UHUiVi
REVUE
DE
PHILOLOGIE FRANÇAISE
ET DE LITTÉRATURE
SYSTEME ORTHOGRAPHIQUE
De la revue DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
1. — Remplacer par s l'œ final valant s, sauf dans les noms propres
et noms de liens.
2. — Écrire par s ou -î deusième, troisième, sisième, disième,
disaine, ou deusième. etc.
3. — A l'indicatif présent des verbes en re, oir et //•, terminer
toujours par un t la troisième personne du singulier, et supprimer
toute consonne qui ne se prononce pas devant 1'.? des deus premières
personnes et devant le t de la troisième : je m'assiés, il s'assiet; je
cous, il coût: je prens, il p"ent; je pers, il pcrt; je concains, il
concaint; je permès, je combas, j' interrons.
4. — Ne jamais redoubler 17 ni le t dans les verbes en eler et en eter.
5. — Ne jamais faire l'accord du participe quand le complément
direct est le pronom en. Faire ou ne pas faire l'accord, sans y attacher
aucune importance, pour les participes coûté et cala, qu'ils soient
pris au propre ou au figuré, et de même, quand un participe est suivi
d'un infinitif sans préposition, ne pas s'inquiéter si le pronom qui
précède est sujet logique ou régime de l'infinitif.
Ce programme vise, non à simplifier l'orthographe, mais
à la rendre plus correcte; il se trouve d'ailleurs qu'en deve-
nant plus rationnelle, elle devient aussi plus facile; car notre
réforme, bien que partielle, supprime déjà une vingtaine de
règles, exceptions ou remarques des grammaires, qui ne
peuvent se justifier par aucun argument sérieus. Les personnes
qui concevraient des doutes sur la légitimité de telle ou telle
modification sont priées de se reporter aus fascicules de la
Revue de Philologie française, où chaque article du pro-
gramme est proposé et discuté (tome III, page 270; tome IV,
pages 85, 153, 161, 235; tome V, pages 81 et 308).
Les premiers adhérents ont été MM. Michel Brêal. Edouard Hervé,
Francisque .Sarcey, Paul Passy, Camille Chabaneau, Louis Havet,
Charles Lebaigue, Ferdinand Brunot, Eugène Monseur, etc.
Nous recommandons particulièrement aus directeurs de
Périodiques, favorables à la réforme, la mise en pratique de
l'article 1, qui n'exige aucun effort d'attention de la part de
MM. les Protes.
Dans sa Grammaire historique posthume, Arsène Darmesteter dit
excellemment : « C'est à une succession d'erreurs qu'est due la
fâcheuse habitude de l'orthographe moderne de noter par x presque
toute s qui suit un u Il serait grand temps qu'une orthographe plus
correcte et plus simple rétablît partout Vs finale à la place de cette a?
barbare. »
i:HALON-SUR-SAÔNE, I.MPKIMEKIK DE L. MARCEAU, E. BERTRAND, S^
y
REVUE
'Il
DE
PHILOLOGIE FRANÇAISE
ET DE LITTERATURE
RECUEIL TRIMESTRIEL
PUBLIE PAR
Léon CLE DAT
PROFESSEUR A L UNIVERSITE DE LYON
Tome XIII. - 1899
4^
PARIS
LIBRAIRIE EMILE BOUILLON, ÉDITEUR
67, RUE DE RICHELIEU, AU PREMIER
[Tous droits résercés]
O'^nI
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE
Les Pronoms personnels^
I
LES PRONOMS SUJETS
En latin, en général, on n'exprimait pas le pronom
sujet ; en ancien français et dans l'ancien provençal,
son emploi n'était peut-être obligatoire que dans
quelques cas (cf. Griuidriss de Grôber^ I, p. 640). En
français moderne, le pronom sujet est de rigueur, sauf
à l'impératif et dans quelques constructions archaïques.
Mais les dialectes provençaus ont conservé la liberté
de l'ancienne langue ; ils suppriment le plus souvent
le pronom sujet, et ils ne Texpriment guère que pour
insister sur l'idée personnelle, dans des cas où en fran-
çais le pronom estredoublé(^ofj tu ris, et moi, je pleure).
Il importe de déterminer dans notre région la limite
où s'arrête l'usage provençal, où commence l'usage
français, et d'examiner les particularités intéressantes
que présente la zone intermédiaire.
Le pronom personnel sujet est en général supprimé
comme en provençal, dans les Hautes-Alpes, au sud
du département de l'Isère, dans la Drôme, TArdèche
et la Haute-Loire, et au sud delà Loire. On peut con-
sidérer les localités suivantes comme formant la limite
septentrionale de l'usage provençal :
1. Voyez notre Reçue, tome XII, p. 1, note 1.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 1
2 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Hautes- Alpes: Chorges, Gap, Veynes, Aspres,
Saint-Julien-en-Beauchêne (c. d'Aspres)^ dans l'arr.
de Gap. Il faut y ajouter, d'après Chabrand et Rochas
d'Aiglun (Patois des Alpes Cottiennes), TEmbrunais^
le Queyras, et dans le Briançonnais Saint-Véran et
Molines.
Isère: Monestier-du-Percy (c. deClelles) et Cornil-
lon (c. de Mens) dans Tarr. de Grenoble ^
Drôme: Menglon (c. de ClicUillon), Die, Beaufort
(c. de Crest) et Crest dans Tarr. de Die ; Chabeuil,
Montmeyran (c. de Chabeuil), Beaumont (c. de Va-
lence) et Valence dans Tarr. de Valence.
Ardèche : Jaujac (c. de'Thueyts) dans l'arr. de Lar-
gentière ; Baix (c. de Chomërac), Privas (d'après la
Parab. de l'Enf. pr., in Mém. de la Soc. des Ant. de
France, VI, 515), Saint-Pierreville dans l'arr. de Pri-
vas; le Cheylard, Saint-Victor (c. de Saint-Félicien)
dans Tarr. de Tournon.
Haute-Loire: La Chapelle-d'Aurec (c. de Monis-
trol) dans l'arr. d'Yssingeaux, Frugières-le-Pin (c. de
PaulhaguetJ et la Chaise-Dieu dans l'arr. de Brioude.
Il faut y joindre, d'après les poésies populaires publiées
par M. W. Smith (/?oma/2/a, II, 59, sqq.,etVIII, 414
sqq.), Saint- Germain- Laprade, Saint-Pierre-Eynac,
Vorey, Chamalières dans l'arr. du Puy, Dunières et
Saint-Didier-la-Séauve dans l'arr. d'Yssingeaux. Le
pronom sujet manque^aussi dans la Parab. de l'Enf.
prod. en patois du Velay publié par Deribier de Cheis-
sac (Description satistique de la Haute-Loire, Paris,
1824, p. 184 j, dans les comédies en patois du Puy de
1. Guichard, Lou nodou das Sant-Brancassi, en patois de
Mens, in Rec. des L. rom.., XXI, p. 123 sqq.
LÇS PATOIS DE LA ItKÏ^ION LYONNAISK 6
l'abbf'; Oibjin (L'/n/'Of/fia, 1804; Les lïahltantH duPuy
rjt fjucj'i'c aoecLcH llahitantH d' Espaiij 1804; ; et enfin,
le baron de Vinol.s( Vocahul. paloia vellavien- français)
déelare formel lernent que le pronom sujet se supprime
dans le Velay.
Loirp:: K.ozier vX Kstivareille dans le c. de Saint-
Bonnet-le-Cliateau (arr. de iVIr)ritf)rison). D'après Gras
[Dict. (la j)(d. Jhrézùm), a l'usa^^^e du pronom devant
les verbes rj'est pas dans l'esprit du patois foi'é/ien...
Dans toutes les localités où le patois s'est le miens con-
servé dans sa pureté primitive, le pi'onom est complè-
tement supprimé » (p. 100-101 j. Mais en fait, dans
les textes cités, le prouom suj(;t n'est supprimé cons-
tamment fpj'â Usson (p. ^01-^05), à Saint-Jean-Soley-
mieux (p. <i()4, ^10, ^IT), 2^]), à Luriec fp. 21^j, à Jon-
zi(;u (p. <i^8 ; cf. p. J/J8), c'est-à-dire dans la [>artie sud
du dép. de l;i Loire, rpji se rattache au Velay.
Le pronom sujet est toujours exprimé comme en
français dans les Vos^^'cs, In. Ifjiute-Saône, le Doubs,
le Jura, l;i. Saone-et-Loire, le I^hône, l'Ain, V<\. Haute-
Savoie et la Savoie. I.a limite méridionale de ce vaste
domaine passe au noid (bîTarr. de I>riîiricon, \\\\ mili^îu
de l'arr. de Grenoble, au nord de l'îur. de Saint-Mar-
ceilin et au sud de Vienne, au sud de l'arr. dfî Suint-
I^tienn^; et au nord-ouest de celui de Montbrison. Il
suffira d'indiquer les [joints extrêmes qui constituent
cette limite.
Hautks-Alpfs: d'apiés Chabrand et Rr>cfias d'Ai-
^lun, le f)ronom sujet est expi-imé dans le Hriançon-
nais, sauf à Molines et à Saint-Véran (cf. Patois des
Alpes-Cottiennes , Parab. en patois du Monétier, p. 155).
Il faut y ajouter, de l'autre côté de la frontière, les
vallées d'Oulx et de Pragelas (p. 15^-153).
4 REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Isère; le c. de Boiirg-d'Oisans en entier, la Motte-
Saint-Martin et la Motte-d'Aveillans (c. de la Mure),
Saint-Jean-de-Vaux et Champagnier (c. de Vizille),
Bresson (c. de Grenoble sud), Saint- Ismier, Bernin
et le Sappey (c. de Grenoble est), Voreppe (c. de Voi-
ron), Noyarey (c. de Sassenage), Méandre (c. du Vil-
lard-de-Lans) dans Tarr. de Grenoble ; Cbaravines^
Oyeu et le Pin (c. de Virieu), Cbimilin et Pressins (c.
du Pont-de-Beauvoisin), dans Tarr. de la Tour-du-
Pin; Saint-Micbel-de-Saint-Geoirs et Penol (c. de
Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs)^ dans Tarr. de Saint-
Marcellin; Gillonnay, Commelle, Faramans, Semons
et la Côte-Saint-André (c. de la Côte-Saint-André),
Pommier, Revel et Beaurepaire (c. de Beaurepaire),
le Péage-de-Roussillon (c. de Roussillon), dans Tarr.
de Vienne.
Loire: Saint-Chamond et Izieux (c. de Saint-Cba-
mond), Firminy (c. du Chambon), Saint-Étienne, la
Fouillouse (c. de Saint-Héand), dans Tarr. de Saint-
Étienne ; Viricelles (c. de Saint-Galmier), Essertines
(c. de Feurs), Moingt (c. de Montbrison), Ailleux (c
de Boën), Saint-Didier-sur-Rochefort (c. de Noiré-
table), dans Tarr. de Montbrison.
Entre les deus limites que nous venons de déter-
miner, s'étent une zone intermédiaire de largeur va-
riable où Tusage est assez incertain; le pronom sujet
est tantôt exprimé, tantôt sous-entendu. On peut y
noter toutefois quelques cas intéressants :
1° Un certain nombre de patois de Tarr. de Brian-
çon (Hautes-Alpes), de l'Isère et du nord de la Drôme,
plus logiques que le français, suppriment le pronom
sujet devant les verbes impersonnels, tandis qu'ils l'ex-
priment toujours devant les autres verbes. A la Cha-
LES PATOIS DE LA REGIOiN LYONNAISE O
pelle-en-Vercors (arr. de Die), par exemple, on dit:
fo =^ilfaut ; é verai zi=i il est vrai; souro afreu^= ce
serait affreus ; arivo = il arrive; ni abien^^il y en
a beaucoup. Le pronom reparait dans les phrases in-
terrogatives, où il n'a plus aucune valeur pronomi-
nale, mais sert seulement cà marquer l'interrogation :
plow = il pleut ; mais plow lyi? = pleut-il f é verai
= il est vrai, mais é lyi verai? = est-il vrai? —
L'usaoe est le même dans la Drôme, à Clicâtillon-
Saint- Jean (c. de Romans) et à Saint-Donat, où toute-
fois le pronom neutre n'est pas toujours supprimé ;
dans risère à Saint-Paul d'Izeaux et à la Forteresse
(c. de Tullins\, à Saint -Bonnet-de-Chavagne (c. de
Saint-Marcellin),dansrarr.deSaint-MarceUin;àSaint-
Hilaire et à la Buissière (c. du Touvet), à Pinsot et à
iMoutaret (c. d'Allevard). dans l'arr. de Grenoble. La
suppression du pronom neutre sujet n'est pas aussi
constante à Sillans (c. de Saint- Etienne -de-Saint-
Geoirs, arr. de Saint-]\larcellin', à Autrans c. du Vil-
lard-de-Lans , Champ (c. de Vizillej, à Proveyzieux
(c. de Grenoble nord^ ; elle semble même assez rare à
Presles-en-Rovans c. de Pont-en-Rovans , à Mzille,
â la Terrasse fc. du Touvet,, à Pontcharra (c. de Gon-
celin), à Saint-Pierre-d'Allevard (c. d'Allevard). —
Dans les Hautes-Alpes, on supprime volontiers le pro-
nom neutre à la Salle (c. de Monétier) ; de même aus
environs de Briançon. d'après les proverbes patois
cités par Chabrand et de Rochas d'Aiglun (p. 150). —
Enfin, au sud du dëp. de la Loire, à Bourg-Argental,
fo ^ il faut 'à côté de kaplo =^ il pleut.
2°Dans quelques localités de la même région, onsup-
prime le pronom sujet devant la l^'^pers. du sing. et du
plur. et devant les verbes impersonnels, tandis qu'on Tex-
6 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
prime devant la 2^ et la 3* pers. Dans l'Isère, à Vinay
(c. de Saint-Marcellin), on dit : parle, ame^^ je parle,
j'aime; aman, pari an ^^ nous aimons, nous parlons;
mais te parle, famé, va parla, vo(z) ama, o parle,
clame etc.; nos deus correspondants de Vinay s'ac-
cordent parfaitement sur ce point. On constate le
même fait à Vatilieu (c. de Tullins), dans Tarr. de Saint-
Marcellin, au Villard-de-Lans, à Lans (c. duVillard-
de-Lans), au Gua (c de Vif), dans Tarr. de Grenoble ;
et tout près de cette région, dans le dép. de la Drôme,
à Saint-Bonnet-de-Valclérieux (c du Grand- Serre),
et à Triors (c. de Romans). A Bourg-du-Péage (arr.
de Valence), le pronom est toujours supprimé devant
la 1^® pers. duplur. ; mais à la l'"^ pers. du sing. il ne
semble l'être que devant une consonne: pari ou =^ je
parle; mais /amo,/aï peut-être sous l'influence du
français. C'est l'inverse à Chanos-Curson (c. de Tain),
où d'ailleurs le pronom sujet est quelquefois supprimé
dans d'autres cas : a pai^lou = je parle ; mais amou,
ai=i j'aime, j'ai : le pronom disparaît sans doute par
élision. — La suppression du pronom sujet sing. de la
V^ pers. est aussi signalée par Chabrand et Rochas
d'Aiglun dans les vallées vaudoises, et par un de nos
correspondants aus Pontets (c. de Mouthe, arr. de
Pontarlier) au sud du Doubs ; Tusage est le même non
loin de là au Brassus (vallée de Joux, Suisse) d'après
la Parabole de TEnf. prod. (Bridel, Gloss dupât, de
la Suisse romande, p. 462-463) ^
3° Enfin certains patois suppriment souvent le pro-
1. Dans une des Lettres bressanes en patois des environs de
Bourg, insérées par Ph. Le Duc dans son recueil de Chansons
bressanes, bufjetj siennes et donibistes (Bourg, 1881), le pronom
sujet est ôû général supprimé devant les consonnes ; mais dans
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 7
nom sujet devant un verbe quelconque et à toutes les
personnes ; mais cette suppression n'est ni constante
ni régulière. Elle semble se produire de préférence,
toutes les fois que le contexte permet de reconnaître
facilement la personne :
La glace est solide^ on ne peut la casser, elle porte bien.
Lou gla ei soulidé, an pwo pa lou cassa, pworto bien
(Mens, Isère).
Il faut prendre le temps comme il vient.
Tsaw pendre louten coiimo vé
(Fay-le- Froid, Haute-Loire).
// punit son fils parce quil l'aime.
Zei punyis soun garsou persoké Vamo
(Saint-Hostien, Haute-Loire).
Ou lorsque le pronom sujet est suivi d'un autre pro-
nom au cas oblique avec lequel il peut se fondre:
(// est vrai) que vous Vavez cru.
Quévou avécrégu.
Quand il rencontre sa mère, il lui dit.
Kant ilé rencwentro sa matré, lyi di.
(La-Chapelle-sous-Chanéac, Ardèche).
Il en est de même dans les interrogations, où l'atti-
tude et le geste de celui qui parle indiquent nette-
ment la personne à qui il s'adresse ou qu'il veut dési-
gner :
Ké vouléf = que voulez-vous ? (Coucouron, Ardèche) .
Omo soun paire ? = aime-t-il son père ? (Le Monastier,
[Haute-Loire).
Nous trouvons des phrases du même genre à Bar-
la 2^ lettre écrite dans le même dialecte, il est toujours exprimé.
Aucun de nos correspondants, assez nombreus pourtant pour cette
région, ne nous signale le fait.
8 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cillonnette (Hautes-Alpes, arr. de Gap), à Mens (Isère^
arr. Grenoble), àChanos-Curson (Drôme,arr. Valence).
Au contraire, sur les confins du Vivarais et du Velay,
sur les hauts plateaus des Cévennes, on met volontiers
le sujet en relief en le détachant du verbe et en l'accen-
tuant fortement, par ex. à Coucouron, Béage (c. de
Montpezat), la Chapelle- sous-Chanéac (c. de Saint-
Martin-de-Valamas), Boffres (c. de Vcrnoux\ Devesset
(c.de Saint-Agrève), Annonay ;d'après Par. de VEnf.
pi\, in Mém. des Antiq. de France, VI, 516,, dans TAr-
dèche;à Freycenet-la-Tour ''c.duMonastier),le Monas-
tier, Fay-le-Froid, Saint-Hostien (c. de Saint-Julien-
Chapteuil), Saint- Voy et le Chambon-de-Tence (c. de
TencC' dans la Haute-Loire. Mais si l'on descent dans
les vallées du Rhône, de la Loire pu de TAllier, on
trouve le sujet fréquemment ou même constamment
supprimé, par ex. à Jaujac (c. de Thueyts'", Privas,
Saint-Pierreville, Baix (c. de Chomérac), Saint-^^ic-
tor 'C. de Saint-Félicien;, dans TArdèche; àPradelles,
Cayres, Saint-Germain-Laprade, Saint-Pierre-Eynac,
Le Puv, Vorev, Chamalières, dans la Haute-Loire. Il
faut y ajouter plus au nord Craponne, dans la Haute-
Loire, et dans la Loire, Chambles c. de Saint-Ram-
bert, arr. de Montbrison), où le pronom sujet est sou-
vent supprimé.
Le latin n'exprimait pas le pronom sujet, parce que
ce pronom n'était nullement nécessaire: les désinences
verbales suffisaient pour distinguer les personnes ; on
ne pouvait confondre canto avec cantas, mcantas avec
cantat. II en fut de même pendant longtemps dans les
dialectes de la France ; mais quand, sous l'action des
lois phonétiques et de l'analogie, les trois personnes
du singulier en arrivèrent à se confondre dans la pro-
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE y
nonciation, la langue française^ obéissant d'ailleurs à
ses tendances analytiques, fut obligée pour éviter toute
équivoque, d'exprimer le pronom sujet: je chante, tu
chantes, il chante ne se distinguent pas par les dési-
nences verbales, mais bien par les pronoms je, tu, il,
qui jouent exactement dans la conjugaison le rôle des
finales latines o, as, at. Les dialectes provençaus au
contraire, qui ont conservé des désinences personnelles
nettement distinctes^ ont pu conserver aussi la liberté
de supprimer le pronom sujet. Dans nos patois, les
mêmes causes ont produit les mêmes effets. En exami-
nant la conjugaison des verbes dérivés des verbes latins
en aj^e, on voit que partout où il est d'usage de ne pas
exprimer le pronom sujet, les trois pers. du sing. se
distinguent nettement par leurs terminaisons^ comme
l'indique le tableau suivant:
l'^ pers.
Dauphiné ou
Vivarais et Velay .... é
Sud de la Loire ou
Pour toutes les localités que nous avons citées, la
concordance est absolue; il faut excepter toutefois
quelques communes de l'Oisans et du canton de la
Mure, où les pronoms sont toujours exprimés, bien que
les désinences personnelles soient distinctes : ou pour
la 1^^ pers., ai, ei, es ou épour la 2^ pers., a ou e pour
la 3^ Il est à noter que dans cette région, les pronoms,
loin d'être supprimés, semblent quelquefois être redou-
blés (Cf. Bévue de PhiL, XII. p. 15 sq. . Quelques
autres exceptions, la Salle. Prestes, la Chapelle-en-
Vercors, Saint-Donat, s'expliquent par l'influence des
patois voisins qui expriment en général le pronom
sujet.
2e pers.
3^ pers.
ei, é
0
ei, es
0
é
e
10 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Inversement, partout où le pronom sujet est de ri-
gueur ou n'est supprimé que devant les verbes imper-
sonnels, les terminaisons se confondent comme en
français ou tendent à se confondre, par ex. dans l'Isère,
la Savoie, l'Ain, le Rhône et dans les départements
plus au Nord :
ire pers.
0
2® pers .
é
3^ pers.
é
e
e
e
Dans un nombre assez considérable de localités, la
2' et la Supers, ont la même désinence é, é ou bien e,e;
la V^ pers. a une désinence distincte o ; de là vient sans
doute que dans une région intermédiaire le pronom
est supprimé devant la l'"^ pers. et exprimé devant la
2^ et la S'' qui pourraient facilement être prises l'une
pour l'autre. En d'autres termes, nos patois ont dû
jouir anciennement de la liberté de sous-entendre le
pronom sujet : mais comme le français et pour les
mêmes raisons, ils ont perdu peu à peu cette liberté ;
on peut retrouver des traces de l'ancien usage dans les
patois où le pronom sujet est encore supprimé devant
la 1" pers., mais non devant les autres; mais là comme
ailleurs, on peut prévoir que l'emploi du pronom sujet
deviendra obligatoire quand l'évolution phonétique
aura rendu la désinence de la Impers, identique à celle
des deus autres: déjà dans l'Isère, l'Ain, le Rhône,
etc. , le 0 de la l'^ pers. est fort afïaibli et tent à passer
à eu, e.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 11
*
PRONOM SUJET DE LA 1^® PERSONNE DU SINGULIER
En latin populaire eo, issu de ego, était accentué sur
la voyelle initiale, quand il était employé absolument ;
employé comme proclitique, il n'avait qu'un accent
secondaire sur la voyelle finale. Logiquement eo aurait
dû donner partout naissance à une double série de
formes : des formes toniques ou absolues et des formes
atones ou proclitiques; mais en fait, elles coexistent
rarement : tantôt les unes, tantôt les autres ont dis-
paru. En français, où de bonne heure l'emploi du pro-
nom sujet devant le verbe est devenu obligatoire, la
forme tonique du nominatif n'existe plus; pour y sup-
pléer, on se sert de la forme de Taccusatif moi. Au
sud de la France, au contraire, où le pronom sujet est
en général supprimé, c'est naturellement la forme to-
nique ou absolue qui s'est conservée- Dans notre
région, qui touche d'un côté au domaine français, de
Tautre au domaine provençal, les formes atones do-
minent au Nord, les formes toniques au Sud. Les pre-
mières forment deus groupes :
Tantôt eo s'est réduit à une simple voyelle qui est
généralement i, quelquefois o, ou, a ;
Tantôt eo a donné naissance à une chuintante suivie
à l'origine d'un o, aujourd'hui de é, ou plus fréquem-
ment de e muet. La chuintante s'est diversement mo-
difiée ; de là les formes : d^e, dje, je, je, jéj j, de, dze
(quelque fois dza), ze (quelque fois z6), ?e\
Les formes toniques sont yèw, yow, yàw, yèw,
yèi, et avec déplacement d'accent you {ou français) et
y eu {eu français). Il faut ajouter que dans une région
1. Je note par q le son du th dous anglais.
12 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
<
assez peu étendue, la forme de l'accusatif, mi, me ou
mé, s'est substituée au pronom /(? sujet.
Ces différentes formes se répartissent de la façon
suivante dans les départements de notre région :
Ain : ze^ ze (?', de, dé, dze, dye,jé.
Alpes (Hautes-) : yèw, you, a.
Ardèche : r/èiCf yaw, mi, o, ou.
Belfort : i.
DouBS : i.
Dkùme : yèic, you, mi, je, a.
Isère : de, dé, je, je, j, dje, dze, dza, ze, yoïc, yo, you,
'mi, me, mé.
Jura : dze, dje, je, i.
Loire '.je, ze. dze, yoœ, you, yo, yeu, o, ou.
Loire Haute-) : yèw, you, yèi,yèw, yeu, ma.
Rhône : dze, dje, je.
Saône (Haute-) : i, /.
Saône-et-Loire : ./e,./, i, dze.
Savoie : de, dé, ze.
Savoie Haute-): de, dé, ce.
Vosges : je, j, je, i, dje.
I. — LES FORMES ATONES
V La forme i
La forme i occupe au nord de la région lyonnaise,
entre les Vosges et le Jura, un vaste domaine, quicom-
prent le sud des Vosges, la Haute-Saône, le Doubs,
quelques communes au nord de la Saône-et-Loire et
au nord-ouest du Jura, le territoire de Belfort et le
nord de la Suisse française. Devant une voyelle, le i
se change en yod ou se durcit en j dans les régions
voisines du domaine de je.
Dans le département des Vosges, la forme dominante
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 13
est je ; i n'apparaît qu'au sud du département, sur les
frontières de la Haute-Saône, à Gruey-les-Surance
(C. de Bains, arr. d'Épinai), et surtout dans Tarr. de
Remiremont, dans le c. de Saulxures, en particulier à
Basse-sur-ie-Rupt, â la Bresse, à Vagney (Adam,
Patois lorrai/is), à Ventron (ibid.), danslec. du Thillot
et en particulier à Ramonchamp (Adam, Pat. lor.).
Dans toutes ces localités, on emploie ï devant les con-
sonnes, idj\ ij ou j devant les voyelles (cf. Hingre,
Grande Complainte en patois de la Bresse, Rev. des
pat., I, 241 sqq., joassï7?2). M. P. Passy signale encore i
à y 'à\-d' A]o (Notes sur qq . patois comtois , Rev . de PJ ni. ,
X, 1 sqq.).
Le territoire de Belfort est acquis tout entier à la
forme i (pour les noms, voir Rev . de Pliil. , XII, p. 37).
Il faut y ajouter, d'après la Parabole de VEnf.pr.
(Mêm. des Ant., VI, 475), Altkirch dans l'ancien dép.
du Haut-Rhin.
C'est encore la seule forme usitée dans le Doubs et
la Haute-Saône; aus noms cités Rev. dePhil., XII^
p. 32, 35 et 36, il faut ajouter pour la Haute-Saône :
Champagney et Vesoul d'après la Parabole {Mérn.
des Ant., VI, 477 et 479), et au nord de l'arr. de
Lure, Corbenay, Hautevelle, Fontaine- les-Luxeuil,
Baudoncourt, Saint-Sauveur, Citers, Froideconche,
laLongine, Servance, d'après P. Passy (Rev. de PhiL,
X, 172 sqq.) ; pour le Doubs : Besançon (Mém. des Ant.,
VI, 48), Sancey dans le c de Clerval (Nédey, Re-
marques grammaticales sur le patois de Sancey , R, de
PhiL, XI, 123), Bournois dans le c. de Lisle-sur-le-
Doubs {Jean qui danse ^ par Ch. Roussey, in Rev.
des Pat. g.- r., IV, 255 sqq.), Montbéliard et ses en-
virons (Conte Jean, Glossaire).
14 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Sur les frontières de la Bourgogne, où la forme do-
minante est je, on trouve i devant consonne, j devant
voyelle, à Dampierre-sur-Salon, Oyrières (c. d'Au-
trey), Champlitte (cf. Parab., Mém. des Ant., VI,
480), et aussi sur la frontière des Vosges, à Jussey ; un
peu plus au nord, à Vauvillers, on ne trouve plus que
je [Mém. des Ant., VI, 478).
A ce domaine compact, il faut rattacher le Morvan
où eo a donné ï, et en particulier quelques communes
du Jura et de la Saône-et-Loire : Tavaux (c. de Che-
min) et Ofïlanges (c. de Montmirey) dans l'arr. de
Dôle; Demigny, dans Tarr. de Chalon, c. de Chagny ;
Dezize (c. de Couches-les-Mines), Épinac, Cussy (c. de
Lucenay-rÉvêque), dans l'arr. d'Autun; à Antully
(c. d'Autun), on trouve à la fois i etj.
D'après les traductions de la Parabole publiées dans
les Mémoires des Antiquaires de France et dans l'ap-
pendice du Glossaire des patois de la Suisse romande
de Bridel, le domaine de i s'étent encore sur les can-
tons de Berne, de Fribourg et de Neuchâtel. On
trouve i dans le canton de Berne : à Delemont (Bridel^
p. 476, et Mémoires, VI, 535), à Moutier-Granval
{Mém., 539), à Tavannes (Bridel, 474), à Val-SMsmier
(Bridel, 472), à Bienne (Mém. , 536j, à Courtelary {Mém.,
538), à la Montagne-de-Diesse {Mém. 537) ; dans la par-
tie moyenne du canton de Fribourg, entre la montagne
et la Broyé (Bridel, 447) ; dans le canton de Neuchâtel :
aus environs de Neuchâtel (Bridel, 524), au Landeron
(Bridel, 522), à Valangin (Bridel, 470), au Locle (Bri-
del, 468), et dans le canton de Vaud, à Vallorbe
(Bridel, 464).
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 15
2* La foi' me a
Fréquente en Italie dans le Frioulan, la Lombardie
etrÉmilie(cf. Meyer-Lûbke : Gram.desL. r., II, 111),
la forme a est employée aussi sur quelques points de
la Drôme, de l'Isère et des Hautes-Alpes. A Chanos-
Curson (c. de Tain, arr. de Valence), on se sert de a
devant les consonnes: a parlou ^ je parle; mais a
disparaît devant un a initial : amou =^ faime, ai =
fai. Il en est de même dans Tlsère, à Méandre (c. du
Villard-de-Lans, arr. de Grenoble. — A la Motte- Saint-
Martin (c. de la Mure), on dit a parlou, mais amai
^^fai, am amou ^=zfaime, avec intercalation d'un m
de liaison, emprunté peut-être à la forme mé {m devant
voyelle) qui nous est signalée comme pronom sujet de
la V^ pers. dans le même canton, à la Motte-d'Aveillans
et aussi à la Motte-Saint-Martin, par un 2* correspon-
dant : am est dû à la fusion des deus formes a et m
devant voyelle. — A Villard-Reculas (c. du Bourg-
d'Oisans), on supprime l'hiatus en intercalant un son
intermédiaire entre dj et dz' : a parlou, mais adj
amou, adj ai. Ici encore il y a eu fusion de la forme a
avec la forme dje ou dze, usitée dans d'autres com-
munes de rOisans, par ex. à la Garde. Inversement,
la voyelle de la forme a semble s'être introduite dans
la forme dze^ pour donner dza, qu'on trouve à Auris-
en-Oisans et à Fréney-d'Oisans. — Le pronom a est
est encore fréquent dans une partie des Hautes-Alpes
voisine de l'Oisans : à la Salle (c. de Monêtier, arr. de
Briançon), il devient al devant voyelle : al amou^=
1. Dj\ nous dit notre correspondant, se prononce comme d^j, en
appuyant la moitié antérieure de la langue contre le palais et les
dents supérieures, et en fermant la bouche.
16 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
faillie; la lettre de liaison / est sans doute empruntée
au pron. de la 3*" pers. ol := il. Chabrand et de Rochas
d'Aiglun signalent a à côté de //?/ dans tout le Brian-
çonnais : d'après leurs traductions de la Parabole, il
est en usage à Monêtier (Patois des Alpes Cottiennes,
p. 155) et même au delà des Alpes, dans les vallées
d'Oulx et de Pragelas (ibid., p. 152 et 153), rejoignant
ainsi à travers le Piémont le domaine italien de a.
D'après M. Meyer-Lùbke, a serait un affaiblissement
postérieur de i ou de o. M. Devaux, qui a rencontré a
dans les cantons du Bourg-d'Oisans, de Valbonnais et
de la ]\lure, le tire de éo, éa, par l'intermédiaire de la
forme hypothétique du, avec chute de la semi-voyelle
finale; il cite comme exemples analogues du passage
de e à a a? = est, raipoun ^respondet à Valbonnais.
A Villard-Reculas et à la Motte-Saint-Martin, nous
trouvons aussi : ailou ou yailou =z eus, ou lou counai
= // le connaît, etc.
3*^ La forme o, ou
Elle ne nous est signalée qu'au sud de la Loire : à
Bourg-Argental(arr. de Saint-Étienne), o devant con-
sonne, ol devant voyelle jouent le rôle des pronoms
sujetsje^ ?7, nous, vous; à Chambles (c. de Saint-Ram-
bert, arr. de Montbrison), ou est employé comme pro-
nom sujet à toutes les personnes, au sing. et au plur.
Au nord de l'Ardèche, à Annonay (arr. de Tournon),
on trouve aussi d'après la Parabole (Mém. des A ni.,
VI, 516), ou, oui, o, ol=^je.
D'où vient la forme o, ou, ol? Au sud de la Loire,
le pronom de la 3* pers. sing. est presque constam-
ment 0, o/, dérivé de ille. Faut-il identifier cette forme
avec la précédente? Il est plus probable queo, ou ^^je
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 17
dérive directement du bas-latin eo en position procli-
tique : seule la lettre de liaison l provient du pronom
de la 3® pers. A Bourg-Argental, o, ol venant de eo et
0, ol venant de ille se sont ensuite propagés à la V^
et à la 2® pers. du pluriel : o, ol ^ pris la place de no{z),
tout comme ailleurs je a supplanté nous. Vo[;:;) a pu se
réduire à o[z) (cf. Meyer-Lïibke, Gramm. ,11, 109) et par
suite s'assimiler facilement à o, ol. Seules, les formes
de la 2® pers. sing., de la 3^ pers. plur. et de la 3^ pers.
fém. sing.sont restées distinctes. A Chambles, au con-
traire, ou s'est introduit à toutes les personnes, au
sing. et au plur. : le pronom sujet est ainsi devenu une
simple particule sans valeur propre, qui sert à annoncer
le verbe, mais sans indiquer la personne. Cf. en fran-
çais les désinences e, e(s), e{t) du sing. qui n'ont plus
aucune valeur personnelle.
4° Les formes je, je, j
Je, forme de la France du Nord et de la Bourgogne^
est un affaiblissement de la forme plus ancienne j'o,
jou. Dans quelques-uns de nos patois l'affaiblisse-
ment ne s'est pas arrêté là : je est passé àj avec dis-
parition complète de la voyelle. Ailleurs^ au contraire,
jo.jeu est devenu je .
C'est surtout au centre et au nord-est du dép. des
Vosges qu'on trouve la forme ye (j devant voyelle, et
quelquefois même devant consonne : j na =je n'ai) :
dans l'arr. d'Épinal, cà Saint-Laurent (c. d'Épinal), à
Moyemont et à Roville(c. de Rambervillers), dans le
c. de Xertigny et en particulier à Uriménil; dans l'arr.
de Remirecourt, à Tendon (c. de Remiremont), et dans
lec. de Plombières; dans l'arr. de Saint-Dié, dans les
c. de Gérardmer^ de Brouvelieure et de Senones. Il
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 2
18 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
faut y ajouter, d'après Adam {Patois lorrains), Atti-
gny et Vallois(c. de Darney), dans l'arr. de Mirecourt ;
Sanchey (c. d'Épinal), Grandvillers, Dompierre et
Bult(c. de Bruyères), Vomécourt et Saint-Pierremont
(c. de Rambervillers), Haillainville (c. de Châtel), dans
Tarr. d'Épinal ; le Tholyet Longuet, dans le c. etl'arr.
de Remiremont; Grand-Bois (c. de Corcieux), dans
l'arr. de Saint-Dié, et plus au nord dans la Meurthe
Authelupt et Cirey. Ajoutons encore Dommartin, près
de Remiremont, d'après une Liste en patois de 309
mots, publiée par M. Richard des Vosges (Mém. des
Ant., VI, 137). Je semble isolé à Vaux, c. de Lagnieu,
arr. de Belley dans l'Ain; à Bernin (c. de Grenoble
est) et à Saint-Bonnet-de-Cbavagne (c. de Saint-Mar-
cellin) dans l'Isère.
A l'ouest des Vosges, c'est la forme française ye qui
domine. On la trouve dans larr. de Neufchâteau tout
entier, réduite ày à Barville(c. de Neufchâteau). Elle
est constante aussi dans l'arr. de Mirecourt, sauf à
Attigny et à Vallois, où l'on dit je d'après Adam^
Dans l'arr. d'Épinal où je domine, on ne nous signale
je que dans le c. de Châtel : dans les c. d'Épinal et
de Bruyères, je est réduit ày. On ne trouve pasye dans
l'arr. de Remiremont. Dans l'arr. de Saint-Dié, il est
employé à Saint-Dié, section de la BoUe, et à Taintrux
(c. de Saint-Dié); dans les c. de Provenchères et de
Raon-l'ÉtapCj il peut se réduire ày; à Gérardmer^y,
je et je coexistent. Au domaine vosgien de je, il faut
rattacher Vauvillers dans la Haute-Saône, à l'extrémité
nord de l'arr. de Lure (d'après la Parab., in Mém, des
Ant., VI, 478).
1. Voir les noms, Reçue de Phil., XII, p. 36-37.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 19
Si, partant des Vosges, nous nous dirigeons vers le
Sud, nous rencontrons le domaine de i qui occupe tout
le territoire de la Haute-Saône et du Doubs. Il faut
descendre jusqu'au Jura et à la Saône-et-Loire pour
retrouver le pronom je. Il occupe une large bande de
terrain en forme de demi-cercle qui part du nord-ouest
du Jura pour aboutir au sud-est de l'Isère, sur les
frontières de la Savoie, et qui s'étent au nord et à
Touest de la Saône-et-Loire, à l'ouest et au sud de la
Loire et du Rhône, au sud des arr. de Vienne et de
Saint-Marcellin dans Tlsère, au nord de la Drôme, et au
centre de l'arr. de Grenoble. A l'intérieur de ce demi-
cercle dominent les formes : dze dans le Jura, le Charol-
lais, le Beaujolais et une partie du Roannais et du
Lyonnais; ze dans la Bresse; de dans le pays de Gex,
dans le Bugey, dans la majeure partie des arr. de
Vienne et de la Tour-du-Pin, et dans les deus Savoies.
A l'extérieur, ce demi-cercle est limité au nord par
le domaine de i qui occupe le Jura et le Morvan, à
l'ouest par les formes provençales de la Basse-Au-
vergne \ et au sud par les formes toniques qui dominent
dans la Haute-Loire, dans l'Ardèche, dans la Drôme
et dans les Hautes-Alpes. Suit la liste des communes où
l'emploi de/e nous est signalé par nos correspondants :
Jura: la Loye ( c. de Montbarrey), Foulnay (c. de
Chaumergy), dans l'arr. de Dôle; Quintigny (c. de
Bletterans), dans l'arr. de Lons-le-Saunier. Le restant
du département, au sud et à Test, à partir de Dom-
blans, deChille et de Bornay, appartient au domaine
de dze.
1. Cf. Doniol, Les Patois de la Basse-Auvergne, Paris et
Montpellier, 1877, p. 37.
20 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Saône-et-Loire : l'arr. de Louhans presque entier
avec Anthumes (c. de Pierre), Bosjean ( c. de Saint-
Germain-du-Bois). Vérissey et laFrette (c. deMontrêt),
Savigny et Sagy (c. de Beaurepaire), Ormes (c. de
Cuisery); à Branges (c. de Louhans), /e se réduit à/.
Au sud de l'arr., à la Chapelle-Thècle et à Miroir, on
dit d::é). — L'arr. de Chalon en entier: Navilly (c. de
Verdun), Saint-Germain-du-Plain, Marcilly (c. de
Buxy, Mercurey (c. de Givry) ; Sevrey et Sassenay (c.
de Chalon) ;ye se réduit àjà Saint-Vallier (c. de Mont-
ceau-les-Mines), à Saint-Eusèbe (c. de Mont-Saint-
Vincent), à Sennecey-le-Grand,à Saint-Jean-de-Vaux
(c. de Givry); et quelquefois aussi à Fontaines (c. de
Chagny). Plus au Nord, près du Morvan,à Demigny
(c. de Chagny) et dans la vallée delà Saône jusqu'à
Chalon, on trouvej et plus souvent i, — Dans l'arr.
d'Autun : Issy-l'Évêque et Saint-Bérain (c. de Mont-
cenis) o\\ je se réduit à y,' à Charbonnet-sur-Arroux
(c. de Mesvres), on trouve à la fois j, je et jse; au
nord de l'arr., je cède la place ki. — Arr. de Ma-
çon : quelques communes seulement aus environs
de Mâcon se servent du pronom je: Solutré (c de
Mâcon sud), Saint-Sorlin et Saint-Martin-de-Sénozan
(c. de Mâcon nord), Clessé (c. de Lugny), la Truchère
(c. de Tournus). A Malay (c. de Saint-Gengoux), où
l'on trouve à la fois t,j et d^, et à Sainte-Cécile (c. de
Cluny) où je et dze coexistent, on atteint à l'ouest et
au sud le domaine de dze. — Arr. de CharoUes : on
n'y trouve j qu'au nord et à l'ouest, à Col longes et à
Joncy (c. de la Guichej, à Oudry (c. de Palinges), à
Curdin et à Rigny (c. de Gueugnon), aus Guerreaux
et à Saint-Agnan (c. de Digom), à Bourbon-Lancy et
à Toulon-sur- Arroux; et je à Neuvy-Granchamp (c.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 21
de Gueugnon) et à Saint-Agnan-sur-Loire. Le sud et
l'est appartiennent au domaine de dze.
Loire : arr. de Roanne: Saint-Rirand et Saint-
Haon (c. de Saint-Haon). Champolyet Juré(c. de Saint-
Just-en-Chevalet) sur la rive gauche de la Loire; sur
la rive droite on dit d::e ; toutefois à Saint-C3^r-de-
Favières (arr. de Saint-Symphorien-de-Layj on trouve
à la fois :2e et je, et àBelmont je et dze. — Arr. de
Montbrison: Saint-Didier-sur-Rochefort (c. de Noiré-
table, Ailleux (c. de Boën), Essertines en Donzy (c.
de Feurs), Viricelles(c. de Saint-Galmier), Moingt(c. de
Montbrison). Il faut y ajouter d'après les textes cités
par Gras, Montbrison [Dict. du pat. forez., p. 234),
Boisset( ibid., p. 251), et d'une façon générale les
patois de la plaine {ibid., p. 237, 248). Tout cà fait au
sud, à Chanibles, Rozier, Estivareille, on dit ou etyou.
— Arr. de Saint-Étienne: la Fouillouse (c. de Saint-
Héand), Saint-Cliamond et Izieux (c. de Saint-Cha-
mond), Firminy (c. du C'hambon) et Saint-Étienne \
Rhône : Tarr. de Villefranche ne semble pas connaître
la forme je, mais seulement dze. En revanche, dans
l'arr. de Lyon, on n'emploie guère que je. 11 nous est
signalé à Longes (c. de Condrieu), et dans le canton de
Saint-Symphorien-sur-Coise à Grézieu-le-Marché (cf.
Bruyère, N'oies sur le patois de Grézieu in Rev . de
Phi/., VIÏ, 284). Il faut y joindre, d'après Nizier du
Puistpelu, Saint-Symphorien-sur-Coise (Co/2^e en pa-
tois lyonnais in Rev. des Pat. 1,107 sqq.) et Mornant
{Rev. des Pat. II 145). Le même auteur, dans son Dic-
1. Gras donne encore les formes y o?i etji:Ji se trouve dans le
fragment du Ballet for è^ien (XVP siècle), qu'il cite à la page 253,
et dans la fable du Loup et V Agneau de Linossier (p. 258). Au-
cun de nos correspondants ne signale ces formes.
22 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
tionnaire éty moloatque du Patois lyonnais,^, ex. sqq.,
donne comme formes actuelles y e proclitique et^a en-
clitique, au XH'® siècle, jo Qtjù proclitique^ jo et
Jou enclitiques.
Isère: arr. de Vienne: je n'en occupe que la lisière
sud et sud-ouest avec les Côtes-d'Arey (c. de Vienne
sud), Saint-I\laurice-de-rExil(c. de Roussillon; d'après
Rivière, Azotes sur le langage de S^-AI. in Reo. des
Pat., 11^274), le Péage-de-Roussillon(c. de Roussillon),
Beaurepaire et Revel (c. de Beaurepaire) et la Côte-
Saint-André. — Arr. de Saint-Marcellin presque entier:
Sillans et Saint-Michel-de-Saint-Geoirs (c. de Saint-
Étienne-de-Saint-Geoirs), la Forteresse et Saint-
Paul-d'Izeaux (c. de Tullins)\ Nous avons vu qu'à
Saint-Bonnet-de-CLiavagne, on disait plutôt yé Non
loin de là, à Textrémité nord de la Drôme, on
trouve encore quelques communes de la vallée de
risère qui appartiennent au domaine de Je: Saint-
Bonnet-de-Valclérieux (c. du Grand-Serre), Saint-
Donat,Bourg-du-Péage,Chàtillon-Saint-JeanetTriors
(c. de Romans) où le pron. sujet est souvent aussi
supprimé. — Arr. de Grenoble, Noyarey (c. de
Sassenage), Voreppe (c de Voiron), le Sappey (Gre-
noble est), Proveyzieux (c. de Grenoble nord), la
Terrasse et Saint-Hilaire (c. du Touvet), Bresson (c.
de Grenoble sud), Saint-Ismier (c. de Grenoble est).
A Bernin (Grenoble est), on dit plutôt je, noté jet
par notre correspondant. Pour la Garde (c du Bourg-
d'Oisans), notre correspondant donne^e, mais il ajoute
que « la prononciation de je est très adoucie et diffi-
1. D'après M. Devaux, on dit /je aus environs de Vinay. Mais
nos deus coriespondanls de Vinay s'accordent à supprimer le
pronona sujet de la 1" pers. sing.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 23
cile à traduire )). J'en conclus que je doit se rapprocher
de d;2e ou ze qu'on trouve dans le même canton à
Frénev-d'Oisans et à Auris-en-Oisans.
5° La forme dje
On sait que la forme française je provient d'une
forme plus ancienne dje, dont rélëment dental a dis-
paru. Dje s'est conservé dans quelques-uns de nos pa-
tois. On le trouve, en général, non pas isolé à Tintérieur
du domaine d'une autre forme^ mais dans les régions
intermédiaires qui séparent des domaines différents.
C'est ainsi qu'on dit dje à Cormaranche et peut-être
aussi à Corlier^ dans le c d'Hauteville (arr. de Belley,
Ain), tandis qu'un peu plus au nord, à Corcelles, Bré-
nod, Petit-Abergement, on dit fe, et un peu plus au
sud et à l'est, de, à Rignieu-le-Franc, Lagnieu, Seyssel,
et dze à RufReu, Sutrieu, Fitignieu.
Dje a persisté encore dans le Jura, à l'est de l'arr.
de Saint-Claude, à Longchaumois et peut-être à Bois-
d'Amont- (c. de Morez). tandis que le reste de l'arr.
appartient au domaine de dze et le pays de Gex à celui
de de.
Dje occupe encore une situation intermédiaire entre
je et dze au nord-est de l'arr. de Charolles, à Sivignon
(c. de Saint-Bonnet-de-Joux). Dj, dit notre corres-
pondant^ a un son dous et se prononce rapidement,
en appuyant le bout de la langue contre la partie posté-
rieure du palais ; il correspont à tch.
1. Notre correspondant de Corlier écrit j>, mais il fait remar-
quer que /e (( se prononce en jetant vivement la langue entre les
dents, de façon à ne laisser passer que très peu d'air ». Il s'agit
évidemment de dje ou de ^e.
2. Notre correspondant de Bois-d'Amont écvit Jge, sans donner
d'indications sur la prononciation.
24 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
On trouve encore dje au nord-ouest du dép. du
Rhône, à Saint-Bonnet-de-Bruyères (c. de Monsols);
à Pont-Trambouze (c. de Tliizy), les deus formes dje
et r/ce coexistent. — • M. Devaux le signale encore dans
risèrc,à Theys (c. de Goncelin, arr. de Grenoble), entre
je (Bernin, Saint-Ismier, Sappey, Saint-Hilaire, la
Terrasse) et dze (Goncelin, Pinsot, Saint-Pierre-
d'AUevard, la Buissière).
Enfin dje s'est maintenu au milieu du domaine vos-
gien deje, dans une partie du c. de Saint-Dié, à Fraize
et à Plainfaing (c. de Fraize).
Q)"" La forme d^e
Z)î/e pourrait être la forme intermédiaire par laquelle
aurait passé yo, ye issu de eo, pour aboutir à dje; il
est plus probable que d^e a servi de transition entre
dje ou dze et de. C'est en effet entre le domaine de
dje, dze, îe d'une part et le domaine de de d'autre part
que nous trouvons la forme d^e. Elle nous est signalée
dans TAin, arr. de Belley, à Hauteville: notre corres-
pondant la note die. On la trouve encore dans le même
canton, à côté de dje, à Cormaranche.
Un peu plus au sud, à Virieu, où nous touchons
déjà au domaine de de, on trouve encore d^e, mais,
comme nous le fait remarquer notre correspondant,
la mouillure du d est à peine sentie.
Dans la région où l'on dit d'^e h la 1*^ pers., on dit
t^e à la 2" pers., sans que les deus domaines coïncident
absolument, celui de t^e étant un peu plus étendu et
comprenant des localités où Ton dit ?e à la V pers. Il
est probable que cette forme V^e est due à l'influence
de la forme d^e.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 25
1^ Laforme de (d devant voyelle)
Je est sorti de dje par suppression de l'élément
dental ; si c'est Téléinent spirant qui disparaît, on a
la forme de. Cette forme occupe un vaste domaine,
asez bien délimité, qui comprent le nord de l'Isère,
les Bombes, une partie du Bugey, le pays de Gex, la
plus grande partie de la Savoie et de la Haute-Savoie.
Ce domaine confine à celui deye au sud, et au sud-ouest,
à l'ouest et au nord, à celui de ?e e^ de dze; à Test,
il atteint presque la frontière italienne, où Ton trouve
M. Devaux, dans son Essai sur la langue du Dau-
phiné septentrional au Moyen Age, a fixé assez nette-
ment la limite méridionale de de : il occupe^ dit-il,
tout l'ouest du département, depuis Saint-Pierre-
de-Cbartreuse, les Écbelles, Saint-Laurent-du-Pont,
Saint-Josepb-de-Rivière, la lisière sud des Terres-
Froides et Pommier (c. de Beaurepaire), jusqu'à Eyzin-
Pinet, Estrablin, Villette-Serpaize et au Rhône, au
nord de Vienne. Nos renseignements concordent avec
les siens. On nous signale, en effet, de dans l'arr. de
Vienne, à Meyzieu, Jons (c. de Meyzieu), à Roche
(c. de la Verpillère), à Saint-Pierre-de-Chandieu et à
Saint-Georges-d'Espéranche (c. d'Heyrieux), à Ma-
rennes, Corbas et Chaponnay (c. de Saint-Sympho-
rien-d'Ozon), à Saint-Jean-de-Bournay^ à Gillonnay,
Commelle, Faramans et Semons (c. de la Côte-Saint-
André); à Pommier (c. de Beaurepaire), M. Devaux
donne de et ze, notre correspondant je. En tout cas,
de n'atteint pas les Côtes-d'Arey (c. de Vienne sud),
Saint-Maurice-de-rExil (d'après Rivière, in Rev. des
Pat., II, 274), le Péage-de-Roussillon, Revel, Beaure-
26 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
paire, la Côte-Saint-André, où l'on dit Je. — De pé-
nètre à peine dans l'arr. de Saint-Marcellin, où on ne
le signale qu'à Penol, dans le c. de Saint-Étienne-de-
Saint-Geoirs. — En revanche, il occupe l'arrondisse-
ment de la Tour-du-Pin tout entier'. — Dans Tarr.
de Grenoble, on le trouve à l'extrémité nord-est, sur
les frontières de la Savoie, à Pontcharra (c. de Gonce-
lin). et à Chapareillan (c. du Touvet), sous la forme dé.
Le domaine de de semble être limité à l'ouest par le
Rhône; mais au nord, de franchit le fleuve, et sans
s'éloigner beaucoup de ses rives, pénètre dans les
Dombes et dans le Bugey et couvre tout le pays de Gex.
On dit de au sud de l'arr. de Trévoux, à Miribel (c. de
Montluel), à Saint-Maurice-de-Gourdans et à Bourg-
Saint-Christophe (c. de Meximieux), dé à Faramans
et à Rigneux-le-Franc (c. de Meximieux). Mais déjà, à
Trévoux et à Reyrieux, on trouve ?e ; Marlieux où
l'un de nos deus correspondants donne r'e et l'autre de
est sur la limite des deus domaines. — Dans l'arr. de
Belley, de est non loin du Rhône, à Lagnieu, à Belley,
à Peyrieu et à Cressin-Rochefort (c. de Belley); à Cor-
bonod (c. de Seyssel), il se réduit à d. Mais dès qu'on
s'éloigne de la vallée du Rhône, on trouve Je à Vaux,
d^ej dje et dse dans les c. de Champagne et d'Haute-
ville. En continuant à suivre la rive droite du Rhône,
on rencontre encore de à Villes et à Arlod (c. de Châ-
tillon-de-Michaille), dans l'arr. de Nantua, et dans
l'arr. de Gex, à Challex (c. de Collonges), à Thoiry et
à Versonnex (c. de Ferney), à Gex, à Vesancy et à
Divonne (c. de Gex). Au delà de la frontière, on dit de
à Commugny près Coppet (d'après \siParah., m Bri-
dai , G/oss. du pat. de la Suisse romande, p. 459), et
1. Voir les noms, Rec. de Phil., XII, p. 40.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 27
aus environs de Genève (d'après la Para6., in Mém,
des Anl., W, 540; toutefois Bridel, p. 461, donne ^e).
Dans la Haute-Savoie et dans la Savoie, de est la
forme usuelle. On dit de^ Thonon, Margencel^ Anthy,
Sciez, Boëge dans Tarr. de Thonon; de à Pers-Jussy
(c. de Reignier), dé à Andilly (c de Cruseilles) et à
Frangy ; de à Desingy (c. de Seyssel), dans Tarr. de
Saint-Julien ; de à Meythet (c. d'Annecy sud), d à
Versonnex (c. de Rumilly). — Dans la Savoie, on
trouve de à Grésy-sur-lsère, à Grignon et à Mercury-
Gémilly (c. d'Albertville), dans l'arr. d'Albertville; dé
et û? à Saint-Girod (c d'Albens ) et à Grésy-sur-Aix
(c. d'Aix-les-Bains), de à Saint-Offenges-Dessous
(c. d'Aix-les-Bains), à Saint-Jean-d'Arvey (c. de Cham-
béry nord) et à Planaise (c. de Montmélian), dans
l'arr. de Chambëry; (ieàMontgilbertetàSaint-Georges-
d'Hurtières(c. d'Aiguebelle), dans l'arr. de Saint- Jean-
de-Maurienne. Les renseignements nous font défaut
pour la partie est de la Maurienne; mais pour laTaren-
taise, Pont {Origines du Patois de la Tarentaise, Paris,
1872) ne donne que ze et dze. Notre correspondant de
Séez (c. de Bourg-Saint-Maurice), ne signale aussi
que ^e. Lee. d'Abertville, pour lequel Brachet [Diction-
naire du Patois savoyard) donne à la fois de et ze,
forme la limite est du domaine de de. De même, dans
la Haute-Saône, de n'atteint pas la frontière italienne,
puisque nous trouvons ze aus Houches (c. de Chamo-
nix); dans le Valais, on dit ye et yo^ d'après Bridel, à
Sembranches, Evoléna, Vétroz, Saint-Luc; é à Vion-
naz, d'après M. Gilliéron (Patois de la commune de
Vionnaz).
'^P REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
8° La forme dze
Sortie de co, yo. tout comme dje, la forme dze
occupe trois régions assez bien délimitées et situées
toutes trois entre le domaine de je et celui de de ou
de re.
La première comprent la majeure partie du Jura, où
dze = ego d'après Monnier ( Vocab. de la langue rus-
tique et pop. du Jura in Mérn. des Ant., V, 256); c'est
en effet, la forme donnée dans les textes qu'il cite de
Saint-Claude, de Doniblans (c. de Voiteur; et de la
Bresse. Je trouve encore tL^edans le Voyage de Tiénon
Zaza à Paris en patois de Crans (Reo. de Phil.^ IV,
54). et nos correspondants nous le signalent dans le
Grand vaux, partie montagneuse du c. de Saint-Lau-
rent (arr. de Saint-Claude) ; à Bornay (c. de Lons-le-
Saunier), à Chille et à Blye (c. de Conliège), dans Tarr.
de Lons-le-Saunier; à Sirod (c. de Cliampagnole),
dans l'arr. de Poligny. Z)je franchit la frontière suisse
et pénètre dans le canton de Vaud, à Marcliissy (dis-
trict d'Aubonne; d'après la Parab., in Bridel, Gloss.,
457), et à Sainte-Croix (district de Grandson; ibid.,
p. 466).
En avançant vers l'ouest, nous trouvons dze au sud
de l'arr. de Louhans (Saône-et-Loire), à Miroir (c. de
Cuiseaux) et à la Chapelle-Thècle (c. de Montpont),
et nous entrons dans le 2® domaine de dze, qui com-
prent l'ouest de l'arr. de Mâcon, l'est et le sud de
celui de Charolles dans la Saône-et-Loire, l'arr. entier
de Villefranche dans le Rhône, et l'est de l'arr. de
Roanne dans la Loire. Dze est la forme la plus fré-
quente dans l'arr. de Mâcon, sauf dans les environs
immédiats de Mâcon, où l'on dit /e (voir plus haut). Le
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 29
voisinage de je se fait encore sentir à Sainte-Cécile
(c. de Clunv), oixje et d:^e coexistent, à Malay (c de
Saint-Gengoiix), où Ton emploie y devant consonne:
j kôse =1 je parle, et dz devant voyelle : dz enme ^=
j'aime. Mais dze est seul usité à Sigy-le-Châtel et à
Ameugny (c. de Saint-Gengoux)^ à Matour, à Chcânes
et à Saint-Amour (c. de la Chapelle-de-Guinchay),
dans tout le c. de Tramayes, à Tramayes, Saint-Léger,
Saint-Pierre, Germolles^ — Dans l'arr. de CharoUes,
on signale dze à la Guiche^ à Saint-Raclio (c. de la
Clayette), à Bourg-le-Comte (c. de Marcigny), dans le
c. de Paray-le-Monial, et en particulier à Vitry-en-
CharoUaiss.
Dans le Rhône, on trouve dze à Trades, Saint-Ma-
mert, Saint-Jacques, dans le c. de Monsols, mais(f/'e à
Saint-Bonnet-de-Bruvères, dans le même canton ; à
Quincié (c. de Beaujeu), à Saint-Lager, Cercié, Ode-
nas,dans le c. de Belleville, à Vaux-sous-Montmelas et
à Blacé , dans le c. de V^illefranche, à Liergues et à
Charnay, dans le c. d'Anse, à Chamelet et à Létra,
dans le c. du Bois-d'Oingt^ Dans Tarr. de Lyon, une
seule commune, les Chères (c. de Limonest), voisine
d'ailleurs de l'arr. de Villefranche^ semble connaître
dze. Dans quelques localités dze tent à changer de
degré et à passer à tse, comme l'indiquent les graphies
tse et tze employées par nos correspondants des Ar-
dillats {tse seul), de Charentay [tze et dze), de Saint-
Vérand {tse et tze). On a déjà vu qu'àPont-Trambouze
1. Cf. Combler, Conte populaire en patois de Gcrniollcs, in
Rev. des Pat./l, 134 sqq.
2. Cf. d^o dans une Chanson en patois de CharoUes, in Rets,
de Phil., III, 224.
3. Cf. Gonnet, Chans. pop. en pat. du B.-d'O., in Reu. des
Pat., I, 129.
30 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
(c. de Thizy) dze et dje coexistent. — Il faut rattacher
au domaine de dze Sainte-Colombe (c. de Néronde),
Fourneaux (c. de Saint-Sympliorien-de-Lay), Pouilly
et Nandax (c. de Charlieu,) dans la partie de farr. de
Roanne qui touche au dép. du Rhône, et Belmont où
la graphie tze indique sans doute une prononciation
intermédiaire entre tse et dze.
Enfin dze se présente dans l'Isère dans les c. de
Goncelin et d'AUevard, d'après M. Devaux. C'est en
effet la forme indiquée par nos correspondants de
Saint-Pierre-d'Allevard, Pinsot (c. d'AUevard) et la
Buissière (c du Touvet). La forme dza qu'on trouve
dans rOisans, à Auris et au Fréney, n'est sans doute,
comme on l'a vu, qu'une combinaison des deus formes
dze et a, toutes deus employées comme pronom sujet
de la l""^ pers. Dze s'est maintenu isolément dans
l'Isère, à Ternay et à Izeaux, d'après M. Devaux. —
D'après Pont {Origines du patois de la Tarentaise,
Paris, 1872). on dit dze dans une partie de la Taren-
taise, àlaGurraz, p. 128, Hautecour, p. 131, Bellentre^
p. 136, et ze ailleurs, zde à Beaufort^ Notre corres-
pondant de Séez donne ze pour Séez, en faisant re-
marquer qu'on dit dze dans une autre partie du c. de
Bourg-Saint-Maurice. — Dze est isolé dans l'Ain, arr.
de Belley, à Ruffieu, à Fitignieu et à Sutrieu, dans le
c. de Champagne*.
1. Cf. Cornu, Métathàse de ts en st etdedz en ;^cZ, in Roma-
nia, VI, 447-449.
2. Cf. F. Pélen, Modifications de la tonique en patois
bugyste, in Rec. de Phil.^ XI, 309 sqq.^ passim.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 31
9° Les formes ze, zé, zo
Autant la réduction de dje kje est fréquente, autant
est rare celle de dze à ze. On la trouve en général sur
les frontières des différents domaines de dze, à Saint-
Igny-de-Roche (c. de Chauffailles), au sud-est de l'arr.
de Charolles, dans la Saône-et-Loire, et non loin de là,
dans la Loire, à Saint-Haon et à Côte-de-Renaison
d'après Gras [Dict. du Pat. forez., p. 263) ; notre cor-
respondant de Saint-Haon ne donne queye; à Saint-
Cyr-de-Favières (c. de Saint-Symphorien-de-Lay), les
deus formes ze et je semblent aussi coexister. — Dans
l'Ain, on trouve ze à Petit-Abergement (c. deBrénod,
arr. de Nantua), et à Grand-Abergement (d'après
Chanson en patois du Grand-Abergement, in Rev.
des Pat. ,11, 290 sqq.), sur les frontières des domaines
de dze{c. de Champagne), de de (Villes, Arlod), et de
?e (Corcelle, Brénod). — Dans la Savoie, de et ze
coexistent à Albertville d'après Brachet {Dict. du Pat.
savoy.); plus à l'est, à Séez (c. de Bourg-Saint-Mau-
rice), on ne trouve que ze : notre correspondant a bien
soin de faire remarquer qu'il s'agit du z français et non
de dze qu'on trouve d'ailleurs dans une autre partie du
canton^ — Enfin, dans l'Isère, ze nous est signalé à
Moutaret^ dans le c. d'AUevard, où d'ailleurs dze est
plus fréquent (Pinsot, Saint-Pierre-d'AUevard).
10° La forme ze
Au nord et à l'ouest du département de l'Ain, c'est-
à-dire dans la Bresse et une partie des Dombes, ego a
1. Cf. Possoz, Chans. en pat. de Sèesj in Rev>. des Pat,,
I, 226.
32 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
donné ^e. L'interdentale douce^ qui caractérise cette
forme, a été notée de bien des façons différentes par
nos correspondants, mais il est impossible de se mé-
prendre sur sa nature. Tous la distinguent nettement
du son 3 français, en attirant l'attention sur la position
spéciale occupée par la langue pour la production de
ce f . Quelques-uns le comparent au th dous anglais et
l'opposent au t/i dur qui existe aussi dans cette région ;
ils font remarquer que pour les deus sons il faut placer
le bout de la langue enti'e les dents, en essayant de
prononcery français dans le 1" cas et ch dans le 2^\
L'arr. de Trévoux se partage entre les formes ^e et
de: de domine au sud et au sud-est (voir plus haut), et
1. M. Gaspard de Jotemps, dans la préface de son Étude sur le
Patois du pays de Gex, que Ph. Le Duc a réunie à son recueil de
Chansonset Lettres patoises bressanes<,buf/ej/siennes etdombistes
(Bourg, 1&81), s'exprime ainsi : « J'ai autrefois bien étudié le pa-
tois du pays de Gex, à qui je devais quelques égards pour m'avoir
mis à même, pendant mon séjour en Angleterre, d'être un peu
moins raillé que d'autres Français à l'endroit de la pronon-
ciation des ^/i anglais... On se ferait, je crois, une idée plus rap-
prochée de ces deus sortes de th, en imitant le défaut de pronon-
ciation de certains enfants qui appuient le bout de la langue
contre les dents de la mâchoire supérieure, en l'engageant un peu
entre les dents. Si, dans cette position, on cherche-à émettre le
son du ^, il en résulte assez approximativement le th coté D
(th dous), tandis qu'en cherchant à fournir le son du C on obtient
à peu près le th coté T \tli dur). » 11 est à noter d'ailleurs que ce
th dous ne se rencontre pas dans le pays de Gex dans la forme
issue de ego qui est partout de. Pour l'étude du th anglais dans
l'Ain, les textes réunis par Ph. Le Duc dans ses Chansons et ses
Noëls bressans et bugistes (Bourg, 1845) sont de peu d'utilité, à
cause de l'incohérence et de l'incertitude de ses notations gra-
phiques. Il déclare lui-même, dans l'introduction de son recueil
de chansons, p. 16, que: « le son correspondant au ch français
est figuré tantôt par c, tantôt par te ou. t^ ; celui correspondant
au ^ ou y tantôt par ^, tantôt .par d et quelquefois par d^. Mais
l'un et l'autre seraient plus exactement figurés par le th anglais.»
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 33
?e au nord et au nord-ouest, à Trévoux, Reyrieux (c.
de Trévoux), à Mogneneins et àlUiat (c.de Thoissey),
à Vonnas et àNeuville-les-Dames (c. de Châtillon-sur-
Chalaronne) . A Marlieux (c. de Villars), au centre de
l'arr., un correspondant donne de et un autre ?e, ce qui
indique la limite entre les deus domaines. A Chavey-
riat (c. de Châtillon-sur-Chalaronne) et à Baneins (c.
de Saint -Trivier-sur- Moignans), nos correspondants
écriventye, sans fournir d'indication sur la prononciation
mais il y a là sans doute une erreur, attendu que les
interdentales qui correspondent au th dous et au th
dur anglais ne sont pas inconnues dans ces localités et
que les communes environnantes discutée et non je.
L'arr. de Bourg est tout entier acquis à la forme ?e^ ;
Toutefois, nos correspondants de Saint-Jean-sur-Reys-
souze et de Lescheroux(c. deSaint-Trivier-de-Courtes)
écrivent ^e et celui de Pont-d'Ain ye, sans indication
sur la prononciation : mais «e et je sont bien douteus
dans ces régions. Ajoutons que M. Clédat a trouvé
aussi fe àColigny, et tout près delà dans le Jura, à Saint-
Amours
Dans l'arr. de Nantua, on emploie partout la forme
?e\ sauf au sud-est, à Villes et à Arlod, non loin du
pays de Gex et de la Savoie où domine de.
En somme, la limite du domaine de ^e à Touest suit
la Saône ; au nord, elle suit assez exactement la fron-
tière du département, en englobant toutefois le c. de
1. Voir les noms, Rev. de PhlL, XII. p. 34.
2. Voir Revue des Patois, î, p. 161 sqq.
3. Voir les noms, Rev. de PhiL, XII, p. 34. Cf. encore même
recueil, III. p. 128, Fable en patois bugej/sien par le père Fro-
ment: le pron. de la 1" pers. est noté ^/? , et Philippon, Patois
de la commune de Jujurieiix (Paris, 1892), qui donne .~o, ,-,
p. 39.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 3
34 REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Saint-Amour au sud-ouest du Jura ; à Test, elle se con-
font avec la limite du pays de Gex. Au sud, elle pour-
rait être figurée par une ligne qui, partant de Trévoux,
irait du sud-ouest ou nord-est du dép., en passant
par Reyrieux, Marlieux. Druillat, Corcelle. Brénod et
Saint-Germain-de-Joux. L'étendue relativement consi-
dérable du domaine de fe, ne permet guère d'adopter
l'hypothèse de M. Meyer-Lùbke (Gramma//'e des L.
rom., I, p. 350-351\ qui voudrait voir dans Tinterden-
tale f, non pas « une modification de (h ou de ^, mais
plutôt une fausse prononciation du dz dans la bouche
de gens qui ne connaissent pas le dz et qui veulent
remplacer leur g par le dz de leurs voisins » .
II. — LES FORMES TONIQUES
Les formes toniques se trouvent au sud de la région
qui nous occupe : comme le pronom sujet y est rare-
ment exprimé devant le verbe, elles n'ont pas subi le
même affaiblissement que les formes françaises en po-
sition proclitique. Toutefois, elles présentent des va-
riantes assez nombreuses^ dues surtout aus modifica-
tions postérieures de la voyelle tonique et quelquefois
aussi au déplacement de l'accent.
1° La forme yèw
La forme yèw, qui dérive régulièrement de eo accen-
tué sur e, est la forme la plus employée dans le Velay,
le Vivarais et le sud du Dauphiné. Elle nous est si-
gnalée dans les communes suivantes:
Haute-Loi FiE : Pinols dans l'arr. de Brioude ;
Saugues, Cayres, le Monastier, Freycenet-Latour (c.
du Monastier); Fay-le-Froid, Saint-Hostien (c. de Saint-
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 35
Julien-Chapteuil), dans Tarr. du Puy; Saint-Voy et le
Chambon-de-Tence (c. de Tence), dans Tarr. d'Yssin-
geaux. Il faut y ajouter le Puy, d'après de Vinols
( Vocab.pat. vellaoien fr.^otc.) et Saint-Pierre-Eynac,
d'après V. Smith {Noëls du Velay, in Rom., VIII,
414).
Ardèche: Béage (c. de Montpezat), Coucouron, Jau-
jac (c. de Thueyts), Lablachère etPayzac (c. de Joyeuse),
Vallon, dans l'arr. de Largentière; Devesset (c. de
Saint-Agrève),le Cheylard, Saint- Victor (c. de Saint-
Félicien), dans Tarr. de Tournon ; Saint-Pierreville^
Baix (c. de Chomërac), Lavilledieu (c. de Villeneuve-
de-Berg), Viviers, Gras (c.de Bourg-Saint-Andéol), dans
l'arr. de Privas. Cf. la Parab. en patois de Privas, in
Mém. desAnt., VI, 515; à Gilhoc (arr. de Tournon,
c. de la Mastre), d'après Clugnet, on àHyèiv ou mi.
DrÔxMe : Suze-la- Rousse (c. de Saint-Paul-T rois-
Châteaux), Taulignan (c. de Grignan), Sauzot (c. de
Marsanne), dans l'arr. de Montélimar ; dans l'arr. de
Nyons, Nyons (d'après Parab., inAIém. des Ant.,Yl,
530) et le Buis [ibid., 531).
Hautes-Alpes : Ribeyret (c. de Rosans), Rosans,
Orpierre, Laragne^ Ribiais, Aspres^ Veynes, Serres.
2** La forme yow
Fèïc peut passer facilement à ?/otc par assimilation de
la voyelle tonique à la semi-voyelle qui suit. Nous
trouvons yow à coté de yéw à Sauzet (c. de Marsanne,
arr. de Montélimar; et à Die, d'après les Poésies diverses
d'Auguste Boissier. in Revue desL.rom.,i. Xlll de la
collection, p. 221 sqq. Au Puy, la Parabole publiée dans
les Mém. des A nt., VI, 544, donne aussi ^oto.
36 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
3° Les for mes yà-w, yo
Signalée dans l'Ardèche, à la Chapelle -sous-Cha-
néac (c de Saint-Martin-de-Valamas) et à Boffres (c.
de Vernoux), dansTarr. de Tournon, elle n'est sans
doute qu'un renforcement de yow .
M. Chabaneau signale la forme yo à Limoges [Gram-
nmire limousine, p. 174) et la considère comme une
réduction de yaw. Nous trouvons yo dans l'Isère, à
Mens (arr. de Grenoble)^ dans l'Ardèche, à Sainte-Eu-
lalie (d'après Smith, Chansons de quête et de mai du
Forez et du Velay, in Rom., II, 465 sqq. . dans la
Loire, à Saint-Jean-Soleymieux^ d'après Gras(Z)ïd. du
Pat. forez., p. 220).
A"" Les formes yèi, yéw, yéu (eu français)
A Frugières-le-Pin (c. de Paulhaguet)et à Lavoûte-
Chilhac, dans la Haute-Loire (arr. de Brioude), yèw
est passé à yèi par assimilation de la semi-voyelle w
de la diphtongue descendante èw à Tyod initial, ou
par l'intermédiaire de la forme yèw [ïb = u français
semi-voyelle) que l'on trouve dans la même région, à la
Chaise-Dieu ^ De yèib est sans doute aussi sortie la
forme yew (ew français) qu'on trouve au nord de l'arr.
du Puy,à Craponne, au sud de la Loire, d'après Gras,
à Usson (Dict. du Pat. forcez., p. 205), réduite à ?/e à
Jonzieu (ihid., p. 228 j, et dans la Limagne, d'après
Doniol (Les Patois de la Basse-Auvergne,^. 23).
1. Cf. yèit à Saint-Didier-la-Séauve et à Polignac, d'après
Smith : Noëls du Velay et du Fore:;^ in Rom. y VIII, 420, 421.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 37
5° La forme you(ou français)
You dérive sans doute de i/ow par déplacement
d'accent. On trouve en effet you dans les mêmes
régions que (/ow et yèw. Dans le Velay, yèw et you
coexistent\ You nous est signalé en particulier à
Pradelles, au sud de l'arr. du Puy, à la Chapelle-
d'Aurec (c. de Monistrol), au nord de l'arr. d'Yssin-
geaux, et à Vorey, d'après Smith, A^oë/s, etc., in Rom.,
VIII, 414. Au domaine vellave de you, il faut rat-
tacher, au sud de la Loire, Estivareille et Rozier (c. de
Saint-Bonnet-le-Château).
