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Full text of "Revue de philologie française"

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UHUiVi 


REVUE 

DE 

PHILOLOGIE   FRANÇAISE 

ET  DE  LITTÉRATURE 


SYSTEME  ORTHOGRAPHIQUE 
De  la  revue  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

1.  —  Remplacer  par  s  l'œ  final  valant  s,  sauf  dans  les  noms  propres 
et  noms  de  liens. 

2.  —  Écrire  par  s  ou  -î  deusième,  troisième,  sisième,  disième, 
disaine,  ou  deusième.  etc. 

3.  —  A  l'indicatif  présent  des  verbes  en  re,  oir  et  //•,  terminer 
toujours  par  un  t  la  troisième  personne  du  singulier,  et  supprimer 
toute  consonne  qui  ne  se  prononce  pas  devant  1'.?  des  deus  premières 
personnes  et  devant  le  t  de  la  troisième  :  je  m'assiés,  il  s'assiet;  je 
cous,  il  coût:  je  prens,  il  p"ent;  je  pers,  il  pcrt;  je  concains,  il 
concaint;  je  permès,  je  combas,  j' interrons. 

4.  —  Ne  jamais  redoubler  17  ni  le  t  dans  les  verbes  en  eler  et  en  eter. 

5.  —  Ne  jamais  faire  l'accord  du  participe  quand  le  complément 
direct  est  le  pronom  en.  Faire  ou  ne  pas  faire  l'accord,  sans  y  attacher 
aucune  importance,  pour  les  participes  coûté  et  cala,  qu'ils  soient 
pris  au  propre  ou  au  figuré,  et  de  même,  quand  un  participe  est  suivi 
d'un  infinitif  sans  préposition,  ne  pas  s'inquiéter  si  le  pronom  qui 
précède  est  sujet  logique  ou  régime  de  l'infinitif. 

Ce  programme  vise,  non  à  simplifier  l'orthographe,  mais 
à  la  rendre  plus  correcte;  il  se  trouve  d'ailleurs  qu'en  deve- 
nant plus  rationnelle,  elle  devient  aussi  plus  facile;  car  notre 
réforme,  bien  que  partielle,  supprime  déjà  une  vingtaine  de 
règles,  exceptions  ou  remarques  des  grammaires,  qui  ne 
peuvent  se  justifier  par  aucun  argument  sérieus.  Les  personnes 
qui  concevraient  des  doutes  sur  la  légitimité  de  telle  ou  telle 
modification  sont  priées  de  se  reporter  aus  fascicules  de  la 
Revue  de  Philologie  française,  où  chaque  article  du  pro- 
gramme est  proposé  et  discuté  (tome  III,  page  270;  tome  IV, 
pages  85,  153,  161,  235;  tome  V,  pages  81  et  308). 

Les  premiers  adhérents  ont  été  MM.  Michel  Brêal.  Edouard  Hervé, 
Francisque  .Sarcey,  Paul  Passy,  Camille  Chabaneau,  Louis  Havet, 
Charles  Lebaigue,  Ferdinand  Brunot,  Eugène  Monseur,  etc. 


Nous  recommandons  particulièrement  aus  directeurs  de 

Périodiques,  favorables  à  la  réforme,  la  mise  en  pratique  de 

l'article  1,  qui  n'exige  aucun  effort  d'attention  de  la  part  de 

MM.  les  Protes. 

Dans  sa  Grammaire  historique  posthume,  Arsène  Darmesteter  dit 
excellemment  :  «  C'est  à  une  succession  d'erreurs  qu'est  due  la 
fâcheuse  habitude  de  l'orthographe  moderne  de  noter  par  x  presque 

toute  s  qui  suit  un  u Il  serait  grand  temps  qu'une  orthographe  plus 

correcte  et  plus  simple  rétablît  partout  Vs  finale  à  la  place  de  cette  a? 
barbare.  » 


i:HALON-SUR-SAÔNE,   I.MPKIMEKIK  DE  L.   MARCEAU,  E.   BERTRAND,  S^ 


y 


REVUE 


'Il 


DE 


PHILOLOGIE  FRANÇAISE 


ET  DE  LITTERATURE 


RECUEIL  TRIMESTRIEL 


PUBLIE   PAR 


Léon   CLE  DAT 


PROFESSEUR    A    L  UNIVERSITE    DE    LYON 


Tome  XIII.   -  1899 


4^ 


PARIS 

LIBRAIRIE   EMILE    BOUILLON,   ÉDITEUR 

67,    RUE    DE    RICHELIEU,    AU    PREMIER 

[Tous  droits  résercés] 


O'^nI 


LES  PATOIS  DE  LA  RÉGION  LYONNAISE 


Les  Pronoms  personnels^ 
I 

LES    PRONOMS  SUJETS 

En  latin,  en  général,  on  n'exprimait  pas  le  pronom 
sujet  ;  en  ancien  français  et  dans  l'ancien  provençal, 
son  emploi  n'était  peut-être  obligatoire  que  dans 
quelques  cas  (cf.  Griuidriss  de  Grôber^  I,  p.  640).  En 
français  moderne,  le  pronom  sujet  est  de  rigueur,  sauf 
à  l'impératif  et  dans  quelques  constructions  archaïques. 
Mais  les  dialectes  provençaus  ont  conservé  la  liberté 
de  l'ancienne  langue  ;  ils  suppriment  le  plus  souvent 
le  pronom  sujet,  et  ils  ne  Texpriment  guère  que  pour 
insister  sur  l'idée  personnelle,  dans  des  cas  où  en  fran- 
çais le  pronom  estredoublé(^ofj  tu  ris,  et  moi,  je  pleure). 
Il  importe  de  déterminer  dans  notre  région  la  limite 
où  s'arrête  l'usage  provençal,  où  commence  l'usage 
français,  et  d'examiner  les  particularités  intéressantes 
que  présente  la  zone  intermédiaire. 

Le  pronom  personnel  sujet  est  en  général  supprimé 
comme  en  provençal,  dans  les  Hautes-Alpes,  au  sud 
du  département  de  l'Isère,  dans  la  Drôme,  TArdèche 
et  la  Haute-Loire,  et  au  sud  delà  Loire.  On  peut  con- 
sidérer les  localités  suivantes  comme  formant  la  limite 
septentrionale  de  l'usage  provençal  : 

1.  Voyez  notre  Reçue,  tome  XII,  p.  1,  note  1. 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  1 


2  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Hautes- Alpes:  Chorges,  Gap,  Veynes,  Aspres, 
Saint-Julien-en-Beauchêne  (c.  d'Aspres)^  dans  l'arr. 
de  Gap.  Il  faut  y  ajouter,  d'après  Chabrand  et  Rochas 
d'Aiglun  (Patois  des  Alpes  Cottiennes),  TEmbrunais^ 
le  Queyras,  et  dans  le  Briançonnais  Saint-Véran  et 
Molines. 

Isère:  Monestier-du-Percy  (c.  deClelles)  et  Cornil- 
lon  (c.  de  Mens)  dans  Tarr.  de  Grenoble ^ 

Drôme:  Menglon  (c.  de  ClicUillon),  Die,  Beaufort 
(c.  de  Crest)  et  Crest  dans  Tarr.  de  Die  ;  Chabeuil, 
Montmeyran  (c.  de  Chabeuil),  Beaumont  (c.  de  Va- 
lence) et  Valence  dans  Tarr.  de  Valence. 

Ardèche  :  Jaujac  (c.  de'Thueyts)  dans  l'arr.  de  Lar- 
gentière  ;  Baix  (c.  de  Chomërac),  Privas  (d'après  la 
Parab.  de  l'Enf.  pr.,  in  Mém.  de  la  Soc.  des  Ant.  de 
France,  VI,  515),  Saint-Pierreville  dans  l'arr.  de  Pri- 
vas; le  Cheylard,  Saint-Victor  (c.  de  Saint-Félicien) 
dans  Tarr.  de  Tournon. 

Haute-Loire:  La  Chapelle-d'Aurec  (c.  de  Monis- 
trol)  dans  l'arr.  d'Yssingeaux,  Frugières-le-Pin  (c.  de 
PaulhaguetJ  et  la  Chaise-Dieu  dans  l'arr.  de  Brioude. 
Il  faut  y  joindre,  d'après  les  poésies  populaires  publiées 
par  M.  W.  Smith  (/?oma/2/a, II, 59,  sqq.,etVIII,  414 
sqq.),  Saint- Germain- Laprade,  Saint-Pierre-Eynac, 
Vorey,  Chamalières  dans  l'arr.  du  Puy,  Dunières  et 
Saint-Didier-la-Séauve  dans  l'arr.  d'Yssingeaux.  Le 
pronom  sujet  manque^aussi  dans  la  Parab.  de  l'Enf. 
prod.  en  patois  du  Velay  publié  par  Deribier  de  Cheis- 
sac  (Description  satistique  de  la  Haute-Loire,  Paris, 
1824,  p.  184 j,  dans  les  comédies  en  patois  du  Puy  de 

1.  Guichard,    Lou  nodou  das  Sant-Brancassi,  en    patois    de 
Mens,  in  Rec.  des  L.  rom..,  XXI,  p.  123  sqq. 


LÇS    PATOIS    DE    LA    ItKÏ^ION    LYONNAISK  6 

l'abbf';  Oibjin  (L'/n/'Of/fia,  1804;  Les  lïahltantH  duPuy 
rjt  fjucj'i'c  aoecLcH  llahitantH  d' Espaiij  1804;  ;  et  enfin, 
le  baron  de  Vinol.s(  Vocahul. paloia  vellavien- français) 
déelare  formel lernent  que  le  pronom  sujet  se  supprime 
dans  le  Velay. 

Loirp::  K.ozier  vX  Kstivareille  dans  le  c.  de  Saint- 
Bonnet-le-Cliateau  (arr.  de  iVIr)ritf)rison).  D'après  Gras 
[Dict.  (la  j)(d.  Jhrézùm),  a  l'usa^^^e  du  pronom  devant 
les  verbes  rj'est  pas  dans  l'esprit  du  patois  foi'é/ien... 
Dans  toutes  les  localités  où  le  patois  s'est  le  miens  con- 
servé dans  sa  pureté  primitive,  le  pi'onom  est  complè- 
tement supprimé  »  (p.  100-101  j.  Mais  en  fait,  dans 
les  textes  cités,  le  prouom  suj(;t  n'est  supprimé  cons- 
tamment fpj'â  Usson  (p. ^01-^05),  à  Saint-Jean-Soley- 
mieux  (p.  <i()4,  ^10,  ^IT),  2^]),  à  Luriec  fp.  21^j,  à  Jon- 
zi(;u  (p.  <i^8  ;  cf.  p.  J/J8),  c'est-à-dire  dans  la  [>artie  sud 
du  dép.  de  l;i  Loire,  rpji  se  rattache  au  Velay. 

Le  pronom  sujet  est  toujours  exprimé  comme  en 
français  dans  les  Vos^^'cs,  In.  Ifjiute-Saône,  le  Doubs, 
le  Jura,  l;i.  Saone-et-Loire,  le  I^hône,  l'Ain,  V<\.  Haute- 
Savoie  et  la  Savoie.  I.a  limite  méridionale  de  ce  vaste 
domaine  passe  au  noid  (bîTarr.  de  I>riîiricon,  \\\\  mili^îu 
de  l'arr.  de  Grenoble,  au  nord  de  l'îur.  de  Saint-Mar- 
ceilin  et  au  sud  de  Vienne,  au  sud  de  l'arr.  dfî  Suint- 
I^tienn^;  et  au  nord-ouest  de  celui  de  Montbrison.  Il 
suffira  d'indiquer  les  [joints  extrêmes  qui  constituent 
cette  limite. 

Hautks-Alpfs:  d'apiés  Chabrand  et  Rr>cfias  d'Ai- 
^lun,  le  f)ronom  sujet  est  expi-imé  dans  le  Hriançon- 
nais,  sauf  à  Molines  et  à  Saint-Véran  (cf.  Patois  des 
Alpes-Cottiennes ,  Parab.  en  patois  du  Monétier,  p.  155). 
Il  faut  y  ajouter,  de  l'autre  côté  de  la  frontière,  les 
vallées  d'Oulx  et  de  Pragelas  (p.  15^-153). 


4  REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Isère;  le  c.  de  Boiirg-d'Oisans  en  entier,  la  Motte- 
Saint-Martin  et  la  Motte-d'Aveillans  (c.  de  la  Mure), 
Saint-Jean-de-Vaux  et  Champagnier  (c.  de  Vizille), 
Bresson  (c.  de  Grenoble  sud),  Saint- Ismier,  Bernin 
et  le  Sappey  (c.  de  Grenoble  est),  Voreppe  (c.  de  Voi- 
ron),  Noyarey  (c.  de  Sassenage),  Méandre  (c.  du  Vil- 
lard-de-Lans)  dans  Tarr.  de  Grenoble  ;  Cbaravines^ 
Oyeu  et  le  Pin  (c.  de  Virieu),  Cbimilin  et  Pressins  (c. 
du  Pont-de-Beauvoisin),  dans  Tarr.  de  la  Tour-du- 
Pin;  Saint-Micbel-de-Saint-Geoirs  et  Penol  (c.  de 
Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs)^  dans  Tarr.  de  Saint- 
Marcellin;  Gillonnay,  Commelle,  Faramans,  Semons 
et  la  Côte-Saint-André  (c.  de  la  Côte-Saint-André), 
Pommier,  Revel  et  Beaurepaire  (c.  de  Beaurepaire), 
le  Péage-de-Roussillon  (c.  de  Roussillon),  dans  Tarr. 
de  Vienne. 

Loire:  Saint-Chamond  et  Izieux  (c.  de  Saint-Cba- 
mond),  Firminy  (c.  du  Chambon),  Saint-Étienne,  la 
Fouillouse  (c.  de  Saint-Héand),  dans  Tarr.  de  Saint- 
Étienne  ;  Viricelles  (c.  de  Saint-Galmier),  Essertines 
(c.  de  Feurs),  Moingt  (c.  de  Montbrison),  Ailleux  (c 
de  Boën),  Saint-Didier-sur-Rochefort  (c.  de  Noiré- 
table),  dans  Tarr.  de  Montbrison. 

Entre  les  deus  limites  que  nous  venons  de  déter- 
miner, s'étent  une  zone  intermédiaire  de  largeur  va- 
riable où  Tusage  est  assez  incertain;  le  pronom  sujet 
est  tantôt  exprimé,  tantôt  sous-entendu.  On  peut  y 
noter  toutefois  quelques  cas  intéressants  : 

1°  Un  certain  nombre  de  patois  de  Tarr.  de  Brian- 
çon  (Hautes-Alpes),  de  l'Isère  et  du  nord  de  la  Drôme, 
plus  logiques  que  le  français,  suppriment  le  pronom 
sujet  devant  les  verbes  impersonnels,  tandis  qu'ils  l'ex- 
priment toujours  devant  les  autres  verbes.  A  la  Cha- 


LES    PATOIS    DE    LA    REGIOiN    LYONNAISE  O 

pelle-en-Vercors  (arr.  de  Die),  par  exemple,  on  dit: 
fo  =^ilfaut ;  é  verai  zi=i  il  est  vrai;  souro  afreu^=  ce 
serait  affreus ;  arivo  =  il  arrive;  ni  abien^^il  y  en 
a  beaucoup.  Le  pronom  reparait  dans  les  phrases  in- 
terrogatives,  où  il  n'a  plus  aucune  valeur  pronomi- 
nale, mais  sert  seulement  cà  marquer  l'interrogation  : 
plow  =  il  pleut  ;  mais  plow  lyi?  =  pleut-il  f  é  verai 
=  il  est  vrai,  mais  é  lyi  verai?  =  est-il  vrai?  — 
L'usaoe  est  le  même  dans  la  Drôme,  à  Clicâtillon- 
Saint- Jean  (c.  de  Romans)  et  à  Saint-Donat,  où  toute- 
fois le  pronom  neutre  n'est  pas  toujours  supprimé  ; 
dans  risère  à  Saint-Paul  d'Izeaux  et  à  la  Forteresse 
(c.  de  Tullins\,  à  Saint -Bonnet-de-Chavagne  (c.  de 
Saint-Marcellin),dansrarr.deSaint-MarceUin;àSaint- 
Hilaire  et  à  la  Buissière  (c.  du  Touvet),  à  Pinsot  et  à 
iMoutaret  (c.  d'Allevard).  dans  l'arr.  de  Grenoble.  La 
suppression  du  pronom  neutre  sujet  n'est  pas  aussi 
constante  à  Sillans  (c.  de  Saint- Etienne -de-Saint- 
Geoirs,  arr.  de  Saint-]\larcellin',  à  Autrans  c.  du  Vil- 
lard-de-Lans  ,  Champ  (c.  de  Vizillej,  à  Proveyzieux 
(c.  de  Grenoble  nord^  ;  elle  semble  même  assez  rare  à 
Presles-en-Rovans  c.  de  Pont-en-Rovans  ,  à  Mzille, 
â  la  Terrasse  fc.  du  Touvet,,  à  Pontcharra  (c.  de  Gon- 
celin),  à  Saint-Pierre-d'Allevard  (c.  d'Allevard).  — 
Dans  les  Hautes-Alpes,  on  supprime  volontiers  le  pro- 
nom neutre  à  la  Salle  (c.  de  Monétier)  ;  de  même  aus 
environs  de  Briançon.  d'après  les  proverbes  patois 
cités  par  Chabrand  et  de  Rochas  d'Aiglun  (p.  150).  — 
Enfin,  au  sud  du  dëp.  de  la  Loire,  à  Bourg-Argental, 
fo  ^  il  faut 'à  côté  de  kaplo  =^  il  pleut. 

2°Dans  quelques  localités  de  la  même  région,  onsup- 
prime  le  pronom  sujet  devant  la  l^'^pers.  du  sing.  et  du 
plur.  et  devant  les  verbes  impersonnels,  tandis  qu'on  Tex- 


6  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

prime  devant  la  2^  et  la  3*  pers.  Dans  l'Isère,  à  Vinay 
(c.  de  Saint-Marcellin),  on  dit  :  parle,  ame^^  je  parle, 
j'aime;  aman,  pari  an  ^^  nous  aimons,  nous  parlons; 
mais  te  parle,   famé,   va  parla,  vo(z)  ama,  o  parle, 
clame  etc.;  nos  deus  correspondants  de  Vinay  s'ac- 
cordent parfaitement  sur  ce   point.  On    constate    le 
même  fait  à  Vatilieu  (c.  de  Tullins),  dans  Tarr.  de  Saint- 
Marcellin,  au  Villard-de-Lans,  à  Lans  (c.  duVillard- 
de-Lans),  au  Gua  (c  de  Vif),  dans  Tarr.  de  Grenoble  ; 
et  tout  près  de  cette  région,  dans  le  dép.  de  la  Drôme, 
à  Saint-Bonnet-de-Valclérieux  (c   du  Grand-  Serre), 
et  à  Triors  (c.  de  Romans).  A  Bourg-du-Péage  (arr. 
de  Valence),  le  pronom  est  toujours  supprimé  devant 
la  1^®  pers.  duplur.  ;  mais  à  la  l'"^  pers.  du  sing.  il  ne 
semble  l'être  que  devant  une  consonne:  pari  ou  =^  je 
parle;  mais /amo,/aï  peut-être  sous  l'influence  du 
français.  C'est  l'inverse  à  Chanos-Curson  (c.  de  Tain), 
où  d'ailleurs  le  pronom  sujet  est  quelquefois  supprimé 
dans  d'autres  cas  :  a  pai^lou  =  je  parle  ;  mais  amou, 
ai=i  j'aime,  j'ai  :  le  pronom  disparaît  sans  doute  par 
élision.  —  La  suppression  du  pronom  sujet  sing.  de  la 
V^   pers.  est  aussi  signalée  par  Chabrand  et  Rochas 
d'Aiglun  dans  les  vallées  vaudoises,  et  par  un  de  nos 
correspondants  aus  Pontets   (c.   de  Mouthe,    arr.   de 
Pontarlier)  au  sud  du  Doubs  ;  Tusage  est  le  même  non 
loin  de  là  au  Brassus  (vallée  de  Joux,  Suisse)  d'après 
la  Parabole  de  TEnf.  prod.  (Bridel,  Gloss   dupât,  de 
la  Suisse  romande,  p.  462-463)  ^ 

3°  Enfin  certains  patois  suppriment  souvent  le  pro- 

1.  Dans  une  des  Lettres  bressanes  en  patois  des  environs  de 
Bourg,  insérées  par  Ph.  Le  Duc  dans  son  recueil  de  Chansons 
bressanes,  bufjetj siennes  et  donibistes  (Bourg,  1881),  le  pronom 
sujet  est  ôû  général  supprimé  devant  les  consonnes  ;  mais   dans 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  7 

nom  sujet  devant  un  verbe  quelconque  et  à  toutes  les 
personnes  ;  mais  cette  suppression  n'est  ni  constante 
ni  régulière.  Elle  semble  se  produire  de  préférence, 
toutes  les  fois  que  le  contexte  permet  de  reconnaître 
facilement  la  personne  : 

La  glace  est  solide^  on  ne  peut  la  casser,  elle  porte  bien. 
Lou  gla  ei  soulidé,  an  pwo  pa  lou  cassa,  pworto  bien 

(Mens,  Isère). 
Il  faut  prendre  le  temps  comme  il  vient. 
Tsaw  pendre  louten  coiimo  vé 

(Fay-le- Froid,  Haute-Loire). 

//  punit  son  fils  parce  quil  l'aime. 
Zei  punyis  soun  garsou  persoké  Vamo 

(Saint-Hostien,  Haute-Loire). 

Ou  lorsque  le  pronom  sujet  est  suivi  d'un  autre  pro- 
nom   au  cas  oblique   avec  lequel  il  peut  se  fondre: 

(//  est  vrai)  que  vous  Vavez  cru. 
Quévou  avécrégu. 
Quand  il  rencontre  sa  mère,  il  lui  dit. 
Kant  ilé  rencwentro  sa  matré,  lyi  di. 

(La-Chapelle-sous-Chanéac,  Ardèche). 

Il  en  est  de  même  dans  les  interrogations,  où  l'atti- 
tude et  le  geste  de  celui  qui  parle  indiquent  nette- 
ment la  personne  à  qui  il  s'adresse  ou  qu'il  veut  dési- 
gner : 

Ké  vouléf  =  que  voulez-vous  ?  (Coucouron,  Ardèche) . 
Omo  soun  paire  ?  =  aime-t-il  son  père  ?  (Le   Monastier, 

[Haute-Loire). 

Nous  trouvons  des  phrases  du  même  genre  à  Bar- 
la  2^  lettre  écrite  dans  le  même  dialecte,  il  est  toujours  exprimé. 
Aucun  de  nos  correspondants,  assez  nombreus  pourtant  pour  cette 
région,  ne  nous  signale  le  fait. 


8  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

cillonnette  (Hautes-Alpes,  arr.  de  Gap),  à  Mens  (Isère^ 
arr.  Grenoble),  àChanos-Curson  (Drôme,arr.  Valence). 
Au  contraire,  sur  les  confins  du  Vivarais  et  du  Velay, 
sur  les  hauts  plateaus  des  Cévennes,  on  met  volontiers 
le  sujet  en  relief  en  le  détachant  du  verbe  et  en  l'accen- 
tuant fortement,  par  ex.  à  Coucouron,  Béage  (c.  de 
Montpezat),  la  Chapelle- sous-Chanéac  (c.  de  Saint- 
Martin-de-Valamas),  Boffres  (c.  de  Vcrnoux\  Devesset 
(c.de  Saint-Agrève),  Annonay  ;d'après  Par.  de  VEnf. 
pi\,  in  Mém.  des  Antiq.  de  France,  VI,  516,,  dans  TAr- 
dèche;à  Freycenet-la-Tour  ''c.duMonastier),le  Monas- 
tier,  Fay-le-Froid,  Saint-Hostien  (c.  de  Saint-Julien- 
Chapteuil),  Saint- Voy  et  le  Chambon-de-Tence  (c.  de 
TencC'  dans  la  Haute-Loire.  Mais  si  l'on  descent  dans 
les  vallées  du  Rhône,  de  la  Loire  pu  de  TAllier,  on 
trouve  le  sujet  fréquemment  ou  même  constamment 
supprimé,  par  ex.  à  Jaujac  (c.  de  Thueyts'",  Privas, 
Saint-Pierreville,  Baix  (c.  de  Chomérac),  Saint-^^ic- 
tor  'C.  de  Saint-Félicien;,  dans  TArdèche;  àPradelles, 
Cayres,  Saint-Germain-Laprade,  Saint-Pierre-Eynac, 
Le  Puv,  Vorev,  Chamalières,  dans  la  Haute-Loire.  Il 
faut  y  ajouter  plus  au  nord  Craponne,  dans  la  Haute- 
Loire,  et  dans  la  Loire,  Chambles  c.  de  Saint-Ram- 
bert,  arr.  de  Montbrison),  où  le  pronom  sujet  est  sou- 
vent supprimé. 

Le  latin  n'exprimait  pas  le  pronom  sujet,  parce  que 
ce  pronom  n'était  nullement  nécessaire:  les  désinences 
verbales  suffisaient  pour  distinguer  les  personnes  ;  on 
ne  pouvait  confondre  canto  avec  cantas,  mcantas  avec 
cantat.  II  en  fut  de  même  pendant  longtemps  dans  les 
dialectes  de  la  France  ;  mais  quand,  sous  l'action  des 
lois  phonétiques  et  de  l'analogie,  les  trois  personnes 
du  singulier  en  arrivèrent  à  se  confondre  dans  la  pro- 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  y 

nonciation,  la  langue  française^  obéissant  d'ailleurs  à 
ses  tendances  analytiques,  fut  obligée  pour  éviter  toute 
équivoque,  d'exprimer  le  pronom  sujet: je  chante,  tu 
chantes,  il  chante  ne  se  distinguent  pas  par  les  dési- 
nences verbales,  mais  bien  par  les  pronoms  je,  tu,  il, 
qui  jouent  exactement  dans  la  conjugaison  le  rôle  des 
finales  latines  o,  as,  at.  Les  dialectes  provençaus  au 
contraire,  qui  ont  conservé  des  désinences  personnelles 
nettement  distinctes^  ont  pu  conserver  aussi  la  liberté 
de  supprimer  le  pronom  sujet.  Dans  nos  patois,  les 
mêmes  causes  ont  produit  les  mêmes  effets.  En  exami- 
nant la  conjugaison  des  verbes  dérivés  des  verbes  latins 
en  aj^e,  on  voit  que  partout  où  il  est  d'usage  de  ne  pas 
exprimer  le  pronom  sujet,  les  trois  pers.  du  sing.  se 
distinguent  nettement  par  leurs  terminaisons^  comme 
l'indique  le  tableau  suivant: 

l'^  pers. 

Dauphiné ou 

Vivarais  et  Velay ....  é 

Sud  de  la  Loire ou 

Pour  toutes  les  localités  que  nous  avons  citées,  la 
concordance  est  absolue;  il  faut  excepter  toutefois 
quelques  communes  de  l'Oisans  et  du  canton  de  la 
Mure,  où  les  pronoms  sont  toujours  exprimés,  bien  que 
les  désinences  personnelles  soient  distinctes  :  ou  pour 
la  1^^  pers.,  ai,  ei,  es  ou  épour  la  2^  pers.,  a  ou  e  pour 
la  3^  Il  est  à  noter  que  dans  cette  région,  les  pronoms, 
loin  d'être  supprimés,  semblent  quelquefois  être  redou- 
blés (Cf.  Bévue  de  PhiL,  XII.  p.  15  sq.  .  Quelques 
autres  exceptions,  la  Salle.  Prestes,  la  Chapelle-en- 
Vercors,  Saint-Donat,  s'expliquent  par  l'influence  des 
patois  voisins  qui  expriment  en  général  le  pronom 
sujet. 


2e  pers. 

3^  pers. 

ei,  é 

0 

ei,  es 

0 

é 

e 

10  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Inversement,  partout  où  le  pronom  sujet  est  de  ri- 
gueur ou  n'est  supprimé  que  devant  les  verbes  imper- 
sonnels, les  terminaisons  se  confondent  comme  en 
français  ou  tendent  à  se  confondre,  par  ex.  dans  l'Isère, 
la  Savoie,  l'Ain,  le  Rhône  et  dans  les  départements 
plus  au  Nord  : 


ire  pers. 

0 

2®  pers . 
é 

3^  pers. 
é 

e 

e 

e 

Dans  un  nombre  assez  considérable  de  localités,  la 
2'  et  la  Supers,  ont  la  même  désinence  é,  é  ou  bien  e,e; 
la  V^  pers.  a  une  désinence  distincte  o  ;  de  là  vient  sans 
doute  que  dans  une  région  intermédiaire  le  pronom 
est  supprimé  devant  la  l'"^  pers.  et  exprimé  devant  la 
2^  et  la  S''  qui  pourraient  facilement  être  prises  l'une 
pour  l'autre.  En  d'autres  termes,  nos  patois  ont  dû 
jouir  anciennement  de  la  liberté  de  sous-entendre  le 
pronom  sujet  :  mais  comme  le  français  et  pour  les 
mêmes  raisons,  ils  ont  perdu  peu  à  peu  cette  liberté  ; 
on  peut  retrouver  des  traces  de  l'ancien  usage  dans  les 
patois  où  le  pronom  sujet  est  encore  supprimé  devant 
la  1"  pers.,  mais  non  devant  les  autres;  mais  là  comme 
ailleurs,  on  peut  prévoir  que  l'emploi  du  pronom  sujet 
deviendra  obligatoire  quand  l'évolution  phonétique 
aura  rendu  la  désinence  de  la  Impers,  identique  à  celle 
des  deus  autres:  déjà  dans  l'Isère,  l'Ain,  le  Rhône, 
etc. ,  le  0  de  la  l'^  pers.  est  fort  afïaibli  et  tent  à  passer 
à  eu,  e. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  11 

* 

PRONOM    SUJET    DE    LA   1^®    PERSONNE   DU    SINGULIER 

En  latin  populaire  eo,  issu  de  ego,  était  accentué  sur 
la  voyelle  initiale,  quand  il  était  employé  absolument  ; 
employé  comme  proclitique,  il  n'avait  qu'un  accent 
secondaire  sur  la  voyelle  finale.  Logiquement  eo  aurait 
dû  donner  partout  naissance  à  une  double  série  de 
formes  :  des  formes  toniques  ou  absolues  et  des  formes 
atones  ou  proclitiques;  mais  en  fait,  elles  coexistent 
rarement  :  tantôt  les  unes,  tantôt  les  autres  ont  dis- 
paru. En  français,  où  de  bonne  heure  l'emploi  du  pro- 
nom sujet  devant  le  verbe  est  devenu  obligatoire,  la 
forme  tonique  du  nominatif  n'existe  plus;  pour  y  sup- 
pléer, on  se  sert  de  la  forme  de  Taccusatif  moi.  Au 
sud  de  la  France,  au  contraire,  où  le  pronom  sujet  est 
en  général  supprimé,  c'est  naturellement  la  forme  to- 
nique ou  absolue  qui  s'est  conservée-  Dans  notre 
région,  qui  touche  d'un  côté  au  domaine  français,  de 
Tautre  au  domaine  provençal,  les  formes  atones  do- 
minent au  Nord,  les  formes  toniques  au  Sud.  Les  pre- 
mières forment  deus  groupes  : 

Tantôt  eo  s'est  réduit  à  une  simple  voyelle  qui  est 
généralement  i,  quelquefois  o,  ou,  a  ; 

Tantôt  eo  a  donné  naissance  à  une  chuintante  suivie 
à  l'origine  d'un  o,  aujourd'hui  de  é,  ou  plus  fréquem- 
ment de  e  muet.  La  chuintante  s'est  diversement  mo- 
difiée ;  de  là  les  formes  :  d^e,  dje,  je,  je,  jéj  j,  de,  dze 
(quelque  fois  dza),  ze  (quelque  fois  z6),  ?e\ 

Les  formes  toniques  sont  yèw,  yow,  yàw,  yèw, 
yèi,  et  avec  déplacement  d'accent  you  {ou  français)  et 
y  eu  {eu  français).  Il  faut  ajouter  que  dans  une  région 

1.  Je  note  par  q  le  son  du  th  dous  anglais. 


12  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

< 

assez  peu  étendue,  la  forme  de  l'accusatif,  mi,  me  ou 
mé,  s'est  substituée  au  pronom /(?  sujet. 

Ces  différentes  formes  se  répartissent  de  la  façon 
suivante  dans  les  départements  de  notre  région  : 

Ain  :  ze^  ze  (?',  de,  dé,  dze,  dye,jé. 

Alpes  (Hautes-)  :  yèw,  you,  a. 

Ardèche  :  r/èiCf  yaw,  mi,  o,  ou. 

Belfort  :  i. 

DouBS  :  i. 

Dkùme  :  yèic,  you,  mi,  je,  a. 

Isère  :  de,  dé,  je,  je,  j,  dje,  dze,  dza,  ze,  yoïc,  yo,  you, 

'mi,  me,  mé. 
Jura  :  dze,  dje,  je,  i. 

Loire  '.je,  ze.  dze,  yoœ,  you,  yo,  yeu,  o,  ou. 
Loire   Haute-)  :  yèw,  you,  yèi,yèw,  yeu,  ma. 
Rhône  :  dze,  dje,  je. 
Saône  (Haute-)  :  i,  /. 
Saône-et-Loire  :  ./e,./,  i,  dze. 
Savoie  :  de,  dé,  ze. 
Savoie   Haute-):  de,  dé,  ce. 
Vosges  :  je,  j,  je,  i,  dje. 

I.  —  LES  FORMES    ATONES 

V  La  forme  i 

La  forme  i  occupe  au  nord  de  la  région  lyonnaise, 
entre  les  Vosges  et  le  Jura,  un  vaste  domaine,  quicom- 
prent  le  sud  des  Vosges,  la  Haute-Saône,  le  Doubs, 
quelques  communes  au  nord  de  la  Saône-et-Loire  et 
au  nord-ouest  du  Jura,  le  territoire  de  Belfort  et  le 
nord  de  la  Suisse  française.  Devant  une  voyelle,  le  i 
se  change  en  yod  ou  se  durcit  en  j  dans  les  régions 
voisines  du  domaine  de  je. 

Dans  le  département  des  Vosges,  la  forme  dominante 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  13 

est  je  ;  i  n'apparaît  qu'au  sud  du  département,  sur  les 
frontières  de  la  Haute-Saône,  à  Gruey-les-Surance 
(C.  de  Bains,  arr.  d'Épinai),  et  surtout  dans  Tarr.  de 
Remiremont,  dans  le  c.  de  Saulxures,  en  particulier  à 
Basse-sur-ie-Rupt,  â  la  Bresse,  à  Vagney  (Adam, 
Patois  lorrai/is),  à  Ventron  (ibid.),  danslec.  du  Thillot 
et  en  particulier  à  Ramonchamp  (Adam,  Pat.  lor.). 
Dans  toutes  ces  localités,  on  emploie  ï  devant  les  con- 
sonnes, idj\  ij  ou  j  devant  les  voyelles  (cf.  Hingre, 
Grande  Complainte  en  patois  de  la  Bresse,  Rev.  des 
pat.,  I,  241  sqq.,  joassï7?2).  M.  P.  Passy  signale  encore  i 
à  y 'à\-d' A]o  (Notes  sur  qq . patois  comtois ,  Rev .  de PJ ni. , 
X,  1  sqq.). 

Le  territoire  de  Belfort  est  acquis  tout  entier  à  la 
forme  i  (pour  les  noms,  voir  Rev .  de  Pliil. ,  XII,  p.  37). 
Il  faut  y  ajouter,  d'après  la  Parabole  de  VEnf.pr. 
(Mêm.  des  Ant.,  VI,  475),  Altkirch  dans  l'ancien  dép. 
du  Haut-Rhin. 

C'est  encore  la  seule  forme  usitée  dans  le  Doubs  et 
la  Haute-Saône;  aus  noms  cités  Rev.  dePhil.,  XII^ 
p.  32,  35  et  36,  il  faut  ajouter  pour  la  Haute-Saône  : 
Champagney  et  Vesoul  d'après  la  Parabole  {Mérn. 
des  Ant.,  VI,  477  et  479),  et  au  nord  de  l'arr.  de 
Lure,  Corbenay,  Hautevelle,  Fontaine- les-Luxeuil, 
Baudoncourt,  Saint-Sauveur,  Citers,  Froideconche, 
laLongine,  Servance,  d'après  P.  Passy  (Rev.  de  PhiL, 
X,  172  sqq.)  ;  pour  le  Doubs  :  Besançon  (Mém.  des  Ant., 
VI,  48),  Sancey  dans  le  c  de  Clerval  (Nédey,  Re- 
marques grammaticales  sur  le  patois  de  Sancey ,  R,  de 
PhiL,  XI,  123),  Bournois  dans  le  c.  de  Lisle-sur-le- 
Doubs  {Jean  qui  danse ^  par  Ch.  Roussey,  in  Rev. 
des  Pat.  g.-  r.,  IV,  255  sqq.),  Montbéliard  et  ses  en- 
virons (Conte Jean,  Glossaire). 


14  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Sur  les  frontières  de  la  Bourgogne,  où  la  forme  do- 
minante est  je,  on  trouve  i  devant  consonne,  j  devant 
voyelle,  à  Dampierre-sur-Salon,  Oyrières  (c.  d'Au- 
trey),  Champlitte  (cf.  Parab.,  Mém.  des  Ant.,  VI, 
480),  et  aussi  sur  la  frontière  des  Vosges,  à  Jussey  ;  un 
peu  plus  au  nord,  à  Vauvillers,  on  ne  trouve  plus  que 
je  [Mém.  des  Ant.,  VI,  478). 

A  ce  domaine  compact,  il  faut  rattacher  le  Morvan 
où  eo  a  donné  ï,  et  en  particulier  quelques  communes 
du  Jura  et  de  la  Saône-et-Loire  :  Tavaux  (c.  de  Che- 
min) et  Ofïlanges  (c.  de  Montmirey)  dans  l'arr.  de 
Dôle;  Demigny,  dans  Tarr.  de  Chalon,  c.  de  Chagny  ; 
Dezize  (c.  de  Couches-les-Mines),  Épinac,  Cussy  (c.  de 
Lucenay-rÉvêque),  dans  l'arr.  d'Autun;  à  Antully 
(c.  d'Autun),  on  trouve  à  la  fois  i  etj. 

D'après  les  traductions  de  la  Parabole  publiées  dans 
les  Mémoires  des  Antiquaires  de  France  et  dans  l'ap- 
pendice du  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande 
de  Bridel,  le  domaine  de  i  s'étent  encore  sur  les  can- 
tons de  Berne,  de  Fribourg  et  de  Neuchâtel.  On 
trouve  i  dans  le  canton  de  Berne  :  à  Delemont  (Bridel^ 
p.  476,  et  Mémoires,  VI,  535),  à  Moutier-Granval 
{Mém.,  539),  à  Tavannes  (Bridel,  474),  à  Val-SMsmier 
(Bridel,  472),  à  Bienne  (Mém. ,  536j,  à  Courtelary  {Mém., 
538),  à  la  Montagne-de-Diesse  {Mém.  537)  ;  dans  la  par- 
tie moyenne  du  canton  de  Fribourg,  entre  la  montagne 
et  la  Broyé  (Bridel,  447)  ;  dans  le  canton  de  Neuchâtel  : 
aus  environs  de  Neuchâtel  (Bridel,  524),  au  Landeron 
(Bridel,  522),  à  Valangin  (Bridel,  470),  au  Locle  (Bri- 
del, 468),  et  dans  le  canton  de  Vaud,  à  Vallorbe 
(Bridel,  464). 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  15 

2*  La  foi' me  a 

Fréquente  en  Italie  dans  le  Frioulan,  la  Lombardie 
etrÉmilie(cf.  Meyer-Lûbke  :  Gram.desL.  r.,  II,  111), 
la  forme  a  est  employée  aussi  sur  quelques  points  de 
la  Drôme,  de  l'Isère  et  des  Hautes-Alpes.  A  Chanos- 
Curson  (c.  de  Tain,  arr.  de  Valence),  on  se  sert  de  a 
devant  les  consonnes:  a  parlou  ^  je  parle;  mais  a 
disparaît  devant  un  a  initial  :  amou  =^  faime,  ai  = 
fai.  Il  en  est  de  même  dans  Tlsère,  à  Méandre  (c.  du 
Villard-de-Lans,  arr.  de  Grenoble.  — A  la  Motte- Saint- 
Martin  (c.  de  la  Mure),  on  dit  a  parlou,  mais  amai 
^^fai,  am  amou  ^=zfaime,  avec  intercalation  d'un  m 
de  liaison,  emprunté  peut-être  à  la  forme  mé  {m  devant 
voyelle)  qui  nous  est  signalée  comme  pronom  sujet  de 
la  V^  pers.  dans  le  même  canton,  à  la  Motte-d'Aveillans 
et  aussi  à  la  Motte-Saint-Martin,  par  un  2*  correspon- 
dant :  am  est  dû  à  la  fusion  des  deus  formes  a  et  m 
devant  voyelle.  —  A  Villard-Reculas  (c.  du  Bourg- 
d'Oisans),  on  supprime  l'hiatus  en  intercalant  un  son 
intermédiaire  entre  dj  et  dz'  :  a  parlou,  mais  adj 
amou,  adj  ai.  Ici  encore  il  y  a  eu  fusion  de  la  forme  a 
avec  la  forme  dje  ou  dze,  usitée  dans  d'autres  com- 
munes de  rOisans,  par  ex.  à  la  Garde.  Inversement, 
la  voyelle  de  la  forme  a  semble  s'être  introduite  dans 
la  forme  dze^  pour  donner  dza,  qu'on  trouve  à  Auris- 
en-Oisans  et  à  Fréney-d'Oisans.  —  Le  pronom  a  est 
est  encore  fréquent  dans  une  partie  des  Hautes-Alpes 
voisine  de  l'Oisans  :  à  la  Salle  (c.  de  Monêtier,  arr.  de 
Briançon),   il  devient  al  devant  voyelle  :  al  amou^= 

1.  Dj\  nous  dit  notre  correspondant,  se  prononce  comme  d^j,  en 
appuyant  la  moitié  antérieure  de  la  langue  contre  le  palais  et  les 
dents  supérieures,  et  en  fermant  la  bouche. 


16  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

faillie;  la  lettre  de  liaison  /  est  sans  doute  empruntée 
au  pron.  de  la  3*"  pers.  ol  :=  il.  Chabrand  et  de  Rochas 
d'Aiglun  signalent  a  à  côté  de  //?/  dans  tout  le  Brian- 
çonnais  :  d'après  leurs  traductions  de  la  Parabole,  il 
est  en  usage  à  Monêtier  (Patois  des  Alpes  Cottiennes, 
p.  155)  et  même  au  delà  des  Alpes,  dans  les  vallées 
d'Oulx  et  de  Pragelas  (ibid.,  p.  152  et  153),  rejoignant 
ainsi  à  travers  le  Piémont  le  domaine  italien  de  a. 

D'après  M.  Meyer-Lùbke,  a  serait  un  affaiblissement 
postérieur  de  i  ou  de  o.  M.  Devaux,  qui  a  rencontré  a 
dans  les  cantons  du  Bourg-d'Oisans,  de  Valbonnais  et 
de  la  ]\lure,  le  tire  de  éo,  éa,  par  l'intermédiaire  de  la 
forme  hypothétique  du,  avec  chute  de  la  semi-voyelle 
finale;  il  cite  comme  exemples  analogues  du  passage 
de  e  à  a  a?  =  est,  raipoun  ^respondet  à  Valbonnais. 
A  Villard-Reculas  et  à  la  Motte-Saint-Martin,  nous 
trouvons  aussi  :  ailou  ou  yailou  =z  eus,  ou  lou  counai 
=  //  le  connaît,  etc. 

3*^  La  forme  o,   ou 

Elle  ne  nous  est  signalée  qu'au  sud  de  la  Loire  :  à 
Bourg-Argental(arr.  de  Saint-Étienne),  o  devant  con- 
sonne, ol  devant  voyelle  jouent  le  rôle  des  pronoms 
sujetsje^  ?7,  nous,  vous;  à  Chambles  (c.  de  Saint-Ram- 
bert,  arr.  de  Montbrison),  ou  est  employé  comme  pro- 
nom sujet  à  toutes  les  personnes,  au  sing.  et  au  plur. 
Au  nord  de  l'Ardèche,  à  Annonay  (arr.  de  Tournon), 
on  trouve  aussi  d'après  la  Parabole  (Mém.  des  A  ni., 
VI,  516),  ou,  oui,  o,  ol=^je. 

D'où  vient  la  forme  o,  ou,  ol?  Au  sud  de  la  Loire, 
le  pronom  de  la  3*  pers.  sing.  est  presque  constam- 
ment 0,  o/,  dérivé  de  ille.  Faut-il  identifier  cette  forme 
avec  la  précédente?  Il  est  plus  probable  queo,  ou  ^^je 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  17 

dérive  directement  du  bas-latin  eo  en  position  procli- 
tique :  seule  la  lettre  de  liaison  l  provient  du  pronom 
de  la  3®  pers.  A  Bourg-Argental,  o,  ol  venant  de  eo  et 
0,  ol  venant  de  ille  se  sont  ensuite  propagés  à  la  V^ 
et  à  la  2®  pers.  du  pluriel  :  o,  ol  ^  pris  la  place  de  no{z), 
tout  comme  ailleurs  je  a  supplanté  nous.  Vo[;:;)  a  pu  se 
réduire  à  o[z)  (cf.  Meyer-Lïibke,  Gramm.  ,11,  109)  et  par 
suite  s'assimiler  facilement  à  o,  ol.  Seules,  les  formes 
de  la  2®  pers.  sing.,  de  la  3^  pers.  plur.  et  de  la  3^  pers. 
fém.  sing.sont  restées  distinctes.  A  Chambles,  au  con- 
traire, ou  s'est  introduit  à  toutes  les  personnes,  au 
sing.  et  au  plur.  :  le  pronom  sujet  est  ainsi  devenu  une 
simple  particule  sans  valeur  propre,  qui  sert  à  annoncer 
le  verbe,  mais  sans  indiquer  la  personne.  Cf.  en  fran- 
çais les  désinences  e,  e(s),  e{t)  du  sing.  qui  n'ont  plus 
aucune  valeur  personnelle. 

4°  Les  formes  je,  je,  j 

Je,  forme  de  la  France  du  Nord  et  de  la  Bourgogne^ 
est  un  affaiblissement  de  la  forme  plus  ancienne  j'o, 
jou.  Dans  quelques-uns  de  nos  patois  l'affaiblisse- 
ment ne  s'est  pas  arrêté  là  :  je  est  passé  àj  avec  dis- 
parition complète  de  la  voyelle.  Ailleurs^  au  contraire, 
jo.jeu  est  devenu  je . 

C'est  surtout  au  centre  et  au  nord-est  du  dép.  des 
Vosges  qu'on  trouve  la  forme  ye  (j  devant  voyelle,  et 
quelquefois  même  devant  consonne  :  j  na  =je  n'ai)  : 
dans  l'arr.  d'Épinal,  cà  Saint-Laurent  (c.  d'Épinal),  à 
Moyemont  et  à  Roville(c.  de  Rambervillers),  dans  le 
c.  de  Xertigny  et  en  particulier  à  Uriménil;  dans  l'arr. 
de  Remirecourt,  à  Tendon  (c.  de  Remiremont),  et  dans 
lec.  de  Plombières;  dans  l'arr.  de  Saint-Dié,  dans  les 
c.  de  Gérardmer^  de  Brouvelieure  et  de  Senones.  Il 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  2 


18  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

faut  y  ajouter,  d'après  Adam  {Patois  lorrains),  Atti- 
gny  et  Vallois(c.  de  Darney),  dans  l'arr.  de  Mirecourt  ; 
Sanchey  (c.  d'Épinal),  Grandvillers,  Dompierre  et 
Bult(c.  de  Bruyères),  Vomécourt  et  Saint-Pierremont 
(c.  de  Rambervillers),  Haillainville  (c.  de  Châtel),  dans 
Tarr.  d'Épinal  ;  le  Tholyet  Longuet,  dans  le  c.  etl'arr. 
de  Remiremont;  Grand-Bois  (c.  de  Corcieux),  dans 
l'arr.  de  Saint-Dié,  et  plus  au  nord  dans  la  Meurthe 
Authelupt  et  Cirey.  Ajoutons  encore  Dommartin,  près 
de  Remiremont,  d'après  une  Liste  en  patois  de  309 
mots,  publiée  par  M.  Richard  des  Vosges  (Mém.  des 
Ant.,  VI,  137).  Je  semble  isolé  à  Vaux,  c.  de  Lagnieu, 
arr.  de  Belley  dans  l'Ain;  à  Bernin  (c.  de  Grenoble 
est)  et  à  Saint-Bonnet-de-Cbavagne  (c.  de  Saint-Mar- 
cellin)  dans  l'Isère. 

A  l'ouest  des  Vosges,  c'est  la  forme  française ye  qui 
domine.  On  la  trouve  dans  larr.  de  Neufchâteau  tout 
entier,  réduite  ày  à  Barville(c.  de  Neufchâteau).  Elle 
est  constante  aussi  dans  l'arr.  de  Mirecourt,  sauf  à 
Attigny  et  à  Vallois,  où  l'on  dit  je  d'après  Adam^ 
Dans  l'arr.  d'Épinal  où  je  domine,  on  ne  nous  signale 
je  que  dans  le  c.  de  Châtel  :  dans  les  c.  d'Épinal  et 
de  Bruyères,  je  est  réduit  ày.  On  ne  trouve  pasye  dans 
l'arr.  de  Remiremont.  Dans  l'arr.  de  Saint-Dié,  il  est 
employé  à  Saint-Dié,  section  de  la  BoUe,  et  à  Taintrux 
(c.  de  Saint-Dié);  dans  les  c.  de  Provenchères  et  de 
Raon-l'ÉtapCj  il  peut  se  réduire  ày;  à  Gérardmer^y, 
je  et  je  coexistent.  Au  domaine  vosgien  de  je,  il  faut 
rattacher  Vauvillers  dans  la  Haute-Saône,  à  l'extrémité 
nord  de  l'arr.  de  Lure  (d'après  la  Parab.,  in  Mém,  des 
Ant.,  VI, 478). 

1.  Voir  les  noms,  Reçue  de  Phil.,  XII,  p.  36-37. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  19 

Si,  partant  des  Vosges,  nous  nous  dirigeons  vers  le 
Sud,  nous  rencontrons  le  domaine  de  i  qui  occupe  tout 
le  territoire  de  la  Haute-Saône  et  du  Doubs.  Il  faut 
descendre  jusqu'au  Jura  et  à  la  Saône-et-Loire  pour 
retrouver  le  pronom  je.  Il  occupe  une  large  bande  de 
terrain  en  forme  de  demi-cercle  qui  part  du  nord-ouest 
du  Jura  pour  aboutir  au  sud-est  de  l'Isère,  sur  les 
frontières  de  la  Savoie,  et  qui  s'étent  au  nord  et  à 
Touest  de  la  Saône-et-Loire,  à  l'ouest  et  au  sud  de  la 
Loire  et  du  Rhône,  au  sud  des  arr.  de  Vienne  et  de 
Saint-Marcellin  dans  Tlsère,  au  nord  de  la  Drôme,  et  au 
centre  de  l'arr.  de  Grenoble.  A  l'intérieur  de  ce  demi- 
cercle  dominent  les  formes  :  dze  dans  le  Jura,  le  Charol- 
lais,  le  Beaujolais  et  une  partie  du  Roannais  et  du 
Lyonnais;  ze  dans  la  Bresse;  de  dans  le  pays  de  Gex, 
dans  le  Bugey,  dans  la  majeure  partie  des  arr.  de 
Vienne  et  de  la  Tour-du-Pin,  et  dans  les  deus  Savoies. 
A  l'extérieur,  ce  demi-cercle  est  limité  au  nord  par 
le  domaine  de  i  qui  occupe  le  Jura  et  le  Morvan,  à 
l'ouest  par  les  formes  provençales  de  la  Basse-Au- 
vergne \  et  au  sud  par  les  formes  toniques  qui  dominent 
dans  la  Haute-Loire,  dans  l'Ardèche,  dans  la  Drôme 
et  dans  les  Hautes-Alpes.  Suit  la  liste  des  communes  où 
l'emploi  de/e  nous  est  signalé  par  nos  correspondants  : 

Jura:  la  Loye  (  c.  de  Montbarrey),  Foulnay  (c.  de 
Chaumergy),  dans  l'arr.  de  Dôle;  Quintigny  (c.  de 
Bletterans),  dans  l'arr.  de  Lons-le-Saunier.  Le  restant 
du  département,  au  sud  et  à  Test,  à  partir  de  Dom- 
blans,  deChille  et  de  Bornay,  appartient  au  domaine 
de  dze. 

1.   Cf.   Doniol,  Les  Patois   de   la  Basse-Auvergne,  Paris  et 
Montpellier,  1877,  p.  37. 


20  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Saône-et-Loire  :  l'arr.  de  Louhans  presque  entier 
avec  Anthumes  (c.  de  Pierre),  Bosjean  (  c.  de  Saint- 
Germain-du-Bois).  Vérissey  et  laFrette  (c.  deMontrêt), 
Savigny  et  Sagy  (c.  de  Beaurepaire),  Ormes  (c.  de 
Cuisery);  à  Branges  (c.  de  Louhans), /e  se  réduit  à/. 
Au  sud  de  l'arr.,  à  la  Chapelle-Thècle  et  à  Miroir,  on 
dit  d::é). —  L'arr.  de  Chalon  en  entier:  Navilly  (c.  de 
Verdun),  Saint-Germain-du-Plain,  Marcilly  (c.  de 
Buxy,  Mercurey  (c.  de  Givry)  ;  Sevrey  et  Sassenay  (c. 
de  Chalon)  ;ye  se  réduit  àjà  Saint-Vallier  (c.  de  Mont- 
ceau-les-Mines),  à  Saint-Eusèbe  (c.  de  Mont-Saint- 
Vincent),  à  Sennecey-le-Grand,à  Saint-Jean-de-Vaux 
(c.  de  Givry);  et  quelquefois  aussi  à  Fontaines  (c.  de 
Chagny).  Plus  au  Nord,  près  du  Morvan,à  Demigny 
(c.  de  Chagny)  et  dans  la  vallée  delà  Saône  jusqu'à 
Chalon,  on  trouvej  et  plus  souvent  i,  —  Dans  l'arr. 
d'Autun  :  Issy-l'Évêque  et  Saint-Bérain  (c.  de  Mont- 
cenis)  o\\  je  se  réduit  à  y,' à  Charbonnet-sur-Arroux 
(c.  de  Mesvres),  on  trouve  à  la  fois  j,  je  et  jse;  au 
nord  de  l'arr.,  je  cède  la  place  ki.  —  Arr.  de  Ma- 
çon :  quelques  communes  seulement  aus  environs 
de  Mâcon  se  servent  du  pronom  je:  Solutré  (c  de 
Mâcon  sud),  Saint-Sorlin  et  Saint-Martin-de-Sénozan 
(c.  de  Mâcon  nord),  Clessé  (c.  de  Lugny),  la  Truchère 
(c.  de  Tournus).  A  Malay  (c.  de  Saint-Gengoux),  où 
l'on  trouve  à  la  fois  t,j  et  d^,  et  à  Sainte-Cécile  (c.  de 
Cluny)  où  je  et  dze  coexistent,  on  atteint  à  l'ouest  et 
au  sud  le  domaine  de  dze. —  Arr.  de  CharoUes  :  on 
n'y  trouve  j  qu'au  nord  et  à  l'ouest,  à  Col  longes  et  à 
Joncy  (c.  de  la  Guichej,  à  Oudry  (c.  de  Palinges),  à 
Curdin  et  à  Rigny  (c.  de  Gueugnon),  aus  Guerreaux 
et  à  Saint-Agnan  (c.  de  Digom),  à  Bourbon-Lancy  et 
à  Toulon-sur- Arroux;  et  je  à  Neuvy-Granchamp  (c. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  21 

de  Gueugnon)  et  à  Saint-Agnan-sur-Loire.  Le  sud  et 
l'est  appartiennent  au  domaine  de  dze. 

Loire  :  arr.  de  Roanne:  Saint-Rirand  et  Saint- 
Haon  (c.  de  Saint-Haon).  Champolyet  Juré(c.  de  Saint- 
Just-en-Chevalet)  sur  la  rive  gauche  de  la  Loire;  sur 

la  rive  droite  on  dit  d::e  ;  toutefois  à  Saint-C3^r-de- 
Favières  (arr.  de  Saint-Symphorien-de-Layj  on  trouve 
à  la  fois  :2e  et  je,  et  àBelmont  je  et  dze. —  Arr.  de 
Montbrison:  Saint-Didier-sur-Rochefort  (c.  de  Noiré- 
table,  Ailleux  (c.  de  Boën),  Essertines  en  Donzy  (c. 
de  Feurs),  Viricelles(c.  de  Saint-Galmier),  Moingt(c.  de 
Montbrison).  Il  faut  y  ajouter  d'après  les  textes  cités 
par  Gras,  Montbrison  [Dict.  du  pat.  forez.,  p.  234), 
Boisset(  ibid.,  p.  251),  et  d'une  façon  générale  les 
patois  de  la  plaine  {ibid.,  p.  237,  248).  Tout  cà  fait  au 
sud,  à  Chanibles,  Rozier,  Estivareille,  on  dit  ou  etyou. 
—  Arr.  de  Saint-Étienne:  la  Fouillouse  (c.  de  Saint- 
Héand),  Saint-Cliamond  et  Izieux  (c.  de  Saint-Cha- 
mond),   Firminy  (c.   du  C'hambon)  et  Saint-Étienne \ 

Rhône  :  Tarr.  de  Villefranche  ne  semble  pas  connaître 
la  forme  je,  mais  seulement  dze.  En  revanche,  dans 
l'arr.  de  Lyon,  on  n'emploie  guère  que  je.  11  nous  est 
signalé  à  Longes  (c.  de  Condrieu),  et  dans  le  canton  de 
Saint-Symphorien-sur-Coise  à  Grézieu-le-Marché  (cf. 
Bruyère,  N'oies  sur  le  patois  de  Grézieu  in  Rev .  de 
Phi/.,  VIÏ,  284).  Il  faut  y  joindre,  d'après  Nizier  du 
Puistpelu,  Saint-Symphorien-sur-Coise  (Co/2^e  en  pa- 
tois lyonnais  in  Rev.  des  Pat.  1,107  sqq.)  et  Mornant 
{Rev. des  Pat.  II 145).  Le  même  auteur,  dans  son  Dic- 

1.  Gras  donne  encore  les  formes  y o?i  etji:Ji  se  trouve  dans  le 
fragment  du  Ballet  for  è^ien  (XVP  siècle),  qu'il  cite  à  la  page  253, 
et  dans  la  fable  du  Loup  et  V Agneau  de  Linossier  (p.  258).  Au- 
cun de  nos  correspondants  ne  signale  ces  formes. 


22  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

tionnaire  éty  moloatque  du  Patois  lyonnais,^,  ex.  sqq., 
donne  comme  formes  actuelles  y  e  proclitique  et^a  en- 
clitique, au  XH'®  siècle,  jo  Qtjù  proclitique^  jo  et 
Jou  enclitiques. 

Isère:  arr.  de  Vienne:  je  n'en  occupe  que  la  lisière 
sud  et  sud-ouest  avec  les  Côtes-d'Arey  (c.  de  Vienne 
sud),  Saint-I\laurice-de-rExil(c.  de  Roussillon;  d'après 
Rivière,  Azotes  sur  le  langage  de  S^-AI.  in  Reo.  des 
Pat.,  11^274),  le  Péage-de-Roussillon(c.  de  Roussillon), 
Beaurepaire  et  Revel  (c.  de  Beaurepaire)  et  la  Côte- 
Saint-André.  —  Arr.  de  Saint-Marcellin  presque  entier: 
Sillans  et  Saint-Michel-de-Saint-Geoirs  (c.  de  Saint- 
Étienne-de-Saint-Geoirs),  la  Forteresse  et  Saint- 
Paul-d'Izeaux  (c.  de  Tullins)\  Nous  avons  vu  qu'à 
Saint-Bonnet-de-CLiavagne,  on  disait  plutôt  yé  Non 
loin  de  là,  à  Textrémité  nord  de  la  Drôme,  on 
trouve  encore  quelques  communes  de  la  vallée  de 
risère  qui  appartiennent  au  domaine  de  Je:  Saint- 
Bonnet-de-Valclérieux  (c.  du  Grand-Serre),  Saint- 
Donat,Bourg-du-Péage,Chàtillon-Saint-JeanetTriors 
(c.  de  Romans)  où  le  pron.  sujet  est  souvent  aussi 
supprimé.  —  Arr.  de  Grenoble,  Noyarey  (c.  de 
Sassenage),  Voreppe  (c  de  Voiron),  le  Sappey  (Gre- 
noble est),  Proveyzieux  (c.  de  Grenoble  nord),  la 
Terrasse  et  Saint-Hilaire  (c.  du  Touvet),  Bresson  (c. 
de  Grenoble  sud),  Saint-Ismier  (c.  de  Grenoble  est). 
A  Bernin  (Grenoble  est),  on  dit  plutôt  je,  noté  jet 
par  notre  correspondant.  Pour  la  Garde  (c  du  Bourg- 
d'Oisans),  notre  correspondant  donne^e,  mais  il  ajoute 
que  «  la  prononciation  de  je  est  très  adoucie  et  diffi- 

1.  D'après  M.  Devaux,  on  dit  /je  aus  environs  de  Vinay.  Mais 
nos  deus  coriespondanls  de  Vinay  s'accordent  à  supprimer  le 
pronona  sujet  de  la  1"  pers.  sing. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  23 

cile  à  traduire  )).  J'en  conclus  que  je  doit  se  rapprocher 
de  d;2e  ou  ze  qu'on  trouve  dans  le  même  canton  à 
Frénev-d'Oisans  et  à  Auris-en-Oisans. 

5°  La  forme  dje 

On  sait  que  la  forme  française  je  provient  d'une 
forme  plus  ancienne  dje,  dont  rélëment  dental  a  dis- 
paru.  Dje  s'est  conservé  dans  quelques-uns  de  nos  pa- 
tois. On  le  trouve,  en  général,  non  pas  isolé  à  Tintérieur 
du  domaine  d'une  autre  forme^  mais  dans  les  régions 
intermédiaires  qui  séparent  des  domaines  différents. 
C'est  ainsi  qu'on  dit  dje  à  Cormaranche  et  peut-être 
aussi  à  Corlier^  dans  le  c  d'Hauteville  (arr.  de  Belley, 
Ain),  tandis  qu'un  peu  plus  au  nord,  à  Corcelles,  Bré- 
nod,  Petit-Abergement,  on  dit  fe,  et  un  peu  plus  au 
sud  et  à  l'est,  de,  à  Rignieu-le-Franc,  Lagnieu,  Seyssel, 
et  dze  à  RufReu,  Sutrieu,  Fitignieu. 

Dje  a  persisté  encore  dans  le  Jura,  à  l'est  de  l'arr. 
de  Saint-Claude,  à  Longchaumois  et  peut-être  à  Bois- 
d'Amont-  (c.  de  Morez).  tandis  que  le  reste  de  l'arr. 
appartient  au  domaine  de  dze  et  le  pays  de  Gex  à  celui 
de  de. 

Dje  occupe  encore  une  situation  intermédiaire  entre 
je  et  dze  au  nord-est  de  l'arr.  de  Charolles,  à  Sivignon 
(c.  de  Saint-Bonnet-de-Joux).  Dj,  dit  notre  corres- 
pondant^ a  un  son  dous  et  se  prononce  rapidement, 
en  appuyant  le  bout  de  la  langue  contre  la  partie  posté- 
rieure du  palais  ;  il  correspont  à  tch. 

1.  Notre  correspondant  de  Corlier  écrit  j>,  mais  il  fait  remar- 
quer que  /e  ((  se  prononce  en  jetant  vivement  la  langue  entre  les 
dents,  de  façon  à  ne  laisser  passer  que  très  peu  d'air  ».  Il  s'agit 
évidemment  de  dje  ou  de  ^e. 

2.  Notre  correspondant  de  Bois-d'Amont  écvit  Jge,  sans  donner 
d'indications  sur  la  prononciation. 


24  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

On  trouve  encore  dje  au  nord-ouest  du  dép.  du 
Rhône,  à  Saint-Bonnet-de-Bruyères  (c.  de  Monsols); 
à  Pont-Trambouze  (c.  de  Tliizy),  les  deus  formes  dje 
et  r/ce coexistent.  — •  M.  Devaux  le  signale  encore  dans 
risèrc,à  Theys  (c.  de  Goncelin,  arr.  de  Grenoble),  entre 
je  (Bernin,  Saint-Ismier,  Sappey,  Saint-Hilaire,  la 
Terrasse)  et  dze  (Goncelin,  Pinsot,  Saint-Pierre- 
d'AUevard,  la  Buissière). 

Enfin  dje  s'est  maintenu  au  milieu  du  domaine  vos- 
gien  deje,  dans  une  partie  du  c.  de  Saint-Dié,  à  Fraize 
et  à  Plainfaing  (c.  de  Fraize). 

Q)""  La  forme  d^e 

Z)î/e  pourrait  être  la  forme  intermédiaire  par  laquelle 
aurait  passé  yo,  ye  issu  de  eo,  pour  aboutir  à  dje;  il 
est  plus  probable  que  d^e  a  servi  de  transition  entre 
dje  ou  dze  et  de.  C'est  en  effet  entre  le  domaine  de 
dje,  dze,  îe  d'une  part  et  le  domaine  de  de  d'autre  part 
que  nous  trouvons  la  forme  d^e.  Elle  nous  est  signalée 
dans  TAin,  arr.  de  Belley,  à  Hauteville:  notre  corres- 
pondant la  note  die.  On  la  trouve  encore  dans  le  même 
canton,  à  côté  de  dje,  à  Cormaranche. 

Un  peu  plus  au  sud,  à  Virieu,  où  nous  touchons 
déjà  au  domaine  de  de,  on  trouve  encore  d^e,  mais, 
comme  nous  le  fait  remarquer  notre  correspondant, 
la  mouillure  du  d  est  à  peine  sentie. 

Dans  la  région  où  l'on  dit  d'^e  h  la  1*^  pers.,  on  dit 
t^e  à  la 2"  pers.,  sans  que  les  deus  domaines  coïncident 
absolument,  celui  de  t^e  étant  un  peu  plus  étendu  et 
comprenant  des  localités  où  Ton  dit  ?e  à  la  V  pers.  Il 
est  probable  que  cette  forme  V^e  est  due  à  l'influence 
de  la  forme  d^e. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  25 

1^  Laforme  de  (d  devant  voyelle) 

Je  est  sorti  de  dje  par  suppression  de  l'élément 
dental  ;  si  c'est  Téléinent  spirant  qui  disparaît,  on  a 
la  forme  de.  Cette  forme  occupe  un  vaste  domaine, 
asez  bien  délimité,  qui  comprent  le  nord  de  l'Isère, 
les  Bombes,  une  partie  du  Bugey,  le  pays  de  Gex,  la 
plus  grande  partie  de  la  Savoie  et  de  la  Haute-Savoie. 
Ce  domaine  confine  à  celui  deye  au  sud,  et  au  sud-ouest, 
à  l'ouest  et  au  nord,  à  celui  de  ?e  e^  de  dze;  à  Test, 
il  atteint  presque  la  frontière  italienne,  où  Ton  trouve 

M.  Devaux,  dans  son  Essai  sur  la  langue  du  Dau- 
phiné  septentrional  au  Moyen  Age,  a  fixé  assez  nette- 
ment la  limite  méridionale  de  de  :  il  occupe^  dit-il, 
tout  l'ouest  du  département,  depuis  Saint-Pierre- 
de-Cbartreuse,  les  Écbelles,  Saint-Laurent-du-Pont, 
Saint-Josepb-de-Rivière,  la  lisière  sud  des  Terres- 
Froides  et  Pommier  (c.  de  Beaurepaire),  jusqu'à  Eyzin- 
Pinet,  Estrablin,  Villette-Serpaize  et  au  Rhône,  au 
nord  de  Vienne.  Nos  renseignements  concordent  avec 
les  siens.  On  nous  signale,  en  effet,  de  dans  l'arr.  de 
Vienne,  à  Meyzieu,  Jons  (c.  de  Meyzieu),  à  Roche 
(c.  de  la  Verpillère),  à  Saint-Pierre-de-Chandieu  et  à 
Saint-Georges-d'Espéranche  (c.  d'Heyrieux),  à  Ma- 
rennes,  Corbas  et  Chaponnay  (c.  de  Saint-Sympho- 
rien-d'Ozon),  à  Saint-Jean-de-Bournay^  à  Gillonnay, 
Commelle,  Faramans  et  Semons  (c.  de  la  Côte-Saint- 
André);  à  Pommier  (c.  de  Beaurepaire),  M.  Devaux 
donne  de  et  ze,  notre  correspondant  je.  En  tout  cas, 
de  n'atteint  pas  les  Côtes-d'Arey  (c.  de  Vienne  sud), 
Saint-Maurice-de-rExil  (d'après  Rivière,  in  Rev.  des 
Pat.,  II,  274),  le  Péage-de-Roussillon,  Revel,  Beaure- 


26  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

paire,  la  Côte-Saint-André,  où  l'on  dit  Je.  —  De  pé- 
nètre à  peine  dans  l'arr.  de  Saint-Marcellin,  où  on  ne 
le  signale  qu'à  Penol,  dans  le  c.  de  Saint-Étienne-de- 
Saint-Geoirs.  — En  revanche,  il  occupe  l'arrondisse- 
ment de  la  Tour-du-Pin  tout  entier'.  —  Dans  Tarr. 
de  Grenoble,  on  le  trouve  à  l'extrémité  nord-est,  sur 
les  frontières  de  la  Savoie,  à  Pontcharra  (c.  de  Gonce- 
lin).  et  à  Chapareillan  (c.  du  Touvet),  sous  la  forme  dé. 
Le  domaine  de  de  semble  être  limité  à  l'ouest  par  le 
Rhône;  mais  au  nord,  de  franchit  le  fleuve,  et  sans 
s'éloigner  beaucoup  de  ses  rives,  pénètre  dans  les 
Dombes  et  dans  le  Bugey  et  couvre  tout  le  pays  de  Gex. 
On  dit  de  au  sud  de  l'arr.  de  Trévoux,  à  Miribel  (c.  de 
Montluel),  à  Saint-Maurice-de-Gourdans  et  à  Bourg- 
Saint-Christophe  (c.  de  Meximieux),  dé  à  Faramans 
et  à  Rigneux-le-Franc  (c.  de  Meximieux).  Mais  déjà,  à 
Trévoux  et  à  Reyrieux,  on  trouve  ?e ;  Marlieux  où 
l'un  de  nos  deus  correspondants  donne  r'e  et  l'autre  de 
est  sur  la  limite  des  deus  domaines.  —  Dans  l'arr.  de 
Belley,  de  est  non  loin  du  Rhône,  à  Lagnieu,  à  Belley, 
à  Peyrieu  et  à  Cressin-Rochefort  (c.  de  Belley);  à  Cor- 
bonod  (c.  de  Seyssel),  il  se  réduit  à  d.  Mais  dès  qu'on 
s'éloigne  de  la  vallée  du  Rhône,  on  trouve  Je  à  Vaux, 
d^ej  dje  et  dse  dans  les  c.  de  Champagne  et  d'Haute- 
ville.  En  continuant  à  suivre  la  rive  droite  du  Rhône, 
on  rencontre  encore  de  à  Villes  et  à  Arlod  (c.  de  Châ- 
tillon-de-Michaille),  dans  l'arr.  de  Nantua,  et  dans 
l'arr.  de  Gex,  à  Challex  (c.  de  Collonges),  à  Thoiry  et 
à  Versonnex  (c.  de  Ferney),  à  Gex,  à  Vesancy  et  à 
Divonne  (c.  de  Gex).  Au  delà  de  la  frontière,  on  dit  de 
à  Commugny  près  Coppet  (d'après  \siParah.,  m  Bri- 
dai ,  G/oss.  du  pat.  de  la  Suisse  romande,  p.  459),  et 

1.  Voir  les  noms,  Rec.  de  Phil.,  XII,  p.  40. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  27 

aus  environs  de  Genève  (d'après  la  Para6.,  in  Mém, 
des  Anl.,  W,  540;  toutefois  Bridel,  p.  461,  donne  ^e). 
Dans  la  Haute-Savoie  et  dans  la  Savoie,  de  est  la 
forme  usuelle.  On  dit  de^  Thonon,  Margencel^  Anthy, 
Sciez,  Boëge  dans  Tarr.  de  Thonon;  de  à  Pers-Jussy 
(c.  de  Reignier),  dé  à  Andilly  (c  de  Cruseilles)  et  à 
Frangy  ;  de  à  Desingy  (c.  de  Seyssel),  dans  Tarr.  de 
Saint-Julien  ;  de  à  Meythet  (c.  d'Annecy  sud),  d  à 
Versonnex  (c.  de  Rumilly).  —  Dans  la  Savoie,  on 
trouve  de  à  Grésy-sur-lsère,  à  Grignon  et  à  Mercury- 
Gémilly  (c.  d'Albertville),  dans  l'arr.  d'Albertville;  dé 
et  û?  à  Saint-Girod  (c  d'Albens  )  et  à  Grésy-sur-Aix 
(c.  d'Aix-les-Bains),  de  à  Saint-Offenges-Dessous 
(c.  d'Aix-les-Bains),  à  Saint-Jean-d'Arvey  (c.  de  Cham- 
béry  nord)  et  à  Planaise  (c.  de  Montmélian),  dans 
l'arr.  de  Chambëry;  (ieàMontgilbertetàSaint-Georges- 
d'Hurtières(c.  d'Aiguebelle),  dans  l'arr.  de  Saint- Jean- 
de-Maurienne.  Les  renseignements  nous  font  défaut 
pour  la  partie  est  de  la  Maurienne;  mais  pour  laTaren- 
taise,  Pont  {Origines  du  Patois  de  la  Tarentaise,  Paris, 
1872)  ne  donne  que  ze  et  dze.  Notre  correspondant  de 
Séez  (c.  de  Bourg-Saint-Maurice),  ne  signale  aussi 
que  ^e.  Lee.  d'Abertville,  pour  lequel  Brachet  [Diction- 
naire du  Patois  savoyard)  donne  à  la  fois  de  et  ze, 
forme  la  limite  est  du  domaine  de  de.  De  même,  dans 
la  Haute-Saône,  de  n'atteint  pas  la  frontière  italienne, 
puisque  nous  trouvons  ze  aus  Houches  (c.  de  Chamo- 
nix);  dans  le  Valais,  on  dit  ye  et  yo^  d'après  Bridel,  à 
Sembranches,  Evoléna,  Vétroz,  Saint-Luc;  é  à  Vion- 
naz,  d'après  M.  Gilliéron  (Patois  de  la  commune  de 
Vionnaz). 


'^P  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

8°  La  forme  dze 

Sortie  de  co,  yo.  tout  comme  dje,  la  forme  dze 
occupe  trois  régions  assez  bien  délimitées  et  situées 
toutes  trois  entre  le  domaine  de  je  et  celui  de  de  ou 
de  re. 

La  première  comprent  la  majeure  partie  du  Jura,  où 
dze  =  ego  d'après  Monnier  (  Vocab.  de  la  langue  rus- 
tique et  pop.  du  Jura  in  Mérn.  des  Ant.,  V,  256);  c'est 
en  effet,  la  forme  donnée  dans  les  textes  qu'il  cite  de 
Saint-Claude,  de  Doniblans  (c.  de  Voiteur;  et  de  la 
Bresse.  Je  trouve  encore  tL^edans  le  Voyage  de  Tiénon 
Zaza  à  Paris  en  patois  de  Crans  (Reo.  de  Phil.^  IV, 
54).  et  nos  correspondants  nous  le  signalent  dans  le 
Grand  vaux,  partie  montagneuse  du  c.  de  Saint-Lau- 
rent (arr.  de  Saint-Claude)  ;  à  Bornay  (c.  de  Lons-le- 
Saunier),  à  Chille  et  à  Blye  (c.  de  Conliège),  dans  Tarr. 
de  Lons-le-Saunier;  à  Sirod  (c.  de  Cliampagnole), 
dans  l'arr.  de  Poligny.  Z)je  franchit  la  frontière  suisse 
et  pénètre  dans  le  canton  de  Vaud,  à  Marcliissy  (dis- 
trict d'Aubonne;  d'après  la  Parab.,  in  Bridel,  Gloss., 
457),  et  à  Sainte-Croix  (district  de  Grandson;  ibid., 
p.  466). 

En  avançant  vers  l'ouest,  nous  trouvons  dze  au  sud 
de  l'arr.  de  Louhans  (Saône-et-Loire),  à  Miroir  (c.  de 
Cuiseaux)  et  à  la  Chapelle-Thècle  (c.  de  Montpont), 
et  nous  entrons  dans  le  2®  domaine  de  dze,  qui  com- 
prent l'ouest  de  l'arr.  de  Mâcon,  l'est  et  le  sud  de 
celui  de  Charolles  dans  la  Saône-et-Loire,  l'arr.  entier 
de  Villefranche  dans  le  Rhône,  et  l'est  de  l'arr.  de 
Roanne  dans  la  Loire.  Dze  est  la  forme  la  plus  fré- 
quente dans  l'arr.  de  Mâcon,  sauf  dans  les  environs 
immédiats  de  Mâcon,  où  l'on  dit /e  (voir  plus  haut).  Le 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  29 

voisinage  de  je  se  fait  encore  sentir  à  Sainte-Cécile 
(c.  de  Clunv),  oixje  et  d:^e  coexistent,  à  Malay  (c  de 
Saint-Gengoiix),  où  Ton  emploie  y  devant  consonne: 
j  kôse  =1  je  parle,  et  dz  devant  voyelle  :  dz  enme  ^= 
j'aime.  Mais  dze  est  seul  usité  à  Sigy-le-Châtel  et  à 
Ameugny  (c.  de  Saint-Gengoux)^  à  Matour,  à  Chcânes 
et  à  Saint-Amour  (c.  de  la  Chapelle-de-Guinchay), 
dans  tout  le  c.  de  Tramayes,  à  Tramayes,  Saint-Léger, 
Saint-Pierre,  Germolles^  —  Dans  l'arr.  de  CharoUes, 
on  signale  dze  à  la  Guiche^  à  Saint-Raclio  (c.  de  la 
Clayette),  à  Bourg-le-Comte  (c.  de  Marcigny),  dans  le 

c.   de  Paray-le-Monial,  et  en  particulier  à  Vitry-en- 
CharoUaiss. 

Dans  le  Rhône,  on  trouve  dze  à  Trades,  Saint-Ma- 
mert,  Saint-Jacques,  dans  le  c.  de  Monsols,  mais(f/'e  à 
Saint-Bonnet-de-Bruvères,  dans  le  même  canton  ;  à 
Quincié  (c.  de  Beaujeu),  à  Saint-Lager,  Cercié,  Ode- 
nas,dans  le  c.  de  Belleville,  à  Vaux-sous-Montmelas  et 
à  Blacé  ,  dans  le  c.  de  V^illefranche,  à  Liergues  et  à 
Charnay,  dans  le  c.  d'Anse,  à  Chamelet  et  à  Létra, 
dans  le  c.  du  Bois-d'Oingt^  Dans  Tarr.  de  Lyon,  une 
seule  commune,  les  Chères  (c.  de  Limonest),  voisine 
d'ailleurs  de  l'arr.  de  Villefranche^  semble  connaître 
dze.  Dans  quelques  localités  dze  tent  à  changer  de 
degré  et  à  passer  à  tse,  comme  l'indiquent  les  graphies 
tse  et  tze  employées  par  nos  correspondants  des  Ar- 
dillats  {tse  seul),  de  Charentay  [tze  et  dze),  de  Saint- 
Vérand  {tse  et  tze).  On  a  déjà  vu  qu'àPont-Trambouze 

1.  Cf.  Combler,  Conte  populaire  en  patois  de  Gcrniollcs,  in 
Rev.  des  Pat./l,  134  sqq. 

2.  Cf.  d^o  dans  une  Chanson  en  patois  de  CharoUes,  in  Rets, 
de  Phil.,  III,  224. 

3.  Cf.  Gonnet,  Chans.  pop.  en  pat.  du  B.-d'O.,  in  Reu.  des 
Pat.,  I,  129. 


30  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

(c.  de  Thizy)  dze  et  dje  coexistent.  —  Il  faut  rattacher 
au  domaine  de  dze  Sainte-Colombe  (c.  de  Néronde), 
Fourneaux  (c.  de  Saint-Sympliorien-de-Lay),  Pouilly 
et  Nandax  (c.  de  Charlieu,)  dans  la  partie  de  farr.  de 
Roanne  qui  touche  au  dép.  du  Rhône,  et  Belmont  où 
la  graphie  tze  indique  sans  doute  une  prononciation 
intermédiaire  entre  tse  et  dze. 

Enfin  dze  se  présente  dans  l'Isère  dans  les  c.  de 
Goncelin  et  d'AUevard,  d'après  M.  Devaux.  C'est  en 
effet  la  forme  indiquée  par  nos  correspondants  de 
Saint-Pierre-d'Allevard,  Pinsot  (c.  d'AUevard)  et  la 
Buissière  (c  du  Touvet).  La  forme  dza  qu'on  trouve 
dans  rOisans,  à  Auris  et  au  Fréney,  n'est  sans  doute, 
comme  on  l'a  vu,  qu'une  combinaison  des  deus  formes 
dze  et  a,  toutes  deus  employées  comme  pronom  sujet 
de  la  l""^  pers.  Dze  s'est  maintenu  isolément  dans 
l'Isère,  à  Ternay  et  à  Izeaux,  d'après  M.  Devaux.  — 
D'après  Pont  {Origines  du  patois  de  la  Tarentaise, 
Paris,  1872).  on  dit  dze  dans  une  partie  de  la  Taren- 
taise, àlaGurraz,  p.  128,  Hautecour,  p.  131,  Bellentre^ 
p.  136,  et  ze  ailleurs,  zde  à  Beaufort^  Notre  corres- 
pondant de  Séez  donne  ze  pour  Séez,  en  faisant  re- 
marquer qu'on  dit  dze  dans  une  autre  partie  du  c.  de 
Bourg-Saint-Maurice.  —  Dze  est  isolé  dans  l'Ain,  arr. 
de  Belley,  à  Ruffieu,  à  Fitignieu  et  à  Sutrieu,  dans  le 
c.  de  Champagne*. 

1.  Cf.  Cornu,  Métathàse  de  ts  en  st  etdedz  en  ;^cZ,  in  Roma- 
nia,  VI,  447-449. 

2.  Cf.     F.  Pélen,    Modifications   de     la    tonique   en    patois 
bugyste,  in  Rec.  de  Phil.^  XI,  309  sqq.^  passim. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  31 

9°  Les  formes  ze,  zé,  zo 

Autant  la  réduction  de  dje  kje  est  fréquente,  autant 
est  rare  celle  de  dze  à  ze.  On  la  trouve  en  général  sur 
les  frontières  des  différents  domaines  de  dze,  à  Saint- 
Igny-de-Roche  (c.  de  Chauffailles),  au  sud-est  de  l'arr. 
de  Charolles,  dans  la  Saône-et-Loire,  et  non  loin  de  là, 
dans  la  Loire,  à  Saint-Haon  et  à  Côte-de-Renaison 
d'après  Gras  [Dict.  du  Pat.  forez.,  p.  263)  ;  notre  cor- 
respondant de  Saint-Haon  ne  donne  queye;  à  Saint- 
Cyr-de-Favières  (c.  de  Saint-Symphorien-de-Lay),  les 
deus  formes  ze  et  je  semblent  aussi  coexister.  —  Dans 
l'Ain,  on  trouve  ze  à  Petit-Abergement  (c.  deBrénod, 
arr.  de  Nantua),  et  à  Grand-Abergement  (d'après 
Chanson  en  patois  du  Grand-Abergement,  in  Rev. 
des  Pat. ,11,  290  sqq.),  sur  les  frontières  des  domaines 
de  dze{c.  de  Champagne),  de  de  (Villes,  Arlod),  et  de 
?e  (Corcelle,  Brénod).  —  Dans  la  Savoie,  de  et  ze 
coexistent  à  Albertville  d'après  Brachet  {Dict.  du  Pat. 
savoy.);  plus  à  l'est,  à  Séez  (c.  de  Bourg-Saint-Mau- 
rice), on  ne  trouve  que  ze  :  notre  correspondant  a  bien 
soin  de  faire  remarquer  qu'il  s'agit  du  z  français  et  non 
de  dze  qu'on  trouve  d'ailleurs  dans  une  autre  partie  du 
canton^  —  Enfin,  dans  l'Isère,  ze  nous  est  signalé  à 
Moutaret^  dans  le  c.  d'AUevard,  où  d'ailleurs  dze  est 
plus  fréquent  (Pinsot,  Saint-Pierre-d'AUevard). 

10°  La  forme  ze 

Au  nord  et  à  l'ouest  du  département  de  l'Ain,  c'est- 
à-dire  dans  la  Bresse  et  une  partie  des  Dombes,  ego  a 

1.  Cf.  Possoz,  Chans.  en  pat.  de  Sèesj  in  Rev>.  des  Pat,, 
I,  226. 


32  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

donné  ^e.  L'interdentale  douce^  qui  caractérise  cette 
forme,  a  été  notée  de  bien  des  façons  différentes  par 
nos  correspondants,  mais  il  est  impossible  de  se  mé- 
prendre sur  sa  nature.  Tous  la  distinguent  nettement 
du  son  3  français,  en  attirant  l'attention  sur  la  position 
spéciale  occupée  par  la  langue  pour  la  production  de 
ce  f .  Quelques-uns  le  comparent  au  th  dous  anglais  et 
l'opposent  au  t/i  dur  qui  existe  aussi  dans  cette  région  ; 
ils  font  remarquer  que  pour  les  deus  sons  il  faut  placer 

le  bout  de  la  langue  enti'e  les  dents,  en  essayant  de 

prononcery  français  dans  le  1"  cas  et  ch  dans  le  2^\ 

L'arr.  de  Trévoux   se  partage  entre  les  formes  ^e  et 

de:  de  domine  au  sud  et  au  sud-est  (voir  plus  haut),  et 

1.  M.  Gaspard  de  Jotemps,  dans  la  préface  de  son  Étude  sur  le 
Patois  du  pays  de  Gex,  que  Ph.  Le  Duc  a  réunie  à  son  recueil  de 
Chansonset  Lettres patoises  bressanes<,buf/ej/siennes  etdombistes 
(Bourg,  1&81),  s'exprime  ainsi  :  «  J'ai  autrefois  bien  étudié  le  pa- 
tois du  pays  de  Gex,  à  qui  je  devais  quelques  égards  pour  m'avoir 
mis  à  même,  pendant  mon  séjour  en  Angleterre,  d'être  un  peu 
moins  raillé  que  d'autres  Français  à  l'endroit  de  la  pronon- 
ciation des  ^/i  anglais...  On  se  ferait,  je  crois,  une  idée  plus  rap- 
prochée de  ces  deus  sortes  de  th,  en  imitant  le  défaut  de  pronon- 
ciation de  certains  enfants  qui  appuient  le  bout  de  la  langue 
contre  les  dents  de  la  mâchoire  supérieure,  en  l'engageant  un  peu 
entre  les  dents.  Si,  dans  cette  position,  on  cherche-à  émettre  le 
son  du  ^,  il  en  résulte  assez  approximativement  le  th  coté  D 
(th  dous),  tandis  qu'en  cherchant  à  fournir  le  son  du  C  on  obtient 
à  peu  près  le  th  coté  T  \tli  dur).  »  11  est  à  noter  d'ailleurs  que  ce 
th  dous  ne  se  rencontre  pas  dans  le  pays  de  Gex  dans  la  forme 
issue  de  ego  qui  est  partout  de.  Pour  l'étude  du  th  anglais  dans 
l'Ain,  les  textes  réunis  par  Ph.  Le  Duc  dans  ses  Chansons  et  ses 
Noëls  bressans  et  bugistes  (Bourg,  1845)  sont  de  peu  d'utilité,  à 
cause  de  l'incohérence  et  de  l'incertitude  de  ses  notations  gra- 
phiques. Il  déclare  lui-même,  dans  l'introduction  de  son  recueil 
de  chansons,  p.  16,  que:  «  le  son  correspondant  au  ch  français 
est  figuré  tantôt  par  c,  tantôt  par  te  ou.  t^  ;  celui  correspondant 
au  ^  ou  y  tantôt  par  ^,  tantôt  .par  d  et  quelquefois  par  d^.  Mais 
l'un  et  l'autre  seraient  plus  exactement  figurés  par  le  th  anglais.» 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  33 

?e  au  nord  et  au  nord-ouest,  à  Trévoux,  Reyrieux  (c. 
de  Trévoux),  à  Mogneneins  et  àlUiat  (c.de  Thoissey), 
à  Vonnas  et  àNeuville-les-Dames  (c.  de  Châtillon-sur- 
Chalaronne) .  A  Marlieux  (c.  de  Villars),  au  centre  de 
l'arr.,  un  correspondant  donne  de  et  un  autre  ?e,  ce  qui 
indique  la  limite  entre  les  deus  domaines.  A  Chavey- 
riat  (c.  de  Châtillon-sur-Chalaronne)  et  à  Baneins  (c. 
de  Saint -Trivier-sur-  Moignans),  nos  correspondants 
écriventye,  sans  fournir  d'indication  sur  la  prononciation 
mais  il  y  a  là  sans  doute  une  erreur,  attendu  que  les 
interdentales  qui  correspondent  au  th  dous  et  au  th 
dur  anglais  ne  sont  pas  inconnues  dans  ces  localités  et 
que  les  communes  environnantes  discutée  et  non  je. 
L'arr.  de  Bourg  est  tout  entier  acquis  à  la  forme  ?e^  ; 
Toutefois,  nos  correspondants  de  Saint-Jean-sur-Reys- 
souze  et  de  Lescheroux(c.  deSaint-Trivier-de-Courtes) 
écrivent  ^e  et  celui  de  Pont-d'Ain  ye,  sans  indication 
sur  la  prononciation  :  mais  «e  et  je  sont  bien  douteus 
dans  ces  régions.  Ajoutons  que  M.  Clédat  a  trouvé 
aussi  fe  àColigny,  et  tout  près  delà  dans  le  Jura,  à  Saint- 
Amours 

Dans  l'arr.  de  Nantua,  on  emploie  partout  la  forme 
?e\  sauf  au  sud-est,  à  Villes  et  à  Arlod,  non  loin  du 
pays  de  Gex  et  de  la  Savoie  où  domine  de. 

En  somme,  la  limite  du  domaine  de  ^e  à  Touest  suit 
la  Saône  ;  au  nord,  elle  suit  assez  exactement  la  fron- 
tière du  département,  en  englobant  toutefois  le  c.  de 

1.  Voir  les  noms,  Rev.  de  PhlL,  XII.  p.  34. 

2.  Voir  Revue  des  Patois,  î,  p.  161  sqq. 

3.  Voir  les  noms,  Rev.  de  PhiL,  XII,  p.  34.  Cf.  encore  même 
recueil,  III.  p.  128,  Fable  en  patois  bugej/sien  par  le  père  Fro- 
ment: le  pron.  de  la  1"  pers.  est  noté  ^/?  ,  et  Philippon,  Patois 
de  la  commune  de  Jujurieiix  (Paris,  1892),  qui  donne  .~o,  ,-, 
p.  39. 

REVUE   DE  PHILOLOGIE,   XIII  3 


34  REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Saint-Amour  au  sud-ouest  du  Jura  ;  à  Test,  elle  se  con- 
font  avec  la  limite  du  pays  de  Gex.  Au  sud,  elle  pour- 
rait être  figurée  par  une  ligne  qui,  partant  de  Trévoux, 
irait  du  sud-ouest  ou  nord-est  du  dép.,  en  passant 
par  Reyrieux,  Marlieux.  Druillat,  Corcelle.  Brénod  et 
Saint-Germain-de-Joux.  L'étendue  relativement  consi- 
dérable du  domaine  de  fe,  ne  permet  guère  d'adopter 
l'hypothèse  de  M.  Meyer-Lùbke  (Gramma//'e  des  L. 
rom.,  I,  p.  350-351\  qui  voudrait  voir  dans  Tinterden- 
tale  f,  non  pas  «  une  modification  de  (h  ou  de  ^,  mais 
plutôt  une  fausse  prononciation  du  dz  dans  la  bouche 
de  gens  qui  ne  connaissent  pas  le  dz  et  qui  veulent 
remplacer  leur  g  par  le  dz  de  leurs  voisins  » . 

II.  —  LES  FORMES  TONIQUES 

Les  formes  toniques  se  trouvent  au  sud  de  la  région 
qui  nous  occupe  :  comme  le  pronom  sujet  y  est  rare- 
ment exprimé  devant  le  verbe,  elles  n'ont  pas  subi  le 
même  affaiblissement  que  les  formes  françaises  en  po- 
sition proclitique.  Toutefois,  elles  présentent  des  va- 
riantes assez  nombreuses^  dues  surtout  aus  modifica- 
tions postérieures  de  la  voyelle  tonique  et  quelquefois 
aussi  au  déplacement  de  l'accent. 

1°  La  forme  yèw 

La  forme  yèw,  qui  dérive  régulièrement  de  eo  accen- 
tué sur  e,  est  la  forme  la  plus  employée  dans  le  Velay, 
le  Vivarais  et  le  sud  du  Dauphiné.  Elle  nous  est  si- 
gnalée dans  les  communes  suivantes: 

Haute-Loi FiE  :  Pinols  dans  l'arr.  de  Brioude  ; 
Saugues,  Cayres,  le  Monastier,  Freycenet-Latour  (c. 
du Monastier);  Fay-le-Froid,  Saint-Hostien  (c.  de  Saint- 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  35 

Julien-Chapteuil),  dans  Tarr.  du  Puy;  Saint-Voy  et  le 
Chambon-de-Tence  (c.  de  Tence),  dans  Tarr.  d'Yssin- 
geaux.  Il  faut  y  ajouter  le  Puy,  d'après  de  Vinols 
(  Vocab.pat.  vellaoien  fr.^otc.)  et  Saint-Pierre-Eynac, 
d'après  V.  Smith  {Noëls  du  Velay,  in  Rom.,  VIII, 
414). 

Ardèche:  Béage  (c.  de  Montpezat),  Coucouron,  Jau- 
jac  (c.  de  Thueyts),  Lablachère  etPayzac  (c.  de  Joyeuse), 
Vallon,  dans  l'arr.  de  Largentière;  Devesset  (c.  de 
Saint-Agrève),le  Cheylard,  Saint- Victor  (c.  de  Saint- 
Félicien),  dans  Tarr.  de  Tournon  ;  Saint-Pierreville^ 
Baix  (c.  de  Chomërac),  Lavilledieu  (c.  de  Villeneuve- 
de-Berg),  Viviers,  Gras  (c.de  Bourg-Saint-Andéol),  dans 
l'arr.  de  Privas.  Cf.  la  Parab.  en  patois  de  Privas,  in 
Mém.  desAnt.,  VI,  515;  à  Gilhoc  (arr.  de  Tournon, 
c.  de  la  Mastre),  d'après  Clugnet,  on  àHyèiv  ou  mi. 

DrÔxMe  :  Suze-la- Rousse  (c.  de  Saint-Paul-T rois- 
Châteaux),  Taulignan  (c.  de  Grignan),  Sauzot  (c.  de 
Marsanne),  dans  l'arr.  de  Montélimar  ;  dans  l'arr.  de 
Nyons,  Nyons  (d'après  Parab.,  inAIém.  des  Ant.,Yl, 
530)  et  le  Buis  [ibid.,  531). 

Hautes-Alpes  :  Ribeyret  (c.  de  Rosans),  Rosans, 
Orpierre,  Laragne^   Ribiais,  Aspres^  Veynes,  Serres. 

2**  La  forme  yow 

Fèïc  peut  passer  facilement  à  ?/otc  par  assimilation  de 
la  voyelle  tonique  à  la  semi-voyelle  qui  suit.  Nous 
trouvons  yow  à  coté  de  yéw  à  Sauzet  (c.  de  Marsanne, 
arr.  de  Montélimar;  et  à  Die,  d'après  les  Poésies  diverses 
d'Auguste  Boissier.  in  Revue  desL.rom.,i.  Xlll  de  la 
collection,  p.  221  sqq.  Au  Puy,  la  Parabole  publiée  dans 
les  Mém.  des  A nt.,  VI,  544,  donne  aussi  ^oto. 


36  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

3°  Les  for  mes  yà-w,  yo 

Signalée  dans  l'Ardèche,  à  la  Chapelle -sous-Cha- 
néac  (c  de  Saint-Martin-de-Valamas)  et  à  Boffres  (c. 
de  Vernoux),  dansTarr.  de  Tournon,  elle  n'est  sans 
doute  qu'un  renforcement  de  yow . 

M.  Chabaneau signale  la  forme  yo  à  Limoges  [Gram- 
nmire  limousine,  p.  174)  et  la  considère  comme  une 
réduction  de  yaw.  Nous  trouvons  yo  dans  l'Isère,  à 
Mens  (arr.  de  Grenoble)^  dans  l'Ardèche,  à  Sainte-Eu- 
lalie  (d'après  Smith,  Chansons  de  quête  et  de  mai  du 
Forez  et  du  Velay,  in  Rom.,  II,  465  sqq.  .  dans  la 
Loire,  à  Saint-Jean-Soleymieux^  d'après  Gras(Z)ïd.  du 
Pat.  forez.,  p.  220). 

A""  Les  formes  yèi,  yéw,  yéu  (eu  français) 

A  Frugières-le-Pin  (c.  de  Paulhaguet)et  à  Lavoûte- 
Chilhac,  dans  la  Haute-Loire  (arr.  de  Brioude),  yèw 
est  passé  à  yèi  par  assimilation  de  la  semi-voyelle  w 
de  la  diphtongue  descendante  èw  à  Tyod  initial,  ou 
par  l'intermédiaire  de  la  forme  yèw  [ïb  =  u  français 
semi-voyelle)  que  l'on  trouve  dans  la  même  région,  à  la 
Chaise-Dieu  ^  De  yèib  est  sans  doute  aussi  sortie  la 
forme  yew  (ew  français)  qu'on  trouve  au  nord  de  l'arr. 
du  Puy,à  Craponne,  au  sud  de  la  Loire,  d'après  Gras, 
à  Usson  (Dict.  du  Pat.  forcez.,  p.  205),  réduite  à  ?/e  à 
Jonzieu  (ihid.,  p.  228 j,  et  dans  la  Limagne,  d'après 
Doniol  (Les  Patois  de  la  Basse-Auvergne,^.  23). 

1.  Cf.  yèit  à    Saint-Didier-la-Séauve   et   à  Polignac,  d'après 
Smith  :  Noëls  du  Velay  et  du  Fore:;^  in    Rom. y  VIII,  420,  421. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  37 

5°  La  forme  you(ou  français) 

You  dérive  sans  doute  de  i/ow  par  déplacement 
d'accent.  On  trouve  en  effet  you  dans  les  mêmes 
régions  que  (/ow  et  yèw.  Dans  le  Velay,  yèw  et  you 
coexistent\  You  nous  est  signalé  en  particulier  à 
Pradelles,  au  sud  de  l'arr.  du  Puy,  à  la  Chapelle- 
d'Aurec  (c.  de  Monistrol),  au  nord  de  l'arr.  d'Yssin- 
geaux,  et  à  Vorey,  d'après  Smith,  A^oë/s,  etc.,  in  Rom., 
VIII,  414.  Au  domaine  vellave  de  you,  il  faut  rat- 
tacher, au  sud  de  la  Loire,  Estivareille  et  Rozier  (c.  de 
Saint-Bonnet-le-Château). 

