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REVUE
DES
DEUX MONDES.
QUATRIÈME SÉRIE.
I
TOU m.— ï^ lUILLBT 1836,
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IMPaiMERIE DE H. FOUHNIEE ET G*»
AVI Ds tioni» 14^ m.
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REVUE
DES
DEUX MONDES.
TOME SEPTIÈME.
QUATRIÈMB S^RIB.
I PARIS,
I
AU BUREAU DE LA REVUE DES DEUX MONDES ,
RDE SES BEAUX-ARTS, 10.
1836.
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9Mi
LES EXHIBITIONS
DE PEINTURE
ET
DE SCULPTURE
A LONDRES EN 1856.
I.
Vn critiqae consciencieux, mais pressé, qui viendrait à Londres
du continent avec mission d'examiner à la hftte la peinture et la
sculpture anglaises de la saison, courrait le risque de ne rapporter
i ses commettans que des notions fort incomplètes.
A moins, en effet, qu'il n'arrive bien informé d'avance et sufB-
samment introduit, peut-être se contentera-t41 de suivre la foule
qui se presse à Somersel-House. Cependant, tandis que l'exhibi-
tion principale de l'Académie a les deux battans de sa porte ouverts,
en des lieux de la ville différens, trois autres exhibitions impor-
tantes, mais moins populaires, convient simultanément le public à
les visiter. On ne se ferait donc qu'une idée très imparfaite tou-
chant Fœuvre annuelle de l'art en Angleterre (et, une fois pour
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O .,•.•.,-; ,
.•..--.--- •
toutes, qu'il soit bien entendu que Yart signifie uniquement ici Tart
de peindre et de sculpter] , si Ton n'avait pas étudié les quatre
collections.
Mais il ne sera pas inutile de dire comment et pourquoi elles sont
ainsi séparées.
Nous n'avons ^ la volonté ni le loisir de ^^osmrer T Académie
royale. Fondée en 1768, et composée de quarante académiciens,
sans compter les associés, use- 1- elle ou abuse- 1- elle, depuis
soixante ans, des privUéges de sa charte, toujours est^l qu'elle
emplit kaQDuellQment Somerget-Home des peintures et dee sculp-
tures de ses membres et de leurs élèves, au détriment des concur-
rens étrangers qu'il lui platt d'exclure.
Eût-elle voulu libéralement exercer son autorité, la chose n'eût
pas été facile. Son local resserré ne lui permet pas d'exposer à la
fois pl)is de rniUe à douze eests owrages*
Or, devenus dans l'art mie vraie puissance, les peintres d'aqua-
relle estiment, en 1804, que l'Académie ne leur fait point, à ses
solennités, une place suffisante. Us marcheront seuls désormais.
Unissant leurs forces, ils établissent la société qui convoque Lon-
dres, cette année, à sa trente-deuxième exhibition.
Cet exemple d'indépendance , que le succès couronne , n'est pas
pour rester sans imitateurs. Divers artistes éminens se sont lassés .
enfin de solliciter vainement les fauteuils et les médailles d'or de
l'Académie. Une société nouvelle est fondée, qui accueillera les
toiles et les marbres quels qu'il» soient, repoussés ou non de
Somerset'House. Cette association des artistes britanniques se
recommande aujourd'hui par sa treizième exhibition, covposée de
pr^s de mille ouvrages.
n n'y a rien qui gâte com«ie la fortune. Oublieux de leur com-
mencement, les petMres d'aquareUe, associés en 1804, s'étaient
inseasiblement meatrés plus exclusifs et jaloux dea débutans que
ne l'avaient été jamab les académiciens eux-mêmes. Heureusemeiit
la ressource des associations est inépwsable. Les méconlens se
réunissent; ils invoquent la protection puUiiiue; leur appel est
encouragé, et une nouvelle société de peintres d'aquareUe affiche
présentement dans la ville sa cinquième exhiUtion.
Voilà donc quatre exhibitions distinctes, qm réclament l'auno**
tioa etla faveur à des titres inégaux.^ maïs dont aucune n'est k
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LÀ PEINTURS «r %A'9CeummS Efr ANGLETERRE, T
dédaigner. Si nous additionnons les chiffres de leurs quatre livrets,
Doas trouvons qu*elles produisent, en 1836, deux mille six cent
soixante-treize ouvrages de dessin, de sculpture et de peinture (1).
Il serait plus simple et jusqu*à un certain point plus convenable
^e tout cela fô€ rassemblé , oemmeaif Louvrev •» ua sem\ bâiliiiient
comiaft. Toutefois, je n*alfimerat fMmt q»e kt dfroioa n*aU pas
ftsavMitages. Sm» ^vte VémaMtêo. naîtra parfont dv ccmiact
'wmiéad, des ctwnpm ; mam um concuvrenee décidée et presque
hostile nexcite-t-ettB pas^ mieux le pvogrè» de Vartt
E& ce qui regarde^la eemmoéilé du euriei^x et de T^mateiir, la
Mgère peioe* de vtsilief qvatre expontictts dïfférenles, est bîea
OMifeasée, y imagine, par le sodagemenC de n'en avoir poifit sur
hsbns^nne seule générale, qui vovs écrase et vous fait stnpide.
k reproclieraia plmèt à ces «xkibitions anglaisée de ne point être
gratuites. Le tort est parFéoimaMa* au» moins à celles qpii ne se sup-
perteat qaî'k lears propres frais. Mats qiM rAcadéaaie royale,
logée spltiidideraenl aux fraés du publie, le frappe encore d'un
impdtà la porte, e'esif un abus inexcusable. Ce shelKng exigé n'est
pas me forte somme ; it ne pèse guère au riche désœuvré qui vient
«oe fois ; il grève rhooMne de goât pauvre, q«i vient chaque jour;
il eichit absolument le peuple, qui n'échangera jamais contre son
dlier Je droit d'entrer. Et il y a là une double faute : cotte consigne
iwai» au seuil dasanctaaive est illibérale ; en outre, l'artiste n'est
passaasy perdre d'aliles leçons. Je veux bien que l'avis du cor«-
émmm ne vaille rien a»-dessus de la jambe ; mais n'est-il pas
conpéten t -aundessons?
Vous ièles donc avertts^ que nous n'avons pas moins de qnatre
exhibit'refie à voir. La besogne est rade ; c'est pourquoi nous les
tiaiKerseroBs rapidement l'une après l'autre, nous bornant à ob-
atrver le caraetère général et les <Bfivres sadlantes de chacune.
Moue eaeaierons eneoite d'apprécier la valeur de rensemble.
ftj Wà^imn ekiq «antl de pi«» que TeipesMon de Paris , cette année.
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UTUB DBS DEI2X MOIOIES.
n.
Montons d*abord au troisième étage de Somerset-House, et
faisons le tour de ses trois salons. Si nous ne voyons pas aussi
impartialement que nous le souhaitons » ce sera peut-être un peu la
faute du mois de mai, qui ne se presse pas d'ouvrir la petite ses-
sion de soleil qu'il accorde d'ordinaire à Londres.
Au premier aspect , ce qui h-appe surtout , c'est l'excessive quan-
tité des portraiu de toute taille. Sauf une ou deux exceptions, tou-
tes les grandes toiles sont des portraits. C'est une foule éblouissante
de pairs et de pairesses, de juges, de shériffs, d'aldermen, de
lords-maires, d'amiraux, de généraux, de maréchaux, qui se
pressent et se coudoient, traînant à lenvi les robes de satin et de
velours, les manteaux de pourpre et d'écarlate. Je voudrais avoir
à louer davantage daps cette cohue de hauts dignitaires, d'autant
plus que le meilleur nombre s'est fait peindre par des académiciens.
Mais, hélas I des sept portraits qu'expose sir Martin Shee, président
actuel de l'Académie, en est-il un qui témoigne autre chose qu'un
savoir-faire matériel et vulgaire? Je ne connais point M. Chantrey,
mais je doute fort que cet admirable sculpteur ait littéralement
répaisse expression de marguillier que lui attribue son collègue.
Sir Martin Shee a succédé à sir Thomas Lawrence, msâs ne l'a
guère remplacé. U a deux cordes à son arc : il s'adonne à la poésie
didactique en même temps qu'à la peinture à l'huile, et se croit
pour cela, dit-on, une moitié de Michel- Ange. Il s'en faut du tout.
C'est un échec académique plus solennel que le portrait de lord
Ly ndhurst, par M. Phillips.Vainement cherchez-vous la physionomie
rusée, méchante, colère, méphistophélique de ce pair sans con-
science, qui se venge des whigs, coûte que coûte, dût-il se perdre
lui et les tories de la chambre haute, aveugles instrumens entre ses
mains. Au lieu de cet homme d'état rongé de mauvaises passions
éloquentes, vous avez une vieille figure grimacière, avec la perru-
que, le sac et la robe d'un chancelier. Mais ces détails de costume,
dites-vous, sont très adroitement rendus. Et qu'ûnporte? N'étaitrce
pas le factieux politique qu'il fallait donner, plutôt que sa togeT
J'adresserab bien des reproches analogues à M. Briggs, à
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LÀ PETirrURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE. 9
M. Pickersgilly à M. Reinagle, si je prenais un à un leurs nombreux
portraits. Ce n'est pas la peine. Au moins une sorte de lueur poé-
tique éclaire les traits rêveurs de miss Beresford et de miss Wood»
peintes Tune et Fautre par sir William Beechey. Le lord Montagu
de M. Wilkie rayonne de coloris sinon d'expression.
Le tort de messieurs les académiciens peintres de portra'ts
semble uniforme et systématique. Us ont un procédé et le plus
grossier de tous. Hs peignent soigneusement les habits et les corps;
ils négligent l'esprit et le caractère. Ce n*est pas à des professeurs
qu*il sied de conseiHer Tétude des maîtres. L* Académie estime sans
doute que le Titien a été indiscret, qu*il a montré trop à nu les
âmes; mais Van-Dyck y a mis plus de ménagement. C'était aussi un
peintre fashionaUe, un peintre de cour, et pourtant il a laissé au-
tre chose que des fourreaux de satin et des pourpoints de velours.
En fait de portraits, les élèves, les débutans, les étrangers, pa-
raissent avoir décidément le pas , cette année , sur les académi-
deos.
Je m*arrète tout ému, devant une douce figure élégante et gra-
cieuse. Comment 1 cette femme fut autrefois Ada, la fille tant
aimée de lord Byron I c'est à elle que le poète disait :
Slcep on, my child; the slumber brief
Too soonshall meit away to grief,
Toosoon the dawa ofwoshail break
And bring rills bedew tbat cheek;
Too $ooQ sball sadness quench tbosB eycs,
Tbat breast be agonised with sigbs !
Aujourd'hui, c'est lady Kong, une grande damel l'Age des dou-
leurs lui est venu , et elle est restée l'enfant paisible et souriant
qu'efle était au berceau. Remercions mistress Carpenter, son pin-
ceau a été bien inspiré. Ada est heureuse. N'eût été cette toile
'Vivante, nous n'aurions pas osé croire que les craintes paternelles
«'étaient trompées.
Je n'ai que des éloges à domier au duc de Wellington en pied,
de M. Simpson. Voilà bien le soldat énergique, raide, opiniâtre ;
Toîlà bien le favori de la fortune. L'artiste a dégagé et saisi le bon
c*té de son modèle. Peut-être l'a-t-il beaucoup idéalisé et grandi ;
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ID RBVCE «ES 9MM% HONBBS.
je œ (Éoi'cii jiamB pas. fit pmat» rn^ett pout le ebef «imMe d*me op-
position impopidaire qui émm est représeMié: c'est le général
prédestiné «t trkmpbHit ; or jimugine^iiie Sa tiraee pertak la tète
d'un autre tir à WateHoo qn'è la cbambre des krds.
Le maréchal Beresford , du même peintre, se distingue par une
vigueur d'exécutîcm semHaHe et une particiriarité de costumey
digne d*étre signalée. Debout sur le chamf» de bataffle, un canon é
sa droite, ce noble lord, avec Thabit de combat du général, a la co-
lotte, les bas de soie, et les escarpins de bal. Je ne rendrai pas
M. Simpson responsable de cette étrange toilette. Apparemment,
l'îllustre pair, en se faisant peindre, aura été possédé d'une double
vanité. 11 aura voulu paraître sous Ttiabit le plus guerrier pos-
sible, tout en montrant sa belle jambe à son meilleur avantage.
Cette fantaisie suffirait pour immortaliser le maréchal Beresford,
quand même il n'aurait pas Hvré cette singulière bataSle d'iJbu-
hera, qui n'eut tii vainqueur ni vaincu.
Un dernier portrait, qui n'est pas à négliger, c'est celui de
lord Brougliara. Ici Tex-chancelier whig n'a pas été, comme
lord Lyndhurst , mal à propos affublé de son ci-devant costume
ofOciel. Il est en noir, dans son cabinet, les jambes croisées, an
livre fermé à la main. Il est au repos ; il est calme, aussi calme que
peut l'être lord Brougham ; car toute l'ardente inquiétude de cet
indomptable esprit s'agite dans la convulsion de ses traits et de
son regard. Prenez garde, imprudens tories, que son absence ras-
sure; prenez garde, whigs ingrats qui l'avez renié. Cette puissante
peinture de M. Morton vous avertit que le redoutable orateur est
plein de vie encore. Prenez garde, il va se lever et parler.
D y a un certain nombre de larges toiles qu'on devrait à la ri-
gueur ranger parmi les portraits, mais qui veulent évidemment é tr^
classées à part.
Tel est preiriéreroent le MacreaAy de M. MacKse, dans 10-
première, seèile dn qnatrièMe acte de Mackelk, Cepeadant celt^
apparition échevelée n'est pas Macready ; ce n'est pas Mad3etl^
davantage. On dirait plutôt l^nntks Cuntèmes-roîs que vont évo^
quer tes sorcières. Mais ces sordères eHes-raéines, -aocrovpiee aii^
tour du chaudron, n'ont rien des veti-d «isier/c de Sbakspeare. Ce n^
60Bt pas les êtres atBasffueax q« fienbleprâftt dee feounes^
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LÀ PBINTU1UB SV LA flOOLPtOtiBi EN^ ANGLETERRE. 1t
nfétnart lems btrkes. Ainsi faitiste it-a rendu ni Taclteiir ni le
poète. Qu!»^^4oiic pritondn? De quelle fomilte est son ouvrage?
Voici de hifpdntiireiaoad6niiqiie, phis difOcile encore à earac-
tériser. De jolis eiiAiiis couchés sur là soie et sur rédredon^ paraii
des cbieQsdo tonte ^andem*; de jeunes lords enpromenade arec
leurs gens ei; feur bécaiL Partom, au milfeu du parc on dans te
aùtm, partont la nature animale et la. nature humaine sur un même
pied d'intimité. M. Landseer ne laisse jamais aller seules ses créa-
ture» raisonnables; il feut inévitablement qu'il leur donne une es-
corte de quadrupèdes^ Je ne contesterai jamais la fantaisie d'un
artiste supérieur. Certes tous ces doguessont d'admirables bétes.
Us sautent, ils courent, ils lèchent, ils aboient. You^ avancez la
nain afin de les caresser, ou vous la retirez de peur qu'ils ne mor-
dent. M. Landseer a bien le droit de leur attribuer le principal
v61b. Je voudrais seulement qu'ils l'eussent plus décidément. Je
Tondrais qu'à voir les tableaux de cet excellent artiste, on ne fftt
pas contraint à se demander lequel des deux, de Thomme ou du
dnett,.y est Taecessoire.
Deux autres académiciens distingués excellent pareillement à
peindre la vie animale. Comme ils en renferment la représentation
dans des cadres plus étroits, peut-être leurs compositions convien-
nent-elles mieux.^ Je dois citer l* Aigle blessé de M. Ward. L'oiseau
royal reconnaît que ses propres plumes ont conduit à son cœur la
flèche qui le perce. Il se raidit contre la mort, et jette au soleil un
dernier regard. C'est là une illustration de huit beaux vers de
lord Byron. Cette petite toile est elle-même une noble strophe
auee.
M. Abraham Cooper pousse ses meutes en plaine , et met le cerf
aux aÉK)is. il nous mène au chenil, au haras et à Técurie. Il donne
aussi parfois, à ses chevaux, de hardis cavaliers, et les envoie bra^
vement l'un portant l'autre à la mêlée. Sa Bataille d'Uastings est
use jolie page de chevalerie.
D faut que je m'approche beaucoup d'ime autre bataille plus
moderne, si je veux distinguer l'engagement des troupes anglaises
el françaises, et le général sir John Moore étendu mourant. Ce ta-
UeavdeM. George Jones vaut la peine qu'on lexamine. Ses armées
fiSpmieanes sont charmantes. Pourtant ce bijou historique a failli
WÊLèàofç^. Eûtrce été marfaute? Pourquoi, tandis que les portraits
Google
12 RBTDB DES DBDX IKHOIBS.
s'étalent partout et se pavanent si démesurés , les batailles se ré-
duisent-elles aux proportions d*un devant de cheminée?
Les portraits, quand cesseront-ils de nous poursuivre? N*est-ce
pas encore un double portrait que cette soi-disant Entrevue de
Pie VII et de Napoléon à FontainebleauY De signification politique,
ce nuageux ouvrage n*en a aucune. Mais comme il traduit infidè-
lement la grande figure de Tempereur! Napoléon a-t-O été jamais
cet adolescent bouffi et vaporeux?
Est-ce un système chez M. Wilkie que de rajeunir et de gonfler
ses héros. Ce gros général écrivant à Louis XVIII la veille de War
terloo, a-t-il rien en lui du duc de Wellington? Sa Grâce n*était
déjà plus un jeune homme il y a vingt ans; mais je m*assure qu*à
vingt ans même elle n'avait pas davantage cet.air bien portant et
sentimental.
Dans Tinsignifiante esquisse qui montre une jeune fille que le
poinçon d*or enrichit douloureusement de ses premiers pendans d'o-
reille, je ne reconnais guère Tauteur ingénieux du Aféné/rierarcti^/e.
L'Intérieur d'une chaumière irlandaise suffit cependant à soutenir
cette année le renom de M. Wilkie. Cest une page énergique d'his-
toire contemporaine. Un jeune paysan, poussé par le besoin au
vol et au meurtre, est rentré dans sa hutte les mains teintes de
sang. Sans doute, afin de s'étourdir, il aura vidé la fiole de whis-
key pendue aujnur, car il s'est jeté à terre et caresse insoucieuse-
ment son enfant nu. Mais sa femme et sa sœur ne partagent point
cette effrayante tranquillité. Les soldats viennent; on les entend;
elles écoutent, penchées à la porte, pâles et transies. Cette scène
est fortement dramatique. Elle raconte et résume pathétiquement
les intolérables misères de tout un grand peuple opprimé.
On n'a pas le courage de relever particulièrement les fautes de
cette œuvre touchante, mais elles suggèrent quelques remarques
{générales sur le talent de M. Wilkie. Quiconque ne le connaîtrait
que par ses peintures d'autrefois n'aurait de lui nulle idée correae.
Il n'est plus, en effet, le môme qui écrivait si soigneusement de pe-
tits drames de la vie rustique et ouvrière; il n'est plus celui que
Tadmiration de ses compatriotes couronnait du double génie d'Uo-
{jarth et de Teniers : il est bien davantage, au dire des admirateurs.
A dater de son retour d'Espagne, c'est un homme renouvelé. Il a
pris le large volj i| Ç9t entré en pleine poésie. De fait, la trans-»
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LA FBniTimB BT LA SCCLPTUM Slf ANGLETERRE. 13
fonnatioii lui a-t-elle aussi glorieusement réuss- qu*à Rembrandt,
que nous voyons substituer à son premier faire , si fini, cette se-
conde manière, négligente des détails, qui ne demande ses sublimes
effets qu*à la distribution idéale de Tombre et de la clarté? Nous
sommes loin de le croire. L*artiste a gagné quelque chose en variété;
il a perdu beaucoup en finesse et en perfection. Il n*est pas jusqu'à
son séduisant coloris, siTprincipale originalité, qui ne se soit terni
et enveloppé d*un voile grisâtre, d*un brouillard à peine péné-
trable. Pour ce qu'il a rapporté du dehors, vraiment M. Wilkie
eût mieux feit de ne jamais sortir de son pays.
M. Eastlake semble avoir profité plus franchement de ses excur-
sions sous le ciel méridional. Sa nature italienne n*a presque plus
rien d^anglais. On ne saurait dire, par exemple, que cet artiste soit
doué de fécondité. Il se borne à exposer une réduction de sa toile
principale de l'an passé. Nous ne nous plaignons pas de revoir un
sujet qui nous avait plu ; mais pourquoi la copie reproduit-elle toutes
les taches de l'original? Ces pèlerins qui se prosternent à l'aspect
de la ville éternelle sont toujours plus exténués que dévots et con-
trits. Ils sont moins ravis d'approcher de la source céleste où s'a-
breuvent les âmes, quede la terrestre fontainequi désaltère les corps.
n serait impardonnable de ne pas recommander les compositions
mythologiques de M. Etty. L'art actuel ne veut pas tant de mal
qu'on dit à cette douce poésie de la foble. Les esprits grossiers
ont prostitué long-temps et avili ses grâces : honorons les esprits
délicats qui tentent présentement de la réhabiliter. M. Etty est du
petit nombre de ceux qui mèneront à bon port cette restauration.
Il a rendu à Vénus la magie de sa ceinture, et à l'aveugle-dieu l'in-
faillibilité de ses flèches. Ajoutons que ce rénovateur n'a pas eu le
mauvais goût de ressusciter les Psychés colossales du siècle der-
nier; c'est l'ame antique, ailée, transparente, et pourtant, palpable
qu'il a ranimée. Et puis il a eu la discrétion d'encadrer étroite-
ment ses élégantes scènes de paganisme. On les dirait autant d'idylles
d'André Chénier.
Voici bien des années que le vieux M. Westall ne se lasse point
de renouveler les éditions de ses folles à genoux sur la grève, re-
gardant les flots soulevés, et de ses petites filles, debout, pieds nus,
au seuil d'une chaumière. Il rapporte aujourd'hui les mêmes éter-
nels échantillous. Je l'avoue, enjolivées par un burin coquet, ces
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14 lUITVK fiC» MIOi HttffOVa.
sortdsdeohoses sMt «(préaUet dteis^ u» Ivnre d'étrew»» relié en
S0Î8 et doré sur traadie; mais qqeUe eréaiure caisoiuiabW 8*cst
prise jaMsifl à sonhailer do Toir les vigneites* d*uii keepsaks par le
verre grossîBsaBt d'un télescopa? Or c*est jmtement cet effet d*il-
lustralioiis d'âdmanaeb' déniesiuréroent grossiee que vous font à
r<mC na les larges petftiiuree de SL Westatt. Ne vdlàH-îl pas du
geniH bîtn gi^^tefaque?
M. Hvhready et AL LesHe m'out envoyé que deux esquisses, mais
chacune est un petit chefkl*e&uvre. Amusons^ious d'abord ée celui
de M. MuIready.Une belle poire mûre a été trouvée par un jeune
paysan* -— Part à noi seuil — Part à nous deux, crie son eama-
radew — Peu s*en est falhi que la quereUe ne se déddàt selon la
raison- dn plus fort, liais un compromis intervient : le trouveur
gardera sa poire, qiiaod le réclamant aura mordu ime bouchée.
Uexécution du pacte est le momeot représentée Le possesseur n*a
pas eo riknprudenee de se dessaisir du frtiit en litige; il le tient vi-
goureûsenieBi empoigné, tandis que le prétendant ouvre une bou-
che capable d*englMrtir touC ensemble et la poire et les dix doigts
qui la défendent. Le triomphe de cette charmante comédie rustique,
c*est qu'il est impossible de dire laquelle des deux physionomies
aux prises montre le plu» d'avidité gourmande.
ÎJAulolicr.8 de M. Leelie n'a pas moins de finesse et de verve
divertissantes, âiakspeatre a été rendu ici avec autant de fidélité que
de bonheur, ce q«i est rare. La scène choisie est l'une des plus pi-
quantes de Wimer's Taie. Le malin pUkpockti transformé en colpor-
teur éteile sa ftinsse marchandise devant les fiHettes ébahies. Comme
Tadroit fripon a bien Toeil et la main a« guet, tout en amusant son
crédule aodifoîre, toot en dtsaint : — Voici une autre ballade d*un
poisson qui a paru sur là e6te mercredi, le quatre-vingtième jour
d'avril, àqnarante railles brasses de hauteur au^lessus du niveau
de la mer, d'oà il «hanta la susdite ballade contre la dureté de
cœur des jeunes filles I — Nulle part le pinceau n'avait si spirituel-
lement traduit la gaieté de Shakspeare, ce caprice, léger, mo-
queur, inatteadti, — déficieux sourire que le divin poète fait sou-
dain éclore sur les lèvres de sa muse , tout-à-l*heure sublime de
tristesse , échevelée et en pleurs.
Laisse-t-on un moment les académiciens , on a peu de chose à
dire ici des autres artistes. Je vous avais avertis. Qu'elle ait tort
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LA PEINTURE ET LA 80fnLf>Tim£ fiN AT(GLETERRE. JS
(m matm , r:A«adëfme selUSî surtout -à elto»inême les honneurs de
8er«des. O qu'elle ttceueine tl*écrançer ii^est d'ordinaire ni bien
nombreux ni bien hors de ligne.
Fanm les ourrages non académiques > fl oonyient cependant de
Boomer les Condouieri de M. Hefbert, qui vaudraient davan-
tage si la vigueur et Taudace de quelques-unes de leurs figures n'é-
tuent pas trop nettement empruntées deVan-Dyck ; — les tragédies
et les élégies romaines de M. Uwins, dont la poésie réelle est sou-
vent gâtée par Vexagération mélodramatique, et enfin V Arrivée à
[école et la Sortie de cUuse de M. Webster, deux aimables croquis
(f écoliers espiègles et d*enfans mutins que ne désavouerait pas
Charlet.
Rentrons en pleine académie. Abordons ses paysagistes, sa
^ioire la plas incontestable et aussi bien celle de la présente exhi-
bition de Somersel'House.
Tai regret que M. Stanfield ait laissé sa barque dériver si
loin cette année, et qu'il ait perdu de vue la côte que nul ne savait
mieux reconnaître et peindre. Sa mêlée navale contentera, j'espère,
le &ntor united service club , qui Ta commandée ; je doute qu'elle
satisfasse Yartiste lui-même. Quoi! ce groupe si calme de gros na-
vires paisiblement désemparés et démfttés, c est la triple armée de
Trafalgarî Le livret me dit bien : à votre gauche, vous avez le
vice-amiral ColKngwood sur le Souverain Roijai avec sa prise, la
Santa Anna. A votre droite , sont le Bucentaure et la Santissima Tri-
nkiady criblés sous le feu du Neptune et du Lcviathan. Au centre,
c'est la Fïcroîre, abord de laquelle lord Nelson vient de mourir.
C'est au mieux. Je sais à merveille Tordre du combat. Mais où est
Tame, où est la pensée, où est l'horreur de cette terrible action?
Quoi! sous tant de vaisseaux déchirés, sous tant de débris en
flamme et croulans, sous cette ruine immense, rien que de belles
vagues paisibles et transparentes I Pas un flot frémissant et irrité!
Oh! cette mer n'a pas le sentiment de la grande bataille qu'elle
porte! EQene serait ni phis calme ni plus indifférente, menant vers
le port une flotte joyeuse et pavoisée. Je ne prétends pas que cet
essai soit concluant contre M. Stanfield ; pourtant qu'il y regarde
désonnais à deux fois avant de reporter la guerre sur le capricieux
élément. Ces combats de mer veulent une autre chaleur d'ame,
une autre force de bras, un pmceau trempé en d'autres couleurs
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16 REVUE DES DEUX XONBES.
que ne le demandent le golfe riant où glissent les vofles pacifiques,
et la falaise pittoresque > tantôt souriante et splendide au soleH, taih
tôt éplorée et en deuil sous l'orage.
La critique anglaise y quand elle daigne critiquer Fart , a parfois
des blâmes et des éloges singuliers. Voici comme elle traitait, Tautre.
jour, la nature indienne toute $péciale de M. Daniell.
cf Nous aimons Tétrangeté des sujets de cet artiste, disait un
indulgent aristarque; elle attire malgré qu'on en ait; elle procure
des contrastes piquans et une agréable variété dans Texhibition. »
Au contraire, le journaliste mécontent, s*écriait :
c( Où avez-vous pris, M. Daniell, les serpens démesurés que vous
dévidez? Rapportez-vous un certificat de leur longueur? Nous ne
savons pas de famille d arbres orientaux qu*on puisse dire pa-
rente même éloignée des vôtres, ni de pagode le mcnns du monde
affiliée à votre architecture, d
n y a de part et d'autre une. sorte de vérité dans cette (double
critique d'humoristes.
La bizarrerie des effets vous arrête et vous retient devant ces
compositions provoquantes de M. Daniell, mais vous ne les exa-
minez guère que comme la fantasque combinaison des figures d'un
casse-téte. C'est que l'ardente atmosphère de Tlnde n'est point
là ; c'est que cette froide peinture vous transporte mal dans le cli-
mat étouffant qui a nourri le choléra. Alors vous devenez défiant
et injuste. Vous contestez sans droit de la localité que vous ne con-
naissez pas. Vous pousseriez presque la mauvaise humeur jusqu'à
préférer aux estimables et curieux tableaux de M. Daniell , les pi-
quans, mais impossibles caprices d'un paravent de laque.
Ce nous est toute joie présentement d'en être venus à ces quatre
illustres artistes qui ne nous laissent plus d'embarras que celui de
les louer dignement. Ce n'est pas entre de pareils hommes qu'il
convient d'assigner des rangs. Rechercher et marquer les diffé-
rences de leurs talens est l'unique tâche imposée ici.
M. Callcott se plait surtout à baigner de ruisseaux, de larges
rivières, les rives fleuries de ses campagnes, les quais brillans et
animés de ses villes. Jamais son ciel n'est tout-à-fait pur; toujours
vous le voyez un peu nuageux; l'horizon est humide, limpide et ar-
genté. Il semble qu'il ait toujours plu la veille sur les paysages de
ce peintre, tant Tair y est frais, vivifiant, embaumé.
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LA PEINTURE BT LA SCULPTURE EN ANGLETERRE. 17
M. ColKns DOQs conduira plus rarement au bord des eaux; ou
si\ nous. mène près d*un étang, le flot est si tiède, qu il ne nous ra-
fraîchit pas; nous voudrions nous baigner. Il y a une chaleur d'été
et une force de soleil jusque sous ses plus épais feuillages qui ou-
yrent les pores, et dilt^tent tout votre être, qui vous emplissent de
toute la vie feconde de juillet et d*août.
Mais quelle est cette tombe au fond d*une double rangée de peu-
pliers maigres et couronnés? Des gouttes brillantes scintillent aux
feuilles maladives qui tremblent. Une biche craintive traverse
Favenue et se dérobe. D*où vient que cette composition si simple
TOUS remue si profondément? Ce n*est certes pas parce que, sur la
pierre du monument, vous lisez le nom célèbre de sir Joshua Rey-
nolds. Tout le secret de votre impression est entre votre ame et
celle du peintre. Cest que M. Constable est maître parmi les maî-
tres du domaine idéal. Aussi, n'est-il pas intelligible à tous, ni
même aux élus à toute heure. Vous-même qui pleurez maintenant,
vousn*avez pas toujours vu la nature telle que cette toile passion-
née vous la montre; mais vous Tavez aperçue ainsi soit un matin,
soit un soir, quand vous alliez aux champs, le cœur palpitant et
gonflé, regardant vaguement à travers vos pleurs, sans savoir,
sans vous demander s'ils étaient de joie ou de soufFrance.
Votre regard recule ébloui. Voici une ville d'or et d'argent dans
une nuit d'azur, une ville en fête, une ville inondée de masques,
embrasée de feux d'artifice, confuse, folle, enivrée, pleine de
flambeaux sur la rivière et dans les rues; — et puis, là -bas c'est
une autre vile, rayonnante, enflammée aussi, mais d'une autre
flamme, de la flamme du ciel : c'est Rome, la ville éternelle, tout
allumée sous les rayons d'un soleil en feu qui se couche ; — plus
loin, c'est un coin du monde inconnu, que la seconde vue seule de
M. Turner a découvert. Une montagne à votre droite a pour dia-
dème de sublimes palais radieux , qui semblent une cité du ciel ;
Uen loin au-dessous serpentent, dans la plaine, des ruisseaux
d opale liquide, et se dressent les collines tapissées d'émeraudes,
jonchées de rubis,, de turquoises, de topazes, d'améthistes, où les
chèvres et les génisses blanches passent, en se jouant, la tête à tra-
vers les touffes de ces fleurs étincelantes. Une lumière impossible
à soutenir submerge toute cette fantastique perspective. — Com-
bien d'hommes ont vu ces choses ailleurs que sur les toiles de
TOME VII. . ^
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18 ftCVUE SCS »CVX HCmDBS.
M. Tumer? dkes-^roufl, surpris et incrédrie. — Veits avez r^isott :
bÎMi peu toi tut vues; et o&ax «pii les Toient, ce^sonc les iwpfarée
OH les naïades, les artistes duoisis, les poètes.
il ne fiMt pas s'itomwr qoe des étrangers ii*adinetteat pas
doublée tocKe {a puissanee et tome Torigiiialité de ce ténéraire
génie. A peine est-il bien reccNma ehez les siens. D n*a même là
qa'iin nombre fort Unité de Téritables admirateurs. Au moins
ceax-là «mt^ dévoués et fanatiques. On émett»t derast Yma
d'evx le doute qne le ciel eût jamais eu la ooulear janne d*ocre que
M. Tvmer iai«vait damnée dans Ymn de ee» plus féeriques paysa-
ges:— ^Tant ptsponr le ciel, s*éeria le croyant; sHl a*a pas pris en-
core cette couleur, il.a eu grand tort, et il la prendra certamenest
quelque joor.
Redescendons vite au second étage ; les petits ca ires et les petits
portraits ne nous retiendront guère, nalgré leur respectable
quantité.
J*e^iine fort, imds Toilà tout, les aombreiises aqnarelles*por-
traits de M. Ghalon, Tacadémicien.
Deni: copies sxr émail, de M. Bone, diaprés Van-Dyek, sont
d'iiabiles et faenrouses reproductions de lenrs glorieux modèles.
n y aurait beaucoup à louer de détails, dans la foule serrée des
nniatnres, beaucoup de soin, de déiteatesse, de sayoir-4aire et
de fini. B conviendrait de recommander prindpalemeot M. Bar-
day, M. Denning, M. Roberston, M. Ross, M. Booth, M. Rocbard
et AL Newton. Paormi tous les petits chefs-d'œuvre de grâce exté-
rieure et d'exécution matérielle qu'ont exposés ces artistes divers,
je confesse toutefois avoir cherché vainement im visage qui me
nontrÀt son ame et m*y laissât lire, comme la moins achevée des
figures de M"^ de Mirbel.
Nous sommes au rez-de-chaussée , où nous attendaient les sculp-
tures, et dans une obscurité presque complète, grâce à la proxî-
nité du sol et aux ténèbres qoe continue de nous faire le mois de
mai. N'mporte; la blancheur des marbres percera bienlAtceito
wât malencontreuse.
C eât été un beau sujet, placé à la porte de la salle où nous en-
trons, que la Sculpture pleurant le repos de M. Chantrey. M. Cha»-
trey ne se lasse pas de son inaction; il n'a rien produit encore
cette année* Ce n'est pas Ykg^ pourtant qui lui a engounfi la i
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LA PEINTURE BV LA SGULtTUSB BM ANGLETERRE. 19
etefi a bk tomber to cbeair.Seiaîthce xfm, eouromiè d» laurier
académique , satisfait de <e qa 3 » obteunds gloir» méritée , H juge
son œuvre accomplie, et ne plus rien devoir au présent ni à 1 ave-
nir? n se U'omperait faialement albra^ ShakBpeaore ne \m a-trit pas
dit quel grand calomntat^r est le Temps, et comme il obscurcit
promptement les noms- les plus iUusttes, qui ne se rappellent pas
eux-mêmes à leurs contemporains par une action de ehaque jour?
M. Baily est le seul des académiciens sculpteurs qui ne se soit
point profondément endormi dans son CauteuiL Malheureusement,
tout ce qu'il a produit est lois d*ôtre parfait. Sa Mijmphe asëoupie,
son morceau pr'ncipal, me choque surtout et me mécontente. Est-
ce lA nno nymphe d*abord? Cette fille bouffie, aux membres ro-
bustes, a-t-elle été jamais de ces légères et sveltes beautés qui sui-
yaient Diane à la chasse et devançaient les biches à la course? £t
puis, à ne la prendre que pour une très réeUe et saisissable mor-
telle d'aujourd'hui, cette femme ne dort pas; jamais vous ne la
verrez s'éveiller. £lle est ensevelie dans son 1 1 de marbre; elle est
morte.
Au méini&VÉvêffue de Limerick^ du même artiste, ofiïre-C*tt une
belle attitude pensive et un fidèle ressouvenir de eeile profonde
expression recueillie qui rendait si frappanl»^ la physionomie du
savant prélat.
Cesi une ingrate et nutile besogne que à» critiquer de laborieux
efforts auxquels le succès n a point répondu. Je passe devant nom-
bre de figures et de groupes mythologiques sass signification, sans
caractère , et je m'approche de la feule des bustes.
Je regrette d'abord de trouver parmi eux, les dépaesant à
peine de la tète, une petite statue de lord John Russell, drapée en
sénateur romain. Lord John liUissell sculpté de cette taille et sous
ce costume, voilà une idée doublement malheureuse I £ût-il voulu
grossir sacoliectioode caricalfures anglaises, M. Dantan ne s y fût
pas pris autrement. Rien de moins noble, rien de moins grandiose,
que 1 air et les attitudes du noble lord, et par conséquent rien de
moins propre à la toge antique. En outre, la stature de ce ministre
est si exiguë,, si chétive; lavez-vous vu une fo s, vous avez gardé
de sa personne un si imperceptible souvenir, que vous avez bonne
eavie de le croire représenté ici de grandeur naturelle. Il se peut
que le célèbre fils du duc de Bedford ait eu la faiblesse de se com-
2.
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20 RBVUB DES DBOX MONDBS.
mander ainsi lui-même, afin d*avoir place plus aisément sur les
cheminées; sinon, c'est M. Francis lutméme qui Ta rendu méchain-
ment bien ridicule.
M. Francis a fait meilleure justice à lord Melbourne. H Ta saisi
où il le fallait saisir, eii un de ses magnifiques mouvemens de colère
éloquente; il a bien irrité s jn marbre, il lui a bien dressé la tête, gon-
flé les artères, ouvert la narine, enflammé Tœil. Oui, c*est là le chef
du cabinet whig à la chambre des pairs, lorsque provoqué, poussé
à bout par Timprudente opposition des tories , il s*élance enfin ,
éclate et les foudroie de sa tonnante parole.
la tôte colossale de Charles Kemble est une étude pleine de sin-
cérité : de grands traits inertes, des muscles, de la force , nulle
expression, pas un souffle d*ame, pas une lueur au front 1 C'est
celai Mais le buste était facile. Ce comédien était déjà de marbre
avant d*étre sculpté.
Deux petits bas-reliefs sollicitent de nous un dernier regard à
la sortie de la salle.
L'un prétend figurer la chute de trois mauvais anges. J'en de-
mande pardon à M. Archer, mais jamais ces trois grimaciers con-
vulsionnaires qu'il précipite, n'ont eu d'auréole au front, dans le
ciel. Si c'était de la lucarne d*une maison de fous furieux qu'il les
fit tomber, à la bonne heure.
L'ange gardien d'une clochette bleue, légère sylphide qui se ba-
lance, blottie au fond de la fleur dont elle est lame, caractérise
bien le jeune talent délicat et gracieux de M. R. Westmacott, et
nous laisse quitter Somerset-Uouse un sourire, satisfait sur les
lèvres.
m.
C'est l'association des artistes anglais que nous visitons, ce matin,
Suffulk Street. Ici nous avons toute notre exhibition de plain-pied, en
un seul vaste appartement de cinq pièces. Nul comfort n'a été mé-
nagé. De joyeuses cheminées oii brillent d'excellens feux de char-
bon de terre, nous réjouissent la vue dès l'entrée, car le mois de
mai continue d*étre aussi glacé qu'il est sombre.
Je vous ai dit que cette exhibition était l'exhibition libérale et
hospitalière, le palais public et commun élevé contre le palais
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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE Elf ANGLETERRE. 2f
exdusif et privilégié de Somerset-Houêe. Conséqueifkinent se sont
étabKes en ces salles, et ont pris possession du terrain, trou*
vant les deux battans ouverts, des légions de peintures qu*on eût
sagement consignées à la porte, partout où la police de Fart aurak
eu on (actionnaire. Mais ce ne sera pas moi qui condamnerai jamaîa
Tabus même de la liberté. Seulement je profiterai de mon droit
d'abréger notre visite et de ne vous présenter que le nombre fort
restreint des artistes dignes de Tintroduction.
Et d*abord détournons avec soin le regard de quatre ou cinq
immenses toiles effroyables, et de je ne sais combien de portraits
en pied, qui ont accaparé une bonne partie du salon principal. Les
portraits, je vous en avertis, ne sont pas en moindre force à ce
bout du Sirand qu'à Fautre. Prenez garde surtout aux iheriffs et
à leurs robes rouges. Ne laissez pas imprudemment errer votre
œil de leur côté.
Allons droit vers le patron de céans, M. Haydon, le robuste et
courageux Atlas qu' porte presque à lui seul toute Tassociation $ur
ses épaules, bien qu*il n*en soit pas lui-même membre officiel.
M. Haydon est le grand antagoniste de TAcadémie royale qu'il
bat en brèche incessamment dans ses lectures publiques ; il Taccuse
d'avoir dégradé Fart : elle a , déclare-t-il ( et c'est le crime irré-
missible ), elle a intronisé le portrait et le paysage, et chassé l'his*
toiredu temple. En homme consistant, M. Haydon soutient son
dire de son pinceau; il peint de l'histoire tant qu'il peut.
Or, void, de sa foçon, un sujet historique, ou plutôt religieux :
le Christ reuw ciantle fils de la veuve,
L*école anglaise a sobrement exploité le pieux domame de l'Écri-
ture. Lai jBison en est simple. Le protestantisme fermant son église
aux peintures sacrées, quel sanctuaire les accueillerait? Toutefois
le défunt président West a tenté la représentation de quelques
scènes du Nouveau-Testament ; mais, quoiqu'il les ait tenues lui-
même de son vivant pour chefs-d'œuvre, elles sont demeurées
aossi chefs-d'œuvre que ses autres ouvrages profanes.
Son précédesseur au fauteuil le plus justement célèbre, sîr Jos-
hna Reynolds, eut un jour la mauvaise pensée de créer aussi sa
Saitue Famille. On la peut voir maintenant dans la Galerie natlonaU
de Londres; et Dieu sa't, à la honte ineffable de l'illustre baro-^
net, cfuelrôle joue là ce croupe hébété de flçures anglaises ^rqiiv
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J
s ESne MB8 DIUX MoraiEs.
1^ de grog^, en la c«iii]^agiiie des fsunîiies yradmenl gtintes d'Aw-
dvé del Sarto et du TiJ^en t
M. HaydoD, ce terrible poorfettdear d'académiciens, a-t-^Iinievi
interprélé FËcriture que ces deux présidens d'Académie? A
peine, hélas 1 Son Christ n'a rien du Christ. Ce n*est pas le Sauveur
qui rappelle une ame; c'est un homme vulgaire qui regarde stupi^
dément se ranimer un corps. La face convulsive du ils n*est pas
celle d'un mort réveillé se levant du tombeau, mais bien d'ua
vivant désespéré qui veut y descendre. Pourtant, malgré son atti-
tude pénible et mal précipitée, elle est belle cette mère tenant en»-
brassé so» enfont, rassurée d^, calme et souriante. Elle ne craint
plus, elle se confie ; car ce cœur, hier insensible sous sa main ,
revit à présent, la repousse et palpite. Certes le sien lui bat aussi et
£luMidemeiit la poitriae, à Tartiste qm a senti cette sublime joie
maternelle, et Fa exprimée avec ce bonheur. Quelle pitié qu'une
pareiUe puissance d'ame s'étouffe elle^m^me sous tant d'énormes
défauts et soit si souvent insuffisante à les racheter 1
. Le respect de au méril» fourvoyé me fait éviter uneautre large
toile historique de M; Uaydon, où je blâmerais tout inhumainement,
jusqu'à un bout de cM du Tinteret, que j'admire fort chez le maf-
tte auqnel il est dérobé, mais qo*il n est plus permis d'approuver
ailleurs*
Deux esquisses, cPune dimeosian fort restreinte, nous vont mon^
trer une nouvelle face du talent de M. Haydon.
. La première est empruntée du grand préteur des peintres an-
glais, de Shakspeare. C'est après la fameuse aventure de Gadsh 11,
daas la preMère partie de Ifenrt tV. Le prince a bien son air per-
fsitemeni raalideux, moqueur et méprisant. Mais c'est le gros
diavalisr surtool q«ïl faut adtairer :
a D*ye thiok I dîd oot know ye. Hall ? »
Et, en aventurant son insidieuse question, il, traverse du regard
Henry tout entier. L'expression complexe de sa physionomie est
incomparable; la curiosité, l'inquiétude, l'effronterie, l'astuce,
Findifférence, rien ne manque; chaque passion a son muscle mis
en mouvement. Oh I voilà le vrai Falstaff , l'unique que nous ayons
f encontre parmi les milliers d'usurpateurs de son nom. Le peintre a
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LÀ PEINTURE ET t.A SOCIU»TinSE Elf ANGLETERRE. SS
«Nopris que cet immertel Mros de trois drames immortels était
Mt antre chose qu'im ignoble bonffim empêtré de graisse et
rameau ventre.
Joim Bull à déjeuner, John Bull inondé d'embonpoint, goutteux,
inpotent, John BuU entouré de monoeaux de rotM-beef ei de jara-
bon, qui s*écrie mélancoliquement : — Nois êomme^ une nation rut-*
ûe! — ce John BuH-là est une âéiiciefise personnification de Yé-
goisme britannique, — plaisanterie d'autant plus exquise qu'elle est
grave et triste comme le peuple qu'elle in lividualise.
Possesseur de si éminentes qualités, de qualités si voisines dm
génie, malheureusement M. Haydon ies obscurdt par trop de fautes
inexcusables. C*est un hasard qu'il prenne la peine ou le temps de
composer ; il est plus rare encore qu il veuille dessiner et peindre.
Ses cBuvres ne sont guère que des ébauches d'une exécution hâtive
ei grossière. Mais ces torts, la plupart volontaires, ne sonirils pas
doublement inconséquens et makulroits chez un homme qui pré-
tend fonder une école, restaurer lart soi^iisant détrôné, enfin dé-
molir une académie très digne encore et très capable de défendre
son rempart?
M. Huristone n'^^st pas uniquement «m peintre de portraits con«
sciencieux et habile; ses baronets, ses hoiiorables ladies, ses
membres du parlement sont bien Anglais jusqù*au bout des doigts.
D a fait pleine justice à Tauguste gravité de ses fiers compa*
triotes. Du reste il ne s'est point abstenu daller chercher ailleurs
la vraie beauté, Texpression naïve et la poésie. Sa Paijsunne de
FroAcati et ses Jemea muleliers des Abrazzex vous invitent de l'air,
du sour're, de la parole, et vous emmènent tout d'abord sous leur
ciel béni.
Rien de séduisant comme le coloris des tableaux de M. Huri-
stone. Néanmoins je n*ose Fapprouver absolument. J'ai peur qu*il
ne soit une certaine combinaison d'emprunts déguisés. On dirait
un coloris de coalition ; notre artiste n'aurait-il pas, par exemple,
ion du sur sa palette et m^lé quelques-uns des tons vaporeux de sir
Joshua Reynolds et de Murillo?
n y a de l'air, du soleil, de Tanimation; il y a de l'Italie dans la
plupart des paysagrs italiens de M. Linton, quoiqu'il faille leur
reprocher un peu de confusion et l'abus des teintes dorées. Je
■l'aflligeée me pocvoir accorder aucun de ces éloges restrictifs
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24 REVUE DBS DEUX MONDES.
à rimmense toile sur laquelle M. Lînton avait fondé sans doute
Fespoir principal de son année. Servile imitation d*un style interdit
surtout aux imitateurs, sa Jérusalem sous les ténèbre.^ pendant la mise
en croix rappelle uniquement Tabsence de M. Martin. Où se dé-
robe-t-il, ce grand poète biblique qui s'est trompé d'instrument et
a pris un pinceau au lieu d'une harpe? Exclu si durement des bon-
neurâ académiques, qu'il briguait, ne se console-t-il pas de cette
injure? N'a-t-il plus seulement le courage de^protester Su f folk-
Street contre les préventions de Sonierset-Honsc? Ou bien serait-
ce qu'il a épuisé sa puissante , mais stérile antithèse de lumière et
d'obscurité, d'architecture colossale et d'imperceptibles humains?
Serait-ce qu'il ne lui reste rien à dire?
M. Davis est l'Abraham Cooper de l'association des artistes bri-
tanniques. Ses portraits de chevaux sont frappans, affirment tous
ceux qui connaissent les modèles. On admire fort aussi l'ardeur et
là fougue de ses courses. Ses chasses ne sont pas moins populaires.
La foule ébahie se presse autour de ses rubans encadrés où les es-
cadrons de cavaliers et la longue traînée des chiens sillonent la
plaine, haletans, ventre à terre. Pour moi, je reconnais volontiers
la valeur de ces chaudes peintures des joies nationales anglaises ;
mais je me confesse incapable de me pâmer long-temps devant elles.
Je n'ai pas cité les vastes intérieurs d'églises espagnoles que
M. Roberts a produits à Somerset-Uoitsc; je ne crois point de-
voir citer davantage les vastes intérieurs d'églises françaises qu'il
expose à Suffolk - Siree!. Ce dessinateur n'est à son aise et ne
triomphe que dans le petit. Ses illustrations des keepmkcs de Gre-
nade et d'An jalousie sont de jolies vignettes. Elles traduisent
d'ailleurs l'Espagne comme on a traduit jusqu'à présent Don Qui-
chotte.
El quand je parle ainsi dédaigneusement du petit, observez que
je ne traite point de petite toute œuvre d'une dimension étroite et
réduite. Eussé-je cette impertinence, en la salle même où nous
sommes, les délicieux paysages-miniatures de M. Creswick me
donneraient un démenti bien formel et fondé.
Des sculptures de Suffolk-Street, nous aurons la générosité de
n'en point parler, ou du moins d*en très peu parler.
Sur trente bustes environ , à peine cinq ou six accusen^ils ua
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Uk PEIirrURB BT LA SCULPTURE Elf ANGLETERRE. 26
certain savoir-faire et quelque facilité de ciseau; aucun ne nous
montre de physionomie vivante et qu'éclaire un rayon d*anie.
,Ce qui vaut mieux que tout le reste, c*est un petit nombre d'es-
quisses en glaise et en cire, et de bas-reliefis ébauchés. Sérieuse-
ment repris et développés dans le marbre, ces essais se pourraient
transformer un jour en œuvres véritables; jusqu'à présent il n*est
permis de les considérer que comme des indications heureuses»
IV.
Si nous consultions uniquement la somme de .mérite que produit
cette année la société des peintres d*aquarelle, nous nous arrête-
rions longuement dans la jolie salle fashionable de PallrMalU
East; mais nous n*y avons à étudier qu*un seul genre de peinture*
Nous irons donc encore plus vite à travers cette brillante exhibi-
tion.
Parmi les féconds artbtes associés qui Tenrichissent péridioque-
ment, M. G)pley Fielding est sans contredit le plus fécond et Tuii
aussi des plus méritans. Prendre une à une toutes ses aquarelles,
ce serait impossible. Il n'en expose guère cette fois que quarante;
mais c*est de sa part discrétion inaccoutumée : d'ordinaire il va
au-delà des cinquante. Et qu*on ne lui reproche pas la monotonie
des sujets : il se varie et se renouvelle incessamment. Vous ne le
voyez pas, il est vrai, s'éloigner beaucoup de ses Iles britanniques;
mais quelle falaise de leurs cAtes, quelle de leurs montagnes ou de
leurs plaines, quel lac perdu de rEcosse,.quel antique manoir an-
glais enseveli sous son parc ombreux, quel recoin du pays ne
fouiOe-t-il pas et laisse-t-il inexploré? Ce n*est pas même pourtant
l'exigence de son art qui le pousse à parcourir ainsi les trois
royaumes. Vous renfermeriez dans le seul comté de Hiddlesex
qu'il ne serait pas plus empêché de fournir à Pail-Mall son conti»-
gent annuel. De fait, quand on po'ssède ce sentiment de la nature
qu'il a si profond et intense, en quel lieu pauvre et stérile n'est-elle
point sufisante? Donnez-lui ce matin pour prison de sa journée
quelque pelouse chauve et maladive, qui n'ait pas une cabane, pas
on arbre, pas une fleur, pourvu qu'il garde la vue libre, pourvu
qa'fl puisse suivre le soleil de son aurore à son coucher, traversant
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iM ^el fmr ou sonbre; demain, s'il lui platt» il toos
quatre pages Bierveilleaae»» où trÛMMplMBnMi.IepfiftaeBps^fiM^
raiilOBMOy rhiver, — les ^pialre saisons do jour.
, IL Gopley Fieldiiig, ee graml aocafareur des paimeaiiai de
P^U^nuM^ ne s'y est cependant pas établi lesetd paysagisto. Qiioi^
9i*il soit incoDtesublemeal le premier, phtsieuKs après M scnmt
très dignes d'é4re nonmés.
Je mentionnerai seulement la fraternité singulière de deux ar-
tistes très capables de voler chacun de leurs propres ailes , mais
qui préfèrent souvent associer leurs mérites distincts : je veux
parler de M. Tayler, que vous voyez menant ses troupeaux et ses
kergers par les diamps et les pâturages de M. Bàrret.
M. Prout semble avoir bériié de quekfues-oaes des toodies
du pinceau de BoningtiMi. Ses vieilles r«e» et ses intérieurs nous
arradicot de la solitude des chanps, et nous repiongent dans h
foule des bameanr et des viUes.
John Bull, cet infatigable touriste, qui c^nna'l si parfaitement
les moindres peuplades des quatre parties du monde, ne sait rien
et rif lande, sa s<£«r, si ce n*esl q«'elle awurt de faim à la porté
de l'An^eterrec M. Evans svpplée aujourd'hui, par sa pemcore',
à cette ignorance. Il montre la nobWsse affable de ces Iriaih
dais que le terisme transfemoit en savrages, la grâce touchante,
la a«a.ve beauté de lears feMmes; ec> aSn que John BuB, qui est
eonuneTboottSyne domte poûv, ille mène partout dans leors cités,
dans. leurs villages, dans lears marchés, dans leurs cabanes» Il ne
cnobe pan levff misère,^ loin de là; nais il la représente digne et
flére dofatenrson droit, ioba Bull profilera sans doute de Pin-
nlrnction» Elte fortiiera la bonne întenlîoa qn il a présentement de
iûre justice k sa seetir, et de Ini jeter qu^qnes nnettes de sa tabld
nplendtde.
Bu reste, les scènee irlandaises de M. Evans portent av«e dhn
nn oarastère auquel il n'est pa9 permis de se méprendre. Tons
nfaren pas vimté le beavpays malheureux qu^efles ont réi^.é, et
f oii»^ètes eercain pourtant de l'avoir vu en elles. Combien ne pré-
ftrei<^vo« pas Véloge mmp]B et vrai qu'elles lui décernent, à h
frq)erie poétique dont O'Connel} habiRç sa verte Erin, an beat
ide toutes ees harangues, étemellenwit les mémee?
Un antre nrtisie, pkis bviHant, non pas snpérienr, se necofli'
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LA PEINTURE fiT hk SCULPTeUS . Sfl MCGLETERRE. WF
muÈÛe haÊÊ%mKntHi YeHu d'im titre pareil à celw éé M. Era»;
Ha su découvrir également une mine vierge e€ en dégager auas'tèt
]e fikm d*or. Le bonheur de H. Lewis a été grand. Il est le pr»-
nier de tous les peintres qni ait compris les mœurs du peuple es*
pagnol el su extraire leur poésie.
Void déjà plusieurs^années que H.Lewis expkMie abondanneni
ce riche terrain qu*il s'est appn^é. Jusqu'à présent, il s'était
borné à nous conduire par les rues defiéville ei de Grenade, daas
leurs couvens et dans leurs églises ; cette fois il varie son spectacle»
Nous somvues introduits à lan^bithéAtre; nous allons voir les
taureaux courir.
Les deux coursesqu'expose M. Lewis ne sont point des morceaux
achevés, mais elles offrent un nombre infini d'admirables détaQs.
Le tatxe de costume ées urervs amassés aux barrières, leur ex*
pression» leur air, leurs attitudes, l'empressement et la cobue aux
portes, tout cela est dit merveilleusement et d'uae saisissante vé*
riié. A pénétrer plus avant «dans l'arène, nous sommes moins sa-
tisfaits. L'action est surchargée de trop d'incidens. Or, la tragédie
de la place des taureaux est la plus simple de toutes, en mémo
temps que la plus terrible. Jamais l'intérêt ne s'y divise; jamais
deux points divers qui l'attirent et se le disputent. Un seul, un
point unique absorbe et retient rivées les dix mille âmes humaines
entassées là, regardant, palpitantes, la vie d'une de leurs scsurs,
pendue à unlU. Nous ferons à notre artiste une autre chicane :
curieux et sagace obs^vateur comme il est des choses et des figu*
res locales, nous trouvons qu'il n'a pas suffisamment étudié tous
ses personnages. Ces pauvres chevaux des courses, tout invalides
et squelettesqn ils paraissent, ne sont pas de purs rossiuantes; ils-
témoignent Jusqu'à la fin de leur sang andidou. Mous les voyons,
anx trois quarts éventrés, courir encore bravement à la charge,
etis tète haute, olfrir fe poitrail au coup mortel. Le peintre n'a
pas traité beaucoup plus fidèlement ses taureaux; il a fait de très
Ttyectafales taureaux ordinaires ,. non pas des taureaux espagnols,
ce qui est tout autre «iiose. Ces torts, véniels pour nous, senaient
inémissibles aux yeux d'un ofunonodo véritable. C'«at qu'au cirque
Ii>cbevjd et le taitfeau ne sont p#int de singles comparses. L'ac-*
tcar principal est le taureau peut-être.
Hais où H. Lewis triomphe surtout, • c'est dans son troisièma
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2B AETUB BBS DEUX MONDES.
tableau y qui montre Textérieur d*une taverne de Grenade un jour
de course. Et ne blâmez pas le choix de ce troisième sujet , si ana-
logue aux autres. L*art peut puiser sans crainte à toute source où
bouillonne une forte passion populaire; l'onde fécondante y est
inépuisable. Ici rien qui ne «oit irréprochable et excellent. Le
désordre est l'action ; la confusion , le mouvement. La foule aedane
et bat des mains aux toreros qui passent. Pour elle, le spectacle a
commencé déjà. Deux picadors à cheval vident le dernier verre de
manumitla, le coup de l'ètrier. Ils s'étourdissent, ils boivent Toii-
bli du danger. Un matador, plus raffiné, s'enivre de pure galan-
terie, n part, deux adorables majas aux bras; Tune, sa maîtresse,
vivra ce soir, s'il est vivant. A la porte du cabaret s*est arrêté on
calcHn, qu'emplit largement la rotondité d'un dominicain. Le boa
père vient confesser les monrans. On lui apporte en bouteflle le
courage dont aura besoin son pieux ministère. Cependant on frère
quêteur va fort activement de groupe en groupe; l'habile homme
n'ignore pas que l'émotion et la joie font la charité plus abondante.
Enfin, partout c'est loriginalité des scènes, la naïve barbarie des
mœurs, la rudesse des contrastes, épiées Aprement et prises sur le
fait; c'est toute cette neuve poésie du terroir ramassée à pleines
mains et mise ardemment en œuvre. Une page semblable en conte
plus à elle seule de l'Andalousie, que tous les milliers de voyages
accumulés depuis vingt ans par les touristes.
Un ouvrage de M. Cattermole conunande une double attention,
et par son importance etpar la juste célébrité de l'artiste. Autant
M. Copley-Fielding est en avant des paysagistes de Patl-Mall, autant
M. Cattermole précède les peintres du style gothique. Examiaer
l'œuvre de ce dernier, c'est choisir le meilleur échantillon pour juger
le moyen-âge de l'exhibition.
M. Cattermole avait exposé, l'an passé, une cellule d*abbé, selon'-
nous admirée fort au-delà de ses mérites. Certes, c'était une bril-
lante fantaisie. Toutes les richesses y ruisselaient dans les flots
d'un éblouissant coloris. Hais ce n'était pas là vraiment qu'il fallait
vider la corne d'abondance. Ce n'était pas là le lien de tant de gwr-
landes, de tant de fruits, de fleurs, et de cassolettes. Le luxe des
nioines n a jamais été si délicat. Bref, à notre avis, Tartiste avait
peint un rêve, non point restitué une scène des vieux temps. Il n'a-
vait point paré la vérité; il l'avait travestie et fardée.
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LA PEINTURE ET LA SCCLPTCmE EN ANGLETEMlfl. 29
Cette fois, M. Catlermoie 8*en prend à on sujet tout sanglant et
terrible. Cest le meurtre de l'évéque de Liège, la grande scène du
roBMin de Walter Scott qu*il représente. Beaucoup de parties de
cette vaste composition sont di^s d'un haut éloge. Le contraste
surtout est magnifique entre la vèfiérable et paisible figure de la
Ticthne sous le sabre du bourreau et la hideuse convulsion des
. traits de Fassassin. Rarement on avait mieux mis le crime et la
rertu fece à foce. Toutefois, si la verve abonde dans Vexécution,
l'énergie déborde peut-être. Le peintre semble manquer un peu
démesure et de discrétion. J'ai peur qu*il n*ait ici abusé de i'hor-
ribte, comme, dans la cellule de Tabbé, il avait fait des lys et des
roses. Je sais quelle méchante et sauvage compagnie était celle du
SangHerdes Ardetmes, mais je ne crois pas qu*il n'eât de convives à
sa table que les bétes fauves qui hurlent à Tépouvantablé festin où
nous convie l'artiste.
Une dernière observation qui s'adresse, non pas seulement à
M. Cattennole, quoiqu'il la provoque principalement, mais à plu-
sieurs autres notables peintres de Pall-ilall et même légèrement
à M. Lewis.
Une idée téméraire préoccupe évidemment ces artistes estima-
bles. Os jugent l'aquarelle omnipotente et capable de rivaliser en
tout point avec la peinture à l'huile. Bien mieux, hommes consé-
qnens qu'ils sont, ils essaient de fortifier leur dire par leurs œu-
vres; nous ne sommes point accoutumés à décourager les tenta-
tives difficiles et hardies; pourtant nous confessons n'avoir en
celle-là qu'une médiocre confiance. Il se conçoit qu'en dé certaines
occasions l'aquarelle emprunte le secours d'une force et d'une
énergie de moyens qui ne sont pas de son essence ; — il ne se con-
çoit point qu'elle se veuille faire absolument énergique et forte
eontre sa nature. Du reste, elle peut, ail lui plah, étaler un pa-
pier égal en dimension aux plus larges toiles ; elle peut le noircir à
son aise et le charger de gomme; mais je tremble cpi'elle n'ait le
sert de la grenouille envieuse du bœuf. A cet effort immodéré, sans
acquérir la puissance de sa rivale, ne perdra-t-elle pas la légèreté,
la morbidesse, la transparence, ses qualités principales et essen-
tiettes?
A quoi bon d'aiHeurs dépenser son talent en usurpations ha-
sudeuses? A quoi bon cette rage de déplacer les limites sagement
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SOr ftEVDE DES SBDX IIONDBS.
posées des :g6are8? Qui vous o^BtrfittBt de tous enfermer dans la
salle étroite de Pall-Mall? Si la gloire de Qiaitde et du Titien vous
empêche de dormir, que ne trempez-^ous votre pinceau aux mêmes
couleurs éternelles oà ils trempaient le leur? Dût Sontënef-JfonBe
TOUS fermer ses portes , ignoroE^^irout iwmme vous sériée bien-
yeoMs et fêtés cfaes vos frères, les associés 'ltt>fes de StiffcÊk-
Strm?
Nous avons redescendu le SirmuL ibtrons à Ea^eier-^Oatl^ ai
s'est établie la nouvelle «ociété des peintres d'aquar^e. Cette der-
nière visite, si cottr4e qu eUc/Soit, nous sera méritoire; car ce que
nous avons vu d*exhîhitiofis étdil bieiiipour nous satisfaire, et ce
n*est pas la meilleure qui nous reste à voir.
Mais nods avons prorois d^élre écpuilaUea; nous avons proMÎs
de tout montrer, de ne soustraire «aucune ides pièces utiles aux
juges. Achevons donc paisiblement not^e besogne de n^f^r-
teur.
Ce qui recommande surtout la société aeuvelie, c'est sa ten-
dance marquée vers ramélioration. Ainsi sa présente exUbMoo,
qui est seulement la cinquième, est de beaucoup supérieure aux
précédentes. L*année dernière encore^ la saUe^tait à peine ienable
dix minutes, tant le méchant et le médiocre y deannaient; cette
année, avec du loisir, on y peut passer une heure agréable.
Voilà les bénéfices que produit reeprit.'d'aasocii^on appKqué à
Tart L'association est donùemeat fécotade* fin assurant les progrès
individuels, eUe favorise le progrès général.
M, peuu d'ouvrages frappent par Thabifeté de rordoanaaoe , le
fini, la perfection du tiavail. Presque tout est à réutd'élia«ciie;
mais» sous la rude éoorce de bien 4es «ssais taforaMs, firémit une
sève qui j^llira «n jour «n 4e IttsmaM feuillages.
Dans le tfès petitneinbre des choses <y4«Maent achevées» il oon^
Tien&de citer les bijoux de M. BoiviâRg. Ce sontle (dais souvent
des V4ies de la Tamise en hiver. C*«8tle gnmd fleuve oèglisscttl
les barques et les navires voilés de brume. Le ciel de Londres «tl
là chargé de iOHtes ses «v^ieups. Cest^wsaràBMmt le fcrooilâcKi de
la nMke» hàmimc^ ifm ïêxikm^4ir0O9émojm ée mettre so»
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LA PEiimiRE Ksr %k acBLramB Jin Angleterre. 31
Terre et d'encadrer. Ces jolies miniatures sont toutes, jeraYOue,
on peu tristes; mais est-ce la faute de M. Downing, si le soleil est
six mois de Tannée sans vouloir luire pour la capitale de TAngle-
terreî
Le« Matines et kspcjaagt sde^M. Slic^rdnevMiqwneiM de relief
. ni de viet. Mais Tiiiexpérienoe s'j traHit évideiHe. On reconimh; que
fepeiiiue-tâceaiie et ebevche eacoret B n*est pas le mttlllr&é& sa
com^Hi^Mi. il caressé et prodigtie las dètaifa oulfe mesiire. Ses
fàatmresrom fatiguenè et TO«d ébiomsie«l. Cent cpifelUis n*«ttt
aocttoisefllre. H oublie d'y marquer le poiat rUmlk
TtLWMtea, krdermerqM»iiouBa(jfonvA nommer, possède «ae
imagiiiitkHi vÎTe et feriHe ; c*^t domaiage ifaer le pinceau loi rémie
aucancet réafot in kieofnpiètieflMnt sa pensée. Qoelq«es-un»di9 sas
trop nambreux ouvrages doivent être cepeadaoc ans à part , ak la
Terre al fcmginaiité raobèleac preaqoe rkKoareaion et la négl-
geace,
1/Emkmm'km de ia reine ÊlUakità à Greenwick e60 une^ dHMde
etbr91anleiHastratioii>de la célèbre seèneda romande i9mlw(ir(fc.
Dy ade ta grandeav, il y a dbe forîeac dan» cette peiiilore dû
■eus YaT«is ks siataes cotoasales de ThAbes, aa roiMeu de Tiaewda-
tion du Nil, paisiblement assisessot leurs sièges d^fÇfwAîr^ ra-
gardaaf^ sourianles, le iaave débordé qui aïonfi» à peine nouQ-
fer leurs pieds.
Une autre cempeaitiotii mains aérieuae caraccériaeiaieai peut-*
être resprit d^iniireiitiea de iartîstev
Deaaylphes et des syipkidea ona seasmeiM fcnit le jovr éaas
leurs calices de roses. Éveillés à la'broae, Tcrilà qu ii^eauuaanosnt
deeoatir la^idia^ saaCHaftifetoutfi&deflettr»e»toaflésdefleurs.
MttA, frande avaninael jvrmie toge feuille d^bortessia a reih
piendi teut à coup un aev tuiaaait. Auasiièli les anias s^enlaeMt.
Dae rende se faraae aatovr deiloBeatetaNiiBttSD. L^orehesl^e aiéoie
neaMAqvetapas k ce baiiiaapfwisé. L*iaa des srylpbea a ptîs lai
pétale 4t thevrafeuHe n l'émbeacbe camme «ne f remp8tte> taoAs
qii*un autre touche des fils d'une toile d'araignée, ainsi que d'aae
harpe» Ealeade^Tettale bruît deepas de ladâMeeeleB aceords de
bi BMiskiaer rraiaieot ilry a là un sootta de^poéskifbiicastiqpBe teat
shahapearien. Cette. Mie ctas (tm^ ée bL Warvon ne désheaMe-
iak.paa lea Mies finlaisîea de la rené Ibrt^et d^sa eeVi.
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32 REVUE DES DEUX MONDES.
VI.
Nous avons promené le curieux à travers les quatre exliibiti(Hi8 ou
nous nous étions engagé de le conduire. Nous lui avons été le plos
exact et le plus Adèle cicérone que nous avons pu. Si nous n*avonspas
tout montré, au moins espérons-nous n'avoir rien omis qui dût être
particulièrement admiré. Nous n'avons négligé aucun nom recom-
mandé hautement par son mérite ou son illustration. Face à face
avec les célébrités , nous nous sommes appliqué à découvrir le
caractère habituel et général de leurs talens, plutôt qu'à détailler
leur œuvre du jour. Ainsi avons-nous essayé, non pas tant d'asseoir
notre propre apprédation sur une large base, que do mettre cha-
cun en état de prononcer de soi-même, en parfaite connaissance.
A cet effet, quelques observations, déjà indiquées, veulent ètce
rappelées et rapprochées, afin d*éclairer davantage la matière.
On a vu qu'en Angleterre même, d'honorables antagonistes de
l'Académie déploraient amèrement et flétrissaient l'abandon des
hautes régions de l'art. Mais cet abandon très réel provient de cau-
ses qui l'expliquent et l'excusent.
11 est incontestable que l'artiste ne saurait travailler uniquement
pour la gloire. Il faut qu'il travaille d'abord pour vivre. La dure
nécessité lui prescrit donc de faire, avant tout, des tableaux capa-
bles de plaire à ceux qui achètent. Michel-Ange lui-m^me n'aurait
jamais peint la chapelle Sixtitie, pour l'unique plaisir d'y emprein-
dre gratuitement son immortalité.
Chez nos voisins, la difficulté d'aborder les sujets religieux se-
rait double. L'église protestante les a arrachés de ses murs comme
images profanes. Ainsi non-seulement il ne s'agit pas de les lui ven-
dre, mais l'enthousiaste M. Haydon eût-il la fantaisie de se hisser
jusqu'au dôme de Saint-Paul, afin de le décorer bénévolement, il
courrait le risque d'être jelé hors du temple et poursuivi en sacri-
ïége*
D'autre part, le gouvernement ne commande aucune sorte de
tableaux. L'honorable chambre des communes n'a jamais estimé
que le moindre (artking du budget dût être employé à l'encpurage-
meiit de la peinture historique ou non historique. Parce qu'un club
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LA PKnrnmB bt la scijlptuhe en Angleterre. 35
s'estpris du désir d'avoir en soa salon une bataille navale , c*e8t
U pure exception, nuHement coutume.
Or, à quel patronage Tart a-t-nl ététx^ntraint d'avoir recours? Au
patronagequis'estoflert. Au patronage des lords, au patronage
des riches; mais quelles peintures demandaient les riches et les
lords? Kén entendu ce n'était pas la grande hbtoire ; ce n*était ni la
grande histoire religieuse, ni la grande histoire profane ; c'étaient
de grands portraits en ped , pour les plus grands panneaux de
leurs appartemeiû; et, pour les coins, de l'histoire en miniature »
des chasses, du paysage et de l'aquarelle.
Ces considérations pesées, dont Fimportance est gravcy quand on
veut impartialement juger la situation de l'art eu. Angleterre, il
s'agit surtout d'examiner, si, dans les bornes encore larges et ho-
norables où l'a enfermé la force majeure, U est suffisamment fé-
cond et prospère, s'il compte assez de noms excellens qui Tauto-
risent et le recommandent. Là dessus, notre avis est affirmatif et
nous pensons l'avoir établi de façon à ce que plus d'un autre s'y
range.
M^s au milieu de tant de prospérité et d'excellence, s*écrie-
t-on, y a-t-il une école anglaise? Y a-t-il une école anglaise plus
qu'il n*y a une école française?
Oui, répondrons-nous encore, quoique moins absolument. H n'y
a point d'école anglaise si vous exigez le caractère rigoureusement
tranché des vieilles écoles flamande, italienne et espagnole. H y
a une école anglaise plus qu'il n'y a une école française, en ce sens
que Fart anglais s est inspiré davantage et plus exclusivement du
sol natal, de la nature indigène, du ciel du pays ; en ce sens qu*il a
traité (dus de sujets purement nationaux et presque inintelligibles
au dehors.
Mais Fart anglais est-il l'égal de l'art français? lui est41 supé-
rieur?
Nous serions fort empêchés de répondre formellement à cette
dernière question.
Toute comparaison est délicate et téméraire entre les gloires
analogues de deux peuples rivaux, lorsque, des deux parts, les
titres sont authentiques, nombreux, fortement appuyés.
Le rapprochement conviendrait mieux, si la balance penchait à
ce point d'un c6té, qu'il ne fût guère possible de garder un doute
TOUS VK. 5
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M WBLnmm
«vr la piUmimm\.Vcm»semfam twtfim, pmtuBmflé^ êb àkdun
notre opinion, touchant la diiduli Hliiii Kairn des déwt payt» ^at
Aoos nfhéeîteriMs. pas à dm: l&ietiMHfi UMéDatweflnnçaise ar-
me; kl noiurelle-ittériilvre aaghiMJsfea ti«
Tel n'est potek cas €ft ce qa»lMfteravt;Eir.FffUKe«aMtiie^
ment 9 «rrire, Aeet arrrré;: nnie entiAàglMeneA eefc^nrifé aatâ
et ne témoigne Halenpresaeaient d» 'partg*. Stahmaal» paat*te«
a-44t ehes les une en élèratiott ce foe dnelea^acvea il Tegtg^ent
krfpHir. Okei lés français^ l'aifaye'^ boMJimnwntde eèro, dretset
vers le ciel une superbe* mm. Cher leurs ftinins^ aea htaM «
branehés se sontt desaédiées^ nnieilcMirre k pfadn» fépai» et
Tastes rameaux.
Uuixm, le lOJuiA 1838.
Loai>F8BUi«»
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titÊÊmÊÊàm
IL NE FAUT
JURER DE RIEN,
PROVERBE.
PERSONNAGES.
TAN BUCK, négociant. Un AvBBmGiSTB.
TALnmn TAN BUCK , son nereù. Vu Gabçon .
Uh Abbé. La BABomB dbPUoitw.
I}r XAiTEB Di DAHU. GÉGILB, sa^o.
(La scène est à Paris.)
ACTE PREMIER.
SCÈNE PREMIÈRE.
La chambre 4e T«)entin«
YALENTIN assis. — Entre VAN BUCK.
VAN BDCK.
HoDsieur mon neveu, je vous souhaite le bonjour*
VALSNXIN.
Jlomîeiir mon oncle, votre serviteur.
TâN BCCK.
Restez assis; f ai à vous pKter.
3.
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3S. REVUE IMB8 BBUX MOHM».
VÂLBNTIN.
A8sey;ez-you8; j*ai donc à vous entendre. Veuillez vous mettre dans b
bergère, et poser là vot^re chapeau.
VAN BOCK, t^asseyaDt.
Monsieur mon neveu, la plus longue patience et la pins robuste obsti-
nation doivent, l'une et l'autre, finir tôt ou tard. Ce qu'on tolère devieol
intolérable, incorrigible ce qu'on ne corrige pas; et qai vingt fois a jeté
la perche à un fou qui veut se noyer, peut être forcé un jour on l'autre
de l'abandonner ou de périr avec lui.
VALBNTIN.
Oh! oh! voilà qui est débuter, et vous avez là des métaphores qui se
sont levées de grand matin.
VAN BOCK.
Monsieur, veuillez garder le silence, et ne pas vous permettre de me
plaisanter. C'est vainement que les plus sages conseils, depuis trois ans,
tentent de mordre sur vous. Une insouciance ou une fureur aveugle, des
résolutions sans effet , mille prétextes inventés à plaisir, une maudite
condescendance, tout ce que j'ai pu ou puis faire encore (mais, par ma
barbe ! je ne ferai plus rien ! ) Où me menez-vous à votre suite ? Tous
êtes aussi entêté....
VALENTIN.
Mon oncle Yan Buck, vous êtes en colère.
VAN BOCK.
Non, monsieur, n'interrompez pas.yous êtes aussi obstiné que je me suis,
pour mon malheur, montré crédule et patient. Est-il croyable, je vous le
demande, qu'un jeune homme de vingt-cinq ans passe son temps comme
vous le faites? De quoi servent mes remontrances, et quand prendrez-
vous un état? Vous êtes pauvre, puisqu'au bout du compte vous n'avez de
fortune que la mienne; mais, finalement, je ne suis pas moribond, et je
digère encore vertement. Que comptez- vous faire d'ici à ma mort?
VALBNTIN.
Mon oncle Yan Buck, vous êtes en colère, et vous allez vous oublier.
VAN BUCK.
Non , monsieur, je sais ce que je fais ; si je suis le seul de la famille gai
se soit mis dans le commerce, c'est grâce à moi, ne Toùbliez pas, que les
débris d'une fortune détruite ont pu encore se relever. Il vou$ sied biea de
sourire quand je parle; si je n'avais pas vendu du guingan à kuftn,
vous seriez maintenant à l'hèpiUil, avec votre robe de chambre à fleurs.
Mais, Dieu merci, vos chiennes de bouilloUesw ... I
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u. us FAtJT nmn bb BtKH. 37^
Mon oncle Van Bock, voilà le trivial; vous changez de ton; vous vous
oubliez; voas aviez mieux commencé qne cela.
VAN BUŒ.
Sacrebleu ! tu te moqnes de moi. Je ne suis bon apparemment qa'i
payer tes lettres de change ? J'en ai reçu une ce matin : soixante louis { Te
raHks-tu des gens? il t^ sied bien de faire le fasbionable (que le diable
soit des mots anglais!) quand tu ne peux pas payer ton tailleur! C'est
antre chose de descendre d'un beau cheval pour retrouver au fond d'un
hôtel une bonne famille opulente, ou de sauter à bas d'un carrosse de
louage pour grimper deux ou trois étages. Avec tes gilets de satin, tu
•demandes» en rentrant du bal, ta ciiandelle à ton portier, et il regimbe
quand il n'a pas eu ses étrennes. Dieu sait si tu les lui donnes tous les ans!
Lancé dans un monde plus riche que toi , tu puises chez tes amis le dé-
dain de toi-même; tu portes ta barbe en pointe çt tes cheveux sur les
épaules, comme si tu n'avais pas seulement de qiioi acheter un ruban
pour te faire une queue. Tu écrivailies dana les gazettes, tu es capable
de te fajre saint-simonien quand tu n'auras plus ni sou ni. maille, et cela
viendra, je t'en réponds. Va, va, un écrivain public est plus estimable
qne toi. Je finirai par te couper les vivres, et tu mourras dans ua
grenier.
VALBNTIN.
Mon bon oncle Van Buck, je vous respectent je vous aime. Faites-moi
la grâce de m'écouter. Vous avez payé ce matin une lettre de change à
mon intention. Qnand vous êtes venu , j'étais à la fenêtre, et je vous ai vu>
arrifer; vous méditiez un sermon juste aussi long qu'il y a d'ici chez
vous. Épargnez, de grâce, vos paroles. Ce que vous pensez, je le sais; oe
que TOUS dites, vous ne le pensez pas toujours; ce que vous faites, je vous
en remercie. Que j'aie des dettes et qne je ne sois bon à rien, cela se
peut; qu'y voulez -vons faire? Yoos avez soixante mille livres de
rente....
VAW BUCK.
Cinquante.
VALBNTIN.
Soixante, mon oncle; vous n'avez pas d'enfans, et vous êtes plein de
bonté pour moi. Si j'en profite, où est le mal ? Avec soixante bonnes mille
livrfs de renie....
VAN BI7CK.
Cinquante , daqnante ; pu un denier de plus.
VALENTIN.
Soixante; vous me l'avez dit vous-même.
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% ' XVniB BBS BCVXVOnDBS^
VâN BCCfc.
Jamais. Où as^to pris e«la?
Mettons cinquante. Vous êtes jeune , gaillard encore, et bon viTant.
€royez-vons que otia me Câdie , et que j*aie soif de votre bien? Yoos ne
Bie faites pas tant d'injure , et vous savez que &es mauvaises tètes n'ont
pas toujours les plus mauvais cœurs. Vous me querellez de ma to^ de
chambre : vous en avez porté bien d'autres. Ma barbe en peiato ne vevt
pas dire que je sois tm saint- siraonien : je respede trop rkéritage. Vous
vous plaignez de -mes gilets; voulez-«vous qu'on sorte en efaemise? Vous
me dites que je suis pauvre , et 4iue m«s amis ne le sont pas; lant niieax
pour eux , ce n'est pas ma faute. Vous imaginez qu'ils me gâtent et que
leur exemple me rend dédaigneux : je ne le suis que de ce qui m'ennaie,
et puisque vous payez mes dettes , vous voyez bien que je n'emprunte pas.
Vous me reprochez d'aller en fiacre : c'est que je n'ai pas de voiture. Je
prends, dites-vous, en rentrant, ma chandelle chez mon portier : c*«st
pour ne pas monter sans lumière ; à quoi bon se casser le cou ? Voos vo«-
driez me voir un état : faites-moi nommer premier mfiH«tre, et voos
verrez comme je ferai mon chemin. Mais quand je serai surnuméraire
dans l'entresol d'un avoué , je vous demande ce que j'y apprendrai , sinon
que tout est vanité. Vous dites que je joue à la bouillotte : c'est que j'y
gagne quand j'ai brelan; mais soyez sûr que je n'y perds pas plus tot que
je me repens de ma sottise. Ce serait , dites-vous , autre chose, si je des-
cendais d'qn beau cheval, pour entrer dans un bon hôtel : je le crois bien;
' vous en parlez à votre aise. Vuus ajoutez que vous êtes fier, quoique vous
ayez vendu du guiogan; et plût à Dieu que j'en vendisse! ce serait la
preuve que je pourrais en adieter. Pour ma noblesse, elle m'est aussi
chère qu'elle peut voos Fètre à vous-même ; mais c'est pourquoi je ne
m'attèle pas, ni plus que moi les chevaux de pur sang. Tenez , mon onde,
ou je me trompe , ou vous n'avez pas déjeuné. Vous êtes resté le cœur i
jetin sur cette maudite lettre de change ; avalons-la de compagnie, je vais
demander le chocolat. (il sonne. On sert à déjeuner.}
VAN BUCK.
Quel déjeuner ! Le diable m'emporte ! tu vis comme un prince.
VALBNTfN.
Eh! que voulez- vous? quand on meurt de faim, il faut bien lAoher
de se distraire. ( lU s*auablent )
VAN B0CK.
Je suis sûr que, parce que je «e mm là , tu te figures que je te par-
donne.
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IL MV FAUT HTBEft BV Rin^ 99
T:àLKffflr.
Moi? pas da tout. Ce qui me ciiagrine, lorsque vous êtes irrilé, e'est
qu'ii vous échappe malgré vous ctes expressions d*arrière-boutique. Oui,
sans le savoic, vous vous écartez de cette fleur de politesse qui vous dis-
tiogue particulièrement; mais quand ve* n*est pas devant témoins, vous
comprenezjque je ne vais pas le dire.
VA!f BVOL:
C'est bon y c'est bon , il ne m'échappe rien. Mais brisons là, et parions
d'autre chose ; tu devriôs bien te marier.
VALBlimi
Seigneur, snon Dieu! qu'est-joe q«e vovs dites?
VAN BUCK.
Doone-moi à boire. Je dis que tu prends de l'âfe, et que ti» devrait tt
marier.
TALESXSf^
Mais, mon oncle, qu'est-ce que je vous ai fait?
YA5 BUCK.
To m'as fait des lettres dé change. Mais quand tu ne m^aurais rien
fait , qu'a donc le mariage de si effroyable? Voyons, parlons sérieusement.
Tu serais, parbleu, bien à plaindre qtieDd on te mettrait ce soir dans les
bras une jolie fille bien élevée , avec cinquante mille écus sur ta table peur
t'égayer demain matin au réveiL Voyez un peu le grahd malheur, et
comme il y a de qjuoi faire l'ombrageux! Tu as des dettes, je te les
paierais; une fois marié , tu te rangeras. Mademoiselle de Mantes a tout
ce qu'il faut»....
VALENTIN.
Mademoiselle de Mantes! Vous plaisantez?
VAN BUCKw.
Puisque son nom m'est échappé, je œ plaisante pas. C'est d'elle qu'il
s'agit, et si tu veux...
VA&B9TI2I.
£t si eQe veut CTeat comme dit la chasBon :
Je sais bien qull ne Uendrait qm*à mol
De répovser, si elle voalailL
VAN BOCK.
Non; c'est de toi que cela dépend. Tu es agréé ; tu lui plais.
vALBurnr.
Je oe Pat jeraais vue de ma vie^
VAN BecK«
Qela ne ly i neo; je le dis que tu liù plais.
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iO BBTUB DBS DEUX MOIIBBS*
TALBlVTllf,
£d vérité?
yA5 BUCK.
. Je f en doime ma parole.
TALBIITIN.
Eh bien donc! elle me déplaît.
VAN BUCK.
, Pourquoi?
YÀLENTIM.
■»
Par la même raison que je lui plais.
TAN BDGK*
Gela n*a pas le sens commun , de dire que les gent nous déplaisent ^
quand nous ne les connaissons pas.
TALBtmN.
Comme de dire qu'ils nous plaisent. Je vous en prie, ne parlons plus de
cela.
VAN BUCK.
Mais y mon ami, en y réfléchissant (donne-moi à boire), il faut (aire
une fin.
TALBNTIN.
Assurément, il faut mourir une fois dans sa vie.
TAN BUCK.
Tentends qu*il faut prendre un parti , et se caser. Que deviendras-to?
Je t*en avertis, un jour ou Tautre, je te laisserai là malgré moi. Je n'en-
tends pas que tu me ruines, et si tu veux être mon héritier, encore faut4l
que tu puisses m*attendre. Ton mariage me coûterait, c'est vrai, mais
une fois pour toutes, et moins en somme que tes folies. Enfin, j'aime
mieux me débarrasser de toi; pense à cela : veux-tu une jolie femme,
tes dettes payées, et vivre en repos?
VALBNTIN.
Puisque vous j tenes, mon ooele, et que vous parlez sérieusemeol,
sérieusement je vais vous répondre; prenez du pété, et écoutez-moi.
VAN BUCK.
Voyons, quel est ton sentiment?
TALBNTIN.
Sans vouloir remonter bien haut, ni vous lasser par trop de préam-
boles, je commencerai par l'antiquité. Est-il besoin de vous rappeler la
■lanière dont fût traité un homme qui ne favait mérité en rien, qui
t4Nite sa vie fut d'humeur douce, jusqu'à reprendre, même après sa
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IL !fE FAUT JUtBR Dl RIEN. 41
(aale, ccHc qui l'avait si oatrageiuement trompé? Frère d*ailleun d'an
puMBant nûmarque , et coarooné bien mal à propos. ...
TAN BUGK.
De qui diantre me parles-tu ?
De MénélaSy mon onde.
TAIf BUCK.
Que le diable t'emporte et moi avec ! Je sub bien sot de t'écouter.
YALENTIN.
Pourquoi ? H me semble tout simple....
VAIf BUOL.
Maudit gamin ! cervelle fêlée ! il n'y a pas moyen de te faire dire un mot
qoi ait le sens commun. (Il se lève.) Allons! finissons! en voilà assez. Au**
jourd^hul la jeimesse ne respecte rien.
TALBtmif.
Mon oncle Van Buck , vous allez vous mettre en colère.
TAN BUCK.
Non, monsieur; mais, en vérité, c'est une chose inconcevable. Ima«
gine-t-oD qu'on homme de mon âge serve de jouet à un bambin ? Me prends*
tu pour ton camarade, et faudra-t-il te répéter i...
.VALBNTIir.
Comment ! mon oncle , est-il possible que vous n'ayez jamais lu Ho-
mère?
VAN BUGK y se raésejant.
Eh bien! quand je l'aurais lu?
VALBNnN.
Vous me parlez de mariage; il est tout simple que je vous cite le
ptos grand mari de l'antiquité.
TAN BUCK.
Je me soucie bien de tes proverbes. Veux-tu répondre sérieusement?
TALBNTIN.
Soii; trinquons à ccBur ouvert; je ne serai compris de vous que si vous
voulez bien ne pas m -interrompre. Je ne vous ai pas cité Ménélas pour
^re parade de ma science , mais pour ne pas nommer beaucoup d'hon- '
o^tes gens; faut-il m'ezpliquer sans réserve? -
TAN BUCK.
Oui , sur-le-champ ,^ou je m'en vais. •
TALBNTIN.
Savais seize ans, et je sortais du collège , quand une belle dame, de
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43 jtfws Aift MHHL jraims.
notre coiiaaMMiM»«ie dklî^gva pour -la fwenièretféift. A cet âge-ii,
peut-oa savoir ce qui est innocent oa criminel ? féLàiê oa^oir cheg «t
maltresse,, au coin du fea, son mari en tiers. Le mari se lève et dit qa'9
Ta sortir. A ce mot» mi regard rapide, échangé entre ma belle et moi, ne
bit bondir le cœar de joie. Nous allions être seuls! Je me retourne, et
vois le pauvre homme mettant ses gants. Ils étaient en daim de couleir
yerdAtre, trop larges , et décousus au pouce. Tandis qu^fl j enfonçait ses
mains, debout au milieu de la chambre, un imperceptible sourire pam
sur le coin des lèvres de la femme , et dessina comme une ombre légère
les deux fossettes de ses joues. L'oeil d^m amant voit seul de tels sourires,
car on les sent plus qu*on ne les Toit. Celui-ci m'alla jusqu'à Famé, et je
Favalai comme un sorbet. Mais, ^r une bizarrerie étrange, le souvenir
de ce monest de déUœs te lia invhioibleinent dans ma leie à cdui-de
ëenlk.greiKftHmin fongesse débsttant dans ^es gwds verdètres; et je
ne sais ce que ces mains, dans leur 4ipératkm eonfittue , ardent de tr^
et de piteux, mais je n'y ai jamais fMosé -depuis sans que le féminin soa-
rire ne vint me ^alooiller le coin des lèvres, et j'ai juré que jamais
femme au monde ne me ganterait de ces gants-là.
HÂX BOCK»
C'ea^à^lwe ftt*«B franc libertin, lu doutes 4e la viertn^dea femnei,
et que tu as peur que lea «uarea^ie le rendent le mal que lu leur as
ftit.
TJUXirnH.
Tous rarex^dhif d peur du -diable, et je ne Tenx pas ette ganté.
vtAïf aras.
Bah ! c'est une idée de jeune homme.
Gomme il vous {^aâra, c'eitJa mienne; dans mie trentaine d'années,
si j'y suis , ce sera une idée de Tieillard , car je ne me marierai jamais.
TAK BOCK.
Prétenda-tu quelootea les fenuDes soient &nflses » ei qoe 1008 les niaris
soient trompés?
WàMMStm.
le ne prélmids rien, et jevTen sais rien, le prétenis, quand je vais
isM la r»e,iiefis«ie jetersons le» rwies des Toimres; quand je dine,
ne pas «wingei de nerian; <|0iBd fai soif , m pas boire dans im verre
caaaé, et, qnand je vois une tanne, «e pas rifiasser; et encore je
ne sois pas sûr de n'être ni écrasi, ni ^étranglé, ni brèdie-dent, ni...
VAX BCOK.
Fi donc! mademoiselle de BhMss est sage et bien élevée; c'est une
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TMurrnjr..
A Dîeo ne plaiê^ qiM j'eadiae du mal! elle est sao» doute la ineilleore
4iâ inoDde. Elle eA bien élevée » dîles-vous? Quelle éducatloo a-t«elle
reçue? La cenduit-oa au bal» au spectaeU, aux courtes de chevaux?
^rt-elle seule en fiacre, le matiu, à midi, pour revenir à six heures?
A-t-elle une femme de chambre adroite, un escalier dérobé? A-t-elIe vu
Is Tour de T(€$lê, et lii-eUe les romans de M. de Bahsac? La mène-t-on»
après un bon dtner, les soirs d'été, quand le vent est au sud, voir lutter
aux Champs-Elysées dix ou douze gaillards nus, aux épaules carrées?
A-t-eRe pour mattre un beau valseur, grave et frisé , au jarret prussien,
qui lui serre les doigts quand elle a bu du punch? Reçoit-elle des visites
^en téte-Méte, l'après-midi , sur un sopha élastique, sous le demi-jour
d'un rideau rose? A-t-elle à sa porte un verrou doré, qu'on pousse du
petit doigt en tournant la tète, et sur lequel retombe mollement une
tapisserie sourde et muette ? Met-elle son gant dans son verre lorsqu'on
commence à passer le Champagne? Fait-elle semblant d'aller au bal de
l'Opéra, pour s'éclipser un quart d'heare, courir chez Musard, et re-
venir bâiller? Lui a-t-on appris , quand Eobini chante, à ne montrer que
le blanc de ses yeux, comme une colombe amoureuse? Passe-t-elle l'été
k la campsgne chez une amie pleine d'expérience» q«i en répond à sa la-
mille , et qui, le soir, la laisse au piano , pour se promener sous les char-
milles, eu chuchotant avec un hussard? Ya^^t-elle aux eaux? A-t-elle
des migraines?
TATC BUCK.
Jour de Dieu! qu*est^ce que tu dis. là !
YALENTIN. "^''
Cest que si elle ne sait rien de tout cela, on ne lui a pas appris grand*-
chose; car, dès qu*dle sera femme, elle le saura, et alors qui peut rien
prévoir?
VAIIBgCK.
Tu as de singulières idées sur l'éducatioD des femmes. Youdrais-tu pas
qu'on les suivit ?
YALiimiir. )
- Non; mais je voudrais qu'une jeune fiUe l&t ime herbe dans un bois,
et non une plante dans une caisse. Allons, mon rade, venez aux Tuileries,
et ne parlons plus de tout cela.
TAN BUCK*
Tu refuses mademoiselle de Mantes?
TALEKTIN.
Pas plus qu'une autre , mais ni plus ni moins.
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;A% .RBTOB M8 HBUX MOIIDBS.
TAN BOCK.
To me feras damner; ta es incorrigible. J'avais les plas bellf
rances; ceUe fille-là sera très riche un jour; tu me mineras, et
au diable ; voilà tout ce qui arrivera. Qu'est-ce que c'est ? Qu'est
tu veux?
VALENTIN.
Vous donner votre canne et votre chapeau , pour prendre l'air
vous convient.
TAN BCCK.
Je me soucie bien de prendre l'air! Je te déshérite, si tu refas
marier.
VALENTIN.
Vous me déshéritez , mon oncle ?
VAN BUCK.
Oui, par le ciel! j'en fais serment! Je serai aussi obstiné que
nous verrons qui des deux cédera.
VALBNTIN.
Vous me déshéritez par écrit, ou seulement de vive voix ?
VAN BUCK.
Par écrit, insolent que tu es!
VALENTIN.
Et à qui laisserez-vous votre bien ? Vous fonderez donc un prix d
ou un concours de grammaire latine?
VAN BUCK.
Plutôt que de me laisser ruiner ()ar toi, je me ruinerai tout s(
moD plaisir.
VALENTIN.
Il n'y a plus de loterie ni de jeu; vous ne pourrez jamais tout
TAN BUCK.
Je quitterai Paris; je retournerai à Anvers; je me marierai moi-
s'il le faut , et je te ferai six cousins germains.
VALENTIN.
El moi, je m'en irai à Alger ; je me ferai trompette de dragons,
serai une Ethiopienne, et je vous ferai viogt-quatre petits neveu
comme de l'encre, et bétes comme des pots.
VAN BUCK.
Jour de ma vie ! si je prends ma canne.....
VALENTIN.
Tout beau, mon Qncle! prenez garde, en frappant^ decass4
l)4iQa de vieillesse^
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IL MB fJLZT lURBR VB RIBlf. . '45
▼AN Binai (Vmhnumni).
Ab ! malheoreoi ! tu abuses de moi !
VALBNTlIt.
éooutex-moi; le mariage me répugne; mais pour vous, mon bon on-
de» je me déciderai à tout. Quelque bizarre que puisse vous sembler ce
qoe je vais vous proposer » promettez- moi d'y souscrire sans réserve , et,
de mon côté, j'engage ma parole.
TA5 BUCK.
De quoi s*agit-il ? Dépéche-toi.
VALBNTIir.
Promettez d'abord » je parlerai ensuite.
VA5 BUCK»
Je ne le puis pas sans rien savoir.
TALENTUI.
n le faut, mon oncle ; c'est indispensable.
TAN BUCK.
Eh bien ! soit, je te le promets.
VALBNTIff.
Si vous voulez que j'épouse mademoiselle de Mantes , il n'y a pour cela
qu'un moyen, c'est de me donn^^r la certitude qu'elle ne me mettra jamais
aux mains la paire de gants dont nous parlions.
TAN BUCK.
Et que veux-tu que j'en sache ?
TALS19T1N.
U y a pour cela des probabilités qu'on peut calculer aisément. Con-
venez-vous que si j'avais l'assurance qu'on peut la séduire en huit jours,
j'aurais grand tort de l'épouser ?
TAI« BUCK.
Certainement. Quelle apparence ?...
TALB9IT1N.
Je ne vous demande pas un plus long délai. La baronne ne m'a jamais
vu , non plus que la fille; vous allez faire atteler, et vous irez leur faire
visite. Vous leur direz qu'à votre grand regret, votre neveu reste garçon;
j'arriverai au château une heure après vous, et vous aurez soin de ne pas
me reconnaître; voilà tout ce que je voqs, demande, le reste ne regarde
que moi.
VAN BUCK.
Mtis tu m'effraies. Qu'est-ce que tu veux faire ? A quel titre te pré-
senter?
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▼4LEMWI*
C'est mon affaire; ne me reconnaifisea pa»^ vM tonA ce tel ja tous
charge. Je passerai huit jours au château ; j'ai besoin d'air, et cela me
fera du. bien» Vous y resterez si vous voulez.
VAJg BOCK.
Drriena-ta fou? et que prétends- tu faire? Séduire une jeme fille ea
huit jours ? Faire le galant sous un nom supposé? La belle trouvaille! H
n'y a pas de conte de fées où ces niaiseries ne soient rebattues. Me prends-
tu pour un oncle du Gymnase?
VALENTIN.
Il est deux heures , allons-nous -en chez vous. (Us sortent.)
SCÈNE IL
Au château.
LA BARONNE, CÉCILE, UN ABBÉ, UN MAITRE DE DANSE.
(La baronne , asslBe , caase avec Tabbé en ûiianl de la tapiaserie* Cécile prend
aa leçon de danse.)
LA BARONN£.
C'est une chose assez singulière que je ne trouve pas mon peloton
bleu. ^
L'ABBé.
Vous le teniez il y a un quart d'heure ; il aura roulé quelque part.
LE BlAtTRE DB DANSB.
Si mademoiselle veut faire encore la poule, nous nous reposerons après
cela.
CBGILB.
Je veux apprendre la valse à deux temps.
LE MAITRE DE DANSE.
Madame la baronne s'y oppose. Ayez la bonté de tourner la tête, et de
me faire des oppositions.
L^ABBé.
Que pensez- vous, madame, du dernier sermon? ne Tavez-vous pas
entendu?
LA BABONIIE.
C'est vert et rose , sur fond noir , pareil au petit meuble d'en haut.
L'ABBë»
Plalt-il ?
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LA BttSMNE.
Ah ! pardon , je n*y étais pas.
L'jUBBB.
Xai cm TOHS y aperce voir .
LA BABONNE.
Où donc?
L*ABBé.
A Saint-Roch , dimanche dernier.
LA BA-BOHNE.
Mm oui, très bien. Tout le monde pleurait ; le baron ne feisait que se
moucher. Je m'en suis allée à la moitié , parce que ma voisine a?aît des
odean, et que Je suis dans ce moment^i entre les bras des liomœopathes»
LE BIAITRE DE DANSE.
Hademoiseney f ai beau vous le dire, vous ne faites pas d'oppositions.
Détooroez donc légèrement la tête, et arrondissez-moi les bras.
CÉCILE.
Mais, monsieiiry quand on veut ne pas tomber, il faut bien regarder
devant soi.
LE MAITRE DE DANSE.
Fi donc! C'est une chose horrible. Tenez, voyez; y a-t-il rien déplus
simple? Regardez-moi ; est-ce que je tombe? Tous allez à droite, vous
regardez à gauche ; tous allez à gauche , tous regardez à droite; il n'y a
ricD de pins naturel.
ÏLA BABOlfHE.
Cest une chose inconcevable que je ne trouve pas mon peloton bleu.
céciLE.
Maman , pourquoi ne voulez-vous donc pas que j'apprenne la valse à
deoxiÊinps?
LA BARONNE.
Parce que c'est iudécent. Avez-vous lu Joeelyn ?
l'abbé.
^U madame, il y a de beaux vers; mais le fond, je vous l'aTouerai...
LA BARONNE.
Le foDd est noir; tout le petit meuble l'est; vous verrez cela sur du
palissandre.
•OëcILE.
^, maman, miss Clary valse bien, et mesdMn^iseUesëelltimbaut
aussi. *
LA BicBONNE.
^ Clary est Anglaise , mademoiselle. Je suis sûre , ïé!bbé^ qve vm»
▼«»èies assis dessus.
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! sur màm Ckry !
LÀ B1S099B.
Eli!c*estiiioopeloCoOyle ToiUu Noo , c*est do rcNige;oà est-âpasé?
L*ABB<.
Je troQTe la scène de Tévèque fort belle; il y a certaineiDenl du gé-
nie , beaucoup de talent , et de la facilité.
CÉGILB.
Mais, maman, de ce qu'on est Anglaise , pourquoi eit-oe déoeat de
▼aber?
I.A. BAAORlfB.
n y a aussi un roman que j'ai lu » qu'on m*a enroyé de cliex M oogie.
Je ne sais plus le nom , ni de qui c'était. L*aTez-Yous lu ? Cesi a»ez bien
écrit.
L*ABBé.
Oui y madame. H semble qu'on ouvre la grille. Attendez-Tons quelque
visite?
LA BÂBON5E.
Ah ! c'est vrai ; Cécile , écoutez.
LB HAITBB DB DANSE.
Madame la baronne veut vous parler, mademoiselle.
l'abbé.
Je ne vois pas entrer de voiture; ce sont des chevaux qui vont sortir.
ctoLBy s'approcbaot.
Vous m'avez appelée , maman ?
LA BABONNE.
Non. Ah! oui. Il va venir quelqu'un; baissez-vous donc que je vous
parle à l'oreille. Cest un parti. Etes-vous coiffée?
CÉGILB.
Un parti ?
LA BABOIfNB.
Oui y très convenable. — Yingt-cioq à trente ans, ou plus jeune; non»
je n'en sais rien; très bien; allez danser.
céciLB.
Biais, maman , je toulais vous dire...
LA BABONNB.
Cest incroyable où est allé ce peloton. Je n'en ai qu'un de bleu, et il
faut qu'il s'envole.
(Entre Van Bock.)
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a IIB FAUT JURER DE RWf. 4t
TAN BOCK,
ibdaiiie la Baronne , je vous souhaite le bonjour. Mon neveu n-a pu
Tenir avec moi; il m'a chargé de tous présenter ses regrets , ei d'eicuser
son manque de parole.
LA BAROlfNB.
Ah, bab! vraiment? il ne vient pas? Voilà ma fille qui prend sa le-
{oo; permettez-vous qu'elle continue? Je Tai fait descendre , parce que
€*est trop petit chez elle.
TAN BUCK.
Tespère bien ne déranger personne. Si mon écervelé de neveu...
LA BARONNE.
Vous ne voulez pu boire quelque chose? Asseyez-vous donc. Com*
ment allez-vous?
TAN BUCK.
Mon neveu , madame , est bien DIché...
. LA BARONNE.
Écoutez donc que je vous dise. L'abbé, vous nous restez, pas vrai?
Eh bien ! Cécile, qu'est-ce qui t'arrive ?
LB MAITRE DE DANSE.
Mademoiselle est lasse, madame.
LA BARONNE.
Chansons! si elle était au bal » et qu'il fût quatre heures du matin,
elle ne serait pas lasse , c'est clair comme le jour. Dites-moi donc , vous :
(bit i Yen Back) est-ce que c'est manqué ?
TAN BUCK.
J'en ai peur; et s'il faut tout dire...
LA BARONNE.
Ah, bah ! il refuse ? Eh bien I c'est joli.
VAN BDCK.
Mon dieu, madame, n'allez pas croire qu'il y ait là de ma faate en
rien. Je vous jure bien par l'ame de mon père...
LA BARONNE.
Enfin il refuse , pas vrai ? C'est manqué ?
TÀN BUCK.
Mais , madame , si je pouvais , sans mentir... .
LA BARONNE.
(On entend an grtnd tamalte an dehoo.)
Qu'est-ce que c'est? regardez donc , l'abbé.
TOHSTU. 4
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IMâDM, c'fSttHke iratere yenée demlla porte ie4ftâlBM.4M«p-
pone îd ttn jemeàonoie fui teoiUe privé detenikBttit.
L4 BARONNE.
Ah ! mon Diea, un mort qai m*àntf e ! Qu*oû arrange vite la chambre
verte. Tenez , Yan Buck , donnez-moi le bras. ( Ils ratait. )
ACTE DEUXIÈME.
SCÈNE PAËMIE&E.
Une allfe «nu atte dunnille.
Entrent VAN BUCK et VALËNTIN, qui a le bras en écharpe.
VàM
Est-il possible, malhenreux garçon^ ^qoeia te«Qi8réeUeittnit4éaii le
bras?
VALENTlN.
Il n*y a rien de plus possible; c'est même probable, et, qui pis est,
assez douloureusement réel.
VAN voaL.
Je ne sais lequel , dans cette afiaire, e&t le plus à blâmer de nous deux.
Vit-on jamais pareille extravagance !
VAtENXlN.
Il fallait bien trouver un prétexte pour m'introduire convenablement.
Quelle raison voulez-vous qu'on ait de se présenter ainsi incognito à une
famille respectable? J'avais donné un louis à mon postillon en lui deman-
dant sa parole de me verser devant le château. C'est un honnête homme,
il n'y a rien à lui dire , et son argent est parfaitement gagné ; il a mis sa
roue dans le fossé avec une conetanee hérûîque. Je me sois démis le bras,
c'est ma faute ; mais j'ai versé, et je ne «e plains pas. An contraire , f en
suis bien aise ; cela donne aux choses mi air de vérité qui intéresse en ma
faveur.
VAN BUCK.
Que vas-tu faire? et quel est iea ilenein ?
VÎMLBNTIN.
Je ne viens pas du tout idiKnir épewer ]MtileBiQiaeUedeMiiiM,«aii)
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QmqoeBent pour tous pnmverqiiejfai|MktorldeFé|MHiser..M0Dplaaeit
lailv ma toturie pointée ; et , josquHci > tout va à jmerreUle^ Voua avet tenu
votre promesse comoie Ré^ua ou HçnumL Voua, ne m'avez pas appelé
mao ueveu, c'est le principal et le plus difficile ; me voilà reçu» hébergé,
cooché dans une bell^ chambre verte, de la fleur d'oraage sur ma table,
et des rideaux blancs à moo lit. C'est une justice à rendre à votre ba-
ronne, elle m'a aussi bien recueilli que mon postillon m'a versé. Mainte-
nant, il s'agit desavoirs! tout le reste ira à l'avenant. Je compte d'abord
faire ma déclaration , secondement' écrire un billet
vàn buck.
Cest inutile, je ue souffrirai pas que cette mauvaise plaisanterie s'a-
chève.
VALBUTIN.
YùQB dédire ! comme vous voudrez; je me dédia aussi snr-ie-champ^
VAN BDClt.
liais, moD neveu
VALBWTIIf.
Dites un mol , je reprends la poste et retourne à Paris ; plus de parole,
plus de mariage; vous me déshériterez si vous voulez.
TAIf BUCK.
C'est un guêpier incompréhensible,, et il est inoui que je sois fourré lé.
Mais eufio , voyons , eiplique-toi !
VALBÎfnif.
Songez, non oncle, à notre traité. Vous m'avez dit et accordé que, s'il
étiût prouvé que ma future devait me ganter de certains gants, je serais
nn (bu d'en faire ma femme. Par conséquent, l'épreuve étant admise,
vous trouverez bon, juste et convenable qu'elle soit aussi complète que
possible. Ce que je dirait sera bien dit; ce que j'essaierai, bien essayé,
et ce que je pourrai faire, bien fait; vous ne me chercherez pas chicane,
et j'ai carte blanche en tous cas.
VAK BDCK.
Mais,, monsieur, il y a pourtant de certaines bornes, de certaines cho-
ses—Je vous prie de remarquer que si vous allez vous prévaloir — Mi-
séricorde I comme tu y vas!
VALENTUf.
Si notre future est telle que vous la croyez et que vous me l'avez re-
présentée, il n'y a pas le moindre danger, et elle ne peut que s*en trouver
plus digne. Figurez-vous que ja scûale premier venu ; je suis amoureux de
andemoiselle de Mantes, vertueuse éfouse de Valentin VanBudt ; songez
4Rwne,la jeune^e da jour est ^treprenante et hardie l qœ ne fait-on
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52 ' BETOB nt mm MOWMt.
paSy d'ailleun, quand on aime? QoeUes escafodet, quelles lettres de quatre
pages y quels torreus de larmes, quels conaets de dragées ! Deranl quoi
recule un amant? De quoi peut- on lui demander compte? Quel mil
fait-il y et de quoi s'offenser ? il aime, 6 mon oncle Van Buck ! Rappelei-
vous le temps où tous aimiez.
TAN BUCK.
De tout temps j'ai été décent , et j'espère que vous le serez, sinon je dis
tout à la baronne.
VAI^ENTIM.
Je ne compte rien faire qui puisse choquer personne. Je compte d'abord
faire ma déclaration; secondement, écrire plusieurs billets; troisième-
ment, gagner la fille de chambre; quatrièmement, rôder dans les petits
coins; cinquièmement , prendre l'empreinte des serrures stcc de ladre
à cacheter; sixièmement, faire une échelle de cordes, et couper les Titres
aTCC ma bague; septièmement, me mettre à genou par terre en rèct*
tant /a Nouvene Hélotte: et huitièmement, si je ne réussis pas, mutiler
noyer dans la pièce d'eau ; mais je tous jure d'ôtre décent, et de ne pas
dire un seul gros mot , ni rien qui blesse les couTcnances.
VAN BUCK.
Tu es un roué et un impudent ; je ne souffrirai rien de pareil.
VALBNTIN.
Mais pensez donc que tout ce que je tous dis là , dans quatre ans d'ici
un autre le fera, si j'épouse mademoiselle de Mantes; et comment Toulez-
Tous que je sache de quelle résistance elle est capable, si je ne l'ai d'abord
essayé moi-même? Un autre tentera bien plus encore, et aura dcTsat
lui un bien autre délai; en ne demandant que huit jours, j'ai lait un acte
de grande humilité.
TAN BUCK.
Cest un piège que tu m'as tendu ; jamais je n'ai préTU cela.
YALENTIN,
Et que pensiez-TOus donc préToir, quand tous stcz accepté la ga-
geure?
TAN BUCK.
Mais, mon ami, je pensais, je croyais— je croyais que tu allais
faire ta cour... mais poliment... à cette jeune personne , comme par
exemple, de lui... de lui dire... On si par hasard... et encore je n'en sais
rien... Mais que diable I tu es effrayant.
TAI^KTIN.
Tenez! Toilà la blanche Cécile qui nous arriTe à petits pas. Entendex-
Tous craquer le bols sec? La mère tapisse aTCC son abbé. Vite, fourrea-
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IL NB FAUT maBR DE RIEH. 53^
fOQS dans la charmille. Voua serez témoin de la première eacarmpuche ,
a Toos m'en direz votre avis.
VAN BOCK.
To r^poaseras si elle te reçoit mal ? (H se cadie dans la channille.)
VALENTIM.
Laissez-moi faire, et ne bougez pas. Je suis ravi de vous avoir pour
specuteur, et Fennemi détourne Tallée. Puisque vous m*avez appelé fou»
je veux vous montrer qu'en fait d'extravagances, les plus fortes sont les
meilleores. Vous allez voir, avec un peu d'adresse, ce que rapportent les
blessures honorables reçues pour plaire à la beauté. Considérez cette dé-
marcbe pensive, et faites- moi la grâce de me dire si ce bras estropié ne
inesiedpa& Eh ! que voulez-vous ? C'est qu*on est pâle; il n'y a au monde
que cela:
Un jeune malade à pas lents
Surtout, pas de bruit; voici l'instant critique; respectez la foi desser-^
Bwns. Je vais m'asseoir au pied d'un arbre, comme un pasteur des temps
passés.
( Entre Cécile un livre a la main. *)
VALBNTIJÎ.
I>éjà levée , mademoiselle , et seule à cette heure dans le bois?
CÉCILE.
C'est vous, monsieur? je ne vous réconnaissais pas. Comment se porte'
votre foulure?
YALEMIN, àpart.
^ Foulure ! Voilà un vilain mot. ( Haut;) Cest trop de grâce que vous mo
foites, et il y a de certaines blessures qu'on ne sent jamais qu'à demi. ^
CÉCILE,
Vous a-t-on servi à déjeuner ?
VALENTIN.
Vous êtes trop bonne; de toutes les vertus de votre sexe, l'hospitalité
est la moins commune, et on ne la trouve nulle part aussi douce, aussi
précieuse que chez vous; et si l'intérêt qu'on m'y témoigne...
CECILE.
Je vais dire qu'on vous monte un bouillon. (Elle sort. )
VAN BOCK, rentniDt.
Turépooseras! tu l'épouseras! Avoue qu'elle a été parfaite. Quelle
naïveté! quelle pudeur divine! On ne peut pas faire un meilleur choix»
YALBNTIN.
^n moaieot, mon oncle, un moment; vous allez bien vite en besogno^
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Pourquoi pas? H n'eu faut pas plus; tu.voîsclaireaieDi à qui tuas af-^
faire, et ce sera toujours de môme. Que tu seras heureux arec cette
fenune^là ! Allons tout dire à la baronne; je n^e charge de l'apaiser.
VALEMTIN.
Bouillon! Gomment une jeune fille peut-elle prononcer ce motpU?EIIe
me déplaît; elle est laide et sotte. Adieu , mon oncle , je retourne à
Paris.
VAN BUCK.
Plaisantez-Yous? où est votre parole? Est-ce ainsi qu'on se joue de
moi? Que signifient ces yeux baissés, et cette contenance défaite? Est-ce
à dire que vous me prenez pour un libertin de votre espèce » et que vous
vous servez de ma folle complaisance , comme d'un manteau pour vos mé-
chans desseins? N'est-ce donc vraiment qu'une séduction que vous ve»
nez tenter ici sous le masque de cette épreuve! Jour de Dieu! ^ je le
erofaîsl...
VAUINTIN»
Elle me déplaît , ce n'est pas ma faute , et je n'en ai pas répondu^
VAN BUCK.
En quoi peut-elle vous déplaire? Bile est jolie , ou je ne m'y connais
pas. Elle a le» yeui kmgS'et bien fendus, des efaeveux superbe, une taflle
passable. Elle est parfaitement bieaâeTée; elle sait l'anglais et l'italien ;
elle aura treme mille livret d» rente , et enaUendaat une très beUe det.
Quel reproche pouvez-vous lui faire , et pour quelle raison n'en voulez-
vous pas ?
VAIiBBflN.
Il n'y a jamais de raison à donner pourquoi les gens plaisent ou dé-
plaisent. Il est certain qu'elle me déplaît, elle , sa foulure et son bouillon.
VAN BDCK.
C'est votre amour-propre qui souffre. Si je n'avais pas été là , vous se-
riez venu me faire cent contes sur votre premier entretien , et vous tar-
guer de belles espérances. Vous vous étiez imaginé faire sa conquête en
un clin d'œil , et c'est là o(l le^ bât vous blesse. Elle vous plaisait hier au
soir, quand vous ne Paviez encore qu'entrevue, et qu'elle s'empressait
avec sa mère à vous soigner de votre sot accident. Maintenant, vous la
trouvez laide , parce qu'elle a fait à peine attention, à vous. Je vous con-
nais mieux que vous ne pensez , et je ne céderai pas si vite. Je vous dé-
lénds de vous en aier.
vAMNTnr.
Comme vous voudrez ; je ne veux p^ d'elle; je vous répète que je la
trouve laide , et elle a un air niais qsà est révoltant. Ses yeux sopt grands»
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IL HB FMJT flMlBa fIB
c'est Trai» mais ils ne veulent wkn dire; ses cheveux sont beaux , mais
die a le front plat ; quant à la taille , c'estpeut-^étre ce qu'dkra^leiiâtfiiXy
qooique vous ne la trouviez que passable. Je la félicite desavoir Fitalien,
elle y a peiK-élre plus d*eaprit qu'en français; pour ce ^ui est de sa ^t,
qu'elle la garde ; je n'en veux pas plus que de son bouillon.
VAH BUCC
A-t-on idée d'une pareille tête , et peut-on s'attendre à rien de sem-
blable? Va , va y ce que je te disais hier n'est que la pure vérité. Tu n'es
capable que de rêver des balivernes, et je ne veux plus m^occuper de
toi. Épouse une blanchisseuse si tu veux. Puisque tu refuses ta for-
tune, lorsque tu l'as entre les mains, que le liasard dédde da reste;
cberche-le au fond de tes cornets. Dîea m'est témoin que taa patlepce a
été telle depuis trais ans que nul autre peut-être à ma place. ..
VALENTIN.
Est-ce que je me trompe? Regardez donc, mon onde. Il me semble
90'eUe revient par ici. Oui , je l'aperçois entre les arbres; elle va repas-
ser dans le taillis.
TAN BUCK.
Où donc? quoi? qu'est-ce que tu dis?
YALBKTIN.
Ke voyez-vous pas une robe blanche derrière ces touffes de lilas? Je
ne me trompe pas; c'est bien eHe. Vite, mon oncle, rentrez dans la
àÊtniSk , ^o'oB se bmis souprenne pas «oseflaèle.
VAN BOCK.
A qooi bon y puisqu'elle te déplaît 7
VALBNTIN.
n n'importe , je veux l'aborder, pour q«e vous ne puissiez pas dire que
je Pai jugée trop légèrement.
VAN BUCK.
To l'épouseras si elle persévère? (U se cache de nouveau.)
YALBNTIN.
Chut ! pas de bruit; la voici qui arrive.
CÉClLm y entrant.
Monsieur, ma mère na'a chargée de yow demanëer « vws eompttes
partir aujourd'hui.
VALBNTJN.
Oui, mademoiselle^ c'est mon intention» et j'ai 4emaDdé des chevaux^
CÉCILE.
Cest qu'on fait un whist au salon, «t «que ma mère vous serait bien
obligée si vous vouliez faire le quatrième.
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S6 EEVUB DES BEUX MONDES.
VALBNTfH.
. J'en sois fAché , mais je ne sais pas jouer«
céaLE.
Et si TOUS vouliez rester à dîner, nous avons un faisan truffé.
VALBNTIN.
Je vous remercie ; je n'en mange pas.
CÉCILE.
Après dlneri il nous vient du monde, et nous danserons la mazourke.
VALENTIIC.
£x£usez-moi , je ne danse jamais.
C^ILE.
C'est bien dommage. Adieu y monsieur. (Elle sort.)
VAN BUCK y rentrant.
Ali ça! voyons, l'épouseras-tu ? Qu'est-ce que tout cela signifie? Tu
dis que tu as demandé des chevaux; est-ce que c'est vrai? ou si tu te
moques de moi ?
VALEMIJî.
Vous aviez raison , elle est agréable ; je la trouve mieux que la pre-
mière fois; elle a un petit signe au coin de la bouche que je n'avais pas
remarqué.
VAK BUCK.
Où vas-tu? Qu'est-ce qui t'arrive? Veux- tu me répondre sérieuse-
ment?
VALBNTIN.
Je ne vais nulle part , je me promène avec vous. Est-ce que vous la
trouvez mal faite ?
VAN BUCK.
Moi? Dieu m'en garde ! je la trouve complète en tout.
VALBNTIN.
Il me semble qu*il est bien matin pour jouer au whist; y jouez-voos,
mon oncle ? Vous devriez rentrer au château .
VAN BCCK.
Certainement , je devrais y rentrer ; j'attends que vous daigniez me
répondre. Restez-vous ici, oui ou non? *
VALBNTIN.
Si je reste, c'est pour notre gageure; je n'en voudrais pas avoir le dé-
menti; mais ne comptez sur rien jusqu'à tantôt; mon bras malade me met
au supplice.
VAN BUCK.
Rentrons; tu te reposeras.
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IL MB FAUT lUJtn DB AUDI. 97
VALBNTIH.
Oui» j'ai eavie de prendre ce boailkm qui est là-haol; il faut que j*é-
erbe ; je vous reverrai à dloer.
VAN BUCK.
Ecrire! J'espèfe que cen*est pas à elle que tu écrii^,
VALBNTI5.
Si je lui écris , c'est pour notre gageure. Vous savez que c'est convenu^
VAN BUCK.
Je m'y oppose formellement , à moins que tu me montres ta lettre.
VALBNTIN.
Tant que vous voudrez ; je vous dis et je vous répète qu'elle me plaît
médiocrement.
VAN BUCK.
Quelle nécessité de lui écrire? Pourquoi ne lui as-tu pas fait tout à
riieure ta déclaration de vive voix , comme tu te l'étais promis?
VALBNTIN.
Pourquoi?
VAN BUCK.
Sans doule; qu*estrce qui t'en empêchait? Tu avais le plus beau cou»
rage du monde.
VALBNTIN.
G*est que mon brag me faisait souffrir. Tenez , la vdlà qui repasse une
Iroisième fois ; la voyez-vous là bas, dans l'allée?
VAN BUCK.
Elle tourne autour de la plate-bande i et la charmille est circulaire. Il
n*j a rien là que de très convenable.
VALENTIN.
Ah! coquette fille ! c'est autour du feu qu'elle tourne , comme un pa-
pillon ébloui. Je veux jeter cette pièce à pile ou face, pour savoir si je
Taimerai.
VAN BUCK.
Tâche donc qu'elle t'aime auparavant; le reste est le moins difficile.
VALBNTIN.
Soit; regardons-la bien tous les deux. Elle va passer entre ces deux
toofles d'arbres. Si eUe tourne la tète de notre côté , je l'aime , sinon , je
m'en vais à Paris.
. VAN BUCK.
Gageons qu'elle ne se retourne pas.
VALBNTIN.
Oh! que si; ne la perdons pas de vue.
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Yàm BOCK.
Ttt at> rtMoa». ^. iftm , p« cycof» ; elle pawtl iji» aHeiitif nwL
VALBNTlIf.
Je suis sûr qu'elle va se retourner.
VAN BUCK.
Non ; elle avance ; la touffe d*arbres approche. Je suis convainca qn'eLft ^
n'en fera rien.
VALENTIN.
ElhS' doit pmirtaAl nous voir; rien ne nous cache; je voos dis qa*dlft ^^
retournera.
VAN BUCK.
Elle a passé 9 tu as perdu.
VALENTIN.
Je vais lui écrire , ou que le ciel m'écrase I H faut que je sache h qimoi
m'en tenir. C'est incroyable qu'une petite fille traite les gens aussi lég^â—
rement. Pure hypocrisie ! pur manège ! Je vais lui dépécher un billet ^so^
règle; je lui dirai que je meurs d'amour pour elle, que je mé suiscas^^
le bras pour la voir, que si elle me repousse, je me brûle la cervelle , ^^
que si elle veut de moi Je l'enlève demain malin. Yenez^ rentrons, je vecv.^^-
écrire devant vous.
VAM BUCK.
Toufc beau 9 mon neveu , quelle mouche vous pique ? Vous nous fer^^^
quelque mauvais tour iei.
VALENTIN.
Croyez-vous donc que deux mots- en l'air puissent signifier quelqc:^^
chose ? Que lui ai-jc dit que d'indifiérent , et que m'a-t-elle dit ell*^^'^
même? Il est tout simple qu'elle ne se retourne pas. Elle ne sait rien , ^^^^
je n'ai rien su lui dire. Je ne suis qu'un sot, si vous voulez; il est possibB-^^
que je me pique d'orgueil et que mon amour-propre soit enjeu. Belle c^*^-*
laide, peu m'importe; je veux voir clair dans son acné. Il y a là-dessoi:^^
quelque ruse, quelque parti pris que nous ignorons; laissez-moi fair^ ^
tout s'éclaircira.
VAN BUCK.
Le diable m'emporte , tu parles en- amoureux. Est-ce que tu le serais ^^
|mr hasard?
VALENTIN.
Non ; je vous ai dit qu'elle me déplati. Faut-il vous rebeHre cent fois ï^^
même chose ? dépêchons -nous , rentrons au château.
VAN BUCK.
Je vous ai dit que je ne veux pas de lettre, et surtout de celle dont vou^
parlez.
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IL im miwt mMk oie Ȏn. W
VALBNTISr,
VeMt UNijoiiFS, nous DOM dédderoBs. {^ sorttnt)
SCÈPŒ IL
Le Salon.
lA BAROr^^nS et L*ABBÉ , deraot tioe table de jeu préparée.
LA BARONNE.
Tous direz ce que vous voudrez , c*est désolant de jouer avec un mort.
"^"^ déteste la campagne à cause de cela.
L*ABB]â.
Mais où est donc M. Yan Buck? est-ce qu*il n*est pas encore descendu?
LA BARONNE.
Je l'ai VD tout à l'heure dans le parc avec ce monsieur de la chaise ,
^i^ni, par parenthèse, n'est guère poli de ne pas vouloir nous rester à
\
L*;^BÉ.
S'il a des affaires pressées. . .
LA BARONNE.
Bah! des affaires, tout le monde en a. La belle excuse! Si on ne pen-
aiit jamais qu'aux affaires, on ne«erait jamais à rien. Tenez, Tabbé^
DOOBS au piquet; je me sens d'une humeur massacrante.
l'aBBÉ , mêlant les cartes.
Il est certain que les jeunes gens du jour ne se piquent pas d'être polis»
LA BARONNE.
Polis ! je crois bien. Est-ce qu'ils s'on doutent? Et qu'est-ce que c'est
s ifètre poli? Mon cocher est poli. De mon temps , l'abbé , on était ga-
l'abbë.
C'était le bon , madame la baronne, et plût au ciel que j'y fusse se !
la BARONNE.
J^anrais voulu voir que mon frère, qui était à Monsieur, tombât de
^^n*08se à la porte d'un château , et qu'on l'y eût gardé à coucher. Il
^^t^it plutôt perdu sa fortune que de refuser de faire oin quatrième.
^^ez , ne parlons plus de ces choses-là. C'est à vous de prendre ; vous
^*«ià kâiaez pas?
l'abbé.
Je n'ai pas un as; voilà M. Van Buck. (Entre Taa Buck.)
hJL BARONNE.
b; èt^Arèiwtis de parler.
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40 RBTUE BB8 BECX MOmES.
VAN BUCKy bas i b btronoe.
Madame, j'ai deoi mots à vous dire qai soni de la dermère importaiice.
Là BAROBINB.
Eh bien! après le marqué.
VàBBÉ.
€inq cartes , valant quarante et cinq.
L4 BARONNE.
Gela ne vaut pas. ( Jl Ytn Buck.) Qu'est-ce donc ?
VAN BUCK.
Je vous supplie de m'accorder un moment; je ne puis parler devant nn
tiers 9 et ce que J*ai à vous dire ne souffre aucun retard.
hk BARONNE M lève.
Vous me faites peur; de quoi s*agit-il ?
VAN BCCK.
Madame , c*est une grave affaire , et vous allez peut-être vous fâcher
contre moi. La nécessité me force de manquer à une promesse que mon
imprudence m'a fait accorder. Le jeune homme à qui vous avez donné
l'hospitalité cette nuit, est mon neveu.
LA BARONNE.
Ah ! bah ! quelle idée !
VAN BUCK.
Il désirait approcher de vous sans être connu; je n'ai pas cru mal faire
en me prêtant à une fantaisie quii en pareil cas , n*est pas nouvelle.
LA BARONNE.
Ah ! mon Dieu ! j'en ai vu bien d'autres!
VAN BUCK.
Mais je dois vous avertir qu'à l'heure qu'il est, il vient d'écrire à mademoi-
selle de Mantes, et dans les termes les moins retenus. Ni mes menaces,
ni mes prières, n'ont pu le dissuader de sa folie ; et un de vos gens, je le
dis à regret, s'est chargé de remettre le billet à son adresse. Il s'agit
d'une déclaration d'amour , et, je dois ajouter, des plus extravagantes.
I LA BARONNE.
Vraiment! eh bien! ce n'est pas si mal. Il a de la tête, votre petit
bonhomme.
VAN BUCK.
Jour de Dieu ! je vous en réponds ! ce n'est pas d'hier que j'en sais quel-
que ehoie. Enfin , madame, c'est à vous d'aviser aux moyens de détonroer
les suites de cette affaire. Vous êtes chez vous; et, quant à moi, je vous
avouerai que je suffoque, et que les jambes vont me manquer. Ouf!
( Il tombe dans «ne chalM. )
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IL NE FAUT JUftEE DE RIBIC.. Gt
LA lARONRE.
Ab ! del ! qu'est-ce que tous avez dooc ? \ ons êtes pAle comme un liiiEe !
Vue! racontez -moi tout ce qui s'est passé, et faites-moi confidence en-
tière,
VAN BUCK.
Je vous ai tout dit ; je n'ai rien à ajouter .
LA BABONNB.
Ab! bah! ce n'est que ca? Soyez donc sans crainte; si votre neveu a
écrit à Cécile, la petite me montrera le billet.
VAK BUCK.
En êtes- vous sûre, baronnet Cela est dangereux.
LA BARONNE.
Belle question! Où en serions-nous si une fiUe ne montrait pas à sa
mère une lettre qu'on lui écrit ? ,
VAN BUCK.
Hum ! je n'en mettrais pas ma main au feu.
LA BARONNE.
Qu'est-ce à dire, monsieur YanBuck? Savez-vous à qui vous parlez?
Dans quel monde avez- vous vécu pour élever un pareil doute? Je ne sais pas
trop comme on fait aujourd'hui , ni de quel train va votre bourgeoisie ;
mais, vertu de ma vie, en voilà assez; j'aperçois justement ma fille, et
vous verrez qu*elle m'apporte sa lettre. Venez , l'abbé, continuons.
( Elle se remet au jeu. — Entre Cécile, qui va i la fenêtre, prend son
oof rtge et s'asseoit à Técart.)
l'abbb.
Qoarante-cinq ne valent pas ?
LA BARONNE.
Kon, vous n'avez rien; quatorze d'as, six et quinze, c'est quatre-
vingt quinze. A vous déjouer. ^'
L'ABBé.
Trèfle. Je crois que je suis capot.
VAN BUCK, bas i la baronne.
Je ne vois pas que mademoiselle Cécile vous fasse encore de confidence.
LA BARONNE, bas à Van Bock.
Tous ne savez ce que vous dites; c'est l'abbé qui la gêne ; je suis sûre
d'elle comme de moi. Je fais rqiic seulement. Cent dix-sept de reste. A
voosàCnre.
UN DOMESTIQUE, entrant.
M. Tabbé, on vous demande; c'est le sacristain et le bedeau du vil-
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6b idÉtiifE i^BS iifiifx vokdes.
Qa'est-ee tftfWs me Yeafent ? je suis occupé.
LA BARONNE.
Donnez vos cartes à Van Buck; il jouera ce conp-ci pour vous.
( L'abbé sort. Van Buck pread M ^ilaoe. )
LA BARONNB.
Cest Yons qui faites» et j'ai coupé. Vous êtes marqué selon toute ap-
parence. Qu'est-ce que vous avez donc dans les doigts ?
VAN BUCK 9 bas.
Je vous confesse que je ne suis pas tranquille ; votre fille ne dit mot, et
je ne vois pas mon neveu.
LA BARONNE.
Je vous dis que j*en réponds; c'est vous qui la gênez; je la vois d'ici
qui me fait des signes.
VAN BUCK.
Vous croyez? moi, je ne vois rien.
LA BARONNE.
Cécile 9 venez donc un peu ici ; vous vous tenez à une lieue. ( Cécile ip-
prodie aoD ftoteuil. ) Est-ce que vous n'avez rien à me dire, ma chère?
CÉCILE.
Moi? non, maman.
LA BARONNE.
Ah! bah ! Je n'ai que quatre cartes, Yan Buck. Le point est à vous; j'ai
trois valets.
VAN BUCK.
Youlez-vous que je vous laisse seules ?
LA BARONNE.
Non; restez donc^ ça ne fait rien. Cécile, tu peux parler devant
monsieur.
CÉCILE.
Moi , maman ? Je n'ai rien de secret à dire.
LA BARONNF..
Vous n'avez pas à me parier?
CÉCILE.
lion» aainsn.
LA BASOUMB.
Cest inconcevable; qu'est-ce que vous venez donc me C9tâBr, Ym
Buck?
VAN BUCK.
Madame , j'ai dit la vérité.
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Ça ne se peut pas : Cécile n'a rien à me c^n^ U ^tkàâSuÊ qq*«H&a'a
rienreçQ.
VAVBUCK, M levant
Eh! mMble»,]^ l'ai vu de mes yeux.
LA BAROimSy se letaal aussi.
Ml flie^ qaTeitrce que cela signifie ? leyez-vous droke^ et rt gaidae*
: moi. Qu'est-c^ que vous avair dams vos poches?
CÉCfLV, pleurant.
MaiSi Baman, ce n'es^pas ma faiite; c'est œ nonrnup qaîn^a écrit.
LA BARONNE.
' Voyons cela. (Cécile donne la lettre. ) Je suis curieuse de lire de son style,
i à ce monsieur, comme vous l'appelez. (Elle lit.)
t Mademoiselle, je meurs d*amour pour vous. Je vous ar vue ITiiver
passé, et, vous sachant à la campagne, j*ai résolu de vous revoir on de
mourir. Xai donné un louis à mon postillon... i>
Ne voudrait-il pas qu'on le lui rende? Nous avons bien affaire de le
«mirj
ta mon postillon, pour me verser devant votre porte. Se'wmnw t%w^
contrée deux fois ce matin, et je n'ai rien pu vous dire, tant votre pré-
sence m'a troublé. Cependant, la crainte de vous perdre, et l'obligation
acquitter le château... »
J*aime beaucoup ça. Qu'est-ce qui le priait de partir? C'est lui qui me
refuse de rester à dloer. '
> me déterminent à vous demander de m'accorder un rendez-vous. Je
*ï«que je n'ai aucun titre à votre confiance... d
La belle remarque, et faite à propos,
'mais l'amour peut tout excuser; ce soir, à neuf heures, pendant ie
^^ je serai caché dans le bois;, tout L&jBionde ici me croira parti, car je
Mrtirai d« château en voiture avatfii diner^ mai» seeleBieat pour faire
quatre pas et descendre, d
Quatre pas! quatre pas! l'avenue est longue; dirait-on pas qu'il n'y a
iv'é enjamber?
* et descendre. Si dans la s^ée voa pouvez vous échapper, je vous
Kleadt; 8lMn> ia me brûle la cervelle. »
Bien.
f la cervelle. Je ne crois pas que votre mère... x>
AW que votre mère? voyons un peu cela.
fasse grande attention à vous. Elle-a une tête de gir.... i»
Jf oosieur Yan Buck, qu'estrce que cela signifie?
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6i HBTUS DBS DKOX MOH]»«.
VAN BUCX.
Je n*ai pas entendu , madame.
LA BAAOKNE.
Lisez vous-même, et faites-moi le plaisir de dire à votre nevea qa'O
sorte de ma maison tout à l'heure , et qu*il n'y meUe jamais les piédt.
y AN BDCK.
Il y a girouette: c'est positif; je ne m'en étais pas aperçn. H m'avait
cependant lu sa lettre avant que de la cacheter.
. LA B4R0N1IB.
Il vous avait lu cette lettre , et vous l'aves laissé la donner à mes goa!
Allez» vous êtes un vieux sot , et je ne vous reverrai de ma vie.
( Elle sort. On entend le brait d*ime foitora.)
VAN BDCE.
Qu'est-ce que c'est? mon neveu qui part sans mol ? Eh! comment ywit-il
que je m'en aille? J'ai renvoyé mes chevaux. Il faut que je coure après
lui. ( Il tort en coarant.)
CBCILB 9 seule.
Cest singulier; pourquoi m'écrit-il , quand tout le monde veut Uen
qu'il m'épouse?
ACTE TROISIÈME.
SCÈNE PREMIÈRE.
Entrent VAN BUGK et VALENTIN» qui frappe à une auberge.
VALBinruf.
Bolà ! hé ! y a-t-il quelqu'un ici capable de me faire une oommisaion?
CNGABÇCm 9 sortant.
Oui, monsieur, si ce n'est pas trop loin; car vous voyez q^^^ ploot à
verse.
VAN BUCK.
Je m'y oppose de toute mon autorité , et au nom des lois du royaiuoe.
▼ALBNTIN.
Connaissez-vous le château de Mantes, id près?
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a. NE FAUT JURER DE RIEN. 65
LB dARÇON.
Qoe oai, monsieur, nous y allons tous les jours. C'est à main gauche ;
OD Je Toit d'ici.
TAN RÛCK.
Ifoo ami y je tous défends d*y aller, si vous avez quelque notion du bien
et du mal.
VALBNTIN.
Il y a deux louis k gagner pour vous. Voilà une lettre pour M"* de
Jbntes, que vous remettrez à sa femme de chambre, et non à d'autres,
et en secret. Dépéchez-vous et revenez.
LE GARÇOlf.
Oh ! monsieur, n'ayez pas peur.
VAN BUCK.
Voilà quatre louis si vous refusez.
LE GARÇON.
Oh! moDseignenr,.!! n'y a pas de danger.
VALBNTIN.
En voilà dix; et si vous n'y allez pas, je vous casse ma canne sur le dos.
LE GARÇON.
Oh ! mon prince, soyez tranquille ; je serai bientôt revenu. (H sort.)
VALBNTIN.
Maintenant , mon oncle, mettons-nous à l'abri ; et si vous m'en croyez ,
bavons un verre de bière. Cette course à pied doit vous avoir fatigué.
(lU 8*aMeoient sur un banc.)
VAN BOCK.
Sois-en certain , je ne te quitterai pas ; j'en jure par l'ame de feu mon
frère et par la lumière du soleil . Tant que mes pieds pourront me porter,
tant qoe ma tète sera sur mes épaules, je m'opposerai à cette action in-
fâme et à ses horribles conséquences.
VALBNTIN.
Soyez-en sûr, je n'en démordrai pas; j'en jure par ma juste colère et
|Mr la nuit qui me protégera. Tant que j'aurai du papier et de l'encre, et
qu'il me restera un louis dans ma poche , je poursuivrai et achèverai mon
dessein, quelque chose qui puisse en arriver.
VAN BUCK.
ITas-tn donc plus ni foi ni vergogne, et se peut-il que tu sois mon
sang? Quoi! ni le respect pour l'innocence, ni le sentiment du conve-
nable, ni la certitude de me donner la fièvre, rien n'est capable de te
toucher!
VALBNTIN.
If Rvez-vous donc ni orgueil ni hpnte, et se peut-il que vous soyez mon
TOMBVIU S
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m ' . «BTI7BriI>ISiaBUX »JM!M»^ >
oncle? Quoi! ni l'insulte que Tour «itiis^fail 9 nlla manière dont on nous
ehuse, ni les iijtfres qu'on fwsia dîtià motreidxarbti^ rittun'eatcapièie
de vous donner du cœur I .
Encore ^r tu éUrsamoareuT^ si je'pouTais-crotreqne'taitd'cxtfaTB-
gances partent d'un motif qui eût quelque chose d'humain ! Mats noirj'ta
n'es qu'un Lovelace, tu ne respires que trahisons , et la plus exécrable
vengeance est ta seule soif et ton seul amour.
VALENTIN.
Encore si je vous voyais pester ! si je pouvais me dire qu'au fond de
l'ame vous envoyez cette baronne et son monde à tous les d tables I Mais
non, vous ne craignez que la pluie , vous ne pensez qu'au mauvais temps
qu'il fait y et le soin de vos bas chtiiés est votre seule peur et votre seul
tourment.
TJM BUCK.
Ah ! qu'on a bien raison 4e 4tre qu^«Mio> ppemière lavle mèDe è «a
précipice I Qui m'eût pu prédire^ce nulis, lorsque le barbier m'a rasé,
et 4^e j'ai nris mon habit aeof , que j&serais 'ce* soir* dans une ^raoçe »
crotté et trempé jusqu'aux os! Quoi! c'est moi! Dieu juste! à mon âge !
II faut que je quitte ma chaise de posie oCi aous étions si bien infitaftés,
il faut que je coure à la suite d'un fou ,. à travers champs, en rase cam-
pagne ! Il faut 4ue je me traîne à ses talons , comme un confident .de tra-
gédie, et Je résultat de tast de sueurs sera ie déshonneur de moaiu>m I
VALBNTIN.
C'est au contraire par la retraite que nous pourrions nous désho-
Borer, et noa par uue glorieuse campagne dont nous ne sortirons ^ue
vainqueurs. Rougissez, mon oncle Vas Buck, mais que ce soit d'une
noble indignatioBsVous me traitez de Lovelace; oui, par ie ciel! ce nom
me convient. Comme à lui, on me ferme une porte surmontée de fières
armoiries; comme lui, une famille odieuse croit m'abattre par uu
affront; comme lui, comme l'épervier, j'erre et je tournoie aux envi-
rons; mais, comme lui, je saisirai ma proie, et comme Clarisse, la sublime
bégueule, ma bien-aimée m'appartiendra.
VAN BUCK.
Âh! ciel! que ne suis-je à Anvers, assis devant mon comptoir, sur
mon fauteuil de cuir, et dépliant mon taffetas! Que mon frère n*esi-îl
mort garçon, au lieu de se marier ù quarante ans passés! Ou plutôt que ne
suis-]e mort moi-même, le premier jour que la baronne de Manies m'a
invité à déjeuner I
VAUUITUC.
î^ie^ regrettez ^pie lemenacnt où, par une fatale faiblesae, vous avez
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IL IIB FAUT JURER DE RIEN. 87
i^éléà cette femine le secret de BOlre> traité. Cest vous qui avez causé
bmal; cessez d6'iii'iajuf4«*r9 moi qai le réparerai. Dout^z^^voo» que cette
petite fillev qui caicbe si bien les billets doux dans les poches de <8oq la-
hiier, ne fût Teoaeau readefr^vous donné.? Oui^ à^coup^sÉreile y«erait
Tenue; donc elle viendra encore mieux cette fois. Par mon patron! je
me fais une fête de la voir descendre en peignoir, en cornette et en pe-
tits soolterB, de cette grande caserne de brique» rooillées ! Je ne l'aime
pas» mais je l*aimerais, que la vengeance serait la pins forte , et tnerait
l'amour dan^ mon cœur. Je jure qu*eile âera ma maîtresse, mais qu'elle
ne sera jamais ma femme; il n'y a maintenant ni épreuve, ni promesse,
ni alternative; je veux qu'on se souvienne à jama\^ dans cette famille du
jour où l'on m'en a chassé.
L'AtlBERGiSTE, sortaot de la maison.
Messieurs, le soleil commence à baisser; est-ce que vous ne me .
ferez pas l'honneur de diner chez moi ?
VALEXTIN.
Si fait; apportez-nous la carte, et faites-nous allumer du feu. Dès
que votre garçon sera revenu , vous lui direz qu'il me donne réponse.
Allons, mon oncle, un peu de fermeté ; venez et commandez le diner.
VAN BUGK.
Ils auront du vin détestable; je connais le pays; c*est un vinaigre
affreux..
l'aubergiste.
Pardonnez-moi; nous avons du Champagne, du chambertin, et tout
ce que vous pouvez désirer.
VAX BUGK.
En vérité? dans un treu pareil ? o'est inpossible ; yous] nous «n im-
posez.
l'aubergiste.
C'est ici que descendent les messageries, et vous verrez si nous
manquons de rien.
VAN BOOK.
Ailons! tâefaons donc de dtner; je sensqve ma mort est proûbiine,
et qae dans pea je ne dînerai pAus. ( lU sortent^ }
SCÈNE IL
A« château. Un mIob.
Entrent LA BARONNE et UABBÉ,
LA BARONNE.
Dieu soit loué, ma fille est enfermée. Je crois que j*en ferai une ma-
ladie.
5,
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68 EEYUE DES DEUX MONDES.
L*ABBÉ.
Madame I 8*il in*est permis de voos domier an conseil , je tous dirai
que j'ai grandement peor. Je crois avoir vu en traversant la cour. «n
homme en blouse , et d'assez mauvaise mine, qui avait june. lettre à la
main.
Là B4B0NNE.
Le verrou est mis; il n*y a rien à craindre. Aidez-moi un peu à ce
bal ; je n*ai pas la force de m*en occuper.
l'abbé.
Dans une circonstance aussi grave, ne pourriez-vous retarder tos
projets?
LA BABONNE.
Êtes-vous fou ? Vous verrez que j'aurai fait venir tout le faubourg
Saint-Germain de Paris, pour le remercier et le mettre à la porte? Ré-
fléchissez donc à ce que vous dites.
l'abbé.
Je croyais qu'en telle occasion, on aurait pu sans blesser personne... '
LA BARONNE.
Et an milieu de ça, je n'ai pas de bougies ! Voyez donc un peu si Dupré
est là.
l'abbé.
Je pense qu'il s'occupe des sirops.
LA BARONNE.
Vous avez raison; ces maudits sirops, voilà encore de quoi mourir. Il
y a huit jours que j'ai écrit moi-même, et ils ne sont arfivès qn*il f a
une heure. Je vous demande si on va boire ça.
l'abbé.
Cet homme en blouse, madame la baronne, est quelque émissaire,
n'en doutez pas. Il m'a semblé ^ autant que je me le rappelle, qu'une de
vos femmes causait avec lui. Ce jeune homme d'hier est mauvaise télé ,
et il faut songer que la manière assez verte dont vous vous en êtes dé-
livrée....
LA BARONNE.
Eah ! des Van Buck ? des marchands de toile ? qu'est-ce que vous voulez
donc que ça fosse? Quand ils crieraient , est-ce qu'ils ont voix? Il faut
que je démeublè le petit salon ; jamais je n'aurai de quoi asseoir
jnonde.
l'abbé.
Est-ce dans sa chambre i madame , que votre fille est enfermée ?
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IL NE FAUT JURER BE RIEN. 69
LÀ BilRONNB.
I>ix et dix font vingt ; les Raimbaut sont quatre; vingt, trente. Qu'est-
ce «lue TOUS dites y Tabbé ?
l'abbé.
Je demande y madame la baronne, si c'est dans sa belle chambre jaune
que mademoiselle Cécile est enfermée ?
LA BARONNE.
Non ; c'est là , dans la bibliothèque; c'est encore mieux ; je l'ai sous la
main. Je ne sais ce qu'elle fait , ni si on l'habille • et voilà la migraine qui
me prend*
l'abbé.
Désirez- vous que je l'entretienne?
, LA baronne.
Je vous dis que le verrou est mis; ce qui est fait est fait; nous n'y poo»
Tons nen.
l'abbé.
Je pense que c'était sa femme de chambre qui causaitavecce lourdaud.
Veuillez me croire » je vous en supplie; il s'agit là de quelque anguille
sons roche , qu'il importe de ne pas négliger.
LA BARONNE.
Hécldémenty il faut que j'aille à l'office; c'est la dernière fois que je
reçois Ici. (Elle sort.)
l'abbé, seul.
n me semble que j'entends du bruit dans la pièce attenante à ce salon .
Ne 8erait*ce point la jeune fille ? Hélas ! ceci est inconsidéré !
CÉCILE y en dehors.
Monsieur l'abbé , voulez-vous m'ouvrir ?
l'abbé.
Mademoiselle y je ne le puis pas sans autorisation préalable*
CÉCILE 9 de même.
'^ La clé est là, sons le coussin delà causeuse ; vous n'avez qu'à la prendre^
tl vous m'ouvrirez.
L*ABBÉ ; prenant la dé.
Vous avez raison , mademoiselle, la clé s*y trouve effectivement ; mais
je ne puis m'en servir d'aucune façon , bien contrairement à mon vou-
loir.
CÉClLEy de même.
Âh ! mon Dieu ! je me trouve mal !
t l'abbé. "" .
Orand Dieu! rappelez vos esprits, le vais quérir madame la baronne.
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79 REVUE MSS DEUX MONDES.
Est- il possible qu'un accident funeste vous ait frappées! subitement? Aq
nom du ciel ! mademoiselle, réponiiez-moi, que ressentez- vous?
CÉCILE de même.
Je me trouve mal I je me trouve mal !
l'abbé.
Je ne puis laisser expirer ainsi une sr charmante perBMiie.,.Bi« f<ii! j^
prends sur moi d'ouvrir ; on en dira cequ'oB voudra. (II ouvre la porte.)
CÉCILE.
Ma fol, r^bbé, je prends sur moi de m'en aller ;'on en dira ce q»*»
youdra. (Elle «»t en coortnt. )
SCÈNE m.
Un peut bois»
Entrent VAN BUCK et VALENTIN.
VALBNTIN.
Larlane se lève et l'orage passe. Voyez ces perles sur les fouilles ; comme
ce vent tiède les fait rouler I A peine si le sable garde l'empreinte de no»
pas; le gravier sec a déjà bu la pluie.
VAN BUCK.
Pour une auberge de hasard » nous n'avons pas trop mal dîné. J'avais^
besoin de ce fagot jQambant; mes vieilles jambes sont ragaillardies. £b
bien ! garçon , arrivons-nous î
VALEMIN.
Voici le terme de notre promenade ; mais si vous m'en croyez , à pré-
sent, vous pousserez jusqu'à cette ferme dont les fenêtres brillent là-bas.
Vous vous mettrez au coin du feu, et vous nous commanderez nn grand
bol de vin chaud , avec du sucre et delà cannelle.
VAN BUCK.
Ne te feras-tu pas trop attendre? Combien de temps vas-tu rester icii^
SoBgedu moinaà tMitBs les psomcsses» etàôtre peètMi mênie temps
que les chevaux.
VALENTIN.
Je vous jure de n'entreprendre ni plus < ni moins que ce dont nous mbh
mes convenus. Voyez, mon oncle, comme je vous cède, et comonQ, .en
tout, je fais vos volontés. Au fait , dîner porte conseil, et je sens bien que^
la colère est quelquefois mauvais ami. Capitulation de part et d'autre.
Vous me permettez un quart-d'heure d'amourette, et je renonce^ toute-
espèce de vengeance. La petite retournera chez elle, nous à Paris, et tout
Bera dit. Quant à la détestée baronne» je lui pardonne en l'oubliant.
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IL wmwkm> 99Km^ » mbk. VI
.\
¥iMf
Cest à merTeille ! Et n'aie pas de.craiate^qu& tu manques de femme
Pour cela. Il n*e$t pas dit qu'une vi«i&i&>lûiUef£Bffa(ilort à d*honnétes gens ,
c^ui ont amassé un bien considérable^ el' qui iie«90iit point mal tournés.
'Vrai l}ieu ! il fait beau clair de lune; cela me rappelle mon jeune temps. -
VALBNTIH,
Ce billet doux que je viens de recevoir, n'est pas si niais, savez-vous?
œtte petite fille a de l'esprit, et 'même t|aelque chose de mieux; oui, il y
^ ^a cosor'dans ces trois lignes ; je ne sais quoi de tendre etide hardi , de
^mr^oai et de brareen même temps ; le rendez- vous qu'elle m'assigne
^esty dtt reste, comme son billet. Regardezcebosquet, ce ciel, ce coin de
verdure dans un lieu si sauvage. Ah! que le cœur est un grand-mattre!
On n'invente rien de ce qu'il trouve, et -c'est lui seul qui choisit tout.
VAN BOCK.
Je me souviens qu'étant à La Ha je , j*eus une équipée de ce genre*
C'était, ma foi, un beau brin de fille; elle avait cinq pieds et quelques
pouces, et une vraie moisson d'tafipaSkQiieUes^ Vénus que ces Flamandes!
On ne sait ce que c'est qu'une fontflietàtiMréseatçiâans toutes vos beautés
pa.risiennes, il y a moitié chair et'meitté'CotOB.
VALENTUi.
Il me semble que j'aperçois desiaenr» q^i'Cffreot là-bas dans la forêt.
4^ ci*est-ce que cela voudrait dire ? Nous traifiierait«on-à l'heure qu'il est?
^est MM deute le bal >qu*Mi prépare ; il y a fétecesoir au ohàteaai
VALENTIN.
Séparons-nous pour plus de sûreté; dans une demi- heure, à la
fex-me.
TAN BDGK.
C6iiidii;.bmmeehaQee, garçon; tu .me coTiteras^onH^Mre^ etiioii»ea
f&<~^ns quelque chanson; c'était notre ancienne manière; pas de fredàkie
qca i ne fit un couplet . (Il chante.)
Ehf vraiment, oui, mademoiselle,
Eh I vraiment oui, nous serons trois.
(^^Icatin sort. On voit des hommes quitrartenttles torches, rèder à travers la fbHSt. En«
trent laimromieet i\kM)é.)
LA BARONNE.
CTcst clair comme le jour; elle esr folié. C'est un vertige qui lui a
l'abbé.
£Ue me crie : « Je^me^trouve mal;» vous conoeverma position.
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72 aBTUE ras racx iioiii>£fr*
VAN BUCKy chantant.
Il est donc bien Tnd,
Cliannante Colcflte»
11 est donc bien vrai
Que pour voire fête» ,
Colin Toni a fUt...
Présent d*nn bouqnet.
LA BARONNE»
Et justement 9 dans ce moment-là , je vois arriveir une voilure. Je n'a
eu que le temps d'appeler Dupré. Dupré n'y était pas. On entre, œ
descend. C'étaient la marquise de Yalangoujard et le baron deVille-
bouzia.
l'abbé.
Quand j'ai entendu ce premier cri, j'ai hésité; mais que voulez-vou^
faire? Je la voyais là, sans connaissance, étendue à terre; elle criait à tn&
tête, et j'avais la clé dans ma main.
VAN BOCK, dianlant.
Qnand il tous l*o!Mt,
Charmanie branette.
Quand il vous l*offrit,
PeUle Colette^
On 4lt qm*il yons prit...
JDn frisson snbit.
LA BABONNB.
Conçoit-on ça? je vous le demande. Ma fille qui se sauve à trav^
champ, et trente voitures qui, entrent ensemble. Je ne survivrai jamais
un pareil moment.
l'abbb.
^ncore si j*âvais eu le temps, je l'aurais peut-être retenue par ^
schaU,... ou du moins..,, enfin, par mes prières, par mes justes obs^
vaticms.
VAN BCCK.
Dites i présent.
Charmante bergère,
Dites à présent
Qne yoQs n*aimez gnère ,
Qn'nn amant constant..*
Yons Issee «n présent.
LA BARONNE.
Cest VOUS, Van Buck? Ah! mon cher ami^nous sommes perdiL'
qu'estrce que ça veut dire ? Ma fille est folle, ^e court les champs ! Avetf
vous idée d'une chose pareille? J^ai quarante personnes chez moi; o^
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IL IfB FAUT HJRBR DE RIEN. 7S
^voilà à pied par le temps qu'il fait. Vous ne Tavez pas Tae dans le bois?
^ile s'est san^ée, c'est comme en rôve; elle était coiffée et poudrée d'un
oôté, c'est sa fille de chambre qui me l'a dit. Elle est partie en souliers
<ie satin blanc; ellora reùvereé l'abbé qui était là, et lui a passé surle
oorps. J'en rais mourir ! Mes gens ne trouvent rien ; et il n'y a pas à dire,
il faut que je rentre. Ce n'est pas votre neveu , par hasard » qui nous
jouerait un tour pareil? Je vous ai brusqué , n'en parlons plus. Tenez ,
«LÎdez-moi et faisons la paix. Vous êtes mon vieil ami, pas vrai? Je suis
mère, Yan Buck. Ah ! cruelle fortune! cruel hasard I que t'ai-je donc
fait? (Elle se met à pleurer.)
TAM BUGE.
Est-il possible , madame la baronne ! vous , seule à pieds ! Vous , cher-
chant votre fille! Grand Dieu! vous pleurez! Ah! malheureux que je
sois !
L'ABBé.
Sauriez-vous quelque chose, monsieur? De grâce, prêtez-nous vos
lumières.
VAW BUCK.
Venez , baronne ; prenez mon bras, et Dieu veuille que nous les trou-
vions! Je vous dirai tout; soyez saus craintç. Mon neveu est homme
d'honneur, et tout peut encore se réparer.
LA BAROHNE.
Ah? bah ! C'était un reodéz-vous ? Yoyez-vous la petite masque ! A qui
se fier désormais? ' (Us sorteat.)
SCÈNE IV.
Une clairière dans le bois.
Entrent CÉCILE ET VALENTIN.
YALENTIN.
Qui est là ? Cécile , est-ce vous ?
CÉCILE.
C'est moi. Que veulent dire ces torches et ces clartés dans la forêt?
VALENTIN.
Je ne sais; qu'importe? Ce n'est pas pour nous.
CâCILB.
Venez là, où la lune éclaire; la, où.vous voyez ce rocher.
VALENTIN.
Non , venez là où il fait sombre ; là, sous l'ombre de ces bouleaux. Il est
pbssible^qu'on vous cherêhe , et il faut échapper aux yeux .
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Tk* .MVVB .Nift-4MRrXr
iC6iiiivvê«drae^cluL9n«iteflllfi;«ù4o i«at^ Je'te^vttffrai.IVe'infOtrpaB
cetttpnwii» t«BMiiiitgr*«t«»«*^^WI^"^^ i wwi en
* n'ai pts'pu ir«iir'pkr«'Tile;Y^a-t*Hièûp-tctnpi qne tous nfat-
MMiéz?
VlLUBItriN.
Depais <|ii^laJ«nB -esidâns le ciel; regarde cette lettre trempée d*<
larmes; c'est le billet que tu m-'as^éarit.
CECILE.
Moteur ! GTeselé vent et laptuietiuî ont pleuré sur cepapfer.
TÀLBlfTIN.
Non y ma Gécile> c'est la joie et l'amour^ c'est le bonheur et le désir.
Qui finquiète? Pourquoi ces regards? que cherches-tu autour de toi?
GéCILB.
C'^t 4nogiiMec;, jft ae me. rwQimais.>faa; M^^al «oli^ «^^
le voir ici.
YALENTIN.
Mon oncle est gris de chambertin ; ta mère est loin et tout est tranquille.
Ce lieu est celui que tu as choisi, et xjae ta lettre m'indiquait.
CÉCILE.
, Votre oncle est gris? Pourquoi, ce matin, se cachait-il dans la char-
mille?
▼JLBVfUI.
Ce matin? où donc? que ^oox'-tit dire?. Je me promenais seul dans le
jardin.
cteu.
Ce matin, quand je vous ai parlé, votre oncle était derrière un arbre.
Est-ce que vous ne le saviez pas? Je Tai vu en détournant l'allée.
YALENTIN.
n faut que tu te sois trompée; je ne me suis aperçu de rien.
CÉCILE.
Oh ! je l'ai bien vu; il écartait les branches ;.€'était peut-être pour nous
épier.
YAmiTRf.
Quelle folie! tù as fèitiun<T«V«t N'to^ parions phis. Dosne-^moi on
baiser.
OBCUiBi.
Oui y mon ami, el ée tout hwa oqm«; asseymHveiialà p«è8'<leraMk
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IL ITE FAirr JURER DE RIEN. *?S
Pourquoi doDc, dans votre lettre d'hier^ ayez-yoas dit du mal dé ma
«ère?
VALENTIN.
X^rdonne-mor; Vest un moment de délire^ et je n'étab pas maître dé
tSÉ€UiE.
lElIe m'a demandé cette lettre, et je n'osais la lui mootrar. Jesro^stfîe
^Xai allait arriver; mais qui est-ce donc qui Favait avertie? Elle n'a pour-
^^çt rien pu deviner; la lettré était là, dans ma poche.
VAUBNTIN.
Pafivre enfant! On fa maltraitée; c'est ta femme de charabfeAqui
^^^nratrahie. Aquisefier enjpareilcas? j
ctoLK.
Oh ! non ; ma femme de chambre est sûre; il n^ avait que fiàiredè lui
^«nner de l'argent. Mais en manquant de respect pour ma mère, vous
"^«viez penser que vous en manquiez pour moi.
VALEriTlN.
N'en parlons plus, p uisque tu me pardonnes. Ne gâtons pas un si pré-
^^îeux moment. Oh! ma Cécile, que tu es belle, et quel bonheur repose
^n toi ! Par quels sermens, par quels trésors puis-je payer tes douces ca-
x^esses? Ah! la vie n'y suffirait pas/ Viens sur mon cœur; que le tien le
:^ente battre, et que ce beau ciel les emporte à Dieu ! ^
céaLE.