Dans la Drôme, on dit ^ow à Baume-de-Transit (c.
de Saint-Paul-Trois-Châteaux), à Montjoux (c. de
1. Yèw chez de Y mois, Vocabul. pat. -vellainen-fr., etc., le Puy,
1891, et //Oïi chez Deribier de CheisfiSLC, Description statistique
de la Haute-Loire, Paris et le Puy, 1824. Nous trouvons ièou
(=i/èu'), dans les Bourrées du Velay pour piano par M.F.L. T.
(Paris, Benoît^ s. d.),et dans les poésies populaires recueillies par
M. de Vinols; iaù ou iaiï {=[iàw), dans les comédies de l'abbé
Giban, Les Habitants du Puij en guerre acec les Habitants
d'Espalji, 1864, et l'Icrogne, 1864; ijeou {=i/èic), vers 1830 dans
une pièce de vers adressée par H. de Morgues à M. de Saint-
G(ermain), in Le Velaj/, Fleurs des montagnes (le Puy, 1868).
Au XVIIP siècle, Antoine Clet se sert de iau (=yàir)dans ses
deus comédies, Le Sermon manqué, 1749, et Monsieur Lambert^
1757. Au XVIP siècle, on trouve //6';< (=sans doute //éir) dans
les Noëls de Cordât^ publiés par l'abbé Payrard en 1876. Au
XVP siècle, Claude Doleson se sert de hieu, hiou, lou (sans
doute yèœ et yow) dans son Mister e représenté en 1518 et con-
servé par l'annaliste Médicis. Les nombreus textes en langue
vulgaire du XIV' et du XV' siècle que cite Médicis, ne ren-
ferment pas le pron. de la T" pers. Cf. Chroniques de Médicis,
publiées par A. Chassaing, le Puy, 2 vol., 1869 et 1874. Il
faut remonter jusqu'au XIP siècle pour trouver eu=ego dans
une charte en langue vulgaire de 1170, publiée par A. Chassaing,
dans son Cartulaire des Templiers du Puy, Paris, 1882, p. 1,
charte I.
38 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Dieulefit), dans l'arr. de Montélimar; à Bouvières
(c. de BoLirdeaux), a Menglon (c. de Châtillon), et
aussi à Die, d'après la Parab., in Môm. des Ant., VI,
532, dans l'arr. de Die.
On trouve encore ?/oïi dans la partie de l'Isère et
des Hautes-Alpes qui touche à l'arr. de Die : à Cor-
nillon, dans le c. de Mens (cf. yo à Mens même); dans
l'arr. de Gap, à Aspres, Barcillonnette, Saint-Julien-
en-Beaucliêne (c. d'Aspres), à Gap, d'après la Parab.
(Mém.des Ant., VI, 533); enfin à Embrun, d'après
Chabrand et de Rochas d'Aiglun (Patois des Alpes
Cottiennes, p. 157), au Queyras et dans la vallée de
Barcelonnette [ibid., 158).
III. — EMPLOI DE LA FORME TONIQUE DE l'aCCUSATIF
AU CAS SUJET
Dans les phrases comme moi je pleure, où le sujet
est exprimé deus fois, moi est une forme d'accusatif,
qui joue le rôle d'un nominatif; dans ce cas, moi
supplée en français à l'absence de la forme tonique
issue de ego qui a disparu. Tel est l'usage, d'aprçs
M. Meyer-Lûbke, sur le domaine français, dans la
Champagne orientale, en Dauphiné, dans les dialectes
vaudois et dans l'Italie supérieure. Dans notre région,
l'usage français s'est introduit là où les formes atones
de erjo ont seules persisté, c'est-à-dire sur le territoire
qui s etent depuis les Vosges jusqu'au sud de la Loire
et de l'Isère; le pronom sujet étant de rigueur avant
le verbe, on a, comme en français, un double sujet :
une forme absolue, issue de me ou de milii, et une
forme proclitique issue de ego. Mais au sud de notre
région, où ce sont les formes toniques de ego qui ont
persisté, tandis que les formes atones ont disparu, on
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 39
ne trouve pas cet emploi singulier d'un accusatif pour
un nominatif; toutes les fois donc que le sujet est
exprimé, c'est la forme tonique de ego, qui est em-
ployée. Il y a cependant quelques cas intéressants à
étudier.
L'abbé Moutier, dans sa Grammawe dauphinoise
(Montëlimar, 1882), déclare que mi est employé au
cas sujet dans la vallée de la Drôme, c'est-à-dire dans
les cantons de Die, Luc, Châtillon, Saillans, Crest
et Loriol. Toutefois, d'après Boissier, mi et y ou
coexistent à Die. Dans VArmacjna Douphinen de 1885,
p. 68-70, il dit encore: « Où finit le ieu provençal
pour faire place au mi gaulois? précisément là où
s'arrêtent le thym et la lavande", )) et un peu plus loin :
« A ce point de vue, la terre dauphinoise se divise en
trois grandes parties: \^bise, le milieu et le verit. La
partie du sud fait retentir son iéu jusqu'à Loriol et
englobe la plus grande partie du pays des anciens
Voconcos et Tricastins. La partie du milieu dit mi;
elle va de la Drôme à l'Isère et s'étent sur le terri-
toire des anciens Ségalauniens. Enfin la partie du nord
bredouille son Je à la mode française sur les terres
des anciens Allobroges^ )> Il y a quelque confusion
dans ce passage : mi est bien l'équivalent exact du
yèw provençal, mais non dejé=je qu'on trouve plus
1. C'est au contraire l'inverse qui a lieu; corame nous le
verrons, les formes toniques de èijo ont supplanté au cas régime
des formes toniques de me.
2. Vount'eis que fenis lou ieu prouvençau per far plaço au mi
gaulouas? Juste aqui 'vount s'arrèstan la ferigouléto elalevando.
3. Sus quéu regard la terro doufinalo se despartajo en treis
grandas pias : la biso, lou mitan e lou vent.
La pio de Tadré fai trincalhar (a) soun iéu enjusco à Lau-
riou, e eucesclio la méstro part dou païs dous antiqueis Vou-
40 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
au nord. Dans la vallée de la Bvàme, je parle se traduit
par par/ou, sans pronom sujet; moi, Je parle par mi
parlou; mi correspont au /^?or français et non au pro-
nom proclitique je. Ces réserves faites, les remarques
de l'abbé Moutiers sont exactes. Notre correspondant
de Mirmande (c. de Loriol) donne rni pour Mirmande
et les communes plus au nord, yèw pour les com-
munes au sud de Mirmande. A Touest, mi franchit le
Rhône et pénètre dans l'Ardèche : notre correspondant
de Bolïres (c. de Vernoux, arr. de Tournon), indique
comme pr. suj. l^*" pers. sing. mi ou yàw, et mi est
quelquefois employé au lieu de yèw à Gilhoc (c. de
la Mastre)^ d'après Clugnet. Glossaire du Patois de
Gilhoc ^Paris^ 1883). Enfin, dans la Parabole (in Mém.
des Ant., VI, p. 516), moi, je meurs de faim est tra-
duit par mi ou meirou defam, à Annonay.
Dans une partie de l'Isère, où le pronom sujet est
toujours exprimé avant le verbe, la forme de Taccu-
satif a bien réellement pris la place du pronom sujet
proclitique: me, mé ou mi y jouent exactement le rôle
de je français et non, comme dans le cas précédent,
celui de moi {moi ^ je pleuré) . Tel est l'usage, d'après
M. Devaux. pour les cantons de Vizille et de Pont-
en-Royans. On nous signale en effet comme pronom
sujet rue, m devant voyelle à Champagnier, Saint-
Jean-de-Vaux, Champ, Vizille, dans le c. de Vizille,
counceis et Tricastins. La pio d'entremitan dis : mi; val de
Droumo a l'Iséro e s'escampo per lou terreire dous vieus Séga-
launis. Enfin la pio de i'uba barjaco(b) soun yé à la modo fran-
cëso e majistèiosus las terras dous anciens Âlebrogeis.
a) trincalhar en patois de Loriol signifie faire du bruit, surtout en
parlant de la vaisselle et des objets en métal.
b) barjacar (plus exactement bardjaca), dérivé de bardja^=.
parler,^ signifie babiller, bavarder.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 41
mé, m à la Motte-d'Aveillans et à la Motte-Saint-Mar-
tin^ dans le c. de la MLire\ à Livet-et-Gavet, dans le
c. de Boiirg-d'Oisans, mi à Presles-en-Royans, dans
le c. de Pont-en-Royans, et tout près de là, dans la
Drôme, à la Chapelle-en-Vercors. Pour les Hautes-
Alpes, Chabraud et de Rochas d'Aiglun signalent
mi à côté de a dans le BriançonnaisV 11 n'est pas
inutile de faire remarquer que toutes ces communes
se trouvent sur la limite du domaine où le pronom
sujet est nécessairement exprimé et de celui où ce
pronom est sous-entendu (voir plus haut); de là,
riiypothèse que dans ces communes le pronom sujet
pouvait autrefois être sous-entendu; mais, du jour où,
pour les mêmes raisons qu'en français, il fallut l'ex-
primer, comme on avait laissé perdre la forme issue
de ego, on fut obligé d'avoir recours aus formes de
l'accusatif, toniques ou non toniques.
L. ViGNON.
1. Dans ces deus communes, mè n'est pas identique à la forme
tonique de l'accusatif qui est mi; de même à Livet-et-Gavet^ dans
rOisans.
2. La forme ma qui à la Voute-Chilhac (Haute-Loire, arr. de
Brioude), peut remplacer yèœ, et qui d'ailleurs s'emploie comme
pronom sujet à toutes les personnes, au sing. et au plur., est-
elle sortie de me latin? C'est bien douteus.
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE^
Les Emplois de TOUT
ORIGINE DE LA DOUBLE VALEUR DE tOUt
Un adjectif quelconque joint à un substantif au pluriel
s'applique à tous les objets compris dans la pluralité.» Il con-
sacre les /7e//e.s journées à la promenade.)) Toutes les journées
dont il est question sont belles. (( Il consacre des journées
entières à la promenade. » Toutes les journées sont entières.
Il en est différemment de l'adjectif ^ow^^et aussi de l'adjectif
quelque). Toute La journée, c'est la journée entière^ on a là
le sens étymologique de tota. Mais toutea les journées, ce ne
sont pas les journées entières, c'est la collection entière des
journées; l'adjectif s'applique non pas aus objets, mais à
cà l'idée collective exprimée par le pluriel. Cette particularité
de l'emploi de tout se rencontre dès le latin populaire ; on en
aun exemple du VHP siècle, cite par Littré.
Sur ce pluriel de ^ow^ s'est greffé un nouveau singulier.
Quel est le singulier de la collection entière d'une espèce
d'objets? C'est chaque objet de la collection, de l'espèce.
Le singulier tout est ainsi arrivé au sens de « chaque » ou
de (( un quel qu'il soit » : Tout moyen lui est bon. — Il le
veut à tout pris. — Toute journée est bonne à qui sait l'em-
ployer. — De tout point.
C'est précisément la valeur du mot latin omnis^. (( Tout )),
qui vient de totus, a donc pris en plus le sens d'omnis.
1. Nous iniliquerons par le^ lettres suivantes les noms des auteurs
ausquels nous avons emprunté des exemples : L (dict. de Littré).
D dict. ou gramm. de Darmesteter), E (gramm. d'Eiieune), G (dict.
de Godefroyj.
2. Ornne tulit punrtum, etc.
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 43
Tout AU SINGULIER DEVANT UN SUBSTANTIF INDÉTERMINÉ
Le sens de totus, qui est le sens primitif, s'est particuliè-
rement conservé au singulier, puisque c'est au pluriel que le
nouveau sens a pris naissance. La nouvelle valeur ne peut
se rencontrer au singulier que lorsque le substantif singulier
désigne l'espèce en général, c'est-à-dire lorsque aucun ar-
ticle, aucun adjectif possessif ou démonstratif n'indique ou
n'exprime la détermination d'un objet particulier : (( Toute
journée » = omnis^ , mais « toute une journée, toute ma
journée, toute cette journée » =^ tota.
Tout, au sens de totus, peut encore qualifier un substantif
indéterminé singulier, dans les locutions adverbiales telles
que: en toute conscience (avec une conscience entière), en toute
justice, de tout cœur, avec toute raison, à toute force (dans
à tout hasard, on a au contraire le sens d'omnis], en tout
bien, tout honneur, de toute nécessité, une valeur de tout
repos, somme toute, à toute bride (en lâchant la bride tout
entière).
Enfin on trouve encore tout au sens de totus avec un
substantif indéterminé dans les locutions telles que (( pour
toute punition », dont nous parlerons plus loin.
Tout VALANT totus AU PLURIEL. ORIGINE DE tOUt
INVARIABLE
D'autre part, le sens de totus n'a pas complètement dis-
paru du pluriel. Joint à un adjectif qui qualifie plusieurs
objets, tout indique encore qu'il s'agit de ces objets dans teur
entier : « ces deus fillettes sont toutes charmantes, » c'est-à-
dire que l'une comme l'autre est toute entière charmante, et
1. En vieus français, un substantif déterminé pouvait n'être pas
précédé de Tarticle, si bien que toute journée pouvait signifiera toute
Ici journée. » Le contexte précisait la pensée. On trouve encore dans
Corneille ( L.) :
Il vint hier de Poitiers et, sans faire aucun bruit,
Chez lui paisiblement a dormi toaZe nuit.
44 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
non point que toutes deus sont (également charmantes. Il n'y
a pas ici de doute possible, parce qu'on n'emploie pas tous au
sens de onuies sauf devant les noms de nombre : a tous
deus, tous trois^ « , lorsqu'il s'agit d'un petit nombre d'ob-
jets. Mais dans beaucoup de cas, le contexte seul éclaire le
sens : <' elles sont toutes charmantes, » peut signifier « toutes
sont charmantes », omnes, ou (( elles sont entièrement char-
mantes ». totœ. La même amphibologie existait pour le
masculin pluriel, lorsqu'on écrivaitcomme Corneille(Ze Cid):
Un excès de plaisir nous rent tous languissants'.
La prononciation offrait un moyen d'éviter cette amphi-
bologie. En effet, lorsque tous est isolé du substantif auquel
il se rapporte, on fait entendre le .s- final (comme on fait enten-
dre, dans le même cas, la sifllante finale des nombres sis et
dis) '■ « tou(s) les hommes », mais « ils sont venus tous' ». On
a pu utiliser ces deus prononciations pour marquer la diffé-
rence de sens de tous devant un adjectif, en faisant ou non
entendre s final, suivant qu'on avait le sens de o m nés ou
celui de toti. Mais on est allé plus loin, en considérant tous=
toti comme un adverbe, et en l'écrivant invariablement ^î^^,
d'où la prononciation (( tou-t-émerveillés », devant un
adjectif commençant par une voyelle. Au féminin, le chan-
gement eût été trop grand, de passer de toutes belles à tout
belles, mais on a supprimé la liaison dans toute(s, aimables
quand toutes vaut totœ, et, par suite de l'élisioh, toute s'est
assimiléà tout; nous écrivons aujourd'hui « /oi<^ aimables »,
qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Mais La Bruyère (L.,
rem. 4) écrit encore : a Des choses toutes opposées, » et
Massillon : « Des tristesses toutes humaines. »
1. Au lieu de tous les deus, tous les trois, par un archaïsme qui
ne s'est conservé qu'avec les premiers nombres, plus employés que
les autres. Raoul de Cambrai (E., p. 884) : « Totes cent ardent. »
2. Il y a une disiinciion analogue à faire pour tout au singulier,
lorsqu'il accompagne un nom coUeclif : l'auditoire étant pour les
auditeurs. « tout l'auditoire » équivaut à « tous les auditeurs. » Dès
lors, tout l'auditoire est émti = tous les auditeurs sont émus ; mais
« l'auditoire est tout ému » = les auditeurs sont tout émus (avec
l'orthographe actuelle).
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 45
Au singulier, on a passé bien plus facilement encore, dans
récriture, de « toute aimable », à « tout aimable », mais il
n'y avait aucune raison de faire ce changement, car au
singulier tout n'a jamais le sens de omnis dans la tournure
qui nous occupe, on n'a donc pas à craindre d'équivoque.
Tout DANS (( IL EST TOUT CŒUR, c'eST TOUT PROFIT »
Tout s'emploie avec la môme valeur dans les phrases
telles que (( il est tout cœur », c'est-à-dire proprement : il est
tout entier cœur (par exagération^ Littré (n^ 34) dit que,
dans ce cas, tout est invariable, même lorsque le féminin qui
suit commence par une consonne. Il serait donc ici essentiel-
lement ad\erbe, mais c'est une illusion. En réalité, tout est
adjectif, et s'accorde naturellement avec le sujet et non pas
avec le substantif prédicat. Ainsi s'expliquent tous les
exemples cités : « Pourquoi ne songez-vous pas que Dieu
est tout vue, tout ouïe, tout intelligence? » (Bossuet). Il est
tout entier vue, etc. Tout s'accorde avec le sujet. Chateau-
briand : (( Mon admirable frère est tout âme. » Il est tout
entier âme. La Fontaine : « Le diable était tout yeus et tout
oreilles. » Il était tout entier jeus et tout entier oreilles.
Littréne cite pas d'exemple moderne où le sujet soit féminin ;
mais, en parlant d'une femme, il faudrait logiquement dire
et écrire : « Elle est toute cœur, elle est toute yeus et toute
oreilles. »
Ainsi s'exprime Ronsard :
Ma maistresse est toute angelette, . . .
Toute mon gracieus orgueil, . . .
Toute mon cœur, toute mon œil.
Toute mes jeus et mes blandices, . . .
Toute mon tout, toute mon rien. . .
Toute mon mal, toute mon bien.
Toute fiel, toute ma sucrée, . . .
Toute mon âme et tout mon cœur.
Dans le dernier vers, tout se rapporte au prédicat, elle est
non pas toute entière mon cœur, mais ynon cœur tout entier.
46 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Au pluriel, toujours pour éviter la confusion entre tous =
omnea et ïous= toti, on fait instinctivement tout invariable
dans le sens de totî : a Dans nos souhaits innocents, nous
désirions être tout vue, tout odorat, etc. » (Bernardin de
Saint-Pierre^. D'autre part, et sous l'inlluence d'une attrac-
tion, Molière fait accorder tout avec le substantif prédicat;
Valère dit à Harpagon: « Vous êtes toute raison. » C'est par
une attraction semblable qu'on a pu arriver à dire: « Elle est
tout cœur. »
On a le même tout s'appliquant au pronom sujet neutre
ce, lorsqu'on dit : « C'est tout profit, » c'est-à-dire : « Cela
est tout entier profit. » Aujourd'hui le substantif prédicat ne
peut plus être au pluriel, sauf dans la tournure populaire :
« C'est tout des mensonges. » L'ancienne langue disait :
.(( Ce sont tous mensonges », en faisant accorder par attraction
non seulement le verbe, mais l'adjectif tout avec le subs-
tantif prédicat (et en même temps avec l'idée plurielle que
représente le neutre ce; ces récitsl. Molière (L-, 12") dit en-
core :
Ne venez pas plus loin ;
Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin.
Et aussi, avec un sujet autre que le pronom neutre :
Ces visites, ces hals^ ces conrersations
Sont du malin esprit toutes inventions.
Ce qui n'exprime pas la même nuance d'idée que: « Toutes
ces visites sont inventions du malin esprit », où. toutes ^=
ornnes.
Tout, ainsi joint à un substantif prédicat, arrive à équi-
valoir à ne., .que^ : (( C'est tout profit, ou ce n'est que pro-
fit. » On l'a dès lors employé pour renioveev ne...que :
Sans leur aide il ne peut entrer dans les esprits
Que tout mal et toute injustice.
(La Fontaine).
1. Au pluriel, on peut encore le traduire par autant de : « Ces
visites sont toutes inventions, sont autant «/'inventions, sont, dans
leur intérj /'alité, des inventions, ne sont pas autre chose que des in-
ventions. »
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 47
Littré cite encore un autre exemple, mais à tort : « Elle
(la Fortune) est prise à garant de toutes aventures, » c'est-à-
dire de toutes les aventures.
VÉRITABLE EMPLOI ADVERBIAL DE tOUt DANS (( TOUT SEUL,
TOUT PRÈS ))
Lorsque tout accompagne un adjectif, il est véritablement
adverbe quand il s'applique à l'adjectif et non pas au substan-
tif: (( être tout seul, » ce n'est pas être tout entier seul, mais
être « entièrement seul )). Autrement dit, l'intégralité signi-
fiée par tout est tantôt celle de la qualité exprimée par
l'adjectif, tantôt celle de l'objet exprimé par le substantif.
Quand on est a tout étonné )), on n'est pas dans l'étonnement
entier, on est tout entier dans l'étonnement, tandis que, lors-
qu'on est (( tout seul », ce n'est pas l'intégralité de la per-
sonne qui est seule, mais on est dans l'entière solitude. Dans
le premier cas, on peut, à la rigueur, ajouter entier à
« tout », on ne le peut pas dans le second : « il est tout
entiv^r étonné, heureus, mouillé, etc. )), mais non (( il est
tout entier seul ». La même différence existe pour l'emploi
de l'adverbe entièrement; comparez « il est entièrement
mouillé » (dans son entier) et <( il est entièrement seul».
C'est ordinairement l'intégralité de l'objet qu'expriment tout
et entièrement, et non celle de la qualité, à moins qu'il ne
s'agisse d'une qualité tout à fait indépendante, détachée de
l'objet ^comme la solitude) et qui, par conséquent, ne peut
pas s'appliquer à toutou partie de l'objet. Lorsqu'on dit:
« M. X. était tout désigné pour ce poste, » l'idée exprimée
par désigné ne peut s'appliquer à tout ou partie de la per-
sonne, dès lors tout ne peut qualifier que (( désigné » : abso-
lument désigné.
Avec les autres adjectifs, tout marque l'intégralité de
l'objet, et, si l'on veut exprimer l'intégralité de la qua-
lité, il faut employer un adverbe tel que absolument ou
tout à fait. Comparez : « il est tout étonné » et « il est
tout à fait étonné, » Dans le premier cas, toute sa per-
48 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
sonne morale est étonnée; dans le second, il est au comble
de l'étonnement. Il n'y a pas de différence entre les deus
expressions quand l'adjectif, de par Pidée qu'il reni,
s'applique nécessairement à l'objet entier : (( il est tout plein
ou tout à fait plein. » De même, tout entier et tout à fait
entier.
Tout est donc proprement un adverbe quand il qualifie
vraiment l'adjectif auquel il est joint; mais il ne s'en accorde
pas moins avec cet adjectif (toujours sous les mêmes
réserves pour le pluriel) : (( Elle est toute seule. »
Tout est encore adverbe lorsqu'il s'applique à un adverbe
ou à une locution adverbiale : (( Tout près, tout court, tout
de bon, toutk fait, tout à coup, tout comme, tout d'un coup,
toutk rheure\ tout aussitôt, etc. »; dans l'ancienne langue:
« tout partout. »
Tout EMPLOYÉ COMME PRONOM ET COMME SUBSTANTIF
Dans « ils sont tous venus, je les ai tous amenés », tous
est adjectif et se rapporte aus pronoms ils et les. Il est pro-
nom quand le pronom personnel sujet n'est pas exprimé, ou
après les prépositions : « Tous sont venus, j'ai répondu à
tous. » Il s'emploie quelquefois substantivement, comme
substantif indéfini, au sens de tous les hommes :
Voltaire (cité par Littré) :
Non, ce secret terrible est de tous ignoré. '
— Tout = omnia, peut s'employer au neutre, soit
comme pronom, au sens de toutes les choses dont on vient
de parler, soit substantivement au sens de toute chose (ou
par figure, par exagération, le point capital, considéré
comme étant tout).
Pronom
La Fontaine :
Femmes, moine, vieillards, tout était descendu.
1. Remarquons que « à l'heure, » sans tout, signifie à « l'heure
indiquée ». Précédée de iout^ la même locution signifie : « à l'heure
prochaine. »
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 49
Substantif indéfini
« Il se moque de tout. ~ Tout est là. — Il est fort en tout.
— Qui peut tout, ose tout, etc. »
C'est avec ce substantif que sont formées les locutions
adverbiales aujourd'hui soudées : par^ow^, sur^ow^.
— Le singulier tout = totum s'emploie aussi substantive-
ment au neutre, mais avec un sens déterminé, pour désigner
un ensemble : a Cela forme un tout. — Le tout et la partie.»
Lorsque le tout représente des objets précédemment in-
diqués, c'est une locution pronominale : « Il a emporté le
tout. » Ici le tout se distingue peu de tout pronom sans
article : « Il a tout emporté. »
Le substantif le tout ne désigne pas seulement la totalité,
mais aussi, comme tout sans article, le point capital (consi-
déré comme le tout d'une chose) : « Le tout est de bien com-
prendre. »
Tout JOINT A LA NÉGATION
Le substantif le tout se trouve aussi dans la locution du
tout qui signifie proprement : en ce qui concerne le tout,
Vensemhle des pa?'ties, dans l'ensemble, d'où le sens de
« entièrement » :
Bossuet(L., n°27) : « Cela est du tout admirable. »
La locution adverbiale du tout était souvent jointe à la
négation, ce qui donnait le sens de « entièrement non » ou
celui de a non entièrement ». On avait donc, soit l'intégralité
de la négation, c'est-à-dire une négation renforcée, — et c'est
la valeur qui s'est conservée, — soit la négation de l'intégra-
lité, c'est-à-dire le sens de «en partie seulement».
Cela nest pas du tout admirable pouvait donc signifier :
Ou bien : « cela est entièrement non admirable, » c'est le
sens actuel (pour préciser le sens, on disait : du tout point).
Ou bien : « cela est admirable non entièrement j cela n'est
pas entièrement admirable. »
D'ailleurs ce n'est pas seulement la locution adverbiale
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 4
50L revue de philologie française
« du tout », c'est le mot ^o^i^ avec ses différentes valeurs qui
peut être modifié dans sa signification par la négation voi-
sine : , , ,
{( Tout le pays n'est pas fertile. — Ils ne sont pas tous
venus. — Tous les champignons ne sont pas vénéneus. —
Tout ce qui brille n'est pas d'or. — Tout n'est pas dit. — Il
n'a pas convaincu tout le monde. »
Dans ces différentes phrases, la négation porte sur tout,
c'est la négation de la totalité; on a donc le sens qui est
tombé en désuétude pour la locution « ne... pas du tout ».
On veut dire que le pays /l'est pas tout entier fertile, qu'il
ne l'est qu'en partie, qu'une partie seulement des champi-
gnons sont vénéneus, etc., et non pas que le pays entier est
non fertile, que tous les champignons sont non vénéneus.
Mais pour que la négation porte ainsi sur tout, il ne faut
pas qu'elle porte nécessairement sur un autre mot. Suppo-
sons cette phrase : « Tout le pays est montagneus et n'est pas
fertile, n La négation ne peut pas porter sur le mot tout, qui
n'est pas exprimé dans la proposition négative, elle s'ap-
plique donc à l'adjectif fertile : « Tout le pays est monta-
gneus et non fertile". »
Lorsque la négation est accompagnée des mots : guère;
plus, aucun, elle porte naturellement sur ces mots qui lui
sont intimement liés, et ne peut plus en principe modifier le
uïollout s'il se trouve dans la même proposition : « En cette
saison, tous les fruits n'ont plus de saveur, ou n'ont guère de
saveur, ou n'ont aucune saveur. )) Dans ces différentes pro-
positions, il y a a côté de l'idée de totalité et de l'idée néga-
tive une troisième idée, celle de plus = dorénavant, celle de
guère = beaucoup, ou celle de aucune ^= quelque. La néga-
tion s'appliquant à cette troisième idée (non-dorénavant,
non-beaucoup, non-quelque = nulle), laisse la première,
l'idée de totalité, intacte \
1. Toutefois, dans tout., .ne... [dus, la négation peut porter sur
tout, et « plus » reste avec sa valeur propre de « dorénavant, encore».
Exemple : <■ ils ne sont pÙMS toua aussi enthousiastes, » c'est-à-dire :
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 51
Théophile Gautier (L., rem. 10) : « Tous les grands pan-
neaus de la voûte n'existent yluè. »
Féuelon : « Tous les métiers languissent et ne nourrissent
/)/ws les ouvriers- » Ici il y a une double raison pour que ne
ne porte pas sur toaa, qui n'est pas exprimé dans la même
proposition.
En dehors de ce cas, la négation porte ordinairement sur
tout, mais logiquement elle pourrait aussi bien porter sur le
verbe, et le contexte peut indiquer qu'il en est ainsi. Quand
on dit : « Toute vérité n'est pas bonne à dire, » on entent :
(( non-toute vérité est bonne à dire, » par conséquent « une
partie seulement des vérités est bonne à dire ». Mais suppo-
sons : « Toute autre vérité n'est pas bonne à dire. » L'adjec-
tif autre peut marquer une opposition avec certaines vérités
qui sont bonnes à dire, tandis que les autres ne le sont pas,
la négation porte dès lors sur le verbe ou sur l'adjectif
qui l'accompagne, et tout a sa pleine valeur : « On ne court
aucun risque à dire les vérités qui flattent. Toute autre
vérité n'est pas bonne à dire. »
De même : « Ce ne sont pas seulement certaines régions
de ce pays qui sont improductives, tout Ze /ja//6* n'est pas
fertile. » C'est-à-dire a aucune partie du pays n'est fertile »,
et non pas, comme tout à l'heure : « une partie seulement
du pays est fertile. »
Pascal L., rem. 9) : (( Tout ce qui n'est pas Dieu ne
peut pas remplir mon attente, » c'est-à-dire : « toute autre
chose que Dieu, n'importe quelle autre chose que Dieu ne
peut remplir mon attente, » et non pas : « Une partie seule-
ment de ce qui n'est pas Dieu peut remplir mon attente. »
«Non tous, une partie seulement d'entre eus sont enroro aussi en-
thousiastes. » Ici la construction précise le sens, ailleurs c'est le
contexte.
52 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
AUTRES PARTICULARITÉS DE l'eMPLOI DE tout
TOUT dans les locutiona adverbiales de temps
Littré fait un numéro spécial pour tout formant la locution
tous les jours telle qu'on l'emploie dans : « Il prent un bain
tous lesjours. » L'adjectif tous et le substantif jours ont ce-
pendant la'même valeur que dans a tous les jours se valent »,
mais la locution « tous les jours » est employée adverbiale-
ment, comme accusatif circonstantiel, dans le premier
exemple. Or. les adverbes de temps peuvent exprimer une
durée, soit pendant toute laquelle, soii à un moment indéter-
miné de laquelle se fait l'action. Comparez : a: « Pierre est
parti hier, » et b: « Paul s'est reposé hier. » Pierre est parti
à un moment d'hier, et Paul s'est reposé pendant tout hier. La
différence entre le sens a et le sens b provient uniquement
de la différence des idées exprimées par les deus verbes.
Une locution adverbiale de temps oîi tout entre au singu-
lier avec la valeur de totus ne peut avoir que le sens 6,
puisque tout égale alors tout entier: (( Il a dormi toute la
nuit, )) c'est-à-dire pendant la durée entière de la nuit. Mais
au pluriel, tous les jours, tous les mois, etc., peuvent signi-
fier logiquement «à un moment indéterminé de chaque jour,
de chaque mois», ou « pendant tous les jours, pendant tous
les mois ». On a le sens a dans « il fait tous les jours sa pro-
menade )) et le sens b dan^ « il se repose tous les jours de la
semaine », ou dans la vieille locution tous jours devenue
toujours. Le sens ordinaire est le sens a.
L'action peut se reproduire non plus chaque jour, mais
chaque semaine ou chaque « huit jours », non plus chaque
mois, mais chaque trimestre ou chaque « trois mois ». On
dit donc très naturellement « tous les huit jours, tous les dis
jours, tous les deus mois, etc., » aussi bien que tous les
jours, tous les mois. Il y a cependant une distinction impor-
tante à faire.
Lorsqu'on parle de tous les jours, de toutes les semaines,
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 53
de tous les mois, il s'agit de jours, de semaines, de mois
réels: les semaines vont du dimanche au samedi, les mois du
l^' au 30 ou au 31. Mais ces mots peuvent aussi ôtre em-
ployés comme mesures de temps ; une semaine peut être une
période de temps de sept joursj pleins, partant de n'importe
quel jour de la semaine réelle: il viendra dans une semaine,
c'est-à-dire au bout de sept jours, — dans un mois, c'est-
à-dire au bout de trente ou trente-un jours.
Or, quand on parle non plus de tous les jours, etc., mais
de toutes les périodes de plusieurs jours, de plusieurs se-
maines, de plusieurs mois, à moins d'une détermination, il
s'agit toujours du jour-mesure, de la semaine-mesure, du
mois-mesure. Si l'on dit : « il est payé tous les trente
jours, » il s'agit d'une période de trente jours comptés à
partir du jour du premier payement; l'action, le payement
doit se produire chaque fois au bout de trente jours et non
à un moment indéterminé de cette période, sans quoi il
n'y aurait plus de période de trente jours. On ne pourrait
pas dire: « Il est payé tous les trente jours, tantôt dans
les quinze premiers, tantôt dans les quinze derniers», tandis
qu'on peut dire: (( Il est payé tous les mois, tantôt au
commencement, tantôt à la fin. )) On peut en effet être payé
chaque mois réel de l'année sans qu'il y ait une mesure d'un
mois avant chaque payement.
Les mots heure, minute, seconde, quart d'heure, demi-
heure étant essentiellement des mesures de temps, que l'on
parle de toutes les heures, tous les quarts d'heure, ou de
toutes les deus heures, toutes les trois heures, etc., il faut
que les répétitions successives de l'action soient séparées par
la longueur de temps indiquée. Quand on fait une chose tous
les jours, il n'y a pas nécessairement un jour entier entre les
répétitions successives de l'acte, mais il y a une heure entière
quand on la fait toutes les heures.
En résumé, dans les locutions adverbiales de temps, qui se
présentent sous forme d'accusatif circonstantiel, l'adjectif
tout au pluriel marque la répétition de l'action dans cha-
54 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cune des périodes indiquées par le nom de temps auquel il se
rapporte. Mais quand ce nom exprime une mesure, les répé-
titions successives sont séparées par cette mesure même. Or,
le nom de temps exprime une mesure: 1" quand il n'est pas
multiplié par un nom de nombre, 2" quand il est par essence
un nom de mesure d'heure et ses subdivisions).
TOUT équivalant à unique
Lorsqu'on dit : « Tous ses regrets sont ou tout son regret est
d'avoir manqué cette occasion, » l'idée est : « Ses seuh re-
grets sont , ou son unique regret est de. . . )) Cependant l'ad-
jectif tout a ici son sens propre, il s'agit de la totalité des
regrets 'OU du regret Mais ce sens reçoit du contexte une
nuance spéciale que nous devons expliquer.
On remarquera que cette valeur se dégage lorsque tout ac-
compagne un substantif prédicat ou qui peut être tourné en
prédicat : (( Avoir manqué cette occasion Q^Xtout son regret. »
De même, lorsqu'on dit: (( lia eu des reproches pour toute
punition, » les reproches sont toute la punition qu'il ait eue
(Dans cette construction, le substantif prédicat du complément
s'emploie archaïquement sans article).
Dire que les reproches ont été aa punition tout entière,
c'est indiquer qu'il n'en a pas eu d'autre, que cette punition
a été la seule. L'objet tout entier (la punition), dans la cir-
constance, est donc un objet unique; l'idée delà totalité de
l'objet se transforme en une idée d'exclusion de tout autre
objet aemblable.
Nous avons vu, d'autre part, plus haut, que tout, joint au
substantif prédicat, peut se rapporter en réalité au sujet ou
au complément: « Il est tout cœur, je l'ai trouvé ^oî<^ miel =
il est tout entier cœur, tout entier miel, c'est-à-dire il n'est
rien autre chose. » C'est ici l'exclusion de tout autre objet
différent .
Donc, lorsqu'on a un substantif prédicat, suivant que ^ow^ se
rapporte au sujet ou au prédicat, il exclut tout autre objet
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 55
différent, ou tout autre objet semblable (à celui qu'exprime
le prédicat).
TOUT devant un cjérondif
(( Tout en marchant)) signifie proprement: tout à fait en
marchant. La préposition en marque ici une coïncidence^
que tout accentue. Mais tout ne s'emploie pas pour accentuer
l'idée de moyen que peut aussi marquer en devant le géron-
dif : « Il s'est guéri en marchant beaucoup. »
A toutes jambes
A toutes jambes, c'est-à-dire proprement et par plaisan-
terie : avec toutes ses jambes, avec tout ce qu'on a de
jambes.
toute/oi.s', Toujours est-il que
Toutefois a été d'abord " toute voie, toutes voies », puis,
par confusion avec le mot /ois .• toutefois. Le sens primitif
est (( par toute voie, de toute manière )), d'où l'idée d'opposi-
tion que ce mot exprime aujourd'hui. C'est par une transi-
tion de sens analogue que toujours (=■ tout le temps) marque
aussi une opposition dans la locution « toujours est-il que».
Comparez le mot cependant, qui signifie proprement « pen-
dant ce temps ».
TOUT tant que
Nous employons encore l'adverbe tout devant autant, xwdA?,
non plus devant tant. Au XVI® siècle (voy. Littré , on di-
sait: ((Tout tant qu'il y ade pères enterre. — Tout tant qu'i's
étaient d'enfants, » c'est-à-dire: tout autant qu'ils étaient
d'enfants, tout ce qu'il y avait d'enfants.
TOUT devant un superlatif relatif
Pour accentuer l'idée du superlatif, l'ancienne langue di-
sait: « Tout le moins courroucé, tout le mieus alosé, la forêt
toute la plus déserte. » C'est-à-dire proprement : (( tout à fait
56 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
le moins courroucé, etc. » Encore dans La Fontaine, Molière,
M™^ de Sévigné, Voltaire (voy. Littré, 36°) :
Choisissez pour ce don
Tout lopins gros du pâturage.
(La Fontaine).
a Conservez votre santé tout le plus longtemps que vous
pourrez. »
(M*"' DE SÉVIGNÉ).
(( 11 me paraît que chacun s'en va tout le plus loin qu'il peut. »
(Voltaire).
On disait aussi : a Tout des meilleurs, tout des plus laids, »
pour tout à fait des meilleurs, etc.
Nous disons encore « tout le premier », — et aussi « à tout
le moins ». pour renforcer l'idée exprimée par au moina. Au
lieu d'intercaler tout après la préposition à de au, on peut le
placer avant la locution, de là : a tout au moins. » Et de
même « tout au plus ». On ne dit pas : à tout le plus.
TOUT devant (( seul » suivi d'un substantif
Nous avons étudié^ la différence qui existe entre seul dans
« un seul homme» et le même mot dans « un homme seul. »
Dans le premier cas, seul renforce un, et un nouveau renfor-,
cément, provenant de Tadverbe tout, nous fait l'effet d'un pléo-
nasme. Aussi ne disons-nous plus: a sans perdre un tout
seul homme » (Littré, exemple du XV^ siècle). Mais nous
employons parfaitement tout devant seul dans son accep-
tion qualificative : (( il est tout seul. » Voyez ci-dessus, page 47.
A tout ^^aoec
On sait que la préposition à peut marquer l'instrument :
« Il l'a fait à la main, à la plume. » Dans cet emploi, l'an-
cienne langue faisait souvent suivre à de l'adjectif indéfini
tout, qui semble n'avoir fait qu'accentuer l'idée exprimée
par à.
1. Voyez notre Reçue, tome XII, p. 65.
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 57
Rabelais (G.) : « Mais en grande peine se inclinoit pour
prendre à tout la langue quelque lippée. »
Aujourd'hui à ne marque l'instrument que dans des locu-
tions consacrées ; ailleurs il est remplacé par acec. L'an-
cienne locution prépositive à tout pouvait rendre cette idée
d'instrument partout où nous la rendons par avec ou archaï-
quement par à. Exemples empruntés à Godefroy :
Bonaventure Despériers : « Que vous touchissiez leurs
mulets à tout un fouet. ))
Montaigne : (( Nul nefut veu qui n'essaiasten son dernier
souspir de se venger encore, et à tout les armes du désespoir
consoler sa mort en la mort de quelque ennemy . »
Dans l'ancienne langue, à marquait aussi l'adjonction
(Encore aujourd'hui entre deus substantifs: panier à anses,
un homme à barbe grise'. Exemples cités par Godefroy:
Raoul de Cambrai : « à dis mil homes est en no terre
entrez. »
Jean Bodel : ((Antrer vueil en sa terre à mon barnage
fier. ))
Froissart: « Je ne suique uns seuls homs contre vous, à
point dedefïense. »
Ici encore, on dit aujourd'hui acec, et on pouvait, dans
l'ancienne langue, employer la locution à tout:
Joinville : a Se combatra à toi à tout trois cents mille
hommes.»
Froissart: « Tant esploita li rois engles à toute son
graut ostj)
Marot :
Si n'eust été que sur cette entreprise
Vint arriver à tout sa barbe grise
Un bon vieillard portant chère joyeuse.
En viens français, comme on le voit par l'exemple de
Froissart, tout de « à tout)) pouvait s'accorder avec le sub-
stantif qui suit. \\ devait même s'accorder à l'origine, mais en
tout cas il exprimait non pas l'idée de totalité, mais celle de
58 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
précision de l'objet' : « à toute son armée, » ce n'est pas
(( avec toute son armée «, mais « avec précisément son
armée », d'où (f précisément avec son armée» et, par affai-
blissement: « avec son armée. »
Cette locution s'employait aussi adverbialement. Bona-
venture Despériors: « Ce lévrier avoit cette astuce, que de la
pane il renversoit le pot qui bouilloitau feu et en prenoit la
chair et s'en alloit à tout, >->
On disait « jouer à tout», d'où le substantif actuel a-
tout-
TOUT que
Dans les locutions telles que «tout conciliant que vous
soyez >^ il faut expliquer : 1" la valeur exacte de que^ 2" l'idée
d'opposition marquée par ^oa^.
Pour insister sur l'attribution d'une qualité à une personne
la langue fait parfois suivre l'adjectif d'une incidente pléo-
nastique: que je suis, que tu es, qu'il est, etc. Exemples :
« Imprudent, — ou imprudent que tu es, — tu es sorti sans
armes. » Malherbe :
La cruelle quelle est se bouche les oreilles
Et nous laisse crier.
Si l'adjectif est accompagné de tout, comme lorsqu'on dit :
» il est tout imprudent. » nous aurons donc cette tournure:
« tout imprudent qu'il est. » Mais en insistant ainsi sur
l'application de la qualité à toute la personne, on fait pré-
voir un fait qui est en opposition avec la qualité: « tout im-
prudent ^w'il est, il n'a pas négligé les précautions utiles .))
D'autre part, en remplaçant dans l'incidente l'indicatif
par le subjonctif, on marque un doute sur l'étendue de
l'imprudence : '< T(jt't imprudent quil soit, il ne peut pas
avoir négligé cette précaution » C'est-à-dire: « En sup-
posant même qu'il soit tout imprudent... »
1. Uidée de totalité se transforme en celle de «correspondance
exacte avec l'objet ». C'est d'ailleurs le sens de tout employé adver-
bialement: *ioai seul. »
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 59
PLACE DE tout ET DES AUTRES ADJECTIFS DÉTERMINATIFS
La question de la place de tout est liée à celle de la place
de l'article et des adjectifs déterrai natifs en général.
En ce qui touche l'article, il est naturel que les langues
qui possèdent un article placent ce mot, qui indique la
détermination, avant le nom de l'objet déterminé. Avant de
prononcer le nom, s'il y a lieu, on annonce qu'il est déter-
miné.
S'il y a lieu aussi, avant de prononcer le nom, on montre
l'objet, et le mot qui accompagne le geste démonstratif ou
qui y supplée, l'adjectif démonstratif, doit logiquement
occuper la même place que le geste, c'est-à-dire se préposer
au nom ; or, le français est une langue logique.
Pour des raisons analogues, c'est avant le nom que doivent
être marquées les déterminations d'ordre général qu'ex-
priment 1" les autres adjectifs dit déterminatifs (numéraus,
possessifs, indéfinis), 2" certains adjectifs qualificatifs (ceus
de qualités essentielles, coYavue, grand, petit, bon, mauvais,
etc.).
On indique donc tout d'abord le nombre ^ ou le rang,
défini ou indéfini, des objets que Von va nommer, ou le
rapport de possession qui unit ces objets à l'une des trois
personnes du discours.
Toutefois, dans l'ancienne langue, les adjectifs détermi-
natifs sauf l'article et le démonstratif) se plaçaient quelque-
fois après le substantif. C'était un reste de l'ancienne liberté
de construction du latin. Exemples (E. p. 383): « a esteile
chascune; — mais tradison nule nen i otrei ; — aveie pro-
vendes e iglises pluisurs. »
Parmi les adjectifs indéfinis, il n'y en a qu'un % même,
pour lequel la langue ait hésité entre trois places différentes.
1. Le substantif pouvait être placé au milieu du nom de nombre
composé, « mil an:i cent et seisante et dis » (E. ).
2. Il faut ajouter '^eul. si on le considère en VaDt, qu'adjectif iadéfini:
«hors seul /cou un valet, ou hors un seul valet, ou horsa/i valet
seul. y> Comme, même, seul renforce l'autre déierminatif .
60 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Celui-ci, en effet, au lieu de marquer une détermination, ne
fait que préciser celle qui est exprimée d'autre part: ce mur
même, «même» accentue seulement le démonstratif « ce», et
apriori \\ peut occuper trois places: «même ce mur\ ce
mur même, ce même mur. » Des sens différents se sont
dégagés de ces trois constructions de même.
Tout est un adjectif numéral indéfini et doit par con-
séquent se préposer au nom; je ne vois qu'une seule excep-
tion, c'est la locution « somme toute», accusatif absolu où
tout a une valeur d'attribut.
Mais il peut y avoir avant le nom plusieurs adjectifs déter-
minatifs. Quelle sera leur place respective?
Les noms de nombre, définis ou indéfinis, ne déterminent
pas les oV) jets, ils n'indiquent queleurnombre; mais cesobjets
peuvent être eus-mémes déterminés, et le signe de la dé-
termination doit se placer avant la locution composée du
nom de nombre et du nom des objets, car la détermination,
dans notre hypothèse, s'applique à l'ensemble de ces objets:
deus maisons, quelques maiaons et « les deus maisons, tes
deus maisons, ces quelques maisons, nos quelques maisons».
Lorsque les objets dont on indique le nombre (défini ou
indéfini) sont indéterminés, mais pris parmi des objets dé-
terminés, le nom de nombre se place, sous forme pronomi-
nale, avant le nom des objets précédé de l'adjectif détermi-
natif : ((deus de nos maisons, quelques-unes de ces maisons, ))
sauf, bien entendu, les cas d'inversion.
Il peut y avoir à la fois : 1*^ l'article, le démonstratif ou le
possessif, 2"^ un nom de nombre cardinal, 3° un nom de
nombre ordinal : " les deus premières maisons. » L'ordre
des deus noms de nombre permet d'exprimer deus idées
différentes : comparez les trois premiers pas et les premiers
trois pas; dans la seconde expression, premier marque
l'ordre d'une série de trois pas (la première série de trois
1. Nousvrtrrous que cette construction de marne est celle de tout
(tout ce mur\ On construisait ainsi le vieil adjectif numéral ansdous,
ambes, ambedeus : « Ambcdeus ces murs. »
ÉTUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 61
pas), au lieu que ce soit tî'ois qui marque le nombre des
premiers pas. Il y a une locution substantive formée par
trois pas = ensemble de trois pas, et l'adjectif numéral
se place comme il convient avant la locution tout entière :
les premiers « trois pas », mais l'article est toujours en tête.
On pouvait avoir aussi dans l'ancienne langue l'adjectif
possessif tonique (mien, tien, etc.), employé comme adjectif
à côté du nom, et accompagné de l'article ou du démonstra-
tif qui se plaçait naturellement en tête : « le mien livre,
etc. »
Supposons maintenant l'adjectif indéfini tout, accom-
pagné, — ce qui est le cas le plus fréquent, — d'un article,
d'un démonstratif ou d'un possessif : « tous les hommes,
toute ma confiance \ tous ces enfants. » On voit que tout se
place en tête. Il y a une exception apparente, c'est la locu-
tion la toute-puissance, mais ce mot dérive de tout-puissant,
qui signifie proprement « tout-pouvant» ; si l'on ne dit pas
« la tout-puissance », c'est qu'on fait accorder tout, par une
attraction instinctive, avec la désinence féminine de la locu-
tion, exactement comme on dit « un faus monnayeur » au
lieu de «un fausse- monna y eur n; autrement dit, la toute-
puissance, ce n'est pas toute la puissance^ c'est la puissance
de faire tout.
Cette exception étant écartée, il faut expliquer la loi.
Pourquoi dit-on tous ces enfants au lieu de dire ces tous
enfants comme ces quelques enfants ?
Quand on ne parle que d'un certain nombre d'objets, nombre
défini ou indéfini, ces objets peuvent être déterminés ou
indéterminés : deus enfants, quelques enfants^ les enfants
ne sont pas déterminés : deus de tes enfants, quelques-
uns de ces enfants, les enfants sont encore indéterminés
mais pris dans une catégorie déterminée. Dans ce dernier
cas, l'adjectif numéral se transforme en pronom.
1. On disait aussi, dans l'ancienne langue, ma confiance toute, ea
donnant ktout la valeur d'un adjectif qualificatif (ma confiance en-
tière), mais ou ne trouve jamais: «ma toute confiance. »
62 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
La détei'iuiuation peut porter non plus sur la catégorie
d'objets dont on met à part un certain nombre, mais sur les
objets ainsi mis à part: ces «quelques enfants », tes « deus en-
fants )), les ((quelques revenus » quil a. Donc, avec un adjectif
numéral autre que /oa^ on peut déterminer soit les objets
mêmes, en nombre défini ou indéfini, dont on parle, soit
l'espèce limitée dans laquelle on prent des objets indétermi-
nés, en nombre défini ou indéfini. Dans le premier cas,
la détermination s'applique seulement à trois, quatre:»
quelques objets, le mot qui la marque ou 1 exprime doit
précéder la locution formée du nom de nombre et du subs-
tantif : ses (^ trois camarades». Dans le second cas, les trois,
quatre, quelques objets ne sont pas déterminés, le mot
déterminatif. ne peut donc englober le nom de nombre et
doit précéder immédiatement le substantif qui exprime les
objets déterminés : » trois de ses camarades . »
Cette distinction n'existe pas pour tout, qui exprime
toujours la totalité des objets déterminés dont on parle ; il
n'y a donc pas lieu à double construction, et il est naturel
que les adjectifs qui précisent la détermination (articles,
démonstratifs, possessifs^ se placent immédiatement avant le
nom.
— Tout adverbe se place naturellement avant l'adjectif
ou la locution adverbiale à laquelle il s'applique-.
— Tout employé substantivement se place comme un
substantif ordinaire, et bénéficie, dans l'ancienne langue, de
la liberté d'inversion au même titre que les autres subs-
tantifs. Exemples (E., p. 384) : c( Le rei qui toi governet. »
(Alexis)'
Pleùst à Dieu, qui tout a à jugier.
(Aymeri de Narhonne).
— Lorsque tout est adjectif prédicat, il se place comme
les autres adjectifs dans cet emploi:
Comp. : (( Us arrivent tous » et ((ils arrivent contenta)).
ETUDES DE SYNTAXE FRANÇAISE 63
« J(j la vois toute » et « je la vois grande ».
" 11 la A eut toute » et « il la veut forte ».
Et en vieus français, avec inversion :
« Toua les manace » et (( mort l'abattit ».
Toutefois, à la différence des autres adjectifs, tout peut
se placer entre l'auxiliaire et le participe passé ^ :« Ils sont
tous venus ; on les a toutes replacées. »
— Lorsque tout accompagne un substantif ou un adjectif
prédicat, il se place immédiatement avant ce substantif ou
cet adjectif près duquel il joue le rôle d'adverbe :
<( Il est tout heureus, tout cœm\ je l'ai trouvée toute ras-
surée, ils sont tout déconfits. »
En vieus français, on pouvait placer le verbe entre tout et
le prédicat: «tout est heureus, » il est tout heureus. On sépa-
rait de même les adverbes des adjectifs ausquels il se
rapportaient.
L. Clédat.
1. Ou encore entre le verbe principal et l'infîniiif : «Il la fera toute
faucher. »
CENT MOTS NOUVEAUS
Parmi les suffixes qui servent à former le plus de mots
nouveaus, il faut citer en première ligne les suffixes itsme et
iste. A l'origine, ils s'ajoutaient d'ordinaire à un nom propre.
Le mot ainsi constitué désignait une doctrine ou les parti-
sans de cette doctrine : Calvin, calvinisme, calviniste. Les
notions 'que ces suffixes impliquent sont maintenant très
diverses. Après avoir rappelé cette extension du sens^^
M. Darmesteter écrivait : « Le nombre des dérivés en isme
etenz6/e est fort considérable. Le Dictionnaire des Rimes de
Landais et Barré contient 216 mots en isme et 176 en iste, et
il y manque les neuf disièmes des mots suivants créés de nos
jours. )) Et M. Darmesteter donne une liste de 119 mots nou-
veaus en iste et de 115 mots nouveaus en isme.
Cette liste était incomplète*. Depuis 1877, année oîi parut
Tétude sur les Mots nouveaus, le nombre des néologismes
s'est accru singulièrement. Chaque année, chaque mois peut-
être, apparaissent de nouveaus venus. Aussi M- Cari Wah-
lunda-t-il pu relever « cent mots nouveaus ne figurant pas
dans les dictionnaires de langue ou d'argot français » ; encore
a-t-il borné ses recherches aus Modernismes en -isme et en
-iste. Tel est le titre d'une étude qui vient de paraître à
Upsal. Elle est éditée avec luxe par Almquistet Wiksells.
Relever des modernismes peut sembler une tâche plus
laborieuse que difficile. Il n'en est plus de même si l'on
1. Mots Nouceaus, p. 209.
2. Page 61 de V Enseignement supérieur devant le Sénat (1868), je
lis cette phrase : « On était duruyste ou antiduruyste, comme on est
matérialiste ou spirilualiste. » Ces termes ne figurent pas dans les
Mots nouceaus.
CENT MOTS NOUVEAUS 65
veut les classer avec méthode. M. Wahlurid l'a entrepris, et
sa classification est en même temps exacte et claire.
Il examine d'abord les mots formés avec des éléments
français (dérivés d'un substantif, d'un adjectif, d'un verbe,
d'un mot fait à plaisir). Viennent ensuite les éléments em-
pruntés : latins, grecs, hybrides, italiens, espagnols, anglais,
exotiques. Enfin les mots issus de noms propres (noms de
personnes et expressions géographiques).
L'auteur rattache une nouvelle catégorie de mots en isme
et en iste à ce qu'il appelé (( formation savante et artifi-
cielle ». Peut-être ces termes ne sont-il pas très heureus ; ils
manquent de clarté. Insularifime est rangé parmi les mots de
formation savante et artificielle. Fort bien. Mais hocomobi-
lisme, cité dans un chapitre précédent est-il moins savant
ou moins artificiel? D'ordinaire on oppose les termes de for-
mation savante k ceus de formation populaire. Ici l'auteur
entent spécialement par formation savante le procédé qui
consiste à créer un mot nouveau, en ajoutant à un radical
donné un suffixe complexe, dont le dernier élément isme est
précédé d'un autre suffixe à forme purement latine : ar, an ;
{-anisme^ -arisme, au lieu de -ainisme, -airisme) . A ce
compte, connentionnalisme, cité dans un autre chapitre,
pourrait fort bien figurer ici ^ .
M. W. trouve que le mot jérômisme est de formation irré-
gulière à côté de jérômisme. Ceus qui prononcent Jérôme
(nombre de Méridionaus disent: Jérôme) ont été induits
très naturellement à créer jérômisme. La tendance actuelle
1. Sous la rubrique Le Larousse continué, je lis dans la Reoue En-
cyclopédique, numévo du 17 décembre 1898, au mot Intermédi air iste :
« nom que se donnent entre eus les abonnés et les collaborateurs de
V Intermédiaire des Chercheurs et des Curteua;.' \\ Ce mot est mal
fa.it; il serait mieus d'écrire intermédiariste. puisque l'on dit nota-
riat, prolétariat, séminariste et non pas notairiat, prolétairiat,
séminairiste. » Ce mot serait donc de formation populaire. , On sait
que nombre de gens disent oolontairiat au lieu de colontariat.
Dans le numéro du 3 décembre, on lit reca^s^tf. avec une citation de
G. Docquois; quattrocentiste (P . Quillard); dans le numéro du 19 no-
vembre : botulisme.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 5
66 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
est en effet de conserver dans le dérivé le vocalisme du
simple. Ainsi Genève ?i entraîné genevois qui se dit à côté de
genevois ou genevois. L'analogie des formes alternées
banquet, banqueter a bien pu amener Naquetisme, dérivé
de Naquet. Mais peut-être y a-t-il là simplement omission
d'un accent.
Deus séries de dérivés en isme^ iste constituent des doublets
d'origine et de sens identiques. M. W., dans son étude
très documentée, les a relevés avec soin. Citons comme
exemples : décadisme et décadentisme , parisisme et parisia-
nisme. Si les deus formes persistaient, le sens ne tarderait pas
sans doute à diverger. Pétrarquisme et pétrarchisme n'ont
déjà plus absolument la même signification. L'un désigne un
mot ou une tournure propres à Pétrarque ; l'autre l'imitation
du poète italien.
NL \V. étudie enfin la synonymie des suffixes isme et erie;
iste et ien, ier, eur, eux, isant.
Un intéressant aperçu historique sur les suffixes eus-
mêmes précède l'énumération des mots nouveaus, tous
relevés avec l'exacte indication des sources. Une liste placée
à la fin de l'ouvrage facilite les recherches.
Cent mots nouveaus! Sans doute M. W. n'a pas voulu
dépasser le chiffre qu'il s'était fixé. Peut-être ne serait-il pas
difficile d'augmenter ce nombre, même sans avoir recours
aus savoyardismes. -
Aus sciences psychiques j'emprunterais Psychisme (livre
récent de M. Erny), qui n'a pas mauvais air, à la suite
de médiumnisme ; aus journaus médicaus : péritonisme,
brightisme, etc. Géocentrisme a sa place marquée à côté
& anthropocentrisme , que donne M. Wahlund. Mécanicisme
ne se confont pas plus avec mécanisme ({mq. naturalisme avec
naturisme (naturiste), nom d'une nouvelle école poétique,
dont M. Saint-Georges de Bouhélier, si je ne me trompe,
fait toute l'illustration. On étudie de plus en plus, à la suite
d'Hœckel, le monisme, et l'on recherche, avec Guyau, « la
possibilité de l'immortalité dans le naturalisme moniste ».
' CENT MOTS NOUVEAUS 6*7'
.■■'■■
I)'autres préfèrent les philosophes néantistes, dont la doc-
trine est un peu simpliste.
La politique nous donne aussi nombre de mots nouveaus.
En face des allemanistes (cité par M. W.), nous comptons
roche for tist es , guédistes, etc. Si dreyfusisme et dreyfusiste^
picardisme etpicardiste ne sont pas encore dans les diction-
naires, ils encombrent chaque jour les colonnes des jour-
naus. Inutile d'ajouter les composés avec préfixes : anti-
dreyfusiste ou antimilitariste, qui augmenteraient sans
grande utilité le nombre des néologismes.
Il arrive qu'un mot donné comme nouveau par M. Wah-
lund existait déjà, avec un sens quelque peu différent.
L'auteur cite une phrase de M. A. Croiset, où le mot do-
risme signifie « qualités propres à la race dorienne » :
« Pindare unit à l'esprit le plus pur du dorisme une imagi-
nation éclatante. »
Le même terme s'employait déjà pour désigner toute locu-
tion propre au dialecte dorien. On peut le voir au mot
Swp'.o?, dans le dictionnaire grec-français de Bailly. En
rappelant qu'un habitant d'Alexandrie, dans une idylle
de Théoerite, reproche aus Syracusaines leurs dorismes, je
ne croyais pas commettre un néologisme.
Parmi ces mots récemment éclos, on le remarque aussitôt,
beaucoup ont déjà l'air viens, tellement nous les entendons
répéter fréquemment. Dans le livre de Darmesteter, alcoo-
lisme, fantaisiste, gréviste, atavisme, jésuitisme, journa-
lisme, mysticism^e, naturalisme, archaïsme lui-même, sont
cités comme mots nouveaus. Des cent mots relevés par
M. Wahlund, combien auront une aussi brillante fortune?
Arriviste YÏvTdi. sans doute; romanisme et athlétisme peu\-
être. [Mais hataliste? mais lendemainiste? Certes, décentra-
lisationnisme et demi- amateurisme ne sont point (( xipéhu-
zement beaus ». Tels de ces néologismes sont bien, comme le
dit M. W., « tout ruisselants d'inouïsme », mais nous font-
ils réellement « souhaiter la venue d'une Deffense et lllus-
68 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
tration de cette partie de la langue française »? Il est au
moins permis d'en douter.
Si l'ouvrage de M. \V. n'est point fait pour nous ins-
pirer la superstition du néologisme, il prouve une fois de
plus qu'à l'étranger on aime notre langue, et qu'on l'étudié
jusque dans ses moindres détails. Chez ce grammairien sué-
dois, pas même frace de suecisme. Car suécisme existe,
sans que nous nous en doutions peut-être. .
M. Wahlund pensait-il à nombre de ses compatriotes,
quand, avec un zèle pieus, il relevait cette phrase tirée de la
Revue de V Enseignement secondaire et de V Enseignement
supérieur : « Tous ces Suédois se permettent d'écrire le
français comme nous, à part quelques légers suécismes, et
en savent... » beaucoup plus, sans doute, que tel de leurs
* comptes-renduistes ?
Joseph DÉSORMAUX.
COMPTES RENDUS
Zur Geschichte des franzôsischen e. //, 2. Uebersicht der
geschichtlichen Entwickelung des e in ait und neii Jran-
zôsischer Zeit. Die vorliiterarische Entwickelung der
fr. Monosyllaba von Gust. Rydberg Dozent an der Uni-
versitât Upsala. — Upsala, Almqvist 8c Wiksells, 1898,
p. 202-400.
Nous avons précédemment analysé la première partie du
travail de M. R. sur l'histoire de Ve muet français. Le pré-
sent fascicule contient une étude sur le développement des
monosyllabes français dans la période qui a précédé l'appari-
tion de la littérature. « Les mots traités dans ce chapitre, est-
il dit, bien que représentant diverses catégories, ont une carac-
téristique commune ; ils peuvent s'agglutiner si étroitement à
d'autres formes qu'ils perdent leur accent propre ou complè-
tement ou partiellement. Dans le cas où cet affaiblissement
de l'accent se produit avec une certaine régularité, il in-
fluence dans une mesure déterminée leur développement; les
formes qui ne sont pas déjà monosyllabiques en latin le de-
viennent par la suite du temps. » Il s'agit des formes sui-
vantes présentées par les plus anciens monuments de la
langue française: de; me, te, se; non (nun), no, ne ; ne (lat.
nec) : si, se (lat. si); sî (lat. sic); io,jo; m,a, ta, sa; li, lo^ la,
lui; czo, co, cio; qui, cui, que; qued, que.
Sur l'origine latine de tous ces monosyllabes, à l'exception
de la conjonction quod, que, il ne règne aucune incertitude.
D'autre part, il est hors de doute que ces formes ont déjà, à
une époque antérieure à l'éclosion de la littérature, subi des
changements phonétiques, d'où la nécessité de remonter
d'abord aus sources linguistiques, en d'autres termes, de
suivre l'évolution des vocables latins dont dérivent les formes
70 REVrE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
françaises, dans les monuments de la basse latinité, en faisant
porter l'enquête sur un grand nombre de textes d'âge diffé-
rent et de provenance sûrement gauloise.
Indiquons sommairement les résultats ausquels celte en-
quête a conduit le savant suédois.
Les monosyllabes de, me, te, se ont un caractère fortement
proclitique et une tendance à s'assimiler à la voyelle initiale
du mot suivant. — Non assimile sa consonne finale jusqu'au
moment où il la pert totalement devant la consonne initiale
du mot suivant, mais conserve devant les voyelles la forme
intacte pendant toute la période antérieure à la littérature.
D'autre part, les manuscrits intervertissent fréquemment les
formes non et ne. C'est vers le commencement de la période
littéraire française que se manifeste le dernier degré du déve-
loppement de non en ne (avec e muet). Nec se réduit à ne
par suite de la tendance déjà ancienne dans la langue cou-
rante à supprimer le c final devant un c initial; d'ailleurs
l'interversion de nec et ne se rencontre souvent dans les ma-
nuscrits. — *S'e est fréquemment dans les textes du moyen-
latin: toutefois se prévocalique est postérieur à se précon-
sonnantique. On trouve aussi devant une voyelle sed = si,
et inversement les graphies se, d sont parfois substituées à
sec?. En somme, on peut conclure que la conjonction si, par
suite de son emploi fréquent et de sa place faiblement accen-
tuée, s'est réduite de bonne heure à se ; — ■ sic étant rarement
proclitique dans le contexte de la phrase, garde mieus son
accent propre; toutefois, en vertu de la tendance du c final à
tomber après un Hong par nature, sic s'est réduit à si, lors-
qu'il occupe dans la phrase une place accentuée, et d'abord
de préférence devant une voyelle. Mais il garde sa voyelle
intacte pendant toute la période antérieure à la littérature. —
Pour les pronoms personnels et possessifs, on trouve les
transformations eo, mi (mihi)y ti, si, mus, tus, sus, sa, sum,
dès le Vie siècle. — Quant aus démonstratifs, les graphies
illi, ipsi, is^z alternent aveciV^e, ipse, iste, avec une fréquence
qui ne saurait être l'effet du hasard et qui atteste l'hésitation
COMPTES RENDUS 71
de l'orthographe concernant la désignation du son e final
atone : les fornies en i appartiennent à la langue courante
dès la deusième moitié du VP siècle, et ont été usitées d'abord
devant les voyelles. Les formes de l'article H, la^ lo, se dé-
tachent du démonstratif ille réduit par suite de sa tonalité
constamment faible à une forme monosyllabique, tandis que
la forme plus fortement accentuée, soumise aus mêmes prin-
cipes du développement que les polysyllabes, se réduisait
à ille (avec e muet). La naissance des formes li, la, lo s'ex-
plique par l'em^ploi de l'article comme enclitique d'un mot
à terminaison vocalique, emploi généralisé ensuite. Les formes
abrégées sont courantes à partir du VIII® siècle. Les cas
obliques présentent dès l'époque archaïque beaucoup de par-
ticularités dans les pronoms personnels. Le mélange des
formes a eu pour conséquence la chute de la flexion prono-
minale, et son remplacement par une forme illui, illei créée
par analogie sur le modèle de cMî,et réduite ensuite à lui, lei
Les formes composées ecce-hoc, ecc[e) -ille, ecc(e)-iste re-
montent assez haut, puisqu'elles se trouvent déjà dans Plante.
On rencontre encore d'autres agglutinations: ecciim = ecce-
eum, ecce-tibi. ecce-nunc, ecce-iam, et même des combinai-
sons avec ipse, comme hic-ipse, is-ipse, iste-ipse, ipse-ille,
iste-ille, iste-hic, qui ne laissent aucun doute sur l'importance
jouée par la juxtaposition des formes pronominales, pendant
une certaine période, sur le développement de la langue popu-
laire. Les pronoms qui, quem, quod^^cui, quis, quid se sont
modifiés sous l'influence des lois phonétiques latines déjà an-
ciennes, qui amenaient le développement quo^ co (quotidie
> co^ic?ie) par la disparition de l'élément labial. Les formes
ki <qui ke <que, ca <iqua apparaissent à la fin de la pé-
riode romane précédant la littérature. D'autre part, la dispa-
rition de la consonne finale produit quern^ que, quid^qui,
que: la faible sonorité de Vm finale déjà attestée à l'époque
classique par l'élision amène tout naturellement sa dispari-
tion. Quant au d final, il persiste davantage dans les mono-
syllabes (dans les autres mots, après une voyelle longue, il
72 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
était effacé dès le IP siècle avant J.-C, cf. ablatif archaïque
ô(r>o ; mais il est sujet à l'assimilation. Sa suppression a
lieu d'abord devant les consonnes, plus tard devant les
voyelles. Outre ces transformations phonétiques, les pronoms
subissent des substitutions de sens provoquées quelquefois
parle développement phonétique, mais le plus souvent ame-
nées par des influences associatives. Les conjonctions quod,
quia, quam employées en place de la proposition infini tive,
ou de ut. commençant une complétive, après avoir été
usitées concurremment dans la langue courante, finissent par
n'avoir plus qu'un seul représentant quia; ce dernier lui-
même subit une double modification quia'^ qui et quia^
qua. La première de ces deus formes ne tarde pas à prédomi-
ner non sans toutefois être soumise à un dernier développe-
ment qui^que.
Tels sont, en bref, les principaus résultats ausquels aboutit
la longue et pénétrante enquête à laquelle M. R- a soumis les
textes de la basse latinité. Sa consciencieuse étude est tout à
•fait digne d'éloges, tant par la richesse et la variété des maté-
riaus recueillis, que parla prudence et le discernement qu'il
apporte dans leur discussion. On ne peut que souhaiter le
prochain achèvement de ce beau travail qui apporte à l'his-
toire del'emuet français une contribution capitale, et ne laisse
guère que des glanures à ramasser dans ce champ si labo-
rieusement moissonné.
______ G. S.
L^ Analogie dans la Céclinaison des substantifs latins en
Gc'de, V^ partie thèse pour le doctorati, par Anton Lind-
sti ^ID ; gr. in-S", xi-323 p. — Upsala, Almquist et Wiksells,
1897. 2« partie, in-8% v-UO p. Même librairie, 1898.
M. Anton Lindstrôm s'est très vaillamment attaqué, pour
sa thèse de doctorat, à la question, difficile entre toutes, de
l'analogie dans la déclinaison latine de la Gaule. Comme
cette thèse se bornait au classement et à l'examen des ma-
tériaus fournis par les plus anciens textes français et proven-
COMPfES RENDUS 78
çaus, elle appelait nécessairement une seconde partie desti-
née à nous présenter les résultats de cet examen au point de
vue du phénomène étudié, autrement dit, la conclusion du
jeune docteur. Cette seconde partie ne s'est pas fait attendre,
et, avec les deus volumes annoncés ici et qui forment un tout
d'une parfaite unité, nous possédons le premier essai de syn-
thèse des faits d'analogie révélés par la déclinaison du latin
en Gaule.
On devine assez que, si la tentative était nouvelle, elle était
tout particulièrement hérissée de difficultés. Elle exigeait,
outre l'examen personnel et minutieus des documents, la
connaissance approfondie de tous les travaus publiés à ce
jour sur la latinité gallo-romaine et de toutes les théories
émises sur les questions les plus délicates de la phonétique
française et provençale : voilà la part de l'érudition, et pour
qui connaît la quantité de ces travaus et leur dispersion en
tant de recueils divers, cela constitue déjà un mérite peu
banal. Mais il fallait aussi et surtout un esprit critique, ca-
pable de juger comme d'analyser et d'asseoir, en fin de
compte, sur l'analyse des faits, une synthèse qui les comprît
tous sans les dépasser. M . Lindstrôm a montré qu'il était
doué et outillé pour mener à bien l'entreprise. A-t-il réussi
cependant à résoudre le problème si complexe de l'analogie,
même dans les limites de la déclinaison où il s'est restreint?
Il y aurait évidemment quelque exagération à le prétendre,
et l'auteur avait trop conscience des difficultés du sujet pour
viser à autre chose qu'a un simple essai. C'est le premier mot
de sa thèse, et il semble qu'au fur et à mesure de son travail,
il n'a fait que se convaincre davantage du danger d'une géné-
ralisation prématurée. Dans Tavant-propos de la seconde
partie ses visées se précisent dans le sens de la réserve. C'est
qu'il a reconnu, comme il l'avoue en toute loyauté, que la
matière se dérobe parfois à l'enquête: le nombre des formes
où l'analogie se laisse saisir avec certitude est encore trop
restreint pour qu'on ait des chances sérieuses, en l'état, d'at-
teindre à la perfection d'un système. « Il faudra, dit-il, une
74 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
riche collection de formes analogiques pour pouvoir décou-
vrir et formuler, à l'aide de celle-ci, une loi concernant l'ana-
logie. C'est dans l'espoir que le recueil, ici fait, donnera à un
autre l'envie de continuer les recherches que je publie cette
seconde partie. » Rien de plus judicieus et de plus modeste,
et c'est de ce point de vue de l'auteur que la critique doit, juger
son travail. Si elle est équitable, elle lui tiendra compte de
son incontestable érudition et de son très louable effort, en
même temps que de ses qualités de critique avisé et de pho-
néticien exercé; quanta ses conclusions d'ensemble, si la cri-
tique n'y trouve pas encore la loi des phénomènes analogiques
de déclinaison, elle a le devoir de reconnaître loyalement que,
fidèle à ses promesses, M. Lindstrôm a heureusement frayé
la voie âus chercheurs.
Pour discerner, avec toute la précision désirable, les formes,
phonétiques des formes analogiques, c'est-à-dire celles qui
dérivent des cas latins correspondants et celles qui n'en
peuvent provenir, la question de méthode est d'importance
capitale. Voici de quelle façon procède M. Lindstrôm: pour
chacune des trois déclinaisons du gallo-roman, il dresse un
tableau reproduisant, d'une part, l'étymologie latine ou ro-
mane, de l'autre, les deus cas, sujet et régime, singulier et
pluriel, — seuls, restés dans le latin gallo-roman depuis en-
viron l'an 500 après J.-C, — et à la suite de remarques géné-
rales sur ce tableau, il examine, au point de vue phonétique,
les formes françaises et provençales, en séparant soigneuse-
ment les formes populaires des formes savantes. On voit que
ce triage le met forcément aus prises avec les problèmes pho-
nétiques qui intéressent la tonique et la partie métatonique
des substantifs latins, autant dire avec les questions les plus
compliquées de la phonétique gallo-romane. Il est vrai que
d'ordinaire, il se borne à exposer les différents systèmes et à
choisir; mais n'est-ce pas déjà faire œuvre de critique que
d'opter, avec une parfaite indépendance et sur de bonnes
raisons, entre tant d'opinions? A cet égard, on peut dire que
le livre de M. Lindstrôm nous offre un précieus résumé des
COMPTES RENDUS 75
principales discussions soulevées par la phonétique française
et provençale; si la table qui termine le second volume était
plus détaillée, on verrait de quelle ressource il peut être dans
la bibliothèque d'un étudiant. Signalons, parmi les plus im-
portantes discussions, celles qui concernent: donCnicelLa,
donzelle,dansele (I, 38); */we7i^ionea, mensonge (I, 42) ipettia-
petia-pecia, pièce (I, 44); l'élément métatonique -icu (I, 142) ;
l'cMS (1,148); ëctu (1, 155; 11,44), où l'auteur renonce à la
théorie de M. Thomsen et <it't'<Cit ou ch, pour se ralliera
celle de M. Meyer-Liibke et <J%t <at ou (i]eh) ; ôcu
(I, IG?") ; itium, itia (1,207); eriu (I, 215); voeem ^= voix
(I, 293).
