de) fon prononce d'ia], juron qui équivaut peut-
être à nom du diable (autrefois déable), influencé
par l'ancienne interjection déa.
Demi , s. m., tasse de café que les cabaretiers donnent avec
une soucoupe et deus morceaus de sucre. M.
De m ion, moitié de la demoiselle, demi -décilitre d'eau-
de-vie.
Demoiselle, s. f., petite mesure d'eau-de-vie, qui vaut un
demi-décilitre, suivant D.; un décilitre chez M. et
à Alençon.
De qui? de q uei? Pron. interr. Qui? quoi? Ht^-M. I vient.
— De qui? (Qui?) — Louis, pardié. « Eh! bour-
geoise (ménagère). — De quel?)) (Quoi?)
Déroute, s. f. Faire la déroute, faire l'école buissonnière.
Désargenté, adj., sans argent, sans le sou. M.
Dessous (ét'j, être le patient au jeu de ^on (saute-mouton)
et au cheval- fondu.
Dévalée, s. f., pente douce (L. C).
Devantiau, s. m , tablier. M., IP-M. V. fr. devanlel,
devanteau.
Dé vire, s. f., H^-M. Ne s'emploie à Alençon que dans l'ex-
pression à ladéoire, au rebours, à l'envers. Cf. Vire
(à la).
Dia! cri pour faire avancer un cheval à gauche. M.
Dire, v. n. S'emploie en pariant des instruments de mu.
sique. I dit benf Voir Faire dire. V. fr. dire d'une
fleutte (fliîte).
Disputer, v. a., gronder D. (Manche.)
206 HHVUE I)K PHILOLOGIE FKANÇAISK
Doguer, v. n., frapper de la corne, en parlant du bétail :
I dogue fort. Fr. tgquev.
Doguette (à la), s. f. Jeu de billes où, placés devant un
mur, les partenaires lancent tour à tour une bille
qui, pour décider du sort de la partie, doit frapper,
avant d'avoir touché le sol, une dos billes déjà
lancées.
Donnée, s. f., distribution faite aus pauvres dans des cir-
constances extraordinaires, v, fr. — E s'rait ci' don-
née, si elle l'atmit (elle serait généreuse, si elle était
riche, si elle avait de quoi).
E
E (se prononce très sourd), pron. féni.,qui s'emploie devant
les consonnes, pour elle : È vient.
Échange, s. f., échange. M. Exemple et espace, fém.
dans M., sont masculins à Alençon.
Échanger, v. a.,, essanger, donner le premier lavage au
linge. M. (au supplément).
Écofir, V. a., bosseler, bossuer.
Effant, s. m., enfant. M., H^-M.
Égrimer, v. a., égratigner, griffer. V. grimer. V. fr. esqui-
meare, esquille.
Emballe (fair' do son), faire des embarras, être orgueilleus.
Dans le Haut-Maine, l'expression être emballe a le
même sens.
Em bousillé, adj., couvert de bouc, crotté. C'est le v. fr.
embousé (part. pas. de enihouser). refait sur hoa-
sille. (Voir ce mot.)
Embroqueter, v. a., saisir avec un broc (fourche). C'est
le V. fr. embrocher, refait sur broqueter. (Voir ce
mot.)
Emouvoir (s"), se remuer, s'agiter. M. V. fr.
En, prép., employée pour les prépositions à et dans. Il est
en Damignié, à Damigni, village près Alençon ;
J' ni en va en champs, je m'en vais dans les champs.
Encavcr, v. a., enterrer un animal qnervé (crevé). V. fr.
enchaver, creuser, et aussi enterrer.
ESSAI SUR LE PATOIS u'aLEXÇON 207
Engoulnnt, adj., hea-engoidant, facile à avaler. Voir
V" iau.
Eoîi, adv., où. Je n' savons point eon aller.
Équi, s. 111. Éqiiis.sure, s. f., petit éclat de bois. En v. fr.,
esquille, s. f. , morceau, fragment, éclat de petites
planches fendues, petit ais.
Esquainter, v. a., fatiguer, exténuer. M. ; mot populaire.
Esquélette, s. f., squelette. *M.
C'est-d-à mei, à tei, se disent dans les jeus pour : c'est à
moi, à toi. c'est à mon tour, à ton tour. Cf. en pa-
tois normand cVovec pour avec.
Estomal , s. m., estomac. Se dit à la campagne.
Exprès (à r), loc. adv., de parti pris. «On ne dit pas :
faire exprès de, mais bien faire à V exprès. )) C. R.
de M.
F
Faire dire... Jouer d'un instrument de musi(iuc. Voir
dire. M.
Fi, s. m., fil. *M. Fi d' fouà, moi k mot, fl de fouet, mèche
à fouet.
F ion (jouer à), jouer à saute-mouton.
Foirer, v. n., aller à la foire. En Normandie, c'est « cou-
rir les foires ». M. V i\\ foirier, fêter, chômer.
Fol 1er, v. n., extra vaguer. FoWs-la^ Es-tu iou'^ Folier
signifie, en patois normand, être fou, extravaguer
(M.); en v. fr., faire des folies, folâtrer.
Fraîchisson, s. m., frisson.
Freid, s. f., froid. *M.
Frères à huit, à neuf. Se dit au jeu de bastringue des
joueurs qui ont également abattu huit, neuf quilles.
Fumclle, s. f., femme (en mauvaise part). *M. Se prent
en bonne part dans le Haut-Maine, où il signifie
jeune fille, et comme on v. fr., femelle.
Fumeraillon, s. m., fumée qui sort d'un tison qui ne
flambe plus. M. — Godefroy cite un seul exemple de
fumeras, qu'il expli(|ue par « partie de la cheminée »,
mais le contexte n'empêche pas d'interpréter ce mot
par fumée.
208 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Gadellos, s. f. pi., groseilles- venant par grappes. D.
{V'gades). M., Ht-M.
Gadellier, s. m., arbre à gadelles. M.
Galette de sarrazin, espèce de crêpe qui se fait avec de
la bouillie de farine de sarrazin. M., H'-M.'
Gâs, s. m., gars, gar(^on. « Employé seul, dit Moisy, ce mot
est toujours pris en mauvaise part. » Il n'en est
jamais ainsi à Alençon, où l'expression à les [i as!
s'emploie pour appeler des enfants. — Le valet des
jeus de cartes^ s'appèle le vieus gâs, expression
qui désigne un célibataire dans le Haut- Maine.
Gâter d'iiau, uriner. M , Ht-M.
Géronnée, s. f., le contenu du tablier [Xaim g ero -nis,
giron), (L. C.)
Glenne, s. f. , la plus grande quantité d'épis dont les tiges
peuvent être contenues dans la main repliée. V. fr.
glaine, glenne, s. f., botte, poignée.
Glenner, v. a., glaner.
Grémir, v. a., écraser.
Gré pelle, s. f., sorte de plante.
Gricher, v. n., crisser. H<-M.
Grimaud, adj. Se dit d'une maussaderie passagère, d'un
accès de mauvaise humeur : J' se (je suis) grimaud
amd (aujourd'hui).
Grime, s. f., griffe. Si le verbe gtdmer ne se rattache pas
au français se grimer, on peut faire dériver grime
de l'allemand greiffen. (Cf. Reif, gelée blanche =
V. fr., picard, wallon rime.)
Gu, s. m. 1" Jeu de cligne-musette; 2'' endroit où, au jeu
de cligne-musette, se cache celui qui est pris, ou
qui // est, c'est-à-dire le chercheur; 3° le chercheur
lui-même : J' se (je suis"» /' gu. Au moyen âge, les
enfants criaient eu! eu! au jeu de reponaiUes.
1. Dans les jeus de cartes, l'expression c'cfit la jiiocc.<sion des c...
(culoruin) nu!< se dit lorsque le sort n'a départi à un joueur que des
cartes sans importance.
ESSAI SfR LF PATOIS d'aLEXPON 209
Gui, pronom, lui. /' gui ai dit (jo lui ai dil). II^-M. — A
roniarquei' : YailUii cVinander (va le lui demander) ;
vaillJn dire (va le lui dire), etc.
Guiahle (aller 1'), loc. « Ça va-t-i ben anui f — Ça va
l" guiab\ » Ça va-t-il bien aujourd'hui ? — Ça ca le
diable, ça va bien. » (L. C.)
Guibet, s. m., moucheron. V. fr. guibeL — M. signale la
forme bibet, qui existe aussi en français, quoique
plus récente.
Guigner, v. ii. Se dit au jeu de cligne-musette, du joueur
qui se place en un lieu d'où il ne peut voir les autres
joueurs quand ils se cachent. — Se rattache au mot
gu, plutôt qu'au v. fr. guigner, qui siguiliait parer,
farder, et non mettrt^ un masque.
H
Ilalbi {h aspirée), s. m., boisson faite avec une égale quan-
tité de pommes et de poires. D. M. : « Comparez la
locution anglaise bg half, par moitié ; laquelle, en
intervertissant les mots [half btj), donnerait un sens
en rapport avec celui de notre mot. »
Ilarée, s. f., averse. D. (arrond. de Bayeux). M. Du v. fr.
horée, pluie d'orage.
Hélas ! interj. qui n'exprime pas seulement la douleur, mais
aussi la stupéfaction, l'étonnement. Il en est de
même dans le Haut-Maine. (Voir C. R. de M.,
2'' édition, au suplément.)
Herber, v. n., couper de l'herbe. V. fr. — Aller licrber et
aller à Vherbe se disent également à Alençon.
Homme, mari. *M.
Hojume de fer! A la halle au chasseur, — jeu où, suivant
certaines règles, l'un des joueurs poursuit les autres
en essayant, de temps à autre, de les atteindre
avec une balle, — l'un de ces derniers peut crier :
Homme de fer! U s'engage ainsi à rester à l'endroit
même d'où il a crié et à n'y point renmer son corps
pendant que le chasseur le visera. Si le chasseur
Revuk uk i'iiii.oi.ogu:, vu. 14
310 REVUE DE pinr.or.ooiE française
accepte le déii, il ne peut s'approcher de V homme
de fer avant d'avoii; lancé la balle.
H uy 0 ! cri pour faire avancer un cheval à droite.
I
lau, s. f. eau. *M. Créiez-le et buvez d'iiau, locution iro-
nique pour dire qu'une chose est fausse. Pour vanter
une boisson, cidre ou poiré, qu'il est question de
leur acheter, les paysans disent toujours qu'il est
hen dreit en goût, hen engoulant, sans goutte ni
larme d'iau (droit de goût, facile à avaler, sans
goutte ni larme d'eau). Cité par L. C.
Il,pron. m. pi., ils. *M. Pourquei qu'il- on fait e«.? (Pour-
quoi ont-ils fait cela ?) — Latin illi^=.\. fr. il pour ils.
Inné se dit pour il en. « Cette forme de langage, dit M.,
n'est usitée qu'associée au verbe avoir. Ainsi, mn'
aura équivaut à il en aura, inn' avait à il en avait,
inn'a équivaut à il en a. »
J
Je, pron. pers. sing., s'emploie pour le pron. pers. nous:
f allons, f avons.
.Jenn' jene. M. Jenn' veus poin' avoir des raisons à cause
de vous, je ne veus pas être querellé à cause de vous.
Juper, V. a., hucher, appeler. V. fr. huper, pousser un cri
aussi loin que l'haleine peut s'étendre.
J 'venue, s. m. Voir chevenne.
Laitince, s. f. : 1° laitance, 2'^ poisson mâle. — C'est le seul
exemple qu'offre le patois d'Alençon d'un change-
ment de an en in.
Là-loin, près d'ici.
Légume, s. f. collect., légumes.
Liette, s. f., tiroir. V. fr., leaite, lieite.
ESSAI SUR LK PATOIS l)"\I.FNrON 211
LiG;oche, s. f., limaco, mollusque rampanlet sans coquille.
(L. C.)
Lu molle, s. f. , lame de couteau. V. i'r. lemelle, lamelle.
Ou emploie, paraît-il, à Dom front, la l'orme avinelle,
qui vient du v. fr. aleinelle.
M
Maie, s. f., huche à pain (est dans Littré). V. fr. mai/e,
s. f. Moins usité que la forme masculine met.
Mairerie, s. f. (on prononce mévri), mairie. V. fr. mai-
rerie, justice seigneuriale.
Mais que, loc. conj., après que, lorsque. *M. Elle gou-
verne le subjonciif comme en patois normand.
M an, s. m., larve de hanneton. M.
Marcou, s. m., matou. D. (Orne). M., Ht-M. V. fr.
Mè)iicr, s. m., petit enfant (L. C). Du v. fr. me s nié e ow
mesnie, ménage, famille.
Mieutée, s. f., pain émietté dans du cidre. A Domfront,
on emploierait nuochée dans le même sens (xvi^ s.,
miodie, mie).
Millot, s. m., millet, i-'. Mi lied, s. m.? L'on fist ou temps
commode plusieurs millotz, pensant s'en secourir,
lesquelz firent belle sortie (155G, Disc, de l'an, de
la com., Arcli. Lons-le-Sauln.). )) Godefroy. — Il
s'agit évidemment là de semis de gros millet.
Mimi, s. m., mot du langage enfantin pour désigner un
chat. C'est ainsi que l'on appelé généralement cet
animal afin de l'attirer.
Miocher, v. a., mâcher, manger. Mioe/ier est sans doute
une corruption de mâcher sous l'influence du moyen
français mioche. (Cf. dans le patois lillois le verbe
mier, formé sur mie.)
Mitan, s. m., milieu. D., M., II'-M. V. fr.
Moins, prép. Pour marquer les minutes qui suivent la
demie, on remarque la construction suivante : le
f/nari moins une heure, deus heures..., dis minutes
moins une heure, deus Iieures..., pour une heure,
512 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
deus heures..., moins un quart, une heure, deus
heures... moins dis minutes.
Molenne, s. f., sorte de plante que l'on m'a décrite comme
ayant de larges feuilles et qui fleurirait à la fin de
l'été; c'est peut-être le bouillon-blanc. V. fr., mo-
leine,sorte de plante (ju'un glossaire appelle T/iapsus
barbatus.
Moure, s. f., mûre sauvage, frviit de la ronce. M., Ilt-M.
Cette forme est usitée dans le Hainaut. (Littré,
vo mûre.)
N
N a, particule interjective et intensive qui renforce le sens de
la locution dont on fait usage. Jenn' veus point, na.
Nain, s. m., hameçon. D. Ce mot est une corruption du
V. fr. haim ou ain, dérivé du lat. hamus et usité en
patois normand. M. ; comme en faisant la liaison on
disait au singulier un-n-ain, on introduisit fautive-
ment une n dans le corps du mot.
Naviau, s. m., navet. D. M., Ht-M. V. fr. nacel, naveau'
Nouviau, adj., nouveau. *M. Tout nouviau, tout biau,
proverbe qui n'a pas besoin d'explication.
Nouzille, s. f., noisette. M., Ht-M. V. fr. noisille.
0
0, prép., avec. M. — N'est plus guère employée à Alençou
que par les vieillards. — V. fr. ab, od, o.
Oribus (ailleurs on prononce, paraît-il, orubu), s. m., chan-
delle de résine. D., M., Ht-M.
Ouatte, interj. exprimant le doute et l'incrédulité. M.
V. fr. kohecte.
Paillot, s. m., paquet de sis fromages entourés de paille. M-
Paisan (dissyllabique), s. m. paysan. *M. On m'a assuré
que l'on prononçait aussi poweà-a/i.
ESSAI SUR LE PATOIS d'aLENÇON 213
Pampelune, lieu imaginaire. Un curieus dcmande-t-il où
se trouve quelqu'un, on lui répont : // est à Pam-
pHune, vingt-cinq lieues au d'ssus d^ la lune.
Pa neige, s. f-, ciguë. Peut-être faut-il rattacher ce mot au
V. fr. pasnaie, s. f., ciguë.
Palis, s. m., clôture, barrière. V. fr.
Parclie, s. f., écosse de haricots secs* (L. C.)
Paré, adj. Se dit du cidre lorsqu'il a cessé de fermenter et
qu'il est bon à boire; latin paratus, préparé. (L. C )
— D., y. fr.
Parottes, s. f.pl., copcaus.
P i a n t , adj . verbal , puant. *M.
Piétrer, v. n., boîter. V. fr. piétrer, se promener.
Pigner, v. n., pousser une exclamation de douleur. 31. En
V. fr., c'est grincer.
Piguoche, s. f., jeu d'enfants où l'on jète la lame d'un
couteau dans un tas de sable dans lequel elle doit
s'enfoncer entièrement. C'est peut-être le même mot
que le v. fr. piloke, s. f. , objet servant à un jeu de
jeunes filles.
Pijer, V. a., attraper, surprendre (quelqu^un) ; comme
choper, baiser. Dans M., ce mot signifie battre,
rosser.
Piler, V. a., broyer. Se dit même en parlant d'un corps
tendre. — Piler sur, marcher sur, mettre le pied
sur. *"M.
1. Piper, V. n., mesurer, en plaçant successivement le bout
de chaque pied contre le talon de l'autre.
2. Piper, v. a., aspirer un liquide avec un pipei ou fétu.
M. En V. fr., pipe signifie tuyau.
Pi pet, s. m., fétu de paille. (Voir le mot précédent.) En
V. fr., pî'pei signifie pipeau.
Pirotte, s. f., oie femelle. D., M., H^-M. Au pluriel, oies
en général. V. fr. pimt, s. m., oison.
Plein ftoul), beaucoup.!). (Arrondissement de Valognes.)
Poignasser, v. a., manier salement, ou manier une chose
pesante qui ne demande pas d'égards. (M., IP-M.)
Poignasser une poutre, c'est la remuer, la changer
de place. Poignasser est un dérivé i)éj()ratif (Cf.
214 REVUE DE PHJLOLOGIE FRANÇAISE
vairasse) du v. fr. poigncr, prendre avec le poing
(la main) .
Point, adv. L'adverbe pas, inusité en patois (ainsi que
l'ancien français mie), y est remplacé par point, qui
devant les voyelles se prononce ;jom^ ; /jo/n' en tout
(pas du tout), c' n'est poin' à mei (moi).
Pointe de côté, point de côté.
Poison, s. f., poison, M. C'est d' la poéson, c'est poéson,
c'est vénéneus.
Poissonnerie, s. f. collect., poissons. A/éter rf' la pois-
sonnerie, acheter du poisson.
Pommé s. m., cidre. Ht-M. V. fr.
Porjou, s. m., narcisse des prés (à fleurs jaunes). D., M.
A Condé-sur-Sarthe, commune près Alençon (et,
paraît-il, à Domfront), on emploie la iovn\Q porion.
V. fr. porion, povjon.
Pot, s. m., enjeu, mise de chaque joueur, au jeu de bas-
tringue. A deus sous V pot!
Pouchette, s. f., poche d'un vêtement. En français, po-
chette est line petite poche. *M., Ht-M.
Mit la main à sa poucliette,
Cent pistolles lui a donné.
(Imprimé à Rouen, 1619. Cité par Francisque
Michel, E. de Ph. sur l'Argot, p. 339.)
Pour de bon, véritablement, sérieusement. M.
Pourri ! exclamation dont, à la puce et au gu, les joueurs
libres (c'est-à-dire tous les joueurs, sauf celui qui
est pris ou y est) ont ou n'ont pas, selon les conven-
tions, le droit de se servir, pour arrêter les pour-
suites de celui qui est pris.
Poursuite, s. f., variété d'un jeu de billes; elle se dis-
tingue de la doguette et de la recenette en ce que la
bille lancée par l'un des joueurs doit, pour terminer
la partie, rouler avant.de toucher l'une des billes
du jeu. (Voir v^' doguette.)
Predommet, s. m., haricot hâtif. M., prodon.
Prem, adj., premier, premier entrant dans les jcus d'en-
fants, contraire de dér (dernier), se prononce comme
diins jjreniier. — M. pré, preu. V. fr. enipreu.
KSSAI SUR LE PATOIS d'aLENÇON 215
Premier, aclv., d'abord. M., V. fr.
Premier que (suivi d'unsubj.), premier que d' (suivi d'un
infinitif), avant que, avant de. *M., H^-M.
Promenoiro, s. f., petit chariot à roulettes qui tient un
enfant à la taille et lui permet de marcher sans
tomber.
Puce courante, puce perchée, jeus d'enfants. — A la
puce courante, celui des joueurs qui est pris ou qui
a la puce poursuit les autres jusqu'à ce qu'il ait pris.
c'est-à-dire touché l'un d'eus; il devient alors le
père de celui-ci qui, en général, ne peut prendre son
père ou lui rendre la puce-
A la puce perchée, celui des joueurs qui a la puce
a le droit de prendre les autres quand ils ne sont
pas perchés, c'est-à-dire quand ils ne sont pas sur
quelque tas de pierres, borne, gros pavé, pas de
porte, etc.. Il devient alors le père de celui qu'il a
pris et qui généralement peut rend' la puce à son
père, quand ce dernier a été perché au moins une
fois depuis qu'il est libre.
Il y a aussi la puce trottoir, où les joueurs libres
peuvent être pris quand ils sont dans la rue.
Puet, s. m., espèce de petite quille à bouts plats servant
de but au jeu de la galoche (jeu de bouchon) et que
l'on abat avec des pièces ou palets. V. fr. pue,
grande pointe, grand clou, d'où est dérivé aussi le
mot manceaupue^^e, s. f., « petite cheville de bois
avec laquelle on bouche les trous faits aus ton-
neau s ».
Q
Quasiment, adv., mot employé à la campagne, ainsi que
notre mot familier quasi dans le sens de comme,
presque.
Quinet, s. m. Jeu du r/uinet, ]cu de gargons, consistant à
lancer à l'aide d'une palette un morceau de l)ois
pointu aus deus extrémités et appelé (juinet.
216 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
-R
Rabouter, v. a., joindre les deus bouts d'un cordon pour
en former une seule partie. M. — V. fr., confiner,
toucher par un bout à.
Raisons, s. f. pi., reproches : s'attir^er des raisoris, se faire
quereller; avoir des raisons, être querellé. En
Basse-Normandie, raison signifie querelle, injure
(M.) et raisonner, gronder. V. h\ raison, parole,
propos, discours.
Ramberge, s. f. Mercurialis annua, mercuriale, plante
qui passe faussement pour être vénéneuse (L. C).
Rapia> adj. et s. m., avare, ladre. M. — V. fr. rapial
ou rapal, rapaee.
Reille (11 mouillées), s. f., raie.
Revenette, s. f., variété d'un jeu des billes; elle se dis-
tingue de la doguette et de la poursuite en ce que
la bille lancée par l'un des joueurs doit, pour ter-
miner la partie, toucher le mur avant de heurter
l'une des billes du jeu. (Voir doguette.)
Rifle, s. f., éruption cutanée formant croûte, qui se produit
sur le crâne des enfants en bas âge. D., M., H'-M.
En V. fr., c'est la gale de la lèpre.
Ri les (i aigu), s. f. pi., pâté d'oie. H^-M. Le sens de ce mot
est différent dans M. : « Longs et menus morceaus
de lard qu'on fait griller. » V. fr. rille, morceau de
porc.
Ringlade, s. f., glissoire.
Ringler, v. n., glisser (sur la glace). D. (Orne.) V. fr.
r-iller, v. n., glisser, couler.
Riq, adv. et prép., tout contre. Suivre quelqu'un riq les
talons. On emploie au^si adverbialement l'expres-
sion tout rie, que D. signale pour l'arrondissement
de Mortagne (Orne). V. fr. rie à rie. (Godefroy,
V" na.)
Ronder, v. n., faire une ronde, danser en rond. V. fr. tour-
ESSAI SUR LH PATOIS D'ALENÇON 317
no3'er, aller autoar de quelqu'un; et aussi, faire la
ronde (militaire).
Rote, s. f., petit sentier eu pleins champs. D. (Orne), M.,
Ht-M. On rencontre en v. fr. les formes route, rote
et rotte pour route.
Rotor, V. n., se promener sur une rote. Eou qu'il est? (Où
est-il?) — Il é à roter. (Il est en train de se pro-
mener.)
Roustir, V. a., mettre un joueur à sec. T Vai rousti; être
rousti. En argot, ce mot signifie tromper.
Roùtie, s. f., sorte démets que l'on peut manger après avoir
fait rôtir du pain et l'avoir trcniipé dans du vin ou
du cidre.
Rucher, v. n., lancer avec la main des pierres, etc..
J' ruche hin. D. M. — V. fr. rocher, v. a., faire
rouler, jeter des pierres.
Saqueter (prop. sacter), v. n., tirer par saccades.
Se, Ire p, iii(^[. prés, du verbe êti'e : J' se rucVment la, je suis
très fatigué. — Se dit aussi a dans le sud de la
plaine de Neubourg à Beaumont-lc-Roger )), Charles
Joret, Des Caractères et de V Extension du patois
normand, p. 155. (Mémoires de la Société des Anti-
quaires de Normandie.)
S ci {cjuef), qu' tu seis, qu i seit, qu' nous sciijons, qu' vos
seiijez, qu' is scient, subjonctif présent du verbe et'
(être). M. — Ancien normand.
Seille, s. f., seau. D. (Orne). M., Ilt-M., V. fr.
Seillée, s. f., contenu d'un seau : seillee d' iau. M. II'-M.
V. fr.
Sicasse, s. f., eau-de-vie de qualité inférieure.
Siler {i aigu), v, a., donner des coups de verge à quelqu'un.
M.; D. (frapper). V. fr., siller, mortifier par les
coups.
Si me, s. f., branche, broutille.
A sou, sou à sou, par petites sommes, en économisant. M.
218 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Sus, prép. sur. Très usité en v. fr. — Les «gâs» chantent
souvent :
Parisien,
Nez d' chien,
La canne à la main,
L' sac sus l' dos,
Voleur d'abricots,
Tu ch... {■= cacabis) dans 1' pot.
'Tais (j'), [t' étais], il 'tait, ils taient, impartait du verbe et'
(être). JHais malade. On fer Leva, il 'tait mort.
Tasse, s. f., poignée d'herbes, toulîe. M. — V. fr. tame, tas,
amas.
Tcrtous, pron., tous. Mot do la campagne. — M., V. fr.
trei^toua.
Téruelle, s. f., truelle. M.
Treiziau, s. m Synonyme de barge. Se trouve dans *M.
Treiller, v. a., trier.
Truviau, s. m. Synonyme de treiziau et de hargc. (Voir
barge.)
Va, vais (je). /' m'en va ans loc, je pars pour aller ra-
masser, cueillir, acheter certains produits.
Vadrouille, s. f., serpillière que l'on mouille pour net-
toyer les planchers, les parquets. M., vatrouiller,
se vautrer.
Vage (que j'), que tu vages..., subj. prés, du verbe aller.
C'est la corruption de l'ancien subj. prés, {que je)
voise, usité encore parmi le peuple au xviie siècle.
Vairasse, s. f., coUect. et péjor., vairons.
Vélin, s. m., réseau du point d'Alençon.
Veuni (c'est-à-dire fini). Jouer à veuni, se dit d'une variété
du j(?u de gu.
KSSAI SL'U LK IWTOIS d'aLENTON 219
Vignou, s. m., ajonc épiueus (à fleurs jaunes). — A Dom-
front, c'est le genêt épineus, sens qu'a, selon D., ce
mot clans le Calvados.
Vire, s. f. N'est usité que dans l'expression à la vire
(comme il faut), contraire de à la décire (à rebours,
à l'envers, à contre-sens).
Virez, cirez, cirez!... C'est ainsi que l'on appelé les oies.
Vouss'ter, v. a., contraire de tutoyer. M.
Voyons voir. Locution qu'emploie un homme du peuple
quand il s'agit de vérifier quelque chose. De cette
locution, fort en usage dans le Haut-Maine, C. R.
de M. dit, p. 470-71, v» coire : (( Est-ce, en fait,
une locution vicieuse à cause do l'emploi redoublé
du verbe coir, ou bien pourrait-on la considérer
comme une équivalente de celles-ci : Voyons en
vérité, voyons réellement? Dans ce dernier cas, le
tort ne serait pas du côté du peuple. » Nous ne
saurions admettre la seconde explication qui exige-
rait, selon la phonétique du patois, veir (cêre) et
non voir. Comme le premier mot est toujours pro-
noncé vouàïon, nous considérons cette expression
comme synonyme de allons coir, v. fr. coisons
coir. Cf. ouàsiau, oiseau (= âvicellus); ouà, oie
(=r:âuca); cage (=vâdiam).
LE COMPTE MUNICIPAL DE TOURNON (1459-1461;
DESCRIPTION ET COMMENTAIRE HISTORIQUE
Par Léon Cléuat
Le compte municipal clc Tournon, que nous avons publié \
est contenu clans un cahier de papier de â4 feuillets ayant
30 centimètres sur 21. Le papier est marqué d'un filigrane
représentant un dauphin pâmé. Le compte occupe seulement
19 feuillets, les 5 autres sont blancs. Il est d'une seule et
même main, à l'exception : 1'^ des art. 9 et 10 ajoutés
après coup (qui terminent le verso du fol. 1) ; 2° du total de
la recette placé dans un blanc (fol. 2 verso, 6® et 7^ lignes),
et 3° du dernier article suivi du total général (fol. 19 verso),
qui sont d'une main différente et qui sont presque entièrement
en français, tandis que le reste du compte est en langue
vulgaire du pays.
Au bas de chaque page se trouve le total des sommes
mentionnées dans la dite page : il paraît être de la même
main que les parties ajoutées. C'est, à notre avis, la main
de l'auteur même du compte, Barthélémy de Sèneclause,
qui a probablement dicté tout le reste à un employé. C'est
encore à Barthélémy de Sèneclause, ou à une troisième
main-, qu'il faut attribuer le mot virifficet, rayé après coup,
qui se trouve en marge et en face des art. 108 (art. 1 du
fol. 9 recto); 126 (art. 2 du fol. 10 verso); 131 (dernier art.
du fol. 10 verso); 149 (art. 1 du fol. 12 verso); 185 (art. 4 du
fol. 16 recto), et 199 (avant-dernier art. du fol. 17 verso).
De la même main, en face dç l'art. 194 (art. 2 du fol. 17
recto), on trouve les mots « non transmit » qui ont été
1. Voyez notre Revue, t. II, p. 241.
2. L'écriture est plus grossière, mais elle est la même que pour les
trois premiers mots {■•^oinrna Qi-ossa de) du total général, et pour le
total de la recette.