Dans  la  Drôme,  on  dit  ^ow  à  Baume-de-Transit  (c. 
de    Saint-Paul-Trois-Châteaux),  à   Montjoux    (c.    de 

1.  Yèw  chez  de  Y  mois,  Vocabul.  pat. -vellainen-fr.,  etc.,  le  Puy, 
1891,  et //Oïi  chez  Deribier  de  CheisfiSLC,  Description  statistique 
de  la  Haute-Loire,  Paris  et  le  Puy,  1824.  Nous  trouvons  ièou 
(=i/èu'),  dans  les  Bourrées  du  Velay pour  piano  par  M.F.L.  T. 
(Paris,  Benoît^  s.  d.),et  dans  les  poésies  populaires  recueillies  par 
M.  de  Vinols;  iaù  ou  iaiï  {=[iàw),  dans  les  comédies  de  l'abbé 
Giban,  Les  Habitants  du  Puij  en  guerre  acec  les  Habitants 
d'Espalji,  1864,  et  l'Icrogne,  1864;  ijeou  {=i/èic),  vers  1830  dans 
une  pièce  de  vers  adressée  par  H.  de  Morgues  à  M.  de  Saint- 
G(ermain),  in  Le  Velaj/,  Fleurs  des  montagnes  (le  Puy,  1868). 
Au  XVIIP  siècle,  Antoine  Clet  se  sert  de  iau  (=yàir)dans  ses 
deus  comédies,  Le  Sermon  manqué,  1749,  et  Monsieur  Lambert^ 
1757.  Au  XVIP  siècle,  on  trouve  //6';<  (=sans  doute //éir)  dans 
les  Noëls  de  Cordât^  publiés  par  l'abbé  Payrard  en  1876.  Au 
XVP  siècle,  Claude  Doleson  se  sert  de  hieu,  hiou,  lou  (sans 
doute  yèœ  et  yow)  dans  son  Mister e  représenté  en  1518  et  con- 
servé par  l'annaliste  Médicis.  Les  nombreus  textes  en  langue 
vulgaire  du  XIV'  et  du  XV'  siècle  que  cite  Médicis,  ne  ren- 
ferment pas  le  pron.  de  la  T"  pers.  Cf.  Chroniques  de  Médicis, 
publiées  par  A.  Chassaing,  le  Puy,  2  vol.,  1869  et  1874.  Il 
faut  remonter  jusqu'au  XIP  siècle  pour  trouver  eu=ego  dans 
une  charte  en  langue  vulgaire  de  1170,  publiée  par  A.  Chassaing, 
dans  son  Cartulaire  des  Templiers  du  Puy,  Paris,  1882,  p.  1, 
charte  I. 


38  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Dieulefit),  dans  l'arr.  de  Montélimar;  à  Bouvières 
(c.  de  BoLirdeaux),  a  Menglon  (c.  de  Châtillon),  et 
aussi  à  Die,  d'après  la  Parab.,  in  Môm.  des  Ant.,  VI, 
532,  dans  l'arr.  de  Die. 

On  trouve  encore  ?/oïi  dans  la  partie  de  l'Isère  et 
des  Hautes-Alpes  qui  touche  à  l'arr.  de  Die  :  à  Cor- 
nillon,  dans  le  c.  de  Mens  (cf.  yo  à  Mens  même);  dans 
l'arr.  de  Gap,  à  Aspres,  Barcillonnette,  Saint-Julien- 
en-Beaucliêne  (c.  d'Aspres),  à  Gap,  d'après  la  Parab. 
(Mém.des  Ant.,  VI,  533);  enfin  à  Embrun,  d'après 
Chabrand  et  de  Rochas  d'Aiglun  (Patois  des  Alpes 
Cottiennes,  p.  157),  au  Queyras  et  dans  la  vallée  de 
Barcelonnette  [ibid.,  158). 

III.  —  EMPLOI    DE    LA    FORME    TONIQUE   DE   l'aCCUSATIF 

AU    CAS    SUJET 

Dans  les  phrases  comme  moi  je  pleure,  où  le  sujet 
est  exprimé  deus  fois,  moi  est  une  forme  d'accusatif, 
qui  joue  le  rôle  d'un  nominatif;  dans  ce  cas,  moi 
supplée  en  français  à  l'absence  de  la  forme  tonique 
issue  de  ego  qui  a  disparu.  Tel  est  l'usage,  d'aprçs 
M.  Meyer-Lûbke,  sur  le  domaine  français,  dans  la 
Champagne  orientale,  en  Dauphiné,  dans  les  dialectes 
vaudois  et  dans  l'Italie  supérieure.  Dans  notre  région, 
l'usage  français  s'est  introduit  là  où  les  formes  atones 
de  erjo  ont  seules  persisté,  c'est-à-dire  sur  le  territoire 
qui  s  etent  depuis  les  Vosges  jusqu'au  sud  de  la  Loire 
et  de  l'Isère;  le  pronom  sujet  étant  de  rigueur  avant 
le  verbe,  on  a,  comme  en  français,  un  double  sujet  : 
une  forme  absolue,  issue  de  me  ou  de  milii,  et  une 
forme  proclitique  issue  de  ego.  Mais  au  sud  de  notre 
région,  où  ce  sont  les  formes  toniques  de  ego  qui  ont 
persisté,  tandis  que  les  formes  atones  ont  disparu,  on 


LES  PATOIS  DE  LA  REGION  LYONNAISE         39 

ne  trouve  pas  cet  emploi  singulier  d'un  accusatif  pour 
un  nominatif;  toutes  les  fois  donc  que  le  sujet  est 
exprimé,  c'est  la  forme  tonique  de  ego,  qui  est  em- 
ployée. Il  y  a  cependant  quelques  cas  intéressants  à 
étudier. 

L'abbé  Moutier,  dans  sa  Grammawe  dauphinoise 
(Montëlimar,  1882),  déclare  que  mi  est  employé  au 
cas  sujet  dans  la  vallée  de  la  Drôme,  c'est-à-dire  dans 
les  cantons  de  Die,  Luc,  Châtillon,  Saillans,  Crest 
et  Loriol.  Toutefois,  d'après  Boissier,  mi  et  y  ou 
coexistent  à  Die.  Dans  VArmacjna  Douphinen  de  1885, 
p.  68-70,  il  dit  encore:  «  Où  finit  le  ieu  provençal 
pour  faire  place  au  mi  gaulois?  précisément  là  où 
s'arrêtent  le  thym  et  la  lavande",  ))  et  un  peu  plus  loin  : 
«  A  ce  point  de  vue,  la  terre  dauphinoise  se  divise  en 
trois  grandes  parties:  \^bise,  le  milieu  et  le  verit.  La 
partie  du  sud  fait  retentir  son  iéu  jusqu'à  Loriol  et 
englobe  la  plus  grande  partie  du  pays  des  anciens 
Voconcos  et  Tricastins.  La  partie  du  milieu  dit  mi; 
elle  va  de  la  Drôme  à  l'Isère  et  s'étent  sur  le  terri- 
toire des  anciens  Ségalauniens.  Enfin  la  partie  du  nord 
bredouille  son  Je  à  la  mode  française  sur  les  terres 
des  anciens  Allobroges^  )>  Il  y  a  quelque  confusion 
dans  ce  passage  :  mi  est  bien  l'équivalent  exact  du 
yèw  provençal,  mais    non  dejé=je  qu'on  trouve  plus 

1.  C'est  au  contraire  l'inverse  qui  a  lieu;  corame  nous  le 
verrons,  les  formes  toniques  de  èijo  ont  supplanté  au  cas  régime 
des  formes  toniques  de  me. 

2.  Vount'eis  que  fenis  lou  ieu  prouvençau  per  far  plaço  au  mi 
gaulouas?  Juste  aqui  'vount  s'arrèstan  la  ferigouléto  elalevando. 

3.  Sus  quéu  regard  la  terro  doufinalo  se  despartajo  en  treis 
grandas  pias  :  la  biso,  lou  mitan  e  lou  vent. 

La  pio  de  Tadré  fai  trincalhar  (a)  soun  iéu  enjusco  à  Lau- 
riou,  e    eucesclio  la  méstro  part    dou    païs  dous  antiqueis  Vou- 


40  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

au  nord.  Dans  la  vallée  de  la  Bvàme,  je  parle  se  traduit 
par  par/ou,  sans  pronom  sujet;  moi,  Je  parle  par  mi 
parlou;  mi  correspont  au /^?or  français  et  non  au  pro- 
nom proclitique  je.  Ces  réserves  faites,  les  remarques 
de  l'abbé  Moutiers  sont  exactes.  Notre  correspondant 
de  Mirmande  (c.  de  Loriol)  donne  rni  pour  Mirmande 
et  les  communes  plus  au  nord,  yèw  pour  les  com- 
munes au  sud  de  Mirmande.  A  Touest,  mi  franchit  le 
Rhône  et  pénètre  dans  l'Ardèche  :  notre  correspondant 
de  Bolïres  (c.  de  Vernoux,  arr.  de  Tournon),  indique 
comme  pr.  suj.  l^*"  pers.  sing.  mi  ou  yàw,  et  mi  est 
quelquefois  employé  au  lieu  de  yèw  à  Gilhoc  (c.  de 
la  Mastre)^  d'après  Clugnet.  Glossaire  du  Patois  de 
Gilhoc  ^Paris^  1883). Enfin,  dans  la  Parabole  (in  Mém. 
des  Ant.,  VI,  p.  516),  moi,  je  meurs  de  faim  est  tra- 
duit par  mi  ou  meirou  defam,  à  Annonay. 

Dans  une  partie  de  l'Isère,  où  le  pronom  sujet  est 
toujours  exprimé  avant  le  verbe,  la  forme  de  Taccu- 
satif  a  bien  réellement  pris  la  place  du  pronom  sujet 
proclitique:  me,  mé  ou  mi  y  jouent  exactement  le  rôle 
de  je  français  et  non,  comme  dans  le  cas  précédent, 
celui  de  moi  {moi ^  je  pleuré) .  Tel  est  l'usage,  d'après 
M.  Devaux.  pour  les  cantons  de  Vizille  et  de  Pont- 
en-Royans.  On  nous  signale  en  effet  comme  pronom 
sujet  rue,  m  devant  voyelle  à  Champagnier,  Saint- 
Jean-de-Vaux,  Champ,  Vizille,  dans  le  c.  de  Vizille, 

counceis  et  Tricastins.  La  pio  d'entremitan  dis  :  mi;  val  de 
Droumo  a  l'Iséro  e  s'escampo  per  lou  terreire  dous  vieus  Séga- 
launis.  Enfin  la  pio  de  i'uba  barjaco(b)  soun  yé  à  la  modo  fran- 
cëso  e  majistèiosus  las  terras  dous  anciens  Âlebrogeis. 

a)  trincalhar  en  patois  de  Loriol  signifie  faire  du  bruit,  surtout  en 
parlant  de  la  vaisselle  et  des  objets  en  métal. 

b)  barjacar    (plus    exactement    bardjaca),  dérivé    de     bardja^=. 
parler,^ signifie  babiller,  bavarder. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  41 

mé,  m  à  la  Motte-d'Aveillans  et  à  la  Motte-Saint-Mar- 
tin^  dans  le  c.  de  la  MLire\  à  Livet-et-Gavet,  dans  le 
c.  de  Boiirg-d'Oisans,  mi  à  Presles-en-Royans,  dans 
le  c.  de  Pont-en-Royans,  et  tout  près  de  là,  dans  la 
Drôme,  à  la  Chapelle-en-Vercors.  Pour  les  Hautes- 
Alpes,  Chabraud  et  de  Rochas  d'Aiglun  signalent 
mi  à  côté  de  a  dans  le  BriançonnaisV  11  n'est  pas 
inutile  de  faire  remarquer  que  toutes  ces  communes 
se  trouvent  sur  la  limite  du  domaine  où  le  pronom 
sujet  est  nécessairement  exprimé  et  de  celui  où  ce 
pronom  est  sous-entendu  (voir  plus  haut);  de  là, 
riiypothèse  que  dans  ces  communes  le  pronom  sujet 
pouvait  autrefois  être  sous-entendu;  mais,  du  jour  où, 
pour  les  mêmes  raisons  qu'en  français,  il  fallut  l'ex- 
primer, comme  on  avait  laissé  perdre  la  forme  issue 
de  ego,  on  fut  obligé  d'avoir  recours  aus  formes  de 
l'accusatif,  toniques  ou  non  toniques. 

L.  ViGNON. 

1.  Dans  ces  deus  communes,  mè  n'est  pas  identique  à  la  forme 
tonique  de  l'accusatif  qui  est  mi;  de  même  à  Livet-et-Gavet^  dans 
rOisans. 

2.  La  forme  ma  qui  à  la  Voute-Chilhac  (Haute-Loire,  arr.  de 
Brioude),  peut  remplacer  yèœ,  et  qui  d'ailleurs  s'emploie  comme 
pronom  sujet  à  toutes  les  personnes,  au  sing.  et  au  plur.,  est- 
elle  sortie  de  me  latin?  C'est  bien  douteus. 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE^ 

Les  Emplois  de  TOUT 


ORIGINE  DE  LA  DOUBLE  VALEUR    DE    tOUt 

Un  adjectif  quelconque  joint  à  un  substantif  au  pluriel 
s'applique  à  tous  les  objets  compris  dans  la  pluralité.»  Il  con- 
sacre les /7e//e.s  journées  à  la  promenade.))  Toutes  les  journées 
dont  il  est  question  sont  belles.  ((  Il  consacre  des  journées 
entières  à  la  promenade.  »  Toutes  les  journées  sont  entières. 

Il  en  est  différemment  de  l'adjectif  ^ow^^et  aussi  de  l'adjectif 
quelque).  Toute  La  journée,  c'est  la  journée  entière^  on  a  là 
le  sens  étymologique  de  tota.  Mais  toutea  les  journées,  ce  ne 
sont  pas  les  journées  entières,  c'est  la  collection  entière  des 
journées;  l'adjectif  s'applique  non  pas  aus  objets,  mais  à 
cà  l'idée  collective  exprimée  par  le  pluriel.  Cette  particularité 
de  l'emploi  de  tout  se  rencontre  dès  le  latin  populaire  ;  on  en 
aun  exemple  du  VHP  siècle,  cite  par  Littré. 

Sur  ce  pluriel  de  ^ow^  s'est  greffé  un  nouveau  singulier. 
Quel  est  le  singulier  de  la  collection  entière  d'une  espèce 
d'objets?  C'est  chaque  objet  de  la  collection,  de  l'espèce. 
Le  singulier  tout  est  ainsi  arrivé  au  sens  de  «  chaque  »  ou 
de  ((  un  quel  qu'il  soit  »  :  Tout  moyen  lui  est  bon.  —  Il  le 
veut  à  tout  pris.  —  Toute  journée  est  bonne  à  qui  sait  l'em- 
ployer. —  De  tout  point. 

C'est  précisément  la  valeur  du  mot  latin  omnis^.  ((  Tout  )), 
qui  vient  de  totus,  a  donc  pris  en  plus  le  sens  d'omnis. 

1.  Nous  iniliquerons  par  le^  lettres  suivantes  les  noms  des  auteurs 
ausquels  nous  avons  emprunté  des  exemples  :  L  (dict.  de  Littré). 
D  dict.  ou  gramm.  de  Darmesteter),  E  (gramm.  d'Eiieune),  G  (dict. 
de  Godefroyj. 

2.  Ornne  tulit  punrtum,  etc. 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  43 

Tout   AU  SINGULIER  DEVANT  UN  SUBSTANTIF  INDÉTERMINÉ 

Le  sens  de  totus,  qui  est  le  sens  primitif,  s'est  particuliè- 
rement conservé  au  singulier,  puisque  c'est  au  pluriel  que  le 
nouveau  sens  a  pris  naissance.  La  nouvelle  valeur  ne  peut 
se  rencontrer  au  singulier  que  lorsque  le  substantif  singulier 
désigne  l'espèce  en  général,  c'est-à-dire  lorsque  aucun  ar- 
ticle, aucun  adjectif  possessif  ou  démonstratif  n'indique  ou 
n'exprime  la  détermination  d'un  objet  particulier  :  ((  Toute 
journée  »  =  omnis^ ,  mais  «  toute  une  journée,  toute  ma 
journée,  toute  cette  journée  »  =^  tota. 

Tout,  au  sens  de  totus,  peut  encore  qualifier  un  substantif 
indéterminé  singulier,  dans  les  locutions  adverbiales  telles 
que:  en  toute  conscience  (avec  une  conscience  entière),  en  toute 
justice,  de  tout  cœur,  avec  toute  raison,  à  toute  force  (dans 
à  tout  hasard,  on  a  au  contraire  le  sens  d'omnis],  en  tout 
bien,  tout  honneur,  de  toute  nécessité,  une  valeur  de  tout 
repos,  somme  toute,  à  toute  bride  (en  lâchant  la  bride  tout 

entière). 

Enfin  on  trouve  encore  tout  au  sens  de  totus  avec  un 

substantif   indéterminé   dans  les  locutions  telles  que  ((  pour 
toute  punition  »,  dont  nous  parlerons  plus  loin. 

Tout  VALANT    totus  AU  PLURIEL.  ORIGINE    DE    tOUt 

INVARIABLE 

D'autre  part,  le  sens  de  totus  n'a  pas  complètement  dis- 
paru du  pluriel.  Joint  à  un  adjectif  qui  qualifie  plusieurs 
objets,  tout  indique  encore  qu'il  s'agit  de  ces  objets  dans  teur 
entier  :  «  ces  deus  fillettes  sont  toutes  charmantes,  »  c'est-à- 
dire  que  l'une  comme  l'autre  est  toute  entière  charmante,  et 


1.  En  vieus  français,  un  substantif  déterminé  pouvait  n'être  pas 
précédé  de  Tarticle,  si  bien  que  toute  journée  pouvait  signifiera  toute 
Ici  journée.  »  Le  contexte  précisait  la  pensée.  On  trouve  encore  dans 
Corneille  (  L.)  : 

Il  vint  hier  de  Poitiers  et,  sans  faire  aucun  bruit, 
Chez  lui  paisiblement  a  dormi  toaZe  nuit. 


44  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

non  point  que  toutes  deus  sont  (également  charmantes.  Il  n'y 
a  pas  ici  de  doute  possible,  parce  qu'on  n'emploie  pas  tous  au 
sens  de  onuies  sauf  devant  les  noms  de  nombre  :  a  tous 
deus,  tous  trois^  «  ,  lorsqu'il  s'agit  d'un  petit  nombre  d'ob- 
jets. Mais  dans  beaucoup  de  cas,  le  contexte  seul  éclaire  le 
sens  :  <'  elles  sont  toutes  charmantes,  »  peut  signifier  «  toutes 
sont  charmantes  »,  omnes,  ou  ((  elles  sont  entièrement  char- 
mantes ».  totœ.  La  même  amphibologie  existait  pour  le 
masculin  pluriel,  lorsqu'on  écrivaitcomme  Corneille(Ze  Cid): 

Un  excès  de  plaisir  nous  rent  tous  languissants'. 

La  prononciation  offrait  un  moyen  d'éviter  cette  amphi- 
bologie. En  effet,  lorsque  tous  est  isolé  du  substantif  auquel 
il  se  rapporte,  on  fait  entendre  le  .s-  final  (comme  on  fait  enten- 
dre, dans  le  même  cas,  la  sifllante  finale  des  nombres  sis  et 
dis)  '■  «  tou(s)  les  hommes  »,  mais  «  ils  sont  venus  tous'  ».  On 
a  pu  utiliser  ces  deus  prononciations  pour  marquer  la  diffé- 
rence de  sens  de  tous  devant  un  adjectif,  en  faisant  ou  non 
entendre  s  final,  suivant  qu'on  avait  le  sens  de  o  m  nés  ou 
celui  de  toti.  Mais  on  est  allé  plus  loin,  en  considérant  tous= 
toti  comme  un  adverbe,  et  en  l'écrivant  invariablement  ^î^^, 
d'où  la  prononciation  ((  tou-t-émerveillés  »,  devant  un 
adjectif  commençant  par  une  voyelle.  Au  féminin,  le  chan- 
gement eût  été  trop  grand,  de  passer  de  toutes  belles  à  tout 
belles,  mais  on  a  supprimé  la  liaison  dans  toute(s,  aimables 
quand  toutes  vaut  totœ,  et,  par  suite  de  l'élisioh,  toute  s'est 
assimiléà  tout;  nous  écrivons  aujourd'hui  «  /oi<^  aimables  », 
qu'il  s'agisse  d'hommes  ou  de  femmes.  Mais  La  Bruyère  (L., 
rem.  4)  écrit  encore  :  a  Des  choses  toutes  opposées,  »  et 
Massillon  :  «  Des  tristesses  toutes  humaines.  » 

1.  Au  lieu  de  tous  les  deus,  tous  les  trois,  par  un  archaïsme  qui 
ne  s'est  conservé  qu'avec  les  premiers  nombres,  plus  employés  que 
les  autres.  Raoul  de  Cambrai  (E.,  p.  884)  :  «  Totes  cent  ardent.  » 

2.  Il  y  a  une  disiinciion  analogue  à  faire  pour  tout  au  singulier, 
lorsqu'il  accompagne  un  nom  coUeclif  :  l'auditoire  étant  pour  les 
auditeurs.  «  tout  l'auditoire  »  équivaut  à  «  tous  les  auditeurs.  »  Dès 
lors,  tout  l'auditoire  est  émti  =  tous  les  auditeurs  sont  émus  ;  mais 
«  l'auditoire  est  tout  ému  »  =  les  auditeurs  sont  tout  émus  (avec 
l'orthographe  actuelle). 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  45 

Au  singulier,  on  a  passé  bien  plus  facilement  encore,  dans 
récriture,  de  «  toute  aimable  »,  à  «  tout  aimable  »,  mais  il 
n'y  avait  aucune  raison  de  faire  ce  changement,  car  au 
singulier  tout  n'a  jamais  le  sens  de  omnis  dans  la  tournure 
qui  nous  occupe,  on  n'a  donc  pas  à  craindre  d'équivoque. 

Tout  DANS  ((   IL  EST  TOUT   CŒUR,   c'eST  TOUT  PROFIT    » 

Tout  s'emploie  avec  la  môme  valeur  dans  les  phrases 
telles  que  ((  il  est  tout  cœur  »,  c'est-à-dire  proprement  :  il  est 
tout  entier  cœur  (par  exagération^  Littré  (n^  34)  dit  que, 
dans  ce  cas,  tout  est  invariable,  même  lorsque  le  féminin  qui 
suit  commence  par  une  consonne.  Il  serait  donc  ici  essentiel- 
lement ad\erbe,  mais  c'est  une  illusion.  En  réalité,  tout  est 
adjectif,  et  s'accorde  naturellement  avec  le  sujet  et  non  pas 
avec  le  substantif  prédicat.  Ainsi  s'expliquent  tous  les 
exemples  cités  :  «  Pourquoi  ne  songez-vous  pas  que  Dieu 
est  tout  vue,  tout  ouïe,  tout  intelligence?  »  (Bossuet).  Il  est 
tout  entier  vue,  etc.  Tout  s'accorde  avec  le  sujet.  Chateau- 
briand :  ((  Mon  admirable  frère  est  tout  âme.  »  Il  est  tout 
entier  âme.  La  Fontaine  :  «  Le  diable  était  tout  yeus  et  tout 
oreilles.  »  Il  était  tout  entier  jeus  et  tout  entier  oreilles. 
Littréne  cite  pas  d'exemple  moderne  où  le  sujet  soit  féminin  ; 
mais,  en  parlant  d'une  femme,  il  faudrait  logiquement  dire 
et  écrire  :  «  Elle  est  toute  cœur,  elle  est  toute  yeus  et  toute 
oreilles.  » 

Ainsi  s'exprime  Ronsard  : 

Ma  maistresse  est  toute  angelette, . . . 
Toute  mon  gracieus  orgueil, . . . 
Toute  mon  cœur,   toute  mon  œil. 
Toute  mes  jeus  et  mes  blandices, . . . 
Toute  mon  tout,  toute  mon  rien. . . 
Toute  mon  mal,  toute  mon  bien. 
Toute  fiel,  toute  ma  sucrée, . . . 
Toute  mon  âme  et  tout  mon  cœur. 

Dans  le  dernier  vers,  tout  se  rapporte  au  prédicat,  elle  est 
non  pas  toute  entière  mon  cœur,  mais  ynon  cœur  tout  entier. 


46  REVUE    DE    PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

Au  pluriel,  toujours  pour  éviter  la  confusion  entre  tous  = 
omnea  et  ïous=  toti,  on  fait  instinctivement  tout  invariable 
dans  le  sens  de  totî  :  a  Dans  nos  souhaits  innocents,  nous 
désirions  être  tout  vue,  tout  odorat,  etc.  »  (Bernardin  de 
Saint-Pierre^.  D'autre  part,  et  sous  l'inlluence  d'une  attrac- 
tion, Molière  fait  accorder  tout  avec  le  substantif  prédicat; 
Valère  dit  à  Harpagon:  «  Vous  êtes  toute  raison.  »  C'est  par 
une  attraction  semblable  qu'on  a  pu  arriver  à  dire:  «  Elle  est 
tout  cœur.  » 

On  a  le  même  tout  s'appliquant  au  pronom  sujet  neutre 
ce,  lorsqu'on  dit  :  «  C'est  tout  profit,  »  c'est-à-dire  :  «  Cela 
est  tout  entier  profit.  »  Aujourd'hui  le  substantif  prédicat  ne 
peut  plus  être  au  pluriel,  sauf  dans  la  tournure  populaire  : 
«  C'est  tout  des  mensonges.  »  L'ancienne  langue  disait  : 
.((  Ce  sont  tous  mensonges  »,  en  faisant  accorder  par  attraction 
non  seulement  le  verbe,  mais  l'adjectif  tout  avec  le  subs- 
tantif prédicat  (et  en  même  temps  avec  l'idée  plurielle  que 
représente  le  neutre  ce; ces  récitsl.  Molière  (L-,  12")  dit  en- 
core : 

Ne  venez  pas  plus  loin  ; 
Ce  sont  toutes  façons  dont  je  n'ai  pas  besoin. 

Et  aussi,  avec  un  sujet  autre  que  le  pronom  neutre  : 

Ces  visites,  ces  hals^  ces  conrersations 
Sont  du  malin  esprit  toutes  inventions. 

Ce  qui  n'exprime  pas  la  même  nuance  d'idée  que:  «  Toutes 
ces  visites  sont  inventions  du  malin  esprit  »,  où.  toutes  ^= 
ornnes. 

Tout,  ainsi  joint  à  un  substantif  prédicat,  arrive  à  équi- 
valoir à  ne.,  .que^  :  ((  C'est  tout  profit,  ou  ce  n'est  que  pro- 
fit. »  On  l'a  dès  lors  employé  pour  renioveev  ne...que  : 

Sans  leur  aide  il  ne  peut  entrer  dans  les  esprits 
Que  tout  mal  et  toute  injustice. 

(La   Fontaine). 

1.  Au  pluriel,  on  peut  encore  le  traduire  par  autant  de  :  «  Ces 
visites  sont  toutes  inventions,  sont  autant  «/'inventions,  sont,  dans 
leur  intérj /'alité,  des  inventions,  ne  sont  pas  autre  chose  que  des  in- 
ventions. » 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  47 

Littré  cite  encore  un  autre  exemple,  mais  à  tort  :  «  Elle 
(la  Fortune)  est  prise  à  garant  de  toutes  aventures,  »  c'est-à- 
dire  de  toutes  les  aventures. 

VÉRITABLE  EMPLOI    ADVERBIAL  DE    tOUt    DANS     ((  TOUT  SEUL, 

TOUT    PRÈS   )) 

Lorsque  tout  accompagne  un  adjectif,  il  est  véritablement 
adverbe  quand  il  s'applique  à  l'adjectif  et  non  pas  au  substan- 
tif: ((  être  tout  seul,  »  ce  n'est  pas  être  tout  entier  seul,  mais 
être  «  entièrement  seul  )).  Autrement  dit,  l'intégralité  signi- 
fiée par  tout  est  tantôt  celle  de  la  qualité  exprimée  par 
l'adjectif,  tantôt  celle  de  l'objet  exprimé  par  le  substantif. 
Quand  on  est  a  tout  étonné  )),  on  n'est  pas  dans  l'étonnement 
entier,  on  est  tout  entier  dans  l'étonnement,  tandis  que,  lors- 
qu'on est  ((  tout  seul  »,  ce  n'est  pas  l'intégralité  de  la  per- 
sonne qui  est  seule,  mais  on  est  dans  l'entière  solitude.  Dans 
le  premier  cas,  on  peut,  à  la  rigueur,  ajouter  entier  à 
«  tout  »,  on  ne  le  peut  pas  dans  le  second  :  «  il  est  tout 
entiv^r  étonné,  heureus,  mouillé,  etc.  )),  mais  non  ((  il  est 
tout  entier  seul  ».  La  même  différence  existe  pour  l'emploi 
de  l'adverbe  entièrement;  comparez  «  il  est  entièrement 
mouillé  »   (dans  son   entier)  et  <(  il  est  entièrement  seul». 

C'est  ordinairement  l'intégralité  de  l'objet  qu'expriment  tout 
et  entièrement,  et  non  celle  de  la  qualité,  à  moins  qu'il  ne 
s'agisse  d'une  qualité  tout  à  fait  indépendante,  détachée  de 
l'objet  ^comme  la  solitude)  et  qui,  par  conséquent,  ne  peut 
pas  s'appliquer  à  toutou  partie  de  l'objet.  Lorsqu'on  dit: 
«  M.  X.  était  tout  désigné  pour  ce  poste,  »  l'idée  exprimée 
par  désigné  ne  peut  s'appliquer  à  tout  ou  partie  de  la  per- 
sonne, dès  lors  tout  ne  peut  qualifier  que  ((  désigné  »  :  abso- 
lument désigné. 

Avec  les  autres  adjectifs,  tout  marque  l'intégralité  de 
l'objet,  et,  si  l'on  veut  exprimer  l'intégralité  de  la  qua- 
lité, il  faut  employer  un  adverbe  tel  que  absolument  ou 
tout  à  fait.  Comparez  :  «  il  est  tout  étonné  »  et  «  il  est 
tout   à  fait   étonné,  »   Dans  le  premier  cas,  toute  sa  per- 


48  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

sonne  morale  est  étonnée;  dans  le  second,  il  est  au  comble 
de  l'étonnement.  Il  n'y  a  pas  de  différence  entre  les  deus 
expressions  quand  l'adjectif,  de  par  Pidée  qu'il  reni, 
s'applique  nécessairement  à  l'objet  entier  :  ((  il  est  tout  plein 
ou  tout  à  fait  plein.  »  De  même,  tout  entier  et  tout  à  fait 
entier. 

Tout  est  donc  proprement  un  adverbe  quand  il  qualifie 
vraiment  l'adjectif  auquel  il  est  joint;  mais  il  ne  s'en  accorde 
pas  moins  avec  cet  adjectif  (toujours  sous  les  mêmes 
réserves  pour  le  pluriel)  :  ((  Elle  est  toute  seule.  » 

Tout  est  encore  adverbe  lorsqu'il  s'applique  à  un  adverbe 
ou  à  une  locution  adverbiale  :  ((  Tout  près,  tout  court,  tout 
de  bon,  toutk  fait,  tout  à  coup,  tout  comme,  tout  d'un  coup, 
toutk  rheure\  tout  aussitôt,  etc.  »;  dans  l'ancienne  langue: 
«  tout  partout.  » 

Tout    EMPLOYÉ  COMME  PRONOM    ET   COMME  SUBSTANTIF 

Dans  «  ils  sont  tous  venus,  je  les  ai  tous  amenés  »,  tous 
est  adjectif  et  se  rapporte  aus  pronoms  ils  et  les.  Il  est  pro- 
nom quand  le  pronom  personnel  sujet  n'est  pas  exprimé,  ou 
après  les  prépositions  :  «  Tous  sont  venus,  j'ai  répondu  à 
tous.  »  Il  s'emploie  quelquefois  substantivement,  comme 
substantif  indéfini,  au  sens  de  tous  les  hommes  : 

Voltaire  (cité  par  Littré)  : 

Non,  ce  secret  terrible  est  de  tous  ignoré.  ' 

—    Tout   =   omnia,    peut    s'employer    au    neutre,     soit 

comme  pronom,  au  sens  de  toutes  les  choses  dont  on  vient 

de  parler,  soit  substantivement  au  sens  de  toute  chose  (ou 

par   figure,    par   exagération,    le    point    capital,    considéré 

comme  étant  tout). 

Pronom 
La  Fontaine  : 

Femmes,  moine,  vieillards,  tout  était  descendu. 

1.  Remarquons  que  «  à  l'heure,  »  sans  tout,  signifie  à  «  l'heure 
indiquée  ».  Précédée  de  iout^  la  même  locution  signifie  :  «  à  l'heure 
prochaine.  » 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  49 

Substantif  indéfini 

«  Il  se  moque  de  tout.  ~  Tout  est  là.  —  Il  est  fort  en  tout. 
—  Qui  peut  tout,  ose  tout,  etc.  » 

C'est  avec  ce  substantif  que  sont  formées  les  locutions 
adverbiales  aujourd'hui  soudées  :  par^ow^,  sur^ow^. 

—  Le  singulier  tout  =  totum  s'emploie  aussi  substantive- 
ment au  neutre,  mais  avec  un  sens  déterminé,  pour  désigner 
un  ensemble  :  a  Cela  forme  un  tout.  —  Le  tout  et  la  partie.» 
Lorsque  le  tout  représente  des  objets  précédemment  in- 
diqués, c'est  une  locution  pronominale  :  «  Il  a  emporté  le 
tout.  »  Ici  le  tout  se  distingue  peu  de  tout  pronom  sans 
article  :  «  Il  a  tout  emporté.  » 

Le  substantif  le  tout  ne  désigne  pas  seulement  la  totalité, 
mais  aussi,  comme  tout  sans  article,  le  point  capital  (consi- 
déré comme  le  tout  d'une  chose)  :  «  Le  tout  est  de  bien  com- 
prendre. » 

Tout  JOINT  A    LA  NÉGATION 

Le  substantif  le  tout  se  trouve  aussi  dans  la  locution  du 
tout  qui  signifie  proprement  :  en  ce  qui  concerne  le  tout, 
Vensemhle  des  pa?'ties,  dans  l'ensemble,  d'où  le  sens  de 
«  entièrement  »  : 

Bossuet(L.,  n°27)  :   «  Cela  est  du  tout  admirable.  » 

La  locution  adverbiale  du  tout  était  souvent  jointe  à  la 
négation,  ce  qui  donnait  le  sens  de  «  entièrement  non  »  ou 
celui  de  a  non  entièrement  ».  On  avait  donc,  soit  l'intégralité 
de  la  négation,  c'est-à-dire  une  négation  renforcée, —  et  c'est 
la  valeur  qui  s'est  conservée,  —  soit  la  négation  de  l'intégra- 
lité, c'est-à-dire  le  sens  de  «en  partie  seulement». 

Cela  nest  pas  du  tout  admirable  pouvait  donc  signifier  : 

Ou  bien  :  «  cela  est  entièrement  non  admirable,  »  c'est  le 
sens  actuel  (pour  préciser  le  sens,  on  disait  :    du  tout  point). 

Ou  bien  :  «  cela  est  admirable  non  entièrement j  cela  n'est 
pas  entièrement  admirable.  » 

D'ailleurs  ce  n'est  pas  seulement  la  locution  adverbiale 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  4 


50L  revue  de  philologie  française 

«  du  tout  »,  c'est  le  mot  ^o^i^  avec  ses  différentes  valeurs  qui 
peut  être  modifié  dans  sa  signification  par  la  négation  voi- 
sine :  ,  ,     , 

{(  Tout  le  pays  n'est  pas  fertile.  —  Ils  ne  sont  pas  tous 
venus.  — Tous  les  champignons  ne  sont  pas  vénéneus. — 
Tout  ce  qui  brille  n'est  pas  d'or.  —  Tout  n'est  pas  dit.  —  Il 
n'a  pas  convaincu  tout  le  monde.  » 

Dans  ces  différentes  phrases,  la  négation  porte  sur  tout, 
c'est  la  négation  de  la  totalité;  on  a  donc  le  sens  qui  est 
tombé  en  désuétude  pour  la  locution  «  ne...  pas  du  tout  ». 
On  veut  dire  que  le  pays  /l'est  pas  tout  entier  fertile,  qu'il 
ne  l'est  qu'en  partie,  qu'une  partie  seulement  des  champi- 
gnons sont  vénéneus,  etc.,  et  non  pas  que  le  pays  entier  est 
non  fertile,  que  tous  les  champignons  sont  non  vénéneus. 

Mais  pour  que  la  négation  porte  ainsi  sur  tout,  il  ne  faut 
pas  qu'elle  porte  nécessairement  sur  un  autre  mot.  Suppo- 
sons cette  phrase  :  «  Tout  le  pays  est  montagneus  et  n'est  pas 
fertile,  n  La  négation  ne  peut  pas  porter  sur  le  mot  tout,  qui 
n'est  pas  exprimé  dans  la  proposition  négative,  elle  s'ap- 
plique donc  à  l'adjectif  fertile  :  «  Tout  le  pays  est  monta- 
gneus et  non  fertile".  » 

Lorsque  la  négation  est  accompagnée  des  mots  :  guère; 
plus,  aucun,  elle  porte  naturellement  sur  ces  mots  qui  lui 
sont  intimement  liés,  et  ne  peut  plus  en  principe  modifier  le 
uïollout  s'il  se  trouve  dans  la  même  proposition  :  «  En  cette 
saison,  tous  les  fruits  n'ont  plus  de  saveur,  ou  n'ont  guère  de 
saveur,  ou  n'ont  aucune  saveur.  ))  Dans  ces  différentes  pro- 
positions, il  y  a  a  côté  de  l'idée  de  totalité  et  de  l'idée  néga- 
tive une  troisième  idée,  celle  de  plus  =  dorénavant,  celle  de 
guère  =  beaucoup,  ou  celle  de  aucune  ^=  quelque.  La  néga- 
tion s'appliquant  à  cette  troisième  idée  (non-dorénavant, 
non-beaucoup,  non-quelque  =  nulle),  laisse  la  première, 
l'idée  de  totalité,  intacte  \ 

1.  Toutefois,  dans  tout.,  .ne... [dus,  la  négation  peut  porter  sur 
tout,  et  «  plus  »  reste  avec  sa  valeur  propre  de  «  dorénavant,  encore». 
Exemple  :  <■  ils  ne  sont  pÙMS  toua  aussi  enthousiastes,  »  c'est-à-dire  : 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  51 

Théophile  Gautier  (L.,  rem.  10)  :  «  Tous  les  grands  pan- 
neaus  de  la  voûte  n'existent  yluè.   » 

Féuelon  :  «  Tous  les  métiers  languissent  et  ne  nourrissent 
/)/ws  les  ouvriers-  »  Ici  il  y  a  une  double  raison  pour  que  ne 
ne  porte  pas  sur  toaa,  qui  n'est  pas  exprimé  dans  la  même 
proposition. 

En  dehors  de  ce  cas,  la  négation  porte  ordinairement  sur 
tout,  mais  logiquement  elle  pourrait  aussi  bien  porter  sur  le 
verbe,  et  le  contexte  peut  indiquer  qu'il  en  est  ainsi.  Quand 
on  dit  :  «  Toute  vérité  n'est  pas  bonne  à  dire,  »  on  entent  : 
((  non-toute  vérité  est  bonne  à  dire,  »  par  conséquent  «  une 
partie  seulement  des  vérités  est  bonne  à  dire  ».  Mais  suppo- 
sons :  «  Toute  autre  vérité  n'est  pas  bonne  à  dire.  »  L'adjec- 
tif autre  peut  marquer  une  opposition  avec  certaines  vérités 
qui  sont  bonnes  à  dire,  tandis  que  les  autres  ne  le  sont  pas, 
la  négation  porte  dès  lors  sur  le  verbe  ou  sur  l'adjectif 
qui  l'accompagne,  et  tout  a  sa  pleine  valeur  :  «  On  ne  court 
aucun  risque  à  dire  les  vérités  qui  flattent.  Toute  autre 
vérité  n'est  pas  bonne  à  dire.  » 

De  même  :  «  Ce  ne  sont  pas  seulement  certaines  régions 
de  ce  pays  qui  sont  improductives,  tout  Ze  /ja//6*  n'est  pas 
fertile.  »  C'est-à-dire  a  aucune  partie  du  pays  n'est  fertile  », 
et  non  pas,  comme  tout  à  l'heure  :  «  une  partie  seulement 
du  pays  est  fertile.  » 

Pascal  L.,  rem.  9)  :  ((  Tout  ce  qui  n'est  pas  Dieu  ne 
peut  pas  remplir  mon  attente,  »  c'est-à-dire  :  «  toute  autre 
chose  que  Dieu,  n'importe  quelle  autre  chose  que  Dieu  ne 
peut  remplir  mon  attente,  »  et  non  pas  :  «  Une  partie  seule- 
ment de  ce  qui  n'est  pas  Dieu  peut  remplir  mon  attente.  » 

«Non  tous,  une  partie  seulement  d'entre  eus  sont  enroro  aussi  en- 
thousiastes. »  Ici  la  construction  précise  le  sens,  ailleurs  c'est  le 
contexte. 


52  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

AUTRES     PARTICULARITÉS     DE     l'eMPLOI     DE     tout 

TOUT  dans  les  locutiona  adverbiales  de  temps 

Littré  fait  un  numéro  spécial  pour  tout  formant  la  locution 
tous  les  jours  telle  qu'on  l'emploie  dans  :  «  Il  prent  un  bain 
tous  lesjours.  »  L'adjectif  tous  et  le  substantif  jours  ont  ce- 
pendant la'même  valeur  que  dans  a  tous  les  jours  se  valent  », 
mais  la  locution  «  tous  les  jours  »  est  employée  adverbiale- 
ment, comme  accusatif  circonstantiel,  dans  le  premier 
exemple.  Or.  les  adverbes  de  temps  peuvent  exprimer  une 
durée,  soit  pendant  toute  laquelle,  soii  à  un  moment  indéter- 
miné de  laquelle  se  fait  l'action.  Comparez  :  a:  «  Pierre  est 
parti  hier,  »  et  b:  «  Paul  s'est  reposé  hier.  »  Pierre  est  parti 
à  un  moment  d'hier,  et  Paul  s'est  reposé  pendant  tout  hier.  La 
différence  entre  le  sens  a  et  le  sens  b  provient  uniquement 
de  la  différence  des  idées  exprimées  par  les  deus  verbes. 

Une  locution  adverbiale  de  temps  oîi  tout  entre  au  singu- 
lier avec  la  valeur  de  totus  ne  peut  avoir  que  le  sens  6, 
puisque  tout  égale  alors  tout  entier:  ((  Il  a  dormi  toute  la 
nuit,  ))  c'est-à-dire  pendant  la  durée  entière  de  la  nuit.  Mais 
au  pluriel,  tous  les  jours,  tous  les  mois,  etc.,  peuvent  signi- 
fier logiquement  «à  un  moment  indéterminé  de  chaque  jour, 
de  chaque  mois»,  ou  «  pendant  tous  les  jours,  pendant  tous 
les  mois  ».  On  a  le  sens  a  dans  «  il  fait  tous  les  jours  sa  pro- 
menade ))  et  le  sens  b  dan^  «  il  se  repose  tous  les  jours  de  la 
semaine  »,  ou  dans  la  vieille  locution  tous  jours  devenue 
toujours.  Le  sens  ordinaire  est  le  sens  a. 

L'action  peut  se  reproduire  non  plus  chaque  jour,  mais 
chaque  semaine  ou  chaque  «  huit  jours  »,  non  plus  chaque 
mois,  mais  chaque  trimestre  ou  chaque  «  trois  mois  ».  On 
dit  donc  très  naturellement  «  tous  les  huit  jours,  tous  les  dis 
jours,  tous  les  deus  mois,  etc.,  »  aussi  bien  que  tous  les 
jours,  tous  les  mois.  Il  y  a  cependant  une  distinction  impor- 
tante à  faire. 

Lorsqu'on  parle  de  tous  les  jours,  de  toutes  les  semaines, 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  53 

de  tous  les  mois,  il  s'agit  de  jours,  de  semaines,  de  mois 
réels:  les  semaines  vont  du  dimanche  au  samedi,  les  mois  du 
l^'  au  30  ou  au  31.  Mais  ces  mots  peuvent  aussi  ôtre  em- 
ployés comme  mesures  de  temps  ;  une  semaine  peut  être  une 
période  de  temps  de  sept  joursj  pleins,  partant  de  n'importe 
quel  jour  de  la  semaine  réelle:  il  viendra  dans  une  semaine, 
c'est-à-dire  au  bout  de  sept  jours,  —  dans  un  mois,  c'est- 
à-dire  au  bout  de  trente  ou  trente-un  jours. 

Or,  quand  on  parle  non  plus  de  tous  les  jours,  etc.,  mais 
de  toutes  les  périodes  de  plusieurs  jours,  de  plusieurs  se- 
maines, de  plusieurs  mois,  à  moins  d'une  détermination,  il 
s'agit  toujours  du  jour-mesure,  de  la  semaine-mesure,  du 
mois-mesure.  Si  l'on  dit  :  «  il  est  payé  tous  les  trente 
jours,  »  il  s'agit  d'une  période  de  trente  jours  comptés  à 
partir  du  jour  du  premier  payement;  l'action,  le  payement 
doit  se  produire  chaque  fois  au  bout  de  trente  jours  et  non 
à  un  moment  indéterminé  de  cette  période,  sans  quoi  il 
n'y  aurait  plus  de  période  de  trente  jours.  On  ne  pourrait 
pas  dire:  «  Il  est  payé  tous  les  trente  jours,  tantôt  dans 
les  quinze  premiers,  tantôt  dans  les  quinze  derniers»,  tandis 
qu'on  peut  dire:  ((  Il  est  payé  tous  les  mois,  tantôt  au 
commencement,  tantôt  à  la  fin.  ))  On  peut  en  effet  être  payé 
chaque  mois  réel  de  l'année  sans  qu'il  y  ait  une  mesure  d'un 
mois  avant  chaque  payement. 

Les  mots  heure,  minute,  seconde,  quart  d'heure,  demi- 
heure  étant  essentiellement  des  mesures  de  temps,  que  l'on 
parle  de  toutes  les  heures,  tous  les  quarts  d'heure,  ou  de 
toutes  les  deus  heures,  toutes  les  trois  heures,  etc.,  il  faut 
que  les  répétitions  successives  de  l'action  soient  séparées  par 
la  longueur  de  temps  indiquée.  Quand  on  fait  une  chose  tous 

les  jours,  il  n'y  a  pas  nécessairement  un  jour  entier  entre  les 
répétitions  successives  de  l'acte,  mais  il  y  a  une  heure  entière 
quand  on  la  fait  toutes  les  heures. 

En  résumé,  dans  les  locutions  adverbiales  de  temps,  qui  se 
présentent  sous  forme  d'accusatif  circonstantiel,  l'adjectif 
tout  au  pluriel  marque  la  répétition  de  l'action  dans  cha- 


54  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

cune  des  périodes  indiquées  par  le  nom  de  temps  auquel  il  se 
rapporte.  Mais  quand  ce  nom  exprime  une  mesure,  les  répé- 
titions successives  sont  séparées  par  cette  mesure  même.  Or, 
le  nom  de  temps  exprime  une  mesure:  1"  quand  il  n'est  pas 
multiplié  par  un  nom  de  nombre,  2"  quand  il  est  par  essence 
un  nom  de  mesure  d'heure  et  ses  subdivisions). 

TOUT  équivalant  à  unique 

Lorsqu'on  dit  :  «  Tous  ses  regrets  sont  ou  tout  son  regret  est 
d'avoir  manqué  cette  occasion,  »  l'idée  est  :  «  Ses  seuh  re- 
grets sont ,  ou  son  unique  regret  est  de. . .  ))  Cependant  l'ad- 
jectif tout  a  ici  son  sens  propre,  il  s'agit  de  la  totalité  des 
regrets 'OU  du  regret  Mais  ce  sens  reçoit  du  contexte  une 
nuance  spéciale  que  nous  devons  expliquer. 

On  remarquera  que  cette  valeur  se  dégage  lorsque  tout  ac- 
compagne un  substantif  prédicat  ou  qui  peut  être  tourné  en 
prédicat  :  ((  Avoir  manqué  cette  occasion  Q^Xtout  son  regret.  » 
De  même,  lorsqu'on  dit:  ((  lia  eu  des  reproches  pour  toute 
punition,  »  les  reproches  sont  toute  la  punition  qu'il  ait  eue 
(Dans  cette  construction,  le  substantif  prédicat  du  complément 

s'emploie  archaïquement  sans  article). 

Dire  que  les  reproches  ont  été  aa  punition  tout  entière, 
c'est  indiquer  qu'il  n'en  a  pas  eu  d'autre,  que  cette  punition 
a  été  la  seule.  L'objet  tout  entier  (la  punition),  dans  la  cir- 
constance, est  donc  un  objet  unique;  l'idée  delà  totalité  de 
l'objet  se  transforme  en  une  idée  d'exclusion  de  tout  autre 
objet  aemblable. 

Nous  avons  vu,  d'autre  part,  plus  haut,  que  tout,  joint  au 
substantif  prédicat,  peut  se  rapporter  en  réalité  au  sujet  ou 
au  complément:  «  Il  est  tout  cœur,  je  l'ai  trouvé  ^oî<^  miel  = 
il  est  tout  entier  cœur,  tout  entier  miel,  c'est-à-dire  il  n'est 
rien  autre  chose.  »  C'est  ici  l'exclusion  de  tout  autre  objet 
différent . 

Donc,  lorsqu'on  a  un  substantif  prédicat,  suivant  que  ^ow^  se 
rapporte  au  sujet  ou  au  prédicat,  il  exclut  tout   autre   objet 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  55 

différent,  ou  tout  autre  objet  semblable  (à  celui  qu'exprime 
le  prédicat). 

TOUT  devant  un  cjérondif 

((  Tout  en  marchant))  signifie  proprement:  tout  à  fait  en 
marchant.  La  préposition  en  marque  ici  une  coïncidence^ 
que  tout  accentue.  Mais  tout  ne  s'emploie  pas  pour  accentuer 
l'idée  de  moyen  que  peut  aussi  marquer  en  devant  le  géron- 
dif :  «  Il  s'est  guéri  en  marchant  beaucoup.  » 

A  toutes  jambes 

A  toutes  jambes,  c'est-à-dire  proprement  et  par  plaisan- 
terie :  avec  toutes  ses  jambes,  avec  tout  ce  qu'on  a  de 
jambes. 

toute/oi.s',  Toujours  est-il  que 

Toutefois  a  été  d'abord  "  toute  voie,  toutes  voies  »,  puis, 
par  confusion  avec  le  mot /ois  .•  toutefois.  Le  sens  primitif 
est  ((  par  toute  voie,  de  toute  manière  )),  d'où  l'idée  d'opposi- 
tion que  ce  mot  exprime  aujourd'hui.  C'est  par  une  transi- 
tion de  sens  analogue  que  toujours  (=■  tout  le  temps)  marque 
aussi  une  opposition  dans  la  locution  «  toujours  est-il  que». 
Comparez  le  mot  cependant,  qui  signifie  proprement  «  pen- 
dant ce  temps  ». 

TOUT  tant  que 

Nous  employons  encore  l'adverbe  tout  devant  autant,  xwdA?, 
non  plus  devant  tant.  Au  XVI®  siècle  (voy.  Littré  ,  on  di- 
sait: ((Tout  tant  qu'il  y  ade  pères  enterre. —  Tout  tant  qu'i's 
étaient  d'enfants,  »  c'est-à-dire:  tout  autant  qu'ils  étaient 
d'enfants,  tout  ce  qu'il  y  avait  d'enfants. 

TOUT  devant  un  superlatif  relatif 

Pour  accentuer  l'idée  du  superlatif,  l'ancienne  langue  di- 
sait: «  Tout  le  moins  courroucé,  tout  le  mieus  alosé,  la  forêt 
toute  la  plus  déserte.  »  C'est-à-dire  proprement  :  ((  tout  à  fait 


56  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

le  moins  courroucé,  etc.  »  Encore  dans  La  Fontaine,  Molière, 
M™^  de  Sévigné,  Voltaire  (voy.  Littré,  36°)  : 

Choisissez  pour  ce  don 
Tout  lopins  gros  du  pâturage. 

(La  Fontaine). 

a  Conservez  votre  santé  tout  le  plus  longtemps  que  vous 
pourrez.  » 

(M*"'  DE    SÉVIGNÉ). 

((  11  me  paraît  que  chacun  s'en  va  tout  le  plus  loin  qu'il  peut.  » 

(Voltaire). 

On  disait  aussi  :  a  Tout  des  meilleurs,  tout  des  plus  laids,  » 
pour  tout  à  fait  des  meilleurs,  etc. 

Nous  disons  encore  «  tout  le  premier  »,  —  et  aussi  «  à  tout 
le  moins  ».  pour  renforcer  l'idée  exprimée  par  au  moina.  Au 
lieu  d'intercaler  tout  après  la  préposition  à  de  au,  on  peut  le 
placer  avant  la  locution,  de  là  :  a  tout  au  moins.  »  Et  de 
même  «  tout  au  plus  ».  On  ne  dit  pas  :  à  tout  le  plus. 

TOUT  devant  ((  seul  »  suivi  d'un  substantif 

Nous  avons  étudié^  la  différence  qui  existe  entre  seul  dans 
«  un  seul  homme»  et  le  même  mot  dans  «  un  homme  seul.  » 
Dans  le  premier  cas,  seul  renforce  un,  et  un  nouveau  renfor-, 
cément,  provenant  de  Tadverbe  tout,  nous  fait  l'effet  d'un  pléo- 
nasme. Aussi  ne  disons-nous  plus:  a  sans  perdre  un  tout 
seul  homme  »  (Littré,  exemple  du  XV^  siècle).  Mais  nous 
employons  parfaitement  tout  devant  seul  dans  son  accep- 
tion qualificative  :  ((  il  est  tout  seul.  »  Voyez  ci-dessus,  page  47. 

A  tout  ^^aoec 

On  sait  que  la  préposition  à  peut  marquer  l'instrument  : 
«  Il  l'a  fait  à  la  main,  à  la  plume.  »  Dans  cet  emploi,  l'an- 
cienne langue  faisait  souvent  suivre  à  de  l'adjectif  indéfini 
tout,  qui  semble  n'avoir  fait  qu'accentuer  l'idée  exprimée 
par  à. 

1.  Voyez  notre  Reçue,  tome  XII,  p.  65. 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  57 

Rabelais  (G.)  :  «  Mais  en  grande  peine  se  inclinoit  pour 
prendre  à  tout  la  langue  quelque  lippée.  » 

Aujourd'hui  à  ne  marque  l'instrument  que  dans  des  locu- 
tions consacrées  ;  ailleurs  il  est  remplacé  par  acec.  L'an- 
cienne locution  prépositive  à  tout  pouvait  rendre  cette  idée 
d'instrument  partout  où  nous  la  rendons  par  avec  ou  archaï- 
quement  par  à.  Exemples  empruntés  à  Godefroy  : 

Bonaventure  Despériers  :  «  Que  vous  touchissiez  leurs 
mulets  à  tout  un  fouet.  )) 

Montaigne  :  ((  Nul  nefut  veu  qui  n'essaiasten  son  dernier 
souspir  de  se  venger  encore,  et  à  tout  les  armes  du  désespoir 
consoler  sa  mort  en  la  mort  de  quelque  ennemy .  » 

Dans  l'ancienne  langue,  à  marquait  aussi  l'adjonction 
(Encore  aujourd'hui  entre  deus  substantifs:  panier  à  anses, 
un  homme  à  barbe  grise'.  Exemples  cités  par  Godefroy: 

Raoul  de  Cambrai  :  «  à  dis  mil  homes  est  en  no  terre 
entrez.  » 

Jean  Bodel  :  ((Antrer  vueil  en  sa  terre  à  mon  barnage 
fier.  )) 

Froissart:  «  Je  ne  suique  uns  seuls  homs  contre  vous,  à 
point  dedefïense.  » 

Ici  encore,  on  dit  aujourd'hui  acec,  et  on  pouvait,  dans 
l'ancienne  langue,  employer  la  locution  à  tout: 

Joinville  :  a  Se  combatra  à  toi  à  tout  trois  cents  mille 
hommes.» 

Froissart:  «  Tant  esploita  li  rois  engles  à  toute  son 
graut  ostj) 

Marot  : 

Si  n'eust  été  que  sur  cette  entreprise 

Vint  arriver  à  tout  sa  barbe  grise 

Un  bon  vieillard  portant  chère  joyeuse. 

En  viens  français,  comme  on  le  voit  par  l'exemple  de 
Froissart,  tout  de  «  à  tout))  pouvait  s'accorder  avec  le  sub- 
stantif qui  suit.  \\  devait  même  s'accorder  à  l'origine,  mais  en 
tout  cas  il  exprimait  non  pas  l'idée  de  totalité,  mais  celle  de 


58  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

précision  de  l'objet'  :  «  à  toute  son  armée,  »  ce  n'est  pas 
((  avec  toute  son  armée  «,  mais  «  avec  précisément  son 
armée  »,  d'où  (f  précisément  avec  son  armée»  et,  par  affai- 
blissement: «  avec  son  armée.  » 

Cette  locution  s'employait  aussi  adverbialement.  Bona- 
venture  Despériors:  «  Ce  lévrier  avoit  cette  astuce,  que  de  la 
pane  il  renversoit  le  pot  qui  bouilloitau  feu  et  en  prenoit  la 
chair  et  s'en  alloit  à  tout,  >-> 

On  disait  «  jouer  à  tout»,  d'où  le  substantif  actuel  a- 
tout- 

TOUT que 

Dans  les  locutions  telles  que  «tout  conciliant  que  vous 
soyez  >^  il  faut  expliquer  :  1"  la  valeur  exacte  de  que^  2"  l'idée 
d'opposition  marquée  par  ^oa^. 

Pour  insister  sur  l'attribution  d'une  qualité  à  une  personne 
la  langue  fait  parfois  suivre  l'adjectif  d'une  incidente  pléo- 
nastique: que  je  suis,  que  tu  es,  qu'il  est,  etc.  Exemples  : 
«  Imprudent,  —  ou  imprudent  que  tu  es,  —  tu  es  sorti  sans 
armes.  »  Malherbe  : 

La  cruelle  quelle  est  se  bouche  les  oreilles 
Et  nous  laisse  crier. 

Si  l'adjectif  est  accompagné  de  tout,  comme  lorsqu'on  dit  : 
»  il  est  tout  imprudent.  »  nous  aurons  donc  cette  tournure: 
«  tout  imprudent  qu'il  est.  »  Mais  en  insistant  ainsi  sur 
l'application  de  la  qualité  à  toute  la  personne,  on  fait  pré- 
voir un  fait  qui  est  en  opposition  avec  la  qualité:  «  tout  im- 
prudent ^w'il  est,  il  n'a  pas  négligé  les  précautions  utiles  .)) 

D'autre  part,  en  remplaçant  dans  l'incidente  l'indicatif 
par  le  subjonctif,  on  marque  un  doute  sur  l'étendue  de 
l'imprudence  :  '<  T(jt't  imprudent  quil  soit,  il  ne  peut  pas 
avoir  négligé  cette  précaution  »  C'est-à-dire:  «  En  sup- 
posant même  qu'il  soit  tout  imprudent...  » 

1.  Uidée de  totalité  se  transforme  en  celle  de  «correspondance 
exacte  avec  l'objet  ».  C'est  d'ailleurs  le  sens  de  tout  employé  adver- 
bialement: *ioai  seul.  » 


ÉTUDES    DE    SYNTAXE   FRANÇAISE  59 

PLACE  DE  tout   ET  DES  AUTRES  ADJECTIFS  DÉTERMINATIFS 

La  question  de  la  place  de  tout  est  liée  à  celle  de  la  place 
de  l'article  et  des  adjectifs  déterrai  natifs  en  général. 

En  ce  qui  touche  l'article,  il  est  naturel  que  les  langues 
qui  possèdent  un  article  placent  ce  mot,  qui  indique  la 
détermination,  avant  le  nom  de  l'objet  déterminé.  Avant  de 
prononcer  le  nom,  s'il  y  a  lieu,  on  annonce  qu'il  est  déter- 
miné. 

S'il  y  a  lieu  aussi,  avant  de  prononcer  le  nom,  on  montre 
l'objet,  et  le  mot  qui  accompagne  le  geste  démonstratif  ou 
qui  y  supplée,  l'adjectif  démonstratif,  doit  logiquement 
occuper  la  même  place  que  le  geste,  c'est-à-dire  se  préposer 
au  nom  ;  or,  le  français  est  une  langue  logique. 

Pour  des  raisons  analogues,  c'est  avant  le  nom  que  doivent 
être  marquées  les  déterminations  d'ordre  général  qu'ex- 
priment 1"  les  autres  adjectifs  dit  déterminatifs  (numéraus, 
possessifs,  indéfinis),  2"  certains  adjectifs  qualificatifs  (ceus 
de  qualités  essentielles,  coYavue,  grand,  petit,  bon,  mauvais, 
etc.). 

On  indique  donc  tout  d'abord  le  nombre  ^  ou  le  rang, 
défini  ou  indéfini,  des  objets  que  Von  va  nommer,  ou  le 
rapport  de  possession  qui  unit  ces  objets  à  l'une  des  trois 
personnes  du  discours. 

Toutefois,  dans  l'ancienne  langue,  les  adjectifs  détermi- 
natifs sauf  l'article  et  le  démonstratif)  se  plaçaient  quelque- 
fois après  le  substantif.  C'était  un  reste  de  l'ancienne  liberté 
de  construction  du  latin.  Exemples  (E.  p.  383):  «  a  esteile 
chascune;  —  mais  tradison  nule  nen  i  otrei  ;  —  aveie  pro- 
vendes e  iglises  pluisurs.  » 

Parmi  les  adjectifs  indéfinis,  il  n'y  en  a  qu'un  %  même, 
pour  lequel  la  langue  ait  hésité  entre  trois  places  différentes. 

1.  Le  substantif  pouvait  être  placé  au  milieu  du  nom  de  nombre 
composé,  «  mil  an:i  cent  et  seisante  et  dis  »  (E.  ). 

2.  Il  faut  ajouter  '^eul.  si  on  le  considère  en  VaDt,  qu'adjectif  iadéfini: 
«hors  seul  /cou  un  valet,  ou  hors  un  seul  valet,  ou  horsa/i  valet 
seul.  y>  Comme,  même,  seul  renforce  l'autre  déierminatif . 


60  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Celui-ci,  en  effet,  au  lieu  de  marquer  une  détermination,  ne 
fait  que  préciser  celle  qui  est  exprimée  d'autre  part:  ce  mur 
même,  «même»  accentue  seulement  le  démonstratif  «  ce»,  et 
apriori  \\  peut  occuper  trois  places:  «même  ce  mur\  ce 
mur  même,  ce  même  mur.  »  Des  sens  différents  se  sont 
dégagés  de  ces  trois  constructions  de  même. 

Tout  est  un  adjectif  numéral  indéfini  et  doit  par  con- 
séquent se  préposer  au  nom;  je  ne  vois  qu'une  seule  excep- 
tion, c'est  la  locution  «  somme  toute»,  accusatif  absolu  où 
tout  a  une  valeur  d'attribut. 

Mais  il  peut  y  avoir  avant  le  nom  plusieurs  adjectifs  déter- 
minatifs.  Quelle  sera  leur  place  respective? 

Les  noms  de  nombre,  définis  ou  indéfinis,  ne  déterminent 
pas  les  oV) jets,  ils  n'indiquent  queleurnombre;  mais  cesobjets 
peuvent  être  eus-mémes  déterminés,  et  le  signe  de  la  dé- 
termination doit  se  placer  avant  la  locution  composée  du 
nom  de  nombre  et  du  nom  des  objets,  car  la  détermination, 
dans  notre  hypothèse,  s'applique  à  l'ensemble  de  ces  objets: 
deus  maisons,  quelques  maiaons  et  «  les  deus  maisons,  tes 
deus  maisons, ces  quelques  maisons,  nos  quelques  maisons». 

Lorsque  les  objets  dont  on  indique  le  nombre  (défini  ou 
indéfini)  sont  indéterminés,  mais  pris  parmi  des  objets  dé- 
terminés, le  nom  de  nombre  se  place,  sous  forme  pronomi- 
nale, avant  le  nom  des  objets  précédé  de  l'adjectif  détermi- 
natif  :  ((deus  de  nos  maisons,  quelques-unes  de  ces  maisons,  )) 
sauf,  bien  entendu,  les  cas  d'inversion. 

Il  peut  y  avoir  à  la  fois  :  1*^  l'article,  le  démonstratif  ou  le 
possessif,  2"^  un  nom  de  nombre  cardinal,  3°  un  nom  de 
nombre  ordinal  :  "  les  deus  premières  maisons.  »  L'ordre 
des  deus  noms  de  nombre  permet  d'exprimer  deus  idées 
différentes  :  comparez  les  trois  premiers  pas  et  les  premiers 
trois  pas;  dans  la  seconde  expression,  premier  marque 
l'ordre  d'une  série  de  trois   pas  (la  première    série   de   trois 

1.  Nousvrtrrous  que  cette  construction  de  marne  est  celle  de  tout 
(tout  ce  mur\  On  construisait  ainsi  le  vieil  adjectif  numéral  ansdous, 
ambes,  ambedeus  :  «  Ambcdeus  ces  murs.  » 


ÉTUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  61 

pas),  au  lieu  que  ce  soit  tî'ois  qui  marque  le  nombre  des 
premiers  pas.  Il  y  a  une  locution  substantive  formée  par 
trois  pas  =  ensemble  de  trois  pas,  et  l'adjectif  numéral 
se  place  comme  il  convient  avant  la  locution  tout  entière  : 
les  premiers  «  trois  pas  »,   mais  l'article  est  toujours  en  tête. 

On  pouvait  avoir  aussi   dans  l'ancienne   langue  l'adjectif 
possessif  tonique  (mien,  tien,  etc.),   employé  comme  adjectif 
à  côté  du  nom,  et  accompagné  de  l'article  ou   du  démonstra- 
tif qui   se  plaçait  naturellement  en  tête  :    «  le   mien   livre, 
etc.  » 

Supposons  maintenant  l'adjectif  indéfini  tout,  accom- 
pagné, —  ce  qui  est  le  cas  le  plus  fréquent,  —  d'un  article, 
d'un  démonstratif  ou  d'un  possessif  :  «  tous  les  hommes, 
toute  ma  confiance  \  tous  ces  enfants.  »  On  voit  que  tout  se 
place  en  tête.  Il  y  a  une  exception  apparente,  c'est  la  locu- 
tion la  toute-puissance,  mais  ce  mot  dérive  de  tout-puissant, 
qui  signifie  proprement  «  tout-pouvant»  ;  si  l'on  ne  dit  pas 
«  la  tout-puissance  »,  c'est  qu'on  fait  accorder  tout,  par  une 
attraction  instinctive,  avec  la  désinence  féminine  de  la  locu- 
tion, exactement  comme  on  dit  «  un  faus  monnayeur  »  au 
lieu  de  «un  fausse- monna y eur  n;  autrement  dit,  la  toute- 
puissance,  ce  n'est  pas  toute  la  puissance^  c'est  la  puissance 
de  faire  tout. 

Cette  exception  étant  écartée,  il  faut  expliquer  la  loi. 
Pourquoi  dit-on  tous  ces  enfants  au  lieu  de  dire  ces  tous 
enfants  comme  ces  quelques  enfants  ? 

Quand  on  ne  parle  que  d'un  certain  nombre  d'objets,  nombre 
défini  ou  indéfini,  ces  objets  peuvent  être  déterminés  ou 
indéterminés  :  deus  enfants,  quelques  enfants^  les  enfants 
ne  sont  pas  déterminés  :  deus  de  tes  enfants,  quelques- 
uns  de  ces  enfants,  les  enfants  sont  encore  indéterminés 
mais  pris  dans  une  catégorie  déterminée.  Dans  ce  dernier 
cas,  l'adjectif  numéral  se  transforme  en  pronom. 

1.  On  disait  aussi,  dans  l'ancienne  langue,  ma  confiance  toute,  ea 
donnant  ktout  la  valeur  d'un  adjectif  qualificatif  (ma  confiance  en- 
tière), mais  ou  ne  trouve  jamais: «ma  toute  confiance.  » 


62  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

La  détei'iuiuation  peut  porter  non  plus  sur  la  catégorie 
d'objets  dont  on  met  à  part  un  certain  nombre,  mais  sur  les 
objets  ainsi  mis  à  part:  ces  «quelques  enfants  »,  tes  «  deus  en- 
fants )),  les  ((quelques  revenus  »  quil  a.  Donc,  avec  un  adjectif 
numéral  autre  que /oa^  on  peut  déterminer  soit  les  objets 
mêmes,  en  nombre  défini  ou  indéfini,  dont  on  parle,  soit 
l'espèce  limitée  dans  laquelle  on  prent  des  objets  indétermi- 
nés, en  nombre  défini  ou  indéfini.  Dans  le  premier  cas, 
la  détermination  s'applique  seulement  à  trois,  quatre:» 
quelques  objets,  le  mot  qui  la  marque  ou  1  exprime  doit 
précéder  la  locution  formée  du  nom  de  nombre  et  du  subs- 
tantif :  ses  (^  trois  camarades».  Dans  le  second  cas,  les  trois, 
quatre,  quelques  objets  ne  sont  pas  déterminés,  le  mot 
déterminatif.  ne  peut  donc  englober  le  nom  de  nombre  et 
doit  précéder  immédiatement  le  substantif  qui  exprime  les 
objets  déterminés  :  »  trois  de  ses  camarades .  » 

Cette  distinction  n'existe  pas  pour  tout,  qui  exprime 
toujours  la  totalité  des  objets  déterminés  dont  on  parle  ;  il 
n'y  a  donc  pas  lieu  à  double  construction,  et  il  est  naturel 
que  les  adjectifs  qui  précisent  la  détermination  (articles, 
démonstratifs,  possessifs^  se  placent  immédiatement  avant  le 
nom. 

—  Tout  adverbe  se  place  naturellement  avant  l'adjectif 
ou  la  locution  adverbiale  à  laquelle  il  s'applique-. 

—  Tout  employé  substantivement  se  place  comme  un 
substantif  ordinaire,  et  bénéficie,  dans  l'ancienne  langue,  de 
la  liberté  d'inversion  au  même  titre  que  les  autres  subs- 
tantifs. Exemples  (E.,  p.  384)  :  c(  Le  rei  qui  toi  governet.  » 
(Alexis)' 

Pleùst  à  Dieu,  qui  tout  a  à  jugier. 

(Aymeri  de  Narhonne). 

—  Lorsque  tout  est  adjectif  prédicat,  il  se  place  comme 
les  autres  adjectifs  dans  cet  emploi: 

Comp.  :  ((  Us  arrivent  tous  »  et  ((ils  arrivent  contenta)). 


ETUDES  DE  SYNTAXE  FRANÇAISE  63 

«  J(j  la  vois  toute  »  et  «  je  la  vois  grande  ». 
"  11  la  A  eut  toute  »  et  «  il  la  veut  forte  ». 

Et  en  vieus  français,  avec  inversion  : 

«  Toua  les  manace  »  et  ((  mort  l'abattit  ». 

Toutefois,  à  la  différence  des  autres  adjectifs,  tout  peut 
se  placer  entre  l'auxiliaire  et  le  participe  passé  ^  :«  Ils  sont 
tous  venus  ;  on  les  a  toutes  replacées.  » 

—  Lorsque  tout  accompagne  un  substantif  ou  un  adjectif 
prédicat,  il  se  place  immédiatement  avant  ce  substantif  ou 
cet  adjectif  près  duquel  il   joue  le  rôle   d'adverbe  : 

<(  Il  est  tout  heureus,  tout  cœm\  je  l'ai  trouvée  toute  ras- 
surée, ils  sont  tout  déconfits.  » 

En  vieus  français,  on  pouvait  placer  le  verbe  entre  tout  et 
le  prédicat:  «tout  est  heureus,  »  il  est  tout  heureus.  On  sépa- 
rait  de  même  les    adverbes    des  adjectifs  ausquels   il    se 

rapportaient. 

L.  Clédat. 

1.  Ou  encore  entre  le  verbe  principal  et  l'infîniiif  :  «Il   la  fera  toute 
faucher.  » 


CENT  MOTS  NOUVEAUS 


Parmi  les  suffixes  qui  servent  à  former  le  plus  de  mots 
nouveaus,  il  faut  citer  en  première  ligne  les  suffixes  itsme  et 
iste.  A  l'origine,  ils  s'ajoutaient  d'ordinaire  à  un  nom  propre. 
Le  mot  ainsi  constitué  désignait  une  doctrine  ou  les  parti- 
sans de  cette  doctrine  :  Calvin,  calvinisme,  calviniste.  Les 
notions  'que  ces  suffixes  impliquent  sont  maintenant  très 
diverses.  Après  avoir  rappelé  cette  extension  du  sens^^ 
M.  Darmesteter  écrivait  :  «  Le  nombre  des  dérivés  en  isme 
etenz6/e  est  fort  considérable.  Le  Dictionnaire  des  Rimes  de 
Landais  et  Barré  contient  216  mots  en  isme  et  176  en  iste,  et 
il  y  manque  les  neuf  disièmes  des  mots  suivants  créés  de  nos 
jours.  ))  Et  M.  Darmesteter  donne  une  liste  de  119  mots  nou- 
veaus en  iste  et  de  115  mots  nouveaus  en  isme. 

Cette  liste  était  incomplète*.  Depuis  1877,  année  oîi  parut 
Tétude  sur  les  Mots  nouveaus,  le  nombre  des  néologismes 
s'est  accru  singulièrement.  Chaque  année,  chaque  mois  peut- 
être,  apparaissent  de  nouveaus  venus.  Aussi  M-  Cari  Wah- 
lunda-t-il  pu  relever  «  cent  mots  nouveaus  ne  figurant  pas 
dans  les  dictionnaires  de  langue  ou  d'argot  français  »  ;  encore 
a-t-il  borné  ses  recherches  aus  Modernismes  en  -isme  et  en 
-iste.  Tel  est  le  titre  d'une  étude  qui  vient  de  paraître  à 
Upsal.  Elle  est  éditée  avec  luxe  par  Almquistet  Wiksells. 

Relever  des  modernismes  peut  sembler  une  tâche  plus 
laborieuse   que  difficile.  Il  n'en  est  plus  de   même  si   l'on 

1.  Mots  Nouceaus,  p.  209. 

2.  Page  61  de  V Enseignement  supérieur  devant  le  Sénat  (1868),  je 
lis  cette  phrase  :  «  On  était  duruyste  ou  antiduruyste,  comme  on  est 
matérialiste  ou  spirilualiste.  »  Ces  termes  ne  figurent  pas  dans  les 
Mots  nouceaus. 


CENT    MOTS    NOUVEAUS  65 

veut  les  classer  avec  méthode.  M.  Wahlurid  l'a  entrepris,  et 
sa  classification  est  en  même  temps  exacte  et  claire. 

Il  examine  d'abord  les  mots  formés  avec  des  éléments 
français  (dérivés  d'un  substantif,  d'un  adjectif,  d'un  verbe, 
d'un  mot  fait  à  plaisir).  Viennent  ensuite  les  éléments  em- 
pruntés :  latins,  grecs,  hybrides,  italiens,  espagnols,  anglais, 
exotiques.  Enfin  les  mots  issus  de  noms  propres  (noms  de 
personnes  et  expressions  géographiques). 

L'auteur  rattache  une  nouvelle  catégorie  de  mots  en  isme 
et  en  iste  à  ce  qu'il  appelé  ((  formation  savante  et  artifi- 
cielle ».  Peut-être  ces  termes  ne  sont-il  pas  très  heureus  ;  ils 
manquent  de  clarté.  Insularifime  est  rangé  parmi  les  mots  de 
formation  savante  et  artificielle.  Fort  bien.  Mais  hocomobi- 
lisme,  cité  dans  un  chapitre  précédent  est-il  moins  savant 
ou  moins  artificiel?  D'ordinaire  on  oppose  les  termes  de  for- 
mation savante  k  ceus  de  formation  populaire.  Ici  l'auteur 
entent  spécialement  par  formation  savante  le  procédé  qui 
consiste  à  créer  un  mot  nouveau,  en  ajoutant  à  un  radical 
donné  un  suffixe  complexe,  dont  le  dernier  élément  isme  est 
précédé  d'un  autre  suffixe  à  forme  purement  latine  :  ar,  an  ; 
{-anisme^  -arisme,  au  lieu  de  -ainisme,  -airisme) .  A  ce 
compte,  connentionnalisme,  cité  dans  un  autre  chapitre, 
pourrait  fort  bien  figurer  ici  ^ . 

M.  W.  trouve  que  le  mot  jérômisme  est  de  formation  irré- 
gulière à  côté  de  jérômisme.  Ceus  qui  prononcent  Jérôme 
(nombre  de  Méridionaus  disent:  Jérôme)  ont  été  induits 
très  naturellement  à  créer  jérômisme.    La  tendance  actuelle 


1.  Sous  la  rubrique  Le  Larousse  continué,  je  lis  dans  la  Reoue  En- 
cyclopédique, numévo  du  17  décembre  1898,  au  mot  Intermédi  air  iste  : 
«  nom  que  se  donnent  entre  eus  les  abonnés  et  les  collaborateurs  de 
V Intermédiaire  des  Chercheurs  et  des  Curteua;.'  \\  Ce  mot  est  mal 
fa.it;  il  serait  mieus  d'écrire  intermédiariste.  puisque  l'on  dit  nota- 
riat, prolétariat,  séminariste  et  non  pas  notairiat,  prolétairiat, 
séminairiste.  »  Ce  mot  serait  donc  de  formation  populaire. ,  On  sait 
que  nombre  de  gens  disent  oolontairiat  au  lieu  de  colontariat. 

Dans  le  numéro  du  3  décembre,  on  lit  reca^s^tf.  avec  une  citation  de 
G.  Docquois;  quattrocentiste  (P .  Quillard);  dans  le  numéro  du  19  no- 
vembre :  botulisme. 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  5 


66  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

est  en  effet  de  conserver  dans  le  dérivé  le  vocalisme  du 
simple.  Ainsi  Genève  ?i  entraîné  genevois  qui  se  dit  à  côté  de 
genevois  ou  genevois.  L'analogie  des  formes  alternées 
banquet,  banqueter  a  bien  pu  amener  Naquetisme,  dérivé 
de  Naquet.  Mais  peut-être  y  a-t-il  là  simplement  omission 
d'un  accent. 

Deus  séries  de  dérivés  en  isme^  iste  constituent  des  doublets 
d'origine  et  de  sens  identiques.  M.  W.,  dans  son  étude 
très  documentée,  les  a  relevés  avec  soin.  Citons  comme 
exemples  :  décadisme  et  décadentisme ,  parisisme  et  parisia- 
nisme. Si  les  deus  formes  persistaient,  le  sens  ne  tarderait  pas 
sans  doute  à  diverger.  Pétrarquisme  et  pétrarchisme  n'ont 
déjà  plus  absolument  la  même  signification.  L'un  désigne  un 
mot  ou  une  tournure  propres  à  Pétrarque  ;  l'autre  l'imitation 
du  poète  italien. 

NL  \V.  étudie  enfin  la  synonymie  des  suffixes  isme  et  erie; 
iste  et  ien,  ier,  eur,  eux,  isant. 

Un  intéressant  aperçu  historique  sur  les  suffixes  eus- 
mêmes  précède  l'énumération  des  mots  nouveaus,  tous 
relevés  avec  l'exacte  indication  des  sources.  Une  liste  placée 
à  la  fin  de  l'ouvrage  facilite  les  recherches. 

Cent  mots  nouveaus!  Sans  doute  M.  W.  n'a  pas  voulu 
dépasser  le  chiffre  qu'il  s'était  fixé.  Peut-être  ne  serait-il  pas 
difficile  d'augmenter  ce  nombre,  même  sans  avoir  recours 
aus   savoyardismes.  - 

Aus  sciences  psychiques  j'emprunterais  Psychisme  (livre 
récent  de  M.  Erny),  qui  n'a  pas  mauvais  air,  à  la  suite 
de  médiumnisme  ;  aus  journaus  médicaus  :  péritonisme, 
brightisme,  etc.  Géocentrisme  a  sa  place  marquée  à  côté 
&  anthropocentrisme ,  que  donne  M.  Wahlund.  Mécanicisme 
ne  se  confont  pas  plus  avec  mécanisme  ({mq.  naturalisme  avec 
naturisme  (naturiste),  nom  d'une  nouvelle  école  poétique, 
dont  M.  Saint-Georges  de  Bouhélier,  si  je  ne  me  trompe, 
fait  toute  l'illustration.  On  étudie  de  plus  en  plus,  à  la  suite 
d'Hœckel,  le  monisme,  et  l'on  recherche,  avec  Guyau,  «  la 
possibilité  de  l'immortalité  dans  le  naturalisme   moniste  ». 


'    CENT    MOTS    NOUVEAUS  6*7' 

.■■'■■ 

I)'autres  préfèrent  les  philosophes  néantistes,   dont   la   doc- 
trine est  un  peu  simpliste. 

La  politique  nous  donne  aussi  nombre  de  mots  nouveaus. 
En  face  des  allemanistes  (cité  par  M.  W.),  nous  comptons 
roche  for  tist  es ,  guédistes,  etc.  Si  dreyfusisme  et  dreyfusiste^ 
picardisme  etpicardiste  ne  sont  pas  encore  dans  les  diction- 
naires, ils  encombrent  chaque  jour  les  colonnes  des  jour- 
naus.  Inutile  d'ajouter  les  composés  avec  préfixes  :  anti- 
dreyfusiste  ou  antimilitariste,  qui  augmenteraient  sans 
grande  utilité  le  nombre  des  néologismes. 

Il  arrive  qu'un  mot  donné  comme  nouveau  par  M.  Wah- 
lund  existait  déjà,  avec  un  sens  quelque  peu  différent. 
L'auteur  cite  une  phrase  de  M.  A.  Croiset,  où  le  mot  do- 
risme  signifie  «  qualités  propres  à  la  race  dorienne  »  : 
«  Pindare  unit  à  l'esprit  le  plus  pur  du  dorisme  une  imagi- 
nation éclatante.  » 

Le  même  terme  s'employait  déjà  pour  désigner  toute  locu- 
tion propre  au  dialecte  dorien.  On  peut  le  voir  au  mot 
Swp'.o?,  dans  le  dictionnaire  grec-français  de  Bailly.  En 
rappelant  qu'un  habitant  d'Alexandrie,  dans  une  idylle 
de  Théoerite,  reproche  aus  Syracusaines  leurs  dorismes,  je 
ne  croyais  pas  commettre  un  néologisme. 

Parmi  ces  mots  récemment  éclos,  on  le  remarque  aussitôt, 
beaucoup  ont  déjà  l'air  viens,  tellement  nous  les  entendons 
répéter  fréquemment.  Dans  le  livre  de  Darmesteter,  alcoo- 
lisme, fantaisiste,  gréviste,  atavisme,  jésuitisme,  journa- 
lisme, mysticism^e,  naturalisme,  archaïsme  lui-même,  sont 
cités  comme  mots  nouveaus.  Des  cent  mots  relevés  par 
M.  Wahlund,  combien  auront  une  aussi  brillante  fortune? 
Arriviste  YÏvTdi.  sans  doute;  romanisme  et  athlétisme  peu\- 
être.  [Mais  hataliste?  mais  lendemainiste?  Certes,  décentra- 
lisationnisme  et  demi- amateurisme  ne  sont  point  ((  xipéhu- 
zement  beaus  ».  Tels  de  ces  néologismes  sont  bien,  comme  le 
dit  M.  W.,  «  tout  ruisselants  d'inouïsme  »,  mais  nous  font- 
ils  réellement  «  souhaiter  la  venue   d'une   Deffense  et  lllus- 


68  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

tration  de  cette  partie  de  la  langue  française  »?  Il  est  au 
moins  permis  d'en  douter. 

Si  l'ouvrage  de  M.  \V.  n'est  point  fait  pour  nous  ins- 
pirer la  superstition  du  néologisme,  il  prouve  une  fois  de 
plus  qu'à  l'étranger  on  aime  notre  langue,  et  qu'on  l'étudié 
jusque  dans  ses  moindres  détails.  Chez  ce  grammairien  sué- 
dois, pas  même  frace  de  suecisme.  Car  suécisme  existe, 
sans  que  nous  nous  en  doutions  peut-être. . 

M.  Wahlund  pensait-il  à  nombre  de  ses  compatriotes, 
quand,  avec  un  zèle  pieus,  il  relevait  cette  phrase  tirée  de  la 
Revue  de  V Enseignement  secondaire  et  de  V Enseignement 
supérieur  :  «  Tous  ces  Suédois  se  permettent  d'écrire  le 
français  comme  nous,  à  part  quelques  légers  suécismes,  et 
en  savent...  »  beaucoup  plus,  sans  doute,  que  tel  de  leurs 
*  comptes-renduistes  ? 

Joseph  DÉSORMAUX. 


COMPTES  RENDUS 


Zur  Geschichte  des  franzôsischen  e.  //,  2.  Uebersicht  der 
geschichtlichen  Entwickelung  des  e  in  ait  und  neii  Jran- 
zôsischer  Zeit.  Die  vorliiterarische  Entwickelung  der 
fr.  Monosyllaba  von  Gust.  Rydberg  Dozent  an  der  Uni- 
versitât  Upsala.  —  Upsala,  Almqvist  8c  Wiksells,  1898, 
p.  202-400. 

Nous  avons  précédemment  analysé  la  première  partie  du 
travail  de  M.  R.  sur  l'histoire  de  Ve  muet  français.  Le  pré- 
sent fascicule  contient  une  étude  sur  le  développement  des 
monosyllabes  français  dans  la  période  qui  a  précédé  l'appari- 
tion de  la  littérature.  «  Les  mots  traités  dans  ce  chapitre,  est- 
il  dit,  bien  que  représentant  diverses  catégories,  ont  une  carac- 
téristique commune  ;  ils  peuvent  s'agglutiner  si  étroitement  à 
d'autres  formes  qu'ils  perdent  leur  accent  propre  ou  complè- 
tement ou  partiellement.  Dans  le  cas  où  cet  affaiblissement 
de  l'accent  se  produit  avec  une  certaine  régularité,  il  in- 
fluence dans  une  mesure  déterminée  leur  développement;  les 
formes  qui  ne  sont  pas  déjà  monosyllabiques  en  latin  le  de- 
viennent par  la  suite  du  temps.  »  Il  s'agit  des  formes  sui- 
vantes présentées  par  les  plus  anciens  monuments  de  la 
langue  française:  de;  me,  te,  se;  non  (nun),  no,  ne  ;  ne  (lat. 
nec)  :  si,  se  (lat.  si);  sî  (lat.  sic);  io,jo;  m,a,  ta,  sa;  li,  lo^  la, 
lui;  czo,  co,  cio;  qui,  cui,  que;  qued,  que. 

Sur  l'origine  latine  de  tous  ces  monosyllabes,  à  l'exception 
de  la  conjonction  quod,  que,  il  ne  règne  aucune  incertitude. 
D'autre  part,  il  est  hors  de  doute  que  ces  formes  ont  déjà,  à 
une  époque  antérieure  à  l'éclosion  de  la  littérature,  subi  des 
changements  phonétiques,  d'où  la  nécessité  de  remonter 
d'abord  aus  sources  linguistiques,  en  d'autres  termes,  de 
suivre  l'évolution  des  vocables  latins  dont  dérivent  les  formes 


70  REVrE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

françaises,  dans  les  monuments  de  la  basse  latinité,  en  faisant 
porter  l'enquête  sur  un  grand  nombre  de  textes  d'âge  diffé- 
rent et  de  provenance  sûrement  gauloise. 

Indiquons  sommairement  les  résultats  ausquels  celte  en- 
quête a  conduit  le  savant  suédois. 

Les  monosyllabes  de,  me,  te,  se  ont  un  caractère  fortement 
proclitique  et  une  tendance  à  s'assimiler  à  la  voyelle  initiale 
du  mot  suivant.  —  Non  assimile  sa  consonne  finale  jusqu'au 
moment  où  il  la  pert  totalement  devant  la  consonne  initiale 
du  mot  suivant,  mais  conserve  devant  les  voyelles  la  forme 
intacte  pendant  toute  la  période  antérieure  à  la  littérature. 
D'autre  part,  les  manuscrits  intervertissent  fréquemment  les 
formes  non  et  ne.  C'est  vers  le  commencement  de  la  période 
littéraire  française  que  se  manifeste  le  dernier  degré  du  déve- 
loppement de  non  en  ne  (avec  e  muet).  Nec  se  réduit  à  ne 
par  suite  de  la  tendance  déjà  ancienne  dans  la  langue  cou- 
rante à  supprimer  le  c  final  devant  un  c  initial;  d'ailleurs 
l'interversion  de  nec  et  ne  se  rencontre  souvent  dans  les  ma- 
nuscrits. —  *S'e  est  fréquemment  dans  les  textes  du  moyen- 
latin:  toutefois  se  prévocalique  est  postérieur  à  se  précon- 
sonnantique.  On  trouve  aussi  devant  une  voyelle  sed  =  si, 
et  inversement  les  graphies  se,  d  sont  parfois  substituées  à 
sec?.  En  somme,  on  peut  conclure  que  la  conjonction  si,  par 
suite  de  son  emploi  fréquent  et  de  sa  place  faiblement  accen- 
tuée, s'est  réduite  de  bonne  heure  à  se  ;  — ■  sic  étant  rarement 
proclitique  dans  le  contexte  de  la  phrase,  garde  mieus  son 
accent  propre;  toutefois,  en  vertu  de  la  tendance  du  c  final  à 
tomber  après  un  Hong  par  nature,  sic  s'est  réduit  à  si,  lors- 
qu'il occupe  dans  la  phrase  une  place  accentuée,  et  d'abord 
de  préférence  devant  une  voyelle.  Mais  il  garde  sa  voyelle 
intacte  pendant  toute  la  période  antérieure  à  la  littérature.  — 
Pour  les  pronoms  personnels  et  possessifs,  on  trouve  les 
transformations  eo,  mi  (mihi)y  ti,  si,  mus,  tus,  sus,  sa,  sum, 
dès  le  Vie  siècle.  —  Quant  aus  démonstratifs,  les  graphies 
illi,  ipsi,  is^z  alternent  aveciV^e,  ipse,  iste,  avec  une  fréquence 
qui  ne  saurait  être  l'effet  du  hasard  et  qui  atteste  l'hésitation 


COMPTES    RENDUS  71 

de  l'orthographe  concernant  la  désignation  du  son  e  final 
atone  :  les  fornies  en  i  appartiennent  à  la  langue  courante 
dès  la  deusième  moitié  du  VP  siècle,  et  ont  été  usitées  d'abord 
devant  les  voyelles.  Les  formes  de  l'article  H,  la^  lo,  se  dé- 
tachent du  démonstratif  ille  réduit  par   suite  de  sa  tonalité 

constamment  faible  à  une  forme  monosyllabique,  tandis  que 
la  forme  plus  fortement  accentuée,  soumise  aus  mêmes  prin- 
cipes du  développement  que  les  polysyllabes,  se  réduisait 
à  ille  (avec  e  muet).  La  naissance  des  formes  li,  la,  lo  s'ex- 
plique par  l'em^ploi  de  l'article  comme  enclitique  d'un  mot 
à  terminaison  vocalique,  emploi  généralisé  ensuite.  Les  formes 
abrégées  sont  courantes  à  partir  du  VIII®  siècle.  Les  cas 
obliques  présentent  dès  l'époque  archaïque  beaucoup  de  par- 
ticularités dans  les  pronoms  personnels.  Le  mélange  des 
formes  a  eu  pour  conséquence  la  chute  de  la  flexion  prono- 
minale, et  son  remplacement  par  une  forme  illui,  illei  créée 
par  analogie  sur  le  modèle  de  cMî,et  réduite  ensuite  à  lui,  lei 
Les  formes  composées  ecce-hoc,  ecc[e)  -ille,  ecc(e)-iste  re- 
montent assez  haut,  puisqu'elles  se  trouvent  déjà  dans  Plante. 
On  rencontre  encore  d'autres  agglutinations:  ecciim  =  ecce- 
eum,  ecce-tibi.  ecce-nunc,  ecce-iam,  et  même  des  combinai- 
sons avec  ipse,  comme  hic-ipse,  is-ipse,  iste-ipse,  ipse-ille, 
iste-ille,  iste-hic,  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  l'importance 
jouée  par  la  juxtaposition  des  formes  pronominales,  pendant 
une  certaine  période,  sur  le  développement  de  la  langue  popu- 
laire. Les  pronoms  qui,  quem,  quod^^cui,  quis,  quid  se  sont 
modifiés  sous  l'influence  des  lois  phonétiques  latines  déjà  an- 
ciennes, qui  amenaient  le  développement  quo^  co  (quotidie 
>  co^ic?ie)  par  la  disparition  de  l'élément  labial.  Les  formes 
ki  <qui  ke  <que,  ca  <iqua  apparaissent  à  la  fin  de  la  pé- 
riode romane  précédant  la  littérature.  D'autre  part,  la  dispa- 
rition de  la  consonne  finale  produit  quern^  que,  quid^qui, 
que:  la  faible  sonorité  de  Vm  finale  déjà  attestée  à  l'époque 
classique  par  l'élision  amène  tout  naturellement  sa  dispari- 
tion. Quant  au  d  final,  il  persiste  davantage  dans  les  mono- 
syllabes (dans  les  autres  mots,  après  une  voyelle  longue,  il 


72  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

était  effacé  dès  le  IP  siècle  avant  J.-C,  cf.  ablatif  archaïque 
ô(r>o  ;  mais  il  est  sujet  à  l'assimilation.  Sa  suppression  a 
lieu  d'abord  devant  les  consonnes,  plus  tard  devant  les 
voyelles.  Outre  ces  transformations  phonétiques,  les  pronoms 
subissent  des  substitutions  de  sens  provoquées  quelquefois 
parle  développement  phonétique,  mais  le  plus  souvent  ame- 
nées par  des  influences  associatives.  Les  conjonctions  quod, 
quia,  quam  employées  en  place  de  la  proposition  infini tive, 
ou  de  ut.  commençant  une  complétive,  après  avoir  été 
usitées  concurremment  dans  la  langue  courante,  finissent  par 
n'avoir  plus  qu'un  seul  représentant  quia;  ce  dernier  lui- 
même  subit  une  double  modification  quia'^  qui  et  quia^ 
qua.  La  première  de  ces  deus  formes  ne  tarde  pas  à  prédomi- 
ner non  sans  toutefois  être  soumise  à  un  dernier  développe- 
ment qui^que. 

Tels  sont,  en  bref,  les  principaus  résultats  ausquels  aboutit 
la  longue  et  pénétrante  enquête  à  laquelle  M.  R-  a  soumis  les 
textes  de  la  basse  latinité.  Sa  consciencieuse  étude  est  tout  à 
•fait  digne  d'éloges,  tant  par  la  richesse  et  la  variété  des  maté- 
riaus  recueillis,  que  parla  prudence  et  le  discernement  qu'il 
apporte  dans  leur  discussion.  On  ne  peut  que  souhaiter  le 
prochain  achèvement  de  ce  beau  travail  qui  apporte  à  l'his- 
toire del'emuet  français  une  contribution  capitale,  et  ne  laisse 
guère  que  des  glanures  à  ramasser  dans  ce  champ  si  labo- 
rieusement moissonné. 

______  G.  S. 

L^ Analogie  dans  la  Céclinaison  des  substantifs  latins  en 
Gc'de,  V^  partie  thèse  pour  le  doctorati,  par  Anton  Lind- 
sti  ^ID  ;  gr.  in-S",  xi-323  p.  —  Upsala,  Almquist  et  Wiksells, 
1897.    2«  partie,  in-8%  v-UO  p.  Même  librairie,  1898. 

M.  Anton  Lindstrôm  s'est  très  vaillamment  attaqué,  pour 
sa  thèse  de  doctorat,  à  la  question,  difficile  entre  toutes,  de 
l'analogie  dans  la  déclinaison  latine  de  la  Gaule.  Comme 
cette  thèse  se  bornait  au  classement  et  à  l'examen  des  ma- 
tériaus  fournis  par  les  plus  anciens  textes  français  et  proven- 


COMPfES    RENDUS  78 

çaus,  elle  appelait  nécessairement  une  seconde  partie  desti- 
née à  nous  présenter  les  résultats  de  cet  examen  au  point  de 
vue  du  phénomène  étudié,  autrement  dit,  la  conclusion  du 
jeune  docteur.  Cette  seconde  partie  ne  s'est  pas  fait  attendre, 
et,  avec  les  deus  volumes  annoncés  ici  et  qui  forment  un  tout 
d'une  parfaite  unité,  nous  possédons  le  premier  essai  de  syn- 
thèse des  faits  d'analogie  révélés  par  la  déclinaison  du  latin 
en  Gaule. 

On  devine  assez  que,  si  la  tentative  était  nouvelle,  elle  était 
tout  particulièrement  hérissée  de  difficultés.  Elle  exigeait, 
outre  l'examen  personnel  et  minutieus  des  documents,  la 
connaissance  approfondie  de  tous  les  travaus  publiés  à  ce 
jour  sur  la  latinité  gallo-romaine  et  de  toutes  les  théories 
émises  sur  les  questions  les  plus  délicates  de  la  phonétique 
française  et  provençale  :  voilà  la  part  de  l'érudition,  et  pour 
qui  connaît  la  quantité  de  ces  travaus  et  leur  dispersion  en 
tant  de  recueils  divers,  cela  constitue  déjà  un  mérite  peu 
banal.  Mais  il  fallait  aussi  et  surtout  un  esprit  critique,  ca- 
pable de  juger  comme  d'analyser  et  d'asseoir,  en  fin  de 
compte,  sur  l'analyse  des  faits,  une  synthèse  qui  les  comprît 
tous  sans  les  dépasser.  M .  Lindstrôm  a  montré  qu'il  était 
doué  et  outillé  pour  mener  à  bien  l'entreprise.  A-t-il  réussi 
cependant  à  résoudre  le  problème  si  complexe  de  l'analogie, 
même  dans  les  limites  de  la  déclinaison  où  il  s'est  restreint? 
Il  y  aurait  évidemment  quelque  exagération  à  le  prétendre, 
et  l'auteur  avait  trop  conscience  des  difficultés  du  sujet  pour 
viser  à  autre  chose  qu'a  un  simple  essai.  C'est  le  premier  mot 
de  sa  thèse,  et  il  semble  qu'au  fur  et  à  mesure  de  son  travail, 
il  n'a  fait  que  se  convaincre  davantage  du  danger  d'une  géné- 
ralisation prématurée.  Dans  Tavant-propos  de  la  seconde 
partie  ses  visées  se  précisent  dans  le  sens  de  la  réserve.  C'est 
qu'il  a  reconnu,  comme  il  l'avoue  en  toute  loyauté,  que  la 
matière  se  dérobe  parfois  à  l'enquête:  le  nombre  des  formes 
où  l'analogie  se  laisse  saisir  avec  certitude  est  encore  trop 
restreint  pour  qu'on  ait  des  chances  sérieuses,  en  l'état,  d'at- 
teindre à  la  perfection  d'un  système.  «  Il  faudra,  dit-il,  une 


74  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

riche  collection  de  formes  analogiques  pour  pouvoir  décou- 
vrir et  formuler,  à  l'aide  de  celle-ci,  une  loi  concernant  l'ana- 
logie. C'est  dans  l'espoir  que  le  recueil,  ici  fait,  donnera  à  un 
autre  l'envie  de  continuer  les  recherches  que  je  publie  cette 
seconde  partie.  »  Rien  de  plus  judicieus  et  de  plus  modeste, 
et  c'est  de  ce  point  de  vue  de  l'auteur  que  la  critique  doit, juger 
son  travail.  Si  elle  est  équitable,  elle  lui  tiendra  compte  de 
son  incontestable  érudition  et  de  son  très  louable  effort,  en 
même  temps  que  de  ses  qualités  de  critique  avisé  et  de  pho- 
néticien exercé;  quanta  ses  conclusions  d'ensemble,  si  la  cri- 
tique n'y  trouve  pas  encore  la  loi  des  phénomènes  analogiques 
de  déclinaison,  elle  a  le  devoir  de  reconnaître  loyalement  que, 
fidèle  à  ses  promesses,  M.  Lindstrôm  a  heureusement  frayé 
la  voie  âus  chercheurs. 