Oui, Yalentin, mon cœur est sincère. Sentez m«5 cheveux, comme ils
-sont doux; j'ai de l'iris de ce côté-là, mais je n'ai pas pris le temps d'en
snettre de l'autre. Pourquoi donc, pour venir chez nous, avez^vous caché
'^otrenom?
VALEMTIN.
Je ne puis le dire; c'est un caprice , une gageure que j?a vais faite.
CÉCILE.
Une gageure ! Avec qui donc?
VALENTIN.
Je n'en sais plus rien. Qu'importent ces folies?
CÉaLE.
Avec votre onde , peut-être : n'es^-ce pas?
VALENTIN.
1Ç»0ui. Je t'aimais, et je voulais te connaître, et que personne ne fût
^^ntre nous.
CÉCILE.
Vous avez raison. A votre place, j'aurais voulu faire comme vous.
VALENTIN.
pourquoi es-tu si curieuse, et à quoi bon toutes ces questions? Ne
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76 - EBYUB DBS DEUX MORDES.
m'aimes-tu pas, ma belle Cédie? Réponds-moi oui, et que toat soit
oublié.
CÉCILE.
Oui 9 cher, oui , Cécile vous aime^ et elle voudrait être plus digue d'être
aimée; mais c'est assez qu'elle le soit pour vous. Mettez vos deux mains
daos les mieuues. Pourquoi donc m'avez-vous refusé tantôt quand je vous
ai prié à dîner?
TALBNTIir.
Je voulais partir : j'avais affaire ce soir.
. CÉaLB.
Pas grande affaire , ni bien loin , il me semble; car vous êtes descendu
au bout de l'avenue.
YALBNTIN.
Tu m'as vu ! Gomment le sais-tu ?
CÉCILE.
Ob I je guettais. Pourquoi m'avez-vous dit que vous ne dansiez pas la
mazourke? je vous l'ai vu danser l'autre hiver.
VALENTIN.
Où donc ? Je ne m'en souviens pas.
CÉCILE.
Chez madame de Gesvres, au bal déguisé. Comment ne vousen soa-
venez-vous pas? Vous me disiez dans votre lettre d'hier que vous m'a^
viez vue cet hiver; c'était là.
VALENTIN.
Tu as raison; je m'en souviens. Regarde comme cette nuit est pure !
Comme ce vent soulève sur tes épaules cette gaze avare qui les entoure !
Prête l'oreille ; c'est la voix de la nuit; c'est le chant de Toiseau qui invite
an bonheur. Derrière cette roche élevée , nul regard ne peut nous dé-
couvrir. Tout dort, excepté ce qui s'aime. Laisse ma main écarter ce
voile, et mes deux bras le remplacer.
CÉCILE.
Oui y mon ami. Puissé-je vous sembler belle ! Mais ne m'ôtez pas votre
main; je sens que mon cœur est dans la mienne , et qu'il va au vôtre par
là. Pourquoi donc vouliez- vous partir, et faire semblant d'aller à Paris?
VALENTIN.
Il le fallait; c'était pour mon oncle. Osais-je, d'ailleurs, prévoir que
tu viendrais à ce rendez-vous? Oh ! que je tremblais en écrivant cetto
lettre, et que j*ai souffert en t'attendant!
CÉaLE.
Pourquoi ne serais-je pas venue, puisque je sais que vous m'épouserez?
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IL RB PAOT ICim DB UBM. 17 .
(^MmiftMlèra «t fût qiMlquM pèi.) Qu'avez- VOUS donc? qui vous cha-
gmt? V«M« Y<»arti»M)lr près de moi.
TALBNTUf.
Ce n*esl rien; j*aî cm, «« j*ai cru entendre, — j*ai cru voir quelqu'un
de ce côté.
CÉCILB.
Nous sommes seuls; soyez sans crainte. Venez donc. Faut-il melerer?
Ai-je dit quelque chose qui vous ait blessé? Votre visage n'est plus le
même. Est-ce parce que j'ai gardé mon schati , quoique vous vouliez que
je rotasse ? C'est qu'il fait froid ; je suis en toilette de bal. Regardez donc
mes souliers de satin. Qu'est-ce que cette pauvre Henriette va penser?
Mais qu'avez-vous? Vous ne répondez pas; vous êtes triste. Qu'ai-je
donc pu vous dire? C'est par ma faute, je le vois.
YlLBNTIir. ^
Non, je vous le jure, vous vous trompez; c'est une pensée involon-
taire qui vient de me traverser l'esprit.
céciLB.
Vous me disiez a tu , j» tout à l'heure, et même, je crois, un peu légè-
rement. Quelle est donc cette mauvaise pensée qui vous a frappé tout à
coup? Vous ai-je déplu? Je serais bien à plaindre. Il me semble pour-
tant que je n'ai rien dit de mal. Mais si vous aimez mieux marcher, je ne
veux pas rester assise. ( Elle le lève. ) Donnez-moi le bras, et promenons-
nous. Savez-vous une chose? Ce matin, je vous avais fait monter dans
votre chambre, un bon bouillon qu'Henriette avait fait. Quand je vous ai
rencontré, je vous l'ai dit ; j'ai cru que voiis ne vouliez pas le prendre, et
qne cela TOUS déplaisait. J'ai repassé trois fois dans l'allée; m'avez- vous
vue? Alors vous êtes monté. Je suis allée me mettre devant le parterre, et
je vous ai vu par votre croisée; vous teniez la tasse à deux mains, et
vous avez bu tout d*un trait. Est-ce vrai ? l'avez- vous trouvé bon ?
VALBNTIN.
Oui , chère enfant ! le meilleur du monde , bon comme ton cœur et
comme toi.
céciLB.
Ah! quand nous serons mari et, femme, je vous soignerai mieux
que cela. Mais dites-moi, qu'est-ce que cela veut dire de s'aller jeter dans
un fossé ? risquer de se tuer, et pourquoi faire ? Vous saviez bien être
re^u chez nous. Que vous ayez voulu arriver tout seul, je le comprends;
mais à quoi bon le reste ? Est-ce t|ue vous aimez les romans ?
VALBftTIN.
Quelquefois; allons donc nous rasseoir. (lU se rasseoient.)
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78 WBWVE BSS DBQX JlOmSSi
Je TOUS avoue qa*ils De me plaiseDt guère; ceux que j*ai las ne si-
gDifieat rieD. U me semble que ce ne sont que des mensonges, et que
tout s'y invente à plaisir. On n'y parle que de séductions, de ruses, d'in-
trigues, de mille choses impossibles. Il n'y a que les sites qui m en plai-
sent; j'en aime les paysages et non les tableaux. Tenez, par exemple, ce
soir» -quand j'ai reçu votre lettre et que j'ai vu qu'il s'agissait d'un ren-
dez-vous dans le bois , c'est vrai que j'ai cédé à une envie d'y venir, qui
tient bien un peu du roman. Mais c'est que j'y ai trouvé aussi un peu de
réel à mon avantage. Si ma mère le sait, et elle le saura, vous comprenez
qu'il faut qu'on nous marie. Que votre oncle soit brouilé ou non avec
elle y il faudra bien se raccommoder. J'étais honteuse d'être enfermée;
et, au fait, pourquoi l'ai-je été? L'abbé est venu, j'ai fait la morte; il
m'a ouvert, et je me suis sauvée; voilà ma ruse; je vous la donne pour
ce qu'elle vaut. • ^
VALENTiPr, à part.
Suis- je un renard pris à son piège , ou un- fou qui revient à la
raison?
cécLB.
£h bien! vous ne me répondez pas. Est-ce que cette tristesse va
durer toujours P
VALENTIN.
Vous me paraissez savante ponr votre âge, et en même temps,.au8si
étourdie que moi , qui le soiscoRraie le premier coup de matines.
céciLB.
Pour étourdie, j'en dois convenir ici ; mais , mon ami , c'est que je vous
aime. Vous le dirai^je? je savais que vous m'aimiez, et ce n'est pas d'hier
que je m'en doutais. Je ne vous ai vu que trois fois à ce bal, mais j'ai du
cœur, et je m'en souviens. Vous avez valsé avec mademoiselle de Gesvres,
et en passant contre la porte , son épingle à TitalieUne a rencontré le pan-
neau, et ses cheveux se sont dèrooiés sur elle. Vous en sou venez- vous
maintenant ? Ingrat ! Le premier mot de votre lettre disait que vous vous
en souveniez. Aussi comme le cœur m'a battu ! Tenez ; croyez-moi , c'est
là ce qui prouve qu'on aime , et t^'est pour cela que je suis ici.
VALENTIN , à pari.
Ou j'ai sous le bras le plus rusé démon que l'enfer ait jamais vomi, ou
la voix qui me parle est celle d'un ange, et elle m'ouvre le chemin des
cieux.
CÉCILE.
Pour savante^ c'est une autre affaire ; mais je veux répondre, puisque
vous ne dites rien. Voyons , savez-vous ce que c'est que cela,?
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^Lmnr.
Qi9»? cent él«ilo'à«<kiDHe (k^tx»%rhra?
CÉCILE*
NoD) celle-là qui se moDtre à peine , et qui brille comme une larme.
Tous arez lu madame de Staël ?
CÉCILE.
Oait et le mot de larme me plait^ je ne sais pourquoi, comme les étoiles.
Un beau ciel pur me donne envie de pleurer.
VALEJiTlN.
. Et i moi envie de t*atmer, de te. le dire^ et de vivre popr toi. Cécile,
ttis-tu à. qui tu parles , et quel est l'homme qui ose t'embrasser?
CÉCILE.
Dites-moi donc le nom de maa étoile. Vous n*en êtes pas quitte à si
bon marché,
VÀLEimil.
Eh' bien ! c'est Ténus» Fastre de Tamour; la'plss beHe perle de l'Océaa
desmHts.
GÉCILB»
Non pas; c*en est une plus chatte ^«t^ bien plus digne de respect; vou»
apprendrez à Faimer un jour» quand vous vivrez dans les n>étalries, et
que vous aurez des pauvres à vous; admirez-la , et gardez- vous de sou-
rire ; c'est Gérés , déesse du pain.
VALENTIN.
Tendre enfant ! je devine ton cœur ; tu fais la charité , n'est-ce pas ?
CÉCILE.
C*eslma mère qui me Ta appris; il n'y a pas de meilleure femme an
monde.
TALENTIN.
Vraimeût ? je ne l'aurais pas cru .
CÉQLE.
Ah ! mon ami , ni vous , ni bien d'ïiutres, vous ne vous doutez de ce
qu'elle vaut. Qui a vu ma mère un' quart d'heure, croit la juger sur
quelques mots au hasard: Elle passe le jour à jouer aux cartes, et4e soir
â faire du tapis; elle ne quitterait pas son piquet pour un prince; mats
qoe Dupré vienne, et qu'il lui parle bas, vous la verrez se lever de table,
si (fest un mendiant qui attend. Que de fois nous sommes allées ensemble,
en robe de soie, comme je suis là, courir les sentiers de la vallée, por-
tant la soupe et le bouîllî, des souliers, du linge, à de|)auvres'geos !
Qoe de fois j'ai vu, à l'église, las y^ax des malheureux s'humecter de
|ieuf»l»tBqoe'BMWiière lar regardait l 'Altez , elie a>4bt>U cHétfe^âète ,.et
je l'ai été d'elle quelquefois* >
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Googlj
80 BETUB DBS DEUX MONDES.
VALENTlIf.
Tu regardes toujours ta larme céleste , et moi aussi, mais dans tes
yeux bleus.
CECILE.
Que le ciel est grand! que ce monde est heureux! que la nature est
calme et bienfaisante !
VALENTIN.
«
Veux-tu aussi que je te fasse de la science et que je te parle astronomie?
Dis-moi, dans cette poussière de mondes, y en a-t-il un qui ne sache sa
route, qui n'ait reçu sa mission avec la vie, et qui ne doive mourir en
Faccomplissantî Pourquoi ce ciel immense n'est-il pas immobile? Dis-
moi * s'il y a jamais eu un moment où tout fut créé , en vertu de quelle
force ont-ils commencé à se mouvoir, ces mondes qui ne s'arrêteront ja-
mais?
CÉCILE.
Par l'étemelle pensée,
VALBNTIN.
Par l'éternel amour. La main qui les suspend dans l'espace n'a écrit
qu'un mot en lettres de feu. Ils vivent parce qu'ils se cherchent, et les
soleils tomberaient en poussière , si l'un d'entr'eux cessait d'aimer.
CÉCILE.
Ah! toute la vie est là.
VALENTIN.
Oui , toute la vie — depuis l'Oôéan qui se soulève sous les p&les bai-
sers de Diane , jusqu'au scarabée qui s'endort jaloux dans sa fleur chérie.
Demande aux forêts et aux pierres ce qu'elles diraient si elles pouvaient
parler? Elles ont l'amour dans le cœur et ne peuvent l'exprimer. Je
t'aime! voilà ce que je sais, ma chère; voilà ce que cette fleur te dira,
elle qui choisit dans le sein de la terre les sucs qui doivent la nourrir ; elle
qui écarte et repousse les élémens impurs qui pourraient ternir sa fraî-
cheur ! Elle sait qu'il faut qu'elle soit belle au jour, et qu'elle meure dans
sa robe de noce devant le soleil qui Ta créée. J'en sais moins qu'elle en
astronomie ; donne-moi ta main , tu en sais plus en amour.
CÉCILE.
Tespère, du moins, que ma robe de noce ne sera pas mortellement
belle. Il me semble qu'on rôde autour de nous.
VALENTIN.
Non , tout se tait. N'as-tu pas peur? Es-tu venue ici sans trembler ?
CÉCILE.
Pourquoi? De quoi aurais-je peur? Est-ce de vous ou delà nuit?
TALENTIN.
Pourquoi pas de moi? qui te rassure? Je suis jeune, tu es belle, et
nous sommes seuls.
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IL NE TAUT JURER NC HHEK. 81
ctoLB.
£h bien! qael mal y a-t-il à cela?
VALENTm.
C'est vrai, il n'y a aucun mal; écoute-moi , et laisse-moi me mettre à
-genonz.
CÉCILE.
Qn*avez-Tous donc? vous frissoDuez,
talentIn.
Je frissonne de crainte et de joie, car je vais t'oovrir le fond de mon ,
oœnr. Je suis on fou de la plus méchante espèce, quoique, daAs ce que
je vais favouer, il n'y ait qu'à hausser les épaules. Je n'ai fait que jouer,
lH>ire et fumer depuis que j'ai mes dents de sagesse. Tu m'as dit que les
romans te choquent; j'en ai beaucoup lu, et des plus mauvais. Il y en a
on qu'on nomme Clarisse Harlowe; je te le donnerai à lire quand tu seras
ma femme. Lé héros aime une belle fille Comme toi , ma chère, et il veut
l'épouser; mais auparavant il veut l'éprouver. Il l'enlève et l'emmène à
Londres, après quoi comme elle résiste, Bedfort arrive.... c'est-à-dire,
Tomlioson, un capitaine.... je veux direMorden... non, je me trompe...
Enfin, pour abréger.... Lovelace est un sot, et moi aussi , d'avoir voulu
suivre son exemple Dieu soit louél tu ne m'as pas compris je
t'aime, je t'épouse, il n'y a de vrai au monde que de déraisonner d'a-
mour.
(Entrent Tan Bvek, la baronne, Tabbé, et pivsieara domestiques qnï les éclairent. )
LA BARONNE.
Je ne croîs pas on mot de ce que vous dites. U est trop jeune pour une
Doirceur pareille.
VAN BUCK.
Hélas! madame, c'est la vérité.
LA BARONNE.
Séduire ma fill^! tromper un enfant! déshonorer une famille entière !
Chansons ! Je vous dis que c'est une sornette; on ne fait plus de ces choses-
là. Tenez, les voilà qui s'embrassent. Bonsoir, mon gendre; où diable
TOUS £oarrez-vous ?
l'abbé.
Il est fâcheux que nos recherches soient couronnées d'un si tardif suc-
cès; toute la compagoie va être partie.
VAN BUCK.
Ah ça ! mon neveu , j'espère bien qu'avec votre sotte gageure....
VALENTIN.
Mon oncle, Une faut jurer de rien, et encore moins défier personne.
Alfbed de Musset.
TOME vn. 6
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LES
RÉPUBLIQUES
MEXICA3TŒS.*
PcfwisqiielqBeS'aitfièes/les'T^BWk^ enrproieà
âes dissensions intérieures, iieoeMeiiide lutter péniblement, tan-
lèf omitre raristocratie enrahissante dn pay^, tamèt contre les
prétentions du parti des moines, et tantôt contre l ambition des
chefe mflitaires, sans avoir pu, jusqii*à présent, arriver à on état
de gouvernement stable. Ces affranchis d*un jour, ces esdaves
émancipés, en passant, tout à coup du. jovgabrutissanl des^Espi-
gBols à une eatière indépendance, o*onl su retirer de la libené
eonpiise cpit une hideuse anarchie; ^ux vices contractés par Fha-
bitude d*un long esclavage ils ont joint ceux qui naissent d*une
licence effrénée. Aussi, comme ces malades affaiblis par une lon-
gue diète, que Tusage immodéré des alimens replonge bientôt dans
un état pire que le premier, sont-ils tombés dans une démoralisa-
tion si générale et si profonde, qu^eile parait désormais sans
(I) Ce travail est le résultat conicieneieQx.des observations d^n haanne qmk, pmt sa
position au Mexique, et ses relations avec les principales autorités do pays, s'est trouvé '
plus que personne à même d'étudier les institutions , la religion , les mœurs et la civiU-»
sation du pevple mexicain. (if. du D.)
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LSS bApUBUQUES JKXICAIirES. ^ 6B
Ans remède, et doit mé»itablemeBt les oondiiire à JafMsrte^^delBnr
Deax partis bien tranchés^se disputent la prépondéBanœ^daD» le
gouvernement, le parti des ariiloorates et oeiui des libéraux, ou
pour parler plus juste, le parti des gens en plaœ, qui veulent. oon-
jerverce qu'ils ont, et le parti des gens qui n*ont rien, et quiveu-
lent avoir; car ce n*est que pour les emplois rétribués qu'on secKvwe
€t qu'on se bat. L^agriculiure, TiftdJLisIrie, les arts de toute espèce
^Qt entièrement négligés, une foule d*ambitieux tournent leurs
prétentions vers les ei&plois lucratifs , et veulent, servir la patrie en
quelque .sorte «idgré eUe. Aussi em-ee im eiiipres&ement,Aiii pa-
triotisme, qui pourraient enfanter ii^es luerveiles, ai ûnf)Ottvâit les
preodre au sérieux I c*est un assaut d'intrigues et de cabales pami
les citoyens qui se disputent les places! Il s'en présente des milliens
qoi consentiraient à étce présidens, dès milHets qui se dévouent auK
grades de généraux, de colonels, etc. Il en est de même pour les
emplois civils. Mais oomme la patrie n'a pas besoin de tant de gens
de bonne volonté, tous ceux dont elle ne peut accepter les servioes,
n'oDt d^autre ressource que de chercher à' renverser les éfcis. ffien-
tôtles mécontens se réunissent,, et mus par les «mêmes motifs, ani-
més des mêmes espérances, ils prennent les aitnes, ou,, pour nous
servir de l'expression consacrée danale pays, ils se /n-ononcertt, les
luis au nom de la sainte tâit^fon ^ les autre» pourrlacfé/iemetia la
iibeiU; tous, d* un accord unanime, déclarent leurs adversaires
druiacrntes OU sans^culoOes, tratires, infâmes hngands^Aé» mMùmt
Siuban de la nation^ et soudain entrent en campagne. Ilieurde plus
ordinaire, de plus sinaple et de plus facile qu'une révolution ^mili-
taire a^u Mexique. D est bien rare qu'il se passe un intervaHade
cinq à sixmois sansquton voieappasaitreledpapaaudelaréifollie;
et comme la plupart de ces révidutionsqu^on pottitrait.appeler pk-
nodiques> tournent toujours à bien^ pour ceux qui les enteepren-
Aent, comme les chef» savent toujours habilement en profiter panr
lear propre compte, chacun veut en essayer, depuis legénéraljus-
qu'au caporal. Ceci est rigoureusement vraie
Or, voici comment se fait une révolution militaire : un sergent,
par exemple, se trouve en garnison dans un village avec vingt
hommes ; ce nombre est plus que suffisant pour Texécution de ses
lesseins; un beau matin, Jl lui prend un^accès de patriotisme, il
" k6.
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ik ' RETOB DES DEUX MONBBS.
Yeut servir son idolatradapairia^ en qualité de colonel ou de géné-
ral. Le dimanche» après la messe » il réunit dans un cabaret ses
Tingt soudards : là, après cpielques libations, il prend un um
solennel y se pose en héros , et leur déclare : « que le gouverne-
ment a violé tel ou tel aiticle de la constitution; que la liberté est
menacée, ou que la sainte religion est attaquée; qa*à eux est ré-
servé rhonneur de défendre les glorieuses prérogatives de la na-
tion, et qu*il les guidera dans cette noble entreprise. » Ceux-ci ap-
plaudissent r< rateur en criant : viva! que vlva! Le verre à la main,
ils lui jurent fldéKté, et le proclament colonel ou général. On
convoque el mug ilwitre ajuntamientOf la très illustre municipalité,
qui se compose ordinairement de trois ou quatre rancherot (f)
ou vaquerai^ qu*on fait entrer sans peine dans le complot. Oo t
presque toujours sous la main quelque licencié, homme de plume,
espèce de magister qui est chargé de rédiger en style intelligible,
le plan, c*est-i«dire renoncé des motifs de la rébellion et son but;
puis, séance tenante, on adresse au peuple une proclamation qu
commence à peu près en ces termes : or Peuples de l'univers dn-
Itsél soyez témoins de la justice de notre cause I Nos plaintes ont
retenti jusqu'à vous; les droits du peuple souverain sont foulés aux
pieds, notre sainte liberté attaquée; vous verrez conmie les vail-
lans enfens deMontézuma savent se soustraire à Fesclavage, etc.. •
Le peuple souverain qui lit ces belles choses, s* écrie : Carajo! es
verdad! Vamos, c€ara)o! c'est la vérité, marchons! Chacun alors ceint
sa manchette (2) et monte à cheval. S*il se trouve dans les environs
quelque chef de voleurs, il ne manque pas de venir, avec sa bande,
offrir ses services, qui sont toujours acceptés; on en feit un capî-
taioe, ce qui lui donne Tavantage de piller impunément au nom
de la patrie. On marche sur les villages voisins qu'on soulève,
on ouvre les prisons, et les brigands et les assassins sont associés
aux champions de la mnte cause. La renommée annonce le pro*
nauicionienio, de tous côtés arrivent en grand nombre les mè-
contons et les gens sans emploi; alors les prononcét^ au nombre
de cinq à six cents, prennent le nom d'armée libérairice, répara-
(1) Ranekerot, campagnard!. Vagueras, vachers.
(^ C^est une longue épée sur laquelle sont gravés ces mots pompeux : f(o me taquei
sin razon,'no me envaines tin honora ne me tire pas sans raison , ne me renfaine pi&
MOI honneur.
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LES RiPUBLIQDJSS MEXIOLUIES. 85
triée, on de là foi. Dès que le succès deTient probable , les gens
do parti contraire changent de bannière; s*il y a dans le. camp
ennemi quelque chef qui fasse mine de vouloir tenir bon pour
Tordre de choses existant » on cherche à le gagner à prix d*argent,
et il est bien rare que quelques milliers de piastres ne triomphent
pas de sa résistance. Cest avec de tels élémens que Yannie
mardie de succès en succès; on triomphe, et notre sergent ^
devenu réellement colonel on général , est proclamé sauveur de la
liberté y héros immortel, citoyen bene,meriio de la pairia en grado
keroieq. Voilà, dans toute Texactitude des £aits, ce que c*est qu'une
révolution au Mexique; voilà par quels moyens un danseur de
corde (I), quelquefois un voleur de. grand chemin (2) sont arrivés
aux premières; dignités de la république. Chacun peut goAter de
h présidence ou du généralat, et d autant plus facilement que ceux
qui doivent à quelque mouvement populaire le posté éminent qu*ils
occupent, sont bientèt renversés par un nouveau bouleversement
qui laisse le champ libre à d'autres. Et comment n*en serait-il
pas ainsi, quand dix mille concurrens se disputent la même place?
Aussi devient-elle Tobjet des plus honteuses manœuvres. Pour
y arriver, tous les moyens sont mis en jeu, la séduction, l'argent, "
la prostitution, les intrigues les plus dégoûtantes, les plus infâmes
traJiisons, le poignard m^me; ceux qui savent le mieux en tirer
parti passent pour muchachoé vivos, des garçons de talent, et la
nation n*est nullement effrayée de voir parmi ses excèleniisimos
$ekore$ géneralex, des hommes qui, chez nous, traîneraient le boulet
dans un bagne ; le succès justifie U>ut.
On sent que la conséquence d'un tel état de choses doit être
une corruption générale. dans toutes les classes de la société. En
effet, c*est un débordement de vices effroyables; le vol et Tassas-
rinai se commettent impunément, npn-seulement parmi le peuple,
mais dans la gente decenie; il n*est point de ville où l'on ne voie se
promener dans les rues et marcher, tète levée, des misérables dont
la conscience est chargée de huit oi| dix assassinats. Et qu'on ne
croie pas qu'ils en soient moins estimés; il est très ordinaire d'en-
(1) Le général M.-.» Tan des généraux les plus renommés du Mexique, dansait sur la
ooftie, il y a quelques années, à la Nouvelle-Orléans.
(S) Les généraux Toisa et An§on sont connus de tout le Mexique pour avoir été cheiii
(krotcarv
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V 1UW0B VES DBVX MONDES.
teodrediFâ : dcm'Un. tel aiAssaesiné dix perswaes . hè fBUfèe
caia ignore ces vertus qui fout la base de laiaod^ èumune^iilttlaih
.des de lui ni bonne foi ^Jii confiance, ni délicatesse dans les riappsrte
-ordiuatfes de la vie. AUiài, l'^us laissée vos effetseu dèp6t/Chez
une peiisoUHe que v^us oroyes sûre ; quand vous vous présentei
pour réclamer ce qui vous appartient, vos effets ont été vendus. 8b
homoie qui^e prétend et^que vous croyez votre ami vous>empnuite
pour unAistant, ditHl, votre montre ou quelque autre objet de prii,
il court le jouer, et qu il gagne ou qu'il perde, vous n'en avez plis
^e nouvelles. Ce smit là des espiègleries qu il serait ridicde de
trouver mauvaises. Étes^ous négociant, marchand, industriel, 6t
voulez-<votts daBS' une foiré étaler vos marchandises en public, oe
manquez pas de faice veiller vôtre boutique par deux ou trois sol-
dacs que vous paierez largement; autrement, en un clin d'œS,
vous sere&dévalîsé, car là il n'y a ni police ni sergens de vifle pow
protéger les perscmnes et les propriétés. Gardez-vous d'avoff
jamais de procë» arec personne : si vous n'êtes assez riche pov
acheter les juges, vous^ aurez tort. Veyagez^vous pour vosaffii-
Tes ou* votre plaisir, ayez la précamion de vous munir d'un sabre
bien affilé, d'une paîrc de^piatelets, d'un fusil; car vous allez avoir
bientôt affaive aux hérttSvdé gcaoïdchemin. Surtout toiez-voiis es
i;ardeconlre le domestique qui vous accompagne; dès^u'il eotfOiK
vera Foocasion, il vouspiHeta, et fera mieux encore s'il le peut Vos
armes seules feront voice sAreté.
Dans' les rues, vios yeux sont chaque jour frappés du hideui
spectacle de cadavres qu'on emporte tout sanglans , car là on se
donne un coup de poignard, comme un coup de poing chez une
^nitce nation, puUiquèmefit , en plein jour. Ou^<i un homm^
tombe' assassidé' daais la nue , la foule se rassemble, et en attea-
dant ^u'on mlève le cadavre, les amateurs réunis en cerde décî-
deat si les coups ont été bien portés, et s'ils méritent Tapproba-
lion des eotinaisséurs. Si, en passant, vous demandez la cause de
ce rassemblement : Nada es, sen&r, es una muerficida; ce n^t
rien, seigneur, c'est.un petit meurtre, vous répond-on avec beaa-
coùp de sang-froid. Ces scènes n'excitent pas la moindre émo-
tion parmi les spectateurs. Souvent m^me l'assassin ne prend pas
la peine de se cacher ou de s'enfuir; il se laisse tranquillement
arrêter, car il sait qu'il en sera quitte pour (quelques jours de pri-
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LES. UfePUBLIQUBS MBXKUKMS. 8f *
m. Il£uit(pi.*uir homme soit bîtn xmfaMfèi,. qiriH tk^ammamiàtm
esâ8sa«naat9pour que la Théflua wmwaàodiM^àààsràiia^timffvtJ
ià 60 débarrasser la société. Le saag ansÎQiJB^ jdwiiis*4k» .o«t
tïptprédeux pour qu*oiLle verse légàrement ISêccoBLqiiôprédiiBat
\Mioa delà peine de mort sont ^aflés dietciier lenfs.^rgtnmwi
inslaiégislatioaeriraiiielle d« Mexique > il faiiMwoMBrqBg tsm
loii o'estfpas heMreus.
P^tse*t-eii qu'un penple.q»t s'eetaiaeifttMilfariséaytelîhahttad»
.'Tas^nat, puisse avoir uoe-gtandah^rrieiir pour :les autre»'
ces qai infectent laisodété? OeiWm s^éixMiiienqae iàuatàoaiBék
mbée daas la dépravation la .pbtS'pmfamitf Et.ooameaÉ en
Tait-îl aa^ement, dans un. pays oàUn'ya;aigoiiy«raaD»ent^ ot-
i&,iH'frttod*attCuneespàoe, où'diiaeufto'4^d& jasticeà^Mendte
ledeseitfliAnie, desùretéàefl|)éterqneiri— ffiT-adresse^tiafarce
^ son bras? Il n'en faut paa douter^ hd^naà vientLide oeqaœ te.pnys.
lAi SUIS cesse a#té par des rivéhitiQn8.anasi ftnesles qu;elte8
Dtridicaksjileet mposstMe que te^ hommes tmoinletttionBés^
U'en traerre dain.la:répiibliqney pmsscne opérer les Téformes
hMaires», pro^poser les masures que cédana. rîmérét géttéval,
que les iastîtations. aient t le temps dft-s'affMnBiiittt deseceaso*-
er. Mais, aDur.le deoMUMloBs, qnds avastaips peuvent réaulr
r* peur un pays» de révolutios6f«itrepr»esfnr vm.fÊÛtm&aàÊt9
^factieux daosla^eidevue deisaiisfeûre mmambittoapersonttelle
on honteux égoïsflie? Unenatîon dast* les cbtfedoaneaf Texeorple
rifluieraliié, et ne- »»croieirtilgyés:aiiBL pi—iAres charges^de
titqpeponrenexirieîterles pnfits^et sodispater coonBoune
rie les iianneni»«t la puissasce, est (U}A sur tependnntdesa
M. An reste» le pei^ mexîcaio Im^mém» aai^eodre A aonpaye
I»rà3eqa*il mérite: un des koranns tea pins eéiàbres^et tes plus
Iwis dulfexîqa», gouvemenr d!untdes|xnmpaax'états, as*>
rw que dans toute la république on.» tronveraii pas vmgt
naandeUeo pourlagonvemerl
Ksasavmsvu ooomient. se faisait m» rémbàlitfi mSitairanin
^^àqm, esijpnasons raaiatenantia pfajpsjomnw des pvindpans.
toarsdeces drames sang^ans^Les aoldafesso«t^aullesiqae,eei
*itfaBt les MaflMbda en Egypte, cm lesi janissaires à Gensinsits^'
(h, dessérdone^ lesi nidtreft;xar teoation atoigrand ftBilepmr
ttialnBnBade'^dnn;iei0ae.Teut|ipmivoeenperletriégede
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88 RETDE DES DBUX MONDES.
sidénce, qae des hommes à épaulettes : c*est l'année qui commande
et qui dispose de tout. Parions d*abord des officiers. Quand un jeune
homme de ceux qu*on appelle decau , c*est-à-dire de bonne EamiDe,
fôt trop borné ou trop paresseux pour étudier et se faire liceneiado
(avocat), comme il croirait déroger et s*avilir en cherchant dans le
commerce, Tagriculture, les arts ou une industrie quelconque, on
moyen de se faire une existence honorable, il ne lui reste que Val-
ternalive de se faire soldat ou moine; il feut qu'il opte entre Tuni-
forme et le froc; s'il se décide pour le premier, sa famille remue ciel
et terre pour lui faire obtenir le grade de sous lieutenant, et il n'a
pas de .peine à se faire admettre, car pour peu qu'il sache lire et
écrire, c'est tout ce qu'on exige de lui, c'est là le seul examen qol
ait à subir. Une fois le jeune officier lancé dans les premiers grades,
il est sûr de faire son chemin ; en révolutionnant, en vendant sa noble
épée tantAt à un parti, tantôt à un autre , il parviendra rapidement
et pourra devenir général, président même. Cest ainsi que pres-
que tous les officiers de l'armée mexicaine sont entrésdans la car-
rière. Gomme il n'y a au Mexique aucune espèce d'écoles mili-
taires, on ne demande aux officiers nîinstruaion, ni connaissance
de l'art, ni aptitude pour le métier; qu'ils sachent dire aux soldats:
portez armes! marchez à droite, à gauche I c'est là l'essentielJ
Aussi est-il bien certain que le meilleur général mexicain ne serait
pas capable d'être un bon lieutenant en Europe, et qu'en campagne
il serait battu par un sous-officier de notre armée.
Ces officiers n'ont de militaire que le nom ; ils n'en ont même pas
la tournure. Ils portent Toniforme plus mal cpie ne le ferait le plifl
lourd paysan de la Bretagne. D'abord fls sont généralement petitsi
grêles, mal faits, sans poitrine, courbés et disgracieux dans toati
leur personne. A ces défauts de la nature, ils joignent le plus gran^
ridicule et la phis grande négligence dans leur tenue : des épaulettd
d'une grosseur démesurée qui, retombent sur la poitrine, ThaM
déboutonné, laissant à découvert la chemise et les bretelles, l-l
chapeau rond , à larges bords , est leur coiffure ordinaire. Ils soâ
le plus souvent sans cravate et sans épée ; c'est la petite tenue. Lej
jours de fête, et quand ils revêtent le grand uniforme , ils portes
un haut et large chapeau à trois cornes, excessivement élevé, e
surmonté d'une touffe de plumes tellement longues, que toute I
côiffureabien quatre pieds, ce qui contraste merveilleusement ar^
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LES RÉPUBLIQUES MEXIGAIEMSS. 8d
leur taflle, laquelle n*excède pas quatre pieds et demi. La cocarde
est de la largeur d'une assiette ; le ceifituron qui supporte le sabre,
a Irien six pouces de largeur, de sorte qu*il couvre toute la pd-
trine de ces petits hommes. Le col de la chemise , dépassant la cra-
vatte de plusieurs pouces, s'avance en pointes fort en avant du
menton. En regardant de près, on découvre sur leur petite figure
basanée une trentaine de poils disséminés sous le nés, et qui for-
ment moustaches. Ils laissent croître leurs cheveux derrière la
tète, i la manière de nos séminaristes. Leur uniforme e^t chargé
d'or prodigué avec le plus mauvais goût ; rien de plus grotesque-
ment bouffon que de les voir défiler dans leur embarrassant équi-
page, faisant des efforts incroyables pour marcher au pas.
Dn y a parmi les officiers ni tetiue, ni discipline, ni respect des
convenances, ni maintien de grade et de rang ; ainsi, un lieuteniant
s'en va, dans un cabaret, frapper sur l'épaule de son colonel, et
s'enivrer avec lui. Un de ces derniers avouait qu'il n'avait jamais
pu venir à bout de faire aller ses officiers à la manœuvre. En
effet, leur état est ce dont ils s'occupent le moins; et comme leur
service se borne à très peu de chose, ils passent leur temps dans
des maisons de jeu et de débauche. Un capitaine joua un jour sa
solde qu'il venait de recevoir, il la perdit; il joua ensuite les galons
de son pantalon; la chance lui ayant été contraire, il joua et perdit
sesépaulettesl Telles sont les occupations ordinaires de ces mes-
sieurs, depuis le général jusqu'au sergent. Leur solde étant très
inexactement payée, les senores oficialeM ont souvent la bourse plate;
mais il est des moyens de se tirer d'affaire : ainsi, le conmiandant
déserte avec la caisse du régiment, le capitaine avec l'argent de sa
omipagnie, le sergent avec le prêt de son escouade; il n'est pas
jusqu'à l'humble capora} qui n'ait aussi sa petite industrie; il fait
de légers emprunts aux soldats, et quand ceux-ci réclament ce
(pi'ils ont prêté, il ne manque pas de bonnes ou mauvaises raisons
pour se dispenser de payer; s'ils insistent, il les menace de les
ftire déchirer de coups de verges à la première faute qu'ils feront,
et ce moyen est toujours efficace. Quantaux généraux, ils spéculent
plus en grand, et se vendent à quelque parti en armes* Cest ainsi
que, dans la révolution de 1832, le général Valencia qui comman-
dait an corps des troupes du gouvernement, ayant fait au jeu des
pertes considérables , et se trouvant dai» un grand embarras pé*
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"ttWB DBS DOTX mnfDBR)
^y^«6iv«iiditpo«r 20;000}pia9lres9 Iniel les^mns, aupartidt
«géDtealBaDiatsàmaïqvi araît^levé Tétendard Vlè faréVolte; Leimr-
<9i6 Qondta^ oirpona au général vendu uo à'KX>inptG de lâ^liOOpia»-
4rw; le^soir^infate, iltesjoua avec 8cs officiers et îes perdît. ASon
Ajfittdédamer au général Santa-Anna, que s'il ne lui envoyaitpas
lie suite Ito 9fi90 autres piastres, il allait repasser du côté di
-gouvernenieiit. On »*em pressa de le satisFai e, car sa trahison de-
'Vaitiporter wi coup mortel au président Bustamente dont el imrn r-
^Smtia^Atma voulait prendre la place. Nous tenons t^s détails (te
ragoBt'mémeohargé'de négocier cette honteuse transaction.
Du '05té «de la 'bravoure, les porteurs d'épaulettes mexicains œ
sont guère plus reconimandables que du côté de la moralité, de
instruction -et de la capac'té. Quand Tofficier mexicain sort de U
file pour «Ber guerroyer, et rétablir sur quelque point el im^teno
irfe lm4tijtÊ, il s'arme -d^un sabre , ou , pour être plus juste , il saitâ-
«fae-àiun sdbredont la longueur dèmesXirée produit l'effet le fJos
liBarre; il porte, en outre, une lance dont le fer est assez lo!Ç
pcrar enftler trots hommes de suite. Arrivé au lieu du combat,
«chaque ^liBciercrfe à ses soldats : Atleiante, wuchachos! en avant,
enfans l'Mais en même temps ils ont grand soin de se garantir des
projectiles meurtriers, soit en se couchant à plat rentre, pour of-
frir moins ^e surface aux balles ennemies, soit en se cachant pra-
tteroment derrière quelque abri protecteur. D'ailleurs, il est de
règle générale que chaque ofBcier emmène avec lui son bon cheval,
moins pour^*épargner une partie des fatigues de la campagne, qœ
pour s'aider h se tirer de la bagarre, si l'affaire devient trop
chaude. TOs sont les chefs de l'armée mexicaine, hs heroajoi
iniortales, dont les panégyriques remplissent les colonnes des
Journaux du pays; le j^lus souvent les journaux d'Europe se font
le6 échos Kxmiplaisans de ces louanges ridicules.
Parties ohefs>on peut juger des soldats. Il n y a, au Mexique, it
eonsoription, m mode de recrutement déterminé par une loi, n
engagemens'volontaires. On trouve bien des milliers de citoyens
qui coirsentenfvolontier^à servir la patrie en qualité de coioaels ou
dé généraux ; mais personne ne se soucie d'être snnple soldait.
Quanid' Tannée de la république a besoin de se .recruter, on ra-
masse de force tous les vagabonds et gens sans aveu qui se rtn-
contrent; quelquefois, si le nombre -est insuffisant, on ouvre les
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LES RÉPUBLIQUES M£XI€ALNES. 91
fnsonsy et les détenus vont grossir lenombrc des recrues. Ces re*-
"cmes ainsi amalgamées sont enfermées dans des casernes , d'où
^fSles ne sortent , pendant un espace de six mois, que pour bakftr
les rues et pour aller à rexercice, qu'on leur apprend àigrands
%mips de bâton. Cet apprentissage terminé, on leur faiteadossdr
le fourniment, et on leur laisse un peu plus de liberté; mais une
partie ne manque pas d*en profiter pour déserter, et cela presque
toujours impunément; car la république n'a pas de giendarmes
poor les mettre à la recherche des réfractaires et poursuivre les
déserteurs. C'est probablement une des raisons pour lesquelles un
légiment n'est jamais au complet ; on ne compte guère que troîs^
cents hommes par régiment. £n somme, l'armée mexicaine est tràa
peu nombreuse ; elle ne se compose que de septà huit mille hommes
ao plus. Mais si elle a peu de soldats, on ne compte pas moins de
Tingt mille offic ers sur les registres de l'état , tant en activité qu'en
retraite, et tout ce luxe d'étàt-major est alimenté par la< nation.
£n campagne, les armées belligérantes ne sont jamais nombreu-»
ses, car dès que le soldat sent la poudre, il jette ses armes et dé^
serte en bien plus grand nombre encore et avec bien plus de facir
lité qu'en temps de paix. Une réunion de quatre cents hommes en
armes forme une division. S'il y a deux mille combattons, c'est une
groMlewTiiée d'opératiqnn. Or, dans cette grande armée, il se trouve
toujours au moins un millier de femmes, car le Mexicain ne mardie
jamais sans être suivi de sa femme. Après trois ou quatre mofsd»
préparatifs, si la collision devient inévitable, la grande armée d'o-
pérations s*ébranle et marche à l'ennemi. Cet ennemi n'est autre
chose qu'une bande de révoltés, car, jusqu'à présent, les Mexicains
n*ont eu d'autres ennemis qu'euxnnèmes. Si le parti qu'oa va att^f
qoerest encore à une centane deiieues, on reste deux ou trois
Bois en marche , et quelle marche ! ou< plutôt quel désordre I Ënfia^
QDarrive en présence. Là, aucune disposition stratégîcpie, aucune de
de ces manœuvres que conseille la prlidenee el qiii> dénotent' l^babirr
lecé d'un chef. Du plus loia qu'on s'aperçoit, on se provoque de par
rolesvt d^injures. Vmgan^ cobarUex, aleahuetes, cIMûiûs ! Venes , crie-
t-OB-â Fennemi, venezy lâehes I Celui-ci répond sur le» Biteie ton, ^ si
hiea qu'avant de s'atlaquer les armes à b meki, les eombaltens
préludait par unexscène de. nos boutevarts en carnaval. A>larfin^
OBeedédde à^échanger «quelques cou^ defùsU, nuis ^>imet die*
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91 KEVUE DES DEUX MONDES.
tance qui permet de le faire impunément. Tels sont , pendant trois
<m quatre jours, les préliminaires de la bataille; car cest à qui
n'attaquera pas le premier. Les offlcîers, dont la modestie va jus-
qu'à se comparer à nos généraux les plus renommés, disent qu'en
cela ils suivent l'exemple de Napoléon, qui n'attaquait jamais le
premier! Pourtant, comme il faut en finir, on se détermine à en
venir sérieusement aux mains. Le jour fixé pour l'action, après
que chacun a pris son chocolat, on se présente au combat. L'af-
faire commence ordinairement par une canonnade; mais les bou-
lets sont presque tous perdus, les Mexicains n'ayant que de très
mauvais artilleurs. Au premier coup de canon, comme on voit
de part et d'autre qu'il s'agit de se battre pour tout de bon, on
est devenu plus poli ; on cesse de s'injurier ; on craint de mettre son
ennemi trop en colère. Si les coups de canon n'avancent pas h
besogne, on en vient à la fusillade. Dans tous les cas, l'action ne
dure pas long-temps, car aussitôt que l'un des partis voit tomber
sous ses yeux une trentaine des siens, il cède le terrain. Quand on
est repoussé, on ne cherche jamais à se rallier et à rétablir k
combat : on se sauve à toutes jambes ; les officiers donnent Texem-
ple, et comme ils sont à cheval, la fuite leur devient plus focOe.
Cest un désordre, un sauve q^n peut général. A la bataille duGai-
Unero, un officier-général des milices fit, en se sauvant, cinquante
lieues en un jour et une nuit. Il arriva tout hors d'haleine à h
ville qu'il habitait; mais la peur d'être atteint par l'ennemi avait
tellement fait perdre la tête au pauvre homme, qu'il traversa au
galop la rue où il demeurait, et s'en fut frapper à la porte d*ane
église, la prenant pour sa maison. Les soldats qui n'ont pas de
chevaux s'échappent comme ils peuvent, ou se laissent prendre.
L'ennemi ne manque jamais d'en massacrer un certain nombre,
bien que désarmés. Les officiers surtout montrent un acharnement
incroyable pour ces sortes d'assassinats, et frappent à grands
coups de lance ces malheureux prisonniers, se vengeant ainsi»
après le combat, de la peur qu'ils ont eue avant. C'est ainsi qu'à
la bataille du Gallin'ero el valiente coronel Durand massacra deux
cents prisonniers désarmés; c'est ainsi qu'on vit le général Toba
faire percer sous ses yeux à coups de baïonnette un pauvre ofB*
cier qu'on lui avait amené prisonnier. Ceux qui ne peuvent exercei
leur fureur sur des êtres vivans, prennent le barbare divertisse
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LB8 BiPUBLIQUBS MBXICAIRSS. 95
ment de plonger leur épée dans un cadavre, afin de la montrer
avec orgueO, d^oAtante de sang, et foire croire qu'ils ont bataillé
comme desHurat. Les exploits de ces braves guerriers ne se bor-
nent pas là. Après la victoire, on entre dans les vflles ou villages
ennemis, les officiers donnent Texemple du pillage, et Ton voit se
reprôdliire tous les excès qui ont lieu en pareilles circonstances.
Voilà , en réalité , la physionomie des armées mexicaines , et
le portrait Ëdèle des chefs qui là commandent. Mais il faut bien
se garder de ranger sur la même ligne les anciens officiers qui ont
fait la guerre de Tindépendance ; ces derniers ont rendu de grands
services à leur patr!e, ils ont combattu avec courage et long-temps
contre les Espagnols, ils ont véritablement conquis la liberté. D y a
eu parmi ces officiers des hommes d*un grand mérite;' maintenant
ils vivent retirés, gémissant en secret sur l'éUt dabjection où est
tombé leur malheureux pays. Autant on doit conserver d*estime
et de vénération pour ces vétérans de l'honneur et de la liberté,,
autant on doit avoir de pitié pour ces nouveaux parvenus, qui ne
doivent leurs grades et leurs dignités qu'aux désordres et aux ré-
Toimion» dont ils ont été les moteurs; fanfarons de bravoure, qui
n'ont jamais trempé leur épée que dans le sang de leurs concitoyens.
Cest dans cette dernière catégorie qu'il faut ranger le général
Santa-Arina, président actuel de la république. En Europe on parle
beaucoup de cet homme, on se plaît à voir en lui un héros, un nou-
veau Bolivar : on se trompe singulièrement sur son compte. Ce
n'est qu'après dix révolutions qu'il a pu arriver au rang suprême;*
et ces révolutions n*ont pas été le résultait de son patriotisme et de
son courage', mais le fruit de ses perfldes machinations. Comuie mi-
litaire, il n*a ni talens ni )>ravoure ; il a toujours été battu, à Chyaita,
par le général Rinçon; à Vera-Cruz, par Calderon; à Coralfabo, à
Puebla, 3 eût été exterminé, si l'ennemi q^i l'avait vaincu avait sm
profiter de la victoire; il n'a échappé à un désastre complet que jmt
TinhabOeté de ses adversaires. Nous disons qu'U n'est arrivé aa
rang suprême qu'à fDrce de susciter des troubles poétiques; en
eflet, c*est lui qui a, pour ainsi dire, mis à la mode ces intermina^
blés révdutions qui désolent son pays. La première qu*il excita fut
eofltre Iturbide, son bienfa teur, qui l'avait tiré de la foule. D
imitait lait un grand nom et la réputation d'un habile capitaine
par la prétendue défaite des Espagnols à Tampca; mais il est à:
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% B^VDfi ]»BS DEUX
krOOBiiat86&iite«^de tant le «londe q« il était lin»*fiiéiiie battu, e(h
yelo|^ de> toutes pans, et^ur le point de capîtiiler,. quand le gé- ^
serai Téran airiva -à ^son. secours. Cest alors seulement que 1
Barradas, qui avait ? la moitié de ses soldats malades, que la feid- j
]^te a^ait :pdvé de >ses vivres 'et de ses approvisionnemenis, ètq
qui de plus avait reçu de faux renseignemens, fut obligé decé^ :
der. Aussi ambitieux qu'incafMible, Santa- Anna a servi tous les 1
pairtis pour arriver à son^but. Les itberales Font feit président, mais '
eomante ils ne peuvent et ne veulent pas faire davantage, il s'est 1
donné aux aristocrates et aux moines, dans l'e^éranee que rux« ;
eihii décerneront le titre d'empereur. Naguère il défends t lali- \
berté, maintenant il se proclame le restaurateur de la religion, le ]
protecteur duvdergé^ Les libéraux rappelaient le Maismexie(i'ui,k
Mettaient au-dessus <k Washington , de Napoléon ! Ils faisaient de ^
hirles apologiea les phi9 exagérées et les plusridicules ; aujourd'hui
les; jésuites des Cordilières ne voienl^pliis en^lui qu*un nouveau Da- i
vîd, susoilé de Dieu pour la cottserv^siîon et le salut de la ville
saînte; cest un Gédéon, un Maochabée. Notre héros les croit
MH sur parole. En attendant qu'on lui élève un trône (et peut-être :
plus tard un>échafa«d l j, il s'enivre à longs traits de Tencens qu'on
hn prodigue, et reçoit d'un air bénin les flagorneries des moines,
des abbés et des abbesses. CelIcsK^i l'introduisent dans le barefli
dvâeîgneur, où il vamaytijferWeséoKéonsavecles Biles du sanctuaire.
& est devenu bigot, mais b'got de bonne foi. A une grande incapa>> \
dié militaire il joint la lâcheté personnelle; on l'a vu, pendant une j
bflFtaille, se coucher à plat ventrcf derrière un mur. La vie privéede j
FiHustre général n'est guère plus honoirable que sa vie poKtiqœ. \
Bnteit bâtard d'un Espagnol, iln'amense pasreçulamiiérableédt^ |
«aton qu*oadonne au Mexique à la (jentt tlécetUe; sa jeunesse, il Fa i
insdèechaBsdesmaisonsdedèbauchêetde jeu, oà il lui est souvent j
arrivÀdeWsinr josqa'à ses premiers vétemens. Très passionné poof i
bs fennws^t le jeu, et n'étant paer iche, il a eu recours bien des fois, j
]iour Caire face 4 des embarras pécuniaires, à certains expédiens i
qn, d«Bs une aalre nation, reassentfinfiMlliblenient envoyé sfr^ir i
mm les ^èretxdm rvu H fit deaxJau<x pour des sommes ^assez con^
sidéraUesi Ces. pet'tes espiègleries lui at^rèreni quelque» démêlé»
avec la justice; mais comme, aa Mexique, la justice est fort indul-
apMe,,cela A*eiit pas de suites Iftcfaeuses pour lui. T^ ont été ta
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LES?MM»IJQiK8 flEUCUKES. W
âiiiiits. Aii^éÉéialffuréBfdMit. VioàetdeiniiulBtiii pcarroot dfw-
Mr laaieflvrfrcie l^stime tftfi^a fivor son.béveicpM peraflnnai
Lorsqu'il assiégeait Mexico, il y a deoiL^aMy on>AB||ibJsideidK»^
lîiiciikmidési^ le voir ; Je i^éftéffal^le reçntisvr .uBA)ilBQii d^joàdton
dèooiivBât loiiie la. caf)îiade.^iiprès- qiiriqves';m«neii8idei oDorar-
ressenUe ici à Napoléon /an «Krenlàit j> lai dcmnda-^iliMïve^
BMi. il dkaît après lei G0rBbai< île iZacatéoas : <p On parieîfceftu-
coup ée la faataâfe (fléoa, mâs , etivéritéy^UeiaBfestpaEià^o»^
parer avec celle de Zacatécas. a Or, disosa uniBiat'de cette, bataille
de Zacatécas, ga^piée par k^nodenie lKapo&é«ii« Dertouft lea états
meiicaiasy rétat de Zacatéeasiétait leplss tranipBBe.Dfepatsikmgf
tempsUa^ait sa se; préserver. de8rr^(dBtiattSi|Bidéchiraat4e»paj8
voi8iiis.0eeiipé de rexpèoitatioR de 8ea']Biaes.féooaAes,il Aencnaail
dans un état /de prospérité «foi défte(à Sama-^Aima; il faUait^qu'il
Tint le bouleverser. Ceux de Zacatéeas vo«lureui repensser uflèiflH
Juste agresaiuu; Hisisilsiuren(tti:aina« Ban»ceCto.iftou»raMf journée^
«pie les Mexkaifist piaceet en prenère lifpnedaus leurs fastes uûB-
^res, tl périt environ ceuthonMtSy dont les denxtiersfuroit OMt*
uacrés, car Santa-ÀRttaiavaît dunaéordre qu'onfitmaÎB basse sur
lous les officiers. Tel est FhoRBBe! el naemro Nupoieime , ceMiBi
absent lea Jtfexicains. fin Ëttropieeifâvtaiorfa/ Sané*-:inmi,:e/'Macle
Mejictmt^jeiinvtoioéenw (épiilièlesipie les journaux mexicaMis oui
Répétées îusqu*à>saiiélé) ne^aerak pas loapaUe de cunamaadcrrdenx
cents bfiroaies î Qs'o«ii'x>«lDfe pas<^ue s îl est panneuuaux pvemiè*
Yes foncaicMis de la répuUifuey c'^sCique dans, ce pays olmcon peut
j arriver>purles moyens dont il s'est servi, iie»Yévolutioua, rtutr»*
^ue, la fourberie et la trahison. SantanAama passai àidoraiir les deux
^rsdeau vie. Jamais, dans, soaifilépjeiur, oaue Ta- vuiunl vre à
limaÎQ, jamaîs onnera'vu chorcber-à 8'in8lnuire«nqMiî>q^e:eu
Mi; ildk inodeatement qnei la; nature Fa «foiié:â*iDn:f;éDÎa letude
^itposiftioHS ao»|uels Fiétiide, lanatnietitm.et la;iestare.}ue'pouiu
%ent cioD ajouUr. Le pnscipal divertiasement de son exceBeacev
<e sont les oumbata dejcoqs ; JMais cumme il a Miwhitirff dm ref aavt
"de payer quand le œq qu'il fiaitioenubattreosÉnraNNUi^ tes>»feateuft
us se sunctent pas d entrer eu liée avec luL li'acvurioa est une^de
ais^ualkés, mais line aivarice poussée juspi^àlla^piusdégoàtlUM
lUoerie. Quaod il est àlable;aiveo;se8 ottcâers^il a défaut lut
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96 RETUB DES IIEIIX MORDES.
une bouteille de vin dont il se garde bien d*ofFrir à ses conyîyes,
qui sont ainsi réduits à boire de Veau; y est vrai que le vin se
vend une piastre la bouteille.
Par ce qu'on vient de lire, on peut se faire une idée exacte de
l'état actuel de la république; il nous reste à faire connaître la
position des étrangers au Mexique. Peuirétre qu*après avoir exposé
les choses telles qu'elles sont, et dit la vérité tout entière, nous se-
rons assez heureux.pour faire revenir à des idées plus saines ceax
qui seraient encore tentés d'aller chercher fortune dans les nou-
velles républiques du Sud.
Le Mexicain , en effet , est plus à craindre pour les étrangers que
le vomito qui dépeuple ses côtes et le nord de son golfe. La haine
de l'étranger est générale au Mexique, et cette haine est partagée
par toutes les classes,, de sorte que tous ceux que les drconstan-
ces ont déterminés à venir se fixer dans le pays, y sont à peu pris
traités comme l'étaient les juifs en Europe au moyen^àge : honnis,
insultés, persécutés, volés et assassinés, sans que cela tire à con-
séquence. S'ils se montrent dans les rues, le lépreux mexicam
leur Jette, des pierres, et fait retentir à leurs oreilles les cris de :
Dehon les étrùngerg! à mort les èrangers! Les gens appelés dicau
ne les lapident pas, mais ils excitent la canaille. Cette haine a
pour cause principale les préjugés religieux. Les Espagnols ont
fait croire autrefois aux Mexicains qu*eux seuls étaient chrétiens,
que .toutes les autres nations étaient hérétiques, et que par con-
séquent il fallait les détester et éviter tout contact avec^lles. Cette
croyance subsiste encore aujourd'hui dans toute sa force, et les
étrangers sont généralement regardés conune une race de Gains,
maudite et proscrite à jamais.
Un Mexicain disait un jour à un Français : a Vous autres étran-
gers, vous n'avez pour vous dans le pays que les femmes et les
chiens. » Sans doute, parce que les femmes trouvent les étrangers
un peu moins laids et moins disgracieux que leurs créoles basanés
et mal feits , et que les animaux s'aperçoivent que ceux-là les trai-
tent avec humanité. Les prêtres combattent autant qu'Qs peuvent
ce prétendu faible qu*ont les Qlles d*braël pour les Amalécites.
Malgré cette malédiction dont les étrangers sont l'objet, on ren-
contre déjà dans le pays bon nombre de jolis enfans aux yeux
bleus, aux blonds cheveux, dont la présence témoigne aseez que
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LES RÉPUBLIQUES MEXICAmES. 97
ranathëme fulminé contre la race étrangère n*a pas eu son plein
effet. Quoi qu'il en soit de cette préférence des dames mexicaines,
c'est une bi^n faible compensation pour les vexations et les dan-
gers réels auxquels sont exposés les étrangers qui habitent le pays.
La haine des Mexicains est telle qu'on est fondé à redouter un
jour chez eux des vêpres siciliennes. Quelques catastrophes ré-
centes prouvent que ces craintes ne sont pas chimériques. En 1833,
une famille française, établie dans une ferme auprès de Puebla,
fut massacrée tout entière, sans qu'elle eût donné aux habitans
le moindre sujet de plainte , le moindre motif de vengeance. Ce fut
un moine qui ameuta deux ou trois cents lépreux, les conduisit à
la ferme de ces malheureux Français, qui furent impitoyablement
poignardés au nombre de neuf. La maîtresse de la maison sur-
tout fiit traitée avec une barbarie digne de cannibales. Percée de
coups et respirant encore, elle fut attachée à la queue d'un che-
val et traînée au galop; son cadavre fut insulté et souillé par les
assassins. On égorgea jusqu'aux domestiques de la maison, qui
étaient Mexicains, les punissant ainsi d'avoir servi des juifs. A la
même époque à peu près, un Anglais, qu'on avait injustement
onprisonné, fut égorgé dans sa prison par un colonel mexicain,
et ce crime resta impuni. Tout récemment, aux environs d'Aca-
pulco, un officier souleva les habitans du pays contre les étran-
gers, et en massacra cinq, aussi impunément. Mais c'est surtout
à la prise de Zacatécas, par Santa- Anna , que la fureur des Mexi-
cains se montra dans toute sa lâcheté. L'exploitation des mines
avait attiré à Zacatécas un grand nombre d'Européens. Les nobles
soldats de l'illustre général entrèrent dans la ville et se répan-
dirent partout en criant : ilforf aux étrangers! Un Américain fut tué
dans sa maison, et toutes les personnes qui s'y trouvaient bles-
sées et plus ou moins maltraitées; une jeune Française, qui tomba
au mflieu de cette bande d'assassins, fut meurtrie de coups de
crosse, dépouillée de ses vétemens, et traînée dans les rues par
les cheveux, a Ouvrons-lui le ventre, disaient les forcenés, nous
y trouverons un petit juty que nous jetterons aux chiens.» Un Ita-
lien fut blessé et sa maison pillée; quatre Anglais furent éga-
lement blessés, ainsi que plusieurs dames anglaises. Et tous ces
excès demeurèrent impunis I pas un soldat ne fut châtié I Et com^-
l'eussent-ils été, quand les chefs eux-mêmes donnaient
TOME VII, 7
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98^ RKTUE DBS DEUX MOKMA»
Texeraple, et que le général provocpuiil à ces sang^bAtts ergiesf
car^ ayant su ({ue parmi les troupes q^ défeadaiefit Zacatécas il"
se trouvait quatre ou cinq officiers étraBgf»cs^ il arait donné Vor—
dre que Ton massacrât taus^les officiers prisonnierfi, aCn que.
ceuxrci ne pussent lui échapper. Cet ocdre barbare an^it animé se&r
sicaires contre le reste des étrang,ers^ qui, paisiUeraent établis,
dan» la viMe, n*avaient pris aucune paitt ^âj^x évènemens.
Àtt milieu de ces troubles populaijres cpii a^tent presque conti-
nuellement ce malheureux pays^ la vie des. Européens se trouve à
chaqjue instant compromise. Quand il& se rencontrent sur le thé&-
tr& de ces évènemens politiques^ il ne leur reste qu'i s'enfer-
mer chez eux, et tandis que la populace et une soldatesque effré-
née vocifèrent des menaces contre eux, munis de fusils^ de pis-
toleis, et bien approvisonnés de cartouches, ils attendent, dansdes
ang,oÎ6ses mortelles, déterminés à vendre le plus chèrement pos-
sible leurs biens et leur vie. Oui, les étrangers, sont ^dansée pays*»
sans défense et sans protection : les représentans de leurs goi&-
vernemens ne font absolument rien pour leur sùrelé. Quanii
un Européen a été pillé, volé ou assassiné , non par des voleurs
de grand chemin, m*ais par des colonels on des génémnx^ coaia^
à Ziicatécas, le ministre de la nation à laquelle il appartieat
se borne à fa<re, de la manière la plus polie, quelques représent»-
tions insignifiantes au président de la répuUique, et cette démar-
che reste presque toujours sans effet. Mais la faute n*6n est-ell0
pas à nos gouvernemens , qui enivoîent pcMir les représenter daotf
ce pays,, des hommes sans énergie, sans. dignité, des hommes d»
bureau qui ne voient dans leurs fonctions q^ les agrémena qu'elles
procurent et Vargent qu'elles rapportent? Et ce n'est plus aujouff*
d'hui seulement la populace mexicaine qui insulte et maltraite lef
étrangers : cette animosité est partagée par ceux44 rai^nie qui de*
vraient s'étudier à détruire les préjugés qu'on nourrit contre eux.
Quelle peut être leur sécurité,, quand les journaux du pay»et les
pièces officielles, que puUient les dépositaires de l'autorité , ne ces-
sent d'envenimer les mauvaises-passionsde la populace, en leur pro*
diguant la menace et rinjure? Pense-t-on quêteur amour-propre na>
tional n'ait pas à souffrir, lorsque dans ces assemblées qu'on appetts
pompeusement, au Mexique ^ soberano^ ccm^^r^ro^,. ils entendent «n
stupide vaquero se permettre d'insulter la vqa Enroftaï Un des frères
\
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LES RÉPUBLIQUES MEXICAINES. 99
tQmmpu du sénat de Mexico disait dernièrement : a Tandis que
^ la r(ja Europa , cadi.ca y flaquea coda (lia mas ! tandis que la mcîUe
ff Enr> pe tombe en éécrépili de ei maigrit chaque jour davanlage , Hos
t jeniies républiques croissent à Tombre de la liberté!... o Ne se-
rait-il pss temps de foire cesser toutes ces riéicules fanfaronnades?
Qoek égards doit-on à une nanion qui fait profession de mépriser
tODies les autres, de les vouer à Finsulie et au poignard? Croira-
t-on qa*après la bataWe <le Zacatécas, un général, dans Tivresse du
IrioiDpbe, disait à un étranger : tr Vous voyez à présentée que nous
lavoDs faire, et que nous ne craignons aucune nation du monde;
ROQs alkMs maintenant donner une bonne leçon à nos insoloas voi-
sins du norâ (les Américains), et ensuite à rorgueilleuse Angle-
terre.—Mais, reprit raut<re,ii'étes-TOus pas d*avisii*en faire autant
i l'égard de la Russie et de la France? — Peui-ôtre... un peu
fias tard; jusqo^à présent, nous^n'avons pas trop à nous plaindre
de 088 deux puissances! — - «Que ia France se rassure pourtant :
il faudrait que ei immnrial Santa-Anua passât les mers avec ses
lépreox mexicains, et la marina national de la jeune république
consiste en.... une goélette de six canons!!
La position des sujets européens au Mexique est plus précairo
encore depuis que le parti des moines a le dessus. On conçoit,
en effet, que les moines soient les plus grands ennemis des
étrangers, car ils savent qne par leur contact avec ceux-ci,
i^llei'caîns ne peuvent manquer de sortir de ^abrutissement
^^ ils les tiennent plongés; aussi ne •cesseat-tls de sotflever
contre eux la colère du peuple, qui, dans son aveuglement et ses
"ottes préventions, ne voit pas tout ce dont il est redevable aux
^ropèens. €e sont les droits perçus sur les importations ét^an-
C^squi alimentent et soutiennent stm igouvernement ; s'il s est
^troduit quelques améliorations^ de quelque genre que ce soit,
^iansses institutions, dans ses mœurs et jusque dans les commo-
<lil*s de la vie; s'il y a dans la capitale quelque mouvement, quel-
<pe commerce, quelque luxe, c'est aux étrangers qu'il le doit.
Si le riche a une habitation commode, dos meubles somptueux
6t de bon goût, s*il porte un habit de drap fln et d*une coupe
gracieuse, il doit en remercier l'industriel étranger qui est venu
de deux mille lieues lui révéler des jouissances qu'il ne connais-
sait pas. Si la piquante Mexicaine porte à ses jambes de riches
7.
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100 RRTUB DES DEUX MONDES. '
bas de soie, si ses jolis pieds sont enfermés dans une chanssu^
d*une forme élégante, elle doit une tendre reconnaissance à I'oki
yrier étranger. Si la mantiUa^ son Costume ordinaire, qui n*ét^
autrefois qu un froc de religieuse , est devenue aujourd'hui ukii
mise des plus élégantes, qui relève infiniment ses attraits naturels,
c*est parce qu'une modiste française est venue apporter dans sa
confection les améliorations du bon goAt, en y adaptant la ceuD-
ture, les voiles de dentelle, et toutes les coquetteries de la mode,
n n'est pas jusqu'au lépreux mexicain qui ne doive à Tindustrie
d'un étranger le poignard avec lequel il assassine. En un mot,
tout ce qui est objet d'art et d'industrie, dans les choses de luxe
comme dans celles de première nécessité, provient de l'étranger;
car, ainsi que nous l'avons dit, Tindustrie, au Mexique, est abso-
lument nulle. Si les mines de ce pays se sont rouvertes, et re-
commencent à répandre leurs trésors, c'est parce que des étran-
gers sont venus y dépenser des mBlions pour les remettre en
exploitation. Enfin, si le Mexicain veut faire quelques pas dans h
civilisation, et sortir de Tétat d'abjection où il est plongé, il ne le
peut qu'en appelant à son aide les lumières et les arts des nations
plus avancées. Ne devrait-il pas fiiire en sorte que l'Européen qni
vient apporter à son pays le tribut de ses talens et de son industrie,
au lieu d'entendre retentir autour de lui des cris de rage et de
mort, y reçût un accueil amical et bienveillant, et qu'il trourit
sûreté pour sa personne et sa prop iété? Le Mexicain comprend
parfaitement combien il est en arrière des autres iiations sous le
rapport de la civilisation, de Findustrie et des arts; il sent toat ce
qui lui manque, et quel besoin il a de l'étranger; mais sa haine est
plus forte que sa conviction. Le Mexicain semble avoir déclaré la
guerre à toutes les autres nations, il les abhorre toutes, et il neles
respectera jamas qu'auunt qu*il les craindra^
Un YOTAGBUR.
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ÉCRIVAINS CRITIQUES
ET MORALISTES
DE LA FRANCE.
IV.
ILÙ IBiaiDlIlIlIUË»
Vers 1687, année où parut le livre des Caractères, le siàde de
Louis XIV arrivait à ce qu*on peut appeler sa troisième période;
les grandes oeuvres qui avaient illustré son début et sa plus bril-
butte nx>itié étaient accomplies; les grands auteurs vivaient encore
la plapart, mais se reposaient. On peut distinguer, en effet, comme
trois parts dans cette littérature glorieuse. La première, à laquelle
Louis XIV ne fit que donner son nom et que prêter plus ou moins
sa foveur, lui vint toute formée de Tépoque précédente; j*y range
ks poètes et écrivains nés de 1620 à 1626, ou même avant 1630,
La Rochefoucauld, Pascal, Molière, La Fontaine, M"^de Sévigné.
La maturité de ces écrivains répond ou au commencement xm aux
pins belles années du règne auquel on les rapporte, mais elle se
PhnIvs^ en vertu d'une force et d*une nourriture antérieures.
Vue seconde génération très dtstincte et propre au règne même de
N. f ■'
I
Louis XIV est celle en tête de laquelle on voit Boîleau et Racine, '
et qui peut nommer encore Fléchier, Bourdaloue, etc., etc., tous
écrivains ou poètes, nés à dater de 1632, et qui débutèrent dans
le monde au plus tôt vers le temps du mariage du jeune roi. B)!-
Içau et Racine avaient à peu près terminé leur œuvre à cette date
de 1687; its étaient tout occupés de leurs fonctions d'historiogra-
phe. Heureusement, Racine allait être tiré de son silence de dix
années par M*"* de Maintenon. Bossuet régnait pleinement par son
gér|ie ^n<^ miEeu du grand rè^e , et sa vieillesse comnicnçaate en
devait long-temps encore soutenh' et rehausser la majesté. Cétait
donc un admirable moment que cette fin d*été radieuse, pour une
production nouvelle de mûrs et brillans esprits. La Bruyère et
Fénelon parurent et achevèrent, par des grâces imprévues, la
beauté d'un tableau qui se calmait sensiblement et auquel il de-
venait d'autant plus difficile de rien ajouter. L'air qui circulait
dans les esprits, si Ton peut ainsi dire, était alors d'une merveil-
leuse sérénité. La chaleur modérée de tant de nobles œuvres,
l'épuration continue qui s'en était suivie , la constance enfin des
astres et de la saison, avaient .amené l'atmosphère des esprits à un
état tellement limpide et lumineux, que, du prochain beau livre
qui saurait naître, pas un mot immanquablement ne serait perdu,
pas une pensée ne resterait dans Torabre, et que tout naîtrait dans
son vrai jour. Conjoncture unique I éclaircissement favorable en
môme temps que redoutable à toute pensée 1 car combien il faudra
fdefiôltieté et de justesse dans la nouveauté et la profondeur! La
Bruyère en CTÎonipha. Vers les mêmes années, ce qui devait nourrir
àaa naifisance et composer l'aimable génie de Fénelon était égato^
«leot disposé et comme pétri de toutes parts ; mais la fortune et le
caractère de La Bruyère ont quelque chose de plus singulier.
On ne «ait râa ou presque rien de la vie de La Br«yère , et cette
id)8«rité ajoute, comsieon l'a remarqué, à Tefifet de son livre, «t,
«Kpeut dipe, au bonliettr piqaattt de sa destinée. S^iln'yapasoie
$eiile ligne de soo livre unique qui« depuis le premier tnsUiitdeli
]iiiWicatîon, ne soât venue et restée en lunftière, il n'y a pas,«n re-
yaaohe, ua détail particulier de l'auteur qui soit bies connu. Taii
b rayoa da siècle «est tombé juste sur diaqiie p*s® du Hwre^ etk
lésage de riieiime qui le tenait %iwmÊ, à la vais s'est dérobé.
Jhaarfei^Bmyèf^élaiiné daMiiBi^itlaseiMNicfaei^^
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icRi TAINS GRmcpres xr mokaustbs français. MS
ttSI^dÎMiIlcs «n;cBl«UsdiMïat ks mtrtsetd'Olhrettopreiii^
qai le Eûi mMiir A diiqiiaiite-de«x fttts (169â). En adojpcant oM»
4ste de 1644, La Bmjère avnvt eu viii^ ans qoand pamt i4miro'>*
•Mf .3r ; aiosî tous les frwis sooœastfa de ees ricbes aMiées màrireat
potr loi et fmteÉA le mets de sa jeoneese; il essuyait» sans se hâter^
bdiaiear fiéofwde de ees s^leSs. Nul towrifeettl, nuHe ewie. Que
d'aanées d'étude on de loisir durant lesquelles il dut se borner k
lire avec dooceur et réfleiio», attaai a* foad des choses et aiten*
dMir n résulte d'uae netè écnAe^ers 1720, par le père Boa^fiel
^ parle père Le Loag , daas des mémoires particuliers qui se trou-
îaiemà la btfotiothèqae de VOratotre, que La Bruyère a été de cette
CMgrégatioii (1). Cela reut-îl dire qn'tt y fut simplement élevé otf
fii y fia engagé qurique tMaps? Sa première relation avec Bos<-
«et se rattaekepevt-étre à cette eireonstance. Quoi qu'il en soit, il
Tenait d'acheter une charge de trésorier de France à Gaen lors-
^ Bossuet, qu'il eonnaissait on ne sait d'oà, t'appela près de
M. le tec po«r lui enseigner rbistoire. La Bruyère passa le reste de
m jours à l h6tet de Cendé à Versailles , attaché au prince en q«a«
Itè dbemme de lettres avec mtBe écns de pension.
A'Olivet qui est malheurensement trc^ bref sur le célèbre aa-«
tcror, iMûs dont la parole a de l'ausovité, nous dit en des ternei
txceKens : «r On me l'a dépeint comme mi philosophe , qui ne soh^
« geait qa'Â vivre tranquille avec des amis et des Kvres, faisant un
t bon dmx des uns et des antres; ne cherchant ni ne fuyant le
t plaisir; toujoursdfsposé à une joie modeste, et ingénieux à la faire
«iiakre;poli dans ses manières et sage dans ses discours; crai^
« gnant toute sorte d'ambition, même celle de montrer de l'esprit. »
U témoignage de Tacadémicien se trouve eonGriné d'une mâmire
frappante par eelui de Saint-Simon qui insiste, avecTautorité d'un
^^min non suspect d'indulgence, précisément sur ces mêmes qea-^
liés de bon goût et de sagesse : cr Le public, dit-il, perdit bientM
«après (^696] un homme illustre par son esprit, par son style el
rpar ta connaissance des hommes ; je veux dire La Bruyère , qui
«noumt d*apoptexie à Versailles, après avoir surpassé Théo^
«phrasteen travaillant d'après lui et avoir peint les hommes de
r notre temps dans ses nouTeaux Cëraciires d*une manière in
#7 Histoire ManascrilB de l*Oratoir« , par Adry, avi ArehiTes chi EoyMiii^
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104 RBTUE DES DEUX MONDES.
tf table. C'était d*ailleiirs un fort honnête homme, de très bonne
a compagnie , simple , sans rien de pédant et fort désintéressé. Je
a Tavais assez connu pour le regretter et les ouvrages que soir
« âge et sa santé pouvaient faire espérer de lui. » Boileau se moi-
trait un peu plus difGcilc en fait de ton et de manière que le duc
de Saint-Simon, quand il écrivait à Racine, 19 mai 1687 : « Maximi-
a lien [pnurq'ioi ce sobriqiet de Marimilien'!) m*est venu voir à All-
er teuil et m*a lu quelque chose de son Théophraxte. Cest un fort
a honnête homme à qui il ne manquerait rien si la nature Tavaît fiut
a aussi agréable qu'il a envie de Têtre. Du reste, il a de Tesprit, da
a savoir et du mérite: » Nous reviendrons sur ce jugement de Boi-
leau : La Bruyère était déjà un peu à ses yeux un homme des gé-
nérations nouvelles, un de ceux en qui volontiers Ton trouve que
l*envie d*avoir de Tesprit après nous, et autrement que nous, est
plus grande qu*il ne faudrait.
Ce même Saint-Simon, qui regrettait La Bruyère, et qui avait plos
d'une fois causé avec lui, nous peint la maison de fiOndé et M.Je
Duc en particulier, l'élève du philosophe, en des traits qui réflé-
' chissent sur l'existence intérieure de celui-ci. A propos de la mort
de M. le Duc, 1710 , il nous dit avec ce feu qui mêle tout, et qui fut
tout voir à la fois : a H était d'un jaune livide, l'air presque toa-
a jours furieux, mais en tout temps si fier, si audacieux, quoD
• <r avait peine à s'accoutumer à lui. Il avait de l'esprit, de la lecture,
«r des restes d'une excellente éducation (je le crois bim)^ de la poli-
« tesse et des grâces même quand il voulait, mais il voulait très
cr rarement.... Sa férocité était extrême, et se montrait en tout.
« C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant elle, et
« dont ses amis n'étaient jamais en sûreté, tantôt par des insultes
a extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles en face, etc. » A
l'année 1697, il raconte comment, tenant les états de Bourgogne i
Dijon à la place de M. le Prince son père, M. le Duc y donna oft
grand exemple de l'amitié des princes et une bonne leçon à ceax
qui la recherchent. Ayant un soir, en effet, poussé Santeuil de vin de
Champagne, il trouva plaisant de verser sa tabatière de tabac d'Es-
pagne dans un grand verre de vin et le lui offrit à boire; le pauvre
Thèudas si naïf, si ingénu, si bon convive et plein de verve et de
bons mots, mourut dans d'affreux vomissemens. Tel était le petit-
fils du grand Condé et l'élève de La Bruyère. Déjà le poète Sarra-
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ÉCRIVAINS CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS. 105
an était mort autrefois sous le bâton d^un Conti dont il était secré-
taire. A la manière énergique dont Saint-Simon nous parle de cette
race des Condés, on voit comment par degrés en elle le héros en
viendra à n*étre plus que quelque chose tenant du chasseur ou du
sanglier. Du temps de La Bruyère, l'esprit y conservait une grande
part; car, comme dit encore Saint-Simon de Santeuil, cr M. le
c Prince Tavait presque toujours à Chantilly quand il y allait; M. le
t Duc le mettait de toutes ses parties; c'était de toute la maison de
«Condé à qui Taimait le mieux, études assauts continuels avec lui
t de pièces d*esprit en prose et en vers, et de toutes sortes d*amu-
«semens, de badinages et de plaisanteries, d La Bruyère dut tirer
on fruit inappréciable, comme observateur, d'être initié de près à
cette famille si remarquable alors par ce mélange d'heureux dons,
d'urbanité brillante, de férocité et de débauche. Toutes ses remar-
ques sur les héros et les en fans des dieux naissent de là; il y a tou-
jours dissimulé l'amertume : or Les Enfans des Dieux, pour ainsi
t dire, se tirent des règles de la nature et en sont comme l'excep-
« tion. Us n'attendent presque rien du temps et des années. Le
« mérite chez eux devance Tàge. Ds naissent instruits, et ils sont
tr plus tôt dés hommes parfaits que le commun des hommes ne sort
« de l'enfance, d Au chapitre des Grands il s'est échappé à dire ce
c|u'il avait du penser si souvent : a L'avantage des Grands sur les
« autres hommes, est immense par un endroit : je leur cède leur
« bonne chère, leurs riches ameublemens, leurs chiens, leurs che-
« vaux, leurs singes, leurs nains, leurs fous et leurs flatteurs;
« mais je leur envie le bonheur d'avoir à leur service. des gens qui
« les^égalent par le cœur et par l'esprit, et qui les passent quelque-
« fois. JD Les réflexions inévitables, que le scandale des mœurs prin-«
Qères lui inspirait, n'étaient pas perdues, on peut le croire, et
^assortaient moyennant détour : a M y a des misères sur la terre
t qui saisissent le cœur : il manque à quelques-uns jusqu'aux ali-
«mens; ils redoutent l'hiver; ils appréhendent de vivre. L'on
« mange ailleurs des fruits précoces; l'on force la terre et les sai-
« sons, pour fjurnir à sa délicatesse. De simples bourgeois, seule-
« ment à cause qu'ils étaient riches, ont eu l'audace d'avaler en un
tseul morceau la nourriture de cent familles. Tienne qui pourra
« contre de si grandes extrémités, je me jette et me réfugie dansr
I la médiocrité, d Les simples bourgeois Viennent Ik bien à propos
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1Q6 mETis DBS m:m
^f<fy<»AasBertert|igo€he,nMtt»janarépo>di^p
■A fui éerifte «a mît ta reotraal d'iui 4e ces soupers de 4eiM-
éàamaL, où If* k Duc fWKiMni tf « tkMmfoyme SsatenA.
Li Bruyère, qui «inak h lecture des aadeiis, eut ua jotr
ridée de traduire Théophiaste, et il pensa i çKsser à h saite ctà
iafâveur de sa traduction <pieiq«e»-«ttes de ses propres réflexÎMs
sur les msrars nederues. Celle traduction r'eTlié phraste n^était-
elle peur hii <<pi*un prétexte ou fut-elle vraiaiefit Toccasion d^ier-
saiaante et le preuii^ dessein principalt On pencherait plutôt pôtr
eetie suppositkMi moindre, eu royant la fome de réditioa Aus
faupirile parurent d*abord les Caractères, et combien Tbéophrasie
y occupe «w f/rêmie place. La Bruyère était très pénétré de cette
idée^ par laqueUe il ouvre son premier cfaaptre, que tmaestétH
tftti^VimvkmltPopHrd^irhMphtëéeiiepimUkaw
et fut pcRsea/. 11 se déclare de Tavis que nous avons vu de uds
jours partagé par Courier, lire et reUre sans cesse les aoriens,
les traduire si Ten peut, et les iniser quelquefois : « On «e saurat
a en écri^rant rencantrer le pariait, et , s il se peut, surpasser les
« anciens, que pur leur imitation. >> Aux anciens, La Bruyère
afOttSs ies habiies d'aOre ieg mtÊdariteM comme ayant enlevé à leurs
successeurs tardîfe le raettteur et le phis beau. C*est dans cette
disposition qu*il commence à glaner ^ et diaqne épi, chaque grain
qu*il croit digne, il le ran^ devant nous. La pensée du diflfidte,
eu nàr et dn parfait Tocenpe visiblement, et atteste avec graviié,
dans chacune de ses paroles, rbeure solennelle du siècle où il
. cent. Ce n*était plus llieure des coups dressai. Presque tons ceax
spn avaiem porté les grands^ coups vivaient. MoKère élsât moit;
kms-tomps après Pascal, La Rochefoucauld avait disparu; mais
tous les autves restaient là rangés. Quels noms! quel auditeire
Auguste, consomaié, déjà un peu sombre de front, et un peu d-
Jendeux! Dana son discours à l'Académie, La Bruyère hn-m^ne
les a énumérés en lace; il les avait passés en revue dans ses veilles
bien des fais auparavasL Et ces Grands, rapides connaisseurs é»
Tetq^itl et ChantiHy, èouM dm marnais mvrage<i! et ce Itoi, rdiri
dans sou balustre, qni les domine teusl quels juges, pour q», sir
la fin du grand tournoi, s^en viem aussi demander la ^ire! Li
Bruyère a tout prévu, et il ose. I! sait la mestn^ qu'il Cane tenir et
te peînf eà û but finpfier. Modeste et sAr, a savwœ^ {m un i^
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éCRIVAIIfS ORtKtVBS BfT VORAlrSTËS FRANÇAIS. iW
fort en rainl pas on mot d& peHtiI dn premier eèifp; MbplaMi^
<pii ne le cède à aucune autre est gagnée. Ceux qftii, par une* cefT-'
uine disposition trop rare de l'esprit et du ccpur, «ouf en èmi,
comme iF dît, de se livrer au plaitir qtte donne Ih perfeeiim dun ôa^
vrage, ceux-là éprouvent une émotion, d'eux seuls concevable, éll^
ouvrant la petite édition m-12, d'un seul vofume, année 1686, db
trois cent soixante pages en fort gros caractères, desquelles Théo-»
phraste, arec le discours préliminaire, occupe cent (fuarante^eu^,
et en songeant que, sauf les perfectionnemens réels et nombreux
que reçurent les éditions suivantes, tout La Bruyère est déjà là.
Plus tard, à partir de la troisième édition, La Bruyère ajouta
successivement et beaucoup à chacun de ses seize cftapitres. Dw
pensées qu'il avait peut-être gardées en portefeuille dans sst pre-
mière circonspection, des ridicules cpie son livre même fit lever
devant lui, des originaux qui d'eux-mêmes se livrèrent, enrirfrireni
et accomplirent de mille façons le chef-d'œuvre. La première éd!^
tion renferme surtout incomparablement moins de portraits cpw
les suivantes. L'excitation et l'irritation de la publicité les fit naître*
sous ta plume de l'auteur, qui avait principalement songé d'abord^
à des réflexions et remarques morales, s*appuyant même à ce sujcft
du titre de Proverbe» donné au livre de Salomon. Les' Caractères
ont singulièrement gagné aux additions : mais on Voit mieux qud
fut le dessein naturel, l'origine simple du livre et, si j'ose dîrer,
son accident heureux, dans cette première et plus courte forme.
En le faisant naitre en 1644, La Bruyère avait quarante-troiis
ans en 8*7. Ses habitudes étaient prises, sa vie réglée; il n^y cfiail^'
gea rien. La gloire soudaine qui hii vint né l'éblouitpas; il yava^t
songé de longue main , l'avait retournée en tous sens , et savait fbtt
bien qu il aurait pu ne point l'avoir et ne pas valoir moins pour
cela. D avait dit dès sa première édition : a Combien d'homme»ad^
<r mirables et qui avaient de très beaux génies sont morts satm
d qu'on en ait parlé! Combien vivent encore dont on ne parlé peint
a et dont on ne parlera jamais ! » Loué, attaqué, recherché, îî se
trouva seulement peut-être un peu moins heureux après qu'avant
son succès, et regretta sans doute à certains jours d'avoir livré au
public une si grande part de son secret. Les imitateurs qui lui sur-
yim^iit de tous côtés, les abbés de Vîllîers, les abbés de Mlé^
garde (en attendant les Brillon, Alléaume et autres, qu'il ne Connut
h
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166 REVUE DBS DEUX MONDES.
pas et que les Hollandais ne surent jamais bien distinguer de lui),
ces auteurs nés copiâtes qui s'attachent à tout succès comme les
mouches aux mets délicats , ces Trubiets d*alorSy durent par mo-
mens lui causer de Timpatience : on a cru que son conseil à un
auteur né copiste (chap. de^ Ouvrages de CEsprii)^ qui ne se trouTaft
pas dans les premières éditions, s'adressait à cet honnête abbé de
Yilliers. Reçu à TAcadémie le 15 juin 1693, époque oii il y avait
déjà eu en France sept éditions des Caractères, La Bruyère mourut
subitement d'apoplexie en 1696 et disparut ainsi en pleine gloire,
avant que les biographes et commentateurs eussent avisé encore
à rapprocher, à le saisir dans sa condition modeste et à noter ses
réponses. On lit dans la note manuscrite de la bibliothèque de l'Ora-
toire , citée par Adry , a que M"* la marquise de Belleforière, de qui
« il était fort l'ami, pourrait donner quelques mémoires sur sa vie
a et son caractère, d Cette M""* de Belleforière n'a rien dit et n'a
probablement pas été interrogée. Vieille en 1720, date de la note
manuscrite, était elle une de ces personnes dont La Bruyère, an
chapitre du Cœur, devait avoir Tidée présente quand il disait : « D y
a a quelquefois dans le cours de la vie de si chers plaisirs et de si
cr tendres engagemens que l'on nous défend, qu'il est naturel de
ii désirer du moins qu'ils fussent permis : de si grands charmes ne
« peuvent être surpassés que par celui de savoir y renoncer par
« vertu. » Était-elle celle^à même qui lui faisait penser ce mot d'une
délicatesse qui va à la grandeur? a L'on peut être touché de cer-
« taines beautés si parfaites et d'un mérite si éclatant, que l'on se
<c borne à les voir et à leur parler (1). »
n y a moyen, avec un peu de complaisance, de reconstruire et de
rêver plus d'une sorte de vie cachée pour La Bruyère, d'après
quelques-unes de ses pensées qui recèlent toute une destinée et,.
comme il semble, tout un roman enseveli. A la manière dont il parle
de l'amitié, de ce goût qu'elle a et auquel ne peuvent a:teitulre ceux
qui sont nés médincres, on croirait qu'il a renoncé pour elle à
l'amour; et à la façon dont il pose certaines questions ravissantes,
on jurerait qu il a eu assez Vexpérience d'un grand amour pour
devoir négliger l'amitié. Cette diversité de pensées accomplies, des-
.(1) CeUe dame éUit, selon toute yraisemblaQcc» Justine-Hélène de Bénin, flile du tei-
goeur de Querevain, mariée à Ferdinand, seigneur de Belleforière. (Voir lloi«ri.)
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ÉCRITAINS CRITIQUES ET MORALISTES FRANÇAIS. 109
queQes on pourrait tirer tour à tour plusieurs manières d*exis-
tencecharmantesou profondes, et qu*une seule personne n*a pu di-
rectement former de sa seule et propre expérience, s'explique d'un
mot : MoUère, sans être Alceste, ni Philinte, ni Orgon, ni Argan,
est successivement tout cela; La Bruyère, dans le cercle du mora-
liste, a ce don assez pareil, d*étre successivement chaque cœur; il
est du petit nombre de ces hommes qui ont tout su.
- Molière, à l'étudier de près, ne fait pas ce qu'il prêche. H repré-
sente lesinconvéniens, les passions, les rid'cules, et dans sa vie il
y tombe; La Bruyère jamais. Les petites inconséquences du Tar-^
tuffe^ il les a saisies, et son Onnplire est irréprochable : de même
pour sa conduite, il pense à tout et se conforme à ses maximes, à
son expérience. Molière est poète, entraîné, ir régulier, mélange de
oaïveté et de feu, et plus grand, plus aimable peut-être par ses
contradictions mêmes ; La Bruyère est sage. Il ne se maria jamais :
« Un homme libre, avait-il observé, et qui n'a p .int de femme, s'il
c a quelque esprit, peut s'élever au-dessus de sa fortune, se mêler
a dans le monde et aller de pair avec les plus honnêtes gens. Cela
« est moins facile à celui qui est engagé; il semble que le mariage
(( mot tout le monde dans son ordre. » Ceux à qui ce calcul de célibat
déplairait pour La Bruyère, peuvent supposer qu'il aima en lieu
impossible et qu'il resta fidèle à un souvenir dans le renoncement.
On a remarqué souvent combien la beauté humaine.de son cœur
se déclare énergiquement à travers la science inexorable de son
esprit : « Il faut des saisies de terre, des enlèvemens de meubles,
« des prisons et des supplices, je Vavoue; mais justice, lois et be-
0 soins à part, ce m'est une chose toujours nouvelle de contempler
0 avec quelle férocité les hommes traitent les autres hommes. »
Que de réformes, poursuivies depuis lors et non encore menées à
fin, contient cette parole I le cœur d'un Fénelon y palpite sous un
accent plus contenu. La Bruyère s'étonne, comme d*une chose
tottjohrs nouvelle, de ce que M""* de Sévigné trouvait tout simple,
ou seulement un peu drôle : le XYiii*" siècle, qui s'étonnera de tant
de dioses, s*avance. Je ne fais que rappeler la page sublime sur
les paysans : a Certains animaux farouches, etc. (chap. de V Homme), jd
On s'est accordé à reconnaître La Bruyère dans le portrait du
philosophe qui, assis dans son cabinet et toujours accessiblq
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H(^ RETUK DES DEUX MONDES^
malgré ses étades profondes, Toas ii% d'entrer, et que voos loi
apportez cpielqne chose de plus précieux que for et Targent^ it
c'est une eectu'n n de tfOH$*thlîyer.
B; étai« leligievx, et d'un spiritualisme fermement raisonné,^
comme^n fait foi son chapitre des EsprUi fort*^ qui, venu le der-
nier, répond tout ensemble à une beauté secrète de composition,
à une précaution ménagée d* avance contre des attaques qui n'ont
pas manqué, et à une conviction profonde. La diafectique de ce cha-
pitre est forte et sincère; mais Taoteur en avait besoin pour racheter
plus dTtin mot qui dénote le philosophe aisément dégagé du temps
où il vit, pour appuyer surtout et couvrir ses attaques contre la
fausse dérodon alors régnante. La Bruyère n*a pas déserté sur
ce point Théritage de Hilolière : il a continué cette guerre coura-
' geuse sur une scène bien plus resserrée (l'autre scène, d'ailleurs,
B*eût phis été permise), mais avec des armes non moins vengeres-
ses, n d fait plus que de montrer au doigt le courtisan, qui autre-
fo'is jiorfail nés cher eux, en perruque désormais, 1 habit serré et le
bas uni, parce qu'il est dévot; il a fait plus que de dénoiM^er à
Tavance les représailles impies de la régence, par le trait ineffo-
çable : fJn dévot est celai q ù sou* un rvi athée serait aUiée; il a
»lre$sé à Louis XIV m^me ce conseil direct , à peine voilé en éloge :
« Cest une chose délicate à un prince religieux de réformer la
«r cour et la rendre pieuse : instruit jusques oà le courtisan veut
« lui plaire et aux dépens de quoi il ferait sa fortune, il le ménage
c avec prudence; il tolère, il dissimule, de peur de le jeter dans
<r l^ypocrisie ou le saerilége; il attend plus de Dieu et du temps
« que de son zèle et de son ti»dustrie. »
Malgré ses dialogues sur le cpiiétisme, malgré quelques mots
qu'on regrette de lire s«r la révocation de Tédit de Nantes, et quel-
que endroit fe^vorable i la magie, je serais tenté plutôt de soupçon-
ner La Bruyère de Bberté d*esprit que du contraire. Ai chré ken et
Françaisy ilselrouva plus d'une fois, comme il dit, contraint dan*
la satire, car sll songeait surtout à Boileau en parlant ainsi, il de-
vait par contre-eoup songer un peu à lui-mâme, et à ces grande sw
jets qui lui éta'ent défendus, il les sonde d*un mot, mais il feal
qu'aussitôt il s* en retire. D est de ces esprits qui auraient eu peu à
faire { s'ils ne l'ont pas fait ) pour sortir sans effort et sans étonne-»
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ÉCRIVAINS 'CmriQCISS ET MORALISTES FRANÇAIS. 111
i 4% lootes 1b5 drcfmsftances accnfentdles qni restreignent la
ive. Cest bien noms (f après uA ontdfBort détaché, qne d'après
llttbilBde entière <lesiMi joçeaienft quH se laisse voir ainsi.
On tJMt lire snr La Bmyère trois morceanx essentiels, dont ce
fK je 4m idn'a nuHenient ta prétention de dispenser. Le premier
iioroea««e date es^ •cehn de Tabbé d'Olîvet dans son ffîstoire de
fÀcadémk. On y voit trace d'une manière de juger littérairement
rîBB9lre anlevr, qoi devait être partagée de phis d*nn esprit clos--
siqf€ à la fin dfi xvM'et aut^ommencement dn HYnf siècle : c'est le
dérdoppemeiHet, selon moi , Fédaircissement dn mot un peu obs-
CBT de Bo3eaa à Racine. D'Oli?et troove à La Bruyère trop d'art,
trop ifciprîf , quelque abus de métaphores : a Quant au style préci-
« sèment, M. de La Bruyère ne doit pas être lu sans déGance , parce
« qa*3 a donné, mais pourtant avec une modération , qui, de nos
« joars, tiendrait lieu de mérite, dans ce style affecté, guindé, entor*
« taié, etc. » Nicole, dont La Bruyère a dit en un endroit qu'il ne pen-
mt pm «»*e5, devait trouver, en revanche, que le nouveau mora-
Usle pensait trop, et se piquait trop vivement de raffiner la tâche.
Nous rerîendr^tts sur cela tout à Theure. On regrette qu'à côté de
ces jugemens, qui, partant d'un homme de goût et d'autorité, ont
leur prix, dXÏHvet n^ah pas procuré plus de détails^ au moins aca-
démiques, sur La Bruyère. La réception de La Bruyère à l'Acadé-
mie donna Ken à des quereBes, •dont lui-même nous a entretenus
émts la préface de son discours et qui laissent à désirer quelques
expifcatioaiis. Si heureux d'emblée qu'eût été La Bruyère , il lui fal-
lut, on Je voit , soutenir salutte à son tour comme Corneille, comme
Itolière en leur temps, comme tous les vrais grands. ïl est obligé
cTaHéguer «on chapitre des Esprits f.rtsei de supposer à l'ordre de
ses matières un dessein religieux un peu subtil, pour mettre à cou-
vert sa foi. H est obKgé de mer la réalité de ses portraits, de re-
jeter au visage des fabricateurs ces insi lentes clés comme il le^
nppcffie : Maniai avait déjà dit excellemment : Improùè fatv qui
in aftenn îibro ingenio^us est, — « En vérité, je ne doute point, s'écrie
«La Bruyère avec un accent d'orgueil auquel l'outrage a forcé sa
«r modestie, que le pubKc ne sort «nfin étourdi et fatigué d'entendre
•r depuis quelques années de vieux co rbeaux croasser autou r de ceux
9 qui, d'un vol Hbre et d* une plume légère, se sont élevés à quçl-
cr que gloire par teurs écrits. »<}uei est ce corbeau qui croassa, ce
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112 REVUS DBS DEUX MONDES.
Thé'baMe qui bâilla si fort et si haut à la harangue de La Bruyère,
et qui avec quelques académiciens , faux confrères, ameuta les co-
teries et le Mercure Galaiii^ lequel se vengeait (c*est tout simple)
d'avoir été mis immédiatement au-dessous de rien? Benserade, à
qui le signalement de Théobalde sied assez, était mort ; était-ce Bour-
sault qui, sans appartenir à T Académie, avait pu se coaliser avec
quelques-uns du dedans? Était-ce le vieux Boyer ou quelque autre
de même force? D*01ivet montre trop de discrétion là-dessus. Les
deux autres morceaux essentiels à lire sur La Bruyère sont une
notice exquise de Suard écrite en 1782, et un Éloge approfondi par
Yictorin Fabre [1810] . On apprend d'un morceau qui se trouve dans
t Esprit des Journaux (février 1782), et où Fauteur anonyme apprécie
fort délicatement lui-même la notice de Suard, que La Bruyère,
déjà moins lu et moins recherc .é au dire de D^Olivet, n'avait pas
été complètement mis à sa place par le xviii*' siècle : Voltaire ea
avait parlé légèrement dans le Siècle de Louin XIV: <r Le marquis de
a Vauvenargues, dit Tauteur anonyme (qui serait digne d'être Fon-
<r tanes ou Garât) , est presque le seul de tous ceux qui ont parlé de
<r La Bruyère qui ait bien senti ce talent vraiment grand et original,
(c Mais Vauvenargues lui-même n'a pas l'estime et l'autorité qui de-
a vraient appartenir à un écrivain qui participe à la fois de la sage
<r étendue d'esprit de Locke, de la pensée originale de Montesquieu,
Q de la verve de style de Pascal, mêlée au goût de la prose de Vol-
er taire ; il n'a pu faire ni la réputation de La Bruyère, ni la sienne, b
Cinquante ans de plus, en achevant de consacrer La Bruyère conuDe
génie, ont donné à Vauvenargues lui-même le vernis des maîtres.
La Bruyère, que le xviii' siècle était ainsi lent à apprécier, avait
avec ce siècle plus dun point de ressemblance qu'il faut suivre de
plus près encore.
Dans ces diverses études charmantes ou fortes sur La Bruyère ,
comme celles de Suard et de Fabre, au milieu de mille sortes d'in-
génieux éloges, un mot est lâché qui étonne, appliqué à un aussi
grand écrivain du wii*" siècle. Suard dit en propres termes que
La Bruyère avait plus d'imagination que de goût. Fabre, après une
analyse complète de ses mérites, conclut à le placer dans le si petit
nombre des parfaits modèles de l'art d'écrire, s'il montrait toujours
autant de g^jût qu'il prodigue d'esprit et de talent. Cesi la première
fois qu à propos d'un des maîtres du grand siècle on entend toucher
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iCRIYAIlfS CRITIQUES ET MORALIStTES FRANÇAIS. 113
cctttè corde délicate, et ceci^tient à ce que La Brayère, venu tard
et innovant véritablement dans le style» penche déjà vers Vàge sui-
vant, n nous a tracé une courte histoire de la prose française en ces
termes : « L*on écrit régulièrement depuis vingt années; Ton
€ est esclave de la construction; Ton a enrichi la langue de nouveaux
« tours, secoué le joug du latinisme,. et réduit le style à la phrase
« purement française ; Ton a presque retrouvé le nombre que Mal-
- « herbe et Balzacavaient les premiers rencontré, et que tant d'auteurs
ff depuis eux ont laissé perdre; Ton a mis enfin dans le discours tout
« Tordre et toute là netteté dont il est capable : cela conduit insen-
V sib!ement à y mettre de 1 esprit, o Cet esprit, que La Bruyère ne
trouvait pas assez avant lui dans le style, dont Bussy, Fléchier»
Bouhours, lui offraient bien des exemples, mais sans assez de con-
tinuité, de consistance ou d*originalité, il Ty voulut donc introduire.
Après Pascal et La Rochefoucauld, il s'agissait pour lui d'avoir une
grande, une délicate manière, et de ne pas leur ressembler. Boi-
léau, comme moraliste et comme critique, avait exprimé bien des
vérités en vers avec une certaine perfection. La Bruyère voulut
faire dans la prose quelque chose d'analogue, et, comme il se le
disait peut-être tout bas, quelque chose de mieux et de plus fin. Il
y a nombre de pensées droites, justes, proverbiales, mais trop
aisément communes, dans Boileau, que La Bruyère n'écrirait jamais
et n'admettrait pas dans son élite. 11 devait tr uver au fond de son
ame que c'était un peu trop de pur bon sens, et, sauf le vers qui
rdève, aussi peu rare que bien des lignes de Nicole. Chez lui tout
devient plus détourné et plus neuf; c'est un repli de plus qu'il pé-
nètre. Par exemple, au lieu de ce genre de sentences familières
à l'auteur de Y An puéiique :
Ce que Ton conçoit bien s*éoonce clairement, etc., etc. ,
il nous dit, dans cet admirable chapitre des Ouvrages de l'Esprit^
qui est son mt poétique à lui et sa rhéu.riqie : a Entre toutes les dififé-
<r rentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées,
ff il n'y en a qu'une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas tou-
cr jours en parlant ou en écrivant; il est vrai néanmoins qu'elle
<r existe, que tout ce qui ne l'est point est faible et ne satisfait point
TOME VII. 8
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! M4 M^WO^ BES BEOX iMMi#es.
« «B homiM d^eiprit qui Teut «e £sÂre entendre. ^ te
bien h aa^riié mwwsm , m gaàkmmit eBoore, d«
ettchérk pewUBl flor kl cftÎMa «aÎM du preoHer. A Tapi^
«pinte, ^i a'«st pas récenle, «AT fe €ar«clèr« de sovalear
cbec La Bruyère, je pMrrais £ûre «sage «la jugement de Vlpranl-
MarvîHeeide la qincdie <qu'îl aontîm avecC^ste «i Brelan è eera-
jp3t;»aisleeeatMiieBtde«Q8 hoMnesen malâère de sl^lese signi-
fiai nea^ jenVanlîensâ la pbmae préoédewnMoi citée de d'OKfet.
I0 gaAi ohaiigeaât donc, et La Brnyèi^ y Aidai insemibiemmu 0
4lak bîeatââ teoi^itneie .siàcle êtài^ la pensée de dire aatMoeat,
de varier et de raîeuair la f jraie, a pu naltf« dans on ^aod
«0piit; eUe deviendra bientôt cbea d'autfes un tourment plein de
naiUiea et d'étinoellea. Les Leureu PetêÊmne^ ai bien acnonoéeiet
pnéiMurées^ar La Bruyère, ne tarderont pas i marquer la aeoende
époque. La Bruyère n*a nul tourment tenoare et a'édnte pat, anis
jle^déiàen^uéted'ua jurement neuf et du trait. Sur œ point
fl oanfiae nu xviu* siècle phas qu'aucun c^rand écrivain de sonife;
Vauvenargnest à quelques égaids, est plusdn xvii^'sîèoleque kii.
liais UM^*. La Bruyère en est encore (Aeinement, de son sièofein-
oon^Mniable, en ce ^*au «ilteu de tout oe travaii oomeon de nou-
veauté et de n^îeunîssement» il oe nsanque jama's, au fiand, d'un
certain go4t simiile.
Quoîqne ce soit ThauMne ei la société qu^il exprime surtont, le
(pittoresque, chez La Bruyère, VappUfue dqà aux «boaes de k aa-
aure plus qu*îl n-étaà orëktaire de aen temps. Comme il nonsdes-
aoK dans un jour favorable la petite ville «qui lui parak pLÎme nr U
pmcksatt ik La eellime ! Coaune îl nous montre graciecsemeot, dans
sa comparaison du prince et du pasteur, le troupeau, répandu par
la prairie, qui broute Therbe menue et lendre! Mais il n'appartient
qu'à lui d'avoir eu 1 idée d'insérer au chapitre du C(eur les deux
pensées que voici : a D y a des lieux que l'on admire; il y en a
«d'autres qui touchent et où Ton aimerait à vivre, j) — aDme
«r semble que l'on dépend des lieux pour l'esprit, rhuneur, la pas-
« sien, le goût et les sentimens. » lean-lacqnes et Bernardin de
Saint-Pierre, avec leur anKHir des Keux, se chargeronrde défe-
lopper un jo>ur tout^ les imanoes, closes et semmeiflames, pour
ainsi dire, dnns ce propos discret et charmant. Lamartine ne fera
4|ne tradmrepoétiquement le mot de La Bruyère, quandil s^écriera :
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ÉCRIVAINS aunoBC» ta uaskAUSTËA français. #19
Objets iDanlmés, ûvéz^r^m donc une ame
Qnï s*auacbe à noire ame et la focctt d'ainert
La Bruyère est plein de ces germes brinans»
B a déjà Fart (bien supérieur à celui des f rampons qu^exigeail
trop directement Boîleau), de composer un Kvre> srda «i avoir
Fair, par une sorte de Ken caché, mais qui reparratl, d^endroitr^a
eadroita, inattendu. Ou crcritau premier conpd*œil n'avoir affaire
qu*à des fragmens rangés les uns après les autres» el l'on mardie
dans un savant dédale ob le 61 ne cesse pas. Chaque pensé^'se
corrige, se développe, s'éclaire, par les environnantes. Puia l^hi^
prévu s'en mêle à tout moment, et dans ce jeu cootinoe) d'entréea
€D matière et de sorties, on est plus d'une fois enlevé à de sou-
daines hauteurs que le discours continu ne permettrait pas : Ni
Ui iroHbleSj Zénohk, qui ugient vote empire, etc. Un fragment de
lettre ou de conversation, imaginé ou simplement encadré au choK
pitre de% J^ujeniens : H ilimit q le Coprit dnm ceUe belle pentùnne iudt
un diamant bl-n mh en œuvre , etc», est hii-méme un adoraUe joya»
que tout le goût d'un André Cbéaier n'aurait fdm nm en œit9re et
en valeur plus ariistentent. Je die And^ Chénier à dessein ^ raaU
gré le disparate des genre» et des* noms; et chaque foi» (fue f a»
viens à ce passage de La Bruyère, le motif aimable
fille a véca, Myrto, la jeuae Tarentine, eta.^
me revient en mémoire et se met à chanter en. moi.
Si 1*00 s étonne maintenant que, touchant et inclinant par tant
de points au xviu' siècle, La Bruyère n'y ait pas été pkis invoqué
et célébré, il n*y a qu'une ré oose i c*est qu'il était trop sag)»^
trop désintéressé et reposé peur cela; c'est qu'il s'était trop applif*
que à Ibomme pris en général eu dans ses variétés de toute fs^
pèce . et il parut un allié peu actif, peu spécial ^ à ce siècle d'hos-
tilité et de passion. 11 convenait à un esprit calme et fin comme
l'était Suard, de réparer cette négligence injuste. Aujourd'hui
La Bruyère n est {.lus à remeUre à son rang. On se révolte, il est
vrai, de temps à autre, contre ces belles réputations simples eft
hautes, conquises à si peu de frais, ce semble; Onenrvent secoue;
8.
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116 REVCE DES DEUX MONDES.
le jong. Mais à chaque effort contre elles, de près, on retrouve
cette multitude de pensées admirables, concises, éternelles, comme
autant de diainons indestructibles; on y est repris de toutes parts
comme dans les divines mailles des filets de Yulcain.
La Bruyère fournirait à des choix piquans de mots et de pen-
sées qui se rapprocheraient avec agrément de pensées presque
pareilles de nos jours. 11 en a sur le cœur et les passions surtout
qui rencontrent à Timproviste les analyses intérieures de nos con-
temporains. J'avais noté un endroit où il parle des jeunes gens, les-
quels, à cause des passions qui les amusent^ dit il, supportent mieux
la soHtude que les vieillards, et je rapprochais sa remarque d*uQ
mot de Lélin sur les promenades solitaires de Sténio. J*avais noté
aussi sa plainte sur Tinfirmité du cœur humain trop tôt consolé,
qui manque de sources inépuisables de douleur fio ir certaines ptrtes. et
Je la rapprochais d'une plainte pareille de René. La rêverie enfln,
à c6té des personnes qu*on aime , apparaît dans tout son charme
chez La Bruyère. Mais bien que, d'après la remarque de Fabre,
La Bruyère ait dit que le chqlt des pcmées est invention^ il faut con-
venir que cette invention est trop facile et trop séduisante avec
lui pour qu'on s y livre sans réserve. — En politique, il a de sim-
ples traits qu' percent les époques et nous arrivent comme des flè-
ches : i( Ne penser qu'à soi et au présent, source d'erreur en poli-
« tique. »
H est principalement un point sur lequel les écrivains de notre
temps ne sauraient trop méditer La Bruyère, et sinon l'imiier,
du moins l'honorer et l'envier. Tl a joui d un grand bonheur et a
fait preuve d*une grande sagesse : avec un talent immense, il n'a
écrit que pour d re ce qu'il pensait; le mieux dans le moins, c'est
sa devise. En parlant une fois de M"** Guizot, nous avons indiqué
de combien de pensées mémorables elle avait parsemé ses nom-
breux et obscurs articles, d'où il avait fallu qu'une main pieuse, un
(ËÏl ami, les allât discerner et détacher. La Bruyère, né pour la
perfection dans un siècle qui la favorisait, n'a pas été obl'gé de
somer ainsi ses pensées dans des ouvrages de toutes les sortes et
de tous les instans; mais plutôt il les a mises chacune à part, en
saillie, sous la face apparente , et comme on piquerait sur une belle
feuille blanche de riches papillons étendus, cr L'homme du meilleur
« esprit^ dit-il, est inégal il entre en verve^ mais il en sort ^
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idUTAINS OIITIQIJBS ET MORALISTES FRANÇAIS. 117
€ alors, s*il e^t sage, il parle peu , il n'écrit point Chante-i-on
€ avec on rhume? Ne feut-il pas attendre que là voix revienne? j»
Cest de cette habitude, de cette- nécessité de chanter avec toute
espèce de voix, d*.av<oir. de la. verve à toute heure, que sont
nés. la plupart des défauts littéraires de notre temps. Sous
tant, de formes gentilles, sémillantes ou solennelles, allez au
fond : la nécessité de remplir des feuilles d'impression, de
pousser à la colonne ou au volume. sans faire semblant, est
là. n s'ensuit un développement démesuré du détail qu'on sai-
sit, qu'on brode, qu'on . amplifie et qu'on effile au passage, ne
sachant A pareille occasion se retrouvera. Je ne saurais dire
combien il en résulte, à mon sens, jusqu'au sein des plus grands
talens, dans les plus beaux poèmes, dans les plus belles pages en
prose, — ohl beaucoup de savoir-faire, de focilité, de dextérité,
de main-d'œuvre savante, si l'on veut; mais aussi ce je ne sais
quoique le commun des lecteurs ne distingue pas du reste, que
rhomme de goût lui-môme peut laisser passer dans la quantité s'il
ne prend garde, — le simulacre et le faux-semblant du talent, ce
qu'on appelle cAifirtf en peinture et qui est l'affaire d'un pouce en-
core habile même alors que l'esprit demeure absent. Ce qu'il y a de
chique dans les plus belles productions du jour est effrayant, et je
ne l'ose dire ici que parce que, parlant au général, l'application ne
saurait tomber sur aucun illustre en particulier. Il y a des endroits
où, en marchant dans l'œuvre, dans le poème, dans le roman,
l'homme qui aie pied fait s'aperçoit qu'il est sur le creux : ce creux
ne rend pas l'écho le moins sonore pour le vulgaire. Mais qu'ai-je
dit? c'est presque là un secret de procédé qu'il faudrait se garder
entre artistes pour ne pas décréditer le métier. L'heureux et sage
La Bruyère n'était point tel en son temps; il traduisait à son loisir
Tbéophraste et produisait chaque pensée essentielle à son heure.
n est vrai que ses mille écus de pension comme homme de lettres
de M. le Duc et le logement à l'hAtel de Condé lui procuraient une
condition à l'aise qui n'a point d'analogue aujourd'hni. Quoi qu'il
en soit, et sans faire injure à nos mérites laborieux, son premier
petit in-12 devrait être à demeure sur notre table, à nous tous
écrivains modernes, si abondans et si assujettis, pour nous rap-
peler un pou à l'amour delà sobriété, à la proportion de la pensée
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1^ . BsrcB m pjgpx
m Uttgaee. Ce swait baMCoiqf^ ééjà qm d'Mmb ««gMl 4» m
povveir iûreainsL
AojosrA'hiH que VArt pêàûpie de BMeau^ 6«l vArtaMBOMl
dérogé et n*a plna d* usage, b lecture du dbtpkfe dès^ Ouwtag^if
l' Esprit eerak euovre^ cbaqM auitin, pow le» esprite erîtK|i«i
€6 que la leelore d'ua akapiera de ïlmitatwn est pour les anNi
tendres.
La Bfuyire» après cela, • Mur d'autres i^ppKeaiiottB possMlt
par celte foule de pensées ingénieusement profondes sur lIioraiM
et sur la m. Â qui Vondaail s0 refermer el se prémunir eontne Isa
erreurs, les esagèratîoiis, les faux entrateemens, il fiiuéraiCy
comme an prenaer jour de ittS r conseiHer le morafisleimnianel
Par maUieury on n'arrive à te godier et on ne le découvre, poar
ainsi dire ,, que lorsqu'on est déjà soi-même au retour, phis eaf-
pable de voir te mal qm do'feire- le Men, et ayant <M)è épuisée
foux bie» des ardeurs t( des entveprises. Cesl beaucoup néafr*
moins qjue de sa voûr se eoÉMoier Mmiéme seckagrkier avec M.
SiMvn Bnrvi*
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DE
L'ASSASSINAT POLITIQUE.
Le jésuite Mariana, au zvr siècle, mit en jcèoe, daos son livre
imilHlé de Retje et retji< ins:Uuiionef Jacques Oémem frappant
Henri IH, et son récit dramatique implique une approbation véri-
table. Après la tragédie vient la dissertation, et le jésuite démon-
tre la légitimité du régicide* €*est de la scfaolastique appliquée au
Grime; c'est le sophisme venant s^offirir pour guide au poignant
de Tassassin.
De nos jours, on D*écrit plus en latin sur le régicide; mais chez
certarins esprits, et heureusement ils sont en bien petit nombre, il
4*est glissé cette désastreuse imagination, qu*assassiner un roi
qn*Qn n*aime pas, est un acte humainement îndififérent et politi-
quement ^orîeuz .
Cest (i'abord une étrange manière de ramener les rois an culte
d*une égalité fraternelle, que de les mettre eux-mêmes hors Thu-
manité. Vous frémissez à Tidée de friper Thomme obscur qui
TOUS coudoie dans les flots de la feule ; mais vous irez à votre fan-
taisie vous ruer sur le chef de Tétat; et parce qu*il est roi, il ne
sera plus pour vous un homme. Inepte et affreuse contradic-
tion!
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ISO RBTUE DBS DEUX MONDES.
Le cœur» par cette action > s*avilit autant que la raison. D est
lâche de frapper un homme qui ne peut ni prévoir le coup, ni le
repousser, ni le rendre. En vain on répond qu*on a mis sa vie
comme enjeu de cette partie , on a toujours lâchement attaqué celle
d'autrui. Là où la défense n'est pas possible, Tinfamie est pour
Fagresseur. Nous ne les appellerons pas des assassins, les insur-
gés de Lyon et de Saint-Méry : ils combattaient, ils moururent.
Mais aller frapper un homme qui se présente à vous paisible et
désarmé,
Comme un bon citoyen, dans le sein de sa ville,
faire siffler la balle entre sa femme et sa sœur, il n*y a pas de so-
phisme au monde qui puisse relever cet acte de la plus infamante
bassesse.
Voilà pour Thumanité. Que si nous entrons dans Pordre politique,
nous demanderons quel assassinat a jamais sus]>endu le cours
naturel des choses? D y a quatre ans, en esquissant le caractère et
les destinées de Lafayette, nous jetions en passant un regard sur
la liberté antique, pour mieux saisir l'originalité de la liberté mo-
derne, et nous disions : cr Regardez Rome après l'immolation de
César. Où va-t-elle? que veut-t-elle? César était mort ; mais la Uberté
n'en était pas plus vivante. Avaient-ils changé leur siècle par un
coup de poignard, Brutus et Cassius? »
Br utus et Cassius ont tourné bien des têtes ; mais il faudrait savoir
les comprendre et les juger. Écoutons le César français sur la
destinée et le meurtre du César romain : a En immolant César,
Brutus céda à un préjugé d'éducation qu1l avait puisé dans les
écoles grecques; il l'assimila à ces obscurs tyrans des villes du
Péloponèse qui, à la faveur de quelques intrigues, usurpèrent
l'autorité de la ville; il ne voulut pas voir que l'autorité de César
était légitime, parce qu'elle était nécessaire et protectrice, parce
qu'elle conservait tous les intérêts de Rome, parce quelle était
1 effet de l'opinion et de la volonté du peuple (1). » Jamais jugement
plus juste et plus sain ne fut porté sur une acâon historique. Brutus
se trompa lourdement; sa sanglante méprise ne releva pas la répu^
blique, et le fit seulement douter de la vertu.
{i) Précis des guerreê de iule* César ^ par rcmpereur Napoléon , pag. «ts.
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DE l'assassinat POLiTiams. m
- Mais enfin il avait pratiqué cette verta jusqu'au moihetit où il en
doutait à son heure suprême. Insensé qui parlez de Brutus et qui
vous réclamez de son patronage, savez-vous ce qu'était cet homme?
II Ait élève de Caton, il combattit à Pharsale; après le meurtre de
Pompée, et la grande scène d'Utique, il était le chef avoué d*un im-
mense parti, il n*obéit qu'aux provocations réitérées de la moitié
de Rome et delà république; on lui reprochait son inaction, qu*on
appelait sommeil; il fut mis en demeure de frapper, sous peine de
n'être plus réputé Romain. Mais vous, déplorable fou, qui, dix-
neuf siècles après, arrivez à la malheureuse imitation de Brutus^
qui étes-vous? Avez-vous qualité pour agir? qui vous a chargé de
frapper? La soc'été a-t-elle réclamé votre secours, votre bras?
Le régicide est une énorme chose. Deux grandes nations, l'An-
^eterre et la France, ont été la proie de violentes convulsions avant
d*abo\itir à cette tragique extrémité; et encore, au moment fatal,
elles en ont délibéré avec épouvantement. Les plus fermes courages
et les plus grands esprits sont partagés : Milton , la Bible à la main ,
commente le meurtre de Charles P*'; Saumaise le maud't en s'ap-
puyant sur d'autres textes. En France les soutiens de la république
se divisent sur cette redoutable question : beaucoup d'hommes des
plus dévoués à la révolution votèrent la vie de Louis XVI; le père
de Camille Desmoulins écrivait à son fils, le 10 janvier 1793 : a Mon
fils, vous pouvez encore vous immortaliser, mais vous n'avez plus
qu'un moment : c'est l'avis d'un père qui vous aime. Récusez-vous
pour le jugement du roi ; vous avez dénoncé Louis XVI dans un
grand nombre de vos écrits, vous ne pouvez pas le juger, jd Que de
doutes! que de perplexités dans les esprits! On se contredit, on se
combat, on tremble; l'immolation judiciaire du roi est arrachée à
grand'peine par une majorité de quelques voix.
On ne saurait nier la grandeur de ces fatalités historiques ;
mais quand une société les a traversées, qui donc a le droit de les
lui rendre? de lui en offrir la désastreuse parodie, et de la souil-
ler par des crimes pauvres et bétes? Malheureux! es-tu Robes-
pierre ou Crom well? Peux-tu défendre une société que tu ne com-
prends pas?
Ces aveugles fureurs feraient rebrousser les sociétés humaines,
ai la chose était possible; elles coupent, pour un instant, toute
isaoe au progrès ; elles frappent d'une apparente stérilité les con*
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m^ lBnB.n8 «BOX
quêtes dMidtet; fBm HmimittÊ^ tm st fi|nrMwtii^ les iflii-
taûom et les réfomet imprjMkaddeB; cies Bettntk»! «a f«te fal
Db«rfti4éBMKar«lii|«e po«r irif;ier» w sa flaœ» to pouvoir iA>eol»
el pririssafil d*ipi seidL Novs q-svods en France <|«e trop de paoto»
à BOBt prédpiler dans Fadciptioii d*am homno Goame s jmbok éa
Tintât et de b «edété; qoe sera*ce)oraqiie tt ctvUiaatîon bpoavwnim
esfittera tXkHBÊivfyà le poiivoîr i la défeadre» d4l4 méiDo pesés
«ireUel
La liberté medsrae a horrear de Tassasmaat ; elfe peat psoduôns^
elle peut excaser fasdear des guerres emles; le saag eoirie daasr
oe8kHleSyiifea)8aaaMMiis.ladi(aiiélittaiaîiien*y sucsooibe pas» etts
peut nésie y grandir; auûs lassassmat» BMÎsle gaet-apeas , «a» le
ooti|> fri^ipé par dec riëre ne seroot jamais iastruaieas de fiberlé.
Dans notre ctviiisaUon aMMlenie lechristiaaisaie et ti philosophie
8*aecordaal à repousser le meurtre^ la mort arbttraire de lliofRmQ
par l'hoBiaie. H n'est pas daas la destinée cie la démocratie d'aipaa«-
cer à coups de poignard oomioe une noareHe Frédegonde; ella
devra» comme elfe a dA jnsqu'iei» ses progrès è la pensée. Ihi;
bomme qtà vieal de d^»railre aa milieu de trop d*e«bK et d*indi£'
fésence, sa des pères do la révokitioa freaçaise, rabbéSyefs^
daaason rapport sur \sk première loi qai ait été fiaiie sur la presasv
noas a enseigné la aouireasté féconde de b liberté moderne. <r Les
pfatlosopbefs et les poUicistes, a*4-U écrit, se soat trop hAJtès de noas
déooarager ea proaonQan& que la Ubsrté ne peavaii appartenir
qa'à de petits peuples; ib a*ont sa lire Taveair que daas le passé...
Éfevoas-noas à de pbs kamtes espérances^ cachons q^ le terrn
taire b |)ias vaste» qœ bplos oombretisapopulaiioa se prête à b
liberté. Pearquoi en efiet sa iwtrameat ( b presse) qtii saura mai-
tre le genre humain ea oommuanaté d'ofûnioa , rèsKMtToir et Faai*
mer d'an même semimenl» l' unir dtt ien d* uae coastitaiion vrai ment
sadafe» neseraiè-ilpAS appelé à agrandir iadéfiaimsnt le domaiaa
de b liberté ?«...«
Voilà effiaditemeaâ b desKatariance de b déoMcralîe nouTdb;.
dfeest iUeibb pensée e* de b pse^e. C'est dams cette coarieiîoa
que nous nous sommes élevés avec énergie contre les Ijîs de sep*
tembre» qai n^oas^éfté à nos jenx qa*un8 tmaielatioa iautite et son-
damaabb de pnadpea sacrés. Le dogme de VkmUuid^i'm aAA
empAcbé aas ittuvalb lealatôre d'assassbal? il ae T^ait pas la
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BE LASSASSmAT FOtmQIK. SSB
d^apostafsier la Ifloerté de rinteUigence; on uguiee tes poî-
ipards quand on revêt aTfltr les anaes.
Qudques amis de M. Gnôot ont répandu le bnrit que t^aitenUft
en 85 juin Ini frayait le retour an pouvoir : œ brmh est une nor-
teBe mjore pour Thistorien de la Réoiution d'Avgkterre; ses parti-
MSBB étourdis ne se sont pas aperças cpie par ces ruaaaenrs ils ten-
da'ent à Faire de leur <^f une espèce de Tristan , de {prand prévte,
^a'on appelle dans les eitrémités yidentes. Jamais homme d'état
■'eut plus à se plaindre de ses aMîs que M. <jui2ot, et ses adversaires
politiques loi rendent plus de justioe.
Le gouvernement et la société ont chacun, dans ces tristes con-
jonctures, leurs devoirs à remplir. Nous reconnaissons volontiers
que le ministère n'a pas hésité à considérer Tattentat du 25 juin
comme l'acte isolé d'un insensé, qui ne pouvait être rattaché à au-
cun complot positif; il n*a pas songé à une convocation extraordi-
naire de la chambre des députés, et donne tous ses soins à une
rapide exécution des lois en ce qui concerne la juridiction de la
chambre des pairs. La cour souveraine qui siège au Luxembourg
estimera sans doute utile et salutaire d'mprimer à ce procès une
austère simplicité. L'opinion publique n'a pas approuvé la faiblesse
fastueuse de ses condescendances pour la vanité de Fieschi, qui
s'était fait un théâtre du prétoire aristocratique.
La société doit se sentir humiliée et blessée de ces actes extrava-
gans : c'est à elle de leur infliger le châtiment de l'opinion. On lui
demande ses applaudissemens pour de sanglantes folies ; qu'elle
réponde par son exécration et son mépris. Qu'elle condamne l'as-
sassinat politique à la même infamie que Vassassinat qui vole de
l'or. Faveur et sympathie pour les nobles efforts, pour le travail,
pour le talent; secours du gouvernement et de la société à la pau-
vreté laborieuse qui veut s'élever au bien-être et à la réputation par
d*honorables labeurs; indulgence et mansuétude intelligente pour
les passions sincères, si ardentes qu'elles soient, tant qu'elles restent
généreuses. Mais anathème de mépris, excommunication sociale ,
sur rinfamante absurdité de Vassassinat politique.
n y va de Thonneur de la civilisation française. L'expédient du
meurtre est anti-national ; la guerre et le duel ont toujours été dans
les mœurs françaises, l'assassinat jamais : doit-il donc aujourd'hui
recevoir du génie de la liberté droit de bourgeoisie?
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191 BKVUE DES DEUX MONDES.
Non', un peuple ne déprave pas ainsi ses instincts et sà'dignité,
et malgré la tristesse de quelques épisodes, la cause de la civilisa-
tion n*est pas prés de faillir. Les excès dés anabaptistes n*ont pu ni
déshonorer ni compromettre l'avenir de la réformé.' Les meurtres
de Tordre des assassins n*ont pas obscurci l'éclatante générosité de
la civilisation arabe. Cest Thonneur de la nature humaine que le
crime aboutit toujours à une obscure impuissance. La société, trou-
blée un instant à la surface, referme ses flots sur ce qui les avik
agités, et précipitant dimpurs débris au fond de Tabtme, elle con-
tinue son cours , sous Vattraction irrésistible des lois étemelles.
Lebhinier.
30jaiiil856.
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CHRONIQUE DE LA. QUINZAINE.
3o juin iêS0.
Les éTèoemens politiques de la quinzaine ont tout disparu devant Tacte
^'horrible démence qui, dans la soirée du 25 juin, eit venu surprendre
^ coustcmer Paris et la France. L'assassin est un nommé Louis Alibeau
deNtroeSy âgé de vingt-six ans et se disant commis négociant. Nous ne
reproduirons pas ici les détails donnés par les feuilles quotidiennes sur
f arrestation de ce malheureux , sur ses habitudes dépravées et son lan*
gage depuis qu*il occupe, à la Conciergerie, la chambre de Fieschi .
Le fanatisme d* Alibeau est froid et tacitt^mc; avec pKis d'instruction
que Louvel, il lui ressemble en plusieurs points. Comme lui, il a léng-
temps nourri son sinistre projet; depuis trois ans, il a conçu et entretenu
l'idée d'assassiner le roi , et si , jusqu'ici , il avait consenti à en ajourner
l'exécution , c'est qu'il attendait qu'une révolution vint renverser le gou-
vernement de juillet , et lui épargner ainsi la peine , les dangers et l'im-
mortalité de l'assassinat. On trouve ainsi, dans cet homme , ces espérances
vagnes d'un nouvel état social brusquement improvisé, cette attente de
Timprévu , cette invocation paresseuse de l'impossible, celte oisiveté mé-
contente, qui, tout en cherchant des distractions dans la débauche, se tient,
l'arme au bras, à la disposition, de l'émeute. Il est remarquable qu'Ali-
beau a été déterminé à hAter l'exécution de son crime par la tranquillité
même dont jouit la société; il appelait les convulsions de la guerre civile ,
et , désespéré par le calme qui régnait autour de lui , il s'est adressé à
l'atiassinat pour contraindre le pays à une révolution.
On ne saurait trop déplorer la confusion des idées qui précipite dans
le crime ces imaginations dépravées. 11 y a vraiment dans notre société
quelques hommes qui sont encore plus malades que coupables Alibeau
a lait quelques lectures ; on a trouvé chez lui un volume des Martyrs de
M. de Chateaubriand, et un volume de .^aint-Just. Quelques lectures de
pins et quelques vices de moins, il eût compris que les premiers chré-
tiens propageaient leur croyauce et leur foi par le martyre et non par
Tassassinat, et il n'eût pas cru se mettre à côté des hauU révolutionnaires
de l'époque exceptionnelle de 93, en dressant un guet-apens contre le
KM, le malheureux eût encore compris combien la société, dont il vou-
^Ise porter l'interprète et le vengeur, était loin d'accorder la moindre
sympathie à ses sauvages opinions. Étrange délire que de vouloir entrai-
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49S' KETUE DES BFXTX ■Orn>ES.
ser k sa siuke une société dans laquelle on n'a pas même su prendre la
moindre place par le travail, la verlu ou le talent. On ne saurait irop
s*élever contre ce pernicieux mélaujçe (fe vanité et de paresse qui porie
certains esprits à délaisser les nobles labeurs, la persévérance de tous
les jours dans un art, dans une profess on, dans la science, pour deman-
der à de brutales violences un n>)e éclatant^ qui les gorge de jouissances
et de bruit; ils ont oublié que, dans tous les temps, la réputation et le
bien-être n'ont été la conquête que de la constance. Pour tons les hommes
vraiment illustres, la gloire et la fortune ont toujours été lentes à venir.
Michel-Ange travaillait aussi rudement qu*un maçon.
La société devrait pourtant être comprise dans ses sent i mens et ses
volontés, car son attitude est un grave enseignement pour qui veut l'in-
terroger et la servir; elle est calme, elle se sent forte, elle ne se prend
ni à la colère m au désespoir, eUe est sAre dVUe-niéme et de ses desil-
Bées. OndiVaii q«e dans $m afMitkieplns apparente que réelle , cllesoo-
rit ironiquemoBt^es teotati^'esëe ceux qui veulent remporter là où elle
ne veut pas aHer, à aawmr en arrière ou au-delà ùos bornes nécessaires du
, présent et du siècle.
Il serait à désirer que les «haftls tfenctiminaires, qui représentent le
double intérêt du ^iveroement est de èa société , montrassent , dans leurs
actes et dans lears proclamations , un sentiment vrai de Tétat social. Les
préfets, à roccasion de Fattentat du 25 juin, ont adressé à leiurs adoii-
nistrés une proclamation pour expr mer et appeler riadigoation générale
delà France sur cet acte odieux. Plusieurs d'entre eux ont représenté
l'état et la société même à deux doigts de leur ruine, si Tassaisin eût
réussi dans son exécrable dessein. Ils oublient donc que la mort tragique
eu roi, si affreuse et si déplorable qu'elle Ot, ne saurait ébranler dans
ses fondemens la constitution Ce la société. N'y aurait-il donc plus de
kits, de Cliarte, dedyiiastie, de chambres, de magistrature, d'armée,
de garde nationale? N'y aurait-il donc plus de société , avec se traditions^
sa volonté, et la puissanoe de les faire triomplier. Il est fâcheux que dans
la baute administration on puisse noter une telle absence de tact. Afez
du zèleyfnessieurs, mais plusd'î abileté. On ne vous demande pas dtf
plirasesd'adnlatioB , mais de la bonne et ferme admi«istralioo.
Avant le 25 juin, a<rant d'être exckosivt'ment absorbée par rattentit
d'Alibeau, la presse ^notidienne avait passé uoe longue rewede lases-
aioB qui vient de finir. Les avis sévères ti 'avaient pas été épargnés à ms
iégislalears. A wa\ dire, quelques-unes des censures n'étaient pas sans
iSondement. Il s'est perdu bten du temps que réclamaient d'utiles travait
interrompus ou à comaMneer. Toutefois de r«veu «aènie des censeurs les
pHM austères, la chambre se reoammaade cette aimée par l'adoptioa de
deux importantes mesures, empreintes 4'one et l'autre d'un esqMritde
progrès et de perfeetiomiementootalbles. Nous voulons parler de la loi éti
it9%mmt$ et de cdie âe^ehemÂnsvécmaux, Deuxlois libérales et populaires,
ast-oe donc ^i pev ? One session est^tte absolnnient stérile 4|«and elle les
m proéuiles? Piatôears des dernières sessions du parlement anglais aat
4lle «oing léQOMlca eocorc.
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En Espagne» toajoart le mêmt aomwieil yfaéFaf. L'esprit ptibiic et la
goerra etriàa sembleni (tortnfr pare^tement. i^aîs la proclniiie session des
chambres ae tardera pa»à réiF«iHer m snrsaiH tevt le part. Pour fin-
stant*, les officiers de Tarm^ dn général écrans saiH les seiils qui ffornient
quelque sipie de rîe. Ai^déftratdes epératiena miNtafres^itioni organisé
des roaraes an ctacher. I^go» rses ait rioeher en BIscafe eè ce n'est que
moiitagBts et rarltis! Ces Ângtota doivent être contens. Nalie part ils
n'aaraieat tramré d^aossi tielles occasions de se renapré leroii.
En ^rtnga», dona lHAria a dissMit sam eérémenie lé ebamère de sev
dépoté», panée ipi^lls aniiPTil prétewdit dî9pu4er sériensemimt les loia
flnancières.qiti lenr étaient senantses , et peur bil areir contesté h droit
d*iavestir du eewimanrfement de rarmee so» noinrei époux. Qsand
nous regardions cette jeane princesse danser follement à Paris, il y a
quatre aàs, qui nous eOt dit qa>lle serait bteiHiMi imm reine si manfailse
tête, et si pe» rcgarr^ante aux eonps d'état ?
En Angleterre , ta grande querelle entre \»9 dei» ebambres R*a pas
fait beaucoup de pas rers rarcommodement. Les lords sont saisis du btH
descorporatiaao irtandatses réaineiidè par b»6 commancs^ et lenrsseigneQ«
ries ne paraissent pas fort ei»pres9ées de cbeisrr entre la paix et la
guerre. IXailifurs, bien quHI atteiK^e avce une impetience iérrense le
dénonemeot de la coUision , leparlemena ne demecire pas pour cela in»
aciif PîTeraeasréBts coflnqoas enl beauccmp égayé le débet su? ta ré^
diiction t'es droits- de timbre qu^erta vetér eonfémiémeiit anx réselntioDff
du chaecelîer cfe Téchiquier. L'anMndeneDt développé par M. Kearsly a
sarteiH diverti rassemblée. L*he«offable membre avait prepeaé, avec itne
imperturbable gravité, de dégrever le savons an lieu de dégrever lee
joumaox Puis, durant la môme diseiiesioii, eat survenue l^aimabledis<^
pute entre M. Roebork et te avétne M. Keaesiy i M Keersl^ avait déclaré
le disrovrs de M. Roebivrfc dégoélant; M. Roebuek a déclaré que
M> Kearsif ae s-'ètait pas assrx abssceu de trop boire è son dtneri
Ces Beiitîitesaes parlementaires n*bt^ jamais, ds reste, des suites bien
sanglanica, grâce à KinterventioA emntipalente an ipetàww, ifoi oaloM^ les
aniagoaistes les pl»s fougne^ix, en lesflsieant enfermer dans tea prisons de
la cbavtbra jusqii*à compMte p»riica«ia«. Aiasi , el ea verto des salutai-
res rêAMoM qn*inspire I» prison.^ sH^sl tevnwnée la terrible affaire entre
M. Treneh et M. Wason, qtti w% vwilaieia rien moins que a' aller entretoer
à Calais. Celledesir >i»hn BebhoMe et du eoèenel Sibtberp DesemMiit pae
<)«foir ae ceachiresi ainéaMnt. Sir John, IlerrompH, pendant qu'il par^
^it, par an ricanemeol âw eolonet, mwi ripestt^ pêtimenl? « H n^ a rien
<1^ si sot qB'on sot rire. » Là dea^nts ke eoleael de jeter fev et flamme.
Biennelepowait sattsl^re que le sang ivpaada, et veilà <fie soudai»
cettecalère8*apii«e et«ambe devant mie réaraetatieta iadinectedesir Jehs,
et quelques avis palemebi du Bftêok^r. M» CKConœl a bien e» égaèeerveet
sa petite altercation avec M. Richards; mais comme le grand agitateur
^ rigoureusement fidèle à son vœu dé ne plus se battre, ses affaires
^^bonneur soas les pkis faciles de toutes à arranger. Ces combats singu^»
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128 KEYUB DES DEUX MONDES.
liers de paroles seraient bien ridicules et bien intolérables, s'ils se répé-
taient souvent. Us ont été beaucoup plus fréquens cette quinzaipe qu'ils ne
le sont d'ordinaire. Il faut les attribuer à l'excitation que cause dans la
cbambre ie conflit avec la pairie. C'est de la colère surabondante; on se
bat avec qui l'on peut, en attendant la grande mêlée.
La chambre des lords a repoussé, à une immense majorité, le bill qui
tendait à introduire quelques indispensables réformes dans la cour de
chancellerie. C'est que ce bill était un acheminement à des réformes bien
plus graves. Il conduisait à remanier la juridiction monstrueuse des lords
jugeant comme cour d'appel. Il menait à séparer les fonctions politiques
et judiciaires du chancelier. Or, ces questions touchent essentiellement i
la constitution même de la pairie. On conçoit qu'à l'heure qu'il est les
pairs ne soient guère empressés d'ouvrir une voie aux assaillans qui les
battent en brèche.
Mais c'est hors du parlement que s'est jouée la principale scène. Le pro-
cès intenté à lorl Melbourne n'était au fond qu'un procès politique sur
lequel les tories fondaient de grandes espérances. Les tories ont fait cette
année une campagne peu honorable et peu dans les habitudes parlemeu-
taires du pays. Désespérant de détruire le caractère public de leurs en-
nemis, ils ont essayé de détruire leur caractère privé; ainsi ont-ils at-
taqué la moralité de lord Melbourne, de même qu'ils s'en étaient prisi
la probité d*0'Connel, au sujet de l'élection de Carlow. Cette seconde
tentative sans générosité ne leur a pas mieux réussi que la première.
Un jury anglais n'admet pas légèrement la culpabilité en fait d'adul-
tère; il ne se décide point d'après de simples présomptions, sur la
foi de témoins douteux. Bien plus, la loi impose une condition es-
sentielle au mari qui demande des dommages -intérêts. La loi vent
qu'il ait été vigilant; qu'il se soit montré le constant et jaloux observa-
teur de sa femme; qu'il n'ait jamais paru insoucieux de cet honneur dont
il vient réclamer le paiement. Or, tel n'était point le cas de M. Norton.
M. Norton n'avait été ni vigilant, ni jaloux; il n'avait nullement été un
sévère gardien deson honneur. Au contraire, il avait fermé les yeux) il
avait été volontairement aveugle. Ces considérations dictaient d'avance
le verdict qui a proclamé la double confusion des tories et de leur dé-
plorable instrument. Rien n'a manqué à celle de M. Norton. Il n'a pas
même obtenu cette précieuse fiche de consolation du fnihing qui eiA
rejeté les frais à la charge du défendeur; et l'on sait qu'ils sont considéra-
bles en Angleterre lorsqu'il s'agit d'une audition de témoins.
— C'est un véritable événement littéraire que la double publication
de VÉssai sur la lUiiralure anglaise et de la traduction du Paraë»
perdu de Milton,par M. de Chateaubriand. Nous ne pouvons quesignaler
aujourd'hui à l'attention publique ces deux ouvrages , que recommande
as9ez le nom de l'illustre écrivain. Nous les examinerons une autre foîi
avec l'étendue et le soin qu'exige une œuvre de cette importance.
F. BULOI.
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•flf
LES MORTS.
FRAGBfEirr INÉDIT DE LÉLIA. '
Chaque jour, éveDIée long-temps d'avance, je me promène avant
k fin de la nuit, snr ces longues dalles qui toutes portent une
épîtaphe, et abritent un sommeil saas fin. Je me surprends à
descendre, en idée, dans ces caveaux, et à m*j étendre paisible-
ment pour me reposer de la vie. Tantôt je ra*abandonne au rêve
du néant, rêve si doux à Vabnégation de Tintelligence et à la fati-'
gue du cœur; et ne voyant plus dans ces ossemens que je foule,
que des reliques chères et sacrées , je me cherche une place au
nflieu d'eux ; je mesure de Vœil la toise de marbre qui recouvre
la couche muette et tranquille où je serai bientôt, et mon esprit
en prend possession avec charme.
Tantôt je me laisse séduire par les superstitions de la poésie
dirétienne. Il me semble que mon spectre viendra encore marcher
lentement sous ces voûtes, qui ont pris Vhabitude de répéter
rédio de mes pas. Je m'imagine quelquefois n'être déjà plus qu'un
jfontAme qui doit rentrer dans le marbre au crépuscule, et je
(i) Haas la nouTeUe édition de ses œuvres que Tautear prépare, Lélia a été complète*
flMni refondue et formera trois volumes. Cette édition complète de George Sand paraî-
tni pir liTraison de deux volumes , imprimés avec des caractères neufi , sur beau papier.
TOMB VU. — 1.5 JUILLET 1856. 9
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iSO REVUE DBS DEUX MONDES.
regarde dans le passé, dans le présent même, comme dans une
vie dont la pierre du sépulcre me sépare déjà.
n y a un endroit que j*aime particul'èrement, sous ces belles
arcades bysantines du clottre : c*est à la lisière du préau, là oà
le pavé sépulcral se perd sous Therbe aromatique des allées, ci
la rose toujours pâle des prisons se penche sur le crâne des-
séché dont l'effig^ est gravée à diaqiie angle de la pierra. Un des
grands lauriers-roses du parterre a> envahi Tare lègem de la der-
nière porte, n arrondit ses branches en touffe splendide, sous la
voûte de la galerie. Les dalles sont semées de ces belles fleurs,
qui, au moindre sQuffle du vent, se détachent de leur étroit calioe
et jonchent le lit mortuaire de Francexca,
Francesca était abbesse avant Vabbesse qui m'a précédée. Elle est
morte centenaire, avec toute la puîssanee de sa vertu et de son
génie. C'était, dit-on, une sainte et .une savante. Elle apparut à
Maria del Fiore, quelques jours après sa mort, au moment où cette
novice craintive venait prier sur sa tombe. L*enfant en eut uee
telle frayeur, qu'elle mourut huit jours après , moitié souriante,
moitié consternée , disant que Tabbesse l'avait appelée et lui avaft
ordonné de se préparer à mourir. On Tenterraaux pieds de Fran-
cesca, sous les lauriers-roses.
Cest là que je veux être enterrée aussi. 11 y a là une dalle sans
inscription et sans cercueil, qui sera levée pour moi et scellée sur ïïkâ
entre la femme rehgieuse et forte qjui a supporté cent ans le poids
de la vie, et la femme dévote et timide qui a succombé au moin-
dre souffle du vent de la mort; entre ces deux types tant aimés
de moi, la force et la grâce, entre une soeur de Trenmor et une
sœur de Sténio.
Francesca avait un amour pronohcé pour Vastronomie. Efle avait
fait des études profondes, et raillait un peu la passion de Maria
pour les fleurs. On dit que lorsque la novice lui montrait le soir
les embellissemens qu'elle avait faits au préau durant le jour, U
vieifle abbesse, levant sa main décharnée vers les étoiles, disait
d'une voix toujours forte et assurée : Voilà mon parterre!
Je me suis plu à questionner les doyennes du couvent sur cft
couple endormi , et à recueillir chaque jour des détails nouveaux
me deux exiatanoes qui viMsit bientôt rentrer «Una la ma ^
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LBs «ours. 131
Cest ufie éhose triste q«e cet effacement complet des morts ; le
diristiantsme corrompu a inspiré pour eux une sorte de terreur
mêlée de haine. Ce sentiment est fondé peut-être sur le procédé
Héewi de nos séputtures, et sur cette nécessité de se séparer brus-
quement et à jamais de la dépouille de ceux qu'on a aimés. Les
anciens n'avaient pas cette frayeur puérfle. J'aime à leur voir por-
ter dans leurs bras Tume c|ui contient le parent ou Tami ; je la
feor vois contempler souvent , je Tentends invoquer dans les gran-
des occasions, et servir de consécration à tous les actes énergi-
ques. EHe firit partie de leur hértage. La cérémonie des funérail-
les n>st point confiée à des mercenaires; le fils ne se détourne
pas avec horreur du cadavre dont les flancs l'ont porté. H ne le
laisse point toucher à des mains impures. Il accomplit lui-même ce
fcroîer office , et tes parfums, emMème d'amour, sont versés par
ses propres mains sur la dépouilte de sa mère vénérée.
Dans tes communautés religteuses , j'ai retrouvé un peu de ce
respect et de cette antique afFection pour les morts. Des mains fra-
ternelles y roulent le linceul, des Senrs parent te front exposé
tout un jour aux regards d'adieux. Le sarcophage a place au mi-
lieu de la demeure, au sein des habitudes de la vie. Le cadavre
doit dormir à jamais parmi des êtres qui dormiront plus tard
à ses côtés , et tous ceux qui passent sur sa tombe le saluent comme
un vivant. Le règlement protège son souvenir, et perpétue
rhommage qu'on lui < oit. La règle^ chose si excellente, si néces-
saire à la créature humaine, image de la Divinité sur la terre,
religieuse préservatrice des abus, généreuse gardienne des bons
semimens et des vieilles affections , se fiait ici Famie de ceux qui
n'ont plus d'amis. Elle rappelle chaque jour, dans les prières, une
longue Uste de morts cpii ne possèdent plus sur la terre qu'un
nom écrit sur une dalle , et prononcé dans le mémento du soir. J'ai
trouvé cet usage si beau, que j'ai rétabli beaucoup d'anciens
■oms qu'on avait retranchés pour abréger la prière; j'en exige
la stricte observance , et je veille à ce que Fessaim des jeunes no-
vices, lorsqu'il rentve avec bruit de la promenade, traverse le
chttre en sitence et dans te plus grand recueillement*
Quant à ronibfi des faits de la vie, il arrive pour les morts plus
ifle m qu'ailleurs. L absence de postérité en est cause. Toute une
génératiim s'éteint en même temps, car Fabsence d'évènemens et
9.
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132 RETUE DBS DEUX MONDES.
les habitades uniformes prolongent en général la vie dans des pro-
portions à peu près égales pour tous les individus. Les longévités
sont remarquables, mais la vie finit tout entière. Les intérêts ou Tor-
gueil de la famille ne font ressortir aucun nom de préférence, et la
rivalité du sang n'existant pas, 1 égalité de la tombe est solennelle,
complète. Cette égalité efface vite les biographies. La règle défend
d*en écrire aucune sans une canonisation en forme, et cette pres-
cription est encore une pensée de force et de sagesse. Elle met un
frein à Torgueil, qui est le vice favori des âmes vertueuses; eDe
empêche Thumilité des vivans d*aspirer à la vanité de la tombe. Aa
bout de cinquante ans , il est donc bien rare que la tradition ait
gardé quelque fait particulier sur une religieuse , et ces faits sont
d'autant plus précieux. .
Comme la prohibition d'écrire ne s'étend pas jusqu'à moi, je
veux vous faire mention d'Agnese de Catane, dont on raconte ici
la romanesque histoire. Novice pleine de ferveur, à la veille d'être
unie à Tépoux céleste, elle fut rappelée au monde par l'inflexible
volonté de son père. Mariée à un vieux seigneur français, elle fut
traînée à la cour de Louis XV, et y garda son vœu de vierge selon
la chair et selon l'esprit, quoique sa grande beauté lui attirât les plus
brillans hommages. Enfin, après dix ans d'exil sur la terre de
Chanaan , elle recouvra sa liberté par la mort de son père et de son
époux, et revint se consacrer à Jésus-Christ. Lorsqu'elle arriva
par le chemin de la montagne, elle était richement vêtue, et une
suite nombreuse l'escortait. Une foule de curieux se pressait pour
la voir entrer. La communauté sortit du cloître et vint en proces-
sion jusqu'à la dernière grille , les bannières déployées et Fabbesse
en tête, en chantant l'hymne : Vent, sponsa Christi. La grille s'ou-
vrit pour la recevoir. Alors la belle Agnese, détachant son bou-
quet de son corsage, le jeta en souriant par-dessus son épaule,
comme le premier et le dernier gage que le monde eût à recevoir
d'elle; et arrachant avec vivacité la queue de son manteau aux
mains du petit Maure qui la portait, elle franchit rapidement la
grire, qui se referma à jamais sur elle, tandis que l'abbesse la rece-
vait dans ses bras, et que toutes les sœurs lui apportaient au
front le baiser d'alliance. Elle fit le lendemain une confession gé-
nérale des dix années qu'elle avait passées dans le monde, et.
le saint directeur trouva tout ce passé si pur et si beau, qu*il
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LES MORTS. 133
lai permit de reprendre le temps de son noridat où elle Tavait
laissé y comme si ces dix ans d^interruption n'avaient duré qa*un
joar, joor si chaste et si fervent, qu'il n*avait pas altéré Tétat de
perfection où était son ame lorsqu'à la veille de prendre le voile, elle
avait été traînée à d'autres autels*
EDe fut une des plus simples et des plus humbles religieuses
qu*on eût jamais vues dans le couvent. Cétait une piété douce, en-
jeaée, tolérante, une sérénité inaltérable, avec des habitudes élé-
gantes. On dit que sa toilette de nonne était toujours très recher-
chée, et qu'en ayant été reprise en confession, eDe répondit naïve-
ment, dans le style du temps, qu'elle n'en savait rien, et qu'elle se
faisait brave malgré eDe et par l'habitude qu'elle en avait prise dans
le monde pour obéir à ses parens; qu'au reste, eDe n'était pas fà-
diée qu'on lui trouvât bon air, parce que le sacrifice d*une jeunesse
encore brillante et d'une beauté toujours vantée faisait plus d'hon-
neur au céleste époux de son ame que celui d'une beauté flétrie et
d'une vie prête à s'éteindre. J'ai trouvé une grâce bien suave dans
cette histoire.
Sachez, Trenmor, quel est le charme de l'habitude, quelles sont
les joies d'une contemplation que rien ne trouble. Cette créature
errante que vous avez connue n'ayant pas et ne voulant pas de par
trie, vendant et revendant sans cesse ses châteaux et ses terres,
dans l'impuissance de s'attacher à aucun lieu ; cette ame voyageuse
qm ne trouvait pas d*asile assez vaste , et qui choisissait pour son
tombeau tantôt la cime des Alpes, tantôt le cratère du Vésuve, et
tantôt le sein de l'Océan, s'est enfin prise d*une telle affection pour
quelques toises de terrain et pour quelques pierres jointes ensem-
ble, que l'idée d'être ensevelie ailleurs lui serait douloureuse. Elle
a conçu pour des morts une si douce sympathie qu'elle leur tend
quelquefois les bras et s'écrie au milieu des nuits :
— O mânes amisi âmes sympathiques! vierges qui avez,
comme moi, marché dans le silence sur les tombes de vos sœurs!
vous qui avez respiré ces parfums que je respire , et salué cette
lune qui me sourit! vous qui avez peut^tre connu aussi les orages
de la vie et le tumulte du monde ! vous qui avez aspiré au repos
étemel et qui en avez senti l'avant-goùt ici-bas, à l'abri de ces
routes sacrées, sous la protection de cette prison volontaire ! ô vous
sivtoat qui avez ceint l'auréole de la foi, et qui avez passé des
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Kk BBTUB DES DEUX MONDES.
Bras d'im aiage kirfsftle S ceux d*im épotnc immortel I diastes^
Miantes de fEspoîr, fortes époirses de Isr Volomél me bénissez-
TOUS, dites-mot, et prier-rous sans cesse pour ceHe qui se phtt
arec vous plas qu'arec les TÎrans? Est-ce tous dont les encensoirs
d*or répandent ces parfums dans la nuit? Est-ce vous qui chantez
doucement dans ces mélodies de l'aîrt Est-ce vous qui, par une
sainte magie, rendez si beau, si attrayant, si consolant, ce cohi
de terre, de marbre et de fleurs où nous reposons vous et moîT
Par quel pouvoir r'âvez-vous fait si précieux et si désirable, que
toutes les fibres de mon être s'y attachent, que tout le san{j[ de mon
cœur s'y élance , que ma vie me semble trop courte pour en jouir,
et que j y veuille une petite place pour mes os, quand le souffle
dlvm les aura délaissés?
Alors , en songeant aux troubles passés et à la sérénité du pré-
sent , je les prends à témoin de ma soumission. 0 mânes sanctifiésT
leur dis-je, 6 vierges sœurs I ô Agnese la belle 1 6 douce Maria def
Korel 6 docte Francesca I venez voir comme mon cœur abjure son
ancien fiel, et comme il se résigne à vivre dans le temps et dans
l'espace que Dieu lui assigne! Voyez I et allez dire à celui que vous
contemplez sans voile : a lélia ne maudit plus le jour que vous lui
avez ordonné de remplir; elle marche vers sa nuit avec l'esprit de
sagesse que vous aimez. Elle ne se passionne plus pour aucun de
ces instans qui passent; elle ne s'attache plus à en retenir quel-
ques-uns ; elle ne se hâte plus pour en abréger d*awtres. La voilà
dans une marche régulière et continue , comme la terre qui accom-
plit sa rotation sans secousses, et qui voit changer du soir au mathi
la constellation céleste, sans s'arrêter sous aucun signe, san9
vouloir s*enlacer aux bras des belles Pléiades , sans fuir sous le
dard brûlant du sagittaire , sans reculer devant le spectre échcveïé
de Bérénice. Elle s'est soumise, elle vîtl Elle accomplit la loi; eBé-
ne craint ni ne désire de mourir; elle ne résiste pas à l'ordre uni-
versel. EUe mêlera sa poussière à la nôtre sans regret ; eHe touch©
déjà sans frayeur nos mains" glacées. Voulez-vous, 6 Dieu bon,
que son épreuve finisse^ etqtfawclelever du jour eHe nous suive
oft nous allons? »
Alors il me semble que, dans la brise qui lutte avec l'aube, 3
y a des voit faibles, confuses , mystérieuses, qui s'éfêvent et qui
retombent, qui s'efforcent die m'appder de dessous fer pièrrexmaSs
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qui œ penyQQt oa9 WMwr^ wuora ,l'QbsrtftçJ^4e lï» ^fef J^e itf^rr^
no iu^UUdi, jo r^a;r4« 4ina dalte ))laaplv^ a^ ^ sp^]jày^ pas, et «i
U c^VdQmQ,. 4obo»u«i ç^té40 ifnoji, w ni« ipoptr» p^ Maria d^
Wiore 4o^c^me|9l.AQdprlme sur l^pf ^m^^^ipMrche d^ ngive caveai^*
JSpi ce inop(M9m^-Ui > il ji; $t^CQ^ce9. de^ bruits éj^riMoç^si^seio de 1^
terre, et comm^ de« 3p»pir8 aoiis ine3,pied5, Mm^ tPMt f^it, tawt
jBe tait., dès que rétojl^ du pôle a, disparu* Voiphi^e grêle dos
qrpr^s» que la luoe dessîoaU 3ur lesjuurs, et qui, balancée par \fL
hrise, «emblait douuer le ruouvqmenf et la^vie au^ figures de 1^
fresque, s^ef&tçe peu à peu^ J^ peiuMre redevi^ut ^uiniobUe; l|i
Toix des plamps fait plîwse i ççUe dfis.w^au*- L'abucjte aéveilte
daBs sa caçiB, ^t V^ e^st coupé pajr des ^Qm pleins ^t d stinctii,
taudis que lefi.(jyaadJ5 ly^ blancs du. parterre se des.siueiit daps le
crépuacule et se dressent iwmpbil^/? de plaisir sous la rosée abon-
dante, Paus Tatteut^ du soleil), toul^s les iuquièt^s oscillatipns
.a'arrètmt^ tpu$ l^§ c^ei3 incertain? se dég^^gjçuï du wile fan^«-
tîquAk. C!es( alors q^^a rAell^rn^u^ les spectres s évauQuissent dans
ïair blanobi et qp^ les brui(J9 iu.a?tpUcables fput pla.ce à des har-
monies pures. QttçJkjt^pfois wi dernier ^uflle de la uuit secoue le
Iau^ar-ro8^^ froi?sj? çonwlsiyeiu^u> ae» broches, plane en touf-
npyant.sujvâa tétefleurin, e$.i;etoi9he avec un faible soupir, comme
^ Maria del Fîpre, ai:raQbée à son. parterre par la main de Fran-
eesca, se détachait avec effort de Tarbre chéri et rentrait dans le
domaine des morts avec un léger mouvement de dépit et de regret.
Toute illusion cesse enfin ; les coupoles de métal rougissent aux
premiers feux du matin. La cloche creuse dans Tair un large s.llon
où se précipitent tous les bruits épars et flottans ; les paons des-
cendent de la corniche et secouent long-temps leurs plumes humi-
des*sur le sable brillant des allées; la porte des dortoirs roule
avec bruit sur ses gonds , et Y Ave Maria , chanté par les novices,
descend sous la voûte sonore des grands escaliers. Il n*est rien de
plus solennel pour moi que ce premier son de la voix humaine au
coRimencement de la journée. Tout ici a de la grandeur et de Teffét,
parce que les moindres actes de la vie domestique ont de Tensemble
et de Tunité. Ce cantique matinal après toutes les divagations,
tous les enthousiasmes de mon insomnie , fait passer dans mes
reines un tressaillement d'effroi et de plaisir. La règle, cette grande
loi , dont mon intelligence approfondit à chaque insUnt rexcellence.
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136 REVUE DES DEUX MONDES.
mais dont mon imagination poétise quelquefois un peu trop la ri-
gidité, reprend aussitôt sur moi son empire oublié durant les
heures romanesques de la nuit. Alors, quittant la dalle de Fran-
cesca, où je suis restée immobile et attentive durant tout ce travaS
du renouvellement de la lumière et du réveil de la nature , je m'é-
branle comme Tantique statue qui s'animait et qui trouvait dans son
sein une voix au premier rayon du soleil. Conune eDe, j'entonne
l'hymne de joie et je marche au-devant de mon troupeau en chan-
tant avec force et transport » tandis que les vierges descendent en
deux files régulières le vaste escalier qui conduit à l'église. J'ai tou-
jours remarqué en elles un mouvement de terreur lorsqu'elles me
voient sortir de la galerie des sépultures pour me mettre à leur
tète les bras entr'ouverts et le regard levé vers le ciel. A l'heure oà
leurs esprits sont encore appesantis par le sommeil et où le sentiment
du devoir lutte en elles contre la feiblesse de la nature , elles sont
étonnées de me trouver si pleine de force et de vie, et malgré tous
mes efforts pour les dissuader, elles ont toujours pensé que j'avais
des entretiens avec les morts du préau sous les lauriers-roses. Je
les vois pâlir lorsque croisant leurs blanches mains sur la pourpre
de leurs écharpes, elles s'inclinent en pliant le genou devant moi,
et frissonnent involontairement lorsque, après s'être relevées, elles
sont forcées l'une après l'autre d'efOeurer mon voile pour tourner
l'angle du mur.
George Sand.
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VOYAGES
D'UN SOLITAIRE.
QQiiQiItlX^,
Oui y Albert, je sois parti sans prendre congé de toi, ni de personne,
selon ma louable coutume. Pardonne-moi ; je me mourais sur la lisière
de nos bois. Tu ne connais pas les affres de mélancolie que recèlent ces
puissantes forêts, quand les ombres d*automne s'amassent sur les étangs.
L.es oiseaux voyageurs étaient arrivés des montagnes. Chaque matin ils
passaient par bandes devant ma porte; je me figurais par avance les con-
trées qu'ils allaient visiter, les lacs, les vallées, les mers. Une inexpri-
mable angoisse me saisissait : j'avais besoin , comme eux, de secouer la
rosée de mes songes, et d'un coup d'aile vigoureux pour fuir mon propre
souvenir. A force d'errer dans les salles du vieux chAteaude Montmort,
j'ai retrouvé des ombres funestes qu'il faut quitter.