LE COMPTE MUN'KIPAL DF TOURNON 221
barrés, et au-dessous desquels on a écrit : vcriffica/«/n. »
Cet article avait d'abord été entièrement barré, ainsi que la
somme qu'il indique; puis la barre a été grattée et la somme
rétablie; le total du bas de la page avait été fait d'abord sans
tenir compte do cet article, puis il a été rayé et remplacé
au-dessous par un nouveau total, conforme au rétablissement
de l'article.
En face de cliaquc article de la partie consacrée aus
dépenses (art. 17-217), on trouve en marge une crois qui
paraît indiquer que la dépense a été vérifiée (la crois a été
grattée puis rétablie en face de l'art. 194, dont nous venons
de parler). N'ont pas de crois, et ont été barrés, les art. 122
(art. 3 du fol. 10 recto); 202 et 203 (art. 2 et 3 du fol. 18
recto); 207 (art. 2 du fol. 18 verso); 213 (19 recto, dernier
article). Le total qui est au bas des pages où il y a eu des
articles supprimés ne tient pas compte des dépenses rayées,
il est donc postérieur à ces suppressions. Les articles rayés
étaient relatifs à des remboursements de taille ou paiements
arriérés faits à Jean Locbet (art. 122. 202, 203), à une somme
de 1 livre 10 sous prêtée à la ville par Barthélémy de Sène-
clause (art. 207), et à une indemnité de 1 livre 5 sous que
réclamait Barthélémy de Scneclause pour un séjour à Viviers
au moment de la répartition de la taille (art. 213). Il est
difficile de savoir si ces suppressions ont été faites sponta-
nément par le syndic ou si elles lui ont été imposées. Les
sommes portées comme ayant été données à Lochet, et qui
s'élevaient à 8 livres 8 sous G deniers, ont d'ailleurs été
rétablies en partie dans le dernier article du compte (art. 217).
Nous avons dit que deus articles (de recettes) avaient été
ajoutés après coup au bas du fol. 1 verso. Le total de cette
page avait été fait après l'adjonction du premier de ces
articles : il a été rayé, puis rétabli avec modification au bas de
la page, quand on a eu ajouté le second. Le total général de
la recette (fol. 2 verso) avait été fait avant l'adjonction des
deus articles : on l'a refait et récrit après r;idjonction du
premier, et corrigé après celle du second.
Une erreur d'addition a été corrigée au bas du fol. 18
recto : on avait compté, pour l'art. 205, 15 sous au lieu de
15 livres. Dans le total général de la dépense on avait fait
222 liF.vrF. DE PIIILOLOGIF. FRANÇAISE
aussi une erreur en moins de 14 livres 5 sous, qui reposait
sur la première, et qu'on a'corrigée en même temps.
L'addition du fol. 17 verso paraît inexacte au premier
abord ; mais il faut prendre garde quel'écu porté par l'art. 200
doit être soustrait et non additionné. Dans cet article le mot
escu n'est pas écrit, mais est représenté deus fois par un
triangle.
Un grand espace avait été laissé après l'art. 174 (fol. 15
recto). C'est dans cet espace que l'art. 175 a été ajouté après
coup.
Le compte de Barthélémy de Sèncclause n'a pas été écri*
au jour le jour. Il a été rédigé d'ensemble, une fois sa ges-
tion terminée, d'après les notes et quittances conservées par
le syndic. Les articles sont loin d'être rangés dans l'ordre
chronologique, ce qui est parfois gênant quand la date n'est
pas indiquée ou qu'elle l'est incomplètement.
Le compte commence par les recettes : En premier lieu,
la recette des fouages des deus années (art. 2-4), puis des
recettes diverses,' provenant de ventes de sel, de paiements
variés, du. double disième (art. 5-15). Viennent ensuite les
dépenses : en premier lieu, les paiements faits par la ville
pour les fouages ou tailles des deus années, en y comprenant
certaines restitutions et les frais divers occasionnés directe-
ment par la taille^ (art. 16-63), enfin toutes les autres
dépenses (art. 64-217).
Les dépenses s'étant élevées cà 1,302 livres 18 sous 11 de-
niers, et les recettes seulement à 1,280 livres 11 sous 3 deniers,
la ville de Tournon redevait au syndic 22 livres 7 sous
8 deniers.
Nous avons donné un numéro à chacun des articles du
compte, de façon à pouvoir y renvoyer commodément. Nous
traduisons naturellement les dates en nouveau style, ajou-
tant un à toutes celles qui sont antérieures au 25 mars; car
l'année commençait à l'Annonciation.
Avant d'entreprendre le dépouillement historique du
compte, il nous reste à donner une idée de la valeur des
monnaies :
1. On trouve cependant dans cette partie une dépense qui n'a
aucun rapport avec la taille (art. 47).
LE COMPTE MUNICIPAL \)K 'l'Ol^RNON 223
Tout lo monde sait que la livre est de 20 sous lart. 39) et
que le franc vaut une livre (art. 14).
D'après les art. 99 et 180, dis gros équivalent à 12 sous
6 deniers=12, 5, dont le disième (valeur du gros) est 1 sou
3 deniers (cf. art. 198).
D'après l'art. 6 combiné avec la valeur du gros établie par
l'art. 99, le florin vaut lo sous, soit 12 gros.
D'après les art. 12 et 13, le florin petite lyionnaie vaudrait
13 sous et un peu moins de 4 deniers.
D'après l'art. 180, l'écu vaut 1 livre 7 sous 1 denier.
D'après l'art. 144, l'écu ;?(?«/ vaut 1 livre 7 sous 6 deniers.
La même valeur est donnée à l'écu, art. 200.
Dépenses de la Ville.
Gages des syndics. — Parmi les dépenses régulières de
la ville, nous signalerons en premier lieu les gages des deus
syndics. L'art. 205 porte 15 livres réclamées par Barthélémy
de Sèneclause pour la première année de ses fonctions, et
l'article suivant porte la même somme pour la seconde année.
On avait payé (art. 114) 15 livres à l'autre syndic, Claude
Faure, pour l'année 1459, et le 25 mai 1461, on lui remet
6 livres sur ses gages de 1460 (art. 212). Il semble toutefois
que ce traitement des syndics fût un usage ancien, qui était
tombé en désuétude, et qu'on remettait en vigueur ; car Bar-
thélémy de Sèneclause en explique longuement l'utilité
(art. 206) : « Il fut délibéré par les conseillers tous ensemble
dans le logis de maître Raymond du Buisson que, si nous
(lui et Claude Faure) voulions servir la ville comme nous
l'avions fait le dit an comme dessus, que nous eussions des
gages, attendu qu'on ne pouvait pas nous forcer de servir la
dite ville si nous ne voulions pas, et il fut ordonné que nous
eussions les gages qu'on était accoutumé à donner ancienne-
ment, afin que nous servissions la dite ville, qui sont 15 livres
tournois. »
Pensions des avocats et procureurs. — La ville faisait
une pension d'un écu neuf : l*' à son procureur à Nîmes
(art. 109 et 200); 2° aus deus avocats et aus deus procureurs
qu'elle avait à Toulouse. Voyez toutefois ce que nous disons
224 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
des avocats et des procureurs de Toulouse à propos de l'or-
ganisation judiciaire.
Pacte de la Cour de Tournon. — La ville payait un
pacte, c'est-à-dire une redevance* aus fermiers de la Cour de
Tournon. Le 22 août 1459 on paie à Jame Torrolhon' pour le
pacte de 1458, qui était en retard (art. 76), une somme de
2 livres tournois. Mais on paie ensuite (art. 196), pour le
reste du même pacte à Pons Chanabatier, fermier de la Cour
(et pour des écritures), 2 livres 8 sous 9 deniers. Le pacte
de 1460, payé le 29 juin 1460 à Jean Salie, représentant de
Mathieu Torrolhon', est de 4 livres (art. 119).
Pension des chanoines de Saint-Julien de Tournon. —
L'art. 110 porte 8 livres 5 sous pour la pension de « Mes-
seigneurs les Chanoines de Saint-Julien », en 1459, et
l'art. 149 porte 8 livres 15 sous pour la pension de « Mes-
seigneurs les serviteurs de Saint-Julien », en 1460.
Salaire des pontonniers. — On donne aus pontonniers
du Doux 1 gros à Noël (art. 94 et 193), et deus gros à
Pâques (art. 142 et 197), et on leur paie un dîner à la Noël
et à la Pentecôte. Ils ont en outre un salaire pour chaque fois
qu'ils mettent les planches sur la rivière de Doux\ Mais ces
différentes dépenses étant comptées ensemble, on ne peut
savoir à combien s'élève chacune d'elles.
Messe du lundi de la Pentecôte. — Art. 134 : 1 sou
3 deniers pour une messe du Saint-Esprit le lundi de la
Pentecôte.
Aumône de la Pentecôte. — Chaque année, à la Pen-
tecôte, la ville achetait du blé et faisait cuire du pain pour
les pauvres. C'était l'aumône de la confrérie du Saint-Esprit.
En 1460 ce blé coûta 7 livres 1/2 (art. 133), et on donna,
pour le cuire, 1 livre au boulanger Pierrot Painot (art. 135).
Voyez aussi art. 203 et 211.
1. Propreniont « redevance due en vertu d'un pacte ».
2. Le même Jarae Torrolhon fait des copies pour la ville (art. 90
et 185).
3. Le même Mathieu Torrolhon fait des copies pour la ville (art. 84
et 85).
4. On leur fait un jour sommation (art. 83), par un sergent de la
Cour de Tournon, d'avoir îi tenir le port de Doux garni de bateaus.
le compte municipal ue tournon 225
Les torches du guet de la foire de Saint-Julien. —
Pour accompagner le guet, de la foire de Saint-Julien on
empruntait deus torches au curé de Tournon, Durand Renier
(art. 78), et on l'indemnisait pour ce qu'on en avait brûlé.
En 1459 (art. 78), ce fut 7 sous 10 deniers, payés le 27 août',
et 4 sous en 1460 (art. 162).
Le papier du bureau du syndic : 2 sous tournois (art. 191).
Le cierge pascal. — En 1461, on achète de la cire pour
le cierge pascal (art. 209) 8 sous tournois, mais on ne l'em-
ploie pas tout entière.
Nous parlerons plus loin dos frais de perception du double
disième du vin et de la taille.
Dépenses EXTRAOKDiNAmi;s. — Nous arrivons aus dépenses
mentionnées dans le compte qui n'ont pas un caractère de
périodicité.
Ou fait réparer la voûte de la grande porte de Saint-Julien.
Un maçon, nommé Pierre, et son varlet y travaillent, et le
16 octobre 1459, on leur paie pour leurs journées, comme
pour le fer qu'ils ont employé, une somme de 9 sous tournois
(art. 86).
Les ferrures et les bois des cloches de Saint-Julien figurent
dans le compte à la date du 9 février 1459 (art. 210) pour
2 livres 4 sous 4 deniers. C'est un reste de paiement. Le
charpentier Guillemin avait demandé pour la façon des bois
une « sommée » de blé.
On répare le ponl de la porte de Mauves (art. 160), et on
y fait remettre une pièce de chêne. La réparation, payée le
5 septembre 1460, s'élève à 2 sous 6 deniers tournois. On
fait aussi enlever les tuiles du toit qui était au-dessus de la
voûle (crota = crypta) de la porte de Mauves (art. 204) pour
éviter qu'elles ne se brisassent, car le toit ne valait rien. On
paie, à cet effet, à un couvreur nommé André Brossa, le
12 novembre 1460, une somme de 2 sous 6 deniers-. Les
même André Brossa avait réparé les gouttières de la toiture
de Saint-Julien, 3 février 1460 (art. 47).
On ré|)ar(; la porte du tour Paillassier, ((ui était brisée v'crs
1. La féie de .Saiiit-Julicn de Brioude tombe le 2H août.
2. Autre réparaiioii itour la porte de Miuvcs (art. 90).
Revuk dk Piiii.oi.OfJii;, vu. 15
226 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
le pied (art. 210). Le charpentier, Pierre Tardieu. reçoit
pour cette réparation, le 10 avril 1461, 6 sous 3 deniers.
Le même Pierre Tardieu avait refait la poterne (posterla)
de l'église Saint-Julien, vers le pré (art. 73). Le pris fait
pour cette réparation (payée le 12 juin 1459) était de 1 livre
2 sous 6 deniers tournois.
Martial Chevalier répare la porte et la serrure du tour
Paillassier, pour 6 sous et 11 deniers (art. 10), 13 mars 1460.
Le même fait deus coins de fer, pour mettre à la porte
de l'église de Saint- Julien , pour 15 deniers (art. 102),
13 mars 1460.
On fait aussi réparer les chemins de la Grand - Côte
(art. 156), mais cette réparation est imposée aus hommes de
Tournon, et la ville n'a à paj^er que le sergent royal Blanc-
Poil, qui leur en fait sommation, moyennant 1 sou 7 deniers
payés le 23 août 1460.
Voyages et frais divers. — Une source de dépenses
assez importante^ ce sont les voyages qu'on fait dans l'intérêt
de la ville.
Ainsi, à quatre reprises, pendant ces deus années, le
consul Claude Faure se rent à Toulouse, pour les procès de
la ville : en juillet 1459 (art. 105) ; en février 1400 (art. 99) ;
en février 1461 (art. 180), et une quatrième fois, à une époque
qui n'est pas précisée (art. 198) Il reste en voyage : la pre-
mière fois, 32 jours; la seconde, 36 jours; la troisième,
26 jours ; la quatrième, 24 jours. Il demande ordinairement
pour chaque jour de voyage une indemnité de 10 gros, soit
12 sons 6 deniers. Mais une fois (art. 198), il se contente de
9 gros par jour.
Le même Claude Faure partit pour Paris en mai 1459
(art. 65); mais nous ne connaissons que la somme qu'on lui
remit au départ; nous ne savons ni le pris qu'il demanda
pour chaque journée, ni le nombre de jours que dura son
voyage.
Il se rendit aussi à Bourges près du roi pour obtenir une
lettre royale contre un habitant de Tournon qui refusait de
payer les tailles (art. 173). Son voyage dura 14 jours, et il
demanda, comme pour aller à Toulouse, 10 gros par jour.
11 va quatre fois à Boucieu, siège de la Cour royale
LE COMPTE MINKIPAL DK TOL-RNON 227
(art. 138, 140, Kîl, 1()3). Chacun de ces voyages ne lui prcnl
qu'une journée, qui lui est pa3'ée 5 sous tournois ' .
C'est également 5 sous qu'il reçoit pour aller à Valence
acheter du sel- (art. 95), et pour aller à Annonay (art. 141)
avec une mission semblable-''.
Enfin il reste trois jours, à 10 sous par jour, dans un
voyage à Bourg-Saint-Andéol (art. 81)) pour porter une partie
de la taille.
Un autre personnage, le juge royal de ^'ivarais, Jean de
Marcoux, s'occupe souvent des affaires de la ville, et reçoit
diverses sommes pour sa peine (art. 100, 187); mais on mé-
lange dans le eorapte ce qu'on a pu lui doinier personnelle-
ment avec le remboursement des sommes avancées par lui,
et dont l'emploi n'est pas non plus spécifié d'une façon pré-
cise. A son retour d'un voyage à Paris, Jean de Marcoux
reçoit de la ville, comme cadeau de bienvenue, deus torches
et quatre fromages de Craponne, qui coûtent 1 livre et 10 sous
tournois.
Ajoutez les paiements faits aus syndics des années précé-
dentes qui avaient plus payé que reçu (art. 147. 195), des
achats antérieurs (art. 115) et les frais importants qu'entraî-
naient les procès et dont nous reparlerons .
Recettes de la Ville.
La principale ressource de la ville consist(> dans l'impôt
nommé « double disièmc du vin ».
Le double disième du vin, pour 1459, fut vendu, aus
enchères, au syndic Claude Faure (art. 11), pour la somme de
170 livres tournois; en 1460, il fut vendu au conseiller Jean
Mestral 200 livres (art. 15).
1. Barthélémy de Sènoclause et RaymoïKl du Buisson se font
payer chacun 5 sous pour une journée à Boucieu (an. 15).
2. Barthi'leray de .Sèneclause et le conseiller Ktienne Briode se
rendent une autre fois à Valence pour le même objet, et ro(;oivent
chacun 5 sous d'indemnité (art. 74). Un autre voyage de Barthélémy
de Sèneclause à, Valence (art. îJô) est payé d(! même.
3. Barthélémy de .Sèneclause (art. IjSI^ se lait payer 10 sous pour
une journée à .Animnay. Il faut j)ent-étre lire « deus journées ».
228 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Les frais relatifs au double disième étaient peu considé-
rables. Dans l'art. 112, il est question du « décret mis en la
délivrance du double disième de l'année 1459 », que l'on
paie à Jean Biberet, « baille » de Tournon, le 23 no-
vembre 1459. Il fallait aussi faire « crier » l'impôt, et on
donne à cet effet (art. 165) 10 sous tournois, pris convenu, à
Jacques Blanc Poil, sergent do la Cour de Tournon, le
4 octobre 1460 ' . Naturellement il se trouvait des gens qui
prétendaient s'exempter de l'impôt, et nous verrons que la
ville avait des procès à ce sujet avec Colin Béatrix, avec
GuiotTardi et avec l'Abbesse de Belle-Combe. On com-
mençait par saisir la vendange des récalcitrants. Une lettre
de la chancellerie de Paris fut obtenue contre ceus qui ne
voulaient pas pa_yer le double disième (art. 199).
Quand la ville a un besoin pressant d'argent, elle achète
des objets à crédit, et les revent immédiatement à perte.
C'est le procédé qu'emploient souvent les étudiants pour
équilibrer leur budget. Il conduit vite à un désastre.
Au commencement de juin 1459, la ville avait à payer
57 livres tournois (art. 146) pour du sel acheté l'année pré-
cédente à Jean de la Balme, marchand de Valence. Le con-
seil se réunit, et on décide que le syndic Barthélémy de
Sèneclause et le conseiller Etienne Briode (art. 74) se ren-
dront à Valence pour acheter d'autre sel à crédit à ce môme
Jean de la Balme, avec l'intention de revendre immédiate-
ment ce sel pour payer la première dette (art. 6). Les frais de
voyage des deus représentants de la ville s'élevèrent à 10 sous
tournois. Il fallut payer 15 deniers tournois au notaire
Jean Gros (art. 70) qui « reçut » l'obligation du syndic au
nom de la ville. Le conseiller Jean Bertalay et Jean Long
étaient cautions (art. 143). De plus, on perdit 6 livres 5 sous,
en revendant le sel (art. 6). En tout, dépenses ou pertes,
6 livres 11 sous 3 deniers, qui se firent sentir lorsqu'il fallut
payer le nouvel achat à Jean cle la Balme entre les mains de
1. On donne aussi 10 sous tournois (art. 1.S7), leSS septembre 1459,
à un autre sergent de la Cour de Tournon, Jauin Chevalier, pour
crier le double disième de 1459. L'art. 77 porte 5 deniers donnés au
même Janin Chevalier « quand il commença à crier le double
disième. »
LE COMPTE MUNICIPAL DE TOURNON 229
son « facteur » Pierre Mura (art. 143). Mais, dans rintervalle,
la ville avait pu disposer de 23 livres tournois, différence
entre le pris de sa première emplette de sel et la valeur de
la seconde.
C'est toujours à peu près à la même époque qu'on a recours
à ces expédients : dans les quatre mois qui précèdent les ven-
danges. Car la vente de l'impôt du double disième mettait la
ville à l'aise pour quelque temps', à partir de l'époque des
vendanges. L'année 1460 paraît avoir été particulièrement
dure. Pour payer le premier « carto » du fouage de l'année,
et pour subvenir à d'autres nécessités, on procéda à trois
reprises, en mai, en juin et en juillet, à des achats de sel
suivis de ventes immédiates. Le 9 mai (art. 12) et le 14 juin
(art. 13), ce fut le conseiller Jean Mestral (|ui procura le sel,
toujours à Valence, et il ne fit pas de pris avec la ville de
Tournon; la quantité seule était sans doute spécifiée sur les
(( obligations » de la ville, reçues l'une par maître Raymond
du Buisson, conseiller, l'autre par maître Antoine Astier
(art. 179) . On vendit ce sel à Jean Monde, de Mercui'ol, la
première partie 65 livres, et la seconde 31 livres 13 sous,
soit en tout 96 livres 13 sous.
Mais ce fut 105 livres que l'on rendit à Jean Mestral % moins
d'un an après, le 27 janvier 1461 (1460 vieus style, art. 179».
La ville y perdit donc 8 livres 7 sous. Si l'on assimile cette
opération à un emprunt, cela fait un intérêt d'environ 14 0/0.
Le 25 juillet, Barthélémy de Sèneclause se rendit à Annonay
(art. 181) pour vendre un nouveau lot de sel acheté à Jérôme
de la Colombière; il le vendit à Louis Bai'onat, qui le prit en
plusieurs fois (art. 182), et la ville perdit encore 6 livres à ce
1. Cependant, dès le 4 février 1409 (1169 vieus style) on envoyait
Barthélémy de .Sèneclause à Valence pour k voir si on ne pourrait
pas avoir du sel de Jean de la Ikxiine pour avoir de l'argent à subve-
nir aus aiïaires de la ville », mais on n'en ])ut avoir (an. 95). Le
24 avril 1461 (art. 141) le syndic Claude Kaure se rciit à .\nnonay
« pour savoir s'il pourrait trouver de l'argent ou s'il pourrait vendre
du sel pour avoir de l'argent pour les aiïaires de la ville »>.
2. L'art. 177 fait allusion à un autre achat de sel fait à Jean Mestral,
antérieurement îi l'administration de Barthélémy de Sèneclause. Il
avait encore fait d'autres avances à la ville, comme l'attestent les
art. 176 et 178.
>o() HKVL'E DK PIIII.OI.OGIK KKANCAISt:
marché (art. 14) \ sans compter 10 sous 8 deniers qu'on
donna aus mesureurs et aus-j:)orlcurs (art- 183).
Il est inutile de faire remarquer à quel pointées Opérations
étaient déplorables au point de vue financier. Le syndic en
sentait bien la responsabilité, et, pour se couvrir, il a bien
soin de constater, à chaque fois, que la chose a été faite sur
l'avis des conseillers, et même de nommer un certain nombre
de conseillers présents à la délibération.
Abstraction faite de la taille, sur laquelle nous allons
revenir, on ne trouve pas d'autres recettes dans notre registre,
si ce n'est quelques petites sommes reçues de gens qui
n'avaient pas achevé de payer ce qu'ils pouvaient devoir à
la ville du temps passé, par exemple le reste d'un compte de
leveur de taille (art. 7). Toutefois, nous trouvons (art. 10) la
mention d'une vente de deus « sommées» de vin pour 2 livres
tournois. La ville récoltait-elle pour son compte une livre
tournois de vin par an?
Nous arrivons maintenant à la taille ou louage -. En 1459,
les habitants eurent à payer 22 mois 1/2 de taille (art. 3), et,
en 1460, 24 mois (art. 4). D'après les chiffres totaus de ces
deus fouages, le mois de taille devait être de 13 livres tournois
4 ou 5 sous, défalcation faite des gages du leveur; du moins
cette défalcation est formellement indiquée pour l'année 1460,
et elle doit être comprise implicitement dans le total de
l'année 1459, car on ne trouve dans les dépenses aucune
mention des gages du « leveur » pour cette année. La taille
de 1459 fut levée par Arthur Le Meur, sergent royal, et celle
de 1460 par le syndic lui-même, Barthélémy de Sèneclause.
Il est plusieurs fois qu<'stion du premier et du dernier
(( quarto » de la taille (art. 14, 51, 61). Ce mot ne paraît
désigner aucune subdivision précise de la taille : c^est le
premier et le dernier versement enire les mains du repré-
sentant d'André Brissonnet, receveur général en Vivarais
(art. 19). Le commis du receveur, entre les mains duquel se
font tous les versements, se nomme Vidal Vincent, dit
1. Oii paie (les restes de dettes de sel (art. 115 et IIS). Voyez encore
art. 18.;^.
2. Réunion des trois États à Viviers pour « coytar » la taille lart. 189
et 213).
LE rOMI'TK MrNICHVM, liK TOUIJXON 2'M
Masada (art. 19^. Une seule fois on paya l'un dos acomptes
entre les mains d'un certain Guillaume Monier qui avait
une procuration spéciale du receveur (art, 21), mais le syndic
exigea une obligation personnelle et notariée du dit Monier
(art. 26) pour garantir la ville. Le jour où le syndic commence
à acquitter la taille, il fait deus versements, l'un ((ualifié do
premier « quarto » (art. 51), l'autre appelé « surmise ))
(art. 52). Mais une autre foison trouve quatre versements le
même jour entre les mêmes mains (art. 27, 31, .32 et 33),
sans que cette subdivision soit expliquée.
La taille de 1459' fut payée au commis du receveur général
en dis acomptes.
Le 23 juillet 1459 1" 52 1. 7 s. 3 d.
— 2'^ 36 1. 12 s. 9 d.
Le 31 août 19 1.
Le 12 octobre 1" 34 1.
— 2" ij 1 .
— 3" 11 1.
— 40 6 1. 15 s.
Le 22 novembre 10 1 .
Le 25 janvier 1460 24 1.
Le 23 mars K . 17 1. 6 s. 8 d.
Total 217 1. 1 s. 8 d.
La taille, pendue sur les habitants et reçue du (deveur» par
le syndic s 'élevant à 297 livres 5 sous 7 deniers, il y a un
excédant de 80 livres 5 sous 11 dcMiiers.
La taille de 1460 fut payée au commis du receveur en
cinq fois :
Le 2 août 1460 1" 51 1 . 15 s.
— 2" 48 1. 5 s.
Le 25 octobre 70 1 .
Le 15 décembre 44 1 . 10 s.
Le 29 mars liCA 26 1. 15 s. 2 d.
Total 241 1. 5 s. 2 d.
1. Les arli(;les relatifs ans deus tailles se suiveni, de l'art. U) à l'art. 03
iiiclusiveniont.
2. Le 20 mars ou avait reru une sommation d'aclievor de payer
art. 104).
232 Hl-;VUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
La taille perçue s'élevant celte année à 317 livres 17 sous
8 deniers, il y a un excédant de 76 livres 12 sous 6 deniers.
Il y a lieu de défalquer de chacun des excédants un certain
nombre de menus frais, tels que :
1« Le mandement de la taille, qui coûte 7 sous tournois
(art. 17 et 49) ;
2" La (( façon de la parcelle » de la taille, qui coûte 7 sous
G deniers (art. 18 et 50) ,
3" La criée de la taille. En 1459 on donna 10 deniers à
Nicolas de Fontaine, sergent de la cour de Tournon (art. 42),
« pour faire la criée par la ville pour assembler le commun
pour mettre sus la dite taille ». On ne trouve pas de mention
semblable pour la taille de 1460 ;
4" La signature de la (( parcelle », pour laquelle on paie
5 sous en 1460 à Pierre Forés, « lieutenant de monseigneur
le juge de Tournon » (art. 63). En 1459, les officiers de
Tournon refusèrent de signer la parcelle, et il s'ensuivit un
procès, dont nous reparlerons;
50 Les quittances, qui coûtent 10 deniers pour chaque
versement. Il y a deus quittances pour les deus versements
du premier jour. Mais les quatre versements du 12 octobre 1459
n'ont donné lieu qu'à un seul droit de quittance. La quittance
du versement fait par exception entre les mains de Guillaume
Monier (voyez ci-dessus), «reçue » par maître Jean Gros, a été
accompagnée, comme nous l'avons dit, d'une obligation
personnelle dudit Monier, qui a coûté en plus 5 deniers
(art. 26). La quittance du dernier versement delà taille 1460
(art. 62) est comptée 30 deniers.
6° Le port de l'argent, pour chaque versement. Il est de
5 sous chaque fois dans le compte de la taille de 1459, un seul
port étant compté pour les deus versements du premier jour
et un seul pour les quatre versements du 12 octobre 1459. Il
n'y a pas de port indiqué pour l'argent payé entre les mains
de Guillaume Monier, mais on'a donné 5 sous à Monier pour
sa peine, ce qui revient au même. L'un des versements, celui
du 25 janvier 1460, a été fait à Bourg-Saint-Andéol par le
syndic Claude Faure (art. 37 et 39) : il n'y a pas de frais de
port indiqués, mais on a donné 30 sous au syndic pour ses
trois journées de voyage à Bourg-Saint-Andéol. Dans le
LE COMPTK MUNICIPAL DK TOUnNON 233
compte de la taille de 1460, le pris du port devient variable.
Il est de 2 sous 1/2 pour le versement du 25 octobre 1460.
Mais pour les deus versements du 2 août, on paie? sous 1/2,
et 3 sous 9 deniers pour celui du 15 décembre. Il n'y a pas
de port indiqué pour le versement du 29 mars 1461, qui a été
fait à Viviers par le syndic Barthélémy de Sèneclause.
Pour le versement du 23 mars 1460, la quittance et le port
sont comptés ensemble 6 sous 3 deniers (art. 41).
A ces divers frais il faut ajouter les remboursements con-
sentis par la ville ou obtenus d'elle judiciairement par ceus
qui avaient des droits à l'exemption de la taille. Il est question
plusieurs fois de ces remboursements, en termes plus ou moins
précis. Ainsi le 6 octobre 1459 on fait un paiement entre les
mains du juge royal de Vivarais (art. 30) «pour une décharge
à lui donnée par Eymar Sabbatier », et le surlendemain
(art 136) on reçoit une sommation du dit Sabbatier «pour le
reste du fouage de l'an 1459. » Les art. 122, 202, 217, sont
relatifs à une taille antérieure à l'administration de Barthé-
lémy de Sèneclause, et levée par Jean Lochet. Lorsqu'on avait
fait la u Visitation » de la taille, on avait oublié de déduire à
Lochet la part de Jean de Marcoux, juge royal de Vivarais. qui
lui fut restituée par Barthélémy de Sèneclause. Dans la taille
del459, Jean Biberet, ((baille» deTournon, Antoine Fireyset
les héritiers du Limousin avaient été trop taillés, comme les
deus syndics le vérifièrent sur le papier du (( possessoire »
(art. 196); de là un remboursement fait à Arthur le Meur,
leveur de la taille. Nous verrons d'autre part que la ville eut
à soutenir des procès contre Guiot Tardi, contre Mgr Claude
de Châteauneuf et contre plusieurs autres à cause des tailles.
Notre compte nous apprent encore, à propos de la taille,
qu'il y eut à Viviers, en avril 1461 (1460, v. s.), un conseil des
syndics de plusieurs villes pour la répartition de la taille
(art. 213). Voyez aussi art. 189.