Voici quelques observations de détail, portant, plutôt sur
desdistractionsoudes phénomènes, un peu trop négligés, delà
phonétique franco-provençale: I, 45, c'est à tort que richeise
<iriehoise est présenté Sivec prooise, comme la seule forme
de eise venant de itia; le dauphinois a suhtileyse et planeysi
(cf. mon Essai sur la l. du Dauph., p. 302). — I, 54, est-il
sûr, comme l'auteur le maintient dans son second volume,
que le suffixe entia fûtsavanten gallo-roman? Il me reste
des doutes en face du prov. penedensa et du franco-prov.
fennes peneneeyres (= *pœnitentiarias)f — I, 56, l'auteur se
range à l'avis de la presque unanimité des romanistes qui
considèrent eedre [hedera) du Fragm. de Valenciennes
comme masculin; j'ajoute que nos patois, ayant simultané-
ment yéro etyéra, ne peuvent aider à trancher la question.
— I, 222, le dauph. pra n'est pas du XIII® siècle, mais de
1100 environ ; ce qui prouve que la chute du t (ou d] final, a
été relativement précoce en nos pays, ce sont les exemples
Carementran et pe (pedem) du XI I® siècle [Essai, p. 22-3).
— I, 45, M. L. présente le deee de V Alexandre comme sa-
vant, attendu, dit-il, que decessu aurait dû donner deises.
N'oublie-t-il pas que, dans decessu, de est préfixe? — I, 182,
c'est par distraction que le dauph. moni est rattaché à
moniu; il est féminin et continue *mon/a. — I, 215, l'auteur
prêtent que mancipium eût donné en dauph. manceip ou
76 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
plutôt mancieip (cf. II, 67 ; ni Tun ni l'autre, mais exac-
tement niancip (cf. Essai, p. 169, ciri, pusins).
Le second volume qui analyse, d'aussi près que possible,
les cas de la déclinaison latine en Gaule, revient naturelle-
ment sur telle ou telle discussion de la première partie, par-
fois, — nous en avons vu des exemples, — pour la rectifier.
C'est l'introduction qui m'en semble surtout remarquable:
M. L. y expose, avec une grande sûreté d'information et une
pénétrante analyse, les destinées de la déclinaison latine en
Gaule, réduite d'abord, très vraisemblablement, à trois cas
(nom., ace, et abl.), puis, dès l'an 500 environ, à deus (sujet
et régime). A noter qu'il n'attribue au gaulois d'autre in-
fluence sur le latin que d'en avoir, dans certains cas, préci-
pité les changements.
Des conclusions générales de cette étude je ne puis guère
que répéter ce que j'en disais en commençant: si elles ne
tranchent pas le problème. — et l'auteur se défent de cette
prétention, — elles sont de nature à en préparer la solution,
si tant est qu'elle soit possible. J'ajouterai toutefois, qu'elles
gagneraient beaucoup à être présentées sous une forme moins
abstraite, moins algébrique: qu'il s'agisse des cas d'analogie
productive (celle qui réduit à une seule les différentes formes
d'un certain type ou d'analogie proportionnelle (celle qui
réduit à un seul type le? différentes formes des deus types
donnés), on ne peut suivre son raisonnemerit qu'avec un
grand effort d'attention.
.le m'en voudrais de finir sur une critique. En réalité,
nous avons affaire ici à un ouvrage estimable, eu égard sur-
tout à son caractère de thèse inaugurale. Si elle fait honneur
au jeune docteur, elle nous donne aussi une idée fort avan-
tageuse de l'enseignement de l'Université d'Upsala en ce
qui concerne les langues romanes ; en particulier, des lec-
teurs français ne peuvent qu'être touchés et reconnaissants
de l'accueil qu'elle fait aus thèses rédigées en notre langue.
A. Devaux.
PUBLICATIONS ADRESSÉES A LA « REVUE DE PHILOLOGIE »
Tous les ouvrages adressés à la Direction de la « Revue »
sont mentionnés. Ceus qui sont envoyés en double exem-
plaire font l'objet d'un compte rendu.
Paul Sébillot. — Littérature orale de V Auvergne (Paris,
Maisonneuve, 1898, petit in-8, xi-343 p.). - Ce volume,
très curieus au point de vue du folk-lore, contient un certain
nombre de textes patois, que nous signalons à nos lecteurs.
Il était impossible à M. Sébillot d'en contrôler la notation,
qui n'est pas uniforme, mais que les spécialistes pourront aisé-
ment rectifier. L'auteur donne aussi la musique de plusieurs
chansons.
Jean S. Barès. — Uortografe simplifiée et les autres
réformes nécessaires (Paris, bureaus du Réformiste, 1898,
426 p., in-18.) — Le vaillant fondateur du Réformiste
réunit dans ce volume un certain nombre des articles qu'il
a publiés dans son journal, notamment sur la réforme de
l'orthographe. Il applique un système graphique plus radical
que celui du Réformiste. Nous pouvons différer d'avis sur
quelques détails, mais les détails importent peu. Cette ten-
tative est bonne, rationnelle et utile. Le livre est intéressant
d'un bout à l'autre, et les antiréformistes de bonne foi ne pour-
ront contester qu'il ne soit d'une lecture facile et courante.
Joseph Thévenin. — Monographie du patois de Vaudioux
(Jura) (Lons-le-Saunier, imprimerie Declume, 1898, 76 et
103 p., in-8). — Cet ouvrage est divisé en deus fascicules,
l'un consacré à la grammaire, l'autre au lexique patois-fran-
çais. Nous regrettons toujours que, dans les publications de
ce genre, on ne joigne pas au lexique paiois-français un
répertoire français-patois, indispensable pour les recherches
phonétiques. Le système graphique employé par l'auteur
est insuffisamment phonétique, mais les faits grammaticaus
sont relevés avec soin ; c'est un travail utile, et il faut féli-
78 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
citer la Société d'émulation du Jura de lui avoir donné l'hos-
' ■ -il.
pitalité de ses Mémoires.
Samuel Chabert. — Quelques Observations sur les mots
proclitiques dans la langue française (Paris, Gauthier-
Villars, décembre 1898. Extrait des Annales de l^ Université
de Greno6/e,p.445à483). — Ce sont des considérations ingé-
nieuses et élevées sur le rôle des proclitiques. L'auteur les
résume et les généralise dans les lignes suivantes, qui ter-
minent son travail: « Ces petits mots, cette poussière de
mots, parfois impalpable ou peu s'en faut, ce sont les véri-
tables ferments, les principes vivifiants de notre langue;
avec eus, elle s'est développée et détachée delà langue mère ;
par eus, elle a fortifié ces caractères de clarté, de probité, de
loyauté, qui n'étaient qu'en germe dans le latin, et qui lui
ont acquis sa longue prépondérance; elle leur doit son
rythme, son ordre, sa perfection ; et le plus grand de leur
mérite linguistique n'est peut-être pas d'avoir fait tant de
besogne, c'est d'avoir en même temps fait si peu de bruit,
et d'occuper toujours si peu déplace. » P. 458, M. Chabert sem-
ble admettre que, dans la prononciation populaire de Paris «je
n'ai vu », // représente les deus l de illurn. Il est extrêmement
vraisemblable qu'il faut expliquer les deus l de je W par
Tanalogie de (( il Z'a vu », et que par conséquent elles appar-
tiennent originairement à deus pronoms distincts.
Heinrich Morf. — Geschichte der neuern franzosischen
Litteratur, XVI-XIX Jahrhundert. Erstes Buch, das Zeit-
alter der Renaissance (Strasbourg, Trùbner, 1898, x-246 p.
in-8). — Ce manuel est fait par un homme compétent, qui
applique à la critique littéraire les remarquables qualités
de méthode, de vigueur et de netteté, dont il a fait preuve
dans des études d'un autre ordre. Une bonne bibliographie
termine ce premier volume.
L'abbé A. Devaux. — Les Noms de lieus dans la région
lyonnaise aus époques celtique et gallo-romaine (Lyon,
imprimerie Mougin-Rusand, 1898, 48 p. in-8}. — La So-
PUBLICATIONS ADRESSEES 79
ciété de Géographie de Lyon a eu la bonne fortune d'avoir
la primeur de ce travail. Nul mieus que notre collaborateur
ne s'entent à résoudre les problèmes ardus que présente
l'étude des noms de lieus. Plus de 250 noms se trouvent
expliqués dans cette courte brochure.
A. BovY. — Les Romans dumoyen âge:Aucassinet Nico-
lette, le Jeu de Robin et de Marion (Bruxelles, Oscar Sche-
pens, 1898, 130 p., in-18). — Nous avons déjà signalé le
premier volume de cette utile collection, qui se propose de
répandre dans le public la connaissance des belles œuvres
de notre ancienne littérature. Le titre général de la collection,
les Romans du moyen âge, prête à la critique : le Jeu de
Robin et de Marion n'est pas un roman. Les traductions
sont sérieusement faites. Je ne vois pas bien la nécessité,
dans les passages chantés à! Aucassin, de reproduire levers
ancien « sans tenir compte de la mesure ni de la rime ».
Maurice Bouchor. — La Chanson de Roland, traduite
en vers (Paris, Hachette, 1899, 170 p., in-8). — Encore une
tentative de vulgarisation de notre vieille littérature. M. Bou-
chor a découpé le texte en strophes égales à rimes entre-
croisées, ce qui en change très sensiblement le caractère.
Mais il faut lui rendre cette justice qu'il a conservé avec
beaucoup d'art et de goût la simplicité épique de l'original.
Signalons aussi l'introduction, la petite dissertation sur le
caractère du poème, et l'appendice qui contient des indications
judicieuses relativement aus passages à lire en public.
Gaston Paris. — La Légende des Infants de Lara, extrait
au Journal des Savants, mai et juin 1898. — Cette étude
si attachante sort du cadre de notre Revue. Il convient
cependant de noter ici les remarques intéressantes de
G.Paris sur le sort différent de la matière épique en Espagne
et en France (p. 26).
Studier i modem sprakvetenskap utgifna af nyjilologiska
sàllskapet i Stockholm, I (Upsal, Almquistet Wiksells, 1898,
xii-235 p. in-8). — Ce volume contient en premier lieu le
80 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
travail de Cari Wahlund dont il est question ci-dessus, puis
deus articles, également en français, d'O. Ortenblad : !« sur le
mode avec les conjonctions concessives, 2» sur la préposition
en suivie de l'article défini. A propos de ce dernier article, je
ferai remarquer que la langue répugne à employer en non pas
devant l'article défini en général, mais devant le Qi les, et
cela pour la raison très simple que en le et en les étaient
en viens français des fautes graves, telles que seraient
aujourd'hui encore de le et de les au lieu de du et des. Bien
que les formes contractées ou et es aient disparu, on a con-
servé le sentiment de l'incorrection de en le, en les. Ce que
dit M. Ortenblad sur l'analogie syntaxique est très exact et
suffit à expliquer l'exemple de Pascal: « Je considère J. C en
toutes les personnee et en nous-mêmes,. . J. C. comme pauvre
en /e6- pauvres, J.C. comme riche e^ Zes riches, etc.» Le même
volume contient encore un article de notre collaborateur
E. Staafï sur la question difficile du suffixe une, ième en
français; un autre de Herman Andersonn sur l'altération
et la chute de 1'/' en français, problème non moins ardu ;
une étude de P. -A. Geiger: Om artikeln, dess ursprung och
uppgift, sàrskild i franskan och andra romanska spràk ;
enfin un aperçu bibliographique des ouvrages de philologie
romane et germanique publiés parles Suédois depuis 1893
jusqu'au mois d'octobre 1898.
F.- Ed. ScHNEEGANS. — Gesta Kai^oli Magni ad Carcas-
sonara et Narhonam, lateinischer Text und provenzalische
Ubersetzung, mit Einleitung Halle, Ehrhardt Karras, 1898,
270 p. in-8. — Romanische Bibliothek, n" 15).
Le Gérant : V^^ Emile Bouillon.
Chaloii, imp. L. Marceau. — E. Bertrand, Siic".
ENQUÊTE SUR LES PATOIS
Questionnaire 2'
Nota bene. — Il importe d'écrire exactement les
mots tels qu'ils se prononcent. Il ne faut pas, sous
prétexte de se rapprocher de l'orthographe française,
écrire des lettres qui ne se prononcent pas. Quant aus
lettres finales qui ne se prononcent que dans les liai-
sons, prière de les mettre entre parenthèses. Par
exemple, écrire ainsi le pronom vous, s'il se prononce
comme en français : vou(s).
Distinguer avec soin é fermé d'é ouvert, d'ê très
ouvert et d'e dit muet; à, tel qu'on l'entent dans le
français patte (écrivez pâte) d'à tel qu'on l'entent dans
pâte; o tel qu'on l'entent dans sotte (écrivez sote) d'd
tel qu'on l'entent dans tôt et chapeau (écrivez tô et
chapô).
Les sons que le français ne connaît pas doivent être
écrits avec les lettres françaises qui s'en rapprochent le
plus ; mais ces lettres doivent être soulignées, et on est
prié d'indiquer aussi exactement que possible, à la fin
de la traduction, comment se prononcent les lettres
soulignées qu'on aura employées.
1. Ce questionnaire^ contenant une liste de phrases à traduire,
sera envoyé dans les mêmes départements que le premier (Voyez
notre Revue, tome I", p. 5). Nous souhaitons d'avoir au moins
un correspondant par canton.
REVUK DE PniLOLOGIIi, XIII 6
S2 REVUE DE PHILOLOr.IE FRANÇAISE
Dans tout mot, ii y a une syllabe sur laquelle la vois
appuie plus que sur les autres : c'est ce qu'on nomme
la syllabe tonique {pè dans le français père, ment dans
le français ornement). Prière de souligner deus fois la
syllabe tonique de chaque mot, quand elle n'est pas à
la même place que dans le mot français correspondant.
Prière de mettre en tête de la traduction :
Rcnsriijnoments pnvoyès par M
demeurant ô
Dans le patois de la commune de
canton de... département de , on dit \'
1. Je chante, tu chantes, il chante, nous chantons,
vous chantez, ils chantent.
2. Nos amis et nos voisins vendangeaient hier; nous
trouvions que le temps était trop mauvais; nous ven-
dangeons aujourd'hui.
3. Je pétris, tu pétris la pâte avec le levain ; quand
le boulanger pétrit son pain, il chante de vieilles chan-
sons; nous pétrissons, vous pétrissez ; le four est chaud.
Ces boulangers pétrissent de bon matin.
4. Toi, tu danses quand moi je pleure; dis-nous
pourquoi tu pleures; nous pleurons, vous pleurez; ces
enfants pleurent quand leur père les bat. Cette femme
battait sa fille qui pleurait ; elle la menaçait de la donner
au loup.
1. Il sera inutile de reproduire le texte français, il suffira de
suivre exactement Tordre des phrases et de reproduire les numéros
des paragraphes.
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 83
5. Cette herbe guérit de la fièvre ; je guéris, tu guéris ;
nous, nous guérissons les plaies; vous, vous guérissez
les yeus ; ces sorciers guérissent tous ceus qui payent
bien.
6. Je crois que tu mens, tu ne peus pas nous guérir;
je ne mens pas quand je le raconte. Il passait son temps
à dormir.
7. Celui qui dort pendant que nous travaillons à la
chaleur, ne doit pas manger; je ne veus pas travailler
avec vous. Elle nous attent; tu nous attens.
8. Ceus qui vendangent avec la pluie font du mau-
vais vin; tu vendanges pour nous; vous vendangez.
Sortons-nous ? Sortez-vous ? Ouvre-nous la porte ; paye-
nous; aidez-nous.
9. Ces femmes, qui avaient faim, mangeaient dans
la cuisine ; celles-ci mangent leur soupe sur la table,
celles-là derrière une meule de paille. Je mange les
meilleurs raisins. Tu manges des nois.
10. Si tu payes la moitié delà dépense, je paye l'autre
moitié ; il paye ses dettes à ses amis, quand il peut ; le
blé que nous achetons au marché, nous le payons trop
cher; vous payez à boire.
11. Mes parents payent à tes amis trois fois plus
qu'ils ne doivent. Ces gens, qu'ils menacent de loin,
ont eu peur. Quand vous dormez sur les coussins de
votre lit, vos chiens ne dorment pas.
12. Nous dormons dans le bois. Ils voulaient ven-
danger lundi soir jusqu'à la nuit.
13. Vous cherchez notre échelle, mais vous ne trouvez
pas celle que vous voulez ; les voisins nous aident à
chercher notre veau qui s'est perdu.
84 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
14. Ce domestique aide son maître à labourer; sa
femme aidait notre fermière à pétrir le pain et à faire
la lessive. Le sommeil ne venait pas.
15. Je vendange avec vous ; pendant que nous tra-
vaillons tous, tu dors à l'ombre de ces peupliers; cette
fourche ne vaut rien.
16. Je dois partir demain. Ton petit pleure, il ouvre
la bouche, j'entens sa vois; le mien dort près du feu.
Je pleurais, je dormais ; pleurer, chanter : je dors sur
le sable de la cour.
17. Nous partons, vous partez; celles qui partent; si
tu pars, je reste à côté de toi ; si je pars, tu restes ; ces
deus femmes partaient pour le marché : celle-ci ven-
dait des raves, celle-là apportait des lentilles.
18. Ces mères battent leurs enfants; nous ne battons
jamais les nôtres; vous ne battez pas les vôtres; je bas
ceus-ci, celles-ci ; tu bas ceus-là, celles-là.
19. Nous mangeons des figues chez nous au mois de
juin ; vous mangez des pommes ; je ne sais pas si mon
père vendange aujourd'hui; les nuages couvraient la
lune, le ciel était noir.
20. Si tu m'aides, nous achèverons ton ouvrage; nous
aiderons ton ami; vous aidez à allumer le feu; quand
je l'aide, il travaille davantage.
21. Cette bourse était à moi, à toi, à lui, à nous, à
vous, à eus.
22. Il vent ses bœufs et ses vaches; tu ne veus pas
me vendre cet essaim d'abeilles; tu dois voir cette
étoile, ces étoiles.
23. Nous vendons des prunes; vous vendez du miel.
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 85
Vous VOUS cassez la jambe; nous nous cassons le nez,
la tête. «
24. Nous devons aider nos amis pour les semailles.
S'il veut, je l'aiderai; nous voulons bien; votre foin
est déjà sec; vous devez le rentrer; ils doivent, mais
ils ne veulent pas payer.
2b. Sortons, si vous voulez ; je vens mes sis brebis
pas cher ; tu vens les tiennes ; ils vendent les leurs ;
ils devaient vendre aussi les miennes.
26. Votre valet dormait dans son lit pendant que
nous travaillions ; tu dormais sept ou huit heures de
suite ; j'aidais à coudre et je cousais moi-même.
27. Dans mon pays, nous mangions bien, mais nous
ne dormions guère. Je mangeais de la poussière sur
cette route ; tu mangeais du lait aigre.
28. Je devais partir pour la ville, mais je ne voulais
pas; j'avais la fièvre. Le coq chantait sur le fumier,
mais il ne sortait pas. Je chantais^ tu chantais.
29. Tu pleurais, quand je partais ; nous chantions et
vous pleuriez; ceus-ci chantaient, ceus-là pleuraient.
Vous chantiez pendant que nous pleurions. Vous dor-
miez quand nous sortions; je partais pour aller à
l'éo'lise écouter la messe.
30. Tu partais, vous partiez ; les petits dormaient et
leurs pères partaient; les roues glissaient sur la neige
dans la plaine. Ce renard mangeait nos pauvres poules.
31. Il ne voulait pas venir avec son amie. Je croyais
que tu vendangeais aujourd'hui; il pétrissait de la
terre avec ses doigts et avec ses ongles. Je pétrissais. Il
guérissait le mal au pied ; je guérissais, tu guérissais.
Vous mangiez de bon pain.
86 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
32. Il devait beaucoup d'argent, mais il ne payait
jamais rien : ceus dont je te parle étaient à l'école. Je
payais à celui-ci le pris de sa paille, à celui-là celui
de son tonneau. Tu payais ceus qui demandaient
quelque chose.
33. Tu voulais bien, mais mon neveu et moi nous
ne voulions pas. Est-ce que tu devais beaucoup d'ar-
gent? Nous ne lui devions rien; ils vendaient au châ-
teau une pièce de toile.
34. Les femmes pétrissaient le pain, pendant que les
hommes vendangeaient. Tu pétrissais les cendres avec
tes pi-eds. Nous pétrissions, vous pétrissiez.
35. Quand tu vendais ta chèvre, elle sautait ; je ven-
dais de la cire. Nous vendions, vous ne vendiez rien.
Quand tu m'aidais à vendanger dans ma vigne, tu tra-
vaillais sans rien dire.
36. Quand vos ouvriers partaient, vous les payiez ;
ceus qui nous aidaient, nous les payions bien. Les
maçons payaient mal leurs ouvriers.
37. Vous les aidiez, mais vous ne leur deviez rien ;
vous ne vouliez pas rester. Nous aidions à planter la
vigne. Quand je vendangeais, vous rentriez vos foins
avec des pelles et des râteaus. '
38. Nous guérissions, vous guérissiez ; ces médecins
guérissaient quelquefois leurs malades.
39. Mes oncles vendangeaient aujourd'hui ; ils bat-
taient leurs femmes comme leurs bêtes; quand ton âne
tirait la langue, tu le battais.
40. Je battais votre âne, nous battions le tien et le
sien; le nôtre et le vôtre ; vous battiez votre âne et le
leur.
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 87
Répondre à la question suivante :
Comment se prononcent les lettres soulignées dans
les traductions ci-dessus ?
Observations importantes. — On est prié de se
servir d'un papier de dimensions uniformes (environ
290 millimètres sur 194).
Envoyer les traductions à M. Clédat, doyen de la
Faculté des Lettres de Lyon. N'y introduire aucune
correspondance personnelle, et affranchir àO fr. 05 par
cinquante grammes, en mettant sur l'enveloppe non
cachetée la mention : Manuscrit pour la Revue de
Philologie.
Les noms de tous nos correspondants seront publiés
dans la Revue de Philologie Jrançaise.
LES
PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE'
PRONOM SUJET DE LA 2" PERSONNE DU SINGULIER
La forme latine tu (= tou français) ne s'est con-
servée intacte dans notre région que dans quelques
communes de la Savoie. Partout ailleurs, elle a subi
des transformations qui en ont modifié la voyelle,
quelquefois même la consonne.
U latin (= ou français) est devenu u français ; mais
la forme /w, commune à la plupart des dialectes du Nord
et du Midi, n'est pas très fréquente dans notre région.
D'ordinaire tu en position proclitique s'est affaibli en
te, comme yo enye, par l'intermédiaire de teu. Quel-
quefois l'affaiblissement ne s'est produit que devant
voyelle; de là la double forme: tu devant consonne,
t devant voyelle, qu'on trouve aussi dans le français
populaire de Paris. Plus fréquemment tu passe à te
dev. cons., à t dev. voyelle; et même Ve muet de te
tent à disparaître. Tu, teu, au lieu de s'affaiblir en te,
est devenu quelquefois té ou tè (t devant voyelle).
La dentale t s'est conservée le plus souvent à l'état
pur ; quelquefois cependant, par suite d'un léger dé-
placement de l'articulation, elle s'est mouillée et pala-
talisée; de là les formes t'-'u, k-'u, tku, ku ou Ve, tcke,
tse.
1. Voir Rer. de PliUolo<jlo française, t. XII, p. 1, note 1, et
t. XIII, p. i-4i:
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 89
Ces différentes formes, ausquelles il faut joindre la
forme de datif-accusatif ti qui s'emploie quelquefois
en fonction de sujet, se répartissent ainsi qu'il suit :
Ain: te-t, té-t, tè-t, f'e-t'-', tu-P', tche-tch.
Alpes (Hautes-) : tu, te-t.
Ardèche: tu, tku, ku, ti.
Belfort: te-t, tè-t.
DouBS : te-t, tu-t.
Drôme : tu, ti, te-t.
Isère : te-t, tè-t, té-t, tu, ti.
Jura : te-t, tè-t, tu, tu-tch.
Loire: te-t, tse-ts, tu.
Loire (Haute-) : tu, t"u, k''u, tku, ku.
Rhône : te-t.
Saône-et-Loire : fe-t^ té-t, tu, tu-t.
Saône (Haute-) : tu, tu-t, tu-t", te-t, té-t,
Savoie: tou, te-t, té-t.
Savoie (Haute-): te-t, té-t, tè-t.
Vosges : te-t, té-t, tu.
1° La forme tou
Tu latin s'est conservé sur la frontière italienne,
dans la Tarentaise, à Séez, c. de Bourg-Saint-Mau-
rice (arr. de Moutiers), et, d'après Pont\ à Bellentre,
où l'on trouve à la fois tou et te; les textes cités par
lui pour Hautecour et pour la vallée de Beaufort, dans
la même région, ne renferment que te. On sait que u
latin s'est maintenu dans le Valais' ; d'après Bridel, on
dit tou à Évoléna {Gloss. de la Suisse i^omande,
1. Orig. du pat . de la Tarentaise. Paris, 1872, p. 136.
2. Meyer-Lubke, Grani. des L. rotn., I, p. 77.
90 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
p. 431 . à Vëtroz (l'bïd.ASS], à Saint-Luc (ï6ïo?., 435),
et dans le c. de Vaud i\ Château-d'Œx [ibicL, p. 443 .
2'' Les formes tu et tu-t
Tu devant cons. et devant vov. domine dans la
France du Nord et dans la Provence. On ne le trouve
dans notre région qu'au nord-ouest, sur les frontières
de la Bourgogne, de la Champagne et de la Franche-
Comté, et au sud, dans l'Ardèche, la Drôme et les
Hautes-Alpes.
Au domaine francaisde /f^ appartiennent le sud-ouest
des Vosges avec Ainvelle (c. de Lamarche, arr. de
Neufchàteau), l'ouest de la Haute-Saône et du Jura
avec Jussey, Bétoncourt (c. de \'itrey), Chantes (c. de
Scey -sur-Saône), dans Tarr. de Vesoul ; Dampierre-
sur-Salon, Ovrières (c. d'Autrev), Germi^nev c. de
Gray). Géziers (c de Gy). Montagney (c. de Pesmes),
dans Tarr. de Gray: Olîlanges (c. de Montmirey), Ta-
vaux (c. de Chemin), la Loye (c. de Montbarrez),
Foulnay (c. de Chaumergy) dans l'arr. de Dole; il
faut V ajouter \'érissev (c. de Montret, arr. de
Louhans), dans la Saône-et-Loire.
Mais le voisinage du domaine de te-i qui s'étent sur
la Franche-Comté, la Bresse et le Morvan, se fait sen-
tir à Baulav (c. d'Amance), à Raze (c. de Scey;, à
Vellexon (c. de Fresne-Saint-Mamès) dans la Haute-
Saône, où tu reste intact devant consonne, mais s'atîai-
blit en t devant vovelle. Il en est de même à l'ouest
duDoubs, à Rufïey (c. d'Audeux) et dans la Saône-et-
Loire à Saint-Germain-du-Plain (arr. de Chalon).
C'est peut-être par Tintermédiaire de ti ow. i'-' que tu
est passé a t devant voyelle. Nous trouvons en etlet
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 91
tu-t" dans la même région que tu-t, dans la Haute-
Saône, à Champlitte, à Broyé (c. de Pesmes), à Bon-
boillon (c. de Marnay); à Montagney (c. de Pesmes),
on dit tu ou t^ devant voyelle \ — Tu-f à Brénod
dans l'Ain (arr. de Nantua) est dû sans doute au voi-
sinage de P'e-t^, forme du canton d'Hauteville.
Tu semble isolé dans la Loire, à Saint-Haon (arr. de
Roanne)*. Toutefois, on trouve tu interrogatif après le
verbe, dans la Chanson de la vigne en patois d'Am-
bierle (c. de Saint-Haon)*, et dans le Ballet en langage
foréMen\ En outre, je trouve tu devant le verbe dans
une chanson en patois de Montbrison, citée par Aug.
Bernard'; tu dev. cons., mais V-^ devant voyelle dans
les poésies d'Antoine Chapelon\ Enfin Gras donne tu,
te et quiu = tu [Dict . , p. 160). Tous nos correspon-
dants de la Loire donnent te^ té ou tse.
Au domaine provençal de tu appartient une grande
partie de TArdèche, de la Drôme et des Hautes-Alpes,
011 d'ailleurs le pronom sujet est en général supprimé".
Dans la Haute-Loire, la dentale s'est partout palata-
1. Dans ces trois dernières communes PJeme (= tu aimes)
pourrait s'expliquer par Tinfluence analogique de la première
personne, yèmc ; mais à Champlitte on dit jenme ; il est donc
plus probable que V est une simple transformation phonétique
de tu devenu U, puis t'J devant voyelle.
2. Un autre (Correspondant de Saint-Haon ne donne que te-t.
3. Citée par F. Noëlas, Lêr/endes et Traditions foi^è. siennes,
Roanne, 1865, p. 163-166.
4. Fragment cité par Chantelauze in La Mure, Hist. du Forez,
t. III, 176.
5. Hist. du Fores, Montbrison, 1835. t. I, p. 13-16-
6. Ihid., \. II. Biographie, art. Chapelon. Le texte porte:
Dis, quand ti ères petit, ta mare qu'ère fina
La mesure du vers indique nettement qu'il s'agit ici de t'i.
7. Cf. Ret^. de Phil. fr., XIII, 1-10
92 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
lisëe : on trouve pourtant tu au sud du département, à
Pradelles (arr. du Puy). — Dans l'Ardèche, où la
forme palatalisée est fréquente aussi, tu nous est si-
gnalé à Vallon, à Lablachère et à Payzac (c. de
Joyeuse), à Jaujac (c. de Thueyts), et à Béage, dans
l'arr. de Largentière ; à Gras (c. du Bourg-Saint-An-
déol). à Viviers, à Lavilledieu (c. de Villeneuve-de-
Berg), à Baix(c. deChomcrac), et à Saint-Pierreville
dans larr. de Privas: au Cheylard, à la Chapelle-sous-
Chanéac (c de Saint-Martin-de-Valamas), à Saint-
Mctor (c. de Saint-Félicien) et à Bofïres (c. de Ver-
noux,. où Ton trouve aussi ku et ti, dans l'arr. de Tour-
non. — Dans la Drôme, tu domine dans les arr. de
Nyons et de j\Iontélimar\ à Mirmande (c. de Loriol),
au sud de l'arr. de Valence, à Bouvières (c. de Bour-
deaux) età Menglon (c. de Chàtillon), au sud de l'arr.
de Die; plus au nord, on dit ti. — Dans les Hautes-
Alpes, on emploie tu dans les arr. de Gap' et d'Em-
brun, et aussi, d'après Chabrand et de Rochas dans le
Briançonnais; toutefois, à la Salle (c. du Monëtier), au
nord de l'arr. deBriançon, on dit te-t. — On connait
encore la forme tu au sud de l'Isère, à Monestier-
du-Percy (c. deClelles,arr. de Grenoble), où d'ailleurs
le pronom sujet est presque toujours supprimé, et dans
rOisans. à Auris, à la Garde, à Villard-Reculas, où on
l'exprime toujours.
3° La forme te {dec. cons.) — t (dev. voyelle)
Te semble être la forme propre à notre région ; elle
domino presque exclusivement sur une grande partie
1. Voir les noms, Rec. de PhH. Jr., XIII, p. 35,37-.38.
2. Cf. Parab. en patois de Gap et des villages environnants, in
Mèrn. des Ant., VI,. 533.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 93
des Vosges et de la Haute-Saône, dans le Doubs, le
Jura, la Saône-et-Loire, l'Ain, le Rhône, la Loire,
risère, la Savoie et la Haute- Savoie. C'est à peine si à
l'intérieur de ce domaine compact nous trouvons iso-
lément quelque autre forme du pronom tu, le plus
souvent ^éou tè, quelquefois t-'e, tse ou tche.
On pourrait marquer assez nettement la limite mé-
ridionale de te = tu par une ligne presque droite qui
irait de Saint-Jean-Soleymieux au sud-ouest de la
Loire, à la Salle au nord-est des Hautes-Alpes, en
passant par Saint-Étienne, le Péage-de-Roussillon,
Saint-Bonnet-de-Valclérieux, Saint-Bonnet-de-Cha-
vagne, Prestes, Saint-Paul-les-Monestier, la Motte-
Saint-Martin, le Fréney-d'Oisans. Voici d'ailleurs, en
allant du nord au sud, les localités où te-t nous est
signalé :
Vosges : te occupe le nord-ouest et le nord-est du
département ; ailleurs on dit té ou tè. On dit te partout
dans les arr. de Neufchàteau et de Mirecourt', sauf
au sud à Ainvelle (c. de Lamarche), où Ton dit tu,
et, d'après Adam, à Attignyet à Vallois,où té = tu; te
est réduit à t même devant cons. dans le c. de La-
marche. Dans l'arr. d'Épinal on ne connaît te-t que
dans le c. de Châtel, et t-t que dans le c. de Bruyères.
On dit encore te dans les c. de Raon, de Provenchères,
de Saint-Dié (en particulier à Taintrux et à la Belle),
et de Fraize (en particulier à Plainfaing), dans l'arr. de
Saint-Dié; dans l'arr. de Remiremont, seul le c. de
Plombières connaît te-t,
Belfort : partout, sauf à Rougemont où Ton dit tè.
Haute-Saône : on a vu plus haut que les formes tu
1. Voir les noms. Rei\ de Phil.fr., XII, 36-.37.
94 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
et ni-t occupent l'ouest du département; au nord on
emploie té; te-t n'est connu qu'au centre, à Mersuay
(c. d'Amance), à Lavilleneuve et à Navenne (c. de
Vesoul), â Noroy^ dans Tarr. de Vesoul, et au sud sur
les frontières du Doubs. à Autoreille (c de Gy) ', dans
Tarr. de Gray ; à Buthiers et à Boult (c. de Rioz), à
Montbozon dans Tarr. de Vesoul ; à Villersexel, à Coi-
sevaux (c de Héricourt), à Clairegoutte (c. de Cham-
pagney) dans Tarr. de Lure.
DouBS : partout ^é?, sauf à Textrémité occidentale du
département, où Ruffey (c. d'Audeux) appartient au
domaine de^t^-^. Aus noms cités, Rev. Phil.fr. , XII, 32,
35 et 36, il faut ajouter Montbéliard et ses environs
d'après Contejean, Sancey dans le c. de Clervar, la
Franche-Montagne, et en particulier Damprichard\ Si
nous franchissons la frontière, nous trouvons encore
te dans presque toute la Suisse romande, d'après les
textes cités par Bridel à la suite de son Glossaire, à
Tavannes (p. 474), à Delemont (p. 476), à Val-Saint-
Ismier (p. 472), à Valangin (p. 470), au Locle (p. 468),
à Sainte-Croix (p. 466), à Vallorbes (p. 464), à Orbe
(p. 455), au Brassus (p. 462), aus environs de Genève
(p. 460), à Commugny (p. 458), à Marchissy (p. 456),
à Saint-Cierge (p. 451), au Jorat (p. 453), à Montreux
(p. 441), à Gryoïi (p. 438), à Ormonts-Dessus (p. 440).
Jura : le nord-ouest du département appartient au
domaine de tu; partout ailleurs on dit te-t, sauf à
Chille (c. deConliège), où l'on dit tè; à Grandvaux, les
1. Notre correspondant écrit teii, forme intermédiaire entre tu
et te.
2. Nédev, Rnmarques qrom. sur le patois de Sancey, in Ret.
Phll.fr.,X].,\2^.
3. M. Grammont, L*' patois de la Franche- Montagne, Paris,
1892, p. 28.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 95
deus formes te et tè coexistent. Aus noms cités, Rev. de
PhiLfr.,X.U, 31 et 35, ajoutons, dans l'arr. dePoiigny ,
Sirod (c. de Champagnole) \ Crans* et Saint-Amour\
Saône-et-Loirf, : ^e-^partout\ sauf àSaint-Germain-
du-Plain (arr. de Chalon), où Ton se sert de tu-t, et à
Vérissey (c. de Montret, arr. de Louhans), où l'on ne
connaît que tu. Te se réduit souvent à t, même devant
consonne, notamment à Ameugny et à Malay (c. de
Saint-Gengoux), dans l'arr. de Mâcon; à Saint-Agnan
et aus Guerreaux (c. de Digoin), à Oudry (c. de Pa-
linges), à Rigny (c. de Gueugnon), dans l'arr. de
Charolles ; à AntuUv, dans le c. et l'arr. d'Autun ; à
Sennecey, à Saint-Jean-de-Vaux (c. de Givry), à De-
migny (c. de Chagny), dans l'arr. de Chalon ; à Ormes
(c. de Cuisery), dans l'arr. de Louhans.
Ain : sauf dans un petit nombre de localités, où Ton
emploie té ou t^e (voir plus loin), on se sert partout de
te-t ; te est réduit à ^ à Corbonod (c. de Seyssel, arr. de
Belley). Aus noms cités, i?ei?.c/e PAz7. //\, t.XII,p. 33-
34, il faut ajouter Coligny'. Jujurieux", le Valromey
et en particulier Sutrieu'.
1. Renseignements communiqués par M. Fauconnet, prof, au
collège d'Arbois.
2. Chapuis, Voyage do TIcnonZaza à Paris, in Rec. de Phil.
c/r., IV, 54 sqq.
3. L. Clédat, Le patois de Coligny et de Saint- Amour, dans
notre i?er. des Pat., I, p. 161-200.
4. Voiries noms, Rec. de Phil . fr., XIL 31, 37,42; cf. pour
Germolles, Rci\ des Pat., I, 134 et 201 sqq,
5. L. Clédat, Patois de CoUrjuij et de Saint-Amour, dans
notre i?er. des Pat., I, 161 sqq.
6. E. Philipon, Le Patois de Jujurieux, Paris, 1892, p. 39.
7. F. Pélen, Modifications de la. tonique en patois bugiste, in
Ret. de Phil.fr., XI, 62 sqq. passim.
Cf encore le recueil de Chansons rt Liitr-cs patoisrsde Ph Le
96 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Rhône: te-t partout, réduit à t à Vaux-sous-Mont-
nielas et à Blacé (c. de Villefranche), :i Charentay
(c.de Belleville), dansTarr. de ^'illefranche. Aus noms
cités, Rev. dePhil, fr., XII, 10, 10 et 33. ajoutons
Grézieu-le-Marché\ Mornant*. Saint-Sympliorien-
sur-Coise' et le Bois-d'Oingt'.
Loire: te-i est la forme la plus employée"; toutefois
à Saint-Haon, on dit à la fois lu et te; à Chambles,
dans larr. de Montbrison. on emploie ou pour tous les
pronoms sujets'; Estivareille et Rozier, qui ne con-
naissent que Vu et Vou, se rattachent au Velay plutôt
qu'au. Forez: enfin on trouve tse à Firminy et à la
Fouillouse, dans Tarr. de Saint-Étienne. Au domaine
forézien de le on peut joindre, d'après les textes cités
par Gras, Saint-Jean-Soleymieux ^p. .^10), Boën
(p. 240), la plaine de Montbrison (p. 24.2, 247). Côte-
de-Renaison (p. 262).
Duc. où te-t est attesté pour les environs de Bourg (p. 223 sqq.)
et pour Villars-les-Dombes( p. 392 sqq.). Quelques-uns des textes
cités, la Bataille de Cormaranche, le Temple de Reyssouze, la
Frisquette, Mon pauvre ami Claude, remontent au XVIII^ et
au XVIP siècle. — Dans les Xoëls. réunis par le même auteur
et datés de la même époque, on trouve aussi te-t : Noël de Bourg,
p. 39, 47; de Pont-de-Vaux p. 84: de Nantua p. 115; de Saint-
Rambert p. 123 et 126; de Seyssel p. 132, 134, 135.
1. Bruyère, 'Sotes sur le patois de Grè^ieu. in Rcr . de Phil.
fr., VII, 284.
2. Nizier du Puitspelu.i?q^o/e.9 e/ipa^ors- lyonnais, dans notre
Rev. des Pat., 11.226.
3. /(/., Un Conto enpatois lyonnais, dans notre Rev. des Pat. ^
I, 107 sqq.
4. Gonnet, Chansons populaires en patois du B.-d'O., dans
notre Rec. des Pat., \, 129. Pour le patois lyonnais en généraL
cf. Puitspelu. Dict. ètj/ni.. CX. — Il est à noter que dans Mar-
guerite d'Oingt on ne trouve que tu, jamais te.
5. Voir les noms, Rec, de Phil. fr.. XII, 9-10.
6. Cf. Ret. de Phil.fr., XIII, 16-17.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 97
Isère : te est portout employé^ dans les arr. de
Vienne, de Saint-Marcellin et de la Tour-du-Pin ; il
est réduit à ^^ à Saint-Didier et à Saint-Clair-de-la-
Tour. Dans Tarr. de Grenoble, te ne se trouve qu'au
nord et au centre ; on dit tu dans quelques communes
de rOisans ; té à Méandre, à la Motte-d'Aveillans et à
la Motte-Saint-Martin ; tè à Lans et à Bernin'; ti dans
le c. de Mens.
Haute-Savoie : te-t à peu près partout, à Thonon, à
Anthy, à Sciez, à Margencel, à Boëge, dans Tarr. de
Thonon ; à Desinov (c. de Frangv), réduit à t à Pers-
Jussy (c. de Reignier), dans Tarr. de Saint-Julien;
réduit à t à Versonnex et à jMeythet, dans le c. et
Tarr. d'Annecy.
Savoie : te-t est général' ; te se réduit à ^ à Saint-
Girod (c. d'Albens); toutefois, on dit té à Grésy-sur-
Aix, tou dans la Tarentaise, à Séez.
Au domaine dauphinois de te se rattachent, au nord
de la Drôme, Saint-Bonnet-de-Valclérieux (c. du
Grand-Serre), et au nord des Hautes-x\lpes, la Salle
(c. du Monétier).
4*^ Les formes té et tè (t devant voyelle)
Les deus formes ^éet tè se trouvent en général isolé-
ment à l'intérieur du domaine de te-t. Seule^ la forme té
1. Voir les noms, Rec. de Phil.fr., p. 8, 30^40-41. A ajouter dans
Tarr. de Vienne Commelle (c, de la Côte-Saint-André) d'après
des renseignements fournis par M. Vincendon, prof, au lycée
du Puy, et Saint-Maurice-de-l'Exil. d'après Rivière, dans notre
Rcc. des Pat., II, 274 sqq.
2. Voiries noms, i?t'r.(/é? P/??7./r., XIII, p. 27. Aajouter Albert-
ville, d'après Braehet et d'après Pont (Orûjines du patois de la
Tarentaise), Hautecour, Bellentre et la vallée de Beaufort.
REVUIÎ DE PHILOI.O'ilE, XIII 7
1)8 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
occupe, au centre et au sud-est des Vosges et au nord
de la Haute-Saône, une région assez étendue et assez
bien délimitée.
On nous signale té dans les arr. de Saint-Dié et
d'Épiiial, partout où Ton aye =^je^; il faut y ajouter
toutefois Gruey, dans le c. de Bains (arr. d'Epinal),
où l'on a i =je.D?ins l'arr. de Remiremont, le domaine
de te est plus étendu que celui de Je; il comprend
tout l'air., sauf le c. de Plombières'.
Au domaine vosgien de té appartiennent encore
quel(]ues communes de la Haute-Saône, au nord de
Tarr. de Lure; ce sont : Aillevillers (c. de Saint-Loup),
Bouligney (c. de Vauvillers), Raddon (c. de Fauco-
giiey), Villers-les-Luxeuil (c. de Saulx), Mélisey.
Ou trouve té isolément à Faramans (c. de Meximieux)
dans l'Ain, et non loin de là^ de l'autre côté du Rhône,
à Moyzieu (Isère), où, d'après notre correspondant, le
son e hésite entre e muet et é fermé. On dit encore té
au sud de l'Isère, à Méandre (c. du Villard-de-Lans;
cf. .i.'? à Lans), à la Motte-d'Aveillans et à la Motte-
Saint-Martin, où te existe aussi, dans le c. de la Mure ;
dans la Haute-Savoie, à Andilly (c. de Cruseilles,
arr. de Saint-Julien) et sur la frontière italienne aus
Houcheu (c. de Chamonix); dans la Savoie, à Grésy-
sur-Aix (arr. de Chambéry); dans la Drôme, à Saint-
1. Cf. Rec. dePliil. fi\, XIII, 17; d'après Adam, on trouve tè à
peu près dans les mêmes localités queyê, à Anthelupt, à Saint-
Pierremont, à Moyen, à Vallois, à Haillainville, à Vomécourt,
à Bult, à Sanchey, à Grandvillers, à Gerbépal, à Rehaupal, au
Tlioly, à Attigny, à Grand-Bois, à Longuet.
2. Voir les noms, Rer. dePhiLfr.,X^[U,l^, avec les additions
tirées d'Adam; à ajouter à cette liste Tendon, dans le c. de Re-
miremont. Cf. encore Hingre, Grande Complainte en patois de
la Bresse, dans notre Rec. des Pat., 1,241 sqq., assini.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 99
Donat, où, dit notre correspondant, e a un son sourd,
analogue à e final dans les mots allemands.
Tè est moins fréquent que té; on l'emploie dans le
Jura, à Chille (c. de Conliège, arr. deLons-le-Saimier)
et à Saint-Laurent-Grandvaux (arr. de Saint-Claude),
où il coexiste avec ^e-^;sur le territoire deBelfort, dans
le c. de Rougemont ; au sud du département de l'Ain,
où il occupe un domaine un peu plus étendu, qui com-
prent Lagnieu et Vaux (c. de Lagnieu),dans l'arr. de
Belley, et Rignieux-le-Franc(c. de Meximieux), dans
Tarr. de Trévoux : il faut y joindre Bourg-Saint-Chris-
tophe (c. de Meximieux), où Ton dit à la fois te-t ettè-t
avec un é à peine senti. — Dans l'Isère, tè est connu
aus Avenières' (c. de Morestel), à Bernin (c. de Gre-
noble E.), àLans (c. de Villard-de-Lans) ; à Vinay, on
dit te-t d'après nos deus correspondants, mais l'un
d'eus fait remarquer que e n'est pas tout à fait muet et
se rapproche du son et français. — Enfin tè nous est
encore signalé à Doussard (c. de Faverges, arr. d'An-
necy), dans la Haute-Savoie.
5° Les formes tYu, kyu, tku, ku
M. A. Thomas a constaté qu'à lest de la Creuse, dans
la Basse- Auvergne et dans le Velay, t devant u et i
non en hiatus se mouille et passe à k palataP. Le pro-
nom tu se présente en effet sous la forme t'-^u ou k-'u
en Velay; un peu plus à l'est, sur les pentes du Mé-
1. C'est la forme donnée par un de nos correspondants avec la
graphie fai; deus autres ne donnent que fp-t^ ce qui indique sans
doute une hésitation dans la prononciation ou la coexistence des
deus formes.
2. Rapport sur une mission philol. dans la Creuse, in
Archives des Missions scientifiques, 3* série, V, p. 429-430.
100 REVL'E DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
zenc et sur le versant oriental des Cévennes^ dans
TArdèclie, toute trace de mouillure disparaît et le pro-
nom tu devient tku ou /vw, suivant que la consonne est
un A' palatal pur ou une consonne intermédiaire entre
la palatale et la dentale.
T'u, forme de l'Auvergne d'après Mistral, de la
Basse-Auvergne d'après Doniol {Les Patois de la
Basse- Auvergne, Paris, 1877, p. 37), nous est signalé
dans l'arr. de Brioude, à Pinols, à Lavoute-Chilhac, à
Frugières-le-Pin (c. de Paulhaguet), à la Chaise-Dieu;
dans l'arr. du Puy, à Cayres, au Monastier, à Cra-
poniie; il faut y ajouter A'orey, d'après Smith^ et les
environs du Puv^ T''u atteint au nord Estivareille et
Rozier (c de Saint-Bonnet-le-Château), dans la Loire,
et k-fu la Chapelle-d'Aurec (c. de Monistrol) ; un peu
plus au nord, à Saint-Jean-Soley mieux et à Saint-
Étienne, on entre dans le domaine de te ; à Firminy,
on dit tse. k-'u au sud atteint Saugues, mais tu à Pra-
delles. Sur les limites de l'Ardèche et de la Haute-
Loire, on dit plutôt ku ou tku; toutefois on trouve P'u
dans l'Ardèche, à Sainte-Eulalie', et Vu ou k'-'u à
Gilhoc, d'après Clugnet.
1. Un Mariage dans le Haut-For^e^, in Rom., IX, 568.
2. M. de Vinols écrit //// et Déribier quifi. T'hi, et d'une façon
générale la palatalisation de i devant u et / n'est pas très an-
cienne dans le Velay. Elle semble dater seulement de latin du
XVIP siècle ou de la première moitié du XVIIP. Dans les
Noëls de Cordât, dont le plus récent porte la date de 1648, pas de
trace, du moins dans l'écriture^ de ce phénomène; dans une
chanson composée au Puy, en 1645, et conservée par l'annaliste
Jacnlon (Mrmoires, publiés par A. Chassaing, Le Puy, 1885,
p. 221-222), on ne trouve que lu. T^'u ou J^"v apparaît pour la pre-
mière fois dans le Sfrinon ma nr/uè d'Antoine Clet, daté de 1749;
les textes font défaut pour la période de près d'un siècle qui
s'étent entre ces deus dates.
3. Smith, Chants de riuéte et Chants de mai du Forez et du
Velaj/, in Rom., II. 465, 466, 467.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 101
Ku OU tku est fréquent sur la lisière orientale de la
Haute-Loire, à Saint-Hostien (c. de Saint-Julien-
Chapteuil), à Freycenet-la-Tour (c. de Monastier)', à
Saint-Voy et au Chambon-de-Tence (c. de Tence);
non loin de là, dans TArdèclie, on emploie ku à Deves-
set (c. de Saint- Agrève), et ^/t?/. à Coucouron; Bofïres
(c. de Vernoux), où l'on trouve cà la fois ku, tu et ti, se
trouve sur la limite.
6" Les formes t^e, tche, tse (ty, tch, ts deoant
voyelle)
Dans une région où l'on trouve d''e = Je'- , le pro-
nom de la 2^ personne se présente aussi sous la forme
Pe devant cons., f devant vovellc. C'est la forme
qu'on nous signale dans le c. d'Hauteville (arr. de
Belley), dans l'Ain, à Hauteville, à Cormaranche', à
Corlier, et un peu plus au nord, sur la limite des arr.
de Nantua et de Bourg, à Grand-Corent (c. de Ceyzé-
riat, arr. de Bourg) et à Ceignes (c. d'izernore, arr. de
Nantua). De f'e on passe facilement à tche-tch qu'on
trouve aussi à Cormaranche à côté de Pe. Ces deus
petits domaines semblent fort restreints : Izernore, au
nord du second, et Brénodau nord du premier, où l'on
dit tu dev. cons., mais V devant voy. {te kôsé = tu
parles; V àmé = tu aimes) sont sur la limite. Rappe-
1. Un de nos correspondants écrit y/^, un 2" i<ih^ en faisant
remarquer que le son noté iq est intermédiaire entre t et 7.
2. Cf. R<n:. do Phil. fr., XIII, 24.
3. Cf. t'h' dans la trad. de la Benaïta de Brillat-Savaiin en
patois de Cormaranche, dans notre Rec. des Pat., I, 133; mais
^('dansla Bataille de Cormaranche, chanson de la fin du XVIIP
siècle, recueillie par Ph. le Duc, Chansons et Lettres patoises,
p. 27.5. Faut-il en conclure que fi'c est récent?
102 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ions que nous avons trouvé tu-t-' dans la Haute-Saône,
sur les confins des domaines de tu et de te; tu-tch
nous est signalé, dans la même région, à Offlanges
(c. de Montmirey, Jura).
Tse est peut-être aussi sorti de te par riiitermédiaire
de t'-'e; c'est en effet sur les limites du domaine de te^
dans la Loire, et du domaine de V'it^ k-'u dans la Haute-
Loire, qu'il nous est signalé^ à la Fouillouse (c. de
Saint-Héand)et à Firminv'c. du Chambon).dans Tarr.
de Saint-Étienne. Notre correspondant de Bourg-
Argental écrit thie sans fournir d'indications sur cette
graphie.
T La forme ti
r/, forme de datif-accusatif, issue de tibi, s'emploie
à la place du pronom sujet issu de tu dans les régions
où mi, mé, me, s'est substitué 'à je\ Dans la vallée de
la Drôme^ et au sud de l'Isère, à Cornilion et à Mens,
où les pronoms sujets sont en général supprimés, ti
semble correspondre à la forme tonique française toi
employée absolument. Mais à la Chapelle-en-Vercors,
dans l'arr. de Die, à Bourg-de-Péage, à Triors (c. de
Romans), à Chanos-Curson (c. de Tain), dans l'arr. de
Valence, ^/joue le rôle de pronom sujet proclitique.
On dit encore ^ï à Annonay ', ti^ tu et ku k Boffres,
dans rArdèche.
Le domaine de ti = tu ne coïncide pas avec celui
de mi, mé, me = ego; cela tient à ce que dans cette
région tu est devenu régulièrement te, qui s'est alors
confondu avec te issu de te latin ; là où nous trouvons
te sujet à côté de me = ego, il est impossible de dire
1. Cf. Rer. de PhiJ.fr., XIII, 38-41.
2. D'après la Parah._, in Mê/n.dr.s Ant., VI, 516.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 103
si te est une forme de nominatif, issue de ta^ ou une
forme d'accusatif, issue de te latin, employée en fonc-
tion de sujet. Ajoutons que dans quelques communes,
le pronom sujet de la 1'"'^ personne n'est pas exprimé,
tandis que celui de la 2^ l'est toujours\
L. ViGNON.
1. Ci. Rei3. de Phil.fr., XIII, 5-6.
PATOIS DE SANCEY (DOUBS)
(suite ^)
LISTE DE MOTS
avec les formes correspondantes des patois de
Mesnay (Jura) et de Vitteaux (Gôte-d Or)
Les mots, pour le patois de Mesnay, m'ont été fournis par M. Pa-
pillard, et pour le patois de Vitteaux, par M. Hutinel.
Le patois de Mesnay est indiqué par la lettre M., celui de Vitteaux,
par la lettre V.
Système graphique em-ployé
J'ajouterai quelques indications à celles que j'ai données
dans le tome XI de la Revue^ p. 123-
La grande différence entre à et ô c'est que à est long et ô
est bref.
Je figure par gh le son de g dur devant e et i : ghide
(guide).
Je figure par '' le son mouillé entre une consonne et une
finale muette : èmab^e aimable) ; étrangh- e (étrangle) ; gad-e
(garde).
Je figure par « a » devant n un son intermédiaire entre
a et O.
Je rappelle que e non accentué est toujours muet et se
prononce comme dans le français dessus.
l. Voir la Reçue, t. XI, p. \2.i.
PATOIS DE SANCEY
105
REMARQUES GENERALES
Patois de Sancerj
En général :
1 à «71 tonique correspont en : dans, dén ; Jean, Djèn ;
2 k en (an)
3 à ié, iè
4 à euv
— an: dent, dan; gens^ djan;
— î : moitié, moitî ; pilier, pilî ; fier,
adj., fi; cierge, cîrdje; manière,
mènire.
— ou ou bien eu :
ou dans les noms qui désignent l'agent : menteur, mantou ;
vendeur, vandou : eu dans les autres noms : chaleur, tchôlou ;
sœur, seii.
Voici les principales exceptions :
Français
Patois
Français
Patois
1. bande
bande
3. barrière
bèrére
cadran
kèdran
cahier
kèyé
chenapan
chnèpan
cimetière
cemtére
comptant! payer
contan
limonière
limouonure
cran
cran
pierre
pire
langue
langhe
Pierre
Pire ou Piare
rang
ran
prière
prière
ruban
riban
râtelier
rétli
2. cendres
cendre
4. rémouleur
rémoular
gendre
djonre
tailleur
tèyeur
penche
pèntche
voleur
vouleu
prendre
pènre
liqueur
likeur
tendre adj.
tonre
peur
pévu
A bl, pi correspont b, p
, avec un son moui
lé : bleu^ bieu;
kch
— tch
: champ, tchèn ;
à cl
— ch:
clair, cha;
kjl
— ch
: flamme, châme;
kgl
y:
gland, yen;
kj
dj:
joug, djou;
à rd
- à]
: pardon, pèdjon ;
à rt
— tch
: partir, pètchi ;
à rs, rc
ch
: ve
rse,voiche; morceau, Tnowoohé.
106 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Le patois de Sancey a une prononciation traînante :
1^ 11 allonge souvent la syllabe qui précède la tonique:
château, tchété; malheur, màleu ;
2*' Il recherche les nasales : mine, minne ; entamer, an-
tènna ; baigner, bèngni.
A ce sujet, je ferai observer que dans la conjugaison patois
du verbe aimer (t. XL p. 13U), il faut au son è initial
substituer la nasale en et lire èn-ma au lieu de è-ma.
Patois de Mesnay
Dans le patois de Mesnay-Arbois, quand les désinences ou
(mas. s. , 0 (fém. s.t, è (pi.) correspondent à une désinence
muette jdu français, l'accent tonique se met sur la pénultième
et on prononce à peine la voyelle finale : vacarme, vacarmou;
larme, larmo; les halles, lè-z-olè. Il en est de même des
mots suivants : réceil, rèvoiyou; pareil, pèrèyou ; vieus,
viyeu.
Abbé èbé ; abé M.
Abcès èbsa ; abcè M.
Abécédaire tàbiôte [tablettes) ; tobluto M ; tabiote V.
Abeille mouochôte ; oviye M.
Abîmé (brisé) ébôli ; èbouli M.
Abri èvri ; obri M. ; à l'- de la pluie, è le sete, è l'èssete ; o
souèto M ; è le co ou l'écô d'iè pieu V.
Accord ècoû; acor M.
AccRouPiR(s') s'mantreè crepton.
Adresse èdrôsse ; odrèsse M. ; èdrosse V.
Affaibli [par les privations èfàti; èfouoti M.
Affaiblir s') s'èchèli ', faible se dit chèle.
Affaire èfare ; afère M. ; afère V.
Affamer éfèma. Affame (./'), éfème ; èfome M ; afème V.
Affiche èfîtche ; èfitse M. ; afèche V.
1. Agacer [par des actes) èrgheusgnî; mogrèyî M. cha-
kigné V .
PATOIS DE SANCEY 107
i
2 . Agacer [par des paroles) tchèrkegnî ; tsarkegnî M .
Age âdje ; âdzou M. âge V. |
Agé âdjî ; adzi M. ; âgé V. j
Agrafe ègrèfe ; agrafe M.
Aider, édî ; édî M. ; èdié V.
Aigle aye; ègle M.
Aigre agre; âgrou M. ; ègre.
Aiguille ègheye; èdiuye M. ; ègheye V.
Aiguillée de fil couturî d'fi .
Aiguillonner ^(7. pons'na; fougnî M.
Aimable èmab^'e; èmable M ; émab^'e V.
Ainsi dinki, dinlè, dince; ènsi M;ènsi V.
Air ar; èr m. ; èr V.
Aise âse ; ése M . ; âse V.
Ajouter (rt la longueur) èpondre ; èpondre M. Un morceau
d'étoffe ainsi ajouté s'appèle une réponse.
Alêne ôlon-ne; èlèn-no M. ; èlagne V.
Allée èlé; santî M. èlé V.
Allemagne Olmègne ; Almagne M. ; Almagne V.
Aller, ôla ; olé M. ; èlé V ; aller et venir : trècî, trèdjî.
ne pas — droit , faire des zigzags : vàrtchôyî.
Allumer èlma ; allume (y'), èleme; èlume M . ; èleme V.
Almanach àrmouonè ; almana M. ; armona V.
ALOUETTEèloite: oluto M.; èloite V.
Amadou mèdou /. ; amadou M. ; amadou V.
Amande èmèndre; èmandro M.; amande V.
Amasser èméssa. Amasse (/') èmèsse ; èmésse M. ; amasse V.
Ame âme; âmo M- ; âme V.
Amende n. èmande ; èmando M. ; amande V.
Amender èmènda. Amende [f), èmènde ; èmandou M. ;
èmande V.
Amer èmâ; amer M.
Ami èmi ; ami M. ; èmi V.
Amidon, midon/.
Amorce n. èmoûche; amorce M.
Amour èmour ; n'est guère usité que dans la locution pour
108 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
lamour de Dieu, qui se dit : pouo l'èmouodje Dû. A rd
français corresponten patois dj ; pardon, pèdjon.
Ancien èncièn; ancien M.
Andouille èndouoye; andouye M. ; andoye V.
Ane âne; ânou M. ; âne V.
Ange èndje ; èndzou M . ; ange V.
Anglais Ènglè; Angle M.; Anghiè V.
Anguille ènghiye; anghiye M, ; anghèyeV.
Animal ènimà; animal M. ; animo V.
Année èn-na ; an-nio M. ; an-né V.
Août ô; ou M. ; ou V.
Apercevoir de (s') se bèyi è vàdje, c.-à-d. se donner à garde;
s'bèyî gâdo M. ; s'béyé gad^e V.
Appeler*, èpla. Appelé (j'I : èpele; èpeleM.; èpole V.
Appétit àpéti, opéti M. ; apéti V,
Apprêt èprà ; aprè M.
Approcher èpretchî. Approche (/), èpretche ; èprutse M.;
èpreuche V.
Appui èpû ; apui M.
Appuyer, épure. Appuie (.p],b^Vi\ apui M. ; èpu V.
Après-midi (l') le réssû; letantô V.
Araignée èregne; èragne M.; arégni V ; toile d' — èrgnî.
Arbre âbre; âbrou M.; abre M.
Arc èrk; arc M.
Arc-en-ciel coulônète de Sèn Bouona petite colonne de saine
Bernard ou Bonnard) ; sânou M. ; courô Sèn Ma (couronne
de saint Marc) V. Coulbnote est sans doute pour couronote,
petite couronne. Ailleurs le patois de Sancey substitue r à
/; almanach, àrmouonè; fioleil, souoroye; pareille, pèrîre.
Archal èrtchà; archal M.
Arche artche; arche M. ; èrche V.
Ardoise èrdoise; ardoise M.
Arête èrétre; érèto M. ; èrote V.
Arme n. èrme; armo M. ; arme V.
Armoire armoire; armoire M.; ormouére.
Arracheur èratchou ; èrètsou M. ; arachou V.
PATOIS DE SANCEY 109
Arrangé [maltraité] èfuta ; — [sali] : goûna ; mogôné V.
Arrêt ère; are M. ; are V ; arrêt dans un ruisseau : èràlo ;
èréto M. // n'a point d^ arrêt := il est toujours en mou-
vement : è n'è pon d'èràte; i n'o pouèn d'èréto M.
Arrhes ère; ares M.; ère V.
1. Arrière a.dv. èrî ; darî M.
2. Arrière n. L — d'une voiture) lou dèrî ; lou darî M.
Arriéré èrîré; arîré M.
Arrière-grand-père rir' grèn père; rvir' gran père M.
Arrosoir, pour arroser le plancher, rosôyou, èrosôyou ;
pour arroser le jardin, èrosoir.
Assaisonner èssézna. Assaisonne (;'), èssézene; ansézune M.
Asseoir (s') se sta ou s'esta; s'èsté M.; se sté V.
Assolement èpî.
Assommé éssona; à moitié — éssouorbi; èstourbi M.
Attaquer eibkdi. Attaque (j'), ètôke; atakeM. atèke V.
Attarde. Qui s — dans les auberges : kkèl; okèl,aricandié V.
1. Atteindre {pouvoir toucher) èpondre.
2. Atteindre {pouvoir prendre) èvoitre ; èvanté M.
Atteler èpioyî; èplayî M.
Auberge obèrje ; obèrdze M.; obèrje V.
Auge àdje; adzou M. ; iage V.
Aussi ètou; ètou M. ; ètou V.
Automne dèrî tan (dernier temps, dernière saison).
Avancer ; ne plus pouvoir — (en parlant d'un attelage) : être
anrouta; être émouti M.
Avare èvare ; avarou M. ; avare V.
Avec èvo ou dèvo ; oveu M . ; èvou V.
Averse rouochî; suo M. ; èrvole V.
Avoine boidje. Dans le patois de M., boije signifie un mé-
lange de patois et de français.
Avorter désètcha.
Avril èvri; ovri M. ; èvri V.
Bâche bâtche; bâche M. ; bâche V.
Bagne bègne; bagne M.
Bague bèghe; bago M. ; baghe V.
110 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Baguette bèghète; bagiièto M. ; bèghète V.
Baigner bèngnî: boigiii M. ; bègné V.
BAiLbèye; baye M.
Bain bèn ; bèn M. ; bèn V.
Baiser r. boca; biké M. ; boké V.
Baisser, béssî. Baisse {Je), bésse ; basse M.; bésse V.;
baisser, par à coups, la tète en dormant : nica.
Bal bel; bal M.; bal V.
Balai rmèsse; remasse M. ; rèn V.; manche à bâtai : feche-cu.
Balayer rmèssî ; remèssî M. ; rèmé V. Ramasser se dit
rèméssa.
Balayures chni ; tseni M.
1. Balle bàle ; baie M.
1. Balle (de blé, d'avoine), pèyote, poyéto M. ; boufe V.
Balloter bôlouta ; baloté M.
Ban bèn ; ban M. ; ban V.
Bannière confoiron ; bânire M. ; bânire V.
Baraque bèrèque ; baraco M. ; bèrèque V.
Barbier bèrbî ; barbî M. ; rlazou V.
Barbouillé ammogouina. Qui a le visage — ambosna ;
refou V.
Baril bèri ; baro M. ; bari V.
Barre n. bare ; bare M . ; bare V.
Barrer bèra ; baré M. ; baré V.
Barricade n. bèricade ; baricade M. ; barricade V.
Barricader bèricàda. Barricade (je), bèricade; baricade M.;
baricade V.
Barrière bèrére ; barîre M. ; bariére V.
Bas, Basse bè, bèsse ; ba, basse M. ; ba, basse V.
Bas n. tcbâsse ; tsôsse iM. ; chosse V.
Bascule n. bèscule ; basliule M. ; bascule V.
Bassin (de fontaine), nô ; bossên M.
Bassinoire bèsgnoure; bassinoire M.; bassinou V.
Batteur en grange écài.ssou ; ècossou M.
Batteuse, mékènique. Battre le blé au moyen de la — mé-
kènica.
PATOrS DE SANCEY 111
Battre, bètre ; batre M. ; bètre V. — (.sa faux) antchèpia ;
antsoplé M. — en grange^ écoure ; ècore M. -Se — (en
parlant des bêtes à cornes), s'tera ; s'doughé M.
Bavard, arde, adj, bèvard, bèverde ; bova, bovado M. ;
bèvou, bèvouse V. — Le patois de Sancey a un autre mot '•
tètouyar ; quelle langue ! se dit : que tètouye !
Bave n. bève ; bovo M. ; bève V.
Beau, belle bé, bêle ; bio, bèllo M. ; bia, bole V.
Beaucoup tou pion (tout plein) ou brâman ; trou bèn M. ; to
pièn V.
Bec bôc ; bè M. ; boc V.
Bécasse péghèsse ; bécasse M. ; béghèsse V.
Belette blôtte ; belète M. ; bolote V.
BÉLIER blin ; baghe M. ; bien ou luza V.
Benêt bena ; benè M.
Berceau bré ; bri M. ; bré V.
Bercer brecî ; grouté M. ; bracé V.
Besoin bzon ; besèn M. ; besouèn V.
Bétail bétèye ; bétaye M. Mais on dit plutôt : lé béte (les
bêtes).
Bête béte ; bète M. ; bèt'che V. Mauvaise — tchèrvote ;
oghigne V.
Beugler breyî ; brome M. ; bruyé V.
Bidon sôyôte ; cantine M. ; tènbale V.
Bien adv. bin ; bèn M. ; bèn V.
Biens (fortune) butin ; butèn M. ; butèn V.
Bifurcation fouortchî ; anfourcheman V.
Billet biè ; biyè M. ; biè V.
Blame n. bième ; blamou M ; biame V.
Blanc, blanche bien, bièntche ; bien, blèntse M. ; bian,
bianche, V.
Blanc-bec blènbèc ; blanbè M. ; bianbèc. V.
Blancheur bièntcheu ; blèntsouM.
Blaude blàde ; blodo M. ; biode V.
BLÉbiâ; blé M. ;bié V.
Blette biosse ; blosse M. ; biosse V.
112 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Bleu bieu ; bleu M.; bieu V.
Bobine bobin-ne : bobine V.
Bœuf bû ; bû M. ; be V.
Bohémiens kèn-voulèn (camps volants).
Boire boire ; bouére M. ; bouére V.
Bois 71. bô ; boû M. ; bô V. Petit morceau de — : bôcôyo ;
grebo M. Morceau de bois qu'on lance sur l'arbre pour
faire tomber les fruits voirtcho ; ghio M.
Boite n. boute; boilo M. ; bouéte V.
Boiter boutôyî ; gambyî M. ; ète gambi V.
Bon, bonne bon, bouone; bon, boûno M. ; bon, bonne V.
Bonjour (dans V après-midi) bon vépre.
Bonnet (de femme) cale ; colo M. ; cale V.
Borgne bàne ; bouonou M. ; bâne V.
Borne bàne; bouone M. ; borne V.
Bosse bousse ; bousse M. ; bosse V.
Bossue (en renfoncement) kèbecî ; koboucî M. ; [en saillie)
kôriboussu.
Botte boute ; bote M. ; bote V.
Bouc bouotcho ; boutièn M. ; bokèn V.
Bouche gourdje Mettre dans sa — , angoula ; se coucher sur
sa — tout en restant assis : s'èboucha, s'mantre è bouchon ;
s'èboutsî, s'mètre 0 boutson M. ; s'mètre à bouchton V. ;
éboucha, èboutsî signifient aussi mettre un vase sur son
ouverture.
Boucher n. bouotchî; boutsî M. ; bouché V. 1
Boucher v. boûtchî; boûtsi M. ; boché V. Boucher une fis-
sure avec du coton, de la terre, etc. nèta.
Bouchon bouchon ou boutchaye ; boutson M. ; bouchon V.
— (Jeu) ghèline ; galine M.
Bougonner gremouona; boghnié ou manglmié V.
Bouilli n. bouli ; bouli M.
Bouilli part, beli ; bouli M. ; boulu V. Voir bouillir.
Bouillie n. pèpè.
Bouillir keure. Beli ne se dit que du lait, et il ne s'emploie
qu^au participe passé passif et à l'infinitif actif.
PATOIS DE SANCEY 113
Boule bôle ; boulo M., bole V.
Bouleverser {ne pas se) n'pè s'trémua; n' pas'trémoussé M.
Bourbe, boue bouorbe ; bourbo M. Bouorhoyi se dit d'une
terre très humide, qui est comme de la boue quand on la
laboure.
Bourg bouo ; bourk M.
Bourgeonner bouordjna. Bourgeonne [il] bouordjene; bourd-
zune M.
Bourse bouoche ; boucho M. ; bourse V.
Bousculer bouskegnî ; bousculé M. ; boustiulé V.
Bout bou ; bou M. bo V.
Bouteille boutôye ; boutèyo M. ; botoiye V.
Boutique bouticle.
Branche brèntche ; brèntse M. ; branche V. ; — coupée, rèn;
rèn M. ; rèn V. ; tronc de — sèche, èrigo.
Branchu brèntchu; brèntsu M.
Braque, adj. brèque ; bracou M.
Braquer brôca. Braque Je), brôque; braque M.; brèque V.
Bras brè ; brè M. ; brè V. , En — de chemise an brèsse; remuer
les — en marchant, brèssoyî ; bran-né le brè M.
Brave n. brave ; brâvou M. ; brave V.
Braver brèva. Brave (je), brève ; brâvou M. ; brave V.
Brebis bèrbi ; mouton M. ; barbi V. Jeune — foiyôte.
Brèche-dents batche ; bartse M.; ébroké V.
Brin f(iepai7/e), betche/.
Brindilles, bronde ; grebo ou boukion M.
Brioche roûtchôte ; rouôto M.
Brique coron ; caro M.
Briser le chanvre avec des lamelles en bois, brôca. L'ins-
trument se dit brôcoure.
Broche bretche ; broutse M. ; broche V.
Brochet bretchè; broché M. ; broché V.
Brouette bouliôte ; brouète M. ; broite V.
Brouillard broûya ; brouya M.
Brouille broûye ; brouye \I.;broye V.
KliVUlS DE PIIILOLOGIE, XUI 8
114 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Broyer le chanvre avec vcne meule coni(jue, riba ; endroit où
Con broie, etc., ribe.
Brûler breula; beurlé M.; breulé V. Brûle I Je), breule;
burle M. ; breule V.
Brun, brune, brun, brun-ne; brun, bruno M. ; brun,
bruue V.
Bûche pour le fourneau) niouotclio ou colmetcho; pour le
four) étchèiie.
Bûchette belchôle ; buchote V.
Buffet, befo ; befo M. : bufè V.
Buis boui ; bui M. ; bui V.
Buisson boutcbè ; boitsè M. ; bôsson V.
Buse, bBuson ; beuson M.
Cabane kèbane ; cabane M. ; cabiouie V.
Cabas kèbè ; caba M. ; kèbè V.
Cabinet borgne kèboulo.
Cacher côtchî. Cache Je), côtche; kètse M.; kèche V.
Cachet kèchè; kètso M.; caché V.
Cacheite côlchôte; kècheto M.; cachotte V.
Cadastre kèdèstre; cadastre M.; cadèstre V.
Cadeau kédo; cado M.; kèdo V.
Cadran kédran; cadran M.; cadran V.
Cadre cadre; cadre M.; cadre V.
Cage kèdje ; kèdze M.; kèje V.
Cahier kéyé; cayéM.; cayé V. '
Cahoter sèrgoula; sargouyî M.
Caille càye; cayeM.
Caisse casse; tièsse M.; kèsse V.
Caler {un meuble) cala; — {une voiture) coûta. Cf. étayer.
Calmer (un enfant qui est hors de lui) rès'néda. Bon sens se
dit : sné.
Calotte côlote; calote M.; kèlote V.
Canal kénèl ; canal M.; kènèl V.
Canard kèn-na; cana V.
Canif kènifre ; canif M.; canifre V.
Caporal kèporêl; caporal M.; caporal V.
PATOIS DE SANCEY 115
Capuchon kèpulchon ; képuchon V.
Car pèche que (parce que); pas' que ou car M.; pas' que V.
Carême côrème; carême M.; kirame V.
Caressant chètou; chètou V.
Caresser chèti ; chèti V.
Carpe carpe; cârpo M.
Carrière poirére, parîre M.
Carrosse kèrousse f.; carousse f. M., carosse V.
Carte càtche; câto M.; catche V.
Cas ca; ca m. .
Cascade kèscade ; cascade M.
Caserne kèsèrne; caserne M.
Casque kèsque; casque M.; kèsqae V.
Casser cassa. — (mettre en p/éces) ambrica; ébriké M.
Casserole {en fer ^ fonte) càkèl; coulièllo M.
Catéchisme catéchisse; catécimou ou catéchisse M.; calé-
chisse V.
Cave n. cave; cave M.; cave V.