Pour  discerner,  avec  toute  la  précision  désirable,  les  formes, 
phonétiques  des  formes  analogiques,  c'est-à-dire  celles  qui 
dérivent  des  cas  latins  correspondants  et  celles  qui  n'en 
peuvent  provenir,  la  question  de  méthode  est  d'importance 
capitale.  Voici  de  quelle  façon  procède  M.  Lindstrôm:  pour 
chacune  des  trois  déclinaisons  du  gallo-roman,  il  dresse  un 
tableau  reproduisant,  d'une  part,  l'étymologie  latine  ou  ro- 
mane, de  l'autre,  les  deus  cas,  sujet  et  régime,  singulier  et 
pluriel,  —  seuls,  restés  dans  le  latin  gallo-roman  depuis  en- 
viron l'an  500  après  J.-C,  —  et  à  la  suite  de  remarques  géné- 
rales sur  ce  tableau,  il  examine,  au  point  de  vue  phonétique, 
les  formes  françaises  et  provençales,  en  séparant  soigneuse- 
ment les  formes  populaires  des  formes  savantes.  On  voit  que 
ce  triage  le  met  forcément  aus  prises  avec  les  problèmes  pho- 
nétiques qui  intéressent  la  tonique  et  la  partie  métatonique 
des  substantifs  latins,  autant  dire  avec  les  questions  les  plus 
compliquées  de  la  phonétique  gallo-romane.  Il  est  vrai  que 
d'ordinaire,  il  se  borne  à  exposer  les  différents  systèmes  et  à 
choisir;  mais  n'est-ce  pas  déjà  faire  œuvre  de  critique  que 
d'opter,  avec  une  parfaite  indépendance  et  sur  de  bonnes 
raisons,  entre  tant  d'opinions?  A  cet  égard,  on  peut  dire  que 
le  livre  de  M.  Lindstrôm  nous  offre  un  précieus  résumé  des 


COMPTES    RENDUS  75 

principales  discussions  soulevées  par  la  phonétique  française 
et  provençale;  si  la  table  qui  termine  le  second  volume  était 
plus  détaillée,  on  verrait  de  quelle  ressource  il  peut  être  dans 
la  bibliothèque  d'un  étudiant.  Signalons,  parmi  les  plus  im- 
portantes discussions,  celles  qui  concernent:  donCnicelLa, 
donzelle,dansele  (I,  38);  */we7i^ionea, mensonge  (I,  42)  ipettia- 
petia-pecia,  pièce  (I,  44);  l'élément  métatonique  -icu  (I,  142)  ; 
l'cMS  (1,148);  ëctu  (1,  155;  11,44),  où  l'auteur  renonce  à  la 
théorie  de  M.  Thomsen  et  <it't'<Cit  ou  ch,  pour  se  ralliera 
celle  de  M.  Meyer-Liibke  et  <J%t  <at  ou  (i]eh)  ;  ôcu 
(I,  IG?")  ;  itium,  itia  (1,207);  eriu  (I,  215);  voeem  ^=  voix 
(I,  293). 

Voici  quelques  observations  de  détail,  portant,  plutôt  sur 
desdistractionsoudes  phénomènes,  un  peu  trop  négligés,  delà 
phonétique  franco-provençale:  I,  45,  c'est  à  tort  que  richeise 
<iriehoise  est  présenté  Sivec  prooise,  comme  la  seule  forme 
de  eise  venant  de  itia;  le  dauphinois  a  suhtileyse  et  planeysi 
(cf.  mon  Essai  sur  la  l.  du  Dauph.,  p.  302).  —  I,  54,  est-il 
sûr,  comme  l'auteur  le  maintient  dans  son  second  volume, 
que  le  suffixe  entia  fûtsavanten  gallo-roman?  Il  me  reste 
des  doutes  en  face  du  prov.  penedensa  et  du  franco-prov. 
fennes  peneneeyres  (=  *pœnitentiarias)f  —  I,  56,  l'auteur  se 
range  à  l'avis  de  la  presque  unanimité  des  romanistes  qui 
considèrent  eedre  [hedera)  du  Fragm.  de  Valenciennes 
comme  masculin;  j'ajoute  que  nos  patois,  ayant  simultané- 
ment yéro  etyéra,  ne  peuvent  aider  à  trancher  la  question. 

—  I,  222,  le  dauph.  pra  n'est  pas  du  XIII®  siècle,  mais  de 
1100  environ  ;  ce  qui  prouve  que  la  chute  du  t  (ou  d]  final,  a 
été  relativement  précoce  en  nos  pays,  ce  sont  les  exemples 
Carementran  et  pe  (pedem)  du  XI I®  siècle  [Essai,  p.  22-3). 

—  I,  45,  M.  L.  présente  le  deee  de  V Alexandre  comme  sa- 
vant, attendu,  dit-il,  que  decessu  aurait  dû  donner  deises. 
N'oublie-t-il  pas  que,  dans  decessu,  de  est  préfixe?  —  I,  182, 
c'est  par  distraction  que  le  dauph.  moni  est  rattaché  à 
moniu;  il  est  féminin  et  continue  *mon/a.  —  I,  215,  l'auteur 
prêtent  que  mancipium  eût  donné  en   dauph.   manceip  ou 


76  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

plutôt  mancieip  (cf.  II,  67  ;  ni  Tun  ni  l'autre,  mais  exac- 
tement niancip  (cf.  Essai,  p.  169,  ciri,  pusins). 

Le  second  volume  qui  analyse,  d'aussi  près  que  possible, 
les  cas  de  la  déclinaison  latine  en  Gaule,  revient  naturelle- 
ment  sur  telle  ou  telle  discussion  de  la  première  partie,  par- 
fois, —  nous  en  avons  vu  des  exemples,  —  pour  la  rectifier. 
C'est  l'introduction  qui  m'en  semble  surtout  remarquable: 
M.  L.  y  expose,  avec  une  grande  sûreté  d'information  et  une 
pénétrante  analyse,  les  destinées  de  la  déclinaison  latine  en 
Gaule,  réduite  d'abord,  très  vraisemblablement,  à  trois  cas 
(nom.,  ace,  et  abl.),  puis,  dès  l'an  500  environ,  à  deus  (sujet 
et  régime).  A  noter  qu'il  n'attribue  au  gaulois  d'autre  in- 
fluence sur  le  latin  que  d'en  avoir,  dans  certains  cas,  préci- 
pité les  changements. 

Des  conclusions  générales  de  cette  étude  je  ne  puis  guère 
que  répéter  ce  que  j'en  disais  en  commençant:  si  elles  ne 
tranchent  pas  le  problème.  —  et  l'auteur  se  défent  de  cette 
prétention,  —  elles  sont  de  nature  à  en  préparer  la  solution, 
si  tant  est  qu'elle  soit  possible.  J'ajouterai  toutefois,  qu'elles 
gagneraient  beaucoup  à  être  présentées  sous  une  forme  moins 
abstraite,  moins  algébrique:  qu'il  s'agisse  des  cas  d'analogie 
productive  (celle  qui  réduit  à  une  seule  les  différentes  formes 
d'un  certain  type  ou  d'analogie  proportionnelle  (celle  qui 
réduit  à  un  seul  type  le?  différentes  formes  des  deus  types 
donnés),  on  ne  peut  suivre  son  raisonnemerit  qu'avec  un 
grand  effort  d'attention. 

.le  m'en  voudrais  de  finir  sur  une  critique.  En  réalité, 
nous  avons  affaire  ici  à  un  ouvrage  estimable,  eu  égard  sur- 
tout à  son  caractère  de  thèse  inaugurale.  Si  elle  fait  honneur 
au  jeune  docteur,  elle  nous  donne  aussi  une  idée  fort  avan- 
tageuse de  l'enseignement  de  l'Université  d'Upsala  en  ce 
qui  concerne  les  langues  romanes  ;  en  particulier,  des  lec- 
teurs français  ne  peuvent  qu'être  touchés  et  reconnaissants 
de  l'accueil  qu'elle  fait  aus  thèses  rédigées  en   notre  langue. 

A.  Devaux. 


PUBLICATIONS  ADRESSÉES  A  LA  «  REVUE  DE  PHILOLOGIE  » 


Tous  les  ouvrages  adressés  à  la  Direction  de  la  «  Revue  » 
sont  mentionnés.  Ceus  qui  sont  envoyés  en  double  exem- 
plaire font  l'objet  d'un  compte  rendu. 


Paul  Sébillot.  —  Littérature  orale  de  V Auvergne  (Paris, 
Maisonneuve,  1898,  petit  in-8,  xi-343  p.).  -  Ce  volume, 
très  curieus  au  point  de  vue  du  folk-lore,  contient  un  certain 
nombre  de  textes  patois,  que  nous  signalons  à  nos  lecteurs. 
Il  était  impossible  à  M.  Sébillot  d'en  contrôler  la  notation, 
qui  n'est  pas  uniforme,  mais  que  les  spécialistes  pourront  aisé- 
ment rectifier.  L'auteur  donne  aussi  la  musique  de  plusieurs 
chansons. 

Jean  S.  Barès.  —  Uortografe  simplifiée  et  les  autres 
réformes  nécessaires  (Paris,  bureaus  du  Réformiste,  1898, 
426  p.,  in-18.)  —  Le  vaillant  fondateur  du  Réformiste 
réunit  dans  ce  volume  un  certain  nombre  des  articles  qu'il 
a  publiés  dans  son  journal,  notamment  sur  la  réforme  de 
l'orthographe.  Il  applique  un  système  graphique  plus  radical 
que  celui  du  Réformiste.  Nous  pouvons  différer  d'avis  sur 
quelques  détails,  mais  les  détails  importent  peu.  Cette  ten- 
tative est  bonne,  rationnelle  et  utile.  Le  livre  est  intéressant 
d'un  bout  à  l'autre,  et  les  antiréformistes  de  bonne  foi  ne  pour- 
ront contester  qu'il  ne  soit  d'une  lecture  facile  et  courante. 

Joseph  Thévenin.  —  Monographie  du  patois  de  Vaudioux 
(Jura)  (Lons-le-Saunier,  imprimerie  Declume,  1898,  76  et 
103  p.,  in-8). —  Cet  ouvrage  est  divisé  en  deus  fascicules, 
l'un  consacré  à  la  grammaire,  l'autre  au  lexique  patois-fran- 
çais. Nous  regrettons  toujours  que,  dans  les  publications  de 
ce  genre,  on  ne  joigne  pas  au  lexique  paiois-français  un 
répertoire  français-patois,  indispensable  pour  les  recherches 
phonétiques.  Le  système  graphique  employé  par  l'auteur 
est  insuffisamment  phonétique,  mais  les  faits  grammaticaus 
sont  relevés  avec  soin  ;  c'est  un  travail  utile,  et  il  faut  féli- 


78  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

citer  la  Société  d'émulation  du  Jura  de  lui  avoir  donné  l'hos- 

'   ■  -il. 

pitalité  de  ses  Mémoires. 

Samuel  Chabert.  —  Quelques  Observations  sur  les  mots 
proclitiques  dans  la  langue  française  (Paris,  Gauthier- 
Villars,  décembre  1898.  Extrait  des  Annales  de  l^ Université 
de  Greno6/e,p.445à483).  —  Ce  sont  des  considérations  ingé- 
nieuses et  élevées  sur  le  rôle  des  proclitiques.  L'auteur  les 
résume  et  les  généralise  dans  les  lignes  suivantes,  qui  ter- 
minent son  travail:  «  Ces  petits  mots,  cette  poussière  de 
mots,  parfois  impalpable  ou  peu  s'en  faut,  ce  sont  les  véri- 
tables ferments,  les  principes  vivifiants  de  notre  langue; 
avec  eus,  elle  s'est  développée  et  détachée  delà  langue  mère  ; 
par  eus,  elle  a  fortifié  ces  caractères  de  clarté,  de  probité,  de 
loyauté,  qui  n'étaient  qu'en  germe  dans  le  latin,  et  qui  lui 
ont  acquis  sa  longue  prépondérance;  elle  leur  doit  son 
rythme,  son  ordre,  sa  perfection  ;  et  le  plus  grand  de  leur 
mérite  linguistique  n'est  peut-être  pas  d'avoir  fait  tant  de 
besogne,  c'est  d'avoir  en  même  temps  fait  si  peu  de  bruit, 
et  d'occuper  toujours  si  peu  déplace.  »  P.  458,  M.  Chabert  sem- 
ble admettre  que,  dans  la  prononciation  populaire  de  Paris  «je 
n'ai  vu  »,  //  représente  les  deus  l  de  illurn.  Il  est  extrêmement 
vraisemblable  qu'il  faut  expliquer  les  deus  l  de  je  W  par 
Tanalogie  de  ((  il  Z'a  vu  »,  et  que  par  conséquent  elles  appar- 
tiennent originairement  à  deus  pronoms  distincts. 

Heinrich  Morf.  —  Geschichte  der  neuern  franzosischen 
Litteratur,  XVI-XIX  Jahrhundert.  Erstes  Buch,  das  Zeit- 
alter  der  Renaissance  (Strasbourg,  Trùbner,  1898,  x-246  p. 
in-8).  —  Ce  manuel  est  fait  par  un  homme  compétent,  qui 
applique  à  la  critique  littéraire  les  remarquables  qualités 
de  méthode,  de  vigueur  et  de  netteté,  dont  il  a  fait  preuve 
dans  des  études  d'un  autre  ordre.  Une  bonne  bibliographie 
termine  ce  premier  volume. 

L'abbé  A.  Devaux.  —  Les  Noms  de  lieus  dans  la  région 
lyonnaise  aus  époques  celtique  et  gallo-romaine  (Lyon, 
imprimerie  Mougin-Rusand,   1898,   48  p.  in-8}.  —  La   So- 


PUBLICATIONS    ADRESSEES  79 

ciété  de  Géographie  de  Lyon  a  eu  la  bonne  fortune  d'avoir 
la  primeur  de  ce  travail.  Nul  mieus  que  notre  collaborateur 
ne  s'entent  à  résoudre  les  problèmes  ardus  que  présente 
l'étude  des  noms  de  lieus.  Plus  de  250  noms  se  trouvent 
expliqués  dans  cette  courte  brochure. 

A.  BovY.  —  Les  Romans  dumoyen  âge:Aucassinet  Nico- 
lette,  le  Jeu  de  Robin  et  de  Marion  (Bruxelles,  Oscar  Sche- 
pens,  1898,  130  p.,  in-18).  —  Nous  avons  déjà  signalé  le 
premier  volume  de  cette  utile  collection,  qui  se  propose  de 
répandre  dans  le  public  la  connaissance  des  belles  œuvres 
de  notre  ancienne  littérature.  Le  titre  général  de  la  collection, 
les  Romans  du  moyen  âge,  prête  à  la  critique  :  le  Jeu  de 
Robin  et  de  Marion  n'est  pas  un  roman.  Les  traductions 
sont  sérieusement  faites.  Je  ne  vois  pas  bien  la  nécessité, 
dans  les  passages  chantés  à! Aucassin,  de  reproduire  levers 
ancien  «  sans  tenir  compte  de  la  mesure  ni  de  la  rime  ». 

Maurice  Bouchor.  —  La  Chanson  de  Roland,  traduite 
en  vers  (Paris,  Hachette,  1899,  170  p.,  in-8).  —  Encore  une 
tentative  de  vulgarisation  de  notre  vieille  littérature.  M.  Bou- 
chor a  découpé  le  texte  en  strophes  égales  à  rimes  entre- 
croisées, ce  qui  en  change  très  sensiblement  le  caractère. 
Mais  il  faut  lui  rendre  cette  justice  qu'il  a  conservé  avec 
beaucoup  d'art  et  de  goût  la  simplicité  épique  de  l'original. 
Signalons  aussi  l'introduction,  la  petite  dissertation  sur  le 
caractère  du  poème,  et  l'appendice  qui  contient  des  indications 
judicieuses   relativement  aus  passages  à  lire  en  public. 

Gaston  Paris.  —  La  Légende  des  Infants  de  Lara,  extrait 
au  Journal  des  Savants,  mai  et  juin  1898.  —  Cette  étude 
si  attachante  sort  du  cadre  de  notre  Revue.  Il  convient 
cependant  de  noter  ici  les  remarques  intéressantes  de 
G.Paris  sur  le  sort  différent  de  la  matière  épique  en  Espagne 
et  en  France  (p.  26). 

Studier  i  modem  sprakvetenskap  utgifna  af  nyjilologiska 
sàllskapet  i  Stockholm,  I  (Upsal,  Almquistet  Wiksells,  1898, 
xii-235  p.  in-8).  —  Ce  volume  contient  en  premier  lieu  le 


80  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

travail  de  Cari  Wahlund  dont  il  est  question  ci-dessus,  puis 
deus  articles,  également  en  français,  d'O.  Ortenblad  :  !«  sur  le 
mode  avec  les  conjonctions  concessives,  2»  sur  la  préposition 
en  suivie  de  l'article  défini.  A  propos  de  ce  dernier  article,  je 
ferai  remarquer  que  la  langue  répugne  à  employer  en  non  pas 
devant  l'article  défini  en  général,  mais  devant  le  Qi  les,  et 
cela  pour  la  raison  très  simple  que  en  le  et  en  les  étaient 
en  viens  français  des  fautes  graves,  telles  que  seraient 
aujourd'hui  encore  de  le  et  de  les  au  lieu  de  du  et  des.  Bien 
que  les  formes  contractées  ou  et  es  aient  disparu,  on  a  con- 
servé le  sentiment  de  l'incorrection  de  en  le,  en  les.  Ce  que 
dit  M.  Ortenblad  sur  l'analogie  syntaxique  est  très  exact  et 
suffit  à  expliquer  l'exemple  de  Pascal:  «  Je  considère  J.  C  en 
toutes  les  personnee  et  en  nous-mêmes,. .  J.  C.  comme  pauvre 
en  /e6- pauvres,  J.C.  comme  riche e^  Zes riches,  etc.»  Le  même 
volume  contient  encore  un  article  de  notre  collaborateur 
E.  Staafï  sur  la  question  difficile  du  suffixe  une,  ième  en 
français;  un  autre  de  Herman  Andersonn  sur  l'altération 
et  la  chute  de  1'/'  en  français,  problème  non  moins  ardu  ; 
une  étude  de  P. -A.  Geiger:  Om  artikeln,  dess  ursprung  och 
uppgift,  sàrskild  i  franskan  och  andra  romanska  spràk  ; 
enfin  un  aperçu  bibliographique  des  ouvrages  de  philologie 
romane  et  germanique  publiés  parles  Suédois  depuis  1893 
jusqu'au  mois  d'octobre  1898. 

F.- Ed.  ScHNEEGANS.  —  Gesta  Kai^oli  Magni  ad  Carcas- 
sonara  et  Narhonam,  lateinischer  Text  und  provenzalische 
Ubersetzung,  mit  Einleitung  Halle,  Ehrhardt  Karras,  1898, 
270  p.  in-8.  —  Romanische  Bibliothek,  n"  15). 


Le  Gérant  :  V^^  Emile  Bouillon. 


Chaloii,  imp.  L.  Marceau.  —  E.  Bertrand,  Siic". 


ENQUÊTE  SUR  LES  PATOIS 


Questionnaire  2' 

Nota  bene.  —  Il  importe  d'écrire  exactement  les 
mots  tels  qu'ils  se  prononcent.  Il  ne  faut  pas,  sous 
prétexte  de  se  rapprocher  de  l'orthographe  française, 
écrire  des  lettres  qui  ne  se  prononcent  pas.  Quant  aus 
lettres  finales  qui  ne  se  prononcent  que  dans  les  liai- 
sons, prière  de  les  mettre  entre  parenthèses.  Par 
exemple,  écrire  ainsi  le  pronom  vous,  s'il  se  prononce 
comme  en  français  :  vou(s). 

Distinguer  avec  soin  é  fermé  d'é  ouvert,  d'ê  très 
ouvert  et  d'e  dit  muet;  à,  tel  qu'on  l'entent  dans  le 
français  patte  (écrivez  pâte)  d'à  tel  qu'on  l'entent  dans 
pâte;  o  tel  qu'on  l'entent  dans  sotte  (écrivez  sote)  d'd 
tel  qu'on  l'entent  dans  tôt  et  chapeau  (écrivez  tô  et 
chapô). 

Les  sons  que  le  français  ne  connaît  pas  doivent  être 
écrits  avec  les  lettres  françaises  qui  s'en  rapprochent  le 
plus  ;  mais  ces  lettres  doivent  être  soulignées,  et  on  est 
prié  d'indiquer  aussi  exactement  que  possible,  à  la  fin 
de  la  traduction,  comment  se  prononcent  les  lettres 
soulignées  qu'on  aura  employées. 

1.  Ce  questionnaire^  contenant  une  liste  de  phrases  à  traduire, 
sera  envoyé  dans  les  mêmes  départements  que  le  premier  (Voyez 
notre  Revue,  tome  I",  p.  5).  Nous  souhaitons  d'avoir  au  moins 
un  correspondant  par  canton. 

REVUK    DE   PniLOLOGIIi,    XIII  6 


S2  REVUE    DE    PHILOLOr.IE    FRANÇAISE 

Dans  tout  mot,  ii  y  a  une  syllabe  sur  laquelle  la  vois 
appuie  plus  que  sur  les  autres  :  c'est  ce  qu'on  nomme 
la  syllabe  tonique  {pè  dans  le  français  père,  ment  dans 
le  français  ornement).  Prière  de  souligner  deus  fois  la 
syllabe  tonique  de  chaque  mot,  quand  elle  n'est  pas  à 
la  même  place  que  dans  le  mot  français  correspondant. 


Prière  de  mettre  en  tête  de  la  traduction  : 

Rcnsriijnoments  pnvoyès  par  M 

demeurant  ô 

Dans  le  patois  de  la  commune  de 

canton  de...  département  de  ,  on  dit \' 

1.  Je  chante,  tu  chantes,  il  chante,  nous  chantons, 
vous  chantez,  ils  chantent. 

2.  Nos  amis  et  nos  voisins  vendangeaient  hier;  nous 
trouvions  que  le  temps  était  trop  mauvais;  nous  ven- 
dangeons aujourd'hui. 

3.  Je  pétris,  tu  pétris  la  pâte  avec  le  levain  ;  quand 
le  boulanger  pétrit  son  pain,  il  chante  de  vieilles  chan- 
sons; nous  pétrissons,  vous  pétrissez  ;  le  four  est  chaud. 
Ces  boulangers  pétrissent  de  bon  matin. 

4.  Toi,  tu  danses  quand  moi  je  pleure;  dis-nous 
pourquoi  tu  pleures;  nous  pleurons,  vous  pleurez;  ces 
enfants  pleurent  quand  leur  père  les  bat.  Cette  femme 
battait  sa  fille  qui  pleurait  ;  elle  la  menaçait  de  la  donner 
au  loup. 

1.  Il  sera  inutile  de  reproduire  le  texte  français,  il  suffira  de 
suivre  exactement  Tordre  des  phrases  et  de  reproduire  les  numéros 
des  paragraphes. 


ENQUÊTE    SUR    LES    PATOIS  83 

5.  Cette  herbe  guérit  de  la  fièvre  ;  je  guéris,  tu  guéris  ; 
nous,  nous  guérissons  les  plaies;  vous,  vous  guérissez 
les  yeus  ;  ces  sorciers  guérissent  tous  ceus  qui  payent 
bien. 

6.  Je  crois  que  tu  mens,  tu  ne  peus  pas  nous  guérir; 
je  ne  mens  pas  quand  je  le  raconte.  Il  passait  son  temps 
à  dormir. 

7.  Celui  qui  dort  pendant  que  nous  travaillons  à  la 
chaleur,  ne  doit  pas  manger;  je  ne  veus  pas  travailler 
avec  vous.  Elle  nous  attent;  tu  nous  attens. 

8.  Ceus  qui  vendangent  avec  la  pluie  font  du  mau- 
vais vin;  tu  vendanges  pour  nous;  vous  vendangez. 
Sortons-nous  ?  Sortez-vous  ?  Ouvre-nous  la  porte  ;  paye- 
nous;  aidez-nous. 

9.  Ces  femmes,  qui  avaient  faim,  mangeaient  dans 
la  cuisine  ;  celles-ci  mangent  leur  soupe  sur  la  table, 
celles-là  derrière  une  meule  de  paille.  Je  mange  les 
meilleurs  raisins.  Tu  manges  des  nois. 

10.  Si  tu  payes  la  moitié  delà  dépense,  je  paye  l'autre 
moitié  ;  il  paye  ses  dettes  à  ses  amis,  quand  il  peut  ;  le 
blé  que  nous  achetons  au  marché,  nous  le  payons  trop 
cher;  vous  payez  à  boire. 

11.  Mes  parents  payent  à  tes  amis  trois  fois  plus 
qu'ils  ne  doivent.  Ces  gens,  qu'ils  menacent  de  loin, 
ont  eu  peur.  Quand  vous  dormez  sur  les  coussins  de 
votre  lit,  vos  chiens  ne  dorment  pas. 

12.  Nous  dormons  dans  le  bois.  Ils  voulaient  ven- 
danger lundi  soir  jusqu'à  la  nuit. 

13.  Vous  cherchez  notre  échelle,  mais  vous  ne  trouvez 
pas  celle  que  vous  voulez  ;  les  voisins  nous  aident  à 
chercher  notre  veau  qui  s'est  perdu. 


84  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

14.  Ce  domestique  aide  son  maître  à  labourer;  sa 
femme  aidait  notre  fermière  à  pétrir  le  pain  et  à  faire 
la  lessive.  Le  sommeil  ne  venait  pas. 

15.  Je  vendange  avec  vous  ;  pendant  que  nous  tra- 
vaillons tous,  tu  dors  à  l'ombre  de  ces  peupliers;  cette 
fourche  ne  vaut  rien. 

16.  Je  dois  partir  demain.  Ton  petit  pleure,  il  ouvre 
la  bouche,  j'entens  sa  vois;  le  mien  dort  près  du  feu. 
Je  pleurais,  je  dormais  ;  pleurer,  chanter  :  je  dors  sur 
le  sable  de  la  cour. 

17.  Nous  partons,  vous  partez;  celles  qui  partent;  si 
tu  pars,  je  reste  à  côté  de  toi  ;  si  je  pars,  tu  restes  ;  ces 
deus  femmes  partaient  pour  le  marché  :  celle-ci  ven- 
dait des  raves,  celle-là  apportait  des  lentilles. 

18.  Ces  mères  battent  leurs  enfants;  nous  ne  battons 
jamais  les  nôtres;  vous  ne  battez  pas  les  vôtres;  je  bas 
ceus-ci,  celles-ci  ;  tu  bas  ceus-là,  celles-là. 

19.  Nous  mangeons  des  figues  chez  nous  au  mois  de 
juin  ;  vous  mangez  des  pommes  ;  je  ne  sais  pas  si  mon 
père  vendange  aujourd'hui;  les  nuages  couvraient  la 
lune,  le  ciel  était  noir. 

20.  Si  tu  m'aides,  nous  achèverons  ton  ouvrage;  nous 
aiderons  ton  ami;  vous  aidez  à  allumer  le  feu;  quand 
je  l'aide,  il  travaille  davantage. 

21.  Cette  bourse  était  à  moi,  à  toi,  à  lui,  à  nous,  à 
vous,  à  eus. 

22.  Il  vent  ses  bœufs  et  ses  vaches;  tu  ne  veus  pas 
me  vendre  cet  essaim  d'abeilles;  tu  dois  voir  cette 
étoile,  ces  étoiles. 

23.  Nous  vendons  des  prunes;  vous  vendez  du  miel. 


ENQUÊTE  SUR  LES  PATOIS  85 

Vous  VOUS  cassez  la  jambe;  nous  nous  cassons  le  nez, 
la  tête.  « 

24.  Nous  devons  aider  nos  amis  pour  les  semailles. 
S'il  veut,  je  l'aiderai;  nous  voulons  bien;  votre  foin 
est  déjà  sec;  vous  devez  le  rentrer;  ils  doivent,  mais 
ils  ne  veulent  pas  payer. 

2b.  Sortons,  si  vous  voulez  ;  je  vens  mes  sis  brebis 
pas  cher  ;  tu  vens  les  tiennes  ;  ils  vendent  les  leurs  ; 
ils  devaient  vendre  aussi  les  miennes. 

26.  Votre  valet  dormait  dans  son  lit  pendant  que 
nous  travaillions  ;  tu  dormais  sept  ou  huit  heures  de 
suite  ;  j'aidais  à  coudre  et  je  cousais  moi-même. 

27.  Dans  mon  pays,  nous  mangions  bien,  mais  nous 
ne  dormions  guère.  Je  mangeais  de  la  poussière  sur 
cette  route  ;  tu  mangeais  du  lait  aigre. 

28.  Je  devais  partir  pour  la  ville,  mais  je  ne  voulais 
pas;  j'avais  la  fièvre.  Le  coq  chantait  sur  le  fumier, 
mais  il  ne  sortait  pas.  Je  chantais^  tu  chantais. 

29.  Tu  pleurais,  quand  je  partais  ;  nous  chantions  et 
vous  pleuriez;  ceus-ci  chantaient,  ceus-là  pleuraient. 
Vous  chantiez  pendant  que  nous  pleurions.  Vous  dor- 
miez quand  nous  sortions;  je  partais  pour  aller  à 
l'éo'lise  écouter  la  messe. 

30.  Tu  partais,  vous  partiez  ;  les  petits  dormaient  et 
leurs  pères  partaient;  les  roues  glissaient  sur  la  neige 
dans  la  plaine.  Ce  renard  mangeait  nos  pauvres  poules. 

31.  Il  ne  voulait  pas  venir  avec  son  amie.  Je  croyais 
que  tu  vendangeais  aujourd'hui;  il  pétrissait  de  la 
terre  avec  ses  doigts  et  avec  ses  ongles.  Je  pétrissais.  Il 
guérissait  le  mal  au  pied  ;  je  guérissais,  tu  guérissais. 
Vous  mangiez  de  bon  pain. 


86  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

32.  Il  devait  beaucoup  d'argent,  mais  il  ne  payait 
jamais  rien  :  ceus  dont  je  te  parle  étaient  à  l'école.  Je 
payais  à  celui-ci  le  pris  de  sa  paille,  à  celui-là  celui 
de  son  tonneau.  Tu  payais  ceus  qui  demandaient 
quelque  chose. 

33.  Tu  voulais  bien,  mais  mon  neveu  et  moi  nous 
ne  voulions  pas.  Est-ce  que  tu  devais  beaucoup  d'ar- 
gent? Nous  ne  lui  devions  rien;  ils  vendaient  au  châ- 
teau une  pièce  de  toile. 

34.  Les  femmes  pétrissaient  le  pain,  pendant  que  les 
hommes  vendangeaient.  Tu  pétrissais  les  cendres  avec 
tes  pi-eds.  Nous  pétrissions,  vous  pétrissiez. 

35.  Quand  tu  vendais  ta  chèvre,  elle  sautait  ;  je  ven- 
dais de  la  cire.  Nous  vendions,  vous  ne  vendiez  rien. 
Quand  tu  m'aidais  à  vendanger  dans  ma  vigne,  tu  tra- 
vaillais sans  rien  dire. 

36.  Quand  vos  ouvriers  partaient,  vous  les  payiez  ; 
ceus  qui  nous  aidaient,  nous  les  payions  bien.  Les 
maçons  payaient  mal  leurs  ouvriers. 

37.  Vous  les  aidiez,  mais  vous  ne  leur  deviez  rien  ; 
vous  ne  vouliez  pas  rester.  Nous  aidions  à  planter  la 
vigne.  Quand  je  vendangeais,  vous  rentriez  vos  foins 
avec  des  pelles  et  des  râteaus.  ' 

38.  Nous  guérissions,  vous  guérissiez  ;  ces  médecins 
guérissaient  quelquefois  leurs  malades. 

39.  Mes  oncles  vendangeaient  aujourd'hui  ;  ils  bat- 
taient leurs  femmes  comme  leurs  bêtes;  quand  ton  âne 
tirait  la  langue,  tu  le  battais. 

40.  Je  battais  votre  âne,  nous  battions  le  tien  et  le 
sien;  le  nôtre  et  le  vôtre  ;  vous  battiez  votre  âne  et  le 
leur. 


ENQUÊTE    SUR    LES    PATOIS  87 

Répondre  à  la  question  suivante  : 

Comment  se  prononcent  les  lettres  soulignées  dans 
les  traductions  ci-dessus  ? 


Observations  importantes.  —  On  est  prié  de  se 
servir  d'un  papier  de  dimensions  uniformes  (environ 
290  millimètres  sur  194). 

Envoyer  les  traductions  à  M.  Clédat,  doyen  de  la 
Faculté  des  Lettres  de  Lyon.  N'y  introduire  aucune 
correspondance  personnelle,  et  affranchir  àO  fr.  05  par 
cinquante  grammes,  en  mettant  sur  l'enveloppe  non 
cachetée  la  mention  :  Manuscrit  pour  la  Revue  de 
Philologie. 

Les  noms  de  tous  nos  correspondants  seront  publiés 
dans  la  Revue  de  Philologie  Jrançaise. 


LES 

PATOIS  DE  LA  RÉGION  LYONNAISE' 


PRONOM  SUJET    DE    LA  2"    PERSONNE    DU    SINGULIER 

La  forme  latine  tu  (=  tou  français)  ne  s'est  con- 
servée intacte  dans  notre  région  que  dans  quelques 
communes  de  la  Savoie.  Partout  ailleurs,  elle  a  subi 

des  transformations  qui  en  ont  modifié  la  voyelle, 
quelquefois  même  la  consonne. 

U  latin  (=  ou  français)  est  devenu  u  français  ;  mais 
la  forme /w,  commune  à  la  plupart  des  dialectes  du  Nord 
et  du  Midi,  n'est  pas  très  fréquente  dans  notre  région. 
D'ordinaire  tu  en  position  proclitique  s'est  affaibli  en 
te,  comme  yo  enye,  par  l'intermédiaire  de  teu.  Quel- 
quefois l'affaiblissement  ne  s'est  produit  que  devant 
voyelle;  de  là  la  double  forme:  tu  devant  consonne, 
t  devant  voyelle,  qu'on  trouve  aussi  dans  le  français 
populaire  de  Paris.  Plus  fréquemment  tu  passe  à  te 
dev.  cons.,  à  t  dev.  voyelle;  et  même  Ve  muet  de  te 
tent  à  disparaître.  Tu,  teu,  au  lieu  de  s'affaiblir  en  te, 
est  devenu  quelquefois  té  ou  tè  (t  devant  voyelle). 

La  dentale  t  s'est  conservée  le  plus  souvent  à  l'état 
pur  ;  quelquefois  cependant,  par  suite  d'un  léger  dé- 
placement de  l'articulation,  elle  s'est  mouillée  et  pala- 
talisée;  de  là  les  formes  t'-'u,  k-'u,  tku,  ku  ou  Ve,  tcke, 
tse. 

1.  Voir  Rer.   de  PliUolo<jlo  française,  t.  XII,  p.    1,  note  1,  et 

t.  XIII,  p.  i-4i: 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  89 

Ces  différentes  formes,  ausquelles  il  faut  joindre  la 
forme  de  datif-accusatif  ti  qui  s'emploie  quelquefois 
en  fonction  de  sujet,  se  répartissent  ainsi  qu'il  suit  : 

Ain:  te-t,  té-t,  tè-t,  f'e-t'-',  tu-P',  tche-tch. 

Alpes  (Hautes-)  :  tu,  te-t. 

Ardèche:  tu,  tku,  ku,  ti. 

Belfort:  te-t,  tè-t. 

DouBS  :  te-t,  tu-t. 

Drôme  :  tu,  ti,  te-t. 

Isère  :  te-t,  tè-t,  té-t,  tu,  ti. 

Jura  :  te-t,  tè-t,  tu,  tu-tch. 

Loire:  te-t,  tse-ts,  tu. 

Loire  (Haute-)  :  tu,  t"u,  k''u,  tku,  ku. 

Rhône  :  te-t. 

Saône-et-Loire  :  fe-t^  té-t,  tu,  tu-t. 

Saône  (Haute-)  :  tu,  tu-t,  tu-t",  te-t,  té-t, 

Savoie:  tou,  te-t,  té-t. 

Savoie  (Haute-):  te-t,  té-t,  tè-t. 

Vosges  :  te-t,  té-t,  tu. 

1°  La  forme  tou 

Tu  latin  s'est  conservé  sur  la  frontière  italienne, 
dans  la  Tarentaise,  à  Séez,  c.  de  Bourg-Saint-Mau- 
rice (arr.  de  Moutiers),  et,  d'après  Pont\  à  Bellentre, 
où  l'on  trouve  à  la  fois  tou  et  te;  les  textes  cités  par 
lui  pour  Hautecour  et  pour  la  vallée  de  Beaufort,  dans 
la  même  région,  ne  renferment  que  te.  On  sait  que  u 
latin  s'est  maintenu  dans  le  Valais'  ;  d'après  Bridel,  on 
dit  tou   à  Évoléna    {Gloss.   de  la   Suisse  i^omande, 

1.  Orig.  du  pat .  de  la  Tarentaise.  Paris,  1872,  p.  136. 

2.  Meyer-Lubke,  Grani.  des  L.  rotn.,  I,  p.  77. 


90  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

p.  431  .  à  Vëtroz  (l'bïd.ASS],  à  Saint-Luc (ï6ïo?.,  435), 
et  dans  le  c.  de  Vaud  i\  Château-d'Œx  [ibicL,  p.  443  . 


2''  Les  formes  tu  et  tu-t 

Tu  devant  cons.  et  devant  vov.  domine  dans  la 
France  du  Nord  et  dans  la  Provence.  On  ne  le  trouve 
dans  notre  région  qu'au  nord-ouest,  sur  les  frontières 
de  la  Bourgogne,  de  la  Champagne  et  de  la  Franche- 
Comté,  et  au  sud,  dans  l'Ardèche,  la  Drôme  et  les 
Hautes-Alpes. 

Au  domaine  francaisde  /f^  appartiennent  le  sud-ouest 
des  Vosges  avec  Ainvelle  (c.  de  Lamarche,  arr.  de 
Neufchàteau),  l'ouest  de  la  Haute-Saône  et  du  Jura 
avec  Jussey,  Bétoncourt  (c.  de  \'itrey),  Chantes  (c.  de 
Scey -sur-Saône),  dans  Tarr.  de  Vesoul  ;  Dampierre- 
sur-Salon,  Ovrières  (c.  d'Autrev),  Germi^nev  c.  de 
Gray).  Géziers  (c  de  Gy).  Montagney  (c.  de  Pesmes), 
dans  Tarr.  de  Gray:  Olîlanges  (c.  de  Montmirey),  Ta- 
vaux  (c.  de  Chemin),  la  Loye  (c.  de  Montbarrez), 
Foulnay  (c.  de  Chaumergy)  dans  l'arr.  de  Dole;  il 
faut  V  ajouter  \'érissev  (c.  de  Montret,  arr.  de 
Louhans),  dans  la  Saône-et-Loire. 

Mais  le  voisinage  du  domaine  de  te-i  qui  s'étent  sur 
la  Franche-Comté,  la  Bresse  et  le  Morvan,  se  fait  sen- 
tir à  Baulav  (c.  d'Amance),  à  Raze  (c.  de  Scey;,  à 
Vellexon  (c.  de  Fresne-Saint-Mamès)  dans  la  Haute- 
Saône,  où  tu  reste  intact  devant  consonne,  mais  s'atîai- 
blit  en  t  devant  vovelle.  Il  en  est  de  même  à  l'ouest 
duDoubs,  à  Rufïey  (c.  d'Audeux)  et  dans  la  Saône-et- 
Loire  à  Saint-Germain-du-Plain  (arr.  de  Chalon). 

C'est  peut-être  par  Tintermédiaire  de  ti  ow.  i'-'  que  tu 
est  passé  a  t  devant  voyelle.  Nous  trouvons  en   etlet 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  91 

tu-t"  dans  la  même  région  que  tu-t,  dans  la  Haute- 
Saône,  à  Champlitte,  à  Broyé  (c.  de  Pesmes),  à  Bon- 
boillon  (c.  de  Marnay);  à  Montagney  (c.  de  Pesmes), 
on  dit  tu  ou  t^  devant  voyelle  \  —  Tu-f  à  Brénod 
dans  l'Ain  (arr.  de  Nantua)  est  dû  sans  doute  au  voi- 
sinage de  P'e-t^,  forme  du  canton  d'Hauteville. 

Tu  semble  isolé  dans  la  Loire,  à  Saint-Haon  (arr.  de 
Roanne)*.  Toutefois,  on  trouve  tu  interrogatif  après  le 
verbe,  dans  la  Chanson  de  la  vigne  en  patois  d'Am- 
bierle  (c.  de  Saint-Haon)*,  et  dans  le  Ballet  en  langage 
foréMen\  En  outre,  je  trouve  tu  devant  le  verbe  dans 
une  chanson  en  patois  de  Montbrison,  citée  par  Aug. 
Bernard';  tu  dev.  cons.,  mais  V-^  devant  voyelle  dans 
les  poésies  d'Antoine  Chapelon\  Enfin  Gras  donne  tu, 
te  et  quiu  =  tu  [Dict . ,  p.  160).  Tous  nos  correspon- 
dants de  la  Loire  donnent  te^  té  ou  tse. 

Au  domaine  provençal  de  tu  appartient  une  grande 
partie  de  TArdèche,  de  la  Drôme  et  des  Hautes-Alpes, 
011  d'ailleurs  le  pronom  sujet  est  en  général  supprimé". 
Dans  la  Haute-Loire,  la  dentale  s'est  partout  palata- 

1.  Dans  ces  trois  dernières  communes  PJeme  (=  tu  aimes) 
pourrait  s'expliquer  par  Tinfluence  analogique  de  la  première 
personne,  yèmc ;  mais  à  Champlitte  on  dit  jenme  ;  il  est  donc 
plus  probable  que  V  est  une  simple  transformation  phonétique 
de  tu  devenu  U,  puis  t'J  devant  voyelle. 

2.  Un  autre  (Correspondant   de  Saint-Haon  ne  donne  que  te-t. 

3.  Citée  par  F.  Noëlas,  Lêr/endes  et  Traditions  foi^è. siennes, 
Roanne,  1865,  p.  163-166. 

4.  Fragment  cité  par  Chantelauze  in  La  Mure,  Hist.  du  Forez, 
t.  III,  176. 

5.  Hist.  du  Fores,  Montbrison,  1835.  t.  I,  p.  13-16- 

6.  Ihid.,  \.  II.  Biographie,  art.  Chapelon.  Le  texte  porte: 

Dis,  quand  ti  ères  petit,  ta  mare  qu'ère  fina 

La  mesure  du  vers  indique  nettement  qu'il  s'agit  ici  de  t'i. 

7.  Cf.  Ret^.  de  Phil.  fr.,  XIII,  1-10 


92  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

lisëe  :  on  trouve  pourtant  tu  au  sud  du  département,  à 
Pradelles  (arr.  du  Puy).  —  Dans  l'Ardèche,  où  la 
forme  palatalisée  est  fréquente  aussi,  tu  nous  est  si- 
gnalé à  Vallon,  à  Lablachère  et  à  Payzac  (c.  de 
Joyeuse),  à  Jaujac  (c.  de  Thueyts),  et  à  Béage,  dans 
l'arr.  de  Largentière  ;  à  Gras  (c.  du  Bourg-Saint-An- 
déol).  à  Viviers,  à  Lavilledieu  (c.  de  Villeneuve-de- 
Berg),  à  Baix(c.  deChomcrac),  et  à  Saint-Pierreville 
dans  larr.  de  Privas:  au  Cheylard,  à  la  Chapelle-sous- 
Chanéac  (c  de  Saint-Martin-de-Valamas),  à  Saint- 
Mctor  (c.  de  Saint-Félicien)  et  à  Bofïres  (c.  de  Ver- 
noux,.  où  Ton  trouve  aussi  ku  et  ti,  dans  l'arr.  de  Tour- 
non.  —  Dans  la  Drôme,  tu  domine  dans  les  arr.  de 
Nyons  et  de  j\Iontélimar\  à  Mirmande  (c.  de  Loriol), 
au  sud  de  l'arr.  de  Valence,  à  Bouvières  (c.  de  Bour- 
deaux)  età  Menglon  (c.  de  Chàtillon),  au  sud  de  l'arr. 
de  Die;  plus  au  nord,  on  dit  ti.  —  Dans  les  Hautes- 
Alpes,  on  emploie  tu  dans  les  arr.  de  Gap'  et  d'Em- 
brun, et  aussi,  d'après  Chabrand  et  de  Rochas  dans  le 
Briançonnais;  toutefois,  à  la  Salle  (c.  du  Monëtier),  au 
nord  de  l'arr.  deBriançon,  on  dit  te-t.  —  On  connait 
encore  la  forme  tu  au  sud  de  l'Isère,  à  Monestier- 
du-Percy  (c.  deClelles,arr.  de  Grenoble),  où  d'ailleurs 
le  pronom  sujet  est  presque  toujours  supprimé,  et  dans 
rOisans.  à  Auris,  à  la  Garde,  à  Villard-Reculas,  où  on 
l'exprime  toujours. 

3°  La  forme  te  {dec.  cons.)  —  t  (dev.  voyelle) 

Te  semble  être  la  forme  propre  à  notre  région  ;  elle 
domino  presque  exclusivement  sur  une  grande  partie 

1.  Voir  les  noms,  Rec.  de  PhH.  Jr.,  XIII,  p.  35,37-.38. 

2.  Cf.  Parab.  en  patois  de  Gap  et  des  villages  environnants,  in 
Mèrn.  des  Ant.,  VI,. 533. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  93 

des  Vosges  et  de  la  Haute-Saône,  dans  le  Doubs,  le 
Jura,  la  Saône-et-Loire,  l'Ain,  le  Rhône,  la  Loire, 
risère,  la  Savoie  et  la  Haute- Savoie.  C'est  à  peine  si  à 
l'intérieur  de  ce  domaine  compact  nous  trouvons  iso- 
lément quelque  autre  forme  du  pronom  tu,  le  plus 
souvent  ^éou  tè,  quelquefois  t-'e,  tse  ou  tche. 

On  pourrait  marquer  assez  nettement  la  limite  mé- 
ridionale de  te  =  tu  par  une  ligne  presque  droite  qui 
irait  de  Saint-Jean-Soleymieux  au  sud-ouest  de  la 
Loire,  à  la  Salle  au  nord-est  des  Hautes-Alpes,  en 
passant  par  Saint-Étienne,  le  Péage-de-Roussillon, 
Saint-Bonnet-de-Valclérieux,  Saint-Bonnet-de-Cha- 
vagne,  Prestes,  Saint-Paul-les-Monestier,  la  Motte- 
Saint-Martin,  le  Fréney-d'Oisans.  Voici  d'ailleurs,  en 
allant  du  nord  au  sud,  les  localités  où  te-t  nous  est 
signalé  : 

Vosges  :  te  occupe  le  nord-ouest  et  le  nord-est  du 
département  ;  ailleurs  on  dit  té  ou  tè.  On  dit  te  partout 
dans  les  arr.  de  Neufchàteau  et  de  Mirecourt',  sauf 
au  sud  à  Ainvelle  (c.  de  Lamarche),  où  Ton  dit  tu, 
et,  d'après  Adam,  à  Attignyet  à  Vallois,où  té  =  tu;  te 
est  réduit  à  t  même  devant  cons.  dans  le  c.  de  La- 
marche. Dans  l'arr.  d'Épinal  on  ne  connaît  te-t  que 
dans  le  c.  de  Châtel,  et  t-t  que  dans  le  c.  de  Bruyères. 
On  dit  encore  te  dans  les  c.  de  Raon,  de  Provenchères, 
de  Saint-Dié  (en  particulier  à  Taintrux  et  à  la  Belle), 
et  de  Fraize  (en  particulier  à  Plainfaing),  dans  l'arr.  de 
Saint-Dié;  dans  l'arr.  de  Remiremont,  seul  le  c.  de 
Plombières  connaît  te-t, 

Belfort  :  partout,  sauf  à  Rougemont  où  Ton  dit  tè. 

Haute-Saône  :  on  a  vu  plus  haut  que  les  formes  tu 

1.  Voir  les  noms.  Rei\  de  Phil.fr.,  XII,  36-.37. 


94  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

et  ni-t  occupent  l'ouest  du  département;  au  nord  on 
emploie  té;  te-t  n'est  connu  qu'au  centre,  à  Mersuay 
(c.  d'Amance),  à  Lavilleneuve  et  à  Navenne  (c.  de 
Vesoul),  â  Noroy^  dans  Tarr.  de  Vesoul,  et  au  sud  sur 
les  frontières  du  Doubs.  à  Autoreille  (c  de  Gy)  ',  dans 
Tarr.  de  Gray  ;  à  Buthiers  et  à  Boult  (c.  de  Rioz),  à 
Montbozon  dans  Tarr.  de  Vesoul  ;  à  Villersexel,  à  Coi- 
sevaux  (c  de  Héricourt),  à  Clairegoutte  (c.  de  Cham- 
pagney)  dans  Tarr.  de  Lure. 

DouBS  :  partout  ^é?,  sauf  à  Textrémité  occidentale  du 
département,  où  Ruffey  (c.  d'Audeux)  appartient  au 
domaine  de^t^-^.  Aus  noms  cités,  Rev.  Phil.fr. ,  XII,  32, 
35  et  36,  il  faut  ajouter  Montbéliard  et  ses  environs 
d'après  Contejean,  Sancey  dans  le  c.  de  Clervar,  la 
Franche-Montagne,  et  en  particulier  Damprichard\  Si 
nous  franchissons  la  frontière,  nous  trouvons  encore 
te  dans  presque  toute  la  Suisse  romande,  d'après  les 
textes  cités  par  Bridel  à  la  suite  de  son  Glossaire,  à 
Tavannes  (p.  474),  à  Delemont  (p.  476),  à  Val-Saint- 
Ismier  (p.  472),  à  Valangin  (p.  470),  au  Locle  (p.  468), 
à  Sainte-Croix  (p.  466),  à  Vallorbes  (p.  464),  à  Orbe 
(p.  455),  au  Brassus  (p.  462),  aus  environs  de  Genève 
(p.  460),  à  Commugny  (p.  458),  à  Marchissy  (p.  456), 
à  Saint-Cierge  (p.  451),  au  Jorat  (p.  453),  à  Montreux 
(p.  441),  à  Gryoïi  (p.  438),  à  Ormonts-Dessus  (p.  440). 

Jura  :  le  nord-ouest  du  département  appartient  au 
domaine  de  tu;  partout  ailleurs  on  dit  te-t,  sauf  à 
Chille  (c.  deConliège),  où  l'on  dit  tè;  à  Grandvaux,  les 

1.  Notre  correspondant  écrit  teii,  forme  intermédiaire  entre  tu 

et  te. 

2.  Nédev,   Rnmarques  qrom.  sur  le  patois  de  Sancey,  in  Ret. 
Phll.fr.,X].,\2^. 

3.  M.  Grammont,   L*'  patois  de  la  Franche- Montagne,  Paris, 
1892,  p.  28. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  95 

deus  formes  te  et  tè  coexistent.  Aus  noms  cités,  Rev.  de 
PhiLfr.,X.U, 31  et  35,  ajoutons,  dans  l'arr.  dePoiigny , 
Sirod  (c.  de  Champagnole)  \  Crans*  et  Saint-Amour\ 

Saône-et-Loirf,  :  ^e-^partout\  sauf  àSaint-Germain- 
du-Plain  (arr.  de  Chalon),  où  Ton  se  sert  de  tu-t,  et  à 
Vérissey  (c.  de  Montret,  arr.  de  Louhans),  où  l'on  ne 
connaît  que  tu.  Te  se  réduit  souvent  à  t,  même  devant 
consonne,  notamment  à  Ameugny  et  à  Malay  (c.  de 
Saint-Gengoux),  dans  l'arr.  de  Mâcon;  à  Saint-Agnan 
et  aus  Guerreaux  (c.  de  Digoin),  à  Oudry  (c.  de  Pa- 
linges),  à  Rigny  (c.  de  Gueugnon),  dans  l'arr.  de 
Charolles  ;  à  AntuUv,  dans  le  c.  et  l'arr.  d'Autun  ;  à 
Sennecey,  à  Saint-Jean-de-Vaux  (c.  de  Givry),  à  De- 
migny  (c.  de  Chagny),  dans  l'arr.  de  Chalon  ;  à  Ormes 
(c.  de  Cuisery),  dans  l'arr.  de  Louhans. 

Ain  :  sauf  dans  un  petit  nombre  de  localités,  où  Ton 
emploie  té  ou  t^e  (voir  plus  loin),  on  se  sert  partout  de 
te-t  ;  te  est  réduit  à  ^  à  Corbonod  (c.  de  Seyssel,  arr.  de 
Belley).  Aus  noms  cités,  i?ei?.c/e  PAz7. //\,  t.XII,p.  33- 
34,  il  faut  ajouter  Coligny'.  Jujurieux",  le  Valromey 
et  en  particulier  Sutrieu'. 

1.  Renseignements  communiqués  par  M.  Fauconnet,  prof,  au 
collège  d'Arbois. 

2.  Chapuis,  Voyage  do  TIcnonZaza  à  Paris,  in  Rec.  de  Phil. 
c/r.,  IV,  54  sqq. 

3.  L.  Clédat,  Le  patois  de  Coligny  et  de  Saint- Amour,  dans 
notre i?er.  des  Pat.,  I,  p.  161-200. 

4.  Voiries  noms,  Rec.  de  Phil .  fr.,  XIL  31,  37,42;  cf.  pour 
Germolles,  Rci\  des  Pat.,  I,  134  et  201  sqq, 

5.  L.  Clédat,    Patois  de  CoUrjuij  et  de  Saint-Amour,   dans 
notre  i?er.  des  Pat.,  I,  161  sqq. 

6.  E.  Philipon,  Le  Patois  de  Jujurieux,  Paris,  1892,  p.  39. 

7.  F.  Pélen,  Modifications  de  la.  tonique  en  patois  bugiste,  in 
Ret.  de  Phil.fr.,  XI,  62  sqq.  passim. 

Cf  encore  le  recueil  de  Chansons  rt  Liitr-cs  patoisrsde  Ph    Le 


96  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

Rhône:  te-t  partout,  réduit  à  t  à  Vaux-sous-Mont- 
nielas  et  à  Blacé  (c.  de  Villefranche),  :i  Charentay 
(c.de  Belleville),  dansTarr.  de  ^'illefranche.  Aus  noms 
cités,  Rev.  dePhil,  fr.,  XII,  10,  10  et  33.  ajoutons 
Grézieu-le-Marché\  Mornant*.  Saint-Sympliorien- 
sur-Coise'  et  le  Bois-d'Oingt'. 

Loire:  te-i  est  la  forme  la  plus  employée";  toutefois 
à  Saint-Haon,  on  dit  à  la  fois  lu  et  te;  à  Chambles, 
dans  larr.  de  Montbrison.  on  emploie  ou  pour  tous  les 
pronoms  sujets';  Estivareille  et  Rozier,  qui  ne  con- 
naissent que  Vu  et  Vou,  se  rattachent  au  Velay  plutôt 
qu'au. Forez:  enfin  on  trouve  tse  à  Firminy  et  à  la 
Fouillouse,  dans  Tarr.  de  Saint-Étienne.  Au  domaine 
forézien  de  le  on  peut  joindre,  d'après  les  textes  cités 
par  Gras,  Saint-Jean-Soleymieux  ^p.  .^10),  Boën 
(p.  240),  la  plaine  de  Montbrison  (p.  24.2,  247).  Côte- 
de-Renaison  (p.  262). 

Duc.  où  te-t  est  attesté  pour  les  environs  de  Bourg  (p.  223  sqq.) 
et  pour  Villars-les-Dombes(  p.  392  sqq.).  Quelques-uns  des  textes 
cités,  la  Bataille  de  Cormaranche,  le  Temple  de  Reyssouze,  la 
Frisquette,  Mon  pauvre  ami  Claude,  remontent  au  XVIII^  et 
au  XVIP  siècle.  —  Dans  les  Xoëls.  réunis  par  le  même  auteur 
et  datés  de  la  même  époque,  on  trouve  aussi  te-t  :  Noël  de  Bourg, 
p.  39,  47;  de  Pont-de-Vaux  p.  84:  de  Nantua  p.  115;  de  Saint- 
Rambert  p.  123  et  126;  de  Seyssel  p.  132,  134,  135. 

1.  Bruyère,    'Sotes  sur  le  patois  de  Grè^ieu.  in  Rcr .  de  Phil. 

fr.,  VII,  284. 

2.  Nizier  du  Puitspelu.i?q^o/e.9  e/ipa^ors-  lyonnais,  dans  notre 

Rev.  des  Pat.,  11.226. 

3.  /(/.,  Un  Conto  enpatois  lyonnais,  dans  notre  Rev.  des  Pat.  ^ 

I,  107  sqq. 

4.  Gonnet,  Chansons  populaires  en  patois  du  B.-d'O.,  dans 
notre  Rec.  des  Pat.,  \,  129.  Pour  le  patois  lyonnais  en  généraL 
cf.  Puitspelu.  Dict.  ètj/ni..  CX.  —  Il  est  à  noter  que  dans  Mar- 
guerite d'Oingt  on  ne  trouve  que  tu,  jamais  te. 

5.  Voir  les  noms,  Rec,  de  Phil.  fr..  XII,  9-10. 

6.  Cf.  Ret.  de  Phil.fr.,  XIII,  16-17. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  97 

Isère  :  te  est  portout  employé^  dans  les  arr.  de 
Vienne,  de  Saint-Marcellin  et  de  la  Tour-du-Pin  ;  il 
est  réduit  à  ^^  à  Saint-Didier  et  à  Saint-Clair-de-la- 
Tour.  Dans  Tarr.  de  Grenoble,  te  ne  se  trouve  qu'au 
nord  et  au  centre  ;  on  dit  tu  dans  quelques  communes 
de  rOisans  ;  té  à  Méandre,  à  la  Motte-d'Aveillans  et  à 
la  Motte-Saint-Martin  ;  tè  à  Lans  et  à  Bernin';  ti  dans 
le  c.  de  Mens. 

Haute-Savoie  :  te-t  à  peu  près  partout,  à  Thonon,  à 
Anthy,  à  Sciez,  à  Margencel,  à  Boëge,  dans  Tarr.  de 
Thonon  ;  à  Desinov  (c.  de  Frangv),  réduit  à  t  à  Pers- 
Jussy  (c.  de  Reignier),  dans  Tarr.  de  Saint-Julien; 
réduit  à  t  à  Versonnex  et  à  jMeythet,  dans  le  c.  et 
Tarr.  d'Annecy. 

Savoie  :  te-t  est  général'  ;  te  se  réduit  à  ^  à  Saint- 
Girod  (c.  d'Albens);  toutefois,  on  dit  té  à  Grésy-sur- 
Aix,  tou  dans  la  Tarentaise,  à  Séez. 

Au  domaine  dauphinois  de  te  se  rattachent,  au  nord 
de  la  Drôme,  Saint-Bonnet-de-Valclérieux  (c.  du 
Grand-Serre),  et  au  nord  des  Hautes-x\lpes,  la  Salle 
(c.  du  Monétier). 

4*^  Les  formes  té  et  tè  (t  devant  voyelle) 

Les  deus  formes  ^éet  tè  se  trouvent  en  général  isolé- 
ment à  l'intérieur  du  domaine  de  te-t.  Seule^  la  forme  té 

1.  Voir  les  noms, Rec.  de Phil.fr.,  p. 8,  30^40-41.  A  ajouter  dans 
Tarr.  de  Vienne  Commelle  (c,  de  la  Côte-Saint-André)  d'après 
des  renseignements  fournis  par  M.  Vincendon,  prof,  au  lycée 
du  Puy,  et  Saint-Maurice-de-l'Exil.  d'après  Rivière,  dans  notre 
Rcc.  des  Pat.,  II,  274  sqq. 

2.  Voiries  noms,  i?t'r.(/é?  P/??7./r.,  XIII, p. 27.  Aajouter Albert- 
ville, d'après  Braehet  et  d'après  Pont  (Orûjines  du  patois  de  la 
Tarentaise),  Hautecour,  Bellentre  et  la  vallée  de  Beaufort. 

REVUIÎ   DE   PHILOI.O'ilE,   XIII  7 


1)8  REVUE    DE    PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

occupe,  au  centre  et  au  sud-est  des  Vosges  et  au  nord 
de  la  Haute-Saône,  une  région  assez  étendue  et  assez 
bien  délimitée. 

On  nous  signale  té  dans  les  arr.  de  Saint-Dié  et 
d'Épiiial,  partout  où  Ton  aye  =^je^;  il  faut  y  ajouter 
toutefois  Gruey,  dans  le  c.  de  Bains  (arr.  d'Epinal), 
où  l'on  a  i  =je.D?ins  l'arr.  de  Remiremont,  le  domaine 
de  te  est  plus  étendu  que  celui  de  Je;  il  comprend 
tout  l'air.,  sauf  le  c.  de  Plombières'. 

Au  domaine  vosgien  de  té  appartiennent  encore 
quel(]ues  communes  de  la  Haute-Saône,  au  nord  de 
Tarr.  de  Lure;  ce  sont  :  Aillevillers  (c.  de  Saint-Loup), 
Bouligney  (c.  de  Vauvillers),  Raddon  (c.  de  Fauco- 
giiey),  Villers-les-Luxeuil  (c.  de  Saulx),  Mélisey. 

Ou  trouve  té  isolément  à  Faramans  (c.  de  Meximieux) 
dans  l'Ain,  et  non  loin  de  là^  de  l'autre  côté  du  Rhône, 
à  Moyzieu  (Isère),  où,  d'après  notre  correspondant,  le 
son  e  hésite  entre  e  muet  et  é  fermé.  On  dit  encore  té 
au  sud  de  l'Isère,  à  Méandre  (c.  du  Villard-de-Lans; 
cf.  .i.'?  à  Lans),  à  la  Motte-d'Aveillans  et  à  la  Motte- 
Saint-Martin,  où  te  existe  aussi,  dans  le  c.  de  la  Mure  ; 
dans  la  Haute-Savoie,  à  Andilly  (c.  de  Cruseilles, 
arr.  de  Saint-Julien)  et  sur  la  frontière  italienne  aus 
Houcheu  (c.  de  Chamonix);  dans  la  Savoie,  à  Grésy- 
sur-Aix  (arr.  de  Chambéry);  dans  la  Drôme,  à  Saint- 

1.  Cf.  Rec.  dePliil.  fi\,  XIII,  17;  d'après  Adam,  on  trouve  tè  à 
peu  près  dans  les  mêmes  localités  queyê,  à  Anthelupt,  à  Saint- 
Pierremont,  à  Moyen,  à  Vallois,  à  Haillainville,  à  Vomécourt, 
à  Bult,  à  Sanchey,  à  Grandvillers,  à  Gerbépal,  à  Rehaupal,  au 
Tlioly,  à  Attigny,  à  Grand-Bois,  à  Longuet. 

2.  Voir  les  noms,  Rer.  dePhiLfr.,X^[U,l^,  avec  les  additions 
tirées  d'Adam;  à  ajouter  à  cette  liste  Tendon,  dans  le  c.  de  Re- 
miremont. Cf.  encore  Hingre,  Grande  Complainte  en  patois  de 
la  Bresse,  dans  notre  Rec.  des  Pat.,  1,241  sqq.,  assini. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  99 

Donat,  où,  dit  notre  correspondant,  e  a  un  son  sourd, 
analogue  à  e  final  dans  les  mots  allemands. 

Tè  est  moins  fréquent  que  té;  on  l'emploie  dans  le 
Jura,  à  Chille  (c.  de  Conliège,  arr.  deLons-le-Saimier) 
et  à  Saint-Laurent-Grandvaux  (arr.  de  Saint-Claude), 
où  il  coexiste  avec  ^e-^;sur  le  territoire  deBelfort,  dans 
le  c.  de  Rougemont  ;  au  sud  du  département  de  l'Ain, 
où  il  occupe  un  domaine  un  peu  plus  étendu,  qui  com- 
prent  Lagnieu  et  Vaux  (c.  de  Lagnieu),dans  l'arr.  de 
Belley,  et  Rignieux-le-Franc(c.  de  Meximieux),  dans 
Tarr.  de  Trévoux  :  il  faut  y  joindre  Bourg-Saint-Chris- 
tophe (c.  de  Meximieux),  où  Ton  dit  à  la  fois  te-t  ettè-t 
avec  un  é  à  peine  senti.  —  Dans  l'Isère,  tè  est  connu 
aus  Avenières'  (c.  de  Morestel),  à  Bernin  (c.  de  Gre- 
noble E.),  àLans  (c.  de  Villard-de-Lans)  ;  à  Vinay,  on 
dit  te-t  d'après  nos  deus  correspondants,  mais  l'un 
d'eus  fait  remarquer  que  e  n'est  pas  tout  à  fait  muet  et 
se  rapproche  du  son  et  français.  —  Enfin  tè  nous  est 
encore  signalé  à  Doussard  (c.  de  Faverges,  arr.  d'An- 
necy), dans  la  Haute-Savoie. 

5°  Les  formes  tYu,  kyu,  tku,  ku 

M.  A.  Thomas  a  constaté  qu'à  lest  de  la  Creuse,  dans 
la  Basse- Auvergne  et  dans  le  Velay,  t  devant  u  et  i 
non  en  hiatus  se  mouille  et  passe  à  k  palataP.  Le  pro- 
nom tu  se  présente  en  effet  sous  la  forme  t'-^u  ou  k-'u 
en  Velay;  un  peu  plus  à  l'est,   sur  les  pentes  du  Mé- 

1.  C'est  la  forme  donnée  par  un  de  nos  correspondants  avec  la 
graphie  fai;  deus  autres  ne  donnent  que  fp-t^  ce  qui  indique  sans 
doute  une  hésitation  dans  la  prononciation  ou  la  coexistence  des 
deus  formes. 

2.  Rapport  sur  une  mission  philol.  dans  la  Creuse,  in 
Archives  des  Missions  scientifiques,  3*  série,  V,  p.  429-430. 


100  REVL'E    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

zenc  et  sur  le  versant  oriental  des  Cévennes^  dans 
TArdèclie,  toute  trace  de  mouillure  disparaît  et  le  pro- 
nom tu  devient  tku  ou  /vw,  suivant  que  la  consonne  est 
un  A'  palatal  pur  ou  une  consonne  intermédiaire  entre 
la  palatale  et  la  dentale. 

T'u,  forme  de  l'Auvergne  d'après  Mistral,  de  la 
Basse-Auvergne  d'après  Doniol  {Les  Patois  de  la 
Basse- Auvergne,  Paris,  1877,  p.  37),  nous  est  signalé 
dans  l'arr.  de  Brioude,  à  Pinols,  à  Lavoute-Chilhac,  à 
Frugières-le-Pin  (c.  de  Paulhaguet),  à  la  Chaise-Dieu; 
dans  l'arr.  du  Puy,  à  Cayres,  au  Monastier,  à  Cra- 
poniie;  il  faut  y  ajouter  A'orey,  d'après  Smith^  et  les 
environs  du  Puv^  T''u  atteint  au  nord  Estivareille  et 
Rozier  (c  de  Saint-Bonnet-le-Château),  dans  la  Loire, 
et  k-fu  la  Chapelle-d'Aurec  (c.  de  Monistrol)  ;  un  peu 
plus  au  nord,  à  Saint-Jean-Soley mieux  et  à  Saint- 
Étienne,  on  entre  dans  le  domaine  de  te  ;  à  Firminy, 
on  dit  tse.  k-'u  au  sud  atteint  Saugues,  mais  tu  à  Pra- 
delles.  Sur  les  limites  de  l'Ardèche  et  de  la  Haute- 
Loire,  on  dit  plutôt  ku  ou  tku;  toutefois  on  trouve  P'u 
dans  l'Ardèche,  à  Sainte-Eulalie',  et  Vu  ou  k'-'u  à 
Gilhoc,  d'après  Clugnet. 

1.  Un  Mariage  dans  le  Haut-For^e^,  in  Rom.,  IX,  568. 

2.  M.  de  Vinols  écrit  ////  et  Déribier  quifi.  T'hi,  et  d'une  façon 
générale  la  palatalisation  de  i  devant  u  et  /  n'est  pas  très  an- 
cienne dans  le  Velay.  Elle  semble  dater  seulement  de  latin  du 
XVIP  siècle  ou  de  la  première  moitié  du  XVIIP.  Dans  les 
Noëls  de  Cordât,  dont  le  plus  récent  porte  la  date  de  1648,  pas  de 
trace,  du  moins  dans  l'écriture^  de  ce  phénomène;  dans  une 
chanson  composée  au  Puy,  en  1645,  et  conservée  par  l'annaliste 
Jacnlon  (Mrmoires,  publiés  par  A.  Chassaing,  Le  Puy,  1885, 
p.  221-222), on  ne  trouve  que  lu.  T^'u  ou  J^"v  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois  dans  le  Sfrinon  ma nr/uè  d'Antoine  Clet,  daté  de  1749; 
les  textes  font  défaut  pour  la  période  de  près  d'un  siècle  qui 
s'étent  entre  ces  deus  dates. 

3.  Smith,  Chants  de  riuéte  et  Chants  de  mai  du  Forez  et  du 
Velaj/,  in  Rom.,  II.  465,  466,  467. 


LES  PATOIS  DE  LA  REGION  LYONNAISE         101 

Ku  OU  tku  est  fréquent  sur  la  lisière  orientale  de  la 
Haute-Loire,  à  Saint-Hostien  (c.  de  Saint-Julien- 
Chapteuil),  à  Freycenet-la-Tour  (c.  de  Monastier)',  à 
Saint-Voy  et  au  Chambon-de-Tence  (c.  de  Tence); 
non  loin  de  là,  dans  TArdèclie,  on  emploie  ku  à  Deves- 
set  (c.  de  Saint- Agrève),  et  ^/t?/.  à  Coucouron;  Bofïres 
(c.  de  Vernoux),  où  l'on  trouve  cà  la  fois  ku,  tu  et  ti,  se 
trouve  sur  la  limite. 

6"  Les  formes  t^e,  tche,   tse  (ty,     tch,    ts   deoant 

voyelle) 

Dans  une  région  où  l'on  trouve  d''e  =  Je'- ,  le  pro- 
nom de  la  2^  personne  se  présente  aussi  sous  la  forme 
Pe  devant  cons.,  f  devant  vovellc.  C'est  la  forme 
qu'on  nous  signale  dans  le  c.  d'Hauteville  (arr.  de 
Belley),  dans  l'Ain,  à  Hauteville,  à  Cormaranche',  à 
Corlier,  et  un  peu  plus  au  nord,  sur  la  limite  des  arr. 
de  Nantua  et  de  Bourg,  à  Grand-Corent  (c.  de  Ceyzé- 
riat,  arr.  de  Bourg)  et  à  Ceignes  (c.  d'izernore,  arr.  de 
Nantua).  De  f'e  on  passe  facilement  à  tche-tch  qu'on 
trouve  aussi  à  Cormaranche  à  côté  de  Pe.  Ces  deus 
petits  domaines  semblent  fort  restreints  :  Izernore,  au 
nord  du  second,  et  Brénodau  nord  du  premier,  où  l'on 
dit  tu  dev.  cons.,  mais  V  devant  voy.  {te  kôsé  =  tu 
parles;  V  àmé  =  tu  aimes)  sont  sur  la  limite.  Rappe- 

1.  Un  de  nos  correspondants  écrit  y/^,  un  2"  i<ih^  en  faisant 
remarquer  que  le  son  noté  iq  est  intermédiaire  entre  t  et  7. 

2.  Cf.  R<n:.  do  Phil.  fr.,  XIII,  24. 

3.  Cf.  t'h'  dans  la  trad.  de  la  Benaïta  de  Brillat-Savaiin  en 
patois  de  Cormaranche,  dans  notre  Rec.  des  Pat.,  I,  133;  mais 
^('dansla  Bataille  de  Cormaranche,  chanson  de  la  fin  du  XVIIP 
siècle,  recueillie  par  Ph.  le  Duc,  Chansons  et  Lettres  patoises, 
p.  27.5.  Faut-il  en  conclure  que  fi'c  est  récent? 


102  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Ions  que  nous  avons  trouvé  tu-t-'  dans  la  Haute-Saône, 
sur  les  confins  des  domaines  de  tu  et  de  te;  tu-tch 
nous  est  signalé,  dans  la  même  région,  à  Offlanges 
(c.  de  Montmirey,  Jura). 

Tse  est  peut-être  aussi  sorti  de  te  par  riiitermédiaire 
de  t'-'e;  c'est  en  effet  sur  les  limites  du  domaine  de  te^ 
dans  la  Loire,  et  du  domaine  de  V'it^  k-'u  dans  la  Haute- 
Loire,  qu'il  nous  est  signalé^  à  la  Fouillouse  (c.  de 
Saint-Héand)et  à  Firminv'c.  du  Chambon).dans  Tarr. 
de  Saint-Étienne.  Notre  correspondant  de  Bourg- 
Argental  écrit  thie  sans  fournir  d'indications  sur  cette 
graphie. 

T  La  forme  ti 

r/,  forme  de  datif-accusatif,  issue  de  tibi,  s'emploie 
à  la  place  du  pronom  sujet  issu  de  tu  dans  les  régions 
où  mi,  mé,  me,  s'est  substitué  'à  je\  Dans  la  vallée  de 
la  Drôme^  et  au  sud  de  l'Isère,  à  Cornilion  et  à  Mens, 
où  les  pronoms  sujets  sont  en  général  supprimés,  ti 
semble  correspondre  à  la  forme  tonique  française  toi 
employée  absolument.  Mais  à  la  Chapelle-en-Vercors, 
dans  l'arr.  de  Die,  à  Bourg-de-Péage,  à  Triors  (c.  de 
Romans),  à  Chanos-Curson  (c.  de  Tain),  dans  l'arr.  de 
Valence,  ^/joue  le  rôle  de  pronom  sujet  proclitique. 
On  dit  encore  ^ï  à  Annonay ',  ti^  tu  et  ku  k  Boffres, 
dans  rArdèche. 

Le  domaine  de  ti  =  tu  ne  coïncide  pas  avec  celui 
de  mi,  mé,  me  =  ego;  cela  tient  à  ce  que  dans  cette 
région  tu  est  devenu  régulièrement  te,  qui  s'est  alors 
confondu  avec  te  issu  de  te  latin  ;  là  où  nous  trouvons 
te  sujet  à  côté  de  me  =  ego,  il  est  impossible  de  dire 

1.  Cf.  Rer.  de  PhiJ.fr.,  XIII,  38-41. 

2.  D'après  la  Parah._,  in  Mê/n.dr.s  Ant.,  VI,  516. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  103 

si  te  est  une  forme  de  nominatif,  issue  de  ta^  ou  une 
forme  d'accusatif,  issue  de  te  latin,  employée  en  fonc- 
tion de  sujet.  Ajoutons  que  dans  quelques  communes, 
le  pronom  sujet  de  la  1'"'^  personne  n'est  pas  exprimé, 
tandis  que  celui  de  la  2^  l'est  toujours\ 

L.  ViGNON. 
1.  Ci.  Rei3.  de  Phil.fr.,  XIII,  5-6. 


PATOIS  DE  SANCEY  (DOUBS) 

(suite  ^) 


LISTE  DE   MOTS 

avec  les  formes  correspondantes  des  patois  de 
Mesnay  (Jura)  et  de  Vitteaux  (Gôte-d  Or) 


Les  mots,  pour  le  patois  de  Mesnay,  m'ont  été  fournis  par  M.  Pa- 
pillard,  et  pour  le  patois  de  Vitteaux,  par  M.  Hutinel. 

Le  patois  de  Mesnay  est  indiqué  par  la  lettre  M.,  celui  de  Vitteaux, 
par  la  lettre  V. 


Système  graphique  em-ployé 

J'ajouterai  quelques  indications  à  celles  que  j'ai  données 
dans  le  tome  XI  de  la  Revue^  p.  123- 

La  grande  différence  entre  à  et  ô  c'est  que  à  est  long  et  ô 
est  bref. 

Je  figure  par  gh   le  son  de  g  dur  devant  e  et  i  :  ghide 

(guide). 
Je  figure  par  ''  le  son  mouillé  entre  une  consonne  et  une 

finale  muette  :  èmab^e  aimable)  ;  étrangh- e  (étrangle)  ;  gad-e 
(garde). 

Je  figure  par  «  a  »  devant  n  un  son  intermédiaire  entre 
a  et  O. 

Je  rappelle  que  e  non  accentué  est  toujours  muet  et  se 
prononce  comme  dans  le  français  dessus. 

l.  Voir  la  Reçue,  t.  XI,  p.   \2.i. 


PATOIS    DE    SANCEY 


105 


REMARQUES     GENERALES 

Patois  de  Sancerj 
En  général  : 

1  à  «71  tonique  correspont  en  :  dans,  dén  ;  Jean,  Djèn  ; 


2  k  en  (an) 

3  à  ié,  iè 


4  à  euv 


—  an:  dent,  dan;  gens^  djan; 

—  î  :  moitié,  moitî  ;  pilier,  pilî  ;  fier, 
adj.,  fi;  cierge,  cîrdje;  manière, 
mènire. 

—  ou  ou  bien  eu  : 

ou  dans  les  noms  qui  désignent  l'agent  :  menteur,  mantou  ; 
vendeur,  vandou  :  eu  dans  les  autres  noms  :  chaleur,  tchôlou  ; 
sœur,  seii. 

Voici  les  principales  exceptions  : 


Français 

Patois 

Français 

Patois 

1.  bande 

bande 

3.  barrière 

bèrére 

cadran 

kèdran 

cahier 

kèyé 

chenapan 

chnèpan 

cimetière 

cemtére 

comptant!  payer 

contan 

limonière 

limouonure 

cran 

cran 

pierre 

pire 

langue 

langhe 

Pierre 

Pire  ou  Piare 

rang 

ran 

prière 

prière 

ruban 

riban 

râtelier 

rétli 

2.  cendres 

cendre 

4.  rémouleur 

rémoular 

gendre 

djonre 

tailleur 

tèyeur 

penche 

pèntche 

voleur 

vouleu 

prendre 

pènre 

liqueur 

likeur 

tendre  adj. 

tonre 

peur 

pévu 

A  bl,  pi  correspont  b,  p 

,  avec  un  son  moui 

lé  :  bleu^  bieu; 

kch 

—          tch 

:  champ,  tchèn  ; 

à  cl 

—           ch: 

clair,  cha; 

kjl 

—          ch 

:  flamme,  châme; 

kgl 

y: 

gland,  yen; 

kj 

dj: 

joug,  djou; 

à  rd 

-           à] 

:  pardon,  pèdjon  ; 

à  rt 

—          tch 

:  partir,  pètchi  ; 

à  rs,  rc 

ch 

:  ve 

rse,voiche;  morceau,  Tnowoohé. 

106  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Le  patois  de  Sancey  a  une  prononciation  traînante  : 

1^  11  allonge  souvent  la  syllabe  qui  précède  la  tonique: 
château,  tchété;  malheur,  màleu  ; 

2*'  Il  recherche  les  nasales  :  mine,  minne  ;  entamer,  an- 
tènna  ;  baigner,  bèngni. 

A  ce  sujet,  je  ferai  observer  que  dans  la  conjugaison  patois 
du  verbe  aimer  (t.  XL  p.  13U),  il  faut  au  son  è  initial 
substituer  la  nasale  en  et  lire  èn-ma  au  lieu  de  è-ma. 

Patois  de  Mesnay 

Dans  le  patois  de  Mesnay-Arbois,  quand  les  désinences  ou 
(mas.  s.  ,  0  (fém.  s.t,  è  (pi.)  correspondent  à  une  désinence 
muette  jdu  français,  l'accent  tonique  se  met  sur  la  pénultième 
et  on  prononce  à  peine  la  voyelle  finale  :  vacarme,  vacarmou; 
larme,  larmo;  les  halles,  lè-z-olè.  Il  en  est  de  même  des 
mots  suivants  :  réceil,  rèvoiyou;  pareil,  pèrèyou  ;  vieus, 
viyeu. 


Abbé  èbé  ;  abé  M. 

Abcès  èbsa  ;  abcè  M. 

Abécédaire  tàbiôte  [tablettes)  ;  tobluto  M  ;  tabiote  V. 

Abeille  mouochôte  ;  oviye  M. 

Abîmé  (brisé)  ébôli  ;  èbouli  M. 

Abri  èvri  ;  obri  M.  ;  à  l'-  de  la  pluie,  è  le  sete,  è  l'èssete  ;  o 

souèto  M  ;  è  le  co  ou  l'écô  d'iè  pieu  V. 
Accord  ècoû;  acor  M. 
AccRouPiR(s')  s'mantreè  crepton. 
Adresse  èdrôsse  ;  odrèsse  M.  ;  èdrosse  V. 
Affaibli  [par  les  privations  èfàti;  èfouoti  M. 
Affaiblir  s')  s'èchèli  ',  faible  se  dit  chèle. 
Affaire  èfare  ;  afère  M.  ;  afère  V. 

Affamer  éfèma.  Affame  (./'),  éfème  ;  èfome  M  ;  afème  V. 
Affiche  èfîtche  ;  èfitse  M.  ;  afèche  V. 
1.  Agacer  [par  des   actes)    èrgheusgnî;   mogrèyî  M.  cha- 

kigné  V . 


PATOIS    DE    SANCEY  107 

i 
2 .  Agacer  [par  des  paroles)  tchèrkegnî  ;  tsarkegnî  M . 
Age  âdje  ;  âdzou  M.  âge  V.  | 

Agé  âdjî  ;  adzi  M.  ;  âgé  V.  j 

Agrafe  ègrèfe  ;  agrafe  M. 
Aider,  édî  ;  édî  M.  ;  èdié  V. 
Aigle  aye;  ègle  M. 
Aigre  agre;  âgrou  M.  ;  ègre. 
Aiguille  ègheye;  èdiuye  M.  ;  ègheye  V. 
Aiguillée  de  fil  couturî  d'fi . 
Aiguillonner ^(7.  pons'na;  fougnî  M. 
Aimable  èmab^'e;  èmable  M  ;  émab^'e  V. 
Ainsi  dinki,  dinlè,   dince;  ènsi  M;ènsi  V. 
Air  ar;  èr  m.  ;  èr  V. 
Aise  âse  ;  ése  M .  ;  âse  V. 
Ajouter  (rt  la  longueur)  èpondre  ;  èpondre  M.  Un  morceau 

d'étoffe  ainsi  ajouté  s'appèle  une  réponse. 
Alêne  ôlon-ne;  èlèn-no  M.  ;  èlagne  V. 
Allée  èlé;  santî  M.  èlé  V. 

Allemagne  Olmègne  ;  Almagne  M.  ;  Almagne  V. 
Aller,  ôla  ;  olé  M.  ;  èlé  V  ;  aller  et  venir  :  trècî,  trèdjî. 

ne  pas  —  droit ,  faire  des  zigzags  :  vàrtchôyî. 
Allumer  èlma  ;  allume  (y'),  èleme;  èlume  M .  ;  èleme  V. 
Almanach  àrmouonè  ;  almana  M.  ;  armona  V. 
ALOUETTEèloite:  oluto  M.;  èloite  V. 
Amadou  mèdou  /.  ;  amadou  M.  ;  amadou  V. 
Amande  èmèndre;  èmandro  M.;  amande  V. 
Amasser  èméssa.  Amasse  (/')  èmèsse  ;  èmésse  M.  ;  amasse  V. 
Ame  âme;  âmo  M-  ;  âme  V. 
Amende  n.  èmande  ;  èmando  M.  ;  amande  V. 
Amender    èmènda.  Amende  [f),    èmènde  ;   èmandou  M.  ; 

èmande  V. 
Amer  èmâ;  amer  M. 
Ami  èmi  ;  ami  M.  ;  èmi  V. 
Amidon,  midon/. 
Amorce  n.  èmoûche;  amorce  M. 
Amour  èmour  ;  n'est  guère  usité  que  dans  la  locution  pour 


108  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

lamour  de  Dieu,  qui  se  dit  :  pouo  l'èmouodje  Dû.  A  rd 
français  corresponten  patois  dj ;  pardon,  pèdjon. 
Ancien  èncièn;  ancien  M. 
Andouille  èndouoye;  andouye  M.  ;  andoye  V. 
Ane  âne;  ânou  M.  ;  âne  V. 
Ange  èndje  ;  èndzou  M .  ;  ange  V. 
Anglais  Ènglè;  Angle  M.;  Anghiè  V. 
Anguille  ènghiye;  anghiye  M,  ;  anghèyeV. 
Animal  ènimà;  animal  M.  ;  animo  V. 
Année  èn-na  ;  an-nio  M.  ;  an-né  V. 
Août  ô;  ou  M.  ;  ou  V. 
Apercevoir  de  (s')  se  bèyi  è  vàdje,  c.-à-d.  se  donner  à  garde; 

s'bèyî  gâdo  M.  ;  s'béyé  gad^e  V. 
Appeler*,  èpla.  Appelé  (j'I  :  èpele;  èpeleM.;  èpole  V. 
Appétit  àpéti,  opéti  M.  ;  apéti  V, 
Apprêt  èprà  ;  aprè  M. 
Approcher  èpretchî.  Approche  (/),  èpretche  ;  èprutse  M.; 

èpreuche  V. 
Appui  èpû  ;  apui  M. 

Appuyer,  épure.  Appuie (.p],b^Vi\  apui  M.  ;  èpu  V. 
Après-midi  (l')  le  réssû;  letantô  V. 

Araignée  èregne;  èragne  M.;  arégni  V  ;  toile  d'  — èrgnî. 
Arbre  âbre;  âbrou  M.;  abre  M. 
Arc  èrk;  arc  M. 

Arc-en-ciel  coulônète  de  Sèn  Bouona  petite  colonne  de  saine 
Bernard  ou  Bonnard)  ;  sânou  M.  ;  courô  Sèn  Ma  (couronne 
de  saint  Marc)  V.  Coulbnote  est  sans  doute  pour  couronote, 
petite  couronne.  Ailleurs  le  patois  de  Sancey  substitue  r  à 
/;  almanach,  àrmouonè;  fioleil,  souoroye;  pareille,  pèrîre. 
Archal  èrtchà;  archal  M. 
Arche  artche;  arche  M.  ;  èrche  V. 
Ardoise  èrdoise;  ardoise  M. 
Arête  èrétre;  érèto  M.  ;  èrote  V. 
Arme  n.  èrme;  armo  M.  ;  arme  V. 
Armoire  armoire;  armoire  M.;  ormouére. 
Arracheur  èratchou  ;  èrètsou  M.  ;  arachou  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  109 

Arrangé    [maltraité]  èfuta  ;  —  [sali]  :  goûna  ;  mogôné  V. 

Arrêt  ère;  are  M.  ;  are  V  ;  arrêt  dans  un  ruisseau  :  èràlo  ; 
èréto  M.  //  n'a  point  d^ arrêt  :=  il  est  toujours  en  mou- 
vement :  è  n'è  pon  d'èràte;  i  n'o  pouèn  d'èréto  M. 

Arrhes  ère;  ares  M.;  ère  V. 

1.  Arrière  a.dv.  èrî  ;  darî  M. 

2.  Arrière  n.  L — d'une  voiture)  lou  dèrî  ;  lou  darî  M. 
Arriéré  èrîré;  arîré  M. 

Arrière-grand-père  rir'  grèn  père;  rvir'  gran  père  M. 
Arrosoir,  pour  arroser   le  plancher,  rosôyou,   èrosôyou  ; 

pour  arroser  le  jardin,  èrosoir. 
Assaisonner  èssézna.  Assaisonne  (;'),  èssézene;  ansézune  M. 
Asseoir  (s')  se  sta  ou  s'esta;  s'èsté  M.;  se  sté  V. 
Assolement  èpî. 

Assommé  éssona;  à  moitié  —  éssouorbi;  èstourbi  M. 
Attaquer  eibkdi. Attaque (j'),  ètôke;  atakeM.  atèke  V. 
Attarde.  Qui  s — dans  les  auberges  :  kkèl;  okèl,aricandié  V. 

1.  Atteindre  {pouvoir  toucher)  èpondre. 

2.  Atteindre  {pouvoir  prendre)  èvoitre  ;  èvanté  M. 
Atteler  èpioyî;  èplayî  M. 

Auberge  obèrje  ;  obèrdze  M.;  obèrje  V. 

Auge  àdje;  adzou  M.  ;  iage  V. 

Aussi  ètou;  ètou  M.  ;  ètou  V. 

Automne  dèrî  tan  (dernier  temps,  dernière  saison). 

Avancer  ;  ne  plus  pouvoir  —  (en  parlant  d'un  attelage)  :  être 
anrouta;  être  émouti  M. 

Avare  èvare  ;  avarou  M.  ;  avare  V. 

Avec  èvo  ou  dèvo  ;  oveu  M  .  ;  èvou  V. 

Averse  rouochî;  suo  M.  ;  èrvole  V. 

Avoine  boidje.  Dans  le  patois  de  M.,  boije  signifie  un  mé- 
lange de  patois  et  de  français. 

Avorter  désètcha. 

Avril  èvri;  ovri  M.  ;  èvri  V. 

Bâche  bâtche;  bâche  M.  ;  bâche  V. 

Bagne  bègne;  bagne  M. 

Bague  bèghe;  bago  M.  ;  baghe  V. 


110  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Baguette  bèghète;  bagiièto  M.  ;  bèghète  V. 

Baigner  bèngnî:  boigiii  M.  ;  bègné  V. 

BAiLbèye;  baye  M. 

Bain  bèn  ;  bèn  M.  ;  bèn  V. 

Baiser  r.  boca;  biké  M.  ;  boké  V. 

Baisser,    béssî.   Baisse    {Je),    bésse  ;   basse  M.;   bésse  V.; 

baisser,  par  à  coups,  la  tète  en  dormant  :  nica. 
Bal  bel;  bal  M.;  bal  V. 

Balai  rmèsse;  remasse  M.  ;  rèn  V.;  manche  à  bâtai  :  feche-cu. 
Balayer   rmèssî  ;  remèssî  M.  ;  rèmé  V.   Ramasser  se  dit 

rèméssa. 
Balayures  chni  ;  tseni  M. 
1.  Balle  bàle  ;  baie  M. 

1.  Balle  (de  blé,  d'avoine),  pèyote,  poyéto  M.  ;  boufe  V. 
Balloter  bôlouta  ;  baloté  M. 
Ban  bèn  ;  ban  M.  ;  ban  V. 
Bannière  confoiron  ;  bânire  M.  ;  bânire  V. 

Baraque  bèrèque  ;  baraco  M.  ;  bèrèque  V. 

Barbier  bèrbî  ;  barbî  M.  ;  rlazou  V. 

Barbouillé  ammogouina.   Qui  a    le   visage  —   ambosna  ; 
refou  V. 

Baril  bèri  ;  baro  M.  ;  bari  V. 

Barre  n.  bare  ;  bare  M .  ;  bare  V. 

Barrer  bèra  ;  baré  M.  ;  baré  V. 

Barricade  n.  bèricade  ;  baricade  M.  ;  barricade  V. 

Barricader  bèricàda.  Barricade  (je),  bèricade;  baricade  M.; 
baricade  V. 

Barrière  bèrére  ;  barîre  M.  ;  bariére  V. 

Bas,  Basse  bè,  bèsse  ;  ba,  basse  M.  ;  ba,  basse  V. 

Bas  n.  tcbâsse  ;  tsôsse  iM.  ;  chosse  V. 

Bascule  n.  bèscule  ;  basliule  M.  ;  bascule  V. 

Bassin  (de  fontaine),  nô  ;  bossên  M. 

Bassinoire  bèsgnoure;  bassinoire  M.;  bassinou  V. 

Batteur  en  grange écài.ssou  ;  ècossou  M. 

Batteuse,  mékènique.  Battre  le  blé  au  moyen  de  la  —  mé- 
kènica. 


PATOrS    DE    SANCEY  111 

Battre,   bètre  ;  batre  M.  ;  bètre  V.  —  (.sa  faux)  antchèpia  ; 

antsoplé  M.  —  en  grange^  écoure  ;  ècore   M.  -Se —  (en 

parlant  des  bêtes  à  cornes),  s'tera  ;  s'doughé  M. 
Bavard,  arde,   adj,   bèvard,  bèverde  ;    bova,   bovado  M.  ; 

bèvou,  bèvouse  V.  —  Le  patois  de  Sancey  a  un  autre  mot  '• 

tètouyar  ;  quelle  langue  !  se  dit  :  que  tètouye  ! 
Bave  n.  bève  ;  bovo  M.  ;  bève  V. 
Beau,  belle   bé,  bêle  ;  bio,  bèllo  M.  ;  bia,  bole  V. 
Beaucoup   tou  pion  (tout  plein)  ou  brâman  ;  trou  bèn  M.  ;  to 

pièn  V. 
Bec  bôc  ;  bè  M.  ;  boc  V. 
Bécasse  péghèsse  ;  bécasse  M.  ;  béghèsse  V. 
Belette  blôtte  ;  belète  M.  ;  bolote  V. 
BÉLIER  blin  ;  baghe  M.  ;  bien  ou  luza  V. 
Benêt  bena  ;  benè  M. 
Berceau  bré  ;  bri  M.  ;  bré  V. 
Bercer  brecî  ;  grouté  M.  ;  bracé  V. 
Besoin  bzon  ;  besèn  M.  ;  besouèn  V. 
Bétail  bétèye  ;  bétaye  M.  Mais  on  dit  plutôt  :  lé  béte  (les 

bêtes). 
Bête   béte  ;    bète  M.  ;   bèt'che  V.  Mauvaise  —  tchèrvote  ; 

oghigne  V. 
Beugler  breyî  ;  brome  M.  ;  bruyé  V. 
Bidon  sôyôte  ;  cantine  M.  ;  tènbale  V. 
Bien  adv.  bin  ;  bèn  M.  ;  bèn  V. 
Biens  (fortune)  butin  ;  butèn  M.  ;  butèn  V. 
Bifurcation  fouortchî  ;  anfourcheman  V. 
Billet  biè  ;  biyè  M.  ;  biè  V. 
Blame  n.  bième  ;  blamou  M   ;  biame  V. 
Blanc,    blanche  bien,  bièntche  ;  bien,    blèntse  M.  ;  bian, 

bianche,  V. 
Blanc-bec  blènbèc  ;  blanbè  M.  ;  bianbèc.  V. 
Blancheur  bièntcheu  ;  blèntsouM. 
Blaude  blàde  ;  blodo  M.  ;  biode  V. 
BLÉbiâ;  blé  M.  ;bié  V. 
Blette  biosse  ;  blosse  M.  ;  biosse  V. 


112  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Bleu  bieu  ;  bleu   M.;  bieu  V. 

Bobine  bobin-ne  :  bobine  V. 

Bœuf  bû  ;  bû  M.  ;  be  V. 

Bohémiens  kèn-voulèn  (camps  volants). 

Boire  boire  ;  bouére  M.  ;  bouére  V. 

Bois  71.  bô  ;  boû  M.  ;  bô  V.  Petit  morceau  de  —  :  bôcôyo  ; 

grebo  M.  Morceau  de  bois  qu'on  lance  sur  l'arbre  pour 

faire  tomber  les  fruits  voirtcho  ;  ghio  M. 
Boite  n.  boute;  boilo  M.  ;  bouéte  V. 
Boiter  boutôyî  ;  gambyî  M.  ;  ète  gambi  V. 
Bon,  bonne  bon,  bouone;  bon,  boûno  M.  ;  bon,  bonne  V. 
Bonjour  (dans  V après-midi)  bon  vépre. 
Bonnet  (de  femme)  cale  ;  colo  M.  ;  cale  V. 
Borgne  bàne  ;  bouonou  M.  ;  bâne  V. 
Borne  bàne;  bouone  M.  ;  borne  V. 
Bosse  bousse  ;  bousse  M.  ;  bosse  V. 
Bossue  (en  renfoncement)  kèbecî  ;  koboucî  M.  ;   [en  saillie) 

kôriboussu. 
Botte  boute  ;  bote  M.  ;  bote  V. 
Bouc  bouotcho  ;  boutièn  M.  ;  bokèn  V. 
Bouche  gourdje  Mettre  dans  sa  — ,  angoula  ;  se  coucher  sur 

sa —  tout  en  restant  assis  :  s'èboucha,  s'mantre  è  bouchon  ; 

s'èboutsî,  s'mètre  0  boutson  M.  ;   s'mètre  à  bouchton  V.  ; 

éboucha,  èboutsî  signifient  aussi   mettre  un  vase  sur  son 

ouverture. 
Boucher  n.  bouotchî;  boutsî  M.  ;  bouché  V.  1 

Boucher  v.  boûtchî;  boûtsi  M.  ;  boché  V.  Boucher  une  fis- 
sure avec  du  coton,  de  la  terre,  etc.  nèta. 
Bouchon  bouchon   ou  boutchaye  ;  boutson  M.  ;  bouchon  V. 

—  (Jeu)  ghèline  ;  galine  M. 
Bougonner  gremouona;  boghnié  ou  manglmié  V. 
Bouilli  n.  bouli  ;  bouli  M. 

Bouilli  part,  beli  ;  bouli  M.  ;  boulu  V.  Voir  bouillir. 
Bouillie  n.  pèpè. 
Bouillir  keure.  Beli  ne  se  dit  que  du  lait,  et  il  ne  s'emploie 

qu^au  participe  passé  passif  et  à  l'infinitif  actif. 


PATOIS    DE    SANCEY  113 

Boule  bôle  ;  boulo  M.,  bole  V. 

Bouleverser  {ne  pas  se)  n'pè  s'trémua;  n'  pas'trémoussé  M. 

Bourbe,  boue  bouorbe  ;  bourbo  M.  Bouorhoyi  se  dit  d'une 
terre  très  humide,  qui  est  comme  de  la  boue  quand  on  la 
laboure. 

Bourg  bouo  ;  bourk  M. 

Bourgeonner  bouordjna.  Bourgeonne  [il]  bouordjene;  bourd- 
zune  M. 

Bourse  bouoche  ;  boucho  M.  ;  bourse  V. 

Bousculer  bouskegnî  ;  bousculé  M.  ;  boustiulé  V. 

Bout  bou  ;  bou  M.  bo  V. 

Bouteille  boutôye  ;  boutèyo  M.  ;  botoiye  V. 

Boutique  bouticle. 

Branche  brèntche  ;  brèntse  M.  ;  branche  V.  ;  —  coupée,  rèn; 
rèn  M.  ;  rèn  V.  ;  tronc  de  —  sèche,  èrigo. 

Branchu  brèntchu;  brèntsu  M. 

Braque,  adj.  brèque  ;  bracou  M. 

Braquer  brôca.  Braque  Je),  brôque;  braque  M.;  brèque  V. 

Bras  brè  ;  brè  M.  ;  brè  V. ,  En  —  de  chemise  an  brèsse;  remuer 
les  —  en  marchant,  brèssoyî  ;  bran-né  le  brè  M. 

Brave  n.  brave  ;  brâvou  M.  ;  brave  V. 

Braver  brèva.  Brave  (je),  brève  ;  brâvou  M.  ;  brave  V. 

Brebis  bèrbi  ;  mouton  M.  ;  barbi  V.  Jeune  — foiyôte. 

Brèche-dents  batche  ;  bartse  M.;  ébroké  V. 

Brin  f(iepai7/e),  betche/. 

Brindilles,  bronde  ;  grebo  ou  boukion  M. 

Brioche  roûtchôte  ;  rouôto  M. 

Brique  coron  ;  caro  M. 

Briser  le  chanvre  avec  des  lamelles  en  bois,  brôca.  L'ins- 
trument se  dit  brôcoure. 

Broche  bretche  ;  broutse  M.  ;  broche  V. 

Brochet  bretchè;  broché  M.  ;  broché  V. 

Brouette  bouliôte  ;  brouète  M.  ;  broite  V. 

Brouillard  broûya  ;  brouya  M. 

Brouille  broûye  ;  brouye  \I.;broye  V. 

KliVUlS  DE  PIIILOLOGIE,  XUI  8 


114  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Broyer  le  chanvre  avec  vcne  meule  coni(jue,  riba  ;  endroit  où 

Con  broie,  etc.,  ribe. 
Brûler    breula;  beurlé  M.;  breulé  V.   Brûle  I Je),  breule; 

burle  M.  ;  breule  V. 
Brun,    brune,  brun,    brun-ne;    brun,    bruno    M.  ;    brun, 

bruue  V. 
Bûche  pour  le  fourneau)  niouotclio  ou  colmetcho;   pour  le 

four)  étchèiie. 
Bûchette  belchôle  ;  buchote  V. 
Buffet,  befo  ;  befo  M.  :  bufè  V. 
Buis  boui  ;  bui  M.  ;  bui  V. 
Buisson  boutcbè  ;  boitsè  M.  ;  bôsson  V. 
Buse,  bBuson  ;  beuson  M. 
Cabane  kèbane  ;  cabane  M.  ;  cabiouie  V. 
Cabas  kèbè  ;  caba  M.  ;  kèbè  V. 
Cabinet  borgne  kèboulo. 

