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Full text of "Revue de philologie française"

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AÔRARX 


\ 


REVUE  DE  PHILOLOGIE 

FRANÇAISE    ET    PROVENÇALE 


SYSTEME  ORTHOGRAPHIQUE 
De  la  revue  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 


1.  —  Remplacer  par  .-•  IV*  linal  valant,  ••*,  sauf  dans  les  noms  propres 
et  noms  de  liens. 

2.  —  Écrire  par  s  ou  ^  detisièinc,  tfoi.^iémc,  sisicnie,  disicine, 
(lisciinc,  ou  dptizième,  etc. 

8.  —  A  l'indicatil  présent  des  verbes  en  re,  oir  et  u\  terminer 
toujours  par  un  t  la  troisième  personne  du  singulier,  et  supprimer 
toute  consonne  qui  ne  se  prononce  pas  devant  l's  des'  deus  premières 
])ersonnes  et  devant  le  t  de  la  troisième  :  je  m'asslés,  il  s'assiet;  Je 
roii.^,  il  cout;  je  prcns,  il  pi-ent;  je  pers,  il  pert;  je  concains,  il 
cnncaint  ;  je  pennés,  je  coinhas,  j' interrons. 

4.  —  Ne  jamais  redoubler  VI  ni  le  t  dans  les  verbes  en  cleraien  eter. 

5.  —  Ne  jamais  faire  l'accord  du  participe  quand  le  complément 
direct  est  le  pronom  en.  Faire  ou  ne  pas  faire  l'accord,  sans  y  attacher 
aucune  importance,  pour  les  participes  coûté  et  valu,  qu'ils  soient 
pris  au  propre  ou  au  figuré,  et  de  même,  quand  un  participe  est  suivi 
d'un  infinitif  sans  préposition,  ne  pas  s'inquiéter  si  le  pronom  qui 
précède  est  sujet  logique  ou  régime  de  l'infinitif. 

Ce  programme  vise,  non  à  simplifier  l'orthographe,  mais 
à  la  rendre  plus  correcte;  il  se  trouve  d'ailleurs  qu'en  deve- 
nant plus  rationnelle,  elle  devient  aussi  plus  facile;  car  notre 
réforme,  bien  que  partielle,  supprime  déjà  une  vingtaine  de 
règles,  exceptions  ou  remarques  des  grammaires,  qui  ne 
peuvent  se  justifier  par  aucun  argument  sérieus.  Les  personnes 
qui  concevraient  des  doutes  sur  la  légitimité  de  telle  ou  telle 
modification  sont  priées  de  se  reporter  aus  fascicules  de  la 
Revue  de  Philologie  française,  où  chaque  article  du  pro- 
gramme est  proposé  et  discuté  (tome  III,  page  270;  tome  IV, 
pages  85,  153,  161,  235;  tome  V,  pages  81  et  308). 

Les  premiers  adhérents  ont  été  MM.  Michel  Bréal,  Edouard  Hervé, 
Francisque  Sarcey,  Paul  Pass}',  Camille  Chabaneau,  Louis  Havet, 
Charles  Lebaiiiue,  Ferdinand  Brunot,  Eugène  Monseur,  etc. 


Nous  recommandons  particulièrement  aus  directeurs  de 
Périodiques,  favorables  à  la  réforme,  la  mise  en  pratique  de 
l'article  1,  qui  n'exige  aucun  effort  d'attention  do  la  part  de 
MM.  les  Protes. 

Dans  sa  Grammaire  historique  posthume,  Arsène  Darmestcter  dit 
excellemment  :  «  C'est  à  une  succession  d'erreurs  qu'est  due  la 
fâcheuse  habitude  de  l'orthographe  moderne  de  noter  par  œ  presque 

toute  .s-  qui  suit  un  u Il  serait  grand  temps  qu'une  orthographe  plus 

correcte  et  plus  simple  rétablit  partout  !'*•  finale  ;\  la  place  de  cette  a? 
barbare.  » 


CIIALON-SUll-SAONE,    IMPRI.MKRII';   DE  L.    MAKCliAU. 


V  >^  i:^T>    i  TVTn  A    TCT7  ^ 


FRANÇAISE 

ET  dlft-  t^- 

PROVENÇALE 


(Ancienne    REVUE    DES     PATOIS) 


RECUEIL      TRIMESTRIEL 

CONSACRÉ     A      l/ÉTLDK     DKS     LANMiUES, 

DIALECTES    ET    PATOIS    DE    ERAISCE 

rUHLIli    PAU 

Léon   CLÉ  DAT 

PROFESSEUR     DE     LA     FACULTÉ     DES     LETTRES     DE     J.YON 


Tome  VII.  —  1893 


f^t^^  ni/* 


PARTS 

EMILE    BOUILLON,    KDITEUR 

07,    RUE    DE    RICHELIEU,    (>7 

(Tous  droita  iTserréi^) 


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t,9 


SUIl  L\   VEUSIFICATION  DE  MAROT 


La  versification  de  Marot  marque  le  point  culminant 
de  tout  un  système.  De  très  bonne  heure  les  poètes 
français  ont  cessé  de  se  contenter  des  procédés  assez 
simples  qu'on  avait  mis  tout  d'abord  en  usage.  La  nature 
même  de  leur  langue^  moins  sonore  et  moins  fortement 
accentuée  que  les  dialectes  plus  mëridionaus,  issus  delà 
même  source,  les  amenait  à  remplacer  Fassonance  par 
la  rime.  j\Iais  une  fois  leur  attention  portée  sur  ce  point, 
une  fois  l'oreille  accoutumée  à  être  charmée  par  ce  re- 
tour régulier  des  mêmes  sons,  les  rimeurs  se  sont  vite 
lancés  dans  cette  voie  au  delà  des  bornes  que  devait  plus 
tard  imposer  un  plus  juste  sentiment  de  l'art.  Négli- 
geant de  plus  en  plus  le  rythme,  qui  est  pourtant 
peut-être  l'élément  le  plus  essentiel  d'une  belle  versi- 
fication, ils  se  sont  phi  d'une  part  à  multiplier  ces  rap- 
prochements de  sons,  soit  à  la  fin,  soit  à  l'intérieur  du 
vers,  et  de  l'autre  à  les  rendre  de  plus  en  ])lus  sensibles. 
Dès  le  XIII®  siècle,  cette  tendance  est  déjà  fort  marquée 
chez  des  écrivains  comme  Rutebeuf.  Mais  il  est  encore 
fort  modéré,  si  on  le  compare  à  certains  poètes  des  âges 
suivants.  Au  xvr'  siècle,  cette  recherche  poussée  à 
l'excès  est  devenue  larègle.  Mais  nul  n'y  a  apporté  une 
virtuosité  égale  à  celle  de  Marot,  qui  met  quelque  art 
dans  le  mauvais  goût  et  ne  sacrifie  pas  trop  souvent  la 
pensée  à  ces  ornements  multipliés  du  vers. 

Les  consonances  ou  rapprochements  de  sons  dont 
nous  voulons  parler  appartiennent  à  dcus  classes  :  l'alli- 
tération ou  la  rime. 

Rkvuk  de  piiii.oi.DCii:,  vu.  1 


REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


I 


Il  ne  serait  peut-être  pas  hors  de  propos  de  définir 
l'allitération.  C'est  une  consonance,  un  rapprochement 
de  consonnes ,  sensible.  Il  faut  donc  deus  conditions 
pour  qu'il  y  ait  une  allitération,  pour  que  deus  mots 
allitèrent  entre  eus.  Tout  d'abord  il  faut  que  la  même 
consonne  se  trouve  dans  les  deus  mots  qui  allitèrent,  il 
faut  en  second  lieu  que  la  présence  de  cette  consonne 
soit  bien  sentie  par  l'oreille.  Dans  les  langues  germa- 
niques^ rallitération  n'est  sensible  que  lorsqu'elle  porte 
sur  les  consonnes  initiales  de  la  syllabe  accentuée.  En 
latin  et  dans  les  langues  romanes  elle  est  sensible  sur- 
tout dans  les  consonnes  initiales  du  mot.  Sens  et  savoir 
forment  une  allitération  en  français,  mais  n'en  seraient 
pas  une  en  allemand.  En  revanche,  sens  et  liaison  for- 
meraient une  allitération  parfaite  en  allemand  et  n'en 
sont  pas  une  en  français,  du  moins  elle  n'est  pas  géné- 
ralement considérée  comme  telle.  Il  est  évident  que 
cette  allitération  est  moins  sensible  que  celle  de  sens 
et  savoir'  ;  mais  ne  l'est-elle  point  du  tout  ?  Les  poètes 
du  moyen  âge,  qui  aimaient  tant  à  rapprocher  ces  deus 
mots  sens  et  raison,  n'y  sentaient-ils  pas  la  présence 
des  deus  mêmes  consonnes  s  ? 

En  tous  cas  il  est  incontestable  que  l'allitération  peut 
se  produire,  en  français  comme  en  latin  \  en  dehors  de 
la  première  syllabe,  lorsque  un  ou  plusieurs  des  mots 
qui  doivent  allitérer,  commencent  par  un  préfixe. 
L'allitération  est  parfaitement  sensible^  par  exemple, 
dans  ce  vers  du  roman  de  Troie. 

Leissicz  nos  ont  et  reLinqui  (v.  25017). 

1.  Voir  Wôlfflin,  «  Die  allitteriereiulon  Verbiiulungcn    der  latciui- 
schen  Sprachc. 


SUR    LA    VERSIFICATION    DE    MAROT  à 

L'allitération  peut  avoir  lieu  enfin  non  seulement 
entre  deus  consonnes,  mais  encore  entre  deus  voyelles. 
Dans  les  langues  germaniques,  elle  a  lieu  entre  n'importe 
quelle  voyelle.  Ort  und  Eiide,  par  exemple,  forment  une 
allitération  parfaite.  Elle  ne  serait  pas  sensible  en 
français.  Dans  notre  langue  l'allitération  ne  peut  se 
produire  qu'entre  dons  voyelles  semblables,  semblables 
pour  l'oreille. 

Il  est  enfin  une  dernière  espèce  d'allitération  qui  est 
très  fréquente  dans  notre  poésie.  C'est  celle  qui  a  lieu 
entre  deus  préfixes.  Le  préfixe  qui  commence  le  mot 
joue  alors  le  rôle  d'une  simple  consonne.  Tel  ce  vers  de 
Marot  : 

Autre  raison  qui  m'induit  et  inspire,  i,  119  ' 

Marot  prentgrandplaisir  à  l'allitération.  Des  passages 
comme  le  suivant  (r,  1.21)  le  démontrent  amplement  : 

Triste,  Transy,  Tout  Terni,  Tout  Tremblant, 
Sombre,  Songeant,  Sans  Seure  Soustenance, 
Dur  D'esperit,  Desnué  D'espérance, 
Mélancolie,  Morne,  Marry,  Musant, 
Pasle,  Perplex,  Paoureux,  Pensif,  Pensant, 
Foible,  Failh^  Foulé,  Fasché,  Forclus, 
Confus,  Courcc;  Croire  Crainte  Concluz... 

Il  ne  saurait  l'accumuler  toujours  ainsi  ;  mais  elle  est, 
sous  une  forme  plus  modérée,  si  fréquente  dans  ses  vers, 
qu'on  peut  affirmer  qu'il  l'a  recherchée  et  cultivée  tant 
qu'il  a  pu,  et  en  a  fait  un  des  ornements  les  plus  fré- 
quents de  sa  versification. 

La  forme  sous  laquelle  nous  rencontrons  le  plus 
souvent  l'allitération  dans  Marot  est  celle  qu'ont  cul- 
tivée tous  nos  viens  poètes  et  (pii  abonde  dans  la  prose 

1.  Je  cite  d'aprôs  récliiioii  Garuier,  Paris,  1879, 


4  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

de  Rabelais  et  de  Montaigne.  Nos  anciens  écrivains,  en 
effet,  aimaient  à  joindre  entre  eus  deus  termes  syno- 
nymes. Cette  répétition'  est  la  figure  de  rhétorique  la 
plus  souvent  employée  par  eus  ;  quelques-uns  n'en 
connaissent  guère  d'autres.  L'allitération  donnait  plus 
de  force  et  d'harmonie  à  ce  rapprochement  ;  elle  servait 
aussi  à  réunir  dans  une  idée  commune  deus  mots  qui 
forment  antithèse,  par  exemple:  cœur  et  corps,  pour 
dire  l'être  entier  ;  chauves  et  chevelus  pour  signifi.er 
tout  le  monde.  Le  plus  souvent  ces  expressions  sont  de 
véritables  formules;  elles  se  retrouvent  à  chaque  instant 
dans  les  écrits  les  plus  divers  ;  on  les  rencontre  aussi 
chez  Marot,  mais  il  s'est  complu  tout  particulièrement 
à  cette  consonance  et  l'a  employée,  en  dehors  de  ces 
formules,  dans  une  foule  d'expressions  semblables,  qui 
n'étaient  point  usitées  avant  lui. 
Ainsi  il  réunit  par  l'allitération  : 

a)  Deus  substantifs  : 

AUoient  semens  Roses  et  Romarins,  i,  10 
Suyvans  jardins,  boys,  Fleuves  et  Fontaines,  i,  11  ' 
Mais  à  grand  peine  eus-je  veu  à  travers, 
Que  hors  de  moi  cheurent  PLainteset  PLeurs% 
Comme  en  y  ver  seiches  Feuilles  et  Fleurs,  i,  21  * 
Car  ce  sont  crys,  PLeurs  et  comPLainctcs.  i,  16 
Adoncques  l'herbe  en  Forme  et  Force  croist.  i,  38 
Vivre  deux  jours  en  Paix  et  Patience,  i,  45 
Me  demandant  ma  Naissance  et  mon  Nom.  i,  51 
Aucuns  propos,  ou  Moyens,  ou  Manières  i,  55  * 

...Les  brebis  ne  craindront 
Lyon  ne  Loup,  i,  58 

1.  Cp.  Tant  par  les  mers  que  .es  fleuves  et  fontaines.  {Conjlict  de 
Caresmeet  charnaige,  Montaiglon,  x,  117.) 

2.  Fréquent,  Montaiglon,  v,239;  viii,  97. 

3.  Gaydon,  9498  :  Par  icel  Deu  qui  fait  et  foillc  et  flor. 

4.  Le  bon  moyen  et  manière  de  vivre.  (Fr.  Girault,  Le  Mo'/en  de 
soy  enrichir,  Montaiglon,  x,  86.) 


SUR    LA    VKUSl  FI  CATION    DK    M  A  ROT  5 

Reçois  dcja  et  rilommagc  et  l'Honneur 

Du  bien  futur,  i,  59 

Viens  voir  ce  monde,  et  les  Peuples  et  Princes 

Régnans  sur  luy.  i,  61 

Visiteront  leurs  Pays  et  Provinces,  i,  73 

Au  bruit  duquel  Nayades  et  Naphées 

Délaisseront  leurs  sources  estouppées.  i,  93 

Pour  mieulx  congnoistre  et  Beautez  et  Bontez.  i,  103 

Telz  Apparens  et  autres  Accidens.  i,  104 

Pleine  de  Pleurs  et  de  Piiroles  dures,  i,  105 

Elle,  prenant  à  desHonneur  et  Honte,  i,  109 

Si  ruay  sus  encre,  Papier  et  Plume,  i,  121 

Ou  qu'à  présent  à  ton  vouloir  tu  tinses 

Par  le  licol,  par  Queue  ou  par  Collet 

Le  bon  cheval  du  gentil  Pacollet.  i,  131 

Car  A  polio,  ne  Clyo  ne  Mercure 

Ne  m'ont  donné  Secours,  ne  Seing  ne  cure,  i,  149 

Au  fons  d'Enfer,  plein  de  Peines  et  Pleurs,  i,  155' 

La  Foy  lo3^alIe  et  tes  Façons  pudiques,  i,  163 

Et  moy,  cliétif;  qui  ne  suis  Roy  ne  Rien,  i,  173 

Qu'il  n'y  perdra  que  l'Argent  et  l'Attente,  i,  177 

Adieu  ses  FLèches  et  FLambeaux.  i.  205 

Mais  il  convient  garder  Rithme  et  Raison; 

Rithme  et  Raison,  ainsi  comme  il  me  semble 

Doivent  tousjours  estre  logez  ensemble,  i,  222 

Ce  fut  par  Pierres  et  Plastras 

Qu'eust  espoir  d'avoir  recompense,  i,  248 

Aller  dicter  les  Plaisirs  ou  les  .Pleurs 

Que  l'on  reçoit  de  sa  dame  chérie,  i,  260 

N'ayez  donc  peur,  Deffiance  ne  Doubte.  i,  264 

S'il  ne  me  vient  de  ta  GRace  et  bon  GRé.  i,  268  * 

Trouvons  moyen,  trouvons  Lieu  et  Loysir 

De  mettre  à  fin  le  tien  et  mien  désir,  i,  268 

Etc.,  etc.,  etc. 

1.  Ainsi  ay  dcsix'iiilu  mes  jours;  —  N'en  retien  que  peines  et 
pleurs.  La  Cotn/)laini;to  de  Varna  damnée.  (Montaiglon,  viii,9'J.) 

2.  Je  ne  t'en  sai  ne  gré  ne  grâce,  /iîa^c^ea/ (Jubinal,  ii,  249.  355.) 
En  tel  manière  qu"il  face  —  Chose  dont  il  ait  gré  et  grâce.  Rutcbcuf 
(Moutaiglon,  iv,  120.) 


b  rtHVUK    DE    PIIILDLOGIK    FRANÇAISE 

6)  Deiis  adjectifs;  lopins  souvent  deus  épithètes  : 

Dont  cognoissant  ma  cruelle  maîtresse 

Estre  trop  Forte  et  Fièro  Forteresse,  i,  9  ' 

Croy  moy  que  de  tenir  les  choses 

D'amours  si  Couvertes  et  si  Closes,  i,  23 

Vien  Sain  et  Sauf,  i,  61  ^ 

La  muse  Héroyque  et  Hardie,  i,  40 

Et  qui  au  Fort  et  au  Foible  est  commune,  i,  80  ^ 

C'est  une  Lourde  et  Longue  maladie,  i,  174 

Mes  damoysclles 

Bonnes  et  Belles,  i,  187  * 

Tant  Bonne,  tant  sage  et  Bénigne,  i,  219 

C'est  un  meschant  Fol  et  Flatteur,  i,  243 

Fors  seulement  d'un  Seul  et  Simple  point,  i,  266 

Il  deviendra  Fertile  et  Fleurissant,  n.  5 

c)  Deus  verbes;  c'est  ici  cju'on  rencontre  le  plus  sou- 
vent rallitération  des  préfixes  : 

Et  qu'à  son  veuil  il  se  Tourne  et  Tempeste.  i,  85 
L'un,  que  tourment  Poursuit  et  imPortune.  i,  88 
Dont  ma  douleur  Renforce  et  Renouvelle,  i,  116 
A.utre  raison  quim'INduitet  m'INspire.  i,  119 
A  tous  humains  bien  DEmontre  et  DEsigne.  i,  313 
Et  pour  son  bien  combatent  et  conseillent,  i,  213 

d)  L'énumération  enfin  appelé  volontiers  chez  Marot 
l'allitération,  qui  s'étent  alors  souvent  sur  un  grand 
grand  nombre  de  mots  et  sur  plusieurs  vers  : 

L'été  lui  donnait  des  raisins 

Des  Pommes,  des  Prunes,  des  Poires, 

Des  Pois  vertz,  des  cerises  noires, 

1.  D('>jàdansla  «  Clianson  de  Roland  »  (1879,  2125,  3393)  et  depuis  un 
peut  partout;  se  trouve  encore  ailleurs  chez  Marot. 

2.  Ces  formules  allitérantes  nous  sont  restées,  comme  «gros  et  gras,» 
que  Marot  emploie  également. 

3.  Une  des  formules  qui  signifient  tout  le  monde.  Se  trouve  partout 
au  moyen  âge  et  semble  avoir  été  particulièrement  affectionnée  par 
Rutebeuf. 


SUR    LA    VERSIFICATION    DE    MAROT  7 

Du  Pain  bosnit,  du  Pain  d'espice.  i,  31 

Ce  sont  serpents  Enflez,  Envenimez, 

Mordans,  Mauldictz,  Ardans  et  Animez,  i,  47 

De  GRos,  de  GRans,  de  moyens  et  de  GResles.  i,  47 

Comme  Mollars,  Merles,  Maulvis,  Mésanges, 

Pinsons,  Pivers,  Passes  et  Passerons,  i,  260 

Mais  notre  poète  est  loin  de  se  borner  à  cette  forme 
de  rallitération.  Il  réunit  autant  qu'il  le  peut  par  cette 
consonance  tous  les  mots  que  le  sens  unit  déjà,  tous 
cens,  pour  parler  le  langage  de  la  grammaire^  qui  se 
rapportent  l'un  à  l'autre.  Ainsi  il  fait  allitcrer  : 

a)  Le  substantif  avec  son  épithète  ou  son  attribut  : 

Portant  un  Fer  Forgé  par  Desplaisance 

Au  feu  ardent  de  Rigoureux  Refus,  i,  8 

Les  Passans  Pèlerins,  i,  10  ' 

Don  il  cstoit  Premier  Portier,  i,  12 

Rendans  un  Son  si  très-Solacieux.  i,  15 

...Si  onc  eu  ces  bas  estres, 

Daignas  ouir  CIIANsonnettes  CHAMpestres.  i,  35 

Quand  elle  veoit  les  Satyres  Suyvants.  i,  52 

De  la  Malice  aujourd'huy  Manifeste,  i,  58 

Je  dy  que  tel  par  sa  Foy  peu  Féconde 

En  Jésus  Christ  a  très  Petite  Part,  i,  82 

Et  faux  Pasteurs  Parjures  etmeschans.  i,  88 

De  qui  jamais  Vice  ne  fut  Vainqueur,  i,  122 

Parquoy,  am}^  si  tes  Dictz  sontDecens.  i,  122 

Et  de  bon  Vin  Versé  en  maint  flascon.  i,  135 

...Tais  toi,  Lyon  Lié.  i,  138. 

De  pardonner  à  leur  Folle  Fureur,  i,  170 

Que  Maie  Mort  les  deux  jambes  lui  casse!  i,  170 

Tes  poincts  sont  grans,  tes  Mètres  Mesurez, 

Tes  Dictz  tous  D'or,  tes  termes  azur.és.  i,  178 

Que  tu  congnois  que  le  souverain  bien 

De  l'amytié  ne  gist  en  Longues  Lettres, 

En  mots  exquis,  en  grand  numbre  de  meU'cs, 

En  Riche  Rithme  ou  belle  invention,  i,  179 


8  HKVUK    DK    l'IIllAJLOGlK    FKANTAlSli 

6)  Le  substantif  avec  son  régime  : 

Trois  potz  a  pisser  pour  le  moins,  i,  38 

Car  bien  nourris  sont  du  /aict  de  la  /ysse 

Qui  nommée  est  du  «ionde  la  7>îalice.  i,  49 

Plus  coile  au  cent  ne  fera  la  gallée.  i,  58 

En  regardant  de  leur  Mal  la  Moylié.  i,  88 

Le  bon  vieillard,  vray  Confort  des  Craintifz.  i,  123 

Prince  de  Prix,  i,  179 

c)  Le  verbe  et  son  régime,  ce  qui  est  une  forme  qu'il 
semble  affectionner  tout  particulièrement  : 

Pretz  de  chanter  chansonnettes  divines,  i,  14 

Elle  vous  avoit  un  corset 

D'un  fin  bleu,  Lassé  d'un  Lacet 

Janine,  qu'elle  avoit  faict  exprès,  i,  25 

Sans  eulx  (mon  livre)  en  mes  vers  pourras  prendre 

Vie  après  moi  i,  1 

Il  daigna  bien  luy  mesmepeine prendre,  i,  37 

...Où  pour  prendre pasture.  i,  37 

...Pour/rommages/ormer.  i,  38 

Estre  repeu  de  l'humaine  pasture.  i,  (36 

...Car  Saint-Paul  testifie 

Que  Jésus-Christ  nos  w?embres  /nortifie.  i,  80 

...Et  Sonner  ne  S'amuse 

Sinon  tes  loz,  ma  tendre  cornemuse?  r,  94 

Scrablablement  la  Fable  Faut  ouyr.  i,  106 

S'en  va  dehors,  et  Liberté  nous  Laisse,  i,  107 

Dont  (par  mallieur)  se  trouva  Pris  au  Piège,  i,  138 

Vous  me  Tenez  Termes  plus  rigoureux 

Que  le  Drappier  au  berger  Douloureux,  i,  142 

Si  tu  Vas  Veoir  la  Ville  désirée,  i,  161 

Si  en  cest  art  veulx  ta  Pointe  Poursuivre,  i,  178 

Pour  le  Bon  Bruict  d'autruy  Briser,   i,  214.  Etc.,  etc. 

d)  Le  verbe  et  son  sujet  : 

Hz  ont  laissé  le  Pain  qui  ne  Perisl.  i,  75. 
Mais  si  Quelc'un  a  cecy  Contrarie,  i,  80 
Où  nostre  bien  et  vray  Plaisir  est  Pris,  i,  85 


SUK    r,A    VKRSIFKATION    I)H    MAROT  V 

Et.  (qui  plus  est)  gras  Bœufz  en  Brameront, 

Et  par  plaisir  Brebis  en  Besleront.  i,  93 

Encore  ay  paour  ([ue  Dieu  ne  soit  Desdit.  i,  169 

Ne  Papillon  pas  ne  le  Point 

Ne  Thenot  ne  le  Tenue  point,  i,  214 

Leur  Pied  même  s'est  venu  Prendre,  i,  215 

Dans  tous  les  exemples  (jui  prccèdeiil,  nous  voyons 
Marot  par  l'allitération  donner  plus  de  force  à  des 
rapprochements  de  signification,  et  pour  ainsi  dire, 
resserrer  le  lien  grammatical  et  logique.  ]\Iais  dans  une 
foule  de  vers  rallitëration  se  manifeste  franchement 
comme  un  pur  orneiuent  de  la  versification.  Le  plus 
souvent  un  mot  du  premier  hémistiche  allitôre  avec  un 
mot  du  second  : 

Soit  le  dernier  mot  do  IMuMiiistiche  avec  le  dernier 
mot  dti  vers  : 

Mais  faulx  Danger  gardoit  sur  le  Derrière 
Un  portail,  i,  13 

Par  cestc  Foy,  nul  n'aura  Fantaisie,  i,  72 
Ains  vraye  Amour  à  l'aimer  nous  Attire,  i,  83 
Si  Mcrcy  ay  Cupido  par  Mérites,  i,  21 
Où  les  plus  GRans  logeront  en  GReniers 
.  De  toutes  Pars  Percez  comme  Paniers,  i,  159 
En  leur  Séant  sur  le  pré  S'amassèrent,  i,  160 
N'est  point  Prisé  au  temps  Présent,  i,  166 
Si  ofliciers  en  l'Estat  seurement 
Sont  tous  Couchez  fors  le  povre  Clément, 
Qui  comme  un  arbre  est  Debout  Demeuré,  i,  167 
Et  me  Desplail  qu'il  faut  que  je  le  Die.  i,  169 
Quand  je  n'ay  Seu  moy  mesmes  Secourir?  i,  170 
Il  ne  Parloit  tout  que  de  Playderie.  i,  170 
M'y  Reverront  si  on  ne  m'y  Rameine.  i,  171 
Je  ne  suis  Point  vers  vous  allé  Parler,  j,  171 
Quand  je  me  Vey  sans  honncste  \''esture.  i,  74 
Quand  tout  est  Dict,  les  louenges  Données,  i,  178 
Qui  un  Resvant  en  fiebvre  Reprendra,  i,  178 
Parmi  les  Pieds  je  puisse  être  Pendu,  i,  308 


10  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Soit  le  dernier  mot  du  premier  hémistiche  avec  le 
premier  de  l'hémistiche  suivant,  du  moins  avec  le 
premier  mot  accentué  : 

Fors  qu'on  mes  Pleurs  Plaisir  luy  donnerayo.  i,  294 

Lors  à  ce  Bruict,  là-Bas  n'y  a  povre  âme 

Qui  ne  FRémisse  et  de  FRayeur  ne  tremble.  1,  49 

Que  le  Seigneur  pour  Sienne  a  esleue.  i,  81 

Puisqu'au  Partir  de  Paris  ce  grand  lieu,  i,  141 

Me  voyant  Loing  de  L'estat  jà  fermé, 

Jusques  au  Jour  qu'il  sera  deffermé.  i,  167 

Ce  temps  Pendant,  à  Pasturer  m'ordonne,  i,  167 

Le  bon  Loysir  et  L'entière  sauté,  i,  179 

Toutes  par  Moy,  le  Moindre  du  troupeau,  i,  180 

Que  vostre  Dire  est  un  Divin  oracle,  i,  181 

Qu'un  de  mes  Serfs  pour  Sauver  sa  jeunesse,  i,  296 

Soit  le  premier  mot  de  chaque  hémistiche  : 

Cierges,  rameaux,  et  Sièges  la  verdure,  i,  19 
Lascher  faulçons,  Lévriers  courir  au  boys,  i,  19 

Soit,  mais  plus  rarement,  deus  mots  qui  se  trouvent 
dans  des  positions  autres  que  celles-là  : 

Ausquels  Douleur  fait  toujours  Dure  presse,  i,  79 
Souvent  se  Fault  tenir  Ferme  debout,  i,  172 

Enfin  l'allitération  se  rencontre  aussi,  en  dehors  des 
cas  déjà  énoncés,  soit  dans  l'intérieur  du  même  hémis- 
tiche, soit  dans  des  vers  sans  césure  : 

Ausquelz  il  a  ses  secrets  révélez 

Qu'il  a  cachés  aux  Sages,  et  Celez,  i,  76 

Puis  mect  à  terre  un  Genouil  Gentement.  i,  138 

Toustefoys  tu  cuydes  avoir 

Chanté  en  Rossignol  Ramage,  i,  157 

Dedans  Paris  et  Tousjours  bien  Traictez.  i,  159 

Si  me  vient  il  Tousjours  en  cueurou  Teste,  i,  159 

Près  du  ruisseau  Caballin  Composée,  i,  163 

En  ce  palais,  me  Dire  en  Desarroy.  i,  169 

Non,  pour  certain;  Motif  en  est  Mercure,  i,  172 


SL'R    LA    VKUSIFICATION    DK    :\IAROT  11 

Est-il  besoin  de  dire  que  Marot  est  heureus  quand  il 
peut  multiplier  ces  consonances  qui  lui  font  un  tel 
plaisir  et  qu"il  ne  recule  pas  devant  une  allitération 
portant  sur  trois,  voire  sur  quatre  mots  ? 

Vindrent  ^^olo^  sur  ces  Vertes  courtines,  i,  14 

Vien  Sain  et  Sauf  :  tu  peulx  estrcaSSeuré 

Que  ...  I,  61 

Mal  ni  ennuy  dont  Maint  Mortel  s'estonne.  i,  81 

Sont  Dons  de  Dieu  très-Doux  et  savoureux,  i,  83 

C'est  lu}'  qui  est  Vérité,  Vie  et  Voye.  i,  G6 

Et  ne  Poindra  Par  moy  non  Plus  qu'il  Poinct.  i,  141 

J'ayle  Papier,  l'encre  et  la  Plume  Priuse.  i,  156 

Prendre  la  Plume,  et  faire  en  Prose  ou  mètre 

Quelque  réponse  à  ma  grossière  lettre,  i,  161 

Et  tant  de  Veaux  qui  Vont  par  Ville,  i,  165 

Puissant  Prélat,  je  me  Plains  grandement,  i,  169 

Et  Pars  demain,  des  Princes  l'outréPasse.  i,  179 

Puis  l'œil  Terni,  Triste,  vers  moy  Tourna; 

Sa  sèche  Main  dedans  la  Mienne  a  Mise,  i,  237 

Sans  vous  Touciier,  Tenir,  Taster,  Tenter,  ii,  3 

Nous  trouvons  même  des  vers  ornes  d'une  double 
allitération  : 

Des  Dictz  Dorez  et  de  Rithmez  Rommants.  i,  172 
Venez,  Venez,  Sotz,  Sages,  Folz  et  Folles,  i,  307 

L'allitération  s'étent  assez  souvent  à  deus,  même  à 
trois  vers,  soit  qu'un  mot  d'im  vers  allitcre  avec  un 
ou  plusieurs  du  vers  suivant,  ou  réciproquement, 
comme  : 

Ce  que  voyant  le  bon  Janot  mon  père 

Voulut  gaiger  à  Jacquet  son  compère,  i,  36 

Si  je  vous  Dy,  qu'au  monde  vicieux 

N'est  rien  si  Doux,  qui  ne  soit  très-amer,  i,  83 

Là  en  public  on  Manifeste  et  dit 

La  Mauvaisetié  de  ce  Monde  Maudict.  i.  15 

Dieu  tout  Puissant,  qui  tant  est  déboumiire, 


12  KHVL'K    DR    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Qu'à  ses  enfants  la  Pierre  pour  du  Pain 

Ne  donne  Poinct.  i,  79 

Jettans  un  feu  qu'à  Peine  on  Peult  esteindre, 

Et  en  Piquant  dangereux  à  l'atteindre,  i,  47 

Que  nonobstant  que  nostre  amitié  Ferme 

Tousjours  Fleurisse  en  sa  verdeur  Fréquente,  i,  163 

La  dure  Mort  de  la  Mère  du  Roy, 

Mon  Mecenas.  i,  178 

Car  quelque  Don  que  D'elle  soit  Donné, 

(Tantsoit-il  Doulx.  i,  295 

Soit  que  dans  1(3  second  vers  se  reproduise  une  alli- 
tération qui  forme  déjà  l'ornement  du  premier  : 

Que  toy,  qui  es  des  Pastoureaux  le  PRince, 

PRinsses  Plaisir  à  mon  chant  escouter.  i,  39 

Car  le  Plaisir  que  je  Prens  à  vous  veoir 

Passe  tous  ceulx  que  je  Pourroye  avoir,  i,  159 

Propos  qui  fust  si  fort  Plaisant  au  maistre 

Que  mal  Plaisant  ne  Peust  à  la  dameestre.  i,  162 

Ce  Monsieur  là  (Syre)  c'estoit  Moy  Mesme, 

Qui,  sans  Mentir,  fuz  au  Matin  bien  blesme.  i,  174 

Pinseur  Pinsant,  entre  autres  Poinctz 

Je  l'ay  Pinsé  de  ce  mot  :  Pinse; 

Les  bons  n'y  sont  Pinsez  ni  Poinctz, 

Mais  les  mesclians,  dont  tu  es  Prince,  i,  177 

0  Nuict  heureuse,  o  doulce  Noire  Nuict, 

Ta  Noireté  aux  amants  point  ne  Nuyt.  i,  274 

Et  les  Marys,  c'est  force  qu'ilz  deMeurent 

(Bons  ou  Maulvais)  jusques  à  ce  qu'ils  Meurent,  i,  293 

Mon  lot  qui  eut  l'acCol  de  chevalier, 

Est  acCollé  de  trop  mortel  Collier,  i,  297 

Chez  Marot,  l'allitération. est  aussi  riche  que  hà  rime  ; 
c'est-à-dire  qu'il  ne  se  contente  pas  de  la  similitude 
d'une,  voire  de  deus  consonnes.  Aussi  souvent  qu'il  le 
peut,  la  voyelle  qui  suit  ces  consonnes  est  la  même  dans 
les  deus  mots  ;  ainsi  qu'on  a  pu  le  remarquer  dans  les 
exemples   qui  précèdent  :  Roses,  romarins  ;  hommage 


SUR    LA    VERSIFICATION    DK    MAROT  .  13 

et  honneur  ;  pasteurs,  parjures,  etc.  La  similitude 
s'ôtcnt  môme  à  la  première  syllabe  tout  entière,  et 
nous  avons  ainsi  de  véritables  rimes  riches  initiales  : 
forme  et  force,  chansons  champestres  : 

Et  me  sourient  que  bien  souvent  aux  festes.  i,  36 
Vendent  leur  chair  cher  comme  cresme.  i,  199 

Mais  il  va  plus  loin  encore,  et  de  même  qu'à  la  rime 
il  n'hésite  pas  à  répéter  le  même  mot,  ainsi  dans  Thité- 
rieur  du  vers  il  joue  avec  les  formes  diverses  d'un 
même  vocable,  rapproche  les  dérivés  d'une  même  ra- 
cine. Nous  sommes  loin,  il  est  vrai,  de  l'allitération 
proprement  dite  ;  nous  touchons  au  jeu  de  mots.  Mais 
c'est  toujours  la  conséquence  du  même  principe,  de  ce 
plaisir  que  prent  Marot  à  multiplier  cesra})prochoments 
de  consonances  : 

Là  biens  sans  cause  en  causes  se  despendent; 

Là  les  causeurs  les  causes  s'entrcvendent.  i,  45 

Ou  autrement  les  bons  bontés  fuyroient.  i,  4G 

O  Roy  heureux  soubs  lequel  sont  entrez 

(Presque  péris)  les  lettres  et  lettres,  i,  53 

Qu'à  ta  naissance  avecque  toi  naistra.  i,  01 

Sinon  qu'il  est  plus  vain  que  vanité, 

Et  plus  léger  que  la  légèreté,  i,  78 

T'ont  faict  jecter  maintefoys  maintes  larmes,  i,  114 

Donne  response  à  mon  présent  affaire, 

Docte  Docteur,  i,  136 

le  ne  t'escry  d'aèi^s  trop  abusant,  i,  137 

Mais  despita  chatz,  chutes  et  chatons, 

Et  prisa  fort  ratz,  rates  et  ratons,  i,  138 

Tu  n'as  cousteau,  serpe  ne  serpillon 

Qui  sceut  coupper  corde  ne  cordillon.  i,  138 

Si  n'est-il  loup,  louve,  ne  louveton.  i,  142 

Car  le  cheval  que  je  pourmaj/ie  et  meine 

Est  malheureux,  et  brunche  en  pleine  plaine,  r,  153 

le  ne  veut  point  de  mule  ne  mu.let.  i,  154 

Sans  les  susdiclz  blasonneurs  blasonner.  i,  188 


14  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


II 


Théoriquement  rallitéralion  et  la  rime  sont  deus 
choses  différentes.  Elles  sont  cependant  l'une  et  l'autre 
les  résultantes  d'un  même  phénomène  :  le  charme  que 
notre  oreille  trouve  à  la  répétition  des  mêmes  sons  ; 
l'une  est  un  écho  qui  répète  la  fm  des  mots,  et  l'autre 
en  répercute  le  commencement.  L'une  et  l'autre  peu- 
vent d'ailleurs  se  mêler  et  se  produire  en  même  temps 
sur  le  même  son,  la  même  syllabe.  Dans  laquelle  des 
deus  catégories  doit-on  ranger,  par  exemple,  les  con- 
sonances qu'ofîrent  des  vers  comme  les  suivants  f 

Raison  me  dit  qu'il  me  faut  rcùRer.  \,  217 

Donc,  puis  qu'en  vous  joye  et  soulas  reDojine.  i,  318 

Car  on  t'atTend  :  puis  quand  seras  en  Tente,  ii,  6.  Etc. 

Marot  avait  un  nom  pour  la  «  rithme  »,  il  n'en  avait 
pas  pour  Fallitération,  qui  venait  à  peine  d'être  bap- 
tisée ^  Il  avait  pour  la  première  des  règles  et  des  théo- 
ries, ainsi  que  le  prouve  un  passage,  qu'on  a  souvent 
cité,  de  répitre  LU  (i,  214).  Il  ne  semble  pas  avoir 
employé  la  seconde  d'après  des  principes  aussi  cons- 
cients. Mais  peu  importe;  pour  l'une  et  pour  l'autre, 
pour  la  rime  et  pour  l'allitération,  il  obéit  aus  mêmes 
habitudes  d'une  oreille  particulièrement  ralhnée  et 
exercée,  à  la  même  loi  plus  instinctive  encore  que  cons- 
ciente :  appuyer  le  rythme  du  vers  par  le  plus  grand 
nombre  possible  de  consonances,  et  rendre  ces  con- 
sonances, ou  rapprochementhi  de  sons,  aussi  sensibles, 
aussi  frappants  que  possible.  Il  étent  la  similitude  des 
sons  initiaus  au  plus  grand  nombre  de  lettres  et  de 

1.  Par  J.  Jov.  Pontanus,  dans  son  dialogue  iutiUilé  «  Actius.  « 


SUR    LA    VERSIFICATION    DE    MAROT  15 

syllabes  qu'il  peut,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  dans  ce 
qui  précède  ;  il  procède  absolument  de  môme  pour  les 
sons  finaus. 

Marot  devait  donc  nécessairement  cultiver  la  rime 
riche.  J'estime  à  peu  près  à  deus  pour  cent  la  proportion 
des  rimes  c[ui,  chez  notre  poète,  ne  sont  pas  riches,  — 
j'entents  au  sens  technique  du  mot,  car  des  rimes 
comme  peine,  pleine  ^  —  andoilles,  gargoilles  —  cou- 
che, bouche  —  estre,  prebstre,  etc.,  ne  sont  pas  des 
rimes  pauvres. 

La  rime  riche,  à  le  bien  prendre,  est  une  rime  plus 
une  allitération,  puisque,  outre  la  similitude  de  la  fin 
du  mot  à  partir  de  la  voyelle  de  la  syllabe  accentuée,  — 
ce  qui  est  l'essence  de  la  rime,  —  elle  nous  offre  encore 
la  similitude  des  consonnes  qui  précèdent  cette  voyelle 
—  dites  consonnes  d'appui  —  ce  qui  est  l'allitération. 
Cela  est  si  vrai,  que  les  peuples  chez  lescjuels  l'allité- 
ration a  été  la  base  de  la  versification  et  dont  les  poètes 
l'emploient  encore,  non  plus  comme,  un  élément  essen- 
tiel, mais  comme  un  ornement  du  vers,  ont  horreur  de 
la  rime  riche.  Ils  n'aiment  pas  à  accumuler  en  un  seul 
endroit,  sur  une  seule  syllabe,  des  similitudes  de  con- 
sonances que  leur  oreille  est  habituée  à  trouver  dis- 
tribuées en  des  places  différentes  du  vers.  Mais  ce  n'est 
pas  à  Marot  qu'il  faut  demander  de  pratiquer  en  ces 
matières  le  quicl  ni/nis.  Il  ne  se  contente  même  pas  des 
rimes  riches  que  la  langue  fournit  tout  naturellement, 
de  celles  qui  sont  produites  par  les  syllabes  finales  de 
deus  mots.  Il  fait  naître  souvent  cette  allitération  des 
consonnes  d'appui,  là  où  elle  ne  se  présente  pas  d'elle- 
même.  Des  deus  mots  qui  se  trouvent  à  la  rime,  l'un 
commence-t-il  par  une  voyelle?  De  gré  ou  de  force  — 
h  tort  ou  à  droit,  comme  on  disait  encore  de  son  temps, 

1.  Remarquez  que  oetle  rime,  sau.s  être  une  rime  riche  au  sens 
propre,  nous  otfrc  une  rimo  plus  une  alliléraiioii  ;  il  y  en  a  un  certain 
nombre  de  ce  genre  dans  Marot. 


16  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

—  Marot  rapprochera  de  cette  voyelle  une  consonne, 
qu'il  demandera  presque  toujours  à  la  finale  du  mot 
précédent  et  qui  lui  fournira  l'allitération  cliercliée  : 

Tel  est  son  nom,  qui  est  de  mort  un  umbre. 
Regarde  un  peu,  en  voyla  un  grand  nombre,  i,  47 

En  m'écoutant  jectèrent  larmes  d'yeux; 

Si  feirent  bien  les  plus  souverains  Dieux,  i,  39 

Et  au  matin  que  la  clère  aurora 

En  ce  bas  monde  esclercy  le  jour  a.  i,  117 

Reçoy  moi  donc,  et  ton  estomac  ouvre, 
A  cette  fin  que  dedans  toy  recouvre,  i,  2G6 

Ainsi  devant  moy  plus  vites'enfuyra 

Que  devant  luy  ne  vont  fuyant  les  Muses, 

Quand  il  verra  que  de  faveur  tu  m'uses,  i,  41.  Etc. 

Il  étent  la  rime,  quand  il  le  peut,  à  deus  syllabes  : 

Car^  bien  nourris  sont  du  laict  de  la  lysse 
Qui  nommée  est  du  monde  la  malice,  i,  49 

Qui  le  sera  peult  estre  si  bon  heur 

Que  le  proufïît  sera  joinct  à  l'honneur,  i,  182 

Et  la  fait  riche  par  les  mêmes  procédés  qu'il  emploie 
pour  la  rime  d'une  syhabe  : 

Qu'impossible  est  qu'en  armes  ne  l'imites 
Et  que  (partant)  passeras  ses  hmites?  i,  63 

11  a  des  rimes  de  trois  syllabes  : 
Par  à  peu  près  : 

Et  le  labeur  qu'après  moi  il  mit  tnnt 
Certes,  c'estoit  affîn  qu'en  riniilant.  i,  37 


SUR    LA    VERSIFICATION    DE    MAROT  17 

Pauvres  :  —  le  terme  est  iei  singulier  : 

Long  temps  y  a  si  grand  bien  n'acquisl  l'on 

Que  de  vous  veoir  :  venez-vous  d'Acquillon?  i,  101 

Riches  : 

Mais  qu'est-il  ce  gentil  salaeur 
Qui  ose  approcher  sa  lueur 
Du  cler  soleil?  i,  171 

Enfui  il  est  allé  jusqu'à  employer  des  rimes  —  des 
rimes  riches  !  —  de  quatre  syllabes  : 

Toujours  les  a  la  louve  entretenus 

Et  près  du  cuer  de  son  ventre  tenus,  i,  49 

Il  n'est  pas  allé  plus  loin  ;  mais  qu'on  le  croie  bien, 
ce  n'est  pas  qu'il  ne  l'ait  voulu  et  qu'il  ait  été  arrêté  par 
des  scrupules  de  goût.  C'est  que,  malgré  toute  sa  vir- 
tuosité, il  ne  l'a  pu. 

On  pourra  facilement  multiplier  ces  exemples  en 
parcourant  les  œuvres  de  Marot  ;  mais  il  faut  se  garder 
de  faire  entrer  eu  ligne  de  compte  des  pièces  comme 
l'épitre  vi  (i,  132),  la  fin  de  l'épitre  xxv  (i,  167)  ou  la 
première  épigrainme,  où  Marot  s'amuse  à  accumuler  les 
rimes  les  plus  étranges  en  y  mêlant  le  jeu  de  mots.  Nous 
n'avons  voulu  parler  dans  tout  ce  qui  précède  que  des 
procédés  ordinaires  de  la  versification  de  notre  poète^ 
de  ceus  qu'on  rencontre  chez  lui  à  chaque  pas  dans  tous 
les  genres  et  sans  recherche  d'un  eiïet  comique  ou 
burlesque. 

Pour  donner  une  idée  complète  de  cette  versification^ 
à  la  recherche  de  toutes  les  consonances,  il  faudrait 
signaler  encore  l'emploi  de  toutes  les  espèces  de  rimes 
intérieures,  telles  que  celles  qu'offrent  ces  vers  : 

Point  il  n'habite  en  temples  faitz  de  mains, 
Et  révéré  n'est  par  mains  des  humains,  i,  71 
Rkvue  de  riiiLOi.oc.li:.  vu.  2 


18  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Bigotz,  cagotz,  goclz  et  magodz, 
Fagotz,  escargotz  etmargotz.  i,  251 

Dieu  gard  en  fin  toute  la  fleur  de  lys, 

Lime  et  rabot  des  hommes  mal  pollys.  i,  213 

Combien  que  Genncs  dans  sa  eosie 
Costoye  un  périlleux  fatras,  i,  248.  Etc. 

Mais  ce  sont  là  des  ornements  et  des  jeus  qu'on  ren- 
contre plus  rarement  et  dont  on  ne  peut  pas  dire  qu'ils 
fassent,  comme  l'allitération  et  la  rime  ultra- riche, 
partie  essentielle  d'un  système  de  versification. 

J.    FiRMERY. 


DICTIONNAIRE  DU  PATOIS  DU  BAS-GATINAIS 

Par  C.  Puichaud 


Abaculer,  verbe  actif.  Abacaler  une  charrette,  la  mettre 
les  brancards  en  l'air. 

Abécher,  v.  act.  Donner  la  becquée.  La  mère  abèclie  ses 
petits. 

Abourde,  nom  commun  féminin.  Béquille.  Boiteus,  prens 
tes  abourdes.  Cf.  le  bourdon  de  pèlerin. 

Abourder,  v.  act.  Étayer.  Abourdons  la  maison. 

Abramer,  v.  pas.  et  neut.  Se  plaindre  de.  Être  abramé  de 
faim. 

Abre,  n.  c.  m.  Arbre. 

Abrévier,  v.  act.  Abréger.  Employé  par  Rabelais. 

Abrevou,  n.  c.  m.  Abreuvoir. 

Abrever,  v.  act.  Abreuver. 

Abric,  n.  c.  m.  Abri. 

Abrier,  v.  act.  Couvrir  de  quelque  chose.  Il  faut  abrier  de 
paille  ses  récoltes.  Voir  abric. 

Abuc,  n.  c.  m.  Arc-boutant. 

Aburer,  v.  act.  Enlever  le  trop  plein  de.  Aburer  un  vase. 

Abusion,  n.  c.  m.  Erreur.  Quelle  abusion  de  croire  cela! 

Abuter,  v.  act.  Soutenir,  appuyer.  Abuter  un  mur. 

Acacher,  v.  neut.  Appuyer  fortement  sur  une  chose.  Dans 
Taillevent  et  Villon  on  trouve  escacher. 

Acassau,  n.  c.  m.  Acacia. 

Acotigner,  v.  act.  Faire  contracter  des  habitudes.  Acoti- 
gner  un  chien. 

Acotigner  (s'),  v.  pr.  S'attacher  trop.  S'acoquiner.  Voir 
acotigner. 

Accailler,  v.  n.  Se  coaguler.  Le  laitaccaille  vite  en  été. 

Accaser,  v.  n.  Se  rasseoir,  en  parlant  des  liqueurs. 


20  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Acclocher,  v.  unipers.  Se  dit  de  la  cloche  qui  no  sonne 
plus  que  par  coups  à  la  fin  d'une  sonnerie.  Pressons-nous 
d'aller  à  la  messe,  il  accloche.' 

Acertener,v.  act.,  se  trouve  dans  Marot,  assurer  quelqu'un 
d'une  chose.  Je  puis  vous  acertencr  qu'il  fera  beau  demain. 

Accoubler,  v.  act.  Accoupler. 

Accoubler  (s'),  v.  pr.  S'accoupler.  Voirie  verbe  précédent. 

Accouser,  v.  unip.  Devenir  lourd.  Le  pain  accouse.  Le  mot 
se  prononce  par  s  très  bref. 

Accumer,  v.  act.  Accumuler. 

Achaler,  v.  act.  Donner  de  la  chaleur.  Échaufïer. 

Achaler  (s'),  v.  pr.  S'échauffer.  On  s'achale  vite  en  hiver 
quand  on  travaille  de  force. 

Achayer,  v.  act.  Se  dit  d'un  oiseau  qui  abandonne  son  nid. 
Je  permès  de  ramasser  les  œufs  quand  l'oiseau  a  achayc  son 
nid. 

Achée,  n.  c.  f.  Lombric,  ver  de  terre. 

Acremer,  v.  act.  Recommander  dans  le  sens  de  répéter. 
J'ai  acremé  mon  frère  de  bien  soigner  ses  bœufs. 

Acrenailler,  v.  act.  rendre  chétif.  Malheureus  que  je  suis! 
la  misère  m'a  tout  acrenaillé. 

Acreur,  n.  c.  f.  Acreté. 

Acucher,  v.  act.  Égoutter  un  vase.  Acucher  un  pot. 

Adoubage,  n.  c.  m.  Assaisonnement. 

Adouber,  v.  act.  Assaisonner. 

Adoubou,  n.  c.  m.  Empirique.  Rhabilleur. 

Adressée,  n.  c.  f.  Droit  chemin. 

Adret,  -ète,  adj.  Adroit. 

Adrètement,  adv.  Adroitement. 

Afïenage,  n.  c.  m.  Ration  de  loin  Mettre  un  cheval  à 
l'afïenage. 

AfTener,  v.  act.  Fournir  de  foin  à  discrétion.  J'afïène  mes 
chevaus. 

Afïîage,  n.  c.  m.  Plantation. 

AfTier^  v.  act.  Planter.  Ailier 'des  chous. 

Afiîer  (s'),  v.  pr.  Se  planter.  Nous  ne  sommes  plus  dans 
l'âge  d'or  où  les  champs  s'affiaient  tout  seuls.  Par  extension 
s'afTier  signifie  se  pourvoir  de.  Aflîons-uous  de  bétail  en  ce 
moment. 


f 


DICTIONNAIRE    Df    PATOIS    BAS-GATINAIS  21 

Affilée  (d')^  loc.  adv.  !<>  Sans  interruption.  2°  Avec  abon- 
dance. 1°  Faire  dis  lieues  d'affilée.  2»  Notre  vache  allaite 
d'affilée. 

Affiler,  V.  n.  Donner  du  lait  avec  abondance.  Les  vaches 
commencent  à  affiler. 

Affranchir,  v.  act.  Castrer. 

Agât,  n.  c.  m.  Dégât. 

Agâter,  v.  act.  Endommager. 

Agauler,  v.  act.  Égauler. 

Ageasse,  n.  c.  f.  Pie. 

Aglion,  n.  c.  m.  Aiguillon. 

Agnelle,  n.  c.  f.  Brebis. 

Agroler,  v.  n.  Parler  agréablement.  Ce  jeune  homme  agrole. 

Agueille,  n.  c.  f.  Aiguille. 

Aguser,  v.  act.  Aiguiser. 

Aggraver,  v.  act.  et  neutre.  Éprouver  des  blessures  aus 
pieds.  La  marche  m'aggrave  vite.  J'aggrave. 

Aggraver  (s'),  v.  pr.  Se  blesser  les  pieds  en  marchant.  Mes 
bœufs  se  sont  aggravés  hier. 

Aggrouer,  v.  act.  Abriter  des  poussins  en  parlant  de  la 
poule.  La  poule  aggroue  bien  ses  petits. 

Aggrouer  (s'),  v.  pr.  S'accroupir. 

Agissances,  n.  c.  f.  pi-  Façon  d'agir,  pris  en  mauvaise  part. 
Je  n'aime  pas  tes  agissances. 

Agrener,  v.  act.  Fournir  de  grain.  Agrène  les  volailles. 

Aguigner,  v.  act.  Exciter  à  se  battre.  Je  n'aime  pas  agui- 
gner  les  gens. 

Ahonter,  v.  act.  Faire  avoir  honte  à  quelqu'un.  Ahonter 
son  voisin. 

Aiguail,  n.  c.  m.  Rosée. 

Aiguailler,  v.  unip.  Y  avoir  de  la  rosée.  Il  aiguaille  fort  ce 
matin. 

Aiguailler  (s'),  v.  pr.  Se  tremper  de  rosée.  On  s'aiguaille 
vite  le  matin  dans  l'herbe. 

Aiguer,  v.  act.  et  n.  Opérer  le  chargement  d'une  charrette 
en  se  tenant  dessus.  Il  est  peu  de  gens  qui  sachent  aiguer. 

Aigueur,  n.  c.  m.  Celui  qui  aiguë. 

Airaut,  n.  c.  m.  Sorte  de  charrue. 

Airaus,  n.  c.  m.  pi.  Aires  ou  cours  de  fermes. 


22  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Airée,  n.  c.  f.  Contenu  d'une  aire. 

Airer,  v.  act.  Aérer. 

Aizie,  n.  c.  m.  Aise. 

Aive,  n.  c.  f.  Eau. 

Aivée,  n.  c.  f.  Giboulée.  Il  est  tombé  une  forte  aivée. 

Aiver  (faire),  v.  act.  et  n.  Faire  abreuver  (les  champs). 
Bouchez  les  rigoles,  les  prés  ont  assez  aivé. 

Aiveus,  -euse,  aclj.  Imbibé  d'eau,  plein  d'eau.  Champs 
aiveus,  fruits  aiveus. 

Ajoncer,  v.  act.  Balayer.  Ajoncer  la  place. 

Aie,  n.c.  f.  Aile. 

Alier,  n.  c.  m.  Alisier. 

Aile,  pr.  pers.  Elle. 

Alliate,  adj.  des  deus  genres.  Tenace,  compact. 

Amatonner,  v.  act.  et  n.  Former  des  caillots,  des  nœuds. 
La  bouillie  amatonne  facilement. 

Amatonner  (s'),  v.  pr.  Se  dit  des  caillots,  des  nœuds,  des 
duretés  qui  se  forment  dans  une  substance. 

Amblet,  n.  cm.  Anneau  de  cuir,  de  bois  tordu  ou  de  fer 
qui  sert  à  atteler  les  bœufs. 

Amoustillé,  -ée,  adj.  Émoustillé. 

Anderce,  n.  c.  f.  Dartre  laiteuse  des  gens. 

Annet,  adv.  Aujourd'hui. 

Apparager,  v.  act.  Assortir,  apparier.  Apparager  des  laines, 
apparager  des  animaus. 

Appâturer,  v.  act.  Entretenir  de  pâture.  Appâturer  des 
animaus. 

Applaner,  v.  act.  Aplanir. 

Appouer,  v.  act.  et  n.  Appuyer.  Appouer  une  pelle  contre 
un  arbre.  Appoue-toi  sur  moi. 

Apprentif,  n.  c.  m.  Apprenti. 

Apprentive,  n.  c.  f.  Apprentie. 

Appriver,  v.  act.  Apprivoiser. 

Approprir,  v.  act.  approprier. 

Aqueder,  v.  n.  Rester  tranquille,  calme.  Aquéderas-tu? 

Arain,  n.  c.  m.  Airain. 

Arantèle,  n.  c.  f.  Toile  d'araignée. 

Aranteler,  v.  act.  et  n.  Enlever  d'un  lieu  les  toiles  d'arai- 
gnées. 


r 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  23 

Arauder,  v,  n.  Chanter  en  conduisant  les  bœufs  pour  les 
exciter. 

Arcan  (à  V],  loc.  adv.  A  l'abandon. 

A  rive,  loc.  adv.  De  retour.  Ton  père  est-il  à  rive? 

Arondelle,  n.  c.  f.  Hirondelle.  Raie. 

Argua,  u.  c.  m.  Sorte  de  mélange  destiné  à  combuger  les 
barriques. 

Arrc  (en),  loc.  adv.  Par-derrière. 

Arroler,  v.  act.  Bercer. 

Arroler  (s'),  v.  pr.  Se  bercer. 

Arrosser,  v.  act.  Tondre  eu  broutant.  Un  bœuf  arrosse  un 
champ.  Môme  signification  que  rosser. 

Arroué,  n.  c.  m.  Réservoir. 

Arroucr,  v.  act.  Mettre  en  forme  de  roue  des  substances 
telles  que  du  foin,  delà  paille. 

Ars,  arse,  adj.  Brûlant,  desséchant. Temps  ars.  Se  prononce 
par  a  long. 

Arson,  n.  c.  m.  Sorte  de  démangeaison  qu'ont  les  ani- 
maus.  Un  bœuf  a  souvent  de  l'arson  au  printemps. 

Arteil,  n.  c.  m.  Orteil. 

Assavanter,  v.  act.  Informer.  Assavanter  quelqu'un  do 
quelque  chose. 

Assavanter  (s'),  v.  pr.  S'informer.  S'assavanter  d'un  fait. 

Assai,  n.  c.  m.  Essai. 

Assayer,  v.  act.  Essayer. 

Assègrer,  v.  n.  Déposer,  en  parlant  d'un  liquide  qui  se 
sépare  de  la  lie.  Un  mélange  assègre.  S'emploie  le  plus  sou- 
vent avec  faire.  Faire  assègrer  du  vin. 

Assent  (d'j,  loc.  adv.  D'accord. 

Assérer,  v.  act.  Affermir.  Assérons  le  cœur  des  malheu- 
reus. 

Assiment,  n.  c  m    Épices,  condiment. 

1.  Assimenter,  v.  act.  Épicer.  Voir  assiment. 

2.  Assimenter,  v.  act.  Fermer,  boucher  avec  du  ciment. 
Atorné,  -ée,  adj.  Paré,  parée,  couvert  d'atours. 
Attelles,  n.  c.  f.  pi.  Le  joug  et  les  courroies  qui  servent  à 

atteler  les  bœufs. 

Aumailles,  u.  c.  f.  pi.  Bêtes  à  cornes. 

Auré, -ée,  adj.  Doré,  ée.  Se  trouve  dans  Rabelais. 


24  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Auteur,  n.  c.  m.  Cause,  motif.  Quel  est  l'auteur  de  ta  con- 
duite ? 

Avâcrer,  v.  neut.  Effondrer.  La  charpente  avâcrera  si  vous 
la  chargez  trop.  S'emploie  aussi  avec  l'aire  ;  faire  avâcrer  un 
mur. 

Avaler,  v.  act.  Descendre.  Même  signification  que  dévaler. 

Avaluer,  v.  act.  Évaluer. 

Avange,  n.  c.  f.  Avance. 

Avanger,  v.  n.  et  act.  Avancer.  Avanger  son  traA^ail,  s.  act. 
L'ouvrage  avange,  s.  neut. 

Aveigle,  u.  et  adj.  Aveugle. 

Aveillon,  n.  c.  m.  Petit  tas  de  foin. 

Avenage,  n.  c.  m.  Ration  d'avoine. 

Avène,  n.  c.  f.  Avoine. 

Avener,  v.  act.  Bourrer  d'avoine.  Avener  des  chevaus. 

Avenir,  v.  n.  Convenir,  aller  bien.  Cette  robe  lui  avient. 

Avenu,  -e,  adj.  Devenu  grand,  grande.  Enfants  avenus. 

Avirer,  v.  act.  Écarter,  éloigner  de,  Avirez  les  méchants. 

Avouiller,-v.  n.  Affluer.  L'eau  avouille.  A  quelquefois  un 
sens  actif  ,  et  équivaut  alors  à  inonder  :  L'eau  nous 
avouille. 

Avoure  (d')^  adverbe.  D'où. 


B 


Babouineries,  n.  c.  f.  pi.  Singeries,  grimaces.  Se  trouve 
dans  Rabelais.  Finis  donc  tes  babouineries. 

Badigouler,  v.  n.  Bavarder. 

Bagnole,  n.  c.  f.  Mauvaise  voiture. 

Bagoulier,  n.  c.  m.  Gosier. 

Baile,n.  c.  f.  Endroit  bas  et  marécageus  d'un  champ. 

Baillotte,  n.  c.  f.  Bois  creusé  où  l'on  dépose  les  enfants  au 
maillot. 

Balot,  n.  c.  m.  Grosse  lèvre.  Je  ne  voudrais  pas  avoir  un 
balot  comme  tu  en  as  un. 

1.  Baller,  v.  n.  Danser.  Ballez,  enfants,  vous  ne  ballerez 
jamais  plus  jeunes. 

2.  Baller,  v.  n.  Flotter,  surnager.  Le  liège  balle  sur  l'eau. 


DICTIONNAiru;    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  L'o 

Ballet,  n.  c.  m.  Hangar  où  l'on  met  la  paille. 

Ballière,  n.  c.  f.  Paillasse  faite  de  balle. 

Ballotte,  n.  c.  f.  Balle  à  jouer. 

Baraudage,  n.  e.  m.  Discours,  paroles  sans  raison.  Votre 
conversation  n'est  qu'un  baraudage. 

Barauder,  v.  n.  Déraisonner.  Vous  baraudez.  mou  ami. 

Bardeau,  n.  e.  m.  Petite  éoluse  qui  barre  un  cours  d'eau. 
Français  batardeau. 

Bardou,  n.  c.  m.  Ane  (animal). 

Barge,  n.  e.  f.  Tas  de  foin,  de  paille,  bois,  genêt,  etc.  Barge 
de  foin, 

Barrèmes,  n.  c.  m.  pi.  Contes  en  l'air. 

Basse  heure  (de),  loc.  adv.  Sur  le  tard.  Ne  pas  rentrer  de 
basse  heure. 

Batail,  n.  c.  m    Battant  de  cloche. 

Battou,  n,  c.  m.  Battoir.  Une  bonne  laveuse  frappe  des 
coups  de  battou  nombreus  dans  un  jour. 

Bauje,  n.  c.  f.  Jauge.  Dans  un  coup  incertain,  quand  on 
joue  ans  boules  on  a  l'habitude  de  passer  la  bauje. 

Baujer,  v.  act.  Jauger.  Je  crois  avoir  gagné  et  je  veus 
baujcr. 

Baulement,  n.  c.  m.  Hurlement.  Bergers,  veillez  ans 
troupeaus.  Je  viens  d'entendre  le  baulement  des  loups. 

Bayer  ou  beyer,  v.  n.  Se  dit  du  poisson  qui  paraît  sur 
l'eau  en  ouvrant  la  bouche. 

Bé  ou  ben.  adv.  Bien. 

Beacop,  adv.  Beaucoup. 

Becaud.  n.  c.  m.  Chevreau. 

Bêchée,  n.  c.  f.  Bouchée.  Bêchée  de  pain. 

Bêcher,  v.  act.  Percer  avec  le  bec,  se  dit  quand  le  petit 
oiseau  entr'ouvre  la  coquille  qui  l'enveloppe  en  la  perçant  avec 
le  bec. 

Becclau,  n.  c.  m.  Rut,  ne  s'applique  qu'à  la  chèvre. 

Becotter,  v.  n.  Mettre  bas  en  parlant  de  la  chèvre, 

Bedat,  n.  c.  m.  Verrat.  Par  extension  homme  gros  et  gras. 

Bégasser,  v.  n.  Bégayer. 

Bégassous,  -ouse,  n.  c.  Bègue. 

Bejou,  n.  c.  m.  Amande  qui  se  trouve  dans  le  noyau  d'un 
fruit. 


26  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Belin,  n.  c.  m.  Bélier  (animal).  Je  te  vens  un  belin. 

Belinage,  n.  c.  m.  Accouplcmient  du  bélier. 

Bergeon  et  Brcjon,  n.  c.  m.  Sillon  qui  ne  traverse  pas 
entièrement  un  champ.  Dans  le  milieu  de  mon  champ  il  y  a 
un  bouquet  d'arbres  qui  me  force  à  faire  des  bergeons. 

1.  Berne,  n.  c.  f.  Cardamine  (plante). 

2.  Berne,  n.  c.  f.  Bâche  en  toile. 

Besson,  n.  c.  m  Jumeau.  Ces  deus  enfants  sont  bessons. 
Bicle,  n.  etadj.  des  deus  genres.  Bigle,  louche. 
Bicler,  v.  n.  Bigler,  loucher.  Vous  aurez  beau  me  regarder 
en  biclant,  vous  ne  me  ferez  pas  peur. 

1.  Bidet,  -tte,  n.  c.  Petit  cheval.  Mou  bidet.  Ma  bidette. 

2.  Bidet,  n.  c.  m.  Un  (nombre).  J'ai  amené  le  numéro  bidet 
au  tirage  au  sort. 

Bidrouillet,  n.  c.  m.  Mauvais  vin.  Dans  les  auberges  on 
est  sujet  à  boire  du  bidrouillet. 

Bigailler,  v.  act.  Troquer.  Bigailler  un  cheval  pour  un 
autre.  Le  viens  français  avait  le  mot  birjuer,  même  sens  que 
bigailler. 

Biguenailler,  v.  n.  S'amuser  à  des  riens,  baguenauder. 
On  ne  s'enrichit  point  en  biguenaillant. 

Biger  (ou  biser),  v.  act.  Embrasser.  Biger  sa  mère. 

Bilau,  n.  c.  m.  Chat  à  longs  poils. 

Bine,  n.  c.  f.  Race,  pris  en  mauvaise  part.  Un  tel  est  parti 
avec  toute  sa  bine. 

Bioter,  v.  n.  Boire  au  biberon.  Mon  chevreau  biote  tous 
les  jours,  car  sa  mère  est  morte.  Bioter  se  prent  aussi  dans 
un  sens  actif,  faire  bioter  un  animal. 

Bireuil,  n.  c.  m.  Louche.  Homme  bireuil,  femme  bi- 
reuille. 

Birot,  ote,  adj.  et  n.  Niais,  niaise. 

Biroter,  v.  n.  Regarder  niaisement. 

Bisaguë,  n.  c.  f.  Outil  de  charpentier  à  deus  branches 
aiguës.  Fr.  bisaiguë. 

Bisquer,  v.  n.  Être  contrarié.  Je  bisque. 
•    Blanchet,  n.  c.  m.  Gilet  de  laine  blanche. 

Boirie,  n.  c.  f.  Action  de  boire.  Je  n'aime  pas  les  gens 
adonnés  k  la  boirie. 

Boitouscr,  v.  n.  Boiter.  Une  longue  marche  fait  boitouser. 


DICTIONNAIRK    DU    PATOIS    liASGATINAIS  27 

Borde,  n.  c.  f.  Arête  de  poisson.  Déficz-vous  des  bordes 
en  mangeant  du  poisson. 

Borderie,  n.  c.  f.  Petit  domaine.  Dans  la  eoutume  du 
Poitou,  Jean  Lcdet,  qui  la  commente,  fait  observer  qu'en 
Gastine  gagnerie  de  deus  bœufs  est  prise  pour  borderie.  En 
un  mot,  borderie  comprcnt  une  quantité  de  terre  que  deus 
bœufs  peuvent  labourer  pendant  un  an. 

Bordier,  ière,  n.  c.  Cultivateur  d'une  borderie. 

Bosser,  v.  n.  Se  dit  d'un  légume  dont  la  racine  prent  en 
terre  la  forme  arrondie. 

Bot,  n.  c.  m.  Sabot. 

Boubo,  adj.  des  deus  genres.  Enflé,  -éc. 

Boubelin,  -ine,  adj.  Diminutif  de  boube. 

Boude,  n.  c.  f.  Génisse  qui  tète. 

Boudet,  n.  c.  m.  Veau  de  lait. 

Boudin,  n.  c  m.  État  du  foin  placé  en  forme  de  boudin 
pour  le  faire  sécher.  Ramenons  pour  la  nuit  notre  foin  en 
boudin. 

Boudiner,  v.  act.  Mettre  du  foin  en  boudin.  Qui  boudiné 
son  foin  ne  pert  pas  son  temps. 

Boudingue,  n.  c.  f  Vessie. 

Bouffer,  v.  n.  Bâfrer.  C'est  en  bouffant  qu'il  mange  ce 
qu'il  a. 

1.  Bouillard,  n.  c.  m.  Pluie  abondante  et  soudaine,  gibou- 
lée. Il  est  tombé  un  bouillard. 

2.  Bouillard,  n.  c.  m.  a.  Fois.  Il  y  a  des  bouillards  où 
l'on  est  malheureus.  b.  Réprimande.  Administrer  un  bouil- 
lard. 

Bouine,  adj.  fém.  Qui  sattaclie  ans  bœufs.  Mouche 
bon  ine. 

Bonne,  adj.  f.  Bonne. 

Boula,  n.  c.  m.  Bouleau. 

Boulassier,  n.  c.  m.  Celui  qui  récolte  les  branches  du 
bouleau  pour  en  faire  des  balais. 

Bouler,  v.  act.  Troubler  (un  liquide).  Bouler  l'eau. 

Bouleter,  v.  n.  Se  dit  des  plantes  dont  les  racines  preimont 
en  terre  la  forme  de  boulettes. 

Boulile,  n.  c.  f.  Petite  ouverture,  œil-dc-bœuf.  Pas.ser  sa 
tête  dans  la  boulite. 


28  REVUE    DE    PilILOLOGIE    FRANÇAISE 

Boulitean,  n.  c.  m.  Diminutif  de  boulite, 

Bouliler,  v.  n.  Regarder  ctirieuseiiient,  regarder  jDar  la 
boulite. 

Bouloir,  n.  c.  m.  Rabot,  sorte  de  perche  employée  à  trou- 
bler l'eau  pour  la  pêche. 

Boulot,  -otte,  n.  c.  Personne  grasse.  Cet  homme  est  un  vrai 
boulot. 

Boulotter,  v,  n.  Rouler.  Boulotter  de  haut  en  bas. 

Boulotter  (se),  v.  pr.  Se  rouler.  Se  boulotter  par  terre. 

Boulotter ,  v.  act.  Manger.  Boulotter  un  morceau  de 
pain. 

Bourder,  v.  n.  Se  reposer.  Le  meilleur  ouvrier  ne  peut  se 
dispenser  de  bourder  quelquefois. 

Bourdouneau,  n.  c.  m.  Extrémités  du  montant  de  la  porte, 
qui  servent  de  pivot. 

Bouret,  -ette,  adj.  Froid,  humide.  Gelée  bourette. 

Bourgne,  n.  c.  f.  Engin  de  pêche  en  clayonnage. 

Bournais,  Bournier,  n.  c.  m.  Ruche.  Les  abeilles  ne  sortent 
pas  encore  du  bournais,  du  bournier. 

Bourner,  v.  act.  Sonner,  résonner.  Le  canon  l)ourne.  Par 
extension,  bourner  signifie  frapper  de  façon  qu'il  en  sonne. 
Si  tu  n'aquèdes  pas,  je  m'en  vais  te  bourner. 

Bourniger,  v.  n.  Fureter.  Les  enfants  bournigent  partout. 

BouroUo,  n.  c.  f.  Nasse. 

Bouroller,  v.  n.  Pêcher  à  la  bouroUe.  Le  meilleur  temps 
pour  bouroller  est  l'été. 

BouroUet,  n.  c.  m.  Petite  bourolle. 

Bourrée,  n.  c.  f.  Litière  de  foin,  paille,  etc.,  que  l'on  met 
dans  ses  sabots. 

Bourrelet,  n.  c.  m.  Bourrelet. 

Bourret,  -ette,  adj.  A  longs  poils.  Chien  bourret,  vache 
bourrette. 

Beurrier,  n.  c,  m.  Les  balayures.  Enlever  le  beurrier. 

Bourrin,  n.  c   m.  Anon. 

Boursiller,  v.  n.  Payer  de  sa  bourse.  Quand  on  fait  des 
achats,  on  doit  boursiller. 

Bouter,  v.  act.  Mettre,  serrer,  viens  mot.  Bouter  l'arbre 
dans  son  creus.  V.  n.  Soulever  avec  la  tête  le  museau.  La 
taupe  boute. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  29 

Boulcc,  n.  c.  f.  1°  Secousse,  poussée.  Tirer  par  boutées. 
2°  Effort.  Allons,  les  enfants,  encore  une  boutée,  nous  nous 
reposerons  après. 

Boutole,  n.  c.  f.  Réservoir  qui  se  trouve  à  la  sortie  des 
étangs.  Nous  avons  pris  tout  le  poisson  dans  la  boutole. 

Brailler,  v.  n.,  11  mouillées.  Pleurer. 

Bramer,  v.  n.  Se  plaindre,  crier.  Bramer  de  faim.  Ce 
verbe  a  un  sens  plus  large  que  le  verbe  français  bramer  qui 
ne  s'applique  qu'au  cri  du  cerf. 

Braucal,  n.  cm.  Brancard. 

Brèche,  n.  c.  m.  Rayon  de  miel.  J'ai  acheté  une  brèche  de 
miel. 

Bredasse,  n.  c.  f.  Femme  bavarde. 

Bredasser,  v.  n.  Bavarder.  Tu  brodasses  trop. 

Bredasseries,  n.  c.  f.  pi.  Bavardage.  Finis  tes  bredasserics. 

Bredassou,  n.  c.  m.  Bavard. 

Brehaigue,  adj.  fém.  Stérile.  Femme  brehaigne,  vache 
brehaigne,  viens  mot. 

Brelaud,  n.  c.  m.  Ver.  Fruit  plein  de  brelauds. 

Brelaudé,  -ée,  adj.  Vérous,  -euse.  Fruit  brclaudé. 

Brelière,  n.  c.  f.  Anse.  Brelière  de  seau. 

Brenée,  n.  c.  f.  Pâtée  faite  de  bran. 

Brèner,  v.  n.  Arrêter,  accrocher.  Je  n'aime  pas  passer  dans 
les  bois,  ça  brène  trop. 

Breton,  n.  c.  m.  Étincelle. 

Bretonncr,  v.  n.  Se  dit  de  ce  qui  produit  des  étincelles.  Le 
feu  bretonne. 

Brelicle,  it.  c.  f.  Lueur  éclatante. 

Breticler,  v.  n.  Briller  vivement.  Un  sabre  breticle.  Le  feu 
breticle. 

Brette,  adj.  fém.  Se  dit  d'une  vache  sans  veau.  La  vache 
brette  pert  souvent  son  lait. 

Brcvage,  n.  c.  m.  Breuvage. 

Brider,  v.  n.  Être  arrêté.  Un  ivrogne  bride  partout. 

Brime,  n.  c.  m.  Mauvais  vent  qui  brûle  les  récoltes.  Un 
brime  est  tombé  sur  mes  pruniers.  • 

Brimer,  v.  n.  Se  dit  du  mauvais  vent  qui  détruit  des 
récoltes.  Mes  blés  sont  brimés. 

Brize,  u.  c.  f.  Braise. 


30  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Bremer,  v.  n.  Bramer. 

Brou,  n.  c.  m.  Lierre. 

Brouée,  n.  c.  f.  Bruine.  Une  forte  brouée  vous  enfont 
jusqu'à  la  peau. 

Brousseau,  n.  c.  m.  Hallier,  touffe  d'ajoncs,  de  ronces, 
etc.  Tomber  dans  un  brousseau. 

Broussée,  n.  c.  f.  Comme  brousseau. 

Brut,  n.  c.  m.  Bruit.  Entendre  un  grand  brut. 

Bu,  n.  c.  m.  Bœuf. 

Buaille,  n.  c.  f.  Chaume.  Champ  do  buaille. 

Buaillaud,  n.  c.  m.  Petit  chaume.  On  coupe  le  chaume 
avec  la  faucille  et  le  buaillaud  avec  le  dail. 

Buailler,  v.  n   Couper  la  buaille. 

Buchaille,  n.  c.  f.  Menu  brin  de  bois,  diminutif  de  bûche. 

Buchailler,  v.  n.  Ramasser  de  la  buchaille. 

Buchelier,  n.  c.  m.  Lieu  où  l'on  met  le  bois,  bûcher. 

Buffer,  V.  act.  Souffler.  Buffe  le  feu.  Bufler  au  figuré  veut 
dire  haleter.  Buffer  après  une  course. 

Buffet,  n.  c.  m.  Soufflet. 

Buie,  Bie,  Bue,  n.c.  f.  Cruche  à  contenir  l'eau  pour  boire. 
Amyot  emploie  le  mot  buie. 

Burettée,  n.  c.  f.  Pleine  burette.  Burettée  d'eau,  devin. 

Burgauder,  v.  u.  Beugler.  Qu'ont  donc  nos  boeufs  à 
burgauder? 

Burgot,  n.  c.  m.  Gros  morceau.  Un  burgot  de  pain. 

Burquer,  v.  n.  Heurter,  butter.  Il  a  burqué  dans  moi. 

Burrelot,  n.  c  m.  Bourrelet. 


Cabosse,  n.  c.  f.  Bosse.  Je  me  suis  fait  en  tombant  une 
cabosse  au  front. 

Cabosser,  v.  act.  Faire  des  bosses  à...  Cabosser  sa  lanterne 
en  la  lafssant  tomber. 

Cabot,  n.  c.  m.'  Battant  de  la  cloche. 

Caboter,  v.  n.  Sonner  avec  le  cabot  la  cloche  sans  la  mettre 
en  branle.  On  cabote  pour  un  baptême. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  31 

CaboLirgnc,  u.c.  f.  Trou.  Jeter  de  la  terre  dans  la  cabour- 
gne. 

Cabrenot,  -otte,  adj.  Creus,  -se.  Arbre  cabrenot.  Souche 
cabrenotte. 

Cabrenotte,  n.  c.  f.  Tronc  d'arbre  creus. 

Cadrou,  n.  c.  m.  Convulsions  de  Tagonie.  (En  mauvaise 
part.)  Faire  le  cadi'ou. 

Gagne,  n.  c.  ni.  Petit  trou.  Faire  des  cagnes  dans  une 
enclume. 

Gagner,  V.  n.  S'enfuir,  se  cacher. 

Gagner  (se),  v.  pr.  Se  cacher.  Où  t'cs-tu  cagné  ce  matin? 
Je  n'ai  pas  pu  te  voir. 

Gagnon,  n.  c.  m.  Gros  morceau  de  pain.  Le  français  a 
quignon. 

Gaillebotter,  v.  n.  Se  dit  quand  quelque  chose  se  convertit 
en  grumcaus,  en  caillots.  Le  lait  caillebotto. 

Gaillebotter  (se),  v.  pr.  Se  réduire  en  caillots.  Le  sang  se 
caillebotte. 

Caleau,  n.  c.  m.  Nois  dépourvue  de  l'écale. 

1.  Galer,  v.  act.  a  Mettre  quelque  chose  dans  un  endroit. 
Caler  sa  main  dans  un  trou,  h  Galer  s'emploie  pour  vêtir. 
Cale  ta  culotte. 

2.  Caler,  v.  n.  Glisser.  La  route  cale  beaucoup  ce  matin. 
Caler  (se),  v.  pr.  Se  cacher.  Se  caler  dans  un  four. 
Calfreter,  v.  act.  (Rabelais).  Calfeutrer.  Vous  aurez  beau 

ealfreter  votre  maison,  la  mort  y  rentrera  toujours. 
Gamouffe,  n.  c.  f.  Chandelle. 
Capot,  n.  c.  m.  Coiffe  de  femme,  capote  de  femme. 
Caquette^  n.  c.  f.  Dent.  Terme  de  mignardise. 

1.  Caraud,  n.  c.  m.  Mauvais  plat. 

2.  Caraud,  n.  c.  m.  Vieille  femme.  Voyez  ce  vieus  caraud. 
Caraudage,  n.  c.  m.  Carrelage. 

Carbon,  n.  c.  m.  Charbon  en  feu. 

Carne,  n.  c.  f.  Mauvaise  viande.  A  la  boucherie  la  carne 
se  paye  comme  la  bonne  viande. 

Casarne,  n.  c.  f.  Caserne. 

Cascaret,-ette,  adj.  Fou,  folle.  Je  crois  qu'un  tel  est  un  tant 
soit  peu  cascaret. 

Casse,  n.  cf.  Lèchefrite. 


32  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Castille,  n.  c.  f.  Groseille  à  petit  grain.  Aimer  les  caslilles. 

Cavarne,  n.  c.  f.  Caverne. 

Cendrille,  n.  c.  f.  Mésange. 

Cerne,  n.  c.  m.  Cercle.  Les  oies  sauvages  font  un  grand 
cerne  avant  de  s'appuyer. 

Cerner,  V.  n.  Tourner  en  cercle.  J'ai  vu  des  gens  cerner 
autour  delà  maison.  A  l'actif,  entourer.  Cerner  une  troupe 
de  soldats.  C'est  alors  le  sens  français. 

Cha(-g-un),  loc.  adv.  Par  un.  On  dit  aussi  cliadeus, 
cha-trois,  etc.,  par  deus,  par  trois. 

Chafïre,  n.  c.  m.  Résidu  du  beurre  lavé.  Le  beurre  qui 
n'a  pas  été  privé  du  chaffre  n'est  pas  bon. 

Chague,  n.  c.  m.  Chêne. 

Chagnaie,  n.  c.  f.  Plantation  de  chênes. 

Chaise,  u.  c.  f.  Chaire.  Quand  le  curé  monte  en  chaise,  il 
faut  être  attentif. 

Chalibaude,  n.  c.  f.  Feu  vif  de  paille,  genêt  ou  autres 
substances  produisant  beaucoup  de  chaleur,  mais  sans  durée. 

Chance,  n.  c.  f.  Provision  d'une  chose.  Cette  année  j'ai 
une  belle  chance  de  pommes  de  terre. 

Chancer,  v.  act.  Fournir  quelqu'un  d'une  chose.  L'année 
passée,  je  t'ai  chance  de  carottes  ;  cette  année,  en  échange, 
chance-moi  de  navets. 

Chancer  (se),  v.  pr.  Se  fournir  de.  Se  chancer  de  graines. 

Champis,  -ise,  n.  c.  Bâtard.  Un  champis,  une  champise. 
On  lit  dans  une  lettre  de  Costard  :  «  Dans  le  Poitou  les  bâtards 
sont  appelés  champis,  comme  qui  dirait  faits  dans  les  champs.  » 
Nous  croyons  qu'il  serait  mieus  de  modifier  ainsi  la  fin  de 
cette  phrase  :  «  trouvés  dans  les  champs.  » 

Chapuser,  v.  act.  Travailler  sur  le  chaput  le  bois,  le  métal. 
Chapuscr  un  maillet. 

Chapuser  (se),  v.  pr.  Se  travailler.  Le  bois  dur  se  chapuse 
plus  proprement  que  le  bois  tendre.  Par  extension  se  chapu- 
ser signifie  se  battre.  Tu  te  chapuses  trop  souvent,  mon  gars, 
il  finira  par  t'en  cuire. 

Chaput,  n.  c.  m.  Billot  Tout  sabotier  doit  avoir  un  cha- 
put. 

Charcher,  v.  act.  Chercher.  Que  charches-tu  là? 

Charde,  n.c  f.  Écharde.  Enlever  les  chardes  d'un  poisson. 


DICTIONNAIRE    PU    PATOIS    BAS-GATINAIS  83 

Chai'pin,  n.  c.  m.  Charpie.  Mettre  sa  culotte  en  charpin  en 
passant  dans  les  bois. 

Charquoi,  n.  c.  ni.  Carcasse.  Mangeras-tu  ce  cbarquoi  de 
poulet? 

Charre.n.c.  f.  Ouverture  dans  une  haie.  Sortir  par  la  eharre, 

Charreau,  u.c.  m.  Petit  sentier  où  passent  les  charrettes. 
Suis  ce  charreau,  il  conduit  tout  droit  à  la  roule. 

Charreli,  n.  c.  m.  La  voiture  sans  les  roues.  Je  viens 
d'acheter  un  charreti  de  charrette  et  de  commander  des 
roues  chez  le  charron. 

Charrière,  n.  c.  f.  Comme  eharre. 

Chat,  n.  c.  m.  S'adjoignant  à  certains  mots,  avec  la 
même  signification  qu'en  français:  chat  fouin,  la  fouine; 
chat  putois,  le  putois. 

Chatelet,  n.  c.  m.  Dévidoir.  Mettre  le  fil  sur  le  chatelet. 

Chatouille,  n.  c.  f.  Se  trouve  dans  Rabelais.  Sorte  de  petite 
anguille.  Les  chatouilles  sont  en  grand  nombre  dans  les 
ruisseaus. 

Chaud,  -de,  adj.  En  rut.  S'aj)plique  à  l'espèce  chevaline. 

Chaulong,  n.  c.  m.  Chou  vert.  As-tu  planté  tes  chaulongs? 

Chauloiniière,  n.  c.  f.  Semis  de  chaulongs.  Mes  chaulon- 
nières  sont  en  bon  état. 

Chaumeni,  n.  c.  m.  Pourriture.  Voilà  du  pain  tout  couvert 
de  chaumeni. 

Chaumenir,  v.  n.  Pourrir.  Le  fromage  chaumenit;  viande 
chaumeni(^ 

Ciiauveni,  n.  c.  m.  Moisissure,  échauflfement.  Ça  sent  le 
chauveni  chez  vous. 

Chauvenir,  v.  u.  S'échaufïer,  moisir.  Le  bétail  se  soucie 
peu  du  foin  chauveni. 

Cheintre,  n.  c.  f.  Lisières  des  champs  touchant  aus  haies. 
Il  n'est  pas  facile  de  cultiver  les  cheintres  à  cause  des  racines 
d'arbres  qui  s'y  développent. 

Chemineau,  n.  c.  m.  Plaque  de  cheminée.  Les  amateurs 
d'antiquités  n'ont  pas  encore  collectionné  les  chemineaus. 

Cheminet,  n.  c.  m.  Petit  chemin.  Passer  par  le  cheminet 
pour  se  raccourcir. 

Chérant,-te,  adj.  Qui  vent  ciier.  l^ourquoi  vous  montrer  si 
chérant?  Cela  vous  nuira. 

Hi:vLK  i)K  i'iiii.oi.O(Ui:,  vu.  3 


34  REVUE    DR    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Chérrée,  chérrio,  n.  c.  f.  Cendre  qui  a  servi  à  la  lessive. 
Combien  avez-vous  étendu  de  chérrée  sur  vos  prés.  Fr. 
charrée. 

Chéti,  adj.  m.  Cliélif.  Chéti  gars  ;dans  cette  locution  chéii 
veut  dire  mauvais. 

Cliétivcté,  n.  c   f .  Malice.  Enfant  rempli  de  chétiveté. 

Cheure,  v.  n.  Choir.  Si  tu  n'avais  pas  été  si  vite^tu  n'au- 
rais pas  ché. 

Chevêche,  n.  c.  f.  Chouette. 

Chevrette,  n.  c.  f.  Trépied  de  potager.  Où  est  la  chevrette? 
J'en  ai  besoin. 

Chevroter,  v.  n.  Mettre  bas,  en  parlant  de  la  chèvre.  Ma 
chèvre  est  prête  à  chevroter. 

Chicoter,  v.  n.  Se  dit  d'une  chienne  qui  met  bas.  Une 
chienne  qui  chicote. 

Chiron,  n.  c.  m.  Rocher  volant,  c'est-à-dire  qui  ne  forme 
qu'un  seul  morceau  sans  couches. 

Chocasse,  n.  c.  f.  Gousse  d'un  fruit.  Chocasse  de  marron, 
de  pois.  Enlever  la  chocasse  des  nois. 

Chois,  n.  c  m.  Différence.  Il  y  a  grand  chois  entre  les 
deus. 

Choppe,  adj.  des  deus  genres.  Pourri  à  Tintcrieur.  Poire 
choppe. 

Choppesir,  v.  n.  Devenir  choppe,  se  gâter.  Tous  les  fruits 
choppesissent  cette  année. 

Choulong.  Voir  Chaulong. 

Choulonière.  Voir  Chaulonière. 

Cince,  n.  c.  f.  Instrument  de  boulanger  composé  d'une 
perche  à  laquelle  sont  attachées  des  guenilles  et  qui  sert  à 
nettoyer  le  four  avant  d'y  mettre  le  pain. 

Cincer,  v.  act.  Se  servir  de  la  cince.  On  ne  peut  trop 
engager  les  boulangers  à  cincer  leur  four. 

Citrolle,  n.  c.  f.  Citrouille.  Comment  sont  vos  citrolles? 

Civrée,  n.  c.  f.  Pleine  civière  Dans  une  bataille  combien 
ramasse-t-on  de  civrées  de  morts  ! 

Clarser,  v.  act.  Sarcler.  A  Tlioure  qu'il  est,  les  semis 
devraient  être  clarsés. 

ClaS;,  n.  c.  m.  Glas.  Je  n'aime  pas  entendre  sonner  un  clas. 

Claveau,  n.  c.  m.  Clou  recourbé. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  35 

Clavelcr,  v.  act.  Motti'C  des  claveaus,  Claveler  un  porc 
pour  Teni pêcher  de  fouger. 

Cleion,  n.  c   m.  Claie.  Fermez  le  cleion  derrière  vous. 

Coche,  n.  c.  f.  Truie.  Mener  une  coche  à  la  foire. 

Cocher,  V.  act.  Marquer  au  moyen  de  coches.  Puisquo 
vous  ne  jouez  pas,  cochez  les  jeus. 

Cocuë,  n.  c.  f.  Ciguë.  On  nous  conte  qu'autrefois  les  cri- 
minels étaient  empoisonnes  avec  du  jus  de  cocuë. 

Coëner,  v.  n.  Crier,  en  parlant  du  cochon.  Ton  cochon 
coëne  bleu  fort. 

Coet,  n,  c.  m.  Godet  où  Ton  met  la  coue. 

Coille,  n.  c.  f.  (pron.  par  11  mouillées).  Courge. 

Cointer,v. act.  Assujettir  à  l'aide  de  coins.  Cointer  un  outil. 

Coiraud,-aude,  adj.  Étonnée, -ée,  stupéfié^ -ée.  Un  tel  a  l'air 
joliment  coiraud.  Mine  coiraud(>. 

Coire,  n.  c.  f.  Cheville  qui  sert  à  tenir  une  claie  fermée. 
Mettre  la  coire. 

Coirer,  v.  act.  Attacher  avec  la  coire.  Il  n'en  coûte  guère 
de  coirer  le  cleion  et  de  contenter  par  là  le  propriétaire  du 
champ. 

Coissin,n   cm.  Coussin.  Pile  decoissins. 

Colas,  n.  c.  m.  Niais,  homme  stupide 

Commentage,  n.  c.  m.  Ce  qui  se  mange  avec  le  pain.  Sans 
commentagc  le  pain  n'est  pas  bon. 

Commenter,  V.  act.  Manger. Commenter  un  morceau  de  pain . 

Consent,  -te, adj. Qui  consent.  Être  consent,  -te,  à  quelque 
chose. 

Conséquent, -te, adj.  Important, -ante.  Homme  conséquent. 

Cop,  n.  c.  m.  Coup.  Si  je  te  donne  un  cop  de  fouet,  tu 
aquéderas. 

Copage,  n.  c.  m.  Semis  de  plantes  fourragères  qu'on  fait 
manger  au  bétail  dans  la  crèche. 

Gope,  n.  c.  f.  Coupe.  Je  me  suis  fait  une  cope  au  doigt. 

Coper,  V.  act.  Couper.  Coper  un  bâton. 

Copie,  n.c.  m.  Couple.  Un  copie  de  poulets.  Al'inversedu 
fr.  couple,  ce  mot  n'est  jamais  féminin. 

Corner,  v.  n.  Donner  des  coups  de  corne  Par  extension 
loucher.  Une  vache  corne  tout  le  monde.  Vous  cornez,  mon 
cher. 


36  REVUE    DE   PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Coronel,  n.  c.  m.  Colonel. 

Cosse,  n.  c.  f.  Bûche.  Ta  cosse  de  Noël  est  choisie  assez 
grosse  pour  brûler  plusieurs  jours. 

1.  Coter,  V.  act.  Toucher.  Si  tu  me  cotes,  je  t'assomme. 

2.  Coter,  v.  n.  Être  arrêté.  Ma  charrette  a  coté. 
Cotien,  n   c.  m.  Coquin. 

Couasser,  v.  n.  Se  dit  de  la  poule  qui  annonce  par  son  cri 
qu'elle  veut  couver.  Les  poules  couassent  toutes  au  printemps. 

Couane,  n.  c.  f.  Couenne.  La  couane  de  goret  est  bonne 
à  graisser  les  souliers. 

Couble,  n.  c.  m.  (Rabelais.)  Même  sens  que  copie.  Couble 
de  chapons. 

Coubler,  v.  act.  Accoupler.  Coubler  des   bœufs. 

Coucher,  v.  act.  Déposer  son  enjeu.  Couche  ton  argent. 

Coudin,  n.  c.  m.  Coing.  Les  coudins  servent  pour  la 
confiture. 

Coudinier,  n.  c  m.  Cognassier. 

Couailles,  n.  c.  f.  pi.  Laine  de  la  queue  des  brebis.  Les 
Gouailles  sont  le  rebut  de  la  laine. 

1.  Coue,  n.  c.  f.  Queue.  Coue  d'agneau,  coue  de  renard. 

2.  Coue,  n.  c.  f.  Pierre  à  aiguiser.  Prête-moi  ta  coue. 
Couer,  V  act.  Couver.  La  poule  coue  ses  œufs.  S'emploie 

aussi  au  neutre.  Le  feu  coue  sous  la  cendre.  Œufs  couôs. 

Couet,  n.  c.  m.  Ponceau.  Je  viens  de  faire  rentrer  un  lapin 
dans  un  couet. 

Cougner,  v.  act.  Serrer.  Cougner  sa  main  dans  sa  poche. 

Cougner  (se),  v.  pr.  Se  cacher.  Je  ne  sais  pas  où  s'est 
cougné  notre  ami.  Je  ne  puis  le  trouver. 

Couiller,  n.  c.  m.  Valet  de  charrue.  Un  bon  couiller  se 
gage  cher. 

Counœuvre,  n.  c.  m.  Second  blé  sans  fumure.  Champ  de 
counœuvre. 

Coupeau,  n.  c.  m.  Copeau.  Coupcaus  secs. 

Courail,  n.  c.  m.  Verrou,  targette.  Fermez  le  courail,  per- 
sonne n'entrera. 

Courailler,  v.  act.  Fermer  avec  le  verrou.  Couraille  la 
porte,  j'ai  un  secret  à  te  confier. 

Courbasse,  -ée,  adj.  Courbé  sous  le  poids  des  années.  Un 
vieillard  courbasse  m'a  dit  hier  qu'il  ferait  beau  aujourd'hui. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  37 

Courgo,  adj.  des  dcus  genres.  Souple.  Voilà  un  jeune 
homme  bien  courge 

Courgée,  n.  c.  f.  Charge  de  la  courge.  Voy.  Décourgor. 
Jeune  fille,  prenez  une  courge  pour  porter  votre  linge  à  la 
rivière,  avec  votre  force  une  courgée  ne  vous  pèsera  pas. 

Courgeon,  n.  c.  m.  Galon  de  cuir. 

Courger,  v.  act.  Charger  de  la  courge.  Voyez  Dccourger. 
Courge  ton  frère. 

Courger  (se),  v.  pr.  Se  charger  de  la  courge.  Courgc-toi  et 
va-t'en. 

Courraie,  n.  c.  f.  Courroie.  Marchand  decourraie. 

Courtoire,  n.  c.  f.  Couvercle  de  pot  de  marmite.  J'ai  acheté 
à  la  foire  toute  une  provision  de  courtoires. 

Coussière,  n.  c.  f.  Pied  de  hous.  Couper  un  bâton  dans 
une  coussière. 

Coussotte,  n.  c.  f.  Godet  à  puiser  l'eau  dans  le  seau.  Boire 
à  même  la  coussotte. 

Coûte,  n.  c.  f.  Dépense  Ne  pas  craindre  la  coûte. 

Cous,  n.  c.  m.  Hous.  Le  cous  est  un  bel  arbre. 

Couvrailles,  n.  c.  f.  pi.  Temps  et  action  de  semer  le  blé. 
As-tu  réussi  pour  tes  couvrailles? 

Cracasser,v.n.Se  dit  du  bruit  qui  se  produit  par  la  rupture 
et  le  frottement  d'un  corps  sec  qui  cède  ou  supporte  un  effort. 

Cracot,  -otte,  adj.  Creus,  creuse.  Chêne  cracot,  branche  cra- 
cotte. 

Cracotte,  n.  c.  f.  Tronc  d'arbre  creus. 

Créable,  adj.  des  deus  genres.  Croyable. 

Crenon,  n.  c.  m.  Petit  renfermé.  Où  sont  les  chevaus? 
Dans  leur  crenon. 

Crère,  v.  act.  Croire.  Je  le  crès  pas. 

Crever,  v.  n.  Sortir  d'un  lieu  en  brisant  avec  bruit  les  clô- 
tures. Je  ne  t'avais  pas  commandé  de  crever  au  bout  de  cette 
haie. 

Croisée,  n.  c.  f.  Carrefour.  J'ai  dit  à  mon  domestique  de 
m'attendra  à  la  croisée. 

1.  Croie,  n.  c.  f.  Vaisseau  à  contenir  du  feu.  A  défaut  de 
chaufferette,  on  se  contente  d'une  croie. 

2.  Croie,  n.  c.  f.  Vieille  femme.  S'emploie  toujours  avec 
l'adj.  vieille. 


38  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Crôlcr,  V.  act.  Faire  des  amitiés  à  quelqu'un.  As-tu  fini 
de  crôler  cette  fille? 

Crouston,  n.  c.  m.  Croûton.  Dans  le  "pain  je  préfère  le 
crouston. 

Croûter,  v.  act.  (Montaigne.)  Recouvrir  d'une  croûte.  La 
boue  a  croûte  mes  souliers. 

Cru,  n.  c.  m.  Sorte  de  bouton. qui  se  développe  sur  le  dos 
des  bêtes  à  cornes  par  la  piqûre  d'un  insecte  qui  y  dépose  ses 
œufs  ;  le  bouton  devient  creus  après  éclosion  de  ces  œufs. 

Cueusse,  n.  c.  f.  Cuisse.  J'ai  mal  à  la  cueusse. 

Curiage,  n.  c.  m.  Vipérine,  plante. 


D 


Dadire,  adj.  des  deus  genres.  Absent,  -te.  Je  trouve  bien 
des  objets  dadire  dans  ma  maison.  [Décomposez  de  à  dire.] 

Dail,  n.  c.  m.  Faus.  Le  dail  est  un  outil  indispensable. 

Darre,  préposit.  Derrière.  Pourquoi  marcher  per  darre  ? 

Darrière,  n.  c,  m.  Derrière.  Tomber  sur  le  darrière. 
Darrière  d'une  charrette. 

Débouler,  v.  n.  Partir.  Le  lièvre  a  déboulé  si  vite  que 
nous  n'avons  pu  le  tirer. 

Débouler,  n.  c.  m.  Départ.  Le  débouler  d'un  renard. 

Débouler  (au),  loc.  adv.  Au  départ.  Peu  de  chasseurs 
tueront  le  lapin  au  débouler  dans  un  bois. 

Déburer,  v.  act.  Vider.  Déburer  une  marmite. 

Décaler,  v.  act.  Dépouiller  un  fruit  do  son  enveloppe. 

Décanicher,  v.  n.  Sortir  d'une  cachette.  Fais  donc  décani- 
cher  ton  chien  de  cette  cracotte. 

Déchocasser,  v.  act.  Sortir  de  la  chocasse,  de  l'enveloppe. 
Déchocasser  des  pois. 

Décoirer,  v.  act.  Ouvrir  en  enlevant  la  coiro.  Si  vous  dé- 
coirez  un  clion,  coirez-le  sans  tarder. 

Décoper,  v.  act.  Débaucher,  détourner  de  l'ouvrage.  Un 
ivrogne  a  décopé  tous  les  ouvriers  que  j'avais  aujourd'hui. 

Décoper  (se),  v.  pr.  Laisser  un  ouvrage  commencé. 

Décourger,  v.   act.  Enlever  la  courge  à  quelqu'un.  (La 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  39 

courge  est  un  bâton  recourbé  à  l'aide  duquel  on  porte  des 
fardeaus,  mot  français.) 

Dêcourger  (se),  v.  pr.  Se  décharger  de  la  courge.  On  se 
décourge  avec  plaisir. 

Décourir,  v.  n.  Déborder.  La  rivière  a  découru. 

Décours,  n.  c.  m.  (Rabelais.)  Fin,  terme.  Au  décours  du 
jour. 

Décrouler,  v.  u.  Crouler.  La  maison  va  décrouler. 

Défaire,  v.  act.  Mettre  à  mort.  J'ai  défait  dis  perdris. 

Défruchcr,  v.  act.  Défricher.  Tous  mes  champs  ne  sont 
pas  encore  déf ruches. 

Dégacer,  v.  act.  Enlever  la  bouc  à.  Dégace  donc  tes  sa- 
bots. 

Dégâter,  v.  act.  Défricher. 

Degêner.  v.  act.  Écarter  ce  qui  nous  gêne.  Tu  m'as  gêné 
en  m'empruntant  de  l'argent,  degêne-moi. 

Dégouler,  v.  act.  et  n.  Vomir.  Act.  :  Dégoule  ton  vin.  Neut.  : 
Il  adégoulé  pour  avoir  trop  mangé 

Dégourd,  adj.  m.  (Rabelais.)  Dégourdi.  Faut  être  dégourd 
pour  s'échapper. 

Dégousser,  v.  act.  Écosser.  Dégousser  des  pois. 

Déjabotter,  v.  act.  Enlever  les  vêtements  qui  couvrent  la 
poitrine. 

Déjabotter  (se),  v.  pr.  Se  découvrir  la  poitrine. 

Déjobrer,  v.  act.  Débarbouiller.  Tu  es  sale,  déjobre  ta 
figure  pour  le  moins. 

Déjoue,  n.  c.  m.  L'heure  à  laquelle  les  oiseaus  sortent  du 
juchoir.  Quand  viendra  le  déjoue  nous  irons  aus  champs. 

Déjoue  lau),  loc.  adv.  A  l'iicure  ou  les  oiseaus  quittent  le 
juchoir.  Au  déjoue,  les  oiseaus  sont  aisés  à  tuer. 

Delinquer,  v.  n.  Diminuer.  Le  froment  delinque  déjà. 
Périr.  Voilà  un  homme  qui  delinque. 

Délurer,  v.  act.  Déniaiser.  Je  te  laisse  mon  ami  avec  charge 
de  le  délurer. 

Délurer  (se),  v.  pr.  Se  déniaiser.  Comment  ne  s'être  pas 
déluré  après  avoir  passé  tant  de  temps  à  la  ville? 

Démain  (à  la),  loc.  adv.  Contrairement  à  la  position  qu'il 
faudrait  occuper  pour  être  à  son  aise.  Si  vous  exigez  que  je 
travaille  à  la  démain,  je  ne  ferai  pas  grand  ouvrage. 


40  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Déraaler  (se),  v.  pr.  Se  plaindre.  Rien  ne  sert  de  sedéma- 
1er. 

Dénanger,  v.  act.  Oter  les  herbes  d'un  lieu.  Dénanger  un 
champ  du  chiendent. 

Déober,  v.  n.  Partir,  se  mettre  en  route.  Quand  tu  le 
voudras,  nous  déoberons. 

Département,  n.  c.  Départ.  Je  suis  sur  mon  département. 

Départir,  v.  n.  Partir.  Dépars  donc  si  tu  n'es  pas  content. 

Dépellonner,  v.  act.  Dégager  du  pellon.  Dépelonner  des 
châtaignes. 

Dépenailler,  v.  act.  Mettre  en  désordre.  Ilpasse  son  temps 
à  dépenailler  son  linge. 

Dépendre,  v.  act.  Dépenser.  C'était  bien  la  peine  de  dé- 
pendre son  argent  en  de  telles  futilités  ! 

Dépocher,  v.  act.  Payer.  Dépocher  son  argent.  V.  n.  Tuas 
perdu,  dépoche. 

Dépresser,  v.  n.  Diminuer.  L'ouvrage  dépresse.  V.  actif. 
Aider  quelqu'un  pour  que  son  ouvrage  ne  le  presse  pas  trop. 
Un  tel  m'a  dépressé  beaucoup. 

Dérocher,  v.  act.  Déterrer.  Dérocher  de  l'argent. 

Désabrier,  v.  act.  Découvrir.  Oter  de  l'abri.  Désabrie  tes 
artichauts,  les  gelées  sont  passées. 

Désabrier  (se),  v.  pr.  Se  découvrir.  Ce  n'est  pas  l'heure  de 
se  désabrier  en  hiver. 

Désafïîer,  v.  act.  Oter  d'un  terrain  ce  qui  y  a  été  planté, 
semé.  Ta  récolte  est  mauvaise,  désaffie-la. 

Désaiguailler,  v.  act.  Faire  tomber  l'aigail.  Prenez  une 
branche  etdésaiguaillez  cette  allée,  pour  que  j'y  puisse  passer. 

Désavancer,  v.  act.  Cueillir  à  l'avance,  avant  maturité. 
J'ai  bien  envie  de  désavancer  quelques  raisins. 

Désavenir,  v.  n.  Mal  seoir.  Ce  chapeau  me  désavient. 

Det,  n.  c.  m.  Doigt.  (Villon.) 

Détrcvirer,  v.  act.  Tourner  sens  dessus  dessous,  boule- 
verser. Le  vent  m'a  détreviré. 

Détrier,  v.  act  Priver  de  l'allaitement.  Les  enfants  détriés 
tard  ne  s'en  portent  que  mieus. 

Détrouiller,  v.  act.  Dévider.  Détrouillez  ces  écheveaus. 

Détrouiller  (se),  v.  pr.  Se  dévider.  Fais  attention  que  le 
câble  ne  se  détrouille  pas. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  41 

Dovallêo.  n.  c.  f.  Penchant  cU^  coteau.  Serrer  la  mécanique 
de  la  voiture  à  la  clévallée. 

Dévaller,  v.  u.  Descendre  la  vallée.  Je  dévalle.  La  route  va 
tout  le  temps  en  dévallant. 

Devanteau,  n.  c.  m.  Tablier  d'homme.  Prens  un  devan- 
teau  pour  ne  pas  te  salir. 

Devantère,  n.  c.  f.  Tablier  de  femme.  Salir  sa  devantère  en 
faisant  la  cuisine. 

Dévers,  u.  c.  m.  Équilibre.  Tiens  bon  le  dévers,  la  charrette 
ne  cheura  pas. 

Dévirer,  v.  n.  Se  tourner  d'un  côté,  sortir  de  sa  route.  Tu 
dévireras  si  tu  passes  par  ce  chemin. 

Dévirer  (se),  v.  pr.  Se  détourner.  Tombe  sur  lui  avant  qu'il 
ne  se  dévire. 

Devors,  n.  c.  m.  La  partie  extérieure.  Le  devers  de  ta 
maison  est  mieus  entretenu  que  le  dedans. 

Devoure,  loc.  adv.  D'où.  Devoure  vient-il? 

Différer,  v.  n.  Se  refuser  à  faire  une  chose.  Je  diffère 
absolument  de  faire  cela. 

Dire  (à),  loc.  adv.  Comme  Dadire.  Absent.  Cette  locution 
est  dans  Montaigne. 

Dispart  (à),  loc.  adv.  A  part,  séparément  Je  mes  mon 
froment  ici,  mes  le  tien  à  dispart. 

Divorce,  n.  c.  m.  Trouble,  querelle.  Introduire  le  divorce 
quelque  part. 

Do,  dos,  art.  conlract.  du,  des.  Donne-moi  do  pain  et  dos 
châtaignes. 

Dolouère,  n.  c.  f.  Doloire. 

Dorne,  n.  c.  f.  Giron,  espace  depuis  la  ceinture  jusqu'aus 
genous  quand  on  est  assis.  Réchauffer  un  petit  enfant  dans 
sa  dorne. 

Dornée,  n.  c.  f.  Plein  giron.  Dornée  de  fruits. 

Doue,  n.  e.  f.  Marc  d'eau.  Tomber  dans  la  doue. 

Doué,  n.  c.  m.  Lavoir.  Aller  laver  au  doué. 

Donnée,  n.  c.  f.  Donnée,  aumône.  Faire  une  donnée. 

Doutance,  n.  c.  f.   Doute.  Je  suis  en  doutance. 

Dramer,  v.  n.  Travailler  sans  relâche.  Qu'il  faut  drainer 
pour  s'enrichir! 

Drappe,  n.  c.  f.  Trappe.  Fermer  la  drappe. 


42  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

1.  Drapper,  v.  n.  Se  dit  quand  il  pleut  à  torrents.  O  drappe. 

2.  Drapper,  v.  act.  Fermer  Ta  porte  du  four  avant  d'y  mettre 
le  pain  pour  que  la  chaleur  devienne  égale  partout. 

Dré,  n.  c.  m.  et  adj.  m.  Dernier.  Sortir  le  drè. 

Drère,  n.  c.  f.  et  adj.  f.  Dernière.  La  drère  de  mes  ouailles 
est  morte. 

Drèe,  n.  c.  f.  Ivraie,  plante.  Tous  mes  champs  sont 
couverts  de  drèe. 

Dreliner,  v.  n.  Sonner  faiblement.  J'entens  dreliuer  la 
sonnette  de  mon  mulet. 

Dret  (tout),  loc.  adv.  Tout  droit-  Va  tout  dret. 

Dret,  drète,  adj.  Droit,  droite. 

Droissée.  ou  dressée,  n.  c.  f.  Droit  chemin.  Passer  par  la 
dressée 

Drôle,  drôlesse,  n.  c.  m.  Petit  garçon,  petite  fille.  J'ai  un 
drôleet  deus  drôlesses.  Les  mots  sont  pris  en  bonne  part. 

Drosser,  v.  act.  Tondre.  Mes  bœufs  ont  drossé  complète- 
ment ce  pré. 

Drosses,  n  c.  f.  pi.  Résidu  des  graines  passées  au  moulin. 

Drouger,  v.  act.  Ronger.  On  n'engraisse  pas  à  drouger  des 
os. 

Dubet,  n.  cm.  (Rabelais.)  Duvet.  Je  n'ai  pas  dormi  encore 
dans  le  dubet  et  dans  la  soie. 

Dubeté,  -ée,  adj.  Couvert,  -e  de  duvet.  Brossez  ces  effets, 
ils  sont  dubetés. 