Voyez encore, sur la taille, art. 67, 68, 71. 176. 217.
Syndics et conseillers municipaus, et juge royal
de Vivarais.
Les conseillers municipaus de Toui'non nommaient chaque
années deus (( syndics et procureurs de l'université (c'est-à-
234 KKViîH ni', l'iiiLOLoriii-: fkantaisk
dire de la commune) et prieurs de la confrérie du Saint-
Esprit ». Ils étaient choisis'chaque année lart. 206); mais ils
étaient rééligibles. L'auteur du compte que nous étudions fut
syndic deus ans de suite, et son co-s\'ndic pendant ces deus
années, Claude Faure, avait déjà été syndic l'année pré-
cédente, 1458, avec Raymond du Buisson'. Le compte nous
fournit quelques autres renseignements sur les syndics anté-
rieurs à 1459. En 1456, les syndics étaient Etienne Briode et
Pierre Beciac (art. 115 et 189). L'un des syndics de 1454 était
Jean Lochet^ (art. 203) .
L'administration des syndics partaitdela Pentecôte (art. 31).
Toutefois, pour 1459, Barthélémy de Sèneclause ajoute à cette
indication de fête, comme point de départ de sa gestion, la
date du 1°'' mai. Or la Pentecôte était le 13 mai cette année-là.
Il faut doncentendred'une façon large « l'époque de la Pente-
côte»; le point de départ exact pouvait être le 1'^»' mai, qui est
toujours assez voisin de cette fête. Cependant Barthélémy de
Sèneclause paraît être encore en fonction les 24 et 2^ mai 1461
(art. 197 et 212^; c'est-à-dire à la Pentecôte môme de 1461
(Pâques étant le 5 avril) ; il est vrai qu'il fait encore un
paiement le l«i" novembre 1461 (art. 208).
Barthélémy de Sèneclause ne nous fournit que peu de ren-
seignements sur lui-même. Il était marchand, car il parle de
sa boutique (art. 182). Il laissait à son collègue au syndicat,
Claude Faure, le soin de faire les grands voyages exigés par
l'intérêt de la ville. Lui-même s'occupait particulièrement
des recettes et des paiements. Il fait cependant quelques petits
voyages : à Annonay (art. 181) et à Valence (art. 74 et 95) pour
acheter du blé, à Viviers (art. 213), oùLil resta sept jours, pour
le ((partiment» de la taille, à Désaignes (art. 6ij et 145) pour
demander conseil à Mess« Bart, à Boucicu, pour un procès
1. Claude Faure paraît avoir été une aulre fois syndic avec Jean
Forés (art. 84.)
2. On lui devait encore, entre autres choses, en 1459, le blé de
l'aumône de la Pentecôte 1454, et la part de Jean de MarcouN, juge
de Vivarais. dans une t< colleta» de la même année, part qui ne lui
avait pas été déduite à la reddition de ses comptes. Les art. 20.3, 203
et 217 constatent les paiements qui furent faits soit entre ses mains
soit entre les mains de sa veuve Marguerite Montaichier.
I,K ( iiMI'li: MINK II'Al, IH-: IdrKNKN 2'.^^ï
(art. 45). Avant son sjaidicat, en 1458, le 12 avril, il avait
avancé 1 livre 10 sous pour les affaires de la ville (art. 207).
Le syndic, pour certains paiements, se couvre de l'approbation
d'un autre ou de plusieurs autres conseillers (art. 71 et 112).
Claude Faure, nous ra\ons dit, avait déjà ùXv syndic
en 1458. Voici en outre ce que nous savons de lui par notre
compte : le 18 mai 1459, il est envoyé à Paris auprès de
Jean de Marcoux, juge de Vivarais, qui s'y occupait des
affaires de la ville (art. 65). Il passe à Paris une partie au
moins du mois de juin, car, le 9 juin, on lui envoie de l'ar-
gent (art. 72) pour remettre à Jean de Marcoux. Rentré à
Tournon, il part i)our Toulouse (art. 105), le 2.'^ juillet 1459 '
et reste 32 jours en voyage. Le 23 octobre, il assiste à un
paiement fait à Tournon (art. 89). Cette même anné(^ 1451), il
se rendit acquéreur, ans enchères publiques, du double
disième du vin (art. 11). Le 25 janvier 1460, il va porter une
partie de la taille à Bourg-Saint-Andéol (art. 37 et 39), et y
reste trois jours. Le 9 février de la même année (art. 98
et 99), il part pour Toulouse, et reste 36 jours en voyage.
Pendant ce séjour à Toulouse il invita à dîner les deus
a\ocats et les deus procureurs (|ui s'occupaient des procès de
Tour)ion devant le parlement de Toulouse. Le 24 avril 14G0,
il va à Annonay pour tâcher de trouver l'argent dont la ville
avait besoin (art. 141). Le 2 juin (arl. 120), on lui rembourse
une somme (|u'il avait avancée en payant à Nîmes une pièce
nécessaire pour un procès de la ville, pièce qu'il avait em-
portée à Toulouse. Le 12 septembre lart. 161) et le 25 sep-
tembre (art. 163), on lui paie deus voyages successifs faits à
Boucieu pour une affaire pendante devant la cour royale de
cette ville*. Le 24 novembre (art. 170), il assiste, à Tournon,
à un paiement relatif à cette affaire. Le 29 novembre,
(art. 172) il va chercher, hors do Tournon, Raymond du
Buisson, pour accomplir un acte de procédure. En 1461,
le 12 février, il part pour Toulouse (art. 180) et reste 2G jours
1. L'indication fournie par l'art. 138 est en contradiction avec celle
de l'art. 105 Car, d'après l'art. 138, on paie 5 sous tournois ;\ Claude
Faure, le 2U Juillet //.'<.V, pour aller à Bouciou. 11 y a peul<'U'c une
erreur de mois.
2. Un autre voyage îi liou^icu est signalé, sans dalC; dans l'art. MO.
236 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
en voyage. Le 25 mai de la même année (art. 212), il reçoit
un acompte sur ses gages de 1460. Outre I('s trois voyages à
Toulouse dont nous avons parlé, il en fit un de 24 jours à
une époque où le juge de Vivarais, Jean de Marcoux, s'y
trouvait aussi (art. 198). Mais la date n'est pas indiquée, pas
plus que pour un voyage de li jours à Bourges (art. 173)
pour obtenir une lettre royale. Dans l'art. 207, il est question
de James Vallette, seigneur de Claude Faure.
Les conseillers de la ville, signalés dans les art. 6 et 14,
étaient à cette époque Pierre Beciac, Jean Bertalais, maître
Raymond du Buisson, Etienne Briode, Jean Mestral,
Pierre Gonot, Jean Boneyre, Michelot Four et Pierre Lussat.
Les trois derniers ne sont cités qu'une fois. Trois autres nous
sont à peine plus connus : Pierre Beciac, qui avait été
syndic on 1456 (art. 115 et 189), Jean Bertalais qui servit de
caution, le 6 juin 1459, pour un achat de sel fait par la ville
(art. 143), et Pierre Gonot (art. 207) qui avait avancé de
l'argent à la ville, en 1458- Restent Etienne Briode,
Raymond du Buisson et Jean Mestral, sur lesquels nous
avons plus de renseignements.
Etienne Briode, syndic de 1456, avait acheté du sel pour
le compte de la ville, à Jean Plouvier, de Valence, et à Jérôme
Chapuis, de Condr'ieu : ce sel fut achevé de payer le 6 juin et
le 18 juin 1460 (art. 115). Briode avait été assigné person-
nellement à Aubenas, au nom de la ville, à l'occasion d'une
réclamation de « Monseigneur de Fois )) . La dépense de ce
voyage lui fut remboursée le 15 décembre 1460, ainsi que
celle d'un voyage à Viviers pour la réunion des trois Etats à
l'occasion de la taille (art. 189). Le 24 janvier et le 23 mai 1461 ,
on lui donne des acomptes sur ce que la ville lui devait
encore depuis Tannée où il avait été syndic (art. 147 et 195).
Pendant l'administration de Barthélémy de Sèneclause, on
voit Briode intervenir deus fois : 1° le 6 juin 1459, pour ac-
compagner le syndic à Valenôe où on voulait acheter du sel
(art. 74), et 2" le 22 novembre 1459, pour autoriser le syndic,
de concert avec un autre conseiller, Raymond du Buisson^
à faire un paiement au « baille » de Tournon (art. 112).
Maître Raymond du Buisson avait une installation qui
permettait au conseil de la ville de se réunir chez lui (art. 12
LE COMPTE MUNICIPAL DE TOURXON 237
et 306). Il avait été syndic en 1458, et avait, en cette qualité^
acheté du sel à Jean de la Balme (art. 1465). En 1459, il
accompagne Barthélémy de Sèneclause à Boucieu à Tocca-
sion d'nne réclamation de la ville contre Monseigneur de
Tournon (art. 45) et il dicte un mémoire relatif à cette affaire
(art. 46). Le 7 juin 1459, de concert avec d'autres conseillers,
il autorise un paiement que fait le syndic pour arrêter un
procès (art. 71), et le 22 novembre de la même année, il
autorise avec Etienne de Briode, un autre paiement fait au
(( baille » de Tournon (art. 112). Le 20 avril 1460, on lui
paie une cédule qu'il a faite pour la ville, en réponse au
lieutenant du bailli (ai-t. 124), et certains articles pour la
même affaire (art. 125). Le 9 mai ou le 14 juin (art. 12 et 13
combinés avec l'art. 179) il reçoit comme notaire l'obligation
contractée par la ville vis-à-vis de Jean Mestral pour un
achat de sel. Le 24 novembre de la même année, il assiste à
un paiement (art. 170), et le 29 novembre on va le chercher,
vers les mines, pour faire un acte de procédure contre Colin
Béatrix (172) : il eut là cinq jours de vacations, qui lui
furent payés le l^r novembre 1461 (art. 208).
Jean Mestral avait prêté de l'argent à la ville, en 1458
(art. 178); sous le syndicat de Raymond du Buisson et de
Claude Faure. En mai et en juin 1460 (art. 12 et 13), il rent
à ses concitoyens de nouveaus services, en faisant livrer à
la ville certaines quantités de sel, pour lesquelles on ne fait
pas de pris. Le 27 janvier 1461, on lui remboursa une bonne
partie de ce qu'on lui devait, en quatre paiements (art. 176,
177, 178, 179). 11 s'était rendu acquéreur du double disième
des vendanges pour l'année 1460 (art. 15).
Les conseillers de Tournon se traitaient entre eus de com-
pères (art. 15). Les lieus de réunion du conseil sont indiqués
de temps à autre : chez le conseiller Raymond du Buisson
(art. 12et20(j), chez le juge de Vivarais, Jean de Marcoux
(art. 207).
Jean de Marcoux', /V<//e voifalde Virarais, voy. art. 30, (55,
72, 80, 93, 100, 116, 122, 144, 160, 167, 187, 202, 207, 217.
1. Mnrroux est plusieurs fois écrit en toutes lettres, nolaniineiil
art. 65.
238 REVUE DK PHILOLOGIE FRANÇAISE
La ville de Tournon entretient d'excellentes relations avec
«monseigneur le juge de-Vivarais ». Au moment où com-
mence l'administration du syndic Barthélémy de Sèneclause,
Jean de Marcoux était à Paris, où on dépêche vers lui, le
28 mai 1459 (art. G.d), l'autre syndic, Claude Faure. Quelque
temps après, le 9 juin, on lui envoie un acompte sur ce que
la ville pouvait lui devoir du temps passé. A Paris, il s'oc-
cupait, entre autres choses, de recouvrer un sac au nom de la
ville, qui était en parlement de Paris, sur (( le fait de la plai-
doierie du capitanage ». Il était de retour à Tournon en
septembre, car on lui remet personnellement une somme
le 25 septembre (art. SOj pour le recouvrement du dit sac. Le
G octobre (art. 30) on lui fait un autre paiement (( pour une
décharge à lui donnée par Eymar Sabbatier». Il fit sans
doute, à la fin de 1459, un voyage à Toulouse, suivi d'un
nouveau voyage à Paris, car le 23 octobre (art. 89 et 116), on
remit une somme à son clerc Jean de la Mote, qui (( allait à
Toulouse vers son maître», et le 24 décembre il reçut des
conseillers, à l'occasion de son retour de Paris, et comme
cadeau de bienvenue, deus torches et quatre fromages de
Craponne. Cette libéralité coûta à la ville 1 livre et 10 sous
tournois (art. 93).
Le 9 février 1460 (1459 ancien style) on lui donne
(art. lOOj 10 livres tournois « en diminution de ce que la
ville lui peut devoir, et pour sa peine et travail des causes
de la dite ville». Les art. 166 et 167, datés tous deus
du 6 novembre 1460, semblent faire allusion h un double
voyage de Jean de Marcoux à Toulouse ; car le même jour on
lui restitue des sommes avancées par lui à Toulouse pour les
affaires de la vill(% et on lui remet d'autres fonds qu'il doit
porter dans la même ville pour le même objet. II était à
Toulouse en mars 1460 (art. 103). D'après l'art. 187, il serait
parti encore pour Toulouse le 24 février 1461 (1460 ancien
style) : ce jour-là on lui renlit 20 livres tournois « quand il
alla à Toulouse pour faire solliciter les causes de ladite ville
et commune de Tournon, et afin (ju'il en eût meilleur sou-
venir ».
Pendant un de ses séjours, à Toulouse (art. 198) il avance
des sommos pour les affaires de la ville, et en instruit par
LK COMPTE .VHNICIPAL DE TOlTiNON ii39
lettre les conseillers, qui lui envoient Claude Faure pour le
rembourser.
Il est plusieurs l'ois question de Jean de la Mote (La Mota
ou La Mouta), clerc de Jean de Marcoux, art. 89, 116, 144.
C'est probablement le même personnage que le <( Johannes ))
cité dans l'art. 207, comme étant parti pour Toulouse au mois
d'avril 1458.
ORGANISATION JUDICIAIRE
Au point de vue religieus, Tournon était rattaché à l'offi-
cialité de Valence. C'est à l'official de Valence qu'on s'adresse
le ;îO a\"ril 14(31 (art. 102) pour se plaindre des u mayas » qui
voulaient danser au cimetière, et pour le leur faire dcîfendre
sous peine d'excommunication.
Les notaires de Tournon qui faisaient les affaires de la
ville étaient surtout lluguet de Perrici (voy . art. 79, 98, 178^
183, 184, 18G, 188), Jean Gros (voy. art. 24, 26, 70. 108, 190^
197) avec son clerc Martin de Monteilhs (voy. art. 108, 109,
168, 171, 190), et Louis Charron (voy. art. 44, 46, 111, 148).
Les notaires de Tournon ((recevaient» les quittances, les
obligations et les procurations de la ville, et faisaient des
copies d'actes. Nous avons vu que chaque quittance' des
paiements successifs de la taille coiitait 10 deniers. Une obli-
gation de la ville envers ses créanciers, reçue par maître Jean
Gros, coùtel5 deniers tournois (art. 70). Une quittance, accom-
pagnéed'uneobligationpersonnellede celui qui touchel'argent,
coûte le même prix, 15 deniers (art. 26). Les procu ratio ns"-
que les syndics envoyaient à Nîmes et à Toulouse pour qu'on
pût poursuivre en leur nom les procès de la ville coûtaient en
g<''néialô sous tournois (art. 98, 183, 188). Cependant la pro-
curation mentionnée dans l'art. 79 ne coûte que 3 sous
9 deniers. Les copies d'actes, significations, ordoniuuux's,
lettres royaus, etc., coûtent 10, 20 ou 30 deniers, proba-
blement suivant la longueur ou l'importance des actes :
10 deniers (art. 171), 20 deniers (art. 85, 87, 90), 30 deniers
(art 44, 75, 84, 128, 130, 168. 190).
1. ApiJoléc iioUria. .Sur ce moi, voyez Romonia, X, fôO, et xni
177.
2. Tel parait être le sens du niui .. auoloria » dans les art. 'J8 et 18li.
240 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Plusieurs do ces copies sont payées directement à un clerc,
Martin de Monteil, clerc de maître Jean Gros (art. 1('8, 171,
190). La fa(,"on, écriture et attestation d'une ordonnance de
monseigneur de Tournon, sur l'industrie des habitants de la
ville, coûte (art. 18G) 17 sous 6 deniers.
Nous avons parlé plus haut, à propos des dépenses de la
ville, du « pâti» de la cour de Tournon, qu'on payait ans
notaires et fermiers de la cour.
Les notaires dressaient aussi l'instrument du syndicat de
chaque année, c'est-à-dire le procès-verbal de l'élection des
syndics (art. 196j.
Toutes les dépenses concernant les notaires ne sont pas
d'ailleurs spécifiées dans le compte. Car on voit maître Louis
Charron recevoir 1 livre 18 sous 9 deniers comme acompte
sur les écritures qu'il a faites pour la ville (art. 148).
La ville avait des procès devant la cour de Boucieu, devant
la cour présidiale de Nîmes (art. 152), et devant le parlement
de Toulouse. Aussi lui fallait-il des représentants dans cha-
cune de ces villes.
Son notaire à Boucieu était Antoine Tournay, qualifié de
(( notaire et fermierdela cour de Boucieu » (art. 113, 121, 157).
A Nîmes, elle avait comme procureur Louis Roux, à qui
elle faisait une pension d'un écu neuf (art. 108, 109, 200),
et comme notaire Vidal Geneys (art. lOG, 120, 132, 152,169,
170, 208).
Les règlements décompte avec Vidal Gene3^s ne se faisaient
pas toujours à l'amiable. Le 23 juillet 1459 on lui donne un
acompte de 2 livres pour le procès de monseigneur de Tournon
(art. 152), mais le 30 octobre 1459 et le 29 mai 1460 il envoie
un huissier à la ville (art. 106 et 132), et on n'achève de le
payer que le 24 novembre 1460(art. 170). On n'eut pas de reçu
pour ce dernier paiement, parce que Vidal Geneys mit devant
deus témoins ladite somme «au pied dudit procès ».
Dans l'afïaire de Colin Béatrix, Vidal Geneys vint à
Tournon examiner des garants.
1. On lui donne 2 écus (2 livres 15 sous) en novembre 1459(art. 109).
probablement parce qu'il y avait, une anud'e en retard.
LE fONfPTE MUNICIPAL DR TOtIRNON 241
Nous ne savons pas sûrement quels étaient les avocats de
la ville à Nîmes et à Boucieu. Il faut sans doute considérer
comme des avocats maître Antoine Buisson qui reçoit 1 livre
pour un procès (art. 164), Humbert Chasalet qui reçoit aussi
1 livre pour un autre procès (art. 201', maître Pierre Gros,
d'Arlrbosc qui rci'oit 2 livres 6 sous pour son « patrocain »
fait en la cour royale de Boucieu contre Colin Béatrix et Jean
de la Charité (art. 150j, et maître Jean Pognet, dont le fils
réclamait à la ville 8 livres d'honoraires pour un ancien
procès (art. G7).
Enfin à Toulouse, lu vilh^ avait deus avocats et deus pro-
cureurs (art. 99, 180). Les deus avocats étaient Lauret et
Pierre Doux, et les procureurs Etienne Durand et Vidal
Farjon. Il arrivait parfois que le représentant de la ville
réunissait à dîner les avocats et les procureurs. Pour les traiter
<( en forme décente )), Claude Faure dépensa chez son hôte,
en février 1460 (art. 99) 2 livres 1 sou et G deniers tournois.
C'est au mois de février qu'en 1460 et 1461 on fit payer les
avocats et les procureurs de la ville à Toulouse : ce qu'on
leur donne paraît être une pension (bien que le mot n'y soit
pas) d'un écu neuf par an. Toutefois en 1460 on donna un
peu plus (2 livres) aus deus avocats, mais nous savons par
le compte que l'un d'eus au moins avait eu un travail sup-
plémentaire, avait «dicté une lettre au nom de la ville».
Cette même année 1460, on remit aussi un écu au procureur
du roi. La ville avait d'ailleurs bien d'autres frais à Toulouse
que les pensions des avocats et procureurs ; elle envoie cons-
tamment de l'argent dont l'emploi n'est généralement pas pré-
cisé'. (Voyez ce qui concerne Jean de Marcoux dans le chapitre
Syndics et conseillers municipaus et Juge royal de Vicarais.)
A côté des notaires, avocats ou procureurs, il faut placer
les huissiers, appelés les uns sergents royaus (Jame Doson,
Hugue Symond, Arpadeyne de Chalancon , Arthur le
Meur ; ajoutez Jean de Montaut et Jean Galland, sergents
1. Maître Aulain rer.oil lU sous tournois pour avoir doiiii.' les
requêtes de la ville à Mosseigucurs du parleuient de Toulouse
(an. 99).
Hkvl'e Dii l'iiii.oi.OfJii;, vil. 16
242 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
royaus de Nîmes, envoyés par le notaire de Nîmes pour
réclamer son paiement), les autres sergents de la cour de
Tournon (Jacques Blanc-Poil, Pierre de Montpeyroux, Janin
Chevalier, Nicolas de Fontaine'».
Les sergents sont chargés de crier le double disième et la
taille (voyez Recettes de la ville), de faire des sommations',
enfin de faire les exécutions ou significations pour ou contre
la ville. On paie généralement 15 deniers pour chaque signi-
fication reçue (art. 117, 132, 215) ou envoyée (art. 69, 91).
Toutefois deus des significations reçues par la ville lui
coûtent chacune 30 deniers (art. 106, 136), parce que, j'ima-
gine, elles étaient faites en double, adressées aus deus syn-
dics. La signification d'une (( lettre » obtenue de la cour de
Boucieu contre ceusqm avaient renversé les murailles de la
ville est comptée 45 deniers (art. 158), probablement parce
qu'elle fut faite à triple exemplaire.
On trouve encore 45 deniers dans un cas analogue (art. 127).
On donne en bloc 15 sous tournois (c'est-à-dire 12 fois
15 deniers) à Arthur le Meur pour diverses significations
faites par lui (art. 214). Ce pris de 15 deniers par acte paraît
donc bien établi. On ne trouve que deus fois l'indication
d'une somme moindre (art. 107 et 153), sans doute pour des
significations d'une nature particulière. Ajoutons, pour être
complet, qu'on donne une fois 1 livre tournois à Janin du
Monastier « pour aller exécuter et assigner Monseigneur de
Châteauneuf à Toulouse à poursuivre l'appellation si bon
lui semble » (art. 131), et qu'on donne sis sous à un sergent
envoyé par Gabriel Pognet de Villeneuve de Berg (art. 67).
Quand l'acte que la ville voulait faire signifier exigeait un
voyage, il y avait naturellement des frais accessoires : c'est
ainsi que dans l'affaire de Monseigneur de Rochebonne on
donne 19 sous 2 deniers pour une signification faite tant à
Rochebonne qu'à La Mastre (art. 97).
L'un des sergents royaus, Ar4hur le Meur, fat le « leveur »
de la taille en 1459.
1. Jacques lilaiic-Poil fait commandement aus hommes de Tour-
non d'aller réparer les chemins de la Grand-Côte, et reçoit pour ce
fait 1 sou 7 deniers (art. 156). Nicolas Fontaua fait une sommation
ans pontonniers (art. 83), moyennant 5 deniers.
LE COMPTF. MUNICIPAL DE TOL'RNON 243
LES PROCES DE TOURNON
La ville avait souvent maille à partir avec <( Monseigneur
do Tounion ». Ainsi les officiers de Monseigneur de Tour-
non avaient refusé de signer « l'exécutoire » pour lever la
taille de 1459 (art. 138)'. Le syndic Claude Faure dut se
rendre à Boucieu le 29 juillet 1459 (art. 138), et il obtint une
« lettre » de la cour royale pour la levée de cette taille. Mais
Gazeilles, procureur de Monseigneur de Tournon, fit oppo-
sition à la dite lettre, et Barthélémy de Sèneclause, accom-
pagné du conseiller Raymond du Buisson, s(; rendit à son
tour à Boucieu pour triompher de cette opposition (art. 45).
Il eut sans doute gain de Ciiuse, car on n'entent plus parler
de l'affaire.
Monseigneur de Tournon est aussi mêlé à un procès de la
ville contre ceus qui avaient renversé les vieilles murailles
de la ville, près de la tour de « la Muyta» (art. 155), et qui
avaient emporté les pierres (art. 158). La ville obtient contre
eus une « leitre » de la cour de Boucieu (art. 155), Mais
Monseigneur de Tournon fait opposition à cette lettre, qui
est cependant signifiée aus intéressés (art. 158). Il s'agissait
de savoir (art. IGl) (( si Monseigneur prendrait la cause ou
si ceus qui avaient fait le dégât seraient tenus de le réparer
en personne ». De Boucieu l'affaire est portée à Nîmes, où
on obtient une sentence contre Monseigneur (art. 120, 132,
152, 170), qui en appelé au Parlement de Toulouse (art. 170).
Monseigneur de Tournon a encore avec la ville deus
autres affaires sur lesquelles nous avons peu de renseigne-
ments. Il obtient du parlement de Toulouse une lettre de
commission pour faire information contre la ville (( sur ce
qu'on disait qu'on avait ouï les comptes de Jean Forés et de
Claude Faure » (art. 84). 11 obtient aussi du même parle-
ment une lettre contre la ville, « afin qu'elle n'eût pas à se
mêler de la cause de Jean du Seignas ni de lui tant à Tou-
louse qu'à Nimes » (art. 87).
1. Les syndics avaient adressé une requête à Jean lUberct, bailli
de Tournon, « pour qu'il eût à signei la commission pour exi;j;er et
lever les deniers de la taille » lart. 41), et il avait refusé.
244 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Pierre Forés était « lieutenant de Monseigneur le juge de
Tournon » (art. 63). Le 13 août 1460 il fit défendre à la ville
la place des Ognons, située devant sa maison, et la ville fit
aussitôt assigner certains garants pour produire contre lui
(art. 154 et 15)]). Humbert Chasalet, probablement comme
avocat, reçut une livre tournois à l'occasion de ce procès, le
17 mai 1461 (art. 201). Dans l'art. 201 il est question du
portail de Port-de-Roi en même temps que de la place des
Ognons.
Maître Chamalroux obtient une lettre royale contre les
habitants de Tournon à propos du « pontonnage » du Doux.
Sur quoi on envoie Barthélémy de Sèneclause à Désaignes,
pour prendre conseil de Monseigneur Bart, le 29 mai 1459
(art. 66) et le 10 novembre 1459 (art. 145). Nous n'en savons
pas davantage.
Monseigneur de Foys assigne à Aubenas Etienne Briode,
ancien syndic, au nom de la ville, pour une somme d'argent
qu'il prêtent lui être due depuis 1456 (art. 189) .
Maître Dragone Bury intente une action à la ville à cause
de certaines enchères (art. 171). Une ordonnance avait été
rendue anciennement par les officiers royaus au siège de
Boucieu à propos des émoluments de ces enchères. On fit
faire une copie de l'ordonnance et on la transmit à Boucieu
pour en informer les officiers du temps présent (art. 190).
Ces émoluments étaient réclamés, semble-t-il, pour Eustache
Chalon, qui était sans doute un sergent royal.
La ville avait aussi un procès à Boucieu contre Jean de la
Charité pour une cause qui n'est pas indiquée. Son avocat
dans cette affaire, comme dans celle de Colin Béatrix (voyez
plus loin), était maître Pierre Gros, d'Arlebosc, qui fut payé
le 2 novembre 1459 (art. 150).
Gabriel Pognet. de Villeneuve-de-Berg, adresse à la ville
une sommation de payer huit livres tournois qu'on devait à
son père, maître Jean Pognet,'pour ses honoraires dans un
ancien procès relatif aus tailles (art. 67). Le syndic failoj)po-
sition (art. 68).
La plupart des procès sont rcilatifs aus impôts, tailk ou
double disième. Un des plus importants, pour l'époque qui
nous occupe, est celui de Colin Béatrix, à l'occasion duquel
LE COMPTE MUNICIPAL DK TOURNON 245
nous apprenons plusieurs détails curieus de procédure. 11
s'agit du double disième (art. 82 et 185). Colin Béatrix
obtient en la cour de Boucieu un « taxa » contre la ville de
Tournon. Il veut le faire exécuter contre Barthélémy de
Sèncclause comme syndic. Mais celui-ci obtient à l'encontre
une « lettre » au nom de la ville « à voir révoquer le dit
taxé », et la fait signifier le 26 mai 1459. L'avocat de la ville
à Boucieu était, pour cette afïaire maître, Pierre Gros, d'Arle-
bosc (art. 150). De Boucieu le procès est porté à Nîmes, à la
cour du Sénéchal (art. 82). Parmi les pièces que dut fournir
la ville figurent deus procurations, l'une payée le 3 sep-
tembre 1459 (art. 79), l'autre le 11 mars 1461 (art. 188), la
copie du syndicat de l'élection de Barthélémy de Sèneclause
et de son « compagnon » Claude Faure (art. 129), l'instru-
ment de l'indiction du double disième (art. 185), enfin l'at-
testation d'une ordonnance faite par Monseigneur de Tour-
non et son conseil sur l'industrie des habitants de la ville
(art. 186). Maître Vidal Geneys, notaire de la ville à Nîmes,
se rent à Tournon en novembre 1460 pour examiner les
garants produits par la ville contre Colin Béatrix (art. 208
et 169) : le 24 novembre on lui paie les « esportules » ou
honoraires pour l'examen des garants (art. 169). Le con-
seiller Raymond du Buisson fut appelé à cette occasion pour
faire la preuve des articles contre Colin, et y vaqua cinq
jours (art. 208 et 172).
Parmi les autres personnes, qui prétendaient ne pas devoir
payer le double disième, il faut citer Philibert Monaud
(art. 9:2) et Monseigneur Bart, de Désaignes (art. 85).
L'abbesse de Bellecombe s'en défent aussi énergiquement,
par l'entremise de son procureur Jean Doron. Elle obtient de
la cour de Tournon (art. 88) une lettre d'exemption en vertu
de laquelle on devait lui rendre la vendange qu'on lui avait
prise (art. 140). Mais la ville en appelé à Boucieu, et obtient
à son tour une « lettre » contre le procureur de Madame de
Bellecombe, qu'elle lui fait signifier le 30 novembre 1459
(art. 91).