Cacher  côtchî.  Cache  Je),  côtche;  kètse  M.;  kèche  V. 
Cachet  kèchè;  kètso  M.;  caché  V. 
Cacheite  côlchôte;  kècheto  M.;  cachotte  V. 
Cadastre  kèdèstre;  cadastre  M.;  cadèstre  V. 
Cadeau  kédo;  cado  M.;  kèdo  V. 
Cadran  kédran;  cadran  M.;  cadran  V. 
Cadre  cadre;  cadre  M.;  cadre  V. 
Cage  kèdje  ;  kèdze  M.;  kèje  V. 
Cahier  kéyé;  cayéM.;  cayé  V.  ' 

Cahoter  sèrgoula;  sargouyî  M. 
Caille  càye;  cayeM. 
Caisse  casse;  tièsse  M.;  kèsse  V. 

Caler  {un  meuble)  cala;  —  {une  voiture)  coûta.  Cf.  étayer. 
Calmer  (un  enfant  qui  est  hors  de  lui)  rès'néda.  Bon  sens  se 

dit  :  sné. 
Calotte  côlote;  calote  M.;  kèlote  V. 
Canal  kénèl ;  canal  M.;  kènèl  V. 
Canard  kèn-na;  cana  V. 
Canif kènifre ;  canif  M.;  canifre  V. 
Caporal  kèporêl;  caporal  M.;  caporal  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  115 

Capuchon  kèpulchon  ;  képuchon  V. 

Car  pèche  que  (parce  que);  pas'  que  ou  car  M.;  pas'  que  V. 

Carême  côrème;  carême  M.;  kirame  V. 

Caressant  chètou;  chètou  V. 

Caresser  chèti  ;  chèti  V. 

Carpe  carpe;  cârpo  M. 

Carrière  poirére,  parîre  M. 

Carrosse  kèrousse  f.;  carousse  f.  M.,  carosse  V. 

Carte  càtche;  câto  M.;  catche  V. 

Cas  ca;  ca  m.      . 

Cascade  kèscade  ;  cascade  M. 

Caserne  kèsèrne;  caserne  M. 

Casque  kèsque;  casque  M.;  kèsqae  V. 

Casser  cassa.  —  (mettre  en  p/éces)  ambrica;  ébriké  M. 

Casserole  {en  fer ^  fonte)  càkèl;  coulièllo  M. 

Catéchisme  catéchisse;  catécimou    ou   catéchisse  M.;  calé- 

chisse  V. 
Cave  n.  cave;  cave  M.;  cave  V. 
Cendres  cendre  ;  cèndrè  M.;  sanre  ou  snize  V. 
Cerf  cerf;  cerf  M.;  cèr  V. 
Cerne  n.  sane;  sanou  M.;  cerne  V. 
Cerné  sèna;  cerné  M.;  cerné  Y. 
Chaîne  tchèn-ne;  tsèn-no  M.;  chêne  V. 
Chair  tchâ;  tsa  M.;  cha  V. 
Chaire  tchére:  tsére  M.;  chère  V. 
Chaise  tchére;  tièsse  M.;  chése  V. 
Chaleur  tchôleu;  tsolou  M. 
Chaleureus  (le  contraire  de  frileus)  tchàrou  ;  tsolourou  M.; 

chorou  V. 
Chaut  tchâlé:  boû  de  lî  M. 
Chambre  tchèmbre  ;  tsambro  M.;  chambre  V. 
Champ  tchèn  ;  tsan  M.  ;  chan  V.  —  de  neu  de  valeur  vàgheye  ; 

tsan  voghère  M.  La  partie  du  bout  du  champ  qui  ne    peut 

pas  se  labourer  avec  le  reste,  parce  qu  elle  est  occupée  par 

l'attelage,  s'appelle  tchèntre. 
Champignon.  Espèce  de  —  qui  pousse  sur  les  arbres,  boulro. 


116  REVl  E    DE    PHILOLOGIE    FKANÇAISE 

Chanceler  (rf'zrre.sse)  trembla;  tsambyi  M.;  tèrtelé  V.  chan- 
celé [je],  trèmbele. 
Chandelle  tchèudèle;  Isandélo  M.;  chandèle  V. 
Changer    tchèngî.     Chanye  (je),    tchèndge;     tsèndze    M.; 

chouénge  V. 
Chanvre  chnôve;  tsen'vou  M.;  chuovre  V.  Petite  yerhe  de 

—  men'vé;  inoinou  M. 
Chapeau  tchèpé;  Isèpiô  M.  ;  chèpia  M.  Viens  —  colo;  colo  M. 
Chapelet  Ichèplo;  tsèplo  M.;  chèpiè  V. 
Chapelle    tchèpèle;  tbèpulo  M.;  chèpèle  V. 
Chaque  tchèque;  tséque  M.;  chèque  V. 
CHARtcha;  tsa  M.;  cha  V. 
Charbônné  (sali  par  du  charbon)  aumétchurî. 
Chardon  tchédjon  ;  tsadou  M.;  chadion  V. 
Charge  n.  tchardje;  tsardze  M.;  chèrge  V. 
Charger     tchèrdjî.     Charge    (je),    tchèrdje;    tsardze    M.; 

chèfge  V. 
Charme  (arbre)  tchèrmé;  tsarmo  M. 
Charrette  tchèrôte  ;  charète  M.  ;  charote  V. 
Charrier  tchôrôyî.  Charrie  (je))  tchôrôye;  tsarèyou  M . 
Chasser  tchèssî.  Chasse  (je),  tchèsse;  tsèsse  ;  M.;  chèsse  V. 
Chat,  chatte  tchè,  Ichète;  tsa,  tsètto  M.;  chè,  chète  V. 
Château  tchété ;  tséttio  M.;  châtia  V. 
Chat-huant  eutchrô;  suto/.  M. 
Chatouiller  gôtôyî;  gotèyi  M.;  chagouyé  V. 
Chauffer  étchàda  ;  ètsodé  M. 
Chauve-souris  tchàvésri,  rètto  voulante  M.;  chavosri  V. 
Chaux  tchà  ;  tso  M.;  cho  V. 
Chemin  tchmin;  ancien  —  vî.  Cf.  rue. 
Cheminée  tchemaa  ;   tsemenio  M.  —  d'une  chambre,  tchàf 

pense,     c'est-à-dire    chaude-panse  ;    tsof  panse     M.     Le 

haut  de  la  —  tué  ;  kètso  de  la  tsemenio  M. 
Chêne  tchâne  ;  tsanou  M.;  chagne  V. 
Chéneau  chnà  f.;  ècheno  M.;  cholate  ou  chanète  V. 
Chenevottes  tchen'veye;  tseneveuyou  M.;  chnevote  V.  Feu 

de  —  dans  les  champs,  fulîre. 


PATOIS    DE    SANCEY  117 

A  Vitteaux,  on  appelle /eZf^re.?  des  feus  qu'on   allume,    ou 
qu'on  allumait  le   l^''  dimanche  de   Carême,   à  l'entrée   du 
village  ;  les  habitants  formaient  des   rondes  autour   de  ces 
feus,  puis  on  vendait   la    braise    aus   enchères.    En    même 
temps,  des  jeunes  gens  parcouraient  les   hauteurs   avec  des 
brandons  allumés,  :ippe\és/ai/e. 
Chenille  tchneye  ;  cheniye  M.;  chenèye  V. 
Cher  (qid  coûte  cher)  tchî  ;  tsî  M.;  ché  V. 
Chercher  tchèrtchî.   Cherche  (Je),   tchèrtche  ;    tsartse    N[.; 

charche  V. 
Cheval  tchvà;   tsevo    M.;    chevo  V.    Maiwaifi  —  èrpète; 

arpète  V. 
Chevalet  tchvôlo  ;  tsevolo  M.;  chevalè  V. 
Cheville  tchveye  ;  tseviye  M.;  cheveye  V. 
Chèvre  tchîvre  ou  kèbe  ;  tsîvro  M.;  bike  V. 
Chez  tchi;  tsî  M.;  ché  V. 

Chicane  (difficulté  de  mauvaise  foi)  rouogne  ;  rougne  M. 
Chien,    chienne    tchin,  tchene  ;   tsèn,    tsèn-no     M.;  chèn, 

chêne  V. 
Chiendent  rècene  de  coulou,  c'est-à-dire  racines  de  couloir. 

Le  couloir  est  un  ustensile  où  l'on  coule  le  lait  qu'on  vient 

de  traire. 
Chiffon  pète ,  poto  M.;  driye  V. 
Chiffonnier  pètî  ;  potî  M.;  driyé  V. 
Chiffre  ichifre  ;  tsifrou  M.;  chifre  V. 
Chœur  keu;  keur  M.;  keu  V. 
Choir  tchoure  ;  tsidre  M.;  choure  V. 
Chou  tchô  ;  tsou  M.;  cho  V. 
Cible  cib'e;  sublo  M. 
Ciel  cil ,  ciil  M.  L'ancien  patois  dit  :  tan  (temps)  ou   pèrèdi 

(paradis). 
Cimetière  cem'tére  ;  cem'tire  M.;  cim'tère  V. 
Ciseaux  cisé  ;  cisio  M.;  cisia  V.  —  (pour   tondre   les  mou- 
tons) éfouche  ;  éforce  V. 
Citerne  citane;  citano  ^L;  citerne  V. 
Civière  çvîre;  cevîre  ^L;  cevère  V. 


118  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Claie  chou  ;  clé  M.;  vanète  V. 

Clair,  claire  chà,chàre  ;  kia,  kiéro  M.  Decenir  —  s'réchari  ; 

se  rèkiachi  M. 

Claude  Yàde  ;  Vodou  M. 

Clé  châ  ;  kia  M .  ;  kié  V. 

Cligner  miga  ;  sèn-né  dè-z-euyou  M. 

Cloche  kletche;  kioutse  M.;  kioche  V. 

Clocher  kletchî  ;  kioulsî  M.;  kioché  V. 

Cloison  gôlèndure  ;  galandure  M. 

Clos,  close  choù,  choûte. 

Clou  chô  ;  kiou  M.;  kio  V. 

Clouer  choiila;  kioulé  M.;  kiolé  V. 

Cocarde  coucadje  ;  cocarde  M.;  cocad^'e  V. 

Cœur  keu  ;  tieu  M.;  keu  V.;   apprendre  par  —  èpènre   pèr 
keur. 

Coffre  côfre  ou  ârtche  ;  couffrou  M. 

Coin  kegno  ;  kegno  M.  —  {angle)  car  ;    cârou  M. 

Col  de  chemise  rabattu  cotisse. 

Colchide  {bot.)  vètchôte  ;  colchide  M.;  voiyote  V. 

Colère.  {Se  mettre  en  —  )  s'angregnî.  Qui  est  en  —  gregne. 

A  Vitteaux,  grir/né  veut  dire  maussade,  renfrogné. 

Colin-maillard  pince-cu. 

Coller  cola  ;  coulé  M.;  colé  V. 

Collet  coulé  ;  colè  M.  ;  colé  V. 

Collier  de  cheval  bouoré  ;  mettre  le  —  au  cheval  ambouorla. 

Colonne  coulone  ;  colone  M.  1 

Comédie  coumédi  ;  coumédi  M.;  comédi  V. 

Comète  cou mète  ;  comète  M.;  comète  V. 

Comice  coumice  ;  comice  M.;  comice  V. 

Commander  couménda  ;  kemènda  M.;  kmandé  V. 

Comme  kman  ;  keman  M.;  kman  V. 

Commencer  kmancî  ;  kemancî  M.,    kmancé  V. 

Comment  kman  ;  keman  M.;  kman  V. 

Commis  courai  ;  coumi  M.;  conii  V. 

Commode  kmôde  ;  kemoudou  M.;  kmode  V. 

Commune  coumune  ;  comune  M.;  comune  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  119 

Complètement  fin  ;  fèn  M.,  fèn  V.;  ne  s'emploie  guère  que 
dans  cette  locution  :  —  plein  fin  pion  ;  fèn  plèn  M.;  fèn 
pièn  V. 

Comptant.  Argent  —  èrdjan  contan  ;  ardzan  contan  M. 

Compter  [aur]  se  réfia  ;  se  réfié  M. 

Condamner  condèn-na  ;  condan-né  M.;  condèn-né  V. 

Conduire  condure  ;  condure  M.;  condure  V. 

CÔNE  [du  pin,  (in  f^npin)  pîve  ;  pivo  M. 

Confesser  (se),  se  con-msa. 

Confiture  (de  pommes,  poires)  moûce  ;  kéniado  M. 

Congé  condjî  ;  condzî  M.;  congé  V. 

Connaître  couognàtre;  cougnitre  M. 

Construire  construre  ;  construre  M.;  construre  V. 

Conte  (pour  amuser  les  enfants)  rècontrote. 

Contour  (d'urne  route)  rebrà. 

Contrarier  controyî. 

Contrefaire  rédjèn-na  ;  dedzènghé  M.;  rchigné  V. 

CoPEAus  pèrveye  ;  betsayo  M.;  copia  V. 

Coque  [d'œuf,  de  nois)  cretche  ;  creuso  M.;  creuse  V. 

1.  Cor  [ans  pieds)  euye  d'èghèce,  c'est-à-dire  œil  de  pie; 
couo  M. 

2.  Cor  (instrument)  cor  ;  cor  M.;  co  V. 
Corde  coudje  ;  couôdo  M.;    cod^'e  V. 
Cordon  couordjon  ;  courdzon  M.;  codion  V. 

Corne   [de   la   tète)    écoûne  ;  couono   M.;  cogne  V.  —  (des 

pieds)  coûne  ;  couono  M.;  cogne  V. 
Corner  couona.  Corne  (il),  couone  ;  coune  M.;  cogne  V. 
Cornet  couono  ;  couno  M.  ;  cono  V. 
Corps  coû  ;  couo  M.;   co  V. 
Corridor  colidor  ;  coridor  M.;  colidor  V.  —  entre  le  corps 

de  logis  et  la  grange,  pouortcho  ;  pouortsou  M. 
CÔTÉ  san  /.;  coulé  M.  A  —  de,  k  Ion  de. 
Cou  co;  coû  M.;  co  V. 

Couché  (en  parlant  du  soleil)  meci  ;  coutsî  M. 
Coup  cô;  coû  M.;  cô  V.;  donner  un  —  de  pied  en  avant  (en 

parlant  des  bœufs,  vaches,  djipa. 


120  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Coupable  coiipab-e;  coupable  M.;  coupab-e  V. 

Couper  côpa;  coupé  M.;  coupé  V.  — en  petits  morceaus^ 
tchèpia;  tsoplê  M. 

Cour  couo;  cou  M.:  cou  V. 

Courbe  n.  couorbc;  courbo  M.;corbe  V. 

Courir  couore.  Court  [il),  couo;  cou  M.;  cour  V.  —  en  par- 
lant du  bétail  assailli  par  les  mouches)  besyî  ;  besiyîM. 

CouRTiLiÈRE  èrôto;  taravon  M.;  larote  V. 

Cousin  cousin:  courî  M.;  cosèn  V. 

Coussin  keussèn;  kessèn  M. 

Coussinet  keusgno;  keusno  V. 

Couteau  coulé;  coutio  M.;  coutia  V.;  mauvais  —  bètchè. 

Coûter  cota;  coûté  M.;  coté  V.;  il  m'en  coûte  bien,  è  m'an 
crà  bin. 

Couverte  n.  kvâlche  ;  kvâto  M.;  couvat^e  V. 

Couvreur  tôtô. 

Couvrir  crevi.  Couvre  {je),  crevi  ;  crîvou  M.;  couvre  V. 

Cracher  crôtchî.  Craclie  (Je),  crôtche,  crètse  M.;  croiche  V 

Craie  crâ  ou  croû  ;  cra  M. 

Cran  ancrâneV 

Crapaud  bo  ou  crêpa:  bo  ou  crapio  M.;  bo  V. 

Crapuleuse.  Qui  mène  une  vie —  gouyèn  ;  gouyan  M. 

Craquer  creuci. 

Cravate  grèvôte;  cravate  M.;  grèvate  V. 

Crèche  (du  bétail)  rôtche;  crètse  M. 

Crépir  crèmpi  ;  crépi  M.;  anduire  V. 

Creuser  creuyî;  creusé  M.;  creusé  V. 

Creus  a^y.  creu  ;  creu  M.;  creu  V. 

Crever  par  excès  de  dilatation)  Xàpsi;  topé  M.;  crevé  V. 

Crible  crible;  criblou  M.;  kiô  [claie)  V. 

Cribler  crela;  criblé  M.;  kivé  V. 

Criblures  crelure  ;  criblurè  M.;  clivure  ou  crènce  V. 

Crier  criya;  crié  M.;  kèrié  V.  —  en  parlant  d'un  cochon, 

1.  à  est  interniédiaire  entre  a  et  o. 


PATOIS    DE    SANCEY  121 

couîn-na;  couèn-né  M.;  couiné  V.  —  en  parlant  (Tune 

porte,  vouin-na. 
Crochet  cretcho  ;  courtso  M.;  croicho  V. 
Crochu  cretchu;  courtsu  M.;  croichu  V. 
Croire  crôre;  crére  M. 
(Croiser  crousî;  crèsé  M.  En  parlant  d'an  vêtement,  fèssî  ; 

crèsé  M. 
Croître  cràtre  ;  crètre  M.  ;  crouétre  V. 
Crois  croi  ou  croû  ;  crè  M.;  croué  V. 
Crosse  n.  crosse  :  crousse  M.;  crosse  V. 
Crottin  (du  cheval)  tchouognè;  —  [de  brebis,  chèvres)  ghè- 

ghèle. 
Crouler  crôla.  Croule  (il),  croie;  croule  M.;  croie  V. 
Croupière  coua. 
Croûte  crête  ;  crôto  M.;  crote  V. 
Cueillir  kedre;  tiudre  M.;  keyi  V. 
Cuiller  kyî;   kyî  M.;  keyî    V.    Grande  —  ronde  à  long 

manche,  pouotchon;  poutsonM. 
Cuillerée  keyera  ;  kyî  M.;  keyeré  V. 
Cuir  cû  ;  tiû  M .  ;  cui  V . 
Cuire  keure;  couire  M.  keure  V. 
Cuisine  cusène  oi^eutà;  outo  M.;  keusine  V. 
Cuisse  keche;  couisse  M.;  keusse  V. 
Culbute  côlbute. 

Culotte  culote  ;  culote  M .  ;  cuyote  V. 
Curé  curî;  tiuré  M.;  curé  V. 
Curieus  curieu;  curiou  M.;  kerieu  V. 
Cuscute  râtche;  varvélo  M. 
Cuvier  tnoye;  teno  M. 
Dais  da;  de  M.;  de  V. 
Danger  dondjî  ;  dandzi  M.;  dangé  V. 
Dangereus  dondjrou;  danjreu  M. 
Dartre  dâtre  ;  datro  M.;  dartre  V. 
DÉ  à  coudre  doyé;  dèyo  M. 

DÉBALLER  dèbàla.  Déballe  (Je),  débàle;  dèbale  M.;  debèle  V. 
DÉBATTRE  (se)  s'défrôpa. 


122  REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

DÉBORDER  règôcî  ;  dèbouodé  M.;  débodié  V. 

DÉCHIRER  décirî;dèksirî  M. 

DÉÇU,  rembarré,  rdouoyî;  rdouyi  M.;  rdouyé  V. 

Degré  (d'escalier)  égra;  martsè  M. 

DÉGRINGOLER  déghèrgôla  ;  dèroutsî  M. 

Dehors  {près  de  la  maison)  ki  dvèn;  dfouo  M.;  iki  dvan  V. 

—  [loin  de  la  maison)  feu;  dfouo  M.;  d'feu  V. 
DÉLAI  délè;  délè  M. 
Demi  dmé;  demi  M.;  dmi  V. 

Dénoncer  (en  parlant  des  enfants  rancusa;  rankesî  M. 
Dent  dan  ;  dan  M. 
DÉPÊCHER(sE)s'dépàdjî.  Dépêche  (Je  me),  dépàdje;  dépatse  M.; 

di  poche  V. 
DÉPIT dépé;  dèpi  M.;  dèpé  V. 

DÉPRÉCIER  (dénigrer  dépeuta  ;  méprisé  M.  Laid  se  dit:  pe. 
DÉROBER  du  blé,  des  œufs,  etc.,  au  ménage  fare  in  lou;  sové 

di  blé,  M. 
DÉROULER  dévôdre;  dérouté  ou  désanrouté  V. 
DÉSERT  n.  désar;  désa  M. 
Dessert  déssa ;  dèssa  M.;  déssar  V. 
DÉTELER  dèsèpiôyî, 
Détresse  détrôsse;  détresse  M. 
Dette  dote;  dètto  M.;  dote  V. 
Deus  dou  ;  do  M.  ;  de  V. 

Deviner  dvena.  Devine  (je),  dvene  ;  devène  M.;  dvène  V. 
Devoir  n.  dvoi  ;  devoir  M.;  devoi  V. 
DÉVORER  dévoûra.  Dévore  (Je  ,  dévoûre  ;  dévouore  M. 
Diable  diale;  diablou  M.;  diable  V.  Fig.,  tapageur  dmàle; 

méchant  tn3imhre. 
Diarrhée  {des  enfants)  roudje  bidè. 
Dictionnaire  dixionare  ;  dixionère  M. 
Dieu  Dû;  Dû  M.;  Dieu  V. 
Digne  digne;  digne  M.;  dègne  V. 
Dijon  Dijon  Didzon  M  .;  Dijon  V. 
Dimanche     dûmouotche     ou     dûmon-ne;    dènmoitse     M.; 

dmouènche  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  123 

1.  DÎNER  n.  non-ne/.;  moirando/.  M.;  dénié  V. 

2.  DÎNER  r.  non-na  ;  moirandé  M.;  dénié  V. 

Dire  dire;  dire  M.;di  V.  Ne  pas — mot,  n'pè  pipa  mou;  n'pa 
pipé  mou  M. 

Disloqué  émichlàca;  dès'louké  M. 

Distrait distra;  distrè  M. 

Disperser  [en  effrayant]  épèta;  épalvodé  V.  —  (en  pour- 
suivant) djepsî. 

Dissiper  son  bien  détrépa  son  butin. 

Dis  dé;  diche  V. 

Doigt  dô;  dé  M.;  doi  V.  Petit  —  glinglin  ;  glénglén  M.; 
couèncouèn  V. 

Donner  bèyî  ;  béyî  M.;  béyé  V. 

Dorer  douora.  Dore  (je),  douore;  dore  M. 

Dormir  dremi;  dourmiM.;  drerniV.  Dors  (Je),  doû;  douoM.; 
do  V. 

Dos.  Porter  (un  enfant)  derrière  son  —  pouotchaè  lé  crâtche; 
potié  è  lé  baie  V. 

Douleur  douleu  (eu  bref)  ;  douleur  M.;  douleu  V. 

Drap  drè  ;  dra  M  . 

Drap  [de  lit}  lessû;  lansû  M. 

Dresser  drôssî.  Dresse  [je),  drosse;  dresse  M.;  drosse  V. 

Droite,  droite  drô,  drôte;  drè,  drèto  M.;  droi,  droit'che  V. 

Durée  durî  ;  durio  M.;  deré  V. 

Duvet  des  oiseaus,  pitcheule. 

EAuàve;  ègheM.;  ia  V. 

Eau-de-vie  à  d'vî,  brén  t'vin  ou  brèn  d'vin  (bran  de  vin), 
sans  doute  :  lie  de  vin.  Bran  de  vin  se  trouve,  —  est-ce  avec 
le  même  sens?  —  dans  le  Mariage  de  Vadé,  jouéà  l'Odéon 
en  1862  : 

Ces  beaiis  muguets  à  bran  de  vin 
Vont  chez  la  veuve  Rabavin 
Tremper  leur  cœur  dans  l'eau-de  vie. 

(Monde  illustré,  11  octobre  1862). 

Ébrancher  ébiôcî;  ébréntsèyî  M. 
Égaler  étchàla;  ètsayé  M. 


124  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Écart.  Faire  un  —  (en  parlant  d'un  cheval),  vantchî. 
Écarter  (au  jeu  de  cartes)  écotcha;  èscarté  M.  —  les  Jambes, 

ëcôtra  lé  tchèmbe  ou  s'écôtra  ;  écarte  le  tsambè  M. 
Échalotte  échèrlote;  ècliarlote  M. 
Échappée  étchèpa;  ètsopio  M. 
ÉcHARDE  n.  étchaye  ;  échiche  V. 
ÉcHARPE  n.  étchàrpe;  ètsarpo  M.;  èchèrpo  V. 
Échelle  étchîle;  ètsilo  M.;  échèle  V. 
Échelon  échlon  ;  posson  M. 
Éclabousser  ékicî;  èkiobouté  M.;  ékiaboussé  V. 
Éclair  éluse;  èludou  M.,  ékière  V.  //  fait  des  —  i  éluse  ;  il 

élude  M. 
ÉcLAiRCiR  [un  semis)  érari;  èkiachî  M. 
Éclairer  chârî  ;  kiérî  M . 

Éclats o?e  bois  (faits  avec  la  hache;  étèle/.;  bètsayè  /.  pi.  M. 
Écluse  n.  échouse;  èkieuso  M. 
ÉcLusER  échôsa;  ékieusé  M. 
ÉC0RCE7Î.  écouche;  écouoche  M.;  écorce  V. 
ÉcoRCHERécouortchî.  Écorche  (/'),  écouortche  ;  ècourtseM.; 

ècorche  V. 
Écraser    écàyî;   écrèsé  M.;  écrabouyé  V.    —  (pulvériser) 

éf résa  ;  èfrèsé  M . 
ÉcREvissE  grèbece;  grobuce  M.;  èkèrvice  V. 
Écrouler  (s')  déretchî  ;  dèroutsî  M. 
Écume  djoume  ou  djôfro,  ècumo  M. 
ÉcuMER  r.  71.  'en parlant)  djôfa;  èkemé  M. 
Égarer  éghèra.  Egare  ./'),  éghère;  èghièreM.;  égare  V. 
Églantier  ghey'ri  bouton.  Fruits  de  V  — ghey'ri  bouton. 
Église  église.  La  section  de  la  commune  de  Sancey  où  se 

trouve  l'église,  s'appèle  en  français  :  Sancey-l'Église,  et  en 

patois  :  le  yéze. 
Égoutter  neut.  épurî;  èpurî  M. 
Égouttoir  (pour  la  vaisselle;  ékèlî  ;  èpurou  M.   Écuelle  se 

dit:  ékèl. 
Élévation  (à  la  messe)  Dû  Iva  (Dieu  levé,  élevé  ;  Du  levé  M . 
Emmêler  amboûtchi. 


PATOIS    DE    SANCEY  125 

Emoi.  Etre  en  —  être  émèyî  ;  être  émoyî  M. 

Empêcher  auvoidja  {vieus),  ampàtchî . 

Empêtrer  (s')  s'antroupa  ou  s'ampêturî;  s'ampatrî  M. 

Emplir  ampire;  ampli  M. 

Empoisonner  ampouz'na.  Empoisonne  (f),  ampouzene;  am- 
poizune  M.;  ampoizone  V. 

Encan.  Vente  à  l'  —  foire  frèntche. 

Enclume  anchâne;  anclumo  M.;  ankyeme  V. 

Encore  ancouo;  ancou  M.;  anco  V. 

Enfer  anfa;  anfa  M. 

Enflé  adj,  anche. 

Enfler  ancha.  Enfle  (f),  anche;  anfle  M.;  anf^'e  V. 

Enfouir  un  animal  ancrouta. 

Engourdi  antemi. 

Enjamber  kèmba;  èkambé  M. 

Ennui  an-nu;  an-nui  M.;  an-neu  V. 

Enrouler  autour  antoûdre  ;  antouodre  M. 

Ensanglanter  ansèngnî  ;  ansègnanté  M.;  anségné  V. 

Enseigner  ansouognî.iS'/iseî^ne(/),  ansouogne;  anseigneM.; 
ansouogne  V. 

Enseigner  (faire  la  classe)  rècouodja  ;  fêre  l'ècoulo  M . 

Entaille  n.  (cran)  ancrâne. 

Entamer  Sinièn-nsi.  Entame  (./"),  antèn- ne;   antane  M.;  an- 
tome  V. 

Entonnoir  amboussou;  amboussou  M. 

Entreprise  qui  ne  peut  pas  réussir  cude;  cuderî  M.  Celui 
qui  fait  ces  —  cudo  ;  cudo  M . 

Envelopper  anvôdre;  revendre  ou  amboutèyî  M.  an  routé  V. 

Epais,  -aisse  êpà,  épàsse  ;  èppè,  èppèsso  M.;  épo,  éposse  V. 

Eparpiller  ékémpoiyî  ;  èkampyi  M.;  épalvodé  V. 

Épaule  épàle  ;  èpolo  M  ;  épole  V. 

Épi  sans  la  tige  épi  co  V. 

Épidémie  légère  loûson. 

Épierrer  époroyî  ;  èpiarèyî  M. 

Épine  êpene  ;  épuno  M.;  épène  V.   —  dorsale  échna  di  dô  ; 
ètsuno  M.;  èchnê  V. 


126  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Épingle  épingne  ;  èpèngne  M.  ;  épèngh^'e  V. 

Épluchures  (faites  en  mangeant)  brousse;  brossé  M. 

Épouvanté épèvuri;  èpouri  M.;  épanté  V.  Très  —  éfèrfènta; 
ton  èpouri  M. 

Érable  euzràle  ;  izroblou  M. 

Érafler  siva  ;  courtsî  M. 

Éreinté  éleuchi  ;  èrouènté  \ . 

Espèce.  De  ta  grande  —  d'iè  grèn-t-arî  ;  d'io  grousso  race  M. 

Essai  éssa  ;  èssa  M. 

Essart  éssa;  èssar  M. 

Essuyer  éssure.  Essuie  (/'),  éssû;  èssuî  M.  ;  èssu  V.  —  (les 
mains,  le  visage,  pèn-na  ;  panne  M. 

Estimer,  éstin-ma;  éstèn-mé  M.;  estimé  V. 

Estomac  éstoumè  ;  èstoumè  M.;  éstoma  V. 

Estropié  estropia;  èstroupié  M.;  estropié  V. 

Étable  étale  ;  ètoblo  M.  —  des  moutons  boule  dé  bèrbi.  — 
à  porcs  sou  ;  sou  M.;  sou  V. 

Etai  coûte  ;  couto  M.  Etre  rassasié,  être  coûte. 

Étameur  mègnin  ;  magnèn  M.;  mègnèn  V. 

Étayer  coula  ;  coûté  M.  Cf.  caler. 

Été  n.  tchàtan  (chaud  temps)  ;  tsotan  M. 

Étendre  aar  son  pain  du  beurre,  des  confitures,  etc.  frôyî  ; 
fére  ènno  retio  M.;  fare  une  rotî  V. 

Étincelle  époulû;  ètèncèllo  M.;  beblû  V. 

Etirer  (s\  les  bras  s'époirosa  ;  s'èpèrèzî  M.  i 

Etoile  étoile  ;  ètèllo  M.;  étoile  V. 

Étouffer  éteufa.  .S"  —  en  mangeant  s'étepa. 

Étoupe  étoupe  ;  ètoupo  M.;  étoup-e  V. 

Étourdi  à  la  i>uite  d'un  coup  étedji  ;  èloudi  M.  —  à  la  suite 
d'un  malaise,  éledji;  èloudi  M. 

Étourneau  étouoné  ;  ètourno  M.;  ètourné  V. 

Étriller  étreyi.  Étrille  /'/'),  étreye  ;  ètriye  M  ;  étrèye  V. 

Étroit,  -oite  étrô,  étrôte  ;  être,  ètrètto  M. 

Étui  {pour  les  aiguilles    côtcho.  —  pour  la  pierre  du  fau- 
cheur, couvî  ;  couvî  M.;  coué  V. 

Eis  you  ;  yu  M. 


PATOIS    DE    SANCEY  127 

Éventé  [altéré)  afla. 
Exact  éxè  ;  èxa  M.;  éxè  V. 
Excès  éksa  ;  èkcè  M . 
Expert  èxpar  ;  èxpèr  M . 
Exprès  éxprè  ;  èxprè  M. 

Facilité  d'apprendre  èpranlure  ;  reteniure  M.  —  de  com- 
prendre compranture  ;  compreniure  M.;  comprenote  V. 
Façonner    fès'na.  Façonne  [je],   fècene  ;  fossune  M.;    fas- 

sonne  V. 
Facteur  rural  pîton  ;  pîton  M. 
Faible  chèle;  foiblou  M.  —  par  suite  de  malaise  rnète  ;  foi- 

blou  M. 
Faiblesse,  l'omber  en  —  èmèti  ;  tsidre  de  foiblèsse  M. 
Faim  fèn  ;  fèn  M.;  fèn  V. 
Faîne  fèn-ne  ;  fène  V. 
Faire  fare  ;   fére  M.;  fère  V.  Fais  [je],   fa;  fè  M.;  fa  V. 

Faire,    arranger    (un  lit,   une    voiture   de  foin),  èyure  ; 

fére  M . 
Faîte  (d^un  toit)  frîte  ;  kso  M. 
Falloir  fèyo  ;  fodre  M.;  faloi  V.  (Homme)  comme  il  faut, 

d'édrô. 
Farine    fèrene  ;  fèrno  M.;  farène  V.   —  grossière  de  blé 

grillé,  grus'lo  ;  grulo  M. 
Farineus  fèrnou  ;  fèrnou  M. 

Fatigué  sô  ;  sou  M.  Très  —  riga  ;  bèn  sou  M.  .       . 

Fatiguer  sôla  ;  soulé  M. 
Faucher  sôyî  ;  sayî  M.;  fâché  V. 
Faucheur  sôtou  ;  sètou  M.;  fâchou  V. 
Fauvette  fèvrôte  ;-  fovète  ou  tsobrouya  M.;   fovète  V.  Tso 

brouya  veut  dire  sale,  noirci. 
Fausset  [de  tonneau^  deuseye  ou  ghiote  ;  ghiuto  M. 
Faus  n.  fà  ;  fo  M.  ;  fo  V. 
Faus,  fausse,  fà,  fasse  ;  fo,  fosso  M. 
Femelle  femèle  ;  fumélo  M. ;  f umèle  V. 
Femme  fane  ;  fono  M.;  fonne  V. 
Fenêtre  fnétre  ;  fnétro  M.;  fnétre  V. 


128  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

Fer  fa  :  fa  M.;  fa  V. 
Fermer  choure  ;  farmé  M. 
Fermier  grèndjî  ;  farmi  M.;  farmié  V. 
Ferraille.  Sonner  la  vieille  —  souona  lou  càcré. 
Ferrer  à  glace  grèpa  ;  grapé  M. 

Fête  fête;   féto  M.:  fètche  V.    La  —  de  l' Assomption,  \è 
miô  (mi-août)  ;  —  du  S  septembre,  le  tchété.  Tchété  veut 
dire  château. 
Feu  fû  ;  fù  M.;  feu  V. 
Feuillet  feyo  ;  feyo  M.;  feyè  V. 
Fiel  f î  ;  fiel  M. 

Fier,  fière  fî,  fîre  ;  fî,  fîro  M.;  fiar,  fiare  V. 
Fil  fi -fi  m.;  fi  V. 
Filer  tla;  fêlé  M.   File  (il),  fêle  ;  fîle  M.  — s'en  aller,  fila  ; 

fêlé  M . 
Fille  feye  ;  fiye  M.;  fèye  V.  Jeune  —  ghèchôte,  béssôte. 
Filleul  fieu  ;  feyeu  M.;  fiyeu  V. 
FiNAGE  fin  /. 

Fin,  FINE  fin.  fin-ne  ;  fèn,  fènno  M.;  fèn,  fène  V. 
Flairer  feuna  ;  funé  M. 
Flamber  f rela  ;  flambé  M. 

Flamme  cbâme,  flâmo  M.;  fiame  V.  Donner  de  la  —  cbàrî. 
Flanc  chèn  ;  flan  M. 
Flaque  d'eau  bouoyè  ;  sac  d'ègbe  M. 
Fléau  chèvé  ;  flô  M.;  fia  V. 
Fléchir  sous  le  poids  flèncbi;  foibli  M. 
Flétri,  ridé  rèntri  ;  rèntri  M. 
Fleur  che  ou  fle  ;  flou  M. 
Fleuri  cbeuri  ;  flûri  M. 
Fleurey  nom  de  village,  Cheré. 

Foi  foi  ;  foi  M.;  foué  V.  Ma  —  manfi  ;  mo  foi  M.;  mafi  V. 
Foie  (de  cochon,  de  bœuf)  du;  foi  M.;  coré  V. 
Foin  fon  ;  fouèn  M.;  fouén  V.  — entassé  tèsse  ;  feni  V.  Tas 
de  —  dans   le  pré,  vol  mon.    Poussière  de   —  vesèn   de 
foin  M. 
Fois  foi  ou  cô  ;  coû  M.;  foué  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  129 

Force  n.  foache  ;  fouoche  M.;  force  V.  Qui  fait  des  tours  de 

—  aux  foires  èrcule. 

Forcer  fouochî.  Force  (je)  fouoche,  fouche  M.;  fôce  V. 

Forge  n.  foûrdje  ;  fourdze  M  .  ;  forge  V. 

Fort,  fort  fou,  foûtche  ;  fouo,  fouoto  M.;  fô,  fot^e. 

Fou,  FOLLE,  fô,  foie  ;  fou,  foulo  M.;  fô,  fôle  V.  Faire  le  — 
fôlôyi  ;  foulayî  M. 

Fouet  couordjîre  /.  ;  couidzio  M.;  corjîV.  Mèche  de  — 
tchèssoure  ;  moutson  M.  Manche  de  —  mènso.  —  en  mico- 
coulier Perpignan;  pèrpignan  M.;  pèrpignan  V.  Faire 
claquer  son  —  chôpa  ;   fère  také  so  coudzio  M.;  kiaké  V. 

Fouiller  foûyî.   —  la  terre  avec  sa  bêche  bàiSsa.]  polèyî  M. 

—  (en parlant  des  cochons)  bàssa  ;  beussî  M. 

Fouler  (la  terre)  pàta.  —  (Z'Aer6e)  tripa.  — (imc?o?'^^)  rboula. 

Four  fouo  ;  fou  M.;  fou  V. 

Fourche  fouortche  ;  fourtse  M.  ;  forche  V.  —  à  deus  dents 

en  fer,  fouortche  ;  —  à  trois  dents  pour  enlever  le  fumier, 

trèn. 
Fourchette  fouortchète  ;  fourtsèto  M.;  fourchète  V. 
Fourchu  fouortchu  ;  fourtsu  M.  Baguette  —  fouortchète. 
Fourneau  fouono  ;  fourno  M. 
Frais  n.  pi.  fra  ;  frè  M.;  fra  V. 

Frais,  fraîche  frà,  fràtche  ;  frè,  frètse  M.;  fro,  frache  V. 
Fraise  frâse  ;  fréso  M.;  frése  V. 
Framboises  èmpe. 
Franc,  franche,    frèn,   frèntche  ;    fran,   frêntse  M.;  fran, 

franche  V. 
Français  frènsô  ;  francè  M.;  francè  V. 
Frange  frandje  ;  frèndze  M.;  frange  V. 
Frapper  fort  rouochî  ;  roussi  M.   A  Vitteaux,  roiché  veut 

dire  roué.  —  Frapper  le  linge  sur  du  bois,  de  la  pierre, 

pour  le  laver,  éssèpa.  Table  de  pierre  où  l'on  —  éssèpoure. 
Frêne  f râne  ;  f ranou  M .  ;  fragne  V. 
Frère  frare  ;  frarou  M.;  fré  V. 
Frileus  friyolou  ;  frileu    M.;  friyou  V.   Dans  le  patois  de 

Poligny  (Jura)  friyole  signifie  ^oco/is  de  neige. 

REVUE    DE    PHILOLOGIE,    XIII  9 


130  REVrE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Froid,  froide,  frô,  frôde  ;  frè,  frèdo  M.;  froué,  frouède  V. 

Froisser,  chiffonner  froûyî. 

Fromage  froumèdje.  —  maigre  tome. 

Fromager  grûrin,  frulî. 

Frotter  f routa.  Frotte  je)  f route  ;  f route  M.;  frote  V. 

Flir  fure  ;  fuir  M.;  fui  V. 

Fumée  ferai re  ;  femîre  M.;  feumé  V. 

Fumier.  Oter  le —  j'ta  ;  jeté  lou  fenii  M. 

Fureter  tuna. 

Furoncle  anvoicho  ;  anva  M.;  kio  V. 

Gâchette  [de  fusil)  tchôcoyo  ;  gachète  de  fusu  M. 

Gagner  ghèngnî  ;  Gagne  {je)  ghèngne  ;  gagne  M.;  ghègneV. 

Gai  gh.é:  dié  M.;  ghé  V. 

Gale  gale;  golo  M.;  gôle  V. 

Gambader  djinga  ;  drudzi  M.   A  Vitteaux,  gènghé  signifie 

donner  des  ruades. 
Garçon  ghètehon,  boûbe  ;   gachon,  bouèbou  M.;   gachno  V. 
Garde  n.  m.  gadje  ;  gâdo/.  M.;  gad-e  V. 
Garder  voidja.   Garde  {je)  voidje  ;  gâde  M.;  gad-'e  V.  Se — 

de,  pènre  vàdje. 
Gargouiller  rèncoyî  ;  rankyî  M. 
Gâteau  touotché  ;  touton  M.:  gatia  V. 
Gaucher  gàtchi  ;  gotsî  M.;  gâché  V. 
Geai  dja  ;  dza  ou  dzaco  M.;  jake  V. 
Gelée  djola  ;  dzolio  M.;  gelé  V. 
Geler  djôla.  Gèle  {il)  djôle,"  dzole  M.;  gèle  V. 
Gendarme  n.  jandarme  ;  dzandarmou  M.;  jandèrme  V. 
Gendarmer  (se).  Gendarme  [il  se)  jandèrroe  ;  dzandarme  M.; 

jandèrme  V. 
Gendre  djonre  ;  dzèndrou  M.;  jandre  V. 
Genou  jnouye ;  genou  M. 

Gerbe  djarbe  ;  dzarbo  M.;  jarbe  V.  Tos  de  —  djèrbî. 
Germe  n.  djènun  ;  dzanon  M. 

Germer  djèna.  Germe  (il)  djène  ;  dzène  M.;  jarme  V. 
Glace  {gelée)  yèce  ;  ghièce  M.;  ghièce  V. 
Glaner  yona.  Glane  je)  yâne  ;  diène  M.;  ghiène  V. 


PATOIS    DE     SANCEY  131 

Glisser  par  mé garde  glissî  ou  lerdjî  ;  lutsî  M.;  ghissé  V. 
—  par  amusement  s'glissi  ou  s'pèva  ;  se  relutsî  M.; 
ghissé  V.  Lieu  par  où  l'on  —  le  bois  pèvoure  ;  lutso  M. 

Gloire  youre;  gloire  M.  Gloire  a  ici  le  sens  de  vanité. 

Glorieus  yourou  ;  gloriou  M.;  gloriou  V. 

Glouton,  goinfre  ghèlafre;  glouton  oa  angou  M.;  avoutreV. 

Gonflé  adj.  gonche.  Cf.  enjlé  ;  gontlou  M. 

Gonfler  goncha.  Gonfle  (je)  gonche;  gonfle  M.;  gonf^^'e  V. 

Goudronner  gàdrouona.  Goudronne  {je)  gàdrouone  ;  gou- 
drune  M.;  godronne  V. 

Goulet  goulo  ;  goulo  M. 

Goûter  v.  n.  kètrera  ;  bank'té  M. 

Grâce  grâce  ;  grâce  M.;  grâce  V. 

Graine  grèn-ne  ;  grèn-no  M.;  grègne  V.  —  de  foin  avec  son 
enveloppe  cheusun. 

Graisse  n.  grasse;  grasse  M.;  grèsse  V.  Résidus  de  — 
fondue  grebion. 

Graisser  gréssî.  Graisse  [je)  grésse;  grèsse  M.;  grèsse  V. 

Grammaire  grèn-mére. 

Grand'mère  même;  même  M.;  mèmère  ou  man-mine  V. 

Grand'père  pépé;  pépé  M.;  pèpère  V. 

Grange  grèndje;  grèndze  M.;  grouènge  V.  Au-dessus  de 
l'aire  est  une  espèce  de  plancher  formé  de  perches,  de 
planches,  etc.,  qu'on  appelle  lé-z-étra.  Quand  la  grange 
est  de  plain-pied,  il  y  a,  de  chaque  côté  de  l'aire,  comme 
un  étage,  au-dessus  de  l'écurie  et  des  pièces  du  rez-de- 
chaussée  ;  on  l'appelle  le  soulî.  Dans  les  villages  du 
plateau  supérieur,  pour  désigner  la  tribune  de  l'église, 
on  dit  le  soulro,  diminutif  de  soull. 

Grappe  rèpe  ;  groppo  M.;  grèpe  V. 

Grasseyer  bàcrela. 

Gré  gra;  gré  M.;  gré  V. 

Grêle  grôle  ;  grèlo  M . 

Grêlé  égrôla  ;  grêlé  M . 

Grelot  greyot;  griyo  M. 

Grenouille  renouoye  ;  renouye  M.;  ghernoye  V. 


132  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Griffer  grèfna;  ègrofné  M.;  grafigné  V. 

Grille  n.  greye ;  grive  M.;  grèye  V. 

Grimper  grèpi;  grèmpè  M. 

Groseille  greuzèle;  greuzala  M.;  greuzèle. 

Guêpe  vouépre  ;  vouépo  M.;  guêpe  \'. 

Guère  vàr  ou  gare  ;  ghére  M.;  un  pcho  (un  peu^  V. 

Guérir  voiri  ;  ghèri  M. 

Guerre  gare;  ghére  M.;  ghère  V. 

Guêtre  gôletchon;  gâtro  M.;  gatre  V. 

Gui  brou;  ghi  M.;  glu  V. 

Guichet  ghintcho;  ghèntso  M. 

Guillaume  Ghiàme. 

Habile  àbile.    Dans  le  patois  de  Sancey,  «è//e  ne  veut  pas 

adroit,  mais  leste,  expéditif.  Ainsi  s'àhila  signifie  se  dépè- 

cher. 
Habiller  èbyî.  Habille  (/)  èbeye;  abiye  M.;  abèye  V. 
Habit  èbi  ;  obi  M.;  èbi  V. 
Hache  n.  ètche  ;  ètse  M.;  èche  V. 
Haie  èdje;  è  M.;  bocheure  V. 
Halles  (les^  lé-z-àle  ;  lè-z-olè  M.;   lé-z-ale  V.  Aucun  des 

trois  patois  n'a  Vh  aspirée. 
Hangar  tchèri;  tsari  M. 

Hanneton  kèncoire  ;  cancouélo  M.;  cancouaneV. 
Harassé  éskinta;  èskènté  M. 

Haricot,  fèviôle,  f.  '  i 

Hasard  àsa;  osa  M.;  asa  V. 

Hasarder  ésèdja.  Hasarde  (je)  ésèdje;  osade  M.;  asad^e  V. 
Herbe  ârbe;  ârbo  M.;  arbe  V.  Lirjne  d' — abattue  parle 

faucheur  èndèn.  Dans  le  patois  de  Pontarlier,  aller  se  dit  : 

andai  (D.    Monnier,  Annuaire  du  Jura,  1857)   —  dans 

les  champs,  griraon  V. 
Hérisson  erson;  èrson  M. 
Hérissé  broussu  ;  èrissé  M.;  eursené  V. 
Hernie.  Qui  a  une  —  rontu  ;  rontu  M. 
Herse  n.  îche  ;  irtse  M.;  èrche  V. 
Herser  èrtchi.  Herse  (je)  èrtche;  irtse  M.;  orche  V. 


PATOIS    DE    SANCEY  lo3 

HÊTRE  até  on  foiyar  ;  foya  M.;  foyar  V. 

Heure  ouore  ou  ere  ;  ouro  M.;  ère  V.  Ere  de  Pin  veut  dire 
Paroissien  (Livre).  Pin  est  un  petit  village  de  la  Haute- 
Saône,  sur  rOgnon,  qui  possédait  autrefois  une  impri- 
merie. 

Heurter  (en  parlant  des  personnes)  toca  ;  touké  M.  (en 
parlant  d'une  voiture)  coûta  ;  kourtsi. 

Hiver  uva;  ivè  M.;  iva  V. 

Hiverner  ivoina.  Hiverne  (f)  ivoine  ;  ivane  M.;  ivarne  V. 

Honteux  ontou  :  ontou  M.;  ontou  V. 

HÔPITAL  àpità;  oupito  M.;  opito  V. 

Hoquet  sin-yo;  dzuko  M. 

Horloge  rledge  m.;  rloudzou  M.;  eurloge  V. 

Horloger  orlogé;  ourloudzi  M.;  orlogé  V. 

Hotte  oute  ;  outo  M .  ;  ote  V. 

Houx  pinfo  ;  ogrilou  M.;  glorieu  V. 

Hucher  eutchi  ;  upé  M. 

HuHAU  at',  u-o,  u-eu.  o-u-eu  (en  parlant  à  des  chevaus), 
urô  (en  parlant  à  des  bœufs)  pour  les  faire  aller  à  droite. 
È  n'écoute  ne  dia  n'uro,  il  ne  veut  rien  écouter. 

Humide  mouoyî  ;  mouyî  M. 

Humidité.  Forte —  mouoye. 

Hurler  eula  ;  urlé  M. 

Hutte  de  charbonnier  bècu. 

Idée.  —  bizarre  èvisàle. 

Image  imadje  ;  imadze  M.  ;  imège  V, 

Incorrigible  incouorijib^e  ;  èncouridzible  M.;  èncorri- 
gible  V. 

Inintelligent  ènoncèn  ;  inouçan  M. 

Injures.  Accabler  d' —  ègonisi  d'sotise  ;  ègonisé  d'sotisè  M.; 
agonire  de  movèse  rason  V. 

Innocent  inocèn  ;  inouçan  M. 

Inquiet,  ète  inki,  îte  ;  inkitou,  inkito  M. 

Ivraie  le  m.;  ivre  M.;  ivra  V. 

Jachère  sombre. 

Jaillir  kicî  ;  dzayi  M. 


134  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Jaloux.  Être  —  bisca;  biské  M. 

Jambe  tcbèmbe;  tsambo  M.    Lever  les  —  en  Pair  leva  lé 

gôlumé;   levé  le   gheyo   M.    S'embarrasser  les  —   s'an- 

troupa;  s'antourtèyî,  s'amboutèyî  M. 
Jardin  kelchi;  couii  M. 
Jatti::  djète. 

Jauge  djàdje  ;  dzodze  M. 
Javelle  djèvé  m.;  dzovio  />?.  M. 
Jean  Djèn  ;   Dzan  M. 
Jeanne  Djèn-ne;  Dzan-no  M.  ;  Jân-ne  V. 
Jeter  tchèmpa;  tsampé  M. 
Jeu  djû  ;  dzû  m.;  jeu  V. 
Jeune  n.  djun-ne;  dzunoii  M. 
Jeune  adj .  djun-ne;  dzunou  M.;  jene  V. 
Jeunesse  djun-nèsse;  dzunèsse  M.:  jeunesse  V. 
Jolndre  djondre;  jouèndre  M.;  jouéndre  V. 
Jonc  djon:  dzon  M.;  jon  V. 
Jour  dje  ;  dzu  M.;  jeu  V. 
Jouets  bibi. 

Journée  djena;  dzounio  M.:  jôné  V. 
Juché  {en  parlant  des  poules)  è  djou;  an  dzou  M  . 
Jugement.  Homme  sans  —  douré;  femme  sans  —  dôbe. 
Juin  djun;  dzuèn  M. 
JuMEAUs  bôssèn  ;  bossan  M.;  bèsson. 
Jupon  gouné;  goudo  M. 
Labourer  lôbouora,  èra  ;  lobourî,  are  M.  ;  laboré  V.  —  sans 

semer  sombra  ;  soumadé  M  .  ;  sombré  V.   Terres  labourées 

èra  m. 
Lac  lèk  ;  lac  M. 
Lacet  lèsso  ;  losso  M . 
Lâcher  lâtchî;  latsî  M. 
Laiche  làlche  ;  lotse  M .  ;  loche  V. 
Laid,  laide  pe,  pete;  pe,  peto  M.:  peu.  peute  V. 
Laine  lèn-ne;  lèn-no  M.;  lègne  V. 
Laisser  léssi.  Laisse  (Je)  lésse  ;  lèsse  M.;  lèsse  V. 
Lait  lèssé;  lèssio  M  .;  lèt  V.  Petit-lait  léti. 


PATOIS    DE    SANCEY  135 

Lame  lame;  lame  M .  ;  lame  V.  —  de  couteau  àlmèle  ;  lamo 

de  coutio  M . 
Lampe  lèmpe;  lampo  M.;  lampe  V. 
Langes  passo;  maillo  M.;  drèpia  V. 
Langue  langue  ;  lango  M .  Mauvaise  —  càtène. 
Languette  lango te  ;  languto  M. 
Lanterne  lèntane;  lantano  M.;  lanterne  V. 
Lanterner  lènterna  ;  langhné  M. 
Lard  la  ;  la  M.  ;  là  V. 
Large  lardje;  lardzou  M.;  lèrge  V. 
Las,  lasse  sô,  sole;  soû,  soûlo  M. 
Lasser  sôla;  soulé  ]\L 
Laurier  lourî  ;  lorî  M. 
Laver.  —  la  /essore  éssèpa  le  bû;  lavé  lo  bio  ^L  Essépa  veut 

dire  battre  et  non  laver.  \  ou  frapper. 
LÈCHE  n.  làtche;  lèche  M.;  lèche  V. 
Lécher  lôtchi.    Lèche  {je)  lôtche;  lèche  M.;  loiche  V.  On 

appelle  Ibtcho  un  mélange  de  betteraves,  son  et  sel  qu'on 

donne  au  bétail. 
LÉGER  lôdjî  ;  lèdzi  M.;  légé  V. 
Lentilles  nteye  ;  lantiye  ^L 
Lessive  bû;  bio  M.;   buî  V.   Eau  de  —  léssu;  lessu  M-; 

lèssu  V. 
Levain  levèn;  levèn  M. 
Levée  (au  jeu  de  caries)  plî/.;  levioM.;  plî  m.  Ne  pas  faire 

une  seule  —  basî  lou  eu  de  lé  véye  (baiser  le  cul  de  la 

vieille).  Cette  locution  est  dans  le  Dictionnaire  de  Littré, 

art.  Cul. 
Levier  en  fer  presse  ;   levî  M.   Soulever  au  moyen  du  — 

tare  âgre;  fére  àgrou  M.  Faire  avancer  au  moyen  du  — 

agroyî  ;  agrèyî  ^L  Petit  —  prèsson  ;  prèsson  M. 
LÉZARD  lézadje/.;  lizado  /.  M. 
LiARD  ia;  iaM.;  liaV. 
Lie  n.  bèssîre. 
Lier  lôyi;  lèyî  M. 
Liège  lîdje;  lidzou  M.;  liège  V. 


136  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Lierre  tèrétre;  tarétrou  M.;  liare  V. 

Lieu  vu  ;   lu  M .  ;  yeu  V. 

Lieue  lî;  lu  M.;  veu  V. 

Lièvre  livre  ou  kèpucin;  livrou  M.;  yèvre  V. 

Ligne  legne:  ligne  ^L;  lègne  V. 

Ligneul  Igneu  ;  legnu  ^L;  ligno  V. 

Limace.  Petite  —  gremon. 

LiMONiÈRE  limouonure;  lemounure  M.;  limonière  V. 

Liqueur  likeur;  lilieur  ^L;  likeu  V. 

Lire  1ère  ;  lire  M.;  li  V. 

Lit  lé;  lî  M.;  lé  V. 

Litière.  Faire  la  —  rétrèn-na.  Paille  se  dit  étrèn. 

Logis.  Au  —  è  Teutà;  o  route  AI.  Cf.  cuisine. 

Loi  loi  ;  loi  M.;  loué  V. 

Loin  Ion;  louèn  M.;  louèn  V. 

Longe  londje;  londze  AL;  longe  V. 

Loquet  lèchôte/. ;  lènkio  M. 

Loqueter  tècha,  tèchouta  ;  tènkioté  AL 

Loucher.  Qui  —  ghèreuya;  brenikia  AL;  cagna  V. 

Loup  lou  ;  lou  Al .  ;  lo  V. 

Lucarne  lucane;  lucano  Al. 

Lune  lene  ;  luno  Al. 

Luzerne  luzerne;  luzerne  Al.;  luzarne  V. 

[A  suivre).  NÉDEY. 


Nous  rappelons  que  M.  Durandeau  publie  à  Vitteaux,  dans  le 
Réreil  Bour-guignon,  un  iraporlant  Dictionnaire  français-bourgui- 
gnon. Voyez  notre  Revue,  lome  XI,  p.   240.  —  L.  C. 


C  l 


CEST  SON  MOINDRE  DÉFAUT^ 


Il  y  a  deus  raisons  pour  hésiter  dans  l'interprétation 
de  cette  simple  phrase  : 

«  //  n'est  pas  habile,  c'est  son  moincb^e  défaut.  » 

De  quel  défaut  parle-t-on?  De  sa  non-habileté  ou 
de  son  habileté  ^^ 

D\m  autre  côté,  le  moindre  peut  avoir  deus  valeurs, 
c'est  «  le  moins  grave  »  ou  «  le  moins  développé  )), 
autrement  dit  le  moindre  en  qualité  ou  le  moindre  en 
quantité. 

Il  en  résulte  que  théoriquement,  en  combinant 
diversement  ces  deus  doubles  sens,  la  phrase  «  il  n'est 
pas  habile,  c'est  son  moindre  défaut  »  peut  avoir  quatre 
significations  : 

1.  Il    n'est  pas  habile,  cette  non-habileté  ^^i  son 

[défaut  le  moins  grave. 

2.  Il   n'est  pas  habile,  cette   non-habileté    est  son 

[défaut  le  moins  développé. 

1.  Il  n'est  pas  habile,  V habileté  est  son  défaut  le 

[moins  grave. 

2.  Il  n'est  pas  habile,   Vhabileté  est  son  défaut  le 

[moins  développé. 

Mais  pratiquement,  le  sens  a  2  est  impossible,  car 

1.  La  question  qui  fait  l'objet  de  cet  article  a  été  posée  par  Fran- 
cisque Sarcey,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  dans  un  de  ces"  fagots  ». 
oùii  discutait  parfois,  avec  tant  de  bon  sens  et  d'esprit,  les  petites 
difficultés  de  notre  langue.  Voy.  le  r<?/n/)s  du  12  mai  1899. 


138  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

il  renferme  une  contradiction.  Ce  serait  dire  il  est  ma- 
ladroit et  ajouter  :  sa  maladresse  n'est  pas  grande. 
Autrement  dit,  la  phrase  équivaudrait  à:  «  il  est  mala- 
droit, il  est  peu  maladroit.  »  Il  y  a  contradiction,  à 
moins  qu'on  ne  marque  une  opposition  par  la  conjonc- 
tion mais:  «  11  est  maladroit,  mais  il  l'est  peu.» 

Le  sens  b  1  renferme  aussi  une  contradiction  ;  ce 
serait  dire  //  na  pas  le  défaut  d'être  habile,  et  ajouter 
immédiatement  :  il  a  ce  défaut  avec  d'autres  plus 
grenues. 

Il  ne  reste  donc  comme  possibles  que  le  sens  a  ^  et 
le  sens  b  2. 

Dans  le  premier  sens,  le  défaut  est  la  non-habileté, 
et  c  est  le  moins  grave  de  cens  qu'il  a. 

Dans  le  second  sens,  le  défaut  (par  ironie)  est  Thabi- 
leté,  et  c'est  le  moins  développé  de  ceus  qu'il  a  (par  la 
bonne  raison  qu'en  réalité  il  ne  l'a  pas,  comme  l'indique 
la  proposition  initiale). 

Dans  les  deus  cas,  l'idée  exprimée  parla  proposition 
initiale  reste  intacte,  il  n'est  pas  habile,  mais^  dans  le 
premier  sens  on  ajoute  qu'il  a  en  outrede  gravesdéfauts  ; 
dans  le  second  sens,  on  n'ajoute  rien,  on  se  borne  à 
redire  sous  une  forme  plaisante  qu'il  n'est, pas  habile, 
que  son  habileté  est  moindre  que  tout. 

Lorsque  La  Fontaine  dit  :  «  La  fourmi  n'est  pas  prê- 
teuse, —  C'est  là  son  moindre  défaut,  »  il  veut  évidem- 
ment insister  sur  ce  fait  qu'elle  n'est  pas  prêteuse,  et 
non  pas  indiquer  qu'elle  a  en  outre  de  graves  défauts,  ce 
qui  n'a  aucun  rapport  avec  la  fable.  On  a  donc  le 
deusième  sens. 

De  même,  lorsque  Ergaste  dit  [École  des  Maris,  I, 
6;:  ((  Je  coquette  fort  peu,  c'est  m.on  moindre  talent,  » 
il   veut    évidemment  dire  qu'il  n'a  pas  le  talent  de 


*'  c'est  son  moindre  défaut  "  139 

coqueter,  et  non  pas  qu'il  a  en  outre  de  beaus  talents, 
ce  qui  n'a  aucun  rapport  avec  Tidée  générale  de  la 
tirade. 

Supposons  la  proposition   initiale  affirmative  : 
«  Les  parlements  sont  curieus,  c'est  leur  moindre  dé- 
faut. »  Les  sens  a  n'existent  plus^  car  il  ne  peut  être 
question  de  non-curiosité.  Restent  les  sens  b  : 

bl.  Ils  sont  curieus,  la  curiosité  est  leur  défaut  le 

[moins  grave. 

b2.  Ils  sont  curieus,  la  curiosité  est  leur   défaut  le 

[moins  développé. 

Ici,  c'est  le  sens  b  2  qui  renferme  une  contradiction, 
car  on  ne  commence  pas  par  affirmer  que  quelqu'un  est 
curieus  pour  ajouter  aussitôt  qu'il  ne  l'est  presque  pas, 
à  moins   de  marquer  une  opposition  par  mais. 

DonCj  sous  cette  réserve,  après  une  proposition  initiale 
affirmative,  «  c'est  son  moindre  défaut  ))  ne  peut  avoir 
qu'un  sens:  il  a  d'autres  défauts  plus  graves. 

L.  Clédat. 


REMARQUES  SUR  L  EMPLOI  DE  "NUL" 


Nous  avons  : 

1°  Un  adjectif  qualiticatif,  d'origine  savante^  nul, 
qui  a  conservé  la  valeur  négative  du  latin  iiullus  sans 
qu'on  y  joigne  la  négation:  «  un  acte  nul,  un  homme 
nul.  )) 

2""  Un  adjectif-pronom  indéfini,  d'origine  populaire, 
nul,  qui,  dès  l'origine  de  la  langue,  s'emploie  toujours 
avec  une  négation  de  renforcement  (on  renforce  de 
même  7ii  par  ne,\  nul  ne,  ne.  .  .nul,  sans  nul  (latin  : 
cum  nuUo,  sine  ullo). 

Les  exemples  où  nul,  à  lui  tout  seul,  a  la  valeur  de 
nullus  sont  tous  suspects  d'influence  savante  (exemples 
cités  par  M.  Bastin  dans  notre  Revue,  X,  p.  215). 

Syntaxe  actuelle 

L'indéfini  nul  tent  k  disparaître  de  la'  langue  cou- 
rante^,  où  il  est  remplacé  par  personne  (et  quelque- 
fois par  aucun)  comme  pronom  et  par  aucun  comme 
adjectif. 

Déjà  il  a  complètement  disparu  comme  pronom  ré- 
gime (sauf  cependant  lorsqu'il  est  suivi  de  autre  ou 
d'un  régime:  «  il  Taime  plus  que  nul  autre,  il  n'a  re- 
connu nul  de  nous;  o  encore  dirait-on  plutôt  aucun 
dans  les  deus  cas).  On  ne  dirait  pas  comme  dans 
l'ancienne  langue:  il  n'a  parlé  à  nul  {ou. nului),  mais  à 
personne,  ni  :  il  n'a  rencontré  nul,  etc. 


REMARQUES  SUR  L  EMPLOI  DE   NUL  141 

Même  comme  sujet,  l'emploi  de  nul  pronom  se 
restreint  de  plus  en  plus,  et  sauf  dans  les  locutions 
nul  autre,  nul  que  (autre  que),  nul  suivi  d'un  régime 
(nul  de),  on  ne  l'emploie  qu'avec  la  valeur  de  «personne 
au  monde  »  parce  qu'il  s'est  maintenu  surtout  grâce 
aus  proverbes  archaïques  :  nul  ne  le  sait.  On  ne  dirait 
pas,  en  parlant  des  membres  d'une  réunion  qui  sont 
en  retard:  nul  n'est  arrivé  {vna^is personne  n'est  arrivé). 

En  outre,  nul  pronom  a  perdu  le  féminin  (sauf  dans 
la  locution  nulle  autre  ou  nulle  suivi  d'un  régime 
féminin).  — Quant  au  pluriel,  malgré  l'exemple  de  La 
Bruyère,  il  ne  s'emploie  plus  :  a  Que  nuls  ne  puissent 
être  arrêtés  dans  la  lecture  de  Théophraste.  » 

L'adjectif  indéfini  nul  est  un  peu  moins  atteint. 
Cependant  il  commence  aussi  à  ne  plus  guère  s'em- 
ployer comme  régime,  sauf  après  sans  (sans  nul  regret, 
sans  nul  doute),  sauf  aussi  dans  riul  autre...  nul. . . 
que  et  dans  des  locutions  verbales  telles  que  ne  faire 
nulle  attention  à,  n'avoir  nulle  envie  de. . .  nul  besoin 
de. .  .  nulle  confiance  en.  Encore  dans  tous  ces 
exemples  peut-on  le  remplacer  par  aucun.  Mais  on 
ne  dirait  plus:  «  Il  ne  composa  nul  poème  ,  il  ne 
cédera  dans  nul  cas,  »  etc. 

Nul  adjectif  ne  s'emploie  guère  au  pluriel  malgré 
l'exemple  de  La  Fontaine:  «  Il  n'a  sans  mes  bienfaits 
passé  nulles  journées.  » 

Emplois  anciens 

Dans  la  langue  populaire,  nul  isolé  de  la  négation  a 
pris  jane  valeur  positive  =  quelque,  quelqu'un. 

Ce  phénomène  s'est  produit  dans  les  propositions 
interrogatives  (indépendantes  ou  dépendantes). 

Dans  ces  propositions,  Tidée  fondamentale  ne  change 


142  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇALSE 

pas,  que  ron  fasse  porter  le  doute  sur  Texistence  ou 
la  non-existence  du  fait  ; 

Pleut-il? 

Ne  pleut-il  pas  ?. 
Je  me  demande  s'il  pleut. 
Je  me  demande  s'il  ne  pleut  pas. 

Toutefois,  douter  de  la  non-existence  d'un  fait, 
c'est  croire  un  peu  que  le  fait  existe.  De  là  l'usage 
d'employer  la  négation  dans  ces  propositions  quand  la 
réponse  qu'on  attent  est  affirmative  (de  même  en  latin 
nonne),  et  vice  versa: 

Pleut-il?  On  attent  plutôt  la  réponse  non. 
Ne  pleut-il  pas?  On  attent  plutôt  la  réponse  si. 

Supposons  maintenant  une  proposition  interrogative 
contenant  nul  ne:  a  A^'a-t-il  nulle  envie  de  venir?  » 
On  attent  la  réponse  si  ! 

Pour  poser  la  même  question,  en  prévision  de  la 
réponse  non,  on  a  été  naturellement  amené  à  suppri- 
mer purement  et  simplement  la  négation  ne,  et  à  dire 
((  A-t-il  nulle  envie  de  venir?  »  phrase  où  nul  prent 
la  valeur  de  quelque,  quelconque  (Voyez  les  exemples 
dans  notre  Revue,  X,  217). 

Cette  valeur  positive  de  nul,  née  dans  les  propositions 
interrogatives,  s'est  introduite  dans  les  propositions 
hypothétiques.  On  disait  au  moyen  âge  : 

«  S'il  a  nulle  (quelque)   envie  de  venir,  amenez-le.» 

Lorsque  ^^^a/ic/ signifie  «  toutes  les  fois  que»,  la  pro- 
position est  hypothétique;  de  là,  au  moyen  âge  : 
«  Quand  il  a  nulle  (  =  quelque)  envie  de  venir,  il  vient.  » 

Dans  certaines  phrases,  nul  paraît  avoir  la  valeur 
positive,  mais  en  réalité  il  y  a  une  négation  sous-enten- 
due : 


REMARQUES  SUR  l'EMPLOI  DE        NUL  "  143 

((  Je  l'estime  plus  que  nul  autre  ))  :=  plus  que  je 
/^'estime  nul  autre.  Cf.  :  plus  q\ie pas  un  (=ne  pas  un). 

C'est  la  négation  dite  expiétive, mais c'estla  négation. 

Et  par  extension  :  c  autant  que  nul  autre»  (exemple 
de  Montaigne)  V 

L.  C. 

1.  Nul  (etil  en  est  de  même  pour  aucun  )  peut  se  trouver  dans 
une  subordonnée  complétive  et  la  négation  dans  la  princii)ale  : 
A  Dieu  ne  plaise  que  nul  homme  dise. 

q\i  aucun  homme  dise 
qxxQ personne  dise 
ou  Plaise  à  Dieu  que  nul  ne,  etc. 


COMPTES  RENDUS 


Otto  SoLTAu.  —  Blacatz,  ein  Dichter  und  Dichterfreund 
der  Provence,  biographische  Studie.  —  Berlin,  Verlag 
von  E.  Ebering,  1898,  in-8",  64  pages. 

Cette  étude  strictement  biographique,  et  qui  n'a  pas  d'autre 
prétention,  fait  partie  des  Berlinev  Beitrcige  zur  germa- 
nischen  und  romanischen  Philologie,  publiés  par  le  docteur 
Emile  Ebering,  avec  l'encouragement,  je  crois,  du  professeur 
Tobler. 

M.  Soltau  s'est  proposé,  dans  ce  travail,  de  rechercher 
rétymologie  du  nom  Blacatz  %  de  faire  l'histoire  critique  des 
travaus  antérieurs  consacrés  à  son  poète,  d'étudier  à  nouveau 
les  sources  historiques  et  d'écrire  un  essai  de  biographie 
d'après  les  témoignages  de  ses  contemporains. 

C'est  un  travail  consciencieus  et  qui  a  dû  demander  à  son 
auteur  de  longues  et  assez  difficiles  recherches,  sans  que  le 
résultat  peut-être  répondit  à  l'effort.  Tout  semble  se  réduire 
au  tableau  généalogique  de  la  page  34  et  à  ce  fait,  assez  bien 
démontré,  que  le  troubadour  Blacatz  de  Aups  est  né  vers 
1165,  et  qu'à  partir  de  1237  il  n'est  plus  fait  mention  de  lui. 
Le  troubadour  a  eu  un  fils  qui  mourut  avant  1241.  Par  con- 
séquent, il  ne  faut  pas  confondre  notre  Blacatz  avec  son  père 
et  son  grand-père.  Voilà,  il  me  semble,  l'essentiel  de  cette 
étude  bien  écrite  et  nettement  composée. 

Joseph  BucHE. 

1.  De  Lollis,  dans  une  remarque  du  chant  III,  v.  51  de  son  édition 
{ Vita  e  Poésie  di  Sordello  di  Goito,  Halle,  1896),  rattache  ce  nom  h 
•blancacius  et  tient  Blancatz  pour  la  forme  primitive.  Notre  auteur, 
plus  justement,  tient  Blacatz  pour  la  forme  originale  et  la  rattache  à 
Blaccasius  de  Ducange,«quercus  junior»,  blacas  de  Mistral,  «  chêne 
blanc  »,  et  rappelé  que  les  armes  des -Blacatz  portent  un  chêne  et 
un  lion  (pp.  11-l.S). 


COMPTES    RENDUS  145 

Charles  Aubertin,  —  La  Versification  française  et  ses 
nouveaus  théoriciens  :  les  règles  classiques  et  les 
libertés   modernes.  —  Paris,    Belin,    1898,    iQ-12    de 
328  p. 

Le  livre  de  M.  Aubertin  est,  de  l'aveu  de  son  auteur,  un 
essai  d'adaptation  des  principaus  travaus  publiés  sur  la  versi- 
fication française  depuis  vingt  ans;  plus  exactement,  c'est 
un  manuel  à  l'usage  des  étudiants  en  littérature  et  en 
langue  françaises,  fondé  principalement  sur  les  ouvrages 
de  MM.  Tobler,  Beck  de  Fouquières,  Guyau,  SuUy-Pru- 
dhomme,  d'Eichthal,  Combarieu,  Souriau,  ausquels  il  faut 
ajouter  Théodore  de  Banville.  M.  Aubertin  a  cherché  dans 
ces  diverses  publications  «  ce  qu'elles  contiennent  d'excel- 
lent», et,  sans  abdiquer  jamais  son  «  droit  personnel  d'exa- 
men et  de  contrôle  »,  il  a  voulu  «  compléter  et  renouveler, 
en  plus  d'un  point  essentiel,  l'ancienne  poétique  par  une 
doctrine  moins  surannée,  moins  fermée  aus  changements 
nécessaires  que  le  cours  du  temps  amène  ».  L'idée  était 
excellente,  et  M.  Aubertin  l'a  réalisée  avec  beaucoup  de 
savoir  et  d'agrément.  Son  manuel  sera  extrêmement  utile, 
par  cela  même  qu'il  est,  en  son  fond,  un  résumé  et  une 
adaptation  très  claire  des  travaus  cités  plus  haut,  qui  sont 
souvent  peu  accessibles  au  grand  public. 

Peut-être  cependant  pourra-t-on  regretter  que  l'auteur  se 
soit  borné  à  ces  livres  et  en  ait  négligé  d'autres,  qui  n'ont 
pas  moins  d'importance  :  pour  nous  en  .tenir  à  l'essentiel, 
peut-être  eût-il  convenu  de  ne  pas  négliger,  en  fait  de  travaus 
étrangers,  le  traité  de  versification  française  de  Lubarsch 
(1879),  le  plus  complet  qui  existe  actuellement  sur  la  matière, 
ni  le  chapitre  si  important  de  M.  E.  Stengel  (dans le  Grund- 
riss  der  romanischen  Philologie  de  Grœber,  t.  II,  1892) 
sur  la  versification  des  langues  romanes;  et,  en  fait  de  tra- 
vaus français,  le  remarquable  traité  de  Clair  Tisseur,  Mo- 
destes Observations  sur  l'art  de  versijler  [1893),  dont  il  a  été 
jadis  parlé  ici  même.  Tous  ces  travaus,  et  notamment  le 

R-EVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  10 


146  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

dernier,  ont  renouvelé  sur  plus  d'un  point  l'étude  du  vers 
français  \ 

M.  Aubertin  a  divisé  son  livre  en  quatre  parties  :  1»  les 
origines;  2°  la  structure  intérieure  du  vers  français;  3*^  les 
formes  diverses  du  vers  français;  4^  l'harmonie  du  vers  et 
les  essais  tentés  pour  en  changer  le  caractère.  L'exposé  est 
toujours  net  et  nourri,  et  il  y  a  fort  à  prendre  dans  tous  ces 
chapitres.  Est-il  cependant  nécessaire  de  continuer  à  donner 
une  si  grande  place  aus  différents  vers  et  surtout  aus  poèmes 
à  forme  fixe  :  tous  les  traités  consacrent  des  chapitres  entiers 
au  «  sonnet  »,  à  la  a  villanelle  »,  à  la  «  glose  »  ou  au 
((  pantoum  ».  Il  semble  que  tout  cela  pourrait  être  réduit  à 
quelques  notions  essentielles,  au  grand  profit  des  questions 
plus  importantes,  comme  celle  du  «  rythme  »,  trop  souvent 
écourtée,  quand  elle  n'est  pas  entièrement  passée  sous  silence 
(et  je  m'empresse  de  dire,  sur  ce  dernier  point,  que  ce  n'est 
pas  le  cas  de  M.  Aubertin). 

Cette  légère  réserve  n'est  pas  pour  diminuer  le  mérite  d'un 
travail  consciencieus  et  qui  rendra  d'excellents  services. 

Joseph  Texte. 


Gustaf  Lené.  —  Les  substantifs  post-verbaus  dans  la 
langue  française.  Thèse  pour  le  doctorat.  —  Almqvist  Se. 
Wiksell.  Upsala,  1899, 146  p. 

On  désigne  par  le  terme  de  substantifs  post-verbaus  les 
substantifs  formés  du  radical  verbal  tout  pur  ou  allongé  d'un 
e  féminin.  Les  mots  de  cette  catégorie  ont  déjà  incidemment 
attiré  l'attention  de  plusieurs  grammairiens  :  mais  M.  Lené 
leur  a  consacré  une  étude  spéciale  très  approfondie,  et  dont 
les  conclusions  nous  paraissent  devoir  être  acceptées  dans 
leur  ensemble.  M.  L.  rejeté  l'opinion  de  M.  Meyer  Liibke, 

1.  On  trouvera  une  bibliographie  déiaillée  des  questions  relatives 
à  la  versification  française  dans  le  chapitre  de  M.  E  Stengel  cité 
plus  haut,  et  une  bibliographie  choisie  dans  un  excellent  article  de 
M.  F.  Bruaot  {Reçue  unLcei'sitaire  du  15  mars  1892). 


COMPTES    RENDUS  147 

qui  voit  dans  les  substantifs  post-verbaus  des  dérivés  formés 
à  l'aide  de  suffixes  :  cette  explication  déjà  peu  plausible  pour 
ceus  de  formation  féminine  en  e,  puisque  tout  suffixe  français 
doit  porter  l'accent  tonique,  l'est  encore  moins  pour  ceus  de 
formation  masculine.  Il  n'admet  pas  non  plus,  avec  Diez  et 
ceus  qui  l'ont  suivi,  qu'on  ait  affaire  à  des  dérivés  impropres, 
c'est-à-dire  à  des  formations  sans  altération  de  forme.  Suivant 
lui,  la  formation  post- verbale  est  une  dérivation  propre,  seu- 
lement, c'est  une  sorte  de  dérivation  progressive  qui  s'est 
effectuée  par  l'influence  de  l'analogie.  Le  groupe  chant  — 
chanter  a  dû  amener  celui  de  pleur  <<  pleurer.  C'est  ce  qu'il 
appelé  \3l  formation  proportionnelle,  dont  la  formation  post- 
verbale n'est  qu'un  des  côtés. 

Dans  le  chapitre  deusième,  l'auteur  étudie  les  post-ver- 
baus en  latin,  où,  d'ailleurs,  cette  formation  est  assez  rare  et 
ne  produit  guère  que  des  noms  de  personnes,  comme  scriba 
<Cscribere.  Pour  expliquer  le  développement  de  la  formation 
proportionnelle  en  français,  M.  L.  fait  remarquer  avec  beau- 
coup de  justesse  «  qu'à  une  époque  avancée  de  la  langue 
latine,  certaines  circonstances  ont  coïncidé  pour  créer  des 
groupes  de  verbes  et  de  substantifs  où  existe  la  relation  dont 
il  a  été  parlé  plus  haut  )).  Par  exemple,  le  fréquentatif  tent  à 
remplacer  le  verbe  simple  correspondant  en  perdant  sa  valeur 
de  fréquentatif  :  cantare  se  substitue  à  cancre.  D'autre  part, 
à  côté  de  cantare,  on  trouve  un  substantif  cantus,  exprimant 
d'une  façon  abstraite  l'action  du  verbe,  et  qui  ne  se  laisse  plus 
rattacher  qu'à  cantare  ;  dès  lors,  la  formule  proportionnelle 
était  établie,  et  on  put  tirer  computus  de  coniputare,  qui  était 
dans  le  même  rapport  apparent  que  cantare  avec  cantus. 

Le  chapitre  troisième  représente  une  classification  des  post- 
verbaus  en  français.  M.  L.  en  dresse  une  liste  qui  va  de 
l'apparition  du  français  à  la  fin  du  XI^  siècle.  Ils  désignent 
tous  (sauf  escolte),  des  nomina  actionis.  Ce  n'est  que  plus 
tard  qu'on  voit  apparaître  le  groupe  des  nomina  agentis.  Dans 
le  premier  groupe,  l'auteur  établit  une  subdivision  :  d'un 
côté,  on  trouve  des  formations  où  le  radical  du  verbe  apparaît 


148  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

tout  net.  tandis  que  clans  d'autres  un  e  féminin  est  venu  se 
joindre  au  radical.  Il  est  vrai  que  dans  beaucoup  de  cas  cete 
n'est  qu'une  voj^elle  d'appui  nécessitée  par  l'impossibilité  où 
était  la  langue  d'isoler  tout  à  fait  le  radical.  Quant  aus  rai- 
sons que  la  langue  peut  avoir  eues  de  choisir  tantôt  l'une, 
tantôt  l'autre  de  ces  formations,  M.  L.  renonce  à  les  découvrir. 
Il  constate  seulement  qu'ans  premiers  temps  du  français  la 
formation  masculine  prédominait,  tandis  que  plus  on  avance, 
plus  la  forme  féminine  se  répant  au  détriment  de  l'autre,  au 
point  d'être  restée  à  peu  près  exclusivement  vivante  dans  la 
langue  moderne. 

M.  L.  combat  l'opinion  suivant  laquelle  les  post-verbaus 
seraient  tirés  du  présent  de  l'indicatif,  en  faisant  remarquer 
que  partout  où  le  radical  du  présent  ne  se  laisse  pas  expliquer 
par  le  radical  verbal  général,  mais  en  diffère  d'une  façon 
essentielle,  c'est  ce  dernier  qu'on  retrouve  dans  le  nom  post- 
verbal. Donc,  les  post-verbaus  se  forment  par  la  substantifi- 

cation  du  radical  de  l'infinitif.  Dans  les  cas  où  la  voyelle 
d'appui  n'est  pas  exigée,  la  consonne  finale  du  radical  subit 
alors  les  changements  nécessités  par  sa  position  à  la  fin  du 
mot,  ou  devant  Vs  de  flexion  (relief  <  relever  et  la  voyelle 
tonique  elle-même  s'altère  suivant  les  lois  générales  qui 
régissent  les  toniques,  sans  qu'il  faille  conclure  pour  cela 
que  c'est  le  radical  du  présent  qui  entre  dans  la  formation  du 

post-verbal. 

La  répartition  des  exemples  de  post-verbaus  par  conju- 
gaison nous  montre  la  prédominance,  dans  les  premiers  temps 
surtout,  de  la  première  sur  les  autres.  M.  L.  explique  la 
préférence  donnée,  surtout  à  partir  du  XIIP  siècle,  à  la  for- 
mation féminine,  par  l'analogie  des  dérivés  en  aison  et  en 
ance,  ayant  la  même  fonction,  et  aussi  par  ce  fait  que  dans 
la  formation  féminine  la  consonne  finale  est  gardée  intacte  et 
ne  subit  aucune  altération  phonétique  :  en  d'autres  termes,  la 
formation  féminine  présente  le  radical  faible  du  verbe,  et  la 
formation  masculine  le  radical  fort,  qui  tent  à  disparaître  à 
mesure  qu'on  s'éloigne  des  origines. 


COMPTES    RENDUS  149 

Quant  aus  nomina  agentis,  ils  ne  connaissent  que  la  for- 
mation en  e  féminin,  bien  qu'ils  désignent  des  êtres  mascu- 
lins. C'est  dans  les  langues  germaniques,  où  l'on  trouve  des 
couples  de  mots  tels  que  fipëha  -  spëhan  correspondant  à 
espie  —  espier,  que  M.  L.  cherche  l'explication  de  celte 
particularité.  Un  dernier  chapitre  étudie  les  nomina  instra- 
menti,  qui  sont  de  formation  assez  récente,  et  appartiennent 
à  la  terminologie  technique:  ex.  :  pince  <C  pincer  M.  L. 
n'admet  pas  l'hypothèse  qui  verrait  en  eus  uniquement  des 
impératifs,  tout  en  reconnaissant  «  que  la  langue  ne  serait 
pas  venue  à  créer  des  post-verbaus  avec  ce  sens  spécial,  s'il 
n'y  avait  pas  eu  des  composés  avec  l'impératif  de  ce  même 
sens  (garde-robe)  ». 

Tels  sont  en  bref  les  résultats  ausquels  aboutit  la  savante 

et  pénétrante  analyse  à  laquelle  M.  L.  a  soumis  le  phéno- 
mène de  la  formation  des  post-verbaus.   La  discussion   des 

principales  questions  qu'elle  soulève  nous  a  paru  conduite 
avec  une  méthode  sûre  et  rigoureuse  et  appuyée  sur  une 
étude  approfondie  du  sujet.  Si,  en  quelques  détails,  on  peut 
différer  de  vues  avec  M.  L.,  si  l'on  peut  parfois  lui  reprocher 
une  tendance  visible  à  revendiquer  comme  post-verbaus  des 
mots  douteus,  par  exemple  désir  ôté  à  désidérium,  erre  à 
iter,  envi  à  incitas,  etc.,  en  revanche,  on  a  souvent  à  louer 
l'ingéniosité  de  certaines  explications,  comme,  par  exemple, 
celle  du  t  de  rempart  <  remparer,  par  la  formation  propor- 
tionnelle part  rempars,  et  dans  l'ensemble  les  conclusions 

pars  X  rempart 
de  son  travail  ne  laissent  guère  de  place  à  la  critique.  Je 
n'aurais  pas  dit  tout  le  bien  que  je  pense  de  cette  thèse  si  je 
n'ajoutais  qu'elle  est  écrite  en  un  bon  style.  Cet  éloge  serait 
de  mince  importance  si  l'auteur  était  un  de  nos  compatriotes, 
mais  il  n'est  pas  sans  valeur,  puisque  M.  L.  est  Suédois.  Ce 
n'est  pas  la  première  fois  d'ailleurs  que  l'on  a  constaté  avec 
quelle  aisance  et  quelle  sûreté  l'école  de  philologie  Scandi- 
nave manie  la  langue  française. 

G.  S. 


150  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Herman  Anderssonn.  —  Altération  et  chute  de  l'r  en 
français. 

Dans  son  dernier  numéro,  la  Revue  de  Philologie  annon- 
çait la  publication  des  Studier  i  modem  sprakvetenskap . . . 
Outre  l'étude  de  M.  Cari  Wahlund  dont  nous  avons  rendu 
compte  antérieurement,  ce  volume  contient  «  un  article  de 
M.  Hermann  Anderssonn  sur  V Altération  et  la  chute  de  Vr 
en  français,  problème  non  moins  ardu,  disait-on,  que  celui  du 
suffixe  ime,  ième  ».  Le  travail  de  M.  Anderssonn  mérite 
mieus  sans  doute  que  cette  brève  mention,  car  il  apporte 
une  solution  nouvelle  à  l'une  des  questions  les  plus  contro- 
versées do  la  phonétique  des  consonnes  françaises. 

L'auteur  reprent,  pour  la  compléter  et  aussi  pour  la  rec- 
tifier sur  certains  points,  une  théorie  déjà  ébauchée  dans  \i\ 
Recueil  de  Mémoires  philologiques  présentés  à  M.  Gaston 
Paris  par  ses  élèves  suédois  (Stockholm,  1889). 

On  sait  qu'au  XVV  siècle,  R  intervocalique  s'écrivait  s  ouxr 
(notation  d'un  son  qui  tenait  le  milieu  entre  R  et  S,  et  qu'on 
peut  transcrire  r-sr).  M.  H.  A.  pense  que  la  même  altération 
a  dû  se  produire  à  la  fin  des  mots  et  précéder  la  chute  de 
R.  C'est  sur  cette  hypothèse  que  repose  toute  sa  théorie. 

Avant  lui,  diverses  solutions  ont  été  proposées,  notamment 
par  M.  S.  Eurén,  par  M.  Stork  et  M.  Grober.  Suivant 
M.  Grober,  l'amuissement  de  R  final  dépendrait  de  la  qua- 
lité de  la  voyelle  précédant  l'/?.  D'après  M.  Clédat  (Cotais  de 
Phonétique)  cette  particularité  semblait  être  réservée  à  VR 
suivant  Ve  provenant  d'un  a  tonique  latin  ;  les  exceptions 
se  bornent  à  des  monosyllabes  {cher,  mer,  clair,  pair;  amer 
(deamârum),  sous  l'influence  du  féminin. 

Toutes  les  théories  critiquées  par  M.  H.  A.  ont  un  point 
commun  :  elles  cherchent,  nous  dit-il,  à  expliquer  le  phéno- 
mène sans  le  mettre  en  rapport  avec  le  passage  de  r  à  rz . 
Pour  l'auteur,  au  contraire,  il  est  nécessaire  d'admettre  ce 
rapport  entre  la  chute  de  r  et  le  passage  de  r  à  rz. 


COMPTES    RENDUS  151 

A.  R  final  devient  r^  devant  voyelle  et  devant 

,        une  pause. 
1er  stade    \ 

B.  Devant  consonne  il  passe  aussi  à  rz  par  ana- 
logie. 

/  A.  Le  rz  final  des  mots  particulièrement  soumis 
à  l'action  de  la  phonétique  syntactique  dis- 
paraît. 

2'  stade  .'  B .  Le  rz  final  des  mots  qui  se  trouvent  de  pré- 
férence devant  la  pause  persiste  dans  le  lan- 
gage des  gens  cultivés;  il  tombe  dans  la 
prononciation  vulgaire. 

En  d'autres  termes,  dans  la  prononciation  vulgaire,  amuis- 
sement  et  chute  de  V R  final,  pour  tous  les  cas.  Dans  la  pro- 
nonciation des  lettrés,  R  s'affaiblit  ou  tombe  suivant  les  cas. 
-  Plus  tard,  R  apparaît  de  nouveau,  dans  la  prononciation 
de  certaines  syllabes  finales,  par  analogie,  par  réaction  contre 
la  prononciation  vulgaire,  ou  enfin  grâce  à  l'influence  de  la 
langue  écrite. 

Telle  est,  rapidement  exposée,  la  théorie  de  M .  H  An- 
derssonn.  Nous  regrettons  qu'il  n'ait  pas  jugé  à  propos  de 
traiter  plus  longuement  l'historique  de  la  question.  C'est 
volontairement,  sans  aucun  doute,  qu'il  n'a  pas  fait  de  plus 
nombreuses  citations  de  nos  grammairiens  du  XVIe  siècle. 
Évidemment  les  textes  de  Dubois,  de  Ramus,  de  Pillot,  de 
H.  Estienne,  relatifs  à  la  prononciation  dei?,  sont  bien  connus 
des  érudits,  comme  aussi  l^Biaufij  dePastj  ou  le  Mascurat, 
mais  peut-être  convenait-il  de  les  reproduire  ici,  pour  la 
commodité  du  chercheur . 

On  peut  souhaiter  que  M.  H.  Anderssonn  complète  son 
travail  en  examinant  si  des  faits  analogues  à  ceus  qu'il  nous 
signale  n'ont  pas  eu  lieu  dans  tel  autre  domaine  linguistique. 
Les  documents  patois  que  nous  possédons  ne  lui  ont  pas 
permis  d'ajouter  à  son  étude  un  chapitre  de  phonétique 
comparée  ' . 

1.  En  critiquant  les  hypothèses  émises  par  M.  Stork,  M.  Hermann 


152  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

A  mon  avis,  M.  II.  A.  attribue  une  influence  trop  consi- 
dérable à  la  phonétique  syntactique.  Il  a  pleinement  raison 
d'affirmer  qu'on  n'a  pas  le  droit  de  déclarer  fausse  une  expli- 
cation par  analogie,  parce  que  le  pourquoi  de  cette  analogie 
nous  échappe  ;  surtout  en  ajoutant  qu'une  explication  de  cette 
espèce  a  plus  de  chances  d'être  vraie  si  Ion  peut  donner  une 
raison  plausible  de  l'influence  analogique  en  question. 

Or,  dans  beaucoup  de  cas,  on  pourrait  expliquer,  semble- 
t-il,  la  chute  de  7?  final  par  des  influences  analogiques. 
L'analogie  des  mots  en  ié,  tels  que  pitié,  moitié,  n'a-t-elle  pu 
conduire  à  prononcer  métiésiu  lieu  de  métier?  Ces  confusions 
de  suffixes  sont  très  fréquentes  dans  le  langage  populaire.  Cf. 
pUu'ier  et  singulier  ;chetit,chetite  (chetif)  et  petit,  petite,  etc. 
De  même  pour  les  suffixes  eiir  et  eus.  Pour  les  verbes,  il  y 
eut  confusion  de  l'infinitif  et  du  participe  passé  (cf.  dîner  et 
dîné,  etc.).  Il  serait  intéressant  de  constater  si  pour  d'autres 
cas,  l'amuissement  et  la  chute  de  1'/?  ne  se  sont  pas  produits 
tout  d'abord  devant  la  flexion  du  pluriel.  C  est  une  hypothèse 
de  plus  que  je  soumès  à  la  critique  érudite  de  M .  Anderssonn. 

(Cf.  dorsum  =  dos,  et  messieurs.)  On  expliquerait  par  là 
le  maintien  de  ïr  dans  les  mots  invariables  par,  car,  ainsi 
que  dans  certains  mots  abstraits. 

Notons  à  ce  propos,  contrairement  à  ce  que  dit  l'auteur, 

écrit  :  «  Si  l'on  veut  à  tout  pris  que  l'R  soit  tombé  devant  une 
consonne,  on  aura  bien  de  la  peine  à  se  rendre  compte  de  certains 
faits.  11  serait  bien  difiBcile  de  comprendre  pourquoi  dans  bon  nombre 
de  patois,  l'R  a  toujours  persisté  devant  une  consonne.  »  M.  H.  a 
raison  d'ajouter  que  cetie  remarque  ne  saurait  s'appliquer  qu'au 
francien  et  aus  dialectes  voisins.  On  sait  en  effet  que,  dans  nombre 
de  patois,  R  est  tombé  devant  une  consonne.  Le  patois  de  Saini- 
Germain-du-Bois  (S.-et-L.),  par  exemple,  dit  :  âbre  (arbre)  ;  cône 
(corne)  ;  bône  (borne) ;  côdJ'e  (corde) ;  sàcler  (sarcler);  âtyô  (orteils), 
péchi,  véchi  (percer,  verser),  etc.,  etc.  R  a  aussi  disparu  dans  des  mots 
comme  lizé  =  lézard,  rena  =  renard,  etc.,  où  il  étaiiappuyé  par  une 
consonne.  En  français  R  s'est  maintenu  dans  certains  mots  jadis 
terminés  par  une  autre  consonne  :  jour,  enfer,  hiver,  cour,  chair, 
ver,  etc.  Le  patois  di^;  cô,  jo,  etc. 


COMPTES    RENDUS  153 

que  hier  et  or  sont  loin  de  se  trouver  ((  presque  toujours  » 
devant  la  pause  (ce  qui  pourrait  expliquer,  suivant  M. Anders- 
sonn,  la  persistance  du  son  final).  Pour  or  principalement, 
la  place  devant  la  pause  semble  bien  avoir  été  plutôt  l'excep- 
tion. Contestable  aussi  l'allégation  suivante  :  «  En  français 
moderne,  l'eest  long  dans  rert  masculin,  mais  bref  dans 
rer^e  féminin.  »  Enfin  peut-on  dire,  en  parlant  de  mots  tels 
que  fer,  cer,  cour,  tour,  où  Vr  final  était  jadis  suivi  d'une 
consonne,  que  ces  mots,  en  viens  français,  avaient  peut-être 
la  voyelle  brève  et  la  consonne  longue  (page  159)? 

Ce  sont  là  des  critiques  de  détail.  En  somme,  l'opuscule 
de  M.  Anderssonn  est  une  intéressante  contribution  à  la 
phonétique  des  consonnes  françaises. 

Aussi  sommes-nous  heureusde  rendre  un  nouvel  hommage, 
dans  la  Reçue  de  Philologie,  aus  patientes  recherches  et  au 
labeur  infatigable  des  érudits  suédois. 

J.  Désormaux. 


CHRONIQUE 


L'idée  de  la  réforme  orthographique  continue  à  faire  de 
notables  progrès,  grâce  surtout  à  la  vaillante  campagne  du 
Réformiste.  Le  moment  serait  peut-être  venu  de  faire  une 
nouvelle  tentative  auprès  des  pouvoirs  publics.  En  1891, 
M.  Buisson,  alors  directeur  de  l'enseignement  primaire, 
avait  bien  voulu  accepter  de  présenter  à  l'approbation  du 
Ministre  un  arrêté  interdisant  de  compter  désormais  dans  les 
examens  un  certain  nombre  de  prétendues  fautes,  et  il  m'avait 
chargé*  de  préparer  le  projet  d'arrêté,  en  me  recommandant 
d'ailleurs  la  plus  grande  modération.  J'ai  publié  ce  projet  en 
1893  (Voyez  notre  Revue,  VII,  p.  153),  sans  indiquer  qu'il 
eût  eu,  à  un  certain  moment,  un  caractère  quasi  officiel.  Avec 
l'autorisation  de  M  Buisson,  je  le  reproduis  ci-dessous,  sous 
sa  forme  primitive,  en  supprimant  seulement  la  plupart  des 
notes  : 

PROJET  D'ARRÊTÉ 

A  partir  de  Tannée  scolaire  1891-92,  dans  les  exercices 
scolaires  et  dans  les  examens  et  concours,  il  ne  sera  plus 
compté  de  fautes  d'orthographe  pour  les  façons  d'écrire 
comprises  dans  le  tableau  ci-dessous  : 

I .  —  Mots  composés 

V  On  pourra  écrire  en  un  seul  mot  tous  les  mots  composés 
qui  commencent  par  en^re  et  contre  et  ceus  qui  sont  for- 
més d'un  verbe  suivi  d'un  régime  direct  :  entredeus  comme 
entremets,  contrecoup  comme  contrefaçon,  contrebalancer 
comme  contremander,  portemonnaie  comme  porteman- 
teau, etc.  ; 

2°  On  pourra  omettre  le  trait  d'union  dans  les  mots  com- 
posés au  milieu  desquels  se  trouve  une  préposition  et  dans 
ceus  qui  sont  formés  d'un  substantif  et  d'un  adjectif  qui  s'y 


CHRONIQUE  155 

rapporte  :   arc  en  ciel  comme  chemin   de  fer  ^   plain  chant 
comme  pleine  lune,  et  aussi  demi  litre,  etc. 

II.  —  s  pouriL 

On  pourra  mettre  un  s  à  la  place  de  x  final  non  prononcé 
ou  prononcé  s  (ou  prononcé  comme  s  en  liaison)  :  des  caillons, 
desjoyaus,  les  Hébreus^  jalons,  je  veiis^  la  pais,  etc. 

m.  —  Formation  et  emploi  du  pluriel 

1°  On  pourra  mettre  le  signe  du  pluriel  à  la  fin  de  tous  les 
mots  d'origine  étrangère  :  des  allégros  comme  des  solos,  des 
exéats  comme  des  accessits,  etc. 

2^  On  pourra  mettre  ou  ne  pas  mettre  d\s-  au  pluriel  des 
noms  propres  sans  faire  aucune  distinction  de  sens. 

3°  On  pourra  donner  le  signe  du  pluriel  à  vingt  et  à  cent, 
même  s'ils  sont  suivis  d'un  autre  nombre:  quatre-vingts-trois 
comme  quatre-vingts. 

4°  On  pourra  mettre  les  compléments  au  singulier  ou  au 
pluriel  toutes  les  fois  qu'il  y  aura  une  double  interprétation 
possible  :  des  habits  d'homme  ou  hommes  (pour  un  homme 
ou  comme  en  portent  les  hommes],  de  la  gelée  de  groseille 
ou  de  groseilles,  etc. 

IV.  —  Formation  du  féminin  et  accord  de  l'adjectif 

1»  On  pourra  ne  pas  redoubler  Vn  et  le  t  dans  la  formation 
du  féminin  ;  écrire  chute  comme  rate,  paysane  comme  cour- 
tisane, pâlote  comme  manchote,  sujète  comme  discrète; 

2°  On  pourra  faire  accorder  les  adjectifs  demi,  nu,  feu,  fort, 
quelle  que  soit  leur  place,  écrire  ((  demie  lieue  »  comme 
«  une  lieue  et  demie  »,  nus  pieds  comme  pieds  nus,  feue  la 
reine  comme  la  feue  reine,  «  elle  se  ia.it  forte  »  comme  «  elle 
se  fait  belle  ». 