Duppe,  n,  c.  f.  Huppe.  Certains  oiseaus  ont  des  duppes 
sur  la  tête. 

Duppé,  -ée,  adj.  Huppé.  Oiseau  duppé. 

Durer,  v.  n.  Patienter,  rester  en  pais,  en  repos.  Si  tu  ne 
dures  pas,  je  m'en  vais  te  corriger. 


E 


Ébôe,  n.  c.  f.  Bief  d'un  moulin.  Les  ébées  sont  pleines 
d'eau. 

Ébouiller,  v.  n.  Bouillir.  Quand  l'eau  cbouillera,  vous  me 
préviendrez. 


DICTIONNAIRE    Df    PATOIS    BAS   GATINAIS  43 

Kbouzer,  v.  act.  Mettre  en  bouzc.  Ébouzor  des  pommes  do 
terre  qu'on  a  fait  cuire. 

Ébouzer  (s'),  v.  pr.  Se  réduire  en  bouillie,  en  forme  de 
bouze.  A  force  de  bouillir,  les  légumes  s'ébouzent. 

Ébrener,  v.  act.  Réduire  en  bouillie,  écraser.  Une  pierre 
tombée  du  haut  d'une  maison  a  ébrené  un  maron. 

Ébrener  (s'),  v.  pr.  S'écraser.  S'ébrentu'  en  dégringolant 
d'un  arbre. 

Écalé,  -ée,  u.  etadj.  Homme  ou  femme  qui  a  les  jambes 
écartées. 

Écaler,  v.  act.  Écarter  (ne  s'emploie  que  pour  les  jambes). 
Écaler  les  jambes. 

Écaler  (s'),  v.  pr.  Se  dit  d'un  individu  qui  écarte  les 
jambes.  Tu  te  feras  arriver  du  mal  à  force  de  t'écaler. 

Écalette,  n.  c.  f.  Échasse. 

Écarde,  u.  c.  f.   Écaille.  Écarde  de  poisson.  Voir  Écharde. 

Écarder,  v.  act.  Écailler.  Il  n'est  pas  facile  d'écarder  les 
perchaudes  anciennement  sorties  de  l'eau. 

Écarqueler,  v.  act.  Écarteler.  Jadis  on  écarquelait  les  cri- 
minels. 

Échalle,  n.  c.  f.  Échelle.  Monter  dans  l'échalle. 

Échafîourer,  v.  act.  Effaroucher.  Le  renard  a  échafïouré 
mes  poules. 

Échappe,  adj.  des  deus  genres.  Échappé,  -ée.  J'ai  vu  bien 
de  la  misère,  et  je  n'en  suis  pas  encore  échappe. 

Échapper,  v.  act.  1°  Disposer  de.  Echapper  une  heure. 
2"  Avoir  de  quoi  nourrir.  Échapperas-tu  ton  bétail  cet  hiver. 
C'est  le  verbe  fran(^ais  échapper  avec  une  acception  plus 
large. 

Écharbot,  n.  c.  m.  Escarbot.  (Rabelais  :  escharbot.) 

Écharde,  n.  c.  f.  Écaille.  Voir  écarde. 

Écharder,  v.  act.  Écailler.  Voir  écarder. 

Échumeau,  n.  c.  m.  Entamure  faite  dans  une  barge  de  foin. 

Écouailles,  n.  c.  f.  plur.  Laine  défectueuse  d'une  toison, 
provenant  surtout  de  la  queue. 

Écramoller,  v.  act.  Amollir,  par  extension  écraser.  Écra- 
moUer  des  patates. 

Écramoller  (s'),  v.  pr.  S'amollir,  par  extension  s'écraser. 
Je  lui  ai  jeté  un  œuf  qui  s'est  écramoUé  sur  sa  figure. 


44  REVUE    DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

Écrapoutir,  v.  act.  Écraser.  Cet  homme  a  été  écrapoutipar 
la  chute  d'une  pierre.  L'abbé  Rousseau  fait  observer  avec 
raison  que  ce  verbe  dit  plus  qu'écrabouiller  et  écramoUer. 

Écurer,  v.  act.  (Rabelais  :  escurer.)  Récurer.  Vous  ferez 
bien  d'écurer  votre  vaisselle. 

Écurer  (s'),  v.  pr.  Se  nettoyer.  Écure-toi  donc  avant  de 
sortir. 

Écurieus,  n.  c.  m.  (Rabelais  et  Marot  :  escurieus.)  Écu- 
reuil. 

Efïouracher,  v.  act.  Effaroucher.  Attention,  tu  vas  m'effou- 
racher. 

Efîourniller  (s'),  v.  pr.  Abandonner  le  nid,  par  extension 
être  grand.  Je  connaissais  un  nid  de  merles,  mais  les  petits 
se  sont  efïournillés  aujourd'hui.  Tes  enfants  sont-ils  efîour- 
nillés. 

Efïournillon,  n.  c.  m.  Oiseau  qui  vient  de  s'effourniller. 
Je  vois  un  efïournillon. 

Égauler.  v.  act.  Couper  les  branches  de,  à.  Égauler  des 
têtards. 

Égousser,  v.  act.  Sortir  de  la  gousse.  Égousser  des  pois. 

Égrafigner,  v.  act.  Égratigner.  Ne  joue  pas  avec  ce  chat,  il 
t'égratignera. 

Égrafigner  (s'),  v.  pr.  S'égratigner.  On  ne  s  egrafigne  pas 
pour  son  plaisir. 

Égrafignure,  n.  c.  f.  Égratignure.  Avoir  les  mains  cou- 
vertes d'égrafignures. 

Égruneau,  n.  c.  m.  Marron  sorti  de  son  pellon.  Acheter 
deségruneaus. 

Égruneau  (à  1'),  loc.  adv.  Nu,  -e.  Ne  fait  pas  bon  aller  à 
l'égruneau  au  mois  de  janvier.  Extension  du  mot  précédent. 

Élegir,  V,  act.  Rendre  plus  mince,  diminuer  l'épaisseur 
par  le  moyen  des  moulures,  sculptures.  Élegir  un  meuble. 

Élocher,  V.  act.  Détruire  les  loches  de.  Élocher  un  jardin. 
V.  n.  Passer  sa  journée  à  élocher. 

Éloise,  n.  c.  f.  Un  éclair.  Quelles  éloises!  elles  mettent  le 
ciel  en  feu. 

Éloiser,  V.  u.  Faire  des  éclairs.  Il  éloisera  ce  soir,  car  le 
temps  est  orageus. 

Élucer,  V.  act.  Arracher  les  branches  de.  Élucer  des  arbres. 


DICTIONNAIRK    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  45 

Embeber,  v.  act.  Imbiber.  Euibcber  une  éponge. 

Embijôler,  v.  act.  Enjôler.  Ce  cluirlatan  m'a  embijôlé. 

Emblavaison  et  emblaison,  n.  c.  f.  Emblavure  et  embla- 
vage.  Comment  sont  tes  emblavaisons?  As-tu  fini  tes  embla- 
vaison s? 

Embobeliner,  v.  act.  Couvrir,  entourer  de  vêtements.  Em- 
bobeliner  un  malade  de  couvertures. 

Embourrer,  v.  act.  Rembourrer.  (Rabelais.)  Embourre  ton 
enfant,  et  partons. 

Embourrer  (s'),  v.  pr.  Se  rembourrer.  T'es -tu  embourre? 

Embourreur,  n.  c.  m.  Celui  qui  rembourre. 

Embout,  n.  c.  m.  Morceau  de  métal  qui  se  met  au  bout 
d'un  morceau  de  bois  pour  empêcher  Tusure. 

Embouter,  v.  act.  Mettre  un  embout  à.  Emboute  ton  pa- 
rapluie. 

Embrené,  -ée,  adj.  Sali,  couvert  de  breuée.  (Rabelais.) 

Embrênement,  n.  c.  m.  Obstacle,  embarras.  Comment  sor- 
tir de  cet  embrênement  de  voitures? 

Embreuer^  v.  act.  Couvrir  d'ordures,  salir.  Embrener 
quelqu'un  de  boue.  Par  extension  signifie  aussi  embarrasser. 
Il  veut  m'embrener  dans  ses  entreprises. 

Éméyer,  v.  act.  Informer.  Éméye  ton  père  de  mon  arrivée. 

Éméyer  (s'),  v.  pr.  S'informer.  Qui  s'est  éméyé  de  moi. 

Émorche,  n.  c.  f.  Touffe  d'herbe  que  le  bétail  ne  mange 
pas  dans  les  champs  de  pacage. 

Émoucheteur,  n.  c.  m.  Celui  qui  chasse  les  mouches. 

Émouler,  v  act.  Écraser,  mettre  en  pièces. 

Émouver  (s'),  v.  pr.  Se  secouer,  se  remuer.  «  J'ai  froid.  — 
Si  tu  t'émouvais,  tu  ne  te  plaindrais  pas.  » 

Empas,  n.  c.  m.  Empan  (mesure  de  longueur). 

Empêcher,  v.  act.  Rendre  enceinte.  Je  ne  te  fais  pas  com- 
pliment d'avoir  empêché  cette  fille.  Ma  femme  est  empê- 
chée. 

Empour,  prép.  En  échange  de.  Je  te  doime  mon  cheval 
empour  ta  vache. 

Empuer,  v.  act.  Embrocher  avec  une  pue  ou  pointe  d'ou- 
til. J'ai  empué  un  crapaud  avec  ma  fourche. 

Énandrer,  v.  act.  Engendrer.  La  mauvaise  graine  enandre 
de  mauvais  fruits. 


46  REVITE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Énangcr,  v.  act.  Planter,  semer.  Eiiangcs-tu  ton  champ 
d'orties?  Il  en  est  couvert. 

Énanger  (s'),  v.  pr.  Naître'.  11  ne  s'énange  rien  de  bon 
dans  mes  champs. 

Enchâbler,  v.  act.  Empêcher  de  bien  venir.  La  mauvaise 
nourriture  enchable  mon  bétail. 

Enchantable,  adj.  des  deus  genres.  Qui  donne  du  plaisir. 
Il  fait  un  temps  enchantable. 

Encorner,  v.  act.  Frapper  à  coups  de  cornes.  Cette  vache 
est  toujours  prête  à  encorner  le  monde. 

Encrechcr,  v.  act.  Accroclicr.  Encrèche  tes  hardes  au 
plancher. 

Enderce,  n.  c.  f.  Voir  Anderce. 

Endurasser,  v.  act.  Endurcir.  Le  travail  endurasse  le 
corps. 

Endurasser  (s'),  v.  pr.  S'endurcir.  Son  cœur  s'endurasse 
avec  l'âge. 

Enferger,  v.  act.  Attacher  avec  des  entraves,  Enfergef  un 
cheval. 

Enferger  (s'),  v.  pr.  S'attacher  avec  des  entraves.  Je  me 
suis  enfergé  pour  faire  croire  qu'on  m'avait  attaché.  Au  fi- 
guré s'embarrasser.  S'enferger  dans  des  épines ,  dans  de 
mauvaises  affaires. 

Enferges,  n.  c.  f.  pi.  Entraves.  Au  figuré  empêchements, 
obstacles. 

Enflamber,  v.  act.  Enflammer.  L'orage  a  enflambé  ma 
grange  qui  a  entièrement  brûlé. 

Enflamber  (s'),  v.  pron.  S'enflammer.  Le  ciel  s'enflambe. 
Au  figuré,  s'emporter,  s'irriter.  Inutile  de  t'enflamber  pour 
cela. 

Enfondrer,  v.  act.  Défoncer.  Tu  vas  enfondrer  la  terre. 

Enfondrer  (s'),  v.  pr.  Se  défoncer.  Les  greniers  s'enfon- 
dreront  sous  le  poids  du  grain  à  îa  prochaine  récolté. 

Enfondre,  v.  n.  et  act.  Être  pénétré  par  la  pluie.  J'enfon- 
drai  jusqu'aus  os  si  je  sors  par  ce  temps. 

Enfondre  (s'),  v.  pr.  Se  dit  de  ce  qui  est  pénétré  par  la 
pluie.  Il  y  a  un  mur  de  la  maison  qui  s'enfond. 

Enfondure,  n.  c.  f.  Action  d'être  trempé  de  pluie.  Gare  à 
l'enfondure  si  vous  partez  sans  manteau. 


DICTIONNAIRF,    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  47 

Engarder  (s'),  v.  pr.  Se  garder  de.  Je  m'ongarderai  bien  de 
suivre  tes  avis. 

Engiponncr,  v.  act.  Couvrir  d'un  jupon.  Engiponne  tous 
tes  enfants. 

Engiponner  (s'),  v.  pr.  Se  couvrir  d'un  jupon.  Mon  gar- 
çon, tu  es  trop  âgé  pour  t'engiponner. 

Engouler,  v.  act.  Avaler.  Ton  chien  a  failli  m'engoulor  la 
main. 

Eugourdeli, -ie,  adj.  Engourdi,  -ie.  Avoir  les  mains  en- 
gourdelies. 

Engourdelir,  v.  act.  Engourdir.  Le  froid  engourdelit  les 
membres. 

Engourdelir  (s'),  V.  pr.  S'engourdir.  Tu  t'engourdeliras  à 
ne  rien  faire. 

Engraver,  v.  act.  et  neutre.  Graver.  J'ai  engravé  mon  nom 
sur  mon  couteau.  Engraves-tu  bien. 

Engregnousir,  v.  n.  Envenimer.  Ma  blessure  engregnousit. 

Engregnousir  (s'),  v.  pr.  S'envenimer.  Ton  mal  s'engre- 
gnousit. 

Enloppe,  n.  c.  f.  Enveloppe.  Mettre  quelque  chose  sous 
enloppe. 

Enlopper,  v.  act.  Envelopper.  Enloppe  ce  paquet. 

Enlopper  (s'),  v.  pr.  S'envelopper.  S'enlopperde  son  man- 
teau . 

Enraidir,  v.  n.  et  act.  Rendre,  devenir  raide.  Le  froid  en- 
raidit  les  gens  les  plus  réchauffés.  Mes  membres  enraidissent. 

Enraidir  (s'),  v,  pr.  Se  raidir.  Mon  corps  s'enraidit  sous 
le  poids  des  ans.  Au  figuré,  tenir  ferme.  S'enraidir  contre  le 
malheur. 

Enrimer,  v.  n.  Enrhumer.  J'enrime. 

Enrimer  (s'j,  v.  pr.  S'enrhumer.  Tu  t'enrimeras  k  courir 
dans  l'aigail. 

Enrimeure,  n.  c.  f.  Rhume.  J'ai  attrapé  l'enrimeure. 

Enrocher,  v.  acl.  Enterrer.  Se  prent  en  mauvaise  part. 
Enroclier  un  chien. 

Enrrère,  adv.  Enliii,  luainN'ii.nil.  Il  est,  venu  enrrère. 

Enseller,  v.  act.  et  n.  Se  dit  d'un  animal  dont  les  reins 
s'affaissent  comme  si  on  lui  mettait  la  selle.  Tu  mènes  ta 
bête  trop  jeune,  tu  l'enselleras. 


4b  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Ensuairer,  v.  act.  Couvrir  d'un  suaire.  C'est  un  triste  mé- 
tier que  d'ensuairer  les  gens. 

Entome,  n.  c.  f.  Entame,  ,entamure.  Faire  une  entome 
dans  un  pain. 

Entomer,  v.  act.  Entamer.  Entomer  le  pain. 

Entour,  adv.  Alentour.  Les  ennemis  sont  entour  de  nous. 

Entrerais,  -ise,  adj.  Déterminé, -ée.  Un  gars  entremis. 

Enveuver,  v.  n.  Devenir  veuf.  J'ai  enveuvé  l'an  passé. 

Envrillonner,  v.  act.  Envelopper  en  tortillant.  Envrillon- 
ner  un  objet  dans  du  papier. 

Envrillonner  (s"),  v.  pr.  S'entortiller.  Le  serpent  s'euvril- 
lonne  souvent  autour  d'une  branche  d'arbre.  ' 

Épale,  n.  c.  f.  Épaule.  Avoir  mal  à  l'épale. 

Épaffer  (s'),  v.  pr.  S'essouliler.  Tu  t'épaffes  à  tort. 

Épanter,  v.  act.  Épouvanter.  Épanter  les  ennemis. 

Épanter  (s'),  v.  pr.  S'épouvanter.  Ne  t'épante  pas. 

Éparée,  n.  c.  f.  Étendue.  Tu  as  une  belle  éparée  de  mois- 
sons. 

Éparer,  V  act.  Éparpiller.  Le  veut  éparpille  les  balles  de 
l'aire. 

1.  Éparer  (s'),  v.  pr.  S'éclaircir.  Les  poules  s'éparent  dans 
les  champs. 

2.  Éparer  (s'),  v.  pr.  S'éclaircir,  eu  parlant  du  temps.  Le 
temps  s'épare. 

Éparvier,  n.  c.  m.  Épervier.  J'ai  vu  un  éparvier  qui  pre- 
nait un  oiseau. 

Épauler  (s'),  v.  pr.  Se  déboiter  l'épaule.  Mon  cheval  s'est 
épaulé  hier. 

Épibocher,  v.  act.  Scruter.  Si  j'épibochais  tes  actions  ! 
Nettoyer  (en  parlant  des  oiseaus)  ses  plumes  avec  son  bec. 
La  première  acception  est  l'extension  de  la  seconde. 

Épibocher  (s'),  v.  pr.  Se  dit  d'un  oiseau- qui  nettoie  ses 
plumes  avec  son  bec.  Quand  vous  verre/  les  poules  s'épibo- 
cher  défiez-vous  de  la  pluie. 

Épiéter,  v.  act.  et  n.  Souffrir,  endurer.  Ne  pouvoir  épiéter 
sa  maladie.  Épiéteras-tu? 

Épiozer,  v.  act.  Épucer.  Épiozer  son  enfant. 

Épiger,  V.  n.  Épier,  c'est-à-dire  monter  en  épi.  Le  froment 
épige  bien  cette  année. 


DICTIONNAIUE    DU    PATOIS    DAS-GATINAIS  49 

Épondoire,  n.  c.  f.  Sorte  de  fourche  destinée  à  enlever  le 
fiiniior  des  êtables.  Prens  l'épondoirc  et  enlève  ce  fumier. 

Erabinêe,  n.  c.  f.  La  moitié  de  la  journée.  Travailler  pen- 
dant une  érabinée. 

Kraler,  v.  act.  Déchirer,  érailler.  Éraler  un  arbre. 

Kralure,  n.  c.  f.  Déchirure.  Raccommoder  l'éralurc  d'un 
effet. 

Érauder  ou  rauder,  v.  n.  (Voir  Rauder^i.  Chanter  en  con- 
duisant les  bœufs. 

Érener,  v.  act.  Casser  les  reins.  J'ai  érené  mon  baudet  en 
le  chargeant  avec  excès.  C'est  la  vieille  forme  française. 

Escarres,  n.  c.  f.  Embarras.  Faire  des  escarres. 

Escarpiner(s'),v.  pr.  Se  sauver.  Il  s'escarpinait  rapidement. 

Esclafer  (s'),  V.  pr.  Éclater  (de  rire).  Dans  Rabelais. 

Escusc,  n.  c.  f.  Excuse. 

Essemer  ou  cssèmer,  v.  n.  Sentir  bon.  Les  roses  essèment. 

Essarter,  v.  act.  Déchirer.  Dis-moi  donc  où  tu  as  essarté 
tes  liabits.  Essarter  une  plante. 

Essarter  (s'),  v.  pr.  Se  déchirer.  Tu  t'essarteras  la  peau  si 
tu  cherches  dans  cette  haie. 

Essor,  n.  c.  m.  Temps  sec.  Tu  sortiras  ton  linge  au  pro- 
chain essor. 

Essor  (à  V),  loc.  adv.  Au  sec.  Le  temps  est  à  l'essor. 

Estoper,  v.  act.  Raccommoder  grossièrement. 

Estopure,  n.  c.  f.  Raccommodage  grossier.  Contente  toi 
de  faire  une  estopure  à  ma  blouse,  le  temps  presse. 

Etaler,  v.  act.  Effeuiller.  Étaler  des  chous. 

Étoumesir,  v.  n.  S'altérer,  moisir.  Mes  fromages  étoume- 
sissent. 

Etouner,  v.  act.  Étonner.  Il  étouneson  monde. 

Étonner  (s'),  v.  pr.  S'étonner.  Il  s'étoune  de  rien. 

Étrange,  adj.  des  deus  genres.  Étranger.  J'ai  parcouru  les 
pa3's  étranges.  C'est  la  vieille  acception  de  ce  mot  français, 
on  la  trouve  encore  dans  Lafontaine. 

Étrieu,  n.  c.  m.  Étrier.  Se  cramponner  à  l'étrieu. 

Etroller,  v.  aet.  Cueillir  des  feuilles  à.  Etroller  les  chous 
de  son  jardin. 

Evader,  V.  act.  l^viici'.  (Rabelais. )  J'ai  évad(''  le  danger  qui 
me  menaçait. 

Rkvl'iî  uic  i'iiu,oi.o(;ii:,  vu.  1 


50  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Évolager,  v.  act  Rendre  volage,  par  extension  faire  partir. 

Tâclie  done  d'évolager  les  oiseaus  qui  mangent  ma  récolte. 

Extaser  (s'),  v.  pr.  S'extasier.  11  s'extase  à  propos  de  tout. 


Faim-galle,  n.  c.  f.  Faim- val  le. 

Faindre  (se),  v.  pr.  Se  ménager.  Mon  domestique  n'a  pas 
son  pareil  pour  se  faindre,  aussi  je  n'ai  pas  l'intention  de  le 
conserver. 

Fciiscelle,  n.  c.  f.  Vase  en  terre  ou  en  métal  où  l'on  met 
égoutter  le  lait  caillé. 

Fait,  n.  c.  m.  Faîte.  Le  fait  d'une  lice  est  l'endroit  le  plus 
élevé. 

Falun,  n.  c.  m.  Déchet  des  épis  ou  enveloppe  du  grain. 
Un  tas  de  faluns  est  un  lit  moelleus. 

Faraud,  -de,  n.c  etadj.  Celui  qui  porte  de  beaus  habits 
et  en  est  fier.  Jamais  on  n'a  pu  voir  un  gars  plus  faraud. 

Farauder,  v.  n.  Se  requinquer.  Tu  faraudes  joliment 
depuis  quelque  temps. 

Fauche,  n.  c.  f.  Manière  de  faucher  Avoir  une  bonne 
fauche.  Le  français  a  ce  mot  avec  une  acception  différente. 

Fave,  n   c.  f.  Fève. 

Fayant,  n.  c.  m.  Hêtre,  bois.  Couché  sous  un  fayant. 

Fein,  n.  c.  m.  Foin.  Les  feins  sont  coupés. 

Feinte  (ma),  loc.  adv.  Ma  foi,  sorte  de  juron. 

Fener,  v.  act.  Faner.  Il  est  temps  de  fener  les  prés.  S'em- 
ploie aussi  au  neut.  D'où  viens-tu?  De  fener. 

Férieus,  -se,  adj.  Fort,  -e,  puissant,  -e.  Homme  férieus. 
Bête  férieuse. 

Fermage,  n.  c.  m.  Fromage. 

Fermi,  n.  c.  f.  Fourmi. 

Fermilière,  n.  c.  f.  Fourmilière. 

Fescer,  v.  act.  Frapper  avec  une  gaule.  Fcscer  un  cheval. 
S'emploie  aussi  au  neutre.  Fescc  donc  plus  fort. 

Feuillet,  n.  c   m.  Scie.  Trancher  du  bois  avec  un  feuillet. 

Février,  n.  c.  m.  Violette.  Allons  ramasser  des  févriers. 
Ainsi  nommé  parce  qu'il  fleurit  au  mois  de  février. 


DICTIONNAIRK    Dl'    PATOIS    UAS-GATINAIS  51 

Fis,  11.  c.  m.  Verrue.  Cicêron  avait  un  fis  sur  le  nez. 

Fiable,  adj.  des  deus  genres.  (^)ui  inspire  de  la  confiance. 
Persoinie  liable,  peu  fiable. 

Fiance,  n.  c,  f.  Confiance.  J'ai  fiance  en  moi. 

Fie  (ma),  loc.  adv.  Ma  foi.  Sorte  de  juron.  Je  ne  ferai  pas 
cela,  ma  fie. 

Fignoler,  v.  n.  Se  dit  d'une  personne  qui  veut  s'élever  par 
sa  mise  ou  son  langage  au-dessus  de  sa  position. 

Fignolard,  -de,  adj.  et  n.  Celui  ou  celle  qui  veut  se 
mettre  au-dessus  de  son  rang  par  des  façons  de  parler  ou  de 
se  vêtir. 

Fillol,  -oie,  u.  c.  Filleul,  Filleule.  (Rabelais.) 

Fion  (Voir  Fayant),  n.  c.  m.  Hêtre. 

Fisson,  n.  c.  m.  Aiguillon,  dard.  Fisson  de  serpent. 

Flàclie,  n.  c.  f.  Défaut  d'épaisseur  dans  certains  objets. 
Tu  m'as  vendu  des  planches  qui  ont  beaucoup  de  flâches. 

Flâclicus,  -se,  adj.  Se  dit  de  bois  qui  manque  d'épaisseur. 
Bois  flâcheus. 

Flambe,  n.  c.  f.  Flamme.  Quand  un  pailler  brûle,  la 
flambe  s'élève  très  haut. 

Floquer,  v.  n.  Fairedu  bruit.  L'eau  floque  dans  mes  sou- 
liers. 

Foi,  n.  c.  f.  Quantité.  Il  y  avait  une  grand  foi  de  gens  à 
la  ballade. 

Fond,  )i.  c.  m.  Culotte.  Ne  pas  tenir  dans  son  fond. 

Foreiable,  adj.  des  deus  genres.  Qui  exige  de  la  force. 
Faire  un  ouvrage  foreiable. 

Formance,  u.  c  f.  Apparence,  formation.  Le  monstre  a  de 
loin  formance  d'homme. 

Fornicle,  adj.  des  deus  genres.  Non  apprivoisé,  en  parlant 
des  animaus  ;  par  extension,  s'applique  ans  personnes  sus- 
ceptibles. 

Fouacier,  n.  c.  m.  Fabricant  de  fouaces. 

Fouger,  v.  n.  Fouiller  la  terre.  Les  porcs  fougent  toujours. 

Fouillard,  -de,  adj.  Feuillu,  -e.  Arbre  fouillard. 

Fouillouse,  n.c.  f.  Petit  sac,  bourse.  (Rabelais.)  As-tu  ta 
fouillouse  garnie? 

Fouir,  V.  act.  Enfouir.  J'ai  foui  mon  argent  dans  la  terre, 
mais  il  n'est  pas  perdu  pour  cela. 


52  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Fouir,  V.  n.  Fuir.  Tu  fouirais  plus  vite  que  je  te  rattrape- 
rais encore. 

Foumé,  n.  c.  m.  Fumier. 

Fourclietle,  n.  c.  f.  Fourche  que  forment  les  jambes.  En- 
trer dans  l'eau  jusqu'à  la  fourchette. 

Fourmouger,  v.  act.  Enlever  le  fumier  de,  nettoyer.  Four- 
mouger  une  étable. 

Fournille,  n.  c.  f.  Menu  bois  destiné  à  chauffer  le  four. 
Faire  des  fagots  de  fournille. 

Fousse,  n.  c.  f.  Fosse.  (Rabelais.)  Tomber  dans  une  fousse. 

Fouyardj  -de,  adj.  Fuyard.  Les  oiseaus  sont  fouyards. 

Fràgne,  n.  c.  m.  Frêne,  arbre. 

Frai,  n.  c.  m.  Alevin.  J'ai  mis  du  frai  dans  mes  étangs. 
Ce  mot  diffère  du  français  frai,  qui  signifie  plus  particuliè- 
rement œufs  de  poisson,  tout  en  signifiant  aussi  petits  pois- 
sons, car  le  mot  patois  frai  ne  comprent  que  l'alevin. 

1.  Franc,  franche,  adj.  Résolu, -e,  courageus,  -se. 

2.  Franc,  -che,  adj.  Apprivoisé,  -ée.  Moineau  franc. 
Frapperie,  n.  c.  f.  Action  de  frapper.  Je  n'aime  pas  les 

frapperies.  (Rabelais.) 

Fred,  n.  c.  m.  Froid.  Le  fred  est  fort. 

Fred,  frède,  adj.  Froid,  froide.  Le  vent  est  fred. 

Frediner,  v.  n.  Rendre  un  son  clair,  en  parlant  de  corps 
sonores  qui  s'entrechoquent. 

Frelasser,  v.  n.  Se  dit  des  corps  qui  rendent  un  son  clair 
en  se  frottant  contre  quelque  chose.  La  soie  frelasse 
quand  on  la  secoue. 

Freiner,  v.  act.  Fermer.  Fremons  la  porte  derrière  nous. 

Fremoir,  n.  c.  m.  Fermoir.  (Rabelais.) 

Frenicle,  adj.  des  deus  genres.  Insoumis,  en  parlant  des 
animaus;  en  parlant  des  gens  susceptibles,  vif^  chatouil- 
leus. 

Frenicler,  v.  n.  Etre  indomptable,  vif,  susceptible.  Mon 
cheval  frenicle.  Mon  garçon,  à  q-uoi  te  sert  de  frenicler? 

Fresaie,  n.  c.  f.  Orfraie,  oiseau. 

Frilaie,  n.  c.  f.  Comme  le  précédent. 

Frioller,  v.  n.  Se  dit  du  beurre  qui  crépite  dans  la  poêle. 
Entendez-vous?  le  beurre  frioUe. 

Frogner,  v.  act.  Froncer.  Frogner  le  nez  sur  un  plat. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  53 

Frogner  (se),  v.  pr.  Se  frotter  contre  quelqu'un  ou  quelque 
chose.  As-tu  fini  de  te  f rogner  contre  moi? 

Fronde,  n.  c.  m.  Furoncle   Souffrir  d'un  fronde. 

Fronteau,  n.  c.  m.  Objet  qui  se  met  sur  le  front  comme 
un  bandeau,  un  diadème;  sorte  d(?  chapeau  à  rebords  élas- 
tiques qui  se  met  sur  la  tête  des  enfants  pour  les  empêcher 
de  s<^  blesser  au  front  en  toml)ant.  Le  français  a  fronteau, 
bandeau  de  religieuse,  avec  un  sens  moins  large  que  le  mot 
patois. 

Fruclie,  n.  c.  f.  Friche.  Terres  en  fruche. 

Frucher,  v.  n.  Devenir  sec.  Par  ces  temps  de  ars  la  terre 
fruche  énormément. 

Fruitage,  n.  c.  m.  Les  fruits  en  général.  J'aime  le  fruitage. 

Frument,  n.  c.  m.  Froment.  (Rabelais.) 

Frusques,  n.  c.  f.  pi.  Ce  qu'on  a  de  nippes  et  d'argent. 
Enlever  ses  frusques.  Le  français  a  frusquin. 

Fumelle,  n.  c.  f.  Femelle. 

Fumerolle,  n.  c.  f.  Taupe,  grillon,  courtilière.  La  fume- 
rolle est  un  animal  nuisible. 

Furgailler,  v.  act.  et  n.  Chercher  avec  la  fourche,  par  ex- 
tension fouiller,  remuer,  mettre  sens  dessus  dessous.  Fur- 
gailler dans  un  arbre.  Furgailler  des  hardes. 

Furcheter,  v.  act.  et  n.  Fouiller  avec  la  fourche.  Furche- 
ter  un  lapin  dans  un  arbre. 

Furcheteur,  n.  c.  m.  Celui  quifurcliète. 

Furgon,  n.  c.  m.  Fille  qui  se  tient  mal,  hétaïre, 

FurgoUj  n.  c.  m.  Fourgon,  perche  qui  sert  à  remuer  le 
bois  qui  briîle  dans  le  four. 

Furgonner,  v.  act.  et  n.  Remuer  avec  le  foui-gon  la  braise 
du  four.  Fourgonner  le  four.  Es-tu  las  de  furgonner? 

Furguendlcou  furquendle,  u.c.  f.  Fragon,  petit  hous  ou 
buis  piquaiu. 

Futer^  v.  act.  Tromper  de  telle  sorte  qu'on  ne  se  laisse 
plus  prendre  au  même  piège.  Tous  les  oiseaus  qui  ont 
échappé  aus  gluaus  sont  futés.  Futer  quebju'un. 

fA  suivre. J 


OBSERVATIONS  A  PROPOS 
DES  CHUINTANTES  DU  PATOIS  DE  COLIGNY 


L'étude  de  M.  Clédat  sur  le  patois  de  Coligny  (tome  I  de 
la  Revue,  page  1G3)  nous  signale  comme  un  fait  remar- 
quable la  transformation  habituelle  de  Vs  douce  de  liaison  en 
j  devant  certaines  voyelles  initiales  du  mot  suivant.  En  exa- 
minant le  glossaire  qui  termine  cette  étude,  on  se  rent 
compte  que  le  fait  dont  il  s'agit  s'étent  bien  au  delà  du  cas 
particulier  de  liaison,  c'est-à-dire  se  manifeste  dans  la  cons- 
truction même  des  mots  et  en  toute  occurrence  :  Bœatôja- 
boiteuse,  è/'o/'a- braise,  camijeùla- c:m\\?,o\e,  co/'a- cause, 
6'em//"«-chemise,  frij ë-îriser,  //'o/a-fraise,  ^/v/yV/Zr; -groseille, 
etc.,  etc. 

Dès  qu'un  dialecte  transforme  ainsi  l'-s  douce  en  y,  on  est 
sûr  a  priori  qu'il  transforme  également  Vs  dure  en  c/i  ;  voyons 
le  même  glossaire:  Cacheù-casseur,  chàblou-sahle,  chàbrou- 
sabre,  c/ién-saint,  chènie-sainte,  gàchon-gSirQon,  Brache- 
Bresse,  et  pour  finir,  un  mot  qui  nous  donne  les  deus  trans- 
formations,  c/m/o/i-saison. 

Il  est  donc  évident  que  le  remplacement  de  l'-s-  douce  de 
liaison  par  le  ,/  n'est  que  l'application  particulière,  dans  ce 
dialecte,  d'une  loi  générale  qui  le  caractérise. 

Dans  cette  loi,  bien  constatée,  on  peut  encore  induire  à 
coup  sîir  la  loi  inverse  qui  transformera  tout  aussi  naturel- 
lement le/  en  s  douce  et  le  di  en  .s-  dure,  ou  si  l'on  veut,  la 
loi  d'un  va  et  vient  continuel  entre  des  articulations  qui  ont 
d'ailleurs  une  si  grand(>  aflinité.  Je  laisse  au  lecteur  le  plaisir 
d'en  recueillir,  toujours  à  la  même  source,  autant  d'exemples 
qu'il  voudra;  je  prendrai  seulement  de  là  occasion  de  for- 
muler une  autre  observation  de  même  nature,  à  savoir,  que 
ces  particularités  dialectales  se  reproduisent  partout  comme 
individuelles,  par  l'effet  d'une  mauvaise  prononciation,  soit 
affectée  et  volontaire,  soit  due  à  quelque  défaut  insurmon- 
table de  l'organe  vocal. 


CHUINTANTES    DU    PATOIS    DE    COLIGNY  o5 

Quand  la  bouche  ne  veut  pas  s'ouvrir  suffisamment,  elle 
donne  les  voyelles  troublées  :  a-è,  è-é,  é-i,  a-ô,  etc.  Le 
même  trouble  se  produit  par  le  nazillement.  La  bouche  qui 
affecte  une  ouverture  excessive  donne  la  gradation  inverse  : 
i-ê,  ê-è,  è-a,  ô-a,  etc.  Une  projection  outrée  des  lèvres  en 
avant  amène  le  ch  pour  Ys  dure,  le,/  pour  Vs  douce  ;  c'est  le  cas 
des  régions  sus-mentionnées  du  Sud-Est.  Une  pareille  ten- 
dance point  dans  cette  partie  des  Vosges  qui  va  de  Ramber- 
villers  à  Châtel;  et  les  deus  premiers  supérieurs  de  notre 
grand  Séminaire,  qui  sortaient  de  là,  en  ont  laissé  un  sou- 
venir qui  ne  se  perdra  pas  de  si  tôt.  Je  ne  suis  pas  seul, 
entre  tous  mes  condisciples,  pour  s'être  entendu  dire,  par 
exemple:  «  Mochieur,  vou-j-avez  fort  mal  agi  !  Ch'est  avec 
peine,  Mochieur  H.,  que  je  vous  voi-j-encore  auchi  peu  rai- 
jonable  !  »  Un  bon  chanoine  de  Saint-Dié  citait  une  fois,  dans 
un  sermon  à  la  cathédrale,  cette  parole  de  saint  Paul  : 
«Chi  quish  chuorum  curam  non  habet,  etc.  »  et  traduisait  : 
((  Chelui  qui  n'a  pas  choin  des  chiens  est  pirrrh  qu'un  infi- 
dèle. »  On  a  recueilli  de  sa  bouche,  dans  un  sermon  sur  le 
jeûne,  cette  autre  phrase  :  «  Un  chélchre  médecA/n  di/ait  : 
»  Le  mon-hcheau  que  vous  laieJiez  chuv  votre  ac/nette  vous 
fait  plus  de  bien  que  chelui  que  vous  mangez  !  »  Cette  pro- 
nonciation n'eût  peut-être  pas  été  remarquée  à  Coligny  ; 
mais  à  Saint-Dié,  elle  était  phénoménale,  et  l'on  doit  penser  si 
des  séminaristes,  qui  sont  la  gaieté  incarnée,  s'en  amusaient. 
Quant  au  vénéré  supérieur,  on  n'avait  envie  de  rire  qu'assez 
longtemps  après,  de  ses  c/i  et  de  sesy,  qui  s'accentuaient  sur- 
tout dans  ses  réprimandes,  parce  qu'ils  en  marquaient  le 
degré  de  sévérité.  —  Tandis  qu'un  effort  exagéré  d'articulation 
amène  la  substitution  du  /  à  Vs  douce,  et  du  ch  à  l'.s"  dure, 
en  revanche,  une  articulation  trop  flasque  fait  redescendre 
du  ch  à  Vs  dure,  etduj  à. 9  douce.  Un  enfant  dira  :  «  Ze  veus 
zouer  ;  allons  sez  nous  !  »  et  un  Marseillais  :  «  Zuze,  mon 
bon  !  »  C'est  souvent  l'effet  d'une  affectation. 

Celui  qui,  aftligé  d'une  conformation  défectueuse  des  lèvres 
ou  des  mâchoires,  ne  peut  pas  faire  silller  nettement  les  s,  les 
remplace,  au  moins  dans  nos  contrées,  par  les  aspirations 
palatale  et  gutturale,  c'est-à-dire  l'.s-  dure  |)ar  la  spiration  pala- 
tale, et  Vs   douce  par  l'aspiration  gutturale.  Un  ancien  bour- 


56  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

geois  de  Saint-Dié  se  trouvait  dans  ce  cas,  et  on  lui  faisait  quel- 
quefois la  malice  de  lui  demander  le  numéro  de  sa  maison 
pour  lui  entendre  d\ve:  K/ioikhante-khikh  (G(>).  Il  prononçait 
d'une  manière  analogue  :  ((  Vou-/?.-avez  raiAon  !  » 

Puisque  le  th.  anglais  est  purement  et  simplement  une  s, 
non  plus  spirante,  mais  explosine\  le  passage  alternatif 
de  l'un  à  l'autre  devient  tout  naturel,  facile  et  fréquent;  et  le 
th  dur  donnera  l'.s  douce.  De  fait,  le  glossaire  de  Coligny 
nous  en  fournit  une  preuve  surabondante;  et  nous  en  avons 
encore  une  autre  non  moins  forte  en  ce  que  le  défaut  de 
bléser  se  reproduit  individuellement  dans  tous  les  dialectes. 

Il  me  sera  donc  permis  d'établir  en  règle  absolue  que  toute 
prononciation  estropiée  peut  devenir  dialectale  au  lieu  de 
rester  individuelle;  et  que,  quand  il  se  rencontre  de  ces  pro- 
nonciations vicieuses,  gâtées,  mauvaises,  dans  quelque 
région  sous  le  premier  de  ces  états,  on  est  certain  de  les 
retrouver  sous  le  second  dans  toutes  les  autres  régions  (|ui 
parlent  un  idiome  foncièrement  identique. 

Mais  ce  n'est  ni  à  quelque  affectation  ridicule,  ni  à  quelque 
défaut  d'organe  qu'il  faut  attribuer  la  transformation  si 
fréquente  et  si  caractéristique  de  l'.s  douce,  ainsi  que  du  J 
ou  g  dous,  en  h,  et  de  i'.s  dure,  ainsi  que  du  c  devenu  c/i  ir., 
en  kh,  dans  les  patois  lorrains  de  la  zone  la  plus  rapprochée 
du  domaine  germanique;  c'est,  d'une  part,  à  l'intime  affinité 
qui  existe  entre  ces  divers  ordres  de  sifflantes;  et  d'autre 
part,  à  la  tendance  qu'ont  nos  patois  de  ramener  tous  les 
sifflements  de  l'extérieur  à  l'intérieur,  de  changer  les  sifflantes 
dentales  en  la  palatale,  et  les  sifflantes  labiales  en  la  gutturale, 
pour  les  adoucir  -. 

De  la  substitution  de  17/  à  I'.s-  douce  et  du  kJi  à  l'N'durc  nos 
patois  fournissent  des  exemples  ))ar  centaines  et  par  milliers, 

1.  C'est  également  la  seule  clitïéreuee  (ju'il  y  ait  entre  le  cA  anglais 
ou  espagnol,  et  lech  français. 

2.  C'est  un  préjugé  vulgaire  universel  que  les  aspirations  gutturale 
et  palatale,  surtout  cette  dernière,  sont  d'une  rudesse,  d'une  dureté 
presque  sauvage.  Une  pareille  erreur  provient  sans  doute  de  l'extrême 
difficulté  qu'éprouvent  d'abord  à  émettre  ces  articulations  cens  qui 
n'y  sont  pas  habitués.  C'est  encore  l'histoire  du  renard,  taxant  de  ce 
qu'on  sait  les  raisins  très  mûrs  et  très  dous  qu'il  ne  peut  atteindre. 


CIIUINTANTIOS    DU    PATOIS    DK    COLIGNY  57 

en  toutos  positions,  sans  nulles  conclitions  ni  restrictions; 
pour  celle  de  17;  au  g  dous  ou  /,  et  du  /.//  au  c  qui  a  donné 
le  cJi  français,  les  exemples  en  sont  relativcnnent  peu 
nonibreus  ;  mais  ils  se  rencontrent  tous  dans  des  mots  très 
usuels,  et  suffisent  pour  indicjuer  un  principe.  Hneasse- 
génisse;  h-Iiénau-chonixl,  etc.,  etc. 

Ce  qui  porte  à  son  comble  le  relief  que  ces  dous  aspirations, 
donnent  à  nos  dialectes,  c'est  (|u'elles  saisissent  inmicdia- 
temenl  les  consonnes  aussi  bien  ([ue  les  voyelles^  en  se  les 
partageant  selon  les  affinités  physiologiques  dont  la  loi  est 
très  précise  et  très  impérieuse.  Ainsi,  l'aspiration  gutturale 
et  douce,  h,  prent  les  douces  h,  d,  f/  et  lo;  la  spiration 
palatale  et  forte,  kh,  prent  les  fortes  c  dur  (ou  k  ou  q),p  vit; 
mais  les  deus  prennent  indifréremment  les  moyennes  et 
liquides  /,  m,  n  et  /•.  11  n'y  a  que  /,  r,  eh  fr.,  c  dous,  J  fr., 
6t,  X  et  z,  ([ui  se  refusent  à  l'union  :  les  deus  premières, /et  r, 
pour  cause  d'incompatibilité  physiologique;  les  sis  dernières 
pour  cause  de  rapprochement  si  intime  que  l'union  cède  la 
place  à  la  substitution.  De  plus,  il  convient  de  noter  que 
la  loi  des  affinités  oblige  quelquefois  accidentellement  à 
changer  la  douce  en  forte,  et  réciproquement,  la  forte  en 
douce.  Ainsi  :  J/d/ie-mauvaise,  se  modifie  en  màkhe  dans 
makhe  pèce,  mauvaise  pièce;  ivakhe-vevt  se  modifie  en 
icaJie  dans  irahc  f/énè(e-ycvt  genêt.  De  même,  tous  les  verbes 
dont  la  syllabe  flexionnelhiesten  //,  remplacent  celle-ci  par  kh, 
à  la  3"  jjers.  pi.  d(^  Tind.  pr.,  oii  le  t  doit  toujours  se  faire 
sentir:  A  ipiraahé-apai^ior,  et  et  aipicauh'ht',  ils  apaisent. 

Nos  patois  font  donc  jouer  à  h  et  à  kh  le  même  rôle  que  le 
français  à  .s-  devant  les  autres  consonnes;  ils  remplacent  les 
sifllements  par  les  aspirations.  C'est  d'une  grande  douceur 
aussi  bien  que  d'une  grande  originalité. 

Le  chanoine  IIingre. 


COMPTE 'RENDU 


Adrien  Thibault,  Glossaire  du  pays  blaisois.   Blois  et  Or- 
léans, s.  d.  (1892),  1  vol.  in-8^  de  xxvi-35G  p. 

L'ouvrage  de  M.  A.  Thibault  tiendra  une  place  fort  hono- 
rable dans  la  collection,  malheureusement  bien  incomplète 
encore,  de  nos  glossaires  dialectaus;  on  sent  bien  vite,  en  le 
lisant,  que  l'auteur,  enfant  et  habitant  du  pays  dont  il  étudie 
la  langue,  connaît  à  fond  et  aime  son  sujet.  Signalons-y  tout 
de  suite  une  innovation  qui  nous  paraît  fort  heureuse  :  les 
définitions  y  sont  complétées  et  illustrées  par  des  exemples 
qui  donnent  à  l'ouvrage  une  saveur  toute  particulière;  ils 
permettent  de  saisir  sur  le  vif  les  tournures,  si  originales  et 
si  variées,  propres  au  langage  populaire,  et  d'étudier  la  syn- 
taxe, en  même  temps  que  le  vocabulaire,  des  compatriotes  de 
M.  T.  Il  est  seulement  regrettable  que  celui-ci,  par  une  nou- 
velle application  d'un  système  fâcheus  sur  lequel  nous  revien- 
drons, ait  cru  devoir  franciser  plus  ou  moins  les  mots  qu'il  y 
fait  entrer;  ces  phrases  eussent  dû,  elles  aussi,  être  l'objet 
d'une  transcription  phonétique  aussi  exacte  que  possible. 
Nous  ne  féliciterons  pas  moins  M.  T.  de  la  grande  place  quil 
a  faite  à  l'exposé  des  coutumes,  traditions  et  superstitions 
locales;  par  là,  il  a  donné  un  nouveau  pris  à  son  ouvrage, 
qui  ne  sera  pas  consulté  avec  moins  de  fruit  par  les  amateurs 
de  folk-lore  que  par  les  philologues.  Enfin  il  ne  s'est  point 
borné  à  l'étude  du  patois  actuel  :  il  a  voulu  en  rechercher  les 
titres  de  noblesse  dans  un  certain  nombre  de  textes  et  de 
documents  anciens.  A  vrai  dire,  Tidée  est  plus  louable  que 
l'exécution  n'en  a  été  heureuse,  A  procéder  rigoureusement, 
il  faudrait  se  borner,  dans  une  recherche  de  ce  genre,  aus 
documents  d'archives  propres  à  la  région  étudiée  et  aus 
œuvres  des  auteurs  qui  y  sont  nés.  Les  premiers  surtout 
fournissent  une  grande  quantité  de  mots  disparus,  spéciale- 
ment des  termes  techniques,  ou  des  formes  anciennes  de  mots 


COMI'TE    RKNbU  59 

conservés,  qu'il  est  iiiiportanl  de*  relever;  il  rsi  regrettable 
que  M.  T.  n'ait  pas  étendu  plus  loin  ses  investigations  dans 
ce  sens,  au  lieu  de  dépouiller  une  foule  de  textes  qui  n'ont 
rien  à  faire  avec  le  Blaisois.  Qu'il  ait  accueilli  les  œuvres  de 
Tourangeaus,de  Vendônioisjde  Percherons  comme  Rabelais, 
Ronsard  et  Belleau,  on  le  comprent  encore,  car  il  est  inté- 
ressant de  relever  dans  leurs  onivres  les  traces  des  parlers 
locaus';  mais  il  ne  possédait  pas  de  rancienne  langue  une 
connaissance  assez  précise  pour  distinguer  dans  ces  (cuvres 
lesformes  vraiment  locales  des  formes,  aujourd'hui  disparues, 
communes  à  toute  l'ancienne  langue;  ainsi  il  n'y  a  aucun 
intérêt  à  relever  ber.s  pour  berceau,  chaffaitdcr  pour  écJta- 
J'aader,  chardonnet  pour  cliardonneret.  Mais  ce  qui  est  tout 
à  fait  inutile,  c'est  d'alléguer,  pour  attester  l'existence  dans 
l'ancienne  langue  de  certains  mots  restés  vivants  dans  le 
Blaisois,  des  auteurs  étrangers  h.  cette  région;  que  nous 
importe  que  ces  mots  aient  été  employés  par  Villehardouin 
ou  par  Commines?  Il  suffisait  de  renvoyerà  un  dictionnaire 
de  l'ancien  français-. 

Mais  ce  sont  là  des  questions  d'application,  et  nous  sonnnes, 
(11  principe,  d'accord  avec  M.  T.  Il  n'en  est  pas  de  môme  au 
sujet  de  certaines  questions  de  méthode.  M.  T.  a  senti  qu'il 
ne  pouvait  donner  une  idée  complète  de  son  patois  qu'en  fai- 
sant précéder  le  Glossaire  proprement  dit  d'une  étude  phoné- 
tique; aussi  a-t-il  consacré  quelques  pages  (xv-xxin)  à  la 
«  prononciation  »  ;  malheureusement  cette  étude  est  très  in- 
complète et  très  vague  ;  les  conditions  des  pliénomèncs  y  sont 
rarement  déterminées  avec  précision;  on  nous  dit(|ue  tel  fait 
se  produit  «(juelquefois)),  ou  «souvent»;  mais  dans  des  ques- 
tions de  ce  genre,  l'a  peu  près  ne  suffit  pas;  on  ne  pouvait 


1.  Oa  savait  depuis  longtemps  combien  est  considérable  chez  Rabe- 
lais l'influence  des  dialectes  du  centre  de  la  France  ;  les  exemples 
recueillis  par  M.  T.  montrent  que  cette  influence  est  sensible  aussi, 
quoique  moindre,  chez  Ronsard  et  quelques  autres  poètes  de  la 
Pléiade. 

2.  Je  ne  sais,  pour  le  dire  en  i)assanl,  à  ((uc!  (iiclinniiaiic  M.  T. 
recourt  de  préférence;  on  se  demande  où  il  a  rencoiUré  certains  mots 
dont  l'existence  est  plus  que  suspecte,  tels  que  hvhourdc  (sorte  de 
lance),  bcle  (clochette),  i-alci-re  (danger),  etc. 


60  UKVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

du  reste  atleindre  à  une  grande  précision  en  partant  du  fran- 
çais, qui  représente  une  étape  de  la  langue  parallèle  à  celle 
des  patois;  il  fallait  partir  du  kitin,  comme  l'a  fait  M.  N.  du 
Puitspelu,  dont  le  travail  {Introduction  au  Dictionnaire 
ètyniolofjiqne  du  patois  li/onnais)  pouvait,  sur  bien  des  points, 
servir  de  modèle  à  M.  T.  Celui-ci  semble  du  reste  s'être 
aperçu  lui-même  de  cette  insuffisance,  qu'il  essaye  de  compen- 
ser çà  et  là  dans  le  corps  du  Glossaire;  ainsi,  c'est  au  mol 
ahager  qu'il  indique  la  transformation  d'/y  intervocali(|ue 
en  g  comme  une  «loi»  de  son  dialecte  ^  Ce  chapitre,  s'il  eût 
étébien  compris  et  bien  traité,  eût  permis  à  l'auteur  de  réduire 
du  tiers  ou  du  quart  les  dimensions  de  son  volume.  A  notre 
aviS;,  en  effet,  un  glossaire  patois  ne  devrait  comprendre  que 
les  mots  qui  n'ont  point  de  correspondant  dans  la  langue 
littéraire;  quant  à  ceus  qui  présentent  les  mêmes  élémoits 
diversement  transformés,  ils  doivent  être  simplement  énumè- 
rés  dans  le  chapitre  consacré  à  la  phonétique;  il  suffisait, 
pour  revenir  au  dialecte  blaisois,  que  M.  T.  déterminât  dans 
quels  cas  o  passe  à  ou;  dans  quels  cas  e  atone  devient  a,  et 
qu'il  énumérât  les  principaus  exemples  de  ces  changements, 
sans  consacrer  des  articles  spéciaus  à  tous  les  mots  qui  les 
présentent". 

Il  est  une  autre  catégorie  de  mots  que  nous  regrettons  de 
voir  figurer  dans  le  Glossaire;  ce  sont  ceus  que  M.  T.  range 
dans  le  jargon,  qu'il  a  raison  de  distinguer  du  patois.  ((  Un 
parler  qui  s'affranchit  de  toute  règle,  dit-il,  de  toute  logique 
dans  la  formation  des  mots...  c'est  là  un  jargon.  Quand  j'étais 
enfant,  une  vieille  parente,  fatiguée  de  m 'entendre  faire  des 
ganniies  sur  le  piano, s'écriait  :  «Tu  m'abages  avec  ton  piano!  » 
Abager  est  patois,  piano  est  jargon.  »  L'exemple  est  joli, 
mais  la  définition  peu  exacte.  Le  caprice,  que  M.  T.  invoque 
ici,  joue  un  rôle  extrêmement  restreint  dans  la  transformation 
des  langues;  les  altérations  les  plus  arbitraires  en  apparence 

1.  Cependant  il  enregistre  charrcijci^  pour  i-liarroijcr. 

2.  Voyez  par  exemple  dans  la  leUre  A,  une  foule  de  mots  qui, sauf 
le  traitement  du  préfixe  c.v-,  n'ont  rien  d'intéressant,  comme  aljour- 
c/eonner,  ac/iapcr,  aculcr.  alite,  atonncr,  etc.  De  même  la  réduction 
d'oi  à  c  étant  une  loi  du  dialecte,  il  est  tout  à  fait  superflu  de  faire 
des  articles  spéciaus  pour  creire,  creitrc,  dret,  etc. 


COMPTK    RKNDL'  Gl 

peuvent  elles-mêmes  se  ramener  à  des  lois;  bileiis,  par 
exemple,  que  cite  M.  T.,  est  très  régulièrement  formé  sur 
bile;  dans  catécliime,  il  y  a  un  archaïsme  de  prononciation, 
dans  catéddsse  une  substitution  de  suflixe,  dans  dcligcnce, 
un  fait  de  dissimilation;  la  vieille  parente  de  M.  T.,  en  pro- 
non(,ant  piano,  avait  sans  doute  dans  l'esprit  Tidée  d'une 
surface  plane.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  n'y  a  aucun 
intérêt  à  enregistrer  au  long  toutes  les  formes  de  ce  genre;  il 
suffisait  d'essayer,  dans  le  chapitre  relatif  à  la  phonétique, 
d'expliquer  la  naissance  des  plus  caractéristiques  d'entre 
elles.  ()n  n'est  pas  médiocrement  surpris,  après  avoir  lu 
l'arrêt  que  nous  venons  de  citer,  de  voir  M.  T.  admettre  des 
mots  comme  amonition  (pain  d'),  at-belète,  arclietecie, 
armena,  bénijice,  castrolc,  calaplasse,  etc. 

Sur  la  part  qu'il  convient  de  faire  aus  recherches  étymo- 
logiques, M.  T,  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Pour  les  mots 
qui  sont  de  la  langue  littéraire  ou  qui  n'en  diffèrent  que  par 
quelques  légers  changements  de  forme,  j'ai  considéré  que 
leurs  origines  ayant  été  supérieurement  étudiées  par  l(;s 
maîtres  dans  des  ouvrages  qui  sont  entre  toutes  les  mains,  il 
serait  puéril  de  les  relater.  Je  n'ai  parlé  de  leur  étymologie 
que  lors(iue  j'ai  vu  ((ue  la  forme  dialectale  s'en  approchait 
da\'antage  que  la  forme  française.  Quant  à  ceus  qui  n'ont 
aucun  rapport  av(îc  la  langue  académique,  j'ai  dû  me  borner 
souvent  à  en  indiquer  simplement  le  radical,  sans  chercher 
à  expliquer  la  raison  d'être  de  toutes  les  lettres  qui  les  cons- 
tituent. »  L'idée  de  M.  T.,  si  je  la  comprens  bien,  est  juste; 
un  glossaire  patois  doit  se  borner  à  donner  l'étymologie  des 
mots  dont  les  correspondants  n'existent  pas  en  français,  et 
à  indiquer  le  radical  des  dérivés  dont  la  formation,  claire 
encore  pour  un  habitant  du  pays,  pourrait  ne  pas  l'être  tou- 
jours pour  un  étranger;  il  suffit  alors  de  renvoyer  à  la  racine 
de  ceus-ci,  ou  au  mot  français  où  entre  cette  racine.  Mais 
ces  principes,  qui  semblent  bien  être  ceus  de  M.  T.,  sont 
appliqués  avec;  une  singulière  inconséquence;  on  trouve  à 
chaque  pas,  chez  lui,  des  conjectures,  qu'il  emprunte  pure- 
ment et  simplement  à  Scheler  ou  à  Littré,  et  qu'il  reproduit 
le  plus  souvent  d'une  manière  incomplète,  sans  en  citer  les 
auteurs. (Voyez  alai/er,  brenier,  etc.)  M.  T.  ne  dissimule  pas 


62  RKVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

le  peu  deconfiance  que  lui  inspirent  «ces  règles  de  permutation 
ingénieuses,  mais  qui  ont  le  tort  d'être  données  comme  ab- 
solues ))^  établies  par  les  ét>Tnologistes  modernes.  Avant  de 
médire  de  ces  règles,  il  ne  serait  pas  mal  de  les  connaître  : 
tel  n'est  pas  évidemment  le  cas  de  M.  T.,  qui  tire  abri  du  bas 
latin  (?)  ahrica,  ahriga,  agriote  d'^Yp'-oç,  ètves  (écrit  aitt-es) 
d'atrium,  bauge  du  bas-latin  (?)  berga,  beliner  de  bèle\ 
berlofjuc  du  celtique  luska^,  bosse  de  caput  (par  cabosse), 
choine  de  canus,  clouer  de  claudere,  dé/eu  de  defunctus, 
délai^  (=  humidité)  de  de  l'aiguë''. 

Je  n'ajouterai  plus  qu'un  mot  concernant  le  système  de 
transcription  adopté  par  l'auteur  :  M.  T.  donne  le  plus  sou- 
vent le  mot  patois  sous  une  forme  demi-française  qu'il  fait 
suivre  d'une  notation  phonétique  assez  défectueuse  ;  par 
exemple  :  Bonhommeau''  (bon-non-mio).  Mais  si  le  suffixe 
français,  eau  est  réellement  prononcé  mu  en  blaisois,  pourquoi 
ne  pas  le  donner  uniquement  sous  cette  dernière  forme?  C'est 
qu'on  entent  aussi,  nous  dira  sans  doute  M.  T.,  la  pronon- 
ciation eau.  Mais  on  ne  l'entent  que  dans  la  bouche  de  gens 


1.  Ce  mot  est  formé  probablement  sur  belin  (  ^z  mouton),  et  signifie 
dodeliner  de  la  lête  comme  les  moutons. 

2.  Le  mot  n'est  évidemment  que  notre  breloque,  avec  une  métathése 
signalée  à  mainte  reprise  par  M.  T.  (conterbouter,    berouette.  etc.). 

3.  C'est  manifestement  le  substantif  verbal  de  délayer. 

4.  A  côté  de  ces  conjectures,  il  en  est  d'autres  tout  à  fait  heureuses 
et  qui  montrent  qu'avec  une  connaissance  plus  exacte  des  règles, 
M.  T.  pourrait  arriver  à  d'excellents  résultats;  ainsi  il  tire  (mais 
pourquoi  ajouter  ici  le  signe  du  doute  '?)  apetis  A'adiposus,  coyer 
de  cotarius.  —  Une  bizarrerie  que  l'on  ne  s'explique  pas  consiste 
à  citer  souvent,  à  côté  du  mot  patois,  la  forme  italienne  corres- 
pondante; il  n'y  a  pas  à  cela  grand  inconvénient,  bien  qu'on  ne  voie 
pas  pourquoi  l'italien  est  ici  préféré  à  telle  autre  langue  romane.  Mais 
ce  qui  est  fâcheus,  c'est  d'indiquer  (au  moins  par  la  disposition  typo- 
graphique) le  mot  italien  comme  source  directe  du  mot  patois;  ainsi 
aider  est  dérivé  d'aiutare,  aticher  d'atticciare,  cerfeuil  de  cerjbglio, 
bouette  de  bucchetta.  etc.  Il  n'y  a  Ki  que  des  rapports  de  sons  pure- 
ment fortuits.  Le  seul  mot  blaisois  qu'on  puisse  dériver  de  l'italien 
est  peut-être  bastant,  qui  est  un  reste  du  français  italianisé  du 
XVI«  siècle. 

5.  De  même  presque  partout  pour  les  mots  de  ce  genre;  alors  pour- 
quoi aberiau,  oafourniau?  Cf.  bcnaise.  bein. 


COMPTK    RKNDl'  (ÎH 

essayant  de  donner  au  patois  une  tournure  française,  et  cette 
tentative  est  évidemment  non  avenue  ans  yeus  du  philologue. 
Il  fallait  donner  bravement  et  uniquement  la  forme  paloise, 
et  ci'la  dans  une  transcription  aussi  rigoureusement  exacte 
que  le  permettaient  à  l'autcmr  les  caractères  typographiques 
dont  il  disposait. 

Toutes  ces  critiques  ne  nous  empêchent  pas  de  nMidrc 
pleine  justice  à  la  conscience  avec  laquelle  M.  T.  a  rempli 
une  tâche  fort  utile;  son  volume  rendra  de  grands  services, 
et  il  serait  infiniment  désirable  qu'on  en  eût  l'équivalent  pour 
toutes  les  régions  de  notre  domaine  linguistique. 

A.  Jeanroy. 


PUBLICATIONS  ADRESSEES  A  LA  «  REVUE  DE  PHILOLOGIE 


Ch.  Lebaigue.  —  La  Réforme  de  roj-tJiograplie  (8  pages 
imprimées  à  Sceaux  chez  Cliaraire  et  C''^).  —  A  propos  de  la 
Note  de  M.  Gréard. 

G.  Paris.  —  Laltévalion  romane  duc  /rt/m(30pages  in-8°, 
dans  Y  Annuaire  pour  1893  de  C  École  des  Hautes-Études, 
section  des  sciences  historiques  et  philologiques.) 

T.  Zanardelli.  —  Langues  et  Dialectes,  n°  3  de  la  pre- 
mière année  (Paris,  Bouillon,  1893). 

A.  ToBLER.  —  Etjjmologisches  (12  pages  extr.  de 
Sitzungshericlde  der  Akademie  der  \Mssenscha/ten  zu 
Berlin,  1893).  —  11  s'agit  du  v.  fr.  menaison,  -oison, 
-ison  et  des  mots  actuels  rets,  haleter,  aloj/au,  ébouler, 
hanneret. 

P.  Marchot.  —  Solution  de  quelques  difficultés  de  la 
phonétique  française  (91  pages  in-S".  Dissertation  de  doc- 
torat. Lausanne,  imprimerie  Bride],  1893). —  Les  difficultés 
dont  il  s'agit  se  réfèrent  au  traitement  des  voyelles  a,  i  long, 
o  bref,  u  long.. 

Sernin-Santy.  —  La  Comtesse  de  Die  (Paris,  Picard,  1893, 
xvni-146  pages.  Introduction  par  Paul  Mariéton).  Ce  beau 
volume  contient  les  œuvres,  —  texte  et  traduction,  —  de  la 
comtesse  de  Die,  avec  une  relation  des  fêtes  données  en 
l'honneur  de  la  «  trouveuse  »  dauphinoise  en  1888. 

Pierre  de  la  Loje  —  Glossaire  du  Bas-Berry,  fascicule  3 
(Paris,  Bouillon,  1892). 

Hatzfeld,  Darmesteter  et  Thomas.  —  Dictionnaire  de 
la  langue  française,  10*^  fascicule,  desassembler-doublage 
(Paris,  Delagrave). —  Le  verbe  dévisager  2  nous  paraît  dériver 
de  dévisager  1  ;  il  est  difficile  d'admettre  qu'il  se  soit  formé 
sur  envisager  par  substitution  de  préfixe. 

Clair  Tisseur.  —  Modestes  Observations  sur  l'art  de 
versifier  (Lyon,  Bernoux  et  Cumin,  1893,  355  pages).  Nous 
espérons  pouvoir  donner  bientôt  un  compte  rendu  de  cet 
important  ouvrage. 


BULLETIN  TRIMESTRIEL 

1)K,    I.A 

SOCIÉTÉ  DE  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE 

(Avril  1893) 


MEMBRES   DE   LA  SOCIÉTÉ 
Membres  à  Vie 

MEMBRES     HONORAIRES 

MM.  A.  d'Abbadie,  de  l'Institut,  120,  rue  du  Bac,  Paris; 

A.  M.  Bell^l525,  35^1' strect,  Washington  D.  C,  États- 
Unis; 

Dr.  J.-H.  Gladstone,  président  de  la  Société  de  réforme 
orthographique,  Londres  ; 

L.  Havet,  prof,  au  Collège  de  France,  4,  avenue  de 
rOpéra,  Paris  ; 

Dr.  F.  March,  Easton,  Pa-,  États-Unis; 

F.  Max  MûUer,  Queen's  Collège,  Oxford,  Angleterre; 

P.  Meyer,  de  l'Institut,  rue  de  Boulainvilliers,  Paris; 

Prof.  A.  Noreen,  Upsal,  Suède; 

F.  Passy,  de  l'Institut,  Neuilly-Saint-James  ; 
Dr.  E.  Raoux,  Lausanne,  Suisse; 

Rev.  prof.  A.  II.  Sayce,  Queen's  Collège,  Oxford,  An- 
gleterre ; 
Fr.  Sarcey,  publiciste,  59,  rue  de  Douai,  Paris; 
Prof.  E.  Tegnèr,  Lund,  Suède; 

G,  Vianna,  R.  D.  d'Arroios,  OG  B,  Lisbonne,  Portugal; 
M.  Vion,  8,  rue  de  la  Rêpubli((ue,  Amiens. 

Kkvui:  oi'.  iMiu.oi.otiii:,  vu.  5 


G6  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

MEMBRES    FONDATEURS 

MM.  Jean  Passy,  bibliotliécairo,  8,  rue  Labordère,  Neuilly- 

Saint- James  ; 
Paul  Passy,  92,  rue  de  Longchamps,  Neuilly-Saint- 

James  ; 
M"ie  P.    Passy,   92,   rue  de   Longchamps,    Neuilly-Saint- 

James  ; 
M.      Ch.  Roussey,  23,  rue  Cujas.  Paris. 

MEMBRES  ACTIFS 

MM.  A.  Barbou,   bibliothécaire  à  Sainte-Geneviève,   place 
du  Panthéon,  Paris; 

R.  Barlet,  prof .  au  Collège,  rue  Notre-Dame,  Soissons; 

Dr.  J.  Bertillon,  24,  rue  de  Penthièvre,  Paris  ; 
Mlle   Brûlant,  directrice  du  lycée  de  filles.  Moulins; 
M.     Bonnet,  prof,  à  la  Faculté  des  Lettres,  Montpellier  ; 
Mme  Dupont,  chez  M.  le  Pasteur  Dupont,  Bréda,  Hollande; 
MM.  E.  Goret,  direct. d'école,  4,  rue  des  Feuillantines,  Paris; 

C.  Lagache,  anc.  sénateur,  10,  boulevard  Raspail,  Paris  ; 

E.  Monseur,  10,  avenue  d'Avray,  Liège,  Belgique; 
P.  Oltramare,  6,  rue  Pierre- Fatio,  Genève,  Suisse; 
L'amiral   Réveillère,  3,  rue  Foy,  Brest; 

Dr.  Ch.  Richet^  15,  rue  de  l'Université^  Paris; 
L'abbé  Ragon,  77,  rue  de  Vaugirard,  Paris; 
Prof.  F.  Wulff,  Lund,  Suède. 

MEMBRES  ADHÉRENTS 

MM.J.  Bevan,  2,  Cranford  Villas,  Exmouth,  Dcvou,  An- 
gleterre; 
O.  Cambier,  juge  de  paix.  Pâturages,  Belgique  ; 
Chabert,  trésorier  général  de  Saône-et-Loire  ; 

F.  Comte,  43,  rue  des  Poissonniers,  Paris; 
E.  Marie,  4,  rue  de  Sèzc,  Paris; 

E.  C.  Roza,  rue  de  D.  Vasco,  Belen  Lisboa,  Portugal; 
Vallée,  instituteur,  rue  Erpell,  Le  Mans. 

MEMBRE    ADJOINT 

Miss  Soames,  44,  Marine  Parade,  Brighton,  Angleterre. 


BL'LLKTIN  DE  LA  SOCIKTK  DF,  RKFORME  ORTHOGRAPHIQUE      67 

Ont  versé  par  anticipation  leur  cotisation  de  membre  actif 
(comprise  dans  le  dernier  compte  du  trésorier)  : 

MM.Araujo,  professeur,  Alfonso  XII,  7  pral,  à  Tolède, 
Espagne  ; 

Bastin,  conseiller  d'État  actuel  à  Saint-Pétersbourg; 

Popofsky,  professeur  au  gymnase  Marie,  à  Saint-Pé- 
tersbourg ; 

A.  Rancy,  professeur  au  corps  des  pages,  à  Saint- 
Pétersbourg. 

Rey,  professeur  à  l'institut  des  demoiselles  nobles  de 
Smolna,  Saint-Pétersbourg. 

Ont  en  outre  versé  leur  cotisation  pour  1893: 

MEMBRE    FONDATEUR 

M.     V.  Ballu,  9,  rue  Mayet,  Paris. 

MEMBRES    ACTIFS 

MM.  Léon  Clédat,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de 
Lyon  ; 

Bozo  Dépoli,  Gyor,  Raab,  Hongrie  ; 

Escriche,  professeur  de  physique  à  llnstituto  de  Bar- 
celone, Espagne  ; 

J.  Firmery,  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de 
Lyon  ; 

F.  Gâche,  prof,  au  lycée  de  Châteauroux  ; 

Hofïbauer,  lieutenant  d'artillerie,  15,  place  des  Marchés, 
à  La  Fère  (Aisne)  ; 

A.  Pichu,  8,  rue  Montpensicr^  Paris. 

MEMBRES  ADHÉRENTS 

M.     Balassa,  Szekesfehervar,  Hongrie. 
MUe   Ballu,  9,  rue  Mayet,  Paris. 

Les  cotisations   de   MM.  Ballu,  Escriche,  Balassa,  Hofï- 
bauer, Piche  et  de  Mi'«  Ballu  ont  été  remises  à  M.  Paul  Passy. 

Nous  avons  le  regret  d'enregistrer  la  démission  de   M.  et 
Mme  Faivre,  dcM'"^  Bonarayetde  MM.  Marais  et  Clabeaux. 


68  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Les  autres  membres  non  portés  sur  la  liste  ci-dessus  seront 
considérés  comme  démissionnaires  s'ils  n'envoient  pas  leur 
cotisation  apr^ès  réception  dij, présent  bulletin. 

Le  rôle  de  notre  Société  est  loin  d'être  terminé  par  cela 
seul  que  l'Académie  Française  s'occupe  de  la  réforme.  11  est 
extrêmement  vraisemblable  qu'après  les  décisions  de  l'Aca- 
démie il  y  aura  encore  fort  à  faii'c,  et  nous  devrons  continuer 
plus  activement  que  jamais  la  propagande  par  l'exemple 
pour  arriver  à  réaliser  des  améliorations  sérieuses. 


LES  REFORMES 

PROPOSÉES  PAR  LA  COMMISSION  DU  DICTIONNAIRE  DE  l' ACADÉMIE 

Nous  publions  dans  une  autre  partie  de  la  Revue  les 
considérations  élevées  par  lesquelles  s'ouvre  et  se  clôt  la 
«  Note  »  de  M.  Gréard.  Elles  encadrent  les  propositions  sui- 
vantes : 

1°   LES    MAJUSCULES 

Est-ce  par  une  série  de  fautes  d'impression  que  pour  certains  mots 
le  Dictionnaire  porte  tantôt  une  majuscule,  tantôt  une  minuscule? 
qu'il  écrit  :  la  Bourse  de  Paris  est  un  beau  monument  »et  «  la  bourse 
de  Paris  est  périptère  »;  —  Le  Théâtre  Français  et  la  Comédie 
française;  —  «  Hérodote  est  le  [icre  de  l'histoire,  François  1"  le 
Père  des  Lettres?  »  N'est-il  pas  inconséquent  de  dire  :  «  Ce  ministre  est 
le  Mécène  des  poètes  »  et  «  ce  vieillard  est  le  mentor  de  la  famille  »  ? 
Dans  l'un  et  l'autre  cas  il  y  a  métonymie  :  la  différence  du  traitement 
orthographique  ne  semble  pas  justifiée. 

2"    LES  -nuETs 

Le  tiret  ou  trait  d'union  est  d'origine  relativement  récente.  Au  té- 
moignage de  A.  F.  Didot,  il  date  de  1573.  A  partir  de  ce  moment, 
on  s'en  est  beaucoup  servi.  Qu'on  en  ait  abusé  ne  serait  rien.  Le 
danger  c'est  d'en  mal  user,  ou  d'en  user  et  de  s'en  passer  tour  à  tour 
sans  apparence  de  raison,  tant  dans  les  mots  doubles  que  dans  les 
locutions  composées. 


BLLLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  RÉFORME  ORTHOGRAPHIQUE      69 

On  l'a  supprimé  dans  contretemps  et  conservé  clans  rontre-cœur; 
supprimé  dans  entretenir  et  conservé  dans  entrc-bâiller;  supprimé 
dans  portecrayon  et  conservé  dans  porte-plume  ;  supprimé  dans  arc 
de  triomphe  et  conservé  dans  arc-en-ciel;  supprimé  dans  au  dedans 
et  au  dehors,  conservé  dans  au-dessus  et  au-dessous;  supprimé  dans 
/ace  à  face,  conservé  dans  tôte-à-iôte  ;  supprimé  dans  c'est  à  sacoir, 
conservé  dans  c'est-à-dire.  Sur  quoi  reposent  ces  distinctions? 

Pour  les  locutions  composées,  le  plus  simple  et  le  plus  naturel  ne 
serait-il  pas  de  décider  la  suppression  définitive? 

Pour  les  mots  doubles  ou  juxtaposés,  deux  règles  ont  été  proposées: 
souder  les  mots  toutes  les  fois  que  le  soudage  est  possible;  dans  les 
autres  cas,  faire  disparaître  le  trait  d'union  ainsi  ({u'on  a  fait  en  1878 
pour  tous  les  mots  précédés  de  très. 

Par  exemple  : 

Dire  sans  tiret  et  en  soudant  les  mots  :  contrecoup,  contrepied, 
contri'Jour.  contrelettre,  comme  ou  dit  contrepoids,  contredit,  contre- 
poison, contredanse;  —  entrechoquer,  entretemps,  comme  on  dit 
entrefaites,  entrepont,  entresol,  entrefilet,  entreposer,  —  tirebouchon, 
comme  on  dit  tourner is  et  tournchrodie;  —  passepartout.  comme 
on  dit  passeport  ;  —  portecigare,  porte momiaie,  portemontre,  porte- 
coix,  porteclefs,  comme  on  dit  portehalle,  portefaise,  portemanteau, 
portefeuille,  et  laisser  tomber  dans  portecigare  le  signe  du  pluriel  qui 
n'a  pas  plus  de  raison  d'être  que  dans  portefeuille. 

Dire,  sans  souder  les  mots,  mais  sans  tiret  :  belle  de  nuit,  comme 
bleu  de  ciel;  le  Théâtre  français  comme  la  Comédie  française,  etc. 

Et  appliquer  la  même  règle  aux  formes  redoublées  :  moi  même, 
eux  mêmes,  cet  homme  ci,  cette  femme  là,  ainsi  qu'aux  constructions 
nterverties  dors  tu,  puisse  je. 

D'une  façon  générale,  il  semble  que  le  tiret  n'ait  de  sens  et  par 
suite  de  valeur  orthographique  que  : 

1°  Lorsqu'il  remplace,  en  fait,  la  conjonction  d'union  ou  la  prépo- 
sition de  dépendance  :  un  dictionnaire //■a/îm'ft'-^rt^'/î,  c'est-à-dire  un 
dictionnaire  //•anfat.s  et  latin;  un  enldnt  sourd-muet,  l'armée  franco- 
russe,  trente-trois,  hôtel-Dieu,  timbre-poste. 

2"  Lorsqu'il  est  destiné  à  indiquer  une  concomitance,  une  con- 
nexité  intime  :  un  aceugle-né,  une  tragédie  mort-née,  un  prési_ 
dent-né  ; 

3"  Lorsqu'il  marque  un  lien  de  parente  :  beau-fils,  petite-fille, 
grand-oncle,  mère-grand  ; 

4-  Lorsqu'il  sert  à  caractériser,  par  le  rapprochement  do  deux  mots 
qui,  isolés,  n'offrent  plus  le  même  sens,  une  application  spéciale, 
technique  :  le  grand-licre,  état-major,  etc. 


70  REVUE    DF    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


3°   LES   SIGNLS   OHTllOGKAPIIIQUKS 

L'accent  circonjlcœc.  —  Chute, 'joute,  otarjc,  meunier,  on  perdu  leur 
accent  circonflexe,  depuis  1835.  Vraiment  et  (jentinwnt  en  avaient  été 
dépouillés  auparavant.  Dans  ces  derniers  mots  comme  dans  les  pre- 
miers, l'accent  circonflexe  servait  à  remplacer  ou  à  rappeler,  soit  une 
consonne,  soit  un  e  muet  que  l'usage  avait  fait  tomber.  On  admet 
déjà  à  titre  égal  décoùmcnt  et  découcment.  crucifiement  et  cruci fi- 
nie ni,  aboiement  et  aboiment.  (jaiement  et  çiaiment.  No  pourrait-on 
laisser  tomber  partout  l'accent  et  dire  assidûment,  de  même  qu'on 
dit  hardiment  et  poliment  ? 

L'accent  grâce  et  l'accent  aigu.  —  Y  a-t-il  lieu  de  continuer  à  écrire 
acènementeiécénement,  règlement  el  réglementer,  religieux  elirré- 
ligieuœ,  rebelle  et  rébellion,  tenace  et  ténacité,  serein  et  sérénité, 
s'énamourer  et  s'enorgueillir  ou  s'enicrer? 

Ou  a  substitué  l'accentgrave  à  l'accent  aigu,  dans  sécc,/jiège,coll.ège, 
assiège.  Pourquoi  laisser  l'accent  aigu  dans  dussé-Je,  pussé-je,  aimé-jc  ? 

*  Est-il  nécessaire  de  distinguer  par  un  signe  extérieur  Za  article  de 
l(À  adverbe,  des  article  de  dès  proposition,  ou  conjonction  de  où  ad- 
verbe, alors  que  la  fonction  du  mot  dans  la  phrase  établit  nettement 
la  différence?  Toute  notation  a  été  supprimée  en  latin  dans  cum  qui  est 
à  la  fois  conjonction  et  préposition  :  les  enfants,  conduits  par  la  lo- 
gique, ne  s'y  trompent  pas. 

L'apostrophe,  le  tréma.  —  L'apostrophe  est-elle  indispensable  dans 
des  mots  étroitement  réunis  par  l'usage  et  où  la  prononciation  ne  fait 
plus  sentir  l'élision  comme  entr'oucrir,  s'cnti-'aimer,  s'entr'aeertir, 
s'entr'aider,  s'entr'accorder,  s' cntr' accuser,  s'entr'appeler, presqu'île, 
enî;/-'ac!;e.?  Faut-il  laisser  subsister  le  tréma  dans  ïambe,  ïambiqtie, 
alors  qu'il  n'est  plus  conservé  dans  iode  ni  dans  ionique? 

De  minimis  non  curât...,  dira-t-on.  Mais  l'orthographe,  par  sa  na- 
ture, se  compose  de  minuties,  et  ce  sont  ces  détails  contradictoires 
qui  contribuent  à  hérisser  notre  langue  de  difficultés  irritantes. 

4"   LES    MOTS   D'oKKiLNL   ÉTRANCJÈHR 

C'est  une  difficulté  grave,  même  pour  les  étrangers,  que  l'ortho- 
graphe des  mots  que  nous  leur  empruntons.  Redingote,  châle,  chèque, 
wagon,  tunnel,  paquebot, J'ash ion.  budget,  cerdict,  sport,  yacht,  que 
nous  avons  pris  à  l'anglais  sont  devenus  français,   comme  chérubin. 


*  Les  propositions  marquées  d'un  astérisque  sont  celles  que,  en 
raison  de  leur  importance,  la  Commission  du  dictionnaire  a  cru 
devoir  soumettre  directement  à  l'examen  de  l'Académie. 


BULLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  RÉFORME  0RTHOGRAI'IIIU>rE      71 

«.«sa^iism,  escadron,  tulipe,  café,  thé,  casistas,  que  nous  avons  tirés 
de  l'hébreu,  de  l'arabe,  de  l'espagnol,  du  turc,  du  chinois,  de  l'alle- 
mand, si  corrcctenienl  et  si  profondément  français,  qu'il  faut  aujour- 
d'hui un  effort  de  réflexion  pour  retrouver  leur  origine  étrangère. 
N'est-ce  pas  dans  le  même  esprit  que  nous  devons  à  notre  tour  tra- 
vailler pour  nos  descendants"?  Nous  écrivons  rosbif  et  bi/tecl.-  à  la 
française.  Pourquoi  persister  à  écrire  à  l'anglaise  break,  spleen,  nuc- 
ting,  cottage,  club,  stcc/>le-chase,  clown,  spccc/i,  en  indiquant  — 
singulier  procédé  d'éducation,  —  comment  ils  doivent  se  prononcer? 
Ne  pourrait-ou  aussi  franciser  dclinitivemcnt  contralto  et  soprano. 
dont  le  pluriel  s'écrit  des  contralto  ou  des  contraltes,des  soprani  ou 
des  sopranes  ?  Dès  le  moment  qu'un  mot  répond  à  un  besoin,  qu'il  a 
été  accepté,  ii'est-il  pas  sage  de  «  le  soumettre  à  notre  génie  »,  comme 
le  demande  Fénelon,  c'est-à-dire  de  lui  donner  ses  lettres  de  natu- 
ralisation conformes  à  notre  prononciation,  sous  peine  de  le  voir  forcer 
les  frontières  en  coatrebande  et  s'imposer  un  jour  par  l'usage,  irré- 
gulièrement, Montaigne  disait  barbaresquemenf? 

Parmi  ces  étrangers,  il  en  est  qui,  originaires  de  la  Grèce  ou  de 
Rome,  attendent  depuis  longtemps  qu'on  les  régularise.  Pourquoi 
écrit-on  des  agendas  et  des  errata,  des  alinéas  et  des  du/dicata,  des 
çKirfams  et  des  «ce,  des  trios  et  des  quatuor?  N'avons-nous  pas  à 
nous  prononcer  sur  les  recto,  les  ecrso,  les  lavabo,  les  intérim,  dont 
ou  exclut  le  pluriel  au  moins  par  prétention,  en  même  temps  que  la 
porte  est  ouverte  à  celui  d'ncce^-^^tï,  et  alors  qu'^/iî'é/v/H  est  déjà  fran- 
cisé par  l'accent  qu'on  lui  impose"?  On  comprendrait  l'emploi  exclusif 
du  singulier  comme  une  inconséquence  générale  bien  résolue.  L'em- 
barras est  qu'on  ne  peut  expliquer  par  des  raisons  acceptables  ni  la 
règle  ni  l'exception. 

Il  y  a  des  locutions  latines  qui  sont  entrées  toutes  vives,  pour  ainsi 
dire,  dans  notre  vocabulaire  et  qui  à  cette  sorte  de  violence  durent 
offrir,  semble-t-il,  plus  de  résistance.  C'était  un  joli  emprunt  et  bien 
fait  que  celui  d'à  parte.  Mais  pour  les  délicats  combien  il  dut  être 
dur  au  commencement  d'écrire  comme  ou  écrit  aujourd'hui  par  in- 
jonction du  Dictionnaire,  un  aparté,  des  apartés!  Ce  que  nous  de- 
mandons ici  est  de  moindre  conséquence. 

5'  LES    .MOTS   L)K   GliNUli   OU    UlC   NO.MBUl';   DIl'KlillliNTS. 
LliS   ,\l)JIiCTIKS   .VOVKIlUIirt 

Cette  observation  sur  les  importations  des  langues  vivantes  ou 
mortes  nous  amène  à  rechercher  si  nous  n'aurions  pas  ix  re  viser  certains 
mots  français  dont  l'état  civil  parait  avoir  été  déterminé  d'une  façon 
singulière. 

D'où  vient  (\\i hémisphère  cl  jilanispiièrc  sont  du  luasculin,  alors  que 


72  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

le  féminin,  qui  est  seul  conforme  à  l'étymologie,  a  été  allribué  à 
atmosplière  ? 

D'où  vient  que.  sur  les  portos  jLl'un  même  étage,  dans  un  établisse- 
ment d'instruction  publique,  les  enfants  peuvent  lire  :  réfectoire, 
chauffoir  et  dortoir,  les  trois  mots  étant  du  masculin  et  le  premier 
portant  Vc  qui  semble  être  le  signe  <lu  féminin,  pour  les  mots  de 
même  formation  :  baignoire,  rôtissoire,  passoire,  et  bassinoire^  ? 

On  conçoit  qu'un  mot  change  de  genre  quand  il  change  de  sens, 
que  foudre  soit  féminin  quand  il  signifie  le  feu  du  ciel  et  masculin 
quand  il  veut  dire  une  grande  tonne;  qu'on  distingue  entre  un  garde 
et  une  garde,  le  garde  montant  la  garde;  qu'on  écrive  le  gros  œuore 
et  la  belle  œucre,  un  office  de  magistrat  noblement  rempli  et  une  office 
de  cuisinière  proprcm.ent  tenue.  Le  P.  Bouhours  avait  beaucoup  de 
goût  pour  ces  mots  «  mâles  et  femelles  »;  et  quand  il  les  explique,  il 
se  met  en  frais  de  bonne  grâce.  Il  les  considérait  comme  des  orne- 
ments de  la  langue.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  l'en  dépouiller.  Mais  n'est-il 
pas  fâcheux  que  période  qui,  au  fond,  n'a  qu'un  sens,  ait  les  deux 
genres,  qu'orgue  soit  tour  à  tour  du  masculin  ou  du  féminin,  selon  que 
le  mot  est  employé  au  singulier  ou  au  pluriel,  et  n'est-ce  pas  le  cas  de 
regretter  qu'on  ait  laissé  tomber  le  délicat  usage  du  féminin  pour  délice 
dans  le  singulier,  en  le  conservant  dans  le  pluriel? 

N'est-il  pas  bizarre  aussi  que  la  place  d'un  mot  en  modifie  l'ortho- 
graphe; qu'on  écrive  différemment  une  demi-heure  et  une  licure  et 
demie,  nu-tête  et  tête  nue.  la  feue  reine  et  feu  la  reine,  quand  dans  les 
deux  cas  le  rapport  grammatical  est  le  même? 

Ne  faut-il  pas  au  moins  laisser  le  libre  choix  entre  les  deux  façons 
d'écrire  :  des  habits  d'homme  ou  d'hommes,  une  gelée  de  groseille  ou 
de  groseilles,  des  professeurs  en  bonnet  carré  ou  en  bonnets  carrés, 
des  prêtres  en  surplis  blanc  ou  en  sur/)lis  blancs,  les  explications  four- 
nies pour  justifier  exclusivement  l'une  ou  l'autre  façon  étant  de  pures 
subtilités? 

*  Ne  serait-il  pas  possible  enfin  de  réduire  au  moins  les  variétés  d'ap- 
plication orthographique  de  cent  et  de  ringt  ;  de  tout  et  de  même 
considérés  tour  à  tour  comme  adjectif  et  comme  adverbe;  par  exemple, 
de  permettre  d'écrire  indifféremment  :  les  hommes  mêmes  chantaient 
et  les  hommes  même  chantaient;  —  elle  est  toutk  son  devoir  ou  totcte 
â  son  devoir?  Tout,  dans  le  Dictionnaire,  occupe  à  lui  seul  six 
colonnes,  —  une  vraie  grammaire! 

1.  Les  exemples  de  rectifications  de  cette  nature  opérées  dans 
l'usage  ne  sont  pas  rares.  Amyot  disait  :  une  grosse  narire.  Balzac 
et  Voiture  écrivent  :  la  doute;  en  revanche  on  trouve  dans  de  Bèze 
un  erreur.  Ménage  insiste  pour  qu'on  ne  dise  plus  :  un  insulte.  Il  n'y 
a  pas  bien  longtemps  qu'é/>*ia/>/(e  n'est  plus  que  du  féminin. 


BULLETIN  Dt;  LA  SOCIETE  DE  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE       /S 
6°   LES    VOYELLKS    DOUBLES    ET   LES    VOVKl.I.KS   COMPOSÉES 

Dès  W23,  Balzac  voulait  qu'on  «  raclât  totalement  l'ij  »  et  qu'on  lui 
substituât  partout  l'i  français  pour  incliquer  que  les  mots  où  l'/y  se 
trouvait  autrefois  étaient  «  devenus  bien  nôtres  et  non  plus  incogneus 
estrangers  ».  Richelet,  dans  son  édition  de  16S0,  déclarait  que  presque 
partout  il  avait  adopté  l'f.  Bossuet  écrivait  mlstèrc,  mistérieuœ,  ti- 
ran,  tipe;  M""=  de  Sévigné  :  stilc,  siiiaf/Of/tic.  Efjipte;  La  Bruyère: 
hipcrbole,  phisionomic;  Voltaire  :  piratnidc,  sindic,  cnciclopédie. 

Généralement  on  peut  dire  que  la  pensée  traditionnelle  de  l'Aca- 
démie a  été  de  se  défaire  de  ïy,  quand  il  ne  remplaçait  pas  un  double 
/,  com.rae  dans  royal,  ou  quand  il  ne  marquait  pas  la  trace  de  l'éty- 
niologie,  comme  dans  p/iijsiquo  et  syjiodc. 

On  peut  suivre  ce  travail  à  travers  les  éditions  successives.  L'y  a 
perdu  du  terrain  dans  les  finales  dès  1718.  En  1740,  il  disparaît  défini- 
tivement, et  on  écrit  :  moi.  roi,  ici.  En  1762,  il  est  remplacé  dans 
l'intérieur  des  mots  partout  où  ni  1  etymologie  savante,  ni  la  formation 
primitive  ne  sont  intéressées  :  il  n'est  presque  plus  conservé,  disait-on, 
que  pour  l'ornement  de  l'écriture. 

L'édition  de  1798  attaque  nettement  l'étymologie  et  admet  analise. 
De  nouveaux  sacrifices  étymologiques  ont  été  faits,  en  1835,  sur  ci  nu; 
abîme,  chimie,  anécrismc,  colisée,  giratoire,  satirique,  cristal.  Four 
les  mots  de  même  origine  où  la  réforme  a  été  commencée,  ne  siérait- 
il  pas  de  l'achever,  et  de  ne  plus  laisser  l'esprit  partagé,  l'usage  flot- 
tant, entre  Sylcestre  et  Saint-Silcestre,  etc.  ? 

*  Dans  ceux  où  l'y  représente  un  i  simple,  r.\cadémie  tend  depuis 
plus  d'un  siècle  à  substituer  l'i  accentué  d'un  tréma.  Ainsi  a-t-on  fait 
pour  baïonnette,  faïence,  aïeul,  naïade,  païen.  La  logique  ne  demande- 
t-elle  pas  aujourd'hui  qu'on  fasse  de  même  pour  quelques  autres  mots 
tels  que  tuyau,  bayadi'i-e,  grasseyer,  mayonnaise?  A  l'édition  sui- 
vante, quand  l'œil  et  la  main  y  seraient  habitués,  le  tréma  tomberait 
à  son  tour,  ainsi  qu'il  en  est  déjà  à  peu  prés  dans  l'usage  pour  baion- 
nettc,  faience,  naiade,  païen  :  ce  serait  un  nouveau  gain  en  espé- 
rance. 

•  Dans  le  même  ordre  d'observations,  les  réformistps  qui  comptent 
au  nombre  des  plus  modérés  demandent  qu'on  supprime  de  toutes 
les  voyelles  doubles  la  voyelle  qui  échappe  complètement  h  la  pro- 
nonciation, —  comme  l'o  dans  sœur  ou  bœuf,  lequel  a  disparu  dans 
peur  et  neuf;  —  comme  l'a  dans  curaçao,  dans  Saône,  dans  août  :  ne 
trouve-t-on  pas  chez  La  Fontaine  :  avant  Voùt?  —  comme  l'o  dans 
paon,  faon,  taon:  M"'  de  Sévigné  écrivait /(an  et  tan,  Racine  et  Vol- 
taire/an;—  comme  l'o  redoublé  dans  alcool;  —  comme  \'<e  dans 
nœud  et  dans  œcuménique  :  n'écrit- on  pas  depuis  longtemps  économie  ? 


74  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

*  On  propose  aussi  d'écrire  cuil  en  se  référant  à  la  langue  du  moyen 
âge  et  pour  faciliter  rintclligence  du  pluriel  yeux.  Sommes-nous 
prêts  à  une  nouveauté  ou  à  une  réaction  aussi  considérable? 

7"   LIÏS   DOUBLES   ET   LES   TRIPLES   CONSONNES 
LE  fil,    LE   th,   LE  Ch,  LE  ph. 

La  question  de  la  suppression  des  doubles  et  triples  consonnes  parait 
plus  mûre 

Dès  1680,  Richelet  disait  dans  son  Avertissement  :  «  On  a  écrit  ici 
acocat,  baUstère,  batème,  colère,  mélancolie,  autre,  tlsaiine,  trône 
et  non  pas  adcocat,  baptistère,  baptcmc,  cliolère,  inclancholic,  aultre, 
ptisanne,  thrônc.  »  Mais  Richelet  n'était  qu'un  précurseur  indépendant. 

C'est  en  1740  et  en  1702  que  s'accomplit  la  véritable  révolution.  Elle 
fut  comp'létée  pour  certaines  formes,  presque  radicale.  «  Coiguard  a 
depuis  six  semaines  la  lettre  A,  écrivait  l'abbé  d'Olivet  au  président 
Bouhier  le  8  août  1736  ;  mais  ce  qui  fait  qu'il  n'a  pas  encore  com- 
mencé à  imprimer,  c'est  qu'il  n'avait  pas  pris  la  [précaution  de  faire 
fondre  des  É  accentués,  et  il  en  faudra  beaucoup,  parce  qu'en  beau- 
coup de  mots,  nous  avons  supprimé  l'-s  de  l'ancienne  orthographe 
comme  dans  dcs/iescher  que  nous  allons  écrire  dépôchcr,  tête, 
mâle,  etc.  »  C'est  également  d'un  trait  que  furent  rayées  les  doubles 
consonnes  dans  nopce,  picqurc,  bienfaicteur,  sçacant,  recepcoir,  etc.  ! 

On  opéra  beaucoup  moins  hardiment  sur  les  mots  marqués  du  rli, 
th,  du  cil  et  du  pli.  La  question  fut  plutôt  posée  que  résolue.  Depuis 
elle  est  restée  ouverte.  A  chaque  édition  on  a  fait  un  pas,  mais  en 
craignant  d'aller  jusqu'au  bout. 

Le  rapporteur  de  1878  fait  ressortir  avec  une  pointe  de  satisfaction 
malicieuse  que  lui  aussi  il  a  marché,  qu'il  a  supprimé  deux  h,  l'une 
dans  phtisie,  la  seconde,  l'autre  dans  rythme,  la  première.  Le  motif 
donné  par  M.  de  Sacy,  c'est  que,  dans  les  mots  tirés  du  grec  il  n'y  a 
pas  d'inconvénient  à  retrancher  une  lettre,  quand  cette  lettre  ne  se 
prononce  pas.  Rien  de  mieux.  Mais  pourquoi,  dans  les  mots  qui  en 
ont  deux,  supprimer  l'une  plutôt  que  l'autre?  Pourquoi  la  maintenir 
dans  les  mots  qui  n'en  ont  qu'une,  que  la  prononciation  ne  fait  pas 
sentir  da\antage  :  rliétorique,  rhinocéros,  rhododendron,  rhubarbe, 
rhume,  rhumatisme,  etc.  ?  Si  la  pensée  a  été  de  conserver  l'aspiration, 
l'esprit  rude  de  la  langue  d'origine,  jwurquoi  l'avoir  laissé  tomber  dans 
rapsode,  rabdomancic,  deux  mots  grecs  par  excellence?  Si  ce  sont 
les  consonnes  consécutives  que  l'on  veut  proscrire,  comme  on  l'a  fait 
dans  autochtone  et  dans  ichtyologie  qui  n'ont  plus  conservé  l'un  et 
l'autre  qu'une  h,  pourquoi  maintenir  1'//,  unique  dans  asthme  et 
arthrite  qui  ont  aussi  quatre  consonnes  de  suite?  Les   modificatious 


DCLLiniN  DK  LA  SOCIKTK  DH  HKKoKMK  ol;  IIK  )GKAI'llI(^i;i-;       (O 

les  plus  simples  sont  pleines  d'illogisme.  Qui  oserait  au  jourd'liui  écrire 
thrésorf  Et  on  dit  encore  thésaurise/-. 

Le  ch  ne  présenfe  pas  moins  d'anomalies.  L'A  a  disparu  dans  carte, 
colère,  colique,  corde,  école,  sépulcre,  scolastique,  scolic,  stomacal, 
mécanique,  métempsycose,  pascal,  patriarcal,  et  dans  vingt  autres  : 
F.  Didot  en  a  fait  le  compte.  Mais  après  ces  changements  qui  ont 
depuis  longtemps  force  de  loi,  y  a-t-il  des  raisons  plausibles  pour  con- 
tinuer k  dire  anachorète,  anachronisme,  barr/iaiiale,  chalcorjrap/iie, 
catéchumène,  chronologie,  chryscintème,  polytcclmique,  etc.  Les  Ita- 
liens et  les  Espagnols  dont  la  langue  est  plus  voisine  de  la  source 
commune  écrivent  C/isto.  cristianesimo,  cristianismo?  V.  Cousin 
imprimait  couramment  psycologie. 

Mêmes  observations  pour  \e ph.  Dans  un  grand  nombre  de  cas,  ou 
l'a  transformé  en/.  Dès  le  XV l"  siècle,  après  Robert  Estienne,  ou 
avait  admis  or/elin,  Jlegme,  fantastique,  en  Iais.sant,  il  est  vrai,  sub- 
sister phantôme.  En  1762,  on  a  discuté  phantôme,  phantaisie,  méta- 
physique, phrase,  philosophie,  blaspj/ième,  al/ihabet,  phaisan,  phiolc, 
souphre,  QicA  Fa.  passé  A-àwa  fantôme,  Jlerpnatirpie,  fantaisie,  fré- 
nésie, faisan,  soufre,  fiole,  faséole.  Ne  pourrait-on  reprendre  l'e.xamen 
de  quelques-uns  des  mots  qui  n'ont  pas  été  modifiés,  tels  que  blas- 
phème, alphabet  pour  lesquels  nous  avons  encore  l'exemple  logique 
des  langues  néo-latines  qui  ont  sacrifié  le  ////  même  dans  inctapliy- 
sique  et  philosop/iie? 

Dans  ces  diverses  formes,  ce  que  demandent  les  réformistes  —  et 
je  ne  parle  toujours  que  des  sages,  —  c'est  un  élargissement  des  bar- 
rières. Il  n'est  question  que  de  prendre  un  peu  plus  de  champ,  sans 
esprit  d'aventure,  avec  suite. 

A  voir,  en  effet,  ces  mutilations  de  Procuste  opérées  tantôt  au  com- 
mencement, tantôt  au  milieu,  tantôt  à  la  fin  des  mots  avec  tant  d'ar- 
bitraire, la  crainte  est  que  la  langue,  atteinte  de  toutes  parts  ne  finisse 
par  tomber  eu  lambeaux.  I,a  prudence  est  d'accord  avec  le  goût  pour 
nous  conseiller  de  pourvoir  méthodiquement  aux  transformations  qui 
s'imposent  par  cela  seul  qu'elles  sont  déjà  en  partie  faites.  II  ne  faut 
céder  que  lentement,  dit-on,  à  ces  tyrannies  de  la  nécessité.  Assuré- 
ment. Mais  préparons  raisonnablement  la  retraite  inévitable,  si  nous 
voulons  éviter  la  déroute. 

•  Or,  ne  serait-il  pas  raisonnable  : 

D'accepter  que  l'/t  suivant  une  des  consonnes  r,  t,  c,  soit  au  com- 
mencement d'un  mot,  soit  dans  le  corps  d'un  mot,  et  qui  ne  se  pro- 
nonce pas,  peut  cire  supprimée; 

D'admettre  du  même  coup,  dans  les  mêmes  conditions,  la  trans- 
formation du  p/i  en/; 

D'appliquer  d'abord  ces  règles  aux  mots  dont  la  modification  a  été 


76 


REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


préparée  par  des  discussions  antérieures  du  Dictionnaire  et  qui  ont 
trouvé  des  patrons  autorisés  dans  les  maîtres  de  la  langue'  ; 

Et,  pour  ménager  la  transition,' de  tolérer  jusqu'à  nouvel  ordre  les 
deux  orthographes? 

Cette  fois  encore  nous  n'irons  pas  jusqu'au  bout  de  la  réforme. 
Mais  la  voie  sera  régulièrement  ouverte  devant  nous  et  nos  succes- 
seurs. 

8"   LES    CONTRADICTIONS   ENTRK  LES    MOTS    DE  MÊME    KA.MILLB 
OU    DE   FAMILLE   ANALOGUE 

L'Académie,  dans  sa  dernière  édition,  a  unifié  l'orthographe  d'asso- 
nance, dissonance  et  consonance  (ce  dernier  mot  comportait  autrefois 
deux  «),  et  M.  de  Sacy  relève  encore  cette  économie  de  lettres  avec 
un  demi-sourire-.  Même  opévalionsuv  emmailloter  et  démailloter  ([ui 
n'ont  plus  l'un  et  l'autre  qu'un  t,Jicelier  et  tonnelier  qui  n'ont  plus 
l'un  et  l'autre  qu'une  l,  bourrellerie  ei  chapellerie  qui  en  ont  reçu 
chacun  deux. 

Mais,  pour  être  d'accord  avec  le  Dictionnaire,  on  doit  continuer  à 
écrire  : 

résonner  et    résonance, 

souffle/-  et    boursoujler, 

siffler  et    persifler, 

grelotter  et    dorloter, 

trotter  et    gigoter, 

ballotter  et    barboter, 

calotte  et    papillote, 

carotte  et    compote, 

abattoir  et    abatis, 

abattcur  et    abatage, 

courriez-  et    coureur, 

charrette  et    chariot, 

apparaître  et    apercecoir, 

bonhomme  et    bonhomie, 

.dénommer  et    innomé, 

patronner  et    patronage, 

honneur  et    honorer, 

tonner  et    détoner, 

trappe  et    attraper, 

confidentiel  et    artificiel, 


1.  Molière  écrivait  misantrope ;   La  Bruyère,  patétiquc;  Voltaire, 
entousiasme ;  Corneille,  ortographe,  etc. 


BL'LLETIN  DE  LA  SOCIÉTÉ  DE  REFORME  ORTHOGRAPHIQUE     I  ( 


il  absout 

et 

elle  coud, 

lu  plains 

et 

tu  moi'ds. 

colonne 

et 

colonel. 

allonger 

et 

alourdir. 

holocauste 

et 

olographe. 

aggracation 

et 

agression. 

agglomération 

et 

agrégation. 

imbécile 

et 

imbécillité, 

tutelle 

et 

clientèle. 

renoucellcment 

et 

écartèlement. 

je  jetterai      ' 

et 

j'achèterai. 

il  appelle 

et 

il  ensorcelé. 

Ce  ne  sont  que  des  exemples  pris  pres(iue  au  hasard,  comme  ils  se 
présentent,  eu  feuilletant  le  Dictionnaire.  Et  qu'on  se  mette  à  la  place 
des  maîtres  qui  ont  à  expliquer  ces  anomalies,  des  enfants  qui  ont  à 
les  comprendre,  des  étrangers  qui  en  cherchent  la  raison  !  Chercher  la 
raison  qui  est  au  fond  des  choses,  c'est  pour  tous  les  esprits  un  travail 
fécond.  Mais  s'enquérir  de  raisons  qui  n'existent  pas,  et  finalement 
être  obligé  de  charger  de  formes  incohérentes  la  mémoire  qui,  elle 
aussi,  a  sa  logique,  une  logique  résistante,  quel  labeur  plus  inutile  et 
plus  ingrat! 

Or,  pour  les  mots  congénères,  ne  devrait-on  pas  simplement,  ainsi 
qu'il  en  a  été  de  consonance  et  d'emmailloter,  les  faire  rentrer  dans 
le  moule  commun? 

Quant  aux  formes  qui  tiennent  à  des  usages  grammaticaux  comme 
il  appelle  et  il  ensorcelé,  la  solution  semble  plus  facile  encore.  L'ac- 
cent grave  et  le  redoublement  de  la  consonne  l  ou  t  n'ayant  l'un  et 
l'autre  pour  objet  que  de  marquer  la  place  de  l'accent  tonique,  y  a-t-il 
utilité  à  conserver  deux  procédés  différents  pour  un  résultat  iden- 
tique, et,  le  plus  simple  des  deux  étant  l'accent  grave,  ne  convient-il 
pas  de  lui  donner  la  préférence? 

Rien  n'empêche  au  surplus  de  maintenir  provisoirement  la  double 
orthographe  jusqu'à  ce  que  la  meilleure  ait  prévalu. 

90   LES   TEllMI.N.MSONS    EN   Cnt  KT    EN   ant. 

A. -F.  Didot  demandait  qu'on  remplaçât  ent  par  ant  dans  tous  les 
qualificatifs  employés  adjectivement  ou  substantivement,  et  dans 
leurs  dérivés.  Ainsi  éviterait-on  le  désaccord  entre  présidant  et 
président.  Ainsi  éviterait-on  encore  pour  l'orthographe  des  yeux  :  un 
al/luent  et  ils  ajjlucnt,  un  expédient  &i  ils  expédient,  un  équicalcnt 
et  ils  équicalent.  On  ne  s'explique  pas  en  effet  ce  qui  fait  dire  :   le 


78  REVUE    DR    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

prétendant  a  couverli  les  dissidents  ;  le  ministre  résident  a  reçu  les 
résidants.  La  proposition  de  Didot  semble  aisée  à  appliquer.  Ce 
qui  serait  grave,  ce  serait  de  n'aji'oir  point  de  règle.  Dans  la  dernière 
édition,  le  Dictionnaire  a  substitué  excédent  à  excédant  et  créé  une 
exception  de  plus. 

10"   I.A   TRANSFORMATION    DE   L'a?  EN    S   DANS   LES   PLURIELS   KT  DANS 
LES   PERSONNES    DE   CERTAINS    VERBES 

Au  xvir  siTcle,  l'Académie  a  remplacé  lœ  par  l'^dans  le  pluriel  de 
Zo/  et  de  r/ofi.  A  quoi  lient-il  qu'il  n'en  ait  pas  été  de  même  pour 
tuyau,  clnipeau,feu,  genou  ?  N'écrivait-on  pas,  au  xvi'"  siècle,  chceaus, 
égaus  ?  «  Une  des  premières  choses  qu'on  enseigne  aux  enfants,  dit 
M.  Michel  Bréal,  ce  sont  les  sept  noms  en  ou  qui,  au  lieu  de  prendre 
une  s  au  pluriel,  veuleut  un  œ.  Mais  par  quel  secret  motif  ces  mots 
ne  se  plient-ils  pas  à  la  règle  commune?  Personne  n'a  jamais  pu  le 
découvrir.  Douœ  forme  deuœiénie  qui  conserve  Va;  du  primitif,  mais 
diœ  fait  dizaine.  Qui  peut  pénétrer  les  mystères  d'une  réglementa- 
tion aussi  décousue?  »  N'est-il  pas  sage,  renonçant  à  les  découvrir, 
de  se  décider  à  les  supprimer?  On  se  trouverait  ainsi  amené  à  écrire 
/œureus  et  jalons,  ie  pcus,  tu  peus,  je  caus.  tu  r,aus.  Le  féminin 
d'heureus  et  de  jalons  se  composerait  dès  lors  comme  tous  les  fémi- 
nins. Valoir  et  couloir  •■^e  conjugueraient  comme  craindre  et  venir. 
Des  exceptions,  dont  l'origine  est  au  moins  fort  obscure,  disparaî- 
traient ainsi  sans  fracas  et  allégeraient  d'autant  nos  grammaires.  Dieu 
nous  garde  de  vouloir  faire  de  la  langue  une  lande  monotone!  Dieu 
nous  garde  surtout  de  toucher  aux  idiotismes  qui  en  sont  le  nerf  et  la 
grâce!  Mais  autre  chose  est  le  tour  original,  primesautier,  donné  à  la 
pensée  et  où  se  traduit,  où  éclate  le  génie  d'un  peuple,  autre  chose 
ces  bizarreries  de  vocabulaire  qui  ne  sont  que  des  habitudes  vicieuses 
créées  par  une  sorte  de  caprice  et  tolérées  par  une  tradition  irréfléchie 
ou  aveugle. 


BL'LLKTIN  DF  LA  SOCIÉTÉ  DE  RÉFOFiME  ORTHOGRAPHIQUE      79 

PROPAGANDE  PAR  LE  FAIT 

Lorsqu'on  voit  une  même  idée  germor  indépendamment 
de  divers  côtés,  c'est  le  signe  qu'elle  rcpont  h  un  besoin  du 
momiMit,  et  que  son  avènement  est  proche.  Aussi  sommes- 
nous  heurcus  d'annoncer  que  M.  Jean  Bourdette  a  eu  le 
courage,  bien  qu'il  se  crût  seul  quand  il  s'y  est  résolu, 
d'imprimer  ses  ouvrages  en  orthographe  simplifiée.  M.  Bour- 
dette est  un  travailleur  qui,  «  par  amour  du  Labédâ  (ou 
Lavedan)  »,  son  pays  natal,  a  entrepris  d'en  retracer  la  phy- 
sionomie géographique,  historique,  linguistique,  sociologique. 
Il  a  publié  jusqu'ici  chez  Faure,  à  Argelès-cn-Labédâ,  deus 
volumes  :  Le  Labédâ,  r^écits,  1890;  et  Mémoire  du  pa;is  et 
des  Étais  de  Bigorre,  par  Louis  de  Froidour,  publié  par 
J.  Bourdette,  1893.  Il  y  applique  les  simplifications  sui- 
vantes : 

1°  Remplacer  ph  par^  ;  fisique; 

2°  Remplacer  par  i  Vy  qui  suit  une  consonne  :  sistème; 

3°  Supprimer  h  après  toutes  les  consonnes,  sauf  lorsque, 
combiné  à  c,  il  représente  le  son  de  chant; 

4°  Écrire  avec  deus  /*  les  mots  parroisse,  parroissial, 
charriot,  parce  qu'on  y  prononce  deus  r  (??). 

Peut-être  faut-il  regretter  que  M.  Bourdette  ait  modifié 
légèrement  l'orthographe  de  Froidour.  Ce  n'est  pas  qu'elle 
présente  un  intérêt  quelconque;  mais  il  est  bon  que  tout  le 
monde  sache  bien  à  quel  point  l'orthographe  a  varié.  Si  on 
savait  plus  généralement  combien  celle  de  Corneille  ou  de 
Bossuet  différait  de  la  nôtre,  la  tâche  des  réformateurs  serait 
bien  simplifiée. 