Guiot Tardi, le maréclial, refusait à la fois de payer le
double disième et la taille. Il conmieiice par faii'e assigner
les syndics de Tournon en chancellerie à Paris (art. 117) et
246 REVUE UE PHILOLOGIE FRANÇAISE
obtient une lettre de chancellerie (art. 123). On fit l'aire aus-
sitôt par le conseiller Rayniond du Buisson une cédule et
divers articles au nom de la ville pour répondre à Benoît
Lansart, lieutenant du bailli de Vivarais à propos de cette
lettre (art. 124 et 125). Les dites pièces furent payées à
Raymond du Buisson le 20 avril 1460. D'après l'art. 168,
Guiot Tardi avait apporté à Tournon, en revenant de vers le
roi, une « lettre des franchises qu'ont les commensaus du
roi ». Cette lettre est peut-être la même que celle qui est
appelée plus haut « lettre de chancellerie ». La ville lui avait
saisi sa vendange; mais en vertu de la lettre royale, il se fait
paj^er, le 22 avril 1460, 1 livre 10 sous pour un quintal de
fer qu'on délivre à Maître Benoît Lansart (art, 151). Le même
jour on envoie à Toulouse « l'escofier » Pierre de Guiot
pour aller chercher une lettre inhibitoire en cas d'appel
contre Guiot et contre Benoît Lansart (art. 126 et 127). Quand
il la rapporta, on se hâta de la mettre à exécution (art. 127).
Cependant on délègue un des syndics à Bourges^ où. se
trouvait le roi, et on obtient une lettre de commission contre
Guiot Tardi (art. 173), qui coûta 2 livres 15 sous. Guiot en
appelé devant le parlement de Toulouse (art. 174), auquel
on envoie successivement l'original ou la copie de toutes les
pièces mentionnées ci-dessus. Le procès était déjà engagé à
Toulouse au commencement de novembre 1460 (art. 166).
Devant la cour de Boucieu, la ville a un procès avec les
habitants de Mauves, « sur le fait de la réparation et esti-
mation des territoires » pour la taille (art. 113 et 121). Peut-
être s'agit-il du même procès dans l'art. 71, où l'on paie une
certaine somme à Gabriel Pognet, do Villeneuve-de-Berg,
pour la cote et portion de Tournon, « à cause de certaine
réparation d'estimation sur le fait des tailles du pays ».
On avait un procès analogue avec Perrillon Darrès et son
fils Didier, « sur le fait de la réparation des tailles de la
ville » (art. 164), et avec le l^i'eton', qui refusait de payer
la taille, probablement comme étranger (art. 215).
Deus procès plus importants, relatifs au même objet, sont
1. l'robablement un Breton établi à Tournon. C'est un nom de
famille en germe. Il y avait aussi une famille limousine (art. 196).
LE COMPTE MUNICIPAL DE TOUlîNOX 217
ceus de Monseigneur de Rocliebonne et de Monseigneur
Claude de Châteauneuf.
Il est question du procès de Rochebonne, engagé devant
le parlement de Toulouse, dans l'art. 166. On avait obtenu
une lettre inhibitoire contre Monseigneur de Rocliebonne et
contre Ilugue Simond, sergent royal. Cette lettre fut signifiée
au nom de la ville tant à Rochebonne qu'à La Mastre, le
Sfévrier 1460(art. 97).
Monseigneur Claude de Châteauneuf avait obtenu une
lettre du Parlement de Paris contre la ville, à cause des
tailles du roi (art. 81). En octobre 1459, on fit demander à
Toulouse un a relèvement en cas d'appel » contre le dit
seigneur, et on remit à cet effet 6 livres au messager
(art. 89). La somme ne suffit pas, car on dut y ajouter
1 livre (art. 116). En février 1460, le syndic Claude Faure,
qui était à Toulouse, réunit à dîner les avocats et les procu-
reurs de la ville près le Parlement de Toulouse, pour causer
avec eus de cette affaire (art. 99). Copie du « relèvement »
obtenu fut envoyée à Boucieu en mai 1460 (art. 130), et le
29 mai de la même année on fit assigner Monseigneur de
Châteauneuf à Toulouse, « à poursuivre l'appellation si bon
lui semble» (art. 131).
Table alphabétique des noms de personnes.
Maître Aubain (Albain), de Toulouse. Voyez Organisation
judiciaire, page 211, note 1.
Arpadeyne, de Chalencon, sergent royal. Voyez Organi-
sation judiciaire.
Maître Antoine Astier. Voyez Recettes de la ville, achats
de sel.
Marguerite Bacone. Voyez Chirols (Thomas).
Jean de la Balme, marchand de sel de Valence. Voyez
Recettes de la ville, achats de sel, et Syndics et conseillers
municipaus, article Rai/mond du Buisson.
Guigue Barbeyron, achète du vin à la ville. Voyez
Recettes de la ville.
Louis Baronat, d'Annonay, achète du sel à la ville.
Voyez Recettes de la cille, achats de sel.
248 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Mess° Bart, de Désaignes. Voyez Procès de la cille
(procès Chamalroux et procès Bart) et Dépenses (voyages).
Colin Béatrix. Voyez Procès de la ville.
Pierre Beciac. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
Mme l'Abbesse de Bellecombe. Voyez Procès de la ville.
Pierre de Berg, paie le reste de sa parcelle de taille, pour
laquelle il était en retard (art. 9).
Jean Bertelais (Berthalais, Bertalays). Voyez Syndics et
conseillers municipaus.
Jean Biberet, bailli de Tournon. Voyez Procès de la ville
(procès de Monseigneur de Tournon, en note), et Recettes de
la ville (double disièine et remboursements de la taille).
Jacques Blanc-Poil, sergent de la Cour de Tournon.
Voyez Recettes de la ville (double disième) et Organisation
judiciaire.
Jean Boneyre. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
BoYSSON, du BoYssoN, BoYSSONNET. Voycz Buisson, du
Buisson, Buissonnet.
Maître Gui Brenas, fait la « relation » d'une (( lettre »
dans le procès de GuiotTardi (art. 128).
Le Breton. Voyez Procès de la cille.
Girard Breybant (art. 87).
Etienne Briode. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
André Brissonnet, receveur général en Vivarais. Voyez
Recettes de la ville (taille).
André Brossa, couvreur. Voyez Dépenses de la ville
(dépenses extraordinaires).
Maître Antoine Buisson, avocat (?). Voyez Organisation
judiciaire.
Raymond du Buisson. Voyez Syndics et conseillers mu-
nicipaus.
Jame Buissonnet, fait une copie dans lafTaire de Monsei-
gneur de Château neuf, et la fait porter à Boucieu (art. 130).
Dragone Bury. Voyez Procès de la ville.
Jean de la Chalin. On restitue sa taille à Jean Mestral
(art. 176).
Eustaclie Chalon. Voyez Procès de la ville (procès Dra-
gone Bury).
Maître Chamalroux (Chavialroux?). Voy. Procèsde la ville.
LK covirrr-: mun'icipal dk touhnon 249
Laurent Champeau (Champel), « facteur » de Jean
Plouvier.
Pons Chanabatier, notaire de Tournon. Voyez Dépenses
de la ville (pacte de la Cour do Tournon).
Jérôme Chapuis, marchand de sel de Condricu. Voyez
Syndics et conseillers municipaus (article Etienne Briode).
Jean de la Charité. Voyez Procès de la ville.
Louis Charron, notaire de Tournon. Voyez Organisation
judiciaire.
Humbert Chasalet, avocat (?). Voyez Organisation judi-
ciaire.
Claude de Chateauneuf. Voyez Procès de la ville.
Chavialroux. Voyez Charanlroux.
Janin Chevalier, sergent de la Cour de Tournon. Voyez
Recettes de la ville (double disième) et Organisation judi-
ciaire.
^Lartial Chevalier, serrurier. Voyez Dépenses de la ville
{dépenses extraordinaires).
François Cheyssieu, de Chalancon. Porte de l'argent à
Paris (art. 72).
Maître Thomas Chirols. Débiteur de la ville (art. 8).
Chivalier. Voyez Chevalier.
Jérôme de la Colombière, marchand de sel d'Annonay.
Voyez Recettes de la ville (achats de sel).
Curé de Tournon. Voyez Dépenses de la ville (torches de
la foire de Saint-Julien).
Perrillon et Didier Darrès. Voyez Procès de la ville.
Jean Dorg, procureur de Madame de Bellecombe. Voyez
Procès de la ville.
Jame Doson, sergent royal. Voyez Organisation judiciaire.
Pierre Doux, avocat à Toulouse. Voyez Organisation judi-
ciaire.
Dragone Burv. Voyez Barg.
Du BoYSSON, DU Buisson. Voyez Buisson.
Dumas. Voyez Giraud.
Etienne Durand, procureur à Toulouse. Voyez Organisa-
tion judiciaire.
Vidal Far.?on. procureur à Toulouse. Voyez Organisation
judiciaire.
200 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Claude Faure. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
Antoine Fireys. Voyez Becettes delà cf/Ze (remboursements
de taille).
Nicolas Fontaine ou de Fontaine, sergent de la Cour de
Tournon. Voyez Organisation judiciaire, et Recettes de la
ville (taille).
Jean Forés. Voyez Syndics et conseillers de la ville.
Pierre Forés ou Foreys, lieutenant du juge de Tournon.
Voyez Recettes de la ville (taille), et Procès de la ville.
Michelot Four. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
Monseigneur de Foys. Voyez Procès de la ville.
Jean Galland, sergent royal de Nîmes. Voyez Organisa-
tion judiciaire.
Gazeilles, procureur de Monseigneur de Tournon. Voyez
Procès de la ville.
Vidal Genès (Geneysl, notaire de Nîmes. Voyez Organi-
sation judiciaire.
Maître Antoine Giraud, autrement Dumas. Fait la copie
d'une lettre royale contre les taverniers (art. 75).
Pierre Gono. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
Guichard Granger. Achète du vin à la ville. Voyez Recettes
de la ville.
Jean Gros, notaire de Tournon. Voyez Organisation judi-
ciaire.
Maître Pierre Gros, d'Arlebosc, avocat (?). Voyez Orga-
nisation judiciaire.
GuiLLEMiN, charpentier. Voyez Dépenses de la ville (dé-
penses extraordinaires).
Pierre de Guiot, escoffier (marchand de cuirs) de Tournon.
Le 18 mars 1460, comme il allait à Toulouse, on lui donne
une lettre à portera Monseigneur Jean de Marcoux (art. 103).
Le 22 avril, on l'envoie k Toulouse chercher une lettre inhi-
bitoire contre Guiot Tardi (art. 126).
Guiot Tardi, ou Guiot le.marèchal. Voyez Tardi.
HuGUET DE Perrici. Voycz Perrici.
La Balme, La Chalin, La Charité, La Colombière, La
Mote. Voyez Balme, Chalin, Charité, Colombière, Mote.
Benoît Lansart, lieutenant du bailli de Vivarais. Voyez
Procès de la ville (procès de Guiot Tardi).
■ Lie (ONrPTK MUNICIPAL DE IT)l.'i;N()N 251
Messire Lauret, cavocat à Toulouse. Voyez Organisation
judiciaire.
Le M EUR. Voyez Meiir.
Jean Lochet. Voyez Sj/ndic.^ et conseillers municipaus.
Jean Long. Est caution dans un achat de seL Voyez
Recettes de la ville.
Pierre Lussat. Vo3^ez Syndics et conseillers municipaus.
Jean de ^L\RCoux, juge royal de Vivarais. Voyez Syndics
et conseillers et juge royal de Vicarais, et Dépenses de la
ville (voyages et frais divers).
Masade. Voyez Vincent.
Habitants de Mauves. Voyez Procès de la ville.
Jean Mestral. Voyez Syndics et conseillers municipaus.
Arthur le Meur, sergent royal. Voyez Or-ganisation Judi-
ciaire, et Recettes de la ville (taille).
François Molne. On restitue sa taille à Jean Mestral
(art. 176j.
Philibert Monaud. Voyez Procès de la ville.
Jean Mondo, de Mercurol. Achète du sel (art. 12, 1.3).
Janin du Monestier, sergent royal (?). Voyez Organisa-
tion judiciaire.
Guillaume Monier. Touche une partie de la taille au nom
du receveur André Brissonnet. Voyez Recettes de la ville.
Marguerite Montaiciuer, veuve de Jean Lochet. Voyez
LocJiet.
Jean de Montaut, sergent royal de Nîmes. Voyez Orga-
nisation j ad iciai re .
Martin de Montkils, clerc de maître Jean Gros. Voyez
Organisation judiciaire.
Pierre de Montpeyroux, sergent de la Cour de Tournon.
Voyez Organisation Judiciaire
Jean de laMoxE ou do la Moute, clerc de Jean de Marcoux.
Pierre Mura, « facteur » de .Jean de la, Balme. Voyez
Balme.
Pierre Palnot, boulanger. Voyez Dépenses de la ville
(aumône de la Pentecôte).
Durand Penier, curé de Tournon. Voyez Dépenses de ta
ville (torches de la foire de Saint-Julien).
Huguet de Perrici, notaire. Voyez Organisation /'ndiciaire.
252 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Pierre, maçon. Voyez Dépenses de la ville (dépenses
extraordinaires).
Jean Plouvier, marchand de sel de Valence. Voyez
Syndics et conseillers municipaus (article Etienne Briode).
Maître Jean Pognet, et son fils Gabriel Pognet. Voyez
Procès de la ville (procès Pognet et procès des habitants de
Mauves).
Monseigneur de Rochebonne. Voyez Procès de la ville.
Louis Roux, procureur à Nîmes. Voyez Organisation
judiciaire.
Eymar Sabbatier. Voyez Recettes de la ville (rembour-
sements de taille).
Jean Salic. Voyez Dépenses de la ville (pa.cie de la Cour
de Tournon).
Barthélémy Sarzier. Fournit le cierge pascal (art. 209).
Sarzier est peut-être un nom commun =: marchand de
cierges.
Jean du Seignas. Voyez Procès de la ville (procès de
Monseigneur de, Tournon).
Barthélémy de Sèneclause. Voyez Syndics et conseillers
municipaus.
Hugue Symond, sergent royal. Voyez Organisation judi-
ciaire.
Guiot Tardi, le maréchal. Voyez Procès de la ville.
Pierre Tardieu, charpentier. Voyez Dépenses de la ville
(dépenses extraordinaires).
Taverniers. Lettre royale contre les taverniers (art. 75).
Maître Jame Torrolhon. Voyez Dépenses de la ville
(pacte de la Cour de Tournon).
Maître Mathieu Torrolhon. Voyez Dépenses de la ville
(pacte de la Cour de Tournon).
Antoine TouRNAY, notaire à Boucieu. Voyez Organisation
judiciaire.
Monseigneur de Tournon-. Voyez Procès de la ville.
Jame Vallette, seigneur de Claude Faure.
François de Varennes. Paie une partie d'une ancienne
taille qu'il avait été chargé de lever (art. 7).
Vidal Vincent, dit Masade. Voyez Recettes de la ville
(taille).
MÉMORANDUM DES CONSULS DE LA VILLE DE MARTEL
par H. Teulié
Les textes que nous publions proviennent d'un ma-
nuscrit qui a été trouvé à la mairie de Martel (Lot)'.
Ce ms. mesure 0'"18 X 0'"135. Il est en papier, avec
des vergcures et des pontuseaus irréguliers, mais sans
filigrane proprement dit. La reliure a beaucoup souf-
fert ; les plats sont en bois, recouverts de cuir gaufré
et ornés autrefois de fers cjui ont été arrachés. On lit
sur l'un des plats, l'inscription suivante, d'une écriture
plus récente que celle du ms. môme : 1252. Nihil
interest. Il compte dans son état actuel 78 feuillets,
mais il en a perdu un certain nombre, car il comprent
6 cahiers et chaque cahier, si nous en jugeons par cens
qui paraissent complets, a dû être d'au moins 16 feuil-
lets, ce (jui nous en donnerait 9G pour le ms. tout en-
tier.
Ce registre a servi, sans doute, de mémorandum
aus consuls et à leurs secrétaires qui prenaient notes
des menues affaires sous la rubrique : Remembransa
sia, etc., et y inscrivaient les divers comptes que l'on
reportait ensuite sur les registres ordinaires. C'est ce
dont fait foi le passage suivant (f° 3.5 v°) : Lo contes
que lioni fet:^ après, aiso. R. Joanls es et gran papier.
L'écriture est très variée et à côté des écritures ré-
gulières dont nous donnerons un spécimen s'en trouvent
d'autres qui trahissent la plus grande inexpérience.
1. Qu'il me soit permis de remercier ici M. Laplagne, conseiller
d'arrondissement et premier adjoint de Martel, et M. Cliapelle,
secnJtaire de la mairie, qui, fort obliireamment. ont mis ce ma-
nuscrit à ma disposition et m'ont ainsi permis de le transcrire à
loisir.
254 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
On rencontre clans le ras. plusieurs dates: la plus
ancienne est 125.2, la plus récente 1284 et, entre ces
deus extrêmes, 1260, 1262, 1267. Il appartient donc à la
deusième moitié du xin^ siècle.
Ce ms. contient les comptes des dépenses faites par
les consuls de la ville pendant plusieurs années ; une
longue enquête sur rattribution d'un héritage, maison
et champ, que se disputaient deus bourgeois de Martel ;
les noms de ceus qui ont prêté de l'argent aus consuls
avec l'indication des sommes ; des listes d'habitants de
la ville et des faubourgs, etc., etc.
Le premier compte des dépenses' faites par les
consuls et c|ui nous semble le plus complet et le mieus
rédigé nous montre quelles étaient les affaires dont
avait à s'occuper la municipalité d'une petite ville au
xin*" siècle. La plus importante est un procès avec
Creysse, commune voisine, procès que la ville de
Martel perdit, puisqu'elle paya une assez forte somme
à sa rivale. Il y eut aussi contestation avec l'abbé
d'Obazine. Les autres principales indications con-
cernent : l'envoi de messagers dans les villes ou
châteaus d'alentour, le payement des dettes en retard
contractées par la ville vis-à-vis des habitants, le
transport et le rachat des gages, le change', les
esmendas ou réparations accordées à ceus. qui ont
éprouvé quelque dommage, l'offre de présents aus
puissants du jour et à ceus de leur entourage,
parents, amis, serviteurs, protégés, etc. Il faut relever
aussi la mention d'une avance de fonds aus consuls de
Gourdon, d'une escorte fournie pour conduire un
voleur à Gramat, l'achat de parchemin, de papier,
1. 11 esta remarquer que, sauf l'indemnité allouée aus consuls,
ces dépenses sont toutes extraordinaires et imprévues.
2. Il n'est pas fait mention de monnaie raimondine, monnaie
du vicomte de Turenne dont dépendait la moitié de la ville de
Martel. Nous ne trouvons que des sous tournois ou raorccns.
MÉMORANDUM DES CONSULS DE LA VILLE DE MARTEL 255
d'encre, de sacs pour mettre les deniers et même de
fleurs.
Nous n'insisterons pas, davantage sur une publica-
tion dont l'intérêt historique est très restreint, nous
relèverons seulement à la lin de cet article les formes
qui présentent quelque particularité notable et les mots
qui ne se trouvent pas dans le Lexique roman de
Raynouard.
I
§ Aisso so las messios que nos. R. Lagarda. e N'Aimars
Cast[anjhers. e 'N G. Bous, e N'Aimars Escuders. e'N. P.
Faure. e'N. B. D'An Rotbert. [av]em fâchas el noslro cossolat
per las fazendas de la vila'.
5 So es asaber qu'En. R. Lagarda. e 'N . G. Bous anero a
Terrasso' parlar al Seneschalc ques n'anava en Fransa. c
estero. dos. dias. e. meiro trei que ero a caval. edoi escuder.
XXX. s. e. VI. s. en loguer de bestias.
§ E poi anero. R. Lagarda. e'N. G. Bous. e'N. P. Faure.
10 e maestre. P. Barraus e maestre. W. Barraus. e maestre.
W. La Costa e d'autre a l'assiza da Carennac'' pel plach de
lor de Croisha* e meiro. xxx.v.s. een loguer de bestias. x. s.
§ E poi d'autra vetz anet. P. Faure se tertz a caval per
aquel meish plach de lor meish de Croisha a Carennac e
15 meiro. x. s. ab lo loguer de las bestias.
§ Poi anet d'autra vetz N'Aimars Escuders e'N. G. Cassa-
fortz. e'N. R. de Cironha e d'autre tan que set foro a caval.
e. iiii. a pe. en Alic^ pel plach de lor de Croisha. e meiro.
XX. i. s. ab lo loguer de las bestias.
20 § Poi d'autra vetz anero N'Aimars Escuders e 'N. P.
Faure e'N. G. Cassafortz e'N. R. de Cironha. e'N Gausbertz
Sagrestas. e maestre. W. LaCosta. e 'N. G. de [Rajigadasen
1. Martel, ch.-l. de canton, arr. de Gourdon (Lot). — 1256 (?).
2. Terrasïon, ch.-l. de c, arr. de Sarlat (Dordogne).
3. Carennac, com. du c. de Vayrac, arr. de Gourdon (Lot).
4. Creysse, com. du c. de Martel, arr. de Gourdon (Lot).
5. Alic (?). Peul-étre Aillac. com. du c de Carlux, arr. de
Sarlat (Dordogne). Cf. Montfort, 1. 10. note 2.
256 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Alic pel plach de lor de Croisha. e meiro. xxx.v. s. ab lo
loguer de las bestias.
25 § E d'autra vetz anero N'Aimars Escuders. e 'N, R. de
Cironha. e 'N. W. de Cironha en Alic per malevar los gatges
qu'En Hugo lo Meire avia près per messios que demandava.
e meiro. x. s. ab lo loguer de las bestias.
§ Poi anet d'autra vetz N'Aimar[s] Escuders ab. i.
30 cumpanho a caval a Croisha can fo fachs lo jutgamens. e
covenc li anar. v. vegadas. per cobrar los gatges [de]
Croisha. e meiro entre totas las. v. anadas. xl. v. s. ab la
reenso de las bestias que avio en gatges elh de Croislia.
§ Can lo senh' En Jaufres de Pon* venca Croisha lai anet
35 N'Aimars Escuders se seies a caval parlar ab Ihui. e pregar
del afar de la vila. e meiro en loguer de bestias. xii. s.
§ Poi d'autra vetz N'Aimars Escuders e 'N .R. de Cironha
anero a Croisha per auvir la enquesta. e meiro. un. s. en
loguer de bestias.
40 § Poi anet d'autra vetz N'Aimars Escuders a Monfort*.
se setes a caval e-. iiii. escuder. e estero. ii. jorns per parlar
del acorder da Croisha. denan la domna Na Margarida'.
e meiro. xl.iiii. s. ab lo loguer de las bestias.
§ E poi anet d'au[tr]a vetz. N'Aimars Escuders se setes a
45 caval. e. ii. escuderapeaCastelnou* per [pajrlar de l'acorder
de lor de Croisha e meiro. l. s. e. xviii. d'. ab lo loguer de
[las] bestias.
§ Poi d'autra [vetz] anero N'Aimars Escuders e N'Aimars
Castanhers a Castelnou que menero las garentias que donero
50 contra lor de Croisha. c foro. xx. a caval e. xii. a pe. e
estero très jorns. e meiro. xiii. Ih. e. v. s. ab lo loguer de
las bestias.
1. Hélie-Rudel, dit Geoffroy, sire de Pons.
2. Moatfort, s'"" de la com. de Vitrac, c. et arr. de Sarlat (Dor-
dogne). Ane. rep. noble et châ'tellenie unie, au xiv siècle, avec
celle d'Aillac. Elles dépendaient de la vicomte de Turennc (V" de
GouRGUES, Dict. topocj. dudép. de la Doi-dogne) .
3. Margueriie, sœur de Raimond VI, vicomte de Turenue.
4. Castelnau-de-Bretenoux, hameau et château qui forment avec
BonnevioUe la commune de Prudhomal, canton de Brctenoux, arr.
de Figeac (Lot).
MKMORANDUM DKS CONSl l.S DK l.A NlI.l.P; DE MARTKL 257
§ D'autra vetz anot N'Aimais Castaulicrs e. 'X. W. Tuiidatz
a CastelnoLi parlai- al Seneschalc e estem. ii. joins e iiioiro.
Ô5 XX. II. s. e. V. d'. ab lo loguer de las beslias.
§ D'autra vt^z anot N'Aima i-s Castanliei-s se oclies a caval
a Biiva ' pcl plach de Cioisha e estei-o. n. joins, o nieiro.
un. lli. 0. \ m. s. ab lo loguer de las bestia>.
§ D'autra vetz anet N'Aimars Castanhers e 'X . R. de Cironlia
Cà) a Castelnou pel plach de Croisha e estcro. ii. jorns. emeiro.
XX. II. s. ab lo loguer de las beslias.
§ D'autra vetz anet N'.\imars Castanhers e 'N Vidais
Nabonadona al poiolar al jorii del veseointe pels nou. s. del
evesque e estero. n. jorns e meiro. xx.iiii. s. ab lo loguer de
65 las bestias .
§ D'autra vetz anet a Castelnou X'Aimars Castanliers e "X.
R. de Cironlia. e maestre Peiie Barraus. e estero. ii. jorns
emeiro. xxx.i. s. ab lo logiu'i- de las bestias pel plach de
Croisha.
70 § D'autra vetz aiiel a Castelnou |)el plach de Cjoisha
N'Aimars Castanhers se oches a caval e estero. n. joins, o
meiro. iiii. Ih. ab loguer de bestias.
§ D'autra vetz anet. R. Lagarda se sinques a caval a
Caortz que [sejguero lo dea- de Tors per l'afar de Croisha
75 e meiro. xn. Ih. menhs. iiii. s. ab lo servizi que fetz hom al
dea. e estero. v. jorns. el loguer de las bestias. xxx. s.
§ D'autra vetz anet a Castelnou. P. Faures seseies a caval.
e. iiii. escuder e estero. m. jorns pel plach de Croisha can se
meiro en la ma del arcidiague de CorniT^ e d'En Aimar de
80 BoishfH. e meiro. l.i. s. al) loguer de beslias.
§ D'autra vetz anet. P. Faures e 'X. G. Bous a Castelnou
caiit hom ac ajornat lo caminal de Croisha se dotzes a caval.
e estero. m. jorns. e meiro. un. Ui. e. vi. s.
§ D'autra vetz anet. B. Boiers en Fransa ab. G. Doinerc
85 cant aportel letras del rei al Seneschalc (pu' nos teguesdrcch
1. Brive-laGaillanle, ch.-l. d'arr. (Corrêzc).
2. Peut-litre Raymond «l'Alam m. cliaiicine de Tours et (Us naturel
de Sicard dWlainan, sénéchal du Quercy, pays où ila^^quildos terres
([u'il laissa à son fils.
'A. Raimond de Cornil , archi<liacre de Cahor^. élcv.' eu U'SO à
l'épiscopat par voie d'élection, mort en l:;0:t.
RKVfE iiv. PMii.oMiiai:, su. 17
258 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
ishamen cum a lor de Croisha. e costef. lvi. s. de inessio ab
autra vetz que lai tornet poi: B. Boicrs.
§ D'autra vetz anero. G. Cassafortz e 'N. W. Tondutz a
Bt'iva a. i. jorn quens ac ajornatz aqui lo Seneschalcs. e
90 costet. XL. s. e lo loguers de las bestias costet. vi. s.
§ D'autra vetz anet. G. Cassafortz a Castelnou per poiire
re[sp]ech de la paga da Croisha e costet. xii. s.
§ D'auti'a vetz anet. G. Cassafortz a Castelnou al senes-
c[hal]c per l'afar de Croisha. e eostet. xir. s.
9") § D'autra vetz anet. G. Cassafortz a Terrasso per Tajorna-
m[en] del abat d'Obazina'. e costet. x. s.
§ D'autra vetz anet. W.deCironha a Castelnou al Seneschalc
per las bestias de laboura c pels autres gatges que avia près
N'Ugo le Meire e 'N Bertrans Laroca. e costet la bestia que
100 menet. viii. s. très jorn que estet. e Menoires que menet. m. s.
§ E pagueni. xx. v. s. an Violeta d'una part, e d'autra
part. XV. s. c'om Ihi dévia de l'autre cossolat.
§ D'En Ainiar de Vassadel soisheubein. xx. Ih. de tomes,
e costero. lx. s. de camge.
105 e d'autra part paguem Ihi. l. s. c'oni Ihi dévia de deud(^
velh.
§ E paguem an. G. de Monniaur. xxx. s. quel cossolatz Ihi
dévia de velh.
§ E niezeni en servizis dels cossols de Gordo ^ xviii. d'.
110 § E emendem al prohonie de la Landau xiiii. d'. pels
glochs quelh barregero donas del barri de Briva.
§ [A]. R. Ponto. II. s. cant anet a Croisha e aRocaniador*
ajornar las garentias pel plach da Croisha.
§ E costet us messatges c'oni trames a Solhac^ per la marca.
115 VI. d'.
§ Cant iioin anet a Croisha parlar al arcidiaguedel acorder
del plach de Croisha. costet viiii. s. e. un. d'.
1. Guillchnus II. [GalUa Chi-ist., t. IF, p. 637. )
2. Gourcloii. cli.-l. d'arr. (Lot).
3. Hameau de la com. de Marlel. ((Ui se divise en I.aude-Basse et
Lande-Haute.
4. Rocamadour, lieu de ptMerinage alors très fréquenté et encore
célèbre, com. du c. de Gramat, arr. de Gourdon (Lot).
5. Souillac, oh.-I. de c arr. de Gourdon (Lot).
MÉMOl! ANDIM DES CONSII.S DE l.\ X'IIXK DK .MAHIEL 259
§ Us messatges c'om trames a Sarlal'. xx.ii. d'.
§ Autres [me]ssatges e'oin trames a Croisha. vi. cV.
120 § En lenlia inentre c'om iguet la iga. n. s. e. iv d'.
§ A maestre. P. Xapros. vi. s. c'om Ihi d('vi;i de dcude
vclh.
§ Aimars de (faudra ' ac ne per rajornamcn que nos l'ci/
Bodas pcr l'afar. W. Joani. pels jorns quen tet |)cr nos a
125 Caortz^. xxx.vni. s. el e autre quen i tramezem.
§ Esteves de Madaule. ini. d'. per anar a Croislia.
^ A Coli. M. s. pcr l'ajornamcii da Croisha.
§ Doas camhas <|uc tiamczcm a la uioIIkm" Hugo la Massoa.
XVI. d'.
V.M) § Us messatges c'oni trauu's a Figac ' a maestre. Ai. de
Boishet. in. s. e. un. d".