De  même,  l'adverbe  tout,  devant  un  adjectif  singulier, 
pourra  s'accorder  aussi  bien  quand  l'adjectif  commence  par 


1:56  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

une  voyelle  que  lorsqu'il  commence  par  une  consonne  :  toute 
entière  comme  toute  pleine. 

V.  —    Verbes 

V  On  pourra  écrire  par  é,  au  futur  et  au  conditionnel,  les 
verbes  qui  ont  déjà  cet  è  au  singulier  de  l'indicatif  présent  : 
je  protégerai  commère  te  protège; 

2°  On  pourra  ne  jamais  redoubler  1'/  et  le  t  dans  les  verbes 
en  ^'  eler  »  et  en  «  eter  »  :  fappèle,  je  cacheté^  au  lieu  de 
«  j'appelle,  je  cachette'  »  ; 

3°  On  pourra  supprimer  les  consonnes  non  prononcées 
devant  l's  et  le  t  des  terminaisons  verbales  :  ./'m/erron«*, 
il  interrônt,  coxwme,  je  dors  (et  non  /e  dornis),  il  dort  (et  non 
il  dorrnt),  etc.; 

4"  On  pourra  substituer  t  à  d  final  à  la  troisième  personne 
du  singulier  :  il  coût.,  ilprent,  comme  il  absout,  il  peint; 

5"  On  pourra  faire  ou  ne  pas  faire  l'accord  du  participe: 
a)  pour  les  verbes  coûter  et  t^a/oiV,  quelle  que  soit  leur  accep- 
tion; b  lorsque  le  pronom  direct  est  le  pronom  en,  et 
c)  lorsque  le  participe  est  suivi  d'un  infinitif  sans  préposition  : 
je  les  ai  ru  ou  eus  venir. 

VI.   —  Mois  divers 

On  pourra  écrire  rint  au  lieu  de  ri7igt\  set  au  lieu  de 
sept^j  pois   au    lieu   de  poids-',  forsené^,    morseau' ,     con- 

1.  Au  mot  appeler,  Liitré  dit:  c  Dans  ce  verbe  l'Académie  exprime 
par  eil  le  passage  d'e  muet  à  e  ouveit;  ailleurs  elle  rend  ce  passage 
TpdiT  èle  comme  dans  /e  gèle;  il  serait  bien  utile  d'adopter  pour  tous  les 
cas  une  orthographe  uniforme.  » 

2.  Ainsi  écrit  Bossuet. 

3.  Vint,  bien  qu'il  vienne  de  ciginti,  ne  doit  pas  plus  avoir  de  g 
que  trente  =^  triginta. 

4.  On  n'écrit  pas  il  .««///^malgré  le  latin  saplt). 

5.  Pois  se  rattache  au  verbe  peser,  qui  n'a  pas  de  c/,  et  non  au 
latin  pondus. 

6-  Forsené  veut  dire  «  hors  de  sens  ». 

7.  Mo r seau  est  de  la  famille  de- mo/\sw/"e.  . 


CHRONIQUE  157 

treindi'e\  décillej'-,  douter,  pront\  sculter,  balème  eibaii- 
ser,  doit  au  lieu  de  doigt^,  assoir  et  sursoir,  douçdtre, 
vermiceaw , 


Ce  projet  avait  été  imprimé  par  les  soins  de  M.  Buisson , 
il  était  prêt  à  être  soumis  au  Conseil  supérieur  de  l'Instruc- 
tion publique,  lorsqu'on  dut  y  renoncer,  parcequeM.  Michel 
Bréal,  dont  l'appui  était  indispensable  au  sein  du  Conseil, 
ne  se  montra  pas  disposé  à  le  soutenir.  Il  trouvait  que  la 
questionne  pouvait  être  résolue  par  le  seul  Ministèrede  l'Ins- 
truction publique,  attendu  qu'il  y'avait  des  dictées  dans  des 
examens  dépendant  d'autres  Ministères.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  projet  fut  retiré,  et  c'est  alors  que  M.  le  Ministre  Léon 
Bourgeois  fit  sa  circulaire,  qui  eut  un  grand  retentissement, 
mais  qui  ne  put  produire  les  mêmes  effets  qu'un  arrêté. 

Je  demande  à  nos  amis  les  réformistes  s'il  n'y  aurait  pas 
lieu  de  faire  actuellement  une  démarche  auprès  du  Ministre 
pour  obtenir  enfin  un  arrêté  impératif.  Tant  que  les  Commis- 
sions d'examen  pourront  refuser  les  candidats  pour  de  pré- 
tendues fautes  d'orthographe,  la  réforme  ne  pénétrera  pas 

dans  l'école. 

L.  Clédat. 

1.  ContreLndre  est  de  la  famille  d'étreindre. 

2.  Déciller  se  rattache  à  cil. 

3.  Les  graphies  dompter  ai  prompt  iQnàQui   à  corrompre  la   boune 
proQonciatioii  française  de  ces  mots. 

4.  Doit  (de  digitum)  u'a  pas  plus  droit  au^  q\iQ  froid  (de  frigidum) 

5.  Vermiceau  est  de  la  même  famille  que  oermicelle. 


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plaire font  l'objet  d'un  compte  rendu. 


Hatzfeld,  Darmesteter  et  Thomas.  —  Dictionnaire 
général  de  la  Langue  française  Paris,  Delagrave).  —  Le 
fascicule  25,  qui  vient  de  paraître,  va  du  mot  regarnir  au  mot 
rugueus.  Nous  avons  dit  plus  d  une  fois  le  bien  que  nous 
pensons  de  cette  importante  publication,  qui  sera  bientôt 
achevée,  ^et  qui  rendra  les  plus  grands  services,  particuliè- 
rement en  ce  qui  touche  le  classement  logique  des  sens  des 
mots  et  leur  étymologie  rigoureusement  scientifique. 

Th.  ScHÔNiNGH.  —  Die  Stellung  des  attributiven  Adjektivs 
im  Franzôsischen  (7®  fascicule  des  Neuphilologische  Studien 
de  G.  Korting,  Paderborn,  Schôningh,  1899,64  p.  in-S^). — 
Importante  contribution  à  l'étude  d'une  question  très  déli- 
cate que  nous  nous  proposons  d'aborder,  de  notre  côté,  dans 
un  des  prochains  fascicules  de  la  Revue.  Il  y  a  lieu  de  faire 
entrer  en  ligne  de  compte  l'article  de  Svedelius,  dans  les 
Mélanges  de  philologie  romane  dédiés  à  Cari  Wahlund. 

Alfred  Westholm.  —  Étude  historique  sur  la  construction 
du  type  «  Li  fih  le  rei  »  en  français  (Vesteras,  imprimerie 
Bergh,  53  p.  in-4'').  —  M.  Westholm  établit  que,  dans 
la  construction  indiquée,  le  cas  régime  est  originairement 
un  datif,  et  il  étudie  avec  soin  les  traces  de  l'ancienne  cons- 
truction dans  le  langage  moderne  ;  mais  plusieurs  des  cons- 
tructions actuelles  paraissent  indépendantes  du  datif  possessif 
primitif. 

Georges  Gourdon.  —  La  Chanson  du  roi  Sighebert  (Tulle, 
imprimerie  Mazeyrie,  1899,  34  p.).  —  Poème  très  inté- 
ressant, très  dramatique,  et  d'un  sentiment  bien  archaïque. 
M.  Gourdon  résume  ainsi,  à  la  fin  de  sa  préface,  l'idée  mai- 


PUBLICATIONS    ADRESSÉES  159 

tresse  de  son  œuvre  :  «  Je  n'entends  pas  contester  les  Niehe- 
lungen  à  l'Allemagne,  mais  je  revendique  pour  la  France  la 
meilleure  part  de  la  légende,  le  noyau  central  de  l'épopée,  et 
en  faisant  de  Sighebert  le  héros  du  poème  qu'on  va  lire,  j'ai 
simplement  repris  ce  qui  nous  appartient.  Quels  que  soient 
les  défauts  de  la  Clianson  du  roi  Sighebert  et  sa  destinée, 
j'espère  que  mes  compatriotes  me  tiendront  tout  au  moins 
compte  du  sentiment  qui  l'inspira.    » 

Adolphe  Krafft.  —  Les  Carlovingiennes  (Paris,  Leroux, 
1899,  deus  brochures  de  xr-59  p.  et  de  viii-35  p.).  —  La 
première  de  ces  brochures  contient  la  Passion  de  Jésus- 
Christ,  et  la  seconde  la  Vie  de  saint  Léger  et  la  Cantilène 
de  sainte  Eulalie,  textes  romans,  origines  latines  et  traduc- 
tions. 

Adolf  ToBLER.  —  Die  Légende  corn  Jieiligen  Julianus  in 
altfranzosischen  Versen  (Braunschweig,  Druck  von  George 
Westermann,  1899,  72  p.  in-S^.  Extrait  de  VArchiv  fiir 
des  Studium  der  neueren  Sprachen).  —  Texte  accompagné 
de  savantes  remarques. 

Gustav  Hapke.  —  Kritische  Beitràge  zu  Jaques  Milets 
dramatischer  Jstoire  de  la  Destruction  de  Troye-la-Grant 
(Marburg,  Elvert,  1899,  140  p.  in-8«).  —  Cette  publication 
fait  partie  des  Ausgaben  und  Abhandlungen  de  Stengel. 

Louis  Clément.  —  Henri  Estienneet  son  œuvre  française 
(Paris,  Picard,  1899,  x-540  p.  gr.  in-8°).  —  C'est  la  plus 
importante  publication  de  cet  ordre  qui  ait  paru  depuis  la 
magistrale  étude  de  notre  collaborateur,  M.  Brunot,  sur  la 
Doctrine  de  Malherbe.  Nous  l'annonçons  ici  avec  l'espoir 
d'en  donner  ultérieurement  un  compte  rendu  détaillé  et  avec 
la  certitude  d'en  tirer  profit  pour  nos  études  de  grammaire 
historique.  L'ouvrage  est  dédié  à  M.  Gaston  Paris. 

M.  Obert.  —  Traduction  de  la  Syntaxe  française  du 
XVII^  siècle  par  A.  Haase,  avec  une  préface  de  Petit  de 
Julleville  (Paris,  Picard,  1898,  xviii-469  p.).   —  M.  Obert 


160  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

a  rendu  un  grand  service  à  ceus  qui  ne  lisent  pas  couram- 
ment l'allemand  en  traduisant  le  commentaire  de  Haase, 
et  un  service  non  moins  grand  à  tous  les  philologues  en 
ajoutant  la  référence  à  toutes  les  citations.  Nous  aurons 
souvent  l'occasion  d'utiliser  ce  livre  dans  nos  études  de 
syntaxe.  Il  arrive  que  les  exemples  sont  inexactement  inter- 
prétés; ainsi  on  n'a  jamais  dit  «  diminuer  quelqu'un  de 
quelque  chose  »,  et  l'exemple  de  Malherbe  (p.  281):  ^  Ce 
seroit  me  diminuer  de  la  bonne  opinion  que  vous  me  voulez 
donner  de  vous  »  doit  s'interpréter  par  «  Ce  serait  diminuer 
à  jnoi,  m'enlever  une  partie  » ,  mais  M.  ilaase  n'a  pas  voulu 
établir  une  syntaxe  définitive  de  la  langue  du  XVII*^  siècle, 
le  mérite  est  assez  grand  d'en  avoir  réuni  les  matériaus  et 
préparé  la  construction. 

Karl  VoLLMOLLEEi.  —  Erstes  Beihejt  za  Ueberplan  and 
EiiLi'icliLung  des  Romanischen  Jahreaberichtes  (Erlangen, 
Junge,  1898,88  p.  in-8). 

Neuphilologische  Ahhandlungen  aus  Jahresberichten  oes- 
terreichischer  Gymnasien  und  Realschulen  (Vienne,  1898). 
Nous  relevons  dans  ce  volume  les  articles  suivants:  Eduard 
Hrkal,  Die  Mundart  von  Claircaux  (d'après  le  Glossaire 
du  patois  de  la  forêt  de  Clairoaux,  par  A.  Beaudouin); 
August Nemecek,  Die  franzôsische  Conjugation  als  An- 
schauungs-Unterrichtsmittel. 

Ausgahen  und  Ahhandlungen...  von  E.  Stengel,  XC  VII 
et  XC  VIII  (M3iTburg,  Elwert,  1899j  :  Vergleichende  Unter- 
suchung  ilber  die  Jùngeren  Bearbeitungen  der  Chanson  de 
Girart  de  Viane,  par  G.  Lichtenstein  ;  et  Der  Stropfienaus- 
gang  in  seinem  Verhdltnis  zum  Refrain  und  Strophengrund- 
stock  in  der  refrainhaltigen  altfranzôsischen  Lgrik,  par 
Fritz  Noak. 


Le  Gérant  :  V^^  Emile  Bouillon. 


IMP.    tHA.NCAISE    KT    OKIL.NTALE   L.    MAKCEAU,    t.    BERTRAND  SUC. 


LES 

PATOIS  DE  LA  RÉGION  LYONNAISE' 


LES     PRONOMS     DR     LA    l*""     ET     DE     LA    2^     PERSONNE 

DU    PLURIEL 

On  ne  peut  séparer  le  pron.  de  la  f^  pers.  de  celui 
delà  2^  :  nos  et  vos  ont  en  général  subi  le  même  trai- 
tement. De  plus,  les  formes  du  sujet  et  celles  du  régime 
sont  le  plus  souvent  identiques.  Toutefois,  je  ou  on 
s'est  assez  souvent  substitué  à  nos  sujet.  A^  de  nos  se 
maintient  toujours  dans  notre  région;  mais  v  de  vos 
disparaît  quelquefois.  La  sifflante  finale  des  deus 
pronoms  peut  tomber  complètement  ou  se  conserver 
devant  voyelle  avec  des  nuances  diverses.  Quant  à  la 
voyelle,  elle  reste  o  ou  se  développe  en  ou,  eu,  we,  e, 
rarement  en  u,  en  é  ou  è;  plus  rarement  encore,  elle  se 
nasalise. 

Nous  avons  réuni  dans  le  tableau  suivant  toutes  les 
formes  que  nous  avons  rencontrées  dans  notre  région, 
en  les  rangeant  dans  chaque  département  par  ordre 
d'importance  géographique.  Les  formes  de  on  ou  de 
je  qui  se  substituent  à  nos  sont  indiquées  entre  paren- 
thèses; la  sifflante  de  liaison  est  aussi  indiquée  entre 
parenthèses  au  cas  sujet. 

1.  Voir  notre /?<:'r?/^'.  t.  XII,  p.  1,  note  1,  et  t.  XIII,  p.  1-41. 

REVUE   bE  PHILOLOGIE,   XIII  \\ 


162 


REVUE    DE    PHILOLOGIE  FRANÇAISE 


Ain 


V  PERSONNE 


Sujet 


Alpes  H^'^' 

Ardèche  . 
Belfort.  . 
DOUBS.  . .  . 

Drôme  .  . . 

Isère  .  .  . 


Jura  . 
Loire 


Loire  H^^ 


n6(z),  nô(z^,  nou'z,  ji,  (ou),  ne 
(z),  neu  (z),  (ze),  no  (nez  dev. 
ror/.),  ne  (noz  dev.  voij.). 

non  trad..  nou(z),  nou(z  -\- 
^autres) . 

nou(z,  jj -f- (autres),  non  trad. 

né,  n6(z),  neu^z),  nou(z). 

n6(zi,  nô(z),  nou(z),  nou,  ne(n 
dev.  r.),  (i). 

non  trad..  nou(z  -|-  (autres), 
nou(z). 

n6(z,  j),  nô(z,  j).  ne  (n  dev. 
voy.).  nou(z,  j),  iie(z),  non 
trad.,  nouz  -j-  (autres),  neu 
(z',  ne,  no,  ne  noz  dev. 
voy.),  né  (no  dev.  voy.),  né 
(n  dev.  voy.),  no  (n  dev. 
voy.),  nou  (nez  dev.  voy.;, 
(a),  noun. 

ii6  z),  nôiz),  (on),  (i),  no,  nou. 

n6(z"i,  n6(z  ,  ne  (n  dev.  voy.), 
fje),  ne(z  ,  non  trad.,  nou  z), 
ne  (nouz  dev.  voy.),  no  n 
dev.    voy.),  nè(z),    ou,  6(1). 

nou(z)  +  i'J'Utres),  nuz -f"  (au- 
tres),nou-^{autre)  ,  non  trad. 


Régime 

nô,  nô,    nou,    ne, 
neu. 


nou,  nous. 

nou,  now. 
no,  neu,  nou. 
nou,  no. 

nou,    now,    nous, 
noy,nouy,nwéy. 

no,   nô,   nou,   ne, 
nez,  né,    nojn. 


no,  nou. 

no,  nou,    né,    nu, 
ne,  noun. 


Rhône  . .  .  nô(z),  nô(z),  neu(z),ne(z),  (tse, 
dze,  je  ,  no  (ne  dev.  voy.). 


nou,    nous,    neu, 
ney,  nés,  neus. 

no,  neu,  ne,   nou. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE 


163 


Saône  H^^ 


Saône-et- 

LOIRE.  . 

Savoie.  . . 


Savoie  H^e 
Vosges.  .  . 


(i),  nou(z),  nwe(z),  neu, 
neu(z;,  no(z). 

(je,  i,  dze),  n6(z),  nô(z),  nou(z), 
ne(z),no,  (on). 

no  z.  y),  nô(z),  ne  z),  (on),  no; 
(nez  dev.  voy.^,  ne  (n  dev. 
voy.),  nze. 

no'z),  nô(z),  (on),  ne(z). 

(je,    dje,   djé),    no(z),   nou(z). 


nou,no,  nwe,  neu, 
non. 

nou,  no,  nze. 


no,  ne.  nze 


no. 

no,  nou. 


2'  PERSONiNE 


Sujet 


Ain 


Alpes  M'^^ 
Ardèche  . 
Belfort  . 

DOUBS  .  . . 

Drôme . . . 
Isère  .  .  .  . 


Jura..  .  . 
Loire.  .  . 

Loire   Hte 


v6(z),  vô(z),  vou(z,  j),  veu'z), 
ve(z),  vwe(z),  ou(z). 

non  irad. ,  vou(z),  vou(z)  -|- 
(autres),  ou. 

vou(z,  j),-j-  (autres),  nontrad., 
vou(z). 

v6,  v6(z),  veu(z),  vou(z\  ou(z). 

vou(z),  vo(z:,  ou(z),  o(z),  vou. 

non  trad.,  vou(Z;,  vou(z]  + 
(autres),  ou. 

v6(z,  j),  vô(z,  j),  vou(z,  j^ 
ve(z),  ou  (z),  v\ve)z),  vo,  o(z), 
veu(z;,  ve,  vouz  -\-  (autres). 

v6(z\  vô(z),   vou(z).  o(z). 

v6(z)j  vô(z),  vou(z),  ou,  0,  non 
trad.,  veu(z),  eu(zj,  vwe(z). 

vou(z,  j)  -f-  (autres),  vou  -f 
(autres),  vou(z). 


Régime 

v6,  vô,  vou,  veu, 
ve,  vwe. 

vou,  vous,    vouy, 
vwèv. 

vou. 


vo,  veu,  vou. 

vou,  vo,  ou,  0. 

vou,    voy,    vouy, 
vwèy,  vous. 

vo,  vou,  vwe,  ve, 
veu. 

vo,  vou. 

vo,  vou^  cew,  vwe. 


vou,    vous,   vouy, 
ves. 


164 


REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


Rhône  . .  .  vô  z),  vô  z\  veu(z),  ve(z),  ve. 

Saône  11*^  vou(z,     vo(z),    ou(z\    veu(z), 
vwe(z),  o,  ou.  VO. 


Saône- ET- 
LoiRE.. 


Savoie.  .  . 

Savoie  11'^ 
Vosges..  . 


vou(z),  vô(z),  vô(z).  ou(z),  ve 
(z),  ojz),  vo.  vou,  vou(vdev. 
voy.). 

vôi^z),  vô(z),  ve(zi,  v\vo(z),  vo 
(vz  dev.  voy.). 

v6(z),  vô'z^,  o(z),  ve(z). 

vô  z),  vô(z\  o(z),  ve  v.  dev. 
voy.),  0,   vou  zj,  \  \ve,  ve^z  .i 


vo,  veu,  ve,    vou. 
vou,  vo,  veu,  vwe. 

vou,  vo,    vo.  vzo. 


vo,  ve.  vwe. 

vo,  ve. 

vo,  vou,  ve. 


SUBSTITUTION    DE   je    A    nOUS    SUJET 

L'emploi  de  je  au  lieu  de  nous  avec  la  1'"''  personne 
du  pluriel  est  fréquent  dans  tous  les  parlers  du  Nord 
de  la  France,  sauf  en  picard  \ 

On  le  retrouve  dans  notre  région  d'une  part  au  nord 
et  au  nord-ouest,  sur  la  frontière  as.sez  indécise  qui 
.sépare  les  patois  français  des  patois  franco-provençaus, 
d'autre  part  au  centre  même,  entre  Lyon,  Trévoux  et 
Saint-Élienne. 

Le  premier  domaine  de  je  =  nous,  beaucoup  plus 
étendu  que  le  second,  comprent  les  dép.  des  Vo.^ges 
et  de  la  Haute-Saône,  les  trois  arrondissements  d'Au- 
tun,  deChalon  et  de  Louliaus,  disposés  parallèlement 
de  l'Ouest  à  l'Est. 

Je=  nous  dans  les  Vosges  sur  toute  Tétendue  de 

1.  Voir  Meyer-Lubke,  Gi-am.  cirs  L.  rom., trad.  fr.,II,  p.l09- 
110. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  165 

Tarr.  deNeufchâteau\;  au  nord  de  l'arr.  de  Mirecourt, 
dans  les  c.  de  Charmes  et  de  Dompaire  et  àRemicourt, 
dans  le  c.  de  Mirecourt;  dans  l'arr.  d'Épinal,  à  Moye- 
mont  et  à  Roville  (c.  de  Rambervillers),  dans  les  c.  de 
Bruyère,  d'Épinal  (en  particulier  à  Saint-Laurent),  de 
Xertigny  (en  particulier  à  Uriménil),  et  à  Gruey  (c. 
de  Bains);  je  =  nous  ne  semble  inconnu  que  dans 
l'arr.  de  Châtel.  Je,  dje  ou  Je  s'est  partout  substitué  à 
nous  dans  l'arr.  de  Saint-Dié';  dans  l'arr.  de  Remire- 
mont, je  =:=  nous  seulement  au  nord  à  Tendon  (c.  de 
Remiremont)et  au  sud-ouest,  dans  le  c.  de  Plombières: 
Vagney  (c.  de  Remiremont),  où  Je  et  nous  coexistent, 
semble  être  sur  la  limite  <à  l'est.  En  résumé,  on  peut 
dire  que,  sauf  au  sud-est,  Je  =^  nous  partout  dans  les 
Vosges'. 

Dans  la  Haute-Saône,  le  domaine  de  Je  =^  nous  ne 
comprent  qu'une  faible  partie  de  l'arr.  de  Lure,  avec 
Bouligney  (c.  de  Vauvillers)  et  Villers-les  Luxeuil  (c. 
de  Saulx  '  ;  Baudoncourt  et  Citers,  où  l'on  trouve  à  la 
fois  nous  etje\  semblent  être  sur  la  limite  à  l'est.  En 
revanche,  il  s'ëtent  sur  le  territoire  tout  entier  des  arr. 
de  Vesoul  et  de  Gray,  au  centre  et  à  l'ouest  du  dépar- 
tement%  il  faut  excepter  Buthiers  (c.  de  Rioz),  au  sud 
de  l'arr.  de  Vesoul,  Géziers  (c.  de  Gy)  et  Apremont 
(c.  de  Gray),  au  sud  de  l'arr.  de  Gray.  A  Bonboillon 
(c.  de  Marnay),  on  nous  signale  la  forme  curieuse 
il/an  =  nous{ii/an  kôsa=  nous  parlons,  iyan  èma  = 


1.  Voir  les  noms  dans  notre  Hccac,  t.  XII,  p.  36. 

2.  Voir  les  noms  dans  notre  Rrruo,  t.  XIII,  p.  17,  18  et  24. 
.3.  Cf.  Adam,  Pat.  lorr.^  qui  confirme  nos  renseignements. 

4.  P.  Passy,  Notes  sur  quelques  patois  comtois,  in  Rer.  de 
Phil.  fv.,  t.  X,  p.  172  sqq. 
.5.  Voir  les  noms  dans  notre  Reçue,  t.  XII,  p.  32  et  36. 


166  REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

nous  aimons),  où  l'on  est  tenté  de  voir  une  combinai- 
son de  i  \^iy  dev.  voyelle)  —je  et  de  an,  on  =  nous; 
on  z=  nous  est  inconnu  dans  cette  région,  mais  fréquent 
dans  le  dép.  du  Jura  qui  touche  à  Tarr.  de  Gray. 

Je  =  nous  dans  le  Doubs  seulement,  à  l'ouest,  à 
Ruffey  (c.  d'Audeux.  arr.  de  Besançon),  tout  près  de 
l'arr.  de  Gray.  Dans  le  Jura,  on  ne  le  trouve  qu'au 
noi'd-ouest  du  dép.,  à  Ofllanges  (c.  de  Montmirey)  et  à 
Tavaux  (c.  de  Chemin),  dans  l'arr.  de  Dôle,  mais  no  à 
Foulnay  et  à  la  Loye,  un  peu  plus  au  sud;  dans  le 
reste  du  dép.  domine  on  =  no^ . 

Je  =  nous  au  nord  de  la  Saône-et-Loire,  dans  tout 
l'arr.  de  Louhans',  sauf  à  Vérissey  à  et  Savigny  qui 
touchent  à  la  partie  du  Jura  où  je  =  nous  est  inconnu; 
dans  tout  l'arr.  de  Chalon '.  sauf  à  Sevrey,  près  de 
Chalon.  où  nous  est  dû  sans  doute  à  l'influence  du 
français,  et  à  Saint-Eusèbe  (c.  du  Mont-Saint-Vin- 
cent) au  sud-ouest;  tout  près  de  l'arr.  de  Charollesoù 
je  —  nous  est  rare  et  d'une  partie  de  l'arr.  d'Autun  où 
il  est  inconnu;  dans  tout  l'arr.  d'Autun*,  sauf  au  sud, 
à  Charbonnet-sur-Arroux  (c.  de  Mesvres)  et  à  Saint- 
Bérain  (c  de  Montcenis)  ;  â  Dezize  (c.  de  Couches-les- 
Mines),  on  emploie  /  devant  consonne,  no^  devant 
vovelle  :  /  ko^on,  nôz  eumon.  Au  domaine  de /V  = 
nous  qui  s'étent  sur  les  trois  arrondissements  du  nord 

1.  Monnier  n'indique  que  nos  dans  les  quelques  remarques 
grammaticales  qui  précèdent  son  Vocab.  delà  larujuc  populairr 
fin  Jura  {Mèin.  des  Ant .  de  Fr.,  V,  257),  mais  dans  le  tableau 
des  conjugaisons  (p.  258),  il  donne  tantôt  no  ou  d:;e,  tantôt  no 
seul  ou  rf^e  seul.  On  retrouve  d:;e  =  nous  à  côté  de  no  dans  la 
chanson  en  patois  de  Domblans  citée  p.  26.3. 

2.  Voir  les  noms  dans  notre  Renie,  t.  XIII,  p   20. 

3.  Voiries  noms  dans  notre /?r'rM<'.  t.  XIII,  p.  20. 

4.  Voir  les  noms  dans  noire  Reçue,  t.  XII,  p.  38. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  167 

de  la  Saône-et-Loire,  il  faut  ajouter  quelques  com- 
munes au  nord  des  arr.  de  CliaroUes  et  de  Mâcon  : 
Bourbon-Lancy,  Neuvy-Grandchamp  (c.  de  Gueugnon), 
Toulon-sur-Arrou\  où  /^ow  etye  coexistent,  Collonges 
et  Joncy  (c.  de  la  Guiche),  dans  l'arr.  de  Charolles; 
Malay  (c.  de  Saint-Gengoux),  Clessé  (c.  de  Lugny)  et 
Saint-Martin-de-Sénozan(c.  de  Mâcon  N.j,  dansTarr. 
de  Mâcon . 

Le  second  domaine  deye  =  nous,  plus  restreint  que 
le  premier,  occupe  le  sud-ouest  du  dép.  de  la  Loire 
avec  Firminy  (c.  du  Chambon),  la  Fouillouse  (c.  de 
Saint-Héand),  dans  l'arr.  de  Saint-Étienne  ;  Viricelles 
(c.  de  Saint-Galmier),  dans  l'arr.  de  Montbrison:  le 
sud  du  dép.  du  Rhône  avec  Grézieu-le-Marché  (c.  de 
Saint-Sympliorien^)  ;  Saint-Symphorien-sur-Coise^  les 
Chères  (c.  de  Limonest),  Saint-Vérand  (c.  du  Bois- 
d'Oingt);  le  sud-ouest  du  dép.  de  TAin  avec  Reyrieux 
(c  de  Trévoux'). 

1.  Cf.    Bruyère,  Notes  st(r  Ir  patois  de  Grà^icu,  in  Rfr.  fin 
Phil.  f'r.,  VII,  284. 

2.  Daprès  N.  du  Puitspelu,  Un  Conte  en  patois  Ij/onnaîs,  dans 
notre  Rer.  des  Patois,  I.  107  sqq.  —  L'emploi  de  Je  =  nous  ne 
semble  pas  très  ancien  dans  le  Lyonnais;  il  apparaît, en  1627,  peut- 
être  pour  la  première  fois,  dans  ï Entrée  de  Baeehus:  je  lacon.je 
fan,Jefreton  à  côté  de  nous  an,  Rer.  Lyon.,  VIII,  672;  il  est  in- 
connu à  la  Bernarda  Binjandiri  (1658)  et  à  la  Ville  de  Lijon  on 
revs  burlesques  (1683):  maison  le  trouve  en  1776  dans  une  chanson 
de  Révérony  :  ^e  prenian,  ^iran,  Rec .  du  Li/on..  5*  série,  t.  I, 
p.  298  et  299,  et  dans  une  autre  chanson  du  même  auteur,  datée 
de  1784  :  j'apercecons,  Je  reian,  Rec.  Lyon.,  VU,  5.56;  enfin  on 
lit  dans  \e  Dialogue  entre  deux  habitants  duMonf-d'Or{Rer. 
du  Lyon.,  5*  série,  I,  p.  299  sqq.):  Jt?  no  disiau,  ze  carran,  ^e 
trorian.  etc.  —  X.  du  Puitspelu,  à  l'article  Pronoms  personnels 
de  son  Diet.  etyni.  du  patois  lyon.  (p.  ex),  ne  parle  pas  de  cet 
emploi,  mais  dans  le  tableau  des  conjugaisons,  il  donne  partout 
Je  =  nous  sujet. 

3.  D'après  les  Chansons  et  Lettres  patoises  de  Le  Duc.  d^e  = 


168  RKVLE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

A  (=  je)  au  lieu  de  nous  sujet  semble  isolé  à 
Méaudre  (c.  du  Villard-de-Lans,  arr.  de  Grenoble), 
dans  l'Isère. 

11 

SUBSTITUTION    DE    On    A    nOUS    SUJET 

On  [o  nasal  dev.  cons.,  o  nasal +  /i  dev.  voy.),  prent 
aussi  quelquefois  la  place  de  nous  sujet  ;  mais  la  substi- 
tution de  onk  nous  n'est  pas  absolument  de  même  ordre 
que  celle  de  je  à  nous.  Je  ~  nous  est  suivi  de  la 
l""^  pers.  du  plur.  :  le  type  latin  nos  cantamus  a  été 
remplacé  non  pas  par  ego  canto,  mais  par  ego  canta- 
mus. On  comprent  fort  bien  que,  dans  le  cas  où  la 
désinence  verbale  suffisait  à  assurer  la  distinction  du 
nombre,  les  pronoms  ego  et  fios  aient  perdu  une  partie 
de  leur  valeur  propre,  et  que,  servant  à  marquer  non 
plus  le  nombre  et  la  personne,  mais  seulement  la  per- 
sonne, ils  aient  pu  s'employer  Tun  pour  l'autre'.  Au 
contî'aire,  on  =^  nous  est  suivi,  dans  notre  région  du 
moins',  de  la  3''  pers.  du  sing.  :  homo  catitat  a  pris  la 

nous  aurait  pénétré  jusqu'à  Villars-les-Dombes  et  à  Boulignieu^ 
où  d'ailleurs  on  eui ploie  aussi  no.  i 

1.  A  cette  raison  purement  grammaticale.il  faut  ajouter,  semble- 
t-il,  une  raison  psychologique  :  le  sujet  qui  parle  d'une  action 
qu'il  accomplit  de  concert  avec  d'autres  personnes  (nous  =  moi 
+  d'autres)  a  une  tendance  naturelle  à  séparer  sa  personnalité  de 
celle  de  ses  collaborateurs  pour  la  mettre  en  relief  :  il  dira  plus 
volontiers  yV»  que  nous.  Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  2'  per- 
sonne, et  c'est  ce  qui  explique  que  ta  n'ait  pas  pris  la  place  de 
rous,  comme  je  celle  de  nous. 

2.  On  sait  que  dans  d'autres  partiesde  la  France,  en  Picardie  et 
en  Normandie,  nos  et  co.s  sont  remplacés  par  o(.r),  suivi  de  la 
l"ou  de  la  2"  pers.  du  pluriel;  mais  l'origine  de  o{^)  est  douteuse. 
Cf.  l'article  de  M.  Gilliéron.  dans  les  Mrlanf/rs  Renier,  p.  285- 
299. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  169 

place  de  nos  cantamus;  il  ne  s'agit  plus  d'une  simple 
substitution  de  préfixe  pronominal  ;  mais,  à  une  forme 
de  langage  où  celui  qui  parle  affirme  nettement  sa 
part  de  collaboration  à  l'action  commune,  on  a  pré- 
féré une  façon  de  parler  beaucoup  plus  vague  où  la 
personnalité  du  sujet  s'évanouit  et  disparaît  dans  la 
pluralité\ 

On  =  nous  au  sud  du  Jura  et  dans  quelques  com- 
munes de  l'Ain  et  des  deus  Savoies'. 

On  nous  signale  on  =  nous  dans  le  Jura,  à  Chille  et 
à  Blye  (c  de  Conliège),  et  à  Bornay  (c.  de  Lons-le- 
Saunier  ,  dans  l'arr.  de  Lons-le-Saunier  ;  à  Longchau- 
mois  (c.  de  Morez)  et  à  Saint-Laurent-Grand  vaux,  où 
no  et  on  coexistent\  dans  l'arr.  de  Saint-Claude.  — 
Dans  l'Ain,  on  emploie  onk  Divonne,  no  et  on  à  Gex, 
dans  l'arr.  de  Gex;  on  à  Bouvent  (c.  d'Oyonnax),  au 
nord  de  l'arr.  de  Nantua;  on  à  Péronnas  (c.  de  Bourg), 
on  et  no  à  Treffort,  dans  l'arr.  de  Bourg;  on  k  Illiat 
(c.  de  Thoissey),  et  à  Vonnas  (c.  de  Chàtillon-sur- 
Chalaronne),  on  et  no  à  Neuville-les-Dames  (c.  de 
Chàtillon),  au  nord  de  l'arr.  de  Trévoux.  —  Dans  la 
Haute-Savoie,  on  =^  nous  à  Boëge,  dans  l'arr.  de 
Tlionon,  à  Pers-Jussy  (c.  de  Reignier),  et  à  Andilly 
(c.  de  Cruseilles),  dans  l'arr.  de  Saint-Julien  :  un  peu 

1.  En  français, dans  le  langage  delà  conversation,  on  équivaut 
quelquefois  à^  je,  nous,  cous,  tu,  il,  elle.  Voir  l'art,  on  du.  Dict. 
Davniesteter  et  Hat^feld.  Il  serait  intéressant  de  rechercher  dans 
chaque  cas,  la  raison  de  la  substitution  de  on  à  un  autre  pronom. 

2.  Pour  la  forme  ij/an  =  nous  qui  est  signalée  à  Bonboillon 
(c.  de  iVJarnay^  arr.  de  Gray)^.dans  la  Haute-Saône,  voir  plus 
haut,  page  165. 

3.  Un  de  nos  correspondants,  de  Saint-Laurent  déclare  que 
no  +  1"  pers.  plur.  est  moins  usité  que  on  -f  3' pers.  sing.  ; 
un  second  ne  donne  que  no. 


170  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

plus  au  sud,  on  et  no  coexistent  à  Desingy  (c.  de 
Frangy').  —  A  Doussard  (c.  de  Faverges,  arr.  d'An- 
necy), on  emploie,  en  général,  on,  quelquefois  no:; 
devant  voyelle,  d'après  notre  correspondant  :  no^  en 
=  nous  Qi'o/is.  —  Enfin  dans  la  Savoie,  on  trouve  à  la 
fois  no  et  on  à  Saint-Girod  (c.  d'Albens)  et  ne  et  on  à 
Planaise  (c.  de  Montmélian),  au  nord  et  au  sud  de 
l'arr.  de  Chambéry  ;  maiso/i  est  plus  fréquent. 


111 

ou(z),  o(z)  =  vous 

La  disparition  du  v  de  vous  a  été  signalée  déjà  sur 
quelques  points  du  territoire  français*.  Elle  se  produit 
dans  notre  région  au  nord  et  à  Touest,  là  où  je  prent 
la  place  de  nous,  et  aussi  au  sud,  sur  les  frontières  du 
domaine  provençal,  c'est-à-dire  à  l'ouest  et  au  sud  de 
la  Loire,  et  au  sud  de  l'Isère.  Il  est  nécessaire  de  dis- 
tinguer plusieurs  cas,  suivant  que  la  disparition  du  v 
est  constante  ou  se  produit  seulement  dans  certaines 
conditions. 

1"*  Le  V  de  vous  est  partout  supprimé,  au  sujet  et  au 

régime 

C'est  le  cas  le  plus  rare,  il  ne  nous  est  signalé  qu'aus 
Fourgs  (c.  et  arr.  de  Pontarlier,  Doubs;,  où  l'on  dit  : 

1.  On  est  plus  fréquent  que  no  d'après  un  de  nos  correspon- 
dants; un  second  ne  donne  que  on. 

2.  Cf.  D.  Behrens,  F/v.  ous,  os  (statt  tous),  in  Zcitsrh.  f. 
rom.  P/iiL,  t.  XIII  (1889),  p.  408-410,  qui  donne  une  explication 
du  phénomène  un  peu  différente  de  celle  que  M.  Tobler  avait 
proposée  pour  l'ancien  franr^ais  (  Vrr/n    Bfitrf'h/r,  p.  212  sqq.). 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  17 1 


SUJET 

OU  (ou  ô)  paie  =  vous  parlez 

ouz  (ou  ôz)  anmè^^  vous  aimez 

sa  ko  (ou  Ixou)  di/étè  =  ce  que  vous  dites 

ko  l'été  kru  =  que  vous  l'avez  cru 

ko  vel-'i  ou  ^^  que  voulez -vous  f 

kataié  ou  =  qu' attendez-vous  ? 

Cf.  Tissot^  Patois  des  Fourgs,  p.  49. 

RÉGIME 

i  ou  pale  ou  Vo  pale  =  il  vous  parle 
tou  sa  ke  lo  due  =  tout  ce  qu'il  vous  dit 
i  ou  lou  rokonte^^il  vous  le  raconte 

2°  V  disparaît  au  sujet,  mais  persiste  au  régime 

C'est  ainsi  que  ou  {z)  ^=  vous  sujet  à  Baulay  (c. 
d'Amance,  arr.  de  Vesoul),  dans  la  Haute-Saône  : 
toutefois  vous  persiste  après  le  verbe  dans  les  phrases 
interrogatives.  A  Bonboillon  c.  de  Marnay,  arr.  de 
Gray)  ou{z)  et  vouiz)  coexistent.  Il  en  est  de  même 
dans  le  c.  de  Belfort,  où  oJi(z)  semble  pourtant  seul 
employé  après  que  conjonction.  —  Dans  la  Saône-et- 
Loire,  on  ne  connaît  que  o{z)  à  Sagy  (c.  de  Beaure- 
paire,  arr.  de  Loulians),  ou{z)  à  Malay  (c.  de  Saint- 
Gengoux,  arr.  deAIàcon').  — Dans  la  Loire,  oaetfoa 
coexistent  à  Saint-Kirand  c.  de  Saint-Haon,  ni-r.  de 
Roanne);  à  la  Fouillouse  (c.  de  Saint-Héand,  arr.  de 

1.  A  Malay,  notre  correspondant  traduit  que  voule^-rous  par 
koulè-ro,  où  Ton  constate  une  disparition  semblable  de  t*  initial 
en  syllabe  atone  après  que. 


172  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FHANÇAISE 

Saint-Étienne),on  emploie  vou  après  le  verbe  dans  les 
phrases  interrogatives.o  partout  ailleurs,  sans  lettre  de 
liaison  devant  vovelle;  c'est  l'absence  de  lettre  de 
liaison  qui  distingue  ô  —  vous  de  ô{l)—  il.  Un  peu  plus 
au  sud,  à  Bourg-Argental.  la  confusion  est  complète: 
6{l)  joue  le  rôle  de  pronom  de  la  l'"^  et  de  la  3^  pers. 
sing.,  delà  l"^  et  de  la  2®  pers.  plur.  ;  vou  n'a  persisté 
qu'au  cas  régime  et  après  le  verbe  au  cas  sujet  dans 
les  phrases  interrogatives.  De  même  àChambles  (c.  de 
Saint-Rambert,  arr.  de  Montbrison),  ou  sert  pour 
toutes  les  personnes,  sans  qu'on  puisse  dire  si  cette 
foriuQ  est  issue  de  ego,  de  vos  ou  de  Ule^  —  Dans 
l'Isère,  V  disparaît  au  sujet,  avant  et  après  le  verbe, 
dans  rOisans,  au  sud-est  de  i'arr.  de  Grenoble;  on  dit 
om(^)  à  la  Garde  et  à  Villard-Reculas.  o(z)  avant  le 
verbe,  ous  ou  ou  après  le  verbe  à  Auris  et  au  Freney  : 
ke  vouréous,  kaièndéous  (Auris)  ;  ke  vouraou  et  katèn- 
daou  (le  Frëney).  A  Livet-et-Gavet,  un  peu  plus  à 
l'ouest,  ou  n'est  employé  qu'après  le  verbe:  ke  voub'aou, 
katènd'-^aou,  mais  vou  ou  vo  avant  le  verbe.  —  On 
constate  le  même  fait  dans  la  partie  septentrionale  de 
I'arr.  de  Briançon  (Hautes-Alpes),  qui  est  voisine  de 
rOisans,  à  la  Salle  (c.  du  Monctier)  :  ke  vouré  ou, 
k  atèndé  ou\ 


1.  Cf.  noire  Reçue,  t.  Xlll,  p.  16-17.  —  Gras,  dans  son  tableau 
des  pronoms  personnels  usités  dans  le  Forez  (Dict.,  p.  160),  in- 
dique os  à  côté  de  cas  uutrouy  i:'s;  mais  les  textes  qu'il  cite  ne 
renferment  aucun  exemple  de  os. 

2.  D'après  Chabrand  et  de  Rochas,  on  emploie  cous  sujet  au 
Queyras  avant  le  verbe,  mais  ou  ou  cou  après  :  ana  ou  ou  ana 
rou  ;  plus  à  l'est,  dans  les  vallées  vaudoises,  notamment  à  Pra- 
gelas,  on  emploie  ous  partout.  —  Cf.  Mistral,  ous  =  cous  dans 
les  Alpes. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  173 

3"  V  disparaît  au  sujet,  seulement  après  que 

Ici  encore  il  est  nécessaire  d'établir  des  distinctions  : 
tantôt  V  disparaît  toujours  après  que,  tantôt  il  ne  dis- 
paraît que  dans  des  locutions  figées  comme  qu'est-ce 
que  vous  . . . ,  quelquefois  il  ne  tombe  après  que  que 
devant  le  verbe  vouloir. 

a)  F  disparaît  après  que,  seulement  devant  t^oz^o^r. 
—  Le  fait  est  sûr  pour  un  certain  nombre  de  com- 
munes des  Vosges  et  de  la  Saône-et-Loire,  où  qu'est- 
ce  que  vous...  est  traduit  différemment  dans  les  deus 
phrases  :  qu'est-ce  que  vous  voulez?  qu'est-ce  que 
vous  attendes?  Devant  vouloir  v  disparaît,  mais  il 
persiste  devant  attendrie.  Ainsi,  à  Taintrux  (c.  et  arr. 
de  Saint-Dié),  on  dit  ko  se  ko  vêlé  et  ko  se  ke  vo 
étodé;  à  Remicourt  (c.  et  arr.  de  Mirecourt)  kbs  ko 
vlèet  kàs  ke  vôz  ètandé.  —  Il  en  est  de  même  dans  la 
Saône-et-Loire,  à  la  Guiche,  à  Collonges  et  à  Joncy 
(c.  de  la  Guiche,  arr.  deCharolIes):  ka  kou  voulé,  ka 
ke  voz  atandè ;  à  Saint-Martin-de-Sénozan  (c.  de 
Mâcon  N.)  et  à  Solutré  (c.  deMâcon  S.)  :  ké  kou  vel''é, 
kékevou^atandé.  A  Saint-Eusèbe  (c.  de  Mont-Saint- 
Vincent,  arr.  de  Chalon),  le  pronom  a  complètement 
disparu  devant  vouloir:  ka  k  voulé,  ka  k'eu  ke  vo{.^) 
atandc;  il  en  est  de  même  à  Antully  (c.  et  arr.  d'Au- 
tun):  kwa  kvlé;\e  pronom  sujet  étant  toujours  exprimé 
dans  cette  région,  il  faut  admettre  que  o  <  vo  devant 
vouloir  s'est  affaibli  en  e  en  position  proclitique,  puis 
est  tombé  complètement  parce  qu'on  ne  reconnaissait 
plus  en  lui  le  pronom  de  la  2*  pers. 

Il  y  a  encore  quelques  communes  où  o,  ou  =  vo,  vou 
ne  nous  est  signalé  que  devant  vouloir,  après  que;  la 


174  RENTE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

disparition  de  v  ne  se  produit-elle  que  devant  ce  verbe? 
Nous  ne  pouvons  l'affirmer,  attendu  que  dans  ces  com- 
munes la  phrase  qu  attendez-vous -à  été  traduite  par  une 
interrogation  de  même  structure  que  la  phrase  fran- 
çaise et  non  pas  par  qu'est-ce  que  vous  attendez.  Ce 
sont,  dans  les  Vosges  :  Tendon  (c.  et  arr.  de  Remire- 
mont):  dans  la  Haute-Saône  :  Dampierre-sur-Salon 
(arr.de  Gray);  dans  le  Doubs:  Nans  (c.  d'Amancey, 
arr.  de  Besançon);  dans  la  Loire  :  Sainte-Colombe  (c. 
deNéronde,  arr.  de  Roanne)  :  t'Ui  ko  volt,  katèndi  vo, 
et  Saint-Didier-sur-Rochefort  (c.  de  Noirétable)  :  ké, 
kou  VQu/é,  katandé  vo. 

b)  Le  V  disparait  après  que  dans  la  locution  qu'est- 
ce  que  vous...  devant  un  verbe  quelconque.  —  Cette 
locution  devient  : 

kàs  kb{z)  à  Plainfaing  et  à  Fraize  (c.  de  Fraize,  arr. 
de  Saint-Dié,  Vosges); 

kàs  ko  à  Dompaire  (arr.  de  Mirecourt,  Vosges)  ; 

kàskou(z)  à  Bétoncourt  (c.  de  Vitrey,  arr.  de  Vesoul) 
et  à  Vellexon  (c.  de  Fresne,  arr.  de  Gray),  dans  la 
Haute-Saône; 

kès  kou  à  Raze  (c.  de  Scey-sur-Saône,  arr.  de  Vesoul, 
Haute-Saône;; 

kàs  ko,  kbs  kouz  à  Noroy  (arr.  de  Vesoul)^; 

kàs  kou,  kàs  koz  à  Offlange  (c.  de  Montmirey,  arr. 
de  Dôle,  Jura); 

kiko[z)  à  Matour  (arr.  de  Mâcon,  Saône-et-Loire): 

ké  kœ{z)  à  Juré  (c.  de  Saint-Just-en-Chevallet^  arr. 
de  Roanne,  Loire)  ; 

to  ko{z)à.  Andilly  (c  de  Cruseilles,  arr.  de  Saint- 
Julien,  Haute-Savoie); 

1.  Un  2'  correspondant  de  Noroy  donne  cou  partout. 


LES  PATOIS  DE  LA  REGION  LYONNAISE        175 

tou  ko  k  Versonnex  (c.  de  Rumilly,  arr.  d'Annecy, 
Haute-Savoie); 

c)  Le  V  disparaît  ou  peut  disparaître  dans  tous  les  cas 
après  que.  —  On  dit  par  exemple  dans  le  c.  de  Pro- 
venchères  (arr.  de  Saint-Dié,  Vosges)  : 

ko  vlé  =  cjue  voulez-vous  ?  koz  élodé  =^  qu' attendez- 
vous? 

se  ko  dehé=^  ce  que  vous  dites,  ko  lô  hru  =  (il  est 
vrai)  que  vous  l'avez  cru.  On  trouve  de  même  après 
que  : 

o(:î)dans  les  c.  de  Saint-Dié,  de  Bruyères,  d'Épinal, 
à  Uriminil  (c.  de  Xertigny),  dans  les  Vosges;  —  à 
Bosjean  (c.  de  Saint-Germain-du-Bois,  arr.  de  Lou- 
hans),  dans  la  Saône-et-Loire;  —  à  Pers-Jussy  (c.  de 
Reignier,  arr.  de  Saint-Julien),  dans  la  Haute-Savoie; 

oà  Navenne  (arr.  etc.  de  Vesoul),  dans  la  Haute- 
Saône  ; 

ou  à  Jussey  (arr.  de  Vesoul),  à  Chantes  (c.  de  Scey, 
arr.  de  Vesoul)  et  à  Broyé  (c.  de  Pesmes,  arr.  de  Gray), 
dans  la  Haute-Saône  ;  —  à  Vérissey  et  à  la  Frette 
(c.  de  Montret,  arr.  de  Louhans),  à  Saint-Germain- 
du-Plain  (arr.  de  Chalon),  à  Sivignon  (c.  de  Saint- 
Bonnet-de-Joux,  arr.  de  CharoUes),  à  Clessé  (c.  de 
Lugny,  arr.  de  Mâcon),  dans  la  Saône-et-Loire; —  à 
Courtes  (c.  de  Saint-Trivier,  arr.  de  Bourg),  dans 
l'Ain;  —  à  Saint-Haon  (arr.  de  Roanne),  dans  la 
Loire;  —  à  la  Chapelle-en-Vercors  (arr.  de  Die), dans 
la  Drôme. 

C'est  sans  doute  par  euphonie  que  vou^  vo  se  réduit 
à  ou,  o  et  même  disparaît  complètement  devant  vou- 
loir. En  dehors  de  ce  cas  particulier,  comme  la  dispa- 
rition de  V  est  surtout  fréquente  après  que,  il  convient 


176  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

d'admettre  avec  ^I.  Behrens  qu'après  Tassourdissement 
de  e  féminin  de  que,  la  spirante  labiale  s'est  changée 
en  semi-voyelle  pour  tomber  ensuite  complètement; 
0,  ou,  issu  de  vous  après  que,  a  pu  aussi  prendre  la 
place  de  vous  après  d'autres  mots:  mais  comme  que  ne 
peut  être  immédiatement  suivi  que  de  vous  sujet,  non 
de  vous  régime,  que  par  suite  c'est  seulement  vous 
sujet  qui  s'est  abrégé  en  o,  ou,  quand  o,  ou  s'est  subs- 
titué à  vous  ailleurs  qu'après  que,  il  a  pris  la  place  de 
vous  sujet,  très  rarement  celle  de  vous  régime.  Inver- 
sement, sous  rinfluence  du  français  et  de  la  forme  vo, 
vou,  toujours  vivante  dans  les  patois  qui  employaient 
0,  ou,  vo,  vou  a  été  rétabli  même  après  que,  en  se 
maintenant  seulement  dans  les  locutions  figées  comme 
qu  est-ce  que  vous... 


IV 


LA    SIFFLANTE    FINALE    DE    nOS,    VOS 

.S  de  nos^  vos  ne  s'est  maintenu  en  français  que 
devant  voyelle,  avec  la  valeur  de  ^~;  s  final  en  proven- 
çal a  persisté  devant  consonne,  en  gardant  le  son  de  s 
dur.  L'usage  français  domine  au  nord  de  notre  région, 
Tusage  provençal  au  sud.  Çà  et  là,  nous  rencontrons 
quelques  cas  intéressants. 

V'  .S>  ^  même  devant  consonne 

Ce  cas  est  rare,  il  nous  est  signalé  au  sujet  et  au 
régime  V^  pers.  à  Saint-Oiîenges-Dessous  (c.  d'Aix, 
arr.  de  Chambéry),  dans  la  Savoie,  où  l'on  dit  n^e 
parlè/i,  ns'amon,  anze parlé;  le  pronom  de  la  2''  pers. 
est  vo[z)  à  tous  les  cas.  — •  On    trouve  encore  nze  au 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  177 

régime,  v^e  au  régime  et  quelquefois  au  sujet  à  la 
Truchère  (c  de  Tournus,  arr.  de  Mâcon,  Saône-et- 
Loire)  :  ô  nze  kôse,  6  vzekôï^e,  se  ko  vz  a  di,  ké  ke  vse 
vie,  ké  ke  vzatadé;  cf.  ô  vie  rakonte,  ailleurs  riou{:^), 
vou{.^).  —  On  dit  nez^n  régime  dans  les  c.  voisins  l'un 
de  l'autre,  de  Tullins  et  de  Saint-Michel-de-Saint- 
Geoirs  (arr.  de  Saint-Marcel  lin,  Isère),  à  Sillans^  à 
Saint-Paul-d'Izeaux  et  à  la  Forteresse. 

s  final  a  dû  passer  à  ^  d'abord  devant  voyelle;  puis 
on  l'a  rétabli  devant  consonne,  et  suivant  que  le  pro- 
nom était  ne  avec  un  e  féminin  encore  sensible  (presque 
œ),  ou  s'était  réduit  à  /z,  on  a  eu  ne:;  ou  nze. 

2°  *S>>^  devant  voyelle,  s  dure  ou  i/od  devant  consonne 

s  final  de  nous,  vous  conserve  devant  les  consonnes 
le  son  de  s  dure  du  latin  sur  la  lisière  méridionale  de 
notre  région,  dans  les  Hautes-Alpes,  à  Ribeyret  (c.  de 
Rosans)et  danslesc.  d'Aspres,  d'Orpierre,  de  Laragne, 
de  Serres,  de  Gap;  de  Veyne;  dans  la  Drôme,  à  Suze- 
la-Rousse  (c.  de  Saint-Paul-Trois-Chàteaux)  et  à  Tau- 
lignan  (c.  deGrignan)';  dans  la  Haute-Loire  à  Cayres, 
au  Monastier  et  à  Pinols^  Nos  correspondants  écrivent 
nouss,  vouss  ou  nous  indiquent  d'une  façon  précise  la 
prononciation  de  s  final  devant  consonne\  Tous   s'ac- 

1.  Nos  deus  correspondants  s'accordent  à  traduire  il  nous  parle 
par  i  ne  -j  parle;  le  sujet  est  ne  dev.  cons.,  n  dev.  voy.  ;  à  la 
2"  pers.,  uo(^)  partout. 

2.  Il  y  a  peut-être  chute  de  s  devant  les  liquides  ou  devant  un 
autre  pronom;  notre  correspondant  de  Taulignan  écrit  en  effet  r^ou 
lou  ralacanto  =  il  vous  le  raconte. 

3.  Notre  correspondant  de  Pinols  écrit  nesse,  vesse,  et  aussi 
vous;  il  ne  donne  pas  d'exemple  de  ces  pronoms  devant  voyelle. 

4.  Il  ne  saurait  y  avoir  doute  que  pour  Ribeyret;  notre  corres- 
pondant déclare  que  a  s  final  se  lie  toujours  devant  une  voyelle 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  12 


178  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

cordent  à  dire  que  devant  voyelle  s  se  prononce  -c 
comme  en  français. 

Dans  la  même  région  et  un  plus  au  nord,  s  final 
devant  consonne  peut  devenir  ?  semi-voyelle  ;  de  là  les 
formes  n,  v  +  01/ ,  oui/,  icèy .  On  trouve  voay  dans  la 
Haute-Loire,  à  Cayres  et  à  Freycenet-Latour  (c.  du 
Monastier)^  à  côté  de  n,  v  +  ous\  —  Le  passage  de  s 
final  à  yod  est  inconnu  à  nos  correspondants  de  TAr- 
dèche;  mais  je  trouve  vouy  (écrit  coitis  devant  s)  dans 
la  Par.  en  patois  de  Privas  (Mé/n.  des  Ant.  de  Fr., 
p.  515)  ;  Jioutj  devant  /  dans  une  chanson  en  patois  de 
Bourg-Saint-Andéol,  citée  par  le  D^  Francus  {Voyage 
le  long  de  la  rivière  de  l  Ardèche,  Privas,  1885, 
p.  !?93)  ;  Mistral  indique  i^ow/ devant  voyelle  (?)  dans 
le  Vivarais.  —  Dans  la  Drôme,  on  dit  nioêy,  vicèy  à 
Sauzet  (c.  de  Marsanne*),  noy,  voy  à  Pont-de-Barret 
(c.  de  Din.ulefit),  nouy,  vouy  à  Montjoux  (c.  de  Dieu- 
lefit)'.  —  Dans  les  Hautes-Alpes,  on  dit  vicèy  àChorges 
et  à  Saint-Julien-en-Beaucliêne  (c.  d'Aspres),  vouy  à 
Aspres,  à  Ribeyret  (c.  de  Rosans)  et  dans  tous  les 
c.  du  sud  del'arr.  de  Gap. 

Les  renseignements  que  nous  possédons  sont  trop 

et  sonne  devant  les  consonnes  ou  à  la  fin  de  la  i^hrase,  sauf  de 
bien  rares  exceptions  ». 

1.  Le  passage  de  .s  final  à  jjod  ne  semble  pas  très  ancien  dans 
la  Haute-Loire:  il  n'y  en  a  pas  trace  dans  les  textes  du  XVP,  du 
XVll'  et  du  XVIIP  siècle  que  nous  possédons.  Foît/ apparaît 
pour  la  première  fois  dans  une  poésie  de  H.  de  Morgues,  du  com- 
mencement du  XIX'  siècle,  in  Lo  Velay,  Fleurs  des  Montagnes, 
anthologie  poétique,  par  Aimé  Giron,  le  Puy,  1868,  et  dans  la 
trad.  de  la  Para  h.  de  Deribier  (Description  statistique  de  la 
Haute-Loire,  1824). 

2.  Un  2'  correspondant  donne  partout  nou(^),  rou{^). 

3.  A  ajouter  roui  au  Buis  d'après  la  Parah.  (Mè/a.  des  Ant., 
VI,  .531). 


LES   PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  179 

peu  abondants  pour  que  nous  puissions  indiquer  avec 
précision  dans  quels  cas  se  produit  le  passage  de  s  à 
t/od.  Toutefois,  dans  les  flautes-Alpes,  il  ne  nous  est 
indiqué  que  devant  d,  i\  L  D'autre  part,  dans  VIliado 
d'Ouméro  [P*^ chant) revira  enpaiiar  des  Autos- A/pos, 
parTabbé  Pascal  (Gap,  1884),  je  trouve  régulièrement 
n,  V  -f-  ous  devant  les  sourdesy,  A-,  p,  t,  ch,  n,  v-[-ouy 
devant  les  sonores  b,  v,  d,  g,j  et  devant  m,  s,  /•,  /'. 

'è^  S  tombe  devant  cous.,  ^.<,  q,j  devant  voyelle 

M.  Clédat  a  déjà  étudié  le  passage  de  la  sifflante 
finale  de  l'article  pluriel  à  j,  ç,  j,  r  et  s  dur  devant 
voyelle;  le  s  de  nos,  vos  est  traité  de  la  même  façon 
dans  les  mêmes  localités:  je  renvoie  à  son  article,  au 
tome  P""  de  hi  Bévue  des  Patois.  Toutefois,  il  n'y  a  pas 

1 .  D'après  le  môme  texte  le  passage  de  s  final  à  rjod  paraît  rare 
après  une  voyelle  autre  que  è;  je  ne  trouve  guère  que  dcssonr  et 
sow/ devant  /et  .s,  à  côté  de  sous  devant  t  ;  pal  devant  m,  d,  (j, 
s,  b,  r  à  côté  de  pas  devant  r,  /,  p  ;  doui  de  duos  devant  l,  dous 
devant  /.',  et  quelquefois  toui  à  côté  de  touts.  Mais  le  passage  de 
s  à  ?/of/ devant  les  sonores  est  constant  pour  l'article  les,  des,  es, 
pour  les  adjectifs  possessifs  mes,  tes,  ses,  pour  ves  de  versus,  pour 
autres  et  les  subst.  terminés  par  es  au  plur.  ;  pour  es  de  est  et 
pour  la  2^  pers.  de  tous  les  verbes.  On  observe  le  même  phéno- 
mène dans  les  Basses-Alpes,  à  Forcalquier,  d'après  M.  P.Meyer, 
Romania,  XXVII,  p.  421.  Dans  la  Drôme  et  dans  la  Haute- 
Loire,  on  ne  distingue  plus  entre  les  sourdes  et  les  sonores;  dans 
les  poésies  en  patois  de  Dieulefit,  publiées  par  MM.  Chalamel  et 
Villaret,  dans  VArmagna  Doujlnen,  années  1885  (p.  53,  38,  54) 
et  1886  (p.  74,  45,  Ib,  33,  46,  75),  je  relève  nouei  devant  r,  s. 
l'ouel  devant  A',  /,  />,  noueis  devant/.',  /,  vous  devant  /,  qu,  r. 
L'acticle,  les  adj .  possessifs,  etc.,  n'ont  qu'une  forme  qui  est  par- 
tout lei,  dei,  sei,  met,  etc.  —  Sur  ce  passage  de  .s-  à  j/od,  cf.  Roque- 
Ferrier,  De  la  double  forme  de  l'article  et  des  pronoms  en  Lan- 
guedoc, in  Rec.  des  L.  rom.,  IX,  p.  125-137-,  X,  254-257.  articles 
que  je  connais  seulement  par  le  c.  r.  de  P.  Meyer,  Romania,  V, 
p.  406. 


180  REVUE  DE  PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

d'exemple  dans  nos  textes  des  >  r  dans  nos^  oos;èi 
Cussy-en-IMorvan  (Saône-et-Loire),  où  s  >  /'  dans 
l'art,  plur.,  /loti  sujet  est  remplacé  par  y,  vos  se  réduit 
à  r  devant  voyelle  et  aucune  phrase  ne  renferme  nos, 
vos  régime  devant  voyelle.  —  A  Saint-Agnan,  aus 
Guerreaux,  à  la  Motte-Saint-Jean  (arr.  de  CliaroUes), 
où  -^  se  prononce  s  dur  dans  l'art,  plur. ,  s  >  j  dans  les 
pronoms  :  /ic)j  ènman;  toutefois,  notre  correspondant 
fait  remarquer  que  5  se  prononce  dur  devant  un  verbe 
qui  contient  s  dur:  nôss  assujétissan=^  nous  assujet- 
tissons. 

4°  S ^ final  tombe  même  devant  voyelle 

Quelquefois  la  sifïlante  n'est  supprimée  que  dans  l'un 
des  deus  pronoms  et  persiste  dans  Tautre,  le  plus  sou- 
vent elle  disparaît  dans  Tun  et  dans  l'autre.  Quand  il 
y  a  à  la  fois  disparition  de  la  sifflante  de  liaison  et 
réduction  de  n,  v  -\-  o,  ou  à  n,  v  -{-  e,  Ve  féminin  des 
formes  ne,  ve  s  elide  devant  voyelle\  L'hiatus  ne  per- 
siste que  par  exception,  dans  le  Rhône  à  Pont-Tram- 
bouze  (c.  deTliizy),  où  l'on  emploie /lo  dev.  cons.,  ne 
dev.  voy.,  ve  partout;  dans  l'Isère,  au  Péage-de-Rous- 
sillon  (c.  de  Roussillon,  arr.  de  Vienne),  où  ne  est 
constant,  mais  vou{^),  à  Gillonnay  (c.  de  la  Côte- 
Saint-André)  où  Tonne  connaît  que  neeive.  Quand  les 
formes  en  o,  ou  se  sont  maintenues,  l'hiatus   est  de 

1 .  Nous  verrons  qu'à  côté  du  domaine  de  ne-n,  on  trouve  aussi 
no-ncz.  La  disparition  de  la  sifflante  se  produit-elle  au  régime 
comme  au  sujet?  Nos  renseignements  sont  trop  peu  nombreus  et 
trop  peu  explicites  pour  que  nous  puissions  répondre  avec  préci- 
sion :  mais  c'est  fort  douteus  pour  les  formes  affaiblies  en  e, 
attendu  que  dans  certaines  localités  où  l'on  dit  ne-n  au  sujet,  la 
sifflante,  loin  de  disparaître  au  régime,  s'y  maintient  même 
devant  consonne,  d'où  les  formes  ne*,  n--e. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  181 

règle:  toutefois,  à  Pinsot  (c.  d'Allevard),  on  emploie 
no  dev.  cons.,  n  dev.  voy. 

La  sifflante  de  liaison  semble  disparaître  seulement 
dans  le  pronom  de  lai''  pers.  dans  le  Doubs,  au  sud 
de  l'arr.  de  Pontarlier,  à  Bians  (c.  de  Levier),  aus 
Fourgs  (c.  de  Pontarlier),  à  Boujeons,  à  Remoray  et 
aus  Pontets  (c.  de  Moutlie);  dans  le  Jura  à  Moirans 
(arr.  de  Saint-Claude);  dans  la  Saône-et-Loire,  à 
Sigy-le-Cliâtel  (c.  de  Saint-Gengoux),  et  à  Saint- 
Sorlin  (c.  de  Màcon  N.);  dans  la  Loire,  à  Juré  (c.  de 
Saint-Just-en-Clievallet),  à  Ailleux  (c.  de  Boën),  à 
Moingt  (c.  de  Montbrison)  ;  dans  l'Ain,  à  Virieu  (arr. 
de  Belley)  ;  dans  Tlsère.au  Péage-de-Roussillon  (c.  de 
Roussillon)  ;  dans  une  grande  partie  de  Tarr.  de  Saint- 
Marcellin,à  Sillans  et  à  Saint-Michel-de-Saint-Geoirs 
(c.  de  Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs),  à  Saint-Paul- 
d'Izeaux,  à  Vatilieu  et  à  la  Forteresse  (c.  de  Tullins)  ; 
et  enfin  dans  la  vallée  de  Tlsère  jusqu'à  son  entrée 
dans  la  Savoie,  à  Noyarey  (c.  de  Sassenage),  à  Pro- 
veyzieu  (c.  deGrenobleN.),  auSappey,  à  Saint-Ismier 
et  à  Bernin  (c.  de  Grenoble  E.),  à  Saint-Hilaire,  à  la 
Terrasse  et  à  la  Buissière  (c.  du  Touvet),  à  Pontcharra 
(c.  de  Goncelin),  à  Saint-Pierre-d'AUevard,  à  Pinsot 
et  à  Moutaret  (c.  d'Allevard).  11  faut  ajouter  Saint- 
Jean-d'Arvey  (c.    de  Chambéry  N.),  dans  la  Savoie. 

Le  cas  inverse,  suppression  de  6'  seulement  dans  le 
pron.  de  la  2®  pers.,  est  beaucoup  plus  rare.  On  ne  le 
trouve  qu'isolément  dans  flsère,  à  Saint-Paul-les- 
Monestier  (c.  du  Monestier-de-Clermont),  où  le  pron. 
sujet  l''^ pers.  n'est  pas  exprimé,  dans  l'Ain,  à  Peyrieu 
(c.  de  Belley),  à  Vesancy  (c.  de  Gex)^  ;  dans  le  Jura, 

1.  Pour  TrefEort,  un  correspondant  donne  no(.^)-i'o(^)'  un  2*  on 
co(.j). 


182  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

à  Foulnay  (c.  do  Chaumergy):  dans  les  Vosges,  dans 
les  c.  do  Lamarcho,  de  Neufcliàtoau  et  de  Coussev,  où 
d'ailleurs /V  remplace  /lous  au  sujet*. 

Kniin  la  silllante  disparaît  ou  peut  disparaître  dans 
les  deus  i)rononis  dans  les  coinmunos  suivantes: 

Belfort  :  Grandvillars  (c.  de  Délie),  et  c.  de  Fon- 
taine. 

Vosges:  c.  de  Provenchèros. 

Haute- Saône:  Bouligney  (c.  de  Vauvillers),  Raddon 
(c.  de  Faucogney),  Clai regoutte  (c.  de  Cliampagney), 
dans  l'arr.  de  Lure:  Navenne  (e.  de  Vesoul)  et  Noroy^ 
dans  Tarr.  de  Vesoul;  Cliamplitlo,  dans  l'arr.  de  Gray\ 

DouBS  :  Avanne  (c.  deBoussières,  arr.  de  Besançon). 

Jura:  Bois-d'Amont  (c.  de  Morez,  arr.  de  Saint- 
Claude. 

Saône-et-Loire:  Savigny  (c.  de  Beaurepaire,  arr. 
de  Louhans*;  Antully  (c.  d'Autun)  et  Cussy  (c.  de 
Lucenay),  dans  Tarr.  d'Autun;  Neuvy-Grandchamp 
(c.  deGueugnon),  dans  l'arr.  de  Charolles. 

Ain:  Cormaranche  (c.  de  Hauteville,  arr.  de  Belley)\ 

Rhône  :  Pont-Trambouze  (c.  deTliizy). 

Loire:  Saint-Rirand  ic.  de  Saint-IIaon)";  Cham- 
poly    (c.  de    Saint-Just-en-Chevallet),    Saint-Didier- 

1.  Cf.  Dommartin  où  la  sifflante  de  la  2''  pers.  s'est  maintenue: 


r.  r 


2.  Un  2'  correspondant  marque  la  liaison. 

3.  A  Montagney  Ce.  de  Pesmes),  la  silllante  persiste  toujours 
devant  voyelle;  toutefois  on  dit  vou  //  ctc  =  rons  //  êtes  (cf.  roii^ 
i'te  =  rous  êtes),  sans  doute  à  cause  de  la  nature  consonantique 
de  ïjjod  qui  rend  la  sif liante  de  liaison  inutile. 

4.  Un  2'  correspondant  marque  la  liaison. 
D.  Un  2'  correspondant  marque  la  liaison. 

6.  A  Saint-Haon  même,  nos  deus  correspondants  marquent  la 
liaison. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  183 

sur-Rocliefort  (c.  de  Noirétable):  Chambles  (c.  de 
Saint-Rambert)V;  la  Fouilloiise  (c.  de  Saint-Hëand); 
Saint-Étienne;  pour  Bourg- Argental,  cf.  notre  Revue, 
XIII,  p.  10-17. 

Haute-Loire  :  la  Chaise-Dieu  (arr.  de  Brioude). 

Isère  :  Cliapareillan  (c.  du  Touvet),  Champagnier  et 
Champ  (c.  deVizille),  Saint-Clair-de-laTour  (c.  de  la 
Tour-du-Pin)  ;  àGillonnay  (c.  de  la  Côte-Saint-André) 
et  à  Saint-Georges-d'Espéranche  (c.  d'IIeyrieu),  la 
suppression  de  la  liaison  semble  facultative. 


V 


les  formes  n,  V  -^  o 

Elles  se  partagent  avec  les  formes  n,  r  -\-  ou 
presque  toute  l'étendue  des  quinze  départements  de 
notre  région;  mais  tandis  que  les  formes  en  ou 
occupent  surtout  le  sud  et  le  nord-ouest,  les  formes  en 
0  dominent  au  centre,  à  Test  et  au  nord-est.  Les  formes 
n,  v-\-o  s'arrêtent  vers  le  sud,  à  peu  près  à  la  limite  du 
domaine  franco-provençal.  Elles  ne  dépassent  pas  dans 
la  Loire,  Saint-Didier-sur-Rochefort  (c.  de  Noiré- 
table), Feurs,  Viricelle  (c.  de  Saint-Galmier),  Izieux 
(c.  de  Saint-Chamond),  Rive-de-Gier;  dans  le  Rhône, 
Longes  (c.  de  Condrieu),  au  sud  de  l'arr.  de  Lyon; 
dans  risère,  les  Côtes-d'Arey,  au-dessous  de  Vienne, 
Pommiers  (c.  de  Beaurepaire),  Beaurepaire,  Faramans 
(c.  de  la  Côte-Saint-x\ndré),  au  sud  de  l'arr.  de 
Vienne;  Penol  (c.  de  Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs), 
la  Forteresse  et  Vatilieu  (c.  de  Tullins),  Vinay,  dans 

1.  Cf.  notre  Reçue,  XIII,  p.  16-17. 


184  REVrE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Farr.  de  Saint-Marcellin  ;  le  c.  du  Villard-de-Lans 
avec  Méandre,  Lans  et  le  Villard,  Champagnier  (c.  de 
Vizille),  Bresson  (c.  de  Grenoble  S.\  Livet-et-Gavet 
(c.  du  Bourg-d'Oisans),  au  centre  de  Tarr.  de  Grenoble. 
Au  nord  de  la  ligne  formée  par  ces  points  extrêmes, 
les  formes  en  o  occupent  les  deus  Savoies,  la  Suisse 
française,  le  nord  de  l'Isère,  l'Ain  tout  entier,  sauf 
l'arr.  de  Bourg,  le  Rhône  et  l'est  de  la  Loire.  Dans  la 
Saône-et-Loire  et  le  Jura,  elles  se  mêlent  aus  formes 
en  ou.  Elles  occupent  encore  l'est  et  le  centre  du 
Doubs,  le  territoire  de  Beltort,  l'est  de  la  Haute- 
Saône  et  les  Vosges.  Sur  certains  points  de  cet 
immense  territoire,  à  côté  des  formes  en  o  on  trouve 
aussi  des  formes  en  ou  ou  en  eu,  et  surtout  des  formes 
affaiblies  en  e. 

1°  N,  V  -j-  o  au  sujet  et  au  régime'^ 

Le  département  des  Vosges  presque  tout  entier  ap- 
partient au  domaine  de  n,  v  -\-  o  *  ;  il  faut  excepter 
l'arr.  de Neufchàteau  à  l'ouest,  où  nou,  vou  dominent; 
toutefois  à  Ainvelle  (c.  de  Lamarche),  on  trouve  no,  vo 
à  côté  de  vou.he  plus  souvent  no  est  rernplacéau  cas 
sujet  parj'e;  on  ne  trouve  no  cju'au  sud  de  l'arr.  de  Re- 
miremont,  à  la  Bresse,  à  Basse-sur-le-Rupt  et  à 
Saulxures,  dans  le  c.   de  Saulxures,  et   dans  le  c.  du 

1.  Nous  mentionnerons  dans  ce  paragraphe  les  localités  où  nou 
est  suppléé  par /V»  ou  par  on,  en  marquant  les  premières  d'un  as- 
térisque', les  secondes  de  deus  astérisques**. 

2.  Voir  les  noms  dans  notre  Reçue,  t.  XII.  p.  37  et41.  —  Xou 
au  cas  sujet  à  Chàtel,à  côté  de  no,  ro  ailleurs  est  peut-être  une 
erreur  de  notre  correspondant;  comme  dans  cette  région  nous 
sujet  est  remplacé  par  Je,  il  a  dû  substituer  à  ce  yc  insolite  la 
forme  française  nou,  au  lieu  de  la  forme  dialectale  no  qu'on 
attendrait  d'après  les  formes  de  l'accus.  et  de  la  2«  pers. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE 

Thillot;  dans  les  c.  de  Mirecourt  et  de  Darney  qui  ap- 
partiennent à  l'arr.  do  Mirecourt.  — Léo  de  ces  formes 
est  en  général  un  o  fermé;  o  est  signalé  dans  l'arr.  de 
Saint-Dié,  à  Fraize,  à  Plaiiifaing  (c.  de  Fraize),  à  la 
Bolle  (c.  de  Saint-Dié)  et  dans  l'arr.  d'Epinal  à 
Moyemont  et  à  Roville-aus-Cliênes  (c.  de  Ramber- 
villers)  '. 

Au  domaine  vosgien  de  n,  v  ~\-  o,  il  faut  rattacher 
quelques  communes  au  nord-est  de  la  Haute-Saône: 
Villersexel,  Villers-les-Luxeuil*  (c.de  Saulx  ) ,  dansTarr. 
de  Lure^  Lavilleneuve*  et  Navenne*  (c.  de  Vesoul), 
Jussey*^  dans  l'arr.  de  Vesoul.  ANoroy ,  où  l'on  dit  no  vo 
d'après  un  de  nos  correspondants,  noit,  rou  d'après 
un  autre,  nous  atteignons  la  limite  de  o  et  de  ou-. 

Si  nous  descendons  vers  le  Sud  en  longeant  la  fron- 
tière, nous  trouvons  n,  r  --\-  ô  sur  le  territoire  de  Bel- 
fort,  à  Bermont  (c.  de  Belfort),  à  Grandvillars  (c.  de 
Délie),  et  dans  les  c.  de  Rougemont  et  de  Fontaine'. 

Dans  le  Doubs,  on  ne  connaît  que  no,  vo  dans  l'arr. 
de  Montbéliard,  à  Dampierre  (c.  de  Pont-de-Roide), 

1.  Pour  Gérardmer,  nos  renseignements  sont  confirmés  par  la 
Parab.  {Mcm.  des  Ant.,  VI,  474).  q.ui  a  co  au  suj .  et  au  rég.  ; 
pour  la  Bresse,  par  le  chanoine  Hingre  qui  donne  partout  n,v  +  ô 
{Grande  Complainte,  inRer.  des  Pat.,  1,  241  sqq.).  -Les  rensei- 
gnements fournis  par  Adam  (Pat.  lorrain)  ne  sont  précis  que  pour 
la  P'pers.  :  nos  et  Je  à  Vagney,  Grandvillars,  Bouges-Eaux;  nos 
à  Ramonchamp,  Ventron,  Saulxures,  la  Bresse,  Moyen,  Vallois; 
cous  dans  quelques  communes  de  la  bande  occidentale,  en  géné- 
ral vos,  os.  —  Cf.  encore  n,  r  -{-  o  à  Dommartin  (Richard,  Suite 
de  309  mots,  in  Mèm.  des  Ant.,  VI,  137  sqq. 

2.  M.  P.  Passy  signale  nà  à.  Hauteville,  no  èl  Fontaine-Saint- 
Sauveur,  Froideconche,  Raddon,  la  Longine,  Mélisey  (Rec. 
de  Phil.  fr.,  X,  172  sqq.).  -  Cf.  co  sujet,  cos  ou  r's  régime  à 
Vesoul,    d'après    Is,  Parab.   {Mèm.  des  Ant.,  VI,  479). 

3.  Cf.  l'o  ou  teii  à  Giromagny,  Parob  ,  in  Mèm.  des  Ant.,  VI, 
476;  et  plus  à  l'est,  à  Alkirch,  Parab.,  475. 


REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

à  Framboulians  (e.  de  Maicho),  à  Grand'Combe-des- 
Bois(c.  du  Russey)  et  au  Russey;à  l'est  de  Farr.  de 
Baume-les-Danies,  à  Gruey  et  à  Blussans  (c*.  de  Tlsle- 
sur-le-Doul)s),  à  Courtetainet  à  Passonfontaiue  (c.  de 
Vereeil),  au  nord  de  l'air,  de  Pontaiiier,  dans  le  c.  de 
Montl)enoit  (le  Sauget,  Gill(\v,  Ville-du-Pont ,  la 
Longe  vil  le.  Montl)enoit,  Maison-du-Bois,  les  Alle- 
mands): d<'  là,  en  quittant  la  fi-ontiôre  pour  se  diriger 
franelieinent  à  l'Ouest,  on  trouve  n,  c  -\-  o  à  Levier^ 
dans  l'arr.  de  Pontarlier,  et  au  sud  de  l'arr.  de  Besan- 
çon, à  Épeugney  (c.  deGuingey),  à  Refranclie,  Nans  et 
Fertans  (c.  d'Amancev).  Le  timbre  ouvert  de  o  n'est 
signalé  qu'à  Grand'Combc-dcs-Bois  et  à  Fertans  \ 

On  atteint  ainsi  le  dép.  du  Jura,  où  n,  r  -j-  o  est 
employé  dans  l'arr.  de  Dôle,  à  Foulnay  (c.  de  Cliau- 
mergy),  à  la  Loye  (c.  Monbarrey),  à  Offlanges*  (c.  de 
Montmirey),  à  Ta  vaux*  (e.  de  Chemin).  Il  faut  y 
ajouter  dans  l'arr.  de  Lons-le-Saulnier,  Quintigny 
(c.  de  Bletterans)  et  dans  l'arr.  de  Saint-Claude,  Bois- 
d' Amont  (c.  de  Morez),  Longcliaumois**  (e.  de  Morez), 
Saint-Laurent-Grandvaux**.  Nous  touchons  de  nou- 
veau à  la  frontière   suisse  et  au  pays  de  Gex^ 

Tout  près  du  Jura,  on  trouve  ii,  v  -{-'à  dans  la 
Saône-et-Loire^  à  Savigny  '  c.  de  Beaurepaire),  à  ^Sagy* 

1.  Cf.  n,  r  +  o  à  Sancey,  d'après  Nédey,  Rem.  sin-  le  pat.  de  6'., 
in  Rri: .  de  Phll.  fr. .  XI.  123;vo(zj  à  Bournois  d'après  Ch. 
Roussey,  Jean  f^/ ni  danse,  in  Rec.  des  pat.  rjal .-rotn.,  IV,  255 
sqq.;  nô.v  rôs  à  Montbéliard,  d'après  Contejean,  qui  attribue  à  à 
différentes  prononciations,  oe,  aoe,  aoiie,  oiie  suivant  les 
lieus. 

2.  Monnier  (Vucab.  du  Jura,  in  Mrm.dr's  Antlf/.,  VI,  257)  si- 
gnale n,  c  4-  o.  avec  substitution  de  .s^'  à  no,  ro  rég.  dans  la 
conjugaison  des  verbes  r»''fléchis,  particularit'J  qu'on  rencontre 
encore  ailleurs. 

3.  Un  2*  corr.  donne  on  =  nous  au  cas  sujet. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  187 

(même  canton),  à  Autliumes  (c.  de  Pierre),  dans  Tarr. 
de  Loulians,  et  à  Navilly*  (c.  de  Verdun),  dans  l'arr. 
de  Clialon.  Dans  le  reste  du  département,  sauf  à  la 
lisière  méridionale,  (5  ne  s'est  maintenu  (|u'isolément,  à 
Dezize*  (c.  de  Couches-les-Mines),  à  Antully*  (c. 
d'Autun),  à  Épinac*^à  Cliarbonnet-sur-Arroux  (c.  de 
Mesvres)  et  à  Saint-Béiain  i c. de  Monlcenis)^  dans  l'arr. 
d'Autun.  Au  nord  des  arr.  de  Cliarolles  et  de  Mâcon, 
on  ne  signale /i,  c  -\-  o  (|u'à  Rigny  (c.  de  Gueugnoni,  à 
Saint-Agnan  et  aus  Guerreaux  'c.  deDigoin  à  la  Guiclie, 
àAmeugny  c.  deSaint-Gcngouxj.  Mais  il  devient  plus 
fréquent  au  sud  sur  les  confms  de  la  Loire  et  du 
Rhône,  dont  la  partie  septentrionale  appartient  aussi 
au  domaine  de  /?,  r  -\-  o.  On  nous  le  signale  en  effet  à 
Saint-Igny-de-Roche  (c.  de  Cliauft'ailles)  et  à  Saint- 
Racho  (c.  de  la  Clayette)^  dans  l'arr.  de  Cliarolles,  à 
Matour,  à  Tramayes,  à  Germolles'„  à  Saint-Léger,  à 
Saint-Pierre,  dans  l'arr.  de  Màcon;  et  tout  près  de  là, 
au  nord  de  l'arr.  de  Villefranche^  dans  le  Rhône, 
à  Trades,  à  Saint-Mamert  et  à  Saint-Bonnet-de- 
Bruyères  (c.  deMonsols),  aus  Ardillats  (c.  de  Beaujeu); 
au  nord-est  de  l'arr.  de  Roann(s  dans  la  Loire,  à  Bel- 
mont,  à  Pouillv  et  à  Nandax  c.  de  Charlieu). 

En  dehors  de  ces  quelques  localités,  on  trouve  encore 
n^  c  -\-  o  dans  la  Loire,  sur  la  rive  droite  du  fleuve,  à 
Fourneaux  (c.  de  Saint-Symphorien-de-Lay),  àSainte- 
Colombe  (c.  de  Nérondej  où  o  a  le  timbre  ouvert,  à 
Essertines  (c.  de  Feurs),  à  Izieux  (c.    de   Saint-Cha- 

1.  ô  de  no,  co  se  distingue  à  peine  de  on  dans  la  Saône-et- 
Loire:  notre  corr.  d'Épinac  éci-it  nan,  en  faisant  remarquer  que 
la  prononciation  de  ati  se  rapproche  de  celle  de  ou. 

2.  Cf.  Combler,  Contes  en  pat.  de  Gernioll.es,  in  Reçue  des 
Pat.,  I,  134  et  201  sqq.,  qui  donne  nô{:^)  partout. 


188  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

mond  ,  où  o  tent  à  s'affaiblir  en  e,  à  Viricelles*  (c.  de 
Saint-Galmier),  et  /?,  r  -f-ôsiirla  rive  gauche,  àSaint- 
Didier-sur-Roohefort  c.  de  Noirétable  \  — Dans  le 
Rhône  /^  r  -[-  ^  ^'^t  signalé  à  Liergues  et  à  Charnay 
[C.  d'Anse\  à  Létra  iC.  du  Bois-d'Oingt),  aus  Chères* 
(c.  de  Limonest),  et  à  Grézieu-le-Marché*  (c.  de  Saint- 
Syniphorien-sur-Coise;  ;  n,  v  -]-  à  à  Longes  (c.  de 
Condrieu*. 

Si  nous   franchissons  la    Saône,  nous  rencontrons 

fi,  V  4-  o  sur  toute  l'étendue  dudép.  de  l'Ain,  sauf  au 
nord-ouest  dans  l'air,  de  Bourg.  Dans  Tarr.  de  Tré- 
voux, fij  v-\-o  n'est  inconnu  qu'au  nord,  à  Chaveyriat 
et  à  Vonnas,  et  à  Reyrieux'  ;  o  ouvert  est  signalé  à 
Illiat  et  à  Marlieux(c.  de  Villars-les-Dombes;  ;  à  Tré- 
voux o  hésite  entre  o  et  eu'. —  L'arr.  de  Bourg  ne 
connaît  n^  v  -\-o  qu'au  sud-est  %  à  Druillat  'c.  de  Pont- 

1 .  Gras  donne  pour  le  Forez  nos,  nos  autrou,  n's,  n\  os,  tos  au- 
tvou,  v's,  sans   indication  précise  de  lieu.    Dans  les  textes  cités, 
je  trouve  ras  suj.  à  Feurs  (p.  245),  //o.s  dans  les  montagnes  de  la 
Mideleine  (p.  2o5-2oi),  ro.ssuj.    et   rég.    à   Rive-de-Gier   (260- 
261)  qui  se  rattache  plutôt  au  domaine  du  patois  lyonnais. 

2.  Cf.  co  suj.  et  rég.,  no  rég.  au  Bois-d'Oingt  d'après  Gonnet, 
Chans.  pop.  en  pat.  du  B.-dO.,  in  Roc.  des  Pat.,  \,  129.  —Je 
=:  nous,  cos  =  cous  d'après  Bruyère,  Notes  sur  lopat.de  Gr.,  in 
Rec.  de  PhiLfr.,\\\,  284.  —  Je-cô(^)  au  sujet,  n,  c  4-  à(^)  au 
rég.  à  Mornant  et  à  Saint-Symphorien-sur-Coise,  d'après  N.  du 
Puitspelu,  Un  Conte  en  pat.  lyonnais,  in  Roc.  des  pat.,  I,  107, 
Contes  en  pat.  de  Mornant,  etRoJoles  en  pat.  li/on.,  in  Rec.  des 
Pat.,  II,  145,  226  et  302.  Cf.  Dict.  ètj/ni.  du  pat.  h/on,  p.  CX. 

3.  Voir  les  noms  dans  notre  Reçue,  t.  XII,  p.  33-34. 

4.  Cf.  co  =  cous,  no  ou  d-^e  =  nous  suj.  à  Villars-les-Dombes, 
d'après  les  Chansons  de  Le  Duc,  p.  392  sqq. 

5.  Toutetois,  au  XVIT,  siècle  on  trouve  n,  c  4-  o  à  Bourg  et  aus 
environs,  à  Pont-de-Vaux  et  aus  environs  dans  les  Xoëls  publiés 
par  Le  Duc.  Cf.  dans  les  Chansons  et  Lettres  fjatoises  du  même 
n,  c  -\-  odans  le  Temple  de  Relssouze  (p.  191),  co(^)  dans  la 
Frequeta  en  patois  de  Montrevel  (159)  et  n,  c  +  o  dans  plusieurs 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  189 

d'Ain!,  à  Pont-d'Ain,  à  Cevzériat,  à  Grand'Corent  et  à 
Villereversure  (c.  de  Ceyzériat)  ;  Treffort**  est  sur  la 
limite;  dans  ces  trois  dernières  localités  o  a  le  timbre 
ouvert.  —  Dans  l'arr.  de  Belley,  on  trouve  partout  n,  v 
-\-o\  avec  un  o  ouvert  à  Vaux,  à  Virieu,  à  Peyrieu,  à 
Ruffieu,  à  Fitignieu,  à  Corlier^  —  Dans  l'arr.  de 
Nantua,  lesud  et  l'est  appartiennent  au  domaine  de 
n,  c  -{-o  avec  Petit- Abergement  (c.  de  Brénod),  Villes, 
Arlod  c.  de  Chàtillon-de-Michaille)  ;  o  a  le  timbre 
ouvert  à  ^Saint-Alban  (c.  de  Poncin),  à  Ceignes 
(c.  dlzernore),  à  Corcelles  (c.  de  Brénod)  ^ 

C'est  au  contraire  un  ô  qu'on  trouve  dans  l'arr.  de 
Gex  entier  *^  où  d'ailleurs  le  plus  souvent  no  est  rem- 
placé par  o?i  au  cas  sujet. 

Au  sud  du  dép.  de  l'Ain,  n,  v-{-  o  occupe  dans  l'Isère, 
le  nord  et  le  sud  des  arr.  de  Vienne  et  de  la  Tour- 
du-Pin,  l'ouest  du  l'^'"  et  l'est  du  2®.  On  nous  le  signale 
à  Marennes  (c.  de  Saint-Symphorien-d'Ozon),  à  Saint- 
chansons  en  patois  bressan  du  XVI IP  siècle:  la  Frisquette,  Mon 
paurre  ami  Claude,  VÉbaude,  le  Duc  de  Savoie,  p.  33,  41, 
49,  54. 

1.  Voir  le  noms  dans  notre  Reçue,  t.  XII,  p.   34. 

2.  Pour  Cormaranche,  nos  deus  correspondants  ne  s'accordent 
pas:  l'un  donne  o,  l'autre  ô.  —  Les  Xocls  bu(/istes  publiés  par  Le 
Duc  ont  n,  c  +  o  pour  Saint-Rainbert  (p.  122),  Belley  (p.  128), 
Seyssel  (p.  131);  dans  son  recueil  de  Chansons,  je  trouve  n,  t"-f  o 
dans  une  chanson  Contre  les  Nobles  en  patois  de  Champagne 
(p.  143),  dans  le  Grand  Capitaine  et  le  Tabac  (p.  259  et  269),  en 
patois  de  Belley.  —  Cf.  encore  vo  sujet  dans  la  trad.  de  la  Benaïta 
en  pat.  de  Cormaranche  {Rcc.  des  Pat.,  I,  133);  vô(:2}  —cous  à 
Sutrieu,  d  après  F.  Pelen,  Modif.de  la  toni'jue. dans  noive  Reçue, 
XI,  30V)  sqq. 

3.  Cf.  no(.:;)-co(.:)  à  Jujurieux  d'après  Philippon,  p.  40. 

4.  Voir  les  noms  dans  noiv^Recue,  XII, 34;  cf.  n,  c  +  o(j)  dans 
le  texte  en  patois  de  Gex  publié  par  Le  Duc.  Chansons,  p.  285 
sqq. 


190  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Pierro-de-Cliandiou  et  à  Saint -Georges-cVEspéranclie 
(c.  dlIevrioiO,  ans  Côtes-d'Arey  (o.  do  Vienne  N.),  à 
Semons;  et  à  Faramans  (c.  de  la  Côte-Saint-Andi'é)\  à 
Reaurepaireet  à  Pommier  i^^e. de  BeaurepainO;  /',  r-\-o 
pénètre  dans  l'arr.  de  Saint-Mareellin,  à  P(mio1  fe.  de 
Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs).  Dans  l'an',  de  la  Tour- 
du-Pin.  on  eonnaît  /?,  r  -|-r>à  Oy(Mi,  à  Cliaravines'  et 
au  l^in  (e.  de  Virieu),  à  Pressins  et  à  Cliimilin  e.  du 
Pont-de-Beauvoisin),  à  Saint- Claii-de-la-Tour  et  à 
Faverges  (e.  de  la  Tour-du-Pin),  aus  Avenières  et  à 
Bouvesse-Quirieu  (c.  de  Alorestel),  à  Ilières  (c.  de 
Crémieii;.  —  Dans  Tarr.  de  Saint-]Marcellin  et  dans  la 
vallée  de  l'Isère,  à  travers  l'arr.  de  Grenoble,  n,  v-\-o 
se  mêle  à  ?i,  v  -\-  e;  toutefois,  on  trouve  n,  v  -f-  o  pur 
à  Bresson  (e.de  Grenoble)et  à  ^Méandre'  (c.du  Villard- 
de-Lans),  îî,v-\-o  à  Lans  et  au  Villard-de-Lans,  où  le 
sujet  f^  pers.  n'est  pas  exprimé. 

Le  mélange  des  formes  en  o  et  des  formes  en  e  se 
produit  aussi  à  l'ouest  de  la  Savoie^  ;  mais  nous  trou- 
vons n,  V  -\-  o  k  l'état  pur,  avec  o  à  Saint-Georges- 
d'Hurtières  dans  l'arr.  de  Saint-Jean-de-Maurienne  % 
avec  6  à  Séez^  dans  l'arr.  de  Moutiers,  à  Mercury-Gé- 

1.  A  ajouter  Commelle  dans  le  même  canton,  d'après  des  ren- 
seignements fournis  par  M.  Vincendon,  prof,  au  lycée  du  Puy. 

2.  A  ajouter  non  loin  de  là.  Saint-Nicolas-de-Macherin  (c.  de 
Voiron,  arr.  de  Grenoble),  d'après  Vial,  Vie  d'un  boa  Curé  de 
campatjno.  Grenoble-  \^^\,  passim. 

3.  A  Méandre,  o  de  //o,  ro  est  un  o  sourd,  voisin  de  o//,  dit 
notre  corr.  :  nous  sommes  en  effet  tout  près  du  domaine  méridio- 
nal de  n.,  r  -f  ou. 

4.  Cf.  toutefois /îo-ro  aus  Beauges  (arr.  de  Chambéry),  d'après 
la. Paroh.,  in  Stat.  du  Mont-Blanc  par  M.  de  Verneilh,  Paris, 
1807,  p.  304-306. 

5.  A  ajouter  Aiguebelle  d'après  la  Parabole,  ibUl.,  p.  304-306. 

6.  Cf.  cos  dans  une  Une  Chanson  en  pat.  de  Sèe^,  dans  notre 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  191 

milly  (c.  d'Albertville),  dans  l'arr.  d'Albertville,  à 
Grésy-siir-Aix  (c.  d'Aix),  dans  l'arr.  de  Cliambérv\ 

As  V  -\-  o  domine  aussi  dans  la  Haute-Savoie*,  où 
no  sujet  est  le  plus  souvent  suppléé  par  on;  b  est 
signalé  à  Pers-Jussy  et  à  Doussard.  Le  domaine  d(* 
n,  V  -\-  o  s'étent  aussi  au  delà  de  la  frontière,  sur  la 
plus  grande  partie  de  la  Suisse  romande,  à  en  juger 
d'après  les  traductions  de  la  Parabole  publiées  par 
Bridel  à  la  suite  de  son  Glossaire  et  par  la  Société  des 
Anti(|uaires  de  France ■\ 

2''  Développement  partiel  de  o  en  ou 

Aus  points  de  contact  des  domaines  de  Ji,  v  -{-  o  et 
de  n,  r -|-  ou,  les  formes  en  oit  se  mêlent'  frécjuem- 
ment  aus  formes  en  o;  elles  envahissent  tantôt  le  sujet, 
tantôt  le  régime,  tantôt  la  1^'',  tantôt  la  2*^  personne. 

O  s'est  développé  en  ou  seulement  au  sujet  1,  tan- 

Rcr.  des  Patois,  1,  226.  —  Dans  la  Haute-Tarentaise,  on  dit  no- 
va d'après  la  Stat.  du  Mont-Blanc;  dans  les  textes  cités  par  Pont, 
()rl()uœs  du  pat.  de  la  Tar.,  on  trouve  no-co  pour  la  Tarentaise, 
ro  rég.  à  la  Gurraz,  p.  130,  no-ro  à  Hautecour  p.  131-132,  à 
Tavela,  p.  134-136,  no  sujet  à  Bellentre,  p  136,  ro  dans  la 
vallée  de  Beaufort,  p.  138  sqq. 

1.  A  ajouter  nôcà  à  Albertville,  d'après  leDict.  de  Brachet,  et 
d'après  Pont,  p.  148. 

2.  Voir  les  noms  dans  notre /?er//(?,  XII,  34-35;  cf.Duret,  Gt-ani- 
niairr  sacor/arde,  Berlin,  1893,  nô-rô,  p.  28,  et  en  note  nô-vô  à  la 
Thuile  (c.  de  Séez) 

3.  On  trouve  n,  r  +  o  k  Evolèna  (Bridel,  p.  433 j,  no  à  Vétroz 
(ihid.,  435),  n,c  -f  o  à  Sembrancher  (ibid..  p.  436),  no  à  Grj'on 
{ibid.^  438),  n,  c  +  o  à.  Montreux  {ibid.,  441),  dans  la  Basse- 
Gruyère  (ibid.,  p.  445:  cf.  Mi'in.  des  Ant .  VI,  543),  no  à 
Saint-Cierge  (ibid.,  451),  n,  r  -f  o  à  Estavayer  (ibid.,  449  ;  cf. 
Mêin.  des  Ant.,  VI,  541);  ro  à  Saint-Maurice  {Mcni.  des  Ant., 
VI,  531)  et  dans  le  c.  de  Genève  {ibid.,  540). 


19'2  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

dis  qu'il  persiste  au  sujet  2  et  aus  régimes  1  et  2  dans 
le  c.  de  Cliàtel  (arr.  d'Épinal,  Vosges). 

C'est  au  contraire  le  sujet  seul  de  la  2''  pers.  qui  a 
été  atteint  dans  quelques  communes  de  la  Haute-Saône, 
à  Baulay*  (c.  d'Amance),  àBétoneourt*  (c.  de  Vitrey), 
à  Chantes*  c.  de  Scey-sur-Saône),  dans  l'arr.  de 
Vesoul  ;  à  Vellexon*  (c.  de  Fresnes)  et  à  Broyé*  (c.  de 
Pesmes),  dans  l'arr.  deGray\ 

Dans  le  Rhône,  à  Saint- Vérand*  (c.  du  Bois-d'Oingt) 
ou  n'a  pénétré  qu'au  régime  1  '.  —  11  a  envahi  aussi 
le  régime  2,  tandis  que  o  persiste  aus  sujets  1  et  2,  à 
SaintrEusèbe '  (c.  du  Mont-Saint-Vincent),  arr.  de 
Chalon,  Saône-et-Loire),  où  Ton  dit  n,v^  à  au  sujet, 
ji,  V  -\-  ou  au  rég.  De  même  à  la  Bolle  (c.  de  Saint-Dié, 
Vosges)  on  trouve  quelquefois  n,  v  -f-  ou  au  régime. 