Cendres cendre ; cèndrè M.; sanre ou snize V.
Cerf cerf; cerf M.; cèr V.
Cerne n. sane; sanou M.; cerne V.
Cerné sèna; cerné M.; cerné Y.
Chaîne tchèn-ne; tsèn-no M.; chêne V.
Chair tchâ; tsa M.; cha V.
Chaire tchére: tsére M.; chère V.
Chaise tchére; tièsse M.; chése V.
Chaleur tchôleu; tsolou M.
Chaleureus (le contraire de frileus) tchàrou ; tsolourou M.;
chorou V.
Chaut tchâlé: boû de lî M.
Chambre tchèmbre ; tsambro M.; chambre V.
Champ tchèn ; tsan M. ; chan V. — de neu de valeur vàgheye ;
tsan voghère M. La partie du bout du champ qui ne peut
pas se labourer avec le reste, parce qu elle est occupée par
l'attelage, s'appelle tchèntre.
Champignon. Espèce de — qui pousse sur les arbres, boulro.
116 REVl E DE PHILOLOGIE FKANÇAISE
Chanceler (rf'zrre.sse) trembla; tsambyi M.; tèrtelé V. chan-
celé [je], trèmbele.
Chandelle tchèudèle; Isandélo M.; chandèle V.
Changer tchèngî. Chanye (je), tchèndge; tsèndze M.;
chouénge V.
Chanvre chnôve; tsen'vou M.; chuovre V. Petite yerhe de
— men'vé; inoinou M.
Chapeau tchèpé; Isèpiô M. ; chèpia M. Viens — colo; colo M.
Chapelet Ichèplo; tsèplo M.; chèpiè V.
Chapelle tchèpèle; tbèpulo M.; chèpèle V.
Chaque tchèque; tséque M.; chèque V.
CHARtcha; tsa M.; cha V.
Charbônné (sali par du charbon) aumétchurî.
Chardon tchédjon ; tsadou M.; chadion V.
Charge n. tchardje; tsardze M.; chèrge V.
Charger tchèrdjî. Charge (je), tchèrdje; tsardze M.;
chèfge V.
Charme (arbre) tchèrmé; tsarmo M.
Charrette tchèrôte ; charète M. ; charote V.
Charrier tchôrôyî. Charrie (je)) tchôrôye; tsarèyou M .
Chasser tchèssî. Chasse (je), tchèsse; tsèsse ; M.; chèsse V.
Chat, chatte tchè, Ichète; tsa, tsètto M.; chè, chète V.
Château tchété ; tséttio M.; châtia V.
Chat-huant eutchrô; suto/. M.
Chatouiller gôtôyî; gotèyi M.; chagouyé V.
Chauffer étchàda ; ètsodé M.
Chauve-souris tchàvésri, rètto voulante M.; chavosri V.
Chaux tchà ; tso M.; cho V.
Chemin tchmin; ancien — vî. Cf. rue.
Cheminée tchemaa ; tsemenio M. — d'une chambre, tchàf
pense, c'est-à-dire chaude-panse ; tsof panse M. Le
haut de la — tué ; kètso de la tsemenio M.
Chêne tchâne ; tsanou M.; chagne V.
Chéneau chnà f.; ècheno M.; cholate ou chanète V.
Chenevottes tchen'veye; tseneveuyou M.; chnevote V. Feu
de — dans les champs, fulîre.
PATOIS DE SANCEY 117
A Vitteaux, on appelle /eZf^re.? des feus qu'on allume, ou
qu'on allumait le l^'' dimanche de Carême, à l'entrée du
village ; les habitants formaient des rondes autour de ces
feus, puis on vendait la braise aus enchères. En même
temps, des jeunes gens parcouraient les hauteurs avec des
brandons allumés, :ippe\és/ai/e.
Chenille tchneye ; cheniye M.; chenèye V.
Cher (qid coûte cher) tchî ; tsî M.; ché V.
Chercher tchèrtchî. Cherche (Je), tchèrtche ; tsartse N[.;
charche V.
Cheval tchvà; tsevo M.; chevo V. Maiwaifi — èrpète;
arpète V.
Chevalet tchvôlo ; tsevolo M.; chevalè V.
Cheville tchveye ; tseviye M.; cheveye V.
Chèvre tchîvre ou kèbe ; tsîvro M.; bike V.
Chez tchi; tsî M.; ché V.
Chicane (difficulté de mauvaise foi) rouogne ; rougne M.
Chien, chienne tchin, tchene ; tsèn, tsèn-no M.; chèn,
chêne V.
Chiendent rècene de coulou, c'est-à-dire racines de couloir.
Le couloir est un ustensile où l'on coule le lait qu'on vient
de traire.
Chiffon pète , poto M.; driye V.
Chiffonnier pètî ; potî M.; driyé V.
Chiffre ichifre ; tsifrou M.; chifre V.
Chœur keu; keur M.; keu V.
Choir tchoure ; tsidre M.; choure V.
Chou tchô ; tsou M.; cho V.
Cible cib'e; sublo M.
Ciel cil , ciil M. L'ancien patois dit : tan (temps) ou pèrèdi
(paradis).
Cimetière cem'tére ; cem'tire M.; cim'tère V.
Ciseaux cisé ; cisio M.; cisia V. — (pour tondre les mou-
tons) éfouche ; éforce V.
Citerne citane; citano ^L; citerne V.
Civière çvîre; cevîre ^L; cevère V.
118 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Claie chou ; clé M.; vanète V.
Clair, claire chà,chàre ; kia, kiéro M. Decenir — s'réchari ;
se rèkiachi M.
Claude Yàde ; Vodou M.
Clé châ ; kia M . ; kié V.
Cligner miga ; sèn-né dè-z-euyou M.
Cloche kletche; kioutse M.; kioche V.
Clocher kletchî ; kioulsî M.; kioché V.
Cloison gôlèndure ; galandure M.
Clos, close choù, choûte.
Clou chô ; kiou M.; kio V.
Clouer choiila; kioulé M.; kiolé V.
Cocarde coucadje ; cocarde M.; cocad^'e V.
Cœur keu ; tieu M.; keu V.; apprendre par — èpènre pèr
keur.
Coffre côfre ou ârtche ; couffrou M.
Coin kegno ; kegno M. — {angle) car ; cârou M.
Col de chemise rabattu cotisse.
Colchide {bot.) vètchôte ; colchide M.; voiyote V.
Colère. {Se mettre en — ) s'angregnî. Qui est en — gregne.
A Vitteaux, grir/né veut dire maussade, renfrogné.
Colin-maillard pince-cu.
Coller cola ; coulé M.; colé V.
Collet coulé ; colè M. ; colé V.
Collier de cheval bouoré ; mettre le — au cheval ambouorla.
Colonne coulone ; colone M. 1
Comédie coumédi ; coumédi M.; comédi V.
Comète cou mète ; comète M.; comète V.
Comice coumice ; comice M.; comice V.
Commander couménda ; kemènda M.; kmandé V.
Comme kman ; keman M.; kman V.
Commencer kmancî ; kemancî M., kmancé V.
Comment kman ; keman M.; kman V.
Commis courai ; coumi M.; conii V.
Commode kmôde ; kemoudou M.; kmode V.
Commune coumune ; comune M.; comune V.
PATOIS DE SANCEY 119
Complètement fin ; fèn M., fèn V.; ne s'emploie guère que
dans cette locution : — plein fin pion ; fèn plèn M.; fèn
pièn V.
Comptant. Argent — èrdjan contan ; ardzan contan M.
Compter [aur] se réfia ; se réfié M.
Condamner condèn-na ; condan-né M.; condèn-né V.
Conduire condure ; condure M.; condure V.
CÔNE [du pin, (in f^npin) pîve ; pivo M.
Confesser (se), se con-msa.
Confiture (de pommes, poires) moûce ; kéniado M.
Congé condjî ; condzî M.; congé V.
Connaître couognàtre; cougnitre M.
Construire construre ; construre M.; construre V.
Conte (pour amuser les enfants) rècontrote.
Contour (d'urne route) rebrà.
Contrarier controyî.
Contrefaire rédjèn-na ; dedzènghé M.; rchigné V.
CoPEAus pèrveye ; betsayo M.; copia V.
Coque [d'œuf, de nois) cretche ; creuso M.; creuse V.
1. Cor [ans pieds) euye d'èghèce, c'est-à-dire œil de pie;
couo M.
2. Cor (instrument) cor ; cor M.; co V.
Corde coudje ; couôdo M.; cod^'e V.
Cordon couordjon ; courdzon M.; codion V.
Corne [de la tète) écoûne ; couono M.; cogne V. — (des
pieds) coûne ; couono M.; cogne V.
Corner couona. Corne (il), couone ; coune M.; cogne V.
Cornet couono ; couno M. ; cono V.
Corps coû ; couo M.; co V.
Corridor colidor ; coridor M.; colidor V. — entre le corps
de logis et la grange, pouortcho ; pouortsou M.
CÔTÉ san /.; coulé M. A — de, k Ion de.
Cou co; coû M.; co V.
Couché (en parlant du soleil) meci ; coutsî M.
Coup cô; coû M.; cô V.; donner un — de pied en avant (en
parlant des bœufs, vaches, djipa.
120 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Coupable coiipab-e; coupable M.; coupab-e V.
Couper côpa; coupé M.; coupé V. — en petits morceaus^
tchèpia; tsoplê M.
Cour couo; cou M.: cou V.
Courbe n. couorbc; courbo M.;corbe V.
Courir couore. Court [il), couo; cou M.; cour V. — en par-
lant du bétail assailli par les mouches) besyî ; besiyîM.
CouRTiLiÈRE èrôto; taravon M.; larote V.
Cousin cousin: courî M.; cosèn V.
Coussin keussèn; kessèn M.
Coussinet keusgno; keusno V.
Couteau coulé; coutio M.; coutia V.; mauvais — bètchè.
Coûter cota; coûté M.; coté V.; il m'en coûte bien, è m'an
crà bin.
Couverte n. kvâlche ; kvâto M.; couvat^e V.
Couvreur tôtô.
Couvrir crevi. Couvre {je), crevi ; crîvou M.; couvre V.
Cracher crôtchî. Craclie (Je), crôtche, crètse M.; croiche V
Craie crâ ou croû ; cra M.
Cran ancrâneV
Crapaud bo ou crêpa: bo ou crapio M.; bo V.
Crapuleuse. Qui mène une vie — gouyèn ; gouyan M.
Craquer creuci.
Cravate grèvôte; cravate M.; grèvate V.
Crèche (du bétail) rôtche; crètse M.
Crépir crèmpi ; crépi M.; anduire V.
Creuser creuyî; creusé M.; creusé V.
Creus a^y. creu ; creu M.; creu V.
Crever par excès de dilatation) Xàpsi; topé M.; crevé V.
Crible crible; criblou M.; kiô [claie) V.
Cribler crela; criblé M.; kivé V.
Criblures crelure ; criblurè M.; clivure ou crènce V.
Crier criya; crié M.; kèrié V. — en parlant d'un cochon,
1. à est interniédiaire entre a et o.
PATOIS DE SANCEY 121
couîn-na; couèn-né M.; couiné V. — en parlant (Tune
porte, vouin-na.
Crochet cretcho ; courtso M.; croicho V.
Crochu cretchu; courtsu M.; croichu V.
Croire crôre; crére M.
(Croiser crousî; crèsé M. En parlant d'an vêtement, fèssî ;
crèsé M.
Croître cràtre ; crètre M. ; crouétre V.
Crois croi ou croû ; crè M.; croué V.
Crosse n. crosse : crousse M.; crosse V.
Crottin (du cheval) tchouognè; — [de brebis, chèvres) ghè-
ghèle.
Crouler crôla. Croule (il), croie; croule M.; croie V.
Croupière coua.
Croûte crête ; crôto M.; crote V.
Cueillir kedre; tiudre M.; keyi V.
Cuiller kyî; kyî M.; keyî V. Grande — ronde à long
manche, pouotchon; poutsonM.
Cuillerée keyera ; kyî M.; keyeré V.
Cuir cû ; tiû M . ; cui V .
Cuire keure; couire M. keure V.
Cuisine cusène oi^eutà; outo M.; keusine V.
Cuisse keche; couisse M.; keusse V.
Culbute côlbute.
Culotte culote ; culote M . ; cuyote V.
Curé curî; tiuré M.; curé V.
Curieus curieu; curiou M.; kerieu V.
Cuscute râtche; varvélo M.
Cuvier tnoye; teno M.
Dais da; de M.; de V.
Danger dondjî ; dandzi M.; dangé V.
Dangereus dondjrou; danjreu M.
Dartre dâtre ; datro M.; dartre V.
DÉ à coudre doyé; dèyo M.
DÉBALLER dèbàla. Déballe (Je), débàle; dèbale M.; debèle V.
DÉBATTRE (se) s'défrôpa.
122 REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
DÉBORDER règôcî ; dèbouodé M.; débodié V.
DÉCHIRER décirî;dèksirî M.
DÉÇU, rembarré, rdouoyî; rdouyi M.; rdouyé V.
Degré (d'escalier) égra; martsè M.
DÉGRINGOLER déghèrgôla ; dèroutsî M.
Dehors {près de la maison) ki dvèn; dfouo M.; iki dvan V.
— [loin de la maison) feu; dfouo M.; d'feu V.
DÉLAI délè; délè M.
Demi dmé; demi M.; dmi V.
Dénoncer (en parlant des enfants rancusa; rankesî M.
Dent dan ; dan M.
DÉPÊCHER(sE)s'dépàdjî. Dépêche (Je me), dépàdje; dépatse M.;
di poche V.
DÉPIT dépé; dèpi M.; dèpé V.
DÉPRÉCIER (dénigrer dépeuta ; méprisé M. Laid se dit: pe.
DÉROBER du blé, des œufs, etc., au ménage fare in lou; sové
di blé, M.
DÉROULER dévôdre; dérouté ou désanrouté V.
DÉSERT n. désar; désa M.
Dessert déssa ; dèssa M.; déssar V.
DÉTELER dèsèpiôyî,
Détresse détrôsse; détresse M.
Dette dote; dètto M.; dote V.
Deus dou ; do M. ; de V.
Deviner dvena. Devine (je), dvene ; devène M.; dvène V.
Devoir n. dvoi ; devoir M.; devoi V.
DÉVORER dévoûra. Dévore (Je , dévoûre ; dévouore M.
Diable diale; diablou M.; diable V. Fig., tapageur dmàle;
méchant tn3imhre.
Diarrhée {des enfants) roudje bidè.
Dictionnaire dixionare ; dixionère M.
Dieu Dû; Dû M.; Dieu V.
Digne digne; digne M.; dègne V.
Dijon Dijon Didzon M .; Dijon V.
Dimanche dûmouotche ou dûmon-ne; dènmoitse M.;
dmouènche V.
PATOIS DE SANCEY 123
1. DÎNER n. non-ne/.; moirando/. M.; dénié V.
2. DÎNER r. non-na ; moirandé M.; dénié V.
Dire dire; dire M.;di V. Ne pas — mot, n'pè pipa mou; n'pa
pipé mou M.
Disloqué émichlàca; dès'louké M.
Distrait distra; distrè M.
Disperser [en effrayant] épèta; épalvodé V. — (en pour-
suivant) djepsî.
Dissiper son bien détrépa son butin.
Dis dé; diche V.
Doigt dô; dé M.; doi V. Petit — glinglin ; glénglén M.;
couèncouèn V.
Donner bèyî ; béyî M.; béyé V.
Dorer douora. Dore (je), douore; dore M.
Dormir dremi; dourmiM.; drerniV. Dors (Je), doû; douoM.;
do V.
Dos. Porter (un enfant) derrière son — pouotchaè lé crâtche;
potié è lé baie V.
Douleur douleu (eu bref) ; douleur M.; douleu V.
Drap drè ; dra M .
Drap [de lit} lessû; lansû M.
Dresser drôssî. Dresse [je), drosse; dresse M.; drosse V.
Droite, droite drô, drôte; drè, drèto M.; droi, droit'che V.
Durée durî ; durio M.; deré V.
Duvet des oiseaus, pitcheule.
EAuàve; ègheM.; ia V.
Eau-de-vie à d'vî, brén t'vin ou brèn d'vin (bran de vin),
sans doute : lie de vin. Bran de vin se trouve, — est-ce avec
le même sens? — dans le Mariage de Vadé, jouéà l'Odéon
en 1862 :
Ces beaiis muguets à bran de vin
Vont chez la veuve Rabavin
Tremper leur cœur dans l'eau-de vie.
(Monde illustré, 11 octobre 1862).
Ébrancher ébiôcî; ébréntsèyî M.
Égaler étchàla; ètsayé M.
124 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Écart. Faire un — (en parlant d'un cheval), vantchî.
Écarter (au jeu de cartes) écotcha; èscarté M. — les Jambes,
ëcôtra lé tchèmbe ou s'écôtra ; écarte le tsambè M.
Échalotte échèrlote; ècliarlote M.
Échappée étchèpa; ètsopio M.
ÉcHARDE n. étchaye ; échiche V.
ÉcHARPE n. étchàrpe; ètsarpo M.; èchèrpo V.
Échelle étchîle; ètsilo M.; échèle V.
Échelon échlon ; posson M.
Éclabousser ékicî; èkiobouté M.; ékiaboussé V.
Éclair éluse; èludou M., ékière V. // fait des — i éluse ; il
élude M.
ÉcLAiRCiR [un semis) érari; èkiachî M.
Éclairer chârî ; kiérî M .
Éclats o?e bois (faits avec la hache; étèle/.; bètsayè /. pi. M.
Écluse n. échouse; èkieuso M.
ÉcLusER échôsa; ékieusé M.
ÉC0RCE7Î. écouche; écouoche M.; écorce V.
ÉcoRCHERécouortchî. Écorche (/'), écouortche ; ècourtseM.;
ècorche V.
Écraser écàyî; écrèsé M.; écrabouyé V. — (pulvériser)
éf résa ; èfrèsé M .
ÉcREvissE grèbece; grobuce M.; èkèrvice V.
Écrouler (s') déretchî ; dèroutsî M.
Écume djoume ou djôfro, ècumo M.
ÉcuMER r. 71. 'en parlant) djôfa; èkemé M.
Égarer éghèra. Egare ./'), éghère; èghièreM.; égare V.
Églantier ghey'ri bouton. Fruits de V — ghey'ri bouton.
Église église. La section de la commune de Sancey où se
trouve l'église, s'appèle en français : Sancey-l'Église, et en
patois : le yéze.
Égoutter neut. épurî; èpurî M.
Égouttoir (pour la vaisselle; ékèlî ; èpurou M. Écuelle se
dit: ékèl.
Élévation (à la messe) Dû Iva (Dieu levé, élevé ; Du levé M .
Emmêler amboûtchi.
PATOIS DE SANCEY 125
Emoi. Etre en — être émèyî ; être émoyî M.
Empêcher auvoidja {vieus), ampàtchî .
Empêtrer (s') s'antroupa ou s'ampêturî; s'ampatrî M.
Emplir ampire; ampli M.
Empoisonner ampouz'na. Empoisonne (f), ampouzene; am-
poizune M.; ampoizone V.
Encan. Vente à l' — foire frèntche.
Enclume anchâne; anclumo M.; ankyeme V.
Encore ancouo; ancou M.; anco V.
Enfer anfa; anfa M.
Enflé adj, anche.
Enfler ancha. Enfle (f), anche; anfle M.; anf^'e V.
Enfouir un animal ancrouta.
Engourdi antemi.
Enjamber kèmba; èkambé M.
Ennui an-nu; an-nui M.; an-neu V.
Enrouler autour antoûdre ; antouodre M.
Ensanglanter ansèngnî ; ansègnanté M.; anségné V.
Enseigner ansouognî.iS'/iseî^ne(/), ansouogne; anseigneM.;
ansouogne V.
Enseigner (faire la classe) rècouodja ; fêre l'ècoulo M .
Entaille n. (cran) ancrâne.
Entamer Sinièn-nsi. Entame (./"), antèn- ne; antane M.; an-
tome V.
Entonnoir amboussou; amboussou M.
Entreprise qui ne peut pas réussir cude; cuderî M. Celui
qui fait ces — cudo ; cudo M .
Envelopper anvôdre; revendre ou amboutèyî M. an routé V.
Epais, -aisse êpà, épàsse ; èppè, èppèsso M.; épo, éposse V.
Eparpiller ékémpoiyî ; èkampyi M.; épalvodé V.
Épaule épàle ; èpolo M ; épole V.
Épi sans la tige épi co V.
Épidémie légère loûson.
Épierrer époroyî ; èpiarèyî M.
Épine êpene ; épuno M.; épène V. — dorsale échna di dô ;
ètsuno M.; èchnê V.
126 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Épingle épingne ; èpèngne M. ; épèngh^'e V.
Épluchures (faites en mangeant) brousse; brossé M.
Épouvanté épèvuri; èpouri M.; épanté V. Très — éfèrfènta;
ton èpouri M.
Érable euzràle ; izroblou M.
Érafler siva ; courtsî M.
Éreinté éleuchi ; èrouènté \ .
Espèce. De ta grande — d'iè grèn-t-arî ; d'io grousso race M.
Essai éssa ; èssa M.
Essart éssa; èssar M.
Essuyer éssure. Essuie (/'), éssû; èssuî M. ; èssu V. — (les
mains, le visage, pèn-na ; panne M.
Estimer, éstin-ma; éstèn-mé M.; estimé V.
Estomac éstoumè ; èstoumè M.; éstoma V.
Estropié estropia; èstroupié M.; estropié V.
Étable étale ; ètoblo M. — des moutons boule dé bèrbi. —
à porcs sou ; sou M.; sou V.
Etai coûte ; couto M. Etre rassasié, être coûte.
Étameur mègnin ; magnèn M.; mègnèn V.
Étayer coula ; coûté M. Cf. caler.
Été n. tchàtan (chaud temps) ; tsotan M.
Étendre aar son pain du beurre, des confitures, etc. frôyî ;
fére ènno retio M.; fare une rotî V.
Étincelle époulû; ètèncèllo M.; beblû V.
Etirer (s\ les bras s'époirosa ; s'èpèrèzî M. i
Etoile étoile ; ètèllo M.; étoile V.
Étouffer éteufa. .S" — en mangeant s'étepa.
Étoupe étoupe ; ètoupo M.; étoup-e V.
Étourdi à la i>uite d'un coup étedji ; èloudi M. — à la suite
d'un malaise, éledji; èloudi M.
Étourneau étouoné ; ètourno M.; ètourné V.
Étriller étreyi. Étrille /'/'), étreye ; ètriye M ; étrèye V.
Étroit, -oite étrô, étrôte ; être, ètrètto M.
Étui {pour les aiguilles côtcho. — pour la pierre du fau-
cheur, couvî ; couvî M.; coué V.
Eis you ; yu M.
PATOIS DE SANCEY 127
Éventé [altéré) afla.
Exact éxè ; èxa M.; éxè V.
Excès éksa ; èkcè M .
Expert èxpar ; èxpèr M .
Exprès éxprè ; èxprè M.
Facilité d'apprendre èpranlure ; reteniure M. — de com-
prendre compranture ; compreniure M.; comprenote V.
Façonner fès'na. Façonne [je], fècene ; fossune M.; fas-
sonne V.
Facteur rural pîton ; pîton M.
Faible chèle; foiblou M. — par suite de malaise rnète ; foi-
blou M.
Faiblesse, l'omber en — èmèti ; tsidre de foiblèsse M.
Faim fèn ; fèn M.; fèn V.
Faîne fèn-ne ; fène V.
Faire fare ; fére M.; fère V. Fais [je], fa; fè M.; fa V.
Faire, arranger (un lit, une voiture de foin), èyure ;
fére M .
Faîte (d^un toit) frîte ; kso M.
Falloir fèyo ; fodre M.; faloi V. (Homme) comme il faut,
d'édrô.
Farine fèrene ; fèrno M.; farène V. — grossière de blé
grillé, grus'lo ; grulo M.
Farineus fèrnou ; fèrnou M.
Fatigué sô ; sou M. Très — riga ; bèn sou M. . .
Fatiguer sôla ; soulé M.
Faucher sôyî ; sayî M.; fâché V.
Faucheur sôtou ; sètou M.; fâchou V.
Fauvette fèvrôte ;- fovète ou tsobrouya M.; fovète V. Tso
brouya veut dire sale, noirci.
Fausset [de tonneau^ deuseye ou ghiote ; ghiuto M.
Faus n. fà ; fo M. ; fo V.
Faus, fausse, fà, fasse ; fo, fosso M.
Femelle femèle ; fumélo M. ; f umèle V.
Femme fane ; fono M.; fonne V.
Fenêtre fnétre ; fnétro M.; fnétre V.
128 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Fer fa : fa M.; fa V.
Fermer choure ; farmé M.
Fermier grèndjî ; farmi M.; farmié V.
Ferraille. Sonner la vieille — souona lou càcré.
Ferrer à glace grèpa ; grapé M.
Fête fête; féto M.: fètche V. La — de l' Assomption, \è
miô (mi-août) ; — du S septembre, le tchété. Tchété veut
dire château.
Feu fû ; fù M.; feu V.
Feuillet feyo ; feyo M.; feyè V.
Fiel f î ; fiel M.
Fier, fière fî, fîre ; fî, fîro M.; fiar, fiare V.
Fil fi -fi m.; fi V.
Filer tla; fêlé M. File (il), fêle ; fîle M. — s'en aller, fila ;
fêlé M .
Fille feye ; fiye M.; fèye V. Jeune — ghèchôte, béssôte.
Filleul fieu ; feyeu M.; fiyeu V.
FiNAGE fin /.
Fin, FINE fin. fin-ne ; fèn, fènno M.; fèn, fène V.
Flairer feuna ; funé M.
Flamber f rela ; flambé M.
Flamme cbâme, flâmo M.; fiame V. Donner de la — cbàrî.
Flanc chèn ; flan M.
Flaque d'eau bouoyè ; sac d'ègbe M.
Fléau chèvé ; flô M.; fia V.
Fléchir sous le poids flèncbi; foibli M.
Flétri, ridé rèntri ; rèntri M.
Fleur che ou fle ; flou M.
Fleuri cbeuri ; flûri M.
Fleurey nom de village, Cheré.
Foi foi ; foi M.; foué V. Ma — manfi ; mo foi M.; mafi V.
Foie (de cochon, de bœuf) du; foi M.; coré V.
Foin fon ; fouèn M.; fouén V. — entassé tèsse ; feni V. Tas
de — dans le pré, vol mon. Poussière de — vesèn de
foin M.
Fois foi ou cô ; coû M.; foué V.
PATOIS DE SANCEY 129
Force n. foache ; fouoche M.; force V. Qui fait des tours de
— aux foires èrcule.
Forcer fouochî. Force (je) fouoche, fouche M.; fôce V.
Forge n. foûrdje ; fourdze M . ; forge V.
Fort, fort fou, foûtche ; fouo, fouoto M.; fô, fot^e.
Fou, FOLLE, fô, foie ; fou, foulo M.; fô, fôle V. Faire le —
fôlôyi ; foulayî M.
Fouet couordjîre /. ; couidzio M.; corjîV. Mèche de —
tchèssoure ; moutson M. Manche de — mènso. — en mico-
coulier Perpignan; pèrpignan M.; pèrpignan V. Faire
claquer son — chôpa ; fère také so coudzio M.; kiaké V.
Fouiller foûyî. — la terre avec sa bêche bàiSsa.] polèyî M.
— (en parlant des cochons) bàssa ; beussî M.
Fouler (la terre) pàta. — (Z'Aer6e) tripa. — (imc?o?'^^) rboula.
Four fouo ; fou M.; fou V.
Fourche fouortche ; fourtse M. ; forche V. — à deus dents
en fer, fouortche ; — à trois dents pour enlever le fumier,
trèn.
Fourchette fouortchète ; fourtsèto M.; fourchète V.
Fourchu fouortchu ; fourtsu M. Baguette — fouortchète.
Fourneau fouono ; fourno M.
Frais n. pi. fra ; frè M.; fra V.
Frais, fraîche frà, fràtche ; frè, frètse M.; fro, frache V.
Fraise frâse ; fréso M.; frése V.
Framboises èmpe.
Franc, franche, frèn, frèntche ; fran, frêntse M.; fran,
franche V.
Français frènsô ; francè M.; francè V.
Frange frandje ; frèndze M.; frange V.
Frapper fort rouochî ; roussi M. A Vitteaux, roiché veut
dire roué. — Frapper le linge sur du bois, de la pierre,
pour le laver, éssèpa. Table de pierre où l'on — éssèpoure.
Frêne f râne ; f ranou M . ; fragne V.
Frère frare ; frarou M.; fré V.
Frileus friyolou ; frileu M.; friyou V. Dans le patois de
Poligny (Jura) friyole signifie ^oco/is de neige.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 9
130 REVrE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Froid, froide, frô, frôde ; frè, frèdo M.; froué, frouède V.
Froisser, chiffonner froûyî.
Fromage froumèdje. — maigre tome.
Fromager grûrin, frulî.
Frotter f routa. Frotte je) f route ; f route M.; frote V.
Flir fure ; fuir M.; fui V.
Fumée ferai re ; femîre M.; feumé V.
Fumier. Oter le — j'ta ; jeté lou fenii M.
Fureter tuna.
Furoncle anvoicho ; anva M.; kio V.
Gâchette [de fusil) tchôcoyo ; gachète de fusu M.
Gagner ghèngnî ; Gagne {je) ghèngne ; gagne M.; ghègneV.
Gai gh.é: dié M.; ghé V.
Gale gale; golo M.; gôle V.
Gambader djinga ; drudzi M. A Vitteaux, gènghé signifie
donner des ruades.
Garçon ghètehon, boûbe ; gachon, bouèbou M.; gachno V.
Garde n. m. gadje ; gâdo/. M.; gad-e V.
Garder voidja. Garde {je) voidje ; gâde M.; gad-'e V. Se —
de, pènre vàdje.
Gargouiller rèncoyî ; rankyî M.
Gâteau touotché ; touton M.: gatia V.
Gaucher gàtchi ; gotsî M.; gâché V.
Geai dja ; dza ou dzaco M.; jake V.
Gelée djola ; dzolio M.; gelé V.
Geler djôla. Gèle {il) djôle," dzole M.; gèle V.
Gendarme n. jandarme ; dzandarmou M.; jandèrme V.
Gendarmer (se). Gendarme [il se) jandèrroe ; dzandarme M.;
jandèrme V.
Gendre djonre ; dzèndrou M.; jandre V.
Genou jnouye ; genou M.
Gerbe djarbe ; dzarbo M.; jarbe V. Tos de — djèrbî.
Germe n. djènun ; dzanon M.
Germer djèna. Germe (il) djène ; dzène M.; jarme V.
Glace {gelée) yèce ; ghièce M.; ghièce V.
Glaner yona. Glane je) yâne ; diène M.; ghiène V.
PATOIS DE SANCEY 131
Glisser par mé garde glissî ou lerdjî ; lutsî M.; ghissé V.
— par amusement s'glissi ou s'pèva ; se relutsî M.;
ghissé V. Lieu par où l'on — le bois pèvoure ; lutso M.
Gloire youre; gloire M. Gloire a ici le sens de vanité.
Glorieus yourou ; gloriou M.; gloriou V.
Glouton, goinfre ghèlafre; glouton oa angou M.; avoutreV.
Gonflé adj. gonche. Cf. enjlé ; gontlou M.
Gonfler goncha. Gonfle (je) gonche; gonfle M.; gonf^^'e V.
Goudronner gàdrouona. Goudronne {je) gàdrouone ; gou-
drune M.; godronne V.
Goulet goulo ; goulo M.
Goûter v. n. kètrera ; bank'té M.
Grâce grâce ; grâce M.; grâce V.
Graine grèn-ne ; grèn-no M.; grègne V. — de foin avec son
enveloppe cheusun.
Graisse n. grasse; grasse M.; grèsse V. Résidus de —
fondue grebion.
Graisser gréssî. Graisse [je) grésse; grèsse M.; grèsse V.
Grammaire grèn-mére.
Grand'mère même; même M.; mèmère ou man-mine V.
Grand'père pépé; pépé M.; pèpère V.
Grange grèndje; grèndze M.; grouènge V. Au-dessus de
l'aire est une espèce de plancher formé de perches, de
planches, etc., qu'on appelle lé-z-étra. Quand la grange
est de plain-pied, il y a, de chaque côté de l'aire, comme
un étage, au-dessus de l'écurie et des pièces du rez-de-
chaussée ; on l'appelle le soulî. Dans les villages du
plateau supérieur, pour désigner la tribune de l'église,
on dit le soulro, diminutif de soull.
Grappe rèpe ; groppo M.; grèpe V.
Grasseyer bàcrela.
Gré gra; gré M.; gré V.
Grêle grôle ; grèlo M .
Grêlé égrôla ; grêlé M .
Grelot greyot; griyo M.
Grenouille renouoye ; renouye M.; ghernoye V.
132 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Griffer grèfna; ègrofné M.; grafigné V.
Grille n. greye ; grive M.; grèye V.
Grimper grèpi; grèmpè M.
Groseille greuzèle; greuzala M.; greuzèle.
Guêpe vouépre ; vouépo M.; guêpe \'.
Guère vàr ou gare ; ghére M.; un pcho (un peu^ V.
Guérir voiri ; ghèri M.
Guerre gare; ghére M.; ghère V.
Guêtre gôletchon; gâtro M.; gatre V.
Gui brou; ghi M.; glu V.
Guichet ghintcho; ghèntso M.
Guillaume Ghiàme.
Habile àbile. Dans le patois de Sancey, «è//e ne veut pas
adroit, mais leste, expéditif. Ainsi s'àhila signifie se dépè-
cher.
Habiller èbyî. Habille (/) èbeye; abiye M.; abèye V.
Habit èbi ; obi M.; èbi V.
Hache n. ètche ; ètse M.; èche V.
Haie èdje; è M.; bocheure V.
Halles (les^ lé-z-àle ; lè-z-olè M.; lé-z-ale V. Aucun des
trois patois n'a Vh aspirée.
Hangar tchèri; tsari M.
Hanneton kèncoire ; cancouélo M.; cancouaneV.
Harassé éskinta; èskènté M.
Haricot, fèviôle, f. ' i
Hasard àsa; osa M.; asa V.
Hasarder ésèdja. Hasarde (je) ésèdje; osade M.; asad^e V.
Herbe ârbe; ârbo M.; arbe V. Lirjne d' — abattue parle
faucheur èndèn. Dans le patois de Pontarlier, aller se dit :
andai (D. Monnier, Annuaire du Jura, 1857) — dans
les champs, griraon V.
Hérisson erson; èrson M.
Hérissé broussu ; èrissé M.; eursené V.
Hernie. Qui a une — rontu ; rontu M.
Herse n. îche ; irtse M.; èrche V.
Herser èrtchi. Herse (je) èrtche; irtse M.; orche V.
PATOIS DE SANCEY lo3
HÊTRE até on foiyar ; foya M.; foyar V.
Heure ouore ou ere ; ouro M.; ère V. Ere de Pin veut dire
Paroissien (Livre). Pin est un petit village de la Haute-
Saône, sur rOgnon, qui possédait autrefois une impri-
merie.
Heurter (en parlant des personnes) toca ; touké M. (en
parlant d'une voiture) coûta ; kourtsi.
Hiver uva; ivè M.; iva V.
Hiverner ivoina. Hiverne (f) ivoine ; ivane M.; ivarne V.
Honteux ontou : ontou M.; ontou V.
HÔPITAL àpità; oupito M.; opito V.
Hoquet sin-yo; dzuko M.
Horloge rledge m.; rloudzou M.; eurloge V.
Horloger orlogé; ourloudzi M.; orlogé V.
Hotte oute ; outo M . ; ote V.
Houx pinfo ; ogrilou M.; glorieu V.
Hucher eutchi ; upé M.
HuHAU at', u-o, u-eu. o-u-eu (en parlant à des chevaus),
urô (en parlant à des bœufs) pour les faire aller à droite.
È n'écoute ne dia n'uro, il ne veut rien écouter.
Humide mouoyî ; mouyî M.
Humidité. Forte — mouoye.
Hurler eula ; urlé M.
Hutte de charbonnier bècu.
Idée. — bizarre èvisàle.
Image imadje ; imadze M. ; imège V,
Incorrigible incouorijib^e ; èncouridzible M.; èncorri-
gible V.
Inintelligent ènoncèn ; inouçan M.
Injures. Accabler d' — ègonisi d'sotise ; ègonisé d'sotisè M.;
agonire de movèse rason V.
Innocent inocèn ; inouçan M.
Inquiet, ète inki, îte ; inkitou, inkito M.
Ivraie le m.; ivre M.; ivra V.
Jachère sombre.
Jaillir kicî ; dzayi M.
134 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Jaloux. Être — bisca; biské M.
Jambe tcbèmbe; tsambo M. Lever les — en Pair leva lé
gôlumé; levé le gheyo M. S'embarrasser les — s'an-
troupa; s'antourtèyî, s'amboutèyî M.
Jardin kelchi; couii M.
Jatti:: djète.
Jauge djàdje ; dzodze M.
Javelle djèvé m.; dzovio />?. M.
Jean Djèn ; Dzan M.
Jeanne Djèn-ne; Dzan-no M. ; Jân-ne V.
Jeter tchèmpa; tsampé M.
Jeu djû ; dzû m.; jeu V.
Jeune n. djun-ne; dzunoii M.
Jeune adj . djun-ne; dzunou M.; jene V.
Jeunesse djun-nèsse; dzunèsse M.: jeunesse V.
Jolndre djondre; jouèndre M.; jouéndre V.
Jonc djon: dzon M.; jon V.
Jour dje ; dzu M.; jeu V.
Jouets bibi.
Journée djena; dzounio M.: jôné V.
Juché {en parlant des poules) è djou; an dzou M .
Jugement. Homme sans — douré; femme sans — dôbe.
Juin djun; dzuèn M.
JuMEAUs bôssèn ; bossan M.; bèsson.
Jupon gouné; goudo M.
Labourer lôbouora, èra ; lobourî, are M. ; laboré V. — sans
semer sombra ; soumadé M . ; sombré V. Terres labourées
èra m.
Lac lèk ; lac M.
Lacet lèsso ; losso M .
Lâcher lâtchî; latsî M.
Laiche làlche ; lotse M . ; loche V.
Laid, laide pe, pete; pe, peto M.: peu. peute V.
Laine lèn-ne; lèn-no M.; lègne V.
Laisser léssi. Laisse (Je) lésse ; lèsse M.; lèsse V.
Lait lèssé; lèssio M .; lèt V. Petit-lait léti.
PATOIS DE SANCEY 135
Lame lame; lame M . ; lame V. — de couteau àlmèle ; lamo
de coutio M .
Lampe lèmpe; lampo M.; lampe V.
Langes passo; maillo M.; drèpia V.
Langue langue ; lango M . Mauvaise — càtène.
Languette lango te ; languto M.
Lanterne lèntane; lantano M.; lanterne V.
Lanterner lènterna ; langhné M.
Lard la ; la M. ; là V.
Large lardje; lardzou M.; lèrge V.
Las, lasse sô, sole; soû, soûlo M.
Lasser sôla; soulé ]\L
Laurier lourî ; lorî M.
Laver. — la /essore éssèpa le bû; lavé lo bio ^L Essépa veut
dire battre et non laver. \ ou frapper.
LÈCHE n. làtche; lèche M.; lèche V.
Lécher lôtchi. Lèche {je) lôtche; lèche M.; loiche V. On
appelle Ibtcho un mélange de betteraves, son et sel qu'on
donne au bétail.
LÉGER lôdjî ; lèdzi M.; légé V.
Lentilles nteye ; lantiye ^L
Lessive bû; bio M.; buî V. Eau de — léssu; lessu M-;
lèssu V.
Levain levèn; levèn M.
Levée (au jeu de caries) plî/.; levioM.; plî m. Ne pas faire
une seule — basî lou eu de lé véye (baiser le cul de la
vieille). Cette locution est dans le Dictionnaire de Littré,
art. Cul.
Levier en fer presse ; levî M. Soulever au moyen du —
tare âgre; fére àgrou M. Faire avancer au moyen du —
agroyî ; agrèyî ^L Petit — prèsson ; prèsson M.
LÉZARD lézadje/.; lizado /. M.
LiARD ia; iaM.; liaV.
Lie n. bèssîre.
Lier lôyi; lèyî M.
Liège lîdje; lidzou M.; liège V.
136 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Lierre tèrétre; tarétrou M.; liare V.
Lieu vu ; lu M . ; yeu V.
Lieue lî; lu M.; veu V.
Lièvre livre ou kèpucin; livrou M.; yèvre V.
Ligne legne: ligne ^L; lègne V.
Ligneul Igneu ; legnu ^L; ligno V.
Limace. Petite — gremon.
LiMONiÈRE limouonure; lemounure M.; limonière V.
Liqueur likeur; lilieur ^L; likeu V.
Lire 1ère ; lire M.; li V.
Lit lé; lî M.; lé V.
Litière. Faire la — rétrèn-na. Paille se dit étrèn.
Logis. Au — è Teutà; o route AI. Cf. cuisine.
Loi loi ; loi M.; loué V.
Loin Ion; louèn M.; louèn V.
Longe londje; londze AL; longe V.
Loquet lèchôte/. ; lènkio M.
Loqueter tècha, tèchouta ; tènkioté AL
Loucher. Qui — ghèreuya; brenikia AL; cagna V.
Loup lou ; lou Al . ; lo V.
Lucarne lucane; lucano Al.
Lune lene ; luno Al.
Luzerne luzerne; luzerne Al.; luzarne V.
[A suivre). NÉDEY.
Nous rappelons que M. Durandeau publie à Vitteaux, dans le
Réreil Bour-guignon, un iraporlant Dictionnaire français-bourgui-
gnon. Voyez notre Revue, lome XI, p. 240. — L. C.
C l
CEST SON MOINDRE DÉFAUT^
Il y a deus raisons pour hésiter dans l'interprétation
de cette simple phrase :
« // n'est pas habile, c'est son moincb^e défaut. »
De quel défaut parle-t-on? De sa non-habileté ou
de son habileté ^^
D\m autre côté, le moindre peut avoir deus valeurs,
c'est « le moins grave » ou « le moins développé )),
autrement dit le moindre en qualité ou le moindre en
quantité.
Il en résulte que théoriquement, en combinant
diversement ces deus doubles sens, la phrase « il n'est
pas habile, c'est son moindre défaut » peut avoir quatre
significations :
1. Il n'est pas habile, cette non-habileté ^^i son
[défaut le moins grave.
2. Il n'est pas habile, cette non-habileté est son
[défaut le moins développé.
1. Il n'est pas habile, V habileté est son défaut le
[moins grave.
2. Il n'est pas habile, Vhabileté est son défaut le
[moins développé.
Mais pratiquement, le sens a 2 est impossible, car
1. La question qui fait l'objet de cet article a été posée par Fran-
cisque Sarcey, peu de temps avant sa mort, dans un de ces" fagots ».
oùii discutait parfois, avec tant de bon sens et d'esprit, les petites
difficultés de notre langue. Voy. le r<?/n/)s du 12 mai 1899.
138 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
il renferme une contradiction. Ce serait dire il est ma-
ladroit et ajouter : sa maladresse n'est pas grande.
Autrement dit, la phrase équivaudrait à: « il est mala-
droit, il est peu maladroit. » Il y a contradiction, à
moins qu'on ne marque une opposition par la conjonc-
tion mais: « 11 est maladroit, mais il l'est peu.»
Le sens b 1 renferme aussi une contradiction ; ce
serait dire // na pas le défaut d'être habile, et ajouter
immédiatement : il a ce défaut avec d'autres plus
grenues.
Il ne reste donc comme possibles que le sens a ^ et
le sens b 2.
Dans le premier sens, le défaut est la non-habileté,
et c est le moins grave de cens qu'il a.
Dans le second sens, le défaut (par ironie) est Thabi-
leté, et c'est le moins développé de ceus qu'il a (par la
bonne raison qu'en réalité il ne l'a pas, comme l'indique
la proposition initiale).
Dans les deus cas, l'idée exprimée parla proposition
initiale reste intacte, il n'est pas habile, mais^ dans le
premier sens on ajoute qu'il a en outrede gravesdéfauts ;
dans le second sens, on n'ajoute rien, on se borne à
redire sous une forme plaisante qu'il n'est, pas habile,
que son habileté est moindre que tout.
Lorsque La Fontaine dit : « La fourmi n'est pas prê-
teuse, — C'est là son moindre défaut, » il veut évidem-
ment insister sur ce fait qu'elle n'est pas prêteuse, et
non pas indiquer qu'elle a en outre de graves défauts, ce
qui n'a aucun rapport avec la fable. On a donc le
deusième sens.
De même, lorsque Ergaste dit [École des Maris, I,
6;: (( Je coquette fort peu, c'est m.on moindre talent, »
il veut évidemment dire qu'il n'a pas le talent de
*' c'est son moindre défaut " 139
coqueter, et non pas qu'il a en outre de beaus talents,
ce qui n'a aucun rapport avec Tidée générale de la
tirade.
Supposons la proposition initiale affirmative :
« Les parlements sont curieus, c'est leur moindre dé-
faut. » Les sens a n'existent plus^ car il ne peut être
question de non-curiosité. Restent les sens b :
bl. Ils sont curieus, la curiosité est leur défaut le
[moins grave.
b2. Ils sont curieus, la curiosité est leur défaut le
[moins développé.
Ici, c'est le sens b 2 qui renferme une contradiction,
car on ne commence pas par affirmer que quelqu'un est
curieus pour ajouter aussitôt qu'il ne l'est presque pas,
à moins de marquer une opposition par mais.
DonCj sous cette réserve, après une proposition initiale
affirmative, « c'est son moindre défaut )) ne peut avoir
qu'un sens: il a d'autres défauts plus graves.
L. Clédat.
REMARQUES SUR L EMPLOI DE "NUL"
Nous avons :
1° Un adjectif qualiticatif, d'origine savante^ nul,
qui a conservé la valeur négative du latin iiullus sans
qu'on y joigne la négation: « un acte nul, un homme
nul. ))
2"" Un adjectif-pronom indéfini, d'origine populaire,
nul, qui, dès l'origine de la langue, s'emploie toujours
avec une négation de renforcement (on renforce de
même 7ii par ne,\ nul ne, ne. . .nul, sans nul (latin :
cum nuUo, sine ullo).
Les exemples où nul, à lui tout seul, a la valeur de
nullus sont tous suspects d'influence savante (exemples
cités par M. Bastin dans notre Revue, X, p. 215).
Syntaxe actuelle
L'indéfini nul tent k disparaître de la' langue cou-
rante^, où il est remplacé par personne (et quelque-
fois par aucun) comme pronom et par aucun comme
adjectif.
Déjà il a complètement disparu comme pronom ré-
gime (sauf cependant lorsqu'il est suivi de autre ou
d'un régime: « il Taime plus que nul autre, il n'a re-
connu nul de nous; o encore dirait-on plutôt aucun
dans les deus cas). On ne dirait pas comme dans
l'ancienne langue: il n'a parlé à nul {ou. nului), mais à
personne, ni : il n'a rencontré nul, etc.
REMARQUES SUR L EMPLOI DE NUL 141
Même comme sujet, l'emploi de nul pronom se
restreint de plus en plus, et sauf dans les locutions
nul autre, nul que (autre que), nul suivi d'un régime
(nul de), on ne l'emploie qu'avec la valeur de «personne
au monde » parce qu'il s'est maintenu surtout grâce
aus proverbes archaïques : nul ne le sait. On ne dirait
pas, en parlant des membres d'une réunion qui sont
en retard: nul n'est arrivé {vna^is personne n'est arrivé).
En outre, nul pronom a perdu le féminin (sauf dans
la locution nulle autre ou nulle suivi d'un régime
féminin). — Quant au pluriel, malgré l'exemple de La
Bruyère, il ne s'emploie plus : a Que nuls ne puissent
être arrêtés dans la lecture de Théophraste. »
L'adjectif indéfini nul est un peu moins atteint.
Cependant il commence aussi à ne plus guère s'em-
ployer comme régime, sauf après sans (sans nul regret,
sans nul doute), sauf aussi dans riul autre... nul. . .
que et dans des locutions verbales telles que ne faire
nulle attention à, n'avoir nulle envie de. . . nul besoin
de. . . nulle confiance en. Encore dans tous ces
exemples peut-on le remplacer par aucun. Mais on
ne dirait plus: « Il ne composa nul poème , il ne
cédera dans nul cas, » etc.
Nul adjectif ne s'emploie guère au pluriel malgré
l'exemple de La Fontaine: « Il n'a sans mes bienfaits
passé nulles journées. »
Emplois anciens
Dans la langue populaire, nul isolé de la négation a
pris jane valeur positive = quelque, quelqu'un.
Ce phénomène s'est produit dans les propositions
interrogatives (indépendantes ou dépendantes).
Dans ces propositions, Tidée fondamentale ne change
142 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇALSE
pas, que ron fasse porter le doute sur Texistence ou
la non-existence du fait ;
Pleut-il?
Ne pleut-il pas ?.
Je me demande s'il pleut.
Je me demande s'il ne pleut pas.
Toutefois, douter de la non-existence d'un fait,
c'est croire un peu que le fait existe. De là l'usage
d'employer la négation dans ces propositions quand la
réponse qu'on attent est affirmative (de même en latin
nonne), et vice versa:
Pleut-il? On attent plutôt la réponse non.
Ne pleut-il pas? On attent plutôt la réponse si.
Supposons maintenant une proposition interrogative
contenant nul ne: a A^'a-t-il nulle envie de venir? »
On attent la réponse si !
Pour poser la même question, en prévision de la
réponse non, on a été naturellement amené à suppri-
mer purement et simplement la négation ne, et à dire
(( A-t-il nulle envie de venir? » phrase où nul prent
la valeur de quelque, quelconque (Voyez les exemples
dans notre Revue, X, 217).
Cette valeur positive de nul, née dans les propositions
interrogatives, s'est introduite dans les propositions
hypothétiques. On disait au moyen âge :
« S'il a nulle (quelque) envie de venir, amenez-le.»
Lorsque ^^^a/ic/ signifie « toutes les fois que», la pro-
position est hypothétique; de là, au moyen âge :
« Quand il a nulle ( = quelque) envie de venir, il vient. »
Dans certaines phrases, nul paraît avoir la valeur
positive, mais en réalité il y a une négation sous-enten-
due :
REMARQUES SUR l'EMPLOI DE NUL " 143
(( Je l'estime plus que nul autre )) := plus que je
/^'estime nul autre. Cf. : plus q\ie pas un (=ne pas un).
C'est la négation dite expiétive, mais c'estla négation.
Et par extension : c autant que nul autre» (exemple
de Montaigne) V
L. C.
1. Nul (etil en est de même pour aucun ) peut se trouver dans
une subordonnée complétive et la négation dans la princii)ale :
A Dieu ne plaise que nul homme dise.
q\i aucun homme dise
qxxQ personne dise
ou Plaise à Dieu que nul ne, etc.
COMPTES RENDUS
Otto SoLTAu. — Blacatz, ein Dichter und Dichterfreund
der Provence, biographische Studie. — Berlin, Verlag
von E. Ebering, 1898, in-8", 64 pages.
Cette étude strictement biographique, et qui n'a pas d'autre
prétention, fait partie des Berlinev Beitrcige zur germa-
nischen und romanischen Philologie, publiés par le docteur
Emile Ebering, avec l'encouragement, je crois, du professeur
Tobler.
M. Soltau s'est proposé, dans ce travail, de rechercher
rétymologie du nom Blacatz % de faire l'histoire critique des
travaus antérieurs consacrés à son poète, d'étudier à nouveau
les sources historiques et d'écrire un essai de biographie
d'après les témoignages de ses contemporains.
C'est un travail consciencieus et qui a dû demander à son
auteur de longues et assez difficiles recherches, sans que le
résultat peut-être répondit à l'effort. Tout semble se réduire
au tableau généalogique de la page 34 et à ce fait, assez bien
démontré, que le troubadour Blacatz de Aups est né vers
1165, et qu'à partir de 1237 il n'est plus fait mention de lui.
Le troubadour a eu un fils qui mourut avant 1241. Par con-
séquent, il ne faut pas confondre notre Blacatz avec son père
et son grand-père. Voilà, il me semble, l'essentiel de cette
étude bien écrite et nettement composée.
Joseph BucHE.
1. De Lollis, dans une remarque du chant III, v. 51 de son édition
{ Vita e Poésie di Sordello di Goito, Halle, 1896), rattache ce nom h
•blancacius et tient Blancatz pour la forme primitive. Notre auteur,
plus justement, tient Blacatz pour la forme originale et la rattache à
Blaccasius de Ducange,«quercus junior», blacas de Mistral, « chêne
blanc », et rappelé que les armes des -Blacatz portent un chêne et
un lion (pp. 11-l.S).
COMPTES RENDUS 145
Charles Aubertin, — La Versification française et ses
nouveaus théoriciens : les règles classiques et les
libertés modernes. — Paris, Belin, 1898, iQ-12 de
328 p.
Le livre de M. Aubertin est, de l'aveu de son auteur, un
essai d'adaptation des principaus travaus publiés sur la versi-
fication française depuis vingt ans; plus exactement, c'est
un manuel à l'usage des étudiants en littérature et en
langue françaises, fondé principalement sur les ouvrages
de MM. Tobler, Beck de Fouquières, Guyau, SuUy-Pru-
dhomme, d'Eichthal, Combarieu, Souriau, ausquels il faut
ajouter Théodore de Banville. M. Aubertin a cherché dans
ces diverses publications « ce qu'elles contiennent d'excel-
lent», et, sans abdiquer jamais son « droit personnel d'exa-
men et de contrôle », il a voulu « compléter et renouveler,
en plus d'un point essentiel, l'ancienne poétique par une
doctrine moins surannée, moins fermée aus changements
nécessaires que le cours du temps amène ». L'idée était
excellente, et M. Aubertin l'a réalisée avec beaucoup de
savoir et d'agrément. Son manuel sera extrêmement utile,
par cela même qu'il est, en son fond, un résumé et une
adaptation très claire des travaus cités plus haut, qui sont
souvent peu accessibles au grand public.
Peut-être cependant pourra-t-on regretter que l'auteur se
soit borné à ces livres et en ait négligé d'autres, qui n'ont
pas moins d'importance : pour nous en .tenir à l'essentiel,
peut-être eût-il convenu de ne pas négliger, en fait de travaus
étrangers, le traité de versification française de Lubarsch
(1879), le plus complet qui existe actuellement sur la matière,
ni le chapitre si important de M. E. Stengel (dans le Grund-
riss der romanischen Philologie de Grœber, t. II, 1892)
sur la versification des langues romanes; et, en fait de tra-
vaus français, le remarquable traité de Clair Tisseur, Mo-
destes Observations sur l'art de versijler [1893), dont il a été
jadis parlé ici même. Tous ces travaus, et notamment le
R-EVUE DE PHILOLOGIE, XIII 10
146 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
dernier, ont renouvelé sur plus d'un point l'étude du vers
français \
M. Aubertin a divisé son livre en quatre parties : 1» les
origines; 2° la structure intérieure du vers français; 3*^ les
formes diverses du vers français; 4^ l'harmonie du vers et
les essais tentés pour en changer le caractère. L'exposé est
toujours net et nourri, et il y a fort à prendre dans tous ces
chapitres. Est-il cependant nécessaire de continuer à donner
une si grande place aus différents vers et surtout aus poèmes
à forme fixe : tous les traités consacrent des chapitres entiers
au « sonnet », à la a villanelle », à la « glose » ou au
(( pantoum ». Il semble que tout cela pourrait être réduit à
quelques notions essentielles, au grand profit des questions
plus importantes, comme celle du « rythme », trop souvent
écourtée, quand elle n'est pas entièrement passée sous silence
(et je m'empresse de dire, sur ce dernier point, que ce n'est
pas le cas de M. Aubertin).
Cette légère réserve n'est pas pour diminuer le mérite d'un
travail consciencieus et qui rendra d'excellents services.
Joseph Texte.
Gustaf Lené. — Les substantifs post-verbaus dans la
langue française. Thèse pour le doctorat. — Almqvist Se.
Wiksell. Upsala, 1899, 146 p.
On désigne par le terme de substantifs post-verbaus les
substantifs formés du radical verbal tout pur ou allongé d'un
e féminin. Les mots de cette catégorie ont déjà incidemment
attiré l'attention de plusieurs grammairiens : mais M. Lené
leur a consacré une étude spéciale très approfondie, et dont
les conclusions nous paraissent devoir être acceptées dans
leur ensemble. M. L. rejeté l'opinion de M. Meyer Liibke,
1. On trouvera une bibliographie déiaillée des questions relatives
à la versification française dans le chapitre de M. E Stengel cité
plus haut, et une bibliographie choisie dans un excellent article de
M. F. Bruaot {Reçue unLcei'sitaire du 15 mars 1892).
COMPTES RENDUS 147
qui voit dans les substantifs post-verbaus des dérivés formés
à l'aide de suffixes : cette explication déjà peu plausible pour
ceus de formation féminine en e, puisque tout suffixe français
doit porter l'accent tonique, l'est encore moins pour ceus de
formation masculine. Il n'admet pas non plus, avec Diez et
ceus qui l'ont suivi, qu'on ait affaire à des dérivés impropres,
c'est-à-dire à des formations sans altération de forme. Suivant
lui, la formation post- verbale est une dérivation propre, seu-
lement, c'est une sorte de dérivation progressive qui s'est
effectuée par l'influence de l'analogie. Le groupe chant —
chanter a dû amener celui de pleur << pleurer. C'est ce qu'il
appelé \3l formation proportionnelle, dont la formation post-
verbale n'est qu'un des côtés.
Dans le chapitre deusième, l'auteur étudie les post-ver-
baus en latin, où, d'ailleurs, cette formation est assez rare et
ne produit guère que des noms de personnes, comme scriba
<Cscribere. Pour expliquer le développement de la formation
proportionnelle en français, M. L. fait remarquer avec beau-
coup de justesse « qu'à une époque avancée de la langue
latine, certaines circonstances ont coïncidé pour créer des
groupes de verbes et de substantifs où existe la relation dont
il a été parlé plus haut )). Par exemple, le fréquentatif tent à
remplacer le verbe simple correspondant en perdant sa valeur
de fréquentatif : cantare se substitue à cancre. D'autre part,
à côté de cantare, on trouve un substantif cantus, exprimant
d'une façon abstraite l'action du verbe, et qui ne se laisse plus
rattacher qu'à cantare ; dès lors, la formule proportionnelle
était établie, et on put tirer computus de coniputare, qui était
dans le même rapport apparent que cantare avec cantus.
Le chapitre troisième représente une classification des post-
verbaus en français. M. L. en dresse une liste qui va de
l'apparition du français à la fin du XI^ siècle. Ils désignent
tous (sauf escolte), des nomina actionis. Ce n'est que plus
tard qu'on voit apparaître le groupe des nomina agentis. Dans
le premier groupe, l'auteur établit une subdivision : d'un
côté, on trouve des formations où le radical du verbe apparaît
148 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
tout net. tandis que clans d'autres un e féminin est venu se
joindre au radical. Il est vrai que dans beaucoup de cas cete
n'est qu'une voj^elle d'appui nécessitée par l'impossibilité où
était la langue d'isoler tout à fait le radical. Quant aus rai-
sons que la langue peut avoir eues de choisir tantôt l'une,
tantôt l'autre de ces formations, M. L. renonce à les découvrir.
Il constate seulement qu'ans premiers temps du français la
formation masculine prédominait, tandis que plus on avance,
plus la forme féminine se répant au détriment de l'autre, au
point d'être restée à peu près exclusivement vivante dans la
langue moderne.
M. L. combat l'opinion suivant laquelle les post-verbaus
seraient tirés du présent de l'indicatif, en faisant remarquer
que partout où le radical du présent ne se laisse pas expliquer
par le radical verbal général, mais en diffère d'une façon
essentielle, c'est ce dernier qu'on retrouve dans le nom post-
verbal. Donc, les post-verbaus se forment par la substantifi-
cation du radical de l'infinitif. Dans les cas où la voyelle
d'appui n'est pas exigée, la consonne finale du radical subit
alors les changements nécessités par sa position à la fin du
mot, ou devant Vs de flexion (relief < relever et la voyelle
tonique elle-même s'altère suivant les lois générales qui
régissent les toniques, sans qu'il faille conclure pour cela
que c'est le radical du présent qui entre dans la formation du
post-verbal.
La répartition des exemples de post-verbaus par conju-
gaison nous montre la prédominance, dans les premiers temps
surtout, de la première sur les autres. M. L. explique la
préférence donnée, surtout à partir du XIIP siècle, à la for-
mation féminine, par l'analogie des dérivés en aison et en
ance, ayant la même fonction, et aussi par ce fait que dans
la formation féminine la consonne finale est gardée intacte et
ne subit aucune altération phonétique : en d'autres termes, la
formation féminine présente le radical faible du verbe, et la
formation masculine le radical fort, qui tent à disparaître à
mesure qu'on s'éloigne des origines.
COMPTES RENDUS 149
Quant aus nomina agentis, ils ne connaissent que la for-
mation en e féminin, bien qu'ils désignent des êtres mascu-
lins. C'est dans les langues germaniques, où l'on trouve des
couples de mots tels que fipëha - spëhan correspondant à
espie — espier, que M. L. cherche l'explication de celte
particularité. Un dernier chapitre étudie les nomina instra-
menti, qui sont de formation assez récente, et appartiennent
à la terminologie technique: ex. : pince <C pincer M. L.
n'admet pas l'hypothèse qui verrait en eus uniquement des
impératifs, tout en reconnaissant « que la langue ne serait
pas venue à créer des post-verbaus avec ce sens spécial, s'il
n'y avait pas eu des composés avec l'impératif de ce même
sens (garde-robe) ».
Tels sont en bref les résultats ausquels aboutit la savante
et pénétrante analyse à laquelle M. L. a soumis le phéno-
mène de la formation des post-verbaus. La discussion des
principales questions qu'elle soulève nous a paru conduite
avec une méthode sûre et rigoureuse et appuyée sur une
étude approfondie du sujet. Si, en quelques détails, on peut
différer de vues avec M. L., si l'on peut parfois lui reprocher
une tendance visible à revendiquer comme post-verbaus des
mots douteus, par exemple désir ôté à désidérium, erre à
iter, envi à incitas, etc., en revanche, on a souvent à louer
l'ingéniosité de certaines explications, comme, par exemple,
celle du t de rempart < remparer, par la formation propor-
tionnelle part rempars, et dans l'ensemble les conclusions
pars X rempart
de son travail ne laissent guère de place à la critique. Je
n'aurais pas dit tout le bien que je pense de cette thèse si je
n'ajoutais qu'elle est écrite en un bon style. Cet éloge serait
de mince importance si l'auteur était un de nos compatriotes,
mais il n'est pas sans valeur, puisque M. L. est Suédois. Ce
n'est pas la première fois d'ailleurs que l'on a constaté avec
quelle aisance et quelle sûreté l'école de philologie Scandi-
nave manie la langue française.
G. S.
150 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Herman Anderssonn. — Altération et chute de l'r en
français.
Dans son dernier numéro, la Revue de Philologie annon-
çait la publication des Studier i modem sprakvetenskap . . .
Outre l'étude de M. Cari Wahlund dont nous avons rendu
compte antérieurement, ce volume contient « un article de
M. Hermann Anderssonn sur V Altération et la chute de Vr
en français, problème non moins ardu, disait-on, que celui du
suffixe ime, ième ». Le travail de M. Anderssonn mérite
mieus sans doute que cette brève mention, car il apporte
une solution nouvelle à l'une des questions les plus contro-
versées do la phonétique des consonnes françaises.
L'auteur reprent, pour la compléter et aussi pour la rec-
tifier sur certains points, une théorie déjà ébauchée dans \i\
Recueil de Mémoires philologiques présentés à M. Gaston
Paris par ses élèves suédois (Stockholm, 1889).
On sait qu'au XVV siècle, R intervocalique s'écrivait s ouxr
(notation d'un son qui tenait le milieu entre R et S, et qu'on
peut transcrire r-sr). M. H. A. pense que la même altération
a dû se produire à la fin des mots et précéder la chute de
R. C'est sur cette hypothèse que repose toute sa théorie.
Avant lui, diverses solutions ont été proposées, notamment
par M. S. Eurén, par M. Stork et M. Grober. Suivant
M. Grober, l'amuissement de R final dépendrait de la qua-
lité de la voyelle précédant l'/?. D'après M. Clédat (Cotais de
Phonétique) cette particularité semblait être réservée à VR
suivant Ve provenant d'un a tonique latin ; les exceptions
se bornent à des monosyllabes {cher, mer, clair, pair; amer
(deamârum), sous l'influence du féminin.
Toutes les théories critiquées par M. H. A. ont un point
commun : elles cherchent, nous dit-il, à expliquer le phéno-
mène sans le mettre en rapport avec le passage de r à rz .
Pour l'auteur, au contraire, il est nécessaire d'admettre ce
rapport entre la chute de r et le passage de r à rz.
COMPTES RENDUS 151
A. R final devient r^ devant voyelle et devant
, une pause.
1er stade \
B. Devant consonne il passe aussi à rz par ana-
logie.
/ A. Le rz final des mots particulièrement soumis
à l'action de la phonétique syntactique dis-
paraît.
2' stade .' B . Le rz final des mots qui se trouvent de pré-
férence devant la pause persiste dans le lan-
gage des gens cultivés; il tombe dans la
prononciation vulgaire.
En d'autres termes, dans la prononciation vulgaire, amuis-
sement et chute de V R final, pour tous les cas. Dans la pro-
nonciation des lettrés, R s'affaiblit ou tombe suivant les cas.
- Plus tard, R apparaît de nouveau, dans la prononciation
de certaines syllabes finales, par analogie, par réaction contre
la prononciation vulgaire, ou enfin grâce à l'influence de la
langue écrite.
Telle est, rapidement exposée, la théorie de M . H An-
derssonn. Nous regrettons qu'il n'ait pas jugé à propos de
traiter plus longuement l'historique de la question. C'est
volontairement, sans aucun doute, qu'il n'a pas fait de plus
nombreuses citations de nos grammairiens du XVIe siècle.
Évidemment les textes de Dubois, de Ramus, de Pillot, de
H. Estienne, relatifs à la prononciation dei?, sont bien connus
des érudits, comme aussi l^Biaufij dePastj ou le Mascurat,
mais peut-être convenait-il de les reproduire ici, pour la
commodité du chercheur .
On peut souhaiter que M. H. Anderssonn complète son
travail en examinant si des faits analogues à ceus qu'il nous
signale n'ont pas eu lieu dans tel autre domaine linguistique.
Les documents patois que nous possédons ne lui ont pas
permis d'ajouter à son étude un chapitre de phonétique
comparée ' .
1. En critiquant les hypothèses émises par M. Stork, M. Hermann
152 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
A mon avis, M. II. A. attribue une influence trop consi-
dérable à la phonétique syntactique. Il a pleinement raison
d'affirmer qu'on n'a pas le droit de déclarer fausse une expli-
cation par analogie, parce que le pourquoi de cette analogie
nous échappe ; surtout en ajoutant qu'une explication de cette
espèce a plus de chances d'être vraie si Ion peut donner une
raison plausible de l'influence analogique en question.
Or, dans beaucoup de cas, on pourrait expliquer, semble-
t-il, la chute de 7? final par des influences analogiques.
L'analogie des mots en ié, tels que pitié, moitié, n'a-t-elle pu
conduire à prononcer métiésiu lieu de métier? Ces confusions
de suffixes sont très fréquentes dans le langage populaire. Cf.
pUu'ier et singulier ;chetit,chetite (chetif) et petit, petite, etc.
De même pour les suffixes eiir et eus. Pour les verbes, il y
eut confusion de l'infinitif et du participe passé (cf. dîner et
dîné, etc.). Il serait intéressant de constater si pour d'autres
cas, l'amuissement et la chute de 1'/? ne se sont pas produits
tout d'abord devant la flexion du pluriel. C est une hypothèse
de plus que je soumès à la critique érudite de M . Anderssonn.
(Cf. dorsum = dos, et messieurs.) On expliquerait par là
le maintien de ïr dans les mots invariables par, car, ainsi
que dans certains mots abstraits.
Notons à ce propos, contrairement à ce que dit l'auteur,
écrit : « Si l'on veut à tout pris que l'R soit tombé devant une
consonne, on aura bien de la peine à se rendre compte de certains
faits. 11 serait bien difiBcile de comprendre pourquoi dans bon nombre
de patois, l'R a toujours persisté devant une consonne. » M. H. a
raison d'ajouter que cetie remarque ne saurait s'appliquer qu'au
francien et aus dialectes voisins. On sait en effet que, dans nombre
de patois, R est tombé devant une consonne. Le patois de Saini-
Germain-du-Bois (S.-et-L.), par exemple, dit : âbre (arbre) ; cône
(corne) ; bône (borne) ; côdJ'e (corde) ; sàcler (sarcler); âtyô (orteils),
péchi, véchi (percer, verser), etc., etc. R a aussi disparu dans des mots
comme lizé = lézard, rena = renard, etc., où il étaiiappuyé par une
consonne. En français R s'est maintenu dans certains mots jadis
terminés par une autre consonne : jour, enfer, hiver, cour, chair,
ver, etc. Le patois di^; cô, jo, etc.
COMPTES RENDUS 153
que hier et or sont loin de se trouver (( presque toujours »
devant la pause (ce qui pourrait expliquer, suivant M. Anders-
sonn, la persistance du son final). Pour or principalement,
la place devant la pause semble bien avoir été plutôt l'excep-
tion. Contestable aussi l'allégation suivante : « En français
moderne, l'eest long dans rert masculin, mais bref dans
rer^e féminin. » Enfin peut-on dire, en parlant de mots tels
que fer, cer, cour, tour, où Vr final était jadis suivi d'une
consonne, que ces mots, en viens français, avaient peut-être
la voyelle brève et la consonne longue (page 159)?
Ce sont là des critiques de détail. En somme, l'opuscule
de M. Anderssonn est une intéressante contribution à la
phonétique des consonnes françaises.
Aussi sommes-nous heureusde rendre un nouvel hommage,
dans la Reçue de Philologie, aus patientes recherches et au
labeur infatigable des érudits suédois.
J. Désormaux.
CHRONIQUE
L'idée de la réforme orthographique continue à faire de
notables progrès, grâce surtout à la vaillante campagne du
Réformiste. Le moment serait peut-être venu de faire une
nouvelle tentative auprès des pouvoirs publics. En 1891,
M. Buisson, alors directeur de l'enseignement primaire,
avait bien voulu accepter de présenter à l'approbation du
Ministre un arrêté interdisant de compter désormais dans les
examens un certain nombre de prétendues fautes, et il m'avait
chargé* de préparer le projet d'arrêté, en me recommandant
d'ailleurs la plus grande modération. J'ai publié ce projet en
1893 (Voyez notre Revue, VII, p. 153), sans indiquer qu'il
eût eu, à un certain moment, un caractère quasi officiel. Avec
l'autorisation de M Buisson, je le reproduis ci-dessous, sous
sa forme primitive, en supprimant seulement la plupart des
notes :
PROJET D'ARRÊTÉ
A partir de Tannée scolaire 1891-92, dans les exercices
scolaires et dans les examens et concours, il ne sera plus
compté de fautes d'orthographe pour les façons d'écrire
comprises dans le tableau ci-dessous :
I . — Mots composés
V On pourra écrire en un seul mot tous les mots composés
qui commencent par en^re et contre et ceus qui sont for-
més d'un verbe suivi d'un régime direct : entredeus comme
entremets, contrecoup comme contrefaçon, contrebalancer
comme contremander, portemonnaie comme porteman-
teau, etc. ;
2° On pourra omettre le trait d'union dans les mots com-
posés au milieu desquels se trouve une préposition et dans
ceus qui sont formés d'un substantif et d'un adjectif qui s'y
CHRONIQUE 155
rapporte : arc en ciel comme chemin de fer ^ plain chant
comme pleine lune, et aussi demi litre, etc.
II. — s pouriL
On pourra mettre un s à la place de x final non prononcé
ou prononcé s (ou prononcé comme s en liaison) : des caillons,
desjoyaus, les Hébreus^ jalons, je veiis^ la pais, etc.
m. — Formation et emploi du pluriel
1° On pourra mettre le signe du pluriel à la fin de tous les
mots d'origine étrangère : des allégros comme des solos, des
exéats comme des accessits, etc.
2^ On pourra mettre ou ne pas mettre d\s- au pluriel des
noms propres sans faire aucune distinction de sens.
3° On pourra donner le signe du pluriel à vingt et à cent,
même s'ils sont suivis d'un autre nombre: quatre-vingts-trois
comme quatre-vingts.
4° On pourra mettre les compléments au singulier ou au
pluriel toutes les fois qu'il y aura une double interprétation
possible : des habits d'homme ou hommes (pour un homme
ou comme en portent les hommes], de la gelée de groseille
ou de groseilles, etc.
IV. — Formation du féminin et accord de l'adjectif
1» On pourra ne pas redoubler Vn et le t dans la formation
du féminin ; écrire chute comme rate, paysane comme cour-
tisane, pâlote comme manchote, sujète comme discrète;
2° On pourra faire accorder les adjectifs demi, nu, feu, fort,
quelle que soit leur place, écrire (( demie lieue » comme
« une lieue et demie », nus pieds comme pieds nus, feue la
reine comme la feue reine, « elle se ia.it forte » comme « elle
se fait belle ».
De même, l'adverbe tout, devant un adjectif singulier,
pourra s'accorder aussi bien quand l'adjectif commence par
1:56 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
une voyelle que lorsqu'il commence par une consonne : toute
entière comme toute pleine.
V. — Verbes
V On pourra écrire par é, au futur et au conditionnel, les
verbes qui ont déjà cet è au singulier de l'indicatif présent :
je protégerai commère te protège;
2° On pourra ne jamais redoubler 1'/ et le t dans les verbes
en ^' eler » et en « eter » : fappèle, je cacheté^ au lieu de
« j'appelle, je cachette' » ;
3° On pourra supprimer les consonnes non prononcées
devant l's et le t des terminaisons verbales : ./'m/erron«*,
il interrônt, coxwme, je dors (et non /e dornis), il dort (et non
il dorrnt), etc.;
4" On pourra substituer t à d final à la troisième personne
du singulier : il coût., ilprent, comme il absout, il peint;
5" On pourra faire ou ne pas faire l'accord du participe:
a) pour les verbes coûter et t^a/oiV, quelle que soit leur accep-
tion; b lorsque le pronom direct est le pronom en, et
c) lorsque le participe est suivi d'un infinitif sans préposition :
je les ai ru ou eus venir.
VI. — Mois divers
On pourra écrire rint au lieu de ri7igt\ set au lieu de
sept^j pois au lieu de poids-', forsené^, morseau' , con-
1. Au mot appeler, Liitré dit: c Dans ce verbe l'Académie exprime
par eil le passage d'e muet à e ouveit; ailleurs elle rend ce passage
TpdiT èle comme dans /e gèle; il serait bien utile d'adopter pour tous les
cas une orthographe uniforme. »
2. Ainsi écrit Bossuet.
3. Vint, bien qu'il vienne de ciginti, ne doit pas plus avoir de g
que trente =^ triginta.