Plus  utiles  sont  les  modifications  que  M.  Bourdette  a  hardi- 
ment fait  subir  aus  noms  de  lieus.  Bien  utiles  surtout  dans  une 
région  où  l'orthographe  de  ces  noms  conserve  les  conventions 
graphiques  de  l'ancien  gascon  écrit,  qui  différaient  notable- 
ment des  nôtres.  D'où  il  résulte  que,  ne  comprenant  pas  ces 
conventions,  nous  les  interprétons  à  notre  façon,  et  que  la 
prononciation  des  noms  de  lieus  va  se  corrompant  de  jour  en 
jour.  Ou  commence^  même  parmi  le  peuple  qui  imite  «  les 
moussus   »,   à  prononcer  yei<  ce  qui  s'écrit  Geu,   mais  se 


80  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

prononce  dyèou  [d  palatal  ;  é  tonique  ;  ou  atone  formant 
diphtongue  avec  è)  ;  sirèks,  ce  qui  s'écrit  Sireix,  mais  se 
prononce  sirèch;  silèn,  co  qui  s'écrit  Sllhen,  mais  se  prononce 
siYZien  (1  mouillée) .  M.  Bourdette,  sans  chercher  à  être  pho- 
nétique, ni  à  remplacer  toutes  les  conventions  graphiques 
gasconnes  par  des  conventions  françaises,  écrit  Bieouzac  et 
non  Vieuzac;  Sén-Sabi,  non  Saint-Savin;  Moun-né,  non 
Mout-né;  Perjra-hita,  non  Pierrefitte;  Tarbe,  Lourde^  non 
Tarbes,  Lourdes  (cet  s  n'est  même  pas  étymologique,  mais 
simplement  analogique  à  des  noms  comme  Bourges  de 
Bituriges;  Nantes  de  Namnetes). 

Nous  regrettons  que  M.  Bourdette  ne  se  soit  pas  rallié  à 
notre  programme,  car  la  discipline  est  nécessaire;  mais  nous 
ne  pouvons  que  le  féliciter  de  sa  courageuse  initiative,  et 
nous  souhaitons  qu'elle  porte  bonheur  à  ses  intéressantes 
publications.  J.  Passy. 

DISCUSSIONS  ACADÉMIQUES 

Nous  lisons  dans  le  compte  rendu  donné  par  le  Temps  de  la 
séance  tenue  par  rAcadémie  française,  le  16  février  1893  : 

Après  diverses  présentations  d'ouvrages,  l'Académie  s'est  occupée 
de  la  question  des  réformes  à  apporter  dans  l'orthographe  de  la 
langue  française. 

La  question  à  traiter,  hier,  était  celle  des  majuscules,  sujet  assez 
ingrat,  assez  stérile  eu  apparence,  mais  qui  prête  à  de  curieuses 
observations  sur  la  valeur  des  mots.  M.  le  duc  d'Aumale.  M.  de  Bro- 
glie,  M.  Hervé,  M.  de  Vogué,  M.  Rousse,  M.  Boissier,  M.  C.  Dou- 
cet,  M.  L.  Halévy  ont  pris  toar  à  tour  la  parole,  et  M.  Gréard  a 
répondu  à  tous  avec  la  compétence  et  la  précision  qu'on  lui  connaît. 
Le  Dictionnaire  offre  sur  ce  point  les  contradictions  les  plus  bizarres. 
II  écrit  la  Bourse  de  Paris,  monument,  tantôt  avec  un  grand  B, 
tantôt  avec  un  petit.  Il  dit  un  Mécène  avec  une  grande  M  et  un 
mentor  avec  une  petite,  etc.,  etc. 

M.  Gréard.  résumant  toutes  les  observations,  a  demandé  qu'on 
posât  une  régie  et  qu'il  fût  établi  que  tout  nom  commun,  employé 
dans  le  sens  figuratif,  prendrait  une  majuscule,  et  que  tout  nom 
propre,  devenu  un  nom  commuu,  n'en  prendrait  pas.  Une  proposi- 
tion conforme  a  été  formulée  par  M.  Rousse  et  votée  à  l'unanimité. 
C'est  le  vœu  de  Bossuet  :  il  faut  Autant  que  possible  uniformiser  le 
Dictionnaire. 


Le  Gérant  :  E.  Bouillon. 


CHALON-SUR-SAÔNE,    IMIMU.MRRIK    DE    I..    MARCEAU 


NOTE    PRIÎ:SENTËK    VXK   M.  GRÉARD 

A    L'aC.VDIÎMUC    l-IiANÇAl::;!':    AU    NOM    UK    LA    COMMISSION    DU    DICTIONNAIRE 


Au  cours  de  la  préparation  de  la  première  édition 
du  Dictionnaire,  Furetièrc  disait  un  jour  :  «  Ils  ne  se 
pressent  pas  et  ils  ont  raison.  Leurs  règles  intéressent 
tout  au  plu^^  quelques  centaines  de  personnes  :  ils  ont 
fait  de  la  langue  un  fief.  »  Était-ce  une  ré])onse  à  ce 
passage  de  la  déclaration  de  l'arrêt  d'enregistrement  de 
1G3G  :  «  Les  membres  de  l'Acach'mie  ne  connaîtront 
que...  des  livres  qui  seront  par  eux  faits  ou  par  autres 
personnes  qui  le  désii-eront  et  voudront?  »  Au  fond  la 
boutade  portait.  L'usage  de  la  langue  française  était, 
même  en  France,  le  privilège  d'une  élite  :  de  la  cour, 
de  l'église,  de  la  magistrature,  du  théâtre,  de  quelques 
gazetiers  qui,  de  Paris,  envoyaient  les  nouvelles  dans 
le^  ])ri)vinces.  Même  pour  cette  élite,  les  règles  n'étaient 
pas  fixées.  L'orthographe  de  Bossuet,  la  preuve  en  a  été 
faite,  varie  presque  d'année  en  année.  Vaugelas  disait 
(jue.  d'un  bout  du  volume  à  l'autre,  un  écrivain  ne  pou- 
vait pas  être  sûr  d'être  d'accord  avec  lui-même  et  de 
finir  comme  il  avait  commencé. 

La  langue  française  avait  à  peine  droit  de  cité  dans 
l'enseignement.  C'est  sui-  le  psautier  latin  (pie  les  en- 
fants apprenaient  l'aljjhabet  à  l'école;  au  collège,  c'est 
en  latin  qu'on  leur  parlait  et  qu'ils  devaient  parler  entre 
eux  dans  les  classes,  pendant  les  récréations,  en  prome- 
nade, partout.  L'essai  de  substitution  du  français  au 
latin,  timidement  inauguré  par  l'Oratoire,  poursuivi 
avec  plus  de  hardiesse  par  Port-Royal,  était  tombé  dès 
(]ue  P(jrt-Royal  n'uNait  plus  r[r  là  pour  le  soutenir.  Le 

Ivi:vuK  DK  i'iiii.oi.O(.ir:,  vu.  0 


82  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

de  Ratione  diceiidict  docendi du  P.  de  Jouvency  date  de 
1692,  et  en  1762,  l'année  de  l'expulsion  des  Jésuites, 
SCS  préceptes  étaient  pratiqués,  comme  ils  avaient  été 
rédigés,  en  latin.  Peu  s'en  était  fallu,  enfin,  que  ce  ne 
fût  en  latin  que  Rollin  eût  à  son  tour  écrit  le  Traité 
des  Études;  ses  amis,  qui  n'ignoraient  pas  qu'il  n'avait 
commencé  à  écrire  en  français  qu'à  plus  de  soixante 
ans.  admiraient  avec  quelle  élégance  il  s'en  était  tiré. 

Si,  dans  cet  intervalle  et  depuis  l'édit  de  Vilîers- 
Cotterets,  le  français  était  devenu  la  langue  des  actes 
publics  et  de  la  diplomatie,  si  les  souverains  étrangers 
se  piquaient  de  le  cultiver  pour  eux-mêmes  et  d'en 
entretenir  autour  d'eux  l'usage,  si  au  dix-huitième  siècle 
les  savants  et  les  hommes  de  lettres  en  devaient  acqué- 
rir tant  bien  que  mal  le  maniement  pour  suivre  le  mou- 
vement des  idées,  au-dessous  de  ces  cercles  restreints 
et  choisis,  le  français  était  ignoré,  presque  dédaigné. 
C'est  sous  le  patronage  et  grâce  au  truchement  de  l'an- 
glais, du  hollandais,  du  portugais,  de  l'espagnol,  de 
l'italien^  dit  l'abbé  de  Saint-Pierre,  que  nos  aventu- 
riers et  nos  colonisateurs  abordent  les  parages  de  l'Amé- 
rique ou  de  rOcéanie.  Quand  Dupleix  et  La  Bourdon- 
nais pénétrèrent  dans  les  Indes,  ils  eussent  été  bien 
en  peine,  de  leur  propre  aveu,  s'ils  n'avaient  su  que  le 
français. 

Les  temps  sont  changés.  Dans  quel  coin  de  la  France 
n'écrit-on  pas  aujourd'hui?  Je  ne  parle  pas  seulement 
de  l'invasion  du  journalisme.  Les  statistiques  de  l'ins- 
truction publi(]ue  faisaient  porter  autrefois  le  dénom- 
brement sur  ceux  qui  savaient  tenir  une  plume;  on 
compte  aujourd'hui  ceux  qui  ne  le  savent  pas.  L'étude 
de  la  langue  française  esi  devenue  la  base  de  l'enseigne- 
ment primaire,  et  l'enseignement  secondaire  moderne 
y  cherche  son  princii)al  appui.  Des  milliers  de  maîtres 
l'enseignent  a  des  millions  d'enfants.  Il  faut  qu'au  jour 
de  l'épreuve  finale  —  certificats  d'études  et  baccalau- 


NOTE  PRÉSENTÉE  PAR  M.  GRÉARD  83 

réats  —  toute  cette  jeunesse  soit  dressée  à  écrire  correc- 
tement, j'entends  suivant  les  règles  strictes.  D'autre 
part,  tandis  qu'à  l'étranger  la  langue  française  est  con- 
sidérée comme  le  complément  nécessaire  d'une  éduca- 
tion distinguée,  nous  nous  efforçons  nous-mêmes  d'en 
répandre  l'usage  dans  nos  colonies  et  dans  les  pays  qui 
les  environnent'.  Pour  seconder  ce  mouvement  de  pro- 
pagande ,  pour  alléger  l'enseignement  de  dilTicultés 
inutiles  et  lui  rendre  l'aisance  nécessaire  aux  études 
multiples  qui  se  disi)utent  les  années  aujourd'hui  si 
courtes  de  l'éducation,  pour  mettre  enfin  â  la  porlée  de 
tous  ceux  qui  en  ont  besoin  un  instrument  plus  com- 
mode, on  a  demandé  cpic  le  mécanisme  de  la  langue  fût 
revisé  et  l'ortliographo  simplifiée.  L'émotion,  très  vive 
à  l'origine,  parait  aujourd'hui  moins  excitée.  L'inquié- 
tude subsiste,  d'autant  plus  profonde  qu'en  d'autres 
pa3's,  en  Allemagne  surtout,  ce  travail  de  simplification 
a  été  résolument  entrepris  et  se  poursuit.  Une  instruc- 
tion oflicielle,  destinée  à  apaiser  les  esprits  par  la  recon- 
naissance publique  de  certaines  tolérances,  n'a  fait 
({u'irriler  l'impatience  en  y  ajoutant  la  confusion.  Une 
circulaire  pouvait-elle  se  substituer  au  Dictionnaire 
ou  faire  loi  contre  lui?  L'opinion  n'a  pas  suivi  ces  ten- 
tatives de  réforme  administrative.  C'est  à  l'Académie 
qu'elle  avait  adressé  son  appel.  Elle  l'a  maintenu,  et 
elle  attend. 

Nous  ne  saurions  nous  plaindre  de  cette  déférence. 
Est-il  beaucoup  d'autorités  qui  ins])irent  ce  respect  ? 
Nul  n'ignore  sans  doute  qu'une  édition  nouvelle  du 
Dictionnaire  est  une  œuvre  de  longue  haleine,  que  plu- 
sieurs générations  seront  appelées  à  y  mettre  la  main 

1.  Oti  sait  quels  résullats  considérablos  a  drjà  obieinis  l'Alliance 
françai.sc,  association  fondée  par  M.  P.  FoncAn  pour  la  /iro/iaijntion 
(le  la  laiif/ue  françaifte  dans  les  colonies  et  à  l'étranger.  Elle  ooniple 
dans  les  difTérentcs  parlics  du  monde  civilisé  pn'-s  de  deux  cents 
écoles. 


84  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

et  que  nous  ne  pouvons  lier  nos  successeurs.  Mais  les 
graves  intérêts  d'éducation  nationalCj  de  relations 
étrangères,  d'expansion  coloniale,  c|ui  sont  engagés 
dans  la  question,  ne  permettent  pas  d'en  différer  davan- 
tage l'examen;  et,  puisque  la  tache  nous  est  échue  de 
commencer  la  revision,  c'est  à  nous  que  le  devoir  s'im- 
pose d'en  discuter  les  principes. 


I 


Les  publicistes  qui  ont  pris  part  avec  plus  ou  moins 
d'ardeur  à  ce  qu'on  a  appelé  X agitation  orthogi-aphique 
peuvent  se  diviser  en  trois  catégories  :  ceux  qui  de- 
mandent tout,  ceux  qui  n'accordent  rien  et  ceux  qui 
sont  prêts  à  faire  quelque  clioseV 

Ceux  qui  demandent  tout  ont  un  système.  Ce  n'est 
qu'au  nom  d'un  système  qu'on  peut  se  permettre  ces 
exigences.  Il  se  résume  en  un  mot  :  écrire  conrme  on 
l^arle.  La  règle  de  l'orthographe,  ou  comme  on  dit,  de 
la  graphie,  c'est  pour  eux  la  prononciation.  Un  signe  par 
son,  un  son  par  signe.  L'idée  n'est  pas  nouvelle  :  elle 
date  du  seizième  siècle.  Elle  a  été  soutenue  à  la  Renais- 
sance non  sans  esprit  par  Meigret,  Péletier,  Ramus, 
reprise  plus  tard  avec  passion  par  Perrot  d'Ablancourt 
et  Beauzée,  de  nos  jours  par  Marie.  On  nommait  Mei- 
grettistes  ceux  qui  se  sont  appelés  aujourd'hui  eux- 
mêmes  du  nom  générique  qui  répond  à  leur  chimère, 
les  phonétistcs. 

1.  Darmcsteter,  Ruliques  scientifiques,  t.  ii.  —  Michel  Bréal,  la 
Réforme  de  l'orthof/raphe  française.  —  Ch.  Lebaigue.  la  Reforme 
orthor/rap/iique  et  V  Académie  française. —  Louis  |Havet,  la  Simpli- 
fication de  l'orthographe.  —  La  A^ourelle  Orthographe,  jotirnal  ency- 
clopédique, rédacteur  en  chef,  M.  Paul  Passy.  —  L.  Clédat,  Reçue  de 
[iliilologie  française.  —  Les  publications  de  la  Société  philologique 
française,  président,  M.  Pierre  Malvesin,  etc.—  Cf.  Ambroise  Firmia- 
Didot,  Observations  sur  l'orthographe  française  ou  Orthograp/iie 
française,  2'  édition,  1868. 


NOTF    PRI-:SKNTRE    PAR    M.    CKKARD  85 

La  chimère  a  été  combattue  dès  sa  naissance  par 
Estiennc  Pasquicr  et  par  TIenri  Estienne.    Au  dix- 
septième  siècle,  Bossuel  lui  opposait  cette  i(Muar(|ue  de 
bon  sens  :  «  Il  ne  faut  pas  soulïrir  cette  fausse  règle 
d'écrire  comme  on  prononce,  parce  qu'en  voulant  ins- 
truire par  là  les  ëtrangers  et  leur  faciliter  la  pronon- 
ciatiou  de  notre  langue,   on  la  fait  méconnaître  aux 
Français  mêmes...  Si  on  écrivait  tans,  cJian,  cmais  ou 
éniés,  anierremaii,  qui  reconnaîtrait  ces  mots  ?  Qn  ne 
lit  pas  lettre  à  lettre  ;  mais  la  figure  entière  du  mot  fait 
son  impression  tout  en.semble  sur  l'œil  et  sur  l'esprit, 
de  sorte  que,  quand  cette  figure  est  considérablement 
changée  tout  à  coup,  les  mots  ont  perdu  les  traits  qui 
les  rendent  reconnaissables  à  la  vue  et  les  yeux  ne  sont 
pas  contents.  »  «  Une  autre  raison  (jui  me  semble  bien  à 
propos,  avait  dit  le  premier  Théodore  de  Bèze,  est  que 
l'écriture  doit  toujours  avoir  quelque  chose  de  plus 
élabouré  et  de  plus  accoutré  que  la  prolation  (la  pro- 
nonciation) qui  se  perd  incontiment.  ))  Et  l'on  ajoutait, 
comme  on  a  répété  plus  d'une  fois  dans  ces  derniers 
débats  :  Qui  peut  concevoir  une  langue  remise  au  parler 
des  différentes  régions  de  la  France,  au  Provençal  et 
au  Flamand,  au  Breton  et  au  Basque,  au  Franc-Comtois 
et  au  Gascon?  Arrivât-on  par  miracle  à  composer  un 
alphabet  qui,  pour  un  jour,  mît  d'accord  l'écriture  et  la 
prononciation,  dès  le  lendemain  elles  varieraient,  non 
seulement  de  pays  à  pays,  mais  de  ville  à  ville,  de  quar- 
tier à  quartier,  de  sexe  à  sexe,  d'homme  à  homme,  et. 
dans  le  môme  homme,  selon  l'âge,  la  santé  et  l'humeur. 
—  A  quoi  les  phonétistes  répondent,  aujourd'hui  ainsi 
qu'autrefois  :  Le  régulateur  s'établira  par  l'u.sage.    Et 
aujourd'hui  —  c'est  là  qu'est  le  progrès  —  pour  être 
plus  sûr  de  voir  fonctionner  le  régulateur,  on  le  crée. 
Rien  de  plus  facile,  dit-on,  que  de  ivgler  la  prononcia- 
tion d(}  la  langue  comme  on  i-ègie  les  poids  et  mesures, 
d'ajjrès  le  type  légal.   II  sullit  (pie  l'Académie  possède 


(SC)  RKVt'K    l)K    IMIILOLOCIE    FKANTAISE 

un  ])honogra|)lie  (Malon,  au((nel,  dos  difîérents  points 
du  pays,  on  vienne  de  l^emi)S  à  autre  prendre  l'accord. 
«  L'appareil  sauvegardera  l'incorruptibilité  des  sons 
français  à  travers  les  siècles.  »  Telle  est  la  déclaration 
authentique. 

Quelques  indépendants,  il  est  vrai,  n'admettent  pas 
ce  contrôle.  Ils  laissent  à  chacun  la  liberté  de  prononcer 
et  d'écrire  à  sa  façon.  C'est  la  pure  discipline  de  l'ab- 
baye de  Thélème  :  «  Fay  ce  que  voiddras.  »  jNIais  les 
doctrinaires  du  phonëtisme  repoussent  cette  prétention 
avec  vigueur.  Ils  considèrent  l'unité  de  la  prononciation 
comme  une  des  formes  nécessaires  de  l'unité  nationale, 
et,  pour  sauver  le  régulateur,  ils  n'invoquent  rien 
moins  que  les  glorieux  souvenirs  auxquels  se  rattache 
l'unification  de  la  France  consommée  par  la  Révolu- 
tion. 

Les  plus  emportés  d'ailleurs  ne  font  pas  ditiiculté  de 
l'avouer  :  ils  n'ont  point  la  prétention  d'obtenir  sur-le- 
champ  tout  ce  qu'ils  désirent.  «  Le  phonétiste,  disent- 
ils,  accorde  aux  usages,  aux  préjugés  mêmes,  le  droit 
de  ralentir  la  réforme...  Peut-être,  en  se  plaçant  dans 
l'absolu,  pourrait-il  demander  d'écrire  katrotn  pour 
quatre  hommes;  mais  à  quoi  bon,  puisqu'il  n'y  arrive- 
rait pas?...  Le  phonétisme  pour  but  idéal,  la  modéra- 
tion pour  règle  immédiate!...  » 

Même  lorsqu'elles  ne  sont  pas  ainsi  com])attues  ou 
amendées  par  leurs  propres  partisans,  de  telles  concep- 
tions ne  sont  pas  à  craindre,  (|uelle  que  soit  l'autorité 
des  savants  qui  les  soutiennent.  Elles  répugnent  au  bon 
sens  public  qui  a  bientôt  llairé  le  danger  d'un  retour  à 
la  barbarie  et  qui  se  cal^re.  Mais  l'inévitable  consé- 
(juencc  de  ce  radicalisme,  c'est  ([u'il  excite  en  sens 
contraire  l'esprit  do  conservation. 

Ici,  toutefois,  il  faut  distinguer.  Il  y  a,  en  ortho- 
graphe comme  en  tout  le  reste,  conservateurs  et  con- 
servateurs. Il  y  a  d'abord  ceux  qui  tout  simplement 


NOTE    PRRSKNTKH    TAU    M.    r.l^KAUI)  87 

n'ontendcnt  point  qu'on  change  leurs  habitudes  et  qu'on 
les  renvoie  à  l'école  avec  leurs  enfants  :  telle  ils  ont 
appris  jadis  à  écrire  roi'lhograi)h(',  telle  ils  veulent 
récrire  toujours  et  obliger  tout  le  monde  à  l'écrire 
comme  eux.  Il  y  a,  d'autre  part,  ceux  pour  qui  l'habileté 
à  éviter  les  pièges  ou  à  vaincre  les  dillicultés  de  la 
hmgue  est  le  signe,  la  forme  visible  d'une  certaine 
supériorité  d'éducation  et  qui  ne  veulent  rien  perdre  de 
ces  avantages.  Le  nivellement  grossier  d'une  ortho- 
graphe sans  m}' stère,  banale,  accessil)le  au  premier 
venu,  blesse  leurs  instincts  aristocratiques  :  Odi profa- 
num  vulgus  et  arceo.  Il  y  a  enfin  les  poètes,  habitués 
à  trouver  dans  les  irrégularités  de  langue  toutes  sortes 
de  ressources  pour  rendre  les  nuances  de  l'harmonie, 
de  la  couleur,  du  sentiment,  et  (jui  craignent  qu'on  ne 
porte  la  main  sur  leur  trésor. 

Des  premiers  il  ne  faut  rien  espérer.  Ce  sont  les 
mêmes  gens  qui  protestent  contre  l'ouverture  des 
grandes  voies  réclamées  par  l'hygiène  générale,  parce 
(pi'elles  troublent  le  cours  ordinaire  de  leur  petite  pro- 
menade, ou  qui  empêcheraient,  s'ils  le  pouvaient,  de 
substituer,  dans  les  jardins  publics,  de  jeunes  plants 
aux  vieux  arbres  épuisés,  parce  (jue  depuis  cinquante 
ans  ils  ont  rha1)itude  de  venir  se  reposer  sous  ce  (|ui 
leur  reste  d'ombre.  Leur  égoïsme  est  irréductible.  Ils 
ne  peuvent  se  rendre  com])te  que  chaque  génération  n'a 
pas  seulement  à  jouir  de  l'heure  présente,  mais  qu'elle 
doit  préparer  pour  ses  descendants  la  vie  du  lendemain. 
Ils  n'ont  jamais  compris  la  douce  et  mâle  sagesse  des 
conseils  du  vieillai'd  de  La  Fontaine  : 

Mes  arrière-neveux  me  devront  cet  ombrage. 

Aux  aristocrates  de  l'orthogiaplie.  il  sullira  (1<'  faire 
rcmar<|uer  que  le  génie  d'un  idiome  réservera  toujours 
SCS  scci'(;ts  à  ceux-là  seuls  qui  sont  capables  de  l'appro- 


88  KE\L'E    DK    l'IllLOI-OGIK    KHANTAISH 

fondii%  et  qu'après  toutes  les  réformes  il  subsistera 
encore  assez  de  fautes-  à  commettre  pour  marquer  les 
distinctions  et  maintenir  les  distances.  Quant  aux 
poètes,  ces  divins  créateurs  de  la  langue  avec  le  peuple, 
—  car,  quoi  qu'en  ait  dit  Dumarsais,  la  langue  ne  se 
fait  pas  toute  aux  halles,  —  ne  savent-ils  pas  que  de 
Ronsard  à  Renan,  de  Montaigne  à  Victor.  Hugo,  en 
passant  par  Racine,  Fénelon,  La  Fontaine,  La  Bruyère, 
Montesquieu,  Rousseau^  Bufïon,  Chateaubriand,  l'or- 
thographe usuelle  a  été  bien  des  fois  maniée  et  rema- 
niée, ëcourtée,  allongée,  transformée,  sans  que  les 
sources  du  grand  art  en  fussent  appauvries,  sans  que  la 
pensée  ou  la  rime  aient  eu  à  en  souffrir?  Corneille, 
Bossuet,  Voltaire  ont  été  de  leur  temps  des  réforma- 
teurs décidés  :  quelle  garantie  plus  sûre  !  Ce  qu'il  faut 
bien  que  tout  le  monde  arrive  à  reconnaître,  c'est  que, 
depuis  trois- siècles,  à  chaque  édition  du  Dictionnaire, 
les  simplifications  ont  été,  par  définition,  par  tradition, 
un  des  plus  impérieux  devoirs  de  l'Académie.  L'unique 
question  a  toujours  été,  comme  elle  est  aujourdliui,  de 
les  faire  avec  mesure  et  opportunité. 

Dictionnaire  de  l'usage,  le  Dictionnaire  de  l'Acadé- 
mie doit  régler  l'usage  en  s'y  accommodant.  Or,  par 
cela  même  qu'il  dépend  des  idées,  des  mœurs,  des  inté- 
rêts qui  se  modifient  avec  la  vie  d'un  peuple,  l'usage 
est  essentiellement  variable.  Le  mouvement  est  la  loi 
du  langage,  a  dit  le  grammairien  ^' arron.  Et  comme  le 
développement  de  l'activité  humaine  s'accélère  avec  le 
développement  de  la  civilisation,  la  conséquence  natu- 
relle, nécessaire,  est  qu'au  fur  et  à  mesure  que  la  pensée 
s'étend  à  un  plus  grand  nombre  de  sujets,  les  signes 
destinés  â  en  fixer  l'expression  deviennent  plus  simples. 
Si  l'opinion  publique,  qui  ne  s'est  jamais  privée  de 
railler  l'cuuvre  de  l'Académie,  ])ersiste  néanmoins  dans 
une  confiance  illimitée  en  ses  arrêts,  c'est  qu'ils  ont 
toujours  été  inspirés  de  cet  esprit.  Enrichir  le  fonds  de 


NOTI-;    PRKSENTKl".    l'AK    M.    (.Ul'IAUD  89 

la  langue  et  en  alléger  les  formes,  tel  a  été,  de  tout 
temps,  le  double  travail  du  Dictionnaire.  Les  auteui-s 
des  préfaces  en  font  l'un  après  l'autre  nettement  pro- 
fession. Comme  pour  mieux  établii'  leur  solidarité,  la 
préface  de  17G.2  reproduit  textuellement  sur  ce  point  la 
préface  de  1740.  Le  rapporteur  de  1835  y  insiste  à  son 
tour.  Le  dernier,  celui  de  1878.  malgré  son  ])cu  dégoût 
personnel  pour  les  innovations,  ne  ])eut  s'abstenir  de 
s'incliner  devant  le  principe.  Et  les  actes  répondent 
aux  déclarations.  Il  n'est  pas  une  édition  où  un  certain 
nond^re  de  mots  n'aient  été  dépouillés  de  signes  consi- 
dérés comme  superflus  ou  de  lettres  reconnues  inutiles. 
On  a  calculé  qu'en  1740,  les  réformes  atteignirent  ])rès 
de  5,000  articles  sur  ^0,000. 

Mais  quelle  a  été,  quelle  doit  être  la-  règle  de  ces 
réformes?  La  difficulté  fondamentale  de  l'ortliograplie 
française  provient  de  sa  double  origine.  Formé  de  la 
transformation  du  latin  classique,  le  français,  comme 
toutes  les  langues  à  leur  naissance,  a  d'abord  été  pres- 
que exclusivement  parlé.  Quand  on  commença  à  rédi- 
ger, on  écrivit  comme  on  put.  d'après  la  prononciation. 
et  la  prononciation  du  petit  nombre  des  clercs  quiécii- 
vaient  faisant  loi,  l'ortliograplie,  bien  (pi'irrégulière  et 
sans  principes  fixes,  ne  manquait  ni  de  caractère,  ni  de 
simplicité,  ni  de  clarté.  Aux  approches  du  quatorzième 
siècle,  la  philologie  naissante,  travaillant  à  retrouver  le 
fond  primitif  de  l'idiome  national,  se  mit  à  déconstruire 
et  à  reconstruire  les  mots  d'a])rès  l'étymologie.  Il  s'a- 
gissait de  substituer  aux  traditions  les  règles,  aux  habi- 
tudes de  l'accent  le  principe  de  la  racine.  Deux  langues 
vécurent  alors,  supei'posées  ou  juxtaposées,  pour  ainsi 
dire,  et  cherchant  à  se  supplanter'.  De  là  ce  <|u'on  a 

1.  Il  suflira  de  relever  ici  quelques  cxcnipics.  On  écrivait  d'après 
la  règle  traditionnelle  :  abé,  hcle,  najic,  ncccu,  oreille,  loricr,  reeccoir, 
cscriture,  trait;  d'après  la  règle  savante  :  ahbé,  belle,  nappe,  nepceu, 
aurcillc,  laurier,  recepcoir,  c?cript(ire,  traict. 


90  RHN'UB    de    l'IIlI.OLOGlK    FliANÇAISK 

appelé  les  doublets,  c'est-à-dire  les  mots  issus  l'un  de  la 
source  populaire,  l'autre-du  laboratoire  des  savants,  et 
(pli  furent  simultanément  conservés  :  dîme  et  décime, 
de  décima;  champ  et  ccunp,  de  campus;  métier  et 
ministère,  de  ministerium  ;  sourdre  et  surgir,  de  sur- 
(jere;  compter  et  computer,  de  computare;  frêle  et 
fragile,  de/ragilis,  etc.  Dans  les  vocables  où  la  séini- 
ration  s'éta1:)lit  ainsi,  la  langue  conserva  sa  régularité 
relative;  aussi  rortbograplie  des  doublets  nous  est-elle 
])arvenue  presque  absolument  intacte  :  ce  sont  comme 
deux  courants,  coulant  à  peu  de  distance  l'un  de  l'autre, 
dans  une  même  vallée,  mais  ayant  chacun  son  lit 
propre.  Mais  pour  le  plus  grand  nombre  des  mots,  les 
savants  et  les  partisans  de  la  langue  traditionnelle  vou- 
lurent chacun  y  imprimer  leur  marque,  retrancher  ou 
ajouter  une  lettre,  insister  sur  l'accent  ou  sur  l'étymo- 
logie,  et,  rim])rLmerie  aidant  —  une  imprimerie  savante, 
elle  aussi,  toute  jeune  en  outre,  et  pleine  de  zèle,  —  les 
mots  se  trouvèrent  chargés  de  signes  ou  de  lettres  para- 
sites qui  les  défiguraient  pour  tout  le  monde \ 

Lorsqu'on  entreprit  le  Dictionnaire,  que  pouvait-on 
faire?  Revenir  à  l'orthographe  traditionnelle  ou  adopter 
l'orthographe  étymologique?  Vaugelas  que  Boileau 
tenait  pour  «  le  plus  sage  des  écrivains  »  était  prêt  à 
résoudre  le  problème  «sans  tant  de  consultations». 
«Le  bon  usage,  disait-il,  est  la  façon  de  parler  de  la 
plus  saiu(>  partie  de  la  Cour.  »  Après  avoir  écouté  ce 
qui  se  disait  au  Louvre,  il  se  concertait  simplement 
avec  Coelîeteau,  Chapelain,  Patru  et  quelques  autres 
sur  ce  (pi'il  appelle  les  mots  de  bonne  marque  ;  il  ne 
croyait  point  nécessaire  de  remonter  pour  «  l'estude  » 
au  delà  d'Amyot,  ni  de  recourir  à  la  langue  grecque  ou 
à  la  latine,  bien  qu'il  coimût  à  fond  l'une  et  l'autre. 

1.  Une  édition  de  Rabelais,  celle  de  Juste  (1572),  dit  Darmestetcr, 
imprime  le  mol  /inile  en  huit  lignes,  de  trois  manières  diHéreutes  : 
huile,  liuillc,  /luijle.  (Gargantua,  Prologue.) 


NOTE    PRKSKNTKK    VAH    M.    (JKKARD  91 

«  Si  Paris,  princes,  princesses,  conseil,  cavaliers,  dames, 
la  Cour  en  somme,  répétait  après  lui  M"^'  de  Gournay, 
si  Tours  et  Oi'léans  encore,  Cju'on  l'épute  les  sœurs  do 
Paris  pour  la  pureté  du  langage,  peuvent  vider  la  ques- 
tion, c'est  grande  erreur  de  ta  laisseï'  indécise.  » 

L'Académie  cherchait  une  base  plus  ferme.  Mais  les 
avis  étaient  partagés  entre  La  science  et  la  tradition.  Ni 
la  tradition  ni  la  science  ne  prit  décid(''ment  l'avantage. 
L'application  absolue  de  l'un  des  deux  systèmes  n'était 
déjà  plus  possible  en  ir)l)4,  ainsi  que  le  remarque  le 
rapporteur  de  1718.  Quand  les  grammairiens  de  Port- 
Royal  édictaient  que  toute  tigure  devait  marquer  un 
son  et  ne  marcpier  qu'un  son,  simple  ou  double,  diffé- 
rent du  son  marqué  par  les  autres  figures,  ils  ne  se  dis- 
simulaient j)oint  que,  pour  appliquer  intégralement  ces 
principes,  il  eût  fallu  reprendre  le  monde  à  son  origine. 
Un  idiome  qui  compte  huit  ou  neuf  siècles  d'existence 
ne  se  refait  pas  au  creuset.  On  avait  commencé,  on  dut 
continuer  simplement  à  dépouiller  la  langue  de  ce  qui 
la  complicpiait  sans  profit,  d'après  les  indications  que 
fournissait  l'usage.    «  Touchant   rorthographe,    disait 
Richelet,  j'ai  gardé  un  milieu  entre  l'ancienne  et  celle 
qui  est  tout  à  fait  moderne  et  cpii  défigure  les  formes. 
J'ai  seulement  retranché  de  plusieurs  mots  les  lettres 
(jui  ne  rendent  ])as  les   mots   méconnaissables  quand 
elles  sont  ôtées  et  qui,  ne  se  prononçant  point,  embar- 
rassent les  étrangers  et  la  plupart  des  provinciaux.  » 
Telle  fut  la  direction,  je  n'ose  dire  la  méthode.  On  se 
régla  sur  la  physionomie  générale  du  mot,  sur  son  air 
de  famille  avec  tel  ou  tel  autre,  sur  la  popularité  que 
celui-ci  avait  acquise,  sur  l'isolement  dans  lequel  celui- 
là  était  resté.  Les  formes  ont  leur  fortune,  leur  faveur 
du  moment;  elles  plaisent  ou  déplaisent,  elles  re[)<)us- 
sent  ou  attirent.  \^jltaire  éci'ivait,  suivant  l'humeur  du 
jour,  philosophie  aiJiloHofic,  niéiaphorc  et  métafore, 
thcàireQi  tcaiie,  châieau  et  chnldti.  vous  acôsaX  vous 


92  KHVL'K    I)K    IMULOLOCIK    KKANfAlSK 

pouvez,  citoien  et  citoyen,  faon  ai  fan,  abé  et  abbaye, 
salisse  et  sauce,  érecsion  et  persécution.  C'est  avec 
cette  fantaisie  (écrite  par  y  ou  pli)  qu'il  poussait  à  la 
réforme  du  Dictionnaire,  et  c'est  presque  avec  cette 
fantaisie  qu'on  Texécutait. 

Très  spirituelle  quelquefois  dans  ses  effets,  très  pi- 
quante quand  on  en  étudie  le  détail,  cette. dispersion 
d'efforts  sans  suite  ni  coordination  n'était  point  faite 
pour  populariser  la  langue.  Si  l'on  continue  à  faire 
épeler  les  enfants  dans  le  psautier  latin,  disait  l'abbé 
Girard,  un  membre  de  l'Académie,  c'est  parce  que  le 
latin  a  des  principes  consacrés  par  le  temps;  le  bon 
Kollin  déclarait  lui-même  qu'il  eût  été  fort  embarrassé 
de  donner  une  leçon  de  lecture  sur  un  texte  français. 
Bossuet  avait  bien  demandé  à  l'Académie  qu'elle  tàcliât 
de  rendre  autant  qu'il  se  pourrait  «  l'usage  uniforme  ». 
Tel  était  le  fondement  sur  lequel  il  fallait  s'établir  et 
que  Vaugelas  définissait  agréablement  «  le  droit  coutu- 
mier  de  la  langue».  Mais  ce  n'était  qu'un  vœu.  La 
règle  de  ce  droit  coutuniier  faisait  défaut. 

Elle  n'a  été,  si  je  ne  m'abuse,  nettement  formulée 
que  de  nos  jours  par  Littré.  «  Les  modifications  ortho- 
graphiques étant  inévitables,  dit-il,  il  importe  qu'elles 
se  fassent  avec  sj^stème  et  jugement.  Or,  le  jugement 
veut  que  l'orthographe  aille  en  se  simplifiant,  et  le 
système  doit  être  de  combiner  les  simplifications  de 
manière  qu'elles  soient  graduelles  et  conséquentes,  et 
((u'elles  s'accommodent  le  mieux  possible  avec  la  tra- 
dition et  l'étymologie.  » 

C'est  à  la  lumière  de  ce  principe  que  nous  voudrions 
indicjuer  les  modifications  auxquelles  pourrait  donner 
lieu  l'édition  nouvelle. 

Deux  mots  encore  cependant  avant  d'en  dresser  la 
liste,  —  si  modeste  qu'elle  soit,  —  pour  ceux  que  le 
seul  mot  de  liste  effrayerait. 

Il  n'est  presque  pas  de  réforme  qui  n'ait  rencontré 


NOTE     PRÉSENTÉ!-',    PAR    V.    GRÉAUO  93 

do  gi-aiulcs,  parfois  d'illustres  résistances.  Pendant  la 
préparation  de  l'édition  de  1835,  —  je  tiens  ranccdotc 
de  Mllcmain,  —  lorsqu'il  fut  (piestion  de  substituer 
ai  ;i  oi  dans  les  formes  j'aùnois,  je  reconnoîtrois,  une 
discussion  vive  s'éleva  à  laquelle  Chateaubriand  et 
Nodier  prirent  une  part  très  brillante.  Jamais  ils  ne 
cùderoient,  déclarèrent-ils  en  terminant;  ils  en  prc- 
noient  l'engagement  public.  A  la  séance  suivant(\ 
Nodier  s'adressant  à  Chateaubriand  :  a  Monsieur  le 
Comte,  dit-il,  l'autre  jour,  nous  avons  eu  tous  les 
dcnix  beaucoup  d'esprit;  mais  il  faut  en  revenir  au  sens 
commun  :  il  a  toujours  le  dernier  mot.  Il  y  a  plus  de 
cent  cinquante  ans  que  les  entêtés  demandent  ce  chan- 
gement :  à  ces  deux  siècles  d'attente  nous  avons  ajouté 
liuil  jours;  l'honneui' est  sauf.  »  Cet  exemple  de  rési- 
liiKition  aimable  est  bon  à  noter. 

D'autre  part,  en  tète  des  Calu'ei's  de  remarques 
])ubliés  par  Ch.  JNIarty-Laveaux,  on  lit  :  «  La  première 
observation  que  l'Académie  a  cru  devoir  faire  en  abor- 
dant l'étude  du  Dictionnaire,  —  on  sait  qu'il  s'agit  de 
celui  de  1694,  —  est  C|ue,  dans  la  langue  française 
comme  dans  la  plupart  des  autres,  l'orthographe  n'est 
pas  tellement  hxe  et  déterminée  qu'il  n'y  ait  plusieurs 
mots  qui  se  peuvent  écrire  de  deux  ditlerentes  manières 
qui  sont  toutes  deux  également  bonnes.  »  Fidèle  à  cette 
doctrine,  l'Académie,  dans  sa  dernière  édition,  dit  plus 
d'une  fois  :  On  écrit  de  telle  façon,  on  écrit  aussi  de 
telle  autre;  quelques-uns  disent  ;  plusieurs  suppriment 
ce  signe.  NouH  ne  croyons  pas  que  l'Académie  puisse 
toujours  se  désintéresser  ainsi.  Mais  cette  faculté 
d'option  est  une  solution  transitoire  qui  s'accommode 
à  un  certain  nombre  de  cas,  et  elle  a  l'avantage  de 
donner  satisfaction  aux  résolus  sans  in(|uiét('r  les  cir- 
conspects. 


94  REVUE    DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 


II 


Nous  commencerons  par  les  propositions  les  plus 
inofïensives  afin  de  nous  y  habituer. 

Pour  toutes,  nous  ne  citerons,  dans  chaque  catégorie 
de  remarques,  qu'un  certain  nombre  d'exemples,  les 
plus  frappants.  C'est  au  fur  et  à  mesure  que  viendra 
l'examen  de  chacun  des  articles  du  Dictionnaire  que 
les  modifications  seront  introduites,  s'il  y  a  lieu,  soit 
sous  la  forme  d'un  amendement  commun  â  une  même 
famille  de  mots,  soit  par  espèce.  Il  ne  s'agit  ici  que  de 
chercher  les  règles  générales  qui  devront  nous  diriger 
dans  cet  examen \.. 

III 

Je  m'arrête,  n'ayant  voulu  qu'indiquer  les  lignes 
générales  du  travail  à  entreprendre. 

On  le  voit,  il  s'agit,  non  de  bouleverser,  mais  simple- 
ment de  régulariser  le  Dictionnaire  sur  certains  points 
déterminés,  c'est-à-dire  de  reprendre  avec  méthode  et 
de  poursuivre,  en  les  rattachant  les  unes  aux  autres, 
quelques-unes  des  améliorations  introduites  peut-être 
et  certainement  accomplies  sans  ensemble. 

On  dirait  parfois  qu'à  chacune  des  réformes  propo- 
sées, quelqu'un  était  là,  dans  l'Académie  ou  hors  de 
l'Académie,  qui,  après  deux  ou  trois  changements, 
s'écriait  :  «  C'est  assez.  »  Ce  n'était  pas  assez,  ou  c'était 
trop.  Dans  bien  des  cas,  il  aurait  presque  mieux  valu 
ne  pas  corriger  que  de  corriger  à  demi  arbitrairement. 

«  Il  ne  faut  pas  se  brouiller  avec  l'usage,  écrivait  un 
de  nos  premiers  confrères;  on  a  beau  invocjuer  contre 

1.  Nous  avons  ])ublic  dans  notre  (Icriucr  luiniéio.  pages  68  etsuiv., 
le  texte  dos  proposiiions  do  M.  Gréard. 


NOTE  PRÉSENTÉE  PAR  M.  GRKAKD  95 

lui  l'iiscien  et  toutes  les  puissances  graniinaticales  :  il 
reste  le  maître;  communis  crror  facitjus,  disent  les 
jurisconsultes  .»  Mais  il  ajoutait  :  «  L'usage  fait  l)eau- 
coup  de  choses  par  raison,  l)eaucoup  contre  raison,  ot 
celles-ci,  on  ne  doit  pas  les  accepter.  »  Ce  n'est  (pTaux 
choses  faites  contre  raison  et  déjà  discutées  poui-  la 
plupart  dans  les  éditions  antérieures  que  nous  nous 
sommes  attachés  ici.  Travail I(M'  à  les  ramener  progres- 
sivement, gradnelU'nK^ît,  à  l'ordre,  à  Tharmonie,  à  la 
logique,  nous  ne  {)roposons  rien  de  plus  (pie  cet  elîort 
])rudent  et  efficace.  Prudent,  on  ne  peut  le  méconnaître. 
KHica('(%  nous  en  avons  la  confiance.  11  ouvre  la  porte 
à  des  simplihcations  plus  pi'ofondes,  plus  complètes, 
qui  seront  l'œuvre  de  l'avenir.  A  charpie  g(Miération  sa 
peine.  M.  Clédat  fait  remarquer  (pi'il  a  fallu  s'y  prendre 
à  quatre  fois  pour  arriver  à  la  réforme  sui-  laqu(Mle 
Chateaubriand  et  Nodier  avaient  commencé  par  ap])eler 
les  foudres  de  tous  les  lettrés,  et  qu'on  a  dit  successi- 
vement (r('dition  en  édilion  :  je  corjnoistrois,  je  roii- 
fioistrois,  je  coiinoîtrois,  je  connaîtrais.  Nous  ne  de- 
mandons qu'à  fournir  une  étape. 

Cela  seul  dés  maintenant  répond,  semhlo-t-il,  à  ce 
que  le  sentiment  pu])lic  cherche,  à  ce  qu'il  continuera 
de  chercher  dans  le  même  esprit  pendant  les  quelques 
années  qui  nous  séparent  encore  de  l'édition  nouvelle. 
A  tous  égards,  il  serait  préférable  (pie  cet  intervalle 
fût  court.  De  1718  à  17G2,  c'est-à-dire  en  moins  de 
quarante-cinq  ans^  trois  éditions  ont  paru,  toutes  trois 
considérables  par  les  changements  (prelles  consacraient. 
Tel  fut  l'empressement,  lors  de  la  préparation  de  l'édi- 
tion de  1740,  que  pour  arriver  plus  vite  au  commence- 
ment d'uniformité  dont  on  sentait  le  besoin,  rAcad(''- 
mie,  après  (pielques  mois  de  discussion,  remit  ses 
pouvoirs  à  un  j)lénipotentiaire.  ((  \'ilaine  besogne, 
écrivait  confidentiellement  le  plénipotentiaire  —  l'abbé 
d'()livet  —  au  |)iésidcnt  Bouliicr;  mais  il  a  bien  fallu 


96  HEVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

m'y  résoudre;  car  sans  cela  nous  aurions  vu  arriver  non 
pas  les  calendes  de  janvier  1736,  mais,  je  crois,  celles 
de  janvier  1836,  avant  que  la  Compagnie  eût  pu  se 
trouver  d'accord.  »  La  crise  que  nous  traversons  n'est 
pas  moins  grave  et  l'accord  sera  plus  facile  à  établir. 
Ce  sera  déjà  un  notable  service  que  de  la  discussion 
ouverte  se  dégagent  un  certain  nombre  de  principes 
dont,  sous  forme  de  tolérance,  il  soit  loisible  d'admettre 
par  avance  le  bénéfice.  Quelle  économie  de  force  et  de 
temps  dans  l'éducation,  quelle  économie  au  profit  de 
l'étude  de  la  langue  elle-même,  qu'une  orthographe 
mieux  coordonnée,  plus  sobre,  phis  nette  !  Et  quel 
attrait  nouveau  pour  l'étranger  ! 

Si  nous  pouvions  nous  permettre  de  dire  toute  notre 
pensée,  nous  voudrions  que  l'Académie  osât  s'emparer 
aussi  d'un  projet  de  grammaire,  «  de  grammaire  courte 
et  facile  »,  comme  disait  Fénelon^  avec  ce  tour  d'exquise 
et  engageante  hardiesse  qu'il  portait  dans  toutes  ses 
entreprises.  Dans- la  pensée  du  fondateur,  n'était-ce  pas 
un  des  objets  de  l'institution  de  la  Compagnie?  Mais 
mieux  vaut  sans  doute,  en  conckiant,  signaler  quelques 
points  relatifs  à  la  confection  même  du  Dictionnaire. 
Si  ces  observations  n'intéressent  pas  directement  l'or- 
thographe, elles  peuvent  contribuer  à  en  faciliter  l'in- 
telligence, et,  à  ce  titre,  elles  méritent  peut-être  de 
trouver  place  ici. 

Conformément  au  plan  adopté  par  les  Estienne.  l'Aca- 
démie, dans  sa  première  édition,  «  avait  jugé  qu'il  serait 
agréable  et  instructif  de  disposer  le  Dictionnaire  par 
racines,  c'est-à-dire  de  ranger  tous  les  mots  dérivés  et 
composés  après  les  mots  primitifs  dont  ils  descendent». 
Notre  orthographe  aurait  à  coup  sûr  gagné  au  maintien 
de  ce  procédé;  forcément  elle  se  serait  régularisée 
d'elle-même.  Mais  le  procédé  était  contraire  à  l'idée 
même  d'un  Dictionnaire  d'usage.  Comment,  ainsi  que 
lé  remarque  M.  Cli.  Lebaigue,  obliger  le  lecteur  pressé. 


NOl'K    PKKSKNTKK    l'AK    M.     GKKAKl>  97 

impatient,  à  aller  l'hcrcher  l'ortho.i^raijhe  iï accumuler 
sous  son  générateur  comble  .^  La  nomenclature  alpha- 
1)('ti(iue  s'imposait.  Dès  la  deuxième  édition.  l'Aeadé- 
niie  y  est  revenue. 

Mais  ne  j^ouvait  elle  tirer  de  (••>  plan  nouveau  un  ])arti 
meilleur  et  associer,  dans  une  certaine  mesure,  les 
avantages  des  deux  systèmes?  La  méthode  pratiquée 
depuis  1718  con.siste  à  prendre  un  mot  dans  son  accep- 
tion la  plus  usuelle,  et  à  énumérer  ensuite,  en  ne  dis- 
tinguant guère  que  le  sens  propre  du  sens  figuré,  les 
ditiérentes  applications  du  mot,  sous  cette  rubri([ue, 
qu('l([uel'ois  bien  fatigante  :  //  s'emploie  encore  pour 
dire.  Prenons  le  mot  conunetfre  :  c'est  l'exemple  de 
Littré.  Commettre,  faire,  dit  le  Dictionnaire,  et  tel  est 
bien,  en  eti'et,  le  sens  qui,  d'après  l'usage,  s'ofl're  le 
premier  à  l'esprit.  Mais  combien  il  est  loin  de  s'expli- 
quer par  lui-même!  Comment  en  faire  sortir  logique- 
ment :  commis,  commissaire,  commission,  commis- 
sure? Achevez  l'article. toutes  les  indications  nécessaires 
pour  arriver  à  ces  déductions  s'y  trouvent,  mais  pêle- 
mêle.  Un  dictionnaire  d'usage  n'est  ni  un  dictionnaire 
étymologique,  ni  un  dictionnaire  historique,  sans  aucun 
doute.  Cependant  ne  serait-il  pas  naturel  qu'après  avoir 
signalé  le  sens  ordinaire  de  commettre  signitiant fai/'e, 
on  arrivât  tout  de  suite  à  celui  de  commettre  signifiant 
mettre  avec,  charger  de,  réunir,  etc.,  de  façon  à  éclai- 
rer, sans  appareil  d'étymologie,  par  un  simple  appel  de 
l'attention,  la  teneur  entière  de  l'article? 

Peut-être  enfin  ne  serait-il  pas  impraticable  de  retour- 
ner, pour  ainsi  dire,  le  plan  de  la  première  édition.  Le 
Dictionnaire  de  1G94,  après  avoir  groupé  les  mots  par 
familles,  .se  termine  par  un  clas.sement  des  mêmes  mots 
d'après  l'ordre  alphabétique.  Il  s'agirait,  commençant 
par  la  nomenclature  alphabéticpie.  de  la  faii'e  suivre  de 
la  nomenclature  par  familles.  Travail  considéiable 
assurément,  malgré  les  progrès  si  surs  de  la  scicnc*} 

Rkvl'k  r)h:  i'iiii.oi.o<.ii:.  vu.  7 


98  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

philologique.     Mais    combien    intéressant    et    utile  ! 

Autre  vœu.  —  Nos  définitions  sont-elles  toujours 
sunisamment  définissantes?  C'est  l'exemple,  dira-t-on, 
qui  fournit  l'exactitude  du  sens  ou  la  délicatesse  de  la 
nuance.  Je  n'en  disconviens  pas.  Mais  encore  faudrait- 
il  que  l'exemple  fût  toujours  bien  choisi.  Or,  à  quelque 
page  qu'on  ouvre  le  Dictionnaire,  voici  ce  qu'on  ren- 
contre :  beaucoup  d'exemples  en  général,  trop  d'exem- 
ples même  d'ordinaire  pour  le  sens  banal,  dont  tout  le 
monde  a  l'idée  :  Van\  s'y  promène  avec  indifférence, 
l'esprit  s'y  noie;  —  et  le  plus  souvent  point  d'exemple 
du  tout  pour  celui  des  sens  qu'il  vaudrait  la  peine 
d'éclaircir.  Ne  conviendrait-il  pas  qu'il  y  eût  toujours 
autant  d'exemples  cités  que  de  sens  indiqués,  et  qu'il 
n'y  eût  jamais  pour  chaque  sens  qu'un  seul  exemple, 
mais  un  exemple  topique? 

N'y  aurai t-i]  pas  intérêt  surtout  à  ce  que  les  dél ini- 
tions des  mots  appartenant  aux  sciences  fussent  serrées 
de  près,  aujourd'hui  que  la  science  a  pris  partout  une 
place  presque  prépondérante?  Et  ne  devons-nous  pas 
souhaiter  que,  pour  la  création  des  mots  dont  elle  ne 
saurait  se  passer,  nous  commencions  par  contribuer  de 
notre  propre  fonds  avant  de  puiser  dans  celui  des  autres  ? 
Fénelon  voulait  qu'on  ne  laissât  s'introduire  du  dehors 
aucun  mot  (pii  ne  nous  fit  absolument  défaut.  Or  nous 
empruntons  bien  souvent  sans  avoir  compté  avec  nos 
propres  richesses.  Quel  besoin  d'aller  prendre  aux 
Anglais  le  mot  de  rail,  alors  que  nous  trouvions  chez 
nous  le  mot  si  français  de  rais,  les  rais  du  soleil,  les 
rais  de  la  roue,  un  mot  si  expressif  et  si  bien  dérivé  de 
radius!  Et  voyez  la  conséquence!  De  rail  on  a  tiré 
dérailler  cpii  semble  répondre  à  railler,  se  moquer, 
alors  (pie  dérayer  découlait  si  naturellement  de  rais. 
N'eût-il  pas  été  possible  au  moins  de  dire  :  déraUerf 
Je  sais  bien  que  l'industrie  suit  avant  tout  ses  besoins 
et  qu'il  lui  sullit  de  se  faire  entendre;  mais  pour  assurer 


Mtri-;   pi;i':si:nti';i-;   iwi;    m.    (;K'i;\Ki>  09 

le  respect  de  iioti'e  patrimoine  iialioiial,  car  la  langue 
en  l'ait  partie,  (pii  pourrait  refuser  de  se  laisser  avertir 
et  éclairer? 

Dei'nier  vœu. —  Nous  sera-t-il  permis  enfin  d'appeler 
l'attention  sur  le  choix  même  des  mots?  Ici  point  de 
règle;  c'est  uno  fpiesti(Mi  de  tact  grammatical  et  litté- 
raire, et  1(^  iacl  ne  se  réglemente  ])as.  Mais  peut-être 
est-il  l)on  do  nous  mettre  en  garde  contre  les  surjirises 
de  la  langue  excessive  ou  relâchée,  delà  langue  d'à  peu 
près  de  la  publicité  ou  di^  la  parole  coui'ante.  On  ne 
saurait,  semble-t-il,  se  montrer  tro])  rigoureux  pour  les 
locutions  obscures,  mal  faites,  de  basse  extraction, 
disons  le  mot,  pour  r(\sj)èce  d'argot  ou  de  jargon  cpii 
tend  aujourd'hui  à  so  glisser,  bien  plus,  à  s'imposer 
partout.  Je  sais  que  le  Dictionnaire  d'usage  ne  ])('ut  se 
dispenser  d'enregistrer  ce  qu'a  établi  l'usage,  et  qu'il 
ne  relève  certaines  expressions  qu'en  les  stigmatisant. 
Est-ce  assez?  Faut-il  leur  faire  une  si  grande  place' ? 
Notre  langue  n'est  plus  la  gueuse  dont  parlait  Voltaire. 
Du  temps  de  Fénelon,  elle  compi'enait  de  16  à  18.000 
mots.  En  1740,  nous  l'avons  rappelé,  ce  nombre  s'élevait 
a  un  peu  plus  de  j?0.000.  Il  est  aujourd'hui  de  près  de 
32.000  :  il  a  d(»n('  pr('S(pi('  douljh''  on  doux  siècles.  Tout 
en  continuant  de  s'enrichir  avec  le  développement  et 
suivant  les  1)esoins  de  la  démocratie  moderne,  nous 
voudrions,  pour  l'honneur  même  do  la  démocratie,  (pie 
la  langue  francai.se  restât  une  langue  lière.  qu'elle  fût. 
comme  elle  a  toujours  été.  la  langue  de  la  l)onne  com- 
l)agnie,  des  idées  claires,  de  la  ])récision  et  de  la  m(\sure. 
Le  mot  a  sa  puissance  propre.  Trop  souvent  la  pensée. 
dans  son  travail  int(''i'ieur.  aujourd'hui  surtout  (pi'on 
travaille  si  vite,  saisit  la  ])remière  exi)ression  (lui  se 

1.  Qiiinlilien,  définissant  Tiisage,  dit  que  c'est  le  concert  des  gens 
fie  goût  qui  doit  faire  la  régie  de  la  langue  de  même  que  l'accord  des 
honnêtes  gens  fait  la  règle  de  la  vie.  K/-;/o  conauetudincin  scrmonis 
cocaho  conaensuni  cruditoruin,  sirut    cicendi,  ron-'^eiisu/n  bonoruin. 


100  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

présente  avant  d'avoir  pris  le  temps  de  faire  un  choix. 
C'est  le  mot  alors  qui  donne  à  la  pensée  son  caractère, 
cjui  la  (iLialilie,  (jui  la  crée  presque.  Il  faut  que  le  Dic- 
tionnaire nous  oblige  et  nous  aide  à  nous  défendre 
contre  ces  défaillances.  Le  vocabulaire  qu'on  entend 
tous  les  jours  appliquer  autour  de  soi,  dont  parfois  on 
arrive  à  se  servir  malgré  soi,  finit  par  imprimer  à  l'es- 
prit sa  marque.  L'âme  d'un  peuple  s'élève  ou  s'abaisse 
avec  sa  langue. 


DICTIONNAIRE  DU  PATOIS  DU  BAS-GATINAIS 
Par  C.  Puichaud 

(Suite  ') 


G 

Gâche,  n.  c.  f.  Pain  en  long.  Si  tu  vas  à  la  ville,  tu  m'ap- 
porteras une  gâche. 

Gaitfer,  v.  n.  Produire  de  nouvelles  pousses.  Terme  de 
jardinage.  Couper  la  souche  pour  faire  gaifîer. 

Gainer,  v.  act.  Mettre  dans  la  gaine.  Je  te  conseille  de 
gainer  ton  couteau. 

Gale,  n.  c.  f.  Gaule.  Abattre  des  fruits  à  coups  de  gale. 

Galvauder,  v.  n.  Rapiner,  courir.  Passer  son  temps  à 
galvauder  avec  de  mauvais  sujets.  Le  français  a  ce  verbe 
av'ec  un  sens  différent. 

Galvaudeur,  n.  c.  m.  Vagabond,  mauvais  sujet.  Au  fém. 
galvaudeuse. 

Ganibille,  n.  c.  f.  Jambe.  Avoir  mal  à  sa  gambille. 

Gamme,  n.  c.  f.  Accès  de  rage.  J'ai  vu  passer  un  chien 
enrage  qui  avait  sa  gamme.  Par  ext.  signifie  aussi  accès  de 
colère.  Se  mettre  dans  une  jolie  gamme. 

Ganif,  n.  c.  m.  Canif.  Rabelais  dit  :  ganivet. 

Gâpeille,  n.  c.  f.  Femme  peu  économe.  Mieux  vaut  se 
marier  avec  une  femme  pauvre,  mais  ordréc,  qu'avec  une 
gâpeille. 

Gâpeiller,  v.  act.  Gaspiller.  Que  de  gens  gâpeillent  leur 
avoir  ! 

Gardiatcrre,  n.  c.  m.  Homme  d'affaires,  secrétaire. 

1.  EiutATA  de  la  première  partie  :  A  rondelle;  au  lieu  de  raie  lire 
Ralj.  (dans  Rabelais).  —  Bcj'ou,  lire  Bejon.  —  Bonlerie;  au  lieu  de 
Jean  Lcdet,  lire  Jean  Lelet.  —  Brèriic  ;  au  lieu  de  une  brèche,  lire  un 
hrcc/ia.  —  Chatouille  ;  ;ui  li<Mi  de  jictitr  luit/i'ille.  lire  /irtitc  laiD/iroie. 


102  RKVUE    L)K    l'IllI.OI.DGIK    FKANÇAISli 

Gardon,  n.  c.  m.  Banneton,  coffre  à  renfermer  le  poisson. 

Garobe,  n.  c.  f.  Jarosse,  plg,nte  fourragère. 

Garou,  n.  c.  m.  Maïs. 

Garrocher,  v.  act.  Jeter,  lancer.  Garrocher  une  pierre  à 
quelqu'un. 

Garrocher  (se),  v.  pr.  Se  jeter  mutuellement  des  pierres  ou 
autres  choses.  Nos  enfants  se  sont  fait  du  mal  en  se  garro- 
chant  des  boules  de  neige. 

Garsailler,  v.  n.  Courir  les  femmes.  Je  n'aime  pas  les 
gens  qui  passent  leur  temps  à  garsailler. 

Gasse,  n.  c.  f.  Boue.  Tomber  dans  la  gasse. 

Gassouil,  n.  c.  m.  Trou  bourbeus.  (Montaigne.)  Il  y  a  un 
gassouil  dans  le  milieu  de  la  cour. 

Gassouiller,  v.  act.  Couvrir  de  boue,  d'eau  vaseuse.  Gas- 
souiller  quelqu'un. 

Gassouillet,  n.  c.  m.,  diminut.  de  gassouil. 

Gaspeiller,  v.  act.  et  n.  Gaspiller,  môme  sens  que  gâpeil- 
1er.  Il  ne  faut  jamais  gaspeiller  ce  qu'on  a. 

Gavachon,  n.  c.  m.  Ajonc  épineus.  Champ  de  gavachons 
n'est  pas  facile  à  traverser. 

Gavagner,  V.  act.  Faire  mal  un  ouvrage,  endommager 
par  extension.  Tu  gavagnes  la  besogne.  Gavagner  ses  effels. 

Geale,  n.  c.  f.  Geôle. 

Geau,  n.  c.  m.  Coq.  Un  geau  ne  vaut  pas  une  pouletle. 

Geaulage,  n.  c.  m.  Accouplement  du  coq. 

Geauler,  v.  act.  Féconder  en  parlant  du  coq. 

Gélif,  -iv^o,  adj.  Sujet,  -te  à  la  gelée.  Arbre  gélif,  plante 
gélive. 

Gemme,  n.  c.  f.  Pois  d(^s  cordonniers. 

Geneil,  n.  c.  m.  Genou. 

Gencvrè,  genèvre,  n.  c.  m.  Genévrier. 

Gerne,  gernon,  n.  c.  m.  Germe. 

Gerzelure,  n.  c.  f.  Gerçure. 

Giber,  v.  n.  Donner  des  coups  de  pied  en  parlaiU  d'un 
animal. 

Gigue,  n.  c.  f.  Jambe.  J'ai  mal  à  la  gigue.  Ce  mot  a  plus 
d'extension  que  le  mot  français  qui  ne  s'applique  qu'à  la 
cuisse  du  chevicuil. 

Glas,  n.  c.  ra.  Glace.  Route  couverte  de  glas.  (Rabckiis.) 


DICTIONNAlUK    OU    PATOIS    BAS-GATINAIS  lOo 

Glomcau  (à),  loc.  adv.  A  tas.  Il  y  aura  des  fruits  à  glo- 
mcau  cette  année. 

Gloube,  n.  c.  f.  Morceau  de  bois  qui  sert  à  glouber. 

Glouber,  v.  act.  Nettoyer  (des  boyaus).  Gloube  rapide- 
ment ces  bo3'aus. 

Goblias,  n.  c.  m.  pi.  Tripes  de  bœuf. 

Godelit,  n.  c.  m.  Pli  artificiel  que  l'on  fait  dans  un  vête- 
ment et  qu'on  décout  pour  allonger  ce  vêtement  quand  le 
besoin  s'en  fait  sentir. 

Godet,  n.  e.  m.  Sot.  Vous  m'avez  l'air  d'être  un  fameus 
godet. 

Godiche,  n.  c.  m.  et.  fém.  Niais,  niaise. 

Godron,  n.  c.  m.  Sorte  de  longue  scie  qui  sert  à  tronçon- 
ner des  arbres,  ou  à  les  abattre. 

Gogue,  n.  c.  f.  Sorte  de  mets  fait  avec  du  sang  d'oie,  de 
pouhn. 

Goïon,  n.  c  m.  Goujon,  poisson. 

1.  Gorette,  n.  c.  f.  Truie.  Ce  mot  est  le  féminin  du  fram;. 
goret. 

2.  Gorette,  n.  c.  f.  Cloporte. 

Gosser,  v.  act.  Se  moquer  de.  Pourquoi  gosser  ce  pauvre 
homme.  Le  français  a  :  se  gausser,  se  railler. 

Gouaille,  n.  c.  f.  Raillerie,  persiflage.  Gouaillez,  j'entens 
bien  la  gouaille. 

Gouéré,  -ée,  adj.  Trop  salé.  Sauce  gouérée. 

Gouffe,  adj.  des  deus  genres.  Émoussé, -ée.  Franc,  goflfe. 
Voilà  un  outil  bien  goufiEc. 

Gouger,  v.  act.  Gaver.  Nourrir  (les  volailles)  avec  la 
gouge.  On  gouge  les  oies  pour  les  engraisser. 

Gouger  (se),  v.  pr.  Se  gorger  de  nourriture.  L'homme  n'a 
pas  été  créé  pour  se  gouger. 

Gouine,  n.  c.  f.  Femme  de  mauvaise  vie. 

Goule,  n.  c.  f.  Gueule.  Avoir  mal  à  la  goule. 

Goumon,  n.  c.  m.  Grosseur  à  la  gorge  des  animaus,  goitre. 

Gourbille,  n.  c.  f.  Corbeille. 

Gourouner.  gouronner,  v.  n.  Mettre  l)as,  en  parlant  de  la 
truie.  Ma  gorette  a  gouronné  hier. 

Gourounère,  n.  c.  f.  Truie  pleine. 

Gours,  n.  c.  m.  Fosse  profonde  dans  une  rivière. 


104  REVUE    DE    Pinr.OLOGll'.    FRANÇAISE 

Gousier,  n.  c.  m.  Gosier.  (Rabelais.) 

Gouspiller,  v.  act.  Faire  périr.  Gouspiller  ses  effets. 

Graffigner,  v.  act.  Égratigner.  Le  chat  te  graffignera  les 
mains  si  tu  le  pvens. 

Graippe,  adj.  des  deus  genres.  Engourdi,  -e  par  le  froid. 
Avoir  les  mains  graippes.  Ne  s'applique  qu'aus  mains  et 
aus  doigts.  [Forme  dialectale  de  l'ancien  adj.  français  crespe. ] 

Grâler,  v.  n.  Rôtir,  dessécher  à  l'excès.  Les  châtaignes 
grâlent.  Ce  verbe  s'emploie  aussi  activement,  mais  moins 
souvent  qu'au  neutre.  Grâler  ses  jambes  auprès  du  feu. 
Faire  grâler  quelque  chose. 

Grapaud,  n.  c.  m.  Crapaud. 

Grapauder,  v.  n.  Marcher  comme  un  crapaud.  Cet  enfant 
grapaude,  il  n'est  pas  assez  fort  pour  marcher. 

Grappechat  (à),  loc.  adv.  A  quatre  pattes  comme  un  chat 
en  parlant  d'un  bimane.  Aller  à  grappechat. 

Graver,  v.  n.  Monter,  gravir.  (Rabelais.)  Graver  dans  un 
arbre. 

Greigne,  n.  c.  f..Grignon.  Aimes-tu  lagreigne? 

Grelet,  n.  c   m.  Grillon  du  foyer. 

Grelle,  n.  c.  f.  Sorte  de  crible  à  passer  du  sable,  etc. 

Grcller,  v.  act.  Passer  à  la  grelle.  Grellez  ce  tas  de  sable. 

Grelleyures,  n.  c.  f.  pi.  Le  résidu  de  ce  qui  a  été  passé  à 
la  grelle. 

Gremillon,  n.  c.  m.  Petit  grumeau,  diminutif  de  ce  mol. 
Cette  bouillie  est  pleine  de  gremillons. 

Gremillon  (à),  loc.  adv.  A  petits  grumeaus. 

Grenailler,  v.  act.  et  neutre.  Remuer,  éparpiller.  Pourquoi 
grenailler  le  feu? 

Grenè,  n.  c.  m.  Grenier. 

Grenoille,  n.  c.  f.  Gronouill(\ 

Grenoillère,  n.  c  f.  Grenouillère. 

Grenotter,  v.  n.  Remuer  en  faisant  du  bruit.  Qu'as-tu  donc 
à  grenotter  dans  ce  coin? 

Gréselcr,  v.  n.  Trembler  de  froid.  .Te  grésele. 

Grette,  n.  c.  f.  Débris  de  chénevotte.  Dormir  sur  la  grette 
n'annonce  pas  la  richesse. 

Grève,  n.  c  f.  Raie  sur  la  tête.  Tu  es  bien  fier  avec  ta 
grève  sur  le  milieu  de  la  tête! 


DICTIONNAlKK    Kl'    l'ATolS    liASGATIN AIS  105 

Grignc,  n.  c.  f.  (irippc.  jncrsion.  ;iiiti|);itlii('.  Avoir  ((iiel- 
qu'un  (Ml  grigiio. 

(liiiiguoiiassci",  V.  11.  (irineor  (des  dents),  se  disputer, 
(^liiiguonasser  des  dents.  Ils  gringueiiassent  toujours  entre 
eus. 

(ji'igue,  n.  e  1".  Une  miette.  N'avoir  pas  grigue  de  pain  à 
se  mettre  sous  la  dent. 

Grippe,  u.  e.  1'.  Outil  de  fer  muni  de  crochets  qui  sert  à 
retirer  les  seaus  tombés  dans  les  puits.  Par  extension  grippe 
signifie  aussi  main.  Avoir  la  grippe  dure. 

Grippée  (à),  loc.  adv.  A  poignée.  Prens  ce  sac  à  grippée. 

Gripper,  v.  act.  Prendre  brusquement,  accrocher,  saisir. 
Fais  attention  que  je  ne  te  grippe.  Ce  verbe  a  plus  d'extension 
que  son  homonyme  français. 

Grire,  v.  n.  Plair(\  Tes  façons  d'agir  ne  me  grieni  |)as. 

GroUeau.  n.  c.  m.  Petit  de  la  grolle.  Toute  grolle  (pii  a 
groUeaus  ne  mange  pas  de  bons  morceau  s. 

Grouée,  n.  c.  f.  Couvée;  grouée  de  poulets.  —  Grand 
nombre;  grouée  de  gens-  — Troupeau;  grouée  de  moutons. 

Grouer,  v.  act.  Abriter  des  poulets,  de  petits  oiseaus,  en 
parlant  des  volatiles.  La  poule  groueses  poussins. 

Gruau,  n.  c.  m.  Grumeau.  Ne  pas  confondre  ce  mot  avec 
le  français  gruau  qui  a  une  tout  autre  signification.  Je  sens 
le  lait  se  former  en  gruaus  sur  mon  estomac. 

Grune,  n.  c.  f.  Fruits  en  grappe.  Acheter  des  cerises  en 
g  ru  ne. 

Gruzelle,  n.  c.  f  Groseille. 

Gruzellè,  n.  e.  m.  Groseillier. 

Guarir,  v.  act.  et  neut.  Guérir. 

Guarisoii,  n    c  f.  Guérison. 

Guède,  adj  des  deus  genres.  Raide.  Être  tout  guède  à 
force  de  manger. 

1.  Guener,  v.  act.  Salir.  Couvrir  de  boue.  Cette  voiture  a 
guené  ma  culotte  en  passant. 

Guener  (se),  v.  pr.  Se  .salir,  .se  couvrir  do  boue. 

2.  Guener  ou  Quem-r.  \'.  ii.  Haleter,  cire  essoulll»',  hors 
d'haleine. 

(juéreter,  v.  act.  Mettre  en  gué'ret.  (lucjrète  ton  champ. 
Guiljole,  11.  c.  f.  Jaml)e.  A\()ir  mal  à  laguii)ole. 


106  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


H 

Hacher,  v.  act.  Fatiguer  excessivement.  Cette  course  m'a 
haché.  Voir  Jachcr. 

Haïable,  aclj.  des  deux  genres.  Haïssable. 

Hannet,  adv.  Aujourdhui.  Fait-il  beau  hannet  ?  [Il  n'y  a 
aucune  raison  pour  écrire  le  mot  avec  une  /«.] 

Harbe,  n.  c.  f.  Herbe. 

Harasse,  n.  c.  f.  Sorte  de  cage  destinée  à  renfermer  des 
animaus. 

Harner,  v.  act.  gager.  J'ai  harné  hier  un  domestique. 

Harner(se),  v.  pr.  Se  gager.  Un  domestique  se  harne  faci- 
lement en  été. 

Haumuré,  -ée,  adj.   Comble,   très  plein.   Sac  haumuré. 

Hausser  (se),  v.  pr.  Se  mettre  au  beau  en  parlant  du  temps. 
Le  temps  paraît  vouloir  se  hausser. 

Ilégron,  n,  c.  m.  Héron. 

Hontable,  adj.   des  deus  genres.  Qui  doit  causer  de  la 
honte.  Tu  as  commis  là  une  action  hontable. 

Hopper,  V.  act.  Appeler.  Hopper  les  domestiques  pour  le 
repas.. 

Houzegnic,  n.   c.  m.  Buis.   L'houzegnic  devient  rare  au- 
jourd'hui. 

Hurter,  v.  act.  Heurter.   Hurter  quelqu'un  en   passant. 
Au  neut.  frapper.  Je  viens  d'entendre  hurter  à  la  porte 


I 

I,  pr.  pers.  des  deus  genres.  Je.  I  voudrais  voirça.  Voy.  lo. 

Hlè,  adv.  Là.  Ouest  Jean  ?  Hlè. 

Imbédient,  -te,  adj.  Imbécile.  Quel  imbédient! 

Incisure,  n.  c  f.  Incision.  "(Rabelais.)  Le  médecin  m'a 
fait  une  incisure. 

Incréable,  adj.  des  deus  genres.  Incroyable.  Tu  me  ra.- 
contes  là  un  fait  incréable. 

lo,  pr.  pers.  Je.  Veus-tu  venir  avec  moi?  lo  veus.  Voy.  /. 

Iqui,  adv.  de  lieu.  Ici.  Je  t'attens  iqui. 


lilClli>N.NAIKi:    l)i;    PATOIS    BAS-GATINAIS  107 


Jaelier,  v.  act.  ILu-lier,  voirco  mot.  Ce  verbe  signifie  aussi 
endommager. 

Jacopin,  n.  c   m.  Jaeobin. 

Jadeaii,  n.  e.  m.  Jatte,  panier  long  où  le  boulanger  met 
lever  ses  pains. 

Jadeaulèe,  Jadrollëe,  n.  e.  f.  Plein  jadeau.  Tue  jadeaulée 
de  farine. 

Jagouillard,  -de,  adj.  etsubst.  Bavard,  -de,  diseur,  -se  de 
riens.  Je  déteste  les  jagouillards. 

Jagouiller,  v.  neutre.  Bavarder,  parler  sans  utilité. 

Jan,  n.  c.  m.  Cocu.  Je  te:  plains,  pauvre  Jan. 

Jarousse,  n.  c.  f.  Gesse  vulgaire,  ])lante. 

Jarc,  n.  c.  m.  Jars,  oie  mâle.  (Rabelais  ('crit  jard.) 

Jase,  n.  c.  f.  Babil,  jaserie. 

Jaspiner,  v.  n.  Bavarder,  caqueter,  jaser,  'travaille  donc, 
au  lieu  de  jaspiner  tant. 

1.  Jau,  n.  c    m.  Coq. 

2.  Jau,  n.  c.  m.  Robinet  de  barrique. 
Jauler,  v    act   et  neut.  Voir  Geauler. 

Javasser,  v.  n.  Babiller,  jacasser.  As-tu  bientôt  fini  de 
javasser? 

Javelon,  n.  c.  m.  Petit  tas  de  blé  coupé  et  étendu  sur  le 
sillon  en  attendant  d'être  mis  en  gerbe. 

Jeunesse,  n.  c  f.  Génisse.  Mettre  les  jeunesses  dans  le  toit. 

Jobrer,  v.  act.  Barbouiller  (la  figure).  Jobre  donc  la  figure 
de  ton  frère. 

Jobrer  (se),  v.  pr.  Se  barbouiller  la  figure.  Mange  plus  pro- 
prement, tu  te  jobres  tout. 

Jocler,  v.  n.  Plaisanter,  badiner.  L'ouvrage  ne  se  fait  pas 
6)1  joclant. 

Joncer,  v.  act.  B;il;iycr.  Joncer  l'aire. 

Jornée,  n.  c.  f.  Journée. 

Joie,  n.  c.  f.  Joue.  Avoir  mal  à  la  jote. 

1.  Joue,  n.  c.  m.  Joug.  Mettre  les  bœufs  sous  le  joue. 

2.  Joue,  n.  c.  ni.  Jucboir.  (Despcrriers  ('crit  juc.j  \'ous  ra- 
contez des  histoires  à  faire  tomlx-r  les  poules  du  joue. 


108  REVUE    DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

Jouquer,  v.  n.  Jucher.  Où  jouquent  tes  poules? 
Jucher,  v.  act.  Appeler.  Xucher  son  domestique. 
Juriste,  n.  c.  et  adj.  des  deus  genres.  Jureur. 
Justin,  n.  c.  ra.  Sorte  de  casaquin,  vêtement  de  femme. 
Juter,  V.  n.  Donner  du  jus.  J'aime  les  fruits  qui  jutent.  Le 
français  a  juteus. 


Labâche  ou  Rabâche,  n.  c.  f.  Tique  ou  pou  des  chiens. 

Labourons,  n.  c.  m.  Laboureur. 

Laiter,  v.  n.  Donner  du  lait  Une  vache  qui  laite  bien  est 
précieuse. 

Landon,  n.  c.  m.  Lisières.  Conduire  un  enfant  avec  le 
landon. 

Laquer,  v.  act-  et  n.  Laper.  Laquer  sa  pitance. 

Larder,  v.  act.  Enferrer.  Larder  un  loup. 

Larder  (se)^  v.  pr.  S'enferrer.  Se  larder  soi-même. 

Lardouère,  n.  c.  f.  Lardoire. 

Laurè,  n.  c.  m.  Laurier. 

Lèche  ou  Lice,  n.  c.  f.  Bande  de  terre  composée  de  plusieurs 
sillons. 

Lende,  n.  c.  f.  Œuf  de  pou,  franc,  lente. 

Lendous,  -se,  adj.  Paresseus   -se,  franc,  lendore. 

Lentille,  n.  c.  f.  Plante qwi flotte  sur  les  eaus  marécageuses 
et  dont  la  feuille  ressemble  à  la  graine  de  la  plante  légu- 
mineuse  qui  porte  ce  nom. 

Lessif,  n.  c.  m.  Lessis. 

Let,  n.  c.  m.  Lit.  Se  coucher  siir  son  let. 

Létière,  n.  c.  f.  Litière.  Couche  de  létière. 

Leûte,  n.  c.  f.  Lutte.  Aimer  la  leùte. 

Leûter,  v.  n.  Lutter.  Veus-tu  leûter  avec  moi  ? 

Leûteur,  -se,  n.  c.  Lutteur,  -eu se. 
.    Levée,  n.  c.  f.  La  partie  la  plus  haute  d'un  champ.   Les 
levées  sont  toujours  sèches. 

Levère,  n.  c.  f.  Levier,  et  surtout  une  barre  de  fer  qui  sert 
à  percer  des  trous  dans  la  terre. 

Lézinard,  -de,  n.  c.  et  adj.  Lambin, -ne.  Quel  lézinard  tu 
me  fais  ! 


niCTIONNAIHK    UV    PATOIS    UAS-GATINAIS  109 

Léziiier,  v.  n.  Lambiner.  Cessez  de  léziner,  il  faut  rat- 
traper le  temps  perdu. 

Lézi,  n.  c.  ra.  Loisir.  Profiter  d'un  instant  de  lêzi. 

Li,  pron.desdeus  genres.  Lui.  elle,  (^ui  a  fait  cela  ?  Ce 
n'est  pas  moi,  c'est  li. 

Liavard  ou  Lavard,  n.  c.  m.  Lézard  vert. 

Liclieur, -euse,  n.  c.  et  adj.  Gourmand, -de.  Un  licheur 
devrait  être  riche  pour  se  contenter. 

Lidoire  ou  Ridoire.  n.  c  f.  Truie  en  rut. 

Lignou.  n.e.  lu.  Fil  poissé  qu'emploient  les  cordonniers. 
Ligneul. 

Li  moire,  u.  c.  m.  Salamandre. 

Linccu,  n.  c.  m.  Linceul,  drap.  Dormir  entre  deus  lin- 
ceus  bien  blancs. 

Liotron,  n.  c.  m.  Laiteron,  plante. 

Lippe,  n.  c.  f.  Mauvais  chien. 

Lire,  n.  c.  f.  Bouchon  percé  et  traversé  d'un  tuyau  qui 
s'adapte  à  une  bouteille  pour  boire  plus  facilement. 

Liron,  n.  c.  ra.  Loir,  animal.  (Rabelais.) 

Litout,  pron.  Lui  aussi.  Viendra-t-il  litout? 

Lizard,  -de,  n.c.  Lézard.  Les  lizards  nesont  pas  à  craindre. 

Loche,  n.  c.  f.  Limace. 

Logis,  n.  c.  rn.  Maison  de  maître  à  la  campagne. 

Longe,  adj.  féminin.  Longue.  J'ai  une  route  bien  longe  à 
faire  avant  d'arriver. 

Loquence,  n.  c.  f.  Éloquence.  Il  n'est  pas  facile  de  trouver 
des  hommes  doués  de  loquence. 

Louère,  n.  c.  f.  Loutre.  Prendre  unelouère  au  picge. 

Longée,  n.  c.  f.  Espace  en  long.  Grande  longée  de  terres. 

Lopiner,  v.  act.  Couper  par  morceaus.  Lopiner  du  drap, 
des  champs. 

Lugrant,  -te,  adj.  Gras,  -sso,  onctueus,  -se.  Substance 
lugrante. 

Lugrer,  v.  act.  Graisser.  Lugrer  la  figure  de  quelqu'un 
avec  de  l'huile  ou  autre  substance  grasse. 

Lumas,  n.  c.  m.  Limaijon. 


110  UKVUE    DF.    PHILOLOGIE    FllANÇAISE 


M 


Maclior,  v.  act.  Contusionner.  La  chute  que  j'ai  faite  m'a 
tout  mâché. 

Mâcher  (se),  v.  pr.  Se  contusionner.  On  se  mâche  en  fai- 
sant cet  ouvrage. 

Mâchis,  n.  c.  m.  Râpe  de  fruits  pressés. 

Machure,  n.  c.  f.  (prononcez  par  a  bref).  Contusion.  (Dans 
Montaigne  on  trouve  mascheure.) 

Maglot(à),  loc.  adv.  A  tas,  sans  ordre.  Je  t'engage  ii  être 
plus  soigneus,  à  ne  pas  jeter  tes  effets  à  maglot. 

Maie,  n.  c.  f.  Pétrin.  Nettoyer  hi  maie. 

Mail,  n.  c   m.  Maillet.  Fendre  des  bûches  avec  le  mail. 

Maillochon,  n.  c.  m.  Petit  maillet. 

Maingaud,  n.  c.  m.  Manchot. 

Malader,    v.  n.    Être   malade.   Votre   maisonnée  malade 
depuis  longtemps. 

Malcontent,  -e,  adj.  Mécontent,  -e. 

Man,  adv.  Certes.  Il  fait  beau  man  aujourd'hui. 

Manclier,  v.  act.  Emmancher.  Mancher  un  outil. 

Mangeailler,  v.  n.  Manger  souvent.  As-tu  fini  bientôt  de 
man  geai  lier? 

Marmotte,  n.  c  f.  Vaisseau  de  ici're  où   Ton  met  du  feu 
pour  se  chauffer  les  pieds. 

Marotte,  n.  c.  f.  Camomille  puante. 

Marre,  n.  c   f.  Râcloir.  La  marre  sert  à  racler  les  chemins. 

Marronner,  v.  n.  Être  en  colère,  murmurer.  Tu  marronnes 
de  n'avoir  pas  suivi  mes  conseils. 

Masse,  adj.  des  deus  genres.  Massif,  -ive.  Ton  outil  est  trop 
masse. 

Mastoc,   n.  c.  et  adj.    Lourdaud.  Quel   est  le  mastoc  qui 
rentre  ici? 

Masureau,  n.  c.  m.  Masure,  -Ix'itiment  en  ruine. 

Mate,  adj.  des  deus  genres.  Mollasse,  brûlé  par  le  soleil. 
Bois  coupé  devient  mate  avanl  d'être  sec.  Fruits  mates. 

Mâtezir,  v.  n.  Devenir  mate.  Un  brin  de  hous  est  facile  à 
redresser  (|uand  il  a  mâtezi. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  111 

M;iii>ii.  n.  c.  ni.  Griini(\iii.  Je  iraiinc  pas  les  matons    dans 
la  bouillie. 

Matrouiller,  v.  act.  Màchor.  Voilà  de  la  viande  difiicile  à 
matronillor. 

Mau,  n.  ('.  m.  Mal.  Avoir  mnu  à  la  tête. 

Maugant.  voir  Moganl. 

Maugi'é,  pi'»''|>.  Malgré.  Bon  gré  maugrê,  faudra  que  tu 
viennes. 

Mauret,  -ette,  n    c.  et  adj.  Personne  barl)ouill(''e,  noire. 

Mauvaisch'.  u.  e.  f.  Mèelianeetê.  Personiu^  rcMiiplii;  de 
niauvaiseté. 

Mè,  prou.  Moi.  Qui  est  là?  C'est  mê,  Jean. 

Mecmode,  adj.  des  deus  genres.  Mal  commode,  peu  endu- 
rant, -te.  Voiture  mecmode,  personne  mecmode. 

Mègue.  n.  c.  m.  Eau  qui  sort  du  lait  caillé.  Le  mègue  est 
une  mauvaise  boisson. 

Meil,  n.  c.  m.  Mil,  millet. 

Melage,  n.  c.  m.  Fruits  mêlés  ou  cuits  au  four  ou  au  soleil. 
Les  mclages  sont  bons  en  été  quand  il  n'y  a  encore  aucun 
fruit  de  mûr. 

Mêle,  n.  c.  f.  Xèlle. 

Mêler,  v.  act.  Qui  s'emploie  avec  faire.  Faire  sécher  des 
fruits  au  four,  au  soleil.  Faire  mêler  des  poires. 

Mêlier,  n.  c.  m.  Néflier. 

Melou,  Meloir,  n.  c.  m.  Clayonnage  sur  lequel  on  étent 
des  fruits  pour  les  faire  sécher.  Mettre  le  meloir  au  soleil. 

Même,  n.  c.  f.  Grand'mère.  Vas-tu  voir  ta  même? 

Même  (à),  loc.  adv.  En  grand  nombre.  Tout  me  fait  présa- 
ger qu'il  y  aura  des  fruits  à  même  cette  année. 

Ménet,  n.  c.  ni.  Minuit. 

Men,  mène,  pr.  poss.  Mien,  mienne.  Tes  sermons  feront 
plus  d'effet  que  les  mens.  Cette  pomme  est  mène. 

Mêrine,  n.  c.  f.  Marraine. 

Mérienne,  M<^riennêe,  n.  c.  f.  Méridienne,  sommeil  au 
milieu  du  jour.  En  été  tous  les  travailleurs  font  la  mérienne. 

Mérienne  (à),  loc.  adv..\  la  méridienne.  Aller  à  mérienne. 

Mérienner,v.n.  Dormir  au  milieu  du  jour.  On  ne  nu'rienne 
guère  en  hiver. 

Mésiiy  (durant),  loc.  iidw  Désormais. 


ll'i  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Métai,  11.  c.  m.  Métayer. 

Métive,  n.  c.  f.  Moisson.  Mes  métivos  sont  achevées. 

Métive  (à),  loc.  adv.  A  la  moisson.  Allons,  les  gars,  courons 
à  métive. 

Métiver,  v.  act.  Moissonner.  Tu  métivcs  trop  tôt. 

Métiveur,  -euse,  n.  c.  Moissonneur,  -euse.  (Rabelais  : 
niesiiver.) 

Métou,  pron.  Moi  aussi.  Je  voudrais  faire  ainsi  métou. 
(Molière,  Marivaux.) 

Mette,  n,  c.  f  Premiers  coups  de  cloche  précédant  la 
sonnerie  d'une  cérémonie  religieuse. 

Meugne,  n.  c.  f.  Grimace.  Faire  la  meugne  à  quelqu'un. 

Meur,  -e,  adj.  Mùr,  -e.  Fruits  meurs. 

Migaillère,  Maingaillère,  n.  c.  f.  Fente  dans  les  vêtements. 
Boutonner  une  migaillère. 

Miget,  n.  c.  m  Mets  composé  de  pain  émié  dans  du  lait 
ou  du  vin. 

Minche,  n.  c.  f.  Quille  employée  dans  le  jeu  de  palets. 
Mettons  de  l'argent  sur  la  minche. 

Mincher,  v.  act.  Faire  entrer,  faufiler.  Mincher  son  bras 
dans  un  trou. 

Mindrer,  v.  n.  Diminuer.  Notre  tas  de  froment  mindre. 

Ministrer,  v.  act.  Administrer.  Combien  de  gens  rainis- 
trent  les  affaires  des  autres  sans  savoir  ministrer  les  leurs! 

Mirouer,  n.  c.  m.  Miroir. 

Misérer,  v.  n.  Être  malheureus.  Tout  en  miséraut  Ton 
peut  vivre. 

Mitan,  n.  c.  m.  Milieu.  (Rabelais,  Brantôme.) 

Mitou,  n.  c.  m.  Hypocrite.  Cet  homme  m'a  l'air  d'être  un 
franc  mitou. 

Mogant,  n.  c.  m.  Mets  composés  de  lait  caillé. 

Mointe,  adj.  des  deus  genres.  Maint,  -te.  Mointes  personnes 
ne  savent  pas  ce  qu'elles  doivent  faire. 

Montrance,  n.  c.  f.  Apparence.  Votre  bétail  n'a  pas  grande 
montrance. 

Moque,  n.  c.  f.  Tasse  en  terre. 

Moque,  n.  c,  m.  Museau.  Taper  un  coup  de  bâton  sur  le 
moque  d'un  chien. 

Morcia,  n.  c.  m.  Morceau.  Morcia  de  pain. 


DICTIONNAIRK    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  113 

Morelle,  n.  c.  f.  Douce-anièro,  plante. 

Motte,  n.  c  f.  Émiiience  de  terre.  Il  y  a  auprès  des  anciens 
cliâteaus  des  mottes  qui  passent  pour  être  des  tombeaus . 

Motter  (se),  v.  pr.  Se  cacher  en  se  faisant  petit.  Le  lièvre 
que  nous  poursuivons  a  dû  se  motter  dans  ce  champ. 

Mouche,  n.  c.  f.  Meule,  tas  de  quehiue  chose.  Mouche  de 
bois,  de  paille. 

Moujasse,  n.  c.  f.  Fillette  en  bas  âge.  Vous  n'êtes  pas  plus 
sage  que  cette  moujasse. 

Mouillassous,  -ouse,  adj.  Plu  viens,  -euse.  Saison  mouil- 
lassouse. 

Mouiller,  mouillasser,  v.  imp.  Pleuvoir.  Il  mouille.  Il 
mouillasse. 

Moulant,  n.  c.  m.  Courant  d'eau.  Quand  la  rivière  est 
grande,  il  ne  ferait  pas  bon  tomber  dans  le  moulant. 

Moule,  n.  c.  f.  Comme  mouelle  (moelle).  Chous  moule. 

Moure,  n.  c.  f.  Mûre,  fruit. 

Mousse,  adj.  des  deus  genres.  Énioussé,  -ée.  Mes  outils 
sont  mousses. 

Mugne,  n.  c.  f.  Voir  Meugne. 

Muloter,  v.  n.  Remuer  la  langue  dans  sa  bouche.  Un  en- 
fant mulolte  avant  de  s'endormir. 

Murailler,  v.  n.  Achever  de  mûrir.  Mes  poires  muraille- 
ront  rapidement  sur  la  paille.  —  V.  act.  Faire  reposer.  Faire 
murailler  de  la  terre,  de  la  chaus  pendant  quelque  temps. 

Musard,  -de,  n.  et  adj.  Lambin,  -ine.  Quelle  musarde  vous 
êtes,  finissez-en  ! 

Musse,  n.  c.  f.  Trou.  Passer  par  la  musse. 

Musser,  v.  act.  Faire  passer  dans  un  passage  étroit.  Musse 
ton  bras.  S'emploie  aussi  au  neutre  :  Mussons  par  là.  (Rabe- 
lais, Montaigne.) 


N 


Nafrer,  v.  act.  Blesser.  Nafrer  son  ennemi  mortellement. 

Naide,  n.  c.  f.  Lieu  marécageus  dans  les  champs.   Il  y  a 
toujours  de  l'herbe  à  couper  dans  les  naides. 

Napper,  v.  n.  Se  dit  de  la  pluie  qui  tombe  avec  abondance, 
en  formant  pour  ainsi  dire  une  nappe. 

Ui;vui'.  UK  l'ini.oi.ociii:,  vu.  8 


114  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Nau,  n.  pr.  Noël.  Fête  de  Nau. 

Naulet,  n.  c.  m.  Gâteau  dii  Noël. 

Navarit,  n.  c.  m.  Coffre  en  bois  que  l'on  transporte  dans 
les  champs  pour  se  coucher. 

Naveau,  n.  c.  m.  Navet.  (Rabelais.) 

Nayer,  v.  act.  Noyer.  (Rabelais.) 

Nayer  (se),  v.  pr.  Se  noyer.  En  voulant  nayer  son  chien^  il 
s'est  nayé  lui-môme. 

Ner,  nère,  adj.  Noir,  noire.  Vache  nère,  bœufner. 

Nèretie,  n.  c.  f.  Tache  noire  dans  le  ciel.  Il  va  pleuvoir,  le 
ciel  est  couvert  de  nèreties. 

Net,  n  c.  f.  Nuit.  Quand  la  net  sera  venue. 

Nettier,  v.  act.  Nettoyer.  Nettier  ses  effets. 

Nettier  (se),  v.  pr.  Se  nettoyer.  On  doit  se  nettier  souvent. 

Neuser,  v.  n.  Nuire.  Neuserà  quelqu'un. 

Nias,  niase,  adj.  et  n.  c.  Niais,  niaise.  Impossible  de  voir 
plus  nias  que  toi. 

Niaud,  -e,  n.  c.  et  adj.  Sot  et  niais.  Tu  as  fait  là  un  tour 
de  niaud. 

Nigeant,  -te,  adj  Qui  exige  une  attention  minutieuse. 
Travail  nigeant. 

Nigeasser,  v.  n.  S'occuper  à  des  riens.  En  nigeassant  le 
travail  n'avance  pas. 

Nigeassous,  -ouse,  n.  c.  et  adj.  Celui,  celle  qui  emploie  son 
temps  à  des  bagatelles. 

Niger,  v.  n.  Faire  son  nid.  La  poule  que  nous  cherchons 
nige  ici.  -  V.  act.  Placer,  caser  en  un  lieu.  Où  l'a-t-onnigé?' 

Niger  (se),  v.  pr.  Se  nicher.  Je  me  nige  dans  les  bons 
endroits. 

Nigreiller,  v.  act.  Remuer  avec  bruit.  Qxù  nigroille  par  là? 

Nio,  n.  c.  m  CEuf  qu'on  laisse  dans  un  nid  pour  y  attirer 
les  pondeuses. 

Noge,  n.  c.  f.  Génisse  d'un  an.  Nogis  n.  c.  m.  Veau. 

Noget,  n.  c.  m.  Veau  d'un  an. 

Nore,  n.  c.  f.  Bru.  Ma  nore  est  aimable. 

Nouassous,  -se,  adj.  Noueus,  noueuse.  Arbre  nouassous. 

Noue,  n.  c.  m.  Nœud.  Le  noue  que  tu  as  attaché  ne  tient 
pas. 

1.  Noué,  n.  c.  m.  Noyer.  Les  noués  produiront  cette  année. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  115 

2.  Noué,  n.  c.  f.  Nois.  Aimer  les  noués. 

1.  Noui'rain.n.c  m.  Jeunocochon.  Engraisser  un  nourrain. 

2.  Nourrain,  n.c.  m.  Champ  destiné  au  pâturage  du  bétail, 
pacage.  Champ  de  nourrain. 

Nouseille,  Nousille,  n.  c.  f.  Noisette. 

Nouseiller,  n.  c.  m.  Noisetier. 

Noustou,  pr.  pers.  Nous  aussi.  Nous  irons  noustou  à 
la  foire. 

Nuisance,  n  c.  f.  Tort,  dommage.  Si  votre  bétail  me  fait 
de  la  nuisance,  je  vous  obligerai  à  m'en  rémunérer. 


O 


Ober,  V.  n.  Partir.  Ober  d'un  lieu  pour  aller  dans  un  autre. 

Œils,  n.  c.  m.  pi.  Yeus.  Avoir  mal  aux  œils.  (Rabelais.) 

Œule,  n.  c.  f.  Huile.  Œule  d'olive. 

Oïard,  n.  c.  m.  Peuplier. 

Oisi,  n.  c.  m.  Osier,  plante.  Brins  d'oisi. 

0,  01,  pr.  déra.  Ce.  01  est  li  :  C'est  lui.  Où  est-o  qu'il  est? 
Où  est-ce  qu'il  est? 

Omblet,  n.  c.  m.  Anneau  de  cuir,  de  fer  ou  de  bois  tordu 
qui  sert  à  atteler  les  bœufs. 

Ondain,  n.  c.  m.  Rang  de  foin  disposé  en  forme  d'onde. 

Onger  (s'en),  v.  pr.  S'en  aller.  T'en  onges-tu? 

Ordre,  -ée,  adj.  Soigneus,  -euse.  Ses  gens  sont  très  ordres. 

Osia,  n.  c.  m.  Oiseau. 

Ouche,  n.  c.  f.  Jardin  potager  d'une  métairie.  Planter  des 
arbres  dans  l'ouche. 

Ouo,  adv.  d'affirm.  Oui.  Viens-tu?  Ouè. 

Ouillage,  n.  c.  m.  Action  d'ouiller.  OuiJlagede  la  barrique. 

Ouiller,  v.  act.  Terme  de  vigneron.   Remplir  un  fût.  Par 
ext.  rassasié,  avec  être  :  Je  suis  ouille  de  te  voir. 

Ouillette,  n.  c.  f.  Petit  entonnoir  qui  sert  à  ouiller. 

Oumeau,  n.  c.  m.  Ormeau,  arbre. 

Ous,  n.  c.  m.  Os.  Avoir  mal  aus  ous.  Avoir  un  ous  cassé. 
(Rabelais.) 

Ouvent,  n.  c.  m.  Contrevent. 


116  REVUE   DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 


PaboLi,  n.  c.  m.  Pavot. 

Pacllelte,  n.  c  f.  Grappe.  Les  cerises  sont  à  pacllcttes 
dans  les  arbres    (11  mouillées). 

Paculot,  n.  c.  m.  Gros  derrière.  Ce  bœuf  a  un  bon  paculot. 

Paelon,  n.  c.  m.  Poêlon.  (Rabelais.) 

Pailler,  v.  act.  Former  avec  de  la  paille,  et  par  extension 
avec  une  autre  matière,  le  siège  d'une  chaise,  ou  garnir 
quelque  chose  de  paille.  Pailler  une  chaise.  Pailler  une 
grange  pour  empêcher  le  vent  d'y  pénétrer. 

Paillis,  n.  c.  m.  Torchis,  mortier  de  terre  grasse  mélangée 
de  paille.  Plafond  en  paillis. 

Paillon,  n.  c.  m.  Corbeille  de  paille  oi!i  l'on  met  le  pain 
pour  lui  donner  la  forme  avant  la  cuisson. 

Paisan,  -anne,  n.  c.  Paysan,  -anne. 

Palène,  n.  c.  f.  Scirpe,  plante. 

Palisse,  n.  c.  f.  Haie  épaisse. 

Palisser,  v.  act.  et  n.  Réparer  (une  haie).  Il  me  faut  un  mois 
pour  palisser  dans  mes  champs. 
■    Palisson,  n  c.  m.  Petit  paillon. 

Palissonner,  v.  n.  Faire  des  palissons.  Passer  ses  veillées 
à  palissonner. 

Palle,  n.  c.  f.  Pelle. 

Pallerée,  n.  cf.  Pelletée. 

Palleyer,  v.  act.  Remuer  avec  la  pelle.  Palleyer  de  la  terre. 

Paour,  n.  c.  f.  Peur.  J'ai  eu  grand  paour  hier. 

Paouvi'e,  n.  c.  et  adj.  des  deus  genres.  Pauvre.  Un  paou- 
rre.  Paouvre  homme. 

Paouvrous,  -ouse,  adj.  Peureus,  -euse.  Gens  paouvrous. 

Par  (de),  loc.  adv.  A  moitié.  Mettons-nous  de  par  pour 
acheter  ce  champ. 

Parage,  adj.  des  deus  genre».  Égal.  Mon  intelligence  est 
à  peu  près  parage  à  la  tienne. 

Parager,  v.  act.  Égaliser,  partager  par  égales  portions. 
Par  extension  assortir.  Parager  deus  lots.  Parager  deus  bœufs. 

Pan^onnier,  -ière,  n.  c.  Celui,  celle  qui  est  domestique  avec 
un  autre.  Mon  parçonnior  n'est  pas  aimable. 


DICTIONNAIRK    DU    PATOIS    DAS-GATINAIS  117 

Parement,  n.  c.  ni.  Parure.  Cette  fennne  aime  le  parement. 
L'Académie  adopte  ce  mol  en  lui  donnant  une  autre  signifi- 
cation. 

Parer,  v.  act.  Peler.  Parer  un  fruit. 

Paroir,  n.  c.  m.  Couteau  à  deus  manches. 

Parpaillon,  n.  c.  m.  Papillon.  Les  parpaillons  commen- 
cent à  voler. 

Parure,  n.  c.  f.  Pelure.  Parure  d'un  fruit. 

Passe^  n.  c.  f.  Moineau. 

Pater,  v.  n.  (a  bref).  Lutter,  rivaliser.  Tu  ne  peus  pater 
avec  moi. 

Pâtisseau,  n.  c.  m.  Petit  pâtis. 

Patrouille,  n.  c.  f.  Boue.  Patauger  dans  la  patrouille. 

Patrouiller,  Patouiller,  v.  n.  Piétiner  dans  la  boue.  (Ducer- 
ceau.)  Patrouiller  dans  une  mare. 

Palté,  -ée,  adj.  Pattu,  -e.  Poule  pattée. 

Patter,  v.  n.  S'attacher  aus  pieds,  en  parlant  de  la  boue. 
Quand  la  gelée  font,  ça  patte. 

Patter  (se),  v.  pr.  Se  remplir  de  boue  aus  pieds.  Je  me  suis 
tout  patte  en  traversant  les  champs. 

Pau,  n.  c.  m.  Pal,  épieu.  (Rabelais.) 

Peautou,  n.  c.  m.  Chausson  de  cuir. 

Peautrer,  v.  act.  Tacher.  Pautrer  sa  robe. 

Pecaud,  n.  c.  m.  Sorte  de  couverture  en  laine,  qui  se  met 
sous  les  enfants  en  bas  âge  par  précaution. 

Péehard,  -de,  adj.  Couleur  de  pêche.  Cheval  pêchard. 

Peigne,  n.  c.  m.  Plante  ombellifère  connue  sous  le  nom  de 
peigne  de  Vénus. 

Pellée,  n.  c  f.  Plaque  de  gazon  qu'on  a  levée  à  l'aide  d'un 
instrument,  motte  de  terre  gazonnée. 

Pellasse,  n.  c.  f.  (prononcez  plasse).  Écoree  :  pellasse 
d'arbres;  —  pelure  :  pellasse  de  châtaignes. 

Pellon,  n.  c.  m.  Enveloppe  d'un  fruit,  écale.  Pellon  de 
marron. 

Penè,  n.  c.  m.  Panier. 

Péneus,  -euse,  adj.  Qui  craint  ses  peines.  Je  ne  suis  point 
péneus. 

Penille,  n.  c.  f.  Guenille,  lambeau  d'éto(î<\  liaillon.  Gens 
en  penilles. 


118  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Penne,  n.  c.  f.  Branche  dont  les  feuilles  sontdisposées  sur 
la  tige  de  la  même  façon  que  les  barbes  d'une  plume. 

Pépè,  n.  0.  m.  Grand  père' aïeul. 

Fer,  prcp.  Pour.  Partir  per  l'Amérique.  —  Par.  Passer 
pcr  un  chemin. 

Perchaude,  n.  c.  f.  Perche,  poisson.  La  perchaude  est  la 
perdris  de  la  rivière,  et  la  perdris  la  perchaude  de  l'air. 

Perdriau,  n.  c  m.  Petite  perdris. 

Perquè,  conj.  et  adv.  Pourquoi?  Dis-moi  perquè  tu  te 
trouves  là? 

Persec,  n.  c.  m.  Pavie,  fruit. 

Persequier,  n.  c.  m.  Arbre  qui  produit  le  pavie. 

Personnier,  -ière,  n.  c.  Voir  Parçonnier. 

Pertot,  adv.  Partout.  Il  y  a  pertot  d'honnêtes  gens. 

Peta,  n.  c.  m.  Marque,  tache.  Avoir  des  petas  de  rousseur 
sur  le  visage. 

Petassage,  n.  c   m.  Bavardage.  Finis  ton  petassage. 

Petassé,  -ée,  adj.  Marqueté, -ée,  tacheté,  -ée.  Peau  petassée 
d'un  chien. 

Pétasse,  Petassard,  adj.  Bavard, -e,  radoteur, -euse.  Femme 
pétasse,  homme  petassard. 

Petasser,  v.  n.  Bavarder,  radoter.  Je  n'aime  pas  entendre 
petasser. 

Petonner,  v.  n.  Murmurer,  grogner.  A  quoi  te  sert  de 
petonner  pour  si  peu? 

Petrasse,  n.  c.  f.  Embarras.  Être  dans  la  petrasse. 

Petrasser,  v.  n.  S  "impatienter.  Tu  auras  beau  petrasser, 
les  affaires  n'en  iront  pas  mieus. 

Petrolle,  n.  c.  f.  Digitale,  plante. 

Pia,  n.  c.  f.  Peau.  Avoir  la  pia  dure. 

Piard,  n.  c.  m.  Houe,  instrument  de  jardinage. 

Piassement,  n.  c.  m.  Cri  des  poulets.  Entendre  le  piassc- 
ment  d'un  poulet. 

Piasser,  v.  n.  Piauler,  glousser.  J'entens  les  poulets 
piasser,  va  donc  voir  ce  qu'ils  ont. 

Piau,  n.  c.  m.  Poil.  Cet  homme  a  le  piau  noir. 

Pibau,  n.  c.  m.  Petite  anguille  de  marais. 

Pibole,  n.  c,  f.  Cornemuse. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DAS-GATINAIS  119 

Pibolcr,  V.  n.  Jouer  de  la  pibole.  Voulez-vous  entendre 
piboler? 

Pic  à  pic,  loc.  adv.  Sans  retour.  Clianger  pic  à  pic  un 
cheval  pour  un  autre. 

Picassé,  -éo,  adj.  Marqueté,  -ce,  moucheté,  -ée.  Avoir  la 
figure  picassée  de  taches  de  boue. 

Picasser,  v.  act.  Moucheter.  Picasser  un  habillement  de 
taches. 

Pichet,  Pichotte,  n.  c.  f.  Vase  à  boire.  Donner  le  pichet,  la 
pichotte,  à  quelqu'un  pour  se  désaltérer. 

Pichottée,  n.  c.  f.  Pleine  pichotte. 

Picocer,  v.  act.  et  n.  Piquer  avec  le  bec.  Les  oiseaus  ont 
picocé  toutes  les  cerises. 

Picote,  n.  c.  f.  Petite  vérole,  variole.  (Rabelais.) 

Picque,  n.  c.  f.  Querelle,  discussion.  Avoir  une  picque 
ensemble. 

Pidaler{set,  v.  pr.  Se  plaindre  sans  cesse  et  sans  motif.  Ce 
pauvre  va  toujours  en  se  pidalant. 

Piger,  V.  act.  Piquer.  Les  oiseaus  ont  pigé  tous  les  fruits 
mûrs. 

Pigouille,  n.  c.  f.  Gaffe  à  croc.  Conduire  un  bateau  avec  la 
pigouille. 

Pigouiller,  v.  n.  Conduire  avec  la  pigouille.  Sais-tu  pi- 
gouîller  suffisamment  pour  nous  sortir  de  là?  —  S'emploie 
aussi  activement  avec  le  sens  de  piquer  avec  une  pointe  : 
Pigouiller  un  bœuf  avec  l'aiguillon. 

Pigrelé,-ée,  adj.  Marqueté,  tacheté.  Avoir  la  ligure  pigrelée 
de  taches  d'encre. 

Pigreler,  v.  act.  Marqueter,  tacheter.  Pigreler  une  muraille 
de  l;oue. 

Pigrolè,  n.  c.  m.  Pivert. 

Pile,  n.  c.  f.  Pilon.  (Rabelais.)  Écraser  dans  la  pile 

Pilé,  n.  c.  m.  Pilier.  Pilé  d'église. 

Pinchau,  n.  c.  m.  Primevère  sauvage. 

Pingcon,  n.  c.  m.  Bondon  d'étang. 

Pinno,  n.  c.  f.  Pomme  de  pin. 

Pioze,  n.  c.  f.  Puce. 

Pipou,  n.  c.  m.  Pourpier. 

Piquasse,  n.  c.  f.  Piquant.  Bâton  couvert  de  piquasses. 


1.20  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Piquereau,  n.  c.  m.  Renoncule  sauvage. 

1.  Pire,  n.  c.  L  Poumon.  Pire  d'oie. 

2.  Pire,  n.  c.  f.  Oie. 
Piron,  n.  c.  m.  Oison. 
Pirotte,  n   c.  f.  Oie. 

Piscanne,  n.  c.  f .  Sorte  de  seringue  en  bois  dont  les  enfants 
se  servent  pour  lancer  de  l'eau.  Fr.  Clifoire. 

Pitrix,  n.  c.  f.  Cossarde. 

Pivart,  n.  c.  m.  Pivert,  oiseau. 

Pivette,  n.  c.  f.  Herbe  fine  qui  commence  à  poindre. 

Place,  n.  c.  f.  Rez-de-chaussée  d'un  appartement;  plancher. 
Balayer  la  place 

Plasse,  n.  c.  f.  Voir  Pellasse. 

Plaisi,  n.  c.  m.  Plaisir.  Voulez-vous  me  faire  plaisi  ? 

Plan,  n.  c.  m.  Terrain  plat  et  uni.  Allez  danser  sur  le  plan. 
Le  mot  français  plan  n'a  pas  cette  acception. 

Pleume,  n.  c   f.  Plume.  Avoir  une  pleume  à  son  chapeau. 

Pion,  n.  c.  m.  Gazon.  Se  reposer  sur  le  pion. 

Plumager,  v.  act.  Nettoyer  avec  le  plumail.  Piumager  des 
meubles. 

Plumail,  n.  c.  m.  Plumeau.  (Rabelais.) 

Poche,  n.  c.  f.  Sac.  J'ai  acheté  vingt  poches  de  grain.  Ce 
mot  et  le  suivant  s'emploient  pour  désigner  un  hectolitre. 

Pochée,  n.  c.  f.  Plein  sac.  La  pocliée  d'avoine  pèse  environ 
cinquante  kilogrammes. 

Pôcre,  n.  c.  f.  Grosse  main  sale.  Enlève  donc  tes  pôcres 
delà! 

Pôcrer,  v.  act.  Salir  avec  la  pôcre,  et  même  tout  simple- 
ment salir.  Avez-vous  fini  de  pôcrer  mes  habits  ? 

Poi,  adv.  Peu.  Voulez-vous  me  vendre  un  poi  de  froment  ? 

Pointuscr,  v.  act.  Rendre  pointu,  aiguiser.  Pointuser  un 
bâton. 