ô  ne  s'est  maintenu  qu'au  sujet  1  à  Sigy-le-Châtel 
(c.  de  Saint-Gengoux,  arr.  de  Mâcon,  Saône-et-Loire); 
qu'au  sujet  2  à  Toulon-sur-Arroux  (arr.  de  Charollesj;  • 
aus  autres  cas,  il  a  été  remplacé  par  ou. 

3^  Développement  partiel  en  eu 

O  est  passé  à  eu^  sans  doute  par  l'intermédiaire  de 
oUj  à  la  1^^  pers.  seulement,  à  Quincié  (c.  de  Beaujeu, 
Rhône)  ;  îieu  s'est  même  affaibli  en  nez)  au  cas  sujet  en 
position   proclitique;  vo  s'est  maintenu,  toutefois  on 

1.  A  Vellexon,  on  trouve  aussi  von  à  côté  de  vo  au  rég. 

2.  .V,  c -f  o// apparaît  dans  le  dialecte  lyonnais  au  XVII'  siècle 
dans  la  Bcrnarda  Buyandiri;  dsiiiH  la  Ville  de  Lyon  en  vers  hur- 
lesques^  on  le  trouve  aussi  à  côté  de  r/,  r  -j-  o  plus  fréquent.  Dès 
le  XVI*  siècle,  on  trouve  n.  v  +  ou  seulement  au  sujet  dans  la 
Checauc/ièe  de  Vâne  (1566).  Cf.  Philippon,  Rec.  lyonnaise,  VIII, 
635. 

3.  On  trouve  aussi  quelquefois  com  au  sujet. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  198 

trouve  veit  dans  les  plirases  interrogatives  :  ko  veli  veu? 
k  atédi  veu^f  —  Même  développement,  mais  à  la 
2^  pers.  à  Mercury-Gémilly  {•àvr.  et  c.  d'Albertville. 
Savoie),  où  l'on  a  /?  -(-  o,  mais  r  -|-  eu  au  sujet  et  au 
régime*.  —  A  Juré  (c.  de  Saint-Just-en-Chevallet,  arr. 
de  Roanne,  Loire),  reti  et  vo  semblent  coexister  au 
suj.  et  au  rég.,  mais  au  suj.  1,  le  développement  s'est 
poursuivi  pour  aboutir  à  ne  dev.  cons.,  n  dev.  voy.  ; 
b  ne  persiste  plus  qu'au  rég.  2. 

4°  Affaibli ssement  partiel  en  e 

N,v  -\-o  s'affaiblit  très  fréquemment  en  /?,  r  +  e, 
de  préférence  au  sujet,  mais  quelquefois  aussi  au 
régime  ;  l'alïaiblissement  atteint  plus  souvent  la 
l^*^  pers.,  plus  rarement  la  2*^. 

a)  Au  sujet  1  seulement.  —  A  Lagnieu  (arr.  de 
Belley,  Ain;,  no  sujet  persiste  devant  cons.,  mais  s'af- 
faiblit en  nés  dev.  vov.  C'est  l'inverse  à  Pont-d'Ain 
(arr.  de  Bourg),  où  l'on  dit  nos  dev.  voy.,  ne  ou  no 
dev.  cons.  —  A  Pinsot  (c.  d'AUevard,  arr.  de  Gre- 
noble, Isère)  et  à  Saint-Didier-sur-Rocliefort'  (c.  de 
Noirétable,  arr.  de  Montbrison,  Loire  ,  l'afEaiblisse- 
ment  ne  se  produit  pas  devant  cons.,  mais  devant 
voy. ,  710  se  réduit  à  n  avec  disparition  complète  de 
la  sifïlante  de  liaison. 

L'alïaiblissement  est  un  peu  plus  complet  à  Planaise 

1 .  Dans  la  Serrante,  en  patois  de  Lagnieu  (Ain),  publiée  par 
Le  Duc,  Chansons,  p.  118,  je  trouve  aussi  neu  au  suj.  et  au  rég., 
mais  ro. 

2.  On  dit  aussi  ro  au  suj.  et  au  rég..  mais  ven  est  plus  fréquent; 
teu  tent  d'ailleurs  à  passer  à  ve,  comme  l'indique  notre  correspon- 
dant. 

3.  A  Saint-Didier,  on  dit  aussi  rou  au  suj.  et  au  rég. 

REVUE  DE  rHILOLOniE,  XIII  1.3 


194  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

(c.  de  Montmélian,  arr.  de  Chambérv,  Savoie)  et  à 
Livet-et-Gavet^  (c.  de  Bourg-d'Oisans,  arr.  de  Gre- 
noble, Isère  où  l'on  a  ne  dev.  cons.,  ne.:-  dev.  voyelle. 

—  Entin  ne  dev.  cons.  se  réduit  à  n  devant  voy.,  par 
suite  de  la  sifflante,  dans  la  vallée  de  Tlsère^  à  la  Buis- 
sière  (c.  du  Touvetj,  à  Moutaret  et  à  Saint-Pierre- 
d' AUevard  (c.  d'Allevard),  à  Pontcliarra  (c.  de  Gonce- 
lin),  à  Saint-Ismier  ^c.  de  Grenoble  E.).  Il  en  est  de 
même  dans  la  Loire^  à  Ailleux  (c.  de  Boën,  arr.  de 
Montbrison),  à  Champoly*  et  à  Juré'  (c.  de  Saint- 
Just-en-Clievallet,  arr.  de  Roanne). 

h)  Au  sujet 2  seulement.  — L'atïaiblissement  semble 
comporter  les  mêmes  degrés  à  la  2''  pers.  qu'à  la  l^''  ; 
mais  il  est  beaucoup  plus  rare.  Le  plus  souvent  même, 
il  ne  se  produit  que  dans  les  tournures  interrogatives, 
où  la  désinence  verbale  étant  fortement  accentuée,  le 
pronom,  placé  après  le  verbe,  est  un  véritable  encli- 
tique. Tel  est  le  cas  dans  l'Ain,  à  Marlieux  (c.  de  Vil- 
lars,  arr.  de  Trévoux),  où  Ton  dit  ke  veli  ve,  katèndi 
re;de  même  à  Gex  et  à  Divonne  yarr,  et  c.  de  Gex). 

—  Dans  la  Saône-et-Loire,  à  Cussy*  (c.  de  Lucenay- 
l'Évêque,  arr.  d'Autun),ro  persiste  devant  cons.,  mais 
se  réduit  à  v  devant  vov.  :  v  énié,  v  étandé\ 

c)  Aus  sujets  1  et 2  seulement.  — Les  deus  pronoms 
ne  sont  pas  absolument  traités  de  même  à  Pont-Tram- 
bouze  'c.  de  Thizy,  Rhône),  où  no  ne  s'affaiblit  en  ne 
que  dev.  voy.  ;  vo  s'affaiblit  partout  en  ve,  mais  il  per- 

1.  A  Livet-et-Gavet^  on  trouve  quelquefois  nou  au  rég.,  com  au 
suj.  et  au  rég.  à  côté  de  vo.  Cf.  nc{;;)  sj.-no(:r)  reg.,  ro{.^)  à 
Vionnaz  d'après  M.  Gilliéron. 

2.  A  Champoly,  no  se  réduit  à  /i,  même  devant  cons. 

3.  A  Juré,  on  trouve  aussi  ceii  suj.  et  rég.;  un  2*  corr.  ne  donne 
que  cette  forme. 

4.  A  Cussy,  cou  et  co  coexistent. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGIOxN    LYONNAISE  195 

siste  après  le  verbe,  dans  les  interrogations,  où,  con- 
trairement à  ce  qui  a  lieu  dans  l'Ain,  il  est  fortement 
accentué  :  ke  veuli  ro,  katèndi  vo.  —  Mais  l'accord 
entre  les  deus  pronoms  est  complet  à  Saint-Jean-de- 
Bournay^  (arr.  de  Vienne,  Isère),  et  à  Meythet*  (c. 
d'Annecy  S.,  Haute-Savoie),  où  l'on  trouve  n,  v  -\-e{^). 

d)  Au  régime  1  seulement.  —  Ce  cas  ne  se  présente 
qu'à  la  Côte-Saint- André  (arr.  de  Vienne,  Isère),  où 
l'on  dit  ne  au  rég.,  mais  n,  v  -\-  o  partout  ailleurs,  sauf 
après  le  verbe  :  ke  vol^é  ve,  Latand-'éve. 

e)  Au  sujet  et  au  régime  1.  —  L'aiîaiblissement 
n'est  complet  qu'au  sujet  ne(^)  à  Quincié(c.  de  Beau- 
jeu,  Rhône)  ;  le  rég.  est  neu;  va  persiste  au  sujet  et  au 
rég.  ;  toutefois  on  dit  ke  veli  veu,  katédi  veu. —  L'affai- 
blissement est  complet  à  Saint-Offenges-Dessous 
(c.  d'Aix-les-Bains,  arr.  de  Chambéry,  Savoie),  mais  la 
sifflante  se  maintient  et  se  fait  sentir  même  devant 
cons.  :  de  là  la  forme  n'^  au  sujet  et  au  rég.  —  Dans 
une  autre  partie  de  la  Savoie^  à  Grignon^  farr.  etc. 
d'Albertville)  et  dans  l'Isère,  à  Voreppe*  (c.de  Voiron), 
à  Vinay,  à  Revel  (c.  de  Beaurepaire),  à  la  Tour-du- 
Pin",  on  dit  ne  dev.  cons.  ne-^  dev.  vov.  —  Dans  une 
partie  de  l'arr.  de  Saint-Marcellin  (Isère),  la  sifflante 
disparait   complètement  au  sujet,    même  dev.   voy., 

1.  A  Saint-Jean-de-Bournay^  on  trouve  quelques  restes  de  o 
par  exemple  katanduà  vo  à  côté  de  ke  vol'Jè  ce. 

2.  A  Meythet,  l'affaiblissement  atteint  aussi  le  régime  en  posi- 
tion proclitique  devant  un  autre  pronom  :éo''*î6  rakonte=  il  vous 
le  raconte. 

3.  Vo  ne  s'affaiblit  en  ve  à  Grignon  qu'après  le  verbe  :  ke  vol'Jè 
ve,  katèndyè  ve. 

4.  Un  2'  corr.  indique  «o/^  rég.,  vice  suj.  et  rég.,  tre  suj .  encli- 
tique après  le  verbe. 

5.  A  la  Tour-du-Pin,  vo  s'affaiblit  aussi  en  ve,  mais  seulement 
après  le  verbe. 


196  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

d'où  la  forme  iie-ii  ;  mais  au  rég.  elle  persiste  même 
dev.  eons.  ;?t'j;tel  est  le  casa  Sillans  (c.  de  Saint- 
Étienne-de-Saint-Geoirs)  et  sans  doute  aussi  à  Saint- 
j\Iicliel-de-Saint-Geoirs;  à  Saint-Paul -d'Izeaux,  à  la 
Forteresse  et  peut-être  à  Yatilieu,  dans  le  c.  de  Tul- 
lins.  —  Enlin  no  s'alî'aiblit  en  ne  dev.  cons.  n  dev. 
voy.  au  sujet,  en  ne  dev.  cons.  et  sans  doute  7ie^ 
dev.  voy.',  au  rég.,  dans  l'arr.  de  Grenoble,  à  Noya- 
rey  (c.  de  Sassenage),  à  la  Terrasse  et  à  Saint-Hilaire 
(c.  du  Touvet),  au  Sappey  (c.  de  Grenoble  E.),  à 
Proveyzieux  (c.  de  Grenoble  N.)  et  à  Cliampagnier * 
(c.  de  Vizille). 

J)  Au  sujet  et  au  régime  2. —  Vo  s'affaiblit  en  ve 
quelquefois  au  sujet  et  au  régime,  dans  la  Saône-et- 
Loire,  à  Dezize  (c.  de  Couches-les-Mines,  arr.  d'Au- 
tun)j  où  Ton  dit:  ske  v'dite  =  ce  que  vous  dites,  v'zié 
=1  vous  ave^,  v'^ étende  z=.  vous  attende::^  sk  à^v'di 
=zce  qu'il  vous  dit  ;  dans  le  Rhône,  aus  Chères  (c.  de 
Limonest)^  où  vo  est  plus  fréquent  ;  dans  la  Haute- 
Savoie,  à  Doussard  (c.  de  Faverges,arr.  d'Annecy),  où 
la  forme  ordinaire  est  vo;  et  enfin  dans  la  Savoie  à 
Grésy-sur-Aix  (c.  d'Aix-les-Bains,  arr.  deChambéry), 
où  vo  est  aussi  plus  fréquent  ;  à  Mercury-Gémilly 
(arr.  et  c.  d'Albertville),  vo  est  général,  mais  on  trouve 
aussi  ve  ou  veu  au  rég.  et  au  suj. 

g)  Disparition  des  formes  en  o.  —  Par  suite  des 
empiétements  successifs  des  formes  faibles  sur  les 
formes  en  o,  ces  dernières  tendent  à  disparaître.  A 
Meyzieu  (arr.  de  Vienne,  Isère),  vo  régime  a  seul 
conservé  le  vocalisme  primitif,  au  sujet  et  à  la  1^^  pers. 

1.  Les  exemples  de /ïOM.s  rég.  devant  voyelle  nous   font  défaut. 

2.  A  Champagnier,'^' n'existe  que  comme  sujet  enclitique  après 
le  verbe. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  197 

on  dit  n ,  V  -{-  e.  Dans  une  commune  voisine,  à  Jons 
(c.  de  Meyzieu),  o  persiste  au  sujet  2  ro(^),  rarement 
au  rég.  qui  est  plutôt  ve;  à  la  l'"'^  pers.  on  emploie  ne 
dev.  cons.,  no^  dev.  voy.  —  Enfin^  à  Saint-Girod 
(c.  d'Albens,  arr.  de  Chambéry,  Savoie),  n,  c  -\-  o  ne 
persiste  que  devant  consonne,  sauf  au  rég.  1  ne,  et 
s'affaiblit  partout  en  71,  v  -{-  e^  dev.  voy.  Nous  verrons 
plus  loin  les  cas  où  les  formes  faibles  ont  complète- 
ment supplanté  les  formes  en  o  à  la  V^  et  à  la  2"^  pers., 
au  suj.  et  au  rég. 

^^  Développement  partiel  en  é  ou  è 

A  Chapareillan  (c.  du  Touvet,  arr.  de  Grenoble, 
Isère',  7X0  passe  à  né  dev.  cons.,  au  suj.,  mais  se  main- 
tient dev.  voyelle.  A  Bernin  (c.  de  Grenoble,  Isère), 
on  dit  7iè  dev.  cons.,  /?  dev.  vovelle.  Enfin  dans  la 
Loire,  à  Saint-Cyr-de-Favières  (c.  de  Saint-Sympho- 
rien-de-Lay^  arr.  de  Roanne^,  on  dit  nè(z)  au  suj.  et  au 
rég.,  mais  ro(^). 


VI 


LES   FORMES   n,  V  -)-   OU 

Les  formes  en  ou  occupent  trois  domaines  impor- 
tants et  assez  bien  délimités;  le  plus  considérable  com- 
prent  les  départements  du  sud  de  notre  région  (|ui  se 
rattachent  linguistiquement  au  domaine  provençal. 
Les  communes  suivantes  sont  sur  la  lisière  septentrio- 
nale de  ce  premier  domaine:  Estivareille,  Rozier,  Fir- 
miny  et  Saint-Étienne,  au  sud  de  la  Loire;  Dunières, 
Saint-Victor  et  Annonav  au  nord  de  la  Haute-Loire  et 
de  l'Ardèche;  Saint-Donat  et  Saint-Bonnet  de  Valclé- 


198                          REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE  1 

rieux,  au  nord  de  la  Drôme;  Saint-Maurice-de-rExil  et  i 
lePéage-de-Roussillon,au  sud  de  Tarr.  de  Vienne,  dans  i 
l'Isère;  Saint  Bonnet-de-Cliavae-neetPresles-en-Rovans,  j 
au  sud  del'arr.  de  Saint-Marcellin  ;  le  Gua,  Saint-Paul-  ! 
les-Monestier,  la  Motte-Saint-Martin,  laMotte-d'Aveil-  \ 
lans,    Saint-Jean-de-Vaux,   Vizille  et  le  c.  de  Bourg- 
d'Oisans   au  sud   de  Tarr.  de  Grenoble;  la  Salle,  au  i 
nord  de  l'arr.  de  Briançon,  dans  les  Hautes-Alpes.  —  i 
Le  second  domaine  de  n,  v  -\-  ou  comprent  la  Bresse, 
c'est-à-dire  l'arr.  de  Bourg,   une  grande  partie  de  la  ; 
Saône-et-Loire ;  il  faut  y  joindre  le  sud  du  Jura  et  le  ; 
sud  du  Doubs.  —  Enfin  on  trouve  /i,  r  -(-  ou  au  nord- 
ouest   du    Doubs,    au  sud   et  à  l'ouest  de  la   Haute- 
Saône,  i 

i 

1^  N,  V  -}-  ou  au  sujet  et  au  régime  ; 

N,  V  -{-  ou  ne  nous  est  signalé  sur  le  territoire   de  ' 

Belfort  que  dans  le  c.  de  Belfort  même,  où  sans  doute  | 

le  français  a  fait   sentir  son    influence.  Mais  sur  les  ' 

frontières  de  la  Haute-Saône  et  du  Douhs  n,  v  -{-  ou  \ 
est  fréquent  ;   on  le  rencontre  dans  le  Doubs  à  Abbe- 

nans   (c.    de  Rougemont),  à  Cour-les-Beaume  (c.  de  i 

Beaume-les-Dames),  à  Glamondans  et  à  Nancray  (c.  de  \ 

Roulans),  dans  l'arr.  de  Beaume-les-Dames;  à  Rigney  | 
(c.  de  Marchaux),  à  Ruffey*  et  à  Franois  (c.  d'Audeux), 

à  Avannes  (c.  de  Boussières),  à  Mamirolle  (c.  de  Be-  ^ 

sançon),  dans  l'arr.  de  BesançonV  A^  v -\-  ou   semble  \ 

isolé  dans  l'arr.  de  Pontarlier,  à  Lièvremont,  dans  le  I 

c.  de  Montbenoît  qui  ne  connaît  guère  que  les  formes  ! 

en  o.  —   Dans  la  Haute-Saône,  on  dit  n,  v  -\-  ou  à  ^' 

■y 

Montagney*  (c.  de  Pesmesj,  à  Germignev*  et  à  Apre-  f 

1 

1.  Cf.  ronf^j  dans  la  Pai-ah.  en  pat.  de  Besanr-on   (Mcm.  des 
Ant.,  VL  484). 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  199 

mont  (c.  de  Gray),  à  Bonboillon*  (c.  de  Marnay),  à 
Géziers  et  à  Autoreille*  (c.  de  Gy),  à  Dampierre-snr- 
Salon,  dans  Tarr.  de  Gray'  ;  à  Boiilt*  et  à  Butliiers 
(c.  de  Boult),à  Montbozon*,  à  Raze*  (c.  de  Scey-sur- 
Saône),  à  Noroy'  et  jusqu'à  Mersuay*  (c.  d'Amance), 
dans  Tarr.  de  Vesoul. 

Par  le  sud  de  Tarr.  de  Pontarlicr,  où,  comme  nous  le 
verrons  plus  loin,  les  formes  en  ou  se  mêlent  aus 
formes  en  e,  le  domaine  franco-comtois  de  n,  v  -f-  ou 
rejoint  le  domaine  bressan.  Ce  dernier  ne  comprent 
qu'une  faible  partie  de  l'arr.  de  Saint-Claude  avec 
Moirans',  le  sud  et  le  centre  de  l'arr.  de  Lons-le-Sau- 
nier,  avec  Blye**  et  Chille"**  (c.  de  Conliège)  et 
Bornay  (c.  de  Lons-le-Saunier)\  Dans  l'Ain,  l'arr.  de 
Bourg  appartient  presque  tout  entier  au  domaine  de 
n,  V  -|-  ou':  il  faut  excepter  au  sud-est  les  c.  de  Pont- 
d'Ain  et  de  Cevzériat  et  Trefïort.  En  revanche,  n,  v 

1.  A  Oyrières*  (c.  d'Autrey)  et  à  Champlitte*,  on  trouve  bien 
l'ou  au  rég.,  mais  le  rég.  1  se  présente  sous  la  forme  nasalisée: 
non. 

2.  De  nos  deus  corr.  de  Noroy  l'un  donne  n,  v  -}-  ou  et  2  fois 
rô  sujet;  le  2*'  /?,  ï?  +  ô  et  une  fois  co«  régime;  d'où  il  faut  conclure 
à  la  coexistence  des  deus  formes  dans  cette  région  qui  touche  à  la 
fois  au  domaine  de  o  et  au  domaine  de  ou. 

3.  Cf.  les  phrases  interrogatives  ke  voulycce?  katendè  veuf 

4.  A  ajouter  Saint-Amour,  d'après  M.  Clédat,  Lo  Patois  de  Co- 
lifjnr/  et  de  Saint- Amour,  dans  notre  Rec .  des  Pat.,  I,  161  sqq.  ; 
et  au  sud  de  l'arr.  de  Poligny,  Sirod(c.  deChampagnole),  d'après 
des  renseignements  fournis  par  M.  Fauconnet,  professeur  au  col- 
lège d'Arbois,  et  Crans  d'après  Chapuis,  Voyage  deTiènon  Za^a, 
in  Rec.  de  Phil.fr.,  IV,  b4,  passiin. 

5.  Voir  les  noms  dans  notre  Reçue,  XII,  34.  A  ajouter  Coligny, 
d'aprèsM.  Clédat,  loe.  cit.  —  On  trouve  encore  n,r  +  o?<  dans  la 
Parabole  en  pat.  bressan  publiée  dans  la  Statistique  del'Ain  par 
Bossi,  Paris,  1808,  p.  320,  et  dans  quelques  textes  du  recueil  de 
Chansons  de  he  Duc:  le  Sermon  du  curé  de  Gré^ia,  p.  420; 
Lettre  d'une  Jille  de  Marlieu,  p.  378;  Chansons  en  patois  des  en- 


:;^lX)  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

-\-ou  franchit  au  sud-ouest  la  limite  de  l'arr.  de  Bourg 
et  pénètre  dans  l'arr.  de  Trévoux  jusqu'à  Chaveyriat 
et  à  Voniias**  [c.  de  Chàtillon-sur-Chalaronne).  — 
Dans  la  Saône-et-Loire,  Uj  c  -\-  ou  n'est  fréquent  que 
dans  les  régions  voisines  de  l'Ain  et  du  Jura.  On  le 
trouve  dans  l'arr.  de  Louhans,  à  Bosjean*  (c.  de  Saint- 
Geriniiin-du-Bois'),  à  Vérissey  et  à  la  Frette*  (c.  de 
Montret),  à  Branges  c.  de  Louhans  ,  à  la  Chapelle- 
TJiècle*  (c.  de  Montpont)*,  à  Ormes*  c.  de  Cuisery),  à 
Miroir*  (c.  de  Cuiseaux^  ;  dans  tout  l'arr.  de  Chalon% 
sauf  au  sud-ouest  àSaint-Eusèbe(c.de  Mont-Saint-Vin- 
cent), où  fi,  V  -\-  ou  se  mélange  à  n,  r  -f-  o,  et  au  nord, 
à  Demigny  c.  de  Cliagny)  et  à  Navilly  (c.  de  Ver- 
dun), où  n,  v-\-o  domine;  dans  quelques  communes  de 
l'arr.  de  Mâcon,  àMalay*  (c.  de  Saint-Gengoux),  à 
Clessé*  (c.  de  Lugny),  à  Saint-Martin-de-Senozan* 
(c.  deMàcon  N.),  à  Solutré  (c.  de  Mâcon  S.)  et  à  Sainte- 
Cécile  (c.  de  Cluny).  Dans  les  deus  autres  arr. ,  à  l'ouest 
du  dép.,  Ji,  V -\- ou  ne  se  rencontre  qu'isolément  au 
milieu  des  formes  en  o  plus  fréquentes  ;  dans  l'arr. 
d'Autun,à  Épinac*,  où  6  de  no,  vo  est  un  o  très  fermé, 
proche  de  ou,  à  Cussy*  (c.  de  Lucenay-l'Évêque),  où 
l'on  trouve  aussi  les  formes  en  o\  à  Issy-l'Évéque*;  dans 
l'arr.  de  Charolles,  à  CoUonges  et  à  Joncy*  (c.  de  la 

virons  de  Bourg,  p.  223  sqq.  xV,  c  +  oii  n'est  peut-être  pas  très 
ancien  dans  l'arr.  de  Bourg;  on  trouve  en  effet  au  XVIP  siècle  //, 
r  +  f  dans  les  Noël  s  de  Pont-de-Vaux  et  des  environs  (Saint-Bé- 
nigne, Reyssouze,  Boz,  Gorrevodj  et  dans  ceus  de  Brossard  de 
Montaney  en  patois  de   Bourg,  publiés  par  Le  Duc. 

1.  Mais  vo  interrog.  :  /ce    rWc  cô,  Uatcndè  vo^   et  quelquefois 
ailleurs  après  que  ;  se  ko  dite. 

2.  Un  2'  corr.  donne  partout  «,  r  +e. 

3.  \'oir  les  noms  dans  notre  Renne,  XIII.  p.  20. 

4.  Cf.  cou  dans  la  Parah.  en  patois  du  Morvan  [Mèm.des  Ant., 
Vi,  482;. 


LES    PATOIS    DE    LA    KÉGION    LYONNALSE  201 

Guiche).  à  Sivignon  (c.  de  Saint-Bonnet-de-Joux),  à 
Oudrv  (c.  de  Palinges  ,  à  Neuvy*(^-  de  Gueugnon),  à 
Bourbon-Lancy*,  à  Vitry  (c.  de  Paray-le-Monial)  et 
à  Bourg-le-Comte  (c.  de  Marcigny),  où  Ton  trouve 
aussi  vo  au  sujet. 

Au  nord  dudép.  de  l'Isère,  au  sud  desarr.  de  Vienne 
et  de  la  Tour-du-Pin,  n,  v  -\-  ou  occupe  une  petite 
région,  entourée  de  tous  côtés  par  le  domaine  de 
n,  r  -(-  o  et  quicomprent  dans  Tarr.  de  Vienne,  Clia- 
ponnay  (c.  de  Saint-Sympliorien-d'Ozon),  Roche  (c.  de 
la  Verpillière)  ;  dans  Tarr.  de  la  Tour-du-Pin,  une 
partie  du  c.  de  la  Tour-du-Pin  avec  Cessieu,  la 
Chapelle-de-la-Tour  et  Saint-Didier-de-la-Tour.  Les 
Avenières  (c.  de  Morestel),  où  l'on  dit  fwn,  rou 
d'après  un  de  nos  correspondants,  /7o,  vo  d'après  deus 

autres,  est  sur  la  limite  au  nord-est. 

Le  domaine  provençal  de  /?,  v  ~\- on  est  bien  ])lus 
étendu  que  les  précédents;  mais  le  pronom  sujet  n'est 
guère  exprimé  que  sur  la  lisière  septentrionale,  de- 
puis le  sud  de  la  Loire  jusqu'au  nord  des  Hautes- 
Alpes,  à  Montbrison  d'après  Gras  {Dict.,  p.  232-233), 
à  Firminy*  et  à  Saint-Etienne  dans  la  Loire,  à  Anno- 
nay  d'après  la  Parah.  [Mém.  des  An  t.,  VL  516),  dans 
l'Ardèche  ;  à  Saint-Donat  arr.  de  Valence),  dans  la 
Drome;  dans  l'Isère,  à  Saint-Bonnet-de-Chavagne  (arr. 
et  c.  de  Saint-Marcellin),  à  la  Motte-Saint-Martin  et 
à  la  Motte-d'Aveillans  (c.  de  la  Mure),  à  Vizille^  dans 
le  c.  de  Bourg-d'Oisans,  à  la  Garde,  à  Villard-Reculas, 
auFréney,  à  Livet-et-Gavet,  à  Auris*  ;  enfin  dans  les 

1.  Les  indications  de  notre  correspondant  de  Vizille  ne  sont 
pas  claires  :il  traduit  partout  nous,  cous  français  par /«o?<5^  cous; 
mais  en  note  il  indique  la  forme  ne{^)  ;  il  est  à  noter  que  Vizille 
touche  à  la  région  où  dominent  les  formes  alîaiblies  en  c. 

2.  Toutefois  à  Auris,  on  dit  au  sujet  2o(.<)  avant  le  verbe,  ous 


202  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Hautes- Alpes,  à  la  Salle  'c.  du  Monêtier),  et  d'après 
Chabrand  et  de  Rochas  dans  tout  le  Brianeonnais  et 
dans  les  vallées  vaudoisesd'Oulxet  de  Pragelas. 

Plus  au  sud,  le  pronom  sujet  est  généralement  sup- 
primé et  /?.  r  -{-  ou  ne  s'emploie  qu'au  régime;  quand 
il  est  expiiuK'  n,  r  -|-  ou  est  gén(M^alement  joint  à 
au  tirs.  Quelcjuefois  aussi  la  sifflante  de  liaison  passe 
ày  ouà  yod,  comme  on  l'a  vu  plus  haut. 

2''  N,  V  -|-  ou(z)  -f-  (autres) 

D'après  M.  Meyer-Lûbke  (Gramm.  des  L.  rom.,  II, 
p.  103  de  la  trad.),  autres  est  plus  souvent  joint  à  la 
2^  pers.  (pi'à  la  1^"^.  Nous  ne  trouvons  pas  trace  de  ce 
fait  dans  l'état  actuel  de  nos  patois.  Au  contraire, 
l'adjonction  de  autres  ne  nous  est  signalée  qu'après 
nous,  à  Prestes  (c.  de  Pont-en-Royans,  arr.  de  Saint- 
Marcellin),  dans  l'Isère,  et  à  Gras  (c.  de-Bourg-Saint- 
Andéol,  arr.  de  Privas),  dans  l'Ardèche.  Faut-il 
croire  que  c'est  par  accident  que  nos  correspondants 
ne  nous  signalent  pas  cou  -\-  [autres)  ? 

Autres  se  joint  aus  deus  pronoms  dans  l'Isère,  au 
sud  de  l'arr.  de  Grenoble,  à  Mens  et  à  Cornillon  (c.  de 
Mens),  où  d'ailleurs  le  pr.  sujet  est  le  plus  souvent 
supprimé;  dans  les  Hautes-Alpes,  à  Barcillonnette'; 
dans  la  Drôme^  à  Sauzet  (c.  de  Marsanne,  arr.  de 
Montélimar)  ;  dans  l'Ardèche,  à  Béage  (c.  de  Mont- 
pezat),  et  à  Coucouron,  dans  l'arr.  de  Largentière,  à 
Lavilledieu  'c.  de  Villeneuve-de-Berg)  et  à  Baix  (c.  de 

après.  Pour  Livet-et-Gavet,    un  corr.  donne   nei^)  suj.,  non  rég., 
r:o{-z)  ou  cou{::)  suj.,  coi:^)  rég.   Le  2'  donne  roa(^)  partout,  mais 
noun  suj.  et  rég. 
1.  Cf.  même  indication  dans  Chabrand  et  de  Rochas. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  203 

Cliomérac),  dans  l'arr.  de  Privas^  ;  à  Boftres  (c.  de 
Vernoiix),  à  Saint-Victor  (c.  de  Saint-Félicien),  à 
Devesset  (c.  de  Saint- Agrèvo),  à  la  Cliapelle-sous- 
Chanéac  (c.  de  Saint-Maitin-de-Valanias,  dans  l'arr. 
de  Tournon";  dans  la  ITaute-Loire,  à  Saint-Voy  et  au 
Charabon-de-Tence,  dans  l'arr.  d'Yssingeaux,  et  dans 
tout  l'arr.  du  Puy^  L'adjonction  de  autres  est  parti- 
culièrement fréquente  dans  rArdèche  et  dans  la 
Haute-Loire,  mais  nulle  part  nousaati'cs,  vous  aut/'cs, 
ne  se  réduisent  à  nautre,  vautre,  comme  sur  d'autres 
points  du  territoire  provençal.  Cf.  Mistral^  Trésor, 
s.  V.  nous,  vous. 

3^  Développement  partiel  en  eu  et  en  u 

Le  mélange  de  ou  et  de  eu  ne  nous  est  signalé  que 
dans  l'Ain,  à  Izernore  (arr.  de  Nantua),  où  nou  n'a 
persisté  qu'au  régime. 

Le  développement  en  u  est  très  rare.  Mistral  donne 
nus  et  nus  autreis  pour  l'Auvergne.  Dans  la  partie  de 
la  Haute-Loire  qui  appartient  à  l'Auvergne,  on  dit 
nu.^  -\-  {autres)  à  Frugières-le-Pin  (c.  de  Paulhaguet, 
arr.  de  Brioude).  On  trouve  encore  nu  au  régime  seu- 
lement, dans  la  Loire,  à  la  Fouillouse  (c.  de  Saint- 
Héand,  arr.  de  Saint-Etienne) \  et  dans  la  Drôme,  à 
Triors  (c.  de  Romans,  arr.  de  Valence^). 

1.  Cf.  nous  aoiitri^w].  dans  une  chanson  en  patois  de  Bourg- 
Saint- Andéol,  citée  |>ar  le  D'  Francus  (A.  Mazon).  Voi/at/c  le 
long  do  la  rivièro  de  l'Ardèc/ie,  Privas,  3885,  p.   293. 

2.  A  ajouter  Gilhoc  d'après  Clugnet. 

3.  Voir  les  noms  dans  notre  Renie,  XII,  4. 

4.  A  la  2*^  pers.,  on  a  o  au  suj.,  cou  au  rég. 

o.  Le  sujet  n'est  pas  exprimé  a  la  1"  pers.  à  Triors;  à  la  2'  on 
dit  cou  suj.  et  rég.  Je  trouve  encore  nu  rég.  dans  les  chroniques 
en  patois  que  publie  V Impartial  de  Romans  et    du  Bourg-de- 


204  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

4'^  Développement  pa/'fiel  en  we 

Dans  le  c.  do  La  marche  (arr.  de  Neufcliàteau, 
Vosges",  on  dit  ace  au  sujet  devant  voyelle  et  devant 
consonne,  et  au  régime  mn,  ro  rarement  r^rc  ;  è  vwe 
le  rèconfe=  il  cous  le  raconte.  Le  régime  est  non. 

5^  Affaihlisscnient  paiiiel  en  e 

Le  mélange  des  formes  en  on  et  des  formes  en  e 
présente  les  mêmes  variétés  que  celui  de  o  et  de  e. 

a)  Au  sujet  1  seulement.  —  Non  persiste  devant 
cons.,  maii^  s'alïaiblit  en  7i(^^~  devant  voyelle  à  Saint- 
Jean-de-Vaux  (c.  de  Vizille,  arr.  de  Grenoble,  Isère). 
—  Inversement,  on  dit  /?e  dev.  cons.,  /?oz/.j  dev.  voy., 
à  Saint-Haon  (arr.  de  Roanne,  Loire  ,  où  d'ailleurs  on 
trouve  aussi  ne^-.  —  La  réduction  de  nou[:^}  à  ne(^) 
est  complète  à  Saint-^Savin  (c.  de  Bourgoin,  arr.  de  la 
Tour-du-Pin),  à  Vizille  (arr.  de  Grenoble),  à  Livet-et- 
Gavet  (c.  de  Bourg-d'Oisans),  où  nou  existe  aussi, 
dans  l'Isère  ;  à  Saint- Amour,  (c.  de  la  Chapelle-de- 
Guincliay,  arr.  de  Màcon),  dans  la  Saône-et-Loire.  — 
Enfin,  on  trouve  le  dernier  degré  de  Taffaiblissement, 
ne  dev.  cons.,  n  dev.  voy.,  dans  le  Doubs,  à  Bians- 
les-Usiers  (c.  de  Levier),  aus  Fourgs  (c.  de  Pon- 
tarlier),  à  Boujeons,  à  Remoray  et  aus  Pontets  (c.  de 
Moutlie),  dans  l'arr.  de  Pontarlier;  dans  la  Saône-et- 
Loire,  à  Saint-Sorlin  c.  de  Màcon  N.);  dans  la  Loire, 
à  Saint-Rirand  (c.  de  Saint-Haon,  arr.  de  Roanne'). 

Pi'fifjc  (notamment  n"  du  15  septembre  et  du  2.5  août  1808);  cf. 
toutefois  l.c  nous  ijuccrnant  =  qui  nous  (joncri-nr.nt ^  sans  doute 
par  raison  d'euphonie,  pour  éviter  deus  u  de  suite. 

1.    Cf.   les   mêmes   formes  dans  la   Ckanson  de  la    Vif/ne  en 
patois  d'Ambierle  (c.  de  Saint-Haon  i,  citée  par  Noëias,  Làf/endcs 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  205 

b)  Au  sujet  2  seulement.  —  A  Moirans  (arr.  de 
Saint-Claude,  Jura)^  vou  sujet  après  le  verbe  tent  à 
s'ali'aiblir  en  C(?;  notre  correspondant  donne  ke  voulu è 
ve^  mais  Itatandè  vou.  A  Germigney  (arr.  et  c.  de 
Gray,  Haute-Saône),  Taflaiblissement  se  produit  tou- 
jours dans  ce  cas  :  Ae  vente  ve,  Ii'atchidè  ve.  —  Enfin 
dans  le  c.  de  Neufcliâteau  et  en  particulier  à  Barville 
(Vosges), on  dit  ve,  r  partout  au  cas  sujet. 

c)  Au  sujet  1  et  2.  —  Tel  est  le  cas  dans  la  Saône- 
et-Loire,  à  Clianes  (c.  de  la  Chapelle-de-Guinchay, 
arr.  de  Mâcon),  où  le  sujet  est  n,  v  -\-  e(^),  mais  le  rég. 
n,  v-\-  ou\ 

cl)  Au  sujet  et  au  rég.  1 .  —  On  dit  ne{.^)  à  Vignieu 
(arr.  et  c.  de  la  Tour-du-Pin,  Isère)^  mais  vou  le  plus 
souvent  à  la  2^  pers.  ;  ne  dev.  cons.  et  dev.  voy.  au 
Péage  -  de  -  Roussillon  (c.  de  Roussillon,  arr.  de 
Vienne^). 

e)  Au  sujet  et  au  vé(j.  2.  —  Dans  le  c.  de  Coussey* 
( Vosges) j  vou  se  réduit  partout  à  v,  mais  non  persiste 
au  rég. 

j)  Au  régime  1  et  2.  —  Dans  la  Saône-et-Loire,  à 
la  Truchère  (c.  de  Tournus,  arr.  de  Mâcon),  nou,  vou 

ci  Traditions  forè.^lc.nnes,  Roanne,  1865,  p.  163-166,  et  dans 
quelques-uns  des  textes  de  Gras,  pour  la  plaine  de  Montbrison 
(p.  237-238),  pour  Boën  (p.  240),  pour  Cremeaux  (p.  249-250).  — 
A  Saint-Étienne^  d'après  la  Cronni'/ua  Ga/yàsst,  publiée  chaque 
jeudi  par  le  journalLct  Loire,  on  dit  nou  dev.  cons.,  n  dev.  voy. 

1.  Vou  suj.  s'est  conservé  après  le  verbe  :  /.'c  cli  vou  =  que 
voulez-cous  f  \\  s'affaiblit  quelquefois  au  régime:  tou  ski  v  di 
=  tout  ce  qu'il  cous  dit,  i  c'ie  raconte  =  il  vous  le  raconte. 

2.  Vou  persiste  géLéraleoient,  mais  se  réduit  à  ve  après  le 
verbe.  Cf.  /ie(.v),  vou(^~),  sujet  et  rég.  a  Saint-Maurice-de-l'Exil 
(c.  de  Roussillon),  d'après  Rivière  :  Notes  sur  le  l.  de  Saint- 
Maurice,  dans  notre  Rev.  des  Pat.,  U,  p.  274  sqq.  :  cf.  du  môme 
Lou  Piajou,  in  Rev.  des  L.  roni.,  t.  XLI,  p.  402-i\0,  pas  si  ni. 


206  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

se  sont  maintenus  au  sujet;  mais  au  régime,  ii,  v  -j- 
ou^  se  réduit  à  n^  v  -\-^c  :  6  n.ze  kôsc,  6  vze  kôse,  il 
nous  parle j  il  vous  parlc\ 


VII 

LES   FORMES  n,   V  -f-  GU 

Les  formes  en  eu  sont  localisées  sur  trois  points  de 
notre  région,  à  l'est  de  la  Haute-Saône  et  sur  le  terri- 
toire de  Bel  fort,  dans  le  Rhône,  dans  l'Ain. 

Sur  le  territoire  de  Belfort,  /i,  o  -\-  eu  au  sujet  et  au 
régime  est  signalé  dans  le  c.  de  Giromagny,  en  parti- 
culier à  Auxelles-Haut^  Tout  près  de  là,  dans  Tarr. 
de  Lure,  on  dit  encore  neu,  veu  à  Clairegoutte''  (c.  de 
Champagney),  à  Mélisey,  àRaddon(c.  de  Faucogney). 

Dans  le  Rhône,  tij  v  -j-  eu  s'étent  sur  le  c.  de  Belle- 
ville  tout  entier  avec  Charentay,  Cercié,  Saint-Lager 
et  Odenas^;  on  le  trouve  encore  à  Vaux  et  à  Blacé 
(c.  de  Villefranche);  un  peu  plus  au  nord,  à  Quincié 
(c.  de  Beau  jeu),  n,  v  -(-  eu  se  mêle  k  ?ij  v  -\-  o. 

1.  On  trouve  quelquefois  au  sujet  c^e  :  kè  ke  v^euiè  =  qu'est- 
ce  que  cous  voulez,  kè  ke  o^atadè^  ce  devant  m  et  /  ;  ce  me  dite, 
ce  le  cru  =  cous  me  dites,  cous  l'ace^  cru,  c  au  rég.  devant  /  ; 
o  c  le  raconte  =  il  cous  le  raconte. 

2.  Cf.  co{;s)  et  ceuÇj)  dans  la  Parab.  en  patois  du  Giromagny 
(Mèm.  des  Ant.,  VI,  476).  A  Auxelles,  on  a  co  sujet  après  le 
verbe. 

3.  A  Ciairegoutte,  aussi  cô  au  suj.  et  au  rég.;  et  à  Mélisey,  co 
après  le  verbe.  Cf.  neu  sujet  et  régime  dans  la  Parab.  en  patois 
duc.  de  Champagney  {toc.  cit.,  VI,  477). 

4.  A  Odenas^  eu  tent  à  s'affaiblir  en  e.  A  Saint-Lager,  on 
trouve  parfois  ce;  co  semble  s'être  maintenu  dans  certains  cas, 
par  exemple  se  ke  co  dete  =  ce  que  cous  dites,  par  euphonie, 
pour  éviter  cinq  e  féminins  de  suite. 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  207 

Ou  passe  à  eu  clans  l'Ain,  au  nord  de  Tarr.  de 
Nantua,  à  Saint-Germain-de-Joux(c.  de  Chàtillon-de- 
Michaille),  où  vo  ne  s'est  maintenu  (ju'après  le  verbe 
en  position  enclitique,  ke  voli  ro^à  Brion  (c.  deNantua), 
où  vo  se  maintient  dans  les  mêmes  conditions,  à  Bou- 
vent**  (c.  d'Oyonnax)  ;  dans  la  même  région,  à  Izer- 
nore,  ou  s'est  maintenu  au  rég.  1,  rarement  au  suj.  2. 

On  trouve  encore  isolément  n,  v  -\-  eu  dans  l'Isère^ 
à  Corljas  (c.  de  Saint-Symphorien-d'Ozon,  arr.  de 
Vienne),  où  eu  tent  à  se  réduire  à  e;  à  Voreppe,  veu 
coexiste  avec  vo,  vou,  ne.  Dans  la  Savoie,  à  Mercury- 
Gémilly  (arr.  etc.  d'Albertville),  le  pron.  de  la  2^  pers. 
hésite  entre  veu  et  ve;  cf.  Grésy-sur-Isère,  où  l'on  a 
ve(^)  av.  le  verbe,  mais  veu  après.  Enfin  veu  suj.  et  rég. 
est  encore  signalé  par  un  de  nos  correspondants  à  Juré 
(c.  de  Saint-Just-en-Chevallet,  arr.  de  Roanne),  dans 
la  Loire,  tandis  qu'un  2*^  ne  donne  que  vo. 


VIII 

LES  FORMES  n,   V,  -|-  we 

Les  formes  n,  v  -\-  we,  dont  le  we  provient  sans 
doute  d'un  plus  ancien  wo\  se  mêlent  quelquefois, 
comme  nous  l'avons  vu^  aus  formes  en  ou,  et  on  les 
trouve  dans  les  mêmes  régions  que  les  formes  en  eu. 
C'est  ainsi  qu'on  dit  n,v  -\-  ive  au  sujet  et  au  régime,  à 
Aillevillers(c.  de  Saint-Loup),  à  Coisevaux  (c.  de  Hé- 
ricourt),  àBouligney*  (c.  de  Vauvillers),  dans  l'arr.  de 
Lure,  au  nord  d'un  petit  domaine  de  n,  v~\-  eu. 

Dans  quelques  communes  de  l'Ain,  de  l'Isère  et  de 

1.  A  Jussey,  A-e    teute  vwo  =  que  couler- vous,  entre  les    do- 
maines de  n,  r  +  0  et  de  n^  v  +  ou. 


208  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

la  Loire,  on  trouve  ice  à  la  2^  pers.,  mais  non  à.  la 
l*"*'  ;  sans  doute  la  consonne  labiale  r  de  vos  a  contril)ué 
à  produire  ou  à  maintenir  la  semi- voyelle  ^r.  On  dit 
ricc(^},  mais  nc{^)  à  "Rrénod  (arr.  deNantua,  Ain),  à 
Saint-Chamond  (arr.  de  Saint-lstienne,  Loire),  et 
dans  l'Isère  à  Yignieu  '  (arr.  et  c.  de  la  Tour-du-Pin), 
à  Voreppe  (c.  de  Voiron ',  à  Vina\''  (arr.  de  Saint- 
Marcellin\et  nce'/j,  mais  /?<'-/? 'dans  la  Savoie,  àSaint- 
Jean-d'Arvev  (c.  de  Cliambérv  N.). 


IX 


LES  FORMES  AFFAIBLIES  EN  6 

Nous  avons  vu  comment  les  formes  affaiblies  en  e 
ont  graduellement  supplanté  les  formes  pleines  en 
o  et  en  on  en  s'introduisant  tantôt  au  sujet,  tantôt  au 
régime,  à  la  1^*-'  pers.  ou  à  la  2^.  Le  terme  logique  de 
cette  évolution  est  l'emploi  de  n^v-\-e  au  sujet  et  au 
régime  des  deus  personnes,  que  l'on  rencontre  sur 
quelques  points  de  la  Savoie,  de  l'Isère,  de  l'Ain  et 
du  Rhône. 

A  Grésy-sur-Isère  (arr.  et  c.  d'Albertville,  Savoie), 
on  emploie  /^  v-\-eh]  à  tous  les  cas  ;  toutefois  la  forme 
forte  veu  semble  s'être  conservée  après  le  verbe,  dans 
lesphrasesinterrogatives*.  A  Saint-Girod(c.  d'Albens), 
les   formes  affaiblies  ?i,  v-\-e^  ne  se  rencontrent  que 

1.  Quelquefois  rori  au  règ.;  un  2"  corr.  indique  à  côté  de  von 
rés..  la  forme  nasalisée  coiicn. 

2.  Un  1"  corr.  donne  ron  ou  ro,  un  2*  tice. 

3.  Notre  corr.  écrit  voue,  en  indiquant  que  voua  est  un  mélange 
de  on  et  de  e;  co  chez  un  2*  corr.,  avec  un  o  très  fermé,  voisin 
de  ou. 

4.  Notre  correspondant  note  cette  dernière  cœ.  la  1"  rp. 


LES    PATOIS    DE    LA    RÉGION    LYONNAISE  209 

devant  voyelle  ;  devant  cons.  n,  v-\-o  s'est  maintenu. 
—  Dans  l'Isère,  on  trouve  n,  r+^(^)  à  Corbas  (c.  de 
Saint-Symphorien-d'Ozon,  arr.  de  Vienne  ,  //,  v^e  à 
Gillonnay  (c.  de  la  Côte-Saint-André).  —  Dans  le 
Rhône,  on  dit  n,  ??-]-^(^)  dans  la  même  région  que 
;?,  c^cu[.<),  à  Chamelet  (c.  du  Bois-d'Oingt)  et  à 
Odenas  (e.  de  Belleville),  où  rcn  existe  aussi;  cf. 
n^  v-\-eu{^)  à  Vaux,  à  Blacé,  à  Charentay,  à  Cercié,  à 
Saint-Lager.  —  Dans  l'Ain,  n,  r+e(-:r)  est  usité  à  Tos- 
siat  (c.  de  Pont-d'Ain,  arr.  de  Bourg),  à  Reyrieux* 
(arr.  et  c.  de  Trévoux);  il  en  est  de  même  dans  la 
Saône-et-Loire,  à  la  Chapelle-Tliècle  (c.  de  Montpont, 
arr.  de  Loulians'\ 

Si  l'on  considère  l'ensemble  des  cas  où  n,  v-\-o,  on 
est  passé  à  /?,  r+c,  on  constate  c{ue  l'affaiblissement  est 
beaucoup  plus  rare  à  la  2^  pers.  qu'à  la  1'*^  :  sur  71  com- 
munes de  notre  région  où  ralîail)li8sement  nous  est 
signalé,  il  y  en  a  49  où  il  affecte  le  pronom  de  la 
V  pers.,  22  où  il  affecte  celui  de  la  2^  ;  dans  6  seule- 
ment, il  atteint  la  2*^  pers.  sans  toucher  à  la  l"^^.  Vos  a 
été  plus  rebelle  que  nos  à  l'action  de  l'affaiblissement, 
sans  doute  parce  que  la  consonne  lal)iale  v  a  renforcé 
et  maintenu  la  voyelle  labiale  o.  D'autre  part,  l'affai- 
blissement est  plus  rare  au  régime  qu'au  sujet:  sur  nos 
71  communes,  32  ne  connaissent  que  l'affaiblissement 
du  sujet  ;  dans  32  autres,  l'affaiblissement  atteint  à  la 
fois  le  sujet  et  le  régime  ^  Le  régime  2  n'a  été  affaibli 
que  dans  12.  Nos,  vos  sujets  placés  avant  le  verbe 
étaient  procliticpies  et  atones.  Après  le  verbe,  dans 
les  tournures  interrogatives,  le  pronom  sujet  est  for- 

1.  A  la  V  pers.,  le  rég.  est  n^c  dev.  voy.  et  dev.  cons.  Un 
deusième  corr.  ne  donne  que  les  formes  fortes  n,  v  +  on. 

2.  A  Vinay,  le  rég.  1  est  en  e;  mais  le  sujet  1  n'est  pas  exprimé. 

Ri:vui:  Di.  l'Hii.oiodiK,  xiii  14 


210  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

toment  accentiio  en  français;  mais  dans  plusieurs  de 
nos   patois  Taccent  porte  sur  la  linale  du  verbe  et  le 
pronom  est  enclitique  :  Ke  roV'è  ve,  la  plupart  ne  con- 
naissent pas  la  f(^rm(^  interrogative  du  français  et  se 
servent  d'un  périphrase  (ju'est-ce  que.  Nos,  vos  sujets 
sont  donc  presque  toujours  enclitiques  ou  proclitiques, 
et  peuvent  par  c-onséquent  s'atîailjlir  en  ne,  ve  comme 
Joujou  en  Je,  tu  en  te.  Au  régime,  au  contraire,  l'emploi 
trèsfré(juent  des  formes  toniques  après  les  prépositions 
a   pu   empêclier  l'ali'aiblissement  :  les  formes  faibles, 
que   l'on  rencontre  quelquefois  au  régime,  ont  subi 
sans  doute  l'influence  analogique  des  formes  du  sujet. 
—  L'aliaiblissement  s'est  produit  quelquefois  devant 
voyelle,  mais  non  devant  consonne;  le  cas  inverse  est 
plus  rare.  Faut-il  en  conclure  que  le   phénomène  a 
commencé  devant  voyelle,  pour  s'étendre  ensuite  aus 
cas  où  le  pronom  était  placé  devant  consonne?  —  Enfin, 
l'affaiblissement  est  souvent  accompagné  de  la  chute 
de  la  sifflante  de  liaison  devant  vovelle  :  dans  32  com- 
munes,  qui  appartiennent  pour  la  plupart  à  la  vallée 
de  l'Isère,  on  dit  fie  devant  consonne,  ?i  devant  voyelle; 
dans  32  autres,  ne:^  s'est  maintenu  devant  vovelle.  Ve^ 
est  assez  fréquent    18  communes  ,  mais  v  ne  se  ren- 
contre guère  que  dans  quelques  cantons  à  l'ouest  des 
Vosges.   Comme  dans  la  région  où  ne-n  -=.  nous,  les 
consonnes  de  liaison  sont  d'un  usage  fréquent,  il  faut 
admettre  que  ne-n  est  dû  à  l'influence  àeje-j,  te-t. 

X 

LES    FORMES   NASALISÉES 

Les  formes   no,  nou  ont  quelquefois  nasalisé  leur 
voyelle  :•  à  Champlitte*  et  à  Oyrières*  (c.  d'Autrey  >, 


LES    PATOIS    DE    LA    REGION    LYONNAISE  211 

à  l'ouest  de  Tarr.  de  Gray,  dans  la  Haute-Saône,  on 
trouve  non  au  régime:  è  non  /laoase  (Oyrières\  è  non 
y)d/Cliamplitte;f;ow  persiste  partout  sans  changement'. 
—  A  Bourg-Argenlal,  dans  la  Loire  (arr.  de  Saint- 
Etienne  ,  le  rég.  1  est  noun-,  mais  von  partout.  A 
Livet-et-Gavet  (Isère,  arr.  de  Grenoble,  c.  de  Bourg- 
d'Oisans  ,  on  dit  aussi  rioiui  devant  cons.  au  sujet  et 
au  régime  :  noun  parlèn  =  nous  parlons,  ou  noan 
parle  =r  //  nous  parle  ;  mais /loz^j  devant  consonne'. 

L'influence  de  n  initial  de  no,  nou  suffit  à  expliquer 
la  nasalisation  de  la  voyelle  suivante.  Le  fait  n'est  pas 
isolé  à  Champlitte,  à  Oyrières  et  à  Bourg-Argental, 
où  une  voyelle  finale,  précédée  d'une  nasale,  tent  à  se 
nasaliser.  Dans  la  Parabole,  en  patois  de  Champlitte 
[Mém.  des  Ant.,  VI,  480,  on  trouve  revenin  =  revenir, 
se  min  =z  se  mit,  aimin=z  ami,  rei^enun  =  revenu  ;  on 
nous  signale  émin  =  ami  à  Oyrières \  counun=z connaît, 
pun'ûn  =:  punit  à  Bourg-Argental. 

A  Vignieu  (arr.  et  c.  de  la  Tour-du-Pin,  Isère), 
c'est  le  pronom  de  la  2^  pers.  qui  s'est  nasalisé  sous 
la  forme  vwen  :  se  ke  vwen  d^^ente  =  ce  que  vous 
dites,  ou  vwen  le  raconte  =  //  vous  le  raconte;  notre 
corr.  donne  aussi  la  forme  vou.  La  nasalisation  se  pro- 

1.  Cf.  non  loin  de  là,  à  Bourberain,  non  =  nous,  Lettre  de 
J.  Tiercelet,  in  Bec.  des  Pat.  Qal.-roni.,W ,^d\  devant  voyelle, 
la  nasalisation  est  incomplète. 

2.  Le  sujet  1  est  oil).  commun  à  presque  toutes  les  personnes. 
?i.  Un  2'  corr.  donne  ne{.z)  suj.,  non  rég. 

4.  L'action  des  nasales  est  particulièrement  puissante  à  Oyrières 
et  à  Champlitte:  c'est  ainsi  que  la  nasalisation  produite  par  n,  m 
intervocal,  qui  a  disparu  en  français,  s'est  maintenue  dans  le 
patois  de  cette  région.  On  nous  signale  bon-ne  —  bonne.,  j'en  nie  = 
j'aime,  fèn-nye  z=Jîne,  cousèn-wje  =  cousine,  fan-ne  ^fe/nnie, 
on-n\e=^  homme  à  Oyrières  et  à  Champlitte,  èvon-ne  =  acoine, 
en-ne  =  une  à  Champlitte,  èmèn-ne  =  emmène  à  Oyrières. 


212 


REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


doit  aussi  dans  d'autres  mots  :  otimicen  =z  homme, 
d'amwen  =j"aimc;  cf.  plus  liaut  (î^cjite.  Cette  nasa- 
lisation n"est  pas  sensible  pour  notre  2"^  corr.,  (jui 
écrit  vwe{^\  emwc,  (Vamicc.  La  nasalisation  est  sans 
doute  incomplète  et  due  à  un  abaissement  prématuré 
du  voile  du  palais  au  inouKMit  de  la  prononciation  de 
Ye  féminin  '. 

L.  ViGNON. 


1.  Cf.  Devaux,  Essai,  etc.  Nasalisation  aclcenticc  p.  268-271, 


CONTRIBUTION 


A    LA 


Phonétique  de  lO  dans  FLAMENCA 


Nous  concentrerons  notre  attention  sur  deus  points:  la 
diphtongaison  de  d  tonique,  et  le  changement  deo  en  u.  Quant 
au  passage  de  o  protonique  à  e,  nous  ne  disposons  que  de 
trois  exemples  où  le  phénomène  revêt  l'aspect  d'une  dissi- 
milation  devant  un  o  subséquent  :  prcon  2212)  (et  même 
prionda  3684),  redon  (653,  etc.),  f^ecni-s  (4637)  à  côté  de 
socors  (34,  etc.]  '. 

Diplitongaiaon  de  6  tonUjue.  Elle  se  produit  soit  devant 
un  élément  y-  (cuer  =:  corium  2497,  laein  7145,  acuein27ô, 
nueit  ^760,  miier^  =^  morio  4577,  hui  4190,  enuig  5326...), 
soit  devant  c  final  (fuec  4967,  etc.).  Un  cas  particulier  nous 
est  présenté  par  l'indicatif  et  le  subjonctif  présents  du  verbe 
poder  (piiesc  2905. .  .  puesca  3462.  . .)  :  comme  l'étymologie 
de  ces  deus  temps  est  contestée,  il  serait  imprudent  de  cher- 
cher à  déterminer  dans  quelles  conditions  phonétiques  la 
diphtongaison  s'est  produite. 

Les  formes  diphtonguées  sont  assez  variées  :  iio  est  très 
rare  (erguolla  3719),  i<e  beaucoup  plus  fréquent  {enueg  5238, 
pueis  5503.  . .),  réduit  souvent  à  u  (lues  4988,  nug  7414...)  : 
Vi  subséquent  est  toujours  le  représentant  du  y  et  sert  géné- 
ralement à  marquer  le  mouillement  de  la   consonne  (enueig 

1.  Les  numéros  reuvoieal  aus  vers  d'après  l'éditiou  de  M.  Paul 
Meyer. 

2.  Pois,  devenu  atone,  peut  se  réduire  à  pos.  Nous  avons  les  quatre 
formes  pois  (Ibo...);  pueis  (1553...), /)os  (263...),  puos  (5831);  les  se- 
condes sont  plus  rares,  car  ce  mot  n'est  guère  accentué. 


214  REVUE   DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

5764  =  cïuœch,  uil  2936. .  .  =  ulh).  Il  faut  remarquer  que, 
pour  les  mêmes  mots,  des  graphies  très  différentes  existent  : 
les  formes  non  diphtonguées  et  les  formes  diphtonguées 
s'équivalent  cà  peu  près  numériquement,  quoique,  dans  la 
seconde  moitié  du  poème,  les  secondes  l'emportent'  ;  même 
à  la  rime,  des  orthographes  disparates  sont  juxtaposées 
{uiiz  doil  2719,  oih-  c/gub  4220.  hœsjocs  4988.  .  .  •  Aucun 
argument  n'est  plus  probant  pour  nous  faire  admettre  l'in- 
tervention du  scribe.  Mais  dans  quel  sens  faut-il  corriger? 
Quelles  étaient  les  formes  du  poème  primitif? 

Il  n  y  a  aucun  moyen  de  résoudre  la  difficulté  directe- 
ment, car  tous  ces  mots  riment  entre  eus.  Les  exceptions 
apparentes  à  cette  règle  sont  des  erreurs  de  lecture  ou  de 
graphie,  qu'il  faut  corriger.  L'exemple  le  plus  frappant  nous 
est  fourni  par  le  vers  5516  où  le  sens,  comme  la  phonétique, 
exige  mie(/  (au  lieu  de  nuer/}  pour  rimer  avec  reapieg .  —  Il 
faut  encore  repousser  la  rime  esceill-Jueill  des  vers  5548-9, 
proposée  par  M.  Meyer.  Le  manuscrit  porte  (il  s'agit  des 
joys  d^amor]  : 

L'iis  es  de  ser  autre  de  faeill, 
Lun  es  dejoi,  l'autre  de  faeill. 

Le  scribe  a  donc  écrit  inconsciemment  le  même  mot  deus 
fois.  Vraisemblablement  l'opposition  appelle,  d'esceill  au 
premier  vers;  mais  le  second  reste  peu  satisfaisant  et  doit  être 
altéré.  Le  copiste  a  dû  sauter  quelques  lignes  d'une  énumé- 
ration  qui,  selon  le  goût  de  l'époque,  devait  être  vraisembla- 
blement plus  longue. 

A  priori,  il  semble  que  les  formes  non  diphtonguées,  les 
plus  anciennes  dans  l'histoire  de  la  langue,  doiventêlre  celles 
de  l'auteur.  Cette  induction  se  fortifie  beaucoup,  si  l'on  admet 
les  hypothèses  courantes  au  sujet  de  la  patrie  de  l'auteur  et 
du  manuscrit  de  Flamenca.  Le  poème  est  supposé  originaire 

1.  D'ailleurs  lacomparaison  numérique  des  graphies  ne  peut  entrer 
comme  élément  dans  la  solution  du  problème. 


PHONÉTIQUE  DE  l'  «  O  »  DANS  «  FLAMENCA  »      215 

du  nord  du  domaine  provençal  :  dans  cette  région,  on  ne 
trouve  guère  de  dipiitongaison  ancienne  de  o  en  ue  qu'en 
Limousin;  encore  ne  connais-je  nulle  part  la  réduction  de 
uek  u\  Au  contraire,  ce  changement  existe  dans  la  Provence 
proprement  dite,  patrie  probable  de  notre  scribe.  La  langue 
de  Mistral  ne  connaît  la  diphtongaison  en  ue  que  devant  une 
consonne  mouillée-  (fueio,  niue  ^=3  niœch,  etc.)  ;  mais  le  Tré- 
sor dou  felibri[/e  nous  donne  à  Marseille  toute  l'évolution 
phonique  de  Flamenca:  dune  part  ue,  équivalent  de  ô, 
devant  e  final  {fue  z=zfuec. . .;,  de  l'autre  u,  réduction  d'un 
ancien  ue,  lorsque  la  voyelle  précédait  une  consonne  mouillée 
(fuio  ^=  fueio  ^=^  fuelha).  Le  développement  des  études  dia- 
lectales nous  montrera  sans  doute  quelque  jour  l'aire  de  ce 
phénomène  ;  il  est  à  prévoir  que  des  parlers  voisins  doivent 
connaître  aussi  la  réduction  de  ue  à  u  devant  c  final.  Nous 
admettrons  donc  que  les  formes  diphtonguées  sont  dues  à 
l'intervention  personnelle  du  scribe  :  en  Limousin,  en  Au- 
vergne'', en  Velay,  la  diphtongaison  ou  bien  est  plus  tardive, 
ou  bien  s'est  produite  dans  des  conditions  phoniques  diffé- 
rentes et  n'a  pas  suivi  le  même  développement  ^  Toutefois 
la  question  reste  très  douteuse  pour  certains  mots  tels  que 
enueg,enuei,  enug,nug,  nuecj ,  /me^V, qui  offrent  toujours  des 
formes  diphtonguées.  Les  dialectes  actuels  nous  présentent 
de  fréquents  exemples  de  diphtongaison  isolée. 

Changement  de  o  en  u.  Avant  de  rechercher  la  nature  du 
phénomène,  il  convient  d'en  préciser  l'étendue.  On  peut 
poser  en  principe  que  la  graphie  a  =1  0  ne  se  trouve  que  sur 
la  protonique,  à   part  deus   ou  trois  exceptions  apparentes. 

1.  Mais  bien  de  ue  à  c:  f'aec  devient /éc  et  non/ae. 

2.  Devant  c  final,  on  a  le  processus  «o,  io,  yo  {/lô  =/uor]. 

o.  Les  chartes  de  coutumes  du  XIIP  siècle  (Besse,  Moutferrand, 
etc.)  n'offrent  jamais  la  di[)hiongaison  de  à. 

4.  En  Auvergne,  j'ai  observé:  1"  la  dipht.  de  o  de  la  dipht.  ou  tota- 
lement inconnue  à  notre  texte,  —2°  devante  final,  les  processus  uo 
— >  à,  uo  — >  ICO,  uo  — >  lo  — >  t/o,  —  2"  devant  une  consonne 
mouillée  le  développement  uol  — >  ucl  — >  locc  — >  èi,  sporadique 
et  assez  rare. 


216  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Le  nom  de  lieu  Nemiwi^,  qui  rime  avec  eficum  (7032),  doit, 
être  considéré  comme  issu  d'un  type  avec  Ci  :  celte  re- 
marque, jointe  à  la  présence  de  /•,  fait  écarter  TidentiHca- 
tion  avec  Nemours  \^N^emausum,  vieus  fr.  N'cîiiofi,  Nemoiis); 
on  pourrait  songer  à  Nainur,  s'il  était  possible  d'expli- 
quer d'une  manière  satisfaisante  le  changement  de  a  en  e 
et  la  présence  de  ^-  final  fixe.  —  Il  faut  encore  ècarier 
lur  accentué:  des  rimes  telles  que  resplandor-lar  (535), 
cndador-lor  711)  ,  etc.,  prouxcnt  clairement  que  l'auteur 
prononçait  lov.  Je  crois  qu'il  faut  admettre  le  môme  prin- 
cipe pour  l'atone:  l'existence  actuelle  de  lur  en  Provence' 
fortifie  cette  hypothèse.  —  Deus  mots  assez  embarrassants 
sont  mrVuvnt  nieliovat:  atone:  mellnret  9^0,  molfuramen 
2981,  etc.)  et  peiura  (peiorat).  qui  riment  ensemble  (3318)  et 
n'ofïrent  jamais  la  graphie  o  ;  mellor  au  contraire  est  intact 
(4581)  ;  je  n'ai  pas  trouvé  pejor.  J'admettrais  volontiers  un 
changement  de  suffixe,  la  substitution  de  ûrare  à  ôrar^e^. 
Cette  hypothèse  est  appuyée  par  les  dialectes  actuels:  Mis- 
tral ne  connaît  que peiiwa,  et  il  cite  ineiura  comme  vellavien, 
à  côté  de  meioura.  L'absence  de  localisation  précise  ne  me 
permet  pas  de  discuter  la  forme  vellavienne;  mais  tout  au 
moins,  on  peut  affirmer  que,  d'après  la  phonétique  de  Mail- 
lane,  peiura  est  absolument  inexplicable  si  l'on  veut  le  rat- 
tacher à  peiùrare. 

Toute  une  série  de  formes  doi\entcire  mises  à  part  :  ce 
sont  les  mots  qui  nous  présentent  «  (ton.  ou  at.)  =  o-|-m,  n-}- 
consonne^  Dans  tous  ces  exemples,  u  me  semble  avoir  une 
valeur  purement  orthographique,  en  ce  sens  que  je  ne  crois 

1.  Mistral  ne  donne  lur  que  comme  bordelais;  mais  je  sais  que 
cette  forme  existe  en  Provence;  au  contraire,  je  n'en  connais  pas  de 
représentant  dans  le  nord  du  Massif  central. 

2.  Mcillara  rime  avec  parladura,  cura,  segura,  rancura,  crea- 
tura,  trasfifjura,  tortura,  freidura  (Peire  d'Auvergne,  —  Bartsch, 
72,  32);  —peiura  Sixec  natura  'Jaufre,—  B.  245,  18)  et  avec  tonsura^ 
drec/tura  fRaimond  de  Cornet,  —  B.  364,  7). 

3.  Écarter  le  groupe  d  -\-  n  mouille,  déjà  vu,  ou  u  =  ue  (cf.  luctn- 
f  les  Lui  n  714.5. . .  ). 


PHONÉTIQUE  DE  l'  "  O  »  DANS  «   FLAMENCA  »      217 

pas  probable  un  chaûgement  de  ô{ou)  en  u.  Car  les  dialectes 
actuels  ne  nous  offrent  pas  trace  d'un  pareil   phénomène   et 
nous  présentent  toujours  escoundu,  oumbro,  ounylo,  voloun- 
tiéy  etc.  L'origine  de  cette  graphie  est  généralement  l'influence 
savante  du  mot   latin   correspondant  {janturafi  1620,  ixing 
3540,   umbva  2176,  undat  1591,  iwf/la^  1559,  unquas  2186...). 
Mais  cette  explication  n'est  pas  toujours  admissible:  elle  est 
en  défaut,  notamment  pour  des   formes  telles  que  eacandat 
(3931).  Peut-être  cette  orthographe  dénote-t-elle  un  commen- 
cement de  nasalisation  ou  le  changement  plus  précoce  de  6z 
en  ou  dans  cette  position.  Nous  avons  d'ailleurs  les  graphies 
concurrentes  en  o,  beaucoup  plus  fréquents  dans  l'ensemble 
(donqaas  2743,  escondeva  4005...,   ongleias  6809,  redonda 
653...,  volontiers  \2b...,Q\Q,.  -). 

Le  terrain  ainsi  déblayé,  nous  ne  nous  trouvons  plus  dé- 
sormais en  présence  que  du  phénomène  suivant  :  la  substitu- 
tion de  a  à  o  protonique  qu'on  ne  rencontre,  en  somme,  que 
dans  assez  peu  de  mots.  Désormais  la  pierrre  de  louche  que 
nous  fournissait  la  lime  va  nous  faire  défaut.  La  tâche 
devient  plus  délicate.  Cependant,  grâce  à  l'appui  des  dialectes 
actuels,  je  crois  qu'on  peut  ranger  nos  formes  en  deus  grandes 
classes:  la  première  catégorie  ne  renferme  que  des  graphies 
savantes,  qui  ne  correspondent  à  aucune  réalité  phonétique; 
la  seconde,  au  contraire,  comprent  des  formes  qui  ont  vécu, 
mais  dont  la  production  est  due  à  une  analogie  morpholo- 
gique. En  d'autres  ternies,  je  ne  crois  pas  que  nous  soyons 
en  présence,  dans  aucun  cas,  d'un  changement  phonétique 
de  0  proionique  en  a.  Ce  phénomène  existe  bien  en  syllabe 


1.  l^a  présence  de  n  +  gr,  /i  +  /y  peut  amener  o,a  à  u  {punùs,  un- 
glo).  Mais  le  fait  ne  se  produit,  à  ma  connaissance,  que  dans  la 
région  gasconne. 

2.  Je  crois  qu'il  faut  ranger  ici  le  mot  cumiat  (6878,  en  3  syll.), assez 
embarrassant  (cî.  comjat,  en  deus  syll.  74:^6, etc.).  —  Je  ne  m'occu- 
perai pas  desformesoù  a  ionique  est  dû  à  la  présence  d'un  l  flexion- 
uel  (tut  =:  *tôtti  ...).  —  Je  ne  sais  comment  expliquer  sanglut  rimant 
avec  despendut  (754).  (Cf.  sangLotir  3311).  Le  prov.  mod.  connaît 
les  deus  formes  senglout  eisenglut. 


218  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

ouverte  dans  certains  parlers  du  Centre;  mais,  à  part 
quelques  mots  qui.  précisément  ne  sont  pas  représentés  dans 
Flamenca\  il  est  tout  à  fait  récent:  l'évolution  peut  généra- 
lement être  prise  sur  le  vif;  enfin  les  conditions  phoniques 
sont  rigoureuses.  Rien  de  semblable  dans  notre  poème,  où 
il  est  impossible  de  déterminer  les  conditions  phonétiques 
d'un  changement  de  o  (ou)  en  u  :  la  graphie  u  se  trouve 
dans  les  positions  les  plus  variées,  en  syllabe  ouverte  ou  fer- 
mée, après  comme  devant  une  consonne  quelconque  (adurmis 
5177,  Giibri  4122,  cuiller  384,  ruminai  6258,  juglars  211, 
jnullier  bSSl,  nuirir  1573,  .S'^s-y^z"/' 5841,  uccoison  24.20.)  Les 
formes  en  o  coexistent  concurremment*. 

Les  mots  oia  Vu  s'est  conservé  jusque  dans  les  dialectes 
actuels,  ont  subi  une  action  morphologique,  et  semblent  bien 
appartenir  sous  cette  forme  à  la  langue  du  scribe.  Le  T'/'e- 
sor o?o w/(?/i6/*ï(7e  nous  donne  les  formes  verbales  suivantes: 
culi,  curbi,  clurbi,  durmi  (niçois),  Juga  marseillais),  ufri 
^marseillais,  etc.),  où  le  changement  en  m  de  o  protonique, 
toujours  issu  d'un  ô,  n'est  pas  phonétique.  Or,  ces  atones 
correspondent  toujours  à  des  toniques  en  ue  {cueie,  cuerbe, 
duerbe,  duermi.juéqui,  uefre)  ;  il  y  a  connexité  nécessaire 
entre  les  deus  phénomènes:  lorsque  la  voyelle  accentuée  est 
o,  atone  elle  devient  ou;  au  contraire,  la  tonique  ne  a  toujours 
une  atone  w.  Il  devient  dès  lors  certain  que  nousavons  affaire 
à  une  analogie  verbale  :  anciennement  les  formes  diphton- 
guées  ont  été  étendues  à  toute  la  conjugaison  ;  puis  une  évo- 
lution phonétique  a  réduit  à  u  le  son  ue  placé  avant  l'accent. 
Cette  loi  s'observe  aussi  dans  des  dérivés  ifuiaye  =■  fueiage, 
d'après  fueio). 

1.  Tels  budé  {hudel),  que  notre  poème  ne  donne  pas;  cazL  (cosin), 
cuzi.na  [coziaa)  (ici  toujours  o;  co^ti  7586...  cosina  Vi2ô...).  Au  con- 
traire, j'ai  toujours  trouvé  ou  dans  les  mots  notés  u  par  notre  manus- 
crit {cubit,  cubrl.  cu-^i,  durmi,  e^rupL..). 

2.  Ceci  est  une  constatation  et  non  un  argument:  car,  même  ainsi, 
le  changement  de  o  en  a  pourrait  être  un  phénomène  phonétique  de 
la  langue  du  scribe,  î^'il  ne  se  produisait  que  dans  des  circonsiance> 
déterminées:  mais  nous  venons  de  voir  qu'il  n'eu  est  rien. 


PHONÉTIQUE  DE  l'  «  O  »  DANS  «  FLAMENCA  »      219 

Je  crois  que  les  formes  correspondantes  de  Flamenca  nous 
ofïrentunphénomèneanalogue.  Aune  flexion  primitive, acwe/// 
acolhir,cuebre  cobrii\adaebre  adobr^ir,  duerrne  dormir, jaec 
jogar,  uefre  ofrir^  muer  morir,  a  succédé  unepremière  série, 
acuelh  acaelhir...  etc.,  puis  une  seconde  acuelh  (plus  tard 
aculh)  aculhir'*.  Reste  à  justifier  ces  diphtongaisons  de  ô 
tonique,  qui  toutes  ne  paraissent  pas  rentrer  dans  le  cadre 
que  nous  avons  tracé  au  début.  Les  formes  accentuées  de 
ces  verbes  sont  très  peu  représentées  dans  le  poème  :  nous 
n'avons  que  acueil  (à  côté  de  acoil),  et  muer  mur  =  môrio, 
concurremment  avec  mor,  qui  semble  une  forme  refaite 
d'après  un  latin  hypothétique  "^'môro,  muer  di  pu  suffire  à  en- 
traîner la  conjugaison  ;  de  même  ^'jaec  [iôco),  que  nous 
n'avons  pas,  mais  qu'il  est  légitime  de  supposer  en  face  de 
juec  =  iôcum.  Quant  aus  trois  verbes  obrir,  ofrir,  dormir, 
les  formes  diphtoaguées  uebre  et  aduebre,  cuebre),  uefre, 
duerme,  ne  sont  pas  hypothétiques  :  elles  se  trouvent  dans 
beaucoup  de  textes  provençaus,  je  les  crois  encore  issues  de 
la  première  personne,  où  elles  ont  été  provoquées  par  Vij  de 
la  désinence  zo-,  qui  dut  être  adjointe  à  o/rir  lors  de  son 
passage  à  la  conjugaison  en  -ir.  Dans  la  même  classe  rentre 
sofrir:  Tancien  français  (suefre...)  est  ici  d'accord  avec  le 
provençal  pour  postuler  un  changement  de  timbre  de  ïo 
tonique  (ô  au  lieu  de  o),  sous  l'influence  probable  de  ofrir. 

Nous  avons  quelques  exemples  de  la  diphtongue  ue  proto- 
nique :  ainsi  pueacam  (4239,  etc.,  d'après  puesca),  réduit 
ensuite  à  puscam  ;  vueillas  [2^  p.  pi.]  (6858,  puis  vuillaa 
(7072):  l'évolution  est  ici  saisie  sur  le  vif''.  Il  faut  donc 
expliquer  de  la  sorte,  non  seulement  des  formes  verbales 
telles  que  adubri  (964),  ubert  (1159;,  ubrir  (1523)...,  enujes 
(4548)...,  cubri  ^964)...,  vaillatz  (5183)...,  acullira  (2324)... 
sufrir  (1070)...,  mais  encore  les  substantifs  verbaus  corres- 

1.  Ou  sait  que,  dans  les  évolutions    phonétiques,  la  protonique    est 
normalement  eu  avance  sur  la  tonique. 

2.  Ct.puec  ^pôtuî  et  poc  =  potuït. 

3.  Cf.  le  dérivé  orgaeillosa  (7842). 


220  REVTE   DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

pondants,  et  les  dérivés  influencés  par  la  même  cause  {erpaeil- 
losa  7S42,  ergnillosa  3855,  d'après  crf/ueil :  /nrjador  H99b, 
iufjamen  63\A,  jugosa  511,  jtiglar  8211..  ,  d'après  /  uec  ; 
lichen  4756,  d'après  uech,  etc.).  Ces  quelques  racines  ont, 
dans  notre  texte,  de  très  nombreus  représentants  qui  cons- 
tituent à  eus  seuls  à  peu  près  la  moifé  des  exemples  où  o 
protonique  se  change  en  u.  —  Comme  ce  phénomène  appar- 
tient à  la  langue  du  scribe,  nous  ne  serons  pas  surpris  de 
trouver  des  graphies  concurrentes  en  o,  ieWesjoglars  (499...). 
ergoillosa  (6673,  cohri  3687.  cobertor  3279),  ohrir 
(6440),  etc. 

A  l'opposé,  les  graphies  savantes  sont,  somme  toute,  assez 
rares.  'Nous  devons  d'ailleurs  être  très  prudents  dans  nos 
affirmations:  la  connaissance  incomplète  que  nous  avons  des 
dialectes  actuels  ne  nous  permet  jamais  d'affirmer  l'inexistence 
de  telle  forme  ;  d'autre  part,  fût-elle  constatée,  cette  absence 
dans  les  patois  parlés  aujourd'hui,  ne  serait  pas  concluante, 
car  la  forme  en  question  peut  avoir  vécu  autrefois  et  n'être 
tombée  en  désuétude  que  depuis  un  ou  deus  siècles.  Sous  le 
bénéfice  de  ces  observations,  nous  serions  disposés  à  voir  une 
influence  purement  latine  dans  l'orthographe  des  mots  sui- 
vants: 6/////^^  (4688:  prov.  môd.  hoidi,  —  l'ades  formes  lim. 
auv.  dauph.  buli,  hulhi,  citées  par  Mistral,  est  beaucoup  plus 
récent).  —  cubida  4814:  M.  P.  Meyer  croit  qu'il  y  a  eu  une 
scission  de  forme  et  de  sens  entre  cobirci  cubir:  au  fait,  cobit 
du  V.  .'i863  présente  une  acception  différente')  —  mullier 
(5787:  patois  actuels  :  m.oaié  et  moulho)  —  nidrir  (1573:  les 
parlers  d'aujourd'hui  ont  repris  nourri  au  fr.),  .s7/.aî<  (7563), 
mot  disparu,  —  sufipir  (5841  :  prov.  mod.  aouspira;  id.  dans 
les  régions  auvergnates  et  vellaviennes  qui  n'ont  pas  amuï 
s  -\-  consonne  .  L'orthographe  en  o  coexiste  également  pour 
la  plupart  de  ces  mots. 

L'alternance  entre  o  et  a  dans  un  grand  nombre  de  mots, 

1.  Je  ne  connais  pas.—  ni  le  Trc<or  non  plus,  —  ce  verbe  claus  le.> 
parler.s  actuels.  Les  autres  mois  de  la  même  racine  offrent  ioiijoui> 
ua  et  non  a). 


PHONÉTIQUE  DE  l'  «  O  »  DANS  "  FLAMENCA  »      221 

a  provoqué  chez  le  scribe  une  certaine  hésitation,  qui  seule 
peut  rendre  compte  de  certaines  graphies  inexplicables  par 
les  raisons  précédentes  :  je  veus  parler  des  mots  hiardar 
(706  —  cf.  hiordar  913),  cuminal  (6258...)%  casl  ;2225i, 
ucaiaon  [2bS2...),  ugan  (1526...)  qui  ne  semble  pas  avoir 
vécu  avec  //dans  les  patois  actuels-.  —  Deus  formes  sont 
plus  embarrassantes,  car  nous  sommes  assurés  de  leur  vita- 
lité: ce  sont  cM///e/' (384:  prov.mod.  cuié;  auv.  culhèi,  tyalhèi) 
et  escifpiV  (3131  :  pr.  escupi\  diwv.  lim.  escoupi,  eicoupi).  De 
ces  deus  formes,  au  moins  la  seconde  semble  due  au  scribe. 
J'expliquerais  volontiers  callier  par  l'influence  de  cidhiv ; 
quant  à  escupir,  je  n'ai  aucune  solution  à  proposer. 

Tels  sont  les  quelques  résultats  que  j'ai  essayé  de  dégager 
du  dépouillement  de  Flamenca.  .Te  crains  de  m'être  laissé 
aller  parfois  à  la  tentation  de  violenter  un  peu  les  faits  en  les 
synthétisant:  aussi  tiens-je  à  répéter,  avant  de  terminer, 
qu'en  présence  des  éléments  complexes  dont  nous  disposons, 
il  serait  téméraire  de  nous  hasarder  au  delà  de  simples 
conjectures. 

Voici  mon  dépouillement^: 

acoil  (voil)  1898,  3273  ;  —  acueil  (brueil)  433,  (voil)  7275; 
acueilla  'doilla:7648  ;  acueil  (despuell)  7505  ;  ergueill)  5610; 
acuilla  (despueilla)  559  ;  acuilli7478;  acuillir-6877  ;  acuillitz 
8041  ;  aculli  6909,  6452,  7698;  acullir  2963  ;  acuUira  2324  ; 
acuUon  7310,  (vueillon)  6767. 

adobat291... 

adomesguar  327 . 

adoncas  3461... 

adubri  (cubri)  965. 

adurmis5177  (^ailleurs  tj.  o). 

1.  Graphietrès  répandue  (V.  par  ex.  la  charte  de  Montferrand), 
'Z.  Le  limousin  ujan^  récent,  doit  être  mis  à  part. 
3.  Les  mots  qui  offrent  à  notre  point  de  vue  une  graphie  invariable 
ne  sont  cités  qu'une  ou  deus  fois;  nous  n'avons  môme  pas  crudevoir 
relever  tous  les  mots,  extrêmement  uombreus,  où  o  protonique  est 
intact.  Lorsqu'un  mot  figure  à  la  rime,  la  rime  correspondante  est 
indiquée  entre  parenthèses. 


222  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

as:enollatz  2279. 

amoros  I5fi.  176... 

anug  (enug    1861,  6408;  anueg  (enueg)  5764;  anuig  6357. 

arosat  156. 

aunda  (reduiida)  198. 

avolesa  742. 

biort  (cort  918;  biordar  913  ;  biurdar706. 
bosc  3248. 

broil  moil)4686;  broilla    doilla)4664; —   brueil  (acueil) 
4310:  bruil  3317  (uil)  2036;  bruilla  4692. 
buillet4688. 

cabrefoil  (Tintagoil-  591. 

cloquier  3843,  cloquiers  3838. 

cobertor  3279;  cobertors  5903;  cobri  3687;— cubert2,  503. 
772,  837;  cuberta  1447,  2426,  3845,  4084;  cubertamen  2593. 
5728  ;  cubertas  6992  ;  cuberls  5226  ;  cubertz  1488, 5032,  5144 . 
5451  ;  cubri  4122,  (adubri)  964;  cubrir  1637. 

cobezesa  744  ;  cobit  5863  ;  —  cubida  4814. 

cobrada  6775;  cobrar  6987. 

coc  1390. 

cochar  2151  ;  coches  2147  ;  cojatz  4544,  etc. 

cogos  1178;  cogotz  1120. 

coire  5496  ;  cosina  1325..  .  ;  cozens  3051  ;  cozentz  1004. 

coissas  1624. 

colors  537.  etc. 

coman  289,  etc. 

comen  473,  etc. 

coraensa  707,  etc. 

cominal  3110;  cominalmen  2951  ;  cominal.s  2170;  etc.  ; 
—  cuminal  6258. 

comjat  7436, etc.  ;  —  cumiat  en  3  syll.)  6878. 

compaina  2455. 

complida  ^216;  complir  2350;  etc. 

conilz  393. 

conortz  869 . 


PHONÉTIQUE  DE  l'  «  O  »  DANS  «  FLAMENCA  »      223 

corals  2376. 

coronada  22,  1104,  etc. 

cosi  7586;  cosin  903  ;  cosina  741  ;  cosins  1655,   etc. 

coren  104,  118,1481,  2365,  etc. 

cruecs  206. 

cuer  2497  ;  cuers  2263. 

cullier  384. 

cusi  [^coait]  2225. 

cleraorava63,  etc. 

descobri  5282;   —  descubert  1639;  descubrir  1450;  descu- 
bris  4737. 
deslain  (luein)  7146. 

despueill  (sueill  5809  ;  despueilla  (acuilla)  560;  despuell 
acuell)  7506;  despuella  (tolla)7464. 

doblet  1466. 

doil  (oil)  6353,  (uil)  2719,  (voil)  4960;  doilla  3200,(acueilla) 
7649.  (broilla)4665,  (foilla)  2680,  6044  (moilla),  4133  ; — 
dueilla  (vueilla)  7630;  duella  ivuella,  7544. 

dolenta  267,  849;  dolor  895,  etc. 

donar  110,  121. 

donquas  5483,  (unquas)  2743. 

dug (nuh  2686. 

ergoil  (Nantoil)  691,  (voil)  4065  ;  ergoillosa  6673  ;  ergoilz 
(oilz  2435;  —  elgulz  (oilz)  4227  ;  ergueil  1352  (voil)  12;  er- 
gueilI6271,  (acuell)  5611;  ergueillosa  7842;  ergueilz  (olz)  287; 
erguil  (voil)  2868  ;  erguillosa  3856,  6237  ;  erguolla  (voilla) 
3720;  orgueil!  (voil)  6218. 

enrasonatz  99. 

enueg  1467,  (escug  5238;  enuei  6236;  enueig  2180,  2218, 
2305,2358,  (anueg)  5765,  (nueg)  316  ;  enueja  6024  ;  enug 
[subst.]  3429,  6411,  (anug)  1860,  6407,  (nug  1636  ;  enug 
[subj.]  2849;  enuig  (VIII  769,  5326  ;  enuja  4144,  6884;  enu- 
jes  4548;  enujos  6214  ;  enujosa  7815  ;  enuosa3143. 

escobatz  1500 . 

escogossatz  1176. 


'224  REVISE    DE    PHILOLOGIK    FRANÇAISE 

escondera  4005.  etc.  ;  — escundutz  .3531. 

escug  (ennpfi:^  5235. 

pscupir  3133. 

esponda  (responda)  3251,  etc. 

esposada  29G. 

florit  2344,  etc. 

foc  3551,  l'ioe    31B2;  —  fiiec  159.  4967.  (joc)  5563. 
foil  2603,  2605,  (oil)  3131  ;  loilla  (doillaj  2679,  6044;  foils 
2609  :  —  fueil  3972,  fesveill  ?  5549  ;  fuilla  3570- 
folleja  1200. 

gelosia  872,  1005,  etc. 
gonella  2219. 

honor  52,  154,  etc. 

joc  [subsi.j  816,  1075,  .3324,  3690.  6512,  fuec)5562,  (luec 

1421,  6477  ;  joc  [subj.J,  lUOU:  joghir8029  ;  joglars499,  1716, 
1725;  jocs  5026,  6499,  (lucsj  4289  ;  —  juec  603,  6493,  luec; 
6165,  7512;  juecs  6514;  jugador  3995  ;  jugamen  6314  ;  ju- 
gant  6085;  jugar  299,  604,  1754,  4249,  4885,  6495,  6520; 

juglar  313,  581,  713,719,  6786,7496;  juglars  211,  881,  999, 
3219  ;  jugosa  541  ;  jugueron  6481 . 

joveii  86  ;  joveiiL  244,  etc. 

j  un  tu  ras  1620. 

loc3166,  4152,  (foci  3161;  logatz  3737  ;  loguier  2799,  3373, 
3603  :  — lue  3981 .  4093,  4151  ;  lues  (jocs)  4988;  luoc  263, 1490, 
2187,  2603.  2738.  3018,  3112,  5106,  5471.  5485,  5805,  6216. 
6892.  6963.  7137.  7434,  7528.  7373,7375,  7380,  7828,  (joc) 

1422,  6478.  jned  6164,  7511  ;  luecs  1336,  4328,  5468,  5491. 
57^5.  6253.  7426.  7653,  8050. 

lor  313.  (cortejador)  1140,  viulador)  719;— lur  [adj.]  336, 
142,  519,  554.  725.741 ,  747,784.  792.  1096,1365,  1466,  1467, 
1723,  1877,  1945,  2379,  3241 .  .3615,  etc.  ;  lur  [pron.]  1,  198, 
730,  791,  794.  1093, 136^.,  1465.  1721 .  1754  2012,  2023,  2412, 
3107,  3226,  etc.,  (resplandor)  536. 

luein  135,  72,  2765.  67.50  'desluin)  7145. 


PHONÉTIQUE  DE  L*  «  O  »  DANS  «  FLAMENCA  »      225 

meillor  1805,  1888, etc.;  mellor  4581,  etc.;— mellura  1671, 
etc.,  (pejura)  3318;  melluramen  2931  ;  mellurar  3169  ;  mel- 
luret980,  etc. 

mogues  738  ;  movam  81 ,  etc . 

inoil(broil)  4687;  moilla6830,  (doilla)  4132. 

mollier43,  641,  etc.  ;  —  mullier  5787,  7681 . 

mor[l«p.  s.]  4508;  — muer  4577;  mur  4542,  4600,  4875; 
mûrir  5349  ;  mûris 5767  ;  [ailleurs  toujours  o  à  l'atone]. 

Nantoil  (ergoil)  692. 

Nemurs  (escurs)  7032. 

noella  322;  novellas  3419;  etc. 

noiridura  1575  ;  noiris  1630;  noirit  1929,  etc.  ;  —  nuirir 
1573. 

nueg  321,  (enueig)  317,  ?  (respieg)  5516  ;  nueh  7450  ;  nuehz 
7462  ;  nueit  5760  ;  nueitz  7459  ;  nug  1809,  2038,  3315.3741, 
3806,4374,4742,  7414,  (enug)  1335, .  VIII)  3011;  nugz  6281; 
nuh  3392,  (dug)  2685  ;  nuit  2991  ;  nuz  4172. 

obertura  2494;  obri  6053;  obrie.rs3725,  4734;  obrir  6404; 
—  ubri  2133,  2183,  2300,  3277;  ubrir  1523,  2997;  ubris 
2180,  etc. 

oblida  848  ;  oblidar  1673  ;  oblidet  787  ;  oblit  95,  etc. 

obrar  3573,  etc. 

ocaiso  6667  ;  — ucason3131  ;  ucaiso  2857  ;  ucaison  2582, 
73C3,  7820  ;  uccaison  2430. 

offerre  3487  ;  —  uferta  1448  ;  uffrehda  3913  ;  ufrir  1443,  etc . 

ogan  2687;  —  ugan  1526,  3382,  5306. 

oi238;hoi  3379,  4388;  oimais  2972,  3075,  3087,  3625, 
6475  ;  hoimais  4398  ;  —  huei  7752,  7780,  7788  ;  hui  2666, 
4029,  4190,  4893,  5380,  6089;  ueimais  6339,  6526;  ui  8035  ; 
uimais  2895. 

cil  2577,  5315,  (doil)  6354,  ffoil)  3152  ;  oill  7664  ;  oils1127, 
2463,  2809,  3001,  3160,  3978,  4132,  5624;  oilz  525,  1Û63, 
1538, 1595,  2183,  2475,  2609,  2134,  3937,  4226,  4452,  5671, 
5289,  5290,  5943,  6539,6559,6569,  6607,6645,  6829,  (ergoilz) 
2434;  olz  (ergueilz)  286  ;  —  ueil  309,  6574;  ueils  994,  2195, 

REVUE    DE    PHILOLOGIE,    XIII.  15 


226  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

2490,  2608,  3577  ;  ueilz  5287,  6537,  6599.  7430;  uil4378, 
(bruil  237,  (doil)  2719;  uils  4375;  uilz  6545. 

ongemens  5780. 

onglas  3776;  ongletas  6809;  —  unglal559. 

plorar  3312. 

pluia  205. 

poc  [3^"  p.]  2551,  etc.,  toc  331;  pocs  5076  ;  podem  48, 
110,  etc.  ;  pose  77,  1103,  3371,  3566,  3677,  4617,  5487,  5504, 
5509  ;  posca  398,  515,  2607,  5150,  5320  ;  poscam  3513;  pos- 
con  2620  ;  —  pues  5042,  5081  ;  puec  [1^  p.]  7228,  7754  . 
puees4551  ;  puesc  1107,  1309,1744.  2861,  2867.  2905,  3345, 
3366,  3368,  3443,  3631,  4242,  4709,  4855.  5050,  5051,  5102, 
5651,  6018,  6093,  6351,  6706,  7220,  7588,7743,  7764;  puesca 
3462,  4519,  5940,  6230,  6284,  6316,  7155,  7607,  7821  ;  pues- 
eam  4239;  puesean  6502,  6868,  7961  ;  puescas  766;  puesehem 
1661  ;  pusca  3942,  4298  ;  puscam5332. 

poig  1216;  —  pueitz  7204. 

pois  155,  530,  616,  etc.  ;  poissas  1,  475,  1262,  etc.  ;  pos 
263,277,  734,  835,  etc.  ;  —  pueis  1553, 2598, etc.,  5503,5511, 
5608,  5794.  6012,  6649,  7580,  7857;  pueissas  3780,  7999  ; 
pues  5831. 

politz  1500. 

poDhem  79,  etc.  ;  —  pung2540. 

preon  (respon'i  2212  ;  prionda  (redonda)  3684. 

prometre  111,  etc.        * 

redonda  653  [prionda),  3683;  redons  1617,  etc.;  —  redunda 
(aunda) 199; redundas 1624. 
respon  (preon)  2213  ;  responda  (esponda)3252,  etc. 
Robert  63,  68. 
rodât  789. 
ronos  1168. 

saborada  1087;  saboros  539,  etc. 

sanglotir  3311  ;  —  sanglut  (despendut)  754. 

secors  4637  ;  socors  34,  etc.,  7893. 


PHONÉTIQUE  DE  l'  "  O  »   DANS  "  FLAMENCA  »      227 

soen  310,  etc. 

sofrailos  1588  ;  sofrir  2795  ;  —  suffert  2762;  suffrens  1176, 
1178  ;  suffrir  1070,  5411,  etc.  ;  suffris  513  ;  sufri  4957,  etc  ; 
sufrir  1174,  4054,  4771,  4954,  etc  ;  .suf rires  4996,  etc.;  sufris 
3044. 

sojornarl775  ;  sojornat  417,  1690. 

solas  1506. 

soleilz  209,  etc. 

solet  650. 

soliers  1910. 

somo  14,  etc. 

sonada  454  ;  sonalz  954  ;  sonar  1519,  etc. 

sopar  909,  etc. 

sopleguet  2136. 

sotilezal229. 

suau  7563,  etc. 

sueil  (vueil),  6779  ;  sueill  [despueill)  5808,  (vueill)  7766. 

suspir  5841. 

Tintagoil  (cabrefoil)  592. 
tocar  1520,  etc. 

tolla  946,  etc.,  (despuella)  7463,  (voila)  1480  ;  tollion  (ve- 
niun)  6843 

troberon  52,  etc. 

tropel  1020. 

ucheii4688,  47o6  ;  ueg  335  ;  VIII  [enuig)  770,  5327;  XVIII 
(nug)  3012;  uiten5460. 

umbra  2176,  (enumbra)  2443. 

uncas  6944,  7871;  huncas  3380;  unquas  1986,  (donquas) 
2744. 

veniun  (tollion)  6842. 

vergonosa  268. 

voil  19,  55,  303,758,  1173,  2585,  2904,  2987,  3175,  3184, 
3287,  3451,  3506,  3527,  etc.,  (acoil)  1899,3274,  (acueil)  7276, 
(doil)    4961,    (ergoil)  4064,   (ergueil;,  11  (erguil;  2867  ;  voill 


22S 


REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


(orgueil  6017;  voilla  (eaguoUa)  3719  ;  voler  171,  etc.;  voUa 
6958,  (toUa)  1479;  volontat  2370,  etc.  ;  volontiera  6856;  vo- 
lontiers 125,  272,  etc.  ;  voluntier  6753  ;  voluntiera  3409;  vo- 
luntieras  6750,  7086;  —  vueil  6228,  6416,  6557,  6698,  6712, 
6776,  6778,  7360,  7395,  7724,  7334,  etc. ,  (sueil)  6778  ;  vueill 
5692,  5698,  (sueill)  7766;  vueiUa  ^dueilla)  7629;  vueillas 
(:^  atz)  6858;  vueillon  (^acullon)6766  ;  vuella  (duella)  7543  ; 
vuilla6259;  vuillas  (— atZ;  7072;  vuillatz  5183;  vul  5335, 
5337. 
volar  696. 

A.  Dauzat. 


SUR  LES  EMPLOIS  DE  "  MÊME  "  ' 


Même  est  étymologiquement  lin  adjectif,  c'est  le  superlatif 
de  ipse.  Joint  à  un  nom,  il  indique,  comme  ipse,  qu  il  s'agit 
précisément  de  l'objet  exprimé  par  le  nom  :  lui-même,  c'est- 
à-dire,  précisément  lui,  lui  en  personne.  «  C'est  la  loyauté 
même  »  =  c'est  la  loyauté  en  personne  (par  exagération).  «  Il 
a  pénétré  dans  le  sanctuaire  même,  «c'est-à-dire  précisément 
dans  le  sanctuaire,  et  non  pas  seulement  dans  la  première 
partie  du  temple. 