4. On n'écrit pas il .««///^malgré le latin saplt).
5. Pois se rattache au verbe peser, qui n'a pas de c/, et non au
latin pondus.
6- Forsené veut dire « hors de sens ».
7. Mo r seau est de la famille de- mo/\sw/"e. .
CHRONIQUE 157
treindi'e\ décillej'-, douter, pront\ sculter, balème eibaii-
ser, doit au lieu de doigt^, assoir et sursoir, douçdtre,
vermiceaw ,
Ce projet avait été imprimé par les soins de M. Buisson ,
il était prêt à être soumis au Conseil supérieur de l'Instruc-
tion publique, lorsqu'on dut y renoncer, parcequeM. Michel
Bréal, dont l'appui était indispensable au sein du Conseil,
ne se montra pas disposé à le soutenir. Il trouvait que la
questionne pouvait être résolue par le seul Ministèrede l'Ins-
truction publique, attendu qu'il y'avait des dictées dans des
examens dépendant d'autres Ministères. Quoi qu'il en soit,
le projet fut retiré, et c'est alors que M. le Ministre Léon
Bourgeois fit sa circulaire, qui eut un grand retentissement,
mais qui ne put produire les mêmes effets qu'un arrêté.
Je demande à nos amis les réformistes s'il n'y aurait pas
lieu de faire actuellement une démarche auprès du Ministre
pour obtenir enfin un arrêté impératif. Tant que les Commis-
sions d'examen pourront refuser les candidats pour de pré-
tendues fautes d'orthographe, la réforme ne pénétrera pas
dans l'école.
L. Clédat.
1. ContreLndre est de la famille d'étreindre.
2. Déciller se rattache à cil.
3. Les graphies dompter ai prompt iQnàQui à corrompre la boune
proQonciatioii française de ces mots.
4. Doit (de digitum) u'a pas plus droit au^ q\iQ froid (de frigidum)
5. Vermiceau est de la même famille que oermicelle.
PUBLICATIONS ADRESSÉES A LA u REVUE DE PHILOLOGIE »
Tous les ouvrages adressés à la Direction de la « Revue »
sont mentionnés Ceus qui sont envoyés en double exem-
plaire font l'objet d'un compte rendu.
Hatzfeld, Darmesteter et Thomas. — Dictionnaire
général de la Langue française Paris, Delagrave). — Le
fascicule 25, qui vient de paraître, va du mot regarnir au mot
rugueus. Nous avons dit plus d une fois le bien que nous
pensons de cette importante publication, qui sera bientôt
achevée, ^et qui rendra les plus grands services, particuliè-
rement en ce qui touche le classement logique des sens des
mots et leur étymologie rigoureusement scientifique.
Th. ScHÔNiNGH. — Die Stellung des attributiven Adjektivs
im Franzôsischen (7® fascicule des Neuphilologische Studien
de G. Korting, Paderborn, Schôningh, 1899,64 p. in-S^). —
Importante contribution à l'étude d'une question très déli-
cate que nous nous proposons d'aborder, de notre côté, dans
un des prochains fascicules de la Revue. Il y a lieu de faire
entrer en ligne de compte l'article de Svedelius, dans les
Mélanges de philologie romane dédiés à Cari Wahlund.
Alfred Westholm. — Étude historique sur la construction
du type « Li fih le rei » en français (Vesteras, imprimerie
Bergh, 53 p. in-4''). — M. Westholm établit que, dans
la construction indiquée, le cas régime est originairement
un datif, et il étudie avec soin les traces de l'ancienne cons-
truction dans le langage moderne ; mais plusieurs des cons-
tructions actuelles paraissent indépendantes du datif possessif
primitif.
Georges Gourdon. — La Chanson du roi Sighebert (Tulle,
imprimerie Mazeyrie, 1899, 34 p.). — Poème très inté-
ressant, très dramatique, et d'un sentiment bien archaïque.
M. Gourdon résume ainsi, à la fin de sa préface, l'idée mai-
PUBLICATIONS ADRESSÉES 159
tresse de son œuvre : « Je n'entends pas contester les Niehe-
lungen à l'Allemagne, mais je revendique pour la France la
meilleure part de la légende, le noyau central de l'épopée, et
en faisant de Sighebert le héros du poème qu'on va lire, j'ai
simplement repris ce qui nous appartient. Quels que soient
les défauts de la Clianson du roi Sighebert et sa destinée,
j'espère que mes compatriotes me tiendront tout au moins
compte du sentiment qui l'inspira. »
Adolphe Krafft. — Les Carlovingiennes (Paris, Leroux,
1899, deus brochures de xr-59 p. et de viii-35 p.). — La
première de ces brochures contient la Passion de Jésus-
Christ, et la seconde la Vie de saint Léger et la Cantilène
de sainte Eulalie, textes romans, origines latines et traduc-
tions.
Adolf ToBLER. — Die Légende corn Jieiligen Julianus in
altfranzosischen Versen (Braunschweig, Druck von George
Westermann, 1899, 72 p. in-S^. Extrait de VArchiv fiir
des Studium der neueren Sprachen). — Texte accompagné
de savantes remarques.
Gustav Hapke. — Kritische Beitràge zu Jaques Milets
dramatischer Jstoire de la Destruction de Troye-la-Grant
(Marburg, Elvert, 1899, 140 p. in-8«). — Cette publication
fait partie des Ausgaben und Abhandlungen de Stengel.
Louis Clément. — Henri Estienneet son œuvre française
(Paris, Picard, 1899, x-540 p. gr. in-8°). — C'est la plus
importante publication de cet ordre qui ait paru depuis la
magistrale étude de notre collaborateur, M. Brunot, sur la
Doctrine de Malherbe. Nous l'annonçons ici avec l'espoir
d'en donner ultérieurement un compte rendu détaillé et avec
la certitude d'en tirer profit pour nos études de grammaire
historique. L'ouvrage est dédié à M. Gaston Paris.
M. Obert. — Traduction de la Syntaxe française du
XVII^ siècle par A. Haase, avec une préface de Petit de
Julleville (Paris, Picard, 1898, xviii-469 p.). — M. Obert
160 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
a rendu un grand service à ceus qui ne lisent pas couram-
ment l'allemand en traduisant le commentaire de Haase,
et un service non moins grand à tous les philologues en
ajoutant la référence à toutes les citations. Nous aurons
souvent l'occasion d'utiliser ce livre dans nos études de
syntaxe. Il arrive que les exemples sont inexactement inter-
prétés; ainsi on n'a jamais dit « diminuer quelqu'un de
quelque chose », et l'exemple de Malherbe (p. 281): ^ Ce
seroit me diminuer de la bonne opinion que vous me voulez
donner de vous » doit s'interpréter par « Ce serait diminuer
à jnoi, m'enlever une partie » , mais M. ilaase n'a pas voulu
établir une syntaxe définitive de la langue du XVII*^ siècle,
le mérite est assez grand d'en avoir réuni les matériaus et
préparé la construction.
Karl VoLLMOLLEEi. — Erstes Beihejt za Ueberplan and
EiiLi'icliLung des Romanischen Jahreaberichtes (Erlangen,
Junge, 1898,88 p. in-8).
Neuphilologische Ahhandlungen aus Jahresberichten oes-
terreichischer Gymnasien und Realschulen (Vienne, 1898).
Nous relevons dans ce volume les articles suivants: Eduard
Hrkal, Die Mundart von Claircaux (d'après le Glossaire
du patois de la forêt de Clairoaux, par A. Beaudouin);
August Nemecek, Die franzôsische Conjugation als An-
schauungs-Unterrichtsmittel.
Ausgahen und Ahhandlungen... von E. Stengel, XC VII
et XC VIII (M3iTburg, Elwert, 1899j : Vergleichende Unter-
suchung ilber die Jùngeren Bearbeitungen der Chanson de
Girart de Viane, par G. Lichtenstein ; et Der Stropfienaus-
gang in seinem Verhdltnis zum Refrain und Strophengrund-
stock in der refrainhaltigen altfranzôsischen Lgrik, par
Fritz Noak.
Le Gérant : V^^ Emile Bouillon.
IMP. tHA.NCAISE KT OKIL.NTALE L. MAKCEAU, t. BERTRAND SUC.
LES
PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE'
LES PRONOMS DR LA l*"" ET DE LA 2^ PERSONNE
DU PLURIEL
On ne peut séparer le pron. de la f^ pers. de celui
delà 2^ : nos et vos ont en général subi le même trai-
tement. De plus, les formes du sujet et celles du régime
sont le plus souvent identiques. Toutefois, je ou on
s'est assez souvent substitué à nos sujet. A^ de nos se
maintient toujours dans notre région; mais v de vos
disparaît quelquefois. La sifflante finale des deus
pronoms peut tomber complètement ou se conserver
devant voyelle avec des nuances diverses. Quant à la
voyelle, elle reste o ou se développe en ou, eu, we, e,
rarement en u, en é ou è; plus rarement encore, elle se
nasalise.
Nous avons réuni dans le tableau suivant toutes les
formes que nous avons rencontrées dans notre région,
en les rangeant dans chaque département par ordre
d'importance géographique. Les formes de on ou de
je qui se substituent à nos sont indiquées entre paren-
thèses; la sifflante de liaison est aussi indiquée entre
parenthèses au cas sujet.
1. Voir notre /?<:'r?/^'. t. XII, p. 1, note 1, et t. XIII, p. 1-41.
REVUE bE PHILOLOGIE, XIII \\
162
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ain
V PERSONNE
Sujet
Alpes H^'^'
Ardèche .
Belfort. .
DOUBS. . . .
Drôme . . .
Isère . . .
Jura .
Loire
Loire H^^
n6(z), nô(z^, nou'z, ji, (ou), ne
(z), neu (z), (ze), no (nez dev.
ror/.), ne (noz dev. voij.).
non trad.. nou(z), nou(z -\-
^autres) .
nou(z, jj -f- (autres), non trad.
né, n6(z), neu^z), nou(z).
n6(zi, nô(z), nou(z), nou, ne(n
dev. r.), (i).
non trad.. nou(z -|- (autres),
nou(z).
n6(z, j), nô(z, j). ne (n dev.
voy.). nou(z, j), iie(z), non
trad., nouz -j- (autres), neu
(z', ne, no, ne noz dev.
voy.), né (no dev. voy.), né
(n dev. voy.), no (n dev.
voy.), nou (nez dev. voy.;,
(a), noun.
ii6 z), nôiz), (on), (i), no, nou.
n6(z"i, n6(z , ne (n dev. voy.),
fje), ne(z , non trad., nou z),
ne (nouz dev. voy.), no n
dev. voy.), nè(z), ou, 6(1).
nou(z) + i'J'Utres), nuz -f" (au-
tres),nou-^{autre) , non trad.
Régime
nô, nô, nou, ne,
neu.
nou, nous.
nou, now.
no, neu, nou.
nou, no.
nou, now, nous,
noy,nouy,nwéy.
no, nô, nou, ne,
nez, né, nojn.
no, nou.
no, nou, né, nu,
ne, noun.
Rhône . . . nô(z), nô(z), neu(z),ne(z), (tse,
dze, je , no (ne dev. voy.).
nou, nous, neu,
ney, nés, neus.
no, neu, ne, nou.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE
163
Saône H^^
Saône-et-
LOIRE. .
Savoie. . .
Savoie H^e
Vosges. . .
(i), nou(z), nwe(z), neu,
neu(z;, no(z).
(je, i, dze), n6(z), nô(z), nou(z),
ne(z),no, (on).
no z. y), nô(z), ne z), (on), no;
(nez dev. voy.^, ne (n dev.
voy.), nze.
no'z), nô(z), (on), ne(z).
(je, dje, djé), no(z), nou(z).
nou,no, nwe, neu,
non.
nou, no, nze.
no, ne. nze
no.
no, nou.
2' PERSONiNE
Sujet
Ain
Alpes M'^^
Ardèche .
Belfort .
DOUBS . . .
Drôme . . .
Isère . . . .
Jura.. . .
Loire. . .
Loire Hte
v6(z), vô(z), vou(z, j), veu'z),
ve(z), vwe(z), ou(z).
non irad. , vou(z), vou(z) -|-
(autres), ou.
vou(z, j),-j- (autres), nontrad.,
vou(z).
v6, v6(z), veu(z), vou(z\ ou(z).
vou(z), vo(z:, ou(z), o(z), vou.
non trad., vou(Z;, vou(z] +
(autres), ou.
v6(z, j), vô(z, j), vou(z, j^
ve(z), ou (z), v\ve)z), vo, o(z),
veu(z;, ve, vouz -\- (autres).
v6(z\ vô(z), vou(z). o(z).
v6(z)j vô(z), vou(z), ou, 0, non
trad., veu(z), eu(zj, vwe(z).
vou(z, j) -f- (autres), vou -f
(autres), vou(z).
Régime
v6, vô, vou, veu,
ve, vwe.
vou, vous, vouy,
vwèv.
vou.
vo, veu, vou.
vou, vo, ou, 0.
vou, voy, vouy,
vwèy, vous.
vo, vou, vwe, ve,
veu.
vo, vou.
vo, vou^ cew, vwe.
vou, vous, vouy,
ves.
164
REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Rhône . . . vô z), vô z\ veu(z), ve(z), ve.
Saône 11*^ vou(z, vo(z), ou(z\ veu(z),
vwe(z), o, ou. VO.
Saône- ET-
LoiRE..
Savoie. . .
Savoie 11'^
Vosges.. .
vou(z), vô(z), vô(z). ou(z), ve
(z), ojz), vo. vou, vou(vdev.
voy.).
vôi^z), vô(z), ve(zi, v\vo(z), vo
(vz dev. voy.).
v6(z), vô'z^, o(z), ve(z).
vô z), vô(z\ o(z), ve v. dev.
voy.), 0, vou zj, \ \ve, ve^z .i
vo, veu, ve, vou.
vou, vo, veu, vwe.
vou, vo, vo. vzo.
vo, ve. vwe.
vo, ve.
vo, vou, ve.
SUBSTITUTION DE je A nOUS SUJET
L'emploi de je au lieu de nous avec la 1'"'' personne
du pluriel est fréquent dans tous les parlers du Nord
de la France, sauf en picard \
On le retrouve dans notre région d'une part au nord
et au nord-ouest, sur la frontière as.sez indécise qui
.sépare les patois français des patois franco-provençaus,
d'autre part au centre même, entre Lyon, Trévoux et
Saint-Élienne.
Le premier domaine de je = nous, beaucoup plus
étendu que le second, comprent les dép. des Vo.^ges
et de la Haute-Saône, les trois arrondissements d'Au-
tun, deChalon et de Louliaus, disposés parallèlement
de l'Ouest à l'Est.
Je= nous dans les Vosges sur toute Tétendue de
1. Voir Meyer-Lubke, Gi-am. cirs L. rom., trad. fr.,II, p.l09-
110.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 165
Tarr. deNeufchâteau\; au nord de l'arr. de Mirecourt,
dans les c. de Charmes et de Dompaire et àRemicourt,
dans le c. de Mirecourt; dans l'arr. d'Épinal, à Moye-
mont et à Roville (c. de Rambervillers), dans les c. de
Bruyère, d'Épinal (en particulier à Saint-Laurent), de
Xertigny (en particulier à Uriménil), et à Gruey (c.
de Bains); je = nous ne semble inconnu que dans
l'arr. de Châtel. Je, dje ou Je s'est partout substitué à
nous dans l'arr. de Saint-Dié'; dans l'arr. de Remire-
mont, je =:= nous seulement au nord à Tendon (c. de
Remiremont)et au sud-ouest, dans le c. de Plombières:
Vagney (c. de Remiremont), où Je et nous coexistent,
semble être sur la limite <à l'est. En résumé, on peut
dire que, sauf au sud-est, Je =^ nous partout dans les
Vosges'.
Dans la Haute-Saône, le domaine de Je =^ nous ne
comprent qu'une faible partie de l'arr. de Lure, avec
Bouligney (c. de Vauvillers) et Villers-les Luxeuil (c.
de Saulx ' ; Baudoncourt et Citers, où l'on trouve à la
fois nous etje\ semblent être sur la limite à l'est. En
revanche, il s'ëtent sur le territoire tout entier des arr.
de Vesoul et de Gray, au centre et à l'ouest du dépar-
tement% il faut excepter Buthiers (c. de Rioz), au sud
de l'arr. de Vesoul, Géziers (c. de Gy) et Apremont
(c. de Gray), au sud de l'arr. de Gray. A Bonboillon
(c. de Marnay), on nous signale la forme curieuse
il/an = nous{ii/an kôsa= nous parlons, iyan èma =
1. Voir les noms dans notre Hccac, t. XII, p. 36.
2. Voir les noms dans notre Rrruo, t. XIII, p. 17, 18 et 24.
.3. Cf. Adam, Pat. lorr.^ qui confirme nos renseignements.
4. P. Passy, Notes sur quelques patois comtois, in Rer. de
Phil. fv., t. X, p. 172 sqq.
.5. Voir les noms dans notre Reçue, t. XII, p. 32 et 36.
166 REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
nous aimons), où l'on est tenté de voir une combinai-
son de i \^iy dev. voyelle) —je et de an, on = nous;
on z= nous est inconnu dans cette région, mais fréquent
dans le dép. du Jura qui touche à Tarr. de Gray.
Je = nous dans le Doubs seulement, à l'ouest, à
Ruffey (c. d'Audeux. arr. de Besançon), tout près de
l'arr. de Gray. Dans le Jura, on ne le trouve qu'au
noi'd-ouest du dép., à Ofllanges (c. de Montmirey) et à
Tavaux (c. de Chemin), dans l'arr. de Dôle, mais no à
Foulnay et à la Loye, un peu plus au sud; dans le
reste du dép. domine on = no^ .
Je = nous au nord de la Saône-et-Loire, dans tout
l'arr. de Louhans', sauf à Vérissey à et Savigny qui
touchent à la partie du Jura où je = nous est inconnu;
dans tout l'arr. de Chalon '. sauf à Sevrey, près de
Chalon. où nous est dû sans doute à l'influence du
français, et à Saint-Eusèbe (c. du Mont-Saint-Vin-
cent) au sud-ouest; tout près de l'arr. de Charollesoù
je — nous est rare et d'une partie de l'arr. d'Autun où
il est inconnu; dans tout l'arr. d'Autun*, sauf au sud,
à Charbonnet-sur-Arroux (c. de Mesvres) et à Saint-
Bérain (c de Montcenis) ; â Dezize (c. de Couches-les-
Mines), on emploie / devant consonne, no^ devant
vovelle : / ko^on, nôz eumon. Au domaine de /V =
nous qui s'étent sur les trois arrondissements du nord
1. Monnier n'indique que nos dans les quelques remarques
grammaticales qui précèdent son Vocab. delà larujuc populairr
fin Jura {Mèin. des Ant . de Fr., V, 257), mais dans le tableau
des conjugaisons (p. 258), il donne tantôt no ou d:;e, tantôt no
seul ou rf^e seul. On retrouve d:;e = nous à côté de no dans la
chanson en patois de Domblans citée p. 26.3.
2. Voir les noms dans notre Renie, t. XIII, p 20.
3. Voiries noms dans notre /?r'rM<'. t. XIII, p. 20.
4. Voir les noms dans noire Reçue, t. XII, p. 38.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 167
de la Saône-et-Loire, il faut ajouter quelques com-
munes au nord des arr. de CliaroUes et de Mâcon :
Bourbon-Lancy, Neuvy-Grandchamp (c. de Gueugnon),
Toulon-sur-Arrou\ où /^ow etye coexistent, Collonges
et Joncy (c. de la Guiche), dans l'arr. de Charolles;
Malay (c. de Saint-Gengoux), Clessé (c. de Lugny) et
Saint-Martin-de-Sénozan(c. de Mâcon N.j, dansTarr.
de Mâcon .
Le second domaine deye = nous, plus restreint que
le premier, occupe le sud-ouest du dép. de la Loire
avec Firminy (c. du Chambon), la Fouillouse (c. de
Saint-Héand), dans l'arr. de Saint-Étienne ; Viricelles
(c. de Saint-Galmier), dans l'arr. de Montbrison: le
sud du dép. du Rhône avec Grézieu-le-Marché (c. de
Saint-Sympliorien^) ; Saint-Symphorien-sur-Coise^ les
Chères (c. de Limonest), Saint-Vérand (c. du Bois-
d'Oingt); le sud-ouest du dép. de TAin avec Reyrieux
(c de Trévoux').
1. Cf. Bruyère, Notes st(r Ir patois de Grà^icu, in Rfr. fin
Phil. f'r., VII, 284.
2. Daprès N. du Puitspelu, Un Conte en patois Ij/onnaîs, dans
notre Rer. des Patois, I. 107 sqq. — L'emploi de Je = nous ne
semble pas très ancien dans le Lyonnais; il apparaît, en 1627, peut-
être pour la première fois, dans ï Entrée de Baeehus: je lacon.je
fan,Jefreton à côté de nous an, Rer. Lyon., VIII, 672; il est in-
connu à la Bernarda Binjandiri (1658) et à la Ville de Lijon on
revs burlesques (1683): maison le trouve en 1776 dans une chanson
de Révérony : ^e prenian, ^iran, Rec . du Li/on.. 5* série, t. I,
p. 298 et 299, et dans une autre chanson du même auteur, datée
de 1784 : j'apercecons, Je reian, Rec. Lyon., VU, 5.56; enfin on
lit dans \e Dialogue entre deux habitants duMonf-d'Or{Rer.
du Lyon., 5* série, I, p. 299 sqq.): Jt? no disiau, ze carran, ^e
trorian. etc. — X. du Puitspelu, à l'article Pronoms personnels
de son Diet. etyni. du patois lyon. (p. ex), ne parle pas de cet
emploi, mais dans le tableau des conjugaisons, il donne partout
Je = nous sujet.
3. D'après les Chansons et Lettres patoises de Le Duc. d^e =
168 RKVLE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
A (= je) au lieu de nous sujet semble isolé à
Méaudre (c. du Villard-de-Lans, arr. de Grenoble),
dans l'Isère.
11
SUBSTITUTION DE On A nOUS SUJET
On [o nasal dev. cons., o nasal + /i dev. voy.), prent
aussi quelquefois la place de nous sujet ; mais la substi-
tution de onk nous n'est pas absolument de même ordre
que celle de je à nous. Je ~ nous est suivi de la
l""^ pers. du plur. : le type latin nos cantamus a été
remplacé non pas par ego canto, mais par ego canta-
mus. On comprent fort bien que, dans le cas où la
désinence verbale suffisait à assurer la distinction du
nombre, les pronoms ego et fios aient perdu une partie
de leur valeur propre, et que, servant à marquer non
plus le nombre et la personne, mais seulement la per-
sonne, ils aient pu s'employer Tun pour l'autre'. Au
contî'aire, on =^ nous est suivi, dans notre région du
moins', de la 3'' pers. du sing. : homo catitat a pris la
nous aurait pénétré jusqu'à Villars-les-Dombes et à Boulignieu^
où d'ailleurs on eui ploie aussi no. i
1. A cette raison purement grammaticale.il faut ajouter, semble-
t-il, une raison psychologique : le sujet qui parle d'une action
qu'il accomplit de concert avec d'autres personnes (nous = moi
+ d'autres) a une tendance naturelle à séparer sa personnalité de
celle de ses collaborateurs pour la mettre en relief : il dira plus
volontiers yV» que nous. Il n'en est pas de même pour la 2' per-
sonne, et c'est ce qui explique que ta n'ait pas pris la place de
rous, comme je celle de nous.
2. On sait que dans d'autres partiesde la France, en Picardie et
en Normandie, nos et co.s sont remplacés par o(.r), suivi de la
l"ou de la 2" pers. du pluriel; mais l'origine de o{^) est douteuse.
Cf. l'article de M. Gilliéron. dans les Mrlanf/rs Renier, p. 285-
299.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 169
place de nos cantamus; il ne s'agit plus d'une simple
substitution de préfixe pronominal ; mais, à une forme
de langage où celui qui parle affirme nettement sa
part de collaboration à l'action commune, on a pré-
féré une façon de parler beaucoup plus vague où la
personnalité du sujet s'évanouit et disparaît dans la
pluralité\
On = nous au sud du Jura et dans quelques com-
munes de l'Ain et des deus Savoies'.
On nous signale on = nous dans le Jura, à Chille et
à Blye (c de Conliège), et à Bornay (c. de Lons-le-
Saunier , dans l'arr. de Lons-le-Saunier ; à Longchau-
mois (c. de Morez) et à Saint-Laurent-Grand vaux, où
no et on coexistent\ dans l'arr. de Saint-Claude. —
Dans l'Ain, on emploie onk Divonne, no et on à Gex,
dans l'arr. de Gex; on à Bouvent (c. d'Oyonnax), au
nord de l'arr. de Nantua; on à Péronnas (c. de Bourg),
on et no à Treffort, dans l'arr. de Bourg; on k Illiat
(c. de Thoissey), et à Vonnas (c. de Chàtillon-sur-
Chalaronne), on et no à Neuville-les-Dames (c. de
Chàtillon), au nord de l'arr. de Trévoux. — Dans la
Haute-Savoie, on =^ nous à Boëge, dans l'arr. de
Tlionon, à Pers-Jussy (c. de Reignier), et à Andilly
(c. de Cruseilles), dans l'arr. de Saint-Julien : un peu
1. En français, dans le langage delà conversation, on équivaut
quelquefois à^ je, nous, cous, tu, il, elle. Voir l'art, on du. Dict.
Davniesteter et Hat^feld. Il serait intéressant de rechercher dans
chaque cas, la raison de la substitution de on à un autre pronom.
2. Pour la forme ij/an = nous qui est signalée à Bonboillon
(c. de iVJarnay^ arr. de Gray)^.dans la Haute-Saône, voir plus
haut, page 165.
3. Un de nos correspondants, de Saint-Laurent déclare que
no + 1" pers. plur. est moins usité que on -f 3' pers. sing. ;
un second ne donne que no.
170 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
plus au sud, on et no coexistent à Desingy (c. de
Frangy'). — A Doussard (c. de Faverges, arr. d'An-
necy), on emploie, en général, on, quelquefois no:;
devant voyelle, d'après notre correspondant : no^ en
= nous Qi'o/is. — Enfin dans la Savoie, on trouve à la
fois no et on à Saint-Girod (c. d'Albens) et ne et on à
Planaise (c. de Montmélian), au nord et au sud de
l'arr. de Chambéry ; maiso/i est plus fréquent.
111
ou(z), o(z) = vous
La disparition du v de vous a été signalée déjà sur
quelques points du territoire français*. Elle se produit
dans notre région au nord et à Touest, là où je prent
la place de nous, et aussi au sud, sur les frontières du
domaine provençal, c'est-à-dire à l'ouest et au sud de
la Loire, et au sud de l'Isère. Il est nécessaire de dis-
tinguer plusieurs cas, suivant que la disparition du v
est constante ou se produit seulement dans certaines
conditions.
1"* Le V de vous est partout supprimé, au sujet et au
régime
C'est le cas le plus rare, il ne nous est signalé qu'aus
Fourgs (c. et arr. de Pontarlier, Doubs;, où l'on dit :
1. On est plus fréquent que no d'après un de nos correspon-
dants; un second ne donne que on.
2. Cf. D. Behrens, F/v. ous, os (statt tous), in Zcitsrh. f.
rom. P/iiL, t. XIII (1889), p. 408-410, qui donne une explication
du phénomène un peu différente de celle que M. Tobler avait
proposée pour l'ancien franr^ais ( Vrr/n Bfitrf'h/r, p. 212 sqq.).
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 17 1
SUJET
OU (ou ô) paie = vous parlez
ouz (ou ôz) anmè^^ vous aimez
sa ko (ou Ixou) di/étè = ce que vous dites
ko l'été kru = que vous l'avez cru
ko vel-'i ou ^^ que voulez -vous f
kataié ou = qu' attendez-vous ?
Cf. Tissot^ Patois des Fourgs, p. 49.
RÉGIME
i ou pale ou Vo pale = il vous parle
tou sa ke lo due = tout ce qu'il vous dit
i ou lou rokonte^^il vous le raconte
2° V disparaît au sujet, mais persiste au régime
C'est ainsi que ou {z) ^= vous sujet à Baulay (c.
d'Amance, arr. de Vesoul), dans la Haute-Saône :
toutefois vous persiste après le verbe dans les phrases
interrogatives. A Bonboillon c. de Marnay, arr. de
Gray) ou{z) et vouiz) coexistent. Il en est de même
dans le c. de Belfort, où oJi(z) semble pourtant seul
employé après que conjonction. — Dans la Saône-et-
Loire, on ne connaît que o{z) à Sagy (c. de Beaure-
paire, arr. de Loulians), ou{z) à Malay (c. de Saint-
Gengoux, arr. deAIàcon'). — Dans la Loire, oaetfoa
coexistent à Saint-Kirand c. de Saint-Haon, ni-r. de
Roanne); à la Fouillouse (c. de Saint-Héand, arr. de
1. A Malay, notre correspondant traduit que voule^-rous par
koulè-ro, où Ton constate une disparition semblable de t* initial
en syllabe atone après que.
172 REVUE DE PHILOLOGIE FHANÇAISE
Saint-Étienne),on emploie vou après le verbe dans les
phrases interrogatives.o partout ailleurs, sans lettre de
liaison devant vovelle; c'est l'absence de lettre de
liaison qui distingue ô — vous de ô{l)— il. Un peu plus
au sud, à Bourg-Argental. la confusion est complète:
6{l) joue le rôle de pronom de la l'"^ et de la 3^ pers.
sing., delà l"^ et de la 2® pers. plur. ; vou n'a persisté
qu'au cas régime et après le verbe au cas sujet dans
les phrases interrogatives. De même àChambles (c. de
Saint-Rambert, arr. de Montbrison), ou sert pour
toutes les personnes, sans qu'on puisse dire si cette
foriuQ est issue de ego, de vos ou de Ule^ — Dans
l'Isère, V disparaît au sujet, avant et après le verbe,
dans rOisans, au sud-est de i'arr. de Grenoble; on dit
om(^) à la Garde et à Villard-Reculas. o(z) avant le
verbe, ous ou ou après le verbe à Auris et au Freney :
ke vouréous, kaièndéous (Auris) ; ke vouraou et katèn-
daou (le Frëney). A Livet-et-Gavet, un peu plus à
l'ouest, ou n'est employé qu'après le verbe: ke voub'aou,
katènd'-^aou, mais vou ou vo avant le verbe. — On
constate le même fait dans la partie septentrionale de
I'arr. de Briançon (Hautes-Alpes), qui est voisine de
rOisans, à la Salle (c. du Monctier) : ke vouré ou,
k atèndé ou\
1. Cf. noire Reçue, t. Xlll, p. 16-17. — Gras, dans son tableau
des pronoms personnels usités dans le Forez (Dict., p. 160), in-
dique os à côté de cas uutrouy i:'s; mais les textes qu'il cite ne
renferment aucun exemple de os.
2. D'après Chabrand et de Rochas, on emploie cous sujet au
Queyras avant le verbe, mais ou ou cou après : ana ou ou ana
rou ; plus à l'est, dans les vallées vaudoises, notamment à Pra-
gelas, on emploie ous partout. — Cf. Mistral, ous = cous dans
les Alpes.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 173
3" V disparaît au sujet, seulement après que
Ici encore il est nécessaire d'établir des distinctions :
tantôt V disparaît toujours après que, tantôt il ne dis-
paraît que dans des locutions figées comme qu'est-ce
que vous . . . , quelquefois il ne tombe après que que
devant le verbe vouloir.
a) F disparaît après que, seulement devant t^oz^o^r.
— Le fait est sûr pour un certain nombre de com-
munes des Vosges et de la Saône-et-Loire, où qu'est-
ce que vous... est traduit différemment dans les deus
phrases : qu'est-ce que vous voulez? qu'est-ce que
vous attendes? Devant vouloir v disparaît, mais il
persiste devant attendrie. Ainsi, à Taintrux (c. et arr.
de Saint-Dié), on dit ko se ko vêlé et ko se ke vo
étodé; à Remicourt (c. et arr. de Mirecourt) kbs ko
vlèet kàs ke vôz ètandé. — Il en est de même dans la
Saône-et-Loire, à la Guiche, à Collonges et à Joncy
(c. de la Guiche, arr. deCharolIes): ka kou voulé, ka
ke voz atandè ; à Saint-Martin-de-Sénozan (c. de
Mâcon N.) et à Solutré (c. deMâcon S.) : ké kou vel''é,
kékevou^atandé. A Saint-Eusèbe (c. de Mont-Saint-
Vincent, arr. de Chalon), le pronom a complètement
disparu devant vouloir: ka k voulé, ka k'eu ke vo{.^)
atandc; il en est de même à Antully (c. et arr. d'Au-
tun): kwa kvlé;\e pronom sujet étant toujours exprimé
dans cette région, il faut admettre que o < vo devant
vouloir s'est affaibli en e en position proclitique, puis
est tombé complètement parce qu'on ne reconnaissait
plus en lui le pronom de la 2* pers.
Il y a encore quelques communes où o, ou = vo, vou
ne nous est signalé que devant vouloir, après que; la
174 RENTE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
disparition de v ne se produit-elle que devant ce verbe?
Nous ne pouvons l'affirmer, attendu que dans ces com-
munes la phrase qu attendez-vous -à été traduite par une
interrogation de même structure que la phrase fran-
çaise et non pas par qu'est-ce que vous attendez. Ce
sont, dans les Vosges : Tendon (c. et arr. de Remire-
mont): dans la Haute-Saône : Dampierre-sur-Salon
(arr.de Gray); dans le Doubs: Nans (c. d'Amancey,
arr. de Besançon); dans la Loire : Sainte-Colombe (c.
deNéronde, arr. de Roanne) : t'Ui ko volt, katèndi vo,
et Saint-Didier-sur-Rochefort (c. de Noirétable) : ké,
kou VQu/é, katandé vo.
b) Le V disparait après que dans la locution qu'est-
ce que vous... devant un verbe quelconque. — Cette
locution devient :
kàs kb{z) à Plainfaing et à Fraize (c. de Fraize, arr.
de Saint-Dié, Vosges);
kàs ko à Dompaire (arr. de Mirecourt, Vosges) ;
kàskou(z) à Bétoncourt (c. de Vitrey, arr. de Vesoul)
et à Vellexon (c. de Fresne, arr. de Gray), dans la
Haute-Saône;
kès kou à Raze (c. de Scey-sur-Saône, arr. de Vesoul,
Haute-Saône;;
kàs ko, kbs kouz à Noroy (arr. de Vesoul)^;
kàs kou, kàs koz à Offlange (c. de Montmirey, arr.
de Dôle, Jura);
kiko[z) à Matour (arr. de Mâcon, Saône-et-Loire):
ké kœ{z) à Juré (c. de Saint-Just-en-Chevallet^ arr.
de Roanne, Loire) ;
to ko{z)à. Andilly (c de Cruseilles, arr. de Saint-
Julien, Haute-Savoie);
1. Un 2' correspondant de Noroy donne cou partout.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 175
tou ko k Versonnex (c. de Rumilly, arr. d'Annecy,
Haute-Savoie);
c) Le V disparaît ou peut disparaître dans tous les cas
après que. — On dit par exemple dans le c. de Pro-
venchères (arr. de Saint-Dié, Vosges) :
ko vlé = cjue voulez-vous ? koz élodé =^ qu' attendez-
vous?
se ko dehé=^ ce que vous dites, ko lô hru = (il est
vrai) que vous l'avez cru. On trouve de même après
que :
o(:î)dans les c. de Saint-Dié, de Bruyères, d'Épinal,
à Uriminil (c. de Xertigny), dans les Vosges; — à
Bosjean (c. de Saint-Germain-du-Bois, arr. de Lou-
hans), dans la Saône-et-Loire; — à Pers-Jussy (c. de
Reignier, arr. de Saint-Julien), dans la Haute-Savoie;
oà Navenne (arr. etc. de Vesoul), dans la Haute-
Saône ;
ou à Jussey (arr. de Vesoul), à Chantes (c. de Scey,
arr. de Vesoul) et à Broyé (c. de Pesmes, arr. de Gray),
dans la Haute-Saône ; — à Vérissey et à la Frette
(c. de Montret, arr. de Louhans), à Saint-Germain-
du-Plain (arr. de Chalon), à Sivignon (c. de Saint-
Bonnet-de-Joux, arr. de CharoUes), à Clessé (c. de
Lugny, arr. de Mâcon), dans la Saône-et-Loire; — à
Courtes (c. de Saint-Trivier, arr. de Bourg), dans
l'Ain; — à Saint-Haon (arr. de Roanne), dans la
Loire; — à la Chapelle-en-Vercors (arr. de Die), dans
la Drôme.
C'est sans doute par euphonie que vou^ vo se réduit
à ou, o et même disparaît complètement devant vou-
loir. En dehors de ce cas particulier, comme la dispa-
rition de V est surtout fréquente après que, il convient
176 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
d'admettre avec ^I. Behrens qu'après Tassourdissement
de e féminin de que, la spirante labiale s'est changée
en semi-voyelle pour tomber ensuite complètement;
0, ou, issu de vous après que, a pu aussi prendre la
place de vous après d'autres mots: mais comme que ne
peut être immédiatement suivi que de vous sujet, non
de vous régime, que par suite c'est seulement vous
sujet qui s'est abrégé en o, ou, quand o, ou s'est subs-
titué à vous ailleurs qu'après que, il a pris la place de
vous sujet, très rarement celle de vous régime. Inver-
sement, sous rinfluence du français et de la forme vo,
vou, toujours vivante dans les patois qui employaient
0, ou, vo, vou a été rétabli même après que, en se
maintenant seulement dans les locutions figées comme
qu est-ce que vous...
IV
LA SIFFLANTE FINALE DE nOS, VOS
.S de nos^ vos ne s'est maintenu en français que
devant voyelle, avec la valeur de ^~; s final en proven-
çal a persisté devant consonne, en gardant le son de s
dur. L'usage français domine au nord de notre région,
Tusage provençal au sud. Çà et là, nous rencontrons
quelques cas intéressants.
V' .S> ^ même devant consonne
Ce cas est rare, il nous est signalé au sujet et au
régime V^ pers. à Saint-Oiîenges-Dessous (c. d'Aix,
arr. de Chambéry), dans la Savoie, où l'on dit n^e
parlè/i, ns'amon, anze parlé; le pronom de la 2'' pers.
est vo[z) à tous les cas. — • On trouve encore nze au
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 177
régime, v^e au régime et quelquefois au sujet à la
Truchère (c de Tournus, arr. de Mâcon, Saône-et-
Loire) : ô nze kôse, 6 vzekôï^e, se ko vz a di, ké ke vse
vie, ké ke vzatadé; cf. ô vie rakonte, ailleurs riou{:^),
vou{.^). — On dit nez^n régime dans les c. voisins l'un
de l'autre, de Tullins et de Saint-Michel-de-Saint-
Geoirs (arr. de Saint-Marcel lin, Isère), à Sillans^ à
Saint-Paul-d'Izeaux et à la Forteresse.
s final a dû passer à ^ d'abord devant voyelle; puis
on l'a rétabli devant consonne, et suivant que le pro-
nom était ne avec un e féminin encore sensible (presque
œ), ou s'était réduit à /z, on a eu ne:; ou nze.
2° *S>>^ devant voyelle, s dure ou i/od devant consonne
s final de nous, vous conserve devant les consonnes
le son de s dure du latin sur la lisière méridionale de
notre région, dans les Hautes-Alpes, à Ribeyret (c. de
Rosans)et danslesc. d'Aspres, d'Orpierre, de Laragne,
de Serres, de Gap; de Veyne; dans la Drôme, à Suze-
la-Rousse (c. de Saint-Paul-Trois-Chàteaux) et à Tau-
lignan (c. deGrignan)'; dans la Haute-Loire à Cayres,
au Monastier et à Pinols^ Nos correspondants écrivent
nouss, vouss ou nous indiquent d'une façon précise la
prononciation de s final devant consonne\ Tous s'ac-
1. Nos deus correspondants s'accordent à traduire il nous parle
par i ne -j parle; le sujet est ne dev. cons., n dev. voy. ; à la
2" pers., uo(^) partout.
2. Il y a peut-être chute de s devant les liquides ou devant un
autre pronom; notre correspondant de Taulignan écrit en effet r^ou
lou ralacanto = il vous le raconte.
3. Notre correspondant de Pinols écrit nesse, vesse, et aussi
vous; il ne donne pas d'exemple de ces pronoms devant voyelle.
4. Il ne saurait y avoir doute que pour Ribeyret; notre corres-
pondant déclare que a s final se lie toujours devant une voyelle
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 12
178 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cordent à dire que devant voyelle s se prononce -c
comme en français.
Dans la même région et un plus au nord, s final
devant consonne peut devenir ? semi-voyelle ; de là les
formes n, v + 01/ , oui/, icèy . On trouve voay dans la
Haute-Loire, à Cayres et à Freycenet-Latour (c. du
Monastier)^ à côté de n, v + ous\ — Le passage de s
final à yod est inconnu à nos correspondants de TAr-
dèche; mais je trouve vouy (écrit coitis devant s) dans
la Par. en patois de Privas (Mé/n. des Ant. de Fr.,
p. 515) ; Jioutj devant / dans une chanson en patois de
Bourg-Saint-Andéol, citée par le D^ Francus {Voyage
le long de la rivière de l Ardèche, Privas, 1885,
p. !?93) ; Mistral indique i^ow/ devant voyelle (?) dans
le Vivarais. — Dans la Drôme, on dit nioêy, vicèy à
Sauzet (c. de Marsanne*), noy, voy à Pont-de-Barret
(c. de Din.ulefit), nouy, vouy à Montjoux (c. de Dieu-
lefit)'. — Dans les Hautes-Alpes, on dit vicèy àChorges
et à Saint-Julien-en-Beaucliêne (c. d'Aspres), vouy à
Aspres, à Ribeyret (c. de Rosans) et dans tous les
c. du sud del'arr. de Gap.
Les renseignements que nous possédons sont trop
et sonne devant les consonnes ou à la fin de la i^hrase, sauf de
bien rares exceptions ».
1. Le passage de .s final à jjod ne semble pas très ancien dans
la Haute-Loire: il n'y en a pas trace dans les textes du XVP, du
XVll' et du XVIIP siècle que nous possédons. Foît/ apparaît
pour la première fois dans une poésie de H. de Morgues, du com-
mencement du XIX' siècle, in Lo Velay, Fleurs des Montagnes,
anthologie poétique, par Aimé Giron, le Puy, 1868, et dans la
trad. de la Para h. de Deribier (Description statistique de la
Haute-Loire, 1824).
2. Un 2' correspondant donne partout nou(^), rou{^).
3. A ajouter roui au Buis d'après la Parah. (Mè/a. des Ant.,
VI, .531).
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 179
peu abondants pour que nous puissions indiquer avec
précision dans quels cas se produit le passage de s à
t/od. Toutefois, dans les flautes-Alpes, il ne nous est
indiqué que devant d, i\ L D'autre part, dans VIliado
d'Ouméro [P*^ chant) revira enpaiiar des Autos- A/pos,
parTabbé Pascal (Gap, 1884), je trouve régulièrement
n, V -f- ous devant les sourdesy, A-, p, t, ch, n, v-[-ouy
devant les sonores b, v, d, g,j et devant m, s, /•, /'.
'è^ S tombe devant cous., ^.<, q,j devant voyelle
M. Clédat a déjà étudié le passage de la sifflante
finale de l'article pluriel à j, ç, j, r et s dur devant
voyelle; le s de nos, vos est traité de la même façon
dans les mêmes localités: je renvoie à son article, au
tome P"" de hi Bévue des Patois. Toutefois, il n'y a pas
1 . D'après le môme texte le passage de s final à rjod paraît rare
après une voyelle autre que è; je ne trouve guère que dcssonr et
sow/ devant /et .s, à côté de sous devant t ; pal devant m, d, (j,
s, b, r à côté de pas devant r, /, p ; doui de duos devant l, dous
devant /.', et quelquefois toui à côté de touts. Mais le passage de
s à ?/of/ devant les sonores est constant pour l'article les, des, es,
pour les adjectifs possessifs mes, tes, ses, pour ves de versus, pour
autres et les subst. terminés par es au plur. ; pour es de est et
pour la 2^ pers. de tous les verbes. On observe le même phéno-
mène dans les Basses-Alpes, à Forcalquier, d'après M. P.Meyer,
Romania, XXVII, p. 421. Dans la Drôme et dans la Haute-
Loire, on ne distingue plus entre les sourdes et les sonores; dans
les poésies en patois de Dieulefit, publiées par MM. Chalamel et
Villaret, dans VArmagna Doujlnen, années 1885 (p. 53, 38, 54)
et 1886 (p. 74, 45, Ib, 33, 46, 75), je relève nouei devant r, s.
l'ouel devant A', /, />, noueis devant/.', /, vous devant /, qu, r.
L'acticle, les adj . possessifs, etc., n'ont qu'une forme qui est par-
tout lei, dei, sei, met, etc. — Sur ce passage de .s- à j/od, cf. Roque-
Ferrier, De la double forme de l'article et des pronoms en Lan-
guedoc, in Rec. des L. rom., IX, p. 125-137-, X, 254-257. articles
que je connais seulement par le c. r. de P. Meyer, Romania, V,
p. 406.
180 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
d'exemple dans nos textes des > r dans nos^ oos;èi
Cussy-en-IMorvan (Saône-et-Loire), où s > /' dans
l'art, plur., /loti sujet est remplacé par y, vos se réduit
à r devant voyelle et aucune phrase ne renferme nos,
vos régime devant voyelle. — A Saint-Agnan, aus
Guerreaux, à la Motte-Saint-Jean (arr. de CliaroUes),
où -^ se prononce s dur dans l'art, plur. , s > j dans les
pronoms : /ic)j ènman; toutefois, notre correspondant
fait remarquer que 5 se prononce dur devant un verbe
qui contient s dur: nôss assujétissan=^ nous assujet-
tissons.
4° S ^ final tombe même devant voyelle
Quelquefois la sifïlante n'est supprimée que dans l'un
des deus pronoms et persiste dans Tautre, le plus sou-
vent elle disparaît dans Tun et dans l'autre. Quand il
y a à la fois disparition de la sifflante de liaison et
réduction de n, v -\- o, ou à n, v -{- e, Ve féminin des
formes ne, ve s elide devant voyelle\ L'hiatus ne per-
siste que par exception, dans le Rhône à Pont-Tram-
bouze (c. deTliizy), où l'on emploie /lo dev. cons., ne
dev. voy., ve partout; dans l'Isère, au Péage-de-Rous-
sillon (c. de Roussillon, arr. de Vienne), où ne est
constant, mais vou{^), à Gillonnay (c. de la Côte-
Saint-André) où Tonne connaît que neeive. Quand les
formes en o, ou se sont maintenues, l'hiatus est de
1 . Nous verrons qu'à côté du domaine de ne-n, on trouve aussi
no-ncz. La disparition de la sifflante se produit-elle au régime
comme au sujet? Nos renseignements sont trop peu nombreus et
trop peu explicites pour que nous puissions répondre avec préci-
sion : mais c'est fort douteus pour les formes affaiblies en e,
attendu que dans certaines localités où l'on dit ne-n au sujet, la
sifflante, loin de disparaître au régime, s'y maintient même
devant consonne, d'où les formes ne*, n--e.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 181
règle: toutefois, à Pinsot (c. d'Allevard), on emploie
no dev. cons., n dev. voy.
La sifflante de liaison semble disparaître seulement
dans le pronom de lai'' pers. dans le Doubs, au sud
de l'arr. de Pontarlier, à Bians (c. de Levier), aus
Fourgs (c. de Pontarlier), à Boujeons, à Remoray et
aus Pontets (c. de Moutlie); dans le Jura à Moirans
(arr. de Saint-Claude); dans la Saône-et-Loire, à
Sigy-le-Cliâtel (c. de Saint-Gengoux), et à Saint-
Sorlin (c. de Màcon N.); dans la Loire, à Juré (c. de
Saint-Just-en-Clievallet), à Ailleux (c. de Boën), à
Moingt (c. de Montbrison) ; dans l'Ain, à Virieu (arr.
de Belley) ; dans Tlsère.au Péage-de-Roussillon (c. de
Roussillon) ; dans une grande partie de Tarr. de Saint-
Marcellin,à Sillans et à Saint-Michel-de-Saint-Geoirs
(c. de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs), à Saint-Paul-
d'Izeaux, à Vatilieu et à la Forteresse (c. de Tullins) ;
et enfin dans la vallée de Tlsère jusqu'à son entrée
dans la Savoie, à Noyarey (c. de Sassenage), à Pro-
veyzieu (c. deGrenobleN.), auSappey, à Saint-Ismier
et à Bernin (c. de Grenoble E.), à Saint-Hilaire, à la
Terrasse et à la Buissière (c. du Touvet), à Pontcharra
(c. de Goncelin), à Saint-Pierre-d'AUevard, à Pinsot
et à Moutaret (c. d'Allevard). 11 faut ajouter Saint-
Jean-d'Arvey (c. de Chambéry N.), dans la Savoie.
Le cas inverse, suppression de 6' seulement dans le
pron. de la 2® pers., est beaucoup plus rare. On ne le
trouve qu'isolément dans flsère, à Saint-Paul-les-
Monestier (c. du Monestier-de-Clermont), où le pron.
sujet l''^ pers. n'est pas exprimé, dans l'Ain, à Peyrieu
(c. de Belley), à Vesancy (c. de Gex)^ ; dans le Jura,
1. Pour TrefEort, un correspondant donne no(.^)-i'o(^)' un 2* on
co(.j).
182 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
à Foulnay (c. do Chaumergy): dans les Vosges, dans
les c. do Lamarcho, de Neufcliàtoau et de Coussev, où
d'ailleurs /V remplace /lous au sujet*.
Kniin la silllante disparaît ou peut disparaître dans
les deus i)rononis dans les coinmunos suivantes:
Belfort : Grandvillars (c. de Délie), et c. de Fon-
taine.
Vosges: c. de Provenchèros.
Haute- Saône: Bouligney (c. de Vauvillers), Raddon
(c. de Faucogney), Clai regoutte (c. de Cliampagney),
dans l'arr. de Lure: Navenne (e. de Vesoul) et Noroy^
dans Tarr. de Vesoul; Cliamplitlo, dans l'arr. de Gray\
DouBS : Avanne (c. deBoussières, arr. de Besançon).
Jura: Bois-d'Amont (c. de Morez, arr. de Saint-
Claude.
Saône-et-Loire: Savigny (c. de Beaurepaire, arr.
de Louhans*; Antully (c. d'Autun) et Cussy (c. de
Lucenay), dans Tarr. d'Autun; Neuvy-Grandchamp
(c. deGueugnon), dans l'arr. de Charolles.
Ain: Cormaranche (c. de Hauteville, arr. de Belley)\
Rhône : Pont-Trambouze (c. deTliizy).
Loire: Saint-Rirand ic. de Saint-IIaon)"; Cham-
poly (c. de Saint-Just-en-Chevallet), Saint-Didier-
1. Cf. Dommartin où la sifflante de la 2'' pers. s'est maintenue:
r. r
2. Un 2' correspondant marque la liaison.
3. A Montagney Ce. de Pesmes), la silllante persiste toujours
devant voyelle; toutefois on dit vou // ctc = rons // êtes (cf. roii^
i'te = rous êtes), sans doute à cause de la nature consonantique
de ïjjod qui rend la sif liante de liaison inutile.
4. Un 2' correspondant marque la liaison.
D. Un 2' correspondant marque la liaison.
6. A Saint-Haon même, nos deus correspondants marquent la
liaison.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 183
sur-Rocliefort (c. de Noirétable): Chambles (c. de
Saint-Rambert)V; la Fouilloiise (c. de Saint-Hëand);
Saint-Étienne; pour Bourg- Argental, cf. notre Revue,
XIII, p. 10-17.
Haute-Loire : la Chaise-Dieu (arr. de Brioude).
Isère : Cliapareillan (c. du Touvet), Champagnier et
Champ (c. deVizille), Saint-Clair-de-laTour (c. de la
Tour-du-Pin) ; àGillonnay (c. de la Côte-Saint-André)
et à Saint-Georges-d'Espéranche (c. d'IIeyrieu), la
suppression de la liaison semble facultative.
V
les formes n, V -^ o
Elles se partagent avec les formes n, r -\- ou
presque toute l'étendue des quinze départements de
notre région; mais tandis que les formes en ou
occupent surtout le sud et le nord-ouest, les formes en
0 dominent au centre, à Test et au nord-est. Les formes
n, v-\-o s'arrêtent vers le sud, à peu près à la limite du
domaine franco-provençal. Elles ne dépassent pas dans
la Loire, Saint-Didier-sur-Rochefort (c. de Noiré-
table), Feurs, Viricelle (c. de Saint-Galmier), Izieux
(c. de Saint-Chamond), Rive-de-Gier; dans le Rhône,
Longes (c. de Condrieu), au sud de l'arr. de Lyon;
dans risère, les Côtes-d'Arey, au-dessous de Vienne,
Pommiers (c. de Beaurepaire), Beaurepaire, Faramans
(c. de la Côte-Saint-x\ndré), au sud de l'arr. de
Vienne; Penol (c. de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs),
la Forteresse et Vatilieu (c. de Tullins), Vinay, dans
1. Cf. notre Reçue, XIII, p. 16-17.
184 REVrE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Farr. de Saint-Marcellin ; le c. du Villard-de-Lans
avec Méandre, Lans et le Villard, Champagnier (c. de
Vizille), Bresson (c. de Grenoble S.\ Livet-et-Gavet
(c. du Bourg-d'Oisans), au centre de Tarr. de Grenoble.
Au nord de la ligne formée par ces points extrêmes,
les formes en o occupent les deus Savoies, la Suisse
française, le nord de l'Isère, l'Ain tout entier, sauf
l'arr. de Bourg, le Rhône et l'est de la Loire. Dans la
Saône-et-Loire et le Jura, elles se mêlent aus formes
en ou. Elles occupent encore l'est et le centre du
Doubs, le territoire de Beltort, l'est de la Haute-
Saône et les Vosges. Sur certains points de cet
immense territoire, à côté des formes en o on trouve
aussi des formes en ou ou en eu, et surtout des formes
affaiblies en e.
1° N, V -j- o au sujet et au régime'^
Le département des Vosges presque tout entier ap-
partient au domaine de n, v -\- o * ; il faut excepter
l'arr. de Neufchàteau à l'ouest, où nou, vou dominent;
toutefois à Ainvelle (c. de Lamarche), on trouve no, vo
à côté de vou.he plus souvent no est rernplacéau cas
sujet parj'e; on ne trouve no cju'au sud de l'arr. de Re-
miremont, à la Bresse, à Basse-sur-le-Rupt et à
Saulxures, dans le c. de Saulxures, et dans le c. du
1. Nous mentionnerons dans ce paragraphe les localités où nou
est suppléé par /V» ou par on, en marquant les premières d'un as-
térisque', les secondes de deus astérisques**.
2. Voir les noms dans notre Reçue, t. XII. p. 37 et41. — Xou
au cas sujet à Chàtel,à côté de no, ro ailleurs est peut-être une
erreur de notre correspondant; comme dans cette région nous
sujet est remplacé par Je, il a dû substituer à ce yc insolite la
forme française nou, au lieu de la forme dialectale no qu'on
attendrait d'après les formes de l'accus. et de la 2« pers.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE
Thillot; dans les c. de Mirecourt et de Darney qui ap-
partiennent à l'arr. do Mirecourt. — Léo de ces formes
est en général un o fermé; o est signalé dans l'arr. de
Saint-Dié, à Fraize, à Plaiiifaing (c. de Fraize), à la
Bolle (c. de Saint-Dié) et dans l'arr. d'Epinal à
Moyemont et à Roville-aus-Cliênes (c. de Ramber-
villers) '.
Au domaine vosgien de n, v ~\- o, il faut rattacher
quelques communes au nord-est de la Haute-Saône:
Villersexel, Villers-les-Luxeuil* (c.de Saulx ) , dansTarr.
de Lure^ Lavilleneuve* et Navenne* (c. de Vesoul),
Jussey*^ dans l'arr. de Vesoul. ANoroy , où l'on dit no vo
d'après un de nos correspondants, noit, rou d'après
un autre, nous atteignons la limite de o et de ou-.
Si nous descendons vers le Sud en longeant la fron-
tière, nous trouvons n, r --\- ô sur le territoire de Bel-
fort, à Bermont (c. de Belfort), à Grandvillars (c. de
Délie), et dans les c. de Rougemont et de Fontaine'.
Dans le Doubs, on ne connaît que no, vo dans l'arr.
de Montbéliard, à Dampierre (c. de Pont-de-Roide),
1. Pour Gérardmer, nos renseignements sont confirmés par la
Parab. {Mcm. des Ant., VI, 474). q.ui a co au suj . et au rég. ;
pour la Bresse, par le chanoine Hingre qui donne partout n,v + ô
{Grande Complainte, inRer. des Pat., 1, 241 sqq.). -Les rensei-
gnements fournis par Adam (Pat. lorrain) ne sont précis que pour
la P'pers. : nos et Je à Vagney, Grandvillars, Bouges-Eaux; nos
à Ramonchamp, Ventron, Saulxures, la Bresse, Moyen, Vallois;
cous dans quelques communes de la bande occidentale, en géné-
ral vos, os. — Cf. encore n, r -{- o à Dommartin (Richard, Suite
de 309 mots, in Mèm. des Ant., VI, 137 sqq.
2. M. P. Passy signale nà à. Hauteville, no èl Fontaine-Saint-
Sauveur, Froideconche, Raddon, la Longine, Mélisey (Rec.
de Phil. fr., X, 172 sqq.). - Cf. co sujet, cos ou r's régime à
Vesoul, d'après Is, Parab. {Mèm. des Ant., VI, 479).
3. Cf. l'o ou teii à Giromagny, Parob , in Mèm. des Ant., VI,
476; et plus à l'est, à Alkirch, Parab., 475.
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
à Framboulians (e. de Maicho), à Grand'Combe-des-
Bois(c. du Russey) et au Russey;à l'est de Farr. de
Baume-les-Danies, à Gruey et à Blussans (c*. de Tlsle-
sur-le-Doul)s), à Courtetainet à Passonfontaiue (c. de
Vereeil), au nord de l'air, de Pontaiiier, dans le c. de
Montl)enoit (le Sauget, Gill(\v, Ville-du-Pont , la
Longe vil le. Montl)enoit, Maison-du-Bois, les Alle-
mands): d<' là, en quittant la fi-ontiôre pour se diriger
franelieinent à l'Ouest, on trouve n, c -\- o à Levier^
dans l'arr. de Pontarlier, et au sud de l'arr. de Besan-
çon, à Épeugney (c. deGuingey), à Refranclie, Nans et
Fertans (c. d'Amancev). Le timbre ouvert de o n'est
signalé qu'à Grand'Combc-dcs-Bois et à Fertans \
On atteint ainsi le dép. du Jura, où n, r -j- o est
employé dans l'arr. de Dôle, à Foulnay (c. de Cliau-
mergy), à la Loye (c. Monbarrey), à Offlanges* (c. de
Montmirey), à Ta vaux* (e. de Chemin). Il faut y
ajouter dans l'arr. de Lons-le-Saulnier, Quintigny
(c. de Bletterans) et dans l'arr. de Saint-Claude, Bois-
d' Amont (c. de Morez), Longcliaumois** (e. de Morez),
Saint-Laurent-Grandvaux**. Nous touchons de nou-
veau à la frontière suisse et au pays de Gex^
Tout près du Jura, on trouve ii, v -{-'à dans la
Saône-et-Loire^ à Savigny ' c. de Beaurepaire), à ^Sagy*
1. Cf. n, r + o à Sancey, d'après Nédey, Rem. sin- le pat. de 6'.,
in Rri: . de Phll. fr. . XI. 123;vo(zj à Bournois d'après Ch.
Roussey, Jean f^/ ni danse, in Rec. des pat. rjal .-rotn., IV, 255
sqq.; nô.v rôs à Montbéliard, d'après Contejean, qui attribue à à
différentes prononciations, oe, aoe, aoiie, oiie suivant les
lieus.
2. Monnier (Vucab. du Jura, in Mrm.dr's Antlf/., VI, 257) si-
gnale n, c 4- o. avec substitution de .s^' à no, ro rég. dans la
conjugaison des verbes r»''fléchis, particularit'J qu'on rencontre
encore ailleurs.
3. Un 2* corr. donne on = nous au cas sujet.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 187
(même canton), à Autliumes (c. de Pierre), dans Tarr.
de Loulians, et à Navilly* (c. de Verdun), dans l'arr.
de Clialon. Dans le reste du département, sauf à la
lisière méridionale, (5 ne s'est maintenu (|u'isolément, à
Dezize* (c. de Couches-les-Mines), à Antully* (c.
d'Autun), à Épinac*^à Cliarbonnet-sur-Arroux (c. de
Mesvres) et à Saint-Béiain i c. de Monlcenis)^ dans l'arr.
d'Autun. Au nord des arr. de Cliarolles et de Mâcon,
on ne signale /i, c -\- o (|u'à Rigny (c. de Gueugnoni, à
Saint-Agnan et aus Guerreaux 'c. deDigoin à la Guiclie,
àAmeugny c. deSaint-Gcngouxj. Mais il devient plus
fréquent au sud sur les confms de la Loire et du
Rhône, dont la partie septentrionale appartient aussi
au domaine de /?, r -\- o. On nous le signale en effet à
Saint-Igny-de-Roche (c. de Cliauft'ailles) et à Saint-
Racho (c. de la Clayette)^ dans l'arr. de Cliarolles, à
Matour, à Tramayes, à Germolles'„ à Saint-Léger, à
Saint-Pierre, dans l'arr. de Màcon; et tout près de là,
au nord de l'arr. de Villefranche^ dans le Rhône,
à Trades, à Saint-Mamert et à Saint-Bonnet-de-
Bruyères (c. deMonsols), aus Ardillats (c. de Beaujeu);
au nord-est de l'arr. de Roann(s dans la Loire, à Bel-
mont, à Pouillv et à Nandax c. de Charlieu).
En dehors de ces quelques localités, on trouve encore
n^ c -\- o dans la Loire, sur la rive droite du fleuve, à
Fourneaux (c. de Saint-Symphorien-de-Lay), àSainte-
Colombe (c. de Nérondej où o a le timbre ouvert, à
Essertines (c. de Feurs), à Izieux (c. de Saint-Cha-
1. ô de no, co se distingue à peine de on dans la Saône-et-
Loire: notre corr. d'Épinac éci-it nan, en faisant remarquer que
la prononciation de ati se rapproche de celle de ou.
2. Cf. Combler, Contes en pat. de Gernioll.es, in Reçue des
Pat., I, 134 et 201 sqq., qui donne nô{:^) partout.
188 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
mond , où o tent à s'affaiblir en e, à Viricelles* (c. de
Saint-Galmier), et /?, r -f-ôsiirla rive gauche, àSaint-
Didier-sur-Roohefort c. de Noirétable \ — Dans le
Rhône /^ r -[- ^ ^'^t signalé à Liergues et à Charnay
[C. d'Anse\ à Létra iC. du Bois-d'Oingt), aus Chères*
(c. de Limonest), et à Grézieu-le-Marché* (c. de Saint-
Syniphorien-sur-Coise; ; n, v -]- à à Longes (c. de
Condrieu*.
Si nous franchissons la Saône, nous rencontrons
fi, V 4- o sur toute l'étendue dudép. de l'Ain, sauf au
nord-ouest dans l'air, de Bourg. Dans Tarr. de Tré-
voux, fij v-\-o n'est inconnu qu'au nord, à Chaveyriat
et à Vonnas, et à Reyrieux' ; o ouvert est signalé à
Illiat et à Marlieux(c. de Villars-les-Dombes; ; à Tré-
voux o hésite entre o et eu'. — L'arr. de Bourg ne
connaît n^ v -\-o qu'au sud-est % à Druillat 'c. de Pont-
1 . Gras donne pour le Forez nos, nos autrou, n's, n\ os, tos au-
tvou, v's, sans indication précise de lieu. Dans les textes cités,
je trouve ras suj. à Feurs (p. 245), //o.s dans les montagnes de la
Mideleine (p. 2o5-2oi), ro.ssuj. et rég. à Rive-de-Gier (260-
261) qui se rattache plutôt au domaine du patois lyonnais.
2. Cf. co suj. et rég., no rég. au Bois-d'Oingt d'après Gonnet,
Chans. pop. en pat. du B.-dO., in Roc. des Pat., \, 129. —Je
=: nous, cos = cous d'après Bruyère, Notes sur lopat.de Gr., in
Rec. de PhiLfr.,\\\, 284. — Je-cô(^) au sujet, n, c 4- à(^) au
rég. à Mornant et à Saint-Symphorien-sur-Coise, d'après N. du
Puitspelu, Un Conte en pat. lyonnais, in Roc. des pat., I, 107,
Contes en pat. de Mornant, etRoJoles en pat. li/on., in Rec. des
Pat., II, 145, 226 et 302. Cf. Dict. ètj/ni. du pat. h/on, p. CX.
3. Voir les noms dans notre Reçue, t. XII, p. 33-34.
4. Cf. co = cous, no ou d-^e = nous suj. à Villars-les-Dombes,
d'après les Chansons de Le Duc, p. 392 sqq.
5. Toutetois, au XVIT, siècle on trouve n, c 4- o à Bourg et aus
environs, à Pont-de-Vaux et aus environs dans les Xoëls publiés
par Le Duc. Cf. dans les Chansons et Lettres fjatoises du même
n, c -\- odans le Temple de Relssouze (p. 191), co(^) dans la
Frequeta en patois de Montrevel (159) et n, c + o dans plusieurs
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 189
d'Ain!, à Pont-d'Ain, à Cevzériat, à Grand'Corent et à
Villereversure (c. de Ceyzériat) ; Treffort** est sur la
limite; dans ces trois dernières localités o a le timbre
ouvert. — Dans l'arr. de Belley, on trouve partout n, v
-\-o\ avec un o ouvert à Vaux, à Virieu, à Peyrieu, à
Ruffieu, à Fitignieu, à Corlier^ — Dans l'arr. de
Nantua, lesud et l'est appartiennent au domaine de
n, c -{-o avec Petit- Abergement (c. de Brénod), Villes,
Arlod c. de Chàtillon-de-Michaille) ; o a le timbre
ouvert à ^Saint-Alban (c. de Poncin), à Ceignes
(c. dlzernore), à Corcelles (c. de Brénod) ^
C'est au contraire un ô qu'on trouve dans l'arr. de
Gex entier *^ où d'ailleurs le plus souvent no est rem-
placé par o?i au cas sujet.
Au sud du dép. de l'Ain, n, v-{- o occupe dans l'Isère,
le nord et le sud des arr. de Vienne et de la Tour-
du-Pin, l'ouest du l'^'" et l'est du 2®. On nous le signale
à Marennes (c. de Saint-Symphorien-d'Ozon), à Saint-
chansons en patois bressan du XVI IP siècle: la Frisquette, Mon
paurre ami Claude, VÉbaude, le Duc de Savoie, p. 33, 41,
49, 54.
1. Voir le noms dans notre Reçue, t. XII, p. 34.
2. Pour Cormaranche, nos deus correspondants ne s'accordent
pas: l'un donne o, l'autre ô. — Les Xocls bu(/istes publiés par Le
Duc ont n, c + o pour Saint-Rainbert (p. 122), Belley (p. 128),
Seyssel (p. 131); dans son recueil de Chansons, je trouve n, t"-f o
dans une chanson Contre les Nobles en patois de Champagne
(p. 143), dans le Grand Capitaine et le Tabac (p. 259 et 269), en
patois de Belley. — Cf. encore vo sujet dans la trad. de la Benaïta
en pat. de Cormaranche {Rcc. des Pat., I, 133); vô(:2} —cous à
Sutrieu, d après F. Pelen, Modif.de la toni'jue. dans noive Reçue,
XI, 30V) sqq.
3. Cf. no(.:;)-co(.:) à Jujurieux d'après Philippon, p. 40.
4. Voir les noms dans noiv^Recue, XII, 34; cf. n, c + o(j) dans
le texte en patois de Gex publié par Le Duc. Chansons, p. 285
sqq.
190 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Pierro-de-Cliandiou et à Saint -Georges-cVEspéranclie
(c. dlIevrioiO, ans Côtes-d'Arey (o. do Vienne N.), à
Semons; et à Faramans (c. de la Côte-Saint-Andi'é)\ à
Reaurepaireet à Pommier i^^e. de BeaurepainO; /', r-\-o
pénètre dans l'arr. de Saint-Mareellin, à P(mio1 fe. de
Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs). Dans l'an', de la Tour-
du-Pin. on eonnaît /?, r -|-r>à Oy(Mi, à Cliaravines' et
au l^in (e. de Virieu), à Pressins et à Cliimilin e. du
Pont-de-Beauvoisin), à Saint- Claii-de-la-Tour et à
Faverges (e. de la Tour-du-Pin), aus Avenières et à
Bouvesse-Quirieu (c. de Alorestel), à Ilières (c. de
Crémieii;. — Dans Tarr. de Saint-]Marcellin et dans la
vallée de l'Isère, à travers l'arr. de Grenoble, n, v-\-o
se mêle à ?i, v -\- e; toutefois, on trouve n, v -f- o pur
à Bresson (e.de Grenoble)et à ^Méandre' (c.du Villard-
de-Lans), îî,v-\-o à Lans et au Villard-de-Lans, où le
sujet f^ pers. n'est pas exprimé.
Le mélange des formes en o et des formes en e se
produit aussi à l'ouest de la Savoie^ ; mais nous trou-
vons n, V -\- o k l'état pur, avec o à Saint-Georges-
d'Hurtières dans l'arr. de Saint-Jean-de-Maurienne %
avec 6 à Séez^ dans l'arr. de Moutiers, à Mercury-Gé-
1. A ajouter Commelle dans le même canton, d'après des ren-
seignements fournis par M. Vincendon, prof, au lycée du Puy.
2. A ajouter non loin de là. Saint-Nicolas-de-Macherin (c. de
Voiron, arr. de Grenoble), d'après Vial, Vie d'un boa Curé de
campatjno. Grenoble- \^^\, passim.
3. A Méandre, o de //o, ro est un o sourd, voisin de o//, dit
notre corr. : nous sommes en effet tout près du domaine méridio-
nal de n., r -f ou.
4. Cf. toutefois /îo-ro aus Beauges (arr. de Chambéry), d'après
la. Paroh., in Stat. du Mont-Blanc par M. de Verneilh, Paris,
1807, p. 304-306.
5. A ajouter Aiguebelle d'après la Parabole, ibUl., p. 304-306.
6. Cf. cos dans une Une Chanson en pat. de Sèe^, dans notre
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 191
milly (c. d'Albertville), dans l'arr. d'Albertville, à
Grésy-siir-Aix (c. d'Aix), dans l'arr. de Cliambérv\
As V -\- o domine aussi dans la Haute-Savoie*, où
no sujet est le plus souvent suppléé par on; b est
signalé à Pers-Jussy et à Doussard. Le domaine d(*
n, V -\- o s'étent aussi au delà de la frontière, sur la
plus grande partie de la Suisse romande, à en juger
d'après les traductions de la Parabole publiées par
Bridel à la suite de son Glossaire et par la Société des
Anti(|uaires de France ■\
2'' Développement partiel de o en ou
Aus points de contact des domaines de Ji, v -{- o et
de n, r -|- ou, les formes en oit se mêlent' frécjuem-
ment aus formes en o; elles envahissent tantôt le sujet,
tantôt le régime, tantôt la 1^'', tantôt la 2*^ personne.
O s'est développé en ou seulement au sujet 1, tan-
Rcr. des Patois, 1, 226. — Dans la Haute-Tarentaise, on dit no-
va d'après la Stat. du Mont-Blanc; dans les textes cités par Pont,
()rl()uœs du pat. de la Tar., on trouve no-co pour la Tarentaise,
ro rég. à la Gurraz, p. 130, no-ro à Hautecour p. 131-132, à
Tavela, p. 134-136, no sujet à Bellentre, p 136, ro dans la
vallée de Beaufort, p. 138 sqq.
1. A ajouter nôcà à Albertville, d'après leDict. de Brachet, et
d'après Pont, p. 148.
2. Voir les noms dans notre /?er//(?, XII, 34-35; cf.Duret, Gt-ani-
niairr sacor/arde, Berlin, 1893, nô-rô, p. 28, et en note nô-vô à la
Thuile (c. de Séez)
3. On trouve n, r + o k Evolèna (Bridel, p. 433 j, no à Vétroz
(ihid., 435), n,c -f o à Sembrancher (ibid.. p. 436), no à Grj'on
{ibid.^ 438), n, c + o à. Montreux {ibid., 441), dans la Basse-
Gruyère (ibid., p. 445: cf. Mi'in. des Ant . VI, 543), no à
Saint-Cierge (ibid., 451), n, r -f o à Estavayer (ibid., 449 ; cf.
Mêin. des Ant., VI, 541); ro à Saint-Maurice {Mcni. des Ant.,
VI, 531) et dans le c. de Genève {ibid., 540).
19'2 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
dis qu'il persiste au sujet 2 et aus régimes 1 et 2 dans
le c. de Cliàtel (arr. d'Épinal, Vosges).
C'est au contraire le sujet seul de la 2'' pers. qui a
été atteint dans quelques communes de la Haute-Saône,
à Baulay* (c. d'Amance), àBétoneourt* (c. de Vitrey),
à Chantes* c. de Scey-sur-Saône), dans l'arr. de
Vesoul ; à Vellexon* (c. de Fresnes) et à Broyé* (c. de
Pesmes), dans l'arr. deGray\
Dans le Rhône, à Saint- Vérand* (c. du Bois-d'Oingt)
ou n'a pénétré qu'au régime 1 '. — 11 a envahi aussi
le régime 2, tandis que o persiste aus sujets 1 et 2, à
SaintrEusèbe ' (c. du Mont-Saint-Vincent), arr. de
Chalon, Saône-et-Loire), où Ton dit n,v^ à au sujet,
ji, V -\- ou au rég. De même à la Bolle (c. de Saint-Dié,
Vosges) on trouve quelquefois n, v -f- ou au régime.
ô ne s'est maintenu qu'au sujet 1 à Sigy-le-Châtel
(c. de Saint-Gengoux, arr. de Mâcon, Saône-et-Loire);
qu'au sujet 2 à Toulon-sur-Arroux (arr. de Charollesj; •
aus autres cas, il a été remplacé par ou.
3^ Développement partiel en eu
O est passé à eu^ sans doute par l'intermédiaire de
oUj à la 1^^ pers. seulement, à Quincié (c. de Beaujeu,
Rhône) ; îieu s'est même affaibli en nez) au cas sujet en
position proclitique; vo s'est maintenu, toutefois on
1. A Vellexon, on trouve aussi von à côté de vo au rég.
2. .V, c -f o// apparaît dans le dialecte lyonnais au XVII' siècle
dans la Bcrnarda Buyandiri; dsiiiH la Ville de Lyon en vers hur-
lesques^ on le trouve aussi à côté de r/, r -j- o plus fréquent. Dès
le XVI* siècle, on trouve n. v + ou seulement au sujet dans la
Checauc/ièe de Vâne (1566). Cf. Philippon, Rec. lyonnaise, VIII,
635.