Ta ne sais pas ce que c'est que de n'entendre jamais d'autre écho que
celui de sa pensée vagabonde. Ma jeunesse se consumait là dans un sté-
rile amour de la création tout entière. J'étais noyé dans un océan sans
farme et sans rivages. Si je n'eusse pris la résolution d'en sortir, c'était
lait de moi; car ce pays, tout sévère qu'il est, a bien des charmes. Il
yoos retient par d'invisibles lianes, comme ces fleurs des eaux qui
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fSS liÉtdE DÉS t>Etfl MONDES.
n'ont point de racines, et qu*aucun orage ne peut arracher. Dans
vide qui m'entourait, mes idées prenaient en moi nu développement sarz^
bornes, et tout me manquait pour les exprimer. Il y avait des jours oït
j'aurais juré que j'étais né pour écrire. J'aurais pu dire à mon tour : Et
moi aussi je suis poète ! J'entendais «'es bruits que personne n'entemiait;
je voyais des formes qtfë péh*s«nfte ne tofait. Quand je faisais un pas le
matin sur la rosée de la grande avenue, il me semblait que la terre et
l'eau se lamentaient. Pendant des journées entières, sur le bord des prés,
je suivais des femômès qui ifont porni de corps; et il y tvait des idées
sans noms, sâhsinfag^s possibles dans aucan monde, qui ne me quittaient
pas. Mon ame était un véritable pandémonium où s'agitaient des larves
qui n'ont jamais eu vie. Peut-être eussé-je été musicien, si j*ensse pu
saisir cette harmonie sans souffle et ces soupirs sans voix qui passaient,
comme des brises, dans mon cœur. Quand le vent soufflait dans les bou-
leaux, je rêvais d'ineffables mélodies au fond des bois; mais ces chants
célestes ne dépassaient pas mes lèvres, et je ne sais aucun son qui en
puisse donner l'idée. D'autres joli rt, en m'éveillant , il y avait des heures
où je me retraçais malgré moi des images que j'aurais voulu peindre et
conserver toujours devant mes yeux. Cétaient des vallées, des paysages,
des climats inconnus sur cette terre. Pour les retenir, je ne trouvais non
plus ni couleurs, ni lignes, ni dessin. Je bâtissais aussi des architectures
prodigieuses {ui n'ont nulle part de modèle, des tours idéales dans les-
quelles je montais et descendais sans m'arréter jamais. Il y avait des bal-
cons d'où l'ou plongeait sur des horizons infinis, des balustrades où s'ap-
puyaient des femmes et des figures d^uue autre vie. Alors j'eusse pu croire
tire né architecte, si au moment de filer tons ces rêves par des lignes,
ils ne se ftissent eifacés comme le reste. De ces tours que je bAtissais dans
mes songes, de ces images à demi peintes, de ces mélodies sans voix, il
ne me restait i-len qn'un vague enchantement; mais aujourd'hui mes
fantômes m'importanent, mon propre chaos m'obsède; un aveugle ins-
tinct me pousse vers la Inmière; il n'y a que le soleil d'Italie qui puts^
dissiper mes odieuses ténèbres.
En passant à Tfantua , je suis monté sur les rochers qui bordent le lac.
Le jour était très pur. Du milieu des herbes fauchées s'exhalaient de petites
vapeurs capricieuses > telles que les songes des plantes. Les hautes Alpes
'étendaient au loin sur le ciel leurs eerdes de neige. Ah! les meilleurs
souvenirs de iha jeunesse errant sur ces montagnes, comme des chamois
poursuivis par te chasseur.
J'ai revu le lac de Genève. L«s Ims^es de Rousseau, r'e Samt-Preux^
deM"'* de Staêl, de Corinne, deByron, de Manfred, se bercent sur ces
flots pâles. Quand les ûmbi'es des inontagnes descendent le soir au fond
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VOYAfiBS JU'tK SOLITAïaS. 430
^^ Uc, ces bords sont dangereux. Vous entendez des voix connues qpî
^Us appellent. Vous vous penchez sur le flot dormant, et le fantôme
^oré vous invite à descendre au fond des eaux. Alors du côté de Meille-
^aye, on entend les troupeaux qui mugissent sous les châtaigniers ; la
dochc de Vevey sonne Tagonie de Julie; la mondaine Corinne s*assied
Bar le seuil des cliAlets; par les degrés des Alpes, Manfred descend à pas
pesaos, en s^appuyant sur son bâton ferré; pendant qu'à l'extrémité du
lac, le vieux château de Ghiilon biaochit comme la demeure commune
à tous ces F6\'es des poètes. Alors aussi, celui qui a un cœur frémit; il
s'arrête pour écouter l'écho. Il respire l'air puissant des montagnes; il
pense à ce qui aurait pu être, à ce qui a été, et se envient en soupirant
des jours qui ne reviendront plus.
Si l'on traverse les Alpes en été, elles sont à peine un obstacle. La
roule dn Simplon les a supprimées. Ce n'est que sur le versant de l'ItaUe
que les vallées sont abruptes; de ce cOté, la route devient un vrai menu-
meat d'art, et vous assistez à une lutte obstinée de la nature et de
rhoaune. Il y a des endroits où l'industrie semble vaincue par Tobstade;
mais c'est le moment où les ressources de l'art reparaissent avec le plus
de puissance. Cette roule s'élance sur les ravins, d'un bord à l'autre;
elle rampe, elle s'élève, elle bondit. H y a un intérêt dramatique à suivre
le combat de l'audaee humaine et de ces cimes si long-temps invain-*
eues. Ce monument de patience et de témérité est une sorte d'architeo-
Xore héroïque.
Malgré cela, c'est à la sortie de l'hiver qu'il faut observer les Alpes.
C'est là leur climat et leur saison natuvelle. Les pics de glace brillent
coaune des rosaces gothiques. Un silence lourd pèse sur ces vallées de
neige, où tous les bruits s'amortissent. A travers les frimas, on voit per-
cer Ics^ toits aigos des chalets. Du haut des pics les plus rapides, les avalan-
ches glissent comme des armées de géan8,,sous leurs-manteaux blancs. Les
Alpes semblent frissonner. Une puissance surhumaine vous oppresse, et
la terrible renommée de ces montagnes se confirme à chaque pas. D'ail-
leurs, même dans cette saison, on peut se laisser glisser à la ramasse, sans
presque aucua danger, depuis les sommais pisque dans les vallées ha-
bitées. La descente dure ainsi moins d'un quart d'iieure. Dans cette
course précipitée, les replis des montagnes s'affaissent et se nivellent sous
vos regards; la grandeur des objets, celle des distances parcourues, la
rapidité de la chute, et ces neiges inviolées, tout vous jette dans un
demi-vertige : il semble que vous soyez le premier qui preniez possession
de cette nature de glace.
IjCS lacs qui sont au revers des Alpes, le lac Majeur^ le lac de Côme, sont
déjà de la même couleur que les mers du midi, peut-être un peu moina
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140 RETUE DES DEUX MONDES.
bleus. Les petites Iles Borromées ressemblent à une création de TAriostel
Elles ont la même grâce que les inventions de VOrlando furioso, avec
quelque chose de plus sauvage. H y a en outre des pécheurs , un village
et une église, dans la plus grande de ces lies , qui ne semblent faites que
pour la fantaisie des poètes. Le doux parfum de la langue milanaise com-
mence là avec le myrte , Tolivier et le citronnier. L'enchanteresse des
climats du midi habite en cet endroit, sur son seuil. Dans le chAteau dés-
habité des Borromées , il y a des tableaux, des statues dormantes dans
les salles souterraines, au bruit des flots dormans; il y a de l'art et de Ta-
mour, c'est-à-dire, toute l'Italie. Dans ces lies lilliputiennes, la nature
s'est jouée d'elle<^méme; assise au pied des Alpes, elle sourit comme une
puissante Armide sur ces fantasques rivages.
Quand on aperçoit de loin la cathédrale de Milan , on dirait d'un édifice
de glace , bâti là de toute éternité , à la descente des Alpes. C'est la vieille
cathédrale gothique qui a servi de modèle à cette architecture; mais
combien le type austère de Cologne et de Strasbourg n'a-t-il pas été
altéré sous le ciel énervant de l'Italie ! La voûte ténébreuse du nord s'est
changée en un marbre blanc d'un éclat presque païen. Sur cette terre de
Saturne, le mysticisme de l'architecture gothique est dépaysé; le soleil
ardent du midi pénètre , avec une curiosité profane, jusqu'au fond de la
nef. Le trèfle et la rose chrétienne ont fait place, dans les omemens, au
laurier idolâtre. D'ailleurs il n'y a plus de flèche qui monte dans le ciel.
Soit que l'esprit de l'Italie se plaise moins dans la nue, soit que cette té-
mérité répugnât trop à la tradition romaine, il est certain que la flèche
gothique a toujours été un embarras pour les peuples du midi. Ou ibl'ont
séparée de l'église, et ils en ont fait un édifice distinct, comme à Venise,
à Florence, à Pise, ou ils l'ont supprimée comme à Milan. La cathédrale,
triste et rêveuse, des bords du Rhin s'est convertie, sous le ciel lombard,
à une foi sensuelle. De ses fleurs de marbre s'exhale l'odeur des citron-
uiers et des myrtes du polythéisme. Le Dies iras ne retentit pas sous ses
voûtes; bien plutôt l'écho de Lombardie y redirait des sonnets d'a-
mour. Ce n'est pas le Dieu crucifié qui a ici son symbole au milieu de
cette nature prodigue , c'est la Madone souriante sur le chemin des pè-
1 crins. Les statues innombrables qui habitent son église ressemblent aux
onze mille vierges de Cologne , ressuscitées dans de pâles corps de mar-
bre, que la mort païenne a ciselés.
De Milan , cette architecture , mêlée du génie du Nord et du génie du
Midi, prend trois routes : elle va aboutir, sur l'Adriatique, dans les pa-
lais vénitiens; sur la Méditerranée, dans le Campo-Santo de Pise; par le
chemin de la Tûscane, à Orviète : elle a suivi principalement les traces
tic l'esprit gibelin.
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TOTAGES d'un SOUTAIRE. J41
3c passe des monomeos étranges qui n'ont jamais été élevés, qui ne
«^écrouleront jamais, qui s'appellent Casliglione, Lodi, Rivoli; tout le
<^einiD de Milan à Venise est semé de noms semblables : ce sont des ma-
rais couverts de joncs, des pâturages suspendus sur des lacs, des avenues
de mûriers et de saules. Il y a quelquefois une maisonnette blanche qui
porte k son toit la cicatrice d'un biscayen, comme un soldat laboureur.
Sur le champ de bataille des environs de Vérone, les jeunes paysannes
font la cueillette des mûres. L'oiseau de Roméo et de Juliette chante, ca-
ché sous les vernes d'Arcole. Quand la nuit arrive, des myriades de
ïDOuches luisantes s'envolent de terre : elles s'allument, elles s'éteignent,
elles se raniment comme de petites lampes errantes pour éclairer les
morts.
H sonnait onze heures du soir au campanile de Saint-Marc , lorsque
fabordai à Venise. Il me sembla entrer dans le pays dies rêves. La lune,
en ce moment, sortait des nuages, sous l'iucantation des esprits embau-
més de l'Adriatique. Des gondoles, couvertes de voiles noirs, glissaient
â côlé de moi. Des deux côtés du grand canal, les ombres des paldi&
s'abaissaient et se confondaient, au milieu des flots, dans une architecture
fantastique, qui se bâtit là, le soir, pour les songes de la nuit. Cette im*
pression, reçue en arrivant, ne s'est point affaiblie par la suite. Après
avoir demeuré à Venise, après y avoir touché les pierres et les tableaux^
je n'ai pu détruire l'effet de cette nuit enchantée.
Yem'se est asiatique et arabe; elle est aussi bysantine, gothique, lom-
barde; mais c'est le caractère oriental qui domine, et celui sans lequel
elle reste incompréhensible. Ses vaisseaux ont rapporté chez elle les
styles et les formes de tous les climats : la coupole de Bysance, le minaret
du Bosphore, l'ogive de Mahomet, la citerne du désert. Rien ne lui
ressemble sur le continent ; elle est née de la mer ; elle est fantasque
comme les flots. Le Jupiter du Péloponèse, l'islamisme, le christianisme^
se pressent à la fois en ce lieu de refuge.
Toutes les fois que je vis l'église Saint-Marc, des milliers de pi-
geons voletaient sur les combles : ils se posaient sur l'épaule des statues^
sur leurs livres, sur leurs dais; ils becquetaient dans leurs coupes et
leurs calices : on aurait dit les oiseaux des légendes qui se penchaient à
Foreille des cénobites de pierre, pour leur apporter les messages du ciel.
L'église Saint-Marc est elle-même semblable à une vieille légende de
Bysance.. C'est la Sainte-Sophie de Constantinople transportée en occi-
dent. Un peuple de statues agenouillées habite les niches extérieures de
réglise, et semble de loin murmurer sur ses lèvres de marbre une langue
sacrée. Au dedans, toute l'histoire de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment est peinte sur im fond d'or. Une litanie étemelle sort aussi de toutes
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142 RBTCE DES DEUX MONDES.
ces bouches muettes. Vons habitez là au milieu de la cité sainte du
xi*siède. Cette foule de bieoheureui vous regarde» vous homme d'im
autre âge, qui pénétrez daus ce paradis du vieux degme. S'i s savaient
les langues humaines , ils vous demauderaient comme au pèlerin de Flo-
rence :
ITbû vieDS-to , toi qui nous ressembles si pea?
Avec cela, cette architecture est bien loin d'avoir la grandeur de Tarcbi-
tecture du nord : elle ue porte pas dans les nues la pensée religieuse
d'une rac? nouvelle; elle est plutôt opprimée sous le poids delà théologie
bysantine. Une décrépitude précoce s*y laisse apercevoir à travers ses
dorures: elle a les grâces ornées des pères de Téglise grecque, non la
sublimité sauvage du catholicisme d'Occident. Vous pensez à saint Chry-
sostome, à saint Basile, non pas à Tnrtullien, ni à saint Jérôme. Avant
tout f Saint-Marc est Téglise d^un peuple de matelots. Lorsque avec ses
petits dômes, qui s'arrondissent l'un >ur l'autre, on la voit du côté de la
mer, elle donne l'idée d'une nef bénie qui entre à pleines voiles dans le
port, chargée des chappes, des reliques , et des vases ciselés de Bysance.
Près d'elle sVlève la tour de son clocher à ogives. Cette tour isolée porte
les cloches et sonne les heures de la journée. Quant à la vieille église, elle
est muette; aucun bruit n'en sort pour marquer la siaccession du temps,
ni le changement de> heures; elle ne connaît ni soir, ni matin, ni deuil,
ni joie, ni glas, ni aubade : la cité sacrée du dogme ne connaît rien
qu'une heure , celle de Péiernîté.
A côté de Saint-Marc, le palais des doges est tout oriental; ses galeries
sont celles d^un palais arabe. Dans les ornemeus des ciiapiteauxsont
sculptés des plantes marine.^, des joueurs de mandoline et de viole,
double emblème de l'histoire et du génie national de la ville aux cent
tles. Les deux citernes qui sont creusées dans la cour font penser au dé-
sert. Venise n'a pas une seule source. A l'entrée des flots, elle est comme
Paimyre au milieu des sables. D'à «Heurs son palais des mille et une nuits
se termine par une prison d'état. Le sénat habitait entre deux tortures
continuelles : il avait sons ses pieds les cachots souterrains, et les
plombs sur sa tête. Quand vous voyez pour la prem ère fois, dans la salle
du grand conseil de TinquisKion, rayonner autour des nruirailles les ta-
bleaux de Véronèse et de Tintoret, ces fêtes de la peinture, dansées
enceintes lugubres, vous émeuvent malgré vous; car c'est au milieu de
toute la splendeur d'une architecture à demi mauresque, au milieu des
tableaux et des couleurs palpitantes de ces peintres , que cette aristocratie
enfbuissait ses mystères. Son gouvernement , qui fut une sorte de terreur
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VOYAGES d'un SOLITAIRE. 145
iMtioDaTe mêlée de volupté, était parfaitement à Taise dans ce palais,
%t(j\e et musée tout ensemble. Les supplices y touchaient à des plaisirs
choisis. Le petit pont par lequel les coorfamnés sortaient , pour être
poignardés ou noyés, est ciselé avec une élégance pleine de recherche,
^^ai TU un grand casque de fer dans lequel on broyait la tête des sus-
pects. Ce casque est lui-même d*une beauté étudiée. Venise poussa le
géoie des arts plastiques jusque dans la torture.
La vie de Venise était un prodige de chaque jour; en guerre perpé-
^ile avec la nature et avec le monde , sa victoire ne pouvait se prolon-
ger que par une tension extrême de tous les ressorts de l'état. Sa force
^a plus réelle consistait dans les combinaisons de son génie. De là, le se-
<^et sur tout ce qui la touchait était pour elle la première condition de
<^Qrée Dans un état ainsi établi sur le silence, ce n'est pas le lieu de cher-
cher des poètes, des orateurs, des historiens, des philosophes. Venise ne
^ait pas avoir, comme Florence, son Dante, son Boccace, son Machia-
^^- I^ parole écrite était l'opposé de son génie taciturne. An contraire ,
^ Peinture, cet art muet, devait être celui d'une société muette. Venise
^T précipita.
Oeqoi me frappe, c'est que la sombre sévérité du régime politique de
^^xiisc ne s'est jamais communiqué à sa peinture. Si vous ne considérez
^^ le gouvernement , vous vous figurez que toute cette société a été
<^Ksciuite par une terreur continue, et que les imaginations ont dû se
^'-■'vrir d'un voile lugubre. Si, au contraire, vous examinez l'art, vous
S"f>posez que ces hommes ont vécu dans une fête perpétuelle, et que des
iin^çinations aussi fougueuses appartiennent à un régime de liberté ex-
cessive. Titien et Paul Véronèse ont quelque chose de sénatorial , comme
Va^v^istocratie des cent lies. Ils ont la sensualité somptueuse, mais non pas
^^ ^éfërité ni la profondeur redoutable du conseil des Dix. Loin d'être
a^^ristépar le gouvernement, l'art exprima avec splendeur la splendeur
^^ Vétat; d'ailleurs un rayon détourné du Levant luit sur cesardens ta-
^^^ux. Ces imaginations de matelots se sont en partie formées au milieu
des bazars de Chypre et de Bysance. La peinture de Venise est à demi
orientale , comme son architecture.
Et véritablement, ces figures créées par l'art semblent aujourd'hui les
seuls et légitimes habitans de ces balcons et de ces galeries levantines.
An fond des palais, elles demeurent comme une aristocratie idéale et ta-
dlame.Sous les ogives humides des voûtes, le ver file sa soie; la gondole
passe en efOeurant le seuil; la foule se disperse sans bruit sur les
ponts. Quand le soir arrive, des bandes de mouettes et de procellarias
s'abattent sur la ville. Malgré cela, au fond de ces tristes palais , il y a une
fèîe qui ne finit jamais. Ces cadres suspendus aux murailles conservent
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M RBVUB DBS DBUX MOIfDBS.
Féclat des jours qui ne sont plus. Lorsque vous entrez dans la salle du ooo-
seîly yous trouTez encore la Venise patricienne toute parée , comme Inèi
de Castro dans son sépulcre.
Souvent des nuages violets , tels que ceux qui flottent sur les toilei de
Tintorety s'amassent sur la ville; leurs lignes droites sont comme tracées
à réquerre. La lumière se concentre alors dans une étroite bande à Tbo-
rizon. G*e8t avec une netteté incroyable que les objets se détachent sur
cette zone; mais, cordages, vergues, avirons, tout est gravé au burin dans
un ciel de cuivre. Du fond des vagues bronzées sortent le palais des dogei,
le campanile de Saint-Marc avec son ange d*or, puis, dans les tles, les
dômes de Saint-George, du Redemptor et des Gitelle La ville tout ea-
tière surgit de cette mer empourprée , comme la création de Tun de ses
peintres. Au milieu de cet éclat, on éprouve une impression de détresse
qui ne se retrouve qu'à Rome ; mais cette impression est beaucoup plus
extraordinaire à yenise , car là il n'y a point encore de ruines. Les pt-
laîs, quoi qu'on en dise , sont entiers. A cette magnificence seigneuriale
qui faisait, dans Venise, une fête éternelle , le temps n'a rien été encore.
C'est au milieu de cette fête que la ville a été frappée; elle est morte de-
bout.
On peut dire, en effet, que lorsque Venise acheva de tomber, elle était
morte depuis long-temps ; mais son gouvernement mit, à garder ce ca-
davre, la même vigilance qu'il avait mise à veiller sur elle dans la bônoe
fortune. Depuis la fin du xyii« siècle elle gisait sur son ht de parade;
pour cacher ce grand secret d'état, ce n'était pas trop de l'inquisitiun et
de la torture des plombs. Le premier qui franchit hardiment cette en-
ceinte ne trouva sous ce mystère qu'un fantôme.
Cédapiangere, signor! llya de quoi pleurer , monsieur, me disait le
vieux gondolier qui me ramena sur la terre-ferme; car le peuple ne laise
pas que d'être frappé de ces ruines , et il est fort attaché au lion de Saint-
Marc; ce qui n'empêche pas que Venise ne soit, par intervalles, la ville la
plus gaie et la plus folle de Tltalie; seulement cette gaieté exaltée est
quelquefois fort triste. Le carnaval de Venise ressemble toujours un pea
à la danse des morts.
Le canon des Autrichiens en batterie sur la Piazzetta, le grand dra-
peau de Vienne arboré nuit et jour en face de Saint-Marc, puis, en pers-
pective » l'hospitalité paterne du Spielberg, ce sont là, après tout, de
tristes siyets de fête. Les petits théâtres forains sont les seuls endroits où
la haine du joug tudesque puisse se montrer encore avec quelque liberté.
Dans ces pièces jouées en plein air, il y a toujours un caporal allemand
qui estropie, de la manière la plus burlesque, quelques mots d'italien.
Ainsi voilà Polichinelle vengeur des Dandolo, des Foscari et des Barba-
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YOTAOES d'un SOLITAIRE. itë
negro. En général, quel iemps faut-il pour que la petite comédie rem-
pl|K^ la cnmédie divine? c'est là, pour )out le monde, la vraie question.
II.
Après Venise I je n'ai séjourné qu'à Ferrare. Pour arriver à la prison
du Tasse, j'ai traversé une longue file de lits de malades dans l'hôpiul
Sainte-Anne. La prison est au fond d'une petite cour avec laquelle elle
est de plain-pied. Une grêle épaisse était tombée dans l'intérieur, car une
henre auparavant il avait fait un violent orage. La voûte de cette geôle
est si basse, que , dans certains endroits, on a peine à s'y tenir debout.
Cest là que le poète fut gardé sept ans comme une béte fauve de la mé-
nagerie de la maison d'Est. Pendant ce temps-là, Eléonore, dans le châ-
teau de Ferrare , écoutait les joueurs de luth; elle souriait sous les oran-
gers des villas, et pas une fois ses lèvres adorées ne s'ouvrirent pour
demander la grâce de celui que l'amour rendait à moitié fou. Le dernier
des ménestrels, il expia le long bonheur de ceux qui l'avaient précédé. Il
avait été l'amusement des heureuses princesses de Ferrare ; mais quand
il voulut prendre la vie au sérieux et que le baladin se souvint qu'il était
immortel, il fut réputé fou de la meilleure foi du monde. L'insensé, en
effet, qui livrait les trésors de son cœur au divertissement de ces jeunes
femmes couronnées , et qui cherchait dans les fêtes de la renaissance la
dévotion d'amour et |la passion profonde des temps passés ! Il avait dans
son cœur la passion de son Tancrède, et il croyait, lui seul, pouvoir ré-
chauffer de son souffle cette société défunte. Il embrassait des fantômes
sur son sein de poète, et il ne vit pas que le cœur des reines s'était glacé.
Epris du moyen-âge, il apporta le cœur brûlant d'un ancien troubadour
dans le tombeau orné de la féodalité. Il fut le Roméo d'une autre Juliette;
mais cette Juliette ne se ranima pas pour lui dans le sépulcre. Parce que
les chevaux piaffaient dans la cour, parce que les jeunes filles souriaient
comme avaient fait les châtelaines au temps des croisades , il crut que
l'ancien amour vivait encore, et qu'un grand cœur battait au sein de cette
société , sous la soie et les dorures* Le jour où il sentit qu'il se trompait,
sa tête se brisa ; il essaya de rompre le charme d'une main tremblante ,
eon una mono iremante: oh ! ce fut là une divine folie dont quelques-uns
ont hérité même de nos jours; mais ce fut une folie.
Après la prison du Tasse , je vis la maison d'Arioste. Un soleil bril-
lant rayonnait dans la chambre de messir Lodovico. Un chat lustré ron-
flait sur le seuil. Des pigeons battaient de l'aile contre le vitrail de la
feaêtre à ogive. A travers les portes des appartemens, j'entendis le vent
TOME vn. 10
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tt6 MrrOB DBS MCOX »MIDB6.
qai soufflait et soupirait oomme les lliiitdraes émiis de la feniaisie eu
poêle. SoD écritoire était sur une table. Je descendis dana le jardin. H
était alors tout en fleurs. J*y cueillis des œillets et des narcisses. Des pa-
pillons diaprés se posaient sur les gazons d'Espagne ; des poules glous-
saient dans la cour. Tout annonçait la demeure d'un bute heureux. Arioste
n'éutt point tombé dans le piège où Tasse se laissa prendre. De bonne
heure , il avait estiuié ce qu'il valait le simulaere qui l'entourait. H
n'aima pas ee qui ne pouvait aimer. Il prisa le moyen-Sge juste antuit
que le cheval de Roland qui n'avait qu*un défaut, à savoir d'être mon
Il ne demanda pas aux reines des larmes qu'elles ne pouvaient pienrer,
ni aux vivans un enthousiasme que les morts seuls possédaient. A k
vieille cour de Charlemagne et d'Artus, il donna la frivole beauté de
la cour de Ferrare. Il se fit des ioMgespour s'eu jouer; et le premier, il
sortit du sanctuaire de la fbi antique avec un éclat de rire. A ce prix si
cher, ses œillets fleurirent; ses colombes légères vinrent boire snr le
bord de sa coupe. Chaque année, le rossignol nicha dans les ros ers
de son jardin, pendant que Taraigiiée suspendit sa toile à la prison
du Tasse.
Il semble que dans toutes les époques qui ont été complètes , le rire et
les larnaes aient été ainsi mêlés, et que chaque siècle apporte avec loi
deux grands masques, l'un comique, Fautre tragique. Chez les anciens
Horace, Virgile; au moyen-âge, Boccaee, Dante; après eux» Arioste,
Tasse; plus tard encore, Yoltaire , Rousseau.
m.
A Bologne, les Autrichiens bivouaquatent sur la place. Les csasns
étaient en batterie , les chevaux seHés. Des patrouilles gardaimt les prin-
cipaux débouchés de la viHe. Cette image d'asservissement, quimeponr-
suivait depuis nnon entrée en Lombardie , me fit horreur ; et vraiment,
rien n'est plus laid que ces blonds lansknechts sons le soleil du raidi. A
Miiau , î'avab déjà rencontré leurs sentinelles à tous les coins de mes.
A Venise, j'avais entendu leurs canons dans la nuit, et j'avais vu leor
drapeau sur Saint-Marc. En ce moment, je sentis que je haïssais TAl-
Icmagne pour totit le mal qu'elle avait fait à l'Italie.
Oui , Albert, je connus alors la vieille haine accumulée par Dante, par
Pétrarque, par Machiavel, et je désirai avec ardeur de voir un jour l'Italie
marcher sur le cou de ces blêmes tudesqnes.
Autrefois , je te vantais leur génie ; tu te le rappelles ? .le voulais plon-
ger jusqu'au fond dans le chaos de ces esprits de ténèbres , parce que je
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croyais qa'un enthoosiasme darable les poussa t anx nobles entreprises;
mais leur essor n*a doré q^i'un moment. Une muse flétrie a déjà pris
chez eux la place des extases passées. Trop souvent ils couvrent sous des
paroles savantes dessentimens vulgaires. Va , crois-moi, ne cherche plus
dAM les deiM le eygae alleiuaid; H se mim aujoard*faeii tkms son cloaque.
J'ai aimé le ciel pâle de leurs pâles •vitlées. Dans ee tenps-là mon coMir
ne voyait, ne seatnt partant qae les imafes quil créait; je n'avais pas
coeitti lie myrte dans riso4a*BeJla , ni passé voe miH d'été au bord do lac
Bolièoe. Tous les boriaons étaieat pour moi également beanx, pourra
qu'il y elU place pow* oa rêve. Je ne Aiisais point de dlfTérence entre im
lourd cleKd'Aiitrîclie et an oiel vénitien. Mm, depuis que j*ai passé les
A^es, aaes yaiic» Dieu merci ! seat las de la lèpre tudesque. La perfidie
bavaroise , fiAfauaa bœearieê , m'est connue; et si pottr un si grand mal
taule parole n'éiail vaiM, je m'expliquerais davantage.
Depuis qoe les empereiin le rédiaaffeut au seleit lombard , qu'ont-ils
reaëu à lltalie en échange de ce qu'ils lui ont ravi ? Ne voient-ils pas
qae leur sang est trop froid peur celte ardente contrée? Leur génie qu'use
une heure d'exaltatioa n'est pas fait pour le soleil dévorant des enfans en
midi; le myrte est trop parfumé pour ces inaipides vainqneura; et
l'oreage de la Breaia ne raèrlt pas pomr les lèvres épaisses des seris de
Babsbeiirg.
Plan ! ttool cela ne peat durer, il fant que les manteanx bYencs dispa*
raisseot, et que les cavaliers frilaox repassent les monts. Ne «entent-As
pas 1^ leur langue hennissante rompt l'aecord de la mélodie toscane ,
et qae Icars nwmbfes grossiers n'ont jatnais été formés ëe -Dieu pour ha»
biiar, à Toiskre dea villas^ le jardin de TltaHe? Qu'ils consultent leura
mains rudes et calleuses., et leure sens hébétés. Ils apprendront d'eux-
mômes qœcette terre de volupté n^est pas la leur, et qn^ reste encore
aa-delà dea neat&, sons leurjcîel blêmissant, mainte glèbe qui reste
privée de lear swur aerviie : qu'ils retournent dans leurs vallées du
Danube, de lIEIbe et de ta âpnfte, s'atteler à leor ebarrae fftodale; 'et
alora, nona^looenNSS tant qu'un voadra les vertus de ces faométes Ger-
\ an^urd'huî, de œtte terre d*amoiirilsont fait une terre de haine.
L'enfaat qui^oommeneeà balbutier, la jeune fille sous son voile, Termite
dans sa ehapeUe, tout ee qui a un cœur peur aimer ou pour haïr, les
mandit en même temps. La vertu de l'Italie est de les détester ; c'est par
là qu'elle réonit ses peuples qu'aucune autre puissance n'avait pu rallier. Eh
bien! qu'elle la nourrisse cette haine sacrée, son seul et dernier refuge .
Qu'elle adere la madone de la colère , puisque la madone de ht pitié n'a
palasanver!
10.
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148 RBTOE DES DBOX MONDES.
IV.
Florence est toujours le commeouire vivant de Dante. L'architecture,
la sculpture , la peinture da xiy« siècle et la Comédie divine ont entre
elles d'intimes ressemblances. Dans le silence des églises moitié gothiques^
moitié lombardes, les fresques de Giotto, de Luppi, de Thaddeo Gaddi,
donnent une certaine réalité aux visions du vieil AJighieri ; et sous l'ar-
chet peint des archanges s'exhale encore la mélodie de ses tercets. Dans
les loges d'Orcagna , au bord de l'AmOy dans le fond des chapelles et des
cloîtres y sur le seuil des palais guelfes ou gibelins, partout le poète
pèlerin vous apparaît au milieu du paradis de l'art florentin.
Dans les temps chrétiens, Florence a été le vrai pays des formes. Tout
ce qui dans nos tristes contrées n'est que rêve, désir, espérance, regret,
a pris là un corps et une figure déterminée. Un contour achevé a circon-
scrit toutes les images rapides qui passent aujourd'hui dans nos cœors.
Jamais les peuples d'artistes et de ciseleurs n'ont connu les vains fantô-
mes qui s'élèvent dans le souvenir, et retombent sans laisser de traces.
Tout ce qu'ils ont aimé, tout ce qu'ils ont haï, ils l'ont touché au doigt;
ibont immortalisé le moindre de leurs songes; et ces cieux d'amour on 1
de colère que l'homme fait et défait sans cesse à chaque instant, ils les
ont fixés comme l'ombre sur la muraille.
Il est impossible de vivre à Florence sans s'y préoccuper de l'histoire
de l'art, car on peut en suivre là les moindres phases comme an coeor
même de l'iulie. C'est dans ce grand atelier que la tradition de l'anti-
quité s'est rencontrée avec l'idéalisme chrétien , etjque leur mélangea
produit ces formes sévères qui restèrent toujours inconnues'.à l'école de
Venise. Même au milieu du moyen-àge, on y garda la tradition des arts
païens. Dante y conversa. avec Virgile. Les sculpteurs de Pise donnèrent
aux cénobites du Nouveau-Testament quelque chose de la beauté des
dieux antiques, et les peintres abreuvèrent de nectar :olyrapién les lèvres
des archanges. Comme l'église romaine avait absorbé dans ses rites les
meilleurs souvenirs du paganisme, de même l'art florentin, qui fut aussi
une sorte d'église, conserva quelques-uns des linéamens de l'art antique.
De là naquit un genre de beauté qui, sans ressembler à aucune époque,
avait pourtant des rapports avec toutes. U semble que l'histoire de Flo-
rence soit comme la cité emblématique de Dante, et que l'on y monte de
cercles en cercles, avec chaque siècle , jusqu'à la suprême beauté. Peu i
peu une Grèce ressuscitée, sous les traits d'un ange mystique, s'y est as-
sise dans le ciel de l'art. Une Italie nouvelle, ,plus belle que l'Italie an-
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VOYAGES D'un SOLITAIRE. 149
9Dne» est sortie du tombeau de TEtrurie. Ce fut une Madeleine péni-
nte qui gardait encore , à travers les pleurs et malgré les macérations
sl^vangile, les traits et la beauté de la Madeleine pécheresse.
Quelque trace du génie étrusque s*e8t perpétuée là, à travers tous les
hangemens des temps, des langues et des institutions. Dès le xiv* siècle,
IQaad Rome chrétienne était seulement la ville du dogme, Florence jetait
déjà la ville de Fart. C'est chez elle ou près d'elle que le développement
épique de la tradition s'est accompli dans la poésie par Dante, dans l'ar-
ditectore par Giotto et Bruneliescbi , dans la statuaire par l'école de
Pise, dans la peinture par Orcagna et Michel-Ange. U faut remarquer
que Rome, qui a donné son nom à la plus grande école, n'a produit elle-
même ni poète, ni sculpteur, ni peintre. Elle n'a eu long-temps qu'un
art, i savoir, le culte et le rite catholique. Ses poètes, ses statuaires, ses
architectes furent ses papes. Lorsque le travail et la constitution de l'é-
glise forent achevés, alors seulement les arts séculiers arrivèrent de
tontes parts, pour recevoir là, par Michel- Ange et par Raphaél, le droit
de bourgeoisie dans la cité du dogme.
Oo répète souvent de nos jours que les époques les plus religieuses
sont aosii les plus favorables à l'art : cette idée est démentie par tout ce
que i*ai vu en Italie, et surtout à Florence. Tant que la foi fut pro-
fonde, les peintres, aveuglément soumis à la tradition de l'Eglise,
laissèrent leurs œuvres dans une sorte de divine enfance. Assurément le
génie religieux ne manque pas aux mosaïques byzantines ni aux peintures
snr bois des vieilles écoles. Que leur manque-t-il donc? l'art; il ne s'é-
mancipa qu'aux dépens de la foi. Les grands maîtres des écoles de Venise,
de Florence, de Parme, de Mantoue, furent contemporains de la ré-
fonneetde la confession d'Augsbonrg. Chacun d*eux soumit la tradition
reiigieQie à l'autorité de l'imagination, comme Luther la soumit à l'au-
torité de la raison. A quelle distance Michel-Ange, Léonard de Vinci,
Corrége, ne sont-ils pas de la croyance et de l'orthodoxie de leurs pères!
Ils changent à leur gré les types et les expressions consacrées; ils abo-
lissent à leur manière l'ancien rite. Ni Raphaël , ni Titien, n'approchent
de leurs pinceaux avec le tremblement de cœur et la dévotion de Fra An-
geljco ou de Masaccio. C'est au sortir d'un banquet avec la Fomarina ou
arec l'Arioste qu'ils substituent au catholicisme rigide de la tradition un
catholicisme vénitien, florentin, romain, qui n'a plus rien de l'unité des
rieilles fresques liturgiques. A la madone impassible des Bysantins ils
prêtent les passions et les airs de tête des femmes des lagunes, de Parme
>a d'Albano. Les différences, les caprices innombrables de la fantaisie
lumaine pénètrent pendant cet intervalle du xv* et du xvi* siècle ,
onune autant de sectes privées i dans le ciel du vieux dogme. Chacun
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ISO RETII£ BKS WSX MDNWtt»
86 fiait, sur la leile^soaévangUeiiMa image; irunité du YleuK sjmUk
est perdue sans retour. C'est Le temps de lapoésie, de ract, de la beaul^;
ce D*est plus le temps de la foi.
Au commencemeoty les gcaods-crucifix de CUnabué, eofiove sanglans,
représentaient la passion et Tascétisme du moyen- Age sur son Calvaire.
On dirait que les apôtres , encore frappés de terreur, ont peint eux-
mêmes, de leurs mains incultes, les fivesques colossales du x* siècle. U
dessin en est grossier; mais k Dieu nouveau est là. A travers ces traite
barbares ressort une grandeur apocalyptique. LaVierge^byzantine est as-
sise sur son trône; un repos •étemel illumine son front. Sa robe, où sont
brodés de secrets symboles, participe de cette immobilité céleste. Lei
douze apôtres, partout inséparables, iceraplisseot les coupoles des basili-
ques. II semble que ces personnages soient conçus hors du temps, au-
dessus dea mondes détruits. Dtans^ leur ciel tbéologique, ni joie ni tris-
tesse; tous ils sont investis d*une seule pensée, qui est la pensée divine. Bs
ne prient paa, ils n'enseignent pas, ils adorât Nous sommes auxiT
siècle.
Dans Tâge S]iivaDt,ju8qu'aa quinzième, la £aî atost pas mràs gruie*
Pourtant ces personnages sont sortis de leur ^MWtampta tien. Us ceoMnHi-
cent à errer. dans r£den de l'imagina tioa,'ei à quitter leiar sainle oisi-
veié. Sur les fresques de Gaddi, la& soldats endocmisautev du sépatert
Tide ouvrent leurs paupières; ils sl^é^eillent au jour noiAveaia. Le^Cbriit
s'élève du milieu d'eux, emportant l'étendard de 4a m^r^t. Le long da
murailles du cimetière des Pisan^, les Fîerges pâles de Giatto se gUasêat
à travers les .tombes comme des ressuscites. Le Umfis est venu où les
anges de GQzzolirde.Bu£taImaoco^ deJEiesolCyOnt embouché leiini<trMiiMB
d'or. Sur leuKS violes ils ont .pressé4eucs archets peoQttr)»é6;^att mUieu lie
ce silencieujLConoert, la madoncsourit pour la première £ois de cesoariv^
dont l'italie tout entière ae sent «noore émue. Sous ce ciei de mélodies
elle promène ^ et Ih^ danasesibras, le CUcist enfant. Cei fut là sans doute
le tempe le plus adorable 4e rart,js'Jl faut appeler.de oenomtoe^qui était
une prière,^un acte de £oi,.ouplAitôti«n ax-voà» d^e: l'humanité naufcagiée
et sauvée. Toutes les espérances, toutes les croyance&^Mraieut l'âge de ee
divin enfant que berçait sur ses genoux la madone de l'Italie. Les artistes,
réunis en confréries, connaissaient dans les moindres détours les secrets
de l'éternité. Il n'y a que les choses de la terre (pi'ils ignoraient. D'ail-
leurs leurs conceptions avaient dépouillé^ la barbarie des temps du chris-
tianisme primitif. Ils étaient sur le seuil de l'église et de l'art séculier,
appartenant cependant à l'une plutôt encore qu'à l'autre. Ce furent là les
derniers songes du genre humain dans le berceau du dogme catholique :
àkl que vont-ils devenir^ ces songes vôtus de pourpre et d'or?
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TÔYACKS ifm nOUTAïKE. 151
l^prs ta fin da xv* siècle, tout a changé. L'épogue de perfeeiîon dé l'art
M. arrivée. Ce qoe les figures ont gagné eti beadté, elles l'ont perdu du
KHé de Faustérité et de la croyance. Ce n*est plus le temps où le dogme
Kait revêtu de ses formes consacrées; c^est plutôt l'apothéose d*un paga*
BÎsme chrétien, ou, comme on parle aujourd'hui, la réhabilitation de la
onatîère divinisée. La madone est descendue de son siège sacerdotal; elle
est sortie du sanctuaire des basiliques. A l'ombre d'un pin, au milieu d'un
paysage deRaphaél, elle s'assied parmi les maures de la campagne sons
la figure d'une jeune fille d'Orbino. Au loin blanchissent les toits de son
filage de la Romagne, et le sentier terrestre par lequel elle a passé ré-
sonne sous les pas des cigales. Ou elle habite près d'Andréa Sarto , sous
les traits d'une Florentine de la Via Grande; ou elle se penche dans
l'aielier du Corrége et respire sur ses lèvres l'odeur des myrtes de Parme
et de Crémone. Le Christ lui-môme est devenu, sous le pinceau de Mi-
chel-Aoge, un autre Jules II, un pape irrité et militant. Ce n'est plus le
Dea enseveli dans les limbes de son ascétique passion. Les prophètes de
Jnda, les sibylles de Gumes et d'Ëphèse se rencontrent ensemble dans la
chapelle Sixtine. Sur leurs livres obscurs sont mêlés le judaïsme, le pa-
ganisme, l'Evangile, tout, hors la vieille orthodoxie. Ils épèlent ensemble
le mot sibyllin de l'avenir ; dans un siècle réformateur, ils sont eux-mêmes
le symbole d'un monde nouveau. A l'extrémité de l'Italie, le sensua-
lisme se déclare ouvertement dans l'école de Venise. Sur les toiles de Paul
Tèrooèse, le vin de Lombardie coule à flots éternels dans la cruche des
iioces de Cana. La cène des douze apôtres se prolonge nuit et jour, avec
la magnificence propre aux époux de la mer. La pauvreté évangélique se
ïceouvre de la pourpre du Titien, et le manteau des doges est jeté sur
les épaules des pêcheurs de Galilée. G'eo est fait ^ la chair est ressuscitée;
^Q fond des grottes mystiques, les saints, les patriarches, les pères de
l^gHse, les innombrables élus du moyen-âgearrivent et se pressent dans
iè paradis sensuel de Tintoret.
Aq milieu des monumens de Florence, Il en e^ an que je ne puis effa-
cer de mon souvenir , qui me tient lieu de tous les autres, et dont l'image
^este a fini par m'obséder : il est dans l'église de Saint-Laurent. Ce
monument terrible représente pour moi le caractère de l'Italie moderne,
telle que je l'ai comprise; il résume tout ce qu'il me serait permis d'af-
firmer sur ce pays. Je parle de la chapelle sépulcrale des Médicis, par
Michel-Ange. On pourrait dire tout aussi bien que c'est le caveau se-
paierai de Tltalie elle-même, et que c*est elle qui rêve sur ce tombeau.
Le mort est ceint encore de la cuirasse du moyen-âge : il appuie sur son
coude sa tête chargée d'un casque. Il pense , et c'est de cette contem-
plation qu'il a tiré son nom : il Pensosot Cette méditation da tombeau
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1d2 eeyue des dbux mondes.
est si profbadei que tous croyez voir passer sur ce front de pierre iei |
songes frissonnans du sépulcre. Il pense aux temps oubliés de la gloire
italienne, aux gonfaloniers des Guelfes, à la bataille de Campaldino; il
pense aux flottes de la Chiozza, aux murailles pavoisées, à rempereor
tudesque qui fuit devant la couleuvre milanaise ; et la mélancolie do
doux pays qu'en''erment les Alpes et que baigne la mer, est tout entière
scellée sur ses lèvres. Au pied de ce trône de mort, le Jour, la Nuit, le
Crépuscule, 1* Aurore, languissent couchés sur le flanc. Ces personnages
ont la solennité rêveuse qui se retrouve partout en Italie, au lever et u
coucher du soleil. Les rayons funestes qui attristent les marécages et li
campagne de Rome pèsent au front de cette famille des Heures géaotes.
Qu'attend-il ce Jour gigantesque pour se lever debout? La Nuit, sod
épouse funèbre, qu'attend-elle pour sortir de sa couche ? Jamais des jeux
humains n*ont vu un si étrange couple. Sont-ce des jours passés qui se
reposent d*avoir été? Sont-ce des jours futurs qui se préparent à la fi-
tigue d'être ?.L'un peut être comme l'autre. Levez- vous donc, Jour éter-
nel ! Aurore immense t famille sans parens et sans postérité! Pour qoe les
morts ressuscitent , ôtez la pierre de ce tombeau. C'est le tombeau de
l'Italie.
Au moment d'entrer dans la campagne de Rome, je quittai mon
vetturino. Pour voir de loin la ville à découvert, je montai un de ces
chevaux à demi sauvages qui errent aux environs. Comme j'allais passer
le Ponte-Felice, une jeune fille sortit d'une masure voisine : elle s'ap-
procha do moi en m'apporlant des pêches et des raisins de la monugne.
Ses yeux noirs brillaient au soleil sous la toile blanche dont sa tétc
était couverte; de longs pendans d'oreilles tombaient sur sesépaoies;
elle avait le teint des beaux marbres quand le soleil les a dorés; et,
avec cela, la taille d'Agrippine dans un corset écarlate et or, tel qœ
jamais sainte dans sa châsse n'en posséda de plus brillant ni de plus cha-
marré. J'arrêtai mon cheval , et je la contemplai quelque temps avec éun-
nement et ravissement , comme une madone rustique descendue de sa
niche.
Après la Storta, tout vous dit que vous approchez de Rome, cpasd
même rien ne vous la montre encore : une inquiétude indéfinissable
vous saisit. Au-delà de chaque tumulus, vous vous attendez à la trouver;
car, de ce côté, le Monte-Mario vous U dérobe jusqu'au dernier mo-
ment, et vous ne la voyez en plein qu'à l'instant où vous la touchez. Oa
ne sait de quel mot se servir pour décrire cette campagne. Sans village$|
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TOYAGES d'un SOLITAIRE. 1S3
lus fermes « sans babitaos , elle est aussi sans ombrages et sans forêts. Il
^ plus facile de dire ce qui lui manque que ce qu'elle renferme; point
Se murailles» point de haies pour diviser les champs; rien de ce qui fait
wlleurs la vie champêtre; point de chariots roulans, ni d'instrumens de
labour; point de prairies^ point de sillons; ni plaines, ni montagnes. La
^gure de ce terrain, rompu en terrasses et en ligne droite, a une sorte
^analogie avec la majesté des formes romaines; et la grandeur de ces pla-
teaux semble taillée sur le môme plan que l'architecture et que l'ordre
rustiques. Du côté de la Sabine, les redans de Tivoli, de Frascati, ouvrent
SOT la plaine de larges voûtes d'ombre ; l'horizon est fermé par la cor-
nicbe du Monte-Cavo. Ce qu'il y a d'étonnant; c'est que dans cet espace,
droooscrit de toutes parts, il y a encore plusieurs places que la géogra-
phie n'a point explorées (1), et qui restent en blanc sur ses cartes ,
comme si elles étaient au centre de l'Asie. A l'endroit où le sol se brise ,
k& ruisseaux encaissés roulent sous des arches de plantes grimpantes
et de vignes sauvages , où s'abritent toujours une foule d'oiseaux de ma-
rais. Le Tibre seul coule k fleur de terre dans son lit volcanique, où il se
recourbe et se replie sans cesse. En remorquant un bateau, des buffles
bruns laissent tomber dans ses flots, comme un fardeau, leur ombre
velue. Du haut des plateaux, vous voyez surgir une des tours féodales des
Colonna ou des Orsini, ou bien des aqueducs qui traversent la campagne
dans tous les sens, comme des escadrons rompus, ou, dans un ravin,
quelque petit pont recouvert de créneaux pour défendre le péage, ou une
misérable locande, d'un blanc mat, exhaussée sur des tas de débris, et
quelquefois sur un tombeau. Par delà de minces barrières qui, k de grands
intenralles, divisent cette campagne déserte, passent de noirs troupeaux
de cavales effarées : un seul berger les suit k cheval et armé de son grand
bois de latice. Plus on approche, plus la solitude augmente. Enfin , à la
descente d'un mamelon, vous apercevez à la fois , lÀ-bas dans la plaine,
un coin de la ville et une échappée du golfe d'Ostie : Rome et la mer,
ces deux infinis ensemble.
Si au lieu d'entrer, selon l'usage, par la porte du Peuple, vous entrez
par celle qai touche au Monte-Mario , vous aurez un spectacle afTreux ,
nais analogue à celui que vous venez de quitter. Au-dessus de la mu-
hille, vous verrez , pour inscriptions, des têtes de morts entassées dans
des cages de fer. Pour ma part, une des premières choses qui me frap-
pèrent en arrivant, ce furent ces crânes de morts qui ricanaient , comme
dans le préambule de la tragédie d'Hamlet, sur la porte de la ville éter-
nelle.
M Yoyea la carto de tir Gell. isai
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fS4 UTUX BBS nwx mokom.
B y a trois BloineSt celle de raotiqultéi» celle du mo^ea-âgies» cotte de
la renaissance»
La première a usurpé loutes les ruines de Tltalie aucienna» comm
tauies ses grandeurs : elle a quelque chose de monstrueux dans ses débri^
qui convient bien à Tempire que ces débris rappellent. Par exemple, lei
Xbermes de Garacalla» dans leurs masses informes, témoigneraieoi,
eux seuls , de Tespéce de délire qui possédait le monde sous les CésM
Dans cette Babel écroulée, on ne peut reconnaître aucun plan; ce qui
n'arrive jamais avec le génie grec» lequel conserve sa noblesse et sa cor-
rection jusque dans ses derniers débris. Malgré cela, une beauté sur
yage ressort de cette architecture orgiaque, A travers les lézardes, oq a
pratiqué un petit escalier en bois» qui conduit sur la cime de ce chaos dp
murailles. De là » on domine toute la viUe antique; vue de ce côté» ellei
le caractère babylonien des prophéties; car le vrai. caractère de la Roiae
païenne est d'être comme frappée d'une étemelle condamnation. JeoV
jamais passé sur le Forum sans remarquer l'inscription de l'arc de triom-
phe de Constantin : Au fondateur du repos (fatidatori quietU ). Étno^
moment de repos que le temps qui touchait aux invasions des Goths, dfii
Alains» des Hnos» des Vandales» des Lombards, ta vieille ville étaitlasM,
e% demandait merci. Parce qu'elle avait sommeillé une nuit» ellest
croyait sauvée ; mais ce qu'elle appelait le repos n'était <que le coromeac^-
ment de ses misères; et cette inscription est une ironie de Jebovabjeté
sur le Jupiter abattu du Campo-Vacciuo. Le culte catholique» qui sorg^ |
partout sur les ruines du paganisme, en fait autant de monumeos delà '
Providence. On dirait que Tarchange du christianisme les frappe iaceir
samment» et qu'il disperse de sa verge les dieux attardés dans cette iosh
phat de briques et de marbre» D'ailleurs» ces monumens ne sent point
défendus , comme ceux de la Grèoe, par leur beauté olympienne; ik
n'ont point été non plus oubliés sur la cime des monts : an contraire»
Us sont foulés et heurtés sans cesse, sur le graad chemin du monde» ptf
la vengeance du dieu jaloux. Jour et nuit, dans le Colysée» au pieddiB
la croix de bois qjui s'élève an milieu du cirque» l'orgueil delalWiM
patricienne et ses espérances superbes sont livrés à la dent des lions ia-
visibles.
Tout cela fait que Rome n'est jjamais si belle qu'à la lumière d'un granA
orage», tel que chaque été en amène plusieurs dans son puissant cUoiA*
JDe bonne heure» le sirocco s*abat sur la campagne; tout se tait comme!
l'approche d'un oiseau de proie. Dians l'atmosphère^ nage une vapeur
brûlante. La tôte des hauts pins de la villa Pamphili se balance à l'horuao*
Des bandes de goélands et d'oiseaux de mer remontent d'Ostie; ils s'a«
battent sous les voûtes des ponts déserts. Le Tibre change de couleur; il
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rmde^omme imlIenTeînferniif à travers sacampagiffi maadfte. On entencF
des Minpifs cfal sortent par iMntfTée des rocaîlles de Roma-Yecchia. Quanti
tes^kiirs plas Tréquens jailKssent, ils entourent (fune auréole de colère
h etme du Cotisée» Ta tour de Néron, les créneaux du môle d'Adrien» et
les baots obélisques des places. On dirait que le sépulcre du vieux monde
ifonvre et se ferme sous une main invisible. Alors les ruines, que dorait
auparavant un brtlfant soleil, sont pins blêmes que des spectres. Une
odeur fade s'Ahale des orties en fleur des Thermes. A mesure que
les nuages entassent leur architecture flamboyante, ils deviennent
couleur de sang. A la fin , leur cité vagabonde crève sur te front de la
eité condamnée. (Test Fheure où les chiens égarés s'abritent dans le
tombeau de Geeîlia Meteila. La petite porte de bois qui ferme le jardin
des Césars, sur le mont Palatin , s'agite en criant sous les pieds des bou-
quetins et des chèvres errantes. Si en ce moment T angélus tinte à la élo-
ebe de Saînt-Omiphre , ce faible son est bientôt répété par mille autres;
à peine ce dernier bruit se meint , qu'un immense murmure s'exhale de
ferre. Les confréries âts morts élèvent leurs chants lamentables sur le
penchant de TAventin. La Rome chrétienne s'agenouille sur le sépulcre
de la Rome païenne; tout redit au loin d^jns la nuit : Miserere î miserere t
A la Rome du moyen*âfge appartiennent les cloîtres bysantins, les
banliques, les peintures en mosaïque. Ces dernières surtout, quoique
peu remarquées, sont certainement les monumens qui sont le plus em-
preints de Tesprit des premiers témpsdu christianisme. L'époque qu'elles
reproduisent est eelTe oà Fart, tout sacerdotal, n'était qu'une dépendance
de la liturgie. D*ailleurs, dans ces peintures se retrouve la même barba-
rie que dans la tangue des pères de l'Église, avec le même genre de su-
biîRrité quand elfes s'élèvent jusque-là. Leurs rapports naturels, dans
Rome, sont avec les catacombes, avec les coupoles lombardes ^ avec le
chant grégorien , avec le vieil orgite de Bysance , avec la poésie des Kta-
oîes et du Dies irœ. Je me souviendrai hnig- temps de celle de Saint-Paul
Iréfsdes murs. On sait que cette basilique du rv« ou du v« siècle a été
brûlée de fond en comble en 18^. Quand je la vis , H ne restait que
Ftpaîde du chœur; mats cette partie, la seule qui ait été sauvée , était
ausaf la plnsprécîense ; car elle est remplie , du haut en bas , par la pein-
tiffe la phi8 gigantesque qui existe assurément. Le Christ qui en feit le
«•jet est debout; il est grand de toute fe hauteur de l'église. Ses pieds
ttuebent le pavé, sa tète soutient la voCtte. Quoique ce oolosse soit certes
d'ime forme barbare, la refigion qni règne dans ses traits , dans sa pose,
tes seo geste, est si profonde, que j'en ftis-saisi comme de la vue d'un por-
tnUfllargiqtie, esqnîssétpar lu main d*un martyr. Le Christ des premiers
âges^dlait là pensif sur les raines de son égKse. Sous ses pieds croissaient
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156 RETUB DIS DEUX MORBES.
les ronces de la campagne. Les cigales altérées criaient aatoar de loi ; et :!
mon cœur, plus altéré mille fois que les cigales y 8*élerait par bonds ji»- '
qu'à rimpression de cette foi perdue dont ces pierres portaient le témoi- la
gnage. J*a?ais beau me retirer et changer de place , cette grande pto-
pière s'ouvrait et s'abaissait toujours sur moi. Je voyais passer les naa^
au-dessus de sa tête , et à quelque distance de là blanchir les murailles
de la ville. Tout cela rappelait la légende du Christ voyageur à la porte
de Rome. D'ailleurs, je n'étais pas seul; au milieu des fats de colooDes
épars,il y avait une dizaine d'ouvriers qui sciaient des pierres en sifflant,
emblème frappant de l'état de l'église spirituelle, et du petit nombre de
ceux qui la relèvent. Depuis ce temps-là , j'ai vu les cbefis-d'oeuvre da
Vatican; mais rien ne m'a paru d'un effet plus saisissant, ni phis apoca-
lyptique , que ce Christ du iv* siècle, debout ^nr les ruines de sa basi-
lique, au milieu des broussailles et des buffles de la campagne de Rome.
Les murailles qui entourent la ville, avec leurs petites portes, flanquées
de tours, sont à peu près du même temps; elles réveillent des impresaioDS
analogues. Quand on aperçoit de loin ces murs lézardés et leurs cbétili
créneaux, il est impossible de se défendre d'une immense pitié. On se
figure cette Rome dont les faubourgs touchaient à la Propontide et à
l'Armorique, et qui se resserre de plus en plus à l'approche des invasions
barbares. Elle se retire peu à peu comme une eau fétide et tarie;
d'abord elle se cache derrière le Rhin , puis derrière les Alpes , et soo
inexorable ennemi la suit à grands pas ; et le jour arrive où elle est tout
entière enfermée, comme un archer blessé , derrière les créneaux delà
Porta Pia et de Saint- Jean de Latran. Qui n'eût cru que c'était là sa der-
nière heure? Mais quand cet abri lui manqua , elle jeta le glaive et prit
la croix. Alors la foule se retira et disparut par mille chemins; d'elles-
mêmes les portes se refermèrent sur une Rome nouvelle , plus redoa-
tée que l'ancienne. Au loin, la campagne resta frappée de stupeur; et
c'est le sentiment que Ton vit au milieu de ce perpétuel miracle qoi
exalte à la longue les plus froids, et qui fait de Rome le séjour le plus
extraordinaire et le plus sérieux de la terre.
Si l'on veut voir combien cet effet est propre à ce pays, il faut comparer
Rome à Athènes. Au milieu de sa forêt d^oliviers, Athènes restera tou-
jours païenne. Les hommes auront beau la changer et la détruire; %
n'empécijeront pas son ciel de s'épanouir, ni sa mer de sourire dans onc
perpétuelle olympiade. Sa campagne restera toujours riche et féconde.
Ni la douleur ni la passion du Christ ne pèseront snr elle comme sur
l'horizon romain. Toujours ses petites églises seront les desservantes des
temples; Périclès y fera oublier saint Paul; et jusqu'à la fin des temps,
Athènes ressemblera à ces jeunes catéchumènes dont le cœur restait
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TOTAGBS d'un SOLITAIRE. 157
païen quand leur boucbe était d^à chrétienne. An contraire , dans Rome
tout est chrétien , jusqu'au paganisme lui-même. Le Christ a si bien pris
possession de ce pays, qu*il y est partout visible. H faut fermer les yeut
pour ne le point apercevoir à ses côtés. La courte épée des légions a
TaiDCUy et lia arboré son vexillum sur les colonnes triomphales. Les
hommes se sont creusé les uns aux autres des tombeaux , et lui s*est cou-
ché à la place des morts dans le sépulcre. Ib ont élevé des temples à leurs
idoles, et lui est entré dans le sanctuaire, k la place de leurs dieux. Ils se
sont bâtis des prétoires pour y rendre la justice, et lui s'est assis, comme
la justice éternellement vivante , sur le siège du préteur. Us ont élevé
des cirques pour y voir le combat des gladiateurs, et lui s'est assis sur
les gradins du Colysée, pour y voir l'empire, ce grand gladiateur, tomber
sous répée des archanges. Il semble ainsi que le paganisme latin ne fut
rien, en lui-même, qu'une pompe magnifique et vide, préparée d'avance
pour couvrir la nudité du christianisme, au sortir du désert de Bethléem .
Mais ce qui achève de donner à Rome ton caractère, ce qui fait qu'elle
est elle-même l'emblème permanent du catholicisme , le voici : Au-des-
sus des ruines, des basiliques, des mosaïques , au-dessus de l'antiquité et
do moyen-âge, la coupole de Saint-Pierre s'élève comme la domination
visible de la papauté. Rien n'est plus facile que de faire la critique menue
de cette église géante. C'est dans ses rapports avec Rome tout entière qu'il
faut la considérer. De presque tous les endroits de la plaine, et surtout
des hauteurs de Frascati , d' Albano , du Monte-Cavo , vous apercevez tou-
jours au loin, dans le désert de la campagne , ce dôme qui marque la
place de Rome; c'est la triple couronne et la mitre de \A ville étemelle.
Home, avec tous ses siècles, ne fait pour ainsi dire qu'un seul monu-
ment, dont l'unité est analogue à celle du catholicisme. Ses fondemens
iont cachés dans les catacombes des martyrs; sa tète est chargée de la
coupole de la cité nouvelle. Si le dôme de Saint-Pierre manquait k Rome,
elle serait toujours la ville des tombeaux par excellence, mais elle ne
serait pins l'emblème visible de l'Ëglise triomphante. Il lui manquerait
sa tiare.
Cette Rome de la renaissance est en quelque sorte une Rome ressuscitée
sar le tombeau de la Rome des martyrs. L'image que les chrétiens du
loofeo-âge se faisaient de la cité de l'avenir, semble avoir été réalisée, en
puiie , par la sculpture et par la peinture du seizième siècle ; cet art ne
An lai-même si puissant que parce qu'il accomplit sur terre, quoiqu'en le
nhaissant, l'immense idéal qui avait obsédé le cœur des hommes. La ville
des âmes fut Téritablement alors bâtie de pierre et de dment; et la Rome
do papnisme , du christianisme , du moyen-âge , de la renaissance , com-
prenant tous les temps , toutes les formes , devint l'image de la cité de la
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18S uvuK.nE8 BBim
provideiioe oa de Phistoire onîTerselle. Aussi, lorsque TcnuToyes deloio^
sur la place de Saint- Pierre , l'obélisqve projeter eon ombre rar le méri-
dien tracé à sa base , cette aiguille colossale d'aoe colossale horloge m*
laire semble marquer silencieusement l'heure de Féternité dans la fifie
étemelle.
Pour achever cette Rome catholique, les deux artistes de la papaoté,
Michel- Ange et Raphaël, se sont partagé le double génie de TégNse. Le
premier a reçu Tinspiration de la Bible , le second ceHe de TEfangiie.
AJnsi l'Ancien et le Nouveau-Testament de l'art ont reçu à la fois km
deux révélateurs.
L'école de Venise répondait au génie d'une aristocratie seosnelle , ceHe
de Florence aux traditions d'une démocratie chevaleresque et lettrée;
Pécole de Rome représenta rinstitution souveraine par excellence, la pa-
pauté. Lespeinires ascétiques du moyen-âge étaient dans on rapport!»*
turel avecrarebttectareascétii|«eq«i*ils décoraient de leurs fresques, aree
Féglise de Saint-François-d' Assise et le cimetière des Pisans;Jes Floreo-
tins avec leurs églises patrMia'ea et le baptistère de la comoitine; Fiesole
avec les cellules des cloître»; Titieuataee Le palais des doges. Raphaéi et
Michel- Ange introniaërent Tart sor le Saint-Siège. Leur génie poavait
èdater partout; leur vraie place était au Vatican.
Si l'on veut voir d'un seul coup-d'oeil l'auvre épique de la traditioi
chrétienne, il suffit de regarder les fresques de Raphaéi. Les traosfor-
mations continues de l'art y sont d'autant pkis sensibles qu'une partie dt
vieux génie liturgique palpite encore et revit sons oes formes noo^eUes.
Cet idéal s'est développé dans Tart de la même manière qoe le dogna
dans l'église. Ce n'est point en un jour que Téglise, oette madone des
tombeaux , a revêtu les pompes et la gloire de la papauté ; elle a passé
par le martyre. Avant de s'éveiller anx joies dn siècle de Léon X , eliei
chanté, dans le sépulcre du moyen-<âge , ses litanies de mort. De nésie,
la peinture de Raphaéi n'est pas l'cravre d'un seul homme. On poerrail
rappeler une peinture épiqve, parce qu'elle a résumé tont ceqni l'a pré-
cédée, tellement liée à la tradition, qu'elle semble souvent indépesdails
de la vohmté et du choix de l'artiste. Elle anssi a langni dans les lé-
pnlcres des cénobites. Elle s'est dérobée tm monde palen> avec les formes
bysantinea, au fond des cataeemëes ; eMe a vécu dans les eenBles<dnqDt-
terzième siècle, et ^ans le Campo Saoto 4es Pisans. Ausai ^ daDSSoa
triomphe , elle garde quelque chose de son martyre. Sons sa beanté épi*
Doule au soleil de la renaissance, rojo» reconnaissez les traces ^l'aseé-
tiameet de la donlefir^u moyeft-âge. Raphaël représente 4a traditieB dt
l*figlise. Il y a en Ini du Penrgîrk, dit Masaocio et dn Irère Aafèli^pie.
Tant antre est Micïhel-Ange. ft ii^ ni maître ni pnasé. Si na dèoovfra
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voYiÉflin D^oi saur AiMu IM
^lui une (Oananté véritable atec Dante el l^a seulpteurs pîsaoSyyil tieoi
de Tâpreté des discordes civilas^ de la véhémeiice de Savaoarole , de l'ea»
prîi tumoltueus des Guelfe» et de& Git>e4fii»» il a par-dessus tout l*esprit
d*infaillibiliié qui ne doit riea qu'à lui-même. li fait, il accroît lalradi-
tioD^il ne la reçoit pas. Il gouxrerney il règne de U même maaièreque le
pspe. Il est le fils aloé du dieu de Taru Daas son plttlooisme biblique , il
entrevoit des- idées , des formes que lui seul a aperçues; il les impose au.
mo&de, et le monde s'y soumet. Ses œuvf'CS sont desdéereta; son dieu eat
le dieu de rexconununication; sa madone est celle de la vengeance; sooi
ciel nienace. Des nuages de colère portent aux quatre vents son Jebovab.
Daos U cbapeHe Sixiine^ ses propriétés écrivent sur leurs livres d'or la
bulle d'interdiction des empires futurs. Ses sibylles de Cumeset d'É*
pbèse sont émues par avance des ana thèmes du moyen-âge. Il y a en iuîi
do Grégoire VU, comme il y a du Léon X dans Raphaël.
Maiscette Rome de Tantiquité, du moyen-^ge, de la renaissance, est
eimore iacoraplàte et morte; pour lui donner la ^e , il faut y ajouter les
fttesdt] catholicisme.
Un des principaux omemeas de ces fêtes est le peuple même de Rohh»
et de la campagne ; il fait comme partie nécessaire des cérémonies et du
rituel de la papauté. Il adore pour adorer, il prie pour prier. C'est un ar-
tiste en matière de foi, au moins autant qu'un dévot de profession; car,
méroedaus l'idoUtrie du mendiant romain , il y a un certain désintéres-
iemeoL Quand , au temps de Noèl , les pi^ruri descendent des mon-
Isgne8,.la Voie Sacrée résonne sous Us>sourieffs ferrés des bergers. A tous
lescoins de rue, on entend le murmure descbaluB4eaux.et des musettes.
d^Eraadre, qui éveillent leCbrist aouveau-né. Ces rites rustiques cbaap>
gent avec les saisons ; ils rappellent le temps de la primitive ËgUse , où le
peuple était acteur dans la liturgie. Les femmes de la campagne ontaossî
00 caractère de beauté q^ji s'allie avec les caodt4abres, avec les statues»
tvec les tableaux de l'Église romaine. Lorsque les femmes d'Aibaoo , de
îiwli, de Frascati, se Rassemblent sur les degrés de Saint- Pierre , il est
rire que Ton ue retrouve pas parmi elles des, airs de tète des sibylles de
Bapbaél et du Dominiqun. Cette ressemblance entre les monumens d#
hn etee peuple de pèlerins est une des.cbotfes «qui eontribue le pbis à
iWmoaie et à la magie des fetes de Rome:.
Eafia^ le grand jour aiTii>e ; le soleil de PiU]ues se lève sur les monta
de la Sabine. Depuis la veille , les pèlerins s'assem^lentvaur la place da
Saint-Pierre. Vers le milieu du jour, les portes du balcon s'ouvueiu; U
ae lait un grand silence ; la foule tombe à geoeuc. Sur ce faite des arts»
des mines, des souvenirs^ parait, assis sur son trône, un bomme vèttt
4thïdL0C^, couvert d'une «mitre. C'est celui eu qui tous les morts s'u
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100 RETUB DBS DEUX MONDES.
sent , et qui est la parole et la vie de tout cet horizon muet. On apporte
devant lui un livre que des prêtres à genoux soutiennent sur leurs épaa- i
les y comme le livre des destinées humaines; il en lit quelques lignes i '
haute voix; le silence est tel, que lorsqu'il ferme le livre, le bruit de
cette page froissée s*entend au loin. Puis , seul au-dessus de cette Rome
à genouxy il se lève debout : étendant les bras sur elle pour Tenceindrede
la miséricorde divine , il prononce les paroles connues , à la ville et n
monde f les cloches éclatent , le canon gronde, la foule se relève. Un cri
d'enthousiasme païen s'échappe encore de cette terre épuisée ; Rome re-
naît et vit des siècles de siècles en cet instant. La campagne déserte, les
ruines, le môle d'Adrien, qui est tout près, le Tibre , l'assemblée des
pèlerins, et au sommet de tout cela, sous le dôme de Michel- Ange, cet
homme éternel et sans nom , le pape , le seul habitant permanent et Tim-
mortel pèlerin de la cité catholique , il n'est personne qui ne reste frappé
pour toujours d'un si extraordinaire spectacle.
Heureux , m'écriai-je en moi-même , le lendemain en quittant Rome,
saisi encore de Timpression de la veille! heureux ceux qui croient, si ce
sont là les sentimens de ceux qui doutent! Se peut-il qu'une institution
semblable vienne à mourir? Est-ce fait de la foi des aïeux? N'ai-je
vu ici qu'un fantôme, une ruine sur une ruine, ou est-ce mon cœur qui
est mortT
O ville grande et glorieuse, puisque tu renfermes encore la seule ques-
tion qui occupe l'univers et qui mérite d'être débattue ! ton chef restera-
t-il le chef du monde, et toi resteras-tu la reine des reines? seras-ta
comme toutes les villes que se sont bâties les hommes? auras-tu ton le-
vant et ton couchant? ou, comme la ville de Dieu, répareras-tu éternel-
lement tes brèches ?
Si celui qui t'a bénie hier venait à mourir demain, et à disparaître sans
saccèsseur, y aurait-il une solitude semblable à la tienne? Alors, toi, la
ville des ruines , tu saurais pour la première fois ce que c'est que d'être
désolée; car, tant que ce vieillard habite la même tombe que toi, ton
désert est rempli ; il est l'époux, tu es l'épouse. S'il se meurt, tu te meurs.
S'ilrenatt, tu renais.
Pèlerin du doute, j'ai fait ce que font les pèlerins de la foi; j*ai visité
les tombeaux; j'ai touché dans les catacombes les os des martyrs. Les pas-
sans qui me voyaient auraient pu dire : Voilà un fidèle croyant. Mais
eux priaient, et moi j'écoutais; eux adoraient, et moi je cherchais à ado-
rer ; et quand je m'agenouillais comme eux , mon esprit rebelle se tenait
debout, au milieu de l'église, en face de l'hostie. J'aurais pu, comme on
autre , prendre pour une marque de foi les amusemens de ma fantaisie,
et les ébranlemens de mon imagination. Mais ce leurre, à mou avis , plas
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^1
1
YOTAGBS d'un SOLITAIRE. 161
\ impie que le blasphème ne in*a point séduit. Entre le poète qui rêve et
\ le fidèle qui croit , il y a , quoi qu'on en dise , tout un abtme. Je préfère ne
Tien croire, je préfère ne rien aimer, plutôt que de croire ou d'aimer
quelque chose à demi.
Je ne crois pas en toi , reine de toute croyance; et s'il en était autre-
ment, je le confesserais de même ; mais je t*adore, mère de toute beauté.
Ta es pour moi l'étemelle madone assise sur tes ruines, et pleurant dans
ta campagne au pied de la croix du monde; et si tu veux que je dise
qaelque chose de plus, je le dirai encore : Mon cœur privé de toi est plus
fide en te quittant que ta vide Maremme, et mon désert plus grand que
tOD désert, depuis le pied des montagnes jusqu'aux rives de la mer.
VI.
Lorsque j'arrivai à Naples, le Vésuve était en pleine éruption. Pendant
le jour, la lave roulait ses flots noirs du côté de l'Annonziata et de Pompéie.
Vers le soir, les torrens se changèrent en une ceinture ardente qui se
nouait et se dénouait dans les ténèbres. Jattendis impatiemment le len-
demain pour monter sur le bord du cratère au milieu de la nuit.
A huit heures du soir, je partis du petit bourg de Torre-del-Greco.
Après une heure de marche j'arrivai à l'ermitage. La nuit était fort noire.
J'allumai ma torche; l'ermite me souhaita bon voyage; je repris mon
chemin avec mon guide ; J'eus bientôt atteint le pied du cône. A cette
distance, fêtais trop près du volcan pour le voir; seulement j'entendais
au-dessus de ma tète des explosions que les échos grossissaient d'uue ma-
nière formidable, et une pluie de pierres qui roulaient de choc en choc
dans les ténèbres. Du milieu de tout cela, sortait un grand soupir comme
d'un homme qu'on lapide. Lèvent éteignit ma torche. J'achevai de gravir
b pente dans une complète obscurité. Mais au moment où j'atteignais le
sommet, une lumière infernale éclaira le ciel. Voici le spectacle que j'eus
alors devant moi.
Le sol tremblait; il était tiède au toucher. A travers ses crevasses
brillaient les filons de feu d'une fournaise cachée. Du milieu du grand
cratère où j'étais, un nouveau cône s'élevait qui paraissait tout en flammes.
De l'embouchure de ce gouffre s'exhala une haleine immense et long-
temps contenue. Celte aspiration et cette respiration, profondes et régu-
lières comme celles d'un soufflet de forge, s'élevaient du sein de la mon-
tagne oppressée. Une détonation terrible les suivit. Les pierres flam-
bantes furent lancées en gerbes à perte de vue, et se précipitèrent avec
TOlfB VII. 11
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m
fracas êot les bords chi e^e. Lft> «ctrpemcoi^l kt^icarreideto ■!•••
UgBe fareot un insunt éclairés comme en pleki jour. Par des «ifar-
lures fort éloignées du cratère on veyak la lave sowrdre du soi. SUa
s*écoulait en pétillant par quatre bouches; un peu après la moaUfas
poussa de uouTcau son géanisseneBi de y6aaic> Au nioflMBt de Feiplo-
skm, jejeui les yeuxdndVié de k mer ;j'aperçu0<JNaléaeieineot dopa»
tics bâthtteBS à TaBcre. La moatafoe trembla $Êm fort; mais les flair
B'e» furent point éaniSy et rien ne me paroi plus bea» que le aommeU da
la mer souriante soua ce volcan décbatné. La baie de Naplca reasemblait
ainsi à i* Angélique d' A rioste sous les ailes éMnëuca et la gueule de la Chi-
mère. Je m*assis sur cette terre trembianle; la nature était saisie d*iia
vertige auquel je m'abandonnai avec délices. Ces intervalles rapprochés ^
de bruit et de silence, de lumière et de ténèbres, le calme de la nuit, le
calme non moins grand de la mer, cette montagne émue en sursaut, tous
ces eiïets contraires, se fortifiaient l'un par Tautre. Sans m'en rendre |
compte, je trouvais dans ce spectacle une foule d'images applicables i
Pétdt moral dans lequel j'étais «lors, etqni av«it beaucoup empiré depais
ma sortie de Home.
Je pasMi la nuit sur ce sommet. Quand le jour parut , je pua me raaa>
sier à loisir de la vue de ce gdfc fomani qui e'étendait à mes pieds. Aa
loin , nie de Gaprée, qui a la forme d'une galère antique » fermait l'm*
trée de la haute mer. Le soleil se leva de l'autre cùté de Pompéie; il se
balança quelque temps sur les tombes comme une torche de funéraiUee^
Ce fut le si^al poor une infinité de petites barques de quitter le rivagi
dans une foule de directions. J'entendis en ce moment le bruit des villes
et des villages qui s'éveillaient. La brisede mer commença è ftaire frissoa*
ner les vignes suspendues aux peupliers comme des tyrses gigantesques;
un instant après, la lumière étiaceia sur les flots ridés; nne vapeur do-
rée, comme la poussière des étoiles , s'éleva à TborixoD; l'eir se chargea
dé parfums; tonte la nature parut enivrée comme dans une iètepaleoae;
et aussi long-temps que le volcan continua de s'agiter^ cette Campaaia
chrétienne ressembla à sa sibyHe balbutiante sur le trépied.
Dans Naples , la ville des sens , je remarque que les manumens les plus
oonsidérablea pour l'art sont les lambeaux. Encore ces tombeaux appar-
tiennent-ils presque tous à l'époque de la domitiatian espagnole. Il j a«aM
aiogulière flerié dans ces morts^ debout sur leurs mausolées, la dague on
lali«o»f*eà la main; ib semblent réguer encore sur les vivaus qui rasent
au-dessous d'eux le sol d'un pas furtif. Les tours d'Anjou que baigne la
mer tiennent aussi cette terre prisonnière. Le palais de Jeanne-la-FoUe^
abandonné aux flots qui s'en emparent chaque jour, le bel arc d'Aragon^
SMitd'aitttrea témoins de la conquôce. Tous les peuples ont laissé ici , dans
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ine^araliltAHttr» particulière^ des traces de leur domiiiaCioii. lïn'y »qae
Im^ PiapolilaÎBS qcd soient abseos des menumeos de Naples.
Ce peuple-mime se chaufTe à son soleil, il est le seul de ritalie qui ne
assoit ^Menais. apparteiMi à liM^méme. Sans passé, il n*a point de regrets;
aea^ 9ivemf, il n'a point di^ désir. Il erie, il gesticule, û tend ses fUeu, il
«ourty RdéclaQie,iimu8e, il menace, ei tout eela k la fois. Polichinelle est
son héros. Cependant,, duseift fie oe s^berisme jneadiaot, quand une ame
lient à s'éveiUer par hasard, du. premier couip eUe atteini à un. spiri-
tualisme ou à une énergie saas bornes. Pytbagooe H sou école, saint
Tliomas-d*Aquin, Yico, Spagnoleito, Sah^or Rosa, ee furent là d'é-.
traoges lazsaroni.
Vers le mitieii du jour, les matelots de la Cliiaa^ de Sicile, de Malte,
Élasséient en cerelis sur le mOle ; une voile ombrage l'auditoire qui at-
tend iflipaliiQfli ment son iaipruyjaateur; enfin oe dernier parait; il est
léttt de la iHsre des matelots; à sa main il tient une baguette au lieu de
h hranchfi de laurier de ses aueétres. Les yeux des laazaroni dévorent
ë'anvBce sur ses lèvres. Fliistoire {fOi'ii va raconter, i aotùt il chante d*une
Tnix encouée un récitatif sur une moUulatioo plaintive auquel se mâle le
fémissement des vaisseaux dans le port; tantôt il redescend à la prese
parlée,, selon la nature et les cireeastanees plus ou moins lyriques de son
lécit. Il raconte les gestes du chevalier Rinaldo, ou ceux, d'un infortuné
krigand de Calabre. Le noble public , nMle pubheOf redouble d^aAten-
l!Î0B, le dénouement est proche; mais voilà que lea cloches sonnent Vanet
la chanteur s'interrompt; il fait le signe de laceoii avee une prière au
nom de la neriueuse assemblée. Acàtà de lui le même soleil olympien,
^ai rase le tombeau de Virgile, dore d'un dernier ra^foa le front de Po^
Ikhinelle assoupi à Tai^ de son thjéâtre; la toiie se baisse, la fouie se
disperse de toutes parts; un jour de phls^a passé sur l'empire de Masa-
■îeUa.
Pendant ce temps, le. jeune moine des Gamaldules, sur la montagne
«Ond à ses pieds les murnuiffes qui s*élèveat du rivage.. MiUe images
d^ne vehipté païenne ^entourent d'un cercle de damnation. Il entre dans
an cellule et il prie; et la brise apporte jusqu'à lui les soupirs de la Chiaa
et de la Villa-Reale. IL oirrre son saint bréviaire, et le démon ressuseitéi
ée le grande Grèce y écrit en se jouant, du bout de sa griffe, de»litanic8
d'amour. Su r lui s'abaissent des cienx magiques ; des. charmes s'attachent
à ion scapulaire, et dans son calice il boit à longs, tvails le philtre dea
imoLorablea regrets. Heureux si la vieillesse boiteuse se hâte de ghicer
amcmoraA^ant l'âge. U n'y a que In. mort qui paisse le délivrer ée oce
anmllcs déliées^.
lÉh i amla«t.qaf iii s'enttmreé'ixL tripbi dltoe^quand aea |»iix renenniEe^
U.
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16& EBTUB DES DEUX MONDES,
Pansilippe, Gaprée et la blanche Nisida ; car c'est là que les soQTenirs le
délient et que les sermens se faasseut; les projets héroïques, les doulean
fécondes s'oublient sous ces cieux d'où pleut Tamour. Une volupté plus
dangereuse que celle od se convient les lèvres humaines , s'échappe i
toute heure des monts , des lacs, des étoiles palpitantes. Une sjrène éter-
nelle languit sous ces vagues assoupies ; celui-là seul qui a échappé à ses
embrassemenSy peut compter sur son épaisse armure.
Quand les Romains se corrompirent, ils se dégoûtèrent de la grandeor
et de la sévérité de Rome; ils cherchèrent une nature enivrée comme
eux, monstrueuse comme eux. S'ils avaient pu arracher Rome à ses
tristes et graves fondemens, ils l'auraient fait. Le mélange de volupté et
de terreur qu'ils cherchaient au temps de Tibère, de Néron, de Cali-
gula,se trouvait sur ces promontoires de Gaprée et de Misène. C'est II
qu'ils vinrent établir leurs fôtes, et jouir en paix dans cette nature païenne
des derniers jours du paganisme. Les villas des Césars, sur le golfe de
Baie, étaient tout près des lacs Averne et Achéruse, des Champs-Elysées,
de l'entrée des enfers, comme s'ils avaient voulu redoubler rinsolence de
leurs fêtes par cette opposition. Ce grand festin de la société romaine,
à quelques pas de l'Achéron, fut le festin du don Juan antique chez le
commandeur. Les petits lacs voisins des enfers brillent, dans le fond des
cratères éteints, comme dans des coupes de lave; sur leurs bords rampent
quelques guirlandes fanées d'églantines, pauvres fleurs qui ont survécu
à l'orgie de l'empire. Le christianisme, qui partout en Italie s'est emparé
des ruines païennes pour y placer ses chapelles ou ses ermitages, a laissé
celles-ci désertes, comme s'il eût désespéré d'en éteindre les voluptés re-
naissantes. Je montai sur le cap Misène; les trompettes infernales qui trou-
blaient en cet endroit le sommeil de Néron, n'y retentissaient plus; la
grève se taisait; le golfe vide étendait dans l'ombre ses bras décharnés. Il
était tard. La mer était phosphorescente , les étoiles brillaient. Je fis à k
Dage une partie du chemiu de Misène à Pouzzole, au milieu du bruit des
cloches; à la lumière pâlissante de la lune se mêlait la lumière électrique
des flots; eux seuls gardaient encore le souvenir des voluptés impériales.
Peu de jours après, je visitai l'Ile de Gaprée. Les couleurs dont Tacite
fa peinte sont encore celles qui lui conviennent le mieux aujourd'hui. Bor-
dée de brisans et de rochers perpendiculaires, eUe n'est guère abordable
que par deux points, la petite et la grande marine: mais une fois qu'on a
franchi cette enceinte de murailles, on trouve des vallées, des vignes, des
sources gazouillantes, des ombrages sous des oliviers , un monastère , et,
sur les côtes, deux villages, Capri et Ana-Gapri. Ce dernier est juché
aur une cime escarpée au haut de laquelle conduit un escalier taillé dans
le roc. Les toits des maisons sont aplatis en terrasse comme dans le Levant,
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T0TAGB8 d'un 80UTAIRE. 165
H, en général , les inyasioDS des Sarrasins ont laissé à toute l'Ile quelque
<âio^ d'oriental; elle tient de la Grèce et de l'Afrique. Le château déman-
telé de Barberousse regarde, sur un autre pic, le palais de Tibère. Par
sue singularité qu'un poète relèverait , la demeure de l'empereur est en-
fouie aujourd'hui sous des touffes d'absinthe, la plante du Gûlgotha. Un
ermite habite dans ses ruines. On a en face la haute mer; sur la gauche,
le golfe de Sorrente et les pics d'Amalfi. De là le Vieil empereur,
arec l'instinct de l'orfraie, qui lui a succédé dans son gtte, couvait des
jeux tout son empire; il voyait de loin arriver la tempête qu'aucun na*
Tire ne devait éviter. Au fond, le monde antique était comme dégoûté dé
lui-même, ^t se fuyait par toutes les routes ouvertes. Ceux qui étaient à
sa tête sentaient vaguement qu'il se préparaît un changement étonnant
contre lequel ils ne pouvaient rien , et cette impuissance les poussait au
désespoir ; ils ne savaient si le mal était dans leur cœur ou dans les peu-
ples , on dans les grands, ou dans les dieux ; mais ils savaient qu'il fallait
périr, et que l'univers tout entier était du complot. De là cet effroi pro-
digieux et cet infatigable soupçon qui ne leur laissait pas une heure de
relâche. Lié à son rocher, le Prométhée païen sentait son agonie ; il se
débattait avec fureur sous le vautour chrétien. Tibère entra le premier
dans cet égarement. Quand il se fut entouré des brisans de Gaprée , il
crut que tout était dit; mais la cause secrète qui faisait chanceler le
monde romain, ne servit qu'à aggraver son vertige. Un malaise in-
croyable atteignait l'un après l'autre les hommes au faite de la société
antique; et, comme c'était la main d'un dieu nouveau et inconnu qui
commençait à les tourmenter sans répit, ils mirent à combattre cet ad-
versaire invisible et qui était en toutes choses, une manie insensée.
Après le palais de Tibère, la merveille de Capri est la grotte d'azur. D
n'y a pas fort long-temps qu'un voyageur, en se baignant au pied des
rochers, la découvrit par hasard. L'ouverture de cette caverne marine
est tournée sur le golfe et fort basse; pour peu que le flot s*élève, il
l'obstrue en plein ; et si l'on ne choisit bien son jour et son heure, on
court le risque, après avoir franchi la voûte, d'y rester enfermé, ainsi
^e celann'arriva. Depuis plusieurs jours que la mer était fort agitée,
J'attendais un moment de calme. Un matin, ce moment sembla venu; des.
matelots me réveillent au jour; un peintre et un médecin dont j'avais fait
la connaissance à mon arrivée dans l'Ile, se joignent à nous. Nous partons.
Quoique le temps commençât dès-lors à fraîchir, nous pénétrâmes sans trop
de peine dans l'intérieur de la grotte en nous couchant à la renverse dansun
hatelet construit exprès pour cet usage. D'un seul bond nous voilà au séiu'
de la montagne , sur un petit lac que recouvrait une haute coupole. L'eau
était parfaitement unie et transparente. La lumière plongeait dans l'ou-
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f$tUve^ UHIée eii^9(NPi)iFfily ei reîaUlîssiil à k sarCiOft derèfta coomos
à travers un prisme , tout ipiprégpée de la raoileiir asurèe des fl^tts. Les
fsrois du rocher, ies stalaciiies rugueuses , qai affecisiit miiie fbniHS
iMsanes» tout éuil d'un bl^u^ f^ncé. Ce Ma être là Is cûsque de ssphir dv
Vii|irëae dje Pi^pies. Le peintre camiiiesça à dessiser et nous à nsoser^
isang^ Dous apercevoir que ie veut soufflait a» delrarai Quand nous em
l^mes la r<warque, i) était t^p tard ; Forage s'était kvé. D» sein d9 la
Bumtagne sortaient des magissemens comme d'un troupeaa de bonrfs
marins, et d'autres fois, des eiplosions comme d'une batterie d^un fort,
lies vagues aebevèrent bientôt de boucher l'ouverture. Le bassin d»
k grotte, si tranqiiiUe une heure auparavant , se seulova k son teor^
aous restâmes plongés dans une obscurité livide. Quand le flot se reti*
tait, on découvrait au loin les ravins qui 3e creusaient dans le goUe. A,
trois ou quatre reprises nous essayAmi s de suivre la lame; mais à peine
étions-nous prés de l'ouverture, que la vague remontait et déferlait avee
fureur. EUe soplevait notre barqae perpendieulairemeat; après l'aveir
tenue quelques instansoellée k la votte, elle finissait par la rejeter dana
Veofoncement de la caverne. J'avais assez l'habitude de nager pour tenaer
de sortir su large et d'aller chercher du seoomrs: j'en fis la propontisttf
]|iais ce moyen n'était ^ère plus praticable que l'autre, àcaiiae dca
Tiolens ressacs qui ae cessaient de battre rentrée. Il fallut prendre
notre parti et nous disposer à passer là la nuit. Nous étions dëyà établis
sur un rocher en terrasse, quand» au coucher du soleil, la mer baissa.
Une heure après, aeus: crûmes entendre des voix d'hommes. Des hahi^
tans de Capri , qui aovs avaient vus partir le matin, avaient deviné astre
embarras. JUs tentèrept de nous remorq|uer, ce qui ne réussit néanmoins
qu'à la nuit close et quand le vent Uit tombé. On était akurs au milieu
de l'équinose; nous devions nous attendre à rester emprisonnés 1à toute
«ne semaine. Ainsi finit cette petite aventure qui eus pu être sérieuse, qai
te fut que plaisante. Comme en Kaiie a)as tes henia et maâàeurs sont aS^
trtbués à des Anglais^ on ne manqua pas, dans l'fte, de If appelât l'histeirs
des trois milords*.
Au moment de (ynîttûr L'Ile, j'entrai dans l'égHsa. La messe venait éa
Inir; une jeune fitte des environs, belle coaune elles lèsent satMmit dtf»
oeslhss, était à genanx. C'était un dimanche; elle étaitsealeet trèspsrét^
sur son prie-Dieu iir ; avait une tête de nmrt avec kiqiuills eUe eatfvsFsait
tout bas. Qoand elle baissait, oemne iaMacteteine éaas l|<désert, sa tê»
briHante éerm sar ce erftne vide, il paraiatait ricaner; SMia elle aa prl»
«fu'wae ^kis de férvedit; die ùe n'easendit psf wèaie maiiehar àedcê
dfelTe sor le pnré. Oh.! cfétait une aif^^ease inwgo qns^ bt eealéssIaB #
eeies janos finnaBs t ea mwrt ntusa tt rtttlear.
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a j a 4 Nwfk& w iia«g0 <|9i ^ faw>Pt^kc^v^h4(^ CiqiMrè^* J^^ jour 4f
la TowsaÎDt, le» tôfes dos flaorts «oa^ evlevéeç des UMnbeaw : on lei
place au nûlieu des^aFeaiu des ^Mes«ntr^iiesderges plliu»ié6. Chaque
mort a Boa uom écrit sor le freoi. JU fioule ?»eiU Ie4 visltcir. Ga qu'il y %
d?«iiFaordioairey c'aat qu^^iq peuple^ seQ^el<i&ièpioi|;iie à ce gpectacto
«aciwe borreur, soit qu'il y ait daos le fond de C9 paya un a^élaage 4t
aensualitè et 4'aieé(ia»e qp'^uoim tepips^ D*a eCCacfi , soitque la traditiep»
«t io«a (ait; <sar le ia0i|Ae u^f^ se re^iH^re eu ^Icile, et 3U|taut à Pa*
iarme.
De Capn, j'aberdai à Sorrev^tfi. Je vis la maison 4e la aoaur du Tasse ^
«t TeacaUer par oîi le malheureux poète, déguisé en pèlerin , mouta pooc
chercher un refuge centre ]*égareaieot de son cœur. J*ai toujours trouvai
que ee golfe éhlouissant a quelque reaseinblance avec la poésie de la
Jérusalem déliviyàêy où rayonne a^ssi taat de soleiL Mais il y arait, outra
ceky dans le cœur dn poète, nœ inguéri^ble tristesse, qjoi ne se re^
tfovye nnUe part dans les objets en Italie, si ce n'«st dans les Tases d^
iBarbre des viUsa, ei^ les orties en fleurs croissent au souille de la n^r
laria.
En snivant à pied l^s détjoiups 4u golfe» le cheaain me rainenaà Pomr
péie par Ventrée que IVmi appelle justement ta rue des Tombeaux. U y n
je ne sais quoi de frivole dans ces ruipea. Vous toucbez de trop prés aujiL
deuils menus de la ?ie das^s l'antiquité : ii manque entre elle et yQQ$
cette perspeetiire qaâ Tagriandst dans ses misères; d'aillenrs, les cari-
catiB^es dent ces murailks sont peiates leur dleot tout sérieux : vous êtes
ià aa miliett du commérage de^ morts d'une petite ville de province. G^
a*cst point nne5odii>me condamnée par le feu céleste, mais le sarcophage
^pieafien d'une eowtisatte de Caçipanie. Il semble que. ces tombeani:
naient laits peur des morU de théâtre, et qpe vous assistiez à une bouf-
Jbnaerie, eà fipme et Athènes aéraient parodiées à la JMS d^ns d'tnfiid-
Bac0l petites proportions. Tant que j'errai dans ces petites rues , j'entendis
à travers (es bniAissemens de la brise, dans les vignes, tes éclats de rii^
liaus des courtisanes, le pas tardif des vieillards de Ménandre et de Té-
jeaccy et 4'éQbn alTixynté des vers de G^^olle, ^ ébranlaient la porte de
«i maîtresse. IMiais quand je montai sur la terrasse élevée d'un théâtre»
^(«iie je regardai taaaer, Gi^m^ et, temt près, le Vésuve, dont la la^
^otttimiait de eoitler, je vis bien que œ jeo était séyrieux, et qpee'étajt
am moins une noble eamédîe qui se jottaii là au pied de ce volcan»
Des raines ^ fo»t »n contraste absolu avee eelles 4e Pompéie sont
;^kn de IVeaUim, sieuées à l'ettuémilé du golfe de ^leme. La plage
^'elles oœiipent eM pestUodtieUé.Le jour oùjete vis,elie éliHOrlai|,lipi
iBatiii, enmflM im ier à cbeval reiigi dans nne iforge.^ea meofUgiMi»
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iGê RBTUB DES DEUX MONDES.
presque aussi nues que la plaine, ferment ce grand et vide horizon. Pa-
rallèlement à la mer, les trois temples s'élèvent du milieu des joncs et des
hautes herbes. Sur cette grève, où le flot est toujours ému, ces colonnes
cannelées figurent des groupes de femmes naufragées et enveloppées des
plis transparens de leurs tuniques. La ligne horizontale de la mer se com-
bine avec la ligne de l'architecture, qu'elle prolonge à l'infini sur un plan
d'azur. Les vapeurs» que le soleil soulevait en ce moment de l'herbe des
tnaremmes , entouraient les portiques pythagoriciens d'une atmosphère
dorée. L'air était doux, quoique fort malsain. Point de vent, point de
nuages, point de murmure dans la campagne. Ces ruines, les seules ha-
bitantes de ce déserf de la grande Grèce, semblaient avoir communiqué,
à tout ce qui les entourait, leur silencieuse rêverie.
J'entrai dans une hcanda délabrée qui est tout près de là : il y res-
tait un Galabrois malade. Cette masure, sous ce ciel de Pythagore,
rappelait les demeures ensorcelées que l'on rencontre dans le livre fié-
vreux d*Apulée. C'était le môme dénuement avec la même magie dans
les souvenirs et les noms environnans. Je demandai à mon misérable hôte
quelque nourriture : il m'apporta du lait caillé et du pain. Je m'assis
près d'une table; mais au lieu de manger, je m'endormis sous l'air
pesant et le vampire de la maremme , car la chaleur était encore exces-
sive , quoique l'on fût en octobre. J'eus alors un rêve qu'il m'est difficile
d'oublier. L'Italie, que je venais de parcourir, me paraissait tout entière
privée d'habitans; mais, peu à peu, toutes ces images d'art que'j'avais
rencontrées et adorées le long de mou chemin, se réveillèrent du froid du
marbre et se détachèrent des cadres des tableaux : ces conceptions idéales
devinrent des personnages réels, qui se mirent à marcher çà et là , à la
place des habitans qui n'étaient plus. C'était comme un peuple de ressusci-
tes plus beau que le peuple des vivansqui avaient disparu. Les innombra-
bles figures, nées de la fantaisie des Vénitiens, secouèrent, les premières, la
poussière qui les couvrait. Elles s'assemblèrent à pas légers sur le Lido,
et murmurèrent entre elles une langue gazouillante, et colorée comme
les flots de l'Adriatique. Monna-Lisa, de Léonard de Vinci , se pendia
pour se mirer au bord du lac Garda; les Sibylles, de Michel-Ange, s'as-
sirent dans la campagne de Rome; et le Jour et la Nuit , de la chapelle
Saint-Laurent , se soulevèrent en frissonnant, comme de célestes bohé-
miens. Dans le Campanile de Giotto, montaient et redescendaient, sans
repos , les bienheureux anachorètes de Fiesole, qui , n'étant plus retenus
par la crainte des vivans, quittaient les cellules et les fresques des cloîtres.
Sur tous les rivages, que d'anges et d'archanges descendirent du vieux ciel
' de l'art byzantin, et vinrent se reposer sur la plage en fermant leurs ailes
'. d'or I De leurs violes toscanes ils tiraient des sons ineffables, et tels que
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VOYAGES d'un 80LITÀI1UE. 160
ceox que j'avais imaginés dans la forêt des Dombes! Us chantaient des
poèmes entiers, dont j*a?ais autrefois balbutié les premières syllabes en
suivant le sentier humide des prés. A la fin, je vis aussi la Vierge au
voile, de Raphaël, passer dans le jardin des Césars : elle y cueillait des
fleurs nouvelles, en même temps que deux enfans, et elle souriait;
car aucun des doutes de l'homme ne s'était encore communiqué à ces
filles de Tesprit de Thomme. Elles avaient gardé toutes seules la foi des
vieux siècles et Fétemel amour dont la terre était privée. J'entendais une
voix qui disait : a Sainte, sainte à jamais est la terre dltalie, qui nous a
ix>urris de ses mamelles et vêtus de son soleil d'été. »
VIL
Après avoir parcouru l'Italie dans ses détails, si je la considère dans son
ensemble, je trouve que ses lignes principales peuvent être marquées de
la manière suivante :
Au revers des Alpes, dans cette Lombardie, incessamment foulée par
r Allemagne, l'architecture du nord a pour son monument la cathédrale
de Milan. Cette architecture suit le chemin desempereurs et des inva-
sions gibelines : elle s'insinue dans Gênes, Pise, Padoue; elle traverse
Florence, Sienne ; elle pèse dans Arezzo sur le porche et le berceau de Pé-
trarque. A la fin, elle se rencontre, avec le génie guelfe ou romain, dans
Orviéte, où elle achève de s'énerver et de se décomposer sous l'influence
de la tradition antique, et de ce climat devant lequel ont toujours suc-
combé les hommes et les formes du nord. L'ogive s'arrête comme Attila,
aux portes de Rome; elle ne les a jamais franchies. A l'extrémité des
Alpes tarenlines, Venise regarde l'Orient; elle fait le lien de l'Italie avec
l'Asie. En descendant le long de l'Adriatique, le vieux royaume lom-
bard a son mausolée dans l'église de Ravenne. Cet héritier de l'empire
romain est Vinu mourir là, loin de Rome, sous ces voûtes lombardes;
son fantôme s'engouffre avec le flot dans le tombeau de Théodoric. Sur
la mer opposée, Pise bâtit dans son Campo Santo la nécropole de l'Italie*
Cette commune, composée de statuaires et de matelots, cisèle comme
un phare la tour penchée de son beffroi ; elle radoube la nef de sa cathé-
4irale, comme une galère en construction sur la maremme. Au milieu de
ces deux mers, au centre de l'Apennin , Florence accomplit le mélange du
géale chrétien et du génie païen. Sur la nef gothique du xiii« siècle, elle
exhausse le dôme de la renaissance; elle couronne le moyen-âge avec la
coupole du Panthéon. La fleur du génie étrusque s'épanouit là en terre
chrétienne. Écoutez ! les portes de bronze de son baptistère s'ouvrent et
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i^ ' féritticot 'tn^ Yrscss Mf tin iioalrésii''iiés <|iii Tàpppltcfit Danto^
SoeeMe, Hac^hlàtel, G^lèe, Miéfael-Ange, et dool fes tagissemens s'en-
tendent juÈtfie frair-âcM les AlpM. fîfltre Florence et Peronse, sur le
chemin deé érdres mendîuiSy llèglisé nifi(f<|oe de Sahit-FrsnçoIs^Aff-
«ise s'enfooit à demi sots tenre, A l'hisUr des catacombes, pour fuir It
Imnièreetle parfum de noiKe : architecture ascéthine dans le pays de
l*ascètisme , elle te lûonche» comme ^on saint , dans le tombeau. Phs
loniyà Rome, siège, eomme la papauté sur son trône, Téglise de Saint-
iHerre sur sa côHine. Phis de symboles de douleur comme dans l'ar-
chitecture du nord ou dans la bysantine; ni croix, ni sépulcre : c'est
Ici l'emblème du Christ régnant, ou plutôt le temple d'un Jupiter chré-
tien. La fête du Dieu ressuscité à Pâques est celle qui convient à ces
splendides murailles, non pas la plainte de la vieille église au jour des
morts: le Te Deum éclate ici de lui-même sous ce dôme triomphant,
'non pas le Miserere. Toutes les formes d'architecture se pressent dans
ftome , la grecque, la romaine, la bysantine, la lombarde : il n'y a que
l'arabe et la gothique qui n'ont jamais pu non s'y établir, mats s*y mon-
trer. Celles^i se retrouvent dans le royaume de Naples, à la suite des
invasions normandes, espagndes, sarrasines. Par ce côté, lltaHe se rat-
tache à l'EspAgne mauresque comme par Venise à l'Orient. Enfin, à l'en-
trée de la Galabre, les temples de Poestum rejoignent la igrande Grèce et
la Sicile. Tous les rapports de l'Italie, dans l'architecture, sont ainsi éta-
l>lls. Par le nord, par le midi, par l'est, par l'ouest , cette grande cité de
rart se lie à tout ce qui l'entoure. C'est entre le monde grec d'an côté, et
le monde germanique de Fautre, que s'est développé le génie de l'Italie.
Ces deux limites Sont marquées au midi par les colonnes de Pœstum;
au nord, par la cathédrale de Milan.
La position de Vltalie, de Ce grand promontoire qui s'étend entre
l'Europe etTOrient, fait qu'il lili est difficile de supporter les conditioos
médiocres. Lors même que l'empire romain n'eût cherché qu'à gar-
der son berceau, il aurait été entraîné à la conquête du monde.
Pour conserver la Cisalpine , il lui fallait les Alpes et les Gaules. Par
Test, il touchait à flllyrie et à la Grèce, par le midi à l'Afrique; il prê-
tait le flanc, par l'ouest, à la Sardaigne et à l'Espagne, en sorte que,
quel que fût raccroissement des provinces, l'Italie restait toujours au
centre de l'empire. Jamais pays lie fut plus convié aux conquêtes, m
mieux situé pour les retenir.
Mais ce qui avait Tait sa force dans Tantiquité lit sa faiblesse chez les
modernes. Le jour où elle cessa de conquérir, elle fut conquise. Les Al-
lemands et les Français l^itaquêrent par le nord; les Espagnols, par les
flancs; les Arabes et les Normands, au midi. Les deuls Bysaûtins fîireot
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wwMm é'«r wmnâBMé ITt
trop feMei foar rl<m enitf^preiidre snr cite, éè <Mr «5i^. 4>éii«Éf^
Pise, Venise, qui lui ceignaient les reins, eussent suffi, de resté, ](MMÉ^
la protéger sur la mer. Par inalilèiit;,iil<«iaBqHaît ^liMfiaiafibce de terre
pour garder les débouchés des Alpes. Lltalie n'eut jamais de Thermo*
pyics.
€ette pinssaMedetterreiw wrait probablement fMrméei la longiie»
sans rétablisseneiit de la papauté qui prit sa piaeé. Le nègue de fespril
ftilcoooédéâi'ItatieeneompeontioD de «a faiblesse maiéi;ielle. Elle da*'
Tint l'arche saiole où sa «onsarva tle dogme du geare humain. Dans là
lime des Gibelkis et des 'Guelfes , rAHeBMgoe repi^sanu k force malé»
rialle, indélibérée, enivrée d'eik^-mèase ; l'iulie, latradltian, le droit
écrit, ou pluiM lecfaristianlsnie, avec lequel aile '^identifia auraojeiif*
âge par rétablissement de l'Eglise. Elle fut martyre eomme lai, fiagaUéé
comme lui , crucifiée comme lui par les Pilâtes francs et tudesques* Mais
e*esa des «reliques de son s^ulore que smrtit le mirade de la dvilisatioii
BM^deme.
Llitf e a revécu plusieurs fois. Bile a porté des^cIvilisalioDs noa-aeuld*
ment difliMraotes' les «nés des anilres ,iiKki oonSraireB
£llea éeé soccessivnneiit étrusque, grecque, latine, romaine, diti^
tiemie, kmterde, allunande, aspagaale, .firançalae. Chacune de cas
ionnca a MssèeneUe désirâtes qui aoot enaora ^rMomiainables anjoQP*
d'bui. Sacerdotrie aoqs lesiEiruiBqBes , gnarrière at>otatiérialtele saos loi
Bamaifis, elle est radavenne spirkualiste etarfisie sous ks papes. Att
XV* sièck , iorsquîeVe fut près 4e périr^ e*tst CQCore^ette qui , parCbria^
tophe Colomb, découvrit k UTouiteaa-'ffoàda. iDe sod lit >de moft, k
grande aïeule se >soulef9a,'etiénNpi|ik jema Ella de l^Oaéaa pour hd
remettre sa couronne.
Tant que la libertés eu quelque place chez elle, ses poètes ont parlé :
Dante, Pétrarque, Arioste, Tasse, ces quatre fils Ay mon du moyen-Age,
se sont succédé sur la brèche. Quand la parole fut interdite, ce pays ne
resta pas muet pour cela. La sculpture , la peinture , ces arts silencieux,
exprimèrent sous mille formes le génie de lltalie subjuguée; et même de
DOS jours, la musique, cette langue inarticulée, continue d'exhaler la
plainte sonore de ce grand tombeau de Memnon , qui commence aux
Alpes et finit en Calabre.
Aujourd'hui , le sentiment que l'on éprouve partout en Italie est celui
d*nn sol depuis long- temps foulé et obsédé par l'étranger. Cette pensée
est au fond de tout , cachée sous la magnificence des arts comme le poi-
son sous la fleur des maremnes. En un mot, cette terre a perdu la pos-
session d'elle-même, non le désir de la recouvrer; et c'est ce noble
tourment et cette impuissance affreuse qui la rendent si tragique et si
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172 RBVUE DES DEDX MONDES»
belle. A diaque moment les hommes pourraient répéter là le vers de Xe^'
poète:
Et, saas espoir, wn» tItods de d^in.
Ceux quiy à l'iieure où j*écris, ont en maiu les affaires de l'Espagne,
cette sœur de l'Italie , et qui , voyant les manx infinis de leur pays, cher-
chent pour remède l'intervention d'un peuple étranger, et, en général,
tous ceux de qui dépendent ces pesantes questions , ne devraient jamais
cesser d'avoir les yeux tournés du côté de l'Apennin. Ils apprendraient
laque le despotisme le plus violent qu'on puisse imaginer est un bienfait
en comparaison du salut qu'on doit à la conquête dissimulée sous le nom
de protection. La première de ces tyrannies ne fait mourir que des
hommes, la seconde abolit l'état; celle-là tue le présent, et celle-ci l'a-
venir.
J'ai lu en Lombardie le livre de Silvio Pellico , et j'ai admiré autant
qu'un autre la sainteté de cette ame de martyr; mais Dieu éloigne à jamais
de nous le règne de semblables vertus! Elles sont de celles qu'il faudrait
souhaiter à ses meilleurs ennemis. Si cette résignation sublime, si ce dé-
sistement de la volonté humaine était le dernier mot de l'Italie, rien ne
resterait qu'à verser sur elle d'étemelles larmes; car elle aurait juste-
ment toutes les vertus des morts. Au contraire, tant qu'il reste nn es-
poir et un souffle dans ce grand corps, je trouve qu'il est convenable de
ne point abandonner trop tôt la haine enracinée par Pétrarque et par Ma-
chiavel; la seule passion, après tout, qui empoche les morts de se dis-
soudre. Il ne faut pas que les peuples tendent les deux joues à leurs
ennemis. Gela n'est ni chrétien, ni pafen, ni divin, ni humain.
Ed. Quinbt.
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u
LES CÉSARS.
I.
^ NoQB voudrions faire ici une suite d*études, non sur des époques,
mais sor des hommes, non de Fhistoire , mais de la miniature his-
torique, de la physiologie humaine. Nous voudrions savoir quelle
sorte d*homme c'était qu*un Tibère, un Domitien, noms répé-
tés tant de fois , et qui apportent à nos esprits des idées si com-
plexes, si peu comprises. Nous voudrions faire comme le philoso-
phe Apollonius, qui vint d'Asie pour voir Néron et pour apprendre
•r quelle sorte de bête c'était qu'un tyran. »
Un homme, quelquefois presque un enfant, doué tout uniment
du pouvoir de vie et de mort sur cent vingt ou cent quarante mil-
fions d'ames intelligentes, sur toutes les rives du bassin de la
Méd'terranée (cet admirable et éternel théâtre de la civilisation et
de r histoire), sur tout le monde policé, en un mot ; et cet homme,
un fou, un fou furieux et sanguinaire, faisant tomber les têtes
au hasard, massacrant par partie de phisir; et cet homme sup*
porté, honoré, adoré, par tout ce qu'il y avait alors au monde
d'orgueil, d'intelligence, d*énergie; — et cet homme, quand aa
lK>iit de quinze ans un proscrit plus heureux avait prévenu le més^
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iS4 mÊmmm
sage du lictear par un coup de poignard ( pour une insurrection^ on
n*en parle pas), remplacé à sa mort par un homme tout pareil ; et
Tordre social de cette époque fondé sur Finexplicable délire du
souverain et Tinexplicable patience de ses cent quarante miDioos
de sujets : voilà le problème qu'on nous propose, sans y songer
beaucoi^ » quaad on nous iracenle eette histoire au oollége.
D y a «n(e raison à tout cela t les masses ont souvent tort , elles
ne sodt jama's absurdes. Chercher cette raison pourrait être un
des objets de notre travail ; poser le problème est déjà quelque
chose d'assez curieux; descen ire dans le cœur de ces hommes si
puissans par les circonstances, si faibles parla pensée, si démesu-
rés par leurs crimes; examiner ce qui se passait là; faire la phré-
nologie de ces têtes historiques, bu risque d*y retrouver la bosse
de la sainteté, comme on Ta trouvée chez Lacenaire; déterminer
quel était le mobile, la passion , la institution d*un Caligula; foire
enfin une place dans la nature humaine à ces idiosyncrasies si
étranges : c'est pour la science, ce nous semble, un assez curieux
travail. Nous ne voulons pas faire autre chose.
Ce sera donc tout simplement un peu de biographie intelligente;
ce ne sera pas de la philosophie de Thistoire. Pour connaître les
hommes, il ne suffit pas détabUrim système séries ^okitioos fa-
tales de k Booiélé , ni de faire oMime certain historien {ykitosophn^
qui intitule «n ch&pit^ : « fin q«ioi rhuaaaité eât une Heur. »il
fifttt de la vérité et de la véalité, des détails préds, de JaUqgrapbkk;
il faut descendre dans la ^e privée, obèse à laquelle en ne veoi
plus croire à «ent «m de disianoe; U fem admettre que Icb anciens
avaient , t)0fliime nous , une* vie 'domestique, eomme nous 'des ma-
nies, comme nous des petitesses^ qu*tl» avaient , eux aussi, leur vie
det»rrefMir, de ^barét, de café et d Opéra.
Qa-em^^^w 4e .peuple roman, par exemple? Un John Aull^
mais un JobH Btall oisif , parce qu'il était Ubre et ^u'^ avait de9
esckifVes, iMiant sdus les rostres, écoutant la journée durant sas
conteurs "de ^nouveUes, tandis que John Bull, esclave affaire^
sillonne ^siroitoirs; mais, du reste, ennuyé comme lui, hargn^usr
comme lui., «doué de sens comme lui. Quand il était pauv^-e^
mendiant iine spty^tuia à la porte d*un grand; puis, aHant aux
bains, que les grands payaient poirr lui; puis, achetant quel^
ques léCuflMs au marché, le reste du Jour se couchant sur la plMQ,
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LB8 CiSABS. ITS
4pi*^rès twt a ittdt ItaHe». Qomtâ il éttil fkhè, dédai*-
(Béas, dur» Scr, «vaut raisoiiiitMtaeBl «a femm et ses enfeaa,
beMieo«p plus eeitx de ses «ffraDoliis ^m avaient de Vesprit, «c
crax de ses 'esclaves qui ranMisaiem ; d« reste, bien élevé, ins-
trait, parlant grée comme un diplomate russe parle français; ayant
«ne bibliothèque en bois de citron, des meubles en cèdre, des
figurines, des bronces, des staitues volées aux temples; ayant des
prétentions de connatssenr en feit d*arts, sans s'y connaître;
amenant, ponr se distraire à table, un bouffon, des gladiateurs,
un phitosophe; ayant aussi un caisinier grec, comme on a un cui-
sinier français à Londres, des parcs, des chevaux , des châteaux
au-delà de toute idée; se feisant construire une viUa sur une
jetée en mer ; avec tout cela bonhomme au fond, brave i la guerre;
mais fort ennuyé d'être riche, et qumid Tidée lui «n venait, se lais-
sant un beau jour mourir de hm.
Qu*était-€e que César? Un vrai hères de roman anglais, être qui
semble imaginaire à force d'aceempiïsnemens de tous genres (Byron
ne fut qu'un César manqué) , d*une noble naissance (descendant de
Vénus, disato-on, de la déesse qui donne I9 fortnne), d*un beau
TÎsage, avec une taille haute, un regard de faucon dans ses yeux
noirs (^/t oechi yrifagni, dit Dante), une peau blanche quH avait
grand soin d'épifer, le front diauve (mais il savait se coiffer de
manière à dissimuler ce défsut); il était admirablement bien pei-
gné, et portait sa toge lâche, signe d*excessive élégance. -<-* Avec
cela, poêle, orateur, grammairien, ce n*est rien encore; mais fa*
Tori de toutes les belles Aoniaines, mais jovial, courtois, généreux,
flMÛs le seid homme humain de son temps, poussant la délicatesse
des nerfs jusqu'à faire enlever de l'arène et soigner les gladiateurs
blessés. Aussi disait-on de lui : « C'est une femme, m Mais surtout
poussant jusqu'à une gigantesque hauteur la plus puissante res-
source des grands hommes : l'art de s'endetter.
D faut comprendre la vie politique d'alors, et par l'Angleterre il
est aisé de la comprendre. On achète un siège aux communes, on
aolietait de même l'èdilité ; c'était le début. Conune le peuple nom-
mait et que le peuple était nombreux, l'élection , de même q«e dans
tons les pays où la loi électorale est assise sur de larges bases,
réIectioB était fort chère. On y laissait son patrimoine. Geiae place
^êdae ne rapportait rien; seulement il fallait donner des jeux au
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176 REVUE DES DEUX MONDES.
peuple. Si le peuple était coûtent de vos jeux, il vous
préteur; 8*il les trouvait trop mesquins, i) vous laissait là sans pha
et sans patrimoine. Aussi, ceux qui voulaient faire fortune don-
naient-ils des jeux magnifiques, et pour cela empruntaient au Uttx
légal de 12 pour cent plus Tusure. Vous sentez que cela derait
aller loin. Mais prenez garde : devenu préteur, on passait d*abord
un an à juger le s/t//fcidtiim ou le mur mitoyen, à protéger ForpheliB
et la veuve sous les yeux des consuls, sous Tinspection du sénat,
sous la férule des Gâtons; alors les profits étaient petits. Mais as
boni de Tannée on allait en province. Une province, c*était uo
royaume entier; c*était la Sicile, la Grèce, la Gaule, la Bretagne, la
Syrie, les deux bouts du monde. Une province, c*était la joie de
rbomme ruiné ; c*était là qu'il donnait rendez-vous à ses créanciers
pour Tapurement de leurs comptes, là qu*il levait des tributs pour
la république et pour lui, là qu*il prenait des esclaves, qu*il preaait
des statues, qu*il prenait de Targent, des vases d*or et des dieux;
quUl pillait les citoyens, les villes et TOlympe, qu'il devenait artiste,
dilettante. Mécène, et protégeait les arts en volant des cbeb-
d*Œuvre. Après la préture, revenu à Rcmie, s*il n'avait voulu que
s'enrichir, il se reposait sur sa chaise d'ivoire au sénat, comme on
ministériel émérite à la chambre des lords, montrant à ses amis sa
magnifique galerie, protégeant les sculpteurs grecs, et passant
pour connaisseur. S'il avait de l'ambition, sa carrière était plus
qu'à moitié faite; il était homme de guerre, homme de tribune,
«énateur, consul, tout ce qu* 1 voulait; il était Sylla, il était César.
Voilà la carrière que rempht César, comme nul ne l'avait rem-
plie avant lui. Ce grand seigneur, ce dandy, cet enfant gâté de la for-
tune, avant d'être seulement entré dans la carrière , devait déjà
plus de 6,000,000. Après sa préture en Espagne, où ses créan-
ciers faillirent l'empêcher de se rendre (il fallut que le riche Cras-
sus se fît sa caution), il devait 45,000,000; il n'avait pas agi
comme les autres , il n'avait pas cherché à s'enrichir en Espagne,
n avait compté sur d'autres moyens de fartune; il lui fallait des
victoires, des conquêtes lointaines, une révolution dans son pays,
et il ne fut peut-être si grand homme que parce qu'il eut des
créanciers.
En un mot, c'était un homme heureux ; à la guerre il ne fut pas
battu une fois; deux fois seulement sa victoire resta douteuse; la
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LB8 céSABS. 177
fortiuie le combla jasqu*à son dernier jour, eHe le fit même mourir
comme il aYait souhaité, elle lui troura une vingtaine de niais
comme Brutus et Cassius, pour lui épargner les ennuis de la vieil-
lesse, la honte d'un revers , et les souffrances d*une maladie.
Qaand on foit descendre l'histoire à tous ces détails, elle se rap-
proche bien plus de notre temps. Le premier mouvement, en lisant
rhistoire, est de trouver toutes les époques différentes, le second
est de les trouver toutes pareilles. Cela mène à une grande vérité,
réternelle similitude de Thomme; Atez le costume, détachez la
toge, ouvrez le manteau; ce n*est plus le Romain, le Français ni
le ChimMs ; c*est Thomme; les mêmes passions, la même intelli-
gence, la même vie. On a étudié Thistoire bien petitement, si on
n*a pas compris cela.
Pardonnez-moi ces quelques mots en faveur de la nature hu-
maine, que tout le monde s*accorde à sacrifier à une prétendue
nature historique. Quoique dans le fait le premier empereur ro-
main fût César, j*aime mieux laisser là sa biographie, trop pleine
de grandes choses, et commencer à Auguste.
Celoi-là ne semblait pas né pour être un grand personnage ;
quand on vint lui dire que César était mort et qai\ était nommé son
héritier, fl eut grand' peur. Il faut dire id de quoi se composait
la succession de César : c'était d'abord une vengeance à poursui-
vre ; si elle ne s'accomplissait pas, la proscription ; si elle réâssis-
sait, le pouvoir : de toute manière, une guerre à soutenir, des lé-
gions à payer, des amis onéreux de tous genres à garder à son
service; mille privilèges de toute espèce accordés aux uns et
aux autres par le testament de César, ou par des testamens
qu'Antoine avait supposés, à conserver en dépit du sénat; des legs
immenses à solder au peuple romain. Telle était cette succession
qu'il fallait accepter ou refuser; les guerres civiles ne souffraient
pas de bénéfice d'inventaire, et les premiers agens qu'il devait
se procurer pour réclamer ses droits d'héritier, c'étaient des
soldats.
Les légions, les vieux soldats de César virent donc venir à
leur front de bataille un pauvre jeune homme blême, boiteux,
tout tremblant; il avait peur du tonnerre,, croyait aux songes et
aux présages; fl ne parlait en public qu'après avoir appris son dis-
cours par cœur; U craignait le froid et le diaud, ne sortait que
TOKS VII. 12
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178 REVUB nS BMJX MONDES.
te tèle ûonYOTt^ «eT^ymok qa'm Wàèie. Tonte YmmtiHSfÊâe m
Boquait de tt rotufe. EélMt cependant ifvM gnede fuirille di
bovrg de Velletri, tt mb père» le premier de et reee, élaîl ?ew
s*éubGr A Roaie. Haie eeo graad^père, disek-oa, avail «ci béa-
quer (liaei nsarier). — Ta mère t'aeomertde firiae, — h» disak
celle genlilhommeiâe reaiaiiie, qui le préleadaîl pelk-fils d*iiB nee-
nier. Ce n'itail deac ai ta naissaiioe, ai le oovrage, ai racUrilé» ai le
{péoie, ai rhmnamli de Cèaar ^Octave en an joar araîl fut pém
Irob oeals sénatearo), c*éiaîl loate aatre ohoee, el il fallail levtt
aulre chose.
Les graads honmMa œnuDeaoenl une guerre dTfle, «i halrik
honane ta êaiL Mais il n*«ei gaène donaé de Tadiever à eeW qà
y a pris une pari Irop active. Henri IV » s*il eàl élé trop bon pro^
leslanty n*eûl pa en iiair avec la Ligoey arec laqaene, roas le
savex, 9 ne fil qae transiger. Bien prîi i BeMpane de a*a¥oir élé ea
92 qu'an petit tiettteaant d'arlilerie; saas qaoi, qu*aur»t pa être,
au 18 brumaire, le royaliste ou le patriote de M, homme dé^ elass^
homme déjà usé, hoauae d<§à jeté aa rebut avec tout son parti?
Entre la position de toas ces hoaaaes, Octave, Henri IV, Bonaparte,
Louis4^liiHppe, 3 y a aae aaàlogie qui me frappe : c*est qu'aacaa
d>ttx n*avait d*avanoepris parti irrévocaUemenC pour personne;
edi»-li, chef des proleslans, était aUé à la aiesse après te Stiat^
Bardiéleaiy; cdai-cî n*avait pas traité Antoine, l'ami de César,
mieax que Bratas BieaBtrier 4e César; eet autre avi»t fusflé
des royaHstCB dans te rue Saint-Uonoré, et sauvé des ém'grés sa
Italie, comme Heari IV assiégeant Baris ftnssât, dans son humanité
et dans sa pelitiqae, passer des vivres aux Parisieas. Tel autre,
soldai républicain de 88, venait de conquérir un titre de coar
aous les Bourbons. C'est à ces hommes-li, hommes de politiqae
ambigué, mais halrile, teanmefrsanB parti et qui se trouvent être da
parti de tout te monde, qa'il appartient de venir, quand on est hs^
quand on est dégoAté, quand tes partis sont ioml)és en dîscrédlit
auprès des masses, apporter ce grand bien, alors tant apprédé»
tepaix. Quand te Ligue touchai sa fin, il s*étabiit entre les proies-
tans et les catholiqaes, ou pour mieux dire, entre les royalistes et
tes ligueurs, an tiers parti, oetai des politiques, c>si-è-dire des
gens qui mettaieut de côté te grande question de te guerre civile, h
question refigiease. làiasi se résolvent, cbea tes homan», tes ^aa-
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àm^Mmiom pdi)ikfiied,'én %» «niel de cMé. <fe p«ni4l quilK ft
FhDnSadaiff« Méffippée, tt à Rome 1w Géorgiqaes ik ¥ir^e et
ïmmtiûveê dVarace.
eoUTO'ii'Mi pâ9 de pêtHe A devenir chef de ice parti, il iTetit
qa*à ne s'attacher fortement à aucun autre. Les forces vives du
(HMi ariâdoeratique , Brnt«»-et Cassios, avaient quitté l*ttsflie ;')enrs
t«|irè0eÉfafl9 à Rome , c'écait Cicéren et de vieux sénateurs ; An-
toine régnait à Bonie, non connne consul, maist^onmie chef de parfi,
mais comme exécuteur testamentaire de César; Il donnait des char-
(ps, concédait des privilèges, nommait des sénateurs, dotait des
filsB, isdsait des rois , dominait enfin comme une bacchante tont ce
penpfe qui voniidt surtout être dominé : tout cela en vertu du tes-
tanent de Géaftr; le testament de César ^rtalt infini, on découvrait
flÉ.iMniveau eodicllle chaque jour. -Octave avait aieheté -une armée ,
hdTespectnetrx héritier de Oésardont le nom était ainsi profané.
D mit son armée an service du sénat conn^ Antohie; on applau-
iSc, m te ftoa, on le dhargea de fleurs âe rhétorique; mais tont
en rembrassant et en se donnant Tair de le proftéger, CScéron dn*
sait tout bas : <r c*^sM un enfnn'qn'ff fsntélever povr s*en défeive. »
Noos ne pearvons vendre ici le •calembonrtdn grand orateur, qtd
en a Ml encore bien d^aatrira : ihnandum pneram, toUendum.
Ot enfiint (il avait vingt ans an fAus) joua tontes les vieilles
tém du steau A la prem'èrie bntaMe, Antoine finTaincu; mais les
ikBmt^aonadlsnirépabKoains torem tués stQienreusementpotirOetave,
qa'cD te iMpçottna d'avoir aidé le for des ennemis. BébarrassM
ainsi de ses anriliaâres, en qui fl voysSe des espions du sénat, H
draogeatodtâ eotfp départi, et sfunit à Antoine vafaicn, dommni
sawiiiie prioctpal >motff de sa Afifeetten le calembour ticéroiiieti
qtfe-voas menons de citer.
^tetsta, aseodé à Antohie, prit tes pencbans de ce nouvel affié.
L%aKe, qui leur fut livrée sans défense, fut inondée de sang. Bans
cette prosorîptioa comme dans tontes les autres, depuis te ^sisLïtt
SjrHa jusqu'à Tincorruptibte Robespierre, toutes tes passions pri-
vées, toutes les haines, toutes les vengeances vinrent à la curée;
tane proscription fut d'autant plus abominaUe, que les passions
poétiques qui en étaient le prétexte, étaient d^à arrivées à teur
pérjode derefiroidissement.
Bmtus et Cassius avatent fait la faute énorme de quitter lltaKe,
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180 nEvuB nm deux «ondes.
ignorant qu'une guerre ne s'achève que là où eUe commence.
Octave et Antoine, bien rassasiés de proscriptions, menèrent eiifii
contre les meurtriers de César leurs légions qui ne troiiraknt
plus à piller en Italie. La grande quesUon était avant tout : nov'
rir les soldais.
Brutus et Câssius se firent tuer à Philippes en abjurant la verti,
comme si c'était la vertu qui les eût menés là. Antoine et Octave
se partagèrent le monde, c'est-à-dire le reçurent pour le partager
entre leurs vétérans.
La tâche d'Octave était difficile; avec cette Italie dévastée en
tous sens, couverte de maraudeurs et de brigands, il fallait £aâre
face à toutes les légions qui se trouvaient toujours mal payées, aux
paysans italiens que l'excès de la spoliation finissait par poussera
la révolte, aux spoliateurs et aux spoliés tout à la fois, à Antoine
qui sourdement animait ceux-ci, à un fils de Pompée écumearde
mer, se disant fils de Neptune, qui tenait la Méditerranée et intercep-
tait les convois de blés ; brillant flibustier, qui, avec un peu plus de
perfidie, aurait un beau jour retenu et rançonné l'héritier de César;
au peuple de Rome, qui, jusque-là, indifférent à ces combats, se
révolta, se battit trois jours durant dans ses rues, quand il s'aper-
çut qu'on le faisait mourir de faim. Tel était l'état de l'Italie.
De toutes ces hostilités simultanées naquit la paix. Les soldats
l'ordonnèrent entre Auguste et Antoine, et pour la sanctionner^
firent épouser à celui-ci la sœur d'Auguste, Octavie. Les soldats
devenaient arbitres des familles ; et, du reste, c'était peu de chose
dans une famille qu'une jeune fille et un mariage : on se débarras-
sait si vite de Tune et de l'autre. Le peuple, qui avait un faible pour
le jeune pirate, fils du grand Pompée, ordonna également la paix
entre Sextus et Auguste. La part des deux triumvirs fut nette*
ment faite : Octave resta à Rome, travaillant patiemment, laborieu-
sement, habilement, à pacifier, à soulager, à fortifier l'Occident;
Antoine, à Alexandrie, jouissant de l'Orient comme d'un festin de
bacchanale; Auguste, épousant ou répudiant qui il voulait ; Antoine,
mari de la sage Octavie, dont le frère était à craindre, et voisin de
la belle Cléopàtre. Il en résulte que tandis que l'un resta un digne
Romain et un époux fidèle, Tautre oublia dans les orgies d'Alexan-
drie la majesté de Rome et la fidélité conjugale, double crime que
son rival dénonça au sénat, et dont il fut puni à Actium.
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Les CÉSARS. 181
Telle est en quelques lignes Tbistoire de rélévation d'Auguste.
Miôs que trouvaitril dans Rome, devenue son bien par droit de
succession et par droit de guerre? Beaucoup de lassitude, beau*
coup d*épuisement, aucun principe. César était mort à la tflche en
Youlant établir trop tôt sur les ruines de Taristocratie romaine une
société nouvelle, cosmopolite, nivelée; il avait détruit et n'avait
rien fondé. Le peuple, pour qui il avait travaillé, adorait son nom,
mais De s'était pas soucié de prendre les armes pour Antoine , le
chef du parti extrême chez les césariens. Le parti contraire, ré*
publicain et aristocratique, était resté livré aux vautours, comme le
cadavre de Brutus sur les plaines de Philippes. Mais ce qui était
effrayant, c'était le désordre de la société. D faut se figurer une
terreur de quinze ans, une lutte de quinze ans entre un Danton et
un Robespierre, pour comprendre ce qui pouvait en rester; il faut
songer que, pendant une période de trente ans peut-être, pas un
personnage un peu notable ne mourut dans son lit; il faut se sou-
venir que chaque homme un peu important d*alors donnait à son
affranchi de confiance deux meubles nécessaires , un stylet pour
écrire ses lettres et un poignard pour lui donner la mort quand
rheure viendrait; il faut -songer à ce qui pouvait rester debout
après une telle anarchie. Le sénat que César (et après lui Antoine)
avait flétri à plaisir et mêlé de tous les barbares quUl avait vaincus,
était une cohue sans dignité et sans loi. Les chevaliers, c*estrà-dire
ce qui avait fait l'aristocratie d'argent , avaient des places d'hon-
neur qu'ils n'osaient aller prendre, de peur que leurs créanciers
Devinssent les y saisir; leurs quatorze bancs au cirque étaient
presque déserts. Rome était pleine de bravi; sur les routes, on ar-
rêtait les voyageurs pour les faire esclaves. Tout cet empire, pillé»
^lévasté, mis à sec par tous les partis, demandait de quoi vivre, et
Codait à Auguste non des mains suppliantes, comme disent les
poètes, mais bien plutôt des mains mendiantes; les patriciens et les
grandes familles lui demandaient de quoi payer leurs robes de
pourpre et leur cens de sénateur ou de chevalier ; la population
oisive et toujoûrscroissante de Rome, du blé pour vivre; lltalie, des
laboureurs ; les provinces, une diminution d'impôt ; le monde tout
entier était comme un mendiant aux pieds d'un seul homme.
Le fils du banquier de Velletri était bien mieux placé là que le
)rillant César. Ces corc'^tères pAlcs, incertî>inq, éqi'î^'orj^es , irai«
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tÊà REYUB MM MRIX llOIfDBS.
fur .impriM^p^» nottsie Mmiflft biMi.Oct«v« ne ë^appvfft ni sm* «
pi»ieîpe«iiiin'«onT»fli;11^iâMrelni^ealeiBent fr secourir t^hactui,!
Be fShdier personne, fl ^afvâtété eroël qnnnd 11 «rrit eu à sootsrfr'
«ne lutle ^idlenie; la 4tilite ^ie , fl fm dénient. Il savait qu'en po*
litique, (fiioi qti*en ident dit âes niais sangafattir^s, eeMmfietmom
Détotticbe, presquesesl riche en oe temps; ridie de son patri-
moine , <ric^ de la sa^^sse atee laquefle il arait su faire écoBOffli*
quememla guerye d^fle, ridhe des legs de ses amis, qui, sehmlt
coutume romame^ne mouraient ^ptts sans lui laisser quelque chose
de leur bien. A¥ec oette^fortnâe bien ménagée, il soulagea tooth
monde , paya les legs énormes de César, donna des secours au
grandes ftH!nffles'(CHisant ainsi sa pensionnaire de ruristoeratie M
ennemie), pôtiça'ettranqiiniisa1%^Iie, fit venir du Mé d*Egyple,f^
maître du^n^or immense des Tietémées, au Ken de le gavder pour
lui-4néme, eomme^t firii tout autre, et méme^Oésar,!! mit danafk
dreulatioflicellemasse énorme d*ore< d'argent ;'rintéMt defatigeilt
m baissa, «lies terres d^ItaHe augmentèrent de râleur, fl yatik
des répidjiteains , i^*est-à«dire des arisioerates, ^'émit la même
chose ; 'de quoi se faÉsent«*fls 'flid^pés? Tout se passait légelleineflt;
Octave 'ii*èiait point toi, Dteu Ten gsrrde, il il- était pas même dieti*
teur, eomraeiMrit eu<iU'folie de f^re son onde C%sar, qui, liii, w
saFrait pas si'bien'Ia»valenr desmcfts. Au contraire, quand on dffé
Toulu le nommer Acelie digËité, il'awdt supplié à genoux, la top
€»tr*ouyerte, qu^onla liii épargnât. îl s'irritait si onTappéiait se-
gneur.'Le séfiat^ravâfk dédaré'grand pontife, dignité répofblimiiie;
tribun, dignité i^épiA)lioeiSne;eonsM, autre digni^ vde la répdMi'
que : ^ainsi , «ans dianger un tHre , «et arec un scrupille -de U^itSA
qui eAt enchanté Gaton, Octale réaiiissait toute la puissance ré-
gieuse , domestique et niil'taire : la république if était pas détruite;
au contraire efle vivait incarnée en lui. Rappelez-vous nos mon-
naies, où on lit encore : République française , Napoléon empereur.
Voilà pour les républicains ; restaient les deux grandes puissances
de répoque, le peuple et les vétérans. Les vétérans éta^t Tarmée
de César, Fermée d'Antoine, Fermée d'Octave; tout un peuple de
soldats qui vivait de guerres civiles et qui les entreprenait à prii
fiât, comme les condottieri italiens. La guerre finie, il fallait ks
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me province, on mettait les yétèt^Ltmà iewr fàêitiB^ et, ettmpé» aiiMi
tes on près des avtrts, ils éiaSeiit prêts à Mmclier au premier mot.
OfelaTO, q«i leseraignsii, leur donna des terres, mats en les dis^
persant. Ce«x qui restèrent sous les armes, Aies envoya combattre
fur le Ktm , guerre lointaine et pauvre, eà il «*y avait rien à piRên
B les mit lofai de l'Italie, loîn de Rome aetant qu'il plit.
Venait le peuple. Le peuple était un suMme itiékinge de tous les
Mneos^ divers qui avaient passé par la vieiHe Rome; mi-parti d*a!P-
franch» et d'bommes Kbres, de vieux KoMsias et d^étrangers, de
firecs et de barbares, de citad^et depro'Hiieiaux, admirable eo-
kne qui s*appe)ait le peuple romain, el savait parfois soutenir lu
dignité de oe titre ; enfisnl gâté de toutes les puissances, que F aris^
tecraiis patricienne si opulente s'était cependant ruinée à divertir,
psor lequel on feisait tenir les gladiateurs de^ la Germanie, les re*-
itàim de la Guide, tes lions de rAtlau, les danseuses de Cadix, les
eirsfes du Zabara, à qui<>n donfnuit de magnifiques spectades et en
même temps du pain pour qu'il ne Mt pas obligé d'aller travaffler eu
sortant de tii : el à quoi c^-M travaillé, 6e peuplegentilhokmneT Tous
Im nétiers étaient frits par des esdaves. R lui fMkrit en outre (car
les Grecs lui avaient donné des prétentions'tfartiste) que sa ville Mt
Me; et s*3 logeait dans un taudis au septiStne étage, dans quet-
qoes-nnes de ces maisons énormes oii s^isfaHait toute une tribu,
comme nos maisons de location dufeubourgSaint'Maroeau, il fallait
<|v'ii oe promenât les jours de pluie sous ^es portiques corinthiens,
qn^il fit ses affaires et qu*i} entendit burler ses Sfvoôais dans des b»-
fSiqaes opulentes; que ses bains fussent de ittarbre, ses statues de
imirbre, ses théâtres de marbre et de porphyre : tel éliat le goAt
de cette redoutable majesté.
Auguste, successeurde raristoeràtie, déficit, comme elle, nourrir
k peuple, Tamuser, lui embeHtr sa belle Botne. Il Mlait qu'à ses
frais et par ses soins les Wés d'Egypte et de Sieie vinssent nourrir
fc prolétaire romain , trop accoutumé à recevoir le pain de la main
«te ses maîtres pour qu'on p4t songer à le fcii^ vivre autrement. II
fellait jeter l'argent sur le Forum aux hommes , aux femmes, «at
enfens , à tout ce que la dignité de citoyen romain appelait à pren-
dre part à cette aumône solennelle; du reste, il s'en fallait é bien que
rttunèneftt quelque chose d*tiuniilîant,<|!f il gavait dans Vannéet^
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184 BEVDE MS DBUX HONDBS.
jour OÙ, par suite d*un vcdu, Aogusie lui-même , assb à la porte dt
palais y tendait la main aux passans.
Le peuple avait-il faim? il demandait du pain à son maître; avait-
il soif? il lui demandait des aqueducs, il lui demandait le rin iboi
marché. Auguste ainsi supplié refusait quelquefois; mais après tem,
c'était chose commode qu*un tel tyran. Le peuple s*ennuyaîl-il? û
demandait des jeux. Et alors T Afrique, TAsie, TOcddent» toûL
s'émeut pour lui envoyer des acteurs, des bouffons, des philo-
sophes, des bétes féroces, descombattans, des monstres, des sal-
timbanques; on lui montrait un jour un rhinocéros, un autre m
boa de cinquante pieds; au cirque, il y avait des courses dedK^
vaux, et des luttes à là grecque; à TamphithéAtre, des gladiateurs;
SkVL théâtre, des histrions et des pantomimes, nouveau genre de di-
vertissemens , et que Tantiquité aima jusqu*à la fureur ; à tous les
xoins de rues, des bouffons parlant toutes les langues, car cette
Rome aux cent têtes les parlait toutes ; les jeunes gens des grandes
familles venaient jouter devant le peuple, des chevaliers veaaieac
devant le peuple faire les gladiateurs dans Tarène.
Avec le cocher des courses {agitator)^ le pantomime, le gladia-
leur, était le favori le plus intime du grand seigneur romain, Tidole
la plus chère du peuple ; c'était là conune les coureurs de New-
Market, ou les boxeurs en Angleterre, les protégés, que dis^e les
amis, les commensaux du sporuman romain; on vivait avec eui
sur le pied de Testime comme un turf-genileman avec un jo<dLei. Soos
la république, le gladiateur avait encore rempli un autre rôle, on eo
achetait par bande (familiœ) pour les faire combattre devant soiaui
festins, aux noces, aux f unéraiOes; on en avait aussi pour garder au-
près de soi, pour s*en faire entourer au milieu des sanglantes dis-
cussions du Forum, pour trancher à coups d épée les délibérations
de Rome républicaine; mais sous Auguste, le gladiateur perdit sa
fonction pohtique, il ne garda plus que sa position sodale sur le
même pied que le pantomime, Yagiiaior, le sculpteur, et un peu au-
dessus du philosophe. Aussi, ces gens4à sentaient-ils leur im-
portance : a César, disait le pantomime Pylade à Auguste, sais-ta
qu'il t'importe que le peuple s'occupe de Bathyle et de moi I »
Rome ne pouvait avoir trop de fêtes, ni trop de monumens; les
4>bélisqu|^ de TÉgypte 8*élevaient sur ses places, Teau vierge loi
^tait amenée dans les aqueducs d* Agrippa; tous les hommes qui
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LES CÉ8AR8. 185
étaient restés riches après les guerres dySes reeeraieiit de César
Tordre de travailler, comme lui, à rembeffissement de la dté-reine,
Balbus lui faisait un théâtre; Philippe , des musées; Agrippa, son
Panthéon, cent dnquante fontaines, cent soixante-dix bains gra-
toits; Asinius Pollion (chose singulière), un sanctuaire à la liberté;
f Voyez cette yiHe, disait Auguste; je Tai reçue de brique , je la
laisserai de marbre. »
Maintenant, au miKeu de cette Rome devenue si beUe , si volup-
toeise, si pleine de sécurité, on voyait passer un homme simple-
ment vêtu , marchant à pied , coudoyé par chacun , habillé comme
Fabius, d'un manteau feit par ses filles. Cet honmie allait aux
comices voter avec le dernier prolétaire; il allait aux tribunaux
cautionner un ami, rendre témoignage pour un accusé ; fl allait chex
tin patricien célébrer le jour de naissance du maître de la maison ,
OQ les fiançailles de sa fille. Il rentrait chez lui : c'était une petite
maison sur le mont Palatin, avec un humble portique en pierre
d'Albe, point de marbre, point de pavé somptueux, peu de ta-
bleaux ou de statues, de vieilles armes, des os de géant, un mo-
bilier comme ne Teût pas voulu un homme tant soit peu élégant : ce
qu'A avait eu de vaisselle d*or du trésor d'Alexandrie, 9 l'avait
fait fondre; de la dépouiHe des Ptolémées, il avait gardé un vase
de myrrhe: il se mettait tard à table , y restait peu, n'en connais-
sait pas le luxe si extravagant alors ; avec du pain de ménage , des
figues et de petits poissons, le maître du monde était content: à le
voir si simple, qui aurait osé dire que c'était un roi? Un soldat
l'appelait en témoignage : «r Je n'ai pas le temps , disaitril , j'enverrai
an autre à ma place. » — <r César, quand tu as eu besoin de moi^ je
n'ai pas envoyé un autre à ma place, j'ai combattu moi-même, d et
César y allait. Il fallut que, déjà vieux, à la célébrat'on d'un mariage»
9 ftt poussé et presque maltraité par la foule des conviés, pour qu'Q
cessât d'aller aux fêtes où on l'invitait.
Et pub, cet homme pacifiait T Italie et le monde , c'était le con-
dliateur universel, l'homme des ménagemens et de la paix. Il r^
mettait les vieilles dettes, déchirait les vielles enquêtes, fermait
les yeux sur les usurpations consacrées par le temps, sur tous
ces droits à demi légitimes qui restent des révolutions, et auxqueb
il est si dangereux de toucher; il passait le jour et la nuil à rendre
ia juscfoe; malade, U écoutait chez lui les plaideurs. Il ne pre^
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UTUB wm mm mondes.
MK pM JBÎIik QBM0 pMT lSMBén69 il CMNNUBMWt « W^^
«■Mda NionMM'i|Manuildîl: <r Nite otwrieft, iî le dérfr wm
Mnq«0foolpe«r tosr €iMir;»€flADiiéttimîlàTîMr»:«lieft
laisse fAs alhv èlanvmcMr^le len èse» et ne twHtt pas trap âii
dit da Dttl da mms, c^eat Uam asaaKsi «n ne aMVs tn ftalpaa. •
Ca pouvoir fiit oartanenevtie piosdoiUL de la leire; parwltai
d^hommages que la flatterie lui adressa, il y ea a un qui, daai
Fantiquié, semble fvafqueéftraDVB» et ipridknina biettidiaéice
4B*était sa poiiiiqne; la jo«r ai Auguste mmrakdanaBoaie, asai
Inaait périr anciro^riaMMi.
Mais ilestnn phéwHnéiisà olMeFTor : destqnetseinqni arrifait
animnn Angwtepour lemter ka guerree oivâas^ s"îi$ aortant m
pa«, dans Faaage da km aouvataiaelé » ée la Kgne da jnsln KiKffi
et de poHtiqDe éqmvaqne qn*îia adoptent d^ordintlre, e*aatprot-
qne tonîaufapour réagir caotiB le parti qn'ik ont aantena daai
knr principe etipii leaapanés anpouvoir* Leaf)iartis<orîent i Tàh
yatîtuda cowa ai<n lenr devait de la reeaiMMiBimooa si nan a«
h— awaufiBttainginiimAi tfestfa^iBieféaotiQnnécaaaaireuHeimff»
ëereMiMii, aei^ très bien qu'il démît élre rai da iont le naads
et non ées pniliastans^ et ifne s^l se derait à q«eiqu*nn, c'élail pea^
être plus eneonàia Ligne «me qni H avait traneieé qu'ans roph
fiateaqainvaieaaiOQalialiu ponr lai, BoMpartn, afnnt mine d'être
ansperenr, Banaparte qnî avait été patriale» relevait le colla et il
■obleaBe, «t panr piimira ennemi, 9 avait las compagnons de m
victoire, Pitlif0ni,.llorean^ Benmdoite, nomme Henri I¥ le nmfé-
almldelKraR.
Celadait être: «n parti vainqueWfOH^se^ireîl «el/na oom*
prend pas <»tÉe aranaassièn tariiaon formelle aans laqueHeflass
iamrinentpasè» gnatitndrtlas; H se croit, oamiMles émigrésds
iSik^ ou les pntmQiaade ISao, des draitsOTciamftalaans bama;l
ne reconnatt de droits à pernsmieaiitte que lait iliieii*imnginapm
de*réAédnrvlujfmasBtaiu,4na san>ehef, pliant le genoodevnmb
Ugue, s*estbîtcatMiqimàSainl**D6ma, etqoeai Henri <¥ ml
nntré dana Paria, c'eatiavac k oensenteaMnt et m maînteaaait k
^^dpe da la Iigim.nae«oaBpriendpaB, lméaiigi^,laclMifie da
flaint4)neB, ni M palrieie, lea «rapa da fosil dans ks niea da
fiariscaoïmlmaoatinnaieaEsarritréade lASO; vaîlèpowni^ aiecm
4lmf estlmfaae, BantiMwbkntétnrdisismiaNM aveoaMicftn4
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I
hMiiffeit, c'est Iitt <|H*iI £uil^ relevés;, imUasodélé aevitwMr wm
dièe absolue, «ulle coaibiaaisoB natîoBale ne fiirele sur um «fIlo«-
lÙBue; dans lo«(e SQdélév il fiant «b pe» de chaMpue deae.
La vieille Rome, la Rome arisle€«alM|He éiail' vaioeiiey bttttie à
Iharsale et à Philippes, où son parti était mort les armes à la main ;
battue dans la cité où ses mœurs , sa foi, ses lois étaient mises en
imUi; battfHe daas k» temples «è Toa ft'ttdorait plus que des dieux
kti^s&ssy battue dans le séMlqui dtaîl ainli el méiè de barbarefw
It par cette raison même, ce foc la vieille^K^aie,. la Reoie avietoerar
tique (|o*AugpMte checcàa à relever. Celte réaietie», cette restau^*
BitioD tessemUe à ee^que testant Nap^léo» ea relevaat le coke»
rétablissant une noblesse ^ rw^wiinit une e^w,^ reffatianl de la «Of
raie, de la bienséaace , de V baoneur à la faew< àm siècle passé. Ces
deox aiioaiîons aeit admrableiDeni aiialo0Biea; cbacmi dies deux
yrineea» frappé de e^ <|iii manquât aii régpiae nouveau^ dierebail è
h retrouver dans TaacieR régime; Tun reluisait te weiUe Rome»
Favtrek vieille PraMS, laissant de eôté dans Fane- ek dans TaiHre
ee qû riBeoiBflM>daÂt, Tun Taristocralâe réywbliea«at„ Kamre lee
privilèges qui entouraient et gênaient la royauté*
Ni Fan ni Taiitre nf «vaieKt ^i graad toct. Certea, aeus Aneoite,
f^tle décadence de la moraMté et de la vie ropaaioe était u» mak
Baas Tantiquîté, les sooîélés vepo^ent tentée sur la natienalilé»
w la foi, les institutions ^ les mœurs de €lia<|yie pays , les natî^iialft*
tts étrangères i Roaie avait été vaincue^,, la naïkNialité romaiaa
Micpsat à son uiur, quel liea reslait^il a» monde? Ce fÊoblèam
V'Augosie fat loin de résoudre, en cberehant à r-elever les mœiurs
Mumiea^ tourmeAta>Ie monde quaise aièeles du^rsuUi.
L*ea^eprise étaitdifieile; Aa^^ste, f^^ennooayQpréseiKkecomme
l^eaneaiî des îastituAiens de la répablique, chercbaii des> questeui^
des tribuns, des candidats ^x chaiies répubUcaiiies, etn*en trovH
vaiipas: si qcie^|«^*iis dans iUme était Romaim, c*é9aiit k^seuL
B entYeprit la restanratiei^de la vieille Rome axée ieirteeahiéra«*
Aieu Uvoiahil qiiele lilre de citeiea rimiani ne fiMjplus prodîgné»
H q«e ie febm des provinces n'inondit plus la eité romaine*.
\m ihéAire, il v^ului foire i evivA* UMiiétm les djatiaeiione amiqcee^
linon le prenaiec bisne atu séoat^Mipa, les auivans au dwva*
mm, aégunky^lmmm wmié$émMVMmm^ lea* adnltee àm
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188 RETUB DBS DEUX MONDES.
enfansy les citoyens des affranchis, les Romains des étrangers, les p
hommes en manteau de ceux qui portaient la toge. D vit un jour
toute une assemblée vêtue de cette ignoble pœnula qui simulait
la toge ou dispensait de la porter. Voilà donc, s*écria-t-il, en rapp^
lant ironiquement une parole du poète :
a Rorcanos rerum dominos gcntomqiie togatam. d
Mais ce n'était rien, il fallait relever la moralité romaine, restrein-
dre le luxe bien autrement dangereux, alors qu*il n*y avait pas
d'industrie; rebâtir les temples, doter les pontifes, réhabilterle
mariage qui semblait prêt à passer de mode : voilà où la vieille
Rome avait mis sa force, et hors de là, en effet, quels principes de
force, de moralité , pouvait-on lui connaitre?
Mais c'est là aussi que le siècle résistait davantage : Auguste en-
richissait les collèges de prêtres, dotait les vestales, et cependant
les vestales lui manquaient. Nul citoyen romain n'offrit sa fille pour
une place vacante, il fallut descendre aux filles d'affranchis: Au-
guste jura, dans sa colère, que si ses petites-filles n'eussent pas
passé l'âge, il les aurait présentées ; Julie, a-t-on observé, eût fiiit
une étrange vestale.
Mais la grande plaie du temps , c'était le célibat. L'antiquité igno-
rait ou ne subissait pas la loi fatale de Malthus; ce fut toujours la
dépopulation qu'elle craignit pour les états; le mariage , sans être
pourtant un joug bien lourd et peut-être même parce qu1l pesait
peu, était un joug que tout le monde repoussait. Au bout de quel-
ques années, de quelques mois, on quittait sa femme, on quittait
son mari pour en prendre un autre. César eut trois femmes, Au-
guste quatre ou cinq; chacun des membres de sa famille fut marié
cinq ou six fois; mais le célibat semblait plus commode encore, et
joint à la débauche, à la diminution de la culture, au luxe égoïste
des familles riches , il dépeuplait l'Italie.
Ce ne fut qu'à la fin de sa vie, quand sa politique fut bien affer-
mie, qu'Auguste osa demander au ^nat des lois qui ne nous
sont connues que par fragmens, mais dont l'ensemble formait un
système qui paraîtrait aujourd'hui bien étrange; elles faisaient des
célibataires comme une classe d'ilotes qui ne pouvaient ni recueiWr
un legs, ni remplir une charge; du mariage et de la paternité, ua
mérite suréminent qui dispensait de tous les devoirs pénibles, qui
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LES CÉSARS. 189
attirait toutes les fevenrs. Ainsi, d*an c6té, les anciennes lois re-
nouvelées contre Tadultère, le divorce restreint; de Tautre, le
mariage commandé et honoré : c'était pour les mœurs tout ce que
les lois avaient à faire dans le cercle étroit de leur pouvoir.
A ces efibrts pour une restauration officielle de Tantiqnité ro-
maine, à ces désirs du maître , naquit , en réponse , un concert
de louanges, d'espérance, de moralité et de sentimentalité ro-
maine, enfantées par toute la flatterie de ce temps-là, par toute
la cour poétique du César. Il ne faut pas nous étonner s*il ne crai-
gnait pas les souvenirs de Tancienne histoire, s*il permettait à ses
poètes de célébrer le noble trépas et Vatroce courage de Caton,
siraijriculture des vieux Sabins, si les fastes de la Rome quirinale,
si toute la mythologie de la Rome païenne étaient les sujets de leurs
chants; s'il pardonnait à Tite-Live ses sympathies pour la liberté
aristocratique de Tancienne Rome, et se contentait en riant de
rappeler Pompéien : c'est que dans le fond, fl n'avait point à défen-
dre le parti de César.
Cest une merveille comme tous les beaux esprits de ce temps se-
condèrent à leur manière cette réaction religieuse et morale, qu'Au-
guste voulait comme d'autres l'ont voulu dans une position pareille,
parce qu'après tout possible ou impossible, la position le conseillait
aux autres et à lui. Pendant qu'au sénat, il lisait le discours du
vieux Métellus de proie creanday (témoignage qui prouvait au
reste combien étaient anciennes les anciennes mœurs, et comme de-
pu's long-temps on se lamentait sur leur décadence), pendant qu'il
écrivait sur la table d'airain où il rendait compte de sa vie publi-
que : cr J'ai proposé à la république les exemples oubliés de nos an-
cêtres, j> son Horace et son Ovide devenaient de vrais Romains.
9 Rétablis donc, écrivaient-ils, 6 fils de Romulus, si tu ne veux ex-
^ pier innocent les crimes de tes ancêtres, rétablis les temples
« écroulés de tes dieux, et leurs statues noircies de fumée: soumis
« aux dieux, tu règnes sur le monde; oubliant les dieux, tu as ap-
« pelé des maux affreux sur la malheureuse Italie. Erydne, riante
« Vénus, mère de notre César; chaste Diane, toi qui donnes de glo-
^ rienx enfans aux épouses fidèles ; Apollon, dieu du soleil, puis-
« ses-ta dans ta course ne voir rien de plus beau que notre Rome!
< Dieux puissans, si Rome est votre ouvrage, donnez des mœurs
c pures à la docile jeunesse; à la vieillesse, donnez un paisible re-
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^ù REVUE DIKS MUX «ONDES.
a pos; aax fils deRomaluA, dooneBlapuMsancet, IftfiéieDiiditéetlt
9 gloire. Déjà la foi, déjà la paix, déjà la bienséanee et raaiiqiia
a pudeur reviennent parmi nous avec la vertu si loa^tamps négiK
a gée ; les maisons sont devenues chastes , U a*y a ph» d'aéukère^
g les lois et les mœurs ont détruit Tinfaioe débauche ; il a*y a pas d&
9 ailles sans châtiment,, et les mèras se glorifient d'enfans semUib*
Q blés à leurs époux« ^>
La littérature, dit-on, est Teipressioii de la société : rhommeoHK
la femme d*esprit qui a imaginé «elte maxime ne pensait pas sans
doute à cette candeur patriarcale delà littérature, à cette poési0
de rage d*or dans un sîède, dont nous aUona chercher à montrer la
réalité. Déjà, quand Tltalie, dévorée par la guerrecivife, n'avait plus
de bras pour culti^^eir ses champs et domer du pain à ses popahh
lions errantes, quand le peu qui reslait de laboureurs étaient
chassés de leurs chawps pat les e0filurioiis, pendant que les viUei
de rÉtrurie étaient eft femme e« «e» campagnes désertes, que disait
la littérature :
Tityre, tu patnlae recubans sub termine fagi.
Voilà comment la littérature réfléchit la soeiélé^
Si vous voulez savoir qjisel était ce siàde , voyez ce qai se passât
entre Auguste et lui; il y avait une lutte entre le prince et Room*.
Les patriciens,, depuis loog^tamps accoutumés à regarder eonms
iaviolable la douce liberté du célibat, avaient jeté un cri de terreur
à la vue des lois matrimoniales qui kuir étaient imposées; pendant
les jeux publics, les chevaliers interpeUèreat Auguste d'adondr sa
loi, et pour défendre leur célibat,, ils lui cttèreat fièrement rexeoip
pie des vestales, q Si vous vous aulorWez de leur es^emple, virez
comme elles , » leur répondit-nl : puis il leur montra les fife de Gtf «
ïwanicns, Torgueil de sa famiUe et 1 eqpoîr de Tempire. B hii felfait
cependant concéder quelqjue chose au sénat „ qui ne s^ancemmodait
ni de la pureté des restâtes^ ni de la chaste palernilé de Genm-*
Cette loi contre le célibat^ qui portât cependant le nem de deas
consuls célibataires , ne fut (|ur'une preuve, et il y en a taat d*aiiirafr
de limpuissance des pouvoirs piiUics sur les mceiura. AugMteen
vint lui-même à plier devant la licence de son tenips» et anus Tibère
ces lois sibeltes, dmi Moniiiiiqdw faii Vélogs, éimm AtM fm^
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U8 GiSAM* fit
■i0ilatBMiaK>dUié60. QoelepJMiTtireil^pradoo^^ IKm^
fUreyies-oombieB peu Aupnit «• fifaidt obéir ;€oitibieo H eit wai
4ii*il n'y a ai «m (enps ni i» pays quîne «aelM s'iimrgtr lonqa*a«
Vattaye daaa co cpi'it aime! Sm aidMraUa paraâla, son poèia
Horaee, ayait biMi pu ehamar <r la loi maritale, jk dépbrer «ru^mècb
fécond» «riaies, qui amfit ioaHlé ba vÉriagea, las hnilkis, b
Tîeux aang ronmin^ » H avait faieo ^ chanlar RaflM, ranmie lom i
aoap à 11^ d'or par la M Pappia I\)ppea(leaaoin8 de8<d0«x eom*
Mb «élibatairet ); ma» aa iwfl^)kiitaiioa pour Auguste a'écaic pat
aBée aa-^elà dos paroles, ea um on latiitfr Tanstàre Torta dao
feauBoa {peffanaîiiosy « qaî ne so Aaal|ia3 à un briHaat aéducieur, a
iln'^tarildoveiiMiiifidèlem àkiteliaCUoé, siàlairoMpefMoBa^
rine, m à riaooastaate Lydie, ai A tant d'iewtres beUeo filles da
f Asie, dont Rome était pleine, qui faisaient trembler les mères
poar lowra Als» et poar qtn Tépoaso i paiae Bsariéa était abandon-
aéo par soa épona.
Et AngiMaa loi-mèa», ee réIssTBMilswr de la via pwMiqiie , ce pré»
ffet des OMBiars (maj tsier momm.), oanme il a'était fiit appefer so«
lenneHeaMil, ne savait-^s pao ses nmiagoa et ses divorces? H
Oaudia» œtloeaiant qa^ avait éponséo par pcriitifae^ renvoyée
prosqae la Joar même, parce «pfM avait itaqpa avec sa baUa<-
mère; tê seo «nion précipitéte airec livie, qto*i avait enlevée «»-
œittto A aott mari; ecfépoiÉ9edaliibère<qu*ill')avait lorcéde ré»-
padior, eaeeiate également, pour mettre an lie« d'elle inUe, sa
peUio-fifie;et tons^los marlagsa qa'iè avait noois on brisé» isiail
gti, dans son impodiqué AlaiHet M'appisMKlissait^oa pas as thAft^
tleA des'ifflasiOBStoaftreaeaaHaura^imsavaît-^afMtthsinCnm
dasa jaiussaee, ai ne lisai^oa pa» las ittisibtes reproches qu'An*
taioe lui adressa dans ai0 leHre presqaaamicBie? Et ne searnive»»
Bai-on paa que cepioax eestanraténr de la rdqpoa avait figné
époBottdans unefimoa^A sas «nis*etsc»-osiirtisaiis avaient r6pré>*
aiaté t#iit: l'Olympe?
El même, tandis qa* Auguste» vîen etachcwata artgae d'aae
prospérité nioiâe, travaiMâ ainsi A la rtfbime des mœurs, quels
aenia répéimt la tfoulè «a ibMtve , quels noass lisaia^dle aflficMs a«
Forum? Ceux des amans des deux iuKss, sa petile^le etsaiëei;
leurs désordres étaient publics, qu'Auguste les ignorait encore.
Cétaient elles pourtant qu'il avait élevées, comme d^antiques Romair>
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1^ RBVOB BE8 DEUX MOriDES.
nesy à filer la laine et à rester à la maison ( domi mansù, lanam fecii);
c*étaient elles dont il avait foit consigner dans un journal toutes
les actions et toutes les paroles, afin qu'elles apprissent à les ré*
gler, qu*il avait éloignées tellement des étrangers , qu*il écrivait à
un jeune patricien : a Tu as commis une indiscrétion en allant vi-
siter ma fille à Baia. » Ses petits-fils avaient reçu de lui-même leur
première instruction, y compris la natation et Talphabet; il s*était
même attaché ( chose bizarre ) à ce qu*ils sussent contrefaire soa
écriture. Il ne soupait jamais sans les avoir couchés au-dessous de
lui ; en route ils marchaient devant lui , ou se tenaient à cheval au-
près de sa litière. Par des adoptions, par des divorces, par des
mariages, tout-puissant dans sa fomille comme dans la république,
il avait arrangé à lobir et en toute satisfaction les combinaisons
de sa dynastie.