Pompe,  adj.  des  deus  genres.  Spongieus.  Cette  terre  est 
très  pompe. 

Pôner,  v.  act.  et  n.  Payer,  mettre  son  enjeu.  Pôner  son 
argent.  Tu  as  perdu,  pône. 

Ponet,  n.  c.  m.  Toton.  Jouer  au  ponet. 

Ponne,  n.  c.  f.  Cuvier.  Ponne  à  laver  le  linge.  Par  ex- 
tension, trpu  rempli  d'eau.  Tomber  dans  une  ponne. 


DICTIONNAIRK    DU    l'ATOIS    BAS-GATINAIS  121 

Ponnoiiu,  11.  c.  111.  P»'tit(>  ponno.  Ponneau  plein  d'eau. 

Ponncltc,  n.  c.  f.  Vaisseau  de  terre  où  Ton  met  le  lait. 

Ponsè,  n.  et  adj.  masc.  Pansu.  Ce  gros  ponsè  est  souvent 
malade. 

Porrée,    n.   c.    f.   Comme  porreau   (poireau).    Aimer    la 
porréc». 

Portage,  n.  c.  m.  Canal  ou  fossé  qui  reçoit  le  trop  plein  de 
la  rivière  ans  abords  d'un  moulin.  Déversoir. 

Portement,  n.  c.  m.  Etat  de  santé.  (Rabelais.)  Comment 
va  le  portement  ce  matin  ? 

Potet,  n.  cm.  Petit  pot.  (Rabelais.) 

Potte,  n.  c.  f.  Patte   A  bas  les  pottes  ! 

Pou,  n.  c.  f.  Peur.  Avoir  pou. 

Pouclie,  n.  c.  f.  Sédiment  des  liqueurs. 

Pouère,  n.  c.  f.  Poire. 

Pouèrè,  n.  c.  m.  Poirier. 

Pouet,  n.  c.  m.  Puits. 

Pougne,n.  e.  f.  Étreinte  de  la  main.  Avoir  la  pougne 
bonne. 

Pougner,  v.  act.  Tricher  en  avançant  trop  le  poing  au  jeu 
des  billes. 

Pougneter.  v.  n.  Lutter  avec  les  poignets.  Veus-tu  pou- 
gneter  avec  moi? 

Pouil,  n.  c.  m.  Pou.  Avoir  des  pouils. 

Pouiller,  v.  act.  Revêtir.  Pouillor  ses  habits. 

Pouillcr  (se),  v.  pr.  Se  vêtir.  Combien  passes-tu  de  temps 
à  te  pouiller? 

Pouillous,  -ouse,  adj.  Pouilhnis,  -euse.  Enfants  pouillous. 

Pouline,  n.  c.  f.  Jtnuie  jument.  Ce  mot  était  employé  dans 
le  viens  français.  AujouKriiui  on  a  poulinière  =  jument  qui 
produit  des  poulines. 

Poultre,  11.  c.  f.  .Icuiic  jument  bonne  à  monter. 

Poulie,  n.  c.  f.  Ampoule.  Avoir  une  poulie  à  la  main. 

PouUer,  V.  act.  et  n.  Se  développer  en  parlant  des  poulies. 
I/ortie  fait  pouUer  les  mains. 

Poupette,  11.  e.  f.  Pourpier  des  murailles. 

Pouple,  n.  e.  m.  Sorte  de  peuplier. 

Pourrin,  n.  c.  m.  Poudre  d'arbre  pourri. 

Poûvre,  n.  c.  f.  Poussière.  Le  vent  chasse  la  poûvre. 


122  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

1.  Poûvrer,  v.  act.  Couvrir  de  poussière.  Ces  enfants  nous 
poûvrent  en  s'arausant. 

2.  Poùvror,  v.  imp.  Être  poussiéreus.  La  route  poûvre  fort 
ce  matin. 

Pouvrcus,  -euse,  adj.  Poussiéreus,  -euse.  Habillements 
pouvreus. 

Pouzc,  n.  c.  m.  Pouce. 

Praie  ou  Prée,  n.  c.  f.  Prairie,  pré. 

Pre,  pré  p.  Voir  Per. 

Préchat,  n.  c.  m.  Parleur,  bavard. 

Prêcher,  v.  n.  Parler.  Ce  verbe  ne  doit  pas  être  confondu 
avec  le  français  prêcher,  qui  a  un  sens  tout  différent.  Ne  prêche 
pas,  je  t'en  prie. 

Préciôté,  n.  c.  f.  Chose  rare.  Apporter  une  préciôté  à 
quelqu'un. 

Preluchcr,  v.  act.  Lécher  avec  raffinement.  Prelucher 
ses  lèvres. 

Prelucher  (se),  v.  pr.  Se  lécher  avec  raffinement.  Se  prelu- 
cher les  babines. 

Premè,  -ère,  adj.  Premier,  -ière. 

Prequè  ou  Perquè.  Voir  ce  dernier. 

Prenne,  n.  c.  f.  Prune. 

Prime,  adj.  des  deus  genres.  Précoce.  Les  récoltes  seront 
primes  cette  année. 

Prêt,  n.  c.  m.  Dindon. 

Prouail,  n.  c.  m.  Sorte  de  timon  mobile  qui  sert  à  faire 
tirer  les  bœufs. 

Provarbe,  n.  c.  m.  Proverbe. 

Pue,  n.  c.  f.  Dent  d'instrument.  Pue  de  râteau,  de  fourche. 

Punésie,  n.  c.  f.  Pleurésie. 

Pupu,  n.  c.  f.  Huppe,  oiseau. 

Q 

Quairreu,  n.  c.  m.  Terrain  vague.  J'ai  l'intention  de 
nettoyer  ce  quairreu. 

Quarte,  Quarteron,  le  premier  n.  c.  f.,  le  second  n.  c.  m. 
Les  trois  mois  d'été.  Se  gager  pendant  la  quarte,  le  quarteron. 

Quemment,  adv.  Comment.  Quemment  vas-tu? 


DICTIONNAlRt;    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  123 

Quenaille,  n.  c.  f.  Enfants.  Envier  le  sort  de  la  qucnaillc. 

QuenailkT,  v.  n.  Agir  en  enfant.  On  ne  devrait  pas  que- 
nailler  à  cet  âge. 

Qucnailleries,  n.c.  f.  pi.  Conduite,  propos  d'enfants.  Finir 
ses  qucnailleries. 

Quenaus,  n.  c.  m.  pi.  Les  jambes. 

Quener,  v.  n.  Respirer  bruyamment.  On  dit  aussi  guener. 
J'ai  tant  travaillé  que  j'en  quène. 

Quoter,  v.  act.  Toucher.  Ne  me  quote  pas. 

Queu,  adj.  des  deus  genres.  Quel,  quelle.  Queu  gars, 
queu  femme! 

Qu'houre?  loc.  adv.  Quand?  Qu'heure  irons-nous  chez 
vous? 

Quintau,  n.  c.  m.  Tas  de  gerbes  composé  de  cinq. 

Quoi  (de),  loc  adv.  Quelque  chose.  Avoir  de  quoi  (être 
riche). 

R 

Rabale,  n.  c,  f.  Racloire. 

Rabalée,  n.  c.  f.  Grand  nombre.  Il  y  aura  cette  année  une 
rabalée  de  fruits.  Rabalée  signifie  une  quantité  telle  qu'il 
serait  nécessaire  d'y  passer  la  rabale.  Métonymie. 

Rabaler,  v.  act.  et  n.  Passer  la  rabale,  araser,  tout 
ramasser  Rabaler  quand  la  mesure  est  comble.  Le  mauvais 
temps  a  rabale  les  récoltes. 

Rabalon,  n.  c.  m.  Outil  de  boulanger  qui  sert  à  retirer  la 
cendre  du  four. 

Rabâter,  v.  act.  Frapper  avec  le  bâton 

Rabe,  n.c.  f.  Rave.  (Rabelais.) 

Rabéle,  n.  c.  f.  Pluie  violente. 

Rabèler,  v.  n.  Pleuvoir  violemment.  Il  est  temps  de  rentrer, 
car  il  va  rabéler. 

Rabinée,  n.  c.  f.  Voir  Érabinée. 

Rabiner,  v.  act.  Suivre.  Prens  les  devants,  je  ne  tarderai 
pas  à  te  rabiner. 

Rabistoquage,  n.  c.  m.  Réparation.  Votre  habit  a  grand 
besoin  d'un  rabistoquage. 

Rabi>itoquer,  v.  act.  lii-parer,  raccommoder.  Il  est  utile  de 
faire  rabistoquer  cet  instrument. 


124  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Raboui,-e,  adj.  Rabougri. 

Racasse,  n.  c.  f.  Carcasse,  os  dépouillé  de  sa  chair. 

Racasser,  v.  n.  Faire  du  bruit  comme  si  on  remuait  des 
os.  Entendre  racasser. 

Râche,  n.  c.  f.  Crasse  dans  les  chevcus. 

Râcheus,  -euse,  adj.  Celui  ou  celle  qui  a  delà  crasse  dans 
les  clieveus. 

Raclette,  n.  c.  f.  Petit  racloir. 

Racoin,  n.  c.  m.  Petit  coin.  J'ai  l'intention  de  me  cacher 
dans  ce  racoin. 

Radoubage,  n.  c.  m.  Raccommodage,  réparation.  Faire  un 
radoubage  à  un  habit. 

Radoubeur,  -euse,  n.  c.  Rebouteur,  -euse. 

Radressée,  n.  c.  f.  Droit  chemin,  le  plus  court.  Passer  par 
la  radressée. 

Rafale,  -ée,  adj.  Ruiné,  -ée.  Gens  rafales. 

Rague,  n.  c.  f.  Mauvaise  bête.  On  n'a  pas  de  bénéfice  à 
acheter  des  ragues. 

Ragouillage,  n.  c  m.  Mets  très  aqucus.  Vous  ne  mangez 
que  du  ragouillage.  Signifie  aussi  eau  répandue  :  Ne  faites 
pas  de  ragouillage  dans  cette  cuisine. 

Ragouiller,  v.  n.  Agiter  l'eau.  Les  enfants  se  plaisent  à 
ragouiller. 

Rais,  n.  c.  m.  Rayon  (de  soleil).  Un  rais  de  soleil  est  bon 
en  hiver. 

Raide,  adj.  Beaucoup.  Il  y  avait  à  la  foire  raide  de  per- 
sonnes. 

Raie  (en),  loc.  adv.  L'un  portant  l'autre.  Mon  argent  en 
intérêt  rapporte  en  raie  quatre  francs. 

Ralle,  n.  c.  f.  Branche  d'arbre. 

Rallette  (à  la),  loc.  adv.  En  rasant  le  sol.  Quand  il  pleut 
remarquez  que  les  hirondelles  volent  à  la  rallette. 

Ramasse,  n.  c.  f.  Tète  d'arbre. 

Ranche,  n.  c.  f.  Ridelle.  Prjmitivement  une  branche  ser- 
vait de  ranche. 

Rapailler,  v.  act.  Ramasser  en  fraude.  Rapailler  des  fruits. 

Rapailleur,  -euse,  adj.  Celui  ou  celle  qui  rapaille.  . 

Râtelle,  n.  c.  f.  Instrument  à  dents  pour  remuer  la  terre, 
râteau. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DASGATINAIS  125 

Ral-fouin,  n,  c.  m.  Fouine. 

Ratonner,  v.  n.  Grogner  comme  un  rat.  Cesseras-tu  de 
ratonner? 

Ratouère,  n.  c.  f.  Ratière.  (Rabelais.) 

Ratouillé,  -ée,  adj.  Inondé,  -ée  deau.  Être  ratouillo, 

Ratouiller  (se),  v.  pr.  S'inonder  d'eau.  Je  me  suis  tout  ra- 
touillé. 

Rauder,  Rôder,  v.  n.  Chanter  pour  exciter  les  bœufs. 
Les  bœufs  ne  se  fatiguent  pas  tant  quand  on  raude 

Raudeur,  n.  c.  m.  Celui  qui  raude. 

Ravas,  n.  c,  m.  Ravin. 

Rayer  (faire),  v.  act.  et  n.  Rouir  (faire),  rouir  II  faut  faire 
rayer  le  lin.  Le  lin  raye.  On  fait  rayer  le  lin  pour((ue  l(>s  filets 
se  séparent  de  la  partie  ligneuse. 

Rebiner,  v.  n.  Refaire  deus  fois  les  mêmes  choses.  Quand 
on  manque  un  ouvrage,  on  rebinc 

Rebouter,  v.  act  Mettre  bout  à  l)Out,  par  conséquent  rac- 
commoder. Rebouler  un  bras  cassé. 

Rebrancher,  v.  n.  Muer.  Les  oiseaus  rebranchent  tous  les 
ans.  Ne  s'applique  qu'aus  volatiles. 

Recaler,  v.  act.  Refaire  (un  fossé). 

Recaler,  v.  act  Rafraîchir,  donner  des  forces.  Le  vin  re- 
cale vite  un  homme. 

Recaler  (se),  v.  pr.  Reprendre  des  forces.  Se  recaler  auprès 
du  feu. 

Recenser,  v.  act.  Rappeler  souvent  (une  chose).  Tu  me 
recenses  toujours  la  même  chose. 

Récion,  n.  c.  ra.  Second  repas.  Prendre  son  récion. 

Récionner,  v.  act.  Manger  pour  la  seconde  fois.  A  quelle 
heure  récionnerons-nous?  (Ral)elais  :  réciner.) 

Recremer,  v.  act.  Rappeler,  recommander.  Recremer  quel- 
que chose  à  quelqu'un. 

Recremer  (se),  v.  pr.  Se  ressouvenir,  se  rappeler.  Quand 
nous  étions  jeunes,  te  recrèmes-tu  ce  que  nous  disions? 

Recuvrage,  Recuvrailb'S,  u.c.,  le  premier  masc,  le  second 
fém.  plur.  Ensemencem(!nt. 

Recuvrcr,  v  n  Labourer  pour  enterrer  la  semence.  Mes 
champs  sont  recuvrés. 

Régent,  -te,  n.  c.  Instituteur,  institutrice. 


126  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Rein,  n.  c  m.  Endroit  raarécageus  où  les  bécasses  vont 
se  nourrir. 

Remeil,  n.  c.  m.  Pis,  mamelle.  Celte  vache  a  un  beau 
remeil. 

Remeiller,  v.  n.  Se  dit  du  bétail  dont  le  pis  se  gonfle  à 
l'époque  de  la  parturition.  Une  vache  remeille. 

Remeler,  v.  n.  Grommeler.  Qu'as-tu  à  rcmeler? 

Rémotif  (en),  loc.  adv.  A  l'abandon.  Laisser  son  bétail,  ses 
travaus,  en  rémotif. 

Remoufler,  v.  n.  Renâcler.  Mon  cheval  remoufle  à  force 
de  travailler. 

1.  Remuer,  v.  n.  Être  issu  de.  Cousin  remué  de  germain. 
Je  remue  d'un  tel. 

2.  Remuer,  v.  n.  Déménager.  Je  remuerai  à  la  Saint-Jean. 
Remuer  (se),  v.  pr.  Déménager.  Je  me  remue  tous  les  ans. 
Renaler,  v.  n.  Faire  le  rencau.  J'airenalé  pour  S(;mermon 

blé. 

Renaré,  -ée,  adj.  Rusé,  ée.  Homme  renaré. 

Reneau,  n.  c.  m.  Terre  relevée  en  rond  entre  deus  sillons. 

Renoncier,  v.  act.  et  n.  Ne  pas  connaître.  Renoncier  ses 
dettes. 

Renoter,  v.  act.  et  n.  Répéter  une  chose.  Tu  renotes  un 
mensonge. 

Réorte,  n.  c.  f.  Lien  de  bois  tordu,  hart.  Voir  Revorte. 

Réparon,  n.  c.  m.  Morceau  d'étofïe  qui  sert  à  réparer. 

Retaillon,  n.  c.  m.  Morceau,  rognure;  français  retaille. 

Résiée,  Résie,  n.  cf.  Soirée.  Se  reposer  la  résiée. 

Respire,  n.  c.  m.  Respiration.  Perdre  le  respire. 

Retirance,  n.  c.  f.  Asile,  lieu  où  l'on  habite. 

Rétiver,  v.  n.  Faire  le  rétif.  Je  n'aime  pas  les  chevaus  qui 
rétivent.  (Pasquier.) 

Revange,  n.  c.  f.  Revanche.  (Brantôme.) 

Revanger,  v.  act.  Revancher.  Revanger  sa  famille. 

Revanger  (se),  v.  pr.  Se  revancher,  rendre  la  pareille  soit 
en  bien,  soit  en  mal.  Se  revanger  d'un  bienfait,  d'un  outrage. 

Revorte,  Réorte,  n.  c.  f.  Lien  de  bois  tordu,  hart. 

Revorter,v.  act.  Attacher  avec  la  revorte.  Revorter  une  haie. 

Rhoberbe,  n.  c.  f.  Rhubarbe. 

Riboule,  n.  c.  f.  Boule  au  bout  d'un  bâton.  Bâton  à  riboule. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BASGATINAIS  127 

Ricoiner,  v.  n.  Crier.  Voilà  un  cochon  qui  ricoine  fort. 

Ricoines,  n.  c  f.  pi.  Contes  bizarres.  Je  suis  fatigué  de 
vos  ricoines. 

Ridoire,  n.  c.  f.  Truie  en  feu.  Voir  Lidoiro. 

Rifler,  v.  act.  Égratigner.  Le  chat  m'a  riflé  la  main. 

Rigois,  -se,  n.  c.  Riche  égoïste.  Rigois  de  bourgeois! 

Rigourdainc,  n.  c.  f.  Bourde,  récit  plaisant.  Ce  vieillard 
aime  encore  la  rigourdaine. 

Rimé,  -ée,  adj.  Qui  a  pris  au  pot,  qui  a  tourné.  Kxpression 
culinaire.  La  crème  est  rimée. 

Rimer,  v.  n.  Prendre  au  pot,  brûler.  Prens  garde  que  ce 
lait  ne  rime. 

Rimoire,  n.  c.  m.  Voir  Limoire. 

Rin,  n.  c.  m.  et  pron.  indéfini.  Rien. 

Ringer,  v.  n.  Ruminer.  Le  bœuf  ringe. 

Ringue,  n.  c.  f.  Toupie.  Jouer  à  la  ringue. 

Riper,  v.  n.  Glisser.  Riper  sur  la  glace. 

Rippe,  n.  c.  f.  Copeau  de  menuisier. 

Rique,  n.  c.  f.  Mauvaise  jument. 

Riquet,  n.  c.  m.  Mauvais  cheval.  Voir  Rique. 

Ritre,  n.  c.  m.  Mauvais  sujet. 

Rivoleau,  n.  c.  m.  Petit  ruisseau. 

Rize,  n.  c.f.Creus  du  sillon.  Onsèmelagrainedanslesrizes. 

Robe,  n.  c.  f.  Habit  de  dessus  des  hommes,  veste.  Prendre 
sa  robe. 

Rober,  v.  act.  Habiller;  à  proprement  parler,  couvrir  de  la 
la  robe.  Rober  un  enfant. 

Rober  (se),  v.  pr.  S'habiller.  Robe-toi  vite. 

Roche,  n.  c.  f.  Fosse,  trou.  Mettre  un  chien  dans  une  roche. 

Rôder,  v.  n.  Voir  Rauder. 

Roibertaud,  n.  c.  m.  Roitelet. 

1.  RoUer,  v.  act.  Rouler,  retrousser.  Roller  un  lit. 

■-.'.   Roller,  V.  n.  Plier  sous  le  fais.  Voir  ArroUer. 

Rollet,  n.  c.  m.  Petit  rouleau.  Rollet  de  papier. 

Rolloir,  n.  c.  m.  Rouleau. 

Rollon,  n.  c.  m.  Degré  d'échelle.  Echelle  de  dis  relions. 

1.  Ronde,  n.  c.  f.  Sillon  arrondi.  Cette  ronde  est  ensemen- 
cée. —  Forme  arrondie.  Mettre  du  foin  en  ronde. 

'2.  Ronde,  n.  c.  f.  Ronce.  Je  crains  les  rondes. 


128  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Roquer,  v.  n.  Craquer  sous  la  dent.  Les  nois  roquent 
quand  on  les  mâche.  —  Ce  verbe  s'emploie  aussi  avec  faire,  il 
a  alors  un  sens  actif.  Faire  roquer  un  objet  dans  sa  bouche. 

Roquille,  n.  c  f.  Fruit  mal  venu  et  petit.  Je  vous  ai  acheté 
de  belles  pommes,  et  vous  ne  m'envoyez  que  des  roquilles! 

Rossée,  n.  c.  f.  Correction.  Recevoir  une  rossée. 

Rosser,  v.  act.  Voir  Drosser.  Brouter  entièrement  l'herbe 
des  prés.  Les  chevaus  rossent  rapidement  un  pré. 

Rouan,  n.  c.  m.  Lieu  préparé  pour  jouer  aus  boules. 

Rouavre,  n.  c.  m.  Plante  dépurative  qu'on  nomme  patience 
ou  parelle. 

Rouche,  n.  c.  f.  Iris  sauvage. 

Rouère,  n.  c   f.  Rigole  pleine  d'eau.  Boucher  les   rouères. 

Rouger,  v.  act.  Ronger.  Même  sens,  même  radical  que 
Drouger. 

Rouget,  n.  c.  m.  Os.  N'avoir  que  les  rougets  sous  la  peau. 

Rouilleau,  n.  c.  m.  État  de  celui  qui  a  lesyeus  fixes.  Avoir 
le  rouilleau. 

Rouiller,  v.  n.  Tourner,  rouler  (lesyeus).  Rouiller  des  yeus, 

Roumeler,  v.  n.  Ronfler  en  dormant.  Qui  roumelle  ici? 
—  Grommeler.  Qu'as-tu  donc  à  roumeler? 

Rousons,   n.   pr.  m.  pi.  Fêtes  des  Rogations. 

Rôvre,  adj.  des  deus  genres.  Raboteus,  -euse.  Route 
rôvre.  —  Au  figuré  dur,  scabreus,  difficile.  Homme  rôvre, 
caractère  rôvre. 

Ruages,  n.  c.  m.  pi.  Cours  non  renfermées  des  fermes. 
Les  ruages  sont  souvent  une  source  de  procès. 

Ruquer,  v.  n.  Roter. 

1.  Russe,  n.  c.  f.  Rouge-gorge,  oiseau. 

2.  Russe,  n.  c.  f .  Goutte  d'humeur  qui  peut  au  nez,  roupie. 
Mouchez-vous,  vous  avez  la  russe. 


S. 


Sabaron,  Sabiron,  n.  c.  m.  Chausson  de  cuir  ouvert  à 
l'extrémité  pour  laisser  passer  les  doigts  des  pieds. 

Saboureau,  n.  c.  m.  Grosse  boule  qui  sert  au  jeu  de  quilles. 
Le  saboureau  pèse  dans  la  main. 


niCTIONNAlRK    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  129 

1.  Saccage,  n.  c.  m.  Destruction.  La  gelée  a  fait  un  grand 
saccage  de  fruits. 

2.  Saccage,  n.  c.  m.  Grand  nombre.  A  la  dernière  foire,  il  y 
avait  un  saccage  de  gens. 

Sacquer,  v.  act.  Mettre  comme  dans  un  sac.  Sacquer  un 
objet  dans  un  endroit. 

Sacquer  (se),  v.  pr.  Se  cacher.  Se  sacquer  quelque  part. 

Sagaud,  n.  c.  m.  Omelette  avec  de  la  farine. 

Sagouiller,  v.  act.  Salir  avec  de  la  boue.  Fais  attention  de 
ne  pas  me  sagouiller. 

Sagouiller  (se),  v.  pr.  Se  salir.  Vous  n'aimez  pas  vous 
sagouiller,  et  vous  avez  raison. 

Saper,  v.  act.  Sucer  en  faisant  sonner  la  langue. 

Saidine,  n.  c   f.  Larve  déteigne. 

Sargail,  n.  c.  m.  Fille  volage  qui  se  tient  mal. 

Sargailler  (se),  v.  pr.  Se  mal  tenir,  mener  une  mauvaise 
vie.  Assez  sargaillê  maintenant,  soyez  sage. 

Sarpe,  n.  c.  f.  Serpe. 

Sarper,  v.  act.  Couper  avec  la  serpe.  Il  est  temps  de  sar- 
per  ce  buisson. 

Sarrailler,  v.  act.  Comprimer.  Sarrailler  un  paquet. 

Sarrailler  (se),  v.  pr.  Se  serrer  trop.  Pourquoi  vous  sar- 
railler tant? 

Sarrer,  v.  act.  Serrer.  Sarrer  la  gorge  à  quelqu'un. 

Sarrer  (se),  v.  pr.  Se  serrer.  Il  faut  se  sarrer  un  peu. 

Sau,  n.  cf.  Sel. 

Sauma,  n.  c   m.  Saumure. 

Savater,  v.  act.  Abîmer  (un  objet)  comme  si  on  le  froissait 
à  coups  de  savates.  Savater  l'herbe. 

Savater  (se),  v.  pr.  Se  froisser,  se  défraîchir.  Ce  drap  se 
savate  au  soleil. 

Sauze,  n.  c.  m.  Saule,  arbre. 

Sauzaic,  n.  c.  f.  Plantation  de  saules,  saussaie. 

L  Se,  pr.  pars.  Soi.  On  ne  vit  pas  uniquement  pour  se. 

2.  Se,  n.  c.  f.  Soif.  Mourir  de  se. 

Sec,  n.  c.  m.  Sécheresse.  Le  sec  est  grand. 

Sèche,  adj.  des  deus  genres.  Sec,  sèche.  Temps  sèche. 

Seillau,  n.  c.  m.  Seau.  Seillau  d'eau. 

1.  Seille,  n.  c.  f.  Comme  seiUau,  même  radical.  (Ces  deus 

FiEVL'Ii    nii    IMULOLOOIi;,    VII.  'J 


130  HEVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

mots  se  trouvent  dans  Rabelais  ;  scille  est  dans  Brantôme.) 

2.  Seille,  n.  e.  f.  Seigle.  Champ  de  seillc. 

Seillée,  n.  c.  f.  Plein  seau.  Seillée  d'eau. 

Seillon,  n.  c.  m.  Sillon. 

Sèr,  n.  c.  m.  Soir. 

Sercler,  v.  act.  Sarcler.  Synonyme  patois  clarcer.  Sorcier 
un  champ. 

Sereiner  (faire),  v.  act.  Exposer  au  serein.  Faire  sereiner 
l'herbe. 

Sereiner,  v.  n.  Être  au  serein.  Le  temps  sereinerace  soir. 

Série,  n.  c.  f.  Soirée.  Une  belle  série. 

Serpoulet,  n.  c.  m.  Serpolet.  (Rabelais.) 

Servir,  v.  n.  Etre  fécondé.  Ma  jument  a  servi.  Le  verbe 
s'emploie  aussi  avec  faire,  il  a  alors  un  sens  actif  :  Faire  ser- 
vir une  jument. 

Seur,  -e,  adj.  Sûr,  -e.  Ce  que  je  te  disestseur.  (Rabelais.) 

Sicot,  n.  c.  m.  Morceau  de  la  racine  d'un  arbre,  morceau 
de  bois  sec. 

Sicoter,  v.  act.  Chercher  avec  un  sicot.  H  y  a  un  lapin 
dans  cet  arbre,  sicotez-le. 

Sigouiller,  v.  act.  (s  très  dur).  Piquer.  A  force  de  me 
sigouiller  avec  son  bâton  il  a  fini  par  percer  mes  habits. 

Silement,  n.  c.  m.  Sifflement.  Sileraent  d'un  serpent. 

Siler,  v.  n.  Siffler.  Le  vent  sile,  un  serpent  sile. 

Sive,  n.  cf.  Ciboule,  échalote. 

Sivre,  v.  act.  Suivre.  Sivre  un  cheval  à  la  course. 

Soguer,  v.  n.  Attendre,  faire  le  pied  de  grue,  droguer.  Je 
t'attens  là,  ne  me  fais  pas  soguer. 

Solage,  n.  c.  m.  Qualité  du  sol.  Bon  solage,  mauvais  sc- 
iage. 

Soqucille,  Soquille,  n.  c.  1.  Corne  des  animaus  à  pieds 
fourchus. 

Soubre,  adj.  des  deus  genres.  En  dessous  terre,  souter- 
rain, -e.  Maison  soubre. 

Souiïrcter,  v.  n.  Souffrir.  Vivre  en  soullreuint. 

Souder,  v.  act.  Priver  d"humidité.  Souder  la  salade. 

Souille,  n.  c.  f.  Poche  dans  laquelle  on  renferme  le  linge 
fin  pour  le  mettre  à  la  lessive. 

Souleil,  n.  c.  m.  Soleil. 


niCTIONXAIRK    Dr    IWTOIS    B.VS-GATINAIS  1?A 

Souleiller  (fairoi,  v.  act.  exposer  au  soleil.  Faire  souleiller 
des  graines. 

Souleiller,  v.  n.  Mire  au  soleil.  Mou  linge  souleille. 

Soûlant,  -te,  adj.  Ennuyeus,  fatiguant,  importun.  Gens 
soûlants. 

1.  Soûlas,  n.  e.  m.  Grand  nombre.  Je  crois  qu'il  y  aura  à 
cette  foire  un  grand  soûlas  de  gens. 

2.  Soûlas,  n.  c.  m.  Soulagement.  Mon  gars  ne  me  donne 
pas  grand  soûlas. 

Sourdre,  v.  act.  Lover.  Sourdre  le  bras.  {Cent  Nouvelles 
Nourelles.) 

Sourdre  (se),  v.  pr.  Se  lever.  Sours-toi. 
Sourge,  adj.   des  deus  genres.  Souple,  agil(\  Un  homme 
sourge. 

Sourgir,  v.  act^Élever.  Sourgir  un  bâton.  Même  sens  que 
sourdre.  Sourgir  (se),  v.  pr.  Même  sens  et  même  radical. 

Soussayer,  v.  n.  Paraître  long.  Le  temps  me  soussaye. 

Soutre,  n.  c.  m.  Couche  de  fagots,  de  paille  pour  recevoir 
du  foin,  des  fruits,  etc..  Pourquoi  mettre  un  soutre  sous  ce 
pailler?  Pour  empêcher  la  paille  de  pourrir. 

Subler,  v.  u,  et  act.  Souiller.  Subler  dans  un  chalumeau, 
subler  un  air. 

Sublet,  n.  c.  m.  Sifllet.  (Rabelais.) 

Suc,  n.  c.  m.  Sureau,  arbre. 

Suçayer,  v.  n.  Donner  du  suc.  Une  mamelle  de  vache 
suçayc.  Le  sapin  suçaye  quand  on  le  coupe. 

Sumer,  v.  n.  Suinter,  remouiller,  perdre  son  liquide 
comme  une  mamelle  trop  pleine  de  lait. 

Super,  V.  act.  Sucer.  Super  une  orange. 

Surger,  v.  act.  Guetter.  Le  chat  surge  la  souris. 

Suser,  v.  act.  et  n.  Faire  reculer.  En  disant  aus  bœufs: 
Sus  !  sus  !  on  les  voit  marcher  en  arrière.  Onomatopée. 


Tablée,  n.  c.  f.  Pleine  table.  Tablée  de  personnes. 
Tabourner,  v.  n.  Tambouriner.  Pas  extension,  battre:  Ta- 
bourner  quelqu'un. 


132  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Taille,  n.  c.  f.  Bout,  fin.  Ne  pas  voir  la  taille  d'un  ouvrage. 

Taille  (à),  loc.  adv.'  A  tâche.  Prendre  un  ouvrage  à  taille. 

Taiser,  v.  act.  Taire.  Veus-tu  taiser  cela? 

Taiser  (se),  v.  pr.  Se  taire.  Je  t'engage  à  te  taiser. 

Talbot,  n.  c.  m.  Bâton  qu'on  attache  au  cou  des  animaus 
pour  les  empêcher  de  courir. 

Talboter,  v.  act.  Charger  du  talbot.  Talboter  un  chien. 

Taie,  n.  c.  t.  Feuille.  Taie  de  chou. 

Tambouriner,  v.  act.  Battre.  Extension  du  français.  — 
Tambouriner  quelqu'un. 

Tamiser,  v.  unip.  Se  dit  d'une  fine  pluie  qui  tombe,  à  pro- 
prement parler,  fine  comme  si  ell(>  était  passée  au  tamis.  Une 
pluie  qui  tamise  enfont  encore  vite. 

Tantare^  n.  c.  f.  Musique.  Aimer  la  tantare. 

Tapon,  n.  c.  m.  Bouchon. 

Taponner,  v.  act.  Boucher.  Taponner  une  bouteifie. 

Tardajouc,  n.  c.  m.  Paresseus. 

Tatouille,  n.  c.  f.  Correction.  Recevoir  une  tatouille. 

Taupou,  n.  c.  m.  Taupier. 

Taureau,  adj.  féininin.  En  rut,  ne  s'applique  qu'ans  vaches. 

Tè,  pr.  pers.  Toi.  C'est  pas  mè,  c'est  tè. 

Tèbla,  n.  c.  m.  Tuileau. 

Tèble,  n.  c.  f.  Tuile. 

Tèblerie,  n.  c.  f.  Tuilerie. 

Télé,  n.  c.  f.  Toile.  Acheter  de  la  têle. 

Teigne,  n.  c.  f.  Cuscute.  11  y  a  de  la  teigne  dans  ce  champ 
de  luzerne. 

Tenailler,  n.  c.  m.  Échelle  horizontale  servant  à  mettre  le 
pain. 

Tenaud,  n.  c.  m.  Nigaud.  Grand  tenaud. 

Tergeasse,  n.  c.  f.  Pie  grièche. 

Terjeter,  v.  act.  Remuer  (la  terre,  par  ext.  autre  chose.) 
Terjeter  du  fumier,  de  la  terre. 

Terquegner,  v.  n.  Trépigner.  Terquegner  à  l'annonce  d'un 
fait. 

Terrager,  v.  n.  Prendre  les  produits  de  la  terre  Terrager  à 
tour  de  rôle. 

Terrière,  n.  c.  f.  Tarière. 

Tet,  n.  c.  m.  Toit. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  133 

Téter,  v.  n.  Grossir  de  la  tête.  Nos  oignons  tètent  fort. 

Tétereau,  n.  c.  m.  Biberon. 

Téteron,  n.  c.  m.  Cochon  de  lait. 

Tetet,  n.  c.  f.  Sein. 

Tétou,  pr.  pers.  Toi  anssi. 

Tétreau,  n.  c  m.  Cognée. 

Tiaiia,  n.  c.  m.  Espèce  de  grive. 

Tie,  n.  c.  f.  Petit  chapiteau  de  métal  qu'on  attache  à 
l'extrémité  supérieure  d'un  fuseau  pour  le  faire  tourner  dans 
la  main. 

Tiédezir,  v.  n  Tiédir.  L'eau  tiédezit. 

Tigée,  n.  c.  f.  Race.  Cet  homme  a  une  belle  tigée. 

Tilli.n.  c.  m.  Plafond  de  planches. 

Tillol,  n.  c.  m.  Tilleul,  arbre.  Un  joli  tillol. 

Timbre,  n.  c.  m.  Cuvicr  en  pierre. 

Tio  (tiol  devant  voyelle),  tielle,  pr.  démonstr.  Celui,  celle. 
Tio  gars.  Tiol  enfant,  tielle  femme. 

Tion,  n.  c.  m.  Taon. 

Tiraille,  n.  c.  f.  Viande  de  mauvaise  qualité. 

Tiraliro,  n.  c.  f.  Grand  nombre.  J'ai  vu  passer  ce  matin 
une  tii'alire  de  voitures. 

Tirée,  n.  c.  f.  Ce  que  donne  la  vache  ou  l'animal  qu'on 
trait. 

Tirer,  v.  act.  Traire.  Tirer  une  vache. 

Tirer,  v.  n.  Prendre  de  la  peine.  Quel  avare  !  il  faut  joli- 
ment tirer  pour  avoir  un  sou. 

Tirette,  n.  c.  f.  Tiroir.  Fermez  la  tirette. 

Tirondaine,  n.  c.  f.  Liasse  d'objets  attachés  en  forme  de 
rond. 

Tonner,  v.  act.  et  n.  Peler.  Tonner  un  arbre.  Les  arbres 
tonnent  facilement  au  printemps. 

Torser,  v.  act.  et  n.  Tordre.  Torser  du  bois. 

Toucher,  v.  act.  Conduire  devant  soi.  Toucher  des  bœufs. 

Tourte,  n.  c.  f.  Gâteau  contenant  do  la  viande  et  des  œufs. 

Traie,  n.  c.  f.  Sorte  de  grive. 

Traine,  u.c.  f.  Traîneau.  (Rabelais.) 

Traineau,  n.  c  m.  Femme  sale.  Mieus  vaut  ne  jamais  se 
marier  que  se  marier  avec  un  traineau. 

Trainer,  v.  act.  Salir.  'l'raincr  ses  bardes. 


134  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Trainer  (se),  v.  pr.  Se  salir.  Vous  vous  trainez  beaucoup. 

Trâlêe,  n.  c.  f.  Grand  nombre,  (juantitè.  Cette  année,  il)'  a 
une  trâlée  de  fruits  sous  les  arbres. 

Tranche,  n.  c.  f.  Pioche  à  large  bec  qui  sert  à  trancher  les 
racines. 

Traquet,  n.  c.  ni.  Sorte  de  petit  moulin  qui  sert  par  son 
bruit  à  épouvanter  les  oiseaus. 

Travaillant,  -ante,  adj.  etn.  Homme  laborieus,  femme  la- 
borieuse. Ces  gens  sont  travaillants.  Gager  de  bons  tra- 
vaillants. 

Trè,  n.  c  m.  Terrier  Monter  sur  le  trè. 

Trelusant,  -e,  ou  Tcrlusant,  -e,  adj.  Brillant,  reluisant. 
Vo)'ez  comme  cette  batterie  de  cuisine  est  treluisante! 

Treluser,  terluser,  v.  n.  Reluire,  briller.  Que  vois-je  ter- 
luser  là-bas  ? 

Trempage,  n.  c.  m.  Potage,  soupe,  pain  émié  dans  du  vin, 
du  lat. 

Trempine,  n.  c.  f.  Pain  émié  dans  du  vin.  Faites-moi 
manger  une  trempine. 

Trenège,  adj.  des  deus  genres.  Sale,  sans  éclat.  Vous 
avez  la  peau  renège,  lavez-vous. 

Tréper,  v.  n.  Trépigner.  La  colère  les  faisait  trépor. 

Trepette,  n.  c.  f.  Petit  trépied. 

Tretous,  tretoutes,  adj.  Tous,  toutes.  Nos  invités  son  tre- 
tous  venus. 

Treuver,  v.  act.  Trouver.  Trouver  un  objet. 

Tribouiller,  v.  act.  l"  Troubler.  Votre  ingratitude  me  tri- 
bouille  le  cœur.  2"  Tribouiller  signifie  aussi  agiter  de  manière 
à  troubler  une  substance  :  Tribouiller  l'eau. 

Tricoler,  v.  n.  Marcher  en  chancelant.  Un  ivrogne  a  de  la 
pejne  à  faire  un  pas  sans  tricoler. 

Tricot,  n.  c.  m.  Tige.  Le  tricot  d'une  plante. 

Trifler  (se),  v.  pr.  S'habiller.  Gens  bien  trilles.  Vous  vous 
triflez  mal. 

Trilouillage,  n.  c.  m.  Gâchis,  projet  ridicule.  Quel  tri- 
fouillage  dans  cette  chambre!  Quel  trilouillage  méditez-vous? 

Triures,  n.  c.  f.  pi.  Résidu  de  ce  qui  a  été  trié. 

Tronfle,  n   c.  m.  Trèfle,  plante. 

Trougne,  n.c.  m.  Troène,  arbre. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DAS-GATINAIS  135 

Trougnon,  n.  c.  m.  Trognon.  Trougnon  de  cliou. 

Trouil,  n.  c  m.  1"  Treuil;  2"  Dévidoir. 

Trouiller,  v.  act.  et  n.  Enrouler  sur  le  trouil.  Trouillor  du 
fil  est  peu  distrayant. 

Truon,  n.  c.  m.  Sorte  d'outil  qui  diffère  de  la  fourclio  en 
cela  que  les  deus  dents  sont  recourbées. 

Tiutei-,  V.  act.  Boire  avec  une  paille,  un  dialumeau.  Truler 
du  lait. 

Trutet,  n.  c.  m.  Petit  tuyau. 

Turc,  n.  c.  m.  Larve  du  hanneton. 


U 

Umeau,  n.  c.  m.  Ormeau,  arbre.  (Dans  Rabelais  on  trouve 
ulnieau.) 

1.  Usager,  n.   c.  m.  Ce  que   l'usage  prescrit  de  donner. 
D'après  l'usager,  j'ai  droit  à  cent  livres  de  foin. 

2.  Usager,  adj.  masc.  De  coutume.  Il  est  usager  que  mes 
fermiers  rae  donnent  un  chapon. 

Usse,  n.  c.  f.  Sourcil. 


V 


Va-devant,  n.  c.  m.  Celui  qui  dans  les  métairies  dirige  les 
travailleurs. 

Vacablc,  adj.  des  deus  geni'cs.  Propr<;  à.  Cet  homme  est 
vacable  à  tout  fairi'. 

Vaisselier,  n.  c.  m.  Meuble  desliné  à  contenir  la  ^'aisselle. 

Varain,  -e,  adj.  Étiolé,  -ée.  Plantes  varaines. 

Varainer,  v,  n.  Etioler.  Si  vous  exposez  ces  fleurs  au  soleil 
il  est  certain  qu'elles  varaincn-ont. 

Vef ,  vève,  n.  c.  et  adj.  Veuf,  veuve.  (Rabelais.) 

Veigne,  n.  c.  f.  Vigne.  Fruits  ila  la  veigne. 

1.  Veille,  n.  c.  f.  et  adj.  f(''m.  \'ii'ille.  Vieille  femme.  Cette 
veille  passe  pour  sorcière. 

2.  Veille,  n.  c.  f.  Petit  tas  de  foin.  On  met  le  foin  en  veille 
pour  que  les  intempéries  des  temps  ne  l'endommagent  pas. 


13G  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Veillotte,  n.  c.  f.  Diminutif  du  précédent. 

Vêle,  n.  c.  f.  Génisse,  féminin  de  veau. 

Vener,  v.  act.  Fatiguer  à  l'excès.  Veoer  un  lièvre,  un 
cheval. 

Ventrée,  n.  c.  f.  Plein  ventre.  J'ai  pris  une  ventrée  de  lai- 
tage. Le  mot  français  ventrée  n'a  pas  cette  acception. 

Verdelle,  vredelle,  n.  c.  f.  Menues  baguettes  de  .bois  des- 
tinées à  faire  des  paniers,  des  clayonnages,  scions. 

Verdon,  n.  c.  m.  Vairon. 

Verasse,  vrasse,  n.  c.  f.  Mauvais  lit^  mauvaise  couche. 
Dormir  dans  une  vrasse. 

Verasser  (se),  v.  pr.  Se  rouler  sur  une  verasse  et  par  ex- 
tension ailleurs.  Se  verasser  par  terre. 

Verger,  v.  n.  Cogner,  frapper.  Verge  plus  fort,  si  tu  veus 
fendre  cette  bûche. 

Vergnasse,  n.  c.  f.  Aunaio,  lieu  planté  de  vergues. 

Vergueiller,  v.  n.  Osciller.  Cet  homme  est  ivre,  voyez 
comme  il  vergueille. 

Verimer,  v.  n.  Envenimer.  Ma  blessure  verime. 

Verimeus,  -se,  adj.  Venimeus.  Morsure  verimeuse. 

Vérin,  n.  c.  m.  Pus,  venin. 

Vérir,  v.  n.  Être  attaqué  par  les  vers.  Ce  fruit  vérit  déjà. 

Vernusser,  vrenusser,  v.  n.  S'occuper  à  des  riens.  Faisons 
en  sorte  de  ne  jamais  vernusser. 

V^ernusson,  n.  c.  m.  Tatillon. 

Verrouil,  n.  c.  m.  Verrou. 

Versenne  ou  vercenne,  n.  c.  f.  Endroit  ou  les  bœufs  tour- 
nent à  la  fin  d'un  sillon  pour  en  commencer  un  autre.  La 
versenne  se  laboure  après  coup,  elle  est  perpendiculaire  au 
premier  labourage,  et  forme  comme  un  cercle  autour  de  ce 
labourage. 

Vortir,  vretir,  v.  act.  et  n.  1°  Entretenir,  fournir.  Vertir 
quelqu'un  d'argent.  2°  Suffire.  Ne  pouvoir  vertir  à  faire  un 
ouvrage. 

Vesicler,  v.  n.  (s  dur).  Ne  rien  faire  de  bon.  Tu  vesieles 
toujours. 

Vesiclou,  n.  c.  m.  Homme  mou  qui  ne  fait  rien  de  bon. 

Vesonner,  v.  n.  (s  dur).  Résonner.  J'entends  vesonncr 
une  mouche. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    BAS-GATINAIS  137 

Vêtimcnl,  n.  c.  m.  Les  hubilloinents.  Montrez  votre  véti- 
ment. 

Vezague,  n.  c.  f.  Chose  sans  consistance.  Vous  êtes  mou 
comme  delà  vezague.  Par  ext.  mauvais  travail  :  Ce  que  vous 
faites  n'est  que  de  la  vezague. 

Vèze,  n.  c  f.  Sorte  de  cornemuse. 

Viuette,  n.  c.  f.  Oseille.  Soupe  à  la  vinette. 

Vire,  n.  c.  f.  Tourne,  atout.  Avez-vous  la  vire  dans  votre 
jeu?  Montrez-la. 

Virer,  v.  act.  et  n.  Tourner.  Virer  la  main.  Le  moulin 
vire  fort. 

Vire-main,  n.  c.  m.  Court  espace  de  temps,  le  temps  do 
virer  la  main.  Pars  et  reviens  dans  un  vire-main. 

Vironner,  v.  act.  et  n.  Enrouler  autour,  tourner.  Vironne 
cette  corde  autour  de  ton  bras,  vironner  la  tête. 

Vitrail,  n.  c.  m.  Une  vitre,  un  carreau.  J'ai  cassé  un 
vitrail.  Ne  pas  confondre  avec  le  français  vitrail  qui  s'ap- 
plique à  de  grands  panneaus  de  verres  qui  forment  les  croi- 
sées des  églises. 

Vivature,  n.  c.  f.  Pitance,  nourriture.  Être  fort  pour  la  viva- 
ture. 

Vollet,  n.  c.  m.  Nénuphar. 

Vollon,  n.  c.  m.  Sorte  de  serpe. 

Vonté,  adv.  Peut-être.  J'irai  vonté  bien  à  la  foire. 

Voure,  adv.  Où.  Voure  est-il. . 

Voustou,  pr.  pers.  Vous  aussi.  Vous  m'ennuyez,  voustou. 

Vreille,  n.  c.  f.  Vrille. 

Vreiller,  v.  act.  eL  n.  S'entortiller,  tortiller.  La  corde 
vreille  dans  l'eau.  Vreiller  du  fil. 

Vreillonner,  v.  n.  Même  sens  que  vreiller,  même  radical. 
(Se  trouve  dans  Rabelais.) 

Vrelope,  n.  c.  f.  Varlope. 

Varloper,  v.  act.  Vurloper.  Vrelopper  une  planche. 

Vrillée,  n.  c.  f.  Liseron,  renouée. 


Zire,  n.  c.  f.  Répugnance.  Avoir  /Avn  da  qui'l(|u"ui). 
Zireus,  Zireuse,  adj.  Qui  a  de  la  répugnance,  dégoûté.  Tu 
parais  bien  zireus. 


COMPTE  RENDU 


Clair  Tisseur.  —  Modestes  Observations  sur  l'art  de  ver- 
sifier.—  Lyon,  Bernoux  et  Cumin,  in-8«. 

L'important  ouvrage  de  M.  Clair  Tisseur  étonnera  peut- 
être  quelques  lecteurs,  peu  habitués  à  trouver,  sur  un  sujet 
grave,  des  livres  aussi  plaisants,  ou,  tout  au  moins,  aussi 
aimables.  Il  semble  qu'en  écrivant  ces  savantes,  fines,  pro- 
fondes et  trop  «  modestes  »  pages.  Fauteur  ait  eu  constam- 
ment en  mémoire  les  statuts  de  certaine  Académie  l5^onnaise 

—  qu'il  connaît  bien  —  oîi  «  les  travaus  exclusivement 
graves  ne  font  pas  titre  »  :  on  y  stipule  au  contraire  «  que 
les  dicts  travaus  auront  expressément  le  caractère  populaire 
et  seront  propres  à  chatouiller  la  rate,  pour  autant  que  le 
rire  est  ce  qui  faict  le  plus  de  plaisir  et  ce  qui  couste  le 
moins  ».  —  Ceci  soit- dit,  tout  d'abord,  pour  les  gens  nourris, 
comme  dit  l'auteur,  «  de  Quitard  et  de  Landais  »  —  mettons 
même  de  Tobler  ou  de  Lubarsch,  —  pour  tous  cens  qui  ont 
l'érudition  grave  ou  pédantesque,  le  savoir  solennel  et 
gourmé.  Ce  n'est  pas  ici  leur  fait.  Ceci  est  un  livre  savant, 
mais  un  livre  de  bonne  humeur. 

C'est  aussi  un  livre  révolutionnaire,  et  un  livre  neuf. 

Il  est  neuf  parce  qu'il  vise  franchement  à  être  un  manuel 
de  l'art  de  versifier,  plutôt  encore  qu'une  étude  historique  et 
théorique  sur  la  versification.  L'auteur  pense  nous  apprendre, 
en  bon  Lyonnais,  la  canuserie  des  vers  (p.  28).  Il  y  a,  dit-il, 
en  poésie,  comme  en  toute  espèce  d'art,  des  ((  procédés,  des 
tours  de  main  qui  se  peuvent  acquérir.  De  même  en  musique 
il  y  a  un  doigté,  un  travail  harmonique  qui  s'étudie  et  s'as- 
simile. Cela  ne  vous  inspire  pas  de  la  belle  musique,  mais 
si  vous  trouvez  naturellement  la  "mélodie,  cela  vous  met  aus 
termes  de  la  transcrire  sans  fautes  contre  les  lois  ».  (P.  329.) 

—  Or  ceci  (à  l'exception  du  petit  livre,  si  fantaisiste,  de 
Banville)  n'avait  jamais  été  fait,  à  notre  connaissance,  par 
un  poète  doublé  d'un  érudit.  Le  livre  de  .M.  T.  comble  donc, 
de  ce  côté;  une  réelle  lacune. 


COMPTE    KENDl'  139 

J'ajoute  que,  pour  un  Traité  de  versification,  il  est  révolu- 
tionnaire, en  ce  qu'il  fait  appel  loyalement,  contre  la  routine, 
au  bon  sens  et  à  la  logique. 

M.  T,  pense,  avec  beaucoup  de  raison,  que  notre  versifica- 
tion —  affranchie,  en  apparence,  par  le  romantisme  —  n'a 
jamais  été  plus  esclave,  plus  victime  des  théoriciens,  plus 
incapable  de  s'accommoder  d'un  renouvellement,  si  dési- 
rable pourtant,  du  fonds  poétique.  La  poésie  française  se 
meurt  de  langueur,  sous  les  «  bandages  silicates  »  dont  des 
praticiens  ignorants  ont  enveloppé  ses  membres  délicats. 
Force  est  donc,  pour  apprendre  le  métier  de  poète,  de  passer 
au  crible  tous  les  préceptes  qui  tuent  la  poésie  sous  couleur 
de  la  sauvegarder. 

M.  T.  se  rappèle-t-il  l'étrange  passage  de  la  Préface 
sur  la  Franciade,  où  Ronsard,  cherchant  à  légitimer  ses 
rejets,  s'exprime  comme  suit  :  «J'ay  esté  d'opinion  en  ma 
jeunesse  que  les  vers  qui  enjambent  l'un  sur  l'autre  n'estoient 
pas  bons  en  nostre  poésie  :  toutefois  j'ay  cognu  depuis  le  con- 
traire par  la  lecture  des  autheurs  grecs  et  romains,  comme  : 

Lacinaquc  ccnlt 
Liltora.  » 

Et  de  même,  si  on  lui  reproche  ses  hiatus,  ne  peut-il  pas 
alléguer  l'exemple  de  Virgile  et  des  Latins,  lesquels  disaient 
suh  Ilio  alto,  loni'o  in  mar/no?  —  Voilà  exactementla  mesure 
du  sens  critique  dont  ont  fait  preuve  les  auteurs  de  notre 
système  de  versification,  depuis  la  Renaissance.  Et  c'est  ce 
que  M.  T.  démontre  amplement,  avec  infiniment  de  vigueur 
et  de  netteté  —  quoique  d'une  plume  un  peu  trop  discursive 
—  dans  les  300  pages  de  cet  aimable  et  savant  livre,  qui  fera 
époque,  espérons-le,  dans  l'histoire  de  notre  versification. 

Posons  d'abord  le  principe  du  vers  français. 

C'est,  dit  la  tradition,  le  syllabisme  orthographique.  — 
C'est,  disons-nous  avec  M.  T.,  le  ri/lJime,  c'est-à-dire  uno 
sorte  de  cadence  ou  de  «  mesure,  en  vertu  de  laquelle  cer- 
tains sons  \  revenant  à  de  certains  intervalles  réguliers  (ou 

1.  La  (Icfiniiion  pn-tc  peut-être  k  qucliiuc  iiiceitiliuie  :  ce  ne  sont 
pas  les  sona  qui  reviennent  à  intervalles  réguliers  ;  il  n'y  a  pas 
nécessairement  hoinophonic.  mais  sculcmcMit  retour  régulier  de  cer- 
tains tcnijis  ou  accents. 


140  REVUE    DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

môme  irrêguliers),  font  plaisir  à  l'oreille  »  (p.  5).  —  «  Le 
rythme  est  l'unique  harmonie  du  vers  »  (p.  152).  —  Il  re- 
pose essentiellement  sur  raccent,  et  sur  l'accent  proprement 
rythmique  (différent  de  l'accent  tonique  et  de  l'accent  ora- 
toire). Nous  appelons,  d'un  nom  tout  lyonnais,  lève  et  baisse 
la  Hebung  et  la  Senkung  des  Allemands,  Varsis  et  la  thesis 
des  anciens  (p.  7).  —  Nous  admettons  qu'il  n'y  a  pas  en 
français  de  «  pied  »,  brèves  et  longues  s'équivalant  dans  nos 
vers,  et  nous  proposons  de  supprimer  définitivement  une 
appellation  qui  n'a,  chez  nous,  aucune  raison  d'être.  — Bref, 
le  fondement  de  la  versification,  c'est  le  rythme,  c'est-à-dire 
le  plaisir  de  l'oreille,  règle  unique  à  laquelle  doivent  être 
subordonnés  tous  autres  principes. 

Rien  de  plus  juste,  mais  rien  aussi  de  plus  hérétique. 

N'est-ce  pas  Banville  qui  proclamait  encore  que  «  la  rime, 
est  tout  le  vers  »,  et  la  rime,  telle  que  Ventendait  Banville, 
n'est-ce  pas  surtout  l'accord  des  mots  pour  les  t/eus,  la  rime 
du  Parnasse,  qui  triomphe  encore  dans  le  chef-d'œuvre  der- 
nier de  notre  poésie,  dans  les  Trophées  de  M  de  Hérédia 
(1893)?  —  Je  ne  dis  rien,  pourl'instant  de  la  césure  considérée 
comme  pansé,  de  l'hiatus,  de  l'alternance  des  rimes  et  autres 
chinoiseries  traditionnelles,  qui  toutes  n'ont  rien  à  voir  avec 
ce  principe  souverain  du  vers,  le  plaisir  de  l'oreille. 

La  poésie  étant  une  musique,  ne  faudrait-il  pas,  chaque 
fois  qu'on  en  étudie  la  langue,  commencer  par  établir  les 
origines  et  la  nature  du  rythme?  Ceci  est  affaire  de  psycho- 
logie et  de  physiologie.  On  s'en  dispense  donc,  mais  à  tort. 
Car  rien  ne  prouverait  plus  éloquemment  à  quel  point  le 
rythme  est  la  loi  essentielle  de  toute  émotion  humaine. 
Tyndall  et  Spencer,  Gurney  et  Guyau  ont  tenté  la  démons- 
tration. M.  T.  ne  l'a  pas  reprise  pour  son  compte.  C'est  à  mon 
sens  la  plus  grave  lacune  de  son  livre.  Il  eût  fallu  rappeler 
au  moins  :  1°  que  toute  émotion,  à  moins  d'être  excessive, 
prent  naturellement  la  forme  rythmique:  dans  l'impatience 
ou  dans  l'inquiétude,  notre  jambe  remue  ou  oscille  en  cadence, 
dans  la  souffrance  physique,  le  corps  se  balance  d'avant  en 
arrière  ;  dans  la  joie,  nous  sautons,  nous  dansons;  la  parole, 
chez  l'orateur  ému,   se  rythme  malgré  lui,  etc.  '  ;  2"  que, 

1.  Cf.  Ouyau,  Problèmes  d'c.<thétiquc  contemporaine,  p.  176  et  suiv. 


coMPTK  ri:ndl'  141 

par  une  sympathie  toute  nerveuse, celte  excitation  rytlmiique 
se  transmet,  et  que  le  rythme  du  vers  est  semblable  à  un 
battement  de  cœur  devenu  sensible  à  l'oreille,  qui  tendrait  à 
faire  battre  d'autres  cœurs  à  l'unisson  ;  3°  que  le  vers  est  un 
moyen  de  concentrer  rêniotion,  en  économisant  l'attention  et 
l'effort  intellectuel.  —  De  même  qu'en  inusi([ue  oneoninioncc 
par  définir  nettement  la  hauteur,  \o  timbre,  Tintensité  du 
son,  de  même  n'y  aur;iit-il  \ràs  lieu  de  l'aire  appel,  au  délnit 
d'un  livre  sur  le  vers,  à  quelques  principes  physiologiques 
essentiels  et  aussi  à  quelques  principes  purement  musicaus? 
Point  de  poésie  sans  musiciue. 

Si  le  vers  est  pour  l'oreille,  non  pour  les  yeus,  il  suit  de 
là  que  le  rythme  lui-même  repose  sur  la  prononciation.  Mais 
quelle?  —  M.  T.  se  heurte  ici  à  l'opinion  de  M.  Psicluui  qui, 
partant  du  même  principe.,  en  tire  cette  conséquence  impor- 
tante :  suivant  M.  I^sichari,  Ve  muet  ne  se  prononçant  pas 
en  français  ne  doit  donc  pas  compter  dans  le  vers  :  d'où  suit 
que  le  vers  de  V.  Ilugo:  Ma  fille,  va  prier,  vois,  la  nuit  est 
venue,  est  en  réalité  un  vers  de  dis  syllabes,  à  scander  ainsi  : 
MaJilU ,  va  prier,  vois,  la  nuit  est  v^nu'  (p.  28).  M.  T.  s'insurge 
contre  cette  scansion,  et  consent  à  sacrifier  seulement  l'e  atone 
à  la  césure,  mais  non  les  e  atones  à  l'intérieur  de  l'hémistiche: 
((  ceus-ci,  la  vois  ne  les  laisse  tomber  que  par  une  pronon- 
ciation prosaïque  affectée  »  (p.  50).  J'en  doute  un  peu,  à  vrai 
dire,  et  crois  qu'à  tort  ou  à  raison  —  et  certainement  à  tort, 
je  le  confesse  —  nous  laissons  bel  et  bien  tomber  l'e  atone 
sinon  dans  venue,  du  moins  dans  Jille^;  quoi  qu'en  dise 
M.  T.  (p.  50),  je  suis  en  tout  cas  tenté  d'approuver  ce  vers 
de  M.  Moréas  : 

Kt  les  deus  mots  dont  ell'  sut  nie  parler, 

le  trouvant  très  conforme  à  notre  prononciation  actuelle.  Mais 
c'est  une  question  de  fait.  Si  on  la  soulève  ici  en  passant,  c'est 
pour  faire  toucher  du  doigt  le  point  délicat  de  la  théorie  de 

1.  Le  tort  de  .M.  l^siehari  est  évidemment  ici  de  jj'énéraliscr  trop 
vite.  L'e  atone  final  dans  les  terminaisons  féniiuines  tombe  ou  ne  tomlic 
pas  suivant  le  groupe  de  consonnes  (jui  le  précède  ou  le  suii.  i*our 
/ille  nolanunent,  l'e  mui;l  serait  préservé  par  Ifs  II  miniillccs  —  si  on 
l<?s  prononçait. 


142  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

M.  T.  Cl  rineonvciiient  —  inévitable  d'ailleurs  —  de  la  substi- 
tution du  rythme  au  pur  syllabismc.  Avec  lesyllabisnie  littéral 
ou  orthographique,  rien  de  plus  aisé  que  de  se  i'cndre  compte 
de  la  ((  correction  »  d'un  vers.  Il  n'en  va  plus  de  même  si  l'on 
s'en  rapporte  (comme  dans  la  poésie  populaire)  à  l'oreille 
toute  seule.  D'où  la  théorie,  en  apparence  aventureuse,  de 
M.  Psichari.  mais  qui  au  fond  ne  diffère  pas  sensiblement 
de  celle  de  M.  T. —  et  ce  n'est  pas  un  reproche  qu'on,  lui  fait. 
Il  faut  ici,  choisir  entre  la  poésie  pour  l'œil  et  la  poésie  pour 
l'oreille.  Cela  fait,  il  faudra,  si  celle-ci  triomphe,  s'attendre  à 
plus  d'une  chicane  de  détail.  Mais  qu'importe? 

Il  faudra  compter  aussi  sans  doute  un  peu  plus  que  ne  le 
fait  M.  T.  avec  l'accent  oratoire,  élément  perturbateur  par 
excellence  et  susceptible  de  changer  du  tout  au  tout  l'allure 
du  vers  \  En  un  mot,  le  nouveau  régime  serait  un  régime 
d'autonomie  et  de  liberté.  Quel  mal? 

Faut-il  aller  jusqu'à  admettre  avec  M.  Dumur,  cité  par 
M.  T.  (p.  33),  des  vers  dont  la  cadence  reposerait  uniquement 
sur  le  nombre  des  lèves  et  non  plus  sur  le  nombre  des  syllabes, 
c'est-à-dire  des  vers  français  sur  le  type  germanique? 
Exemple  : 

Puissante,  magnif/que,  ilh/stre,  grave,  noble  Renie, 
O  Tsaritza  de  glaces  et  de  fastes  !  Souveraine, 
Matrone  hiératrque  et  solennelle  et  vénérée. 

Outre  que  ce  type  semble  bien  difficile  à  manier  (et  les  vers 
de  M.  Dumur  ne  paraissent  pas  faits  pour  nous  démentir), 
nous  avons  peine  à  admettre,  quoi  qu'en  dise  M.  T.,  que  ce 
soient  là  des  vers  français  :  jusqu'à  nouvel  ordre,  la  preuve 
n'est  pas  faite. 

1.  Je  sais  bien  que  scander  un  vers,  ou  le  réciter,  cela  fait  deus.  11 
n'en  est  pas  moins  vrai  que  dans  la  pratique,  la  déclamation  dérange 
souvent  la  coupe  du  vers.  Tel  acteur  met  dans  le  premier  vers 
d'A  thalie,  un  fort  accent  oratoire  sur  l'o  d'adorer  : 

Oui,  je  viens  dans  son  temple  adorer  l'Eternel. 

Malgré  cela,  ou  même  parce  qu'il  en  est  ainsi,  on  peut  poser  en 
principe  avec  M.  T.  (p.  7)  que  «  dans  tout  vers  bien  tait,  chaque 
accent  oratoire  doit  se  confondre  avec  un  accent  rythmique  ». 


nOMPTF.    RENDIT  143 

Mais  ceci  est  un  détail,  et  nous  aimons  niieus  signaler, 
avec  M.  T.,  le  caractère  essentiellement  ascendant  du  rythme 
en  français.  Ceci  revient  à  dire  que  le  vers  est  essentiellement 
ïambique,  ou  anapestique.  Il  n'y  a  guère  de  vers  (|ui  ne  se 
décompose  en  ïambes  et  en  anapestes.  Ainsi  : 

Que  de  soins  |  meut  coûtés  ||  cette  të  |  té  charmante! 
Mïnôs  I  juge  aux  |  enfers  1|  tous  lés  pâ  |  lés  humains. 

Au  contraire,  rintroduetion  du  trochée  dans  le  vers  le 
désarticule,  et  le  rythme,  suivant  l'expression  de  M.  T., 
«  se  casse  le  nez  ».  (P.  9.) 

Soit  ce  vers  de  P.  Verlaine  : 

et  leur  crï  |  râuqué  |    grm  |  ce  a  travers  |  lés  espaces. 

Quoi  de  plus  chaotique,  et,  sau[  le  cas  d'un  effet  cherché, 
quoi  de  plus  pénible'?  11  faut  savoir  un  gré  tout  particulier  à 
M.  T.  d'avoir  mis  nettement  en  lumière  le  caractère  ascen- 
dant du  rythme  qui  résulte  de  la  richesse  du  français  en 
oxytons. 

Après  avoir  posé  les  principes  généraus  du  rythme  (p.  1-38), 
M.  T.  consacre  la  deusième  partie  de  son  livre  à  l'étude 
détaillée  des  différents  mètres  (p.  38-lo2),  tant  élémentaires 
(octosyllabe,  décasyllabe,  dodécasyllabe)  que  composés  ou 
dérivés  (à  savoir  tous  les  vers  autres  que  ceus-ci,  de  une  à 
seize  syllabes). 

A  propos  de  chaque  mètre,  l'auteur  fait  un  historique 
sommaire  et  précis.  11  lui  arrive  (p.  41)  de  donner  par  erreur 
la  Maceite  de  Régnier  pour  un  poème  en  octosyllabes. 

Il  n'est  pas  tout  à  fait  exact  non  plus  (p.  73)  que  Ronsard 
ait  cru  «  que  le  décasyllabe  seul  convenait  à  l'épopée,  »  et 
qu'il  ait  écrit  Za  Fraticiade  en  décasyllabes,  en  vertu  d'une 
conviction  arrêtée.  Si  on  croit  ses  biographes,  Ronsard,  qui 
avait  remis  en  honneur  le  vers  héroïque,  ne  se  serait  décidé 
à  employer  ici  le  décasyllabe  qu'à  son  corps  défendant  et 
sur  la  prière  de  Charles  IX  (qui,  comme  on  sait,  lut  et  annota 

1.  I.a  diirotédii  vers  ne  ti(MU-clle  pas.  d'ailleurs,  à  la  n'p(''liiion  des 
/•,  aiiiaiit  qu";i  la  coupe  if 


144  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

les  quatre  premiers  chants).  S'il  s'arrêta  au  quatrième  chant, 
c'est  en  grande  partie  parce  qu'il  s'aperçut  qu'il  avait  fait 
fausse  route  dans  le  chois  du  mètre. 

M.  T.  signale  avec  toute  la  délicatesse  d'un  vrai  poète  les 
divers  emplois  possibles  des  mètres,  suivant  la  nature  des 
sentiments  à  rendre.  Il  cherche  à  déterminer,  pour  chaque 
thème,  l'instrument  particulier  qui  lui  convient.  Toute  cette 
partie  do  son  étude  est  neuve  et  juste.  Je  me  permès  de 
trouver  seulement  que  l'auteur  a  été  un  peu  sévère  pour  le 
décasyllabe  césure  à  cinq  (5-[-5),  celui-là  même  que  Bonaven- 
ture  Despériers  appelait  si  dédaigneusement  le  Taraiantara. 
M.  T.  cite,  il  est  vrai,  la  délicieuse  cJianson  paimpolaise  de 
M.  Le  Goffic.  Il  aurait  pu  —  pour  démontrer  que  cette  forme 
de  décasyllabe  n'est  pas  nécessairement  «  sautillante  »  — 
rappeler  les  belles  strophes  de  Th.  Gautier  : 

La  barque  est  petite,  et  la  nier  immense; 
La  vague  nous  jète  au  ciel  en  eourrous. 
Le  ciel  nous  renvoie  au  tlot  en  démence  : 
Près  du  mât  rompu  prions  à  genous! 

De  nous  à  la  tombe  il  n'est  qu'une  planche; 
Peut-être  ce  soir,  dans  un  lit  amer. 
Sous  un  froid  linceul,  fait  d'écume  blanche, 
Irons-nous  dormir,  veillés  par  l'éclair!  etc. 

Mais  la  meilleure  partie  de  l'étude  des  mètres  est  celle  que 
M.  T.  a  consacrée  aus  k  coupes  ».  Sur  les  coupes  du  dodé- 
casyllabe, notamment  (p.  74-113),  il  y  a  une  étude  très 
minutieuse  qui  mérite  de  devenir  classique.  Toute  la  théorie 
qu'il  donne  de  Isicésure  nous  semble  inattaquable.  Dans  une 
métrique  à  base  syllabique  comme  la  nôtre,  la  césure  n'a 
d'autre  but  que  de  permettre  à  l'oreille  de  reconnaître  le 
nombre  de  syllabes  composant  le  vers  (p.  82).  Il  suit  de  là 
qu'elle  n'est  pas  nécessairement  une  pause.  «  On  ne  saurait 
trop  insisier,  —  dit  excellemm.ent  M.  T.,  —  sur  notre  erreur 
française  d'identifier  constamment  la  lève  et  la  pause. 
L'harmonie  repose  principalement  sur  le  chois  de  la  place 
assignée  à  la  lève.  La  pause  n'est  pas  nécessairement  favo- 
rable à  cette  harmonie  »  (p.  44).  Ainsi,  rien  de  plus  légitime 
que  la  «  césure  enjambante  »,  si  chère  aus  Italiens,  et  que 


COMPTI-:    RKNOU  145 

nos  classiques  ont  eu  le  grand  tort  de  laisser  tomber  en 
désuétude   Cet  alexandrin  : 

Dieus  !  que  ne  suis-je  assise  dans  ce  bois  obscur! 

est  correcte  au  même  titre  que  le  vers  faaieus  : 

Dii'us!  (|uo  ne  suis-je  assise  à  l'ombre  des  forêts! 

«  S'il  est  moins  bon,  ce  n'est  pas  qu'il  soit  boitons,  ce 
n'est  pas  que  l'oreille  ne  perçoive  distincteuu'nt  les  deus  fois 
sis  syllabes,  c'est  tout  simplement  que  l'e  d'assise  est  moins 
sonore  que  la  préposition  à  dans  le  vers  de  Racine  »  (p.  1)0). 

Aussitôt  donc  que  dans  un  vers  le  nombre  des  lèves  sera 
suffisant  pour  permettre  à  l'oreille  de  distinguer  le  nombre 
des  syllabes,  ce  vers  sera  déclaré  bon  ^  Et  c'est  pourquoi  je 
persisie  à  regarder  comme  des  vers  —  contre  l'opinion  même 
de  M.  T.,  pris  ici  de  scrupules  inattendus,  —  cette  ligne  de 
Verlaine  : 

Sur  la  citliare,  sur  la  harpe  et  sur  le  lutli. . . 

ou  cet  autre  de  Coppée  : 

L'habilleuse  avec  des  épingles  dans  la  bouche. . . 

le  nombre  des  lèves  étant  très  suffisant  jjour  que  l'oreille  ne 
s'y  trompe  pas,  surtout  si  l'on  replace  ces  vers  dans  la  pé- 
riode où  ils  s'enchâssent. 

J'avoue  aussi  que  je  doute  un  peu  de  cet  axiome,  formulé 
pitr  Quicherat  et  accepté  par  M.  T.,  o  qu'il  ne  doit  jamais  y 
avoir  deus  lèves  en  contact  »  (p.  101).  Qui;  cet  effet  soit 
«généralement»  désagréable,   d'accord.    Mais  de   là  à   le 

1.  CeUe  Uiéorie  nous  semble  infiniment  plus  juste  qne  celle  de 
M.  Benlœw  dans  son  Précis  d'une  théorie  des  rythmes,  pp.  91-92  : 
«  Comme  les  accents  ressortent  peu  en  français,  il  ne  suffit  pas  que 
la  vois  puisse  se  reposer  sur  une  syllabe  accentuée,  il  faut  encore 
que  cette  syllabe  se  présente  toujours  au  même  endrok.  que  la  vois 
qui  l'allent  soit  sure  de  l'y  trouver.  Il  faut  donc  au  rythme  français, 
naturellement  si  vague,  pour  le  bien  dessiuer,  ft/ie  césure  masculine, 
toujours  la  même.  »  Pourquoi  cela  ?  L'expérience  prouve  au  con- 
traire :  1°  que  la  î-ésure  peut  varii;r  (juaut  à  sa  place  ;  2"  qu'elle  peut 
être  féminine. 

Rr:vuic  dk  l'iui.Di.m.n;.  vu.  10 


146  REVIT.    DK    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

proscrire,  il  y  a  un  i)as.   Rien  de  plus  dur  que  le  A-crs  de 
Gautier  : 

Holbein  l'esquisse  d'un  trait  sec. 

Mais  n'est-ce  pas  un  vers  charmant  que  le  vers  de  Racine  : 
Ma  timide  vois  tremble  à  vous  dire  une  injure? 

N'est-ce  pas  un  vers  énergique  que  cet  autre  de  Coppèe  : 
Ce  soir,  en  attendant  que  le  couvre-y'cH  sonne  f 

A  cet  égard  donc,  nulle  règle  absolue. 

Enfin,  M  T.  me  permettra-l-il  do  lui  signaler,  à  propos 
de  la  «  césure  romantique  »  (p.  75),  un  curieus  passage  de 
Louis  Racine  dans  ses  Remarqurs  sur  les  tragédies  de  Jean 
Racine  —  d'où  il  appert  que  le  ((  tour  preste  et  pimpant  »  du 
vers  n "était  pas  «  proscrit  dans  la  tragédie  et  la  poésie  ly- 
rique »  (p.  77)  :  «  Les  étrangers  s'imaginent  qu'en  pronon- 
çant deus  vers,  nous  nous  reposons  quatre  fois,  à  cause  d(>s 
quatre  hémistiches  :  le  sens  et  l'ordre  des  mots  s'y  opposent 
souvent,  surtout  dans  les  vers  de  passion,  et  nous  obligent 
d'y  faire  deus  ou  trois  césures  et  d'enjamber?  Croieiit-ils  que, 
dans  la  colère,  Hermione  marche  à  pas  comptés? 

Adieu,  tu  peus  partir,  |  je  demeure  en  Epire,  | 
Je  renonce  à  la  Grèce,  |  à  Sparte,  à  ton  empiie,  | 
A  toute  ta  famille,  |  et  c'est  assez  pour  moi,  | 
Traître,  qu'elle  ait  produit  |  un  monstre  tel  que  toi.  | 

Voici  comment  la  passion,  peinte  dans  ces  vers,  conduit  la 
vois  : 

Adieu,  I  tu  peus  partir,  |  je  demeure  en  Kpire,  | 
Je  renonce  |  à  la  Grèce,  |  à  Sparte,  |  à  ton  empire,  | 
A  toute  ta  famille,  |  et  c.'est  assez  pour  moi, 
Traître,  |  qu'elle  ait  produit  un  monstre  |  tel  que  toi.  » 

Le  passage  —  cité  récemment  par  M.  Souriau^  dans  soninté- 

1.  La    Vcrsijication  de  Mallierl/c.  par  Maurice  Soiirian.    Poitiers, 
189:2,  p.  55. 


COMPTK    RENDU  147 

ressantc  élude  sur  la  Verni ficat ion  de  AfalJierbe  —  prouve 
à  tout  le  moins  que  la  variété  des  tours  était  l'un  des  soucis 
de  nos  classiques.  J'accorde  d'ailleurs  qu'ils  ne  l'ont  pas 
toujours  réalisée,  et  qu'ils  ont  confondu  la  diction  avec  la 
scansion  du  vers,  l'accent  oratoire  avec  l'accent  rythmique. 

La  troisième  partie  du  livre  de  M.  T.  (p.  152-284)  est 
consacrée  à  la  rime  et  à  la  construction  du  vers  (hiatus,  en- 
jaml)ement,  inversion) . 

M.  T.  admet  que  la  rime  est  nécessaire  en  français.  Mais 
il  lui  conteste  très  justement  le  rôle  exorbitant  que  lui 
accordent  nos  contemporains.  «  La  rime,  écrit  Banville,  est 
l'unique  harmonie  du  vers.»  Tant  s'en  faut!  Elle  est  une 
aide  précieuse,  mais  seulement  une  aide.  «  Elle  est  propre- 
ment l'accessoire,  comme  la  parure  est  l'ornement  de  la 
femme  »  (p.  154).  La  rime  sert  de  métronome,  en  suppléant 
à  ce  que  le  rythme  français  a  de  naturellement  vague,  en 
donnant  plus  de  solidité  à  la  valeur  un  peu  flottante  des 
éléments  qui  le  composent  ^ .  —  D'où  suit  qu'il  faut,  tout  en 
conservant  la  rime,  la  réduire  au  lot  qui  lui  convient: 

((  l^'  11  faut  s'afïranchir  des  lois  surannées  et  illogiques  de 
la  rime  à  l'œil  ; 

»  2°  Mais,  aussi,  tâche  que  ce  ne  soit  que  dans  de  beaus 
vers  (plus  facile  à  conseiller  qu'à  faire).  Écris  ceci  en  ta 
cervelle  avec  un  style  de  fer  :  toute  nouveauté  qui  ne  s'appuie 
pas  sur  de  beaus  exemples  est  non  avenue  ; 

))  3»  Ne  viole  la  règle  de  la  rime  à  l'œil  que  dans  les 
rimes  riches,  pour  autant  que  ce  qui  fera  le  mieus  accepter 
la  réforme  par  le  temps  qui  court,  c'est  la  possibilité  de 
rimer  plus  richcuK'nl  [on  ne  tourne  pas  plus  adroitement  la 
difficulté]  ; 

»  4"  En  revanche,  apporte  plus  de  scrupule  qu'on  ne  fait 
dans  la  conformité  du  son  des  rimes.  »  (P.  205.) 

Telles  sont  les  conclusions  —  logiques,   mais  diploma- 

1.  La  vcrsificalion  française  a  évolué  depuis  ses  origines,  du 
rythme  à  la  rime.  A  mesure  que  l'accent  perdait  de  sa  vigueur  dans 
l'iiUérieur  du  vers,  Ibomophonie  finale  est  devenue  plus  précise  et 
plus  complète.  Par  suite,  le  rythme  s'est  trouvé  représenté  presque 
entièrement  par  ce  qui  n'en  était  d'abord  qu'un  élément  et  même 
accessoire. 


148  RK\UK    DK    IMIILOLDGIK    FRANÇAISE 

tiques  —  de  M,  T.,  sur  celle  grosse  question  de  la  rirae. 
Rimons  de  plus  en  plus  ppur  l'oreille,  de  moins  en  moins 
pour  les  yeus.  Mais,  pour  faire  passer  la  réforme,  flattons 
adroitement  le  goiît  régnant.  Ainsi  ^enc/res  rimera  avec  at- 
tendre, foi  avec  autrefois,  dire  avec  attendirent,  etc. 

Rien  de  mieus.  L'essentiel  est  d'en  finir  avec  le  préjugé 
traditionnel  qui  exige,  contre  toute  logique,  contre  toute  évi- 
dence historique  aussi,  l'identité  des  consonnes  muettes  qui 
suivent  la  voyelle  rimante.  Les  lecteurs  du  livre  de  M.  T.  y 
trouveront  le  plaidoyer  le  plus  informé,  le  plus  solide  et 
aussi  le  plus  piquant  contre  ce  monstrueus  pédantisnie  des 
théoriciens.  L'important  est  d'entamer  le  préjugé  sur  un 
point.  Ce  point  une  fois  atteint,  le  reste  suivra  tout  seul. 

En  fait,  l'importance  qu'on  a  toujours  attachée  à  la  rime 
s'explique —  outre  l'insuffisance  rythmique  du  vers  français 
—  par  ce  fait  que  la  rime  est  un  excellent  moyen  d'appeler 
l'attention  sur  le  mot  principal,  de  la  mettre  en  relief  et  en 
saillie.  «  C'est  le  mot  placé  à  la  rime,  dit  Banville,  le  dernier 
mot  du  vers,  qui  doit,  comme  un  magicien  subtil,  faire  ap- 
paraître devant  nos  yeus  tout  ce  qu'a  voulu,  le  poète.  »  — 
Comme  telle,  la  rime  est  un  inappréciable  élément  esthétique. 
Est-il  besoin  de  faire  remarquer  que  dans  la  réforme  pro- 
posée, elle  gardera  ce  rôle  si  légitime?  Bien  mieus,  l'instru- 
ment, augmenté  de  nouvelles  cordes  en  nombre  presque  in- 
fini, rendra  des  sons  tout  nouveaus  aussi. 

Si  l'absurdité  de  la  rime  riche  éclate  à  l'esprit,  que  dire 
de  l'absurdité  de  l'hiatus  à  l'œil,  c'est-à-dire  «  proprement  la 
règle  qui  décrète  l'absence  d'hiatus  quand  il  n'y  en  a  point  à 
l'œil^  et  que  cependant  il  en  existe  un  à  l'oreille  »  (p.  233)  ? 
Ainsi  le  vers  fameus  de  Hugo  : 

Naquit  d'un  sang  breton  et  lorrrain  à  la  fois, 

sera  correct,  au  lieu  que  cet  autre  : 

C'est  hideus  !  Satan  nu  et  ses  ailes  roussies 

est  condamnable  —  cà  moins  pourtant  que  par  un  artifice  dé- 
plorablement  ingénieus,  le  poète  ne  s'avise  d'écrire  : 

Satan  nud  et  ses  ailes  roussies... 


COMPTE    RENDU  1  10 

pour  satisfaire  à  la  morale  des  théoriciens  !  —  En  vérité, 
n'y  a  t-il  pas  une  casuistique  de  la  versification,  et  n'avons- 
nous  pas  besoin  de  quelques  Provinciales  pour  remettre  un 
peu  de  bon  sens  dans  tout  ce  fatras  de  pédantisme  et  d'ab- 
surdité? 

M.  T-  pront  vailhimment  sa  part  de  cette  salutaire  besogne, 
en  ce  qui  regarde  l'hiatus.  —  Sur  un  seul  point,  nous  lui 
ferons  une  petite  querelle  —  et  encore  a-t-il  reconnu  lui-même 
son  erreur  dans  Verrata  (p.  355).  M.  T.  conteste  que  ce  vers 
de  M.  Gabriel  Vicaire  : 

Crient  à  Jésus  miséricorde, 

soit  un  octosyllabique,  crient  n'étant  pas,  en  bonne  pro- 
nonciation, monosyllabique.  Plus  loin,  M.  T,  reconnaît  qu'à 
Paris  cette  prononciation  fait  loi,  et  cite  à  l'appui  le  vers  de 
M.  (1(>  llérédia  : 

Ils  fuient  ivres  de  meurtre  et  de  rébellion. 

Nous  pouvons  assurera  M.  T.  ([ue  ce  n'est  pas  seulement 
à  Paris,  mais  encore  dans  plus  d'une  province  de  l'ouest  ou 
du  nord  delà  France,  que  crient  est,  depuis  plusieurs  années 
sans  doute,  monosyllabique,  et  je  ne  verrais  pas,  pour  mon 
compte,  grand  inconvénient  à  ce  que  crient  rimât  avec  rabou- 
fjri  —  si  ce  n'est  qu'il  y  a,  entre  les  deus  voyelles  rimantes, 
une  différence  de  quantité. 

La  dernière  partie  du  livre  (p.  285-331)  est  consacrée  aus 
stances,  tant  anciennes  que  modernes,  depuis  le  lai  et  le  rire- 
la  1/  jusqu'au  (jhasel. 

Il  nous  resterait,  après  avoir  intli([ué  (|ucl(jues nues  des 
idées  neuves  du  livre  si  original  de  M.  T.,  à  signaler  une 
foule  d'aperçus  littéraires  ou  historiques  qu'on  y  trouve  semés 
â  profusion.  Quelques-uns  sont  faits  pour  surprendre.  Mettons 
sur  le  compte  de  «  l'aimable  légèreté  du  boulevard  »  (p.  252) 
propre  aus  Parisiens  l'élonnement  (jue  nous  cause  l'enthou- 
siasme un  peu  débordant  de  M.  T.  pour  l'école  lyonnaise. 
Aussi  bien  quelques-unes  des  pièces  que  M  T.  a  composées 
pour  son  livre  sont  ciiarmantes  et  dignes  du  poète  que  nous 
connaissions.  —Mais  est-il  croyable  que  le  Roland,    soit,  de 


150  REVUE    DE   PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

toutes  les  œuvres  du  moyen  âge,  ((  la  seule  qui  mérite  l'ad- 
miration, sinon  la  seule  qui  mérite  d'être  lue  ))  (p.  61 1?  N'est- 
ce  pas  de  la  critique  un  peu  «  verte  ))  que  ce  jugement  sur 
Malherbe  :  «  Son  œuvre  n'est  pas  beaucoup  plus  qu'un  tissu 
de  platitudes,  d'enflures,  de  concetti,  de  galimatias,  sur  lequel 
se  dessinent  en  relief  quarante  ou  cinquante  beaus  vers... 
Les  cochons,  eus  aussi,  trouvent  des  truffes  »  (p.  74,  ?  — 
Certain  calembour  sur  Voltaire  est  fait  pour  étonner  (p.  4). 
Mais  ce  sont  là  des  vétilles  rachetées  amplement  par  la 
saveur  de  tant  d'autres  aperçus,  et  par  l'originalité  d'un  style 
très  pittoresque.  Il  est  rare  que, dans  un  livre  d'érudition,  on 
s'intéresse  —  en  le  lisant  —  à  l'érudit.  Le  traité  de  M.  T. 
sur  la  versification  fait  aimer  l'auteur,  pour  sa  bonhomie,  sa 
finesse,  son  esprit  alerte  et  délicieusement  incisif, 

Joseph  Texte. 


PUBLICATIONS  ADRESSEES  A  LA  «  REVUE  DE  PHILOLOGIE  » 


G.  Pai'is.  —  Extraits  de  la  Chanson  de  Roland,  A.'  édition, 
revue  et  eorrigée.  (Paris,  Hachette,  1893.) 

J.  Bastin.  —  Glanures  grammaticale  s.  (Namur,  impri- 
merie Lambert  de  Roisin,  1893,  160  pages.)  —  Pour  donner 
une  idée  de  l'intérêt  de  ce  petit  volume  (nouvelle  édition  con- 
sidérablement augmentée),  nous  reproduisons  la  table  des 
matières  : 

Formation  des  mots  dans  la  langue  française.  —  Accord  du 
participe  laissé  suivi  d'un  infinitif.  —  Opinion  des  bons  gram- 
mairiens sur  la  question  du  paitieipe  j^assé  précédé  d'un  adverbe 
de  quantité  et  du  pi'onon  en.  —  Accord  du  verbe  après  /'m/i  et 
l'autre.  —  Accord  du  verbe  après  ni  l'un  ni  l'anti-e.  —  De  la 
répétition  du  pronom  personnel  sujet.  —  Le  pronom /c.  —Accord 
du  verbe  être  précédé  de  ce.  —  Accord  des  verbes  après  un  col- 
lectif partitif  (indéfini).  —  Emploi  de  l'indicatif  ou  du  sulDJonctif 
après  (ont  que.  —  Emploi  de  son,  sa,  ses,  leur,  leurs,  après 
chacun.  —  Genre  du  mot  amour.  —  Pluriel  de  quelques  noms 
composés.  —  De  la  variabilité  de  l'adverbe  io((t.  —  Préposition 
</('  remplaçant  l'article  indéfini  ou  l'article  partitif  devant  un 
adjectif.  —  Accord  de  l'expression  seul  à  seul.  —  Accord  et  com- 
plément de  l'adjectif.  —  Peut-être,  coici,  voilà.  —  Béni,  bénie; 
béait,  bénite.  —  Des  temps  antérieurs  des  verbes  français.  — 
Remarques  sur  l'emploi  de  quelques  temps.  —  Parallèle  entre  le 
présent  et  l'imparfait.  —  Le  passé  délini.  —  Du  passé  indéfini 
(passé    par  rapport  au  présent).  —  Le  passé  antérieur  en  français. 

—  Verbes  aller  et  venir  employés  comme  auxiliaires.  —  Emploi 
de  la  négation  ne  après  le  verbe  craindre.  —  Négation  explétive. 

—  Accents  ortbographiques;  tiret  ou  trait-d'union.  —Féminin  du 
mot  (/rec.  —  La  question  «  orthograpbe  ».  —  Commentaires  de 
la  circulaire  ministérielle.  —  Cliangements  proposés  concernant 
quelques-unes  des  règles  des  participes  passés.  —  Des  noms  com- 
posés. —  Les  mots  demi,  feu,  nu,  franc  de  port.  —  Verbes  en 
eler  et  r-n  eler.  —  Verbes  terminés  par  ai/er.  —  Le  tréma.  — 
Emploi  du  pronom  soi.  —  Les  mots  cinrjt,  cent,  mille.  —  Pronoms 
adverbiaus  en  et  //  ou  adverbes  pronominaus.  —  Quelques  cas 
concernant  les  règles  du  participe  passé.  —  Négation  après  avant 
que,  sans  que.  —  Pas,  poi/it,  guère,  nullement.  —  Nul.  — 
Aucun.  —  Rien.  —  Nennil.  —  Personne  (pronom  indéfini).  — 
On.  —  Temps  du   subjonctif.  —  Notes,   additions,   corrections. 


152  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

A.  Gasté.  —  Bossuef,  Lettres  et  pièces  inédites  ou  peu 
connues.  (Caen,  Henri  Delesques,  1893,  61  pages  in-8.) 

A.  R.  Hohlfeld.  —  Studies  in  french  versification. 
(Baltimore,  1893,  36  p.  Extr.  des  Modem  Language  Notes.) 

.1.  Bédier.  —  De  Nicolao  Museto.  (Paris,  Bouillon,  1893, 
135  pages  in-8.)  Étude  biographique  sur  Colin  Muset,  et 
édition  critique  de  ses  œuvres. 

Le  même.  —  Les  Fabliaux,  études  de  Littérature  populaire 
et  d'histoire  littéraire  dumoyen  âge.  (Paris,  Bouillon,  1893, 
xxv-495  pages  grand  in-8.)  —  Ouvrage  capital,  à  propos 
duquel  nous  publierons  dans  notre  prochain  numéro  un 
article  de  M.  Paul  Regnaud. 

Hatzfeld,  Darmesteter  et  Thomas.  —  Dictionnaire  général 
de  la  langue  française,  IV  fascicule.  (Paris,  Delagrave.)  — 
Ce  fascicule  va  du  mot  double  au  mot  émergence  inclus, 
et  contient  notamment  les  articles  :  eau,  ébouler,  écuijer, 
étage,  etc.  Les  états  successifs  du  mot  dérivé  d'aqua, 
dégagés  des  formes  dialectales,  sont  légitimement  réduits  a. 
aice,  ève,  eue,  eaue,  eau. 

Lanusse.  —  De  l'Influence  du  dialecte  gascon  sur  la 
langue  française  de  la  fn  du  XV"  siècle  à  la  seconde 
moitié  du  XVIF.  —  Travail  bien  fait  qui  a  valu  à  l'auteur,  en 
Sorbonne,  le  grade  de  docteur  (unanimité). 

Ed.  Koschwitz. —  Les  Lauriers  parisiens,  anthologie  p//o- 
nétif/ue.  (Paris,  Welter,  1893,  xxxii-148  pages  in-8.)  —  Le 
savant  professeur  de  Greifswald  note  phonétiquement  la 
prononciation  de  MM.  Daudet.  Zola,  Paul  Desjardins,  Rod, 
Gaston  Paris,  Renan,  d'Hulst,  Père  Hyacinthe,  Got,  de 
Bornier,  Silvain,  M"»'  Bartet,  F.  Coppée,  Sully-Pru- 
dhonnne,  Leconte  de  Lisle*.  Cette  notation,  faite  avec  la 
plus  grande  sincérité,  est  particulièrement  intéressante  en  ce 
qui  concerne  les  liaisons  et  la  valeur  donnée  ans  e  dits  muets  ; 
les  littérateurs  se  font  tant  d'illusions  sur  leur  propre  pro- 
nonciation ! 


jn  LLETIN  TRIMESTRIEL 

DK    LA 

SOCIÉTÉ  DE  RÉFORME  ORTIIOGIIAPIIIQEE 

(Juillet  1893) 


RÉFORME  PAR  VOIE  ADMINISTRATIVE 

L'usage  serait  assurément  moins  rebelle  à  une  réforme 
orthographique  si,  dans  l'enseignement,  dans  les  classes 
primaires  et  secondaires,  on  laissait  aus  élèves  une  certaine 
latitude  pour  les  façons  d'écrire  où  la  règle  officielle  est 
manifestement  contraire  à  la  logique  et  à  l'histoire  de  la 
langue. 

Dans  l'état  actuel  des  habitudes,  l'Académie  ne  pourra 
faire  ou  plutôt  n'osera  faire  qu'un  très  petit  nombre  de  ré- 
formes. Pour  qu'une  édition  ultéi'ieurc  du  Dictionnaire  soit 
vraiment  mise  au  niveau  des  progrès  de  la  philologie  fran- 
çaise, il  faut  former  des  générations  qui  ne  soient  pas  im- 
prégnées de  nos  préjugés  orthographi(|ues,  il  faut  agir  sur 
l'école. 

La  circulaire  de  M.  Léon  Bourgeois  était  excellente  dans 
son  esprit,  mais  elle  avait  le  défaut  de  n'être  pas  impérative  ; 
les  commissions  d'examen  n'en  ont  tenu  aucun  compte,  et 
les  instituteurs  iront  |)u  faire  autrement  que  de  continuer  à 
enseigner  toutes  les  chinoiseries  d'antan.  Ce  qu'il  nous  faut, 
c'est  un  arrêté  ministériel,  dkfkndant  de  compter,  dans  h^s 
classes  et  dans  les  examens,  certaines  prétendues  fautes  qui 
s(;raif'nl  indiquées  dans  un   tableau   méthodique  et  précis  : 

«  A  paiiir  (le ,   dans  les  exercices  scolaires  et  dans  les 

examens  et  concours,  il  ne  sera  plus  compté  de  fautes  d'or- 
thographe pour  les  façons  d'écrire  comprises  dans  le  tableau 
ci-joint.  .  .  )) 


154  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

On  nous  permettra  de  proposer  ici  ce  tableau  des  graphies 
tolérées,  tel  que  nous  le  concevons,  avec  la  préoccupalion  de 
ne  pas  heurter  trop  violemment  le  préjugé  : 

I.  — ^fots  composés. 

lo  On  pourra  écrire  en  un  seul  mot  tous  les  mots  composés 
({ui  commencent  par  entre  et  contre  et  cens  qui  sont  formés 
d'un  verbe  suivi  d'un  régime  direct:  entredeus  comme 
entremets,  contrecoup  comme  contrefcu'on,  contrebalancer 
comme  contremander,  portemonnaie  comme  portemanteau, 
etc.  '  ; 

2"  On  pourra  omettre  le  trait  d'union  dans  les  mots  com- 
posés au  milieu  desquels  se  trouve  une  préposition  et  dans 
cens  qui  sont  formés  d'un  substantif  et  d'un  adjectif  qui  s'y 
rapporte  :  arc  en  ciel  comme  cliemin  de  fer,  plain  chant 
comme  pleine  lune,  et  aussi  demi  litre,  etc. 

II.  —  s  pour  X. 

On  pourra  mettre  un  .s-  à  la  place  de  j"  final  non  prononcé 
ou  prononcé  s  (ou  prononcé  comme  .s-  en  liaison)  :  des 
caillons,  desjojjaus,  les  Hébreus,  Jalous,  Je  veus,  lapais, 
etc.  ^ 


1.  Voyez  dans  noire  dernier  numéro,  page  6S.  la  partie  de  la  note 
de  M.  Gréard,  relative  ans  tirets,  et  aussi,  t.  I\'  de  notre  Revue, 
pages  264  et  314. 

2.  C'est  ainsi  qu'écrivent  les  adhérents  à  In  formule  de  la  Rituo  de 
Pldlolofi'tc  J'ranraisc,  et  on  ne  peut  décemment  compter  comme 
fautes  des  graphies  que  l'on  trouve  au-dessus  de  la  signature  de 
MM.  Michel  Bréal,  Edouard  Hervé,  Marty-Laveaux,  Camille  Cha- 
baneau,  etc.  L'orthographe  oincielle  est  le  résultât  d'une  confusion 
barbare  entre  la  lettre  as  (valant  ks]  et  un  signe  abréviatif  (valant  us) 
qui  ressemblait  à  se.  Le  latin  rapillôs  adonné  régulièrement  c/^ertî/s 
puis  clieceus  ;  selosum  a  donné  Jalons,  d'où  Jalouse,  Jalousie.  Sex, 
prononcé  sers,  a  été  trai'é  comme  factu/n,  où  le  e  devant  une  autre 
consonne  a  produit  un  i  :  on  a  eu  sieis  et  par  contraction  .sv>  (com- 
parez la  prononciation  de  lis).  Avant  la  confusion  dont  nous  venons 
de  parler,  le  nom  de  nombre  deux  s'écrivait  régulièrement  dcus,  avec 
Vs  du  pluriel  (latin  populaire  duos).  L'as  des  mois  paiœ,  choix,  noix, 
etc.,  n'est  pas  meilleure,  et  éloigne  ces  mots  de  leurs  àt\'\\é?, paisible. 


DCLLETIN  DK  LA  SOCIÉTÉ  DE  HEFOliME  ORTHOGRAPHIQUE  155 

III. —  Formation    et  emploi  du  pluriel. 

1°  On  pourra  mettre  le  signe  du  pluriel  à  la  fin  de  toufi 
les  mots  d'origine  étrangère  :  des  allégros  comme  des  solos, 
des  exéats  comme  des  accessits,  etc.  (Voyez  ci-dessus, 
page  71,  l'opinion  conforme  de  M.  Gréard.) 

2°  On  pourra  mettre  ou  ne  pas  mettre  d'.s-  au  pluriel  des 
noms  propres  sans  faire  aucune  distinction  de  sens  '. 

3°  On  pourra  donner  le  signe  du  pluriel  à  rinf/t  et  à  cent, 
même  s'ils  sont  suivis  d'un  autre  nombre  :  rjuatre-cinr/ts-trois 
comme  quatre-vingts  -. 

4"  On  pourra  mettre^  les  compléments  au  singulier  ou  au 
pluriel  toutes  les  fois  qu'il  y  aura  une  double  interprétation 
possible  :  des  Iiahits  d'homme  ou  dliomraex  (pour  un  homme 
ou  comme  en  portent  les  hommes),  de  la  gelée  de  groseille 
ou  de  groseilles,  etc.  (Voyez  ci-dessus,  page  72,  l'opinion 
conforme  de  M.  Gréard.) 

IV.—  Formation  du  féminin  et  accord  de  radjectif. 

1°  On  pourra  ne  pas  redoubler  Vn  et  le  t  dans  la  formation 
du  féminin  ;  écrire  cJiate  comme  raie,  paijsane  comme  cour- 
tisane, pàlote  comme  manchote,  sujète  comme  discrète  ^  ; 

2"  On  pourra  faire  accorder  les  adjectifs  rfem?',  nu,  feu,  fort, 
quelle  que   soit  leur   place,    écrire   «  demie  lieue  »   comme 

apaiser,  choii'ir,  noisette,  etc.  Voj'cz  Reine  de  P/iilolofjie  Jrançaise, 
VI,  page  260.  «  Il  serait  grand  temps,  dit  A.  Daniiesteter,  qu'une 
orthographe  plus  correcte  et  plus  simple  rétablit  partout  r.<  finale  à  la 
place  de  l'.i-  barbare.  »  M.  Gréard  demande  à  l'Académie  de  con- 
sacrer cette  réforme  ici-dessus,  page  78).  -Il  en  résulterait  que  Va-, 
chez  nous  comme  chez  les  I-atins,  n'aurait  plus  (juc  sa  valeur  nor- 
male de  consonne  double,  dans  a-^c;,  ■•ie.re.  a.cionie.  clc 

1.  C'est  le  contexte  qui  indique  si  l'on  veut  parler  de  personnes 
semblables  à  Corneille  ou  de  membres  de  sa  famille.  Dans  les  deus 
cas  on  a  un  nom  propre,  et  dans  les  deus  cas  aussi  un  pluriel.  Les 
exemples  des  auteurs  sont  en  conlradiclion  avec  les  subtilités  de  la 
règle  actuelle. 

2.  XoyQ-A  Reçue  de  P/iilolof/ie  J'ranraisc,  IV,  217,  275  et  Mi. 

3.  Voyez  Renie  fie  P/iilolof/ic  p-anraise,  IV,  216  (opinion  de 
M.  Michel  Rréal). 


156  HiiVUE    DE    l'HILOLOGIE    FRANÇAISE 

((  une  lieue  et  demie  )),  n m  pieds  comme  pieds  nus,  feue  la 
reine  comme  la  feue  reine,  «  elle  se  hûtjhrte  »  comme  a  elle 
se  fait  belle  )). 

De  même,  l'adverbe  tout,  devant  un  adjectif  singulier, 
pourra  s'accorder  aussi  bien  quand  l'adjectif  commence  par 
une  voyelle  que  lorsqu'il  commence  par  une  consonne  :  toute 
entière  comme  toute  pleine  ' . 

V.   —  Verbes. 

1°  On  pourra  écrire  par  è,  au  futur  et  au  conditionnel,  les 
verbes  qui  ont  déjà  cet  è  au  singulier  de  l'indicatif  présent  : 
Je  protégerai  comme  ye  te  protège  ; 

2"  On  pourra  ne  jamais  redoubler  VI  et  le  t  dans  les  verbes 
((  en  eler  »  et  en  «  eter  »  :  j'appèle,  Je  cacheté,  au  lieu  de 
((  j'appelle,  je  cachette  ^  »  ; 

3°  On  pourra  supprimer  les  consonnes  non  prononcées 
devant  Vs  et  le  t  des  terminaisons  verbales  :  J'interrons  ', 
il  interront,  comme  ^e  doi^s  (et  non  je  dorms),  il  dort  (et 
non  il  dormt),  etc.  *  ; 

4°  On  pourra  substituer  t  kd  final  à  la  troisième  personne 
du  singulier  :  il  coût,  il  prent,  comme  il  absout,  il  peint; 

5"  On  pourra  faire  ou  ne  pas  faire  l'accord  du  participe  :  a) 
pour  les  verbes  coûter  et  valoir,  quelle  que  soit  leur  accep- 


1.  Voyez  ReatiG  do  Phclologle/ranrai^^c,  IV, 217  et  314.  Cf.  ci-dessus 
l'opinion  de  M.  Gréard,  page  72. 

2.  An  mot  appeler,  Litlré  dit  :  «  Dans  ce  verbe  l'Académie  exprime 
par  eU  le  passage  d'e  muet  à  e  ouvert  ;  ailleurs  elle  rend  ce  passage 
par  èle  comme  dans  ye  gélo  ;  il  serait  bien  utile  d'adopter  pour  tous 
les  cas  une  orthographe  uniforme.  » 

3.  Ainsi  écrit  Bossuet. 

4.  Pour  ce  paragraphe  et  pour  le  suivant,  nous  répéterons  ce  que 
nous  avons  dit  pour  .s  substitué  kx':  on  ne  peut  décemment  compter 
comme  fautes  des  grai)hies  que  l'on  trouve  au-dessus  de  la  signature 
desavants  tels  que  MM.  Mirhel  Bréal,  Chabaneau,  etc.  Voyez  Revue 
de  Phlloloyie  J'ranraise,  IV,  81.  Four  la  même  raison  on  devrait 
admettre  aussi  les  graphies  enjarn*,  parens^,  etc.  que  l'on  rencontre  à 
chaque  ligne  dans  la  Reçue  des  Deux-Mondes  et  le  Journal  des 
Débats.  Mais  les  enfants  ne  commettent  guère  cette  infraction  à  la 
règle  générale  du  pluriel. 


ncLLivriN  m-:  la  soriiVn';  i>i-.  kkimkmk  (M;rii<)(;i;Ai'iii(a't:  157 

lion;  I>)  lorsque  lo  conii/U'uiciit  dii'cct  est  lo  pi'onon  en,  et  r) 
lorsque  le  participe  est  sui\  i  d'uu  iiiliuilil'  sans  préposition  : 
je  lésai  r/(  ou  ms  venir. 

VI.  —  Mois  dive/'s. 

On  pourra  écrire  rint  au  lieu  de  riiu/i  \  set  au  lieu  de 
sept  -,  pois  au  lieu  de  ])oids  ■\  J'orsenê  \  moi-seau  ■',  con- 
treindre  %  dcciller  ',  douter,  pront  %  scidter,  batèine  et 
batiser,  doit  au  lieu  de  doigt  %  assoirai  sursoir,  douçàtre, 
vermiceau  ^". 

Sur  tous  ces  mots  et  quelques  autres,  voyez  Reçue  de  Phi- 
lologie française,  VI,  pages  264  et  suivantes. 

1.  Vint,  bien  qu'il  vienne  de  ciiji/iti.  ne  doit  pas  plus  avoir  de  g 
que  trente  =  triginta. 

2.  On  n'écrit  pas  il  ^'«/7<^;  (malgré  le  latin  :<a/)it). 

3.  Pois  se  rattache  au  verbe  peser,  qui  n'a  pas  de  (/,  et  non  au 
latin  pondus. 

4.  Forsené  veut  dire  «  hors  du  sens  ». 

5.  Morseau  est  de  la  famille  de  morsure. 

6.  Contraindre  est  de  la  famille  d'ctrcindrc. 

7.  Dcciller  se  rattache  à  cil. 

8.  Les  graphies  dompter  et  jirompt  tendent  ;\  corrompre  la  bonne 
prononciation  française  de  ces  mots. 

9.  Doit  (de  diyitum]  n'a  pasplus  droit  au  g  q\xe/roid(dQjri;/idum). 

10.  Vermiceau  est  de  la  même  famille  que  cermicellc. 


158  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


LES  RÉFORMATEURS  DU  XVn«  SIÈCLE 

Nous  avons  signalé  les  articles  si  intéressants  de  M.  Monseur 
dans  la  Reauc  Unicersltalrc  de  Belgique.  Ces  articles  vont 
bientôt  paraître  en  volume  ;  nous  en  détaclions  pour  nos  lecteurs 
le  fragment  relatif  aus  r>!' formateurs  du  XVII'^  siècle. 

Le  commencement  du  XVI P  siècle  vit  renaître  des  tenta- 
tives de  réformes  relativement  systématiques,  plus  modérées 
toutefois  que  celles  du  siècle  précédent. 

En  1609,  Robert  Poisson  publie  sous  un  titre  qui  montre 
par  lui-même  jusqu'où  il  va,  c'est-à-dire  un  peu  trop  loin 
pour  convertir  le  public,  un  Alfabet  nouveau  de  la  vi^ée  et 
pure  ovlografe  française  et  modèle  sui^  iselui  en/orme  de 
Dixionére  ^. 

En  1G.20,  Jean  Godard,  dans  un  ouvrage  sur  la  langue 
française  où  il  s'occupe  spécialement  de  son  orthographe, 
n'hésite  pas  à  imprimer  anireprise  (entreprise),  jantille 
(gentille),  et  {(.'■s.X),  pié  (pied)'-. 

Au  milieu  du  siècle,  les  Précieuses  prirent  en  main  la 
cause  de  la  réforme  et  lui  firent  faire  de  grands  progrès. 
Elles  ne  craignirent  pas  de  déclarer  qu'il  fallait  que  les 
femmes  «  peussent  écrire  aussi  asseurement  et  aussi  correc- 
tement que  les  hommes  »  et  décidèrent  «  que  l'on  diminue- 
roit  tous  les  mots  et  que  l'on  en  osteroit  toutes  les  lettres 
superflues  ».  Som:iize  nous  a  conservé  un  curieus  procès- 
verbal  de  leur  délibération'  et  le  fait  suivre  d'une  liste 
partielle  de  mots  corrigés  par  ces  femmes  d'esprit.  En  voici 
quelques  extraits  où  je  note  entre  parenthèses  les  orthogra- 
phes de  leur  temps  telles  que  Somaize  les  donne  lui-même 
en  dessous  de  chaque  mot:  auteur  (autheur),  méchant  (mes- 
chant),  acia  (advis),  cArf^eaw  (chasteau),  c/e/an^  (defîunct), 
extr  ordinaire  (extraordinaire),  éflcace  (efficace),  éfets 
(cffects),  èj'roii  (efïroy),  alnê  (aisné),  conait  (connoist),  calité 

1.  DiDOT,  Obiiercations,\\.i-\\Ç>. 

2.  DinoT.  Observations,  117- 122. 

3.  SoMAizn,  Le  f/rand  Dictionnaire  (les  Précieuses.  Paris,  1651. 
Cité  par  Dn>OT,  Obser cations.  124-127. 


nCLLETIX  DE  LA  SDCIKTK  01-;  RKFOKMK  OUTIIOf.K-.M'IIKjUE    151) 

(qualité),  dr/e  (cage),  t/'ion/'fins  (irionijjlKUis),  avocat 
(advocat),  indontnhle  (indomptable),  voùto  (vouste),  dame 
{do&me),Jl(''rIiir  (fleschir),  rédeui-  (ruidcur),  saro//- (sravoir), 
pie  (piod).  Il  est  indubitable  que  si  nous  écrivons  aujourd'luii 
la  plupart  de  ees  mots  aussi  simplement  qu'elles,  nous  le 
devons  surtout  à  la  profonde  influence  que  cette  coterie  de 
femmes  intelligentes  a  eue  sur  la  société  du  XVII"  siècle. 
Leurs  orthographes  pénétrèrent  dans  l'usage,  et  l'Académie, 
après  les  avoir  systématiquement  rejetées  dans  son  premier 
dictionnaire,  dut  les  accueillir  pres(|ue  toutes  au  siècle 
suivant. 

Peu  de  temps  après,  en  1GG4,  Corneille,  dans  la  préface 
de  l'édition  de  luxe  qu'il  a  donnée  de  son  théâtr(>,  explique 
(|u'il  a  ((  hazardé  »  quelques  «  innouations  en  l'Ortographe  », 
innovations  qui  nous  semblent  aujourd'hui  très  naturelles. 
Son  autorité  a,  en  elfet,  contril)ué  pour  beaucou|)  à  la 
distinction  de  j  et  de  i,  de  v  et  dru  et  à  l'emploi  rehitiviMuent 
logique  de  è,  de  è  et  de  ê  '. 

Des  idées  plus  radicales  de  phonétism(>  inspirèrent  d'au- 
tres réformateurs,  notamment  de  l'Esclache  et  Lartigaur. 

Le  premier  va  réellement  un  peu  loin,  notamuKMit  par 
l'abus  des  accents,  dans  son  livre  sur  Le>i  vrrilahles  rùjjle^ 
de  Coriografe  fvanckze  ou  l'Art  d\fpraiid/-e  en  peu  de 
tams  à  écrire  côrecteracnt  (Paris,  16G8), 

Le  second,  dans  son  petit  livre  sur  Lc.'i  prof/rrs  de  la 
véritable  orto[ji-afe,  ou  l' ortofjrafe  francèz-e  fondée  .sur  ses 
principes,  confirmée  par  démonstracions  {Pavin,  16(59),  ex- 
pose et  applicpie  un  syst('me  plus  radical  et  plus  logique.  ma.is 
plein  d'excellentes  choses,  ainsi  qu'on  pourra  en  juger  par 
cette  phrase  de  sa  préface  :  Je  conès  que  rorto(jraje  vulguùre 
et  amharasante  pour  la  lecture,  contrére  à  la  véritable 
prononciacion  quélc  doit  exprimer  et  prcque"  inposible  à 
■savoir  sanz  la  conésance  du  f/rec  et  du  latin  ;  ancor  ij  an 
a-t-il  irez  peu  qui  la  sachent parfètement  avec  tout   cela. 

<  )u    peut   enfin  considérer  comme  un    disciple  des  Pré- 

1.  DiDor,  Oh.-'i-rrations,  67. 

:l.  Telle  était,  au  millifu  du  XVII'  sit'cle,  la  proiinnciatinii  du 
mot  /iresque. 


160  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

cieuses,  Riclielel  qui,  dans  son  diclionnaire  (1G80)  imprime: 
reçu,  apôtre,  dédain,  eic,  qui  ont  fini  par  passer,  et  de  plus, 
hatèine,  afaire,  ataqae,  dlficidtc,  que  nous  écrivons  encore 
aujourd'hui  avec  des  lettres  inutiles. 