3. On trouve aussi quelquefois com au sujet.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 198
trouve veit dans les plirases interrogatives : ko veli veu?
k atédi veu^f — Même développement, mais à la
2^ pers. à Mercury-Gémilly {•àvr. et c. d'Albertville.
Savoie), où l'on a /? -(- o, mais r -|- eu au sujet et au
régime*. — A Juré (c. de Saint-Just-en-Chevallet, arr.
de Roanne, Loire), reti et vo semblent coexister au
suj. et au rég., mais au suj. 1, le développement s'est
poursuivi pour aboutir à ne dev. cons., n dev. voy. ;
b ne persiste plus qu'au rég. 2.
4° Affaibli ssement partiel en e
N,v -\-o s'affaiblit très fréquemment en /?, r + e,
de préférence au sujet, mais quelquefois aussi au
régime ; l'alïaiblissement atteint plus souvent la
l^*^ pers., plus rarement la 2*^.
a) Au sujet 1 seulement. — A Lagnieu (arr. de
Belley, Ain;, no sujet persiste devant cons., mais s'af-
faiblit en nés dev. vov. C'est l'inverse à Pont-d'Ain
(arr. de Bourg), où l'on dit nos dev. voy., ne ou no
dev. cons. — A Pinsot (c. d'AUevard, arr. de Gre-
noble, Isère) et à Saint-Didier-sur-Rocliefort' (c. de
Noirétable, arr. de Montbrison, Loire , l'afEaiblisse-
ment ne se produit pas devant cons., mais devant
voy. , 710 se réduit à n avec disparition complète de
la sifïlante de liaison.
L'alïaiblissement est un peu plus complet à Planaise
1 . Dans la Serrante, en patois de Lagnieu (Ain), publiée par
Le Duc, Chansons, p. 118, je trouve aussi neu au suj. et au rég.,
mais ro.
2. On dit aussi ro au suj. et au rég.. mais ven est plus fréquent;
teu tent d'ailleurs à passer à ve, comme l'indique notre correspon-
dant.
3. A Saint-Didier, on dit aussi rou au suj. et au rég.
REVUE DE rHILOLOniE, XIII 1.3
194 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
(c. de Montmélian, arr. de Chambérv, Savoie) et à
Livet-et-Gavet^ (c. de Bourg-d'Oisans, arr. de Gre-
noble, Isère où l'on a ne dev. cons., ne.:- dev. voyelle.
— Entin ne dev. cons. se réduit à n devant voy., par
suite de la sifflante, dans la vallée de Tlsère^ à la Buis-
sière (c. du Touvetj, à Moutaret et à Saint-Pierre-
d' AUevard (c. d'Allevard), à Pontcliarra (c. de Gonce-
lin), à Saint-Ismier ^c. de Grenoble E.). Il en est de
même dans la Loire^ à Ailleux (c. de Boën, arr. de
Montbrison), à Champoly* et à Juré' (c. de Saint-
Just-en-Clievallet, arr. de Roanne).
h) Au sujet 2 seulement. — L'atïaiblissement semble
comporter les mêmes degrés à la 2'' pers. qu'à la l^'' ;
mais il est beaucoup plus rare. Le plus souvent même,
il ne se produit que dans les tournures interrogatives,
où la désinence verbale étant fortement accentuée, le
pronom, placé après le verbe, est un véritable encli-
tique. Tel est le cas dans l'Ain, à Marlieux (c. de Vil-
lars, arr. de Trévoux), où Ton dit ke veli ve, katèndi
re;de même à Gex et à Divonne yarr, et c. de Gex).
— Dans la Saône-et-Loire, à Cussy* (c. de Lucenay-
l'Évêque, arr. d'Autun),ro persiste devant cons., mais
se réduit à v devant vov. : v énié, v étandé\
c) Aus sujets 1 et 2 seulement. — Les deus pronoms
ne sont pas absolument traités de même à Pont-Tram-
bouze 'c. de Thizy, Rhône), où no ne s'affaiblit en ne
que dev. voy. ; vo s'affaiblit partout en ve, mais il per-
1. A Livet-et-Gavet^ on trouve quelquefois nou au rég., com au
suj. et au rég. à côté de vo. Cf. nc{;;) sj.-no(:r) reg., ro{.^) à
Vionnaz d'après M. Gilliéron.
2. A Champoly, no se réduit à /i, même devant cons.
3. A Juré, on trouve aussi ceii suj. et rég.; un 2* corr. ne donne
que cette forme.
4. A Cussy, cou et co coexistent.
LES PATOIS DE LA RÉGIOxN LYONNAISE 195
siste après le verbe, dans les interrogations, où, con-
trairement à ce qui a lieu dans l'Ain, il est fortement
accentué : ke veuli ro, katèndi vo. — Mais l'accord
entre les deus pronoms est complet à Saint-Jean-de-
Bournay^ (arr. de Vienne, Isère), et à Meythet* (c.
d'Annecy S., Haute-Savoie), où l'on trouve n, v -\-e{^).
d) Au régime 1 seulement. — Ce cas ne se présente
qu'à la Côte-Saint- André (arr. de Vienne, Isère), où
l'on dit ne au rég., mais n, v -\- o partout ailleurs, sauf
après le verbe : ke vol^é ve, Latand-'éve.
e) Au sujet et au régime 1. — L'aiîaiblissement
n'est complet qu'au sujet ne(^) à Quincié(c. de Beau-
jeu, Rhône) ; le rég. est neu; va persiste au sujet et au
rég. ; toutefois on dit ke veli veu, katédi veu. — L'affai-
blissement est complet à Saint-Offenges-Dessous
(c. d'Aix-les-Bains, arr. de Chambéry, Savoie), mais la
sifflante se maintient et se fait sentir même devant
cons. : de là la forme n'^ au sujet et au rég. — Dans
une autre partie de la Savoie^ à Grignon^ farr. etc.
d'Albertville) et dans l'Isère, à Voreppe* (c.de Voiron),
à Vinay, à Revel (c. de Beaurepaire), à la Tour-du-
Pin", on dit ne dev. cons. ne-^ dev. vov. — Dans une
partie de l'arr. de Saint-Marcellin (Isère), la sifflante
disparait complètement au sujet, même dev. voy.,
1. A Saint-Jean-de-Bournay^ on trouve quelques restes de o
par exemple katanduà vo à côté de ke vol'Jè ce.
2. A Meythet, l'affaiblissement atteint aussi le régime en posi-
tion proclitique devant un autre pronom :éo''*î6 rakonte= il vous
le raconte.
3. Vo ne s'affaiblit en ve à Grignon qu'après le verbe : ke vol'Jè
ve, katèndyè ve.
4. Un 2' corr. indique «o/^ rég., vice suj. et rég., tre suj . encli-
tique après le verbe.
5. A la Tour-du-Pin, vo s'affaiblit aussi en ve, mais seulement
après le verbe.
196 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
d'où la forme iie-ii ; mais au rég. elle persiste même
dev. eons. ;?t'j;tel est le casa Sillans (c. de Saint-
Étienne-de-Saint-Geoirs) et sans doute aussi à Saint-
j\Iicliel-de-Saint-Geoirs; à Saint-Paul -d'Izeaux, à la
Forteresse et peut-être à Yatilieu, dans le c. de Tul-
lins. — Enlin no s'alî'aiblit en ne dev. cons. n dev.
voy. au sujet, en ne dev. cons. et sans doute 7ie^
dev. voy.', au rég., dans l'arr. de Grenoble, à Noya-
rey (c. de Sassenage), à la Terrasse et à Saint-Hilaire
(c. du Touvet), au Sappey (c. de Grenoble E.), à
Proveyzieux (c. de Grenoble N.) et à Cliampagnier *
(c. de Vizille).
J) Au sujet et au régime 2. — Vo s'affaiblit en ve
quelquefois au sujet et au régime, dans la Saône-et-
Loire, à Dezize (c. de Couches-les-Mines, arr. d'Au-
tun)j où Ton dit: ske v'dite = ce que vous dites, v'zié
=1 vous ave^, v'^ étende z=. vous attende::^ sk à^v'di
=zce qu'il vous dit ; dans le Rhône, aus Chères (c. de
Limonest)^ où vo est plus fréquent ; dans la Haute-
Savoie, à Doussard (c. de Faverges,arr. d'Annecy), où
la forme ordinaire est vo; et enfin dans la Savoie à
Grésy-sur-Aix (c. d'Aix-les-Bains, arr. deChambéry),
où vo est aussi plus fréquent ; à Mercury-Gémilly
(arr. et c. d'Albertville), vo est général, mais on trouve
aussi ve ou veu au rég. et au suj.
g) Disparition des formes en o. — Par suite des
empiétements successifs des formes faibles sur les
formes en o, ces dernières tendent à disparaître. A
Meyzieu (arr. de Vienne, Isère), vo régime a seul
conservé le vocalisme primitif, au sujet et à la 1^^ pers.
1. Les exemples de /ïOM.s rég. devant voyelle nous font défaut.
2. A Champagnier,'^' n'existe que comme sujet enclitique après
le verbe.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 197
on dit n , V -{- e. Dans une commune voisine, à Jons
(c. de Meyzieu), o persiste au sujet 2 ro(^), rarement
au rég. qui est plutôt ve; à la l'"'^ pers. on emploie ne
dev. cons., no^ dev. voy. — Enfin^ à Saint-Girod
(c. d'Albens, arr. de Chambéry, Savoie), n, c -\- o ne
persiste que devant consonne, sauf au rég. 1 ne, et
s'affaiblit partout en 71, v -{- e^ dev. voy. Nous verrons
plus loin les cas où les formes faibles ont complète-
ment supplanté les formes en o à la V^ et à la 2"^ pers.,
au suj. et au rég.
^^ Développement partiel en é ou è
A Chapareillan (c. du Touvet, arr. de Grenoble,
Isère', 7X0 passe à né dev. cons., au suj., mais se main-
tient dev. voyelle. A Bernin (c. de Grenoble, Isère),
on dit 7iè dev. cons., /? dev. vovelle. Enfin dans la
Loire, à Saint-Cyr-de-Favières (c. de Saint-Sympho-
rien-de-Lay^ arr. de Roanne^, on dit nè(z) au suj. et au
rég., mais ro(^).
VI
LES FORMES n, V -)- OU
Les formes en ou occupent trois domaines impor-
tants et assez bien délimités; le plus considérable com-
prent les départements du sud de notre région (|ui se
rattachent linguistiquement au domaine provençal.
Les communes suivantes sont sur la lisière septentrio-
nale de ce premier domaine: Estivareille, Rozier, Fir-
miny et Saint-Étienne, au sud de la Loire; Dunières,
Saint-Victor et Annonav au nord de la Haute-Loire et
de l'Ardèche; Saint-Donat et Saint-Bonnet de Valclé-
198 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE 1
rieux, au nord de la Drôme; Saint-Maurice-de-rExil et i
lePéage-de-Roussillon,au sud de Tarr. de Vienne, dans i
l'Isère; Saint Bonnet-de-Cliavae-neetPresles-en-Rovans, j
au sud del'arr. de Saint-Marcellin ; le Gua, Saint-Paul- !
les-Monestier, la Motte-Saint-Martin, laMotte-d'Aveil- \
lans, Saint-Jean-de-Vaux, Vizille et le c. de Bourg-
d'Oisans au sud de Tarr. de Grenoble; la Salle, au i
nord de l'arr. de Briançon, dans les Hautes-Alpes. — i
Le second domaine de n, v -\- ou comprent la Bresse,
c'est-à-dire l'arr. de Bourg, une grande partie de la ;
Saône-et-Loire ; il faut y joindre le sud du Jura et le ;
sud du Doubs. — Enfin on trouve /i, r -(- ou au nord-
ouest du Doubs, au sud et à l'ouest de la Haute-
Saône, i
i
1^ N, V -}- ou au sujet et au régime ;
N, V -{- ou ne nous est signalé sur le territoire de '
Belfort que dans le c. de Belfort même, où sans doute |
le français a fait sentir son influence. Mais sur les '
frontières de la Haute-Saône et du Douhs n, v -{- ou \
est fréquent ; on le rencontre dans le Doubs à Abbe-
nans (c. de Rougemont), à Cour-les-Beaume (c. de i
Beaume-les-Dames), à Glamondans et à Nancray (c. de \
Roulans), dans l'arr. de Beaume-les-Dames; à Rigney |
(c. de Marchaux), à Ruffey* et à Franois (c. d'Audeux),
à Avannes (c. de Boussières), à Mamirolle (c. de Be- ^
sançon), dans l'arr. de BesançonV A^ v -\- ou semble \
isolé dans l'arr. de Pontarlier, à Lièvremont, dans le I
c. de Montbenoît qui ne connaît guère que les formes !
en o. — Dans la Haute-Saône, on dit n, v -\- ou à ^'
■y
Montagney* (c. de Pesmesj, à Germignev* et à Apre- f
1
1. Cf. ronf^j dans la Pai-ah. en pat. de Besanr-on (Mcm. des
Ant., VL 484).
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 199
mont (c. de Gray), à Bonboillon* (c. de Marnay), à
Géziers et à Autoreille* (c. de Gy), à Dampierre-snr-
Salon, dans Tarr. de Gray' ; à Boiilt* et à Butliiers
(c. de Boult),à Montbozon*, à Raze* (c. de Scey-sur-
Saône), à Noroy' et jusqu'à Mersuay* (c. d'Amance),
dans Tarr. de Vesoul.
Par le sud de Tarr. de Pontarlicr, où, comme nous le
verrons plus loin, les formes en ou se mêlent aus
formes en e, le domaine franco-comtois de n, v -f- ou
rejoint le domaine bressan. Ce dernier ne comprent
qu'une faible partie de l'arr. de Saint-Claude avec
Moirans', le sud et le centre de l'arr. de Lons-le-Sau-
nier, avec Blye** et Chille"** (c. de Conliège) et
Bornay (c. de Lons-le-Saunier)\ Dans l'Ain, l'arr. de
Bourg appartient presque tout entier au domaine de
n, V -|- ou': il faut excepter au sud-est les c. de Pont-
d'Ain et de Cevzériat et Trefïort. En revanche, n, v
1. A Oyrières* (c. d'Autrey) et à Champlitte*, on trouve bien
l'ou au rég., mais le rég. 1 se présente sous la forme nasalisée:
non.
2. De nos deus corr. de Noroy l'un donne n, v -}- ou et 2 fois
rô sujet; le 2*' /?, ï? + ô et une fois co« régime; d'où il faut conclure
à la coexistence des deus formes dans cette région qui touche à la
fois au domaine de o et au domaine de ou.
3. Cf. les phrases interrogatives ke voulycce? katendè veuf
4. A ajouter Saint-Amour, d'après M. Clédat, Lo Patois de Co-
lifjnr/ et de Saint- Amour, dans notre Rec . des Pat., I, 161 sqq. ;
et au sud de l'arr. de Poligny, Sirod(c. deChampagnole), d'après
des renseignements fournis par M. Fauconnet, professeur au col-
lège d'Arbois, et Crans d'après Chapuis, Voyage deTiènon Za^a,
in Rec. de Phil.fr., IV, b4, passiin.
5. Voir les noms dans notre Reçue, XII, 34. A ajouter Coligny,
d'aprèsM. Clédat, loe. cit. — On trouve encore n,r + o?< dans la
Parabole en pat. bressan publiée dans la Statistique del'Ain par
Bossi, Paris, 1808, p. 320, et dans quelques textes du recueil de
Chansons de he Duc: le Sermon du curé de Gré^ia, p. 420;
Lettre d'une Jille de Marlieu, p. 378; Chansons en patois des en-
:;^lX) REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
-\-ou franchit au sud-ouest la limite de l'arr. de Bourg
et pénètre dans l'arr. de Trévoux jusqu'à Chaveyriat
et à Voniias** [c. de Chàtillon-sur-Chalaronne). —
Dans la Saône-et-Loire, Uj c -\- ou n'est fréquent que
dans les régions voisines de l'Ain et du Jura. On le
trouve dans l'arr. de Louhans, à Bosjean* (c. de Saint-
Geriniiin-du-Bois'), à Vérissey et à la Frette* (c. de
Montret), à Branges c. de Louhans , à la Chapelle-
TJiècle* (c. de Montpont)*, à Ormes* c. de Cuisery), à
Miroir* (c. de Cuiseaux^ ; dans tout l'arr. de Chalon%
sauf au sud-ouest àSaint-Eusèbe(c.de Mont-Saint-Vin-
cent), où fi, V -\- ou se mélange à n, r -f- o, et au nord,
à Demigny c. de Cliagny) et à Navilly (c. de Ver-
dun), où n, v-\-o domine; dans quelques communes de
l'arr. de Mâcon, àMalay* (c. de Saint-Gengoux), à
Clessé* (c. de Lugny), à Saint-Martin-de-Senozan*
(c. deMàcon N.), à Solutré (c. de Mâcon S.) et à Sainte-
Cécile (c. de Cluny). Dans les deus autres arr. , à l'ouest
du dép., Ji, V -\- ou ne se rencontre qu'isolément au
milieu des formes en o plus fréquentes ; dans l'arr.
d'Autun,à Épinac*, où 6 de no, vo est un o très fermé,
proche de ou, à Cussy* (c. de Lucenay-l'Évêque), où
l'on trouve aussi les formes en o\ à Issy-l'Évéque*; dans
l'arr. de Charolles, à CoUonges et à Joncy* (c. de la
virons de Bourg, p. 223 sqq. xV, c + oii n'est peut-être pas très
ancien dans l'arr. de Bourg; on trouve en effet au XVIP siècle //,
r + f dans les Noël s de Pont-de-Vaux et des environs (Saint-Bé-
nigne, Reyssouze, Boz, Gorrevodj et dans ceus de Brossard de
Montaney en patois de Bourg, publiés par Le Duc.
1. Mais vo interrog. : /ce rWc cô, Uatcndè vo^ et quelquefois
ailleurs après que ; se ko dite.
2. Un 2' corr. donne partout «, r +e.
3. \'oir les noms dans notre Renne, XIII. p. 20.
4. Cf. cou dans la Parah. en patois du Morvan [Mèm.des Ant.,
Vi, 482;.
LES PATOIS DE LA KÉGION LYONNALSE 201
Guiche). à Sivignon (c. de Saint-Bonnet-de-Joux), à
Oudrv (c. de Palinges , à Neuvy*(^- de Gueugnon), à
Bourbon-Lancy*, à Vitry (c. de Paray-le-Monial) et
à Bourg-le-Comte (c. de Marcigny), où Ton trouve
aussi vo au sujet.
Au nord dudép. de l'Isère, au sud desarr. de Vienne
et de la Tour-du-Pin, n, v -\- ou occupe une petite
région, entourée de tous côtés par le domaine de
n, r -(- o et quicomprent dans Tarr. de Vienne, Clia-
ponnay (c. de Saint-Sympliorien-d'Ozon), Roche (c. de
la Verpillière) ; dans Tarr. de la Tour-du-Pin, une
partie du c. de la Tour-du-Pin avec Cessieu, la
Chapelle-de-la-Tour et Saint-Didier-de-la-Tour. Les
Avenières (c. de Morestel), où l'on dit fwn, rou
d'après un de nos correspondants, /7o, vo d'après deus
autres, est sur la limite au nord-est.
Le domaine provençal de /?, v ~\- on est bien ])lus
étendu que les précédents; mais le pronom sujet n'est
guère exprimé que sur la lisière septentrionale, de-
puis le sud de la Loire jusqu'au nord des Hautes-
Alpes, à Montbrison d'après Gras {Dict., p. 232-233),
à Firminy* et à Saint-Etienne dans la Loire, à Anno-
nay d'après la Parah. [Mém. des An t., VL 516), dans
l'Ardèche ; à Saint-Donat arr. de Valence), dans la
Drome; dans l'Isère, à Saint-Bonnet-de-Chavagne (arr.
et c. de Saint-Marcellin), à la Motte-Saint-Martin et
à la Motte-d'Aveillans (c. de la Mure), à Vizille^ dans
le c. de Bourg-d'Oisans, à la Garde, à Villard-Reculas,
auFréney, à Livet-et-Gavet, à Auris* ; enfin dans les
1. Les indications de notre correspondant de Vizille ne sont
pas claires :il traduit partout nous, cous français par /«o?<5^ cous;
mais en note il indique la forme ne{^) ; il est à noter que Vizille
touche à la région où dominent les formes alîaiblies en c.
2. Toutefois à Auris, on dit au sujet 2o(.<) avant le verbe, ous
202 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Hautes- Alpes, à la Salle 'c. du Monêtier), et d'après
Chabrand et de Rochas dans tout le Brianeonnais et
dans les vallées vaudoisesd'Oulxet de Pragelas.
Plus au sud, le pronom sujet est généralement sup-
primé et /?. r -{- ou ne s'emploie qu'au régime; quand
il est expiiuK' n, r -|- ou est gén(M^alement joint à
au tirs. Quelcjuefois aussi la sifflante de liaison passe
ày ouà yod, comme on l'a vu plus haut.
2'' N, V -|- ou(z) -f- (autres)
D'après M. Meyer-Lûbke (Gramm. des L. rom., II,
p. 103 de la trad.), autres est plus souvent joint à la
2^ pers. (pi'à la 1^"^. Nous ne trouvons pas trace de ce
fait dans l'état actuel de nos patois. Au contraire,
l'adjonction de autres ne nous est signalée qu'après
nous, à Prestes (c. de Pont-en-Royans, arr. de Saint-
Marcellin), dans l'Isère, et à Gras (c. de-Bourg-Saint-
Andéol, arr. de Privas), dans l'Ardèche. Faut-il
croire que c'est par accident que nos correspondants
ne nous signalent pas cou -\- [autres) ?
Autres se joint aus deus pronoms dans l'Isère, au
sud de l'arr. de Grenoble, à Mens et à Cornillon (c. de
Mens), où d'ailleurs le pr. sujet est le plus souvent
supprimé; dans les Hautes-Alpes, à Barcillonnette';
dans la Drôme^ à Sauzet (c. de Marsanne, arr. de
Montélimar) ; dans l'Ardèche, à Béage (c. de Mont-
pezat), et à Coucouron, dans l'arr. de Largentière, à
Lavilledieu 'c. de Villeneuve-de-Berg) et à Baix (c. de
après. Pour Livet-et-Gavet, un corr. donne nei^) suj., non rég.,
r:o{-z) ou cou{::) suj., coi:^) rég. Le 2' donne roa(^) partout, mais
noun suj. et rég.
1. Cf. même indication dans Chabrand et de Rochas.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 203
Cliomérac), dans l'arr. de Privas^ ; à Boftres (c. de
Vernoiix), à Saint-Victor (c. de Saint-Félicien), à
Devesset (c. de Saint- Agrèvo), à la Cliapelle-sous-
Chanéac (c. de Saint-Maitin-de-Valanias, dans l'arr.
de Tournon"; dans la ITaute-Loire, à Saint-Voy et au
Charabon-de-Tence, dans l'arr. d'Yssingeaux, et dans
tout l'arr. du Puy^ L'adjonction de autres est parti-
culièrement fréquente dans rArdèche et dans la
Haute-Loire, mais nulle part nousaati'cs, vous aut/'cs,
ne se réduisent à nautre, vautre, comme sur d'autres
points du territoire provençal. Cf. Mistral^ Trésor,
s. V. nous, vous.
3^ Développement partiel en eu et en u
Le mélange de ou et de eu ne nous est signalé que
dans l'Ain, à Izernore (arr. de Nantua), où nou n'a
persisté qu'au régime.
Le développement en u est très rare. Mistral donne
nus et nus autreis pour l'Auvergne. Dans la partie de
la Haute-Loire qui appartient à l'Auvergne, on dit
nu.^ -\- {autres) à Frugières-le-Pin (c. de Paulhaguet,
arr. de Brioude). On trouve encore nu au régime seu-
lement, dans la Loire, à la Fouillouse (c. de Saint-
Héand, arr. de Saint-Etienne) \ et dans la Drôme, à
Triors (c. de Romans, arr. de Valence^).
1. Cf. nous aoiitri^w]. dans une chanson en patois de Bourg-
Saint- Andéol, citée |>ar le D' Francus (A. Mazon). Voi/at/c le
long do la rivièro de l'Ardèc/ie, Privas, 3885, p. 293.
2. A ajouter Gilhoc d'après Clugnet.
3. Voir les noms dans notre Renie, XII, 4.
4. A la 2*^ pers., on a o au suj., cou au rég.
o. Le sujet n'est pas exprimé a la 1" pers. à Triors; à la 2' on
dit cou suj. et rég. Je trouve encore nu rég. dans les chroniques
en patois que publie V Impartial de Romans et du Bourg-de-
204 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
4'^ Développement pa/'fiel en we
Dans le c. do La marche (arr. de Neufcliàteau,
Vosges", on dit ace au sujet devant voyelle et devant
consonne, et au régime mn, ro rarement r^rc ; è vwe
le rèconfe= il cous le raconte. Le régime est non.
5^ Affaihlisscnient paiiiel en e
Le mélange des formes en on et des formes en e
présente les mêmes variétés que celui de o et de e.
a) Au sujet 1 seulement. — Non persiste devant
cons., maii^ s'alïaiblit en 7i(^^~ devant voyelle à Saint-
Jean-de-Vaux (c. de Vizille, arr. de Grenoble, Isère).
— Inversement, on dit /?e dev. cons., /?oz/.j dev. voy.,
à Saint-Haon (arr. de Roanne, Loire , où d'ailleurs on
trouve aussi ne^-. — La réduction de nou[:^} à ne(^)
est complète à Saint-^Savin (c. de Bourgoin, arr. de la
Tour-du-Pin), à Vizille (arr. de Grenoble), à Livet-et-
Gavet (c. de Bourg-d'Oisans), où nou existe aussi,
dans l'Isère ; à Saint- Amour, (c. de la Chapelle-de-
Guincliay, arr. de Màcon), dans la Saône-et-Loire. —
Enfin, on trouve le dernier degré de Taffaiblissement,
ne dev. cons., n dev. voy., dans le Doubs, à Bians-
les-Usiers (c. de Levier), aus Fourgs (c. de Pon-
tarlier), à Boujeons, à Remoray et aus Pontets (c. de
Moutlie), dans l'arr. de Pontarlier; dans la Saône-et-
Loire, à Saint-Sorlin c. de Màcon N.); dans la Loire,
à Saint-Rirand (c. de Saint-Haon, arr. de Roanne').
Pi'fifjc (notamment n" du 15 septembre et du 2.5 août 1808); cf.
toutefois l.c nous ijuccrnant = qui nous (joncri-nr.nt ^ sans doute
par raison d'euphonie, pour éviter deus u de suite.
1. Cf. les mêmes formes dans la Ckanson de la Vif/ne en
patois d'Ambierle (c. de Saint-Haon i, citée par Noëias, Làf/endcs
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 205
b) Au sujet 2 seulement. — A Moirans (arr. de
Saint-Claude, Jura)^ vou sujet après le verbe tent à
s'ali'aiblir en C(?; notre correspondant donne ke voulu è
ve^ mais Itatandè vou. A Germigney (arr. et c. de
Gray, Haute-Saône), Taflaiblissement se produit tou-
jours dans ce cas : Ae vente ve, Ii'atchidè ve. — Enfin
dans le c. de Neufcliâteau et en particulier à Barville
(Vosges), on dit ve, r partout au cas sujet.
c) Au sujet 1 et 2. — Tel est le cas dans la Saône-
et-Loire, à Clianes (c. de la Chapelle-de-Guinchay,
arr. de Mâcon), où le sujet est n, v -\- e(^), mais le rég.
n, v-\- ou\
cl) Au sujet et au rég. 1 . — On dit ne{.^) à Vignieu
(arr. et c. de la Tour-du-Pin, Isère)^ mais vou le plus
souvent à la 2^ pers. ; ne dev. cons. et dev. voy. au
Péage - de - Roussillon (c. de Roussillon, arr. de
Vienne^).
e) Au sujet et au vé(j. 2. — Dans le c. de Coussey*
( Vosges) j vou se réduit partout à v, mais non persiste
au rég.
j) Au régime 1 et 2. — Dans la Saône-et-Loire, à
la Truchère (c. de Tournus, arr. de Mâcon), nou, vou
ci Traditions forè.^lc.nnes, Roanne, 1865, p. 163-166, et dans
quelques-uns des textes de Gras, pour la plaine de Montbrison
(p. 237-238), pour Boën (p. 240), pour Cremeaux (p. 249-250). —
A Saint-Étienne^ d'après la Cronni'/ua Ga/yàsst, publiée chaque
jeudi par le journalLct Loire, on dit nou dev. cons., n dev. voy.
1. Vou suj. s'est conservé après le verbe : /.'c cli vou = que
voulez-cous f \\ s'affaiblit quelquefois au régime: tou ski v di
= tout ce qu'il cous dit, i c'ie raconte = il vous le raconte.
2. Vou persiste géLéraleoient, mais se réduit à ve après le
verbe. Cf. /ie(.v), vou(^~), sujet et rég. a Saint-Maurice-de-l'Exil
(c. de Roussillon), d'après Rivière : Notes sur le l. de Saint-
Maurice, dans notre Rev. des Pat., U, p. 274 sqq. : cf. du môme
Lou Piajou, in Rev. des L. roni., t. XLI, p. 402-i\0, pas si ni.
206 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
se sont maintenus au sujet; mais au régime, ii, v -j-
ou^ se réduit à n^ v -\-^c : 6 n.ze kôsc, 6 vze kôse, il
nous parle j il vous parlc\
VII
LES FORMES n, V -f- GU
Les formes en eu sont localisées sur trois points de
notre région, à l'est de la Haute-Saône et sur le terri-
toire de Bel fort, dans le Rhône, dans l'Ain.
Sur le territoire de Belfort, /i, o -\- eu au sujet et au
régime est signalé dans le c. de Giromagny, en parti-
culier à Auxelles-Haut^ Tout près de là, dans Tarr.
de Lure, on dit encore neu, veu à Clairegoutte'' (c. de
Champagney), à Mélisey, àRaddon(c. de Faucogney).
Dans le Rhône, tij v -j- eu s'étent sur le c. de Belle-
ville tout entier avec Charentay, Cercié, Saint-Lager
et Odenas^; on le trouve encore à Vaux et à Blacé
(c. de Villefranche); un peu plus au nord, à Quincié
(c. de Beau jeu), n, v -(- eu se mêle k ?ij v -\- o.
1. On trouve quelquefois au sujet c^e : kè ke v^euiè = qu'est-
ce que cous voulez, kè ke o^atadè^ ce devant m et / ; ce me dite,
ce le cru = cous me dites, cous l'ace^ cru, c au rég. devant / ;
o c le raconte = il cous le raconte.
2. Cf. co{;s) et ceuÇj) dans la Parab. en patois du Giromagny
(Mèm. des Ant., VI, 476). A Auxelles, on a co sujet après le
verbe.
3. A Ciairegoutte, aussi cô au suj. et au rég.; et à Mélisey, co
après le verbe. Cf. neu sujet et régime dans la Parab. en patois
duc. de Champagney {toc. cit., VI, 477).
4. A Odenas^ eu tent à s'affaiblir en e. A Saint-Lager, on
trouve parfois ce; co semble s'être maintenu dans certains cas,
par exemple se ke co dete = ce que cous dites, par euphonie,
pour éviter cinq e féminins de suite.
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 207
Ou passe à eu clans l'Ain, au nord de Tarr. de
Nantua, à Saint-Germain-de-Joux(c. de Chàtillon-de-
Michaille), où vo ne s'est maintenu (ju'après le verbe
en position enclitique, ke voli ro^à Brion (c. deNantua),
où vo se maintient dans les mêmes conditions, à Bou-
vent** (c. d'Oyonnax) ; dans la même région, à Izer-
nore, ou s'est maintenu au rég. 1, rarement au suj. 2.
On trouve encore isolément n, v -\- eu dans l'Isère^
à Corljas (c. de Saint-Symphorien-d'Ozon, arr. de
Vienne), où eu tent à se réduire à e; à Voreppe, veu
coexiste avec vo, vou, ne. Dans la Savoie, à Mercury-
Gémilly (arr. etc. d'Albertville), le pron. de la 2^ pers.
hésite entre veu et ve; cf. Grésy-sur-Isère, où l'on a
ve(^) av. le verbe, mais veu après. Enfin veu suj. et rég.
est encore signalé par un de nos correspondants à Juré
(c. de Saint-Just-en-Chevallet, arr. de Roanne), dans
la Loire, tandis qu'un 2*^ ne donne que vo.
VIII
LES FORMES n, V, -|- we
Les formes n, v -\- we, dont le we provient sans
doute d'un plus ancien wo\ se mêlent quelquefois,
comme nous l'avons vu^ aus formes en ou, et on les
trouve dans les mêmes régions que les formes en eu.
C'est ainsi qu'on dit n,v -\- ive au sujet et au régime, à
Aillevillers(c. de Saint-Loup), à Coisevaux (c. de Hé-
ricourt), àBouligney* (c. de Vauvillers), dans l'arr. de
Lure, au nord d'un petit domaine de n, v~\- eu.
Dans quelques communes de l'Ain, de l'Isère et de
1. A Jussey, A-e teute vwo = que couler- vous, entre les do-
maines de n, r + 0 et de n^ v + ou.
208 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
la Loire, on trouve ice à la 2^ pers., mais non à. la
l*"*' ; sans doute la consonne labiale r de vos a contril)ué
à produire ou à maintenir la semi- voyelle ^r. On dit
ricc(^}, mais nc{^) à "Rrénod (arr. deNantua, Ain), à
Saint-Chamond (arr. de Saint-lstienne, Loire), et
dans l'Isère à Yignieu ' (arr. et c. de la Tour-du-Pin),
à Voreppe (c. de Voiron ', à Vina\'' (arr. de Saint-
Marcellin\et nce'/j, mais /?<'-/? 'dans la Savoie, àSaint-
Jean-d'Arvev (c. de Cliambérv N.).
IX
LES FORMES AFFAIBLIES EN 6
Nous avons vu comment les formes affaiblies en e
ont graduellement supplanté les formes pleines en
o et en on en s'introduisant tantôt au sujet, tantôt au
régime, à la 1^*-' pers. ou à la 2^. Le terme logique de
cette évolution est l'emploi de n^v-\-e au sujet et au
régime des deus personnes, que l'on rencontre sur
quelques points de la Savoie, de l'Isère, de l'Ain et
du Rhône.
A Grésy-sur-Isère (arr. et c. d'Albertville, Savoie),
on emploie /^ v-\-eh] à tous les cas ; toutefois la forme
forte veu semble s'être conservée après le verbe, dans
lesphrasesinterrogatives*. A Saint-Girod(c. d'Albens),
les formes affaiblies ?i, v-\-e^ ne se rencontrent que
1. Quelquefois rori au règ.; un 2" corr. indique à côté de von
rés.. la forme nasalisée coiicn.
2. Un 1" corr. donne ron ou ro, un 2* tice.
3. Notre corr. écrit voue, en indiquant que voua est un mélange
de on et de e; co chez un 2* corr., avec un o très fermé, voisin
de ou.
4. Notre correspondant note cette dernière cœ. la 1" rp.
LES PATOIS DE LA RÉGION LYONNAISE 209
devant voyelle ; devant cons. n, v-\-o s'est maintenu.
— Dans l'Isère, on trouve n, r+^(^) à Corbas (c. de
Saint-Symphorien-d'Ozon, arr. de Vienne , //, v^e à
Gillonnay (c. de la Côte-Saint-André). — Dans le
Rhône, on dit n, ??-]-^(^) dans la même région que
;?, c^cu[.<), à Chamelet (c. du Bois-d'Oingt) et à
Odenas (e. de Belleville), où rcn existe aussi; cf.
n^ v-\-eu{^) à Vaux, à Blacé, à Charentay, à Cercié, à
Saint-Lager. — Dans l'Ain, n, r+e(-:r) est usité à Tos-
siat (c. de Pont-d'Ain, arr. de Bourg), à Reyrieux*
(arr. et c. de Trévoux); il en est de même dans la
Saône-et-Loire, à la Chapelle-Tliècle (c. de Montpont,
arr. de Loulians'\
Si l'on considère l'ensemble des cas où n, v-\-o, on
est passé à /?, r+c, on constate c{ue l'affaiblissement est
beaucoup plus rare à la 2^ pers. qu'à la 1'*^ : sur 71 com-
munes de notre région où ralîail)li8sement nous est
signalé, il y en a 49 où il affecte le pronom de la
V pers., 22 où il affecte celui de la 2^ ; dans 6 seule-
ment, il atteint la 2*^ pers. sans toucher à la l"^^. Vos a
été plus rebelle que nos à l'action de l'affaiblissement,
sans doute parce que la consonne lal)iale v a renforcé
et maintenu la voyelle labiale o. D'autre part, l'affai-
blissement est plus rare au régime qu'au sujet: sur nos
71 communes, 32 ne connaissent que l'affaiblissement
du sujet ; dans 32 autres, l'affaiblissement atteint à la
fois le sujet et le régime ^ Le régime 2 n'a été affaibli
que dans 12. Nos, vos sujets placés avant le verbe
étaient procliticpies et atones. Après le verbe, dans
les tournures interrogatives, le pronom sujet est for-
1. A la V pers., le rég. est n^c dev. voy. et dev. cons. Un
deusième corr. ne donne que les formes fortes n, v + on.
2. A Vinay, le rég. 1 est en e; mais le sujet 1 n'est pas exprimé.
Ri:vui: Di. l'Hii.oiodiK, xiii 14
210 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
toment accentiio en français; mais dans plusieurs de
nos patois Taccent porte sur la linale du verbe et le
pronom est enclitique : Ke roV'è ve, la plupart ne con-
naissent pas la f(^rm(^ interrogative du français et se
servent d'un périphrase (ju'est-ce que. Nos, vos sujets
sont donc presque toujours enclitiques ou proclitiques,
et peuvent par c-onséquent s'atîailjlir en ne, ve comme
Joujou en Je, tu en te. Au régime, au contraire, l'emploi
trèsfré(juent des formes toniques après les prépositions
a pu empêclier l'ali'aiblissement : les formes faibles,
que l'on rencontre quelquefois au régime, ont subi
sans doute l'influence analogique des formes du sujet.
— L'aliaiblissement s'est produit quelquefois devant
voyelle, mais non devant consonne; le cas inverse est
plus rare. Faut-il en conclure que le phénomène a
commencé devant voyelle, pour s'étendre ensuite aus
cas où le pronom était placé devant consonne? — Enfin,
l'affaiblissement est souvent accompagné de la chute
de la sifflante de liaison devant vovelle : dans 32 com-
munes, qui appartiennent pour la plupart à la vallée
de l'Isère, on dit fie devant consonne, ?i devant voyelle;
dans 32 autres, ne:^ s'est maintenu devant vovelle. Ve^
est assez fréquent 18 communes , mais v ne se ren-
contre guère que dans quelques cantons à l'ouest des
Vosges. Comme dans la région où ne-n -=. nous, les
consonnes de liaison sont d'un usage fréquent, il faut
admettre que ne-n est dû à l'influence àeje-j, te-t.
X
LES FORMES NASALISÉES
Les formes no, nou ont quelquefois nasalisé leur
voyelle :• à Champlitte* et à Oyrières* (c. d'Autrey >,
LES PATOIS DE LA REGION LYONNAISE 211
à l'ouest de Tarr. de Gray, dans la Haute-Saône, on
trouve non au régime: è non /laoase (Oyrières\ è non
y)d/Cliamplitte;f;ow persiste partout sans changement'.
— A Bourg-Argenlal, dans la Loire (arr. de Saint-
Etienne , le rég. 1 est noun-, mais von partout. A
Livet-et-Gavet (Isère, arr. de Grenoble, c. de Bourg-
d'Oisans , on dit aussi rioiui devant cons. au sujet et
au régime : noun parlèn = nous parlons, ou noan
parle =r // nous parle ; mais /loz^j devant consonne'.
L'influence de n initial de no, nou suffit à expliquer
la nasalisation de la voyelle suivante. Le fait n'est pas
isolé à Champlitte, à Oyrières et à Bourg-Argental,
où une voyelle finale, précédée d'une nasale, tent à se
nasaliser. Dans la Parabole, en patois de Champlitte
[Mém. des Ant., VI, 480, on trouve revenin = revenir,
se min =z se mit, aimin=z ami, rei^enun = revenu ; on
nous signale émin = ami à Oyrières \ counun=z connaît,
pun'ûn =: punit à Bourg-Argental.
A Vignieu (arr. et c. de la Tour-du-Pin, Isère),
c'est le pronom de la 2^ pers. qui s'est nasalisé sous
la forme vwen : se ke vwen d^^ente = ce que vous
dites, ou vwen le raconte = // vous le raconte; notre
corr. donne aussi la forme vou. La nasalisation se pro-
1. Cf. non loin de là, à Bourberain, non = nous, Lettre de
J. Tiercelet, in Bec. des Pat. Qal.-roni.,W ,^d\ devant voyelle,
la nasalisation est incomplète.
2. Le sujet 1 est oil). commun à presque toutes les personnes.
?i. Un 2' corr. donne ne{.z) suj., non rég.
4. L'action des nasales est particulièrement puissante à Oyrières
et à Champlitte: c'est ainsi que la nasalisation produite par n, m
intervocal, qui a disparu en français, s'est maintenue dans le
patois de cette région. On nous signale bon-ne — bonne., j'en nie =
j'aime, fèn-nye z=Jîne, cousèn-wje = cousine, fan-ne ^fe/nnie,
on-n\e=^ homme à Oyrières et à Champlitte, èvon-ne = acoine,
en-ne = une à Champlitte, èmèn-ne = emmène à Oyrières.
212
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
doit aussi dans d'autres mots : otimicen =z homme,
d'amwen =j"aimc; cf. plus liaut (î^cjite. Cette nasa-
lisation n"est pas sensible pour notre 2"^ corr., (jui
écrit vwe{^\ emwc, (Vamicc. La nasalisation est sans
doute incomplète et due à un abaissement prématuré
du voile du palais au inouKMit de la prononciation de
Ye féminin '.
L. ViGNON.
1. Cf. Devaux, Essai, etc. Nasalisation aclcenticc p. 268-271,
CONTRIBUTION
A LA
Phonétique de lO dans FLAMENCA
Nous concentrerons notre attention sur deus points: la
diphtongaison de d tonique, et le changement deo en u. Quant
au passage de o protonique à e, nous ne disposons que de
trois exemples où le phénomène revêt l'aspect d'une dissi-
milation devant un o subséquent : prcon 2212) (et même
prionda 3684), redon (653, etc.), f^ecni-s (4637) à côté de
socors (34, etc.] '.
Diplitongaiaon de 6 tonUjue. Elle se produit soit devant
un élément y- (cuer =: corium 2497, laein 7145, acuein27ô,
nueit ^760, miier^ =^ morio 4577, hui 4190, enuig 5326...),
soit devant c final (fuec 4967, etc.). Un cas particulier nous
est présenté par l'indicatif et le subjonctif présents du verbe
poder (piiesc 2905. . . puesca 3462. . .) : comme l'étymologie
de ces deus temps est contestée, il serait imprudent de cher-
cher à déterminer dans quelles conditions phonétiques la
diphtongaison s'est produite.
Les formes diphtonguées sont assez variées : iio est très
rare (erguolla 3719), i<e beaucoup plus fréquent {enueg 5238,
pueis 5503. . .), réduit souvent à u (lues 4988, nug 7414...) :
Vi subséquent est toujours le représentant du y et sert géné-
ralement à marquer le mouillement de la consonne (enueig
1. Les numéros reuvoieal aus vers d'après l'éditiou de M. Paul
Meyer.
2. Pois, devenu atone, peut se réduire à pos. Nous avons les quatre
formes pois (Ibo...); pueis (1553...), /)os (263...), puos (5831); les se-
condes sont plus rares, car ce mot n'est guère accentué.
214 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
5764 = cïuœch, uil 2936. . . = ulh). Il faut remarquer que,
pour les mêmes mots, des graphies très différentes existent :
les formes non diphtonguées et les formes diphtonguées
s'équivalent cà peu près numériquement, quoique, dans la
seconde moitié du poème, les secondes l'emportent' ; même
à la rime, des orthographes disparates sont juxtaposées
{uiiz doil 2719, oih- c/gub 4220. hœsjocs 4988. . . • Aucun
argument n'est plus probant pour nous faire admettre l'in-
tervention du scribe. Mais dans quel sens faut-il corriger?
Quelles étaient les formes du poème primitif?
Il n y a aucun moyen de résoudre la difficulté directe-
ment, car tous ces mots riment entre eus. Les exceptions
apparentes à cette règle sont des erreurs de lecture ou de
graphie, qu'il faut corriger. L'exemple le plus frappant nous
est fourni par le vers 5516 où le sens, comme la phonétique,
exige mie(/ (au lieu de nuer/} pour rimer avec reapieg . — Il
faut encore repousser la rime esceill-Jueill des vers 5548-9,
proposée par M. Meyer. Le manuscrit porte (il s'agit des
joys d^amor] :
L'iis es de ser autre de faeill,
Lun es dejoi, l'autre de faeill.
Le scribe a donc écrit inconsciemment le même mot deus
fois. Vraisemblablement l'opposition appelle, d'esceill au
premier vers; mais le second reste peu satisfaisant et doit être
altéré. Le copiste a dû sauter quelques lignes d'une énumé-
ration qui, selon le goût de l'époque, devait être vraisembla-
blement plus longue.
A priori, il semble que les formes non diphtonguées, les
plus anciennes dans l'histoire de la langue, doiventêlre celles
de l'auteur. Cette induction se fortifie beaucoup, si l'on admet
les hypothèses courantes au sujet de la patrie de l'auteur et
du manuscrit de Flamenca. Le poème est supposé originaire
1. D'ailleurs lacomparaison numérique des graphies ne peut entrer
comme élément dans la solution du problème.
PHONÉTIQUE DE l' « O » DANS « FLAMENCA » 215
du nord du domaine provençal : dans cette région, on ne
trouve guère de dipiitongaison ancienne de o en ue qu'en
Limousin; encore ne connais-je nulle part la réduction de
uek u\ Au contraire, ce changement existe dans la Provence
proprement dite, patrie probable de notre scribe. La langue
de Mistral ne connaît la diphtongaison en ue que devant une
consonne mouillée- (fueio, niue ^=3 niœch, etc.) ; mais le Tré-
sor dou felibri[/e nous donne à Marseille toute l'évolution
phonique de Flamenca: dune part ue, équivalent de ô,
devant e final {fue z=zfuec. . .;, de l'autre u, réduction d'un
ancien ue, lorsque la voyelle précédait une consonne mouillée
(fuio ^= fueio ^=^ fuelha). Le développement des études dia-
lectales nous montrera sans doute quelque jour l'aire de ce
phénomène ; il est à prévoir que des parlers voisins doivent
connaître aussi la réduction de ue à u devant c final. Nous
admettrons donc que les formes diphtonguées sont dues à
l'intervention personnelle du scribe : en Limousin, en Au-
vergne'', en Velay, la diphtongaison ou bien est plus tardive,
ou bien s'est produite dans des conditions phoniques diffé-
rentes et n'a pas suivi le même développement ^ Toutefois
la question reste très douteuse pour certains mots tels que
enueg,enuei, enug,nug, nuecj , /me^V, qui offrent toujours des
formes diphtonguées. Les dialectes actuels nous présentent
de fréquents exemples de diphtongaison isolée.
Changement de o en u. Avant de rechercher la nature du
phénomène, il convient d'en préciser l'étendue. On peut
poser en principe que la graphie a =1 0 ne se trouve que sur
la protonique, à part deus ou trois exceptions apparentes.
1. Mais bien de ue à c: f'aec devient /éc et non/ae.
2. Devant c final, on a le processus «o, io, yo {/lô =/uor].
o. Les chartes de coutumes du XIIP siècle (Besse, Moutferrand,
etc.) n'offrent jamais la di[)hiongaison de à.
4. En Auvergne, j'ai observé: 1" la dipht. de o de la dipht. ou tota-
lement inconnue à notre texte, —2° devante final, les processus uo
— > à, uo — > ICO, uo — > lo — > t/o, — 2" devant une consonne
mouillée le développement uol — > ucl — > locc — > èi, sporadique
et assez rare.
216 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Le nom de lieu Nemiwi^, qui rime avec eficum (7032), doit,
être considéré comme issu d'un type avec Ci : celte re-
marque, jointe à la présence de /•, fait écarter TidentiHca-
tion avec Nemours \^N^emausum, vieus fr. N'cîiiofi, Nemoiis);
on pourrait songer à Nainur, s'il était possible d'expli-
quer d'une manière satisfaisante le changement de a en e
et la présence de ^- final fixe. — Il faut encore ècarier
lur accentué: des rimes telles que resplandor-lar (535),
cndador-lor 711) , etc., prouxcnt clairement que l'auteur
prononçait lov. Je crois qu'il faut admettre le môme prin-
cipe pour l'atone: l'existence actuelle de lur en Provence'
fortifie cette hypothèse. — Deus mots assez embarrassants
sont mrVuvnt nieliovat: atone: mellnret 9^0, molfuramen
2981, etc.) et peiura (peiorat). qui riment ensemble (3318) et
n'ofïrent jamais la graphie o ; mellor au contraire est intact
(4581) ; je n'ai pas trouvé pejor. J'admettrais volontiers un
changement de suffixe, la substitution de ûrare à ôrar^e^.
Cette hypothèse est appuyée par les dialectes actuels: Mis-
tral ne connaît que peiiwa, et il cite ineiura comme vellavien,
à côté de meioura. L'absence de localisation précise ne me
permet pas de discuter la forme vellavienne; mais tout au
moins, on peut affirmer que, d'après la phonétique de Mail-
lane, peiura est absolument inexplicable si l'on veut le rat-
tacher à peiùrare.
Toute une série de formes doi\entcire mises à part : ce
sont les mots qui nous présentent « (ton. ou at.) = o-|-m, n-}-
consonne^ Dans tous ces exemples, u me semble avoir une
valeur purement orthographique, en ce sens que je ne crois
1. Mistral ne donne lur que comme bordelais; mais je sais que
cette forme existe en Provence; au contraire, je n'en connais pas de
représentant dans le nord du Massif central.
2. Mcillara rime avec parladura, cura, segura, rancura, crea-
tura, trasfifjura, tortura, freidura (Peire d'Auvergne, — Bartsch,
72, 32); —peiura Sixec natura 'Jaufre,— B. 245, 18) et avec tonsura^
drec/tura fRaimond de Cornet, — B. 364, 7).
3. Écarter le groupe d -\- n mouille, déjà vu, ou u = ue (cf. luctn-
f les Lui n 714.5. . . ).
PHONÉTIQUE DE l' " O » DANS « FLAMENCA » 217
pas probable un chaûgement de ô{ou) en u. Car les dialectes
actuels ne nous offrent pas trace d'un pareil phénomène et
nous présentent toujours escoundu, oumbro, ounylo, voloun-
tiéy etc. L'origine de cette graphie est généralement l'influence
savante du mot latin correspondant {janturafi 1620, ixing
3540, umbva 2176, undat 1591, iwf/la^ 1559, unquas 2186...).
Mais cette explication n'est pas toujours admissible: elle est
en défaut, notamment pour des formes telles que eacandat
(3931). Peut-être cette orthographe dénote-t-elle un commen-
cement de nasalisation ou le changement plus précoce de 6z
en ou dans cette position. Nous avons d'ailleurs les graphies
concurrentes en o, beaucoup plus fréquents dans l'ensemble
(donqaas 2743, escondeva 4005..., ongleias 6809, redonda
653..., volontiers \2b...,Q\Q,. -).
Le terrain ainsi déblayé, nous ne nous trouvons plus dé-
sormais en présence que du phénomène suivant : la substitu-
tion de a à o protonique qu'on ne rencontre, en somme, que
dans assez peu de mots. Désormais la pierrre de louche que
nous fournissait la lime va nous faire défaut. La tâche
devient plus délicate. Cependant, grâce à l'appui des dialectes
actuels, je crois qu'on peut ranger nos formes en deus grandes
classes: la première catégorie ne renferme que des graphies
savantes, qui ne correspondent à aucune réalité phonétique;
la seconde, au contraire, comprent des formes qui ont vécu,
mais dont la production est due à une analogie morpholo-
gique. En d'autres ternies, je ne crois pas que nous soyons
en présence, dans aucun cas, d'un changement phonétique
de 0 proionique en a. Ce phénomène existe bien en syllabe
1. l^a présence de n + gr, /i + /y peut amener o,a à u {punùs, un-
glo). Mais le fait ne se produit, à ma connaissance, que dans la
région gasconne.
2. Je crois qu'il faut ranger ici le mot cumiat (6878, en 3 syll.), assez
embarrassant (cî. comjat, en deus syll. 74:^6, etc.). — Je ne m'occu-
perai pas desformesoù a ionique est dû à la présence d'un l flexion-
uel (tut =: *tôtti ...). — Je ne sais comment expliquer sanglut rimant
avec despendut (754). (Cf. sangLotir 3311). Le prov. mod. connaît
les deus formes senglout eisenglut.
218 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
ouverte dans certains parlers du Centre; mais, à part
quelques mots qui. précisément ne sont pas représentés dans
Flamenca\ il est tout à fait récent: l'évolution peut généra-
lement être prise sur le vif; enfin les conditions phoniques
sont rigoureuses. Rien de semblable dans notre poème, où
il est impossible de déterminer les conditions phonétiques
d'un changement de o (ou) en u : la graphie u se trouve
dans les positions les plus variées, en syllabe ouverte ou fer-
mée, après comme devant une consonne quelconque (adurmis
5177, Giibri 4122, cuiller 384, ruminai 6258, juglars 211,
jnullier bSSl, nuirir 1573, .S'^s-y^z"/' 5841, uccoison 24.20.) Les
formes en o coexistent concurremment*.
Les mots oia Vu s'est conservé jusque dans les dialectes
actuels, ont subi une action morphologique, et semblent bien
appartenir sous cette forme à la langue du scribe. Le T'/'e-
sor o?o w/(?/i6/*ï(7e nous donne les formes verbales suivantes:
culi, curbi, clurbi, durmi (niçois), Juga marseillais), ufri
^marseillais, etc.), où le changement en m de o protonique,
toujours issu d'un ô, n'est pas phonétique. Or, ces atones
correspondent toujours à des toniques en ue {cueie, cuerbe,
duerbe, duermi.juéqui, uefre) ; il y a connexité nécessaire
entre les deus phénomènes: lorsque la voyelle accentuée est
o, atone elle devient ou; au contraire, la tonique ne a toujours
une atone w. Il devient dès lors certain que nousavons affaire
à une analogie verbale : anciennement les formes diphton-
guées ont été étendues à toute la conjugaison ; puis une évo-
lution phonétique a réduit à u le son ue placé avant l'accent.
Cette loi s'observe aussi dans des dérivés ifuiaye =■ fueiage,
d'après fueio).
1. Tels budé {hudel), que notre poème ne donne pas; cazL (cosin),
cuzi.na [coziaa) (ici toujours o; co^ti 7586... cosina Vi2ô...). Au con-
traire, j'ai toujours trouvé ou dans les mots notés u par notre manus-
crit {cubit, cubrl. cu-^i, durmi, e^rupL..).
2. Ceci est une constatation et non un argument: car, même ainsi,
le changement de o en a pourrait être un phénomène phonétique de
la langue du scribe, î^'il ne se produisait que dans des circonsiance>
déterminées: mais nous venons de voir qu'il n'eu est rien.
PHONÉTIQUE DE l' « O » DANS « FLAMENCA » 219
Je crois que les formes correspondantes de Flamenca nous
ofïrentunphénomèneanalogue. Aune flexion primitive, acwe///
acolhir,cuebre cobrii\adaebre adobr^ir, duerrne dormir, jaec
jogar, uefre ofrir^ muer morir, a succédé unepremière série,
acuelh acaelhir... etc., puis une seconde acuelh (plus tard
aculh) aculhir'*. Reste à justifier ces diphtongaisons de ô
tonique, qui toutes ne paraissent pas rentrer dans le cadre
que nous avons tracé au début. Les formes accentuées de
ces verbes sont très peu représentées dans le poème : nous
n'avons que acueil (à côté de acoil), et muer mur = môrio,
concurremment avec mor, qui semble une forme refaite
d'après un latin hypothétique "^'môro, muer di pu suffire à en-
traîner la conjugaison ; de même ^'jaec [iôco), que nous
n'avons pas, mais qu'il est légitime de supposer en face de
juec = iôcum. Quant aus trois verbes obrir, ofrir, dormir,
les formes diphtoaguées uebre et aduebre, cuebre), uefre,
duerme, ne sont pas hypothétiques : elles se trouvent dans
beaucoup de textes provençaus, je les crois encore issues de
la première personne, où elles ont été provoquées par Vij de
la désinence zo-, qui dut être adjointe à o/rir lors de son
passage à la conjugaison en -ir. Dans la même classe rentre
sofrir: Tancien français (suefre...) est ici d'accord avec le
provençal pour postuler un changement de timbre de ïo
tonique (ô au lieu de o), sous l'influence probable de ofrir.
Nous avons quelques exemples de la diphtongue ue proto-
nique : ainsi pueacam (4239, etc., d'après puesca), réduit
ensuite à puscam ; vueillas [2^ p. pi.] (6858, puis vuillaa
(7072): l'évolution est ici saisie sur le vif''. Il faut donc
expliquer de la sorte, non seulement des formes verbales
telles que adubri (964), ubert (1159;, ubrir (1523)..., enujes
(4548)..., cubri ^964)..., vaillatz (5183)..., acullira (2324)...
sufrir (1070)..., mais encore les substantifs verbaus corres-
1. Ou sait que, dans les évolutions phonétiques, la protonique est
normalement eu avance sur la tonique.
2. Ct.puec ^pôtuî et poc = potuït.
3. Cf. le dérivé orgaeillosa (7842).
220 REVTE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
pondants, et les dérivés influencés par la même cause {erpaeil-
losa 7S42, ergnillosa 3855, d'après crf/ueil : /nrjador H99b,
iufjamen 63\A, jugosa 511, jtiglar 8211.. , d'après / uec ;
lichen 4756, d'après uech, etc.). Ces quelques racines ont,
dans notre texte, de très nombreus représentants qui cons-
tituent à eus seuls à peu près la moifé des exemples où o
protonique se change en u. — Comme ce phénomène appar-
tient à la langue du scribe, nous ne serons pas surpris de
trouver des graphies concurrentes en o, ieWesjoglars (499...).
ergoillosa (6673, cohri 3687. cobertor 3279), ohrir
(6440), etc.
A l'opposé, les graphies savantes sont, somme toute, assez
rares. 'Nous devons d'ailleurs être très prudents dans nos
affirmations: la connaissance incomplète que nous avons des
dialectes actuels ne nous permet jamais d'affirmer l'inexistence
de telle forme ; d'autre part, fût-elle constatée, cette absence
dans les patois parlés aujourd'hui, ne serait pas concluante,
car la forme en question peut avoir vécu autrefois et n'être
tombée en désuétude que depuis un ou deus siècles. Sous le
bénéfice de ces observations, nous serions disposés à voir une
influence purement latine dans l'orthographe des mots sui-
vants: 6/////^^ (4688: prov. môd. hoidi, — l'ades formes lim.
auv. dauph. buli, hulhi, citées par Mistral, est beaucoup plus
récent). — cubida 4814: M. P. Meyer croit qu'il y a eu une
scission de forme et de sens entre cobirci cubir: au fait, cobit
du V. .'i863 présente une acception différente') — mullier
(5787: patois actuels : m.oaié et moulho) — nidrir (1573: les
parlers d'aujourd'hui ont repris nourri au fr.), .s7/.aî< (7563),
mot disparu, — sufipir (5841 : prov. mod. aouspira; id. dans
les régions auvergnates et vellaviennes qui n'ont pas amuï
s -\- consonne . L'orthographe en o coexiste également pour
la plupart de ces mots.
L'alternance entre o et a dans un grand nombre de mots,
1. Je ne connais pas.— ni le Trc<or non plus, — ce verbe claus le.>
parler.s actuels. Les autres mois de la même racine offrent ioiijoui>
ua et non a).
PHONÉTIQUE DE l' « O » DANS " FLAMENCA » 221
a provoqué chez le scribe une certaine hésitation, qui seule
peut rendre compte de certaines graphies inexplicables par
les raisons précédentes : je veus parler des mots hiardar
(706 — cf. hiordar 913), cuminal (6258...)% casl ;2225i,
ucaiaon [2bS2...), ugan (1526...) qui ne semble pas avoir
vécu avec //dans les patois actuels-. — Deus formes sont
plus embarrassantes, car nous sommes assurés de leur vita-
lité: ce sont cM///e/' (384: prov.mod. cuié; auv. culhèi, tyalhèi)
et escifpiV (3131 : pr. escupi\ diwv. lim. escoupi, eicoupi). De
ces deus formes, au moins la seconde semble due au scribe.
J'expliquerais volontiers callier par l'influence de cidhiv ;
quant à escupir, je n'ai aucune solution à proposer.
Tels sont les quelques résultats que j'ai essayé de dégager
du dépouillement de Flamenca. .Te crains de m'être laissé
aller parfois à la tentation de violenter un peu les faits en les
synthétisant: aussi tiens-je à répéter, avant de terminer,
qu'en présence des éléments complexes dont nous disposons,
il serait téméraire de nous hasarder au delà de simples
conjectures.
Voici mon dépouillement^:
acoil (voil) 1898, 3273 ; — acueil (brueil) 433, (voil) 7275;
acueilla 'doilla:7648 ; acueil (despuell) 7505 ; ergueill) 5610;
acuilla (despueilla) 559 ; acuilli7478; acuillir-6877 ; acuillitz
8041 ; aculli 6909, 6452, 7698; acullir 2963 ; acuUira 2324 ;
acuUon 7310, (vueillon) 6767.
adobat291...
adomesguar 327 .
adoncas 3461...
adubri (cubri) 965.
adurmis5177 (^ailleurs tj. o).
1. Graphietrès répandue (V. par ex. la charte de Montferrand),
'Z. Le limousin ujan^ récent, doit être mis à part.
3. Les mots qui offrent à notre point de vue une graphie invariable
ne sont cités qu'une ou deus fois; nous n'avons môme pas crudevoir
relever tous les mots, extrêmement uombreus, où o protonique est
intact. Lorsqu'un mot figure à la rime, la rime correspondante est
indiquée entre parenthèses.
222 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
as:enollatz 2279.
amoros I5fi. 176...
anug (enug 1861, 6408; anueg (enueg) 5764; anuig 6357.
arosat 156.
aunda (reduiida) 198.
avolesa 742.
biort (cort 918; biordar 913 ; biurdar706.
bosc 3248.
broil moil)4686; broilla doilla)4664; — brueil (acueil)
4310: bruil 3317 (uil) 2036; bruilla 4692.
buillet4688.
cabrefoil (Tintagoil- 591.
cloquier 3843, cloquiers 3838.
cobertor 3279; cobertors 5903; cobri 3687;— cubert2, 503.
772, 837; cuberta 1447, 2426, 3845, 4084; cubertamen 2593.
5728 ; cubertas 6992 ; cuberls 5226 ; cubertz 1488, 5032, 5144 .
5451 ; cubri 4122, (adubri) 964; cubrir 1637.
cobezesa 744 ; cobit 5863 ; — cubida 4814.
cobrada 6775; cobrar 6987.
coc 1390.
cochar 2151 ; coches 2147 ; cojatz 4544, etc.
cogos 1178; cogotz 1120.
coire 5496 ; cosina 1325.. . ; cozens 3051 ; cozentz 1004.
coissas 1624.
colors 537. etc.
coman 289, etc.
comen 473, etc.
coraensa 707, etc.
cominal 3110; cominalmen 2951 ; cominal.s 2170; etc. ;
— cuminal 6258.
comjat 7436, etc. ; — cumiat en 3 syll.) 6878.
compaina 2455.
complida ^216; complir 2350; etc.
conilz 393.
conortz 869 .
PHONÉTIQUE DE l' « O » DANS « FLAMENCA » 223
corals 2376.
coronada 22, 1104, etc.
cosi 7586; cosin 903 ; cosina 741 ; cosins 1655, etc.
coren 104, 118,1481, 2365, etc.
cruecs 206.
cuer 2497 ; cuers 2263.
cullier 384.
cusi [^coait] 2225.
cleraorava63, etc.
descobri 5282; — descubert 1639; descubrir 1450; descu-
bris 4737.
deslain (luein) 7146.
despueill (sueill 5809 ; despueilla (acuilla) 560; despuell
acuell) 7506; despuella (tolla)7464.
doblet 1466.
doil (oil) 6353, (uil) 2719, (voil) 4960; doilla 3200,(acueilla)
7649. (broilla)4665, (foilla) 2680, 6044 (moilla), 4133 ; —
dueilla (vueilla) 7630; duella ivuella, 7544.
dolenta 267, 849; dolor 895, etc.
donar 110, 121.
donquas 5483, (unquas) 2743.
dug (nuh 2686.
ergoil (Nantoil) 691, (voil) 4065 ; ergoillosa 6673 ; ergoilz
(oilz 2435; — elgulz (oilz) 4227 ; ergueil 1352 (voil) 12; er-
gueilI6271, (acuell) 5611; ergueillosa 7842; ergueilz (olz) 287;
erguil (voil) 2868 ; erguillosa 3856, 6237 ; erguolla (voilla)
3720; orgueil! (voil) 6218.
enrasonatz 99.
enueg 1467, (escug 5238; enuei 6236; enueig 2180, 2218,
2305,2358, (anueg) 5765, (nueg) 316 ; enueja 6024 ; enug
[subst.] 3429, 6411, (anug) 1860, 6407, (nug 1636 ; enug
[subj.] 2849; enuig (VIII 769, 5326 ; enuja 4144, 6884; enu-
jes 4548; enujos 6214 ; enujosa 7815 ; enuosa3143.
escobatz 1500 .
escogossatz 1176.
'224 REVISE DE PHILOLOGIK FRANÇAISE
escondera 4005. etc. ; — escundutz .3531.
escug (ennpfi:^ 5235.
pscupir 3133.
esponda (responda) 3251, etc.
esposada 29G.
florit 2344, etc.
foc 3551, l'ioe 31B2; — fiiec 159. 4967. (joc) 5563.
foil 2603, 2605, (oil) 3131 ; loilla (doillaj 2679, 6044; foils
2609 : — fueil 3972, fesveill ? 5549 ; fuilla 3570-
folleja 1200.
gelosia 872, 1005, etc.
gonella 2219.
honor 52, 154, etc.
joc [subsi.j 816, 1075, .3324, 3690. 6512, fuec)5562, (luec
1421, 6477 ; joc [subj.J, lUOU: joghir8029 ; joglars499, 1716,
1725; jocs 5026, 6499, (lucsj 4289 ; — juec 603, 6493, luec;
6165, 7512; juecs 6514; jugador 3995 ; jugamen 6314 ; ju-
gant 6085; jugar 299, 604, 1754, 4249, 4885, 6495, 6520;
juglar 313, 581, 713,719, 6786,7496; juglars 211, 881, 999,
3219 ; jugosa 541 ; jugueron 6481 .
joveii 86 ; joveiiL 244, etc.
j un tu ras 1620.
loc3166, 4152, (foci 3161; logatz 3737 ; loguier 2799, 3373,
3603 : — lue 3981 . 4093, 4151 ; lues (jocs) 4988; luoc 263, 1490,
2187, 2603. 2738. 3018, 3112, 5106, 5471. 5485, 5805, 6216.
6892. 6963. 7137. 7434, 7528. 7373,7375, 7380, 7828, (joc)
1422, 6478. jned 6164, 7511 ; luecs 1336, 4328, 5468, 5491.
57^5. 6253. 7426. 7653, 8050.
lor 313. (cortejador) 1140, viulador) 719;— lur [adj.] 336,
142, 519, 554. 725.741 , 747,784. 792. 1096,1365, 1466, 1467,
1723, 1877, 1945, 2379, 3241 . .3615, etc. ; lur [pron.] 1, 198,
730, 791, 794. 1093, 136^., 1465. 1721 . 1754 2012, 2023, 2412,
3107, 3226, etc., (resplandor) 536.
luein 135, 72, 2765. 67.50 'desluin) 7145.
PHONÉTIQUE DE L* « O » DANS « FLAMENCA » 225
meillor 1805, 1888, etc.; mellor 4581, etc.;— mellura 1671,
etc., (pejura) 3318; melluramen 2931 ; mellurar 3169 ; mel-
luret980, etc.
mogues 738 ; movam 81 , etc .
inoil(broil) 4687; moilla6830, (doilla) 4132.
mollier43, 641, etc. ; — mullier 5787, 7681 .
mor[l«p. s.] 4508; — muer 4577; mur 4542, 4600, 4875;
mûrir 5349 ; mûris 5767 ; [ailleurs toujours o à l'atone].
Nantoil (ergoil) 692.
Nemurs (escurs) 7032.
noella 322; novellas 3419; etc.
noiridura 1575 ; noiris 1630; noirit 1929, etc. ; — nuirir
1573.
nueg 321, (enueig) 317, ? (respieg) 5516 ; nueh 7450 ; nuehz
7462 ; nueit 5760 ; nueitz 7459 ; nug 1809, 2038, 3315.3741,
3806,4374,4742, 7414, (enug) 1335, . VIII) 3011; nugz 6281;
nuh 3392, (dug) 2685 ; nuit 2991 ; nuz 4172.
obertura 2494; obri 6053; obrie.rs3725, 4734; obrir 6404;
— ubri 2133, 2183, 2300, 3277; ubrir 1523, 2997; ubris
2180, etc.
oblida 848 ; oblidar 1673 ; oblidet 787 ; oblit 95, etc.
obrar 3573, etc.
ocaiso 6667 ; — ucason3131 ; ucaiso 2857 ; ucaison 2582,
73C3, 7820 ; uccaison 2430.
offerre 3487 ; — uferta 1448 ; uffrehda 3913 ; ufrir 1443, etc .
ogan 2687; — ugan 1526, 3382, 5306.
oi238;hoi 3379, 4388; oimais 2972, 3075, 3087, 3625,
6475 ; hoimais 4398 ; — huei 7752, 7780, 7788 ; hui 2666,
4029, 4190, 4893, 5380, 6089; ueimais 6339, 6526; ui 8035 ;
uimais 2895.
cil 2577, 5315, (doil) 6354, ffoil) 3152 ; oill 7664 ; oils1127,
2463, 2809, 3001, 3160, 3978, 4132, 5624; oilz 525, 1Û63,
1538, 1595, 2183, 2475, 2609, 2134, 3937, 4226, 4452, 5671,
5289, 5290, 5943, 6539,6559,6569, 6607,6645, 6829, (ergoilz)
2434; olz (ergueilz) 286 ; — ueil 309, 6574; ueils 994, 2195,
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII. 15
226 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
2490, 2608, 3577 ; ueilz 5287, 6537, 6599. 7430; uil4378,
(bruil 237, (doil) 2719; uils 4375; uilz 6545.
ongemens 5780.
onglas 3776; ongletas 6809; — unglal559.
plorar 3312.
pluia 205.
poc [3^" p.] 2551, etc., toc 331; pocs 5076 ; podem 48,
110, etc. ; pose 77, 1103, 3371, 3566, 3677, 4617, 5487, 5504,
5509 ; posca 398, 515, 2607, 5150, 5320 ; poscam 3513; pos-
con 2620 ; — pues 5042, 5081 ; puec [1^ p.] 7228, 7754 .
puees4551 ; puesc 1107, 1309,1744. 2861, 2867. 2905, 3345,
3366, 3368, 3443, 3631, 4242, 4709, 4855. 5050, 5051, 5102,
5651, 6018, 6093, 6351, 6706, 7220, 7588,7743, 7764; puesca
3462, 4519, 5940, 6230, 6284, 6316, 7155, 7607, 7821 ; pues-
eam 4239; puesean 6502, 6868, 7961 ; puescas 766; puesehem
1661 ; pusca 3942, 4298 ; puscam5332.
poig 1216; — pueitz 7204.
pois 155, 530, 616, etc. ; poissas 1, 475, 1262, etc. ; pos
263,277, 734, 835, etc. ; — pueis 1553, 2598, etc., 5503,5511,
5608, 5794. 6012, 6649, 7580, 7857; pueissas 3780, 7999 ;
pues 5831.
politz 1500.
poDhem 79, etc. ; — pung2540.
preon (respon'i 2212 ; prionda (redonda) 3684.
prometre 111, etc. *
redonda 653 [prionda), 3683; redons 1617, etc.; — redunda
(aunda) 199; redundas 1624.
respon (preon) 2213 ; responda (esponda)3252, etc.
Robert 63, 68.
rodât 789.
ronos 1168.
saborada 1087; saboros 539, etc.
sanglotir 3311 ; — sanglut (despendut) 754.
secors 4637 ; socors 34, etc., 7893.
PHONÉTIQUE DE l' " O » DANS " FLAMENCA » 227
soen 310, etc.
sofrailos 1588 ; sofrir 2795 ; — suffert 2762; suffrens 1176,
1178 ; suffrir 1070, 5411, etc. ; suffris 513 ; sufri 4957, etc ;
sufrir 1174, 4054, 4771, 4954, etc ; .suf rires 4996, etc.; sufris
3044.
sojornarl775 ; sojornat 417, 1690.
solas 1506.
soleilz 209, etc.
solet 650.
soliers 1910.
somo 14, etc.
sonada 454 ; sonalz 954 ; sonar 1519, etc.
sopar 909, etc.
sopleguet 2136.
sotilezal229.
suau 7563, etc.
sueil (vueil), 6779 ; sueill [despueill) 5808, (vueill) 7766.
suspir 5841.
Tintagoil (cabrefoil) 592.
tocar 1520, etc.
tolla 946, etc., (despuella) 7463, (voila) 1480 ; tollion (ve-
niun) 6843
troberon 52, etc.
tropel 1020.
ucheii4688, 47o6 ; ueg 335 ; VIII [enuig) 770, 5327; XVIII
(nug) 3012; uiten5460.
umbra 2176, (enumbra) 2443.
uncas 6944, 7871; huncas 3380; unquas 1986, (donquas)
2744.
veniun (tollion) 6842.
vergonosa 268.
voil 19, 55, 303,758, 1173, 2585, 2904, 2987, 3175, 3184,
3287, 3451, 3506, 3527, etc., (acoil) 1899,3274, (acueil) 7276,
(doil) 4961, (ergoil) 4064, (ergueil;, 11 (erguil; 2867 ; voill
22S
REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
(orgueil 6017; voilla (eaguoUa) 3719 ; voler 171, etc.; voUa
6958, (toUa) 1479; volontat 2370, etc. ; volontiera 6856; vo-
lontiers 125, 272, etc. ; voluntier 6753 ; voluntiera 3409; vo-
luntieras 6750, 7086; — vueil 6228, 6416, 6557, 6698, 6712,
6776, 6778, 7360, 7395, 7724, 7334, etc. , (sueil) 6778 ; vueill
5692, 5698, (sueill) 7766; vueiUa ^dueilla) 7629; vueillas
(:^ atz) 6858; vueillon (^acullon)6766 ; vuella (duella) 7543 ;
vuilla6259; vuillas (— atZ; 7072; vuillatz 5183; vul 5335,
5337.
volar 696.