Mais il y a une fetalité contre les combinaisons de ce genre; oe
sont comme les pactes de famille dans les états modernes. La mort
et rinfomie se mirent dans la dynastie des Césars. Pendant que ses
deux petits-fils lui étaient enlevés en dix-huit mois, Auguste était
obligé de punir de mort leur propre confident, de renfermer son
fils adoptif Agrippa, ame vile et insolente; de mettre à mort un
de ses plus chers affranchis qui avait séduit des femmes romaines;
mais rien ne Taccabla comme les désordres des deux Julies; 3
s*en plaignit au sénat, non par lui-même, mais par une lettre dont
il chargea un questeur; il n'osa se montrer au dehors, il pensa
feire mourir sa fille : elle avait une affranchie qui, compromise
dans les fautes de sa maîtresse, se pendit de désespoir. <r Que n*étais-
je plutôt, disait Auguste, le père de cette Phébé 1 o Sa fille, reléguée
dans une tle, fut privée, par ses ordres, de tout bien-être dans sa vie,
de toute communication avec le dehors ; il fallut, avant qu*il Tautori-
sàt à voir personne, qu*on lui donnât un signalement du visiteur:
son âge, sa figure, et jusqu'aux signes particuliers, comme disent
nos passeports, quitus corporis notis tel cicatricibus, tant il craignait
qu'un de ses amans n'arrivât jusqu'à elle. Sa petite-fille, après sa
condamnation, eut un enfant, il défendit qu'on relevât. Ces deux
femmes et Agrippa étaient Tobjet de sa perpétuelle douleur ; fl n'y
pensait pas sans s'écrier avec le poète :
Mieux vaut vivre sans épouse et mourir sans enfaos.
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IBS CÉSARS. 195
Dent soin, par son testament, de les exclure d'avance de son
tombeau, et quand le peuple, moins sévère et moins romain que
lui, osa, après cinq ans, demander leur rappel, il lui répondit par
cette imprécation : a Je vous souhaite de pareilles femmes et de pa-
reiUes filles, i»
Ainsi s'achevait cette triste fin d'un beau règne , cette doulou-
reuse vieillesse compromise dans une lutte inégale contre son
temps, et qui avait fini par le mettre en hostilité avec son pays,
avec sa fomille, avec lui-même. César et lui avaient, comme cela
n'est que trop fréquent, poussé tour à tour trop loin deux prin-
cipes contraires; César, méconnaissant ce que Tesprit romain avait
encore de puissance, avait voulu faire une Rome cosmopolite, la
faire grecque, gauloise, espagnole, tout plutôt que romaine, flé-
trir son sénat, se jouer de ses institutions, le traiter enfin comme,
après le 18 brumaire, Bonaparte pouvait traiter la république
avortée de l'an m. Auguste, et cela est toujours, éprouva la réac-
tion de ce mouvement, il se fit ultra-romain, soutint de la main
raristocrat'eméme, si pesamment écroulée; voulut relever, sinon
la foi, du moins les temples, faire une Rome romaine, comme l'avait
déjà tenté Sy lia.
n ne faut pourtant pas se tromper, ni méconnaître l'étonnante
puissance de ce génie romain : les combinaisons d'origine et de
position qui avaient donné son caractère et son individualité essen-
tielle à une petite peuplade italienne campée dans les marais du
Tibre, avaient certainement produit un des plus miraculeux phé-
nomènes de la nature de l'homme. La forme gouvernementale, qui
est sans aucun doute la plus puissante pour imprimer aux choses
on caractère de grandeur, d'accroissement et de durée, l'aristo-
cratte une, despotique, héréditaire, mais en même temps sansr
cesse rafraîchie, et renouvelée dans les rangs du peuple, était née
de ce caractère si un et si homogène à lui-même, mais doué aussi
d'une force si grande d'abstraction et d'absorption. Il y a eu quel-
que chose de tout cela dans l'aristocratie d'Angleterre, dans la no-
blesse de Venise, .dans le sénat de Berne, institutions qui ont été
d'une longue vie et d'une grande puissance, parce qu'elles ont eo
l'unité de l'homme sans avoir sa courte durée.
Mais au temps dont nous parlons , l'aristocratie romaine ne sub-
sistait plus; les plus grandes familles étaient éteintes ou perdues de
TOMB VII. 13
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194 RETUB DBS D£VX MONDES.
dettes; an teaips de Qaude, il ne restait presque pas dscdes que
César ou Auguste avait élevées. L*ataiosphère de cette époque
comme celle de la n^tre, était peraicieuse i toute aristocratie; les
familles patriciemies redevenaient peuple et rentraient li d'où ^
étaient sorties. Un Scaurus était marchand de charbon» oom
avant leur élévation, c'est-à^lire peut-être trois siècles auparavant,
les Ciecilius étaient bouchers. Chose remarifiiable et curieuse qie
ce mouvement des familles I
En outre la grande base des institutions romaines, la foi reG-
gieuse manquait. La révolution religieuse de ce siècle n*est pas ea-
core bien comprise; nous n*avons pas le temps de la développer
ici, quoiqu'elle soit un des plus notaUes phénomènes de Tesprit
bumain. Disons seulement» et ceci mériterait d*étre s^rofoadi,
que rantiquité avait toujours compris une religion non comme in
dogme , mais comme une coutume ; non comme une vérité abstraite
et générale, mais comme une loi du pays, comme une portion de laaa-
tionalité; il en résulta que le monde entier étant réuni sous les méats
l<»s,rantagonisme des peuples étant remplacé par une alliance oUi-
gée, les nationalités tombant, les religions tombèrent avec elles; le
Grec n*eut plus de croyance dès qu'il cessa d*étre Grec; le Ro-
main n*eut plus de dieux quand sa Rome devint cosmopolite. De là
le scepticisme et l'incrédulité au temps de César.
Au temps d'Auguste ( et cela devait être } commença une réac-
tion; Auguste l'aurait bien voulu romaine, mais cela n'était pas
possible. Elle fut vague, ubiquiste, indéfinie : quand toutes ks
nations se rapprochaient par la vie sociale et par la pensée, l'idée
d'un dieu romain ou d'un dieu grec, la croyance d'un Jupiter
olympien ou d'un Jupiter capitolin, le dogme de la nationalité des
dieux, si naïvement exprimé dans la prière, ou plutôt dans h
sommation peu respectueuse que les Romains adressaient aux dieox
d'une ville assiégée : cr Dieu de cette ville, que tu sois homme, oa
que tu sois femme, sors de la ville, et viens avec nous; b tout
cela devenait évidemment trop absurde. Au lieu des dieux de la
nation, on chercha les dieux du genre humain; on les prenait
à rÉgypte, à la Syrie, à la Judée; partout on empruntait qad"
que divinité, quelque pratique, quelque purification, quelque
prière. Ce fut le plus superstitieux de tous les siècles. Les Usto-
riens n'écrivent pas deux pages sans parler d'an présage» d'une
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LBS CiSARfl. 19S
prédietkm, on dfjOfBOoge. Rome eroyait à tout, excepté aux dieux
de Rome.
Et cependant (c'est pour en arriver là qne nons venons d'in-
difuer tant de fait» qui mériteraient bien d'autres développe-
mens), le nom romain, les institutions romaines, la puissance que
ce nom et ces soHventrs prêtaient à cette machine vermoulue, à
cet arbre sans racine que soutenait son propre poids, tout cela
dora au-delà de toutes les limites qu'il eût été raisonnable de loi
assigner. Toof cela dura quatre siècles , contre des ennemis de
tout genre, contre les barbare», contre les peuples de rempire,
contre la philosophie, contre le christianisme, tant il y avait là
une vertu primitive, ime force de durée et de vie. Merveil-
leux chef-d'œuvre de l'esprit humain I privée de son principe,
n'étant ^s animée de son esprit, sans l'aristocratie qui était son
bot, sans la foi qui était sa base, la Rome de l'aristocratie sacer-»
dotale dura long-tenqps, et laissa au moyen-ège ses monumens,
sa langue , son droit , et Rome une seconde fois reine du monde.
Cest que dans le sénat même, si abaissé malgré les efforts d'Aur
guste pour le relever, on se sentait toujours les héritiers de Taris-
tocratie andenne, et qu'on savait encore se faire révérer par les
sotfvemrs. — C'est que le peuple si vil, si frivole, si dégénéré, ee
peuple du cirque, du théâtre, voulait être encore le peuple-roi, se*
révoltait parfois, commandait atrx Césars, les sifflait ou les applau-
dissait comme des acteurs, leur proclamait ses volontés entre les
facéties d'un bouffon et les combats des gladiateurs, et chassé du
Forum régnait au théâtre. Cest que les légions (objet digne d'une
étude toute particulière) formaient dans le peuple un peuple à part,
bien autrement romain, qui avait une foi et un culte, le cuhe êe
ses aigles, auxquelles vous savez qu'on offrait des sacrifices; que
dans l'armée on servait souvent toute la vie, et que le fils y suc-
cédait au père : véritable nation militaire d'où sortirent jusqu'aux
derniers jours de l'empire des hommes de trempe romaine, dès
Probus, desStrKcon, hommes rudes, sévères, antiques, souvent
d'origine barbare , mais Romains de cœur. C'est qu'enfin les prd-
Tînees eltes-mémes, frappées de tant de grandeur et de souvenirs,
voyaient moins avec haine qu'avec envie, crainte et admiration,
rédfice sans base delà nationalité romaine, et songeaient, non à la
détruire, mais à y pénétrer.
13.
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196 RBTUB DBS DEUX MONDES.
Ainsi se balançaient dans Tempire Tantiquité rcmiaine et la paû-
sance des mœurs nouvelles , la nationalité restaurée par Auguste
et le cosmopolitisme introduit par César. —Rome était si grande,
et son nom si puissant, que Ton ne demandait pas mieux que d*étre
Romain, pourvu que cela ne génAtpas (ce qui est le patriotisme de
bien des pays et de bien des époques) , pourvu que Ton n*eût ni une
table moins somptueuse, ni des vases moins beaux , ni de moins
belles courtisanes; s*il ne s'agissait que de porter la pourpre
comme consul, ou de brûler un peu d* encens aux pieds de Jupiter
Capitolin, ou d'étaler à la suite d'un brancard funèbre les images
poudreuses de ses aïeux , on était Romain.
Mais il aurait fallu aller plus loin, il aurait fallu que les ricbes,
pour faire vivre les pauvres, se résignassent à vivre comme eux. La
question du luxe était tout, il s'agissait entre la vieille Rome et la
Rome cosmopolite d'une vaisselle d'étain ou d'une vaisselle d'or,
d'une robe de laine ou d'une robe de soie (ce qui était un déshon-
neur pour un homme, ne vesiis setica liros fœdaret. Taqte.), d'une
matrone romaine à respecter ou à séduire (les affranchies et les
étrangères étaient toujours licites), d'un faisan ou d'unattagen de
moins sur la table, d'un souper de 200 sesterces (38 fr. 6J c),
comme le prescrivait Auguste, ou d'un souper de 400,000 sesterces,
comme le faisait Vitellius.
Pour juger sainement cette question, il faudrait bien comprendre
toute l'antiquité. Le luxe ne pouvait être pour elle ce qu'il est pour
nous, un échange de travaux et de richesses entre la classe ou-
vrière et la classe opulente, plus ou moins utile à l'état, plus ou
moins avantageux à la classe inférieure, mais enfin portant avec
Jni quelque compensation du mal qu'il peut faire ; la population ou-
rrière était esclave, ne possédant que par grâce un salaire quel-
conque de son travail, ne pouvant proportionner aux besoins et
aux circonstances ni son prix, ni ses produits, n'étant animée enfin
ni par la concurrence, ni par le courage que la liberté donne, ni
par l'espoir de la fortune. Ce que nous appelons industrie, n'était
qu'un service d'esclave à maître, un office domestique forcément
accompli ; ce que nous appelons commerce n'était, chez les Romains,
qu'une usure dévorante pour le pauvre; l'industrie libre date des
corporations chrétiennes au xi* siècle, le commerce moderne date
des croisades.
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LES CéSARS. 197
Dans cet état de choses, ragriculture était la seule ressource de
la population libre et inférieure ; mais tout ce qui était donné au
luxe y était pris sur elle, et la multitude des esdaves s'augmentant
avec tous les autres genres de luxe, une grande partie des terres de
lltaHe ne fut plus cultirée que par eux. Les lois somptuaires n'étaient
donc ni tellement inutiles, ni si mal entendues, et ce ne sont pas du
tout des déclamations poétiques que les invectives des écrivains
contre le luxe, les efforts des législateurs pour le restreindre, les
coutumes sévères que cherchaient à mettre en honneur ceux mê^
mes qui ne les pratiquaient pas.
Que devenait en effet la population libre de 1 Italie? D'un cAté
les guerres civiles lui 6taient ses terres, ou en la réduisant à la
misère, la rendaient incapable de les cultiver de long-temps; de
Tautre, l'homme riche faisait cultiver les siennes par des esclaves,
ou mieux que cela, les changeait en parcs, en villas, en jardins. Les
vieilles races italiennes, vers la fin de la république, étaient pour»
chassées de toutes parts. Ces malheureux entraient dans les lé-
gions et allaient laisser leurs os aux extrémités du monde, ou
bien ils gardaient de misérables troupeaux sur les Apennins, et
souvent n'ayant plus de leur bétail qu'une peau pour se couvrir^
ils gagnaient des cimes plus désertes, erraient de canton en can-
ton, vivaient de brigandage, pères de tous les bandini des Abruz-
2es : c'est à ces hommes-là qu'un vieil Italien comme eux, Catilina^
en homme habile, avait donné le signal de leur liberté, et c'est
leur présence et leur situation qui expliquent l'importance de cette
coiquration de quelques jeunes gens contre l'empire romain. Les
plus heureux afOuaient dans Rome pour y vivre mendians et oisifs
de la vie du peuple romain : mais n'arrivait pas à Rome qui vou-
lait; et toute cette Italie enfin, réduite à trois ou quatre mille riches^
dievaliers ou sénateurs, à deux ou trois millions de plébéiens dans
la viDe de Rome, à un ou deux millions peut-être de cultivateurs
libres, à une multitude sans nombre et sans nom d'étrangers, d*escla- ^
ves, d'affranchis, de barbares, de soldats, d'usuriers, dé Juifs, de
Chaldéens, de magiciens d*Égypte, de Grecs surtout (Grœculi). qui
dierchaient fortune de toutes mamères, et qui tous, à défaut
d'autre, prenaient l'Italie pour patrie et pour nourrice; ce beau
pays en arriva à Tincontestable malheur de ne pouvoire suffire à seç
pruniers besoins , et de demander du blé à la Sicile; puis, la
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199 REVUE DBS BB0X MONDES.
SicBe (UfittllMt/ à VÈgYt^} puis, ÉprèÀ YÈff^, aux 66te8 afri-
caines.
Voilà à qsets mavt Auguste Toalut porter remède. — Sa deslioét
est une des f^s complètes qne le moiid^ ait Toes; sonverain Kbre
et paifflide de Tunirers civilisé, il vécnt ce qa1l ftdlatt de temps
pour voir une génération nouvelle, ignorante des souvenirs a»-
denSy succéder à la génération que Pbarsale et Acttum avaient dé*
dmée. Son règne fùt un temps de repos entre la guerre civile et
les^ tyrans y un moment où tous les anciens partis disparurent sans
qu'il s*en formât un nouveau, où tous les peuples conquis accep-
tèrent la conquête, où tous les peuples barbares du dehors furent
repousses, et comine si le monde eût eu besoin de se reposer pour
se préparer à un nduvel ordre de destins, comme si Virgile avait
eu raison de saluer le nouvel âge sibylfin et les mois de la
grande année qui allait nattre, Auguste ferma le temple de Janus^
et Dieu, pour la prenoulère fois, donna la paix à tout l'Occident
civilisé.
Au milieu de cette gloire , Auguste naviguait doucement entre les
lies du golfe de Naples (bien phis beaux alors que le Vésuve nn
jetait pas de lave sur ses rivages), se reposait dans ces belles dtés^
écoutait des flatteries et des poèmes, voyait folâtrer avec une
douce joie de vieillard la jeunesse grecque dans ses gymnases,
causant, riant, plein de gaieté, lorsque la douleur l'avertit qpie sa
mort était prochaine; il prit alors un miroir, s'arrangea les che-
veux, et, tourné vers ses amis, leur dit comme les acteurs i la fin
du spectacle : cr N'ai-je pas bien joué le mime de la viet montres*
TOUS codtens et applaudissez, j»
Pour comprendre les empereurs romains, il ftiut avoir bieii
étu4ié Auguste et Tibère; le premier donna i 1 empire sa fonai
légale; il en fit, psw* abst dire, le droit public: le second M
donna la puissance réelle, parce qu'abandonnant les traditkMis
romaines et les teiÉtadves de resuuration auxcfoelles Augusi»
s'était attaché, il chercha aWeurs le fondement du povroir d'ml
seul. Tibère seul et sa poiitiqlie rendent explicables rincreyaM^
puissance et l'incroyable sécuriiè de ses successeurs.
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LES HIEROGLYPHES
ET
LA LANGUE ÉGYPTIENNE,
▲ PAOPOS
DE LA GRAU MAIRE DE M. CHAHPOLUON.'
Les anciennes écritures de l'Egypte, qui de tont temps ont été l'objet
é'iine rire cariosité, ne figuraient encore dans nos musées que pour une
Men faible part à la ira du siècle dernier. Depuis cette époque, de riches
collections d'antiquités égyptiennes nous sont venues des rives du Nil; le
Louvre a tu se former un musée nouveau , consacré tout entier à l'Egypte
^autrefois; et bientôt un obélisque, enlevé aux ruines de Thèbes, se
dressant sur une de nos places, va nous montrer f écriture sacrée des
Egyptiens, les hiéroglyphes employés à la décoration de nos monumens
pobKcs.
Parmi les objets précieux pour la science, dont l'Europe s'est enrichie
fl) Nm» ft*rroM pat batotai de ilgiMler à r«t«Qiitfoii eét arUdte d'iii en bomoMt qui,
ftf le«r étude approfondie de la langue copte, aont do très peUt nombfe ém joget eott«
féieaf à écouter dana oae <Hieation aiaai difiklle^lMéreaanCe. Noua voidrionaaiirtMt
mener la critique savante à discater devant un public moina restreint ces problèaes
dbnt les conséquences historiques sont faites pour attacher tous les esprits éclairés. De
quel intérêt ne serait-il pas d*entendre en un sens différent Topinion des autres critiques
»M»raHmM€ftiBBtpollfoii, eeBedtaiMy,d^ttIietioinieT (fV^cKKAi
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rSOO RBVUB DBS DBUX MOlfDBS.
depuis un petit nombre d'annéeSy se trouve une pierre noire portant one
triple inscription. Elle est connue sous le nom de pierre de Rosette, parce
qu'elle fut trouvée par un ingénieur français dans les environs de la ville
de Rosette. Enlevée aux savans qui accompagnaient notre armée d'Egypte,
elle figure aujourd'hui dans le musée britannique. Cette pierre offre à a
partie supérieure, qui est fracturée, quatorze lignes d'écriture hiérogly-
phique; au-dessous de cette première inscription il en existe une deuxième
beaucoup plus longue, en caractères égyptiens cursifs, appelés caractères
vulgaires ou démotiqnes: enOn, la partie inférieure est occupée par une
inscription grecque plus longue encore, au moyen de laquelle nous appre-
nons que les trois inscriptions ne sont qu'un même décret tracé en carac*
tères et en langages différons.
Si de tout temps on avait considéré l'écriture hiéroglyphique comme
purement idéographique, c'est-à-dire comme n'ayant aucun rapport di-
rect avec la langue parlée, on avait toujours aussi regardé l'écriture égyp-
tienne vulgaire comme procédant par les mêmes moyens que nos écritures
ordinaires européennes. C'était une bonne fortune que la découverte
d'une inscription égyptienne alphabétique. Bien des essais furent tentés
pour retrouver l'alphabet égyptien. Un savant suédois, M. Akerblad, dé-
montra d'abord que les noms étrangers étaient susceptibles d'une lecture
analogue à celle de nos écritures; mais l'alphabet qui résulta de l'analyse
des noms propres étrangers n'eut aucune prise sur le texte égyptien.
Toutes les tentatives de déchiffrement demeurant infructueuses, leséra-
dits renoncèrent bientôt à marcher plus long-temps dans cette voie. lU
y étaient entrés convaincus que l'écriture égyptienne vulgaire était al-
phabétique comme la notre; ils la quittèrent emportant des doutes nou-
veaux, et se demandant de quelle nature pouvait être cette écriture vul-
gaire.
Cependant l'alphabet obtenu par la lecture des noms propres renfer-
mait, comme nous allons le voir, le germe d'une brillante découverte. Un
savant anglais, le docteur Young (1) , reprenant cette pierre de Rosette
abandonnée depuis quelque temps, se mit à rechercher, par une opération
toute matérielle , et à comparer entre elles les expressions des mêmes
idées dans les trois textes. Il reconnut promptement que dans une foule
de cas, et surtout dans les noms propres étrangers, les caractères du texte
, vulgaire n'étaient autre chose que des abréviations des caractères hiéro-
glyphiques. La conséquence obligée de cette remarque était que la mé-
thode, pour exprimer les noms propres étrangers dans l'écriture hiéro-
glyphique, pourrait bien être analogue à celle dont faisait usage l'écritore
(I) Yoyef , dans U UvraiM» dn 15 décenOtre 18» , TarUcto inr Toom, par M. Aii«a.
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LES HIÉROGLYPHES ET LÀ LARGUE ÉGYPTIENNE. 201
vulgaire. Le docteur Young tenta donc, sur le nom de Ptolémée, le seul
qui fût conservé dans le texte hiéroglyphique, ce qui avait été tenté avec
succès par M. Akerhald sur les noms propres du texte vulgaire. On sent
combien peu de ressources doit offrir un seul nom pour arriver à une
analyse exacte. Le docteur Young rencontrant juste pour le fond, c'est-à-
dire reconnaissant Texpression phonétique des noms propres étrangers, se
trompa dans quelques détails; Falphabet qu'il forma, incomplet, inexact,
resta inapplicable.
Vint alors M. ChampoUion, qui donna la vie à une découverte demeu-
rée stérile, et qui, la fécondant par un principe auquel n'avait point songé
le savant anglais, étranger aux études philologiques, lui fit produire les
résultats les plus importans, les plus inattendus. Remplaçant l'alphabet
informe de son devancier par un alphabet certain, riche, complet, il nous
montra les noms de rois grecs, ceux des empereurs romains, sur des
monumens que l'on avait toujours regardés comme remontant à la plus
haute antiquité.
L'on a voulu faire du docteur Young et de M. ChampoUion deux rivaux
se disputant une même découverte; c'est une erreur, comme il est facile
de s*en convaincre. Quelles sont, en effet, les prétentions du docteur
YouDg? Nous les trouvons consignées dans les dernières pages sorties de
sa plume, dans la préface de son dictionnaire démotique : a Ce fut alors que,
dit-il dans une lettre adressée à l'archiduc Jean d'Autriche, pour la pre-
mière fois il fit connaître l'identité originelle desdifférens systèmes d'écri-
ture employés par les anciens Égyptiens, observant qu'on peut reconnaître
dans le nom enchorial ( en écriture vulgaire ) de Ptolémée une imitation
éloignée (loose) des caractères hiéroglyphiques dont se compose le même
nom. J'ai étendu ensuite la même comparaison au nom de Bérénice. »
Quelle est, d'un autre côté , la découverte revendiquée par M. Champol-
lion? Ce n'est point d'avoir reconnu que l'écriture vulgaire n'est qu'une
tachygraphie des hiéroglyphes; ce n'est point d'avoir cherché dans les
cartouches ( petits encadremens elliptiques) des noms écrits alphabéti-
quement de même que dans récriture vulgaire, mais seulement « d'avoir
fixé la valeur propre à chacun des caractères qui composent ces noms, de
manière que ces valeurs fussent applicables partout où ces mêmes carac-
tères se présentent (1). »
Ainsi, avoir démontré que les écritures sacrées et vulgaires sont de même
nature, voilà la part qu'il n'est point possible de contester au docteur
YouDg, et c'est la seule qu'il réclame. Cette identité de nature entre l'é-
crîtare hiéroglyphique et l'écriture démotique conduisait naturellement à
fi) PrécU du Si/iUme hiéroglyphique, deuLièma édiUon, pag. ti.
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nSYUB «M DBOX MOHBSS.
enayer ^r \m noms de l'intcriptioii hiéroglyphique les procédés de ke-
tore employés psr M. Miorhla4 sor rinscripUoD démeiique.
Jwir fixé la valenr prêpre à chucmt, des caractères h ^agli^hiq^eg fsé
eamposeni les noms propres, mlà la part que réclame M . Chatnpollion, et
qoe personne ne lai conteste, il n'y a point ici découverte disputée : il y t
deux déconcertes tout-à-fait distinctes. Celle du savant français est venue
après celle de M. Yoong; mis elle n'en est point une oonséqœoee
ohligée.
J*arrive aux premiers résultats de la découverte de Talphabet des hié-
roglyphes phonétiques. ll« Champollion, en lisant au milieu des sculp-
tares hiéroglyphiques les noms des empereurs de Rome , a ranrtené ea
deçà du point initial de Tère chrétienne des constructions , des décort-
tiens, qui difléraient assez peu des sculptures les plus anciennes pour que
des personnes hahiles, des savans distingués, les aient considérées comme
vieilles de plusieurs milliers d'années. Par les noms d'Auguste et de Ti-
bère écrits sur ses murailles en caractères hiéroglyphiques, le temple lie
Dendérah avee son sodiaque est revenu se placer dans les premières as-
nées de notre ère; par ceux d'Adrien, deTrajan, d'Antooin, le petit
temple d'Ësné, égaleoieiit décoré d'un zodiaque, est redescendu jusque
dans la première moitié du second siècle; et par ceux de Septime-Sévére,
de Caracalla, de Géta, le grand temple d'Esné, offrant on zodiaque de
même que les deux précédens, s'est trouvé ramené jusque dans la première
moitié da m* sièele* Et ce n'est pas seulement sur la lecture des nomi
étrangers, au moyen de l'alphabet phonétique, que s'appuient tons ces
d^alaoemens. Des recherches d'un autre ordre ont rendu la démonstration
complète. D'une part, MM. Huyot et Gau, portant l'œil de Tarehitecte sur
les monumens de l'Egypte, avaient assigné à chacun d'eux l'âge précisé-
ment que leur donnent les lectures de M. Champollion, avant de savoir
que l'on fit aucune lecture sur ces monumens. D'un autre côté, M. Le-
tronae se trouvait conduit aux mêmes résultats par les nombreuses in-
scriptions grecqnes4racées sur les temples égyptiens. D'après ces inscrip-
tions il nous appreMitt}ue, vers la fin du ii« siècle, les Égyptiens tenaîeitf
encore à décorer Ie4 murs de leurs temples de ces mêmes sculptures, de
oes hiéroglyphes si Bwltipltés dont ils les recouvraient dans de plus anciens
temps.
Des rascriptions lûérogiyphiques sculptées sur les temples égyptiens,
an ii«, au iii* siècle de notre ère » et peut-être plus récemment eu'^ere,
puisque l'on trouve des édifiées inachevés dans cette Egypte snpérieore,
où les antiques usages religlevx 4» paganisme égyptien se sont mainte-
nus sans obstacle jusque dans le vi* siècle : voilà un fait de la plus haute
importance, conuBeaous sÈk&ÊA &a i
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LES HIÉRO«LYI«BB ET LA LAIIOUB ÉGTPTIBNIIE. 9BS
Vont possédons me langae égypiienney désignée plas ordfamhreraent
le nom de langue copie : elle nous est donnée principalement par
des Tersions de l'Ancien et du Nooveao-Testament. On a longnement et
savamment disputé sur l'origine de cette langue , de fort habHes critiquies
ont exanriiié la question sons toutes ses faces. Un premier résultat de
leurs laborieuses reeherdies, aujourd'hui généralement admis, c'est que
la langue copte est la même que la langue égyptienne de l'époque des
f4iaraons , sauf les changemens que le temps et d'autres circonstances
peuTent apporter dans un idiome usuel. Un autre résultat, c'est queia
vernon copte de F Ancien et du NooTcan-Testament a dà être faite, au plus
4ard , dans le conrs du second siècle , et que cette yereion , qui a joui, dès
l'origine, d'une autorité égale à celle du texte grec, qu'elle a prompte-
meot remplacé, représente fidèlement le langage desbabitans de l'Egypte
4an8 les premiers siècles de l'ère chrétienne. On sait le caractère d'im-
mntabililé des livres sacrés.
Kotts avons donc la langue dont faisait usage la population égyptienne
à r^>oqoe oà Septime-Séyère, ardent persécuteur des chrétiens et pro-
tecteur zélé de l'antique religion, faisait recouvrir de légendes hiérogly-
phiques le grand temple d'Esné. Nous pouvons désormais tenter, avec es-
poir de succès, l'interprétation des hiéroglyphes qui recouvrent les tem-
ples d'Esné, ceux de Denderah , tons les édifices de l'époque romaine ;
nous avons hi langue contemporaine.
L'objection la plus sérieuse que Ton ait faite contre la possibilité d'in-
terpréter l'écriture hiéroglyphique, c'était ngnoranoe où nous étions de
la langue an moyen de laquelle on exprimait les idées que rappelaient
'ses caractères. Le dictionnaire symbolique d'Homs-ApoUonnous apprend
que certains symboles, outre les sens divers dont ils étaient susceptibles
d'après les qualités de Fobjet représenté , pouvaient encore avoir ud sens
dépendant du nom de cet objet ; de ce fait , d'Origny, dans son Egypte
nnctentie, concluait que la connaissance de la langue égyptienne est in-
dispensable pour comprendre les hiéroglyphes, et que, cette langue ayant
diangé avec le temps, les hiéroglyphes sont indéchiffrables, a En effet ,
disait-il, le même caractère ne représentant plus le même mot, ce carac-
tère ne peut plus faire entendre ce que le sculpteur avait prétendu qu'il
signifiait, d II eût fallu, suivant lui , connaître la langue épyptienne de
chaque époque pour en interpréter les monumens. D'Origny, de même
que tons les savans d'alors, regardait les hiéroglyphes comme antérieurs
de beaucoup à l'époque romaine.
Plus tard , Zoéga, dans son ouvrage sur les obélisques, admet comme
d'Origny, et par les mêmes motifs, une étroite liaison entre les carac-
tères hiéroglyphiques et la langue de la nation qui les employait comme
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904 RBVUB DES DEUX MOHDES.
écritare; mais cette liaison fut pour lui, comme pour sou deyancier, une
circonstance qui compliquait le problème, au lieu d'en avancer la solalioi.
Il était luin de soupçonner que la langue copte fût contemporaine de
l'écriture hiéroglyphique.
Cette langue va donc nous être du plus grand secours pour rinler-
prétation des légendes hiéroglyphiques sculptées sur les temples par ceux
qui l'ont parlée. Disons plus » elle est la seule voie possible pour arrîTer.
Je ne saurais mieux faire que de citer, à ce sujet , les paroles de M. Chaui-
poliion lui-même. Après avoir parlé ( Introduction de la grammaire é^p-
tienne ) des tentatives infructueuses faites pendant si long-temps, en de-
hors de la langue copte, pour interpréter les inscriptions hiéroglyphique!,
il ajoute :
« Les études égyptiennes ne pouvaient compter sur aucun progrto réel,
puisqu'on voulait parvenir à l'intelligence des inscriptions hiéroglyphi-
ques en négligeant précisément le seul moyen efficace auquel pût se
rattacher quelque espoir de succès, la connaissance préalable de la lamgte
parlée des anciens Égyptiens, Cette notion était cependant le seul guide
que l'explorateur pût adopter avec confiance dans les trois hypothèses
possibles sur la nature de cet antique système graphique.
a Si , en effet, l'écriture hiéroglyphique ne se composait que de signes
purement idéographiques, c'est-à-dire de caractères n'ayant aucun rap-
port direct avec les sons des mots de la langue parlée, mais représentant
chacun une idée distincte , la connaissance de la langue égyptienne parlée
devenait indispensable, puisque les caractères, emblèmes ou symboles,
employés dans l'écriture à la place des mots de la langue, devaient être
disposés dans le même ordre logique, et suivre les mêmes règles de ceii-
structionque les mots dont ils tenaient la place; car il s'agissait de rap-
peler à l'esprit , en frappant les yeux par la peinture , les mêmes combi-
naisons d'idées qu'on réveillait en lui en s'adressant aux organes du sens
de l'ouïe par la parole.
<x Si, au contraire, le système hiéroglyphique employait exclusivement •
des caractères de son , ces signes ou lettres composant l'écriture égyp-
tienne, sculptés avec tant^e profusion sur les monumens publics, ne de-
vaient reproduire d'habitude que le son des mots propres à la langue
parlée des Égyptiens.
a Eq supposant enfin que l'écriture hiéroglyphique procédât par le
mélange simultané des signes d'idées et des signes de sons, la connais-
sance de la langue égyptienne antique restait encore l'élément nécessaire
de toute recherche raisonnée, ayant pour but l'interpréution des textes
. égyptiens. A
ta question ainsi posée d'une manière toute nouvelle par la lecture des
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LES miROGLTPHES ET LA LAKGUE ÉGYPTIENNE. 205
noms royaoz , le problème si long-temps insoluble du déchiffrement des
hiéroglyphes laissant entrevoir une solution non seulement possible, mais
probable, mais prochaine, on dnt songer à rénnir tous les élémens qui de-
raient faciliter, accélérer cette solution; d'une part, tons ces monumeos
déAcorés depuis le commencement de Tère chrétienne, n'avaient été, n'a-
Taient pu être qu'incomplètement dessinés.D'un autre côté, la langue copte
ne nous était que très imparfaitement connue, et nous ne possédions qu'on
fort petit nombre de manuscrits, dont la plupart avaient été rapportés
d'Egypte en 1(174 par Vansleb. Il était indispensable d'aller copier dans
tous lenrs détails des monumens auxquels chaque jour emporte un dé-
bris, et de recueillir dans les monastères qui les avoisinent les nombreux
et précieux manuscrits que tons les voyageurs y ont vus ; manuscrits qui
ne sont phis compris de leurs possesseurs, et que mille accidens divers
peuvent anéantir chaque jour. Cette double mission appartenait naturd-
lement à M. Ghampollion , dont les riches découvertes en avaient fait
sentir la nécessité. Il fut donc envoyé pour arracher à la destruction et
livrer à la science ces inscriptions , dont le sens ne pouvait plus nous
échapper, et les restes de cette langue copte, qui seule nous en pouvait
fournir la clé.
Mais pour remplir la double mission dont il s'était chargé , il eût fallu à
M. Ghampollion un tempsdouble de celui dont il pouvait disposer ; car il
ne s'agissait pu seulement de choisir et d'acheter : maintes fois les moines
égyptiens ont refusé de vendre des manuscrits qu'ils ne peuvent lire; il
eût fallu copier ce que l'on n'eût pu obtenir autrement. M. Ghampollion
dut s'occuper d'abord des monumens* La moisson fut tellement abon-
dante, qne le temps fixé pour la durée du voyage était entièrement écoulé
avant qu'elle ne fût épuisée. M. Ghampollion fut obligé de revenir,
rapportant un portefeuille riche, inappréciable, ayant fait tout ce qu'il
était possible de faire pour fournir à la question un de ces deux élémens
indispensables, la connaissance exacte des écritures^ et laissant à d'autres
les fatigues nouvelles par lesquelles on pouvait obtenir le deuxième élé-
ment, la connaissance complète de la langue copte.
Privé d'une partie des moyens qu'il avait lui-même jugés nécessaires
au succès, M. Ghampollion n'hésita point cependant à marcher en avant-
n se sentait trop près du but pour ne pas essayer de l'atteindre à l'aide
des ressources dont il pouvait disposer. Placé naturellement sons l'in-
fluence des brillans résultats que lui avait fournis la lecture des noms
propres par la méthode alphabétique, il fut entraîné graduellement, par
des rapprochemens heureux, par le succès apparent de quelques essais,
à considérer l'écriture hiéroglyphique comme étant plus qu'aux trois
quarts de nature alphabétique. Assurément cette opinion, si contraire à
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906 BSTVfi BBS DBOX MONDAS.
la ivsiyaiiee fénértle de tous ks temps, avait de quoi aédulee vd eipot
liardi. Plus «lie était neuve» pkis elle bouleversait les idées oniverseUe-
BientatolsaSy plus ea devait espérer de gloire à la souteoir. M. Gbam-
poIMMi emreprît de le fiuire eu opposition avec tous les témoigna^
iustaniqMS. £o effet, les écrivaios de Tanliquité s*accordent à nous dire
que réorkufe htéreglyphique dif.érait essentiellemeni de notre méthode
sÂphaMUiitte; il est vrai que tout en nous apprenant ce qu'elle n'était
pas» ils sont loi^ d'expliquer aussi clairement ce qu'elle étalL
Dîeëope de Sicile » au livre in de sa Bibliothèque historique, parle dci
caractères hiéroglyphiques employés par les Égyptiens. Après avoir dit
que ces caractères offrent à nos yeux des animaux de tout genre, des
parties du corps humain, des ustensiles, des instrumens, principale-
ment eeux dont font usage les artisans, il expose dans les termes suIym»
les mottfli qui leur ont fait donner ces formes : a Ce n'est point, en et&t,
par r0ÊiÊmhlageé€$êyUabe8 que chez eux l'écriture exprime le diseoun,
mais c'est au moyen de la figure des o^U rslrocés, et par une interpré-
tation méam^horique basée sur l'exercice de la mémoire. » Plus bu,
après avoir donné divers exemples de celte manière d'employer les hié-
roglyphes, il ajoute : a C'est en s'attachant aux formes des divers carao-
tères qu'ils arrivent , au moyen d'un exercice prolongé de la mémoire,
à reconnaître par habitude le sens de tout ce qui est écrit. » Ce qu'il y a
de fort dair dans ces paroles, c'est que l'écriture hiéroglyphique ne (ior-
mait peint des syllabes, c'est-à-dire qu'elle ne se rattachait point, comme
.notre écriture, aux idées par rinlermédiaire des sons, mais bien par la
forme, par la figure de eieè caractères. Ce qui est beaucoup moins clair,
c'est la manière dont ces figures exprimaient les idées. On reconnaît ce-
^pendant, par les détails dans lesquels est entré l'historien, qu'une figure,
outre Vdù^ représenté directement, pouvait représenter métaphori-
quement ou d'une manière détournée un grand nombre d'autres idées;
€0 qui est eonAoraae, du reste, aux notions que nous fournit le diction-
.aaire symbolique d'Homs-Apollon.
Au témoignage de Diodore, l'historien grec , j'ajouterai celui d'Am-
jnien Maicellin, l'historien latin. Cet écrivain s'exprime de la maoiére
suivante au sujet de l'écriture hiéroglyphique : a Les anciens Égyptiens
n'avaient point, comme aujourd'hui, un nombre de lettres déterminé et
d'un emploi facile pour exprimer tout ce que peut concevoir l'esprit bu-
main, mais chaque lettre représentait un mot et quelquefois même une
phrase entière. » Cela est assez positif; Ammien compare les anciens
procédés des Égyptiens à ceux qu'ils employaient de son temps, c'est-à-
dire à l'écriture alphabétique.
Saint Clément d'Alexandrie, parlant dans ses Mélanges des voiles
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LES HlÉROGLTMIft ET LA LAMGVB iGTPTiENNE. 207
mytténMttdoBl on ft'est phi souTent à entourer It fcieoee pour n'en per»
mettre l'abonl qn'atix iaitiés , cUe f—ie exemple de ces obaueles mol-
tipilés Tusage qui , de son tenps, e'est'à-dîre rerg la fin da ir siècle,
régoaiteocorecbez les Égyptteus. L*on ne pouvait atteindre que par des
degrés successifs le terme le plusile? é de finstruction, qui était la science
des hiéfoglyplies. Il résulte bien clairement de là que la science des hié*
rogifpbes n'était rien moins qu'une chose ISiciley et l'on pourrait, avec
toute apparence de raison , affirmer que saint Clément n'a point tu dans
les hiéroglyphes une écriture presque entièrement alphabétique. Il parle
cependant de l'emploi des caractères hiéroglyphiques comme caractères
alphabétiques. L'écriture hiéroglyphique , dit-il , s'emploie suivant deux
méthodes; Tune représente les objets d'une manière propre à chacua
d'eux à l'aide des premiers élémeoSy c'est-4-dire des lettres de l'alphabet :
car, quand il s'agit d'écriture , les premiers élémens sont les lettres àè
l'alphabet; nous trouvons, en effet, ces lettres désignées plusieurs fois
sons le nom de premiers èléfmns d$ VèerUurê dans la Préparation évaiH
géliqne d'Eusèbe. L'autre méthode représente les objets d'une manière
figurée ou symbolique; c'est celle dont viennent de nous parler DIodore
de Sicile et AmmienMarcellin. De cette distinction faite par saint Clé-
ment, il résulte qu'il a voulu signaler la méthode an moyen de laquelle
on écrivait les noms étrangers si fréquemment employés dans les déco-
rations hiéroglyphiques; mais il est évident, par l'ensemble du passage,
qne cet alphabet hiéroglyphique phonétique ne pouvait être qu'un ac-
cessoire peu considérable du système total. Il devait servir à exprimer
des noms propres étrangers, des noms de peuples, de pays, de villes,
des mots empruntés aux langues' étrangères , quelques mots de la langue
égyptienne elle-même , lorsque pour représenter une action faite par des
étrangers , ou à la manière des étrangers , on voulait éviter l'emploi d'un
symbole qui , rappelant le mode d'action égyptien , pouvait donner une
idée fausse. La pierre de Rosette nous offre un exemple assez remarqua-
ble de l'expression alphabétique d'un mot égyptien; il est question
d'écrire le décret en lettres sacrées, en lettres vulgaires et en lettres greo-
q«es ; un même symbole , rappelant les procédés d'écriture employés par
les Égyptiens, se trouve répété deux fois pour exprimer les lettres sa-
crées et les lettres vulgaires de l'Egypte; mais, comme la méthode
récriture des Grecs diUérait complètement de celle des Égyptiens, quand
il s'agit d'exprimer les lettres grecques, ce n'est plus le symbole précé-
dent que l'on emploie, c'est le mot lettres y emprunté à la langue égyp-
tienne qee Ton écrit à la manière alphabétique. Les symboles égyptiens,
nppelant à la fois une action , et la manière de faire cette action, il aura
f tlki recourir à la méthode alphabétique toutes les fois que Pon aura
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206 &ETT7E DBS DEUX MONDES.
voulu faire abstractioQ de la manière d'agir, et rappeler seulement son
résultat. Quelque eitension, cependant , que Ton donne à l'emploi de
cette méthode y on sent qu'il sera toujours fort limité, puisqu'il n'est
qu'une addition faite après coup au système égyptien par suite des rap«
ports de i'É^ypte avec les étrangers. Le texte de saint Clément d'A-
lexandrie ne favoriserait donc pas plus que ceux des autres écrivaias
l'opinion qui attribuerait à l'écriture hiéroglyphique une nature presque
entièrement alphabétique.
Plutarque, qui ne s'est point occupé du système graphique des Égyp-
tiens, dit quelque part à propos du nombre vingt-cinq, que ce nombre
est celui des lettres égyptiennes. Il dit ailleurs que l'ibis tient le premier
rang parmi les lettres des Égyptiens , mais il ne dit pas un mot de l'usage
que 1*00 faisait de ces lettres, ni de l'importance du rôle qu'elles pouvaient
jouer dans le système de l'écriture égyptienne. Il n'y a donc pas de raisoo
pour voir là autre chose que l'alphabet hiéroglyphique dont nous veooni
de parler à l'occasion de saint Clément, d'autant plus que saint Clé-
ment et Plutarque, les seuls, parmi les écrivains de l'antiquité, qui
aient parlé d'hiéroglyphes employés à la manière de nos lettres alphabé-
tiques, nous ont conservé l'un et l'autre le seul exemple connu d'écriture
hiéroglyphique analysée, et que cet exemple procède exclusivement par
la méthode symbolique.
Si donc chez les apteurs anciens on a trouvé l'indication de la méthode
alphabétique employée pour écrire les noms étrangers, on n'y saurait
trouver de même que l'écriture hiéroglyphique était d'une nature près*
que exclusivement alphabétique; bien loin de là, l'opinion adoptée par
M. Champollion est en opposition directe avec tous les témoignagrs de
l'antiquité. Cette circonstance nous rendra naturellement plus sera-
puleux dans l'examen des preuves alléguées à l'appui du système noa-
veau ; cependant il ne faudrait pas les condamner sur ces seuls indices;
il n'est peut-être pa$ impossible que tous les auteurs qui nous ont parlé
de récriture hiéroglyphique se soient mépris sur sa nature.
La mort n'a point permis à M. Champollion de publier lui-même les
résultats de ses longues recherches, les principes qu'il avait déduits de
ses immenses travaux , sa Grammaire égyptienne^ qui est, dit-on, le ré-
sumé complet de tout son système. Cette grammaire n'est point encore
tout entière entre les mains du public. La première moitié seulement i
paru; mais cette moitié suffit pour que Ton puisse apprécier le système
tout entier, et l'apprécier sans injustice. L'auteur, s'écartant de la mar-
che ordinairement suivie dans les grammaires, a mis avec profusion dans
cette première partie de longues phrases hiéroglyphiques, empruntées
aux monumens de toutes les époques , depuis les temps les pius reculés
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LES BIÉR0GLTPHE8 ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE. 209
jaiqo*aa ni« siècle de notre ère; et toutes ces phrases sont accompagnées
de leur traduction complète. Nous pouvons donc juger la méthode nou-
velle par ses résultats , par les applications qu'en a faites l'auteur lui-
méine. La juger ainsi n'est pas difficile; nous savons que la langue copte
était la langue de l'Egypte aux premiers siècles du christianisme; voilà
notre pierre de touche. La nouvelle méthode sera bonne dès qu'elle pourra
lire car les temples d'Esné, sur ceux de Denderah , des mots , des phrases
appartenant à la langue copte qui fut contemporaine de ces monumens.
Tout système de lecture qui , essayé sur les édifices dont nous parlons ,
ne reproduira ni les mots, ni la syntaxe de cette langue , ne pourra pré-
tendre à aucune confiance. M. ChampoUion nous l'a dit lui-même, dans
la langue copte est la seule démonstration possible de la bonté d'une mé-
thode de lecture appliquée aux inscriptions hiéroglyphiques; Nous par-
tiroBS de ce point.
Autant que l'on en peut juger, M. ChampoUion a fait les premiers
essais de sa méthode, non point sur les monumens de l'époque romaine,
mab sur les édifices réputés les plus anciens. Trouvant là, par ses lec-
tures, des résultats fort différons de la langue copte, il s'est expliqué le
peu de ressemblance par la grande antiquité des textes qu'il traduisait.
« Il n'existe, dit «il dans l'introduction de sa grammaire, aucune langue
qui, comparativement étudiée sous le rapport orthographique, à deux
épo^es aussi distanies que celles qui séparent les textes appelés coptes
de la plupart des textes égyptiens hiéroglyphiques, ne présente des va-
riations et des changemens bien plus notables encore. x> Mais si la plupart
des lextes hiéroglyphiques sont d'une haute antiquité, il reste aussi de
nombreux monumens de l'époque romaine, et ceux-là sont contemporains
de la langue copte. Il est donc présumable que ces différences si notables
dues à l'action des siècles vont s'effacer peu à peu à mesure que nous
allons arriver à des monumens plus voisins de notre époque , d'abord aux
édifices construits et décorés sous la domination grecque et à la pierre
de Rosette en particulier, puis à ceux des premiers temps du christia-
nisme, et enfin que la différence sera nulle, ou presque nulle, quand
nous arriverons aux décorations hiéroglyphiques exécutées sous Trajan,
Septioie Sévère, Caracalla, Géta.Ehbien! nullement. Les différences no-
tables que reconnaît M. ChampoUion demeurent exactement les mêmes à
toutes les époques, et les lectures faites sur les temples d'Ësné, couverts
de leurs légendes hiéroglyphiques au iii* siècle de notre ère, diffèrent
tout autant de la langue copte, contemporaine de ces édifices, que les
lectures faites sur les plus anciennes murailles dcThèbes. L'influence des
siècles n'est donc pour rien dans ces différences. La conséquence à la-'
quelle on serait conduit par Tappllcation de la méthode nouvelle, c'est
TOME TU. 14
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910 UTI» BBS nSDX MORMSa.
qu'il y avait ea Egypte, au iii* siède de l'ère chrétienne , deux langmi,
différant très notablement Tune de rautre, tant pour les mots que pour
lasyntaxe, dont Tune, absolnmeùt inconnue jusqu'à nos jours, s'eah
ployait sur ks moaumenSy tandis que l'autre, la langue copte, était i
l'osage de la population. Mais où est la démonstration de FezisteDce
d'une langue monumentale différente de la langue copte , ailleurs qae
dans la certitude de la méthode qui l'a f^it découvrir? où peut être h
certitude de la méthode nouvelle, ailleurs que dans l'identité des résul-
tats qu'elle fournit avec la langue copte que nous eonnaissons ? La mè*
tbode ne saurait être démontrée par la chose nouvelle qu'elle nous fait
connaître , en même temps que cette chose nouvelle serait démontrée par
la méthode. Je me hâte de dire que M. Champollion, tenant les yesx
constamment ixés sur les monumens pharaoniques, n'a point été cob-
duit comme nous à voir deux langues contemporaines; il a vu seulemeot
deux états d'une même langue, dont l'un, celui que nous connaissoDS
(l'égyptien moderne, la langue copte), ne différait de l'autre, qn'il ap-
pelle l'égyptien antique, que par suite de l'action des siècles. Mali
la conséquence à laquelle nous sommes arrivés est forcée; elle ressort de
tous les exemples cités dans la grammaire de M. Champolltoo.
Comparons, en effet, avec la langue copte les traductions, que nous
donne l'auteur, des inscriptions de l'époque romaine; vous allez voir «la
diférence n'est pas suffisante pour qu'il faille reconnaître dans ces tra-
ductions une langue tout-à-flàit nouvelle. Nous rencontrons d'abord qb
groupe que M. Champollion lit eniety et qu'U traduit par Dieu: mais
dans les livres coptes, Dieu n'a jamais été rendu autrement que par noirff.
Un autre groupe est lu par M. CbampoUioo tfe ou etf, et rendu par le
mot père: mais pour représenter l'idée père, la langue copte ne conaatt
pas d'autre mot queidl. Un troisième groupe, connu pour représeoter
l'idée roi , est lu par la nouvelle méthode sohI oo sontea , tandis qoe la
langue copte n'admet pas d'autre expression pour ridée roi que ovn»,
erro. Un quatrième groupe qui répond à l'idée fih , est lu par M. Cbam-
poUoB 5t ou s«, tandis que la langue copte n'a point d'autre met que
schiriy schirê. Sans nous arrêter à citer des mots isolés, ce qui nouseoo-
djuirait à reprendre en détail tous les groupes lus par M. Champolliooi
citons des phrases entières. Sur le pronaos d*Esoé, dont, comme doos
l'avons dit , les sculptures portent le nom de Septime Sévère , M. €ham-
polUon lit cette phrase : Der chet enter eiterpe peu , qu'il traduit ainsi, H
aux autres dieux de ce temple. Â l'^uxplk» de erpe , mot réeUetneat
oopte, mais qui n'est point obtenu au moyen de la nouvelle méthode,
puis<|u*il répond à un caractère symbolique , rien dans cette lecture a'a
le moindre rapport avec la langue que l'on pafl«it e»]âgypte «y tempsde
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LES HliROGLTJPimS BT LA LAHGDB ÂGYPTIENNE. 2tl
SepCtee-fiénrère ; pour obtenir la traduction ci-deisas , il eAt fallo , dans
eeite laogneyineitm kenaute eniepeUrpe. Sor le même pronaosM. Oham-
y<dlion Ut encore : pti iMi^ri tfe ênnenier^ et tradoit» le fiU ehérif Vaille
eu ftr% des étenx: mais pour traduire de la sorte, il faudrait lire en lan-
gue copte 9 pschere emmerii pscherpemmUe ente peiAi êimeHOUiê, Tous
een amtSyjMi, otfai, ife, ênitr, sont complètement étrangers aux vocabu-
laires coptes y et la construction de la phrase n*a pas le moindre rapport
«vec la syntase égyptienne. Noos pourrions citer de même toutes les
autres phrases empruntées aux sculptures des temples d'Esné, celles qui
appartiennent aux temples de Deuderah; chaque citation nous obligerait
à répéter les observations que nous venous de faire. Que Ton examine
dans la grammaire elle-même toutes les traductions d'inscriptions ^-
^rlenant à l'époque romaine , et que l'on ne s*en laisse point imposer par
les caractères employés, qui sont bien réellement des caractères coptes,
on verra qu'elles ne contiennent pas un seul mot copte, pas un seul, ob-
tenu au moyen de la nouvelle méthode; et que, quand il se rencontre , «e
qui est rare, quelque mot de cette langue que Ton parlait en Egypte au
u« siècle de notre ère , il répond à un caractère symbolique sons lequel
M. Champollion place le nom copte de l'idée qu'il est supposé représen-
ter. L'examen des fcagmens empruntés à Tinscription de Hosette nous
donne absolument les mêmes résultats. Enfin , la langue copie ne se r«-
trouve pas sur les monumens de l'époque pharaonique plus que«ur ceux
de répoque grecque et de l'époque romaine. Où donc est la démonstra-
tion que devait nous fournir la langue copte, et que seule, de l'aveu de
M. Champollion, elle pouvait nous fournir? Nous obtenons par les .pro-
cédés de lecture qui nous sont proposés une langue nouvelle, qui, loin
de pouvoir démontrer la certitude de ces procédés, aurait besoin elie-
«éme d'être démontrée. Dés cet instant la nouvelle méthode est jugée.
Le sens d'un grand nombre de caractères et de groupes hiéroglyphi-
ques a pu être déterminé d'une manière certaine, indépendamment de
toute leeture : c'est là ce qui a égaré M. Champollion. Profondément
convaincu à prUtri de rexcelleoce de ses procédés, il est arrivé à étendre
sur le mode de lecture une certitude qui ne s'appliquait qu'à la significa-
tion. On sait la prodigieuse élasticité de l'art des étymologistes; au moyen
de c^t art, il est aisé de rattacher bien ou mal le premier mot venu à
quelque radical ayant à peu près le sens dont on a besoin; et cela est
d'autant plus facile, que la langue sur laquelle on opère est plus impar-
faitement connue. Eh bien ! c'est dans la voie des étymologies que s'est
engagé M, Champollion , pour rattacher sa langue nouvelle à la langue
copte; c'est par des rapports étymologiques qu'il a cru masquer les diffé-
rences profondes que nous avons signalées. Ces rapports l'ont séduit;
14.
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212 RBVDE DBS DEUX MONDES.
nous le coDcevooSy il est Tautear de la méthode DoaveUe. Mais noos qn
examinons, libres des préoccupa tioos par lesquelles il se trourait dominé,
tous ces rapprochemeos, quelque ingénieux qu^ils soient, ne sauraient oooi
faire illusion, et nous rejetons un système qui ne s'appuie que sur dei
subtilités étymologiques.
La confiance de M. ChampoUion dans la sûreté de sa théorie Fa entraîné
graduellement si loin de la langue copte, que , quand , pour l'interprétt-
tion des passages purement symboliques, il est obligé de faire à cette
langue quelques emprunts, il en néglige constamment les règles les pin
simples. Parcourez sa grammaire, tous y trouverez sans cesse Tartide
pluriel indéterminé associé aux noms de nombres, combinaison quels
syntaxe copte n'admet pas plus que la nôtre. Vous rencontrerez à chaque
page, sous un symbole qui parait exprimer l'idée de totalité , le mot ail
( préféré, je ne sais pourquoi , au mot nim, du dialecte thébalque, et au
mot ijtbfn, du dialecte mempliitlque) ; vous trouverez, dis-je, ce mot
accolé à un substantif que précède un article simple ou un article posses-
sif; vous le trouverez également employé d'une manière abMlue , comme
dans cette phrase: gouverner tout. Or, de ces deux emplois la langue
copte ne permet pas plus Tun que l'autre. Les mots jo, tête, rat, pied,
TOy bouche, ne se montrent dans la grammaire de M. ChampoUion qu'avec
les articles simples ou possessifs; petrOy ta bouche, netrat^ tes pieds, en-
senjoy leurs tètes, tandis que dans les livres coptes les mêmes mots n'ad-
mettent pas autre chose que des terminaisons, comme rof, sa bouche,
jos, sa tète, raiou, leurs pieds. Ajoutons que les articles possessiù pt>.
net, ensen, sont complètement étrangers à la langue copte. Le mot eM,
qui , dans les livres coptes, ne se rencontre que précédé de l'article singu-
lier masculin, et qui, n'admettant jamais de complément, signifie Vautn
d'une manière absolue, se montre constamment, dans la CramfMin
égyptienne, au nombre pluriel et suivi d'un ou plusieurs complémens.
M. ChampoUion emploie comme verbe le mot maif qui ne peut entrer
que dans les adjectifs composés du genre de mainouty aimant Dieu, et il
écrit maif y qui aime lui , quand il faudrait écrire etmai emmof. Nous pou-
vons indiquer encore certains mots qu'il compose, tels que celui-ci: se
rem oHro, les portiers; ce mot, s'il était possible, signifierait ceuxqoi
emportent ou qui enlèvent la porte, et non point ceux qui l'ouvrent; mail
rem ne se compose jamais avec un verbe actif, c'est ref que l'on emploie-
rait dans le cas présent, et l'on dirait : ne refouenro. Ces négligences, et
bien d'autres encore , qu'il serait trop long de citer, montrent à quel point
M. ChampoUion avait perdu de vue les règles de la langue copte; elles
suffiraient, quand même l'art des rapprochemens étymologiques dont il
a fait usage serait moins trompeur^ elles suffiraient pour faire douter da
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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIEMlfE. 213
Il réalité des rapports qu'il a cru apercevoir entre cette langue et les ré**
soltats de ses lectures.
Assurément les théories de M. Champollion sont fort ingénieuses; elles
sont séduisantes, il y a du vrai sans doute , mais nous venons de voir
qu'il n'en faut pas demander la démonstration à la langue copte , et nous
savons que dans cette langue se trouve la seule démonstration possible.
Le problème du déchiffrement des hiéroglyphes n'est donc point encore
complètement résolu, comme on a pu le croire. D'heureux détails sont •
trouvés y ils resteront; mais les bases de la solution ne sont point encore
arrêtées. 11 faut revenir au point où nous avait amenés la lecture des
noms étrangers. Cette lecture nous a fait connaître qu'il existe de nom-
breuses inscriptions hiéroglyphiques sculptées à l'époque où l'on parlait,
sur les bords du Nil , la langue copte , que nous possédons. Trouver le
rapport de ces écritures sacrées avec le langage de ceux qui les ont tra-
cées, voilà ce que nous devons encore nous proposer. Il est cruel de ré»
trograder quand on se croyait près du but; mais nous savons au moins
aujourd'hui que le but ne saurait nous échapper. M. Champollion nous a
laissé des copies exactes des légendes hiéroglyphiques de toutes les épo-
ques; les riches salles du musée égyptien renferment assurément tous les
élémens nécessaires pour arriver à une connaissance complète du système
graphique des anciens Egyptiens. Malheureusement le dépôt des manu-
scrits coptes ne s'est point enrichi de même par le voyage de M. Cham-
pollion; il est toujours borné à une soixantaine de volumes, parmi les-
quels se trouvent un grand nombre de doubles; ce que M. Champollion
n'a pu faire , faute du temps nécessaire , il serait à désirer qu'on le fit
aujourd'hui II existe, comme nous l'avons dit, dans les divers monas-
tères de l'Egypte , de nombreux manuscrits qui , tout en nous permettant
de rectiûer et de compléter la grammaire et le dictionnaire coptes , et
d'acquérir ainsi une connaissance aussi exacte que possible de la langue
égyptienne, seule clé des hiéroglyphes, nous offriraient assurément des
documeos précieux pour l'histoire politique et religieuse de l'Egypte de-
puis l'ère chrétienne, et peut-être pour l'hisioire antérieure , des rensel-
gnemens importanssur la géographie, sur les croyances , les usages , les
mœurs. Les résultats d'un voyage de recherches ne sont point incertains.
La vallée du Nil présente à faire une ample moisson dans les trois dialectes
de l'ancienue langue égyptienne; moisson que le temps et l'ignorance
apfMiuvrissent chaque jour.
D' DciAani.f.
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DE L'ESPAGNE
ET
DE SON HISTOIRE.
GOmiSSPONDAIIGB , Mtflf OIABS ET ACTES DIPLOMATIQUES
OOECBBHAMT LES PRÉTBETION8 ET L'AVÉNEMBflT Wm LA Uàmom
J>B BOORBON AU TRÔNB D*BSPAGNBy AGCXUlPAAHéS
D*UM TEXTE HISTORIQUE ET PRÉCÉDA D*UME
UfTRQOUCXlOIf 9 PAR M. JUfiMEI.
On éproave une émotion également vive en entrant pour la pre-
mière fois au parlement d'Angleterre et aux archives des affiadres
étrangères de France. Sous les voûtes de Saint-Ëtienne» I*histoîre
des trois royaumes est concentrée tout entière, depuis Haropdeo
jusqu*à O^Connell. II semble qu*on voie passer devant soi, >le fceat
chargé des soucis du pouvoir, ces générations d^hommes poiitiqiies
qui se transmirent, comme un dép6t national, Thabileté par laqatele
-on use de la bonne fortune et la persévéranœ qui triomphe de b
mauva'se. En Angleterre, négociations diplomatiques et intrigués
de cour, prédications de la chaire et déclamations des hustingsy
tout depuis trois siècles aboutit à cette petite salle.
La France manque d*un foyer lumineux où soient venus conver-
ger ainsi les rayons épars de son histoire. Une partie s'en faisait
dans les cours souveraines, les assemblées du clergé, ou les états
provinciaux, une autre dans les salons de Versailles ou les bou-
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DB L'ESrA«FfB BT K SON HISTOIRE» 215
âmes des mallrefltoa. CepeAdtat , Hnrscpe ¥%m vev^ ooMprendre les
annales de la nioiiarchie, non d*apré6 les œorres académiques,
mais daas leur réalité pratique et igaorée , lorsqoe Ton tient à saisir
la physioDOBAÎe Tirante de Tandea régime, c'est à Thôtel de la roe
des Capucines que Ton doit commencer cette étude entraTée jus-
qu'ici par une réserTe rarement justifiée*
Ce fut une tradition constante pour tous les princes de la maison
do Bourbon, qœ le gouTernemeat se résume dans la direction des
affaires étrangères, et que le roi ne peut abandonner la conduite
de celles-ci, sans compromettre le son de sa couronne , et sa sAreté
personnelle. Personne n'ignore que Louis XV lui-même, ce roi de
sérail, qui, du fond du Parc-aux-Cerfs, lirra le Canada et la marine
française à 1* Angleterre, laissa partager la Pologne, et Toyait de
sang-froid Tenir la réTolution, avait une diplomatie secrète fort
active, devant laquelle tremblèrent le duc de Choiseul et le duc
d' Aiguitton ; agence mystérieuse dont le comte de Broglie fut le
chef, Favier le publiciste, et qui enrôla dans sa franc-maçonnerie
poUtîque H. de Vergennes et le chevalier d*£on. Conçoit-on dès-
lors que des écrivains aient pu se croire en mesure de tracer un ta-
bleau quelque peu sérieux des derniers siècles, sans la connaissance
des seuls documens qui pussent les foire sortir des banalités histo-
riques?
Si depws quelques années, les publications successives des tra-
vaux du général Grimoard, de Leroontey et de Hazure , celle des
mémoires du due de Saint-Simon surtout, ont répandu quelques
idées moins erronées, rien de plus inexact encore que Timpres-
sion généralement conservée en France et en Europe, du gouver-
nement de Louis XIV (1). Personne nignore sans doute que ce
grand roi gagna des bataiUes grâce aux généraux qui conduisaient
fl) On pourrait citer à rappvl de ceUe atsertion vn IWre réeeument pvblié en Angb-
t»tt ior le fi^jet même qnï nous occupe, ptr un noble écrivain (BUtory of the war of
ike MuficeêMkm m 9pain , by lord Habon, London, MBS ). nani cet onrmge, remar*
qnable comme oravre liltéraire, Taoteor ne lenble s'être S<iis^ d*»iic«B dMfi^ngéf
fradltionneU contre la France, qui forment le fonds de Topinion polltiqae à laquelle tt
■ppafUent. H 4*élève, par exemple, avec violence contre la paix dUtrecht, non moins
Ipipii ieisimsnl réelmée par les JnKrêu de la ftrawStj Bf eUgne qne par les nôtres, et que
lc« colUslom de la régence avec U coor d*Bsp>gne devaieM Uenlêl jâstlfier amx 3Pe«s def
cÉbineU les plus bosiiles à rétablissement de Ia maison de Bonrbon i Madrid, eomflieà
I \m plitt préveiras eestn Itetenslon de nnavcace française.
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216 REVUE DES DEUX MONDES.
ses années, i Louvois qui les organisait , à Colbert qui çréparah
le nerf de la guerre : mais la cause principale de ses succès de-
meure enveloppée de mystère. On attribue à la force ce qui appar-
tient à rhabileté, à la fortune ce quHl conviendrait de rapporter i
Tadresse. L'idée qui lia tous les plans politiques de ce long règne,
la prévoyance qui les conçut un demi-siècle avant leur exécution et
qui les poursuivit pied à pied, la souplesse qui tira parti des évène-
mens y la corruption qui triompha dçs hommes, tout cela échappe
pour ne laisser saisir que des effets sans cause. On ignore jusqaao
nom de ces nombreux agens auxquels le disciple de Mazarin aimait
à conGer, non Téclatant appareil, mais la réalité de la puissance
politique. On dirait que le public juge le siècle des magnificences
royales, à la manière de ces visiteurs d'usines, devant lesqoek
rindustrie fait couler à pleins bords la lave brûlante ou tisser ses
toiles légères, et qui, satisfaits de ces brillantes manifestations,
n'ont ni curiosité ni loisir pour s'enquérir des forces motrices et des
procédés de la science.
Le xvif siècle fut l'époque delà grande diplomatie, delà diploma-
tie de haut style, qui unissait à la connaissance pratique des hommes
la vaste science léguée par làge précédent. Ce fut par elle qœ
Louis XIV, jeune encore, éleva la puissance française, et que h
Hollande parvint à fonder la sienne. Guillaume m fut le prunier
diplomate de son temps; et s'il finit par abaisser le roi de France,
c'est que celui-d, après avoir perdu M. de Lionne et les hommes for-
més par Mazarin, n'avait plus guère, pour seconder sa vieillesse,
que des ministres étrangers aux traditions de Munster et des
Pyrénées, manquant également d'autorité pour résister aux haines
de l'Europe et aux passions de leur mattre.
Toutes les entreprises de ce monarque, depuis la guerre de dévo-
lution qui commença si glorieusement son règne jusqu'à celle de
la succession d'Espagne qui le termina par des péripéties si diver-
ses, toutes ses négociations, depuis le congrès d'Aix-la-Chapelle
jusqu'à celui d*Utrecht, étaient contenues en germe et ménagées à
dessein dans l'acte fameux de 1659. En en dressant les stipulations,
qu'accompagnèrent des renonciations équivoques et des clauses
mal définies, Mazarin s'était beaucoup plus occupé d'ouvrir des
chances à l'avenir que de garantir la sécurité du présent. Mettre la
France en mesured*bériter de TEspagne, soit en dépeçantsesposses-*
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DE l'bSPAGNE et DE SON HISTOIRE. 217
rionsy s(nt en recaeiflant la monarchie tout entière; créer au roi
très chrétien des prétentions que la force saurait bien ériger en
droits; lai ménager dans tous les cabinets de l'Europe , depuis la
cour du roi catholique jusqu'à celle du plus mince électeur, un pa-
tronage qui mit à sa solde les princes ou leurs ministres, leurs favo-
ris ou leurs favorites, tel fut le legs que Tltalien fit à la France.
Jamais pensée ne fut servie par un corps diplomatique plus intel-
ligent et plus soumis, plus fanatiquement dévoué à la gloire person-
nelle du souverain et à Tagrandissement de Tétat. Dans son sein le
secret demeurait inviolable ; chez lui, le sentiment de la force n*ôtait
rien à une prudence minutieuse dans les détails et peu scrupuleuse
dans les moyens. Ce n'était jamais qu'après avoir préparé le terrain»
sans laisser au hasard rien de ce que l'habileté pouvait lui Ater,
que ce gouvernement, si superbe dans ses formes et pourtant si ré-
servé dans sa conduite, se livrait à ces actes d'éclat dont il avait
d'avance calculé la portée et mesuré toutes les conséquences.
Louis XIV, qui, dans sa jeunesse, avaiteuM.de Lionne pour
endormir l'Europe sur ses projets, trouva, sur ses derniers
jours, M. de Torcy pour le réconcilier avec elle. En 1668, le che-
valier de Grémonville avait signé à Vienne un premier traiié de
partage de la monarchie espagnole, demeuré secret jusqu'à nos
jours (1) ; en 1713, Mesnager négociait à Utrecht, sur des bases
sinon semblables, du moins analogues; et à travers tant de vicis-
situdes et de calamités, il renouait la chaîne long-temps interrom-
pue des saines traditions politiques.
Sous la régence , le caractère des négociations politiques change
avec celui des évènemens. Ce ne sont plus ces vues ambitieuses el
hautes, ces projets persévérans et à longue échéance, attributs
d'un pouvoir sûr de lui-même. Il faut acheter des appuis au dehors
pour résister aux ennemis du dedans; on est, d'ailleurs, en face
d'Alberoni, boute-fou dont il s'agit d'éventer plus encore que de
combattre les projets téméraires et sans suite. L'intrigue succède
à la politique, l'imbroglio à la guerre ; on assassine les courriers^
au lieu de livrer des batailles; à Madrid comme à Paris, on dépense
à soustraire et à déchiffrer les dépêches, les soins que don Louis de
Hard et Mazarin consacraient à composer les leurs. Cellamare
(i) DocomcBtpiiblléf par ]l.lllsDet, tom. II, ptrt 3^ aeet S;
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1M8 RBTUI BES DBOX MOmMtt.
Gonspire dans le iMMidoir de Sceam» ateo quelques pédaM et qari-
qiaes getilikhoiliBes endettés; le duc de SainuA^nan riposte êo
Espagne par «ae contre^xHispiratioii, dont le priadpd personnage
est la nourrice de la reine.
Dubois, supérietir à tout ce monde, parce qa*fl est mieui as«s
dans sa corri^tion , prend sans peine le premier rôle ; il lance dans
toutes les cours des nuées de gens d*église et de gens de lettres
qui servent le maître et le ralet, selon leur goût. 800,000,000 et cinq
années d'angoisses sont dépensés à procurer au misérable la
barrette de cardinal. Laûtau, Tendn, Rohan, négocient sncœ^
givement à Rome Ce grand sacrilège; des ambassadeurs spt-
ciaux vont à Vienne, passent et repassent les Pyrénées, pour inté-
resser le roi d*£spagne et Fempereur à la plus grande affaire de
répoque; Tun d*eux, usé par les soucis et les fetigues, meurt lu
champ d'honneur comme Roland à Ronceveaux (1] ; George II
d'Angleterre et Jacques DI le fomélique se rencontrent dans cette
négociation , et la conquête du chapeau occupe la diplomatie de h
régence , autant que eeUe de la Flandre et de la Franche-Comtéi
arait occupé la diplomatie de Louis XIV.
Celle de Louis XV se distingua par son incessante activité et it
perpétuelle impuissance. Il n'y avait plus dans la chancellerie fran-
çaise ni bases arrêtées, ni long projets d*avenir. La direction des
af&ires appartint successivement à tout le monde, et Von essaya
un peu de tous les systèmes, en ne retirant, ainsi que cela devait
être, de ces tentatives contradictoires que de constantes hunsKa-
tions et une déconsidération erobsante.
On rêve un instant lanéantissenent de l'empire; cette idée est
embrassée avec ardeur , le roi de Prusse Tinspire et la foraenti,
prenant en pitié Tincapacilé politique et ïîmprévoyance de ses
alhés^ Dans ce pêle-mêle de négociations, lui seid suit invariaUf-
ment ses vues, sachant y foire coiicourir les événomens et les koB-
mes, les intrigues des cabinets et les engooeraens de TopiaisB.
Frédéric n renouvelle i son profit la position qu'au début de sM
règne Thabileté de son ministère avait faite i Louis XIV, il poarasit
contre Tempire les projets que odui-ci avait formés contre rfispafnt*
(t) L*abbé de Mornay-MoDtcherreaU, mort dans les Pyràiées en lereauit de u i
aion à Viadrid.
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DE L'B^rAGW ET BB 80M H890IRB. S|^
]>» Wtêmb 6*«perQ9ir «epeadant qu'elle jo«e gramèf^menl va
je« dedope, eiqii'ui seid iméfèt esl ea actioa daask criae oà eHd"
se troave si gratukemeot engagée; elle abaadoane alors ses allia»*
eea, 8*en crée d^autres pour les quicter ei les reprendre encore, Ra-
pide et mobile dans ses impressions , loarmeatée da besoin d*agir^
en même temps qu*inci^ble de mesurer les conséquences doses
défltiarcbes , die va toujours au-delà du but et découTre de plus es
plus sa faiblesse, alors qu'elle affecte à tout propos de Caire parade
de sa force* Le système autrichien est substitué à Talliance prus-
sienne y et les femmes, alors ofCcieUement entrées dans lesafÛrea^
embrassent la nouvelle combinaison comme un caprice de cœur. La
France s'engage sans but et sans motif dans des complications aussi
daqgereuses qu'imprévues; elle prend pour elle toutes les chargea
en se désintéressant à Tavance de tous les bénéfices éventuels. Une
gverre phis honteuse eacore par la légèreté des vues qui y présidé*
rent que par les humiliations qu'elle attira sur nos armes, est sui-
vie d'une paix désastreuse, mais nécessaire.
Après s'être agité sans motif, en se repose sans honneur. On
laisse périr une grande nation sans avoir même le triste mérite de
deviner l'attentat déjà presque consommé. Le prince de Roban (1)
en soupçonne bien quelque chose; mais le duc d'Aiguillon lui dé^
fend même d'arrêter sa pensée sur un projet si peu vraisemblable
et si contraire aux assurancss qu'il reçoit chaque jour du comte de
M^rcy, ambassadeur de Timpératrice. Il linvite à abandonner un
fil qui ne pourrait que Tégarer, et à ne pas donner de suite à des
révéhitions dont le seul résultat serait d'inquiéter inutilement le
roi. Malheureuse Pologne! malheureuse France 1
Notre diplomatie se relève un instant par la probité de Louis XVI
et le talent de M. de Yergennes. Les négociations qui amei^ent In
conclusion du traité de 1783, après la guerre d'Amérique» boM
dignes des bcms temps de la scienoe. Les intérêts coloniaux et p<^
|() nerrii^ cudiMU de Bokaa, alofs tiahftUAdew à ViMBt. Vttiicv HT 1*^^^^^
mtk^f les dénëgaUoAsJoarnaiières du duc d^Aigaillon, il se cnit enfin obligé d*en écrire
ÉtiéiOemait aa roi. ta lettre fut remlae à Mme tltfbarry, ^dl ta lin pttbliquedienlt i ViOk
de lis utmptn. On ealMiftl do iirlsee de Xota» oovrm m ptéfHÊk i* OannUiev^»
llPMéi 4\iae telle auag» cwftre aa lète , ae Uml dVn auén«er Teffitt et de préparer te
ihl|rifc de l^tambaMadev. On sait que ce fut pour vaincre le reiaenllment dé la prineetae
fMttlmKciÉ'tt^aBBApIdfiaMdahsUfittaleafbMdiicDlllér, rtihOei prélndei d« 1^
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2M BBTVB 1IB8 DHTX MORDES.
litîque&y furent largement étudiés et garantis par on ensemble de
dispositions heureuses. Si Tinexpérience en matière économique et
commerciale 6t à cette époque commettre quelques fautes , ce fo-
rent là de ces erreurs inséparables d'une première éducation et
qui ne compromettent pas Tavenir.
Quand la révolution eut commencé à gronder sur l'Europe, la
diplomatie 6t silence. Entre parties qui se considèrent comme en-
nemies naturelles, les négociations sont impossibles. La paix ne
peut avoir à leurs yeux que le caractère d'un armistice , et le droit
des gens n*est plus que le droit de la guerre. Brissot avait déclaré
du haut de la tribune que la France tenait pour ennemis tous les
despotes, pour alliés tous les peuples libres ou aspirant à Tétre. D
fallait dès-lors rappeler ses ambassadeurs d'auprès de tous les rois,
pour en accréditer auprès des clubs et des sociétés secrètes. Aux
manœuvres propagandistes furent opposés des moyens aussi peu
moraux et plus impuissans qu'elles. On se flattait alors de dominer
une révolution en achetant ses chefs; jamais les hommes ne furent
estimés plus cher et ne valurent moins, car jamais ils ne furent
plus subordonnés aux idées, dont ils étaient les instrumens et non
les promoteurs. La diplomatie des comités de la convention, qui en
fit plus qu'on n'imagine , a je ne sais quoi de sombre et de sauvage;
celle de la contre-révolution est d'une fabuleuse niaiserie.
Lorsque enfin Tégoîsme eut ranimé Tambition en triomphant de
la terreur des uns et du fanatisme des autres, ceux-ci aspirèrent i
la paix pour jouir de leurs conquêtes, ceux-là pour s'en faire ad-
juger quelque portion en faisant acte d'empressement. Alors s'ou-
vrirent les conférences de Bftle, et l'on vit bientôt des mains teintes
du sang de Louis XVI presser celles de ministres d'un petit-fils de
Louis XIV et du roi qui avait conduit en personne la première
coalition contre la France.
En 1789 s'ouvre pour le droit et la science diplomatiques une ère
nouvelle, sur laquelle les publications officielles ne peuvent proje-
ter encore aucune lumière. Les questions européennes ne sont pas
résolues d'une manière assez complète et assez définitive, pour
qu'il n'y eût pas imprudence, de la part du pouvoir, à fournir des
armes aux passions et aux intérêts hostiles. D'ailleurs, tout gou-
vernement qui se respecte doit, à ceux qui l'ont servi, la protection
du silence pour leurs derniers jours. Quand des vœux ont été ex-
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DE L*£8PA61fR ET M SON mSTOIEE. 2Sf
primés pour que les archives des affaires étrangères s*oiiyrissent
aux investigations savantes, quand on a conçu la pensée de les
faire concourir à la grande collection tûstorique commencée par
M.Goizot y toutes les convenances prescrivaient donc de se reporter
à une période dont les intérêts fussent complètement en dehors de
ceux qui s*agitent aujourd'hui.
Le choix qui a été fait est sans doute le plus heureux, peut-être
même le seul qui se pût faire. En retraçant brièvement l'histoire
de la diplomatie moderne, nous venons de voir qu'une époque
seule s*y présentait avec cette harmonieuse unité de vues qui per-
met à rhistorien de suivre largement le cours d'une féconde pensée.
Ce n'est guère que sous Louis XTV que la France, jeune, forte et
pleine d*avenir, s'est trouvée en mesure de fiiire de la politique
selon un plan arrêté, en y rapportant, pendant un demi-siècle,
lottCes ses vues, en y faisant concourir toutes ses démarches.
Répétons-le : la succession d'Espagne fut l'idée-mère de la poli-
tique de Louis XIV, celle qui lie toutes les parties de son règne.
Cette grande affaire fiit pour le xvii* siède ce qu'est pour notre
&gelavenirderempire ottoman. Toutes les questions n'acquéraient
de véritable importance qu'autant qu'elles se rattachaient à ce
grand problème, dont la menaçante solution resta près de cinquante
ans suspendue sur l'Europe. Cette époque est féconde en ensei-
gnemens : on verra ce qu*en présence d'une inévitable catastrophe
la prudence suggérait aux uns, l'ambition inspirait aux autres.
Ce n'était pas seulement la dynastie qui s'éteignait en Espagne,
Tétat Im-méme semblait prêt à descendre dans la tombe. Loub XIV
ne mit tant de prix à épouser l'infante, fille atnée de Philippe IV»
que parce qu'il convoitait ce grand héritage; et s'il donna les re-
iHMiciations exigées comme conditions du mariage, ce fut en les
invalidant et en protestant à Tavance contre elles. La naissance d'un
prince qui vécut près de quarante années ajourna ses espérances
et les craintes de l'Europe , sans dissiper un seul instant ni les unes
Biles autres, tant semblait irrévocable l'arrêt de mort que ce grand
royaume portait au front!
Lassé d'attendre , le roi de Fratice , du vivant même de Charles II ,
fit valoir par les armes une partie de ses prétentions, en se réser-
Tant de ]es exposer plus tard tout entières. Des traités de partage
forent passés avec les principales puissances de l'Europe, et ces
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2SB RETVB l«8 »IUX mOKtMB.
traités faspeat le principe direct ou éloigné de tontes les guerres ds
ce temps. Cette négociation fioit le thème de toutes les inyestigaiîomi
despublidstes; il en sortit une guerre qui mit en contact, sortooi
les chanps de bataille de l'Europe , toutes les illustrations du grand
siède. L'empire et la France , la Hollande et T Angleterre, en atten-
daient rissue avec une égale perplexité; et pour grandir les tristes *
scènes qui se Jouaient àTËscurial autour du lit du monarque moa^
rant, derrière les confiesseurs et les caméristes on découvrait dans
le lointain Thalie, la SicSé, les Pays-Bas, les royaumes de Colomb,
de-Pizarre et de Cortez, attendant qu'une signature disputée à ane
main défaillante décidât sur quel empire le soleil ne cesserait ja-*
mais de briller. Unité d*aetion, universalité désintérêts, grandev
et nationalité du résuttac, ce sujet offrait donc à un écrivain fran-
çais toutes les conditîoiiB prescrites par les rhéteurs pour deveair
la grande éjwpée dipéùmadque des temps modernes, si Ton veut bieii
me passer le mot.
tJne telle entreprise était nm œuvre de sagacité et de labeor
comme il s*en fait peu dans un temps où les études sérieuses avor-
teni sons les ambitions hÂtives, et où (habitude parait prise de
suppléer par des généralités aux faits que Ton ignore. Oa ne poin
vait penser à livrer à 1 impression deux cents volumes in-461io de
correspondances et de mémoires; outre qu^une telle pubKeation
était matériellement impossible, elle eût été inutile, car eBe neâl
pas vulgarisé la science poKtique. II ne s'agissait pas non plus d'é-
crire un livre, comme il s*en est fait déjà de fort bons, en s'ap-
puyant sur deis documens authentiques. Ce qu*il importak, c'éfiaît
de faire connaître tes correspondances eltes-némes, siû<Hi dans
toute leur étendue , du moins dans leur esprit et dans leovs foi mes,
dams ce quelles ont de phis incNviduelv H foltait mitieT le poblîc k
ces préoccnpations de diaque jour, qui font de la vie de rboMNi
d*état une existence si agitée et souvent si dramatRine.
Montrer comment se développe une pensée fêeonde servie ptf
d'kabfles instrumens, comment Vesprit de conduite fait reoeoer i
chaque heure des fils que les évènemens sembler briser; dégager
la politiqw des abstractions pour l'observer soumise k foutes las
inSuenees personneltes, à toutes lee variations du tempéraneat,
de l'humeur et du caprice; ftùre voir^ énftn, œ que la vralewr des
lK»Mi6if 6t# et^ i^oute à une sintafMNi, tel detadt être le rètullil
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DE ï/E^àmm R M son arroiRB. ÎB
d*im trafaîl dont 9 apparteatit à k Fruoe d*a¥Otr VinitiatiTe. Ce
bot ne pouvait être atteint qae par des puMicaiions originales, en-
cadrées dans un texte destiné à les réunir sans prétendre les com-
ment^. H fallait que Fécrivain s'effaçât devant les iBualres norts,
représentés après deoi siècles dans toute la vérilé de leurs poissions
et de leurs paroles 1^ plus secrètes; et povrum le t>uc eût été
complètenient «anqué, si Ton n'avait su se placer asseï haut poar
saisir Tensemble d'une négociation dont chacun des acteurs n'aper-
cevait que des fftoes isolées» si l'on n'en avait coordonné tontes les
parties, en conservant à diacune leur couleur spéciale.
Une révélation reçue de Madrid nécessitait, en effet» des ouver-
tures à Vienne; un mot échappé i Londres modifiât notre attitude
en Hollande. Tous les princes allemands, depuis l'électeur de
Brandebourg jusqu'au plus petit évéque rég^é par la France (1),
toutes les puissances du second ordre, le Portugal que Louis XIY
payait pour faire la guerre, la Suède qu'il payait pour rester en
paix, s'engrenaient comme des ressorts accessoires dans le Jeu
d'une mécanique immense. Les correspondances contemporaines
doivent donc s'éclairer l'une par l'autre : un rapport de l'abbé de
Saint-Romain, agent secret i Lisbonne, exfdiquera une dépêche de
l'archevêque d'Embrun , ambassadeur à Madrid ; et c'est une lettre
de M. de Gravel, ministre i Ratisbonne, de M. Gomont, envoyé à
Cologne, ou de M. Millet, plénipotentiaire à Berlin, qui édaircira
des soupçons conçus par M. de Grémonville» à Yi^Mie, ou le comte
d'Estrades, à La Haye.
Le soin de réunir ces documafis précieux et de les éclairer par
une haute critique revenait de droit à un écrivain qui a eu le bon
goût de rester fidèle à ses premères études, alors que de plus
éclatantes fortunes pouvaient l'inciter à les abandonner. Les lettres
profiteront d'une conduite pleine de convenance, si ce n'est d'habi-
leté, et qui, sans compromettre l'avenir politique de M. Mignet,
s'fl vent un jour en poursuivre un, lui in^>ose aujourd'hui, comme
BB devoir de position, de graves et honorables travaux.
Sur son œuvre de jeunesse^ on avait pu deviner en lui plusieurs
{!) Vom emploie id cette expression dans le sens qn^elle eut eonsUmmeot
Wtfs H V, pew indiquer tes présens et les sttbTentiopi faits p«r na fvl,etfén
luunblemeDt la permission de signaler cette lacune an DictionnaiM éifAcsSimii
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S2Ï IIEYUB DES DEUX MONDES.
des qualités qui constituent l'historien-publicistey rAIe éminent oà
Tappréciation de la pensée s'unit à Tétude des honuoes» et qui tieot
par un bout à la vie philosophique» en pénétrant par l'autre dans
les réalités de la rie usuelle. Son Histoire de la révolution franç^tm
se plaça hors ligne par un style ferme et réfléchi, par une manière
toujours impartiale» je dirai presque impassible, alors même qoe
l'auteur était encore impressionné par les passions et les préjugés
de l'homme de parti. Ce livre signala l'un des premiers la transitimi
du libéralisme de l'ère critique et révolutionnaire au dogmatisme
d'une école qui cherche à se rendre raison d'elle-même, en 8*ap-
puyant sur l'autorité d'une grande idée sociale.
M. Mignet vit avec Seyes toute la révolution dans la suprématie
politique du tiers-état, et dégageant cette idée des phases sanglan-
tes qu'elle dut traverser pour se faire jour, il la présenta comme
un droit supérieur à tous ceux qui disparurent devant elle.
Ce qui fit la puissance du jeune écrivain, ce qui imprima à ses
déductions une sorte de rigueur mathématique, était pourtant
recueil, sinon de son talent, du moins de sa doctrine. En subor-
donnant les faits aux idées, il dut s'exposer à en altérer quelquefoù
le caractère, et surtout agrandir l'importance et la valeur des per-
sonnes qu'il contemplait à travers l'œuvre immense où elles étaient
engagées. De là une tendance à accepter tous les é vènemens, comme
s'engendrant forcément les uns les autres, à chercher dans une
pensée générale la justification des foits particuliers, au lieu d'y
voir le produit spontané des passions et de la liberté humaine.
Je crois de toute mon ame à la philosophie de Thistoire, parce
que je crois en Dieu et en la Providence. Je sais que Tesprit humain
suit une irrésistible impulsion et que le monde intellectuel a «s
lois, comme Funivers physique. Je crois, par exemple, qufl ne dé-
pendait d'aucune puissance de ravir à la société française les con-
quêtes de la révolution de 89, et qu'il est également impossible
d'empêcher que les résultats de ce grand mouvement ne deviennent
européens. Mais j'estime que les faits pouvaient se présenter tout
autrement, et qu'un peu plus d'intelligence chez les uns, un peu
moins de corruption chez les autres, certains accidens, même de
circonstance et de détail, auraient imprimé un tout autre coors,
non aux idées qui viennent.de Dieu» mais aux évènemens qui vien-
nent des hommes.
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DE l'eSPAGNE et DE SON HISTOIRE. 22S
Ce qui ressort surtout de Thistoire sérieusement méditée» c'est
la puissance de Tindividu, non quant aux résultats définitifs, mais
quant à la manière dont ces résultats sont acquis aux nations. Un
bomme de plus peut leur valoir dix ans de calamités de moins; et
la proposition contraire est aussi malheureusement vraie. Je ne
sais, par exemple, rien de mieux que Tétude des archives des af-
faires étrangères pour montrer combien la sphère de Faction per-
sonnelle est large encore, bien qu'elle soit circonscrite dans celle
des nécessités sociales. En se trouvant plus rapproché des réalités
politiques» M. Mignet aura dû modifier une disposition qui est celle
de tous les esprits supérieurs au début de la vie. Il suffit d'appré-
cier la haute sagacité de l'écrivain dans les argumens et le texte
historique, où sont si lumineusement enchâssés les documens of*
jBdels, et surtout dans la belle introduction qui les précède, pour
voir que ces années d'expérience et d'étude ont conduit son talent
à sa plus entière maturité.
Cependant nous aurons à signaler bientôt, en appréciant ce
morceau lui-même, une dissidence qui nous paraît tenir à un cer-
tain tour d'esprit que M. Mignet a conservé de sa première manière.
Si, comme nous le croyons, le point de vue selon lequel il apprécie
le fait le plus funeste, selon nous, aux destinées de l'Espagne, la
succession féminine, manque de vérité politique, il faudra, ce me
semble, l'attribuer au besoin de justifier les phénomènes histori-
ques, par cela seul qu'ils se produisent, et de rationaliser les ac-
ddens, en les élevant à la dignité de principes.
Dans ce vaste prologue, si beau d'ordonnance et d'harmonie,
d*nne éloquence sobre, mais pleine, oii l'on voit se nouer dans le
lointain des âges le drame que les évènemens vont bientôt trancher,
M. Mignet s'est attaché à mettre en regard la fortune pâlissante de
rEspagne et celle de la France, qui chaque jour s'élève plus forte
et plus radieuse, et finit par absorber sa rivale en lui imposant sa
dynastie. C'est la lutte de deux grands peuples également favorisés
du ciel, mais auxquek leurs institutions ont préparé des destinées
si différentes.
On nous permettra de traiter ce morceau comme une œuvre à
part, comme l'une des conceptions historiques les plus remarqua-
bles de ce temps; nous parcourrons donc rapidement à notre tour
la route que M. Mignet a si largement frayée, nous inspirant sou-
TOME VII. 15
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226 RETUB DBS DBUX MOTIDBS.
Tent de sa pensée , prenant aussi quelquefois nos réserves contre
elle.
Ce qui saisit le plus vivement le voyageur en parcourant la Pé-
ninsule ibérique, c'est la stérilité des plus beaux dons du del. Uo
rempart de quatre-vingt-douze lieues la circonscrit et la protège,
ne lui laissant que deux étroites ouvertures sur TEurope, et cette
conflguration qui semblait, plus que toute autre cause, de?oir
assurer à TEspagne un système politique dont Tintérét national fût
la base, ne Ta pas empêché d*user sa force et ses ressources dans
les querelles continentales les plus étrangères à ses développemeas
intérieurs. Six cent cinquante-six lieues de côtes lui ouvrent d'ex-
Cellcns ports sur les deux mers; et loin d'appeler dans son sein le
commerce du monde, ces ports ont été les canaux par où sa force
et sa richesse se sont écoulées vers des plages aujourd'hui perdues
pour elle. Sur son sol si divers d'aspect et d'élémens, où la science
se complaît à trouver comme un résumé de la création tout en-
tière (i), les productions de toutes les zones se touchent et se con-
fondent, et nulle contrée n'offre pourtant un tel aspect de misère
et de désolation ; les arbres y manquent comme les hommes, les
eaux comme les moissons. De grands fleuves, qui devraient doter
ce pays du plus beau système de canalisation du monde, y portent
la ruine et la stérilité, torrens impétueux grossis aux pluies de
rhiver, lits infects et desséchés sous un ardent soleil.
Cette lenteur à s'engager dans les voies de la civilisation moderne,
cette constante misère à côté de tant de richesses, tiendraient-elles
à un défaut inhérent, à la constitution physique de cette contrée,
à la barrière qui la sépare du continent? M. Mignet semble le croire.
On pourrait répondre que si son isolément a nui à l'Espagne, cest
que les circonstances politiques où elle s'est trouvée engagée l'ont
empochée d'en recueillir le bénéfice, et que les mers qui entourent
la Grande-Bretagne assurent sa sécurité intérieure et sa nationalité,
sans être unobstade à aucun de «es développemens. Nous pensons,
pour notre compte, qu'ici tous les reproches doivent porter sur les
institutions et sur les hommes, qu'aucun ne peut s'adresser à la
nature, ci ce n'est peut-être celui d'une trop grande fécondité.
(I) «. Boryde Sahit-Vloeeiit. Sas donnéetont été tUténlenint reproMtet pv lidDi*
«MAMiiiMU); Meeiéhmi0 de Upana y HmrnfoL Madrid , ttt».
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DE L'ESPAGHB BT DB 8011 HISTOIRE. SSHT
Tout accose, en ce pays, une position manquée, quelque chose
â^exceptionnel et d'anormal. Il est yis bto que le déiFeloppemenl
Bâtard de la société n*a pas parcoam au-delà des Pyrénées ses
phases nécessaires. Si la Rnssie souffre de la civilisation en serre-
diaude improvisée par Pierre-le^Sran i » TEspagne est malade ausd
(Tun vice organique caché dans les profondeurs de son histoire.
Après une résistance héroïque, la Péninsule subit, comme le
reste du monde, le joug de Rome. Les arts et les mœurs de Tlialie
t'acclimatèrent vite sous son beau ciel, et ses steppes les plus sao*
rages attestent encore, par d'imposantes et voluptueuse nnnes,
que la conquête de cette contrée fat plus complète que celle des
Gaules. A la chute de Tempire, FEspagne chrétienne et romaine
reçut aussi du Nord le flot régénérateur; la barbarie y épandil le
firoon de sa force fécondante, et Tempire des Goths primait alon
odoi des Francs, nos rudes ancêtres.
Mais, au commencement du viir siède, un feit nouveau se pn^
duisit qui jeta la Péninsule en dehors des voies suivies par les au-*
très nations européennes. Les Arabes y détruisirent la puissance
des Goths, et, sur les ruines d'une société romano-germaine, ih
élevèrent cette civilisation sarrazino, mosaïque brillante et légère
dont leur architecture semble encore la vivante image. Cependant
le grand cataclysme sous lequel succomba la civilisation chrétienne
en Afrique et en Asie, ne devait pas ;*y reproduire. La partie la
plus énergique de la population s^enfnit vers le nord, jetant dans
lès montagnes des Astnries, de TAragon et de la Navarre les bases
de royaumes voués dès l'origine à une guerre incessante et impi'»
toyable : croisade entreprise pour recouvrer les tombeaux de ses
pères, et dont chaque enfent recevait le signe avec l'eau de son
baptême.
Pendant que les autres nations se mêlaient, en s'éfendant hors
de leurs frontières, pour réagir ensuite sur elles-mêmes, et qve^
par ses transformations successives^ le régime féodal enfontaft tour
i tour l'aristocratie des barons, la démocratie des communes et la
suprématie des rois; pendant que les conquêtes de Fagriculture, de
la navigation et du commerce, hâtées par les croisades et uneséciK
rite plus générale, imprimaient un mouvement progressif à la so^
ciété française, l'Espagne restait vouée à la même œuvre, qu'ela
suivait avec une courageuse et patiente obstination.
15.
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218 RBTUB DBS DEUX MONDES.
Durant huit siècles, qui virent, selon les historiens castillans,
livrer trois mille sii cents batailles rangées, ce peuple ne se délassi)
de sa vie armée qu*en répétant en chœur les chants chevaleresques
qui grossissaient chaque jour cette vaste épopée cyclique. La
guerre devint pour lui quelque chose de sacré ; il la fit avec une foi
forte et impitoyable, et la destruction des Maures prépara ceHo
des Indiens.
Son expérience sociale n'augmenta pas plus que sa sécurité in-
térieure. Au lieu de s'étendre sur le sol, pour le féconder par k
travail, de se grouper, comme elle le fit en France, autour des
demeures féodales et des abbayes , la population de TEspagne sa
jeta dans de grandes villes, les seules qui pussent efficacement
résister aux attaques des armées musulmanes. De là cette dispro-
portion notable entre la population urbaine et celle des campa-
gnes dont les désastreuses conséquences se sont étendues jusqu'à
nous. Au sein de cette société organisée pour une guerre éternelle,
les terres étaient sans valeur, parce qu elles étaient possédées sans
sécurité. Aussi furent-elles distribuées aux chefs militaires, bien
plus comme des territoires à défendre que comme une source de
richesses à exploiter. De là Tîmmense étendue de ces possessions
qui eussent fait de l'aristocratie espagnole la plus colossale du
monde, si l'incurie des hommes et des lois ne les avait rendues
stériles.
Le régime féodal fit peut-être répandre en France autant de
sang qu'au-delà des Pyrénées la longue croisade contre les Mau-
res; mais les victoires territoriales remportées par nos rois sur
leurs féudataires, les conquêtes politiques faites par les commu-
nes, avançaient chaque jour l'œuvre commencée, et la société mo-
derne sortit enfin de ces couches, laborieuses. La puissante uniié
de l'empire de Charlemagne avait créé pour Tavenir des titres aux
rois de France leurs successeurs; en Espagne au contraire, aucun
iien ne rattachait les diverses dynasties princières à un même centre
de suzeraineté féodale. Ces dynasties, d'ailleurs, n'exerçaient
qu'un pouvoir fort limité, autant par l'autorité des chefs miliuires
qui marchaient de pair avec elles , que par la turbulente puissance
de ces populeuses cités, où l'insurrection éclatait sitôt que les
Maures quittaient le pied des remparts.
Cependant, lorsque le royaume de Grenade eut succombé sooi
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DE L'eSPAGHB et BB soif HISTOIRE. 5B9
les armes chrétiennes, et que FEspagne se troara réonie s'^ns le
sceptre de Ferdinand et d*IsabeUe, une nouvelle ère s*oavrit pour
ce pays, qui parut rentrer enfin dans le mouvement imprimé
aux autres sociétés contemporaines. Le pouvoir royal commença
às*y développer, assez fort pour créer Funité nationale, trop fai-
ble pour étoufler le goût et Thabitude delà liberté. Les privilèges
anarchiques de T Aragon, qui légitimaient la guerre civile et Tim-
posaient comme un devoir, les institutions aristocratiques de la Cas-
tille, les fueros de toutes les vflles, subirent Taction de la royauté
et s*harmonièrent avec elle. Le justiia d* Aragon vit s'abaisser
ses prérogatives, égales, sinon supérieures, à celles des princes
souverains; l'exorbitante influence de la noblesse propriétaire
d*nne grande partie du sol des deux Castilles et de Léon fut atta-
quée par la force et minée par Tadresse. Ferdinand eut Thabileté
de se fidre élire, avec le concours de Rome, grand-maître des
trois ordres militaires, et de rattacher ainsi ces corps puissans à
la couronne. En s'appuyant sur les vieilles mœurs et les institutions
particulières à la Péninsule, il usa de tout sans rien détruire; c'est
ainsi qu'il fit de la Sainte-Hermandad un moyen de police et un
instrument de pouvoir non moins énergique que ne le fut en
France rétablissement des troupes soldées.
L'Espagne rentrait donc enfin dans la voie générale des peuples,
après avoir dépensé sept siècles à une œuvre glorieuse, mais sté-
rile; elle commençait à subir les influences auxquelles d'autres
nations devaient des destinées déjà plus pacifiques et plus prospè-
res. Si les vues patriotiques de Ferdinand avaient continué d'être
appliquées, on ne saurait douter que ce beau royaume, au lieu de
la splendeur factice et passagère du règne suivant, ne se fût
Aevé à cette puissance forte et permanente que donne la mise en
œuvre de toutes les facultés natives. Un étranger vint suspendre
violemment ce travail intérieur, et rejeter l'Espagne dans la po-
sition exceptionnelle dont elle commençait à sortir. Le Gantois
Charles-Quint, avec son cortège de ministres belges et de soldats
allemands, porta à la nationalité espagnole un coup dont elle ne
se releva plus. Au lieu de se faire l'instrument de la grandeur
naissante du royaume, il fit du royaume l'instrument de sa gran-
deur personnelle, et le roi d'Espagne disparut devant Tempereur.
L'œuvre de Ferdinand et d'Isabelle fut dénaturée par leur petit-
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9BB ^BTVS ms bevx aoHDB.
Ife. AiirHM;4k ffégleg y eKufaéraace de la vie populaire, on préCèrt
Fatccindre et la tarir dans sa aomrce, et, selon l'csage de teu les
despotisnies, on eoupa Parbre po«r eueîHir le froit. Lès orastoses
sMsemUées des corth se tarent devant les armes étrangères, hs
TÎDes jouèrent leurs libertés dans des luttes inégaies. PadiUa dt
Tolède, Bravo do Ségovie, Maldonflbda de Salamanqoe, ponèteit
sur réchafaud leur noble tête, et ce sang héroïque cooia cons»
la sève d'un tronc frappé dam ses racines et qpii voit bientôt jptfr
ei tomber sa couronne de verdure.
Le mauvais succès de l'insurrection des villes et Tédatsiite vea»
geawee qui en fut tirée, frappèrent au coeur le génie municipfd alors
quil commença'tà s'épanouir. L'babileté et la fortune de renpe*
reur, les vice-royautés d'Italie et d'Amérique, les commandemeat
enRandreet en Allemagne, étoufKèrent en même temps la superht
indépendance de Taristoeratie espagnole. Contens du privilège dt
se couvrir devant leur maître, de le servir à sa cour et dans wm
armées, les grands ne parurent plus dans les province» dont ib
possédaient la presque totalité du sol; et un gouvernement ombra-
geux 6t à cet égard une prescription de ce qui avait cessé d^
d*étre dangereux pour lui. Un corps aristocratique sans actioft
dans le gouvernement ne peut garder ni popularité ni imporiaaos
politique. Ses richesses sont un effet sans cause, et comme une
anomalie que lui font expier le mépris du pouvoir et la haine dei
peuples. Aussi la grandesse, sans racines dans la nation, fnt-^
prhnée à la cour des princes autrichiens par les fevoris du pias
bas étage, et descendit promptement au dernier degré défiai-
puissance et du rachitisme. On ne lui conserva pas mémo ces vaim
simulacres de liberté, dont on crut devoir amuser la vanité des
procureurs des villes, dans les parades solennelles jouées parla
royauté absolue.
Ainsi se desséchaient tons les germes d*avem> au sein de 11
triste Espagne. Pendant que son nom dominait les deux mondes,
que ses flottes en couvraient les mers et qu*elle versail son sa^
sur tous les champs de bataille, la cause nationale y sueoooibak
aous des principes d'autant plus désastreux , qu'ils revotaient d<9
apparences phis briMmces. Les intérêts de l'empereur en Aliéna»
gne, en Flandre, en ftaKe, les développemens du système oeloflil
Mqnel elle s^abandonnait avec une^si funeste^jenianee, épiriaèrent
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DB L*j(aPAG9IB AT hR ^Olf BIffVOIRE. M
809 farcQ^, el pcurtéreitf un^coup «lortal i aonayioitlwna 61 à «m
iadttstrie iiais8«iUe ; ri« ne se fit pew eA)e, quoique tout se fil«tt
flOQ ooœ ; elle ^taii devctfitte TaDoefisoire des nombreux et loiMàit
domaioes annexés à sa coiiroMe« Ce fiM aûisi que le pays qui, par
sa coafigiiratioii sé<Hi^a()]Mque, semblait le mieux garanti oontre lea
iailueiices éiraiigères, les subît par le mauvais effet de ses institua
tions politiques, plus complètementei plus long-temps qu'audua
l^tre n^aume du continent.
Giarles-Quint comprit oependaut la fausseté de sa position et
toute rioanité de sa gloire. l\ expia Vuae au monastère de Saint»»
Ju&t, et rectifia lautre en délivrant enfin TEspagne de rAutricb^
et de Tempire. Son fils vécut en roi péninsulaire, « enfermé à 1 £»-
curial comme dans un monastère; » il saisit une occasion heureuse
de conquérir le Portugal, seide possession que les rois catholiques
dussent envier, car elle est indispeasataJe à leur sAreté intérieures
et Lisbonne est un point fatal par où VEurope.meoacera toujours
le gouvernement de Madrid. Mais ce prince n'avait été débarrassé
que d'une trop faible partie de Théritage paternel; il f&dlut lui oon*-
server le reste, et des flots de sai^ ca^tUlan ooulérent dans les
Pajf 6-BaS| peur prévenir un démembrement'que TEspagne aurait pu.
saluer comme une victoire. Avec Tétroitesse •obstinée de son esprit
la froide exaltation de son ame , il se jeta dans les querelles relit-
gieuses de son temps, échoua en France et en Angleterre et se dé-
fendit en Espagne en faisant, du tribunal de 1 inquisition, la machine
de compression intellectudle la plus ccdossale que put concevoir
l'esprit humain. La Péninsule, où le travail féodal avait été subite^
ment arrêté par Tinvasion sarrazine, qui, au x\' siècle, commenr
$ait l'œuvre nationale de son organisation politique, lorsqu'elle fiit
si brusquement interrompue par Charles-Quint, se vit donc rejetée
en dehors de toutes les idées européennes par la main de plomb de
Philippe II. Pour avoir raison du protestantisme, il atteignit Tesprit
humain en sa source même, préparant ainsi pour la venir au
dûgme religieux , si malheureusement associé à son pouvoir desr
poiique, des épreuves plus redoutables que cdles qu'il était appe^
à traverser dans le reste de l'Europe.
a Philippe, dit M. Mignet, séquestra la royauté dans une solitude
abrutissante, il la rendit invisible, sombre, hébétée; il ne lui j|^
connaltire les év^oemefts que par des rapports^, les hommes qqip
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S3â AEVUB DES DEUX MONDES.
par des défiances. ïl porta si loin le soupçon, qui! éleva son ffls
dans la crainte et dans Fisolement; il ne lai permettait pas de s*eih
tretenir avec sa fille, à laquelle seule il se confiait, et qui seule sou-
lageait sa vieillesse accablée d*infirmités et de revers. Au moment
où il fallut quitter la puissance qu*il avait voulu étendre et qii*3
avait craint de perdre, il rejeta sur la Providence son propre ou-
vrage, rincapacité de son successeur, d
Philippe II avait imposé la stérilité à Tintelligence, Philippe ID
atteignit la terre elle-même. Depuis long-temps huit cent mille
juifs chassés d'Espagne avaient emporté tous les germes d'une
industrie naissante ; plus d*un million de Maures, chassés en trois
jours, firent alors un désert de la partie la plus fertile du
royaume.
Sous Phi ippe IV, un ministre entreprenant voulut relever sa pi-
trie de son irrémédiable déchéance : <r il ne vit pas que son repos était
de la paralysie, et que remettre en mouvement ce pays malade,
c'éta't le faire tomber; » sa chute en effet fiit profonde : la Franœ
et la Hollande lui enlevèrent des provinces, TA nglc terre des colo-
nies; le Portugal recouvra et maint nt son indépendance; la ré-
volte éclata au royaume de Naples et jusqu'au sein de la Catalo-
gne. Le sang de Charles-Quint s'était épuisé comme celui de Cllâ^
lemagne ; et son arrière-petit-fils remit, en mourant, sa couronne
à un être dégradé de corps et d'esprit, roi idiot d'une monarchie
décrépite.
La vie de Charles II se consuma dans les sales intrigues des fic-
tions étrangères, pour se disputer un pays dont l'intérêt n'était
pas plus consulté que les vœux. Les prétendans arguaient, non de
l'assentiment national, mais de la volonté du roi devenue la loi
suprême, ou de la loi fondamentale en matière de succession, in-
stitution funeste à laquelle on doit remonter comme à la source
principale des calamités de l'Espagne.
M. Mignet professe une opinion contraire , et conmae il y a grand
profit à tirer des erreurs d'un homme d'esprit, nous donnons ses
raisons, qui, si elles ne nous ont pas convaincu, pourront en con-
vaincre d'autres.
« n ne restait à l'Espagne que sa loi de succession pour la tirer
de son anéantissement. H fallait que le continent vint de nouveau
à son aide^ et que l'esprit européen, s'y introduisant à la suite d'une
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DE L*£8PAGNB ET DE SO:f HISTOIRE. 235
dynastie nouvelle, ranimât et la flt sortir de rimmobilité pénin-
salaire o& elle était retombée.... Les dynasties, et les lois de suc-
cession qai président à leur maintien ou à leur remplacement, sont
d'ordinaire appropriées aux besoins des divers pays. La loi espa-
gnole différait de la loi française , comme l'intérêt de TEspagne dif-
férait de rintérét de la France; elle appelait à la couronne les
femmes qui la portaient dans d'autres maisons en se mariant. Ces
mariages amenèrent la réunion des diverses parties de la Péninsule,
et lai procurèrent Taide du continent par Tavénement de princes
étrangers qui lui apportèrent d*abor J les forces de TEurope pour
la faire triompher dans ses luttes de religion et de race, et plus
tard ses idées pour la faire sortir de l'immobilité péninsulaire où
elle devait retomber.... La France, au contraire, en admettant les
femmes à la couronne, eût renoncé à sa nationalité; elle pouvait
entretenir son mouvement par les chocs non interrompus du reste
de TEurope et opérer sa formation par sa force intérieure. Aussi
se réserva-t-elle des moyens particuliers de perpétuer sa dynastie.
Elle plaça des rejetons royaux dans plusieurs provinces à mesure
qu'elle les conquit , afin que les branches pussent , au besoin , rem-
placer le tronc. La loi des apanages fut la conséquence de la loi sa-
Uqne. Le pays le plus remarquable par son unité le fut aussi parla
durée de sa dynastie. »
Le savant historien paraît avoir étudié les annales de l'Espagne
sous la préoccupation de cette idée que Tisolement géographique
de ce pays était pour lui le principe d*une infériorité constante qui
devait être corrigée par Teffet de ses institutions. Mais cette position
péninsulaire n'était-elle pas, au contraire, l'un des plus grands
bienfaits dont la Providence pût doter un pays si heureuse-
ment assis sur deux mers, et les malheurs de l'Espagne ne tien-
draient-ils pas h ce qu'il lui fut presque toujours interdit d'en re-
cueillir le bénéfice?
11 est difficile, ce semble, de concQier la valeur théorique que
Ton attribue à la succession féminine et le biftme si judicieusement
déversé sur cette perpétuelle exploitation de l'Espagne au profit
d'intérêts étrangers. Si la succession des femmes hâta l'union des
divers royaumes de la Péninsule, elle eut aussi pour résultat de pré-
venir toute assimilation entre ses élémens constitutifs, toute agglo-
mération vers un centre principal. En France , la conquête terrilo*
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fit RETOB tofr »EDX «OHOB».
Ttalèrflnft pftT «MMer r absorptk»* morde ; m Ee^Mstie, la l'èiiiiiéi
pM irmriê^ d^ètâds )itdépéiM}aft»les nHfflaltfil en ftice de la conroime
èé Castnte « IM» une anHude ^éjgalM et de comptet îsotemetti. Voyez
eMore, a«eomnenceniefitd« xvnrsîède, Ténergiqve concours que
lesétatd de CastiRe prêtaient à PMttpped* Anjou, et celui quelet
pi^orâices dépendantes de l'ancienne couronne d* Aragon accor-
diftient à Farehiduc.
' lie principe qui a fondé la nattenalité française eât concovnii
fonder aussi la nationaliié péninsulaire. L*efFet de ta loi salique eAt
éW pliïs lent peut-être, mais certainement il e^t été plus s4r. Notre
régime des apanages n'était pas même à cet égard d*une rigoureuse
niécessité; à Textinction des branches régnantes, mieux eôi râla
fecewrir, an besoin , à la succession bfttarde qui onna au Portugd
Ite fondateur de hi dynastie d'Arîs, et son chef m^me à la maison de
BragMce, qued'engagerrEspagne dans un système qui ne lui pr^
qu*me force ftictioe en échange de la force native dont eBe fa dè-
ponillait.
On vient de dire à quel abaissement politique la dynastie autri-
ctnenne avait conduit l'Espagne; la dynastie française ne servit guère
mieux ni sa prospérité , ni sa gloire.
Le plus grand malheur qui eût pu arriver alors à la Pénînsufee^
été la réalisation du mot fameux de Louis XÎV. Ce n'étaît pasTrs-
péFance de rattacJier un grand royaume au mouvement générafl du
«vende qui inspirait an monarque français le v(eu qu*fl n*y eth plus
de Pyrénées. Dans sa bouc^, ce désir avait une portée parement
y^ikîqne. Il entendait dire seidement (pi*Aranjuez serait une dé-
]^êiidance de Versailles comme Trianon , et qu'il y régnerait p«
procureur. S'il ne l'avait pas ainsi compris, Louis XIV n eût p«
manette de s'en tenir au traité de partage de 1700 et de repousser
krtestament.
Quant aux bienfaits dont l'établissement de la maison deBourbott
^plustardte pa<^ de famîHeont pu doter FEspagne, ils sont au
tfOi«is problématiques. Après Fhllfppe V, plus occupé de ses irttfi-
gtiesen France et des prejeis d'Aimé femme et d'un ministre amht^
teux dur lltialie qeie des inriérêts vitanx de sa patrie adopifre, srt
aôcoessenrs s'engagent dansdes^oiAits maritimes souvent sfans hoi
eifOlyoursaans profit. Si, effif^ieederAngleterre,ranfance franco-
espagnole était onebevreuse nécessité pour les deux pays, la corn»
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DE VmPàmB BT DB SOU HltTOIRB.
«Bmiaiitéd»dyii»tien*mi Alt pas le principe, car eHe retaortait lii^
ianaturo das chaaas. La branche des Bourbons, tra&i|riMitée a»-
delà des Pjréoées, subit, d'aiHeors, promptement rinfhienoe db
rinnnGOnlité pèninaulaîre, d*ane manière aussi çomplèce que la triste
dynastie qu'elle aviût remplacée. Sous des règnes obscurs, IEb-
p9gaè ceiltkuia de courir rapidem^it vers sa décadence; aides
tentatives sou¥ent irréflécbies de réforme eurent Meu dans aoa
organtoatkm civile et •nancière, dans le oours du xvnf si^
de; sa ^ Macanasà Jovellaaos, de Tintendant Orr j à d*Aranda^
iieridsh-Blaaca et Olavide, on suit le progrès ecHiataat d'nneéoeie
^oononiqoe et administrative dans le sens de la centralisation aso-
deme, il n'y a rien là qui se puisse directement rapporter à 1* in-
fluence de la dynastie française; des essais analogue» avaient lieu en
jkitaidie et en Toscane pour ne pas dire en Russie; c'était ccmime
felmnÉcia retentissement des idées et surtout des passions contenu
poraâKs. Ces novateurs, {dus théoriciens qu'hommes de pratique >
^pn la royauté ne secondait que par boutades et que le penjrie r»-
fwsoait toujoars, échouèrent contre les intérêts et bien plus en^
corecontiïeles m«iur8;le mouvement essayé par Charles m était
sans radaes et sans avenir, ses ministres le oonçurenu tpop à la ma-
mèpedeiosephclldans les Payais. Tout cela était pour aboutir
aux turfâtttdeade son svccesseur, qui monta sur un trène qu'on
disait solide, parce cpi*aatour de lui il se ftûs^t un profond sikûice':
■ois ce silenee Ait imerrompu par un coup de tonnerre, et de^
pnb OB jour une nue orageuse envdoppe l'Espagne et son avenir.
La succession étranc^ n'a donc imposé à ce pays que des eth
erifices tout aussi inutiles à son avancement intellectuel qaà ses
intérêts nationaux. Peut-être en Tappréciant autrement, ne se éè-
ftige4-on po» assez des impressions contemporaines, et*paree qu'on
espère ^rajourd'hui la r^énération de l'Espagne d'un retour à sa
vieBlc loi de aoocession ftmialne, est^on disposé à transformer en
principe de progrès ce qui n'est qu'un accident heureux.
Autant que persmme, je ferme des vœux poar la consolidation
dn gouvernement dont le sort est si étroitement lié dans la Pénin^
aale i cehii de tous les hommes de quelque poids, par leurs lu-^^
Buèreaeu leur position sociale, gouvernement auquel il manque
beaucoup sans doute en force et en dignité, mais qui, dans sa chute»
«ignaler ait le triomphe de la démagogie des viOes et de la déma*
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996 RËYUB DES DEUX MONDES.
gogie des campagnes, deux souverainetés également illégitimes
parce qu'elles sont sans intelligence. Hais qu*est-il besoin de rappe-
ler que si le trône d'Isabelle II est devenu le point de ralliement
delà grandesse et de la classe moyenne, des hommes de Tindas-
trie et de la partie éclairée du clergé, il le doit moins à la valeor
de son titre qu*à Tobligation où fut ce gouvernement de s'appuyer
sur des intérêts jusqu'alors impitoyablement repoussés et pro»-
crils? 11 n'y aurait sans doute aucun avantage pour TEspagne iœ
qu'elle fût un jour gouvernée par tel prince étranger qu il plai-
rait au caprice d'une jeune reine de choisir, et cet avenii' Tinquiète'
rait à bon droit, si, avant de redouter les inconvéniens possibles et
fort éloignés d un système dynastique, il ne lui fallait s^assurerles
avantages actuels d*un gouvernement éclairé et libre.
Ce qu*on attend, en effet , de cet universel mouvement dans les
hommes et dans les choses, qui, après s'être abrité derrière une
intrigue de cour, a 6ni par devenir une révolution, c'est rétablis-
sement d'un pouvoir entièrement nouveau , sinon dans ses formes,
du moins dans ses maximes, qui repousse le passé de l'Espagne
comme un legs stérile et funeste, et la fasse enCn sortir des voiesoi
en poursuivant richesse et gloire , elle n'a rencontré que misère et
corruption. L'Espagne a pour jamais perdu les Amériques, et son
gouvernement vient de le proclamer pour la première fois; si die
conserve encore aux Antilles et dans la mer des Indes les pins
belles colonies du monde après celles de l'Angleterre, ces établis-
semens ne sont plus de nature à la détourner d'un système pure-
ment intérieur, le seul qui convienne à l'exploitation de son magni-
fique territoire, à la réforme de ses institutions civiles et de ses
mœurs.
Effacée du nombre des grandes puissances de TEurope, qu'elle
s'en fasse oublier pendant un siècle, comme ces malades qui se
retirent loin du monde pour soigner une santé débilitée par nn
mauvais régime, ou des infirmités de jeunesse; que revenue de
théories déjà visiblement en baisse dans son sein, et mise par nos
armes, s'il le faut, à Tabri d'un absolutisme qui ne triompherait ui
jour que pour s'ab'mer dans l'anarchie, elle reporte toutes ses
pensées sur elle-même, n'étudiant son passé que pour s'en éloî-
gner.
Tout gouvernement qui comprendra l'Espagne, s'attachera d'à-
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DE L*ESPAGNB ET DE SON HISTOIRE. 2*^7
bord à y mettre le trayail en honneur, à y faire fleurir la mora-
lité privée , étouffée sous un formalisme religieux sans intelligence
et sans vie ; il invoquera le concours du clergé auquel il fera une
large part dans cette œuvre de régénération , en lui étant toute
possibilité et dès-lors toute tentation d*exercer désormais au-
enne action politique ; il s*attacbera à détruire, par Fascendant de
rindustrie et de Vesprit de propriété, ces habitudes vagabondes et
guerrières de la démocratie rurale , retrempées dans la longue
lutte de la Péninsule contre Napoléon, et que Ferdinand VU a si
malheureusement excitées aux plus mauvais jours de sa puissance.
En changeant le vieux système d*administration , en traçant des
routes et creusant des canaux dans de vastes solitudes, il réunira
des provinces étrangères les unes aux autres, il confondra de plus
en plus la population des villes et celle des campagnes , que leurs
antécédens historiques , autant que Tincurie souvent calculée du
pouvoir, ont constituées dans un état presque permanent d'hosti-
lité; un gouvernement réparateur mettrait, en un mot, TEspagne
à bois neuf, en greffant les idées européennes sur ce sauvageon
admirable de vigueur et de puissance.
n n*en est pas de cette contrée comme de la France. Celle-ci a
pu rester Adèle à presque toutes ses traditions politiques ; celle-là
est malheureusement condamnée à les répudier. Quelque profonde
qu'ait été la révolution de 89, elle n*a guère changé les rapports
de la France vis-à-vis de TEurope, parce que sa puissance s*est
développée selon des conditions naturelles et normales. Nous avons
pu ajouter à Tœuvre de nos pères sans en déplacer les fondemens.
L'Espagne, au contraire, refoulée dans les voies intellectuelles par
l'inquisition et l'absolutisme claustral , dans celles de la politique
et de l'industrie par le système colonial et l'éparpillement de ses
forces, entre dans une ère nouvelle, n'ayant àproflter que de
ses fautes , car chez aucune nation le passé ne fut aussi coupable
envers l'avenir.
Ce contraste entre notre gouvernement, fort de l'harmonieuse
unité de ses parties, et un pouvoir gigantesque, produit des cir-
constances et inhabile à les dominer, est tracé dans l'introduction
de M. Hignet d'une manière large et lumineuse. Cest la philosophie
de l'histoire descendue des abstractions pour poser le plus impor-
tant problème des deux derniers siècles.
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EBVUB DBS DBUX MONDES*
Les deux volumes publiés n*en donueut pas la 8(dittion;ibBi
vont que jusqu*ea 1668 et s*arr6tent à la paix d'AixJa-ChapeUeqoi
suivit la première guerre de Flandre. Près d*un demi-siècle devait
s*écouler encore avant que le sort de l'Espagne f&t irrévocable-
ment fixé. Lorsque ce grand monument national sera achevé, nou
embrasserons 9 dans son ensemble, une négociation dont noas
a*avoDs pu esquisser que las prémices,
Louis DB CâbmL
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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
êéjvfltl
Les afTaîres d'Angleterre continuent d'olTrir an spectacle chaque jonr
plus intéressant et plus varié. Il importe de suivre avec attention jusqu'au
déDouement Faction an peu lente, mais curieuse et compliquée, da
drame politique de Westminster.
Si la guerre a décidément éclaté entre les deux assemblées législa-
tives, c'est bien la chambre des lords qui a voulu cette collision. La
chambre des lords se souvient que la prud^jice et la timidité lui ont mal
réussi en 1832. Aujourd'hui qu'elle n*aperç<>il nul danger menaçant &
rhori7on , elle s*av se de courage et de hardiesse. Ce nouveau système,
dont rinertie actuelle de l'esprit public semble justifier remploi, est-il
également bien calculé poir garantir longuen.ent Texistence de la pairie?
Yoilà ce quMl s'agit d'oxaminer.
— Plus de concessions! se sont écriés les lords. Nous avons été jua-
qo'à présent trop prompts à reculer. Nous ne céderons plus un pouce de
terrain. L*liabileté consiste à défendre les muiodrea positions qui gardent
l'accès de la place.—
Les conférences s'entament avec les communes au sujet de raccom-
modement proposé sur le bill des corporations irlandaises. Durant les
dernières années, dans ces sortes de coarérences, la courtoisie avait
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19.
2&0 RETUE DES DEUX MONDES.
presque triomphé du ▼ eil usage. On avait daigné recevoir les communei
sans se couvrir et debout. C'était une impardonnable Taiblesse. Désormais
on s*assiera comme par le passé, et Ton enfoncera m(^me davantage son
chapeau. Si vous aviez vu peut tant les nobles lords en habit de ville,
coidés de cet étrange chapeau à cornes, qui ne ressemble pas mal â
celui de nos ordonnateurs des pompes funèbres, vous douteriez que ce
retour à la rigoureuse étiquette aristocratique soit un moyen fort efficace
pour restaurer la dignité de la pairie.
Mais voici venir une occasion plus sérieuse de montrer son autorité. Ce
même bill des corporations irlandaises, déjà si cruellement maltraité
par leurs seigneuries, se représente enfin devant elles timidement réa-
mendé par les communes. La séance est grave et solennelle. Lord Mel-
bourne et lord Uolland avaient renouvelé leurs avertisscmens énergiques.
Voyant quelle aveugle passion entraînait la chambre, lord Grey lui-même
avait rompu un silence de deux ans. Il s'était avancé seul entre les deux
partis prêls à en venir aux mains, et avait proposé un dernier moyen de
conciliation. Mais ses conseils, pleins de sagesse, ne sont plus ceux que
Ton écoute , ce sont les ressenlimens acharnés ac lord Lyudliurst qui font
la lui. C*est rcx-chancclier tory qui gouverne malmenant les pairs sons
la responsabilité du duc de Wellington, leur chef nommai. Lord Lynd-
hurst ayant déclaré que les lords ne peuvent se désister de leurs principes,
une formidable mojorité repousse à la fois et les amendemens de la se-
conde chambre , et le sous-amendement plus pacifique encore de lord
Grey.
Ce rejet prononcé, tout espoir d'arrangement avait dû s'évanouir. La
conduite ultérieure des communes était dictée d'avance. La politique les
avait poussées à trop accorder peut-être; il ne leur était plus permis de
rien céder honorablement. Aussi la séance dans laquelle lord John Russe!
vient demander rajournement à trois mois du bill mutilé, n*a-t-elle
point rintéiél dramatique de celle des lords; mais le langage que lient le
ministre est singulièrement vigoureux et significatif, o II compte que II
pairie ouvrira les yeux et se rangera prochainement à Tavis des commu-
nes, autrement il désespérerait du salut de la constitution britannique;
car il ne concevrait pas, ajoute-t-il, de constilutidn plus impraticable
que celle qui autoriserait Topposition déterminée, persévérante, inflexi-
ble , d'une chambre haute paralysant toutes les mesures de la chambre
élective et méconnaissant l'opinion générale du pays.» Ce sont là les
propres paroles de lord John Russel, le fils du duc de Bedford, l'ao
des plus illustres rejetons de Taristocralie anglaise , et conséquem-
ment l'un des plus intéressés à la conservation des privilèges de cette
aristocratie; ce sont les propres paroles du même ministre qui déclarait,
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R£¥UE. — CHRONIQUE. 211
il y a moins de six mois, que la réforme ne devait seulement pas songer
aux changemens organiques.
Ainsi la pairie est mise en demeure^ et non plus uniquement par les
radicaux y mais par les wbigs eux-mêmes. II faut qu'elle cède, et avant
peu, ou le maintien de la constitution devient impossible, c'est-à-dire
qu'il devient indispensable de réformer la pairie. Cédera- t-elle cepen-
dant? pourra-t-elle céder? Engagée comme elle est dans le chemin diffi-
cile où l'a jetée lord Lyndhurst , pourra-t-elle revenir sur ses pas? Vrai-
ment, pour une petite satisfaction qu'il a donnée à leur orgueil , ce n'est
pas encore ce dernier vote des lords qui a beaucoup assuré leur avenir,
non plus que cette dignité dont ils sont si jaloux.
La chambre des communes, qui continue d*étre patiente et de ne se
point décourager, vient de consacrer encore une fois le principe d'appro-
priation du bill des dîmes irlandaises. De ce que la majorité réformiste,
qui Ta voté, s'est trouvée moins nombreuse qu'elle ne l'est d'ordinaire,
il ne faut point conclure qu'elle se soit af/aiblie ou divisée. Il s'agit ici
d'nne question à part , d'une question religieuse, non point d'une question
de liberté politique. Il y a en Angleterre, et surtout au parlement, nom-
bre de consciences libérales qui n'ont pas secoué le joug du préjugé pro-
testant. Pour elles, retrancher le moindre denier du revenu de l'absurde
église anglicane importée en Irlande, ce serait une sorte de sacrilège.
Cest déjà beaucoup, et on ne devait pas l'espérer, que dans une cham-
bre élue sous la double influence du clergé et des tories, il se soit rencon-
tré plus de trois cents membres résolus à établir la tolérance et l'égalité
religieuses, et qui, à force de persévérance, aient su rendre ces principes
presque universellement populaires. Si les lords eussent été raisonnables et
habiles, ils se fussent néanmoins bornés à concentrer leur résistance sur le
terrain de ce bill des dîmes irlandaises. Au moins cette position était te-
nable . Ils avaient de leur côté une imposante minorité dans les communes.
Mais leur opposition , aveugle, violente, systématique, ne profitera qu'à
leurs adversaires. Avec le simple refus d'abolition de la dlme, O'Con-
nell eût sans doute agité l'Irlande plus vivement cette année que les précé-
dentes ! il ne l'eût pas unie et soulevée comme un seul homme, ainsi qu'il
va faire armé d'un rejet du bill des corporations. La lettre qu'il vient
d'adresser à ses compatriotes, et qui leur recommande le rétablissement
de l'association catholique sur une base élargie et plus solide , aura cer-
tainement des résultats aussi prompts qu'efficaces. Que Ton calcule l'ac-
tion de ce puissant levier que ne retiendra plus , mais que soutiendra et
fortifiera la main du gouvernement lui-même.
Les whigs ont été bien inspirés, le jour où ils se sont raUié le grand
agitateur, et les tories^ au contraire, sont bien imprudens et maladroits
TOHS TIL 16
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lEiâ aSTVB DBS DBUX MORDIS.
4e routragsr et de le pousser à bout chaque joiir. 0*CoBiien ét^t le n-
dical dont Taristocratie avait le moins à redouter. Ce n'est pas «oi^ptt-
meot un avocat opiaiâtre du h9lUU et du suffrage universel. Teutterriblc
nÎTelenr qu'en Fait fait , il n*â guère du tribun que la parole rive etptr-
Csts grossière. Au fond c*est un homme d'état réritable et plus propre
pfiQt-ètre à fonder qu'à détruire. Qui sait toucher et mettre ea moen-
meat comme lui les ressorts nécessaires au goaveniement d^irae nalieB
ou d'un parti ? Il a compris que Titistant n*est pas venu de gouverner pir
le menu peuple, en dehors du pouvoir éledoral ; il s'adresse donc asx
éleeteurSy à la ehisse rao^^une, aux ridies, de même qu'au peuple,
et voici que sans rien perdre de sa soweraiiM autorité sur le pays»,
il range sons sa bannière le marehand , le bourgeois et ie lord. Ce ii*est
pas d'aujourd'hui d'ailleurs qu'il nourrit le projet de cetto invincible
agrégation : sàr qu'il était des masses, après la dernière sessieo, il
avait lait un appel pressant à la noblesse irlandaise et favait en partie
déjà attachée à sa cause. Il n'est pas de moyen qu'il néglige; Uodts qoe
dans les meeiingtt publics, il entretient l'ardeur des multitudes et soo-
tiettt leur enthousiasme , la presse répand partout ses prodamations et
ses manifestes. Et il n'a pas eu assez de œs milliers de voix «es feorHes
locales publiées sous soo inspiration. H lui a folki une tribune plus haute
d'où il parlât ou fit parler selon ses vues à la Grande^retagoe tout en-
tière. C'est ainsi qu'il a fonilé et qu'il conduit la Serae de Dnbiin , qui
plaide aujourd'hui dignement et largement pour toutes les libertés de
l'Irlande. Si étroite que soit son alliance avec les wfaigs , CTConnell ae
s'est pour tant pas séparé des radicaux; il n'est pas moins libéral qu'eux; il
est seulement meilleur politique , il comprend mieux lesteniporisationset
lesmésagemeuMque l'intérêt de la liberté Im-méme eiige. A vrai dire, le
parti radical pur n'est pas sans pouvoir ffans le pays, mais il n'est nulle-
ment appelé, quant à présent, à mener seul la marche des réformes. Un ^t
remarquable et qui vaiait bien la peine d'être constaté, quoique notre
presse n'en ait pas dit un mot , c'est la retraite récente de M. Harvey, l'on
des oignes distingués de ce parti à la chambre des communes. Bl . Hartef
y représentait Sovihutnic , le faubourg le plus populeux de Londres. La
lettre publique qui contient sa démission est fort curieuse et mérite la
ifcture. Il se plaint amèrement de ce que ses commettans lui aient rogné
son mandat. Ils lui ont, dit-il, interdit le droit de presser l'administratleo
et de l'atuqnerau besoin , selon qu'il le jugeait nécessaire. Ccst pourquoi
il abdique ce pouvoir législatif qu'on ne lui laisse plus Kbre , et il rentre
dans la vie privée. Certes ce n'est pas là un symptôme qui annonce que
Topimon se défie des whigs Et en effet, leur attitude VTS*à-vis de ta pai*
rie JQStiiepleiûeflieDi la coofiaaee que montre ea eux TAngleterre.
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ftBVI». — GHftOllIQDB. Slf
Le parlemoit a entamé la diacussioii du bill qui prétend réfonacr le
temporel de I*égli8e anKiicane. On conçoit que régliie elle-même taoe*
tionoe les principes de celte mesure débonnaire, et qn'elleati la magot*
Bimilé de Tappuyer. La douloureuse réforme, en effet, pour le clergé»
que celle qui laisse è Tarcbevéque de Cantorbéry un traitement de 15,060
lîffes sterling, et, proportionnel iemeot, des revenus analogues aut
éréques inférieurs dans la biérarcbie !
Mistress Norton n'a pas quitté Londres pour Paris, ainsi qu'on l'avaH
assuré. Il était au contraire question , la semaine passée, d'une fête bril*
Isole que le duc de Devonshire devait lui donner en manière de ré-
paration d'bonneur. C'est dommage que celte générosité ait tout l'air de
demeurer un bruit de salon. Il eût suffl d'une mazurque dansée à De^
^mahire^ousê par sa grâce avec mistress Norton, pour réhabiliter par*
toutail.ears la petite-fllle de Sberidan. Mais tout ami qu'il soit du minis<^
1ère Melbourne, le noble duc aura réfléchi que le monde eicluslfda
Wêtt'EiÊd se compose de dix tories contre un whig. Il n'aura pas eu It
coorage de compromettre si gravement sa haute autorité fashiooable.
En Espagne , la guerre civile s'est un peu ranimée, devançant le rérefl
prochain de la guerre parlementaire. Il ne parait pas toutefois que le
retour de Cordova à l'armée ail amené jusqu'à présent la réussite des
savantes t ombinaisons stratégiques qu'il annonçait. Loin de là, ont dit
quelques correspondances, l'une des colonnes de Ylllaréal se serait portée
sur les Asturies à travers les Anglais et les chrisHnos. Cette évolution
Aït-elle rét^lle, le gouvernement de Madrid n'aurait pas à s'en effrayer
beaucoup. Ce ne serait encore là probablement qu'une de ces trouées té->
méraires, mais sans résultat, qui exercent depuis trois ans l'agilité des
troupes carlistes.
La nouvelle du désastre de Sauta -Anna n'est plus douteuse. Voilà
le Mexique sans président et son armée sans géuéral. Ce double échec
pourra faciliter promptement le triomphe de l'insurrection de Houston.
Le Texas se précipiterait vite alors daus les bras des Èiats-lJuis, dont
rhypocrite convoitise oe cherche depuis long-teuips qu'un prétexte
beonéte pour s'emparer de cette riche province. L'esclavage est chez
elle en suprême honneur; n'est-ce pas là un titre sufGsant et qui la rend
digne d'être agrégée d'emblée à la grande république fédérative? Ainsi
l'admission du Texas, une fois votée par le congrès, l'Union cesserait
même d'être également partagée entre les états à esclaves et les états qui
interdisent le trafic de la race noire. Les premiers gagneraient la majo-
rité; ils seraient quatorze contre treize. L'honorable conquête qu'aurait
ùûte la terre-modèle des pays et des hommes libres!
16.
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su RBTUB DBS DBI7X
Notre session législative a été définitivement close cette semaine. Li
chambre des pairs avait été le seul rouage de la machine oonstitutioQ-
nelle qui edt fonctionné durant la quinzaine. On a remarqué, sinon lei
rapides débats de ses dernières séances, au moins quelques-uns des dis-
cours prononcés par difTérens pairs, itf. Gautier a déploré vivement ft-
bligation qui contraint la chambre de voter sans discussion et à la bite,
chaque année, le monceau des budgets accumulés. Peut-être, en edct,
serait-il convenable que la pairie pût les vérifier à loisir. En tout tu,
elle doit comprendre qu*il ne s'agit pour elle que de les enregistrer pare-
ment et simplement. Nous imaginons que l'exemple de FAngleterre doit
faire autorité en matière de gouvernement représentatif. Eh bienl ca
Angleterre, les lords ont aussi le droit d-amender les lois de finance;
mais, de fait, jamais ils n'en usent. S'ils s'avisaient d*eu renvoyer ooei
la seconde chambre avec un seul chiffre altéré, leur amendement serait
soudain foulé aux fûeds par les communes. C'est pourquoi , tandis qu'elics
votaient dernièrement les résolutions du chancelier de Téchiquier, teo-
dant à diminuer le droit du timbre des journaux, chacun se disait:
a Enfin , voilà un bill contre lequel ne pourra rien la méchante volonté de
la pairie, b Le discours semi-diplomatique et semi-carliste de M. de
Noailles n'a guère paru qu'un pâle et lointain reflet de celui de M. le doc
de Fitz-Jamcs à la chambre des députés. On se serait peut-être ég^é
davantage aux dépens de M. Bigot de Morogues, à propos de sa boutade
obscurantiste, si elle n'eût été suggérée par des circonstances qui ne
donnaient nulle envie de rire. Le vote du budget de la guerre n*a pis,
bien entendu, soulevé sérieusement de nouveau la question d'Alger. Il
n'a été qu'une occasion de prouver encore que le gouvernement compreod
bien la volonté du pays, en voulant lui-même résolument le maintien et
la protection armée de notre colonie. Il n'est plus désormais permis d'ea
douter; Alger sera une France africaine, qui n'aura qu'à grandir et à
prospérer sous le regard de la mère- patrie.
La liste des nouveaux fonctionnaires, publiée mercredi, a semblé,»
premier aspect , quelque peu bigarrée. Les uns y ont trouvé de la gancbe;
les autres, du centre gauche ; ceux-ci, de la doctrine ; ceux-là, une légère
nuance de légitimisme. Nous ne serions point, pour notre part , disposés
à blâmer beaucoup ces sortes de mélanges. A moins qu'il ne s'agisse de
noms tout-àfait dévoués au gouvernement déchu, il n'est pas d'un mauvais
exemple que, dans le choix de ses délégués, l'administration consulte les hi-
mières des candidats plutôt que leuropiuion. L'admission aux emplois des
capacités diverses, indépendamment de leur manière de penser, pourrait
aider aussi à l'accomplissement si souhaitable de la réconc.Iiation générale
des partis. Parmi les nominations nouvelles, quelques-unes ne sont qoe
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REVUE. — CHRONIQUE. 245
des actes de justice et de réparatioo. Le choix le plus remarquable,
celui de M. Oufoure, montre qu*il D*y a plus d'exclusion inflexible , pas
même contre Fextréme gauche. C'est en effet de ce côté de la chambre
qu'est parti M. Dufaure pour arriver au conseil-d'éiat M. Dufaure,
ancien signataire du compte-rendu , est l'un des hommes parlemen-
taires dont l'influence a été le plus laborieusement acquise ; son débit
est terne, son argumentation serrée; il résume une discussion avec une
vigueur et une clarté remarquables , et enlève un vote de la chambre,
non pas par un de ces coups de tonnerre , une de ces éloquentes sorties
familières à M* Berryer ou à M. Dupin, maison échauffant graduelle-
ment son auditoire; on croit toujours en entendant M. Dufaure n'avoir
jamais le courage de l'écouter jusqu'au bout, et il est difficile de ne pas
partager à la Gn un avis si bien déduit. La nomination de M. Dufaure et
celle de M. Félix Real, sont deux loyales satisfactions données aux opi-
nions de la gauche modérée. Il faut espérer que l'on ne se bornera pas à des
témoignages d'estime envers les hommes, et que la presse aura bientôt
à constater d'autres améliorations qu'on est endroit d'attendre et d'exiger.
Nul mouvement ne se fera dans la diplomatie. M. Guizot n'a pas
plus sollicité l'ambassade de Londres qu'on n'a songé à la lui offrir : le
poste d'ailleurs n'est point vacant. Le général Sébastiani n'a pas la
moindre envie de l'abandonner, et il ne s'agit pas davantage de l'en re-
tirer. Sa santé, aujourd'hui rétablie, le rend, dit-on, très su flsant près
du cabinet de Saint-James. Il est du moins certain que notre ambas-
sadeur, qui vivait dans une profonde retraite l'an passé, a fait grande
figure durant toute la présente saison: il a ouvert ses salons au monde
fashionable, et donné des féics à Manchester-Square, qui ont rivalisé avec
les plus splendides routs du West-End.
— Un journal annonce qu'un de nos collaborateurs , M. Sainte-Beuve,
est sur les rangs pour la place vacante à la bibliothèque de Saintc-Geue-
Tiève. Ce bruit n'a aucun fondement.
— Les poésies de M. Jean Rcboul se recommandent elles-mêmes in-
dépendamment de l'intérêt qu'excite leur auteur. Un talent incontestable
s'y produit. Le vers est partout élégant, correct, harmonieux, bien
coupé. L*auteur sait tous les secrets de la nouvelle école; il les sait trop
bien peat-ôtre. Nous lui voudrions moins de savoir-faire et plus d'origi-
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MA REVW (Mi BBDX MâHBBS.
nalfté. rimagliie qiTil eût gafné à noios étndier let dkierws
46 MM. Hago et Lamartine. Il fût demearé davanta^ loi-meme, m
e*eAt été pour lai toat profit; car, Il faut bien le dire, dftos cette trea*
laine de movt^anx lyriqeei qQ'il nous donne, il n*y a rien ftbsolnment du
boulanger de Nîmes. Nous ne reconnaissons pas à un seul passage le paèie
ouvrier, le poète du peuple, et c'était le poète du peuple, le poète oé^
¥rier surtout que nous étions curieux de voir. Noos regrettons sincèr^-
ment que M. Reboni n'ait pas tiré de sa position tout le parti qu'il fNMi-
vaît. Plus il eût été simple, plus il nous eût dit son humble condition et
la lotte de sa mute contre le labeur de sa vie , plus il se fdt élevé , plasfl
eût grandi , pins il eût en de chance de se faire un grand nom à pirt,
rival peut-être de œui de Bnrns et de Hogg. Mais avec rmstrameflt
poétique quil possède, M. Heboul ne se doit point décourager. Qui
s'inspire de sa situation ! qn'H nous dise uniquement ses propres émiK
tlons, et non point celte des autres. Qui sait? Ne pourrait-il pasabn
devenir quelqae cbose comme le Bnrns de la France? Noos ne loi sooliii-
Cerions pas, qaant à nous, d'antre gloire.
-— M. Jules de Saint-Félix vient de publier un roman sous le titre db
Clèopûtre. Qu'on se rassure , ce roman n'est pas une réimpression de cela
de la Galprenède. Les Komafns de M. de Saint-Félix ne portent point te
justaucorps de buffle , les manchettes brodées et la longue épée des raf-
finés de la cour de Louis XHI; son€aton n'est point galant, sonBratos
n'est point dameret. Sa Cléopatre n'a jamais mis le pied à Thotel Ram-
bouillet; il hri faut les portiques de marbre et les écoles d'Alexandrie; H
lui faut pour amant ce gros soldat qui péchait des poissons tout cuits et
mangeait un sanglier à son repas. Ce roman de M. Saint-Félix est vrai-
ment une étude curieuse et qui mérite d'être lue avec quelque attention.
JLes erreurs de détail ne manquent point, mais l'ensemble est original et
vrai, le style a de l'ampleur et de la solennité.
— Les livres qui ont la bonne fortune d'une nouvelle édition , sont rares
aujourd'hui. Le Chemin de Traverse, de M.Jules Janin, est du petit doiD'
bre de ces livres que le public adopte. La troisième édition vient de pa-
raître entièrement refondue. Nous consacrerons prochainement un article
à l'auteur du Càemin de Traverse.
— La quatrième livraison de Richelieu, Mazarin, la Fronde ef le Règ»^
de Louis XtV, par M. Gapefigue, parait diez le libraire I>ofey. 0!*
éaxL volumes vont jusqu'à la mort de Maxarin. 1}ne grande curiosii^
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RCTOS. — CBRONIQUB. S47
Mfadie à celte pablîcation , qnl contient : 1* fliistofre municipale de
Ptris daraiit la fronde, d'après les documens de Hnôlel-de- rilte;
9* fliistoire provinciale et parlementaire de cette époqiTesi dramatique,
et par conséquent la fronde à Lyon , Marseille, Toulouse, Rouen, etc...;
STInstoire des métiers, confréries, associations industrielles, des pam-
phlets et de la littérature frondeuse; 4^ Tbistoire diplomatique des traités
deMnnster, Westplialie et des Pyrénées, d*après les pièces et documens
inédits.
— (^ Simon de George Sand , que nous avions donné dans la Kevue, a
reparu en un volume, il y a quelques jours, et il est déjà à sa seconde éili-
tion. Ainsi un premier succès se trouve confirmé par une nouvelle sanc-
tion de Topinion publique, qui , toujours impartiale et juste, répond à sa
manière aux absurdes pamphlets de la presse anglaise, si paternellement
et si amoureusement introduits par la Hevue Britannique dans le monde
partsien. Ce fait est important à constater, car il accuse un progrès réel
et incontestable dans cette grande masse du public, qui lit sans préven-
tion et juge arec équité. La donnée de Simon^ que tous nos lecteurs con-
naissent, est simple; l'auteur s*est placé entre les réalités les plus commu-
nes de la vie provinciale et les haol es régions de la poésie intérieure et de
rhoanenr fdéal. Nous avons tous connu maître Parquet, le vieil avocat de
province; nous avons dîné avec lui , nous avons ri de sa bonne et franche
gitpté, et si nous aA'ionsun procès dans son département, rous ne vou-
drions pas confier à d'autres mains qu*aux siennes la direction de nos
afTarres. Fiamma n'est pas précisément de sa famille; mais elle s*y est
sans peine acclimatée; et, trop fiere pour être vaine, elle n'a jamais fait
sentir è ces bonnes gens qu'elle n'était pas des leurs. Superbe , indépen-
dante, dédaigneuse des préjugés et des lois sociales, et quelque peu
parente, j'imagine, de la Sylvia de Jarqties^ elle est, comme elle, fille
delà montagne ; le soleil du Midi a échanffé son ame et bronzé sa peau.
Maftre Parqnet, c'est la vie positive, même un peu trop matérielle;
Fiamma, c'est l'idéal , c'est la poésie, la contemplation, le détachement
mondain . Mais commentées deux âmes étrangères, filles de patries si éloi-
gnées, se sont-elles rencontrées? et connnent à la première rencontre
ncse sont-elles pas à jamais séparées? Parqnet a un neveo , ce neveu
aime Fiamma, il en est aimé; Simon est donc le lien des deux natures;
c'est par lui qu'elles communiquent et qu'elles s'entendent. Avocat,
comme son oncle, il songe à l'avenir, il a besoin d'une carrière et feiiil-
fette le HitVelin dps Lot<. Voilà Phomme extérieur; mais Thomme inté-
rieur liabite ailleurs que dans l'étude; ses insli cts sont poétiques : Il
aime la solitude , il s'y délasse , il la cherché; c'etit là quMl a trouvé
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S4S RBVUB DES DEUX MONDES.
Fiamma. Ces deux âmes sœurs se sont bientôt reconnues , elles ne yenlest
plus se séparer; mais si l'idéal les unit, le positif les divise. De là des com-
bats, des larmes , des doutes , une longue attente ; mais les nobles insUodi
re(nporient , la victoire leur reste.
COMMERCE DE L'ILE DE CUBA.
Un économiste distingué, M. Ramond de la Sagra, auteur d'une his-
toire de rile de Cuba, vient de livrer à la publicité de nouveaux doco-
meus statistiques sur cette Ile (1) , dont il a le premier fait connaître tOQlc
l'importance. Nous lui empruntons les résultats suivans, qui démontre-
ront mieux que tous les raisonnemens l'intérêt qu'ont les métropoles
elles-mêmes aux développemens industriels et commerciaux de leon
colonies.
La prospérité croissante du commerce de l'tle de Cuba n'est pas doe
seulement au développement de son industrie agricole, mais bien phis
encore à l'ensemble des mesures protectrices et des réformes introduites
dans l'administration de la douane.
Une révision des tarifs était le premier besoin du commerce. Le gon-
vernement local , loin d'y chercher le moyen d'augmenter les recettes do
fisc, se montra uniquement préoccupé du désir d'accroître l'activité
commerciale, et, par suite, la prospérité du pays.
C'est en partant de cette base qu'il s'efforça d'appeler dans les ports
de rile la concurrence des divers pavillons étrangers, qui assuraient no
débouché aux récoltes, tout en conservant , d'ailleurs , au pavillon e^-
gnol les facilités d'écouler ses approvisionnemens particuliers.
Dans les premières années de l'époque que j'examine, dit l'auteur, le
nombre et l'activité des corsaires, sous le pavillon des nouve^iux étati
indépendans de l'ancienne Amérique espagnole, avaient tellement pan-
(i) Brève idea de la adminutraeion del eommhvîo y de las tentas ffostôt de
Jb ista de Cuhm, durante les annos de iS»6 a i8i4 , par D. BjtinoQ de laSasf*-
Parif, i836. .
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EEVUE. — CHRONIQUE. Si9
lysé les commanications maritimes entre la métropole et Ftle de Cuba ,
qae le gonvememeot de Madrid se vit forcé d'accorder des licences poar
rinirod action des produits espagnols sous pavillon étranger. Cette mesure
eût été un véritable arrêt de mort pour le pavillon espagnol , si lo gouver-
nement local de Tlle de Cuba n'eût mis en œuvre toutes ses ressources pour
en atténuer les inoonvéniens , soit au moyen d'escortes respectables qui^
pendant les années 1827, 1828 et 1829, protégèrent les bâtimens espa-
gnols, soit en réduisant à 3 pour 100 pour le pavillon espagnol le droit
d'entrée , que le pavillon étranger acquittait sur le pied de 24 et de 30
pour 100 y et même de 60 pour 100 lorsqu'il s'agissait de protéger le pla-
cement des farines espagnoles.
L'impulsion donnée à la navigation nationale par ces mesures fut telle,
qu'elle commença par affecter les ressources du trésor.
En 1826, les importations nationales directes étaient descendues à la
somme de ... , 409,353 pesos.
Et les exportations ne dépassaient pas 500,000
Dans la même année, l'importation générale n'excé-
dait pas 2,858,793 p. f.
- £d 1828, cette importation s'éleva à # . . • 4,523,302
En 1829, elle fut d'environ ^ 5,000,000
Le pavillon national, si rare en 1826, introduisit en 1830, en produits
e^Mignols de la Péninsule, une valeur de. •....•• . 3,224,268 p. t
Et exporta pour TE^pagne une valeur à peu près égale.
Le pavillon étranger^ à la même époque, n'introduisit plus, en produits
et la Péninsule, que pour emtiron . • . • • • 1,500,000 p. f.
en opérant un retour d'un peu plus de. ... • 750,000
Les progrès de l'industrie nationale continuèrent. En 1833, le com-
meree espagnol, sous pavillon espagnol, introduisit pour une valeur
de 3,134,071 p. f.
La navigation étrangère, en produits nationaux, se
trouva réduite à une introduction de • é ....••.• « 51,710
et à une exportation de ••...... • • 10,561
En 1834, l'importation sous pavillon espagnol fut de. • 3,407,094 p. f.
Celle provenant de la métropole, sous pavillon étran-
ger, de. ... • . 5,393
U faut avouer que, parmi les mesures citées par l'auteur oomme ayant
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2!M EETUK ABS IMSUX MONUES.
contribué à la profl|iérité réceote de la Hafane , il en est qui témoii^Mat
encore bien plus de l'ignorance profonde de Tamcienne administratki
que des progrès de la nouTelle» telles que Texisience d'anciens droiuii
83 lj2 pour 100 pour rimportation et de 17 pour 106 sur l'eairaciiia
des sucres; telles encore les entraves lisealea mises aux transactioiis <ii
commeroe intérieur de l'Ile ou à la {réqueniaiioD des perla , autres qsi
ceux de la Havane et de Saiot- Yago , ièrinés au eomnaerce extérksr
jusqu'en 1826.
Parmi les améliorât ions qu'il signale se trouve comprise la rédnctiai
du droit sur les sucres à la sortie , qui , de 17 peur 106, sur une èvalni-
tion de 16 réaux l'ârrobe, n'est plus que de 3 réaux (i titre d'impit
municipal) sous pavillon espagnol , et de 4 réaux sobs pavillon étrav^er.
La valeur ofGrielle, servant à la perception de cet impOt, a été réduite
de 16 réaux successivement à 12, à 8 et à 7, alors que le prix véoai
est moBtéde 8 réaux l'arrobe à 16 réaux (1) et au-delà. On a égalenrot
exempté de tout droit de tonnage le&bàtimens entrant etsorta^ sur kH;
la réduction au droit de tonnage est de 20 réaux à 12 réaux par tonneaa
de marchandises, en faveur du pavillon étranger. Une prime de 2 pesoi
est accordée par sortie d'un tonoeau de mélasse sous pavillon étraogec
D'heureuses réformes opérées dans les di0èrentes braocbea de l'ad-
nistration concoururent, avec les modifications apportées au système dei
douanes, à produire une augmentation de recettes, telle que, de 1825 à
Mi<i,lepfltncipBl revenu puUies*élevade3,826^ô&2 p.Là 4,2B4,S28p.f.
En i82f7, il était-de. 5,255,860
Ainsi, en deux années seulement, il y avait une aug-
mentation de I,629,aû8
D'autres branches de revenu donnèrent également de notables aogas»-
tationa, en aorte qu'en trois années, de 1826è 1828, l'augmentation totali
des recettes sur celles de 1825 fut de 6,957,832 p. f.
La progression ne s'est point arrêtée là.
le moavement général da commerce maritime fut.
En 1826, de 28,735,522 p. L
En 4827, de ... • 31,639,047
En 1828, de 32,649,285
(i) En i835, le sucre de la Havane s*ett élevé jusqu'au prix de 9 donrof (aoit
lo francs rairobe] en sucre dit qmefraJo, c*esi à-dire moitié terré et meitièbral.
n faut m chercher U rtisott daas les d'unies que le bill d*éaianei^tioa a fut i
flir ks produits .iUtéci«ar».d«f f Imlaiions bftlanDJqma^
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REm. — CHMiif«a» mt
Les années 1820 et 1830 se tinrent à peu près à ce ni*
Teau ; 1831 et 1832 éprouvèrent quelques réductions ;
1833 remonta au niveau de 1830.
Bn 1834, le mouvemeot commereial s'est élevé à. . . 33,051,255 p. f.
Dans ces dernières années, dit Tauteur, le comaidree maritime de l'île
doit ôtxe estimé sur le pied d'une importation de. . . , 19,000,000 p. f»
et d'une eiportation de 14,000,000
dont la vatear réelle est de plus de 20 millions, ainsi qu'il l'observe,
puisque celte évaluation Qst celle du tarif officiel, inférieur aujourd'hui
pour le socre de beaucoup plus ée moitié à la valeur vénale de celte
4enré«.
Son résumé des exportations de 1834 entre dans le détail ci-après :
Sucre, — 8,408,231 arrobes.
Café, — l,8n,315 (en 1833, 2,500,000 arrobes )•
Miel , — 104,213 boucanis,
ions parler des antres produits dont rexportation eroissante est prouvé»
par Teiemple ci'^après :
Tabac en feuilles exporté en 1828 70,000 arrobes;
en 1830 160,000
Quant an tabac travaillé (cigares et râpé), Texportslion s'est acccrue^
de 1828 à 1834, de 210,000 livres à 616,020 livres; ce qui pron^
qu'abstraction faite de l'énorme consommation locale de ce produit, la
culture en a triplé dans l'espace de six années.
Sous le régime de la ferme, et à l'époque la plus florissante de ce ré-
gime, la fabrique de la Havane n'exporta jamais plus de 110,000 arrobes
par an de tabac en poudre ou en feuilles.
Cette riche culture est susceptible d'un accroissement incalculable
(le septième seulement de l'Ile de Cuba est en culture] , en l'associant à un
sage système de colouisatiou blanche, si nécessaire aujourd'hui à l'Ile de
Cuba pour sa sécurité présente et sa prospérité future. C'est an gouver»
nemeot de couvrir ce système de sa protection diF«cte et^'une coopéra-
tion efficace. Il en résultera de grandes améliorations dans l'état de
Fagriculture , et ce résultat peut seul résoudre les questions aussi con-
troversées que mal posées de la culture confiée à une population libre.
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S32 EETIS HBS DEUX aOHDBS.
REVENUS ET DÉPENSES PUBLIQUES.
Eq 1825, le revenu de Vt\e s^élevait à la somme de. . 5,729,198 p. f.
Ed 1826, après les réformes de son tarif et de ses
autres impôts, à celle de 7,097,986
En 1827, ce revenu s*élèva è 8,460,974
En 1828, — — — à. ... • 9,086,407
En 1829, — — — à 9,142,612
Le revenu des années suivantes s'est toajours maintenu
à peu près sur le pied de 9,000,000
L'intendance de la Havane proprement dite et la sub-
déiégation de Matauzas entrent dans celte somme
pour » • • • 7,000,000p.f.
Ce résultat fut obtenu par une simplification et une réduction des ta-
rifs qui augmentèrent l'importance du mouvement commercial et de k
tonsommation intérieure. On a déjà vu quel accroissement avait pris il
production du tabac Cet accroissement date de l'époque de la suppressioa
des impôts qui grevaient spécialement cette culture»
Don Ramonde laSagra rappelle ici les proportions des diverses aooroes
de revenu public de Cuba, telles qu'il les avait déjà établies dans son grand
ouvrage statistique :
67 2|3 p. 100. Fournis par le commerce maritime, c'esU
à-dire les tarife de douane et les droits
de navigation;
24 1(2 — Contributions territoriales;
2 2|3 — Retenues sur le traitement des fonc-
tionnaires;
t 2(3 — Retenues exercées sur les rentes et re-
venus ecclésiastiques;
8 1|2 — Droits divers.
TOTAt . . 100
En 1834, les droits d'entrée donnèrent 4,405,314 p. f.
Les droits de sortie 692,974
En partant de la base des valeurs officielles , l'importation se
trouve ainsi chargée, sur toutes provenances, d'un droit moyen d'en-
▼iroo , u p. 100
Et l'exportation d'un droit moyen de 4 7(10 —
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EBTDB, — CBaONIQUI. 255
Dans rhistoire statistique de 1*lle de Cuba, écrite en 1831, l'auteur es-
timait le produit net de Tagriculture et de l'industrie locale è la somme
de 32,808,622 p. f.;
supportant un impôt de 5 p. 100.
Aujourd'hui que les produits annuels se sont accrus et que l'impôt a
éprouvé des réductions, le fardeau fiscal ne peut être estimé au-dessus
de 3 p. 100.
L'auteur avait également calculé en 1831 que la consommation de l'Ile
de Coba , tant en prodoits locaux qu'en produits étrangers à sou sol, pou-
vait s*étever à une valeur de. • . • 53,326,406 p. f.
L'auteur fait ici un Calcul d*oà il condut que Fimpôt général ne s'élève
pas au-delà du sixième de la valeur des consommations; mais, d'un autre
côté, il parait que dans ce calcul ne figurent, bien qu'étant à la cliarge
delà colonie, ni les frais d'eutretien du clergé, ni les frais de la corres-
pondance maritime (celle-ci doit rapiiorter), ni les produits delà loterie,
ni les taxes municipales, ni certaines charges attachées à certaines pro-
priétés.
De 1825 à la moitié de 1828, les caisses de la Havane fournirent à l'en-
tretien de Tescadre près de 4,000,000 p. f ., et en outre remirent à la
Péninsule plus de 2,500,000 p. f. : on se trouvait alors menacé d'une dé-
pense annuelle de près de 10,000,000 p. f.
Pour y faire face sans recourir à de nouveaux impôts, on fit de
grandes réformes administratives, et on réduisit les frais de perception à
305,053 p. f., c'est-à-dire à 3 3i4 pour 100 du total des contributions.
En 1829, l'entrée en caisse de la Havane fut de. . . . 7,115,788 p. f.
Mais l'escadre absorba près de 1,500,000
Les traites de la métropole plus de 500,000
La solde des troupes 2,136,714
Enfin les frais de la légation des États-Unis, habituellement défrayée
par le trésor de Cuba, et les dépenses des autres intendances portèrent
le total de la dépense à 9,140,550 p. f.
Dont le service de terre absorba. • . 40 pour 100
L'escadre 17 li4
L'administration civile et autres dé-
penses locales 11 ll4
L'auteur ne spécifie pas remploi du surplus.
En 1830, les dépenses générales de l'Ile s'élevèrent à. . 8,838,214 p. f.
Dont l'escadre et la garnison absorbèrent. • 5,385,826
L'année 1830 termina la période quinquennale de la nouvelle admi-
i^stration, qui ne put réussir à faire face à ses dépenses extraordinaires,
68 1(2 poor 100
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SSS RBVUB DES DBVX MOflDBS.
qu'en raifon de raogmeotailon de 14,444,180 p. f. que les imp^ de
mttt période produisirent par comparaison avec la période de 1821 à
i9S&.
Dans les années suivantes, la réduction des forces navales et des troopes
tfetCinées auparavant à des expéditions en terre ferme permit d'appliquer
«ae partie du revenu public à des dépenses locales commandées par k$
besoins du pays.