§ D'autra Aetz ancro. G. Bous c 'X. \\'. Tondutz a Caoï'lz
ab lo \('sconte per las patz e mciro en. v. jonis (pTcstero.
XLU. s. ab le logucr de las bcstias.
Vi~) § D'Eu. G. Pclhicer ■'. soishcutxMU. \. lli. d<' toiues. e
costero de camgc. xl.ihi. s. de march.
§ A. R. de S. . . n. s. de doas messatjairias.
§ Una bc^tia cahit' liom scguci Hugo la Massna a Pinsac''.
11. s.
110 § Rodes (pic tra[mjczeni a Ci'oislia. \i. d".
§ A Drechos c'om trames a Croisha. vi. d'.
§ Us messatges c'om trames a Mon\alen'. nu. d'.
§ Us mcssalges (-"oui Dames en Alie. xn. d".
1. .Sarlat. ch.-l. d'arr. (Donloirne).
'^. Gondrn, partout ailleurs.
:5. Cahors, ch.-l. du dép. du I.oi.
4. Figeac, ob.-l. d'arr. (Lot).
.">. Nous rencontrons souvent ce nom dans notre msc, G. I^eihi-
cier, Pelhicier lo Jnres. et en l-i(>2, notamment, Helias Pelhicier
était consul de Martel. Ils appartenaient, sans doute, à la même
famille que le troubadour Pierre Pelhicier, qui vivait îi la cour du
Dauphin d'Auvergne, Robert I" (1169-1234), et dont la biographie
nous a été conservée dans H en même temps qu'une strophe de
lune de ses pièces et la réponse du Daui)hin. {IJi.-^t. du Lniir/uedor,
1. X. p. 263 et 372, éd. Privât.)
6. Pinsac, com. du c. de .Souillac, arr. de (Jourdon (l.ol).
7. Motifvalent. com. du c de Martel, ari'. de riourilon (Lot).
'200 HF.VriC DE PHlI.or.OGIF. françaisf.
§ Cant anem as Solhac pei- l'oficial e pels pioshomes de
145 Solhac. vu. s. e. m. d'.
§ Lo merendars de lor de Croisha. xx.i. d'.
§ Us messatges a Croislia. m. d'.
§ Doi niessatge c'om trames a Solhac. xiiii. d'.
§ Lo messatges Pons de Vila. xii. d'.
150 § Lenha el cossolat. xii. d'.
§ Can. P. Faures e 'N. R. de Cirouha anei-o a Rocamador
parlai' al Seiieschalc. viii. s.
«^ Eu lenha. mai. vi. d\
v^ Doi fromatge c'om trames Richarl lo Bot Ilugo la
155 Massua. can se mudet. ini. s. e. vni. (V.
§ Lhi sirven a heure, un. d'.
§ Al sirven del escriva del Seneschalc. xv. d'.
§ A Coli c'om trames a Terrasso. ii. s. e. v. d'.
>^ En. G. Bous cant aitet a Sarlat. x. s.
160 § Areimet sas bestias de que l'avia penhurat Hugo le
Meire per la \i\a. xi. s. de caorcen.
§ El servizis c'om fetz a la cumtessa^ de la Marcha pel
prec de la domna Na Margarida. costet. xx.v. s. menhs.
iiii. d'.
165 § Lhi sirven en messios. ii. s. e. vui. d'.
§ Una saumada de lenha. vu. d'.
§ Lhi sir\en can mandero la l<'\a. n. s.
§ Jones, ui. d".
^ Colis. XII. d'.
170 5^ E mai a Coli. v. s. d'autra pari.
v:î a maestre. P. Bon. xx.vi. s. pei- messio.
5:^ Al dea d(» Tors. un. s. en pr(>zens.
i^ A la Jajaga. ii. s. e. vi. d'. en pa ((ue mengero aque[lhj
(jue feiro la iga.
175 § E d'autra part. m. s. e. vi. d'. a Domtuc Boier |)cr
afquela] meisha messio.
i^ Maestre Aymeric Andreil. vi. d'. en \ i ([ue begro llii
<ir\('n.
1. Sans doute Alix. oonUesse de la Marche, morte en !;.'.■)() et sa
sœur Marguerite. {Bihl. de l'Êc. des Chartes. Léopold Delisle, C/u\
/lii^t. des comtes de In Marche. 1856, t. n, p. ii37.)
MK.MMi; AMUM l)i:> roNsri.s DK I.a Xll.l.K Dl-; MAUTKI. '^i}\
§ Xa Casnaga. u. s. c. ii. d". eu pa niai f|ur incngcio
180 aqut'lh que IViio la iga.
§ La Malmatdiua. ii. s. c. un. d'. en pa pcr aeo nicisli.
§ An Ainiar Raiiiion. nu. s. (-"oui llii dcx ia do d(Mid(^ \olh.
§ Als sii\('n->. m. d". a Ix'Uic.
§ A Johan Clu'va. ir. s. en iina liotia caii scguci lo lairi) a
18.J Giamat.
§ Als siixt'us d'aulia pail. m. d". en \ i.
Jî Aladobarloeoucd'Obazina quederroqueiollielaii. viii. d".
§ Lo gatgos reinuM- d'En. S. Lagaida. vin. d'.
§ Lo peish c'oiu liaiurs al Seiiechalc. vi. s. c'oni ne |)agiici
U)0 Vidal lo peishoïKM-.
§ Al home que ap()ita\a los gatges de pci- la vila. xir. d'.
$:$ L<' papei'S (pic cunipret. G. Durans a l'ai's los escriclis de
la vila. XII. d".
§ Lhi sac en c'oni nies los deneis. vin. d'.
W') ^ A Bernart Feniola. n. s. (•"om lhi dévia de xclli.
$^ A Violeta. vni. d'.
§ .B. del Coderc ac ne. vnn. v. de dan pej- deners ipu-n
soisheubeni.
§ .B. Johanis. xv. s. e'oni lhi de\ia de deud(^ \('lh.
200 § A. I. home que apoitava los gatges, viii. d".
^ K per pregueiras de maestre. .\i. d(^ Boishet solsem a
Roea. nn. s. de sa leva.
>^ An. S. Oi-cer. m. •-. r'oiu lhi ^ols d'isjiamen eai' era
gievatz.
■îOo ^ A. G. dt' Sulhac. xvi. d". e'oui lhi de\ ia.
v5 A. G. Salein. xni. s. c. vi. d". d»^ peisji (•"oni tiame> al
Seneschale major.
^ A Xa Guilhelma la Valada. v. s. ('"oin Uii ^uU (■■,{]■ cia
gre\'ada.
"210 i^ An. B. Baiiau. xxx.v. s. pierj Kn. K. Las ivstias pei'
l'alai- de la enquesla.
N^ .\. Sai'gonae. vi. d". a iviniei- los galges de la filha. W.
(iauter.
v^ \. G. \'auii. wnn. s. po- pci^li i-'oiii Uaniev ;i| de;! de
•Jir. Toi-<.
1. Graillai, iMi.-i. <lc <•.. aii. t\r < iounloii iF.oll.
i2()'2 REVl E DE PHII.CJI.OGIE I-UAN\AISE
v^ Al sii\('n (Ici SciK'sclialc (|U(' icums al) los cavals. xii. s.
î^ An. ^^'. La K'ossa. m. s. c'oin Ihi tUn ia de velh porTanada
(le Fraiisa.
§ A la iiK'ssio (-"om [tVjl/ caiil Imiii aiict a Lodor pei- lar
2'iO la paga do Croisha. w s.
§ A. G. de Cas[. . . |sac. nu. s. pcM- sos gatges c'oni aA ia
près a Croisha.
s^ A. P. Rotlau [...] iiii. s. c'oiii Ihi dévia de velh pei
l'aiiada de Fransa.
22h ^ A Coli. xviiii. s. pcr hnar la iga.
î:^ A. I. home que aportava los gatges. \iu. d".
*} A dos homes que aportero los gatges per la vila. xii. d'.
^ A Na Gausherga Emeugart. viii. d'. de pa que mengero
a(|uelh que t'eiro la iga.
2oO ï^ A dos homes que apoi-tavo galges. x\n. d'.
§ A. I. autre home que aportavo gatges. viiii. d\
^ Una bestia que menet. G. Bous a la Landesea. vi. d'.
§ Al conhat. .T. Boier. n. s. de piehers en c'om trames
prezens al dea.
235 § Au. R. Dardena. xviii. s. de pa e de \ i ('"om ti'auu:'s al
dea dT; Tors ean Esteve La porta.
§ A. W. Lalonga. vi. d". c'om Ihi de\ ia de \ i qu<' Ix-gio Ihi
sir\'eu.
^ An. H. Las Estras. xx.w s. per messio ean \riu- per la
"240 paga da Croisha.
§ l^s messatges da ( 'roislia. m. d'.
^ A la molher Baudel. n. s. de soula.
i^ An Este^•e ('arter. m. s. per euKMida de pels (jue perdel
SOS filhs pei fach de Croisha.
215 § A Coli. m. s. d'autra veiz per le\ar la iga.
§ A dos homes d'autra \ etz que aporlax o los gatges. \ m. d".
§ A Vaquer c'om trames al areipre\eire a Sarlat. xviii. d".
^ An. Ai. Porquer. xni. s. c'om Ihi dévia de velh.
i:^ An. G. ^Lanha. xi. s. per l'cserire de la leva.
250 § A. G">. de Boi-nva. un. d'. a reimei' sos gatges c'om
Ih'avia enpenhatz'.
1 On a efïacé la mention suivante :
S^ An. P. del. Solcr. XVI. s. quclli par/uct Rotberis d'Uzerca per
nu'.^sio.'^ qu'En. G. Bous avin facha.^ per Ja rila.
MKMoi? ANDtM DF.s roNsii.s HK I. A \i!,i,r-: nK M Aini.i. ■J(!:i
5; Au Hugo de Solhac. ni. s. e. vni. d". pci- la luossio que:
feii'o aquolh que tViro la iga.
§ A Meuoire. vi. d'. que traniezcni au. ]{. Las Kstnis.
::^5o Jî A Coli d'autra part. xir. d'.
§ Au. W. i\ au. G"i Cartel-, xii. s. pei- euieuda de la uiaio
(•'oui lor ars.
i:^ Au. G'" Carter, xv. s. de \i cpu' begro afiuelh quefeiro
la iga.
260 § Au. W. Carter, xm. d'. a reiuier sos gatges c'om Ih'ax ia
enpeuhatz.
§ A. P. del Peiret. v. s. car trobcm eso-ich el papei- ('"oui
los redes a tôt home que agues fach so mur.
J; Au. G. Obrer. ini. s. per aeo meish.
265 i} A Giuud. xnir. s. e. vni. d'. e'om llii dévia de \elli.
§ Arcambal. Pouto. xv. s. qu'oui Ihi dévia, per la bestia.
§ A. P. .Jolia. XM. d'. c'ou) Ihi de\ ia du fromatge que
menger[o] aquel que leiro la iga.
§ An. S. Bertran. un. Ih. per loguer de la maio.
270 i:^ Au Hugo del Foru. vri.i. s. a rcMmer sas bestias c'om
lh[i p]res a Croisha.
§ A. W. Menoire. v.s. perrajoruauieudei abat d'Oba[zijua
a Caortz.
{^ An. Ai. Escuder. x. d'. eu sesca.
27.") i:^ E. II. deners en techa a escrire e eu una caudela.
>:^ A Sargonac. xii. d". a las trompas adobar.
^ A San Lhaube. m. s. c'om Ihi dévia.
§ An Helias de Boishet, xl. ih. s. pcls draps dels sir\ens
i^ A maestre. P. Xapros. c. s.
280 i^ A Johau de Camboliva. viii. s. per messio c'om fetz a la
iga far.
î:? A maestre. \{. Las. Esiras. xl. s. d'autra \r\/. que Ih'eu
paguet, B. Boieis.
5^ .\u. B. Bou. viM. s. per sa ix'siia.
2>^."j >^ A lor de Croisha pagueui <mi la piiuiciia pag.i. w. \iiii.
lli. a Lodor.
{^ E. XX. Ih. r'om ur paguet per lor au. G'" Sagresta. |)oi
d'autra part.
1^5 E ela maio .B. dal Bou coiuiuniideui ue i,.vm. Ih.
2!)0 d'autra |);irt a pagai- l<ir dr ('roivli,!.
2<l4 RKVTT, Di-: PMILOLOGIK FHANfAIi^K
§ An. G. Cassafort a^oni sont. xl.v. s. que dévia de sa
iga perlas anadas e pel senizi que a fach a la vila el nostre
eossolat.
§ E an. R. de Cironlia solsem ne d'ishamen. xxv. s. pei-
295 aoo meish.
§ [L'jesci'ivas del Seneschalc niaoslre. W. ae ne. xvn. Ui.
e meja per escrire la enquesta.
§ Maestre. R. Las Estras. l. s. poi- so que nos \algues ab
^o Seneschalc c'om Ihi promes a Caslelnou.
800 e poi d'autra part el e N' Hugo lo Meire. xxx. s. pel respech
que nos l'eiro de la paga da Croisha.
§ Aimafrs] de Surias. xv. s. per escrire e pei- parjami
c'om n'ac.
v^ G. Salanios. vu. s. per escrire e per paijanii.
oO") § An Hugo lo Meire. c. s. per messios que demandava
cant aportet las letras del Seneschalc del juijamen da Croisha.
e d'autras fautas (?) que denKinda\a.
^ Lhi sirven que an levada la iga agro ne. x. Ih.
5:5 Xos autre cossol avem ne agudas. x. Ih.
810 § E la menhs ^alensa dels dencrs de tota la iga costa. l. s.
TERMES DU PATOIS DE JOXS (ISÈRE) '
IlliCUKlLLIS PAR A. KKP.UAND
Le lit.
lo, on liet, — li*. un lit.
lo bops de liet, le lii)i> de liî.
la paillachiéri, la paillasse.
la ballufiérî, la balloufière.
lo lineul, le linceul, les dj-ips.
la ciuveila, la couvei'te.
lo chavet, le chevet.
la têti dou liet le têliei-. la trie du lit.
lo |)i dou liet, le pic^l du lit.
on chiel de lièt, un ciel de lit.
lo ridiau, les rideaus.
la cortina, la courtine.
la ruella dou lièt. la iiiclli- du lit.
la lieta, le tiloil- dr la taldr. de la jia l'd <'-!■( il ><>.
La maison.
la, uua uiaïu/cui. — la. une maison,
la logi, le lojiis.
la cabana, la cabane, la caniliu/a, la (•aulbu^e.
la cahiuta, la cahut(\
una boëtta, une boîte.
la carcina, cassine, maison mal icnue. l'eiiic maison où
"on est trop chauffé, fumé,
la chambra, la chambre,
una piéci, une pièce d'ap|)ariemt'ui.
lo eambion. !•' i'liauil)ioii.
1. N'oy. limir i/c p/,ilt)l(>iji(' /raiiça(.<<', IV, il'iO.
26(5 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
lo degré ou loz escali, les degrés de l'escaliei-.
lo granî, le grenier,
lo galeta, le galetas.
lo cruvert^ le couvert ou toit; lez étiole, les tuiles; la thuella,
le thuelle, à Éclose.
la liquerna, lo zu de bou, la lucarne.
lo golet, la goleta, le trou sous le toit ou au mur.
la pourta, la porte.
la fenétra, la fenêtre.
lo volet, l'auvent, — le volet.
la serralî, la serrure.
lo ferroul, le verrou.
lo liquet, le loquet.
una tacola, une tacole (cheville).
on cardenas, un cadenas.
Les meubles.
una, la trabla, — une, la table; le trable, les tables.
la lieta, le tiroir de la table.
la sella, la chaise; lo fauteu, le fauteuil.
le selle, les chaises.
la mée, lapétrière; lo râclia-mée, le ràcle-pétrin.
un' archi. un cofïre.
on bullet, un buffet.
lo relojo, l'horloge, la clia dou relojo.
un' arnioinro, une armoire.
ongabelon, on cabelon, un tabouret, banc très bas, l'an-
cien banc des églises, des chapelles.
una gardarôba, une garde-robe.
lo paraplu, lo paraplévi, le parapluie.
lo redressoè, lo rodressu, le redressoir, étagère à rayons
où l'on tient la vaisselle (assiettes) di-oite.
lo mira, lo mirai, le miroir.
lo ban, le f)anc.
lo poalo, le poêle.
lo cornet, le tuyau.
lo bernar, le pique-feu.
lo fregon, le fourgon ou pique-feu.
lo cocu, l'horloge sans caisse, un coucou.
TKKMES UU PATOIS DE JON.S (iSÉrtE) 267
La cheminée.
lo chuniina, la chainiiu^ya, la cluMuiiu'M\
lo foyot, le loyer, l'àti-e.
attiji le foa, atluzye lo t'ua, attisri- le feu.
i'âti, fei' cylindiiiiu*' cieus pour soufflei- la l)iaise.
la Ijretani. la l)retagiu, la bretagu(\ plaque de fonte droite.
lo cuiuaclio, la erémaillèn', lo coniathio à l<>lose.
figura de cumaclio, laide figuie.
la serventa, la servant!^ pour tenir la porle.
lo treypi, le trépied.
lo landî. le landiei-, le cheiiel.
la forchela, la fourcht>ttt\
la paleta, la pellette, la |)('llt' de la clitMuiiK'e.
ou muret, un placard de chaque côté de la cheminée.
lo canon de fusî, l'hâti, I'âti: le canon de fusil pour souttlei-
le leu afin de l'activer. Quelquefois c'est la fourchette, qu'on
voit creuse, qui sert à cet effet.
lo tupin de foa, le pot qu'on met près du feu.
lo tupin à una manetta, le pot à une anse.
lo tupin à due manette, le pot à d<nis ans(>s.
l'ullon. l'oUon. le pot (pi'on met près du feu de la cheminée.
l'uUa. la marmite.
la cassi à fricachi, la poéle à frire, à longue queue.
la cassi à rizollar le châtagne, la poéle à rissoler les châ-
taignes.
on grafi, un gaufrier.
figura de giafi. figure de gaufrier, homme grêlé, maïqué
[)ar la J)elile xt'iole.
Ustensiles divers.
lo se3'l, sa, li; seau.
la cappa, le seau en fer-blanc.
la manetta dou seyl, l'anse du seau.
lo bassin, le bassin pour prendre l'eau.
la selî à due manette, benot en bois, à deus anses.
la benna, la benne.
lo benot. le henni.
2fiS HEVTE DK PHILOLOGIP: FRANÇAISE
una gamella, une gamelle.
lo bagnon, la froraagère.
una faîssella, une faisselle, moule à fi-omages.
un' assista, une assiette.
un' ecouella, une écuelle; l'ecouella a z'oreilles, à coua :
r(^cuelle à oieilles, à queue.
lo pla, le plat; lo pla à coua, lo long, lo i-ion : le plat à
queue, le plat long, le plat rond.
on cuttio, un couteau.
la forcheta, la fourchette.
nna culiéri, une cuiller.
lo poclii, la poche en bois, en tvr battu, la grande cuiller.
l'ecando, le crochet à peser.
lo coivo, le balai.
lo coivo dou suël en biessi, le balai de l'aire en bouleau.
la coiveta en canella, la balayette en arondo phragmite
dite cannelle.
lo covet, de covet : le balai, le chardon onoporde, appelé
aussi glorieuse, à cause de son port majestueus. On en fait
des balais.
la râpa, la râpe.
la casserola, la casserole, petite casse, petite poêle. A Saint-
Didier, près la Tour-du-Pin, la cassolla.
lo gobelet, le gobelet en fer battu.
la chopina ou follièta, la cho])ine ou feuillette contenant
1/2 litre.
lopatara, le pot plein à ras le hoid.
la bolteli, la bouteille.
lo vaîco, le verre.
la caraila, la carafe.
la cumouri, l'écumoiic.
la passourî, la passoire.
le/ ouille, lez uille, les aigiulh>s; Tullion, l'aiguillon.
r(>))inlî, l'i'-pingle.
on gnai-o, un connaisseur, un hommt' (pu trouve à redire
sui- le ti-avail, sur les fautes.
TERMES DV PATOIS DE JONS (ISÈREI '2('tU
Instruments.
lo goy, lo guï, lo goïn, Ui go\:i : la sci'i^o.
la goyota, la soipettc.
la piarda, la pioche.
Fachon, la haclio.
la massi, la niasso.
lo coin, le coin.
uua baissa, une béehe.
lo bissolet, la houe à deiis deuls.
la taravella, la taiièic.
logovi,covî, copl : la tatiéie demi-cyliudri(iue. On dit à
Eclose in abro gova, pour un arbre creus. Ce mot doit se
rattacher à caver = creuser.
lo martiau, le marteau.
lo martel à Eclose.
loz enehaplots, les marteaus à battre la fuus.
enchaplar, frapper la fans avec les enehaplots,
lo covî, le coyer, étui à meule.
la trin, le trident, lo treyen à Eclose.
la paela, la pelle.
la dallie, la faus.
1(» dallion, la i'ans plus petite.
la forclii, la feurchi, la fourche.
l'echiella, réchelle.
lo tracjuinet, le taiare.
lo volant, la faucili. la volanda, faucilles.
la seyta. la scie à Kclose; seytar. scier; — ici chaiiia .
chaittar.
Les joncs.
lo jtni, Ir jonc; de jon, des joncs.
la maiolla, jonc mâle ; la imissetle, roseau de la pa-^sion.
Le jonc femelle est employé par les tonneliers.
lo jon per le vigne, le jonc commun pour liei- les vignes.
lo jon rojo, le jonc vert noii'âti-e, rougeâli-e a|)ivs la gtd(''e.
jonc des étangs, des cours d'eau.
210 REVLF, DE PHILOLOGIE FRANÇAI&R
lo roseau carriau, carex dont les enfants font des sifilets
(avec les feuilles). Les feuilles larges et coupantes des deus
côtés rappèlent la forme d'une éppe (le carreau).
lo cuttio, iris des marais.
la lèchi, le carex leiche.
le lichiére, les prôs marocageus où poussent abondanuin'iil
lies lèches.
le bauclie, les blaches, employées par les chaisiers poui-
empailler les chaises.
la canella, le roseau des marais, étangs, bords des cours
d'eau, l'arondo phragmite.
de canelle, des cannelles. On en coupe l'extrémité pour en
faire des balayettes, espèces de phimeaus.
le niole. le nivoale, le nivole, les brouillaids.
niollu, qui eraint le brouillard, mal vêtu,
nivolu, nublo, nivolassu, temps nébuleus. couvert de
brouillards.
Les poissons du Rhône.
lo pâsson dou Rhôno, lo payssoii à hJclose.
la carpa, la carpe.
lo barbau, le barbeau.
lo gojon, le goujon.
la tinchi, la tanche.
la brama, la brème.
la bordella, la petite brème ou bordellièi-e.
la perchi, la perche.
l'âpron, l'âpron.
l'ableta, rablette.
lo vairon, le véron.
lo gardon, le gardon.
la leuci, le leusse.
la rossa, le rouget.
la drumili, dormilleou loche.
lo broche, le brochet.
la truita, la truite.
Tombro. l'ombre.
TEKMiis nr PATOIS DK JONs (isi^:iti;) ''Tl
lo chifro, l'esturgeon, ainsi nommé chiffre (zéro) parcj
qu'il a des trous ronds de chaque côté de la tête,
l'anguila, l'anguille,
lo chavasson, la elKManiic
la soifi. la suif,
la lôta. la lotit-.
Animaus divers.
la renali, la gi'i'UDuillc.
on renalî, un liomni!' (jui ain\e à boire abondamnieni.
lo crapot, le ciupaud, lo erapot bufl'e = souffle fort.
lo luézar, le lézard.
la lêzar, le lézard ; la larmusa r= lé/ard gris.
( )n dit à Krlosc :
Lué/.ar, bataillar.
Si te me mor.
Di dirai u cura.
(( Lézard batailleur, si tu me mords, je le dirai au curé. »
Neserait-ce pas une réminiscencedelaconjuralion du moyen
âge pratiquée par les curés?
una sarpént, un serpent.
nna vipérî, une vipère.
dez ecrevicho, des écre visses (ciî crustacé écrit avec ses
pattes).
lo chainbro. à l'iclose l'écrevisse; de chaml)ii), des écre-
visses.
lo râclio, la reinetti', gieiiouille veile des arbres. Loisqu'il
crie, il annonce la pluie, dit-on, à Jons et ailleurs. Lo râclio
thiére la plévi, la grenouille verte ap[)éle la pluie.
Le pivert est oiseau de pluie ou de variation de tempt-rature.
Quainl lo piocha bélc. lo tan va changi: quand le pivert crif,
1<' temps va changer. A Jons. on observe beaucoup le chant
du coq aj)rès le coucher des poules, après soleil couché; on
dit que c'est un signe de changement de tempé'ralure : vent.
pluie.
io renâr. le renard.
2l'2 REVUE DE FMIILOLOGIE FRAN(;aISE
Engins de pêche.
la liiii, la ligue.
la trubla, la trouble.
lo voi'\ Li, le verveus.
la gojoniéri, la goujonnièr-e (en osier).
lo tramalia ou fila, le tramail ou filet.
lo carra, le carré (pêche à l'acuta. à l'écoute).
lo fî, la chaîne à hameçons.
lo bocliar, l'hameçon.
lo lacet, le lacet.
la poche, le sac ou panier pour mettre le poisson.
l'amorta pêche, ce qui tient l'hameçon à la ligne.
lo plom, le plomb.
lo bouchon, le bouchon.
laperchi, la perche formant la ligne.
la tréna, la traîne.
lo bâchu, le réservoir à poisson dans un bateau.
Paniers.
on panî, un panier; lo long, lo rion, l'ovalo, les paniers
longs (rectangulaires ou carrés), les paniers ronds, les paniers
ovales.
la manetta, l'anse.
le manette, due manette, les anses, deus anses.
lo fond, le fond.
le clozin, l'osier passé entre les montants.
unacavanî, panier, plutôt corbeille ovale profonde.
una gavagnî, à Éclose, pour transporter des pommes de
terre, des betteraves. On les fait à Kclose avec do la clématite
et des montants de châtaigni(^r.
la beurrichi, la bourrich(\. panier de forme ovale à une
seule ouverture au milieu. C'est un panier à noisettes, à nois.
dans nos campagnes.
lo caban, lo caba, le cabas fait avec des tresses de paille.
on cruverclio, lo cruvert, les couvercles du panier. Lo
cruvisset, à Kclose.
TEK.MES r>V PATOIS DU JO.NS (ISKHE) 'i l'i
On ciuploie l'osiei-. la ('l(''m:ititi\ les côtos (bois retondul du
H<iis(Mi(M' poiii- ('onlVctiounei- les paniers. Le bois jeune du
oliàiaiguior stMt poui- faii-e les inoulnuts. les cereles ou ovales,
les aies, les ;ii\'0iis.
L'emballage.
Lo vaui de l'u/iiia de SaiiH-Foiis à Jon : Le vannier (|ui
ti'availU' pour les verreries, les fabriques de produits cliinii-
ques de Saint-Fons. AJons plusieurs familles confectionnent
des corbeilles en osier brut, appelées balles, pour Saint-Fons
et Lyon.
una bonlxnie. une l)t>ni)onnc.
l;i balla. laball.'.
la balla per lo niasson, la mal le pour le niac,'on.
unacrubilî, une corbeille; de ciubile. des corbeilles.
lo panî per lo boïon. le panier ])our le xenu. pour le sevrei-.
lo panî à vache, à chuvo. panier pour mettre au museau des
vaches, des chevaus. afin qu'ils ne mangent pas lorsqu'ils
lia vaillent près d'un fourrage vert.
la l)o(\la. la cage à poussins appelée aussi crénelle.
Lo/.' oiil don vani, les outils du vannier.
la goya. la serpette.
un sicateu. un sécateur.
una batla peicabachî lo clozin. nncbaltepour unir le (.losin.
una brocheta. un poiuc-on.
un peluc.'oir, un épluchoir.
im ccrclio. un cercle.
una couida. une cordi'.
una mesura, un mèiri'.
Le vannier est assis siu' im plafond. e'i->i-;'i-dii'i- un plancher,
lor'-ipril ira\aille.
Attelage de vaches, bœufs.
lo jou. /on. le joug,
lajuclia: la joucle, lanière de eiiii-.
la nuirili. la nmrille. coussini'i >^ur li' froiu de la Itèie île
trail.
lo collar, le collier.
Ui;vLi-: nii l'iuLoi.oi.u:, vu. 18
274 REVfE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
apleïer, apleye, atteler,
depleye, dételer.
abecye, atteler, à Eclose. Debecye, dételer,
la, una tetiéri, joug pour un breuf, une vache tirant seule,
virigoîî, aller en tournant à droite, à gauche.
jonî, jonye, jogne : mettre les bœufs, les vaches sous le joug
pour les lier.
La banne.
la bana, la corne de la vache, du bœuf
ebanar, écorner, se dit lorsque la corne se décoiffe près de
la tête.
La vachi se t'ébana, s'est écornée ; la vatzi se t'csbanadii
(Cantal).^
Cette corne ou trompe servait à publier les bans au village;
on annonçait les publications à son de trompe ou banne. De
ban on a fait banne.
La lessive.
la bouya, la buya : la buée, la lessive.
una gierla, une gerle ou cuvier.
lo peyr, le chaudron; on peyrol, chaudronnier. Peyrollerie,
Pérollier, Pérollerie, noms de rues.
una peyreta, un petit chaudron. Le chaudron en cuivre
rouge n'est plus d'usage.
l'ulla, la marmite.
una chaudiérî, une chaudière.
on jitou, vase emmanché pour mettre le lessif (lo lissu,
lèssu) sur le cuvier ou dans la chaudière.
trémpar lolinjo, tremper le linge.
assogye, ensogye à Éclose, essanger le linge.
la sella de bouya, la chaise, trépied, pour tenir le cuvier.
on battillon, le battillon pour le linge. Les vieilles ména-
gères n'aiment pas le battillon. On ne se sert pas du bat-
tillon à Kclose.