A. Dauzat.
SUR LES EMPLOIS DE " MÊME " '
Même est étymologiquement lin adjectif, c'est le superlatif
de ipse. Joint à un nom, il indique, comme ipse, qu il s'agit
précisément de l'objet exprimé par le nom : lui-même, c'est-
à-dire, précisément lui, lui en personne. « C'est la loyauté
même » = c'est la loyauté en personne (par exagération). « Il
a pénétré dans le sanctuaire même, «c'est-à-dire précisément
dans le sanctuaire, et non pas seulement dans la première
partie du temple.
Supposons même joint au nom d'un objet dont on veut dire
qu'il est commun à plusieurs personnes ; en indiquant qu'il
s'agit précisément de cet objet, l'adjectif même accentuera
l'idée de communauté qui résulte du contexte: (( Il habita la
chambre ou la chambre même (ou la même chambre) que
son frère avait habitée. » On voit par cet exemple comment
on passe insensiblement, dans certaines phrases, du sens de
ipse au sens de idem: cette idée qui résulte du contexte, et
que même ne fait qu'accentuer, est arrivée à s'incorporer à
mème^, si bien que lorsqu'on entent dire le même, on pense
immédiatement à un objet qui est commun à plusieurs per-
sonnes (à la fois ou successivement), ou dont il a été question
dans d'autres circonstances.
Le même éveillant ainsi l'idée de communauté, on a pu
supprimer le verbe qui marquait cette idée, et dire : « Il ha-
bita la même chambre que son frère. » On évite même d'ex-
primer le second verbe, qui fait maintenant l'effet d'une re-
dondance et d'un pléonasme.
1. Nous désignons par les lettres D, G, E, L les citations em-
pruntées respectivement à Darmesteter, Godefroy, Etienne, Littré.
2. Exactement comme pas a fini par prendre la signification néga-
tive de la locution ne j)as.
230 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Mcme est donc arrivé à exprimer une idée de communauté
entre plusieurs personnes ou objets, ou entre plusieurs cir-
constances \ C'est le sens de idem latin.
Notez que même, dans ce sens, peut se joindre à l'article
indéfini, à un démonstratif ou à un possessif *: ce même
homme; il a toujours son même habit, c'est une même chose.
Même a une autre acception dérivée de sa signification
primitive, et qui s'est dégagée dans les membres de phrase
où on ajoute un détail caractéristique à une idée exprimée.
Ainsi on caractérisera la force de séduction d'un orateur en
disant : « Il séduit ses ennemis mêmes, » ce qui signifie pro-
prement : (( Il séduit ses ennemis, ceus-là précisément (et à
plus forte raison les autres). » Mais ici, étant donné le con-
texte, dire (( précisément, en précisant » équivaut à dire (( en
ajoutant ou pour ajouter un détail caractéristique ». Cette
valeur, qui résulte du contexte, s'est incorporée à même, de
telle sorte que, lorsque nous entendons dire même, nous
pensons tout de suite à une circonstance caractéristique
ajoutée. En prenant cette signification, même est devenu in-
dépendant du substantif auquel il était d'abord joint comme
adjectif, il équivaut au latin etiam, et il devient, comme etiam,
une véritable conjonction de coordination^ :
Ses malheurs n'avaient pas abattu sa fierté ;
MêiùP elle avait encor cet éclat emprunté, etc.
(Racine.)
Dans cet exemple et dans les semblables, on ne peut pas
dire que même soit adverbe, il n'indique pas comment se
1. On dit quelquefois que nv'me exprime l'identité, mais on est
obligé de définir rideniité a caractère de ce qui est le même ». Puis-
qu'on se sert du mot même pour définir identité, on ne peut se servir
du mot identité pour définir même.
2. Ou encore au nom sans délermiuatif : « Nous avons même
pairie. »
3. Notons que l'adjectif iudéfini mt'me est devenu ainsi conjonction
par l'intermédiaire de la valeur adverbiale (précisément) qu'il con-
tenait implicitement. Le changement d'un adverbe en conjonction est
fréquent.
SUR LES EMPLOIS DE « MÊME » 231
fait l'action, mais établit un rapport entre deus propositions,
rapport qu'on peut appeler de renforcement, de même que
mais et cependant marquent un rapport d'opposition. C'est
donc une conjonction au môme titre qu'e^mm.
Les deus propositions réunies par même peuvent se ré-
duire à une par ellipse. Lorsqu'on dit: « Il a étonné tous les
assistants, même ses amis » ou (( tous les assistants, même
ses amis ont été étonnés », il y a ellipse du verbe de l'une des
propositions réunies par même. Analysez : (( Tous les assis-
tants ont été étonnés, même ses amis l'ont été. » Mais
l'ellipse peut être encore plus forte : le terme général (tous
les assistants) qui est sujet ou complément de la première
proposition peut être complètement supprimé: » Il a étonné
même ses amis » ou « même ses amis ont été étonnés. » Si
bien que. dans cette tournure, la première proposition dis-
paraît, ou du moins il n'en reste que le verbe, qui est com-
mun aus deus propositions.
Donc, même équivaut à ipae, à idem ou à eiiam. Nous
avons vu que, dans certaines phrases, les valeurs d'^pè-e et
di'idem sont très voisines: « Il avait cet aspect même, ou ce
même aspect. » Dans d'autres phrases, ce sont celles d'ipse
et d^etiam qui se touchent: comparez a II a étonné ses
amis même » et « il a étonné même ses amis ». Ces rap-
prochements font mieus comprendre comment un sens
a pu se dégager de l'autre. On voit d'autre part à quel
point ces sens arrivent à diverger quand on compare : a II
opère lui-même » et « même lui opère », ou encore : « Il occupe
la maison même » et « il occupe la même maison. » Pour
avoir les trois valeurs dans trois phrases semblables, on peut
dire : « Il occupe même la maison, ou la maison même, ou la
même maison. »
Supposons ces deus phrases : a. « Ils sont déjà arrivés, ils
occupent même la maison. » — ô. « Ils ne se sont pas con-
tentés du jardin, ils occupent même la maison. »
Il semble au premier abord qu'il y ait une différence de
sens entre les deus même, mais en réalité c'est le sens à! eiiam
232 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
dans les deus cas. Ce qui donne en apparence un sens parti-
culier à mcrne dans le second cas, c'est qu'il se rattache alors
non au verbe « occupe » exprimé, mais à sa répétition sous-
entendue; et on marque cette différence dans la prononcia-
tion en détacliant légèrement même du verbe exprimé : « Ils
occupent même la maison, » c'est-à-dire : « ils occupent tout,
ils occupent) même la maison.» Autrement dit encore, le détail
caractéristique dans un cas [a) c'est l'occupation de la mai-
son, et dans l'autre (6) c'est la maison seulement.
Supposons ces deus autres phrases : o. « Tout le monde a
vu qu'il disait une sottise, il s'en est aperçu Uii-mcme, » et
b. (( Personne n'a remarqué qu'il disait une sottise, mais il
s'en est aperçu lui-même. »
C'est ipse dans les deus phrases. Mais dans la phrase «,
sans changer de valeur propre, même souligne une idée qui
se dégage du contexte et qu'il est arrivé à exprimer à lui
tout seul quand on le détache en tête d'un membre de phrase:
(( Même lui s'en est aperçu. »
ACCORD
Les sens de même se réduisent donc bien réellement à
trois. Quand il équivaut nettement à idem, quand on ne peut
le traduire que par ic?em, on le fait accorder sans hésitation;
quand il équivaut nettement à etiam, on le fait invariable.
Mais quand on peut le traduire par ipse, il y a des causes
d'hésitation : 1 - la valeur d'ipse se décompose en un adjectif-
pronom démonstratif combiné avec une idée adverbiale :
H précisément celui-ci. )) Par son côté démonstratif, le mot
même en ce sens tent à s'accorder, par son côté adverbial il
tent à rester invariable. 2*^ C'est en dépouillant sa valeur dé-
monstrative qui le rattacliait au substantif, que même a dégagé
l'acception nouvelle dans laquelle il est devenu conjonction.
Mais nous avons encore telles phrases, que nous avons
citées, où se fait sentir la transition d'un sens à l'autre, où la
valeur démonstrative est si faible qu'on est tenté de faire
SLR LES EMPLOIS DE « MÊME » 233
le mot invariable, mais où il en reste assez pour justifier
raccord (Il a étonné ses amis même ou mêmes).
Malherbe (D.1, a écrit (Vauglas l'en blâme) :
Les Immortels eus- même en sont persécutés.
C'est la transition entre le sens primitif et la valeur de
conjonction (Les Immortels, même eus).
Littré, au mot même, remarque 6 . cite plusieurs autres
exemples de même fait invariable après un pronom personnel
pluriel par Corneille, Voliaire, Lamartine, Hugo. En dehors
même du cas offert par l'exemple de Malherbe, même après
un pronom personnel ne correspont jamais à idem, ni jamais
nettement à etiam, l'accord devrait donc être toujours facul-
tatif. La différence établie entre eus-mêmes et cean-inême ou
cens-mêmes est absurde.
On a essayé d'établir une petite règle de détail sur ce vers
de Racine :
Ces murs mêmes, Seigneur, peuvent avoir des 3'ens.
On a dit: « Racine a fait accorder même, parce qu'il suit
un seul substantif au pluriel ; mais il aurait écrit ces meu-
bles, ces tentures, ces murs même, parce qu'ici il y a une
gradation, et on peut placer même précédé de et devant
le dernier substantif : et même ces murs. » Il est superflu de
faire remarquer que même a exactement la même valeur
dans les deus cas. D'ailleurs, l'exemple de Racine est faus ;
les éditions originales ont même au singulier. Et alors
même qu'elles auraient eu mêmes, on n'aurait pu en rien
conclure, car à l'époque de Racine, même, adverbe ou
conjonction, s'écrivait librement avec ou sans s, comme
aujourd'hui encore guère ou guères.
Vaugelas tenait beaucoup à ce que Ton montrât, par son
orthographe, qu'on avait fait une analyse exacte du sens de
même. Et comme même, au sens dit adverbial, prenait ou
ne prenait pas d's ad libitum, il voulait qu'on ne mît pas
d's à côté d'un nom pluriel, et qu'on en mît une à côté d'un
■M
234 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
nom singulier On montrait ainsi très clairement qu'on ne
faisait pas l'accord, et que par conséquent on ne prenait pas
ce même pour un adjectif.
Place de même
Lorsque mcme est conjonction, il se place en tête de la
proposition (ou du membre de phrase qui en tient lieu),
comme les autres conjonctions, ou encore à côté du verbe,
parce qu'il est devenu conjonction par l'intermédiaire d'un
sens adverbial. On dit en effet: « cependant ill avait promis, »
ou « il lavait cependant promis. » Remplacez cependant
par mcnie et la double construction sera possible.
La différence entre le sens ip^e et le sens idem est au-
jourd'hui marquée par la place des mots, '< même » ipse
devant suivre le nom, et « même >) idem devant le précéder.
Cette distinction de place n'existait pas dans l'ancienne
langue, comme nous allons le montrer par des exemples.
1" « Même » idem
a] Après le nom :
Chanson de Roland (v. 205) : « Noncièrent vos cez paroles
meïsmes. « C'est-à-dire : « Ils vous apportèrent ces mêmes
paroles. »
Corneille {Place Royale, V, 4) :
« Et sans être rivaux, nous aimons en lieu mcme. »
h) Avant l'article .
Livrer des rois (L . ) : « Et commanda a ses fils que il a sa
mort fust ensevelis en meïsme le sepulchre ou li bons huem
fut ensevelis, » c'est-à-dire : (( dans le même sépulcre ».
Chardry (G.) : « Même la manière que » pour « de la même
manière que. »
SUR LES EMPLOIS DE « MÊME » 235
2"* (( Même » ipse
a] Avant le nom :
Pèlerinage de Charlemagne (E.) : <•( Ço est mesdimes
Deus. » C'est-à-dire : « C'est Dieu même. »
Corneille :
(( Sais-tu que ce vieillard fut la mrmp vertu. »
On trouvera d'autres exemples dans Littré au mot même
dans la 8® remarque. Mais l'exemple de Rousseau (/Tw/Ze, IV)
est à retrancher : « Le temps vient où la même nature prend
soin d'éclairer son élève. » Il s'agit de la nature dont on a
déjà parlé (sens de idem). La proposition qui précède est:
« C'est l'ignorance de la nature. »
Amyot (L.): « Coucher à même terre, )) c'est-à-dire
sur la terre même. »
b) Avant larticle :
(( Boire à même le pot, » c'est-à-dire au pot même. Et de
même w mordre à même ».
Corneille (Place Royale, III, 8, L.) :
« Cherches-tu de la joie à même mes douleurs? ))
C'est-à-dire « âmes douleurs mêmes ».
Par l'ellipse du substantif, à même forme une locution
adverbiale (boire à même), qui a donné naissance à une lo-
cution prépositive, employée par Saint-Simon : « Louvois
était grand buveur deau, et en avait toujours un pot sur la
cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait. » Et Sainte-
Beuve (L. ) : (( Et mord à belles dents à même du prochain. »
Le substantif auquel se rapporte en réalité même devient le
complément de la locution prépositive ; mordre à même du,
prochain ^pour à même le prochain) est logiquement aussi
incorrect que « se rappeler oJ'une chose » pour « une chose».
236 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
REMARQUES DIVERSES SUR l'eMPLOI DE nicme
Autres significations de « à me nie »
ff A même » forme une autre locution par l'ellipse d'un
substantif exprimant l'idée d'état, de moment ou de lieu.
« Etreà m<*mr d'un objet » a signifié « être au lieu même de
cet objet, près de lui ». « Pitre « nu'mede faire une chose » a
signifié: 1^' « être au moment même de la faire, » c'est-à-dire
en train de la faire ou sur le point de la faire ; 2*^ « être en
étiit même de la faire, » c'est-à-dire sacoir ou pouvoir la
faire. C'est le sens de « pouvoir la faire» qui seul s est
maintenu- jusqu'à nos jours.
Le substantif sous-entendu peut être le mot a point » qui a
eu les trois significations de momient, d'état et de lieu, dont
il reste des traces dans les expressions : être sur le point de (on
a dit être au point de) ; arriver à point (an moment voulu) ;
(( Et je l'ai mis au point (à l'état) de \ou tout sans rien croire »
(Molière, Tartufe ; en ctre au même point (au même en-
droit). On peut donc considérer u être à même de )) comme
équivalant à « être à même le point de » ou (( au point même
de », dans les divers sens de point indiqués ci-dessus.
<f Etre à même de » a donc signifié ctre sur le point de,
être en train de, être auprès de, et savoir ou pouvoir, ^'oici
des exemples de chaque valeur :
10 Etre sur le point. — Montaigne [G.]: a La jalousie que
nous avons de les voir... jouyr du monde quand nous
sommes à mesme de le quitter. »
2^ Etre en train de. - Montaigne (G.): « surprendre
quelqu'un à même, » c'esi-à-dire en train (de faire une chose).
De là la locution conjonctive « à même que » encore enre-
gistrée par Liitré {même, 15°) dans le sens de « au moment
même où ». C'est ici, me semble-t-il, qu'il faut placer
l'exemple de Montaigne : « Le vin nous semble meilleur a
mesme que nous avons ouvert et lavé nos pores. '^ Il fauttra-
SUR LES EMPLOIS DE « MÊME » 237
duire par du moment où et non par selon que comme fait
Littré. Le sens de « selon que » (à proportion même que) n'a
rien d'impossible à priori, mais on n'en a pas d'exemples.—
Dans Godefroy, on trouve d'autres exemples de à mc^me que
tirés de Montaigne et de François de Sales.
3° Etre auprès de. — Chevalier aua deus èpées (G.):
Et il se prendent à haster
Tant qu'il sont à meïsmes d'eus.
Molière (L.) : « Je veux me faire un gendre et des alliés
médecins. . ., afin d'être à même des consultations. »
40 Savoir. — G. Guiart (L.) :
Bien sont de mentir a meïsmes
Cil qui vont contant tieus noées.
A
5" Pouvoir. — « Etre à même d'agir, mettre quelqu'un à
même d'agir, » c'est être ou mettre en mesure de.
On dit aussi è/re ou mettre à même absolument^ ; de là la
locution « être à môme pour faire une chose ». Montaigne
(L.) : « Je ne suis pas icy à mesmes pour traiter ce riche
argument. » Molière (L.) : << Je serai à mesme pour vous
caresser. »
On a dit aussi « mettre quelqu'un à même d'une chose ou
à même une chose )) c'est-à-dire « en puissance de ». Amyot
(G.): « Je vous mettrai a mesme mes biens, là où vous pourrez
puiser et prendre, etc. »
MÊME = SURTOUT
Lorsqu'on dit: a II a étonné tout le monde, même ses amis, »
on indique que les amis sont compris dans le terme plus
général qui précède. Mais pourquoi donne-t-on cette indica-
tion précise? Est-ce parce que les amis ont été particulière-
1. Baïf(G.) :
De quoi m'as-tu jamais requis
Qu'a mesme aussitost ne t'ay mis.
238 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
ment étonnés, ou parce qu'ils ont été étonnés contrairement
à ce qu'on pouvait supposer? L'idée restait incertaine dans
l'ancienne langue et n'était déterminée que par le contexte.
Autrement dit, à côté du sens qu'il a conservé, mrme annon-
(^ant une circonstance caractéristique avait aussi dans l'an-
cienne langue le sens de surtout:
Du Bellay (cité par Littré) : « Nostre langue ne doit pour-
tant estre deprisée, me.9me de ceux auxquels elle est propre et
naturelle. »
A/esmeme;i^ participait à ces deus sens, et signifiait aussi
(( de la même manière ».
PARTICULARITÉS DE l'emploi DE même = idem
I
On a dit jadis « le même » au neutre, pour signifier In
même chose. Et il en reste la locution « cela revient au
même " et aussi « du même au même ». Littré [même, d")
cite plusieurs exemples de le même neutre au XV!!** siècle,
et notamment celui-ci, de Bossuet : a Le même doit arriver
dans les autres sens. »
IL — Le même de, Le même à
En remontant à l'origine du sens de idem, on conçoit ces
deus tournures : « Il avait les amis mêmes que son frère
avait » et (( il avait les amis mêmes de son frère. » De là :
(( Les mêmes amis que son frère » ou (( les mêmes amis de
son frère. »
Littré {même, 8°) cite plusieurs exemples de le même de,
notamment dans Jean-Jacques Rousseau : « Il suit encore
en cela les mêmes errements des autres. ))
D^autre part, sous l'influence d'une assimilation instinctive
avec» semblable », on trouve aussi le même à.
D'Urfé (G.) : « Hymen .. tenant de la main gauche un voile
de mesme couleur à celui qu'Amerine portoit. ))
SUR LES EMPLOIS DE (( MÊME )) 239
III. — De même pour de même que
La locution adverbiale de même (= de la même façon)
s'est employée directement devant le substantif au sens de
« de même que. »
Rabelais (L.)'. « avoir la force c^e mt' me le courage. » Ces
façons de dire sont à rapprocher des adverbes employés
comme prépositions : « Passy prèa Paris. »
IV. — « Tout de même »
La locution populaire (( tout de même » équivaut à « mal-
gré une cause d'empêchement précédemment exprimée ».
Ce sens est né dans des phrases telles que: « L'orage a
éclaté, mais il est parti tout de même. » Entendez: (( tout à
fait de la même façon que si Torago n'avait pas éclaté. »
Néanmoins (=^ non moins) exprime la même idée : a il est
parti néanmoins, )) c'est-à-dire « non moins que si l'orage
n'avait pas éclaté ».
L. Clédat.
240 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
CHRONIQUE
Nos études viennent de faire une perte sensible en la per-
sonne de M. Charles Marty-Laveaux, décédé subitement à
Vitry-sur-Seine le 11 juillet dernier.
M. Marty-Laveaux, dit Le Tempa, né à Paris en 1823,
était fils de l'acteur J.-B. Marty et petit-fils du grammairien
Ch. Laveaux. Ancien élève de l'École des Chartes, il fut
d'abord occupé aus travaus du Catalogue de la Bibliothèque
Impériale, puis nommé professeur à l'I^^cole des Chartes.
Depuis plusieurs années, il remplissait les fonctions d'archi-
viste de l'Académie française; sa mort causera d'unanimes
regrets. L'œuvre que laisse cet érudit d'un rare mérite est
assez considérable. Il avait reédité, en 1847, le Dictionnaire
raisonné des difficultés de la langue française, publié par
son grand-père, puis donné sur La Fontaine de curieuses
études, d'une originale et profonde documentation. En 1858,
il obtint de l'Académie française le pris proposé pour un
Lexique de la langue et du style de Corneille; il faisait
paraître ensuite l'importante édition des œuvres de Corneille,
si appréciée des bibliophiles, et rééditait les poètes de la
Pléiade. Citons encore son édition de Rabelais et de nom-
breuses publications grammaticales : Cahier de remarques
sur l'orthographe française^ Cours historique de langue
française, etc. Nos lecteurs se souviennent que M. Marty-
Laveaux avait pris une part notable à l'enquête faite dans
cette Revue sur la question de l'accord du participe passé.
Le Gérant : W^ Emile Bouillon.
IMH. FRA.NCAISE ET ORIE.MALK L. MARCEAU, E. BERTRAiND SUC'.
L'ACCENTUATION BINAIRE
ET
L'ANALOGIE PHONÉTIQUE
DANS LA LANGUE FRANÇAISE
Dans une remarquable étude qui a paru d'abord
dans la Roinania et a été réimprimée dans les Reliques
scientifiques^ A. Darmesteter avait examiné les lois
posées par Brachet concernant la protonique non ini-
tiale non en position, et montré qu'elles devaient être
en grande partie modifiées. Il a établi d'abord, que la
brièveté ou la longueur de la voyelle latine n'influe
aucunement sur le traitement qu'elle a pu subir en
français; si cette conclusion n'est qu'un argument de
plus pour la thèse que nous avons soutenue ici même,
en l'appuyant sur des considérations toutes latines,
c'est que dans le latin dit vulgaire, les atones n'ont
jamais été, à vrai dire, regardées comme des longues.
Darmesteter a cru devoir poser les lois suivantes
sur la protonique non initiale, quand elle n'est ni en
position ni en hiatus :
1° A bref ou long reste ou plus généralement s'affai-
blit en e féminin ;
2° Les autres voyelles tombent quand elles ne sont
pas protégées par un groupe de consonnes.
1. Romania, V, 1876, p. 140-367. — Reliques scientifiques,
p. 96-119.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 16
242 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ces deus lois sont phonétiques. Dans un mot tel que
bonitatew, dit le savant romaniste, il y a, outre l'accent
tonique, une sorte d'accent binaire, grâce auquel boni
peut être traité comme s'il formait un seul mot : de la
on peut être amené à conclure que la protonique est
soutenue par l'accent secondaire, comme elle le serait
par Taccent principal, dans boni génitif de bonus, et
qu'elle est traitée de la même façon.
Mais il faut reconnaître, ajoute Darmesteter, que
ces lois phonétiques sont contrariées pnr deus espèces
d'actions analogiques: l'iniluence exercée par la forme
des mots simples sur celles des dérivés^ et d'autre
part l'inïluence exercée par la dérivation de la conju-
gaison la plus usuelle sur la dérivation des autres
conjugaisons.
Ces lois prises à la lettre sont généralement exactes ;
mais il me semble juste de faire des réserves sur la
cause qui les a produites. Nous ne croyons pas qu'en
remontant au latin parlé on puisse admettre au sujet
de Taccent binaire l'idée que semble en avoir eue
Darmesteter. Dans cette étude plus rythmique que
phonétique, nous proposons de rechercher le principe
fondamental du rythme prosodique de ces mots, et
d'en étendre lapplication générale même ans syllabes
d'une autre catégorie.
L'Accentuation binaire
La théorie de l'accent binaire, c'est-à-dire de l'accent
qui, dans des mots d'une certaine longueur, saute pour
ainsi dire de deus en deus syllabes à droite et à
gauclie de la tonique, bùnitùtew , fructiflcdvimûs , a
l'accentuation binaire 243
été admise par plusieurs savants qui ont tenté de
l'appliquer à la phonétique. Mais ainsi formulée^
elle semble inadmissible. C'est la contusion de la
rythmique avec une idée phonétique, confusion venue
sans doute du mécanisme des rythmes du moyen âge.
On comprent fort bien que dans une prose de l'Église
d'allure trochaïque, un mot tel que bonitatem, par
exemple, porte deus accents métriques, Tun qui coïn-
cide avec la tonique, l'autre qui porte sur la syllabe
initiale. Deviare pourrait être traité de même. S'il
n'en eût pas été ainsi, il n'eût pas été possible de faire
entrer dans les rythmes de ce genre les mots de quatre
syllabes, puisque l'accent rythmique doit atîecter les
syllabes de deus en deus d'après la loi même du genre.
Or, le mot français bonté sorti de bonitate prouve par
le maintien de la première syllabe que celle-ci comme
valeur devait être supérieure à la seconde. Pour ce
mot, l'accent rythmique n'est donc pas seulement
conventionnel, le renforcement de la syllabe initiale
existait réellement aussi dans le langage ordinaire.
Mais en est-il de même de deviare que le rythme
ferait prononcer déviâref Le français dévoyer nous
montre ici une deusième syllabe prononcée d'une
façon toute différente : au lieu de disparaître comme
dans bonitatem, elle se renforce comme si 1'/ latin eût
été accentué, et le rythme initial du mot au lieu d'être
descendant devient plutôt ascendant. Dès lors, on doit
reconnaître que si par une convention métrique la ver-
sification et le chant forcent à appuyer sur la première
syllabe àe deviare, cette prononciation pouvait bien ne
pas exister dans le langage ordinaire.
La loi qui régit cette accentuation sera facile à saisir
par un exemple germanique. L'allemand accentue
244 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
uébersét:^en : voilà raccentuation binaire proprement
dite. Mais on prononce Gesét.^gêber ; bien que ce
mot ait apparemment la môme forme que le premier,
c'est la deusième syllabe qui porte l'accent au détri-
ment de la première. Il est clair que l'accent des deus
mots qui ont formé chacun de ces deus composés est
resté sur la syllabe qui le portait dans le simple.
C'est là d'ailleurs une règle d'une portée générale,
et qui doit s'appliquer aussi dans les langues romanes,
quoique l'accent secondaire soit ici moins sensible à
l'oreille . Scoppa après avoir cité ce vers de la Divine
Comédie:
Con tre bocche caninamente latra,
fait observer que le poète a cru devoir traiter la syllabe
i de canina comme accentuée, puisque le vers italien
demande un accent intérieur qui ne peut être mis qu'à
cette place. Il prononçait donc canina, à peu près
comme si c'eût été un mot indépendant, et non une
partie d'un composé. On a voulu révoquer en doute
l'assertion du savant qui croyait avoir là un fort accent
secondaire, et prétendre qu'au dire de certains Italiens
consultés, il ne pouvait y avoir qu'un accent dans un
mot'. Il est bien clair qu'il n'y a pour chaque mot
qu'un accent pour ainsi dire officiel, c'est-à-dire enseigné
par la grammaire; mais en poussant plus loin l'analyse,
ce qu'on ne fait pas ordinairement dans les écoles, on
peut voir que dans toutes les langues, il existe pour
chaque mot plusieurs accents de valeur inégale, grâce
ausquels il s'établit une véritable hiérarchie entre les
syllabes. C'est ce qu'avait vu Scoppa, qui avait d'ailleurs
une grande finesse d'oreille et d'observation. Si d'ail-
1. F. de Grammont. Le Vers français, jp. 91,
l'accentuation binaire 245
leurs Fadjectif canino avait passé en français, canina-
mente eût donné cheninement , dont la prononciation
populaire eût fait cKnin'ment : ce mot nous montre
parfaitement quelles étaient les syllabes les plus impor-
tantes, puisque seules elles auraient persisté.
Il y a évidemment dans les langues une tendance
analogique fort naturelle à traiter sensiblement au
point de vue de l'accent un mot qui est devenu partie
d'un composé à peu près comme s'il était simple. Mais
ce n'est pas là une règle : a priori, on ne pourrait pas
l'appliquer. D'où vient l'analogie? C'est ce qu'on ne
voit pas toujours à première vue. Certes, dans un mot
tel que sacramentum , on voit bien que sacra ressemble
à sâcer, sciera, mots simples : mais pour ornamentum
quel est le mot dont orna suivra le mouvement
rythmique? Ici, outre les formations romanes, le latin
lui-même peut nous fournir quelques indications.
Plusieurs philologues, s'appuyant sur cette idée que
les mots qui se rattachent à la première conjugaison
latine, comme mirabundus de mirari, ont un a long,
ont été amenés naturellement à supposer que là où cet
a long n'existe plus en latin, c'est qu'il est tombé,
dans des mots très usuels, par Tintluence de la pro-
nonciation . Ainsi par exemple, de arare on devait faire
arâmentum comme arâtrum: ce mot a été réduit à
armentum. De même Jugare donne jugamentum, puis
le classique j'umentum. Le mot verecundus, dont la
deusièrne était primitivement longue à cause de vere-
tur, vereri, a abrégé cette voyelle dans les vers de
Térence: au point de vue du rythme du langage, vere-
ciindia prononcé de même se rapprochait déjà du fran-
çais vergogne. Quand il s'agit de i et u placés dans les
mêmes conditions on voit qu'ils pou vaientêtre supprimés
246 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
même dans des vers : ainsi coplata^copulata,frigda'
n'a = ffigidafia se trouvent dans Lucilius et Lucrèce.
Mais les composés, tels que dilatare, délaye?^; arrhe-
dare, arroyer, etc., gardent régulièrement leur seconde
syllabe. Le rapprochement de ces deus catégories nous
montre que dans la première l'effort de la prononcia-
tion portait sur l'initiale, tandis que dans la deusième
on appuyait sur la syllabe suivante. Mais de là il est
facile de tirer une règle unique : De toutes les atones
la syllabe radicale est la plus importante.
L'étude de la métrique latine peut confirmer dans
certains détails cette hypothèse. Ainsi quand ils compo-
saient des hexamètres épiques, les Romains n'aimaient
pas beaucoup les vers dits spondaïques, ou terminés
par quatre longues. Alors que les Alexandrins avaient
affectionné cette forme, les Latins, leurs imitateurs,
continuèrent de plus en plus à l'abandonner, à tel
point qu'elle est à peu près inconnue à Claudien, et
que dans les poèmes de Commodien, le représentant le
plus connu de la versification populaire dans ce genre,
le vers qui correspont au vers spondaïque ne parait
pas avoir été admis. C'est que, grâce à la tendance
déjà toute romane de la langue latine à ne pas soute-
nir les atones comme les toniques et à les rapprocher
par conséquent des brèves dans la prononciation ordi-
naire, les spondées étaient parfois difficiles à former :
un mot tel que ornanientuni paraissait commencer par
deus syllabes peu longues, qui par conséquent remplis-
saient mal le 5® pied, c'est-à-dire celui-là même où,
selon les règles antiques, le rythme fondamental devait
être le mieus conservé. Toutefois, Lucrèce, Catulle et
même Virgile ont encoi'e un certain nombre de vers
spondaîques, souvent terminés par des mots de quatre
I
l'accentuation binaire 247
longues : au point de vue de la protonique, ils pré-
sentent trois formes différentes représentées par les
mots conarentur, ornamentum, ostendebat. Or, la
dernière de ces formes est de beaucoup la plus usitée;
la première surtout est évitée après l'époque d'Au-
guste. C'est que dans les deus premières l'accent natu-
rel de la syllabe radicale cô/ia, orna, aidé par le temps
fort du vers, tent à effacer la deusième syllabe, et par
conséquent à faire entendre un trochée, c'est-à-dire un
rythme faus : tandis que dans le troisième, ostén^ la
première syllabe étant intense par l'accent métrique,
et la deusième soutenue par l'accent secondaire, on
entendait à peu près deus longues. C'est par un pro-
cédé assez analogue qu'on a pu dans les vers hexa-
mètres allemands produire plusieurs longues de suite,
en frappant du temps fort la syllabe tonique secon-
daire qui ressemble alors à la tonique principale:
Ueberjzugeh'n, Faszcoelker nur eiferten, oh sie vermochten.
Car c'est la manière la plus commode dans les
langues où l'accent tonique joue un grand rôle, de
reproduire pour l'oreille l'impression du spondée.
A plus forte raison, le même moyen devait-il être
employé dans les vers latins plus spécialement con-
formes au génie de la langue, par exemple dans les
iambes, dits impurs, ce qui signifie populaires : tels
sont les sénaires que Phèdre semble avoir portés à sa
perfection. Or, le fabuliste évite de finir son vers par
deus mots tels que,
ornamentum senis,
parce que orna est une sorte de trochée, qui deviendra
248 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
spondée par l'accent métrique, alors qu'il faut un
iambe au 4^ pied: mais il écrit couramment :
deridendus senex.
En effet de est très faible, et ri tonique secondaire
et syllabe forte, a beaucoup plus de durée, ce qui pour
l'oreille produit sensiblement le rythme iambique.
Il semble donc bien qu'en latin déjà la protonique
atone avait une tendance à être traitée phonétiquement,
comme elle Test quand elle devenait tonique et radi-
cale.
Nous voyons jusqu'ici, qu'en général une syllabe
devenue protonique a une tendance analogique à rester
à peu près la même qu'elle était dans une forme plus
simple et qu'elle ne prent l'accent secondaire que si
dans un mot moins long elle avait Taccent principal. Et
cette tonique secondaire est ordinairement une syllabe
radicale .
Toutefois, il reste une difficulté à résoudre. Étant
donné qu'une protonique est traitée d'après l'analogie
d'une forme plus courte, faut-il entendre par là qu'il
s'agit de la forme la plus prochaine ou de celle qui de
toutes est la plus courte?
Quand il s'agit d'un composé dont les deus parties
existent individuellement dans le langage usuel, la
première est naturellement accentuée comme dans le
mot simple : dans bonnement et petitement , l'accent
secondaire correspont à l'accent primaire de bon/ie et
de petit. — Ici donc la syllabe secondaire suit l'ana-
logie de la forme la plus prochaine. Mais on com-
prent que l'analogie puisse passer, pour ainsi dire,
sur la forme prochaine pour aller droit à la forme la
plus courte, c'est-à-dire se régler d'après la syllabe
l'accentuation binaire 249
radicale, puisque celle-ci porte ordinairement l'accent
dans le mot le plus court qui la renferme.
Rien ne nous autorise à supposer en latin un accent
binaire, c'est-à-dire portant sur les syllabes deus à
deus et existant indépendamment de l'analogie. L'ana-
logie ne peut donc pas troubler cette accentuation,
attendu que c'est elle-même qui la produit toujours;
et si elle lui donne des formes différentes, cela tient à
ce qu'elle-même n'agit pas de la même manière sur
tous les mots et se règle en général 'sur la position
variable, soit de la syllabe accentuée dans le simple, soit
de la syllabe radicale.
Tel est le principe qu'on peut appliquer d'une
façon générale, selon le caractère de toutes les lois
d'analogie, dans les différentes espèces de mots qui
renferment une tonique secondaire.
II
Mots renfermant deus Syllabes protoniques
1° La syllabe radicale facilement reconnue, est
accentuée dans la forme la plus simple.
Alors il n'y a pas en général d'hésitation. La syllabe
radicale tent à être traitée comme une tonique, l'autre
comme une atone.
L'initiale garde le premier rang dans des mots tels
que les suivants, qui en latin commençaient au point de
vue du rythme du langage par une sorte de trochée:
hônamente bonnement
bônitatem bonté
féritatem fierté
Lilnae dies lundi
250 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
manducare manger^
marmorino v.-fr. marherin
matutino matin
Alarti-die mardi
ministerium mestier
molendino moulin
monasterio monestier, moustier
paramentum parement
paupertatem pauvreté
superanum souverain
verecundia vergogne
On voit que dans ces mots l'analogie a pu faire
supprimer Ve muet qui devrait sortir de a, et même
faire disparaître une voyelle fortement entravée.
]Je de marherin ou de souverain n'a pas grande
valeur phonétique et ne vient point de o latin. C'est un
son de soutien. Lorsque par suite de Tafïaiblissement
ou de la disparition d'une voyelle latine, il se forme
en français un groupe de consonnes assez facile à pro-
noncer, on peut y introduire Ve muet un peu à volonté.
Ainsi on entent dire ouvrier et ouverier, même bec
de gaz et bèque d'gaz : il n'y a pas lieu de chercher
l'origine de ces prononciations dans operario ou dans
hecco: le phénomène n'a rien de latin.
Dans les formes composées de la conjugaison et
dans les mots qui en dérivent, le rythme initial de
ces mots est inverse; de trochaïque et descendant, il
devient iambique et ascendant, comme il l'était déjà
probablement en latin. La voyelle radicale est traitée
ordinairement comme à l'indicatif présent, où elle est
accentuée : la préposition tent à s'effacer devant la
seconde syllabe :
arrhedare arroger
ad-aopire assouvir
L ACCENTUATION BINAIRE 251
arrlpare arriver
demorare demeurer
dilatare délayer
exaurare essorer
ex-colare écouler
deviare dévoyer
invadire envahir
imbladare emblaver
insignare enseigner
providentia pourvoyance
Ainsi d'une façon générale la diphtongaison produite
par Taccent à l'indicatif persiste dans les composés V
Toutefois, il y a deus exceptions principales : l'analogie,
quelle que fût sa force, n'a pu surmonter les répu-
gnances de la langue pour certaines formations phoné-
tiques.
D'abord la diphtongue ie, issue de e bref latin
tonique et non entravé, ne se reproduit pas facile-
ment dans les formes où elle devient atone. Si l'on
dit sans peine nous voyons par analogie avec voit, on
ne dit pas de même nous tiennons, nous viennons, qui
devraient être formés sur tient et vient. On peut voir
la même règle appliquée dans les diminutifs de noms
propres : de Cordier par exemple on tire Corder et ;
Cordieret ne se dit pas. Il en sera ainsi dans les com-
posés souvenir et 7^etenir, bien que l'analogie reprenant
parfois ses droits fasse prononcer parfois souvenir et
retenir. Il faut reconnaître d'ailleurs que la prononcia-
tion populaire retnir est moins usitée et semble moins
naturelle que rtenir qui conserve mieus le radical.
1. Au contraire, la protonique, simple voyelle de liaison, s'efîace
dans numerare, nombrer, cubitare, couder, masticare, mâcher,
ambulare, ambler, yoca^are, jongler.
252 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Le français montre aussi de l'aversion pour la diph-
tongue oi suivie de v et d'une voyelle. C'est sans
doute un fait de dissimilation, qui tient à ce que v
est déjà sensiblement renfermé dans o« au point de vue
de la prononciation. Si l'on dit voyons, on ne dit pas
doirons. Il n'en sera pas autrement dans les formes
plus longues : recevons, recevoù^ devraient être veçoi-
vans et reçoivoir. On peut faire la même remarque
que plus haut sur 7'<?c'ro//' et rcevoir. Il s'agit d'ailleurs
de mots très usuels et qui peuvent rentrer dans une des
catégories indiquées plus loin.
2*^ La voyelle radicale est reconnue, mais elle n'est
pas accentuée dans la forme la plus courte.
Alors la voyelle radicale et la tonique peuvent suivre
le même traitement que dans le mot plus simple,
comme on le voit pour les composés ou dérivés : pru-
demment, gentiment, gentilhomme, gelinotte (geline).
Il est vrai qu'il s'agit ici de mots la plupart juxtaposés,
plutôt que de composés ou de diminutifs dont le suffixe
est immédiatement distingué. Ce sont des composés ou
dérivés tels qu'on en fait couramment encore dans le
langage familier. Il y a ici une composition et une
dérivation vivantes comme il y a une conjugaison du
même genre : et ici les lois phonétiques ne s'appliquent
pas à vrai dire, puisque le mot plus complexe suit
simplement l'analogie du plus simple.
Mais il n'en est pas de même pour tous les mots
anciennement formés ou pour cens qui sont d'un
usage très fréquent et très familier. Ici il y a hésita-
tion. Il existe d'ailleurs un moyen de bien mettre en
lumière les tendances de la langue; c'est d'observer la
création des noms propres^ telle qu'elle se fait depuis
longtemps, et telle qu'elle s'exerce encore soit dans
L ACCENTUATION BINAIRE
253
le langage familier, soit surtout dans les patois; il
n^y a qu'à traduire les formes dans le français corres-
pondant. On peut saisir ainsi sur le vif non seulement
la naissance des mots, mais encore les transformations
qu'ils subissent en obéissant à des lois générales dont
l'action persiste encore.
Un nom propre formé d'une syllabe radicale et d'un
diminutif tonique se transforme en un autre par l'ad-
jonction d'un deusième diminutif; et le premier qui.
portait l'accent, tent ordinairement à s'effacer de plus
en plus :
Barbier
Barheret
Boisson
Boissenot
Chasseur
Chasse rot
Colin
Colinet
Colenet
Colnet
Guillaume
Guillaumin
Guillemin
Guilniin
Girod
Girodet
Giredet
Girdet
Hugon
Hugonin
Huguenin
Phe lippe
Phelippin
Phelepin
Phelpin
Jeannot
Jeannotet
Jeannetet
Jeantet
Jeannier
Jeannerot
Jeanrot
Morel
Morellet
Morelet
Morlet
Toussaint
Toussenel
Vivien
Vivenot, etc.
Mais si le mot commençait par une syllabe non
radicale, la prononciation serait tout autre. De Leroux
par exemple on tire Leroussel qui se prononce fami-
lièrement Lroussel : il faudrait que le sens de rou
fût complètement oublié pour qu'on arrivât à LerseL
On voit qu'au point de vue de la protonique, Taccent
suit l'analogie de la forme prochaine d'abord, puis de
la forme la plus simple et de la syllabe radicale. Mais
tous les mots, quoique marchant de la même façon, ne
marchent pas en même temps. Telle est la cause de la
254 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
conjugaison ir régulière des fanieus verbes en elei\
eter, qui. après avoir fort inquiété les grammairiens,
est encore la terreur des enfants et reste un embarras
pour les étrangers. La règle générale de leur formation
nous montre de quelle manière il faudrait fixer l'ana-
logie flottante pour arriver à la plus grande commodité
du langage. Feuilleter, fait avec le même suffixe que
feuillet; becqueter et autres devraient garder régulière-
ment leur accent à l'indicatif présent : il feuillette, il
becquette; et d'après la même analogie, on devrait
dire feuilletter, becquette/'; et l'on entent prononcer
ainsi parfois assez souvent. Mais l'analogie du radical
ayant pris le dessus, on a été amené à dire feuilte
d'2ipr es feuilleter où Ve muet est insignifiant: de là
vient que Vaugelas se demande s'il faut dire ils bé-
quettent ou ils bectent. Cette dernière prononciation
existe encore aujourd'hui dans le peuple. Elle a l'in-
convénient d'être un peu dure ; elle présente un assem-
blage de consonnes d'allure geimanique dont nos
ancêtres ne se seraient point accommodés; mais auquel
nous nous habituons un peu par suite de la tolérance
de plus en plus répandue des consonances étrangères.
L'euphonie, qui n'est pas chose à dédaigner, recom-
mande plutôt les formes feuillette et becquette. Elles
sont déjà admises, ce qui est un grand avantage; de
plus l'analogie des verbes en oler et oter, tels que
cajoler, barboter où personne ne songea affaiblir Vo du
suffixe rent, ce semble, plus naturel le maintien de e^
et de el qui sont des suffixes du môme genre. Mais si
l'on admet feuillette, on devrait dire feuilletter. Cette
prononciation, admise par certaines personnes, serait
instinctivement acceptée par les écoliers, et finale-
ment partout le monde quand elle serait imprimée:
l'accentuation binaire 255
car vu la difficulté d'écrire en français comme l'on
parle, on finit par se résoudre à parler comme on écrit.
Tel serait, croyons-nous, le meilleur moyen de dé-
livrer notre langue d'une anomalie embarrassante, et de
lui donner sur ce point particulier cette régularité ana-
logique qui, pour bien des raisons, semble lui faire
défaut.
Dans la conjugaison des verbes en ico et uco, l'hési-
tation dans le traitement des suffixes a produit des
doublets analogues à cens dont il vient d'être question.
Par exemple, il existait en viens français un verbe tiré
de manducare qui gardait à l'infinitif Vu tonique à
l'indicatif régulier manducat, mandue; mais l'infinitif
régulier inanducare, dans lequel on oubliait, vu l'em-
ploi fréquent de ce mot, l'analogie de niandûcat, a
donné mangier. On a pu former d'après le même pro-
cédé non seulement des doublets analogiques, mais
encore, si l'on peut s'exprimer ainsi, des triplets.
Ainsi carricare, si 1'? est traité comme dans cavricat,
charrie, donne charrier dont \i est fortement pro-
noncé par certaines personnes ; le même mot, si Ton
suppose un demi-maintien de / tombé seulement à
e muet et uni au jod provenant de c, produit char-
reyer, charroyer; enfin la disparition complète de i
comme dans herbicario , berger, nous amène à cliargier,
charger, forme dans laquelle la réduction est amenée à
son plus haut point par l'identification de la syllabe
radicale avec la tonique secondaire.
3° Le Radical n' est pas reconnu
La syllabe radicale n'est pas facile à reconnaître
dans certains mots, principalement dans les mots
étrangers antérieurs à la formation de la langue, tels
256 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
que les mots grecs ou gaulois. Il pourrait en être de
même pour les termes latins composés ou dérivés dont
le simple a disparu. Il est clair que l'analogie du simple
au complexe ne peut s'exercer quand le premier a
cessé d'être en usage. Il est resté sans doute quelque
chose, dans certains mots, du rythme antique de la
langue primitive, lequel à l'origine a dû être fondé sur
la reconnaissance du radical^; mais d'une façon générale
la force vivante de l'analogie a cessé d'agir comme
telle, et le langage est naturellement amené â suivre
ses tendances phonétiques.
Lorsque Tune des deus voyelles protoniques est
entravée, c'est elle qui prent le pas sur l'autre. Si
l'initiale est en position, elle persiste; le seconde, sauf
a, disparaît souvent dans la prononciation:
artèmisia armoise
hlasphemare blasmer
consuetudinem coutume
elemosyna aumône
Quand la seconde seule est entravée, la voyelle
initiale ordinairement s'affaiblit en e muet qui souvent
n'est plus prononcé dans le langage usuel;
Si les deus syllabes sont d'égal poids, c'est-à-dire si
les deus voyelles n'ont pas d'entraves, c'est la première
qui persiste; car le français n'aime pas faire, en
général, l'assimilation de deus consonnes à travers une
voyelle initiale, elle assimile les deus suivantes :
eremita
ermite
Segohodio
Seveux
Vesuneta
Besnée
1. L'accent originaire des mots grecs avait été modifié souvent
par les Romains, et il est inutile d'y remonter quand il s'agit de
l'accentuation binaire 257
Quand les deus consonnes qui entourent l'initiale
forment un groupe usuel et facile à prononcer, la
voyelle initiale peut disparaître. Ainsi de Perrinet,
Perronnet, on peut faire Pernet; mais on peut aussi
en tirer Prinet et Pi'oiiet; la notion analogique du ra-
dical s'efface devant la commodité de la prononciation:
à plus forte raison en sera-t-il de même quand ce
radical est obscur, comme dans beryllare, briller.
St initial amène un e initial qui en fait une syllabe
principale du mot; l'ancienne voyelle radicale est
réduite à un simple son de soutien comme dans Sta-
duneiisem, Estenois.
4P Noms d'origine germanique^
Les mots germaniques de la forme indiquée ci-dessus
ne pouvaient pas passer en latin avec leur accent pri-
mitif, car très souvent la tonique principale y est
placée avant la tonique secondaire ce qui ne peut se
faire en latin. Alors il y a substitution de Tune à
l'autre : l'accent germanique principal est devenu
secondaire, et réciproquement. Quant à la protonique
non radicale, souvent insérée par le latin, elle a natu-
rellement disparu, sauf quand elle est nécessaire pour
la prononciation des consonnes, et même alors elle ne
se maintient pas toujours :
Frederico Ferry
Mederico Merry
Warnachario Garnier
Ragnachario Régnier
français. Quant à l'accent des mots gaulois, il a dû avoir, il me
semble, une tendance plus naturelle à se maintenir : c'est aus
celtisants à résoudre la question.
1. Cela est vrai pour le français proprement dit; il n'en est pas
tout à fait de même pour les patois de l'Est.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 17
258 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
De même dans les mots d'une origine qui est beaucoup
plus récente :
Petermaïui Petrement Piètrement
Peter kind Pierrequin Pierquin
Dans les formations modernes de ce orenre, il nV a
pas li(^u de tenir compte bien entendu des e muets que
le français a introduits dans les mots, afin de faire
sonner les consonnes à la façon allemande.
Tels sont certains noms du pays de Montbéliard qui,
malgré toutes les apparences^ n'ont cjue deus syllabes
dans la prononciation :
Thielmann ThieUement
Schwedel Chevaidel
Schwaenniann Chevènement
Schmiedlein Cheraittelin
La protonique qui provient d'un suffixe germanique
accentué irrégulièrement par le latin, peut disparaître
ou persister, ce qui produit des doublets :
Audiffraij = Aaffray Audigier = Augier
Enguerrand^^Enguerand—Engrand Erimond r=iErmon d
Hericourt ^=^ Hercourt Mareschal:=Marchal
Seneschal = Séchai, etc.
Pour que le doublet se produise, il faut ordinaire-
ment que les deus consonnes qui avoisinent de chaque
côté la voyelle négligée forme un groupe facile à
prononcer et régulièrement admis en français. Une
réduction telle que taolendiao = moulin est un peu
dure. La question des consonnes aurait Ijesoin d'ailleurs
d'une étude particulière.
• i
l'accentuation binaire 259
5° Mots sans analogie
Un mot qui n'a pas d'analogue clans une langue et
qui pourtant est d'un usage courant^ a toujours quelque
chose de choquant : il ressemble à un étranger très
connu et qui vit isolé au milieu d'une société; on finit
toujours par l'y mêler. Le peuple ne peut se résoudre
à laisser subsister à l'écart ces mots qu'il considère
comme des monstres sans raison d'être; il préfère
mettre à leur place des monstres analogiques; il leur
donne une parenté fausse, parce qu'il ne peut pas lui en
donner une vraie. Tels sont encore de nos jours^ les
mots comme reau d'ânon ou l'huile de cretonne, qui
ressemblent au moins à quelque chose de connu, et
par suite d'humain. Mais si pour les mots anciens de
ce genre, il est facile d'admettre une fausse analogie,
il est malaisé de dire exactement d'après quel mot
elle a été établie. On pourrait d'ailleurs faire souvent
plusieurs hypothèses. Il n'y a donc pas lieu d'insister
outre mesure sur la formation des mots tels que:
ascalonica, eschalaine, escheloigne; cary ophyllon, gi-
rofle, ou autres semblables de formes extrêmement
variées dans les patois; ce qui prouve de nombreus
tâtonnements dans la marche de l'analogie.
Ces formations sont en dehors des règles simples :
à Taction déjà compliquée des lois phonétiques s'ajoute
l'action obscure et souvent multiple de la fausse ana-
logie.
6° Mots qui échappent à r analogie
Les mots les plus familiers sont cens qui dans toutes
les langues sont le plus souvent soustraits aus lois de
l'analogie. Par exemple, les indicatifs des verbes eïre et
260 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
aller, es, sumus, ist, sind, t\\i.[^ iaaév, eo, imus, etc.,
sont tellement bariolés dans leurs formes^ qu'ils sont
très dilîiciles a apprendre pour les étrangers ; et le
défaut de Tanalogie y est poussé si loin que le radical
peut même changer du singulier au pluriel comme
dans vais, allons. L'analogie, qui agit d'ordinaire de
façon à bien faire reconnaître les syllabes radicales,
peut être comparée aux étiquettes qu'on impose dans
les officines ans produits du même genre, afin de les
distinguer. Alais on n'en met pas toujours sur les
flacons ou vases qui renferment les aliments ou les
boissons ordinaires. La force de l'usage journalier
permet dé reconnaître sans peine, même ^dans la nuit,
les objets usuels et familiers. Ainsi l'analogie ne régit
point les formes des verbes les plus usuels : appeler avec
e muet ne correspont point à /appelle, pas plus que
acheter, achever ne sont d'accord avec achète et achève.
Il est vrai qu'ici le radical cesse d'être reconnu parce
qu'il n'existe plus de mot simple correspondant, ou qui
puisse être facilement regardé comme apparenté au
composé. Rejeter, et les autres verbes semblables sont
du même genre, bien que le simple soit resté en usage.
Mais il est facile d'observer qu'il y a encore hésitation.
L'écriture acJiepter, rejetter était encore usitée il y a
quelque cinquante ans avec la prononciation rejeter,
acheter, qu'on entent encore assez souvent; c'est ainsi
que j'ai entendu parler instinctivement les enfants qui
ne savent que leur patois et qui apprennent à lire le
français. De plus, dans le langage populaire, il semble
moins grossier d'articuler rej'ter qui pert la voyelle
radicale que rjeter (\n\ la conserve. L'analogie tent
toujours à reprendre ses droits, et il eût été désirable
que l'orthographe eût contribué à la faire triompher
l'accentuation binaire 261
pour la plus grande symétrie et la commodité de la
langue.
La protonique immédiate non initiale et non reconnue
comme radicale, si l'on ne tient compte que des
principes généraux, doit suivre simplement les lois
})lionétiques. Elle doit donc être traitée comme les
finales, c'est-à-dire qu'elle disparait ordinairement;
mais si c'est la lettre a ou si elle est en position, elle
se change en e muet.
Or, la loi n'a point été appliquée avec cette rigueur
et pour plusieurs raisons.
D'abord il faut distinguer la position forte et la posi-
tion faible : celle-ci en latin ne rendait pas la syllabe
longue, parce qu'elle renfermait soit s comme première
consonne initiale, soit / ou /^ comme consonne finale :
les groupes sont faciles à prononcer. Ces syllabes étant
indifférentes, l'usage français lui-même a été et il est
encore quelque peu indifférent. V!e muet qui doit
servir d'appui peut être omis, parce qu'il n'est pas jugé
nécessaire. On entent dire chanihrier et chamberier ,
ouvrier et ouverier, peuplier eA peupelier, chambellan
et chaniblan, pauvreté et pauverté, où le son er n'est
pas ouvert, mais très faible; et j'ai pu observer que
des personnes qui prononcent ainsi disent également
pauver, à peu près comme les Allemands articulent
Vater. Il n'est donc pas étonnant que le français ait pu
de tout temps admettre une double prononciation de
ces mots avec une double orthographe. La possibilité
de prononcer sans grande peine 7?^, où n était d'ailleurs
affaibli en latin, a même amené, malgré les trois con-
sonnes, les mots nioustier et mestier. Il ne saurait être
question ici de règle absolument précise.
En outre, les mots d'une même langue, soumis aus
262 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇALSE
mêmes lois phonétiques, marchent à peu près paral-
lèlement sans doute, mais non d'une façon absolue. Il y
en a qui sont plus avancés : il y a aussi des traînards.
L'essentiel est que d'une manière générale ils obéissent
au sens du commandement.
Dans la langue française, cette marche des mots,
parfois irrégulière en apparence, est d'autant plus
facile à comprendre que ces mots ont pu y entrer à
des époques différentes. On parle communément de
formation populaire et de formation savante : c'est
une façon de traiter en gros la question : en réalité, il
y a des termes qui sont à demi savants, d'autres le
sont au quart et ainsi de suite jusqu'à l'infini. Le
français depuis ses origines n'a jamais cessé d'em-
prunter au latin : et même à l'époque la plus ancienne les
formations phonétiques ont dû être échelonnées. Par
exemple chalainel, chcdemeU ckaumel nous montrent
les étapes successives qu'a dû parcourir le latin cala-
mello pour se mettre définitivement dans le rang des
mots français. Il est à remarquer d'ailleurs que le même
procédé est encore vivant dans les patois, avec cette
différence qu'ils se retrempent perpétuellenient dans le
français, comme le français se retrempe dans le latin.
Enlin la protonique immédiate, bien qu'elle soit
traitée à peu près de la même façon que la finale en
dehors de l'analogie, ne saurait cependant lui être
complètement assimilée. L'e muet final servant de son
soutien ou issu de a latin est régulièrement conservé ;
Ve protonique ne l'est pas toujours. Il a pu l'être à
l'origine, comme dans le viens français sairement de
sacramentum , devenu serment. Mais il a bien pu dis-
paraître depuis longtemps, sans qu'on soit obligé de
recourir à des hypothèses en quelque sorte surnatu-
l'accentuation binaire 263
relies. Ainsi pour expliquer merveille qui a perdu Va
de mirahilia, on a voulu inventer un latin miribilia.
C'est un monstre latin substitué à un monstre français.
Il y a parfois chez les romanistes une tendance <à se
défaire au détriment de la langue mère des embarras
de notre phonétique: elle rappelé quelque peu ces
paysans qui voyant sur leur champ une épave désa-
gréable, la rejètent sur le voisin et s'imaginent que
tout est pour le mieus. L'absence de Xe dans la deusiôme
syllabe de merveille paraît être due ta une cause qui
n'est point absolument particulière. Il y a dans l'écri-
ture française un principe très ancien et qui a bien
quelque peu sa raison d'être. Par exemple, lorsqu'une
lettre finale ne se prononce pas toujours, on la conserve
en écrivant, afin de ne pas être étonné de la prononcer
quand il le faut. On emploie certaines lettres quand
elles sont inutiles, de peur de les oublier quand elles
sont nécessaires. Ainsi l'on écrit charmant, bien que
le t ne sonne pas ordinairement, parce qu'il faut le
faire entendre devant une vovelle. Mais si l'on foro^eait
l'adverbe charmamment, on supprimerait le t comme
dans prudemment, car il est inutile de le plier à une
nécessité qui peut paraître éventuelle quand on sait
qu'elle ne se présentera jamais. De même e muet final
est insensible devant une voyelle; il cesse à vrai dire
d'être prononcé, soit dans un mot isolé, soit quand le
mot est suivi d'un repos de la vois : c'est abusivement
et contre le génie de la langue que nos poètes l'ont fait
compter à l'hémistiche des vers, ce qui n'existait point
au moyen âge. Mais on fait entendre cette lettre
lorsqu'elle est suivie d'une consonne, qui réunie à la
précédente peut rendre la prononciation difficile; et on
a continué de l'écrire quand il n'est plus nécessaire.
264 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Or^ Ve protonique n'est pas dans les mômes conditions,
puisque toujours placé entre les mêmes lettres il a
une prononciation toujours uniforme. Soutenu d'abord
par l'analogie de l'adjectif simple qui a été ensuite
oubliée, il a disparu de mots te\^ que Bel court. Bel-
dame, MalviUe, Malrombe, où l'adjectif avait autrefois
la forme féminine, parce que la prononciation des con-
sonnes le permet facilement. C'est de la même façon
que, malgré la présence de a latin, e primitif privé
d'analogie de prononciation a été supprimé dans rn.ous-
tier [mojiasterio) , serment, donrai {donare haheo), et
aussi dans merveille. Comme l'a constaté Darmesteter,
la voyelle latine protonique immédiate suit en principe
l'analogie de la finale; mais il faut ajouter de la finale
telle qu'elle se prononce depuis longtemps en français,
et si quelquefois la ressemblance n'est pas plus par-
faite, c'est peut-être parce que nous sommes dupes de
récriture.
m
Mots qui renferment plus de deus Syllabes
protoniques
Ces mots sont soumis en principe aus mêmes lois
que les précédents ; mais le nombre des syllabes proto-
niques complique un peu les questions; en multipliant
le jeu de l'analogie, il augmente les difficultés. Il a
permis de choisir entre plusieurs formes possibles, et
il a rendu ainsi l'hésitation plus naturelle.
Les syllabes dans le dérivé ou le composé sont
traitées habituellement comme dans le simple. Par
exemple, càlidô était prononcé avec l'accent binaire:
les langues romanes en général nous montrent par
l'accent[;ation binaire 265
leur phonétique que dans les mots à pénultième brève
la finale était plus forte que ia précédente, puisqu'elle
est souvent maintenue, tandis que la précédente, dis-
paraît. Or, cdlidô amène cdlidârium et excâliddre,
puis càlidâménte : rien ne peut nous faire admettre
une accentuation binaire telle que calidaménte. Ainsi
quand le radical est accentué dans la forme la plus
simple, il reste fort dans le mot complexe: cdlidaménte
donne donc chaudement, excdltddre donne échauder
comme remêmordre donne remembrer.
La position commune ou indifférente amène l'indiffé-
rence dans le chois des formes et produit des doublets.
On prononçait dsperô, et dans dsperitdtem les trois
syllabes initiales pouvaient être traitées comme dans
le simple dspero, qui donne âpre, et aper dans la pro-
nonciation de certaines personnes; asperté ne suppose
pas plus aspéritdtem que ouverier ne fait admettre
opérdrio. La douceur relative de la prononciation de
spr, groupe assez commun en latin, avait produit la
forme dspro, dspri, et par analogie dspritdtem, qui n'a
qu'une tonique secondaire : c'est donc plutôt la double
prononciation de spr qui amène les doublets as/)er^e et
âpreté.
Quand la voyelle radicale reconnue n'est pas accen-
tuée dans la forme la plus courte, la tonique de celle-ci
devenue atone peut persister; mais à moins d'être
fortement entravée, elle se réduit à e muet, puis dis-
paraît.
Ce procédé s'est appliqué et s'applique encore cou-
ramment aus noms propres. Pelletier, par exemple,
donne Pelleteret, puis Pelteret, où le deusième e muet,
parfois un peu ouvert, reproduit en partie l'accent de
1er dans le simple, et ensuite Peltret ; car Peletret,
266 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
s'il existe, n'est guère qu'une façon d'écrire Peltret,
ou bien le second e est amené par la position tr. De
même, Estievan, de Stcphano, passe à Estievenin,
Estievenard; et ie, qui reproduit l'accent du simple
se change souvent en e {Esteuenin), d'?i]}res l'usage déjà
indiqué plus haut.
La tonique du simple persiste concurremment avec
las3ilabe radicale dans :
amertume amàritudinem
feautet fidélitàtem
Hérimôndi carte, Herimoncourt Hermoncourt
Romainville Romànimlla
Le mot matricula n'ayant peut-être pas été usité, sa
tonique ne s'est pas maintenue ferme dans le composé
matriculario, qui a donné marerjUer et margidllier;
on n'avait pas déterminé franchement la valeur relative
de l'/ et de Vu en latin.
La tonique d'un mot immédiatement plus court peut
se transformer en e muet; la persistance, puis la sup-
pression de Ve produisent des doublets :
Domitiaco [Domitius] Bomesrj, puis Donzy
Patriciaco [Patricius] Perrecy, Percy
Il en est de même pour la position commune dans
houvereuilei bouvreuil [bovariôlo) ; Mercredi (Mercuri
dies)et Vendredi { Veneris dies), sont parfois prononcés
populairement Venderdi et Merquerdi. Eburodunum,
Yverdon, peut devenir Yvredon.
La persistance ou la suppression de la voyelle entravée
produit également des doublets : l'hésitation porte non
seulement sur le maintien de la voyelle, mais encore
sur le son à lui donner :
Camiliacuin, Chamblay^ Chemille, ChemiUy
Gaciniacum, Gecingey, Geoigney, Checir/né, Chavigny
l'accentuation binaire 267
La syllabe marquée de raccent troisième, si l'on peut
s'exprimer ainsi, s'est trouvée en contact avec \ejod
issu du c dans dôminicélla , ce qui a pu donner une
diphtongue : demoiselle ou damoiselle.
Mais la langue a une tendance visible à laisser de
côté la tonique du mot immédiatement plus simple,
même si elle est entravée, et de donner uniquement
Taccent secondaire à la tonique du mot le plus court,
c'est-à-dire à la protonique radicale :
Dôminicélla (domina) donzelle adràdicâre [ràdix] arracher
Dôminiônem (domino) donjon invôlutàre envoûter
Màteriàwen merrain adràtionàre araisnier
Mànsionile mef^nil
Cette formation existe couramment dans les noms
propres de personnes et de lieus :
Théodorico Thierry Théodehàldo Thiébaut
Côdiciàco Couctj Côtoniàrias Coignères
Cànusiâco Chainsrj Séveriàco Civray
Làtiniàco, Lagny\ Hericicûrte, Héricourt, Hercourt
Mànduodûro Mandeure
Rémigi curée Remicourt, Raincourt
Rocquigny court s'est appelé ainsi Rocquincourt^ .
La syllabe radicale peut n'être qu'à demi reconnue
par le manque d'analogie suffisante. Elle reste alors
e muet, qui est parfois prononcé ouvert ou fermé par
certaines gens .
Ainsi ïe de iinperatorem a pu être maintenu dans
empereur, par l'analogie de império, empeirie, empire;
empereur est encore la prononciation d'un certain
nombre de personnes.
1. Variniacum donne Varigney ; mais aussi Verignyet Vrif/n//:
c'est une exception assez rare.
2.V. A. Longnon^ Dictionnaire topogvaphique du département
de la Marne.
268 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
La syllabe radicale peut n'être pas reconnue. Par
exemple dans coUiyit le roman n'a pas vu que col repré-
sente la proposition cum, sans quoi il eût accentué
colii'fjit. La syllabe col passant <à faus pour radicale^ et
accentuée dans le simple, sera donc tonique secondaire
dans les mots plus longs, tels que côUigébani, il en
sera de même pour les verbes analogues, et le vrai
radical disparaîtra :
côlligere habeo, queudrai; cônsuere hàbeo, coudrai
computare habeo (cômpatat), compterai
collocare (côllocat) haheo^ coucherai
côrîsuetûdirie, costume, coutume.
l"" Mots renfermant une seule Protonique
Les mots qui renferment plusieurs syllabes proto-
niques sont les seuls dont il soit question dans l'étude
de Darniesteter, citée plus haut. Mais l'action de
l'analogie ne peut pas évidemment être limitée à une
certaine catégorie de mots ; elle doit s'étendre dans les
mêmes conditions à tous les autres, quelle que soit leur
forme : c'est pourquoi il y a lieu de les examiner en
particulier.
Tout d'abord il y a des mots qui n'ont qu'une seule
protonique : c'est par conséquent l'initiale. Or, la
voyelle protonique, qui d'ailleurs peut être influencée
par les consonnes suivantes, persiste régulièrement en
français. Quand elle n'est pas radicale, ou que le
radical n'est pas reconnu, parce qu'il ne se trouve pas
accentué dans les formes plus simples, l'initiale suit le
traitement ordinaire des voyelles latines qui se main-
tiennent, c'est-à-dire que a, e, i, tombent à e muet,
0 et u donnent ou qui, dans certains mots plus avancés
L ACCENTUATION BINAIRE
269
que d'autres, finit lui-même par s'affaiblir en e muet.
Parfois même le son muet se produit malgré l'entrave
et se réduit à rien dans la prononciation courante des
modernes :
maturo (meur) mûr
cahallo
canuto
ranuncula
gallina
subinde
coni cilla
junipevo
debere
devoir
dicino
devin
primario
premier
villa tus
velu
minutas
mena
rotondus
reondy rond
butyro
beurre
cheval
chenu
grenouille
geline
souvent
quenouille
genièvre
Toutefois la présence d'une consonne telle que /, i\
m, n, peut non seulement maintenir le son de la voyelle
précédente, mais encore la faire remonter :
zeloso jaloux tremacalo tramait
hirundinem aronde bilancia balance
frumento froment fusione fusion
C'est pour la même raison que per préposition est
devenu /)a/*, que a préposition a été maintenu^ proba-
blement, parce qu'il est très souvent suivi de l, m, /^, i\
et que dans les autres composés il suit cette analogie.
De même ve dans les composés, comme réfectoire, est
encore prononcé avec e muet par certaines personnes;
cette voyelle aujourd'hui tent à devenir sonore dans
les mots de ce genre.
Mais l'initiale radicale correspondante d'une syllabe
accentuée dans la forme simple^ garde généralement la
même forme. C'est ce qu'on voit dans la formation
des noms propres :
Hugues donne Huguet, puis Heguet.
Eudes, Eudon, Eudet, puis Edon, Edet,
IJoude, Houdon, Oudet.
270 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE |
Les formes du troisième degré qui ont Ve muet
montrent que dans les mots extrêmement usités le .
principe phonétique fmit toujours par prédominer.
De même en français riue et mur ont maintenu ou ]
rétabli 1'/ dans rivière [riparia) Vu dans muraille, i
muralia; et l'analogie a régularisé en général, la con- ,
jugaison françaiseV Amer, amons sont devenus aimer,
aimons à'?(^Yh^faime,fenir a passé ii finir qui rappelé ;
Ji/i, coyons SiU lieu de veons s'est modelé sur cois. \
Le français n'a pas de mots de rythme dactylique : i
la pénultième atone du latin y est supprimée réguliè- ;
rement. Or, si la syllabe radicale se trouve à cette ,
place et n'est pas reconnue comme telle, elle doit être i
soumise à la même loi. C'est ce qui se produit pour
plusieurs composés de la préposition cum : cette der-
nière n'a été bien distinguée que lorsqu'elle prenait la
forme usuelle comme dans committere, commettre,
convenire, convenir ; mais si par assimilation la syllabe
initiale est devenue col, ou si elle prent la forme cons,
elle n'est plus reconnue, comme préférée; elle passe
pour radicale, et elle est traitée comme telle. Ainsi
collifjit, consuit sont devenus queut et coût; et l'infi-
nitif suivant ({ueudre et coudre. Ici l'analogie agit au
point de renverser le principe fondamental de la
phonétique française qui repose sur le maintien de la
syllabe tonique.
Le même fait s'est produit d'ailleurs dans des mots
dune autre forme qui ont perdu leur syllabe radicale,
tels sont: côllocdre, coucher, de côllocat, couche, côn-
sobrinum, cousin, cônsuetudinem, coutume.
Au contraire, si la syllabe radicale est atone, tandis
1 . Les formes qui correspondent au fiançais recicreet meraille
sont courantes dans plusieurs patois de l'Est.
l'accentuation [{inaire 271
que l'accent relève une voyelle insignifiante, comme
par exemple, celle qui sert de liaison dans les dérivés,
celle-ci est privée de l'accent qui passe, non plus à la
syllal)e précédente, mais à la suivante. Tels sont les
composés signijicat, senejie, où la syllabe radicale du
deusième composant est devenue tonique, contraire-
ment aus lois de l'accent latin. De même le latin parlé
accentuait déyd/iliô/us et non /iliolus, ainsi qu'on le
voit par les vers de Commodien : de là, le français
filleul, aïeul. Le nom [)ropre Bagtieux (Balneôlus)
est foi'm.é d'une manière analogue.
IV
L' Analogie dans les Syllabes posttoniques
Il n'a pas été question jusqu'ici des syllabes postto-
niques; mais il est clair que le principe analogique
doit agir sur la fin comme sur le commencement des
mots.
Il est inutile de parler de la finale : c'est une simple
syllabe de flexion, qui ne renferme pas le radical, et
qui ne peut subir l'influence des formes où le radical
est accentué. Elle ne peut pas non plus prendre l'accent
des formes où elle devient tonique; on ne peut dire
fructûs-fruciificat: c'est le contraire qui se produit,
puisque l'analogie va généralement du plus court au
plus long.
La pénultième disparait régulièrement en français.
Même radicale, elle subissait en latin l'apophonie :
accipit z=i ad-capit; et, comme on l'a vu plus
haut, pour peu que la préposition qui la précède
fût difficile à distinguer comme dans colligit, elle lui
272 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
cède le pas en roman. Toutefois, le latin hésitait déjà,
dans les composés qui probablement n'étaient pas très
anciens ni peut-être très usuels, à alTaiblir le son de la
syllabe radicale, ainsi il disait: exavat, impetit, in
voat; il hésitait entre intellerjit et intelligit. Dans les
mots de ce genre, l'accent secondaire devait être placé
non sur la finale, mais sur la pénultième. Le français
ne put laisser tomber partout, comme le demandait la
règle phonétique, une syllabe dont la disparition eût
rendu les mots inintelligibles, en empêchant de recon-
naître leur parenté, et conformément au principe
général; il préférera accentuer /'ect/)?Y, en maintenant
la voyelle du simple avec le son qui lui était propre et
avec son accent, bien qu'il devint grammaticalement
contraire aus règles générales. De là les formations
reçoit , recipit ; refait, refâcit, devient r=i devénit et
autres semblables. Ces mots n'ont pas été décomposés
réellement, pas plus que paranientum n'a été dédoublé
en para et nientum, tous deus ont suivi la loi qui, même
au pris d'une irrégularité phonétique, accentue dans
les formes plus longues la voyelle accentuée dans les
plus courtes.
Lorsque la pénultième est tonique et qu'elle ne
représente qu'un suffixe précédé d'un radical atone, elle
peut conserver son accent: salûtat, salue; mandûcat,
mandue; carricat, charrie. Mais la tendance à accen-
tuer le radical amène une autre formation : à côté de
mandûcat, mandue, on dit mânducat, mange; et
vôlutat donne coûte. L'accentuation mânducat a bien
pu être latine; car le principe qui consiste à donner à
cette forme indicative le même rythme qu'à manducare
est certainement très ancien; elle peut être aussi
romane, et pour chaque mot on pourrait peut-être
l'accentuation binahœ 273
déterminer répoque variée de la création analogique, il
sullit ici de reconnaître l'action d'une loi générale.
L'accent de l'infinitif a-t-il produit celui de l'indi-
catif, ou bien est-ce l'inverse? Il est probable que sans
feuilleter on ne serait pas tenté de prononcer je feuilte,
où Ve est naturellement muet. L'infinitif a donc dû agir
sur l'indicatif. Mais c'est à une condition : on ne dirait
pas facilement achte pouv ac/iète, achce pour ac/tèce ;
comme on le fait parfois dans la langue populaire,
c'est-à-dire qu'on ne supprimerait pas sans hésitation
la voyelle radicale ; /ei^/Z^e est possible, parce que le
suffixe et Ù.Q feuillette est peu important'. L'accent de
l'indicatif no paraît donc, en général, changer par
l'influence de l'infinitif qu'à condition de passer à la
syllabe radicale ou à celle qui peut être considérée
comme telle. Rappelons d'ailleurs que d'après plusieurs
linguistes, soit dans la formation très ancienne de la
langue latine, soit dans le langage populaire des Ins-
criptions, l'accentuation du radical par affaiblissement
ou par suppression du suffixe autrefois accentué est
très fréquente : on tent régulièrement à rendre tonique
la syllabe radicale, en voici quelques exemples :
11 est facile d'expliquer par cette loi une grande
partie de la déclinaison latine et la dérivation de
beaucoup de mots.
Ainsi l'accentuation du nominatif:
rosa cha]
ige rosai' en
rosae
hômo
liomônenX"'
hôminem, et même ômnem
piger
pigérior^'
pigriov
jûvenis
jiώnioi'^
junior
àhles
ahiete
àhjete (Virgile)
1. Vaugelas a examiné s'il fallait dire ils bectent^ de becqueter^
ou ils becquètent. C'est un phénomène du même genre.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII 18
274 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
ténuis
tenûia
t envi a (poét.)
pôpidus
popûlicus*
pàblicus
ràlidus
validius
vâldius
Et dans les mots très usités, ou dans les noms propres
qui obéissent plus vite que les autres aus influences
purement phonétiques, l'accent peut même faire sup-
primer une syllabe longue:
décem déceni* déni
Sâbo (simple de Sabino) Sabinio* Samnio
P/?i7ippo (accent grec) Philippo PAî7po (vulgaire) '.