£o 1831, le trésor de File remit à la métropole 176,929 p.L
En 1832 339,450
En 1833 823,270
Il existe en outre à la banque d'escompte une réserve de 1,300,000 p. L
L'intendance de la Havane n*a rien épargné pour développer l'india-
Irie particulière, et son concours a été d'autant plus utile, que Ytipiit
d^association a fait peu de progrès dans Ttie de Cuba; Tautorité loctiea
dierché à Tencou rager par des avances.
C'est en partant de ce principe que l'intendance de la Havane a favorisé
rétablissement de paquebots correspondant avec la métropole, a secouru
rintendance de Porto-RIco, a fondé ia banque d'escompte, eia faitbeio-
coup d'autres avances selon le besoin des temps.
Entre les dépenses publiques, l'auteur cite encore et la fondation (fan
grand nombre d'écoles, la création d'un jardin botanique, les prinef et
aecours pour la culture de l'indigo et pour l'extension de celle do cacao,
l'élévation du vers à soie, l'introduction des meilleurs instrumens aratoires
et machines industrielles connues en Europe, la création d'un jooroal
destiné à la propagationdes découvertes utiles, celle d'un «mphiiMre
d'anatomie, d'un cours de clinique, celle d'une école navale, et beaucoup
d'autres dépenses faites en faveur du cabinet d'histoire naturelle de la
nétropole; la reeonsiruction de l'aocienae intendance, la eonsimctioe des
■Mgasins de la douane, celle des cafemes de Guanajay, de San Aatooie,
otBayamo; la vaste caserne de Maianzas et l'hdpital de la Charité da
même lieu; enfin des chemins et des ponts en grand nombre; riotrodoc-
tion des bateaux-dragues dans la baie de la Havane et le port de Matao-
Ms; nne conduite d'eau en fer destinée à fournir aux besoins de la nil^
et qui, à elle seule, mériterait à son auteur une renommée immortelie;
il faut encore ajouter le chemin de fer qui s'exécute en ce moment, da
ehef-lieu à la vallée de los Guiiies. o
Nous terminerons cette notice en donnant un tablean comparatif da
«ommeroe des pOfts dont l'entrée est permise*
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.— caaoïHQaB»
2»
[COMMBaCE DES PORTS DONT L'ENTREE EST PERMISB.
' NOMS DES PORTS.
ZMPOBTATIOVS
BXPOKTATIOV8.
TOTAL
tôt PISUt 9.
HabaoB .
13,374,343
1,151,851
1,278,597
195,515
702,255
32,191
112,111
42,845
67,805
9y609,«56
1,997,852
1,412,359
83,573
627,313
15,921
80,532
81.838
35,186
S2,9»(,201
3,149,703
2,690,955
279,088
1,329,568
48,112
192,643
124,683
102,991
Maianzas. . . ,
1 Cuba
Pac'to Principe
1 Trinidad • • . .
I Baracoa
' Manzanîilo. •••.•.••
1 Gibara
Jagua
IMPORTANCE DU COMMERCE DE CHAQUE NATION
COMMERÇANT AVEC L*1LB OE CUBA.
PAVILLONS.
RAPPORT
avec
LB COMMKRCB TOTAL.
BAPPORT
avw:
oimitikiM.
1 National
États-Uois
France. . . . •
115
1|3
1|15
1|9
1114
1|24
1|6
113
1|18
1|7
lie
1|10
Angleterre
1 Allemagne..
Pays - Bas
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396 RB10B HBS DEUX VOlfDBS.
Chaque individu de la population de 111e exporte
des produits de Ttle pour une valeur de. • . . 15 pesos. 0 réalo*
H reçoit des produits étrangers pour une valeur
de. 22 S
H consomme de ceux-ci pour 19 0
' Il en réexporte pour S S
Et il consomme des deux espèces de produits
pour 73 0
Ainsi y chez une population qui ne dépasse pas de beaucoup sept osot
mille âmes, parmi lesquelles on compte trois cent mille esclaves, le chiflire
de la consommation individuelle doit se calculer sur le pied de près de
400 francs; on peut juger par là combien la consommation des daseï
aisées, dans les diverses colonieS| doit être supérieure à celle des dasiei
analogues en Europe.
y. BULOZ.
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LE MAROC.
I.
AQantpar terre de Cadix à Gibraltar, je me trouvais Tannée
dernière à Tarifa , petite ville plus arabe qu'espagnole , célèbre
par ses voleurs, vrais Bédouins , et par ses belles femmes aux
yeux bleus et aux cheveux blonds, comme les Yalenciennes. As-
sise au point intermédiaire et le plus resserré du détroit, eUe
est à égale distance des deux mers et n'est séparée de TAfriquo
que par quelques lieues. C'est la ville la plus méridionale du con-
tinent européen. Une jetée naturelle, moitié sable et moitié roc,
forme un promontoire aigu à la pointe duquel une petite tie
drculaire est amarrée par un pont; sur cette île est bâti le châ-
teau qui, par sa position, ressemble un peu au château deVOEuf à
Naples. Sentinelle avancée de l'Europe, Tarifa, ville autrefois for-
tifiée, est là comme une vedette placée en observation par la civi-
lisation occidentale, afin de surveiller les mouvemens du monde
africain ; son nom rappelle ce Gusman-el-Bueno, le Junius Brutus
TOME vu* 17
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espagnol, qui aima mieux voir, du haut des remparts conGés i sa
garde, son jeune flls égorgé sous ses yeux, que de livrer la placée
rinfidèle. De tels noms méritent de figurer au livre d'or de l'ho-
manité.
J*étâis là me promenant sur la jetée, par une belle et frakdif
matinée du mois de mai ; le soleil illuminait TQcéaa et teignait (l*on
violet foncé le nuif niique tmplithéâtie des montagnes d* Afrique.
La ville de Tanger brilTail au pfed comme un point blanc. Lèvent
soufflait de Test et assez frais ; la mer d*un bleu ravissant était
grosse ; le détroit bouillonnait comme un large fleuve écumeoL
Malgré la morgue de notre patriotisme occidental, nous ne sau-
rions, nous autres enfans de l'Europe, aborder froidement une
autre partie du monde; c'est du moins ce que j'éprouvai, quasd
a veille j'avais tout d'un coup , et au sortir d'un bois de carrasm,
découvert pour la première fois la côte africaine.
Le cours de mon voyage ne me candhiisait pas en Afrique, mais
de là elle paraissait si belle et j'en étais si près que je fus tenté. Tan-
dis que je dévorais le rivage opposé d*un œ 1 de convoitise, j'aperçus
un faluchoy espèce de felouque à voile latine, mouillé au pied du châ-
teau. Cétait le courrier espagnol de Tanger ; il avait touché i
Tarifa pour y prendre le vice-consul d'Espagne qui se rendait i
son poste, et il levait l'ancre à l'instant même. La tentation était
trop forte, j'y succombai, et me voiià voguant veca l'Afeiiiue.
Deux heures après j'étais dans la baie de Tanger*
Un voyage prémédité perd tout le charme de l'impiéYu; on s'y
préparc d'ordinaire par des informaiions. oirales et par des kcta-
res; cest une méthode détestable^ et qai tue la spontanéité des
impressions; même avant k départ^ les sens sont émott3sés;oB
bien, et c'est pis encore, le spectacle de la réalité £ait regretlcr
les rêves brillans de la fantaîeie. Ici, grâce à Bieu^ je n'avais i
craindre ni désenchantement, ni mécompte : j'abordais l'inconaD
les yeux fermés; j'ignorais si complètement la topographie de res-
pire marocain, que j'avais tenu jusque-là Tang^ pocur un préside
espagnol, comme Ceuta. Une circon^ance prolongea mon erreff
jivqu'au port : d'aussi Imn qne je pus discerner lesobjets de la o6l«,
je vis le pavOIon espagnol flotter sur l'édifice le plus apparent de h
ville-; onponvsnt le prendre pcMir un signe de possession; c'éliîtk
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patviHondnoôBmild'Espagne, qoîi^poiHiaita» signal da courrier et
lui souhaitait la bien- venue : usage touchant dont on ne sentladou*
ceur qu*après avoir mis le pied sur ces terres barbares ; c'est comme
UB Mrremem de main ft-aterBel sur le rivage de FeiîL Une jfbis en
rade ledistingiiaî le oistsnie arabe des marms du pwt, et nés yeux
oefluneauèrent i se desdiler. Use altercation survenue entre les
gSBs de Féqoipage et quelques HwreB qui étateoM à bord du /a-
lucko acbefa de me tes otfvnr^^asequapellaitsiirleprixdupas*
sage, et les Maures avaîeiit le vwbe si haut, malgré leur mauvais
espagBcri, Ms IraitaîMH les cbrétiess de kulr^me^ et d*ewéwtero8
d'uae Tx>ix si hardie et si ralentissante , que je me dis à paît moi :
Ges^sa»^ sMt évidemment (Àm eux. Us y étaient en eÂfét , Ss le
siHtaiem, et pins les Espagnols lonrmieiit à la coMahatioa, plus
les Usures devenaieMt arrogans. Âmsi, en deux heures j'avafa passé
comme par enchantement du monde européen sm «KMule wien*
taly de Tempire de Jésus-Christ à l'empire de Mahomet.
La transition était brusque, et je contemplai d'un œil émerveillé
et tout-à-fait dépaysé les tatdeaux du rivage. L'aspect de Tanger
vu de la mer est bien celui d'une ville moresque telle que je me la
refM*éseiitais. 'Des UMaseas blan^es jetées péle*mâle sur la crête et
aox flancs d'une ooUkie; un minaret kûsaot et carré; des OMiraiBes
crénelées 9 des canons de £er entre les créneaux , des turbaM par-
dessus les canons ; un drapeau rouge, une plage aride, une mer
superbe, le tableau est tout fait. Mais quelque diose en détruit
l'originalité : ce sent les palais des ooasub européens qui écrasent
de leur lui» la ville afrieafaie ; celui d'Espagne, entre autres, a l'air
d'une forteresse et domine tout ce qui l'eatoure.
0 ne me fut pas iacSede prendre terre. Nid étranger ne peut
mettre le pied dans Tonpire de Maroc, sans rautorisation expresse
du sultan ou des oAiciers qui le représentent. Or cette autorisa-
tion se faisait attendre» la mer était grosse , je souffrais à lM»rd,
je per^ patteace : sautant de force du faiuchQ dans le canot,
je me fia conduire à terre à mes risques et périls» malgré les quinae
ou vingt canons braqués sur les murulles ; ils ne tonnèrent
point contre amI, faute de discipMne sans doute, et aussi de ca-
nonniers. Entrant dans l'eau jusqu'à la ceinture pour venir à ma
rencontre, un marin maure de six pieds de haut et à demi nu, me
chargea rigoureusement sur ses épaules pour débarquer. Allah
17.
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260 RETUB hES DEUX MONDES.
est grand et Mahomet est son prophète ! Dieu des chrétieiiSy proté-
gez-moi I
Je fus à Tins tant environné d*un peuple de matelots nus ou peu
s'en faut y qui me toisaient de la tète aux pieds d'un air farouche,
échangeaient entre eux des vociférations gutturales peu pro-
pres à me rassurer. Seul sur la grève infidèle , je ne savais trop
quelle contenance faire au milieu de ce troupeau sauvage dont le
berger me contemplait de loin, d'un œil tout aussi peu hospitalier.
Ce berger est le capitaine du port, Raïs-eUMarsa , Tun des hauts di-
gnitaires de la ville de Tanger. D était accroupi à l'écart sur une
natte de jonc, occupé sans doute à méditer dans sa barbe blanche
sur l'audacieuse infraction dont je venais de me rendre coupable
contre les lois de l'empire en débarquant sans licence; j'ai su de-
puis qu'il attendait mon cadeau.
Car on a beau prier et lever son chapeau.
On n'entre point chez lui sans graisser le marteau.
Comme j'étais là dans l'expectative, sans trucheman pour me
faire entendre et sans rien comprendre moi-même, un jeune Juif
vêtu du noir soulam^ comme ils le sont tous, perça la foule et
vint droit à moi. H m'adressa la parole en français, et jamais musi-
que ne fut plus douce à mon oreille. C'était un interprète du con-
sulat de France ; le consul, informé de mon arrivée, l'envoyait pour
me recevoir , en attendant qu'il vint lui-même avec la licence do
katd ou gouverneur. Le drogman me tira des mains des Philistins
et me conduisit dans une espèce de hangar où les nouveaux dé-
barqués font antichambre ; ce hangar est à c6té de la douane, dont
le chef, Amîn (1), autre grand fonctionnaire de Tanger, était ac-
croupi sur sa natte, au milieu d'une vingtaine de soldats indolens;
autant de longues escopettes de sept pieds étaient accrochées i la
muraille comme à un râtelier. La vue de ce corps-de-garde me
reporta à celui que M. Decamps avait exposé au salon l'année pré-
cédente, et qui dès-lors m'avait frappé comme par pressentiaient.
(f) VÀndn est à la fois administrateur des rentes, intendant des finances, pereeptesr
des Impôts, payeur provincial et directeur des douanes.
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LE MAROC. 3S1
Le chef de la douane, beau yieiflard septuagénaire, portait avec
dignité son grand haïk blanc et son turban de mousseline, sur-
monté de la calotte rouge. Je remarquai qu*il fumait seul ; Tusage
de la pipe est loin d'être aussi général au Maroc que chez les Turcs.
Le vieux renard me lorgnait du coin de l'œil, comme s'il eût craint
que je ne dérobasse à sa surveillance quelque trésor précieux.
Cependant il se montra plus poli que ne le sont nos douanes civili-
sées; fl ne me Gt point subir de visite, et procéda comme le vieux
botaniste de Goethe, oculis non manibus. L'inspection du reste eût
été fecile et bientôt faite : mon mince bagage de voyageur m'avait
précédé par mer de Cadix à Gibraltar, et je m'étais embarqué à
Tarifa comme je m'y trouvais, c'est-à-dire plus qu'à la légère et la
bourse assez plate. La perspective d'être volé fait qu en Espagne
on ne porte sur soi , d'une ville à l'autre, que tout juste ce qu'il
faut d'argent pour le voyage; si l'on change ses plans en route, en
est souvent embarrassé.
Notre consul, M. Méchain, qui est en même temps chargé d'affai-
res, ne tarda pas à venir me joindre sous le hangar où j'étais pri-
sonnier, et me tira de captivité. Si j'avais attendu pour débarquer
l'autorisation du kaîd , j'aurais attendu long-temps , car il était à la
campagne et n'en devait revenir que le soir. Le consul m'introduisit
dans la ville sous sa propre responsabilité. Je ne saurais assez me
louer des procédés de M. Méchain. Je tombais là du ciel , seul , assez
mal éqoipé, et peut-être même un peu suspect; il ne m'en fit pas
moins bon accueil, et durant tout mon séjour il poussa l'hospitalité
aussi loin qu'elle peut aller. Ma bourse épuisée, et elle le fut bientôt
sur cette terre d'autant plus avide qu'elle est plus misérable, il
m'ouvrit la sienne, sans autre garantie que l'honneur d'un inconnu ,
oiseau de passage qu'il voyait pour la première fois. Les voyageurs
sentiront le prix d'un tel service.
Si Tanger n'est plus un préside européen , il l'a été jusque vers la
fin du XVII* siècle , époque où il fut abandonné par les Anglais , qui
le tenaient des Portugais. Ds eurent soin, en se retirant, de ruiner le
môle, qui depuis n'a jamais été relevé, ce qui rend le mouillage peu
sûr contre les vents d'ouest. Protégé de l'autre côté par la pointe
de Malabatte, en arabe Aa«-e/-ilfefiar(capdu phare), il l'est beaucoup
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9âi RBTUE DBS MA MONDES.
pies €6fltre les vents moins dangereux de Test. A« départ desia-
glaisy Tanger rentra sohs Tobéissance des sultans du Maroc, et 7
est resté. Cest une yille de neof à dix mille babitans, dom un da»
qméme à pen près est composé de Juife. Les Joifs n y sont pas ren-
fermés, comme ailleurs, dans un quartier à part; ils sont libres et
Tirent confondus arec la population maure. Ds ne se distâigaeiit
d*elle que par le vêtement; toutes les couleurs vires leur saut
interdites; ils sont condamnés au notr, en signe d*opprobre etds
servitude. En Espagne, ils étaient condamnés au jaune; ils neit
fait que changer de fivrée, ils n*ont pas changé de cofiditk>n; et li
les musulmans ne les brûlent pas, ils les abreuvent d'outrages.
La première chose que je vis en entrant dans la ville infidèle M
un petit Maure de neuf à dix ans qui tirait par sa barbe Manches
vieux Juif bien humble et bien résigné; et comme le fils d'Isnél
n'Atait pas assez vite ses babouches en passant devant la mosqoée,
un soldat lui alongea un coup de pied sans se déranger de son che-
min, et une vieille femme souleva son voile pour liu eracher ta
visage. Le pauvre Hébreu souffrait tons ces mépris sans miinirare;
la moindre velléité de résistance pouvait lui coûter la vie ; on Fav»
rait assommé sous le bftton. Il s*échappa à travers un dédale <k
petites rues étroites et tortueuses, et mit ainsi fin à sa perséculioa^
Encore dut-il s'estimer heureux de s'en être tiré à si bon marcM;
il s'en fallut de quelques minutes à peine qu'il ne tombfti au anlea
d'une procession de lemàoncha ou Hamdoucha, et alors c'eût été
bien pis : le malheureux courait risque d'être massacré. Les lei»-
doucha suivent la loi de lemadscha; ils forment une secte poa»
santé et la plus redoutée peut-être de tout l'empire. Le ha*
sard me servait bien en me les faisant rencontrer dès le début,
quoique la rencontre ne soit jamais sans danger. On ne peut rien is
figurer de plus sauvage. Le chef, en maure mukaddeni, était «a
grand vieillard enveloppé tout entier dans un vaste haïk. 11 mon-
tait un cheval blanc et portait un étendard à la main, comme les
hermandades espagnoles, qui n*ont peut-être pas d'autre origine; 3
affectait une majestueuse nnmobtlité , tandis que 8e8 suivans, à pied
et demi-nus, exécutaient au son de la musette [aguat) et du tam-
bour (ttbel (1)) des danses ou phitAt des trépignemens de possédés.
M Mtaeuetemeatleèiiiêfiéilttitrcmeiisdaiif feroy&ii^ titUUkt
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Rangés an^oir du «nkaddeoi, et te t4t0 C0ttrb4f m avant ju«^
ga'aux jambea «if 9oa cheval, i}« s'abandoAaaiaiU, avac une furem*
qui alÛc jos^n^au vertige» aux mo^veiaew les plus boarres, et
toal leur ooi?ps se tordait en ceAtorsioas fo éoétiques* Au lieu d^
kfi ealmer, la auieique ne feiaait que les exciter, eo piiécipitaut la
Qiasare, et le peuple les aaioiaît enecH-e par aes oris.
Dans cet état ^'irritation, les lemdoucha devienseul féroces* Os
se jettent sur les animaux; ils les déchirent avec les dents et les
^es, et les aiangeat ainsi crus et sanglaos. J'en « vu dépecer
ds eette manière un mouton ; oa en a vu dévorer jusqu^à des àoea.
Cestli du reste lewr spéeiafité et leur auperstitiou particulière. U$
se vantent en outre» nouveaux Psyles et 61a peut-être des ancieua,
de touckM^ iavpunéiaei^ & to«s les poisons, et ils jouent sur les placent
pabliques avec des serpens. A défaut d'animaux, ils se ruent queV
qoefois sur les Jiuifs, pour lesquels ils sont, w le conçdt, un oki^
d'épouvante ; le pevqde d'Israël se cadie en tremblant, à la pre^
mière note de la formidable musette. U n'est pas prudent non plus
poor les chrétiens de se trouver sur le passa|;c de ces forcenés, et
ea les évke soigneusement. Leur rage est quelquefois telle qu'op
estoU^é de leur f«re une baie de deux rangs de soldats pour lee
contenir. H parait que toute cette fureur carnassière est jouée, eC
les esprits forts parlent dea lemdoucha cooune d'une secte qui
exploite par ces simagrées effroyables la crédulité du peuple.
Quoi qu'il ea scHt, Ss sont en grande vénération; et pressée autour
du mukaddem toujours impassible et muet, la population lui baisait
reKgieuseaient le g^AOu. n faisait, ce jour-là, son entrée & Tanger;
le soir il y eut de nouvelles processions aux flambeaux et foro^
coups de fusils» comme aux processions espagnoles.
Ces sectes ou confréries sont nombreuses m Maroci je ne sa%*
fais (fire en <pioi eUes diffèrent. J'ai vu une procession d'Àimout^
sectataura de Sidi Ben-Am; ils m'ont paru naoina féroces que
les lemdoucha, et on dît les GUala plus doux encore. Les Aîsaoua
ont un vaste sanctuaire à Fez; c'est la maison centrale de la
communauté; vers le mois de juillc^t» ils se rendent par grandes
tfipMli $mkaié. AiaatkMtaàHiûeflkM^, lUIs la BWNite MtNtanM as bomm
ekaramita. Peat-étre les orientalistes lui troaveroat-Us qœlqaa éljnMtogie araba qn»
Hffoea» Je afiwiiiae m pamat qna^laipfcteaet lafflMtd tawJbâarg la petit amurtaii la
■*ippeUe haUa,
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264 REVUE DES DEUX MONDES.
troupes dans la province méridionale de Sous; ils y font pro-
vision de serpensy et se répandent de là dans toutes les parties
de Tempire. Une quatrième secte, celle des Ahmaicha, a des attribats i
que j'ignore, et les Derkaoua sont des espèces de déistes qui coq-
rent les villes et les campagnes, habillés en arlequins. La déro-
tion des Gdèles se traduit en offrandes de toute espèce; les riches
apportent de l'argent, les pauvres des dons en nature.
A cAté de ces saintetés collectives, il y en a de solitaires, cesoat
les santons, sorte d'ermites qui vivent au désert et quelquefofa
dans les villes, mais seuls et à l'écart, n y en a de trois espèces: les
fous ou idiots, qui sont en grande vénération chez les Maures el
tenus pour saints (1) ; les fanatiques de bonne foi, et les imposteurs
comme partout. Tout leur est permis , et ils peuvent se passer im-
punément leurs caprices. Une nouvelle mariée, s'en revenant de h
mosquée, traversait la place de Tanger ; un santon s'approche d'eDe
et s'en empare; le mari, spectateur de l'événement, dut se tenir
pour très honoré: sa femme était béatifiée. Un autre santon fît son
choix dans un essaim de jeunes filles qui revenaient du bain;i(
tomba par hasard sur la plus belle, et très flattée de la préféreDoe,
la victime si brutalement immolée reçut les félicitations de ses
compagnes et de sa famille. Il parait qu'il y a aussi des santons
femelles : on en cite une qui avait dévoué sa beauté au service des
passans. La sainte courtisane tenait son mystique boudoir sor b
route de Saffi(2)I
Je rencontrais tous les jours à Tanger un vieu'x santon (cdoi-
là était imbécille] , qui courait les rues ses babouches à la main
en poussant des hurlemens féroces; ses poumons résistaient i
ce métier depuis vingt ans. Attirée par ses horribles cris, lapopo-
lation accourait, les femmes surtout, et elles baisaient cette main
sale et décharnée avec une piété fervente. Quand elles manquaient
la main, elles baisaient la robe. Leur action avait d'autant plm
(1) La même superstition s'attache aux crétins du Valais. On félicite la maison oàl
en nait, et il n'en naît que trop; cela doit lui porter bonheur. 11 y a quelque clMsede
touchant dans ce préjugé populaire , qui prend sous sa protecUon les êtres maltraités pv
la niture. Ce n'est au fond que de la charité. ' l
(t) En Justice le témoignage d'une sainte compte comme celai d'un homme, tandis^ |y
pour les simples morteUes, 11 en fitut six à sept pour faire on témoin.
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LB KÀROG. 265
de mérite qu'elles Texécataient presque au péril de leur vie, car
rkliot faisait le moulinet avec un long bâton, et malheur aux
têtes qu'il atteignait I Cependant il frappait de préférence les robes
noires, c'estrà-dire les Juifs; c'était chez cette béte fauve une
affaire d'instinct. Moi-même , un jour, je faillis être frappé en
descendant l'escalier du consulat de Suéde; mais le coup qui ne
m*était pas destiné, ne Gt que m'efDeurer et alla droit à son
adresse, c*est-i-dire sur la tête d'un enfant d'Israël. Je ne sais
quel blasphème la douleur arracha au patient, mais je le vis saisir
et tratner devant la boutique du muhtesibj chef de la police; pour
lui guérir la tête, on lui administra cinquante coups de courroie
sous la plante des pieds. J'eus le regret d'apprendre trop tard
qu'avec quelques onces (1) , j'aurais pu sauver du knout le pauvre
Hébreu.
Ce santon bâtonnier est le même, j'imagine, qui s'attaqua, il y a
environ quinze ans, au consul de France, lequel était alors
M. Sourdeau ; terrassé en pleine rue d'un coup de bâton sur la
tête, le consul demanda satisfaction à Muley-Suleiman qui régnait
encore, et exigea que le coupable lui fût livré aGn de venger sur
lui cet outrage au droit des gens. Le sultan répondit au consul
par une lettre restée célèbre dans le corps consulaire; en voici la
traduction :
ff Au nom de Dieu clément et miséricordieux. D n'y a ni puis-
sance, ni force, sinon avec Dieu très haut, très grand, ameni
Consul de la nation française, Sourdeau ! salut à qui marche dan?
le droit sentier I Comme tu es notre hôte, sous notre protection, et
consul d*une grande nation dans notre empire, nous ne te pou-
vons souhaiter que la plus haute considération et les plus sublimes
honneurs. Tu comprendras, par là, que ce qui t'est arrivé nous a
paru intolérable, quand bien même c'eût été par la faute du plus
cher de nos fils et amis. Quoiqu'on ne puisse faire obstacle aux
décrets de la divine Providence, il ne peut nous être agréable
qu*un semblable traitement soit fait, même au plus vil des hommes,
pas même aux bêtes; et certainement nous ne manquerons pas.
Dieu voulant, d'en faire sévère justice. Toutefois, vous autres
(f) L'once du Maroc est une mauvaise petite monnaie d*argent, mal frappée et toute
taUlftdée» qui vaut 35 centimes. 11 ne jEaut donc pas la confondre avec Tonce espagnole,
qui vaut S4 Drancs.
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mO BBYUE DBS mKji kOMDBS.
fjhrédéàs, Hf(m atezle coètir evràf à k p9A6, et t6«s «les M»
^àUens Mt Injare», i FeÉéiliple dé rotré proj^èM i(tte Biet lil
èii ^oilré, ft^tt^, fils de liane, lelq«èi, daA^ te liVire ^H vMflip-
poiia an noih de tHeti, Votiâ àMtoaAdé , si qticl[}ii*ifn v^as frâfpe
ÈfOLT tme jôue, de pirésenler ràutre. Lui-lî^éftie, que Diai bé&îae
êtertieDeittdiit, ne se défendit point quand tes Jnifis tiàrem pour fc
tner, et c'c* ptmrqnoi Wen le retira à !ni. Dais notre livre, 9 M
dH pat la boncfae ùt Autre pt'ophètè que nni penpte ne se rappiv-
clrera plus des rrais croyans dans la diaritèqne ceta ^ri dbétt :
Motis Sommes chi^éHens ; et cela est très vrai, poisqn*!! y a pinA
tfùx des prêtres et saints honnnes qni ne s'enflent point d'orgid.
Kotre prophète nos(s dit encore qu'il est trois sortes de peMiflÉ»
doint il ne fknt pàintfmpnter à crime les actions, savoir : llftsené
jusqu'à ce que le bon sens lui revienne, le petit enfant, et riiaimiiê
qui tlort. Maintenant cet boÉime qui t*a outragé est insensé et il
ti*a pas de jugement. Cependant nous avons décrété que jnsdoèle
toit feite de son ttrtné. Si pourtant tu lui pardonnes, tu fer»
tMvre dtiomme magnanime et tu seras récompensé par le très
tiriséricordieux. Mais si tù veux absolument que justice te soit
Cïite dans ce monde, cela sera en ton pouvoir, afin que personne
^ans notre empire ne craigne ni injustice, m voies de fah; «fec
l'aide de Dieu, etc. Le 12 djumàdWl-Uam 1235 de Fhégire (28 flttrs
1820). »
Que pouvait le consul après un sermon si adroitement magiB-
nime? D dut se rendre à la clémence sous peine de perdre le ton
chrétien dans Fesprit du barbare, et voilà comment, quinze ans
plus tard, le même bâton, conduit par la même meSn, m'eflMra
la tête au même lieu.
On parle, sur toute la côte de Barbarie, d'un consti angNs
Ireaucoup moins endurant, c'est delui de Tripoli. Un corsaii^ tri-
potitain était accusé d'avoir couru sur un bâtiment britanniqae;
rédamé par le cot^sul, il hfi fàt fivré ; en vain le malhetireux ôqpi-
taine affirmait-fl qaH s'était trompé de paviBon et qu'il avait ré-
paré son erreur atfssitôt quH l'aVait reconnue ; en vaSik M f^BODie
et ses enfens vttfrent-fis se jeter aut pieds du constd , l%ilèsUe
Breton fit impitoyablement pendre le coupable à la vergue de son
propre navire. Uactioa est durey mais peulrêtre était-dle nécei*
saire ; ces barbares ne connaissent d'autre frein que te
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LE MAROC. 'WT
D parak, poor en revenir à Suleiman, que 8*flaTaît des imfmm
de perMaaioo sur lee oonsub, il n'en avait pas de moina puissaw
aor levure moitiéa. Un conaul seirouvant i Fez avec sa tenme, qv
était jeniie et jolie; le sultan leur fit en personne les hmnenrs do
son pakûs avec «me courtoise tout-i-fait chevaleresque. BientAt on
s'aperçut que madame la coasule était restée en arriére , elle s*étidt
sans doute oubliée dans quelque appartement du harem; mais le
èasard voulut que sa miyesté marocaine eût disparu en oiéme temps.
Labs^K» se pr<dongea, et quelle qu'en fût la cause, le ooiqde
égaré reparut ensemble ; la belle étrangère avait au cou un riche
oolier de perles. Du reste, Suleîman se piquait peu d'orthodcoûe eo
feit d'amour ; en même temps qu'il passait des colliers au oou des
chrélieunesy il rendait hommage à la beauté des filles d'Israël. D se
trouvait i Tanger en 1821 ; deux jeunes Hébreux se présentèrent
devant loi pour vider un différend assez bizarre : ils étaient amou»
reux de la même femme , et comme elle hésitait entre eux, Isis
deux poursuivans demandèrent que le sultan intervint et la fixât
dans son choix. La jeune fiUe en litige était belle, Suleiman s'en
aperçut; il passa avec elle dans un appartement voisin sous pré-
texte de l'examiner {dus i son aise , et fit dire aux rivaux qui
atteadaieiii son arr^ avec anxiété, que, ne voulant pas sacrifier
Ton des deux à l'autre, il gardait pour lui la pomme de discorde.
Plttsorthodoxes que le monarque,les santons ne pousseraient pas
^ loia la oonvoidse, ils craindraient de compromettre leur sainteté
60 sacrifiant aux femmes étrangères. C'est qu'aussi leurs faveurs
sont plus précieuses et leurs dons trop magnifiques pour être pro-
digués aux filles des idolâtres . Ce ne sont pas des colliers qu'ils
doouent en échange d'un instant d'ivresse, c'est la clé du paradis
et des brevets de béatitude, n est vrai qu'ils donnent aussi des coups
de bâton. Biais c'est encore là une grâce particulière, et quand le
blton sacré tombe sur un croyant, le croyani baise avec grati-
tude la main qm a daigné frappe r.
Tous les santons ne eool pas fous ou vdi^ytueux, la majorité
exerce des industries moins excentriques; ils font, en général, le
laétier de prophètes et d'inspirés ; leur rèle les rapproche beaucoup
de nos meiges, ou sorciers de viUages. Bs ont des paroles magiques
pour co^urer les esprits malCsisans, et d'infaillibles recettes con^
tre les maladies des bestiaux et des hommes. On vient les coa^
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368 EEVUE DES DEUX UONDES.
sulter de loin» et on ne vient pas les mains vides. Tour à tour
sur le trépied ou dans l'écurie, hier ils purgeaient un chameaa,
aujourd'hui ils prophétisent les destinées du monde. Dans rin-
tervalle de leurs fonctions, ils prient, jeûnent, et se livrent aui
douceurs de la vie contemplative , sans souci du lendemain. Chose
étrange I leur sainteté est héréditaire! —on a vu qu'ils ne foot
pas VŒU de célibat; — elle passe du père aux enfens comme m
titre de noblesse; le flls d'un santon est santon, comme le Ok d*QB
marquis est marquis; c'est le trait le plus curieux de cette singu-
lière institution. Peut-être n'est-ce là qu'une application du prin-
cipe des castes héréditaires de l'antique Egypte. Je ne sache ries
d'analogue dans les coutumes religieuses de l'Europe.
La demeure des santons est réputée sainte ; un drapeau rouge
la signale à la vénération publique, et les Juifs doivent passer
devant, pieds nus, conune devant les mosquées. Leur mort est
regardée comme une calamité publique. On les enterre tantôt ao
bord des chemins, tantôt sur les montagnes, et dans les lieux
retirés et solitaires; leurs tombeaux, également ombragés d'un
drapeau rouge, deviennent des lieux de pèlerinage dont l'approcbe
est interdite aux infidèles. Ce sont aussi des lieux d'asile au seuil
desquels expirent toutes les lois humaines, et qui rendent inviolable
quiconque s'y réfugie. Le plus audacieux tyran n'oserait en arra-
cher un criminel. C'est le droit d'asile des temples de la Grèce et
des églises du moyen-&ge. Partout l'homme a senti le besoin d*é-
chapper à la tyrannie de Thomme; poursuivi par la sodété, il se
réfugie au sein de Dieu.
La vénération du peuple maure pour ses santons prouve la vira-
cité de sa foi et son attachement aux croyances religieuses. Der-
nier rameau de l'arbre musulman, et le plus éloigné du centre, 0
est séparé par l'Afrique entière du tombeau de son prophète, mais
l'épouvantable distance et les innombrables dangers du voyage De
l'empêchent pas de faire, lui aussi, son pèlerinage à la Mecque.
Un simple coup d'œil jeté sur la carte peut donner une idée des
fatigues et des périls de cette gigantesque entreprise. Chaque an-
née la sainte caravane part de Fez sous la conduite de Vernira"
hodjahs, espèce de dictateur investi, durant tout le voyage, d'une
nutorité absolue. Elle franchit le petit Atlas et pénètre dans k*
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LE HAROC. 269
désert d'Angad; laissant sur la gauche Alger, Tunis et les antres
villes de la c6te, elle marche droit sur Tripoli et de là sur TËgypte
à travers ce périlleux désert de Barca, peuplé de Bédouins tou^-
jours prêts à dévaliser les pèlerins. Enfin la caravane passe l'isthme,
elle entre en Arabie, et, après un voyage de près de deux mille
lieues, elle arrive à la Mecque pour la grande fête du Korban.
Chaque pèlerin, quels que soient sa fortune et son rang, prend alors
et garde le reste de ses jours ce titre honorifique de hadji, dont
les musulmans sont si jaloux; il a le droit aussi de porter un tur-
ban particulier.
Certes, il faut une foi bien forte pour arracher à leur indolence
naturelle ces tribus paresseuses et les emporter ainsi à travers la
terre, et cela pour une idée; mais toute puissance n'appartient-
elle pas à Fidée? N'est-ce pas l'idée qui fait les miracles?
Toutefois, depuis que les Wahabites, espèce de Sociniens maho-
métans, ont pris la Mecque et pillé ses trésors, le pèlerinage est
moins fréquenté; les Maures qui le tentent sont de jour en jour
moins nombreux, et si quelque révolution ne vient pas rendre le
tombeau du prophète à l'orthodoxie, le pèlerinage finira par tomber
tout-à-fait en désuétude.
Quoique le centre de l'islamisme soit déjà livré à l'incrédulité, les
extrémités sont encore croyantes; les Maures sont dévots jus-
qu'au fanatisme. Attisée par le voisinage et par de vieilles ran-
cunes, la haine du nom chrétien est ardente et vivace au cœur des
Maures. Tanger est, sous ce rapport, une ville d'exception; la
présence des consuls dont elle est la résidence, a accoutumé les
yeux de la population à nos habits et à nos usages. H y a plus de
vingt ans que l'esclavage des chrétiens est aboli dans toute l'éten-
due de l'empire.
Indépendamment des consuls , on compte une vingtaine de fa-
milles européennes établies à Tanger à Fombre des pavillons con-
sulaires, n y a même un couvent desservi par deux franciscains
espagnols, lesquels constituent tout le clergé chrétien du Maroc.
Les deux moines sont d'humeur fort dissemblable, l'un est un
homme du siècle qui mène joyeuse vie et boit comme un templier ;
l'autre fuit le monde et vit dans la solitude. Il s'est construit au
milieu du cimetière chrétien une petite hutte de feuillage, et c'est
dans cette Thébaïde qu'il passe toutes ses journées en méditations
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370 REVUE ras racx mondes.
et ettpriàres. Janais les cafmes du sert wm wémànm dans m
missîM commune deuxctrtctères plus opposés. B os'a pmrs qie les
llaares oui plus de respea pour le solîtaire; les dirons aineot
raieud le aMndaiflb
La première chose qw frappe Tceileiiropéen dans une riDe artbe,
c'est le eosluise. Celui du Maroc est piaoresque, nais skmph, H(ê
cela il diffère de edui des Algériens, qui est rielie et somptseoL
Les Maures oocidentaux sont restés j^hs près de ranSique simpii-
cité; ils ne portent sur eux ni or ni pierres précieuses. La pièce
principîde et vraiment origifiale du costume marocain, ceHeqsiloi
imprime son caractère particidier, est le kaïk , longue robe de iain
blanche, très amj^, qui envelop^ tout le corps, qui ressenUe
exactement à la toge romaine, et unit comme elle la grâce à la mi-
jesté. Le haïk est fait d'une étoffe souple, qui suit les mouvemens
sans les gêner, et donne à la démarche je ne sais quoi de grave e(
de posé qui sied mieux , disent les Maures, à la dignité de rhomme.
Cette toge appartient à toutes les dasses, depuis le sultan jusqu'il
dernier manœuvre; mais coumie die est assez chère, eHe n*est guère
portée que par les gens aisés, et annonce une certaine fortune. Ob
porte dessous un large caleçon blanc et un caftan serré aux flaics
par une ceinture de soie. La chaussure est la babouche jaune sa la
botte de même couleur. La coiffure est le turban.
Le vêtement du campagnard et du citadin pauvre se compose
d'une grosse robe de toile ou de laine, qu'on met par la tète,
comme un sac, et qui descend un peu plus bas que le genon. Oo
n*a là-dessous ni cheuùse ni caleçon; aussi la toilette d'un ifaore
est-elle bientte faite. Ce sarrau rustique se nomaie dpéaM;'ûes^
d'un usage universel. Les Juifs portent le soulam moir, agrafe sur
l'épaule, et vottt nu4ête.
Les femmes maures portent toutes le haïk, les riches coaune
les pauvres; elles s'en couvrent la tête en guise de vo3e, de na-
nière à ne laisser hbres que les yeux. Vue par derrière, cette coif-
fure rappelle un peu celle qu'on prête à nos antiques druidesses.
Quelques-unes portent un large chapeau de paille. Souvent les
femmes n ont pas d'autre vêtement que le haïk ; et comme le hA
des femmes est d'une étoffe plus Gne que celui des hommes, quoique
ample et onduleux^ ce costume n'en accuse pas moins fort souvent
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éÊê "tatnmB k yrm dirG ^mi utirsyantes. On màt que rembcm-
point est la première condition de la beauté norescpie; les plus
grottes soBt les phu belh». Pour adie^^r de «e défigurer^, elles
s'«arf«eloppeitt les jambes de ^tasMielettes de toile affreuses à voir.
Je ne :8a«rais porter ^e des ^feannes que j'ai pu rencontrer dans
les rues on dans les ^champs. Les mystères de rintérieur sont
iaascessiUes aux Européens eneore pliw qu^aux enfans da pro^
{Hièle.
La diose qui frappe le plus^ après le costame, c'est le sflence. II
est tel qu'on se croin^ au rillage; encore le yillage a4^{l sa cloche,
h Tille musufanane n'en a poinu De deux heures en deux heures, le
nauétin monte sur le minaret (soma); il arbore un étendard blanc,
et appelle le peuple à la prière d'une voix monotone et tremblottante.
On ne peut rien entendre de plus triste que cette voix aérienne,
surtout la nuit. Tanger n'a qu'une mosquée un peu apparente, qui
est sunncHitée d^nn haut minaret carré, recouvert de briques
T»tes, qu'on voit reluire au soleil comme les écailles d'un lézard
gigantesque. La mosquée n'a pas de porte. Les croyans y pénètrent
à toute heure du jour et de la nuit en laissant leurs babouches à
rentrée. Je n'ai pas remarqué que le prêtre portât un costume
particulier; n^see qui ne m'a point échappé, c'est le regard dé-
vorant qu'il jetait sur moi toutes les fois que je passais devant sa
mosquée; ce qui l'indignait le plus, c'était de me voir garder mes
bettes. Quanta s'introduire dans le sanctuaire, il n'y faut pas même
songear; im chrétien qui entre volontairement dans une mosquée est
ausilAt conduit chez le kadi, et n'a d'autre alternative que Tab-
jiralion-ottta mort. Là-deesus la loi mahométane est si rigide,
que c'est jpur une laveur toute spéciale que les ambassadeurs ob-
tisaBem du sultan de Constantiiiopie de visiter une fois Sainte-So-
phie. B est d*u«sge d'en ftÉre la dmnande à l'audience de réception.
Le peuple turc ne voit pas -sans horreur cette profanation; on con-
naît ee trait d'une femme qui sauta furieuse à la face de l'am-
bassadeur russe et le SMffieta, parce qu'étant dans la mosquée,
il avait, sans y prendre garde, craché par terre. AuHaroc, ce
israit bien pis, et il n'y a pas d'ambassadeur, si puissant fût-il,
qid osât flores la consigne. D fallait voir l'attitude menaçante des
ftossaus lotv^n je me permeuais seulement d'approcher du seuil
impé pMT aiiMx votr l'intérieur. Je ne itérais pas resté là impu-
\on
»^
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Goc
272 REVUE BBS DEUX MOIfDES.
nément, et Tanger pourtant est de tout l'empire la ville la plus
familiarisée avec la vue des chrétiens.
Tanger, en arabe Tangia, n'est pas une belle ville, tant 8*en faut.
Les maisons sont basses, irréguliéres, mal bâties et totalement
dénuées d'architecture. Elles sont toutes taillées sur le même pa-
tron : c'est une grosse masse carrée, sans jour extérieur, avec
une terrasse pour toit, le tout passé à la chaux; on conçoit que
ces grands cubes blancs et uniformes ne soient pas fort gais i
voir et qu'ils ne jettent pas beaucoup de variété dans une viBe.
Les maisons se ressemblent à l'intérieur , comme elles se ressem-
blent au dehors; elles ont toutes, ainsi qu'à Pompm, une cour
carrée sur laquelle s'ouvrent un rez-de-chaussée et un pronier
étage, soigneusement clos par de lourdes portes ferrées et ver-
rouillées. Quelques-unes de ces cours sont ombragées de vignes
ou de figuiers.
Les rues, ou plutôt les sentiers qui serpentent entre ces jalouses
forteresses , sont étroites , tortueuses , pleines de cailloux et d'im-
mondices. Une seule rue passable et assez droite traverse toute
la ville du haut en bas, et descend à la marine. Cette rue est
coupée en deux par une place, la seule de Tanger, et bordée
dans sa partie supérieure de deux rangs de boutiques. La phoe
en est aussi environnée : c'est le Palais-Royal de Tanger. Hiis
quelle saleté 1 quelles odeurs I La boutique maure est une espèœ
d'antre noir et profond, creusé dans le mur, sans porte, aYec
une fenêtre à hauteur d'appui où la marchandise est étalée, et
par laquelle on sert le chaland qui reste en dehors. Gravemeot
accroupi sous Tauvent, le flegmatique vendeur attend la prati-
que en fumant le kif ou le hachichia, deux plantes qui rempla-
cent le tabac chez les Maures. Toutes les boutiques sont tenues par
les hommes ; les femmes ne sont pas jugées dignes d'un si haut
emploi. Véritables bétes de somme, elles portent l'eau et. le bois;
on s'en sert aussi pour tourner la meule des moulins, et mémeoB
en voit à la charrue, attelées à côté d'un âne ou d'un mulet, et
partageant avec eux le dur labeur et les coups d'aiguiUon.
Ce qu'on prend souvent pour une boutique. est un tribunal ou on
bureau public. Les hauts fonctionnaires siègent accroupis àlafenétre
comme le boutiquier : c'est là que le keuii rend la justice, et que le
muhiesib fait la police. On amène le délinquant, le cas est exposé
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LE KÀROC. 273
sans phrases 9 et, la sentence prononcée, eUe s'exécute sur place,
irinstant même, sans appel. Dans les affaires correctionnelles,
les riches s*en tirent d'ordinaire au prix d*une amende. Ne pou-
vant payer de leur bourse, les pauvres paient de leur personne,
le knout et les étrivières sont leur partage; suivant la gravité
du délit, on les frappe par devant ou par derrière; linstru-
ment du supplice est un nerf de bœuf appelé asfil, que les exécuteurs
ont coutume de porter sur T épaule comme les caporaux autrichiens
portent la baguette de noisetier pendue aubaudrier . Dans aucun cas,
on ne peut infliger au patient plus de neuf cent quatre-vingt-dix-neuf
coups ; on les compte sur un rosaire. Si c'est un voleur, on lui coupe
la main. Il y a, du reste, au Maroc une grande variété de supplices :
tantôt on jette le condamné en Tair de manière qu'en retombant il
se casse un bras , une jambe ou la tète , suivant la sentence , et les
exécuteurs sont si bien dressés , qu*ils ne manquent jamais leur
coup; tantôt on Tenterre jusqu au cou , livrant sa tète à tous les
outrages des passans. D'autres fois on renferme vivant dans un
bœuf mort, ou bien on l'attache à la queue d'une mule au galop.
Souvent encore on lui remplit de poudre le nez, la bouche et les
oreilles, puis on y met le feu. Le pal, Tauge, la mutilation des
membres, le croc, sont autant de genres divers de cette effroyable
pénalité. Mais la loi par excellence, la loi deprédUection est toujours
la loi du talion ; on ne manque jamais de rappliquer toutes les fois
qu'elle est applicable. On en cite un exemple récent dont l'idée
seule fait frémir. Un charcutier, convaincu d*avoir vendu de la
chair humaine frite à Thuile, fut coupé en petits morceaux; et jetés
un à un dans une chaudière bouillante, ces affreux lambeaux
étaient donnés aux chiens à la vue de l'agonisant.
Nul homme ne pouvant mettre la main sur une personne de l'au-
tre sexe, il y a une exécutrice des hautes œuvres pour les fenunes;
elle se nomme, par anti-phrase, ahrifa, c'est-à-dire tolérante, conune
bs Grecs appelaient les furies, Euménides, bienveillantes. L'Eumé-
nide africaine arrête les femmes, les fouette, les décapite, leur
coupe les oreilles ou le sein; et plus elle est vieille et laide, plus
elle se platt à torturer la jeunesse et à défigurer la beauté. Les
exécutions féminines se font en secret.
Le hasard, qui, le jour de mon arrivée, m'avait fait tomber au
milieu d*une procession de leipdoucha, me rendit témoin, le jour
TOME VII. 18
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^4 REVUE D8S MtJX HOIfDES.
atf^âBt » d*md «ttè^ttikm i wmi. &m -Meifilult tero la pirte et
nmrdié ^em ^fttr^yaftdiers 4tt BME. b étaknit cMriétrès
cottniiê coepaM66 d« làse^n^e^é pour «roir frwitré le sMVQrài
de «es droits de 4ofMriie , «t wmnie tels, on leur tranclMtt faltie
tetitement avec^OBiBWTais ck)ateaudepoche^, en commengsMifar
l&'ntiqiie. Lesititrépides montagnards sabir em^ette twiareMpooe
apyec un stoidsnie liëroîqHe ; ils ne proférerait pas nne {dGÉtee^et
]lMmrtnr€fnt en silenee. Quand les lètes furent séparées dvitnnic, ai
les fitsaler par un Inlf en signe dignottinie, «t dans cet éiift^les
ftnrem accrochées à la muraille pour servir d'e&emple à la ieale,
idfisi quecela se pratique en Italieet dans Jes autres eldorados deii
dvflisation chrétienne. L*eiécution terminée, les botnrreanKa^^iiAih
rent à toutes jambes, poursuivis à coups depierres par le peuple*
Cest toujours ainsi que les spectateurs paient leurs places à cm
horribles tragédies. Là encore je trowve Vorigined'im usage espi*
gnol. A Grenade, la dernière viUe d'Europe arrachée à rcmpN
du croissant, le bourreau a une garde à sa porte et ne sort jamii
sans escorte. Ces précautions ne prouvent-cdios pas que les Qwu^
ditts sont restés Maures sur ce point, et que reacéouteiir est expcMé
aux mêmes dangers que ses collègues d'au-^elà dm détroit?
Quelque barbare que soit la législation maroeaine, il Aiut dira
eependant que la vie des hommes n*y est jamais livrée à Tarbitrâîre
des autorités subalternes; on réfère au sultan de toutes les ces*
damnations cnpitdes, et aucune ne peut recevoir d'exécution sans
son ordre exprès. Il est vrai que cet ordre est généralement ftn^
mule en termes vagues, ambigus, et toujours sujets à interpré'
tation. Cest là une ruse machiavélique; le isukan obscurcit à
dessein sa pensée, afin de pouvoir, au besom, rejeter «ur la té»
d-un kaïd ou d'un bâcha qu'il veut perdre, la responsabilité d'^n
ordre mal compris parce qu'il a été mal exprimé. U semble qn'irii
despote aussi absolu que le chérif des chérife ne devrait pas avoir
besoin de prétexte pour se défaire d*un homme ; mais il est toujours
plus prudent, même en Afrique, de mettre de son côté, sinon te
droit, du mohis les apparences du droit, et de couvrir la cupidité
du masque de la justice et du bten publie.
On ne dit pas que le sultan actuel, Muley-Afod-er-Rabman, use
volontiers* de ces moyens perfides; c'est un homme doux, d'un^es-
priijudideox , d^un «cMir dr^t, et l'an dés «eiUeurs-souvwite
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A» éefdê lûBi^mps» ak tenu le sceptre daMaiM. Avant é'itf%
iperew» il avail éié long-leaipa bâcha deMoggjdor tt a'éuôi iiét
r daaa «eagouYerBeneM. Let exécmiMa capkalea ft^ont jattati
étèaî Tares» et l'empire jouit d'une proapérité natérieUe qui ravi-
rait é'me aos plus fougae«x tribuas. D »*e«ARit qoe Sutekaan (1),
OMie et {urMéeeMeiir d'Abd-er-RahaaaB^ qiMMqu'fl bû fftt Ùm
avpérieor par les lumiàreaet par le caractàre, ait joiii d'an règae
aussi prospère; la fin de sa vie fat orageuse et eofaagjaiitée par
Mae fennidable iaswreetieades Anazirgnesy race aberigèiie qu^on
désigae i tort en Europe aous le double mom de Berbires et de
ScheUelLSy et dont bous aurons r^ecadon de parler uae autre léia.
Puis(|ae le nom de Suleimanest revenu sur ueCracheniii, void
au aatre trait de lui qui trouve ici aaturelieHieBt sa place. SideimaD
était campé au pied de F Atlas dans la proviuee de Tedla; c'était
peadaut la tévdite des Amaiirgues, en 1819 ou 20; un cbekk
arabe découvrit qa*un inconnu s'introduisait , la nuil» dans sa
tente et déshonorait son lit. Soupçonnant que le ravisseur de son
honnear étak un chérif, il n'osa le châtier lui-inéine; il porta
{AttBte au sidtan et lui confia sa veng^aace. Suleiman s'an chargea;
3 pénétra sous un déguisenient dans la tente de l'Arabe outragé,
surprit l'adidtère et le tua de sa propre main dans les ténèbres»
sans savoir qm ee pouvait être. On reconnut, au joor, que c'était
un officier de la gsffde^u-corps; alors le sultan se prosterna la
lace contre terre, rendant grâce à Dieu de ce qu'appelé, par lui,
àpanir un aï grand attentat, il n'avait pas eu le malheur de frapper
un chérif de sa famille ou même son propre fils. U y a dans ces
actes de justice instinctive je ne sais quelle grandeur sauvage qui
étonne etquî séduit. Si ces formes barbares répugnent à nos nusurs,
i nos doctrines, on ne peut dire que dans ce cas, cependant, les
lais de la morale éternelle aient été vidées. Guidé par sa droiture
naturelle, le barbare ici s'^ve à rhéroïsme.
La seule partie de Tanger qui ait du caractère est le château ou
Kassaba, bâti au sommet d'une colline» et qui domine toute la ville.
(f) n arait usurpé le trtoe svr son ncreii en bas ftge, exaetemeat comme Manfred en
«mH i# STec Cooradin ; nAls U le liU/eodit à sa mort , tt IWS.
18.
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376 REVUE DES DEUX MOIfDBS.
On y monte par un rude sentier en zig-zag ^ et une des portes
donne sur la campagne. Ce ch&teau a pu être fort autrefois ; les
bàtimens sont maintenant tout-à-fait délaissés et tombent en ruines.
Mais malgré son état de «dégradation , c'est un monument d'ardû-
tecture moresque iui^t^ssant à étudier. On aurait de la peine i j
reconnaître un plan, il y règne une confusion complète; donjons,
murs et parapets , tout semble avoir été bâti au hasard ; c*est un
grand pèle-méle où Tœil se perd.
On pénètre de Tintérieur par un couloir oblique et obscur; oa
entre dans une première cour ornée de colonnes évidenmient ro-
maines, et sur laquelle s*ouvrent plusieurs appartemens dans le
style de TAlhambra de Grenade , et plus exactement de FAkazar
de SévillOy mais bien moins spacieux et moins ornés. Les plafonds,
qui sont concaves et sculptés en bois avec une délicatesse extrême,
sont encore charmans, quoique à moitié tombés. Le temps aura
bientôt achevé d'en consumer les dorures. Les lambris étaient
tapissés d'arabesques peintes , mais on a tout passé à la chaux. Les
arabesques elles-mêmes ont beaucoup souffert; le mur est lisse en
plus d'un endroit. Les portes, qui ont été sculptées avec le même
art que les plafonds, sont vermoulues et hors d'emploi; du reste,
il n'y a rien à fermer, car tous ces appartemens sont abandonnés
aux hirondelles et aux palombes. Quand on y entre , elles s'envo-
lent par nuées. Les cours sont pavées de dalles de pierre, quel-
ques-unes avec assez de goût. Je n'ai pas besoin de dire que toutes
les portes et toutes les voûtes sont taillées en trois quarts de cercle^
coupe sacramentelle de Tare moresque.
Un escalier dégradé, comme tout le reste, mène aux terrasses
supérieures. L'ascension est difficile, mais on est dédommagé de
sa peine, en atteignant le faite, par Tair pur qu'on y respire et le
vaste horizon qu'on a sous les yeux. Ces terrasses, dont quelques-
unes ne sont pas sans élégance, ne forment point une plate-forme
unie, mais sont échelonnées en gradins inégaux , et séparées par
les cours intérieures. Comme j'étais là sautant de Tune à l'antre,
une de ces cours m'arrêta. Mon regard plongea par hasard au fond ;
un spectacle inattendu l'y retint. Cette cour, quoique fort resserrée,
était plutôt un jardin ; il y av ait au milieu un jet d'eau et de la ver-
dure tout autour : à l'un des angles, un vieil Arabe, accroupi sur
ses talonS; fumait gravement sa pipe, et il était si complètement
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LE MAROC. 277
immobile sous son grand haïk, qu'on Taurait pris pour une statue;
en fece était une femme accroupie comme lui sur un tapis du Dou-
calla, et plongée dans la même immobilité. Autant que j'en pus ju-
ger à vol d'oiseau, elle était jeune et fort belle selon le goût maure,
c'est-à-dire fort grasse. Elle ne portait pas de haïk, mais un caftan
bleu brodé en or, et une espèce de Yoile de soie rejeté en arrière
comme celui des nonnes. Ses pieds nus étaient chaussés de pantou-
fles rouges, et il me parut qu'elle roulait un rosaire entre ses
doigts. D'autres femmes allaient et venaient dans l'intérieur; c'é-
taient sans doute des servantes; parmi elles était une négresse. Les
deux statues de la cour se regardaient sans parler ; et perchée
sur une pale au coin de la terrasse, une cigogne semblait dormir
au soleil. Un lourd donjon carré couronnait le tableau de sa masse
jaunâtre.
L'immobilité de la scène était telle que j'aurais fort bien pu pren-
dre pour une toile inanimée la réalité vivante que j'avais sous les
yeux. J'aurais voulu que le téte-à-tête s'animât un peu; ce n'était
pas la peine que le hasard eût soulevé pour moi le rideau du
harem, si je n'en devais pas voir davantage. Posé là comme la ci-
gogne ma voisine, j'attendais qu'il se passât quelque chose et qu'il
plût au couple silencieux de sortir de sa quiétude impassible. Je ne
sais combien d'heures j'aurais attendu, si un cri rauque, poussé
derrière moi, ne m'eût fait tourner la tête : le soldat noir que le
kaîd m'avait donné pour me servir de guide et d'escorte, avait
découvert ma profane indiscrétion, et il accourait vers moi tout
épouvanté , en faisant avec la main le geste de la décollation. Il fallut
bien se rendre à un argument si plausible , d'autant plus que le cri
du nègre avait fait envoler la cigogne, et le bruit des grandes ailes
de la fugitive avait sans doute réveillé le couple endormi. Si , levant
les yeux, ils m'avaient aperçu, quel coup de théâtre! quel scan-
dale! quelle admirable occasion de rançonner un chrétien!
L'Arabe que je venais de surprendre dans le mystère de son in-
térieur, était un prisonnier d'état, un ancien kaïd d'Azamor, en-
fermé là avec ses femmes pour crime de concussion. On lui avait
déjà fait suer 200,000 piastres; il en a encore autant à rendre;
après quoi on l'enverra peut-être, comme cela s'est vu, balayer
la ville qu'il a pillée. Le Maroc est le règne de l'égalité parfaite :
d'un savetier le sultan fait un bâcha et d'un bâcha un savetier.
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sens REYUB DE8 DEUX HONDES.
Excepté le donjon oocopé par le captif, et an aatreqvi «rtii
prison pour les femmes, et dont mon gnidfi eut grand aom de ■•
tenir éloigné, le château eat inhabité ; les cigognes ea ont pris ^im-
session ; c est Toiseau sacré des musulmans , et les tuer est un a-
crilége. La garnison actuelle se compose d'un corps de garde di
trois ou quatre soldats qui n*OKit rien à faire qu*à dormir. Quel-
ques masures groupées autour de la forteresse en ruine, formsBt
une espèce de faubourg qui a sa mosquée particulière. L*herbl
croit dans Tenceinte , comme dans la eour d*un cloître désert.
Du château on domine, du même coup-d*oûl, toute la ville; je
découvris de là un quartier ou le hasard ne m*arait pas condvt
et qui est le plus misérable de Tanger. U n'y a pas même de mai-
sons , mais des huttes de roseaux recouverts de boue en guise ds
ciment. C'est comme un village ou plutôt un adouar au milieu ds
la cité. Vue ainsi de haut, la ville est pittorescpie; le rapprochement
des maisons moresques et dos palais consulaires forme un contraste
piquant, et quand les pavillons flottent dans Tair, toutes les cou-
leurs de Tar&en-ciel ondoient au soleil. Les œnauls sont fort Jaloux
de leur droit de bannière, c*est à qui éleveca le plua haut la sienne^
et les deux puissances encore aujourd'hui tributaires du llaroc,
la Suède et le Danemarck , ne sont pas sur ce point les moins sa»-
ceptibles et les moins fastueuses. La mer ajoute à la beauté da
coup d'œil; cette mer, la plus belle, la plus poétique du monde,
est le détroit de Gibraltar. Ce n'est déjà plus la Méditerranée, si
ce n'est pas encore l'Océan : c'est la grâce de l'une, son auir lioi-
pide et argenté; c'est la majesté de l'autre, ses longues lames et
ses grands coups de vent. La c6te d'Europe est inq>osanta; Tanfii
blanchit au pied des montagnes d'Andalousie, conmie un nuage
vaporeux.
La vue de terre a aussi ses prestiges; la canquigne de Tanger
est riante, sinon grandiose. Les jardins des consuls^ sitnés autaur
et très près de la ville, l'environnent d'une ceinture de verdare
fraîche et parfumée; mais la végétation n'est guère plus africaine sur
cette rive que sur l'autre. Je n'y ai pas vu un seul palmier; seule*
ment les Gguiers de Barbarie , appelés par les Maures figuiers des
chrétiens, karmaus-al-Ansaran, prennent un développement prodi*
gieux; il y en a un, entre autres, dans le jardin de France, dont
le tronc est énorme; et en fait d'arbres exotiques, le jardin de
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tmbàa possède uà ûkéfétnonim âû PttoVL qêi di>riv% M fikmé matii^
rilé et prodeit des firuitu Orè» MtiéBteilx. Vtà&ès^ get^ian, attietiit,
comme ie figuier d*ItiAe) de$ ^mënsieiis {|<gaMe9ti[ires. H y a çà et
là quelques grosses touffes de genêt , et des lauriers-roses partout
«É i ^ à'éé i*eau. On se s^é^ po^ Tinrigatioii de ht noriû [puiserandé),
si répandue en Eépagtie, et dbnt Torigitie est maure eotnme le nom,
funtran* Cest ttft de» meilleurs t^s que lés Espagnols «îènt réçtid
ée leurs pères les Arabes, et ils Font gardé soignefùsement.
A qfuelques tniiles de la ville, en aSIMt au tàp llalabatte, est une
ruine romMne qu*on appelle le vieux Tanger, mais qui n^'est autre
qu'une ancienne station ou M eliantiér de griètes. Les Maures en
avaient feit une batterie qui cominaildait la baie, et qvA est aujour-
d'hui rédoite à un canon sans affftt. L'ancienne Tîngis, capitale de
la Tingitane, occupait le même site que le moderne Tanger ; seule-
ment le sol paraît s'être élevé, soit par retttassement dés décom-
bres, soit par Teffét de quelque tremblement de terre. On y décou-
vre de temps en temps defs àntiqititéél romaines: le consul d'Espa-
gne venait de déterrer, en creusant un puits derrière la grande
ino^qpDée, une mosaïque et un autel; mais r aveugle pioche des ou-
vriers avéte tout fnis en pièces.
Ainsi les civilisatiolrô îse superposent, et la terre les couvre l'tme
après l'autre de son frOid li^cetd. La voix du Muedzin résonne aux
lieux oiù fumait Véttcens des Flaminles, la mosquée du prophète à
détrAné l'autel de Jlipitèfr, et le croissant brille à te même soleil où
brillait l'aigle des légions rom»nés. Là où les galères de la répu-
Miqoe venaient aiguiser leurs roitra nsès par la victoire, le pécheur
maure vient aitiarrer son frêle canot ; et descendu de la colline, le
chamelier, assis sur le caiion rouillé, fait retentir la plage déserte de
aon cri rauque et discordant. Toutefois il est à reînarquer que ces
terres barbares n'ont pas d'originalité historique: labourées par la
oonqdéte et dévouées à un esclavage éteriièl , elles ti'ont aucuns sou-
VMtrs qtti leur soieift propres ; leur individualité disparah dans l'au-
réèle éblouissante dès conqiiérâns; hier c'étaient les Romains;
n^jdtird^liui c'est Mahotnet; demain qui ^era-cè? Trois nations à
la foiSKMit l'ofiletdéjà le pied silr ee ridie ^érita^e : TEspagne
csmpe à Geuta, l'Angleterre à Gibr^Itlir, Alger colifihe aU Maroc.
Quel que soit le choix de la Providence, à qtkektu'une des trois rir
Trtn qu*«Ae CMMe son m^àêtA Biàptétm, l'aVetrir dé ces peuples
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280 REVUE DES DEUX MONDES.
ii*est pas douteux; ils sont promis à TEurope, ils lui appartiennent
fatalement par le droit de Fintelligence; la civilisation occidentale
doit les entraîner tôt ou tard dans son irrésistible tourbillon.
Je redescendis du ch&teau par le même sentier raide et tortueux
qui m*y avait conduit^ et je rencontrai sur ma route plusieurs fem-
mes chargées de lourdes cruches d*eau et de fagots secs. Elles
gravissaient péniblement la c6te, et quand elles étaient jeunes et
jolies, elles ne manquaient jamais de me le laisser voir en soulevant
un coin de leur voile. Arrivé au bas de la colline et rentré dans le
cœur de la ville , je fus attiré dans une rue voisine par un grand
bruit de tambour et de musette. Je pensais trouver là des Aïsaoua:
c*était une noce ; les parens et amis de la mariée lui donnaient Tau-
bade, et comme il faut toujours du sang à ces sauvages y ils venaient
d*immoler un bœuf à sa porte. Les gens de la fête trépignaient dans
le sang en poussant des hurlemens de joie à faire fuir tous les Joi6
à la ronde. Sans Fescorte de mon soldat nègre, qui devait répondre
de moi au kaïd, je n*aurais pas été moi-même très rassuré. Encore
fallut-il tourner la noce, car la rue était étroite, le bœuf inunolé
gisait sur le carreau, et je n'aurais pu passer sans mettre le pied
dans une mare de sang. Toutes ces cérémonies sacramentelles,
toutes ces allégresses de circonstances sont tarifées et se paient i
beaux deniers comptans; les formalités matrimoniales sont les plus
chères. De là sans doute ce proverbe indigène que les chrétiens
dissipent leur argent dans les procès, les Juifs dans les fêtes reli-
gieuses, et les Maures dans les fiançailles. Un autre usage, auquel
on ne manque jamais, c*est de faire constater authentiquement la
virginité de l'épouse, et même d'en donner des preuves publiques;
si le fait est douteux, le mari a le droit de renvoyer sa femme à ses
parens ; le mariage est rompu.
lin peu plus loin je tombai dans un nouveau rassemblement, mais
celui-là n*avait rien d*inquiétant; je me trouvais devant la maison
du kaïd, lequel donnait audience, accroupi sous son vestibule. D y
avait foule à sa porte; chacun passait à son tour; tous attendaient
patiemment. On voit que rien n*est plus simple que les autorités
marocaines : le muhtesib et le kadi siègent sous l'auvent d'une
boutique, le kaid au seuil de sa maison.
Le kaid^ou bâcha ( bossa), car c'est la mémejdigoité sous un autre
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LE HAROO. 28f
nom, est éla par le sultan et le représente directement. C'est un
{M'éfet; investi de l'autorité executive , il n*a rien à voir dans les
affaires civiles : les peuples les plus barbares ont un instinct na-
turel qui les conduit à cette grande loi de la séparation des pou-
Toirs, qur est le fondement et la sauve-garde de toute justice. Le
kaïd préside à la sûreté publique et commande les troupes de son
gouvernement. Il forme à lui seul une espèce' de tribunal à la fois
politique, criminel, municipal et militaire; et comme il n'y a pas
d'autre code écrit que le Koran et les commentaires fort élastiques
de Malek-Ben-Anès (1), l'arbitraire le plus absolu dicte ses sen-
tences. C'est bien ici que le caractère du magistrat et ses lumières
naturelles influent sur ses arrêts ; non-seulement il prononce sur le
fût, mais sur la peine ; bien plus, il fait la loi, c'est-à-dire qu'il est à
la fois législateur, juge et jury. Malgré tant de confusion, tant d'ar-
bitraire, U règne dans les villes maures une sécurité qui étonne :
toute la nuit des patrouilles de soldats font la ronde, sous les ordres
d'un officier, kaïd-ed-daur, commandant de la ronde; ils veillent à
la sûreté des rues, et, pour quelques onces, Us gardent les boutiques
sous leur propre responsabilité.
Quoique je fusse entré dans sa ville sans sa permission et que
j'eusse enfreint les lois de l'empire^ le kaïd ne paraissait pas s'en
souvenir; quand nous nous rencontrions, il répondait à mon coup
de chapeau européen en portant la main sur son coeur, et au lieu
du simple salama (salut) qu*on donne aux chrétiens, il me donnait
gracieusement le salem alikom (la paix soit avec vous). C'était de
sa part une distinction particulière; il fallait qu'il espér&t de moi,
au départ, un bien beau cadeau. Avant d'être gouverneur, cet
homme avait été condamné, je ne sais pour quel délit, à la baston-
nade, et la sentence fut exécutée, à Tanger même, par un sol-
dat qui est aujourd'hui soldat d'Espagne (2). Il ne lui avait pas
gardé rancune le moins du monde, et ne lui avait jamais témoigné,
(f) LecodedeKalekconlient, en quarante chapitres, tonte la Jnrispradenee canons
qne et eodéslastique, laquelle s'applique à tout. U existe aussi en matière civile et conv-
merdale une espèce de bulletin des lois ; c'est un recueil de préceptes et un formulaire
pour les écritures publiques. L*auteur de cette compilation est Mohamed-Ben-Ardùn.
(3) Chaque consul a à sa solde un soldat qu'il reçoit des mains du gouvernement en
signe de protection et qui ne le quitte Jamais. Il l'accompagne partout, soit à cheval, soit
à pied , et couche sur une natte à la porte du consulat. Ces soldats finissent par s'atta*
cher «u consuli et leur sont quelquefois dévoués.
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fn RETUE tm MUX MONDES.
l^aM^ 4«'€]|e renfi phiosophe; U wêmBwmp 4e dé qvi fall tf if
fiûlcbu UD kaid Uil 4*w knïd lui suidai, ai oetia perfiétoeUe iantr
hUM est 1100 I^oQa pat maneote d^inpi^Milé ei da madératiot.
Le iraÀteiQeiU Sxe du katd est d'wimmk liM fruos par iBoii
(90 piaatf ea), et ik dok an trésor «q tanbul annuel da dmible oi
triple* Tout estloewdé sur eeprioe^pe, d*a& il réaiAe que lomfiBaip
tiaeQaire est w oeocmswiaoaire publie. Quand im kaMi a bwo pri^
variqué et furesanré }€tfEig-teo^ le peuple, le sultasa le deaiisai H
confisque toat ; nous eo avons ¥u vm exemple dans le kald d'AOL*-
mor. AAa de prévenir les sonpçons» les gottvernenrs les pins »-
ches afSeotent une grande «mplksité; jî» aKclienl la pauvreté^
comine on affiche aWenfs Fopalenee, Le kaïd de Tanger liabite m»
des maisons les plus siaiples de la vîUe; fl a nn petit jardin i io
inîUe des murs, et il y va toi^nrs secd, monié snr un bîdai» st
neoon^pacné d*un soldat A pied, avaoqui il fisk la conversation ien^
la long du chemin. Cesl quand je le renfcontraîs ainsi qn'3 m
gr^îfiait du tmlçm «rfilpam.
Ce soir-là il y eut une procession aux ftambeanv. Le malin ftr
vais vu un holooanste matrimonial; le soir ee fot un baptême, je
veux dire une circonciaiQn. On portait Venfont à la mosquée afec
une pompe eiiraoï^kiaire et un vacarme effroyable. La ftisffltde
était si bien nourrie, q«*0A pouvait se eroirei une altai^ie de Bé-
douins; e'étmt un fdu de file nan^imerrompu; et je croie qu*i est
de la prudence, non^^eulement pour les Juifs, mais même ponrhp
chrétieni, d'éviter pareille rencontre s rien ne 'aetait pins br
oie à un de ces fanatiques que de vous lâcher un oeiip de f ns3 dans
Tombre.
Au pied des murs de Tanger^ du cAté de la eampagne, et ik
porte même de la ville, net une place tonte «reniée de mafeaioivit
fosses profondes et eifcnknres nii Ton eonaefve le blé» ainsi que
cela se pratique en Calabre et ailleurs. Le sol résonne et même
iiuelqueftâs s^nnfanee sens le pied des cberanx, m eoaMneonae
se hâte pas de refermer les trous, en risque de s'nMmer, la nuit,
dans les entrailles de la terre. C'est sur cette place que se tient
deux fois la semaine, le lundi et le jeudi, le mafché on Mmk. Cest
tm xx>up-d'œil pittoresque qui mérite qu*t>n s^y arrête. On ne veni
rien là de bien précieux, mais on y vend de ton!» etlon penl y pcen-
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LE UkfiÔC.
étn ttM ttâM jMte itlte <iePfndfi9tr{0 et tle la cirffisatkm hnfigèn^*
B f règBê motos de eosfaskyftqm^on ne pourrait croire; les diyer-
M» denrées sont rangées par ordre, et Ton circule d*nn point à
Taiicre sans trop de difficnlté. Des soldats, armés de fnsils on de
bftta»s> Toat de gronpe en groape, et un officier spécial préside la
cérémoaie. Tout individu qui enfreint les ordonnances de la police
est chftdé sur place, de même que ceux qui ttompent sur les poids
el mesures ou sur la qualité et le prix des marchandises. Cette jus*
tke écoMmîqoe a ses avantages si elle a ses abus , et c*est la seule
qm conyienne à ces peuples barbares ; leur abjection est si grande»
qu*fls n*en comprendraient pas d*autre.
La place du marché est deaninée par une colline au sommet de
kqoeHe est une mosquée otfverte et sans toft, c*est-à-dif e quatre
mors blancs. Cest là qu'on célèbre la fftte du mouton. Au mois de
mai de dMque année , on égorge un mouton devant la mosquée ;
u» des assistans, cehri d'ordinaire qui a les meflleures jambes»
iterge sur son cou ranimai saignant, mais virant encore, et se met
à courir avec son fardeau du côté de la ville; il y entre , courant
toujours» et s'3 arrive à la grande mosquée avant que l'animal mori-
bond ait rendu le dernier soupir , c*est un signe que Tannée sera
féconde et les récentes abondantes ; si au contraire Tanimal meurt
en reute^ c'est un présage de stérilité, et Ton voit aussitôt la po-
pulation pousser des cris et des gémissemens sur les calamités an-
BOQcees*
Non lom de la mosquée ouverte est le tombeau d'un santon»
ombragé de son drapeau roi^. Comme j'étais là me promenant
à fenlour, je vis un Maure gravir la eoHîne à toutes jambes et
s'élancer d'un bond vers le sanctuaire; il j entra, car tout sanc-
tmre est ouvert, aucun n'a de porte ; une fois dedans, il s'ac-
crovpît tranquillement sunr lea talons tout près de rentrée, de
manière à jouir de la vue ettérieure el à être vu du dehors.
Cé«ait un assassin qui venait de tuer son homme en plein marché et
quîétiAaceouru se mettre sous la sainte profeetiott dudroit d'asHe.
Une fois là il était inviolable, et mrik forée humaine» pas même, je
crois» l'fn^m suprême» ne pouvait l'arracher du saint lieu. Les sol-
dats arrivèrent» mais trop tard , le fugitif était à l'abri de leurs pour*
1$ quoiqu'ils pussent le toucher en étendant seuleawnt la m^a»
I un n'aurait eu la témérité de la porter sur M; ttti qu'H étail
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iSlk RETUB DBS DEUX MONDES.
là, sa personne était sacrée; on n aurait même pas osé le murer
comme le grec Pausanias. Certes, jamais constable anglais ne s'ho-
milia plus religieusement devant le texte de la loi. Cependant les
soldats ne l&chèrent pas leur proie; ils s'accroupirent à quelques
pas du tombeau, et y restèrent en observation, tout en foisant la
conversation avec le prisonnier. En le tenant là bloqué indéfini-
ment, ils espéraient le réduire par la famine et le forcer à sortir
de sa retraite. Mais il n*était pas près de se rendre; et soit d'une
façon, soit d'une autre, il aura bien fini par se tirer d'affaire. Quel-
ques onces reçues, n'importe de quelles mains, suffisent pour endor-
mir les Argus. Du reste, j'ignore la fin de la pièce, étant parti avant
le dénouement. Le meurtrier n'était point un assassin vulgaire; il
avait frappé, il est vrai, mais par vengeance et pour satisfaire à
une de ces inimitiés héréditaires si vivaces encore parmi les Arabes,
et qui ne s'éteignent que dans le sang du dernier survivant.
Mais le Sauk m'appelait; je redescendis la colline, qui était cou-
verte de chameaux agenouillés dans la poussière et de chevaux
entravés, qui attendaient la fin du marché pour regagner leurs
pâturages. Ds étaient venus chargés d'une marchandise, et de-
vaient s'en retourner chargés d'une autre, car le commerce se
fait le plus souvent par échanges, selon l'antique loi patriarcale.
Pourtant il y a du numéraire, mais \en petite quantité, et on le
cache afin de ne pas éveiller la convoitise des gouverneurs. Un
homme avait fait reblanchir le mur de son jardin : cr II faut que
tu sois bien riche, » lui dit le kaïd en lorgnant déjà l'héritage de
Naboth. Qu'eùt-ce été si Naboth eût laissé voir des pataquès (1)1
Cet amphithéâtre oriental avait un grand caractère et dominait
la foule qui ondoyait et bruissait au pied de la colline. Quelques
chevaux portaient des selles écartâtes à larges étriers, tout-à-bit
semblables à celles dont on use encore en Andalalousie et labou-
raient la terre dans l'attente du cavalier; les chameaux atten-
daient plus patiemment leur charge en remuant leur long cou
pelé. Des tentes dressées çà et là ajoutaient à l'effet ; l'ensemUe
donnait tout-à-fait l'idée d'une halte au désert.
(i) La pataque marocaine est une monnaie d'or qui vaut à peu près 10 francs. Le mol
français n'est qu'une corruption du mot arabe, bou-taka, qui veut dire père de la force.
On l'appelle aussi bu-fkL
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LE MAROC. 285
Toutefois, le marché m'intéressait moins en lui-^éme que par
les scènes populaires dont il devenait Toccasion, et les saltimbanques
dont il était le rendez-vous. D*un côté tournait un carrousel à
bascule, où les petits Maures faisaient la culbute avec des éclats de
rire perçans; plus loin, deux b&tonniers, noirs et nus, se donnaient
de grands coups de b&ton sans se toucher, et en faisant des con-
torsions épouvantables. Ailleurs, c'étaient des lutteurs du Riff, qui
me rappelaient ceux d'Interlacken, autant que la Barbarie peut rap-
peler la Suisse. Mais le spectacle le plus original et le plus vraiment
africain était celui d'un sectateur de Sidi Ben-Aïsa, dont le corps était
tout chamarré de serpens, et qui dansait tantôt sur un pied , tantôt
sur l'autre, au son de la musette et du tambourin. D chantait, pour
s'animer, une cantilène sauvage et monotone, qui ressemblait au
grognement prolongé d'une béte féroce. Le danseur d'ailleurs
n'avait pas mal Tair de ce qu'annonçait son cri; l'homme et la voix
étaient en harmonie. Il portait au cou un énorme serpent, et le for-
midable collier se repliait sur lui-même et lançait à la foule des
sifOemens aigus. Le Psyle caressait son reptile avec amour, le bai-
sait, le mettait dans sa bouche; et, pour une once que je lui jetai,
fl se mit à le dépecer avec les dents, en passant, en une seconde,
de la tendresse à la férodté. Son œil était rouge, et le sang décou-
lant de ses lèvres, il les essuyait avec les autres serpens, victimes
dévouées à la même fin.
Parmi les spectateurs se trouvait une folle absolument nue qui
erre ainsi dans les rues de Tanger, depuis je ne sais combien d'an-
nées. Elle parait, du reste, d'humeur fort douce, plutôt mélan-
colique que furieuse; n'était sa nudité, on la prendrait pour tine
promeneuse ordinaire. Le soleil a donné à sa peau une couleur
brique foncée, et cette masse de chair ambulante était hideuse à
voir. J'ai oublié de demander si on la tient aussi pour une sainte.
Les Moresques et les Juives passaient près d'elle sans être le moins
du monde décontenancées, même en présence des hommes. D est
vrai qu'une pareille nudité est plus propre à étouffer qu'à inspirer
les pensées équivoques. Je remarquai que le beau sexe était
presque aussi nombreux au marché que l'autre. C'est que les
femmes ne sont point à l'index du Sauk comme des boutiques ; on
ne les juge pas indignes de vendre en plein air, et elles paraissent
s'en acquitter tout aussi bien que leurs maris.
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9H RETUB Mft MEra «01IDB8.
fievxavtréf speolatrioes^ aussi mwites fse to Mleelphuaf-
fr«Mes àToir, c^éuient les deux lAtescMipéts la rsiUe; txéwnmm
sanglantes aux crocs de la nuraîlle , eBes domimâent le marché, et
planaient sur la muMlvdey destinées i iapriaier la terreur tes
r«Be du peuple assemblé. Leur crAne^ ras et nu, brMhnt au soleii,
d^ presque i demi dessédié , et leur loofpae mèche de dieraJot
noirs pendait le kmg de la ■MU'aille et flott«^ au veut. Quelqtes
groupes se succédaient sous ces épouvantables tr<q>liées; ib
se les montraieut du doigt eu devisant longuement; le Juif q«
m'aocompagnaît en qualité d'interprète ne me traduisait qu*irapar-
ftîtement leurs conmentaîres, attendu qu'il savait également mal
le français et FespagnoL J*en oemprcnafis autant p«* les gestes que
par la traduction.
Au«desstts de Ibl phree duSunk, et on penchant supérieur de k
ceUîney est le dmeci^re maure* Rien de pins simple : pas une in-
scription y pas un ornement. Nulle part la mort n'a de temple plus
austère. De petks murs d'un on deux pieds de haut marquent
seub les divisions du funèbre empire, et les longues herbes y
croissent en liberté. H est tout ouvert comme les mosquées et le
tombeau des santons; nuBe clôture ne doit séparer rhomnede
Bien, ni les morts des vivans. Tous les vendredis, — c'est le<fim»>
che des Maures, — les femmes sortent de la vâle, et, gravissant len-
tement la colline, dies vont visiter les tombeaux. Enveloppées da
grand baik blanc, eltes errent en sBenœ au milieu de la verdure
tumdaîre ; on les prendrait elles-mêmes pour les ombres qa'eBes
viennent pleurer ou consoler. Les hommes respectent ose péhvi-
nages du sépulcre, et ils se tiennent tout le jour éloignés du champ
funéraire. C'est peut-être la seide heure de liberté dont jouisseot
les Moresques , et c*est à la mort <^'ettes la doivent. Le moment est
bon peur les voir, cardlesnese cachent pas des dirétiens quaid
elles sont sûres de n'être pus aperçues des Manres.
Le cimetière cfaréden est un peu pins bas et afttenant au jar^
de Suède. Nous avens vu qu'il avnit, lui aussi, son pèlerin dans te
mélancolique moine de saint François.
Le cimetière àeê Mfs est de Fautre eftié de la plaee, au pied
iléme detamuraiBe^entre la porte du Sauk et la petite porte ëw
des Tanneurs, qui mène à la plage. Bus skn^ enoom <pie câi
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des moBulmanSy il est oayert comme le lear et exposé A tons leurs
outrages. Les femmes maures ne manquent jamais de se détourner
en passant aOn de Tenir souiller les tombes des mécréans. C'est chez
elles une affaire de dévotion et presque un article de foi. Ainsi le
fanatisme poursuit jusque dans son dernier asfle le peuple infor-
tuné dlswêl. A qwlqnedirtanos du cimutièra^ ifierstlarmer, il y a
de beapx maaiiCs de nsrduffeicoapé» de g^néfô». de cbèwefeuille et
de hauts aloès. Tout ce c6té de la ville est très pittoresque, et il a
de brusques échappées sur la baie bleue et tranquille , et sur le
détroit toujours bouilbataiiC
Quoique bien barbare encore par les croyances et par les mœurs ,
Tanger est cependant déjà altéré dans son originalité primitive;
on y sent le contact des Européens, et je désirais voir, sans m'en-
foncer dans les terres, une ville arabe qui eût mieux conservé
son individualité et son cachet natif. On m'indiqua Tetouan, qui
n'est qu'à douze lieues de Tanger, et qui est une des villes impor-
tantes de l'empire, par son étendue, sa population, son commerce
et sa position Tosins^de ki Méib/evfaaè«,. i ptoiMlé de Gibraltar.
Mes préparatifs furent bientôt faits. Le consul demanda et obtint
pour moi du kaïd un soldat pour m'accompagner, — c'est le passe-
port du pays, — et il fit rédiger par son taUb (érudit) une belle
lettre arabe pour recommander au bâcha de Tetouan YiUustre et
savant voyageur français. L'épttre fut pliée en long, suivant les lois
de rétjqoette iadisine» et année au centre et aux deux extrémtés
du sceiatt consulaire. Ainsi confecttoiméc» la dépéobe n'avait suàre
vmoa- d'ua pied, forme pluftinposaote que coniroode. Nos poches
europAennes ne sont paiS taillées pour cda»
Qiieli|nes jeunes gens de» consulats m'avaient risniTindf iétse da
«Ofagn; nou8parrtnesi|Mlte.
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SOCIALISTES
MODERNES.
I.
IU28 SXiIISni8»8iniM)liaQBDS«
Tant que le saint-simonisme est demeuré debout avec ses pré«
tentions exclusives et ses allures étranges, nul bon esprit, en dehors
du noyau des adeptes, n*a pu avoir ni le désir, ni la pensée de
s'occuper à fond de ses théories. Alors toute louange eût été prise
en mauvaise part; touje critique se serait trouvée en concurrence
avec les réquisitoires du parquet. L'église nouvelle était d'ailleurs si
fière d'elle-même, elle se présentait avec un tel aplomb, eOeanit
une foi si robuste dans son excellence, une si parfaite naïveté à 8*ad-
mirer, qu'on n'osait pas se commettre au sein de ce monde de fée-
ries, encore moins verser des paroles de désenchantement sur ces
jeunes et ardentes convictions. Ensuite, comment aurait-on posé
les termes du débat? sur quel terrain aurait-on porté TexamentSi
l'on niait ou si Ton marchandait la prémisse saint-simonienne, on
était récusé; on restait désarmé si*on l'admettait. La discussion
devenait ainsi une hnpasse.
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SOaAUSTBS H0DBRIIB8. 289
Un antre obstade existait. La religion fonctionnait sans doute;
elle ayait ses prêtres , elle avait ses temples; mais sa loi lui man-
quait. Le Moïse de cette révélation n'avait pas écrit ses tables. Il
avouait lai-méme que la grande inconnue du problème sodal n'était
pas dégagée» ne pouvait pas se dégager encore. H se disait Messie
sans doute y mais Messie incomplet, obligé de chercher, en dehors
de lui , ce qui manquait à sa formule synthétique de l'humanité.
Avec lui et comme lui, ses néophytes usaient leurs veilles à ce tra-
vail d*élaboration mystérieuse et de gestation préparatoire. Lors
donc qu'on voyait ces hommes si jeunes, si éclairés pour la plupart,
presque tous si consciencieux, s'unir, se grouper pour la décou-
verte des grandes vérités morales, philosophiques et religieuses;
s*embarquer sur l'océan orageux du doute, dans l'espoir d'aborder
un jour à un monde nouveau; quand on les voyait mettre en com-
mun leurs pensées en même temps que leurs biens, poursuivre au
travers d'un frottement de tous les jours et de toutes les heures
l'étincelle qui devait éclairer cette nuit de théories confuses, on
attendait, on espérait, on observait. On savait que, dans leurs
suprteies collèges, ces palingénésistes échangeaient entre eux une
monnaie d'un titre plus élevé que le billon qu'ils jetaient à la foule;
on doutait toujours, et avec quelque raison , que tant d'efforts, tant
d'énergie, tant de dévouement, tant d'inspirations originales et
aventureuses vinssent aboutir seulement à des résultats négatifs*
On se taisait, on devait se taire.
Aujourd'hui ces divers moûfa de réserve n'existent plus, au
même degré du moins. D'un côté, la phase active et militante du
saint-simonisme s'est changée en une propagande sourde et mysté-
rieuse. La religion n'offusque plus l'œil du profane par une bizarre
mise en scène; elle n'éveille plus ses craintes par des aphorismes
mquiétans. On ne la voit plus promener dans la ville son travestis-
sement puéril; elle s'est retirée de la politique courante, et quoique
isolément infiltrée dans la presse, elle n'y a plus d organe excen-
trique et spécial; elle peut enfin, comme les autres questions de
morale et de philosophie, être prise au point de vue spéculatif, sans
que nos préjugés si tenaces, et nos intérêts plus tenaces encore, y
trouvent le moindre prétexte à s'effaroucher. D'un autre côté, le
saint-simonisme a dit aujourd'hui à peu près ce qu'il pouvait dire,
hii ce qu'il pouvait faire, formulé ce qu'il pouvait formuler. Sa
TOHB VII. 19
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;8yDiliè8e est complète-en eeitiCi>s*qtt''élie^<tmp6g^^80Mia»tPto
-deaforee»niiee»'eii «ommiui »^tntt>il>e^vt<wielté/ilam Bm ttetrtèm
denltttiyesy à la tinrite de TmpwisMHioel Tenue» ^é théories (yiél l"
A)i iioarelie poav«it procUmier ont éiè |M^edm}éeSy^4e84lRe#%a^ 1^
tàmani y leg-ootres tiîridement; IMei^r'^tt élè;^fl>feq» s&rnivm w» IF
îyenir» d?wifr maniAre ode pour ^la tfWwwie* Ae»€OPri<feë ■ moéènm\ '
4aiv in'eiii6eiit*eUe9 «ien , ees^kéerîes , dHnraiMiflleineRt applkeUk,
€i)es aurom du iioinS) et o^^eetian'erand^féeito ^^mmmé^êiim
sommeil la propriété et Bhérilafle ,:poiMeoteoiûiattiaqoéeà jiB^il
cejmr. Béformaâaeans doale^iiiHeoideidnttriiertA asi»âir4en
<lriiit8)defreloasvaiir les divovs éléiunside t^oeibiié4NHdaiflei'4Stt
deu despotes de la riehesse tendrontà sefofldr^eti^se^eoaAiset
av^eeleiravaîly. piYOtpcobabiejdo'iaaraaHHitm è^^emr*
: Ile8t:daas;notre oonvictionipiie tessint isimuMSUit sMra ili^
iprofitaUe et ipbis fécond coornie mnaoeiqne^^Qoaniiotiippeli Ûk
rallié pfltt de Jsynipathiese»deliorgdesa>petite>ep>èi o àmééafktf^
on reyanche ila ofifiray é bien^des)pnyiié9es^uis'é^emproa»>ae
aaarche calme etJentovers dos'eavahissemeosïOitérievrs.iVifiNMi
WFviceJefdiis téel>qa*ftattreiMki;tIliaito«t critiqué aaroo^vefv^im
ttient^arecsopériorité ;>mais il ^eot «ootvé tmpoissaA^ir'lfOvm
mid bomM et œmpiète fermole dVnr9ani8e[tion..l9o«9ipon&ni9iDS^
quer ce fait ayant d*eiitrer dans son histoire. NonsrtdésirioBS'te-
Uir aussi que rfaeureaottteUe»étailsbionteboisie^fio«r oiisoiansotk
ses travaux. On doit aux morts la Yéfiié^ai>entièro.
I. — SAWT.«HION.
e Levevyoïis, JHMosieurle^iomie^TOMiaTBz doograMleaJbeBiÉi
Caire. » C'est arec ces Biotsx|«0'safiGnsÉitéveiller, àidia»«ept «m,
SaintHSimoDy issu,'S*il faut renicsoice^ide Cfaavlemagae/otiiMm»
iaUemont poitteur d'un des pins beawx noms de notre hîslain.
Nulle viene Sat, eneffèt, plus tourmentée queodteidttolMFposdmBt
de la religion nonreHe. «Soldat de rindépendance améneame,!!
serrit sous Washinfl^on et passa colonel à yingt^^rois ans. rii
f guerre, en eUe-méme, ûe m^intéressait pas, dit-il, mais le sesl
e but de la guerre m- intéressait rivement, et cet intérêt m*en ftiaà
<t>sap{iorter les travaux sans répugnance.. ..«..• Ma Tooation n'étiit
aqpoiat d!ésreaoldat; fêtais porté 1 un genve d'.actfrité Uendiif^
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(
«OCUUSnS VOIlERHBfl* 201
«UQB&i#e&4^piiiauilire>coiilraire. Etudier la-marcha de Tesprit hu-
m mtm, pour irjyailUr ensuite au perfectiounement de la civilisa-
9 tiûa, tel fat le but que je.rae propoeaL j»
Lajé¥Qtation.feaaçMaft trouTaSaintrSimou-en Espagne. Se re-
KHm; à.£asi8».etf iidln^.à se tenir à l'écart des affaires politiques» il
tourna son acrifitA.yers desâpécnlalions et trafiqua sur lerdomai^
nés nationaux » en compagnie d*nn Prussien , le comte de Rœdem»
Saiai^âimoaxlédare dans son.aHto4)iogjrapkie^ et .s&yie justifie ce
d0e»^*il m désîraitt.pas la.foDiune ooaime but^ mais seulement
conmiemofen^a Fonder una^rande école sdentifiq^e et un grand
9 . étaMisiieinf nt industriel y voilà quelle iut mon ambition» » écritriL
luirftttma -
Sa.preanéreiaaiOciati(Mi.ue.fiit: ni loague ni heureuse. Ea 1797»
iLae^eticades a£Eûre8».|iapi)enanÉ ppur ja part que.l^MyOOO livres*
Lfr.refltev qu*il laissa- asi. comte, de Rœderii, fut perdue Dès<4ors.
Stiint4Sîmoik.s*interdit -toute, autre entreprise du^ même- genre; La
Période- cemmerdale de^sa vierélaitrcktte; il abordait la période.
aciamifii|Be. et. expérimentale, lapIusTude» la plus opiniAire de.
toulesy xelle où le Christ nouveau devsni ceindre lacouronne d'ér
pîn«8..Pottr s'initier aux irudimens de la science, il se fit écolier àla
ouBitee^des^ands «eigneujBS^ eu attirant les proCasseurs^chez lui, ,
an liao. d'aller chez eux.. Logé d'abord en facedo TEcole Polytech*
niqMe, il reçut i. sa-table des physiciens, pour, ajqprendre la physi**
^pe,, des astroDomes.pour appcendre .Fastromiuie ; il sema çà et là,
dans toatk corps-enseignaat, des piàces*d'or qu'on oubliait de lui
rendre. Qpandil eut^cquisxle la^oiteiMsaz.de notions mathéma-
tiques, il se rabattit sur les phy6iologi3tes, et déménagea pour s!é-
taidk-près de l'Ecole de. Médecine» Ainsi il -étudia, non sans queir
que» frais, mais avectoutes ses aises, d'une part la science des.
ctmgê Jwttts, d'autre part la.sdenoe.dea corpsranimés. .
L'expérience qui suivit fut ceHe de& voyages. SaînirSimoa par-
courut r Angleterreet V Allemagne, ne renoontrantdaBs la première
aucune idée capitale et neuve, surprenant Fautre au milieu de sa
{(hnosophie mystique , état d'enfance de la science générale. H ne
rapporta rien de cette expérience, si ce n'est la preuve personnel-
lement acquise d*une situation arriérée et confuse. Cest à Tépoque
de cette. tourna européenne qU'iLfaut rattacher la visite étrange
qfefiaintrâimon fit àli"* de Staftl» et sa proposition plus éteange
19.
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i
292 REVUE DES DEUX MONDES.
encore. De passage à Genève , le philosophe demanda la fevenr
d*étre reçu à Coppet ; et à peine entré : — cr Madame, dit-fl à laba-
<r ronne, vous êtes la femme la plus extraordinaire du monde,
(T comme j*en suis Thomme le plus extraordinaire : à nous deux
cr nous ferions sans doute un enfant encore plus extraordinaire.»—
M"* de Staël eut l'esprit assez bien fait pour prendre la chose en
bonne part. Elle en rit.
Au retour de ce pèlerinage, Saint-Simon réalisa sa demièreet déci-
sive expérience; il épousa M"« de Champgrand, aujourd*hui M^^de
Bawr. a Je voulais user du mariage, dit-il lui-même, comme d*an
or moyen pour étudier les savans, chose qui me paraissait nécessaire
<r pour Texécution de mon entreprise ; car pour améliorer Torgani-
<r sation du système scientifique, il ne suffit pas de bien connattre
<r la situation du savoir humain: il faut encore saisir Teffet qnela
<x culture de la science produit sur ceux qui s'y livrent; il faut ap-
9 précier Tinfluence que cette occupation exerce sur leurs passions,
<r sur leur esprit, sur Tensemble de leur moral et sur ses différentes
e parties. » Cette étude fut la plus coûteuse de celles que Saint-Si-
mon avait réalisées jusque-là. En bals, en dtners, en soirées d'expé-
rimentation , il dévora toute la somme qui lui restait de sa liquida-
tion avec M. de Rœdern. Ce fut une sorte de va-tout seigneurial, qui
dura douze mois. Calme au milieu de ce bruit, jugeant les autres
sans en être jugé, pratiquant tout, le mal et le bien, le jeu, l'orgie,
l'entretien décent, la discussion élevée, pour avoir l'expérience de
toutes les choses et de toutes les positions; gastronome, débauché,
prodigue, mais par système plutôt que par instinct, Saint-Simon
vécut en un an cinquante années ; il courut dans la vie au lieu d'y
marcher, afin d'acquérir avant le temps la science du vieillard ;fl
usa et abusa de tout pour pouvoir faire, un jour, tout entrer dans
ses calculs; il s'inocula les maladies du siècle, afin d'en fixer plos
tard la physiologie complète. C'était là une vie purement expé-
rimentale : la juger sur l'étalon des autres eût été folie.
a Si je vois un homme, disait-il, qui n'est pas lancé dans la carrière de
la science générale fréquenter les maisons de jeu et de débauche, ne pas
fuir avec la plus scrupuleuse attention la société des personnes d'une im-
moralité reconnue, je dirai : Voilà un homme qui se perd; il n'est pas
heureusement né; les habitudes qu'il contracte l'aviliront à ses propres
yeux et le rendront par conséquent souverainement méprisable. Mais si
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SOCIALISTES MOBBMBS. 295
cet homme est dans la direction de la philosophie théorique; si le bot de
ses recherches est de recti6er la ligne de démarcation qui doit séparer
les actions et les classer en bonnes et mauvaises; s'il s'efforce de trouver les
moyens de guérir ces maladies de l'intelligence humaine qui nous portent
à suivre des routes qui nous éloignent du bonheur Je dirai : Cet homme
parcourt la carrière du vice dans une direction qui le conduira nécessai-
rement à la plus haute vertu. »
Vertu ou vice, Saint-Shnon s*y ruina complètonent, et alors, an
lieu de pouvoir héberger et nourrir la science , ce fiit au tour de la
sdence de l'héberger et de le nourrir. Elle s'y prit moins magnifi-
quement que lui, car elle destinait le'philosophe à une dernière ex-
périence, celle du besoin et de la misère. Pressentant cette phase
décroissante, Saint-Simon avait déjà jeté le plan d'une rémunération
populaire pour les savans et les hommes de génie, dans ses Lettres
d'un habitant de Genève à ses contemporains, morceau bizarre et neuf
qui trahissait le tour de ses idées, a Ouvrez, disait-il, ouvrez une
tf souscription devant le tombeau deNewton, souscrivez tous indis-
e tinctement pour la somme que vous voudrez. — Que chaque
e souscripteur nomme trois mathématidens, trois physiciens, trois
a chimistes, trois physiologistes, trois littérateurs, trois peintres,
or trois musiciens. — Renouvelez tous les ans la souscription; parta-
<r gez le produit de la souscription entre les trois mathématiciens,
a les trois physiciens, etc., qui auront obtenu le plus de voix. — Les
« hommes de génie jouiront alors d'une récompense digne d'eux et
e de vous. »
Tel était le thème. Le développant dans une série de lettres,
Saint-Simon partageait Vhumanité en trois grandes catégories,
cherchant à prouver à toutes, et avec des argumens appropriés à
chacune, Texcellence de sa méthode de rénounération; puis il éta-
blissait la formule suivante: le pouvoir spirituel entre les mains des
sarans; le pouvoir temporel entre les mains des propriétaires; le
pouvoir de noqumer les individus appelés à remplir les fonctions de
grands chefs de l'humanité entre les mains de tout le monde : pour
salaire aux gouvernans, la considération. — Tout ceci, on le voit^
a peu de valeur; c*est du Platon et du Bernardin à l'état d'amal-
game; c*est un rêve après mille rêves, une innocente utopie qui se
termine par une sorte de prosopopée, épilogue du morceau : a Rome
a renoncera à la prétention d'être le chef-lieu de mon église; le
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391 REYUE DES DEUX MONDES.
« pape, les cardinaux, Tes évéques et les prêtres cesseront de par*
€ 1er en non nom , etc.... j» Le seul farit qni résulte de cet opnscalé,
c*est la tendance théosophique dû réformateur, déjà fortement ac-
cusée. Cette tendance se caractérisa mieux par la suite, lorsque
8^ travaux de philosophie et d*économie industrielle semblëreDt
appeler la religion conmie leur dernier corollaire.
Mais d*autres ouvrages devaient jalonner cette route* Le prCTiier
fut une réponse à un programme de Napoléon. Napoléon avait dit à
riiistîtut? (T Rendez^moi compte dôs progrès de la science depid»
a i9S9 ; dites-moi quel est son état naturel et quels sont les moyens
«r à^^mptoyer pour lui faire faire des progrès. i> A cette question
ainsi posée, Saint-Simon avait répondu d*abord par son Introduc-
tion aux travaux scientifiques du xix« siècle, vaste étude qu*il se sen*
tit lut-mémB incapable d'aborder, et qu'il réduisit à des propor-
tions phis académiques dans ses Lettres au htrean des Longitudes.
L&, comme on le pense, il n*accepta le programme de l'Institut qoe
comme prétexte et comme cadre. Au Keu d'y recevoir rimpulsion,
il'la donnait ; au lieu de régler le passé, il arrangeait l'avenir ; il ftî-
saR de la prophétie quand on lui demandait de la statistique. La
pensée fondamentale de ce travail, c'était toujours de pousser les
stvans vers une œuvre de réorganisation. Il y était dit : or Depuis le
«r xv« siècle jusqu'à ce jour, Finstitution qui unissait les nations ea-
«Topéennes , qui mettait un frein à l'ambition des peuples et des
a rois, s'est successivement affaiblie ; elle est complètement détruite
a aujourd'hui, et une guerre générale, une guerre effroyable, une
<r guerre qui s'avance comme devant dévorer toute la population
o^européenne, existe déjà depuis vingt ans et a moissonné plusieurs
«r milKons d'hommes. Vous seuls pouvez réorganiser la société eu-
a ropéenne. Le temps presse, le sang coule ; hâtez- vous de pronon-
or'cer. j> Comme gage d*tmion et de progrès, Saint-Simon concluait
eu demandant une sorte de magistrature inteltectuette, magistra-
ture d'où est issue , comme dérivation logique , la Mérarchie des
capacités, base de la famille saint-simonienne.
Ce travail n'est pas le seul qu'ait laissé Saint-Simon sur ces ma-
tières philosophiques. Les Lettres sur C Encyclopédie, \ès Mémoires
9ur la Gravitation et sur la Science de l'homme, se rapportent i cette
époque et à cette série d'études.
Jhândant que lé rèformatear poursuivait ainsi tme tâche péiâfle
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etmcomprise/dégraildsévèiiémeTis^Iîtiqties agitaient la France
et l'Europe. La Restauration venait d'arriver, et avec elle un re-
tour vers les noms d'une importance historique. Saint-Simon,
, pauvre alors, vivant de secoure, et simple copiste au Mont-de-
Piété, à raison de mille francs par- an, eût sans doute été admis
aux faveurs de la cour nouvelle, si la direction étrange de ses
idées n*eAt éloigné de lui toutes les offres et toutes le» avances. On
ne fit rien; on ne pouvait rien faire pour un norateur pareil; il
resta conf»lèteaient oublié. Aussi , i peu d'années de iè , en 1819,
fit-il paraître une brochure sous le titre <le : Parabole, dans laquelle
le bout d'oreille du grand seigneur méconnu perce sous Tenvetoppe
de l'économiste radical. Rien de plus hardi, de plus bizarre, et de
plus vrai au fond que ce pamphlet, expression d'une rancune plutôt
que d*un système.
« Nous supposons, y est-il dit, que la France perde subitement ses
cinquante premiers physiciens, ses cinquante premiers peintres, ses
ciaqoaQte premiers poètes, etc., etc. {suit la nomewlainre) , en tout,
les trois mille premiers sa vans, artistes et artisans de France.
c Comme ces hommes sont les Français les plus essentiellement pro-
ducteurs, ceux qui donnent les prodoits les plus imposans, ceux qui di-
rigent les travaux les plus utiles à la nation, et qui la rendent productive
dans les beaux-arts et dans les arts et métiers, ils sont réellement la
fleur de la société française; ils sont de tous les Français les plus utiles à
leur pays, ceux qui lui procurent le plus de gloire, qui hâtent le plus sa
civilisation et sa prospérité. Il faudrait à la France au moins une géné-
ration entière pour repousser ce malheur; car les hommes qui se dis-
tinguent daiBS les travaux d*nne utilité positive, sont de véritables ano-
malies, et la nature n'est pas pr^i^ue d'anomalies, surtout de cette
'espèce.
c Passons à une autre stippôsitton. Admetlons que la France conserve
lOQS les hommes de génie qu'elle fiossède dans les sciences, dans les
beanx'^rts, et dans les Itrtset métiers; nais qu'elle ait le malheur de
perdre le même jour. Monsieur» frère du roi, monseigneur le duc d-An-
gouléme, monseigneur le duc de Berry, monseigneur le duc d*Orléans»
monseigneur le duc de Bourbon, madame la duchesse d*Aagouléme»
madame la duchesse de Berry, madame la duchesse d'Orléans, madame
la duchesse de Bourbon et mademoiselle de Gondé.
a Qu'elle perde en môme temps tous les grands officiers de la Cou-
tonne, tous iBs ministres d*état, tous les mattres des requêtes, tons les
maréchaux, tous lesca!Minattx,>archeTèqaes, évéques, grands-tittiiW
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296 RSYUB DBS DEUX MONDES.
et chanoines, tous les préfets et sous-préfets, tous les employés dans les
ministères, tous les juges, et en sus de cela, les dix mille propriétaires les
plus riches parmi ceux qui vivent noblement.
a Cet accident affligerait certainement les Français, parce qu'ils sont
bons, parce qu'ils ne sauraient voir avec indifférence la disparition subite
d'un aussi grand nombre de leurs compatriotes. Mais cette perte de
trente mille individus, réputés les plus importans de l'état, ne leur cau-
serait de chagrins que sous un rapport purement sentimental, car iln'eo
résulterait aucun mal pour l'état.
<r D'abord par la raison qu'il serait très facile de remplir les places qui
seraient devenues vacantes. Il existe un grand nombre de Français en
état d*exercer les fonctions de frère du roi aussi bien que Monsieur; beau-
coup sout capables d'occuper les places des princes tout aussi convenable-
ment que monseigneur le duc d'Augoulôme , monseigneur le duc d'Or-
léans, etc.
a Les antichambres du château sont pleines de courtisans, prêts i
occuper les places des grands-officiers de la couronne ; l'armée possède
une grande quantité de militaires aussi bons capitaines que nos maré-
chaux actuels. Que de commis valent nos ministres d'état! Que d'admi-
nistrateurs plus en état de bien gérer les affaires des départemens que les
préfets et sous-préfets présentement en activité! Qu^ d'avocats aussi
bons jurisconsultes que nos juges! Que de curés aussi capables que nos
cardinaux, que nos archevêques, que nos évêques, que nos grands-
vicaires et que nos chanoines! Quant aux dix mille propriétaires, leurs
héritiers n*auraient besoin d'aucun apprentissage pour faire les hooneun
de leurs salons aussi bien qu'eux, d
Cette moquerie, si douce et si Gne, fut prise en mauvaise part.
Les grands noms mis en scène, et trouvés si légers de poids auprès
des noms industriels et scientifiques, ne passèrent pas condamna-
tion immédiate , et voulurent qu'un procès criminel décidât de leur
importance sociale. Ce fut étrange de voir alors le comte de Saint-
Simon, le petit-fils du grand-seigneur de la cour de Louis XIV,
venir se défendre, devant des juges, d'avoir avancé que la mort du
comte d*Artois et celle du duc d'Angouléme feraient moins de vide
en France que celle d'un grand manufacturier. Singulier procès
dont un acquittement ne fit qu'accroître le scandale!
Du reste, cette Parabole que nous venons de citer ne fut aux
yeux de Saint-Simon qu*une boutade spirituelle, dont ses disciples
ont toujours contesté T à-propos et la valeur. Il acheva, vers ce
temps, des travaux plus graves et plus complets : La Réorganisa--
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SOCIALISTES MODERNES. 297
lion de la société européenne y l'Industrie, COrgamsaleur, te Politique,
le Système Industriely le Catéchisme des industriels. La publication de
ces divers ouvrages, d*un débit difficile, n*eut lieu qu'à la suite
de démarches humiliantes et longues. Méconnu alors, Saint-Si-
mon se voyait, presque toujours obligé, d*aller quêter, de porte en
porte, TaumAne d*un éditeur. Ces peines ne furent pas les seules.
Plus d'une fois Tunique héritier d*un des plus beaux noms de
France se vit réduit à Tordinaire du pain et de Veau ; plus d'une
fois il se passa de feu Thiver pour arriver, à Falde de privations
personnelles, aux honneurs d*une coûteuse et ingrate publicité.
Toutes ces douleurs, leMessie nouveau les avait prévues, il ne recula
devant aucune d'elles. Un jour pourtant, un seul jour, la tristesse
le vainquit; l'homme écrasa le dieu. Saignant sur sa croix, il de-
manda grâce ; et comme pas un ami ne se trouvait là pour le percer
d'une lance, il se rendit ce service à lui-même avec l'arme plus mo-
derne du pistolet. Les têtes puissantes résistent mieux, à ce qu'il
parait, que les têtes vulgaires. Saint-Simon survécut au suicide. La
balle n'avait atteint aucune des parties organiques, il en fut quitté
pour la perte d'un œil. S'il était mort de son fait, son autorité à
venir en restait singulièrement compromise. D'ailleurs le complé-
ment de sa doctrine eût manqué à ses apôtres ; le Nouveau Christia-
nisme n'existait pas. Le Messie en revint donc, valétudinaire et dé-
figuré.
On^ vu Saint-Simon débuter par l'expérimentation personnelle
pour arriver à la publication par la voie de la presse, et d'homme
du monde devenir ainsi polémiste. Voici maintenant qu'il quitte
l'une et l'autre méthode pour le rûle d'évangéliste et de prophète.
n déserte la pratique de la vie, la tribune de la publicité pour les
prédications delà chaire, a En attaquant le système religieux du
4rinoyen-ftge, disait-il à M. Olinde Rodrigues avant de mourir, on
tt n'a réellement prouvé qu'une chose : c'est qu'il n'est plus en har-
ff monie avec les progrès des sciences positives; mais on a tort d'en
a conclure que le système religieux devait disparaître en entier ;U
a doit seulement se mettre d'accord avec les progrès des sciences. »
Puis il ajoutait par une sorte de retour vers la réalité: crLa der-
cr<nière partie de nos travaux sera peut^tre mal comprise. »
Cette dernière partie des travaux de Saint-Simon, c'est le Nou-
^au Ckrittianisme.
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298- HEYUB 1>B$ DEVX MONDES.
On a taat jpa^é de ce morceau » on Ta exalté avec une affectation
si épiqpç ^ ^ii^ffi p9n^ setoWe utile de ramener les choses dans le
y];i^^ Lapenaée4^^?4p(-SÛQ»QV^» AV^ ^^V) évangile contemporain,
n^eattnisaill^^, ni nçuy^.^11 3*agit toiyour^ d*un plan de réforme
reUçieuse , bia^ée su^p cet argument à Tus^ge des schismatiques de
toutes les époques, d^uis Ar^is jusqu'à M. Vabbé Chàtel^ en pas-
sant p^ Luther : qii^^, le chnatji^isme;a.été détourné de ses voies,
et. que la profanation esV aujourd'hui flagrante dans toutes les
églises. L'auteur, ap^ès quarante autres,, coiini;nence par établir la
grande scission entre la parole divine et la parole humaine , entre
les révélations et les commentaires» entre le texte et la glose; puis,
ces prémissefs posées» il se réçume en concluant que le christianisme,
progressif de sa nature, n'aurait pas dû s'immobiliser dans des
emraves canoniques; et qu'au contraire, recevant autant d'impul-
sion .qu'il en donnait^ agissant sur le siècle, comme le siècle agis-
sait sur lui , il aurait dû se mçdifier suivant les mœurs , suivant
les pays, suivant les peuples, suivant les âges, et ne conserver
d'éternel que cet adage évidenunent divin : cr Aimez-vous les uns
les autres, d Le Christ n'avait pas dit autrement.
Quand il arrive à la démonstration, Saint -Sin^on rencontre
pourtant sa nouvelle et belle formule, celle qu'on aurait compro-
mise en expériences maladroites, si elle n'était pas une vérité
hors d'atteinte. De l'adage : a aimez-vous les uns les autres, » il
tire le principe suivant : <r la religion doit diriger la société vers
<r le grand but de l'amélioration la, plus rapide possible du sort de
c( la classe la plus nombreuse et la plus pauvre. » Tout est là
selon le maîu*^. Unité reli^eusé^ infaillibilité sacerdotale, durée
du culte, sa moralité, son inQuençe, tout, est là. C'est le nouveau
christianisme en trois lignes. S'agit -il en effet de trouver les
prêtres du culte régénéré? H v^ ss^isdire que les prêtres seront
forcément et naturcjllememt les hommes les plus capables de con-
tribuer, par leurs travaux, à Taccroissement du bien-être de la
classe la plus nombreuse et la plus pauvre. Seulement il reste à
régler le choix et Téchelle ^iiérarchigue des hommes les plus capa-
bles. Sur ce point ^ Sa^nt-Simon n'avajit rien ûxé, rien prévu ; il po-
sait sa religion à l'état purement spéculatif. Dans la pratique,
l'organisation hiérarchique d^ plus capables a été u](ie difficulté
presque insoluble. Saint-Simon tournait la difficulté sans l'aborder;
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SOCIALISTES HODERNES. «299
3 faisait de la poésie et nondeJalogiqiiey^qiiaodilchaatait unèpise
anj^ puissans» aux philosophes, auxsaTUs, j«x artisteaeniloat
,çemre ^ pour qu'ils se nissent à la ftète 4u cuke régéoévAyipoiir
qu'ils le readisseot m^eslueux et beau, pour ipi'ilsle reUv^ssoDi
aiLmçyen de tous les prestiges et 4e toutes Us m^gnifioeaces. Galte
théorie péchait par les4eux hases, car il fallait toat à la foia^ne
les privilégiés du génie voulusseatconinmider, -et quelastaotres
se réaigoassent à obéir*
Si cette 4>cganîsatioB indécise et ¥4porease laissa beaucoup i dé-
sirer* enreyanche, toute la, partie critique du Nauveaw Christ*
n'ume est un travail d'une étude profonde et d'un beau caracttee.
S*attaquant d'abord au cathdicisme, Saint-Simon accuse «le pupe
et .son égli^ d^hérésiesur troischefo : l» l-^nseignement hideux
des laïques ; 2» la mauvaise direction donnée aux études des sén*
naristes, et,, par suite, Tignoranceet Tinc^padté religieuse des
desservans du culte ; 3^ l'autorisation occulte^ ou patente acoer*
dée i deux. institutions diamétraleaient <9pposées à l'esprit da
ehristianisme , celles de Tinquisition^t des jésuites : trois erreui s,
trois hérésies capitales du catholicisme, deetructiiEeB duifnaoipe
fondamental de la révélation chrétienne : «aimez^vous les ugs
les autres; » trois 4>bstacles;dirimansià l'améliovatian du sort de
la classe la plus nombreuse^ et la plust pauvM.
Site psqpe esthérétique , Lntherne l'est pas moins j Luther, mx
jeux de Saint-Simon, esthérétique au premier chef, pour av^lr
xjuand il était mattre de sa formule , quand il avait table pase de-
Tant lui , proclamé une morale très inférieure a celle qui peut oon-
yenir aux chrétiens dans Tétat actuel de leur civilisaden ; il l'esten-
core pour ^n'avoir pas, comme Jésus le disait, organisé l'espèee
humaine dans rintérét de la classe la^phis nombreuse < et la {dus
. pauvre. Au second chef ,( Luther est hérétique^pour avoir êé^ifHé
un mauvais culte, pour n'avoir point'appelé,>à Taidede sa réforme,
tous les arts qui charment la vie , la poésie , la* musique y la scv^
lure; pour avioir prosaïsé les sentimens chrétiens; pour s'éM
privé de lillusion sensuelle , de Téinotion scénique , qne le cathoK-
eisme avait si bien mises en cenvre^ En fin , Luther est hérétique au
troisième chef, parce qu'il ordonne de lire et de ne lire que la Bible»
lecture exclusive, immorale souvent, féconde en révélations sur
les turpitudes humaines , nommant de ces vices dont rexistencd
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300 âSTUB DES DEUX MONDES.
même devrait être ignorée; lecture trop métaphysique d^aillearsy
et qui n*e8t pas une des causes les moins actives du dévergondage
nébuleux des philosophies allemandes. Donc, sur ces trois cheEs,
Luther est hérétique conmie le pape Ta été sur d*autres chefis. Lan
et Tautre ont dévié du grand axiome religieux , du but essentiel de
toute loi et de tout dogme : Tamélioration de Fexistence morale et
physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre.
Pour rétablir le christianisme dans ses voies , il fallait , toujours
suivant Saint-Simon , lui restituer un côté matérialiste dont Tabsenoe
le frappe de stérilité dans son action sociale. Le mot de Jésus-
Christ : Mon royaume nest pas de ce monde , mal compris et plus
mal pratiqué» avait établi, dans la religion ancienne, une lutte
éternelle et indéfinie entre la matière et rintelligeoce , le corps et
Tesprit. Cette lutte devait cesser ; le culte nouveau devait être on
feit à la fois social et religieux.
Tel est le Nouveau ChrManisme, dans lequel Fauteur a mérité
qu'on dit de lui ce qu'il disait de Luther: /( a bien critiqué , mai»
pauvrement doctrine. De cet opuscule ont découlé, pour les disciples
de Saint-Simon , d'abord les deux ou trois épigraphes de la foi
nouvelle, puis l'appel aux capacités pour qu'elles eussent à concou-
rir au grand œuvre de la rénovation religieuse et sociale ; puis
encore cet apostolat, tout de persuasion et d'amour, cette nouvelle
communion de martyrs à laquelle il n'a manqué que des bourreau
plus farouches ; enfin le principe vieux, mais oublié, de l'aflectioa
fraternelle entre les hommes, base de la nouvelle organisation so-
ciale qui remplacera la force militaire par l'union pacifique, qui
dissoudra l'armée pour enrégimenter les travailleurs.
— Jésus-Christ a préparé la fraternité universelle , dirent les
successeurs du prophète ; Saint-Simon la réalise. L'église vraiment
universelle va paraître : le règne de César cesse. L'église universelle
gouverne le temporel conmie le spirituel, le for extérieur comme le
for intérieur. La science est sainte, l'industrie est sainte. Des prêtres,
des savans, des industriels, voilà toute la société. Les chefs des prê-
tres, les chefs des savans, les chefs des industriels, voilà tout le
gouvernement. Et tout bien est bien d'église, et toute profession est
une fonction religieuse, un grade dans la hiérarchie sociale.— A
CHACUN SELON SA CAPAUTÉ ; A CHAQUE CAPACrrÉ SELON SES OEUVRES.-'
A c6té du texte de Saint-Simon, telle est la glose saint-simonienne.
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SOaÀLISTES KODERIfES. SOI
Quand Saint-Simon eut écrit son Nouveau Christianisme, sa santé
alla dépérissant chaque jour. Réduit à vivre d^emprunts, en proie
au besoin et criblé de dettes ^ il n'en conservait pas moins un calme
et une sérénité impassibles. En 1825, le mal redoubla; pendant
deux mois il ne vécut que d'eau et de bouillon. Le corps s'en al-
lait, mais la tête n*avait rien perdu de son activité. Malgré ses
souffrances, Saint-Simon s'occupait alors de la fondation d'un
journal qui continuât ses doctrines , et préchant son œuvre, la sui-
vit dans ses développemens. Ce journal était le Producteur que le
moribond n'eut pas même la joie de saluer comme le vieillard du
cantique. Le 19 mai , il mourut dans les bras de quelques disciples :
H. Auguste Comte, son Benjamin, son vase d'élection, qui depuis
renia le maître, et M. Olinde Rodrigues, qui glorifia Saint-Simon
avec MM. Bazard et Enfantin, puis avec M. Enfantin seul, pour se
retirer dans sa tente au jour de la rupture.
Cette mort de Saint-Smon serait demeurée sous le voile, si , plus
tard, les disciples alors présens n'en eussent révélé les détails.
Leur pieuse affection n'a pas, on doit le croire, rapetissé le héros.
Peut-être même a-tron eu le soin de le draper pour mourir. N'im-
porte , il faut raconter ici comme ils racontent ; le moment suprême
a des solennités qui désarment le doute. Saint-Simon sentait la vie
le fuir, il rassembla autour de son lit les confidens de ses pensées,
et leur dit :
« Depuis douze jours , je m'occupe, mes amis, delà combinaison la plus
capable de faire réussir notre entreprise ( le Producteur ) ; depuis trois
heures, malgré mes souffrances, je cherche à vous faire le résumé de ma
pensée. Vous arrivez à une époque où des efforts bien combinés parvien-
dront à un immense résultat La poire est mûre; vous pouvez la
cueillir La dernière partie de mes travaux, le Nouveau Christianisme»
ne sera pas immédiatement comprise. On a cru que tout système reli-
gieux devait disparaître, parce qu*on avait réussi à prouver la caducité
du système catholique. On s'est trompé : la religion ne peut disparaître
du monde; elle ne fait que se transformer Rodrigues, ne l'oubliez
pas! et souvenez- vous que, pour faire de grandes choses, il faut être
passionné Toute ma vie se résume dans une seule pensée : assurer à
tous les hommes le plus libre développement de leurs facultés, b
D se fit alors quelques minutes de silence, après lesquelles
ragonisant ajouta ;
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RfiTtnK mn* oeui.*'iriii0B8*
i^'^ftgnttte^hcil heures 'iipr es* notre Meoudo piAfNeiitlOD y -le^pitttMes
traTriiUeors^«era eoBstHué : r«fieoir ffs^ à noos;'»
Ces motsridits , 'û porta la main à sa tête, etmointit.
Ainsi, ' pour Té8amer''^alm-Sinion, îl 'ftnt le Toir soastrdb
aspects ssfllans et bien distincts : comme «xpérimentateiir/ixniime
publiôiste/ comme réformateur religieux.
Comme expérimentatear, 11 partit de ce feit, qnefersealmoyeirtte
pousser la philosophie dans des Toies progressires ^étàit de s»
livrer à des expériences successives et personnelles. Cfaerdiam,
combinant des actions étranges etinouies , ou de nourefles séries
d'actions ^il s^abandonna sciemment à "beaucoup d* épreuves folles;
il fat extravagant selon ' le ~monde , 'bizarre , immoral ; mal 'femé;
choses qui lui importaient peu , car il tévait une mortittènouteDe.
Voiciix>mment il définir lui-même cette phase expérimentale :
a lo Mener, pendant tout le cours de la vigueur de Tàge, la vie la plas
originale et la plus active possible.
a 2^ Prendre connaissance , avec soin , de toutesies théories et de toutes
les pratiqes.
et 3« «Parcourir toutes les classes de la taolété , se plaeer penanoeiie»
ment ^ans les positions weîlksi tes fiasidifttreiiteB,''el'ni«ae«réeriées
relationsqui n'aient point axitté.
a 40 Eoftn ^ employer* sa vieUltee à céaomer .las -abservalkos sar'>lii
effets de ses actions pour les autres et pour soi, et à établir deafinoqfMS
sur ces résumés. j>
Dans 4a seconde phase de sa vie, Saint-Simon résuma, comme
puUiciste^ les impressions xfa*ik avait ^icquises dans sa vie expéri-
mentale; il cherchai les rendre profitables et praticpies pour le
monde industriel, sctentifiqne et politique; 11 essaya, par lambeaux,
son système de doctrine et d'application générales , dont la syn-
thèse ne devait se trouver que plus tard dans le Nouvem Chmia-
nisme, attique de son monument.
Enfin , comme révélateur rel'gieux, il couronna ses travanx an-
térieurs, travaux incomplets et préparatoires, par la théorie
d*une socialisation chrétienne; il donna la formule qui résumait,
suivant lui, le seul principe révélé du christianisme, le seul artidc
de foi qui fût d'inspiration divine : <r La religion doit diriger la
or société Ters le grand but de l'amélioration la plus rapide pas-
a sible du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre; 1
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sqntmgft^dii pauwfrdo frateinkA, d^msiem ^ d'iufem, qti vaut,
à.aUe s^ula, ioiU^iOrCod»' 4e;iDgrak; masuBe aakce, dwaat hk**
qncJle Yjenmnl MS^amartir etra^-Aleioëar toi giaad^ et baïUieMi m^-^
bilM4lea.fûciélé8 maderiiM, TégMleaia^ la hai»e^ riaotomeai, 1»
daula^ ledécourasunant» Ia>Biaiivakft Cm ; dog«i6 déji {Mresaeati
par. le pbilosq>be danr les JUures'd^êifkbaUiënè iU Gmèveel daaa ht:
PwpfiboU; iBieBxaopiMé4>toalagd par laAhwyowitgiiDii rfg to ^octAér
etu:0péettne^ et par isaa autres ominraga^ d^économie iaduMMIe^
mais articulé senlawant4.yn» maaiAre formelle et prioiee dane le*
NomwKtm CértrtmwîMWf »ce ieeiaiaeiit.de<fiaiiit<rSiiBOiib
IL —«lEIlIB&E ÉPOQUE.
L^ ProdneWor.
jLe Producteur, on vient de le Yok, fut fondé aur le lit de mori
de Smnt-Siinon. Légataire plus spécial de. la pensée du maître»
M. Olinde Rodrig^es-chercha.à s*aatûcier quelques esprits sympa^
thiquctf à la doctrine nouyelle; il trouva alors , et successivement^
MHi. Bazard (qui signât SaintrAmand), Enfantin, Cerdety Bur
chez, et d'autres encore» qui ne suivirent pas ou laissèrent ensuite-
à mi-chemin Tœuvre de propagande saint-simonienne. Le Produc-
teur, ne pouvait pas, ne devait pas être une chaire exclusive pour
la religion encore dans ses langes. Les disciples que SaintrSimon
avait laissés n'étaient ni assez nombreux, niassez riches pour poiK
voir repousser une rédaction et une organisation étrangères.. Une ^
sodété en commandite se forma pour la. fondation d'une feuille^
destinée, en grande^partie^à des articles de technologie et de «ta*
tistique industrielles. L'intention des principaux eoopérateurs était '
bien de fonder une école; mais le plus grand nombre se bornailjà
exprimer des sentimens individuels et des opinions isolées.
Cétait d'aflleurs à une époque où Ton avait à se. défendre sur-
on autre terrain que sur cehti. des idées spéculatives. Comme la
réaction d'absolutisme marchait alors dans une phase d'ascension
et de triomphe, la résistance des sentimens^t des. intérêts contre
dea empiètemens scandaleux s'organisait à l'jombre du hbér séisme;
Cette formule, dont.on^ reconnu plus tard le vague et l'impuis^
sance, régnait, alors M passionBait les esprits..L!un.dea chefs fo^
turs du aaintr^îmamaniey^oebii qui devait prêter à la doetriae
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S04 REVUE BES DEUX HOlfDES.
TappUi d'une dialectique vraiment puissante, M. Bazard, était loi-
môme un chef de carbonari, échappé comme par miracle i cette
échauffburée de Colmar et de Béfort, où Lafayette joua si bravement
8Si tête. Les forces vives de la France étaient alors tendues de ce côté.
Placés de la sorte entre deux camps acharnés, les disciples de
Saint-Simon auraient été fort mal venus à faire entendre une ph
role toute pacifique. Enseigner alors le dogme du maître , prêcher
l'autorité à une époque où Ton abusait de l'autorité, parler d^nn
christianisme nouveau à des populations que fotiguaient les prétm,
déployer le drapeau d'un schisme en face des susceptibilités ortho-
doxes du moment, c'eût été se vouer à une prédication stérile et
dangereuse. Le Producteur tournarécueil. H réserva pour des temps
meilleurs la doctrine sociale et religieuse, et ne s'occupa que da
développement industriel et scientifique de l'humanité, d'après h
théorie de Saint-Simon. Des plumes vigoureuses et exercées, des
talens pleins de jeunesse et de verve, des hommes d'élite, parmi
lesquels nous ne citerons que M. Carrel, restèrent alors associés,
pour la rédaction de la feuille, au petit noyau des saints-simoniens
primitifs ; et le succès qu'elle obtint parmi les esprits sérieux, ré-
sulta en grande partie de ce concours d'intelligences élevées.
Bientôt pourtant, un changement survenu dans le format et
dans le mode de publicité ramena le Producteur à son unité origi-
naire. De journal hebdomadaire il devint recueil mensuel. Ceoi
qui ravaient fondé, puis transformé, le soutinrent pendant quelque
temps encore, après quoi il s'éclipsa un beau jour, faute de
5,000 francs annuels pour le continuer. Les apôtres n étaient pas
opulens, et les mains qui jusque-là avaient feit les avances, étaieot
lasses de donner. Le Producteur mourut.
Dans sa courte existence, bien qu'empêché par des craintes de
saisies judiciaires, il avait posé, en fece du gouvernement le plus
ombrageux, une foule de questions hardies et radicales. Il avait
parlé de l'affranchissement de l'industrie, quand régnaient, dans
toute leur gloire, les théories de M. de Mayrinhac et les tarifs de
M. deSaint-Cricq; il avait convié et excité à une œuvre d'orga-
nisation nouvelle les savans , les artistes, les financiers , ces puis-
sances indépendantes que l'on craignait tant alors. Le Producteur
avait fedt plus encore : il avait prêché l'union et l'oubli à l'opinion
dominante, et hasardé des mots de réforme sociale, précoces et
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SOCIALISTES MODERNES. 305
aiidacieux. Cétait beaucoup que de se déclarer neutre en temps de
guerre, que de se mettre entre deux armées qui se battaient, au
risque de se voir frappé par Tune et par Vautre, et avec la certi-
tude d'être impuissant à les pacifier. Ce dévouement opiniâtre, cette
patience à éclairer les questions de Tordre industriel, que dénatu-
raient alors les desservans de la statistique; cette persévérance
désintéressée dans une œuvre calomniée et méconnue, tout cela
caractérise et honore les jeunes philosophes pour qui le Producteur
fut une espèce de prologue àTapostolat. La tâche solitaire qu1Is
poursuivaient avec une obstination consciencieuse était d'autant
plus méritoire, que Téclectisme doctrinaire remplissait alors le
monde de ses mérites, et qu'à côté de leur feuille, pauvre et mo-
deste, débutant comme le maître avait fini, par Tindigence et un
ai^l à des bourses profanes, rayonnait un journal semi-périodi-
que, organe de cette philosophie transitoire qui vulgarisait tout sans
contrôle, quelquefois sans discernement; philosophie de beau style
et de belles formes, qui n'eut guère que des vertus négatives, même
au jour où elle prévalut.
ffl. — DEUXIÈME ÉPOQUE.
Enseignement de la me Taranne. — Ezpoiîtion de la Dootrîne.
Quand le Producteur tut mort, on put croire que le saint-simo-
nisme avait fini en même temps que lui. La presse philosophique
le crut; elle sonna, avec le zèle et la grâce d'une rivale, les funé-
railles de la doctrine nouvelle. Mais il en est de la parole répandue
dans le monde comme de ces semences que le vent promène d'une
zone à l'autre, qui traversent les mers dans le bec de Toiseau, et
vont germer loin de l'arbre qui les vit mûrir. La publicité du Pro-
ducteur avait eu un rayonnement borné, mais choisi : un petit
nombre de lecteurs attentifs s'était mis peu à peu dans le courant
d'idées de la doctrine, et avait senti à son unisson. Des sympathies
réelles étaient acquises aux principes ; le désir de voir les hommes,
de les connaître, d'apprendre de leur bouche le complément de la
philosophie saint-simonienne , tourmentait quelques têtes plus en-
thousiastes que les autres. On s'écrivit, on se visita, j[>n s'aboucha;
des correspondances s'organisèrent; des réunions eurent lieu; des
centres de propagation se formèrent sur divers points. On pro*
TOME vu. SO
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30ft, REyoB DBS f^mpL xamsAi
céda mém^ dè«-lar6 à un syatàme d'afgliatîMi^ mvio^alMaini
br^uees^ Quoique. les ap^ites euaseni éié oblî^ de fenoweriJbi
presse , coiQfl^e infkieiiee périodique, ils s^ea «ervireul p«riaAnN^
railteiiee, poiv prâcher leurs idtes daas des brochwe» er d«M.
di^ livres, Ces ouvrages n'éiiii^t poini wx^piv»: compte! de It^
phj]i<»âaphie de Saini-Sîioon , mais^uJeiiient de» théoMS indostiists.
oujM^ien|ifiques> dé^eloppte diaprés la. méthode ^.^eklfiiMi^
rium de la doctrine^
Bi^ntÀt anAsi^» en^igi)9»(ep4i0ral s'owrii4ai»B une aalle^rae;
Taraoi»^» et M. jBas^cd j poiHrswril, dans une longw suîfte de^oi»
férenioes^ LEjcpmt'tan ^ompiH^ide luifoi 9ai9Utsimoniemi€M.Akms}imi
iojtàatîoQi» aUèremcbaqw jour eiiai«giReQisuit;J*éQol6^ere(ma.
surtout parmi les hommea qiiîvse paient le moius à» rèyenis,
permi les élèves de TÉcole Polytechnique, ce sanctuaire deasaor
ces positives. C'est à cette date qu'il ifojiii rappoiDler les afifiliaiioM)
de MM. Garnot^ Miabel Chevalier, FourueU, Pugied, Bacraok^
Charles Duveyrier, Talabot» et quelques autres^qui, av^o MMi Bu*
zardy Enfantin et Rodrigues, premier trinAme saiat^siaKMiieny
composèrent le noyau de philosophes et de prôtres qui devaient
plus tard constituer, ce que l'on nomma le grand collège.
L'enseignement de la rue Taranne fit faire un grand pas à la
doctrine. Les matières se trituraient en commun entre MM, Bazard
et Enfantin; ce dériver pr^e^sant toujpui*^ Fautre^ éveiUiuit les
qupsfjp^sjuxi^ à UQ^, et les livrapt < ensuite i la^ déduction in»'-
Yonsf^f à la sagacité didactique, «de son^coilégiie. Après aroir ptr^
co^U et réglé dans le Produolteur la sâri^ di^a £»it8 indu^triisla, kti
esprits jn^pulsifs de Técole expliquèrent, dana i'£^paMiîM orafe,
les autres phénomènes de Vactivité bumaimp et direntr la loi qui-
devait féconder son avenif^ Ce n'était plus alor^une démoiisitraiîeB<
étriquée et partielle; c'était^lasçiencei générale qui,all»| dérouler
ses magnificences^
La première, partie de cette EjçposiUon de ladoi^ne n^ conte-
nait que fort peu d'indications or^^aniqnes. La critiqpey dûmkuà.
le reste ; elle s*y était fait.une large part. Céuit le view imBd» m
présence du pouveau ; Vun^sur la sellette, Tautr^sur un fouteuil dt
juge. Dans uq dé^at ainsi ppsé, on devine quel deyaitéf rye^ vaioeo^
r£j77p.si/îpn commence par déplorer la|^t|uatjapi doiiloureuw
dans,laq\iel}ejieirouy^Ja /société ^uropéeni^ ]^ hitte ai Fi
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mCIÂlf STES MODEKIVES. 'SO?
Igoiibiiie soiit pattoiit^ la o6bésîon efla concordene soûtniille patt.
Tons les^Jens^seTélàchent; le regret et la crainte,' la déflance et
ia hakte; le charlatanisine'et laruse apparaissent aussi bien ^ans
TwrTdatioftsgénérrfcstpietlans les rapports individuels. Ce désoi^
•tffe, cette anarchie, se retrouvent dans la politique qui nous divise
•an nom du pouvoir et dcf la liberté ; dans les sciences que rien ne
ïeetttredles, quf marchent ^disjointes et nu hasard; dans Findus-
trie que ronge la lèpre de la concurrence; dans les beaux arts tpii
languissent, privés d'inspirations vastes et fécondes.
^^QnMàdV Erpontion a amsi caractérisé , à son point de' rue, les
^sociétés modernes, elle convie Thumanité à une autre nature de
rapports ; die indique aux mortels divisés or urilien d*affection, de
^'doctrine etd'activité^tpii doit les unir, les foire marcher «n paix,
^avec ordre, avec amour, vers une commune destinée, et
a donner à la société, au glèbe lui^^méme, au monde tout entier ,
xr un caractère d'union, de sagesse et de beauté, jd
l^ur arriver à la démonstration de ce feit, TExpontûm' procède
par la méthode historique relie ouvre le livre des tradition^'ei
fiait voir -comment rfaumanité a marché vers Saint-Simon parles
périodes d'-égoîsme et d^^béisnie; elle formule et fonde son sys*
tème annaliste sur la science de Tespècc humaine ; elle y trouve la
justification d'une tendance irrésistible vers Tassociation unîveF-
seHe, puis elle cherche à deviner quel sera le père de cette* race
- ftitiire, BHede Fassodatton , quMe sera la^viUe inittatidoe iki geiif«e
humain ,• la Ville du progrès TOodcme, comme l'ont été, aux temps
anciens, 'iémsalem, la^Kome impérriklett^'la^Bome chrétienne.
'Passant àrTautres intérêts, rBjrpowfian constate par«(ueMibus
du*foit r homme a été jusqtfiti, toujours et partout , exploité par
Phomme : tfHe proclame le droit nouveau : « A chacun suivant sa
tf capacité; à Chaque capacité suivant ses ceuvres; » droit qui «est
appelé à détrèner les privilèges de la conquête et de la naissance.
Personne désormais n'aura recours à la' force, caria force n'est
utile que pour imposer un abus. D'où il suivra que l'ancienne or-
ganisation, militaire et oisive, fera place à l'organisation active et
padliqtte des travidleurs, classés selon la hiérarchie.
De cet appel aux travailleurs conviés à un droit nouveau, l'Ex-
posiiien arrive à Texamen de la loi constitutive de la propriété, ici
la doctrine tranche dans le vif de la richesse actuelle : Jésus a
20.
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308 EEVUB DES DEUX MONDES.
ïit : a Plus d'esclavage! » Saint-Simon s*écrie : a Has d*lièri-
ff tagel o Après quoi conune la nature , qui &uche des honmies
chaque jour, exige un système quelconque de successibilité, tEx-
position y pourvoit et adjuge aux chefs de la doctrine le letoor
de tous biens, devenus ainsi à la fois communs et mainHoortt-
bles, à la charge seule, pour le suprême collège, de faire èlevw les
enfans dans une direction professionnelle, de les doter, de les
surveiller, de leur tenir lieu de père et d'héritage.
Des vues de législation assez étranges, des critiques générales
ou minutieuses sur Tétat actuel des sciences humaines , complètent
cette première partie de l' Exposition. La seconde partie est [dos
sérieuse, plus travaillée, plus vaste: elle aborde, quoique toujours
sous des termes mystérieux et emphatiques, les problèmes de
l'organisation future. C'est là que M. Bazard écrivit et écrivit seul
les prolégomènes de la doctrine qui allait passer à l'état de refi-
gion. Le dogme, la morale, le culte, s'y trouvent sinon formulés
nettement, du moins indiqués de telle sorte, que plus tard cet écrit
put fournir une longue série de thèmes aux enseignemens da
Globe f aux prédications de la salle Taitbout, et aux orageux dé-
bats de la famille de la rue Monsigny . Quand M. Bazard mettait ea
ordre ce beau et lumineux travail, si nourri de faits et d'études, il
ne se doutait pas que le texte en serait plus tard invoqué contre lui,
et qu'au bout de cette longue traite, épuisé autant qu'épouvanté
du chemin parcouru, il trouverait son collègue Enfantin qui lui
crierait : or Marche I » quand il eût, lui, fait si volontiers une halte.
C'est, du reste, ici le moment, à la veille de la transformatioii
retentissante que va subir le saint-simonisme, de résumer sa foi,
telle qu'elle résulte de l'Exposition et des œuvres qui en sont la
glose. U faut seulement laisser à l'écart, comme réservées, les
questions qui, dans la suite, soulevèrent des tempêtes.
Commençons p^r la tète du système : Dieu. Voici le Dieu saint-
simonien dans une première définition :
a Dieu est un. Dieu est tout ce qui est; tout est eu lui, tout est par lai;
tout est lui. Dieu , l'être infini , universel , exprimé dans son unité virante
et active, c*est l'amour infini, universel, qui se manifeste à nous sons
deux aspects principaux, comme esprit et comme matière, ou, ce qui
n'est que l'expression variée de ce double aspect , comme intelligence et
comme force, comme sagesse et comme beauté» L'homme, représeau-
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SOCULISTBS MODERNES. 309
tioD finie de Fétre iofiol ^ est , comme loi, dans 60d unité active , amonr;
et dans les modes , dans les aspects de sa manifestation ^ esprit et matière,
iotelligence et force , sagesse et beauté, b
Plus tard M. Enfantin, pour aider les mémoires paresseuses,
abrégea cette longue et nuageuse définition. Voici la sienne :
« Dieu est tout ce qui est ; tout est en lui , tout est par lui.
c Nul de nous n'est hors de lui , mais aucun de nous n'est en lui.
c Chacun de nous rit de sa vie , et tous nous communions en lui , car il
est tout ce qui est.»
Après le Dieu y lé Messie.
Saint-Simon était ce Messie. Il ne relevait que de sa nrisnon di-
Tine. Comme Jésus, il avait été envoyé pour annoncer au monde
une doctrine bien plus complète, bien plus sympathique que le
christianione. Écoutez :
c Le monde attendait un sauveur.^.... Saint-Simon a paru,
c Moïse, Orphée, Numa, ont organisé les travaux matériels.
t Jésus-Christ a organisé les travaux spirituels,
c Saint-Simon a organisé les travaux religieux,
c Donc Saint-Simon a résumé Moïse et Jésus-Christ.
«Moïse serait dans l'avenir le chef du culte, Jésus-Christ le chef du
dogme ; Saint-Simon serait le chef de la religion , le pape. »
Pour édaircir tant soit peu ce mythe, cette fusion du travail
matériel et du travail spirituel, absorbés l'un et l'autre dans le
travail religieux, U faut avoir la clé de ce que l'on a nommé, dans
Técole, le dualisme catholique, le combat de l'esprit contre la
chair, de Tintelligence contre la matière. Au lieu d'adopter cette
division consacrée jusqu* alors, le saint^imonisme s'annonça comme
devant l'annuler, l'heure étant venue. Ces deux principes, dé-
mens d'une lutte éternelle , an lieu de se combattre allaient désor-
mais se OHiibiner , recevoir une impulsion unitaire, se sanctifier
lun et l'autre, et l'un par Vautre. Avant notre époque, cette cause
de conflit, introduite dans les diverses reliions régnantes, les
avait rendues, disait Técole, vicieuses et incomplètes. Le prindpe
du bien et du mal proclamé par la Genèse, les dieuxbons ou mauvais
du paganisme grec et du fétichisme hindou, avaient amené ce dua-
lisme interminable, cet antagonisme dogmatique qui se résumait
pour Fhumanité en révolte des sens contre la raison, révolte fu-
neste, qui tenait l'ame et le corps dans un état d*irritation et d'hos-
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■JSM MmiB BB8 BBirX «OlIDES.
•tilité oonMtBteSy et qniy passant de l'ordre idéal dans Fordie
«positif, réagissait sur les lois, sur les mœurs, snr les habitodei,
sur rorganisation sociale et politique; créant ainsi, d'une part^ks j
t haines entre individus, dé l'aimre les guerres entre nations.
Donc il faBait, pour^^se Thumanié arritfttâ la oompUtéb»- \
monie de ses forces, que la chair et la matière fassent réhalNitéei.
Il fallait Mre justice, dans une loi nouvelle, de toutes les abomi- ^
nations et de toutes les erreurs île la loi ancienne; des suppBoi i
volontaires du fakir hindou, comme des macérations et des jeûaei
du cénobite chrétien. Les devises catholiques: e'Ifortifiei-feQs;
a abslenez-YOus,» devises négatives et vie3Ues, deraîent sereli*
Ter devant c^e^â :'« fiaoctîiee-inous dans le travail et daas'b ^
a plaisir. »
Ce dualisme, admis une fois comme élément et eomnefonw,
avait dû se glisser jadis et suinter, par miHe fiisiires inpetoep- i
tibles, de la base au sommet de Thamanté, a^ialHaer daas^les
mœurs et dans les institutions, dans les peuples et dans les goafe^
nemens. Ainsi la distineiion entre la chair et l'esprit avait conduit
à reconnaître deux directions, l'une temporelle, l'autre spiritodk,
à proclamer deux maîtres, un empereur et un pape , chacun arec
sa hiérarchie et ses attributions distinctes. Les paroles : < Ifon
a royaume n^est' pas de ccnonde. ---Rendez à César ce qme^i
9 César^etàDieuee quiest àDieu, j» avaient étalArpour le diris-
lîanisroe cette préansse orageuse, dont la eonséffuenoe apparais-
sait *d»s unet|Kuerre de dii^tiifitcenta «as, entre letemrporèlecle
spirituel.
Le samt^^iBonisne'tt'iMimettàlt pas ce thièl; il n'admettait fos
que Ihimanité dût *écre ainsi à tout jamais écartelée , tirée àdrcîte
par la chair , tirée à gauche pai^Vesprit, ne safchant que croire on
de ses instincts ou de ses idées ; il n^ admettait pas ces deux forces
rivales s'annulant dans le choc, ces deux glaives toujours prêts à
ae croiser ; ces deux prmdpes obligés de vivre ensemble et de lot-
1er toujours. Le prêtre de Saint-Simon devait reMer , d'après son
expression, la chair et l'esprit, et sanctifier l'un par l'autre.
Cette sanctification, cette réhabilitation de la chair n'était for-
mulée toutefois dans l'œuvre de M.'Bazard que d'une manière im-
plicite ; mais M. Enfantin sut la dégager du fond même de la déinoih
stration et se servir de cette arme contre celui qui l'avait forgée.
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aocuusTKs uovwmt S|4
Huod phis tard la controverse se fut engagée^ enlre saînt-si-
loniens, sur les questions de morale, on argua» pour battre les
iisâjdeas, de cette partie du dogme, qui n'avait eu d*abord,ec
[«■s la pensée même de rapAtre ,. qu'une sigmfication politique.
Ce qu'on voulait en effet, vers ce temps, avant que la Camille de
a rue Monsigny eAt été fondée , c'était la constitution de l'autorité,
a la règle de la hiérarchie. On entendait prouver Futilité d'un cu-
m), la puissance d'une fusion entre deux pouvoirs jusqu'alors
tiraillés et distincts. On voulait dire : a H n*y a plus un empereur
r et on pape ; il y a un Père. » On méditait un régime qu'à défaut
d'autre nom on peut appeler théocratique.
Cette théocratie ou association , comme on voudra, divisait l'hu-
nanitéen trois classes ; savans, artistes et industriels ; hiérarchi-
quement soumis aux premiers industriels, aux premiers savans»
aoxpremierd artistes. Ces chefs devaient administrer les intérêts
matériels et intellectuels delà société saiiit-simonienne, dans les
voies et selon Tesprit de la formule du maître : a l'amélioration du
« son moral , physique et intelIect^el de la classe la plus nombreuse
a et la plus paavre. » Ds devaient le faire suivant le mode de répar-
tition fixé par la deuxième formule : a à chacun suivant sa capa-
<r cité; à chaque capacité suivant ses œuvres, d
Ainsi par la foi nouvelle et i l'aide de ses organes, la cité, comme
le département, comme l'état, comme l'humanité, marchait vers un
but unique j but immense et fécond ! Hais par quelles lois allait-on
tendre vers cette ère d'harmonie universelle et de sublimes ma-
gnificences? Quelle allait être la règle fixe et reconnue des nouveaux
rapports de l'humanité? Le droit romain et français périssant en up
jour, qu'allaiton consacrer à sa place? Aux époques critiques,
comme le sont toutes celles que le mondé a traversées jusqu'ici, Thu-
manité pouvait et devait se contenter de lois mortes ; mais une épo-
que organique, l'époque saint-simonienne appelait la loi vivante.
«Uloi vivAXrg (i),— c'e^j^M^Ba^iarA^ g«rl9rr*1M fe trottFc qu'aux
époqoef organiques; et ^Xon la loi» c'eç), rhûf;oq^{ tovlo^ra ell^ A un
nom^et ce no^n est ce^ui de^on auteur. Et d'aji>ior,4çeUe q^l di)ipine toutes
les autfQs, celle qui a fondé, la société, c'est, selon l^.tem{(S.| ou la Ipi de
Numa, ou {a loi de Moïse, ou celle duXhrist, cqmmf^ .dwis l'avenir, ce
(<) tj^iitifn, tome n.
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512 RETUE DES DEUX MONDES.
sera celle de Saint-Simon. Bien loin alors que la société s'efforce de
mettre dans Tombre le législateur suprême dont Tamour prophétique hd
a donné naissance, elle s'empare de son nom , elle Fincame en elle; c'est
par ce nom qu'elle est, et c'est en lui qu'elle se glorifie d'être. Touto
les lois qui, dans la suite des temps, se produisent comme l'interpréu-
tion, le développement ou le perfectionnement de la loi révélatrice, de-
viennent également inséparables de leurs auteurs.
«C'est toujours le législateur qu'on aime; c'est à lui qu'on obéit
Dans l'avenir, toute loi est la déclaration par laquelle celui qui préside
à une fonction , à un ordre quelconque de relations sociales, fait connaitrr
sa volonté à ses inférieurs, en sanctionnant ses prescriptions par de;
peines ou par des récompenses. »
Voilà doncle prêtre, non-seulement chef spirituel et temporel,
mais législateur et juge. Il sera plus encore. H sera le manutentear
et le distributeur de la fortune sociale : il la recevra par voie d'hé-
ritage, pour la rendre à chacun et à tous en instrumens de travafl.
Ainsi tout sera concentré dans les mêmes mains; action impolsiTe,
action coërcitive; tout marchera dans une pensée et vers un bol
uniques. Il y aura des millions de bras, il n'y aura qu'une tête, l'o
honmie résumera rhumanité. Toute lumière viendra converger en
cet homme pour rayonner ensuite, hors de lui, plus vive, plus fé-
conde, plus pure. Cet homme, ce pontife, ce sera le plus fort Je
plus sympathique, le plus généralisateur de tous les êtres vivans;
il embrassera dans son amour et l'amour du prêtre de la science et
l'amour du prêtre de Tindustrie; il reliera socialement les théori-
ciens et les praticiens. C'est lui, la loi vivante, qui, d'un coap<<l*cul
et par une sorte d'intuition, se posera à sa place et réglera ensdie
l'échelle des vocations et des aptitudes, la hiérarchie des capacités,
et le tarif des salaires; c'est lui qui sera l'angle lumineux de U
création nouvelle, qui, abreuvé de l'amour de tous, s'épandraen
tocrens d'amour ; c'est lui qui donnera de l'unité au travail général
par la direction harmonique de tous les travaux.
Telle fut la préface du saint-8imonisme;tel fut son easeigoe-
ment public avant l'heure de la pratique. Ces travaux préparatoires
portaient l'empreinte d'une conviction lentement acquise. Obscurs
souvent, parfois déclamatoires, ils se présentaient, enyehppié
d'études si fortes et si vastes, qu'ib devaient provoquer de la part
des critiques une attitude d'estime et de réserve. La chose se passait
d'ailleurs dans on petit oerde d'esprits élevés, sans retenlisseineot
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S0CUU8TE8 MODERNES. . 313
extérienr^ sans édat, sans scandale. Vers le milieu de 1830, ce
Ibéâtre parut trop étroit aux saint-simoniens. Leur pièce était trc^
belle, pour qu*Os se résignassent à la jouer toujours entre deux
paravens et devant des amis. Il leur fallait une scène plus vaste et
plus orageuse : Os avaient soif des bravos, peut-être même des sif-
flets de la foule : ils voulaient se produire, attirer à eux, convertir,
grandir en puissance, se faire aimer, réunir toutes les pensées en
une pensée commune ; enseigner au monde Tamour, Tharmonie et
la paix. Ce fut alors que Técole devint une famille, puis une église.
IV. — TROISIÈME ÉPOQUE.
I/Orgaaisatear. — > FanûUe de 1a me MonsIgBy. — Le Globe. *-
P^édieatioas piiblM|«ef .
Le premier retour à une propagande ouverte fut la fondation
d'un organe spécial du saint-simonisme. L* Organisateur parut avec
une périodicité hebdomadaire, et cette fois rien d'étranger à l'école
n'eut accès dans la feuiUe. L'Organisateur fut une chaire purement
saint-simonienne.
La fondation de la hiérarchie remonte aussi à la même époque.
Dans l'ordre des dates, H. OUnde Rodrigues, le disciple direct de
Saint-Simon, aurait dû être le premier pontife de la religion. Hais la
loi hiérarchique n'admettait ni droit d'héritage, ni priorité d'avéne-
ment ; die ne saluait, ne reconnaissait, n*acclamaii que la capacité.
MM. Enfantin et Bazard se posèrent donc, en leur qualité de plus
sympadiiques et de plus capables, comme les chefs de la doctrine.
On les accepta comme tels. En effet, nul n'avait qualité pour mar-
chander leur couronne : la date de leur initiation, leurs travaux
longs et gratuits, leurs belles et savantes facultés, tout les portait
à ce poste, à l'exclusion d'autres prétendans.
On a beaucoup disserté , dans le temps, sur le mérite comparatif
de MM. Bazard et Enfantin ; on a cherché, en eux, quelles étaient
les facultés analogues , quelles étaient les facultés dissemblables.
Pour notre part, il nous a semblé que la nature de leur organisation
excluait, chez ces deux hommes, la pensée d'un long accouplement,
d'une solidarité durable. M. Bazard, élevé à l'école de nos luttes
politiques, ayant souffert par elles et pour elles, aimait encore,
malgré lui et à son insu, la cause révolutionnaire qu'il avait défen-*
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^Si4 METtrE *MS Mt/X^MMES.
'}énéyyag^mnapB. iPlus d^M fois , fMir Jttgêr fe Aàïrfe
<aieiHie,'il se mit âo^pOkit-de vue'durinoridé^fofàfte dontfl «èt^
ia louange etdMt il nédotiteit le sarrf^e.'Bbn togideii d'aites,
peDsenrinftttfgaMe, vulgHfisaVfttir habile tH^ttine peu le sotit,1tli-
~lMrdtii>iiyait, atfr^tmHhémedtmné; m^ Tenfénmitdeft-
duictieMr6tdeâét^3l<yppemef!s: n^dnrà épuîsiittes
' beeognedparHélies^tde détaQ; D-seTepo^iCYbhMitSers qumlchi
^étaient>ft«ies,«deMandamdti loisir pour en einbrasserd'avitresyptr
fetigne pen^^nrey'peiitMfttre^anssi partage aàaù.
M. Enfantin était d'une nature tout-à-fait opposée à odlni
S*étanttenuconsMnmieHtàl^6cartde*la politique courante, fli)
avait rattaché aucun souvenir de 0ympatbie*ou de haine; ilaMitait,
neutre et indifférent , à se^péripéties^les-plus éclatantes; il nesoi-
geait au monde que pour l'attirer à ses convictions, et non pour s oc-
cuper des siennes; fl ne tenait à lui que par les points d'ttta-
:<ehe arecravenir saint^imonien:*8a'téte était en travaflcoaMt
^de transformations expérimentales. On eût dit on fiiboratdke
d'idées, utieiM^ge d'ei elles sortaient br utes'pour passer au lui-
noir de M. Bazard. L'un était plus manipulateur, Vautre pfattCki-
iBiste.Ge)«ii^i^crit«it'miettxqu'iliiepaÂrit;cdm-4à pariaitnieox
qu'il »'écriT«dt.^. Bàfàntin trouvait la^pensée, M. Bazard k for-
mulait.
Si l'on voulait tapproftmifirMeepan^me, il serait' fMk ><fti
• 'foire résdltx^ ce regret,' 'que ces deux esprits émimns ae srfetf
pas demeurés --dans ^un poste où ils^ s'aidaient, eè 3s se m-
|>éraie«it Tan l^mre. M.^EhfaAth hansetaut M; Bâtard thiq»
-jour, à toute heure, pour qu^à uni théorème 'démontré soccédâi
^on tfaéorèfme nouveau; le-pr^oquant à des hardiesses lecc»-
eives et 'infinies ;" lui disant sans tesse cren avant, «qatHd ce-
lui-ci voulait attendre et voir;' M. *Enfamni, 'frappant cottp'W
coup, sann^éserve^et cfansr iwensofe , étaîtla pereonaMteittondi
monde- wmtiBati, ^yressé d'awiter, pressé de -jouir, prc«é*
•régner, pressé de s'installer dans une place prise. M. Batri»
cherchant des biais, critiquant beaucoup et doorrinant peu, Wtf
l'organe d'un procédé transitoire, une voix de condKatîen eow
l'ordre nouveau et l'ordre ancien. M. Enfentin se tenait §w h
*Toie de l'taiagîaation fet de la théorie, M. BataM sur cdte *
ia logique et de la pratique; l'un devait sf adresser auaentte*^»
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sogii.isTKg Mûiniivuu . Silir
rame», à la raiaon. Que M. Bazacd.so* retirât» dt.H. Eafintân,,,
livré à Iai-inéni«| devenait.. trop hardi et trop expérimentateur;.
if» M. Enfantin fit le premier sa reU'aite > et 11. Basard restait
sana force dénwt set doutes et ses hésitations : ce n*était plus un
dKf d'émise, mais seulement un philosophe dans la plus belto
acception de ce mot.
Oiehfues germes de ditision que couvassent ces deux esprits
sf anomaux y au jour de l'organisation de la hiérarchie, ils senn
blaieot ne foire qu*une tête et un cœur. On fonda le collège dans
lecpiel entrèrent les initiés de la première et de la deuxième
époque, les hommes du Producteur et ceux de F Organisateur.
Has tard, le siège de la doctrine fut transféré rue Monsigny,
où, i quelques mois de là, devait se grouper et s^installer la
famille.
Ceci se passait à la veille de la révolution de juillet. Quand*
la victoire eut émandpé les idées et les affiches, les saintrsimo-*
meos en profitèrent pour se donner une publicité de rues. Ua
élraage placard, signé Basard-Eafaniin, vint se coller hardiment
sur les murs de Paris, à côté d'une proclamalion de Lafoyette
et- d'un appel à la branche d'Orléaas; Le peuple en rit^ mais
ladnusbre des députés , qui était alors en train de s'effrayer dé
tett, porta graveiaent l'affoire à sa barre. MM. Dtipiit et Mauguin
signalèrent, do haut de la tribune, une secte qui prêchait la com-
mnnaaté des biens et la communauté des femmes; imputations
anxqaelles MM. Fazard et Ehfanlin crurent devoir répondre le,
1* octobre 1830. Voici comment ils le foisaient dans une bro-
chure adressée à la chambre des députés. Aux formes, aux pré-
tentions assoE modérées de cet écrit, il est facile de voir qu'il»
prévenait plutôt de l'impulsion de M. Bazard que de celle de son
coBègue.
c Oui, sans doute, les saînt-simoniens professent sur Tavenir de la pro*
Ffiélé et sor i'aveoir desJèmmes , des idées qui leur sont pacticulières et
9nJS rattachent à des vues toutes particulières Jiusii et toutes nouvelles^,
iOT U religion^ sur ie pouvoir, sur la.liberté, et enfin sur tous les grands i
Problèmes qui 8*agitentai:yoord\)ui dans toute l'Europe d*une nuinlère
sidésordonnée<etsi violente; mais il s'en faut de beaucoup que ces idées»
«>ient celles qu'on leur attribue.
^l^ Sf stèipft.de coffunupauté . des bieDS.s'entend« univeneUemenl du
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316 unns des deux moiidbs.
pattage égal entre tons les membres de la société, aoit da fonds hû-
môme de la production , soit da frait du travail de tous.
a Les saiot-simouiens repoussent ce partage égal de la propriété, qoi
constituerait à leurs yeux une violence plus grande, une injustice plus
révoltante que le partage inégal qui s'est effectué primitivement par la
force des armes, par la couquête.
ff Car ils croient à rinégalité naturelle des hommes, et regardent cette
inégalité comme la base même de l'association, comme la condition in-
dispensable de l'ordre social.
a Us repoussent le système de la communauté des biens , car cette com-
munauté serait une violation manifeste de la première de toutes les lois
morales qu'ils ont reçu mission d'enseigner, et qui veut qu'à Faveoir
chacun soit placé selon sa capacité et rétribué selon ses onivrcs.
a Mais en vertu de cette loi, ils demandent l'abolition de tous les pri-
vilèges de naissance, sans exception, et par conséquent fa de^trturttoiidf
Vhéritagey le plus grand de ces privilèges, celui qui les comprend tous
aujourd'hui, et dont l'effet est de laisser au hasard la répartition des
privilèges sociaux , parmi le petit nombre de ceux qui veulent y préten-
dre, et de condamner la classe la plus nombreuse à la dépravatioD»i
l'ignorance, à la misère.
a Us demandent que tous les instrumens du travail, les terres et le
capitaux qui forment aujourd'hui le fonds morcelé des propriétés parti-
culières , soient exploités par association et hiérarchiquement de manière
à ce que la tâche de chacun soit l'expression de sa capacité , et sa richesse
la mesure de «es œuvres.
a Les saint-simoniens ne viennent porter atteinte à la constitutioo de
la propriété , qu'en tant qu'elle consacre pour quelques-uns le privilège
impie de l'oisiveté, c'est-à-dire de vivre du travail d'autnii; qu'en tint
qu'elle abandonne au hasard de la naissance le classement social des in-
dividus.