Supposons  même  joint  au  nom  d'un  objet  dont  on  veut  dire 
qu'il  est  commun  à  plusieurs  personnes  ;  en  indiquant  qu'il 
s'agit  précisément  de  cet  objet,  l'adjectif  même  accentuera 
l'idée  de  communauté  qui  résulte  du  contexte:  ((  Il  habita  la 
chambre  ou  la  chambre  même  (ou  la  même  chambre)  que 
son  frère  avait  habitée.  »  On  voit  par  cet  exemple  comment 
on  passe  insensiblement,  dans  certaines  phrases,  du  sens  de 
ipse  au  sens  de  idem:  cette  idée  qui  résulte  du  contexte,  et 
que  même  ne  fait  qu'accentuer,  est  arrivée  à  s'incorporer  à 
mème^,  si  bien  que  lorsqu'on  entent  dire  le  même,  on  pense 
immédiatement  à  un  objet  qui  est  commun  à  plusieurs  per- 
sonnes (à  la  fois  ou  successivement),  ou  dont  il  a  été  question 
dans  d'autres  circonstances. 

Le  même  éveillant  ainsi  l'idée  de  communauté,  on  a  pu 
supprimer  le  verbe  qui  marquait  cette  idée,  et  dire  :  «  Il  ha- 
bita la  même  chambre  que  son  frère.  »  On  évite  même  d'ex- 
primer le  second  verbe,  qui  fait  maintenant  l'effet  d'une  re- 
dondance et  d'un  pléonasme. 

1.  Nous  désignons  par  les   lettres   D,    G,   E,   L  les   citations  em- 
pruntées respectivement  à  Darmesteter,  Godefroy,  Etienne,  Littré. 

2.  Exactement  comme  pas  a  fini  par  prendre  la  signification  néga- 
tive de  la  locution  ne  j)as. 


230  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Mcme  est  donc  arrivé  à  exprimer  une  idée  de  communauté 
entre  plusieurs  personnes  ou  objets,  ou  entre  plusieurs  cir- 
constances \  C'est  le  sens  de  idem  latin. 

Notez  que  même,  dans  ce  sens,  peut  se  joindre  à  l'article 
indéfini,  à  un  démonstratif  ou  à  un  possessif  *:  ce  même 
homme;  il  a  toujours  son  même  habit,  c'est  une  même  chose. 

Même  a  une  autre  acception  dérivée  de  sa  signification 
primitive,  et  qui  s'est  dégagée  dans  les  membres  de  phrase 
où  on  ajoute  un  détail  caractéristique  à  une  idée  exprimée. 
Ainsi  on  caractérisera  la  force  de  séduction  d'un  orateur  en 
disant  :  «  Il  séduit  ses  ennemis  mêmes,  »  ce  qui  signifie  pro- 
prement :  ((  Il  séduit  ses  ennemis,  ceus-là  précisément  (et  à 
plus  forte  raison  les  autres).  »  Mais  ici,  étant  donné  le  con- 
texte, dire  ((  précisément,  en  précisant  »  équivaut  à  dire  ((  en 
ajoutant  ou  pour  ajouter  un  détail  caractéristique  ».  Cette 
valeur,  qui  résulte  du  contexte,  s'est  incorporée  à  même,  de 
telle  sorte  que,  lorsque  nous  entendons  dire  même,  nous 
pensons  tout  de  suite  à  une  circonstance  caractéristique 
ajoutée.  En  prenant  cette  signification,  même  est  devenu  in- 
dépendant du  substantif  auquel  il  était  d'abord  joint  comme 
adjectif,  il  équivaut  au  latin  etiam,  et  il  devient,  comme  etiam, 
une  véritable  conjonction  de  coordination^  : 

Ses  malheurs  n'avaient  pas  abattu  sa  fierté  ; 
MêiùP  elle  avait  encor  cet  éclat  emprunté,  etc. 

(Racine.) 

Dans  cet  exemple  et  dans  les  semblables,  on  ne  peut  pas 
dire  que  même  soit  adverbe,  il  n'indique   pas  comment  se 

1.  On  dit  quelquefois  que  nv'me  exprime  l'identité,  mais  on  est 
obligé  de  définir  rideniité  a  caractère  de  ce  qui  est  le  même  ».  Puis- 
qu'on se  sert  du  mot  même  pour  définir  identité,  on  ne  peut  se  servir 
du  mot  identité  pour  définir  même. 

2.  Ou  encore  au  nom  sans  délermiuatif  :  «  Nous  avons  même 
pairie.  » 

3.  Notons  que  l'adjectif  iudéfini  mt'me  est  devenu  ainsi  conjonction 
par  l'intermédiaire  de  la  valeur  adverbiale  (précisément)  qu'il  con- 
tenait implicitement.  Le  changement  d'un  adverbe  en  conjonction  est 
fréquent. 


SUR    LES    EMPLOIS    DE    «  MÊME   »  231 

fait  l'action,  mais  établit  un  rapport  entre  deus  propositions, 
rapport  qu'on  peut  appeler  de  renforcement,  de  même  que 
mais  et  cependant  marquent  un  rapport  d'opposition.  C'est 
donc  une  conjonction  au  môme  titre  qu'e^mm. 

Les  deus  propositions  réunies  par  même  peuvent  se  ré- 
duire à  une  par  ellipse.  Lorsqu'on  dit:  «  Il  a  étonné  tous  les 
assistants,  même  ses  amis  »  ou  ((  tous  les  assistants,  même 
ses  amis  ont  été  étonnés  »,  il  y  a  ellipse  du  verbe  de  l'une  des 
propositions  réunies  par  même.  Analysez  :  ((  Tous  les  assis- 
tants ont  été  étonnés,  même  ses  amis  l'ont  été.  »  Mais 
l'ellipse  peut  être  encore  plus  forte  :  le  terme  général  (tous 
les  assistants)  qui  est  sujet  ou  complément  de  la  première 
proposition  peut  être  complètement  supprimé:  »  Il  a  étonné 
même  ses  amis  »  ou  «  même  ses  amis  ont  été  étonnés.  »  Si 
bien  que.  dans  cette  tournure,  la  première  proposition  dis- 
paraît, ou  du  moins  il  n'en  reste  que  le  verbe,  qui  est  com- 
mun aus  deus  propositions. 

Donc,  même  équivaut  à  ipae,  à  idem  ou  à  eiiam.  Nous 
avons  vu  que,  dans  certaines  phrases,  les  valeurs  d'^pè-e  et 
di'idem  sont  très  voisines:  «  Il  avait  cet  aspect  même,  ou  ce 
même  aspect.  »  Dans  d'autres  phrases,  ce  sont  celles  d'ipse 
et  d^etiam  qui  se  touchent:  comparez  a  II  a  étonné  ses 
amis  même  »  et  «  il  a  étonné  même  ses  amis  ».  Ces  rap- 
prochements font  mieus  comprendre  comment  un  sens 
a  pu  se  dégager  de  l'autre.  On  voit  d'autre  part  à  quel 
point  ces  sens  arrivent  à  diverger  quand  on  compare  :  a  II 
opère  lui-même  »  et  «  même  lui  opère  »,  ou  encore  :  «  Il  occupe 
la  maison  même  »  et  «  il  occupe  la  même  maison.  »  Pour 
avoir  les  trois  valeurs  dans  trois  phrases  semblables,  on  peut 
dire  :  «  Il  occupe  même  la  maison,  ou  la  maison  même,  ou  la 
même  maison.  » 

Supposons  ces  deus  phrases  :  a.  «  Ils  sont  déjà  arrivés,  ils 
occupent  même  la  maison.  »  —  ô.  «  Ils  ne  se  sont  pas  con- 
tentés du  jardin,  ils  occupent  même  la  maison.  » 

Il  semble  au  premier  abord  qu'il  y  ait  une  différence  de 
sens  entre  les  deus  même,  mais  en  réalité  c'est  le  sens  à! eiiam 


232  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

dans  les  deus  cas.  Ce  qui  donne  en  apparence  un  sens  parti- 
culier à  mcrne  dans  le  second  cas,  c'est  qu'il  se  rattache  alors 
non  au  verbe  «  occupe  »  exprimé,  mais  à  sa  répétition  sous- 
entendue;  et  on  marque  cette  différence  dans  la  prononcia- 
tion en  détacliant  légèrement  même  du  verbe  exprimé  :  «  Ils 
occupent  même  la  maison,  »  c'est-à-dire  :  «  ils  occupent  tout, 
ils  occupent)  même  la  maison.»  Autrement  dit  encore,  le  détail 
caractéristique  dans  un  cas  [a)  c'est  l'occupation  de  la  mai- 
son, et  dans  l'autre  (6)  c'est  la  maison  seulement. 

Supposons  ces  deus  autres  phrases  :  o.  «  Tout  le  monde  a 
vu  qu'il  disait  une  sottise,  il  s'en  est  aperçu  Uii-mcme,  »  et 
b.  ((  Personne  n'a  remarqué  qu'il  disait  une  sottise,  mais  il 
s'en  est  aperçu  lui-même.  » 

C'est  ipse  dans  les  deus  phrases.  Mais  dans  la  phrase  «, 
sans  changer  de  valeur  propre,  même  souligne  une  idée  qui 
se  dégage  du  contexte  et  qu'il  est  arrivé  à  exprimer  à  lui 
tout  seul  quand  on  le  détache  en  tête  d'un  membre  de  phrase: 
((  Même  lui  s'en  est  aperçu.  » 

ACCORD 

Les  sens  de  même  se  réduisent  donc  bien  réellement  à 
trois.  Quand  il  équivaut  nettement  à  idem,  quand  on  ne  peut 
le  traduire  que  par  ic?em,  on  le  fait  accorder  sans  hésitation; 
quand  il  équivaut  nettement  à  etiam,  on  le  fait  invariable. 
Mais  quand  on  peut  le  traduire  par  ipse,  il  y  a  des  causes 
d'hésitation  :  1  -  la  valeur  d'ipse  se  décompose  en  un  adjectif- 
pronom  démonstratif  combiné  avec  une  idée  adverbiale  : 
H  précisément  celui-ci.  ))  Par  son  côté  démonstratif,  le  mot 
même  en  ce  sens  tent  à  s'accorder,  par  son  côté  adverbial  il 
tent  à  rester  invariable.  2*^  C'est  en  dépouillant  sa  valeur  dé- 
monstrative qui  le  rattacliait  au  substantif,  que  même  a  dégagé 
l'acception  nouvelle  dans  laquelle  il  est  devenu  conjonction. 
Mais  nous  avons  encore  telles  phrases,  que  nous  avons 
citées,  où  se  fait  sentir  la  transition  d'un  sens  à  l'autre,  où  la 
valeur  démonstrative  est  si  faible  qu'on    est  tenté  de  faire 


SLR    LES    EMPLOIS    DE    «  MÊME  »  233 

le  mot  invariable,  mais  où  il  en  reste  assez  pour  justifier 
raccord  (Il  a  étonné  ses  amis  même  ou  mêmes). 
Malherbe  (D.1,  a  écrit  (Vauglas  l'en  blâme)  : 

Les  Immortels   eus- même  en  sont  persécutés. 

C'est  la  transition  entre  le  sens  primitif  et  la  valeur  de 
conjonction  (Les  Immortels,  même  eus). 

Littré,  au  mot  même,  remarque  6  .  cite  plusieurs  autres 
exemples  de  même  fait  invariable  après  un  pronom  personnel 
pluriel  par  Corneille,  Voliaire,  Lamartine,  Hugo.  En  dehors 
même  du  cas  offert  par  l'exemple  de  Malherbe,  même  après 
un  pronom  personnel  ne  correspont  jamais  à  idem,  ni  jamais 
nettement  à  etiam,  l'accord  devrait  donc  être  toujours  facul- 
tatif. La  différence  établie  entre  eus-mêmes  et  cean-inême  ou 
cens-mêmes  est  absurde. 

On  a  essayé  d'établir  une  petite  règle  de  détail  sur  ce  vers 
de  Racine  : 

Ces  murs  mêmes,  Seigneur,  peuvent  avoir  des  3'ens. 

On  a  dit:  «  Racine  a  fait  accorder  même,  parce  qu'il  suit 
un  seul  substantif  au  pluriel  ;  mais  il  aurait  écrit  ces  meu- 
bles, ces  tentures,  ces  murs  même,  parce  qu'ici  il  y  a  une 
gradation,  et  on  peut  placer  même  précédé  de  et  devant 
le  dernier  substantif  :  et  même  ces  murs.  »  Il  est  superflu  de 
faire  remarquer  que  même  a  exactement  la  même  valeur 
dans  les  deus  cas.  D'ailleurs,  l'exemple  de  Racine  est  faus  ; 
les  éditions  originales  ont  même  au  singulier.  Et  alors 
même  qu'elles  auraient  eu  mêmes,  on  n'aurait  pu  en  rien 
conclure,  car  à  l'époque  de  Racine,  même,  adverbe  ou 
conjonction,  s'écrivait  librement  avec  ou  sans  s,  comme 
aujourd'hui  encore  guère  ou  guères. 

Vaugelas  tenait  beaucoup  à  ce  que  Ton  montrât,  par  son 
orthographe,  qu'on  avait  fait  une  analyse  exacte  du  sens  de 
même.  Et  comme  même,  au  sens  dit  adverbial,  prenait  ou 
ne  prenait  pas  d's  ad  libitum,  il  voulait  qu'on  ne  mît  pas 
d's  à  côté  d'un  nom  pluriel,  et  qu'on  en  mît  une  à  côté  d'un 


■M 


234  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

nom  singulier  On  montrait  ainsi  très  clairement  qu'on  ne 
faisait  pas  l'accord,  et  que  par  conséquent  on  ne  prenait  pas 
ce  même  pour  un  adjectif. 

Place  de  même 

Lorsque  mcme  est  conjonction,  il  se  place  en  tête  de  la 
proposition  (ou  du  membre  de  phrase  qui  en  tient  lieu), 
comme  les  autres  conjonctions,  ou  encore  à  côté  du  verbe, 
parce  qu'il  est  devenu  conjonction  par  l'intermédiaire  d'un 
sens  adverbial.  On  dit  en  effet:  «  cependant  ill  avait  promis,  » 
ou  «  il  lavait  cependant  promis.  »  Remplacez  cependant 
par  mcnie  et  la  double  construction  sera  possible. 

La  différence  entre  le  sens  ip^e  et  le  sens  idem  est  au- 
jourd'hui marquée  par  la  place  des  mots,  '<  même  »  ipse 
devant  suivre  le  nom,  et  «  même  >)  idem  devant  le  précéder. 
Cette  distinction  de  place  n'existait  pas  dans  l'ancienne 
langue,  comme  nous  allons  le  montrer  par  des  exemples. 

1"  «  Même  »  idem 

a]  Après  le  nom  : 

Chanson  de  Roland  (v.  205)  :  «  Noncièrent  vos  cez  paroles 

meïsmes.  «  C'est-à-dire  :  «  Ils  vous  apportèrent  ces  mêmes 
paroles.  » 

Corneille  {Place  Royale,  V,  4)  : 

«  Et  sans  être  rivaux,  nous  aimons  en  lieu  mcme.  » 

h)  Avant  l'article  . 

Livrer  des  rois  (L .  )  :  «  Et  commanda  a  ses  fils  que  il  a  sa 
mort  fust  ensevelis  en  meïsme  le  sepulchre  ou  li  bons  huem 
fut  ensevelis,  »  c'est-à-dire  :  ((  dans  le  même  sépulcre  ». 

Chardry  (G.)  :  «  Même  la  manière  que  »  pour  «  de  la  même 
manière  que.  » 


SUR    LES    EMPLOIS    DE    «  MÊME  »  235 

2"*  ((  Même  »  ipse 

a]  Avant  le  nom  : 

Pèlerinage   de    Charlemagne     (E.)  :  <•(  Ço  est  mesdimes 
Deus.  »  C'est-à-dire  :  «  C'est  Dieu  même.  » 
Corneille  : 

((  Sais-tu  que  ce  vieillard  fut  la  mrmp  vertu.  » 

On  trouvera  d'autres  exemples  dans  Littré  au  mot  même 
dans  la  8®  remarque.  Mais  l'exemple  de  Rousseau  (/Tw/Ze,  IV) 
est  à  retrancher  :  «  Le  temps  vient  où  la  même  nature  prend 
soin  d'éclairer  son  élève.  »  Il  s'agit  de  la  nature  dont  on  a 
déjà  parlé  (sens  de  idem).  La  proposition  qui  précède  est: 
«  C'est  l'ignorance  de  la  nature.  » 

Amyot  (L.):  «  Coucher  à  même  terre,  ))  c'est-à-dire 
sur  la  terre  même.  » 

b)  Avant  larticle  : 

((  Boire  à  même  le  pot,  »  c'est-à-dire  au  pot  même.  Et  de 
même  w  mordre  à  même  ». 

Corneille  (Place  Royale,  III,  8,  L.)  : 

«  Cherches-tu  de  la  joie  à  même  mes  douleurs?  )) 

C'est-à-dire  «  âmes  douleurs  mêmes  ». 

Par  l'ellipse  du  substantif,  à  même  forme  une  locution 
adverbiale  (boire  à  même),  qui  a  donné  naissance  à  une  lo- 
cution prépositive,  employée  par  Saint-Simon  :  «  Louvois 
était  grand  buveur  deau,  et  en  avait  toujours  un  pot  sur  la 
cheminée  de  son  cabinet,  à  même  duquel  il  buvait.  »  Et  Sainte- 
Beuve  (L.  )  :  ((  Et  mord  à  belles  dents  à  même  du  prochain.  » 
Le  substantif  auquel  se  rapporte  en  réalité  même  devient  le 
complément  de  la  locution  prépositive  ;  mordre  à  même  du, 
prochain  ^pour  à  même  le  prochain)  est  logiquement  aussi 
incorrect  que  «  se  rappeler  oJ'une  chose  »  pour  «  une  chose». 


236  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

REMARQUES  DIVERSES  SUR  l'eMPLOI  DE  nicme 

Autres  significations  de  «  à  me  nie  » 

ff  A  même  »  forme  une  autre  locution  par  l'ellipse  d'un 
substantif  exprimant  l'idée  d'état,  de  moment  ou  de  lieu. 
«  Etreà  m<*mr  d'un  objet  »  a  signifié  «  être  au  lieu  même  de 
cet  objet,  près  de  lui  ».  «  Pitre  «  nu'mede  faire  une  chose  »  a 
signifié:  1^'  «  être  au  moment  même  de  la  faire,  »  c'est-à-dire 
en  train  de  la  faire  ou  sur  le  point  de  la  faire  ;  2*^  «  être  en 
étiit  même  de  la  faire,  »  c'est-à-dire  sacoir  ou  pouvoir  la 
faire.  C'est  le  sens  de  «  pouvoir  la  faire»  qui  seul  s  est 
maintenu-  jusqu'à  nos  jours. 

Le  substantif  sous-entendu  peut  être  le  mot  a  point  »  qui  a 
eu  les  trois  significations  de  momient,  d'état  et  de  lieu,  dont 
il  reste  des  traces  dans  les  expressions  :  être  sur  le  point  de  (on 
a  dit  être  au  point  de)  ;  arriver  à  point  (an  moment  voulu)  ; 
((  Et  je  l'ai  mis  au  point  (à  l'état)  de  \ou  tout  sans  rien  croire  » 
(Molière,  Tartufe  ;  en  ctre  au  même  point  (au  même  en- 
droit). On  peut  donc  considérer  u  être  à  même  de  ))  comme 
équivalant  à  «  être  à  même  le  point  de  »  ou  ((  au  point  même 
de  »,  dans  les  divers  sens  de  point  indiqués  ci-dessus. 

<f  Etre  à  même  de  »  a  donc  signifié  ctre  sur  le  point  de, 
être  en  train  de,  être  auprès  de,  et  savoir  ou  pouvoir,  ^'oici 
des  exemples  de  chaque  valeur  : 

10  Etre  sur  le  point.  —  Montaigne  [G.]:  a  La  jalousie  que 
nous  avons  de  les  voir...  jouyr  du  monde  quand  nous 
sommes  à  mesme  de  le  quitter.  » 

2^  Etre  en  train  de.  -  Montaigne  (G.):  «  surprendre 
quelqu'un  à  même,  »  c'esi-à-dire  en  train  (de  faire  une  chose). 

De  là  la  locution  conjonctive  «  à  même  que  »  encore  enre- 
gistrée par  Liitré  {même,  15°)  dans  le  sens  de  «  au  moment 
même  où  ».  C'est  ici,  me  semble-t-il,  qu'il  faut  placer 
l'exemple  de  Montaigne  :  «  Le  vin  nous  semble  meilleur  a 
mesme  que  nous  avons  ouvert  et  lavé  nos  pores.  '^  Il  fauttra- 


SUR    LES    EMPLOIS    DE    «  MÊME  »  237 

duire  par  du  moment  où  et  non  par  selon  que  comme  fait 
Littré.  Le  sens  de  «  selon  que  »  (à  proportion  même  que)  n'a 
rien  d'impossible  à  priori,  mais  on  n'en  a  pas  d'exemples.— 
Dans  Godefroy,  on  trouve  d'autres  exemples  de  à  mc^me  que 
tirés  de  Montaigne  et  de  François  de  Sales. 

3°  Etre  auprès  de.  —  Chevalier  aua  deus  èpées  (G.): 

Et  il  se  prendent  à  haster 
Tant  qu'il  sont  à  meïsmes  d'eus. 

Molière  (L.)  :  «  Je  veux  me  faire  un  gendre  et  des  alliés 
médecins. . .,  afin  d'être  à  même  des  consultations.  » 

40  Savoir.  —  G.  Guiart  (L.)  : 

Bien  sont  de  mentir  a  meïsmes 
Cil  qui  vont  contant  tieus  noées. 

A 

5"  Pouvoir.  —  «  Etre  à  même  d'agir,  mettre  quelqu'un  à 
même  d'agir,  »  c'est  être  ou  mettre  en  mesure  de. 

On  dit  aussi  è/re  ou  mettre  à  même  absolument^  ;  de  là  la 
locution  «  être  à  môme  pour  faire  une  chose  ».  Montaigne 
(L.)  :  «  Je  ne  suis  pas  icy  à  mesmes  pour  traiter  ce  riche 
argument.  »  Molière  (L.)  :  <<  Je  serai  à  mesme  pour  vous 
caresser.  » 

On  a  dit  aussi  «  mettre  quelqu'un  à  même  d'une  chose  ou 
à  même  une  chose  ))  c'est-à-dire  «  en  puissance  de  ».  Amyot 
(G.):  «  Je  vous  mettrai  a  mesme  mes  biens,  là  où  vous  pourrez 
puiser  et  prendre,  etc.  » 

MÊME   =  SURTOUT 

Lorsqu'on  dit:  a  II  a  étonné  tout  le  monde,  même  ses  amis,  » 
on  indique  que  les  amis  sont  compris  dans  le  terme  plus 
général  qui  précède.  Mais  pourquoi  donne-t-on  cette  indica- 
tion précise?  Est-ce  parce  que  les  amis  ont  été  particulière- 

1.  Baïf(G.)  : 

De  quoi  m'as-tu  jamais  requis 

Qu'a  mesme  aussitost  ne  t'ay  mis. 


238  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

ment  étonnés,  ou  parce  qu'ils  ont  été  étonnés  contrairement 
à  ce  qu'on  pouvait  supposer?  L'idée  restait  incertaine  dans 
l'ancienne  langue  et  n'était  déterminée  que  par  le  contexte. 
Autrement  dit,  à  côté  du  sens  qu'il  a  conservé,  mrme  annon- 
(^ant  une  circonstance  caractéristique  avait  aussi  dans  l'an- 
cienne langue  le  sens  de  surtout: 

Du  Bellay  (cité  par  Littré)  :  «  Nostre  langue  ne  doit  pour- 
tant estre  deprisée,  me.9me  de  ceux  auxquels  elle  est  propre  et 
naturelle.  » 

A/esmeme;i^  participait  à  ces  deus  sens,  et  signifiait  aussi 
((  de  la  même  manière  ». 

PARTICULARITÉS  DE  l'emploi  DE  même  =  idem 

I 

On  a  dit  jadis  «  le  même  »  au  neutre,  pour  signifier  In 
même  chose.  Et  il  en  reste  la  locution  «  cela  revient  au 
même  "  et  aussi  «  du  même  au  même  ».  Littré  [même,  d") 
cite  plusieurs  exemples  de  le  même  neutre  au  XV!!**  siècle, 
et  notamment  celui-ci,  de  Bossuet  :  a  Le  même  doit  arriver 
dans  les  autres  sens.  » 

IL  —  Le  même  de,  Le  même  à 

En  remontant  à  l'origine  du  sens  de  idem,  on  conçoit  ces 
deus  tournures  :  «  Il  avait  les  amis  mêmes  que  son  frère 
avait  »  et  ((  il  avait  les  amis  mêmes  de  son  frère.  »  De  là  : 
((  Les  mêmes  amis  que  son  frère  »  ou  ((  les  mêmes  amis  de 
son  frère.  » 

Littré  {même,  8°)  cite  plusieurs  exemples  de  le  même  de, 
notamment  dans  Jean-Jacques  Rousseau  :  «  Il  suit  encore 
en  cela  les  mêmes  errements  des  autres.  )) 

D^autre  part,  sous  l'influence  d'une  assimilation  instinctive 
avec»  semblable  »,  on  trouve  aussi  le  même  à. 

D'Urfé  (G.)  :  «  Hymen  ..  tenant  de  la  main  gauche  un  voile 
de  mesme  couleur  à  celui  qu'Amerine  portoit.  )) 


SUR    LES    EMPLOIS    DE    ((  MÊME  ))  239 

III.  —  De  même  pour  de  même  que 

La  locution  adverbiale  de  même  (=  de  la  même  façon) 
s'est  employée  directement  devant  le  substantif  au  sens  de 
«  de  même  que.  » 

Rabelais  (L.)'.  «  avoir  la  force  c^e  mt' me  le  courage.  »  Ces 
façons  de  dire  sont  à  rapprocher  des  adverbes  employés 
comme  prépositions  :  «  Passy  prèa  Paris.  » 

IV.  —  «  Tout  de  même  » 

La  locution  populaire  ((  tout  de  même  »  équivaut  à  «  mal- 
gré une  cause  d'empêchement  précédemment  exprimée  ». 
Ce  sens  est  né  dans  des  phrases  telles  que:  «  L'orage  a 
éclaté,  mais  il  est  parti  tout  de  même.  »  Entendez:  ((  tout  à 
fait  de  la  même  façon  que  si  Torago  n'avait  pas  éclaté.  » 

Néanmoins  (=^  non  moins)  exprime  la  même  idée  :  a  il  est 
parti  néanmoins,  ))  c'est-à-dire  «  non  moins  que  si  l'orage 
n'avait  pas  éclaté  ». 

L.  Clédat. 


240  REVUE    DE    PHILOLOGIE   FRANÇAISE 


CHRONIQUE 


Nos  études  viennent  de  faire  une  perte  sensible  en  la  per- 
sonne de  M.  Charles  Marty-Laveaux,  décédé  subitement  à 
Vitry-sur-Seine  le  11  juillet  dernier. 

M.  Marty-Laveaux,  dit  Le  Tempa,  né  à  Paris  en  1823, 
était  fils  de  l'acteur  J.-B.  Marty  et  petit-fils  du  grammairien 
Ch.  Laveaux.  Ancien  élève  de  l'École  des  Chartes,  il  fut 
d'abord  occupé  aus  travaus  du  Catalogue  de  la  Bibliothèque 
Impériale,  puis  nommé  professeur  à  l'I^^cole  des  Chartes. 
Depuis  plusieurs  années,  il  remplissait  les  fonctions  d'archi- 
viste de  l'Académie  française;  sa  mort  causera  d'unanimes 
regrets.  L'œuvre  que  laisse  cet  érudit  d'un  rare  mérite  est 
assez  considérable.  Il  avait  reédité,  en  1847,  le  Dictionnaire 
raisonné  des  difficultés  de  la  langue  française,  publié  par 
son  grand-père,  puis  donné  sur  La  Fontaine  de  curieuses 
études,  d'une  originale  et  profonde  documentation.  En  1858, 
il  obtint  de  l'Académie  française  le  pris  proposé  pour  un 
Lexique  de  la  langue  et  du  style  de  Corneille;  il  faisait 
paraître  ensuite  l'importante  édition  des  œuvres  de  Corneille, 
si  appréciée  des  bibliophiles,  et  rééditait  les  poètes  de  la 
Pléiade.  Citons  encore  son  édition  de  Rabelais  et  de  nom- 
breuses publications  grammaticales  :  Cahier  de  remarques 
sur  l'orthographe  française^  Cours  historique  de  langue 
française,  etc.  Nos  lecteurs  se  souviennent  que  M.  Marty- 
Laveaux  avait  pris  une  part  notable  à  l'enquête  faite  dans 
cette  Revue  sur  la  question  de  l'accord  du  participe  passé. 


Le  Gérant  :  W^  Emile  Bouillon. 


IMH.    FRA.NCAISE    ET   ORIE.MALK   L.    MARCEAU,    E.    BERTRAiND  SUC'. 


L'ACCENTUATION  BINAIRE 

ET 

L'ANALOGIE    PHONÉTIQUE 

DANS  LA  LANGUE  FRANÇAISE 


Dans  une  remarquable  étude  qui  a  paru  d'abord 
dans  la  Roinania  et  a  été  réimprimée  dans  les  Reliques 
scientifiques^  A.  Darmesteter  avait  examiné  les  lois 
posées  par  Brachet  concernant  la  protonique  non  ini- 
tiale non  en  position,  et  montré  qu'elles  devaient  être 
en  grande  partie  modifiées.  Il  a  établi  d'abord,  que  la 
brièveté  ou  la  longueur  de  la  voyelle  latine  n'influe 
aucunement  sur  le  traitement  qu'elle  a  pu  subir  en 
français;  si  cette  conclusion  n'est  qu'un  argument  de 
plus  pour  la  thèse  que  nous  avons  soutenue  ici  même, 
en  l'appuyant  sur  des  considérations  toutes  latines, 
c'est  que  dans  le  latin  dit  vulgaire,  les  atones  n'ont 
jamais  été,  à  vrai  dire,  regardées  comme  des  longues. 

Darmesteter  a  cru  devoir  poser  les  lois  suivantes 
sur  la  protonique  non  initiale,  quand  elle  n'est  ni  en 
position  ni  en  hiatus  : 

1°  A  bref  ou  long  reste  ou  plus  généralement  s'affai- 
blit en  e  féminin  ; 

2°  Les  autres  voyelles  tombent  quand  elles  ne  sont 
pas  protégées  par  un  groupe  de  consonnes. 

1.  Romania,  V,  1876,  p.  140-367.  —  Reliques  scientifiques, 
p.  96-119. 

REVUE   DE  PHILOLOGIE,  XIII  16 


242  REVUE   DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Ces  deus  lois  sont  phonétiques.  Dans  un  mot  tel  que 
bonitatew,  dit  le  savant  romaniste,  il  y  a,  outre  l'accent 
tonique,  une  sorte  d'accent  binaire,  grâce  auquel  boni 
peut  être  traité  comme  s'il  formait  un  seul  mot  :  de  la 
on  peut  être  amené  à  conclure  que  la  protonique  est 
soutenue  par  l'accent  secondaire,  comme  elle  le  serait 
par  Taccent  principal,  dans  boni  génitif  de  bonus,  et 
qu'elle  est  traitée  de  la  même  façon. 

Mais  il  faut  reconnaître,  ajoute  Darmesteter,  que 
ces  lois  phonétiques  sont  contrariées  pnr  deus  espèces 
d'actions  analogiques:  l'iniluence  exercée  par  la  forme 
des  mots  simples  sur  celles  des  dérivés^  et  d'autre 
part  l'inïluence  exercée  par  la  dérivation  de  la  conju- 
gaison la  plus  usuelle  sur  la  dérivation  des  autres 
conjugaisons. 

Ces  lois  prises  à  la  lettre  sont  généralement  exactes  ; 
mais  il  me  semble  juste  de  faire  des  réserves  sur  la 
cause  qui  les  a  produites.  Nous  ne  croyons  pas  qu'en 
remontant  au  latin  parlé  on  puisse  admettre  au  sujet 
de  Taccent  binaire  l'idée  que  semble  en  avoir  eue 
Darmesteter.  Dans  cette  étude  plus  rythmique  que 
phonétique,  nous  proposons  de  rechercher  le  principe 
fondamental  du  rythme  prosodique  de  ces  mots,  et 
d'en  étendre  lapplication  générale  même  ans  syllabes 
d'une  autre  catégorie. 


L'Accentuation  binaire 

La  théorie  de  l'accent  binaire,  c'est-à-dire  de  l'accent 
qui,  dans  des  mots  d'une  certaine  longueur,  saute  pour 
ainsi  dire  de  deus  en  deus  syllabes  à  droite  et  à 
gauclie  de  la  tonique,    bùnitùtew ,   fructiflcdvimûs ,   a 


l'accentuation  binaire  243 

été  admise  par  plusieurs  savants  qui  ont  tenté  de 
l'appliquer  à  la  phonétique.  Mais  ainsi  formulée^ 
elle  semble  inadmissible.  C'est  la  contusion  de  la 
rythmique  avec  une  idée  phonétique,  confusion  venue 
sans  doute  du  mécanisme  des  rythmes  du  moyen  âge. 

On  comprent  fort  bien  que  dans  une  prose  de  l'Église 
d'allure  trochaïque,  un  mot  tel  que  bonitatem,  par 
exemple,  porte  deus  accents  métriques,  Tun  qui  coïn- 
cide avec  la  tonique,  l'autre  qui  porte  sur  la  syllabe 
initiale.  Deviare  pourrait  être  traité  de  même.  S'il 
n'en  eût  pas  été  ainsi,  il  n'eût  pas  été  possible  de  faire 
entrer  dans  les  rythmes  de  ce  genre  les  mots  de  quatre 
syllabes,  puisque  l'accent  rythmique  doit  atîecter  les 
syllabes  de  deus  en  deus  d'après  la  loi  même  du  genre. 

Or,  le  mot  français  bonté  sorti  de  bonitate  prouve  par 
le  maintien  de  la  première  syllabe  que  celle-ci  comme 
valeur  devait  être  supérieure  à  la  seconde.  Pour  ce 
mot,  l'accent  rythmique  n'est  donc  pas  seulement 
conventionnel,  le  renforcement  de  la  syllabe  initiale 
existait  réellement  aussi  dans  le  langage  ordinaire. 

Mais  en  est-il  de  même  de  deviare  que  le  rythme 
ferait  prononcer  déviâref  Le  français  dévoyer  nous 
montre  ici  une  deusième  syllabe  prononcée  d'une 
façon  toute  différente  :  au  lieu  de  disparaître  comme 
dans  bonitatem,  elle  se  renforce  comme  si  1'/  latin  eût 
été  accentué,  et  le  rythme  initial  du  mot  au  lieu  d'être 
descendant  devient  plutôt  ascendant.  Dès  lors,  on  doit 
reconnaître  que  si  par  une  convention  métrique  la  ver- 
sification et  le  chant  forcent  à  appuyer  sur  la  première 
syllabe  àe  deviare,  cette  prononciation  pouvait  bien  ne 
pas  exister  dans  le  langage  ordinaire. 

La  loi  qui  régit  cette  accentuation  sera  facile  à  saisir 
par    un    exemple  germanique.    L'allemand    accentue 


244  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

uébersét:^en  :  voilà  raccentuation  binaire  proprement 
dite.  Mais  on  prononce  Gesét.^gêber ;  bien  que  ce 
mot  ait  apparemment  la  môme  forme  que  le  premier, 
c'est  la  deusième  syllabe  qui  porte  l'accent  au  détri- 
ment de  la  première.  Il  est  clair  que  l'accent  des  deus 
mots  qui  ont  formé  chacun  de  ces  deus  composés  est 
resté  sur  la  syllabe  qui  le  portait  dans  le  simple. 

C'est  là  d'ailleurs  une  règle  d'une  portée  générale, 
et  qui  doit  s'appliquer  aussi  dans  les  langues  romanes, 
quoique  l'accent  secondaire  soit  ici  moins  sensible  à 
l'oreille .  Scoppa  après  avoir  cité  ce  vers  de  la  Divine 
Comédie: 

Con  tre  bocche  caninamente  latra, 

fait  observer  que  le  poète  a  cru  devoir  traiter  la  syllabe 
i  de  canina  comme  accentuée,  puisque  le  vers  italien 
demande  un  accent  intérieur  qui  ne  peut  être  mis  qu'à 
cette  place.  Il  prononçait  donc  canina,  à  peu  près 
comme  si  c'eût  été  un  mot  indépendant,  et  non  une 
partie  d'un  composé.  On  a  voulu  révoquer  en  doute 
l'assertion  du  savant  qui  croyait  avoir  là  un  fort  accent 
secondaire,  et  prétendre  qu'au  dire  de  certains  Italiens 
consultés,  il  ne  pouvait  y  avoir  qu'un  accent  dans  un 
mot'.  Il  est  bien  clair  qu'il  n'y  a  pour  chaque  mot 
qu'un  accent  pour  ainsi  dire  officiel, c'est-à-dire  enseigné 
par  la  grammaire;  mais  en  poussant  plus  loin  l'analyse, 
ce  qu'on  ne  fait  pas  ordinairement  dans  les  écoles,  on 
peut  voir  que  dans  toutes  les  langues,  il  existe  pour 
chaque  mot  plusieurs  accents  de  valeur  inégale,  grâce 
ausquels  il  s'établit  une  véritable  hiérarchie  entre  les 
syllabes.  C'est  ce  qu'avait  vu  Scoppa, qui  avait  d'ailleurs 
une  grande  finesse  d'oreille  et  d'observation.  Si  d'ail- 

1.  F.  de  Grammont.  Le   Vers  français,  jp.  91, 


l'accentuation  binaire  245 

leurs  Fadjectif  canino  avait  passé  en  français,  canina- 
mente  eût  donné  cheninement ,  dont  la  prononciation 
populaire  eût  fait  cKnin'ment  :  ce  mot  nous  montre 
parfaitement  quelles  étaient  les  syllabes  les  plus  impor- 
tantes, puisque  seules  elles  auraient  persisté. 

Il  y  a  évidemment  dans  les  langues  une  tendance 
analogique  fort  naturelle  à  traiter  sensiblement  au 
point  de  vue  de  l'accent  un  mot  qui  est  devenu  partie 
d'un  composé  à  peu  près  comme  s'il  était  simple.  Mais 
ce  n'est  pas  là  une  règle  :  a  priori,  on  ne  pourrait  pas 
l'appliquer.  D'où  vient  l'analogie?  C'est  ce  qu'on  ne 
voit  pas  toujours  à  première  vue.  Certes,  dans  un  mot 
tel  que sacramentum , on  voit  bien  que  sacra  ressemble 
à  sâcer,  sciera,  mots  simples  :  mais  pour  ornamentum 
quel  est  le  mot  dont  orna  suivra  le  mouvement 
rythmique?  Ici,  outre  les  formations  romanes,  le  latin 
lui-même  peut  nous  fournir  quelques  indications. 

Plusieurs  philologues,  s'appuyant  sur  cette  idée  que 
les  mots  qui  se  rattachent  à  la  première  conjugaison 
latine,  comme  mirabundus  de  mirari,  ont  un  a  long, 
ont  été  amenés  naturellement  à  supposer  que  là  où  cet 
a  long  n'existe  plus  en  latin,  c'est  qu'il  est  tombé, 
dans  des  mots  très  usuels,  par  Tintluence  de  la  pro- 
nonciation .  Ainsi  par  exemple,  de  arare  on  devait  faire 
arâmentum  comme  arâtrum:  ce  mot  a  été  réduit  à 
armentum.  De  même  Jugare  donne  jugamentum,  puis 
le  classique  j'umentum.  Le  mot  verecundus,  dont  la 
deusièrne  était  primitivement  longue  à  cause  de  vere- 
tur,  vereri,  a  abrégé  cette  voyelle  dans  les  vers  de 
Térence:  au  point  de  vue  du  rythme  du  langage,  vere- 
ciindia  prononcé  de  même  se  rapprochait  déjà  du  fran- 
çais vergogne.  Quand  il  s'agit  de  i  et  u  placés  dans  les 
mêmes  conditions  on  voit  qu'ils  pou  vaientêtre  supprimés 


246  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

même  dans  des  vers  :  ainsi  coplata^copulata,frigda' 
n'a  =  ffigidafia  se  trouvent  dans  Lucilius  et  Lucrèce. 
Mais  les  composés,  tels  que  dilatare,  délaye?^;  arrhe- 
dare,  arroyer,  etc.,  gardent  régulièrement  leur  seconde 
syllabe.  Le  rapprochement  de  ces  deus  catégories  nous 
montre  que  dans  la  première  l'effort  de  la  prononcia- 
tion portait  sur  l'initiale,  tandis  que  dans  la  deusième 
on  appuyait  sur  la  syllabe  suivante.  Mais  de  là  il  est 
facile  de  tirer  une  règle  unique  :  De  toutes  les  atones 
la  syllabe  radicale  est  la  plus  importante. 

L'étude  de  la  métrique  latine  peut  confirmer  dans 
certains  détails  cette  hypothèse.  Ainsi  quand  ils  compo- 
saient des  hexamètres  épiques,  les  Romains  n'aimaient 
pas  beaucoup  les  vers  dits  spondaïques,  ou  terminés 
par  quatre  longues.  Alors  que  les  Alexandrins  avaient 
affectionné  cette  forme,  les  Latins,  leurs  imitateurs, 
continuèrent  de  plus  en  plus  à  l'abandonner,  à  tel 
point  qu'elle  est  à  peu  près  inconnue  à  Claudien,  et 
que  dans  les  poèmes  de  Commodien,  le  représentant  le 
plus  connu  de  la  versification  populaire  dans  ce  genre, 
le  vers  qui  correspont  au  vers  spondaïque  ne  parait 
pas  avoir  été  admis.  C'est  que,  grâce  à  la  tendance 
déjà  toute  romane  de  la  langue  latine  à  ne  pas  soute- 
nir les  atones  comme  les  toniques  et  à  les  rapprocher 
par  conséquent  des  brèves  dans  la  prononciation  ordi- 
naire, les  spondées  étaient  parfois  difficiles  à  former  : 
un  mot  tel  que  ornanientuni  paraissait  commencer  par 
deus  syllabes  peu  longues,  qui  par  conséquent  remplis- 
saient mal  le  5®  pied,  c'est-à-dire  celui-là  même  où, 
selon  les  règles  antiques,  le  rythme  fondamental  devait 
être  le  mieus  conservé.  Toutefois,  Lucrèce,  Catulle  et 
même  Virgile  ont  encoi'e  un  certain  nombre  de  vers 
spondaîques,  souvent  terminés  par  des  mots  de  quatre 


I 


l'accentuation  binaire  247 

longues  :  au  point  de  vue  de  la  protonique,  ils  pré- 
sentent trois  formes  différentes  représentées  par  les 
mots  conarentur,  ornamentum,  ostendebat.  Or,  la 
dernière  de  ces  formes  est  de  beaucoup  la  plus  usitée; 
la  première  surtout  est  évitée  après  l'époque  d'Au- 
guste. C'est  que  dans  les  deus  premières  l'accent  natu- 
rel de  la  syllabe  radicale  cô/ia,  orna,  aidé  par  le  temps 
fort  du  vers,  tent  à  effacer  la  deusième  syllabe,  et  par 
conséquent  à  faire  entendre  un  trochée,  c'est-à-dire  un 
rythme  faus  :  tandis  que  dans  le  troisième,  ostén^  la 
première  syllabe  étant  intense  par  l'accent  métrique, 
et  la  deusième  soutenue  par  l'accent  secondaire,  on 
entendait  à  peu  près  deus  longues.  C'est  par  un  pro- 
cédé assez  analogue  qu'on  a  pu  dans  les  vers  hexa- 
mètres allemands  produire  plusieurs  longues  de  suite, 
en  frappant  du  temps  fort  la  syllabe  tonique  secon- 
daire qui  ressemble  alors  à  la  tonique  principale: 

Ueberjzugeh'n,  Faszcoelker  nur  eiferten,  oh  sie  vermochten. 

Car  c'est  la  manière  la  plus  commode  dans  les 
langues  où  l'accent  tonique  joue  un  grand  rôle,  de 
reproduire  pour  l'oreille  l'impression  du  spondée. 

A  plus  forte  raison,  le  même  moyen  devait-il  être 
employé  dans  les  vers  latins  plus  spécialement  con- 
formes au  génie  de  la  langue,  par  exemple  dans  les 
iambes,  dits  impurs,  ce  qui  signifie  populaires  :  tels 
sont  les  sénaires  que  Phèdre  semble  avoir  portés  à  sa 
perfection.  Or,  le  fabuliste  évite  de  finir  son  vers  par 
deus  mots  tels  que, 

ornamentum  senis, 

parce  que  orna  est  une  sorte  de  trochée,  qui  deviendra 


248  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

spondée    par   l'accent  métrique,    alors    qu'il  faut  un 
iambe  au  4^  pied:  mais  il  écrit  couramment  : 

deridendus  senex. 

En  effet  de  est  très  faible,  et  ri  tonique  secondaire 
et  syllabe  forte,  a  beaucoup  plus  de  durée,  ce  qui  pour 
l'oreille   produit  sensiblement  le  rythme  iambique. 

Il  semble  donc  bien  qu'en  latin  déjà  la  protonique 
atone  avait  une  tendance  à  être  traitée  phonétiquement, 
comme  elle  Test  quand  elle  devenait  tonique  et  radi- 
cale. 

Nous  voyons  jusqu'ici,  qu'en  général  une  syllabe 
devenue  protonique  a  une  tendance  analogique  à  rester 
à  peu  près  la  même  qu'elle  était  dans  une  forme  plus 
simple  et  qu'elle  ne  prent  l'accent  secondaire  que  si 
dans  un  mot  moins  long  elle  avait  Taccent  principal.  Et 
cette  tonique  secondaire  est  ordinairement  une  syllabe 
radicale . 

Toutefois,  il  reste  une  difficulté  à  résoudre.  Étant 
donné  qu'une  protonique  est  traitée  d'après  l'analogie 
d'une  forme  plus  courte,  faut-il  entendre  par  là  qu'il 
s'agit  de  la  forme  la  plus  prochaine  ou  de  celle  qui  de 
toutes  est  la  plus  courte? 

Quand  il  s'agit  d'un  composé  dont  les  deus  parties 
existent  individuellement  dans  le  langage  usuel,  la 
première  est  naturellement  accentuée  comme  dans  le 
mot  simple  :  dans  bonnement  et  petitement ,  l'accent 
secondaire  correspont  à  l'accent  primaire  de  bon/ie  et 
de  petit.  —  Ici  donc  la  syllabe  secondaire  suit  l'ana- 
logie de  la  forme  la  plus  prochaine.  Mais  on  com- 
prent  que  l'analogie  puisse  passer,  pour  ainsi  dire, 
sur  la  forme  prochaine  pour  aller  droit  à  la  forme  la 
plus  courte,    c'est-à-dire  se  régler  d'après  la  syllabe 


l'accentuation  binaire  249 

radicale,  puisque  celle-ci  porte  ordinairement  l'accent 
dans  le  mot  le  plus  court  qui  la  renferme. 

Rien  ne  nous  autorise  à  supposer  en  latin  un  accent 
binaire,  c'est-à-dire  portant  sur  les  syllabes  deus  à 
deus  et  existant  indépendamment  de  l'analogie.  L'ana- 
logie ne  peut  donc  pas  troubler  cette  accentuation, 
attendu  que  c'est  elle-même  qui  la  produit  toujours; 
et  si  elle  lui  donne  des  formes  différentes,  cela  tient  à 
ce  qu'elle-même  n'agit  pas  de  la  même  manière  sur 
tous  les  mots  et  se  règle  en  général  'sur  la  position 
variable,  soit  de  la  syllabe  accentuée  dans  le  simple,  soit 
de  la  syllabe  radicale. 

Tel  est  le  principe  qu'on  peut  appliquer  d'une 
façon  générale,  selon  le  caractère  de  toutes  les  lois 
d'analogie,  dans  les  différentes  espèces  de  mots  qui 
renferment  une  tonique  secondaire. 

II 

Mots  renfermant  deus  Syllabes  protoniques 

1°  La  syllabe  radicale  facilement  reconnue,  est 
accentuée  dans  la  forme  la  plus  simple. 

Alors  il  n'y  a  pas  en  général  d'hésitation.  La  syllabe 
radicale  tent  à  être  traitée  comme  une  tonique,  l'autre 
comme  une  atone. 

L'initiale  garde  le  premier  rang  dans  des  mots  tels 
que  les  suivants,  qui  en  latin  commençaient  au  point  de 
vue  du  rythme  du  langage  par  une  sorte  de  trochée: 

hônamente  bonnement 

bônitatem  bonté 

féritatem  fierté 

Lilnae  dies  lundi 


250  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

manducare  manger^ 
marmorino             v.-fr.   marherin 

matutino  matin 

Alarti-die  mardi 

ministerium  mestier 

molendino  moulin 

monasterio  monestier,  moustier 

paramentum  parement 

paupertatem  pauvreté 

superanum  souverain 

verecundia  vergogne 

On  voit  que  dans  ces  mots  l'analogie  a  pu  faire 
supprimer  Ve  muet  qui  devrait  sortir  de  a,  et  même 
faire  disparaître  une  voyelle  fortement  entravée. 

]Je  de  marherin  ou  de  souverain  n'a  pas  grande 
valeur  phonétique  et  ne  vient  point  de  o  latin.  C'est  un 
son  de  soutien.  Lorsque  par  suite  de  Tafïaiblissement 
ou  de  la  disparition  d'une  voyelle  latine,  il  se  forme 
en  français  un  groupe  de  consonnes  assez  facile  à  pro- 
noncer, on  peut  y  introduire  Ve  muet  un  peu  à  volonté. 
Ainsi  on  entent  dire  ouvrier  et  ouverier,  même  bec 
de  gaz  et  bèque  d'gaz  :  il  n'y  a  pas  lieu  de  chercher 
l'origine  de  ces  prononciations  dans  operario  ou  dans 
hecco:  le  phénomène  n'a  rien  de  latin. 

Dans  les  formes  composées  de  la  conjugaison  et 
dans  les  mots  qui  en  dérivent,  le  rythme  initial  de 
ces  mots  est  inverse;  de  trochaïque  et  descendant,  il 
devient  iambique  et  ascendant,  comme  il  l'était  déjà 
probablement  en  latin.  La  voyelle  radicale  est  traitée 
ordinairement  comme  à  l'indicatif  présent,  où  elle  est 
accentuée  :  la  préposition  tent  à  s'effacer  devant  la 
seconde  syllabe  : 

arrhedare  arroger 

ad-aopire  assouvir 


L  ACCENTUATION    BINAIRE  251 

arrlpare  arriver 

demorare  demeurer 

dilatare  délayer 

exaurare  essorer 

ex-colare  écouler 

deviare  dévoyer 

invadire  envahir 

imbladare  emblaver 

insignare  enseigner 

providentia  pourvoyance 

Ainsi  d'une  façon  générale  la  diphtongaison  produite 
par  Taccent  à  l'indicatif  persiste  dans  les  composés  V 
Toutefois,  il  y  a  deus  exceptions  principales  :  l'analogie, 
quelle  que  fût  sa  force,  n'a  pu  surmonter  les  répu- 
gnances de  la  langue  pour  certaines  formations  phoné- 
tiques. 

D'abord  la  diphtongue  ie,  issue  de  e  bref  latin 
tonique  et  non  entravé,  ne  se  reproduit  pas  facile- 
ment dans  les  formes  où  elle  devient  atone.  Si  l'on 
dit  sans  peine  nous  voyons  par  analogie  avec  voit,  on 
ne  dit  pas  de  même  nous  tiennons,  nous  viennons,  qui 
devraient  être  formés  sur  tient  et  vient.  On  peut  voir 
la  même  règle  appliquée  dans  les  diminutifs  de  noms 
propres  :  de  Cordier  par  exemple  on  tire  Corder  et  ; 
Cordieret  ne  se  dit  pas.  Il  en  sera  ainsi  dans  les  com- 
posés souvenir  et  7^etenir,  bien  que  l'analogie  reprenant 
parfois  ses  droits  fasse  prononcer  parfois  souvenir  et 
retenir.  Il  faut  reconnaître  d'ailleurs  que  la  prononcia- 
tion populaire  retnir  est  moins  usitée  et  semble  moins 
naturelle  que  rtenir  qui  conserve  mieus  le  radical. 

1.  Au  contraire,  la  protonique,  simple  voyelle  de  liaison,  s'efîace 
dans  numerare,  nombrer,  cubitare,  couder,  masticare,  mâcher, 
ambulare,  ambler,  yoca^are,  jongler. 


252  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Le  français  montre  aussi  de  l'aversion  pour  la  diph- 
tongue oi  suivie  de  v  et  d'une  voyelle.  C'est  sans 
doute  un  fait  de  dissimilation,  qui  tient  à  ce  que  v 
est  déjà  sensiblement  renfermé  dans  o«  au  point  de  vue 
de  la  prononciation.  Si  l'on  dit  voyons,  on  ne  dit  pas 
doirons.  Il  n'en  sera  pas  autrement  dans  les  formes 
plus  longues  :  recevons,  recevoù^  devraient  être  veçoi- 
vans  et  reçoivoir.  On  peut  faire  la  même  remarque 
que  plus  haut  sur  7'<?c'ro//'  et  rcevoir.  Il  s'agit  d'ailleurs 
de  mots  très  usuels  et  qui  peuvent  rentrer  dans  une  des 
catégories  indiquées  plus  loin. 

2*^  La  voyelle  radicale  est  reconnue,  mais  elle  n'est 
pas  accentuée  dans  la  forme  la  plus  courte. 

Alors  la  voyelle  radicale  et  la  tonique  peuvent  suivre 
le  même  traitement  que  dans  le  mot  plus  simple, 
comme  on  le  voit  pour  les  composés  ou  dérivés  :  pru- 
demment, gentiment,  gentilhomme,  gelinotte  (geline). 
Il  est  vrai  qu'il  s'agit  ici  de  mots  la  plupart  juxtaposés, 
plutôt  que  de  composés  ou  de  diminutifs  dont  le  suffixe 
est  immédiatement  distingué.  Ce  sont  des  composés  ou 
dérivés  tels  qu'on  en  fait  couramment  encore  dans  le 
langage  familier.  Il  y  a  ici  une  composition  et  une 
dérivation  vivantes  comme  il  y  a  une  conjugaison  du 
même  genre  :  et  ici  les  lois  phonétiques  ne  s'appliquent 
pas  à  vrai  dire,  puisque  le  mot  plus  complexe  suit 
simplement  l'analogie  du  plus  simple. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour  tous  les  mots 
anciennement  formés  ou  pour  cens  qui  sont  d'un 
usage  très  fréquent  et  très  familier.  Ici  il  y  a  hésita- 
tion. Il  existe  d'ailleurs  un  moyen  de  bien  mettre  en 
lumière  les  tendances  de  la  langue;  c'est  d'observer  la 
création  des  noms  propres^  telle  qu'elle  se  fait  depuis 
longtemps,  et  telle  qu'elle  s'exerce  encore  soit  dans 


L  ACCENTUATION    BINAIRE 


253 


le  langage  familier,  soit  surtout  dans  les  patois;  il 
n^y  a  qu'à  traduire  les  formes  dans  le  français  corres- 
pondant. On  peut  saisir  ainsi  sur  le  vif  non  seulement 
la  naissance  des  mots,  mais  encore  les  transformations 
qu'ils  subissent  en  obéissant  à  des  lois  générales  dont 
l'action  persiste  encore. 

Un  nom  propre  formé  d'une  syllabe  radicale  et  d'un 
diminutif  tonique  se  transforme  en  un  autre  par  l'ad- 
jonction d'un  deusième  diminutif;  et  le  premier  qui. 
portait  l'accent,  tent  ordinairement  à  s'effacer  de  plus 
en  plus  : 


Barbier 

Barheret 

Boisson 

Boissenot 

Chasseur 

Chasse  rot 

Colin 

Colinet 

Colenet 

Colnet 

Guillaume 

Guillaumin 

Guillemin 

Guilniin 

Girod 

Girodet 

Giredet 

Girdet 

Hugon 

Hugonin 

Huguenin 

Phe  lippe 

Phelippin 

Phelepin 

Phelpin 

Jeannot 

Jeannotet 

Jeannetet 

Jeantet 

Jeannier 

Jeannerot 

Jeanrot 

Morel 

Morellet 

Morelet 

Morlet 

Toussaint 

Toussenel 

Vivien 

Vivenot,  etc. 

Mais  si  le  mot  commençait  par  une  syllabe  non 
radicale,  la  prononciation  serait  tout  autre.  De  Leroux 
par  exemple  on  tire  Leroussel  qui  se  prononce  fami- 
lièrement Lroussel  :  il  faudrait  que  le  sens  de  rou 
fût  complètement  oublié  pour  qu'on  arrivât  à  LerseL 

On  voit  qu'au  point  de  vue  de  la  protonique,  Taccent 
suit  l'analogie  de  la  forme  prochaine  d'abord,  puis  de 
la  forme  la  plus  simple  et  de  la  syllabe  radicale.  Mais 
tous  les  mots,  quoique  marchant  de  la  même  façon,  ne 
marchent  pas  en  même  temps.  Telle  est  la  cause  de  la 


254  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

conjugaison  ir régulière  des  fanieus  verbes  en  elei\ 
eter,  qui.  après  avoir  fort  inquiété  les  grammairiens, 
est  encore  la  terreur  des  enfants  et  reste  un  embarras 
pour  les  étrangers.  La  règle  générale  de  leur  formation 
nous  montre  de  quelle  manière  il  faudrait  fixer  l'ana- 
logie flottante  pour  arriver  à  la  plus  grande  commodité 
du  langage.  Feuilleter,  fait  avec  le  même  suffixe  que 
feuillet;  becqueter  et  autres  devraient  garder  régulière- 
ment leur  accent  à  l'indicatif  présent  :  il  feuillette,  il 
becquette;  et  d'après  la  même  analogie,  on  devrait 
dire  feuilletter,  becquette/';  et  l'on  entent  prononcer 
ainsi  parfois  assez  souvent.  Mais  l'analogie  du  radical 
ayant  pris  le  dessus,  on  a  été  amené  à  dire  feuilte 
d'2ipr es  feuilleter  où  Ve  muet  est  insignifiant:  de  là 
vient  que  Vaugelas  se  demande  s'il  faut  dire  ils  bé- 
quettent  ou  ils  bectent.  Cette  dernière  prononciation 
existe  encore  aujourd'hui  dans  le  peuple.  Elle  a  l'in- 
convénient d'être  un  peu  dure  ;  elle  présente  un  assem- 
blage de  consonnes  d'allure  geimanique  dont  nos 
ancêtres  ne  se  seraient  point  accommodés;  mais  auquel 
nous  nous  habituons  un  peu  par  suite  de  la  tolérance 
de  plus  en  plus  répandue  des  consonances  étrangères. 
L'euphonie,  qui  n'est  pas  chose  à  dédaigner,  recom- 
mande plutôt  les  formes  feuillette  et  becquette.  Elles 

sont  déjà  admises,  ce  qui  est  un  grand  avantage;  de 
plus  l'analogie  des  verbes  en  oler  et  oter,  tels  que 
cajoler,  barboter  où  personne  ne  songea  affaiblir  Vo  du 
suffixe  rent,  ce  semble,  plus  naturel  le  maintien  de  e^ 
et  de  el  qui  sont  des  suffixes  du  môme  genre.  Mais  si 
l'on  admet  feuillette,  on  devrait  dire  feuilletter.  Cette 
prononciation,  admise  par  certaines  personnes,  serait 
instinctivement  acceptée  par  les  écoliers,  et  finale- 
ment partout  le  monde  quand  elle  serait  imprimée: 


l'accentuation  binaire  255 

car  vu  la  difficulté   d'écrire  en   français  comme  l'on 
parle,  on  finit  par  se  résoudre  à  parler  comme  on  écrit. 

Tel  serait,  croyons-nous,  le  meilleur  moyen  de  dé- 
livrer notre  langue  d'une  anomalie  embarrassante,  et  de 
lui  donner  sur  ce  point  particulier  cette  régularité  ana- 
logique qui,  pour  bien  des  raisons,  semble  lui  faire 
défaut. 

Dans  la  conjugaison  des  verbes  en  ico  et  uco,  l'hési- 
tation dans  le  traitement  des  suffixes  a  produit  des 
doublets  analogues  à  cens  dont  il  vient  d'être  question. 
Par  exemple,  il  existait  en  viens  français  un  verbe  tiré 
de  manducare  qui  gardait  à  l'infinitif  Vu  tonique  à 
l'indicatif  régulier  manducat,  mandue;  mais  l'infinitif 
régulier  inanducare,  dans  lequel  on  oubliait,  vu  l'em- 
ploi fréquent  de  ce  mot,  l'analogie  de  niandûcat,  a 
donné  mangier.  On  a  pu  former  d'après  le  même  pro- 
cédé non  seulement  des  doublets  analogiques,  mais 
encore,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  des  triplets. 
Ainsi  carricare,  si  1'?  est  traité  comme  dans  cavricat, 
charrie,  donne  charrier  dont  \i  est  fortement  pro- 
noncé par  certaines  personnes  ;  le  même  mot,  si  Ton 
suppose  un  demi-maintien  de  /  tombé  seulement  à 
e  muet  et  uni  au  jod  provenant  de  c,  produit  char- 
reyer,  charroyer;  enfin  la  disparition  complète  de  i 
comme  dans  herbicario ,  berger,  nous  amène  à  cliargier, 
charger,  forme  dans  laquelle  la  réduction  est  amenée  à 
son  plus  haut  point  par  l'identification  de  la  syllabe 
radicale  avec  la  tonique  secondaire. 

3°  Le  Radical  n' est  pas  reconnu 

La  syllabe  radicale  n'est  pas  facile  à  reconnaître 
dans  certains  mots,  principalement  dans  les  mots 
étrangers    antérieurs  à  la  formation  de  la  langue,  tels 


256  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

que  les  mots  grecs  ou  gaulois.  Il  pourrait  en  être  de 
même  pour  les  termes  latins  composés  ou  dérivés  dont 
le  simple  a  disparu.  Il  est  clair  que  l'analogie  du  simple 
au  complexe  ne  peut  s'exercer  quand  le  premier  a 
cessé  d'être  en  usage.  Il  est  resté  sans  doute  quelque 
chose,  dans  certains  mots,  du  rythme  antique  de  la 
langue  primitive,  lequel  à  l'origine  a  dû  être  fondé  sur 
la  reconnaissance  du  radical^;  mais  d'une  façon  générale 
la  force  vivante  de  l'analogie  a  cessé  d'agir  comme 
telle,  et  le  langage  est  naturellement  amené  â  suivre 
ses  tendances  phonétiques. 

Lorsque  Tune  des  deus  voyelles  protoniques  est 
entravée,  c'est  elle  qui  prent  le  pas  sur  l'autre.  Si 
l'initiale  est  en  position,  elle  persiste;  le  seconde,  sauf 
a,  disparaît  souvent  dans  la  prononciation: 

artèmisia  armoise 

hlasphemare  blasmer 

consuetudinem  coutume 

elemosyna  aumône 

Quand  la  seconde  seule  est  entravée,  la  voyelle 
initiale  ordinairement  s'affaiblit  en  e  muet  qui  souvent 
n'est  plus  prononcé  dans  le  langage  usuel; 

Si  les  deus  syllabes  sont  d'égal  poids,  c'est-à-dire  si 

les  deus  voyelles  n'ont  pas  d'entraves,  c'est  la  première 

qui    persiste;   car  le    français  n'aime    pas    faire,   en 

général,  l'assimilation  de  deus  consonnes  à  travers  une 

voyelle  initiale,  elle  assimile  les  deus  suivantes  : 


eremita 

ermite 

Segohodio 

Seveux 

Vesuneta 

Besnée 

1.  L'accent  originaire  des  mots  grecs  avait  été  modifié  souvent 
par  les  Romains,  et  il  est  inutile  d'y  remonter  quand  il  s'agit  de 


l'accentuation  binaire  257 

Quand  les  deus  consonnes  qui  entourent  l'initiale 
forment  un  groupe  usuel  et  facile  à  prononcer,  la 
voyelle  initiale  peut  disparaître.  Ainsi  de  Perrinet, 
Perronnet,  on  peut  faire  Pernet;  mais  on  peut  aussi 
en  tirer  Prinet  et  Pi'oiiet;  la  notion  analogique  du  ra- 
dical s'efface  devant  la  commodité  de  la  prononciation: 
à  plus  forte  raison  en  sera-t-il  de  même  quand  ce 
radical  est  obscur,  comme  dans  beryllare,  briller. 

St  initial  amène  un  e  initial  qui  en  fait  une  syllabe 
principale  du  mot;  l'ancienne  voyelle  radicale  est 
réduite  à  un  simple  son  de  soutien  comme  dans  Sta- 
duneiisem,  Estenois. 

4P  Noms  d'origine  germanique^ 

Les  mots  germaniques  de  la  forme  indiquée  ci-dessus 
ne  pouvaient  pas  passer  en  latin  avec  leur  accent  pri- 
mitif, car  très  souvent  la  tonique  principale  y  est 
placée  avant  la  tonique  secondaire  ce  qui  ne  peut  se 
faire  en  latin.  Alors  il  y  a  substitution  de  Tune  à 
l'autre  :  l'accent  germanique  principal  est  devenu 
secondaire,  et  réciproquement.  Quant  à  la  protonique 
non  radicale,  souvent  insérée  par  le  latin,  elle  a  natu- 
rellement disparu,  sauf  quand  elle  est  nécessaire  pour 
la  prononciation  des  consonnes,  et  même  alors  elle  ne 
se  maintient  pas  toujours  : 

Frederico  Ferry 

Mederico  Merry 

Warnachario  Garnier 

Ragnachario  Régnier 

français.  Quant  à  l'accent  des  mots  gaulois,  il  a  dû  avoir,  il  me 
semble,  une  tendance  plus  naturelle  à  se  maintenir  :  c'est  aus 
celtisants  à  résoudre  la  question. 

1.   Cela  est  vrai  pour  le  français  proprement  dit;  il  n'en  est  pas 
tout  à  fait  de  même  pour  les  patois  de  l'Est. 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  17 


258  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

De  même  dans  les  mots  d'une  origine  qui  est  beaucoup 
plus  récente  : 

Petermaïui  Petrement  Piètrement 

Peter  kind  Pierrequin  Pierquin 

Dans  les  formations  modernes  de  ce  orenre,  il  nV  a 
pas  li(^u  de  tenir  compte  bien  entendu  des  e  muets  que 
le  français  a  introduits  dans  les  mots,  afin  de  faire 
sonner  les  consonnes  à  la  façon  allemande. 

Tels  sont  certains  noms  du  pays  de  Montbéliard  qui, 
malgré  toutes  les  apparences^  n'ont  cjue  deus  syllabes 
dans  la  prononciation  : 

Thielmann  ThieUement 

Schwedel  Chevaidel 

Schwaenniann  Chevènement 

Schmiedlein  Cheraittelin 

La  protonique  qui  provient  d'un  suffixe  germanique 
accentué  irrégulièrement  par  le  latin,  peut  disparaître 
ou  persister,  ce  qui  produit  des  doublets  : 

Audiffraij  =  Aaffray  Audigier  =  Augier 

Enguerrand^^Enguerand—Engrand  Erimond  r=iErmon d 

Hericourt  ^=^  Hercourt  Mareschal:=Marchal 
Seneschal  =  Séchai,  etc. 

Pour  que  le  doublet  se  produise,  il  faut  ordinaire- 
ment que  les  deus  consonnes  qui  avoisinent  de  chaque 
côté  la  voyelle  négligée  forme  un  groupe  facile  à 
prononcer  et  régulièrement  admis  en  français.  Une 
réduction  telle  que  taolendiao  =  moulin  est  un  peu 
dure.  La  question  des  consonnes  aurait  Ijesoin  d'ailleurs 
d'une  étude  particulière. 


•  i 


l'accentuation  binaire  259 

5°  Mots    sans    analogie 

Un  mot  qui  n'a  pas  d'analogue  clans  une  langue  et 
qui  pourtant  est  d'un  usage  courant^  a  toujours  quelque 
chose  de  choquant  :  il  ressemble  à  un  étranger  très 
connu  et  qui  vit  isolé  au  milieu  d'une  société;  on  finit 
toujours  par  l'y  mêler.  Le  peuple  ne  peut  se  résoudre 
à  laisser  subsister  à  l'écart  ces  mots  qu'il  considère 
comme  des  monstres  sans  raison  d'être;  il  préfère 
mettre  à  leur  place  des  monstres  analogiques;  il  leur 
donne  une  parenté  fausse,  parce  qu'il  ne  peut  pas  lui  en 
donner  une  vraie.  Tels  sont  encore  de  nos  jours^  les 
mots  comme  reau  d'ânon  ou  l'huile  de  cretonne,  qui 
ressemblent  au  moins  à  quelque  chose  de  connu,  et 
par  suite  d'humain.  Mais  si  pour  les  mots  anciens  de 
ce  genre,  il  est  facile  d'admettre  une  fausse  analogie, 
il  est  malaisé  de  dire  exactement  d'après  quel  mot 
elle  a  été  établie.  On  pourrait  d'ailleurs  faire  souvent 
plusieurs  hypothèses.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  d'insister 
outre  mesure  sur  la  formation  des  mots  tels  que: 
ascalonica,  eschalaine,  escheloigne;  cary ophyllon,  gi- 
rofle, ou  autres  semblables  de  formes  extrêmement 
variées  dans  les  patois;  ce  qui  prouve  de  nombreus 
tâtonnements  dans  la  marche  de  l'analogie. 

Ces  formations  sont  en  dehors  des  règles  simples  : 
à  Taction  déjà  compliquée  des  lois  phonétiques  s'ajoute 
l'action  obscure  et  souvent  multiple  de  la  fausse  ana- 
logie. 

6°  Mots  qui  échappent  à  r analogie 

Les  mots  les  plus  familiers  sont  cens  qui  dans  toutes 
les  langues  sont  le  plus  souvent  soustraits  aus  lois  de 
l'analogie. Par  exemple,  les  indicatifs  des  verbes  eïre  et 


260  REVUE    DE    PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

aller,  es,  sumus,  ist,  sind,  t\\i.[^  iaaév,  eo,  imus,  etc., 
sont  tellement  bariolés  dans  leurs  formes^  qu'ils  sont 
très  dilîiciles  a  apprendre  pour  les  étrangers  ;  et  le 
défaut  de  Tanalogie  y  est  poussé  si  loin  que  le  radical 
peut  même  changer  du  singulier  au  pluriel  comme 
dans  vais,  allons.  L'analogie,  qui  agit  d'ordinaire  de 
façon  à  bien  faire  reconnaître  les  syllabes  radicales, 
peut  être  comparée  aux  étiquettes  qu'on  impose  dans 
les  officines  ans  produits  du  même  genre,  afin  de  les 
distinguer.  Alais  on  n'en  met  pas  toujours  sur  les 
flacons  ou  vases  qui  renferment  les  aliments  ou  les 
boissons  ordinaires.  La  force  de  l'usage  journalier 
permet  dé  reconnaître  sans  peine,  même  ^dans  la  nuit, 
les  objets  usuels  et  familiers.  Ainsi  l'analogie  ne  régit 
point  les  formes  des  verbes  les  plus  usuels  :  appeler  avec 
e  muet  ne  correspont  point  à  /appelle,  pas  plus  que 
acheter,  achever  ne  sont  d'accord  avec  achète  et  achève. 
Il  est  vrai  qu'ici  le  radical  cesse  d'être  reconnu  parce 
qu'il  n'existe  plus  de  mot  simple  correspondant,  ou  qui 
puisse  être  facilement  regardé  comme  apparenté  au 
composé.  Rejeter,  et  les  autres  verbes  semblables  sont 
du  même  genre,  bien  que  le  simple  soit  resté  en  usage. 
Mais  il  est  facile  d'observer  qu'il  y  a  encore  hésitation. 
L'écriture  acJiepter,  rejetter  était  encore  usitée  il  y  a 
quelque  cinquante  ans  avec  la  prononciation  rejeter, 
acheter,  qu'on  entent  encore  assez  souvent;  c'est  ainsi 
que  j'ai  entendu  parler  instinctivement  les  enfants  qui 
ne  savent  que  leur  patois  et  qui  apprennent  à  lire  le 
français.  De  plus,  dans  le  langage  populaire,  il  semble 
moins  grossier  d'articuler  rej'ter  qui  pert  la  voyelle 
radicale  que  rjeter  (\n\  la  conserve.  L'analogie  tent 
toujours  à  reprendre  ses  droits,  et  il  eût  été  désirable 
que  l'orthographe  eût  contribué  à  la  faire  triompher 


l'accentuation  binaire  261 

pour  la  plus  grande  symétrie  et  la  commodité  de  la 
langue. 

La  protonique  immédiate  non  initiale  et  non  reconnue 
comme  radicale,  si  l'on  ne  tient  compte  que  des 
principes  généraux,  doit  suivre  simplement  les  lois 
})lionétiques.  Elle  doit  donc  être  traitée  comme  les 
finales,  c'est-à-dire  qu'elle  disparait  ordinairement; 
mais  si  c'est  la  lettre  a  ou  si  elle  est  en  position,  elle 
se  change  en  e  muet. 

Or,  la  loi  n'a  point  été  appliquée  avec  cette  rigueur 
et  pour  plusieurs  raisons. 

D'abord  il  faut  distinguer  la  position  forte  et  la  posi- 
tion faible  :  celle-ci  en  latin  ne  rendait  pas  la  syllabe 
longue,  parce  qu'elle  renfermait  soit  s  comme  première 
consonne  initiale,  soit  /  ou  /^  comme  consonne  finale  : 
les  groupes  sont  faciles  à  prononcer.  Ces  syllabes  étant 
indifférentes,  l'usage  français  lui-même  a  été  et  il  est 
encore  quelque  peu  indifférent.  V!e  muet  qui  doit 
servir  d'appui  peut  être  omis,  parce  qu'il  n'est  pas  jugé 
nécessaire.  On  entent  dire  chanihrier  et  chamberier , 
ouvrier  et  ouverier,  peuplier  eA  peupelier,  chambellan 
et  chaniblan,  pauvreté  et  pauverté,  où  le  son  er  n'est 
pas  ouvert,  mais  très  faible;  et  j'ai  pu  observer  que 
des  personnes  qui  prononcent  ainsi  disent  également 
pauver,  à  peu  près  comme  les  Allemands  articulent 
Vater.  Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  le  français  ait  pu 
de  tout  temps  admettre  une  double  prononciation  de 
ces  mots  avec  une  double  orthographe.  La  possibilité 
de  prononcer  sans  grande  peine  7?^,  où  n  était  d'ailleurs 
affaibli  en  latin,  a  même  amené,  malgré  les  trois  con- 
sonnes, les  mots  nioustier  et  mestier.  Il  ne  saurait  être 
question  ici  de  règle  absolument  précise. 

En  outre,  les  mots  d'une  même  langue,  soumis  aus 


262  REVUE   DE    PHILOLOGIE    FRANÇALSE 

mêmes  lois  phonétiques,  marchent  à  peu  près  paral- 
lèlement sans  doute,  mais  non  d'une  façon  absolue.  Il  y 
en  a  qui  sont  plus  avancés  :  il  y  a  aussi  des  traînards. 
L'essentiel  est  que  d'une  manière  générale  ils  obéissent 
au  sens  du  commandement. 

Dans  la  langue  française,  cette  marche  des  mots, 
parfois  irrégulière  en  apparence,  est  d'autant  plus 
facile  à  comprendre  que  ces  mots  ont  pu  y  entrer  à 
des  époques  différentes.  On  parle  communément  de 
formation  populaire  et  de  formation  savante  :  c'est 
une  façon  de  traiter  en  gros  la  question  :  en  réalité,  il 
y  a  des  termes  qui  sont  à  demi  savants,  d'autres  le 
sont  au  quart  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  l'infini.  Le 
français  depuis  ses  origines  n'a  jamais  cessé  d'em- 
prunter au  latin  :  et  même  à  l'époque  la  plus  ancienne  les 
formations  phonétiques  ont  dû  être  échelonnées.  Par 
exemple  chalainel,  chcdemeU  ckaumel  nous  montrent 
les  étapes  successives  qu'a  dû  parcourir  le  latin  cala- 
mello  pour  se  mettre  définitivement  dans  le  rang  des 
mots  français.  Il  est  à  remarquer  d'ailleurs  que  le  même 
procédé  est  encore  vivant  dans  les  patois,  avec  cette 
différence  qu'ils  se  retrempent  perpétuellenient  dans  le 
français,  comme  le  français  se  retrempe  dans  le  latin. 

Enlin  la  protonique  immédiate,  bien  qu'elle  soit 
traitée  à  peu  près  de  la  même  façon  que  la  finale  en 
dehors  de  l'analogie,  ne  saurait  cependant  lui  être 
complètement  assimilée.  L'e  muet  final  servant  de  son 
soutien  ou  issu  de  a  latin  est  régulièrement  conservé  ; 
Ve  protonique  ne  l'est  pas  toujours.  Il  a  pu  l'être  à 
l'origine,  comme  dans  le  viens  français  sairement  de 
sacramentum ,  devenu  serment.  Mais  il  a  bien  pu  dis- 
paraître depuis  longtemps,  sans  qu'on  soit  obligé  de 
recourir  à  des  hypothèses  en  quelque  sorte  surnatu- 


l'accentuation  binaire  263 

relies.  Ainsi  pour  expliquer  merveille  qui  a  perdu  Va 
de  mirahilia,  on  a  voulu  inventer  un  latin  miribilia. 
C'est  un  monstre  latin  substitué  à  un  monstre  français. 
Il  y  a  parfois  chez  les  romanistes  une  tendance  <à  se 
défaire  au  détriment  de  la  langue  mère  des  embarras 
de  notre  phonétique:  elle  rappelé  quelque  peu  ces 
paysans  qui  voyant  sur  leur  champ  une  épave  désa- 
gréable, la  rejètent  sur  le  voisin  et  s'imaginent  que 
tout  est  pour  le  mieus.  L'absence  de  Xe  dans  la  deusiôme 
syllabe  de  merveille  paraît  être  due  ta  une  cause  qui 
n'est  point  absolument  particulière.  Il  y  a  dans  l'écri- 
ture française  un  principe  très  ancien  et  qui  a  bien 
quelque  peu  sa  raison  d'être.  Par  exemple,  lorsqu'une 
lettre  finale  ne  se  prononce  pas  toujours,  on  la  conserve 
en  écrivant,  afin  de  ne  pas  être  étonné  de  la  prononcer 
quand  il  le  faut.  On  emploie  certaines  lettres  quand 
elles  sont  inutiles,  de  peur  de  les  oublier  quand  elles 
sont  nécessaires.  Ainsi  l'on  écrit  charmant,  bien  que 
le  t  ne  sonne  pas  ordinairement,  parce  qu'il  faut  le 
faire  entendre  devant  une  vovelle.  Mais  si  l'on  foro^eait 
l'adverbe  charmamment,  on  supprimerait  le  t  comme 
dans  prudemment,  car  il  est  inutile  de  le  plier  à  une 
nécessité  qui  peut  paraître  éventuelle  quand  on  sait 
qu'elle  ne  se  présentera  jamais.  De  même  e  muet  final 
est  insensible  devant  une  voyelle;  il  cesse  à  vrai  dire 
d'être  prononcé,  soit  dans  un  mot  isolé,  soit  quand  le 
mot  est  suivi  d'un  repos  de  la  vois  :  c'est  abusivement 
et  contre  le  génie  de  la  langue  que  nos  poètes  l'ont  fait 
compter  à  l'hémistiche  des  vers,  ce  qui  n'existait  point 
au  moyen  âge.  Mais  on  fait  entendre  cette  lettre 
lorsqu'elle  est  suivie  d'une  consonne,  qui  réunie  à  la 
précédente  peut  rendre  la  prononciation  difficile;  et  on 
a  continué  de  l'écrire  quand  il  n'est  plus  nécessaire. 


264  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Or^  Ve  protonique  n'est  pas  dans  les  mômes  conditions, 
puisque  toujours  placé  entre  les  mêmes  lettres  il  a 
une  prononciation  toujours  uniforme.  Soutenu  d'abord 
par  l'analogie  de  l'adjectif  simple  qui  a  été  ensuite 
oubliée,  il  a  disparu  de  mots  te\^  que  Bel  court.  Bel- 
dame,  MalviUe,  Malrombe,  où  l'adjectif  avait  autrefois 
la  forme  féminine,  parce  que  la  prononciation  des  con- 
sonnes le  permet  facilement.  C'est  de  la  même  façon 
que,  malgré  la  présence  de  a  latin,  e  primitif  privé 
d'analogie  de  prononciation  a  été  supprimé  dans  rn.ous- 
tier  [mojiasterio) ,  serment,  donrai  {donare  haheo),  et 
aussi  dans  merveille.  Comme  l'a  constaté  Darmesteter, 
la  voyelle  latine  protonique  immédiate  suit  en  principe 
l'analogie  de  la  finale;  mais  il  faut  ajouter  de  la  finale 
telle  qu'elle  se  prononce  depuis  longtemps  en  français, 
et  si  quelquefois  la  ressemblance  n'est  pas  plus  par- 
faite, c'est  peut-être  parce  que  nous  sommes  dupes  de 
récriture. 

m 

Mots  qui  renferment  plus  de  deus  Syllabes 

protoniques 

Ces  mots  sont  soumis  en  principe  aus  mêmes  lois 
que  les  précédents  ;  mais  le  nombre  des  syllabes  proto- 
niques complique  un  peu  les  questions;  en  multipliant 
le  jeu  de  l'analogie,  il  augmente  les  difficultés.  Il  a 
permis  de  choisir  entre  plusieurs  formes  possibles,  et 
il  a  rendu  ainsi  l'hésitation  plus  naturelle. 

Les  syllabes  dans  le    dérivé  ou    le    composé  sont 

traitées  habituellement  comme  dans  le  simple.  Par 
exemple,  càlidô  était  prononcé  avec  l'accent  binaire: 
les    langues   romanes  en  général  nous    montrent  par 


l'accent[;ation  binaire  265 

leur  phonétique  que  dans  les  mots  à  pénultième  brève 
la  finale  était  plus  forte  que  ia  précédente,  puisqu'elle 
est  souvent  maintenue,  tandis  que  la  précédente,  dis- 
paraît. Or,  cdlidô  amène  cdlidârium  et  excâliddre, 
puis  càlidâménte  :  rien  ne  peut  nous  faire  admettre 
une  accentuation  binaire  telle  que  calidaménte.  Ainsi 
quand  le  radical  est  accentué  dans  la  forme  la  plus 
simple,  il  reste  fort  dans  le  mot  complexe:  cdlidaménte 
donne  donc  chaudement,  excdltddre  donne  échauder 
comme  remêmordre  donne  remembrer. 

La  position  commune  ou  indifférente  amène  l'indiffé- 
rence dans  le  chois  des  formes  et  produit  des  doublets. 
On  prononçait  dsperô,  et  dans  dsperitdtem  les  trois 
syllabes  initiales  pouvaient  être  traitées  comme  dans 
le  simple  dspero,  qui  donne  âpre,  et  aper  dans  la  pro- 
nonciation de  certaines  personnes;  asperté  ne  suppose 
pas  plus  aspéritdtem  que  ouverier  ne  fait  admettre 
opérdrio.  La  douceur  relative  de  la  prononciation  de 
spr,  groupe  assez  commun  en  latin,  avait  produit  la 
forme  dspro,  dspri,  et  par  analogie  dspritdtem,  qui  n'a 
qu'une  tonique  secondaire  :  c'est  donc  plutôt  la  double 
prononciation  de  spr  qui  amène  les  doublets  as/)er^e  et 
âpreté. 

Quand  la  voyelle  radicale  reconnue  n'est  pas  accen- 
tuée dans  la  forme  la  plus  courte,  la  tonique  de  celle-ci 
devenue  atone  peut  persister;  mais  à  moins  d'être 
fortement  entravée,  elle  se  réduit  à  e  muet,  puis  dis- 
paraît. 

Ce  procédé  s'est  appliqué  et  s'applique  encore  cou- 
ramment aus  noms  propres.  Pelletier,  par  exemple, 
donne  Pelleteret,  puis  Pelteret,  où  le  deusième  e  muet, 
parfois  un  peu  ouvert,  reproduit  en  partie  l'accent  de 
1er  dans  le  simple,  et  ensuite  Peltret ;  car  Peletret, 


266  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

s'il  existe,  n'est  guère  qu'une  façon  d'écrire  Peltret, 
ou  bien  le  second  e  est  amené  par  la  position  tr.  De 
même,  Estievan,  de  Stcphano,  passe  à  Estievenin, 
Estievenard;  et  ie,  qui  reproduit  l'accent  du  simple 
se  change  souvent  en  e  {Esteuenin),  d'?i]}res  l'usage  déjà 
indiqué  plus  haut. 

La  tonique  du  simple  persiste  concurremment  avec 
las3ilabe  radicale  dans  : 

amertume  amàritudinem 

feautet  fidélitàtem 

Hérimôndi  carte,  Herimoncourt  Hermoncourt 

Romainville  Romànimlla 

Le  mot  matricula  n'ayant  peut-être  pas  été  usité,  sa 
tonique  ne  s'est  pas  maintenue  ferme  dans  le  composé 
matriculario,  qui  a  donné  marerjUer  et  margidllier; 
on  n'avait  pas  déterminé  franchement  la  valeur  relative 
de  l'/  et  de  Vu  en  latin. 

La  tonique  d'un  mot  immédiatement  plus  court  peut 
se  transformer  en  e  muet;  la  persistance,  puis  la  sup- 
pression de  Ve  produisent  des  doublets  : 

Domitiaco  [Domitius]  Bomesrj,  puis  Donzy 

Patriciaco  [Patricius]  Perrecy,  Percy 

Il  en  est  de  même  pour  la  position  commune  dans 
houvereuilei  bouvreuil  [bovariôlo)  ;  Mercredi  (Mercuri 
dies)et  Vendredi  {  Veneris  dies),  sont  parfois  prononcés 
populairement  Venderdi  et  Merquerdi.  Eburodunum, 
Yverdon,  peut  devenir  Yvredon. 

La  persistance  ou  la  suppression  de  la  voyelle  entravée 
produit  également  des  doublets  :  l'hésitation  porte  non 
seulement  sur  le  maintien  de  la  voyelle,  mais  encore 
sur  le  son  à  lui  donner  : 

Camiliacuin,    Chamblay^    Chemille,    ChemiUy 
Gaciniacum,  Gecingey,  Geoigney,  Checir/né,  Chavigny 


l'accentuation  binaire  267 

La  syllabe  marquée  de  raccent  troisième,  si  l'on  peut 
s'exprimer  ainsi,  s'est  trouvée  en  contact  avec  \ejod 
issu  du  c  dans  dôminicélla ,  ce  qui  a  pu  donner  une 
diphtongue  :  demoiselle  ou  damoiselle. 

Mais  la  langue  a  une  tendance  visible  à  laisser  de 
côté  la  tonique  du  mot  immédiatement  plus  simple, 
même  si  elle  est  entravée,  et  de  donner  uniquement 
Taccent  secondaire  à  la  tonique  du  mot  le  plus  court, 
c'est-à-dire  à  la  protonique  radicale  : 

Dôminicélla  (domina)  donzelle  adràdicâre  [ràdix]  arracher 
Dôminiônem  (domino)  donjon     invôlutàre  envoûter 

Màteriàwen  merrain  adràtionàre  araisnier 

Mànsionile  mef^nil 

Cette  formation  existe  couramment  dans  les  noms 
propres  de  personnes  et  de  lieus  : 

Théodorico     Thierry  Théodehàldo     Thiébaut 

Côdiciàco       Couctj  Côtoniàrias       Coignères 

Cànusiâco        Chainsrj        Séveriàco  Civray 

Làtiniàco,  Lagny\  Hericicûrte,  Héricourt,  Hercourt 
Mànduodûro  Mandeure 
Rémigi  curée  Remicourt,  Raincourt 
Rocquigny  court  s'est  appelé  ainsi  Rocquincourt^ . 

La  syllabe  radicale  peut  n'être  qu'à  demi  reconnue 
par  le  manque  d'analogie  suffisante.  Elle  reste  alors 
e  muet,  qui  est  parfois  prononcé  ouvert  ou  fermé  par 
certaines  gens . 

Ainsi  ïe  de  iinperatorem  a  pu  être  maintenu  dans 
empereur,  par  l'analogie  de  império,  empeirie,  empire; 
empereur  est  encore  la  prononciation  d'un  certain 
nombre  de  personnes. 

1.  Variniacum  donne  Varigney  ;  mais  aussi  Verignyet  Vrif/n//: 
c'est  une  exception  assez  rare. 

2.V.  A.  Longnon^  Dictionnaire  topogvaphique  du  département 
de  la  Marne. 


268  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

La  syllabe  radicale  peut  n'être  pas  reconnue.  Par 
exemple  dans  coUiyit  le  roman  n'a  pas  vu  que  col  repré- 
sente la  proposition  cum,  sans  quoi  il  eût  accentué 
colii'fjit.  La  syllabe  col  passant  <à  faus  pour  radicale^  et 
accentuée  dans  le  simple,  sera  donc  tonique  secondaire 
dans  les  mots  plus  longs,  tels  que  côUigébani,  il  en 
sera  de  même  pour  les  verbes  analogues,  et  le  vrai 
radical  disparaîtra  : 

côlligere  habeo,  queudrai;  cônsuere  hàbeo,  coudrai 
computare  habeo  (cômpatat),  compterai 
collocare  (côllocat)  haheo^  coucherai 
côrîsuetûdirie,  costume,  coutume. 

l""  Mots  renfermant  une  seule  Protonique 

Les  mots  qui  renferment  plusieurs  syllabes  proto- 
niques sont  les  seuls  dont  il  soit  question  dans  l'étude 
de  Darniesteter,  citée  plus  haut.  Mais  l'action  de 
l'analogie  ne  peut  pas  évidemment  être  limitée  à  une 
certaine  catégorie  de  mots  ;  elle  doit  s'étendre  dans  les 
mêmes  conditions  à  tous  les  autres,  quelle  que  soit  leur 
forme  :  c'est  pourquoi  il  y  a  lieu  de  les  examiner  en 
particulier. 

Tout  d'abord  il  y  a  des  mots  qui  n'ont  qu'une  seule 
protonique  :  c'est  par  conséquent  l'initiale.  Or,  la 
voyelle  protonique,  qui  d'ailleurs  peut  être  influencée 
par  les  consonnes  suivantes,  persiste  régulièrement  en 
français.  Quand  elle  n'est  pas  radicale,  ou  que  le 
radical  n'est  pas  reconnu,  parce  qu'il  ne  se  trouve  pas 
accentué  dans  les  formes  plus  simples,  l'initiale  suit  le 
traitement  ordinaire  des  voyelles  latines  qui  se  main- 
tiennent, c'est-à-dire  que  a,  e,  i,  tombent  à  e  muet, 
0  et  u  donnent  ou  qui,  dans  certains  mots  plus  avancés 


L  ACCENTUATION    BINAIRE 


269 


que  d'autres,  finit  lui-même  par  s'affaiblir  en  e  muet. 
Parfois  même  le  son  muet  se  produit  malgré  l'entrave 
et  se  réduit  à  rien  dans  la  prononciation  courante  des 
modernes  : 

maturo  (meur)  mûr 


cahallo 

canuto 

ranuncula 

gallina 

subinde 

coni  cilla 

junipevo 


debere 

devoir 

dicino 

devin 

primario 

premier 

villa  tus 

velu 

minutas 

mena 

rotondus 

reondy  rond 

butyro 

beurre 

cheval 

chenu 

grenouille 

geline 

souvent 

quenouille 

genièvre 

Toutefois  la  présence  d'une  consonne  telle  que  /,  i\ 
m,  n,  peut  non  seulement  maintenir  le  son  de  la  voyelle 
précédente,  mais  encore  la  faire  remonter  : 

zeloso  jaloux  tremacalo        tramait 

hirundinem       aronde  bilancia  balance 

frumento  froment        fusione  fusion 

C'est  pour  la  même  raison  que  per  préposition  est 
devenu /)a/*,  que  a  préposition  a  été  maintenu^  proba- 
blement, parce  qu'il  est  très  souvent  suivi  de  l,  m,  /^,  i\ 
et  que  dans  les  autres  composés  il  suit  cette  analogie. 
De  même  ve  dans  les  composés,  comme  réfectoire,  est 
encore  prononcé  avec  e  muet  par  certaines  personnes; 
cette  voyelle  aujourd'hui  tent  à  devenir  sonore  dans 
les  mots  de  ce  genre. 

Mais  l'initiale  radicale  correspondante  d'une  syllabe 
accentuée  dans  la  forme  simple^  garde  généralement  la 
même  forme.  C'est  ce  qu'on  voit  dans  la  formation 
des  noms  propres  : 

Hugues  donne  Huguet,  puis  Heguet. 
Eudes,  Eudon,  Eudet,  puis  Edon,  Edet, 
IJoude,  Houdon,  Oudet. 


270  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE  | 

Les  formes  du  troisième  degré   qui  ont  Ve   muet 
montrent  que   dans   les  mots  extrêmement  usités    le    . 
principe  phonétique  fmit  toujours  par  prédominer. 

De  même  en  français  riue  et  mur  ont  maintenu  ou  ] 
rétabli  1'/  dans  rivière  [riparia)  Vu  dans  muraille,  i 
muralia;  et  l'analogie  a  régularisé  en  général,  la  con-  , 
jugaison  françaiseV  Amer,  amons  sont  devenus  aimer, 
aimons  à'?(^Yh^faime,fenir  a  passé  ii  finir  qui  rappelé  ; 
Ji/i,  coyons SiU  lieu  de  veons  s'est  modelé  sur  cois.  \ 

Le  français  n'a  pas  de  mots  de  rythme  dactylique  :  i 
la  pénultième  atone  du  latin  y  est  supprimée  réguliè-  ; 
rement.  Or,  si  la  syllabe  radicale  se  trouve  à  cette  , 
place  et  n'est  pas  reconnue  comme  telle,  elle  doit  être  i 
soumise  à  la  même  loi.  C'est  ce  qui  se  produit  pour 
plusieurs  composés  de  la  préposition  cum  :  cette  der- 
nière n'a  été  bien  distinguée  que  lorsqu'elle  prenait  la 
forme  usuelle  comme  dans  committere,  commettre, 
convenire,  convenir  ;  mais  si  par  assimilation  la  syllabe 
initiale  est  devenue  col,  ou  si  elle  prent  la  forme  cons, 
elle  n'est  plus  reconnue,  comme  préférée;  elle  passe 
pour  radicale,  et  elle  est  traitée  comme  telle.  Ainsi 
collifjit,  consuit  sont  devenus  queut  et  coût;  et  l'infi- 
nitif suivant  ({ueudre  et  coudre.  Ici  l'analogie  agit  au 
point  de  renverser  le  principe  fondamental  de  la 
phonétique  française  qui  repose  sur  le  maintien  de  la 
syllabe  tonique. 

Le  même  fait  s'est  produit  d'ailleurs  dans  des  mots 
dune  autre  forme  qui  ont  perdu  leur  syllabe  radicale, 
tels  sont:  côllocdre,  coucher,  de  côllocat,  couche,  côn- 
sobrinum,   cousin,  cônsuetudinem,  coutume. 

Au  contraire,  si  la  syllabe  radicale  est  atone,  tandis 

1 .  Les  formes  qui  correspondent  au  fiançais  recicreet  meraille 
sont  courantes  dans  plusieurs  patois  de  l'Est. 


l'accentuation  [{inaire  271 

que  l'accent  relève  une  voyelle  insignifiante,  comme 
par  exemple,  celle  qui  sert  de  liaison  dans  les  dérivés, 
celle-ci  est  privée  de  l'accent  qui  passe,  non  plus  à  la 
syllal)e  précédente,  mais  à  la  suivante.  Tels  sont  les 
composés  signijicat,  senejie,  où  la  syllabe  radicale  du 
deusième  composant  est  devenue  tonique,  contraire- 
ment aus  lois  de  l'accent  latin.  De  même  le  latin  parlé 
accentuait  déyd/iliô/us  et  non  /iliolus,  ainsi  qu'on  le 
voit  par  les  vers  de  Commodien  :  de  là,  le  français 
filleul,  aïeul.  Le  nom  [)ropre  Bagtieux  (Balneôlus) 
est  foi'm.é  d'une  manière  analogue. 


IV 

L' Analogie  dans  les  Syllabes  posttoniques 

Il  n'a  pas  été  question  jusqu'ici  des  syllabes  postto- 
niques; mais  il  est  clair  que  le  principe  analogique 
doit  agir  sur  la  fin  comme  sur  le  commencement  des 
mots. 

Il  est  inutile  de  parler  de  la  finale  :  c'est  une  simple 
syllabe  de  flexion,  qui  ne  renferme  pas  le  radical,  et 
qui  ne  peut  subir  l'influence  des  formes  où  le  radical 
est  accentué.  Elle  ne  peut  pas  non  plus  prendre  l'accent 
des  formes  où  elle  devient  tonique;  on  ne  peut  dire 
fructûs-fruciificat:  c'est  le  contraire  qui  se  produit, 
puisque  l'analogie  va  généralement  du  plus  court  au 
plus  long. 

La  pénultième  disparait  régulièrement  en  français. 
Même  radicale,  elle  subissait  en  latin  l'apophonie  : 
accipit  z=i  ad-capit;  et,  comme  on  l'a  vu  plus 
haut,  pour  peu  que  la  préposition  qui  la  précède 
fût  difficile  à  distinguer  comme  dans  colligit,  elle  lui 


272  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

cède  le  pas  en  roman.  Toutefois,  le  latin  hésitait  déjà, 
dans  les  composés  qui  probablement  n'étaient  pas  très 
anciens  ni  peut-être  très  usuels,  à  alTaiblir  le  son  de  la 
syllabe  radicale,  ainsi  il  disait:  exavat,  impetit,  in 
voat;  il  hésitait  entre  intellerjit  et  intelligit.  Dans  les 
mots  de  ce  genre,  l'accent  secondaire  devait  être  placé 
non  sur  la  finale,  mais  sur  la  pénultième.  Le  français 
ne  put  laisser  tomber  partout,  comme  le  demandait  la 
règle  phonétique,  une  syllabe  dont  la  disparition  eût 
rendu  les  mots  inintelligibles,  en  empêchant  de  recon- 
naître leur  parenté,  et  conformément  au  principe 
général;  il  préférera  accentuer /'ect/)?Y,  en  maintenant 
la  voyelle  du  simple  avec  le  son  qui  lui  était  propre  et 
avec  son  accent,  bien  qu'il  devint  grammaticalement 
contraire  aus  règles  générales.  De  là  les  formations 
reçoit ,  recipit  ;  refait,  refâcit,  devient  r=i  devénit  et 
autres  semblables.  Ces  mots  n'ont  pas  été  décomposés 
réellement,  pas  plus  que  paranientum  n'a  été  dédoublé 
en  para  et  nientum,  tous  deus  ont  suivi  la  loi  qui,  même 
au  pris  d'une  irrégularité  phonétique,  accentue  dans 
les  formes  plus  longues  la  voyelle  accentuée  dans  les 
plus  courtes. 

Lorsque  la  pénultième  est  tonique  et  qu'elle  ne 
représente  qu'un  suffixe  précédé  d'un  radical  atone,  elle 
peut  conserver  son  accent:  salûtat,  salue;  mandûcat, 
mandue;  carricat,  charrie.  Mais  la  tendance  à  accen- 
tuer le  radical  amène  une  autre  formation  :  à  côté  de 
mandûcat,  mandue,  on  dit  mânducat,  mange;  et 
vôlutat  donne  coûte.  L'accentuation  mânducat  a  bien 
pu  être  latine;  car  le  principe  qui  consiste  à  donner  à 
cette  forme  indicative  le  même  rythme  qu'à  manducare 
est  certainement  très  ancien;  elle  peut  être  aussi 
romane,  et   pour  chaque  mot    on    pourrait  peut-être 


l'accentuation  binahœ  273 

déterminer  répoque  variée  de  la  création  analogique,  il 
sullit  ici  de  reconnaître  l'action  d'une  loi  générale. 