En  résumé,  l'on  peut  dire  que  si  le  XVI"  et  le  XVII« 
siècles  ont  eu  une  orthographe  baroque,  cette  orthographe 
fut  cnergiquement  combattue  en  théorie  et  s  )uvent  enfreinte 
dans  la  pratique.  Le  dogme  de  la  fixité  de  l'écriture  qui  nous 
opprime  aujourd'hui  n'était  pas  encore  formé.  L'orthographe 
était  plus  vilaine  que  de  nos  jours,  mais  elle  était  moins 
tyrannique,  et  il  n'est  pas  de  grand  écrivain  de  cette  époque 
chez  lequel  on  ne  puisse  trouver  par  douzaines  des  graphies 
simples  et  raisonnables  qui  seraient  évaluées  par  des  points 
et  des  demis  points  dans  les  dictées  des  petits  garçons  de 
maintenant.  Bossuet  écrivait  pan/ze/*  avec  un  a;  Corneille, 
armonie  sans  h  et  batu  avec  un  seul  t  ;  Boileau,  pome  avec 
un  m;  Racine,  je  répons  sans  d  ;  Lafontaine,  cJiartier 
sans  plus  de  lettres  que  quartier  ;  quant  à  Fénelon,  il  n'a 
jamais  imprimé  que  Les  Avaniures  de  Teleniaque. 


Xoiœelle  adhésion. 

M.  Qarlos  Qabezon  ,  de  Valparaiso  (Chili)  s'est  fait 
inscrire  comme  membre  actif  de  notre  Société.  M.  Qabezon 
mène  avec  une  grande  activité  dans  son  pays  la  même  campa- 
gne que  nous  11  a  publié  notamment,  comme  ouvrage  de  pro- 
pagande, des  Notas  sobre  la  reforma  ortograjiqa. 


Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  recevons  un  livre 
excellent,  que  nous  sommes  heureus  de  recommander  :  La 
nouvelle  Orthographe,  par  Auguste  Renard, avec  une  préface 
de  M.  Louis  Ilavet.  (Paris,  Delagrave.) 


Le  Gérant  :  E.  Bouillon. 


CHALON-SUK-SAONK,    LMl'HLMKRIK    DE    L.    MARCKAU 


i;oiU(;i\K  i)i:s  contks  dk  fi:es 

A    PKOPOS    d'un    ouvrage    RÉCENT 


Parmi  les  problèmes  que  soulève  la  très  savante  et  très 
brillante  thèse  de  M.  Bédier  sur  les  fabliaus',  il  en  est  un 
dont  la  solution  expéditive  qu'il  propose  ne  saurait  être 
considérée  comme  le  dernier  mot  de  la  question.  En  ce  qui 
regarde  les  contes  non  ethniques.  «  il  est  impossible  de 
savoir,  dit-il,  où,  quand  chacun  d'eus  est  né,  puisque  par 
dédnition  il  peut  être  né  en  un  lieu,  en  un  temps  quel- 
conque ».  Il  faut  avouer  que  voilà  une  règle  qui  simplifie 
singulièrement  pour  tous  les  cas  embarrassants  la  recherche 
de  l'endroit  et  de  l'époque  qui  ont  vu  naître  les  contes  dont 
il  s'agirait  de  trouver  l'origine.  Il  suffit  de  les  classer  dans  la 
catégorie  des  non  ethniques  pour  qu'il  n'y  ait  plus  lieu  de  s'en 
occuper  à  cet  égard.  Rien  de  plus  commode  d'ailleurs  que  de 
faire  entrer  un  conte  quelconque  dans  ce  cercle  dont  il  ne 
sortira  plus,  et  qui  consiste  à  dire  que  puisqu'il  n'est  pas 
ethnique  il  n'a  pas  de  patrie,  et  réciproquement.  Avoir  une 
patrie  «  quelconque  »  ou  n'en  point  avoir  du  tout  n'est  pour- 
tant pas  la  même  chose,  et  le  raisonnement  de  M.  Bédier  ne 
serait  solide  que  si  les  contes  non  ethniques  étaient  réellement 
à  ses  yeus  des  sans  patrie.  Il  est  trop  évident  qu'il  n'entent 
pas  la  chose  ainsi  pour  qu'il  soit  permis  d'insister.  Il  a  voulu 
dire  simplement  que  les  contes  qu'il  appelé  non  ethniques 
sont  d('pourvus  de  caractères  qui  permettent  d'oi  retrouver 
l'origine,  au  double  point  de  vue  chronologique  et  géogra- 
phique. Or  y  a-t-il  beaucoup  de  ces  contes-là?  C'est  ce  dont 
M.  Bédier  me  permettra  de  douter.  Je  vais  du  reste  essayer  de 
justifif.'r  les  causes  de  mon  scepticisme  à  cet  égard,  ou  plutôt 
je  lâcherai  de  prouver  que  d'importantes  séries  de  contes,  que 

1.  Un  volume  g:-.  :m-8',  xxvii  et  185  pp.  Paris,  Bouillun.  IS'J'i. 
Rkvuk  dk  imiii.oi.ocm:,  vu.  11 


162  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

M.  Bédier  n'hésiterait  pas  à  classer  parmi  ceus  dont  il  faut 
désespérer  de  connaître  jamais  la  provenance,  peuvent  être 
sinon  datés  du  moins  rapatriés  avec  une  quasi-certitude. 

Les  contes  que  j'ai  en  vue  sont  ceiis  qu'on  a  l'habitude  d'ap- 
peler Contes  c?e/ees.  Mais  la  désignation  peut  paraître  vague 
à  certains  égards,  et  au  risque  de  restreindre  la  portée  de  ma 
démonstration,  je  préfère  ne  l'appuyer  directement  que  sur 
les  récits  contenus  dans  les  recueils  de  Perrault  pour  la 
France  et  des  frères  Grimm  pour  les  pays  germaniques. 

Les  contes  non  ethniques,  pour  reprendre  une  autre  forme 
de  la  définition  de  M.  Bédier,  sont  ceus  qu'on  ne  «  pourrait 
attribuer  à  tel  peuple  créateur  »  et  qui  «  ne  sont  caractéris- 
tiques d'aucune  civilisation  ».  Est-ce  le  cas  de  ceus  qui 
forment  les  collections  dont  je  viens  de  parler  ?  Je  répondrai 
hardiment  non,  en  m'appuyant  sur  les  considérations  sui- 
vantes. 

La  plupart  des  contes  de  Perrault  et  de  Grimm  n^posent, 
par  leurs  traits  les  plus  importants,  sur  une  conception  du 
monde  où  les  fées,  les  magiciens  et  les  ogres  jouent  un  rôle 
prépondérant  et  caractéristique.  Il  y  a  là  comme  une  religion 
sui  generis,  tout  à  la  fois  fantastique  et  athée,  en  ce  sens 
qu'elle  semble  ignorer  le  nom  des  dieus,  une  religion  systé- 
matique dans  sa  bizarrerie  et  signalée  par  une  physionomie 
trop  particulière  pour  qu'on  puisse  en  faire  le  domaine  banal 
de  n'importe  qui.  C'est  bientôt  dit  de  parler  à  ce  propos  de 
survivance  et  d'animisme  ;  ce  sont  des  mots  de  passe  à 
l'aide  desquels,  depuis  une  vingtaine  d'années,  on  prêtent 
tout  expliquer  en  fait  de  croyances  primitives,  sans  expliquer 
rien.  En  réalité,  quand  on  serre  les  choses  de  près  sans 
prendre  pour  argent  comptant  les  formules  vagues  et  les 
expressions  creuses,  on  s'aperçoit  bien  vite  que  nos  contes 
de  fées  répondent  à  des  idées  ethniques  si  une  certaine 
religion  peut  être  considérée  comme  le  propre  d'une  certaine 
race,  —  si  les  fées,  les  ogres, .les  magiciens,  etc.,  qui  sont  les 
acteurs  essentiels  des  contes  de  France,  d'Allemagne,  etc., 
ne  sont  pas  les  acteurs  essentiels  de  ceus  «  de  la  Kabylie  et 
du  Groenland  »,  à  supposer  que  ces  contrées  aient  des  contes 
qui  leur  soient  propres,  —  si,  surtout,  on  se  rent  compte 
qu'il  est  aussi  facile  d'imaginer  comment  le  Petit  Poucet, 


l'origink  des  contes  de  fées  163 

par  exemple,  a  pu  ôtrc  porté  de  France,  d'Allemagne,  etc., 
en  Kabylie  ou  au  Groenland  (en  admettant  qu'il  s'y  trouve), 
que  l'hypothèse  inverse  est  absurde. 

Mais,  si  les  contes  de  Perrault  et  de  Grimm,ou  les  contes 
de  fées  qui  ont  circulé  de  tout  temps  en  Europe,  ou  bien 
encore,  ce  qui  revient  au  même,  les  récits  que  les  mères- 
grands  de  nos  villages  racontent  depuis  des  siècles  aus  bam- 
bins qu'elles  élèvent,  ont  les  caractères  ethniques  que  nous 
venons  d'y  reconnaître,  quelle  est  la  race  à  laquelle  on  peut 
en  rapporter  l'invention? 

La  réponse  que  je  vais  faire  à  cette  question  ne  saurait 
être  donnée  comme  neuve,  mais  je  compte  l'entourer  de 
raisons  qui  le  seront  davantage.  En  deus  mots,  je  crois  avec 
MM.  Max  Mûller  et  Gaston  Paris,  pour  ne  parler  que  des 
savants  les  plus  célèbres  qui  se  sont  prononcés  à  ce  sujet, 
que  les  contes  dont  il  s'agit  sont  d'origine  indo-européenne, 
c'est-à-dire  qu'ils  appartiennent  au  groupe  ethnique  dont  les 
principaus  rameaus  sont  devenus  les  Hindous,  les  Perses, 
les  Grecs,  les  Latins,  les  Slaves,  les  Germains  et  les  Celtes 
et  qu'ils  remontent  à  une  période  antérieure  à  la  cause  quel- 
conque qui  a  brisé  l'unité  primitive  de  ces  peuples. 

Dans  les  preuves  que  j'essayerai  d'en  fournir,  je  ne  m'attar- 
derai pas  à  démontrer  d'abord  que  les  contes  dits  populaires, 
et  qui  le  sont  devenus  en  ce  sens  qu'ils  se  conservent  surtout 
parmi  les  vieilles  femmes  de  nos  campagnes,  n'avaient  rien 
de  populaire  à  l'origine.  En  pareille  matière,  les  grand'mères 
n'inventent  rien  et  la  perpétuité  de  ces  contes  sous  des  formes 
à  peu  près  invariables,  en  est  le  stîr  indice.  J'ajouterai  que 
toute  tradition  ancienne,  qui  n'est  que  tradition  pure,  a  eu, 
même  sous  ses  aspects  les  plus  humbles,  la  religion  pour  point 
de  départ,  elle  seule  ayant  eu  l'autorité  doctrinale  suffisante 
pour  donner  le  branle  aus  enseignements,  quels  qu'ils  soient, 
que  les  générations  des  illettrés  se  sont  depuis  lors  indéfini- 
ment transmises;  dans  tel  village  où  ce  qu'on  appelé  le 
folk-lore  sera  resté  vivant,  personne  n'aura  gardé  le  souvenir 
traditionnel  de  l'histoire  de  ce  même  village  s'il  s'agit  seule- 
ment de  remonter  à  soissanteou  quatre-vingts  ans.  Disons  tout 
de  suite  où  nous  voulons  en  venir:  les  contes  du  genre  de  ceus 
de  Grimm  et  de  Perrault  sont  des  restes  de  la  religion  (ou  de 


164  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

la  mythologie,  ce  qui  est  tout  un)  indo-européenne,  assertion 
qui  m'oblige  à  exposer  ausstrapidement  que  possible  les  prin- 
cipaus  caractères  de  cette  religion. 

Chez  les  peuples  de  notre  race^  aus  époques  qui  ont  pré- 
cédé de  plus  ou  moins  loin  et  suivi  de  près  la  séparation, 
toute  la  liturgie  était  dans  le  sacrifice,  c'est-à-dire  dans  l'en- 
tretien au  sein  de  chaque  famille  d'un  feu  perpétuel  consi- 
déré comme  sacré  et  qu'on  alimentait  avec  deè  essences 
inflammables  (huile,  beurre,  alcool  ou  résine).  A  ce  feu 
étaient  adressés  des  hymnes  dans  lesquels  on  célébrait  en 
langage  métaphorique  l'union  des  liquides  sacrés  et  des 
flammes  qu'ils  nourrissaient,  l'éclat  de  ces  flammes,  leurs 
crépitements,  leur  développement,  non  sans  adresser  des 
objurgations  à  toutes  les  circonstances  qui  pouvaient  retarder 
ces  effets  de  la  cérémonie. 

Dans  la  phraséologie  des  hymnes,  en  vue  d'en  amplifier 
et  d'en  animer  les  détails,  on  personnifiait  d'ailleurs  les 
différents  phénomènes  que  présentait  l'allumage  du  feu 
sacré.  Les  flammes  assimilées  à  des  êtres  vivants  servirent 
de  base  à  l'idée  des  dieus  (les  brillants),  —  leurs  crépite- 
ments devinrent  les  vois  divines  considérées  comme  om- 
niscientes et  prophétiques  à  mesure  que  la  notion  des  dieus 
acquit  des  caractères  merveilleus  et  mystiques,  —  leur  ex- 
pansion fut  comparée  à  des  édifices  resplendissants,  à  des 
parures  magnifiques,  à  des  objets  de  métal  précieus.  Quant 
aus  obstacles  imaginaires  qu'on  s'amusait  à  regarder  comme 
retardant  la  manifestation  des  splendeurs  et  des  enchante- 
ments du  sacrifice,  on  les  symbolisa  sous  la  forme  d'êtres 
malfaisants  localisés  dans  les  parties  basses  et  obscures  de 
l'autel,  au  sein  des  liqueurs  sacrées  que  le  feu  n'avait  pas 
encore  atteintes  ;  ce  ténébreus  séjour  fut  le  prototype  des 
enfers,  comme  ses  habitants  fictifs  furent  cens  des  démons. 

Les  hymnes  liturgiques,  avec  tous  les  développements  dus 
à  la  rhétorique  qui  leur  était  propre,  devinrent  naturellement 
la  base  et  la  matière  même  de  la  tradition  religieuse  sous 
toutes  ses  formes  ;  c'est  d'eus  que  sortit  toute  l'efflorescence 
mythologique  de  l'Inde,  de  la  Grèce  et  de  toutes  les  contrées 
que  peuplèrent  les  Indo-Européens.  Mais  le  privilège  des 
choses  religieuses  est  de  pénétrer  partout.  La  mythologie  des 


l/()UIf;lNK    DES    CONTKS    DE    FÉES  165 

hymnes  ne  fut  pas  seulement  l'objet  des  brillantes  variations 
ausquelles  la  soumirent  les  poètes  qui,  comme  Homère  et 
Hésiode  en  Grèce,  tirèrent  leurs  chants  des  anciens  docu- 
ments sacrés.  Grâce  aus  incantatcurs  de  bas  étage,  aus  prêtres 
de  condition  inférieure  qui  devinrent  les  sorciers,  les  for- 
mules liturgiques  avec  leur  cortège  habituel  de  tours  pro- 
verbiaus,  d'expressions  énigmatiques  ou  paradoxales,  do 
récits  pleins  d'invraisemblances,  descendirent  dans  le  peuple 
dont  elles  constituèrent  tous  les  souvenirs  traditionnels  et 
l'équivalent  de  la  littérature  des  classes  instruites.  C'est 
ainsi  que  les  hymnes  amorcèrent  les  contes  de  fées,  cette 
monnaie  de  la  mythologie,  et  dont  la  ressemblance  avec  elle, 
reconnue  par  M.  Bédier  lui-même,  s'explique  si  bien  par 
la  communauté  des  sources  originelles. 

Cette  esquisse  succincte  des-  rapports  diifolk-lore  indo- 
européen avec  les  monuments  primitifs  de  la  religion  de  nos 
pères  rendra  facile  maintenant  l'identification  des  principales 
figures  typiques  des  contes  qui  s'y  rattaclient  avec  leurs 
antécédents  liturgiques,  c'est-à-dire  avec  les  éléments  et  les 
phénomènes  du  sacrifice  que  les  hymnes  ont  commencé  à 
personnifier. 

Les  fées  (fai-va,  celle  qui  parle,  qui  révèle;  cf.  fat-um  le 
destin  considéré  comme  la  révélation  de  l'avenir,  -fatin  dans 
inf'anti,  celui  qui  ne  parle  pas, /«-/•{  parler,  etc.i  qui  résident 
auprès  des  fontaines  sont  les  sœurs  des  nymphes,  fatidiques 
comme  elles,  et  qui,  comme  elles  aussi,  sont  les  habitantes 
des  eaus.  Les  unes  et  les  autres  symbolisent  les  liqueurs  du 
sacrifice  et  les  crépitements  prophétiques  qu'elles  font  en- 
tendre quand  elles  se  transforment  en  flammes  sacrées. 

Le  magicien  (iJ^âyo;,  radical  apparenté  à  celui  de  ixi-i-i-^vo^i , 
stratagème,  et  iJLT,/-otvr;,  ce  qui  instrumente,  machine,  édifie, 
construit)  est,  dans  les  contes  qui  nous  occupent,  l'équivalent 
ou  le  substitut  du  déva  (ou  dieu)  des  hymnes  védiques.  A 
l'instar  des  dévas,  les  magiciens  développent,  à  l'aide  de  leur 
baguette  d'or  (figure  du  feu  sacré),  toutes  les  merveilles  qu'il 
leur  plaît  d'évo(iuer.  Dans  lamythologie  grecque,  le  prototype 
par  excellence  du  magicien  des  traditions  populaires  est 
lléphaistos,  l'artisan  sans  ])areilqui  fabrique  toutes  les  choses 
admirables  ou  merveilleuses  dont  les  dieus  ont  besoin.  Le 


166  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

même  rôle  est  rempli  dans  les  hymnes  védiques  soit  par 
Tvaslar  (le  fabricant),  soit  par  le  déva  Varuna.  Du  reste,  c'est 
comme  magiciens  suprêmes  que^  dans  l'une  et  l'autre  mytho- 
logie, les  dieus  sont  considérés  comme  les  créateurs  du  ciel 
et  de  la  terre,  images  primitives  du  sacrifice  dont  ils  sont  les 
inventeurs. 

Les  ogres  (latin  Orcus,  l'enfer  personnifié  ;  cf.  Hadès  qui, 
dans  la  mythologie  grecque,  désigne  à  la  fois  l'enfer  et  le 
dieu  des  enfers)  correspondent  traits  pour  traits  aus  Raksas 
ou  Raksasas  des  Védas  (la  racine  est  peut-être  la  même),  les 
reteneurs  ou  les  empêcheurs  (du  sacrifice).  Ogres  et  Rak- 
sasas (dans  la  mythologie  postérieure  de  l'Inde)  sont  des 
êtres  horribles,  aus  formes  monstrueuses,  qui  se  nourrissent 
de  chair  humaine,  voyagent  la  nuit  (dans  l'obscurité  des 
sacrifices  non  allumés),  et  que  le  héros  qui  personnifie  le 
feu  sacré  triomphant  des  obstacles,  est  prédestiné  à  tuer  au 
moment  de  sa  radieuse  expansion  sur  l'autel. 

Le  rapprochement  de  tous  les  détails  des  contes  de  fées 
qui  coïncident  avec  les  données  de  la  mythologie  des  na- 
tions d'origine  indo-européenne,  prise  à  leur  source  dans  les 
hymnes  védiques,  demanderait  un  volume.  Ceus  que  je  viens 
d'indiquer  sont  assez  caractéristiques,  à  mon  avis,  pour 
dispenser  d'une  comparaison  plus  étendue;  ils  suffisent  du 
moins  pour  permettre  de  localiser  avec  certitude  dans  le 
domaine  indo-européen  l'ensemble  de  ces  contes,  surtout  si 
au  parallèle  général  qui  précède  j'ajoute  l'examen  analytique, 
d'après  la  même  méthode,  d'un  conte  particulier  choisi  parmi 
les  plus  répandus  de  la  série  dont  il  s'agit,  soit  la  Petit  Poucet. 

Ce  récit  célèbre  nous  est  connu  par  deus  versions  prin- 
cipales assez  difïérentes  l'une  de  l'autre,  dont  la  première  est 
celle  de  Perrauh,  tandis  que  la  seconde,  dont  les  variantes 
sont  innombrables,  a  été  l'objet  d'un  remarquable  travail  de 
de  M.  Paris,  qui  a  paru  d'abord  dans  les  Mémoires  de  la 
Société  de  linguistique  de  Paris  (I,  p.  372  seqq.).  Sous  sa 
double  forme  le  Petit  Poucet  est  trop  généralement  connu 
pour  qu'il  me  soit  nécessaire  d'en  rappeler  les  détails.  Je  k>s 
supposerai  donc  présents  à  la  mémoire  du  lecteur  dans 
l'espèce  de  paraphrase  explicative  d'après  la  mythologie 
védique  que  je  vais  essayer  d'en  donner. 


l'origine  des  contes  de  fées  167 


1°  Le  Petit  Poucet  de  Perrault 

Agni,  le  dieu-feu,  avant  de  briller  sur  l'autel  est  caché  ou 
perdu  dans  l'obscurité  que  suppose  l'absence  du  sacrifice,  si 
l'on  n'a  que  lui  en  vue  et  qu'on  le  considère  (c'est  très  sou- 
vent le  cas  dans  les  hymnes)  comme  la  lumière,  le  jour, 
le  soleil,  ou  le  ciel  par  excellence. 

Il  y  est  petit,  pareil  à  un  fœtus,  disent  et  redisent  les 
textes,  —  il  ne  sera  grand  qu'une  fois  allumé  et  qu'il  se 
dressera  devant  le  sacrificateur  sous  la  forme  d'une  flamme 
brillante  \ 

Il  est  sage  ou  sav^ant  (vidcan),  par  emploi  régressif  en 
quelque  sorte  de  l'épithète  à  laquelle  il  a  droit  quand  il 
brille,  quand  il  est  éclairé  et  qu'il  fait  entendre  sa  vois 
omnisciente. 

Les  libations  qui  le  conliennenten  puissance  et  ausquelles 
il  est  identifié  si  souvent  sont  au  nombre  de  sept,  —  elles  sont 
sœurs  (ou  frères  quand  on  les  personnifie  au  masculin). 

La  forêt  où  le  Petit  Poucet  se  pert  avec  ses  frères  et  la 
maison  de  l'ogre  où  il  trouve  un  abri  pendant  la  nuit  sont 
deus  figures  différentes  d'un  même  objet,  l'obscurité  du  non- 
sacrifice. 

Le  Petit  Poucet  tue  l'ogre  comme  Agni  tue  le  Raksas. 
Celui-ci  et  celui-là  s'emparent  alors  des  richesses  de  leur 
victime,  qui  ne  sont  autres  que  les  eaus  abondantes  et 
nourricières  de  la  libation  ausquelles  ils  doivent  la  vi- 
gueur et  l'éclat. 


1.  Le  vers  du  Rif/-Vcdn,  IX,  15,  1,  csa  dliitjd  ydty  ancyû  euro 
rathcblnr  ùçAibliilj,  «  celui-là  (le  liquide  sacré  prêt  à  flamber,  soma 
pa:anidna),le  héros,  se  meut  au  moyeu  de  chars  rapides  (ses  flammes) 
et  à  l'aide  d'une  intelligence  (dont  la  forme  est)  minuscule  o,  donne 
très  bien  l'idée  des  formules  sur  lesquelles  s'est  développé  notre 
conte,  surtout  dans  sa  seconde  version. 

Un  mythe  de  l'Inde,  tiré  évidemment  de  formules  analogues  h 
celles  qui  ont  abouti  au  conte  du  Petit  Ponrct,  est  celui  du  nain 
\V.s/(«  qui,  dans  sa  lutte  contre  le  démon  Bali,  parcourt  le  monde  en 
trois  pas  (cf.  les  l)ottes  de  sept  lieues). 


168  REVUE    DE    PHILOr.OGIE    FRANÇAISE 


2"  Le  Petit  Poucet  d'api^ès  les  versions  recueillies 
PAR  M.  G,  Paris 

Ici,  au  lieu  de  conduire  ses  frères,  Poucet  dirige  soit  des 
bœufs,  soit  des  chevaus,  soit  un  chariot,  soit  une  charrue. 

Rien  de  plus  fréquent  dans  le  Rir/-Véda  que  les  vaches 
(ou  bœufs)-libations,  ou  les  chevaus,  ou  les  chars,  figures 
dos  tlammes  du  sacrifice,  qui  traînent  ou  portent  les  libations 
sous  la  conduite  d'Agni. 

D'ailleurs  comme  il  s'agit  du  petit  Agni,  d'Agni-fœtus,  il 
est  encore  invisible  et  caché,  tantôt  à  l'intérieur  des  vaches- 
libations,  tantôt  dans  le  ventre  du  loup,  tantôt  enfin  dans 
l'oreille  '  du  cheval  ou  du  bœuf.  II  y  fait  entendre  sa  vois 
qui  représente  ses  crépitements  et  qui  est  généralement  le 
signal  de  sa  délivrance  ;  on  ne  l'entent  qu'au  moment  où  il 
va  échapper  à  l'obstacle  et  sortir  de  l'obscurité. 

Pour  se  rendre  compte  de  la  circonstance  d'après  laquelle 
le  Petit  Poucet  serait  le  Bow-:r,;  des  sept  bœufs  de  la  Grande- 
Ourse,  il  suffit  de  se  rappeler  qu'en  pareil  cas,  comme  dans 
beaucoup  d'autres  du  même  genre,  la  m3'thologie  indo-euro- 
péenne s'est  transformée  en  astronomie,  ou  plutôt  celle-ci  a 
emprunté  à  celle-là  sa  nomenclature  primitive.  Les  sept 
bœufs  de  la  Grande-Ourse  ont  passé  du  ciel  du  sacrifice  au 
ciel  réel,  à  la  faveur  surtout  du  double  sens  (ours  et  chose 
lumineuse)  du  mot  sanscrit  Riksa  =  grec  apxToc. 

Ai-je  achevé  ma  démonstration  et  réussi  à  faire  voir  que 
nos  contes  de  fées  ne  sont  ni  une  sorte  de  proies  sine  matre 
creata,  comme  les   folk-lorisles  ont  l'air  de  le   croire-,  ni 


1.  Cf.  pour  cette  circonstance  dont  il  est  fait  souvent  mention,  Rig- 
Véda,  II,  24.  8,  où  il  est  question  d'oreilles  qui  sont  la  demeure  des 
flèches  du  feu  sacré  personnifié  sous  le  nom  de  nrahnianasp;4i.  .\u 
vers  V,  31,  9,  il  est  dit  aussi  (jue  les  chevaus  d'Indra  =: Agni  le 
portent  dans  l'oreille. 

2.  Un  fait  curieus  à  noter  c'est  que  la  théorie  des  folk-lorisles  n'a 
d'abord  été  qu'une  méthode.  Il  s'agissait  simplement  pour  commencer 
de  réunir,  abstraction  faite  de  toute  idée  générale,  les  légendes  popu- 
laires partout  où  elles  se  trouvent.  Le  système  n'est  venu  qu'après  et 
visiblement  inspiré  par  la  méthode  :   les  légendes  recueillies  partout 


I.'oUIGlNE    DES    fONTKS    DE    FKKS  169 

d'éternels  vagal)oncls  dont  le  pMerinagr^  a  commencé  on  ne 
sait  où,  ainsi  que  M.  Bédier  paraît  disposé  à  le  penser  ?  On 
me  permettra,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  do  pencher  pour 
raOïrmative  et  de  croire  plus  que  jamais,  en  j)résence  des 
raisons  qui  militent  en  sa  faveur,  à  l'origine  indo-européenne 
des  traditions  ([ui  |)ortent  visiblement  le  cachet  des  an- 
ciennes croyances  indo-européennes. 

Il  me  serait  facile  maintenant  de  montnn'  que,  j^arnu  les 
contes  considérés  à  la  fois  comme  ((  ellmiques  »  et  peu  an- 
ciens, un  grand  nombre  ne  doivent  cette  apparence  qu'à  la 
mise  en  ouivre,  avec  quelques  détails  nouveaus  inspirés  par 
le  lieu  de  l'époque  où  la  refonte  s'c^st  produite,  de  viens 
thèmes  légendaires,  dont  la  véritable  origine  remonte  ans 
hynnies  liturgiques  du  genre  de  cens  que  les  Védas  nous  ont 
conservés.  Et  ceci  expli(|ue  comment  tel  conte  de  l'Inde  p'.'ut 
avoir  son  correspondant  en  Occident  (exemple  :  la  légende 
de  Purùravas  et  d'Urvaci  auprès  de  la  fable  de  Psyché  et 
celle  de  Mélusine)  sans  qu'il  y  ait  eu  influence  directe  d'une 
version  sur  l'autre.  L'hypothèse,  justifiée  partant  de  faits,  de 
la  communauté  d'origine  à  une  très  haute  ('poque  et  sous 
une  forme  extrêmement  rudimentaire  explique  les  ressem- 
blances de  tel  récit  du  Pancatttntra  avec  tel  fabliau  dé- 
veloppé par  les  jongleurs,  sans  qu'il  soit  besoin  d'admettre 
d'intermédiaires  quelconques.  Aussi,  toutes  les  théorif^s  ex- 
posées avec  tant  de  verve;  d'érudition  <;t  de  clarté  dans  la 
première  partie  du  beau  li\re  de  M.  B(''dier  doivent  être 
rectifiées  on  conséquence;. 

En  ce  qui  me  concerne,  et  il  est  à  i)eine  besoin  de  le  rap- 
peler après  tout  ce  qui  précède,  mes  conclusions  seront 
celles-ci  : 

1°  Tous  les  cont(;s  où  figurent  les  personnages  typiques 
des  contes  de  Perrault  et  de  Grimm  sont  d'origine  imlo- 
européenne  et  <mii  leur  source  dans  les  anciens  chants  litur- 
gie] ues  de  la  race  ; 

sont  devenues  dogmatiquement  celles  de  parlent.  .Viijourd'lnii,  de 
par  la  doctrine,  défense  est  faite  de  reclien-lier  s'il  u'v  a  pas  eu  de 
centres  d'éclosion  et  de  propagation  dont  le  rayounenicin  a  prnduil 
la  dillusion  aciuellc  de  la  niatiiTc  légendaire. 


170  REVUE   DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

2»  Il  est  infiniment  vraisemblable  que  tous  les  contes  qui 
portentle  même  caractère,  claiis  les  contrées  autres  que  celles 
qu'habitent  les  Indo-Européens,  y  ont  immigré  avec  ce 
qu'on  peut  appeler  le  bagage  verbal  de  la  civilisation  de 
ceus-ci\ 

Paul  Regnaud. 


1.  Parfois  on  pourrait  croire  que  M.  Bédier  a  sur  les  contes  de 
fées  des  idées  voisines  de  celles  que  je  viens  de  développer,  par 
exemple  quand  il  dit  (p.  248)  :c<  Beaucoup  (de  contes)  renferment  des 
traits  merveilleus,  actuellement  vivants,  précieus  aus  mythologues, 
qui  font  l'intérêt  de  nos  contes  de  village  :  ils  sont  les  matériaus  de 
la  mj'thologie.  »  Mais  on  lit  quelques  lignes  plus  haut  :  «  Nos  contes 
de  fées,  considérés  comme  des  produits  fabriques,  indéfiniment 
transmissibles,  ne  sont,  en  tant  qu'ils  sont  communs  aus  diverses 
nations,  susceptibles  d'aucune  étude  ;  «  et  cette  fois  je  renonce  à 
comprendre.  Y  a-t-il  des  contes  de  fées  sans  merveilleus,  et  si  le 
merveilleus  est  précieus  aus  mythologues,  comment  peut-on  dire 
que  les  contes  où  il  y  en  a  ne  sont  susceptibles  d'aucune  étude, 
étude  qui  consistera  justement  à  déterminer,  à  spécifier,  à  localiser 
la  mythologie  qu'ils  renferment,  et  à  voir  par  là  d'où  ils  viennent? 
La  tlièsc  préconçue  de  l'auieur  est  ici  en  conflit  aigu  avec  son  vigou- 
reus  bon  sens. 


DICTIONNAIRE  DU  PATOIS  DU  BAS-GATINAIS 

(Supplément) 
Par   C .    P  ij  1  c  H  A  u  D 


Abat,  n.  c.  m.  Cliutc  (d'eau.)  Par  extension  :  Quel  abat  de 
coups  de  bâton! 

Abat  (d  ),  loc.  adv.  S'applique  à  la  pluie  et  signifie: 
avec  abondance.  Dans  cette  pluie  d'abat,  je  ne  savais  où  me 
mettre. 

Abatage,  n.  c.  m.  Portée  d'un  levier.  —  Faire  un  abatage 
c'est,  avec  un  levier,  produire  un  effort.  J'ai  fait  un  abatage 
pour  abattre  ce  mur,  assez  fort  pour  le  relever. 

Aburingues,  n.  c.  f.  pi.  Le  trop  plein  d'un  vase.  Heureus 
sont  ceus  qui  possèdent  les  aburingues  de  ton  chaudron  pour 
nourrir  leurs  gorets. 

Aeaclie,  adj.  des  dous  g.  Pressé,  -e,  tassé,  -e,  non  levé 
(en  parlant  du  pain).  Le  pain  azyme  estacache,  acaclie  aussi 
la  terre  que  la  houe  n'a  pas  façonnée. 

Acoyau,  n.  c.  m.  Chevron  qui  déborde  le  mur,  supportant 
les  pièces  qui  doivent  en  écarter  les  eaus  pluviales. 

Acrapassé,  -ée,  adj.  Réuni,  -e  en  tas  pressé.  En  voyant  mon 
bétail  acrapassé  j'ai  cru  qu'il  y  avait  quelque  chose  d'extraor- 
dinaire. 

Adoué,  -ée,  n.  et  adj.  Personne  unie  en  dehors  des  liens 
du  mariage.  Les  adoués  ne  se  vantent  pas  de  leur  situation. 
Auriez-vous  cru  que  cette  femme  était  adouée? 

Affier,  v.  n.  Ccrtifici'.  Je  vou^  aflii'  (|u'il  viendra.  (Se 
trouve  dans  Villon.) 

Affouzeler  (s'),  v.  a.  S<.'  dit  des  aiiimaus  quand,  tout  en 
restant   debout.   iN  rassemblent  leurs  pieds.    La   rosée  fait 


172  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

afïouzeler  les  génisses.  —  V.  pr.,  s'alïouzeler.  Les  chiens 
s'affouzellent  sur  la  gelée  blanche. 

Affronter,  v.  act.  Faire  éprouver  un  affront  à...  Il  est 
affreus  d'affronter  son  père. 

Agacia,  n.  c.  m.  Pommier  sauv^age. 

Agarder,  v.  act.  Regarder.  S'agarder,  v.  pr.,  S'agarder  dans 
la  glace. 

Ageneiller  is'),  v.  pr.,  S'agenouiller. 

AgOQt,  n.  c.  m.  Égout. 

Agoutter,  v.  act.  et  n.  Égoutter.  —  V.  pr.,  s'agoutter. 

Agréïance,  n.  c.  f.  Consentement.  Donne  ton  agréïance. 

Agroumer  et  s'agrouiner,  v.  a.  et  pr.  Synonymes  d'af- 
fouzeler  et  (s). 

Aiziment,  adv.  Aisément. 

Ajeindre,  v.  act.  Atteindre.  Si  je  pouvais  ajcindre  cette 
branche,  j'abattrais  les  fruits  qu'elle  porte. 

Ajeter,  v.  act.  Acheter.  —  S'ajeter.  V.  pr.  On  trouve  rarement 
que  le  bonheur  s'ajète  trop  cher. 

Alinoter,  v.  n.  Maigrir.  Comme  tu  as  alinoté  depuis  que 
je  ne  t'ai  vu  ! 

Alizé,  -ée,  adj.  Compacte.  Pain  alizé. 

Amoindrezir,  v.  act.  Diminuer.  Tu  me  parais  vouloir 
amoindrezir  le  mérite  de  cet  homme. 

Amoisser,  v.  act.  Exciter.  Amoisser  deus  chiens  l'un 
contre  l'autre.  —  S'amoisser,  v.  pr.  Ces  gens  s'amoissent  sans 
raison. 

Amounition,  n.  c.  f.  Munition.  Fusil  d'amounition. 

Animau,  n.  c.  m.  Serpent.  Tiol  animau  n'est  pas  verimeus. 

Annui,  adv.  Aujourd'liui.  Voir  Annet  et  Hannet. 

Apetitezir,  v.  act.  et  n.  Devenir  ))lus  petit,  diminuer. 
Apetitezir  son  héritage.  En   vieillissant,  l'homme  apetitezit. 

Apichener,  v.  act.  et  n.  Taquiner.  Les  gens  qui  ont 
l'habitude  d'apichener  sont  détestés.  N'apichène  pas  ce 
taureau,  il  t'en  ferait  repentir.  • 

Ardillon,  n.  c.  m.  Orgelet,  petit  Ijouton  qui  vient  au  l)ord 
des  paupières. 

Arguelissc,  u.  c.  f.  Réglisse. 

Arrouser,  v.  act.  Arroser.  Arrousez  vos  cliamps  pendant 
les  chaleurs. 


niCTIONNAIHK    Dl'    PATOIS    DT    nAS-(;ATINAIS  17)^ 

Arroutci',  v.  act.  Ai)proiKliv  la  roule  à...  Arronter  son 
cheval  pour  aller  au  champ. 

Assaisonner,  v.  n.  Mûrir.  Dans  jes  années  pluvieuses,  les 
haricots  assaisonnent  difïicileincMit. 

Assouler,  v.  act.  Presser.  Assouler  le  foin,  la  i)aille. 


B 


Badigoulè,  n.  c.  m.  La  bouche.  Avoir  mau  au  harligoulè. 

Badrelle,  n.  c,  f.  Agaric  comestible. 

Baraton,  n.  c.  m.  Outil  de  bois  (jui  sert  à  brasser  la  crème 
dans  la  baratte.  Par  extension,  tout  outil  qui  sert  à  brasser 
un  liquide,  une  pâte. 

Bart)illons,  n.  c.  m.  i)l.  Longs  poils  qui  pendent  sous  le 
menton  de  certains  animaus. 

Barbotte,  n.  c.  f.  Hanneton. 

Bedcillon,  n.  c.  m.  Nain.  Les  farfadets  de  la  légende 
étaient  des  bedeillons. 

Bedous,  n.  c.  m.  Un  homme  \entru. 

Beguer,  v.  n.  Rester  bouche  béante.  11  était  si  saisi  qu'il 
beguait. 

Becler,  v.  n.  Crier  comme  la  chèvre,  Tiol  homme  bècle  si 
bien  que  les  chevreaus  lui  répondent.  La  chèvre  bècle. 

Bcter,  V.  n.  Se  figer.  En  été,  le  beurre  bète  difficile- 
ment. 

Bileus,  -se,  adj.  Soucieus,  -se,  triste.  Cet  homme  ne  paraît 
pas  être  bileus. 

Bireuiller,  v.  n.  Loucher.  Les  amoureus  se  regardent  avec 
tant  d'amour  qu'ils  en  bireuillent. 

Bogui,  -e  et  boïi,  -e,  n.  c.  Fiancé,  fiancée.  Quand  on  est 
bogui,  il  faut  être  sérieus.  Adj.  Un  homme  bogui. 

Boisson,  n.  c.  m.  Buisson. 

Boquet  et  boguet.  n.  c.  m.  Pelle  creuse  en  bois  ou  en 
métal  pour  j(,'ter  l'eau  d'un  endroit  dans  un  autre. 

Botte  (en),  loc.  adv.  En  fumier,  en  décomi)Osition.  Des 
effets  non  soignés  tomberont  vite  en  botte. 

Boucage,  n.  c.  m.  Bocage. 

Bouilléc,  n.  c.  f.  'Pouffe  de  I)ois  sorlant  d'un  même   pied. 


174  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

cépée.  Touffe  cUlierbes,  de  plantes,  etc.  Une  belle  bouillèe 
d'ajoncs. 

Bouqueiw.  n.  Bouder.  Je  n'aime  pas  les  gens  qui  bouquent. 

Bouter,  v.  act.  Frapper  avec  la  tête.  Le  veau,  en  tétant  sa 
mère,  boute  ses  mamelles  pour  y  faire  affluer  le  lait. 

Bousine,  n.  c.  f.  Sacoche.  Remplir  sa  bousine  d'écus. 

Bralleries,  n.  c.  f.  pi.  Pleurnicheries.  Finis  tes  bralleries 
(11  mouillées). 

Brèche,  adj.  des  deus  genres.  Bigarré,  -ée.  Une  vache 
brèche. 

Bricoler,  v.  n.  Chanceler.  Tu  as  trop  bu,  tu  bricoles. 

Brimer,  v.  act.  Empêcher  de  profiter.  L'abus  du  mauvais 
lait  peut  brimer  un  enfant. 

Bringue,  n.  c.  f.  Femme  maigre  et  de  mauvaise  tournure. 
Comment!  tu  veus  épouser  cette  grande  bringue  ! 

Broche,  n.  c.  f.  Aiguille  à  tricoter. 

Brocher,  v.  act.  Tricoter.  Brocher  une  paire  de  bas.  Au 
neutre,  bien  brocher. 

Broue,  n.  c  f.  Bruine,  syn.  de  brouée. 

Buffée,  n.  c.  f.  Souffle.  Ou  ne  sent  pas  aujourd'hui  une 
bulïée  d'air. 


C 


Cabèche,  n.  c.  f.  Tête.  Avoir  mal  à  la  cabèche. 

Caboter,  v.  n.  Tousser.  J'ai  un  rhume  qui  me  fait  caboter 
fort.  (Produisant  l'effet  d'un  cabot  qui  s'agiterait  dans  la 
poitrine.) 

Cabourner,  v.  n.  Tousser  sourdement. 

Calfreter,  v.  act.  Calfeutrer.  Calfreter  sa  porte.  —  Se  cal- 
freter,  v.  pr.  11  fait  bon,  l'hiver,  quand  on  se  calfrète  chez 
soi. 

Caneçon,  n.  c.  m.  Caleçon. 

Caus,  n.  c.  m.  et  fém.  Outil'de  bois  qui  sert  aus  faucheurs 
pour  mettre  leur  pierre  à  aiguiser  pendant  qu'ils  fauchent; 
la  pierre  y  trempe  dans  l'eau. 

Cépée,  n.  c.  f.  Chêne  ébranché  chaque  année. 

Châble,  n.  c.  m.  Maladie  de  dépérissement  du  bétail.  Mon 
bétail  est  atteint  du  châble. 


niCTIONNAIRK    DC    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  175 

Cliacoter,  v.  act.  et  n.  Frapper.  Chacotcr  qucbiirun. 
Cliacoter  à  la  porte. 

Cliambalctte,  n.  c.  f.  Désordre,  bouleversement.  Quelle 
chambalette  clans  cette  maison!  Si  lu  me  cotes,  tu  vas  voir 
une  belle  chambalette. 

Chaple,  n.  c.  m.  Sable  gras.  Lechaple  pour  la  construction 
ne  vaut  pas  le  sable. 

Charjouère,  n.  c.  f.  Personne  insupportable.  Mon  garçon, 
tu  es  bien  la  plus  fameuse  charjouère  que  je  connaisse. 

Charnage.  n.  c.  m.  La  chair.  Être  porté  pour  le  charnage. 

Charnail,  n.  c.  m.  Mamelle  des  bêtes  grosse  et  vide.  En 
mauvaise  part  on  dira  d'une  femme  à  forte  poitrine,  qui  ne 
peut  nourrir  son  enfant  qu'elle  a  du  charnail. 

Charte,  n.  c.  f.  Le  premier  livre  de  lecture.  Il  est  des 
enfants  qui  après  cinq  ans  d'école  ne  connaissent  même  pas  la 
charte. 

1°  Chatouner,  v.  n.  Mettre  bas,  en  parlant  des  chattes. 
A  l'heure  de  mon  départ,  ma  chatte  chatounait. 

2°  Chatouner,  v.  n.  Produire  des  chatons.  Les  sauzes 
chatounent  pendant  l'hiver. 

Chaudure,  n.  c.  f.  Chaleur.  L'année  1893  sera  célèbre  par 
sa  chaudure. 

Chen,  n.  c.  m.  Chien. 

1°  Chenasserie,  n.  c.  f.  L'ensemble  des  chiens,  la  meute. 
(Se  prent  en  mauv'aise  part.)  Avec  votre  chenasserie  l'on  ne 
pourrait  chasser  un  renard. 

2"  Chenasserie,  n.  c.  f.  L'œuvre  de  chair.  Le  neuvième 
commandement  de  Dieu  défont  la  chenasserie.  (Se  prent 
toujours  en  mauvaise  part.) 

Chenassier,  -e,  n.  c.  etadj.  Luxuricus,  -se.  Un  chenassier. 
Une  femme  chenassière. 

Chenot,  -te,  n.  c.  Jeune  chien,  jeune  chienne. 

Chevau,  n.  c.  m.  Cheval.  Monter  à  chevau  sur  une  jument. 

Chiasse,  n.  c.  f.  Pousse  gourmande  d'un  arbre.  Coupez 
les  chiasses  pour  que  l'arbre  greffé  ne  périsse  pas. 

Chiassous,  -se,  adj.  Chassieus,  -se. 

Chou-ripouille,  n.  c.  f.  Chou  frisé  de  Milan.  Les  chous- 
ripouilles  ne  sont  pas  sensibles  à  la  gelée. 

Cimentière,  n.  c.  m.  Cimelière. 


170  RKVLÎl-;    DH    IMUI.OI.OGIK    FKANÇAISK 

Cloe,  onomatopée.  Bruit  légor  (jik^  fait  un  corps  tombant 
dans  l'eau. 

Cloquer,  v.  n.  Faire  cloc.  Ça  vient  de  cloquer  dans  la 
rivière,  regardons  ce  qui  est  tombé  dedans. 

Cocatri,  n.  c.  m.  Petit  œuf  que  les  campagnards  croient 
être  le  produit  de  l'accouplement  d'une  volaille  et  d'un 
reptile.  En  cassant  un  cocatri,  il  en  naît  un  serpent. 

Combè,  adv.  Combien?  Combè  vaut  la  douzaine  d'œufs? 

Comprenable,adj.desdeus  genres. Compréhensible.  Il  n'est 
pas  comprenablequelebeurre  ne  se  vende  que  vingt-deus  sous 
la  livre  quand  le  foin  vaut  deus  cents  francs  les  mille  kilos. 

Cornifler,  v.  n.  bayer.  En  vous  voyant  ainsi  cornifler,  je 
gagerais  que  vous  êtes  un  fainéant. 

Cotllan,  n.  c.  m.  Cotillon.  Les  cotllans  de  droguet  sont 
très  prisés  en  Gâtine  (11  mouillées). 

Couet,  n.  c.  m.  Synonyme  de  Caus. 

Couéti,  n.  c.  m.  Coutil.  Pantalon  de  couéti. 

Coui.  -e,  adj.  Couvé,  -e.  Vous  distinguerez  les  œufs  couis 
par  leur  brillant. 

Communau,  n.  c.  m.  Terrain  communal.  Le  français  a  ce 
mot  au  pluriel. 

Coumère,  n.  c.  f.  Femme  qui  vient  d'accoucher.  Il  est 
d'usage  d'aller  voir  la  coumère  quand  on  est  une  amie  de  la 
maison. 

1.  Coumin,  -inc,  adj.  Commun,  en  grand  nombre.  Les 
fruits  ne  seront  pas  coumins  cette  année. 

2.  Coumin,  adv.  Couci-couci.  Comment  vas-tu?  Coumin. 
Coure,  adv.  Quand.  Coure  viendras-tu? 
Courpeignon,  n.  c.  m.    Croupion.    Un    courpeignon    de 

poulet  est  un  morceau  délicat. 

Crêpou,  n.  c.  m.  Petite  claie  destinée  à  dégraisser  les 
crêpes  que  l'on  retire  de  la  poêle. 

Cressence,  n.  c.  f.  Croissance.  Un  enfant  dans  sa  crcssence 
n'engraisse  pas. 

Crêt,  n.  c.  m.  Croît.  Le  crêt  de  mon  bétail  est  médiocre. 

Crottous,  -se,  adj.  Couvert  de  crottes.  Un  poulet  dont  le 
courpeignon  est  crottous  n'échappera  pas  à  la  mort. 

Cuet,  -e,  adj.  Cuit,  -e.  Prononcer  kè-te.  Les  poumes  cuètes 
sont  plus  saines  que  les  crues. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  177 

Cueurc,  v.  a.  ot  n.  Cuire.  Faire  cueure  un  fruit.  A  ce 
soleil  tout  cueut.  Se  cueure,  v.  pr.  Vcla  un  fruit  qui  secueut 
pas  vite.  Prononcez  :  keure. 

Cueurgnoule,  n.  c.  f.  Crinière.  Prononcez  :  kergneule, 
e  bref. 

Cul-sur-pointe,  loc.  adv.  En  sens  contraire  du  lieu  où  Ton 
allait,  sur  ses  pas.  En  me  voyant  si  mal  reçu  dans  cette 
maison,  je  suis  revenu  chez  moi  cul-sur-pointe. 


n 


Daindegnous,  -se,  adj.  Dédaigneus,  -se.  Pourquoi  se 
montrer  daindegnous?  On  n'a  rien  à  y  gagner. 

Dalle,  n.  c.  f.  Tuyau,  chenal.  Dalle  d'étang.  La  dalle  du 
cou  c'est  le  gosier. 

Damas,  n.  c.  m.  Œillet  rouge.  Un  général  célèbre  avait 
pris  pour  emblème  le  damas.  Par  ext.  toutes  sortes  d'œillets. 

Dandilleus,  -se,  adj.  Hasardeus,  -e.  Entreprise  dandilleuse. 

Dau,  dans,  art.  contr.  :  Du,  des.  Dans  hommes  hardis  pas- 
sent partout.  Les  gens  dau  grand  monde  ne  frayent  pas  avec 
ceus  de  la  campagne.  Voir  Do,  Dos  J'écris  ces  mots  diffé- 
remment à  cause  de  la  prononciation  qui  difTère. 

Décarrer,  v.  n.  Décamper.  Je  viens  de  voir  un  lièvre  que 
mon  chien  a  fait  décarrer  rapidement. 

Décesser,  v.  n.  Cesser.  Décessez  de  me  parler  ainsi,  — V. 
act.  Décesser  un  travail. 

Découleurer,  v,  act.  Décolorer,  Le  soleil  découleure  les 
tissus  de  couleur  tendre.  — V,  pr.  Se  découleurer.  Devenez- 
vous  malade,  vous  vous  découleurez  à  vue  d'œil. 

Décrabasser,  v.  act.  Nettoyer,  décrasser  (des  boyaus). 
Quand  vous  tuerez  votre  cochon^  je  m'offre  pour  décrabasser 
les  tripes. 

Défaite,  n.  c.  f.  Ophtalmie  conjonctive.  —  Herbe  de  la 
défaite:  Géranium  liobci-lianum.  Cette  plante  est  employée 
pour  guérir  la  défaite,  d'où  son  nom. 

Détenir,  v.  act.  et  n  Défraîchir.  Un  vent  brûlant  a  défeni 
mes  fleurs.  Votre  teint  défenit.  —  Se  défenir,  v,  pr.  Un  peu 
plus  tôt,  un  peu  plus  tard,  tout  se  défenira. 

TiEvui-;  Dic  piiiLOLOGu;,  vil.  12 


178  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Dégarrocher,  v.  act.  Déraciner.  L'orage  a  dégarrochê  mes 
plantations. 

Dégoût,  n.  G.  m.  Mauvais  goût.  Cette  viande  a  un  dégoût, 
jetez-la  aus  chiens. 

Déjouquer,  v.  act.  et  n.  Sortir  du  joue.  Un  renard  a  fait 
déjouquer  les  poules.  Mes  dindons  déjouquent. 

Délivrance,  n.  c.  f.  Poche  qui  enveloppe  le  fœtus  du  bétail. 

Délivres,  n.  c.  f.  pi.  Terre  qui  sort  des  démolitions.  Celui 
qui  répant  des  délivres  sur  ses  cliamps  s'en  trouve  bien. 

Demage,  n.  c.  m.  Dommage. 

Dépave,  adj.  desdeus  genres.  En  liberté.  Ne  laissez  pas  les 
taureaus  dépaves.  Qui  est  sorti.  Quand  je  suis  dépave,  je  suis 
longtemps  sans  rentrer  à  la  maison. 

Déraser,  v.  act.  Abattre  tout  à  fait.  Déraser  un  mur.  Veut 
dire  aussi  :  écrêter.  Dérasez  ce  mur  d'un  pied. 

Dériorter,  v.  act.  Enlever  la  réortc  à.  Dériorter  une  claie. 

Devinaille,  u.c.  f.  Énigme.  Posez-moi  donc  une  devinaille. 

1°  Douelle,  n.  c.  f.  Douve  de  barrique. 

2»  Douelle,  n.  c.  f.  Femme  sans  tournure  et  de  mauvaise 
vie. 

Donner,  v.  act.  Donner.  Dounez-moi  la  main. 

Drouine,  n.  c.  f.  Boîte  que  portent  les  mendiants  pour 
mettre  leur  nourriture  et  leurs  effets,  et  les  ouvriers  pour 
transporter  leurs  outils. 

Durassier,  -e,  adj.  Qui  résiste  à  la  fatigue.  Comment  se 
fait-il  que  des  gens  paraissant  moins  forts  que  d'autres  soient 
plus  durassiers?  —  Durassier,  -e,  veut  aussi  dire  :  avare. 
Quelle  femme  durassière  ! 

Duranmaisi,  loc.  adv.  Dans  le  moment  présent.  Je  ne  vois 
pas,  duranmaisi,  quand  la  pluie  tombera. 

Duret,  n.  c   m.  Troène. 


E 

Èble,  n.  c.  f.  Hièble. 

Ébousailler,  v.  act.  Mettre  en  bouse,  en  bouillie.  Une 
pierre  a  ébousaillé  un  maçon. 

Écharogner,  v.  act.  Mettre  en  charpie.  Les  rats  ont  écha- 
rogné  la  couverture  de  mon  lit. 


nif-rioNNAiRr.  ni;  patois  du  bas-gatinais  170 

iM'liiaillé,  -c,  adj.  Maigre,  attaqué  d'êtisio.  On  voit,  de 
nos  jours,  beaucoup  de  gens  ècliiaillês. 

Embarrasser,  v.  act.  Voir  Empêcher,  même  sens. 

1°  Enibarrcr,  v.  act.  Arrêter.  Embarrcz  cet  honnne  qui  se 
sauve,  c'est  un  voleur. 

2*^  EmbarriM',  v.  act.  Entraver,  eiiehaîner.  Il  ne  faut  pas 
dédaigner  d'embarrer  les  animaus  malfaisants  si  on  ne  les 
fait  pas  tuer. 

Embellezir,  v.  act.  Emi)ellir   L'amour  embellezit  la  vie. 

Emboucagé,  -e,  adj.  Boisé,  -o.  Terrain  emboucagé. 

Embounezir,  v.  act.  Améliorer,  bonifier.  I^e  temps  embou- 
nezit  le  vin.  Au  neutre  :  devenir  meilleur.  Mon  cliien,  à 
l'âge  qu'il  a,  n'embounezira  pas.  V.  pi\  S'abounezir  :  s'amé- 
liorer. 

Éménej'er,  v.  act.  llcmuer.  Éméneyer  des  feuilles. 

Émorcher,  v.  act.  et  n.  Enlever  les  émorches.  Dites  ans 
valets  d'émorcher  mon  pré.  (^)ue  faites-vous?  Jémorche. 

Endret,  n.  c.  m.  I-jidroit,  lieu.  Re|)osons-nous  dans  ce 
joli  endret. 

Enragé,  -e,  n.  c.  et  adj.  Servit(}ur  qui  a  quitté  la  maison  où 
il  était  gagé  avant  le  temps  fixé.  Défiez-vous  des  enragés. 
J'ai  refusé  de  gager  hier  une  fille  enragée. 

Epince,  n.  c.  f.  Pinceties.  Uneépincedure  plus  longtemps 
qu'une  palle. 

Épouéser,  v.  act.  Épuiser.  Epouéser  un(>  doue.  Au  neutre, 
On  épouèse.  S'épouéser  Les  pouets  sont  rares  qui  ne  s'épouè- 
sent  pas  par  ce  temps  de  chaleurs  torrides. 

Époussetou,  n.  c.  m.  Époussette,  plunuNiu. 

Ériguelte,  n.  c.  f.  Gaieté.  Celui  qui  est  en  ériguette  le 
matin  pleure  quelquefois  le  soir. 

Escoffier,  v.  act.  Voler,  soustraire.  Un  chasseur  est  fier 
d'escofïîer  un  lièvre,  à  la  barbe  du  garde,  sur  la  ])roin'iété  que 
ce  dernier  doit  défendre. 

Estatuc,  n.  c.  f.  Statu*;.  Ça  doit  coûter  cher,  une  estatue  ! 

Estature,  n.  c.  f.  Stature.  11  y  a  des  hommes  d'une  estaturc 
gigantesque  et  des  bedeillons. 

Elaudin,  n.  c.  m.  Goutte  d'eau  (|ui  tombe  parla  eheminc'e. 
Sans  sortir  du  coin  du  feu  je  vous  dis  (|u'il  pleut,  et  j'en  suis 
sûr,  les  étaudins  me  le  font  savoir. 


180  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Etei'gner,  v.  act.  et  n.  Épargner.  Étergnons  notre  com- 
mentage.  Faut  étergner  dans  sa  jeunesse  pour  vivre  heureus 
clans  ses  vieus  jours. 

Étoc,  n.  c.  m.  Étau.  Quand  cet  homme  vous  tient,  on  se 
croirait  pris  dans  un  étoc. 

Évigasser,  v.  act.  Rajeunir,  rendre  vif.  La  vue  de  cette 
jolie  femme  évigasserait  un  vieillard.  S'évigasser,  devenir 
vif.  On  ne  s'évigasse  pas  quand  viennent  les  hirondelles 
d'hiver  (les  cheveus  blancs.) 


Faire,  v,  act.  Castrer.  On  fait  un  veau  avant  l'âge  de  deus 
ans. 

Farfouiller,    v.  n.    Faire  du  bruit  (spécial  aus  liquides). 

Dans  les  terrains  marécageus  l'eau  farfouille  sous  les  pieds. 

En    recevant  ma  barrique  je  l'ai   secouée,  et  comme  j'ai 

entendu  que  ça  farfouillait  dedans,  j'ai  bien  compris  qu'on 

.m'avait  volé  du  vin  pendant  son  transport. 

Ferchaud,  n.  c.  m.  Tige  de  fer  pointue  qu'on  fait  chauffer 
pour  percer  des  trous  dans  du  bois. 

Fesce,  n.  c.  f.  Clayonnage.  Quand  j'ai  pèche  mon  étang, 
j'ai  fait  une  fesce  pour  empêcher  de  sortir  de  la  boutole  mon 
poisson. 

Filandre,  n.  c.  m.  Filandres,  et  aussi  la  nervure  d'une 
feuille. 

Fin-force  (à),  loc.  adv.  A  force.  Villon  dit  :  «  fine-force.  » 
A  fin-force  de  forger  on  devient  forgeron,  mais  à  fin-force  de 
rôtir  on  ne  devient  pas  rôtisseur  :  il  y  a  des  métiers  que, 
malgré  l'investiture,  on  ne  peut  exercer. 

Flon,  n.  c.  Duvet  que  produit  le  linge  usé.  Pour  essuj^er 
des  verres,  ne  prenez  pas  du  linge  neuf  qui  n'essuie  pas,  ni 
du  vieus  qui  laisse  du  flon  sur  le  cristal. 

Fouailler,  v.  act.  Faire  la  luxure  avec.  Ne  saluez  pas  cette 
femme,  qui  fouaille  tout  venant. 

Fouè,  n.  c.  m.  Foyer.  La  Vendée  a  vaillamment  combattu 
pour  ses  autels  et  ses  fouès. 

Fouillée,    n.   c.    f.    Fouillée,    feuillage  d'arbre.  En  cette 


DICTIONNAIRE    DM    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  1^1 

iimièo  1893  OU  fait  exactement  ce  qu'on  a  fait  en  1870,  on 
fait  ramasser  la  fouillée  pour  empêcher  le  bétail  de  crever. 
Année  de  misère! 

Fredeillous,  -e,  adj.  Frileus,  se.  Oh!  qu'en  cet  été  torride 
les  fredeillous  ont  beau  temps! 

Fredinement,  n.  c.  m.  Bruit  que  produisent  des  corps 
sonores  en  s'entre-choquant.  Si  l'on  veut  empêcher  les 
oiseaus  de  manger  le  grain  dans  les  champs,  on  suspent  à 
un  piquet  des  dails  et  des  faucilles.  Au  souffle  du  vent  ça 
produit  un  fredinement  formidable  qui  chasse  les  oiseaus 
chez  le  voisin,  à  moins  qu'il  n'en  ait  fait  autant. 

Fréquenter,  v.  act.  Faire  la  cour  à.  Chez  nous,  un  paysan 
ne  se  marie  pas  sans  avoir  fréquenté  sa  femme  pendant 
plusieurs  années.  Il  est  évident,  qu'à  l'heure  du  mariage,  on 
se  connaîtra.  Prens  la  fille  de  ton  voisin,  de  ses  défauts  tu 
seras  plus  certain. 

Fressure,  n.  c.  f.  Mets  fabriqué  avec  du  sang,  de  la  chair 
de  porc  hachée  et  du  pain,  bouillis  ensemble.  Quand  on  fait 
la  fressure,  toute  la  famille  se  réunit.  La  mort  du  cochon 
sème  la  gaieté  ;  la  fressure  est  appréciée  hautement  par  les 
plus  fins  gourmets. 

G 

Garât,  n.  c.  m.  Variété  d'érable. 

Garne.  Imprécation,  jurement. 

Gerner,  v.  n.  Germer. 

Goudreille,  goudrille,  n.  c.  f.  Mauvais  petit  couteau. 

Goudj'eiller,  v,  act.  Couper  avec  une  goudreille.  J'ai  gou- 
dreille la  chair  de  mon  cochon,  elle  est  si  vilaine  que  je  ne 
puis  la  vendre. 

Goustre,  n.  c.  m.  Mauvais  couteau. 

Goustrill(?,  n.  c.  f.  Très  mauvais  couli-au.  J'ai  ('changé 
mon  goustre  pour  une  goudreille  et  ma  goudreille  pour  uu'- 
goustrille. 

Gousser,  v.  n.  Produire  des  gousses.  Les  chaleurs  de  cet 
été  ont  empêché  mes  haricots  de  gousser. 

Graissée,  n.  c.  f.  Tartine  de  pain  sur  laquelle  on  a  étendu 
quelque  mets  gras.  Graissée  de  confiture,  de  bcuire,  de  graisse. 

Graissin,  u.  c.   m.    Enitrais  f|Ui'](on<|Ui'.  funiiiM-,  amen- 


182  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

dément.  Le  graissin,  si  corrompu  qu'il  soit,  ne  corront  pas 
la  terre.  Le  graissin,  que  méprise  la  ville,  nourrit  les  bons 
légumes  qu'elle  mange  avec  un  plaisir  non  dissimulé. 

Grandet,  -te,  adj.  Un  peu  gi-and.  Un  garçon  grandet  se 
croit  autorisé  à  parler  comme  un  homme. 

Greille,  adj.  des  deus  genres.  Acariâtre.  La  femme  de 
Socrate  était  greille;  que  n'est-elle  morte  avant  qu'elle  ait 
fait  souche  dans  son  genre  ! 

Oreiller,  v.  n.  Etre  de  mauvaise  humeur.  On  greille  en 
voyant  que  le  mauvais  temps  détruit  les  récoltes. 

Gréseler,  V.  n.  is.  dur).  Râler.  J'ai  dit  au  médecin  que  je 
gréselais,  il  m'a  répondu  :  ((  Je  ne  sais  ce  que  vous  voulez  me 
dire,  je  vous  reconnais  atteint  d'un  râle  crépitant.  » 

Grune,  n.  c.  f.  Graine. 

Guicher,  v.  n.  Se  dit  de  l'eau  qui  bruit  en  sortant  sous 
pression  d'un  endroit  resserré.  L'eau  guiche,  elle  va  nous 
inonder.  Quand  l'eau  sort  d'une  pompe  foulante,  elle  guiche. 

H 

Halenée,  n.  c.  f.  Souffle,  émission  d'haleine.  Ce  mot  diffère 
du  français  en  ce  sens  qu'il  n'implique  aucune  idée  d'odeurs. 
Rendre  sa  dernière  halenée,  c'est  mourir. 

Halener,  v.  n.  Respirer.  D'où  venez-vous  donc  si  vite, 
que  vous  halenez  si  fort? 

Hardi ve,  adj.  f.  Hardie.  Il  faut  que  vous  soyez  hardi ve 
pour  faire  ce  que  vous  faites. 

Herbe  à  la  serpent.  Arum  serpentaire.  (Arum  maculntuin.) 

Himeur,  n.  c.  f.  Humeur.  Avoir  mauvaise  himcur.  Lin 
médecin  recommande  toujours  de  faire  évacuer  les  himeurs. 

1"  Hucher,  v.  act.  Appehn-.  Huciie  donc  le  valet,  j'ai  une 
commission  à  lui  faire  faire, 

2°  Hucher,  v.  act.  Gronder.  (Dans  Marot.)  Je  hucherai 
cens  qui,  avunt  sa  maturité,  passeront  dans  mon  champ  de 
froment. 

I 

Ince,  n.  c.  f.  Dessus  de  l'articulation  des  phalanges. 
J'avais  si  grand  mau  aus  inces  du  médius  de  ma  main 
gauche  que  je  ne  pouvais  pas  tenir  un  outil. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DU    BASGATINAIS  183 

Impassablo,  adj.  des  deus  genres.  Les  chemins  impassables 
sont  fréquents  en  Gâtine. 

Infectiouner,  v,  n.  Répandre  une  mauvaise  odeur.  Vous 
avez  tué,  monsieur,  un  lièvre  qui  infectioune;  j'afTirmerais 
qu'il  était  mort  longtemps  avant  que  vous  l'aj^ez  tué.  —  S'em- 
ploie aussi  à  l'actif.  Voyageant  en  chemin  de  fer,  de  Niort  à 
Saint-Maixent,  j'ai  vu  un  voyageur  mettant  dans  le  compar- 
timent d'à  côté  un  panier  do  fromages,  dans  la  crainte 
d'infectiouner  ses  compagnons  de  route;  quoique  à  côté,  il  le 
surveillait...  A  l'arrêt,  il  allait  vérifier  son  cher  colis,  (^ue 
Dieu  vous  préserve,  non  du  voyageur,  mais  de  son  voisinage! 


Jaucoue,  n.  c.  f.  Sorte  d'ivraie.  La  jaucoue  ne  craint  pas 
la  sécheresse. 

Javasse,  n.  c.  f.  Bavarde.  Adj.  Une  femme  javasse  est 
redoutée. 

Javasson,  n.  c.  m.  et  adj.  Bavard. 

Jeindre,  v.  adj.  Joindre.  Jeindre  un  cheval  à  la  course. 

Jerzeau,  n.  c.  m.  ^'esce  (plante).  On  sème  des  jerzeaus 
avec  des  pois  verts  et  des  maïs  pour  faire  du  coupage. 


Laidurc,  n.  c.  f .  Laideur.  Je  n'aime  la  laidure  ni  au  moral 
ni  au  physique. 

Laverasse,  n.  c.  f.  Vase  pour  se  laver  les  mains. 

Lequeu,  pr.  relat.;  au  féminin,  laqucue  Lequeu  de  ces 
iiommes  préférez-vous,  laqueue  de  ces  femmes? 

Levrèche,  n.  c.  f.  Hase,  femelle  du  lièvre.  Un  chasseur 
est  plus  content  de  tuer  un  lièvre  qu'une  levrèche. 

Lie,  n.  c.  f.  Corde,  lien  servant  à  attacher.  A  défaut  de 
corde,  on  fait  une  lie  avec  ce  qu'on  a  sous  la  main,  de  la 
paille,  du  bois  vert,  ou  du  fil  de  fer. 

Lienne,  n.  c.  f.  Petite  gerbe,  qu'enserre  la  main,  composée 
d'épis  glanés. 


184  RLVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Liper,  v.  act.  Laper.  Un  chien  arrivant  de  la  chasse  lipe 
en  peu  de  temps  sa  soupe.  SJemploie  aussi  au  neutre.  Un 
chien  qui  sort  sans  liper  n'ira  pas  loin. 

Lirou,  n.  c.  m.  Loriot.  On  dit  aussi  •■  chante-lirou. 

Lie,  pr.  pers.  m.  Il,  ils.  Lie  viendra  quand  lie  voudra.  Lie 
sont  méchants  les  gens  qui  font  courir  ces  bruits  (11 
mouillées). 

M 

Machouère,  n.  c.  f.  Mâchoire. 

Macllotte,  n.  c.  f.  Grumeau  de  bouse  sèche  qui  s'attache 
aus  poils  des  bœufs  et  des  vaches.  A  voir  des  boeufs  si  cou- 
verts de  macllottes,  on  juge  que  leur  propriétaire  ne  peut  leur 
donner  une  litière  suffisante  (11  mouillées). 

MacUotous,  -e.  Couvert,  -e  de  macllotes.  Un  bœuf  macllo- 
tous  ne  montre  pas  qu'il  va  pâturer  au  pré. 

Main  (à  la),  loc.  adv,  A  son  aise.  On  fait  double  de  l'ou- 
vrage qu'on  ferait  à  la  démain,  en  travaillant  à  la  main. 

Maladrct,  -e,  adj.  Il  faut  être  maladret  pour  faire  de  sem- 
blables choses. 

Malageus,  -e,  adj.  Maladif,  -ve.  N'étant  pas  d'un  tempé- 
rament malageus,  je  ne  me  ménage  pas. 

Malon,  n.  c.  m.  Furoncle,  anthrax.  Un  petit  malon  est  le 
furoncle,  un  gros  est  l'anthrax. 

Manjouère,  n.  c.  f.  Mangeoire.  Allons,  les  enfants, 
remplissez  les  nianjouères  des  bœufs. 

Marichau,  n.  c  m.  Maréchal. 

Martyrer,  v.  act.  Martyriser.  Ne  martyrez  personne. 

Messelè,  n.c  m.  Dent  molaire.  Un  messelè  est  plus  dur 
à  arracher  qu'une  dent  incisive. 

Migaille,  n.  c.  f.  Le  fait  d'introduire  sa  main  par  la 
migaillère.  La  migaille  indique  qu'on  a  des  mœurs  dissolues. 

Migouri,  n.  c.  m.  Mélasse.  C'est  pendant  le  carême  qu'on 
mange  le  plus  de  migouri. 

Mindre,  adj.  des  deus  genres.  Moindre.  Si  vous  aviez  eu 
la  mindre  honnêteté,  vous  n'auriez  pas  fait  cela.  Entre  deus 
maus  il  faut  choisir  le  mindre. 

Mônè,  n.  c.  m.  Meunier.  Au  fém.  mùnère. 


DICTIONNAIRK    Pf    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  185 

Montre,  n.  c.  f.  Échantillon,  spécimen.  Je  n'achèterai  votre 
froment  que  quand  j'en  aurai  vu  la  montre. 

Mort  (à),  loc.  adv.  Beaucoup,  considérablement.  S'ennuyer 
à  mort.  Dans  les  années  sèches,  le  froment  grène  à  mort. 

Morvia,  n.  c.  m.  Crachat  muqueus. 

Mouclle,  n.  c.  f.  Moule.  Les  moucUos  ne  sont  pas  bonnes 
quand  les  huîtres  sont  dans  leur  bonté.  (11  mouillées). 

Mouelle,  n.  c.  f.  Moelle.  Cassez  les  os  pour  avoir  la 
mouelle. 

Moufle,  n.  c.  m.  Mufle. 

Mulon,  n.  c.  m.  Tas.  Mulon  de  foin. 

Musarderie,  n.  c.  f.  Lenteur.  (Marot  emploie  rausardie.) 
La  musarderie  n'est  pas  estimable. 


X 

Natre,  n.  et  adj.  des  deus  genres.  Traître.  Les  natres  sont 
méprisés  de  tous;  ceus  qui  les  emploient  ne  s'en  vantent 
pas.  Une  femme  natre  est  plus  dangereuse  encore  qu'un 
homme  qui  aura  ce  défaut. 

Nigeasserie,  n.  c.  f.  Bagatelle.  On  ne  doit  pas  se  fâcher 
pour  une  nigeasserie. 

Noireté,  n.  c.  f.  Ombre,  ténèbre.  fMarot.)  Défiez-vous  des 
noiretés  que  vous  verrez  dans  le  ciel.  Elles  amènent  de  l'eau. 

Nouailleus,  -e,  adj.  Noueus,  -e. 

Xousillère,  n  c.  f.  Comme  Xouseiller.  Noisetier,  coudrier. 

Nu,  -e.  Neuf,  -ve.  J'ai  des  sabots  nus  et  des  chaussettes 
nues. 

O 

Outrepasser,  v  n.  Mourir.  Le  fait  d'outrepasser  n'a  rien 
de  tentant 

P 

Partcment,  n.  c.  m.   Départ.   (Villon,  Montaigne. )  r)n  est 
généralement  triste  quand  on  est  sur  son  parlement. 
Pendcrller  (]]  mouillées),  v.  n.  pendre. 


186  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Pendllé  (au)  ou  au  pendillé  (11  niouillées\  loc.  adv.  Sus- 
pendu, -e.  En  voulant  saute?  un  buisson,  le  loup  est  resté  au 
pendllé. 

Percette,  n.  c.  f.  Vrille.  La  percette  d'un  vigneron. 

Perdanllan,  loc.  adv.  De  l'autre  côté.  Passez  donc  per- 
danllan  (11  mouillées). 

Petouère,  n.  c.  f.  Jouet  d'enfant  constitué  par  un  tuyau 
de  sureau.  A  chaque  extrémité  on  introduit  un  tampon  de 
substance  malléable,  généralement  de  lin  ou  de  chanvre 
mâché.  Avec  un  piston  on  refoule  vivement  l'un  des  tampons. 
L'air  comprimé  dans  l'appareil  agit  sur  le  tampon  antérieur 
qui  part  avec  violence  et  en  pétant. 

Pi,  n.  c.  m.  Pied.  Avoir  froid  aus  pis. 

Piarder,  v.  act.  et  n.  Travailler  avec  le  piard.  Piarder  un 
champ.  Plus  vous  piarderez  dans  votre  jardin,  plus  vos 
légumes  viendront  vite. 

Picot,  n.  c.  m.  Tache,  petit  trou  dans  la  peau. 

Pidi,  n.  c  f.  Pitié.  Ayez  de  la  pidi,  vous  n'aurez  pas  à  le 
regretter. 

Pigreler,  v.  act.  Tacheter.  Il  est  facile  de  pigreler  un  mur 
pour  lui  donner  l'aspect  d'un  bloc  de  granit. 

Pinè,  n.  c.  m.  Pin  pinier. 

Piniau,  pineau,  n.  c.  m.  Noyau.  Une  amande,  trop  souvent, 
ne  vaut  pas  la  peine  qu'on  casse  son  piniau. 

Piounette,  n.  c.  f.  Lien  qui,  placé  sur  le  sabot  de  bois  au 
cou-de-pied,  l'empêche  de  fendre. 

Pipou,  n.  c.  m.  Pourpier. 

Pitiable,  adj.  des  deus  genres.  Porté  à  la  pitié.  Il  est  bon 
d'être  pitiable  vis-à-vis  de  tous. 

Plange,  adj.  des  deus  genres.  Plan,  -e.  Uni,  -e.  Terrain 
plange.  On  avance  plus  vite  à  plange  terre  qu'à  la  côte. 

PUâtrer,  v.  act.  Flatter.  Vanter  avec  excès.  Défiez-vous  de 
cens  qui  vous  pllâtrent  (11  mouillées). 

PUesser,  v.  act.  Palisser.  Il*  est  bon  de  pllesser  les  haies 
pour  empêcher  les  animaus  de  pénétrer  dans  les  champs 
(Il  mouillées). 

Poëlette,  n.  c.  f.  Poêlon.  (Villon.) 

Poirasse,  n.  c.  f.  Poirier  sauvage.  La  poirasse  est  très 
employée  pour  faire  des  bâtons. 


DICTIONNAIRE    DV    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  187 

Pois,  poisille,  poiseillo,  le  i)r('mici'  iiuisculin,  les  dous 
autres  féminins.  Haricot. 

Poisiau,  poiseau,  n.  c.  ni.  Le  petit  pois. 

Poitrenail,  n.  c  ni.  l'oitrine.  Dans  le  grand  monde  les 
daines  ont  le  poitrenail  découvert  au  bal. 

Potiron,  n.  c.  m.  Chani|)ig'non  comestible.  Le  potiron  de 
chien  est  un  champignon  vcnéneus. 

Pouéser,  v.  act.  Puiser.  Pouéser  un  seau  d'eau.  —  S'emploie 
aussi  au  neutre.  Pouéser  dans  un  trou. 

Pouffîasse.  n.  c.  f.  Fille  ou  femme  de  mœurs  légères. 

Poume,  n.  c.  f.  Pomme.  Dans  les  années  sèches  les  poumes 
ne  donnent  qu'un  cidre  médiocre. 

Pouner,  v.  act.  et  neutre.  Pondre.  Ma  poule  a  pouné  dis 
œufs.  Quand  une  poule  a  pouné,  elle  cliante  avant  de  sortir 
du  nid. 

Prepou,  n.  c.  m.  Propos.  Il  ne  coûte  pas  plus  de  tenir  un 
bon  prepou  que  d'en  tenir  un  mauvais,  et  l'on  y  gagne  en 
considération. 

Pri,  n.  c.  m.  ou  Prie,  n.  c    f.  Pré. 

Puté,  n.  c.  m.  Purin.  Le  put('^  fait  la  valeur  du  fumier. 

Putou,  adv.  Plutôt.  Putou  qu(>  de  mourir  on  aime  mieus 
soufTrir  beaucoup  et  longtemps.  —  Signifie  aussi  plus  tôt, 
loc.  adv.  On  est  prêt  putou  quand  on  va  à  la  noce  que  quand 
on  va  à  Tenterrement. 

Q 

Quatre-pis,'n .  c  m.  Salamandre.  Un  proverbe  patois  dit 
que  quand  on  a  été   mordu    par  un  quatre-pis  on  en  meurt. 

Que,  pron,  relat.  (^(iioi.  De  que  se  moque-t-on  ici?  De  ma 
croyance,  assurément. 

Question,  n.  c  f.  Contestation,  dispute.  A  propos  de  qui 
avez-vous  cette  question? 

R 

Radivagc,  n.  c  f.  Bavardage.  L'>  radixage  n'axance  pas 
le  travail,  il  le  retarde  et  ne  donne  rien  en  compensation  ilu 
temps  perdu. 


188  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Raillai'd,  -e,  adj.  etsubst.  Railleur.  Il  n'est  point  de  femmes 
qui  ne  soient  raillardes.  Les  raillards  sont  les  plus  nombreus 
à  toute  réunion. 

Ramiôner  et  ramiouner,  v.  act.  etn.  Murmurer.  Ramiùner 
des  menaces.  Pourquoi  ramiôner? 

Ratliron.  Voy.  Liron. 

Ravenelle,  n.  c.  f.  Navet  sauvage.  La  ravenelle  est  une 
plante  des  plus  rustiques  et  des  plus  envahissantes. 

Rebomber,  v.  n.  Rebondir.  En  tombant  à  terre,  un  ballon 
de  caoutchouc  rebombera. 

Reboutou,  n.  c.  m.  Rebouteur. 

Rède,  adv.  Beaucoup.  Voy.  Raide. 

Refait,  -e,adj.  Guéri,  -e.  Je  viendrai  vous  chercher  quand 
vous  serez  refait. 

Remeiller  (se),  v.  pr.  Se  remémorer.  On  se  remeille 
certains  faits  avec  plaisir.  S'emploie,  mais  plus  rarement,  à 
l'actif  :  remeiller  un  épisode  de  sa  vie  à  quelqu'un. 

Répouner,  v.  n.  Répondre.  Un  homme  mal  élevé  ne 
répounera  jamais  bien. 

Repue,  n.  c.  f.  Le  repas  des  gens  et  des  bêtes.  Aller  prendre 
sa  repue.  On  dit  d'un  repas  peu  substantiel  qu'il  ne  tient  pas 
la  repue,  c'est-à-dire  qu'il  ne  soutient  pas  les  forces. 

Rèze,  n.  c.  f.  Voy.  Rize. 

Rifle,  n.  c.  f.  Même  sens  que  Ravenelle. 

Rime,  n.  c.  f.  Chassie. 

Rimous,  -e,  adj.  Chassieus,  -e. 

Rogne,  n.  c.  f.  Croûte  de  la  peau.  Quand  on  a  des  rognes 
on  est  rogncus,  -e. 

Rouchail,  n.  c  m.  Tige  d'une  plante  garnie  de  ses  feuilles, 
fane.  Rouchail  de  pommes  de  terre. 

Rouner,  v.  n.  Grogner  sourdement,  en  parlant  des 
aumailles,  c'est-à-dire  des  bétes  à  cornes.  Qu'ont  donc  à 
rouner  nos  bœufs? 


Sac,  n.  c.  m.  Contenance  d'un  hectolitre.  Dans  ce  tas  de 
grains  il  y  a  dcus  sacs. 

Salou,  n.  c.  m.  Saloir,  petit  vaisseau  à  mettre  le  sel. 
Signifie  aussi  charnier. 


DICTIONNAIRE    DU    PATOIS    DU    BAS-GATINAIS  189 

Saunière,  n.  e.  f.  Grand  saloir.  Le  salou  est  suspendu 
généralement,  la  saunière  repose  à  terre  ou  sur  quatre  pieds 
bas. 

Sauret,  -e,  adj.  Qui  a  les  oreilles  coupées.  On  ne  voit  que 
des  chiens  saurets  dans  les  campagnes. 

Scell(M',  V.  n.  Ne  pas  perdre.  Un  étang  qui  scelle  est 
enviable.  Employé  avec  mal,  ce  verbe  signifie  perdre  :  un 
étang  dont  l'eau  se  pert  est  un  étang  qui  scelle  mal. 

Sérailler,  v.  act.  Voy.  Sarrailler. 

Série,  serée,  n.  c.  f.  Soirée    (Marot,  Bouchet.) 

Serène,  n.  c.  t.  Sirène,  (Marot,  Villon.)  J'ai  entendu  une 
femme  qui  chantait  comme  une  scu'ène. 

Serpent,  n.  c.  f.  Serpent.  Eve  a  été  tentée  par  une  serpent. 

Sicllouère,   n.   c.    f.   Clifoire,  jeu  d'enfant  (11  mouillées). 

Somme,  adj.  des  deus  genres.  Peu  profond.  Un  puits 
somme,  un  souterrain  somme. 

Soteria,  n.  c.  m.  Diminutif  de  sot. 

Sottisier,  n.  c.  m.  Celui  qui  insulte.  Méprisez  les  sottisiers. 
Adj.  sottisier,  -e.  Un  liomme  sottisier,  une  femme  sottisière. 

Souffrener,  v.  n.  Peiner,  avoir  le  cœur  gros.  Quand  on 
souffrène  toujours,  on  vieillit  vite. 

Soulè,  n.  c.  m.  Soulier. 

Sourder,  v.  n.  Se  lever.  Cet  homme  avait  été  si  maltraité 
qu'il  ne  pouvait  sourder. 

Sourge,  adj.  des  deus  genres.  Souple,  agile.  A  soissante 
ans,  on  n'est  plus  sourge, 

Squasse  (prononcez  skasse),  adv.  De  sitôt.  Je  n'ai  pas 
squasse  fini. 


Tabut,  n.  c.  m.  Trouble,  peine.  (Marot,  Montaigne.)  Cette 
affaire  me  donne  beaucoup  de  tabut. 

Tièdczir,  v.  n.  Tiédir.  .Vvec  faire,  s'emploie  à  l'actif  :  Faire 
tiédezir  le  vin. 

Tiai,  n.  c.  m.  Hermaphrodite,  qui  est  des  deus  sexes. 

Tiller  (le  lin,  le  chanvre  et  autres  matières  textiles),  v.  act. 
Démêler.  (Villon.) — V.  pr.  :  Il  est  certains  lins  qui  se  tillent 
plus  facilement  que  d'autres. 

Tourte,  n.  c.  f.  Tourlerelle. 


190  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRAiNÇAISE 

Toussir,  V.  n.  Tousser.  (Marot.)  Les  nois  sèches  font 
toussir. 

Trapassée,  trapassie,  n.  c.  f.  Grand  nombre.  Cette  année-ci, 
il  y  aura  une  trapassie  de  raisins,  et  pour  les  cueillir  il 
faudra  une  trapassie  de  gens. 

Trejou,  adv.  Toujours.  Chien  hargneus  a  trejou  l'oreille 
déchirée . 

Tremble  (au),  loc.  adv.  En  état  de  tremblement.  La  vue 
du  danger  m'avait  mis  tout  au  tremble. 

Trésia,  n.  c.  m.  Trio.  Beau  trésia  de  baudets. 

Troipis,  n.  c.  m.  Trépied. 

V 

Veillezir,  v.  act.  et  n .  Vieillir.  Les  ennuis  veillezissent 
l'homme.  On  veillezitsans  s'en  apercevoir.  — V.  pr.se  veillezir. 
On  aime  à  se  veillezir  dans  sa  jeunesse,  h  se  rajeunir  dans 
sa  vieillesse. 

Vêla,  prép.  Voilà.  Vêla  un  rude  gaillard.  (E  très  bref.) 

Vêlure,  n.  c.  f.  Action  de  vêler.  Ma  vache  est  à  sa  pre- 
mière vêlure. 

Ventrèche,  n.  c.  f.  Viande  du  ventre  d'un  animal.  La 
ventrèche  n'est  pas  la  meilleure  partie  des  animaus. 

Verdelle,  n.  c.  f.  Tige  de  bois  vert  Les  verdelles  d'osier 
et  celles  de  bourdaine  sont  excellentes  pour  faire  des  paniers. 

Vergnasse,  n.  c.  f.  Aunaie.  Les  vergnasses  sont  toujours 
dans  des  endroits  marécageus 

Verluter  (se),  v.  pr.  Se  rouler.  En  se  battant,  ces  jeunes 
gens  se  verlutaient  dans  la  boue. 

Violer,  v.  n.  Faire  violence.  Le  vent  viole  ce  matin.  — 
S'emploie  aussi  à  Tact.  Le  vent  violait  cet  enfant  de  telle 
façon  qu'il  ne  pouvait  s'en  défendre. 

Violette,  n.  c.  m.  Présure. 

Veuille,  n.  c.  m.  Bruit  que  fait  un  corps  en  tombant  dans 
un  liquide.  En  tombant  dans  la  rivière,  tu  as  fait  un  fameus 
veuille. 


ESSAI  SUR  LE  PATOIS  D'ALENÇON' 

(phonétique  et  vocabulaire)  par  HENR!  viez- 


OUVRAOES  CITES 

D.  Dictionnaire  du  patois  normand,  par  Edélestant  et  Alfred 
du  Mêril.  Caen,  1849. 

M.  Dictionnaire  du  patois  normand,  indiquant  particuliè- 
rement tous  les  termes  de  ce  patois  en  usage  dans  la  région 
centrale  de  la  Normandie.  (Campagne  de  Caen  et  pays  d'Auge), 
par  Henri  Moisjs  Caen  1877.  —  'M.  indique  que  ce  glossaire 
donne  l\'tymologie  du  mot  en  question  ou  en  cite  des  formes 
anciennes  qui  ne  peuvent  se  trouver  dans  Godefroy. 

H'-M.  et  qaclr/uej'ois  C  R.  de  M.  —  Vocabulaire  du  Haut- 
Maine,  par  C.  R.  de  M.  (Comte  René  de  Montesson).  Nouvelle 
édition  augmentée.  Le  Mans  et  Paris,  1859. 

V.  fr.  Dictionnaire  de  l'ancienne  Langue  française,'p<ivFrédéric 
Godefroy  (t.  i-vii).—  Vf.,  autre  abréviation  de  cieus  français,  ne 
reporte  pas  à  Godefroy. 

REMARQUES  SUR   LA    PHONÉTIQUE 
DU  PATOIS  D'ALENÇON 

L'absence  de  monuments  anciens  du  patois  d'Alençon  nous 
empéclie  d'en  faire  la  phonétique  détaillée,  selon  la  seule 
méthode  vraiment  scientifique;  bornons-nous  à  le  comparer 
aus  ^tois  normand  et  manceau,  en  suivant  d'abord  (§  1  et  §  2) 
la  Pré/ace  de  Moisy,  et  à  la  fin  (§  G)  la  Notice  sur  la  pro- 
nonciation (mancelle)  de  C.  R.  de  M. 


1.  M.  Léon  Chambay  a  bien  voulu  me  citer  les  mots  qui  sont  suivis 
au  Vocabulaire  de  l'indication  (L.  C),  me  donner  des  renseignements 
lihonéiiques  et  revoir  la  version  en  patois  de  la  Parabole  de  l'Enfant 
prodigue.  Je  le  prie  d'agréer  l'expression  de  toute  ma  gratitude. 

2.  [Nous  donnons,  sans  y  rien  changer,  ce  travail  d'un  débutant  qui 
promet.  Les  romanistes  rectifieront  d'eus-mémes  les  erreurs  commises 
dans  le  classement  et  l'interprétation  des  faits  signalés].  {A^ote  de  la 
Rédaction .  ) 


192  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

§  1.  Le  patois  d'AIençon  présente  plusieurs  caractères  du 
dialecte  normand  (Moisy)  :- 

1°  Substitutions  de  lettres  françaises  : 

On  remplace  ch  par  /'  devant  un  e  muet  suivi  d'une  con- 
sonne dure  :  fra  on  f  val,  cheval  ;  ajéier,  ajéte,  acheter,  achète  ; 

d  initial  par  ^^  dur  :  gulabe,  diable; 

71  par  /  dans  canton,  caleçon;- 

g  dur  intervocalique  par  ï  :  haïette,  baguette  (d'ailleurs 
V aïeule  et  la  gueule  sont  presque  homophones  dans  la  bouche 
d'un  paysan). 

2"  Transposition  de  l'e  muet  : 

Erdevoir,  ercevoir,  erdresser  sont  employés  pour  redevoir, 
recevoir,  redresser  plus  souvent  que  r'devoir,  recevoir, 
redresser. 

3o  Épenthèse  de  Vr  devant  r  dans  mairrie  (maire-rie), 
mairie. 

4"  Quelques  retranchements  de  lettres  : 

Suppression  de  l'e  initial  de  l'imparfait  du  verbe  être, 
f  tais,  [t'étais],  il'tait,  j'tions,  (vs  étiez),  ils  iaint  ; 

De  Vu  médial  après  o  dans  cosin,  cousin; 

De  Va  médial  devant  y,  halier,  balayer; 

De  l'e  après  u  A^nsfumelle  (voir  au  vocabulaire)  vfr.  feu- 
rnelle; 

De  Vi  médial  après  a  :  agu,  aigu'  ; 

De  Vi  médial  devant  e  dans  ren,  ben{rien,  bien  adverbej. 
Bien  substantif  fait  bien; 

De  VI  dans  quéque,  quéqa'un,  quelque^  quelqu'un; 

De  ou  dans  v's  êtes,  vs  avez,  vous  êtes,  vous  avez;  v'iez 
vous,  voulez-vous;  Vt-à-flieure,  tout  à  l'heure; 

De  l'e  dans  les,  mes,  tes,  ses,  suivis  d'une  voyelle  (voir  plus 
loin,  §2). 

Autres  contractions,  astlieure  pour  à  cette  heure;  pH-éte, 
peut-être;  élision  de  qui  et  de  tu  (mais  non  de  si,  comme  il 
arrive  dans  le  normand)  un  homni  quêtait  là,  fêtais;  pour 
l'élision  des  consonnes,  voir  plus  bas,  §  2. 

1.  Ou  voit  par  cet  exemple  rincouvénient  de  la  méthode  employée 
par  Moisy  :  la  forme  agu,  qui  est  étymologique,  âcûtus,  et  qu'em- 
ployaient tous  les  dialectes  de  la  langue  d'oïl,  est  présentée  par  lui 
comme  une  particularité  du  dialecte  normand. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    Ij'aLENÇON  193 

§  2.  Voici  quelques  traits  de  prononciation  normande 
(Moisy)qui  se  retrouvent  à  Alençon  :  «  L'on  ditaussi  bien  iva 
pour  il  va,  i  vont  pour  ils  vont,  mais  il  en  est  autrement, 
lorsque  le  mot  qui  suit  commence  par  une  voyelle  ou  un  h  ; 
dans  ce  cas  17  se  fait  toujours  sentir  il  a,  il  ont\  Dans  les 
phrases  interrogatives,  quand  les  pronoms  dont  il  s'agit 
viennent  après  le  verbe,  1'/  ne  sonne  pas  davantage  :  viendra- 
t-i,  arriveront-i.  »  (Moisy.)  —  L'e  est  lettre  oisive  dans  m'n 
aller,  Vn  aller,  s'n  aller,  substitués  à  ni'en  aller,  t'en  aller, 
s'en  aller;  VI  dans  babil, /il,  etc. 

A  la  fin  des  mots  l'/ne  donne  aucun  son  en  patois.  Ainsi 
l'on  dit  œuf,  nœu/,  seu/(soif,  en  patois  normand  sei).  Pour- 
tant œufs  se  prononce  œuJJ'.  —  L'/  et  Vr  sont  muettes  à  la 
dernière  syllabe  des  mots  dont  la  terminaison  est  en  ble,  cle, 
Jle,  gle,  pie,  ou  en  bre,  cre,fre,pre,  tre,  vre. —  Enfin  \'e  muet 
a  un  rôle  complètement  négatif  :  1°  à  la  première  syllabe  des 
mots;  2o  dans  le  corps  des  mots  ;  3»  dans  les  monosyllabes 
cet,  le,  me,  te,  se,  que,  de,  je,  ne,  etc. 

§  3.  Tandis  que  «  les  terminaisons  françaises  è  correspon- 
dant aus  suffixes  latins  atu,s,  atum,  atem  sont  remplacées  en 
patois  normand  par  et  que  l'on  prononce  è  »  (Moisy),  on  les 
prononce  é  très  fermé  à  Alençon;  il  en  est  de  même  pour  les 
désinences  françaises  ee  qui  correspondent  aus  suffixes  latins 
ata  et  qui  «  forment  en  dialecte  normand  eie  qui  se  prononce 
k)).  (M.)  Au  reste,  o  non  muet  (é,  è,  é)  se  prononce  toujours 
très  fermé  [é],  aigu  même  à  Alençon  :  ce  fait  tient  au  \'oisi- 
nage  du  Haut-Maine  où  Ton  dit  tu  é  pour  tu  es,  il  ê  pour  il 
est,  et,  avec  presse,  presse  pour  presse. 

A  la  Ferté-Mac(''  (chef-lieu  de  canton  de  l'arrondissement  de 
Domfront,  Orne)  on  prononce  c,('(',  à  la  normande  et  t',  é  comme 
en  patois  d'Alençon,  de  sorte  que.  dans  cette  localité,  on  pourrait 
dire,  à  l'inverse  du  fiançais,  que  l'Orne  est  la  ricii-rc  qui  passe 
dans  les  environs  de  la  Fcrtè-Macù. 

§  4.  I.o  patois  d'.MoïKjon  traite  avec  liberté  la  diphtongue 
française  oi  à  laquelle  correspont  ei  on  patois  normand,  et  qui 
dans  le  patois  du  Haut-. Maine  a  se  prononce  tantôt  oé,  tantôt 
ei))  (??i  (C.   R.  de  .M  )  (.-t  aussi  quelquefois  oi,  puisque  le 

1.  Voir  le  Vocabulaire,  v°  //. 

Rkvlk  dk  l'Hnoi.oGii:,  vu.  13 


194  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

même  auteur  dit  un  peu  plus  loin  :  «  Ois,  se  prononce  très 
long,  ouâsiau  (oiseau)...  »  Or,  oi,  dans  les  mots  français 
d'origine  latine,  peut  venir  :  V>  de  /  tonique  bref  {cjuïd,  quoi); 
2"  de  i  atone  bref  ou  long  {indeviàre,  envoyer)  ;  S^de  e  tonique 
long  (mè,  moi);  4*^  de  e  atone  long  (pêcti'lna,  poitrine); 
5"  de  0  bref,  long  ou  en  position,  avec  un  i  dans  la  syllabe 
latine  suivante  {potiônein,  poison);  G"  de  u  avec  l'addition 
d'un  i  :  mucere,  moisir;  7°  de  au  :  auca,  oie. 

Dans  le  patois  d'Alençon  :  V'  i  tonique  bref  donne  :  (a)  dans 
les  monosyllabes,  généralement  ei  :  ,^7^,  (qu'il)  scit;  quid, 
quei;  (b)  dans  les  polysyllabes  i  donne  oé  :  pïra,  poére; 
bîhis,  (tu)  boés;  digitarn,  doé;  video,  (je)  voés;  vide-\-ecce 
hic  donne  voéci.  Siiim  (en  patois  normand  se/) 'donne  s  eu  ; 

2^^  i  atone  donne  ei  :  *'indeiu('wit,  env-éya; 

3'^  ê  tonique  long  donne  :  (a)  dans  les  monosyllabes,  ei,  me, 
mei;  te,  tei;  se,  sei;  quelquefois  ei  sans  doute  après  avoir 
passé  par  ai,  donne  a  :  très,  tras  (en  patois  normand  treis); 

(b)  à  la  pénultième  é  peut  être  libre  ou  en  position.  Libre, 
il  donne  :  1"  généralement  oé,  débet  (il)  doét;  exceptons  je 
creis  {credo),  tu  creis  {rrêdis),  etc.,  par  analogie  avec 
creire  (crédere)  ;  2ooi,  (prononcez  oud)  dansdevoir(c/eiër<?'i, 
savoir'  (sapêre]  et  peut-être  boire,  par  analogie. 

En  position  é  donne  ei  :  directntn,  dreit;  *addirectnm, 
adreit;  ajoutez  mensis,  meis,  et  pensum,  peis,  bien  ((ue 
l'e  y  fût  libre  après  la  chute  de  ïn. 

4^  e  atone  long  est  libre  ou  en  position  : 

(a)  Libre  devant  c,  il  donne  ci  :  nëcâre,  néier  (en  patois 
normand  nier). 

(b)  En  position,  il  donne  oé  :  pectorina,  poétrine. 

5^  0  bref,  long  ou  en  position  avec  un  i  dans  la  syllabe 
laline  suivante  donne  oué  :  *niuccatorium,  raouchouér; 
potionem,  pou  es  on. 

1.  Ces  formes  se  trouvent  aussi  dans  le  patois  perclicron  que  nous 
connaissons  par  la  Lettre  de  la  Moîtresse  Pirandcau.  dans  le  Conteur 
lie  la  ceillce  de  1892  imprimée  h  Nogent-le-Rotrou.  On  y  lit  f^acol 
(sapëre).  eha  (cadéré  pour  càdt^re),  à  Alençon  c/wir  sans  doute  par 
analogie  avec  {je)  chée.  (il)  chéet.  (ils)  chéent,  formes  régulières 
dnrivées  respectivement  de  càdo,  càdit,  càdunt.  (Les  deus  dernières 
se  trouvent  dans  la  C/ianson  de  Roland,  texte  d'Oxford.) 


KSSAI    Sli;    IJ-;   PATOIS    d'alen'çon  195 

G*'  u  avec  l'uddition  d'un  /  donne  oué  :  macère,  mouésir- 
Moisy,  n(un  propre,  se  prononce  Mouési  :  L'gâsMouêsi. 

7^^  au  devant  c  donne  ouà  :  auca,  oiuie;  aoicellus  ou 
aucoUnr.,  ouâ  si  au. 

§  5.  Le  patois  d'Alencon  a  quelques  caractères  communs  au 
normand  et  au  manceau,  c'(îst-à-dirc  le  langage  du  Haut- 
Maine  :  il  ajoute  un  é  devant  Fr  dans  hérone/fe,  iéruellc,  pour 
brouette,  truelle;  il  remplace  e  par  a  et  dit  ^argent,  sarvice 
(sergent,  service),  foua,  avoua'  [fouet,  avoué), nvA\^  non  mortai 
ni  (iemojsa//e  (mortel,  demoiselle),  formes  que  C.  R.  de  M. 
signale  p.  27;  devant  gn  V'\  devient  ei  et,  comme  en  man- 
ceau, ei  se  prononce  alors  fortement  :  heignc^  (voir  le  Voca- 
bulair(^);  on  syncope  Vo  dans  qumode,  rac' taoder,  etc.,  pour 
commode,  raccommoder  ;  on  substitue  est,  esq  à  st,  sq  : 
estatue,  statue;  esquélete,  squelette;  u  devient  eu  :  eun,  un 
(devant  une  vo3^elle);  eune,  une;  pt-eune,  prune;  eau  devient 
iau  :  biau,  nouviau,  iau,  beau,  nouveau,  eau;  eur  (féminin 
euse)  devient  eus  :  roleus,  trompeus  ;  dans  les  noms  abstraits 
il  reste  eu/'  :  grandeur,  liauteur.  On  dit  Ugéne,  Ugénie, 
bên]i.ureufi{h\c\\\ninvc\\ii);  les  désinences  en  î/' se  prononcent  i  : 
plaisi  (ou  plutôt 7:»ia/sï;  cf.  §  G),  qu'ri  (quérir). 

§  G .  Examinons  enfin  ce  que  le  parler  d'Alençon  a  de  com- 
mun avec  le  manceau.  On  peut  dire  de  l'accent  alençonnais 
ce  que  C.  R.  de  M.  dit  (p.  17)  de  l'accent  manceau  :  il  ((  est 
long,  traînant,  et  empâté,  il  affecte  principalement  ce  carac- 
tère quand  il  s'agit  de  la  lettre  a,  dans  les  cas  où  il  aurait  le 
droit  de  la  faire  un  jxmi  longue,  droit  qu'il  outrepasse  singu- 
lièrement :  il  se  retrouve  même  quand  cette  lettre  est  suivie 
d'une  consonne  répétée,  et  nous  disons  encore  plus  souvent 
ràbr  que  Vabhé  et  ùfreuH  que  affreun  ».  Préc<Hlée  d'un(»  autre 
consonne  et  suivie  d'une  voyelle,  1'/  se  change  en  i  ou  se 
mouille:  bié,  h\ô;  piaisi,  plaisir  ;  (J!.s.srm/:*/V'V',  «assemblée» 
(voir  ce  mot  au  VocalMilaire);  ai,  è,  è,  se  prononcent  ê  (cf.  §  3); 
on  remarque  la  mélathèse  dt.»  Ve  dans  querver,  Jierton, 
guernier  \>our  ererer,  Breton,  grenier  ;  à  l'o  français  venu 
d'un  '/  lai  in  en   |)(jNiii(iii  correspont   ou  :   rout'  {vontcr   pour 

1.  Dans  ces  deus  derniers  mots  Ya  se  fait  à  jieine  entendre. 
)l.  De  même   trrijrr  y^ww  trier.  —  Jean  le  Hntiv  oITre    teillrr  pour 
liller. 


196  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

vester),  votre;  î'oiUie  {\o\v  au  Vocabulaire),  grousse,  grosse; 
poiichetle  (voir  au  Vocabulaire)  ;  de  môme  ou  pour  oh  ! 
—  Rousier,  qui  s'est  maintenu  comme  nom  de  famille,  ne  se 
dit  plus  en  patois  pour  rosier  (rosârium). 

§  7.  Formes  particulières  au  patois  d'Alen(,'on,  ou  qui  ne 
sont  signalées  du  moins  ni  par  Moisy  ni  par  C.  R   de  M. 

Piy'  ou  plutôt  pilh  [Ih  ayant  ici,  comme  en  provençal,  la 
valeur  de  nos  //  mouillées),  pays;  vfrs  et  ancien  normand 
pais,  devenu  sans  doute  à  Alençon,  peis,  puis  pilh. 

Pardié,  pardi.  De  même  Damignié  [Damigniàcum]  pour 
DarnignV ,  village  près  Alençon. 

Bi,  sf.  pi.,  pour  billes. 

Broiicette,  bourcette  (salade  appelée  aussi  mâche). 

Seilliète,  calaubin  pour  sarriette,  carabin  (voir  au  Voca- 
bulaire). 

§8.  Si  le  vocabulaire  en  est  surtout  normand,  le  patois 
d'Alençon  se  rapproche,  par  sa  constitution  phonétique,  des 
patois  manceau  et  percheron;  non  plus  que  ces  deus  idiomes, 
il  ne  présente  pas. deus  des  caractères  essentiels  du  patois 
normand  : 

1»  Maintien  du  c  dur  latin  suivi  de  a  :  campum,  caneni, 
cahallnm  donnent  en  Normandie  camp,  quien,  c/ca,  à 
Alençon  :  champ,  chien,  cheval  i  prononcé./'Dfl!  ou  j'val^)  ; 

2^'  Changement  du  c  dous  latin  en  eh  là  où  il  a  donné  en 
français  c  dous,  ç  ou  .ss  ;  cenium,  cerasam,  ecee  Jiic  donnent 
en  Normandie  chent,  cherise,  ichi,  à  Alençon  eent,  cerise, 
ici^.  *Calceas,  qui  offre  à  la  fois  un  c  dur  et  un  c  dous,  donne 

1.  Fleury,  Littérature  orale  de  la  Basse-Normandie,  p.  45,  en 
note  :  (Gruchy)  «  Telle  est  l'onhographe  officielle;  mais  dans  le  pays 
on  prononce  Gruchiéi.  Le  Journal  du  sieur  de  Goubercille  (1553-1562), 
publié  par  l'abbé  ToUemer  (1  vol.  in-lfî,  1880)  parle  à  plusieurs 
reprises  d'une  famille  du  nom  de  Gruchié.  » 

2.  Exceptions  :  bmqucter .  emhroqueter  (voir  le  Vocabulaire), 
formes  refaites  sur  brocq,  fourche  *;  saqueter,  dérivé  sans  doute  de 
saquer,  forme  usitée  au  x\"  siccle  pour  le  vfr.  sac/ier,  tirer;  enracer 
(cf.  en  français  race,  de  caream).  forme  usitée  aussi  dans  le  Haut- 
Maine  ;  quant  à  cabot,  dérive  de  ca/iito  (?)  et  qui  est  au  Littré,  on  le 
trouve  en  français  au  xv  siècle. 

3.  E.xception  :  f/rirher,  crisser,  forme  d'aillours  usitée  danr-  le  Haut- 
Maine. 


ESSAI    SUR    LK    PATOIS    d'aLENÇON  197 

en  Normandie  cauc/ies,  à  Alençon  chausses.  Voir  Joret,  des 
Caractères  et  de  l'Extension  du  patois  normand,  Bouillon. 

PARTICULARITÉS    DE    CONJUGAISON 

{Communication  de  M.  Léon  Chamhajj.) 

\^  Le  verbe  acoii-  fait,  au  participe  passé  yu  :  il  a  yu,  il 
a  eu  ; 

2"  La  3'î  personne  de  l'imparfait,  au  pluriel,  est  en  ainl 
(prononcé  in)  :  il-allaint  s'promener,  ils  allaient  se  promener; 

3»  Le  passé  défini  des  verbes  de  la  première  conjugaison 
est  toujours  en  is,  is,  it,  irent,  dans  le  patois  percheron;  il 
n'eu  est  ainsi,  dans  celui  d'Alençon,  que  pour  une  partie  de 
ces  verbes,  et  l'on  dit  à  la  fois  -.je  n'  parlis  d'ren,  je  ne  parlai 
de  rien,  et  è  n'  se  montra  point,  elle  ne  se  montra  pas. 

Les  formes  verbales  que  nous  avons  signalées  sont  les 
seules  qui,  particulières  au  patois  du  Perche,  se  retrouvent  à 
Alençon,  où  l'on  ne  dit  point  fêtas,  facas.f  aimas  (j'étais, 
j'avais,  j'aimais),  ni  (ils)  amenant,  (ils)  cl'cant  (ils  amènent, 
ils  élèvent),  formes  rencontrées  dans  le  texte  cité  plus  haut, 
§  4,  note  1. 

PARABOLE   DE  l'eNFANT  PRODIGUE* 

(Première  partie). 
En  patois   d'Alençon. 

Eun'   Il   homme  avait  deus  gas, 

Et  l'pus  jeune  dit  h  son  père  :  ((  Mon  père,  baillez-mei  c'qui 
dwét'  m'ervoni*  d'vout'  bien  »;  etl'père,  i  leus  ||  en  ||  a  fait 
r  part  âge". 

Quéques  jous  après,  l'pus  jeun'  (l(;  ces  deus-effants,  il  || 
amassit  tout  c'  qu'  il  ||  avait  et  s'en  fut  dans  un  pîlh-' 
élwégné,  iou  qu'  i  mangit  tout  son  bien  à  faire  la  fête. 

1.  Ecanf/ile  de  saint  Liif.  Cette  vcr.-ioii  en  patois  est,  dans  quelques 
passages,  plus  fidèle  au' texte  latin  que  celle  de  Lemaistre  de  Saoy. 

2.  Il,  signe  indiquant  les  liaisons. 

3.  ivr  =z  01  prononcé  arcliaïquenienl  rn\  oui'. 

4.  ç  pointé  se  prononce. 

5.  Pays.  Prononcez  Ik  comme  il  dans  le  lraM(;ais  idUi'.  \'oir  plus 
haut,  t^  7. 


198  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Quand  c'est  qu'il  ||  eut  tout  dépensé,  v'ià  qu'eune  grande 
famine  elle  arrivit  dans  1'  pîlh  et  i  qu'mença  à  et'  dans 
rbesoin. 

I  s'n  11  alla  don  et  s'mit  en  sarviee  chez  un  des  gens  du 
pîlh  qui  l'envéia  dans  sa  maison  des  champs  pour  qu'il  |1  y 
gardât  des  gorins. 

Et  il  II  aurait  été  bénhureus  d'rempli  son  vente  avec  les 
'cales  qu'  les  gorins  mangeaient,  mais  personne  n  guî  en 
baillait. 

Enfin  i  réfléchit  et  i  dit  :  «  Combin  qui  gn'  en  ||  a  dans  la 
maison  d'  mon  père  des  gens  d'sarvice  qu'  ont  pus  d'  pain 
qu'  i  leus   ||  en  faut  !  Et  mei,  j'  se  ici  à  mouri  d'  faim  !  » 

Faut  que  j'  mei  lève  et  que  j'  vage  trouver  mon  père,  et  quç 
j'  guî  dise  :  «  Mon  père,  j'ai  péché  conte  1'  ciel  et  cont'  vous. 

))  Et  je  n'  se  pus  digne  d'été  appelé  vont'  fî;  traitez-mei 
comm'3  un  d'  vos  gens  d'  sarviee.  » 

I  sei  1'  vit  don  et  vint  trouver  son  père,  et  comme  il  'tait 
cor  bin  loin  son  père  l'aperçut  et,  pris  d'  pitié,  courut  vers  li, 
sei  j'tit  à  son  cou  et  1'  baisa. 

Et  son  fî-yî  dit  :  a  Mon  père,  j'ai  péché  conte  1' ciel  et 
cont'  vous;  et  je  n'  se  pus  digne  d'été  appelé  vout'  fî.  » 

Alors  l'pére  dit  à  ses  gens  :  «  Apportez  vite  sa  première 
robe  et  la-yî  mettez;  et  mettez-yî  eune  bague  au  dwèt  et  des 
souïers  à  ses  pieds .  » 

Am'nez  étou  Y  viau  gras  et  1'  tuez  ;  mangeons  et  régalons- 
nous  paç'  que  mon  gâs  qu'  vwéci,  il  'tait  mort  et  il  ||  est  res- 
suscité; il 'tait  perdu  et  il  [|  est  r'trouvé 


A  m  afin,  ce  matin,  D.  (Amathi),  *M  ,  If^-M. 

Abouler,  v.  a.,  donner,  appoVter  vite,  D.,  M. 

Accou  ver  (s'),  v.  rèfl.,  s'accroupir,  M.  V.  fr.  acoaver,  v.  a., 

peut-être  couvrir. 
Achèe,    s.  f.,  ver  de  terre  dit  lombric,  et  qui  sert  d"ap|)at 

à  la  pêche.  *M.,  Ht-M. 
Affoler,  V.  n.,  devenir  fou.  C'est  le  v.  iv./olier,  extrava- 


ESSAI     SUR    LK    PATOIS    d'aLENÇON  199 

gxxQV  ifoler  à  Alcnçoii),  précédé  du  préfixe  a,  mar- 
quant le  passage  d'un  état  dans  un  autre,  ^[ffolir  est 
au  même  sens  dans  M. 