»
« Le christianisme a tiré les femmes de la servitude; mais il les a con-
damnées pourtant à la subaltemitè, et partout, dans l'Europe chrétieoae,
nous les voyons encore frappées d'interdiction religieuse, politique et
civile.
<r Les saint-simoniens viennent annoncer leur affranchissement défi-
nitif, leur complète émancipation, mais sans prétendre pour cela abolir
la sainte loi du mariage, proclamée par le christianisme; ils viennent,»
contraire , pour accomplir cette loi , pour lui donner une nouvelle sanc-
tion , pour ajouter à la puissance et à l'inviolabilité de l'union qu'elle
consacre.
a Ils demandent, comme les chrétiens, qu'un seul honmie soit vm i
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SOCIALISTES MODERNES. 317
ime seule femme; mais ils enseignent que réponse doit devenir l'égale de
l'époux, et qne, selon la grâce particulière que Dieu a dévolue à son
sexe 9 elle doit lui être associée dans Texercice de la triple fonction du
temple y de Tétat et de la famille; de manière à ce que Tindividu social »
quijusqu*àce jour, a été Tbomme seulement , soit désormais l'homme
et la femme.
ff La religion de Saint-Simon ne vient que pour mettre fin à ce trafic
hoDteuXy à cette prostitution légale , qui , sous le nom de mariage , con*
sacre si fréquemment aujourd'hui Tunion monstrueuse du dé?ouement
et de régolsme, des lumières et de l'ignorance , de la jeunesse et de la dé-
crépitude.
«( Telles sont les idées les plus générales des Saint-Simoniens sur les
chaogemens qu'ils appellent dans la constitution de la propriété et dans
la condition sociale des femmes* d
Cette profession de foi , assez explicite, est l'acte le plus net et le
plus précis que nous ait légué le saint-simonisroe. Cet acte est d'au-
tant plus précieux qu'il établit , à cette date , sur quel terrain et
dans quelles limites les deux pontifes entendaient circonscrire leurs
débals avec le monde extérieur.
Cependant Téglise était constituée , et qui plus est, elle prospé-
rait. Des apports d'argent avaient eu lieu ; les membres du collège
ayant donné Texemple, on commençait à pratiquer la mise des
biens en commun après l'avoir professée. C'est dans cette période
ascendante que le saint-simonisme crut utile d'avoir de nouveau
une feuille à sa dévotion, feuille dans laquelle l'enseignement oral
serait résumé , à côté de la prédication écrite et quotidienne. Le
Globe se présenta ; le Globe , si fier quand le Producteur était si
hnmble, le Globe s'offrit par l'intermédiaire de l'un de ses proprié-
^res, M. Pierre Leroux, homme de convictions fermes et d'un
talent élevé, penseur profond , écrivain sincère, revenu de la théo-
rie républicaine à la formule du saint-simonisme. Un acte de cession
eut lieu le 18 janvier 1831, et les jours suivans le Globe parut avec
le sous-titre de: Journal de la Doctrine de SainhSimon y laquelle
«ait résumée en première page :
RELIGION.
SCIENCE. INDUSTRIE.
ASSOCIATION UNIVERSELLE.
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3IA- EETUB DES DBOX ¥0IIDB8.
a Toutes les institations sociales doiveat avoir pour bat l'améliOTate
morale y intellectuelle et physique de la classe la plus nombreuse et la plas
pauvre.
a Tous les privilèges de naissance » sans exception , sont abolis.
a A chacun seloa sa capacité, à chaque capacité selon ses œuvres. b
Un vaste élan de prosélytisme sui\it rapparition da GMe des
SMôt^Smoniens. Les imaginatiotis inquiètes et carienses, les têtes
réveases et enthoasiastes allèrent vers eux. La religion recruta
des poètes y des philosophes , des artistes , des industriels. A cette
date se rapportent une foule d*initiations, celles de MM. Rajoand
Hoart, Emile Pereire, M"""Bazard et Saint Hilaire, et succesâ-
vement, à quelque distance les unes des autres, celles de HILLan*
bert, Saint-Chéron, Guéroult, Charton, Gazeaux, Dugueit, ei plis
tard encore, Stéphane Flachat-Mony. Nous ne citons q^e les noms
de quelque intérêt. En revancHe, la religion fit alors une perte,
celle de M. Eugène Rbdrigues , enfant chaste et naïf, mort trop
vite pour sa gloire, th'éosophe enthousiaste qui laissa toute soa
ame dans ses Lettres à Bums sur là politique et la religion. Comme,
vers ce temps, les initiés étaient devenus trop nombreux pour qa%
pussent tous forcer à la fois les portes du collège, on établit, comme
une sorte de noviciat, deux collèges préparatoires du troisik^el
du second degré, se déversant l'bn dans l*^utre, et formant aioa"
deux pépinières où se recrutait le grand et suprême collège.
Cette ère de propagande ascendante se résuma par la -constitutioo
définitive de la famille, et par son installation dans la rue Monstgny.
Ainsi Tassociation était introduite dans la vie bourgeoise. On avait
fifaidè le ménage à frais communs, la fannille en grand pour le
monde, la famOle en petit pour Saint^imon; un spécimen de Yhn-
manité future.
Au dehors pourtant, là religion feisait du bruit et presque da
scandale. Diverses voies avaient été simultanément ouvertes à Ta-
postolàt. Prédications, missions, brochures, polémique quotidienne,,
tout rayonnait au loin dans un but de propagande. Sous la direc-
tion de MM. Hyppolite Carnot et Dugicd j renseignement avait été
ouvert dans quatre locaux différons : à la salle Taitbout , à l'Athé-
née, dans la rue Taranne et dans la me Monsigny. D'hebdoma-
daires, les prédkaÉH)ii».étaient devenues quotidinmea; on les appro*
priait à l'intelligence dePanditQire^.oalesLfaidait.vulgaires et sim-
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•j^ponr'jlM uasiimB , pcvétiqaes ei Mimées peur le^ arfbtes , ré-
vères et iptèckts pour les Mvans. Be9 centres d^organisaliM
tfaieat été organisé» par les soins de^M^Bmii Foumel ëaniles
doQzvarnwKssaiie» de Paris. Enfin» six égKaes^déptftieiwelitales,
iToolowe^ à Moiilpdlier/i Lyon, à Meiz, à Dijon; s^éfaient'déjà
iAes^enr rapport arecf étabKssementmdirDpolitain.
Doaon^dté) le 4ï/o^4igissait commeiiin levier incessant snrtiM
nassedef Isnieiirs que la nuriostté eondnisait parfois à l'examen , le
sarcasme i la réiexion^ >Au nombre des choses remarquables qui
panireat dans cette feuille, W'fyvt dtertine Économie fHjlUifiueéù
M.'EnflMatin^ qm encmit dans les -queetions courantes, et, sans les
prendrei au point de vHe exdo^f et absolu de-Ia doctrine, les résu-
ttsit enooitibinaisons judicieuses et'pratiqnesJ Le chef saint-simo-
iritn descendit nvême alors jusqu'à proposer, dans l'organisation
économique, quelques réformes transitoires.
Il€dnmiençait par poser ce principe :
ff La société ne se compose que d'oisifs et de travaitteurs; \^ politique
*Ht SToir ponr but Pamélioration morale, physique et inteîiectaelle du
Mrtder travailleurs, et la déchéance progressive des oisifs. Les moyens
•Mit, ipanfjanx'oisili, la âsMtuction'de'tous'les privilèges de la nefs-
■R)ce,'«t>tipnat aBz*lnrvaill«on,'le'claflwni8nt sekiirles capacités et la
attntNMisirevkm leastm^ras^^
CeciétaMi,lll.Enf9nfin'Oon9email<à ne pas exiger totitâ*un coup
la réaKsMion absolue et complète de cette théorie. Il admettait des
procédés <Ie transition ; il les créait, il les développait.
ïami-les rèfspmes proposées parle^t^hèf^sain^-simomen , 4a phis
8éci8ive4lait l>abolftion4e8 aucœssions collatérales, prolégomène
^ent de Paboiitionide r héritage. La succession collatérale, avec
9^ fractioanemensi'wùlliples, ^ivec son eortége de procès, plus
rainenx encore peur laiseciécé qvepour les^individus , la succession
<'onatéralei douce -degrés surtout, était une loi civOe d'un^inérite
fort contestable, qu*oir pouvait modifier sans que la société enfftt
ébranlée autrementqu'à la snrfece.Ily ataltutiKté'et convenance
àdi^mter si cette succession, appliquée en toutou en partie au dé-
^rtvement de TimpAt , ne serait pas'un instrument beaucoup phis
«cttf , beaucoup plus direct, beaucoup plus fécond qu'il ne Test au-
J^viti'hui daas'sa répartition chanceuse; à discuter encore si 46
''••pect pour les privilèges péouniaires «de la fomiÛe devait s'étendre
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3S0 RBYUB D£8 NSUX MONDES.
si loin qae Ton dût préférer, à Tintérét de toud, l'intérêt de quel-
ques parens éloignés, inconnus au défunt, souvent ses eanemis,
n'ayant pas, pour combattre des désirs impies et avides, Taffec-
tion qui fait patienter un héritier direct, Tamour filial plus fort
qu'une pensée de survivance. Ce retour au trésor public de succes-
sions fractionnées les aurait empêchées , comme elles le font, d'^
jouter quelques cent mille francs de plus à Tépargne d'un oisif, et
les aurait rendues profitables à tous et à chacun comme réductiaft
des taxes, n est vrai que le drame et le vaudeville aoraiem été
privés de la grande péripétie d'oncles et de cousins morts dans 1^
Indes, oubliés et millionnaires ; il est vrai encore que la sucoessioii
Stephen Gérard, ce leurre qui a duré dix ans, n'aurait plus la h-
culte de remuer tous les Gérard de France, au nombre de deux
cent soixante-et-quinze. Mais les Gérard et les vaudevilles se se-
raient résignés avec le temps.
C'était donc là, selon M. Enfantin , une perception toute finte,
une rentrée facile et variable seulement, comme le chiffre de U
mortalité annuelle. Que si l'on trouvait un inconvénient et une oc-
casion d'abus à ce que le gouvernement héritât, gérât, admimstrâc,
vendit des propriétés main-mortables, il était facile d'imposer
tel droit progressif et presque équivalent sur les successions, ea
les frappant d'une manière d'autant plus lourde qu'elles résulte-
raient d'une prétention plus lointaine. La conséquence de la même
réforme, son complément obligé devait être une forte augmentation
de droits sur l'héritage au premier degré. Entrer dans cette thèse
avec M. Enfantin, c'est toucher une plaie vive, c*est froisser bien
des espérances, contrarier bien des loisirs àTavance rêvés; mais 3
n'en reste pas moins comme un fait évident, que le droit sur les suc-
cessions, si énorme qu'il puisse être, sera toujours l'impôt le {dos
juste et le plus rationnel , parce qu'il prend la fortune là oà elle est ,
au moment où elle change de mains, oii elle se déplace, souvent
pour arracher à un labeur productif des hommes qu'elle voue dé-
sormais à une oisiveté ou partielle ou complète.
Après avoir indiqué ce nouveau mode de perception , M. Enfm-
tin aime à en suivre les résultats et à en indiquer les emplois les phs
fructueux. Grâce à Tabolition des successions collatérales et i
l'augmentation des droits de succession en ligne directe , on pou-
vait supprimer, d'après lui, l'impôt sur le sel, la loterie et les ooa-
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SOCIALISTES MODBBlfBS. ^Sl
tribntions indirectes, oa bien encore employer le fonds commun
qui proviendrait de cette mesure à des destinations productives,
comme rétablissement d*écoIes publiques, l'amélioration des voies
de transport, l'embellissement des villes, la prc^agation des bons
procédés agricoles, etc.
Placée sur ce terrain, Téconomie politique du Globe rendit, il
font savoir l'avouer, des services essentieb à la cause de l'émanci-
pation industrielle, que d'autres écoles avaient déjà chaudement
et utilement poursuivie. Les débats de l'amortissement, de Tem-
proot, de la dette publique, de l'impôt, dont la presse et les cham-
bres étaient alors saisies, trouvèrent de beaux et rudes jouteurs
dans la feuille saint-simonienne. K toutes les solutions qu'elle
présentait n'étaient pas acceptables et pratiques, toutes ses criti-
ques étaient profondes et justes, armées de chiffres et de preuves.
NoDe part la mobilisation de la propriété et l'institution des ban-
ques ne trouvèrent des promoteurs plus zélés. Une banque, pour
M. Enfantin, n'était pas une caisse d'escompte triant et classant
son papier; c'était une société commanditaire de l'industrie, char-
gée de distribuer les instrumens du travail, de la manière la plus
fevorable aux producteurs et à la production.
A c6té du chef de la doctrine, d'autres polémistes, d'autres sa-
vans surveillaient les autres thèses politiques et industrielles.
Déjà H. Stéphane Flachat-Hony poussait l'industrie vers des voies
nouvelles et progressives. Doué d'une patience admirable d'in-
Testigation, d'une lucidité onctueuse et impulsive, il éclairait tout
à la manière de Franklin, en s'élevant de la recherche des faits
aux combinaisons théoriques. H. ÉmUe Pereire préludait aussi à
cette réputation que le National lui continua : le premier, il ven-
^t la statistique, tant de fois profanée; il en refaisait la langue,
3 en réhabilitait l'emploi; il lui rendait sa conscience de chiffres et
«a loyauté de déductions.
D'autres cerveaux élaboraient la poésie, l'éloquence et la philo-
wphie saint-simoniennes. M. Barrault évoquait l'orientalisme avec
ses formes pompeuses et ses vétemens drapés. M. Michel Chevalier
donnait sur le monde en périodes si sonores et si belles ; il lui pre-
ssait une ère si pleine de gloires et de magnificences ; il lui donnait
^soleil si beau, des moissons si dorées, des fruits si savoureux,
^ populations si épanouies, tant de canaux et tant de chemins de
TOMB VII. 21
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71» ftKia.
foi:, taal.da nohassM/ec imuéîAnlMimw, de
teUfia^¥oIiipt(é%. da teUe» hamnoiiiMi» «^Me las ptu»tii
i^eaieot les yeuai el ka orftittM,^ fr*<iiMiiiMnit dftMfriAvnsvdPc
9e kûssoieiit becett par C8»geniftB*d»«dMMnat.ekdloiy.qn>'a> nÉ»
dit détachés des mille contes de '^ihi'lK'rnTiflni Iiiii phillMnphfiiniliki
novalislAs se demeuraioin. )f(ÀBl <riià.«rTièM« .li&l« JLeaeoiiv J<*mi
ftajaaud, Chérie» Buvey'rier^a&taqueieiit, ée hmk et I
k^earde-éterusl dans lequel raoleat lee milapbf B^pMs
et moderne, Dieuet rboHmie;.ilfi'ej|9liq^aieiilîHiiftet Kuafie per h
théorie sâint^eimfiBieBiie ; ils dweutaientJa hiiide laiegOfattBOylaJai
de k hiérarchie ; ilsexplquaieiU tbttOiaiiit&atADB'lMBlQve^ee pat^
fectibilité infinie, sa progressioii lenle,. maia sike, .wretiuiaieMr
tCMijours meiUemr. Nobles et coneoians travaux,,€|û oai e» mKLÂê
guoi payer ceux qnî les abordent, mrtmn qnmri iln r rmfnBf ineti
pris-etoéfionnasl
Cettepérioded*hannomeet,d!iiBioB natqsa^ quoi cpitoi^ aàL^
dire, Tapogée du saint^simonisme* Quand, .au premier didnr»'
ment intéiieur, Fanarchie éclata entre ceux qui e^en étaient iA
un argumeot contre le monde,, quand on. .les vil a»lgavdàB|iir
leur doctrine contre les faiblesses vulgaires.; locsqui*ea*i
lafratûrnîlé universelle eut brusquement déchiré son]
il y eut, parmi les profites ^ un indéfinissable mewrmnnnf d'«fî-
JÛDB réactionnaire, et un tenipetd'aaFAa daa&le paoeélyliwne d"^
dce supérieur. €e qui survint ensuite, eft kil dn.progreeaMe-^
de conquêtes, résubait de i:élai^primitif ;^*éaMtpffeefi«e KaoeMiplii
aeraent d'une loi dynamiquet.
V. — QDATRIÈHB ÉPOQmS.
'S^kisme. — tMiiionf de 1a Thmifle* "Retraite ée HJémlHieat— 1« —
Le lâlrre newesu.
Depuis long-tenaps, les deux tètes qui soignaient k.méowiiare,
-.au la même couronne, comme on voudra, œs deux tèles
tcavaiUéeB de pensées divergentes. M. Baiard, tout en
à passer de Tétat d*écoie à celui d'égbse, avait arrâté, daan aan
.plan, de s'abstenir d'éclats immédiats. Il voukit que les tfaéoriis
eussent pénétré dans lesosprits avaat de hasarder la pratiqBaJ
'désitfaiteouTaiwceet non enthousiasmer; il s'adreaseir nwr he»-
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iOGtAUSTSS HOMmiC». 3K.
iiMn de .diaenssMi et d^exameiu il. EnfMUia ne se ringaatl pas à
œile pr^Minakm lente et chaooease. De toutes les façons par
lesquelles on agit sur les organisations hmnainesy il savait qne' la
plus promptoy la^plu^dAcisivei la^diia triemphanto^ e*est rengone-
mant Décomptait sur le cosnr phis que sur resprit, s«r le senti-
ment plos^qne sur la raison ; il voulait passionner les artistes et les .
ppàlesk Qoe lui iinportait sa petile Eannlle, à lui qui^vait la fanile
onverselle, à lui qui* conpUit. réaliser de son vivant une supré*
nmie éclatante et complète, une royauté politique et religieuse?
Auasiy dès qur'ilnt que Bazardne pouvait plus, ne voulait phisse
UMttre è son pas» il résolutde le laisser en -route et de continuer seuL
Par quels moyens il resta le maître dans ce <;onflit d'autorité^ .
cela »*axpiique» cela «e conçoit.. M. Enfantin , demeuré seul^. avait
eaD0i:e:un rôle è josier ; M; Bazard n*'en avait plus. Poussé jiMMjpy»-
là dans des- voies hardies^ œ dernier n'avait pas même la décision
nécessaire pour se maintenir au pomt où on Tavaitcondint. Ueil
reculé sans doute; et reculer en rase campagne quand on a contre
sei le nombre, quand on n*a pour soi que son audace, c'est être
vaincu* M. Enfonlin devait donc détrôner, absorber son collègue ;
c'était dans Tordre.
La rupture éclata au sujet de deux questions capitales, Taffran^
cUssenoent du prolétaire et raffranchissemeat de la femme. L'af^
franchissement du prolétaire pouvait se poursuivre et s'avouer en
faoe de runivers« Seulement, il venait s'acboppec contre l'article 291
du CkKle pénal, et, comme vers-ce temps les sociétés populaires^fa-
tiguaient le gouvernement et la bourgeoisie, il était possible que le
parquet prit Taffranchissement du prolétaire en assez mauvaise
part. M. Bazard recula devant cette expérience chanceuse. Quant
à l'affranchissement de la femme, non-seulement il présentait des
dangers plus grands encore, mais, en outre, il froissait M. Baiard
dans une corde personnelle. Soit que M, Eafentin laissât à la mora*
lité future une latitude peu édifiante, soit qu'il dit. trop ce^u'îl
voulait faire ou qu'il ne le dit point assez, toujours est-il que son
collègue ne voulut pas encourir la solidarité d'un scandale proba-
Ue. Après de vives discussions, qui prirent un caractère récrinû-t
natoire^ NL Bazard se retira, profondément navré de te lutte, souf-
firant- dans ses aCEsctions,. triste^ Messe* au coeur., devant mo«rir
àp6adBjooia4e.li»
21.
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5ik REVUE DBS DEUX MONDES*
Alors une scission eut lieu. La hmiRe de la rue Monsigny se si-
para en deux camps , Tun aux couleurs de H. Enfantin, ayant fin
en lui, quoi qu'il advint ; l'autre dévoué à M. Bazard, et prêt à le
suivre dans sa retraite. Le 19 et 21 novembre 1831 survmrent
deux réunions générales de la famille^ épisodes caractéristiques
dans la vie saint-simonienne. M. Bazard refusa d'y assister ;fl se
résignait, il s'avouait vaincu. Dans la première séance, H. En£antiii
parla d'abord. H développa la théorie qui le divisait de M. Bazard,
l'appel à la femme, conviée au sacerdoce en même temps que
l'homme, et à titre égal ; il déclara d'une foçon solennelle que A k
saint-sûnonisme avait combattu énergiquement et rayé de son évan-
gile l'exploitation de l'homme par l'homme, on ne pouvait ni ad-
mettre ni tolérer davantage l'exploitation de la femme par rhomae.
Le christianisme, suivan lui , avait émancipé la femme, mais l'aviit
tenue dans la subalternité : le saint-simonisme devait affranchir b
femme, et la poser comme l'égale de l'homme.
a L'homme et la femme, voilà l'individu social, disait M. Eofantin;
l'ordre moral nouveau appelle la femme à une vie nouvelle : il faut que la
femme nous révèle tout ce qu'elle sent, tout ce qu'elle désire, tout ce
qu'elle veut pour Tavenir. Tout homme qui prétendrait imposer une loi
à la femme n'est pas saint- simonien , et la seule position du saint-simo-
nien à l'égard de la femme, c'est de déclarer son incompétence à la
juger, j»
Passant de là à la théorie du couple-prétre, de l'individu sodal,
homme et femme, M. Enfantin ajoutait :
<r La mission du prêtre est de sentir également les deux natures, de ré-
gulariser et de développer les appétits sensuels et les appétits charnels»
ainsi que sa mission est encore de faciliter l'union des êtres à afTections
profondes en les garantissant de la violence des êtres à affections vives, et
de faciliter également Tunion et la vie des êtres à affections vives en les
garantissant du méprb des êtres à affections profondes. »
Et plus loin :
<r Qu'elle sera belle la mission du prêtre-social, homme et femme!
qu'elle sera féconde! Tantôt il calmera les ardeurs inconsidérées de rin-
telligence, ou modérera les appétits déréglés des sens; tantôt, au coo-
traire, il réveillera l'intelligence apathique ^u réchauffera les sens en-
gourdis; car il àevTà connaître tout le charme de la décence et de h
pudeur, mais aussi toute la grâce de l'abandon et de la vohipté. d
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SOCIALISTES MOMIHBS. 39S
JoMpie-U raaditoire, bien que remué par des sentimens ânrers,
arait écouté en silence ; mais , à cette dernière définition , M. Pierre
Leroux ne se contint plus : <r Vous exposez U, dit-il à M. Enfantin,
« une doctrine que le collège a unanimement repoussée; je suis
<r venu ici pour tous le dire ; je vais me retirer. » A quoi M. Enfon-
tin répondit : «r La preuve de la vérité de mes paroles , tous la
<r voyez. Voilà Thomme (et il montrait M. Pierre Leroux) qui repré-
«r sente le mieux la vertu, telle qu'elle a été conçue jusqu'à présent;
<r et, vous le voyez, la vertu de cet homme ne peut pas comprendre
(T ce qu'il y a d*universel dans mes paroles. »
Nous le croyons certes bien.
La discussion continua ainsi dans la première séance, mêlée de
récriminations et de paroles très vives, et suivie de la retrrite en
masse des dissidens, parmi lesquels figuraient MM. Leroux, Ray-
naud, Cazeaux, Pereire et autres. Mais dans la seconde séance»
M. Enfantin ne souffrit plus le débat. Après avoir congédié les pro-
testans d'une façon assez brutale, il s'adressa aux fidèles qui lui
restaient, et leur montra le fauteuil de H. Bazard, resté vide à ses
cAtés, comme le symbole de l'appel à la femme. H. Rodrigues se
leva après lui, et fit un autre appel, l'appel à l'argent, dont il vou-
lait installer la puissance morale. Ce jour-là, la hiérarchie se modi-
fia nne fois encore : H. Enfantin fut déclaré, par M. Olinde Rodri-
gues, l'homme le plus moral de son temps, le vrai successeur de
Saint-Simon, le chef suprême de la religion saint-simonienne; puis,
avec le même sérieux, M. Olinde Rodrigues se posa lui-même comme
le père de l'industrie et le chef du culte saint-simonien.
L'aspect de la religion se modifia en même temps que la hiérar-
chie. On laissa de côté le dogme, travail favori de Bazard, pour se
tourner vers les questions de culte et de morale. On passa de la spé-
culation à la réalisation. La chair fut solennellement réhabilitée ; on
sanctifia le travail , on sanctifia la table, on sanctifia les appétits vo-
luptueux, le tout en se servant de termes assez lestes, car on atten-
dait que la femme vint donner à la religion le code de la délicatesse
et de la pudeur. Cette venue de la femme, cette attente d'un Messie
de l'autre sexe fut le long rêve de la dernière période saint-simo-
nienne. On ne pouvait pas marcher sans elle; on l'invoquait chaque
jour; on la voyait partout. La femme manquant, le couple sacerdotal
demeurait incomplet; la religion cheminait b<riteuse. Aussi, pour
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REVUS WÊê'umow womwm
déddei^ eeMe rtnéklMi nout^Hr» MqployÉ<^t-oflr4Ms tel itoyiMi
Taideéês^fielrM âgitsiMT TîmligÎBMioli «t «iir iavaMSi L'bhM 4»
183S Alt une loniguefète dms la r«e Mbnsigny. La reKgteiMetsi»'
TOMa de roèes, eHe se saiietifa à la fa«éa du pvneh et ««s dai-
sanleéi hartlloliies de TordieaCre; elle oonvia tout Paria i aeafttt%
bieâ sAreque Paris ne hii nendrali pas ses potilesses. A oes ré—hat
pailireiH'qvelqiiesfeiiiiiies^ élégantes^ jeunes, graeîefises, frakèsi^
joKes^ <{DÎ dansaiedl pimr danser, riaient pour rîre^ le umt A'wm^
fafon mondaine» et sans entrevoir le eAté profondément reGgicaa
de ces danses et de ces riresi La religion yonnsnoia^ea demièrsa
ressources, sans que la femme répondit è son appeL
I^wC soutenir ee hiM, pour solder oes bris, pour nMltre l'ordi*^
naîre de kr religion sur un pied qui^t à la hauteur des profeCsnai-^
veaux» il Mlait de Targent^ beaucoup d'ai|(ent. LeGU^^ discrftai
Çratia^ absorbait une senlne MUuelle fort importante, et les S(k
ports avaient diounué depuis la rupture. MMl Alexis Petit, H•«Fba^
neH d'Eidital , OHiWerv Rîgaud , Toché , Barrault» et BL Enfinti»
lui-même fr*ét«ent peué peu dépouillés pour la religion. En crisM^
il ne restait rien, ou il restait' pieu de cllose eli numéraire; ierpfé*
priétés qui formaient le solde du fonds txNmnun n'ét»ent paaftcBt*
mefft réalisables. Le budgl$t> au 31 juillet 1631» préiseuttiit une bl^
lanee presque parfeite entre Tactif ^ le passif: les dooa en a^gsn
étaient de 218»e00 francs; lea dépenses feitea de âSO^eoe. On m
senai trouvé en déficit si une somme de 60Q,iMM fraiioa envîroa» en
titreadHnmeubles, ne fûtpas démeuiréeliblt^.
Voilà qudle était la «ituatioa finanoiène duaaint^sinlbnianie quiid
M. OiîlMie Rodrigues lan^ son appel à Vargent. <r Rotsdddv
a Aguado, LafiBtDè, dit-il» n^ohtrien entrepris d^ausst grand iiaesÉ"
crqto je viens entreprendre; Tomite sont veiius^ après la ^ueiT^*
ff donner au vaincu le tn^éditnéœssaire pour 'satisfiure le vainque
a Leur mission périt et la mietme commence.- On eaoompta A It
a bourse de Paris» de Londres et de Berlin» Tavenir peitâius H
a fiaancier de Tassodatioki des travàflleurs. l'entrepreadadeto^
<r dèr lé crédit saint-simonienk bIM acte fut enofifet paatfè par'dè-
vattl^M« LelH>n » qui consCituaft la société t;oUeotiv<e BeqanMi^Qlindi
Rodrigue» et compagnie» sour rattoriaatkm et nveu. Mda ds)
M. Bnfianlini Des aoliona et dea coupons d'aotionr fiÉrent étowai
csjpM nbnnial tlo IMO «panes» et a* ûÊfitÊk rM^ étmùrtmm
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ftMaciéte réaaRl ma), niftle^ré les^Mks powpoolivoa qv'eUe pré-
saaftait &«x proaeoffs. Un patit nembre d'aetkms se -phça dans le
eevole VmM des partisaiis de la deelffiiie;-nais cetle^oMBsion par-
tieUe fèf plas airisible qu'utile» eav onAnsaH une afMre d'argent de
ce qm arail été jusqu'alors «ifkfire de déveuemenl. Ceux qui
avaieni tant danné au samt-smenisnie n'a¥aient ))as spéculé sur
leors dons. Le mobile changeait : on s'adressât à la cupidité hu-
maifie ; eHe répondit moins que le désmtéressement.
L'organisation du traraO social ne ht guère plus heureuse.
M. Stéphane Flachat était demeuré fidèle à la fortune de M. Eafim-
tin , plutôt par affection que par eonrietion. B espérait toujours que
la lumière morale luirait , d-un jour à4* autre, au sein de cetle nuit
de doutes, et il s'était déroué, en attendant, à une mission qui eAt
réussi par-lui, si elle avait eu la moindre chance de réussite. Quatre
niUe eurriers avaient été afflKés : as iravaillaiem dans des maisons
spéciales pour le compte de la communauté religieuse. Ces^easais
avortèrem» Ici la certitude du bieiFétre matériel rendait les ou-
rriers nonchalans; là des divisions intérieures sa glissaient panni
eux, el il f^dlail intervenir pour foire respeeler la hiérarchie. La
masse des saintrsimomens avait augmenté sans doute ; l'i^ppel aux
prolétaires avait attiré quelques hommes indigens; oo se prête 1
teus les essais qumid on souffre. Mais pour les retenir, pour en
augnenlerle nombre, U eAt foUu que l'améKoration promise se réa-
lisAt; autrement les prolétaires s*en allaieat «n à un. La seule for-
UHrfeintoKgiblo pour ces ouvtiers, c*était détre mieux. Elle leur
BUUM|ua bientôt. Ainsi, des deux.parts, c*étaft un tort et une ineon-
aéqueuce davoir déplacé Taetion saint-simonienne, d'avoir tenté
une réidfaation qui devait échouer, et qui, en échouant, laissait le
reole de la doctrine sous la prévention d'impuissance.
Cette époque fat d'ailleurs ftconde en disgrâces de tout genae*
A« moment où la salle Taitbout jetait son plus vif éclat oratoire> au
fort des réconciliations publiques et des confessions de MUs Julie
Fanfemaut, quand la mise en scène la plus raffinée donnait à ces
rénnons un imprévu ^fue n*offrent plus nos théâtres, une brusque
mesure de police vint chasser les fidèles du temple, et les mettre à
iadiserëtion des baïonnettes municipales. D'autrespoursuilea ai-
Mhanéeo avaient «Ken dans la maison de la rue Monsiguy , 0à la
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328 REVUE DES DEUX MOIOIES.
saisie des papiers de la fomiDe forma la base de plusieurs 'uâet-
rogatoires et d'une instruction criminelle. Ce n'est pas tout encore.
Des dissensions étaient surrenues entre M. Enfantin et M. Oiiiide
Rodrignes, au sujet de la question morale. H. Rodrigues accusât
M. Enfantin de promiscuité religieuse, et disait : a J*ai affirmé q»
a dans la fomiDe saint-simonienne tout enfent devait pouTcnr cot-
er naître son père. M. Enfantin a exprimé le vœu que la femme fb
a seule appelée à s'expliquer sur cette grave question. » Là-dessos
il se sépara en appelant les fldèles à lui, comme au seul disci-
ple et à rhéritier direct de Saint-Simon. La brutalité de la rupture,
son inopportunité à la veille de persécutions judiciaires, laisskeiK
sa sortie sans contre-coup. Seidement, avec lui, s'en aHèrent ks
dernières ressources. Sa retraite discréditait l'emprunt dont Q état
le titulaire contractant; et, au lieu d'opérer desplacemens nouveau,
il Mut rembourser, çà et là, sur les 82,000 francs d'actions rét-
lisées, quelques porteurs de coupons, moins résignés et plus tv-
bulens que les autres. Faute de fonds suffisans, le Globe rnoorot
d'abord, puis les ateliers se fermèrent; enfin la femîDe de la me
Monsigny fut dissoute.
Alors une dernière transformation eut lieu. A Hénilmoiitant, ai
point culminant de la côte, M. Enfantin avait une propriété patri-
moniale, qui dominait Paris, une vaste maison avec jardin d*ia
demi-arpent. II résolut d'en faire le dernier asile de la famîBe, si
maison de refuge contre le monde. Là on pouvait s'inspirer dans
le recueillement et dans la retraite, attendre la venue de la Femoie-
Messie , si lente à répondre, pratiquer en petit l'association conte»
plative et partielle, jusqu*à ce que l'heure eût sonné de Tassocia-
tion universelle et laborieuse. Quoiqu'il fût étrange, après une
suite de prédications contre les oisifs, de se vouer ainsi i la vie
stérile de l'anachorète, cet état nouveau et purement transiteôe
avait aussi son aspect saintrsimonien. Il s'agissait alors d*abolir h
domesticité, en faisant participer les plus hauts et les plus fiers i
la tâche du prolétariat; il s'agissait de former à une discipline de
costume et à une vie de continence quarante jeunes moUies chex
qui la vie débordait; il s'agissait d'éprouver s'ils soutiendraient
jusqu'au bout la gageure, et s'ils seraient aussi forts contre les
huées de la foule qu'ils l'avaient été contre les sarcasmes des beanx
esprits. Dans un factum net, clair, indsif, intitulé : A toos;
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SOCIALISTES MODERNES. 529
M. Enfantin donnait la clé de cette expérience : or J*ai voulu, disait-
ff il y appeler la femme et le prolétaire à une destinée nouvelle. »
Puis U expliquait comment sa parole, semée dans Paris, y continue-
rait sa germination mystérieuse, et comment il n'y aurait bientôt
plus d'autre politique que la charte d'avenir qu'il avait fondée.
A Ménilmontant, tout s'organisa ainsi qu'il l'avait dit. Quarante
nouveaux Horaves se cloîtrèrent dans ce jardin, le bouleversèrent
en tous les sens, taillèrent les arbres , bêchèrent et sablèrent, ni-
velèrent et arrosèrent, émondèrent, échenillèrent , se firent indis-
tinctement et à tour de rôle chefs d'office, cuisiniers, sommeliers»
échansons. On organisa le travail par catégories ; on fit des grou-
pes de pelleteun, de brouelteursy de remblayeursy et pour que la
besogne fût moins rude, on l'accompagna d'hymnes composés
par un membre de la communauté. Plus tard, quand le public eut
ses petites entrées dans le jardin, on lui servit des concerts de
cette musique locale, puis, par une insigne et dernière faveur, on
l'admit au spectacle du dtner du Père, comme à celui d'un souve-
rain. Tout ceci se faisait d'ailleurs avec les formes voulues et en
costume. L*uniforme était simple et coquet : justaucorps bleu à
courtes basques, ceinture de cuir verni, casquette rouge, panta-
lon de coutil blanc, sautoir autour du cou, cheveux à Tinspiré,
rejetés et lisséaen arrière, moustaches et barbe à l'orientale.
Nous ne voulons pas accepter au sérieux cette phase de l'existence
saint-simonienne. La prise du costume, au bruit de la canonnade
de Saint-Méry , la lutte entre la famille qui appelait les visiteurs et
la police qui faisait croiser devant eux la baïonnette ; les harangues
en plein air; les synodes, au milieu du préau, les épisodes sans
nombre issus de la curiosité et de l'incrédulité populaires, tout cela
formerait un tableau bouffon qui n'est ni dans nos idées , ni dans
notre cadre. H vaut mieux rechercher si, en dehors de cette vie
extérieure, arrangée pour la foule, Ménilmontant n'avait pas une
autre existence d'élaboration sourde et de travail recueilli. Cette
existence, aucun document public ne l'a révélée; mais il nous a
été donné de la suivre par la communication d'un manuscrit où
sont déposées les idées écloses dans la retraite (1). Toute la meta-
(f ) Mou deront la eommunicatloii de ce document à robUgeanee de notre ami Dnyey-
ffier el à ceUe de Kme Marie Talon, qui en est dépositaire.
Il r'
330 REVUS MM BBUK UetISBS.
physiilue da^afait^sknoiMsiiiev son Gatédiisme eC^sa^Senèse» f
iFeni Arn^eet éerk, résumé de j^nirieiiF» oanfeveiMSes'de la i
et intitulé : La livre Moev&àij.
Ilans la première sëanoe, M. Eafaiili& ayaat à sa^drcdle ÎBf. Bpp-
rault» Michel Chevalier, Lanbert et d'£icbtall; à sa gandbe
MM. Fournel» (3iarles Dayeyrier et Talabot, voit dans cet on^
et daas ces gr<mpes jm fait vivait , ua catéchisme eiiveit buw deiis
finiîllets, divisé^chacimeade«K<îeleaiie», d*«B8{)art»MM.,Eaai^
nel et Barrault; de l*attare » MMv Michel et Chariea^
a Dans le premier, ajoute M. Edfantiii, TiDitiatioQ à la vie se Cramait
eo un V0rb9. C'est uae formule et on langage , c'est la préoisioD alféluv
que et le teite rimé , c'est le chiCAre et la ieUre , ia métaphysifpie-et h
poétique, la grammaîre- et la prosodie. . , • .
a Cette feuille est conçue sous une inspiration semblal>le à celle qoi
présidait au catéchisme chrétien ; c'est la conception du verbe, et toute-
fois , avec la conquête de l'algèbre; c'est Platon développé à travers Des-
cartes et Leibniiz.
a Cette feuille , c'est rencyclbpédie scientifique.
a C'est la fbrmule abstraite et concrète de la vie.
a Dans l'autre feuillet, l'enseigtiement se produit par une fsraiset
une peiutuie. C'est le tracé géométrique, le plan, le dessin » l'ionge
animée, cokN^, mobile, qui doivent frapper l'homme deS'teitt,.4le Faett,
la praticien , le théargiea , l'artiste du culte*
a Ce feuillet, c'est l'hiéroglyphe égyptien, mais^enrlchi du monre-
ment et de la couleur.
« Cest l'encyclopédie industrielle et l'esthétique noavelle.
a C'est la forme composée de la vie, comme l'autre feuillet en était b
formule abstraite et concrète. »
Be cette d6finition<du GatéchisiBe vivant, le Livre neweam pa»e
aiux élémens qui constitaent la science générale, et il la-treafs
dans la /brmule et la forme que Desoartes avait déjà ceaabfaées,
dans l'appUcation de la géoartlrie à l'algèbre, à quoi iQ^MMaïc
la morale, on trouve le nouveau dogme tdnaire qoi se cob^o»
do senltm^ne, de la formuk et de IR forme.
Tel est le c6té ttiathématiilde du Gatébhisme. Phislot»^ mt ass-
gnant une place à l'algèbre dans la vie morale, et en annoo-
çant que l'époque infinitésimale, indiquée par Leibnitz ^ a coDh
mencé, le Livre nouveau ajoute :
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itqne Iti i»ith<bwflci>DS révolttli(Hii»iref oat lAbiiaiait ^hmsé
de lenr sanctuaire , et qui , toujours y pourtant, y ^ demeuré d4o0Hiert
«n,€iclié40Mft it iiûn» de rio^Mi» ou loua le voile Iromfeitr di» lifpites;
Dieu 7 neparaUra plus éclalaut qu6î«inai& pour animer |Qute« les contep-
tioqs. Alors le y^rbç suprtipe , le verbe {ufiDitésimal ae faudra dans
Tart en paroles et eu symboles ; le savant le traduira en fprmule^^ et Tin-
dostriel en formes limitées; verbe de poésie et d'amour, il se manifestera
par la musique et par l'arcbiiectQre; inspiraWqr divin» il engendrera
r«l9»rfthmk et resthétiqQe; parole du prêtre, il enfantera la saienae et
rindustrie , ie dogme et le culte, a
luB Catéchiame aaint-aimoniep a aiwi aofi cAtô graoïiiiatical.
€emme le langage et l'algèbre «e correapeadeat d'une numière
rigoarense, le Livre nouveau établit Tordre aaivant :
Fesr le théoridea, le aubatantif.
IVNir le praticien , Tadjeetif .
Pour le prêtre, le rerbe.
Après quoi le Livre -nouveau entre dans l'examen de la langue
•de Tavenir, et il trouve que la langue française est celle qui four-
nira le plus d'élémens à ce nouvel idiome, empreint d'un grand
^^aractère d'universalité. Suit un long cours de .philologie et de
Sttératnre, où tous les dialeates anciens et modernes sont passés
en revue et appréciés au point de vue euphonique, comparés
^otre eux, disséqués dans leurs élémens. Nous avons hâte de pas-
ser làrdeaau»pour en venir à la partie essenliefie du Livre nouveau ,
i la Genèse du saint^imoniame.
Ici se révèle sous une novvelle forme eelte tendance de la
doctrine à pacifier la chair et l'esprit , et à les sanctifier l'un
par l'autre. La guerre entre les deux principes n'existe pas seule-
ment dans la politique et dans la morale, elle se retrouve encore dans
la science, et la science doit être j)acifiée comme le sera la politique.
Elle le sera, prétend le Livas, parce que les hommes d'amour qui
«entent également la théorie et la pratique, la science et l'industrie,
la réalité et l'apparence, imprimeront une foi vivante dans l'har-
oonatammeat progressive de l'esprit et de la chair, du
9tià0 l'espace, du nombre et de l'étendue, de la formule
«I de la bnne , de la pensée et de l'acte , de l'unité et de la mul-
lipBdté, de l'identité et de la différence, de l'observation et de
rexpérimentation, du passé et de l'avenir, de l'autorité et de la
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HBYUB DBS DEUX MONDBS.
liberté, da moi et du non-moi, de Thomme et de la femme, de
l'humanité et du monde.
A la suite de ce long détail des choses qui se meuvent aujour-
d'hui dans des conditions de lutte et d'antagonisme, le Livre non-
veau prend le ton épique, pour épancher sur le monde ses plus
mystérieux trésors.
ff Voici, dit-il, la Genèse nouvelle, historique et prophétique, annoo*
çan t ce qui est détroit et ce qui doit ôtre créé, ce qui doit moarir et ce qui
doitnattre.
ff Ecoutez !
a Tai vu dans la nuit des temps anciens des choses merveilleuses.
a La terre disait à Dieu, au sein duquel elle circulait : a Le bien-aimé
« viendra-t-il bientôt? »
«[ Dieu lui disait : <r Je ne le susciterai pas encore, car tu n*as pas uo
<t arbre à l'ombre duquel il repose; pas un animal dont la chair ou le lait
a le nourrissent. L'atmosphère qui te sert de tunique est brûlante.
a Qu'as-tu à lui donner pour le réjouir? Il cherche des sources firaf-
c ches où il puisse se désaltérer, et je ne vois que des flaques d*une eaa
a bourbeuse et amère. Où sont les champs et les trésors qui feraient ta
a dot? B
« Et la terre tournait.
«[ Elle amoncela de gigantesques arbrisseaux, des fougères plus grandes "
que des hautes futaies, et des roseaux semblables à des sapins. Elle se
couvrit de bétes marchantes, volantes, rampantes, aux membres akn-
gés ; elle enfanta des millions et millions de mollusques. De son sein tirant
des trésors, elle les pressa en filons et en couches jusqu'à la surface da
sol, mêlant les plus précieux métaux et les plus riches pierreries aux
marbres et aux porphyres les plus magnifiques. Cependant ralmosphère
écrasante se changeait en une pluie vivifiante, et elle allait combler Im
précipices effroyables et restreindre le domaine de la mer.
41 Fiùrc alors de son ouvrage , elle se retourna de nouveau vers Diea,
et lui dit : s Viendra-t-il bientôt ? »
A Dtcu répondit : a Que viendrait-il faire avec sa vie délicate et am-
fi biticuse, au milieu de cette vie grossière et pauvre que tu as r^iandoe
(«à la surface? 9
(T El b terre, patiente, enfouit, comme en des magasins, la végétatk»
tloiitelk s'était fait une première chevelure; elle retira la vie ans bétes
TTon^tmouses, aux mollusques informes à qui elle s'était livrée, et la
donna à di^ êtres plus parfaits. La bourbe des eaux forma des montagnes
i|i* grès ei de schiste, leur sable se changea en couches calcaires, Tai-
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SÛCIAUaTBS lUmEElIBS* 333
mospfaèrese tempéra encore; la terre éjaculait de noareanx métanx, de
nouveaux porphyres, de nouveaux marbres, |[uî se dressaient en monta*
gnesy ou se répandaient en masses profondes et souterraines»
9 A plusieurs fois ces choses se répétèrent.
0 Et à chaque fois. Dieu envoyait à la Terre un messager dont l'ap-
proche la faisait tressaillir. L'astre porteur de nouvelles allait ensuite an
loin réjouir les mondes de la chaleur vitale qa'il avait empruntée à la
terre au sein de leur majestueuse communion.
a À chaque fois, c'était pour la terre d'immenses joies.
9 Mais à chaque fois, c'était pour elle aussi de grandes douleurs; car,
pendant que les porphyres, les marbres, les serpentines, les granits, le
plomb, le cuivre, l'argent, l'antimoine, le platine, l'or, le fer, l'éiain,
et tous les métaux, bouillonnaient dans ses veines, c'était une fièvre chaude
qui la dévorait. Pendant que son axe incertain se balançait, et que la
mer poussait d'un pôle à l'autre ses flots écumans, c'était un spasme ner-
veux; pendant que l'atmosphère se condensait en torrens, c'était une
sueur froide qui lui ruisselait sur le corps ; pendant qu'une vie nouvelle
lui surgissait, c'était les angoisses de l'enfantement.
c Et elle s'écria avec douleur : a Le bien-aimé ne viendra-i-il donc
cpa8?D
an viendra, dit le Seigneur; car telle est ma promesse. Mon dernier
« messager va partir, et il restera auprès de toi comme témoin de ma
(c parole; chaque jour il réjouira ta vue de l'aspect de sa face au teint
0 d'argent. En mémoire des ébranlemens que tu as ressentis à l'approche
« de mon messager, il fera mollement balancer tes eaux, et les enverra
« chaque jour lécher les pieds des continens.
ff Va, dit le Seigneur, achève ta parure, » .
a Ivre d'amour, elle déchaloa les fleuves, les vents, la foudre et les feux
souterrains. Voulant exciter les transports de l'époux par un présent
magniBque, die se déchira les flancs , les pétrit et les étendit en plaines
riantes, couvertes d'arbres, de fleurs et de troupeaux, là où étaient des
rochers affreux et de pestilentiels marécages : elle tamisa les montagnes,
en sépara For des diamans, et les sema sur les plages où le bien-aimé
devait descendre, et dans les riches vallées où il devait s'asseoir.
«Elle entassa dans des cavernes, elle engloutit dans la poussière pâ-
teuse des rochers, elle ensevelit sous des coulées de basalte et de lave ,
les hippopotames hideux , les tigres et les rhinocéros géans, et les innom-
brables bandes d*ours et d'hyènes qui régnaient sous le soleil. Avec eux,
elle enfouit à de plus grandes profondeurs les palestrines et d'autres
hétes aux formes repoussantes et aux effroyables cris.
«Le bien-aimé était venu. La terre eut aussi un soleil de nuit, qui ,
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iiif0B tm wan nomfts
teotiin JMiiSy hal«Uat,}|esiihftil«Q fetarBantytsoflnieiiiie
fidèle^ et «pii, feus team fàmî inr «Me-aa foee «rneafée^ seœUe éçè^ wm
mouvemeDS , cêmmë le ohien^etraiSint qat Joue attieor do maître.
a Et un autre tableau se déroala devant nei.
a jB-^oyaiia daailea mers» au seio des abîmes et sor les flets, de» objets
rfredigieai.
« Xapereems das régions itteoDiMeSy je dîstiogiiais «e terre preaisey
gage de la nouvelle alliaoee de Wea arec les faemmes.
a Les vieux- eeMtmeiwlressayialeot eomme tressailte une fomile à la
«Tenee' dtmet aouveaii-iié .
c lyéiBombrMeslIeSy jus<}De<*4è sUescienseSy s'agrtaîeot» ei«
elles Q^teossent pas aekevôJenr crue, s'astesiblaieDt, s*élevaieiili
des eaux.
c L*hoiDaie étendait sod demaioe; il eetaquérait les airs et s'y ]
meDaiten triomphateur; il gouversait les marées comme féclusieri
Terne SOD oaoal; il tempérait les climats comme le chauffeur tempère sqb
brasier; il domptait la foudre comme jadis mi denes pères dompta le
fougueux étalon.
a L'faumaQfté de ses mains parait le monde comme nnépeos sa teadre
épouse après une longue absence, et elle» fière de ses caresses» écartait de
lai les bétes farouches et 4es animaux venimeux ; elle éteignait les feux
des volcans» égalisait les dhnats » rappelait les flenves débordés» modérait
les ouragans et étalait de^ nouveaux empires.
c Gloireè toi » Dieu bon ! gloire à loi » ^igneur Dieu ! qui as demie de
si dosées destinées à rhomme et au monde ! gloire à celui qui est un
prédestiné et qui est notre- père ! «gloire à Tbomme dont la vie inépuisable
se répand par rivières» hors de son sein sur le monde» et lui revient du
monde » large et calme, comme le Het de TOcéan paisible ! Gloire k cehii
qoi vit daBff4e menée» en qni le monde tit et qui rappelle la meitié de
lui-même.
e Gloire & lui» car les battemens desoneœnr kii montrent ce que ▼est
rhamanité » ce ^le veut le monde.
c II a senti' que Themme attendait une éponse nouvelle et il a dit In pa-
role qui la prépare à une nouvelle union.
<c II sent que le monde veut renouer son lien avec Thumanlté na mo-
ment où Khomme renouvellera le sien avec la femme; et il avertit l'bmna*
nité des noces nouvelles que le monde lui prépare.
« Un jour vient» où le Dieu du progrès» le Dieu calme» le Diea bon»
qui avait donné la terre pour épouse à Tbomme et qui voyait r-épovx
passer en seigneur et maître sur l'épouse» et l'épouse impudique s*abro-
. tir vilement aux pieds de son grossier éjf^oux» a envoyé son fils» le i
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t tfMJBi, ipa #lt'aBaMi«6 à']a e^km de Ir tam, rméi }•
lelore ëe oendiM» r>gl»otgpU è^la» macémlUni, ^et la pannant venhlat
glicfts daNord, renferma daotJa oallale dhinmoDaeCère.
«Peodaot dix-^huit sièdet^ Tépoose se puiifia; l'époBX adoocH sef
farearSy et Dieu jugea que la terre approchait du temps où il pourrait
les joindre Fan à Taotre. Cest.poarquoi préparant Tépouxaax joies nup-
tiales, après l'avoir promené pendant deux cents années sur la volup-
«■eufls tarrede l'Ovient» il ini-oavHt» aanklà dea mers, d'immenses ré-
gioM eu il trouva l'argent, l'or, les pierverieB et les riohea oonieurs
pe«raefM»er; oà germèrent toot à ceopaiec profuilen vingt aliment
tmammÊÊLj le soere, le celé, lee épioes , lea liqueurs brûlantes qui eici-
tèrent les sens^ngourdis per quinae siècles d'abstioenoo.
c Et aujourd'hui Dieu a jugé que le temps des noces noufelles était
▼enu pour l'homme et pour le monde , et il a de nouveau envoyé son
Christ.
a Grand Dieu ! quelle est cette vaste terre encore imprégnée de l'hu-
midité des mers que tu viens de signaler aux hommes , qui étreinl l'Asie
de ses bras amoureux , et dont les muscles saillent au-dessus des eaux par
des files sans fin d'Iles et de récifs?
« Quel est l'avenir de ce continent sans passé?
a Là où il y a de l'eau, y aura-t-il toujours de l'eau, et la mer ne
viendra-t-elle jamais rouler ses galets là où tiabitent les hommes?
a Grand Dieu! ils l'ont appelée la Nouvelle-Hollande? serait-ce parce
qu'ils doivent y trouver un sol riche et salubre, sur lequel ils transpor-
teront les populeuses cités qu'ils garantissent à graud'pelne de l'envahisse-
ment des mers , sur des plages sablonneuses ?
e L'Asie, le pays du soleil et de la volupté, aura son piédestal, tout
«eaune l'Ëuri^ savante et l'inéustraettse AfBnérique du Iford. Bt la terre
sera formée de trois couples harmoaieusenient placés, chacun de deux
centrées immenses : Europe et Afrique; Amérique du Nord et Àmé-
riqueduSud; àsie et Océanie; c'est-à-dire le commencement et la fin.
a Et pendant que l'homme appelle la nouvelle épouse, les trois époux
qui habitent le Nord vont appeler les trois épouses qui habitent le Midi
et tes- attireront vers le Fit nuptial qui sera, pour l'un, la Méditerranée,
pour le second, Tarchipel des Antilles, pour le troisième, les grendesrbaies
de-lr Chine et de Vhx&e. »
^tfSk in ixtemê la Genèse médite du samt-simonisme etFun des
tnrranxlctfpltts essentiels de Hénifanontant. Quand cette Genèse adé-
Terrièses périodes eosmogoniques à côté des austérités algébriques
et grammaticales ,da€ttléeliiBiiie, le Livre Ntmtem aborde ce que
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336 REYUE DBS DEUX MONDES.
Saint-Simon appelle le Pic de la Pemée, le problème de la certitode,
problème dans lequel Laplace, combinant Condorcet et Pascal, a
produit l'oenvre scientifique où la puissance rationnelle se produit
avec le plus d*éclat. Mais le passé a cru au transport possible du
fini dans Tinfini , et réciproquement au transport de Tinfini dansk
fini. Telle n'est pas la croyance saint-simonienne.
La croyance sainl-simonienne est celle-ci :
a Le problème de la certitude absolue se transforme en la foi an (m-
grès, manifestée par deux ou trois formes de développemens égileauet
probables; et, dans la certitude relative, constitue le jeu de FinteUigcaGe
sans cesse occupée à déterminer, selon les variations de la loi du progrès,
les termes de la loi du temps et ceux de la loi de l'espace. j>
Ou autrement :
a A chaque moment et en cliaqne lieu, l'homme veut, et sa volonté
progressive, mais limitée, modîGe le moment et le lieu, ou est transfor-
mée par eux. Le sentiment qu'il éprouve de l'autorité et de Tobéissaoce
de sa volonté par rapport à ces deux conditions de son être, temps et
lieux, le maintient dans cette assurance et cette timidité religieuse que
Dieu nous a donné mission d'inspirer à l'humanité nouvelle par nos le-
çons et par notre exemple, et qui différencient notre vie de toutes les
existences du passé. Plus l'homme dispose en maître de son temps, plus
il doit mesurer l'espace avec défiance dans sa puissance Gnie , et plus il
domine l'espace, plus il doit compter le temps avec une scrupuleuse ti-
midité ; plus il se livre à son imagination, plus 11 doit invoquer le secours
de la pratique ; plus il obéit à son instinct , plus il doit recourir à sa rai-
son, jo
A la suite de ces formules nouvelles , ou plutôt de ce nouveau
principe de la certitude absolue , qui en effet ne touche en rien aux
travaux antérieurs , M. Enfantin, l'auteur de la partie essentielle
du Livre nouveau , fonde une analogie qui lui semble merveiUeuse
entre la langue métaphysique nouvelle et le calcul des probabilités.
Cette analogie est le trinôme : probabilités, logarithmes, asffmptôies,
u Quand j'eus trouvé ces mots, je fus heureux, s'écrie-t-U, car fa-
<r vais trouvé la voie qui me ramenait aux formules et aux formes, t
Le reste du Livre nouveau n'est plus qu'une longue équation dans
laquelle les algébristes de la doctrine cherchent à dégager son in-
connue. C'est un travail dans le genre de ceux de Wronskî, qa*3
faut renvoyer aux mathématiciens de Tlnstitut.
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SOCULISTES MODERNES. 3^
D*après ce qui précède, on peut voir quel est le caractère du
Livre nouveau ^ koran mystérieux dont les initiés vont célébrant
partout les sources obscures. A Topposé de l'œuvre capitale de
M. Bazard y Y Exposition, qui demeurait en contact par une foule de
points avec notre intelligence et notre science profanes, le Livre
nouveau est Talgèbre de la religion, sa démonstration en formules
rigoureuses pour qui les pose, incompréhensibles pour qui les
voudrait discuter. Jamais la métaphysique n'avait été si compliquée
de calcul différentiel ; jamais religion n'était apparue sous une telle
prétention de binôme. Et, ce qu'il y a de plus étrange , c'est qu'en
acceptant tout de ce travail, quantités et termes, on n'arriverait à
aucune' solution sérieusement applicable. Quand Newton trouva la
marche des mondes, il en tira au moins des déductions astrono-
miques, des faits matériels, des lois physiques que la foule pouvait
comprendre. Ici, au contraire, l'explication de l'humanité par la
science des chiffres aboutit à des formules tellement idéales , que
cent formules parallèles s'établiraient à côté de celles-là , sans que
l'on pût ni débattre ni prouver la prééminence des unes sur les
autres.
VI. — CINQUIÈME ÉPOQUE.
Procèf . — Dbperfîon.
La vie de Ménilmontant ne fut pas long-temps tranquille^ Depuis
le mois de février 1832, une instruction avait été commencée con-
tre les chefs de la famille saintr-simonienne. Le 27 août, MM. En-
fantin, Duveyrier, Barrault et Rodrigues furent assignés à com-
paraître par-devant la cour d'assises. Ils descendirent de leur
retraité, solennellement, processionnellement, rangés en file, et
marchèrent ainsi, entre deux haies de curieux, jusqu'au Palais-
de- Justice. Des témoins avaient été assignés; on les entendit; après
quoi les plaidoyers commencèrent. Chacun voulut débiter le sien,
et peutrètre mit-on trop d'emphase, trop d'apparat, dans cette dé-
fense à la fois individuelle et collective. M. Enfantin eut la préten-
tion malheureuse de vouloir essayer si son regard , puissant sur
les siens, exercerait une vertu de fascination sur les juges et sur
les jurés. Les jurés et les juges s'en fâchèrent. M. Enfantin prit
cela pour une victoire, a L'irritation» s'écria-t-il, est une preuve
TOUS vn. ^
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399 REYVB.'H
<fr4*aGti0A.j»'ll>dit4LU juvé» : a Je reuar ar^PtiiicM^ ^'^mpiikflm
lOLMidbel^heraUer.Doveyrm, Samiiilt et Lasibeit {HroBvil^
sent aux jocés^elie défaite par les melhéBalM|ws^ par FfaknÉn,
gar la poésie, par resthétâqae. Les jtt0és>se le liiipeiic:«i UenfMr
dit, qu'Us ^sondaimaèireat, pralMibieiBeiitpesr le Mi seul des fkî-
doieriefi^ UM* Safaocki, DuTeyrier et Mkdbd Gli^afier«
De ^ce^^ jour -data une pémede de décadeoee définiiive;^^ dh
sAtte fei^paat aws «portes de la cenoiaiiasté, 3 hUm wéémn
le persomiel et -t^teancbar sur rofdiaaipe. On «s nat a«K «»-
pédiena; des aussions partireat peae Marseille, TMdoa, ifoa
et Rouen. Ou ne dédaigna phie les travaux profanes; on aœspia,
on^îboisitles plus durs,^ les ^^us îogralsry les plus hnsaUasw QmI-
ques frèreS'CiroalèreBt daaa Jes rues portant desrmailaasiBP fean
crochets, d'autres s'offrirent pour les ¥enda&|rM de la cte^ m
demandant point d'antre sitoire <pie lear pari à la gameHe des^joar
iialiers>; oeua-ci se firent eamuis a^c leel^fflwaaîa, eem^à tisia-
rands avec lesouTrieraiiektNorfliaBdie. Par'nMsore d'éeonooH^
souvent dors, à l'heure du dîner, laieemoHinaiité déboiriait sv
les guinguettes voisines et se préparait aux privations de Tapoeia*
lat par des repas économiques.
L'emprisonnement de 11% Enftaitia fot le signal de la dispersion
de la famille. Les uns rentrèrent dans le monde, avec la pensée d'y
continuer une propagande sourde et inaperçue ; les autres se voue-
ront plue ostensibleMent à dies< travawD étraagéUqnea, et s^ëoter-
4iièreat,.no«vv(eauiK ârgonaua»s,fà laredwr(diede'la?FeMm&-llBSiie.
Uae fsis libre,M. Enf^Miâii suivit celle pefiimrde la fmnîila.Apièi
avoir écheué dans la grande entrept ise du hsrra^ dm M , il^mi
de quitter TÉgypte pour la tedée , en suivant le même ohmsin^^
prit le peuple hébrei». Ent»e lui et ses disciples de Fraaee, laoooh
miaion de croyances se perpétue , à Taide d'an échange de lettsea
L^aetien hiérarchique subsiste malgré les distances^
Aujourd'hui le saintrsiflM>msme n'a pas renoncé i la concpuéfe dt
janade. Seulement il y procède par un travail souterrain, ^ nsi
plus par une révolte ouverte. Ceci est eneere une iUusion. Le saill^
simonisuie ne songe paei un fait grave , c'est «pi'ilii'a- compté dam
ses vaogsque des admlles ou des honnies bien jeune^eneore. Es
lie posant te système cpiaa point de vue viril, deuxélémensM
k iHMffîaë et la vMllesse^ c'isat^JHttre le «alcaM
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4^Mpélieii6e. UAge/aurrenanf/le personnel du samt-éhnonisnie «e
•■miifiera fo^ménie, ae tempérera, sefbndra par un travail d'in-
•firêla et dépositions, ilependant cette expérience de la jeunesse
f»'«mpas été^perdoe pour ses membres. Bs y auront gagné de se
«tenir ^pendant quelque temps à Vécart du monde pour le juger y de
ae reeuefllir en des études graves et concentriques; ih y aurobt
gagné encorede s'inspirer Vun Tautre, d'agrandir Thorizon de leurs
caentlfliens et de leurs pensées, de s*exalter en des discussions ortt-
-geuses, de foulBer tontes les questions, de les feire pivoter sons
fous leurs aspects. Gela peut s'appeler un bel apprentissage de
la vie.
•Quant au fondnéme de la doctrine, c'est, comme on a puie voir,
«n. composé d'élémens anciens, assimilés à l'aide d'un procédé
•d'amalgame. L- originalité n'est que sur Tépiderme: quand on pousae
jusqu'au tif , on trouve le plagiat. Au point de vue religieux, cette
rMormedu christianisme, ou, si Von veut, cette révélation nou-
velle , interprétative de son axiome fondamental , n'est ni plus sé-
rieuse ni plus méritante que le gros des réformes au petit pied,
'tentées de«osjottrs dans l'une et l'autre église, dissidente ou or-
thodoxe. Ce n'est ni mieux ni plus mal que les essais bibliques ou
évangéliquesdeShaftsbury, deWoolston, de David WiBiams, de
Connor, en Angleterre ; en France, de Jean Leclerc et de Toustaint;
«n Allemagne, de Lessing, de Basedow, de Jahn et de Glabach.
Pour l'édat «t le scandale , c'^st même demeuré' loin de la comédie
^Aéopbilamropique, jouée vers la fin du siècle passé, avec ^es
adeursqui se nommaient : La'RerriHère, Bernardin, Hatry, Du-
pont de Nemours. Si grande qu'ait été imagination des nouveaux
Mesâîes , ik ^sent restés au-dessous de l'expédient du cabaliste Van
Helment, qui, pour mieux parodier Jésu&Christ, se fit rouler dans
des langes, et, ainsi emmaillotté, voulut qu'on le déposât dans une
étable, où il se prit à vagir. Dans les sphères du mysticisme et de 1*0-
Inminisme, ils copient, sans les vaincre, Saint-Martin et Swedenborg;
• dans leur théogonie, ils touchent au panthéisme ancien; dans leur
théocratie, ils refont les Hiérophantes, les Brames, les Mages, les
Druides, les Scaldes, en demandant à l'affection une obéissance
•absolueque ces prêtres, mieux avisés, demandaient à la terreur»
Leur morale, si étrange qu'elle soit, n'est guère plus neuve»
'C'est, pour les rdations entre les sexes, de l'épicurisme, compli-
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340 RETUE DES DEUX MONDES.
que de polygamie ou de polyandrie, le tout aggravé, au profit ih
prêtre, de quelque chose qui ressemble à Tanden droit du seignev.
Entré dans la science avec la prétention de terminer le duel qui
y subsiste entre la matière et Tintelligence, le saint-simonisme n't
guère fait que continuer Técole sensualiste, en développaat Cabans
à travers Locke et Condillac. Même avortement dans les matières
politiques et sociales. Pour retrouver les premiers traits de la cos-
mogonie saint-simonienne, le gouvernement d*harmonie et d*amoiir,
codifié dans la loi vivante; le procédé hiérarchique si vague et si
abusif, l'anathème sur Vhéritage, la gestion par main morte, le
monopole sacerdotal, réservoir immense d'où la propriété doit
découler sur le monde par des millions de canaux; pour retrouver
tout cela, il suffit de feuilleter Platon, Diodore, tous les théosophes
grecs, Laplace, Tabbé de Saint-Pierre, Geoffroy Saint-Hilaire dans
sa Théorie des Analogues, Thomas Morus dans son Utopie, Daniel de
Foé dans son Essai sur les Projets, Lantier dans son Voyage iÂMU-
nor, Colebrooke dans ses Becherckes sur la nufthographie kimUmt.
Quant à ses plans confus d'association et de travail commun, le
saint-simonisme est demeuré en arrière de Zinzendorf , de Robert
Owen , de Rapp et de M. Charles Fourrier, réalisateurs plus expli-
cites, plus positifs, plus vrais dans leurs méthodes sociétaires. Les
sciences exactes ne lui doivent rien , si ce n'est l'intention , formdte-
ment accusée, de les renouveler plus tard de fond en comble. Enfin
l'économie politique, dont fl assure avoir changé la foce, est en-
core, après lui, ce que l'ont faite Quesnay, Turgot, Smith, Say,
Ricardo et Sismondi. A part quelques thèses d'ordre secondaire oè
il a plaidé, conséquent à sa foi, pour Tautorité contre hi liberté
industrielle, pour la mercuriale contre hi concurrence, pour le tarif
contre l'affranchissement fiscal, controverses de détaiQ jetées ao
milieu des mille controverses qui partagent la science, il n'a rédle-
ment rien fait, rien dit, rien signalé, que les maîtres n'aient si*
gnalé, dit et fait avant lui.
Maintenant, de ce que le saint-simonisme n*a pas eu, en réafité,
autant d*importance qu'il a affecté de le dire , nous ne voulons pas
conclure que son passage au travers de ce monde ait été on ind-
dent complètement inutile, et qui doive toujours rester infécond.
Une foule de questions, qui sonuneillaient avant lui, ont été, par le
fait seul de son avènement, éveillées d'une façon si brusque et si
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SOaALISTES MODEI^IES. 341
bruyante, que, placées désormais en relief, elles sont acquises à
la cariosité générale , et livrées à cet esprit d'analyse, qui, tôt ou
tard, agira sur elles par un travail de transition. Le saint-simo-
nisme sera à l'avenir social ce qu*est un ballon d*essai dans une
expérience aéronautique. Le ballon d'essai s*enléve aux yeux de
la foule étonnée, monte, s'amoindrit peu à peu, et se noie dans
Teqpace : après un rôle court et brillant, c'est fait de lui; mais
le grand aérostat y a gagné du moins de connaître l'état des zones
atmosphériques, et les caprices des aires de vent qui l'attendent
sur son chemin.
Louis Retsaud.
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LETTRES
SUR L'ISLANDE
IBSUIILIIii^IIIILç^'
A MONSIEUR VILLEMAINy
SBCRiTAIRI PBEPiTUBL Ol L*ACADillU PEAHÇAUI.
Une traversée de neuf jours nous a conduits à Reykiayik. Le 21 mai
nous regardions fuir derrière nous les côtes de France ; le 30 au matm
le pilote du pays, couvert d'un manteau de peau de phoque, nous guidait
vers la capitale de l'Islande , une capitale de 700 habitans, une ligne de
maisons danoises au bord de la mer, et les cabanes islandaises sur lei
côtés. A voir de loin ces maisons en bois, abritées entre deux collines,
posées l'une à la suite de l'autre le long de la rade, on dirait autant de
bateaux pécheurs ancrés sur la grève et attendant le retour de la ma-
rée pour se remettre à flot. Grâce pourtant à ces habitations danoises,
l'impression que l'on éprouve en entrant à Reykiavik est moins triste
(1) Noas avons annonce, dans notre nnméro du iS mai, le départ dn bâtiment de TéM
la Becherche, envoyé ponr retronver les traces de M. J. de Bkisseville. V. Marmier avtit
été chargé» par l'Académie Française , de la parUe littéraire de rexpediUoo; notre jene
eollaborateor s'est empressé de transmettre le résultat de ses premières obserratioDSti
secrétaire^ perpétuel de TAcadémie, et c'est à robligeance bien connue de M. TUleinala
que nous devons communication de cette lettre. (K.du D,l
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qo'on pourrait se rimagioer d'après les rehitîoos de phuieurs voya-
geurs. Ou passe encore par certaiDs degrés de civilisatiou avaol d^eo
leuir à l'aspect réel du pay«. Les omenens de luxe doot les marchands
danois aiment à s'entourer, cackient comme un lideau la nudité des dte-
meures ifilandaiseSy et les maisons bâties en boia nous^prépairent graduel-
lement à voir la cabane sauvage qiai s'élève à quelques pieds de terre ,
avec ses murailles de tourbe et son toit de gazon. Mais ce dont nulle
civilisation étrangère ne peut faire gnace au voyageur qui arrive ici pour
la première fois, c'est l'odeur paus^abonde qui le saisit au moment où il
pose le pied sur le sol de l'Islande. Cette odeur le poursuit partout et
s'attache à tous les objets dont il se sert; c'est le résultat de cette quan-
tité de poisson que les Islandais font sécher en plein air, le résultat de la
malpropreté au milieu de laquelle vivent ces malheureux, et des matières
souvent corrompues dont ils se nourrissent.
L'histoire de Reykiavik ne remonte pas très haut. Il y a soixante ans,
ee n'était guère qu*un village de pécheurs. Biais sa situation est bonne;
sa rade, protégée par plusieurs petites lie», passe pour l'une des rades
les plus eommodes et les plus sûres qui existent, et non loin de là se
trouvent des bancs de pèche justement renommés. Peu à peu les négo-
cians danois y établirent leurs factoreries^ et la ville acquit chaque
année plus d'importance. Aujourd'hui c'est la résidence du gouverneur,
de l'évéque, du médecin général du pays, du président du tribunal. On
y trouve une bonne école et une bibliothèque de huit mille volumes. A
une lieue de là est l'école universitaire de Bessestad ; à peu près à la
même distance, l'ancienne imprimerie de Hoolum, transportée à Yidoë.
Je ne fais qu'indiquer ceci en passant, j'y reviendrai une autre fois spé-
eialement.
Notre première visite en arrivant ici était due au gouverneur, M. de
Urieger, et nous ne saurions trop nous louer de l'accueil qu^il nous fit.
U a voyagé en France et en Italie, il parle français facilement, et il s'est
lait notre guide et notre interprète avec une grâce charmante.
Le lendemain nous allâmes voir avec lui l'évéque , qui habite une jolie
maison au bord de la mer. Autrefois il y avait deux évéchés en Islande ,
l'un à Hoolum, l'autre à Skalholt. Tous deux ont été réunis à Reykiavik
en 1797. M. Steingrimr Jonsson , qui occupe aujourd'hui le siège épisco-
pal , est un homme âgé, fort instruit, autrefois professeur de théologie à
l'université de Bessestad, et qui a conservé dans ses nouvelles fonctions
les goûls studieux qui Ranimaient dans m earrière de professeur. J'ai
trouvé chez lui une belle bibliothèque d'owwages étrangers, une riche
collection de sagas islandaises, d'éditions rares et de pièces manuscrites
ay^yit rapport à l'histoire du p^fs.
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344 RETCB DES DEUX MONDES.
M. Steingrimrnous reçut avec toute la cordialité des hommes da Nord.
Tandis qu'il nous faisait les honneurs de son salon, tandis qu'il nous mon-
trait avec empressement ses livres et ses manuscrits, parlant tour à tour
latin avec l'un de nous, danois avec un autre, anglais avec un troisième,
sa femme préparait elle-même le café, le vin de Porto, et la bière
choisie qu'une maltresse de maison islandaise tient toujours en réserve
pour les étrangers. Cette visite avait d'ailleurs un intérêt particulier pour
l'évêque et pour nous. M. Gaimard lui avait envoyé la veille divers pré-
sens au nom du roi et du ministre de la marine , et nous assistions à Tia-
stallation de ces objets dans le salon épiscopal. Je ne saurais vous dire
avec quelle satisfaction naïve le digne vieillard contemplait la selle en
velours qui lui était destinée, et les tasses en porcelaine de Sèvres ran-
gées sur son armoire. Ce fut bien autre chose quand un de nos compa-
gnons de voyage tira le cordon d'une pendule que nous avions aussi ap-
portée, et que l'instrument caché dans la boite commença à jouer Tou-
yerture de Zampa, et l'une de nos walses les plus populaires. Alors il
courut avec une joie d'enfant appeler sa femme; avec sa femme vint la
fille d'un de ses amis, et les servantes, qui n'osaient entrer, s'avancèrent
jusqu'auprès de la porte; derrière elles, le garçon de ferme se dressait
sur la pointe des pieds pour apercevoir le magique instrument. Tout
cela formait un tableau d'intérieur plein de grâce, dont Wilkîe eût
voulu peindre les détails, et Greuze les bonnes et candides physiono*
mies. Nous passâmes ainsi deux heures à visiter les trésors littéraires
de l'évêque, à parler avec lui de l'Islande qu'il connaît bien, de son his-
toire qu'il connaît encore mieux, et nous sortîmes enchantés de son hos-
pitalité.
Cette hospitalité, nous l'avons, du reste, retrouvée partout, avec moins
de luxe extérieur, mais avec la même générosité. Partout où nous nous
sommes présentés, dans la maison de l'ouvrier comme dans celle du riche
bourgeois, nous avons vu l'Islandais empressé de nous tendre la main,
de nous faire entrer dans sa demeure, et sa femme courant en toute hâte
chercher ce qu'elle avait de meilleur â nous offrir. Ces jours derniers nous
visitions à quelques lieues d'ici la maison d'un paysan. A côté de la cham-
bre qu'il occupait, on nous en montra une autre avec quatre lits réservés
pour les voyageurs qui viennent souvent, pendant l'hiver, lui demander
asile, et près de la cuisine, une forge où il a lui-même ferré maintes
fois gratuitement le cheval du passant. Après nous avoir fait servir do
lait et du café, il monta â cheval et nous guida â travers les landes rocail-
leuses où nous voulions aller, passant le premier les rivières enflées, et
prenant nos chevaux par la bride pour les soutenir au milieu de Vuxu
Quand il nous quitta après quatre heures de marche , nous nous gardâmes
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UBTTEES SUE L'iSLANDE. 345
bien de lai offrir de l'argent, car pendant qae nous étions chez loi,
Idi ayant témoigné le désir d'acheter une Bible islandaise de Hoolam et
une édition ancienne du Landnamabok que je trouvai dans sa bibliothè-
que, il avait voulu me les donner, mais non en recevoir le prix. A Rey-
kiavick, nous avons joui du môme accueil. Les Islandais aiment les
étrangers. Ils sont flattés qu'on vienne les voir de si loin; puis, ils avaient
gardé un bon souvenir de M. Gaimard et de son compagnon de voyage,
qui étaient déjà venus ici l'année dernière; enfin, nous leur apportions
beaucoup de choses utiles dont ils n'avaient pas encore appris à se servir.
Mais ce qui ne serait ailleurs qu'un trait de caractère louable, devient
ici une œuvre difficile, une véritable vertu. Quand ces pauvres gens vous
apportent une jatte de lait , une tasse de café , ils se privent souvent du
nécessaire. Ils sacrifient en un instant ce qu'ils ont obtenu avec beaucoup
de peine; ils donnent à l'étranger ce qui était réservé pour une occasion
solennelle , pour leurs fêtes de famille. Hélas ! tout ce qu'on a dit de la
misère des Islandais n'est point exagéré; et à Reykiavik même, là où
l'affluence des étrangers, le mouvement du commerce, pourraient servir
à la pallier, cette misère éclate encore de toutes parts. Il y a ici, comme
je l'ai déjà indiqué, deux populations distmctes, les marchands danois,
les pécheurs et paysans islandais. Les marchands viennent chaque année
avec leurs bâlimens chargés de denrées étrangères. Us arrivent au mois
de mai, et s'en retournent, pour la plupart, au mois d'août. Quelques-
uns seulement passent ici l'hiver. Ib ont des habitations élégantes et
jouissent d'une vie confortable. Derrière ces maisons danoises, bâties à
grands frais avec des planches et des solives apportées de la Norwège, on
aperçoit une construction grossière , une muraille dt tourbe et de mousse,
portant un toit de gazon qui s'en va en pointe comme une tente. C'est la
cabane islandaise, le hœr. Il n'est plus ici question d'art ni d'élégance. La
seule chose que l'on ait eu en vue en construisant ces demeures massives,
c'est de mettre les habitans à l'abri du froid. La muraille est épaisse de
quatre à cinq pieds, recouverte eu terre et fermée hermétiquement de tous
côtés; une porte étroite au milieu, un carreau de fenêtre à côté, une
ouverture au-dessus du toit. L'intérieur est divisé en quatre comparti-
mens, le sol entièrement nu, et l'espace si resserré qu'à peine peut-on
s'y mouvoir. Ici le pêcheur prépare ses filets et ses lignes; là deux
mauvais tonneaux, gâtés par l'humidité, renferment ses provisions. Dans
la cuisine pendent ses pantalons en peau de phoque et son manteau en
cuir épais. Deux pierres posées l'une sur l'autre composent le foyer, et
des ossemens de baleine, des têtes de cheval desséchées, servent de siège.
On n'entre là qu'en courbant la tête; on ne peut s'y tenir debout. Au
dehors apparaît un enclos où le paysan n'a pn faire croître un peu d'herbe
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foin pear l^iver. -QiMlqiiM-ttBa y joîgDOBt-aD poti* <N«rè 4e ja«dfn. fte
-fowranNOMiit danois lt«r ewvpie ohaqtto aiuiéoles graiiMf !
Bs^ènent l^unléfiMneB ^U'emammwmmà de juin , et 8*ili«e k i
Jent'pee au neia d^aottt, l«iBoî«oe«>ortfraBd rit%iie"d*M>epepd«i».Si
àveelle< hahitatiAo le*péolM«ir joint escove un bèlîflMni^eD-plaiiQlM» de
ilpdqQeapie^eerféty peur Amw sécber le poisson , Upeotseï
comme un élve pmilégié. La phipapt fenlséober*le prodnit de4eiir]
en plein air sur les nrars; mais du moins ils penyont OIfo bien sûme qne
peraonne n'y leuobera. Sfnit et jonTy une quantité de mornes sent mu
étalées au berd du dk%mm, et jamais on a'a en d'eaemple de vol. 9e
temps en tea^)s, aopvès de ces misérables demeures, on rencontre, il
est vsai, quelques babitaiions plus vastes, mieux aérées et miens bâties,
appartenant à des paysans riobes, qui, sms vouloir ebanger le mode-de
construction nationale, ont du moins ebeecbé è le rendre aussi <
que possible; mais ces habitations sent en petit nombre.
La vie du péQhenr islandais est une vie de privations^et de i
eontiauelles, une vie de lutte contre la nature et les étémens. An mois
de ilévrier, quand la terre est couverte de glaees, quand le ciel bmmenx
de L'Islande n'annonce que des orages, quand les rayons d'un soleU pale
percent à peine à traversua crépuscule obscur qni ressemble à une naît
saqsfin, le pdcbeur quitte sa fismllle, sa obaumière. Il laissée sa fsoHK
le sein de filer la laine , depréperer le beerre ; à ses enfiuis , e^nî de^ar-
der les bestiaua. Il »'en va avec sa ligne, le long du golfe, commencsr
sa laborieuse existence. Là se trouvent quelquefins réunis jusqn^à^triis
et quatre mUle péc^ieurs, et dans tout le pays, les babltatieas neseot
plus occupées que par des fernsoes et des enfens. Chaque nuit les pé-
cbeuis consultent L'aspect <bi eid-; si l'boriaon leur présage une^m*
péte, ils restent à terre; sinon, fisse lèvent à deux heures an matmet
s*embarquent , après avoir Isit leur prière , sans deuteune prière cenoM
eeHe du matelet breton : « Mon Dieu! protégeennoi; ma barque ert si
petite, et la mer est si grande! » Et toute la journée les péebenn
jettent à ht mer leurs Hgneset leurs Mets, et vers^^le soir its s'en revien-
nent avec des bateaux remplis jusqu'au bord; car, si le sol islandaîsest
ingrat ponr eux , la mer du moins les traite avec IfbéraKté. Les femmes ki
attendent à leur retour pour recevoir le poisson et le préparer. On eoope
toutes les têtes pour les faire sécher. C'est là ce que le pécheur réserve
pour lui; presque tout le reste est destiné à être vendu. La pèche durs
jusqu^an mois d'avril, quelquefois jusqu'au mois de juin. Quand le pè-
ebeur est rentré chez lui , il compte ses richesses , rassemble ses prori-
siens, les poissons qu'il afàit sécher, le drap (vadnM) que sa femme a
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R«fkîink et ^e^HapeDvi^Pd'SDnelà^qai l'itieiMklit^ et il Itmt poHe to
finiil de son travail. Il y a une grande foire à Reykiavik au inoi»de JuiBi
Lii pay flaaa ialandaîa y vieBoest de qn«^aiice ei einquasle lieoea , portant
avec eux leur tente peur ae repeaer, le peîaaop peadu à Tarçon deateUes,
et^ka-attlrea «denrée» enforanéBa dam dea aaes de kine. 11 n'eat pas rare
alandeyoirarriYery à la aie Tua de raulrè» dea<»rayaneadèoent che-»
T«aX| tevadurféi de proTiatens.
Leeeaoïeroe qui ae UÂi entre les Daneia^t lea blandais eat en grande
partie on comiBerce d'éoliaoge^ Lea Iskmdnla livrent levrs denrées «t re«
çoitentdela farine» duael, ducafé, de r<eatt-ée«viey quelques menblea
deliiie> e&r la civilisatioB avec ses raffineoNose déjà commencé à s'insh>
nnar dan» le pauvre Bêgt, et tel paysan ^«utf«A>î8 buvait sa bière dana
uDvase de bois grossièrement travaillé» veut at^urd*bui prendre son
calèdans une tasse de poroclaîfle. Quelquefois ils demandent à recevoir
une partie de ce qui leur est da en aiffent » et eela ne s'opère pas sans'
qoelques négociations^ car il y vnde Tintéréi des Danois de payer tout en
marebandisea. L'argent n'est pas d'ailleurs peur eux une chose néoea-
saire; ils acquittent ordinatrenient leurs impdta avec tant de livres de
poisson , et tant d'aunes de vaâmél. Ils paient de la mène manièrelenra
dcaMstiquee et knra ouvriers » ea ceusd^entre eux qui amattenl quelqvea
spida (1) lea laissent pataibèement repeser au fend d'-une caisse. Ils igno-
rent encore l'art de plaeer krurergent dans des spéculations de commerce ,
01 de le prêter à usure« Le plus triste résultat de ces transactions avec
les-Danob» c'est qu'une fais l'échange fait» le pauvre pécheur islandais
qii tout l'hiver a supporté la faim» le froid, la fatigue^ se pêne de joie
à la vue d^in baril d'eau^de^vie. Âleraaoai la tente où ils sent instaUés»
sar le port» dnns lésines, les malbeuranxislandaîs boivent pour oublier
eequ'fls ont souffert, puis ils boivent de nouveau peur euUier sans
doate ce qu'ils sont encore destibés à souffrir. Quand ils en sont là, an
liiu de faire du bruit et de «e battre » ils se prennent la nain^ 4»t s'embua»-
nat avec effusion de ccrar; puis iis montent à cheval et se mettent «n
roQie. Mais dans leur étal d'ivresse, ou ils oubèinut de prendre ce qui
kmr appartient» ou ils nouent nsal leurs saos, et ifs -arrivent ordhiaînH
nsm cheneus dans lé plus triste étau Les riciiesses son^ loin » et le pn^
iMlttrese réveille. Un de nos amis en n rencontré un ^ scellait ainal'
«▼ecses rêves de bonheur , l'œil enflammé , la tête tombant sur la poitrine.
A Farçon de sa seHe pendait un baril d'eau-de-vIe qui coulaii d'un c6té,
ctnn Mit dfc xuttè qui ' ci9ilhll*dM%iatt*e ) ctte'WenlietiretQLltliindàli^ fkt^
W ■manlp daaoiie et litondaiae gai ▼aasè<psaitès»#i4»ct
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348 RETCB 1>B8 HEUX ICMDBS.
maDt Toreille à tontes les remontrances^ contmnait paisiblement sa route.
Une demi-henre après , le sac à café et le tonneau durent être par&ilfr*
ment vides.
C'est ainsi que se terminent souvent ces voyages de commerce, et le
pécheur rentre chez lui pour vivre d'un peu de beurre rance et de têtes
de poissons séchées au soleil. Sa boisson ordinaire est du lait mêlé ayee
de Feau ( blanda ). ( Ceux qui sont riches boivent de la bière préparée
par la maltresse de la maison. ) Il se chauffe avec de la tourbe qu'il
feçonne lui-môme , et broie entre deux pierres Forge dont il a besoin.
Au mois d'août, il fauche Fherbe de ses enclos; c'est là sa seule récolte.
Encore s'estime-t-il heureux quand cette récolte est assez abondants
pour lui permettre de garder ses troupeaux. L'année dernière les habitiat
de Reykiavick ont été >efoligés de tuer une partie de leurs vaches et deletus
chevaux , faute de foin pour les nourrir.
Les Islandais sont graves et silencieux. C'est peut-être de tous les peu-
ples celui qui a le moins le sentiment de la musique et de la danse. A les
voir, on dirait qu'ils sont tous sous le poids de cette nature austère ao
milieu de laquelle ils sont nés. De toutes parts, leurs yeux ne rencontrent
qu'un tableau sinistre, des souvenirs de calamité ou des sujets de terrear.
une terre aride et volcanique, de la cendre et de la lave , et pas une fleur,
pas une plante (1) ; une mer orageuse et des montagnes de glace. Noos
avons parcouru pendant plusieurs jours à une assez grande distance de
Reykiavik, cette contrée sauvage, couverte de rochers vomis par les
volcans. On ne trouve, pour tout chemin, qu'un sentier brisé à chaque
instant, ou par les rivières qui débordent , ou par Feau fétide des marais.
Llslandais seul peut s'aventurer au milieu de ces landes désertes, comme
les navigateurs au milieu de l'océan; l'étranger s'y perdrait. De temps
en temps seulement, on aperçoit une pyramide en pierre placée comme
un phare pour indiquer la route à suivre pendant Fhiver, et de loin en
loin aussi, un bâtiment en pierre, adossé contre une montagne et
construit successivement par les paysans. Le premier qui fait halte
dans un lieu commode et abrité contre le vent, pose la base de Fédifice;
un 4utre arrive qui continue l'oeuvre de son prédécesseur, puis un troi-
sième travaille sur le même plan , et chaque paysan qui vient là passer
une nuit croit devoir payer à ceux qui l'ont précédé, à ceux qui le sui-
vront, le tribut d'une heure de travail. Le monument se trouve ainsi
(1) Le gouveroeor nous faisait admirer un soir , dans son Jardin , l'arbuste unique de
Reykiavik, an sorbier. 11 y a cinq ans qu'il est planté, et U a deux pieds «te bait
Chaque bourgeon qui pousse sur ses rameaux est un érènement; mais quand 11 arrlfffs
à la hautevt du mur qui le protège, U mourra.
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UCTTRBS «UR l'iSLAIlDE. 349
acheTé. Les Islandais qui voyagent savent où il faat le chercher, ils se di*
rigeot là le soir avec lears chevaux et s'endorment entre ces quatre murs.
C'est la tente du désert , c*est le caravansérail des montagnes du Nord.
Quelquefois y après avoir traversé pendant plusieurs heures ce sol fan-
geux et mouvant des marais, ou cette terre calcinée des collines, on est
surpris d'apercevoir tout à coup un espace de verdure et un toit de gazon
d'où s'échappe un nuage de famée. C'est une ferme, un hwr. Cest là que
demeure la famille du paysan , isolée du monde entier, visitée parfois,
dans les beaux jours, par quelques voyageurs, et abandonnée l'hiver
à elle-même. Cinq ou six bcer comme celui-là, disséminés à travers les
campagnes, composent une commune ayant son maire et son pasteur;
en cherchant plus loin, on trouverait une cabane en terre avec une croix
au-dessus : c'est l'église. Puis, il faut dire adieu à ces pauvres oasis, et
continuer sa route le long de ces montagnes dont les cimes échevelées
attestent encore l'éruption violente qui les a brisées. La plupart des vol-
cans qui ont été enflammés autrefois sont maintenant éteints; quelques-
uns le sont depuis si long-temps, qu'on n'a pas même gardé le souvenir
de leurs dernières éruptions. Mais on marche encore sur deâ bassins que
l'on dirait éteints de la veille, sur une cendre épaisse, sur une terre
rouge qui ressemble aux débris d'un four à chaux. Au haut d'un de ces
cratères, j'ai trouvé Yarabis toute seble, élevant sa tige fragile et ses
blanches corolles sur cette terre nue et calcinée. La dernière rose de
Thomas Moore était moins isolée; la pauvre Marguerite de Robert Bums,
moins à plaindre.
Si cette terre islandaise porte presque partout une empreinte de dé-
solation, souvent aussi elle présente un aspect grandiose, un caractère
sublime. Au-dessus d'une des collines de Reykiavik s*élève un obser-
vatoire où les marchands vont se placer pour découvrir au loin leurs
vaisseaux. Là , j'ai souvent admiré le vaste panorama qui se déroulait au-
tour de moi; souvent le soir à onze heures, le soleil était encore sur
rhorizon , et ses rayons enflammés se balançaient dans la mer comme
une colonne de feu; la mer était calme, seulement une brise légère
plissait en se jouant les vagues bleues qui retombaient ensuite avec mol-
lesK comme une nappe d'argent, ou scintillaient comme des étoiles. A
travers ce golfe d'Islande s'élè?ent , de disunce en distance , des lies cou-
vertes de gazon , et tout autour on aperçoit une enceinte de montagnes
dont le sommet se perd dans les nuages. Celles qui sont le plus près de
terre ont une couleur bleue limpide que je ne sais comment définir. Ni
les montagnes de la Suisse que j'ai parcourues avec les premières-impres-
sions de la jeunesse, ni les Alpes que j'ai long-temps contemplées, ni les
Pyrénées dont j'ai gravi les cimes les plus élevées, n'ont cette teinte si
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claire, cm tooslamiiieaxqtte 4e peintre admire saut paavoirlesezprinir».
Plus loin y l'aspect des mootagoescliaDge; à leur base , elles se caafondeat
avec Teau de la mer; à leur sommet , elles se revôteot d'uoe couleur de
pourpre et d'opale^ elles ont un manteau de neige qui éblouit , et des
pointes de glace qui ressemblent à une couronne de diamans; et quiod
le ciel est clair, quand rextrémité du golfe, leSoeefels, se lève sont le
disque du soleil avec sa tête éternellement chargée de frimas, il apfsnli
au-dessus des vagues comme un nuage d'or. En ce moment t«ute cette
partie de l'Islande a l'aspect d'une contrée méridionale. La Méditemaée
n'est pas plus limpide que cette mer du Nord, Je ciel du midi n'est fm
plus beau. Tandis que partout ailleurs l'obscurité enveloppe la terre,
le jour le plus pur sourit à la chaumière de l'Islandais. Alors lea eofaoi
du pécheur montent sur leur toit de gazoo , et passent là de loogoes
heures comme sur une terrasse italienne. J'ai rencontré ainsi un soir
deux enfans, un frère et une sœur, assis au haut de la cabane de lear
père; la jeune fille, avec ses blonds cheveux flottant sur les épaolei,
s*appuyait sur son frère; un mouton jouait autour d'eux, et devant la
porte de la cabane, la grand'mère tournait une quenouille chargée de
laine. On eût dit d'une idylle deThéocrite, d'un poème d'André Cbé-
nier, transportés dans ces froides régions du Nord, et l'imagination da
peintre n'eût pu inventer un groupe plus gracieux, au milieu d'im paysage
plus imposant.
A quelque distance de la ville , on peut rêver le désert, la solitude la
plus absolue. Toutes les maisons disparaissent entre les collines qni les
abritent, et l'on n'aperçoit que la mer, les montagnes et le àd. Là
règne le silence des lieux inhabités. Pas une voix humaine ne se fait en-
tendre, pas un chant d'oiseau ne s'élève dans l'air, pas une feuille œ
soupire. Tout est calme, repos, sommeil; et si après avoir contemplé
ce tableau oriental , on reporte ses regards sur cette terre si noe , sur ces
landes rocailleuses qu'on a à ses pieds, on dirait que la nature a jeté là
par grandes masses tous les élémens d'une création splendide,et ne s'est
pas donné la peine d'achever son œuvre.
Ne pourrait-on pas attribuer i ces magnifiques scènes de la nature, à
ces contrastes si vivement tranchés, l'amour que les Islandais portent à
leur pays? Quand ils ont été attristéa pendant six mois par l'aspect d'oae
nuit continuelle, un jour continuel vient aussi pendant six mois les récréer.
Quand ils ont regardé avec ennui leur terre couverte de lave et de nh
chers, ils peuvent saluer avec entliousiasme la belle mer, les nujestueoses
montagnes qui se déconvrent à leurs yeux. Quand la tempête a ébraaié
leur cabane et baUu pendant plusieurs heure» leur fragile chaloupe, n'est-
eepaaiKMU* eux une grande joie que de voir les vagues se calmer et ks
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netges i^entr'oirrrir poar faire place à l'azar du ciel ? Une pèche heureuse,
mue saisoD fécoode leur fait oublier de longues journées de fatigue et de
scaffrances. Un rayon de soleil est pour eux une aurore de bonheur. C'est
un signe bienf iisant de la nature ; c'est le sourire d'une mère avare qui
les a traités avec rigueur et qui semble s'attendrir.
Peot-étre aussi n'aiment-ils tant leur pays que par les peines qu'ils y
trourent, par les efforts auxquels ils sont condamnés. Les voyageurs ont
souvent observé que les habitans d'une contrée ingrate restent fixés sur
leur sol y tandii flue^ctuatdeS'plaines.keS'plqB r'mmm s^leiyient souvent
sans regrefc. ifiit-^e'iuietlM ée.*la PrwvMenc»? est^^e «a instifict de la na-
ture ? est-ce l'effet de ce sentiment de vanité humaine qui fait que nous
nous attachons davantage aux choses qui nous ont le plus coûté? Quoi
qu'il en soit, nous voyons chaque année des populations entières quitter
les belles campagnes du Wurtemberg y de l'Alsace, pour s'en aller aa
loin chercher une habitation étrangère, une terre inconnue, et l'Islandais
reste sur la colline de lave oà^il-eaia^ dans le pauvre enclos de gazon qui
loi donne à peine de quoi nourrir ses brebis et son cheval. On a souvent
essayé d'arracher les Islandais à leur pays, et presque toujours ces tenta-
tives ont amené d'effrayans exemples de nostalgie. J^en citerai un entre
autres. Un Islandais avait été transporté en Angleterre; il y était depuis
plusieurs années, et peu à peu l'impression de douleur qu'il avait éprou-
vée en s'élotgnant de sa patrie s'était effacée. On ne l'entendait plus re-
gretter ni sa ferme, nf M»^noitegM»^î)^fittîttitie mitre fongue, et vi-
vait d'une autre nt.t^ jo«v,itiMi(iisi|att-4Miit éms- cm^él»! de calme si
complet en appar«MM,.4qp6è9alte <fipl à-pnoncer Aeiiuittlui «n mot
islandais, et swiriiin > àr^rmièt i^im tesùré» voilàtrale me.^hAlne de
souvenirs qui se réveillardafls^s«& iiipvit^il^plimns., ii te«»fe« rnnUde , et
ses amis sont.obligés dele têmmw^
Je termine ici cetteresguisae d'uRs^^iour passager iRaykiavik* tie n'ai
fait, monsieur, que vous. dépeindre ims premièfes impressions èL'aspect
de ce pays. J'ai écarté de cette lettre, tout ce qui avait rapport à L'itat ac-
tuel de la langue, de la littérature et de l'instruction en Islande, afin de
rassembler sur ce sujet Icphis de documens possfblés et de les réserver
pour une lettre à part. 'Nous partons demah» pour visiter le-Guyses,
l'Hécla et le c6té ooeilleBtaKde'nfshiDée. Je me ferai un dievoir de vous
transmettre les ^haeivatiouo que je pourrei r ecnenKr-dmis-ee voyage, et
je désire bien vivemeal^'^ettBs«<>itBt ëenatore è^vouslatéreaser.
]|fyklavU,15Jiiiiii9S6.
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MORTIS AMOR.
Hélas I qui le croirait I ce fantAme hideux»
Ce monstre à Tœil éteint dans son orbite creux,
Au crâne sans cheveux et souillé de poussière.
Aux membres allongés et froids comme la pierre,
A la teinte jaunâtre, à cette fade odeur
Qui vous met malgré vous le trouble dans le cœur.
Tout ce je ne sais quoi qui n'est plus de la vie ,
Que ne peut expliquer nulle philosophie.
Et dont l'entier sQence et Timmobilité
Révèlent le néant dans sa difformité;
La mort, ce laid produit de la vieille nature,
La mort, le vaste effroi de toute créature,
La mort a rencontré siir terre un amoureux.
Un être qui Tadore, un amant vigoureux
Qui la serre en ses bras d'une étreinte profane.
L'asseoit sur ses genoux comme une courtisane ,
L'entratne avec ivresse à sa table, à son lit.
Et comme un vieux Satyre avec elle s'unit 1
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MÛKTIS AlIOft. Z^
Sdenx acooiqdeiDentI ausai de préférence
A tout antre pays la Mort aime la France ,
Et depuis cinquante ans, devant ses yeux ont tort
Les barbare^ excès des peuplades du Nord.
Que lui font les baisers de la vieille Angleterre?
n est vrai qu'elle sait auprès d'un pot de bière
Tranquillement s'ouvrir une veine du front»
Ou se iaire sauter la tète avec du plomb ;
Mais la France vaut mieux et lui platt davantage.
C'est là qu'au suicide , au duel on s'encourage ,
C'est là, malgré Gilbert et son vers immortel,
Que Ton court voir encor mourir un criminel.
Là que la politique, aux sanglantes chimères ,
Vient sans peur essayer ses formes éphémères.
Là que l'on a dressé l'abattoir social ;
Enfin le sol chéri du meurtrier brutal.
Et le seul lieu sur terre, où peut^tre sans haine
On attente en riant à toute vie humaine.
Gomme si ce qu'on souffle avec légèreté
Pouvait se rallumer à notre volonté;
Et comme si les forts, les puissans de ce monde.
Tous les bras musculeux de la planète immonde,
Pouvaient dans leur vigueur refaire le tissu
Que le doigt de la mort une fois a rompu.
Ah! n'est-ce pas assez que l'avare nature
Nous redemande à tous une dette si dure,
La vie, à tous la vie? et faut-il donc encor
Nous-mêmes dans le gouffre enfouir le trésor?
Oh I n'est-ce pas assez de la pflle vieillesse.
De tous les rongemens de la vie en faiblesse.
Du venin dévorant des soucis destructeurs.
Et de la maladie aux plaintives douleurs?
N'est-on pas sûr d'entendre un jour les chants funèbres.
De faire , tôt ou tard , le saut dans les ténèbres ,
D'avoir trois pieds de terre après soi sur le flanc?
Ne doit-on pas mourir? — S'il &ut que notre sang
TOVE VJI. 23
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ZSt REY1JB vÊs msvx^imvDEs.
S*épanch69 fl est tonjourstlëy cw; en'tsmefië;
Où Ton peut le verserarec qoefi^pm-énergiiK
Alors que Tétraugcr tout cuif^Mé dè^Ér»
Sur nos champs désolés pnsseismÊnmnmFm&rg
Foulant d'un pied sanglant rHertiiMe noo^canpagnes'^
Et chargeant sur ^ontk^s^fflfirdënoveompagiie»;!
Quand le boudiër tforquî ddit lou9 nôuir couvrir;' •
L'honneur de notrenom, estpfèi^de se Mnrir*'
Ou bien lorsque la loi , rloWe et tnauditëv
Répand des flèts de pteurs perla Ville imonMtir
Ahl voilà le moment, et lé- sang qui «s» perd v
A toute la cité ilu moins prefStë'et^sert.
Mais tel n'est pas le train *or^Kfi»it*e des ehosea;^
Ce n'est point pour lei juste «t pour del>eil軀aii8W^
Que la mort violente aime à frire ses coups;
Cest pour des vils hÀebets, de» rèrasdiKioaBeB-aaAll^
Une vaine piq<h«> une^raràon'folfttt^,
Une affaire souvent de4ux0o«'del'théâtii9|
Une froide parade, et; s»flM8a:voÎppoarqiioii'
Le désir d'occuper lestlatntjpses après «ok
Vanité, vanité! Je eonnaift^ ton empcpe,
Et je retrouve en toi toute notre -satire;
0 Glle de l'orgueil I 6 terrible fléau
D'un peuple au cœur sans fiel , mais au faible cerveau I
Toujours ton noir venin distiHé svr marace.
Du haut jusquesenbas, en'corrcnnpra latnaan;
Toujours, nous ramenant dans* un 'oerdelitâl;'
Ton souflle changera l'œuvre dubien Mi^Mik
Triomphe donc, 6 monstret oui, de nor pauvi aa iBBBNi/
Comme un bouquet de fleura fane les pvpsaaanea,
Fais de leur douée vie un cordeau ma) filé.
Au vice dégoûtant vends leur corps maculé.
Jusqu'au dernier degré de l'impure misère.
Tu soutiendras l'éclat de teurs yeux , 6 Biégère 1
Puis, verse au cœur de l'homme un désir insensé
De dominer le monde et d*«n Mre encensé ,
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Pour brfller à toat prix, lance-le dans le crime.
Mets devant lui l'étal au penchant de l'abîme ,
Invente des forfaits inouis et sans noms;
Qu'importe que le sang ruisselle à gros bouillons ,
Que le soleil se voile et la terre frémisse,
Quaia tonbe,en an jour, da»s a»n v»ntre englMtiBse,
Femmes, enfans^TieHlatdSy-frappéstFimeoup soudain,
Qu'importe tant de morts à Fhorrible assassin?
n entendra les cri^d^laute^ nature.
Sans trembler un instant ou changer de figure;
Car sur le champ du meurtre et même à Téchafaud,
0 vanité, c'est toi qui lui tiens le front haut.
Et lui donnes, grand Dieul souvent plus de puissance
Que n'en donne au cœur pur la sainte conscience I
Auguste Barbier,
23.
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DIPLOMATES
EUROPÉENS.
m.
Les grandes monarchies européennes ont un incontestable avan-
tage sur les gouvernemens libres et orageux : c*est la perpétuité
de leur système et la longue vie politique de leurs hommes d'état.
Depuis vingt-cinq ans, F Autriche et la Russie sont représentées
avec une unité constante par deux ministres , le prince de Met-
ternich et le comte de Nesselrode ; la mort seule a privé la Prusse
des services du baron , depuis prince de Harâenberg. Cette durée
des hommes d*état crée dans les cabinets des traditions salu-
taires; il en résulte qu*une série de mesures peuvent être con-
çues, qu'une méttae pensée peut être suivie et exécutée avec persé-
vérance. Un jeune homme est pris au sortir de ses études; on le
classe dans le troisième ou le second ordre des conseillers d'am-
bassade; puis il devient ministre plénipotentiaire. S'il s*élève et se
distingue, il obtient un poste dans la chancellerie , et une fois in-
(1) Yoyex la UynUson do f re octobre 1835.
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vesti de la confiance du prinoe, 3 reste sa vie entière attaché à la
même carrière. De là une prudence consommée dans toutes les
transactions y une intelligence profonde des affaires; la position
politique qu'on s'est faite comme un but d'ambition, devient le
sujet des études de toute une vie ; c*est là vraiment le secret de la
supériorité des cbanc^eries étrangères sur nos mobiles institu-
tions diplomatiques.
L'Angleterre, qui, avec un admirable instinct de grandeur, ne
s'est jamais dissimulé les avantages de certaines institutions étran-
Itères sur les siennes, a essayé de corriger Finstabilité des hommes
par la stabilité des partis. Là il y a deux écoles, les wbigs et les
tories; en naissant, on est destiné à suivre l'une ou l'autre; les
universités de Cambridge et d'Oxford reçoivent dans leur sein
cette double génération studieuse , s'appliquant aux idées spéciales
qui divisent les deux grandes nuances parlementaires. On mar-
che nettement dans la carrière qu'on s'est faite; en sortant des
bancs universitaires, on est jeté dans le parlement par des élec-
tions de fsmiUe. Si vous êtes tory et que les tories aient le pouvoir,
TOUS entres dans les bureaux comme sous-secrétaire d'état, pour
n^en plus sortir qu^avec votre parti, et réciproquement si vous êtes
whig et que les whigs tiennent le ministère. Tout est fixé dans la
hiérarchie; par cela seul qu'on sait d'où l'on vient, on sait égale-
ment où l'on va.
En France, rien de semblable; il n'y a pas une seule carrière
fixe; on a horreur de toute espèce de classification, on n'admet
^ aucune supériorité ; le hasard vous donne une position , le hasard
TOUS en fait tomber; il n'y a pas plus de motifs pour les fortunes
inouies que pour les disgrâces éclatantes. Quand un homme a le
malheur d^élever la tête au-dessus du niveau, mille voix se réunis-
sent pour contester cette supériorité blessante et l'abattre au plus
tAt; on a plus de confiance dans le hasard que dans l'étude, dans
la propre opinion de sa capacité que dans l'examen sérieux des faits.
Est-il étonnant que les cabinets étrangers dominent le plus sou-
vent les négociateurs français? Ils opposent les traditions aux faits
improvisés , des efforts persévérans à une politique mobile et va-
riable.
En mettant en présence les trois hommes d'état que nous venons
4e nommer, le prince de Mettemich, le comte de Nesselrode et
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m. dt^HaMcnberg , notts if a^iis pat ptéléndki élabfir im pflfÉl^
Me abâolu* La diBémioe flendUe^^cfifi «lisfe entre Mz, «?eM icfiè
le prince de Metlatnkb^ et M. de Bctéettbeiig fàrent iOii|oM» les
àonunee de' lenrs preppes idées, l'eippeesioii é*n»^fmime qûlb
ASttivîrent«vec constance «t qu'ils appHqvèpent à travers loiuhles
•évièMnienstavx deux grandes aMintrdiies4piîlettr toaeiii eMÉées;
ce sont des horonies d'état types, avec une idée ftse^dom Mile
'leur vie Mt le dévei^ppenient. Le prisée défiardMiberg, par exem-
ple ^s'inpoea, dan» les relatians âf reatérieiar; fagnadissoicni^de
t'Mtaenee nationale de la' Prusse/ et^ dans^Je gewwrnemeBt^^nié-
vient Jareeonstitmion de» états eti de latK>«rgeoisiepnis8iemie^i4e
prince de Hetteraich s'appikpiS) snrtoat depuis tM8 y à iaire pré-
^valoir «on système^ de nédiaiien armée ; d'infloence «orale parte
^frauda amemens; aaaidis qu'i vrai dire, le comte dèNesseIredeWa
-jsaaaia été qoe le'fiitièle exécmenr des ^ voleatés de ses ttaltres ;! il a
été l%BSige d^AteMMKlre, lamain intelligente qui a exée«téses''fia-
iemés, mène les pins excentriques. On peiimrf^ comparer la po^fr-
«tien delM. de Nesseirode a^^iréscdes cvav» AlexandreiSt Nte^AM^à
oeHe desministres'seorétaife» d'étal sous>Nepoléon $ VidfloeReeqiitl
• a^iereée résirit94e sa vieMle^expémnoe / de oeti#longae habiKée
des affaires d{plematiqnes,<qiM^e8teM8i^une;([nÉldepma8anGe.
diarles-Alhert, ^comte de' Nes^islrodé, saqait en tTSO'd'mie
fomille d'origine allemande ; son père avait été ministre plénipeaen-
tlaîre de Catherine auprès des dwes de 'Wiirteaiberg>et deSaxe.
La Livonie est -une de ees 'province» 'du vaste empire nasse qii
sont un peu plu» germanique» que moscovites ;>dans la lutte^de la
eîtiiisalion étrangère contre 1 esprit- de^ la ^viétte Russie depito
Pierre I*^, le»genlishonmes de la livonie* obtinrent) une aortede
iïiveur : cette noblesse tfétait pas assez lAemande pour être «em-
piétement étrangère, ^Ue n'était pa» assesirasaepourentrer cmh
plètement dans les mécontentemen» moscovites eontreles^sueeas-
seurs du czar. De là eeHe tendance des empereursése fattstebir
plus spécialement, soit' dans le serviee^^iiitaire^ soi^ dans le ser*
'vice administratif.
A l'époque où le jeune NesselrOde étudiait danS'le tMé^ém
gardes-nobles, à Saint-Pétersbourg, la vieille Catherine Unsaiit
aott^règne sous le^oteetoràt^ «nr peu >brtrtd,Jde^sôn{^
^tsÉikini dette femme si^ baute> ri eiMeuae'à^'étAâier^ <q» <
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DVMHàïEs jKmetiEVSr 390 :
lâAe^la chrilttarimiLjmaBrià.oell»;^ME>qM eîYiistflkmoMil^ A la (lobs
polfeefil ba]ilNy»,ifr«k(vaMi'>eib8eireiBlmideç cette*. (iuMM 6i màlè
deipeasée» avak fak^.aaran0êr»gDaiMl«inoat{ to^iaBani». rusas. Le
pltadeGatkarins sanUaHétuf dèa4drfl delichanger la poUtique»
josqa'iei pwsmeal onontilS)* dhtMbiMtide âaint-Pél«roboarg , et >
de laieonstîtMc^aBsmaiide^t centiiale; e*^tak la preorier pas Tcra r
OM^prépandiraDoepfaisniaiqniemrJewdîMls l-Enrep^v système
quifiitrsprispaD'soa^petitiifilB AlMLaitdr*! Pierce W avait^lIlODUré^
dtt^doigt Gonalanliiiopbç CBtkeriiieilHiî4«a oeomie étape Varsone*
Là paassaoce iiuaBe(safdisposBit>à justiSer/ par des aoies^ la repu»
tationqvsilaii pfiépandéntiseatoorrespettdances Utté^ et seê^
déptelM poitiiQpiesç c'était: daas -ce but quetts flattail FesiNnl
dmxTnrsiàck, etjqnfdfe caresaaitd*AleÉibert> Diderot, serte
de journalistes qui faisaient ses affaires. Quand Voltaire, couptisaai
dans r^mérét'de hupUloaDpIrie^ écmaît^A la Sémiramis du Nord:
«-qse duiNovd Yieadvah^lalnnHèrevx» il révélait cette habileté
pmfande qui portait) Gathmoe ià fiiÉe parler d-elle à tout prix :
c^>f6rce de iaire oeanattve let nom rui^ae, disait^lle, on le*
cMaiplera peur iqufll^ite dmseentilranceet en Angleterre , et noua
ne serons pknrralégttéa^pariiiiileabarbeffes^ on parter&de nous à
T^saittès, ÂiLMdresesàAHdBid'^ et iliaMtr«qu*enlparIe de voua
esidipkwialhs pour "oenquénride ràswndant; a
Le jevneroonilli'de'NesselnMb entra^dan» le réginiMit des gardes
del'empereur^PauW il^oMnt bientAt letitred^aide^Hle^oamp, et^
prtrseafi^ades^aoiHlMiesavecriecointeJPaUenv au)G«rd'bui>anibaa-
aadMf k^Vkty^V^iafffès f il qintt»lânnée active, et passa dans
les légations ^po«ri suivre lia carrière deson pèrew Nous nesaohions
pas q«^oa»atojafliaiscenaidésé le cabinet russe en Franoe sous le
point 4a vne'exdusifde'son habileté etde sa persévérance diplo«
matique. On a-chei«M4a cantedeisa^prépondérancedans la Ibrce
niatérîeUe desesemées, dans soniorganîaaiîon absolue; ce n*est
pCMOtlàqtte'se'troove si^supériorMi D ni*jr a rien de {dus persévé^
Tant , de pins adrcritement envahisseur qne le cabinetnisse ; il va '
leateaoïantv sans beaucoap de btuic-^ et^ depuis un siècle^ â'a aœnt <
8M «npire de onte* mOllon» d*habitansi occupant pins de cbll['
ceata lieues carrtes, eny comprenantlftOéorg e et la portion dst
là Tanarie-réenie au goavemenentide^^la Crimée; IndépendÉaa^o
nient^ de cea conquêtes^ la<Russie a aoqpiisfiBoeitteatable protiao^>
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360 REYUS BBS BEUX HOIfBBS.
torat de la Moldavie et de la Yalachie, une influence &i P^ae,
telle qu'aucune autre puissance n'est déscmnais en mesure de Im
tenir tète; enfin la position prise par la Russie à Gonstantinople
n'est-elle pas aujourd'hui le fait le plus grave de la diplomatie, el
tons les efforts de l'Europe ne tendent-ils pas à empêcher l'accom-
plissement des vastes projets de Pierre !«', déjà réalisés en pttlîeT
Pour arriver à ce résultat, la Russie n'a épargné ni protestations
politiques, ni appel au principe religieux, ni corruptions adroite-
ment préparées. Sachant s'arrêter à point nommé, elle ne s'av^en-
ture jamais dans un système; quand son ambition a trop donné
l'éveil, elle fait une concession momentanée; puis elle rejn^nd,
avec une admirable suite, ses projets d'àutirdbis. Quand les tanps
sont venus et les obstacles abaissés, elle marche droit à la réalisa-
tion de sa pensée.
Lorsque le comte de Nesselrodé commença sa carrière dans les
rangs secondaires de la diplomatie, Catherine, frappée d'une apo-
plexie foudroyante, descendait dans la tombe ; elle cédait le sceptre
au grand-duc Paul, qu'elle avait tenu dans l'obscurité la plus pro-
fonde. Le grand-duc fut, en quelque sorte, jeté d'un cachot smr le
trône, delà solitude au gouvernement de quarante miHions d'ames.
On a exagéré la sombre bizarrerie de PaulW; on l'a présenté
comme un prince passant soudainement d'un deq>otism^ farouche
à la bienfaisance et à la douce intimité. Paul h' était du sang de
Pierre h^; entouré de conjurations, menacé dans sa personne,
dans sa couronne, il fut souvent forcé de prendre ces résolutions
inattendues qui ne purent lui sauver la vie. Les caractères naissent
presque toujours des situations. Pour juger Paul, il faut descendre
dans les profondeurs de l'esprit national des Russes, et voir si
l'empereur n'était pas la vivante image de cette noblesse qui «i
finit avec son prince en l'étouffiant sous des oreillers.
L'Europe avait prb une impulsion nouvelle depuis la révolution
française. Paul h' défendit la cause de l'unité royale en France;
inquiété lui-même par l'esprit de révolte, il dut voir avec peu de
foveur cette explosion populaire qui éclatait chez nous; mai»
l'éloignement de la Russie , ms embarras financiers, le partage de
la Pologne, ne lui permirent pas de prendre part à la pranîère
coalition contre la révolution française; les Russes n'entrèrent
en ligne qu'à la seconde guerre d'Italie, lors de la campagne de
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DIPLOMATES EUROPEENS. 361
Souwarow. La bataille de Zurich mit un aux espérances de la se-
conde coalition; mais les régimens russes avaient entrevu l'Italie ^
ils avaient touché la Suisse. Comme les barbares des in« et iv« siè-
cles, ils rappelaient, aux longues soirées de leur froide patrie , qu'il
y avait de grandes villes de marbre au midi de TEurope, que ces
belles terres produisaient des fruits savoureux, que de magni-
fiques récoltes se déployaient sur d*immenses plaines. Ces sou-
venirs et ces regrets sont encore un des dangers de la civilisation
moderne.
La carrière diplomatique de M. de Nesselrode s'ouvrit un peu
plus largement lors de l'ambassade de M. de Marcoff à Paris, sous
le consulat; époque merveilleuse de force et de jeunesse, où tout
se retrempait, gouvernement, institutions, systèmes politiques. Le
premier consul put facilement ouvrir des négociations avec la Rus-
sie. Toutes les fois qu'un gouvernement régulier s'est établi en
France, TEurope n a jamais hésité un moment à le reconnaître.
M. de Nesselrode demeura comme conseiller d'ambassade à Paris;
il vit naître et se développer dans toute sa splendeur la puissance
de Bonaparte. Qui lui aurait dit alors que, quinze ans plus tard, ce
serait lui, comte de Nesselrode, chancelier d'Alexandre, qui pré-
siderait aux actes de déchéance, et sanctionnerait le décret du
sénat de 1814, qui rétablissait les Bourbons?
Paris était, à cette époque du consulat, un séjour de plaisirs et
•de fêtes. Le traité d'Amiens venait d'être conclu; la paix avait été
conquise par la victoire; on avait soif de distractions et de repos.
L'esprit de bonne compagnie commençait à se montrer, on en re-
cherchait le code et les traditions, on en caressait les débris; il y
uvait une petite cour, aux Tuileries, chez Joséphine ; on recueillait
avidement tout ce qui ressemblait à Tancienne étiquette. Les ambas-
sadeurs seuls avaient des livrées, et ces beaux équipages brillaient
au milieu des cortèges quasi-républicains, composés d'une longue
suite de flacres dont on cachait les numéros. Napoléon réservait
-encore toute sa magnificence pour les fêtes militaires, ces grandes
revues du Carrousel, où se déployaient, au milieu des flots de pous-
sière, les beaux escadrons des guides et les grenadiers de la garde
coiûulaire. Ce luxe des ambassades, la noblesse d'extraction, je->
taient sur tout lepersonnel diplomatique un vernis d'aristocratie qui
produisit un engouement général. De là ces bonnes fortunes qui.
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802 HCVf B<Jlte8 W0X VOHOtS.
pli!is tinrd, ëèifvirent si Men le comte de Metternich dams lesphs
> gtaciéM eé^nnages. Lo oôiAte kle NeMOlrcde avilit trente ans;
eonrnietottsIiPs^RtMés, il ]^t»liit «feoQeiiteiit la lansiie française;
fl n*avait irien de cet accent déêagt4Qbtei(}tt0téiitTeaprit du comte
de Metter nieh-ne peat disëinKiler^ H ont «ddnc sa part danfii les dis-
sipations delà noQYëHe^eoar'Où de jeunes femmes, font étonnées
de leur position nouvelle, s^ottbliàient av«c tant d'abandon , sans
s'inquiéter si le chef de Fétàt^n'était pas la^e la phis grave, la
plus sérieuse et la plus sévère de son temps. Nous ne savons pour-
quoi, maisrien ne" nous a^pdus fait preiidve^n mépris la société du
consulat et de Tempire que la lecture des mémoires qui ont été
publiés pour en faire Tapologie. A cMé'des merveilles d*un seul
homme, que ces petites passions , que ces étroi&cs intrigues sont
mesquines et désblantes 1
La légation russe avait alors à s*occuper d-nne des questions les
plus iroportantesr du droit maritime et des gens. Lctraité d* Amiens,
qui ne pouvait être qu'une trêve armée entre la France et l'Angle-
terre, fut' déchiré parles deux puissances à la fois. C'est «me ques-
tion oiseuse de savoir lequel des deux gouvememens commit la
premièreinf raction au traité ;f cette paix croula-pftrce qu'elle n'était
qu'un pointtle repos entre deux cabinets qui ne pouvaient vivre
l'un à câté de l'autre dans-leur gigantesque ambition.' Dès que la
guerre fut déclarée entre la France et l'Angleterre , Napoléon dut
songer à pousser vigoureusement les hostilités ^mais pour arriver
à ce résultat, il lui fallait la 'Coopération de quelques-unes des puis-
sances du continent.*PattM«r, ardent dana ses haines comme dans
ses admirations , avait conçu une haute estime pour le premier
eonsul, et Bonaparte, mettant à profit les sentimens de son nouvel
alh'é, lui demanda de faire re^rivre le grand prindpe de la neu-
tralité armée^^u'profit de- la Russie, du Danemarck et delà
Suède. Ce principe était en complète opposition avec les idées et les
intérêts anglais; le cabinet britannique n'a jamais admis que lepa-
villon pAt couvrir la marehanléKse; Me escadre parut dans le Sand
pour agir simultanément centre le Danemarck, la Suède et la Rus-
sie, qui avaient «dhéîé' à iaMMltralité armée. Ce^ftit la légation
russe de Paris iCfui artéta> fiftr Forgatie du comte de Nesselfode,
les bases fondemeiicales ^>iMtté/Bur tes neutres, dévdoppBment
d'une grande pensée ée^drok Màiitfanie.
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PIPIiOHATES EUROPÉENS.
Hais bieatât la Saee des choses changea comne par qd ccfip de
foudre. Pa«l I" meurut étouffé daas son lis par une aristocratie
hautwie qui YOiilaU se débarrasser d'umnattregèntot. Le doux es
mystique Alexandre fut appelé à remplaeer son père, et ses dispo*^
sitieii»àKég4rdde'Ia France et de Napoléon furent presque tmmé^
diatemeatbelUqueuBas* L^Angletevre domiaa le cabinet de Sainte
Pétersbourg; JaJégaUoA russe quitta Paris.
Le r61e (Aus élevé que va jouer H« de Nessdirode à partir dooetle
époque, Timportance des négociations de la Russie avec la EraMce^
iiécessitent de bien expliquer rorgatisatioa hiérarchique du corps
difJomatiqttei, tel qu*a avait été conetilué à ravénemeeil d*Alexant
dre« Le czar étant à la fcûs chef suprême deFarroéOf de'radmiaisH
trairni et de Féglise, tous-les pouvoirs dépendeal de lui; en
«onséquence, il se réserv e la direotion de ce qu'on appelle la chan^
ceUerie. Cette chancellerie a d*abord des agens qui^ soue le titrd
d'ambassadeurs ou de ministres^ représentent ofScieHement le
pfuiee à rextérieur. Cette chancellerie est inquiète* et active; aussi»
les ambassadeurs sont-ils souvent forcés de prendre des rensei*-
goemens minulieu&qui sortent du. rMeoidiaiaive des a^gens recon-
nus et officiels. Cest ce qiû p«rta si souvent rempereur Napoléon
à des mesures presque- violentes contre les anAassadsui^s russes;
ceux-ci se procuraient les états militaires^ les convuntionB secrètes,
ils pénétrment les mystères les plus intimes du cabinet. Indépen-*
damment de ces agens officiellement accrédités, le czar envoie
encore des aides-densamp sans autre mission patente que celle d'un
voyage ou d'un compliment 4 ces aides-de-camp examinent, font
des rapports aussi bien sur les gouvernemens et les populations
qu'ils inspectent que sur les ag^s mêmes de la Russie.- C'est ainsiy
par exemple, qu'en 1811 l'aide-de^ramp Tchernitche£f fit deux ou
trois voyages à Paris, sous prétexta de comidimenter Napoléon et
de lui apporter des lettres autographes, et s'en retourna enRussie
avec l'état de- toutes les forces militaires qu'un employé du minis-
tère de la guerre lui avait livré.^ Enfin, quand le czar entre en cam-
pfigne, un grand nombre d'officiers-généraux réunissent à leur
titre militaire des missions diplomatiques. Ainsi le comte Pozzo di
Borgo suifaittottt à la fois les opérations stratégiques et les négo-
ciations qui^ pouvaient en assurer le développement.
Le comte de Nesselrode fut attaché à son retour à la chancelle-^
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I
36( REVUE DES DEUX MONDES.
rie intime. L*emperear Alexandre lui reconnut une grande apti-
tude pour les négociations, une intelligence sérieuse , enfin cet
esprit souple, érudit et facile, si essentiel pour seconder la volonté
du maître. Pendant les grandes guerres de 1805, couronnées par
Austérlitz, pendant la campagne de 1807, et lors de l'entrevue
d'Ërfurth, le comte de Nesseirodc chercha surtout à plaire à Tem-
pereur Alexandre, trop profondément pénétré de l'excellence de
ses propres idées pour souffrir une impulsion qui n'eût pas été la
sienne.
C est à partir del'entrevue d'Erfurthque trois pensées se disputent
plus spécialement la diplomatie du cabinet de Saint-Pétersbourg:
l'une, entièrement russe, qui voyait avec douleur l'alliance d'Alexan-
dre avec le chef du gouvernement français. Il y avait haine du vieux
Moscovite contre la civilisation du midi, de la vieille noblesse contre
de glorieux parvenus. On ne voulait pas une rupture ouverte avec
la France; mais les engagemens pris par le traité d'Erfurth, les in-
timités nées entre les deux couronnes sous la magique parole de Na-
poléon, déplaisaient à rimpératrice-mère, aux successeurs de ces
boyards qui prétendaient encore au gouvernement féodal des pro-
vinces russes. La seconde école était en quelque sorte grecque et
orientale : elle fut plus tard représentée par le comte Capo distria.
Par le traité d'Erfurth, Napoléon avait voulu satisfoire quelques-
unes des vieilles ambitions de la Russie : dans ce nouveau partage
du monde, il concéda à Alexandre la réalisation pleine et entière des
idées de Catherine, Gonstantinople dans quelques années, Ispahan
et la Perse à une époque plus reculée; on parla de l'indépendance
de la Grèce et de la possibilité d'une insurrection parmi les popula-
tions helléniques et syriaques. Il y avait long-temps que ces projets
roulaient dans la tête de Napoléon. Général de l'armée d'Egypte,
n'avait-il pas songé dès-lors à réchauffer les passions chrétiennes pour
soulever les Koptes et les Syriaques contre la domination ottomane?
On sent qu'au principe de l'école diplomatique grecque devaient se
lier quelques maximes de liberté; Capod'Istria en demeura l'ex-
pression auprès d'Alexandre. La troisième école diplomatique fat,
en quelque sorte, fondée par le comte de Nesselrode; elle consista
à prendre le milieu entre toutes ces idées. Le comte de Nesselrode
ne fut jamais dévoué exclusivement aux plans de l'entrevue d'Er-
furth ; il ne se laissa pas séduire par les rêves gigantesques des
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DIPLOMATES EUROPiERS. S85
deux empereurs; il ne fut ni absolument libéral avec Técole alle-
mande et grecque, ni absolument vieux Russe dans ses répugnan-
oes contre Napoléon. Ce que sut apprécier Alexandre, ce fut Tobéis-
sanoe intelligente du ministre à toutes ses volontés. Le comte de
Nesselrode exécutait toujours , mais en tempérant ces impressions
d'enthousiasme mystique qui caractérisaient souvent la politique
d'Alexandre ; il ne donnait pas Timpulsion, mais il empêchait d'al-
ler trop loin.
L'époque où conmience la faveur du comte de Nesselrode est, à
rrai dire, celle de l'expédition française en Russie. Le mouvement
qui repoussa cette gigantesque entreprise fut plus national encore
que militaire; il fallut se retremper dans le vieux sang moscovite
pour retrouver l'énergie des forêts, contre laquelle les czars lut*
talent depuis Pierre l". Alexandre, dont Téducation et les pridci-
pes s'opposaient à ce retour de barbarie, eut besoin de trouver dans
son intimité des hommes auxquek il pût conCer ses craintes sur le
résultat du mouvement moscovite qui le dépassait. Le comte de
Nesselrode devint un de ces hommes de confiance; dés 1812, sans
avoir le titre officiel de chancelier d'état, il prit la plus grande
part aux immenses travaux diplomatiques d'alors. Ce fut M. de Nes-
selrode qui conclut et signa le traité de subsides avec TAngleterre
et l'alliance intime des deux grandes puissances contre Napoléon.
Le comte de Nesselrode ne fut pas plénipotentiaire en titre au
congrès de Prague; les pleins pouvoirs furent confiés à M. d'Ans-
tett, diplomate habile d'ailleurs, quoique ce choix ne dût pas être
très favorable au système de paix (1). Mais Timpulsion et la direction
émanaient tout entières d'Alexandre, et par conséquent du comte
de Nesselrode, son interprète le plus sincère et le plus dévoué. D
étmt alors d'une immense importance d'entraîner l'Autriche dans
la ligue contre Napoléon ; le succès de la campagne d'Allemagne en
dépendait. M. de Metternich n'était rien moins que décidé à cette
époque; il voulait d'ailleurs faire acheter l'alliance de l'Autriche
au plus haut prix possible. La négociation fut suivie avec une
* grande habileté par le comte de Nesselrode; et à la fin du congrès
de Prague, la coopération de l'Autriche était assurée aux arméea
(1) M. d*Ansteu était d*origine française, et Napoléon ne pardonnait pat à on Français
4e tervir on gouvernement étranger.
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9K ntnm'^vaiS'hunitm^tnm.
Uiî<noow(élénRmt 8*étailiiiiiflnfe8lé dans) Ja di^tfaMitifr trm»^à
Oétte^ éj^oqm^ Le gènérûl PouMudi Borga irenait d'airiraraM fan^
tièr^éflérâ^ après atoîrreiipM sa missUmauprèa dl» prinmfTOjitf
de Saèàé , Benruadette; I%xzadi fi^Kigo repréàeiilat tovtèsiM'kil^
nés dH'parll corse coatreNtapolébft; il éaatS'amidœ générERtl
mécontens de Tempire; son idée fixe était la chute derBona^parlo^
LeccmMde^Nesselrodè 6«t, sinao à lutter comitnnoMe inflocuÊe,
d« mokifliè :eii attéBuer iesMeonséqneoees exagéréési Conuacr Hldt
Ifettemidivle cowle dciNéaselrode croy^t qu'il éiail p^aiUe'de
tHûler aT«c Mapoléoa / eu SMtioit' sa ipvîsaaace mStaire^ de tcHe
Mrte qof elle' ne menaçâtiphie Uindépendàn» attemanéev' aï ia^ sieik*
rite deB^tirôts et >dea> rdatious'deafpraBdsétatsb Slirtefpoiaftvb
comte defifessdrode serapprodoit encore des opÎMBs^'Alexa»*
dre , qid, durant la campagne de 181S, nepensakpas phieàren*
Terser Fenipereur des Français qn^ se mêler des foormes dii|^»r
Temementdela FrancejLaqaeationdurenTersemettimeyiiilqa'ea
1814 ; onuvait assez aloïkrsdeB affaires d'Allemagne; IerRhi«n^4iail
pas franchi; On a dit que leeomte dcrNessAode^' coaaatssatti Vett
ttiBTued^Aba entre rëmpereur Alexandre et Beraadotte» ne pans»
valt ignorer qu'il y avait été question d'nn grand nombl'e d'éventoa»
lités , parmi lesqneHes se troiMrail la' posabilité d'une auftre^fonne
de gouvernement en France» Ceux qui savent unpen le^fond des
affairesi n'ignorent pas» qne rien ne fut plus vagnerque cette! entre*
?ne, si on en excepte la question des rapports intimes de la<Riisiii
et delà Saède> de leurs différentes réclamations territoriales el
pécuniaires, et qu'en n*y arrêta aucune conventnm peorrenversii
le souveraÂfrquJ jonissaken France d'une autorité incontestée.
En 181t, lorsque les alKés eurent passé le Rhin, la diplomatie di(
suivre en personne toutes les phases de la guerre, pour être toiqean
à portée deTépondre aux propositions qui ponveient être faites pat
Fempereur Napoléon. L'arrivée de lord Castlereaghsuriecontineitf
fecilitait les transactions pour les subsides et l'armement des corps;
l'Angleterre à ce moment, il feut bien le dire, avait acqiûs un
tel ascendant, qu'elle seule, en quelque sorte, donnait l'impul-
sion et dirigeait tous les actes des cabinets : fournissant les subsi-
des de guerre, rien de plus simple qu'e]le dût leur assigner un ^n-
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jifjflOMA'OiS EIUlOBÉfiHÇ. 367
, ffekâtonnioé. LeoMBUe de JXesseltode régla avecjord Casdereagh
. la foana4Q paiementf pour la sûlde xle& tromm^^t lea résultats
dô)lomatiques de la campague.
DoraAt GAlte campagne de 181&,c*estauprdadu comte deNessel*
, r^e que convergent toutes les démarches du parti royaliste pour
. lu restauration des Bourbons; c'est à lui que s*ouvrît^ pour pré-
parer tes voies à Tancienne dynasUe^JUL deVitroUes, agent secret
de M. de^ TaUeyrand an quartier-général des alliés. Les tristes
. évènemensde la guerre avaient amené les troupes coalisées à Paris;
. Jq.mcfnent était décisif pour cette fraction du sénat qui, sous la
direction de HM. deTaUeyrand, .d'Alberg» Jaucourt, voulait la
cbote de NsfHdéon; Un gouvernement provisoire avait été formé
aqprès roceQpation.de *la capitale^ il. n'y avaitpas à hésiter dans le
;(Âoix.des aUmiots, il était urgent <d*.obtenir Tappui de l'empereur
Aleoandre i mais, avant tout, il fallait s'assurer le crédit du omte
de Kesselrode, le mini^trç signataire de tous les actes diplomati-
ques depuis trois ans. H fut donc entouré , assailli par mille intri-
gv€9 cpiise croisaient, par des négociations de toute espèce qui
Tenaient abonUr à son cabinet* Les premières démarches du comto
/da:M8ssrirode furent très réservées; il voulait t&ter l'opinion; il
fellait d'ailleurs décider le prince de Schwartzenberg, qui com-
' imdiit l'armée active, à une grande démonstration, et l'on ne
savait pas précisément quels étaient les projets de l'Autriche et da
priBoad&Metternich en particulier. Toutes Jes pièces diplomatiques
teanée» du eomie de Nessdrode se ressentent de cette situation
. OMD(dexe. Toutefois le ministre d^Àlexandre se prononça plus net^
..tementdans nnedettre officielle du 1'''' avril, adressée àM. Pasquier,
pvé&t de peliee, afin qu'il eût à mettre en liberté les personnes
jDTètées pour avoir manifesté des opinions favorables à leur sou-
nermn iégUime. U était évident que l'expression souverain légitime
indkpiait «ne. décision secrète prise en faveur des Bourbons. Ja-
mais peut-être il n'y eut plus d'aaivité dans la diplomatie; le
•sdon de M. de Nessekode ne désemplissait pas : tantôt c'était
H»deGa«laineattrtqui venait avec les pleins pouvoirs de Napo-
•Jéon; iwtAt les maréchaux de l'empire qui stipulaient les droits
;]de l'armée ; tantôt arrivaient MU. de TaUeyrand, Jaucourt, d'Âl*
^becg , pour presser M^ de Nessekode d^en finir avec toutes les in-
i,.par ia dâdbéanee deu Napoléon; enfi^, les royalistes
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X
(
368 REVUE DES DEUX MOlfDES.
dévoués aux Bourbons, tels que MM. Sosthènes de La Rochefou-
cauld, de Yitrolles, accouraient joindre leurs instances de cour-
tisans.
Ce fut à la suite de ces négociations si diverses que parut la dé-
claration de Tempereur Alexandre qui annonçait à la France qu'os
ne traiterait plus avec Napoléon ; H. de Nesselrode tint la plume,
et imprima à cet acte un remarquable esprit de modération. Cette
déclaration fut tirée à iin nombre immense d'exemplaires, an
moyen d*une presse à la main, dans Thôtel de M. de TaUeyrand,
rue Saint-Florentin ; ce fut un coup de parti pour la maison de
Bourbon. On a dit que de riches présens déterminèrent la résolo-
tion de M. de Nesselrode. Il faut en général un peu se défier de
tous ces bruits qui circulent après les grands évènemens politi-
ques; il y a moins de corruption qu'on ne pense dans les affoires.
Toutefois , il est probable qu*à la suite d*un acte aussi décisif, on
dut garder quelque reconnaissance. D est bien rare que, dans
les transactions diplomatiques , il n*y ait pas toujours quelques
dons secrets qui accompagnent la signature des stipulations; c*est
un usage ; ces présens furent proportionnés sans doute i la grtu-
deur du service : c*est tout ce que rhnpartialité historique peut dire
à ce sujet.
Cette époque de iSH fut brillante pour le comte de Nessdrode.
L'influence modérée de la Russie avait dominé toutes les résolutions
et adouci les conditions de la victoire. L'empereur Alexandre était
salué comme un symbole de paix; 1* Autriche, l'Angleterre, étaient
effacées; on ne parlait que d'Alexandre, et sa popularité se refléta
sur le comte de Nesselrode jusqu'à ce point de donner quelque
jalousie à M. de Metternich, qui jamais ne fut plus oublié que dans
les transactions de Paris en ISlfc. Le ministre autrichien aBait
prendre sa revanche au congrès de Vienne. La première occupa-
tion de Paris fut l'apogée de la toute-puissance morale de la Russie
dans les affaires du midi de l'Europe.
Ici nous avons besoin de bien préciser tous les obstacles qui en-
touraient le rAle de M. de Nesselrode. Rien n'était plus mobile et
plus impressionnable que Tesprit d'Alexandre: il passait de Fen-
thousiasme à un sentiment opposé avec une inconcevable rapidité;
il était presque impossible de le faire revenir de l'idée qu'Ô avait
embrassée, et si on le suivait sur ce terrain, une a^tre idée 8urf^
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DIPLOMATES EUROPÉENS. 369
nait bientôt qvC'û adoptait avec non moins de chaleur. Depuis la fin
de 1813^ Alexandre était fortement préoccupé du mysticisme de
M""* Krûdner ; il mêlait à ses manifestes européens , à ses théories
de paix et de guerre, une sorte de superstition exaltée bien difBdle
à tradu're et à appliquer dans les affaires positives. Au congrès de
Vienne pourtant, c* était d'affaires positives que Ton avait à traiter. La
Pologne était alors occupée par une armée russe. L*écoIe diploma-
tique des vieux Moscovites voulait que cette occupation devint per-
manente; elle demandait que la Pologne fût réunie à la Russie, et
que les Polonais ne reçussent ni constitution, ni privilèges d'état
libre. Les intentions d'Alexandre étaient bien différentes : il son-
geait à orner son front de la couronne de Pologne ; il voulait en
réunir tous les fragmens dans un même système d'organisation
politique. Le comte de Nesseirode fut l'exécuteur fidèle de cette
pensée au congrès de Vienne; la question de Pologne fut son unique
préoccupation, comme la conservation de la Saxe et la restauration
des Bourbons de Naples avaient été le but de M. de Talleyrand.
M. de Nesseirode eut aussi à combattre tout à la fois M. de Metter-
nich et la Prusse, qui craignaient de voir échapper les fragmens de
la Pologne qui leur étaient échus par le dernier partage. Toutefois
ce fut au congrès de Vienne que H. de Nesseirode se lia avec le
baron de Hardenberg. La Russie avait appuyé les prétentions de la
Prusse sur la Saxe; des liens politiques et de famille avaient rat-
taché ces deux états l'un à l'autre ; la Prusse était destinée désor-
mais à servir d'avant-garde à la Russie dans ses projets d'influence
sur le midi de l'Europe. Cette intimité de la Russie et de la Prusse
amena un rapprochement secret entre l'Autriche, l'Angleterre et
la France, dans le but de s'opposer aux projets d'Alexandre.
Tous ces petits intérêts se confondirent en face de l'immense nou-
velle du débarquement de Napoléon au golfe Juan. L'empereur
Alexandre, plus que jamais dans les idées mystiques et libérales de
Técole allemande , n'hésita pas un moment à prêter ses forces à la
coalition. M*"' Krûdner ne lui avait-elle pas persuadé que l'ange
blanc ou de la paix devait en finir avec l'ange noir ou des batailles,
et que ce rAle de médiateur et de sauveur du genre humain lui était
destiné? Les immenses armées d'Alexandre se mirent donc en mou-
rement contre l'ange noir; mais les Russes, qui avaient prêté un
app«i décisif dans l'invasion de 1813 et de îBih, n'arrivèrent cette
TOME vn. 2i
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: 370 RBTOE DES DEUX IIOR9ES. ^
. ifbU qu'en troitiéiiié ligne de bataille. Cest oe^qai expfiqoa VîUflwm
>texcliisiveiiiait anglaise et prussienne qui domina les transactiooi
.de 1815. Alexandre se posa commeprotecteur des intérêts françaû^
autant par générosité de caractère que par la rivalité naturelle qai<,
se montrait dès<4ors entre la Russie et 1* Angleterre. Dansoettedr-^
. constance. Faction de M. de Nesselrode fut aussi puissante sur Tes-
prit de Tempereur que celle du comte Pozzo; ils rendirent de.granda
servicesànotre pays, il foutle reconnatere ; ils nous sauvèrent d'uAj
morcellement de teroitoire et d*unc indemnité pécuniaire ^uis^-éte-
rait au-dessus des ressources de la France.
Dés cette époque commence à poindre une rivalité dangereose^
pour le comte de 'Nesselrode : nous voulons parler deCapo d'Istria.
Le comte Capo distria était né dans les Hes Ioniennes, au sein M^
cette population grecque si souvent encouragée par les csars i^
conquérir sa liberté; il était ramid'Vpsilanti, de toute cette gésé-
ration ardente qui combattait pour l'indépendance hellénique. Son
. crédit remontait à ses négociations en Suisse en 1815, négocia-^
tiens qui eurent pour résultat un nouvel acte de médiation. Gspe^
d*Istria fut quelque temps après appelé à partager, avec le comte ^
de Nesselrode, le mbistère des affaires étrangères, et la casse j
grecque trouva en lui un appui coastant, un interprète chaude
fidèle.
Cétait, nous le répétons, une véritable rivalité, car le comte de
Nesselrode appartenait essentiellement aux idées et à Técole eoro- ^
péennes. La pensée dominante de cette école , depuis 1816, était h Z
répression du mouvement libéral produit par la grande résistaaoe ^
populaire aux conquêtes de Napoléon. M. de Nesselrode s'étaitsnr
ce point tout-à-fait rapproché de M. de Metternich; tous deai
voyaient avec chagrin Tempereur Alexandre livré à Técole libérale
hellénique du comte Capo distria. La difficulté politique se com-
pliquait d'une question religieuse: il y avait sympathie entre les,
t deux égtises grecques de Moscou et d'Athènes; les patriarcties
' étaient en communion. On ne pouvait sur ce point attaquer de front ^
: Fempereur Alexandre ; il n'était possible à M. de Nesselrode de lut- "^
ter contre Capo d'Istria qu en semant partout des craintes sur les
; redoutables «progrès de Tesprit d'insurrection.
J>éjè, à latfin de^ 1815, Fempereur Alexandre avait oonçu le fff)^t
idela.sfflBtetftIiiance,fprojetx|ui, 4aiis i*origine, n'était queloti:
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I
1^1
oaiè'qvl reposait sur nn principe^de résistance à Tésprit de Kbertér/
i*«aifite4iWàBce étaiitun contracte garantie^ mtitaellé, et en qnel->
[ne-aorte d» serfid '^rité dei^^ covronnes^ contre I^tntmvementlfbéral
les peuplé». W. delfMternteh et le^ comtede Nësselrode n'étaient
«rtaniemenf pas des hommes k yag^es transactions , il y araittrop
léposittf dans* leur Tîe'pour cela. Ile virent néanmoins aree satis-*
wskkm le czar s'engager dans ces idées ; l'un et Tântre espéraient
mtratner f empereur ATelandre dans lenr* système. Les évènemens
wmbiaieat iFaillettra* favwrser la pensée commune du comtes de
feaMdrode et da prince de M^tternieh. Les sociétés secrètes d'Allé^
Dagae prenaîeni on développement efFk-ày ant; la FHisse, V A vtriche,
^taieBldansde perpétuelles incfniétades'suv^ré'sprit'et la tendance
tecea assoda tiens; eHes écrfvaient' notes- sor notes an cabinet de
Mot-Vétersbourg y et Ml de Nesselrode promettait secours ans
ieax cabinets alarmés. D*un antre côté, le sénat de 'Pologne, pav
une résistance mri calculée, venait de blesser profondémetiTlë^
ftffecfioBS de Tempereur. €e qtii, dans'un geuvernemenf normal et
Donsittutionnel , eAt étéreonsiéKvé comme u» acfe^ légal,- Ah eon^
Fondo aree la réveMè armée; et f empereur prit toai:4 couples' ré^
solodoss rieientes à l'égard de la P6te^ne.' C^it rentra dans les
idées du système européen, cette grande répression qui appartei-
Dait.à récok de VMi de^Wèsselrbde et MWtm nichr, Il^y avuit amsi
phis;d*iifvinlérét en jeu. powr^ affelbfir le crédit du 'CoHégue Kbérai
de-M. de Nesselrode. Cape d^istria'' était farorable à sescompa**
triotes, q«â venaienipdeeeeouer'par uwnKnivement généreux l'ôp^
presafott de la Porte; Càpod%tria' poussait Pempereur AMaiMrfe
à intiervenir immédiatemeni e«'portani*'mfe'année rw9se^suf»'le
Proth , eruneflottedans ta-Sferée. Lé prrnee'de M^témieli'Vit «rec
effirm VînsiirreetiondelafiTèee^ VieilW'allîée de la Pélrtei la nwi*
son d^Aiïtriche s'efforça d'éviter un 'conflit qui menaçait ia pms^
Htooe ottomanoy nécessaire à PéquiHbre européen ; en conséquence;
la tactique del'Autriclie, secondée par M. de Nesselrode, dut être
de persuader à l'empereur Alexandre que le comte Capo d'Istria
ne voyait qu'une question de co-reKgionnaires là où il y avait un
véritable esprit de révoluticm.
Ce fut alors que , de concert avec le comte Nesselrode, M. de
Metternich revint à l'idée d'un congrès^ à ces grandes représenta^
24.
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379 REYIIl DES DEUX 1I0KIIK8.
lions des souverainetés , telles que les entendait la saintMiiM^
L*écoIe diplomatique du congrès de Vienne avait une prédBedai,
marquée pour ces assemblées européennes dans lesqueUes lerk»
mes d*état se réunissaient pour régler les grandes affaires dicoi»'
tinent. Ce goât des congrès se rencontre également chex E è
Talley rand , chez le prince de Mettemich et chez le comte deNe«k
rode. L'empereur Alexandre les recherchait aussi , parce qa*OBrf
consultait comme arbitre souverain ; Q aimait qu'on s'en rapportki
sa générosité et à son expérience. H. de Nesselrode accompipili
czar dans les réunions de Troppau et de Laybadu Ceux qd o*
approché l'empereur Alexandre à cette époque, remarquerez
qu'il était dans une sorte d'incertitude entre les idées libénbA
les tendances fortement répressives de l'Autriche. M. de Hetto^
nich consacra toute son habileté à convaincre Fempereur des dai-
gers qui menaçaient les souverainetés européennes» si on va
décidait à un de ces grands mouvemens militaires qui en
avec les rébellions. C'est alors qu'à point nommé arriva au
de Nesselrode la nouvelle d*un mouvement séditieux q«i s'éttk
manifesté dans un régiment de la garde à Saint-Pétersbonrg. Gem
nouvelle changea brusquement les dispositions de l'emperevi
H. de Nesselrode reçut ordre d'entrer corps et ame dans kwmr
vement autrichien.
Ce qu'il faut bien remarquer, c'est que dans cette lutte entre k
principe libéral et le principe absolutiste, Capo d'Istria était de*
meure le fidèle interprète d'une pensée indépendante pour laGrèoi
Le malheur voulut que le mouvement insurrectionnel des HeDèseï
se mêlât à la révolte du Piémont, à la proclamation de la comtits*
tion des cortès; on ne put pas toujours exactement détermiiier h
différence qui existait entre un mouvement militaire désordooné»
qui effrayait les gouvememens réguliers, et ce magnifique spedt*
de de la Grèce, vierge morte, comme dit Byron, qui arbonitii
croix sur ses drapeaux déchirés. Capo d*Istria fut disgracié fcm
son amour de la Grèce. Triste ingratitude des révolutionsl c'est ce
même Capo d'Istria que le poignard d'un Hellène fra{^ au oror.
Dès-lors s*opère la fusion intime de la politique russe ei à
la diplomatie autrichienne; c'est l'absolu triomphe du prince di
Metternich. Cette situation se prolonge au congrès de Vérone. M. de
Nesselrode était alors ministre unique, chef de la chancdlerieso»
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DIPLOMATES BUROPÉIMS. 573
I ordres d'Alexandre. Au coii(p*ès de Vérone, c'est M. de Nés-
Irode qui tient la plume ; tout se fait de concert à Fégard de FEs-
^ejes notes diplomatiques sont rédigées* en commun; c*est
. de Hettemich qui écrit au ministre autrichien à Madrid» comme
3st M. de Nesselrode qui rappelle le ministre russe et qui f ul-
ioe des arrêts de proscription contfe rassemblée des cortès.
) n*estplus Alexandre libéral modéré ; c^est le prince absolu , im-
^tif, qui, par l'organe de son ministre » impose partout la loi. Si
finesse de M. de ViUèle se refuse d'abord à s'engager dans une
HDpagne coûteuse et soumise à des chances diverses, H. de Nés-
irode n^hésite pas à lui écrire au nom de son maître pour lui an*
)ncer que la Russie est décidée à tout tenter pour réprimer Tes-
rit de révolte dans la Péninsule. La fin de la vie d'Alexandre est
Hnptie de cette préoccupation ; la sainte cause de la Grèce lui pèse
mime un remords; il en porte la douleur empreinte sur sa phy-
onoime maladive; mais que faire? MM. de Nesselrode et de Met-
imich se sont emparés de son ame, Os l'ont livrée à mille terreurs ;
è$onnais le libéralisme lui fait peur; on Im présente comme un
pectre menaçant les sociétés secrètes de son empire; il ne comprend
S8 qoe le meilleur moyen d'occuper l'effervescence des Russes se-
ûi de les jeter sur la Turquie pour aider à la délivrance de la
■rice. On a beaucoup cherché les causes secrètes de la mort si ra-
ide de l'empereur; peut-être cette douleur poignante n'y fut-elle
as étrangère. Alexandre était religieux, il avait l'ame sympathi-
^, et chaque coup de yatagan qui faisait rouler une tète de
Bmme ou d'enfant sur les ruines d'Athènes ou de Lacédémone de-
ait atteindre ses propres entraHles. Ce remords dévora ses derniers
ttors.
A la mort d'Alexandre, la Russie subit une commotion tout à la
ns politique et militaire. On ne connaît pas assez dans l'Europe
méridionale le caractère spécial de^a famille des czars; il y avait
le Texaltation dans l'amour filial de l'empereur Alexandre pour sa
ieille mère; il y avait un respect profond dans les czaréwitz Gon-
tantin et Nicolas pour leur idné. Cet intérieur de famille était ton-
dant; la mort d'Alexandre les surprit tous, et sur son tombeau
^ta ce mouvement militaire préparé par les sociétés secrètes et
ttr ane génération dé jeunes officiers qui rêvaient la vieille in-
lépendance slave. L'avènement de l'empereur Nicolas allait-0
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37& REWB'MES DEiat
changer lai pOttCîoa du ûOkntè dé Neeseirodef (lor
enqpâcha que le ministre «eîàlsaerifiè : r^teiradaK
que NiccdMprofessaîi'ipofÉf» lervoldolésetlapeniéedeton
enwke^ jemie^ encore Hfmt atneonraDt des affaires, 3 M
sait uttie des^eirtoimardéSTfaoïiHnesfqiit aTaiesÉ dirigé la poKi
la Russie depws lagfaftde'épocpierderl&14«D*ua antre o6lé^lti
Nesselrode possédaîl'r^scime de l'impératrioeHntee^ etqndbiMij
aance n'araiepas ex^oée €»t^immm Geuroonée swt tons leiM|
nsmeosl Eik^se«de ganda ses^méptis aristattatkiaearpaurHifM
léon; elle dooMursea^fib Aieotaaére même aptès'Srfoilh. Sèi
les mœurs palriarcaks^ sesreaEaoH lut feàsaienl en qmiqiftaNi
hommage de^laoonreHasvi oomme^Hs devateal le pouYoirpdii^
que à celle qui leur araii donné 4a*viev
Tottiefoid^ lef^OBl^NesselradetB-aperçatbieaWkt qalii étnà 4
modifier; les idées aTaientmarclié depuis. kiinHUt d*Akiaiidn.l
était impossiMe de oentenirtéspril russe, qui se^fvoDoaçatsui
énergtei en âhreur des €«ees ;^fl felbit doauemmdimeBi'i tÉifè
tndemîiîlaire^uafefgiieanaétait ÎDdîspeBsaUfcLïaMtnee^iipiiMl
de MettemkbiBttr le cabinelîde'âÉiQa^Péletriwurg js^affrihiu CM
alersqneH« de gkusekedefuonuminie à ser séparegide l'AUéiBigai
à se faite {dos eomplèlsiMil^Russev à ise* dassia^rplus nMMrt
dans le 8e«Bfdel*înlfi4nrentîeargree<|ueu Les Ienip8)n*étaisnl9la»lai
mêmes, le principe nMnarehique'av^ partout triomphé, dmA
Siémont cosMne à Madrid eiàWliplesi;.la PàbgncrpanîMiiiMtib
remeaftiseumisesofis BOft'Tioo«oafGonstanlin^.G*«st<aiotttqii,|0
la tendance vdesirilSfiGwiHBiéliiee^ léiconHe-de Itasashrode Mi
l'a^agwtsle^e^lhdeilleÉtemicJi» aiecrieqneiil.avwlnMabéji»
qu*alors. La tendance russe remporta sur Tesprit allemand.
De? celte riinaiiafr nanvteHe-nÂiiiif m pkttiMMPsrésutaiiffîM^
rapprochement intime' de 4a Russie e(' do la^fVance; 3«brifaiti
profonde des cabinet» de SainCpMtenshnurg^Bi^de^LnadreftrMM
méfiances inquiètes dol Autriche, et de M. de Ueltermch à l'éftiA
des projets de la Russie sur l'Orient
LHntimiié de la France et de It Russie remontât à répeq»<h
1815, et s*élail ressef'rée au<;ongrès d*Aix-la^apeUev es 1BI8»
sous linflnenee du due de Richelieu. La pensée du cabinet fraoçat
fbt toute russe en effet sous le duc de Richelieu^ sens Iflyi. Des^
les, de Montmorency, de Yillàle et de Damas. Le ministère ^o**
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, de La Ferrenuys fdt égatement déroué^ à PàDifince russe; ett»
Hait pas^tilcmnem de la reconnaissance pour des serrices rendus
la restauration : c*était la conviction que Talliance russe, qui ne
orait en aucune manière blesser nos intérêts, devait au con-
lire, dans un certain nombre de circonstances , ag^randir notre
Rnence diplomatique et nos circonscriptions territoriales. La col-
ction des dépêches du comté Nesselrode pendant cet intervalle,
9 notes diplomatiques qui sont aux affaires étrangères, constatent
IfBsamment la bienveillance du cabinet de Saint-Pétersbourg, et
9 efforts tentés pour obtenir le concours de la France.
Une des causes, entre autres, de cette intimité si recherchée était
rifalilé, formidable déjà, qui éclatait entre V Angleterre et la
assie. Les alliances de t815 avaient bouleversé toutes les vieilles
^ diplomatiques ; les querelles particulières s*étaient effacées
fvant le bat commun, qui était la destruction du pouvoir de Na-
)léon. Mais une des fautes de l'Angleterre dans cette circon-
ance fat surtout d'agrandir démesurément Vinfluence delà Rus-
e, de créer, pour ainsi dire, sa toutes-puissance d'avenir. C'est
rec tes subsides et l'argent de TAngteterre, en 1813 et en 1814,
ne le cabinet de Saint-Pétersbourg a acqaisies moyens de peser
tout jamais sur les intérêts anglais. Le comte de Nesselrode, qui
trait pris part au plus grand nombre des transactions de 1815, dut
gaiement se séparer des traditions de l'école de 1812; et c'est de
habitetéque ces changemens sans brusquerie. Le comte de Nessel-
ode est f homme des transitions; il ne s'est jamais posé inflexible
ans an système ou dans une idée, et s'est fait le traducteur des
s«ip8*et des intérêts ; ceci explique comment le chancelier d'état
e l'empereur Nicolas eut quelquefois des idées si diamétralement
ppesées au chancelier d'état de Tempereur Alexandre.
On peut dire que, jusqu'à la révolution de 1830, la politique
itsse est tout orientale; elle fut dominée en quelque sorte par la
[vestimi turque. L'ancienne théorie de la sainte-alliance est aban-
loiméepottr un intérêt moins sentnnentaU par une singulière fa-
^té, on cessait d'avoir peur des révolutions, et la plus complète
l^rëvolutiiMis arrivait. 1830 vint tout à coup faire naître des émo«
Iwis fiouvéBes ; le principe populaire faisait irruption avec vio-
B«e; il se^présentait avec la même énergie que le pouvoir militaire
1^ fempereitt Napoléon, con^e lequiel PBurope s'était autrefois
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376 REVUE DES DEUX MOIIDES.
armée. La vieille édacation du chancelier d*état allait le serrir
car la première conséquence de la révolution de juillet était,
de faire revivre le vieux traité de la sainte-alliance,
tombé en pièces, au moins de préparer un traité de garantie
luelle. n fallait oublier toutes les dissidences particulières ft
courir au plus pressé ; les idées du prince de Metternich repn
saient à la surface; on faisait un retour vers les projets de fl
Nous sommes assez portés à croire que M. de Nesselrode »
pas avec déplaisir ce retour vers des principes qu*il compm
mieux, et dont il avait nourri ses premières années d*étu(teet
travail. Mais Tàge était venu. M. de Nesselrode, en 1830, aratj
teint sa soixantième année , et ce n*est pas au déclin de h tie
Ton est préparé à ces grandes perturbations qui dérangent f<
tence. On n'a pas ^enu assez compte, en récapitulant les GSQsei<
maintien de la paix, de cette peur de dérangement qui daaiaà
existences fatiguées. Ce n*est pas sans raison que Tantique
avait mis dans les mains des vieillards la déclaration de la
Supposez à M. de Metternich reffervescence des jeunes aooées,!
comte de Nesselrode quinze ans de moins, qui sait? peut-être lai
eût éclaté violente, et avec elle toutes les chances de désordre.
D'ailleurs le mouvement de la Pologne devenait une raSsi
occupation à la Russie, et les idées de Tempereur Nicolas se troi
raient, sous le point de vue de la répression, en parfaite barra
avec récole de son ministre. Ce que voulait la nation russe, iH
la réunion de la Pologne. Sans partager sur ce point toas les pi
jugés des vieux Moscovites, le chancelier d*état était d'arisfl
cette nationalité divisée, que ce gouvernement double et simota
nuisait àVunité politique et administrative de la Russie. Cestaot
remarquable que cet ensemble d'administrations diverses qai<!'
stituent le vaste empire russe, et qui toutes correspondent irsï(B
tre commun sous la main de l'empereur. Le cabinet de Saint-PM
bourg commande à mille peuples divers : Tartares, MahoiDétia
Polonais, Cosaques. Chacun de ces peuples a ses lois, ses co^noatâ
sa puissance, ses souvenirs. Il n'y a là ni forme commune de M
rimpôt, ni même, jusqu'à un certain point, homogénéité potfl
conscription militaire; les uns paient tribut, les autres sont tti<
à des redevances d'armes, de chevaux; ici le recrutemeot ^ "
par les seigneurs, là par des levées en ma^se; quelques peq)les sûi
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DIPLOMATES EUROPÉENS. STT
re soumis à toute la rigueur du régime féodal; d'autres, à
[obéissance plus régulière, plus directe envers le prince.
I Russie il y a donc nécessité d*une éducation plus soignée, plus
ite pour les hommes d*état; un jeune homme qui se destine à
plomatie, à Saint-Pétersbourg, doit savoir, indépendamment du
^is et de Tallemand, le grec moderne et une langue orientale*
de Nesselrode a employé une bonne partie de sa vie à s'immiscer
as l'étude des langues vivantes. Les bureaux auxquels il pré-
» sont les plus vastes, les plus multipliés, les plus minutieux :
^ a un bureau pour les relations avec la Perse, une division pour
rapports avec la Chine, avec les petits princes mahométans, in-
pendamment de la correspondance secrète avec les chefs de
pulations que la Russie veut faire révolter contre Tislamisme.
Mais depuis cinq ans, le système des aides-de-camp diplomates
repris toute sa force ; Tempereur Nicolas aime cette organisation
tmi-militaire qui laisse à la Russie une attitude armée, même
I négociant. H. de Nesselrode n'existe plus guère que comme
^DseO dans les affoires actives. Prenez toutes les questions qui se
int agitées depuis la révolution de juillet : la Pologne, la Tur-
ne, la Grèce; presque toutes sont traitées en dehors de M. de
esselrode, et par la correspondance directe de l'empereur avec
!8 envoyés de confiance. Le chancelier d'état n'est que la main qui
met les dépêches à l'empereur. La jeune école diplomatique russe
considère comme un homme dont la pensée est finie; on le garde
)nune un souvenir honorable. Depuis deux ans surtout, la goutte
M^bleM. de Nesselrode; il est devenu très inactif; ses bureaux
M remplis d'agens qui prennent encore son avis par déférence,
ais qui en définitive suivent la pensée de l'empereur. Sans doute
T a des diplomates plus avancés dans la vie, qui conservent le
^ grand ascendant sur les affoires de leur pays; peut-on parler
3 la faiblesse des ans lorsqu'on a sous les yeux le spectacle mi-
iculeux du prince de Talleyrandî A vrai dire, aujourd'hui M. de
wselrode n'est qu'un vaste répertoire que l'on va consulter sur
s transactions des trente dernières années; c'est à peu près ce
l'était M. d'Hauterive à la fin de sa vie, dans nos bureaux des
feires étrangères.