Vêtements d'homme.
lo chapiau, le chapeau. Lochapel, à Kclose.
la casquela, la casquetle.
l'ERMES Di; PATOIS DE ,IONS ( ISÈRE) 275
lo bomiot, le l)omiei.
lo boiinoi (jLie l)aii(l('. l'aiiciiMi lioiinot de laine Cjiii se tenait
droit sur la lële.
la cliunii/i. la ch^'iuisc. La chaniizi, à Kclose.
una euUola. une culoiu^; de culoiie, des culottes.
lo gilet, le gilet.
la vesta, la veste.
lo paleto, le paletot.
la blauda. la blouse; le blaude, les blouses.
on sola, un soulier; désola, des souliers.
una galochî, une galoche.
una chaussetii. una chusseta : une chaussette.
on bas, un bas; de bas, des bas.
la faca. la poche; la saca, à Kclose.
lo mochu de faca, le mouchoir de poche.
riiiiaiidcliéri. Tarondeliéri : la poche de dessous de la veste,
du gilet. Elle ressemble au nid d'hirondelles applique contre
un mur, une planche ou une poutre.
la crevata. la cravata : la cravate.
Vêtements de femme
on bonnet, un boniict.
lo chapiau, lo chapel, le chapeau; la capeta, la rrena. la
tresse du chapeau; la capella, le chapeau en paille haut,
lacoîiïi, la coifie.
la calcta, la calette, coill'e montée en dcnitelles.
una collereta, une cnllei'ette.
la chumizi. la chemise,
la brassiêià, la brassière ou taille,
lo cotillon, la jupe,
la robba. la robe.
lo devanli, le devanlicr, h' tablier,
lo bas, les bas. Lo sola. les souliers,
la camisola, la camisole,
on corset, un corset,
loz affût iau de le joune. Les allutiaus des jeunes,
les nippes, l('s bardes des vieilles.
270 REVUE nE PHILOLOGIE FRANÇAISE
lo mochu de cambrezina. Le mouchoir en cambrésine.
le iTiochu de co en thibe. Le mouchoir de cou en thibet.
lo bas blu en teila bluva, les bas bleus en toile bleue.
Le chanvre.
lo chenevo, le chanvre.
lo manou à Jons, lo maton à Kclose: le petit paquet du
contenu des deus mains.
la boêissi, boissi, la botte de trois à quatre manous.
bloyer : tiller, teiller le chanvre.
una daita, une doigtée de filasse. ()n dit doier à Jons pour
montrer du doigt : Ou m'a deia, il m'a montré du doigt.
unaglia, clia, plusieurs doigtées nouées ; una trena, tresse.
rubattar, passer le chanvre sous la pierre du pressoir.
pinar, peigner la filasse.
una colleni, une quenouille l'e qualité.
la ritta, la rite, la 2« filasse peignée.
l'etoppa, dez' étoppe, Tétoupo. des étoupes.
lo tor, le tour.
la bobili, la bobine.
le devuidou, le dévidoir.
Techaviau , l'écheveau .
lo chandillon, la chenevotte, la petite cliandelle.
neijir, blanchir le chanvre dans Teau, le faire rouir.
chenaviéri, lieu semé de chanvre.
Dérivés : Canevas, Chenevaz, Chénevier, Chenavas, Cliena-
vassier, Chenavier.
On dit improprement le mâle pour la plante qui porto la
graine et la femelle pour la plante mâle.
Vavq marié eh mode de clianvre. Se dit lorsque la femme
vaut mieus que l'homme, en acceptant le sens erroné du
genre.
On dit dans quelques localités lo chambro, le chambre,
pour chanvre.
nr PATOIS III" ,io.\>
La Chandeleur.
la Cliandclii/a. la (''liaiidoltHir.
Les anciens ohser\ai(mt. beaucoup la (euipêralurc de ce
jour.
nicton : Si le soleil lèv(^ beau et qu'il se tienne beau sans
nuage, sans r\vo obscurci de la jouriK'e. c'est signe de beau
temps, d'un printemps |)i"èeoee.
Si le soleil paraîi le matin, se cache sous les nuages et
fait seulemeni quebiues apparitions, l'ours sort de sa tanière,
fail deus ou trois sauts et rentre pour ne plus sortir pendant
quarante jours. C'est signe de la prolongation de l'hiver
rigoureus.
Ciiandeleur. chandelier.
Claire journée,
lùicore un hiver vous aurez.
En IS'KX le soieil a paru toute la, journée, beau icnips
assez dons.
.\ la Chandelusa. le^ jours croissent du repas d'une épousa
(•i heures I.
Le métier du canut.
lo meiî, le métier.
lo canut, le canut.
lo quatro montan, les quatre montants.
lez estase, les estases (poteau qui unit les montants, placé
au-dessus d'eus).
lo pontau. les ponteaus au-dessus des montants qui les
fixent au plancher.
lo metî à taco. le nu'îlier à chevilh», l'ancien.
lo metî à rcgulateu, le métier à régulateur.
on roulau de piéci, le rouleau pour la pièce.
on roulau de poil, un rouhïau pour lo poil.
lo roulau à l)oêt(a. U', roulcMii ;'i l)oît(\
lo rostin. la li-^icrc
lo pourta rostin, le porte-rosim.
lo riMuisse, les r(''misses.
lo lisscron. le lissoir.
lo pino. le peigne.
278 lîEVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
lo batian. le battant,
le marche, les marches. ,
lez estreviére, les étrivières.
lo carrate, les carrattes.
lo rabat, le rabat,
la clia de derri, la clef de derrière,
la clia de devan, la clef de devant,
la clia que tin le marche, la clef qui tient les marches,
lo rabô, le rabot.
lo panère, la basane pour essuyer.
la braisseta, la brosse,
lo bâton de poil, le bâton pour le poil,
la contra vergi, la contreverge; le verge, les verges.
lo tampià, le tampier qui tient la largeur de la pièce,
lo compasteur, le compasteur.
la navette qui contient la canette, les poinlizailes. lo lio
(la caneta), les annelets (loz agnelet),
la caissi, la caisse,
lo métré, le mètre,
lo roët, le rouet,
lo dobloi. le doubloir.
la pancana, lo roquet, le roquet ou bobine.
locaistin, la petite caisse,
lo savoyar; le sac plein de ferraille qui peut.
10 valet, le valet.
11 y a une chanson qui emploie tous ces termes. Le mol
canut est un terme d'injure. Les cultivateurs à bout de jurons
contre les bêtes de trait leur disent : S. grand canut; b. de
canut. On dit plus honorablemeni : veloutier, tisseur; c'est
ainsi que s'expriment les ouvriers en soie.
la canusaiî, le tissage de la soie.
Au tarif, canut! monte la colère du tisseur.
Le canut est pimpant quand le travail abonde ; mais gare
le chômage! Vivant au jour le jour, un chômage un peu long
amène la gêne et la noire misère. On peut dire que l'expérience
les a rendus plus prévoyants, partant plus économes, prenant
le chemin de la caisse d'épaigne dans la prospérité.
Canut et laboureur sont dans un autagonisnie moins
tranché qu'autrefois, cependant il persiste.
TKK.NtES ni' l\^TOIS DK .IONS (iSÈnK) 279
Le charron
la chai'cta. la chairette.
lo tombariau, le tombereau. Lo tombarel. à Eclose.
la cbarui. la charrue.
lo roulau. le rouleau.
charrette: lo brancar, le brancard; lo tor avoé le mule, le
tour et les mules; la ridella, le ridelle; lez echieletc,
échellettes; rétancillon, la mécanique; le rue, les roues, la
ruéri, l'ornière; l'eyssi, l'essieu; le tavelle, les billes; le
courde, les cordes ; lo rateli. le râtelier ; le chambrière, lo cham-
brillon,
charrue : la perchi, perche, flèche; le courne. les cornes;
la lamou, la lame de fer; l'oulî, l'uli, le régulateur; lo sue,
le soc; lo cutro, le coutre avec son coin; l'oreli, le versoir;
lo chavêtre, le chevêtre; le plaque de la lamou, lo cadeli, la
roue d'avant; cadelle, roue pleine ou poulie; la terdella,
anneau pour accrocher le doublier; lo chario, le chariot ou
avant-train.
lo monyou, le moyeu.
rherpi, la herse; herpeyer, herser.
On a des rouleaus en pierre, à Jons, pour battre le blé et
de plus petits pour écraser les mottes du sol qui est argileus-
marneus. Quelques-uns sont composés de deus cylindres en
pierre.
on berau. un tombereau à bras.
una bereta, une brouette, l'na baruéta, à Eclose.
L'église.
Tegliaizi. l'église.
la cliiéri à prcgî, la chaire à |)récher; pregi. prêcher; lo
pregn. le prêcheur.
lo l)an dou cura, le l)anc du curé.
lo ban dou chantre, le banc des chantres.
allumar lo ciro, allumer les cierges; lo ciro, le cierge en
cire.
lo chandelî, le chandeli<.»r.
l'amorton de ciro, rétcignoir.
280 lilAlE DI-: l'HILOLOf.lL; FRANÇAISE
la velyuza, la veilleuse.
lo chandelî de l'autel, les chandeliers de l'aulel.
la cruï, la crois,
l'ostensoi, Tostensoir.
lo calice, le calice,
la paleta, la patène,
la chazubla, la chasuble,
la cliocheta, la clochette,
la cliochî, la cloche,
lo benaîti, le bénitier,
la bâniéri, la bannière,
baly Taspèrclion, donner Taspersion.
baly la benedicchon, donner la bénédiction,
lamessa, la messe.
lo vépre, les vêpres; bon vépre, bonsoir,
sunâr à grand brando, sonner à grand branle,
sunâr lo tacassin, sonner le tocsin.
sunâr lo glas, sonner le glas.
sunâr la remembranchi, sonner la remembrance, c'est-à-
dire le souvenir, se dit mieus à Jons (|ne soinicr le glas.
una statue, in' estatue, une statue.
lo cura, le curé, Lo vikéro, le vicaire.
lo sumitiéro, le cimetière,
la fossa, la fosse.
la biéri, la bière. Lo cliancel, à hlclosc
lo mortuéro, le drap mortuaire
Les vents.
la serina, la matinée,
la matiniéri, le vent d'est.
lo matinotz, les gens qui habitent ou qui \ ieiincnt du coK'
du matin,
lo cuchant, le couchant,
la traversa, le vent d'ouest.
lo vén, le vent du midi,
lo miéjo, le midi,
la bizi, le vent du nord.
la vêprena, le soir.
TKliMKS lit l'A rois DF-: ,)()NS (lsi;i!E) '281
la lava, le scMTtier, la lave,
on violej, un polit ehoniin.
la chcvela, sevcla. ki laxc en Bresse.
L'écurie.
{"l'cuii, r('cui-ii'.
la ereipi. la (a'éclie.
lo ràlelî. le râtelier.
lo bachiol. \o bassin ou auge.
la bà(;Tiolla, la pciite auge pour r,i\oiM('.
eheval : la léta dou eliu\o. la tèic; lo nà, li' nez; le narille.
li's naseaus; le niaelioére. les mâchoires; Ifz oreille, les
oreilles; lo eo, le eou ; la t'rcnyc'ri. la. erinirrc ; lo paitra, le
poitrail; lo gari-ù. le garroi: le coule, les eûtes; la corpa. la
eroupe; la eoéssi. la euissc; lo \('nire. lo ventn»; la elianiba.
le ehanibe: la, les jambes; lo jaret, le jard ; lo sabù. lo sabot;
la coua, la queue.
loz arnaîs. les liarnais ; lo oollàr, \c collier; lasolela, la
selle; la valloyri. reculement, valloire; la douehiêri, la
dossière; la vèntriori, la \'(!nirière; lo l)ridai. la l)rido; le lico,
le licol ou lioou.
on loot. on l'uT'i : mi l'ouci.
Domestiques
l"^"'' lo cbarretî. le eliarrotier.
2"' lo charreton. le eharreton (pii labunii-.
3® locara. celui qni touche, (|ui picpie.
lo bovî, le bouvier ((ui lal)Oure a\'ec les l)(r>ul's et sénii*.
lo cara debou, letouclion, celui qui garde aussi les vaches
dans les champs.
lo vachi à la ferma, le \acher a la ferme. <-liai'gô de la
nourriture des vaches, iU: la litière et du fnnii( i\ de traire.
la scrvénta. la ser\'anle de la ferme (|ui aide ans tra\aus
du nK'naire. de la laiterie.
282 REVUE DE PIIILOI.Oi.lK FKANC'AISE
Le maréchal
loz outî clou mai'ischo. les outils du maréchal.
la forgi. la forge.
lo softlet, le soufllet.
la branloire.
la toviéri. la tuyère, qui entre dans le foyer; tovi. brûler,
chauffer.
lo bachiel. le bassin, auge.
la niollieta. l'étoffe mouillée.
lo martiau, les marteaus.
la traversa, marteau à frapper devant, avec la panne et la
bouche aus deus extrémités.
la chachi, la chasse plat en dessous.
lo ferratî, le ferratier, marteau à forger le l'er à cheval.
lo degoujoir, marteau à faire des gorges.
rencluma. l'enclume.
lo billo, le l)illon.
la bigourna, la bigorne.
cijo à enclume, le ciseau à enclume.
le tinaille, les tenailles.
la lopiniéri, la lopinière, tenaille qui tient le lopin de fer
à forger.
le triquoise, les turcoises, tenailles qui couinent.
la maillochi, la mailloche.
lo l)rochoir, le In-ochoir.
lo ronî-pî, le rogne-pied.
lo boutoir, le l)Outoir.
la râpa, la râpe.
l'estau, 1 etau.
chapotar, frapper avec le marteau.
la moula, la meule.
emraollar, passer un outil iranchani >-ur la meule pour
l'aiguiser, l'affiler.
laraanivella, la manivelle.
la sacochi à outi. la sacoche qui renferme les outils.
lo mucheïou, l'émouchoir.
la cal)Oclii. le clou à grosse tète, caboche.
■n:K>!Ks m patois di-; .ions (isèke) 288
le inoiaille, lo lor-nà, instruments pour mettre au nez du
cheval lorsqu'on le ferre.
lomoro, niouro: ne/.
on chièt, le tamis, le sas.
Tappa, la happe.
lo tarau. le taraud.
la bascula à perci lo l'er av'oè se mrche. la l)aseule à percer
le fer avec ses mèches.
lo cijiau, les ciseaus (on ci/d, à Iv-lose).
la clia. la clef.
la filii'ri axoè son lussinel, la Hlière avec son coussinet.
lo tourna-gauehi. lo tourne à gauche.
la \ issi, la vi^.
lo \alet. lo valet.
lo i)anc. 11' l)anc.
la paela. le tizoin ou fregon : la pelle, le fourgon.
tovî. chauiïer à blanc, calciner.
la lova, le tuf. Le Touveî, chef-lieu de canton, arrondis-
sement de Grenoble.
tuvar, à Jons, mettre de l'eau chaude dans un tonneau pour
rétuver. le cond)uger.
le Se3'tuve, les Seytives, nom d'un grand pré, à .Ions, où
l'eau s'imbibe. Il y existe ;iquelqu(;s mèti-es un plafond d'eau
comme un lac. Quehpies-uns appMeni ce prê le pr(' des
serves, lo uva de le serxc
NOTES SUR LK 1>AT()[S DE GRÉZIFX-LK-MARCHK
l'av Bruyère
(Cf. Hcriic (le /i/ii/(,l. Iran';., III. I;'8.)
Des noms.
Les noms masculins ont une lenniuMison (|uel(',onquc, et.
ils la cGnseiNont dans tous les cas. Le phuiel ik» la modifie
pas comme il lo t'ait poui- les substantifs fi-minins. Ces
derniers ont trois finales pour le siniiulier. La plus commune
est en a; puis \ iennent celles on i et en o. Les deus pre-
mières deviennent en au pluriel et Tautro ih.
Exemple : la palla, les pâlies; la hoiiitclii, les Ijouitclies;
la jorno, les joi-nés; na chamino, de chaminés.
Il est à remarquer que les noms féminins en o expriment
fi'iMiéi'alement une id('e de (|uantité. de contenance : palla,
pallo, pelle, pellée; assita, '■/.s-.svYo, assiette, assiettée.
Les mots fiaïK.'ais introduits depuis peu dans le pays
conservent la mémo terminaison pour les deus nomhn'S :
la cbarru, les cliarrus.
Au plui-iel les noms doivent pi-cndre .v. La preu\c. c'est
((u'on fait toujours la liaison lorsque dciis mots se suivent si
le i)reniier csi un pluriel cl ^i l'aulre commence i)ar une
\o\elle. Ainsi l'on dit : riiomu, lous liomos | lou-z-honios) :
l'abn». lous a,l)ros (lou-/,-al)ros|.
Article.
L'article a une forme spi'cialc p.jur le uia^culiu cl le
f('minin. soit au siniiulici'. s,iii fm pluriel:
,. V lo pour le singulier.
Ma>euhn
f lous pour le pluru'l.
\ la pour le s i nu u lier.
l''i'minin . , . , '• ,
/ les poui' le pluriel.
PATOIS 1)F. (.1;i';/H:i -I.K-MAIOIIK '^85
Adjectifs démonstratifs.
Çn, ectu, cel, ce, cet.
Cela eotte.
Celous ces, masculin.
Ct'les ces, tV'iuiiiiii.
Adjectifs possessifs.
Mon
mon ;
nui
ma ;
mos
mes.
Ton
ton
ta
ta
tos
les
Son
son
sa
sa
SOS
ses
Nouti'on
noire
no u Ira
notre
nos
nos
VoiUron
votre
Aoutra
votre
vos
vos
Lhou
leur
Uiou
leur
liions
leurs
Adjectifs indéfinis.
Parmi les adjeclil's indctinis, cens qui sont d'un usage
assez fréquent sont : mémo, to, (|uô(iue, lelo. i;arlin, nulo,
auquion el auquin' devant une vovelle.
Pronoms personnels.
Les pronoms personnels soin :
Pour la 1'*^ personne : je, me = je, me, moi, nous.
Pour la 2" — te, vos = tu, te, toi, vous.
Pour la a» — a, al', i, il, le, les, Uiela, Iheles, llii.
Ihelos, se, en,:thi, lhou, lo, la, lous,
les = il, ils, etc.
Reiitarqaex. — // au singulier si,' li-aduil par a d('\anl une
consunne et c//" de\anl une voyelle; au pltirii-i, par / d('\ani
une consonne et |)ar //' de\anl une voyelle.
Elle, elles ont qualie formes. On emploie le, les comme
sujets: le clianlc, les chantont; elle chante, elles chantent.
Mais lorsque ces pronoms sont compléments indirects d'un
verbe ou semblent éire cDuipléments du verb(.'être, ou encore
•286 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
l'oiii partie d'une phrase rcdondaiiie, ils (le\iennen1 Uielu,
llieles : o vé à lliela. c'est, à elle; lliela. le dr modo, elle, elle
doit partir; vé vé llieles, va chez elles.
Le a aussi plusieurs formes; tantôt on le traduit par /o;
vé lo demando, va le demander; tantôt par on : j'ou eraillo,
je le crois; je-z-ou sons, nous le sommes. ( )n le voit, /e ayant
le sens de cela est remplacé par on que l'on t'ait très souvent
précéder d'un ;;.
Xous sujet n'a pas de correspondant en patois; on le rem-
place par/e.
Pronoms démonstratifs.
Ces pronoms sont :
Oeli, celithi, cela, celètlii, thinthi, celons, celous-ithi,
celés, celes-ithi. Ci et Icà sont traduits par le même mot : thi.
Pronoms possessifs.
Pour ces pronoms on dit :
Sing. masc. Siiii:'. l'éiii. Plni . inasc. Friii. plur.
Lo mi no la mina lous mi nos les mines
Lo tchino la tchina lous tchinos les tchines
Lo sino la sina lous sinos les sines
Lo noutro la noutra lous noutros les neutres
Lo voutro la voutra lous voutros les voutres
Lo Ihou la Ihou lous liions les liions
Pronoms relatifs,
(^n dit au :
Siiig. masc. Sing. fcm. l'iur. masr. Foin. plur.
Loquino laquina • lousquinos lesquines
Duquion,duquino de huiuina dousquinos de lesquines
Auquion, ouquino a laquina a lous(|uinos a lequines
Ceus qui servent pour les deus genres et qu'on emploie
fréquemment sont qui. que et dont.
PATOIS OF. (;RK/.iKr-i.i;->r \R( iiK 287
Pronoms indéfinis.
Parmi les pi-onoius indéfinis, les plus employés sont :
0, ou on, chocun, autro, parsonna. quolhon, Ihon et l'aulro,
ren ou rien.
(!)n dit préférablement rifii lors(|ue ce mot est placé à la
fin d'une proposition, d'une pln-ase. La même remarque
peut se faire pour l)ien. qui se prononce aussi hen, suivant
le cas.
On se traduit par o ei par on, mais o a très souvent aussi
le sens de c' dans eest : o vé me que m'en cliarjo, r-'est moi
qui m'en charge.
Des verbes.
Dans la première conjugaison, la terminaison er de l'in-
finitif tranchais est remplacée par o : omo, aimer; duro, durer;
visito, visiter; chamino, cheminer.
Mais les verbes qui, dans cette conjugaison, se terminent
pav Hier, sser, cer, [jer, yev, remplacent et' par / : batailli,
batailler; léssi, laisser; commenci, commencer; migi, man-
ger; payi, payer; insayi, essayer.
Ceus de la deusième conjugaison se terminent en i et non
en //• : figni, finir; pugni, punir; chusi, choisir; ugni, unir.
(A^ant ans verbes des deus autres conjugaisons, on peut
les confondre en une seule dont la terminaison est en rc :
rendre, rendre; /'ec"'*!?, recevoir; co«r'/</r, concevoii'; codre,
courir; tôdre, tordre.
11 est à remarquer que la terminaison evoir est représentée
par vve : apercevoii-, aparrun:"; cl que celle en re reste la
même.
Les verbes se terminent donc à l'infiniiif de trois manières:
en o, en / et en re.
A la suite du travail (pii \ lent d'ètiv fait, il me semlde
qu'il convient de placer quelques modèles de conjugaison;
c'est pourquoi je me permès de conjuguer quelques verbes,
mais seulement aus temps simples, puisque avec eus on a les
temps composés.
^»b REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Verbe avoir.
liîd. piT's. Imparfait. P. défiiii. Futur. Gond. ])\ù^.
J'ai j'iiyiii i"i<*i^' j'ai"ii j'ai-in
T'o '''ly*^ '"" t'jiiv t'ai'io
Arou Ta al'ou Tayo al'dii Tu aroii lara al'oii l'aro
.rons j'ayoïis j'iiyun-^ j'arons j'arions
Vos a\i vos ayo \os ùles \os aii vos ario
W ou Tant il" ou l'ayant il* ou l'uvont il' ou Tarant il' ou l'ariant.
Suhj. présent ei iin]). Inlinitit prés.
Que j'aycssiu ayi et avè
Que t'ayessio
Qu'aTou que Tayesse Part. prés.
Que j'ayessious ayant
Que vos ayessio Part, passé.
(v)a'ilou que rayessiaut ayi.
L'impératif n'est pas. usité.
Verbe être .
Iiul. prés. Imp. P. défini. Futur. Coud. pré<.
Je su j'élcliin je fioii jo serai je serin
T'ésse l'étclio te lus te soré te serio
Al' ou l'é al' ou Tête a ou le fut a ou le sera a ou le sere
Je sous j'étchons je fuyons je serons je serions
Vos été vos éteho vos fûtes vos seri vos serio
I ou les sont il' ou l'élchanl i ou les fuyonl i ou les serant i ou les sériant
8nlij. jués. et in))!. Infinitif.
Que je sessin être, être
Que te sessio Part prés.
(,)u'a ou le sesse étant
Que je sessions Part, passé.
Que vos sessios éto, ayant été. L'impératif n'est pas usité.
Qu'i ou les sessiant
i'\ii)is HK (.i(i:/iiîi -i.i;-M \nriii.
■im
Verbe chanter.
Iiul. pré^.
Je clianlo
Te chante
A ou le chante
Je chantons
Vos chanio
1 nu les chanlonl
Iinp
l 'lisse (léfiiu. Futur simp.
je chantovin je chantchou j(? chantai'ai
te ehanlovio te chantchis te ehantaré
a ou le cliantove a ou le cliantchi a ou le cluintara
jechantovions je ehantcliillous je chantarons
vos chantovio vos «•hantehites vos chantari
i ou le chanlovianl i ou le chantctiillonl i ou les chanlaranl
Cond. prés.
Je chantari II
Te chantario
A ou le chaniare
Je chanta rions
Vos chantario
Subj. prés, et imp. Impératif. Infiuilif.
que je chantessin chanta chanto
que te chantessio chantons Part. prés,
quaouleehantesse clianlo chantant
que je chantessions Part- passé,
que vos chantessio ayi chanto,
louleschantariani <|ii'i chantessiaui
chanto
Verbe guérir.
Ind. pré
lui)).
l'a-
<léf.
Je gares.so jf garessin
Te gare te garèssio
A ou le garé a, le garèssc
Jegarèssons je garèssion
Vos garèssi vos garèssio
je garèssiou
te garèssi
a, le garèssi
je garèssi lions
vos garèssiles
Futur.
je garirai
te gariré
a, le garira
je garirons
vos gariré
I. les garessoni i, les garèssiant i, les garessillont i, les garirant
Coud. i)ros.
Je gaririii
Te garirio
A, le garirt'
Je gari rions
Vos garirio
I . les gari riant
lui p.
gari
Mibj prés, et imp. Infinitif prés
<|iK' jegaressessui
garèss(»ns que jo garèssessio
garèssi qu'a, le garèssesse
que je garessession.s
que vos garèssessio
qii'i, les qarèssessianl
gari
Part. prés.
garissani
Part, passé.
gari. ayant gari
ei>i )
RI-ATK DF. l'HILOLOOlK FHANTAISK
Verbe- concevoir.
Ind. pré^. hnp. Passé défini. Futur.
Je coiieevo
Te concevè
A, le concevè
Je concevons
Vos concevi
I, les concevoiit i, les concevianl i. les concevillonl i, les concevraiU
je concevin je conceviou je concevrai
te concevio te concevi te concevè
a, le concevè a, le concevi a, le concevra
je concevions je concevillons je concevrons
vos concevio vos concevites vos concevii
Coud. prés.
Je concevrin
Te concevrio
A, le concevre
Je concevrions
Vos concevrio
I, les concevriant
Imp.
Sulij. prés, et imp
luf. pn'->
concevc que je coneevessni coiiçure
concevons que te concevessio Part. prés,
concevi qu'a, le concevesse concevant
que je concevessions Part, passé
que vos concevessio conclu,
qu'i les coucevessiant avaiU conçu
Ind. pri's.
Je rende
Te ren
A, le ren
Je rendons
Vos rendji
Imp.
Verbe rendre.
Passé déf .
je rendjin
te rendjo
a, le rende
je rendjons
vos rendjo
je rendjou
te rendji
a, le rendji
je rendjillons
vos rendjites
Futur.
je rendrai
te rendre
a, le rendra
je rendrons
vos rend ri
i, les rendent I, lesrendjant i,les reridjillont I, les rendront
Cond. pi-és.
Je rend ri n
Te rendrio
A, le rendre
Je rendrions
Vos rendrio
I. les rendriant
imp.
•Subj. près, et in)p. Inf, prés.
rcii que je rendessin rendre
rendons quate rendessio p. prés,
rendji qu'a, le rendesse rendant
que je rendessions p. passé,
que vos rendessio rendu
qu'i, les rendessi;int ayant rendu
PATOIS DE GKKZIKL'-LK-MAUCHK 291
Remai-ques. — Quoique en patois il n'y ait que trois
terminaisons pour les verbes à rinfinitii'. il v a réellement
cependant quatre (îonjugaisons.
Les verbes terminés en i en patois et en or en fiançais se
conjuguent comme chantei-; les autres, comme guérii-.
Les verbes n'ont que tiens temps usités pour le subjonctif,
le présent et le passé. Les; règles de l'emploi des temps du
subjonctif se trouvent ainsi bien simplifiées.
Les verbes irréguliers vn fi-ançais le sont aussi en patois.
L'inlinitif et le participe passé se ressemblent toujours.
Le participe passé varie au féminin lorsqu'il est terminé
au masculin par une consoimr sifllante ou dentale : pri^s,
pi'Hsn. pris, prise.
PHONETIQUE RAISONNEE
DU FRANÇAIS MODERNE
(Suite)
Par L. Clkdat
'|'hi:mas
Le tréma s'emploie !oi'S(jiie deii.s voyelles consé-
cutives doivent se prononcer isolément : ïambe, naïf.
Moïse, Noël. Mais il n'est vraiment utile que lorsque
les deus vo^'elles réunies peuvent avoir une autre va-
leur, comme dans naïf ai Moïse. On l'a supprimé avec
toute raison dans ïode. poi'iiie. poète, aujourdluii écrits
iode, poème, poète.
Il faudrait supprimer le tréma partout où il n'est pas indis-
pensable, comme dans Noël, iainbe, iam/jigue, etc.
ACCENTS
Le véritable rôle des accents est d"iiKli(|uer les dif-
t'érentes valeurs phonéti([ues d'une nuhne lettre connue
dans hae/n'-]. aeJivJe. l'vJe.
Malheureusenicnl on s'en sert aussi pour dislinguer
un mot d'un auti'e, identique de fornu'. on et ofi.
la et h'i. a et à, comme si le conl(\\te ne sullisait ])as à
indiquer la signification du mot. M. Gréard fait remar-
quer (jue toute notation a été sup])iim('e en lalin dans
ruiii (|ui est à la fois conjonction et préposition : « les
enlants, conduits par la logique, ne s'y trompent pas. »
A tout le moins devrait-on supprimer l'accent dans çà,
deçà, delà, déjà.
IMIONKTIQI K UAISOXNKi: Dl" FRANÇAIS .MODKRNE ^OH
L'accent circonflexe peut encore correspondre n une
ancienne lettre, supjn'imée dans la prononciation: sûr,
anciennement sc/ir. tcfe, anciennement /'(?.s/'e, etc. Quand
la voyelle sur laquelle est ])lacé l'accent a pi'is un son
très ouverl. l'accenl se justifie par cela seul. Ailleurs
il est inutile, l'àchcus même. et. dans beaucoup de
mots, il n'a pas été maintenu : on écrit liardimenf
(anciennement hardiemetit, hardimetU) , poliment (an-
ciennement polieinent, poliment) , absolument (ancien-
nement absobicment, absolument), plu (anciennement
pleil, plu), chute (anciennement clieïite, clnlts), joute
(anciennement jo^.s/'t', joute), il se tait (anciennement
taist), etc. Il serait logique d'ëcrii-e aussi sans accent
dêvoument, aboiment, rjaiment (comme vraiment),
assidûment, il plait, etc.