Age,  s.  f.,  âge.  M.  ((Y  sont  tous  deus  d'  la  même  âge.  » 

Agri  boni  lier,  v.  a.  écraser.  De  là,  fromage  agribouillé. 
C'est  un  boilot  (v.  ce  mot)  écrasé  et  délayé  avec  du 
lait,  du  poivre  et  du  sel. 

Agriote,  s.  f.  (dérivé  de  acer,  acris),  «  cerise  à  la  fois  sure 
et  noire  assez  grosse,  excellente  dans  l'eau-de-vie  )), 
L.  C.  Chez  M.,  cerise  sauvage  ;  en  v.  fr.,  cerise  aigre. 

Agu,  -c,  adj.,  forme  régulière  de  aigu  {âcuius).  M.  v.  fr. 

Ahi  ou  Diouk  ahi,  interjection  par  laquelle  on  excite  les 
chevaus  à  avancer. 

.\louvi,  adj.,  gourmand,  glouton,  comme  un  loup  (L.  C). 
V.  fr. 

Amont,  prép.  (le  test  toujours  nul),  sur:  Prend'  des  pomm''s 
amont  l'arb',  sur  l'arbre;  amont  la  main,  à  sa  main, 
à  sa  portée. 

Amouillante  (vache),  prête  à  vêler,  et  dont  le  lait  com- 
mence à  paraître  (L.  C). —  V.  fr.  amoiller,  mouil- 
ler, tremper. 

Angola,  s.  m.,  angora.  M. 

Anui ,  adv.,  aujourd'hui  :  J' avons  diné par  cœur  anui.  Nous 
n'avons  pas  dîné  aujourd'hui.  M.,  D.  [sow^  anieat, 
inusité  à  Alençon).  II'-M.  —  V.  fr.  anuit,  aujour- 
d'hui, cette  nuit. 

Aquanté,  adv.  (et  non  a<jnantele,  Godef  ,  v^  quant,  ad 
finem)  avec.  Aqu/mt  et.  M.,  Ht-'M.  -  V.  fr.  quant 
et,  loc.  prép.,  avec. 

Assemblée,  asserabiée,  s.  f.,  fête  de  village,  ordinaire- 
ment à  l'occasion  de  la  fête  patronale.  *M. 

Assire  (s'),  v.  réfl.,  s'asseoir.  Assisez-vous,  asseyez-vous. 
*M.,  Ht-M. 

Astheure,  adv.,  maintenant,  'M.,  II'-M.  —  V.  fr. 

Attraper  (s'),   v.  réfl.,  se  heurter  violemment  (L.  C). 

.\ucuns  (d').  Cet  archaïsme  est  encore  très  usité  à  Alen- 
çon.  *M. 

.\xi,  interj.,cri  d"encourageni''in  .'i  un  chien  que  l'on  excite 
à  mordre.  M. 


200  REVUE    DK    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


B 


Babiole,  s.  f.,  petite  cerise  sauvage,  merise.  Babiole  est 
la  forme  mancelle  (C.  R.  de  M.\  En  Normandie, 
on  dit  au  même  sens  bagniolle,  qui  est  la  forme 
correcte.  (Voir  Moisy.) 

Babouin,  s.  m.,  statue  grotesque  que  les  enfants  font  avec 
de  la  neige.  Ils  forcent  parfois  des  «  gâs  »  qui  passent 
à  saluer  V  babouin.  M. 

Bade,  s.  f.   boue.  Voir  Littré,  v°  boue,  ad  Jinem. 

Bader  (se),  v   réfl.,  se  salir  de  boue. 

Badrille,  s.  f.,  voiture  d'enfant. 

Baffe,  s.  f.,  gifïle,  soufflet   D.,  M'.  V.  fr. 

Bahiette,  s.  f.  baguette.  M.,  bajjeite. 

Bailler,  v.  a.  donner.  Banni  de  la  langue  usuelle,  ce  mot 
est  encore  très  usité  à  Alençon,  dans  le  sens  de  faire 
cadeau  de..  D.,  M. 

Baiser,  v.  a.,  surprendre,  attraper  quelqu'un  ou  quelque 
chose  :  s'  fair^''  baiser;  on  ma  baisé  ma  casquette. 
Chez  M.,  duper.  Baiser  a  dû  ce  sens  à  sa  ressem- 
blance avec  l'ancien  français  boisier,  v.  a.  tromper. 

Baiser  la  poêle,  commettre  une  irrégularité  (terme  des  jeus 
d'enfants). 

Balier,  v.  a.,  balayer.  *M.,  Ht-M. 

Baliette,  s.  f.,  balayette.  Ht-M. 

Banniau,  s.  m.,  tombereau,  voiture  à  bascule  entourée  de 
planches  et  servant  au  transport  des  matériaus.  *M. 

Ban  ni  oie,  s.  f.,  carriole.  M. 

Bardance,  -er,  balance, -er. 

Barge,  s.  f.,  pile  de  gerbes  de  blé  dressée  dans  un  champ 
après  la  moisson.  Cf.  treisiau,  truviau.  M.,  Ht-M., 
V.  fr.,  meule  de  foin  ou  de  paille. 

Bascules,  s.  f.  pi.,  châtiment  corporel  infligé  parfois  au 
joueur  qui  refuse  d'être  le  patient  ou  le  poursuivant. 

Bastringue,  s.  f.,  jeu  de  quilles  sur  table. 

Bâtiaus,  s.  m.  pi.,  viens  bois  de  construction. 

Bazille,  s.  f.,  sorte  de  citrouille  à  peau  verdàtre. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    d'aLENÇON  201 

Beigne,  s.  f.,  coup  donné  à  la  tête  avec  la  main.  Deigne 
en  normand  (*M.),  higne  en  français,  indiquent  la 
tumeur  occasionnée  par  un  coup  à  la  tête;  à  Alen- 
çon,  beigne  exprime  le  coup  lui-même,  mais  dans 
un  sens  restreint. 

Béro nette,  s.  i.,  brouette.  De  là  hêrouettêe,  hérouetier. 
M.  On  dit  aussi  bofi-ouette;  *M.,  bouvrouette. 

Bers  (prononcer  bè)  ^.  m.,  berceau.  D.  M.  H^-M.  V.  fr. 
dérivé  du  bas  latin  bersa,  claie  d'osier,  ce  mot  est 
en  français  moderne,  sous  la  forme  ber,  un  terme 
de  constructions  navales. 

Bièehe,  adj.,  blet,  blette.  M.  (sous  bl(-(jue).  V.  fr.  blécir. 
BU'che,  quoique  inusité  en  français,  figure  dans  les 
dictionnaires  au  sens  de  faible  de  caractère. 

Biquette,  s.  f.,  chevrette.  M. 

Biron,  s.  m.  Au  jeu  de  hiron.  il  s'agit  de  faire  sortir  des 
bi  (billes)  d'un  biron,  ou  cercle  tracé  sur  le  sol. 

Bogue,  s.  f.,  gousse  d'une  légumineuse-  Dans  le  patois 
normand  (M.),  et  en  viens  français,  gousse  signifie 
enveloppe  de  la  châtaigne. 

Boilot,  s.  m.,  fromage  blanc  fait  de  lait  caillé;  écrasé  et 
délayé  avec  du  lait,  du  poivre  et  du  sel,  il  devient 
Vagribouillé. 

Bois,  s.  m.,  s'emploie  souvent  au  sens  de  branche  coupée, 
gaule,  bâton  :  Lou  qiCes^t  m^n  boéi' 

Bon  ami,  amant,  en  bonne  part;  fiancé.  Au  féni.,  bonne 
amie.  M. 

Bonhomme,  s.  m-  (au  pluriel  bonliommes).  Le  bonhomme 
est  formé  de  trois  gerbes  un  peu  obliques  au  sol  et 
se  touchant  en  haut  pour  supporter  une  quatrième 
gerbe  hoiizontale.  L'aspect  général  du  bonhomme 
lui  a  donné  son  nom. 

Bouffer,  v.  n.,  manger  vite,  avec  gloutonnerie.  D.  M.  Mot 
populaire.  Hauffrer,  botijff'er,  ont  eu  autrefois  le 
même  sens. 

Boulet,  s.  111.,  grosse  bille  en  pierre  (français  non  acadé- 
mique, railol),  en  fonte  ou  en  plomb. 

Boulotter,  v.  iinp.,  ;iller  assez,  bien  :  Ça  bonloUc  AL 

Boui'der,   V.   a..  .invtiT.    barrer    le    |)assage  à.    II'-.M.   En 


202  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

V.  fr. ,  hehorder,  hourder,  combattre  à  la  lance, 
faire  un  tournoi;  interrompre  un  travail. 

Bourdiu,  s.  ra.,  espèce  de  gâteau  aus  pommes  dont  la  pâte 
enveloppe  le  contenu.  M.,  H^-M.  Dérivé  du  v.  fr. 
bourde,  s.  f.,  tourte  aus  pommes,  qui  est  resté  en 
patois  normand.  D.,  M. 

Bourri,  s.  m.,  âne,  mâle  de  la  bourrique.  M. 

Bouzille,  s.  f.,  boue. 

Bricoli,  s.  m.,  brocoli.  M. 

Broc  (le  c  se  prononce),  s.  m.,  fourche.  —  Dérivé  régulière- 
ment du  lat.  broccus  (dent  pointue),  quoiqu'il  ne 
se  rencontre  pas  en  v.  fr.  —  De  là  : 

Broqueter,  v.  a.,  saisir  avec  une  fourche. 

Brouillasse,  s.  f.,  brouillard.  De  là,  le  v.  imp.  brouillas- 
ser, en  Normandie  bérouasser.  M.  En  v.  fr.  brouil- 
las, s.  m.,  brouillard. 

Bu,  adj.,  ivre.  Ne  s'emploie  qu'avec  le  verbe  être  :  //  'Uiié 
bu;  ailleurs,  par  exemple,  pour  homme  ivre,  on  dit 
bonhomme,  plein . 

Butiau,  s.  m.,  gerbe.  H^-M.  V.  fr.  boteau,  boiteau,  bouleau 
(soiis  botel). 


Caboche,  s.  f.,  tête,  au  sens  d'entêtement. 

Cabot,  s.  m.,  chabot.  *M. 

Caboulot,  s.  m.,  petit  cabaret  (L.  C).  Même  racine  que  le 
V.  fr.  cabordate ,  s.  f.,  et  cabueil,  s.  m. 

Cadet,  s.  m.,  sorte  de  petit  gâteau. 

Cale,  s.  f  ,  écale  (d'une  fève,  etc.).  M. 

Calot,  s.  m.,  morceau  de  bois  à  brûler;  de?  marchands 
vendent  le  bois  par  calots,  c'est-à-dire  tout  coupé. 
Dans  le  Haut- Maine,*  un  calot  est  un  morceau  de 
pain  ou  de  viande. 

Caniviau,  s.  m.,  rigole  en  terre  ou  en  pierre.  ID-M. 

C  a n  n  e  -major,  s .  f . ,  tambour-major. 

Carabin  (et  par  corruption  calaubin),  s.  m.,  sarrazin,  pro- 
prement :  blé  de  Calabre. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    d'aLENÇON  503 

Carnaviau,  s,  ni..  iiaV'Ct.  Voir  Naviau. 
Casse-nousill(>,  s.  m.,  casse-noisotte. 
Cassot,  s.  ni.,  slalle  où   Ton  s'agenouille  pour  laver   le 

linge.  Cas.'iot  se  rattache  à  casse,  qui  est  le  même 

mot  que  caisse.  V.  fr.  cassât,  petite  casse. 
C  asti  lie,  s.  f.,  groseille  à  grappes.  *M.,  H'- M. 
Castonade,  castrole,  s.  f.,  pour  cassonade,  casserole.  *M. 
Cenelle,  s.  f  ,  fruit  de  raubépine.  *M.  EnvoN-cr  quelqu'un 

ans   cênelles,  c'est    l'envoyer  au   diable,  l'envoyer 

promener. 
Chasse,  s.  f.,  rut,  en  parlant  des  chats.  Voir  M. 
C  h  a  u  f  f  e  -  p  i  e  d  s ,  s .  m  ,  chau  fïerette.  M . 
Chausses,  s.  f.  pi.,  bas.   *M.  (sous  cauches).  D.,  cauches. 
Che venue    (on    prononce  gènéralenK^nt  j 'venue),   s.    m., 

meunier,  sorte  de  gardon,  poisson  de  rivière.  M. 

Dans  le  Haut-Maine,   c'est  une  espèce  de  carpe. 

V.  fr.  chevesne. 
Ch. . .  (cacatum).  Au  biron,  le  joueur  dont  le  honlct  ou  bille 

reste  dans  le  biron,  est  ch...  ;  Xoui  de  cria!  f  se  ch... 

Cf.  l'expression  èt/'e  bu. 
Chikdeu.  mot  que  crie  un   r/às  pour  provoquer  un  autre  à 

Se  battre  à  coups  de  boule  de  neige  avec  lui. 

1.  Chiner,  v.  n.,  mendier.  Chez  M.,  c'est  rapiner. 

2.  Chiner,    \-.    n.,    rechigner,    contredire.     Vous    iiavez 

qa  faire  de  c/iiner.  L'expression  ne  pas  chiner, 
outre  qu'elle  a  le  sens  contraire  à  celui  de  c/ùner, 
signifie  aussi  être  tranquille,  sérieus  :  A"  chin  point. 
Selon  Littré,  reclâgner  vient  du  préfixe  re  et  de 
l'ancien  verbe  chigner  ou  rjaigner,  qui  aurait  signifié 
sourire,  mais  qui  n'est  pas  dans  Godefroy. 

Chioles,  s.  f.  pi.  Latrines.  V.  fr.  diioir''.^.  Chiotes  est 
en  usage  en  Lorraine. 

Chipolata,  s  m.,  petite  saucisse.  En  fraïujais,  c'est  un 
ragoût  aux  oignons. 

Chômer,  v.  a.,  manquer  de.  On  remarque  la  construction  : 
Je  n   cli<Jiii'  poiii  à  f/ui  les  vend'  (vendre). 

Choper,  v.  a.  Même  sens  que  baiser,  mais  ne  se  dit  que 
des  personnes  :  attraper,  surprendre  ((|Uclqu'uiil. 

Choulout  res,  s.  m.  |j1.,  r-hous  de  Bruxelles. 


204  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Ci  bot,  S.  m.,  ciboule.  M.  (sous  chibot).  D.,  chibot.  V.  fr. 
cibot,  civot. 

Citre  (on  prononce  cit'),  s.  m.,  cidre.  *M. 

Coche,  s.  f.,  taille  des  boulangers,  qui  y  font  une  entaille 
(en  fr.  coche),  pour  chaque  pain  fourni  à  crédit. 
Servant  de  registre  journalier,  cette  taille  est  une 
baguette  fendue  en  deus  moitiés,  dont  l'une  reste  au 
boulanger  et  l'autre  est  remise  au  client. 

Cochelin,  s.  m.,  cadeau  fait  par  le  parrain  et  la  marraine 
à  leur  filleul  qui  se  marie.  D.,  M.,  présent.  H'-M., 
présent  et  aussi  gâteau.  V.  fr.  cochei  (présent  fait 
par  le  marié  à  ses  compagnons  de  noces),  qu'il  ne 
faut  peut-être  pas  rattacher  au  v.  fr.  cochei,  jeune 
coq,  car  on  peut  le  faire  dériver  de  l'allemand  kou- 
chen,  flamand  houhe,  gâteau. 

Comme,  conj.,  que.  J'sé  aussi  grand  comme  tel  (je  suis 
aussi  grand  que  toi).  *"M. 

Conséquent,  adj.,  conséquent,  et  aussi,  puissant  (L.  C). 

Coper  (la),  l'expier,  le  payer  cher,  la  revaloir.  Cf.  le  fr. 
pop.  écoper  et  le  v.  fr.  compevei',  payer,  expier  (?) 

Cor,  adv. /encore.  H'-M. 

Cosin,  s.  m.,  cousin.  *M.  Cosiii  r'mué  d'  germains,  cou- 
sin issu  de  germains  ;  expression  employée  d'ail- 
leurs par  Regnard. 

Conapelle,  s.  f.,  sorte  de  plante. 

Couchette,  s.  f.,  morceau  d'étoffe  dont  on  enveloppe  les 
enfants  au  berceau.  M. 

Coucou,  s.  m  ,  primevère  jaune  qui  fleurit  au  retour  du 
coucou.  *M. 

Couloré,  adj.,  colorié.  Mot  de  la  campagne. 

Coup,  s.  m.,  fois.  C'est  /'  mém'  coup,  c'est  la  même  chose. 
Du  coup,  cette  fois,  pour  le  coup. 

Créraère,  s.  f.,  lacs  en  crin  que  l'on  tent  sur  un  appât.  On 
emploie  aussi  crignéè.  Cf.  D. 

Curé,  s.  m.,  dinde,  dindon;  en  Normandie,  yes«a7e.  Ces 
deus  dénominations  viennent  sans  doute  de  ce  que 
cet  oiseau  fut  introduit,  ou  plutôt  répandu  en 
France,  par  des  Jésuites. 

Cusscr  (se), V.  réfl.,  se  plaindre,  en  parlantdes  petits  enfants. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    d'aLENÇON  205 


D 


Dedans,  d'dans,  prêp..  dans.  *M.  De  môme,  dessus  ou 
d'ssus,  prép.,  sur. 

Dégoullière,  s.  f.,  gouttière.  M.,  II^-M.  V.  fr. 

Débucher,  v.  n  ,  descendre,  en  parlant  d'un  corps  qui 
flotte  ou  qui  vole.  Dérivé  de  hucher  (M.),  pour 
jucher.  Pour  un  changement  inverse  de  h  en  y,  voir 
Juper. 

Delà  (nom  de)  fon  prononce  d'ia],  juron  qui  équivaut  peut- 
être  à  nom  du  diable  (autrefois  déable),  influencé 
par  l'ancienne  interjection  déa. 

Demi ,  s.  m.,  tasse  de  café  que  les  cabaretiers  donnent  avec 
une  soucoupe  et  deus  morceaus  de  sucre.  M. 

De  m  ion,  moitié  de  la  demoiselle,  demi -décilitre  d'eau- 
de-vie. 

Demoiselle,  s.  f.,  petite  mesure  d'eau-de-vie,  qui  vaut  un 
demi-décilitre,  suivant  D.;  un  décilitre  chez  M.  et 
à  Alençon. 

De  qui?  de  q  uei?  Pron.  interr.  Qui?  quoi?  Ht^-M.  I vient. 
—  De  qui?  (Qui?)  —  Louis,  pardié.  «  Eh!  bour- 
geoise (ménagère).  —  De  quel?))  (Quoi?) 

Déroute,  s.  f.  Faire  la  déroute,   faire  l'école  buissonnière. 

Désargenté,  adj.,  sans  argent,  sans  le  sou.  M. 

Dessous  (ét'j,  être  le  patient  au  jeu  de  ^on  (saute-mouton) 
et  au  cheval- fondu. 

Dévalée,  s.  f.,  pente  douce  (L.  C). 

Devantiau,  s.  m  ,  tablier.  M.,  IP-M.  V.  fr.  devanlel, 
devanteau. 

Dé  vire,  s.  f.,  H^-M.  Ne  s'emploie  à  Alençon  que  dans  l'ex- 
pression à  ladéoire,  au  rebours,  à  l'envers.  Cf.  Vire 
(à  la). 

Dia!  cri  pour  faire  avancer  un  cheval  à  gauche.  M. 

Dire,  v.  n.  S'emploie  en  pariant  des  instruments  de  mu. 
sique.  I  dit  benf  Voir  Faire  dire.  V.  fr.  dire  d'une 
fleutte  (fliîte). 

Disputer,  v.  a.,  gronder  D.  (Manche.) 


206  HHVUE    I)K    PHILOLOGIE    FKANÇAISK 

Doguer,  v.  n.,  frapper  de  la  corne,  en  parlant  du  bétail  : 
I  dogue  fort.  Fr.  tgquev. 

Doguette  (à  la),  s.  f.  Jeu  de  billes  où,  placés  devant  un 
mur,  les  partenaires  lancent  tour  à  tour  une  bille 
qui,  pour  décider  du  sort  de  la  partie,  doit  frapper, 
avant  d'avoir  touché  le  sol,  une  dos  billes  déjà 
lancées. 

Donnée,  s.  f.,  distribution  faite  aus  pauvres  dans  des  cir- 
constances extraordinaires,  v,  fr. —  E  s'rait  ci'  don- 
née, si  elle  l'atmit  (elle  serait  généreuse,  si  elle  était 
riche,  si  elle  avait  de  quoi). 

E 

E  (se  prononce  très  sourd),  pron.  féni.,qui  s'emploie  devant 

les  consonnes,  pour  elle  :   È  vient. 
Échange,    s.    f.,   échange.    M.   Exemple  et   espace,  fém. 

dans  M.,  sont  masculins  à  Alençon. 
Échanger,  v.  a.,,  essanger,  donner  le  premier  lavage  au 

linge.  M.  (au  supplément). 
Écofir,  V.  a.,  bosseler,  bossuer. 
Effant,  s.  m.,  enfant.  M.,  H^-M. 
Égrimer,  v.  a.,  égratigner,  griffer.  V.  grimer.  V.  fr.  esqui- 

meare,  esquille. 
Emballe  (fair'  do  son),  faire  des  embarras,  être  orgueilleus. 

Dans  le  Haut-Maine,  l'expression  être  emballe  a  le 

même  sens. 
Em bousillé,  adj.,  couvert  de  bouc,  crotté.  C'est  le  v.  fr. 

embousé  (part.  pas.   de  enihouser).  refait  sur  hoa- 

sille.  (Voir  ce  mot.) 
Embroqueter,  v.  a.,  saisir  avec  un  broc  (fourche).  C'est 

le  V.  fr.  embrocher,  refait  sur  broqueter.  (Voir  ce 

mot.) 
Emouvoir  (s"),  se  remuer,  s'agiter.  M.  V.  fr. 
En,  prép.,  employée  pour  les  prépositions  à  et  dans.  Il  est 

en   Damignié,   à  Damigni,  village  près  Alençon  ; 

J'  ni  en  va  en  champs,  je  m'en  vais  dans  les  champs. 
Encavcr,  v.  a.,  enterrer  un  animal  qnervé  (crevé).  V.  fr. 

enchaver,  creuser,  et  aussi  enterrer. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    u'aLEXÇON  207 

Engoulnnt,    adj.,    hea-engoidant,    facile    à    avaler.   Voir 

V"  iau. 
Eoîi,  adv.,  où.  Je  n'  savons  point  eon  aller. 
Équi,  s.  111.  Éqiiis.sure,  s.  f.,  petit  éclat  de  bois.  En  v.  fr., 

esquille,  s.   f. ,  morceau,  fragment,  éclat  de  petites 

planches  fendues,  petit  ais. 
Esquainter,  v.  a.,  fatiguer,  exténuer.  M.  ;  mot  populaire. 
Esquélette,  s.  f.,  squelette.  *M. 
C'est-d-à  mei,  à  tei,  se  disent  dans  les  jeus  pour  :  c'est  à 

moi,  à  toi.  c'est  à  mon  tour,  à  ton  tour.  Cf.  en  pa- 
tois normand  cVovec  pour  avec. 
Estomal ,  s.  m.,  estomac.  Se  dit  à  la  campagne. 
Exprès  (à  r),  loc.  adv.,  de  parti  pris.   «On  ne   dit  pas  : 

faire  exprès  de,  mais  bien  faire  à  V exprès.  ))  C.  R. 

de  M. 

F 

Faire  dire...  Jouer  d'un  instrument  de  musi(iuc.  Voir 
dire.  M. 

Fi,  s.  m.,  fil.  *M.  Fi  d' fouà,  moi  k  mot,  fl  de  fouet,  mèche 
à  fouet. 

F  ion  (jouer  à),  jouer  à  saute-mouton. 

Foirer,  v.  n.,  aller  à  la  foire.  En  Normandie,  c'est  «  cou- 
rir les  foires  ».  M.  V   i\\  foirier,  fêter,  chômer. 

Fol  1er,  v.  n.,  extra  vaguer.  FoWs-la^  Es-tu  iou'^  Folier 
signifie,  en  patois  normand,  être  fou,  extravaguer 
(M.);  en  v.  fr.,  faire  des  folies,  folâtrer. 

Fraîchisson,  s.  m.,  frisson. 

Freid,  s.  f.,  froid.  *M. 

Frères  à  huit,  à  neuf.  Se  dit  au  jeu  de  bastringue  des 
joueurs  qui  ont  également  abattu  huit,  neuf  quilles. 

Fumclle,  s.  f.,  femme  (en  mauvaise  part).  *M.  Se  prent 
en  bonne  part  dans  le  Haut-Maine,  où  il  signifie 
jeune  fille,  et  comme  on  v.  fr.,  femelle. 

Fumeraillon,  s.  m.,  fumée  qui  sort  d'un  tison  qui  ne 
flambe  plus.  M. —  Godefroy  cite  un  seul  exemple  de 
fumeras,  qu'il  expli(|ue  par  «  partie  de  la  cheminée  », 
mais  le  contexte  n'empêche  pas  d'interpréter  ce  mot 
par  fumée. 


208  REVUE    DE   PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


Gadellos,  s.  f.  pi.,  groseilles-  venant  par  grappes.  D. 
{V'gades).  M.,  Ht-M. 

Gadellier,  s.  m.,  arbre  à  gadelles.  M. 

Galette  de  sarrazin,  espèce  de  crêpe  qui  se  fait  avec  de 
la  bouillie  de  farine  de  sarrazin.  M.,  H'-M.' 

Gâs,  s.  m.,  gars,  gar(^on.  «  Employé  seul,  dit  Moisy,  ce  mot 
est  toujours  pris  en  mauvaise  part.  »  Il  n'en  est 
jamais  ainsi  à  Alençon,  où  l'expression  à  les  [i as! 
s'emploie  pour  appeler  des  enfants.  —  Le  valet  des 
jeus  de  cartes^  s'appèle  le  vieus  gâs,  expression 
qui  désigne  un  célibataire  dans  le  Haut- Maine. 

Gâter  d'iiau,  uriner.  M  ,  Ht-M. 

Géronnée,  s.  f.,  le  contenu  du  tablier  [Xaim  g ero  -nis, 
giron),  (L.  C.) 

Glenne,  s.  f. ,  la  plus  grande  quantité  d'épis  dont  les  tiges 
peuvent  être  contenues  dans  la  main  repliée.  V.  fr. 
glaine,  glenne,  s.  f.,  botte,  poignée. 

Glenner,  v.  a.,  glaner. 

Grémir,   v.  a.,  écraser. 

Gré  pelle,  s.  f.,  sorte  de  plante. 

Gricher,  v.  n.,  crisser.  H<-M. 

Grimaud,  adj.  Se  dit  d'une  maussaderie  passagère,  d'un 
accès  de  mauvaise  humeur  :  J'  se  (je  suis)  grimaud 
amd  (aujourd'hui). 

Grime,  s.  f.,  griffe.  Si  le  verbe  gtdmer  ne  se  rattache  pas 
au  français  se  grimer,  on  peut  faire  dériver  grime 
de  l'allemand  greiffen.  (Cf.  Reif,  gelée  blanche  = 
V.  fr.,  picard,  wallon  rime.) 

Gu,  s.  m.  1"  Jeu  de  cligne-musette;  2''  endroit  où,  au  jeu 
de  cligne-musette,  se  cache  celui  qui  est  pris,  ou 
qui  //  est,  c'est-à-dire  le  chercheur;  3°  le  chercheur 
lui-même  :  J'  se  (je  suis"»  /'  gu.  Au  moyen  âge,  les 
enfants  criaient  eu!  eu!  au  jeu  de  reponaiUes. 

1.  Dans  les  jeus  de  cartes,  l'expression  c'cfit  la  jiiocc.<sion  des  c... 
(culoruin)  nu!<  se  dit  lorsque  le  sort  n'a  départi  à  un  joueur  que  des 
cartes  sans  importance. 


ESSAI    SfR    LF    PATOIS    d'aLEXPON  209 

Gui,  pronom,  lui.  /'  gui  ai  dit  (jo  lui  ai  dil).  II^-M.  —  A 

roniarquei'  :  YailUii  cVinander  (va  le  lui  demander)  ; 

vaillJn  dire  (va  le  lui  dire),  etc. 
Guiahle   (aller  1'),  loc.  «    Ça  va-t-i  ben  anui  f  —   Ça  va 

l"  guiab\  »  Ça  va-t-il  bien  aujourd'hui  ?  —  Ça  ca  le 

diable,  ça  va  bien.  »  (L.  C.) 
Guibet,  s.  m.,  moucheron.  V.  fr.  guibeL  —  M.  signale  la 

forme  bibet,  qui  existe  aussi  en  français,  quoique 

plus  récente. 
Guigner,  v.  ii.  Se  dit  au  jeu  de  cligne-musette,  du  joueur 

qui  se  place  en  un  lieu  d'où  il  ne  peut  voir  les  autres 

joueurs  quand  ils  se  cachent.  —  Se  rattache  au  mot 

gu,  plutôt  qu'au  v.  fr.  guigner,  qui  siguiliait  parer, 

farder,  et  non  mettrt^  un  masque. 


H 


Ilalbi  {h  aspirée),  s.  m.,  boisson  faite  avec  une  égale  quan- 
tité de  pommes  et  de  poires.  D.  M.  :  «  Comparez  la 
locution  anglaise  bg  half,  par  moitié  ;  laquelle,  en 
intervertissant  les  mots  [half  btj),  donnerait  un  sens 
en  rapport  avec  celui  de  notre  mot.  » 

Ilarée,  s.  f.,  averse.  D.  (arrond.  de  Bayeux).  M.  Du  v.  fr. 
horée,  pluie  d'orage. 

Hélas  !  interj.  qui  n'exprime  pas  seulement  la  douleur,  mais 
aussi  la  stupéfaction,  l'étonnement.  Il  en  est  de 
même  dans  le  Haut-Maine.  (Voir  C.  R.  de  M., 
2''  édition,  au  suplément.) 

Herber,  v.  n.,  couper  de  l'herbe.  V.  fr.  —  Aller  licrber  et 
aller  à  Vherbe  se  disent  également  à  Alençon. 

Homme,  mari.  *M. 

Hojume  de  fer!  A  la  halle  au  chasseur,  —  jeu  où,  suivant 
certaines  règles,  l'un  des  joueurs  poursuit  les  autres 
en  essayant,  de  temps  à  autre,  de  les  atteindre 
avec  une  balle,  —  l'un  de  ces  derniers  peut  crier  : 
Homme  de  fer!  U  s'engage  ainsi  à  rester  à  l'endroit 
même  d'où  il  a  crié  et  à  n'y  point  renmer  son  corps 
pendant  que  le  chasseur  le  visera.  Si  le  chasseur 
Revuk  uk  i'iiii.oi.ogu:,  vu.  14 


310  REVUE  DE  pinr.or.ooiE  française 

accepte  le  déii,  il  ne  peut  s'approcher  de  V homme 
de  fer  avant  d'avoii;  lancé  la  balle. 
H uy 0  !  cri  pour  faire  avancer  un  cheval  à  droite. 


I 

lau,  s.  f.  eau.  *M.  Créiez-le  et  buvez  d'iiau,  locution  iro- 
nique pour  dire  qu'une  chose  est  fausse.  Pour  vanter 
une  boisson,  cidre  ou  poiré,  qu'il  est  question  de 
leur  acheter,  les  paysans  disent  toujours  qu'il  est 
hen  dreit  en  goût,  hen  engoulant,  sans  goutte  ni 
larme  d'iau  (droit  de  goût,  facile  à  avaler,  sans 
goutte  ni  larme  d'eau).  Cité  par  L.  C. 

Il,pron.  m.  pi.,  ils.  *M.  Pourquei  qu'il- on  fait  e«.?  (Pour- 
quoi ont-ils  fait  cela  ?)  —  Latin  illi^=.\.  fr.  il  pour  ils. 

Inné  se  dit  pour  il  en.  «  Cette  forme  de  langage,  dit  M., 
n'est  usitée  qu'associée  au  verbe  avoir.  Ainsi,  mn' 
aura  équivaut  à  il  en  aura,  inn' avait  à  il  en  avait, 
inn'a  équivaut  à  il  en  a.  » 


J 


Je,  pron.  pers.  sing.,  s'emploie  pour  le  pron.  pers.  nous: 

f  allons,  f  avons. 
.Jenn' jene.  M.  Jenn'  veus  poin'  avoir  des  raisons  à  cause 

de  vous,  je  ne  veus  pas  être  querellé  à  cause  de  vous. 
Juper,  V.  a.,  hucher,  appeler.  V.  fr.  huper,  pousser  un  cri 

aussi  loin  que  l'haleine  peut  s'étendre. 
J 'venue,  s.  m.  Voir  chevenne. 


Laitince,  s.  f.  :  1°  laitance,  2'^  poisson  mâle.  — C'est  le  seul 
exemple  qu'offre  le  patois  d'Alençon  d'un  change- 
ment de  an  en  in. 

Là-loin,  près  d'ici. 

Légume,  s.  f.  collect.,  légumes. 

Liette,  s.  f.,  tiroir.  V.  fr.,  leaite,  lieite. 


ESSAI    SUR    LK    PATOIS    l)"\I.FNrON  211 

LiG;oche,  s.  f.,  limaco,  mollusque  rampanlet  sans  coquille. 

(L.  C.) 
Lu  molle,  s.   f. ,  lame  de  couteau.  V.  i'r.  lemelle,  lamelle. 

Ou  emploie,  paraît-il,  à  Dom front,  la  l'orme  avinelle, 

qui  vient  du  v.  fr.  aleinelle. 


M 


Maie,  s.  f.,  huche  à  pain  (est  dans  Littré).  V.  fr.  mai/e, 
s.  f.   Moins  usité  que  la  forme  masculine  met. 

Mairerie,  s.  f.  (on  prononce  mévri),  mairie.  V.  fr.  mai- 
rerie,  justice  seigneuriale. 

Mais  que,  loc.  conj.,  après  que,  lorsque.  *M.  Elle  gou- 
verne le  subjonciif  comme  en  patois  normand. 

M  an,  s.  m.,  larve  de  hanneton.  M. 

Marcou,  s.  m.,  matou.  D.  (Orne).  M.,  Ht-M.  V.  fr. 

Mè)iicr,  s.  m.,  petit  enfant  (L.  C).  Du  v.  fr.  me  s  nié  e  ow 
mesnie,  ménage,  famille. 

Mieutée,  s.  f.,  pain  émietté  dans  du  cidre.  A  Domfront, 
on  emploierait  nuochée  dans  le  même  sens  (xvi^  s., 
miodie,  mie). 

Millot,  s.  m.,  millet,  i-'.  Mi  lied,  s.  m.?  L'on  fist  ou  temps 
commode  plusieurs  millotz,  pensant  s'en  secourir, 
lesquelz  firent  belle  sortie  (155G,  Disc,  de  l'an,  de 
la  com.,  Arcli.  Lons-le-Sauln.).  ))  Godefroy.  —  Il 
s'agit  évidemment  là  de  semis  de  gros  millet. 

Mimi,  s.  m.,  mot  du  langage  enfantin  pour  désigner  un 
chat.  C'est  ainsi  que  l'on  appelé  généralement  cet 
animal  afin  de  l'attirer. 

Miocher,  v.  a.,  mâcher,  manger.  Mioe/ier  est  sans  doute 
une  corruption  de  mâcher  sous  l'influence  du  moyen 
français  mioche.  (Cf.  dans  le  patois  lillois  le  verbe 
mier,  formé  sur  mie.) 

Mitan,  s.  m.,  milieu.  D.,  M.,  II'-M.  V.  fr. 

Moins,  prép.  Pour  marquer  les  minutes  qui  suivent  la 
demie,  on  remarque  la  construction  suivante  :  le 
f/nari  moins  une  heure,  deus  heures...,  dis  minutes 
moins  une  heure,  deus  Iieures...,  pour  une  heure, 


512  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

deus  heures...,  moins  un   quart,  une  heure,   deus 

heures...  moins  dis  minutes. 
Molenne,  s.  f.,  sorte  de  plante  que  l'on  m'a  décrite  comme 

ayant  de  larges  feuilles  et  qui  fleurirait  à  la  fin  de 

l'été;  c'est  peut-être  le  bouillon-blanc.  V.  fr.,  mo- 

leine,sorte  de  plante  (ju'un  glossaire  appelle  T/iapsus 

barbatus. 
Moure,  s.  f.,  mûre  sauvage,  frviit  de  la  ronce.  M.,  Ilt-M. 

Cette  forme  est   usitée   dans  le   Hainaut.  (Littré, 

vo  mûre.) 

N 

N  a,  particule  interjective  et  intensive  qui  renforce  le  sens  de 
la  locution  dont  on  fait  usage.  Jenn'  veus  point,  na. 

Nain,  s.  m.,  hameçon.  D.  Ce  mot  est  une  corruption  du 
V.  fr.  haim  ou  ain,  dérivé  du  lat.  hamus  et  usité  en 
patois  normand.  M.  ;  comme  en  faisant  la  liaison  on 
disait  au  singulier  un-n-ain,  on  introduisit  fautive- 
ment une  n  dans  le  corps  du  mot. 

Naviau,  s.  m.,  navet.  D.  M.,  Ht-M.  V.  fr.  nacel,  naveau' 

Nouviau,  adj.,  nouveau.  *M.  Tout  nouviau,  tout  biau, 
proverbe  qui  n'a  pas  besoin  d'explication. 

Nouzille,  s.  f.,  noisette.  M.,  Ht-M.  V.  fr.  noisille. 


0 

0,  prép.,  avec.  M. —  N'est  plus  guère  employée  à  Alençou 
que  par  les  vieillards.  —  V.  fr.  ab,  od,  o. 

Oribus  (ailleurs  on  prononce,  paraît-il,  orubu),  s.  m.,  chan- 
delle de  résine.  D.,  M.,  Ht-M. 

Ouatte,  interj.  exprimant  le  doute  et  l'incrédulité.  M. 
V.  fr.  kohecte. 


Paillot,  s.  m.,  paquet  de  sis  fromages  entourés  de  paille.  M- 
Paisan  (dissyllabique),  s.  m.  paysan.  *M.  On  m'a  assuré 
que  l'on  prononçait  aussi  poweà-a/i. 


ESSAI    SUR    LE    PATOIS    d'aLENÇON  213 

Pampelune,  lieu  imaginaire.  Un  curieus  dcmande-t-il  où 

se  trouve  quelqu'un,  on  lui  répont  :  //  est  à  Pam- 

pHune,  vingt-cinq  lieues  au  d'ssus  d^  la  lune. 
Pa neige,  s.  f-,  ciguë.  Peut-être  faut-il  rattacher  ce  mot  au 

V.  fr.  pasnaie,  s.  f.,  ciguë. 
Palis,  s.  m.,  clôture,  barrière.  V.  fr. 
Parclie,  s.  f.,  écosse  de  haricots  secs*  (L.  C.) 
Paré,  adj.  Se  dit  du  cidre  lorsqu'il  a  cessé  de  fermenter  et 

qu'il  est  bon  à  boire;  latin  paratus,  préparé.  (L.  C  ) 

—  D.,  y.  fr. 
Parottes,  s.  f.pl.,  copcaus. 
P  i  a n t ,  adj .  verbal ,  puant.  *M. 
Piétrer,  v.  n.,  boîter.  V.  fr.  piétrer,  se  promener. 
Pigner,  v.  n.,  pousser  une  exclamation  de  douleur.  31.  En 

V.  fr.,  c'est  grincer. 
Piguoche,  s.  f.,  jeu  d'enfants  où  l'on  jète  la  lame  d'un 

couteau  dans  un  tas  de  sable  dans  lequel  elle  doit 

s'enfoncer  entièrement.  C'est  peut-être  le  même  mot 

que  le  v.  fr.  piloke,  s.  f. ,  objet  servant  à  un  jeu  de 

jeunes  filles. 
Pijer,  V.    a.,    attraper,  surprendre    (quelqu^un)  ;  comme 

choper,  baiser.   Dans  M.,  ce  mot  signifie  battre, 

rosser. 
Piler,  V.  a.,  broyer.   Se  dit  même  en  parlant  d'un  corps 

tendre.  —  Piler  sur,  marcher  sur,  mettre  le  pied 

sur.  *"M. 

1.  Piper,  V.  n.,  mesurer, en  plaçant  successivement  le  bout 

de  chaque  pied  contre  le  talon  de  l'autre. 

2.  Piper,  v.  a.,  aspirer  un  liquide  avec  un  pipei  ou  fétu. 

M.  En  V.  fr.,  pipe  signifie  tuyau. 

Pi  pet,  s.  m.,  fétu  de  paille.  (Voir  le  mot  précédent.)  En 
V.  fr.,  pî'pei  signifie  pipeau. 

Pirotte,  s.  f.,  oie  femelle.  D.,  M.,  H^-M.  Au  pluriel,  oies 
en  général.  V.  fr.  pimt,  s.  m.,  oison. 

Plein  ftoul),   beaucoup.!).    (Arrondissement  de  Valognes.) 

Poignasser,  v.  a.,  manier  salement,  ou  manier  une  chose 
pesante  qui  ne  demande  pas  d'égards.  (M.,  IP-M.) 
Poignasser  une  poutre,  c'est  la  remuer,  la  changer 
de  place.  Poignasser  est  un  dérivé  i)éj()ratif   (Cf. 


214  REVUE    DE    PHJLOLOGIE    FRANÇAISE 

vairasse)  du  v.  fr.  poigncr,  prendre  avec  le  poing 
(la  main) . 

Point,  adv.  L'adverbe  pas,  inusité  en  patois  (ainsi  que 
l'ancien  français  mie),  y  est  remplacé  par  point,  qui 
devant  les  voyelles  se  prononce  ;jom^  ;  /jo/n'  en  tout 
(pas  du  tout),  c'  n'est  poin'  à  mei  (moi). 

Pointe  de  côté,  point  de  côté. 

Poison,  s.  f.,  poison,  M.  C'est  d'  la  poéson,  c'est  poéson, 
c'est  vénéneus. 

Poissonnerie,  s.  f.  collect.,  poissons.  A/éter  rf'  la  pois- 
sonnerie, acheter  du  poisson. 

Pommé  s.  m.,  cidre.  Ht-M.  V.  fr. 

Porjou,  s.  m.,  narcisse  des  prés  (à  fleurs  jaunes).  D.,  M. 
A  Condé-sur-Sarthe,  commune  près  Alençon  (et, 
paraît-il,  à  Domfront),  on  emploie  la  iovn\Q  porion. 
V.  fr.  porion,  povjon. 

Pot,  s.  m.,  enjeu,  mise  de  chaque  joueur,  au  jeu  de  bas- 
tringue. A  deus  sous  V  pot! 

Pouchette,  s.  f.,  poche  d'un  vêtement.  En  français,  po- 
chette est  line  petite  poche.  *M.,  Ht-M. 

Mit  la  main  à  sa  poucliette, 
Cent  pistolles  lui  a  donné. 

(Imprimé  à  Rouen,  1619.  Cité  par  Francisque 
Michel,  E.  de  Ph.  sur  l'Argot,  p.  339.) 

Pour  de  bon,  véritablement,  sérieusement.  M. 

Pourri  !  exclamation  dont,  à  la  puce  et  au  gu,  les  joueurs 
libres  (c'est-à-dire  tous  les  joueurs,  sauf  celui  qui 
est  pris  ou  y  est)  ont  ou  n'ont  pas,  selon  les  conven- 
tions, le  droit  de  se  servir,  pour  arrêter  les  pour- 
suites de  celui  qui  est  pris. 

Poursuite,  s.  f.,  variété  d'un  jeu  de  billes;  elle  se  dis- 
tingue de  la  doguette  et  de  la  recenette  en  ce  que  la 
bille  lancée  par  l'un  des  joueurs  doit,  pour  terminer 
la  partie,  rouler  avant.de  toucher  l'une  des  billes 
du  jeu.  (Voir  v^'  doguette.) 

Predommet,  s.  m.,  haricot  hâtif.  M.,  prodon. 

Prem,  adj.,  premier,  premier  entrant  dans  les  jcus  d'en- 
fants, contraire  de  dér  (dernier),  se  prononce  comme 
diins  jjreniier.  —  M.  pré,  preu.  V.  fr.  enipreu. 


KSSAI    SUR    LE    PATOIS    d'aLENÇON  215 

Premier,  aclv.,  d'abord.  M.,  V.  fr. 

Premier  que  (suivi  d'unsubj.),  premier  que  d'  (suivi  d'un 
infinitif),  avant  que,  avant  de.  *M.,  H^-M. 

Promenoiro,  s.  f.,  petit  chariot  à  roulettes  qui  tient  un 
enfant  à  la  taille  et  lui  permet  de  marcher  sans 
tomber. 

Puce  courante,  puce  perchée,  jeus  d'enfants.  —  A  la 
puce  courante,  celui  des  joueurs  qui  est  pris  ou  qui 
a  la  puce  poursuit  les  autres  jusqu'à  ce  qu'il  ait  pris. 
c'est-à-dire  touché  l'un  d'eus;  il  devient  alors  le 
père  de  celui-ci  qui,  en  général,  ne  peut  prendre  son 
père  ou  lui  rendre  la  puce- 

A  la  puce  perchée,  celui  des  joueurs  qui  a  la  puce 
a  le  droit  de  prendre  les  autres  quand  ils  ne  sont 
pas  perchés,  c'est-à-dire  quand  ils  ne  sont  pas  sur 
quelque  tas  de  pierres,  borne,  gros  pavé,  pas  de 
porte,  etc..  Il  devient  alors  le  père  de  celui  qu'il  a 
pris  et  qui  généralement  peut  rend'  la  puce  à  son 
père,  quand  ce  dernier  a  été  perché  au  moins  une 
fois  depuis  qu'il  est  libre. 

Il  y  a  aussi  la  puce  trottoir,  où  les  joueurs  libres 
peuvent  être  pris  quand  ils  sont  dans  la  rue. 

Puet,  s.  m.,  espèce  de  petite  quille  à  bouts  plats  servant 
de  but  au  jeu  de  la  galoche  (jeu  de  bouchon)  et  que 
l'on  abat  avec  des  pièces  ou  palets.  V.  fr.  pue, 
grande  pointe,  grand  clou,  d'où  est  dérivé  aussi  le 
mot  manceaupue^^e,  s.  f.,  «  petite  cheville  de  bois 
avec  laquelle  on  bouche  les  trous  faits  aus  ton- 
neau s  ». 


Q 


Quasiment,  adv.,  mot  employé  à  la  campagne,  ainsi  que 
notre  mot  familier  quasi  dans  le  sens  de  comme, 
presque. 

Quinet,  s.  m.  Jeu  du  r/uinet,  ]cu  de  gargons,  consistant  à 
lancer  à  l'aide  d'une  palette  un  morceau  de  l)ois 
pointu  aus  deus  extrémités  et  appelé  (juinet. 


216  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


-R 


Rabouter,  v.  a.,  joindre  les  deus  bouts  d'un  cordon  pour 
en  former  une  seule  partie.  M.  —  V.  fr.,  confiner, 
toucher  par  un  bout  à. 

Raisons,  s.  f.  pi.,  reproches  :  s'attir^er  des  raisoris,  se  faire 
quereller;  avoir  des  raisons,  être  querellé.  En 
Basse-Normandie,  raison  signifie  querelle,  injure 
(M.)  et  raisonner,  gronder.  V.  h\  raison,  parole, 
propos,  discours. 

Ramberge,  s.  f.  Mercurialis  annua,  mercuriale,  plante 
qui  passe  faussement  pour  être  vénéneuse  (L.  C). 

Rapia>  adj.  et  s.  m.,  avare,  ladre.  M.  —  V.  fr.  rapial 
ou  rapal,  rapaee. 

Reille  (11  mouillées),  s.  f.,  raie. 

Revenette,  s.  f.,  variété  d'un  jeu  des  billes;  elle  se  dis- 
tingue de  la  doguette  et  de  la  poursuite  en  ce  que 
la  bille  lancée  par  l'un  des  joueurs  doit,  pour  ter- 
miner la  partie,  toucher  le  mur  avant  de  heurter 
l'une  des  billes  du  jeu.  (Voir  doguette.) 

Rifle,  s.  f.,  éruption  cutanée  formant  croûte,  qui  se  produit 
sur  le  crâne  des  enfants  en  bas  âge.  D.,  M.,  H'-M. 
En  V.  fr.,  c'est  la  gale  de  la  lèpre. 

Ri  les  (i  aigu),  s.  f.  pi.,  pâté  d'oie.  H^-M.  Le  sens  de  ce  mot 
est  différent  dans  M.  :  «  Longs  et  menus  morceaus 
de  lard  qu'on  fait  griller.  »  V.  fr.  rille,  morceau  de 
porc. 

Ringlade,  s.  f.,  glissoire. 

Ringler,  v.  n.,  glisser  (sur  la  glace).  D.  (Orne.)  V.  fr. 
r-iller,  v.  n.,  glisser,  couler. 

Riq,  adv.  et  prép.,  tout  contre.  Suivre  quelqu'un  riq  les 
talons.  On  emploie  au^si  adverbialement  l'expres- 
sion tout  rie,  que  D.  signale  pour  l'arrondissement 
de  Mortagne  (Orne).  V.  fr.  rie  à  rie.  (Godefroy, 
V"  na.) 

Ronder,  v.  n.,  faire  une  ronde,  danser  en  rond.  V.  fr.  tour- 


ESSAI    SUR    LH    PATOIS    D'ALENÇON  317 

no3'er,  aller  autoar  de  quelqu'un;  et  aussi,  faire  la 

ronde  (militaire). 
Rote,  s.  f.,  petit  sentier  eu  pleins  champs.  D.  (Orne),  M., 

Ht-M.  On  rencontre  en  v.  fr.  les  formes  route,  rote 

et  rotte  pour  route. 
Rotor,  V.  n.,  se  promener  sur  une  rote.  Eou  qu'il  est?  (Où 

est-il?)  —  Il  é  à  roter.  (Il  est  en  train  de  se  pro- 
mener.) 
Roustir,  V.  a.,  mettre  un  joueur  à  sec.  T  Vai  rousti;  être 

rousti.  En  argot,  ce  mot  signifie  tromper. 
Roùtie,  s.  f.,  sorte  démets  que  l'on  peut  manger  après  avoir 

fait  rôtir  du  pain  et  l'avoir  trcniipé  dans  du  vin  ou 

du  cidre. 
Rucher,  v.   n.,  lancer  avec   la  main   des   pierres,  etc.. 

J'  ruche  hin.  D.  M.   —  V.  fr.  rocher,  v.  a.,  faire 

rouler,  jeter  des  pierres. 


Saqueter  (prop.  sacter),  v.  n.,  tirer  par  saccades. 

Se,  Ire  p,  iii(^[.  prés,  du  verbe  êti'e  :  J'  se  rucVment  la,  je  suis 
très  fatigué.  —  Se  dit  aussi  a  dans  le  sud  de  la 
plaine  de  Neubourg  à  Beaumont-lc-Roger  )),  Charles 
Joret,  Des  Caractères  et  de  V  Extension  du  patois 
normand,  p.  155.  (Mémoires  de  la  Société  des  Anti- 
quaires de  Normandie.) 

S  ci  {cjuef),  qu'  tu  seis,  qu  i  seit,  qu'  nous  sciijons,  qu'  vos 
seiijez,  qu'  is  scient,  subjonctif  présent  du  verbe  et' 
(être).  M.  —  Ancien  normand. 

Seille,  s.  f.,  seau.  D.  (Orne).  M.,  Ilt-M.,  V.  fr. 

Seillée,  s.  f.,  contenu  d'un  seau  :  seillee  d'  iau.  M.  II'-M. 
V.  fr. 

Sicasse,  s.  f.,  eau-de-vie  de  qualité  inférieure. 

Siler  {i  aigu),  v,  a.,  donner  des  coups  de  verge  à  quelqu'un. 
M.;  D.  (frapper).  V.  fr.,  siller,  mortifier  par  les 
coups. 

Si  me,  s.  f.,  branche,  broutille. 

A  sou,  sou  à  sou,  par  petites  sommes,  en  économisant.  M. 


218  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Sus,  prép.  sur.  Très  usité  en  v.  fr. —  Les  «gâs»  chantent 
souvent  : 

Parisien, 

Nez  d'  chien, 

La  canne  à  la  main, 

L'  sac  sus  l'  dos, 

Voleur  d'abricots, 

Tu  ch...   {■=  cacabis)  dans  1'  pot. 


'Tais  (j'),  [t'  étais],  il  'tait,  ils  taient,  impartait  du  verbe  et' 

(être).  JHais  malade.  On  fer  Leva,  il  'tait  mort. 
Tasse,  s.  f.,  poignée  d'herbes,  toulîe.  M.  —  V.  fr.  tame,  tas, 

amas. 
Tcrtous,  pron.,  tous.  Mot  do  la  campagne.  —  M.,  V.  fr. 

trei^toua. 
Téruelle,  s.  f.,  truelle.  M. 

Treiziau,  s.  m   Synonyme  de  barge.  Se  trouve  dans  *M. 
Treiller,  v.  a.,  trier. 
Truviau,  s.  m.  Synonyme  de  treiziau  et  de  hargc.  (Voir 

barge.) 


Va,  vais  (je).  /'  m'en  va  ans loc,  je  pars  pour  aller  ra- 
masser, cueillir,  acheter  certains  produits. 

Vadrouille,  s.  f.,  serpillière  que  l'on  mouille  pour  net- 
toyer les  planchers,  les  parquets.  M.,  vatrouiller, 
se  vautrer. 

Vage  (que  j'),  que  tu  vages...,  subj.  prés,  du  verbe  aller. 
C'est  la  corruption  de  l'ancien  subj.  prés,  {que  je) 
voise,  usité  encore  parmi  le  peuple  au  xviie  siècle. 

Vairasse,  s.  f.,  coUect.  et  péjor.,  vairons. 

Vélin,  s.  m.,  réseau  du  point  d'Alençon. 

Veuni  (c'est-à-dire  fini).  Jouer  à  veuni,  se  dit  d'une  variété 
du  j(?u  de  gu. 


KSSAI    SL'U     LK    IWTOIS    d'aLENTON  219 

Vignou,  s.  m.,  ajonc  épiueus  (à  fleurs  jaunes).  —  A  Dom- 
front,  c'est  le  genêt  épineus,  sens  qu'a,  selon  D.,  ce 
mot  clans  le  Calvados. 

Vire,  s.  f.  N'est  usité  que  dans  l'expression  à  la  vire 
(comme  il  faut),  contraire  de  à  la  décire  (à  rebours, 
à  l'envers,  à  contre-sens). 

Virez,  cirez,  cirez!...  C'est  ainsi  que  l'on  appelé  les  oies. 

Vouss'ter,  v.  a.,  contraire  de  tutoyer.  M. 

Voyons  voir.  Locution  qu'emploie  un  homme  du  peuple 
quand  il  s'agit  de  vérifier  quelque  chose.  De  cette 
locution,  fort  en  usage  dans  le  Haut-Maine,  C.  R. 
de  M.  dit,  p.  470-71,  v»  coire  :  ((  Est-ce,  en  fait, 
une  locution  vicieuse  à  cause  do  l'emploi  redoublé 
du  verbe  coir,  ou  bien  pourrait-on  la  considérer 
comme  une  équivalente  de  celles-ci  :  Voyons  en 
vérité,  voyons  réellement?  Dans  ce  dernier  cas,  le 
tort  ne  serait  pas  du  côté  du  peuple.  »  Nous  ne 
saurions  admettre  la  seconde  explication  qui  exige- 
rait, selon  la  phonétique  du  patois,  veir  (cêre)  et 
non  voir.  Comme  le  premier  mot  est  toujours  pro- 
noncé vouàïon,  nous  considérons  cette  expression 
comme  synonyme  de  allons  coir,  v.  fr.  coisons 
coir.  Cf.  ouàsiau,  oiseau  (=  âvicellus);  ouà,  oie 
(=r:âuca);  cage  (=vâdiam). 


LE  COMPTE  MUNICIPAL  DE  TOURNON  (1459-1461; 

DESCRIPTION    ET    COMMENTAIRE    HISTORIQUE 

Par  Léon  Cléuat 


Le  compte  municipal  clc  Tournon,  que  nous  avons  publié \ 
est  contenu  clans  un  cahier  de  papier  de  â4  feuillets  ayant 
30  centimètres  sur  21.  Le  papier  est  marqué  d'un  filigrane 
représentant  un  dauphin  pâmé.  Le  compte  occupe  seulement 
19  feuillets,  les  5  autres  sont  blancs.  Il  est  d'une  seule  et 
même  main,  à  l'exception  :  1'^  des  art.  9  et  10  ajoutés 
après  coup  (qui  terminent  le  verso  du  fol.  1)  ;  2°  du  total  de 
la  recette  placé  dans  un  blanc  (fol.  2  verso,  6®  et  7^  lignes), 
et  3°  du  dernier  article  suivi  du  total  général  (fol.  19  verso), 
qui  sont  d'une  main  différente  et  qui  sont  presque  entièrement 
en  français,  tandis  que  le  reste  du  compte  est  en  langue 
vulgaire  du  pays. 

Au  bas  de  chaque  page  se  trouve  le  total  des  sommes 
mentionnées  dans  la  dite  page  :  il  paraît  être  de  la  même 
main  que  les  parties  ajoutées.  C'est,  à  notre  avis,  la  main 
de  l'auteur  même  du  compte,  Barthélémy  de  Sèneclause, 
qui  a  probablement  dicté  tout  le  reste  à  un  employé.  C'est 
encore  à  Barthélémy  de  Sèneclause,  ou  à  une  troisième 
main-,  qu'il  faut  attribuer  le  mot  virifficet,  rayé  après  coup, 
qui  se  trouve  en  marge  et  en  face  des  art.  108  (art.  1  du 
fol.  9  recto);  126  (art.  2  du  fol.  10  verso);  131  (dernier  art. 
du  fol.  10  verso);  149  (art.  1  du  fol.  12  verso);  185  (art.  4  du 
fol.  16  recto),  et  199  (avant-dernier  art.  du  fol.  17  verso). 
De  la  même  main,  en  face  dç  l'art.  194  (art.  2  du  fol.  17 
recto),  on    trouve  les   mots  «    non   transmit   »   qui  ont   été 

1.  Voyez  notre  Revue,  t.  II,  p.  241. 

2.  L'écriture  est  plus  grossière,  mais  elle  est  la  même  que  pour  les 
trois  premiers  mots  {■•^oinrna  Qi-ossa  de)  du  total  général,  et  pour  le 
total  de  la  recette. 


LE    COMPTE    MUN'KIPAL    DF    TOURNON  221 

barrés,  et  au-dessous  desquels  on  a  écrit  :  vcriffica/«/n.  » 
Cet  article  avait  d'abord  été  entièrement  barré,  ainsi  que  la 
somme  qu'il  indique;  puis  la  barre  a  été  grattée  et  la  somme 
rétablie;  le  total  du  bas  de  la  page  avait  été  fait  d'abord  sans 
tenir  compte  do  cet  article,  puis  il  a  été  rayé  et  remplacé 
au-dessous  par  un  nouveau  total,  conforme  au  rétablissement 
de  l'article. 

En  face  de  cliaquc  article  de  la  partie  consacrée  aus 
dépenses  (art.  17-217),  on  trouve  en  marge  une  crois  qui 
paraît  indiquer  que  la  dépense  a  été  vérifiée  (la  crois  a  été 
grattée  puis  rétablie  en  face  de  l'art.  194,  dont  nous  venons 
de  parler).  N'ont  pas  de  crois,  et  ont  été  barrés,  les  art.  122 
(art.  3  du  fol.  10  recto);  202  et  203  (art.  2  et  3  du  fol.  18 
recto);  207  (art.  2  du  fol.  18  verso);  213  (19  recto,  dernier 
article).  Le  total  qui  est  au  bas  des  pages  où  il  y  a  eu  des 
articles  supprimés  ne  tient  pas  compte  des  dépenses  rayées, 
il  est  donc  postérieur  à  ces  suppressions.  Les  articles  rayés 
étaient  relatifs  à  des  remboursements  de  taille  ou  paiements 
arriérés  faits  à  Jean  Locbet  (art.  122.  202,  203),  à  une  somme 
de  1  livre  10  sous  prêtée  à  la  ville  par  Barthélémy  de  Sène- 
clause  (art.  207),  et  à  une  indemnité  de  1  livre  5  sous  que 
réclamait  Barthélémy  de  Scneclause  pour  un  séjour  à  Viviers 
au  moment  de  la  répartition  de  la  taille  (art.  213).  Il  est 
difficile  de  savoir  si  ces  suppressions  ont  été  faites  sponta- 
nément par  le  syndic  ou  si  elles  lui  ont  été  imposées.  Les 
sommes  portées  comme  ayant  été  données  à  Lochet,  et  qui 
s'élevaient  à  8  livres  8  sous  G  deniers,  ont  d'ailleurs  été 
rétablies  en  partie  dans  le  dernier  article  du  compte  (art.  217). 

Nous  avons  dit  que  deus  articles  (de  recettes)  avaient  été 
ajoutés  après  coup  au  bas  du  fol.  1  verso.  Le  total  de  cette 
page  avait  été  fait  après  l'adjonction  du  premier  de  ces 
articles  :  il  a  été  rayé,  puis  rétabli  avec  modification  au  bas  de 
la  page,  quand  on  a  eu  ajouté  le  second.  Le  total  général  de 
la  recette  (fol.  2  verso)  avait  été  fait  avant  l'adjonction  des 
deus  articles  :  on  l'a  refait  et  récrit  après  r;idjonction  du 
premier,  et  corrigé  après  celle  du  second. 

Une  erreur  d'addition  a  été  corrigée  au  bas  du  fol.  18 
recto  :  on  avait  compté,  pour  l'art.  205,  15  sous  au  lieu  de 
15  livres.  Dans  le  total  général  de  la  dépense  on  avait  fait 


222  liF.vrF.    DE    PIIILOLOGIF.   FRANÇAISE 

aussi  une  erreur  en  moins  de  14  livres  5  sous,  qui  reposait 
sur  la  première,  et  qu'on  a'corrigée  en  même  temps. 

L'addition  du  fol.  17  verso  paraît  inexacte  au  premier 
abord  ;  mais  il  faut  prendre  garde  quel'écu  porté  par  l'art.  200 
doit  être  soustrait  et  non  additionné.  Dans  cet  article  le  mot 
escu  n'est  pas  écrit,  mais  est  représenté  deus  fois  par  un 
triangle. 

Un  grand  espace  avait  été  laissé  après  l'art.  174  (fol.  15 
recto).  C'est  dans  cet  espace  que  l'art.  175  a  été  ajouté  après 
coup. 

Le  compte  de  Barthélémy  de  Sèncclause  n'a  pas  été  écri* 
au  jour  le  jour.  Il  a  été  rédigé  d'ensemble,  une  fois  sa  ges- 
tion terminée,  d'après  les  notes  et  quittances  conservées  par 
le  syndic.  Les  articles  sont  loin  d'être  rangés  dans  l'ordre 
chronologique,  ce  qui  est  parfois  gênant  quand  la  date  n'est 
pas  indiquée  ou  qu'elle  l'est  incomplètement. 

Le  compte  commence  par  les  recettes  :  En  premier  lieu, 
la  recette  des  fouages  des  deus  années  (art.  2-4),  puis  des 
recettes  diverses,'  provenant  de  ventes  de  sel,  de  paiements 
variés,  du. double  disième  (art.  5-15).  Viennent  ensuite  les 
dépenses  :  en  premier  lieu,  les  paiements  faits  par  la  ville 
pour  les  fouages  ou  tailles  des  deus  années,  en  y  comprenant 
certaines  restitutions  et  les  frais  divers  occasionnés  directe- 
ment par  la  taille^  (art.  16-63),  enfin  toutes  les  autres 
dépenses  (art.  64-217). 

Les  dépenses  s'étant  élevées  cà  1,302  livres  18  sous  11  de- 
niers, et  les  recettes  seulement  à  1,280  livres  11  sous  3  deniers, 
la  ville  de  Tournon  redevait  au  syndic  22  livres  7  sous 
8  deniers. 

Nous  avons  donné  un  numéro  à  chacun  des  articles  du 
compte,  de  façon  à  pouvoir  y  renvoyer  commodément.  Nous 
traduisons  naturellement  les  dates  en  nouveau  style,  ajou- 
tant un  à  toutes  celles  qui  sont  antérieures  au  25  mars;  car 
l'année  commençait  à  l'Annonciation. 

Avant  d'entreprendre  le  dépouillement  historique  du 
compte,  il  nous  reste  à  donner  une  idée  de  la  valeur  des 
monnaies    : 

1.  On  trouve  cependant  dans  cette  partie  une  dépense  qui  n'a 
aucun  rapport  avec  la  taille  (art.  47). 


LE    COMPTE    MUNICIPAL    \)K    'l'Ol^RNON  223 

Tout  lo  monde  sait  que  la  livre  est  de  20  sous  lart.  39)  et 
que  le  franc  vaut  une  livre  (art.  14). 

D'après  les  art.  99  et  180,  dis  gros  équivalent  à  12  sous 
6  deniers=12,  5,  dont  le  disième  (valeur  du  gros)  est  1  sou 
3  deniers  (cf.  art.  198). 

D'après  l'art.  6  combiné  avec  la  valeur  du  gros  établie  par 
l'art.  99,  le  florin  vaut  lo  sous,  soit  12  gros. 

D'après  les  art.  12  et  13,  le  florin  petite  lyionnaie  vaudrait 
13  sous  et  un  peu  moins  de  4  deniers. 

D'après  l'art.  180,  l'écu  vaut  1  livre  7  sous  1  denier. 
D'après  l'art.  144,  l'écu  ;?(?«/ vaut  1  livre  7  sous  6  deniers. 
La  même  valeur  est  donnée  à  l'écu,  art.  200. 

Dépenses  de  la  Ville. 

Gages  des  syndics.  —  Parmi  les  dépenses  régulières  de 
la  ville,  nous  signalerons  en  premier  lieu  les  gages  des  deus 
syndics.  L'art.  205  porte  15  livres  réclamées  par  Barthélémy 
de  Sèneclause  pour  la  première  année  de  ses  fonctions,  et 
l'article  suivant  porte  la  même  somme  pour  la  seconde  année. 
On  avait  payé  (art.  114)  15  livres  à  l'autre  syndic,  Claude 
Faure,  pour  l'année  1459,  et  le  25  mai  1461,  on  lui  remet 
6  livres  sur  ses  gages  de  1460  (art.  212).  Il  semble  toutefois 
que  ce  traitement  des  syndics  fût  un  usage  ancien,  qui  était 
tombé  en  désuétude,  et  qu'on  remettait  en  vigueur  ;  car  Bar- 
thélémy de  Sèneclause  en  explique  longuement  l'utilité 
(art.  206)  :  «  Il  fut  délibéré  par  les  conseillers  tous  ensemble 
dans  le  logis  de  maître  Raymond  du  Buisson  que,  si  nous 
(lui  et  Claude  Faure)  voulions  servir  la  ville  comme  nous 
l'avions  fait  le  dit  an  comme  dessus,  que  nous  eussions  des 
gages,  attendu  qu'on  ne  pouvait  pas  nous  forcer  de  servir  la 
dite  ville  si  nous  ne  voulions  pas,  et  il  fut  ordonné  que  nous 
eussions  les  gages  qu'on  était  accoutumé  à  donner  ancienne- 
ment, afin  que  nous  servissions  la  dite  ville,  qui  sont  15  livres 
tournois.  » 

Pensions  des  avocats  et  procureurs.  —  La  ville  faisait 
une  pension  d'un  écu  neuf  :  l*'  à  son  procureur  à  Nîmes 
(art.  109  et  200);  2°  aus  deus  avocats  et  aus  deus  procureurs 
qu'elle  avait  à  Toulouse.  Voyez  toutefois  ce  que  nous  disons 


224  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

des  avocats  et  des  procureurs  de  Toulouse  à  propos  de  l'or- 
ganisation judiciaire. 

Pacte  de  la  Cour  de  Tournon.  —  La  ville  payait  un 
pacte,  c'est-à-dire  une  redevance*  aus  fermiers  de  la  Cour  de 
Tournon.  Le  22  août  1459  on  paie  à  Jame  Torrolhon'  pour  le 
pacte  de  1458,  qui  était  en  retard  (art.  76),  une  somme  de 

2  livres  tournois.  Mais  on  paie  ensuite  (art.  196),  pour  le 
reste  du  même  pacte  à  Pons  Chanabatier,  fermier  de  la  Cour 
(et  pour  des  écritures),  2  livres  8  sous  9  deniers.  Le  pacte 
de  1460,  payé  le  29  juin  1460  à  Jean  Salie,  représentant  de 
Mathieu  Torrolhon',  est  de  4  livres  (art.  119). 

Pension  des  chanoines  de  Saint-Julien  de  Tournon. — 
L'art.  110  porte  8  livres  5  sous  pour  la  pension  de  «  Mes- 
seigneurs  les  Chanoines  de  Saint-Julien  »,  en  1459,  et 
l'art.  149  porte  8  livres  15  sous  pour  la  pension  de  «  Mes- 
seigneurs  les  serviteurs  de  Saint-Julien  »,  en  1460. 

Salaire  des  pontonniers.  —  On  donne  aus  pontonniers 
du  Doux  1  gros  à  Noël  (art.  94  et  193),  et  deus  gros  à 
Pâques  (art.  142  et  197),  et  on  leur  paie  un  dîner  à  la  Noël 
et  à  la  Pentecôte.  Ils  ont  en  outre  un  salaire  pour  chaque  fois 
qu'ils  mettent  les  planches  sur  la  rivière  de  Doux\  Mais  ces 
différentes  dépenses  étant  comptées  ensemble,  on  ne  peut 
savoir  à  combien  s'élève  chacune  d'elles. 

Messe  du  lundi  de  la  Pentecôte.  —  Art.  134  :   1  sou 

3  deniers  pour  une  messe  du  Saint-Esprit  le  lundi  de  la 
Pentecôte. 

Aumône  de  la  Pentecôte.  —  Chaque  année,  à  la  Pen- 
tecôte, la  ville  achetait  du  blé  et  faisait  cuire  du  pain  pour 
les  pauvres.  C'était  l'aumône  de  la  confrérie  du  Saint-Esprit. 
En  1460  ce  blé  coûta  7  livres  1/2  (art.  133),  et  on  donna, 
pour  le  cuire,  1  livre  au  boulanger  Pierrot  Painot  (art.  135). 
Voyez  aussi  art.  203  et  211. 

1.  Propreniont  «  redevance  due  en  vertu  d'un  pacte  ». 

2.  Le  même  Jarae  Torrolhon  fait  des  copies  pour  la  ville  (art.  90 
et  185). 

3.  Le  même  Mathieu  Torrolhon  fait  des  copies  pour  la  ville  (art.  84 
et  85). 

4.  On  leur  fait  un  jour  sommation  (art.  83),  par  un  sergent  de  la 
Cour  de  Tournon,  d'avoir  îi  tenir  le  port  de  Doux  garni  de  bateaus. 


le  compte  municipal  ue  tournon  225 

Les  torches  du  guet  de  la  foire  de  Saint-Julien.  — 
Pour  accompagner  le  guet,  de  la  foire  de  Saint-Julien  on 
empruntait  deus  torches  au  curé  de  Tournon,  Durand  Renier 
(art.  78),  et  on  l'indemnisait  pour  ce  qu'on  en  avait  brûlé. 
En  1459  (art.  78),  ce  fut  7  sous  10 deniers,  payés  le  27  août', 
et  4  sous  en  1460  (art.  162). 

Le  papier  du  bureau  du  syndic  :  2  sous  tournois  (art.  191). 

Le  cierge  pascal.  —  En  1461,  on  achète  de  la  cire  pour 
le  cierge  pascal  (art.  209)  8  sous  tournois,  mais  on  ne  l'em- 
ploie pas  tout  entière. 

Nous  parlerons  plus  loin  dos  frais  de  perception  du  double 
disième  du  vin  et  de  la  taille. 

Dépenses  EXTRAOKDiNAmi;s.  —  Nous  arrivons  aus  dépenses 
mentionnées  dans  le  compte  qui  n'ont  pas  un  caractère  de 
périodicité. 

Ou  fait  réparer  la  voûte  de  la  grande  porte  de  Saint-Julien. 
Un  maçon,  nommé  Pierre,  et  son  varlet  y  travaillent,  et  le 
16  octobre  1459,  on  leur  paie  pour  leurs  journées,  comme 
pour  le  fer  qu'ils  ont  employé,  une  somme  de  9  sous  tournois 
(art.  86). 

Les  ferrures  et  les  bois  des  cloches  de  Saint-Julien  figurent 
dans  le  compte  à  la  date  du  9  février  1459  (art.  210)  pour 
2  livres  4  sous  4  deniers.  C'est  un  reste  de  paiement.  Le 
charpentier  Guillemin  avait  demandé  pour  la  façon  des  bois 
une  «  sommée  »  de  blé. 

On  répare  le  ponl  de  la  porte  de  Mauves  (art.  160),  et  on 
y  fait  remettre  une  pièce  de  chêne.  La  réparation,  payée  le 
5  septembre  1460,  s'élève  à  2  sous  6  deniers  tournois.  On 
fait  aussi  enlever  les  tuiles  du  toit  qui  était  au-dessus  de  la 
voûle  (crota  =  crypta)  de  la  porte  de  Mauves  (art.  204)  pour 
éviter  qu'elles  ne  se  brisassent,  car  le  toit  ne  valait  rien.  On 
paie,  à  cet  effet,  à  un  couvreur  nommé  André  Brossa,  le 
12  novembre  1460,  une  somme  de  2  sous  6  deniers-.  Les 
même  André  Brossa  avait  réparé  les  gouttières  de  la  toiture 
de  Saint-Julien,  3  février  1460  (art.  47). 

On  ré|)ar(;  la  porte  du  tour  Paillassier,  ((ui  était  brisée  v'crs 

1.  La  féie  de  .Saiiit-Julicn  de  Brioude  tombe  le  2H  août. 

2.  Autre  réparaiioii  itour  la  porte  de  Miuvcs  (art.  90). 

Revuk  dk  Piiii.oi.OfJii;,  vu.  15 


226  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

le  pied  (art.  210).  Le  charpentier,  Pierre  Tardieu.  reçoit 
pour  cette  réparation,  le  10  avril  1461,  6  sous  3  deniers. 

Le  même  Pierre  Tardieu  avait  refait  la  poterne  (posterla) 
de  l'église  Saint-Julien,  vers  le  pré  (art.  73).  Le  pris  fait 
pour  cette  réparation  (payée  le  12  juin  1459)  était  de  1  livre 
2  sous  6  deniers  tournois. 

Martial  Chevalier  répare  la  porte  et  la  serrure  du  tour 
Paillassier,  pour  6  sous  et  11  deniers  (art.  10),  13  mars  1460. 

Le  même  fait  deus  coins  de  fer,  pour  mettre  à  la  porte 
de  l'église  de  Saint- Julien ,  pour  15  deniers  (art.  102), 
13  mars  1460. 

On  fait  aussi  réparer  les  chemins  de  la  Grand  -  Côte 
(art.  156),  mais  cette  réparation  est  imposée  aus  hommes  de 
Tournon,  et  la  ville  n'a  à  paj^er  que  le  sergent  royal  Blanc- 
Poil,  qui  leur  en  fait  sommation,  moyennant  1  sou  7  deniers 
payés  le  23  août  1460. 

Voyages  et  frais  divers.  —  Une  source  de  dépenses 
assez  importante^  ce  sont  les  voyages  qu'on  fait  dans  l'intérêt 
de  la  ville. 

Ainsi,  à  quatre  reprises,  pendant  ces  deus  années,  le 
consul  Claude  Faure  se  rent  à  Toulouse,  pour  les  procès  de 
la  ville  :  en  juillet  1459  (art.  105)  ;  en  février  1400  (art.  99)  ; 
en  février  1461  (art.  180),  et  une  quatrième  fois,  à  une  époque 
qui  n'est  pas  précisée  (art.  198)  Il  reste  en  voyage  :  la  pre- 
mière fois,  32  jours;  la  seconde,  36  jours;  la  troisième, 
26  jours  ;  la  quatrième,  24  jours.  Il  demande  ordinairement 
pour  chaque  jour  de  voyage  une  indemnité  de  10  gros,  soit 
12  sons  6  deniers.  Mais  une  fois  (art.  198),  il  se  contente  de 
9  gros  par  jour. 

Le  même  Claude  Faure  partit  pour  Paris  en  mai  1459 
(art.  65);  mais  nous  ne  connaissons  que  la  somme  qu'on  lui 
remit  au  départ;  nous  ne  savons  ni  le  pris  qu'il  demanda 
pour  chaque  journée,  ni  le  nombre  de  jours  que  dura  son 
voyage. 

Il  se  rendit  aussi  à  Bourges  près  du  roi  pour  obtenir  une 
lettre  royale  contre  un  habitant  de  Tournon  qui  refusait  de 
payer  les  tailles  (art.  173).  Son  voyage  dura  14  jours,  et  il 
demanda,  comme  pour  aller  à  Toulouse,  10  gros  par  jour. 

11    va  quatre   fois   à  Boucieu,    siège   de  la  Cour   royale 


LE    COMPTE    MINKIPAL    DK     TOL-RNON  227 

(art.  138,  140,  Kîl,  1()3).  Chacun  de  ces  voyages  ne  lui  prcnl 
qu'une  journée,  qui  lui  est  pa3'ée  5  sous  tournois  ' . 

C'est  également  5  sous  qu'il  reçoit  pour  aller  à  Valence 
acheter  du  sel-  (art.  95),  et  pour  aller  à  Annonay  (art.  141) 
avec  une  mission  semblable-''. 

Enfin  il  reste  trois  jours,  à  10  sous  par  jour,  dans  un 
voyage  à  Bourg-Saint-Andéol  (art.  81))  pour  porter  une  partie 
de  la  taille. 

Un  autre  personnage,  le  juge  royal  de  ^'ivarais,  Jean  de 
Marcoux,  s'occupe  souvent  des  affaires  de  la  ville,  et  reçoit 
diverses  sommes  pour  sa  peine  (art.  100,  187);  mais  on  mé- 
lange dans  le  eorapte  ce  qu'on  a  pu  lui  doinier  personnelle- 
ment avec  le  remboursement  des  sommes  avancées  par  lui, 
et  dont  l'emploi  n'est  pas  non  plus  spécifié  d'une  façon  pré- 
cise. A  son  retour  d'un  voyage  à  Paris,  Jean  de  Marcoux 
reçoit  de  la  ville,  comme  cadeau  de  bienvenue,  deus  torches 
et  quatre  fromages  de  Craponne,  qui  coûtent  1  livre  et  10  sous 
tournois. 

Ajoutez  les  paiements  faits  aus  syndics  des  années  précé- 
dentes qui  avaient  plus  payé  que  reçu  (art.  147.  195),  des 
achats  antérieurs  (art.  115)  et  les  frais  importants  qu'entraî- 
naient les  procès  et  dont  nous  reparlerons . 

Recettes  de  la  Ville. 

La  principale  ressource  de  la  ville  consist(>  dans  l'impôt 
nommé  «  double  disièmc  du  vin  ». 

Le  double  disième  du  vin,  pour  1459,  fut  vendu,  aus 
enchères,  au  syndic  Claude  Faure  (art.  11),  pour  la  somme  de 
170  livres  tournois;  en  1460,  il  fut  vendu  au  conseiller  Jean 
Mestral  200  livres  (art.  15). 

1.  Barthélémy  de  Sènoclause  et  RaymoïKl  du  Buisson  se  font 
payer  chacun  5  sous  pour  une  journée  à  Boucieu  (an.  15). 

2.  Barthi'leray  de  .Sèneclause  et  le  conseiller  Ktienne  Briode  se 
rendent  une  autre  fois  à  Valence  pour  le  même  objet,  et  ro(;oivent 
chacun  5  sous  d'indemnité  (art.  74).  Un  autre  voyage  de  Barthélémy 
de  Sèneclause  à,  Valence  (art.  îJô)  est  payé  d(!  même. 

3.  Barthélémy  de  .Sèneclause  (art.  IjSI^  se  lait  payer  10  sous  pour 
une  journée  à  .Animnay.  Il  faut  j)ent-étre  lire  «  deus  journées  ». 


228  REVUE    DE  PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Les  frais  relatifs  au  double  disième  étaient  peu  considé- 
rables. Dans  l'art.  112,  il  est  question  du  «  décret  mis  en  la 
délivrance  du  double  disième  de  l'année  1459  »,  que  l'on 
paie  à  Jean  Biberet,  «  baille  »  de  Tournon,  le  23  no- 
vembre 1459.  Il  fallait  aussi  faire  «  crier  »  l'impôt,  et  on 
donne  à  cet  effet  (art.  165)  10  sous  tournois,  pris  convenu,  à 
Jacques  Blanc  Poil,  sergent  do  la  Cour  de  Tournon,  le 
4  octobre  1460  ' .  Naturellement  il  se  trouvait  des  gens  qui 
prétendaient  s'exempter  de  l'impôt,  et  nous  verrons  que  la 
ville  avait  des  procès  à  ce  sujet  avec  Colin  Béatrix,  avec 
GuiotTardi  et  avec  l'Abbesse  de  Belle-Combe.  On  com- 
mençait par  saisir  la  vendange  des  récalcitrants.  Une  lettre 
de  la  chancellerie  de  Paris  fut  obtenue  contre  ceus  qui  ne 
voulaient  pas  pa_yer  le  double  disième  (art.  199). 

Quand  la  ville  a  un  besoin  pressant  d'argent,  elle  achète 
des  objets  à  crédit,  et  les  revent  immédiatement  à  perte. 
C'est  le  procédé  qu'emploient  souvent  les  étudiants  pour 
équilibrer  leur  budget.  Il  conduit  vite  à  un  désastre. 

Au  commencement  de  juin  1459,  la  ville  avait  à  payer 
57  livres  tournois  (art.  146)  pour  du  sel  acheté  l'année  pré- 
cédente à  Jean  de  la  Balme,  marchand  de  Valence.  Le  con- 
seil se  réunit,  et  on  décide  que  le  syndic  Barthélémy  de 
Sèneclause  et  le  conseiller  Etienne  Briode  (art.  74)  se  ren- 
dront à  Valence  pour  acheter  d'autre  sel  à  crédit  à  ce  môme 
Jean  de  la  Balme,  avec  l'intention  de  revendre  immédiate- 
ment ce  sel  pour  payer  la  première  dette  (art.  6).  Les  frais  de 
voyage  des  deus  représentants  de  la  ville  s'élevèrent  à  10  sous 
tournois.  Il  fallut  payer  15  deniers  tournois  au  notaire 
Jean  Gros  (art.  70)  qui  «  reçut  »  l'obligation  du  syndic  au 
nom  de  la  ville.  Le  conseiller  Jean  Bertalay  et  Jean  Long 
étaient  cautions  (art.  143).  De  plus,  on  perdit  6  livres  5  sous, 
en  revendant  le  sel  (art.  6).  En  tout,  dépenses  ou  pertes, 
6  livres  11  sous  3  deniers,  qui  se  firent  sentir  lorsqu'il  fallut 
payer  le  nouvel  achat  à  Jean  cle  la  Balme  entre  les  mains  de 

1.  On  donne  aussi  10  sous  tournois  (art.  1.S7),  leSS  septembre  1459, 
à  un  autre  sergent  de  la  Cour  de  Tournon,  Jauin  Chevalier,  pour 
crier  le  double  disième  de  1459.  L'art.  77  porte  5  deniers  donnés  au 
même  Janin  Chevalier  «  quand  il  commença  à  crier  le  double 
disième.  » 


LE    COMPTE    MUNICIPAL    DE    TOURNON  229 

son  «  facteur  »  Pierre  Mura  (art.  143).  Mais,  dans  rintervalle, 
la  ville  avait  pu  disposer  de  23  livres  tournois,  différence 
entre  le  pris  de  sa  première  emplette  de  sel  et  la  valeur  de 
la  seconde. 

C'est  toujours  à  peu  près  à  la  même  époque  qu'on  a  recours 
à  ces  expédients  :  dans  les  quatre  mois  qui  précèdent  les  ven- 
danges. Car  la  vente  de  l'impôt  du  double  disième  mettait  la 
ville  à  l'aise  pour  quelque  temps',  à  partir  de  l'époque  des 
vendanges.  L'année  1460  paraît  avoir  été  particulièrement 
dure.  Pour  payer  le  premier  «  carto  »  du  fouage  de  l'année, 
et  pour  subvenir  à  d'autres  nécessités,  on  procéda  à  trois 
reprises,  en  mai,  en  juin  et  en  juillet,  à  des  achats  de  sel 
suivis  de  ventes  immédiates.  Le  9  mai  (art.  12)  et  le  14  juin 
(art.  13),  ce  fut  le  conseiller  Jean  Mestral  (|ui  procura  le  sel, 
toujours  à  Valence,  et  il  ne  fit  pas  de  pris  avec  la  ville  de 
Tournon;  la  quantité  seule  était  sans  doute  spécifiée  sur  les 
((  obligations  »  de  la  ville,  reçues  l'une  par  maître  Raymond 
du  Buisson,  conseiller,  l'autre  par  maître  Antoine  Astier 
(art.  179) .  On  vendit  ce  sel  à  Jean  Monde,  de  Mercui'ol,  la 
première  partie  65  livres,  et  la  seconde  31  livres  13  sous, 
soit  en  tout  96  livres  13  sous. 

Mais  ce  fut  105  livres  que  l'on  rendit  à  Jean  Mestral  %  moins 
d'un  an  après,  le  27  janvier  1461  (1460  vieus  style,  art.  179». 
La  ville  y  perdit  donc  8  livres  7  sous.  Si  l'on  assimile  cette 
opération  à  un  emprunt,  cela  fait  un  intérêt  d'environ  14  0/0. 
Le  25  juillet,  Barthélémy  de  Sèneclause  se  rendit  à  Annonay 
(art.  181)  pour  vendre  un  nouveau  lot  de  sel  acheté  à  Jérôme 
de  la  Colombière;  il  le  vendit  à  Louis  Bai'onat,  qui  le  prit  en 
plusieurs  fois  (art.  182),  et  la  ville  perdit  encore  6  livres  à  ce 

1.  Cependant,  dès  le  4  février  1409  (1169  vieus  style)  on  envoyait 
Barthélémy  de  .Sèneclause  à  Valence  pour  k  voir  si  on  ne  pourrait 
pas  avoir  du  sel  de  Jean  de  la  Ikxiine  pour  avoir  de  l'argent  à  subve- 
nir aus  aiïaires  de  la  ville  »,  mais  on  n'en  ])ut  avoir  (an.  95).  Le 
24  avril  1461  (art.  141)  le  syndic  Claude  Kaure  se  rciit  à  .\nnonay 
«  pour  savoir  s'il  pourrait  trouver  de  l'argent  ou  s'il  pourrait  vendre 
du  sel  pour  avoir  de  l'argent  pour  les  aiïaires  de  la  ville  »>. 

2.  L'art.  177  fait  allusion  à  un  autre  achat  de  sel  fait  à  Jean  Mestral, 
antérieurement  îi  l'administration  de  Barthélémy  de  Sèneclause.  Il 
avait  encore  fait  d'autres  avances  à  la  ville,  comme  l'attestent  les 
art.  176  et  178. 


>o()  HKVL'E    DK    PIIII.OI.OGIK    KKANCAISt: 

marché  (art.  14)  \  sans  compter  10  sous  8  deniers  qu'on 
donna  aus  mesureurs  et  aus-j:)orlcurs  (art-  183). 

Il  est  inutile  de  faire  remarquer  à  quel  pointées  Opérations 
étaient  déplorables  au  point  de  vue  financier.  Le  syndic  en 
sentait  bien  la  responsabilité,  et,  pour  se  couvrir,  il  a  bien 
soin  de  constater,  à  chaque  fois,  que  la  chose  a  été  faite  sur 
l'avis  des  conseillers,  et  même  de  nommer  un  certain  nombre 
de  conseillers  présents  à  la  délibération. 

Abstraction  faite  de  la  taille,  sur  laquelle  nous  allons 
revenir,  on  ne  trouve  pas  d'autres  recettes  dans  notre  registre, 
si  ce  n'est  quelques  petites  sommes  reçues  de  gens  qui 
n'avaient  pas  achevé  de  payer  ce  qu'ils  pouvaient  devoir  à 
la  ville  du  temps  passé,  par  exemple  le  reste  d'un  compte  de 
leveur  de  taille  (art.  7).  Toutefois,  nous  trouvons  (art.  10)  la 
mention  d'une  vente  de  deus  «  sommées»  de  vin  pour  2  livres 
tournois.  La  ville  récoltait-elle  pour  son  compte  une  livre 
tournois  de  vin  par  an? 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  taille  ou  louage  -.  En  1459, 
les  habitants  eurent  à  payer  22  mois  1/2  de  taille  (art.  3),  et, 
en  1460,  24  mois  (art.  4).  D'après  les  chiffres  totaus  de  ces 
deus  fouages,  le  mois  de  taille  devait  être  de  13  livres  tournois 
4  ou  5  sous,  défalcation  faite  des  gages  du  leveur;  du  moins 
cette  défalcation  est  formellement  indiquée  pour  l'année  1460, 
et  elle  doit  être  comprise  implicitement  dans  le  total  de 
l'année  1459,  car  on  ne  trouve  dans  les  dépenses  aucune 
mention  des  gages  du  «  leveur  »  pour  cette  année.  La  taille 
de  1459  fut  levée  par  Arthur  Le  Meur,  sergent  royal,  et  celle 
de  1460  par  le  syndic  lui-même,  Barthélémy  de  Sèneclause. 

Il  est  plusieurs  fois  qu<'stion  du  premier  et  du  dernier 
((  quarto  »  de  la  taille  (art.  14,  51,  61).  Ce  mot  ne  paraît 
désigner  aucune  subdivision  précise  de  la  taille  :  c^est  le 
premier  et  le  dernier  versement  enire  les  mains  du  repré- 
sentant d'André  Brissonnet,  receveur  général  en  Vivarais 
(art.  19).  Le  commis  du  receveur,  entre  les  mains  duquel  se 
font  tous    les  versements,   se    nomme    Vidal    Vincent,    dit 

1.  Oii  paie  (les  restes  de  dettes  de  sel  (art.  115  et  IIS).  Voyez  encore 
art.  18.;^. 

2.  Réunion  des  trois  États  à  Viviers  pour  «  coytar  »  la  taille  lart.  189 
et  213). 


LE    rOMI'TK    MrNICHVM,    liK     TOUIJXON  2'M 

Masada  (art.  19^.  Une  seule  fois  on  paya  l'un  dos  acomptes 
entre  les  mains  d'un  certain  Guillaume  Monier  qui  avait 
une  procuration  spéciale  du  receveur  (art,  21),  mais  le  syndic 
exigea  une  obligation  personnelle  et  notariée  du  dit  Monier 
(art.  26)  pour  garantir  la  ville.  Le  jour  où  le  syndic  commence 
à  acquitter  la  taille,  il  fait  deus  versements,  l'un  ((ualifié  do 
premier  «  quarto  »  (art.  51),  l'autre  appelé  «  surmise  )) 
(art.  52).  Mais  une  autre  foison  trouve  quatre  versements  le 
même  jour  entre  les  mêmes  mains  (art.  27,  31,  .32  et  33), 
sans  que  cette  subdivision  soit  expliquée. 

La  taille  de  1459'  fut  payée  au  commis  du  receveur  général 
en  dis  acomptes. 

Le  23  juillet  1459 1"  52  1.     7  s.  3  d. 

—  2'^  36  1.  12  s.  9  d. 

Le  31  août 19  1. 

Le  12  octobre 1"  34  1. 

—  2"    ij  1 . 

—  3"  11  1. 

—  40    6  1.   15  s. 

Le  22  novembre 10  1 . 

Le  25  janvier  1460 24  1. 

Le  23  mars  K  . 17  1.     6  s.  8  d. 

Total 217  1.     1  s.  8  d. 

La  taille,  pendue  sur  les  habitants  et  reçue  du  (deveur»  par 
le  syndic  s 'élevant  à  297  livres  5  sous  7  deniers,  il  y  a  un 
excédant  de  80  livres  5  sous  11  dcMiiers. 

La  taille  de  1460  fut  payée  au  commis  du  receveur  en 
cinq  fois  : 

Le  2  août  1460 1"  51  1 .   15  s. 

—  2"  48  1.     5  s. 

Le  25  octobre 70  1 . 

Le  15  décembre 44  1 .   10  s. 

Le  29  mars  liCA 26  1.   15  s.  2  d. 

Total 241   1.     5  s.  2  d. 

1.  Les  arli(;les  relatifs  ans  deus  tailles  se  suiveni,  de  l'art.  U)  à  l'art.  03 
iiiclusiveniont. 

2.  Le  20  mars  ou  avait  reru  une  sommation  d'aclievor  de  payer 
art.  104). 


232  Hl-;VUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

La  taille  perçue  s'élevant  celte  année  à  317  livres  17  sous 
8  deniers,  il  y  a  un  excédant  de  76  livres  12  sous  6  deniers. 

Il  y  a  lieu  de  défalquer  de  chacun  des  excédants  un  certain 
nombre  de  menus  frais,  tels  que  : 

1«  Le  mandement  de  la  taille,  qui  coûte  7  sous  tournois 
(art.  17  et  49)  ; 

2"  La  ((  façon  de  la  parcelle  »  de  la  taille,  qui  coûte  7  sous 
G  deniers  (art.  18  et  50) , 

3"  La  criée  de  la  taille.  En  1459  on  donna  10  deniers  à 
Nicolas  de  Fontaine,  sergent  de  la  cour  de  Tournon  (art.  42), 
«  pour  faire  la  criée  par  la  ville  pour  assembler  le  commun 
pour  mettre  sus  la  dite  taille  ».  On  ne  trouve  pas  de  mention 
semblable  pour  la  taille  de  1460  ; 

4"  La  signature  de  la  ((  parcelle  »,  pour  laquelle  on  paie 
5  sous  en  1460  à  Pierre  Forés,  «  lieutenant  de  monseigneur 
le  juge  de  Tournon  »  (art.  63).  En  1459,  les  officiers  de 
Tournon  refusèrent  de  signer  la  parcelle,  et  il  s'ensuivit  un 
procès,  dont  nous  reparlerons; 

50  Les  quittances,  qui  coûtent  10  deniers  pour  chaque 
versement.  Il  y  a  deus  quittances  pour  les  deus  versements 
du  premier  jour.  Mais  les  quatre  versements  du  12  octobre  1459 
n'ont  donné  lieu  qu'à  un  seul  droit  de  quittance.  La  quittance 
du  versement  fait  par  exception  entre  les  mains  de  Guillaume 
Monier  (voyez  ci-dessus),  «reçue  »  par  maître  Jean  Gros, a  été 
accompagnée,  comme  nous  l'avons  dit,  d'une  obligation 
personnelle  dudit  Monier,  qui  a  coûté  en  plus  5  deniers 
(art.  26).  La  quittance  du  dernier  versement  delà  taille  1460 
(art.  62)  est  comptée  30  deniers. 

6°  Le  port  de  l'argent,  pour  chaque  versement.  Il  est  de 
5  sous  chaque  fois  dans  le  compte  de  la  taille  de  1459,  un  seul 
port  étant  compté  pour  les  deus  versements  du  premier  jour 
et  un  seul  pour  les  quatre  versements  du  12  octobre  1459.  Il 
n'y  a  pas  de  port  indiqué  pour  l'argent  payé  entre  les  mains 
de  Guillaume  Monier,  mais  on'a  donné  5  sous  à  Monier  pour 
sa  peine,  ce  qui  revient  au  même.  L'un  des  versements,  celui 
du  25  janvier  1460,  a  été  fait  à  Bourg-Saint-Andéol  par  le 
syndic  Claude  Faure  (art.  37  et  39)  :  il  n'y  a  pas  de  frais  de 
port  indiqués,  mais  on  a  donné  30  sous  au  syndic  pour  ses 
trois  journées  de  voyage  à  Bourg-Saint-Andéol.  Dans   le 


LE    COMPTK    MUNICIPAL    DK    TOUnNON  233 

compte  de  la  taille  de  1460,  le  pris  du  port  devient  variable. 
Il  est  de  2  sous  1/2  pour  le  versement  du  25  octobre  1460. 
Mais  pour  les  deus  versements  du  2  août,  on  paie?  sous  1/2, 
et  3  sous  9  deniers  pour  celui  du  15  décembre.  Il  n'y  a  pas 
de  port  indiqué  pour  le  versement  du  29  mars  1461,  qui  a  été 
fait  à  Viviers  par  le  syndic  Barthélémy  de  Sèneclause. 

Pour  le  versement  du  23  mars  1460,  la  quittance  et  le  port 
sont  comptés  ensemble  6  sous  3  deniers  (art.  41). 

A  ces  divers  frais  il  faut  ajouter  les  remboursements  con- 
sentis par  la  ville  ou  obtenus  d'elle  judiciairement  par  ceus 
qui  avaient  des  droits  à  l'exemption  de  la  taille.  Il  est  question 
plusieurs  fois  de  ces  remboursements,  en  termes  plus  ou  moins 
précis.  Ainsi  le  6  octobre  1459  on  fait  un  paiement  entre  les 
mains  du  juge  royal  de  Vivarais  (art.  30)  «pour  une  décharge 
à  lui  donnée  par  Eymar  Sabbatier  »,  et  le  surlendemain 
(art  136)  on  reçoit  une  sommation  du  dit  Sabbatier  «pour  le 
reste  du  fouage  de  l'an  1459.  »  Les  art.  122,  202,  217,  sont 
relatifs  à  une  taille  antérieure  à  l'administration  de  Barthé- 
lémy de  Sèneclause,  et  levée  par  Jean  Lochet.  Lorsqu'on  avait 
fait  la  u  Visitation  »  de  la  taille,  on  avait  oublié  de  déduire  à 
Lochet  la  part  de  Jean  de  Marcoux,  juge  royal  de  Vivarais.  qui 
lui  fut  restituée  par  Barthélémy  de  Sèneclause.  Dans  la  taille 
del459,  Jean  Biberet,  ((baille»  deTournon,  Antoine  Fireyset 
les  héritiers  du  Limousin  avaient  été  trop  taillés,  comme  les 
deus  syndics  le  vérifièrent  sur  le  papier  du  ((  possessoire  » 
(art.  196);  de  là  un  remboursement  fait  à  Arthur  le  Meur, 
leveur  de  la  taille.  Nous  verrons  d'autre  part  que  la  ville  eut 
à  soutenir  des  procès  contre  Guiot  Tardi,  contre  Mgr  Claude 
de  Châteauneuf  et  contre  plusieurs  autres  à  cause  des  tailles. 

Notre  compte  nous  apprent  encore,  à  propos  de  la  taille, 
qu'il  y  eut  à  Viviers,  en  avril  1461  (1460,  v.  s.),  un  conseil  des 
syndics  de  plusieurs  villes  pour  la  répartition  de  la  taille 
(art.  213).  Voyez  aussi  art.  189. 

Voyez  encore,  sur  la  taille,  art.  67,  68,  71.  176.  217. 

Syndics  et  conseillers  municipaus,  et  juge  royal 
de  Vivarais. 

Les  conseillers  municipaus  de  Toui'non  nommaient  chaque 
années  deus  ((  syndics  et  procureurs  de  l'université  (c'est-à- 


234  KKViîH  ni',   l'iiiLOLoriii-:  fkantaisk 

dire  de  la  commune)  et  prieurs  de  la  confrérie  du  Saint- 
Esprit  ».  Ils  étaient  choisis'chaque  année  lart.  206);  mais  ils 
étaient  rééligibles.  L'auteur  du  compte  que  nous  étudions  fut 
syndic  deus  ans  de  suite,  et  son  co-s\'ndic  pendant  ces  deus 
années,  Claude  Faure,  avait  déjà  été  syndic  l'année  pré- 
cédente, 1458,  avec  Raymond  du  Buisson'.  Le  compte  nous 
fournit  quelques  autres  renseignements  sur  les  syndics  anté- 
rieurs à  1459.  En  1456,  les  syndics  étaient  Etienne  Briode  et 
Pierre  Beciac  (art.  115  et  189).  L'un  des  syndics  de  1454  était 
Jean  Lochet^  (art.  203) . 

L'administration  des  syndics  partaitdela  Pentecôte  (art.  31). 
Toutefois,  pour  1459,  Barthélémy  de  Sèneclause  ajoute  à  cette 
indication  de  fête,  comme  point  de  départ  de  sa  gestion,  la 
date  du  1°''  mai.  Or  la  Pentecôte  était  le  13  mai  cette  année-là. 
Il  faut  doncentendred'une  façon  large  «  l'époque  de  la  Pente- 
côte»; le  point  de  départ  exact  pouvait  être  le  1'^»'  mai,  qui  est 
toujours  assez  voisin  de  cette  fête.  Cependant  Barthélémy  de 
Sèneclause  paraît  être  encore  en  fonction  les  24  et  2^  mai  1461 
(art.  197  et  212^;  c'est-à-dire  à  la  Pentecôte  môme  de  1461 
(Pâques  étant  le  5  avril)  ;  il  est  vrai  qu'il  fait  encore  un 
paiement  le  l«i"  novembre  1461  (art.  208). 

Barthélémy  de  Sèneclause  ne  nous  fournit  que  peu  de  ren- 
seignements sur  lui-même.  Il  était  marchand,  car  il  parle  de 
sa  boutique  (art.  182).  Il  laissait  à  son  collègue  au  syndicat, 
Claude  Faure,  le  soin  de  faire  les  grands  voyages  exigés  par 
l'intérêt  de  la  ville.  Lui-même  s'occupait  particulièrement 
des  recettes  et  des  paiements.  Il  fait  cependant  quelques  petits 
voyages  :  à  Annonay  (art.  181)  et  à  Valence  (art.  74  et  95)  pour 
acheter  du  blé,  à  Viviers  (art.  213),  oùLil  resta  sept  jours,  pour 
le  ((partiment»  de  la  taille,  à  Désaignes  (art.  6ij  et  145)  pour 
demander  conseil  à  Mess«  Bart,  à  Boucicu,  pour  un  procès 

1.  Claude  Faure  paraît  avoir  été  une  aulre  fois  syndic  avec  Jean 
Forés  (art.  84.) 

2.  On  lui  devait  encore,  entre  autres  choses,  en  1459,  le  blé  de 
l'aumône  de  la  Pentecôte  1454,  et  la  part  de  Jean  de  MarcouN,  juge 
de  Vivarais.  dans  une  t< colleta»  de  la  même  année,  part  qui  ne  lui 
avait  pas  été  déduite  à  la  reddition  de  ses  comptes.  Les  art.  20.3,  203 
et  217  constatent  les  paiements  qui  furent  faits  soit  entre  ses  mains 
soit  entre  les  mains  de  sa  veuve  Marguerite  Montaichier. 


I,K    (  iiMI'li:    MINK   II'Al,    IH-:     IdrKNKN  2'.^^ï 

(art.  45).  Avant  son  sjaidicat,  en  1458,  le  12  avril,  il  avait 
avancé  1  livre  10  sous  pour  les  affaires  de  la  ville  (art.  207). 
Le  syndic,  pour  certains  paiements,  se  couvre  de  l'approbation 
d'un  autre  ou  de  plusieurs  autres  conseillers  (art.  71  et  112). 
Claude  Faure,  nous  ra\ons  dit,  avait  déjà  ùXv  syndic 
en  1458.  Voici  en  outre  ce  que  nous  savons  de  lui  par  notre 
compte  :  le  18  mai  1459,  il  est  envoyé  à  Paris  auprès  de 
Jean  de  Marcoux,  juge  de  Vivarais,  qui  s'y  occupait  des 
affaires  de  la  ville  (art.  65).  Il  passe  à  Paris  une  partie  au 
moins  du  mois  de  juin,  car,  le  9  juin,  on  lui  envoie  de  l'ar- 
gent (art.  72)  pour  remettre  à  Jean  de  Marcoux.  Rentré  à 
Tournon,  il  part  i)our  Toulouse  (art.  105),  le  2.'^  juillet  1459  ' 
et  reste  32  jours  en  voyage.  Le  23  octobre,  il  assiste  à  un 
paiement  fait  à  Tournon  (art.  89).  Cette  même  anné(^  1451),  il 
se  rendit  acquéreur,  ans  enchères  publiques,  du  double 
disième  du  vin  (art.  11).  Le  25  janvier  1460,  il  va  porter  une 
partie  de  la  taille  à  Bourg-Saint-Andéol  (art.  37  et  39),  et  y 
reste  trois  jours.  Le  9  février  de  la  même  année  (art.  98 
et  99),  il  part  pour  Toulouse,  et  reste  36  jours  en  voyage. 
Pendant  ce  séjour  à  Toulouse  il  invita  à  dîner  les  deus 
a\ocats  et  les  deus  procureurs  (|ui  s'occupaient  des  procès  de 
Tour)ion  devant  le  parlement  de  Toulouse.  Le  24  avril  14G0, 
il  va  à  Annonay  pour  tâcher  de  trouver  l'argent  dont  la  ville 
avait  besoin  (art.  141).  Le  2  juin  (arl.  120),  on  lui  rembourse 
une  somme  (|u'il  avait  avancée  en  payant  à  Nîmes  une  pièce 
nécessaire  pour  un  procès  de  la  ville,  pièce  qu'il  avait  em- 
portée à  Toulouse.  Le  12  septembre  lart.  161)  et  le  25  sep- 
tembre (art.  163),  on  lui  paie  deus  voyages  successifs  faits  à 
Boucieu  pour  une  affaire  pendante  devant  la  cour  royale  de 
cette  ville*.  Le  24  novembre  (art.  170),  il  assiste,  à  Tournon, 
à  un  paiement  relatif  à  cette  affaire.  Le  29  novembre, 
(art.  172)  il  va  chercher,  hors  do  Tournon,  Raymond  du 
Buisson,  pour  accomplir  un  acte  de  procédure.  En  1461, 
le  12  février,  il  part  pour  Toulouse  (art.  180)  et  reste  2G  jours 

1.  L'indication  fournie  par  l'art.  138  est  en  contradiction  avec  celle 
de  l'art.  105  Car,  d'après  l'art.  138,  on  paie  5  sous  tournois  ;\  Claude 
Faure,  le  2U Juillet  //.'<.V,  pour  aller  à  Bouciou.  11  y  a  peul<'U'c  une 
erreur  de  mois. 

2.  Un  autre  voyage  îi  liou^icu  est  signalé,  sans  dalC;  dans  l'art.  MO. 


236  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

en  voyage.  Le  25  mai  de  la  même  année  (art.  212),  il  reçoit 
un  acompte  sur  ses  gages  de  1460.  Outre  I('s  trois  voyages  à 
Toulouse  dont  nous  avons  parlé,  il  en  fit  un  de  24  jours  à 
une  époque  où  le  juge  de  Vivarais,  Jean  de  Marcoux,  s'y 
trouvait  aussi  (art.  198).  Mais  la  date  n'est  pas  indiquée,  pas 
plus  que  pour  un  voyage  de  li  jours  à  Bourges  (art.  173) 
pour  obtenir  une  lettre  royale.  Dans  l'art.  207,  il  est  question 
de  James  Vallette,  seigneur  de  Claude  Faure. 

Les  conseillers  de  la  ville,  signalés  dans  les  art.  6  et  14, 
étaient  à  cette  époque  Pierre  Beciac,  Jean  Bertalais,  maître 
Raymond  du  Buisson,  Etienne  Briode,  Jean  Mestral, 
Pierre  Gonot,  Jean  Boneyre,  Michelot  Four  et  Pierre  Lussat. 
Les  trois  derniers  ne  sont  cités  qu'une  fois.  Trois  autres  nous 
sont  à  peine  plus  connus  :  Pierre  Beciac,  qui  avait  été 
syndic  on  1456  (art.  115  et  189),  Jean  Bertalais  qui  servit  de 
caution,  le  6  juin  1459,  pour  un  achat  de  sel  fait  par  la  ville 
(art.  143),  et  Pierre  Gonot  (art.  207)  qui  avait  avancé  de 
l'argent  à  la  ville,  en  1458-  Restent  Etienne  Briode, 
Raymond  du  Buisson  et  Jean  Mestral,  sur  lesquels  nous 
avons  plus  de  renseignements. 

Etienne  Briode,  syndic  de  1456,  avait  acheté  du  sel  pour 
le  compte  de  la  ville,  à  Jean  Plouvier,  de  Valence,  et  à  Jérôme 
Chapuis,  de  Condr'ieu  :  ce  sel  fut  achevé  de  payer  le  6  juin  et 
le  18  juin  1460  (art.  115).  Briode  avait  été  assigné  person- 
nellement à  Aubenas,  au  nom  de  la  ville,  à  l'occasion  d'une 
réclamation  de  «  Monseigneur  de  Fois  )) .  La  dépense  de  ce 
voyage  lui  fut  remboursée  le  15  décembre  1460,  ainsi  que 
celle  d'un  voyage  à  Viviers  pour  la  réunion  des  trois  Etats  à 
l'occasion  de  la  taille  (art.  189).  Le  24  janvier  et  le  23  mai  1461 , 
on  lui  donne  des  acomptes  sur  ce  que  la  ville  lui  devait 
encore  depuis  Tannée  où  il  avait  été  syndic  (art.  147  et  195). 
Pendant  l'administration  de  Barthélémy  de  Sèneclause,  on 
voit  Briode  intervenir  deus  fois  :  1°  le  6  juin  1459,  pour  ac- 
compagner le  syndic  à  Valenôe  où  on  voulait  acheter  du  sel 
(art.  74),  et  2"  le  22  novembre  1459,  pour  autoriser  le  syndic, 
de  concert  avec  un  autre  conseiller,  Raymond  du  Buisson^ 
à  faire  un  paiement  au  «  baille  »  de  Tournon  (art.  112). 

Maître  Raymond  du  Buisson  avait  une  installation  qui 
permettait  au  conseil  de  la  ville  de  se  réunir  chez  lui  (art.  12 


LE    COMPTE    MUNICIPAL    DE   TOURXON  237 

et  306).  Il  avait  été  syndic  en  1458,  et  avait,  en  cette  qualité^ 
acheté  du  sel  à  Jean  de  la  Balme  (art.  1465).  En  1459,  il 
accompagne  Barthélémy  de  Sèneclause  à  Boucieu  à  Tocca- 
sion  d'nne  réclamation  de  la  ville  contre  Monseigneur  de 
Tournon  (art.  45)  et  il  dicte  un  mémoire  relatif  à  cette  affaire 
(art.  46).  Le  7  juin  1459,  de  concert  avec  d'autres  conseillers, 
il  autorise  un  paiement  que  fait  le  syndic  pour  arrêter  un 
procès  (art.  71),  et  le  22  novembre  de  la  même  année,  il 
autorise  avec  Etienne  de  Briode,  un  autre  paiement  fait  au 
((  baille  »  de  Tournon  (art.  112).  Le  20  avril  1460,  on  lui 
paie  une  cédule  qu'il  a  faite  pour  la  ville,  en  réponse  au 
lieutenant  du  bailli  (ai-t.  124),  et  certains  articles  pour  la 
même  affaire  (art.  125).  Le  9  mai  ou  le  14  juin  (art.  12  et  13 
combinés  avec  l'art.  179)  il  reçoit  comme  notaire  l'obligation 
contractée  par  la  ville  vis-à-vis  de  Jean  Mestral  pour  un 
achat  de  sel.  Le  24  novembre  de  la  même  année,  il  assiste  à 
un  paiement  (art.  170),  et  le  29  novembre  on  va  le  chercher, 
vers  les  mines,  pour  faire  un  acte  de  procédure  contre  Colin 
Béatrix  (172)  :  il  eut  là  cinq  jours  de  vacations,  qui  lui 
furent  payés  le  l^r  novembre  1461  (art.  208). 

Jean  Mestral  avait  prêté  de  l'argent  à  la  ville,  en  1458 
(art.  178);  sous  le  syndicat  de  Raymond  du  Buisson  et  de 
Claude  Faure.  En  mai  et  en  juin  1460  (art.  12  et  13),  il  rent 
à  ses  concitoyens  de  nouveaus  services,  en  faisant  livrer  à 
la  ville  certaines  quantités  de  sel,  pour  lesquelles  on  ne  fait 
pas  de  pris.  Le  27  janvier  1461,  on  lui  remboursa  une  bonne 
partie  de  ce  qu'on  lui  devait,  en  quatre  paiements  (art.  176, 
177,  178,  179).  11  s'était  rendu  acquéreur  du  double  disième 
des  vendanges  pour  l'année  1460  (art.  15). 