M. P.
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CHRONIQUE DE LA QUIWZAIIW:
tmoom
La dtoparitioD d'Armand Carrel des. rangs de la presse est ré?i
le plus tristement remarquable de cette quinzaine : sa mort a
UM le monde, amis et adversaires, les partis et les masses; etle i
rHto def iiMnnie a été mkefi^lefaie XtÈuttère par le fide qu'il a laM^C
relaraU ofoquis^pap soD'oripiialilé vue plaee que personne ne tm
occuper après lui. Simple journaliste , il s*était créé puissance palitif
il avait associé le pamphlet quotidien à l'autorité de la tribune; sansi
ractèï*e officiel , il s'était élevé à une véritable égalité ^rec iCk hoa
d^itot eties goav«raaBs.
-OeUe 8itua«ioa était unlifiiei et Cairél la derakià-s» persooàafilè
fonreote. Les choses sont toujours ce que les hommes les font :Gii
avait fait de son journal un drapeau , un camp, une force.
n'est probable que le jeune pobrtciste eût été on grand capItiÂie
lëi'cireoiistaBceslui eosscnfonvert la lice de hi guerre «t de là
atttit'l*faabhiidedeiMirrirsoii<eflprii des iradiliotiS^el des leçons ùih
poreor. Puisqu'il devait périr jeune , que u'a^^t-il succombé povr
cause plus.noble et plus digne de lui , plutùt que de trourer sa fin <
One rencontre obscure !
-Le défaut de Carrel fttt f riteès' du courage; îl'ne-s'estîom-pal-i
lul^nème; ilneson^apas-assesiqu'^l avait le droit et le devw
avare d'une vie qui appartenait au pays. Le courag«dei'bonuot pc
que ne doit pas ressembler à l'impétuosité militaire; récrivain doit
tôt avoir le sang-froid qui '
Sait aflronter hi mort c;t ne la donne pas.
Dans nos masurs , on se bat moins.par vengeance, que par. amour-]
que par fierté, pottr donner au public la preuve qu'on ne tremble
Ûmenacrde la baile-etdefépér. Qtii avait moina-besoîo^qiie^dannl
ptouvvr s(mp}m9§Ô9 lui «rlofai, si'>éfMOttvé» sMieualtr«iq«ot
La pePted*ArmandX;|u*relestirréparable. ilavaitport^do
le journalisme, dans ces luttes incessantes dont il savait , à forée de
renouveler les deuils et la monotonie; son style netveor,' déH^
énergique etpur, était admiré de Chateaubriand et de Béranger»
tenaient à honneur de le compter parmi lenrs amis. B est beaa d'à?»
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Dut^Mix :«M»]«iif.iaiplMMrdo jtanMiitte'à«Oté:icto>la iriolle f)^ffe
Cev'tstpas ici<le>amBMQi d^enniaer ht etnûôM polUk|a«'de Garni
d'apfirécier l&clief de parti , d*aolant plas que ipocÀque jugemefit q«e
0 porte WÊT ka-«yslènie qu*U arait^dopté dapa» quatre ans, sa jusle
oooHiée* ie|Mse «ut 4es« loadeniefia énconlestaMet. Le réftoblteam de
ealeiaoïiérîcaiae peut être auiiei à €eMt«e¥ene eisawais à uoe diacu»-
m sévère; mais le pi^lleîste prated^^et patrtate qui avait on BOMur si
teUiftat de la t^lotfe et de» intérêts de la Fiaoee , iniais le défeaBenr
«dMiHs politiques, qui aodC aupéfiauira àtmiiesicaibnDes degeuvep-
iment, ae peuvent ffvacfMDtref^^pwi^appcoiniioaiuiRverselle.
Csrrel leiceUait-tdaa»' les.iqaaalieBSiidei fiolslicpie étrangère; il fai-
itus eaDtcerpoida^iéfessaire à ItenUBliieBasDL.qoi jqous attire yen Ual-
loce de TAngleterre ; il avait le culte de la grandeur natieaale ^ il le
»afrissait BPdemmetit ttans sou^anieau nMiett de raUaoguisBemeDt^i
Ottséoerre ai^ourd'hui. La FfaDcejevtaitqiieises intérêts deiglotreeide
sisiance ne 8eraleiU<is««6..tisàia>par.eet}fl90inMe^ji4e.la.fienaée.il
Miiiiwi jmur à i'aotioo^iet^'è Je isre;^tfifte.nsa:éÉeniiasfrpa»q«ril(f6tid6
1 psirie de GomeUle.
Tout a été triste .daBa«ss«deniÎ0rr.^rs. Ds ainisÉnn runeara dacoaa-
fet et d'assassinat sent néons OMsteswr l'opinion , et le nnoistére n'a pas
en fortiié FefiTBoi public for. iaanppfeanoft de k «evue da.â9 ijiMet*'Jl
ttimpoMible de jM|ias nroifa sna appvéhenaiens nàriettsefl des hbîm»-
les, i latsineérké de^iesara rnnset§nenion»)e» de kmn versantes; et iA est
iffieile de prononoertuorUàme atesnkia«r4aaéaolniion^iiBontpnae«
1 paratt qu'on a penséidanar 4e ^lûne^siuf il aérait iasenside fimr«. paar
M dire» provofuer rp.TtnawiiaaaoetlièdeMse d'no» yaignée^e sotiénts,
it deleor etf&lr tes iseéiHésiduiGriiae^lOn cite ^ousnot qn'oii.attiibueé
l«de Tafieynsnd : cqâ'il Dallait ararieu rstnnée4emièce ifrcanrags.de
^•Ker ia fevoe, eC oetie année e^ni deia- suppnaaer. a
Hfint donc ooDsemir è-latssèr/pMser Idta imissée ^oettonaladie»: ee
Méra. aurai .de raSBassîsHiiçino«s4Kt>|»ns>àûen.c|ue «&fléatt> sera
Mrtqi^jl est ^euYanlable^ efcqpe ses -vapeurs Viafaeieraiit pas to§-
Vnps astre aatoiosphère;; Mais . il «» ^trisieîiqae4ea inaenaccftdn «rime
}vmeûi tenir en échec toute une 80cîélé,i«t (peut^^Cre ^céIhI été plas
Wbile d'achever dedéahoiiaser itaHisainea.jaoiia le imeidtisen camage.
Aa^aseias nonajifeoseu pour idédoainwigafiwa.d'^lataps a»s> lagts
Kl élriqne; le géoéaalBugesndiairadefls^vfe^nialBMDé Abdel^Kaiderv4La
te ^ aaaiètBvx priaoaoiers y a t«é à vltenotni «n »Biid& eaoaiil^^
^ toatiaie^ pousser l' Aaabe ' jusqu^aaH' eoaiaa de4a végaaee<; Vailà: de
^^^te^ésuHaai qnlcoaaaiidaraal aatre eeiaaie«etodant«oa» noiUflnioaB
''•l^'Miisvéiettir.CcgsiaïaaBs^eaMiag loia>iteif»4es^ puiisiquis
^ gMral Bageaad;»«aas.naaS'ffappelensYea •acamaéeS'deifîtaoe»
l^^^ûteaveaaaedJde/sestallaqaeB tcontpe.ianiieasu >-awds f«ééfrj|sfi^8fagit
^•orniee de^la Brama eaairai UéMager^ toaa 4es diaiamlisna dsifisal
^*'»"<*WI<s.liosaide Ffanaa^il afy aytast» saiifltoii nlapposHiaayiai
••■^••^î lcs>4fii4oaa «eaaat visa y lea^l^aNaita tastaerHcas pwéialeat
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880 un» DES Diux horsbs.
dès qu'il s'agit de la gloire des trois royamnes. Cette relîgioiidehpÉ
doit rester intacte et sacrée aa milieu des dissensions politiques.
Dous n'hésiterons pas à reconnaître que le général Bageaud a ii^
en Afrique une remarquable vigueur, qu'il a montré plus d*intol
d'initiative qu'on n'avait fait jusqu'alonj, qu'il ne s'est pas cootefltffl
chasser l'Arabe devant lui, mais qu'il a voulu le joindre et eolÉ
qu'il apprend à nos jeunes soldats à marcher, à s'aguerrir à laoooM
des fatigues, et qu'il a fait preuve enfin de belles qualités militaiifisj
général a compris qu'il fallait avoir Abdel-Kader mort ou viialyi
qu'une victoire éclatante était nécessaire. H n'f a plus A s'en déiii
France est engagée d'honneur à conquérir et k civiliser rAfnqBe.ll
faits parlent plus haut de jour en jour, et jamais provocation pios
à Faction et à la gloire ne fut plus hautement adressée par la
à une grande nation.
Ce fat une noble pensée que celle qui, après 1880, résdutd'iéni
l'arc de triomphe de l'Étoile et de l'inaugurer un 99 juillet. Qal
autre journée , en effet , convenait mieux à la consécration du rouauwrf
Le ao juillet avait remis la France en possessionde cette immeoK ^
militaire des vingt-cinq années de la révolution et de l'empire. Lt
saura gré au gouvernement qui a conçu cette pensée, et l'a si éi\
et si rapidement réalisée. Si l'on est juste, M. Thiers n'aura pull
dre part dans la reconnaissance publique. On sait que ce fut le
qui obtint des chambres les fonds nécessaires, comment il appelais
aide l'éHte des artistes, avec quelle ardeur il poussa les travaux. L'i!»
gnration de l'arc de triomphe a eu lieu le jour promis. Quoique les détaiii
soient d'une haute valeur, c'est surtout l'effet grandiose que prodaitra
semble des sculptures, c'est surtout la richesse, la grandeur ^ ladiptf
dû mwmment tout entier qu'il faut admirer. On est fier d'être <fai pif
qui a fait tant de nobles choses en un quart de siècle, et eo sait si vUe*
ment constater le souvenir. Quelle histoire que celle qui vous estdoirf
à lire dans le registre solennel de ces voûtes colossales I Quelles pasesi»
périssables léguées à la postérité I Quel éloquent résumé de nos éenihi
guerres, que ces simples listes de capitaines illustres et de kaott £hI
d'armes gravées sur les murs ! Pas une pierre ici qui ne dise un dob |^
rieuK ou une victoire immortelle.
Les quatre larges trophées qui décorent les quatre façades priDÔpili
sont une digne décoration du monument ; par leur situation sur le prentf
plan, par leur énorme développement et leur valeur réelle, ce ioet|«
morceaux de sculpture qui attirent et méritent surtout l'attentioD. Le#^
qu'a traité M. Gortot, c'est Napoléon au faite de la puiSMnce et e»*
rooné des mains de la Victoire : œ n'est pas celui que nous préféi«i>if
Napoléon de M. Gortot ne satisfait pas; l'expression de sa figure vooM
être profondément pensive; elle n'est qu'indécise et vulgaire. U g^
triomphant de l'empereur devait être autrement idéalisé sur ^^^
triomphe dent il est l'ame. Les deux trophées de M. Ettex, m r^
l'un de l'autre , sont d'une composition savante, trop savante peot-^
Peut-être l'artiste en aH-il trop voulu faire deux pendans; saignai*
opposés se répendem plus symétriquement qu'il peçoafeaaitGetl^*
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U¥UB. — CHRONIOUB. VSl
ênae régolarité tient plutôt de Tarcbitecture que de la sculptare. Da
Aie, ridée des sujets de M. Ettex était belle. Il Ta exécutée avec un
icontestable talent. D*nne part, c'est la Patrie qui arrache le laboureur
s seschamps et remmène défendre le sol envahi ; de l'autre, c*est la Paix
ni le ramène àsa charrae; rediit ad boves. Un peu moins de raideur et
D pea plus d*élan, il y aurait là presque du Michel-Ange. Le morceau
ipital et supérieur est celui de M. Rhude. Voici bien 92. La frontière
it menacée, mais les armées ennemies ne la passeront pas. Le peuple tout
Qtier se iève comme un seul homme et court au combat. Le génie de la
ésistance guide nos soldats, planant sur eux, ses grandes ailes déployées,
œil étiocelanty magnifiquement irrité, sAr de la victoire. Ici tout est
aonvemeot et enthousiasme ; tout est au niveau du sujet. Ce chef-d'œu-
Te de M. Rhude est un véritable chef-d'cravre.
Les morceaux encadrés au-dessus des trophées ou sous les voûtes sont
Ton astre style. Là plus d'allégorie. Le vieil uniforme de la vieille garde
mpériâle reparaît partout , et vous le regardez le cœur ému et bondis-
tant. Tout l'idéal est dans la vérité même des faits représentés. Que vou-
ei-voas de plus grand? C'est Austerlitz , c'est Aboukir, c'est le passage
io pont d'Arcole, c'est Jemmapes, ou bien ce sont les funérailles de
Mareeau, c'est la prise d'Alexandrie. Tous ces ouvrages nous ont paru
dignes du monument, et dignes aussi de BIM . Gechter , Seurre atné, Feu-
chère, Marochetti, Lemaire et Ghaponnière, leurs auteurs.
Le bas-relief non interrompu qui court autQur des quatre faces du
grand entablement est dû aux ciseaux associés de MM. Brun, Laitié, Jac-
qoot, Gaillonette, Seurre atné et Rhude. Son élévation le met tellement
hors de la portée du regard, que nous n'en avons guère aperçu que l'effet;
nais cet effet est magnifique. Il nous montre réalisé tout ce que nous
avions rêvé des frises du Parthénon.
Il reste à poser le couronnement de l'acrotère. Quel sera ce couronne-
iBentî On n'est plus, dit-on, d'accord là-dessus. Nous regretterions,
quant à nous , qu'on eût abandondé l'idée de cet aigie immense qu'on
avait promis de confier au ciseau de M. Barye. Laissez à César ce qui
appartient à César. Vous avez été déjà généreux et désintéressés. Vous
n'avez pas imité cette faiblesse de Napoléon qui mettait son chiffre à
des monumens qu'il n'avait pas bâtis. Vous l'avez replacé lui-môme sur
sa colonne. Soyez plus généreux encore; placez son aigle sur cet arc que
^^OQsavez fini , mais qu'il avait commencé, etqui est l'arc de ses triomphes.
Les esprits prompts à s'alarmer se sont eiagéré l'importance des der-
niers mouvemens carlistes en Espagne. Certes c'est un symptôme fôcheux
^ la persistance de cette insurrection, qui gagne chaque jour du ter-
tio, s'étend et se propage dans des provinces qu'elle n'avait pas jusqu'à
présent atteintes. Pour quiconque a étudié de près et sérieusement ce
1^ys> il était elarr que la guerre civile se prolongeant, les choses devaient
ioèvitablement se passer ainsi. Ce n'était pas uniquement au nord que le
prétendant avait des champions nombreux et décidés; il en avait bien
Cotres également dévoués partout ailleurs. Mais au mohis, partout ail-
^'«^ qu'en Biscaye et dans le Guipuzcoa , la force supérieure et organî-
^ d'avance des libéraux, et leurs mesures bien prises, araîent fortement
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38S RETOB Ms osux MO/ams.
contenu, d'abord et enchaîné le parti oantre-ré?oliitk»iiake. DèiiMMh
faute, ou plutôt tout le malheur du gotiTernement de la régemej
de ne savoir ou de ne pouvoir étouffer en quelcfues mois ia
sa bonne chance avait resserrée dans un étroit espace. Aa
menty don Carlos ne jouait qu'au pur jeu de hasard. Se maio
temps donné, une seule eampagne, il était évident qu*ii s'élabl
solidement pour donner avant peu les mains à ses partisans de
ooins du pays. Voilà justement ce qui est advenu . Le cabioei de
n*ajant pu profiter duprerarierisolement des révolté» pour les
comme on devait s*y attendre, tout ce ^a'il a tenté depuis n*a guère
qu'à leur avantage. Si la molle et doucereuse admiaistratioa de
tinez de la Rosa les a fortifiés et encouragés, l'adminiatretioii
gique, mais peu prudente, de M.Meiidizabal ne leur a pas été
fitable. Niera-tH>n, par exemple, qu'ea (ermuai teus les délires
renvoyant chez eux cent «aille «noines, «ce dénoter ministre B*aitï
lui-même des uofwx ,iA^ guêdUai prêts à leier.le drapeau da
dant jusque dans ke^Msadras districts?
Ainsi les bandes-.^U'CnrèJflérifio.paroenreiit aujoiird'bai pli
aement que jaoaai»iee deux Casti^s;* d'eventoreux lieuteoans de
Yillareal .menacent* à la Ahs. la "Galice et les Astories ; le Canal
monUgnards^lu.royaMsede ^ialence s'esaUede nouveau et reasaialJ0
armes; une imprévoyante çxpé4itienrëu géséral Eirans vieoi «fécbvtf
contre ies fertificattoas restaurées de j^ontarabie. Est-ce à direcapeodvC
que le ftnempJbepNcfaain de don CarleS'^eit assuré ou seulemeiit
bablePLoinde là. Le trône de la jeune reine 'O'est pas nnêieaérii
ment ébranlé» 11. a eu contffairey'daes la nation, des soutitnieidàteraBiril
Aussi et supérieurs^en nemère, ee force el en lumières. Maisnoe tristeiè»
rîlé ressort des évènemens de plus eapUis inoootestable. G!est que lia?
aurrectleo a jeté matntenafit deteJles racines , qu'il est devenu iMi|wfAifi
de prévoir qiiand .aile sera arrachée du sol,et si eJleen serajenabar»'
cbée.sanaJe bouleverser 4out entier. Ce peuple n'est pasi de ceux «ta
^i ia. discorde civile, «ne Isis alkimécr s'éteint etsémen t. U est Édite
iset haines de parti ^et seles transmet réHgieusement de gènératimt«
féoération. Qu'on n''eublie^a8 qu'euxei^taioes portions de la €ataio|Ba
et du royaume. de Valence^ «1 aofosisleenoerede ville à viUe^^le villii^i
A village ,.desaAimosi4és«rdentes etimplac8l>les,doat l'eri^Be«^e«aals
aux guerres^ioiérieciresdeia suooessêon. Toutefois, il n'y a pas à éém-
pérer encore de la pacification des provÂnoes insurgées. £Ue «lépesdrt
iMAncoupdes. prochaines ^coriès. . Les^ecteurs assemblésaieflinieDtfir-
loiii ,00 -ce. moment knra nouveaui^ .jHPemiradoras. Ce que I'^hi saitdM
44u>ix^acomplift ne dit pas «piel sera le seoade la mi^^^riié » ei ai «Hé aia-
jtiendra leiiiiioistère4sturHz.,Te«joiirfr>est41>quetlesdeuxobeii<iesdi8X
opiniem lesfOus trnm^bées vent'SeMtveufter-en présence.M.AI^^
U IVm et \L Moridizabal son4 néélos déjà l'un et l'autre. Pourra qae
ressemblée ootivdle n'aille pas a^épuiaer ^ea moeconbals 4a pmenssfi
léa oratoires, pou rvi^qu'eilene. soit.pasUvaée aux faiseorade prayalslt
^[iiarrangG4irs do phrases! Cet^sml^ pays* kildemandere cette fDis««9
flé «era pas des parak||i^ «osera ^de&aeleii. Ce tu^eUeinidevnniBl
^
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I
oût; coûtvqôecoMe, toute antre réfomeceiiMte; ^ een larféfemwi»
le la guerre cirile. Lecommaidemeot '.sis|MréiDe dei'ânaée lemlile^ à
"teare qQ*ll est» bien mal' à propos' et biea ioprudemmeac mit aiMi^
nakis déCordora, le plus : beau disnoureutv mais le moiat capable d«Li
ifénéraux qui, depuis 1833, soatauceesfîTeaMnt venos s*eaufer8aB8»SttD«'
^ contre les batailJons carlistes. Que les eortés qui anrvveaA lesimiwi— t '.
[>ar leur vole et soutieimeot friDchemeiit uae aduriaislfiatieniTfgoarauaat'
ït indépeadaDte. DQt^eUe déplaire à la ceiir afin de la jmeux aernr,
^tteadoiiBfslratîOD saura blés, saas doute, choisir enfin le géaéral.qu^ilfi
faut aux troupes de la reine, Ceaeeait tmp malheureux sbla.cane ëe Inn
liberté nedécourrait pas panni lés siena^un-seul bonone ^i^aiftaaeaiéM '
delà défendre, lorsqu'au déftufde Zumalaoarregiiy , celle de 4*a
tisme trouve d'emblée , danr la personne de Braao YillareaL, i
cbefaosaientreprenantetraussi habile que son ptédéeesseiir.
En Angleterre, la querelle continue aussi animée entre le^ deur s
blées lé^lsïlitres, et le publie continue de regarder ce spectacle tpade^
mentaîre ai^ec le même calme indifférent. Il est inoui qu'une crise pôle*'
tique de cette gravité s'opère aa milieu 4^n pareil engourdissement dn
ipstfs qu'elle intéresse. Les lords, qui ne voient plus nul ineonvénienttà t.
être courageux et imprudens; redoublent chaque jour debaidieesetet der^;
témérité; il n'f a plus de mesure utile et libérale qui trouve graeedoiaat)'
eux, si inoflénsive qu'elle soit et en dtfcors des questions der>paiti; Lee
communes leur avaient dernièrement eniN>yé, en seconde insteneeynD-bill h'
tendant Ir abeHr l'emprisonnenient pour dettes; Il n'a pas étèmienK ac*< *
cueilli de leurs seignàniea cette année qne l'année passée. Il ▼ioBt'd'éthi^'
encore impitoyablement repoussé^ Que/voule>z^o«sf La pairie est iario»- •
labte. A-t-elte emprunté de l'argenl) il n^y a d» receors jni conanatai/'s
biens ni contre ses personnes; pourquoi paftager«it^liéiaipeclepe«plee#J
privilège? Et puis le gcandmai^ quand des créanciers légitimes 4ies»
draient tonte sa wie entre qustreanirs unpsuwe bOiMBe qui n'estpaafua ^
lordl Le bill des corporaliôna angtaises-et gilleisea^ arraobéà grand'» •
pane Tàn passé de la chamfcre'hantey nécessitait un amendeaMnt^qui'eau
facilitât rexéeution*,Cet amendement^ votèpar lee eetnawineny estseuasia ^
aux pairs. Mais ils se reprocheal assex déjà Ja faibiease qu'ib ont enuidéf
consentir tme loi si capitalcmeotihostile à ieurs^inléretsçau'meias'ilane"
perdront pas cette exceHenSeioocasioittqni s'dfre d^ntrawr iatuuaschei
des monleipalités nouveUas: L'amendement est rejelèv Ube aoare vietiBaev
plus illustre a bientôt présenté la gorge à leurs seigneuni». Il s'agit idoe
fameux biU de la^ dtane iriandaise, qui leur arnve résigné d'avance i saftv
sort, quoique fort d'un vote des communes qota^ pour lai troisième'foiav
consacré son principe cPappcoprialioai. Et en^effaiyitorflfnetet'deilaiidfa
Lyndbursty la clause d'apprepriatten est retraucbée, c*e9t-«à-dire queie?
bill tout entier est anéanti. Cette fois même, comme4eB revenus. de- l'è*i^
glise sent touchés, afin que rimmolation sott phis solennelle^ le bane dcf 'ï
lards spHîtueis dirige le sacrifice. Cest l'éloquence fanatique de l'évéïin^'.'
tfBieter qui a fulminé les grandis mois de spoliation et de sacrilège.
On dirattqne la seconde chambre songeait à pvendresanhmioheqMnéx
^ expédiait si rapidement, de son côté, deux mesures de réforme fort
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384 RBYUB DBS DEUX MONDES.
importantes, mais fort compliquées de déiatls, sar lesqneDes la pairie D*t
point de contrôle, attendu qu'elles sont en partie matière de finance. Noos
voulons parler desbills qui réduisent le droit de timbre des joumaoi et
fixent le mode et le prix de leur transport par la poste. La discustioa de
ces lois a fait grand honneur au chancelier de l'échiquier. Elle a prooié
chez lui, non pas un talent d'orateur qu'on li^i savait déjà, mais de yastes
connaissances financières, une noble franchise et un véritable es|>rit
libéral. Il a levé de lui-même le premier tous les obstacles qui auraient
pu retarder l'exécution immédiate de ces deux biils. M. Grote propo-
sait une modification qui eût établi pour chaque journal une estam-
pille particulière. Ce mode eût fourni le moyen de constater au joste
le nombre d'exemplaires que publie chaque feuille; car^ le même timbre
étant commun à toutes, les grandes entreprises de la presse, intéressées i
grossir leur publicité, achètent du gouvernement plus de timbra en
blanc qu'elles n'en peuvent consommer et en cèdent ensuite sous main
une portion dans les provinces. M. Spring Rice a montré que cette addi-
tion, quoique désirable, retarderait beaucoup la mise en vigueor de
Tune des deux lois. Il a promis d'ailleurs de reprendre ramendemeot et
d'en faire l'objet d'un bill séparé. C'est lui qui a sollicité aussi et obtena
pour l'Irlande une double réduction du droit de timbre , en considéra-
tion de la pauvreté du pays et de son plus grand besoin de lumières.
Croirait-on qu'au moment même où l'administration whîg agissait»
libéralement et faisait de si bonne grâce, aux radicaux, ces concessions
qu'ils avaient réclamées, ils aient été sur le point de se séparer d'elle et
de lui retirer leur appui ? C'est au sujet du bill de réforme de l'église èti-
blie qu'a éclaté ce dissentiment de quelques jours entre les deux grandes
sections des réformistes, qui a failli donner gain de cause aux tories.
Cette réforme de l'église , proposée et arrangée par l'église elle-même,
n'était, à la vérité, qu'une moquerie de réforme. On ne pouvait prendre
au sérieux une mesure qui , sans laisser un shelling de plus dans h
poche du contribuable, se bornait à faire passer quelques milliers de
livres sterling des coffres de l'archevêtiue de Canterbury dans ceoi
de tel ou tel évêque moins grassement salarié. Comment la finesse de
M. BuUer et le bon sens de M. Hume n'avaient-ils pas compris que ce
bill ouvrait au moins une porte du temple par laquelle on y poorrait
rentrer plus tard , afin d'en réformer réellement le luxe scandaleux et la
énormes abus? O'Connell a été plus habile et mieux inspiré. Il a bien
senti que le succès de sa cause en Irlande et celui des réformes en Ânfrie-
terre dépendaient, pour long-temps encore, d'une union étroite et absolue
des libéraux de toute nuance; aussi, dans cette petite querelle de famille,
s'est-il activement employé à ramener la paix, et a-t-il soutenu le mims-
tère de toute sa vigueur, comme il faisait peu de jours avant en plein air,
sur la place publique de Rocbester, comme il fait depuis un an partout
envers et contre tous. Du reste cet incident n'a pas eu de suite sérieuse,
puisqu'à l'heure de voter la réforme de l'église établie, toute l'oppositioa
des radicaux s'est réduite à la protestation d'une trenuine de leois
membres les plus inflexibles.
F, BuLOz.
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SIX ANS.
Cétait un précepte de Vécole pythagoricienne de ne jamais se
livrer an sommeil avant d'avoir soumis à un examen attentif les
actions de la journée. Le mahre avait pensé que ces retours de
l'homme sur lui-même étaient une méthode excellente de réforme
et de sagesse, et devaient imprimer à la volonté plus de constance
et d*énergie. La Tie publique n*a pas moins besoin de souvenirs
que la conduite particulière : il est salutaire de considérer d'épo-
que en époque l'espace parcouru , de marquer les écueils tournés
par l'habileté , ou signalés par des naufrages. Mais si ces retours
de la réflexion sur les affaires sociales sont utiles, ils ne manquent
pas de difficultés; car fl n'est accordé à personne de se tenir à
l'écart sur la rive et de se séparer du spectacle que nous nous
domions les uns aux autres pour mieux le juger : tous nous som*
Dïes engagés dans la traversée commune , tous nous sommes en
pleine mer; nous voguons ensemble, parfois un peu en désordre,
Biais partageant les mêmes hasards et la même impulsion. Can-
"^g, dans le port de Plymouth , comparait l'Angleterre à un des
vaisseaux que dans la rade il voyait inmiobiles et calmes, mais qui,
au moindre appel, pouvaient s'animer, se remplir de matelots, de
TOME VII. — 15 AOUT 1836. 23
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38&
soldats , et réveiller leurs foudres endormies. A contempler la
société , ne dirait-on pas une flotte immense , d*un appareil infini
mais divers , peuplant la mer de distance en distance , et soumis
aux aventures variées d'une navigation commune? Il est difficQe
de porter son regard juste et loin, du milieu même du flot qu'on
laboure.
Quand , il y a sixi ans 9 1» révolution s^liocoi^plRy^ce grand éyè-
nement donna satisAictioD aux «eutimenj^c^t aw pensées de la ma-
jorité nationale. Depuis long-temps la France avait désespéré de
pouvoir accorder ses destinées et sa fortune avec la vieille légiti-
mité ; elle était opprimée sous les prétentions et la tyrannie du
passé, et Vavénement d'un gouvernement nouveau, relevant da
principe de la souveraineté nationale , fiit salué avec allégresse.
L'usurpation était éclatante ; trois rois furent détrônés d'un seul
coup, le vieillard , le fils et le petit-fils : la France était préoccupée
du désir d'ériger sur les débris de l'ancienne dynastie une royauté
qui pût satisfaire à ses instincts et à ses droits, tant alors on
croyait à la conciliation nécessaire et possible des progrès démocra-
tiques avec les formes d'une monarchie régénérée 1 Nous écrivons
ici fidèlf^mont l'histoire.
Siiot après l'iastitutioii du aouv0a»|;^v<erMmeDtk,l*ébianle^
ment impriçié aux imaginations et aux ânes se maaifostêi par dsu
développemens impétueux , le saiotn-siiimifen)»! etr le i!épi]d)iiear
nisme^' on avait b^ucoup faift^onvoulMlpIua faire eaoore^ di»^
position naturelle aux sociétés comun^r aasr indtvidius ; il senè
puéril de s étonner qu'après uiieoomiii9iiQa<popiukitre7latJ9Ba«Me
et le peuple aient embrassé l'espéraoee de. progrès BO^veanx. U
pea«éo n'était pas coupable, n»a«s l'exéQutioO'fut'mravaîse*
ho saint-simonîsme etle répubiicaiiisviesepMltagirBntlatiièaie
soeia^; l'un s'empara du fond» l'aintre» de; la forme» Iliéiaitiutk,
ap^è^ une révolution dont l'explioision fut nécessaire^ maie subtoi
d'érjger uue école de science sociale dont les* jeunes etr nombreair
soutiens eussent, préparé par leurs travamcf des réfonoes dans
les lois4)t la constitution : si le saiat^simonisme se fàt toeu satis&it
d'un rôle philosophique, chaqpe jour eût augmenté sa puissanod;
mai^: on sait que ses prétentions au sacerdoce et à la révélatioa
n'onti£^ouU qu'à retégiier ses; débris sur les; bords duNQ, m
becf^ai) mâma da cetta tbéocraii^ si maladroitement évoquée^
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Sendaiit que le sakil-sinieiiisBie s'égarait dans la chhnère
d>Biie relig^ improvisée et d'nne société nouvelle, le républi-
eaRisme se heurtait à une idée fiausse, à la pensée d*^battre
Tiolnnnmit le {^vemement à l'érection duquel il avait contribué
'lui-fiiéDie/niais^'fl se hâtait de condamner, et dont la ruine lui
pnrut s«^4»«ha!mp la condition nécessatre de tout progrès démo-
tsraiiqne. Un peu de rMexion , quelque connaissance de Vhistoh'e
et des affres humaines lui eussent démontré le néant de sonBn-
troprise. Si la ^votonté de Thonmie est puissante, ses fantaisies
•^échouent tovgours. Or que pouvaient penser la Fwmce et rEurope
de ce caprice imprévu de renverser ittcontinent rœuvrc de la
* yféiiBe , 'H de ne recomiAitTe que Tinsurrection comme instrument
de réforme? Le succès ne seconda pas cette erreur; la^Trance ne
'ifonEdait pa» suivre cet entraînement aveugle; elle sentaifqulmpro-
Tiser la république ne donnerait' pas la liberté, mais déplacerait le
«pewroir en Faggravant.
La- pente des évènemens aété rapide : eniSSl, Casimir' Përier
io^ua la résistance ; en 18S2, Thnsurrection flit vaincue le 5 et le
ii.jifin :iSS3 vit Fétrange publication du manifeste des Droits de
Thomme ; 1834 lut témoin de la loi sur les associations et des trou-
bles d'avril; la machine infernale ensanglanta 18S5 , et les lois de
septembre suivirent; l'attentat d'AIibaud a signalé 1888.
Le temps dévore tout, les grandeurs, les fisrutes, les crimes et les
'nalheurs des^ hommes, arec une insatiable avidité; la société-dure
au niKeu de eetfe'mobiKté qui la trouble , ttans Tafibiblir, et qui
"semble su contraire f aguerrir: et la tremper enoofe.
]4obilitate viget.
six ans, hi'ndtion française u pu rencontrer des revers et
' des hâdies amvBSIieu de ses pnrogris et de «es triomphes; mais elle
-«'a jamais rétrogradé, signe certahi devigneuret de nouveaux
'Mccés pour l'avenir.
Le tiers-état, aous l'andenne raonarehie, commença de s^éman-
dper par l'industrie, et acheva: de^s'éiever par l'église, les lettres
w la seience^ Il avaét ^ sa dis^sition le négoee , lestnétiers^iet la
îbnnque; 4 avaitnn pied' dans le bart«auet le parlement, régnait
ffOMT la MMMMprei La vév<dtttion^Qte^7^ lui a'owertle'gouver-
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388 RETCE DES DEUX MONDES.
Sous Tancienne monarchie , Tarmée était le pririlége de la no-
blesse ; depuis environ cinquante ans, elle est la gloire du peuple.
Ici nous parlons du peuple tout entier, paysans et bourgeois, jeu-
nesse de toutes les classes et de tous les rangs. L^émancipation
plébéienne doit ses plus grands progrès à Tégalité sous les dra-
peaux. Les grades militaires sont accessibles à tous ; ils sont h
plupart possédés par les classes moyennes, héritières de la no-
L'administration , le barreau^ la magistrature , appartiennent
au tiers-état , qui dispose ainsi de Texécution des lois , et il les fait
en même temps qu*il les applique.
Les classes moyennes jouissent donc des droits politiques; elles
doivent tout ensemble travailler à les augmenter et hausser letir
esprit au niveau de leurs devoirs et de leurs droits. La bour-
geoisie, cette moitié de la démocratie, ne saurait oublier qa'O
serait périlleux pour elle de rester au-dessous de sa fortune. Blé
est libre , car elle tient dans sa main sa puissance ; comme la fort
bien dit M. Guizot, dans un état social , la liberté , c'est la participa-
tion au pouvoir. Oui, la liberté, c*est la puissance; vivre politique-
ment, c*est prendre part, en quelque degré que ce soit, au ma-
niement des affaires communes.
Or , le gouvernement est chose nouvelle pour les classes moyen-
nes, et jusqu'à présent elles s'y sont montrées un peu gauches et
empruntées. N*a-t-on pas souvent importé dans les affaires publi-
ques l'esprit des transactions privées ? Le ménage et la famiUe
n'ont-ils pas tyrannisé l'état et la patrie ? Voilà Técueil de la bour-
geoisie. Ses ennemis lui reprochent des vues et des vertus petites;
on lui impute la médiocrité de l'esprit et l'égoïsme du cœur ; on loi
crie qu'elle est incapable de con^prendre et de mener le monde,
que la grandeur lui échappe et lui répugne. On lui oppose encore
qu'elle est sans entrailles pour ce qui vient après elle , pour les
classes ouvrières dont elle est sortie , et qu'elle manque de cette
affectueuse charité qui pousse l'homme à tendre la main à soo
frère pour le faire asseoir à côté de lui.
L'avènement de la bourgoisie à la direction sociale est légitime,
car les déductions des temps et de 1 histoire Vont amené ; mais il
reste à se rendre digne de cette fortune d'autant plus grande
qu'elle a été plus naturelle et plus lente à venir. Si la bourgeoisie
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SIX ANS. 389
qui &it partie da peuple n'en avait pas le génie ^ elle se perdrait ;
si elle voulait porter aux affaires Fégoîsme de Varistocratie , elle
n*en aurait pas la force orgueilleuse , mais seulement les travers et
les vices , et trouverait le même châtiment.
Après les classes moyennes viennent les classes ouvrières
qu*anime l'exemple de Témancipation de la bourgeoisie , et qui se
jettent avec ardeur dans Tarène sociale. Nous ne connaissons rien
de plus sacré que les destinées des hommes qui travaillent et qui
achètent , par de rudes labeurs , la vie de leurs femmes et de leurs
eefans. Si en France les classes ouvrières sont plus pétulantes et
plus ambitieuses qu'ailleurs , nous n'estimerons pas cette efferves-
cence une plaie sociale ; car nous savons d'où elle vient et oii elle
aboutira. Comment 8*épouvanter des sentimens que Dieu a mis lui-
même dans le cœur des hommes ?
A Vambition des classes ouvrières qui réclament des droits po-
litiques, sachons répondre, non par des refus éternels , mais par
la sincère promesse que les droits seront reconnus sitôt qu'Us
seront noblement conquis. Dites au peuple que les droits politiques
dépendent et sortent de la moralité sociale et de l'intelligence;
prodiguez-lui Vinstruction, et d'époque en époque reconnaissez-
lai de nouveaux droits.
Bans les débats entre les classes moyennes et ouvrières , il y a
des torts réciproques. Sitôt après la révolution de 1830, la bour-
geoisie aurait dû montrer aux prolétaires de larges et de bienveil-
lantes dispositions , un avenir d*émancipation et de liberté au prix
du travail et de Téducation , et faire briller à leurs yeux l'espé-
rance avec franchise et dévouement. Mais non, on s'est montré dur,
avare , impitoyable : on a aigri les passions, au lieu de les diriger
en les épurant. De son côté , le prolétariat s'est jeté dans la vio-
lence , et sortant à peine du servage , il a voulu se proclamer sou-
verain.
Ahl que ceux auxquels il est donné de parler au peuple, et
d'exercer sur lui quelque persuasion, l'instruisent au lieu de
le flatter, et lui ouvrent les yeux sur ses plus chers intérêts.
Qu'ils lui disent qu'il n'y a de conquêtes durables que celles du
temps. Cette même bourgeoisie , que les classes ouvrières ont de-
vant les yeux , combien d'années , de siècles a-t-elle mis à obte-
nir, par ses efforts, l'égalité sociale? Depuis Suger jusqu'à
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' 890 REYUE Ç^i DmJX MONDES.
f ^^Oiertrdvuî^ Fab^ jiij|(^*4 Qi4er9jt| 40*4^ j)«iie «M» pim
4^peaaée. .Mes. fmai^» «voms ré<)la49eK.:d^s d^ioits et.4n povunr;
ëtes-vous bien sûrs 4e Je$ mérjytjer? Si4ftB;iaiD 1% jpoîssaiipe.umliit
entre vos mains» qu'ea/^i^-^vpus? ]p^orabIes^^oi»b^9i^^s^
^ù la victoire serait invu,ile 1
Les classes ouvrièrea ne peuvent parvcipir à des 4fchIs et à Ii
vie poUti(|\&e ,que par «ne éducation persévérai^te. Où ^wUmii
jhommes ? où sont leurs reppése^t^s ? Elles les attendent .«qgûr:
le jour où sortiront de leur sein des ckefs et de^ guidesiit'^s
suivr-ont avec foi, et doi^t le .talent justifiera la popnlaitfé.ie
jour <^ù elles auront leur O'Con^^l paMefit et audacieux , b^.
ardent y sachant se servir des lois pour les r^uner e^Jbsdlti-
ger y ce jour aura vu s'accomplir un progrès dont il f^adnfii'
dter non-seulement un intérêt particulier , ma^,la isooi^ ^
^tière.
QMand un pays pri^nd à la liberté , il doit en avioir Je cxmif^
les mœurs; et riej^n'est plus nécessaire que la fr^flLctuse <lesf^
sitions et des partis» Si en Angleterre le parti radical v«»t imt^
une réforme et un .nouveau progrès, il sait ji|uels ^omoMSi^
ront ses soutiens et ses promoteurs; il siMt.ai»Bsiîi4$qii'i<^
limite il peut compter sur les secours des wiglis, qiu i bif
tour ont les représentans de leur poUtique. On s'accepte et «
s*allie tout en se distinguant les u^s des autres. Nous avons en «
France , depuis six ans , des irrigues et des. factions , ,9iais pis à
partis : soit inconstance et vanité, soit indépendi^oce é^ftsgé^^
d'humeur , aucune opinion n'a pu s'élever à un parti vrain^it
solide et puissant , hppaogène ; jusqu'à présent ,^ plus fp^
effort de l'esprit politique n'est accouché q/aed'igoe^tfne.
Et cependant que de pensées et de s^plimens .^jpçài^s 4^^
dent dans notre pays une véritable express^ poIitic$aeI Us
principes radicaux qui doivent émanciper progressivem^ ks
classes ouvrières ne sont ni claire^aentéMtbliSy^pipopi^ai»^
représentés. Qù eçt TÊvangile du radicaljipe? f^ smt sçial#^
^constitutionnels?
J)'un autre ç^, où spnt les tji^ies et.l^ jfif^sffifi^
d'une bourgeoisie intelligente qui aime)aliberiéj^,q^i^i>ta^
pov elle y B^ûs ppi^r /ses frères mpifts avfiwés ^99^ la.^^
Tpe et leçdiTPits. «p^x ? H fm^v4^ nmi^. ^IM4^ ia. d^WWP»*
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6lt AlfS.
Idéale la déttôéi'âtte dôb^eiine; d'arceô'rd stll* cértatnÀ points, sè-
irée sur d'autres, mais toutes deux réunies par \^È sympathies'
Mnniiines dé la scx^ë htrth^inè et français!^.
Si ces deux parti» étaitentvrîHfûènt constitués, leur existence se-
lit déjà un progrès poiïr noire société démocratique , car ils'
exprimeraient atec fidélité. La France est une vaste démocratie
des degrés différetlèr. Quels sont dont les gèhtilshotiithes qui ne
entent pas ici être dti peuple? Qui reftise d^étre travailleur et cî-
)yen? Dans la vie politique comMe dans les ateliers de Tindus-
fie, les fonctions sont diverses , mais le travail et le droit sont les
ignés humains et conliUuns. L*homme a droit à tout ce qu'il peut,
lil se place par son travail. L'émancipation sociale est une déduc-
ion de progrès acéom[flte et de droits obtenus qui se déroule à
ravers les siècles ; nonique rien ne vienne traverser cette évolution
listorique , nfiats toujours elle svLvtùànte les obstacles et reprend
a suite de ses développemens.
Au surplus les promoteurs de l'émancipation sociale ont souvent
TOttvéles plus grands écuëils dans leurs pétulances et leurs pré-
npitations, et ils ont fait Teculer leur cause de tout l'espace qu'ils
roulaient franchir avant le temps. Fautes funestes, car elles amè-
lent une déroute passagère , où sont enveloppées la raison et la
^wtice aussi bien qtle les prétentions extrêmes.
Napoléon a dit : Tout gouvernement qui n'a pas été imposé par
l'étranger est un gouvernement national. Ce mOt si juste explique
pourquoi les violences qui s'attaquent directement à un établisse-
ment politîque échouent toujours. Ces agressions sont d'orageux
Caprices qui viennent expirer devant la nature des choses.
Rien n'est moins arbitraire que l'institution d*un gouvernement.
Hle suppose des causes antérieures, des fermens de révolution'
Vû ont long-temps attendu avant d'éclater, un concours nécessaire
d^ circonstances heureuses, le^œu d'une immense majorité. Quand
lOtttes ces raisons et ces convenances s'accordent à poursuivre le
néme résultat, un gouvernement nouveau usurpe avec rapidité la
place de l'ancien.
L'histoire nous apprend aussi que les gouverneinens tombent
piatèt sous leurs propres fautes que sous les attaques des partis*
Ni le général Mallet n'a détruit Napoléon, ni Berton n'a préTahi
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392 REVUE DES DEUX MONDES.
contre Louis XVin. Les coups de main n^ébranlent pas les ftmde^
mens des choses.
Les peuples peuvent se plaindre , murmurer, souffrir; mais ik
se déterminent difficilement à la ruine d'un pouvoir qu'ils ont éferé
ou reconnu : il n'y a guère que le joug de l'étranger ou le mépris
des droits mêmes de l'humanité qui puissent les appeler soudain i
l'insurrection ; autrement ils préfèrent la réforme de leur gouver-
nement à sa chute ; Dieu a mis cette patience dans le cœur des peu-
ples, pour l'honneur et la stabilité des sociétés humaines*
Et dans cette prudence sociale qui ménage le pouvoir au miliet
de ses fautes, il y a un instinct profond ; les sociétés sentent qa u
fond le pouvoir est une partie d'elles-mêmes, car la vérité est tou-
jours comprise confusément par les masses. Nous écrivions, fl jra
cinq ans : a Le pouvoir, philosophiquement considéré , ne saurait
se distinguer de la société; il est un ministère public institué ai
profit de tous, et qui, par un progrès nécessaire et successif,
s'exercera non-seulement pour tous , mais par tous , à des degrés
différens. D ne saurait avoir d'autre titre que son utilité , d'autre
légitimité que l'assentiment général. Il n'y a donc pas pour loi
d'hérédité en soi et naturellement nécessaire pajr droit du sang;
mais il peut être profondément utile que ce ministère public soit
stipulé héréditaire. Alors Thérédité politique puise sa raison, ooa
dans le sang et la nature , mais dans l'utilité , le consentement et U
liberté de tous (1). d Et quelle est la conséquence de ces principes,
si ce n'est que Fégoïsme est interdit au pouvoir, qui n'est rien par
lui-même , et qui doit tout à ceux qu'il représente et qu'il sert. S
la constitution de l'état reconnaît l'hérédité politique , cette héré-
dité ne sera pas de droit fatal et divin, mais de droit volontaire^
contractuel : et par cette royauté démocratique, le principe de la
souveraineté nationale ne sera pas violé, mais reconnu.
Entrons dans le fond des choses. Si la France a pour principe
la souveraineté nationale et populaire , pourquoi pas aujourd'hui
la république? Pourquoi? Demandez-le à l'histoire de notre pa^s
et de notre siècle. Ehl mon Dieu! nous ne sommes pas rois, ce neti
pas pour nous que nous parlons (â). Mais la logique ne peut encore
*
(1) Philosophie du Droit.
(2) Chateaubriand.
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SIX ANS. 395
ntrainer à sa suite nos mœurs et la réalité. Cette première place,
iqui la donnerez-vous? A votre voisin ou à vous-même? à un sol-
lat, à un médecin , à un littérateur ou à un avocat? Sommes-nous
[ens à supporter au pouvoir suprême quelqu'un en frac noir» sans
leux? La royauté historique et héréditaire n'est-elle pas elle-
Qéme un hommage à Tégalité démocratique , puisque également
naocessibie à tous, elle se soustrait au concours du mérite et de la
olonté?
Mais, dira-t-on, peut-on s*arréter en chemin de la logique? Hé-
is! les déviations de la logique constituent proprement Thistoire
lomaine. Le christianisme a-t-il porté toutes ses conséquences lo-
;iques? la philosophie a-t-elle réalisé tous les postulats de sa dia-
ectique? La société est le milieu vivant dans lequel Fesprit doit
racer son sillon et sa route; elle n'est ni mauvaise ni parfaite; elle
st le produit complexe de toutes les facultés et de tous les instincts
le rhnmanité ; elle est une expression altérée de l'esprit du monde,
t en même temps on la voit parfois rebelle ^ux exigences de
et esprit. Nous la trouvons routinière et philosophe, ancienne et
louvelle , peureuse et hardie , s'agitant dans une rotation conti-
luelle de ses qualités et de ses travers. Quand une révolution ter-
ible a passé sur un pays , elle a justement accompli les ordres de
)ieu. Elle a lavé les souillures avec du sang, et balayé les immon-
lices avec des tempêtes ; elle a frappé le sol pour Tébranler salutai-
ornent. Tout a tremblé, tout s'est régénéré dans la ruine etVagita-
ion; alors, après la foudre et les orages, la société sort rajeunie
te ces tourmentes, gardant néanmoins des souvenirs et des racines
'ans le passé ; et il n'est pas plus possible d'étouffer sa jeunesse
t son avenir, que d'extirper ses fondemens et son histoire.
Quand on suit, dans le passé, les rapports du gouvernement et
ela société, on trouve que toujourales changemens de forme ont
aivi les développemens du fond, mais n'ont jamais pu ni les pré-
Mer, ni les forcer. En France, où les progrès de la société ont
té si distincts et si clairs, le gouvernement a été tour à tour la
lonarchie féodale, la monarchie des états-généraux, la monarchie
es parlemens, la monarchie du pouvoir absolu. Quand le régime
évolutionnaire expira. Napoléon institua la monarchie démocra-
que et militaire, qui fut remplacée par la monarchie constitution-
^le. L.*homme ne peut pas plus arrêter les transformations suc-
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394 REVUE DBS DEVX MONDES.
eesahre» AM^éUbKssemeiis poUli(|iiM q«*ajrracher brHtqnemttidv j
institiitionB Mttvelles d'tm soi qni n'est pas aaaM féeaadé. '
Sons lAT^tauralîon, la fretuotme dénonça pas i la monarcUi
qu'elle TOiriait la éétrnire, mak elle Faccnsa de ne pas se metta '
d'accord afBC Tétat aocial. La question était posée d'one façoaà \
judicieuse^ qu'elle raUia rinmense majorité, et la rérohnioB i^ 1
pour instrumens taus ceux qui l'auraient repoussée, si dk eètcli.
proposée comme but à leurs plaintes et à leurs griefs. !
Les partis eitrémès ne s'aperçoivent pas, dans leurs emporte- 1
mens, que des agressions directes fortifient ce qu^eHes ne pra-
vent abattre, et qu'en niant un gouvernement avec une colère i»*
puissante , on l'affirme d'antant plus; on lui fournit ainsi Foocasûa
de prouver sa présence et sa force, et les combats auxquels on Ir
provoque semblent le dispenser de ses devoirs.
Hais si d'un c6té les partis extrêmes , pendant ces six années,^
ont été contre la nature des choses, en ce qui concerBe les got-
vernemens et l'opportunité des révolutions , le gouvemoneai.â
son tour, a-t-il bien compris la société à la tête duquel il a étémb!
n n'a pas été vaincu, mais entraîné dans de graves abem-
tions.
Ainsi on ne s'est pas contenté de nier la république, œ qui éuà
du droit du gouvernement, mais on a nié la démocratie : noa-]
seulement on a r^Mussé les tentatives d'un noovelle révolmioi^i
mais les réformes législatives et couslttutionndies. GonmKst «^
justifier d'avoir confondu la modération et les excès? Si c'est ij
dessein, on est immoral; si la confusion est involontuire , on
inhabile.
Nous avons vu le principe le plus élémentaire de la sociabilité,]
le principe même de l'association méconnu en ISSi, conune il Tavdi
été en 1807. Punissez l'abus, nuâs reconnaissez le droit. Le jory i
subi de graves altérations, qui, sans fortifier le pouvoir, tendent i
dénaturer l'institution même. Enfin le principe de la liberté de Ff^-
prit humain a succombé. Ces faits sont à nos yeux , non-seulemeoi
des atteintes à la itérité sodale, mais des fautes funestes i œia
qui le^ commettent. Les gouveniamens ne peuvent blesser le droSi
sans se blesHer euxtménMS.
Quelles que soient les ciffaondtanoes au milieu desquelles agit m
jiyy^rnenient, il est sotuois à ladouble obUgs^îondene pwiS'
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SIX ANS. 088 •
le droit et de si^ft^elà soeiété. Rien ne sanrrit le relever de *
imVtë ddvoir : la légitimité morale de ses pre8erq>tiea8 et det*
flm; la gpmiéêar et Tédât de ses actes.
LaFnnce, surtout, a toujours dênrosdé à ses gouvememenB'^
rdteaetify des résultats; elfe ne leur a jamds pemm de se -
iraocher dan^ une surrefflance négative; sous tous le» régimes»
tstouies'ie» situations, elle a rondm qu^on agll et pav elle et-
or diérie gouvernement de Robespierre ne fiit pas moins-entre- •
feoaitet uflhiré que celui de Louis XÏV. En vaiv vous diriez i '
wtàikè qtft'ene est malade, que ses passions sont diffidies à sa-"
Eaire, que le gouvernement ne saurait être chargé du bonheur '
• nasses et des individus. Mms alors pourquoi le pouvoir 7 D
rosaire la nature des choses que les problèmes et les difficultés '
«hssocsiéfés offiwnt à résoudre* soient aindessue des forces^
■itiaes ; ce serait nier la b onté de Dieu et la possibilité de l'hia-
SdBs doute il serait plus couriet plus commode de restreindre
eeslîdu des alEanres puMi^aes à régofsme indrnduel, delahser
neret se perdre eeux qui , faute de lumières, sont en train dé -
Toiner, et de laisser mourir ceux qui fie savent coMuent vivre.
is cette manière de gouverner aurait beau s'entourer de formes
lutîtationnellés , eHene pourrait ni vivifier ni' contenir la société.
S8t précisément pour échapper à cet égofsme dti'* pouvoir, que
> Datioas préteiutent un jour se gouverner eHesHOiémes, afin
^«a jour te pouvoir qu'elles auront volontairement délégué n*ait
ntres seucis quelles intérêts généraux.
Vousélonnerez-vous si la société fi*UBçaise est inquiète et tour*
latée? Mais la surprise et le dépit seraient puérite. Vou» avez
ioaté par-dessus tout lesexi^ de la guerre, vous avee aujour*
kai la plëmtude de lapais. Les ardeurs généreuses qui n*ont
B^épaneher au-deliors ont reflué au ceear en s*aigrissant.
Us états libres sont calmes au-dedans quand ils guerroient au-
brs; mais la paix générale les livre toujours aux agitations
iriewes.
^assi>tl est d'utto sage prévoyance d'offNr à la nation, quand
I reste paeifhiQe, les occasions et les moyens de l'activité poli—
^ et iiidustrtele. Des réformes' dans leslt^, des droits poK-^ <
t% nouveaux^ dévastes entreprises commerdalesi agricoles^
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396 REVUE DES DEUX MONDES.
réclat des arts et de Vindustrie, voilà les dédonunagemensquek
système de paix doit livrer à un peuple libre. Une révolution ce«-
porte nécessairement des développemens que la sde&ce poKtiqne
doit satisfaire avec une mesure intelligente; on ne peut fiûre nie
loi aux nations de Vadage du stoïdsnie : Supporte et obtûem-'il
n est remarquable que le gouvernement, depuis que lescoffi-
sions violentes ont expiré , s^oable plus incertain et plus embarr^
dans sa contenance. On dirait qu*il avait besoin des agivitk»s«
des émeutes pour lui donner la réplique et lui fournir son ihèmeJ
a nié ses adversaires, mais il ne s*est pas encore affiméli-
méme*
Si la restauration représentait le triomphe du passé sur ieprésoi
et l'avenir, apparemment on Va renversée pour demander d'autm
satisfactions au gouvernement nouveau. La France n'opposait-*
pas, en 1830, le drapeau tricolore au drapeau blanc, respériKe
de la gloire aux souvenirs de l'invasion, la démocratie à i'arisKh
cratie , Tindépendance philosophique au joug du bigotîsme, rusnr-
pation à la légitimité? Voilà la réalite politique. Quand la maisofl
d'Orléans fut invitée à supplanter la maison de Bourbon , cefiéui
pas pour venger les descendans du régent des mépris de la cour de
Louis XIV ni de Louis XVI, mais pour servir la révolution accoo-
plie; mais pour intimider et maintenir l'Europe. Napoléon a dit a
Sainte-Hélène ; « Si l'on eût dû avoir le spectacle d'une légrûmié
interrompue , je maintiens qu'il était plus avantageux aux rois qw
ce fût par moi, sorti des rangs, que par un prince membre de
leur famille, car des milliers de siècles s'écouleront avant qw la
circonstances accumulées sur ma tète aillent en puiser nn âoire
dans la foule pour reproduire le même spectacle ; tandis qu'il n«*
pas de souverain qui n'ait, à quelques pas de lui , dans son pato.
des cousins, des neveux, des frères, quelques parens propres i
imiter facilement celui qui une fois les aura remplacés.* ^oHi
quelle force l'usurpation donnait à la France contre l'Europe.
Ce n'est pas en imitant ce qu'elle remplace qu'une dynastie do«-
velle peut s'établir solidement sur les ruines de ranciemie;ellei*
saurait trouver la force et la durée qu'en représentant de grand»
idées et de grandes passions nationales. Si Guillaume d'Oraog*
garda le trône d'Angleterre pour lui et ses successeurs, ne rep
sentait-il pas sincèrement le protestantisme contre le caUioli<^
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SIX ANS. 597
La maison de Brandebourg , qui gouverne la Prusse , a pu s'iden-
tifier avec elle, en représentant la réforme religieuse et le génie
nouveau d'une démocratie militaire. La maison d'Orléans ne sau-
rait avoir d'autre rôle et d'autre avenir que de représenter les
principes de la révolution française.
Nous ne traçons ici ni fantaisies, ni chimères ; nous souscrivons
à l'évidence des faits les plus positifs. Les partis et les gouverné-
mens ne se persuaderont-ils jamais qu'ils n'ont de force que par
l'obéissance aux lois nécessaires? Le monde moral n'est pas plus
soumis à nos caprices que le monde physique , et la raison des
choses, quand elle est méconnue, a d'inévitables vengeances.
Veut-on se convaincre du néant de la politique appelée docirî-
natrcy qui s'attache depuis six ans à nous démontrer que la vie est
dans l'immobilité? Si M. Guizot et ses amis eussent réussi, comme
ils le désiraient, à entrer aux affaires avant ou après M. de Marti-
gnac eussent-ils eu d'autres maximes que celles qu'ils développent
aujourd'hui? N'eussent-ils pas gouverné avant 1830 comme après?
Quelle est donc cette politique qui est la même sous la légitimité,
comme sous l'ordre nouveau? Qui se trompe ici ? La France ou quel-
ques hommes? On ne saurait avoir raison contre la raison des
choses, pas plus qu'il n'y a de droit contre le droit. On ne parvien-
dra jamais à faire de l'époque où nous sommes le pléonasme de la
restauration. Pour donner raison à l'école doctrinaire, il faudrait
supprimer les prémisses de 1789 et le corollaire de 1830.
Quand le cabinet du 22 février s'est formé, on ne saurait nier
qu'il n'y eût dans la sphère officielle quelques soupçons des de-
voirs que le temps imposait au pouvoir. On sentait confusément
qu'une révolution devait produire son système, et non pas contre-
foire celui d'une autre époque; on cherchait à quitter la voie des
réactions violentes; on désirait changer un peu, mais sans en
avoir l'air. Le nouveau ministère avait en face de lui la cohorte
doctrinaire, qui lui demandait d'un air menaçant si vraiment il
avait changé. D'un autre côté, les nouveaux alliés de la nouvelle
administration disaient tout haut que leur appui était le prix d'un
changement. Entre ses anciens amis et ses soutiens de la veille^ la
nouvelle administration semblait fort empêchée :
N'étes-Tous pas souris? parlez sans fiction.
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39^ RETUE DES A80X MONDES.
Oui» ; FOUS rétea , ou biea j>.iie.Mi&pas.bel£Ufi^
Pardonnez-moi > dit la.pattvrette , .
Ce n*e$t pas ma profession.
Moi y souris î des méchans vous ont dit ces. nouvelles.
Grâce à l'auteur de l'univers
Je suis oiseau ; voyez mes ail6s.
MaisphiS'lcÉi:
Je^siHA89urift^ vivenl les rats.
A vrai dire, aj]joucd*hai > nous serions embarrassés de décider/
qui a prévalu y de la. souris ou. daToiseam. Nous leur avions oob^
seillé cependant débattre des, ailes,<et de s*élever aa-dessos des
souris.
Cette 'indéeision parlementaire a pu, . versia fia- d'une sessioD,
ne pas compromettre le^nouoistère, et nous égayer mémo par queln
ques effets, plaisans et comiques. Mais aujourd'hut/l*iacertitude
n^est pbi&de Thabileté, et il ne réussit pas toujours de faire le mm
trop longTtemps. Loin de là; le ministère devait se proposer, sitôt
après la clôture des chambres , de se. caractériseir par des actes
dout il eûl assumé sur lui tout Je mérite et toute la responsabilîté.
Qu'attendait le public? des actes de clémence venant chercher
toutes les iifortunes ^ sans distinguer les partis et les couleurs, oor
vrant aussi bien les portes de. Ham /cpie celles de Clairvaux et de
Doulensv. On demandait encore de nouvelles preuves de courage
personnd et de conGance dans le peuple pour rinaugurationécbh
tante d*un monument national. Ufadlait convier Farmée et le peuple
au pied de Farchitecture triomphale^ et metixe au défi Tassassinat
de venir souîlleile testament de nos victoires. N*y a-rtnil donc plus
de grandeur dans les imaginations et dans les âmes ^ et ne sait*oa
plus qu'on n*est an poste du pouvoir que pour oser et agir ?
Au surplus, si les.puissances officidles n*oiii pas paru devant^k
mottiunent nouveau , le peuple Vinaugure tous les jours par sa
présence et sa patriotique curiosité. L'enfant, Tartisau, le soldai,
rétudiant , l'artiste , les fenmies , les familles , y font de fréquens
pèlerinages. Varc sera pour la France un livre d'histoire dont
elle saura l'ensemble, les épisodes, les plus petits détails; elle
en lira plusieurs fois toutes les pages, elle en gardera bonne mé-
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399
moire, et par cette éclatante reconnaissance du passé. Napoléon a
encore préparé Tenthousiasme de Tavenir.
Contrarier les sociétés est toujours funeste aux gouvernemens ;
les abandonner à elles-mêmes n*est pas moins dangereux. On perd
ainsi Tinstinct des sentimens et des intérêts généraux ; on s*égare
dans une société qu*on ne connaît plus, on spécule et on agit à
faux, on est sans avertissement, sans luAiére, et plus tard sans
issue. Non-seulemient, le sdence des ^uplés est la leçon des rois,-
comme a dit Tévêque de Beauvais, ironiquement cité par Mirabeau
dans les premiers jours de la Constituante, mais il leur est aussi
un piège fatal; il y a peur les geuvememens, dans Vapatlne des so-
ciétés, sinon de fa perfidie, du moit» beaucoup de périls ; en poli-
tique, on n*a pas d*ennemi plus redoutable que Tinconnu : et le
danger sera d'autant plus sérieux si le peuple dont vous adminis-
trez les affaires a 1 imagination mobile, la conception vive, Fesprit
net, Tame ardente ; s'il juge avec une justesse rapide tous ceux
qui montent à ses yeux sur la scène , et si par des conversions
mystérieuses et subites il peut passer brusquement soit de rindif-
férence à la colère, soit de raffiëction à l'ironie, ou de la résignation
à la volonté.
Leeminier.^
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DANTE,
PÉTRARQUE ET BOCCACE,
A PROPOS DE L OUYKAGE DE M. ROSSETTI
8CLL0 SPIBITO A!fTIPAPAL8 CHB PR0DU8SB LÀ RIFORMA, B STTLLA SBGRBTA
I5FLUBIIEA CD* BSBRCITÔ HBLLA LBTTBRATURA D* BUROPA , B SPE-
aALMBNTB D'ITAUA, COMB RISCLTA DA MOLTI SUOI CLASSICI,
MASSIMB DA DANTB, PBTRARCA, BOCCACIO (1).
Ce livre méritait de n'être point passé sous silence , ne fût-ce que
pour la singularité de sa destinée. Cest Vœuvre d'un Napolitain,
expatrié à la suite des événemens politiques, qui a trouvé en An-
gleterre, non-seulement un asile, mais un emploi honorable, ayant
été nommé professeur à l'université de Londres. Un livre italien,
sur un sujet qui n'intéresse que l'Italie, publié en Angleterre, est
(1) Le livre de M. RossetU a déjà donné lieu dans la Revue { livraison du 15 (émn
IK^i) à un article piquant de Tun de nos collaborateurs , M. Delécluze. Il nous a semlrfc
qu'il ne saurait être indifférent aux esprits de plus en plus nombreux qu'intéresse Dan(«.
d'avoir à ce svijet Topinion du savant critique M. W. Schlegel , plus sévère d'aiUeurs enrers
M. Rossetti que ne Ta été M. Delécluze.
M. W. Schlegel nous lait espérer qu'il noni adressera bientôt d'autres travaux.
{N, du D.)
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DANTE, PÉTRARQUE BT 60CCACE. 401
comme nn enfont nouveau-né exposé dans un désert : on saurait
difCdlement imaginer un moyen plus sûr pour empêcher qu'il ne
trouvât des lecteurs. Aucun libraire anglais n*a voulu s'en charger.
Les frais de l'impression ont été fournis par un généreux protecteur
auquel l'ouvrage est dédié.
Néanmoins il a été mis à Vindeo'. Ce n'est pas cette sentence qui
nous étonne : la dixième partie de ce qu'il contient, eût suffi pour
la lui attirer. Mais comment la censure romaine a-t-elle été infor-
mée de l'existence de ce livre? On ignore généralement en Italie ce
qui s'imprime au-delà des Alpes ; à peine la France fait-elle excep-
tion, n faut donc que quelques exemplaires se soient glissés furti-
vement ou accidentellement à travers tant de barrières qui s'op-
posent en Italie à l'introduction des livres étrangers, pour peu
qu'ils paraissent suspects.
Parmi les compatriotes de l'auteur, ceux qui ont eu un sort sem-
blable au sien, et qui partagent ses opinions politiques, accueille-
ront peut-être son hypothèse comme une espèce de consolation ;
mais, assurément, elle n'aura point de succès auprès des admi-
rateurs désintéressés de la poésie italienne, qui n'ont aucun motif
pour faire des rapprochemens forcés entre les auteurs du xiv* siè-
cle et des évènemens plus récens.
Qu'il se soit manifesté pendant tout le moyen-âge en diverses
contrées de l'Europe un esprit d'opposition très prononcé, souvent
très hardi, contre les usurpations pontiûcales et la corruption des
mœurs du clergé, c'est un fait si universellement connu, si bien
coastaté, qu'il est superflu de vouloir le prouver de nouveau.
M. Rossetti, dans son premier chapitre, intitulé : Dm Langage ouvert
contre Rome, dit là-dessus des choses qui sont vraies, mais rien
moins que neuves. Dès le second chapitre, dii Langage secret contre
Rome y il commence à développer son hypothèse qui remplit tout le
reste du volume. Il soutient qu'il existait dans les xiv* et xv* siècles
une vaste association secrète, répandue dans toute l'Italie ; qu'elle
se rattachait à la ^ccte des Albigeois ; que son but était le renver-
sement du saint-siége et une réforme radicale dans l'église, telle
que les protestans l'ont opérée dans le xvi'^ siècle ; que les membres
de cette association avaient inventé un langage de convention, par
lequel ils pouvaient se reconnaître et se communiquer leurs pen-
sées, sans que leurs compatriotes non initiés, et surtout sans que
TOME VII. 26
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402 RITDB ISS BEUX HOIflBVS.
les autofilés eeclésiastîqoes s*efi aperçnsseBl; que Daate^ Hum-
iqne et Boccaoe, ainsi qu'une foule d'autres poètes ei nltui^ es
prose, leurs oontemporatas , leurs imitateurs et smtouamxh,
étaient afBUés à cette secte ; enfin que tous leurs ouvrages eatàé
composés dans le but de préparer Vaccomplisseoient des grsids
projets que Fassodation méditait, et qu'Hs sont écrits dans mi
style à double entente, ayant un sens patent et un aeiii njalé-
rieux.
Toili une étrange découverte. Nous croyions jusqu'ici que ces
génies originaux, les patriarches de la littérature itaUenoe, araôent
eu une véritaMe vocation poétique, et qu'inspirés par les nwss,
ils avaient parlé le langage des dieux. Point du tout : M. Rossitii
nous apprend que tout cela, d'un bout à l'autre, n'est qu'im jar-
gon de bohémien.
Mais ce qui est plus étrange encore , c'est de voir la convictioa
inébranlable de M. Rossetti; son zèle pour propager sa chimère;
l'importance qu'il y attache ; sa colère contre ceux qui Tont ooi-
tredit à l'occasion de son Commentaire sur la Divine Comédie; &
le dévouement avec lequel il se prépare (en pleine sécurité de ne
jamais être mis à l'épreuve] à devenir le martyr de ses prephc-
ties apocryphes sur le passé.
M. Rossetti a foit des frais considérables de lecture. ■ a com-
pulsé , toujours dai» le but de trouver la confirmation de sgù hy-
pothèse , non-seulement Dante , Pétrarque et Boccace , mais aussi
€ecco d'Ascoli, Cino da Pistoia, Fraacesco Barberim, Faziotkisli
Uberti, Federigo Frezzi , etc., etc. Il ne se borne pas à cela : 3 a
mêlé l'ordre des templiers , des rose-croix, des francs-maçons,
les visions de Swedenborg , la doctrine exolérique et éeotériqve
des philosophes grecs, les mystères d'Eleusis, et, peu s'enfoat,
les hiéroglyphes des prêtres égyptiens. De la plupart des choses
que nous venons d'énumérer, l'auteur s'est formé une idée toot
aussi fausse cpie de l'ancienne poésie italienne. A cAté de cet éta-
lage d'une érudition indigeste et superficielle , la verbosité, tr^
commune chez les savans de son pays , n'y manque pas non pbs.
Ce lourd volume , d'une impression serrée , est une mosaïque de
citations de toute espèce , d'explications et de notes prolixes , en-
tremêlées de déclamations ampoulées ; le tout formant une ledare
passablement festidieuse.
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DÀlfTE^ pirilAAQOV ET BOCGkCB. 40B'
M. AfMMttlêroii aiKOflr <acc«iirelét les preuves ; ne»» n^ a^ens >
)a»tfoavé*iiiui seule qoî pût sevlqiiir resanen âiime sanie criti*
|ae. Car ea quoi consistent ces prétend lias prewes? ce sont des
)as8ages tortorés poor en tirer un' sen» caché que personne uY a
janaB soupç^miéw 'Atec cette roaniire dlnterpréler, on pouvta
faireidâre à un auteur y owpkitôt Ifti faire indiquer' par énignes^
tontcequeVon voudra.
Les assooiatiotts ont été fréquences dans le moyen-Age y paroe
qo^OB cherchait des garanties particulières au niiKeu de Tanarehie
etiiea vMences du pouvoir qui Croubhôenl altomativenieat For dre
soeial. Jlais ces associations étâent généridemeni pubKques. Ce
siMe flor> fauoc, simple et énergique à Vexcès^ déésigiwét lâ*di»'
siniatien et ne savait pas 6*y prêter.
Les deux fameuses factions politiques qui divisaienl alors toute '
ritslie, et souvent les citoyen» d'une même républicpe^ ne saii-
raictttètre rangées dans la classe des associations puUM|nes« Une:
association suppose toujours des engagemens formels'^ dee s^ath
tuts y un régfane intérieur^ chargé de diriger lesdéMbératton», db '
préparer et d'employer les moyens d^action* Rien de tout ceU:
n'eiistaît chez les-Guelfes et les GibehHs^ Le jiott>do l'empereur el
dapape> était le cri de ralliement pour des hommes qui n»
s*étaient ligués que d'une façon temporaire; et souades«kapeaux;
qoiportaientd^unepart raigtodel'emiKÎrey de-l'autre, lesidésde^*
Saînt^Pierre^ chacun combattait pour sa pt epro indépendateou
saptopre ^amUtiou^.
L'assooiatton aat^apek queM^R^ssettisuppoee^ n^avail'done-
rieadeicoinmutt<«vee les GibeKn»^ puisque, selon lui» eHe<élHl'
dirigée contre l'autorité spirituelle du soufrai» pottttfb/ et qu'il
idefiiifie>ces sectaires aveelesMiigeoistou^VaudoisiCenxHâ^ dàs
le xiie siècle y ont» en effet, trouvé eik Italie quelques « adhérons
qui fiôent appelés Patarins. En 1233, ils fiirent persécutés et livrés
aa supplice dans plusieurs viHes de la Lombardie. Plus tard il n'en
est plus question. Celte tentative était donc antérieure à l'époque^
de la littérature italienne qui ne commence que vers la fin du xin*
siècle. Les Vaudois du Piémont seuls ont pu passer inaperçus dans
leur retraite montueuse, et conserver la simpheité de l'égUae
primitive jmqu'à nos jours» malgré les nouveUes persécutions
qu ils essuyèrent ea IWO et encore en 1655. Leurs colons» en-
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iOk REVUE DES DEUX MONDES.
voyés au fond de la Calabre , eurent un sort plus malheureux. Il
est superflu de f^re remarquer que ces pâtres montagnards n*ont
pu avoir aucune influence sur une littérature qu*ils ignoraient.
Quoi qu'il en soit de la propagation de la secte des Vaudois , de
sa durée ou de son eitinction dans le reste de l'italie; en suppo-
sant même, avec M. Rossetti, que les membres de TassodatioB
secrète eussent absolument les mêmes opinions , il y a une
différence essentielle qui met ceux-ci à une distance inmiensedes
premiers. Les Albigeois et les Vaudois professaient franchement
leurs convictions; en hommes vertueux, ils vivaient selon leur
foi et ils mouraient pour elle. Les associés , au contraire , se ca-
chaient soigneusement , et dissimulaient au point d'observer les
pratiques religieuses qu'ils condamnaient intérieurement, ce que
les Vaudois eussent regardé comme une profanation.
L*association, en effet, a gardé merveilleusement bien son se-
cret, puisque, après tant de siècles, M. Rossetti est le premier aie
découvrir. Elle a pris un excellent moyen pour cela : elle n'a ni a^
ni parlé. Je me trompe : elle a su en même temps se taire et parler;
elle a parlé , bavardé même , d'une manière inintelligible pour
tout le monde, excepté pour les affiliés. Or , ceux-ci n'avaient pas
besoin d'être persuadés , et les autres lisaient sans y entendre ma-
lice. Us croyaient lire des chants amoureux , respirant un senti-
ment pur et idéal, et ils n'apercevaient pas le venin de l'hérésie.
Dans quel but tant de poètes (car aucun de cette époque n'échappe
à la diligence de M. Rossetti) auraient-ils mis leur esprit à la to^
ture pour inventer et mettre en vers tant de déguisemens de la
même thèse ? Car en admettant comme vraies les incroyables inter-
prétations de M. Rossetti , il n'y a rien dans ces passages occultes
qui ait servi à fortifier même une opinion déjà adoptée : ils n'aa-
raient jamais été que des énigmes oiseuses.
On rapporte que le barbier du roi Midas, après que celui-ci em
subi une métamorphose fâcheuse , craignant que son secret ne
rétouffàt, pour se soulager dit à voix basse entre les roseaux d'un
étang : a Le roi MiJas a des oreilles d'âne I » L'association eo
question ressemble fort à ce barbier. Cependant l'issue fut diflë-
rente. Les roseaux grandis et agités par le vent, l'année suivante,
répétèrent les mêmes paroles. Ainsi , le barbier eut la satisfiictiofl
de voir le secret éventé, sans qu'on pût l'accuser d'indiscrétiofi.
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(
DANTE y PÉTRARQUE ET BOCGAGE. 405
Les associés, au contraire, selon M. Rossetti, ont sans cessé mur-
muré entre les dents : o Le pape est Fantechrist I » sans que jamais
aucun écho se soit réveillé qui ait rendu leur doctrine populaire.
M. Rossetti a touIu prévenir une objection qui se présente na-
turellement. Les chefs de Téglise , pendant tout ce temps, ne se sont-
ils pas aperçus qu*on les insultait, et qu'on voulait détruire leur
autorité? Ohl oui, dit-il, ils comprenaient fort bien, mais ils ont
jugé plus prudent de ne pas paraître comprendre. Ainsi tout s'est
passé en politesses : on a ri sous cape des deux côtés , et la nation
seule a été dupe.
En effet, si l'association était telle que M. Rossetti la peint, les
chefs de Véglise auraient eu raison de la mépriser. Un seul homme
de la trempe de Savonarola était plus redoutable que des milliers
d'adversaires aussi puérils et aussi pusillanimes.
L'encouragement des superstitions profitables , le trafic des in-
dulgences, les artifices pour enrichir l'église déjà beaucoup trop
opulente, la corruption des mœurs du clergé, et principalement
de la cour de Rome, l'ambition mondaine, le népotisme et la vie
scandaleuse des papes eux-mêmes , enfin tout ce que les associés
devaient abhorrer , tout cela pendant deux siècles , non-seulement
allait son train ordinaire, mais empirait de plus en plus , sans que
les initiés de la secte aient jamais osé paraître au grand jour, sans
qu'ils aient fait la moindre tentative de rallier les peuples autour
d'eux. Qui peut croire à une association nombreuse, couvrant
l'Italie entière comme d'un réseau , comptant dans ses rangs les
hommes les plus distingués par leurs talens, et qui néanmoins n'au-
rait donné aucun signe de vie, si ce n'est par de misérables quo-
libets?
M. Rossetti attribue à cette association une grande influence
sur la réforme du xvi' siècle. Mais comme il s'arrête en-deçà de
cette époque, nous pouvons nous dispenser de le réfuter d'avance.
n est contraire aux règles de la logique de chercher une cause
éloignée, obscure et plus que douteuse, quand les causes rappro-
chées, manifestes et puissantes, suffisent pour expliquer un évé-
nement. La réforme de Luther a produit un grand retentissement
en Europe. L'Italie n'a pu rester étrangère à cette secousse; mais
elle l'a éprouvée plus tard que d'autres pays voisins de l'Allema-
gne. D'ailleurs, a-t-on jamais ouï dire que les protestans italiens
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406 RvnnrDi!&^ hmx moniAss.
aienl foit dériver iem^ doctrines d'Une ancierniesodécé seerèteT
Leuraorades avoués éiaienf;LHiher; Melanchthoiiv Zuingle, Galthi
et autres réfermateun, av^elefsquels ils étaient en-correspondanœ.
A répoqne même < oiit Fînâuireetion religieuse éclata en AQenoh
gne 'y on était eoaqié>eA Itàlto de tout autre choses Le» beaux-arts
avaient atteint leur apogée; Od'aohevait à Rome le temple le plus
vaste et le plus magnifii^ue quvait jamais été" érigé en Thonnew
d'aucun cultes. Michel-^nge^^t Mptiaél rivalisaient de génie pour
embellir les pompe9>etcélébt«FlëS' triomphes* de l'église romaine.
Personne ne semblait se douter que sa domination fût ébranlée jus^
que dan», les :fondemeii&
Dans plusieurs écriraiM italiens de la première moitié du
xvi' siède (par exempte dam Mâichiavel), il est facile de reconnaî-
tre, à des symptômes mntéquivoques», un esprit bien différent de
celui des réformateocs : un scepticisme universel, accompagné,
comme cela arrive d'ordiiim^e, d'une profonde^ 4ndifHireBee pour
tout ce qui concerne Jar^ioB , que ces auteun neTegardstient
que comme uBrinstrument'pditique.
Tout lemonde sMt qwsiBaiiie et Pétrarque on» signalé sans mé-
nagement la corruplio» dé* la cour>de'Rome et d'Avignon- et les
abus du régime eœlésiastiqu»^ mais personne n'avait encore soup-
çonné qn», même dans'lëur pensée la plus intime-, ils se fiissent
séparés de 1 égKse i catholique, ou qu'ils eu'eussent rejeté les
dogmes. Ce que nous <disone de ces grands hommes n'a palpeur'
but de rétablir leup 'réputation d^orthodoxie-; c'est conme^poètes^
qu'il nocui «poi^e ' «de 4es^ justifiefl»^ et' d'effàcsv 'là* 'flétrissure que
M.' Rossetii tâche d'imprûnep à leerf root.
En parlant de Dante, il s*écrie : ce Assurément, la religion, cette
fille de Dieuv ne sera pas moins saiàle, lorsqu^o'aura démon*-
tré qu'une muse tremblante, afiti de se rendit" invulnérable >
a été engagée par la peur à se couvrir de ses vètemens. d — Que
veulent dire ces phrases contournées y si ce n'est que la peur a
rendu; le poète hypocrite? La miuse de Dante îrenMantel Dites
donc plmftt foiidroyanit! Il a composé son grand poème sous le
poids d'une sentence de mort, bsinni de Florence, d^x>uillé de
son patrimoine, errant d'un asile précaire à l'autre; il l'a pu-
blié de son vivant, quoique ce poème fût de nature à lui at-
tirer Vinimitié de beaucoup d'hommes puissans,* et surtout des
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DANTE 9 PÉTRAftOUE ET BOCCACE. 497
ciîgputaires de réélise. Il regrettait amèrement «a patrie ; il espé-
rait encore que radmirationdue à son poème ferait révoquer les
sentences portées contre lui, et qu'il serait couronné de laurier
dans le même baptistère où il avait été tenu sur les fonts. Néan-
moins, a-t-îl flatté ou seulement ménagé les Florentins? Ne leur
dit-il pas les vérités les plus sévères? Et cette ame si fière qui
grandissait dans l'adversité , cette «ne aa même temps si pieuse ,
si contemplative y aurait profané volontairement par un mensonge
continuel le double sanctuaire de la religion «t de la poésie !
M. Rossetti, pour étayer son système d'amphibologie, rappelle
la nature allégorique et Vobscurité de la Divine Comédie.
L'obscurité de Dante provient de son extrême laconisme, d*un lan-
gage souvent suranné et varié par des licences très fortes, de mille
allusions à des détails Ustoriques et biographiques, aujourd'hui peu
connus, ou entièrement oblitérés; d*une sphère scientifique diffé-
rente de la nôtre, qui se composait de la physique et de la méta-
physique d'Aristote, comme on l'entendait alors, de l'astronomie
de Ptolémée et de la théologie des docteurs de l'église, tels que
saint Thomas d' Aquin et saint Bonaventvre ; quelquefois aussi de
la bizarrerie de cet esprit solitaire qui, en tout, dans les expres-
sions, les métaphores et les comparaisons, évitait les sentiers bat-
tus. Mais il n'y a jamais cette obscurité vague qui naît de la con-
fusion des idées et du style. Quand on a pénétré le sens, on tient
quelque chose de substantiel. Au reste, les passages restés on
devenus inexplicables sont peu nombreux. Ils le seraient moins
encore, si les anciens commentateurs avaient apporté à leur tra-
vail plus de critique. A cet égard les commentateurs modernes ont
ravantage ; mais ils sont moins familiers avec la manière de penser
du poète et de ses contemporains. Dante aspirait à l'universalité du
savoir : pour le juger équitablement, il faut connaître la pauvreté
de ses matériaux, source de ses erreurs.
Le moyen-àge avait un goût dominant pour l'allégorie. Plus
tard on la voit encore figurer dans la peinture , et la poésie dra-
matique a commencé par elle. La personnification d'une idée géné-
rale ou abstraite n'a rien d'équivoque; mais en poésie, malgré sa
clarté, elle est toujours un peu froide. Pour cpi'on croie à la réalité
d'un être idéal, il faut qu'il prenne des traits individuels ; c'est ce
qui est arrivé dans la mythologie. La phipart des divinités de la
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408 REVUE DES DEUX HONDAS.
Grèce étaient primitivement des symboles des puissances natu-
relles ou des facultés de Famé ; mais ce n'étaient pas des persoo-
niGcations inventées exprès par la réflexion ; c'étaient plutôt les
créations spontanées d'une imagination jeune , pour laquelle tout
était animé dans la nature. Ensuite la tradition 6t Thistoire de ces
divinités y et par là les transforma en individus. De même Dante,
dans ses personnifications , a tellement fondu ensemble la partie
idéale et le caractère individuel, qu'il n'est plus possible de les sé-
parer. Le voyageur qui traverse les trois régions où les âmes sé-
journent selon leur état moral est l'homme naturel ; mais c'est aussi
lui, le poète , Dante Alighieri, avec toutes ses particularités bio-
graphiques. Virgile figure la raison non éclairée par la révélations-
mais c'est aussi le poète latin que tout le moyen-âge a vénéré comme
un grand sage. Béatrice représente la science des choses divines;
mais c'est aussi Béatrice Portinari, dont la chaste beauté avait h\t
sur Dante , dès sa première jeunesse , une impression profonde.
Qu'y a-t-il donc de si inconcevable dans cette combinaison? Le
beau est un reflet des perfections divines dans le monde visible, et,
selon la fiction platonique , une admiration pure fait pousser les
ailes dont l'ame a besoin pour s'élever vers les régions célestes.
Quelques allégories spéciales ont été fort débattues, et les com-
mentateurs n'ont pu s'accorder sur leur sens. Cela prouve qu'elles
n'étaient pas heureusement imaginées ; mais on peut les laisser de
côté sans que cela nuise à l'ensemble.
Les visions, à la fin du Purgatoire (chant xxxii), où Dante a em-
prunté des images de l'Apocalypse, se rapportent aux intrigues et
aux querelles de Boniface VIII et de Philippe-le-Bel, et à la trans-
lation du saint-siége à Avignon. Le poète a dû se servir ici de
formes prophétiques, parce que ces évènemens sont postérieurs à
l'époque de son voyage idéal, c'est-à-dire à l'an 1300. Néanmoins
l'allégorie est très claire : tous les commentateurs l'ont comprise.
On peut attribuer à Dante un esprit antipapai dans le sens que
nous venons d'indiquer; mais si on entend par là le rejet d'une
autorité centrale et suprême dans l'église , et le désir de renver-
ser le saint-siége , rien n'était plus éloigné de sa pensée. A cet
égard, le discours prêté à saint Pierre (Parad. xvii) est décisif. La
sainteté de l'institution en elle-même est maintenue, malgré l'hor-
rible dépravation où elle était tombée. Tout ce morceau est su-^
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DANTE, PÉTRARQUE ET BOCCACE. 409
blime. La lumière céleste qui renferme Vame de Tapfttre rougit
d*indignation ; les deux se colorent; c*est une éclipse comme au
moment de la mort du Sauveur, pendant que ces paroles fou-
droyantes se font entendre : « Celui qui , sur la terre , usurpe
ma place, ma place , dis-je, vacante en la présence du flls de
Dieu, a fait de mon cimetière un cloaque de sang et de souil-
lure , de sorte que Tesprit pervers, précipité du haut des cieux , se
complaît là-bas. » Ces vers désignent Boniface VIII. Dans la suite
du discours, TapAtre signale d'avance la conduite criminelle des
premiers papes d* Avignon , Oément Y et Jean XXII , en la faisant
contraster avec la sainteté de ses premiers successeurs , devenu»
martyrs de la foi.
Nous demandons s*il est humainement possible de dire des
choses plus fortes et plus hardies? Certes, ces paroles n*ont pas
retenti seulement en Italie; la cour d'Avignon, où siégeait alors
Jean XXII, a dû en frémir. Le grand homme qui osa parler ainsi,
qu'avait-il à cacher? Est-il croyable que, pour laisser deviner sa
pensée à quelques conGdens , il ait habillé en logogriphes et en
acrostiches ce qu'il avait proclamé avec une voix de tonnerre sur
la place publique?
Le même argument s'applique à Pétrarque. Lui aussi a parlé
sans détour et attaqué de front les pontifes de son temps. Dans
ses lettres, il fait la peinture la plus hideuse de la cour d'Avignon.
Ces lettres, dit M. Rossetti, n'ont été rendues publiques qu'après
sa mort. Comme nous savons que les lettres de Pétrarque étaient
fort admirées et passaient de main en main, cela aurait besoin
d'être prouvé ; mais nous n'insistons pas. M. Rossetti croit avoir
trouvé un grand appui à son hypothèse dans les églogues latines
de Pétrarque, composées à l'imitation de Virgile. Dans la sixième ,
saint Pierre et Clément VI sont mis en scène en costume de pas-
teurs, et sous les noms de Pamphileet de Mition. Dans la septième,
la nymphe Épy, amante du pape, représente la ville d'Avignon. A
cette occasion, M. Rossetti nous donne un échantillon de son éru-
dition grecque : « Epy^ semtradice di Epylogo et Epycuro, indica
quelia città epicarea in rUtretto , in epîlogo, » Nous renvoyons le sa-
vant professeur aux écoliers de collège, les premiers venus, qui au-
ront peut-être la malice de lui faire accroire que son orthographe
est correcte et son étymologie excellente. Ce n'est pourtant pas
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I
une énigme de sphinic : Aipg signifie esent^yA; <rest) cOBànHUoa
voit, Qne allusion a« mte d* Avignon* Dftn^une de^se^ lettres, Pé^
trarque dit : Inmpe horrida tristis sedat AvenniooUni; nunc ponû'*
fÊxmaximus Rbrminm, propttiistdibus ddâêftU, citante, ul or^'tror,
naiurà, capuPorifi^ ef^cêre niiitHr, obHtns Lateranieî Si/t^frt. Cepen-
dant Pétrarque a fait une faute de gtiec, eti ne mettant pas ce mot
au féminin : Aipeiit^, /Epea; mais alors la langue grecque n'était pu
encore accessible à tons : il avait fait de vtiin» efforts pour rap-
prendre.
Je m^étonne cpie M. Rossetti n*ait pas fait metnion de la seconde
églogue qui se rapporte à un événement déji éteigne, à la mort de
l'empereur Henri VII (en 1313), dont le nom [Arrig^) n'est qoe
légèrement altéré en ilr^iM^ afin de lui donner un air classique.
Ici, M. Rossetcl aurait pu surprendre Pétrarque, pour ainsi dire,
en flagrant délit, puisqu'il nous^ apprend qne les sectaires non*
seulement mettaient le nom de cet emperenrenchiffreset en ana-
grammes, ce qui leur était bien loisible, mais qu'ils le déifiaient et
lé mettâfiem à la place de Dieu et du Christ. T) est naturel que les
Gibelins aient déploré la* mort prématurée de tienti Vil; mais de
la part des sectaires cet hommage profane eût été bien gratuit.
L'empereur serait-il par hasard venu< en Italie pour fkîre triompher
la secte sur l'église romaine ?
Le costume pastoral est un^ vt^ile léger et transparent. Si Qé*
ment VI et ses cardinam nV>nt pas su le soulever, U faut les
pilaindre d'avoir eu sr peu de pénétration* Le poète a voulu être
deviné, et il Ta été. On trouve une partie de ces allusions expli-
quée dans rhistoire littéraire dltalie, de Gînguené. .
Mais si Pétrarque, qui* était chanoine et attaché a«Bt deux frères
Colonna, F'évéqne de Lotnbèsev le cardinal , aatn devonr garder
quelques ménagement dans see églogues, il a rejeté loin de loi
toute réserve dàn» les quatre' femeux sonnets (xci, cv, cvi, cnr).
Cfes sonnets admirable» potir U noMe indignation qui les a dictés
et pour leur mAle éloquence, sont de la même force qM le passage
de Dante. La cour pontiScaley est appelée l'avare, l'impie Babykme,
qui a comblé la mesure du courroux divin ; c'est un nid de trahî-
8onS) l'école de l'erreur, le temple de l'hérésie ; elle est asservie i
tous les vices , à l'ivresse^ à la débauche, et BéteéA>dtb assista ea
personne aux; fètea voli^ueuses qui s^y donnent» Le poète an-
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.j|Qnce>jQn..^]46j pyçpphétfque, uae,xat3aiii!M)t^ fui «e iaida |»8
,d*arriyer j)ar.]Q;aQbiÂaie etla déposition 4e ^Foisipapes au oco<lile
do Ginst^ce. Ces lignes oflr^Qt quoique ,obfi€urité;.iiiais cei^s
Tobjet de tant de malé^iotions est 4é^|gné dairement.
Ces sonnets ybidn autrement populaires que des vers latins , ûnt
été publiés du vivant de Pétrarque; ses poésies italienne» é^jit
itangées par ordre chronologique, on peut en «déterminer lépoque
précise.
Pétrarque était dana une position {ijus favorable que Dante : son
immense célébrité lui servait de garantie* U était Toracle des sa-
vans, ridole des admirateurs de .la belle; poésie, le oonfident, Tami
de plusieurs princes, et Forgueil de sa nation. La. vérité, dite cou-
rageusement, a aussi sa puissance : ses sonnets (mt eu «n libre
cours en Italie, et la censure tardive du concile de Trente Q*a pro-
duit aucun e£fet.
Le sujet doit paraître épuisé par x^es quatre somnets : tcMitce
qu'on pourrait ajamter ne serait €|ue redites. Mais M. Eossetti
ne se contente pas de^la^ Quand le poète ^luike de mille joajûères
la beauté, la grâce et la v^rtu de Laure, <)'^t* (toujours le. jargon
des sectaires, et cela s'applique à tous les cto^tres de Tamour. La
Béatrice de Dante est la secte; la Selvaggia de Cino da Pisitoia est
la secte ; |a Laure, de: Pétrarque «st la secte ; la Fiamm^ta de Boo-
cace est la secte ; bref, la secte est la bieiirateée de tout le monde.
Remercions-la , qudque hérétjquQ icpi'eUe f At , d'Avqir servi d^-oc-
casion à tant de beaux vers.
Pour mettre en évidence son bypotibèse, M. Roasetti.a'a pasju
trouver de meilleur moy e«,qu& de Mre^ wpirâeF les fiassages dtés
avec une bigarrure dUtaliq^^ et de, jDs^jiUsciiIes. Il s'attache parti-
culièrement au mot lumière (LUC£) comme à un) des plus suspects.
Nous lui a.urions conseillé de Vencro dorée, pour raiidrepltts sen-
. jsible aux yeux du lecteur l'éelat du gi}a«d mystère. Quelques pen-
lagrammes aussi aur^M^^t été à. propos ; Jès e^csNlremens des obif-
fres de Henry YII> damés p^;29i jet.^8i$^,S(99t qiK^lqHOcGbose
d'approchant.
On perdraitr^i^q^fWP^^ réfuter wdéwilidtepiir^tes «rieurs.
IVousnous bovni^cmsk uneiobservaiMin géoévaie^ La pogésie lyri-
Ipe enitaliea çomp^çé par.laii»it»4^bysk||9aidu aemûMiit» ^t
.piaUiem-WMoiW^ i^eM^mét^phyëquc^j^l^i ViwpMO^fide Téo^e
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412 RETUB DES DEUX MONDES.
scolastique. Les sranetsetles canzoni des plus anciens poètes ita-
liens ne parlent ni aux sens ni à Vame, parce qu'il n'y a ni volnpté
ni passion. Cest un sentiment trop volatilisé pour exciter la sym-
pathie : on peut douter quelquefois qu'il ait eu un objet corporel.
A l'égard de Dante et de Pétrarque, ce doute deviendrait absurde.
Dans les poésies lyriques du premier il y a encore des restes de
l'ancienne subtilité, mais souvent aussi il est l'historien naïf d'é-
motions vraies et profondes, par exemple dans la vision de h
mort de Béatrice, qu'il eut pendant une maladie, Pétrarque a éclipsé
ses devanciers, non-seulement par le charme du style et de la ver-
sification , mais parce qu'il réunit une ardeur passionnée avec la
pureté des sentimens les plus exaltés, et la courtoisie chevale-
resque des troubadours avec la profondeur d'un solitaire contem-
platif.
Passons à Boccace. Cet écrivain a composé un grand nombre d'ou-
vrages dont la plupart ne sont plus que des antiquités littéraires,
quelques-uns même des raretés bibliographiques. D'une part, il
faisait le métier de savant; de l'autre, il cultivait la gaie science du
nouvelliste et du romancier ; et les prétentions du philologue ont
eu souvent une influence nuisible sur les inspirations du poète.
L'on ne saurait nier qu il n'ait quelquefois méconnu sa vocation et
fait fausse route. Versificateur médiocre, il a fait, sans y prendre
garde, une infinité de vers faibles, ce qui n'était plus pardonnable
après Pétrarque. Son ambition, comme prosateur, était de façon-
ner le beau parler toscan aux périodes de Cicéron; dans le genre
descriptif et pathétique, il a rendu son style traînant par l'em-
ploi multiplié des participes et des phrases incidentes, tandis que
rien n'est plus gracieux que son imitation du dialogue familier.
L'ouvrage qui lui a coûté visiblement les plus grands efforts, le Fi-
locopo, est aussi celui dans lequel il a le plus complètement échoué.
Une seule de ses compositions, le Décaméron, a eu un succès po-
pulaire et européen. Boccace a beau en parler comme d'une folie
de sa jeunesse (folie tardive, puisqu'il avait quarante ans lorsque
le Décaméron parut), c'est son titre de gloire. En accordant
qu'une partie des applaudissemens qu'il obtint était due à des at-
traits étrangers à l'art et au talent, en désapprouvant même ces,
attraits, il me semble qu'on peut encore y trouver de quoi justifier
une admiration sans alliage. Mais il ne s'agit pas ici d'appréder
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DANTE, PÉTRARQUE ET BOCGACE. US
le mérite littéraire; noas n'arons qu'à examiner les prétendus in-
dices d*une association secrète.
M. Rossetti s*obstine à vouloir trouver, dans les autres écrits de
Boccace, le jargon d*un sectaire occulte qui n*y est pas, tandis
que dans le Décaméron Vesprit antipapal est à la surface.
Boccace démasque Thypocrisie; il se moque de la superstition,
de la crédulité du vulgaire et de la supercherie des prêtres; il
parle d'un ton goguenard de beaucoup de pratiques de dévotion
prescrites par l'autorité ecclésiastique; il passe en revue le clergé,
tant séculier que monastique, sans oublier aucune classe, depuis
la cour de Rome jusqu'au curé de village; il ne censure pas avec
austérité , comme l'avaient fait Dante et Pétrarque, les infractions
faites au vœu de chasteté : il les peint avec les détails les plus co-
miques.
Les quatre premières nouvelles sont comme une ouverture d'o- .
péra , où le compositeur fait pressentir tous les motifs qui vont se
déployer dans le corps de l'ouvrage. D'abord, nous avons le sieur
Chapelet, grand scélérat, déclaré saint moyennant une fausse
confession. Vient ensuite le juif Abraham et son ami chrétien , un
riche marchand de Paris, qui met tout en œuvre pour le convertir.
L'honnête juif dit qu'avant de prendre une résolution , il veut
visiter la capitale de la chrétienté , projet dont son ami s'efforce
vainement de le détourner. Abraham revient de Rome, et dit, au
grand étonnement du marchand, qui avait déjà désespéré de sa
conversion : or Maintenant je me ferai baptiser ; car une religion
aussi mal gouvernée, qui néanmoins se maintient, doit avoir une
origine surnaturelle. » C'est une apologie ingénieuse du poète , qui
déclare par là qu'en peignant les vices des mauvais ministres de
la religion, il n'a pas voulu porter atteinte au respect qui lui
est dû. La troisième nouvelle est la plus hardie de toutes. Saladin
consulte un sage juif sur le mérite relatif des trois religions qui se
partageaient le monde alors connu ; le juif se tire d'affaire par la
parabole des trois anneaux, dont l'application range sur un pied
d'égalité la loi judaïque, chrétienne et mahométane. Lessing en a
fait usage dans un drame destiné à recommander la tolérance uni-
verselle, et c'est là l'interprétation la plus favorable qu'on puisse
donner de cette parabole. Dans la jsixième nouvelle de cette jour-
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414 ABVDB BES MOX MOMBS.
.a6e,Bocc&oe aitaqae les inquiftitoars domiiiiodAS, tu prigiil jttf
espionnage ^ leurs chicanes et leur vénalité. Ensmle , quelque i^
Tiée que soit la scène de ses contes , il ne donne îamtis a loqg4^
, pit aux prêtres et aux moines. Nous y voyons paraître un
mais simple confesseur, qui, à son insu , fait les messages à
. id*une dame; puis vient le voyage du ricke fermier Ferendo
purgatoire ; le oordelier Albert, idéguisé en ange Gâbriel;le
du frère Ciboule, tout rempli de pélerinagesfiabulenx et de
.bouffonnes, chef-d^œuvre de parodie; et bien d'avtres eoiMes
core qu'il est plus convenable de ne pas indiquer davantage.
On peut blftmer Boccace, non sans raison , de tt'*avoir pas
bornes à sa témérité et à aa, pétulance; mais, «Murémeat, n|
n*était plus éloigné de son oamctère que la réserre et la
lation. Faisant assez bravement la guerre pour son propre
qu*avaic4 besoin de ^se^iîgwer av«c «ne BttÈée de sectaires pot
Irons? Ce joyeux oompagnenéâaiè^l d'humeur à se iniss^ syni-
£er par des marchands de mysCècesiimpénétr^les? L'amour, «t
on amour rien moins qne plaimnapie, rattbiiiond*aEatesr, oii^
rétude de lai littérature daasiqne, léentîl poussait radmiratiwi |»
itfà'À Fidolàtrie, ont occupé 4our i tour sa vie, et ne labsaîeot pôt
':de place pour l'esprit de^seole.
.La converaion de Boccace , dont ses biographes par)»!, l't
rien ide commun Avec la question qui nous occupe. Le chartreo
qui vint le visiter , lorsqu'il avait près de oinquame ans , ne fos-
: ikit pas eonvaincre.de la foi catholique le sectaire, le patarin , Fbé
rétique; il voulait rappeler le mondain à une rie réguBère etaix
, [méditations rdigieuses. Le but élait louable, mais les mojetf
nmptoyés, une prophétie et ruM visionrmiracnlense, foroat dèsq»-
iprouvéspar le sage et pieux Pétrarque. Boocace, quis'étiîK uil
.anoqué dos gens deiMume foi qui croient aux faux nrirades , vé
.nn peii^mérité rjh«miliation:d'en être effrayé à son (tour. L^rffcl
.'Jie parait. |ms> avoir >été durable :. on n'en vaitaucuBetraosibii
ïoes éerila, dont .les pins. importans, id'aBlamrs, sont anténearsi
fCette époque.
Dante et Pétrarqnerétnsent dopmfinds théoiogieos, etentii
.MoannttS4y>ur leis {lar beaucoiq)!de;savatt8 de FégOse oaholkp»;
JBoeeaae^.an «NUmûre^réteîanuiis lait d^étnéos aédensesta <»
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BAIfTB». RÉnUBOm BT BWQUX. 4f5
renie. Cm troii 'éeriraisa ont été appdén souvent lin pvécurseiivff*
le la réfonmtioo; maû cette épîdiète, pfour être juste, a beaonr
Tôtre bien définie*
BanS'Feitfr éprise des réfbrmatsnis du xn^ siècle, il ya denx
jioses parfaîtemement discm^es* D'aiMyrd, ils ne rédainient
{ne rateKtâm des aboset le rétabUssemeol de la discipline ecc^-
»asëq«e. Bs fitrenl poossés à ta coaireTerse par la nécessité de*
le défendre conlre Taccnsation d^hérésta; ils se détennînèreaC
mfin à rejeter la tradition postérieure aux premiers siècles du chrts^
ianisBe, et à s'en tenir nmfpienient au tcile des saintes Ëcri^
iures. Sous le premier point de- rue seulement,. Dante et Pétrav^-
]ue pe«YeBÉ être assimilés aux réformateurs. Si, ensuite, Toa
ïntend par précurseurs ceux qui accélèrent l'époque d'un érène**
[iimit,il serait difficile, pour ne pas dire inipo8s9)le, de prouver
leur influenee. Les cewres laiîaes de Pétrasqi» atyantétéia^prir*
CDées avant la fin du xy^ sièdiB, ont pu étn» consultées par Us
sayans aHemands. Dante, au contraire, fort négMgé à cette époque
3n Italie même, était coni|dètemen* inconnu au^lelâ des Alpes. Le
Décaméiroa a été traduit en plusieurs langues, il a été lu avec avi-
lité pendant le xvi^ siècle, parce que les satires qu'il contient ré^
pondaient à l'opinion populaire.
Les Albigeois, à tous égards, dbiveni être regardés en réalité'
:omme précurseurs de la réformer. Albigeois, Vaudois,, Patarin^
les noms ne sont que des distinctions géographiques; Thistorien
les ya«dQÎ8>, le vénérable payeur £^^, atteste qut ils étaient tousi
le la mêsKicrmununioit» Puisque M. RosBettiaiftmiesiaudacieiBse>>
nent que les trois fondateuns'de la* littérature* italienne étaient*
iesPatarins, U importe de rectifier les notio«» qu^i) donne sur-
;eux^. Les Albigeois ontééé indignement calomniés: c'est rao-^
X)mpagnément' obligé d'une perséontion ii^uste; Leurs ennemis^
iTant réussi à les exterminer; ont pu déflorer leur' doctrine' à^
rdonté; ik* en ont fait des momichéens. Je ne m'étome^ point qne*
es écrivains itaMens depuis Villani<jusqa*à Muratorii asent répété'
e mot d'ordre; mais je vois à regret un historieni protestant (1)
'eproduire une assertion déjà contredite par Bbyle et. bien* d'à»-»
res: auteurs graves. Les livres qm servaient à^l'iantruetion reli^
(1) Sitmondl, Bistoire des répjfb- itaU, UtmM^png^
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41G RETDB DES DEUX MONDES.
gieuse chez les Albigeois onl péri avec eux ; mais ceux des Yaudois
enstent en partie, el cela revient au même. Léger en avait commfh
nique quelques pièces ; M. Raynouard a fait imprimer en entier
la Noble Leçon (de 1100) , comme un des plus anciens monameos
de la langue romane. Ce sont les seuls documens sur lesquels leurs
doctrines doivent être jugées. Bossuet révoquait en doute leur as-
thentidté ou même leur existence. Son objection est vaine : les do-
cumens sont là, tellement authentiques, que les formes du langage
attestent leur haute antiquité. Qu'on lise, qu'on examine : je dé6e
le plus habile inquisiteur d'en extorquer la moindre trace de ma-
nichéisme. C'est la foi chrétienne dans toute sa simplicité primitiTe.
Cependant j'y vois aussi ce qui a attiré aux Vaudois tant de per-
sécutions , entre autres un passage remarquable sur la confessioB
des agonisans, et les dons faits à l'église pro remedio animœ (1). En
traitant de manichéens les Patarins, M. Rossetti n'a fait que répéter
sans examen une vieille erreur ; mais les mystères qu'il leur attri-
bue, et la complicité des poètes avec eux, sont de son inventîOD.
D'autre part, Q confond sans cesse les Gibelins avec ces secutres
supposés, et, pour rendre spécieuse cette combinaison, fl croit
pouvoir tirer un grand parti du traité latin de la Monarchie. D n'est
pas bien sûr que celui qui passe sous le nom de Dante , soit de lui :
mais nous l'acceptons comme tel. La doctrine contenue dans ce
traité n'appartient pas exclusivement à Dante : elle avait été mise
en vogue par les jurisconsultes; elle était si peu secrète, que les
professeurs de Bologne l'enseignaient publiquement en chaire.
L'empereur est le pendant du pape : au premier appartient la s^
prématie sur le temporel, comme au pape sur le spirituel. Tons
les états de la chrétienté relèvent de l'empereur ; les rois, au Keu de
vider leurs querelles par les armes, doivent les porter i son tri-
bunal, etc. Cette théorie doit paraître absurde aujourd'hui, parce
qu'elle attribue au chef électif de la nation germanique, considéré
comme le vrai successeur des anciens empereurs romains, des droits
qui ne sont pas fondés dans l'histoire, et que, d'ailleurs, il n'avait pas
la puissance de faire valoir et accepter. Mais dans un temps où les
papes s'arrogeaient le droit de déposer les rois, et de disposer des
royaumes, c'était l'unique moyen d'opposition , d'une opposition,
(1) Raynouard, Trota>ad<mrSt tom. II, pag. 94-96.
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BAIfTE^ PÉTRAKQDE ET BOCGACE. 417
notez-le bien, toute politique, et Dullement religieuse. Dante dit
à la fin du traité : cr Je ne soutiens pas que l'empereur soit en tout
indépendant du pontife romain; César doit à saint Pierre la même
vénération qu'un fils aîné doit à son père, d M. Rossetti s'est bien
gardé de citer ce passage; il y a de quoi ruiner son système de
fond en comble.
Selon lui, Dante a dévoilé son dessein profane dans les deux
premiers vers d'une épitaphe latine. Voici le corps du délit :
Jura monarchiœ, snperos, Phlegethonta , lacusque
Luslrando cecini , voluerunt fata quoasquc.
Des lecteurs trop confians n'y verront d'abord qu'une énumé-
ratiôn des œuvres de Dante, de l'opuscule en question, et des
trois parties de la Divine Comédie. Mais notre subtil interprète dé-
montre que Dante a composé son grand poème uniquement dans
le but de faire ressortir les droits de la monarchie ; ensuite, les
droits de la monarchie ^ cela signifie le triomphe de la secte, le ren-
versement du saint^iége, et je ne sais quels autres mystères d'ini-
quité, n faudrait, ayant tout, s'assurer que ces détestables hexamè-
tres, rimes dans le goût monacal et pleins d'expressions louches,
sont de la main de Dante, ce que je nie positivement. Je pourrais
appuyer ma négation de preuves très fortes, si je ne craignais pas
d'avoir épuisé la patience du lecteur.
A cette occasion, trouvant inconcevable que tout le monde ait
entendu la Divine Comédie autrement que lui, M. Rossetti s'écrie :
«Quel est donc ce charme, ce talisman? Et à présent, le charme
est-D rompu? Le talisman est-il brisé? Il a duré, il dure et il du-
rera toujours ; et celui qui a perdu son temps à écrire ces pages,
ou ne sera pas lu , ou sera regardé comme un fanatique , qui voit
ce qui n'existe nulle part ailleurs que dans son cerveau démonté,
et prend ses fausses idées pour des argumens et des raisons, d
C'est un triste pronostic que l'auteur se fait à lui-même : nou^
n'avons garde de le contredire. Oui, cela est déjà arrivé, cela
arrive en ce moment, et cela pourra parfois arriver encore. Bien-
tôt l'oubli lui accordera une trêve indéfinie; son livre sera relégué
dans quelques bibliothèques à côté des Goropius Becanus et de»
Olaûs Rudbeckius. — M. Rossetti continue : « Peut-être même
Tanteur sera détesté comme un impie, ennemi de l'église catholi-
TOME VII. 27
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416 MTVE •Ht WUn «OK
^^h» IHwtref éctinios.» Gala fowrait Mrtvwt — li , «oKwta
l'on «sait envers lin de reprée»Bct,€a«e tmwÊft mtiêuc&mymé
«es déelaralioM expresses. Mais eela ne wms vegarie plan : mm
B*a¥<NM écrire <ja*k rinstorien «ans âifsenieinent,^ aa ittéit-
teur dépourvu du sentiment de la poésie. Une tteraa ^m^bm
{Fûreign Beview)^ en pariant da oenmeaiaiM sur la Borne ComUk,
a employé des formes plus aoer'bes; nons m'avons pas voohifni-
cbir les bornes de la critique littéraire. Après avoir rempli cette
tftcbe pénible, hfttons-nous de rafraîchir notre imagination et de
reposer nos yeux de tant d*anagrammes, en contemplant les des-
atasspirkmk et presque aériens de VÛMUeflaxaun 7 ce que
«eus coBseiSona aussi au leetenr.
à.W.I
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DES BARDES
CHEZ LES GAULOIS
€t r^ Iro mttt» Xlatxom €tiîxqntf$.
Les bardes gaulois n'ont laissé qu'on nom tagoement célébra ,
mais poini de monumens. Les bardes chantaient dans nos forêts
comme les bomérides sur les rives de laGréceetde Tlonie; mais
leurs chants sont morts avec la nationalité gauloise, Tépée romaine
a coupé les vieilles forêts et moissonné la vieille poésie de k Gaide,
Si l'Asie eût conqms la Grèce ^ aurions-nous les chants d*Homère?
Dénués de monumens, séduits à quelques indications éparses
dans les auteurs grecs et latins, tâchons de suppléer à ce qui
nous manque, de compléter ce qui nous a été laissé.
Nous avons deux moyens de nous foire une idée de cette poésie
gauloise, maintenant perdue :
Rapprocher et comparer soigneusement les passages dans les-
quels les auteurs anciens font mention de nos bardes;
Étudier l'institution des bardes chez d'autres nations d'origine
eeltiiiQe, au sem desquelles cette institution s'est oonservée ^ob^
koff-temps que dans la Gaule*
27.
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490 REVUE DES DEUX MONDES.
On sait que les Gallois, reste des anciens Bretons d* Angleterre,
les Irlandais, les montagnards d*Ëcosse, ouGaêls, sont de race
et de langae celtiques, comme Tétaient les anciens Gaulois. Os
trois peuples ont eu des bardes jusqu'à une époque récente. Nous
examinerons ce qu'ont été ces bardes.
Enfin nous chercherons si Finstitution et la poésie des bardes
ont laissé quelque empreinte sur notre littérature ou quelque ves-
tige dans notre pays.
Bien que les anciens nous apprennent peu de chose sur la poésie
des bardes, ils nous en disent assez pour nous révéler trois genres
distincts dans cette poésie :
La poésie sacerdotale;
La poésie guerrière;
La poésie satirique.
Les bardes étaient avec les druides dans un rapport trop
étroit pour rester étrangers à la poésie mythique , par laqudle
ceux-ci transmettaient leurs enseignemens. Strabon indique ce
rapport des bardes avec les druides, en ces termes : « les trois clas-
ses les plus honorées de la nation gauloise, sont les bardes, les
druides et les devins, d En plaçant ainsi les bardes auprès des drui-
des, Strabon montre assez que là, comme partout ailleurs, h
poésie à son origine a été associée à la religion.
Remarquons aussi le rapport des bardes aux devins ou prophè-
tes ; le caractère prophétique est un caractère essentiel de la poé-
sie des bardes sur lequel nous reviendrons.
Outre les bardes classés par Strabon avec les druides et les
devins, il y avait chez les Gaulois des bardes guerriers; outre
cette poésie sacerdotale, il y avait une poésie belliqueuse. Cest
ce qu'attestent Elien, Ammien Marcellin, Festus et cette belle
apostrophe de Lucain : a 0 vous qui envoyez à Timmort^ité les
noms et les âmes de ceux qui sont morts vaillamment, bardes,
vous avez fait entendre des chants nombreux. »
Le mot nombreux (plurima) prouve qu'à la connaissance de
Lucain, cette portion martiale de la poésie des bardes était cod-
sidérable.
Lucain est loin de traiter les chants des bardes avec ce mépris
dont les Romains étaient prodigues pour tout ce qui venait des
peuples barbares. Le Celtibère Lucain parait avoir eu une certaine
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LES BAIUDES. 421
sympathie pour la poésie gauloise; les traditions druidiques ne lui '
étaient pas entièrement étrangères, et il semble s*en être une fois
inspiré dans sa description de la forêt de Marseille (1).
<r C'était un bois sacré (2) inviolé depuis des siècles ; des rameaux
entrelacés enveloppaient Tair ténébreux et les froides ombres de
ces profondeurs sans soleil. Les Pans agrestes, les Sylvains rois
des forêts, les nymphes, n'habitaient pas ce lieu. Il était consacré
à des dieux et à des rites barbares ; des autels s'y élevaient pour
d'effroyables holocaustes; chaque arbre avait été lavé de sang
humain. Là, si l'antiquité qui vit les dieux mérite quelque créance,
les oiseaux craignent de se poser sur les rameaux, les bêtes sau-
vages de se coucher dans les fourrés ; jamais le vent ne descendit
sur ces forêts, ni la foudre que secouent les noires nuées; les ar-
bres immobiles et muets recèlent une horreur étrange ; une eau
noire ruisselle de mille fontaines ; des troncs informes et taQlés
sans arts sont les tristes simulacres des dieux; leur difformité
même, et la pâleur du bois pourri, épouvantent; on redoute ces
dieux dont les figures sont inconnues; on tremble devant eux,
d'autant plus qu'on les ignore.
<r La tradition raconte que souvent la terre s'ébranle et les
profondes cavernes mugissent; que les ifs se prosternent et se
relèvent soudain; que la forêt, sans se consumer, resplendit des
lueurs d'une incendie ; que des dragons se glissent à l'entour des
rameaux qu'ils embrassent. La religion de ces peuples n'ose ap-
procher de ce bois ; ils l'ont cédé àleurs divinités. Lorsque Phœbus
est au somment de sa course, ou que la sombre nuit remplit le ciel ,
le prêtre lui-même pénètre en tremblant sous ces ombrages : il a
peur d'y rencontrer son dieu. »
Plusieurs traits de cette description ont un caractère lugubre et
fantastique, inconnu à la poésie romaine. On y reconnaît un génie
plus sombre, plus barbare, et quelques traits qui semblent em-
pruntés aux superstitions gauloises. C'est un écho de la poésie
druidique dans l'imagination de Lucain.
Revenons à nos bardes.
Les bardes ne composaient pas seulement des hymnes religieux
(1)Liv.III,v.S08.
(S) Une forfit druidique.
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4SBL RETUE DBg MUr MONDES.
eldes hymnes guerriers, ilscomposaieAt ansndescbantssatîfiqiQes.
Bîodore de Sicile dît posilivemeiit qu'ils louent les uns et raiDett
les autres. L'épigranune est aussi ancienne qpie le panégyrique; à
toutes les époques, il y ala poésie qui raille en face de la poéae
qui loue. Momus figure, dans TOlympe antique , et Loki, dans
rCMympe Scandinave ; le même siècle vit naître Vlliade et le Mar-
gîtes. Lea chanta exaltés dea troubadours furent contemponioa
des sirvenles moqueurs.
Mais rien ne correspond phis exactement aux trois genres de la
poésie gauloise que les trois sortes de poésie dont les scaldes de
la Scandinavie fournissent des exemples.
En effet, TEdda contient des poésies mythologiques et cosbo-
goniques, dont les auteurs furent ou des scaldes préires ou des
scaldes affiliés aux prêtres delà nation, écrivant sous une inflnenoe
religieuse et sacerdotale. On possède en outre des chants nomr
brewx de scaldes guerriers ; ces chants sont analogues aux diaots
belliqueux mentionnés par Lucain. Enfin, les sagas scandinafss
renferment une foule de chants satiriques ; ceux-ci ont même vm
nom particulier (nidungr visu).
IVaprès cette corrélation de divers genresdelapoésie des bardes
avec ceux que présente la poésie des scaldes, on peut, jusqu'à un
certain point , se former une idée des m onumens de la pr^nièie
qui ont péri , par les monumens de la seco nde qui subsistent.
On est d'autant plus autorisé à faire ce rapprochement yqn*on
trouve chez des bardes gallois du n^ siècle certaines images qoi
semblent empruntées aux scaldes»
Le barde Aneurim a composé un chant oà se trouvent œs
mots (1) : c( n a rassasié les aigles noirs , il a appcêté ua festin aux
oiseaux de proie. » N'est-ce pas le refrain favorldes scaldes» qne le
chantre des Maruprs a éloquemment rappelé dans le bardit de son
admirable bataille des Francs? N'esvce pas comme si on entendait
Ragnar-Lodbrok s'écrier au milieu des serpens auxqiaels on l'a
livré, a Nous avons apprêté un festin abondant aux corbeaux^
nous avons rassasié les oiseaux de proie. » Le barde ajouta : • La
chair était préparée pour les loups plutAt que pour le banqoet
nuptial. » N'estoe pas cette étrange association d'images de saogeC
(i) Byan, Some ^^edmem ofihepoetr^ ofthe tmOent Wdth bardi^n^ Tê^VL
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LBS BARDES. VB
de volupté qui faisait dire à Ragnar : or Quand j'étais au mifieu des
lances, fëproutais une aussi grande joie que ^i j'arais serré daAs
mes bras une jeune ffHe édatante de beauté? » Le barde et lescaMe
ne tiennent-ils pas ici le même langage ?
Yoîlà pour la ressemblance ; quant aux déférences de caractère
qui distinguent la poésie germanique de la poésie celtique , on les
appréciera par les fragmens que je citerai de cette dernière.
n paraît qu'il arriva aux bardes gaulois ce qui arrive en général
' aux organes de la poésie primitive ; ils déchurent de la situation
élevée qu'ils occupaient d*abord à c6té des druides ; ils tombèrent
dans une position inférieure et précaire, dans la dépendance et sous
le patronage des chefs des tribus gauloises. Cette situation sodide
est d'autant plus à remarquer , qu'elle se reproduit avec des ana-
logies frappantes partout ob les bardes ont subsisté : dans le pays
de Galles , en Irlande et en Ecosse.
tJne anecdote, rapportée par Athénée, d'après Possidonius^
qui visita la Gaule , montre ce que cette relation des bardes et des
chefs gaulois était devenue environ cinquante ans avant la con-
quête de César.
A cette époque , c*était l'usage parmi les chefs gaulois de ras-
sembler dans les festins un grand nombre de bardes , et la muni-
ficence à leur égard était une vertu que leurs louanges, comme
on va le voir, ne manquaient pas d'exalter. Luerius ou Luermus,
roi des Arvernes, passait pour le plus magnifique des rois de la
Gaule; n était la providence des bardes et leur héros. crfJn jour, dit
Possidonius , qu'il avait donné un grand repas , un certain poète
barbare, s'étant attardé, trouva Luerius qui partait; alors allant i
la rencontre de Luerius avec des chants, il se mit à exalter le
tnérite du chef et à déplorer son propre retard. Luerius charmé
demanda une bourse d'or et la jeta au poète, tandis qu'A cou-
rsât à côté du char. Le poète, l'ayant ramassée, recommença ses
hymnes, disant : <r Les vestiges de ton char sur la terre font ger-
mer l'or et les bienfaits. »
L'attitude du barde, courant auprès des roues du diar, à peu
près comme les mendRans qui suivent en chantant ime chaise de
poste à la montée , et remerciant par des louanges outrées de la
iHHirse qu'on a bien voulu lui jeter ; cette attitude n'offire rien de
fort élevé ; on y sent la dégradation où étaient déjà tombés , si
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&S4 REVUE DES DEUX MONDES.
ce n*est tous les bardes, au moins un certain nombre d*entre eux;
ces bardes, dont remploi primitif était d'enseigner la puissance
des dieux , de donner Timmortalité aux braves, ou de prophétiser
Tavenir.
Possidonius dit encore : a Quand les chefs vont en guerre, ils
mènent avec eux une suite de gens qu*on appelle parasites. Ces
gens, qui mangent à la table de leur patron, chantent ses louanges,
non-seulement au peuple qui se rassemble autour d*eux, mais en-
core à tous ceux qui veulent bien les entendre en particulier. >
Voilà une véritable dépendance personnelle, une sorte de domes-
ticité, de vassalité, à laquelle sont réduits ces bardes attachés à la
personne du chef.
On voit donc que les chefs gaulois avaient des bardes attachés
à leur personne, les suivant partout, enflammant leur valeur
pendant le combat, et la célébrant après.
Cest ainsi que les rois Scandinaves avaient leurs scaldes atti-
trés. Saint-Olaf en plaça quatre autour de lui avant la bataille
de Sticlarstadt, afin, leur dit-ir, qu'ils vissent de près ce qu ils au-
raient à chanter. Il en était de même des rois de la Grèce dans les
temps héroïques. Âgamemnon laissa son poète auprès de Qytem-
nestre, et ce ne fut qu'après avoir tué le chantre divin qu'Égiste
parvint à séduire la reine d'Argos. Il était le poète d'Ulysse, ce
Phémius que les prétendans forçaient à chanter dans leurs festins
insolens, et, qui, au souvenir de son maitre, interrompait ses chants
par des larmes. Enfin, le barde avait une place déterminée, et pour
ainsi dire un rang officiel dans la hiérarchie domestique de la petite
cour des rois du pays de Galles et d'Irlande.
C'est aux bardes de ces deux pays et à ceux de l'Ecosse que
nous allons nous adresser pour compléter les données insuffi-
santes que les anciens nous ont laissées sur les bardes gaulois.
Nous commencerons parcelle de ces contrées qui est la plus voi-
sine de notre patrie, par le pays de Galles ou Cambrie. C'est là
que le bardisme s*est le mieux développé, s'est le plus complète-
ment organisé, et s'est conservé le plus long-temps.
On trouve le bardisme établi de temps immémorial dans h
Grande-Bretagne. Selon les traditions galloises, l'inventeur du
chant, de la musique, est aussi le fondateur du bardisme; c'est un
])ersonnage purement mythologique, père de la muse , et nommé
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LES BARDES. 42$
Tydaîn, qui pourrait bien être le Teutatès, le Mercure gaulois, îik
yenteur des arts (1]. H est associé dans cette circonstance à Hurle-
Fort, qui paraît être le même qu'Hésus, le Mars gaulois. Ainsi,
rinstitution des bardes, dans le pays de Galles, se rattache parles
traditions de son origine à la mythologie celtique.
Un rapport singulier des bardes gallois avec les druides , c*est
le caractère paciflque inhérent à la condition de barde. Les drui-
des , semblables en cela au clergé catholique , étaient dispensés
de prendre part à la guerre, et dans le principe les bardes gallois
étaient entièrement étrangers aux armes , à tel point que par le
fait même de la guerre on abjurait la dignité de barde. Le bar-
disme, comme Féglise, avait horreur du sang ; noble pudeur du
meurtre bienséante à la poésie et à la religion.
Les triades galloises fournissent des preuves de ce fait curieux :
les triades sont des collections de noms propres et de souvenirs,
la plupart fort anciens, groupés trois par trois ; parmi ces triades
il y a celle des trois plus grands traîtres , des trois plus célèbres
amans, des trois femmes les plus belles ; il y a aussi les triades des
trois guerriers qui se sont faits bardes, et celle des trois bardes
qui ont abjuré la condition de barde pour se faire guerriers.
Tel était Tétat primitif du bardisme gallois; mais bientôt, par la
force des choses , la guerre entra dans cette institution héritière
de l'esprit pacifique des druides. Le barde Aneurim, dont je par^
lais tout à rheure, était si peu étranger à la guerre, qu'il nous
:apprend lui-même dans son chant sur la fatale bataille de Cattraeth,
comment il a survécu presque seul à tous ses compagnons; Merlin
«t Taliessin aussi étaient guerriers.
Le VI* siècle fut Tâge d*or des bardes gallois; ce fut la dernière
époque de glorieuse résistance contre Tinvasion saxonne pour la
nation cambrienne et pour les Bretons du Nord, qui sont aussi
célébrés par les bardes. On a les poésies authentiques de plusieurs
bardes de ce temps (2). Les plus célèbres sont : Aneurim, Lly-
warch, Taliessin et Merlin (3).
(1) Owen, Cambrian Biography, 334.
(9) L'anUienticité de ces poésies a été mise à Tabri de tonte oitfeetibn par TexceUente
disserUilon qne M. Sharon Torner a placée dans le troisième volnme de son Histoire tUs
4nglO'Saxoru,
(3) Merlin ou Mxrddhin. La tradition loi attrU)ae Téreetion dn monnment gigantesque
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483 REVUE DE$ DEUX 110m>ES.
Pe^c vié^ qi4 çemble^t draidûmes ce rencontrent dans la poésie
de. c^ hard)Q9^ tout chrétiens q^'iU sont. Tel)^ ^t la croyance à la
ni6t^psy<^3^» croy^ce gauloisAy et sous ce rapport ils sont les
djefoiers rqyréçeutau^ de Tautique alliance des druides et des
bardes.
Ces restes de druidisme conservés che% les bardes gallois ex-
pliquent rauîmosité réciproque de ces bardes et du clergé chré-
lj/eiD. Saint Gildas, le Salvien de F Angleterre, qui a écrit un petit
l^vre pleia d'une éloquence barbare sur la ruine de la Bretagne,
I^ile avec colère et mépris de ceux qui préfèrent les accords des
chantres profanes aux saintes mélodies de Téglise. En revanche,,
Taliessin expirime sou dédain, pour Tignorance des moines dans
des vers qui semblent faire allusion à sa vieille science druidique.
« Ita ne savent pa3> dit-il , ce qui distingue le crépuscule de Tau-
rore; ils ne connaissent pas la direction du vent, la cause des agi-
tations de lair. a Taliessin cependant conclut chrétiennement : « Qae
la Christ 9oit mou partage 1 x> Merlin disait : a Je ne veux pas re-
cevoir les. sacremena de ces odieux moines en robe noire; que
IKeu m*adi|i|iniatre lui-même les sacremens. »
Tons deux détestent les moiaes et acceptent le christianisme;
Merlin semble Taccepter philosophiquement.
Ces sorties autHUonacales ont dû contribuer à faire de Mer-
lin un sorcier, mais sa gloire de poète eût sufQ pour lui donner
aa renonunée d'enchanteui:* Ainai Virgile à Naples est un magi-
cien; dans Torigine, entre les euchAutemens de la magie et les
epchantemens de la lyre., il exist^i^ une parenté qu'attestent les
affinités du langage. On sait qu'en latin camien signifie à la fois
un charme et un chant. Le^ langues du nord offrent de seipblables
analogies ( rimor, Uoih ) ; la tradition populaire a conservé poor
Merlin et pour Virgile le souvenir de cette association primitive de
ridée du magicien et de l'idée du poète.
n y eut quelque chose de plus dans la métamorphose qui Ot da
barde gallois un devin, un prophète, l'auteur enfin des prédictioDS
qui ont rendu au moyen-àge le nom de Merlin si célèbre. Après
deatone-Eng^. AyMlitu^ ipB noT^^ f^/P iw^arde, il derint fou d« douleur, et se réfegia
dans une forte, I^i, apoRABOU M«. pçf^^.d^jn» l^ Intervalles de son délire. Qnelq«efDls
on distingue deux Merlin ; mais Je crois qu*il n*a existé qu*un seul personnaae de ce mm*
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CBS BARDES. tt7
les désastres éa règne fl'Anhar qui apportèrent les Saxons aa
cttardela Cambrie, et décidèrent la question entre les anciens
possesseurs du sol "breton et les noaveanx conqnérans,gennains,
3 resta dans le petit pays cambrien, une foi opiniâtre à la résur-
rection future de la nationdité bretonne et une invincible espé-
rance. Les bardes se firent les apôtres de cette foi, les prophètes
de cette espérance; diSjà autrefois les druides, dans la révolte du
41arilois Tindex, mSlaient à leurs exhortations belliqueuses la pré-
diction de TafFranchissement de la Gaule et de la chute derem*
fBre romain; de même les bardes cambriens transmirent de siècle
^en «iècle dans leurs chants des prophéties patriotiques, inspirées
par cette afttente indomptée qu'elles nourrissaient.
Jamais poètes ne furent plus complètement identifiés aux sen-
timens populaires que les bardes cambriens. lamais poésie ne fiât
fSusprofondément nationalequelaleur. Les habitudes prophétiques
que la poésie des anciens bardes gaulois pouvait devoir à leur com-
merce avec les devins et les druides furent ravivées par la situation
politique d'un peuple qui ne vivait que dansravenir. Les bardes se
-refirent devins pour prédire cet avenir» pour annoncer le retour
d*Arthur qui devait reparaftre et affranchir son pays. Les bardes
4nrent prophètes à la manière des prophètes juifs , annonçant de
même un sauveur, un Messie, un libérateur de la nation opprimée.
De là vint la grande célébrité de Merlin , dont le souvenir se liait
avec celui d* Arthur; de là les prédictions mises sous son nom à
diverses époques, et qui étaient des vœux d'indépendance ou des
menaces d'insurrection.
Merlin lui-même avait dit : « Les Cambriens seront triomphans,
leur chef sera illustre; chacun aura son droit, les Bretons seront
4ans la joie (1)« b
DèsB30, un barde annonçant que le pays serait sauvé quand
Fennemi viendrait dans ses entrailles, disait : a C'est Merfinquil'a
prèditi »Toici avec quelle énergie ce barde prophétisait la ruine des
Saxons et la renaissance de la nationalité bretonne.
« Le chant prophétique le déclare : le jour arrivera où les hommes
deCambrie s'assembleront unanimes danS leur résofcilion, avec
ma seul dessein, un seul cœur. Alors l'étranger s'éloignera; alors
(Ij AffeUinau de Merlin, cité pu Sh. Torner. aistofànglo-SaxoM, U ID, p. 38lw
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428 REVUE DES DEUX MONDES.
le païen sera mis en fuite ; et je le sais certainement, le succès nous
attend, quelle que soit la chance du con^>at. Que le Cambrien se
précipite comme Fours des montagnes pour venger le meurtre de
ses ancêtres, que tous serrent en faisceau les pointes de leurs lao-
ces, que chacun oublie de protéger le corps de son ami, qu'As
multiplient les crânes vides de cervelles des nobles Germains,
qu'ils multiplient les femmes veuves et les coursiers sans cavaliers,
qu'ils multiplient les corbeaux avides devant les pas des guerriers
vaiUans (!}. »
Au X' siècle, le roi Uoel-le-Bon voulut réorganiser TandenDe
existence cambrienne. Dans ce but , il forma des coutumes du pays
un corps de législation que nous possédons encore ; les bardes
tiennent une place assez considérable dans cette législation. On
peut tirer des chapitres qui les concernent quelques traits naîB
et piquans (2). D'abord la loi interdit au barde de s'occuper
d'autre chose que de son art. Est-ce par respect pour cet art,
ou par tout autre motif? Les bardes font là, comme chez les
Gaulois, partie de la petite cour des chefs, ils y occupent un rang
distingué. Il y a quatorze personnes qui ont le droit de s*asseoir i
la table du chef, et parmi elles sont deux bardes, le barde do-
mestique, dont la situation est assez semblable , mais cependant
supérieure à celle des bardes parasites attachés aux chefs gaulois,
et le barde de la chaise, le barde à qui appartient le droit de la
chaise; sorte de barde lauréat, chef des bardes, conune il y eut
depuis le roi des ménestrels. La condition de barde domestique
n'est point mauvaise dans la législation d'Hoel. « Il possédera une
terre libre, le roi lui donnera un vêtement de laine, et la reine un
vêtement de lin. Aux trois fêtes principales, il sera assis auprès
du préfet du palais , qui lui présentera la harpe ( étiquette ho-
norable pour le barde domestique ). Quand des chants seront de-
mandés, le barde à qui appartient le droit de la chaise chantera
d'abord les louanges de Dieu, puis celles du roi dans le palais
duquel il se trouvera, et si ce roi n'est pas là pour être célébré,
les louanges d'un autre roi: d droit de priorité, assez naturd,
que le roi prélevait sur la louange de son barde, a Après que le
{!} Cambrian Regiêter, 1796, p. san
(S) Leges WalUas eccle9M9tic« et civiles Hoelii boni, Londres, 1730, pae« SB»
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LES BARDES. 429
barde de la chaise aara chanté, le barde domestique chantera un
troisième chant, différent des deux premiers. Quand la reine voudra
entendre un chant, le barde domestique sera tenu de lui en chan-
ter un à son choix , mais à voix basse , à Toreille, pour que la cour
n*en soit pas troublée. » On avait pris de prudentes précautions
contre l'incommodité d'un chant trop prolongé ou trop bruyant.
Quant aux appointemens du barde royal , les voici :
a Quand le barde royal ira piller avec les serviteurs du roi, s*il
chante devant eux, il aura le meilleur taureau du butin , et au jour
du combat, il chantera devant eux la monarchie bretonne ; d — c'est,
de siècle en siècle, le sujet perpétuel des chants du barde ; -^ a le
roi lui donnera un damier d'ivoire, et la reine un anneau d'or; »
d'après une autre version , a une harpe; et il ne la cédera ni,^rft>
tis, ni pour de l'argent à personne.
cr n conduira chez le roi un homme qui fera injure à un autre ,
et tout homme qui aura besoin d'appui, a Belles fonctions du barde,
qui tiennent à son affinité primitive avec le druide arbitre des dif-
ferends, et se rattachent à ce caractère pacifique et pacificateur,
qui interdisait la guerre à ceux dont la mission était le chant.
cr Si le barde demande quelque chose du roi, qu'il chante un
chant; si d'un homme noble, qu'il chante trois chants; si d'un plé-
béien, qu'il chante jusqu'à la nuit, d
Singulière disposition I la loi veut-elle faire entendre par li que
le barde n'est pas seulement l'homme du prince, que le poète ap-
partient à tout le peuple?
Ce qui détermine, avec le plus de précision, l'importance per-
sonnelle du barde, c'est la valeur de l'amende que l'on paie pour
le mal qu'on lui fait.
<( Une injure faite au barde domestique est évaluée six vaches et
cent vingt deniers ; son meurtre est estimé cent vingt^ix vaches. »
C'est fort cher, d'après lo^ tarif de la loi galloise. C'est le prix de
quelques personnages assez importans, et aussi, il faut l'avouer,
de quelques-uns qui ne le sont guère. C'est le prix du préfet de la
vénerie, du juge domestique, du préfet de l'écurie, de celui qui
prépare l'hydromel, du médecin, de l'échanson enfin du cuisi^
nier de la reine.
Les lois germaniques contenaient des dispositions analogues. La
ioi des Ripuaires dit : « Que celui qui blesse la main du harp oc
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499 RBTUE un 1»BI7X VOIIBES.
"pafeiifNttrB CoSs plus (jnepoitr un mitre. sTcAs Msicfiil les privM*
1^68 tjne ftnsait i h muse h loi barbare.
Le chef des bardes, personnage plus êlerè que ie 1>arde do-
nestique, est eneore urieux traité par fat 'foi gaHoise.
ttï recevra une douMe portion de buân; il aura une doaUe
part dans les dons royaux, dans les largesses fiâtes i l'occasimi dn
mariage de la fille d'un chef; il recevra cent vingt-quatre de-
niers de tout chanteur qui quitte la corde de soie, et devient chan-
teur aulique. »
On voit là une sorte de degrés académiques et comme des droits
attachés i ces degrés, et prélevés par le chef des bardes.
Kifin la harpe a sa législation comme le barde, et le prix que
la loi reconnak à Vime, achève de déterminer rimportanee de
Tautre.
« La liarpe du chef des bardesvaut eem vingt tleniefs, autant
que celle du roi. ^
€*est un prix très élevé en le comparant au prix deauutres ob-
jets que la loi mentionne. 190 deniers , c*est le prix <hi grenier du
Toi, tandis que la maison du vilain n'est estimée qu'à 10 deniers,
la charrue à 11 deniers; enfin, voyez combien la harpe pacffiqne
du barde était placée au-dessus de l'arme du guerrier; tandis que
la harpe du chef des bardes vaut 190 dem'ers, la lance n'est évahiée
qu'à h deniers. Une loi galloise exceptait la harpe de la vente du mo-
bilier que fou faisait après la mort du possesseur; enfin , Tusage
de donner l'investiture au barde par la harpe s'est conservé fort
tard ; e*était un droit , un privilège féodal , attaché à certaines pro-
priétés; on voit dans les titres de la terrede Kames:OlAfmc argaOs
dispositio pertinet ad hanc baroniam, — à cette baronnie appartient
le droit de conftrer la harpe d'argent.
Depms Hod le législateur jusqu'à Edouard l*', pendant près
de quatre stèdes, l'institut des bardes, subsiste avec honneur.
Ou trouve dans cette période un assez grand nombre de petits
chefis gallois qui sont bardes , et dont on possède les poésies. Nous
n'en sommes plus à la sévérité antique, qui ne permettait pas de
cumtder l'emidoi de guerrier et celui de barde. Owen, qui vivait
en 1160, vante ses exploits et ceux de ses compagnons dans des
chants un peu moins emportés, un peu moins sombres que les
chants des scaldes^ où cependant la gaieté, quand elle s'y ren-
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1£»BAUB&» m
otitret, est mllé» de fttfMcbe» plaitântari— go» 1m wfMèê ner
diBaiMmraiMtptt»* Owqa dit à uom éehftuoi : • Aiyparte-nevA dm
m (1), dttBMÎHmr» M» tallte seva abattoe. » Joyesietè dé laéW
on peu MMDbve et aseez dana le goàt ieaadinave. Un paaaafe A'aor
barde wùmsaè Moine ( i9M)fBioaUe a^ee-aaiy^i comtBeat lea bas^
dea eBfiiageaieot à oilte ipoqae leur poritioii aHprès dea ekefe
gallois.
flr Nooa^ bardea du pays bteleii, notre prinee notas eonvieaa
1^ janfier, et ohacan, seloat notre ifang» nous nous Unoaa i htr
joie, feeeraai de Vor et de Targent pour notre récompenae. a
B termina ainsi Féloge de sali prince :
c Henreuae la anère qui t'a porti, ear ta es sage et noble , tvt
dîstrSNies larDonant de riches habita^ do For et de Targenl» et îM
bardes te céMBrent parée qiae ta les fisia asseoir à ta table et leur
donne» tes chevaux. Moi-mèaiiey fai été récompensé de mon do»
de poésie par de Ymt et une distinction flatteuse ^ et si je désirai»
que mon prmoa me fit cadeau de la lune, il me la donnermt eer-^
tainement. s
Oft voit que si le barde montae une a^dité un peu empressée
pour For, Fargeoit et la table de son patron, du moinail m ms»-'
que pas de coidknce dans sa libéralité.
Au xi\* siècle, la poésie des bardes^ s'éloigaant toujours plus der
sa sévérité primitive ^ tourne, sous Finfluence de la chevalerie qiii>
pénètre pao'tout, à la mollesse et à la galanterie. Les bardes sou-^
pîffent comme (tes aiéaestrels^Un d'eux, Howel, en ISiOy adressaia
i sa belle des stances où la grâce est souvent mêlée à FatTéterie^
J*aime assez qu'il lui diae : a Tu es semblable au flocon de neigior
cpie le vent chasse devant lui ; tu as la blancheur de la vague qpi
sobfiae. » Je suis- eneore en pays celtique, je me crois ches Ossian..
Mais quand le bardis ajoute : <it Si tu me demandais mea yeux f, &
toi qut ee le soleil d'une vaste contrée, je m'en séparerais velon*-
tiera pour te plaire,, tamt est giiand le mal que je souffre... ^ Us mo
i cause de peine cpiand je refpirde les murs^ polis de ta de^
et que je le eememple belle comme le soleil levante »
le croia voir Faffectatîon du madrigal poindae au sein^de ta poé-
sie dea bardes,. q|ie viennent envahir les rafflu^oMaa^ de la litté»-
(I) Evan , If e<«/k Bardi , p. a.
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433 BEVUE DES DEUX MONDES.
rature provençale déjà corrompue. Je pense à Théocrite , dont k
cyclope offre aussi à Galathée son œil. Le chantre gallois du
xiv*" siècle , qui certes n*avait pas lu Théocrite , se rencontre avec
lui dans ce trait de simplicité cherchée, de naïveté maniérée. On
est plus étonné de le trouver chez un barde que chez le poète
qui travaillait ses élégantes pastorales pour la cour efféminée et sa-
vante des Ptolémées.
Mais ce qui, à cette époque comme aux époques précédentes,
faisa't la force de la poésie des bardes gallois, c'étaient ces pro-
phéties que leurs chants renouvelaient sans cesse , ces prophéties
d'un avenir d'indépendance et de gloire , ces prophéties de la Cam-
brie délivrée, de l'Angleterre reconquise par la race bretonne.
Les prédictions, les menaces que nous avons recueillies de la boa-
che du barde du vu* siècle ne s'étaient jamais interrompues. Comme
les druides au temps de Vindex prophétisaient la chute de l'empire
romain, les bardes annonçaient la chute des rois anglo-normands.
On faisait encore parler Merlin, on mettait sous le nom révéré du
barde-prophète toutes les espérances de la race déchue.
Giraud de Cambrie , évèque un peu infidèle à la cause du clergé
national, et qui a laissé sur son pays des détails assez curieux,
se plaint que, de son temps, on altérait, on falsifiait les prophé-
ties de Merlin; c'est que les bardes en faisaient, de siècle en
siècle, le véhicule des sentimens, des passions, des haines patrie-
ticpies de leur temps, et c'est à cause de cette étroite alliance da
bardisme avec le patriotisme gallois qu'Edouard fut si atrocement
cruel pour les bardes; il les fit pendre eh masse. On sait que le
mstssacre des bardes gallois a inspiré à Gray une ode magnifique
où lui-même s'est enflammé, comme d'un souvenir, de cette poé-
sie prophétique et vengeresse des anciens bardes. On peut compa-
rer i l'ode de Gray, un chant d'un poète national et contemporain (1);
chevalier, il crut à la chevalerie d'Edouard, et il suivit sa bannière;
puis, ne pouvant résister au spectacle de l'abaissement de sa pa-
trie, il rentra dans le pays de Galles, en souleva une partie con-
tre Edouard, fut vaincu, fait prisonnier, et dans sa prison composa
une élégie sur sa propre captivité et sur les revers de la ûun-
brie; lui-même était barde. Je citerai de ses plaintes celles qui
(1) Btu, Weish Bardt, p. 48.
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LES BARDES. 435
portent précisément sur la décadence du bardisme, sur la misère
i laquelle les bardes sont réduits au milieu de la misère générale
do pays.
ff A nos bardes nationaux sont interdits leurs divertissemens,
leurs réunions accoutumées. Les bardes des deux cents régions
se lamentent de n*avoir plus d'appui. 0 Christ! mon Sauveur 1
puissé-je descendre dans la tombe maintenant que le nom de barde
est un vain nom , un nom mort, jd
Tous les bardes ne périrent pas par la barbarie d*Édouard , et
quand, aux premières années du xv* siècle, un chef gallois, Owen
Glendover souleva une dernière fois le pays de Galles contre l'An-
gleterre; quand les Gallois purent une dernière fois rêver le
triomphe et l'indépendance de leur pays , Vinsurgé national eut
pour lui les bardes, et aussitôt les chants de Merlin , les poésies
prophétiques, annonçant que le jour de la Bretagne était enfin
arrivé, commencèrent à pleuvoir de tous côtés. Owen Glen-
dover fut vaincu; sa défaite fut le dernier coup porté à cette poé-
sie des bardes, dont la destinée fut à toutes les époques si
intimement liée au destin de la patrie galloise. Henri lY interdit
leurs assemblées, qu'ils purent reprendre sous Henri V. Ces as-
semblées remontaient à la plus haute antiquité. Elles se tenaient
en plein air, auprès d'un monument druidique, et cette circon-
stance porte à en rattacher l'origine aux anciennes réunions des
druides. L'usage s'en est continué dans le pays de Galles jusqu'à
Elisabeth. Depuis lors , on a fait quelques tentatives , véritables
anachronismes, mais anachronismes touchans, pour ressusciter
cette ancienne coutume. La dernière de ces tentatives est de 17%.
En 1796, on annonça qu'une assemblée de bardes aurait lieu à
Clamorgan, dans le pays de Galles. L'autorité en prit ombrage;
on craignait qu'il n'y eût là-dessous des menées démocratiques.
On était en guerre avec la France, le nom de Bonaparte fut pour
quelque chose dans l'effroi des shériffs du pays. On empêcha
cette assemblée; ainsi, par un jeu étrange de la fortune, le fan-
tôme du vieux bardisme gallois disparut devant l'ombre de Na-
poléon.
Je me suis arrêté un peu long-temps à l'histoire des bardes dans
le pays de Galles, parce que les origines du bardisme en ce
|>ays, se rattachent d'une manière frappante aux origines du bar*
TOME VII. 28
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iSk REVUE DES DEUX MONDES.
disme gaulois, parce que sa vie toujours mêlée i la Yîe na-
tionale, ne s*; est complètement éteinte qu*à «ne époque ants
peu ancienne. Cétait donc le théâtre sur lequel il était le plus im-
portant d'étudier le développement général, de l'institation et de
la poésie des bardes; je serai beaucoup plus court en traitant dei
bardes de llrlande et de TËcosse , dont les destinées Oiit été moins
complètes et sont moins connues.
En Irlande, le bardisme est très ancien. Malheureusement tout
ce qui tient aux antiquités de llrlande a été embrouillé outre ae-
sure par les rêveries des antiquaires. Si on les croyait, il y anrait
eu des académies en Irlande avant Jésus-Christ. Ce serait le roi
Cor mac, restaurateur de la fabuleuse académie de Tara, qui^
antérieurement à Tintroduction du christianisme, aurait instiUié
les dix offices, confiés à dix personnages qui ne devaiest jamais s'é-
loigner du roi (1). Les principaux étaient le druide pour prier et
offrir des sacrifices en sa faveur, le chef des seigneurs pourk
conseiller, un barde pour chanter les actions de ses ancêtres, »
médecin pour prendre soin de sa santé , un musiciei^ pour les di-
vertir... De plus, chacun des nobles avait aussi son druide^ son
premier vassal, son barde, son juge. Ces quatre fonctions étaient
rémunérées par des terres héréditaires dans les familles coBune
les fonctions elles-mêmes.
Cette organisation ne fut point Vœuvre du très douteux roi
Cormac; mais tout porte à croire qu'elle était l'org^isation pri'
mitive de chaque tribu irlandaise. Le poète avait là sa place ma^
quée, comme dans l'antique commune indienne, agrégation. pri-
mordiale, molécule sociale indestructible, qui a résisté aux ianoai-
brables conquêtes que l'Inde a subies. Chaque communes sa»
prêtre, son astrologue et aussi son poète (2). La fonction de poète est
un office public, un élément fondamental de la petite communauté. &
en était de même dans l'ancienne Irlande; même qurèa la complète
anglaise et l'introduction du> christianisme, l'offtce de* barde ss
transmit héréditaire dans quelques familles.
{i) BoUand, ttlHory ofthe^rukds^ p. 80i
(S) Les douze offlces essentiels à la communauté sont le charpentier, le forseron., kfior-
donnier, le mhar, espèce de watchman ; le cordier, qui est aussi le bourreau, et selote
qtieltniefois pour assassiner; le potier, le barbier, le blanchisseur, le prêtre, le poète, k
dteuHrateoB d>eaiu Ces douxe ofEoes expriment-' avee une naiveté, que leur dlfCoM
CpnAlfèfpifaaiite, 1m betoiQftéfonâamMtaïuidriiiiftfooiétiQEinaiive..
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1MB SAIMKS. iSK
fin» fe«iot MnâmfMM (pmpIriP^s^estQoiMn^ré^vilMt
et peut-être la racine du nratmoA»^ p^r loqusIiStcabon désigne les
éefiae qu^âaseorfe aaxdniîiesret «nx bardée. Su reste, il se me
aesdile pas que le caraet^e frephétîqae aoit assw lAUv^^t a«x
Wrdes irlaiidais qu'aux bardes gallois. €1»» lesidaadaîs, le barde
eemble plus occupé du passé que de r^veuir. Cest dans le passé
que vit ce peuple* Le songe de la f^sm £id>uleuee de rantiqne Esin
a jomaelésss fils réreurs, oomme Fespoir ardent de ravarâra
BOBtenu les fib p«tiens et opônAtres de la Cambrie*
AÀnasi chez les irlandais, le barde se^ranfond aTec lesarrant» le
decleuT (oilam), avec le chroniqueur et le généalogiste.
Les bardes irlandais sont amseî des hérauts d^aruMs oomme les
liAnd^es d^Homère; ils interviennent pour séparer les combaC-
tans. Ssl-oe encore un Teslq^ de ce caractère padfiqpie primitifn-
annt inhérent an bardisme, et qfï'û doit i son origine sacerdo-
tale.
Quant an respect dont la personne du barde irlandais émit
Tobjety S n*y a dans les traditions irlandatses, qu*un exemple d'«n
bnrcte mis à mort, et le chef qui s'est rendu coupabie de ce crian
ost roué à rexécration, il est arrÎTéâ la postérité arfeele mm de
tète vile, tête déshonorée (1). Les vieilles lois iriandaises s'ooou-
pent du barde oonotte la loi galloise. Son véêemeut ce Je v^ement
de sa femme , sont évalués à trois Taches , eequi est un taux asscE
élevé, rekttivenient aux autres prix {S^ La harpe du barde était
un lfla»de un objet mporlant aussi bien que dans le pajs de
fiaUes; e9e faisait partie des insignes de la cité royale. La harpe
d^*BrienoJoué un rôle politique dans rfaistoireirinndaîseau xi*s^
cle (3). Cette harpe fut portée à Rome, elle resta dans les maiw des
papes jusqu'au xv!"" siècle, lome, dans l'intervalle, la confia à
Henri U, comme un signe de son droit sur ririande. L'Irlande
devait se soumettre au possesseur de la harpe et de la cour-
ronne d*0'Brien. Puis cette harpe fut envoyée de Rome i Henri Vm,
comme défenseur de la foi ; on sait qu'il ne mérita pas long-temps
(i) Miss Brooke Relicks of Irish poetry , 142.
(3) Walker, Hlstorical Memoirs ofthe Irish bards, 49.
(3) Walker, ibid. 61.
28.
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436 REVUB DBS DJBUX MONDBS.
ce tilre. C'est depuis cette époque seulement que Tlrlande a une
harpe pour armoiries et pour syoïbole.
Les bardes irlandais eurent la direction patriotique que noos
avons remarquée chez les bardes gallois. Us la consenrèrent jusque
sous Elisabeth» et c'est ce qui attira sur eux la colère et le mé-
pris de ses partisans et de ses serviteurs. Spenser, le célèbre au-
teur deTapothéose allégorique et chevaleresque de la Rme de
Féerie, disait d*eux : a U y a parmi les Mandais une certaine dane
de personnages appelés bardes, dont la profession est de m^tie
en relief, dans leurs rhythmes, la louange et le bttme.Bs soot
tenus en si haute estime et réputation, que nul ne leur ose A-
plaire, dans la crainte, s'il les offensait, de s'attirer leurs iu-
vectives et d'être déshonoré dans la bouche des hommes. Leurs
poèmes sont reçus avec un applaudissement général , et chantésaux
fiâtes et aux assemblées par d'autres personnes dont c'est ta fonc-
tion particulière et qui sont aussi récompensées par des doos et
une grande renommée. Les bardes irlandais choisissent rarement
les actions des hommes de bien pour sujet de leurs éloges. Mais
celui qu'ils trouvent le plus désordonné duis sa conduite, le plus
dangereux et le plus désespéré dans tout ce qui constitue la déso-
béissance et la rébellion, ils le rehaussent et le glorifient dans
leurs rhythmes, ils le vantent au peuple, et le proposent aux jeu-
nes gens comme un modèle à imiter. »
^)enser, qui avait sa part de la conquête de l'Irlande, ne pou-
vait éprouver une grande sympathie pour les bardes qui poussaieut
à la rébellion le peuple conquis, ni pour ce que le poète étégaut
appelle dédaigneusement leurs rhythmes comme pour ne pas ooo-
promettre le mot de vers.
L'auteur un peu pédantesque de l'Arcadie, sir Philippe Sidoej»
se plaignait qu'en Irlande la vraie science fût pauvre et les barde»
respectés (1).
. Avec le temps, les anciens bardes ont été remplacés en Iriaode
par des mendians aveugles chantant de vieilles chansons et a
composant de nouvelles, menant dans une sphère moins élevée ooe
vie assez analogue à celle des bardes, allant demander rhospitaiitê
(0 Walker* BiU, mm. 134
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LES BARDES. 457
aux petits propriétaires, aux fermiers, au lieu de s'asseoir à la table
des rois du pays.
Cest ainsi qu*ea Grèce il y a encore aujourd'hui des chantres
mendians et aveugles comme Homère. On trouve en Irlande de
pareils personnages jusqu'à une époque fort rapprochée de la
nôtre; on en cite plusieurs qui ont vécu dans le xvii* et le xviu* siè-
cle; tel fut Carolan (1670), Cormac (1708). Le dernier qui ait eu
quelque renommée est un certain Maguire, qui, en 1736, résidait
à Londres près de Charing-Gross. <r Sa maison était très fréquen-
tée, dit M. Walker, et sa rare habileté à jouer de la harpe était un
attrait de plus; le duc de New-Castle et quelques-uns des minis-
tres venaient le visiter. Un soir, on le pria de chanter quelques
airs irlandais : ils étaient plaintifs et solennels, on lui en demanda
la cause; il répondit que ceux qui les composaient étaient trop pro-
fondément affligés du sort de leur patrie pour pouvoir en trouver
d'autres ; mais, ajouta-t-il, délivrezrla des fers qui pèsent sur elle,
et vous n'aurez plus à nous reprocher la tristesse de nos chants.
On s'(rflen6a de cette effusion de cœur; sa maison fut désertée
peu i peu, et il mourut le cœur brisé, d
Ce pauvre aveugle, musicien, chanteur, poète, et si fidèle au
culte et aux douleurs de sa patrie c'est le dernier barde de
l'Irlande.
Quant à l'Ecosse, c'est le pays d'où nous est venu le nom du
barde le plus célèbre, le nom d'Ossian.
Ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans la discussion de l'authen-
ticité des poèmes d'Ossian; je renverrai, pour l'examen de cette
question, à une belle leçon de M. Villemain, et à celles que M. Fau-
riel a consacrées à Ossian dans son excellent cours de l'année der-
nière, dont nous pouvons espérer la prochaine publication. Je
me bornerai à rappeler sommairement le résultat de la discus-
»on.
Macpherson a été certainement de mauvaise foi en donnant
comme authentiques des poèmes qu'il avait composés de morceaux
conservés par la tradition et qui ont été retouchés, altérés et inter*
polés par lui. Le comble de la mauvaise foi a été de retraduire en
gallique le texte anglais qu'il avait publié, créant ainsi un original
menteur d'après une copie falsifiée.
Macpherson a donc construit soa O^slan^ mm les matériaui
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438 RBYUB 1IB8 mUX MONDES.
enstaient. TJne enqufite solennelle ayant été ra^Atate, on a ea-
staté Vexistence, non» il est vrai, d^un seul des poèmes dosHi
parMacpherson, mais de la poésie- osçianique qn'iln'araîtpaii-
renter. On fabrique un ou plusieurs poèmes an moyen de fing-
mens qu*on arrange on flènature, on ne feit pas une poésie di
toutes pièces; on en peut txnnlnner et modifier les ètémens, oa a*«
saurait créer la substance*
n faut même ajouter qu'on a retrouvé dans les montagnes dt-
cosse quelques parties des poèmes publiés par Macpharaoa son
le nom d*Ossian , entre autreis^ la fameuse invocation au soldlàM
Carthon, un des passages dont on se croyait le plus autorisé i«r
'authenticité à cause de certains détails qui ra(^lleat MiltOB; ci
qui prouve quil y a souvent autant d'imprudence à rejeter tropfili
qu'à admettre trop légèrement.
Si MacphorsM n'a pu créer le fonds de la poésie 'Oaâeflipi»
les mœurs dont cette poésieoffre le tableau n'est paa 4Êé iavemte
par lai; ces maurs ont eaiaté aa mous dans la tnditkNi, etdii
tradition doit reposer sur gneiqoe ehose.
D est vrai qu'un ées caraelèves 4e la poésie otsioniqne, e*6St no
aingnlier vague en loot 4^ qui tient A rexistenee extéiioaie ém
héros. Ce caractère, par lequel cette poésie se distingue de toalM
les poésies primilÎTea en général «i précises, ai arrêtées , peigmnt
d*une manière si saillante les iiabkudes, laphysioRomie , le gom
àe vie des papnlaiians, m mm Jewpielles ^les ee produisent, ce
Ctfaetère, tpÊteiàcMàm auK poésies dOesîan, <et <lMt fl n'eet pas Ih
eile de nadre saison, 8*<fipoae, ainsi qoe le degré ifaltéiatioBiA
eUes Bons sont^wnennei, àeeqae nnus paieneos nous Cttre,inr
«lies , nae idée nette 4e Texisieiioe des bardée cslédoniens, bim
4pbs les bardes y imerviemieat souvent.
Cependant nous avons lieu de croire fidèles le peu des trtitt
^'elles nous présentent ; car ils sont assez conformes à ceux qse
aoas ont fonnûs d'autres documens plus authentiques et phs
précis.
Chez Ossian, il n'y a pas de prêtres, parce qu'A n'y a pas ds
IKeu. 8*3 est resté quelque chose des druides, ce sont ces pierm
du pouvoir auxquelles s'attache une vague terreur; du reste, 3
«'y a d'autre religion que la religion des morts. Au-dessus de te
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été d«tmto«fai»tdello»yeB, point de eiel, maïadM muges ;
leiat de divinilè», mus de* onbim.
B fleiabl»qael'MieiraneMHgioadeadroiâ»a,eftser«linBt, a
aissé «n vide <A la nH^om ehi élienne a'wt ftoiat tfMfé«, «t que
e vide s'«8t reinpli ds foeldaiesl
Dus «rtte absence de loate religiDn , to«te traee du tM» ralir-
jieux dé» bardes a complètemeBt dispara. Gqimm dan» le paya
de GaUes et en Irlande, ils sont tantôt des hérauts de paix et d«
concorde, tantôt des chantres baUiqoeia. Quawl un étranger ar-
me, awit de loi demander son nom, ils vent liavitec aux jpies
du festin; s'il apporte k guerre, il» se plaçait sur la coUiae, et en-
flaament le cowage dea coaibatlaa». Après la victoire, assis prè»
da chef sur bi bruyère, auUmr du (Mm brâlant, il» célèbrent sa.
gkars et la (^e de ses aïeux.
Le ton grave et triste de la poésie ossiaaiqu» «t'y *»»" J*"»»"»
reteatir d'acceat satirique et moqueur. Ici le caractère dominant
dubarde est un caractère mélancolique ; le type peui^tre idéal du
barde calédonien, c'est Osaian; c'est un vieux guerrier aveugle, le
dersier de sa race, se levant dans la nuit parce qu'il a entendu les
armures de ses pères frémir aux murs de la salle abandonnée ou
leur voix se plaindre dansles vents , détachant sa harpe suspendue
près de son bouclier, et chantant dans les ténèbres, aux murmure»
du torrent, les exploits de son père, la mort de son fila, les hauts
fiutsde sa jeunesse, lesjoies et les combatsdesioursqui ne sontplus.
L'Irlande dispute à la Calédonie son barde. L'Wande réclame
Ossian et Fingal, et U parait que l'Irlande a raison. 9i Pmgri et Os-
siaa ont vécu quelque part, c'est dans Erin, Les démêlés de a
tribn de Finn et de la famille de Morni, tels que la raconte la
vieilte poésie irlandaise, semblent se rattacher à quelque vérité
historique et locale. Les poésies iriandaises ont un caractère uo
peu moins indéterminé que les chants calédoniens; elles sembtent
tenir de ptas près à la réalité. Cesten se transplant^ ou se dé-
paysant dans les montagnes d'Ecosse que ces tradiyons nattvea
d'Irlande ont perdu sur un sol étranger leur eonsistanee et leuB
physionomie, et sont devenues elleHnômes: ^orausea et vagues
cmmeles-brmnes de leur nouvelte patrie etr«wme les «mbwa
qui les habitent.