Dans cette étude, qui, à vrai dire, se rattache autant
à la rythmique qu'à la phonétique de la langue fran-
çaise, on n'a pas cherché à traiter dans tous ses détails
la question de Tanalogie phonétique: celle-ci, sur un
grand nombre de points, demanderait encore à être
éclaircie. Les exemples cités ne sont destinés qu'à faire
saisir d'une façon générale l'action du principe de
l'analogie, et à montrer que dans les mots les plus
longs, dans les dérivés, dans les composés, l'accent
secondaire tent à se placer sur la syllabe dont le sens
doit naturellement attirer l'attention, c'est-à-dire celle
sans laquelle le mot n'aurait pas à proprement parler
de signification précise. 'Bien que l'accentuation dite
binaire" soit assez fréquente en français, elle n'y est
pourtant ni exclusive, ni même régulière. 11 y a lieu
d'observer d'ailleurs que l'analogie ne trouble les règles
phonétiques qu'en apparence. Elle ne fait, en somme,
que renforcer l'action du principe fondamental de la
philologie romane, c'est-à-dire de l'accent. La tonique
secondaire ou tertiaire n'est autre en général que la
tonique principale, qui tent toujours à reparaître,
1. Cf. les dérivés français Philpin^ Pldlpot.
l'accentuation binaire 375
même là où elle devrait devenir atone, en vertu du
principe qui veut qu'il n'y ait qu'un seul accent dans
un mot. L'accent secondaire, quoique moins sensible,
paraît jouer un rôle déjà important dans les vers latins
les plus parfaits, et s'il n'a pas toujours été bien reconnu
dans d'autres langues romanes où il ne se distingue pas
par l'orthographe, il est rendu sensible en français
surtout par la diphtongaison des voyelles. S'il n'a pas
une place absolument régulière et uniforme, c'est que
l'action de l'analogie n'est jamais tout à fait complète:
elle est sullisante toutefois pour nous faire voir que
les chefs de famille des mots, c'est-à-dire les syllabes
radicales, ont une tendance constante, et qui s'est
maintenue de plus en plus dans la période moderne de
la langue, à reprendre au point de vue rythmique leur
rang primitif et naturel.
Léon Vernier.
Dans l'article qu'on vient de lire, notre collaborateur réfute
victorieusement, selon nous, la théorie de l'accentuation
binaire, et il étudie avec beaucoup de sagacité l'influence
analogique de la syllabe radicale sur la place de l'accent
secondaire. Nous ne ferons qu'un petit nombre d'objections
de détail. P. 243. Dévoyer^ anciennement desveier, desvoier,
est formé sur veie, voie, comme e;iror/er. L'accent secondaire
du radical de deviare ne pouvait pas produire la diphton-
gaison de 1'/. — P. 250. L'ancienne langue prononçait ow-
vrieren deus syllabes; les prononciations ou-rri-er et ou-ve-
rier sont deus manières différentes de résoudre la difficulté
qu'offrait le groupe v -\- p-\- y. — P. 250-25L Je ne crois
pas qu'on puisse dire que, dans les exemples cités, la voyelle
radicale est traitée ordinairement comme à l'indicatif présent,
et que, d'une façon générale, la diphtongaison produite par
276 REVIE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Taccent à l'indicatif per^/^^^^ dans les composés; la diphton-
gaison y a été introduite après coup sous rinfluenco des
formes où le radical est tonique : arroyev a été d'abord areev^
pourvoyance a été pouvveance, demeuT'er a été demouver;
quant à délayer, il est impossible de le tirer de dilatare
(cf. 7wer de natareetnoëlde natalem). — P. 255. La forme
manjuer ne saurait être primitive, et ne peut s'expliquer que
par l'analogie de « il manjue ». — P. 258. Il me paraît
impossible àQ X\ïqv rnoulin de molendino. — P. 263. 11 n'y
aurait pas de difficulté pour le mot merveille, si on trouvait
anciennement la graphie mereveille, comme on trouve sai-
rement. — Page 265. La seconde voyelle de asperitatem
aurait pu avoir un accent secondaire, non pas en vertu d'une
accentuation binaire, mais à titre de voyelle entravée après la
chute de Vi. — P. 268. C'est exceptionnellement que 1'/ long
et l'a de la syllabe initiale u tombent à e muet ». Même pour
le ou è du latin populaire, il y a lieu de réserver le cas de la
voyelle entravée.
L. C.
LE VERBE
DANS LE PATOIS DE ST-HAON-LE-CHATEL LOIRE)
Notions sur les Pronoms personnels
1. — Les pronoms personnels sujets, que nous aurons
constamment l'occasion d'employer, sont dans notre
patois : ^e (je), te (tu), é (il), le (elle), ne (nous), voit
(vous), i (ils), le (elles), devant les consonnes, et j , t\
él, V, n\ vouz, iz ou il, l\ devant des voyelles. — Le
pronom personnel neutre est ou.
2. — Partout où le patois a ^- à la place de j français,
sala place de ch français, on rencontre aussi la pronon-
ciation, due à l'influence française, parje ou che, et des
prononciations intermédiaires. Ainsi l'on dit je ou ^e
pour le pronom personnel de la première personne du
singulier, mais la forme patoise est -Je.
I. — Conjugaison
1. — REMARQUES GÉNÉRALES
1. — Pour former les temps simples, excepté le futur
et le conditionnel, on ajoute au radical du participe
présent les désinences particulières à chacun de ces
temps.
2. — L'imparfait, le plus-que-parfait du subjonctif
et la deusième forme du conditionnel passé, n'existent
pas en patois.
278 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
2. — FLEXIONS COMMUNES AUS DIFFÉRENTES
CONJUGAISONS
Indicatif présent. — Lesllexions des trois personnes
du pluriel sont uniformément: 1. — en'; 2. — i;
3. — ON. — L'accent tonique porte sur la flexion
à la 3^ personne comme aus deus autres. — La flexion
de la V^ personne du singulier est uniformément ou
(atone^ . Aus 2^ et 3^ personnes du singulier, les verbes
de la V^ conjugaison se terminent en e atone, les autres
n'ont pas de flexion .
Ex. : ze revoNdoze, de revendre = couvrir de terre,
te vè {= tu vois)
él épiye (= il croît)
ne benissÈN (= nous bénissons)
vou mènti (= vous mentez)
i reprenoN (=^ils reprennent des forces).
Imparfait de l'Indicatif. — Les flexions de l'im-
parfait, toutes toniques, sont uniformément : pour le
singulier: èn, ô, ô; pour le pluriel : an, â, an.
Ex. : — z'étôzÈN (=: j'économisais) ^
te finissô (= tu finissais)
é deurmô (= il dormait)
ne vèndAN (= nous vendions)
vou bàt (= vous battiez)
i ressevAN (=: ils recevaient) .
Passé défini. — Les flexions du passé défini sont
1 . Nous notons par èn le son représenté dans l'orthographe
française par m, em, ain.
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-HAON-LE-CHATEL 279
uniformément : pour le singulier : i (i tonique) aus
trois personnes; pour le pluriel; Èra/i, Èrâ, Èran.
Ex. : ze sàlissi (= je salis)
te zun^i f= tu joignis)
él épàliyi (= il blessa)
neprenî:/r//i (^ nous prîmes)
vou kvéyÈrâ (= vous crûtes)
il é\ixn\Pran (= ils balancèrent).
Futur et Conditionnel. — A l'infinitif, plus ou moins
modifié, comme il sera expliqué plus loin, le futur et le
conditionnel ajoutent les désinences suivantes :
FUTUR, singulier : É, À, À
pluriel : en, i, on,
qui sont les formes ou désinences^ comme en français,
de rindicatif présent du verbe avoir. (Toutefois, pour
dire : ils ont, on dit volontiers : iz ou il) an).
CONDITIONNEL, singulier : en, e, e
phœiel : kh, â, an.
Ce sont, comme en français, les désinences de l'im-
parfait, sauf aus 2^ et S'' personnes du singulier, où
il y a e au lieu de ô ; mais cet e est un affaiblisse-
ment d'un ancien ô qui s'est conservé dans des com-
munes situées à une vingtaine de kilomètres au nord-
est de Saint-Haon.
Ex. : FUTUR : z'éssourlerÉ (= je rendrai sourd)
te finirÀ
é bouyir.À (= il bouillira)
ne rèndrÈN (= nous rendrons)
vouz ékriri (= vous écrirez)
i bàtroN (= ils battront).
:^80 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
CONDITIONNEL : z'éssoiirlerÈN
te finirE
é bouvirE
ne rèndrAN
voLi ékrirÂ
i batrAN.
Subjonctif présent . — Le patois ne possède du mode
subjonctif qu'un seul temps simple, le présent-futur,
dont les flexions sont uniformément : pour le singulier,
ou, e,e (atones); pour le pluriel en, i, on (toniques).
Ex.: kez'éTôjow (= que j'économise)
ke te sÈNte (= que tu sentes)
k'é finisse (= qu'il finisse)
ke ne foutÈN [-=^ que nous jetions [sans soins)
ke vou bevi (= que vous buviez)
k'i vàloN (=: qu'ils vaillent).
Remarque. — Pour la V^ personne du singulier et
pour les trois du pluriel, on remarquera Tidentité de ce
temps et de l'indicatif présent. A la l"^*^ conjugaison, il
n'y a même aucune différence entre le présent de l'in-
dicatif et celui du subjonctif. Les autres verbes ont au
subjonctif présent la flexion e pour la 2^ et la 3" per-
sonne du singulier^ tandis qu'à Tindicatif présent ces
personnes n'ont pas de flexion.
Impératif. — Au pluriel, les flexions sont les mêmes
qu'aus présents de l'indicatif et du subjonctif : ên, i.
Le singulier (2^ personne) est identique à la 2^ per-
sonne du présent de l'indicatif, c'est-à-dire qu'il a la
flexion e atone pour la V conjugaison, et qu'il n'a
pas de flexion dans les autres verbes.
Ex. : yÀme (— mange [gloutonnement)
vè (== vois)
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST- M AON-LE-CH ATEL 281
sàlissÈN (== salissons)
àli (== allez).
Remarque. — On ne peut rendre la 2* personne du
singulier de l'impératif des verbes être (—être), àvèr
[zzz avoir), vâlér {=■ valoir), voulèr (= vouloir), qu'à
Taide du subjonctif.
Ex.: ke te sÈye (sois)
ke te voule (veuille).
Participe présent. — Le participe présent, comme
en français, a partout la flexion an.
Ex. : rouzissAN (rougissant)
en tàvelAN (en tachetant)
k^yôlAN (hélant)
làpAN (happant)
beurlAN (beuglant) .
En résumé, si Ton met à part V infinitif, où les quatre
terminaisons latines se sont maintenues, avec les chan-
gements phonéticjues qu'elles comportaient, et \epar-
ticipe passé, qui a des terminaisons variées, comme on
le verra plus loin, on peut dire que le patois de Saint-
Haon a réduit à une seule, en ce qui touche les flexions,
les quatre conjugaisons latines, sauf que les verbes de
la 1^* conjugaison ont la flexion e à la 2<^ et à la 3'' per-
sonne de l'indicatif présent et à l'impératif singulier.
Le français a conservé, en plus, des différences à la
1''^ personne de l'indicatif présent, au passé défini et à
rimparfait du subjonctif.
3. — LE RADICAL ET LES FLEXIONS SPÉCIALES
A CHAQUE VERBE
a) Les Conjugaisons vivantes. — Au point de vue
du radical, il faut faire les remarques suivantes:
282 RE\LE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Le radical est partout uniforme dans les verbes de
la 1" conjugaison'. On ne constate même pas, comme
en français, le changement de e et de é en è lorsque
le radical devient tonique. En français, on dit : lever,
protéger; et : je l\Lve, ]eprotkge; mais en patois on
dit : levÉ, protëgÉ, et ze Ievou, ze protÉjou. Le verbe
keté (== taquiner) fait: ze kr:tou, et non : ze kÈtou; ke te
kEte et non : ke te kÈte. On dit aussi : él assEte (= il
acliète)^ ou zEle (= il gèle), é sEme (il sème), ze pos-
sÉdou (je possède).
Le radical est partout uniforme dans les verbes in-
choatifs.' — La syllabe inclioative iss s'intercale,
comme en français, entre le radical et la flexion. —
Elle se réduit à /, comme en français encore, aus per-
sonnes sans flexion, c'est-à-dire à l'impératif singulier
et aus 2' et 3^ personnes du singulier du présent de
l'indicatif: mais nous savons qu'il y a une flexion à la
1'® personne de l'indicatif, qu'on dit par conséquent:
ze finissou (je finis), te fini, é fini.
On trouve aussi la syllabe iss devant les flexions du
passé défini. Ainsi Ton dit: ze finissi, te finissi, é
finissi. etc.
Notons aussi le futur : ze benitré (= je bénirai) de
benitre (^ bénir). Il y a cinquante ans, on disait
aussi : ze finiirê (= je finirai). Il y a donc eu pour les
verbes inchoatifs un infinitif en lire, se rattachant à
la terminaison latine iscere.
Les flexions spéciales aus deus conjugaisons vi-
vantes, sont :
INFINITIF. Pour la l'^ conjugaison, É.
1. Z(t rnc, d'f'/lé, ne fait pas exception, puisqu'on a là, en
réalité, deus verbes différents.
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-HAON -LE CHATEL 283
Ex. : ékrâyÉ(= (écraser)
dékonpassK (= enjamber)
dubÉ (= paraître dégoûté en face d'aliments)
déraguÉ (= rendre, rejeter par la bouche)
dazelÉ (se dit, par exemple, d'une vache qui,
excitée par les piqûres des mouches, court
rapidement en se battant les flancs de sa queue)
déssévK (= désaltérer).
Pour la 2' conjugaison ou conjugaison inchoative, ir
ou I (on emploie la flexion m lorsque le mot suivant
commence par une voyelle, et la flexion i lorsqu'il
commence par une consonne).
Ex.: beniR ou beni (= bénir)
sàliR ou sàli (= salir)
remàtiR ou remàti (= devenir humide)
rouziR ou rouzi (rougir)
réssandiR ou réssandi (réchauffer)
s'émàviR ou s'émàvi fagir, se remuer vivement).
PARTICIPE PASSÉ. Pour la 1^"^ conjugaison, au
masculin A_, au féminin an.
Ex. : éssartÀ, éssartAN (= bêché, bêchée)
kabossÂ, kabossAN (= bossue, bossuée)
ésséyÀ, ésséyAN (== éprouvé, éprouvée)
ébrenuzÂ, ébrenuzAN (= mis ou mise en miettes)
ènréyÀ, ènréyAN (^= commencé, commencée).
Pour la conjugaison inchoative, au masculin i, au
féminin yE (avec e labial tonique).
Ex. : àbôli, àbôh^E (gâté, gâtée, en parlant d'un enfant)
màrzi, marz^E (devenu chétif, devenue chétive)
àgàdi, àgàg">E^ ( = ratatiné, ratatinée)
évàni, évan>'E (= évanoui, évanouie).
1. On a de très nombieus exeaiples de la transformation de
d en g^^i', comme de t en k".^'.
284 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
h) La Conjufjaison morte. Au point de vue àw ra-
dical, il faut faire les remarques suivantes :
1. — Un certain nombre de verbes ont partout le
même radical.
Bàlre = battre» en est un. Un dit: ze bÀtou (^ je
bats), ze bàtÈN (= je battais), ze bàti(= je battis).
Sont de même les verbes suivants:
En iR ou I non inchoatifs :
bouyiR '=^ bouillir), kouriR (= courir)
k"-^uvriR (= couvrir), deurmiR (= dormir)
me.uriR{= mourir), ofriR (^ ott'rir)
uvriR (= ouvrir), partiR := partir)
se repèntiR (= se repentir), sèntiR (= sentir)
sàrviR (= servir). sôrtiR (= sortir)
soufriR (= soulïrir), vétiR(== vêtir).
En ÈR ou È
(On emploie la llexion èr devant une voyelle et È
devant une consonne.)
pouyÈR (= pouvoir), sâvÈR {= savoir)
vàlÈR(= valoir), vou1èr(= vouloir);
en r ou re
konduir (= conduire), kounutre (= connaître)
konstruir (= construire)^ k"-^udre (= coudre)
détruir = détruire), ènstruir (= instruire),
dir (=^ dire;, ékRir (anciennement ékRivre,
radical ékriv), lir (=z lire)
lLir(=: luire), nÉtre (= naître)
nuir (— nuire), parÉtre (= paraître)
plÉr (plaire), rir := rire), sufir (= sulîire)
suivre (= suivre), tÉr {= taire^, vivre (= vivre
revoN'dre (= couvrir de terre).
LE VERFiE DANS LE PATOIS DE ST-HAON-LE-CHATEL 285
Remarques. — Le plus grand nombre des verbes
essentiellement patois sont de la première conjugai-
son; il n'y en a qu'assez peu de la conjugaison inchoa-
tive et presque point de la conjugaison morte.
Il faut seulement remarquer que la consonne finale
du radical disparait quand elle devient finale, c'est-à-
dire aus personnes sans flexion, impératif singulier et
2*^ et 3*^ personnes du singulier de l'indicatif présent:
Ex: é vou, te pou, é sui, t'ékri, é sar, te sèn, mèn si
te vou (= il veut, tu peus, il suit, tu écris, il sert, tu
sens, mens si tu veus).
Quand la voj'elle radicale est a ou 6' non suivi d'une
consonne, elle subit un allongement par suite de la
chute de la consonne finale. Ainsi Tondit: ze bÀtou,
te ou ébâ; ze sÀvou, te ou é sa; mais: ze sÀrvou, te
sàr, é sàr.
Si la consonne finale est une /, elle change Va qui
précède en ô. On dit: te ou é vô (de valÈR = valoir),
oufô (de falÈR ^ falloir).
Si le radical se termine par un groupe de consonnes
appelant une voyelle d'appui, ces consonnes se main-
tiennent et les personnes sans flexion se terminent
par e.
On dit: k"^uvRiR (= couvrir) et: te ou é k"5uvre;
te ou é soufre (= soutîre), uvre (= ouvre), ofre (= offre;.
De même, Vy de tréssàyiR se maintient suivi d'un e.
Ex : te ou ë tréssÀye.
Le radical d'un bon nombre de verbes se termine
par un z qui disparait devant la flexion r de l'infi-
nitif.
On a en effet : Hr (radical liz)
diR ( — diz)
286 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
nuiR (radical nuiz)
luiR ( — luiz)
konduiR ( — kondiiiz)
pléR ( — pléz)
téR ( — téz)
kiÛR [ — kuiz)
détruiR ( — détruiz)
ènstruiR( — ènstruiz)
sufÎR ( — sufiz)
Quand le radical se termine par un i/, cet y dispa-
rait aussi devant la flexion r de Tinfînitif.
Ainsi^ krèR (^ croire) a pour radical actuel crèy
riR (= rire) — riy
4
Dans le verbe vèr (z=z voir) ÈRCst la flexion (français
oiR ). Le radical, qui est vèi/ se réduit donc, à Tinfi-
nitif, à un simple v, comme en français d'ailleurs.
2. D'autres verbes de la conjugaison morte ont un
radical spécial aus personnes sans flexion. Tel est res-
sevèR (= recevoir). A ces personnes, le radical ressev
ne pert pas seulement sa consonne finale, mais il de-
vient ressè avec è ouvert.
On a, en français, unealternanceanalogueentre recev
et reçoiv. Mais^ en français, ce radical spécial se trouve
aussi à la V^ personne du singulier, à la 3'- du pluriel de
l'indicatif présent, ainsi qu'ans trois personnes du
singulier et à la 3® personne du pluriel du subjonctif
présent: je reçois, que je reçoive, etc. Dans le patois de
Saint-Haon, le radical ordinaire ressev s'est substitué,
à ces personnes, au radical spécial: ze ressEvou, i res-
sevoN, ke ze ressEvou, ke te ou k'é ressEve, 1x'\ ressevoN.
TeniR et veniRont pour radical spécial: tèn et vèn.
DevÈR (= devoir) a pour radical spécial de.
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-H AOxN-LE-CHATEL 287
Dans les verbes dont rinfinitif français est en re,
le radical spécial, quand il y en a un, ne se rencontre
pas seulement aus personnes sans flexion, mais aussi
à l'indnitif.
Ainsi Ton a :
Prènc//"c (=• prendre), te ou é prkn, alors c[ue le par-
ticipe présent est pren an. Le d qui réunit le radical
pj^èn à la flexion re est souvent une lettre euphonique).
On a: zwÈNclre (= joindre) comme te ou é zwkn
participe présent zunyAN).
Le radical spécial de KRÈNcli'e est krèn, alors que
le radical ordinaire est kreny.
PLÈNd/Ta pour radical spécial plèn et pour radical
ordinaire plen^.
ExÈNcZ/'e a pour radical spécial étèn et pour radical
ordinaire éteny.
MÈtre (= mettre) a pour radical spécial mé et pour
radical ordinaire met.
BÈr (= boire) a pour radical spécial bk et pour ra-
dical ordinaire bev.
FÈf (= faire) fait exception; on a ze fEZOu, te fâ, é
fà, fà ik">'ÈN (fais cela). C'est que l'ancienne forme de
la première personne du singulier, faz, a modifié les
2^ et 3" personnes, et a été elle-même modifiée sous
Tinfluence de l'analogie.
(Voir plus loin aus cas particuliers).
Les Flexions spéciales.
1. Flexions de l'infinitif. — A la terminaison fran-
çaise iR correspont la terminaison patoise ir ou i (On
emploie la flexion ir devant un mot commençant par
une voyelle et i devant un mot commençant par une
consonne .
:288 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Ex. (^'oir la liste des verbes non inchoatifs, p. 284).
A la terminaison française oir correspont la termi-
naison patoise èr ou è (On emploie èr devant un mot
commençant par une voyelle et È devant un mot com-
mençant par une consonne).
Ex. (Yoiv la liste des verbes en kr, i^:, p. 284).
Autres exemples:
FàlÈR (=^ falloir), vèr (~ voir), devÈR {= devoir),
avÈR (= avoir).
Remarques. — On ne dit pas pleuvKR pour rendre
pleuvoir, mais plôR.
On di^t : se soté ou se sixÉ pour rendre s'asseoir.
A la terminaison française re correspont la termi-
naison r ou re .
Ex. : bÈr (= boire) et non bè, fÈr (= faire) et non
fè.
KrÈN'dre, etc. (Voir la liste des verbes en /' ou re,
p. 284).
Remarque. — On dit sÈNtre ou senti pour rendre
sentir.
Les flexions du futur et du conditionnel s'ajoutent
aus terminaisons d'infinitif ir et r ou re. .
On dit kouriR et ze kouriRÉ (= je courrai)
meuriR et ze meuriRÉ = je mourrai)
bÈr et ze bèRÉ {=^ je boirai).
Toutefois, teniR et veniR ont conservé leur forme
archaïque de futur :
ze vèndRÉ, ze tèndRÉ.
Dans les verbes dont les infinitifs sont en kr, quand
on forme le futur et le conditionnel, l'è doit disparaître,
et il peut s'introduire une consonne euphonique entre
la consonne finale du radical et Vr.
LE VERBE DANS LE PATOLS DE ST-H AON-LE-CHATEL 289
Ainsi voulèr (= vouloir) fait : ze vouclré (d'abord
vouldré) ; va/èr {■= valoir) fait xre vôdré (d'abord valdré) ;
falèr (= falloir) fait oufôdrâ (d'abord faldra).
Dans savèr {■= savoir), après la chute de Vè, le f s'est
uni à Va pour produire au = d : je sôré. De môme
avèr fait : ^ôré ;'on dit aussi: zérë\.
Le verbe oèr (= voir) a été jadis réèr en deus syl-
labes; dans la formation du futur, l'éde la terminaison
èr a disparu régulièrement, et c'est le premier é de
véèr qu'on retrouve dans le futur vévê.
2. Flexions du participe passé. — Dans la conju-
gaison morte, les flexions du participe passé sont :
l'' Avec l'accent sur la llexion : pour le masculin
I et u, pour le féminin : ye.
2° Avec l'accent sur le radical : pour le masculin
pas de flexion, pour le féminin : t, t', z, z'.
l"" Avec l'accent sur la flexion.
On a : uvrir[=i ouvrir), qui fait uvri, uvr^E (et aussi
uvÀr, uvÀrte).
K^^yvrir (= couvrir), qui fait k">'uvri, k^-^uvr^E (On
a aussi les formes k^'-^uvÀr, k">uvÀrte).
soufrir (= souffrir)^ qui fait soufri, soufr>'E.
ofrir (= offrir), qui fait ofri, ofr^E.
tenir (= tenir), qui fait tenu, ten^E.
De même venir, repentir, mentir, sarvir (= servir),
sèntre ou sentir, sortir, ont le participe en u, yE.
On a : nuir (radical nuiz), qui donne nuizu
luir ( — luiz) — luizu
ter ( — téz) — tézu
plér ( — pléz) — plézuoupléyu
krèndre{ — kren^') — kren^uetkre-
nî'E, mais aussi krèn, krènt'
REVUE DE rilILOI.OGIE, XIII 19
290 REVUE DR PHILOLOGIE FRANÇAISE
::icèndre (radical vxm^') qui donne zun^u, zun^E
vivre qui fait vivu, viv>E
pouyèr — pouyu
n'r — rivu
crèr — crèvu.
Lo participe en u des verbes àvèr, savèr, se forme
non sur le radical normal de ces verbes (ài\ sàv), mais
sur un radical particulier qu'on retrouve aussi dans une
des formes de leur prétérit, 6>' et sôy : àyii, srViu (= eu,
su).
Le participe de vèr (= voir) est tout à fait irré-
gulier < vu, vuze.
2° Avec l'accent sur le radical. Les xerhes konstrui'r,
ènstruir, détruir, kuir, ékrir, dont les radicaus sont
/xonstruiz, ènstriu:^, détruis, kuu, ékric, ont au parti-
cipe passé féminin la flexion^ ou ^', avec lachute, devant
ce t, de la consonne finale du radical, ^ ou v. Ils perdent
aussi au participe masculin la consonne finale, mais ne
prennent aucune flexion. On a : ék/it' au féminin, ékri
au masculin.
De même plèndre fait : plèii, plènV etfér: fé (ou
fâ), féf ; et dir : di, dit' .
Les verbes métré et prendre (= mettre, prendre) ont
des ])articipes féminins en :;' .*
mÀ\ rnèz'
prè, près:'.
Il en est naturellement de même de leurs dérivés :
proumètre, àprèndre, konpri'ndre, etc., qui donnent :
proumè, proumèz'
aprè, après'
konprè, konprèz\ etc.
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-H AON-LECHATEL 291
Cas particuliers :
Les radicaus ordinaires de ùvèr {= avoir) et sàvèr
(r= savoir), sont : àv et sàv. Comme en français, on
trouve ces radicaus au pluriel de l'indicatif présent
(excepté cependant à la 3" personne : iz (ou il an (^ ils
ont), et à rimparfait. Mais on les trouve en outre au
participe présent : àran (=: ayant), sàvan (= sachant);
et dans l'une des formes du passé défini de ces deus
verbes : j^^àvi {= j'eus) ; ze sàvi (^= je sus).
Au subjonctif présent de sàcèi' on trouve encore le
radical sàv : ke ^e sàvuii (= que je sache).
Mais à ce temps, àvèr a le radical particulier èy : ke
z'èyou. Et dans deus autres formes du passé défini, il
a les radicaus ày et by : z'hyi ou z'àyi (a côté de z'àvi).
Sàvèr fait au passé défini : ^re sàyi aussi bien que ze
sàvi.
Enfin, ces deus verbes ont, an singulier de l'indicatif
présent, des formes partiellement anormales :
z e, ta, ei a.
ze se, te sa, é sa.
Le radical qu'on attendrait pour le \erhe Jer estjez^
d'où : ze fézou, te fé, é fé; mais on dit zefezou au lieu
de fézou (cf. en français : nous fesons, au lieu de
faisons), et, à la 2*^ et à la 3'' personne du singulier, te ou
éfà (Voir remarque à ce sujet, p. 287).
Quant au verbe àlé, il est formé des débris des
conjugaisons de trois verbes distincts. C'est ainsi
qu'on a : ze vive ou z'àlou (= je vais) et z'iré (= j'irai) .
'^92
RFAUE DE PHIl.OLOOIE FRANÇAISE
4.
CONJUGAISON DK QUELQUES VERBES
1. Verbe : être (■= être).
Ind. prés.
ze su
Imparfait
z'élÈN
t/é '
tetô
él é
él étô
ne seMÈN
n'étAN
VOLIZ ÔTI
vouz étÀ
i son
iz (ou il) étAN
Pas. de^.
ze se^i
Futur
ze seRÉ
te se^i
te seRÂ
é seyi
é seRÂ
ne se^'Èran
ne seKÈN
vou seyÈrâ
vou seRi
i seyÈran
i seRON
Cond. prés.
ze seRÈN
Sub] . prés
. ke ze sÈyou
te seRE
ke te sÈye
é seRE
k'é SÈye
ne seRAN
ke ne se^ÈN
vou seRÂ
ke you se^.i
i seRAN
k'i seîQN
1
Part. prés.
se>AN
Part, pas
éTÂ
2. \^erbe : essarté '= bêclier)
Ind. prés.
z éSSARtOU
t'éssARte
él éssARte
n' éssarxÈN
VOUZ éssarxi
iz (ou il) éssarroN
Imparfait z'éssarxÈN
t'éssarxô
él éssarxô
n' éssarxAN
vouz éssarxÂ
iz(ouil) éssarxAN
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-HAON-LE-CHATEf,
29H
Pas. déf.
z'éssai'Ti Futur
t'éssarTi
él éssaiTi
n'essarTÈran
vouz essarTKrâ
iz (ou il) essaiTKran
z'éssarteRÉ.
t'ëssarteRÀ
él éssarteRÂ
n'éssarteRKN
vouz éssarteRi
iz (ou il) éssarte-
[ron
Cond. prés. z'éssartcRHN Subj.prés. ke z'ëssARtou
t'ëssarteRE ke t'éssARte
él éssarteRE k'él éssARte
n'éssarteRAN ke n'éssarxÈN
vouz éssarteRÂ ke vouz éssarTi
iz (ou il) cssarteRAN k'iz(ouil)éssarTON
Part. prés. éssartAN Part. pas. ëssarTÀ, essartAN
3. Verbe sàlù' (= salir).
Ind. prës.
Pas. déf.
ze saLissou
te sàLi
é sâLi
ne sâlissÈN
vou sàlissi
i sâlissoN
ze sàlissi
te sâlissi
ë sàlissi
ne sàlissÈran
vou sàlissÈrâ
i sâlissKran
Imparfait ze sâlissÈN
te sàlissô
ë sàlissô
ne sàlissAN
vou sàlissÂ
i sàlissAN
Futur ze sàliRÉ
te sàliRÀ
ë sàliRÀ
ne sàliRÈN
vou sâliRi
i sàliRON
Cond. prés, ze sàliRÈN Subj. prés, ke ze sâLissou
te sâliRE
é sâliRE
ne sàliRAN
vou sàliRÀ
i sàliRAN
ke te sâLisse
k'é sâLisse
ke ne sâlissÈN
ke vou sàlissi
k'i sâlissoN
29-i REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Paît. prés. sâlissAN Part. pas. sâu, sâLJE
4. ^'erbe : deurtnir (=^ dormir).
Ind. prés, ze dEurmou Imparfait
te deur
é deur
ne deurMÈN
vou deurMi
i deurMON
Pas. déf. ze deur.Mi Futur
te deur.Mi
é deur.Mi
ne deur.MÈran
vou deurMÈrâ
i deur.MKran
Cond. prés, ze deurnuRÈN Subj. prés.
te deurmiRE
é deurnuRE
ne deurmiRAN
vou deurmiRÀ
i deurmiRAN
Part. prés. deur.MAX Part. pas.
5. Verbe : valèr (= valoir).
ze deurMÈN
te deurMù
é deurMÔ
ne deur M AN
vou deurMÂ
i deurMAN
ze deurmiRE
te deurmiRÀ
é deurmiR.\
ne deurmiRÈN
vou deurmiRi
i deurmiRON
ke ze dEurmou
ke te dEurme
k'é dEurme
ke ne deurMÈN
ke vou deurMi
k'i deurMON
deurMi
Ind. prés.
ze VALou
te vô
é vô
ne vàLÈN
vou vàLi
i vàLON
Imparfait
ze vaLEN
te vâLÔ
é vàLô
ne vàLAN
vou vàLÂ
i va LAN
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-H AONLE-CH ATEL 295
Pas. cléf. ze vàLi Futur ze vûdré
te vàLi te vôDRÀ
é vàLI é VÔDRÀ
ne vàLÈran ne vôdrkn
vou vàLKrâ vou vôdri
i vaLÈran i vôdron
Cond. |)rës. ze vôdrkn Subj. prés, ke ze vÀlou
te vôdrh ke te vÀle
é vôDRE k'é vÀle
ne vôDRAN ke ne vùlèn
vou VÔDRÀ ke vou vàLi
i VÔDRAN k'i vàLON
Part. prés. vàLAN Part. pas. vàLu
6. Verbe : zwèndre (=: joindre).
Ind. prés, ze zun^ou Imparfait zezunsÈN
te zwèn te zun^ô
é zwèn é zun>ô
ne zun>ÈN ne zun>AN
vou zun>i vou zun^À
i zun>ON i zun^AN
Pas déf. ze zuuji Futur ze zwènDRÉ
te zuns'i te zwènoRÂ
é zun^'i ë zwènDRÀ
ne zun^Kran ne zwènoRÈN
vou zun>Èrâ vou zwènoRi
i zun^Èran i zwènoRON
Cond. prés. zezwènDRÈN Subj. prés, ke ze zun^ou
te zwènDRE ke te zun^^e
é zwènDRE k'é zun^e
ne zwèuDRAN ke ne zun>ÈN
vou zwènuRÀ ke vou zun>i
i zwènDRAN k'i zun^oN
296 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Part. prés, zun^an Part. pas. zun^u, zuNyE.
5. — REMARQUES AU SUJET DE LA VOIS PRONOMINALE
Les verbes pronominaus se conjuguent en patois
comme en français, avec cette différence cependant
qu'aus trois personnes du pluriel on emploie comme
pronom réfléchi toujours se. Ainsi Tondit:
ne se^kouPÈN (■= nous nous coupons)
vou s' élàrDÂ, de s'élàroÉ = tomber à plat
i s'émàviRON, des'émaviR= se remuer vivement.
On dit:
ze me su en àLÂ (ou: n'àLÀ) pour rendre: je m'en suis
allé.
D'ailleurs, aus autres temps composés, on met égale-
ment en (ou: n') avant le verbe être.
Par métathèse, au lieu de dire: ze m'en retôrnou
{= je m'en retourne) on dit: ze me rèntôrnou.
Kourir (= courir) employé à la vois pronominale,
aus trois personnes du pluriel, signifie: se poursuivre
ou se rechercher.
Périr, conjugué à la vois pronominale, signifie: se
tuer, se suicider.
Lapé, qui signifie en patois non seulement: happer,
mais aussi: adhérer à une chose, coller, lorsqu'il est
conjugé à la vois pronominale, signifie : commencer et
s'empoigner.
Ex. : ze me LÂp' à ik-^"EU tràvA^e (= je commence ce
travail).
ne se làPÈran (=z nous nous empoignâmes).
A la vois passive, les verbes se conjuguent comme
en français .
LE vl:hbe dans le patois de st-haon LE-CUVrEL 297
I
II. — Syntaxe
1. — REMARQUES AU SUJET DE l'eMPLOI DES
DIP^FÉRENTES FLEXIOiNS
Il n'y a rien à signaler au sujet des modes indicatif
et impératif.
Mode Conditionnel. Le passé 2*^ forme n'existe pas.
On dit; si z'avÈN voulu, ze n'éRÈN (ou: z'éRfiN, ou:
n'ëRÈiN) pà fé iK"-^ÈN (=: si j'avais voulu, je n'eusse pas
fait cela).
Mode Subjonctif. L'imparfait et le plus-que-parfait,
qui n'existent pas, sont rendus par le présent et le
passé.
Il voulait que tu eusses fini = é voulô ke t'Èye fini
(= que tu aies fini).
Je n'aurais jamais cru qu'il fit mal -- (à cause du
voisinage de n', ze disparait) n'éRÈN zàMÉ krëyu k'é
FEzemâ (= qu'il fasse mal).
On pourrait aussi rendre cette dernière phrase par :
n'éRÈN zàMÉ kréyu k'é feRE ma (= qu'il ferait mal).
Jamais on n'emploie le subjonctif sans conjonction,
même quand on exprime un vœu, un souhait.
Puissé-je faire une bonne récolte ! = ke ze pouyou
fér une Boune réKOLte! (ou mieus: si ze pouyÈN fér
une boune rékoLte ! )
Naturellement pour traduire: J'irai vous voir, dussé-
je me faire porter, on dira: z'iRÉ vous vÈr, kan MÉme
ze devRÈN me fér ponÉ.
Mode Infinitif . — On ne remplace pas souvent les
subordonnées par rinfinitif présent.
:29S REVUE DE PlIlLULUGiE FRANÇAISE
On dit: ze krkvou ke z'c rézoN = (je crois que j'ai
raison plutôt que: ze KRÉyou avè rézoN (= je crois
avoir raison).
Lorsque le verbe auquel est joint l'infinitif est à un
temps du passé et que le temps de Taction exprimée
par l'infinitif est tel que nous le marquerions par un
imparfait si nous pouvions emi)loyer l'indicatif ou le
subjonctif, en patois on emploie l'infinitif passé ou
présent.
Ex. : xMon père me dit que tu n'aurais pas dû le
vendre = mon pér me dizi ke te n'éRi-: pâ du lou vÈNdre
(ou : l'avÈR vèuDu).
Mode Participe. En patois, on n'emploie jamais les
propositions participes, on les rent par des subor-
données.
Ex. : L'hiver approchant, chacun fit sa provision de
bois == kan TivÀr apressi (quand l'hiver approcha),
sàKEUN fezi sa prôvizioN de bwa.
On emploie le participe présent, mais de préférence
on le remplace par une relative.
Ex. : C'est une personne aimant beaucoup les enfants
= ou é un' parsoun' éMAN bôkou lu(z) (ou le(z) auFAN
=^ ou é un' parsoun' k'Ém' bôkou lu(z) anfAN.
Règles d'accord du Participe passé
Les participes passés patois varient seulement quant
au genre.
un' oum' estiMÀ (= un homme estimé;, un' parsoun'
ésti.MAN (une personne estimée}, de parsoun' éstiMAN
(= des personnes estimées;.
Comme on le faisait dans le vieus français, on con-
sidère souvent le participe construit avec àcèr comme
LE VERBE DANS LK PATOIS DE ST-H AON-LE-CH ATEL 299
faisant avec l'auxiliaire une locution indivisible, dont la
seule partie variable doit être celle qui marque les per-
sonnes, c'est-à-dire l'auxiliaire.
Ex. : Ke de soum'él à douNÀ ! (etnondouNAN)(= que
de sommes il adonnées!) ;
Lé livre (livre est du féminin) ke lu sàssou an kouRU
(et non kouR^E) (= les lièvres que les chasseurs ont
courus);
Lé fp.n' ke n'àvHN pussÀ (et non pussAN), (= les
femmes que nous avons poussées).
Cependant, on dit aussi:
Lé fEn' ke n'àvKN pussAN :
Lé vm>e ke n'avèn vizItan (au lieu de vizirÀ) (= les
vignes que nous avons visitées).
Les participes passés des verbes construits avec
être, des verbes à la vois passive, des verbes imper-
sonnels, se conduisent comme en français, avec cette
différence toutefO'is qu'ils ne varient pas quant au
nombre.
Dans les verbes rélléchis, on préfère, comme en
vieus français, l'accord avec le sujet:
Ex. : Elle s'est coupé un doigt =
le s'é koupAN 'non koupÀ) eun de.
Les lettres qu'ils se sont envoyées ^=.
lé lEtre k'i se son envouvÀ.
Les cadeaus qu'elles se sont achetés =
lu kàDô ke le se son àssexAN.
Elle s'est fait tort =
le s'é fÉte tôr.
Elles se sont parlé ^^
le se son parLAN.
On dit : la fen' ke z e \\}^e dansÉ (= la femme que
j'ai vue danser).
300 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
On peut dire aussi : ze lè(z) é fÉt' pàrxi = je les ai
lait partir (ces femmes).
2. — REMARQUES DE SYNTAXE GÉNÉRALE
Inversion. Pour interroger, au lieu d'employer Tin-
version ordinaire, on em[)loie la locution é se ke,
presque continuellement.
On dit: vcni-vou? (= venez-vous?) ou mieus : é
se ke vou vcni? (= est-ce que vous venez ?)
Pour traduire: vient-elle? si l'on n'emploie pas la
tournure-é se ke/^on dit: vèn-x-iye?
Les pronoms personnels sujets, masculins ou fémi-
nins^ des 3^' personnes du singulier et du pluriel,
prennent parfois dans une interrogation la forme?.
Ex.: IkeT fEu' é-i'i veNJE? =
cette femme est-elle venue ?
iK"'>EU gàrsoN é-t-/ à riva? ^=
ce «garçon est-il arrivé?
ikcLÉ joun' five son-t-ï fàtiGAN? —
ces jeunes filles sont-elles fatiguées ?
Quand les pronoms sujets sont du féminin, on peut
leur donner la forme iye. ^
Ainsi le dernier exemple se rent encore par :
ikelÉ joun' f[ye son-T-i^e fatiGAN?
Souvent, quand on interroge, on ne fait pas Tinver-
sion du verbe et du sujet; 'dans ce cas, on ne reconnaît
la phrase interrogative qu'à l'élévation de la vois sur
les derniers mots.
Ex. : louKÈN te vou vÈr? (littéralement: lequel tu
veus voir ? = lecjuel veus-tu voir?) ou bien: te vou
VÈr louKÈN ? (littéralement: tu veus voir lequel?).
LE VERBE DANS LE PATOIS DE ST-HAONLE CHATEL 301
De même qu'on dit : Zan vèn-t-ï? (^ Jean vient-il?),
on dit : é vèn-t-ï ? (à la lettre : il vient-il -- vient-il ?);
le vènT— iye?(= vient-elle?); i veNON-t-i (= viennent-
ils?)
Et par analogie on a dit : ne monTÈN-t-i (= mon-
tons-nous?) vou monTi-t-i{=montez-vous?peu employé
à cause de la répétition: ti-t-i), ze moNt'-t-i (= est-ce
que je monte?). Mnis sous l'influence de l'analogie
avec montes-tu, au lieu de dire : te mont'-t-i, on dit :
te mont'-tu? (= montes-tu?)
Pour traduire une incise on emploie de préférence la
tournure par ke. ..
Ex. : Il n'y a pas d'offense, a-t-ilxlit =
i a pà d'oFANse, A'él a di.
On peut aussi la rendre d'une manière qui rappelé
le viens français :
i à pâ d'oFANse, él à di.
Après pe-T-Étre {== peut-être), cinKor (= encore),
ke {=^ quel, koum'ik^^yÈN (= ainsi), on peut faire Tin-
version, mais de préférence on emploie la tournure par
ke. Ex. : Peut-être lit-il cela =
pcT—Étre fezi-t-i iiv^^J'ÈN, ou mieus :
pcT — Être k'é fezi iK"J'ÈN.
Encore, fait-il ce travail =
anKôr, fâ-t-i K"yEu' tràvAye, ou bien :
anKôr, é fà Ik^^'eu tràvÀ.ve, ou mieus :
anKôr, k'é fâ Ik^^eu tràvÀ^'e.
( au moins
Après é moèn =] et tuzou — toujours, on
( du moins
n'emploie que rarement l'inversion.
1. Lé i de ik"yeu (ce) disparaît par euphonie.
302 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Piusieuï's Sujets. Quand un verbe a plusieurs sujets,
on résume volontiers ces sujets par les expressions: ou
é (= c'est), ou étô (= c'était).
Ex. : Femmes, enfants, vieillards, étaient partis =
Lé fEn'. lu(z) ou le(z)anFAN. lu Vyeu, ou étô touparTi
(z=i c'était tout parti .
Bien manger, bien boire, ne suffisent pas =
bien mènzÉ. bien bnr, ou ne sufi pâ
On peut aussi pour la V'^ phrase tourner : i(z) (ou il)
éxAN tu parTi : et pour la 2^: ne (facnltatifi suFipâ; ou
bien: ne (facultatif) sufizoN pâ.
Le Pronom relatif ki i^qui). — Quand le sujet est
le relatif ki^ on fait accorder le verbe en nombre et en
personne avec l'antécédent, mais le patois hésite parfois
pour la détermination de Tantécédent.
^ kounussÈN) ni pér'
Ex. : z'éTÈN eun orfeLÈn ke ne \
( kounussô
m mer.
(z= j'étais un orphelin qui ne
( connaissais ) ni père
( connaissait )ni mère.
Quand le substantif attribut est un nom propre, cela
ne modifie en rien la règle.
( tràvÀ^ou )
Ex. : ze su PiÂr ke ^ ^ vé (ou : si) Zan
' tràvÀi'e
je suis Pierre qui travaille chez Jean.
Mais si le nom propre est précédé d'un adjectif déter-
minatif ou accompagné Jd'une négation, l'accord se fait
nécessairement avec ce nom, et non pas avec le pro-
nom sujet de la proposition qui précède.
ze ne su pâ PiÂr ke tràvÀ^e vé Zan =
je ne suis pas Pierre qui travaille chez Jean.
LE VKRBH DANS LE PATOIS DE ST-HAON-LE-CH ATRL 80o
N'attire et Place des Complânents
On peut donner à un verbe des compléments de
natures différentes.
Ex. : él ém' la pip' é ta bèR (mot îî mot: il aime la
pipe et à boire).
Volontiers, on place en tête de la phrase un com-
plément, direct ou indirect, peu importe, sur lequel,
on veut attirer l'attention.
Ex. : lou sivÀ, n'avÈN oubli de li douNÉ à bÈi* (mot
à mot: le cheval, nous avons oublié de lui donner à
boire).
iKEràni, ou é mon pér' ke me Ta douNA (= cet
habita c'est mon père qui me Ta donné).
Que le complément soit court ou long, on aime à
Tannoncer par un pronom :
n'ï scMÈN àLÂ, à PàRi (mot à mot: nous y sommes
allés, à Paris .
3. — REMARQUES AU SUJET DE LA SYNTAXE DU VERBE
ÊTRE {■= Être) et de son attribut
C'e.s^et ce sont se rendent tous deus par ou é.
Ex. : ou é lu rézÈN ke z'Émou lou m>'eu = ce sont
les raisins que j'aime le mieus.
L'idiotisme ou é... ke [=■ c'est... que) est très em-
ployé.
Ex. \ ou é à se ke z'i é di :=
c'est à lui que je l'ai dit.
On emploie être ke de, de préférence à être de.
si z'cTÈN ke de vou. ze feRÈN iK"^ÈN =
si j'étais ► de vous, je ferais cela.
304 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Le il est impersonnel se traduit par: ou(z) i â (mot à
mot : il va).
Ex. : il est un Dieu = ou(z) i à eun g">eu.
Au lieu de dire n'étô, n'avô étà, pour traduire :
n'était, n'eût été, on dit: si ou n'été, si ou ii'avô étâ.
On n'emploie pas le verbe être pour rendre le verbe
àlé (aller).
L'idiotisme il y a se rent par : ou(z) i à, ou bien:
i a. On dit : ou(z) ià pâ loirrÈN, ou bien:
ni\ pà lonTKN ^= il n'y a pas longtemps).
Blanchardon,
Instituteur-adjoint à Renaisou (Loire).
ENQUETE
SUR LES
PATOIS DE LA RÉGION LYOiNNAISE
Nous avons reçu les réponsos suivantes au questionnaire n" 2,
publié dans la Ri'nu\ t. XIII, fasc. 2, p. 81 à 87.
Ain
Arp. de Belleij
Lagnieu, c. dudit. — M. Vion-Delphin, inst. à Lagnieu.
Lhuis, c. duclit. — MM. Festas, inst. à Lhuis, et Truffet,
négoc. à Lhuis.
Hauteville, c. dudit. — M. Mathieu, inst. à Hauteville.
Arr. de Bourg
Montcet, c. de Bourg. — M. Dubois, chargé de cours à l'Éc.
prim. sup. d'Oyonnax.
Bâgé-le-Chàtel, c. dudit. — M. Gerex, inst. à Bâgé.
Chavannes-sur-Reyssouze^ c. de Pont-de-Vaux. — M. Pan-
netier, inst. à Pont-de-Vaux.
Marboz, c. de Coligny, — M. Pommatau, inst. à Marboz.
Arr. de Non tua
Brénod, c. dudit. — M. Berthodin, inst. à Brénod.
Poisat, c. de Nantua. — M. Assumel, inst. à Collonges.
Arr. de Trévoux
Vandeins, c. de Châtillon-les-Dombes. — M. Dubois, chargé
de cours à l'Éc. prim. sup. d'Oyonnax.
Bourg-Saint-Christophe, c. de Meximieux. — M. Bernard,
inst.-adj. à Meximieux.
REVUE DE PHILOLOGIE, XIII ^0
306 rf.vl'e de philologie française
IIautes-Alpes
Aî'r. de Briançon
Molines en Queyras, c. d'Aiguilles. — M. Berge, él. à
rÉc. Normale de Gap.
Briançon, c. dudit. — M. Bérard, él. à l'Éc Norm. de
Gap.
Moneiier-les-Bains, c. dudit. — M. Philip, él. àTÉc. Norm.
de Gap.
Aj'r. cV Embrun
Savines, c. dndit. — M. Pelloux, à Savines.
Réallon,ti. de Savines. — M. Villar, inst. à Réallon.
Arr. de Gap
La Bâtie-Neuve, c. dudit. — M. Bonthoux, inst. à la
Bâtie.
Laragne, c. dudit. — M. Aguillon, inst. à Laragne.
Rosans, c. dudit. — M. Aubert, à Rosans.
Barcillonnette, c. dudit. — M. Cornand, inst. à Barcillon-
nette.
Veynes. c. dudit. — M. Espié, inst. à Veynes.
St-Étienne-en-Dévoluy, c dudit. — M. James, inst. à
St-Étienne-en-Dévoluy.
La Cluse, c. de St.-Étienne-en-D. — M. Sausse, él. à
l'Éc. Norm. de Gap.
Aspres-sur-Buëch. c. dudit. — M. Michel, inst. à Aspres.
Sigoyer, c. de Tallard. — M. Pellet, él. à l'Éc. Norm. de
Gap.
St-Julien-en-Champsaur, c. de Saint-Bonnet. — M. Bro-
chier, él. à l'Éc Norm. de Gap.
Ardèche
Avr. de Lar g entière
Salavas, c. de Vallon. — MNL Escoutay et Alzaz. él. à
rÉc. Norm. de Privas.
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 307
St-Paul-le-Jeune, c. des Vans. — M. Gadilhe, él. à TÉc.
Norm. de Privas.
Largentière, c.dudit.— M.Delbac, él.àrÉc. Norm.de Privas.
Montpezat-sous-Beauzon, c. dudit. — M. Boissel, él. à TÉc.
Norm. de Privas.
St-Étienne-de-Lugdarès, c. dudit. — M. Chasson, inst. à
Lugdarès.
Thueyts, c. dudit. — M. Agier, à Thueyts.
Joyeuse, c. dudit. — M. Briand, à Joyeuse.
Valgorge, c. dudit. — M". Baconnier, à Valgorge.
Burzet, c. dudit. — M. Gévaudan, inst. à Burzet.
Arr. de Privas
Ailhon, c. d'Aubenas. — M. Arsac, él. à VÉc. Norm. de
Privas.
Le Teil, c. de Viviers. — M. Praneuf, él. à l'Éc. Norm. de
Privas.
Privas, c. dudit. — M. Méot, él. àTÉcol. Norm. de Privas.
St-Julien-en-St-Alban, c. de Chomérac. — M. Pontal,
él. à l'Écol. Norm. de Privas.
St-Jean-le-Centenier, c. de Villeneuve-de-Berg. — M. Rim-
baud, inst. à St-Jean-le-Centenier.
Arr.de Tournon
Le Cheylard, c. dudit- — M. Cornut, él. à l'Éc. Norm. de
Privas.
St-Martin-de-Valamas, c. dudit. — Cornut, él. àTÈc. Norm.
de Privas.
St-Romain-d'Ay, c. d'Annonay. — ^L Clap, él. à l'Éc.
Norm. de Privas.
St-Agrève, c dudit. — M. Jouve, él. à l'Éc. Norm. de
Privas .
Vernoux, c. dudit. — M. Roche, directeur d'école à Vernoux.
Silhac, c. de Vernoux. — M. Rey, él. à l'Éc. Norm. de
Privas
308 REVUE DE PHILOLOGIE FKANÇALSK
DoiBS
Aj'J'. de Baume-les- Dames
Baiiine-los-Dames, c. dudit. — M. Bouhélicr, dir. d'école
à Baume.
Rougenionl. c. dudii. M. Delcey, inst. à Rougcniont.
Chaux-les-Passavant, c. de Vercel. — M. Vittot, dir. d'école
à Besangon.
A vr. de Beniinçon
Boussièjes, c. dudit. - M. Borne, inst. à Boussières.
Cliaucen)ie, c d'Audeux. - M. Hugon, inst. à Chauconne.
Amaiicey, c. dudit. — M. Renaud, à Amancey.
Arr. de Monihcliai d
Maiche, c dudit. — M. Messagier, dir. d'éc à Maiche.
Dasle, c. d'Audincourt. — M. Brenet, étudiant en lettres.
'Monibéliard, c. dudit. - M. Caillods, dir. d'école à Mont-
béliard.
Arr. de Poninrlier
Levier, c. dudit. - M. Mercet, à Levier.
Mouthe, c. dudit. — MM. Bordier frères, inst., et G. Blon-
deau, à Mouthe.
Drôme
Arr. de Die
Die, c. dudit. — M™^ Lombard, inst. à Die.
Grane. c. de Crest. — ^L Barnavol, inst. à Grâne.
Arr. de Moniélimrtr
Dieulefit, c. dudit. ~ M. Liotard, à Dieulefit.
Vesc, c. de Dieulefit. - M. Lamothe, dir. du cours com-
plémentaire du Grand-Serre.
Grignan, c. dudit. —M. Brunel, inst. à Grignan.
St-Paul-Trois-Ciiâteaux, c. dudit. — M. Roinat, àSt-Paul-
Trois-Châteaux.
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 300
Suze-la-Rousse, c. de St-Paul-Trois-Châteaux. — M. Jour-
net, él. à rKc Norni. de Valence.
Marsanne, c. dudit. — ^^. Carron, à Mar.ianno.
Donzère, c. de Pierrelatte. — M. Bompard, iiist. à Donzère.
A/'i-. de iVi/ons
Séderon, c. dudit. — M. Curnier, inst. à Séderon.
Arr. (le Valence
La Roche-de-Glun, c. de Taiu. — M. Vigand, él. à l'Éc.
Norm. do Valence.
Montrigaud, c du Grand Serre. — M. Johanis,él. à l'Éc.
Norm. de Valence.
St-Jean-en-Ro3^ans, c dudit. — M. Lamberton, maire de
St-Jean-en-Royans.
ISKRE
Arr. de Grenoble
Le Touvet, c. dudit. — ^L Thiervoz, au Touvet.
Monestier-de-Clermont, c. dudit. — M. Arnaud, dir. d'éc.
à Allevard.
Roissard, c. de Monestier-deCl. — M. Bruyat, à Monestier.
Voiron, c. dudit. — M. Michalon, inst. à Voiron.
Corps, c. dudit. — M. Durand, inst. à Corps.
Allevard, c. dudit. — \L Arnaud, dir. d'éc. à Allevard.
Oz, c. du Bourg-d'Oisans. — M. Louis Noyrey, à Clianas.
Bourg-d'Oisans, c dudit. — M. Chaix, inst. à Bourg-
d'Oisans.
Clelles, c. dudit. — M. Guër, inst. à Clelles.
.La Mure, c. dudit. — M. Peyrin, à la Mure.
^4/'/'. de la Tour-da- Pin
Panissage, c. de Virieu. —M. Debauges, inst. à Panissage.
Morestel, c. dudit. — Guerre-Genton, à Morestel.
Charette, c.de Morestel. — ^L Demoiùent, inst. à la Salette.
Biol, c du Grand-Lemps. — ^iP^i? Gage, inst* au Grand-
Lemps.
310 REVL'E DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Pont-de-Beauvoisin. c. dudit. — M. Cuchet, inst.au Pont-de-
Beauvoisin.
♦ Arr. de St-Marcellin
TuUins, c. dudit. — M. Echinard, à Tullins.
Viri ville, c. de Roybon. — M. Gondrand, inst. à Viri ville.
.4/'/'. de Vienne
Roussillon, c. dudit. — M. Rarael, dir. d'éc. à Roussillon.
Chanas, c. de Roussillon. — M. Noyrey (Louis), à Chanas.
Pommier, c de Beaurepaire. — M. Bourgarit, inst. à Beau-
repaire.
Commelle, c. de la Côte-St-André. — M. Vincendon, prof,
au Lycée du Puy.
Bonnefamilleetle nord du c. de la Verpillière : Villefontaine,
Vaulx-Milieu, la Verpillière, St-Quentin, Satolas, Co-
lombier, Saugnieu. — M. Rey, dir. d'école à. Grenoble.
Jura
Arr. de Dôle
Molay. c. de Chemin. — M. Pouthier, à Molay.
Chaussin,c. dudit. — Mi^^Grosjean, dir. d'école àChaussin.
Arr, de Polignrj
Vaudioux, c. de Champagnole. — M. Thevenin, à Champa-
gnole.
Foncine-le- Haut, c. des Planche.s-èz-Montagne. — M . Dubois,
à Foncine.
Supt, c de Champagnole. — M. Bouillet, instituteur à Supt,
Cernans. c. de Salins. — ^L Bousson, professeur à Mont-
béliard.
Montigny-les-Arsures, c. d'Arbois. — M. Vautrey, à l'Éc.
Norm. de Lons-le-Saunier.
Arr. de S t- Claude
Tancua, c. de Morez. — M. Gabet, notaire à Morez.
Choux, c. des Bouchoux. — M. Point, inst. aus Bouchoux.
ENQUÊTE SUR I.liS l'A lOIS 31 1
St-Laurent-du-Jura, c. dudit. — M. Blanc, inst. à St-Lau-
rent.
Arr, de Lons-le- Saunier
Cézia, c. d'Arinthod. — M. Bugnet, inst. àChisséria.
Loire
Arr. de Montbrison
Chalain-d'Uzon et Savigneux, c. de Montbrison. — MM. Mi-
chalon et Ladret, él. à l'Éc Norm. de Montbrison.
St-Barthélemy-Lestra, c. de Feurs. — M. Rousset, él. à
l'Ec. Norm. de Montbrison.
Montchal, c. de Feurs. — M. Reynard, inst. à Montclial.
Margerie, c. de St-Jean-Soleymieux. — M. Veaux, él. à
l'Éc. Norm. de Montbrison.
Ait. de Roanne
St-Haon, c. dudit. — M. Blanchardon, à Saint-llaon.
Ambierle, c. de St-Haon. — M. Détour, à Ambierle.
Ambierle, c. de St-Haon. — M. Bancillon, él. à TÉc. Norm.
de Montbrison.
Changy, c. de Lapacaudière. — M. Chambonnièrc, inst. à
Urbise.
Urbise, c. de Lapacaudière. — M. Fayet, adjoint au maire
d'Urbise.
Champoly, c. de St-Just-en-Chevalet. - - M. Durand, inst.
à Champoly.
Ferreux, c. dudit. — ^L Farjot, inst. à Ferreux.
St-Georges-de-Baroilles,c.deSt-Germain-Laval. — M. Bellet,
él. à l'Éc. Norm. de Montbrison.
St-Symphorien-de-Lay; c. dudit. — M. Astier, dir. d'éc. à
St-Symphorien.
Arr. de Sai ni- Etienne
St-Joseph, c. de Rive-de-Gier. — M. Bertlielet, él. à l'Éc.
Norm. de Montbrison.
312 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Haute- Loi RE
Arr. de Brioude
Brioude, c dudit. — M. Bribat, él. à l'Éc. Norm. du Puy.
La Chaise-Dieu, c. dudit. — M. Nury, inst. à la Ciiaise-
Dieu.
Jullianges. c. de la Chaise-Dieu. — M. Manet, él. à l'Ec.
Norm. du Puy.
Aubazat, c. de Lavoûte-Cbilhac. — M. Terrisse, él. a l'Éc.
Norm. du Puy.
Blesle,c. dudit. — M. Bouchet, à Blesle.
AuzoD, c. dudit. — M. Granouillet, à Auzon.
Arr. du Pay
St-Georges-Lagricol, c. Craponne. — M. Chysclain, él. à
rÉc. Norm. du Puy.
St-Georges-Lagricol, c. Crapomie. — M. Mosnier, éLàTÉc.
Norm. de Montbrison.
St-Georges-Lagricol, c. Craponne. — M. Bufferne, inst. à
St-Georges-Lagricol.
Chomelix, c. de Craponne. — M. Chatinel, él. à l'Ec. Norm.
du Puy.
Chomelix, c. de Craponne. — ^L Fouilly, inst. à Bellevue-
la-Montagne.
Cayres, c. dudit. — M. Prunet, inst. à Cayres.
Vorey, c. dudit. — M. Soulier, inst. à Vorey.
Coubon, c. du Puy S.-E. — AL Mozat, inst. à Coubon.
Freycenet-Latour, c. du Monastier. — M. Chanal, à Frey-
cenet.
Arr. d'Yssingeaux
Araules, c. d'Yssingeaux. — M. Valette, él. à l'Éc Norm.
du Puy.
Bas, c. dudit. — M. Pignol, à Bas.
Boisset, c. de Bas. — M. Bouchet, él. à l'Éc Norm. de
Montbrison.
enquête sur les patois 313
Rhône
Arr. de Lyon
Mornant, c. cludit. — M. Vaillot, inst. à Mornant.
L'Arbresle, c. dudit. — M. Pierreïeu, inst. à l'Arbresle.
Montrottier, c. de St-Laurent-de-Chamousset. — M. Chabert,
inst. à Montrottier.
Limonest, c. dudit. — ISI. Guieu, inst. à Limonest.
Arr. de Villefranche
Létra,c. du Bois-d'Oingt. —M. Ctiabert, inst. à Montrottier.
Odenas, c. de Belleville. — M. Savoye, inst. à Odenas.
Cercié, c. de Belleville. — M. Chevalier, inst. à Tarare.
Monsols. c. dudit. — M. Baizet, délégué cantonal.
St-Marcel-l'Éclairé, c. de Tarare. — • M. Duperray, inst. à
St-Marcel-l'Éclairé.
Haute-Saône
Arr. de Graij
Dampierre-sur-Salon, c. dudit. — M. Gaildry, inst, à Fran-
court.
Fédry, c. de Dam pi erre. — M. Milliard, à Fédry.
Suaucourt, c. de Champlilte. — M. Faivre, à Autrey.
Auvet, c. d'Autrev. — M. Faivre, à Autrev.
Arr. de Lure
Champagney, section de Sous-les-Chenes, c deClianipagney.
— M. Péroz, à Vauvillers.
Champagney^ c. dudit. — M. Rapin, dir. d'école à Cham-
pagney.
Amont, c. de Faucogney. — M. Cornu, inst. à Amont.
Arr. de Vei^oul
Jussey, c. dudit. — M. Clesca, à Jussey.
Noroy, c. dudit. — M. Bouveret, inst. à Noroy.
314 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Neuville-les-la-Charité, c. de Scey-sur-Saône. — M. Con-
vert, insi. à Neuville.
Saône-et-Loire
Arr. d'Autun
Épertully, c. d'Épinac. — M. Besset, él. à l'Éc. Norm. de
Mâcon.
Collonge-la-Madeleine, c. d'Épinac. — M. Pommier, inst. à
CoUonge.
Marmagne, c. de Montcenis. — M. Lenoble, à Montcenis.
Ar7\ de CJialon
Écuelles.cde Verdun. — M.Thevenin.inst.-adj.à St-Bonnet-
en-Bresse.
Mont-St-Vincent, c. dudit. — M. Baron, inst. à Mont-
St- Vincent.
Givry, c. dudit. — M. Lafond, inst. à Givry.
Arr. de CharoUes
St-Igny-de-Roche, c. de Chaufïailles. — M^^*^ Perraut, inst.
à St-Igny.
Vauban^ c. de la Clayette. — M. Brun, inst. à Vauban.
Arr. de Louhans
Cuiseaux, c. dudit. — M. Fontaine, à Cuiseaux. ' ,
Ratte, c. de Louhans. — M. Ponsot, à Ratte. '
Bruailles, c. de Louhans. — M. Petiot, inst. à Bruailles.
Montret, c. dudit. — M. Perrier, inst. à Montret.
Arr. de Mâcon
Igé, c. de Cluny. — M. Bouillet, à Cormatin.
Uchizy, c. de Tournus. — M. Brun, inst. à Vauban.
Matour, c. dudit. — M . Vallet, inst. -adjoint à Matour.
enquête sir les patois 315
Savoie
Arr. d Albertville
Beaufort, c. dudil. -- M. Couturier, dir. de l'Éc. de Beau-
fort.
Grésy-sur-Tsère, c. dudit. — MM. Henry, dir. d'école, et
Maige, propr. à Grésy.
Ugine, c. dudit. — M. Bertrand, inst. à Ugine.
Venthon, c. d'Albertville. — M. Hyvert-Besson, él. à l'Éc.
Norm. d'Albertville-
Marthod, c. d'Albertville. — M. Bertrand, inst. à Ugine.
Arr. de Chainbér//
St-Genix, c. dudit. — M.Rivoire, greffier à Saint-Genix.
Aix-les- Bains, c. dudit. — M. Jambon, inst. à l'Éc. prim. sup.
d'Aix.
St-Ofïenges- Dessous, c. d'Aix. — M. Pégaz, dir. d'éc. à
Albertville.
Drumettaz-Clarafond, c. d'Aix. — M. Blanc, él. à l'Éc. norm.
d'Albertville.
Albens, c. dudit. — M. Fontaine, à Albens.
Chambéry, banlieue de la Croix-Rouge, c. de Chambéry N.
— M. Pellet, inst. à Chambéry.
Chamoux, c. dudit. — M. Curtet, à Chamoux.
Le Châtelard, c. dudit. — MM. Aymonier, pharmacien, et
Thimel, inst. au Châtelard.
Lescheraines, c. du Châtelard. — M. Foncier, él. à l'Éc.
Norm. d'Albertville.
Les Echelles, c. dudit. — M. Piaget, inst. aux Echelles.
St-Thibaut-de-Couz, c. des Échelles. — M. Simond-Côte,
él. à l'Éc. Norm. d'Albertville.
Montmélian, c dudit. — M. Dumollard, dir. d'École à
Montmélian.
Les Mollettes, c. de Montmélian. — M. NicoUet. él. à 1 Éc
Norm. d'Albertville.
316 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
La Motte-Servolex, c, dudit. — M. Feige, inst. à la Mottc-
Servolex.
Pont-de-Beauvoisin, c. dudit. — M. Debauge, inst. à Pont-
de-Beau voisin.
La Rochette, c. dudit. — M. Bourgeois, inst. k la Rochette.
St-Pierre-d'Albic:nv. c. dudit. — M. Chamiot-Prieur, à
St-Pierre-d'Albigny.
Yonne, c. dudit. — AL Rondot, à Yenne.
Arr. de Moutiers
Aime, c dudit. — M. Perracion, él. àlKc. d'Aimé.
Bourg-St-Maurice, c dudit. — NL Candy, à Bourg-St- Mau-
rice.
Séez. c. de Bourg-St-Maurice. — AL AUamand, él. à l'Éc.
Norin. d'Albertville.
Tignes, c. de Bourg-St-Maurice. — AL Allamand. él. à l'Éc.
Xorm. d'Albertville.
Bozel, c. dudit. — M. Duraz, à Champagny.
Bozel, c. dudit. — M. Gerfaux, él. à l'Éc. Norm. d'Albert-
ville.
Les Avanchers, c. de Moutiers. — M. Rellier, él. à l'Éc. de
Moutiers.
Arr. de St-Jean-de-Mourienne
Aiguebellc, c. dudit. — AL Gonnet, inst. à Aiguebelle.
La Chambre, c dudit. — M. Darves- Blanc, inst. à la
Chambre.
Lanslebourg, c. dudit. — AL Coulon, inst. à Lanslebourg.
.Avrieux, c. de Alodane. — AL Borot, inst. à Avrieux.
St-Alichel-de-Alaurienne, c. dudit. —AL Rochet, dir. d'éc à
Aloutiers.
Si-Michel-de-AIaurienne. — AL Richard, maire de St-Ali-
chel de M.
Valloires, c. de St-AIichel de AL — AL Martin, él. à l'Éc.
Xorm. d'Albertville.
Albanne, c. de St-Jean-de-Maucienne. —AL Bois, dir. d'éc.
à St-Jean-de-Alaurienne. . .
ENQUÊTE SUR LES PATOIS 317
H Al TL- S A VOIE
Arr. cC Annecy
Veyrier, c. d'Annecy N. — M. Lansard, à Veyrier.
St-Jorioz, c. d'Annecy S. —M. Mugnier-Collet, inst . à
St-Jorioz.
Alby-sur-Chéran, c. dudit. — M. Prunier, dir. d'éc. à Alby.
Faverges, c dudit. — M. Dunover. inst. à Favereres.
Arr. de Bonneville
Samoëns, c. dudit. — M. Kiondel.
Passy, c. de St-Gervais. — M. Vallet, inst. à Passy.
Sallanches, c. dudit. — M. Tournoud, inst. à Sallanches.
Domancy,c. de Sallanches. — M. l*errin, dir. d'éc. à (Cluses.
Bonneville. c. dudit. — M. Ravinet, à Bonneville.
Cluses, c. dudit. — M. Perrin, dir. d'éc. à Cluses.
Taninges, c. dudit. — M. Chevalier, inst. à Taninges.
LesHouches, c. deChamonix. — M. Gex,inst. aux Houches.
Arr. de S t-, Julien
Frangy, c. dudit. — M. Dérobert, inst. à Frangy.
Cruseilles, c. dudit. — M. Cartier, à Cruseilles.
Ambilly, c d'Annemasse. — M. Boccard, inst. à Ambilly.
Seyssel, c. dudit. — M. Domenge, inst. à Bassy.
Bassy, c. de Seyssel. — M. Domenge, inst. à Bassy.
St-Julien, c. dudit- — M. Dagand, prof, à l'Éc. prini. sup.
de St-Julien.
Arr. de Tlionon
Le Biot. c. dudit. — M. Richard, inst. au Biot.
Thonon, c dudit. — M. Coutin, inst. à Thonon.
Chevenoz, c. d'Abondance. — M. Détraz,inst. àChevenoz.
Douvaine, c. dudit.— M. Monin. propriétaire à Douvaine.
Vosges
Arr. dEpinal
Bains, c. dudit. — M. Châtel, à Raval.
318 REVUE DE PHILOLOGIE FRANÇAISE
Xertigny, c. dudit. — MM. Hocquard, dir. d'écà Xertigny,
et Martin, inst. au Bozen.
Bruyères, c dudit. — M. Chrétien, inst. à Bruyères.
Charmois, c. de Bruyères. — M. Stevenel, prof, à l'Éc.
prim. sup. de Gérardmer.
Arr. de Mirecourt
They-sous-Montfort, c. de Vittel. — M. Guenel, inst. à
They.
Remoncourt, c de Vittel. — M. Chognot, inst. à Autreville.
Dompaire, c. dudit. — M. Thiétry, à Dompaire.
Attigny, c. de Darney. — M. Thévenot, inst. à Darney.
Arr. de Neuf château
Coussey, c. dudit. —M. Vilmin, inst. à Coussey.
Autreville, c. de Coussey. — M. Chognot, insl. à Autreville.
Arr. de Remiremont
Val-d*Ajol, c. de Plombières. — M. Grosjean, inst. à Plom-
bières.
Val-d'Ajol, c. de Plombières. — M. Demangel, inst. à la
Croisette.
Arr. de St-Dié
Fraize,c. dudit. — M. Franoux, à Fraize.
— M. Mangel. inst. à Scarupt.
St-Dié, c. dudit. — M André, inst. à St-Dié.
Corcieux, c dudit. — M. Munier, inst. à Corcieux.
Provenchères, c. dudit. — M. Mangel, inst. à Scarupt.
La Petite- Fosse, c. de Provenchères. — M. Decelle.àChâtel.
Gérardmer, c. dudit. — M. Stevenel, prof, à l'Éc prim. sup.
de Gérardmer.
Ban-de-Sapt, c. de Senones. — M. Gérard, à Senones.
Étival, c. de Raon-l'Étape. — M. Perrin, inst. à Senones.
Raon-l'Étape, c dudit. — M. Pavoz, instituteur-adjoint à
Raon-l'Étape.
TABLE DU TOME XIII
DE LA
Revue de Philologie française, 1899
Vignon (Léon)
Les patois de la région lyonnaise :
L Le pronom personnel sujet de la première per-
sonne du singulier
IL Le pronom personnel sujet de la deusième per-
sonne du singulier
IlL Les pronoms personnels de la première et de la
deusième personne du pluriel
Clédat (Léon)
Études de syntaxe française :
I. Les emplois de tout
II. (( C'est son moindre défaut. »
IIL Remarques sur l'emploi de nul
IV. Sur les emplois de nicnic
Désormaux (J)
Cent mots nouveaus
Nédey
Patois de Sancey (Doubs). Liste de mots
Dauzat (A.)
Contribution à la phonétique de Vo dans « Flamenca »
Vernier (Léon)
L'accentuation binaire et l'analogie phonétique dans la
langue française
Blanchardon
Le verbe dans le patois de S*-Haon-le-Châtel (Loire). .
1
81
161
42
137
140
229
64
104
213
241
277
Enquête sur les patois de la région lyonnaise
Questionnaire II
Liste des correspondants •
81
305
320 TABLE DU TOME XIII
COMPTES RENDUS
G. Bi/dbrr;/ : Zur Geschichte der franzôsischen c, suito
(G. S.) 69
.1. Lindslrôm : L'analogie dans la déclinaison des sub-
stantifs latins en Gaule, 1"" partie (A. Devaux, 72
Soltau : Blacatz (J. Bûche) 144
Charles Auhcvtin : La versification française et ses nou-
veaus théoriciens (J. Texte) 145
Gustaf Lrnc : Les substantifs post-verbaus dans la
langue française (G. S.) 146
Herman Anderssonn : Altération et chute de Vren fran-
çais (J. Désornaaux) 150
Chronique.— Réforme orthographique 154
Charles Martv-Laveaux 240
Publications adressées a la Revue 77, 158
Le Gérant : W^ Emile Bouillon.
CHALON-S-S., IMI'. FRA>CA1SE ET ORIE.NTALE L. MARCEAU, E.BERTRAND S'
PC Revue de philologie française
2701
R5
1. 13
PLEASE DO NOT REMOVE
CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET
UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY
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