L'accent  de  l'infinitif  a-t-il  produit  celui  de  l'indi- 
catif, ou  bien  est-ce  l'inverse?  Il  est  probable  que  sans 
feuilleter  on  ne  serait  pas  tenté  de  prononcer  je  feuilte, 
où  Ve  est  naturellement  muet.  L'infinitif  a  donc  dû  agir 
sur  l'indicatif.  Mais  c'est  à  une  condition  :  on  ne  dirait 
pas  facilement  achte  pouv  ac/iète,  achce  pour  ac/tèce  ; 
comme  on  le  fait  parfois  dans  la  langue  populaire, 
c'est-à-dire  qu'on  ne  supprimerait  pas  sans  hésitation 
la  voyelle  radicale  ; /ei^/Z^e  est  possible,  parce  que  le 
suffixe  et  Ù.Q  feuillette  est  peu  important'.  L'accent  de 
l'indicatif  no  paraît  donc,  en  général,  changer  par 
l'influence  de  l'infinitif  qu'à  condition  de  passer  à  la 
syllabe  radicale  ou  à  celle  qui  peut  être  considérée 
comme  telle.  Rappelons  d'ailleurs  que  d'après  plusieurs 
linguistes,  soit  dans  la  formation  très  ancienne  de  la 
langue  latine,  soit  dans  le  langage  populaire  des  Ins- 
criptions, l'accentuation  du  radical  par  affaiblissement 
ou  par  suppression  du  suffixe  autrefois  accentué  est 
très  fréquente  :  on  tent  régulièrement  à  rendre  tonique 
la  syllabe  radicale,  en  voici  quelques  exemples  : 

11  est  facile  d'expliquer  par  cette  loi  une  grande 
partie  de  la  déclinaison  latine  et  la  dérivation  de 
beaucoup  de  mots. 

Ainsi  l'accentuation  du  nominatif: 


rosa      cha] 

ige     rosai'      en 

rosae 

hômo 

liomônenX"' 

hôminem,  et  même  ômnem 

piger 

pigérior^' 

pigriov 

jûvenis 

jiώnioi'^ 

junior 

àhles 

ahiete 

àhjete  (Virgile) 

1.  Vaugelas  a  examiné  s'il  fallait  dire  ils  bectent^  de  becqueter^ 
ou  ils  becquètent.  C'est  un  phénomène  du  même  genre. 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  18 


274  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


ténuis 

tenûia 

t  envi  a  (poét.) 

pôpidus 

popûlicus* 

pàblicus 

ràlidus 

validius 

vâldius 

Et  dans  les  mots  très  usités,  ou  dans  les  noms  propres 
qui  obéissent  plus  vite  que  les  autres  aus  influences 
purement  phonétiques,  l'accent  peut  même  faire  sup- 
primer une  syllabe  longue: 

décem  déceni*  déni 

Sâbo  (simple  de  Sabino)       Sabinio*         Samnio 

P/?i7ippo  (accent  grec)  Philippo         PAî7po  (vulgaire) '. 

Dans  cette  étude,  qui,  à  vrai  dire,  se  rattache  autant 
à  la  rythmique  qu'à  la  phonétique  de  la  langue  fran- 
çaise, on  n'a  pas  cherché  à  traiter  dans  tous  ses  détails 
la  question  de  Tanalogie  phonétique:  celle-ci,  sur  un 
grand  nombre  de  points,  demanderait  encore  à  être 
éclaircie.  Les  exemples  cités  ne  sont  destinés  qu'à  faire 
saisir  d'une  façon  générale  l'action  du  principe  de 
l'analogie,  et  à  montrer  que  dans  les  mots  les  plus 
longs,  dans  les  dérivés,  dans  les  composés,  l'accent 
secondaire  tent  à  se  placer  sur  la  syllabe  dont  le  sens 
doit  naturellement  attirer  l'attention,  c'est-à-dire  celle 
sans  laquelle  le  mot  n'aurait  pas  à  proprement  parler 
de  signification  précise.  'Bien  que  l'accentuation  dite 
binaire"  soit  assez  fréquente  en  français,  elle  n'y  est 
pourtant  ni  exclusive,  ni  même  régulière.  11  y  a  lieu 
d'observer  d'ailleurs  que  l'analogie  ne  trouble  les  règles 
phonétiques  qu'en  apparence.  Elle  ne  fait,  en  somme, 
que  renforcer  l'action  du  principe  fondamental  de  la 
philologie  romane,  c'est-à-dire  de  l'accent.  La  tonique 
secondaire  ou  tertiaire  n'est  autre  en  général  que  la 
tonique    principale,    qui   tent    toujours   à  reparaître, 

1.  Cf.  les  dérivés  français  Philpin^  Pldlpot. 


l'accentuation  binaire  375 

même  là  où   elle   devrait  devenir  atone,  en  vertu  du 

principe  qui  veut  qu'il  n'y  ait  qu'un  seul  accent  dans 

un  mot.  L'accent  secondaire,  quoique  moins  sensible, 

paraît  jouer  un  rôle  déjà  important  dans  les  vers  latins 

les  plus  parfaits,  et  s'il  n'a  pas  toujours  été  bien  reconnu 

dans  d'autres  langues  romanes  où  il  ne  se  distingue  pas 

par  l'orthographe,   il   est  rendu  sensible  en   français 

surtout  par  la  diphtongaison  des  voyelles.  S'il  n'a  pas 

une  place  absolument  régulière  et  uniforme,  c'est  que 

l'action  de  l'analogie  n'est  jamais  tout  à  fait  complète: 

elle  est  sullisante  toutefois  pour  nous  faire   voir  que 

les  chefs  de  famille  des  mots,  c'est-à-dire  les  syllabes 

radicales,    ont  une  tendance  constante,    et    qui    s'est 

maintenue  de  plus  en  plus  dans  la  période  moderne  de 

la  langue,  à  reprendre  au  point  de  vue  rythmique  leur 

rang  primitif  et  naturel. 

Léon  Vernier. 


Dans  l'article  qu'on  vient  de  lire,  notre  collaborateur  réfute 
victorieusement,  selon  nous,  la  théorie  de  l'accentuation 
binaire,  et  il  étudie  avec  beaucoup  de  sagacité  l'influence 
analogique  de  la  syllabe  radicale  sur  la  place  de  l'accent 
secondaire.  Nous  ne  ferons  qu'un  petit  nombre  d'objections 
de  détail.  P.  243.  Dévoyer^  anciennement  desveier,  desvoier, 
est  formé  sur  veie,  voie,  comme  e;iror/er.  L'accent  secondaire 
du  radical  de  deviare  ne  pouvait  pas  produire  la  diphton- 
gaison de  1'/. — P.  250.  L'ancienne  langue  prononçait  ow- 
vrieren  deus  syllabes;  les  prononciations  ou-rri-er  et  ou-ve- 
rier  sont  deus  manières  différentes  de  résoudre  la  difficulté 
qu'offrait  le  groupe  v  -\-  p-\-  y.  —  P.  250-25L  Je  ne  crois 
pas  qu'on  puisse  dire  que,  dans  les  exemples  cités,  la  voyelle 
radicale  est  traitée  ordinairement  comme  à  l'indicatif  présent, 
et  que,  d'une  façon  générale,  la  diphtongaison  produite  par 


276  REVIE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Taccent  à  l'indicatif  per^/^^^^  dans  les  composés;  la  diphton- 
gaison y  a  été  introduite  après  coup  sous  rinfluenco  des 
formes  où  le  radical  est  tonique  :  arroyev  a  été  d'abord  areev^ 
pourvoyance  a  été  pouvveance,  demeuT'er  a  été  demouver; 
quant  à  délayer,  il  est  impossible  de  le  tirer  de  dilatare 
(cf.  7wer  de  natareetnoëlde  natalem).  —  P.  255.  La  forme 
manjuer  ne  saurait  être  primitive,  et  ne  peut  s'expliquer  que 
par  l'analogie  de  «  il  manjue  ».  —  P.  258.  Il  me  paraît 
impossible  àQ  X\ïqv  rnoulin  de  molendino.  — P.  263.  11  n'y 
aurait  pas  de  difficulté  pour  le  mot  merveille,  si  on  trouvait 
anciennement  la  graphie  mereveille,  comme  on  trouve  sai- 
rement.  —  Page  265.  La  seconde  voyelle  de  asperitatem 
aurait  pu  avoir  un  accent  secondaire,  non  pas  en  vertu  d'une 
accentuation  binaire,  mais  à  titre  de  voyelle  entravée  après  la 
chute  de  Vi.  — P.  268.  C'est  exceptionnellement  que  1'/  long 
et  l'a  de  la  syllabe  initiale  u  tombent  à  e  muet  ».  Même  pour 
le  ou  è  du  latin  populaire,  il  y  a  lieu  de  réserver  le  cas  de  la 
voyelle  entravée. 

L.  C. 


LE  VERBE 

DANS   LE   PATOIS   DE  ST-HAON-LE-CHATEL    LOIRE) 


Notions  sur  les  Pronoms  personnels 

1.  —  Les  pronoms  personnels  sujets,  que  nous  aurons 
constamment  l'occasion  d'employer,  sont  dans  notre 
patois  :  ^e  (je),  te  (tu),  é  (il),  le  (elle),  ne  (nous),  voit 
(vous),  i  (ils),  le  (elles),  devant  les  consonnes,  et  j  ,  t\ 
él,  V,  n\  vouz,  iz  ou  il,  l\  devant  des  voyelles.  — Le 
pronom  personnel  neutre  est  ou. 

2.  — Partout  où  le  patois  a  ^-  à  la  place  de  j  français, 
sala  place  de  ch  français,  on  rencontre  aussi  la  pronon- 
ciation, due  à  l'influence  française,  parje  ou  che,  et  des 
prononciations  intermédiaires.  Ainsi  l'on  dit  je  ou  ^e 
pour  le  pronom  personnel  de  la  première  personne  du 
singulier,  mais  la  forme  patoise  est -Je. 

I.  —  Conjugaison 

1.    —   REMARQUES     GÉNÉRALES 

1.  —  Pour  former  les  temps  simples,  excepté  le  futur 
et  le  conditionnel,  on  ajoute  au  radical  du  participe 
présent  les  désinences  particulières  à  chacun  de  ces 
temps. 

2.  —  L'imparfait,  le  plus-que-parfait  du  subjonctif 
et  la  deusième  forme  du  conditionnel  passé,  n'existent 
pas  en  patois. 


278  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 


2.    —    FLEXIONS    COMMUNES    AUS     DIFFÉRENTES 

CONJUGAISONS 

Indicatif  présent.  — Lesllexions  des  trois  personnes 
du  pluriel  sont  uniformément:  1.  —  en';  2.  —  i; 
3.  —  ON.  —  L'accent  tonique  porte  sur  la  flexion 
à  la  3^  personne  comme  aus  deus  autres.  — La  flexion 
de  la  V^  personne  du  singulier  est  uniformément  ou 
(atone^ .  Aus  2^  et  3^  personnes  du  singulier,  les  verbes 
de  la  V^  conjugaison  se  terminent  en  e  atone,  les  autres 
n'ont  pas  de  flexion . 

Ex.  :  ze  revoNdoze,  de  revendre  =  couvrir  de  terre, 

te  vè  {=  tu  vois) 

él  épiye  (=  il  croît) 

ne  benissÈN  (=  nous  bénissons) 

vou  mènti  (=  vous  mentez) 

i  reprenoN  (=^ils  reprennent  des  forces). 

Imparfait  de  l'Indicatif.  —  Les  flexions  de  l'im- 
parfait, toutes  toniques,  sont  uniformément  :  pour  le 
singulier:  èn,  ô,  ô;  pour  le  pluriel  :  an,  â,  an. 

Ex.  :  —  z'étôzÈN       (=:  j'économisais)  ^ 

te  finissô     (=  tu  finissais) 
é  deurmô    (=  il  dormait) 
ne  vèndAN  (=  nous  vendions) 
vou  bàt      (=  vous  battiez) 
i  ressevAN    (=:  ils  recevaient) . 

Passé  défini.  —  Les  flexions  du  passé  défini  sont 

1 .  Nous  notons  par  èn  le  son  représenté  dans  l'orthographe 
française  par  m,  em,  ain. 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-HAON-LE-CHATEL        279 

uniformément  :  pour  le  singulier  :  i  (i  tonique)  aus 
trois  personnes;  pour  le  pluriel;  Èra/i,  Èrâ,  Èran. 

Ex.  :  ze  sàlissi         (=  je  salis) 
te  zun^i  f=  tu  joignis) 

él  épàliyi        (=  il  blessa) 
neprenî:/r//i   (^  nous  prîmes) 
vou  kvéyÈrâ  (=  vous  crûtes) 
il  é\ixn\Pran  (=  ils  balancèrent). 

Futur  et  Conditionnel.  —  A  l'infinitif,  plus  ou  moins 
modifié,  comme  il  sera  expliqué  plus  loin,  le  futur  et  le 
conditionnel  ajoutent  les  désinences  suivantes  : 

FUTUR,  singulier  :  É,  À,  À 
pluriel  :  en,  i,  on, 

qui  sont  les  formes  ou  désinences^  comme  en  français, 
de  rindicatif  présent  du  verbe  avoir.  (Toutefois,  pour 
dire  :  ils  ont,  on  dit  volontiers  :  iz  ou  il)  an). 

CONDITIONNEL,  singulier  :  en,  e,  e 

phœiel  :  kh,  â,  an. 

Ce  sont,  comme  en  français,  les  désinences  de  l'im- 
parfait, sauf  aus  2^  et  S''  personnes  du  singulier,  où 
il  y  a  e  au  lieu  de  ô  ;  mais  cet  e  est  un  affaiblisse- 
ment d'un  ancien  ô  qui  s'est  conservé  dans  des  com- 
munes situées  à  une  vingtaine  de  kilomètres  au  nord- 
est  de  Saint-Haon. 

Ex.  :  FUTUR  :  z'éssourlerÉ  (=  je  rendrai  sourd) 

te  finirÀ 

é  bouyir.À  (=  il  bouillira) 

ne  rèndrÈN  (=  nous  rendrons) 

vouz  ékriri  (=  vous  écrirez) 

i  bàtroN  (=  ils  battront). 


:^80  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

CONDITIONNEL  :  z'éssoiirlerÈN 

te  finirE 
é  bouvirE 
ne  rèndrAN 
voLi  ékrir 
i  batrAN. 

Subjonctif  présent .  —  Le  patois  ne  possède  du  mode 
subjonctif  qu'un  seul  temps  simple,  le  présent-futur, 
dont  les  flexions  sont  uniformément  :  pour  le  singulier, 
ou,  e,e  (atones);  pour  le  pluriel  en,  i,  on  (toniques). 

Ex.:    kez'éTôjow  (=  que  j'économise) 

ke  te  sÈNte  (=  que  tu  sentes) 

k'é  finisse  (=  qu'il  finisse) 

ke  ne  foutÈN  [-=^  que  nous  jetions  [sans  soins) 

ke  vou  bevi  (=  que  vous  buviez) 

k'i  vàloN  (=:  qu'ils  vaillent). 

Remarque.  —  Pour  la  V^  personne  du  singulier  et 
pour  les  trois  du  pluriel,  on  remarquera  Tidentité  de  ce 
temps  et  de  l'indicatif  présent.  A  la  l"^*^  conjugaison,  il 
n'y  a  même  aucune  différence  entre  le  présent  de  l'in- 
dicatif et  celui  du  subjonctif.  Les  autres  verbes  ont  au 
subjonctif  présent  la  flexion  e  pour  la  2^  et  la  3"  per- 
sonne du  singulier^  tandis  qu'à  Tindicatif  présent  ces 
personnes  n'ont  pas  de  flexion. 

Impératif.  —  Au  pluriel,  les  flexions  sont  les  mêmes 
qu'aus  présents  de  l'indicatif  et  du  subjonctif  :  ên,  i. 
Le  singulier  (2^  personne)  est  identique  à  la  2^  per- 
sonne du  présent  de  l'indicatif,  c'est-à-dire  qu'il  a  la 
flexion  e  atone  pour  la  V  conjugaison,  et  qu'il  n'a 
pas  de  flexion  dans  les  autres  verbes. 

Ex.  :  yÀme        (—  mange  [gloutonnement) 
vè  (==  vois) 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST- M  AON-LE-CH  ATEL    281 

sàlissÈN     (==  salissons) 
àli  (==  allez). 

Remarque.  —  On  ne  peut  rendre  la  2*  personne  du 
singulier  de  l'impératif  des  verbes  être  (—être),  àvèr 
[zzz  avoir),  vâlér  {=■  valoir),  voulèr  (=  vouloir),  qu'à 
Taide  du  subjonctif. 

Ex.:  ke  te  sÈye    (sois) 

ke  te  voule  (veuille). 

Participe  présent.  —  Le  participe  présent,  comme 
en  français,  a  partout  la  flexion  an. 

Ex.  :  rouzissAN  (rougissant) 

en  tàvelAN  (en  tachetant) 

k^yôlAN  (hélant) 

làpAN  (happant) 

beurlAN  (beuglant) . 

En  résumé,  si  Ton  met  à  part  V infinitif,  où  les  quatre 
terminaisons  latines  se  sont  maintenues,  avec  les  chan- 
gements phonéticjues  qu'elles  comportaient,  et  \epar- 
ticipe  passé,  qui  a  des  terminaisons  variées,  comme  on 
le  verra  plus  loin,  on  peut  dire  que  le  patois  de  Saint- 
Haon  a  réduit  à  une  seule,  en  ce  qui  touche  les  flexions, 
les  quatre  conjugaisons  latines,  sauf  que  les  verbes  de 
la  1^*  conjugaison  ont  la  flexion  e  à  la  2<^  et  à  la  3'' per- 
sonne de  l'indicatif  présent  et  à  l'impératif  singulier. 
Le  français  a  conservé,  en  plus,  des  différences  à  la 
1''^  personne  de  l'indicatif  présent,  au  passé  défini  et  à 
rimparfait  du  subjonctif. 

3.    —    LE   RADICAL   ET    LES    FLEXIONS    SPÉCIALES 

A    CHAQUE    VERBE 

a)  Les  Conjugaisons  vivantes.  —  Au  point  de  vue 
du  radical,  il  faut  faire  les  remarques  suivantes: 


282  RE\LE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Le  radical  est  partout  uniforme  dans  les  verbes  de 
la  1"  conjugaison'.  On  ne  constate  même  pas,  comme 
en  français,  le  changement  de  e  et  de  é  en  è  lorsque 
le  radical  devient  tonique.  En  français,  on  dit  :  lever, 
protéger;  et  :  je  l\Lve,  ]eprotkge;  mais  en  patois  on 
dit  :  levÉ,  protëgÉ,  et  ze  Ievou,  ze  protÉjou.  Le  verbe 
keté  (==  taquiner)  fait:  ze  kr:tou,  et  non  :  ze  kÈtou;  ke  te 
kEte  et  non  :  ke  te  kÈte.  On  dit  aussi  :  él  assEte  (=  il 
acliète)^  ou  zEle  (=  il  gèle),  é  sEme  (il  sème),  ze  pos- 
sÉdou  (je  possède). 

Le  radical  est  partout  uniforme  dans  les  verbes  in- 
choatifs.'  —  La  syllabe  inclioative  iss  s'intercale, 
comme  en  français,  entre  le  radical  et  la  flexion.  — 
Elle  se  réduit  à  /,  comme  en  français  encore,  aus  per- 
sonnes sans  flexion,  c'est-à-dire  à  l'impératif  singulier 
et  aus  2'  et  3^  personnes  du  singulier  du  présent  de 
l'indicatif:  mais  nous  savons  qu'il  y  a  une  flexion  à  la 
1'®  personne  de  l'indicatif,  qu'on  dit  par  conséquent: 
ze  finissou  (je  finis),  te  fini,  é    fini. 

On  trouve  aussi  la  syllabe  iss  devant  les  flexions  du 
passé  défini.  Ainsi  Ton  dit:  ze  finissi,  te  finissi,  é 
finissi.  etc. 

Notons  aussi  le  futur  :  ze  benitré  (=  je  bénirai)  de 
benitre  (^  bénir).  Il  y  a  cinquante  ans,  on  disait 
aussi  :  ze  finiirê  (=  je  finirai).  Il  y  a  donc  eu  pour  les 
verbes  inchoatifs  un  infinitif  en  lire,  se  rattachant  à 
la  terminaison  latine  iscere. 

Les  flexions  spéciales  aus  deus  conjugaisons  vi- 
vantes, sont  : 

INFINITIF.  Pour  la  l'^  conjugaison,  É. 

1.  Z(t    rnc,  d'f'/lé,  ne   fait  pas  exception,    puisqu'on    a  là,  en 
réalité,  deus  verbes  différents. 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-HAON -LE  CHATEL   283 

Ex.  :  ékrâyÉ(=  (écraser) 

dékonpassK  (=  enjamber) 
dubÉ  (=  paraître  dégoûté  en  face  d'aliments) 
déraguÉ  (=  rendre,  rejeter  par  la  bouche) 
dazelÉ    (se  dit,  par   exemple,    d'une  vache  qui, 
excitée  par     les  piqûres  des   mouches,  court 
rapidement  en  se  battant  les  flancs  de  sa  queue) 
déssévK  (=  désaltérer). 
Pour  la  2'  conjugaison  ou  conjugaison  inchoative,  ir 
ou  I  (on  emploie  la  flexion  m   lorsque  le  mot  suivant 
commence    par  une  voyelle,  et    la  flexion  i   lorsqu'il 
commence  par  une  consonne). 

Ex.:  beniR  ou  beni  (=  bénir) 
sàliR  ou  sàli  (=  salir) 
remàtiR  ou  remàti  (=  devenir  humide) 
rouziR  ou  rouzi  (rougir) 
réssandiR  ou  réssandi  (réchauffer) 
s'émàviR  ou  s'émàvi  fagir,  se  remuer  vivement). 

PARTICIPE  PASSÉ.  Pour  la  1^"^  conjugaison,  au 
masculin  A_,  au  féminin  an. 

Ex.  :  éssartÀ,  éssartAN  (=  bêché,  bêchée) 

kabossÂ,  kabossAN  (=  bossue,  bossuée) 
ésséyÀ,  ésséyAN  (==  éprouvé,  éprouvée) 
ébrenuzÂ,  ébrenuzAN  (=  mis  ou  mise  en  miettes) 
ènréyÀ,  ènréyAN  (^=  commencé,  commencée). 
Pour  la  conjugaison  inchoative,  au  masculin  i,  au 

féminin  yE  (avec  e  labial  tonique). 

Ex.  :  àbôli,  àbôh^E  (gâté,  gâtée,  en  parlant  d'un  enfant) 
màrzi,  marz^E  (devenu  chétif,  devenue  chétive) 
àgàdi,  àgàg">E^  (  =  ratatiné,  ratatinée) 
évàni,  évan>'E  (=  évanoui,  évanouie). 

1.  On  a  de  très  nombieus  exeaiples  de  la  transformation  de 
d  en  g^^i',  comme  de  t  en  k".^'. 


284  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

h)  La  Conjufjaison  morte.  Au  point  de  vue  àw  ra- 
dical, il  faut  faire  les  remarques  suivantes  : 

1.  —  Un  certain  nombre  de  verbes  ont  partout  le 
même  radical. 

Bàlre  =  battre»  en  est  un.  Un  dit:  ze  bÀtou  (^  je 
bats),  ze  bàtÈN  (=  je  battais),  ze  bàti(=  je  battis). 

Sont  de  même  les  verbes  suivants: 

En  iR  ou  I  non  inchoatifs  : 

bouyiR  '=^  bouillir),  kouriR  (=  courir) 
k"-^uvriR  (=  couvrir),  deurmiR  (=  dormir) 
me.uriR{=  mourir),  ofriR  (^  ott'rir) 
uvriR  (=  ouvrir),  partiR  :=  partir) 
se  repèntiR  (=  se  repentir),  sèntiR  (=  sentir) 
sàrviR  (=  servir).  sôrtiR  (=  sortir) 
soufriR  (=  soulïrir),  vétiR(==  vêtir). 

En  ÈR  ou  È 

(On  emploie  la  llexion  èr  devant  une  voyelle  et  È 
devant  une  consonne.) 

pouyÈR  (=  pouvoir),  sâvÈR  {=  savoir) 
vàlÈR(=  valoir),  vou1èr(=  vouloir); 

en  r  ou  re 

konduir  (=  conduire),  kounutre  (=  connaître) 
konstruir  (=  construire)^  k"-^udre  (=  coudre) 
détruir  =  détruire),  ènstruir  (=  instruire), 
dir    (=^   dire;,   ékRir   (anciennement  ékRivre, 

radical  ékriv),  lir  (=z  lire) 
lLir(=:  luire),  nÉtre  (=  naître) 
nuir  (—  nuire),  parÉtre  (=  paraître) 
plÉr  (plaire),  rir  :=  rire),  sufir  (=  sulîire) 
suivre  (=  suivre),   tÉr  {=  taire^,  vivre  (=  vivre 
revoN'dre  (=  couvrir  de  terre). 


LE  VERFiE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-HAON-LE-CHATEL         285 

Remarques.  —  Le  plus  grand  nombre  des  verbes 
essentiellement  patois  sont  de  la  première  conjugai- 
son; il  n'y  en  a  qu'assez  peu  de  la  conjugaison  inchoa- 
tive  et  presque  point  de  la  conjugaison  morte. 

Il  faut  seulement  remarquer  que  la  consonne  finale 
du  radical  disparait  quand  elle  devient  finale,  c'est-à- 
dire  aus  personnes  sans  flexion,  impératif  singulier  et 
2*^  et  3*^  personnes  du  singulier  de  l'indicatif  présent: 

Ex:  é  vou,  te  pou,  é  sui,  t'ékri,  é  sar,  te  sèn,  mèn  si 
te  vou  (=  il  veut,  tu  peus,  il  suit,  tu  écris,  il  sert,  tu 
sens,  mens  si  tu  veus). 

Quand  la  voj'elle  radicale  est  a  ou  6' non  suivi  d'une 
consonne,  elle  subit  un  allongement  par  suite  de  la 
chute  de  la  consonne  finale.  Ainsi  Tondit:  ze  bÀtou, 
te  ou  ébâ;  ze  sÀvou,  te  ou  é  sa;  mais:  ze  sÀrvou,  te 
sàr, é  sàr. 

Si  la  consonne  finale  est  une  /,  elle  change  Va  qui 
précède  en  ô.  On  dit:  te  ou  é  vô  (de  valÈR  =  valoir), 
oufô  (de  falÈR  ^  falloir). 

Si  le  radical  se  termine  par  un  groupe  de  consonnes 
appelant  une  voyelle  d'appui,  ces  consonnes  se  main- 
tiennent et  les  personnes  sans  flexion  se  terminent 
par  e. 

On  dit:  k"^uvRiR  (=  couvrir)  et:  te  ou  é  k"5uvre; 
te  ou  é  soufre  (=  soutîre),  uvre  (=  ouvre),  ofre  (=  offre;. 

De  même,  Vy  de  tréssàyiR  se  maintient  suivi  d'un  e. 

Ex  :  te  ou  ë  tréssÀye. 

Le  radical  d'un  bon  nombre  de  verbes  se  termine 
par  un  z  qui  disparait  devant  la  flexion  r  de  l'infi- 
nitif. 

On  a  en  effet  :  Hr  (radical  liz) 
diR  (     —    diz) 


286  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

nuiR  (radical  nuiz) 

luiR  (  —  luiz) 

konduiR  (  —  kondiiiz) 

pléR  (  —  pléz) 

téR  (  —  téz) 

kiÛR  [  —  kuiz) 

détruiR  (  —  détruiz) 

ènstruiR(  —  ènstruiz) 

sufÎR  (  —  sufiz) 

Quand  le  radical  se  termine  par  un  i/,  cet  y  dispa- 
rait aussi  devant  la  flexion  r  de  Tinfînitif. 

Ainsi^  krèR  (^  croire)  a  pour  radical  actuel  crèy 
riR  (=  rire)  —  riy 

4 

Dans  le  verbe  vèr  (z=z  voir)  ÈRCst  la  flexion  (français 
oiR  ).  Le  radical,  qui  est  vèi/  se  réduit  donc,  à  Tinfi- 
nitif,  à  un  simple  v,  comme  en  français  d'ailleurs. 

2.  D'autres  verbes  de  la  conjugaison  morte  ont  un 
radical  spécial  aus  personnes  sans  flexion.  Tel  est  res- 
sevèR  (=  recevoir).  A  ces  personnes,  le  radical  ressev 
ne  pert  pas  seulement  sa  consonne  finale,  mais  il  de- 
vient ressè  avec  è  ouvert. 

On  a,  en  français,  unealternanceanalogueentre  recev 
et  reçoiv.  Mais^  en  français,  ce  radical  spécial  se  trouve 
aussi  à  la  V^  personne  du  singulier,  à  la  3'-  du  pluriel  de 
l'indicatif  présent,  ainsi  qu'ans  trois  personnes  du 
singulier  et  à  la  3®  personne  du  pluriel  du  subjonctif 
présent:  je  reçois,  que  je  reçoive,  etc.  Dans  le  patois  de 
Saint-Haon,  le  radical  ordinaire  ressev  s'est  substitué, 
à  ces  personnes,  au  radical  spécial:  ze  ressEvou,  i  res- 
sevoN,  ke  ze  ressEvou,  ke  te  ou  k'é  ressEve,  1x'\  ressevoN. 

TeniR  et  veniRont  pour  radical  spécial:  tèn  et  vèn. 

DevÈR  (=  devoir)  a  pour  radical  spécial  de. 


LE  VERBE  DANS   LE  PATOIS  DE  ST-H AOxN-LE-CHATEL  287 

Dans  les  verbes  dont  rinfinitif  français  est  en  re, 
le  radical  spécial,  quand  il  y  en  a  un,  ne  se  rencontre 
pas  seulement  aus  personnes  sans  flexion,  mais  aussi 
à  l'indnitif. 

Ainsi  Ton  a  : 

Prènc//"c  (=•  prendre),  te  ou  é  prkn,  alors  c[ue  le  par- 
ticipe présent  est  pren an.  Le  d  qui  réunit  le  radical 
pj^èn  à  la  flexion  re  est  souvent  une  lettre  euphonique). 

On  a:  zwÈNclre  (=  joindre)  comme  te  ou  é  zwkn 
participe  présent  zunyAN). 

Le  radical  spécial  de  KRÈNcli'e  est  krèn,  alors  que 
le  radical  ordinaire  est  kreny. 

PLÈNd/Ta  pour  radical  spécial  plèn  et  pour  radical 
ordinaire  plen^. 

ExÈNcZ/'e  a  pour  radical  spécial  étèn  et  pour  radical 
ordinaire  éteny. 

MÈtre  (=  mettre)  a  pour  radical  spécial  mé  et  pour 
radical  ordinaire  met. 

BÈr  (=  boire)  a  pour  radical  spécial  bk  et  pour  ra- 
dical ordinaire   bev. 

FÈf  (=  faire)  fait  exception;  on  a  ze  fEZOu,  te  fâ,  é 
fà,  fà  ik">'ÈN  (fais  cela).  C'est  que  l'ancienne  forme  de 
la  première  personne  du  singulier,  faz,  a  modifié  les 
2^  et  3"  personnes,  et  a  été  elle-même  modifiée  sous 
Tinfluence  de  l'analogie. 

(Voir  plus  loin  aus  cas  particuliers). 

Les  Flexions  spéciales. 

1.  Flexions  de  l'infinitif.  — A  la  terminaison  fran- 
çaise iR  correspont  la  terminaison  patoise  ir  ou  i  (On 
emploie  la  flexion  ir  devant  un  mot  commençant  par 
une  voyelle  et  i  devant  un  mot  commençant  par  une 
consonne . 


:288  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Ex.  (^'oir  la  liste  des  verbes  non  inchoatifs,  p.  284). 

A  la  terminaison  française  oir  correspont  la  termi- 
naison patoise  èr  ou  è  (On  emploie  èr  devant  un  mot 
commençant  par  une  voyelle  et  È  devant  un  mot  com- 
mençant par  une  consonne). 

Ex.  (Yoiv  la  liste  des  verbes  en  kr,  i^:,  p.  284). 

Autres  exemples: 

FàlÈR  (=^  falloir),  vèr  (~  voir),  devÈR  {=  devoir), 
avÈR  (=  avoir). 

Remarques.  —  On  ne  dit  pas  pleuvKR  pour  rendre 
pleuvoir,  mais  plôR. 

On  di^t  :  se  soté  ou  se  sixÉ  pour  rendre  s'asseoir. 

A  la  terminaison  française  re  correspont  la  termi- 
naison r  ou  re . 

Ex.  :  bÈr  (=  boire)  et  non  bè,  fÈr  (=  faire)  et  non 
fè. 

KrÈN'dre,  etc.  (Voir  la  liste  des  verbes  en  /'  ou  re, 
p.  284). 

Remarque.  —  On  dit  sÈNtre  ou  senti  pour  rendre 
sentir. 

Les  flexions  du  futur  et  du  conditionnel  s'ajoutent 
aus  terminaisons  d'infinitif  ir  et  r  ou  re.    . 
On  dit  kouriR  et  ze  kouriRÉ  (=  je  courrai) 
meuriR  et  ze  meuriRÉ  =  je  mourrai) 
bÈr  et  ze  bèRÉ  {=^  je  boirai). 

Toutefois,  teniR  et  veniR  ont  conservé  leur  forme 
archaïque  de  futur  : 

ze  vèndRÉ,  ze  tèndRÉ. 
Dans  les  verbes  dont  les  infinitifs  sont  en  kr,  quand 
on  forme  le  futur  et  le  conditionnel,  l'è  doit  disparaître, 
et  il  peut  s'introduire  une  consonne  euphonique  entre 
la  consonne  finale  du  radical  et  Vr. 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOLS  DE  ST-H AON-LE-CHATEL    289 

Ainsi  voulèr  (=  vouloir)  fait  :  ze  vouclré  (d'abord 
vouldré)  ;  va/èr  {■=  valoir)  fait  xre  vôdré  (d'abord  valdré)  ; 
falèr  (=  falloir)  fait  oufôdrâ  (d'abord  faldra). 

Dans  savèr  {■=  savoir),  après  la  chute  de  Vè,  le  f  s'est 
uni  à  Va  pour  produire  au  =  d  :  je  sôré.  De  môme 
avèr  fait  :  ^ôré  ;'on  dit  aussi:  zérë\. 

Le  verbe  oèr  (=  voir)  a  été  jadis  réèr  en  deus  syl- 
labes; dans  la  formation  du  futur,  l'éde  la  terminaison 
èr  a  disparu  régulièrement,  et  c'est  le  premier  é  de 
véèr  qu'on  retrouve  dans  le  futur  vévê. 

2.  Flexions  du  participe  passé.  —  Dans  la  conju- 
gaison morte,  les  flexions  du  participe  passé  sont  : 

l''  Avec  l'accent  sur  la  llexion  :  pour  le  masculin 
I  et  u,  pour  le  féminin  :  ye. 

2°  Avec  l'accent  sur  le  radical  :  pour  le  masculin 
pas  de  flexion,  pour  le  féminin  :  t,  t',  z,  z'. 

l""  Avec  l'accent  sur  la  flexion. 

On  a  :  uvrir[=i  ouvrir),  qui  fait  uvri,  uvr^E  (et  aussi 
uvÀr,  uvÀrte). 

K^^yvrir  (=  couvrir),  qui  fait  k">'uvri,  k^-^uvr^E  (On 
a  aussi  les  formes k^'-^uvÀr,  k">uvÀrte). 
soufrir  (=  souffrir)^  qui  fait  soufri,  soufr>'E. 
ofrir      (=  offrir),     qui  fait  ofri,  ofr^E. 
tenir     (=  tenir),     qui  fait  tenu,  ten^E. 

De  même  venir,  repentir,  mentir,  sarvir  (=  servir), 
sèntre  ou  sentir,  sortir,  ont  le  participe  en  u,  yE. 
On  a  :  nuir       (radical  nuiz),  qui  donne  nuizu 
luir        (     —      luiz)        —     luizu 
ter  (     —      téz)  —     tézu 

plér        (     —      pléz)        —    plézuoupléyu 
krèndre{    —      kren^')      —     kren^uetkre- 
nî'E,  mais  aussi  krèn,  krènt' 

REVUE  DE  rilILOI.OGIE,   XIII  19 


290  REVUE    DR    PHILOLOGIE  FRANÇAISE 

::icèndre  (radical  vxm^')  qui  donne  zun^u,  zun^E 
vivre  qui  fait  vivu,  viv>E 
pouyèr      —     pouyu 
n'r  —     rivu 

crèr  —     crèvu. 

Lo  participe  en  u  des  verbes  àvèr,  savèr,  se  forme 
non  sur  le  radical  normal  de  ces  verbes  (ài\  sàv),  mais 
sur  un  radical  particulier  qu'on  retrouve  aussi  dans  une 
des  formes  de  leur  prétérit,  6>'  et  sôy  :  àyii,  srViu  (=  eu, 

su). 

Le  participe  de  vèr  (=  voir)  est  tout  à  fait  irré- 
gulier <  vu,  vuze. 

2°  Avec  l'accent  sur  le  radical.  Les  xerhes  konstrui'r, 
ènstruir,  détruir,  kuir,  ékrir,  dont  les  radicaus  sont 
/xonstruiz,  ènstriu:^,  détruis,  kuu,  ékric,  ont  au  parti- 
cipe passé  féminin  la  flexion^  ou  ^',  avec  lachute,  devant 
ce  t,  de  la  consonne  finale  du  radical,  ^  ou  v.  Ils  perdent 
aussi  au  participe  masculin  la  consonne  finale,  mais  ne 
prennent  aucune  flexion.  On  a  :  ék/it'  au  féminin,  ékri 

au  masculin. 

De  même  plèndre  fait  :  plèii,  plènV  etfér:  fé  (ou 
fâ),  féf  ;  et  dir  :  di,  dit' . 

Les  verbes  métré  et  prendre  (=  mettre,  prendre)  ont 
des  ])articipes  féminins  en  :;'  .* 

mÀ\  rnèz' 
prè,  près:'. 

Il  en  est  naturellement  de  même  de  leurs  dérivés  : 
proumètre,  àprèndre,  konpri'ndre,  etc.,  qui  donnent  : 

proumè,  proumèz' 

aprè,  après' 

konprè,  konprèz\  etc. 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-H  AON-LECHATEL    291 

Cas  particuliers  : 

Les  radicaus  ordinaires  de  ùvèr  {=  avoir)  et  sàvèr 
(r=  savoir),  sont  :  àv  et  sàv.  Comme  en  français,  on 
trouve  ces  radicaus  au  pluriel  de  l'indicatif  présent 
(excepté  cependant  à  la  3"  personne  :  iz  (ou  il  an  (^  ils 
ont),  et  à  rimparfait.  Mais  on  les  trouve  en  outre  au 
participe  présent  :  àran  (=:  ayant),  sàvan  (=  sachant); 
et  dans  l'une  des  formes  du  passé  défini  de  ces  deus 
verbes  :  j^^àvi  {=  j'eus)  ;   ze  sàvi  (^=  je  sus). 

Au  subjonctif  présent  de  sàcèi'  on  trouve  encore  le 
radical  sàv  :  ke  ^e  sàvuii  (=  que  je  sache). 

Mais  à  ce  temps,  àvèr  a  le  radical  particulier  èy  :  ke 
z'èyou.  Et  dans  deus  autres  formes  du  passé  défini,  il 
a  les  radicaus  ày  et  by  :  z'hyi  ou  z'àyi  (a  côté  de  z'àvi). 
Sàvèr  fait  au  passé  défini  :  ^re  sàyi  aussi  bien  que  ze 
sàvi. 

Enfin,  ces  deus  verbes  ont,  an  singulier  de  l'indicatif 
présent,  des  formes  partiellement  anormales  : 

z  e,  ta,  ei  a. 

ze  se,  te  sa,  é  sa. 

Le  radical  qu'on  attendrait  pour  le  \erhe Jer  estjez^ 
d'où  :  ze  fézou,  te  fé,  é  fé;  mais  on  dit  zefezou  au  lieu 
de  fézou  (cf.  en  français  :  nous  fesons,  au  lieu  de 
faisons),  et,  à  la  2*^  et  à  la  3''  personne  du  singulier,  te  ou 
éfà  (Voir  remarque  à  ce  sujet,  p.  287). 

Quant  au  verbe  àlé,  il  est  formé  des  débris  des 
conjugaisons  de  trois  verbes  distincts.  C'est  ainsi 
qu'on  a  :  ze  vive  ou  z'àlou  (=  je  vais)  et  z'iré  (=  j'irai) . 


'^92 


RFAUE    DE    PHIl.OLOOIE    FRANÇAISE 


4. 


CONJUGAISON    DK   QUELQUES   VERBES 


1.  Verbe  :  être  (■=  être). 


Ind.  prés. 

ze  su 

Imparfait 

z'élÈN 

t/é  ' 

tetô 

él  é 

él  étô 

ne  seMÈN 

n'étAN 

VOLIZ   ÔTI 

vouz  étÀ 

i  son 

iz  (ou  il)  étAN 

Pas.  de^. 

ze  se^i 

Futur 

ze  seRÉ 

te  se^i 

te  seRÂ 

é  seyi 

é  seRÂ 

ne  se^'Èran 

ne  seKÈN 

vou  seyÈrâ 

vou  seRi 

i  seyÈran 

i  seRON 

Cond.  prés. 

ze  seRÈN 

Sub] .  prés 

.  ke  ze  sÈyou 

te  seRE 

ke  te  sÈye 

é  seRE 

k'é  SÈye 

ne  seRAN 

ke  ne  se^ÈN 

vou  seRÂ 

ke  you  se^.i 

i  seRAN 

k'i  seîQN 

1 

Part.  prés. 

se>AN 

Part,  pas 

éTÂ 

2.  \^erbe  :  essarté  '=  bêclier) 
Ind.  prés. 


z  éSSARtOU 

t'éssARte 
él  éssARte 

n'  éssarxÈN 

VOUZ  éssarxi 

iz  (ou  il)  éssarroN 


Imparfait  z'éssarxÈN 
t'éssarxô 
él  éssarxô 


n'  éssarxAN 


vouz  éssarx 
iz(ouil)  éssarxAN 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-HAON-LE-CHATEf, 


29H 


Pas.  déf. 


z'éssai'Ti  Futur 

t'éssarTi 

él  éssaiTi 

n'essarTÈran 

vouz  essarTKrâ 

iz  (ou  il)  essaiTKran 


z'éssarteRÉ. 
t'ëssarteRÀ 
él  éssarteRÂ 
n'éssarteRKN 
vouz  éssarteRi 
iz  (ou  il)  éssarte- 


[ron 
Cond.  prés.  z'éssartcRHN  Subj.prés.  ke  z'ëssARtou 
t'ëssarteRE  ke  t'éssARte 

él  éssarteRE  k'él  éssARte 

n'éssarteRAN  ke  n'éssarxÈN 

vouz  éssarteRÂ  ke  vouz  éssarTi 

iz  (ou  il)  cssarteRAN        k'iz(ouil)éssarTON 

Part.  prés.  éssartAN  Part.  pas.  ëssarTÀ,  essartAN 

3.  Verbe  sàlù'  (=  salir). 


Ind.  prës. 


Pas.  déf. 


ze  saLissou 
te  sàLi 
é  sâLi 
ne  sâlissÈN 
vou  sàlissi 
i  sâlissoN 

ze  sàlissi 
te  sâlissi 
ë  sàlissi 
ne  sàlissÈran 
vou  sàlissÈrâ 
i  sâlissKran 


Imparfait  ze  sâlissÈN 
te  sàlissô 
ë  sàlissô 
ne  sàlissAN 
vou  sàliss 
i  sàlissAN 

Futur     ze  sàliRÉ 
te  sàliRÀ 
ë  sàliRÀ 
ne  sàliRÈN 
vou  sâliRi 
i  sàliRON 


Cond.  prés,  ze  sàliRÈN     Subj.  prés,  ke  ze  sâLissou 


te  sâliRE 
é  sâliRE 
ne  sàliRAN 
vou  sàliRÀ 
i  sàliRAN 


ke  te  sâLisse 
k'é  sâLisse 
ke  ne  sâlissÈN 
ke  vou  sàlissi 
k'i  sâlissoN 


29-i  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Paît.  prés.  sâlissAN       Part.  pas.     sâu,  sâLJE 


4.  ^'erbe  :  deurtnir  (=^  dormir). 


Ind.  prés,  ze  dEurmou  Imparfait 
te  deur 
é  deur 
ne  deurMÈN 
vou  deurMi 
i  deurMON 

Pas.  déf.   ze  deur.Mi     Futur 
te  deur.Mi 
é  deur.Mi 
ne  deur.MÈran 
vou  deurMÈrâ 
i  deur.MKran 

Cond.  prés,  ze  deurnuRÈN  Subj.  prés. 
te  deurmiRE 
é  deurnuRE 
ne  deurmiRAN 
vou  deurmiRÀ 
i  deurmiRAN 

Part.  prés.  deur.MAX  Part.  pas. 
5.  Verbe  :  valèr  (=  valoir). 


ze  deurMÈN 
te  deurMù 
é  deurMÔ 
ne  deur  M  AN 
vou  deurMÂ 
i  deurMAN 

ze  deurmiRE 
te  deurmiRÀ 
é  deurmiR.\ 
ne  deurmiRÈN 
vou  deurmiRi 
i  deurmiRON 

ke  ze  dEurmou 
ke  te  dEurme 
k'é  dEurme 
ke  ne  deurMÈN 
ke  vou  deurMi 
k'i  deurMON 

deurMi 


Ind.  prés. 


ze  VALou 
te  vô 
é  vô 

ne  vàLÈN 
vou  vàLi 

i  vàLON 


Imparfait 


ze  vaLEN 
te  vâLÔ 
é  vàLô 
ne  vàLAN 
vou  vàLÂ 

i  va LAN 


LE  VERBE  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-H  AONLE-CH  ATEL        295 

Pas.  cléf.       ze  vàLi  Futur  ze  vûdré 

te  vàLi  te  vôDRÀ 

é  vàLI  é  VÔDRÀ 

ne  vàLÈran  ne  vôdrkn 

vou  vàLKrâ  vou  vôdri 

i  vaLÈran  i  vôdron 

Cond.  |)rës.  ze  vôdrkn  Subj.  prés,  ke  ze  vÀlou 

te  vôdrh  ke  te  vÀle 

é  vôDRE  k'é  vÀle 

ne  vôDRAN  ke  ne  vùlèn 

vou  VÔDRÀ  ke  vou  vàLi 

i  VÔDRAN  k'i  vàLON 

Part.  prés.   vàLAN  Part.  pas.  vàLu 

6.  Verbe  :  zwèndre  (=:  joindre). 

Ind.  prés,     ze  zun^ou    Imparfait  zezunsÈN 

te  zwèn  te  zun^ô 

é  zwèn  é  zun>ô 

ne  zun>ÈN  ne  zun>AN 

vou  zun>i  vou  zun^À 

i  zun>ON  i  zun^AN 

Pas  déf.        ze  zuuji  Futur  ze  zwènDRÉ 

te  zuns'i  te  zwènoRÂ 

é  zun^'i  ë  zwènDRÀ 

ne  zun^Kran  ne  zwènoRÈN 

vou  zun>Èrâ  vou  zwènoRi 

i  zun^Èran  i  zwènoRON 

Cond.  prés.  zezwènDRÈN  Subj.  prés,  ke  ze  zun^ou 

te  zwènDRE  ke  te  zun^^e 

é  zwènDRE  k'é  zun^e 

ne  zwèuDRAN  ke  ne  zun>ÈN 

vou  zwènuRÀ  ke  vou  zun>i 

i  zwènDRAN  k'i  zun^oN 


296  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Part.  prés,     zun^an      Part.  pas.      zun^u,  zuNyE. 

5.  —  REMARQUES  AU  SUJET  DE  LA  VOIS  PRONOMINALE 

Les  verbes  pronominaus  se  conjuguent  en  patois 
comme  en  français,  avec  cette  différence  cependant 
qu'aus  trois  personnes  du  pluriel  on  emploie  comme 
pronom  réfléchi  toujours  se.  Ainsi  Tondit: 

ne  se^kouPÈN  (■=  nous  nous  coupons) 

vou  s'  élàrDÂ,  de  s'élàroÉ  =  tomber  à  plat 

i  s'émàviRON,  des'émaviR=  se  remuer  vivement. 

On  dit: 

ze  me  su  en  àLÂ  (ou:  n'àLÀ)  pour  rendre:  je  m'en  suis 
allé. 

D'ailleurs,  aus  autres  temps  composés,  on  met  égale- 
ment en  (ou:  n')  avant  le  verbe  être. 

Par  métathèse,  au  lieu  de  dire:  ze  m'en  retôrnou 
{=  je  m'en  retourne)  on  dit:  ze  me  rèntôrnou. 

Kourir  (=  courir)  employé  à  la  vois  pronominale, 
aus  trois  personnes  du  pluriel,  signifie:  se  poursuivre 
ou  se  rechercher. 

Périr,  conjugué  à  la  vois  pronominale,  signifie:  se 
tuer,  se  suicider. 

Lapé,  qui  signifie  en  patois  non  seulement:  happer, 
mais  aussi:  adhérer  à  une  chose,  coller,  lorsqu'il  est 
conjugé  à  la  vois  pronominale,  signifie  :  commencer  et 
s'empoigner. 

Ex.  :  ze  me  LÂp'  à  ik-^"EU  tràvA^e  (=  je  commence  ce 
travail). 

ne  se  làPÈran  (=z  nous  nous  empoignâmes). 

A  la  vois  passive,  les  verbes  se  conjuguent  comme 
en  français . 


LE  vl:hbe  dans  le  patois  de  st-haon  LE-CUVrEL       297 


I 


II.  —  Syntaxe 

1.   —  REMARQUES    AU    SUJET  DE  l'eMPLOI    DES 
DIP^FÉRENTES    FLEXIOiNS 

Il  n'y  a  rien  à  signaler  au  sujet  des  modes  indicatif 
et  impératif. 

Mode  Conditionnel.  Le  passé  2*^  forme  n'existe  pas. 

On  dit;  si  z'avÈN  voulu,  ze  n'éRÈN  (ou:  z'éRfiN,  ou: 
n'ëRÈiN)  pà  fé  iK"-^ÈN  (=:  si  j'avais  voulu,  je  n'eusse  pas 
fait  cela). 

Mode  Subjonctif.  L'imparfait  et  le  plus-que-parfait, 
qui  n'existent  pas,  sont  rendus  par  le  présent  et  le 
passé. 

Il  voulait  que  tu  eusses  fini  =  é  voulô  ke  t'Èye  fini 
(=  que  tu  aies  fini). 

Je  n'aurais  jamais  cru  qu'il  fit  mal  --  (à  cause  du 
voisinage  de  n',  ze  disparait)  n'éRÈN  zàMÉ  krëyu  k'é 
FEzemâ  (=  qu'il  fasse  mal). 

On  pourrait  aussi  rendre  cette  dernière  phrase  par  : 
n'éRÈN  zàMÉ  kréyu  k'é  feRE  ma  (=  qu'il  ferait  mal). 

Jamais  on  n'emploie  le  subjonctif  sans  conjonction, 
même  quand  on  exprime  un  vœu,  un  souhait. 

Puissé-je  faire  une  bonne  récolte  !  =  ke  ze  pouyou 
fér  une  Boune  réKOLte!  (ou  mieus:  si  ze  pouyÈN  fér 
une  boune  rékoLte  !  ) 

Naturellement  pour  traduire:  J'irai  vous  voir,  dussé- 
je  me  faire  porter,  on  dira:  z'iRÉ  vous  vÈr,  kan  MÉme 
ze  devRÈN  me  fér  ponÉ. 

Mode  Infinitif .  —  On  ne  remplace  pas  souvent  les 
subordonnées  par  rinfinitif  présent. 


:29S  REVUE    DE    PlIlLULUGiE    FRANÇAISE 

On  dit:  ze  krkvou  ke  z'c  rézoN  =  (je  crois  que  j'ai 
raison  plutôt  que:  ze  KRÉyou  avè  rézoN  (=  je  crois 
avoir  raison). 

Lorsque  le  verbe  auquel  est  joint  l'infinitif  est  à  un 
temps  du  passé  et  que  le  temps  de  Taction  exprimée 
par  l'infinitif  est  tel  que  nous  le  marquerions  par  un 
imparfait  si  nous  pouvions  emi)loyer  l'indicatif  ou  le 
subjonctif,  en  patois  on  emploie  l'infinitif  passé  ou 
présent. 

Ex.  :  xMon  père  me  dit  que  tu  n'aurais  pas  dû  le 
vendre  =  mon  pér  me  dizi  ke  te  n'éRi-:  pâ  du  lou  vÈNdre 
(ou  :  l'avÈR  vèuDu). 

Mode  Participe.  En  patois,  on  n'emploie  jamais  les 
propositions  participes,  on  les  rent  par  des  subor- 
données. 

Ex.  :  L'hiver  approchant,  chacun  fit  sa  provision  de 
bois  ==  kan  TivÀr  apressi  (quand  l'hiver  approcha), 
sàKEUN  fezi  sa  prôvizioN  de  bwa. 

On  emploie  le  participe  présent,  mais  de  préférence 
on  le  remplace  par  une  relative. 

Ex.  :  C'est  une  personne  aimant  beaucoup  les  enfants 
=  ou  é  un'  parsoun'  éMAN  bôkou  lu(z)  (ou  le(z)  auFAN 
=^  ou  é  un'  parsoun'  k'Ém'  bôkou  lu(z)  anfAN. 

Règles  d'accord  du  Participe  passé 

Les  participes  passés  patois  varient  seulement  quant 
au  genre. 

un'  oum'  estiMÀ  (=  un  homme  estimé;,  un'  parsoun' 
ésti.MAN  (une  personne  estimée},  de  parsoun'  éstiMAN 
(=  des  personnes  estimées;. 

Comme  on  le  faisait  dans  le  vieus  français,  on  con- 
sidère souvent  le  participe  construit  avec  àcèr  comme 


LE  VERBE  DANS  LK  PATOIS  DE  ST-H AON-LE-CH ATEL    299 

faisant  avec  l'auxiliaire  une  locution  indivisible,  dont  la 
seule  partie  variable  doit  être  celle  qui  marque  les  per- 
sonnes, c'est-à-dire  l'auxiliaire. 

Ex.  :  Ke  de  soum'él  à  douNÀ  !  (etnondouNAN)(=  que 
de  sommes  il  adonnées!)  ; 

Lé  livre  (livre  est  du  féminin)  ke  lu  sàssou  an  kouRU 
(et  non  kouR^E)  (=  les  lièvres  que  les  chasseurs  ont 
courus); 

Lé  fp.n'  ke    n'àvHN  pussÀ   (et  non  pussAN),  (=  les 
femmes  que  nous  avons  poussées). 
Cependant,  on  dit  aussi: 
Lé  fEn'  ke  n'àvKN  pussAN  : 

Lé  vm>e  ke  n'avèn  vizItan  (au  lieu  de  vizirÀ)  (=  les 
vignes  que  nous  avons  visitées). 

Les  participes  passés  des  verbes  construits  avec 
être,  des  verbes  à  la  vois  passive,  des  verbes  imper- 
sonnels, se  conduisent  comme  en  français,  avec  cette 
différence  toutefO'is  qu'ils  ne  varient  pas  quant  au 
nombre. 

Dans    les  verbes  rélléchis,  on    préfère,    comme    en 
vieus  français,  l'accord  avec  le  sujet: 
Ex.  :  Elle  s'est  coupé  un  doigt  = 
le  s'é  koupAN  'non  koupÀ)  eun  de. 
Les  lettres  qu'ils  se  sont  envoyées  ^=. 
lé     lEtre      k'i      se  son     envouvÀ. 
Les  cadeaus  qu'elles  se  sont  achetés  = 
lu     kàDô       ke      le  se  son     àssexAN. 
Elle  s'est  fait  tort  = 
le       s'é     fÉte  tôr. 
Elles  se  sont  parlé  ^^ 
le        se  son  parLAN. 
On  dit  :  la  fen'  ke  z  e  \\}^e  dansÉ  (=  la  femme  que 
j'ai  vue  danser). 


300  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

On  peut  dire  aussi  :  ze  lè(z)  é  fÉt'  pàrxi  =  je  les  ai 
lait  partir  (ces  femmes). 


2.   —  REMARQUES  DE  SYNTAXE  GÉNÉRALE 

Inversion.  Pour  interroger,  au  lieu  d'employer  Tin- 
version  ordinaire,  on  em[)loie  la  locution  é  se  ke, 
presque  continuellement. 

On  dit:  vcni-vou?  (=  venez-vous?)  ou  mieus  :  é 
se  ke  vou  vcni?  (=  est-ce  que  vous  venez  ?) 

Pour  traduire:  vient-elle?  si  l'on  n'emploie  pas  la 
tournure-é  se  ke/^on  dit:  vèn-x-iye? 

Les  pronoms  personnels  sujets,  masculins  ou  fémi- 
nins^ des  3^'  personnes  du  singulier  et  du  pluriel, 
prennent  parfois  dans  une  interrogation  la  forme?. 

Ex.:  IkeT    fEu'      é-i'i      veNJE?  = 

cette   femme  est-elle  venue  ? 

iK"'>EU    gàrsoN  é-t-/     à  riva?  ^= 

ce  «garçon  est-il    arrivé? 

ikcLÉ     joun'        five      son-t-ï         fàtiGAN?  — 

ces         jeunes     filles    sont-elles     fatiguées  ? 
Quand  les  pronoms  sujets  sont  du  féminin,  on  peut 
leur   donner  la  forme  iye.  ^ 

Ainsi  le  dernier  exemple  se  rent  encore  par  : 

ikelÉ  joun'  f[ye  son-T-i^e  fatiGAN? 

Souvent,  quand  on  interroge,  on  ne  fait  pas  Tinver- 
sion  du  verbe  et  du  sujet;  'dans  ce  cas,  on  ne  reconnaît 
la  phrase  interrogative  qu'à  l'élévation  de  la  vois  sur 
les  derniers  mots. 

Ex.  :  louKÈN  te  vou  vÈr?  (littéralement:  lequel  tu 
veus  voir  ?  =  lecjuel  veus-tu  voir?)  ou  bien:  te  vou 
VÈr  louKÈN  ?  (littéralement:  tu  veus  voir  lequel?). 


LE  VERBE  DANS   LE   PATOIS  DE  ST-HAONLE  CHATEL         301 

De  même  qu'on  dit  :  Zan  vèn-t-ï?  (^  Jean  vient-il?), 
on  dit  :  é  vèn-t-ï  ?  (à  la  lettre  :  il  vient-il  --  vient-il  ?); 
le  vènT— iye?(=  vient-elle?);  i  veNON-t-i  (=  viennent- 
ils?) 

Et  par  analogie  on  a  dit  :  ne  monTÈN-t-i  (=  mon- 
tons-nous?) vou  monTi-t-i{=montez-vous?peu  employé 
à  cause  de  la  répétition:  ti-t-i),  ze  moNt'-t-i  (=  est-ce 
que  je  monte?).  Mnis  sous  l'influence  de  l'analogie 
avec  montes-tu,  au  lieu  de  dire  :  te  mont'-t-i,  on  dit  : 
te  mont'-tu?  (=  montes-tu?) 

Pour  traduire  une  incise  on  emploie  de  préférence  la 
tournure  par  ke.  .. 

Ex.  :  Il  n'y  a  pas  d'offense,  a-t-ilxlit  = 
i  a  pà    d'oFANse,  A'él  a  di. 

On  peut  aussi  la  rendre  d'une  manière  qui  rappelé 
le  viens  français  : 

i  à  pâ  d'oFANse,  él  à  di. 

Après  pe-T-Étre  {==  peut-être),  cinKor  (=  encore), 
ke  {=^  quel,  koum'ik^^yÈN  (=  ainsi),  on  peut  faire  Tin- 
version,  mais  de  préférence  on  emploie  la  tournure  par 
ke.  Ex.  :  Peut-être    lit-il   cela  = 

pcT—Étre  fezi-t-i  iiv^^J'ÈN,  ou  mieus  : 

pcT — Être  k'é  fezi  iK"J'ÈN. 

Encore,  fait-il  ce  travail  = 

anKôr,    fâ-t-i  K"yEu'  tràvAye,  ou  bien  : 

anKôr,     é    fà  Ik^^'eu  tràvÀ.ve,  ou  mieus  : 

anKôr,  k'é  fâ  Ik^^eu  tràvÀ^'e. 

(  au  moins 
Après  é  moèn  =]  et  tuzou  — toujours,  on 

(  du  moins 

n'emploie  que  rarement  l'inversion. 
1.  Lé  i  de  ik"yeu  (ce)  disparaît  par  euphonie. 


302  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Piusieuï's  Sujets.  Quand  un  verbe  a  plusieurs  sujets, 
on  résume  volontiers  ces  sujets  par  les  expressions:  ou 
é  (=  c'est),  ou  étô  (=  c'était). 

Ex.  :  Femmes,  enfants,  vieillards,  étaient  partis  = 
Lé  fEn'.  lu(z)  ou  le(z)anFAN.  lu  Vyeu,  ou  étô  touparTi 
(z=i  c'était  tout  parti  . 

Bien  manger,  bien  boire,  ne  suffisent  pas  = 
bien    mènzÉ.    bien  bnr,      ou  ne  sufi    pâ 

On  peut  aussi  pour  la  V'^  phrase  tourner  :  i(z)  (ou  il) 
éxAN  tu  parTi  :  et  pour  la  2^:  ne  (facnltatifi  suFipâ;  ou 
bien:  ne  (facultatif)  sufizoN  pâ. 

Le  Pronom  relatif  ki  i^qui).  —  Quand  le  sujet  est 
le  relatif  ki^  on  fait  accorder  le  verbe  en  nombre  et  en 
personne  avec  l'antécédent,  mais  le  patois  hésite  parfois 
pour  la  détermination  de  Tantécédent. 

^  kounussÈN)      ni   pér' 
Ex.  :  z'éTÈN  eun  orfeLÈn  ke  ne  \ 

(  kounussô 


m  mer. 


(z=  j'étais    un  orphelin  qui  ne 


(  connaissais  )     ni  père 
(  connaissait  )ni  mère. 


Quand  le  substantif  attribut  est  un  nom  propre,  cela 
ne  modifie  en  rien  la  règle. 

(  tràvÀ^ou  ) 
Ex.  :  ze  su  PiÂr  ke  ^  ^  vé  (ou  :  si)  Zan 

'  tràvÀi'e 


je  suis  Pierre  qui  travaille  chez  Jean. 

Mais  si  le  nom  propre  est  précédé  d'un  adjectif  déter- 
minatif  ou  accompagné  Jd'une  négation,  l'accord  se  fait 
nécessairement  avec  ce  nom,  et  non  pas  avec  le  pro- 
nom sujet  de  la  proposition  qui  précède. 

ze  ne  su     pâ  PiÂr    ke    tràvÀ^e    vé    Zan  = 
je  ne  suis  pas  Pierre  qui  travaille  chez  Jean. 


LE  VKRBH  DANS  LE  PATOIS  DE  ST-HAON-LE-CH ATRL    80o 


N'attire  et  Place  des  Complânents 

On  peut  donner  à  un  verbe  des  compléments  de 
natures  différentes. 

Ex.  :  él  ém'  la  pip'  é  ta  bèR  (mot  îî  mot:  il  aime  la 
pipe  et  à  boire). 

Volontiers,  on  place  en  tête  de  la  phrase  un  com- 
plément, direct  ou  indirect,  peu  importe,  sur  lequel, 
on  veut  attirer  l'attention. 

Ex.  :  lou  sivÀ,  n'avÈN  oubli  de  li  douNÉ  à  bÈi*  (mot 
à  mot:  le  cheval,  nous  avons  oublié  de  lui  donner  à 
boire). 

iKEràni,  ou  é  mon  pér'  ke  me  Ta  douNA  (=  cet 
habita  c'est  mon  père  qui  me  Ta  donné). 

Que  le  complément  soit  court  ou  long,  on  aime  à 
Tannoncer  par  un  pronom  : 

n'ï  scMÈN  àLÂ,  à  PàRi  (mot  à  mot:  nous  y  sommes 
allés,  à  Paris  . 

3.  —  REMARQUES  AU  SUJET  DE  LA  SYNTAXE  DU  VERBE 

ÊTRE  {■=  Être)  et  de  son  attribut 

C'e.s^et  ce  sont  se  rendent  tous  deus  par  ou  é. 

Ex.  :  ou  é  lu  rézÈN  ke  z'Émou  lou  m>'eu  =  ce  sont 
les  raisins  que  j'aime  le  mieus. 

L'idiotisme  ou  é...  ke  [=■  c'est...  que)  est  très  em- 
ployé. 

Ex.  \  ou  é  à  se  ke  z'i  é  di  := 
c'est  à  lui  que  je  l'ai  dit. 

On  emploie  être  ke  de,  de  préférence  à  être  de. 

si  z'cTÈN  ke  de  vou.  ze  feRÈN  iK"^ÈN  = 

si    j'étais  ►  de     vous,  je   ferais  cela. 


304  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Le  il  est  impersonnel  se  traduit  par:  ou(z)  i  â  (mot  à 
mot  :  il  va). 

Ex.  :  il  est  un  Dieu  =  ou(z)  i  à  eun  g">eu. 

Au  lieu  de  dire  n'étô,   n'avô  étà,   pour  traduire  : 
n'était,  n'eût  été,  on  dit:  si  ou  n'été,  si  ou  ii'avô  étâ. 

On  n'emploie  pas  le  verbe  être  pour  rendre  le  verbe 
àlé  (aller). 

L'idiotisme  il  y  a  se  rent  par  :  ou(z)  i  à,  ou  bien: 
i  a.  On  dit  :   ou(z)  ià  pâ  loirrÈN,  ou  bien: 

ni\  pà  lonTKN  ^=  il  n'y  a  pas  longtemps). 

Blanchardon, 

Instituteur-adjoint  à  Renaisou  (Loire). 


ENQUETE 

SUR   LES 

PATOIS  DE  LA  RÉGION  LYOiNNAISE 


Nous  avons   reçu   les  réponsos  suivantes  au   questionnaire    n"  2, 
publié  dans  la  Ri'nu\  t.  XIII,  fasc.  2,  p.  81  à  87. 

Ain 

Arp.  de  Belleij 

Lagnieu,  c.  dudit.  —  M.  Vion-Delphin,  inst.  à  Lagnieu. 
Lhuis,  c.  duclit.  —  MM.   Festas,  inst.  à  Lhuis,  et  Truffet, 

négoc.  à  Lhuis. 
Hauteville,  c.  dudit.  —  M.  Mathieu,  inst.  à  Hauteville. 

Arr.  de  Bourg 

Montcet,  c.  de  Bourg.  —  M.  Dubois,  chargé  de  cours  à  l'Éc. 

prim.  sup.  d'Oyonnax. 
Bâgé-le-Chàtel,  c.  dudit.  —  M.  Gerex,  inst.  à  Bâgé. 
Chavannes-sur-Reyssouze^  c.  de  Pont-de-Vaux.   —  M.  Pan- 

netier,  inst.  à  Pont-de-Vaux. 
Marboz,  c.  de  Coligny,  —  M.  Pommatau,  inst.  à  Marboz. 

Arr.  de  Non  tua 

Brénod,  c.  dudit.  —  M.  Berthodin,  inst.  à  Brénod. 
Poisat,  c.  de  Nantua.  —  M.  Assumel,  inst.  à  Collonges. 

Arr.  de   Trévoux 

Vandeins,  c.  de  Châtillon-les-Dombes.  —  M.  Dubois,  chargé 

de  cours  à  l'Éc.  prim.  sup.  d'Oyonnax. 
Bourg-Saint-Christophe,  c.   de  Meximieux.  —  M.  Bernard, 

inst.-adj.  à  Meximieux. 

REVUE  DE  PHILOLOGIE,  XIII  ^0 


306  rf.vl'e  de  philologie  française 

IIautes-Alpes 
Aî'r.  de  Briançon 

Molines  en  Queyras,  c.    d'Aiguilles.   —  M.    Berge,  él.  à 

rÉc.  Normale  de  Gap. 
Briançon,   c.   dudit.  —  M.    Bérard,  él.  à   l'Éc  Norm.  de 

Gap. 
Moneiier-les-Bains,  c.  dudit.  —  M.  Philip, él.  àTÉc.  Norm. 

de  Gap. 

Aj'r.  cV Embrun 

Savines,  c.  dndit.  —  M.  Pelloux,  à  Savines. 
Réallon,ti.  de  Savines.  —  M.  Villar,  inst.  à  Réallon. 

Arr.  de  Gap 

La  Bâtie-Neuve,   c.    dudit.  —   M.   Bonthoux,    inst.    à  la 

Bâtie. 
Laragne,  c.  dudit.  —  M.  Aguillon,  inst.  à  Laragne. 
Rosans,  c.  dudit.  —  M.  Aubert,  à  Rosans. 
Barcillonnette,  c.  dudit.  —  M.  Cornand,  inst.  à  Barcillon- 

nette. 
Veynes.  c.  dudit.  —  M.  Espié,  inst.  à  Veynes. 
St-Étienne-en-Dévoluy,   c     dudit.    —   M.  James,  inst.    à 

St-Étienne-en-Dévoluy. 
La    Cluse,  c.    de  St.-Étienne-en-D.  —  M.  Sausse,  él.    à 

l'Éc.  Norm.  de  Gap. 
Aspres-sur-Buëch.  c.  dudit.  —  M.  Michel,  inst.  à  Aspres. 
Sigoyer,  c.  de  Tallard.  —  M.  Pellet,  él.  à  l'Éc.  Norm.  de 

Gap. 
St-Julien-en-Champsaur,  c.  de  Saint-Bonnet.   —  M.  Bro- 

chier,  él.  à  l'Éc  Norm.  de  Gap. 

Ardèche 

Avr.  de  Lar  g  entière 

Salavas,  c.  de  Vallon.  —  MNL  Escoutay  et  Alzaz.  él.   à 
rÉc.  Norm.  de  Privas. 


ENQUÊTE  SUR  LES  PATOIS  307 

St-Paul-le-Jeune,    c.   des  Vans. — M.  Gadilhe,  él.  à  TÉc. 

Norm.  de  Privas. 
Largentière,  c.dudit.—  M.Delbac,  él.àrÉc.  Norm.de Privas. 
Montpezat-sous-Beauzon,  c.  dudit.  —  M.  Boissel,  él.  à  TÉc. 

Norm.  de  Privas. 
St-Étienne-de-Lugdarès,    c.  dudit.  —  M.  Chasson,  inst.  à 

Lugdarès. 
Thueyts,  c.  dudit.  —  M.  Agier,  à  Thueyts. 
Joyeuse,  c.  dudit.  —  M.  Briand,  à  Joyeuse. 
Valgorge,  c.  dudit.  —  M".  Baconnier,  à  Valgorge. 
Burzet,  c.  dudit.  —  M.  Gévaudan,  inst.  à  Burzet. 

Arr.  de  Privas 

Ailhon,  c.  d'Aubenas.  —  M.  Arsac,  él.  à  VÉc.  Norm.  de 
Privas. 

Le  Teil,  c.  de  Viviers.  —  M.  Praneuf,  él.  à  l'Éc.  Norm.  de 
Privas. 

Privas,  c.  dudit.  —  M.  Méot,  él.  àTÉcol.  Norm.  de  Privas. 

St-Julien-en-St-Alban,  c.  de  Chomérac.  —  M.  Pontal, 
él.  à  l'Écol.  Norm.  de  Privas. 

St-Jean-le-Centenier,  c.  de  Villeneuve-de-Berg.  —  M.  Rim- 
baud, inst.  à  St-Jean-le-Centenier. 

Arr.de  Tournon 

Le  Cheylard,  c.  dudit-  —  M.  Cornut,  él.  à  l'Éc.   Norm.  de 

Privas. 
St-Martin-de-Valamas,  c.  dudit.  —  Cornut,  él.  àTÈc.  Norm. 

de  Privas. 
St-Romain-d'Ay,  c.   d'Annonay.  —  ^L  Clap,  él.    à   l'Éc. 

Norm.  de  Privas. 
St-Agrève,  c  dudit.  —  M.  Jouve,  él.   à  l'Éc.   Norm.  de 

Privas . 
Vernoux,  c.  dudit.  —  M.  Roche,  directeur  d'école  à  Vernoux. 
Silhac,  c.  de  Vernoux.  —  M.  Rey,  él.  à  l'Éc.  Norm.    de 

Privas 


308  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FKANÇALSK 

DoiBS 

Aj'J'.  de  Baume-les- Dames 

Baiiine-los-Dames,  c.  dudit.  —  M.  Bouhélicr,  dir.  d'école 

à  Baume. 
Rougenionl.  c.  dudii.        M.  Delcey,  inst.  à  Rougcniont. 
Chaux-les-Passavant,  c.  de  Vercel.  —  M.  Vittot,  dir.  d'école 

à  Besangon. 

A  vr.  de  Beniinçon 

Boussièjes,  c.  dudit.  -     M.  Borne,  inst.  à  Boussières. 
Cliaucen)ie,  c  d'Audeux.  -     M.  Hugon,  inst.  à  Chauconne. 
Amaiicey,  c.  dudit.  —  M.  Renaud,  à  Amancey. 

Arr.  de  Monihcliai d 

Maiche,  c  dudit.  —  M.  Messagier,  dir.  d'éc  à  Maiche. 
Dasle,  c.  d'Audincourt.  —  M.  Brenet,  étudiant  en  lettres. 
'Monibéliard,  c.  dudit.  -     M.  Caillods,  dir.  d'école  à  Mont- 
béliard. 

Arr.  de  Poninrlier 

Levier,  c.  dudit.  -    M.  Mercet,  à  Levier. 
Mouthe,  c.  dudit.  —  MM.  Bordier  frères,  inst.,  et  G.  Blon- 
deau,  à  Mouthe. 

Drôme 

Arr.  de  Die 

Die,  c.  dudit.  —  M™^  Lombard,  inst. à  Die. 
Grane.  c.  de  Crest.  —  ^L  Barnavol,  inst.  à  Grâne. 

Arr.  de  Moniélimrtr 

Dieulefit,  c.  dudit.  ~  M.  Liotard,  à  Dieulefit. 

Vesc,  c.  de  Dieulefit.  -  M.  Lamothe,  dir.  du  cours  com- 
plémentaire du  Grand-Serre. 

Grignan,  c.  dudit.  —M.  Brunel,  inst.  à  Grignan. 

St-Paul-Trois-Ciiâteaux,  c.  dudit.  —  M.  Roinat,  àSt-Paul- 
Trois-Châteaux. 


ENQUÊTE  SUR  LES  PATOIS  300 

Suze-la-Rousse,  c.  de  St-Paul-Trois-Châteaux.  —  M.  Jour- 
net,  él.  à  rKc  Norni.  de  Valence. 
Marsanne,  c.  dudit.  —  ^^.  Carron,  à  Mar.ianno. 
Donzère,  c.  de  Pierrelatte.  —  M.  Bompard,  iiist.  à  Donzère. 

A/'i-.  de  iVi/ons 
Séderon,  c.  dudit.  —  M.  Curnier,  inst.  à  Séderon. 

Arr.   (le  Valence 

La  Roche-de-Glun,  c.  de  Taiu.  —   M.  Vigand,  él.  à  l'Éc. 

Norm.  do  Valence. 
Montrigaud,  c  du  Grand  Serre.    —   M.  Johanis,él.  à  l'Éc. 

Norm.  de  Valence. 
St-Jean-en-Ro3^ans,  c  dudit.  —  M.   Lamberton,   maire  de 

St-Jean-en-Royans. 

ISKRE 

Arr.  de  Grenoble 

Le  Touvet,  c.  dudit.  —  ^L  Thiervoz,  au  Touvet. 
Monestier-de-Clermont,  c.  dudit.  —  M.  Arnaud,  dir.   d'éc. 

à  Allevard. 
Roissard,  c.  de  Monestier-deCl.  —  M.  Bruyat,  à  Monestier. 
Voiron,  c.  dudit.  —  M.  Michalon,  inst.  à  Voiron. 
Corps,  c.  dudit.  —  M.  Durand,  inst.  à  Corps. 
Allevard,  c.  dudit.  —  \L  Arnaud,  dir.  d'éc.  à  Allevard. 
Oz,  c.  du  Bourg-d'Oisans.  —  M.  Louis   Noyrey,  à  Clianas. 
Bourg-d'Oisans,    c   dudit.   —  M.    Chaix,  inst.    à   Bourg- 

d'Oisans. 
Clelles,  c.  dudit.  —  M.  Guër,  inst.  à  Clelles. 
.La  Mure,  c.  dudit.  —  M.  Peyrin,  à  la  Mure. 

^4/'/'.  de  la   Tour-da-  Pin 

Panissage,  c.  de  Virieu.  —M.  Debauges,  inst.  à  Panissage. 
Morestel,  c.  dudit.  —  Guerre-Genton,  à  Morestel. 
Charette,  c.de  Morestel.  —  ^L  Demoiùent,  inst.  à  la  Salette. 
Biol,  c  du  Grand-Lemps.  —  ^iP^i?  Gage,   inst*    au  Grand- 
Lemps. 


310  REVL'E    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Pont-de-Beauvoisin.  c.  dudit.  — M.  Cuchet, inst.au  Pont-de- 
Beauvoisin. 

♦  Arr.  de  St-Marcellin 

TuUins,  c.  dudit.  —  M.  Echinard,  à  Tullins. 

Viri ville,  c.  de  Roybon.  —  M.  Gondrand,  inst.  à  Viri ville. 

.4/'/'.  de  Vienne 

Roussillon,  c.  dudit.  —  M.  Rarael,  dir.  d'éc.  à  Roussillon. 

Chanas,  c.  de  Roussillon.  —  M.  Noyrey  (Louis),  à  Chanas. 

Pommier,  c  de  Beaurepaire.  —  M.  Bourgarit,  inst.  à  Beau- 
repaire. 

Commelle,  c.  de  la  Côte-St-André.  —  M.  Vincendon,  prof, 
au  Lycée  du  Puy. 

Bonnefamilleetle  nord  du  c.  de  la  Verpillière  :  Villefontaine, 
Vaulx-Milieu,  la  Verpillière,  St-Quentin,  Satolas,  Co- 
lombier, Saugnieu.  —  M.  Rey,  dir.  d'école  à. Grenoble. 

Jura 

Arr.  de  Dôle 

Molay.  c.  de  Chemin.  —  M.  Pouthier,  à  Molay. 
Chaussin,c.  dudit.  —  Mi^^Grosjean,  dir.  d'école  àChaussin. 

Arr,  de  Polignrj 

Vaudioux,  c.  de  Champagnole.  — M.  Thevenin,  à  Champa- 

gnole. 
Foncine-le- Haut,  c.  des  Planche.s-èz-Montagne.  —  M .  Dubois, 

à  Foncine. 
Supt,  c  de  Champagnole.  —  M.  Bouillet,  instituteur  à  Supt, 
Cernans.  c.  de  Salins.  —  ^L  Bousson,  professeur  à  Mont- 

béliard. 
Montigny-les-Arsures,  c.  d'Arbois.  —  M.   Vautrey,  à  l'Éc. 

Norm.  de  Lons-le-Saunier. 

Arr.  de  S t- Claude 

Tancua,  c.  de  Morez.  —  M.  Gabet,  notaire  à  Morez. 
Choux,  c.  des  Bouchoux.  — M.  Point,  inst.  aus  Bouchoux. 


ENQUÊTE    SUR    I.liS    l'A  lOIS  31  1 

St-Laurent-du-Jura,  c.  dudit.  —  M.  Blanc,  inst.  à  St-Lau- 
rent. 

Arr,  de  Lons-le-  Saunier 

Cézia,  c.  d'Arinthod.  —  M.  Bugnet,  inst.  àChisséria. 

Loire 
Arr.  de  Montbrison 

Chalain-d'Uzon  et  Savigneux,  c.  de  Montbrison.  —  MM.  Mi- 
chalon  et  Ladret,  él.  à  l'Éc  Norm.  de  Montbrison. 

St-Barthélemy-Lestra,  c.  de  Feurs.  —  M.  Rousset,  él.  à 
l'Ec.  Norm.  de  Montbrison. 

Montchal,  c.  de  Feurs.  —  M.  Reynard,  inst.  à  Montclial. 

Margerie,  c.  de  St-Jean-Soleymieux.  —  M.  Veaux,  él.  à 
l'Éc.  Norm.  de  Montbrison. 

Ait.  de  Roanne 

St-Haon,  c.  dudit.  —  M.  Blanchardon,  à  Saint-llaon. 
Ambierle,  c.  de  St-Haon. —  M.  Détour,  à  Ambierle. 
Ambierle,  c.  de  St-Haon.  —  M.  Bancillon,  él.  à  TÉc.  Norm. 

de  Montbrison. 
Changy,  c.  de  Lapacaudière.  —  M.  Chambonnièrc,  inst.  à 

Urbise. 
Urbise,  c.  de  Lapacaudière.  —  M.  Fayet,  adjoint  au  maire 

d'Urbise. 
Champoly,  c.  de  St-Just-en-Chevalet.  -  -  M.  Durand,  inst. 

à  Champoly. 
Ferreux,  c.  dudit.  —  ^L  Farjot,  inst.  à  Ferreux. 
St-Georges-de-Baroilles,c.deSt-Germain-Laval. — M.  Bellet, 

él.  à  l'Éc.  Norm.  de  Montbrison. 
St-Symphorien-de-Lay;  c.  dudit.  —  M.  Astier,  dir.  d'éc.  à 

St-Symphorien. 

Arr.  de  Sai ni- Etienne 

St-Joseph,  c.  de  Rive-de-Gier.  —  M.  Bertlielet,  él.  à  l'Éc. 
Norm.  de  Montbrison. 


312  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Haute- Loi  RE 
Arr.  de  Brioude 

Brioude,  c  dudit.  —  M.  Bribat,  él.  à  l'Éc.  Norm.  du  Puy. 
La  Chaise-Dieu,  c.   dudit.  —  M.  Nury,  inst.   à  la  Ciiaise- 

Dieu. 
Jullianges.  c.  de  la  Chaise-Dieu.  —  M.  Manet,  él.  à  l'Ec. 

Norm.  du  Puy. 
Aubazat,  c.  de  Lavoûte-Cbilhac.  —  M.  Terrisse,  él.  a  l'Éc. 

Norm.  du  Puy. 
Blesle,c.  dudit.  —  M.  Bouchet,  à  Blesle. 
AuzoD,  c.  dudit.  —  M.  Granouillet,  à  Auzon. 

Arr.  du  Pay 

St-Georges-Lagricol,  c.  Craponne.  —  M.   Chysclain,  él.   à 

rÉc.  Norm.  du  Puy. 
St-Georges-Lagricol,  c.  Crapomie.  — M.  Mosnier,  éLàTÉc. 

Norm.  de  Montbrison. 
St-Georges-Lagricol,  c.   Craponne.  —  M.   Bufferne,  inst.  à 

St-Georges-Lagricol. 
Chomelix,  c.  de  Craponne.  —  M.  Chatinel,  él.  à  l'Ec.  Norm. 

du  Puy. 
Chomelix,  c.  de  Craponne.  —  ^L  Fouilly,  inst.  à  Bellevue- 

la-Montagne. 
Cayres,  c.  dudit.  —  M.  Prunet,  inst.  à  Cayres. 
Vorey,  c.  dudit. —  M.  Soulier,  inst.  à  Vorey. 
Coubon,  c.  du  Puy  S.-E.  —  AL  Mozat,  inst.  à  Coubon. 
Freycenet-Latour,  c.  du  Monastier.  —  M.  Chanal,  à  Frey- 

cenet. 

Arr.  d'Yssingeaux 

Araules,  c.  d'Yssingeaux.  —  M.  Valette,  él.  à  l'Éc  Norm. 

du  Puy. 
Bas,  c.  dudit.  —  M.  Pignol,  à  Bas. 
Boisset,   c.  de  Bas.  —  M.  Bouchet,  él.  à  l'Éc  Norm.  de 

Montbrison. 


enquête  sur  les  patois  313 

Rhône 
Arr.  de  Lyon 

Mornant,  c.  cludit.  —  M.  Vaillot,  inst.  à  Mornant. 
L'Arbresle,  c.  dudit.  — M.  Pierreïeu,  inst.  à  l'Arbresle. 
Montrottier,  c.  de  St-Laurent-de-Chamousset.  — M.  Chabert, 

inst.  à  Montrottier. 
Limonest,  c.  dudit.  —  ISI.  Guieu,  inst.  à  Limonest. 

Arr.  de  Villefranche 

Létra,c.  du  Bois-d'Oingt.  —M.  Ctiabert,  inst.  à  Montrottier. 

Odenas,  c.  de  Belleville.  —  M.  Savoye,  inst.  à  Odenas. 
Cercié,  c.  de  Belleville.  —  M.  Chevalier,  inst.  à  Tarare. 
Monsols.  c.  dudit.  —  M.  Baizet,  délégué  cantonal. 
St-Marcel-l'Éclairé,  c.  de  Tarare.  — •  M.  Duperray,  inst.    à 
St-Marcel-l'Éclairé. 

Haute-Saône 

Arr.  de  Graij 

Dampierre-sur-Salon,  c.  dudit.  —  M.  Gaildry,  inst,  à  Fran- 

court. 
Fédry,  c.  de  Dam  pi  erre.  —  M.  Milliard,  à  Fédry. 
Suaucourt,  c.  de  Champlilte.  —  M.  Faivre,  à  Autrey. 
Auvet,  c.  d'Autrev.  —  M.  Faivre,  à  Autrev. 

Arr.  de  Lure 

Champagney,  section  de  Sous-les-Chenes,  c  deClianipagney. 
—  M.  Péroz,  à  Vauvillers. 

Champagney^  c.  dudit.  —  M.  Rapin,  dir.  d'école  à  Cham- 
pagney. 

Amont,  c.  de  Faucogney.  —  M.  Cornu,  inst.  à  Amont. 

Arr.  de  Vei^oul 

Jussey,  c.  dudit.  —  M.  Clesca,  à  Jussey. 
Noroy,  c.  dudit.  — M.  Bouveret,  inst.  à  Noroy. 


314  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Neuville-les-la-Charité,   c.  de  Scey-sur-Saône.   —  M.  Con- 
vert,  insi.  à  Neuville. 

Saône-et-Loire 
Arr.  d'Autun 

Épertully,  c.  d'Épinac.  —  M.  Besset,  él.  à  l'Éc.  Norm.  de 

Mâcon. 
Collonge-la-Madeleine,  c.  d'Épinac.  —  M.  Pommier,  inst.  à 

CoUonge. 
Marmagne,  c.  de  Montcenis.  —  M.  Lenoble,  à  Montcenis. 

Ar7\  de  CJialon 

Écuelles.cde Verdun.  — M.Thevenin.inst.-adj.à  St-Bonnet- 

en-Bresse. 
Mont-St-Vincent,    c.  dudit.  —   M.    Baron,  inst.  à   Mont- 

St- Vincent. 
Givry,  c.  dudit.  —  M.  Lafond,  inst.  à  Givry. 

Arr.  de  CharoUes 

St-Igny-de-Roche,  c.  de  Chaufïailles.  —  M^^*^  Perraut,  inst. 

à  St-Igny. 
Vauban^  c.  de  la  Clayette.  —  M.  Brun,  inst.  à  Vauban. 

Arr.  de  Louhans 

Cuiseaux,  c.  dudit.  —  M.  Fontaine,  à  Cuiseaux.  '  , 

Ratte,  c.  de  Louhans.  — M.  Ponsot,  à  Ratte.  ' 

Bruailles,  c.  de  Louhans.  —  M.  Petiot,  inst.  à  Bruailles. 
Montret,  c.  dudit.  —  M.  Perrier,  inst.  à  Montret. 

Arr.  de  Mâcon 

Igé,  c.  de  Cluny.  —  M.  Bouillet,  à  Cormatin. 
Uchizy,  c.  de  Tournus.  —  M.  Brun,  inst.  à  Vauban. 
Matour,  c.  dudit.  —  M  .  Vallet,  inst. -adjoint  à  Matour. 


enquête  sir  les   patois  315 

Savoie 

Arr.  d Albertville 

Beaufort,  c.  dudil.  --  M.  Couturier,  dir.  de  l'Éc.  de  Beau- 
fort. 

Grésy-sur-Tsère,  c.  dudit.  —  MM.  Henry,  dir.  d'école,  et 
Maige,  propr.  à  Grésy. 

Ugine,  c.  dudit.  —  M.  Bertrand,  inst.  à  Ugine. 

Venthon,  c.  d'Albertville.  —  M.  Hyvert-Besson,  él.  à  l'Éc. 
Norm.  d'Albertville- 

Marthod,  c.  d'Albertville.  — M.  Bertrand,  inst.  à  Ugine. 

Arr.  de  Chainbér// 

St-Genix,  c.  dudit.  — M.Rivoire,  greffier  à  Saint-Genix. 
Aix-les- Bains,  c.  dudit.  —  M.  Jambon,  inst.  à  l'Éc.  prim.  sup. 

d'Aix. 
St-Ofïenges- Dessous,    c.   d'Aix.  —  M.  Pégaz,  dir.  d'éc.  à 

Albertville. 
Drumettaz-Clarafond,  c.  d'Aix.  —  M.  Blanc,  él.  à  l'Éc.  norm. 

d'Albertville. 
Albens,  c.  dudit.  —  M.  Fontaine,  à  Albens. 
Chambéry,  banlieue  de  la  Croix-Rouge,  c.  de  Chambéry  N. 

—  M.  Pellet,  inst.  à  Chambéry. 
Chamoux,  c.  dudit.  —  M.  Curtet,  à  Chamoux. 
Le  Châtelard,  c.  dudit.  —  MM.  Aymonier,  pharmacien,  et 

Thimel,  inst.  au  Châtelard. 
Lescheraines,  c.   du  Châtelard.  —  M.  Foncier,  él.  à  l'Éc. 

Norm.  d'Albertville. 
Les  Echelles,  c.  dudit.  —  M.  Piaget,  inst.  aux  Echelles. 
St-Thibaut-de-Couz,  c.   des  Échelles.  —   M.  Simond-Côte, 

él.  à  l'Éc.  Norm.  d'Albertville. 
Montmélian,  c   dudit.   —  M.    Dumollard,    dir.   d'École  à 

Montmélian. 
Les  Mollettes,  c.  de  Montmélian.  —  M.  NicoUet.  él.  à  1  Éc 

Norm.  d'Albertville. 


316  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

La  Motte-Servolex,  c,  dudit.  —  M.  Feige,  inst.  à  la  Mottc- 

Servolex. 
Pont-de-Beauvoisin,  c.  dudit.  —  M.  Debauge,  inst.  à  Pont- 

de-Beau  voisin. 
La  Rochette,  c.  dudit.  —  M.  Bourgeois,  inst.  k  la  Rochette. 
St-Pierre-d'Albic:nv.   c.    dudit.    —    M.    Chamiot-Prieur,   à 

St-Pierre-d'Albigny. 
Yonne,  c.  dudit.  —  AL  Rondot,  à  Yenne. 

Arr.  de  Moutiers 

Aime,  c  dudit.  —  M.  Perracion,  él.  àlKc.  d'Aimé. 

Bourg-St-Maurice,  c  dudit.  —  NL  Candy,  à  Bourg-St- Mau- 
rice. 

Séez.  c.  de  Bourg-St-Maurice.  —  AL  AUamand,  él.  à  l'Éc. 
Norin.  d'Albertville. 

Tignes,  c.  de  Bourg-St-Maurice.  —  AL  Allamand.  él.  à  l'Éc. 
Xorm.  d'Albertville. 

Bozel,  c.  dudit.  —  M.  Duraz,  à  Champagny. 

Bozel,  c.  dudit.  —  M.  Gerfaux,  él.  à  l'Éc.  Norm.  d'Albert- 
ville. 

Les  Avanchers,  c.  de  Moutiers.  — M.  Rellier,  él.  à  l'Éc.  de 
Moutiers. 

Arr.  de  St-Jean-de-Mourienne 

Aiguebellc,  c.  dudit.  —  AL  Gonnet,  inst.  à  Aiguebelle. 

La  Chambre,    c   dudit.   —  M.  Darves- Blanc,   inst.    à   la 

Chambre. 
Lanslebourg,  c.    dudit.  —  AL  Coulon,  inst.  à  Lanslebourg. 
.Avrieux,  c.  de  Alodane.  —  AL  Borot,  inst.  à  Avrieux. 
St-Alichel-de-Alaurienne,  c.  dudit.  —AL  Rochet,  dir.  d'éc  à 

Aloutiers. 
Si-Michel-de-AIaurienne.  —  AL  Richard,  maire  de  St-Ali- 

chel  de  M. 
Valloires,  c.  de  St-AIichel  de  AL  —  AL   Martin,  él.   à  l'Éc. 

Xorm.  d'Albertville. 
Albanne,  c.  de  St-Jean-de-Maucienne.  —AL  Bois,  dir.  d'éc. 

à  St-Jean-de-Alaurienne.  .      . 


ENQUÊTE  SUR   LES  PATOIS  317 

H  Al  TL- S  A  VOIE 

Arr.  cC Annecy 

Veyrier,  c.  d'Annecy  N.  —  M.  Lansard,  à  Veyrier. 
St-Jorioz,   c.   d'Annecy   S.   —M.    Mugnier-Collet,  inst .  à 

St-Jorioz. 
Alby-sur-Chéran,  c.  dudit.  —  M.  Prunier,  dir.  d'éc.  à  Alby. 
Faverges,  c  dudit.  —  M.  Dunover.  inst.  à  Favereres. 

Arr.  de  Bonneville 

Samoëns,  c.  dudit.  —  M.  Kiondel. 
Passy,  c.  de  St-Gervais.  —  M.  Vallet,  inst.  à  Passy. 
Sallanches,  c.  dudit.  —  M.  Tournoud,  inst.  à  Sallanches. 
Domancy,c.  de  Sallanches. —  M.  l*errin,  dir.  d'éc.  à  (Cluses. 
Bonneville.  c.  dudit.  —  M.  Ravinet,  à  Bonneville. 
Cluses,  c.  dudit.  —  M.  Perrin,  dir.  d'éc.  à  Cluses. 
Taninges,  c.  dudit.  —  M.  Chevalier,  inst.  à  Taninges. 
LesHouches,  c.  deChamonix.  —  M.  Gex,inst.  aux  Houches. 

Arr.  de  S t-, Julien 

Frangy,  c.  dudit.  —  M.  Dérobert,  inst.  à  Frangy. 
Cruseilles,  c.  dudit.  —  M.  Cartier,  à  Cruseilles. 
Ambilly,  c   d'Annemasse.  —  M.  Boccard,  inst.  à  Ambilly. 
Seyssel,  c.  dudit.  —  M.  Domenge,  inst.  à  Bassy. 
Bassy,  c.  de  Seyssel.  —  M.  Domenge,  inst.  à  Bassy. 
St-Julien,  c.  dudit-  —  M.  Dagand,  prof,  à  l'Éc.  prini.  sup. 
de  St-Julien. 

Arr.  de  Tlionon 

Le  Biot.  c.  dudit.  —  M.  Richard,  inst.  au  Biot. 
Thonon,  c   dudit.   —  M.  Coutin,  inst.  à  Thonon. 
Chevenoz,  c.  d'Abondance.  —  M.   Détraz,inst.  àChevenoz. 
Douvaine,  c.  dudit.—  M.  Monin.  propriétaire  à  Douvaine. 

Vosges 
Arr.  dEpinal 
Bains,  c.  dudit.  —  M.  Châtel,  à  Raval. 


318  REVUE    DE    PHILOLOGIE    FRANÇAISE 

Xertigny,  c.  dudit.  —  MM.  Hocquard,  dir.  d'écà  Xertigny, 

et  Martin,  inst.  au  Bozen. 
Bruyères,  c  dudit.  —  M.  Chrétien,  inst.  à  Bruyères. 
Charmois,  c.   de  Bruyères.  —  M.  Stevenel,   prof,  à  l'Éc. 

prim.  sup.  de  Gérardmer. 

Arr.  de  Mirecourt 

They-sous-Montfort,   c.    de  Vittel.   —   M.  Guenel,  inst.   à 

They. 
Remoncourt,  c  de  Vittel.  —  M.  Chognot,  inst.  à  Autreville. 
Dompaire,  c.  dudit.  —  M.  Thiétry,  à  Dompaire. 
Attigny,  c.  de  Darney.  —  M.  Thévenot,  inst.  à  Darney. 

Arr.  de  Neuf  château 

Coussey,  c.  dudit.  —M.  Vilmin,  inst.  à  Coussey. 
Autreville,  c.  de  Coussey. —  M.  Chognot,  insl.  à  Autreville. 

Arr.  de  Remiremont 

Val-d*Ajol,  c.  de  Plombières.  —  M.  Grosjean,  inst.  à  Plom- 
bières. 

Val-d'Ajol,  c.  de  Plombières.  —  M.  Demangel,  inst.  à  la 
Croisette. 

Arr.  de  St-Dié 

Fraize,c.  dudit.  —  M.  Franoux,  à  Fraize. 

—  M.  Mangel.  inst.  à  Scarupt. 

St-Dié,  c.  dudit.  —  M   André,  inst.  à  St-Dié. 
Corcieux,  c  dudit.  —  M.  Munier,  inst.  à  Corcieux. 
Provenchères,  c.  dudit.  —  M.  Mangel,  inst.  à  Scarupt. 
La  Petite- Fosse,  c.  de  Provenchères.  —  M.  Decelle.àChâtel. 
Gérardmer,  c.  dudit.  —  M.  Stevenel,  prof,  à  l'Éc  prim.  sup. 

de  Gérardmer. 
Ban-de-Sapt,  c.  de  Senones.  —  M.  Gérard,  à  Senones. 
Étival,  c.  de  Raon-l'Étape.  —  M.  Perrin,  inst.  à  Senones. 
Raon-l'Étape,  c  dudit.  —  M.  Pavoz,  instituteur-adjoint  à 
Raon-l'Étape. 


TABLE  DU  TOME  XIII 


DE    LA 


Revue  de  Philologie  française,  1899 


Vignon  (Léon) 

Les  patois  de  la  région  lyonnaise  : 

L  Le  pronom   personnel  sujet  de  la  première  per- 
sonne du  singulier 

IL  Le  pronom  personnel  sujet  de  la  deusième  per- 
sonne du  singulier 

IlL  Les  pronoms  personnels  de  la  première  et  de  la 
deusième  personne  du  pluriel 

Clédat  (Léon) 

Études  de  syntaxe  française  : 

I.  Les  emplois  de  tout 

II.  ((  C'est  son  moindre  défaut.  » 

IIL  Remarques  sur  l'emploi  de  nul 

IV.  Sur  les  emplois  de  nicnic 

Désormaux  (J) 
Cent  mots  nouveaus 

Nédey 

Patois  de  Sancey  (Doubs).  Liste  de  mots 


Dauzat  (A.) 

Contribution  à  la  phonétique  de  Vo  dans  «  Flamenca  » 

Vernier  (Léon) 

L'accentuation  binaire  et  l'analogie  phonétique  dans  la 

langue  française 

Blanchardon 

Le  verbe  dans  le  patois  de  S*-Haon-le-Châtel  (Loire). . 


1 

81 
161 


42 
137 
140 
229 

64 

104 

213 


241 

277 


Enquête  sur  les  patois  de  la  région  lyonnaise 

Questionnaire  II 

Liste  des  correspondants •   


81 
305 


320  TABLE    DU    TOME    XIII 


COMPTES  RENDUS 

G.  Bi/dbrr;/  :  Zur  Geschichte  der  franzôsischen  c,  suito 

(G.  S.) 69 

.1.  Lindslrôm  :  L'analogie  dans  la  déclinaison  des  sub- 
stantifs latins  en  Gaule,  1""  partie  (A.  Devaux, 72 

Soltau  :  Blacatz  (J.  Bûche) 144 

Charles  Auhcvtin  :  La  versification  française  et  ses  nou- 

veaus  théoriciens  (J.  Texte) 145 

Gustaf  Lrnc  :    Les    substantifs    post-verbaus   dans    la 

langue  française  (G.  S.) 146 

Herman  Anderssonn  :  Altération  et  chute  de  Vren  fran- 
çais (J.  Désornaaux) 150 

Chronique.—  Réforme  orthographique 154 

Charles  Martv-Laveaux 240 

Publications  adressées  a  la  Revue 77, 158 


Le  Gérant  :  W^  Emile  Bouillon. 


CHALON-S-S.,   IMI'.   FRA>CA1SE    ET   ORIE.NTALE  L.    MARCEAU,  E.BERTRAND  S' 


PC       Revue  de  philologie  française 
2701 

R5 

1. 13 


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