Les  conseillers  de  Tournon  se  traitaient  entre  eus  de  com- 
pères (art.  15).  Les  lieus  de  réunion  du  conseil  sont  indiqués 
de  temps  à  autre  :  chez  le  conseiller  Raymond  du  Buisson 
(art.  12et20(j),  chez  le  juge  de  Vivarais,  Jean  de  Marcoux 
(art.  207). 

Jean  de  Marcoux', /V<//e  voifalde  Virarais,  voy.  art.  30,  (55, 
72,  80,  93,  100,  116,  122,  144,  160,  167,  187,  202,  207,  217. 


1.  Mnrroux  est  plusieurs  fois  écrit   en  toutes  lettres,  nolaniineiil 
art.  65. 


238  REVUE    DK    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

La  ville  de  Tournon  entretient  d'excellentes  relations  avec 
«monseigneur  le  juge  de-Vivarais  ».  Au  moment  où  com- 
mence l'administration  du  syndic  Barthélémy  de  Sèneclause, 
Jean  de  Marcoux  était  à  Paris,  où  on  dépêche  vers  lui,  le 
28  mai  1459  (art.  G.d),  l'autre  syndic,  Claude  Faure.  Quelque 
temps  après,  le  9  juin,  on  lui  envoie  un  acompte  sur  ce  que 
la  ville  pouvait  lui  devoir  du  temps  passé.  A  Paris,  il  s'oc- 
cupait, entre  autres  choses,  de  recouvrer  un  sac  au  nom  de  la 
ville,  qui  était  en  parlement  de  Paris,  sur  ((  le  fait  de  la  plai- 
doierie  du  capitanage  ».  Il  était  de  retour  à  Tournon  en 
septembre,  car  on  lui  remet  personnellement  une  somme 
le  25  septembre  (art.  SOj  pour  le  recouvrement  du  dit  sac.  Le 
G  octobre  (art.  30)  on  lui  fait  un  autre  paiement  ((  pour  une 
décharge  à  lui  donnée  par  Eymar  Sabbatier».  Il  fit  sans 
doute,  à  la  fin  de  1459,  un  voyage  à  Toulouse,  suivi  d'un 
nouveau  voyage  à  Paris,  car  le  23  octobre  (art.  89  et  116),  on 
remit  une  somme  à  son  clerc  Jean  de  la  Mote,  qui  ((  allait  à 
Toulouse  vers  son  maître»,  et  le  24  décembre  il  reçut  des 
conseillers,  à  l'occasion  de  son  retour  de  Paris,  et  comme 
cadeau  de  bienvenue,  deus  torches  et  quatre  fromages  de 
Craponne.  Cette  libéralité  coûta  à  la  ville  1  livre  et  10  sous 
tournois  (art.  93). 

Le  9  février  1460  (1459  ancien  style)  on  lui  donne 
(art.  lOOj  10  livres  tournois  «  en  diminution  de  ce  que  la 
ville  lui  peut  devoir,  et  pour  sa  peine  et  travail  des  causes 
de  la  dite  ville».  Les  art.  166  et  167,  datés  tous  deus 
du  6  novembre  1460,  semblent  faire  allusion  h  un  double 
voyage  de  Jean  de  Marcoux  à  Toulouse  ;  car  le  même  jour  on 
lui  restitue  des  sommes  avancées  par  lui  à  Toulouse  pour  les 
affaires  de  la  vill(%  et  on  lui  remet  d'autres  fonds  qu'il  doit 
porter  dans  la  même  ville  pour  le  même  objet.  II  était  à 
Toulouse  en  mars  1460  (art.  103).  D'après  l'art.  187,  il  serait 
parti  encore  pour  Toulouse  le  24  février  1461  (1460  ancien 
style)  :  ce  jour-là  on  lui  renlit  20  livres  tournois  «  quand  il 
alla  à  Toulouse  pour  faire  solliciter  les  causes  de  ladite  ville 
et  commune  de  Tournon,  et  afin  (ju'il  en  eût  meilleur  sou- 
venir ». 

Pendant  un  de  ses  séjours,  à  Toulouse  (art.  198)  il  avance 
des  sommos  pour  les  affaires  de  la  ville,  et  en  instruit  par 


LK    COMPTE    .VHNICIPAL    DE    TOlTiNON  ii39 

lettre  les  conseillers,  qui  lui  envoient  Claude  Faure  pour  le 
rembourser. 

Il  est  plusieurs  l'ois  question  de  Jean  de  la  Mote  (La  Mota 
ou  La  Mouta),  clerc  de  Jean  de  Marcoux,  art.  89,  116,  144. 
C'est  probablement  le  même  personnage  que  le  <(  Johannes  )) 
cité  dans  l'art.  207,  comme  étant  parti  pour  Toulouse  au  mois 
d'avril  1458. 

ORGANISATION  JUDICIAIRE 

Au  point  de  vue  religieus,  Tournon  était  rattaché  à  l'offi- 
cialité  de  Valence.  C'est  à  l'official  de  Valence  qu'on  s'adresse 
le  ;îO  a\"ril  14(31  (art.  102)  pour  se  plaindre  des  u  mayas  »  qui 
voulaient  danser  au  cimetière,  et  pour  le  leur  faire  dcîfendre 
sous  peine  d'excommunication. 

Les  notaires  de  Tournon  qui  faisaient  les  affaires  de  la 
ville  étaient  surtout  lluguet  de  Perrici  (voy .  art.  79,  98, 178^ 
183,  184,  18G,  188),  Jean  Gros  (voy.  art.  24,  26,  70.  108, 190^ 
197)  avec  son  clerc  Martin  de  Monteilhs  (voy.  art.  108,  109, 
168,  171,  190),  et  Louis  Charron  (voy.  art.  44,  46,  111,  148). 

Les  notaires  de  Tournon  ((recevaient»  les  quittances,  les 
obligations  et  les  procurations  de  la  ville,  et  faisaient  des 
copies  d'actes.  Nous  avons  vu  que  chaque  quittance'  des 
paiements  successifs  de  la  taille  coiitait  10  deniers.  Une  obli- 
gation de  la  ville  envers  ses  créanciers,  reçue  par  maître  Jean 
Gros,  coùtel5  deniers  tournois  (art. 70).  Une  quittance,  accom- 
pagnéed'uneobligationpersonnellede  celui  qui  touchel'argent, 
coûte  le  même  prix,  15  deniers  (art.  26).  Les  procu ratio ns"- 
que  les  syndics  envoyaient  à  Nîmes  et  à  Toulouse  pour  qu'on 
pût  poursuivre  en  leur  nom  les  procès  de  la  ville  coûtaient  en 
g<''néialô  sous  tournois  (art.  98,  183,  188).  Cependant  la  pro- 
curation   mentionnée    dans   l'art.    79   ne   coûte   que  3   sous 

9  deniers.  Les  copies  d'actes,  significations,  ordoniuuux's, 
lettres  royaus,  etc.,  coûtent  10,  20  ou  30  deniers,  proba- 
blement suivant  la  longueur   ou   l'importance   des   actes  : 

10  deniers  (art.  171),  20  deniers  (art.  85,  87,  90),  30  deniers 
(art   44,  75,  84,  128,  130,  168.  190). 

1.  ApiJoléc  iioUria.  .Sur  ce   moi,  voyez  Romonia,  X,   fôO,   et  xni 
177. 

2.  Tel  parait  être  le  sens  du  niui  ..  auoloria  »  dans  les  art.  'J8  et  18li. 


240  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Plusieurs  do  ces  copies  sont  payées  directement  à  un  clerc, 
Martin  de  Monteil,  clerc  de  maître  Jean  Gros  (art.  1('8,  171, 
190).  La  fa(,"on,  écriture  et  attestation  d'une  ordonnance  de 
monseigneur  de  Tournon,  sur  l'industrie  des  habitants  de  la 
ville,  coûte  (art.  18G)  17  sous  6  deniers. 

Nous  avons  parlé  plus  haut,  à  propos  des  dépenses  de  la 
ville,  du  «  pâti»  de  la  cour  de  Tournon,  qu'on  payait  ans 
notaires  et  fermiers  de  la  cour. 

Les  notaires  dressaient  aussi  l'instrument  du  syndicat  de 
chaque  année,  c'est-à-dire  le  procès-verbal  de  l'élection  des 
syndics  (art.  196j. 

Toutes  les  dépenses  concernant  les  notaires  ne  sont  pas 
d'ailleurs  spécifiées  dans  le  compte.  Car  on  voit  maître  Louis 
Charron  recevoir  1  livre  18  sous  9  deniers  comme  acompte 
sur  les  écritures  qu'il  a  faites  pour  la  ville  (art.  148). 

La  ville  avait  des  procès  devant  la  cour  de  Boucieu,  devant 
la  cour  présidiale  de  Nîmes  (art.  152),  et  devant  le  parlement 
de  Toulouse.  Aussi  lui  fallait-il  des  représentants  dans  cha- 
cune de  ces  villes. 

Son  notaire  à  Boucieu  était  Antoine  Tournay,  qualifié  de 
((  notaire  et  fermierdela  cour  de  Boucieu  »  (art.  113, 121, 157). 

A  Nîmes,  elle  avait  comme  procureur  Louis  Roux,  à  qui 
elle  faisait  une  pension  d'un  écu  neuf  (art.  108,  109,  200), 
et  comme  notaire  Vidal  Geneys  (art.  lOG,  120,  132,  152,169, 
170,  208). 

Les  règlements  décompte  avec  Vidal  Gene3^s  ne  se  faisaient 
pas  toujours  à  l'amiable.  Le  23  juillet  1459  on  lui  donne  un 
acompte  de  2  livres  pour  le  procès  de  monseigneur  de  Tournon 
(art.  152),  mais  le  30  octobre  1459  et  le  29  mai  1460  il  envoie 
un  huissier  à  la  ville  (art.  106  et  132),  et  on  n'achève  de  le 
payer  que  le  24  novembre  1460(art.  170).  On  n'eut  pas  de  reçu 
pour  ce  dernier  paiement,  parce  que  Vidal  Geneys  mit  devant 
deus  témoins  ladite  somme  «au  pied  dudit  procès  ». 

Dans  l'afïaire  de  Colin  Béatrix,  Vidal  Geneys  vint  à 
Tournon  examiner  des  garants. 

1.  On  lui  donne  2  écus  (2  livres  15  sous)  en  novembre  1459(art.  109). 
probablement  parce  qu'il  y  avait,  une  anud'e  en  retard. 


LE    fONfPTE    MUNICIPAL    DR    TOtIRNON  241 

Nous  ne  savons  pas  sûrement  quels  étaient  les  avocats  de 
la  ville  à  Nîmes  et  à  Boucieu.  Il  faut  sans  doute  considérer 
comme  des  avocats  maître  Antoine  Buisson  qui  reçoit  1  livre 
pour  un  procès  (art.  164),  Humbert  Chasalet  qui  reçoit  aussi 
1  livre  pour  un  autre  procès  (art.  201',  maître  Pierre  Gros, 
d'Arlrbosc  qui  rci'oit  2  livres  6  sous  pour  son  «  patrocain  » 
fait  en  la  cour  royale  de  Boucieu  contre  Colin  Béatrix  et  Jean 
de  la  Charité  (art.  150j,  et  maître  Jean  Pognet,  dont  le  fils 
réclamait  à  la  ville  8  livres  d'honoraires  pour  un  ancien 
procès  (art.  G7). 

Enfin  à  Toulouse,  lu  vilh^  avait  deus  avocats  et  deus  pro- 
cureurs (art.  99,  180).  Les  deus  avocats  étaient  Lauret  et 
Pierre  Doux,  et  les  procureurs  Etienne  Durand  et  Vidal 
Farjon.  Il  arrivait  parfois  que  le  représentant  de  la  ville 
réunissait  à  dîner  les  avocats  et  les  procureurs.  Pour  les  traiter 
<(  en  forme  décente  )),  Claude  Faure  dépensa  chez  son  hôte, 
en  février  1460  (art.  99)  2  livres  1  sou  et  G  deniers  tournois. 
C'est  au  mois  de  février  qu'en  1460  et  1461  on  fit  payer  les 
avocats  et  les  procureurs  de  la  ville  à  Toulouse  :  ce  qu'on 
leur  donne  paraît  être  une  pension  (bien  que  le  mot  n'y  soit 
pas)  d'un  écu  neuf  par  an.  Toutefois  en  1460  on  donna  un 
peu  plus  (2  livres)  aus  deus  avocats,  mais  nous  savons  par 
le  compte  que  l'un  d'eus  au  moins  avait  eu  un  travail  sup- 
plémentaire, avait  «dicté  une  lettre  au  nom  de  la  ville». 
Cette  même  année  1460,  on  remit  aussi  un  écu  au  procureur 
du  roi.  La  ville  avait  d'ailleurs  bien  d'autres  frais  à  Toulouse 
que  les  pensions  des  avocats  et  procureurs  ;  elle  envoie  cons- 
tamment de  l'argent  dont  l'emploi  n'est  généralement  pas  pré- 
cisé'. (Voyez  ce  qui  concerne  Jean  de  Marcoux  dans  le  chapitre 
Syndics  et  conseillers  municipaus  et  Juge  royal  de  Vicarais.) 

A  côté  des  notaires,  avocats  ou  procureurs,  il  faut  placer 
les  huissiers,  appelés  les  uns  sergents  royaus  (Jame  Doson, 
Hugue  Symond,  Arpadeyne  de  Chalancon ,  Arthur  le 
Meur  ;  ajoutez  Jean  de  Montaut  et  Jean  Galland,  sergents 

1.  Maître  Aulain  rer.oil  lU  sous  tournois  pour  avoir  doiiii.'  les 
requêtes  de  la  ville  à  Mosseigucurs  du  parleuient  de  Toulouse 
(an.  99). 

Hkvl'e  Dii  l'iiii.oi.OfJii;,  vil.  16 


242  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

royaus  de  Nîmes,  envoyés  par  le  notaire  de  Nîmes  pour 
réclamer  son  paiement),  les  autres  sergents  de  la  cour  de 
Tournon  (Jacques  Blanc-Poil,  Pierre  de  Montpeyroux,  Janin 
Chevalier,  Nicolas  de  Fontaine'». 

Les  sergents  sont  chargés  de  crier  le  double  disième  et  la 
taille  (voyez  Recettes  de  la  ville),  de  faire  des  sommations', 
enfin  de  faire  les  exécutions  ou  significations  pour  ou  contre 
la  ville.  On  paie  généralement  15  deniers  pour  chaque  signi- 
fication reçue  (art.  117,  132,  215)  ou  envoyée  (art.  69,  91). 
Toutefois  deus  des  significations  reçues  par  la  ville  lui 
coûtent  chacune  30  deniers  (art.  106,  136),  parce  que,  j'ima- 
gine, elles  étaient  faites  en  double,  adressées  aus  deus  syn- 
dics. La  signification  d'une  ((  lettre  »  obtenue  de  la  cour  de 
Boucieu  contre  ceusqm  avaient  renversé  les  murailles  de  la 
ville  est  comptée  45  deniers  (art.  158),  probablement  parce 
qu'elle  fut  faite  à  triple  exemplaire. 

On  trouve  encore  45  deniers  dans  un  cas  analogue  (art.  127). 
On  donne  en  bloc  15  sous  tournois  (c'est-à-dire  12  fois 
15  deniers)  à  Arthur  le  Meur  pour  diverses  significations 
faites  par  lui  (art.  214).  Ce  pris  de  15  deniers  par  acte  paraît 
donc  bien  établi.  On  ne  trouve  que  deus  fois  l'indication 
d'une  somme  moindre  (art.  107  et  153),  sans  doute  pour  des 
significations  d'une  nature  particulière.  Ajoutons,  pour  être 
complet,  qu'on  donne  une  fois  1  livre  tournois  à  Janin  du 
Monastier  «  pour  aller  exécuter  et  assigner  Monseigneur  de 
Châteauneuf  à  Toulouse  à  poursuivre  l'appellation  si  bon 
lui  semble  »  (art.  131),  et  qu'on  donne  sis  sous  à  un  sergent 
envoyé  par  Gabriel  Pognet  de  Villeneuve  de  Berg  (art.  67). 
Quand  l'acte  que  la  ville  voulait  faire  signifier  exigeait  un 
voyage,  il  y  avait  naturellement  des  frais  accessoires  :  c'est 
ainsi  que  dans  l'affaire  de  Monseigneur  de  Rochebonne  on 
donne  19  sous  2  deniers  pour  une  signification  faite  tant  à 
Rochebonne  qu'à  La  Mastre  (art.  97). 

L'un  des  sergents  royaus,  Ar4hur  le  Meur,  fat  le  «  leveur  » 
de  la  taille  en  1459. 

1.  Jacques  lilaiic-Poil  fait  commandement  aus  hommes  de  Tour- 
non d'aller  réparer  les  chemins  de  la  Grand-Côte,  et  reçoit  pour  ce 
fait  1  sou  7  deniers  (art.  156).  Nicolas  Fontaua  fait  une  sommation 
ans  pontonniers  (art.  83),  moyennant  5  deniers. 


LE    COMPTF.    MUNICIPAL    DE    TOL'RNON  243 


LES    PROCES  DE  TOURNON 

La  ville  avait  souvent  maille  à  partir  avec  <(  Monseigneur 
do  Tounion  ».  Ainsi  les  officiers  de  Monseigneur  de  Tour- 
non  avaient  refusé  de  signer  «  l'exécutoire  »  pour  lever  la 
taille  de  1459  (art.  138)'.  Le  syndic  Claude  Faure  dut  se 
rendre  à  Boucieu  le  29  juillet  1459  (art.  138),  et  il  obtint  une 
«  lettre  »  de  la  cour  royale  pour  la  levée  de  cette  taille.  Mais 
Gazeilles,  procureur  de  Monseigneur  de  Tournon,  fit  oppo- 
sition à  la  dite  lettre,  et  Barthélémy  de  Sèneclause,  accom- 
pagné du  conseiller  Raymond  du  Buisson,  s(;  rendit  à  son 
tour  à  Boucieu  pour  triompher  de  cette  opposition  (art.  45). 
Il  eut  sans  doute  gain  de  Ciiuse,  car  on  n'entent  plus  parler 
de  l'affaire. 

Monseigneur  de  Tournon  est  aussi  mêlé  à  un  procès  de  la 
ville  contre  ceus  qui  avaient  renversé  les  vieilles  murailles 
de  la  ville,  près  de  la  tour  de  «  la  Muyta»  (art.  155),  et  qui 
avaient  emporté  les  pierres  (art.  158).  La  ville  obtient  contre 
eus  une  «  leitre  »  de  la  cour  de  Boucieu  (art.  155),  Mais 
Monseigneur  de  Tournon  fait  opposition  à  cette  lettre,  qui 
est  cependant  signifiée  aus  intéressés  (art.  158).  Il  s'agissait 
de  savoir  (art.  IGl)  ((  si  Monseigneur  prendrait  la  cause  ou 
si  ceus  qui  avaient  fait  le  dégât  seraient  tenus  de  le  réparer 
en  personne  ».  De  Boucieu  l'affaire  est  portée  à  Nîmes,  où 
on  obtient  une  sentence  contre  Monseigneur  (art.  120,  132, 
152,  170),  qui  en  appelé  au  Parlement  de  Toulouse  (art.  170). 

Monseigneur  de  Tournon  a  encore  avec  la  ville  deus 
autres  affaires  sur  lesquelles  nous  avons  peu  de  renseigne- 
ments. Il  obtient  du  parlement  de  Toulouse  une  lettre  de 
commission  pour  faire  information  contre  la  ville  ((  sur  ce 
qu'on  disait  qu'on  avait  ouï  les  comptes  de  Jean  Forés  et  de 
Claude  Faure  »  (art.  84).  11  obtient  aussi  du  même  parle- 
ment une  lettre  contre  la  ville,  «  afin  qu'elle  n'eût  pas  à  se 
mêler  de  la  cause  de  Jean  du  Seignas  ni  de  lui  tant  à  Tou- 
louse qu'à  Nimes  »  (art.  87). 

1.  Les  syndics  avaient  adressé  une  requête  à  Jean  lUberct,  bailli 
de  Tournon,  «  pour  qu'il  eût  à  signei  la  commission  pour  exi;j;er  et 
lever  les  deniers  de  la  taille  »  lart.  41),  et  il  avait  refusé. 


244  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Pierre  Forés  était  «  lieutenant  de  Monseigneur  le  juge  de 
Tournon  »  (art.  63).  Le  13  août  1460  il  fit  défendre  à  la  ville 
la  place  des  Ognons,  située  devant  sa  maison,  et  la  ville  fit 
aussitôt  assigner  certains  garants  pour  produire  contre  lui 
(art.  154  et  15)]).  Humbert  Chasalet,  probablement  comme 
avocat,  reçut  une  livre  tournois  à  l'occasion  de  ce  procès,  le 
17  mai  1461  (art.  201).  Dans  l'art.  201  il  est  question  du 
portail  de  Port-de-Roi  en  même  temps  que  de  la  place  des 
Ognons. 

Maître  Chamalroux  obtient  une  lettre  royale  contre  les 
habitants  de  Tournon  à  propos  du  «  pontonnage  »  du  Doux. 
Sur  quoi  on  envoie  Barthélémy  de  Sèneclause  à  Désaignes, 
pour  prendre  conseil  de  Monseigneur  Bart,  le  29  mai  1459 
(art.  66)  et  le  10  novembre  1459  (art.  145).  Nous  n'en  savons 
pas  davantage. 

Monseigneur  de  Foys  assigne  à  Aubenas  Etienne  Briode, 
ancien  syndic,  au  nom  de  la  ville,  pour  une  somme  d'argent 
qu'il  prêtent  lui  être  due  depuis  1456  (art.  189) . 

Maître  Dragone  Bury  intente  une  action  à  la  ville  à  cause 
de  certaines  enchères  (art.  171).  Une  ordonnance  avait  été 
rendue  anciennement  par  les  officiers  royaus  au  siège  de 
Boucieu  à  propos  des  émoluments  de  ces  enchères.  On  fit 
faire  une  copie  de  l'ordonnance  et  on  la  transmit  à  Boucieu 
pour  en  informer  les  officiers  du  temps  présent  (art.  190). 
Ces  émoluments  étaient  réclamés,  semble-t-il,  pour  Eustache 
Chalon,  qui  était  sans  doute  un  sergent  royal. 

La  ville  avait  aussi  un  procès  à  Boucieu  contre  Jean  de  la 
Charité  pour  une  cause  qui  n'est  pas  indiquée.  Son  avocat 
dans  cette  affaire,  comme  dans  celle  de  Colin  Béatrix  (voyez 
plus  loin),  était  maître  Pierre  Gros,  d'Arlebosc,  qui  fut  payé 
le  2  novembre  1459  (art.  150). 

Gabriel  Pognet.  de  Villeneuve-de-Berg,  adresse  à  la  ville 
une  sommation  de  payer  huit  livres  tournois  qu'on  devait  à 
son  père,  maître  Jean  Pognet,'pour  ses  honoraires  dans  un 
ancien  procès  relatif  aus  tailles  (art.  67).  Le  syndic  failoj)po- 
sition  (art.  68). 

La  plupart  des  procès  sont  rcilatifs  aus  impôts,  tailk  ou 
double  disième.  Un  des  plus  importants,  pour  l'époque  qui 
nous  occupe,  est  celui  de  Colin  Béatrix,  à  l'occasion  duquel 


LE    COMPTE    MUNICIPAL    DK    TOURNON  245 

nous  apprenons  plusieurs  détails  curieus  de  procédure.  11 
s'agit  du  double  disième  (art.  82  et  185).  Colin  Béatrix 
obtient  en  la  cour  de  Boucieu  un  «  taxa  »  contre  la  ville  de 
Tournon.  Il  veut  le  faire  exécuter  contre  Barthélémy  de 
Sèncclause  comme  syndic.  Mais  celui-ci  obtient  à  l'encontre 
une  «  lettre  »  au  nom  de  la  ville  «  à  voir  révoquer  le  dit 
taxé  »,  et  la  fait  signifier  le  26  mai  1459.  L'avocat  de  la  ville 
à  Boucieu  était,  pour  cette  afïaire  maître,  Pierre  Gros,  d'Arle- 
bosc  (art.  150).  De  Boucieu  le  procès  est  porté  à  Nîmes,  à  la 
cour  du  Sénéchal  (art.  82).  Parmi  les  pièces  que  dut  fournir 
la  ville  figurent  deus  procurations,  l'une  payée  le  3  sep- 
tembre 1459  (art.  79),  l'autre  le  11  mars  1461  (art.  188),  la 
copie  du  syndicat  de  l'élection  de  Barthélémy  de  Sèneclause 
et  de  son  «  compagnon  »  Claude  Faure  (art.  129),  l'instru- 
ment de  l'indiction  du  double  disième  (art.  185),  enfin  l'at- 
testation d'une  ordonnance  faite  par  Monseigneur  de  Tour- 
non  et  son  conseil  sur  l'industrie  des  habitants  de  la  ville 
(art.  186).  Maître  Vidal  Geneys,  notaire  de  la  ville  à  Nîmes, 
se  rent  à  Tournon  en  novembre  1460  pour  examiner  les 
garants  produits  par  la  ville  contre  Colin  Béatrix  (art.  208 
et  169)  :  le  24  novembre  on  lui  paie  les  «  esportules  »  ou 
honoraires  pour  l'examen  des  garants  (art.  169).  Le  con- 
seiller Raymond  du  Buisson  fut  appelé  à  cette  occasion  pour 
faire  la  preuve  des  articles  contre  Colin,  et  y  vaqua  cinq 
jours  (art.  208  et  172). 

Parmi  les  autres  personnes,  qui  prétendaient  ne  pas  devoir 
payer  le  double  disième,  il  faut  citer  Philibert  Monaud 
(art.  9:2)  et  Monseigneur  Bart,  de  Désaignes  (art.  85). 
L'abbesse  de  Bellecombe  s'en  défent  aussi  énergiquement, 
par  l'entremise  de  son  procureur  Jean  Doron.  Elle  obtient  de 
la  cour  de  Tournon  (art.  88)  une  lettre  d'exemption  en  vertu 
de  laquelle  on  devait  lui  rendre  la  vendange  qu'on  lui  avait 
prise  (art.  140).  Mais  la  ville  en  appelé  à  Boucieu,  et  obtient 
à  son  tour  une  «  lettre  »  contre  le  procureur  de  Madame  de 
Bellecombe,  qu'elle  lui  fait  signifier  le  30  novembre  1459 
(art.  91). 

Guiot  Tardi,  le  maréclial,  refusait  à  la  fois  de  payer  le 
double  disième  et  la  taille.  Il  conmieiice  par  faii'e  assigner 
les  syndics  de  Tournon  en  chancellerie  à  Paris  (art.  117)  et 


246  REVUE    UE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

obtient  une  lettre  de  chancellerie  (art.  123).  On  fit  l'aire  aus- 
sitôt par  le  conseiller  Rayniond  du  Buisson  une  cédule  et 
divers  articles  au  nom  de  la  ville  pour  répondre  à  Benoît 
Lansart,  lieutenant  du  bailli  de  Vivarais  à  propos  de  cette 
lettre  (art.  124  et  125).  Les  dites  pièces  furent  payées  à 
Raymond  du  Buisson  le  20  avril  1460.  D'après  l'art.  168, 
Guiot  Tardi  avait  apporté  à  Tournon,  en  revenant  de  vers  le 
roi,  une  «  lettre  des  franchises  qu'ont  les  commensaus  du 
roi  ».  Cette  lettre  est  peut-être  la  même  que  celle  qui  est 
appelée  plus  haut  «  lettre  de  chancellerie  ».  La  ville  lui  avait 
saisi  sa  vendange;  mais  en  vertu  de  la  lettre  royale,  il  se  fait 
paj^er,  le  22  avril  1460,  1  livre  10  sous  pour  un  quintal  de 
fer  qu'on  délivre  à  Maître  Benoît  Lansart  (art,  151).  Le  même 
jour  on  envoie  à  Toulouse  «  l'escofier  »  Pierre  de  Guiot 
pour  aller  chercher  une  lettre  inhibitoire  en  cas  d'appel 
contre  Guiot  et  contre  Benoît  Lansart  (art.  126  et  127).  Quand 
il  la  rapporta,  on  se  hâta  de  la  mettre  à  exécution  (art.  127). 
Cependant  on  délègue  un  des  syndics  à  Bourges^  où.  se 
trouvait  le  roi,  et  on  obtient  une  lettre  de  commission  contre 
Guiot  Tardi  (art.  173),  qui  coûta  2  livres  15  sous.  Guiot  en 
appelé  devant  le  parlement  de  Toulouse  (art.  174),  auquel 
on  envoie  successivement  l'original  ou  la  copie  de  toutes  les 
pièces  mentionnées  ci-dessus.  Le  procès  était  déjà  engagé  à 
Toulouse  au  commencement  de  novembre  1460  (art.  166). 

Devant  la  cour  de  Boucieu,  la  ville  a  un  procès  avec  les 
habitants  de  Mauves,  «  sur  le  fait  de  la  réparation  et  esti- 
mation des  territoires  »  pour  la  taille  (art.  113  et  121).  Peut- 
être  s'agit-il  du  même  procès  dans  l'art.  71,  où  l'on  paie  une 
certaine  somme  à  Gabriel  Pognet,  do  Villeneuve-de-Berg, 
pour  la  cote  et  portion  de  Tournon,  «  à  cause  de  certaine 
réparation  d'estimation  sur  le  fait  des  tailles  du  pays  ». 

On  avait  un  procès  analogue  avec  Perrillon  Darrès  et  son 
fils  Didier,  «  sur  le  fait  de  la  réparation  des  tailles  de  la 
ville  »  (art.  164),  et  avec  le  l^i'eton',  qui  refusait  de  payer 
la  taille,  probablement  comme  étranger  (art.  215). 

Deus  procès  plus  importants,  relatifs  au  même  objet,  sont 

1.  l'robablement  un  Breton  établi  à  Tournon.  C'est  un  nom  de 
famille  en  germe.    Il    y  avait  aussi  une  famille  limousine  (art.  196). 


LE    COMPTE    MUNICIPAL    DE    TOUlîNOX  217 

ceus  de  Monseigneur  de  Rocliebonne  et  de  Monseigneur 
Claude  de  Châteauneuf. 

Il  est  question  du  procès  de  Rochebonne,  engagé  devant 
le  parlement  de  Toulouse,  dans  l'art.  166.  On  avait  obtenu 
une  lettre  inhibitoire  contre  Monseigneur  de  Rocliebonne  et 
contre  Ilugue  Simond,  sergent  royal.  Cette  lettre  fut  signifiée 
au  nom  de  la  ville  tant  à  Rochebonne  qu'à  La  Mastre,  le 
Sfévrier  1460(art.  97). 

Monseigneur  Claude  de  Châteauneuf  avait  obtenu  une 
lettre  du  Parlement  de  Paris  contre  la  ville,  à  cause  des 
tailles  du  roi  (art.  81).  En  octobre  1459,  on  fit  demander  à 
Toulouse  un  a  relèvement  en  cas  d'appel  »  contre  le  dit 
seigneur,  et  on  remit  à  cet  effet  6  livres  au  messager 
(art.  89).  La  somme  ne  suffit  pas,  car  on  dut  y  ajouter 
1  livre  (art.  116).  En  février  1460,  le  syndic  Claude  Faure, 
qui  était  à  Toulouse,  réunit  à  dîner  les  avocats  et  les  procu- 
reurs de  la  ville  près  le  Parlement  de  Toulouse,  pour  causer 
avec  eus  de  cette  affaire  (art.  99).  Copie  du  «  relèvement  » 
obtenu  fut  envoyée  à  Boucieu  en  mai  1460  (art.  130),  et  le 
29  mai  de  la  même  année  on  fit  assigner  Monseigneur  de 
Châteauneuf  à  Toulouse,  «  à  poursuivre  l'appellation  si  bon 
lui  semble»  (art.  131). 

Table  alphabétique  des  noms  de  personnes. 

Maître  Aubain  (Albain),  de  Toulouse.  Voyez  Organisation 
judiciaire,  page  211,  note  1. 

Arpadeyne,  de  Chalencon,  sergent  royal.  Voyez  Organi- 
sation judiciaire. 

Maître  Antoine  Astier.  Voyez  Recettes  de  la  ville,  achats 
de  sel. 

Marguerite  Bacone.  Voyez  Chirols  (Thomas). 

Jean  de  la  Balme,  marchand  de  sel  de  Valence.  Voyez 
Recettes  de  la  ville,  achats  de  sel,  et  Syndics  et  conseillers 
municipaus,  article  Rai/mond  du  Buisson. 

Guigue  Barbeyron,  achète  du  vin  à  la  ville.  Voyez 
Recettes  de  la  ville. 

Louis  Baronat,  d'Annonay,  achète  du  sel  à  la  ville. 
Voyez  Recettes  de  la  cille,  achats  de  sel. 


248  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Mess°  Bart,  de  Désaignes.  Voyez  Procès  de  la  cille 
(procès  Chamalroux  et  procès  Bart)  et  Dépenses  (voyages). 

Colin  Béatrix.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Pierre  Beciac.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Mme  l'Abbesse  de  Bellecombe.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Pierre  de  Berg,  paie  le  reste  de  sa  parcelle  de  taille,  pour 
laquelle  il  était  en  retard  (art.  9). 

Jean  Bertelais  (Berthalais,  Bertalays).  Voyez  Syndics  et 
conseillers  municipaus. 

Jean  Biberet,  bailli  de  Tournon.  Voyez  Procès  de  la  ville 
(procès  de  Monseigneur  de  Tournon,  en  note),  et  Recettes  de 
la  ville  (double  disièine  et  remboursements  de  la  taille). 

Jacques  Blanc-Poil,  sergent  de  la  Cour  de  Tournon. 
Voyez  Recettes  de  la  ville  (double  disième)  et  Organisation 
judiciaire. 

Jean  Boneyre.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

BoYSSON,  du  BoYssoN,  BoYSSONNET.  Voycz  Buisson,  du 
Buisson,  Buissonnet. 

Maître  Gui  Brenas,  fait  la  «  relation  »  d'une  ((  lettre  » 
dans  le  procès  de  GuiotTardi  (art.  128). 

Le  Breton.  Voyez  Procès  de  la  cille. 

Girard  Breybant  (art.  87). 

Etienne  Briode.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

André  Brissonnet,  receveur  général  en  Vivarais.  Voyez 
Recettes  de  la  ville  (taille). 

André  Brossa,  couvreur.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
(dépenses  extraordinaires). 

Maître  Antoine  Buisson,  avocat  (?).  Voyez  Organisation 
judiciaire. 

Raymond  du  Buisson.  Voyez  Syndics  et  conseillers  mu- 
nicipaus. 

Jame  Buissonnet,  fait  une  copie  dans  lafTaire  de  Monsei- 
gneur de  Château  neuf,  et  la  fait  porter  à  Boucieu  (art.  130). 

Dragone  Bury.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jean  de  la  Chalin.  On  restitue  sa  taille  à  Jean  Mestral 
(art.  176). 

Eustaclie  Chalon.  Voyez  Procès  de  la  ville  (procès  Dra- 
gone  Bury). 

Maître  Chamalroux  (Chavialroux?).  Voy.  Procèsde  la  ville. 


LK  covirrr-:  mun'icipal  dk  touhnon  249 

Laurent  Champeau  (Champel),  «  facteur  »  de  Jean 
Plouvier. 

Pons  Chanabatier,  notaire  de  Tournon.  Voyez  Dépenses 
de  la  ville  (pacte  de  la  Cour  do  Tournon). 

Jérôme  Chapuis,  marchand  de  sel  de  Condricu.  Voyez 
Syndics  et  conseillers  municipaus  (article  Etienne  Briode). 

Jean  de  la  Charité.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Louis  Charron,  notaire  de  Tournon.  Voyez  Organisation 
judiciaire. 

Humbert  Chasalet,  avocat  (?).  Voyez  Organisation  judi- 
ciaire. 

Claude  de  Chateauneuf.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Chavialroux.  Voyez  Charanlroux. 

Janin  Chevalier,  sergent  de  la  Cour  de  Tournon.  Voyez 
Recettes  de  la  ville  (double  disième)  et  Organisation  judi- 
ciaire. 

^Lartial  Chevalier,  serrurier.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
{dépenses  extraordinaires). 

François  Cheyssieu,  de  Chalancon.  Porte  de  l'argent  à 
Paris  (art.  72). 

Maître  Thomas  Chirols.  Débiteur  de  la  ville  (art.  8). 

Chivalier.  Voyez  Chevalier. 

Jérôme  de  la  Colombière,  marchand  de  sel  d'Annonay. 
Voyez  Recettes  de  la  ville  (achats  de  sel). 

Curé  de  Tournon.  Voyez  Dépenses  de  la  ville  (torches  de 
la  foire  de  Saint-Julien). 

Perrillon  et  Didier  Darrès.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jean  Dorg,  procureur  de  Madame  de  Bellecombe.  Voyez 
Procès  de  la  ville. 

Jame  Doson,  sergent  royal.  Voyez  Organisation  judiciaire. 

Pierre  Doux,  avocat  à  Toulouse.  Voyez  Organisation  judi- 
ciaire. 

Dragone  Burv.  Voyez  Barg. 

Du  BoYSSON,  DU  Buisson.  Voyez  Buisson. 

Dumas.  Voyez  Giraud. 

Etienne  Durand,  procureur  à  Toulouse.  Voyez  Organisa- 
tion judiciaire. 

Vidal  Far.?on.  procureur  à  Toulouse.  Voyez  Organisation 
judiciaire. 


200  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

Claude  Faure.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Antoine  Fireys.  Voyez  Becettes  delà  cf/Ze (remboursements 
de  taille). 

Nicolas  Fontaine  ou  de  Fontaine,  sergent  de  la  Cour  de 
Tournon.  Voyez  Organisation  judiciaire,  et  Recettes  de  la 
ville  (taille). 

Jean  Forés.  Voyez  Syndics  et  conseillers  de  la  ville. 

Pierre  Forés  ou  Foreys,  lieutenant  du  juge  de  Tournon. 
Voyez  Recettes  de  la  ville  (taille),  et  Procès  de  la  ville. 

Michelot  Four.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Monseigneur  de  Foys.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jean  Galland,  sergent  royal  de  Nîmes.  Voyez  Organisa- 
tion judiciaire. 

Gazeilles,  procureur  de  Monseigneur  de  Tournon.  Voyez 
Procès  de  la  ville. 

Vidal  Genès  (Geneysl,  notaire  de  Nîmes.  Voyez  Organi- 
sation judiciaire. 

Maître  Antoine  Giraud,  autrement  Dumas.  Fait  la  copie 
d'une  lettre  royale  contre  les  taverniers  (art.  75). 

Pierre  Gono.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Guichard  Granger.  Achète  du  vin  à  la  ville.  Voyez  Recettes 
de  la  ville. 

Jean  Gros,  notaire  de  Tournon.  Voyez  Organisation  judi- 
ciaire. 

Maître  Pierre  Gros,  d'Arlebosc,  avocat  (?).  Voyez  Orga- 
nisation judiciaire. 

GuiLLEMiN,  charpentier.  Voyez  Dépenses  de  la  ville  (dé- 
penses extraordinaires). 

Pierre  de  Guiot,  escoffier  (marchand  de  cuirs)  de  Tournon. 
Le  18  mars  1460,  comme  il  allait  à  Toulouse,  on  lui  donne 
une  lettre  à  portera  Monseigneur  Jean  de  Marcoux  (art.  103). 
Le  22  avril,  on  l'envoie  k  Toulouse  chercher  une  lettre  inhi- 
bitoire  contre  Guiot  Tardi  (art.  126). 

Guiot  Tardi,  ou  Guiot  le.marèchal.  Voyez  Tardi. 

HuGUET  DE  Perrici.  Voycz  Perrici. 

La  Balme,  La  Chalin,  La  Charité,  La  Colombière,  La 
Mote.  Voyez  Balme,  Chalin,  Charité,  Colombière,  Mote. 

Benoît  Lansart,  lieutenant  du  bailli  de  Vivarais.  Voyez 
Procès  de  la  ville  (procès  de  Guiot  Tardi). 


■    Lie    (ONrPTK    MUNICIPAL    DE     IT)l.'i;N()N  251 

Messire  Lauret,  cavocat  à  Toulouse.  Voyez  Organisation 
judiciaire. 

Le  M  EUR.  Voyez  Meiir. 

Jean  Lochet.  Voyez  Sj/ndic.^  et  conseillers  municipaus. 

Jean  Long.  Est  caution  dans  un  achat  de  seL  Voyez 
Recettes  de  la  ville. 

Pierre  Lussat.  Vo3^ez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Jean  de  ^L\RCoux,  juge  royal  de  Vivarais.  Voyez  Syndics 
et  conseillers  et  juge  royal  de  Vicarais,  et  Dépenses  de  la 
ville  (voyages  et  frais  divers). 

Masade.  Voyez  Vincent. 

Habitants  de  Mauves.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jean  Mestral.  Voyez  Syndics  et  conseillers  municipaus. 

Arthur  le  Meur,  sergent  royal.  Voyez  Or-ganisation  Judi- 
ciaire, et  Recettes  de  la  ville  (taille). 

François  Molne.  On  restitue  sa  taille  à  Jean  Mestral 
(art.  176j. 

Philibert  Monaud.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jean  Mondo,  de  Mercurol.  Achète  du  sel  (art.  12,  1.3). 

Janin  du  Monestier,  sergent  royal  (?).  Voyez  Organisa- 
tion judiciaire. 

Guillaume  Monier.  Touche  une  partie  de  la  taille  au  nom 
du  receveur  André  Brissonnet.  Voyez  Recettes  de  la  ville. 

Marguerite  Montaiciuer,  veuve  de  Jean  Lochet.  Voyez 
LocJiet. 

Jean  de  Montaut,  sergent  royal  de  Nîmes.  Voyez  Orga- 
nisation j  ad  iciai  re . 

Martin  de  Montkils,  clerc  de  maître  Jean  Gros.  Voyez 
Organisation  judiciaire. 

Pierre  de  Montpeyroux,  sergent  de  la  Cour  de  Tournon. 
Voyez  Organisation  Judiciaire 

Jean  de  laMoxE  ou  do  la  Moute,  clerc  de  Jean  de  Marcoux. 

Pierre  Mura,  «  facteur  »  de  .Jean  de  la,  Balme.  Voyez 
Balme. 

Pierre  Palnot,  boulanger.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
(aumône  de  la  Pentecôte). 

Durand  Penier,  curé  de  Tournon.  Voyez  Dépenses  de  ta 
ville  (torches  de  la  foire  de  Saint-Julien). 

Huguet  de  Perrici, notaire.  Voyez  Organisation /'ndiciaire. 


252  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Pierre,  maçon.  Voyez  Dépenses  de  la  ville  (dépenses 
extraordinaires). 

Jean  Plouvier,  marchand  de  sel  de  Valence.  Voyez 
Syndics  et  conseillers  municipaus  (article  Etienne  Briode). 

Maître  Jean  Pognet,  et  son  fils  Gabriel  Pognet.  Voyez 
Procès  de  la  ville  (procès  Pognet  et  procès  des  habitants  de 
Mauves). 

Monseigneur  de  Rochebonne.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Louis  Roux,  procureur  à  Nîmes.  Voyez  Organisation 
judiciaire. 

Eymar  Sabbatier.  Voyez  Recettes  de  la  ville  (rembour- 
sements de  taille). 

Jean  Salic.  Voyez  Dépenses  de  la  ville  (pa.cie  de  la  Cour 
de  Tournon). 

Barthélémy  Sarzier.  Fournit  le  cierge  pascal  (art.  209). 
Sarzier  est  peut-être  un  nom  commun  =:  marchand  de 
cierges. 

Jean  du  Seignas.  Voyez  Procès  de  la  ville  (procès  de 
Monseigneur  de, Tournon). 

Barthélémy  de  Sèneclause.  Voyez  Syndics  et  conseillers 
municipaus. 

Hugue  Symond,  sergent  royal.  Voyez  Organisation  judi- 
ciaire. 

Guiot  Tardi,  le  maréchal.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Pierre  Tardieu,  charpentier.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
(dépenses  extraordinaires). 

Taverniers.  Lettre  royale  contre  les  taverniers  (art.  75). 

Maître  Jame  Torrolhon.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
(pacte  de  la  Cour  de  Tournon). 

Maître  Mathieu  Torrolhon.  Voyez  Dépenses  de  la  ville 
(pacte  de  la  Cour  de  Tournon). 

Antoine  TouRNAY,  notaire  à  Boucieu.  Voyez  Organisation 
judiciaire. 

Monseigneur  de  Tournon-.  Voyez  Procès  de  la  ville. 

Jame  Vallette,  seigneur  de  Claude  Faure. 

François  de  Varennes.  Paie  une  partie  d'une  ancienne 
taille  qu'il  avait  été  chargé  de  lever  (art.  7). 

Vidal  Vincent,  dit  Masade.  Voyez  Recettes  de  la  ville 
(taille). 


MÉMORANDUM  DES  CONSULS  DE  LA  VILLE  DE  MARTEL 
par  H.  Teulié 


Les  textes  que  nous  publions  proviennent  d'un  ma- 
nuscrit qui  a  été  trouvé  à  la  mairie  de  Martel  (Lot)'. 
Ce  ms.  mesure  0'"18  X  0'"135.  Il  est  en  papier,  avec 
des  vergcures  et  des  pontuseaus  irréguliers,  mais  sans 
filigrane  proprement  dit.  La  reliure  a  beaucoup  souf- 
fert ;  les  plats  sont  en  bois,  recouverts  de  cuir  gaufré 
et  ornés  autrefois  de  fers  cjui  ont  été  arrachés.  On  lit 
sur  l'un  des  plats,  l'inscription  suivante,  d'une  écriture 
plus  récente  que  celle  du  ms.  môme  :  1252.  Nihil 
interest.  Il  compte  dans  son  état  actuel  78  feuillets, 
mais  il  en  a  perdu  un  certain  nombre,  car  il  comprent 
6  cahiers  et  chaque  cahier,  si  nous  en  jugeons  par  cens 
qui  paraissent  complets,  a  dû  être  d'au  moins  16  feuil- 
lets, ce  (jui  nous  en  donnerait  9G  pour  le  ms.  tout  en- 
tier. 

Ce  registre  a  servi,  sans  doute,  de  mémorandum 
aus  consuls  et  à  leurs  secrétaires  qui  prenaient  notes 
des  menues  affaires  sous  la  rubrique  :  Remembransa 
sia,  etc.,  et  y  inscrivaient  les  divers  comptes  que  l'on 
reportait  ensuite  sur  les  registres  ordinaires.  C'est  ce 
dont  fait  foi  le  passage  suivant  (f°  3.5  v°)  :  Lo  contes 
que  lioni  fet:^  après,  aiso.  R.  Joanls  es  et  gran  papier. 

L'écriture  est  très  variée  et  à  côté  des  écritures  ré- 
gulières dont  nous  donnerons  un  spécimen  s'en  trouvent 
d'autres  qui  trahissent  la  plus  grande  inexpérience. 

1.  Qu'il  me  soit  permis  de  remercier  ici  M.  Laplagne,  conseiller 
d'arrondissement  et  premier  adjoint  de  Martel,  et  M.  Cliapelle, 
secnJtaire  de  la  mairie,  qui,  fort  obliireamment.  ont  mis  ce  ma- 
nuscrit à  ma  disposition  et  m'ont  ainsi  permis  de  le  transcrire  à 
loisir. 


254  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

On  rencontre  clans  le  ras.  plusieurs  dates:  la  plus 
ancienne  est  125.2,  la  plus  récente  1284  et,  entre  ces 
deus  extrêmes,  1260,  1262,  1267.  Il  appartient  donc  à  la 
deusième  moitié  du  xin^  siècle. 

Ce  ms.  contient  les  comptes  des  dépenses  faites  par 
les  consuls  de  la  ville  pendant  plusieurs  années  ;  une 
longue  enquête  sur  rattribution  d'un  héritage,  maison 
et  champ,  que  se  disputaient  deus  bourgeois  de  Martel  ; 
les  noms  de  ceus  qui  ont  prêté  de  l'argent  aus  consuls 
avec  l'indication  des  sommes  ;  des  listes  d'habitants  de 
la  ville  et  des  faubourgs,  etc.,  etc. 

Le  premier  compte  des  dépenses'  faites  par  les 
consuls  et  c|ui  nous  semble  le  plus  complet  et  le  mieus 
rédigé  nous  montre  quelles  étaient  les  affaires  dont 
avait  à  s'occuper  la  municipalité  d'une  petite  ville  au 
xin*"  siècle.  La  plus  importante  est  un  procès  avec 
Creysse,  commune  voisine,  procès  que  la  ville  de 
Martel  perdit,  puisqu'elle  paya  une  assez  forte  somme 
à  sa  rivale.  Il  y  eut  aussi  contestation  avec  l'abbé 
d'Obazine.  Les  autres  principales  indications  con- 
cernent :  l'envoi  de  messagers  dans  les  villes  ou 
châteaus  d'alentour,  le  payement  des  dettes  en  retard 
contractées  par  la  ville  vis-à-vis  des  habitants,  le 
transport  et  le  rachat  des  gages,  le  change',  les 
esmendas  ou  réparations  accordées  à  ceus.  qui  ont 
éprouvé  quelque  dommage,  l'offre  de  présents  aus 
puissants  du  jour  et  à  ceus  de  leur  entourage, 
parents,  amis,  serviteurs,  protégés,  etc.  Il  faut  relever 
aussi  la  mention  d'une  avance  de  fonds  aus  consuls  de 
Gourdon,  d'une  escorte  fournie  pour  conduire  un 
voleur  à  Gramat,  l'achat    de    parchemin,    de  papier, 

1.  11  esta  remarquer  que,  sauf  l'indemnité  allouée  aus  consuls, 
ces  dépenses  sont  toutes  extraordinaires  et  imprévues. 

2.  Il  n'est  pas  fait  mention  de  monnaie  raimondine,  monnaie 
du  vicomte  de  Turenne  dont  dépendait  la  moitié  de  la  ville  de 
Martel.  Nous  ne  trouvons  que  des  sous  tournois  ou  raorccns. 


MÉMORANDUM    DES    CONSULS    DE    LA    VILLE    DE   MARTEL     255 

d'encre,  de  sacs  pour  mettre  les  deniers  et  même  de 
fleurs. 

Nous  n'insisterons  pas,  davantage  sur  une  publica- 
tion dont  l'intérêt  historique  est  très  restreint,  nous 
relèverons  seulement  à  la  lin  de  cet  article  les  formes 
qui  présentent  quelque  particularité  notable  et  les  mots 
qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  Lexique  roman  de 
Raynouard. 

I 

§  Aisso  so  las  messios  que  nos.  R.  Lagarda.  e  N'Aimars 
Cast[anjhers.  e  'N  G.  Bous,  e  N'Aimars  Escuders.  e'N.  P. 
Faure.  e'N.  B.  D'An  Rotbert.  [av]em  fâchas  el  noslro  cossolat 
per  las  fazendas  de  la  vila'. 
5  So  es  asaber  qu'En.  R.  Lagarda.  e  'N  .  G.  Bous  anero  a 
Terrasso'  parlar  al  Seneschalc  ques  n'anava  en  Fransa.  c 
estero.  dos.  dias.  e.  meiro  trei  que  ero  a  caval.  edoi  escuder. 
XXX.  s.  e.  VI.  s.  en  loguer  de  bestias. 

§  E  poi  anero.  R.  Lagarda.  e'N.  G.  Bous.  e'N.  P.  Faure. 

10  e  maestre.  P.  Barraus  e  maestre.  W.  Barraus.  e  maestre. 

W.  La  Costa  e  d'autre  a  l'assiza  da  Carennac''  pel  plach  de 

lor  de  Croisha*  e  meiro.  xxx.v.s.  een  loguer  de  bestias.  x.  s. 

§  E  poi  d'autra  vetz  anet.  P.  Faure  se  tertz  a  caval  per 
aquel  meish  plach  de  lor  meish   de  Croisha  a  Carennac  e 
15  meiro.  x.  s.  ab  lo  loguer  de  las  bestias. 

§  Poi  anet  d'autra  vetz  N'Aimars  Escuders  e'N.  G.  Cassa- 
fortz.  e'N.  R.  de  Cironha  e  d'autre  tan  que  set  foro  a  caval. 
e.  iiii.  a  pe.  en  Alic^  pel  plach  de  lor  de  Croisha.  e  meiro. 
XX.  i.  s.  ab  lo  loguer  de  las  bestias. 
20  §  Poi  d'autra  vetz  anero  N'Aimars  Escuders  e  'N.  P. 
Faure  e'N.  G.  Cassafortz  e'N.  R.  de  Cironha.  e'N  Gausbertz 
Sagrestas.  e  maestre.  W.  LaCosta.  e  'N.  G.  de  [Rajigadasen 

1.  Martel,  ch.-l.  de  canton,  arr.  de  Gourdon  (Lot).  —  1256  (?). 

2.  Terrasïon,  ch.-l.  de  c,  arr.  de  Sarlat  (Dordogne). 

3.  Carennac,  com.  du  c.  de  Vayrac,  arr.  de  Gourdon  (Lot). 

4.  Creysse,  com.  du  c.  de  Martel,  arr.  de  Gourdon  (Lot). 

5.  Alic  (?).  Peul-étre  Aillac.  com.  du  c  de  Carlux,  arr.  de 
Sarlat  (Dordogne).  Cf.  Montfort,  1.   10.  note  2. 


256  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Alic  pel  plach  de  lor  de  Croisha.  e  meiro.  xxx.v.  s.  ab  lo 

loguer  de  las  bestias. 
25      §  E  d'autra  vetz   anero  N'Aimars  Escuders.  e  'N,  R.  de 

Cironha.  e  'N.  W.  de  Cironha  en  Alic  per  malevar  los  gatges 

qu'En  Hugo  lo  Meire  avia  près  per  messios  que  demandava. 

e  meiro.  x.  s.  ab  lo  loguer  de  las  bestias. 

§    Poi    anet    d'autra    vetz    N'Aimar[s]     Escuders  ab.   i. 
30  cumpanho  a  caval  a  Croisha  can  fo  fachs  lo  jutgamens.  e 

covenc    li   anar.   v.    vegadas.    per   cobrar    los   gatges   [de] 

Croisha.  e  meiro  entre  totas  las.  v.  anadas.  xl.  v.  s.  ab  la 

reenso  de  las  bestias  que  avio  en  gatges  elh  de  Croislia. 
§  Can  lo  senh'  En  Jaufres  de  Pon*  venca  Croisha  lai  anet 
35  N'Aimars  Escuders  se  seies  a  caval  parlar  ab  Ihui.  e  pregar 

del  afar  de  la  vila.  e  meiro  en  loguer  de  bestias.  xii.  s. 
§  Poi  d'autra  vetz  N'Aimars  Escuders  e  'N  .R.  de  Cironha 

anero  a  Croisha  per  auvir  la  enquesta.  e  meiro.  un.  s.  en 

loguer  de  bestias. 
40      §  Poi  anet  d'autra  vetz  N'Aimars  Escuders  a  Monfort*. 

se  setes  a  caval  e-.  iiii.  escuder.  e  estero.  ii.  jorns  per  parlar 

del  acorder  da  Croisha.  denan  la  domna  Na  Margarida'. 

e  meiro.  xl.iiii.  s.  ab  lo  loguer  de  las  bestias. 

§  E  poi  anet  d'au[tr]a  vetz.  N'Aimars  Escuders  se  setes  a 
45  caval.  e.  ii.  escuderapeaCastelnou*  per  [pajrlar  de  l'acorder 

de  lor  de  Croisha  e  meiro.  l.  s.  e.  xviii.  d'.  ab  lo  loguer  de 

[las]  bestias. 
§  Poi  d'autra  [vetz]  anero  N'Aimars  Escuders  e  N'Aimars 

Castanhers  a  Castelnou  que  menero  las  garentias  que  donero 
50  contra  lor  de  Croisha.  c  foro.  xx.  a  caval  e.  xii.  a  pe.  e 

estero  très  jorns.  e  meiro.   xiii.  Ih.  e.  v.  s.  ab  lo  loguer  de 

las  bestias. 


1.  Hélie-Rudel,  dit  Geoffroy,  sire  de  Pons. 

2.  Moatfort,  s'""  de  la  com.  de  Vitrac,  c.  et  arr.  de  Sarlat  (Dor- 
dogne).  Ane.  rep.  noble  et  châ'tellenie  unie,  au  xiv  siècle,  avec 
celle  d'Aillac.  Elles  dépendaient  de  la  vicomte  de  Turennc  (V"  de 
GouRGUES,  Dict.  topocj.  dudép.  de  la  Doi-dogne) . 

3.  Margueriie,  sœur  de  Raimond  VI,  vicomte  de  Turenue. 

4.  Castelnau-de-Bretenoux,  hameau  et  château  qui  forment  avec 
BonnevioUe  la  commune  de  Prudhomal,  canton  de  Brctenoux,  arr. 
de  Figeac  (Lot). 


MKMORANDUM    DKS    CONSl  l.S    DK    l.A    NlI.l.P;    DE    MARTKL      257 

§  D'autra  vetz  anot  N'Aimais  Castaulicrs  e.  'X.  W.  Tuiidatz 
a  CastelnoLi  parlai-  al  Seneschalc  e  estem.  ii.  joins  e  iiioiro. 
Ô5  XX.  II.  s.  e.  V.  d'.  ab  lo  loguer  de  las  beslias. 

§  D'autra  vt^z  anot  N'Aima i-s  Castanliei-s  se  oclies  a  caval 
a  Biiva  '  pcl  plach  de  Cioisha  e  estei-o.  n.  joins,  o  nieiro. 
un.  lli.  0.  \ m.  s.  ab  lo  loguer  de  las  bestia>. 

§  D'autra  vetz  anet  N'Aimars  Castanhers  e  'X .  R.  de  Cironlia 
Cà)  a  Castelnou  pel  plach  de  Croisha  e  estcro.  ii.  jorns.  emeiro. 
XX. II.  s.  ab  lo  loguer  de  las  beslias. 

§    D'autra  vetz  anet  N'.\imars    Castanhers    e  'N    Vidais 
Nabonadona  al  poiolar  al  jorii  del  veseointe  pels  nou.  s.   del 
evesque  e  estero.  n.  jorns  e  meiro.  xx.iiii.  s.  ab  lo  loguer  de 
65  las  bestias . 

§  D'autra  vetz  anet  a  Castelnou  X'Aimars  Castanliers  e  "X. 
R.  de  Cironlia.  e  maestre  Peiie  Barraus.  e  estero.  ii.  jorns 
emeiro.  xxx.i.  s.  ab  lo  logiu'i-  de  las  bestias  pel  plach  de 
Croisha. 
70  §  D'autra  vetz  aiiel  a  Castelnou  |)el  plach  de  Cjoisha 
N'Aimars  Castanhers  se  oches  a  caval  e  estero.  n.  joins,  o 
meiro.  iiii.  Ih.  ab  loguer  de  bestias. 

§  D'autra  vetz  anet.   R.    Lagarda  se  sinques  a  caval  a 
Caortz  que  [sejguero  lo  dea-  de  Tors  per  l'afar  de  Croisha 
75  e  meiro.  xn.  Ih.  menhs.  iiii.  s.  ab  lo  servizi  que  fetz  hom  al 
dea.  e  estero.  v.  jorns.  el  loguer  de  las  bestias.  xxx.  s. 

§  D'autra  vetz  anet  a  Castelnou.  P.  Faures  seseies  a  caval. 
e.  iiii.  escuder  e  estero.  m.  jorns  pel  plach  de  Croisha  can  se 
meiro  en  la  ma  del  arcidiague  de  CorniT^  e  d'En  Aimar  de 
80  BoishfH.  e  meiro.  l.i.  s.  al)  loguer  de  beslias. 

§  D'autra  vetz  anet.  P.  Faures  e  'X.  G.  Bous  a  Castelnou 
caiit  hom  ac  ajornat  lo  caminal  de  Croisha  se  dotzes  a  caval. 
e  estero.  m.  jorns.  e  meiro.  un.  Ui.  e.  vi.  s. 

§  D'autra  vetz  anet.  B.  Boiers  en  Fransa  ab.  G.  Doinerc 
85  cant  aportel  letras  del  rei  al  Seneschalc  (pu'  nos  teguesdrcch 

1.  Brive-laGaillanle,  ch.-l.  d'arr.  (Corrêzc). 

2.  Peut-litre  Raymond  «l'Alam m.  cliaiicine  de  Tours  et  (Us  naturel 
de  Sicard  dWlainan,  sénéchal  du  Quercy,  pays  où  ila^^quildos  terres 
([u'il  laissa  à  son  fils. 

'A.  Raimond  de  Cornil ,  archi<liacre  de  Cahor^.  élcv.'  eu  U'SO  à 
l'épiscopat  par  voie  d'élection,  mort  en  l:;0:t. 

RKVfE  iiv.  PMii.oMiiai:,  su.  17 


258  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

ishamen  cum  a  lor  de  Croisha.  e  costef.  lvi.  s.  de  inessio  ab 
autra  vetz  que  lai  tornet  poi:  B.  Boicrs. 

§  D'autra  vetz    anero.   G.  Cassafortz  e  'N.  W.  Tondutz  a 
Bt'iva  a.  i.  jorn  quens  ac  ajornatz  aqui   lo  Seneschalcs.  e 
90  costet.  XL.  s.  e  lo  loguers  de  las  bestias  costet.  vi.  s. 

§  D'autra  vetz  anet.  G.  Cassafortz  a  Castelnou  per  poiire 
re[sp]ech  de  la  paga  da  Croisha  e  costet.  xii.  s. 

§  D'auti'a  vetz  anet.  G.  Cassafortz  a  Castelnou  al   senes- 
c[hal]c  per  l'afar  de  Croisha.  e  eostet.  xir.  s. 
9")      §  D'autra  vetz  anet.  G.  Cassafortz  a  Terrasso  per  Tajorna- 
m[en]  del  abat  d'Obazina'.  e  costet.  x.  s. 

§  D'autra  vetz  anet.  W.deCironha  a  Castelnou  al  Seneschalc 

per  las  bestias  de  laboura  c  pels  autres  gatges  que  avia  près 

N'Ugo  le  Meire  e  'N  Bertrans  Laroca.  e  costet  la  bestia  que 

100  menet.  viii.  s.  très  jorn  que  estet.  e  Menoires  que  menet.  m.  s. 

§  E  pagueni.  xx.  v.  s.  an  Violeta  d'una  part,  e  d'autra 
part.  XV.  s.  c'om  Ihi  dévia  de  l'autre  cossolat. 

§  D'En  Ainiar  de  Vassadel  soisheubein.  xx.  Ih.  de  tomes, 
e  costero.  lx.  s.  de  camge. 
105       e  d'autra  part  paguem  Ihi.  l.   s.   c'oni  Ihi  dévia   de  deud(^ 
velh. 

§  E  paguem  an.  G.  de  Monniaur.  xxx.  s.  quel  cossolatz  Ihi 
dévia  de  velh. 

§  E  niezeni  en  servizis  dels  cossols  de  Gordo  ^  xviii.  d'. 
110      §  E  emendem  al  prohonie    de  la  Landau  xiiii.  d'.    pels 
glochs  quelh  barregero  donas  del  barri  de  Briva. 

§  [A].  R.  Ponto.  II.  s.  cant  anet  a  Croisha  e  aRocaniador* 
ajornar  las  garentias  pel  plach  da  Croisha. 

§  E  costet  us  messatges  c'oni  trames  a  Solhac^  per  la  marca. 
115  VI.  d'. 

§  Cant  iioin  anet  a  Croisha  parlar  al  arcidiaguedel  acorder 
del  plach  de  Croisha.  costet  viiii.  s.  e.  un.  d'. 

1.  Guillchnus  II.   [GalUa  Chi-ist.,  t.   IF,  p.  637. ) 

2.  Gourcloii.  cli.-l.  d'arr.  (Lot). 

3.  Hameau  de  la  com.  de  Marlel.  ((Ui  se  divise  en    I.aude-Basse  et 
Lande-Haute. 

4.  Rocamadour,  lieu  de  ptMerinage   alors  très  fréquenté  et  encore 
célèbre,  com.  du  c.  de  Gramat,  arr.  de  Gourdon  (Lot). 

5.  Souillac,  oh.-I.  de  c    arr.  de  Gourdon  (Lot). 


MÉMOl! ANDIM    DES    CONSII.S    DE    l.\    X'IIXK    DK    .MAHIEL      259 

§  Us  messatges  c'om  trames  a  Sarlal'.  xx.ii.  d'. 

§  Autres  [me]ssatges  e'oin  trames  a  Croisha.  vi.  cV. 
120      §  En  lenlia  inentre  c'om  iguet  la  iga.  n.  s.  e.  iv  d'. 

§  A  maestre.   P.  Xapros.  vi.   s.  c'om  Ihi   d('vi;i   de  dcude 
vclh. 

§  Aimars  de  (faudra  '   ac  ne  per  rajornamcn  que  nos  l'ci/ 
Bodas  pcr  l'afar.  W.  Joani.  pels  jorns  quen   tet  |)cr  nos  a 
125  Caortz^.  xxx.vni.  s.  el  e  autre  quen  i  tramezem. 

§  Esteves  de  Madaule.  ini.  d'.  per  anar  a  Croislia. 

^  A  Coli.  M.  s.  pcr  l'ajornamcii  da  Croisha. 

§  Doas  camhas  <|uc  tiamczcm  a  la  uioIIkm"  Hugo  la  Massoa. 
XVI.  d'. 
V.M)       §  Us  messatges  c'oni  trauu's  a   Figac  '   a  maestre.   Ai.  de 
Boishet.  in.  s.  e.  un.  d". 

§  D'autra  Aetz  ancro.  G.  Bous  c  'X.  \\'.  Tondutz  a  Caoï'lz 
ab  lo  \('sconte  per  las  patz  e  mciro  en.  v.   jonis  (pTcstero. 
XLU.  s.  ab  le  logucr  de  las  bcstias. 
Vi~)       §  D'Eu.   G.    Pclhicer  ■'.    soishcutxMU.   \.    lli.  d<'  toiues.  e 
costero  de  camgc.  xl.ihi.  s.  de  march. 

§  A.  R.  de  S. . .  n.  s.  de  doas  messatjairias. 

§  Una  bc^tia  cahit'  liom  scguci  Hugo  la  Massna  a  Pinsac''. 
11.  s. 
110       §  Rodes  (pic  tra[mjczeni  a  Ci'oislia.  \i.  d". 

§  A  Drechos  c'om  trames  a  Croisha.  vi.  d'. 

§  Us  messatges  c'om  trames  a  Mon\alen'.  nu.  d'. 

§  Us  mcssalges  (-"oui  Dames  en  Alie.  xn.  d". 


1.  .Sarlat.  ch.-l.  d'arr.  (Donloirne). 

'^.  Gondrn,  partout  ailleurs. 

:5.  Cahors,  ch.-l.  du  dép.  du  I.oi. 

4.  Figeac,  ob.-l.  d'arr.  (Lot). 

.">.  Nous  rencontrons  souvent  ce  nom  dans  notre  msc,  G.  I^eihi- 
cier,  Pelhicier  lo  Jnres.  et  en  l-i(>2,  notamment,  Helias  Pelhicier 
était  consul  de  Martel.  Ils  appartenaient,  sans  doute,  à  la  même 
famille  que  le  troubadour  Pierre  Pelhicier,  qui  vivait  îi  la  cour  du 
Dauphin  d'Auvergne,  Robert  I"  (1169-1234),  et  dont  la  biographie 
nous  a  été  conservée  dans  H  en  même  temps  qu'une  strophe  de 
lune  de  ses  pièces  et  la  réponse  du  Daui)hin.  {IJi.-^t.  du  Lniir/uedor, 
1.  X.  p.  263  et  372,  éd.  Privât.) 

6.  Pinsac,  com.  du  c.  de  .Souillac,  arr.  de  (Jourdon  (l.ol). 

7.  Motifvalent.  com.  du  c  de  Martel,  ari'.  de  riourilon  (Lot). 


'200  HF.VriC    DE    PHlI.or.OGIF.   françaisf. 

§  Cant  anem  as  Solhac  pei-  l'oficial  e  pels  pioshomes  de 
145  Solhac.  vu.  s.  e.  m.  d'. 

§  Lo  merendars  de  lor  de  Croisha.  xx.i.  d'. 

§  Us  messatges  a  Croislia.  m.  d'. 

§  Doi  niessatge  c'om  trames  a  Solhac.  xiiii.  d'. 

§  Lo  messatges  Pons  de  Vila.  xii.  d'. 
150       §  Lenha  el  cossolat.  xii.  d'. 

§  Can.  P.  Faures  e  'N.  R.  de  Cirouha  anei-o  a  Rocamador 
parlai'  al  Seiieschalc.  viii.  s. 

«^  Eu  lenha.  mai.  vi.  d\ 

v^  Doi    fromatge    c'om    trames     Richarl    lo    Bot    Ilugo  la 
155  Massua.  can  se  mudet.  ini.  s.  e.  vni.  (V. 

§  Lhi  sirven  a  heure,  un.  d'. 

§  Al  sirven  del  escriva  del  Seneschalc.  xv.  d'. 

§  A  Coli  c'om  trames  a  Terrasso.  ii.  s.  e.  v.  d'. 

>^  En.  G.  Bous  cant  aitet  a  Sarlat.  x.  s. 
160       §  Areimet   sas    bestias   de   que  l'avia  penhurat    Hugo  le 
Meire  per  la  \i\a.  xi.  s.  de  caorcen. 

§  El  servizis  c'om  fetz  a  la  cumtessa^    de  la  Marcha   pel 
prec  de  la  domna  Na  Margarida.   costet.  xx.v.    s.   menhs. 
iiii.  d'. 
165       §  Lhi  sirven  en  messios.  ii.  s.  e.  vui.  d'. 

§  Una  saumada  de  lenha.  vu.  d'. 

§  Lhi  sir\en  can  mandero  la  l<'\a.  n.  s. 

§  Jones,  ui.  d". 

^  Colis.  XII.  d'. 
170       5^  E  mai  a  Coli.  v.  s.  d'autra  pari. 

v:î  a  maestre.  P.  Bon.  xx.vi.  s.  pei-  messio. 

5:^  Al  dea  d(»  Tors.  un.  s.  en  pr(>zens. 

i^  A  la  Jajaga.  ii.  s.  e.  vi.  d'.  en  pa  ((ue  mengero  aque[lhj 
(jue  feiro  la  iga. 
175       §  E   d'autra  part.  m.  s.    e.    vi.   d'.    a   Domtuc  Boier  |)cr 
afquela]  meisha  messio. 

i^  Maestre  Aymeric  Andreil.  vi.  d'.  en  \  i  ([ue  begro   llii 
<ir\('n. 


1.  Sans  doute  Alix.  oonUesse  de  la  Marche,  morte  en  !;.'.■)()  et  sa 
sœur  Marguerite.  {Bihl.  de  l'Êc.  des  Chartes.  Léopold  Delisle,  C/u\ 
/lii^t.  des  comtes  de  In  Marche.  1856,  t.  n,  p.  ii37.) 


MK.MMi;  AMUM     l)i:>    roNsri.s    DK    I.a    Xll.l.K    Dl-;    MAUTKI.      '^i}\ 

§  Xa   Casnaga.   u.   s.   c.   ii.   d".   eu    pa    niai   f|ur   incngcio 
180  aqut'lh  que  IViio  la  iga. 

§  La  Malmatdiua.  ii.  s.  c.  un.  d'.  en  pa  pcr  aeo  nicisli. 
§  An  Ainiar  Raiiiion.  nu.  s.  (-"oui  llii  dcx  ia  do  d(Mid(^  \olh. 
§  Als  sii\('n->.  m.  d".  a  Ix'Uic. 

§  A  Johan  Clu'va.  ir.  s.  en  iina  liotia  caii  scguci  lo  lairi)  a 
18.J  Giamat. 

§  Als  siixt'us  d'aulia  pail.  m.  d".  en  \  i. 
Jî  Aladobarloeoucd'Obazina  quederroqueiollielaii.  viii.  d". 
§  Lo  gatgos  reinuM-  d'En.  S.  Lagaida.  vin.  d'. 
§  Lo  peish  c'oiu  liaiurs  al  Seiiechalc.  vi.  s.  c'oni  ne  |)agiici 
U)0  Vidal  lo  peishoïKM-. 

§  Al  home  que  ap()ita\a   los  gatges  de  pci-  la  vila.  xir.   d'. 
$:$  L<'  papei'S  (pic  cunipret.  G.  Durans  a  l'ai's  los  escriclis  de 
la  vila.  XII.  d". 

§  Lhi  sac  en  c'oni  nies  los  deneis.  vin.  d'. 
W')       ^  A  Bernart  Feniola.  n.  s.  (•"om  lhi  dévia  de  xclli. 
$^  A  Violeta.  vni.  d'. 

§  .B.  del  Coderc  ac  ne.  vnn.   v.    de  dan  pej-  deners  ipu-n 
soisheubeni. 

§  .B.  Johanis.  xv.  s.  e'oni  lhi  de\ia  de  deud(^  \('lh. 
200       §  A.  I.  home  que  apoitava  los  gatges,  viii.  d". 

^  K  per  pregueiras  de  maestre.   .\i.   d(^  Boishet  solsem  a 
Roea.  nn.  s.  de  sa  leva. 

>^  An.   S.   Oi-cer.   m.    •-.    r'oiu    lhi    ^ols    d'isjiamen  eai'  era 
gievatz. 
■îOo        ^  A.  G.  dt'  Sulhac.  xvi.  d".  e'oui  lhi  de\  ia. 

v5  A.  G.  Salein.  xni.  s.  c.  vi.  d".  d»^  peisji  (•"oni  tiame>  al 
Seneschale  major. 

^  A  Xa  Guilhelma  la  Valada.  v.  s.  ('"oin   Uii   ^uU  (■■,{]■  cia 
gre\'ada. 
"210       i^  An.  B.  Baiiau.  xxx.v.  s.  pierj  Kn.  K.   Las  ivstias  pei' 
l'alai-  de  la  enquesla. 

N^  .\.  Sai'gonae.  vi.  d".   a    iviniei-   los  galges  de   la    filha.   W. 
(iauter. 

v^  \.  G.  \'auii.  wnn.  s.   po-  pci^li   i-'oiii    Uaniev  ;i|  de;!  de 
•Jir.  Toi-<. 

1.   Graillai,  iMi.-i.  <lc  <•..  aii.  t\r  <  iounloii  iF.oll. 


i2()'2  REVl  E    DE    PHII.CJI.OGIE    I-UAN\AISE 

v^  Al  sii\('n  (Ici  SciK'sclialc  (|U('  icums  al)  los  cavals.  xii.  s. 
î^  An.  ^^'.  La  K'ossa.  m.  s.  c'oin  Ihi  tUn  ia  de  velh  porTanada 
(le  Fraiisa. 

§  A  la  iiK'ssio  (-"om  [tVjl/  caiil   Imiii  aiict   a    Lodor   pei-    lar 
2'iO  la  paga  do  Croisha.  w  s. 

§  A.  G.  de  Cas[. . .  |sac.  nu.  s.   pcM-  sos  gatges  c'oni  aA  ia 
près  a  Croisha. 

s^  A.  P.   Rotlau  [...]   iiii.   s.   c'oiii    Ihi  dévia   de   velh  pei 
l'aiiada  de  Fransa. 
22h       ^  A  Coli.  xviiii.  s.  pcr  hnar  la   iga. 

î:^  A.  I.  home  que  aportava  los  gatges.  \iu.  d". 
*}  A  dos  homes  que  aportero  los  gatges  per  la  vila.  xii.  d'. 
^  A  Na  Gausherga  Emeugart.  viii.  d'.  de  pa  que  mengero 
a(|uelh  que  t'eiro  la  iga. 
2oO       ï^  A  dos  homes  que  apoi-tavo  galges.  x\n.  d'. 

§  A.  I.  autre  home  que  aportavo  gatges.  viiii.  d\ 
^  Una  bestia  que  menet.  G.  Bous  a  la  Landesea.  vi.  d'. 
§  Al  conhat.  .T.   Boier.   n.    s.  de   piehers  en  c'om   trames 
prezens  al  dea. 
235       §  Au.  R.  Dardena.  xviii.  s.  de  pa  e  de  \  i  ('"om  ti'auu:'s  al 
dea  dT;  Tors  ean  Esteve  La  porta. 

§  A.  W.  Lalonga.  vi.  d".  c'om  Ihi  de\  ia  de  \  i  qu<'  Ix-gio  Ihi 
sir\'eu. 

^  An.  H.  Las  Estras.  xx.w  s.  per  messio  ean    \riu-  per  la 
"240  paga  da  Croisha. 

§  l^s  messatges  da  ( 'roislia.  m.  d'. 
^  A  la  molher  Baudel.  n.  s.  de  soula. 

i^  An  Este^•e  ('arter.  m.  s.  per  euKMida   de  pels  (jue  perdel 
SOS  filhs  pei  fach  de  Croisha. 
215       §  A  Coli.  m.  s.  d'autra  veiz  per  le\ar  la  iga. 

§  A  dos  homes  d'autra  \  etz  que  aporlax  o  los  gatges.  \ m.  d". 
§  A  Vaquer  c'om  trames  al  areipre\eire  a  Sarlat.  xviii.  d". 
^  An.  Ai.  Porquer.  xni.  s.  c'om  Ihi  dévia  de  velh. 
i:^  An.  G.  ^Lanha.  xi.  s.  per  l'cserire  de  la  leva. 
250       §  A.   G">.   de  Boi-nva.  un.  d'.    a   reimei'  sos   gatges  c'om 
Ih'avia  enpenhatz'. 

1  On  a  efïacé  la  mention  suivante  : 

S^  An.  P.    del.  Solcr.  XVI.  s.  quclli  par/uct   Rotberis  d'Uzerca  per 
nu'.^sio.'^  qu'En.  G.  Bous  avin  facha.^  per  Ja  rila. 


MKMoi? ANDtM   DF.s  roNsii.s   HK  I. A   \i!,i,r-:  nK  M Aini.i.     ■J(!:i 

5;  Au  Hugo  de  Solhac.  ni.  s.  e.  vni.  d".  pci-  la    luossio  que: 
feii'o  aquolh  que  tViro  la  iga. 

§  A  Meuoire.  vi.  d'.  que  traniezcni  au.  ]{.  Las  Kstnis. 
::^5o       Jî  A  Coli  d'autra  part.  xir.  d'. 

§  Au.  W.  i\  au.  G"i  Cartel-,  xii.  s.  pei-  euieuda   de  la  uiaio 
(•'oui  lor  ars. 

i:^  Au.  G'"  Carter,  xv.  s.  de  \i  cpu'  begro  afiuelh  quefeiro 
la  iga. 
260       §  Au.  W.  Carter,  xm.  d'.  a  reiuier  sos  gatges  c'om  Ih'ax  ia 
enpeuhatz. 

§  A.  P.  del  Peiret.  v.  s.  car  trobcm  eso-ich  el  papei-  ('"oui 
los  redes  a  tôt  home  que  agues  fach  so  mur. 
J;  Au.  G.  Obrer.  ini.  s.  per  aeo  meish. 
265       i}  A  Giuud.  xnir.  s.  e.  vni.  d'.  e'om  llii  dévia  de  \elli. 

§  Arcambal.  Pouto.  xv.  s.  qu'oui  Ihi  dévia,  per  la  bestia. 
§  A.   P.   .Jolia.  XM.  d'.   c'ou)  Ihi   de\  ia    du  fromatge   que 
menger[o]  aquel  que  leiro  la  iga. 

§  An.  S.  Bertran.  un.  Ih.  per  loguer  de  la  maio. 
270      i:^  Au  Hugo  del  Foru.  vri.i.  s.  a   rcMmer  sas  bestias  c'om 
lh[i  p]res  a  Croisha. 

§  A.  W.  Menoire.  v.s.  perrajoruauieudei  abat  d'Oba[zijua 
a  Caortz. 

{^  An.  Ai.  Escuder.  x.  d'.  eu  sesca. 
27.")       i:^  E.  II.  deners  en  techa  a  escrire  e  eu  una  caudela. 
>:^  A  Sargonac.  xii.  d".  a  las  trompas  adobar. 
^  A  San  Lhaube.  m.  s.  c'om  Ihi  dévia. 
§  An  Helias  de  Boishet,  xl.  ih.  s.  pcls  draps  dels  sir\ens 
i^  A  maestre.  P.  Xapros.  c.  s. 
280       i^  A  Johau  de  Camboliva.  viii.  s.  per  messio  c'om  fetz  a  la 
iga  far. 

î:?  A  maestre.  \{.  Las.  Esiras.  xl.  s.  d'autra   \r\/.  que  Ih'eu 
paguet,  B.  Boieis. 

5^  .\u.  B.  Bou.  viM.  s.  per  sa  ix'siia. 
2>^."j       >^  A  lor  de  Croisha  pagueui  <mi    la  piiuiciia  pag.i.  w.  \iiii. 
lli.  a  Lodor. 

{^  E.  XX.  Ih.  r'om  ur  paguet  per  lor  au.  G'"  Sagresta.  |)oi 
d'autra  part. 

1^5  E    ela    maio  .B.    dal    Bou    coiuiuniideui    ue   i,.vm.    Ih. 
2!)0  d'autra  |);irt  a  pagai- l<ir  dr  ('roivli,!. 


2<l4  RKVTT,    Di-:    PMILOLOGIK    FHANfAIi^K 

§  An.  G.  Cassafort  a^oni  sont.  xl.v.  s.  que  dévia  de  sa 
iga  perlas  anadas  e  pel  senizi  que  a  fach  a  la  vila  el  nostre 
eossolat. 

§  E  an.  R.  de  Cironlia  solsem  ne  d'ishamen.  xxv.  s.  pei- 
295  aoo  meish. 

§  [L'jesci'ivas  del  Seneschalc  niaoslre.  W.  ae  ne.  xvn.  Ui. 
e  meja  per  escrire  la  enquesta. 

§  Maestre.  R.  Las  Estras.  l.  s.  poi-  so  que  nos  \algues  ab 
^o  Seneschalc  c'om  Ihi  promes  a  Caslelnou. 
800      e  poi  d'autra  part  el  e  N'  Hugo  lo  Meire.  xxx.  s.  pel  respech 
que  nos  l'eiro  de  la  paga  da  Croisha. 

§  Aimafrs]  de  Surias.  xv.  s.  per  escrire  e  pei-  parjami 
c'om  n'ac. 

v^  G.  Salanios.  vu.  s.  per  escrire  e  per  paijanii. 
oO")       §  An  Hugo  lo  Meire.   c.  s.  per  messios  que  demandava 
cant  aportet  las  letras  del  Seneschalc  del  juijamen  da  Croisha. 
e  d'autras  fautas  (?)  que  denKinda\a. 

^  Lhi  sirven  que  an  levada  la  iga  agro  ne.  x.  Ih. 

5:5  Xos  autre  cossol  avem  ne  agudas.  x.  Ih. 
810       §  E  la  menhs  ^alensa  dels  dencrs  de  tota  la  iga  costa.  l.  s. 


TERMES  DU  PATOIS  DE  JOXS  (ISÈRE)  ' 

IlliCUKlLLIS    PAR    A.    KKP.UAND 


Le  lit. 

lo,  on  liet,  —  li*.   un  lit. 

lo  bops  de  liet,  le  lii)i>  de  liî. 

la  paillachiéri,  la  paillasse. 

la  ballufiérî,  la  balloufière. 

lo  lineul,  le  linceul,  les  dj-ips. 

la  ciuveila,  la  couvei'te. 

lo  chavet,  le  chevet. 

la  têti  dou  liet   le  têliei-.  la  trie  du  lit. 

lo  |)i  dou  liet,  le  pic^l  du  lit. 

on  chiel  de  lièt,  un  ciel  de  lit. 

lo  ridiau,  les  rideaus. 

la  cortina,  la  courtine. 

la  ruella  dou  lièt.  la  iiiclli-  du  lit. 

la  lieta,  le  tiloil- dr  la  taldr.  de  la  jia  l'd <'-!■( il ><>. 

La  maison. 

la,  uua  uiaïu/cui.  —  la.  une  maison, 
la  logi,  le  lojiis. 

la  cabana,  la  cabane,  la  caniliu/a,  la  (•aulbu^e. 
la  cahiuta,  la  cahut(\ 
una  boëtta,  une  boîte. 

la  carcina,  cassine,  maison  mal  icnue.   l'eiiic  maison  où 
"on  est  trop  chauffé,  fumé, 
la  chambra,  la  chambre, 
una  piéci,  une  pièce  d'ap|)ariemt'ui. 
lo  eambion.  !•'  i'liauil)ioii. 

1.    N'oy.   limir  i/c  p/,ilt)l(>iji('  /raiiça(.<<',  IV,  il'iO. 


26(5  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

lo  degré  ou  loz  escali,  les  degrés  de  l'escaliei-. 
lo  granî,  le  grenier, 
lo  galeta,  le  galetas. 

lo  cruvert^  le  couvert  ou  toit;  lez  étiole,  les  tuiles;  la  thuella, 
le  thuelle,  à  Éclose. 

la  liquerna,  lo  zu  de  bou,  la  lucarne. 

lo  golet,  la  goleta,  le  trou  sous  le  toit  ou  au  mur. 

la  pourta,  la  porte. 

la  fenétra,  la  fenêtre. 

lo  volet,  l'auvent,  —  le  volet. 

la  serralî,  la  serrure. 

lo  ferroul,  le  verrou. 

lo  liquet,  le  loquet. 

una  tacola,  une  tacole  (cheville). 

on  cardenas,  un  cadenas. 

Les  meubles. 

una,  la  trabla,  —  une,  la  table;  le  trable,  les  tables. 

la  lieta,  le  tiroir  de  la  table. 

la  sella,  la  chaise;  lo  fauteu,  le  fauteuil. 

le  selle,  les  chaises. 

la  mée,  lapétrière;  lo  râclia-mée,  le  ràcle-pétrin. 

un'  archi.  un  cofïre. 

on  bullet,  un  buffet. 

lo  relojo,  l'horloge,  la  clia  dou  relojo. 

un'  arnioinro,  une  armoire. 

ongabelon,  on  cabelon,  un  tabouret,  banc  très  bas,  l'an- 
cien banc  des  églises,  des  chapelles. 

una  gardarôba,  une  garde-robe. 

lo  paraplu,  lo  paraplévi,  le  parapluie. 

lo  redressoè,  lo  rodressu,  le  redressoir,  étagère  à  rayons 
où  l'on  tient  la  vaisselle  (assiettes)  di-oite. 

lo  mira,  lo  mirai,  le  miroir. 

lo  ban,  le  f)anc. 

lo  poalo,  le  poêle. 

lo  cornet,  le  tuyau. 

lo  bernar,  le  pique-feu. 

lo  fregon,  le  fourgon  ou  pique-feu. 

lo  cocu,  l'horloge  sans  caisse,  un  coucou. 


TKKMES  UU  PATOIS  DE  JON.S  (iSÉrtE)         267 

La  cheminée. 

lo  chuniina,  la  chainiiu^ya,  la  cluMuiiu'M\ 

lo  foyot,  le  loyer,  l'àti-e. 

attiji  le  foa,  atluzye  lo  t'ua,   attisri-  le  feu. 

i'âti,   fei'  cylindiiiiu*' cieus  pour  soufflei- la  l)iaise. 

la  Ijretani.  la  l)retagiu,  la  bretagu(\  plaque  de  fonte  droite. 

lo  cuiuaclio,  la  erémaillèn',  lo  coniathio  à  l<>lose. 

figura  de  cumaclio,  laide  figuie. 

la  serventa,  la  servant!^  pour  tenir  la  porle. 

lo  treypi,  le  trépied. 

lo  landî.  le  landiei-,  le  cheiiel. 

la  forchela,  la  fourcht>ttt\ 

la  paleta,  la  pellette,  la  |)('llt'  de  la  clitMuiiK'e. 

ou  muret,  un  placard  de  chaque  côté  de  la  cheminée. 

lo  canon  de  fusî,  l'hâti,  I'âti:  le  canon  de  fusil  pour  souttlei- 
le  leu  afin  de  l'activer.  Quelquefois  c'est  la  fourchette,  qu'on 
voit  creuse,  qui  sert  à  cet  effet. 

lo  tupin  de  foa,  le  pot  qu'on  met  près  du  feu. 

lo  tupin  à  una  manetta,  le  pot  à  une  anse. 

lo  tupin  à  due  manette,  le  pot  à  d<nis  ans(>s. 

l'ullon.  l'oUon.  le  pot  (pi'on  met  près  du  feu  de  la  cheminée. 

l'uUa.  la  marmite. 

la  cassi  à  fricachi,  la  poéle  à  frire,  à  longue  queue. 

la  cassi  à  rizollar  le  châtagne,  la  poéle  à  rissoler  les  châ- 
taignes. 

on  grafi,  un  gaufrier. 

figura  de  giafi.  figure  de  gaufrier,  homme  grêlé,  maïqué 
[)ar  la  J)elile  xt'iole. 

Ustensiles  divers. 

lo  se3'l,  sa,  li;  seau. 

la  cappa,  le  seau  en  fer-blanc. 

la  manetta  dou  seyl,  l'anse  du  seau. 

lo  bassin,  le  bassin  pour  prendre  l'eau. 

la  selî  à  due  manette,  benot  en  bois,  à  deus  anses. 

la  benna,  la  benne. 

lo  benot.  le  henni. 


2fiS  HEVTE    DK    PHILOLOGIP:    FRANÇAISE 

una  gamella,  une  gamelle. 

lo  bagnon,  la  froraagère. 

una  faîssella,  une  faisselle,  moule  à  fi-omages. 

un'  assista,  une  assiette. 

un'  ecouella,  une  écuelle;  l'ecouella  a  z'oreilles,  à  coua  : 
r(^cuelle  à  oieilles,  à  queue. 

lo  pla,  le  plat;  lo  pla  à  coua,  lo  long,  lo  i-ion  :  le  plat  à 
queue,  le  plat  long,  le  plat  rond. 

on  cuttio,  un  couteau. 

la  forcheta,  la  fourchette. 

nna  culiéri,  une  cuiller. 

lo  poclii,  la  poche  en  bois,  en  tvr  battu,  la  grande  cuiller. 

l'ecando,  le  crochet  à  peser. 

lo  coivo,  le  balai. 

lo  coivo  dou  suël  en  biessi,  le  balai  de  l'aire  en  bouleau. 

la  coiveta  en  canella,  la  balayette  en  arondo  phragmite 
dite  cannelle. 

lo  covet,  de  covet  :  le  balai,  le  chardon  onoporde,  appelé 
aussi  glorieuse,  à  cause  de  son  port  majestueus.  On  en  fait 
des  balais. 

la  râpa,  la  râpe. 

la  casserola,  la  casserole,  petite  casse,  petite  poêle.  A  Saint- 
Didier,  près  la  Tour-du-Pin,  la  cassolla. 

lo  gobelet,  le  gobelet  en  fer  battu. 

la  chopina  ou  follièta,  la  cho])ine  ou  feuillette  contenant 
1/2  litre. 

lopatara,  le  pot  plein  à  ras  le  hoid. 

la  bolteli,  la  bouteille. 

lo  vaîco,  le  verre. 

la  caraila,  la  carafe. 

la  cumouri,  l'écumoiic. 

la  passourî,  la  passoire. 

le/  ouille,  lez  uille,  les  aigiulh>s;  Tullion,  l'aiguillon. 

r(>))inlî,  l'i'-pingle. 

on  gnai-o,  un  connaisseur,  un  hommt'  (pu  trouve  à  redire 
sui-  le  ti-avail,  sur  les  fautes. 


TERMES    DV    PATOIS    DE    JONS    (ISÈREI  '2('tU 


Instruments. 

lo  goy,  lo  guï,  lo  goïn,  Ui  go\:i  :  la  sci'i^o. 

la  goyota,  la  soipettc. 

la  piarda,  la  pioche. 

Fachon,  la  haclio. 

la  massi,  la  niasso. 

lo  coin,  le  coin. 

uua  baissa,  une  béehe. 

lo  bissolet,  la  houe  à  deiis  deuls. 

la  taravella,  la  taiièic. 

logovi,covî,  copl  :  la  tatiéie  demi-cyliudri(iue.  On  dit  à 
Eclose  in  abro  gova,  pour  un  arbre  creus.  Ce  mot  doit  se 
rattacher  à  caver  =  creuser. 

lo  martiau,  le  marteau. 

lo  martel  à  Eclose. 

loz  enehaplots,  les  marteaus  à  battre  la  fuus. 

enchaplar,  frapper  la  fans  avec  les  enehaplots, 

lo  covî,  le  coyer,  étui  à  meule. 

la  trin,  le  trident,  lo  treyen  à  Eclose. 

la  paela,  la  pelle. 

la  dallie,  la  faus. 

1(»  dallion,  la  i'ans  plus  petite. 

la  forclii,  la  feurchi,  la  fourche. 

l'echiella,  réchelle. 

lo  tracjuinet,  le  taiare. 

lo  volant,  la  faucili.  la  volanda,  faucilles. 

la  seyta.  la  scie  à  Kclose;  seytar.  scier;  —  ici  chaiiia  . 
chaittar. 

Les   joncs. 

lo  jtni,  Ir  jonc;  de  jon,  des  joncs. 

la  maiolla,  jonc  mâle  ;  la  imissetle,  roseau  de  la  pa-^sion. 
Le  jonc  femelle  est  employé  par  les  tonneliers. 

lo  jon  per  le  vigne,  le  jonc  commun  pour  liei-  les  vignes. 

lo  jon  rojo,  le  jonc  vert  noii'âti-e,  rougeâli-e  a|)ivs  la  gtd(''e. 
jonc  des  étangs,  des  cours  d'eau. 


210  REVLF,    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAI&R 

lo  roseau  carriau,  carex  dont  les  enfants  font  des  sifilets 
(avec  les  feuilles).  Les  feuilles  larges  et  coupantes  des  deus 
côtés  rappèlent  la  forme  d'une  éppe  (le  carreau). 

lo  cuttio,  iris  des  marais. 

la  lèchi,  le  carex  leiche. 

le  lichiére,  les  prôs  marocageus  où  poussent  abondanuin'iil 
lies  lèches. 

le  bauclie,  les  blaches,  employées  par  les  chaisiers  poui- 
empailler  les  chaises. 

la  canella,  le  roseau  des  marais,  étangs,  bords  des  cours 
d'eau,  l'arondo  phragmite. 

de  canelle,  des  cannelles.  On  en  coupe  l'extrémité  pour  en 
faire  des  balayettes,  espèces  de  phimeaus. 


le  niole.  le  nivoale,  le  nivole,  les  brouillaids. 
niollu,  qui  eraint  le  brouillard,  mal  vêtu, 
nivolu,    nublo,    nivolassu,    temps    nébuleus.    couvert  de 
brouillards. 

Les  poissons  du  Rhône. 

lo  pâsson  dou  Rhôno,  lo  payssoii  à  hJclose. 

la  carpa,  la  carpe. 

lo  barbau,  le  barbeau. 

lo  gojon,  le  goujon. 

la  tinchi,  la  tanche. 

la  brama,  la  brème. 

la  bordella,  la  petite  brème  ou  bordellièi-e. 

la  perchi,  la  perche. 

l'âpron,  l'âpron. 

l'ableta,  rablette. 

lo  vairon,  le  véron. 

lo  gardon,  le  gardon. 

la  leuci,  le  leusse. 

la  rossa,  le  rouget. 

la  drumili,  dormilleou  loche. 

lo  broche,  le  brochet. 

la  truita,  la  truite. 

Tombro.  l'ombre. 


TEKMiis  nr   PATOIS   DK  JONs   (isi^:iti;)  ''Tl 

lo  chifro,  l'esturgeon,   ainsi    nommé  chiffre  (zéro)  parcj 
qu'il  a  des  trous  ronds  de  chaque  côté  de  la  tête, 
l'anguila,  l'anguille, 
lo  chavasson,  la  elKManiic 
la  soifi.  la  suif, 
la  lôta.  la  lotit-. 

Animaus  divers. 

la  renali,  la  gi'i'UDuillc. 

on  renalî,  un  liomni!'  (jui  ain\e  à  boire  abondamnieni. 

lo  crapot,  le  ciupaud,  lo  erapot  bufl'e  =  souffle  fort. 

lo  luézar,  le  lézard. 

la  lêzar,  le  lézard  ;  la  larmusa  r=  lé/ard  gris. 

(  )n  dit  à  Krlosc  : 

Lué/.ar,  bataillar. 

Si  te  me  mor. 

Di  dirai  u  cura. 

((  Lézard  batailleur,     si  tu  me  mords,  je  le  dirai  au  curé.  » 

Neserait-ce  pas  une  réminiscencedelaconjuralion  du  moyen 
âge  pratiquée  par  les  curés? 

una  sarpént,  un  serpent. 

nna  vipérî,  une  vipère. 

dez  ecrevicho,  des  écre visses  (ciî  crustacé  écrit  avec  ses 
pattes). 

lo  chainbro.  à  l'iclose  l'écrevisse;  de  chaml)ii),  des  écre- 
visses. 

lo  râclio,  la  reinetti',  gieiiouille  veile  des  arbres.  Loisqu'il 
crie,  il  annonce  la  pluie,  dit-on,  à  Jons  et  ailleurs.  Lo  râclio 
thiére  la  plévi,  la  grenouille  verte  ap[)éle  la  pluie. 

Le  pivert  est  oiseau  de  pluie  ou  de  variation  de  tempt-rature. 

Quainl  lo  piocha  bélc.  lo  tan  va  changi:  quand  le  pivert  crif, 
1<'  temps  va  changer.  A  Jons.  on  observe  beaucoup  le  chant 
du  coq  aj)rès  le  coucher  des  poules,  après  soleil  couché;  on 
dit  que  c'est  un  signe  de  changement  de  tempé'ralure  :  vent. 
pluie. 

io  renâr.  le  renard. 


2l'2  REVUE    DE    FMIILOLOGIE    FRAN(;aISE 

Engins  de  pêche. 

la  liiii,  la  ligue. 

la  trubla,  la  trouble. 

lo  voi'\  Li,  le  verveus. 

la  gojoniéri,  la  goujonnièr-e  (en  osier). 

lo  tramalia  ou  fila,  le  tramail  ou  filet. 

lo  carra,  le  carré  (pêche  à  l'acuta.  à  l'écoute). 

lo  fî,  la  chaîne  à  hameçons. 

lo  bocliar,  l'hameçon. 

lo  lacet,  le  lacet. 

la  poche,  le  sac  ou  panier  pour  mettre  le  poisson. 

l'amorta  pêche,  ce  qui  tient  l'hameçon  à  la  ligne. 

lo  plom,  le  plomb. 

lo  bouchon,  le  bouchon. 

laperchi,  la  perche  formant  la  ligne. 

la  tréna,  la  traîne. 

lo  bâchu,  le  réservoir  à  poisson  dans  un  bateau. 

Paniers. 

on  panî,  un  panier;  lo  long,  lo  rion,  l'ovalo,  les  paniers 
longs  (rectangulaires  ou  carrés),  les  paniers  ronds,  les  paniers 
ovales. 

la  manetta,  l'anse. 

le  manette,  due  manette,  les  anses,  deus  anses. 

lo  fond,  le  fond. 

le  clozin,  l'osier  passé  entre  les  montants. 

unacavanî,  panier,  plutôt  corbeille  ovale  profonde. 

una  gavagnî,  à  Éclose,  pour  transporter  des  pommes  de 
terre,  des  betteraves.  On  les  fait  à  Kclose  avec  do  la  clématite 
et  des  montants  de  châtaigni(^r. 

la  beurrichi,  la  bourrich(\.  panier  de  forme  ovale  à  une 
seule  ouverture  au  milieu.  C'est  un  panier  à  noisettes,  à  nois. 
dans  nos  campagnes. 

lo  caban,  lo  caba,  le  cabas  fait  avec  des  tresses  de  paille. 

on  cruverclio,  lo  cruvert,  les  couvercles  du  panier.  Lo 
cruvisset,  à  Kclose. 


TEK.MES    r>V    PATOIS    DU    JO.NS    (ISKHE)  'i  l'i 

On  ciuploie  l'osiei-.  la  ('l(''m:ititi\  les  côtos  (bois  retondul  du 
H<iis(Mi(M'  poiii-  ('onlVctiounei-  les  paniers.  Le  bois  jeune  du 
oliàiaiguior  stMt  poui-  faii-e  les  inoulnuts.  les  cereles  ou  ovales, 
les  aies,  les  ;ii\'0iis. 

L'emballage. 

Lo  vaui  de  l'u/iiia  de  SaiiH-Foiis  à  Jon  :  Le  vannier  (|ui 
ti'availU'  pour  les  verreries,  les  fabriques  de  produits  cliinii- 
ques  de  Saint-Fons.  AJons  plusieurs  familles  confectionnent 
des  corbeilles  en  osier  brut,  appelées  balles,  pour  Saint-Fons 
et  Lyon. 

una  bonlxnie.  une  l)t>ni)onnc. 

l;i  balla.  laball.'. 

la  balla  per  lo  niasson,  la  mal  le  pour  le  niac,'on. 

unacrubilî,  une  corbeille;  de  ciubile.  des  corbeilles. 

lo  panî  per  lo  boïon.  le  panier  ])our  le  xenu.  pour  le  sevrei-. 

lo  panî  à  vache,  à  chuvo.  panier  pour  mettre  au  museau  des 
vaches,  des  chevaus.  afin  qu'ils  ne  mangent  pas  lorsqu'ils 
lia  vaillent  près  d'un  fourrage  vert. 

la  l)o(\la.  la  cage  à  poussins  appelée  aussi  crénelle. 

Lo/.'  oiil  don  vani,  les  outils  du  vannier. 

la  goya.  la  serpette. 

un  sicateu.  un  sécateur. 

una  batla  peicabachî  lo  clozin.  nncbaltepour  unir  le  (.losin. 

una  brocheta.  un  poiuc-on. 

un  peluc.'oir,  un  épluchoir. 

im  ccrclio.  un  cercle. 

una  couida.  une  cordi'. 

una  mesura,  un  mèiri'. 

Le  vannier  est  assis  siu'  im  plafond.  e'i->i-;'i-dii'i-  un  plancher, 
lor'-ipril  ira\aille. 

Attelage  de  vaches,  bœufs. 

lo  jou.  /on.  le  joug, 
lajuclia:  la  joucle,  lanière  de  eiiii-. 

la  nuirili.  la  nmrille.  coussini'i  >^ur  li'  froiu  de  la  Itèie  île 
trail. 

lo  collar,  le  collier. 

Ui;vLi-:   nii  l'iuLoi.oi.u:,   vu.  18 


274  REVfE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

apleïer,  apleye,  atteler, 
depleye,  dételer. 

abecye,  atteler,  à  Eclose.  Debecye,  dételer, 
la,  una  tetiéri,  joug  pour  un  breuf,  une  vache  tirant  seule, 
virigoîî,  aller  en  tournant  à  droite,  à  gauche. 
jonî,  jonye,  jogne  :  mettre  les  bœufs,  les  vaches  sous  le  joug 
pour  les  lier. 

La  banne. 

la  bana,  la  corne  de  la  vache,  du  bœuf 

ebanar,  écorner,  se  dit  lorsque  la  corne  se  décoiffe  près  de 
la  tête. 

La  vachi  se  t'ébana,  s'est  écornée  ;  la  vatzi  se  t'csbanadii 
(Cantal).^ 

Cette  corne  ou  trompe  servait  à  publier  les  bans  au  village; 
on  annonçait  les  publications  à  son  de  trompe  ou  banne.  De 
ban  on  a  fait  banne. 

La  lessive. 

la  bouya,  la  buya  :  la  buée,  la  lessive. 

una  gierla,  une  gerle  ou  cuvier. 

lo  peyr,  le  chaudron;  on  peyrol,  chaudronnier.  Peyrollerie, 
Pérollier,  Pérollerie,  noms  de  rues. 

una  peyreta,  un  petit  chaudron.  Le  chaudron  en  cuivre 
rouge  n'est  plus  d'usage. 

l'ulla,  la  marmite. 

una  chaudiérî,  une  chaudière. 

on  jitou,  vase  emmanché  pour  mettre  le  lessif  (lo  lissu, 
lèssu)  sur  le  cuvier  ou  dans  la  chaudière. 

trémpar  lolinjo,  tremper  le  linge. 

assogye,  ensogye  à  Éclose,  essanger  le  linge. 

la  sella  de  bouya,  la  chaise,  trépied,  pour  tenir  le  cuvier. 

on  battillon,  le  battillon  pour  le  linge.  Les  vieilles  ména- 
gères n'aiment  pas  le  battillon.  On  ne  se  sert  pas  du  bat- 
tillon à  Kclose. 

Vêtements  d'homme. 

lo  chapiau,  le  chapeau.  Lochapel,  à  Kclose. 
la  casquela,  la  casquetle. 


l'ERMES    Di;    PATOIS    DE   ,IONS    (  ISÈRE)  275 

lo  bomiot,  le  l)omiei. 

lo  boiinoi  (jLie  l)aii(l('.  l'aiiciiMi  lioiinot  de  laine  Cjiii  se  tenait 
droit  sur  la  lële. 

la  cliunii/i.  la  ch^'iuisc.  La  chaniizi,  à  Kclose. 

una  euUola.  une  culoiu^;  de  culoiie,  des  culottes. 

lo  gilet,  le  gilet. 

la  vesta,  la  veste. 

lo  paleto,  le  paletot. 

la  blauda.  la  blouse;  le  blaude,  les  blouses. 

on  sola,  un  soulier;  désola,  des  souliers. 

una  galochî,  une  galoche. 

una  chaussetii.  una  chusseta  :  une  chaussette. 

on  bas,  un  bas;  de  bas,  des  bas. 

la  faca.  la  poche;  la  saca,  à  Kclose. 

lo  mochu  de  faca,   le  mouchoir  de  poche. 

riiiiaiidcliéri.  Tarondeliéri  :  la  poche  de  dessous  de  la  veste, 
du  gilet.  Elle  ressemble  au  nid  d'hirondelles  applique  contre 
un  mur,  une  planche  ou  une  poutre. 

la  crevata.  la  cravata  :  la  cravate. 

Vêtements  de  femme 

on  bonnet,  un  boniict. 

lo  chapiau,  lo  chapel,   le  chapeau;  la  capeta,   la  rrena.  la 
tresse  du  chapeau;  la  capella,  le  chapeau  en  paille  haut, 
lacoîiïi,  la  coifie. 

la  calcta,  la  calette,  coill'e  montée  en  dcnitelles. 
una  collereta,  une  cnllei'ette. 
la  chumizi.  la  chemise, 
la  brassiêià,  la  brassière  ou  taille, 
lo  cotillon,  la  jupe, 
la  robba.  la  robe. 

lo  devanli,  le  devanlicr,  h'  tablier, 
lo  bas,  les  bas.  Lo  sola.  les  souliers, 
la  camisola,  la  camisole, 
on  corset,  un  corset, 

loz  affût iau  de  le  joune.  Les  allutiaus  des  jeunes, 
les  nippes,  l('s  bardes  des  vieilles. 


270  REVUE    nE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

lo  mochu  de  cambrezina.  Le  mouchoir  en  cambrésine. 
le  iTiochu  de  co  en  thibe.  Le  mouchoir  de  cou  en  thibet. 
lo  bas  blu  en  teila  bluva,  les  bas  bleus  en  toile  bleue. 

Le  chanvre. 

lo  chenevo,  le  chanvre. 

lo  manou  à  Jons,  lo  maton  à  Kclose:  le  petit  paquet  du 
contenu  des  deus  mains. 

la  boêissi,  boissi,  la  botte  de  trois  à  quatre  manous. 

bloyer  :  tiller,  teiller  le  chanvre. 

una  daita,  une  doigtée  de  filasse.  ()n  dit  doier  à  Jons  pour 
montrer  du  doigt  :  Ou  m'a  deia,  il  m'a  montré  du  doigt. 

unaglia,  clia,  plusieurs  doigtées  nouées  ;  una  trena,  tresse. 

rubattar,  passer  le  chanvre  sous  la  pierre  du  pressoir. 

pinar,  peigner  la  filasse. 

una  colleni,  une  quenouille  l'e  qualité. 

la  ritta,  la  rite,  la  2«  filasse  peignée. 

l'etoppa,  dez'  étoppe,  Tétoupo.  des  étoupes. 

lo  tor,  le  tour. 

la  bobili,  la  bobine. 

le  devuidou,  le  dévidoir. 

Techaviau ,  l'écheveau . 

lo  chandillon,  la  chenevotte,  la  petite  cliandelle. 

neijir,  blanchir  le  chanvre  dans  Teau,  le  faire  rouir. 

chenaviéri,  lieu  semé  de  chanvre. 

Dérivés  :  Canevas,  Chenevaz,  Chénevier,  Chenavas,  Cliena- 
vassier,  Chenavier. 

On  dit  improprement  le  mâle  pour  la  plante  qui  porto  la 
graine  et  la  femelle  pour  la  plante  mâle. 

Vavq  marié  eh  mode  de  clianvre.  Se  dit  lorsque  la  femme 
vaut  mieus  que  l'homme,  en  acceptant  le  sens  erroné  du 
genre. 

On  dit  dans  quelques  localités  lo  chambro,  le  chambre, 
pour  chanvre. 


nr    PATOIS   III"  ,io.\> 


La  Chandeleur. 


la  Cliandclii/a.  la  (''liaiidoltHir. 

Les  anciens  ohser\ai(mt.  beaucoup  la  (euipêralurc  de  ce 
jour. 

nicton  :  Si  le  soleil  lèv(^  beau  et  qu'il  se  tienne  beau  sans 
nuage,  sans  r\vo  obscurci  de  la  jouriK'e.  c'est  signe  de  beau 
temps,  d'un  printemps  |)i"èeoee. 

Si  le  soleil  paraîi  le  matin,  se  cache  sous  les  nuages  et 
fait  seulemeni  quebiues  apparitions,  l'ours  sort  de  sa  tanière, 
fail  deus  ou  trois  sauts  et  rentre  pour  ne  plus  sortir  pendant 
quarante  jours.  C'est  signe  de  la  prolongation  de  l'hiver 
rigoureus. 

Ciiandeleur.  chandelier. 

Claire  journée, 

lùicore  un  hiver  vous  aurez. 

En  IS'KX  le  soieil  a  paru  toute  la,  journée,  beau  icnips 
assez  dons. 

.\  la  Chandelusa.  le^  jours  croissent  du  repas  d'une  épousa 
(•i  heures I. 

Le  métier  du  canut. 

lo  meiî,  le  métier. 

lo  canut,  le  canut. 

lo  quatro  montan,  les  quatre  montants. 

lez  estase,  les  estases  (poteau  qui  unit  les  montants,  placé 
au-dessus  d'eus). 

lo  pontau.  les  ponteaus  au-dessus  des  montants  qui  les 
fixent  au  plancher. 

lo  metî  à  taco.  le  nu'îlier  à  chevilh»,  l'ancien. 

lo  metî  à  rcgulateu,  le  métier  à  régulateur. 

on  roulau  de  piéci,  le  rouleau  pour  la  pièce. 

on  roulau  de  poil,  un  rouhïau  pour  lo  poil. 

lo  roulau  à  l)oêt(a.  U',  roulcMii  ;'i  l)oît(\ 

lo  rostin.  la  li-^icrc 

lo  pourta  rostin,  le  porte-rosim. 

lo  riMuisse,  les  r(''misses. 

lo  lisscron.  le  lissoir. 

lo  pino.  le  peigne. 


278  lîEVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

lo  batian.  le  battant, 
le  marche,  les  marches.    , 
lez  estreviére,  les  étrivières. 
lo  carrate,  les  carrattes. 
lo  rabat,  le  rabat, 
la  clia  de  derri,  la  clef  de  derrière, 
la  clia  de  devan,  la  clef  de  devant, 
la  clia  que  tin  le  marche,  la  clef  qui  tient  les  marches, 
lo  rabô,  le  rabot. 

lo  panère,  la  basane  pour  essuyer. 
la  braisseta,  la  brosse, 
lo  bâton  de  poil,  le  bâton  pour  le  poil, 
la  contra  vergi,  la  contreverge;   le  verge,  les  verges. 
lo  tampià,  le  tampier  qui  tient  la  largeur  de  la  pièce, 
lo  compasteur,  le  compasteur. 

la  navette  qui  contient  la  canette,  les  poinlizailes.   lo  lio 
(la  caneta),  les  annelets  (loz  agnelet), 
la  caissi,  la  caisse, 
lo  métré,  le  mètre, 
lo  roët,  le  rouet, 
lo  dobloi.  le  doubloir. 
la  pancana,  lo  roquet,  le  roquet  ou  bobine. 
locaistin,  la  petite  caisse, 
lo  savoyar;  le  sac  plein  de  ferraille  qui  peut. 