Il n'}' a aucune raison notammeiil de maintenir Taccent
dans les formes du prélèrit, telles (\\\(^ novH chaiHàmes, vous
chantâtes, nous prunes, nous voulûmes, et ;'i l'imparfait du
subjonctif, (peu chantât.
Pou]' maintenir l'accent dans les formes qu'il voulût,
f/u'il p/'it. qu'il Ji/iit. on a pu alléguer une confusion
possible avec les prétérits de l'indicatif // voulut, il
prit, il finit ; mais cette confusion ne se produit pas
dans la prononciation, où il n'y a aucune distinction
entre les deus temps. D'autre part, si l'on tient à l'ac-
cent de (pi' il finit à Cause de l'ancienne forme qu'il
fînist. il faudrait écrire de même l'indicatif présent
(dans fous les verbes inchoatifs), qui se terminait «''ga-
iement en isi ; d lifiisi. cl aussi le pi'ét(''ril {\o prendre,
dire, mettre, etc.." // prît, d dit, d mit. etc.. jadis
« il j)rist. il mist, il di>t )>.
(J'cst pour éviter une confusion in\ rais('nil»lal)le avec
l'article ''/// (|u'<»n é-ciil dû le participe passé masculin
singulier dn Ncrbe devoir, à c("»l('> du f(Mninin due. sans
accent, du |)lui'iel dus., due!i et de indu . indue.
294 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Je crois, je crûs, il crût, du verbe croître, n'ont perdu
aucune lettre ; l'accent a été ajouté pour différencier
sans nécessité ces diverses formes des personnes cor-
respondantes du verbe croire. Le participe passé des
deus verbes croître et croire était jadis identiquement
créa, puis cru : celui de croire aurait le même droit à
l'accent que celui de croître.
Dans les verbes qui ont un é très ouvert au singulier
de l'indicatif présent, cet ê devient é fermé devant cer-
taines voyelles toniques de la terminaison : ainsi on
prononce rêver (anciennement resver, comme épée,
anciennement espéë), mais on écrit rêver comme dans
(( il rêv^e ». De même, on écrit têtu à cause de tête, bien
qu'on prononce têtu.
Il serait tout aussi naturel d'écrire téin malgré tète, que
d'écrire mélangé malgré il mêle, conique malgré cône, coteau
malgré côte, extrémité malgré extrême, gracieux malgré
grâce, polaire malgré ^jo/e, etc.
Il serait urgent de compléter la réforme (pie l'Aca-
démie a commencée lorsqu'elle a substitué l'accent
grave à l'accent aigu, conformément à la prononciation ,
dans les mots siège, collège, etc. Il faudrait écrire évé-
nement avec un accent grave sur le second e comme
dans avènement, réglementer comxn^ règlement, dessè-
chement, comme l'adverbe sèchement, etc. On devrait
écrire aussi papeterie.
Pour la même raison on écrirait par è avec accent
grave, au futur et au conditionnel, les verbes qui oui
déjà cet è au singulier de l'indicatif présent : céder par
é fermé, mais céderai commeye cède par è ouvert.
APOSTROPHH
L'apostrophe remplace cei'taines voyelles élidées à la
fin des mots. C'est un / dans sd. un a dans Vépée: mais
en général la voyelle remplacée par l'aposti'ojjlie est lui
i'ii()Ni;i'iioL 1-; kais()nm;k m ik\.\( \i> modi^rni-, ^O-")
(\ parce que les autres s'élidout dans uu très petit
nombre de mots. L'usage n'est pas d'ailleurs de sup-
l)riiner ainsi tous les c élidés. Cette suppression est
limitée à l'article et au pronom /t^ au |)ronom démons-
traiit ce. ans pron;)ms persomiels Je, me, te. se, au
pronom relatif et à la conjonclion (/ue. à la i)r(''j)Ositi()n
(h', a r;i(l\(M'l)e //c.
Par une bizarrerie ([u'il laudi'ail faire disparaître, Ve
de (/i(oif/if(>. /)iiisif/i<'. /o/-s/f!fe (bi(Mi (jue ces mots se
termincnl par la conjonction 7«(') ne s'(Hide da/is /'ée/'i-
tiii-e (pie devant certains mots (il. elle, on, un).
Pour les mots dans lesquels on a<liiiel raposlrophc, il fau-
drait autoriser ce signe dans la graphie toutes les fois qu'il y
a èlision dans la prononciation.
La préposition cl' est unie sans apostrophe ans mots
qu'elle précède dans doréncwant, mais non dans d'o/'es
et dyà, dans drwa/itar/e. mais non dans d'avance.
Il serait logi([ue d'écrire; (M1 un seul mot daoance, dabord,
dores {et déjà), etc.
L'eélidi' dey)/'c.S(7/<t', (luelque, entre n'est' remplacé
par une apostrophe qub dans les mots composés :
presqu'île, (juehjK'itn, entracte, sentr'aider. etc. Il
serait bien ])lus simpl(,' d'écrire en un -^eul mot : pres-
quîle, quelcun (comme chacun au lieu de chaqu'un),
entracte, s entraider (eommtî sentrecoir ).
On a évidemment maintenu quelquiin à cause du pluriel
(juplques-iitifi. Mais la raison n'est pas suffisante pour justi-
fier une difl'értMice de graphie entre des mots aussi proches
parents que r/«c// /il (nli(jnoniiinum). cjiacan. queUju'un.
L'apostrophe est cens(''e remplacer non un c (didcv
mais lin <■ syncopé, dans fjrand' mère . à (/ratid'-
jjcine, etc. ^hiis cette oi'thoiri aplie i'e|)()S(! sur une
erreur : car on n'a jamais dit (jrande mcre, à (fraude
jii'inc, l'ic. H n'y a donc p.i^ eu d'r snpprinn'' ipTil faille
296 RFATK DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
remplacer par une apostrophe'. On continue à dire
fjrand mère, à grand peine, comme du temps où
l'adjectif « grand » ne prenait pas d'<? au féminin (grand
était à la fois masculin et féminin, comme grandis en
latin^ et nous avions toute une catégorie d'adjectifs qui
suivaient cette règle).
Il faudrait écrire « grand mère, grand route, grand peur,
pas grand chose, etc. », en faisant remarquer que l'adjectif
grand a conservé son ancienne forme de féminin (sans e
muet) dans ces locutions très employées.
TRAITS D l;^TO^■
7\/o^s fO/>J/>ie/<f(r//i?pr^/' ?//< yj/'é^,/:'é? .• « contre-coup,
sous-louer, etc. »
Le trait d'union n'est bien souvent (pTun trait de
désunion.
Il est naturel que l'écriture unisse étroitement le pré-
fixe au reste du mot. On écrit surprendre et non pas
sur-prendre, soucoupe Qi non sous-coupe, entrevoir et
non entre-voir, contrefaçon et non contre-façon. Pour-
quoi dès lors couper en deus par un trait les mots tels
que : entre-deus (comparez entremets), contre-coup
(comparez contrefaçon), contre-baJancer (comparez
rontremander, etc. ?
On devrait écrire en un seul mot ."iouLoupr (comme soute-
nir), soupied (comme fioucoupe), sousentendre, soasordre,
arrièreban, qunsidélit, nonsens (connue contresens), malap-
pris (comme maladroit), bienaimé (comme bienheureus),
sangène, plucalue (sans s comme dans plutôt) et on général
tous les mots connnençaut par un préfixe (préposition ou
1. Il n'y a pas non plus de lettre tombée dan-< />r»'/'Ao/;(«K'.
qui devrait %'écvue prudhonunc.
IMKiNKTPjlE RAIS^O.NNKK DU FRANÇAIS MODEUNli 21)7
adverbe'), particulièrement lorsque d'autres mots commen-
(,-ant par le même i)rétixe s'écrivent sans trait d'union.
Voyez page 295 poui' les mots de ce genrt' qu'on écrit avec une
apostrophe.
Mois coniDiciirniK pur k/i ccrbe nous fa /orme dp
/'indicatif prés('/i[ : n porte-monnaie. l)Oiite-on-
train, etc. »
Un grand nombre de noms franrais sont composés
d'ini verl)e sous la forme de l'indicatif pré.seni, suivi
dïm i('\uimc direci : poi'tefaix, portefeuille, toiirnei'ix,
passeport. Mais l)cauconp de ces mots sont séparés
arbitrairement en deus par un trait. Il n'y a pourtant
aucune raison de ne pas écrire portenw/i/iaie, ga/'de-
inatifp'r. tirehoiu-hon conune portentaïUenu . tourne-
broche, etc.
Tous les mots ainsi formés devraient s'écrire sans trait :
gagnepain, coiœrechef. coupegorge, ahajour (en supprimant
le t comme dans vaurien pour vaut rien et fainéant), appui-
main et essuimain <en supprimant l'e connue déjà dans appui-
main- et dans licou=^lie-cou}. Connue le fait remarquer
M. Gréard, la conséquence de cette réforme serait de laisser
tomber l'.s du pluriel dans les mots tels que rouvre-pieds,
gahe-rnouchcK. povte-cigaveH, etc. qui s'écriraient au ^'\y\~
g:u\\er courrepied, portecigare, gobemouche, connue on écjil
1. Il n'est pas diflicile de distinguer les prépositions ou adverlx's
sr/tarables des simples préfixes. Trrs est un adverbe ordinaire
devant les adjectifs et les autres adverbes, parce qu'il peut se
placer devant l'un quelconque de ces mots; il est préli.xe dang
trépasser, ircssaitlir parce qu'il ne peut pas se préposer ainsi à
tous les verbes. Bien, employé avec la pleine valeur de ses di-
verses significations est adveibedaiis biviibcau, bien construit, aie;
avec sa valeur alîail)lie il est prélixe dans bicnlieureus, bicnainic.
La distinction entre un bicn/iciircus et il est bim ficureus est
tout à fait justifiée.
2. On interprète à tort appui /nain par u appui pour la main ".
Le mot signilie ijroprement : « ce sur quoi on appuie la main. -
298 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
déjà portefeuille quoiqu'il y ait plus d'une feuille dans un
portefeuille. C'est d'ailleurs la tendance de l'Académie, même
avec les mots réunis par le trait; elle écrit un tire-botte, un
cure-dent.
Le mot peut être compose d'un verbe (sous la forme
de l'indicatif présent) suivi d'un complément indirect,
d'un adverbe ott d'une locution adverbiale : boute-en-
train, meurt-de-faim, va-nu-pied, gagne-petit'. Mais
dans vaurien qui otïre un cas tout semblable les deus
mots [vaut rien) sont soudés.
Ici encore il faudrait toujours souder les différentes parties
du mot. Boutentrain ne serait pas plus extraordinaire que
justaucorps et trottemenu, meurdefaim, vanupied, gagne-
petit, seraient d'accord avec vaurien.
Mots composés d'un nom et d'un adjectif : « eau-
forte, nu-tête, etc.
Lorsqu'un mot. composé est formé d'un nom et d'un
adjectif, tantôt on soude les deus mots composants,
tantôt on les unit par un trait, tantôt on les juxtapose
simplement : /^/r^/b/zt/ (=plat fond), bonhomme, gen-
tilhomme — grand-père, grand-livre, beau-fils, demi-
heure, nu-téte, eau-forle — libre pe/iseur, gi'and
homme, bon vivant, beau parleur, eau blanche. Le
Dictionnaire de l'Académie a libre échange et libre-
écliange, blanc seing et blanc-seing.
Si l'on écni grand-père avec un ti^iit d'union, c'est
pour distinguer extérieurement cotte locution du subs-
tantif/)è/'e précédé de l'adjectif grand dans son sens
ordinaire. Mais, en r('>alit<v. « grand » joint à père ou
à oncle, et précédant le substantif, a toujours la
même valeur. Ce n'est (pie par ])laisanterie qiron peut
appeler 7/v///'(^/y)(V'e un père de haute taille. La confusion
1. Petit est ici l'adjectif employé adverbialement, comme dans
l'ancienne langue, avec le sens de peu.
PHONÉTigtE RAISOXNKE Dl FRANÇAIS MODERNE 299
n'est donc pas possible, pas plus que \)Ouv petit Jîlsl
beau fî/s et autres semblables : elle serait plus facile avec
(( fiftind tiriv ». mais le contexte éclaire le sens. Quant
à demi-heure, ttu-téte et autres composés de demi ou
de nu, le trait d'union dansées mots est la conséciuence
d'une règle de grammaire fort contestable d'après
laquelle demi et nu doivent rester invariables lors-
qu'ils précèdent le nom.
Les locutions comj)osées d'un nom et d'un adjectif et
où l'adjectif prent ime valeur spérinle. sont on nombre
considérable dans la langue française et ce .serait une
grande complication (pie d'introduire dans toutes le
trait d'union '. Il \;iii(lr;iil miens décider ([u'on uo
mettra jamais le trait enti"(^ l'adjectif et le substantif
auquel il se rapporte, en supi)rimant les quelques
exceptions ci-dessus indicjuëes. On maintiendrait natu-
rellement cens qui sont déjà soudés : saucef)air/e
devrait même entraîner saud'co/iduit.
Il faudrait logiquement étendre cette réi'oruie aus piononis
suivis d'un adjectif : lui nirmo, pus mêmes, etc., et non lui-
même.
Deus mots l'éunis pu,/' une préposition: (( eau-di^-vie,
belle-de-nuit, etc. »»
Un mot composé peut être constitui' [)ar un substantif
et un adjectif dont le sens est modilié ou pr(''cis(' par un
complément. Les différentes j)arties en sont tantôt sou-
dées {Justaucorps, piédestal), tantôt i-eliées par des
traits, tantôt simplement juxtaposées : <'hef-d'(i'UDre.
arc-en-eiel , hel,le-de-m.iit, rhar-à-hancs, fp'i^-de-fer,
eau-de-vie; — sa/le à manger, arc de iriomphe.
1. On nV'ii met pas dans les locutions verbales telles que:
prendre pied, Hrcr parti , etc., où le V('rt)e reçoit aussi une valeur
tfjute spéciale,
300 REvrr-: df. piulologii; française
pomme de terre, sergent de cille, cheDiiu de fer. bien
de ciel, eau de rose \fil,à plomb, etc., etc.
Le plus grand nombre des locutions de ce genre n'a pas de
traits d'union. Il faudrait uniformiser en les supprimant
partout. Voyez toutefois page 803.
Mots composés de deus substantifs ou. de dcus
adjectifs sans préposition ni conjonction intet^mé-
diaires : « timbre-poste, sourd-muet, etc. »
Un mot composé peut être constitué par deus subs-
tantifs sans préposition intermédiaire. Dans Hôtel-Dieu,
Fête-Dieu, on dit communément que le trait corres-
pont à l'ellipse de la préposition. Dieu était ici une sorte
de génitif de l'ancienne langue, et on ne voit pas pour-
quoi nous n'écririons pas, comme nos ancêtres, sans
trait d'union, V Hôtel Dieu, la Fête Dieu. Dans timbre-
poste, mandat-poste, le mot poste fait Fofîice d'un
véritable adjectif, comme le mot perle dans « gris
perle ».
Lorsque les deus noms qui forment le mot composé
sont enapposition.onmet généralementletrait d'union:
canapé-lit, wagon-scdon. poclier fumiste, etc.
On pourrait, à la rigueur, maintenir le trait d'union dans
ces mots, en formulaiU la règle : « Lorsqu'un mot composé
est constitué par deus substantifs sans préposition intermé-
diaire, on les réunit par un trait. » Mais il y aurait encore
des doutes possibles : dans (( maître tailleur », « enfant
modèle » et telle autre expression analogue, faudrait-il voir
un mot composé ou une locution formée de deus mots dis-
tincts ? Le plus sage est encore ici de supprimer le trait. Il
n'y a vraiment aucun inconvénient à écrire : « un mandai
poste, un wagon lit, etc. », comme dè\k pierre ponre.
1. Assurément, la préposition de n'a pas la même valeur dans
eau de vie et dans eau de r-ose, mais ce n'est pas le trait d'union
qui peut marquer cette différence. Pourquoi ne pas écrire aussi
venl-de-mort pour établir une distinction avec vent d'automne ?
lMl(iNi:ih,>i !■: |{ \i-^nNNi;i. hi in\N( \i^ \hiiii;i<M: ."{Ol.
L()rsc|iu' deus adjectifs sont unis sans préposition
nilcrmédiaire, deus hypothèses se présentent: tantôt
les deus adjectifs s'appliquent à titre égal au nom et
pourraient être séparés par la conjonction e/î ; tantôt
l'un des adjectifs modihe lautre. Ainsi un enfant
><oiird'nuiet est sourd et muet, il n'est j)as sourdemeni
muet, l'n dictionnaire //v7//r(7/.s'-/''/^//^ es! ;i la fois finan-
çais et latin. Tandis (juun manteau (jfi^-hlcn n'est pas
uris et l)leu : il est d'un gris de teinte l)leu(' ; ini homme
irre-tDori n'est |)as i\ le et mort, mais ivre au point
d'ètiv comme mort : <i un (Md'ant noiircaii-iiê o ne
signiiic pas un enfant nou\<'au (M né, mais un enfant
nouvelleniciii lU'. Il y a donc une ditïérence essentielle
de formation entre noi/n'aiz-né ci nioi'[-nc : cç dernier
ne signilie pas « mortement n('' ». mais en mèmetem|)s
né et mort .
a) Dans le premier cas. lorscpie les deus adjectifs
s'appliquent a titre égal an nom (exiirim('' ou sous-
entendu), on met presque toujoui\s le trait d'union :
dictionnaire français-fjrcc. aveuf/le-nr, mort-né, aiçjrc-
dous, douce-amère V II y a d'ailleurs peu de locutions
de ce genre.
h) Dans le .second cas, lorsque l'un des adjectifs
modifie l'autre, l'Académie hésite. Elle ne met pas de
trait dans iûre mort ; elle écrit nonvemi-né, mais
nouveau venu , nouveau marié. Cette dernière dilîéi'ence
s'appuie sur une raison spécieuse: on dit «nouvelle
mariée », tandis (pi'on ne dit j)as a nouvelle née ». On-
en conclut (pie nouveau est plus inlimeiiK.'nt lié à né.
qu'à marié. Mais la V(''rit('', c'esl qndn a riiaMiiide de
i\<iV\\\)\oyi'V nouveau néi[w'w.\\ masculin : on ne dit j)as
« une nouvelle née o, mais on ne dii pas (lavanlag(^
1. A plus forte raison, lorsque le pivuiier adjectif iv(;oit uii'^
forme spi'-eialeel savante: arirfln-nof/naiicl, f'raitrn-r ri >.•<('.
3(»2 RKVUK DK IM1ILOLOGII-: FkAN( AISK
« une nouveau née » \ L'adjectif nouveau a exactement
la même valeur adver})ialc dans nouveau-né que dans
nouveau marié, et nouveau né (= nouvellement né) est
exactement formé eomnie fraii^ éc/os {r= fraîchement
Quand, dans ces locutions, l'un des mots est un
participe près duquel l'autre joue le rôle d'adverbe,
l'adjectif-ad verbe s'accorde en général aussi bien que
le participe : des fleurs fraîches écloses, des portes
grandes ouvertes. Toutefois, on dit « une femme court
vêtue )). Dans ce cas et dans les cas semblables, l'ad-
jectif-adverbeestun véritable préfixe et il serait naturel
d'écrire en un seul mot : courtvétu, clairsemé.
On écrit vert-pomme, rour/e-cerise avec traits d'union
sans doute parce que pomme et cerise sont des subs-
tantifs devant lesquels il y a ellipse de la préposition
de. Mais, en réalité, ces substantifs jouent ici le rôle
d'adjectifs, et d'ailleurs l'un d'eus^ cerise, est devenu
tout à fait, en dehors même de la locution rouge-cerise,
un adjectif de couleur Ml n'y a donc pas lieu de traiter
rouge-cerise, vert-pomme, autrement que rouge brun
et autres locutions semblables.
11 semble naturel, au premier abord, de supprimer le trait
d'union entre deus adjectifs ou mots assimilés, toutes les fois
([ue l'un des adjectifs modifie le sens de l'autre, et de main-
tenir le trait lorsque les deus adjectifs s'appliquent à litre
égal au nom. Mais cette distinction n'est pas toujours aussi
simple qu'elle le paraît. Nous faisions remarquer la différence
de formation entre mort-né et nouveau-né, d'après laquelle
mort-7ié rentrerai tdans la seconde catégorie d'adjectifs com-
l^osés [mort et né à la fois) ; mais on pourrait interpréter la
locution autrement et considérer que le second adjectif, sinon
1. De xw^mQ premier né ne s'emploie pas au féminin, car on ne
dit ni première-née, ni une premier-née.
2. C'est ainsi quele substantif /'osr est on mOme temps adjectif.
i'iinNi:rii.ii !•: i; \is()\m;i-; m ikan( vis Mni»Ki{.\i: MC
le premier, équivaut à une locution adverbiale : mort-né ==
mort f/(? naissance (de mêmt^ aveugle- né, préside ni- né).
Inversement irre-niort pourrait être interprété coninio <( à
la fois ivre et mort )), ce dernier adjeclil" employé par exaj^c'-
ration. On peut hésiter, pour l'interprétation de aigre-dons
entre (( aigrement dous » et (( aigre et dons ». La rôgle indi-
((uéc ci-dessus ne serait donc pa.>< suffisamment claire, et
niicus vaut encore supprimer partout le trait d'union entre
deus adjectifs comme entre deus substantifs. Vn simple
trait est un signe tout à fait insuffisant pour marquer de pa-
reilles nuances. On n'essaye pas de dillerencier par la graphie
les diverses acceptions d'un même mot ; il est tout aussi vain
de cliercher à noter la double ou triple valeur de la juxtapo-
sition de deus adjectifs. Concluons qu'il faudrait ('crire sans
traitaussi bien « un vent aigre dons, un sourd muet, un enfant
mort né », que « un manteau gris h|(Mi. un homme i\-rc
mort, etc. )>
Il en est tout autrement lors(|ue le premier adjectif n'existe
pas en dehors du mot composé, ou y prent une terminaison
spéciale: Gallo-Romains, Franco- Russe. Anglo-Xornumd.
A nstro-Hongrois. etc.
Mo/ns composés avec ellipse de ridée substantire :
« un tète-à-tète, un l)as l)leti. etc. »
Un nom composé peut commencer par un impératif
ou par un substantif ou un adjectif n'exprimant [)as
l'idée priiicii)ale : mi laisse^-passer. un rendez-vous,
un pot au Jeu (ce n'est pas le pot, mais une espèce
déterminée d'aliment qu'on y fait cuire), un féle-à-téfe,
un bas-bleu, \\\\ pied-à-tei're, un cocj-ù-l'àne, un terre-
plein, une reiiic-claude, un ttaut-le-corps, un ckevaii-
/c//c/', etc. Ces locutions, forteinen tel II pi ii pics, s'écrivent
loujotii's avec des tiaits d'iuiion entre les mots com-
posants, telles sont desiiné(;s à se soudei' C()mi)lètenient
plus tard.
Il n'y a pas de confusion possiMe entre ce> locutions
et c(.'Iles dont nous avons parle page ,V'.»'.». In chef-
dn'iirre est un c/ief nw sens ;uieien <lu not. un '//•'■
;Î<M RKVl'F, DF PIIII.OLOOIF. FRANl AISK
én-ciel est un arc ; maïs un coq-à-Vàne n>st pas un
coq, un tête-à-téte n'est pas une tète.
TV'a/Y d'union avec ci e/ la. On met le trait d'union
devant ci et là dans les démonstratifs celui-ci, celle-là,
cet homme-ci. etc.. mais non dans ceci, cela (= oe-ci,
ce-là).
On écrit par-ci, par-là. mais deçà, delà.
C/,lorsqu' il précède un autre mot. en est aussi sépar<'
par un trait : ci-après, ci-contre, ci-gît.
La différence entre ceci et celui-ci s'explique par les
variations de forme du pronom celui {c<?\m, celle, ceus).
Il ne serait pourtant pas plus extraordinaire d'écrire
celuici. celleci, en faisant varier la partie variable du
mot, que d'écrire rjentilhomme et gentilshommes.
Le trait d'union pourrait du moins être supprimé sans
inconvénient. On écrirait ce/t«' ci, cet homme ci, etc. Lorsque
ci précède un autre mot, c'est un véritable préfixe.
Trait d'union devant les pronoms personnels. — On
met le trait d'union devant les pronoms personnels,
devant les adverbes ou pronoms en et y et devant les
pronoms ce et on, quand, au lien de précéder le verbe,
ils le suivent immédiatement, ou n'en sont séparés que
par le t dit euphonique ; Donne-moi. — Cherche-le. —
Voulez-vous i — Vient-il i* — Arrive-t-il ^ — Qui était-
ce ? — Venez-y. — Parlez-en.
Ici encore, il n'y aurait aucun inconvénient à supprimer le
trait d'union, au moins quand il n'y a pas de t euphonique.
Trait d'union dans les locutions prépositives ou.
adverbiales. — On écrit en un seul mot auprès ( = au-
près), autour, alentour, deçà, delà (par) ; avec trait
d'union: au-dessus, au-dessous , par-dessous , par-là,
par-ci, ici-bas, là-haut, Jusque-là, c'est-à-dire, vis-
à-vis; et sans trait : au dedans, par devant, au dehors,
deçà, delà, c'est à savoir, face à face, tout à coup,
tout à fait .
i'iii)M;riQi r. uaison.nkk m iuaN( ais moueknk ôiJo
Il est évideni que la suppression du Irait d'union s'impose
dans CCS locutions. Mais on devrait écrire cis-à-cis en un
seul mot, visavis, parce que le substantif composant Uns =
risaç/e\ n'existe plus isolément. D'ailleurs, plusieurs autres
locutions de\raient être soudées, car par est un véritable
préfixe dans par deni^oux. par devant, etc., et andessus serait
aussi naturel qu'auprèx.
Trait d' union dans les noms de nondn'e. La con-
jonction et (Mitre deusiioms de nombres s'e^t maintenue
jus(in'à quatre-vingts devant la voyelle initiale de un
et de onze: trente et un. cinfjt et un, soissante et onze,
etc., (ju'on écrit sans trait d'tmion.
Le trait rrunion est saiLs doute destiné à remplacer
la conjonction dans trenie-deus, quaranie-quatre, etc.
On met aussi un trait d'union a[)rès quatre-vingt dans
quaire-cinijl'Un, etc. Cependant on n'en met i)as dans
cent un, eeni deus, etc., qui sont bien aussi pour cent
et un, cent et deus.
Quand le pi^emier nombre multi])lie le second, on
met un trait d'union dans qurdre-ringts et on n'en met
pas dans quatre cents.
Toutes ces contradictions de\ raient disparaître par la sup-
l»ression générale du trait d'union dans lesiioms dénombre.
En résumé nous considérons que le trait d'union.
d'invention relativement récente, est une complication
d'écriture quioiïre, dans le plus grand nt)mbre(les cas.
plus d'inconvénients (pic d'avantages.
(.)n a présenté la réunion des mots composaids |)ar
un li'ait comme un état internifidiaire entre la juxtapo-
sition simpleet la soudure. Mais c(;tte li-ansitiou n'est
pas utile : nos ancêtres n'en ont pa> eu be>oin poiu'
passif- {{{• plrd fb/id i\. plafond .
Kkvll ui. l'iiii.'Ji.uuii:, \ii.
COMPT-E RENDU
E. LiNTiLHAC. Précis //islo/-l(jiif' et critique de la Lillè-
rature française, depuis les orif/ines /us(/uà nos jours.
Tome II. — André, 1891'.
La publication du second volume du précis de M. Lin-
lilhae, — qui embrasse les trois derniers siècles de notre his-
toire littéraire, — sera bien accueillie de tous les étudiants
en littérature française, ausquels ce livre est destiné. Le
livre de M. L. ne vise pas à êti-e autre chose qu'un précis ou
même qu'un (( livre de référence ». Mais tous les travailleurs
savent à quel point nous manquons. — sur les périodes les
plus «connues» de notre histoire littéraire, — de pareils
livres. Nous n'avons même pas, pour la partie moderne
de cette histoire, de bibliographie générale et sommaire, com-
parable à celle de M. G. Monod pour l'histoire de France.
Les seules tentatives de ce genre ont été faites en Allemagne,
notamment par G. Kôrting, dans son Encyclopédie des
langues romanes, et elles sont notoirement insuffisantes.
Nous ne possédons aucun dictionnaire historique un peu do-
cumenté pour la même période. Nulle étude spéciale et cri-
tique des sources n'a encore été entreprise : ni La Croix du
Maine, ni du Verdier, ni Goujet ou Nicéron, ni tant d'autres,
n'ont donné lieu à des travaus spéciaus, — qui seraient
cependant de première nécessité. En un mot, nous ne pos-
sédons pas de répertoire de nos instruments de travail, ni
d'inventaire de la qualité de ces instruments. De là, parmi
tant d'études consacrées à la littérature française moderne,
tant de tentatives avortées, tant de travaus incomplets et
mal informés, tant de recommencements surtout et tant de
lacunes. De là aussi la difficulté de rédiger un précis sérieus
de cette histoire, — faute de quelques livres indispensables.
Il faut savoir un gré tout particulier à M. L. d'avoir tenté
l'entreprise. A vrai dire, des deus ouvrages qui nous
1. Il vient do paraître aussi une dousiènie édition, revue, du
lonie I .
( OMPTl-. HKNDU 307
manqueni piincipalemoiit, — uno histoire générale et philo-
sophique de notre littérature, — un recueil de textes et d'in-
formations, à la faron de Teuffel. — M. L. ne nous a donné
ni l'un ni l'autre. Msclave d'un programme, — et quel pro-
gramme ! celui de la classe de rhétorique, — M. L. s'est vu
contraint d'adoptei- des divisions, dont le moindre défaut est
assurément d'être surannées : c'est ainsi que Saint-Simon,
qui, comme on sait, conimen(,'a de rédiger ses Mémoires
vers 1740, tigurts de p^ir le programme, au XVII<^ siècle,
alors qut> Regnard. qui mourut en 1709, figure, cent pages
plus loin, au chapitre des auteurs comiques du XVIII". C'est
sans doute à la même cause qu'il faut attribuer certains
manques choquants de |)roportion : la mémo phice accordée
à Gilbeit ip. 2Sô) et à André Chénier (p. '287), et un plus
grand nombre de pages ou de lignes, à l'abbé de Saint-Pierre
pp. 292-294) qu'il Bayle ( 291-292 ). Nous en accusons
moins M. L. que la né(!essité oii il s'est mis de suivre des
jalons plantés pour des écoliers, non pour des « étudiants en
littérature ' ».