10  valet,  le  valet. 

11  y  a  une  chanson  qui  emploie  tous  ces  termes.  Le  mol 
canut  est  un  terme  d'injure.  Les  cultivateurs  à  bout  de  jurons 
contre  les  bêtes  de  trait  leur  disent  :  S.  grand  canut;  b.  de 
canut.  On  dit  plus  honorablemeni  :  veloutier,  tisseur;  c'est 
ainsi  que  s'expriment  les  ouvriers  en  soie. 

la  canusaiî,  le  tissage  de  la  soie. 

Au  tarif,  canut!  monte  la  colère  du  tisseur. 

Le  canut  est  pimpant  quand  le  travail  abonde  ;  mais  gare 
le  chômage!  Vivant  au  jour  le  jour,  un  chômage  un  peu  long 
amène  la  gêne  et  la  noire  misère.  On  peut  dire  que  l'expérience 
les  a  rendus  plus  prévoyants,  partant  plus  économes,  prenant 
le  chemin  de  la  caisse  d'épaigne  dans  la  prospérité. 

Canut  et  laboureur  sont  dans  un  autagonisnie  moins 
tranché  qu'autrefois,  cependant  il  persiste. 


TKK.NtES    ni'    l\^TOIS    DK    .IONS    (iSÈnK)  279 

Le  charron 

la  chai'cta.  la  chairette. 

lo  tombariau,  le  tombereau.  Lo  tombarel.  à  Eclose. 

la  cbarui.  la  charrue. 

lo  roulau.  le  rouleau. 

charrette:  lo  brancar,  le  brancard;  lo  tor  avoé  le  mule,  le 
tour  et  les  mules;  la  ridella,  le  ridelle;  lez  echieletc, 
échellettes;  rétancillon,  la  mécanique;  le  rue,  les  roues,  la 
ruéri,  l'ornière;  l'eyssi,  l'essieu;  le  tavelle,  les  billes;  le 
courde,  les  cordes  ;  lo  rateli.  le  râtelier  ;  le  chambrière,  lo  cham- 
brillon, 

charrue  :  la  perchi,  perche,  flèche;  le  courne.  les  cornes; 
la  lamou,  la  lame  de  fer;  l'oulî,  l'uli,  le  régulateur;  lo  sue, 
le  soc;  lo  cutro,  le  coutre  avec  son  coin;  l'oreli,  le  versoir; 
lo  chavêtre,  le  chevêtre;  le  plaque  de  la  lamou,  lo  cadeli,  la 
roue  d'avant;  cadelle,  roue  pleine  ou  poulie;  la  terdella, 
anneau  pour  accrocher  le  doublier;  lo  chario,  le  chariot  ou 
avant-train. 

lo  monyou,  le  moyeu. 

rherpi,  la  herse;  herpeyer,  herser. 

On  a  des  rouleaus  en  pierre,  à  Jons,  pour  battre  le  blé  et 
de  plus  petits  pour  écraser  les  mottes  du  sol  qui  est  argileus- 
marneus.  Quelques-uns  sont  composés  de  deus  cylindres  en 
pierre. 

on  berau.  un  tombereau  à  bras. 

una  bereta,  une  brouette,  l'na  baruéta,  à  Eclose. 

L'église. 

Tegliaizi.  l'église. 

la  cliiéri  à  prcgî,  la  chaire  à  |)récher;  pregi.  prêcher;  lo 
pregn.  le  prêcheur. 

lo  l)an  dou  cura,  le  l)anc  du  curé. 

lo  ban  dou  chantre,  le  banc  des  chantres. 

allumar  lo  ciro,  allumer  les  cierges;  lo  ciro,  le  cierge  en 
cire. 

lo  chandelî,  le  chandeli<.»r. 

l'amorton  de  ciro,  rétcignoir. 


280  lilAlE    DI-:    l'HILOLOf.lL;    FRANÇAISE 

la  velyuza,  la  veilleuse. 

lo  chandelî  de  l'autel,  les  chandeliers  de  l'aulel. 
la  cruï, la  crois, 
l'ostensoi,  Tostensoir. 
lo  calice,  le  calice, 
la  paleta,  la  patène, 
la  chazubla,  la  chasuble, 
la  cliocheta,  la  clochette, 
la  cliochî,  la  cloche, 
lo  benaîti,  le  bénitier, 
la  bâniéri,  la  bannière, 
baly  Taspèrclion,  donner  Taspersion. 
baly  la  benedicchon,  donner  la  bénédiction, 
lamessa,  la  messe. 

lo  vépre,  les  vêpres;  bon  vépre,  bonsoir, 
sunâr  à  grand  brando,  sonner  à  grand  branle, 
sunâr  lo  tacassin,  sonner  le  tocsin. 
sunâr  lo  glas,  sonner  le  glas. 

sunâr  la  remembranchi,  sonner  la  remembrance,  c'est-à- 
dire  le  souvenir,  se  dit  mieus  à  Jons  (|ne  soinicr  le  glas. 
una  statue,  in'  estatue,  une  statue. 
lo  cura,  le  curé,  Lo  vikéro,  le  vicaire. 
lo  sumitiéro,  le  cimetière, 
la  fossa,  la  fosse. 

la  biéri,  la  bière.  Lo  cliancel,  à  hlclosc 
lo  mortuéro,  le  drap  mortuaire 

Les  vents. 

la  serina,  la  matinée, 
la  matiniéri,  le  vent  d'est. 

lo  matinotz,  les  gens  qui  habitent  ou  qui  \  ieiincnt  du  coK' 
du  matin, 
lo  cuchant,  le  couchant, 
la  traversa,  le  vent  d'ouest. 
lo  vén,  le  vent  du  midi, 
lo  miéjo,  le  midi, 
la  bizi,  le  vent  du  nord. 
la  vêprena,  le  soir. 


TKliMKS    lit      l'A  rois    DF-:    ,)()NS    (lsi;i!E)  '281 

la  lava,  le  scMTtier,  la  lave, 
on  violej,  un  polit  ehoniin. 
la  chcvela,  sevcla.  ki  laxc  en  Bresse. 


L'écurie. 

{"l'cuii,  r('cui-ii'. 

la  ereipi.  la  (a'éclie. 

lo  ràlelî.  le  râtelier. 

lo  bachiol.  \o  bassin  ou  auge. 

la  bà(;Tiolla,  la  pciite  auge  pour  r,i\oiM('. 

eheval  :  la  léta  dou  eliu\o.  la  tèic;  lo  nà,  li'  nez;  le  narille. 
li's  naseaus;  le  niaelioére.  les  mâchoires;  Ifz  oreille,  les 
oreilles;  lo  eo,  le  eou  ;  la  t'rcnyc'ri.  la.  erinirrc  ;  lo  paitra,  le 
poitrail;  lo  gari-ù.  le  garroi:  le  coule,  les  eûtes;  la  corpa.  la 
eroupe;  la  eoéssi.  la  euissc;  lo  \('nire.  lo  ventn»;  la  elianiba. 
le  ehanibe:  la,  les  jambes;  lo  jaret,  le  jard  ;  lo  sabù.  lo  sabot; 
la  coua,  la  queue. 

loz  arnaîs.  les  liarnais  ;  lo  oollàr,  \c  collier;  lasolela,  la 
selle;  la  valloyri.  reculement,  valloire;  la  douehiêri,  la 
dossière;  la  vèntriori,  la  \'(!nirière;  lo  l)ridai.  la  l)rido;  le  lico, 
le  licol  ou  lioou. 

on  loot.  on  l'uT'i  :  mi  l'ouci. 

Domestiques 

l"^"''  lo  cbarretî.  le  eliarrotier. 

2"'  lo  charreton.  le  eharreton  (pii  labunii-. 

3®  locara.  celui  qni  touche,  (|ui  picpie. 

lo  bovî,  le  bouvier  ((ui  lal)Oure  a\'ec  les  l)(r>ul's  et  sénii*. 

lo  cara  debou,  letouclion,  celui  qui  garde  aussi  les  vaches 
dans  les  champs. 

lo  vachi  à  la  ferma,  le  \acher  a  la  ferme.  <-liai'gô  de  la 
nourriture  des  vaches,  iU:  la  litière  et  du  fnnii(  i\  de  traire. 

la  scrvénta.  la  ser\'anle  de  la  ferme  (|ui  aide  ans  tra\aus 
du  nK'naire.  de  la  laiterie. 


282  REVUE    DE    PIIILOI.Oi.lK    FKANC'AISE 

Le  maréchal 

loz  outî  clou  mai'ischo.  les  outils  du  maréchal. 

la  forgi.  la  forge. 

lo  softlet,  le  soufllet. 

la  branloire. 

la  toviéri.  la  tuyère,  qui  entre  dans  le  foyer;  tovi.  brûler, 
chauffer. 

lo  bachiel.  le  bassin,  auge. 

la  niollieta.  l'étoffe  mouillée. 

lo  martiau,  les  marteaus. 

la  traversa,  marteau  à  frapper  devant,  avec  la  panne  et  la 
bouche  aus  deus  extrémités. 

la  chachi,  la  chasse  plat  en  dessous. 

lo  ferratî,  le  ferratier,  marteau  à  forger  le  l'er  à  cheval. 

lo  degoujoir,  marteau  à  faire  des  gorges. 

rencluma.  l'enclume. 

lo  billo,  le  l)illon. 

la  bigourna,  la  bigorne. 

cijo  à  enclume,  le  ciseau  à  enclume. 

le  tinaille,  les  tenailles. 

la  lopiniéri,  la  lopinière,  tenaille  qui  tient  le  lopin  de  fer 
à  forger. 

le  triquoise,  les  turcoises,  tenailles  qui  couinent. 

la  maillochi,  la  mailloche. 

lo  l)rochoir,  le  In-ochoir. 

lo  ronî-pî,  le  rogne-pied. 

lo  boutoir,  le  l)Outoir. 

la  râpa,  la  râpe. 

l'estau,  1  etau. 

chapotar,  frapper  avec  le  marteau. 

la  moula,  la  meule. 

emraollar,  passer  un  outil  iranchani  >-ur  la  meule  pour 
l'aiguiser,  l'affiler. 

laraanivella,  la  manivelle. 

la  sacochi  à  outi.  la  sacoche  qui  renferme  les  outils. 

lo  mucheïou,  l'émouchoir. 

la  cal)Oclii.  le  clou  à  grosse  tète,  caboche. 


■n:K>!Ks  m    patois  di-;  .ions  (isèke)  288 

le  inoiaille,  lo  lor-nà,  instruments  pour  mettre  au  nez  du 
cheval  lorsqu'on  le  ferre. 

lomoro,  niouro:  ne/. 

on  chièt,    le  tamis,  le  sas. 

Tappa,  la  happe. 

lo  tarau.  le  taraud. 

la  bascula  à  perci  lo  l'er  av'oè  se  mrche.  la  l)aseule  à  percer 
le  fer  avec  ses  mèches. 

lo  cijiau,  les  ciseaus  (on  ci/d,  à  Iv-lose). 

la  clia.  la  clef. 

la  filii'ri  axoè  son  lussinel,  la  Hlière  avec  son  coussinet. 

lo  tourna-gauehi.  lo  tourne  à  gauche. 

la  \  issi,  la  vi^. 

lo  \alet.  lo  valet. 

lo  i)anc.  11'  l)anc. 

la  paela.  le  tizoin  ou  fregon  :  la  pelle,  le  fourgon. 

tovî.  chauiïer  à  blanc,  calciner. 

la  lova,  le  tuf.  Le  Touveî,  chef-lieu  de  canton,  arrondis- 
sement de  Grenoble. 

tuvar,  à  Jons,  mettre  de  l'eau  chaude  dans  un  tonneau  pour 
rétuver.  le  cond)uger. 

le  Se3'tuve,  les  Seytives,  nom  d'un  grand  pré,  à  .Ions,  où 
l'eau  s'imbibe.  Il  y  existe  ;iquelqu(;s  mèti-es  un  plafond  d'eau 
comme  un  lac.  Quehpies-uns  appMeni  ce  prê  le  pr('  des 
serves,  lo  uva  de  le  serxc 


NOTES  SUR  LK  1>AT()[S  DE  GRÉZIFX-LK-MARCHK 

l'av    Bruyère 

(Cf.  Hcriic  (le  /i/ii/(,l.  Iran';.,   III.   I;'8.) 


Des  noms. 

Les  noms  masculins  ont  une  lenniuMison  (|uel(',onquc,  et. 
ils  la  cGnseiNont  dans  tous  les  cas.  Le  phuiel  ik»  la  modifie 
pas  comme  il  lo  t'ait  poui-  les  substantifs  fi-minins.  Ces 
derniers  ont  trois  finales  pour  le  siniiulier.  La  plus  commune 
est  en  a;  puis  \  iennent  celles  on  i  et  en  o.  Les  deus  pre- 
mières deviennent  en  au  pluriel  et  Tautro  ih. 

Exemple  :  la  palla,  les  pâlies;  la  hoiiitclii,  les  Ijouitclies; 
la  jorno,  les  joi-nés;  na  chamino,  de  chaminés. 

Il  est  à  remarquer  que  les  noms  féminins  en  o  expriment 
fi'iMiéi'alement  une  id('e  de  (|uantité.  de  contenance  :  palla, 
pallo,  pelle,  pellée;  assita,  '■/.s-.svYo,  assiette,  assiettée. 

Les  mots  fiaïK.'ais  introduits  depuis  peu  dans  le  pays 
conservent  la  mémo  terminaison  pour  les  deus  nomhn'S  : 
la  cbarru,  les  cliarrus. 

Au  plui-iel  les  noms  doivent  pi-cndre  .v.  La  preu\c.  c'est 
((u'on  fait  toujours  la  liaison  lorsque  dciis  mots  se  suivent  si 
le  i)reniier  csi  un  pluriel  cl  ^i  l'aulre  commence  i)ar  une 
\o\elle.  Ainsi  l'on  dit  :  riiomu,  lous  liomos  |  lou-z-honios)  : 
l'abn».  lous  a,l)ros  (lou-/,-al)ros|. 

Article. 

L'article  a  une  forme  spi'cialc  p.jur  le  uia^culiu  cl  le 
f('minin.  soit  au  siniiulici'.  s,iii  fm  pluriel: 

,.     V   lo      pour  le  singulier. 
Ma>euhn 

f  lous  pour  le   pluru'l. 

\  la      pour  le  s  i  nu  u  lier. 
l''i'minin     .  ,  .       ,  '•  , 

/  les     poui'  le   pluriel. 


PATOIS    1)F.    (.1;i';/H:i  -I.K-MAIOIIK  '^85 


Adjectifs  démonstratifs. 


Çn,  ectu,  cel,  ce,  cet. 

Cela  eotte. 

Celous  ces,  masculin. 

Ct'les  ces,  tV'iuiiiiii. 

Adjectifs  possessifs. 


Mon 

mon  ; 

nui 

ma  ; 

mos 

mes. 

Ton 

ton 

ta 

ta 

tos 

les 

Son 

son 

sa 

sa 

SOS 

ses 

Nouti'on 

noire 

no  u  Ira 

notre 

nos 

nos 

VoiUron 

votre 

Aoutra 

votre 

vos 

vos 

Lhou 

leur 

Uiou 

leur 

liions 

leurs 

Adjectifs  indéfinis. 

Parmi  les  adjeclil's  indctinis,  cens  qui  sont  d'un  usage 
assez  fréquent  sont  :  mémo,  to,  (|uô(iue,  lelo.  i;arlin,  nulo, 
auquion  el  auquin'  devant  une  vovelle. 

Pronoms  personnels. 

Les  pronoms  personnels  soin  : 

Pour  la  1'*^  personne  :  je,  me  =  je,  me,  moi,  nous. 

Pour  la  2"        —  te,  vos  =  tu,  te,  toi,  vous. 

Pour  la  a»         —  a,  al',  i,  il,  le,  les,  Uiela,  Iheles,  llii. 

Ihelos,  se,  en,:thi,  lhou,  lo,  la,  lous, 

les  =  il,  ils,  etc. 

Reiitarqaex.  —  //  au  singulier  si,'  li-aduil  par  a  d('\anl  une 
consunne  et  c//"  de\anl  une  voyelle;  au  pltirii-i,  par  /  d('\ani 
une  consonne  et  |)ar  //'  de\anl  une  voyelle. 

Elle,  elles  ont  qualie  formes.  On  emploie  le,  les  comme 
sujets:  le  clianlc,  les  chantont;  elle  chante,  elles  chantent. 
Mais  lorsque  ces  pronoms  sont  compléments  indirects  d'un 
verbe  ou  semblent  éire  cDuipléments  du  verb(.'être,  ou  encore 


•286  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

l'oiii  partie  d'une  phrase  rcdondaiiie,  ils  (le\iennen1  Uielu, 
llieles  :  o  vé  à  lliela.  c'est,  à  elle;  lliela.  le  dr  modo,  elle,  elle 
doit  partir;  vé  vé  llieles,  va  chez  elles. 

Le  a  aussi  plusieurs  formes;  tantôt  on  le  traduit  par /o; 
vé  lo  demando,  va  le  demander;  tantôt  par  on  :  j'ou  eraillo, 
je  le  crois;  je-z-ou  sons,  nous  le  sommes.  (  )n  le  voit,  /e ayant 
le  sens  de  cela  est  remplacé  par  on  que  l'on  t'ait  très  souvent 
précéder  d'un  ;;. 

Xous  sujet  n'a  pas  de  correspondant  en  patois;  on  le  rem- 
place par/e. 

Pronoms  démonstratifs. 

Ces  pronoms  sont  : 

Oeli,  celithi,  cela,  celètlii,  thinthi,  celons,  celous-ithi, 
celés,  celes-ithi.  Ci  et  Icà  sont  traduits  par  le  même  mot  :  thi. 

Pronoms  possessifs. 

Pour  ces  pronoms  on  dit  : 

Sing.  masc.      Siiii:'.   l'éiii.  Plni .  inasc.  Friii.  plur. 

Lo  mi  no  la  mina  lous  mi  nos  les  mines 

Lo  tchino  la  tchina  lous  tchinos  les  tchines 

Lo  sino  la  sina  lous  sinos  les  sines 

Lo  noutro  la  noutra  lous  noutros  les  neutres 

Lo  voutro  la  voutra  lous  voutros  les  voutres 

Lo  Ihou  la  Ihou  lous  liions  les  liions 

Pronoms  relatifs, 
(^n  dit  au  : 
Siiig.  masc.  Sing.  fcm.  l'iur.  masr.  Foin.  plur. 

Loquino  laquina      •  lousquinos        lesquines 

Duquion,duquino  de  huiuina  dousquinos  de  lesquines 
Auquion,  ouquino     a  laquina      a  lous(|uinos     a  lequines 

Ceus  qui  servent  pour  les  deus  genres  et  qu'on  emploie 
fréquemment  sont  qui.  que  et  dont. 


PATOIS  OF.  (;RK/.iKr-i.i;->r  \R(  iiK  287 


Pronoms  indéfinis. 

Parmi  les  pi-onoius  indéfinis,  les  plus  employés  sont  : 
0,  ou  on,  chocun,  autro,  parsonna.  quolhon,  Ihon  et  l'aulro, 
ren  ou  rien. 

(!)n  dit  préférablement  rifii  lors(|ue  ce  mot  est  placé  à  la 
fin  d'une  proposition,  d'une  pln-ase.  La  même  remarque 
peut  se  faire  pour  l)ien.  qui  se  prononce  aussi  hen,  suivant 
le  cas. 

On  se  traduit  par  o  ei  par  on,  mais  o  a  très  souvent  aussi 
le  sens  de  c'  dans  eest  :  o  vé  me  que  m'en  cliarjo,  r-'est  moi 
qui  m'en  charge. 

Des   verbes. 

Dans  la  première  conjugaison,  la  terminaison  er  de  l'in- 
finitif tranchais  est  remplacée  par  o  :  omo,  aimer;  duro,  durer; 
visito,  visiter;  chamino,  cheminer. 

Mais  les  verbes  qui,  dans  cette  conjugaison,  se  terminent 
pav  Hier,  sser,  cer,  [jer,  yev,  remplacent  et'  par  /  :  batailli, 
batailler;  léssi,  laisser;  commenci,  commencer;  migi,  man- 
ger; payi,  payer;  insayi,  essayer. 

Ceus  de  la  deusième  conjugaison  se  terminent  en  i  et  non 
en  //•  :  figni,  finir;  pugni,  punir;  chusi,  choisir;   ugni,   unir. 

(A^ant  ans  verbes  des  deus  autres  conjugaisons,  on  peut 
les  confondre  en  une  seule  dont  la  terminaison  est  en  rc  : 
rendre,  rendre;  /'ec"'*!?,  recevoir;  co«r'/</r,  concevoii';  codre, 
courir;  tôdre,  tordre. 

11  est  à  remarquer  que  la  terminaison  evoir  est  représentée 
par  vve  :  apercevoii-,  aparrun:";  cl  que  celle  en  re  reste  la 
même. 

Les  verbes  se  terminent  donc  à  l'infiniiif  de  trois  manières: 
en  o,  en  /  et  en  re. 

A  la  suite  du  travail  (pii  \  lent  d'ètiv  fait,  il  me  semlde 
qu'il  convient  de  placer  quelques  modèles  de  conjugaison; 
c'est  pourquoi  je  me  permès  de  conjuguer  quelques  verbes, 
mais  seulement  aus  temps  simples,  puisque  avec  eus  on  a  les 
temps  composés. 


^»b  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Verbe  avoir. 

liîd.  piT's.   Imparfait.     P.  défiiii.  Futur.  Gond.  ])\ù^. 

J'ai  j'iiyiii  i"i<*i^'  j'ai"ii  j'ai-in 

T'o  '''ly*^  '""  t'jiiv  t'ai'io 

Arou  Ta    al'ou  Tayo     al'dii  Tu         aroii  lara  al'oii  l'aro 

.rons  j'ayoïis  j'iiyun-^  j'arons  j'arions 

Vos  a\i      vos  ayo  \os  ùles         \os  aii  vos  ario 

W  ou  Tant  il"  ou  l'ayant  il*  ou  l'uvont  il'  ou  Tarant  il'  ou  l'ariant. 

Suhj.  présent  ei  iin]).  Inlinitit  prés. 

Que  j'aycssiu  ayi  et  avè 
Que  t'ayessio 

Qu'aTou  que  Tayesse  Part.  prés. 

Que  j'ayessious  ayant 

Que  vos  ayessio  Part,  passé. 

(v)a'ilou  que  rayessiaut  ayi. 

L'impératif  n'est  pas.  usité. 

Verbe  être . 
Iiul.  prés.         Imp.  P.  défini.  Futur.  Coud.  pré<. 

Je  su  j'élcliin  je  fioii  jo  serai  je  serin 

T'ésse  l'étclio  te  lus  te  soré  te  serio 

Al' ou  l'é  al'  ou  Tête  a  ou  le  fut  a  ou  le  sera  a  ou  le  sere 

Je  sous  j'étchons  je  fuyons  je  serons       je  serions 

Vos  été  vos  éteho  vos  fûtes  vos  seri  vos  serio 

I  ou  les  sont  il'  ou  l'élchanl  i  ou  les  fuyonl  i  ou  les  serant     i  ou  les  sériant 

8nlij.  jués.  et  in))!.  Infinitif. 

Que  je  sessin  être,  être 

Que  te  sessio  Part  prés. 

(,)u'a  ou  le  sesse        étant 

Que  je  sessions  Part,  passé. 

Que  vos  sessios         éto,  ayant  été.  L'impératif  n'est  pas  usité. 

Qu'i  ou  les  sessiant 


i'\ii)is   HK  (.i(i:/iiîi  -i.i;-M  \nriii. 


■im 


Verbe  chanter. 


Iiul.  pré^. 

Je  clianlo 
Te  chante 
A  ou  le  chante 
Je  chantons 
Vos  chanio 
1  nu  les  chanlonl 


Iinp 


l 'lisse  (léfiiu.         Futur  simp. 


je  chantovin  je  chantchou     j(?  chantai'ai 

te  ehanlovio  te  chantchis      te  ehantaré 

a  ou  le  cliantove  a  ou  le  cliantchi    a  ou  le  cluintara 

jechantovions  je  ehantcliillous  je  chantarons 

vos  chantovio  vos  «•hantehites    vos  chantari 

i  ou  le  chanlovianl  i  ou  le  chantctiillonl   i  ou  les  chanlaranl 


Cond.  prés. 

Je  chantari  II 
Te  chantario 
A  ou  le  chaniare 
Je  chanta  rions 
Vos  chantario 


Subj.  prés,  et  imp.     Impératif.  Infiuilif. 

que  je  chantessin     chanta  chanto 

que  te  chantessio     chantons  Part.  prés, 

quaouleehantesse  clianlo  chantant 

que  je  chantessions  Part-  passé, 

que  vos  chantessio  ayi  chanto, 


louleschantariani  <|ii'i  chantessiaui 


chanto 


Verbe   guérir. 


Ind.  pré 


lui)). 


l'a- 


<léf. 


Je  gares.so     jf  garessin 
Te  gare         te  garèssio 
A  ou  le  garé  a,  le  garèssc 
Jegarèssons  je  garèssion 
Vos  garèssi  vos  garèssio 


je  garèssiou 
te  garèssi 
a,  le  garèssi 
je  garèssi  lions 
vos  garèssiles 


Futur. 

je  garirai 
te  gariré 
a,  le  garira 
je  garirons 
vos  gariré 


I.  les  garessoni    i,  les  garèssiant  i,  les  garessillont  i,  les  garirant 


Coud.  i)ros. 

Je  gaririii 
Te  garirio 
A,  le  garirt' 
Je  gari rions 
Vos  garirio 
I .  les  gari  riant 


lui  p. 

gari 


Mibj  prés,  et  imp.     Infinitif  prés 


<|iK'  jegaressessui 
garèss(»ns    que  jo  garèssessio 
garèssi         qu'a,  le  garèssesse 
que  je  garessession.s 
que  vos  garèssessio 
qii'i,  les  qarèssessianl 


gari 

Part.  prés. 

garissani 

Part,  passé. 

gari.  ayant  gari 


ei>i  ) 


RI-ATK    DF.    l'HILOLOOlK    FHANTAISK 


Verbe-  concevoir. 


Ind.  pré^.  hnp.  Passé  défini.  Futur. 

Je  coiieevo 

Te  concevè 

A,  le  concevè 

Je  concevons 

Vos  concevi 

I,  les  concevoiit  i,  les  concevianl      i.  les  concevillonl        i,  les  concevraiU 


je  concevin     je  conceviou  je  concevrai 

te  concevio     te  concevi  te  concevè 

a,  le  concevè  a,  le  concevi  a,  le  concevra 

je  concevions  je  concevillons  je  concevrons 

vos  concevio  vos  concevites  vos  concevii 


Coud.  prés. 

Je  concevrin 
Te  concevrio 
A,  le  concevre 
Je  concevrions 
Vos  concevrio 
I,  les  concevriant 


Imp. 


Sulij.  prés,  et  imp 


luf.  pn'-> 


concevc      que  je  coneevessni       coiiçure 
concevons  que  te  concevessio       Part.  prés, 
concevi       qu'a,  le  concevesse    concevant 
que  je  concevessions  Part,  passé 
que  vos  concevessio       conclu, 
qu'i  les  coucevessiant  avaiU  conçu 


Ind.  pri's. 

Je  rende 
Te  ren 

A,  le  ren 
Je  rendons 
Vos  rendji 


Imp. 


Verbe  rendre. 

Passé  déf . 


je  rendjin 
te  rendjo 
a,  le  rende 
je  rendjons 
vos  rendjo 


je  rendjou 
te  rendji 
a,  le  rendji 
je  rendjillons 
vos  rendjites 


Futur. 

je  rendrai 
te  rendre 
a,  le  rendra 
je  rendrons 
vos  rend  ri 


i,  les  rendent    I,  lesrendjant  i,les  reridjillont  I,  les  rendront 


Cond.  pi-és. 

Je  rend  ri  n 
Te  rendrio 
A,  le  rendre 
Je  rendrions 
Vos  rendrio 
I.  les  rendriant 


imp. 


•Subj.  près,  et  in)p.  Inf,  prés. 


rcii  que  je  rendessin  rendre 

rendons  quate  rendessio  p.  prés, 

rendji       qu'a,  le  rendesse         rendant 
que  je  rendessions     p.  passé, 
que  vos  rendessio        rendu 
qu'i,  les  rendessi;int  ayant  rendu 


PATOIS    DE    GKKZIKL'-LK-MAUCHK  291 

Remai-ques.  —  Quoique  en  patois  il  n'y  ait  que  trois 
terminaisons  pour  les  verbes  à  rinfinitii'.  il  v  a  réellement 
cependant  quatre  (îonjugaisons. 

Les  verbes  terminés  en  i  en  patois  et  en  or  en  fiançais  se 
conjuguent  comme  chantei-;  les  autres,  comme  guérii-. 

Les  verbes  n'ont  que  tiens  temps  usités  pour  le  subjonctif, 
le  présent  et  le  passé.  Les;  règles  de  l'emploi  des  temps  du 
subjonctif  se  trouvent  ainsi  bien  simplifiées. 

Les  verbes  irréguliers  vn  fi-ançais  le  sont  aussi  en  patois. 

L'inlinitif  et  le  participe  passé  se  ressemblent  toujours. 

Le  participe  passé  varie  au  féminin  lorsqu'il  est  terminé 
au  masculin  par  une  consoimr  sifllante  ou  dentale  :  pri^s, 
pi'Hsn.  pris,  prise. 


PHONETIQUE  RAISONNEE 

DU  FRANÇAIS  MODERNE 

(Suite) 
Par  L.   Clkdat 


'|'hi:mas 

Le  tréma  s'emploie  !oi'S(jiie  deii.s  voyelles  consé- 
cutives doivent  se  prononcer  isolément  :  ïambe,  naïf. 
Moïse,  Noël.  Mais  il  n'est  vraiment  utile  que  lorsque 
les  deus  vo^'elles  réunies  peuvent  avoir  une  autre  va- 
leur, comme  dans  naïf  ai  Moïse.  On  l'a  supprimé  avec 
toute  raison  dans  ïode.  poi'iiie.  poète,  aujourdluii  écrits 
iode,  poème,  poète. 

Il  faudrait  supprimer  le  tréma  partout  où  il  n'est  pas  indis- 
pensable, comme  dans  Noël,  iainbe,  iam/jigue,  etc. 

ACCENTS 

Le  véritable  rôle  des  accents  est  d"iiKli(|uer  les  dif- 
t'érentes  valeurs  phonéti([ues  d'une  nuhne  lettre  connue 
dans  hae/n'-].  aeJivJe.  l'vJe. 

Malheureusenicnl  on  s'en  sert  aussi  pour  dislinguer 
un  mot  d'un  auti'e,  identique  de  fornu'.  on  et  ofi. 
la  et  h'i.  a  et  à,  comme  si  le  conl(\\te  ne  sullisait  ])as  à 
indiquer  la  signification  du  mot.  M.  Gréard  fait  remar- 
quer (jue  toute  notation  a  été  sup])iim('e  en  lalin  dans 
ruiii  (|ui  est  à  la  fois  conjonction  et  préposition  :  «  les 
enlants,  conduits  par  la  logique,  ne  s'y  trompent  pas.  » 

A  tout  le  moins  devrait-on  supprimer  l'accent  dans  çà, 
deçà,  delà,  déjà. 


IMIONKTIQI  K    UAISOXNKi:    Dl"    FRANÇAIS    .MODKRNE  ^OH 

L'accent  circonflexe  peut  encore  correspondre  n  une 
ancienne  lettre,  supjn'imée  dans  la  prononciation:  sûr, 
anciennement  sc/ir.  tcfe,  anciennement /'(?.s/'e,  etc.  Quand 
la  voyelle  sur  laquelle  est  ])lacé  l'accent  a  pi'is  un  son 
très  ouverl.  l'accenl  se  justifie  par  cela  seul.  Ailleurs 
il  est  inutile,  l'àchcus  même.  et.  dans  beaucoup  de 
mots,  il  n'a  pas  été  maintenu  :  on  écrit  liardimenf 
(anciennement  hardiemetit,  hardimetU) ,  poliment  (an- 
ciennement polieinent,  poliment) ,  absolument  (ancien- 
nement absobicment,  absolument),  plu  (anciennement 
pleil,  plu),  chute  (anciennement  clieïite,  clnlts),  joute 
(anciennement  jo^.s/'t',  joute),  il  se  tait  (anciennement 
taist),  etc.  Il  serait  logique  d'ëcrii-e  aussi  sans  accent 
dêvoument,  aboiment,  rjaiment  (comme  vraiment), 
assidûment,  il plait,  etc. 

Il  n'}'  a  aucune  raison  notammeiil  de  maintenir  Taccent 
dans  les  formes  du  prélèrit,  telles  (\\\(^  novH  chaiHàmes,  vous 
chantâtes,  nous  prunes,  nous  voulûmes,  et  ;'i  l'imparfait  du 
subjonctif,  (peu  chantât. 

Pou]'  maintenir  l'accent  dans  les  formes  qu'il  voulût, 
f/u'il p/'it.  qu'il  Ji/iit.  on  a  pu  alléguer  une  confusion 
possible  avec  les  prétérits  de  l'indicatif  //  voulut,  il 
prit,  il  finit  ;  mais  cette  confusion  ne  se  produit  pas 
dans  la  prononciation,  où  il  n'y  a  aucune  distinction 
entre  les  deus  temps.  D'autre  part,  si  l'on  tient  à  l'ac- 
cent de  (pi' il  finit  à  Cause  de  l'ancienne  forme  qu'il 
fînist.  il  faudrait  écrire  de  même  l'indicatif  présent 
(dans  fous  les  verbes  inchoatifs),  qui  se  terminait  «''ga- 
iement en  isi  ;  d  lifiisi.  cl  aussi  le  pi'ét(''ril  {\o  prendre, 
dire,  mettre,  etc.."  //  prît,  d  dit,  d  mit.  etc..  jadis 
«  il  j)rist.  il  mist,  il  di>t  )>. 

(J'cst  pour  éviter  une  confusion  in\  rais('nil»lal)le  avec 
l'article ''///  (|u'<»n  é-ciil  dû  le  participe  passé  masculin 
singulier  dn  Ncrbe  devoir,  à  c("»l('>  du  f(Mninin  due.  sans 
accent,  du  |)lui'iel  dus.,  due!i  et  de  indu .  indue. 


294  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Je  crois,  je  crûs,  il  crût,  du  verbe  croître,  n'ont  perdu 
aucune  lettre  ;  l'accent  a  été  ajouté  pour  différencier 
sans  nécessité  ces  diverses  formes  des  personnes  cor- 
respondantes du  verbe  croire.  Le  participe  passé  des 
deus  verbes  croître  et  croire  était  jadis  identiquement 
créa,  puis  cru  :  celui  de  croire  aurait  le  même  droit  à 
l'accent  que  celui  de  croître. 

Dans  les  verbes  qui  ont  un  é  très  ouvert  au  singulier 
de  l'indicatif  présent,  cet  ê  devient  é  fermé  devant  cer- 
taines voyelles  toniques  de  la  terminaison  :  ainsi  on 
prononce  rêver  (anciennement  resver,  comme  épée, 
anciennement  espéë),  mais  on  écrit  rêver  comme  dans 
((  il  rêv^e  ».  De  même,  on  écrit  têtu  à  cause  de  tête,  bien 
qu'on  prononce  têtu. 

Il  serait  tout  aussi  naturel  d'écrire  téin  malgré  tète,  que 
d'écrire  mélangé  malgré  il  mêle,  conique  malgré  cône,  coteau 
malgré  côte,  extrémité  malgré  extrême,  gracieux  malgré 
grâce,  polaire  malgré  ^jo/e,  etc. 

Il  serait  urgent  de  compléter  la  réforme  (pie  l'Aca- 
démie a  commencée  lorsqu'elle  a  substitué  l'accent 
grave  à  l'accent  aigu,  conformément  à  la  prononciation , 
dans  les  mots  siège,  collège,  etc.  Il  faudrait  écrire  évé- 
nement avec  un  accent  grave  sur  le  second  e  comme 
dans  avènement,  réglementer comxn^  règlement,  dessè- 
chement, comme  l'adverbe  sèchement,  etc.  On  devrait 
écrire  aussi  papeterie. 

Pour  la  même  raison  on  écrirait  par  è  avec  accent 
grave,  au  futur  et  au  conditionnel,  les  verbes  qui  oui 
déjà  cet  è  au  singulier  de  l'indicatif  présent  :  céder  par 
é  fermé,  mais  céderai  commeye  cède  par  è  ouvert. 

APOSTROPHH 

L'apostrophe  remplace  cei'taines  voyelles  élidées  à  la 
fin  des  mots.  C'est  un  /  dans  sd.  un  a  dans  Vépée:  mais 
en  général  la  voyelle  remplacée  par  l'aposti'ojjlie  est  lui 


i'ii()Ni;i'iioL  1-;  kais()nm;k   m     ik\.\(  \i>   modi^rni-,       ^O-") 

(\  parce  que  les  autres  s'élidout  dans  uu  très  petit 
nombre  de  mots.  L'usage  n'est  pas  d'ailleurs  de  sup- 
l)riiner  ainsi  tous  les  c  élidés.  Cette  suppression  est 
limitée  à  l'article  et  au  pronom  /t^  au  |)ronom  démons- 
traiit  ce.  ans  pron;)ms  persomiels  Je,  me,  te.  se,  au 
pronom  relatif  et  à  la  conjonclion  (/ue.  à  la  i)r(''j)Ositi()n 
(h',  a  r;i(l\(M'l)e  //c. 

Par  une  bizarrerie  ([u'il  laudi'ail  faire  disparaître,  Ve 
de  (/i(oif/if(>.  /)iiisif/i<'.  /o/-s/f!fe  (bi(Mi  (jue  ces  mots  se 
termincnl  par  la  conjonction  7«(')  ne  s'(Hide  da/is  /'ée/'i- 
tiii-e  (pie  devant  certains  mots  (il.  elle,  on,  un). 

Pour  les  mots  dans  lesquels  on  a<liiiel  raposlrophc,  il  fau- 
drait autoriser  ce  signe  dans  la  graphie  toutes  les  fois  qu'il  y 
a  èlision  dans  la  prononciation. 

La  préposition  cl'  est  unie  sans  apostrophe  ans  mots 
qu'elle  précède  dans  doréncwant,  mais  non  dans  d'o/'es 
et  dyà,  dans  drwa/itar/e.  mais  non  dans  d'avance. 

Il  serait  logi([ue  d'écrire;  (M1  un  seul  mot  daoance,  dabord, 
dores  {et  déjà),  etc. 

L'eélidi' dey)/'c.S(7/<t',  (luelque,  entre  n'est' remplacé 
par  une  apostrophe  qub  dans  les  mots  composés  : 
presqu'île,  (juehjK'itn,  entracte,  sentr'aider.  etc.  Il 
serait  bien  ])lus  simpl(,'  d'écrire  en  un  -^eul  mot  :  pres- 
quîle,  quelcun  (comme  chacun  au  lieu  de  chaqu'un), 
entracte,  s  entraider  (eommtî  sentrecoir ). 

On  a  évidemment  maintenu  quelquiin  à  cause  du  pluriel 
(juplques-iitifi.  Mais  la  raison  n'est  pas  suffisante  pour  justi- 
fier une  difl'értMice  de  graphie  entre  des  mots  aussi  proches 
parents  que  r/«c// /il  (nli(jnoniiinum).  cjiacan.  queUju'un. 

L'apostrophe  est  cens(''e  remplacer  non  un  c  (didcv 
mais  lin  <■  syncopé,  dans  fjrand' mère .  à  (/ratid'- 
jjcine,  etc.  ^hiis  cette  oi'thoiri  aplie  i'e|)()S(!  sur  une 
erreur  :  car  on  n'a  jamais  dit  (jrande  mcre,  à  (fraude 
jii'inc,  l'ic.  H  n'y  a  donc  p.i^  eu  d'r  snpprinn''  ipTil  faille 


296  RFATK    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

remplacer  par  une  apostrophe'.  On  continue  à  dire 
fjrand  mère,  à  grand  peine,  comme  du  temps  où 
l'adjectif  «  grand  »  ne  prenait  pas  d'<?  au  féminin  (grand 
était  à  la  fois  masculin  et  féminin,  comme  grandis  en 
latin^  et  nous  avions  toute  une  catégorie  d'adjectifs  qui 
suivaient  cette  règle). 

Il  faudrait  écrire  «  grand  mère,  grand  route,  grand  peur, 
pas  grand  chose,  etc.  »,  en  faisant  remarquer  que  l'adjectif 
grand  a  conservé  son  ancienne  forme  de  féminin  (sans  e 
muet)  dans  ces  locutions  très  employées. 


TRAITS   D  l;^TO^■ 
7\/o^s  fO/>J/>ie/<f(r//i?pr^/' ?//<  yj/'é^,/:'é?  .•  «   contre-coup, 
sous-louer,  etc.  » 

Le  trait  d'union  n'est  bien  souvent  (pTun  trait  de 
désunion. 

Il  est  naturel  que  l'écriture  unisse  étroitement  le  pré- 
fixe au  reste  du  mot.  On  écrit  surprendre  et  non  pas 
sur-prendre,  soucoupe  Qi  non  sous-coupe,  entrevoir  et 
non  entre-voir,  contrefaçon  et  non  contre-façon.  Pour- 
quoi dès  lors  couper  en  deus  par  un  trait  les  mots  tels 
que  :  entre-deus  (comparez  entremets),  contre-coup 
(comparez  contrefaçon),  contre-baJancer  (comparez 
rontremander,  etc.  ? 

On  devrait  écrire  en  un  seul  mot  ."iouLoupr  (comme  soute- 
nir), soupied  (comme  fioucoupe),  sousentendre,  soasordre, 
arrièreban,  qunsidélit,  nonsens  (connue  contresens),  malap- 
pris (comme  maladroit),  bienaimé  (comme  bienheureus), 
sangène,  plucalue  (sans  s  comme  dans  plutôt)  et  on  général 
tous  les  mots  connnençaut  par  un  préfixe  (préposition  ou 


1.  Il  n'y  a  pas  non   plus  de  lettre  tombée  dan-< />r»'/'Ao/;(«K'. 
qui  devrait  %'écvue  prudhonunc. 


IMKiNKTPjlE    RAIS^O.NNKK    DU    FRANÇAIS    MODEUNli  21)7 

adverbe'),  particulièrement  lorsque  d'autres  mots  commen- 
(,-ant  par  le  même  i)rétixe  s'écrivent  sans  trait  d'union. 
Voyez  page  295  poui'  les  mots  de  ce  genrt'  qu'on  écrit  avec  une 
apostrophe. 

Mois  coniDiciirniK  pur  k/i  ccrbe  nous  fa  /orme  dp 
/'indicatif  prés('/i[  :  n  porte-monnaie.  l)Oiite-on- 
train,  etc.  » 

Un  grand  nombre  de  noms  franrais  sont  composés 
d'ini  verl)e  sous  la  forme  de  l'indicatif  pré.seni,  suivi 
dïm  i('\uimc  direci  :  poi'tefaix,  portefeuille,  toiirnei'ix, 
passeport.  Mais  l)cauconp  de  ces  mots  sont  séparés 
arbitrairement  en  deus  par  un  trait.  Il  n'y  a  pourtant 
aucune  raison  de  ne  pas  écrire  portenw/i/iaie,  ga/'de- 
inatifp'r.  tirehoiu-hon  conune  portentaïUenu .  tourne- 
broche,  etc. 

Tous  les  mots  ainsi  formés  devraient  s'écrire  sans  trait  : 
gagnepain,  coiœrechef.  coupegorge,  ahajour  (en  supprimant 
le  t  comme  dans  vaurien  pour  vaut  rien  et  fainéant),  appui- 
main  et  essuimain  <en  supprimant  l'e  connue  déjà  dans  appui- 
main-  et  dans  licou=^lie-cou}.  Connue  le  fait  remarquer 
M.  Gréard,  la  conséquence  de  cette  réforme  serait  de  laisser 
tomber  l'.s  du  pluriel  dans  les  mots  tels  que  rouvre-pieds, 
gahe-rnouchcK.  povte-cigaveH,  etc.  qui  s'écriraient  au  ^'\y\~ 
g:u\\er  courrepied,  portecigare,  gobemouche,  connue  on  écjil 

1.  Il  n'est  pas  diflicile  de  distinguer  les  prépositions  ou  adverlx's 
sr/tarables  des  simples  préfixes.  Trrs  est  un  adverbe  ordinaire 
devant  les  adjectifs  et  les  autres  adverbes,  parce  qu'il  peut  se 
placer  devant  l'un  quelconque  de  ces  mots;  il  est  préli.xe  dang 
trépasser,  ircssaitlir  parce  qu'il  ne  peut  pas  se  préposer  ainsi  à 
tous  les  verbes.  Bien,  employé  avec  la  pleine  valeur  de  ses  di- 
verses significations  est  adveibedaiis  biviibcau,  bien  construit, aie; 
avec  sa  valeur  alîail)lie  il  est  prélixe  dans  bicnlieureus,  bicnainic. 
La  distinction  entre  un  bicn/iciircus  et  il  est  bim  ficureus  est 
tout  à  fait  justifiée. 

2.  On  interprète  à  tort  appui  /nain  par  u  appui  pour  la  main  ". 
Le  mot  signilie  ijroprement  :  «  ce  sur  quoi  on   appuie  la  main.    - 


298  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

déjà  portefeuille  quoiqu'il  y  ait  plus  d'une  feuille  dans  un 
portefeuille.  C'est  d'ailleurs  la  tendance  de  l'Académie,  même 
avec  les  mots  réunis  par  le  trait;  elle  écrit  un  tire-botte,  un 
cure-dent. 

Le  mot  peut  être  compose  d'un  verbe  (sous  la  forme 
de  l'indicatif  présent)  suivi  d'un  complément  indirect, 
d'un  adverbe  ott  d'une  locution  adverbiale  :  boute-en- 
train, meurt-de-faim,  va-nu-pied,  gagne-petit'.  Mais 
dans  vaurien  qui  otïre  un  cas  tout  semblable  les  deus 
mots  [vaut  rien)  sont  soudés. 

Ici  encore  il  faudrait  toujours  souder  les  différentes  parties 
du  mot.  Boutentrain  ne  serait  pas  plus  extraordinaire  que 
justaucorps  et  trottemenu,  meurdefaim,  vanupied,  gagne- 
petit,  seraient  d'accord  avec  vaurien. 

Mots  composés  d'un  nom  et  d'un  adjectif  :  «  eau- 
forte,  nu-tête,  etc. 

Lorsqu'un  mot. composé  est  formé  d'un  nom  et  d'un 
adjectif,  tantôt  on  soude  les  deus  mots  composants, 
tantôt  on  les  unit  par  un  trait,  tantôt  on  les  juxtapose 
simplement  : /^/r^/b/zt/  (=plat  fond),  bonhomme,  gen- 
tilhomme —  grand-père,  grand-livre,  beau-fils,  demi- 
heure,  nu-téte,  eau-forle  —  libre  pe/iseur,  gi'and 
homme,  bon  vivant,  beau  parleur,  eau  blanche.  Le 
Dictionnaire  de  l'Académie  a  libre  échange  et  libre- 
écliange,  blanc  seing  et  blanc-seing. 

Si  l'on  écni  grand-père  avec  un  ti^iit  d'union,  c'est 
pour  distinguer  extérieurement  cotte  locution  du  subs- 
tantif/)è/'e  précédé  de  l'adjectif  grand  dans  son  sens 
ordinaire.  Mais,  en  r('>alit<v.  «  grand  »  joint  à  père  ou 
à  oncle,  et  précédant  le  substantif,  a  toujours  la 
même  valeur.  Ce  n'est  (pie  par  ])laisanterie  qiron  peut 
appeler  7/v///'(^/y)(V'e un  père  de  haute  taille.  La  confusion 

1.  Petit  est  ici  l'adjectif  employé  adverbialement,  comme  dans 
l'ancienne  langue,  avec  le  sens  de  peu. 


PHONÉTigtE    RAISOXNKE    Dl      FRANÇAIS    MODERNE         299 

n'est  donc  pas  possible,  pas  plus  que  \)Ouv  petit  Jîlsl 
beau  fî/s  et  autres  semblables  :  elle  serait  plus  facile  avec 
((  fiftind  tiriv  ».  mais  le  contexte  éclaire  le  sens.  Quant 
à  demi-heure,  ttu-téte  et  autres  composés  de  demi  ou 
de  nu,  le  trait  d'union  dansées  mots  est  la  conséciuence 
d'une  règle  de  grammaire  fort  contestable  d'après 
laquelle  demi  et  nu  doivent  rester  invariables  lors- 
qu'ils précèdent  le  nom. 

Les  locutions  comj)osées  d'un  nom  et  d'un  adjectif  et 
où  l'adjectif  prent  ime  valeur  spérinle.  sont  on  nombre 
considérable  dans  la  langue  française  et  ce  .serait  une 
grande  complication  (pie  d'introduire  dans  toutes  le 
trait  d'union  '.  Il  \;iii(lr;iil  miens  décider  ([u'on  uo 
mettra  jamais  le  trait  enti"(^  l'adjectif  et  le  substantif 
auquel  il  se  rapporte,  en  supi)rimant  les  quelques 
exceptions  ci-dessus  indicjuëes.  On  maintiendrait  natu- 
rellement cens  qui  sont  déjà  soudés  :  saucef)air/e 
devrait  même  entraîner  saud'co/iduit. 

Il  faudrait  logiquement  étendre  cette  réi'oruie  aus  piononis 
suivis  d'un  adjectif  :  lui  nirmo,  pus  mêmes,  etc.,  et  non  lui- 
même. 

Deus  mots  l'éunis  pu,/'  une  préposition:  ((  eau-di^-vie, 
belle-de-nuit,  etc.  »» 

Un  mot  composé  peut  être  constitui' [)ar  un  substantif 
et  un  adjectif  dont  le  sens  est  modilié  ou  pr(''cis('  par  un 
complément.  Les  différentes  j)arties  en  sont  tantôt  sou- 
dées {Justaucorps,  piédestal),  tantôt  i-eliées  par  des 
traits,  tantôt  simplement  juxtaposées  :  <'hef-d'(i'UDre. 
arc-en-eiel ,  hel,le-de-m.iit,  rhar-à-hancs,  fp'i^-de-fer, 
eau-de-vie;  —  sa/le    à   manger,   arc  de    iriomphe. 


1.  On  nV'ii  met  pas  dans  les  locutions  verbales  telles  que: 
prendre  pied,  Hrcr  parti ,  etc.,  où  le  V('rt)e  reçoit  aussi  une  valeur 
tfjute  spéciale, 


300  REvrr-:  df.  piulologii;  française 

pomme  de  terre,  sergent  de  cille,  cheDiiu  de  fer.  bien 
de  ciel,  eau  de  rose  \fil,à plomb,  etc.,  etc. 

Le  plus  grand  nombre  des  locutions  de  ce  genre  n'a  pas  de 
traits  d'union.  Il  faudrait  uniformiser  en  les  supprimant 
partout.  Voyez  toutefois  page  803. 

Mots  composés  de  deus  substantifs  ou.  de  dcus 
adjectifs  sans  préposition  ni  conjonction  intet^mé- 
diaires  :  «  timbre-poste,  sourd-muet,  etc.  » 

Un  mot  composé  peut  être  constitué  par  deus  subs- 
tantifs sans  préposition  intermédiaire.  Dans  Hôtel-Dieu, 
Fête-Dieu,  on  dit  communément  que  le  trait  corres- 
pont  à  l'ellipse  de  la  préposition.  Dieu  était  ici  une  sorte 
de  génitif  de  l'ancienne  langue,  et  on  ne  voit  pas  pour- 
quoi nous  n'écririons  pas,  comme  nos  ancêtres,  sans 
trait  d'union,  V Hôtel  Dieu,  la  Fête  Dieu.  Dans  timbre- 
poste,  mandat-poste,  le  mot  poste  fait  Fofîice  d'un 
véritable  adjectif,  comme  le  mot  perle  dans  «  gris 
perle  ». 

Lorsque  les  deus  noms  qui  forment  le  mot  composé 
sont  enapposition.onmet  généralementletrait  d'union: 
canapé-lit,  wagon-scdon.  poclier fumiste,  etc. 

On  pourrait,  à  la  rigueur,  maintenir  le  trait  d'union  dans 
ces  mots,  en  formulaiU  la  règle  :  «  Lorsqu'un  mot  composé 
est  constitué  par  deus  substantifs  sans  préposition  intermé- 
diaire, on  les  réunit  par  un  trait.  »  Mais  il  y  aurait  encore 
des  doutes  possibles  :  dans  ((  maître  tailleur  »,  «  enfant 
modèle  »  et  telle  autre  expression  analogue,  faudrait-il  voir 
un  mot  composé  ou  une  locution  formée  de  deus  mots  dis- 
tincts ?  Le  plus  sage  est  encore  ici  de  supprimer  le  trait.  Il 
n'y  a  vraiment  aucun  inconvénient  à  écrire  :  «  un  mandai 
poste,  un  wagon  lit,  etc.  »,  comme  dè\k  pierre  ponre. 

1.  Assurément,  la  préposition  de  n'a  pas  la  même  valeur  dans 
eau  de  vie  et  dans  eau  de  r-ose,  mais  ce  n'est  pas  le  trait  d'union 
qui  peut  marquer  cette  différence.  Pourquoi  ne  pas  écrire  aussi 
venl-de-mort  pour  établir  une  distinction  avec  vent  d'automne  ? 


lMl(iNi:ih,>i  !■:    |{  \i-^nNNi;i.    hi     in\N(   \i^    \hiiii;i<M:        ."{Ol. 

L()rsc|iu'  deus  adjectifs  sont  unis  sans  préposition 
nilcrmédiaire,  deus  hypothèses  se  présentent:  tantôt 
les  deus  adjectifs  s'appliquent  à  titre  égal  au  nom  et 
pourraient  être  séparés  par  la  conjonction  e/î ;  tantôt 
l'un  des  adjectifs  modihe  lautre.  Ainsi  un  enfant 
><oiird'nuiet  est  sourd  et  muet,  il  n'est  j)as  sourdemeni 
muet,  l'n  dictionnaire //v7//r(7/.s'-/''/^//^  es!  ;i  la  fois  finan- 
çais et  latin.  Tandis  (juun  manteau  (jfi^-hlcn  n'est  pas 
uris  et  l)leu  :  il  est  d'un  gris  de  teinte  l)leu('  ;  ini  homme 
irre-tDori  n'est  |)as  i\  le  et  mort,  mais  ivre  au  point 
d'ètiv  comme  mort  :  <i  un  (Md'ant  noiircaii-iiê  o  ne 
signiiic  pas  un  enfant  nou\<'au  (M  né,  mais  un  enfant 
nouvelleniciii  lU'.  Il  y  a  donc  une  ditïérence  essentielle 
de  formation  entre  noi/n'aiz-né  ci  nioi'[-nc  :  cç  dernier 
ne  signilie  pas  «  mortement  n(''  ».  mais  en  mèmetem|)s 
né  et  mort . 

a)  Dans  le  premier  cas.  lorscpie  les  deus  adjectifs 
s'appliquent  a  titre  égal  an  nom  (exiirim(''  ou  sous- 
entendu),  on  met  presque  toujoui\s  le  trait  d'union  : 
dictionnaire  français-fjrcc.  aveuf/le-nr,  mort-né,  aiçjrc- 
dous,  douce-amère  V  II  y  a  d'ailleurs  peu  de  locutions 
de  ce  genre. 

h)  Dans  le  .second  cas,  lorsque  l'un  des  adjectifs 
modifie  l'autre,  l'Académie  hésite.  Elle  ne  met  pas  de 
trait  dans  iûre  mort  ;  elle  écrit  nonvemi-né,  mais 
nouveau  venu ,  nouveau  marié.  Cette  dernière  dilîéi'ence 
s'appuie  sur  une  raison  spécieuse:  on  dit  «nouvelle 
mariée  »,  tandis  (pi'on  ne  dit  j)as  a  nouvelle  née  ».  On- 
en  conclut  (pie  nouveau  est  plus  inlimeiiK.'nt  lié  à  né. 
qu'à  marié.  Mais  la  V(''rit('',  c'esl  qndn  a  riiaMiiide  de 
i\<iV\\\)\oyi'V  nouveau  néi[w'w.\\  masculin  :  on  ne  dit  j)as 
«   une   nouvelle  née  o,    mais  on  ne  dii  pas  (lavanlag(^ 

1.  A  plus  forte  raison,  lorsque  le  pivuiier  adjectif  iv(;oit  uii'^ 
forme  spi'-eialeel  savante:  arirfln-nof/naiicl,  f'raitrn-r ri >.•<('. 


3(»2  RKVUK    DK    IM1ILOLOGII-:    FkAN(  AISK 

«  une  nouveau  née  »  \  L'adjectif  nouveau  a  exactement 
la  même  valeur  adver})ialc  dans  nouveau-né  que  dans 
nouveau  marié,  et  nouveau  né  (=  nouvellement  né)  est 
exactement  formé  eomnie  fraii^  éc/os  {r=  fraîchement 


Quand,  dans  ces  locutions,  l'un  des  mots  est  un 
participe  près  duquel  l'autre  joue  le  rôle  d'adverbe, 
l'adjectif-ad verbe  s'accorde  en  général  aussi  bien  que 
le  participe  :  des  fleurs  fraîches  écloses,  des  portes 
grandes  ouvertes.  Toutefois,  on  dit  «  une  femme  court 
vêtue  )).  Dans  ce  cas  et  dans  les  cas  semblables,  l'ad- 
jectif-adverbeestun  véritable  préfixe  et  il  serait  naturel 
d'écrire  en  un  seul  mot  :  courtvétu,  clairsemé. 

On  écrit  vert-pomme,  rour/e-cerise  avec  traits  d'union 
sans  doute  parce  que  pomme  et  cerise  sont  des  subs- 
tantifs devant  lesquels  il  y  a  ellipse  de  la  préposition 
de.  Mais,  en  réalité,  ces  substantifs  jouent  ici  le  rôle 
d'adjectifs,  et  d'ailleurs  l'un  d'eus^  cerise,  est  devenu 
tout  à  fait,  en  dehors  même  de  la  locution  rouge-cerise, 
un  adjectif  de  couleur  Ml  n'y  a  donc  pas  lieu  de  traiter 
rouge-cerise,  vert-pomme,  autrement  que  rouge  brun 
et  autres  locutions  semblables. 

11  semble  naturel,  au  premier  abord,  de  supprimer  le  trait 
d'union  entre  deus  adjectifs  ou  mots  assimilés,  toutes  les  fois 
([ue  l'un  des  adjectifs  modifie  le  sens  de  l'autre,  et  de  main- 
tenir le  trait  lorsque  les  deus  adjectifs  s'appliquent  à  litre 
égal  au  nom.  Mais  cette  distinction  n'est  pas  toujours  aussi 
simple  qu'elle  le  paraît.  Nous  faisions  remarquer  la  différence 
de  formation  entre  mort-né  et  nouveau-né,  d'après  laquelle 
mort-7ié  rentrerai tdans  la  seconde  catégorie  d'adjectifs  com- 
l^osés  [mort  et  né  à  la  fois)  ;  mais  on  pourrait  interpréter  la 
locution  autrement  et  considérer  que  le  second  adjectif,  sinon 

1.  De  xw^mQ  premier  né  ne  s'emploie  pas  au  féminin,  car  on  ne 
dit  ni  première-née,  ni  une  premier-née. 

2.  C'est  ainsi  quele  substantif /'osr  est  on  mOme  temps  adjectif. 


i'iinNi:rii.ii  !•:   i;  \is()\m;i-;   m     ikan(  vis   Mni»Ki{.\i:        MC 

le  premier,  équivaut  à  une  locution  adverbiale  :  mort-né  == 
mort  f/(?  naissance  (de  mêmt^  aveugle- né,  préside  ni- né). 

Inversement  irre-niort  pourrait  être  interprété  coninio  <(  à 
la  fois  ivre  et  mort  )),  ce  dernier  adjeclil"  employé  par  exaj^c'- 
ration.  On  peut  hésiter,  pour  l'interprétation  de  aigre-dons 
entre  ((  aigrement  dous  »  et  ((  aigre  et  dons  ».  La  rôgle  indi- 
((uéc  ci-dessus  ne  serait  donc  pa.><  suffisamment  claire,  et 
niicus  vaut  encore  supprimer  partout  le  trait  d'union  entre 
deus  adjectifs  comme  entre  deus  substantifs.  Vn  simple 
trait  est  un  signe  tout  à  fait  insuffisant  pour  marquer  de  pa- 
reilles nuances.  On  n'essaye  pas  de  dillerencier  par  la  graphie 
les  diverses  acceptions  d'un  même  mot  ;  il  est  tout  aussi  vain 
de  cliercher  à  noter  la  double  ou  triple  valeur  de  la  juxtapo- 
sition de  deus  adjectifs.  Concluons  qu'il  faudrait  ('crire  sans 
traitaussi  bien  «  un  vent  aigre  dons,  un  sourd  muet,  un  enfant 
mort  né  »,  que  «  un  manteau  gris  h|(Mi.  un  homme  i\-rc 
mort,  etc.  )> 

Il  en  est  tout  autrement  lors(|ue  le  premier  adjectif  n'existe 
pas  en  dehors  du  mot  composé,  ou  y  prent  une  terminaison 
spéciale:  Gallo-Romains,  Franco- Russe.  Anglo-Xornumd. 
A nstro-Hongrois.  etc. 

Mo/ns  composés  avec  ellipse  de  ridée  substantire  : 
«  un  tète-à-tète,  un  l)as  l)leti.  etc.  » 

Un  nom  composé  peut  commencer  par  un  impératif 
ou  par  un  substantif  ou  un  adjectif  n'exprimant  [)as 
l'idée  priiicii)ale  :  mi  laisse^-passer.  un  rendez-vous, 
un  pot  au  Jeu  (ce  n'est  pas  le  pot,  mais  une  espèce 
déterminée  d'aliment  qu'on  y  fait  cuire),  un  féle-à-téfe, 
un  bas-bleu,  \\\\ pied-à-tei're,  un  cocj-ù-l'àne,  un  terre- 
plein,  une  reiiic-claude,  un  ttaut-le-corps,  un  ckevaii- 
/c//c/',  etc.  Ces  locutions,  forteinen  tel  II  pi  ii  pics,  s'écrivent 
loujotii's  avec  des  tiaits  d'iuiion  entre  les  mots  com- 
posants, telles  sont  desiiné(;s  à  se  soudei' C()mi)lètenient 
plus  tard. 

Il  n'y  a  pas  de  confusion  possiMe  entre  ce>  locutions 
et  c(.'Iles  dont  nous  avons  parle  page  ,V'.»'.».  In  chef- 
dn'iirre  est   un   c/ief  nw   sens  ;uieien  <lu   not.  un  '//•'■ 


;Î<M  RKVl'F,    DF    PIIII.OLOOIF.    FRANl  AISK 

én-ciel  est  un  arc  ;  maïs  un  coq-à-Vàne  n>st  pas  un 
coq,  un  tête-à-téte  n'est  pas  une  tète. 

TV'a/Y  d'union  avec  ci  e/  la.  On  met  le  trait  d'union 
devant  ci  et  là  dans  les  démonstratifs  celui-ci,  celle-là, 
cet  homme-ci.  etc..  mais  non  dans  ceci,  cela  (=  oe-ci, 
ce-là). 

On  écrit  par-ci,  par-là.  mais  deçà,  delà. 

C/,lorsqu' il  précède  un  autre  mot.  en  est  aussi  sépar<' 
par  un  trait  :  ci-après,  ci-contre,  ci-gît. 

La  différence  entre  ceci  et  celui-ci  s'explique  par  les 
variations  de  forme  du  pronom  celui  {c<?\m,  celle,  ceus). 
Il  ne  serait  pourtant  pas  plus  extraordinaire  d'écrire 
celuici.  celleci,  en  faisant  varier  la  partie  variable  du 
mot,  que  d'écrire  rjentilhomme  et  gentilshommes. 

Le  trait  d'union  pourrait  du  moins  être  supprimé  sans 
inconvénient.  On  écrirait  ce/t«'  ci,  cet  homme  ci,  etc.  Lorsque 
ci  précède  un  autre  mot,  c'est  un  véritable  préfixe. 

Trait  d'union  devant  les  pronoms  personnels.  —  On 
met  le  trait  d'union  devant  les  pronoms  personnels, 
devant  les  adverbes  ou  pronoms  en  et  y  et  devant  les 
pronoms  ce  et  on,  quand,  au  lien  de  précéder  le  verbe, 
ils  le  suivent  immédiatement,  ou  n'en  sont  séparés  que 
par  le  t  dit  euphonique  ;  Donne-moi.  —  Cherche-le.  — 
Voulez-vous  i  —  Vient-il  i*  —  Arrive-t-il  ^  — Qui  était- 
ce  ?  —  Venez-y.  —  Parlez-en. 

Ici  encore,  il  n'y  aurait  aucun  inconvénient  à  supprimer  le 
trait  d'union,  au  moins  quand  il  n'y  a  pas  de  t  euphonique. 

Trait  d'union  dans  les  locutions  prépositives  ou. 
adverbiales.  —  On  écrit  en  un  seul  mot  auprès  (  =  au- 
près), autour,  alentour,  deçà,  delà  (par)  ;  avec  trait 
d'union:  au-dessus,  au-dessous , par-dessous ,  par-là, 
par-ci,  ici-bas,  là-haut,  Jusque-là,  c'est-à-dire,  vis- 
à-vis;  et  sans  trait  :  au  dedans,  par  devant,  au  dehors, 
deçà,  delà,  c'est  à  savoir,  face  à  face,  tout  à  coup, 
tout  à  fait . 


i'iii)M;riQi  r.  uaison.nkk  m     iuaN(  ais   moueknk       ôiJo 

Il  est  évideni  que  la  suppression  du  Irait  d'union  s'impose 
dans  CCS  locutions.  Mais  on  devrait  écrire  cis-à-cis  en  un 
seul  mot,  visavis,  parce  que  le  substantif  composant  Uns  = 
risaç/e\  n'existe  plus  isolément.  D'ailleurs,  plusieurs  autres 
locutions  de\raient  être  soudées,  car  par  est  un  véritable 
préfixe  dans  par  deni^oux.  par  devant,  etc.,  et  andessus  serait 
aussi  naturel  qu'auprèx. 

Trait  d' union  dans  les  noms  de  nondn'e.  La  con- 
jonction et  (Mitre  deusiioms  de  nombres  s'e^t  maintenue 
jus(in'à  quatre-vingts  devant  la  voyelle  initiale  de  un 
et  de  onze:  trente  et  un.  cinfjt  et  un,  soissante  et  onze, 
etc.,  (ju'on  écrit  sans  trait  d'tmion. 

Le  trait  rrunion  est  saiLs  doute  destiné  à  remplacer 
la  conjonction  dans  trenie-deus,  quaranie-quatre,  etc. 
On  met  aussi  un  trait  d'union  a[)rès  quatre-vingt  dans 
quaire-cinijl'Un,  etc.  Cependant  on  n'en  met  i)as  dans 
cent  un,  eeni  deus,  etc.,  qui  sont  bien  aussi  pour  cent 
et  un,  cent  et  deus. 

Quand  le  pi^emier  nombre  multi])lie  le  second,  on 
met  un  trait  d'union  dans  qurdre-ringts  et  on  n'en  met 
pas  dans  quatre  cents. 

Toutes  ces  contradictions  de\  raient  disparaître  par  la  sup- 
l»ression  générale  du  trait  d'union  dans  lesiioms  dénombre. 

En  résumé  nous  considérons  que  le  trait  d'union. 
d'invention  relativement  récente,  est  une  complication 
d'écriture  quioiïre,  dans  le  plus  grand  nt)mbre(les  cas. 
plus  d'inconvénients  (pic  d'avantages. 

(.)n  a  présenté  la  réunion  des  mots  composaids  |)ar 
un  li'ait  comme  un  état  internifidiaire  entre  la  juxtapo- 
sition simpleet  la  soudure.  Mais  c(;tte  li-ansitiou  n'est 
pas  utile  :  nos  ancêtres  n'en  ont  pa>  eu  be>oin  poiu' 
passif-  {{{•  plrd  fb/id  i\.  plafond . 


Kkvll  ui.   l'iiii.'Ji.uuii:,   \ii. 


COMPT-E  RENDU 


E.  LiNTiLHAC.  Précis  //islo/-l(jiif'  et  critique  de  la  Lillè- 
rature  française,  depuis  les  orif/ines  /us(/uà  nos  jours. 
Tome  II.  —  André,  1891'. 

La  publication  du  second  volume  du  précis  de  M.  Lin- 
lilhae,  —  qui  embrasse  les  trois  derniers  siècles  de  notre  his- 
toire littéraire,  —  sera  bien  accueillie  de  tous  les  étudiants 
en  littérature  française,  ausquels  ce  livre  est  destiné.  Le 
livre  de  M.  L.  ne  vise  pas  à  êti-e  autre  chose  qu'un  précis  ou 
même  qu'un  ((  livre  de  référence  ».  Mais  tous  les  travailleurs 
savent  à  quel  point  nous  manquons.  —  sur  les  périodes  les 
plus  «connues»  de  notre  histoire  littéraire,  —  de  pareils 
livres.  Nous  n'avons  même  pas,  pour  la  partie  moderne 
de  cette  histoire,  de  bibliographie  générale  et  sommaire,  com- 
parable à  celle  de  M.  G.  Monod  pour  l'histoire  de  France. 
Les  seules  tentatives  de  ce  genre  ont  été  faites  en  Allemagne, 
notamment  par  G.  Kôrting,  dans  son  Encyclopédie  des 
langues  romanes,  et  elles  sont  notoirement  insuffisantes. 
Nous  ne  possédons  aucun  dictionnaire  historique  un  peu  do- 
cumenté pour  la  même  période.  Nulle  étude  spéciale  et  cri- 
tique des  sources  n'a  encore  été  entreprise  :  ni  La  Croix  du 
Maine,  ni  du  Verdier,  ni  Goujet  ou  Nicéron,  ni  tant  d'autres, 
n'ont  donné  lieu  à  des  travaus  spéciaus,  —  qui  seraient 
cependant  de  première  nécessité.  En  un  mot,  nous  ne  pos- 
sédons pas  de  répertoire  de  nos  instruments  de  travail,  ni 
d'inventaire  de  la  qualité  de  ces  instruments.  De  là,  parmi 
tant  d'études  consacrées  à  la  littérature  française  moderne, 
tant  de  tentatives  avortées,  tant  de  travaus  incomplets  et 
mal  informés,  tant  de  recommencements  surtout  et  tant  de 
lacunes.  De  là  aussi  la  difficulté  de  rédiger  un  précis  sérieus 
de  cette  histoire,  —  faute  de  quelques  livres  indispensables. 

Il  faut  savoir  un  gré  tout  particulier  à  M.  L.  d'avoir  tenté 
l'entreprise.    A    vrai    dire,    des   deus   ouvrages    qui    nous 

1.  Il  vient  do  paraître  aussi  une  dousiènie  édition,  revue,  du 
lonie  I . 


( OMPTl-.    HKNDU  307 

manqueni  piincipalemoiit,  —  uno  histoire  générale  et  philo- 
sophique de  notre  littérature,  —  un  recueil  de  textes  et  d'in- 
formations, à  la  faron  de  Teuffel.  —  M.  L.  ne  nous  a  donné 
ni  l'un  ni  l'autre.  Msclave  d'un  programme,  —  et  quel  pro- 
gramme !  celui  de  la  classe  de  rhétorique,  —  M.  L.  s'est  vu 
contraint  d'adoptei-  des  divisions,  dont  le  moindre  défaut  est 
assurément  d'être  surannées  :  c'est  ainsi  que  Saint-Simon, 
qui,  comme  on  sait,  conimen(,'a  de  rédiger  ses  Mémoires 
vers  1740,  tigurts  de  p^ir  le  programme,  au  XVII<^  siècle, 
alors  qut>  Regnard.  qui  mourut  en  1709,  figure,  cent  pages 
plus  loin,  au  chapitre  des  auteurs  comiques  du  XVIII".  C'est 
sans  doute  à  la  même  cause  qu'il  faut  attribuer  certains 
manques  choquants  de  |)roportion  :  la  mémo  phice  accordée 
à  Gilbeit  ip.  2Sô)  et  à  André  Chénier  (p.  '287),  et  un  plus 
grand  nombre  de  pages  ou  de  lignes,  à  l'abbé  de  Saint-Pierre 
pp.  292-294)  qu'il  Bayle  (  291-292  ).  Nous  en  accusons 
moins  M.  L.  que  la  né(!essité  oii  il  s'est  mis  de  suivre  des 
jalons  plantés  pour  des  écoliers,  non  pour  des  «  étudiants  en 
littérature  '  ». 

Cette  réserve  faite  sur  le  plan,  l'ouvrage  renferme,  dans 
Ijresquc  tous  les  chapitres,  nombre  de  renseignements  et  de 
faits,  dont  on  ne  peut  dire  qu'ils  soient  nouveaus,  mais  qui 
du  moins  ne  figuraient  pas  dans  les  précédents  ouvrages  du 
même  genre.  Certains  chapitres  ont  été  complètement  renou- 
\elés  (cf.  les  Mémorialistes  du  XVII*  siècle,  Rousseau. 
Bufîon,  la  période  révolutionnaire,  etc).  D'autres,  —  plus 
rares,  —  sont  l'exposé  des  idées  personnelles  à  l'auteur 
(cf.  p.  110  sqq.,  sur  le  pari  de  Pascal  ;  —  p.  230  sqq.,  sur 
riMichaînemenl  des  idées  de   Rousseau).  C'est  là.  comme  il 

1.  M.  L.  uii-  pi-inieilra-l-il  ((ucliiiios  cliicanos  sur  de  certaines  fdi- 
luiiles  qui  uuiuqucut  ili»  simplicité,  et.  par  suite,  de  justesse?  Je  n'aime 
ni  f'amus,  cvêque  do  Bellay,  «  le  Lucien  de  Tépiscopat  »  (p.  13U),  — 
d'autant  que  c'est  travestir  rbonnéte  et  cotiscienciens  Camus  ;  ni 
Rousseau,  «  le  De^cartes  de  la  sensiljilité  »  (p.  231);  ni  Lamennais. 
"  le  romantique  de  la  soutane  »  (p.  M7)  ;  ni  les  »  idi'es  forces  » 
des  philosophes  du  XV'III"  siècle  (p.  30:î)  ;  ni  YKncyclopéiHe  ouvrant 
la  voie  à  la  théorie  de  «  l'évolution  des  genres  »  (p.  30B),  —  car  c'est 
ici  une  contre-vérité  :  .VL  Rocafort  lui-même  n'a  pas  dégagé  le 
«  romantisme  des  encyclopédistes  ».  —  L'avouerai-je  ?  Je  n'aime 
pas  non  plus  «  l'éloquence  poignante  et  documentaire»  de  Musset 
l».  o(;i  . 


•M)H  ui:vri-:  m:  l'iiii.in.oi.ii-:  ki;\m  aisk 

convient  tlaiis  un  précis,  l'exception.  Généralement,  M.  L. 
se  lait  l'cclio,  très  informé  i^t  exact,  des  derniers  iravaus 
publiés  et  des  derniers  jugements  prononcés  ;  même  il  re- 
cueille avec  un  soin  pieus  les  opinions  de  la  presse  quoti- 
dienne. Par  là,  son  livre  est  par  excellence  un  livre  d'étude, 
un  répertoire  soigneus  et  précis,  qui  rendra  de  grands  services^ . 

La  partie  la  plus  neuve  du  livre  de  M.  L.  est  la 
bibliographie  :  on  goûtera  tout  spét-ialenient  les  conseils  et 
directions  pour  documenter  une  question  littéraire  qui  se 
trouvent  à  la  fin  du  volume  (p.  393  sqq.,)  et  on  doit  signaler 
aus  curieus  de  l'histoire  du  théâtre  les  indications  très  pré- 
cieuses qui  leur  sont  spécialement  destinées  (p.  399-401).  Qui 
donc  nous  donnera  une  bibliographie  générale  des  questions 
de  l'histoire  du  théâtre  depuis  la  Renaissance? L'esquisse  de 
M.  L.  devrait  bien  tenter  quelque  érudit, 

Oserai-je  dire,  cependant,  qu'ici  encore  le  précis  de 
M .  L.  s'expose  au  double  reproche  d'être  à  la  fois  trop  élé- 
mentaire et  trop  savant?  Un  peu  savante  pour  des  écoliers, 
à  qui  elle  ofl're  des  ouvrages  étrangers  en  assez  grand  nombre, 
sans  compter  quelques  articles  de  journaus  inaccessibles  pour 
eus  (p.  383,  390,  etc.)  et  une  liste  de  critiques  dramatiques 
vivants  dont  ils  n'ont  que  faire  (p.  433),  la  bibliographie  de 
M.  L.  présente,  pour  les  chercheurs,  de  graves  lacunes  : 
i'entens  que  des  ouvrages  de  première  importance,  sur  des 
sujets  essentiels,  sont  omis.  Comment  admettre,  sur  l'histoire 
du  roman  en  France,  l'absence  du  livre  capital  de  G.  Kôrting 
(p.  404)?  Sur  Diderot,  celle  des  livres  de  Rosenkranz  et  de 
John   Morley,  les  deus  seules   monographies,  sérieuses  qui 

1.  Le  livre  de  G.  Korting,  —  cité  page  396  —  et  trop  peu  connu 
en  France,  en  dehors  du  monde  des  romiinistes,  est,  sur  bien  des 
points  (Herméneutique,  Puléograpiiie,  Histoire  de  l'impiimerie.  Art 
d'éditer  un  livre,  etc..  etc.),  ^in  guide  utile  de  l'ôtudiant  en  liuérature, 
qui,  notamment  dans  nos  Facultés,  arrive  si  souvent  ;i  de  pareilles 
éludes  entièrement  dépourvu  d'une  méthode.  On  peut  citer  aussi 
l'intéressant  petit  livre  de  M.  H.  Breilinger;  Studiuia  uad  Uiiîerricht 
(/c~<  Ffcinzô.'ii.srhen  :  lùii  eiicyklojindif^cher  Leltl'adeii.  Zurich,  1877.  — 
Mais  qui  nous  donnera  l'équivalent  de  ce  que  Karl  Elze  a  fait,  en 
Allemagne,  de  façon  si  remarquable,  pour  la  littérature  anglaise,  une 
imroduction  méthodique  à  l'histoire  de  notre  littérature,  uue  «philo- 
sophie »  de  nos  études  ? 


existent V  Sur  Rousseau,  celle  des  ouvrages  de  Bi'oekerhoU' 
ou  de  Morlev  ?  M.  L.  uous  répondra  qu'il  a  \oulu  seulement 
((  amorcer  »  les  recherches,  et,  de  fait,  nous  ne  serions  pas 
en  droit  de  lui  reprocher  ces  omissions,  si  nous  ne  trouvions 
dans  sa  liste  un  cei-t;iin  uoiiil)re  d'ouvrages  sans  valeiu-, 
comme  le  livre  de  P.  Duprat  sur  /.es-  Enrijclopédifitoi^ 
fp.  4:25)?  N'y  avait- il  pas  iutèrèt  du  moins,  pour  les  trop 
rares  écrivains  ((ui  ont  (H/'  rol)jet(run  travail  l)ibliograpln(|u<' 
spécial,  à  \'  renvoyer  le  lecteur?  Je  saurais  gré  à  M.  L.  de 
ciiei',  sur  Diderot,  l'essai  tl'une  !)il)li()graphie  de  ses  œuvres, 
paru  en  1886,  à  Amsterdam  [\}^'  Anton  v.  B.  v.  H.,  Princi- 
paux Écrits  relatifs  à  la  personne  et  ous  o'iœres,  au  temps 
rtà  r influence  de  Denis  Diderot,  ou  /'Jssai  d/unebibliographie 
de  Diderot,  Amsterdam,  1886),  ou  sur  Mérimée,  Tessai  ana- 
logue de  M  .  Toyu-neux  {liihliorjrnp/iie  de  Mérimée,  Paris, 
1876).  Mais  commeut  expliquer  surtout  l'omission  de  la  récente 
liildiographie  de  Molière,  par  M.  A.  Desfeuilles  (t.  XI  du 
Molière  des  Grands  Ecrivains),  qui  contient  tant  de  vues 
neuves  sur  les  éditions  d«'  notre  grand  comique,  et  tant  de 
rectifications  de  détail  au  livre  de  P.  Lacroix?  Ce  sont  là,  par 
excellence,  des  «  livres  auiorces  ».  J'en  dirai  autant,  en  fait 
d'ouvrages  généraus,  de  l;i  savante  ffistoire  de  la  littérature 
française  au  XVTP  siècle,  de  Lotheissen  (livre  dont  nous 
u'avons  pas  l'équivalent  en  Franc(^)  ;  des  études  de  Damiron 
sur  le  xviii"  siècle,  si  nourries  ;  du  livre  vieilli,  luais  qui  n'a 
pas  été  récrit,  de  A.  Micliiels,  sur  V Histoire  des  idées  litté- 
raires en  France;  de  l'ouvrage  considérable  de  Lady  Blen- 
nerhasset  sur  Madame  de  Staël  et  son  temps,  etc.,  etc.  Et 
encore  une  fois,  nul  ne  songerait  à  reprocher  ces  lacunes  à 
M.  L..  >i  Ton  ne  voj^ait  figurer,  eu  bonne  posture,  dans  sa 
l)il)liographie,  quelques  ou\'rages  de  moindre  \aleur  qu'où 
me  dis|)e usera  de  ciici'. 

Malgré  tout,  les  indicatifjus  l>ibliograpliiqucs  dont  ce 
précis  est  plein  feroni  sa  fr>riinii'  auprès  d(.vs  lechnu's  à  (pii  il 
est  destiné. 

Quant  au  fond,  je  ne  \()is  pas  de  inrillciir  moNen  i|e  it'uuoi- 
giier  à  M.   L.   Te^iiuie  que  je  fais  de  son  travail  (pu-  de  lui 

1.  M.  L.  cite  inènip  0(;rlaiiis  livres  int'diis,  niciiiiriiuic^  trop  l';ivo- 
r.'iblomenl.  à  titre  «le  ^iniple  e^pciaiioc. 


310  RliVUE    DK    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

soumettre  quelques  doutes  qui  me  sont  voDus.à  une  première 
lecture. 

P.  32.  —  Quoiqu'on  soit  <(  tenté  »  de  chercher  l'influence 
de  Shakespearedans  le  Tyr  el  Sidon  de  Schelandre,  et  quoique 
les  dates  autorisent  à  admettre  une  imitation  (Ti/ret  Sidonc^t 
de  1608  \Roméo  et  Juliette,  joué  on  1591,  fut  publié  en  1597), 
la  communauté  de  sources  semble  rhj'pothèse  la  plus  pro- 
bable, la  légende  des  amants  de  Vérone  se  retrouvant,  comme 
on  sait,  dans  la  plupart  des  littératures  européennes. 

P.  57.  —  M.  L.  pense-t-il  sérieusement  que  «  le  Menteur... 
a  besoin  d'être  vu  en  scène  pour  être  clair?  »  Je  n'avais 
jamais  cru  la  comédie  de  Corneille  si  obscure, 

P.  85.  —  N'y  aurait-il  pas  lieu  de  justifier  l'expression  au 
moins  inattendue  de  «  roman  psycliologique  »,  appliquée  à 
Psyché? 

P.  59.  —  La  comédie  des  ((  iVcadémiciens  ».  de  Saint- 
Évreraond,  est  sans  doute  pour  la  comédie  des  Académistes? 

P.  131.  —  A  ajouter  aux  livres  cités  en  note,  le  récent 
ouvrage  posthume  de  Mgr  Freppel  sur  Bossuet  et  l'éloquence 
religieuse  auXVII^  siècle.  1893,  2  vol.  in-8". 

P.  147.  —  Où  M.  L.  a-t-il  vu  que  Ramsay  fût  le  neveu 
de  Fénelon?  Je  le  croyais  simplement  son  ami  et  l'un  de  ses 
«  convertis  »  de  prédilection. 

P.  160  sqq.  —  N'est-ce  pas  un  procédé  un  peu  trop  som- 
maire, à  propos  des  épistolographes  du  xvn®  siècle,  que  de 
procéder  simplement  par  renvois  au  recueil  de  M.  Lanson? 
Tout  ce  chapitre  a  un  aspect  de  nomenclature  stérile. 

P.  169.  —  Il  faudrait  peut-être,  en  parlant  des  Mémoires 
de  il/f"«  de  Caylus,  faire  du  moins  qaelques  réserves  sur 
leur  authenticité.  [Voir  une  étude  importante  de  M.  Alfred 
Richard,  Bulletin  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Poitiers, 
oct.  1893.  M.  R.  possède  le  manuscrit  oiiginal.J 

P.  209.  —  A  propos  du  séjour  de  V'oltaire  en  Angleterre, 
la  date  de  son  départ,  que  M.  L.'  fixe  à  mars  1729,  n'est  rien 
moins  que  certaine.  La  date  probable,  et  seulement  probable, 
est  février.  [Cf.  le  récentlivre  de  M.  A.  Ballantyiic  :  Voltaire 
in  Enyland,  1893.] 

P.  234.  —  Quelle  nécessité  de  distinguer  quatre  périodes 
dans  la  vie  de  J.  J.  Rousseau  :  la  premièri^  que  M.  L.  appelé 


(OMi'Pi".   ri'.MK  ;!ll 

la  période  «  d'incubation  »  (1732-1741.  parait  bien  n'en  l'aire 
qu'une  avec  la  sccondo  (1741-17-49;,  (|ui  est  celle  des  tâlonnc- 
ments  antérieurs  aus  début?;  littéraires. 

P.  24:^.  —  Il  y  aurait  fort  à  dire  sur  le  «  prodigieus  mérite  » 
qu^a  eu  Rousseau  de  s'affranchir  dans  la  seconde  partie  de 
sa  vie,  «  dos  instincts  vicions  et  des  mauvais  exemples  »  de 
la  première,  et  «  de  s'élever,  jusqu'à  rhonnéteté  et  à  la  dignité 
constantes  i?)  ».  J'ai  grand  peur,  que  M.  L.  ne  pèche  ici  par 
excès  d'indulgence  pour  son  auteur.  [Voir  la  récente  biogra- 
phie de  M.  Beaudouin.  qui.  au  surplus,  n'est  pas,  comme  il 
est  dit  par  erreur,  p.  419,  de  1871,  mais  de  1891.] 

P.  334.  —  Parmi  les  écrivains  qui  ont  agi  sur  les  origines 
du  romantisme  français  et  que  M.  L.  dit  ((  plus  prônés  que 
lus  »,  on  voit  figurer,  au  hasard  de  la  citation,  «  Shakespeare, 
Ossian,  Walter  Scott,  Wordsworth  et  les  Lakistes;  Gœthe, 
Lessing,  Schiller  et  Burger;  Dante,  Lope  de  Vega,  Calderon 
et  les  picaresques  espagnols.  »  «  Au  fond,  est-il  dit  ensuite, 
l'admiration  de  ces  maîtres  exotiques  était  chez  les  novateurs 
une  machine  de  guerre,  leurs  noms  des  cocardes,  leur  imita- 
tion un  placage.  »  Que  de  distinctions  à  établir  ici  !  Que  tous 
ces  ((  maîtres  »  aient  été  «  prônés  »,  cela  est  de  toute  évidence; 
mais  M.  L.  nous  accordera  que  plusieurs  aussi  ont  été  «  lus  », 
et  de  très  près,  parles  romantiques  :  ainsi  Shakespeare,  ou 
Schiller,  ou  Byron,  qu'on  s'étonne  de  voir  omis  dans  cette 
liste.  Que  devient,  dès  lors,  le  «  placage  »?  Mais  la  preuve 
voudrait  un  volume.  Qu'il  nous  suffise  de  protester  contre 
cette  manière,  un  peu  expéditive,  de  se  débarrasser  d'un  gros 
problème,  .raimerais  mieus.  en  l'absence  d'informations  pré- 
cises, un  point  d'interrogation.  Et,  puisque  ce  A'olume 
s'adresse  aus  «  étudiants  en  lettres  »,  faudrait-il  craindre  d(î 
leur  signaler  les  points  douteus  et  obscurs  do  notre  histoire 
littéraire'.^  N'est-ce  pas,  au  contraire,  plus  u  moral  »,  si  je 
puis  dire,  et  d'un  meilleur  exemple'.^ 

Mais  sans  doute,  M.  L.  connaît  aussi  bien  que  personne 
l'inévitable  reproche  auquel  s'expose  l'auteur  d'un  précis  de 
ce  genre.  Condamné  à  ne  pas  motiver  ses  opinions  et  à  ne 
pas  étayer  ses  jugements»  faute  de  temps  et  de  place,  il  reste 
à  la  merci  de  tous  cens,  et  ils  sont  nécessairement  nombreus 
dans  l('<  (''tudes  de  littr-ratiu-*-  modem'',  qui  sont,  ou  se  croient 


812  TîFATK    ni:    1MIII.mi.()(.M-;    l'h' A.\(;A1.SK 

plus  exactement  infonnés  sur  un  point  donné.  Il  faut  rendre 
à  M.  L.  cette  justice  qu'il-a  essayé  (mérite  rare  chez  les 
auteurs  de  manuels),  de  se  faire  le  fidèle  interprète,  l'éciio 
sincère  des  travaus  les  plus  récents,  et  qu'il  y  a  réussi  géné- 
ralement. C'est  ce  qui  fait  la  valeur  originale  de  son  livre, 
qui  a  sa  place  marquée  dans  la  bibliothèque  de  tous  les  amis 
de  notre  histoire  littéraire'. 

Joseph  Texte. 

1.  Signalons  quelques  additions  ù  Vcr/xciu  :  p.  112.  unie  :  11  en 
méconnaît;  p.  194  :  Chastelux,  p.  Cbaslellux;  p.  :U2,  n.  :  Alfred 
lie  Vigru/,  jjoèie  [ci]  p/tilo.iop/ie  (de  même  p.  430);  p.  418,  Mohrenholtz 
p.  Mahrénholtz;  p.  420.  1.  4,  1872.  p.  1892;  p.  429,  I.  1,  Jean  Morel. 
p.  Jean  Thorel. 


Bl'LIJCl'LX    rU'lMESrinEL 

SOCIÉTÉ  DIl  IIÉFOIOIK  OKTIIOIIKAIMIIUI 

(Octobre-Décembre  1893) 


l'.haïujement  d'adresse  :  M.  IJo/o  (Noël)    Dépoli,  L'inployè 
supérieur  de  la  poste  et  du  télégraphe  à  P'iunie  (Hongrie). 

COMPTK   Rh:M)r    1)1"  'l'RKSOIMKIJ 
lui  janvier  1893,  la  Société  avait  en  caisse (il  ir.  SO 

Recettes  de  18!)3 

(  orisaiions    de     MM.     Bozo     Dépoli,     Clédat. 

Firmery,  Gaclic '^i)  n 

<  'otisation  de  M.  Ponroy 'i  » 

—  de  M.  Durand,  École  réale  de   Kiet'..  ')  GO 

—  de. M.  Bastin  (cotisation  de  1894)  ...  .  .">  » 

—  ^)arlos  Qal)eson,  de  \'alparaiso  (("iiili) 

gasilla  1-28 .".         )) 

Cotisation  de    M.    'J.   New  nuui  .    de   \'alparaiso 

(Chili),  gasiUa  019 20         » 

11!)        10 
Nous  remercions  p;iriiculioienieiil  M.   Xcwnian 
de  s;i  gf'uéreuse  oll'rande. 

DÉPENSES 

Frais  d'impression  du  Bull<;tin 39  Ir.    » 

Enveloppes,   timbres  et  expédition  du 

Bulletin _18 75 

Total '>7      75      57      75 

Reste  en  caisse 'îl       05 


311  REVL"E    Di;    F>iriLO[.or,lK    TRANfAISF. 

M.  Paul  Passy  a  reçu,  de  son  côté,  59  fr.  (voy.  Bulletin 
d'avril  1893,  et  ajoutez  :  la  'cotisation  (2  fr.)  de  M,  Bénard, 
instituteur  à  Nogent- le- Bernard,  celle  de  M.  Rambeau 
(1201,  Bolton  Street,  Baltimore)  pour  1893,  et  celles  de 
MM.  Rambeau,  Ballu.  Bénard  et  Balassa  (fôreàliskolai  tanâr. 
Debreczen,  Hongrie)  pour  1894,  plus  10  fr.  pour  collections 
vendues).  Nous  devons  toujoui-s  152  fr.  à  M.  Lievons. 


LA  RÉFORME  A  L'ACADÉMIE 

On  a  annoncé  que  l'Académie  avait  adopté  la  plupart  des 
réformes  proposées  par  M.  Gréard.  Mais,  après  avoir  pris 
tout  d'abord  la  résolution  de  faire  connaître  dès  maintenant 
ses  décisions,  elle  paraît  malheureusement  y  avoir  renoncé. 
Nous  devons  donc  attendre  la  prochaine  édition  du  Diction- 
naire pour  être  officiellement  éclairés  sur  l'étendue  exacte 
des  modifications  consenties. 


ALLOCUTION 

PRONONCÉE    A    LA    DISTRIBUTION    DES    PRIS    DU    LYCÉE    DE    LYON 
LE    29    JUILLET    1893. 

Mes  chers  Amis, 

...  La  plupart  de  cens  qui  ont  eu  avant  moi  l'honneur  de 
présider  cette  fête  de  f;imill(>  universitaire  ont  pris  clans  leurs 
(Hiidcs  favorites  le  sujet  (!<'  leur  allocution,  .le  ne  saurais 
mieus  faire  que  de  me  conformer  à  cette  sorte  de  tradition, 
et,  puis((ue  j'enseigne  à  la  Faculté  l'histoire  de  la  langue  et 
de  l'orthographe  françaises,  je  voudrais  vous  parler  très 
brièvement  de  l'orthographe. 

Tant  que  durent  vos  études,  l'orthographe  est  })our  vous 
une  loi,  et  vous  n'ignorez  pas  qu'un  bon  élève,  comme  un 
lion  citoyen,  doit  respecter  la  loi,   c'cst-à  dire  ne  pas  l'en- 


Bl  LLliTlN  DK  LA  SOCIKTK  DK  KKFORMH  (  »HTII()GR.MMlli^(;i-:    iU') 

froindio.  inrinc  si  elle  est  innmaise,  —  ce  (jui  est  le  ras. 
Vous  voyez  que  je  suis  très  loin  de  vous  encourager  à  n(''fr1i<rer 
vos  exercices  granimatieaus.  f'/c^st  luênie  a\ec  une  estime 
toute  particulière  ([uc  je  reuKMtrai  tout  à  i'iieure  à  ceus  ((ui 
les  ont  gagnés,  les  pi-is  de  langue  fram^aise  qui  sont,  sous 
un  autre  nom,  ce  qu'on  appelait  de  mon  temps  des  pris 
d'orthogi-aphe.  Ce  changcniem  de  liin-  est  di-jà  un  progrès 
appréciable. 

Vous  êtes  assez  jeunes  i)()ur  \oir  introduire  dans  les  (Hudes, 
avant  que  vous  ayez  quitt(''  le  lycée,  et  peut-être  à  bref  d(''lai, 
une  loi  orthogr-aphi([UC  nou\elle.  à  la  lois  plus  rationnelle  et 
])]us  simple.  Ce  sera  un  gi-and  biiMil'ait  pour  vos  successeurs. 
Mais  il  ne  faudra  pas  iiop  regietter  1(>  temps  que  vous  aurez 
consacré  \ous-ménies  à  appi-endre  des  règles  qui  seront  aloi-s 
de\enues  cadu(|ues.  ('ar,  plus  lieureus  que  ceus  qui  \ous 
ont  précédés,  vous  pou\ez  au  moins,  grâce  ans  découxcrtc's 
delà  philologie  française!.  \ous  rendrcM-ompIc»  de  la  \aleui- 
exacte  de  ces  règles,  tandis  <pi(>  nous  étions  réduits  à  les 
pratiquer  sans  les  comprendre.  L'orthographe  actuelle, 
même  dans  ses  parties  les  plus  défectueuses,  peut  être,  par 
les  explications  qu'elle  provoque,  une  source  de  l)ons  ensei- 
gnements. C'est  ce  que  je  ^■oudrais  vous  monirei-  paj-  (juelques 
exemples. 

Quoi  de  plus  instructif  que  1"/?  pai-  hniuelle  commeuc(^  le 
mot  huile?  On  vous  a  appi-is  que  l'A  muette  du  français 
corrc^spont  à  une  h  du  latin  ;  mais  l'explication  ne  vaut  rieu 
ici,  puis([uc  «  huile  ••  vient  iVoh'n,  (pii  n'a  pas  d'A.  Si  xous 
êtes  ol)ser\ateurs.  nous  aurez  remarqué  <[ue  la  même  parti  - 
cularitc'  se  produit  pour  les  mots  huit  (latin  octo  sans  h), 
li'i.ix  (ostiumiei  son  ii(Mi\(''  Iiuissier,  huître  (ostrea).  Tous  ces 
mots  commeiK-ant,  dans  la  prononciation,  par  la  voyelle  u. 
il  est  vraiseinl)lable  a  priori  que  la  \érifal)le  raison  de  la 
présence  de  Vh  doit  se  rattacher  à.  cette  voy(dle.  (  )i-,  on  a  dû 
^•ons  dire  que  le  grand  Corneille  avait  introrluit  on  coninliut" 
à  introduire  dans  l'e'Criture  française  la  (livimctiun  ^i  utile 
de  l'/t  et  du  r.  Auparavant,  nous  ])oss(''dions  l)ieu  ces  deus 
caractères,  issus  tous  les  deus  d'un  seul  signe  du  latin,  mais 
chacun  d'eus  pouvait  représenter  soit  le  son  u,  soit  le  son  r. 
de  telle  -^oite  qu'il  ('lait  iuipo^-^ilile  (h'  >a\(iir.  auinnneni  qU'- 


31G  kevi;e  D1-:   i>iiil<>lugik  fkançaisk 

par  le  coutexle,  si  un  iiiot  ('crit  aile  ou  vile  était  le  substantif 
dérivé  à'olea  ou  le  fiMiiinin  de  l'adjectif  vil.  Pour  établir  une 
distinction,  on  a  eu  Vidée  de  placer  une  li  devant  ni  toutes 
les  fois  que  le  mot  commençait  pai-  le  son  h  et  non  par  le 
son  V.  Depuis  la  réforme  de  Corneille,  l'A  des  mots  huile> 
huit,  huis,  huître,  n'a  plus  aucune  utilité,  mais  comme  on 
ne  se  rendait  pas  compte  do  son  oj-igiu(\  oiv  l'a  maintenue 
rigoureusement  :  c'est  ainsi  que,  pendant  des  années,  on  vit 
une  sentinelle  monter  la  garde  pour  empêclier  les  gens  de 
s'asseoir  sur  un  banc  jadis  peint  de  frais. 

Vous  voyez  que  Vh  défectueuse  du  mot  huile  peut  \ous 
aider  à  apprendre  et  à  retenir  une  particularité  curieuse  de 
notre  ancienne  écriture.  L'<r  du  pluriel  n'est  pas  moins  inté 
ressaut.  Et  d'abord  ce  n'est  pas  un  x.  C'était  à  l'origine  un 
signe  abréviatif  conventionnel,  qui  ressemblait  à  un  </•,  et 
qui  représentait  la  finale  us,  si  fréquente  en  latin  et  en 
français.  Notre  écriture  était  ainsi  remplie  de  signes  abré- 
viatifs  qui  permettaient,  avant  l'invention  du  papier  et  de 
l'imprimerie,  d'économiser  le  parchemin  et  le  temps  des 
copistes.  Plus  tard,  quand  on  put  s'offrir  le  luxe  d'écrire  les 
mots  en  toutes  lettres,  l'habitude  de  mettre  le  signe  œ  à  la 
fin  des  mots  en  us  fit  que  souvent  on  écrivit  ux  au  lieu 
de  us,  par  inadvertance  :  cette  faute  était  si  fréquente  qti'elle 
finit  par  prévaloir  sur  la  graphie  correcte,  et  c'est  ainsi  que 
le  signe  x,  confondu  a\ec  la  lettre  x,  devint  après  u  l'équi- 
\alent  de  Vs,  à  laquelle  il  se  substitua  bientôt  complètement. 

Mais  je  vous  ai  promis  d'être  court,  et  je  vous  tenir 
parole.  Si  notre  orthographe  est  mau^•aise,  c'est  qu'elle  est 
en  grande  partie  l'œuvre  de  savants  (jui  savaient  sans  doute 
beaucoup  de  clioses,  mais  ausquels  il  manquait  la  seule 
connaissance  indispensable  en  la  matière,  celle  ilc  riiistoitc 
de  la  langue.  I/histoire  de  la  langue  française  est  une  science 
toute  ]-écente,  qui  a  l'ait,  pendant  les  cin(iuante  dei'nières 
années,  des  progrès  considérables,  et  nous  sommes  au- 
jourd'hui en  état  de  corriger  notre  orthographe  d'après  des 
principes  siirs,  conformément  à  l'esprit  et  ans  plus  saines 
traditions  de  notre  langue,  h'  ne  puis  entrer  dans  le  détail 
des  tentatives  de  réforme  qui  se  sont  inspirées  de  ces  prin- 
cipes; je  ne  veus  vous  citer  qu'un  nom,   (jui  est  l'honneui- 


liLl.l.Kl  IN   m.  l.A  SIX   llilK  Ki:  Klll'iiHMi;  I  i|{  IIKK.H  Al'|l|(,>li;    .)1  , 

(If  ri'nixcrsiU'  de  FiaïU'C  celui  de  M.   (  ii<';ii(l.  \  i('e-icct<'ui' 
de  rAeadémie  de  Paris. 

Kii  saisissant  rAcadéiiiie  l'raneaise  île  la  que>iiou  oi'tliu- 
graphique,M.  Gréard  a  l'ail  prem'e  d'un  vérilable  courage 
eivi(iue;  eai' il  a  bfavé  les  sarcasmes,  l'aciliîs  à  ])révoir,  du 
pul.)lic  futile  et  incompétent.  Grâce  à  lui,  la  cause  de  la 
réfojiue  est  presque  gagnée.  Noti-e  orthographe  officielle 
deviendra  bientôt  plus  correcte,  plus  scientifique  et  en  même 
temps  plus  simple,  et  cette  simplicité  nous  aidera  puissam- 
ment à  répandre  notre  langue  à  l'étranger,  à  lutter  contre  la 
langue  anglaise  qui  est  la  rivale  redoutable  de  la  nôtre.  Le 
l'rancjais  est  plus  long  à  apprendre  que  l'anglais;  nous  n'y 
pouvons  rien,  mais  n'ajoiiions  pas,  du  moins,  aus  difficultés 
naturelles  de  la  langue  les  dilliculiés  factices  ai  puériles  de 
l'orthographe.  Fort  heureusement  poiu'  nous,  de  toutes  les 
orthographes  européi'inies,  l'ap.glaise  est  la  seule  qui  soit 
encore  plus  compliquée  el  plus  étrange  que  la  nôtre.  C'est 
là  un  avantage  que  nous  pou\on.s  augmenter  sensiblement 
par  de  sages  réformes,  llàtons-nous  d'en  profitei-.  Nous  ne; 
de\ons  négliger  aucun  moyeu  de  faire  bonne  figure  dans  le 
monde,  el  d'y  propager  l'intluence  fran(,*aise,  qui  ne  s'exer- 
cera jamais  qu'au  Ix-néfice  de  la  ci\ilisalion  et  de  la  jus- 
lice 


LEirUK  1)  L-N  lnstitlti:l'k 

Dicersea  rdiaoïts  nous  ont  empèclté  de  publier  plus  tôt  cette 
lettre,  qui  date  de  plusieurs  années,  mais  (pu  n'a  mallieu- 
reusenient  rien  perdu  de  son  (jp/tortunifé. 

Je  suis  un  partisan  de  la  rr-furmalion  de  notre  orthographe, 
un  partisan  honteus.  Songez  donc  :  je  suis  maître  d'école,  non 
pas  à  la  façon  de  M.  Petdeloup'.  mais  bien  tout  ee  qu'il  v 
a  de  plus  magisler  de  villagi.' ;  or,  pour  un  instiiuD-ur, 
niiklire  de  l'orthographe  c'est  jeter  des  pierres  dans  son 
propre  jardin  ;  vous  m'excuserez  donc  de  garder  l'anonyme. 

1.  l'soudijiiyine  d'un  adversaire  do  la  ivfoniie,  i|Mi  avait  puliin; 
un  ariicle  dans  le  Li/on  rc/juljlieain. 


MIS  i<i;\i'K  i)K  r-iiiLoLOGii:  fi{an(;ajsh 

Après  cette  présentation  incomplète,  je  viens  au  fait. 
M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  parle  de  supprimer 
la  dictée  aus  examens  du  certificat  d'études  primaires  ; 
l'épreuve  dite  de  rédaction  serait  alors  notée  au  point  de 
vue  do  l'orthographe.  11  a  fait  mettre  cette  question  à  l'ordre 
du  jour  de  toutes  les  conférences  pédagogiques  de  France, 
en  invitant  les  instituteurs  à  proposer,  en  outre,  toutes  les 
mesures  qui  leur  paraîtront  propres  à  faire  perdre  à  l'ensei- 
gnement orthographique  l'importance  excessive  qu'on  lui  a 
attribuée  de  tout  temps  à  l'école  primaire  (Circulaire  du 
3  juin  1890,  insérée  au  Bulletin  officiel  du  Ministère). 

D'après  les  lioraires  prescrits  pour  les  écoles  de  la  Loire, 
deus  heures  sur  cinq  et  demie  doivent  être  consacrées  à 
l'étude  du  français  ;  on  n'a  pas  fixé  la  proportion  du  temps  à 
employer  à  l'étude  de  la  langue  elle-même  ou  à  celle  de 
sa  graphie,  mais  je  puis  affirmer  qu'ils  sont  peu,  bien 
peu  nombreus,  les  maîtres  qui  ne  font  pas  la  part  du  lion 
dans  leur  classe  à  la  très  insipide  dictée.  La  faute  en  est 
surtout  à  cous  qui  s'obstinent  à  maintenir  la  dictée  comme 
épreuve  éliminatoire  dans  tous  les  examens  dont  elle  fait 
partie. 

Cette  tyrannie  de  l'orthographe,  beaucoup  d'entre  nous  la 
subissent  avec  impatience.  Nous  sommes,  pour  la  plupart, 
tout  prêts  à  aider  de  toutes  nos  forces  quiconque  essayera  de 
nous  en  délivrer.  Nous  savons  trop  que  le  jour  où  l'on  aura 
déchinoisé  notre  langue,  l'instruction  du  peuple  fera  un 
grand  pas  ;  que  de  choses  vraiment  pratiques  on  pourrait 
enseigner  avec  le  temps  et  les  peines  qui  sont  nécessaires 
pour  habituer  nos  élèves  aus  incohérences  de  l'orthographe  ! 

Il  est  certain  que  si  on  demandait  l'avis  des  conférences 
cantonales  ou  bi-cantonales  d'instituteurs  sur  l'opportunité 
(le  la  réforme  que  vous;  demandez,  l'immense  majorité 
répondrait  par  un  oui  énergique.  Les  résultats  d'un  tel  plé- 
biscite parmi  les  maîtres  d'alphabet  ne  nuiraient  peut-être 
pas,  devant  le  Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique, 
aus  réclamations  des  linguistes  les  plus  distingués  de  notre 
temps.  Mais  qui  en  prendra  l'initiative?... 

J.  B., 

ln.<tit"tci'r  à  M. -Loire. 


Bl'LLHriN  Dt:  LA  sOCIKTK  1>K  KKKi  il(  MK  UU  l'IIi  «i  ,K  \IMI  lyl    K    )^>l'.t 


AliTlCIJ-:  l»K  >1.  MICHEL  HHKAL 

sru    LA     ((     NOTK     •'    l)K    M.    (ÎKKAl{f) 
/'-'./'//Y//7.V 

Commençons  par  les  points  où  la  simplification  nous 
paraît  possible.  C'est  en  C(^  qui  concerne  certaines  rèj^les  de 
la  grammaire,  règles  extraordinaires,  que  tout  le  monde  a 
apprises  dans  sa  jeunesse  sans  par\('nir  à  les  comprendre. 
Pounjuoi  une  demi-heure  et  une  Jieure  et  rlemie'^  Pourcpioi 
les  règles  de  nu-tèteet  c\e(è(e  nue'^  Ne  peut-on  orthographier 
feu  la  reine  comme  on  t'ait  pour  lu  feue  reine"}  Pourquoi  les 
difïérentes  règles  de  tout,  de  que.li\ue  et  de  même"}  Faut-il 
écrire  (jetée  de  groseitte  ou  de  groseiltes"}  en  ces  questions, 
une  large  tolérance  me  parait  être  la  \raie  solution... 

On  en  doit  dire  autant  pour  d'autres  changements.  Qu'on 
écrive  des  f/enoux'  ou  des-  rjenous.  Je  veux  ou  je  veus,  une 
dixaine  ou  une  dizaine,  la  chose  n'importe  guère...  D'où 
vient  que  l'Académie,  en  sa  dernièie  édition  du  Dictionnaire, 
nous  a  (je  ne  sais  vraiment  pourquoi)  remplace  les  excédants 
])ar  des  excédents i^... 

Depuis  trois  siècles  notre  langue  n'a  pas  su  se  décider 
pour  les  mots  comme  il  aclicie,  il  jette,  il  harcèle,  il  appelle, 
entre  le  système  des  accents  et  celui  des  doubles  lettres... 
Le  mal  étant  fait,  je  proposerais  le  régime  de  l'option.  Qu'il 
soit enifiidu  (|n'uii  pourra  écrire  il  appelle  ou  il  appelé... 

Xota. —  Il  lions  irste  encore  un  (■<'iiaiu  iioml)re  de  collec- 
tions im'om|)lèies  des  journaus  et  bulk'tins  ])ul)lit'-s  par  la 
SociéI('' depuis  1S87.  Xous  les  tenons  à  la  disposition  de  nos 
collègues  (de  cens,  bien  enicndu,  qui  sont  en  lèglc  pour 
l'année  courante),  conti-e  en\oi  de  1  Ir.  .od  eil  mandat  ou 
limljics  fj'an('ais.  S'adressci- a  M.  l'aul  l'ass\. 


Le  Gérant  :  K.  Houillon. 


TABLE  DL  TOVIE  Vil 

DE     LA     RE\UE     DE    PHILOLOGIE     FRANÇAISE 
1893 


Pages 

J.  J.  Firmery.  —  Sni-  la  cersijicutioii  de  Marot 1 

II.   C.    Puichaud.    —  Dictionnaire   du  patois   du    Bas- 

Gàti/tais 19,  101,  171 

III.  Le  chanoine  Hingie.  —  Obsercalioits  ù  propos  des 

chuintantes  du  patois  de  Colignj/ 54 

IV.  Note  de  M.  Grèard 81 

V.  P.  Regnaud.  —  L'origi/ie  des  Contes  de  fées 151 

VI.  C.    Puichaud.    —  Dictionnaire  du  patois   du   Bas- 

Gàtinais   (supplément) 171 

VII.  H.  Viez.  —  Essai  sur  le  patois  d'Alcnçon 191 

VIII.  L.    Clédat.  —   Le  Compte   municipal   de    Tournon, 

commentaire  hisloric/ue. 220 

IX.   H.  Teulié.  —  Mè/norandum  des  Consuls  de  la  cille 

de  Martel 253 

X.  A.  Ferrand.  —  Termes  du  patois  de  Jons  (Isère)..  . .  265 
XI.  Bruyère.  —  Notes  sur  le  patois  de  Gré^ieu-le-Marchè.  284 
XII.  L.  Clédat.  —  Phonètiiiue  ruisonnée  du  français  mo- 
derne  '. 292 

Comptes    rendus.    —    Glossaire    du  pai/s    biaisais,    par 

A .  Tliibault  {A.Jednroij) 58 

—  Modestes  observations  sur  l'art  do 
versifier,  par  Clair  Tisseur  (J.  Texte). . . .     138 

—  Précis   historique  et  critique  de  la 
littérature  française,   par   M.    Lintilhac 

(J.  Texte).... 306 

Livres  et  articles  signalés 64,  151 

Bulletins  trimestriels  de  la  Société  de  réforme  ortho- 
graphique    65,  153.  313 


cualon-suk-saom:,  nn-iiiMEniii:  un  l.  >l\rce.\u 


PC 

2701 

R5 

t. 7 


Revue  de  philologie  française 


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