Cette réserve faite sur le plan, l'ouvrage renferme, dans
Ijresquc tous les chapitres, nombre de renseignements et de
faits, dont on ne peut dire qu'ils soient nouveaus, mais qui
du moins ne figuraient pas dans les précédents ouvrages du
même genre. Certains chapitres ont été complètement renou-
\elés (cf. les Mémorialistes du XVII* siècle, Rousseau.
Bufîon, la période révolutionnaire, etc). D'autres, — plus
rares, — sont l'exposé des idées personnelles à l'auteur
(cf. p. 110 sqq., sur le pari de Pascal ; — p. 230 sqq., sur
riMichaînemenl des idées de Rousseau). C'est là. comme il
1. M. L. uii- pi-inieilra-l-il ((ucliiiios cliicanos sur de certaines fdi-
luiiles qui uuiuqucut ili» simplicité, et. par suite, de justesse? Je n'aime
ni f'amus, cvêque do Bellay, « le Lucien de Tépiscopat » (p. 13U), —
d'autant que c'est travestir rbonnéte et cotiscienciens Camus ; ni
Rousseau, « le De^cartes de la sensiljilité » (p. 231); ni Lamennais.
" le romantique de la soutane » (p. M7) ; ni les » idi'es forces »
des philosophes du XV'III" siècle (p. 30:î) ; ni YKncyclopéiHe ouvrant
la voie à la théorie de « l'évolution des genres » (p. 30B), — car c'est
ici une contre-vérité : .VL Rocafort lui-même n'a pas dégagé le
« romantisme des encyclopédistes ». — L'avouerai-je ? Je n'aime
pas non plus « l'éloquence poignante et documentaire» de Musset
l». o(;i .
•M)H ui:vri-: m: l'iiii.in.oi.ii-: ki;\m aisk
convient tlaiis un précis, l'exception. Généralement, M. L.
se lait l'cclio, très informé i^t exact, des derniers iravaus
publiés et des derniers jugements prononcés ; même il re-
cueille avec un soin pieus les opinions de la presse quoti-
dienne. Par là, son livre est par excellence un livre d'étude,
un répertoire soigneus et précis, qui rendra de grands services^ .
La partie la plus neuve du livre de M. L. est la
bibliographie : on goûtera tout spét-ialenient les conseils et
directions pour documenter une question littéraire qui se
trouvent à la fin du volume (p. 393 sqq.,) et on doit signaler
aus curieus de l'histoire du théâtre les indications très pré-
cieuses qui leur sont spécialement destinées (p. 399-401). Qui
donc nous donnera une bibliographie générale des questions
de l'histoire du théâtre depuis la Renaissance? L'esquisse de
M. L. devrait bien tenter quelque érudit,
Oserai-je dire, cependant, qu'ici encore le précis de
M . L. s'expose au double reproche d'être à la fois trop élé-
mentaire et trop savant? Un peu savante pour des écoliers,
à qui elle ofl're des ouvrages étrangers en assez grand nombre,
sans compter quelques articles de journaus inaccessibles pour
eus (p. 383, 390, etc.) et une liste de critiques dramatiques
vivants dont ils n'ont que faire (p. 433), la bibliographie de
M. L. présente, pour les chercheurs, de graves lacunes :
i'entens que des ouvrages de première importance, sur des
sujets essentiels, sont omis. Comment admettre, sur l'histoire
du roman en France, l'absence du livre capital de G. Kôrting
(p. 404)? Sur Diderot, celle des livres de Rosenkranz et de
John Morley, les deus seules monographies, sérieuses qui
1. Le livre de G. Korting, — cité page 396 — et trop peu connu
en France, en dehors du monde des romiinistes, est, sur bien des
points (Herméneutique, Puléograpiiie, Histoire de l'impiimerie. Art
d'éditer un livre, etc.. etc.), ^in guide utile de l'ôtudiant en liuérature,
qui, notamment dans nos Facultés, arrive si souvent ;i de pareilles
éludes entièrement dépourvu d'une méthode. On peut citer aussi
l'intéressant petit livre de M. H. Breilinger; Studiuia uad Uiiîerricht
(/c~< Ffcinzô.'ii.srhen : lùii eiicyklojindif^cher Leltl'adeii. Zurich, 1877. —
Mais qui nous donnera l'équivalent de ce que Karl Elze a fait, en
Allemagne, de façon si remarquable, pour la littérature anglaise, une
imroduction méthodique à l'histoire de notre littérature, uue «philo-
sophie » de nos études ?
existent V Sur Rousseau, celle des ouvrages de Bi'oekerhoU'
ou de Morlev ? M. L. uous répondra qu'il a \oulu seulement
(( amorcer » les recherches, et, de fait, nous ne serions pas
en droit de lui reprocher ces omissions, si nous ne trouvions
dans sa liste un cei-t;iin uoiiil)re d'ouvrages sans valeiu-,
comme le livre de P. Duprat sur /.es- Enrijclopédifitoi^
fp. 4:25)? N'y avait- il pas iutèrèt du moins, pour les trop
rares écrivains ((ui ont (H/' rol)jet(run travail l)ibliograpln(|u<'
spécial, à \' renvoyer le lecteur? Je saurais gré à M. L. de
ciiei', sur Diderot, l'essai tl'une !)il)li()graphie de ses œuvres,
paru en 1886, à Amsterdam [\}^' Anton v. B. v. H., Princi-
paux Écrits relatifs à la personne et ous o'iœres, au temps
rtà r influence de Denis Diderot, ou /'Jssai d/unebibliographie
de Diderot, Amsterdam, 1886), ou sur Mérimée, Tessai ana-
logue de M . Toyu-neux {liihliorjrnp/iie de Mérimée, Paris,
1876). Mais commeut expliquer surtout l'omission de la récente
liildiographie de Molière, par M. A. Desfeuilles (t. XI du
Molière des Grands Ecrivains), qui contient tant de vues
neuves sur les éditions d«' notre grand comique, et tant de
rectifications de détail au livre de P. Lacroix? Ce sont là, par
excellence, des « livres auiorces ». J'en dirai autant, en fait
d'ouvrages généraus, de l;i savante ffistoire de la littérature
française au XVTP siècle, de Lotheissen (livre dont nous
u'avons pas l'équivalent en Franc(^) ; des études de Damiron
sur le xviii" siècle, si nourries ; du livre vieilli, luais qui n'a
pas été récrit, de A. Micliiels, sur V Histoire des idées litté-
raires en France; de l'ouvrage considérable de Lady Blen-
nerhasset sur Madame de Staël et son temps, etc., etc. Et
encore une fois, nul ne songerait à reprocher ces lacunes à
M. L.. >i Ton ne voj^ait figurer, eu bonne posture, dans sa
l)il)liographie, quelques ou\'rages de moindre \aleur qu'où
me dis|)e usera de ciici'.
Malgré tout, les indicatifjus l>ibliograpliiqucs dont ce
précis est plein feroni sa fr>riinii' auprès d(.vs lechnu's à (pii il
est destiné.
Quant au fond, je ne \()is pas de inrillciir moNen i|e it'uuoi-
giier à M. L. Te^iiuie que je fais de son travail (pu- de lui
1. M. L. cite inènip 0(;rlaiiis livres int'diis, niciiiiriiuic^ trop l';ivo-
r.'iblomenl. à titre «le ^iniple e^pciaiioc.
310 RliVUE DK PHILOLOGIE FRANÇAISE
soumettre quelques doutes qui me sont voDus.à une première
lecture.
P. 32. — Quoiqu'on soit <( tenté » de chercher l'influence
de Shakespearedans le Tyr el Sidon de Schelandre, et quoique
les dates autorisent à admettre une imitation (Ti/ret Sidonc^t
de 1608 \Roméo et Juliette, joué on 1591, fut publié en 1597),
la communauté de sources semble rhj'pothèse la plus pro-
bable, la légende des amants de Vérone se retrouvant, comme
on sait, dans la plupart des littératures européennes.
P. 57. — M. L. pense-t-il sérieusement que « le Menteur...
a besoin d'être vu en scène pour être clair? » Je n'avais
jamais cru la comédie de Corneille si obscure,
P. 85. — N'y aurait-il pas lieu de justifier l'expression au
moins inattendue de « roman psycliologique », appliquée à
Psyché?
P. 59. — La comédie des (( iVcadémiciens ». de Saint-
Évreraond, est sans doute pour la comédie des Académistes?
P. 131. — A ajouter aux livres cités en note, le récent
ouvrage posthume de Mgr Freppel sur Bossuet et l'éloquence
religieuse auXVII^ siècle. 1893, 2 vol. in-8".
P. 147. — Où M. L. a-t-il vu que Ramsay fût le neveu
de Fénelon? Je le croyais simplement son ami et l'un de ses
« convertis » de prédilection.
P. 160 sqq. — N'est-ce pas un procédé un peu trop som-
maire, à propos des épistolographes du xvn® siècle, que de
procéder simplement par renvois au recueil de M. Lanson?
Tout ce chapitre a un aspect de nomenclature stérile.
P. 169. — Il faudrait peut-être, en parlant des Mémoires
de il/f"« de Caylus, faire du moins qaelques réserves sur
leur authenticité. [Voir une étude importante de M. Alfred
Richard, Bulletin de la Faculté des Lettres de Poitiers,
oct. 1893. M. R. possède le manuscrit oiiginal.J
P. 209. — A propos du séjour de V'oltaire en Angleterre,
la date de son départ, que M. L.' fixe à mars 1729, n'est rien
moins que certaine. La date probable, et seulement probable,
est février. [Cf. le récentlivre de M. A. Ballantyiic : Voltaire
in Enyland, 1893.]
P. 234. — Quelle nécessité de distinguer quatre périodes
dans la vie de J. J. Rousseau : la premièri^ que M. L. appelé
(OMi'Pi". ri'.MK ;!ll
la période « d'incubation » (1732-1741. parait bien n'en l'aire
qu'une avec la sccondo (1741-17-49;, (|ui est celle des tâlonnc-
ments antérieurs aus début?; littéraires.
P. 24:^. — Il y aurait fort à dire sur le « prodigieus mérite »
qu^a eu Rousseau de s'affranchir dans la seconde partie de
sa vie, « dos instincts vicions et des mauvais exemples » de
la première, et « de s'élever, jusqu'à rhonnéteté et à la dignité
constantes i?) ». J'ai grand peur, que M. L. ne pèche ici par
excès d'indulgence pour son auteur. [Voir la récente biogra-
phie de M. Beaudouin. qui. au surplus, n'est pas, comme il
est dit par erreur, p. 419, de 1871, mais de 1891.]
P. 334. — Parmi les écrivains qui ont agi sur les origines
du romantisme français et que M. L. dit (( plus prônés que
lus », on voit figurer, au hasard de la citation, « Shakespeare,
Ossian, Walter Scott, Wordsworth et les Lakistes; Gœthe,
Lessing, Schiller et Burger; Dante, Lope de Vega, Calderon
et les picaresques espagnols. » « Au fond, est-il dit ensuite,
l'admiration de ces maîtres exotiques était chez les novateurs
une machine de guerre, leurs noms des cocardes, leur imita-
tion un placage. » Que de distinctions à établir ici ! Que tous
ces (( maîtres » aient été « prônés », cela est de toute évidence;
mais M. L. nous accordera que plusieurs aussi ont été « lus »,
et de très près, parles romantiques : ainsi Shakespeare, ou
Schiller, ou Byron, qu'on s'étonne de voir omis dans cette
liste. Que devient, dès lors, le « placage »? Mais la preuve
voudrait un volume. Qu'il nous suffise de protester contre
cette manière, un peu expéditive, de se débarrasser d'un gros
problème, .raimerais mieus. en l'absence d'informations pré-
cises, un point d'interrogation. Et, puisque ce A'olume
s'adresse aus « étudiants en lettres », faudrait-il craindre d(î
leur signaler les points douteus et obscurs do notre histoire
littéraire'.^ N'est-ce pas, au contraire, plus u moral », si je
puis dire, et d'un meilleur exemple'.^
Mais sans doute, M. L. connaît aussi bien que personne
l'inévitable reproche auquel s'expose l'auteur d'un précis de
ce genre. Condamné à ne pas motiver ses opinions et à ne
pas étayer ses jugements» faute de temps et de place, il reste
à la merci de tous cens, et ils sont nécessairement nombreus
dans l('< (''tudes de littr-ratiu-*- modem'', qui sont, ou se croient
812 TîFATK ni: 1MIII.mi.()(.M-; l'h' A.\(;A1.SK
plus exactement infonnés sur un point donné. Il faut rendre
à M. L. cette justice qu'il-a essayé (mérite rare chez les
auteurs de manuels), de se faire le fidèle interprète, l'éciio
sincère des travaus les plus récents, et qu'il y a réussi géné-
ralement. C'est ce qui fait la valeur originale de son livre,
qui a sa place marquée dans la bibliothèque de tous les amis
de notre histoire littéraire'.
Joseph Texte.
1. Signalons quelques additions ù Vcr/xciu : p. 112. unie : 11 en
méconnaît; p. 194 : Chastelux, p. Cbaslellux; p. :U2, n. : Alfred
lie Vigru/, jjoèie [ci] p/tilo.iop/ie (de même p. 430); p. 418, Mohrenholtz
p. Mahrénholtz; p. 420. 1. 4, 1872. p. 1892; p. 429, I. 1, Jean Morel.
p. Jean Thorel.
Bl'LIJCl'LX rU'lMESrinEL
SOCIÉTÉ DIl IIÉFOIOIK OKTIIOIIKAIMIIUI
(Octobre-Décembre 1893)
l'.haïujement d'adresse : M. IJo/o (Noël) Dépoli, L'inployè
supérieur de la poste et du télégraphe à P'iunie (Hongrie).
COMPTK Rh:M)r 1)1" 'l'RKSOIMKIJ
lui janvier 1893, la Société avait en caisse (il ir. SO
Recettes de 18!)3
( orisaiions de MM. Bozo Dépoli, Clédat.
Firmery, Gaclic '^i) n
< 'otisation de M. Ponroy 'i »
— de M. Durand, École réale de Kiet'.. ') GO
— de. M. Bastin (cotisation de 1894) ... . ."> »
— ^)arlos Qal)eson, de \'alparaiso (("iiili)
gasilla 1-28 .". ))
Cotisation de M. 'J. New nuui . de \'alparaiso
(Chili), gasiUa 019 20 »
11!) 10
Nous remercions p;iriiculioienieiil M. Xcwnian
de s;i gf'uéreuse oll'rande.
DÉPENSES
Frais d'impression du Bull<;tin 39 Ir. »
Enveloppes, timbres et expédition du
Bulletin _18 75
Total '>7 75 57 75
Reste en caisse 'îl 05
311 REVL"E Di; F>iriLO[.or,lK TRANfAISF.
M. Paul Passy a reçu, de son côté, 59 fr. (voy. Bulletin
d'avril 1893, et ajoutez : la 'cotisation (2 fr.) de M, Bénard,
instituteur à Nogent- le- Bernard, celle de M. Rambeau
(1201, Bolton Street, Baltimore) pour 1893, et celles de
MM. Rambeau, Ballu. Bénard et Balassa (fôreàliskolai tanâr.
Debreczen, Hongrie) pour 1894, plus 10 fr. pour collections
vendues). Nous devons toujoui-s 152 fr. à M. Lievons.
LA RÉFORME A L'ACADÉMIE
On a annoncé que l'Académie avait adopté la plupart des
réformes proposées par M. Gréard. Mais, après avoir pris
tout d'abord la résolution de faire connaître dès maintenant
ses décisions, elle paraît malheureusement y avoir renoncé.
Nous devons donc attendre la prochaine édition du Diction-
naire pour être officiellement éclairés sur l'étendue exacte
des modifications consenties.
ALLOCUTION
PRONONCÉE A LA DISTRIBUTION DES PRIS DU LYCÉE DE LYON
LE 29 JUILLET 1893.
Mes chers Amis,
... La plupart de cens qui ont eu avant moi l'honneur de
présider cette fête de f;imill(> universitaire ont pris clans leurs
(Hiidcs favorites le sujet (!<' leur allocution, .le ne saurais
mieus faire que de me conformer à cette sorte de tradition,
et, puis((ue j'enseigne à la Faculté l'histoire de la langue et
de l'orthographe françaises, je voudrais vous parler très
brièvement de l'orthographe.
Tant que durent vos études, l'orthographe est })our vous
une loi, et vous n'ignorez pas qu'un bon élève, comme un
lion citoyen, doit respecter la loi, c'cst-à dire ne pas l'en-
Bl LLliTlN DK LA SOCIKTK DK KKFORMH ( »HTII()GR.MMlli^(;i-: iU')
froindio. inrinc si elle est innmaise, — ce (jui est le ras.
Vous voyez que je suis très loin de vous encourager à n(''fr1i<rer
vos exercices granimatieaus. f'/c^st luênie a\ec une estime
toute particulière ([uc je reuKMtrai tout à i'iieure à ceus ((ui
les ont gagnés, les pi-is de langue fram^aise qui sont, sous
un autre nom, ce qu'on appelait de mon temps des pris
d'orthogi-aphe. Ce changcniem de liin- est di-jà un progrès
appréciable.
Vous êtes assez jeunes i)()ur \oir introduire dans les (Hudes,
avant que vous ayez quitt('' le lycée, et peut-être à bref d(''lai,
une loi orthogr-aphi([UC nou\elle. à la lois plus rationnelle et
])]us simple. Ce sera un gi-and biiMil'ait pour vos successeurs.
Mais il ne faudra pas iiop regietter 1(> temps que vous aurez
consacré \ous-ménies à appi-endre des règles qui seront aloi-s
de\enues cadu(|ues. ('ar, plus lieureus que ceus qui \ous
ont précédés, vous pou\ez au moins, grâce ans découxcrtc's
delà philologie française!. \ous rendrcM-ompIc» de la \aleui-
exacte de ces règles, tandis <pi(> nous étions réduits à les
pratiquer sans les comprendre. L'orthographe actuelle,
même dans ses parties les plus défectueuses, peut être, par
les explications qu'elle provoque, une source de l)ons ensei-
gnements. C'est ce que je ^■oudrais vous monirei- paj- (juelques
exemples.
Quoi de plus instructif que 1"/? pai- hniuelle commeuc(^ le
mot huile? On vous a appi-is que l'A muette du français
corrc^spont à une h du latin ; mais l'explication ne vaut rieu
ici, puis([uc « huile •• vient iVoh'n, (pii n'a pas d'A. Si xous
êtes ol)ser\ateurs. nous aurez remarqué <[ue la même parti -
cularitc' se produit pour les mots huit (latin octo sans h),
li'i.ix (ostiumiei son ii(Mi\('' Iiuissier, huître (ostrea). Tous ces
mots commeiK-ant, dans la prononciation, par la voyelle u.
il est vraiseinl)lable a priori que la \érifal)le raison de la
présence de Vh doit se rattacher à. cette voy(dle. ( )i-, on a dû
^•ons dire que le grand Corneille avait introrluit on coninliut"
à introduire dans l'e'Criture française la (livimctiun ^i utile
de l'/t et du r. Auparavant, nous ])oss(''dions l)ieu ces deus
caractères, issus tous les deus d'un seul signe du latin, mais
chacun d'eus pouvait représenter soit le son u, soit le son r.
de telle -^oite qu'il ('lait iuipo^-^ilile (h' >a\(iir. auinnneni qU'-
31G kevi;e D1-: i>iiil<>lugik fkançaisk
par le coutexle, si un iiiot ('crit aile ou vile était le substantif
dérivé à'olea ou le fiMiiinin de l'adjectif vil. Pour établir une
distinction, on a eu Vidée de placer une li devant ni toutes
les fois que le mot commençait pai- le son h et non par le
son V. Depuis la réforme de Corneille, l'A des mots huile>
huit, huis, huître, n'a plus aucune utilité, mais comme on
ne se rendait pas compte do son oj-igiu(\ oiv l'a maintenue
rigoureusement : c'est ainsi que, pendant des années, on vit
une sentinelle monter la garde pour empêclier les gens de
s'asseoir sur un banc jadis peint de frais.
Vous voyez que Vh défectueuse du mot huile peut \ous
aider à apprendre et à retenir une particularité curieuse de
notre ancienne écriture. L'<r du pluriel n'est pas moins inté
ressaut. Et d'abord ce n'est pas un x. C'était à l'origine un
signe abréviatif conventionnel, qui ressemblait à un </•, et
qui représentait la finale us, si fréquente en latin et en
français. Notre écriture était ainsi remplie de signes abré-
viatifs qui permettaient, avant l'invention du papier et de
l'imprimerie, d'économiser le parchemin et le temps des
copistes. Plus tard, quand on put s'offrir le luxe d'écrire les
mots en toutes lettres, l'habitude de mettre le signe œ à la
fin des mots en us fit que souvent on écrivit ux au lieu
de us, par inadvertance : cette faute était si fréquente qti'elle
finit par prévaloir sur la graphie correcte, et c'est ainsi que
le signe x, confondu a\ec la lettre x, devint après u l'équi-
\alent de Vs, à laquelle il se substitua bientôt complètement.
Mais je vous ai promis d'être court, et je vous tenir
parole. Si notre orthographe est mau^•aise, c'est qu'elle est
en grande partie l'œuvre de savants (jui savaient sans doute
beaucoup de clioses, mais ausquels il manquait la seule
connaissance indispensable en la matière, celle ilc riiistoitc
de la langue. I/histoire de la langue française est une science
toute ]-écente, qui a l'ait, pendant les cin(iuante dei'nières
années, des progrès considérables, et nous sommes au-
jourd'hui en état de corriger notre orthographe d'après des
principes siirs, conformément à l'esprit et ans plus saines
traditions de notre langue, h' ne puis entrer dans le détail
des tentatives de réforme qui se sont inspirées de ces prin-
cipes; je ne veus vous citer qu'un nom, (jui est l'honneui-
liLl.l.Kl IN m. l.A SIX llilK Ki: Klll'iiHMi; I i|{ IIKK.H Al'|l|(,>li; .)1 ,
(If ri'nixcrsiU' de FiaïU'C celui de M. ( ii<';ii(l. \ i('e-icct<'ui'
de rAeadémie de Paris.
Kii saisissant rAcadéiiiie l'raneaise île la que>iiou oi'tliu-
graphique,M. Gréard a l'ail prem'e d'un vérilable courage
eivi(iue; eai' il a bfavé les sarcasmes, l'aciliîs à ])révoir, du
pul.)lic futile et incompétent. Grâce à lui, la cause de la
réfojiue est presque gagnée. Noti-e orthographe officielle
deviendra bientôt plus correcte, plus scientifique et en même
temps plus simple, et cette simplicité nous aidera puissam-
ment à répandre notre langue à l'étranger, à lutter contre la
langue anglaise qui est la rivale redoutable de la nôtre. Le
l'rancjais est plus long à apprendre que l'anglais; nous n'y
pouvons rien, mais n'ajoiiions pas, du moins, aus difficultés
naturelles de la langue les dilliculiés factices ai puériles de
l'orthographe. Fort heureusement poiu' nous, de toutes les
orthographes européi'inies, l'ap.glaise est la seule qui soit
encore plus compliquée el plus étrange que la nôtre. C'est
là un avantage que nous pou\on.s augmenter sensiblement
par de sages réformes, llàtons-nous d'en profitei-. Nous ne;
de\ons négliger aucun moyeu de faire bonne figure dans le
monde, el d'y propager l'intluence fran(,*aise, qui ne s'exer-
cera jamais qu'au Ix-néfice de la ci\ilisalion et de la jus-
lice
LEirUK 1) L-N lnstitlti:l'k
Dicersea rdiaoïts nous ont empèclté de publier plus tôt cette
lettre, qui date de plusieurs années, mais (pu n'a mallieu-
reusenient rien perdu de son (jp/tortunifé.
Je suis un partisan de la rr-furmalion de notre orthographe,
un partisan honteus. Songez donc : je suis maître d'école, non
pas à la façon de M. Petdeloup'. mais bien tout ee qu'il v
a de plus magisler de villagi.' ; or, pour un instiiuD-ur,
niiklire de l'orthographe c'est jeter des pierres dans son
propre jardin ; vous m'excuserez donc de garder l'anonyme.
1. l'soudijiiyine d'un adversaire do la ivfoniie, i|Mi avait puliin;
un ariicle dans le Li/on rc/juljlieain.
MIS i<i;\i'K i)K r-iiiLoLOGii: fi{an(;ajsh
Après cette présentation incomplète, je viens au fait.
M. le Ministre de l'Instruction publique parle de supprimer
la dictée aus examens du certificat d'études primaires ;
l'épreuve dite de rédaction serait alors notée au point de
vue do l'orthographe. 11 a fait mettre cette question à l'ordre
du jour de toutes les conférences pédagogiques de France,
en invitant les instituteurs à proposer, en outre, toutes les
mesures qui leur paraîtront propres à faire perdre à l'ensei-
gnement orthographique l'importance excessive qu'on lui a
attribuée de tout temps à l'école primaire (Circulaire du
3 juin 1890, insérée au Bulletin officiel du Ministère).
D'après les lioraires prescrits pour les écoles de la Loire,
deus heures sur cinq et demie doivent être consacrées à
l'étude du français ; on n'a pas fixé la proportion du temps à
employer à l'étude de la langue elle-même ou à celle de
sa graphie, mais je puis affirmer qu'ils sont peu, bien
peu nombreus, les maîtres qui ne font pas la part du lion
dans leur classe à la très insipide dictée. La faute en est
surtout à cous qui s'obstinent à maintenir la dictée comme
épreuve éliminatoire dans tous les examens dont elle fait
partie.
Cette tyrannie de l'orthographe, beaucoup d'entre nous la
subissent avec impatience. Nous sommes, pour la plupart,
tout prêts à aider de toutes nos forces quiconque essayera de
nous en délivrer. Nous savons trop que le jour où l'on aura
déchinoisé notre langue, l'instruction du peuple fera un
grand pas ; que de choses vraiment pratiques on pourrait
enseigner avec le temps et les peines qui sont nécessaires
pour habituer nos élèves aus incohérences de l'orthographe !
Il est certain que si on demandait l'avis des conférences
cantonales ou bi-cantonales d'instituteurs sur l'opportunité
(le la réforme que vous; demandez, l'immense majorité
répondrait par un oui énergique. Les résultats d'un tel plé-
biscite parmi les maîtres d'alphabet ne nuiraient peut-être
pas, devant le Conseil supérieur de l'instruction publique,
aus réclamations des linguistes les plus distingués de notre
temps. Mais qui en prendra l'initiative?...
J. B.,
ln.<tit"tci'r à M. -Loire.
Bl'LLHriN Dt: LA sOCIKTK 1>K KKKi il( MK UU l'IIi «i ,K \IMI lyl K )^>l'.t
AliTlCIJ-: l»K >1. MICHEL HHKAL
sru LA (( NOTK •' l)K M. (ÎKKAl{f)
/'-'./'//Y//7.V
Commençons par les points où la simplification nous
paraît possible. C'est en C(^ qui concerne certaines rèj^les de
la grammaire, règles extraordinaires, que tout le monde a
apprises dans sa jeunesse sans par\('nir à les comprendre.
Pounjuoi une demi-heure et une Jieure et rlemie'^ Pourcpioi
les règles de nu-tèteet c\e(è(e nue'^ Ne peut-on orthographier
feu la reine comme on t'ait pour lu feue reine"} Pourquoi les
difïérentes règles de tout, de que.li\ue et de même"} Faut-il
écrire (jetée de groseitte ou de groseiltes"} en ces questions,
une large tolérance me parait être la \raie solution...
On en doit dire autant pour d'autres changements. Qu'on
écrive des f/enoux' ou des- rjenous. Je veux ou je veus, une
dixaine ou une dizaine, la chose n'importe guère... D'où
vient que l'Académie, en sa dernièie édition du Dictionnaire,
nous a (je ne sais vraiment pourquoi) remplace les excédants
])ar des excédents i^...
Depuis trois siècles notre langue n'a pas su se décider
pour les mots comme il aclicie, il jette, il harcèle, il appelle,
entre le système des accents et celui des doubles lettres...
Le mal étant fait, je proposerais le régime de l'option. Qu'il
soit enifiidu (|n'uii pourra écrire il appelle ou il appelé...
Xota. — Il lions irste encore un (■<'iiaiu iioml)re de collec-
tions im'om|)lèies des journaus et bulk'tins ])ul)lit'-s par la
SociéI('' depuis 1S87. Xous les tenons à la disposition de nos
collègues (de cens, bien enicndu, qui sont en lèglc pour
l'année courante), conti-e en\oi de 1 Ir. .od eil mandat ou
limljics fj'an('ais. S'adressci- a M. l'aul l'ass\.
Le Gérant : K. Houillon.
TABLE DL TOVIE Vil
DE LA RE\UE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
1893
Pages
J. J. Firmery. — Sni- la cersijicutioii de Marot 1
II. C. Puichaud. — Dictionnaire du patois du Bas-
Gàti/tais 19, 101, 171
III. Le chanoine Hingie. — Obsercalioits ù propos des
chuintantes du patois de Colignj/ 54
IV. Note de M. Grèard 81
V. P. Regnaud. — L'origi/ie des Contes de fées 151
VI. C. Puichaud. — Dictionnaire du patois du Bas-
Gàtinais (supplément) 171
VII. H. Viez. — Essai sur le patois d'Alcnçon 191
VIII. L. Clédat. — Le Compte municipal de Tournon,
commentaire hisloric/ue. 220
IX. H. Teulié. — Mè/norandum des Consuls de la cille
de Martel 253
X. A. Ferrand. — Termes du patois de Jons (Isère).. . . 265
XI. Bruyère. — Notes sur le patois de Gré^ieu-le-Marchè. 284
XII. L. Clédat. — Phonètiiiue ruisonnée du français mo-
derne '. 292
Comptes rendus. — Glossaire du pai/s biaisais, par
A . Tliibault {A.Jednroij) 58
— Modestes observations sur l'art do
versifier, par Clair Tisseur (J. Texte). . . . 138
— Précis historique et critique de la
littérature française, par M. Lintilhac
(J. Texte).... 306
Livres et articles signalés 64, 151
Bulletins trimestriels de la Société de réforme ortho-
graphique 65, 153. 313
cualon-suk-saom:, nn-iiiMEniii: un l. >l\rce.\u
PC
2701
R5
t. 7
Revue de philologie française
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