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4(0 REVUE DES DEUX MONDES.
Les poésies irlandaises où figure Ossian, ont consenré à kiir
manière le souvenir d*un moment remarquable de la destinée des
bardes ; le moment où ils eurent à lutter contre le christianisiiie
qui venait avec ses dogmes et ses chants leur disputer Timagini-
tion et Tame des peuples. Ce conflit curieux est indiqué naîvenent
dans un dialogue touchant, bien que parfois burlesque , eatre
Ossian, le barde par excellence, et saint Patrice, Vapôtre (k
rirlando(l).
Ici, comme en Ecosse, Ossian a survécu h tous les rois, à toosks
héros, avec lesquels sa glorieuse vie s*est écoulée. Son père, sod
fils, sont morts ; tous ses amis sont morts ; et voilà qu'on veut dans
ses derniers jours lui foire adopter une croyance nouvelle. Le lieta
barde est obligé de se soumettre, seulement il murmure, fl se
plaint que sa force soit épuisée, qu'il ne puisse mettre i la raîsoQ
ceux qui l'ont converti un peu malgré lui , qui le font jeûner, qaik
fatiguent de leurs psalmodies et de leurs cloches, auxquelles 3
préfère ses chants guerriers. Ossian témoigne énergiqaeme&t sa
mauvaise humeur à saint Patrice. Saint Patrice, en missiomnire
habile, prie d'abord Ossian de lui faire entendre ses chants; Os-
sian profite de cette politesse du saint; il lui récite les hauts bits
de sa jeunesse et les exploits de Fingal. Patrice, alors, loi dit bru-
talement que Fingal est en enfer. « Si les héros de mon temps
vivaient, reprend Ossian, ils le tireraient d*enfer malgré Dieo.
Mais crois-tu donc que Dieu traite de la sorte le magnanime Fin*
gai? Eh bien ! Fingal est meilleur que lui; car si ton Dieu était pri-
sonnier, il lé délivrerait. »
Cette étrange discussion no nous montre-t-elle pas sous oœ
forme naïve la résistance des anciennes traditions aux nouveam
enseîgnemens, les luttes qui durent avoir lieu entre les bardes ei
les missionnaires chrétiens.
Enfin, cette poésie, qui par moment touche au comique, n'a-
t-elle pas avec moins de charme peut-être plus de vie que celle de
rOssian calédonien? N'accuse-t-elle pas des rapports plus mani-
festes, une situation plus déterminée?
Mais quelle qu'ait été l'origine des poésies ossianiques, il est cer-
tain que le bardisme a subsisté dans les montagnes d'Ecosse JQS-
(I) mil Brooke, Mkki of IrUh poe(ry, 73.
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LES BARDES. 441
qu'à la fin du dernier siècle; Vinstitution des bardes était encore
parfaitement organisée parmi les tribus 'de montagnards qui pri-
rent part à l'expédition du prétendant, et le barde était encore à
cette époque un personnage social ayant un rang marqué, un re-
venu fixe en terres, seul genre d'appointemens que puisse donner
une société peu avancée, à défaut d'un privilège sur le butin, tel
que celui qu'accordait au barde la loi galloise. Les chefs des clans
écossais s'entouraient encore de leurs bardes, à l'époque dont je
parle, comme le pouvaient faire les chefs gaulois aux époques les
plus reculées (1). Hais le rôle même que les montagnards écossais
jouèrent dans cette guerre, amena la désorganisation de l'antique
existence du clan, et en même temps la destruction de l'institution
des bardes qui en était une portion essentielle. Ainsi, au moment
où le nom du barde calédonien devenait populaire, où la poésie
calédonienne, en dépit et peut-être à cause des altérations qu'elle
avait subies, devenait un objet d'admiration et d'engouement, Ik
source de cette poésie tarissait pour jamais, et les derniers bardes
mouraient de misère et d'abandon dans quelques vallées ignorées
de rÉcosse.
Nous arrivons à là Gaule : que sont devenus ses bardes?
La Gaule fut primitivement le principal séjour des anciens bar-
des, et c*est dans la Gaule que leur institution a eu le moins de
durée, a laissé le moins de traces. Nous recueillerons avec un soin
d'autant plus minutieux toutes celles que nous pourrons découvrir.
L'existence des bardes était liée à celle des druides. Or, les drui-
des se firent tolérer par les empereurs en associant les divinités
gauloises aux divinités romaines, en faisant un amalgame souvent
bizarre de la mythologie nationale et de la mythologie des conqué-
raos. Grâce à ce compromis volontaire, à cette confusion prudente,
les druides évitèrent la persécution, et jouirent même de quelques
honneurs? On voit, dans Ausone (2] , qu'au iv' siècle appartenir à
une famille de druides était considéré comme la preuve d'une des-
cendance illustre.
Un vers de Prudence, dans lequel il oppose barde à augure, mpn-
(1) Voyex la vive peinture de la cour sauvage da Celte JacoUte Fergos Mac-Ivor dans
Waverley»
(«jProrewow.lYetX.
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us REYUB BBS MmC MOICDBS.
tre qali eetle époque en raUftduRt enoereto fctrdbt 4b«iM
HVgvrale des mtes et ^ies druides (1)*
99 s^est eonsenré quelque paît en Gagées bardes, et telv-
des en possessmi <ies tradhions druidiqaeBy oe n*a piAn^
dans r Annoriqtte, dam cette previoee smoiise kBparfntewitpir
les Btmianis, qui, après la eonquéfe barbare, afsniiépeatat|k-
sieurs sièdes un état indépendant, et qui, mrigrésaréiM&ib
France, est restée ecAtique et gaidoise de phjsioaonis, de (Mm
et deiangue, jusqu'à nos jeors.
On peut donc admettre coranie possible rerâstenee d*ii M«
annoricatn du t* ou ti* aiède, nonimé Guinldm, dont oo icn,
Tannée dernière, aroir retrouvé les chants.
n 11*7 ^ ^^'^^ d'invraisemMable à eeque ses poésies se«oi>t
eonservées dans Tabbaye de Landrenec , eonme se sentcauer-
Tées , dans le pays de <jialles , celles de Talîessin , de UywifA»
ide Merfbi, et d'autres bardes gallois contemporabn. Espirov p
le manuscrit deGuinklan, s*il existe, sera livré à la poUieliiftf
vsk patriotisme breton bien entendu , et que notre BietApc ifli
aussi son barde.
Hais en attendant ce barde légitime, la critique doit se proaoï-
cer sur Thypothèse qui ftdt procéder les jongleurs et les «)•-
Yères des bardes, et quifeit naître une grande portion deU po^
rie chevaleresque ( tout ce qui concerne le roi Arthur et h »*
ronde) des kâi (frétons, œuvre prétendue des bardes annoric0S<
0*abord, 9 feut faire la part de ce qui, dam ces influences, si
éDes existaient, appartiendrait aux bardes du pays deGdeset
à ceui de notre Bretagne.
En raison de la communauté de langue et de race qin snitt*»
Bretons de FArmorique et leurs voisins du pays de Galles et de
GomouaiHes, par suite des émigrations nombreuses et des rdt-
tlons fréquentes que cette Communauté a produites, il est tdr»
que les traditions de la Cambrie ont passé dans TArmoriqne,*'!
sont localisées, pour ainsi dire, au point que nos Bretons, s*àf^
saut eux-mêmes par Tidentité de leur nom et de celui des w^
habitans de 1* Angleterre, ont fini par se persuader que Merbet
Arthur ÀaiMt lauTA coflipatriûtea, ûiu cra poMé^
(i) ^... Bardai pater aat artu augor. J^otheoiis, contra wnUmista»^ t. lit. ,
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LES BARDBS* 443
preoûeB, et ont attendu' le second ayec un espoir obstiné qni a été
piorerbial am moyen-Age sous le worn d^enpoir breton.
Hais les traditions qui concernent Arthur et Merlin sont cer-
tainement galloises d^origioe; Ardiur et Merlin ont vécu dans le
pays de Galles et non en Basse^Bretagne. La mort d'Arthur est
liée à la ruine de Tindépendance cambrîenne; Vattente de son re*
tour, à k résurrection de cette indépendance, n n*y a pas moyen
de douter qu'Arthur ne soit un héros étranger à notre Bretagne,,
o& ont été importés tout ensemble et son nom ei l'intérêt glorieux
que le sentiment national des bardes gallois avait attaché à ce nom.
Quant aux bardes armoricains, nous na pouvons Caire pour eux
ce que nous avons iait pour ceux des autres pays oeltiques» suivre
de siècle en siècle leur destinée : la Bretagne est ^ au moyea»â0S,
si étrwigère et si inconnue à la France, qjoe noua mandions de
rensdgnemens sur ses bardea, comme sw prascpie tout ce qui la
concerne.
Cest de ces bardea inconnus et proUématiques de la Bretagne
qu'un homme ^ès savant, M. Delarue (1) , a vouln faire descendre
les trouYères et les jongleurs. Cest dans certaines compositiona
bretonnes, dont le nom seul est connu, et qu'il suppose être l'ou-
vrage des bardes^ dana les laU /^eiofvsy qu'il voit la source de prea-
que tonte la poésie chevaleresque du moyen-Age.
On peut affirmer que les bardes ne sont pour rien dana-Vori*
gine des jongleurs et des trouvères. Les joni^urafiirentunecon^
tinualien de ces personnafesy tantôt mîmes, tantôt jouira de ly re^
qu'on appelaient '^^eukaope$, d'oàl'cn a feit jongleara. Le plus an*
den personnage appartenant à cette etasse, dont l'histoire moderne
Casse mcmtion , est ce joneur de lyre, cUkMfedu»^ <pie Théodoric en*
veya d'Italie à Oovia^ L'origine des jongleurs, cenuae leur nom
l'atieate^ est donc romaine et nuUemait eeltique*
Lealronvères sont, dans le nord de U France^ ce qu'étaient les
troubadours dans le midi; et les troulmdoars, anssî bien qne les
jenglenrs, se rattachent aux reste» de la enllase gréce-romaine
dans- la 6anle méridionale* Aucun feit na les vatmche aux bardes»
Une antre «piestion saprésenSe» Quelle' part les traditions gd-*
loisec, soit qii'eUea aient été senlement chantéon par les bardea
|l} Jlecaercfte« MT ie« ouvrages des bardes armoricains, par G. Delans^^iSMl
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bU EETUB DES DEUX MONDES.
cambrienSy soit qa*elles aient trouvé de Técho chez nos bardes
armoricains, queUe part ces traditions ont-elles eue à la formation
de cette portion de la poésie chevaleresque, où figure Arthur, etqm
est connue sous le nom de cycle de la Table-Ronde?
La part que les traditions galloises conservées dans les chants
des bardes, dans les triades, dans les chroniques galloises, pri-
vent revendiquer dans le cycle de la Table-Ronde, n'a pas été
encore exactement déterminée. M. Fauriel a parfaitement prouvé
que le cycle de la Table-Ronde a emprunté ses principaux déve-
loppemens, et en particulier tout ce qui se rapporte au saint Graal,
à des sources qui n*ont rien de celtique.
Mais il est quelques personnages et quelques faits qui ont passé
certainement de la tradition galloise dans l'épopée chevaleresque
du moyen-ftge. Seulement, dans ce passage, la physionomie de ces
personnages et de ces feits s*est complètement roétamorphoséf.
Ainsi Arthur, le petit chef cambrien, est devenu le conquérant du
monde; le barde-prophète Merlin a été un sorcier, fils du diable, et
amoureux d'une fée. Tristram, dont le nom est gallois, est devenu
le beau Tristan.
Parmi les faits appartenant i la tradition cambrienne, qui om
servi de point de départ aux inventions romanesques, et que
celles-ci ont multipliés et brodés à Finfini, j'indique Vhistoîre do
meurtre d'Arthur parle ravisseur de sa femme, son neveu Mordret
Dans cette histoire, où noms propres , mœurs , caractères , toat
est gallois, et qui se trouve dans les vieilles chroniques galloises,
je crois découvrir en germe l'histoire de Tristan, amoureux de
la femme de son oncle, et l'histoire de Lancelot et de Genièvre,
qui n'est qu'une reproduction de celle de Tristan et d' Yseult. Tris-
tan est un personnage gallois, auquel la poésie chevaleresque a
donné une physionomie chevaleresque. Lancelot est un persomuÉge
purement chevaleresque mis à la place d'un personnage gaUob
dans la légende, dont il est le héros, et qui est calquée sur ceOe de
Tristan. Le rapt héroïque et brutal de la femme d'Arthur, par
Mordret, a fourni le thème d'une aventure d'amour, de laquelle
la poésie chevaleresque s'est complu à tirer des variations infinies
de galanterie et de tendresse, jusqu*à ce qu'elle en ait fait le déS-
cieux récit qui devait perdre Françoise do Rimini, et que Daate
devait éterniser.
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LES BARDES. 415
Restent les laU bretom^ dont on a foit grand brait. Ce qu'il y a
déplus décisif à leur égard , c*est le témoignage de Marie de
France, trouyére du xii* siècle, qui prétend leur devoir le sujet de
plusieurs de ses febliaux. D*abord il ne m* est point démontré
qu'elle ait dit la vérité , car dans ses contes je ne vois rien de cel- '
tique 9 et chez elle je ne découvre aucune trace de la plus légère
connaissance du breton ; mais quand on supposerait à ces contes
une origine bretonne>qu*en résulteraitril? Un seul d*entre eux se
rapporte à un personnage de la Table-Ronde , les autres sont des
febliaux comme il pouvait s*en rencontrer partout > et il importe
assez peu à Thistoire de notre poésie du moyen-âge , que ceux-ci
soient venus de Bretagne en Normandie , comme le dit Marie de
France 9 ou aient passé antérieurement de Normandje en Breta-
gne, comme je suis porté à le penser (1).
Voilà à quoi se borne, en y joignant quelques noms propres et
le germe de quelques incidens romanesques , les emprunts feits
par la vieille poésie française à des traditions celtiques.
Ponr achever d*étre juste , il faut ajouter qu*au moyen-âge une
vague renommée de merveilleux s'attachait à notre Bretagne. On
parlait au loin du tombeau d* Arthur, du perron de Merlin , de la
ibrét de Brocheliant, pleine de merveilles et de fantômes. Les vieilles
forêts druidiques sont le type de toutes ces forêts ensorcelées,
jusqu'à celle d'Armide.
De plus 9 le nom d'un instrument de musique fort employé des
trouvères, et qu'ils appellent la rote y n'est autre chose qu'une alté-
ration du mot celtique cruid, qui désigne la harpe chez les bardes
gallois et chez Ossian, et que Fortunat appelle chrotta britanna.
Ainsi les chants des bardes n'ont guère fourni à la lyre des
trouvères que son nom.
Enfin , pour ne rien négliger de ce qui peut se rapporter aux
bardes dans les coutumes particulières de la Bretagne, je rappel-
lerai qu'elles offrent quelques traits qui paraissent remonter à eux.
Mous savons, par les anciens, que les bardes figuraient dans les
mariages, et, à l'heure qu'il est, il semble qu'il y ait des représen-
tans des bardes dans ces solennités. Voici ce qui se passait, il y a
0) Pintieiin d^entre eax font aUoaion à des croyanoes rapenUtienses, qui, Je crois,
•ont phitAt Scandinaves que ceiUques. Le moi lied^ et en ialin barbare leudus, a loi-
11^^ nne origine germanique.
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4M RBTUB DIS MBX KONDES.
peu de temps^ en Bretagne, et ce qui, je crois, s*y passe eoeon.
Uaoratemr se place à la tdte du cortège du mariée un aotre se plaoe
smt le seail de la porte de Tépousée. Celui-ci esake les perfedisai
de la jeone fiUe, celui-là exalte les mérites de l'époux ; ce dialogus,
qui vrttsemblableoMDt hàt dans l'origine un dumt akemattf , de-
Yieitt souvent me viye et longue altercation, qui finit quelquefeii
par des coups* Ce sont ]k y sans doute,, des représentans fiirt â-
dignes des anciens bi^des gaulois; la prose, comme toujoun, a
remplacé la poésie; le discours a remplacé les vers. Daus quelqaet
endroits , cet office est dévolu aux tayieurs, et aiUeuTs tout se ré»
dttit à un discours pédaatesqae dn maitre d'école adressé i la ma-
riée. Ainsi ta se dégradant toute poésie, et, «i suhrant le caan
deasièdes, oo descend des druides ei des bardes aux laîUeursct
aux maîtres d'écoles.
J« J* AuPftKK.
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ECRIVAINS
PRÉCURSEURS
DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.
n oTen est pas des grandes époques de Fart comme des hommes de
génie qui y brillent : tout intéresse dans la vie de Téerivain supérieur;
on remonte volontiers, avec lui, le sentier de son enfance ; on prend plai-
sir à le suivre dans ses développemens, à voir cette nature vivace se dé-
ployer à Taise , et grandir dans les obstacles , jusqu'à ce qu'elle se soit
imposée au monde. Mais les grands siècles littéraires ne Jouissent pas du
même privilège; on les accepte en général pour ce quMls valent, sans
trop s*inquiéter de leurs premiers essais et des tâtonnemens de toute sorte
qui se rencontrent partout au début. Cest que dans chaque phase de l'es-
prit humain, à mesure qu'il entre plus de personnages en scène, rintéret
se reporte sur les derniers venus, et l'on oublie ceux qui, comme dans
la tragédie classique, avaient fait Texposition de la pièce. H y a cependant
ingratitude à ne s^occuper ainsi que des acteurs du premier plan, et i
ne pas tenir compte de ceux qui ont ouvert la voie et servi d'anneau de
transition entre deux époques de Tart. C'est alnrt qu'il en est arrivé pour
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448 RBVUB DBS DEUX MONDES.
le xyii« siècle. Les grands écrivains da règne de Louis XIY renièrott
dédaigneusement ceux qui avaient bercé leur enfance. On aurait dû leur
savoir gré de leurs tentatives , on aurait dû se souvenir qu'ils avaient
appartenu à un temps difficile^ où les commotions du siècle précédent
agitaient encore les esprits , et où la science, confondue avec Fart,
était impuissante, faute de but et d'esprit de critique. Le xtf nè-
cle avait légué au xvii* les haines mal éteintes de la Ligue , Téchodela
parole brutale et populaire de Luther, le dogmatisme de Calvin, et le
scepticisme tolérant et facile de Montaigne; lourd et accablant héritage
qui eût affaissé l'intelligeDce , ou du moins l'eût dirigée en un autre sens,
si la main puissante de Richelieu n*eût serré en un faisceau , et presque
à les briser, les élémens politiques épars, et si Pascal n'avait enchaîné le
Doute derrière le char de la Foi. Ceci posé, il est facile de concevmr
qu'entre Luther et Bossuet, entre Bacon et Descartes, entre l'empirisme
et l'idéalisme, entre Montaigne qui, ayant peur de la mort, se console en
disant : que sais-je? et Pascal qui , voyant à ses pieds l'abîme da néant,
se retient à la religion avec une force surhumaine; il est facile de conce-
voir qu'il se soit trouvé, entre Charron et Malebranche , au commence-
ment du XVII* siècle, une école mixte et de transition, à demi croyante
et à demi sceptique, à demi littéraire et à demi savante , qu'on a oubliée
parce qu'elle a côtoyé tous les partis, sans être d'aucun, parce qu'elle
a beaucoup écrit , sans rien laisser qui fasse date , et qu'on puisse appe-
ler un monument. Cette école, en poésie, subissait l'influence espagnole,
ne marchait plus que l'épée au côté, récitant, sous les balcons, et la
mandoline en main , des vers pleins d'une redondante afféterie et d*nn bd
esprit 'étudié. En érudition littéraire, elle conservait les savantes tradi-
tions des polygraphes du siècle précédent, de Budée et de Casaubou, et
surtout des critiques de l'université de Leyde , Juste Lipse et Scaliger. II
y a donc deux divisions distinctes dans les écrivains de ce temps, eifl
importe de les bien séparer. D'abord, ce sont les littérateurs qui soîvaicfit
la cour, affectant les bonnes fortunes comme Voiture , faisant les braves
et les fanfarons comme Scudéry ; acquérant une réputation avec des qua-
trains et des madrigaux, débités aux réunions de cet hôtel Rambouilki
que le spirituel essai de M. Rœderer n'est guère parvenu à réhabiliter.
Le temps, pour les poètes et les prosateurs, se passait en repas joyeux et
assaisonnés de pointes, en galanteries débitées aux dames avec affecta-
tion de bon ton et de belles manières, ou en ces lectures dé romans éU^
duSf comme VAsirée qu'aimait encore tant l'abbé Prévost. On visait aosi
à la profondeur dans cette coterie ; Balzac faisait profession d'admtnr
beaucoup Tacite qu'il appelait l'ancien original des finesses modernes.
Mais à côté de ce cercle, qui envahissait les sièges de l'Académie française
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GABRIEI* NAmuE. U9
et tes booddrs des dames» à c6té de ces poètes de coar , ibsoucians, très
répandus, ne se nsélant guère de religion, plus occupés d'un bon dîner
ou d'un madrigal agréablement tourné, que du problème de la destinée
humaine, il s'était formé une antre association d'hommes lettrés et nourris
de la culture grecque et latine. Ces hommes, la plupart médecins, tous
enclins à uo amour vif de l'érudition , succédaient à l'école savante , labo-
rieuse, sceptique de Henri Estienne; mais ayant de moins que ce grand
homme, la perséyeranoe au but et la hardiesse de l'entreprise, ib ipar^
fUlèreni leur science en d'ingénieux traités, en de sayantes dissertations;
ils dépensèrent en monnaie courante une érudition immen^ , un juge-
ment sain, un esprit yif et assez prompt à saisir le côté yrai des choses.
Au xvi« siècle, à part la poésie , à part Rabelais, il n'y avait guère eu de
littérature en France, mais plutôt un très remarquable élan vers la
science littéraire et critique. L'école dont nous parlons a mêlé la littéra-
ture à l'érudition ; après elle, il y a eu progrès, l'art a suivi sa voie, et la
science la sienne. On trouve d'un côté Molière, Corneille et Racine, de
l'autre Ifabillon, d'Achéry et Edmond Hartène. De pareils noms sans
doute jettent bien de l'ombre derrière eux, et bien des torrens de lu-
mière dans Tavenir; mais il nous paraît juste pourtant qu'on n'oublie
pas tout-à-Dait ceux qui ont posé la première pierre du grand édifice lit-
téraire, ceux qui ont ouvert à tous les trésors de la science, et qui , pleins
de désintéressement et d'activité , ont vécu sans faste, obscurément, dans
le silence des bibliothèques. Ce comité philosophique dont nous voulons
parler , qui avait des rapports étendus avec les érudits du siècle, se bornait
à un cerde étroit et intime qui ne se mêlait pas aux soirées de la cour.
Gabrid Naudé est l'homme autour duquel nous essaierons de grouper
les adeptes les plus remarquables de cette société sayante. Ce sont là les
derniers des GanUdt; en plem xvii* siède, ils appartiennent encore par
beaucoup de points au xvi*; ils sont autant latins que français; ils savent
bien l'antiquité, mais ils n'ont pu encore oublier Érasme et son siècle.
Déjà en eux pourtant perce le bon et franc esprit français qu'avaient mis
eo vogue Rapin, Pithou et tous les auteurs de la Satyre Ményppée, bons
bourgeois qui furent à peu près sous la Ligue ce que fut le cercle de
Naudé sous Richelieu.
Naudé était né à Paris, dans la paroisse Saint-Méry , vers les premiers
jours de février 1600. Ses parens, honnêtes gens, disent les biographes,
étaient sans doute de petits marchands de ce quartier obscur et popu-
leux. Comme le jeune enfant manifestait un grand goût pour la lec-
ture, on lui fit faire ses études au collège d'Harcourt, sous le professeur
Padet. Sa philosophie terminée, on conseilla au jeune Naudé la théolo-
gie. Mais son esprit critique, qui s'était déjà nourri de Charron et qui
TOME vu. 29
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«iiBAit asBec Pâlliire dàimée «t^saiiie^idr ItaMlfae, M
deftjyUogiMBfcsod lome de la âoatoaoe, et sNntfilt à la
oonHne à «De seienoa ^s pwlive^ et^l «le i^MifMierilt pa» d*MiQi«
4e.8elHrrer à ses «eMt ë'ériiâilîan littéfairo«C'âe«aeliei«heB t^
phiqu66. C'est à oette époque , 4e I4l98.ii iMS^ fa'ilTfit'tla oanmJnrmff
deCkiy-Patiii, a^eetoqnekilaoftTÎt ias.kB^oMdvniéâeeiDe fkatMomau. Imi
qu*étudiaoteiieore«tayaDtà|nRet9agÉ«Ba;N«tiiié MtaitrMt^niiiflin
par nn disooon fur les libelles (1). Cette pD]ilioaiian,iq«l«iéitiebleH
sans doute» quelque auccës , décida ie ^préaident de^Mentoea ^prcadR k
j^ne savant pour bibilotliécaioe* Qaok(nf4in paeeil «mploi Indémnlt
de aesétudes médicales, Gabriel Neudèdnt l^eeepter^ paro^qn'Mivari-
sai t cette passion pour les livrea^e noua yofua— filat>«anl se 'éémkfjfft
en lui à 4in si baut peint. On iaiaait §DmÈà brait ahMr»d*«De Beci0d*âiB-
loiiiés allemands qui devinaieDt les mystères de ia^ natove , à l'aide d'oai
lumière intérieure, et par une iatiiitiou imnséditle. Le famaui déaa*
nognapbe Maier s'en était fait Uapologiate; i» secte arait de Denbraas
^eptesy comme en ont teujeur» les docinDea mystérleusea^et soiMalaiel-
les, comme en ont trouvé en Eapayqe lea< A^ombrado et plus^i^éoeBifliflat
eu France les convukionnaiMa et le chaitlatanisaae de Cagiiostfo. Vêaiéf
YwHêaidsssiUer l&t^euxde Vemiméewmnifei- aimàire igrtgifrel^wlBffaciit
lhir«i«ii50}H|fe, publia un traité eealiieoesliiéresd0»kiAo8ei^naîs{^.llflfBil
sou livre à M. de Guénégault, oassetller dua^ten^sea cobmIb, et ilial
dit dans Tépttre dédicatoire : a Je coataaa ingémiemant la
n'avoir eu -teUe forée en mon«DéPoit, que , éaanant vol à mon
r.aBcey par-deasua les forces dema capacité, ^cUe aa'ait pcn*
que ce petit Itnrese deuatpréaauAer amoieLealfliléëe nos flaéritas, gani
d'une teUe efbrooterie, que d'espérer de éuypaafmr angneulv la la»
' BMère par le flambeau et petitea «atiiioetiea de ânes iWDuyli— a. a ifii^
gré oette modestie, le livre de jKatidé,iqni wrait «été «écrit en quian
joues, est un diarmant tnaité fdein d'vne coière JnrC
œs téséàriaaa ai «McrJUgiiea Mres de la Reae-Grolx, qui a'
qu'use fmège relmUê et una toar^ empiÊmuMê , Iraiifilaail^iaa pkts engh
iaKnes sotcrees delauaturs. Les «iuiîons, oboiaies, pleines 4e aaoa etdi
goût , n'y envahissent pas trop le texte, comme cela a lieu 4Ma ks pfo*
dndiofia postérieures; et, l'auteur ne roulant pas ae4iélrflf«icr éeVèdSt
tifua de son ouvrage, sans avoir fencoatré le ti'oylfws 4ê la xérUi^^
(1) Il est intimlé Marfore, iGSO, in-8o, et ne se trouve dans aueime des bibliolU^
départs. Il a disparu i la Bibliothèque royale.
iB| JUtfnicitoR à Urrtmceturla vérité 49 fhUtf^m^M Mm de itttmCnl'p
il», ita-s», nue.
;
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OABRIBL WLXmL 461
isiyf^i cette méthode d^;re98i?e» qui plus tard, chez loi, devient
£titigaiite et ôte beaucoup de leur charme au piquaot de rénidition et à
la Terre féconde d'un style souvent poétique et saisissant. Quoi qu'il en
soit, malgré les eiTorts de Gabriel ^audé, et quoiqu'il ait dit a qu'après
avoir fouillé, descouvert et tronçoooé cet arbre à la racine, il lui serait
Cscile de fagoter les branches et en faire des bourrées, lesquelles se ré-
duiraient en cendres, soudain qu'elles seraient eschauffées par la moin-
dre flamme du feu de la vérité, a les Rose-Croix trouvèrent encore
long-temps des prosélytes , et un défenseur dans le trop célèbre médecin
aoglais Robert Fludd.
U est probable que l'ouvrage de Naudé sur Us Bose-€roir n'avait été
pour lui qu'une courte distraction , au milieu des travaux plus importans
dont il publia le résultat après un court voyage en Italie , pour pren-
dre à Padoue le bonnet de docteur, La mort de son père l'ayant rappelé,
il revint bientôt à Paris, et livra au public son Apologie pour les grands
homvus foMSsement soupçonnez de magie. C'était un noble et grand
projet que celui de réhabiliter tant de réputations entachées aux yeux
du vulgaire de nécromancie et de supematuralisme. L'influence en-
core puissante des écrits magiques et superstitieux de Delrio, de Le
Loyer, de Lancre, de Godelman, répandaient partout ces croyances
erronées. Les plus grands poètes de l'antiquité, les réputations les^
■ûeux établies, n'étaient pas exemptes de ces reproches de magie.
Haudé justifia tour à tour Zoroastre et Pythagore, Socrate et Cardan,
Thomas d'Aquin et Salomon, des sottes accusations dont on avait terni
leur mémoire. Le livre de Naudé.est donc un bon livre, bien conçu, quoi
qiu'on en ait4it , plein de science et de faits curieux; un livre qui a fait
avancer l'esprit humain et a aidé à le délivrer des préjugés qui em-
barrassaient sa marche. Naudé, dans cette Apologie , montre toute rindé>»
pendance d'un jeune esprit; U repass€.iout par Vestamine de la raison; il
sent, ainsi qu'il le dit, que la fausse persuasion suit l'ignorance comme
FonU>re.suit le corps, et l'envie la vertu;, il se défie des témoignages im-
primés et teneontrez à talons sans les esplueher et examiner aussi cu^
Tieussmeut gii*ils méritent. L'instant solennel de reconstruction sociale et
de transition intellectuelle dans lequel il vit ne lui échappe pas. a Ce
siècle, dit-il, est plus. propre à polir et aiguiser le jugement que n'a été
pas un autre, à cause des changemens notables qu'il nous a fait veoir par
1% descouverte d'un nouveau monde, les troubles survenus en religion,
l*ji»Uuration des lettres, la décadence des siècles et vieilles opinions, et
l^invention de tant d'ouvrages et artifices. » V Apologie est le seul livre de
^audé qui soit un ouvrage complet, conçu dans un but d'art et de science.
Ce n'est pas sans douteice qpj^'iLa hiissé de pl|iis.remarquable, maisx*est
29.
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452 RBTUB DES DEUX MONDES.
une œavre indépendante des circonstances , une œuvre de progrès fkite
avec désintéressement y et non pour amuser les loisirs d'un cardinal, oa
flatter un bienfaiteur^ ainsi qu'il arriva en général pour les productions
qui suivirent. On retrouve d'ailleurs, dans V Apologie des grands hommes
soupçonnez de magie , presque toutes les qualités et les défauts du style de
Naudéy moins cette finesse de plaisanterie et cette moquerie sceptique
que lui donna l'expérience des choses du monde , et qu'il montra plus
tard dans le Mascurat, Les citations abondent déjà ici , et cette manière
de chercher des comparaisons poétiques dans l'histoire (si fréquente
chez Naudé) revient presque à chaque page. S'il s'agit de montrer que,
malgré sa faiblesse , il peut essayer d'attaquer Terreur et d'aborder
son vaste sujet , c'est tour à tour cette grosse pierre qui éuit près d'flir-
pasa, et qui ne cédait pas aux chocs les plus violens» tandis qu'on la
remuait facilement en n'appuyant que du bout du doigt; c'est cet oiseao
de rtle de Chypre qui fait seul évanouir des bandes de locustes et de ca«
valettes; c'est encore la troupe de grenouilles qui s'enfuit au premier coup
que le vassal frappe sur l'étang de son seigneur. Naudé , à l'époque où,
très jeune encore , il publia son Apologie , commençait à acquérir one
certaine réputation. Selon la mode du temps, on trouve après la préface
les vers qui ont été adressés à l'auteur. Guy-Patin le dit envoyé par Apol-
lon pour tuer Python; Jonvin plaisante agréablement, en lui disant qœ
son style magique ne sera qu'une preuve de plus en faveur de la magie
qu'il veut combattre; GoIIetet appelle son livre le Palladium des bons es-
prits, et Gaffarel l'envoie aux cieux, comme le poète de la première ode
d'Horace : Angelico tendis super astra volaiu,
Naudé commençait donc à se répandre. Son amitié avec Guy-Patin se
resserrait tous les jours. Gassendi, qui débutait avec éclat par sei
Exercitations contre Aristote, étant venu se fixer à Paris, fit bientôt k
connaissance de Guy-Patin et de Naudé. Cest à partir de la publication
de V Apologie, et du séjour de Gassendi dans la capitale, que commencè-
rent ces réunions fréquentes, devenues depuis célèbres, et qu'on prit
dans le temps pour des parties de plaisir sagement ménagées. Il n'en était
rien pourtant. Naudé avait à Gentilly une maison de campagne où ve-
naient souvent souper et coucher les deux amis. Gassendi , pour sa santé
faible et délicate, ne buvait que de l'eau et s'imaginait qu'autrement soo
corps brûlerait; Naudé, quoique grand de taille et fortement constitué,
agissait de même et ne mangeait presque que des fruits et des nmi*
Patin , au contraire , faisait beaucoup mieux les honneurs de la table; il«
dit toutefois qu'il buvait fort peu (1), et il a ajouté, à cette ocaùoOf
(1) Utîres choiiies de Guy-Patin , tom. I, pag. S6 (de 1648).
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CÀBRIBL RÀin>£. kSS^
qQ'H ne pouvait que jeter de la poudre sur l'écriture de ces deux graods
hommes. Je crois cependaot que pour mettre sa philosophie Acre et cha-
grine au niveau du scepticisme rieur et modéré , bien que caustique , de
ses célèbres convives, il lui était besoin, comme excitant, de quelques
verres d'un vin généreux. Mais de quoi parlait-on au milieu de ce petit
comité philosophique, réuni le soir autour du foyer, tisonnant à Taise,
abondant en paroles et en causeries animées, comme de vieux proprii"
Mret qui causent de maisons quHls bâtissent ou de plantations qu'ils sur-
veulent? C'est ce qu'il sera facile de deviner, quand nous aurons rappelé
ce qu'étaient Naudé, Gassendi et Patin , ainsi que les quelques amis plus
rares qui se mêlaient çà et là à leurs réunions.
Gassendi, l'homme à coup sûr le plus remarquable de ce cercle philoso-
phique, et un peu plus Agé que ses deux amis, avait embrassé de bonne
heure l'état ecclésiastique. Après de beaux succès dans le professorat, il
voulut se consacrer exclusivement A la philosophie. Esprit érudit et cri-
tique , plus capable de réhabiliter un système vieilli ou d'en développer
l'essence, que de tirer de ses propres conceptions une large théorie, Gas-
sendi essaya de reconstituer les opinions d'Épicure. Venger un écrivain
méconnu, montrer qu'il n'avait pas prêché une morale impie et corrompue,
c'était up but digne d'une ame généreuse. Mais Gassendi ne voulut pas s'en
tenir là ; il tenta de réduire en doctrine et de ramener sur la scène cette phi-
losophie vieillie, de lui faire traverser les siècles par-dessus le christia-
nisme, et de l'implanter tant bien que mal sur le sol de la science moderne ;
il voulut enfin, chose conséquente, placer la morale d'Épicure à c6té de
l'empirisme que venait de fonder Bacon. Ce n'est pas qu'il ne prenne ses
précautions; car, sur le titre même de son livre, il déclare n'adopter du
philosophe ancien que ce qui rentre dans les idées catholiques. Mais il
a beau faire, il a beau écrire à Campanella qu'il se souvient du sceau qui
loi a été imprimé au baptême, sa foi, ainsi que l'a dit M. Cousin,
n'est qu'une réserve ou une habitude. Admirateur de Hobbes, qui re-
QoovelaitDémocrite, Gassendi tient au monde ancien par Epicure, au
monde nouveau par Bacon; il a, à le bien preodre, fondé le sensualisme
moderne, car il ne reconnaît en dernière analyse que des sources externes,
qae des phénomènes sensitifs pour principes de nos connaissances. Peu
lui importe l'unité de l'être et son activité qu'il est accusé d'anéantir.
Qa'on lui dise qu'autre chose est la passivité sensible , autre chose la vo-
lonté agissante et libre; qu'on objecte encore qu'il n'y a pas d'individua-
lité dans un être fictif qui se transformerait en des sensations successives,
c^ela ne l'empêchera pas] de poser un système dont la conséquence a été
déduite avant Locke, puisque Gabriel Naudé dit en propres termes : « Les
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4Bi HEYUBi VêB Dm MORUES.
tÊm^imi les portes de iMte coonûmaoe (i). » On qpipi'cad qoiéÊt im
neiise iiifloeiics dat aToir, sar les hommes éoÊi imnm neos oceupeas, Is
philosophie sensaaliste y et combieo les réunions deGentiily démentait
tfoofent sceptiques et hardies, au milieu des détours sans finxf oneeeese-
rieemicale. Gassendi appartenait par plus d'un point aux philosophes de
siècle précédent. Écrivant comme eax ea iatin, il était comme eux éra^,
ce qui Ta fait appeler, par Tennemann, le plus savant parmi iesphileso-
phes et le plus philosophe parmi les savans. C'était d^aïUeurs «a bm^
homme ^ comme le dit Guy^PaUn dans une de ses lettres, parlant he»h
eoiip , mais avec modération , prêchant de petits serosanadés l'âge ds àt
ans, disert et parfois rhéteur. U ne se mêlait guèee aux choses présatei
que dans la couversatton intime et pour ea rire. Le portrait d^pieiiK,
dessiné sur un modèle trouvé 4 Rome, et que lui envoyait Naudé, oaaai
proposition astronomique de Galilée, l'occupait beaucoup plus qm ks
évènemeos de son temps, fût-ce même Texécution de Cinq^Mars et de
De Thou. Gassendi était fort recberché parmi le» savans à cause de»
grande réputation, cl une reine lui écrivait au milieu de sa gloire: t Je
désirerois cultiver avec soin l'estime et la bienveillanoe d*Bn si graed
homme que vous esles^ et d'interrompre vos méditatioiis el vastre loiar
par des lettres qui soyent la conBrmation de nostre commerce. » Dam
ses rapports sociaux, Gassendi était fort doux, modéré, et £Mile à h
discussion. Aussi, dans sa querelle avec Descar^es, que je rappelle afee
peine, parce que les premiers torts sont du cOté du père de la phaesophie
moderne, Gassendi n'employa pas, dès l'abord, les termes méprism
dont l'accable Descartes; car, si Ton crie : O esprit I on a vite répeado:
O chair!
Dans ces réunions, où Gassendi faisait preutie d'une retenue et dHme bhk
dération souvent éclectiques, Guy-Patin, au contraire, caractère fantasque
onginal, apportait un esprit souvent prévenu d'avance, caustique, birdî,
plaisant au fond , mais sous une forme amère. Si les gestes et rexténcor
coïncident avec le caractère , ceux de Patin devaient être anguleux il
saccadés. Affectant de la froideur dans ses paroles, et viaaot panrtmti
une certaine éloquence de conversation ; peu sensible et ne rapportut
guère ses sympathies qu'à de Tamour-propre littéraire eu à de Taniili^
scientifique, Guy-Patin, homme de beaucoup d'esprit et d'tme hMéft-
ture fleurie d'ailleurs^ était singulièrement tourné k riroBîe^l aa ssi"
casme. U résumait en lui la philosophie deCbafron ea son eM nés»
(1) Apologie, etc., ch. xvin. - Le sens qu'atudia madé à ces paroles B*eit peeth
" parFa^tgéoénl de set aatreséerltSé
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tat et boQdear, et la partie» iodme^ jd^ewaneiit Me#drate» on peu
é9»fttedu Poiitaj^rtiflddRabelalB, qo^ilarrait, dtt-oo, comneoté. Ce*
lait, à tout prendre, on homme très-singalier et plein de ooi^adictiooi,
iaerédule, disant que l'enfer est im feu qui fait bouillir la marmite du
elergé, comme Calvin dit que le purgatoire est la ekimie du pape^ et
après cela se disputant nvement arec un conseiller aux mounaies, pour
b préséance dans une procession. Il arait eacore d'étranges antipathies ,
3 était entier et excentrique dans ses jugemens. Aiosi , il ne parlait qu'a*
?ec horreur des Anglais : « Ils lui étaient , dit-il , parmi les peuples ^ ce
qa'est le loup parmi les brutes* o II détestait aussi lelfaEarin, parce que
sa milson de CoraEieille avait été dans la guerre dévalisée par les soldats.
A part sa bibliothèque , qui avait dix mille volumes , 4 part quelques
amis littéraires. Patin n'eut guère d'affection de ccnnr. Sa place de doyen
de réeole de médecine et de professeur au collège royal, ainsi que ses
études et ses malades, lui demandaient beaucoup de temps et ne le lais-
saient guère aux jouissances intimes du foyer. Il n'aimait pas d'ailleurs,
il le dit lui-même , à se donner grand souci. Tout pour lui , dans la vie ,
en dehors de la science , se rapportait à peu près à l'argent. Ainsi , il
écrit à un ami, en se mariant , que sa femme lui apporte vingt mille écus»
sor père et mère vivans encore. Antre part, à propos de son beau-père,
il dit , et on comprendra facilement que ce n'est pas moi qui parle : a Ces
geasr-là ressemblent à des cochons qui laissent tout en mourant , et qui
ae sont bons qu'après leur mort, o
Guy-Patin était très flatté des fréquentes invitations de Lamoigoon, Il
en parlée chaque instant dans ses lettres; mais bien qu'il se crût -honoré
de ses rapports avec l'illustre magistrat, sa fierté se trouva piquée
qoand Delorme éenvit que M. de Lamoignon était son Mécènes. On dit
pourtant que quelques grands lui offraient un louis d'or sons l'assiette
chaque fois qu'il allait dtner chez eux.
lia hardiesse de Patin ne s'étendait pas seulement aux choses de la re«
Kgion ; il disait des rois : a Ce sont d'étranges gens que les prhices d'aujonr»
d'hol ^ et peut être que tels ont été pareillement ceux du temps passé. » Aa
fond des opinions de Ouy-Patin perce donc partout un scepticisme iro-^
niqae et chagrin. La ^e n'est pour lui qu*une assez mauvaise farce jouée
sor de mauvaises plandies par des gens qui ne se connaissent pas et qui
eurent se revoir dans les coulisses (1). A part ses ouvrages sur la mé*
decine, il ne reste qu'un seul monument littéraire de Guy-Patin : ce sont
ses lettres , correspondance (armante , pleine de mensonges et de wéA*^
I , de méchancetés et de sarcasmes, comme im joumii d'aïqourdTlMi »
^l4Mr«a«Mfkf^ Stob l> va» lOSL
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4S6 REVUE DBS DEUX MOHDBS.
En effet, c'est bien la gazette da temps, rédigée par ud esprit fort qui se
met à Taise, tout en ménageant les convenances, par mi sceptique, écri-
vant non pas pour le public, mais pour un petit cercle d'amis. C'est, i
coup sûr, l'un des pamphlets historiques les plus amusans que Ton con-
naisse après les mémoires du duc de Saint-Simon et les historiettes de
Tallemant. Guy-Patin se peint tout entier dans ses lettres ; son indigna-
tion incessante contre les apothicaires, qu'il appelle de monstrueux co-
losses de volerie, sa fureur contre l'antimoine, son dédain des marchands,
viennent interrompre çà et là, par leurs formes grotesques, les boutades
continuelles et les spirituelles saillies de ce caractère plein d'aménité et
d'obligeance scientifique , qui fut incrédule par vanité et incisif par
amour-propre. Sa nature, fortement accentuée, se développe à Taise
dans ces lettres; aussi, il ne faut pas s'étonner qu'un homme, qui lai
était semblable en certaines parties , Bayle , ait trouvé cette correspon-
dance a pleine de traits vils et hardis qui divertissent et font faire de so-
lides réflexions, d
Tels étaient les deux hommes les plus remarquables dès réunions de
Gentilly chez Naudé. Le précepteur du duc d'Anjou, Lamothe-le-Vayer,
venait aussi s'y mêler quelquefois, mais toujours sur le ton de cérémonie.
C'était un homme de médiocre taille, d'une conversation agréable , fou^
nlssant iofmiment sur quelque matière que ce fût; un peu contredisant,
à la vérité, mais sans entêtement, parce que toutes les opinions lui étaient
indifférentes. Il s'habillait singulièrement, ne pouvait souffrir ancone
espèce de musique, mais tombait en extase au bruit du vent; il se maria
à soixa»te-dix-huit ans pour se consoler delà mort de son fils; d'aillenn
plein de connaissances variées, mais qui n'étaient nouées à aucun centre,
il écrivit tout à la fois des traités de morale à l'usage des princes, les q*
niques Dialogues iTOrasiug Tvhero, et les pages souvent graveleuses de
l'Hexameron rustique, Lamothe-le-Vayer tenait , par sa position dans le
monde , à ces littérateurs de cour dont se moquaient entre eux nos
sceptiques de Gentilly, et par la nature même de son caractère littéraire
à l'école de Naudé, qui mêlait l'érudition et l'art. Tout donc entre loi
et les amis de Patin se passait en poUtesses ; il leur offrait ses livres, et
en revanche Naudé l'appelait le Plutarque de la France. Du reste, La-
mothe-le-Yaycr, qui mériterait une étude à part , ne prenait pas poor
médecin Guy-Patin. Ainsi, lors de la mort de son fils, on le voit ^peler
seulement Esprit, Brayer et Brodineau, qui, selon Guy-Patin (que ce
jugement peint bien ) , envoyèrent le jeune homme au pays d'où per-
sonne ne revient. A propos de Lamothe-le-Vayer, je retrouve encore
dans les lettres de Patin cette acrimonie injuste qui le caractérisait; il ^
trouve autant stolque qu'homme du monde, mais voulant être loué sans
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GABRIEL NAUDÉ. 4t(T
jamais loaer personne, et avec cela fantasque et capricieux. On trouvait
encore de temps à autre, dans la société des trois amis, le savant Diodati^
Bernier qui alla porter la philosophie de Gassendi jusqu'aux Indes, le
poète Guillaume Colletet, célèbre par ses amours ancUlatet, qui épousa
successivement trois de ses servantes et accepta d'elles, comme dot, les
gages qu'il leur devait; le bibliothécaire de Richelieu, Gaffarel, lors-
qu'il ne voyageait pas, et enfin Sorbière , qui , plus jeune que son maître
Gassendi, entra dans le petit comité seulement vers la fin, et qui tour à
tour protestant et catholique, retournant ta jaquette, comme dit Patin,
Q,e dut qu'apparaître çà et là , au milieu des courses de sa vie aventu-
reuse, dans les réunions sceptiques dont nous essayons de donner une idée.
Le philosophe italien Gampanella, qui termina en France son existence
orageuse, dut aussi venir quelquefois y causer de Hobbes et d'Épicure
avec son rival Gassendi. — Pour Naudé , homme sans ambition, sage,
prudent, de mœurs très pures, ne revenant guère des premières im-
pressions, ami discret et réservé, d'affection sûre et plus intérieure
qu'expansive, Naudé, dis-je, écrivain de bon goût, emunciœ naris,
s'était toujours tenu assez volontiers en dehors des factions politiques
présentes et des coteries du temps. Ayant à peine de quoi suffire aux
premiers besoins, heureux pourtant en cette médiocrité, il aimait à faire
valoir a son petit talent dans la vie contemplative, sans se vouloir empê-
cher et empêtrer dans l'active.i) La modération était la base de la con-
duite de Naudé; aussi, comme il le dit, « il aimait à aller rondement en
besogne, ne cherchant qu'un gain honnête et modéré, ne faisant point le
muguet, le maijolet, l'enfariné, le fanfaron, ennemi de toutes sortes de
grivelées, p et préférant sa bibliothèque Mazarine au premier royaume
d'Europe, comme le cicéronien Bembo mettait le style de l'orateur latin
au-dessus du duché de Mantone.
Les soirées de Gentilly devaient être fort amusantes, lorsque la couver*
sation était ainsi tenue par des esprits aussi indépendans, par des types
aossi bien caractérisés. La gaieté, la folle joie même, n'étaient pas inter-
dites chez les admirateurs de Rabelais, et après une longue causerie sur
le dernier livre de M. de Saumaise, ou après une lecture du catalogue
de la prochaine foire de Francfort, entre une échappée contre Richelieu^
et quelques bruits de la ville sur les commencemens de Manon Delorme»
toute jeune encore, s'il venait à être question du grand Yossius et de sa
nombreuse famille, on ne manquait pas de se demander avec Grotius : Scri-
ieret ne accuratius an gigneret faeUiust A quoi Guy-Patin se hâtait de ré-
pondre qu'il s'acquittait aussi bien de l'un que de Pautre. L'érudition litté-
rah*e, philosophique et médicale faisait doûc à peu près tout le fonds des in-
terminables causeries. On se tenait à l'écart delà foule qu'on dédaignait
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4B8 REYUK DBa MmL 1I0IIDB8.
etpoar. qui OBnféorivait gaère. Ainsi Gasseadi trouve que la phikMophM,
ait coatenle de peu de juges et doit éviter les jugemens de la foule. A
chaque instant Naudé manifeste aussi ses craintes de se profianer, comme
il dit, jusqu'à la Gonnaissanoe du vulgaire (i). Cette espèce d'aristeoratit
érudite s'étendait à la littérature; ainsi, au point de vue ducomité de
Gentilly, Corneille n'est qu'un illustre faiseur de comédies (2) ; on se me*
que fort agréablement de Balzac quand il appelle un fagot^ «a soleil éi
la nuit (2i), Gassendi faisait , il est vrai , des vers, dans sa jeunesse , mui
il avait dit adieu depuis trèa long-temps à ces sortes dTamusoeimsi
quant à Naudé , il rendait volootiera mépris pour mépris à cette littéra-
ture facile y qui faisait profession de composer des fables et des reneoirtrei
amoureuses pour l'entretien des femmes et des petits enfaya. Ce dédaia
mutuel des poètes de la cour et du petit comité dont nous faisons Tins*
toire, montre bien qu'il y avait peu de rapports entre ces deux coteriea
Qu'eussent en effet été faire Naudé et Gassendi aux réunions de VhMi
de BamboaiUet? et de leur côté, comment les beaux esprits babiliiési
bien dfoer et A recevoir de grasses pensions et de bons bénéfices, se
fussent-ils habitués à la pauvreté de Naudé , aux réceptions, intimes et
sans façon de ses deux amis? Aussi Tallemant des Réaux, qui abonde dans
ses hisiorieHes en récits de toute sorte sur les Voiture et les ChapehiBi
garde un silence absolu à propos du cercle de Guy-Patin. Il tenait œpea-
danty pour l'allure franche et le piquant dn récit, A cette école pûHsimm
dont Gabriel Naudé affectait de prenike le titre. Mais les beaux es^ti
regardaient ces érudits comme des savans impies et indécrottables dsst
il était à peu près inutile de parler; et pourtant ne serait^l pas vraiii
dire que, malgré le dédain que professelent» A leur tour» nos savans peor
la littérature courante, ils eurent sur La Fontaine, sur Motièse, une ia-
fluence sourde et cachée ? L'esprit si fin doiNaudé, et qui nous parait leord
en certains points, parce que testes lesaHnsions sont perdues ponrneus,
n'est-t-il pas.un des germes dsfénie de l'auteur de Tartufe?
Lamothe-le^Vayer était donc A peu près le seul écrivaiade lacoor^
vint se mêler quelquefois au cercle de Gentilly. La nature de ses éerin^
en général sérieux, et sa maniène de voir, libre et fantasque ei^ses allnrei^
l'en rapprochaient volontiers. Je crois pourtant qu'il n'y fut jasMis reçi
sur ce ton de familiarité et de simple franchise dont on usait envers Ies48-
Ues amis. Il était de la cour, etquand il venait A Gentilly, la servante*
Naudé mettait sans éeiite la nappe hlandiei et tâchait de sauver, taal
Cl) Voyez son Mtologl^^ cb, jv, et^
(3) Uitres choisies de G^^y-Paiin, tom, I, pa^ 90S.
(SQtfMCicraf, pag.fS-.
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bienqoe nal^ rbMMiir de It tmJÈfm, ODmme (MA éêm H FUmeêréb
Lêmwurmmir. Loiwiae UanoUie^le-V^yer ptrlageait ikMi lattUe de Gêê*
jeudi et de Neudé^ le repas, peur être pkia céfetooimnii , n*€o dereosk
p» plus animé. Cétait plutôt une débauche philosophique qu'une dé«>
hauehe réeHe; des ehoses fert hardies pour le temps s'y disaient comme
psf tradition de Meknehton et de Bèse , et on allait souvent fort prêt é^
«meliuilre (1). Guy-Patin^ inspie eu son langage et soutenu par les bou»
tades ineenoécftteates et sans suite de Lamothe, lançait eontinnellemeot
deviresatlequcsy qu'avaient peine à réprimer la modération de Ga8«
fsadi et le caractère llMïile et un peu faible de Naudé. Le cynique Guy*
Patin, qui se ménageait en public, et qui se déboutonnait en fait d'opinioni^
<»inme M. de Buffon en Aiit de style, lorsqu'il était ofaei lui , apportait
là tout ce qu'iV avait amassé de fiel contre le clergé, a Les sages Toya^
fiurSy dit -il , ne se moquent des chiens du village qu'après qu'ils en sont
éloignés et qu'ils ne peuvent plus en être mordus, a Aussi, à Gentilly,
^ haine presque voltairienne se déployait à l'aise et contre la mokMrtM,
cmnme il dit, et eontre les eavdioaox, qu'il définit volontiers, animal
mônnuy cailidiN»»inBpaar, «opax H «orojr, omniaiii bens^Sdamm. Après
ia Bible , le livre qu'il admire le plus, ce sont les ^sNMIoiis de Galvfai.
Là-dessus Naudé , que Patin se vantait-pourtant df avoir cUiHatsé, se ré^
criait fortement. H appdait Luther uu moine défroqué, et Calvin Top*»
probre du naonde. U rcjetût sur les actions des hommes le doute hardi
qoe Patin professait en matière de rdigien, et ilavaogait, oaalgré*les sar-
casmes de son ami , que « l'offioe de notre esprit est de respecter l'histoire
ecclésiastique et de toujours douter de la civile, a Naudé, (bailleurs,
i>acillaat en ses convictions et comme un peu tremblant à la base, n'était
que trop souvent entraîné à applaudir aux sorties Acres et mordantes de
Gay^Patin, et aux vaines déclamations de LamoAc^le-Vayer dans ses
jours de mauvaise humeur.
Il ne faudrait pas croire pourtant 91^ la conversation ne roulât que sur
une ironie religieuse, à coup sâr nuisible en des matières qui appellent
tonte la sévère austérité de rinlelligence. La philosophie, la science, l'é-
rudition, étaient tour à tour en jeu, et, par une bixarrerie assez singulière,
Don-seulement on employait, dans ces réunions, cesnutxlmes d'état, ce
jargon politique et diplomatique auquel, ainsi que l'a fort bien dit
M. Sainte-Beuve (2), le règne de Eiohelteu avait donné cours, mais encore
on j causait beaucoup guerre, bataiUe et stratégie. Je ne sais si Ton doit
(1) Lettres choisieê de Guy-Patin, tom. I, pag.30.
(S) Portraits littéraires, tom. I. Aa tome II, dans i*artide Béranger, U est fort Men
ffiontré anssi comment riilnstre poète tient qaslqpMS-UDeSds'MS allofët taMhei destra-
i ti ons de Técole de Gny-PaOn et de Gassendi.
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'480 REYUB DES DEUX VOICBES.
ttlriboer cet enlhoosiasme militaire à l'influeDoe cheraleresqoe des ro-
manceros eispâgnolSy ou à celle de Strozzi. Mais oa n'écrivait à cette
époque que la dague posée à côté de l'encrier et les éperons appendns à
la bibliothèque. C'est un élan général et irrésistible. Le grand Descartes
prend du service en Hollande et en Bavière; Scudéry se vante de mieux
quarrer des bataillons que des périodes et d'avoir employé plus de mèdies
d'arquebuse que de mèches de chandelle. Naudé lui-même , par une ad-
miration étrange pour l'état militaire , déclare le métier de la guerre ao-
dessus de ceux c qui passent inutilement leur vie à fombre d'une bi-
bliothèque (1). o n recueillit même plus tard le résultat des conléreooH
stratégiques de Gentilly, dans un ouvrage spécial (9) qui n'a pas faitoa-
blier Yégèce et qu'ont fait oublier Folard et Montecuculli. On voit, par
cette tournure guerrière et à demi politique, que les amis de Nandé
avaient siibi, ainsi que lui, du moins en on certain point, l'influence des
Idées du temps et des ridicules de l'époque. Toutefois ce cerde philoso-
phique» dont Gassendi fut le principal représentant, eut, ilfaot ledire,
une immense influence sur les destinées de la philosophie; son esprit,
après avoir traversé le xvii* siècle en se tenant obscurément caché, et
plutôt à l'état d'application qu'à l'état de théorie, dans les réunions de Mo-
lière, de Chapelle» de Ninon de l'Enclos» leva hautement la tôte, qaaod
le haut clergé du règne de Louis XIY eut perdu son éclat, et quand
l'école sombre et claustrale de Port-Royal n'osa plus paraître au grand
jour. Alors la philosophie de Gassendi et de ses adeptes, qui avait été
d'abord propagée par le voyageur Bemier et l'aventureux Sorbière, lot
poussée à ses dernières conséquences. Sensualiste avec Locke et Condillac,
rouée avec la régence, impie avec Voltaire, athée avec d'Holbach, eDe
vint achever son rôle dans un cachot de Bourg-la-Reine, le jour où s'j
empoisonna, pour éviter l'échafaud, le dernier représentant de ces
théories, le marquis de Condorcet. La tempête révolutionnaire, qui eo-
tratna dans l'abîme tant d'autels, tant de trônes, et qui jeta au Panthéoa
Marat à côté de Descartes, sut briser tous ces systèmes et lancer l'esprit
humain, lesté du passé, comme un puissant vaisseau dans les flots defa-
venir. Le sensualisme tâcha pourtant un moment de se mettre à sa re»
morque et de le suivre; vain effort qui rappelle quelque peu l'inutile dé-
vouement de Cynégire. *
Les réunions d'Auteuil chez M"** Helvétius durent avoir des points de
ressemblance avec les soupers de Gentilly. Cabanis et Garât devaient f
dire, seulement avec plus d'esprit et de convenance, bien dea choses
(*) Addiiian à rw*i. d€ UiOi XI, pag. iU
i9)De$tudiomaUarl,
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GABRIBL NAUIIÉ. ,t6l
qu'avaienl ditei autrefois Gassendi el Naudé. Je ne crois pas pourtant qne
le caractère de Guy-Patin se retrouvât là en entier. Tout aussi y était plus
ouvert, mieux assorti; il y avait plus de science du bien-vivre, [^lus d'ai-
sance dans la critique. Mais au fond ragrément intarissable des cause-
ries, la prodigue verve du bon sens et d'un esprit naturel, le commerce
facile, le doute modéré et un peu moqueur, tout rappelait Gentiily dans
cette philosophie accommodante dont le dernier et le plus vénérable
représentant, M. de Tracy, vient de mourir.
Cependant , pour en revenir à Naudé, sur lequel il est temps d'insister,
le président de Mesmes le gardait toujours comme bibliothécaire. Par
reconnaissance, Naudé lui dédia son Àdvis pour dresser une hibUothé--
^ (1). Le sujet, pour le temps, devait piquer singulièrement la curio-
sité érudite des beaux esprits; tous les savans s'empressèrent de lire
un livre qui n'avait de modèle que dans deux opuscules assex ignorés ,
Ton de Juste-Lipse (2) , l'autre de Richard de Bury (3). On trouve beau-
coup de sagesse et de bon goût dans ce petit traité, où Naudé professe
pour son époque les idées les plus larges ; il veut que tous les livres , hé-
rétiques ou non, soient admis dans ces vastes catacombes de la pensée
humaine, qu'on nomme bibliothèques, et qu'il voudrait généreusement
voir ouvertes au public; il met aussi toute son adresse de savant et tout
son amour-propre de bibliothécaire en jeu, pour engager, par d'adroites
flatteries, le président de Mesmes à acheter des livres. Dans ce dessein,
il procède par ces énumérations historiques que nous avons déjà fait re-
marquer dans son style. Invoquant tour à tour Ptolémée-Philadelphe ,
qui donna 15 talens des œuvres d'Euripide, et Aristote qui acheta
72,000 sesterces les œuvres de Speusippe, et Platon qui employa 1,000 de-
niers à l'acquisition des écrits de Philolaus, et Hurtado de Mendoza qui
fit venir d'Orient un vaisseau de livres, et Pic de la Mirandole qui dé-
pensa 7,000 écus en manuscrits, et ce roi de France qui mit sa vaisselle
en gage contre un livre de médecine, il a pourtant oublié, chose étrange,
ce Panorme, tant admiré des bibliophiles, qui échangea sa maison contre
nn Tite-Live. Si Naudé mettait ainsi à contribution toute k science de
l'antiquité pour engager son protecteur à augmenter les rayons de sa bi-
bliothèque, c'est que la passion des livres, cette passion innocente qu'igno-
nient les anciens , et qui a brouillé tant de ménages modernes , c'est
que l'amour du booquin l'avait absorbé tout entier. Naudé, d'ailleurs,
je me hâte de le dire, avait une plus vaste capacité d'affection, et
(«) Paris, len, in-it.
(I) De bIbUotkecU epitagma.
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fXH RETVB DBS DEUX VONDBS.
il aimait tcms ies livres sans exception , commelS. Xavier de Halstre
toutes les femmes. Il ne reconnaissait guère, en fait de livres , deox
divisions 'distinctes y à savoir, le livre rare et le livre commun; noQi
pour lui, cette dualité de l'être imprimé n'existait pas , et il absorbùt
tout dans son vaste panthéisme de bibliophile. H eût presque dit de
ses chers volumes, ce qu'en disait Richard de Bury : a Ce sont noi
maîtres; ils nous instruisent sans verge et sans férule, sans colère et sans
rétribution^; quand vous venez i eux, ils ne dorment point; si vous les
cherchez, ils ne se cachent pas ; si vous vous trompez, ils ne murmureat
janiais , ils ne sourient point de votre ignorance (1). » Le centre des af-
fections de Naudé, c'étaient donc les livres. Il a écrit quelque part qaH
ne sortait guère de sa bibliothèque que j>oiir aller à la mangeoire (S), et
je n'ai pas de peine i le croire, car toutes ses idées étaient tournées de
ce côté, et il eût presque fait comme le Florentin Magliabecchi qui man-
geait et dormait sur ses livres , au milieu des puces et de ses araignées
chéries. La carrière de bibliothécaire devenait donc de plus en phis
celle de IVaudé. Sans doute, il s'était souvent demandé si c'était là un état
honorable et utile, puisque l'antiquité ne connaissait guère ces sortes (Teo-
plois. Ayant pourtant le modèle de Yarron qui gouvernait la bibliothëqoe
du mont Palatin , et plus récemment l'exemple de Budée , d'Heinsios et
de Gasaubon , il se décida à s'adonner entièrement à ces sortes de tra-
vaux. Gassendi s'éloignait de Paris pour mieux philosopher, Guy-Patin
devenait de jour en jour plus occupé ; il faHut se séparer et se résoodre
à n'entretenir désormais ces doux commerces d'amitié que par des lettres
fréquentes. Naudé aussi désirait voyager; sur la présentation de Pierre
du Puy, le cardinal de Bagni le prit comme bibliothécaire et secrétaire
de ses lettres latines.
Naudé partit pour Rome , avec son nouveau protecteur, sur la fin de h
saison, en 1630. Le séjour de cette ville, où il devait demeurer douze ans,
donna à son caractère une souplesse d'opinion peu louable. On voit dès-
lors qu'il habite cette vieille Rome qui a passé par touslesabaissemenset
par toutes les puissances , par toutes les vertus et par toutes les corrap-
tions; on sent qu'il foule une terre où il y a eu des esclaves. Secrétaire
d'un cardinal , et lancé par conséquent dans un monde où les opinions
devaient être peu tolérantes; forcé de faire ployer à chaque circonstance
son esprit douteur et son indifférence philosophique, dans un pays où il
n'y avait pas de milieu entre la foi et l'incrédulité, dans une ville où
chacun était athée ou croyant; obligé, par convenance, de changer en
{i}PhHobibUi, aLip.n.
(9} Mascwrat, pag. 971.
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piwélytîHi^ ei pf^mfà^ e^'propagvidttrelIgîeiiBe, oeue «pniwi soaTeni
maaîtelée^pwiiuiy qa^ea fait de culte a fallaU dêmiennr eomme Ton
étotlv(l^., Naiidéitit contrawl de s'iiabètoer à une hypocrisie d'ôptnioiiê
qui eeofeDtit pea à son caractère^ Je suiS'inéaie étonné qu*il ait osé eii«^
tietonir en Italie des liaisons areo GrenooKi dont la religion , selon
Patin, était aussi dootense que celle de Pomponace, de Cardan et de
MacfaiaveL La politique théorique avait déjà séduit Nandé, car son
école voyait ayec peine la coterie de la cenr envahir un sujet qui était;
s^oift elle y de «on domaine exclusif. Gomme Balzac avait mis du bel es*»
prit et du pbttbus dans son Priitetf, ainsi qu'on disût alorSy.Nandé vou«>
lat porter sa méthode de critique érudite dans la politique. Quelques
mois avant son voyage, il publia donc une ÀddiUon à rHisMre de Louis XI n
Ce n'est pas une histoire méthodique et profonde comme celle de Gom«
mines , on une ehroniqne scandaleuse comme les pages de Jean de Troyes^
mais plutôt des notes un peu diffuses, où on trouve de tout, par exem^
pie, des détails fort cnrieux sur Ui barbarie scolastiqne, et des recher-
ches savantes sur le prix des livres avant l'imprimerie , et sur la
typographie elle-même. Naudé professe pour Louis XI une grande ad-
miration. Golletet lui dit même, à la suite des vers grecs, latins et fran^
çais qui suivent la préface, qu'il n'appartenait qu'à lui d'èclaircir le soîeH
«t de blanchir Vyvoire. D'où viennent de la part de Naudé, liomme
probe et incapable de mensonge, ces continuels éloges du plus trompeur
et du plus parjure de nos rois? Est-ce parce qu'il a ramené l'nnité dans
la monarchie , en rabaissant au profit des classes moyennes les grandes
têtes féodales qui jetaient de l'ombrage sor son trOne? Non , ces censé'-
quences n'étaient pas encore visibles, bien que Richelieu continuât alors
l'œuvre de Louis XI. Ge qui causait l'admiration de Naudé, c'était sans
doute la devise : Qmi ne sait pas dissàrnukr ne sait pas régner. En effet ,
les traditions de Machiavel avaient propagé parmi les savans cette con«^
viction, que la politique est un art de dissimulation continuelle où la
boone foi est nuisible , et oùJes moyens importent peu quand la fin doit
être bonne. Quoi qn'il en soit, malgré Fessai deDudos , le caractère de
Louis XI, que Walter Scott a commencé à mettre en lumière , attend
encore un historien. L'opnsculede Naudé devra entrer dans les roaté^
rianx d'un livre qni avait été, dit^Ni , écrit par l'homme le plus capable
de l'exécuter, par le plus grand écrivain qne la France ait jamais eu
peuti^tre, Montesquieu. Arrivé à Rome, Naudé continua à s'oceoper
depotitiqoe. an 9iiliea< d'une raultit^ude de publications érudites, de
querelles sur l'auteur de 17mitotioii de J.-€., de mémoires sur des points
(i) I«/lr«^MÉi#t^dS'€taHNttinr)M^inr FS^" Mi
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J
461 RETUB DBS DBUX KOIfDBS.
bibliographiques, il consacra le temps que lui laissaieut tous ces tranoi
et les affaires du cardinal de Bagni à une Bibliogrt^hie poUtique qui loi
coûta, dit-il, beaucoup de peine (1), et qui fût regardée long-temps
comme un excellent livre. Cependant, les idées politiques de Nandé
prenaient chaque jour une forme plus déterminée. Il en était arrifé
k un certain fatalisme historique qui ne voyait dans les révolotioDS
successives de l'humanité que des modifications semblables à cdles
des formes matérielles, mais sans croire à rien de progressif dans
les idées, a Toutes les choses du monde, écrivait-il, sans en excep-
ter aucune, sont sujettes à divers bouleversements qui les rendeot
beaucoup estimées en un temps, puis mesprisées et ridicules en raotit,
font monter auiourdhuy ce qui doit tomber demain, el tournent ainn
perpétuellement cette grande roue des siècles qui fait paroistre mourir et
renaistre chacun à son tour sur le théâtre du monde. Les empires, les
sectes, les arts ne sont pas exempts de cette vicissitude. Les peuples, après
avoir paru et dominé en un certain temps , se ralentissent par après, et
retombent dans une grande barbarie, de la quelle è peine ils sont relevés
qu'ils y retournent encore , quittant ainsi la place et demeurant dans nu
perpétuel confiict , pour paroistre les uns après les autres, comme Castor
et Pollux, ou plutôt pour régner successivement comme Atrœos et
Thyestes. o Cette appréciation morne et froide des empires qui tombent
sans profit pour l'humanité , cette contemplation inflexible de la société
toujours en douleur pour ne rien enfanter, cette croyance que chaque
temps s'accomplit, non en vue de l'avenir, mais pour soi et en dehors de
la sphère des idées; en un mot, ce fatalisme historique, comme je l'ai
déjà dit, durent conduire Naudé à de fausses conséquences poUtiqncs.
C'est ce qui arriva pour le malheur de sa mémoire.
Le cardinal de Bagni désirait voir résumées toutes les vues de la po-
litique ambigué de son temps , toutes les idées romaines sur les matières
d'état. Naudé écrivit donc pour lui, et non pour M. d'Emeri, intendant
des finances, comme on l'a dit à tort , un opuscule malheureusemeot cé-
lèbre, et qui , selon M. Dupin afùé (2), aurait été tracé sur le caneïas do
Prince de Machiavel , dont il surpasserait la cruelle profondeur. Les
Coups d^étai de Naudé n'ont pas seulement laissé trace dans le monde
politique, mais ils ont encore donné naissance, parmi les bibliophiles,!
une querelle dont ce ne serait pas ici le lieu de parler, si la bonne foi de
notre auteur n'y était gravement compromise. U est dit, dans la préface
des Coups d'état, que ce livre, fait par obéissance, n'a été tiré qs'i
(I) Eplstola Naudteî. Génère, isn. Pag. SS4.
(i) Uttrcs sur laprofution d^fwocah cinquième Mition, tMk ll| pag-Sa.
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GABRIEL NAUDÉ. tfiS
douze exemplaires, pour la satisfaction du cardinal de Bagni qui n'avait
« ses lectures agréables que dans la facilité des livres imprimez, o II est
en effet facile de concevoir que Naudé n'ait pas voulu publier un ou-
vrage qui avait été arraché à ses principes, et qui contenait d*aussi détes-
tables doctrines. Seulement , comme le cardinal de Bagni n'aimait pas à
lire les manuscrits, on en fit imprimer une douzaine d'exemplaires, qui
ne devaient pas sortir du cercle resserré d'un petit nombre d'amis. Rien
donc que de très naturel et de fort plausible jusqu'ici. Mais comment
expliquer qu'on connaisse maintenant plus de cinquante exemplaires de
la fameuse édition? Naudé mentait-il dans la préface et voulait-il vrai-
ment abuser de la bonne foi du public en lui donnant un livre qui était
supposé écrit pour quelques amis ? Une pareille duplicité littéraire ne
répagnait-elle pas au caractère de Naudé, qui n'avait d'ailleurs aucun
intérêt, si cela n*eût pas été, à indiquer le nombre des volumes tirés? Il
est donc plus probable (et c'est l'avis de M. Nodier) que l'on n'a pas
retrouvé jusqu'ici d'exemplaire de l'édition pnnceps, et que celle que nous
connaissons n'est qu'une contrefaçon à petit nombre • faite sur un volume
envoyé probablement à Paris par quelque ami indiscret (1). Quoi qu'il
en soit, et bien que le dessein de Naudé de n'écrire que pour le car-
dinal de Bagni pallie un peu sa faute, son livre n'en restera pas moins un
mauvais pamphlet en faveur de la tyrannie. L'auteur d*abord se croit à
une époque de décadence et où les empires vont bientôt finir, et, à ce
point de vue, il lui devient nécessaire de conclure que la concentration du
pouvoir peut seule sauver les états. Il perce dans ce livre de Naudé,
comme dans ses autres écrits, une grande admiration pour les minis-
tres qui gouvernent hardiment : ainsi Richelieu de son temps, d'Am-
boise sons Louis XII, et Sully sous Henri IV. Toute sa sympathie est
acquise à ces hommes, parce qu'ils font converger la puissance vers
uu même centre. Il faut que rien ne leur résiste, et de là une triste
conclusion à la nécessité , à la moralité même des coups d'état. Ils doivent
frapper comme la foudre avant qu'on ne les entende gronder ; ils doivent
ressembler à ce Nil dont les peuples ignorent la source, tout en jouissant
de son embouchure. Qu'importe que la loi s'oppose aux coups d'état du
prince; le prince doit non-seulement commander selon les lois, mais en-
core aux lois mêmes, si la nécessité le requiert. Quant à la moralité des
moyens, Naudé n'y tient guère. Le peuple lui parait une bête à plusieurs
têtes , vagabonde , errante , folle , étourdie , sans conduite , sans jugemeot,
et de mécanique condition. En cela peut-être il a quelque raison; mais
|1) Gny-PaUn d*amean dit que PéditUm frlncêpi eu Cmipê dtitat Mt m peîUi sarte^
Iftîet. Or, réditlon connae eit in-K
TOME TII. SO
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Uê REYUE BK6 DBOX MONDES.
astMse à 4ire qu'il faille ea inférer qoe les ministres doiveati^étki&r à
le séduire par les apparences, à le gagner par des prédications» des mira*
des et de bonnes plumes^ propres à le mener par le nez et hii foire ap-
|iroa?er ou condamner sar Tétiqaette du sac toot ce qu'il œntieat?
Est-ce i dire qu'on^ eùX bien fait de jeter quelques os en la boudie de
Luther, de lui cadenasser la langue par quelque pension ou gros bénéto?
Cestoe quels morale niera toujours, et c'est ce qu'avance Gabriel Nandé,
qui , par malheur, ne s'en est pas tenu à ces erreurs, et a osé se faire
l'apologiste d'unies plus grands crimes politiques dont soient ensaaglaiK
tées les pages de nos annales. En un mot , et pour être quittes d'une ttcbe
qui nous répugsosor le nom de Naudé, on trouve dans les Coupt éditai
l'apologie de la Satm-Barthélemy. Pour qu'on ne m'accuse pas de n'in-
sister que légèrement sur ce point, je citerai les deux i^ushorribks pas-
sages. « Je ne craindrai point , lit-*on dès l'abord , de dire qoe ce fol
nue action très juste et très remarquable, et dont la cause était plus que
légitime , quoique les effets ea aient été bien dangereux. C'est une grande
lâcheté, ce me semble, à tant d'historiens français d'avoir abandooné
Charles IX et de n'avoir montré le juste sujet qu'il avait de se défaire de
l'amiral et de ses complices (1). d A la page suivante, on lit eneort:
« Il fallait imiter les chirurgiens experts qui, pendant que hi veine est
ouverte, tirent du sang jusqu'aux défaillances, peur nettoyei les corps
cacochymes de leurs mauvat3es humeurs. Ce n'est rien de bien partir a
l'on ne fournit la carrière; le prix est au bout de la lice, et la fin règk
toujours le commeoeonMot. » Jamais, je crois, Fapologie du crime n'i
été* écrite avec un pareil sang-froid. Il est vrai que, comme Naudé dobs
le dit imoméme on ne parlait pas en si mauvais termes de cette eié-
eutio» ea Italie qu'en J'rance. C'est qoesaos doute le sourenir des pro*
cessions qu'oq y amt ftiites en actions de graoes> n'était pas^ncore paaé.
11 y a aussi à notre époque une déplorable iend«ice<[e fatalisme histori-
que qui cherche à justifier tous les crimes de l'histoire, à substituer b
nécessité à la culpabilité , le fait à l'idée , la chose accomplie à rintentioo.
Hommes inconséquensqui font faire i la fatalité la conquête de la liberté,
espèces d'architectes en ossemenset en tètes de mort, pareils è ceux qu'on
trouve à Rome dans les catacombes, ainsi que l'a dit admirablement
Mé de Chateaubriand, On est ainsi amené de nos jours à justifier ks
scènes delà Terreur et de la Saint «Barthélémy; l'un yaut l'autre. Qu'as
rot tose feu sur sott peuple ou qu'un magistrat place un orchestre è cMé
daJ'éciiafiimdyqui'oii se nomme Charles IX o« Lebon, qa'oirmetteBor-
gia au Vatican ou Marat au Panthéon, la vérité ne doit montrer là qœ
(i)Pag.fi6.
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ÛkÉÊML Mme* 'wff
' ^les nsflsstiiSy ponirlesquélâ ItiiVsl pas^dv liâpCèine dstis l'histoire . Le erfme
recid iefc faoïnnips égaux , oomme la mort, etlt^eate toojoiirs crhnoy aoit
qaTH vienne d*inie tête cooromiée, ou qn'ft seit rœurre (Ftiii tribun.
Tni dit tout ce tin'fl y arëlt de condamnable dans fourrage de Gabriel
~lfandé , sans essayer de le justifier en rien, soit par sa position foroée, soit
par les Idées de son temps. On troote pourtant dans les ÛHrps étéktî pins
de modération qu'on ne le pourrait croire au premier abord. Ainsi, il
avoue que la matière qu'il traite est penchante vers VinjusHce , que les
coups d*état ne doivent venir qu'à la défensive et non à rofTensive , pour
conserver la puissance et non pour l'agrandir ; qci^ls ne doivent appa-
raltrer qné eomme des comètes, des tremblemens de terre et des érup-
tions; qn^ 7 fsut procéder en Juge, non en partie, en médecin, non
en tiourrean ; qu'ils ne doivent se trouver dans la vie -des rois que comme
sur les médailles des hérétiques, où II y a un pape d'un côté et un diable
de l'autre. Tfandé, selon la mode de son temps, croit que tout a été
finesse et tromperie dans Kbistolre, et il Ta même (jugement singttHer
chez lui ! } jusqu'à ranger dans ce nombre la conversion de Ctovis et les
miracles de Jeanne d'Arc. Pourtant, on trouve çà et là dans son livre
des idées !it>érales, qui font singulière figure au milieu de la politique
despotique et cntelle qui y est prêcbée à tontes les pages. Ainsi , Il dit
quelque part qtf il ne faut pas assigner de bornes à la démence des rois,
parce qu'elle est comme Pinfini et qu^Ale n^ doit pas avohr de limites.
PIqs loin, il veut que les emplois soient abordables à tous, et à tM)
propos il ajoute que, malgré son estime pour la noblesse, il préfère le
sofeil, qui produit du dedans là lumière, à la lune, qui la reçoit du
dehors, les tortures hii paraissent aussi injustes, et il -ose écrire t|He
le maréchal d'Ancre n'eût pas été moins justement pnni , qnand on ne
Téûc point tratné et déchiré; Quant aox limites que doit avoir l^oiiéis-
sance enters les rois, il n'ose guère aborder la question. Cette détermi-
natioil du pouvoir royal eût été corieu^ dans sa bouche. Toici les sevis
passages que j'ai trouvés' dans ses Coups et état sur ,ce sujet : a Quand te
soave^fn use de son pouvoir autrement que le bien publie on le sien,
qui n'en est point séparé , le requiert , il f^it plutôt ce qui' eist de la pas»
sionêt de l'ambition d'un tyran que rofflce d'un roi. p Ailleurs, on
trouve môme cette pensée plus avancée, que a les sujets ont le droit de
donner ordre aux déportemens d'un tyran. »
De l'esprit général des ouvrages politiques de Naodé ressort, nous
Tavôns dit, une grande sympathie pour les ministres supérieurs qui
s'emparent de la puissance, et qui sont comme une incarnation du pom-
voir. Il se plaît à tracer le portrait du ministre dont il se fait un idéal, «fe
veux qu'il vive dans le monde comme s'il en était dehors, et aa-dessoos4a
30*
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468 âBYUB OBS OBUX MONDES.
dd commes'U en était aa-dessiia;qa*il t'imagine que laoonr cal le
monde où il se dit et se fait le plus de sottises, où les amitiéa aoi^ks pl«
capricieuses et iotéressées, les hoibmes les plus masqués, les maiiret ks
moins aCfiectionnés à leurs serviteurs; qu'il se pique d'une pauvreté gêaé»
reuse, d'une liberté philosophique, mais séyèrey et d'une grande obill-
nation au bien. » Sans doute, le portrait qu'il trace est beea;
livre n'en est pas moins un livre blâmable , à propos duquel on
toujours redire ce que l'auteur avait écrit autre part : c La pli
sçavans a la vertu de servir bien souvent d'ombrage aux plus
imperfections, et d'eslever, sur la noblesse de ses aisles,ce qui méritcfeit
d'estre caché dans les profonds abysmes de Toubliance. » Oui» aune
saurait trop le répéter, ce sera toujours une tacbe pour la mémoire et
Naudé que son apologie de la Saint*Barthélemy. U y a des orimes fe'si
ne peut essayer de justiGer sans s'exposer aux malédictions de l'histeire.
liais en ne jugeant que pour ce qu'elles valent, ces pages arrachées à h
faiblesse, on peut conclure que le livre de Naudé tend à imnaoler eolié*
rement le droit privé au droit public. U en était encore au point de vie
de l'antiquité* Le christianisme vint apporter dans la société Tidée poiee-
tionnée du droit particulier et de l'égalité individuelle. Tontes les Um-*
' dances de progrés doivent donc se manifester dans le sens de ralUaneede
plus en plus intime de ces deux principes. C'est là le problème de r»c>
nir. Le livre de Naudé, qui était rétrograde en politique , dut peu ern-
renir à la liberté de pensées de ses amis. Aus^j on trouve dans les letlisi
de Guy-Patin un passage extrêmement caractéristique où ropiniouëa
hardi sceptique échappe presque en entier et achève de mettre en
lumière le cercle philosophique de Gentilly. Ce fragment a été écrit
après la mort de Naudé, et 11 est d'autant plus remarquaible, qae
l'Acreté de Guy-Patin s'y montre a l'aise :« L'auteur des Coups éTAst,
dit-il, étoit en un lieu où il flattoit le pape et son patroo le cardîMl
de Bagniy où il avoit peur de l'inquisition et de la tyramiîe» et de
laquelle même, à ce qu'on m'assure;, il avoit été menacé: de plus, fl
avoit une grande pente à nh prendre aucun parti de religioQy ajmt
l'esprit tout plein de considérations, réflexions et (diMervations politkpMS
sur la vie des princes et le gouvernement du monde, et sur la moi-
nerie aujourd'huy répandue en Europe , de sorte qu'il étoit bieo pfaMt
politique que catholique Je ne veux pas oublier que H. Nandé
faisoit grand éut de Tacite et de Machiavel; quoi qu'il en soit, je creii
qu'il étoit de la religion de son profit et de sa fortune, doctrine qu'il arot
puisée à Rome. Mais ce discours m'ennuye; je tous dirai en un mot, jt
ne sçais qui a été le meilleur, ou l'écolier ou le maître, Rome ou Paris,
ie cardinal de Bsgni oo 990 secrétaire I9U01 le (»irdioal Naj;arin go s«
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l^bliotliéeaire; je me penoade poortoit qoe loi» éms, n'éteéent giière
inquiétez ni chtrgez de scrupules de la oonscîeQoe* Tontefott, je vous
dirai que M. Naudé étoit uo homme fort sage » fort réglé , fort prudent^
qai sembloit YÎTre dans nue certaine écpiité naturelle» qui étoU très bon
auoai , fbrt égal et fort légal » qui s'est toujours fort fié à moi et à personne
antaint que moi, si ce n'est peut-être à feu M. Moreau; point jureur ni
mocqueur, point ifrogne; il ne but jamais que deTeau. Je ne l'ai jamais
Yu mentir à son escient; il prisoit fort Charron et la RépubUqfêê de Bodin.
Je coDcludsque Thomme est un chétif animal » Iràen bizarre » si^t à ses
opinions, fuitasque et capricieux » qui tend à ses fins , et qui toute la rie
n'aboutit guère à son profit , particulièranent en pensées non seulement
Tagues, mais quelquefois extravagantes. Aussi plusieurs n'y réossirent*ils
pas» el même M. Naudé n'y a pas trouré son compte, tout savant qu'il
foi (1). o
On peut conclure de cette dernière phrase que la fortune n'abonda
pas toujours chez Naudé* En effet, son goât assez dispendieux pour les
Myres, et la pension modique que lui faisait le cardinal de Bagai devaient
à peine suffire à ses besoins, avec le peu de profit que lui rapportaient ses
IlTree. Modeste en ses goûts, toujours en causeries desavant, ou enfermé
daos sa bibliothèque, il semble cependant qu'il aurait dû trouver dans ses
ressources, sinon Yawrea mecfiocrHss» du moins le m amgmUi ëomà. O
faut qu'il n'en ait pas été toujours ainsi, car, dans. un Tolnme d'épi-
grammes latines, publiées plus tard , en 1650 , il remercie les frères du
Pay dei'amitié qu'ils ont bien voulu lui montrer lorsqu'il était à Rome,
qmmwÊviM egeniem (2). Ce peu d'aisance, ainsi que ses goûts sditaires de
bibliophile, empêchèrent sans doute Naudé de se marier. La femme ne
lui paraissait guère qu'un ustensile assez inutile dans l'ameublement d'une
nuôson. n préférait a une bonne mesnagère et couturitee à une sça-
vante (3). » On lui fait même dire dans le Navàcoana : c Je ne pourrai
me résoudre à me marier; ce marché est trop épineux et plein de dif-«
ficulté pour un homme d'étude, s H était de l'avis de l'avocat Guion,
qui, en achetant un exemplaire des oeuvres de Mii« de Goumay, citait
certain passage d'Accursc : Puer bibens vinum et mulier Icquens laiimum
nunquam faeietii finem bimim (4). Naudé était peu susceptible d'une
(1) Lettrée choisies, tom. IV, pag* S31 et suivantes.
fS) Naudca epigrammata, iOSO, in-lS. Dédicaee.
(^ Masewral, pag. SO.
(4J Walter Scott, dans atf savant ouvrage inUtalé : Demont^ogy and Witcheraft^
ch. Ti, a inséré un Jugement assez eurieux sur Naudé. Hais l'illustre écrivain, mal
informé sans doute, fait de notre auteur un ecclésiastique. Cest une erreur qu*il est utile
de relever, les éditions populaires de Walt«r Scotl se multipUftnt de plÙ m pluS sa
France.
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iteM^^oiÉHe é>BMtfleotftMi IHea tMCie. De«M temps;
eoBfîilaU^è peo prèvëaw Iwf^iiattiemsde 11i(M^^ <to AunbooillÉlelfl
boraiieaiiirfiiiiltat'^e lft>can»dB A^ymnM lie TeûÉTB. Le godt «ipagfli
pour let êai/hmmem tlnMdeMspiM eilM dénimtuB amourein ne il
trmifeîi guèrefae diiis'lel Mvtmm dbm les peèsies. Une seide feminel
€eUe4poqiieéliit«qp«l»lto de notir les bHIleiites émotions de rÉoioiir, ft
eette femme peussaififai jaleuie jnsqu'à l'asstssinat : c'était GMsiiie.
Quant! à Maoéà, la yie dot a^afmirpmF hii ni seeonaea Tives ni espé*
ranees ééçuei« llJa pfit dét lUoeé ponr ee qu^eNe faut , né la dorai
pas de trop df îMasiona^ n^ér raafcnHRssant pta de tnop de dégoûts, eéh
tance sans ooDOMtfatioa» ilhmu et sans épanoulnement au debort;
▼le qni nei s^est pm evéé dldolès aiofoeUes il fant saorifier, et qui s*éd
fait, ee dehors de rart , an but d'évaditnm spécisie. Tontes les
avaient peu à peu disparu de son ame, au profit de la grande
qsà le dominait, l'asHiir des Irms. Il s'étnt développé on goiae
d'indifiiénaee aoqaense^aai 'fond de cette exisliiDoe qui avait été «i
peu laîaiée à éllesavle, et nonrcboyée à tout propo», mdlHniieÉI liMlè
en des lètes et en de dan" présens, comme ceHe* du peiéte rjnaiid
par etempie y ou #tt tBvd«slle é»Ve4lBîrev Pendant aen séjQiir ê I^
il avait pais quelque dMse'd^idfte» et de psvferm^ dans leuulUla
Dans la cité éternelle qneiléran avait brûlée, el que les ptélettESi
mettaient à l'enean, eu eiaiqae vice avait son temple, et où, sdai
l'espreaston deMareoe , il j avait moins d'hommes quede dieux, ssH
les pordques ob afuîeiit été attehées les proscriptions de SjfUa et 4»
triumvirs, il^réva rapotbéose des tyrans et reloge de la SaJuc-UfeHM*
lemf. Cette ^faiblesse a^^mal tourné àNaudé. D'autres ettC leuéftaq»-
sltion sans qu^on les es ait blânés; d^autres ont iroifvé de baMssvatt
à Fliilippe»le*-Bel«tdes «ertnsàilMbespierre. Il commence mémoMel^
nirà peu prés promré^ par des pièoes et des témoignages aotheliliqeOt
que laSaint-^Dartliélemf a été plntétone mesure piése èlalégére cCsM
grande rédenon (1), qi/un massadre projeté lottg«4enipa à ravaastf ic
mûri dans yemtve. Je crois qu'il serait assez piquant de rapproefierii
jugement de Naudé les opinions de quelques-uns de nos eoniemponto
fort avancés en fait d'idées de liberté et de progrès aoeiai , qui ont tldd»
je ne dirai pas de justifier , mais au moins d'expliquer la Saint-Bariité-
lemy.Le plus illustre d'entre eux, avant de s*être jeté hrusquemeotdaBi
les luttes de la démocratie, moaira en l'une de ces admirables luecfcs- 1^
res, qui n'ont pas été le côté le moins vif et le moins retentissant dt a 1^
gloire, une approbation assez prononcée de la IJ^nc. Plus récemmevlf n
. .(t) Yoyoz le tome ¥11 de l^iceUante oeUectton pvbliée par M. INn^^Qa^
tous le UUe à^ArcMvc9 curieuse de l'histoire de France^
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mmàé 4n
écrivains qu'on peuli pour le«rt ofMom coMckiicnwg «t abfo*
r«pproclMir de If^ de I^ Meinaif^ MM.'Boelieff ^lloiii^ dsM IHi^
ces bette» préfaces dont Ufrfooit préééder les TokAMi de leur IfltM^
lrai#iilaéf#i<eIar^TOlfil4iiifrêi»ç«isiv oaldk€eq«'lâ^lattl07«leBeiil|>ei«
aibiB de haaarctor peor la Jnstiâcatioii Hkéerîqiie de eette déplorabtejeor*
néeduSiJM^IS/ra. QmotàNtttdé, il j a «ne ekeie qei «pK^pie periti»
teflMDt 10» éloge deCharles IX, et je m'élenae q«'en ne l'ait pas encore
liBT)iiqiiée* Nandé avail dû oonoaHreHebbes^ qui était lié aree Gassendi;
oe dn mebis , s'il ne Tarait jamais tu f il adoptait les principales idées
de sa philosophie « Or, on sait que cène phUosephie aboottisant en poli*
tique an despotiunef Tantenr avait en la logîqne de son système, et avait
quitté L'àngleterre lorsde rexécotien deCiMurles P*, ponrj revenir quand
Gromvrell y eut as9i8 sa dictature^ pavée qu'il lui devait respect comme
despote. Il n'est donc pas étonnant que eet homme singulier, qui croyait
à pause à Dieu, et tremi>)ait è la pensée dn démon, qui n'avait pas fbi à
la liberté, mais qm dressait un autel à latyrranie; il n'est pas étonnant
qœ Hohbes ait laissé qnelqnes-unesde sés^dées à Nsnidé. Toutefois, et
je me hâte de le dire, l'auteur des Ooaps d'éSsI n'a saisi dans Phistoire
qaeieeùtépartienlier,eenereteteonlîagent; bien qu'il vécût au temps de
Vieayles idées delaMencamiowi lui-éebappent absolument. Le hHe de
FiBSoi , du général , de l'absolu dans le développement humain, n'a pas été
ccMKipvis par lui. Notre sièele , fécond en grands historiens, a au contraire
parfaitemeatprofité deces pensées; mais peut-être est'^i à craindre qu'on
ne ftiasft peu à peu disparaître les hommes sons les idées, et il serait à
déairer que le sens juste et modéré reprltun peu de son empire, et réta-
bits^ea leur vrai lieu certaines portions grandies ou rabaissées è tort.
M» Ciuérard, dans un excellent travail sur l'ininenee dn dergé, sons les
dem premières reees, inséré récemment aux Biémeires de l'Académie
dea kieeriptiens, a redressé, à propos de Gharlemagne, par exemple,
q»elcpies«uns de ces jugemens exagérés.
San protecteur étant mort en 1641, Naudé se trouva de nouveau sans
eaaploi^ Le cardinal Barberin se l'attacha; mais cela ne dura guère, car
o» le voit bient<H nommé médecin de Louis 3CIII avec appointemens ;
pwa, l'année suivante, Rieheliett l'appeHe pour en faire sonbîbHothé-^
casre : mais ce ministre étant mort presque immédiatement , Mazarin lui
dooaa le même empU>i>. De retour à Paris , Naudé continua sans doute à
^vair G«iy*Patia^ Quant à Gassendi^ il était en Provence, Les petites réa*
Biaos pMOBophiqnee ne darent donc plos avoir le même charme; la pé*
tukmea dalajeaoeese était passée; l'êge était venu, etavee hii la vraie
af^rémtion des ehoses> Les soupers furent phis rares et moins égayés,
etraarnedotpasf IsraMr) eoBMaa aux réunions postérieures d'Anteuil,
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472 REVUE I>ES DEUX MONDES.
la belle résolutioQ d'aller se noyer en compagnie après le repas. D'aiDans
cette époque de la vie deNaudé se passa presque en voyages continoelsiMr
chercher des livres. La Hollande y l'iulie, l'Allemagne» l'Angletenc,
furent tour à tour visitées par lui ; et il en rapporta les îmmeiiseB ii>
chesses qui fbrment aujourd'hui la bibliothèque Mazarine. Uo «oteor^
temps nous l'a peint d'une manière assez comique, sortant pieîn de po«-
sière et de toiles d'araignées de chez les bouquinistes qui lui veodiiat
les livres en bloc et par tas. Que d'innocentes jouissances, qœ de dâ*
cieuses surprises ne dut pas éprouver le bon Naudé , lorsqu'il reocootnit
ainsi mille trésors enfouis comme la perle dans le fumier! Chaque déoM-
verte nouvelle l'animait à la recherche : il se souvenait sans doute que
Logius avait trouvé Quintilien. sur le comptoir d'un charcatier, et qv
Papire Masson rencontra les œuvres de saiot Agobard chez un reliev,
qui allait en faire des couvertures. Aussi nulle fatigue, nulle priraiia
ne lui coûtait pour fonder l'un des plus beaux dépôts littéraires ^ y
ait en Europe. En revanche, la bibliothèque Mazarine n'a pasntee
toutes les productions de son fondateur , et l'on s'est contenté de dmma
son nom à je ne sais quel méchant escalier.
On comprend que Naudé ait aimé Jdazarin. Qu'importe que Maan
fût un ministre cruel et despotique? n'avait-il pas le goût des livres,
n'envoyait-ii point Naudé dans toutes les contrées de l'Europe, avec per-
mission d'acheter ce qu'il y trouverait de curieux? Aussi je pardonae
volontiers à Naudé d'avoir admiré Mazarin, et d'avoir écrit en sa fitfev
son chef-d'œuvre, le Maseurat Ce n'est pas que Naudé eût beaueoop i
se louer de la générosité de son protecteur, qui lui avait donné, pour look
faveur, deux petits bénéfices, un canonicat de Verdun, et le prieuré de
l'Artige, en Limousin, qui rapportaient 1,200 livres de rente. A enjafer
même par un passage du Maicurat, Naudé, qui avait une multitude de
frères et de neveux, qu'il lui fallut peut-être aider, n'était pas très à
Taise dans ses finances. Quand Sainct-Ange reproche à Maseurat d'être,
« non-seulement mouchard, mais encore conseiller, émissaire, advocat,
factotum, secrétaire du cardinal, » Naudé lui fait répondre : a Je voa-
droiâ que tu eusses menty toute ta vie, et que ce que tu viens de dire liât
véritable ; je ne serois pas affamé comme un rat d'église, ou chargé étv-
gent comme un crapaud l'est de plumes. » Le Jugement de taaf eefâê
M éerU conlre Mazarin, plus connu sous le nom de MaMcnrai, est m
pamphlet fort amusant contre tous les écrits connus sous le nom de Mh
zarinades. Une portion toute nouvelle du talent de Naudé s'y montre à
l'aise et presque à chaque page. C'est une plaisanterie attique, on nr-
casme de bon goût, une causticité sans amert«nie,quidoime déjà idée
de la manière toute nouvelle que déploy» plus tard Pascal dans U$ Pinssii*
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CABRIEL NAUBi. 47S
Met. n n'y a pas Ici de basse flagornerie pour Mazarin ; s'il tait le mal»
n moii» le bien qu'il ayance est Trai. H reconnaît plnsieurs des Mazari-
•des « composées arec addresse, ingénieusement desguisées et propre-
lent assaisonnées. » Il règne dans toot le livre une critique si saine,
me réserve si sage » que l'un des plus acharnés ennemis du cardinal, Guy-
^tin, a dit : « Combien que le sujet me déplaise, la lecture du livre ne
lisse pas de m'étre fort agréable, o II n'y a point d'ailleurs plus d'un
ixième du volume consacré à Mazarin. Ce sont à tout propos des di-
(ressions savantes et pleines d'intérêt sur des questions d'art ou d'his-
oire. Je recommande, entre autres choses, des détails curieux sur les
lépenses de dos rois , et un excellent morceau sur la poésie macaroni-
{ne; l'histoire de ce genre de littérature y est parfaitement traitée et
lyec une érudition supérieure. Le Mascurat est un livre on l'on apprend
toujours quelque chose chaque fois qu'on l'ouvre. Selon le père Lelong,
ee qu'il y a de plus remarquable dans ce pamphlet , c'est un sentiment plus
vif et plus dégagé , quelque chose de moins chagrin et misanthropique
qae dans les CoMps d'état: on y remarque une allure firanche et un peu
cavalière. Les deux interlocuteurs mangent et boivent au plus fort, ce
qai ne les empêche pas de citer du grec et du latin à toutes les phrases.
Mascmrat renvoie parfaitement la balle i Sainct-Ange. Ce dernier a beau
soutenir les pamphlétaires , il faut qu'ils soient battus. Naudé , par la
bouche de Mascurat , les compare ingénieasement à différentes drogues
qas certaine femme , dans Ausone, donna à son mari pour ne point faillir
de l'empoisonner; une seule l'eût tué, et toutes, se servant mutuelie-
ment d'antidotes, n'eurent aucun effet. Autre part, il se moque de ceux
qui accusaient Mazarin d'être ignorant, parce que lui-même en était
convenu par modestie, a Donne-t-on, dit-il, ses bottes à nettoyer à celuy
là qui se dit vostre très humble serviteur; et si on dit : Il n'y a rien céans
qai ne soit à vostre service, cela donne-t-il lieu d'emporter les meubles
d'one maison? Envoye-t-on à l'eschole le savant qui se dit ignorant?»
Naudé ne manque pas de profiter, pour la justification de son maître, de
ces déductions historiques que nous avons fait remarquer plusieurs fois
déjà dans sa manière. Ainsi , comme on reprochait à Mazarin d'avoir un
singe qu'il mettait sur ses genoux , c'est tout à coup , et comme un flot
qui déborde de l'antiquité : Épaminondas s'exerçant avec les garçons de
la ville, Seipion jouant à cornichon va U long devant de la VMrine avec
lœlitts, Agésilas montant à cheval sur un bâton pour faire rire ses en-
fuis, Jacques, roi de Chypre, s'amusant à dévider, Charles IX ferrant
son cheval, Auguste caressant une caille, Alexandre agaçant de petits pour-
ceauiy et Honorius portant une poule. S'il ne cite pas les mouches de Domi-
ticn, Tours de Yalentinien nourri de chair humaine et le cheval de Caligula,
c^est que ces noms ne lui paraissent pas sans doute propres à rappro-
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fH UCYUB Mi DHRt^KMBES.
oher de œlai'de Masaiin. J^criviAt pk» iÊsàt ^ n^eèl pt»^
parJertfe Far«igiiée'd«^PélîiftMi,'et deCrébUJflii-AMiwit ta
chats el deaes^chlMSi Lopsqa'il a'agit das fautea é»
glisse adroiieflMBt tarson autre sujet, ou btea^cooiaia à
défaite, il dit qœ c'est une pierre qui reftcentra la faux» aae
milieu d'un faisceau de lauriers, une ronee dans uae geriM dorée. Bft
d'attleors dans le-âfaseiirat une grande liberté de passée. On aaUfM
la fémle romaine ne menace plus sa main, et qtt'41 foule une lene «làiis
pas de la liberté laissent leur empreinte. Tout^lemeiide, àaea eeM^dsil
pouvoir parvenir à k puissance, et comme il la dit orùment, tel peutaïa-
per cardinal qui n'avait àlaé que d-un plat de tripes. Les boosie»
teries et les portraits piquans ne manquent pas non plus dana-le
ral.Ilyenfrmémequin'ontpas vieilli :t;eci, par exemple :€Le
du François est si inquiet , si insolent, si ambitieux, si entreprenat d
si insatiable , que soudain qu'il a donné un coup de bowiet a«x iiiiniMiii,
incontinent après qu'il leur a parlé , qu'il leur a dit on iMi dire qii*94lsll
leur serviteur, il en veut estre payé, il veut qu'on lui denae toat eeqafi
demande , qu'on augmente ses pensions, qu'on fasse eslat de ses reama»
mandations; en un mot, il est oapi^le d*épaiser en un jour toutes ks
grâces que la cour peut faire en un an. » Ce e^feé ironkpie et gncigas
fois sentencieux , qu'on trouve pour la première fois dans le caractènadi
Naudé, marque diez lui une nouvelle phase; il est un peu dégoSiédi
monde, et il sait la vie. Ni la nature avec son luxe de végétation , ai les
passions du cmnr avec leurs molles et fondantes ealases, ai l'i
avec ses rêves avides, ne peuvent plus le sédmre dorénavant;
plaisirs, il s'est arrêté à des jouissances plus sàrea et BMfins
aux sévères jouissances de l'intelligenoe.
Quant à sa manière de procéder^ en foit de style , ette estia aaéow dans
leMascuraiqae dans ses autres écrits; les citations, miemieliaiiieeié,
mais aussi nombreuses et prises avec affecta tien dans des antcm psa
connus, envatûssent aouventle texte, et se sueoèdent kaoBeeaiixaMras,
et les unes par les autres, presque aubasard , sans goAtei sans méthede.
Naudiavaitdéjà ditautre part ; • J'ay bigarré mon laagafpa de nutiquai
sentences etauthoritex latines sans les habiller à la fraaçoise, piibqa'eHes
ifont aueua besoin d'être enteadiiesde la piapulaee. m Dans le JMJfswiwI
il est moins fanfaron, et on voit que l'Académie et l'hôtel Rattboafflet
avaient àtk se moquer de cet étalage de citations, de même que le psdt
comité pMosopbique de GentMly riait en soupant deaphraseade Bafemest
des autres beaux esprits. «Quand je cite tous ceslMms auteurs, ditNaodé^
c^tostiansailaelation, c'est parce <|u*ik aie vienasat êmb mcuwmn cufaaiii
c'est pafceqa'ilm'estausiiaéa^de le iiIreeoawieattxJeaBes ttIdSfn
ontesté voir debeaux jardins de se parer de fleunqa'dlea'oat
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hilrcQwma a^of , 4aeU«r io«&cei auihoiim anninufctfc tuoikwMM» ^pmw4
fr e»»7 enbet^ Jia ^raoà» ea Mroit.plustôi fiay. » Au Us^de NiudA^
a citatm étaH on des étémeos eiseatials du s^le» surtout chaitei
avaaa; au aûUflu de ces lambeaux, pris ^ et li à louto rautifoiié ^
li recmiaua faut bîfiD fi^ bm^ à uu fonda 4e lai^gago fnuoaîa peu
bmieeiicore) kuUcîadaBasa marche, 1» langues est cemna tgeartilMtg
ftt pleiiied'héaîtatioD, sans mesure eisaos am^i: ce n^ plus le françaii
3e Rabelais, et ee n'est pu eBQAffeoidui deCorpeille. L'idiome est là «a
tmvaôl ei en fenneatatioii pour produire la ^rose de Pasoal et deBossuet^
^iy pins tard, se rmsrformeffa ehaa VoUfôiiOf pnis ehe« Jiiaab«a«* Oui-
tre Que cba^ue g4aie, asps se fiûne^ouraela sa Ungne A lui, s'^ppro*
prie oo style, et taille aoo langage sur le p^^rou de sa peaséo, du jour
oii une kugues'arvétOf 00 peut le dire, cette laog|iemoui:t;€ar cette iai*
mobilité impliquerait qu'un peupla peut fifveet aoeompUr sea phasea
saoa BDodifier ses formes. Or, qu'est le.langage, sinon la forme, l'instro^
ment de l'idée? Ghea:Nattdé^ Uest peufacilo de voir et de saisir tou^
tes ie»traoaforœatioAa d'idiome, le style étant* à chaque iostant briaj^
fA ooaime interrompu par les citations; i'art se bornait alors à biea
agoaoer tooa ces Cragmeos, à faire une gorbe de tous ces épiSi. PlfP
tard» au temps de Li^myère, il y eut une mo r^aoUoo cootne oatte
manière d'éorire; onne regardait plus les savaus, bers de leur biblio«>
tbèqpe, que comme des inutilités imprapres à tout. Le grand moralista
disait â ce sujet : « U y a roaintepaot une aorte de bai>dieas# k aoute*
nir devant certains eaprîta la bonté de l'érudition.» On ait été mal
wuQ, en effet, à prodiguer la seieace littéraire dans les salooa de
Louia XIV, ou durant les promenades de Versailles , et il n'est pas dou^
taux que Naudé n'ait touché auit derniers écrivains qu'avec son génio
snpériear Labrayère caractérisait en son chapitre de ia Ckaàr0f par
ces mots : «Il y a moins d'un siècle qiu* un livfe fican^4toitttncer'*>
tain nombre de pages latioes, où l'on découvroit quelques lignea et
quelques mots en notre langue. i>. Labruyère a dit aussi en parlant de^
oufrages de l'esprit : a L'on écrit régulièrement depuis yingi annéea;
l'ion est esclave de la construction, on, a soeoné le joug du latinisme^ et
réduit le style à la plurase purement £rani?m^ » Tout, cela, comme ou
Toit^ a'ai^bque parfaitement à Naudé et àaon école* A. part les restdo*
tkma personnelles de talent, et lea honoisi^les travaux et dehpca du
mfie.
l^bibliothéoaiM deiManann, pendant lea^jo^r de douze années q^'U
ft alors àPam^f epid>lî|i cnèMd'ouiin^iQ^aiti^t 4^
napusOerai pa&deaoaépigawoei lati|ieabiip9i9^i«uMMi Co mmiém
ll9M^ltto»«)<iUiMii|»tioiw^^ Soilie^lpbniepp^KtrikitA^t JMudMK^
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479 UTUK BBS BEDX KOIIDBS.
de Paul Joire oa de GaUiée. Bien que ces poésies, malgré quelque
dans la pensée, et assez de délicatesse dans l'éloge, méritent en tout reaUl
où elles dorment, on y trooTO pourtant, à la fin du volume, une élégie tu-
chante sur la mort du cardinal de Bagni. Mais Naudé n'eut pas à josir
long- temps de ces distractions littéraires. La fortune de Mazaria s'é^po,
et le parlement , par une mesure peu digne de lui, voulut foire vendreectti
bibliothèque, qui avait -coûté à Naudé tant de peines, tant de von^EL
Qu'on juge de l'indignation du savant bibliophile ; son pluscher enfant M
était cruellement enlevé. H se raidit contre cette tyrannie, et il adresa ii
pariement une supplique pleine de vigueur et de mesure, où le rcs^
a peine à contenir la colère. Cette pièce est admirable d'héroïque réss-
tance, et l'ame de Naudé y est tout entière. Ab ungnê leonem. Il saniBe
noblement et menace presque les conseillers du parlement : « MesHi-
gneurs, leur dit-il, pouvez-vous endurer que cette belle fleur quiro-
pand désia son odeur par tout le monde se flétrisse entre vos maias? i
Mais, par une singulière préoccupation de haine personnelle, lepsrie-
ment ne fit pas droit aux réclamations de Naudé, et l'écrivain paaireet
modeste s'imposa nn sacrifice an-dessus de ses forces, en rachetant piv
3,50D livres tous les ouvrages de médecine de la bibKothèqne du canfiaaL
Heureusement le projet anti-national du parlement n'eut pas de suite.
Mais que deviendra Naudé? Plus de bibliothèque à ranger, pins ^
livres à acheter. Que fera ce goinfre en fait de livres, fteRtio HèraraB)
comme l'appelle Niceron. D'ailleurs, ainsi qu'il le dit lui-méaie, tort
le monde à Paris le regardait de côté, sans doute parce qu'il avait prêié
sa plume à Mazarin. Il se décida bientôt à quitter la France. Voswtflt
fit nommer bibliothécaire de Christine, et il partît pour la Suède en 1^
avec Bochart, le ministre de Caen. Tout le monde sait le caractère de
Christine. On trouve dans le recueil des harangues qui lui furent idref-
sées lors de son voyage en France, plusieurs portraits d'elle fort rease»
bUms.c Elle a, y est-il dit, l'esprit porté aux choses héroïques , surtout I b
justice ; mais elle est comme les hommes agiles qui sont devenus piniyti-
ques ; ils peuvent discourir et non agir. »0n y voit encore qu'elle sltflHf-
lait à la manière des hommes dont elle avait toutes les façons; cenneesit
elle portait épée et perruque, et, pour comble, on lui reprochait de
jurer quelquefois et d'être fort libre en ses discours. Elle entrait gilin*
ment en conversation, prenait la main aux hommes, et le prenaier n»
de la cour était peut-être son intime ami. Femme d'un esprit viril jos-
qu'au crime, selon l'énergique expression de M. Yillemain, ellepa^
aait tour à tour des découvertes de Meibomius à la métaphysique de
Descartes. Gassendi la félicitait d'accomplir le vœu de Platon qui fooUit
des rois philosophes, et à propos de quelques calomnies, il lui (Mt:
cYous marchez siur l'Olympe, bien au-dessus de la foudre. » Bztrêse
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GABRIEL HÀimi. tTT
i tout y ^le finit dans Fascétisme les scènes tnmaltneases de sa yie.
■^ de Longuerille disait d'elle : c On doit espérer qu'elle sera une
incte» nnssi bien qu'une héroloe. » Avant qu'elle eAt abdiqué le sceptre
lyal pour la science , elle exerça sur la littérature une influence im*
enscy qu'il serait peut-être assez curieux de caractériser. Toutes les
iustrations intellectuelles se rendaient à sa cour, et Naudé n'hésita point,
land on lui proposa la bibliothèque de Stockholm. Il paraît , par une de
s lettres, que le classement des livres lui demandait beaucoup de temps,
; qu'il eût volontiers répondu à ceux qui venaient le troubler» eomoM
njas, lorsqu'on lui parlait de matières n'ayant pas trait au droit : Non
Utiiel ad edieUim prœtorU. Mais le séjour de Naudé à la cour de Chris-
ine ne fat pas long. Les folies du premier médecin Bourdelet ayant
>rcé la plupart des Français à se retirer, Naudé ne voulut pas rester
rai, et demanda l'année suivante son congé, malgré les instances de la
eine. Guy-Patin, qui se sentait privé de la présence d*un ami qui lui
ttait devenu nécessaire, écrivait à cette occasion : c A quelque chose
nalheur est bon; j'aime mieux qu'il soit ici; tout le Nord ne vaut pas ce
^rand personnage. » Naudé reprit donc le chemin de la France, mais
&ay-Patin ne devait plus le revoir, car il fut saisi, à son passage à Ab-
berille, d'une fièvre continue avec assoupissement qui l'enleva le 20 juil-
let 1653. Son corps fut présenté à l'église Saint-George et inhumé dans
la nef. Ainsi mourut l'homme le plus remarquable peut-être de ces éru-
dits littéraires de la famille de Dnpuy, de Lamonnoye, de Sainte-^Mar*
ihe, de Ménage et de Leducfaat , dont la race est à pen près perdue de
notre temps. Gassendi pleura beaucoup cet ami si complaisant, si sage,
à respecté , qu'on consultait toujours pour les publications littéraires.
Malgré ces regrets, il faut que la mémoire de Naudé ait, en ce temps
même, été calomniée par l'envie; on trouve ce passage dans les lettres
de Gny*Patin à Spon : c II n'y a pas encore de bibliothécaire de Mazarin.
C'est un nommé Poterie, qui y servait sous feu M. Naudé, mais qui ne
l'^re pas. C'est un fripon qui a rendu de très mauvais services à notre
bon ami, après sa mort, ou au moins qui a tâché. Mais l'innocence de sa
▼ie et de ses mœurs l'a jusqu'à présent très bien défendu des calomnies
de ce pendard. 9 Sans doute les clameurs de la haine se turent bientôt,
^^ Injustice commence pour les hommes lorsque la tombe les recouvre.
Gh. Labiitb.
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LA
NUIT D'AOUT.
lA BIUSE.
Pepuis que le soleil, dans l'horizon immense,
 franchi le Cancer snr son axe enflammé.
Le bonheur m*a quittée, et j'attends en sSence
L'heure oii m'appellera mon ami bien-aimé.
Bèbifil depuis lon9-temp9 sa demeure est désertew
Dtfi beaux jours d'autrefois rien n'y semble mant»
Srakiy je Tien» eucor, de «nm voile eeuTerte,
Poser mon front brûlant sur sa porte entr'ouyerte,
Comme une yeure en pleurs au tombeau d'un eni^.
LE POÈTE*
Salut à ma fidèle amie.
Salut, ma gloire et mon amour.
La meilleure et la plua chérie
Est celle qu'on trouve au retour.
L'4^inioftet Tavarice
Viennent un temps de m'emporter.
Salut, ma mère et ma nourrice,
Salut, salut, consolatrice!
Ouvre tes bras, je viens chanter.
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.u. iicir d'amt^
LA MVSB.
Pourquoi, cownf uMtf*» mtofiMêè d^airpénncd,
reiifiii8'tui«l«ttTBiit prav re^wtr si tarOT
Que t'en vas-taclwfcher, <ni«n qoelqtte hamfd.
Et que rappotl»*tti, jteoii quoique sowffipaiiceT
Que fais-to loin demoi , cfiMid j'atMids jnsqnlm f5«rt
Tu suis un fÉk 'éobir dmeiiiM nuit pftBfende.
n ne te restera detteifW^s du «obAd
Qu'un JttpoiBonntnépns ptwrnotre hemttettamtr.
Ton cabinet é'étode est ^dc qvand f *n+rej
Tandi^ip'à -ce indoon , inqmète et peomre ,
Je regarde an «réfant tes mors de ion jnrdin ,
Tu te livres dans l'ombre à ton mauvais destin.
Quelque fière beauté te vetîent dams sa chaîne.
Et tu laisses mourir cette pauvre verveine
Dont les derniers rameaux, dans des tençs plus heureux.
Devaient être arrosés des larmes de tes yeux.
Cette triste verdure est mon vivant symbole ,
Ami, de ton oubli nous mourrons toutes deux,
Et son parfum léger comme Toîseau qui vole
Avec mon souvenir s'enfuira dans les deux.
tE POÊ*rE.
Quand j'ai passé par la fnraide ,
J*ai vu ce soir, dans le sentier,
Une fleur tremblante et flétrie.
Une pâle fleur d'églantier.
Un bourgeon vert à côté d*elle
Se balançait sut l'arbrisseau;
ry vis poindre une fleur nouvelle;
La plus jeune était la plus belle ;
L'homme est idnsi, toujours nouveau.
XA'UTTSE.
Hélasl toujours un homme, héiasi toujottw^IesJameBl
Toujours laafttodg^poodreux et lasuenr aafimitt
. Digitizedby VjOOQIC
i80 REYUB DBS DEUX MONDES.
Toujours d'affreux combats et de sanglantes armes;
Le cœur a beau mentir, la blessure est au fond.
Hélas ! par tout pays , toujours la même rie :
Convoiter, regretter, prendre , et tendre la main,
Toujours mêmes acteurs et même comédie.
Et quoi qu'ait inventé Thumaine hypocrisie,
Rien de vrai là-dessous que le squelette humain.
Hélas! mon bien-aimé, vous n*étes plus poète.
Rien ne réveille plus votre lyre muette ;
Vous vous noyez le cœur dans un rêve inconstant;
Et vous ne savez pas que Tamour de la femme
Change et dissipe en pleurs les trésors de votre ame,
Et que Dieu compte plus les larmes que le sang.
LE POÈTE.
Quand j*ai traversé la vallée,
Un oiseau chantait sur son nid.
Ses petits, sa chère couvée.
Venaient de mourir dans la nuit.
Cependant il chantait l'Aurore;
0 ma Muse , ne pleurez pas I
A qui perd tout. Dieu reste encore ,
Dieu là-haut, l'espoir ici-bas.
LA MUSE.
Et que trom'eras-tu, le jour où la misère
Te ramènera seul au paternel foyer?
Quand tes tremblantes mains essuieront la poussière
De ce pauvre réduit que tu crois oublier •—
De quel front viendras-tu, dans ta propre demeure,
j Chercher un peu de calme et Thospitalité?
Une voix sera là, pour crier à toute heure :
Qu'as-tu fait de ta vie et de ta liberté?
Crois-tu donc qu'on oublie autant qu'on le souhaite?
Crois-tu qu'en te cherchant tu te retrouveras?
De ton c<Éur ou de toi lequel est le poète?
Cest ton cœur, et ton cœur ne te répondra pas.
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LA NUIT D'AOUT. 481
L*amour l'aura brisé ; les passions ^nestes
L'auront rendu de pierre sl^ contact des méchans ;
Tu n'en sentiras plus que d'effroyables restes,
Qui remueront encor, comme ceux des serpens.
O ciel! qui t'aidera? que ferai- je moi-même^
Quand celui qui peut tout défendra que je t'aime.
Et quand mes ailes d'or, frémissant malgré moi,
M'emporteront à lui pour me sauver de toi?
Pauvre enfant! nos amours n'étaient pas menacées.
Quand dans les bois d'Auteuil, perdu dans tes pensées.
Sous les verts marronniers et les peupliers blancs,
Je t'agaçais le soir en détours nonchalans;
Ah I j'étais jeune alors et Nymphe, et les Dryades
Entr'ouvraient pour me voir l'écorce des bouleaux.
Et les pleurs qui coulaient durant nos promenades,
Tombaient, purs comme l'or, dans le crystal des eaux;
Qu'as-tu fait, mon amant, des jours de ta jeunesse?
Qui m'a cueilli mon fruit sur mon arbre enchanté?
Hélas! ta joue en fleurs plaisait à la Déesse
Qui porte dans ses mains la force et la santé. **
De tes yeux insensés les larmes l'ont pâlie[;
Ainsi que ta beauté tu perdras ta vertu.
Et moi qui t'aimerai comme une unique amie.
Quand les Dieux irrités m'ôteront ton génie.
Si je tombe des cieux, que me répondras-tu?
LE POÈTE.
Puisque l'oiseau des bois voltige et chante encore
Sur la branche où ses œufs sont brisés dans le nid ;
Puisque la fleur des champs, entr'ouverte à l'aurore.
Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore.
S'incline sans murmure et tombe avec la nuit;
Puisqu'au fond des forêts, sous les toits de verdure.
On entend le bois mort craquer dans le sentier.
Et puisqu'en traversant Fimmortelle nature,
T0tf£ VII. 31
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4W MYm ^v» w» ÂÊMimsL
L'homme n'a m .^gOiW€r!dfrawpifrî^whdiw%>
Que de^mm^h» tgmioviKt^MÈWimmi^fÊtJëMtt
Puisque, j«Aqu*MX tlHim$,:^nikA(s^.4bmti^(m^Simm^
Puisque tout oi»mi<pe4P»r pow «4mn^ 4f«mfi«
Puisque 0*#9l|i» «li8r«»A4«^>|^ ^Miifti^.qKila rSUfirm
Puisque sur ui»e toinbe.OR MkispMir d^fteu^
Le brin d*he^ s9ifQrè*qi»:P«w 4pime.j)e(pim;
J'aime, «c je ^^n» pABr> j*M»e,v«*J0 vflm^^sonl^ir;
J'aime, et pour ua baisio^ j^4cmpelA>Pltlg^iQ;
J'aime, 9t jevvmx neiHir aur^wi jffl^i:^ fm^OÔ^Si
Ruisseler um^4Qarcei9ifiii|sy5ibte.'à t^riR*
J'aiw, ,et jç m^ qhantef la jpi^rQt U p^m^ve»
Ma foUe ej^p^rifiMdçe e^,mes «ouqi^vd^iia jonr^
Et je ven^ r/|ÇQoter ^X régi^^ $si$^.miS0
Qu'après avoir juré (Uiri^rje>SMs.^QllrflrW^
J'ai fait serm^i^t de YÛfi^,^i4e Q)0|ixir d^aiOQur^
Dépouille devant tous l'orgMeil qui te dé^YQ^Bp
Cœur gonflé A'amfittume ^.qui X^xv^ix iBifoé.
Aime, et tu renaîtras; C^toi^emr^, pa^r éçl^T^;
Après avoir 9puf{ert il fftVt^uffnr enoof^;
n faut aimer sans cesse, après avoir aimé.
Alfred de Musset.
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DES
POÈTES ÉPIQUES.
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au
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4S4 REVUE DBS DEUX MOîlDES.
dans une mesure égale, presque autant d'imagination que de
science, et par-dessus tout cela, une ardeur de prosélytisme,
une gravité, un héroïsme d'intelligence, tels qu'il est bien difficile
à ses adversaires même de prononcer son nom sans vénéraUoa.
Imaginez un Curlius érudit, toujours prêt à se jeter dans les gouf-
fres inconnus. C'est de lui qu'on pouvait dire à juste titre, qu'A
prophétisait le passé , tant il excellait à découvrir dans Thistoire
de merveilles inconnues à ce passé lui-même. Cet homme était
Niebuhr; esprit, ame, imagination du nord, s'il en fut jamais; vnd
Scandinave sous la figure d'un compatriote de Montesquieu et de
Montaigne; il tenait d'ailleurs de cette grande époque de guerre,
où la nation allemande , maniant à la fois l'épée et la truelle , coBh
battait en même temps qu'elle bâtissait, dans sa poésie et dans sa
philosophie, l'édifice de ses rêves. Personne ne sentit plus que
Niebuhr l'héroïsme des passions de ce temps-là. De son camp
d'érudit, il commença par attaquer Napoléon avec le texte com-
menté des Philippiques de Démoslhènes. Plus tard, cette épée
athénienne ne suffisant plus, il travailla à épauler des batteries
aux journées de Bautzen, de Lutzcn, de Leipsick. Ce fut , en tout,
un noble, un courageux, un implacable ennemi.
Ce fut aussi au milieu de ces passions encore refoulées, qu'il publia
en 1811, la première partie de son lli^t ire Romaine. Cette époque est
importante à constater. Les chants nationaux venaient d'acquérir
dans la mêlée de l'Europe une valeur imprévue. L'expression
soudaine et inculte des sentimens de la foule avait alors plus de
prix que n'en avait eu jamais l'art savant et cultivé ; on enteadait
dans l'air comme un éternel murmure de mélodies nationales,
qui précédaient le cri de la bataille. Romances espagnoles , balla-
des écossaises, irlandaises, chansons des Tyroliens, des Russes,
des Serbes, étaient incessamment traduites d'une langue dans uBf
autre. Les poètes comme les princes s'humiliaient devant la roase
des peuples. Par-dessus tout , c'était le règne du poème des Nie-
belungen. On adorait de nouveau le vieux poème germaniq«e
comme une de ces reliques que l'on exhume de leurs châsses, i
la veille du combat; tout vivait, tout s'inspirait, tout s'enivrait du
chant populaire, le poète, le critique, le soldat, le prêtre, le m.
Ce fut le tour de l'érudil. C'est sous cette préoccupation, ou plu-
tôt sous cette obsession, que Niebuhr conçut sa théorie de This-
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POÈTES ÉPIQUES. 485
toire primitive de Rome. Ainsi, du moins, s'explique comment il
transporta la harpe de Siegfried dans le Pomœriura des Latins , et
comment il attribua à la plèbe romaine le génie idé.il des Scandi-
naves et rinstinct de poésie des Burgondes. On a reproché au siè-
cle de Louis XFV d'avoir fait des anciens ^autant de seigneurs de
la cour de Versailles. Ne pourrait-on pas dire que Niebuhr les a
trop souvent changés en Germains de sa tribu, des Dittmarses?
Delà même manière que Wolf avait aboli Homère, Niebuhr
abolit les trois premiers siècles de Rome, au proGt du chant po-
pulaire. Cette hypothèse n'était ni moins hardie, ni moins riche
que la précédente ; elle s'appuya comme elle sur l'analogie ; en
outre, elle édifiait ce qu'elle semblait détruire; déjà à moitié ren-
versées par Bcaufort , les annales des rois et des premiers consuls
se changeaient en une suite d'aventures Octives et de rhapsodies hé-
roïques; ainsi dans Virgile, les vieux vaisseaux échoués s'étaient
métamorphosés en amoureuses naïades. Dans celte transforma-
tion, on perdait trois ou quatre siècles de l'histoire ; on y gagnait une
poésie primitive, indigène, ou du moins l'ombre de toutcela. Au lieu
d'une succession d'évènemens souvent impossibles, presque tou-
jours contestables, on avait le chant de Romulus, le chant de Tar-
péia, léchant de Numa, d'Ancus, de Servius, de Lucrèce, de
Tarquin. Par une analogie nouvelle avec les Niebelungcn, on éta-
blissait que ces poèmes latins n'avaient été achevés que plusieurs
siècles après les temps auxquels ils se rapportaient par leurs sujets.
De plus, chose merveilleuse I ces ch ants étaient tantôt d'origine popu-
laire, tantôt d'origine aristocratique ; il y avait, pour ainsi dire, le
chœur plébéien sous Servius, le chœur patricien sous Tarquin-le-
Superbe; de sorte que la grande épopée se partageait en un dia-
logue dans lequel on reconnaissait la différence des voix et des
conditions. La harpe de fer du Capitole exprimait les deux modes
entre lesquels se divisait la cité de Romulus.
L'histoire allemande avait commencé par le chant de Siegfried
dans le poème des Amales, l'espagnole par celui du Cid, la bre-
tonne pas celui d'Arthus. Pourquoi en serait-il autrement de
l'histoire romaine? Que de raisons se joignaient à celle-là! Les
contradictions des historiens, l'absence de monumens certains,
l'incendie du Capitole dans lequel avaient péri tous les vestiges de
la tradition écrite; ces motifs avaient une valeur négative: on y
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486 HBYCB DES DEUX MONDES.
ajoutait le merv^eax des aventures, la poésie des canclères^et
puis enfin^ quelques textes égarés ; oar c'était le c6té faible de œ
système, qae le petit nombre et Tinsuffisance des témoignages sur
lesquels il s'appuyait. Mais cette foiblesse n'était-elle pas bieo
rachetée par les ressemblances de l'histoire unt¥erselle, par h
grandeur des résultats , par Vaudacè même de la découverte qm
tenait d'une sorte de révélation, surtout par l'accent convainco
du chef de la nouvelle doctrine. Son intolérance étant an gage
de vérité, on cédait à une conviaion si orgueilleuse tout ce que h
science laissait douteux. Voilà comment on crut voir reparaître»
sous les récits oratoires de Tite-Live, comme sous de maladroits
palimpsestes, une série de chants épiques en mètres saturnins. Ces
chants, qui commençaient à Romulus, avaient pour dénouement
la bataille de Regille. Après cette journée seulement , on enâiût
dans l'histoire. Par là était résolu le problème de l'épopée ro-
maine. Ce n'était plus dans le siècle d'Auguste qu'il fallait cher-
cher le vrai monument de la poésie latine. Tout au contraire c'est
au commencement, et dans les langes de la société romaine, qve se
rencontrait ce chef-d'œuvre. Les lignes principales, les formes»
les divisions, les épisodes, et même quelques débris du rhythne,
venaient d'en être découverts ; chacun pouvait le refaire à son gré.
Êst-il besoin de dire que l'on attribuait tout d'abord à ce Paraéà
perdu de la poésie latine, toutes les qualités que l'on refusait i
l'époque de culture, l'originalité, la grandeur, la naïveté , l'indé-
pendance? Au milieu de cela, survinrent les critiques; ils arrachè-
rent à Virgile sa couronne chancelante; ils la mirent au front do
fantôme de l'Homère latin , nouvellement retrouvé dans les hot^
tes de la Rome primitive; bien des cordes, il est vrai, manquaient à
cette lyre perdue depuis trois mille ans. Mais l'imagination des
érudits était empressée à les rattacher et à les faire vibrer i leur
guise. Ainsi s'acheva le triomphe d'un rêve; rien ne manquait
fantôme, pas même l'apothéose, après quoi on se demanda oa
jour s'S avait réellement existé, et quelle preuve on en avait; oe
jour-là , la foi tomba comme eBe s'était élevée. Niebuhr était
appuyé sur \VoIf ; la ruine de l'un devait entraîner la ruine éi Jk
Vautre. Ni chez les anciens , ni chez les modeMies» il n'y a pbœi
la fiais pour deux Homère. f^
n y eut un ten^s où toutes les hypothèses» pourvu qp'eOes f^
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POÈTES iSnQUES. UfT
arrirassent d'i^remagne, étaient acceptées par nous en Trance
sans presque aucun contrOlë. H semMatt qu'ëflès portassent au
front le signe visible de rinMIRbilité. Plus elles sortaient des ha-
bitudes reçues, plus ces filles de la révélation nouvelle étaient
aecue&lies avec avidité. Mais ces temps sont passés^ un trop
grand nombre de ces fantômes nous ont trompés, se donnant chez
nous pour jeunes et nouveaux quand fls étaient déjà surannés et
décFédités 'dans leur pays. La barque qui va et vient sur le Rhin
nous a apporté de la contrée des songes assez d*ombres sans
corps, auxquelles nous avons accordé le droit de cité. Avant de les
suivre dans leurs vides royaumes, il doit nous être permis aujour-
d'hui d'examiner ces hôtes, sans être taxé dMmolérance.
Quand je considère de près la question d'une épopée populaire'
dans les premiers temps de Rome (t), autant cette hypothèse agrée
d'abord à ma fantaisie, autant, après cela, je trouve peu de rai-
son de me fier à cet attrait ; et je finis par ne découvrirpas moins
d'invraisemblance dans le système nouveau que dans la fable an-
tique. La première chose que je demande est de savoir par quels
organes cette épopée s^est exprimée , par quels moyens elle s*est
transmise et perpétuée. Or, cette difficulté si élémentaire m'arrête
tout court. Où sont, dans Rome, les chanteurs des poèmes romains?
oà sont les rhapsodes, les homérides latins? Il n'y en a point, et
je n'aperçois rien qui puisse les suppléer. Évidemment, si, pendant
quatre siècles, les souvenirs nationaux se sont transmis par le chant,
on aura découvert dans les habitudes publiques des Romains
la trace d'établissemens semblables à ceux des Grecs, n y aura
parmi eux des famiRes qui feront profession de réciter, de père
en Sts, rniade de Romulus ; cette profession elle-même sera une
sorte de sacerdoce. Ce que la société héroïque du moyen-âge a
fitit pour des fictions qu'elle savait être telles , la société romaine
ne l'aura-trelle pas fait pour le poème sacré de la cité? Chez les
modernes, je connais des bardes, des ménestrels, des trouvères.
(1) Les ourrages modernes qiie'J*iii pu consulter sur ce S8j«t sont, après VHisiûtr^j
^maine de Kielmhr , les examens qui en ont été laits par William et Frédéric Sehlegel ,
iSrs fltlSIS; dô FontUfu» hlUorieU T.'LhfU, Lêobinann, 48»; Epiùrisis qtusêtiimtp
de BIst' Rom.,antiq. fontibus et verltate^ Beck; de OrigMlms Hiit- Rom. diêêertàHOf
^etersen, 1835; Bittoire de Vétat romain, Wachsmuili; Jffol. toi., Knmse^ 1885; QHiP»
1838.
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488 REVUE DES DEUX MONDES.
des jongleurs , des meistersaengers, qui tous ont chanté la fable
d'Arthus ou de Charlemagne ; à plus forte raison trouverai-je uo
grand nombre d'hommes et de conditions semblables dans la
vieille Rome. Mais il n'en est rien, loin de là; le nom même du
poète manque à la langue de cette société du patron et du client,
tant ils sont loin de posséder une école de rhapsodes épiques; ils
ne connaissent d'abord que le prophète et le devin augurai, ra/e*.
Ainsi voilà une société fondée, dit-on, sur l'épopée, et qui n a pas
mime dans sa langue un mot pour désigner la condition da
poète (l) I Mais au moins, en admettant que ce dernier, quelque
nom qu'on lui donne, ait été l'unique conservateur de la tradition
des ancêtres, il sera, sans nul doute, honoré dans Rome plus
qu'en aucun lieu du monde. Le rhapsode latin, s'il existe, aura sa
part de gloire au festin du patriciat ; sa place sera marquée dans
la cité; il n'aura rien à envier au rhapsode d'Ionie. Or, c'est
précisément encore le contraire qui a lieu dans la vieille Rome, le
poète n'est rien autre chose qu'un histrion, un parasite. Catonpeut
reprocher à un proconsul, comme une action déshonorante, d'a-
voir lié commerce avec l'un d'eux , quand même cet histrion était
le grand Ennius. Ce sont là de singulières contradictions dans une
société qui devrait tout au poète.
J'admets qu'on n'en tienne point de compte, non plus que de
celte autre circonstance, qu'aucun Romain n'a été sur la voie des
origines romaines. De semblables méprises se découvrent ailleurs,
et je consens qu'on n'en lire aucun argument sérieux. Maïs, après
cela, je m'informe des autorités antiques sur lesquelles le nouveau
système est fondé ; et mon étonnement est grand de voir qu'en
éconcîuisant les citations parasites, tout se réduise à deux ou trois
lignes de Caton l'ancien, répétées presque dans les mêmes termes
par Varron et par Denys d'Halicarnasse. Dans le peu de motsex-
traits de son livre surMes origines, Caton affirme que, long-temps
avant lui, c'était une coutume, dans les repas, de chanter des
vers à la louange des vertus des grands hommes. Qui croirait que
ce soit là, avec quelques mots semblables , l'unique fondement de
la théorie nouvelle? Rien pourtant n'est plus vrai. Détachée de ce
qui la précédait et de ce qui la suivait, l'assertion de Caton prouve f
{i) Le mol vaies n'a eu celle signiflcation que depuis Ennius.
I
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POF.TE.S ÉPIQUES. 489
bien rexistencc de quelques chants de table., quand m^me elle^
laisse ignorer si ces chants étaient véritablement populaires, ou
s'ils étaient déjà imités des Grecs. Seulement il y a loin de là à une
série de longues aventures , qui formeraient ensemble un cycle et
une histoire continue. On pourrait même dire que les circonstances
indiquées par le vieux sénateur s'opposent à cette dernière sup-
position. Dans la société frugale des premiers Romains, la cou-
tume fut-elle jamais de prolonger les festins aux accords intermi-
nables de la lyre épique? Un chant de guerre, une prière sacrée,
une néhie de funérailles, voilà ce qui s'accorde avec ces mœurs ;
de lentes rhapsodies au banquet de Cincinnaïus , c'est là ce qu'on
ne peut se figurer. Il ne sert de rien de remarquer que les faits
de l'histoire romaine, pendant trois siècles, sont pleins de merveil-
leux ; car, pour affirmer sans réplique que des évènemens ont
leur origine dans un poème, il ne suffît pas que le récit en soit
mêlé de circonstances surnaturelles. D'une part, la tradition la
pliis merveilleuse peut fort bien se transmettre et durer sans le
secours du chant et sans celui du rhythme. C'est ce que Ton voit
par les traditions ecclésiastiques, par les contes populaires, par
la légende dorée. D'une autre part, il est des faits poétiques qui,
sous des accessoires fabuleux, peuvent être très réels. De nos
jours, nous avons eu de cela un exemple frappant qui ne doit point
être perdu. Tl a été donné à notre temps d'observer dans des faits
très authentiques, dans ceux de la guerre des Grecs contre les
Turcs, l'effort d'une mythologie naissante, qui rappelle, par beau-
coup de points, l'esprit de l'antiquité héroïque. A presque tous les
Klephtes, nos contemporains, sont attribués des actions surhu-
maines. Que manquc-t-il, dès le présent, à Karaiskaky, à fiotzaris,
àTzamados, à Nikitas le lurcophage, pour devenir, entre nos
mains, autant de types généraux? Ils conversent avec leurs sa-
bres, avec les t'3tes coupées, avec les fleuves où ils passent, avec
la montagne qu'ils gravissent; les oiseaux aux ailes d'or leur par-
lent leur langue magique. Dailleurs , un seul d'entre eux accom-
plit dans la tradition des actions pour lesquelles suffirait à peine
une armée entière. £n est-ce assez pour me démontrer que ces
hommes que j'ai vus de mes yeux et touchés de ma main ne sont
que des êtres de raison, et qq*ils n'existent qu'en vertu d'un poème
inventé par l'orgueil populaire? Cependant la plupart des raison-
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490 RETDE DBS DEUX MONDES.
«emens de Niebuhr s'appliqueraient à eux, et condairaieot i
tilemeiit A ce résuUat : Souli n'ssl pas moios fabuleuse qm 1
Que si, laissant les considécatioosextfinsèques» je pénètre phi
avant daos la queatiou» et si j'eicaoïine les règnes des sept roit de
fiovie» uourseuleneot j*y cherche en vain le caractère évideitè
poésie populaire qu'on croit y découvrir; mais eneore j*y BfeÊçàà
tout le contraire. Les étemelles divisions de tribus, de curies, de
centuries , les r^glemens politiques , les établissemens de loist de
4)oUéges pontificaux, de monnaie, les cemmemaires, les graad»
annales, les tibri ttitiei, la division des artisans par Numa, des dif-
aes par Servius, les constnictions d'aquéducs, de murs d'enoeiale,
(d0 routes , de cloaques ; voilà d'étranges sujets de chansons et de
ihèmes héroïques I A quoi bon tout inventer pour n'inreoler fm
mieux? Dans la plupart des autres £aûts se découvre un mAïf
d'érudition grecque, peut-être plus opposé encore aa géoisde
l'inspiration plébéienne; et dans tous les cas, l'empreinte d*un|i-
nie jpridifVie s'y laisse voir bien plutôt que celle d'un génie poici-
que et spirilualiste. Ce triste peuple romain ne chante pas ; il écrit :
il écrit sur le bois, sur l'écorce, sur le cuivre, sur le {rfomb, sv
l'airain, sur la toile. En vain les sibylles ont tiré de bonne
heure son horoscope dans la langue d'Homère; il n'a point la séié-
nité de Tlonie peur épancher se» rudes souvenirs en longoes ite^
sodies. U n'a point eu d'enfance; sa jeunesse a mAri en un
el le travail, la guerre, le châtiment, la loi, la nécessité, rii
lion , l'ont vieilli avant l'Âge» Ses années sanglantes s(Mit maniBées
une à une par le grand pontife, et marquées d'un clou au pilori
sao^; voili aa-j^miére-ôpopée, la seule indubitable. Prédestîaée
À^la prose, Home a toi^ujs su écrire. Elle s'est formée et s'est
aïK^rue à Tombée d'Alexandrie I Ses rois, hommes ou idées, Kkpk-
tes ou symboles, ont deux visages comme son Janus : l'un très
idéal, l'autre très réel. A c6té de la louve du Tibre, vous les ren-
oontrez dans tous les embarras de la jurisprudence et delà parole
écrite. Des fiisles, des cooamentaiies, des annales, un droit fëciil ,
un droit papirien» écrits sur l'écorce du figuier ruminai ; est-ce là le
berceau d'un rhapsode? N'est-ce pas plutôt le berceau d*un légiste?
En vain oppQ8e4-on <^les livres ont été détruits dans Tinoeodie
du Capitole, et qiie chacun^plébéien, patricien, a recomposé i sa
guise les éges perdus. Admettes qu'un seul monument ait échappé
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POÈTES ÉPIQUES. 491
aux flammes , Farbitraire dans la tradition devient imposslMe, et
personne ne nie aujourd^hni qn*il n'y en ait en plusieurs de sauvés.
Joignez à cela que le chant populaire ne se reforme pas sjwtéma*
tiquement trois ou quatre cents ans après les évènemens dont il
^'inspire; cet artifice est le contraire même de la nature. Les Uvrep
écrits se sacrifient en un moment; 3 n'est besoin que d*un trs^t
de plume, et voilà des interpolations, des omissions irréparables.
Avec répopée chantée, il en est autrement. Pour la falsifiera
mm jour, 11 faudrait la conspiration de tout le monde sans que pef-
sonne en fût instruit. Le chant populaire s*altère avec le temps de
génération en génération ; il se développe , il se modifie, il s'atté-
nue, il se transforme, il ne se recompose pas tout d'un coup et
sciemment au profit d*un autre ftge. Supposé même que cela fftt,
le corps des prêtres (que l'on feit au reste trop peu mterveniT dans
cette question) n'a pu perdre entièrement le souvenir du passé. S
le peuple romain eAt voulu , à certains jours, façonner un poème
systématique à son profit, qui doute que cette version mensongère
li'eût été démentie par les pontifes? Au moins elle n'eAt jamais pris
la place de leurs annales. Partout où le sacerdoce a été établi , la
muse plébéienne n'a pu l'emporter en autorité sur h^tradition des
prêtres. Ceci est confirmé par l'exemple des Hébreux, des Égyp-
tiens et du monde catholique. Au moyen-âge, les caraefères d'At^
tila , de Oiarlemagne , ont été défigurés par la poésie populaire.
Hais, au sein de l^gnorance de l'époque, qui, certes, équivaut à
rincendie du Capiiele, la simple chronique des monastères a em^^
péché dans le monde la confusion absolue de l'histoire et du poème.
Ce que le magicien Turpin n'a pu sous les Carlovingiens, je doute
qu'il reftt pu davantage dans le grand cloître de la Home patricienne.
D'ailleurs il n'est que trop visible qu'à force de l'exagérer, Nte-
buhr détruit lui-même son assertion. Il suppose que les poèmes
héroïques de Romulus et de Numa existaient encore au temps
d'Auguste; c'était donc à l'insu de tout le siècle. H croît aussi re-
connaître dans la prose de Tite-Live des lambeaux de vers satur-
nins, et, après cela, des vestiges d'un mètre lyrique dont personne
au monde ne connaît seulement les règles. Autant vaudrait dire
que les œuvres de Pascal et de Bossuet sont les débris d'un vieux
poème, sur ce fondement q u'il se trouve dans leur prose des lam-
beaux d*hémistiches.
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492 REVUE DES DEUX MONDES.
Non , Rome n'est point sortie de terre , comme les villes grec-
ques, au son des flûtes enchantées ; un plus rude commencement
Ta préparée à une virilité plus austère. Pas davantage les exem-
ples tirés de Tépopée germanique, espagnole, persane, ne s ap-
pliquent à elle. Le plébéien romain ne s'égare pas, comme le Sieg-
fried des Niebelungen, dans une vague contrée, au chant des cygnes
du Rhin et au son des harpes des Valkyries. Il n*est point assis,
comme TArthus breton, dans un festin éternel, à la table ronde,
parmi les bardes de Cornouailles et du pays de Galles. Il n'écoute
pas , comme le Cid à côté de Chimène , les luths de Castille ; il ne
ressemble pas même au Serbe errant sur son cheval caparaçonné,
ni au Klephte libre sur le sommet du Vourcano. Avant tout, le
plébéien romain est dominé par la loi, par l'écriture, par la prose.
Cest un débiteur entre les mains de son créancier; c'est un juris-
consulte, un Gains, un Papirius, non un Homère. S'il balbutie un
poème , c'est la litanie des laboureurs et des prêtres arvales , ou
plutôt quelque lambeau du poème horrible des douze tables , lu
horrendi carminis. Les formules des patriciens, le nom secret delà
cité, les cérémonies , les ruses , le spectacle dramatique de la loi,
voilà ce qui excite son imagination plus que des aventures idéales,
que rejette son esprit matérialiste et de bonne heure enchaîné. D
a des traditions de famille, des légendes, quelques rares chan-
sons de guerre et de table , des hymnes religieux , point de
poèmes ni de rhapsodies continues. Quand même il en aurait,
où les chanterait-il ? Quel loisir lui laisse la guerre ou Vergasiu-
lum? Est-ce sous le fouet du créancier qu'il chantera le triste
chant du plébéien? Il n'a point d'assemblées qui soient des assem-
blées poétiques, point de jeux de Némée ni d'Olympie. Il ne voyage
pas comme le rhapsode grec ; il ne chevauche pas comme le chan-
teur serbe. A trois lieues de sa ville il trouve l'ennemi. Au dedans,
au dehors, est l'esclavage. Son foyer est muet. De là il faut suppo-
ser ou que ce furent les patriciens qui chantaient à leurs banquets
le chant composé contre eux par les plébéiens , ou que ce poème
populaire fut de bonne heure écrit et conservé en secret par le
peuple sous cette forme savante; et je ne sais laquelle de ces deux
hypothèses est la plus inadmissible.
Ce n'est pas tout. Si les plébéiens ont été capables de produire
dans l'âge barbare une épopée telle qu'on la suppose, cette fecnlté
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POÈTES ÉPIQUBS. 493
n'aura pas disparu en un moment. On retrouvera plus tard, je ne
dis pas des poèmes semblables , maïs au moins des fragmens et
des tentatives du génie populaire. Quand les poètes patriciens ,
formés sur les modèles grecs, commenceront à paraître, on verra
une lutte, un effort de la pensée plébéienne, pour résister à l'inno-
vation. Si Ton n'admet pas la lutte de deux écoles , il y aura au
moins quelque part un regret pour cet ancien vers saturnin in-
venté par les Faunes (1) et aboli par.Ennîus. Dans les grandes
occasions, on entendra encore le retentissement de ces chants
évanouis. Après le poète viendra l'écho, après Homère les home-
rides. Dans l'époque d'art le plus cultivé , le génie national con-
servera encore des marques de son origine , et la muse des pre-
miers temps visitera par intervalles le siède de Mécène. Sur ce
dernier point, je sais bien qu'à nous autres Français on peut bb-'
jecter l'oubli dans lequel le siècle de Louis XIY a laissé tomber les
formes de la vieille poésie indigène ; mais cet oubli n'a pas été
complet. Dans cette seconde renaissance, il y eut toujours des
hommes et des monumens qui représentèrent la tradition du vieux
génie que l'on appelait gaulois. Sans parler des Amadis et des
poèmes chevaleresques en prose, Lafontaine seul ferait soupçonner
tout un monde perdu. 11 n'y a point de Lafontaine sous Auguste.'
Enfin, on ne sait oii remonter pour trouver dans la poésie
romaine la trace du chant populaire: plus vous poursuivez ce fan-
tôme, plus il vous échappe; dès que vous entendez prononcer un
nom de poète, la réaction grecque est déjà complète. Le plus ancien'
de tous, Livius Andronicus, débute par une traduction de l'Odyssée .
Après lui, Nœviuset surtout Ennius, en racontant les histoires les
plus intimes de la vieille Rome, sont déjà sous le joug d'Euripide.
Si l'on remonte plus haut, on trouve la liturgie des prêtres pour
bénir le temple, le champ, le tombeau, mais point de rhapsodies,
point de poèmes héroïques, point d'épopée. Pour enfanter une
série de poèmes, il iaut à un peuple une certaine oisiveté ou liberté
poétique; celle du Germain dans la forêt hyrcanienne, du Gaël
dans le clan , de l'Arabe dans le désert , du trouvère dans sa maison
joyeuse de Provence. Mais il n'y a point, il ne peut y avoir d'épo-
(1) Scribsêre alii rem
Versibù quos olim Fauni valesque cancbant-
Etmii fragmenta.
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4^ RKTUB.Md.MQft WIIIPB8.
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possèdent dP4^4^M^tdea4M9ilM^)^ Le poèM
MrQique nl^u^t .Que 1$^ >d^i^tepp(i(i^il(mMiQ¥ des ^aroiea iadir
gèpes et fppiiM^9|é(^4iMMP l)M^»i9^m^^m^f avwainéoaiiisaie
i^*a pu «tt^or pour .^im %|s|m«^9 qi\i)telir «MPWMtM; le dé-
font d*ui^ ^iÂe(PPpu)AÎrAf dftAfi^le^ pp^ilif^fSftQiiipt de Romi»
dey^ Qllti9i)per,K^t QnMrd., pmr ré^Mt., itefdiiM emfiniatéci
et abs^imte ,d^ r£^4e du wM^ d'Apipist^^ .Ce fiiilà^c^ ,<im, i h
fin, p^HP^yirfiil^ wfi^ii^apaiT. QoMime «oiijiàros, .U«eatitq«*t9
Mm isQiiij6qiiQQce qui tient de pràs à celle-là , est ridée que Isf
Romains en général se formaient du but de la poésie. De ce qa*eile
n*avait point été chez epx Texpression consacrée des croyances
populaires et mitionales, il s'ensuit qu'ils la considérèrent de bonne
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riûie ilimmioii wMÊ»^lm'(pip(kL^^ l^tre
pmÊT- yjjguiwiinMi der tWtrtetetiiiC ehM tes ^em, ell0 àn^ élé
i«fUtioii> oiUe et dogme te<tt «ii6«*iUlë. Elle était ]M>)li> eiik pkis
YMM 4ae riiigtoiri8i;'e»<^<M* mimé M foifl te siygtètie 4*l!^sldCè.
€heB taalioiDBiM, riên^ctociela. La^ poésie est flolieti) foble, nâfen-
«oifge; c'est dereiia un grand mérite qoe de santrfr s^en déiSèr.
Ba^ là> qaaad Tke^Live iilsiHiscfit Ennins, il se garde biea de le
oÊerç fl (Promit ^ entelusant^ nfeanquér à la dignité <fe la tradttiOÉ.
En on^molle ditorce enttie la poésie et la réalité s^t aeooiâipli
parlée Ri»nnm». Le monde idéal et le inonde réel, rémrfs jusque-
Ui du» lesijfnriqiKos'ortencaUx, dans leis prophètes hébreût, dads
habymtfe^^rpiiiqaesy datas les rhapsodes ioniens; sont désortnai»,
léparés; ils ne se €Otifondro«lt phte. Le poète n'é^ pln^ te guide
df» peuplesb H a perdu une à one toutes ses dduronilé»^ hors la
oaureonè^defs songes. Il n*e9t pltrs ni tégislatetir, ni prêtre ^ ni hid-
toinen^n est devenu on ne sait <]uoi> une espèce de fou de coiir
fnt pour d^rtir^aprèsle lion muselé du cirque, Tutaivers deveMi
▼ieuxw
Wvptti^ oè^aécè dit plus ftuat, il est également manilfeste
que l-art romabi devait nécessairement adopter pour loi suprême
la loi d'imitàtfon> C'était la règle à loquelfe il était soumis en nai^
sam^ Ses formes lui étaient imposées en même temps que la théO«
dicée et la cosmogonie dea Arecsi. Un métne syistème religieux ne
poUiFaHpaa produire deux systèmes tf'ait diffèrens; et les dièUx
hdléniqfues une Ams i^econnus > k cbnséquence était de donner à
Plliadeet à' rOdyssèe presque la même importunée sociale dàîis
Athènes et dans Reine^ "PcMt se itottt dans la poétique paTenàé,
m4me lorsque teut semMe s^'y conftredire* Depuis le grammairien
lusqu'au père dcGf dieuic, tout s^ngendt^ 1-uti de l-autre; toat
^appuie Tan sur Ta^Kre; Tei^^tianus sur Horace, HorsK^ sur
Aristéie, Ar(aiote sur HO)mèif«f> Hoimère sur lupitei^. Pour <Aau-
g<^ la A>rme de rart-, iifeUâit'etianger lee dieui^, ^ il n'y avait
que le Clirist cfiA pèt déshériter Homère. De là , quand lesr criti-
i^es modernes ont trente de rétiiblir telle quelle la tfiéorie d'imi^
IMion^ ils ont fhit une règle générale de ce qui avait été utt'cas
particulier à Vétibbseiaelit des Romaiiisi Ge dOphidlâeu ioû nofti
ilMis^leiPAcolei.
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496 • REVUE DES DEUX MONDES. '
En effet, H est arrivé aux Romains ce qui est adveoa à toutes
les civilisations naissantes quand elles ont été subitement misesen
rapport avec des civilisations plus avancées. Celles-ci ontpromp-
tement dévoré celles-là. J)ès le berceau , l'Hercule latin a été en-
lacé par les replis du serpent grec; jamais il n'a pu s'en dégager.
. Au-dessus des huttes de Romulus planait le fantôme de la civili-
sation homérique. A peine ce dernier commença-t-il à paraître,
qu'il fût le maître, et qu'on n'en voulut plus reconnaître d'autre.
La révolution commença par les dieux; le tagès d'Étrurie s'inclina
sur sa glèbe, comme un serf, devant le Jupiter Panhellénien.
Ce changement ne produisit pas même un schisme , et le poly-
théisme païen fonda dès-lors dans Rome une sorte de catholi-
cisiQe païen. Le vieux Saturne d'Italie se laissa détrôner saut
résistance par les dynasties des dieux étrangers. Le ciel grec
s'abaissa avec toutes les nuées olympiennes sur l'Italie , sansqa'il
sortît un seul murmure de cette terre déshéritée. 11 est vrai que
les populations les plus religieuses avaient été extirpées au préa-
lable. Les cités cyclopéennes n'étaient déjà plus habitées que par
les couleuvres toscanes, et les Romains avaient traité les Étrusques
de la même façon que plus tard Charlemagne traita les Saxons hé-
rétiques. Par là fut frayé le chemin aux croyances et aux divinité
nouvelles. Quand fut ainsi consommée l'invasion religieuse, que
restait-il à faire à l'art? il lui restait à l'admettre et à s'y conformer.
Supposez que dans la lutte les Étrusques l'eussent emporté sur
les Romains, l'Italie ancienne eût certainement produit une poésie
plus originale. Au lieu de tout puiser dans l'imitation de la Grèce,
leur art eût trouvé ses formes dans la liturgie toscane, dans les
hymnes des prêtres, des augures , des sibylles. Mais TextirpatiiHi
de ce peuple fut en même temps l'anéantissement de la vieille poé-
sie italique. Je remarque que la même question de civilisation ei
d'art qui se débattit entre Athènes et les Persans, se résolut dans
le même sens entre Rome et les Étrusques. £n soumettant ces der-
niers, Rome soumit avec eux le sacerdoce qui devint muet, et per-
dit sa poésie dans l'esclavage de la cité politique : ainsi, on peut
dire que dans l'antiquité l'école d'Homère triompha deux fois du
génie sacerdotal et oriental , la première avec les Grecs à SaU-
mine, la seconde avec les Romains au bord du lac Regiile.
Si pour produire un système de faits propres à la poésie épi-
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POÈTES ÉPIQCES. 49T
que, il n*était besoin que da concours du monde matériel, aucune
tradition , aucune histoire, ne seraient plus riches en cela que la
tradition et que Thistoire romaines. Il sufGt de rappeler les princi-
paux sujets qu'elles fournissent, et qui touchent à tous les rap-
ports du monde antique. —La tradition d*Énée, — Tépoqu'e des
rois, — les guerres puniques, — César, — les invasions des Bar-
bares. —Ces sujets ont été traités séparément par Nœvius, Ennius,
Virgile, Lucain, Stlius Italiens, Claudien. Mais chacun d*eux porte
en soi un vice commun à tous, et que rien ne peut racheter. Rome
a t>eaa être placée au cœur du monde, un univers tout entier
échappe constamment à sa conquête , je veux dire Tunivers im-
palpable des croyances et des idées. Le monde réel dominait trop
fortement chez elle le monde idéal , pour qu'il pût s'établir entre
eux les justes proportions d*où naît l'harmonie de Tart ; Faction
surpassait la pensée, Thistoire opprimait le poème. Entre la terre
et le ciel, Taccord ne fut jamais parfeit, et la faute en fut toujours
aux dieux.
Premièrement, les dieux étrangers, sortis de la Grèce, restent
froids et inanimés dans leur nouvelle patrie ; point de sympathie
ni d'alliance entre eux et les évènemens au milieu desquels le
poète les transporte. Us ne sont pas nés de ce sol , ils n'ont pas
grandi avec ce peuple. Cest un monde qu'ils ignorent, qu ils pro-
tègent sans ravoir fait, qu'ils condamnent sans le haïr, qu'ils ser-
vent sans l'aimer. Pour eux , les honneurs politiques du culte
romain ne valent pas l'indépendance des monts de la Thrace. Dans
le Panthéon d' Agrippa , ils regrettent la liberté de TOlympe et le
grand ciel d'ilomère; à proprement parler, ils sont prisonniers de
guerre dans l'épopée latine. Comme des rois vaincus, ils suivent ,
enchaînés et muets dans l'Enéide, le char de triomphe de l'imagi-
nation romaine.
Autre difficulté. Ces dieux ont beau arriver de toutes les par-
ties du monde antique dans le Panthéon latin, ils ne le remplissent
qu'à peine, car leur nombre augmente en raison inverse de la foi.
D'abord , à mesure que les dieux étrusques commencent à dé-
choir, leurs sièges vides sont occupés par les dieux grecs. Ceux-
ci, venant à décliner à leur tour, les dieux orientaux sont admis
à leur place; les Romains en usent avec l'Olympe comme les mo-
dernes avec leurs chambres hautes : Us créent à volonté, selon le
TOME VII. 32
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4f98 BETUfi mm vmjt: vtKDss.
-tvéw «barotts. <G'^«tvfttiiri qa% te fema> «^ tÉoinsiie: ii8B> «m»
eebtte oiy«|ii6«oe doM ^aqiieUe 86i)ôudoi6at JàpiM) iMi «
dftiris* Dè»l6 feApt de Vm0i>» lee^tetw Atirie&t<fleiiii4è«tf»-
bnes^qui irâtaaieot leur éicMtlè dtfiliite denr les Hmm de Im-
mmt de SaUiTM* fie toutes parts, de rarient^^et ddf-Brt,li
dieux me^eaMimeaC^dftiis là giMde Josjiphai*4t4a Bonrâfft-
iMe pour enteedre à là Sm le jugemeni du Ckrisl awurcifriè:
Reiirea-¥eiie^ meadils I
fl rôgttke de tique réMronaia^ se développwif kKuii mmu
dene les Iwûfles^ elles eoadiliens dumeBdb maléffiei^ «odiriiak
oBKHideîdéai {(oAm des croyances) enîvaU on progiM tMfto-
Ivaire ^ la fâiUe cooooidaAce ipd esislwt à Teirigias det'aHiè
Tautre ne devait pas tarder à éti^e ronpiie.'Seiis Céseiv Mm
BMUériel ppésentait ^ connne il a élé rtsmaecpié «Bears^ àm^tÊà-
liws très épiquesi Mais le syeièiae de la théodieie pàSeMeM
dès-lors aussi impuissant à le comprendre qu*à le régir.lesfniii
dieux étaient deyenuetrop petits peiur soMreà TadaMMUiMidi
monde roaiain. L^bamamté avaittsrandi>« Ja(^i»aB^rèsd^di»Mi
an aaitt« En un mot, il y avait ane sarte d^uaiié^ dans l^MHhs^
■ieiMtiumain»el une anarchie absolue dans FéiabliseemiicélM,
e*est^à^ire tout le coairaire de réquttibre{BieeBsair^i»«<
aavateurw l>e fl^y dans la hitte déjà flafraâiè ehrtre laeMîNMi
atitiq«eet>les^ hommes du Nord, les dieua de Bmm» éffouk^
milli» 80U6 leur pearpre, n'auraient ftts^ eu faoitoneat«Mirte
dieuE bavbàtfes sens^ te IMne saové» Les preniei^ ne pcai*^
plus résoudre les^Uf&oidtés <)4 le niwde étatt^ptoagè. ûn^éé^
eédé la place à'I' autre? Odin^ou' JupiDer? H élak temps qoB Mf^
parût pour lès^eotioilier Tua et TMlre^
Par tout ce qui précède, on peut se faire une idéedetdlflta*^
aa.miUe» desqurtles était plongé le poète romaîa. U n^tatlK»»'
loi ni le peuple ni les>dieux ; il foUait qu il pùidine à ehaqaeiMO^
da ^ur comme Médée : Moi seul , et c'en assea^ iossir NqjW
StinkiSi. ma^ré tous leure-efforte pour' imiter Uamère, nê'M^
ib'€(ae desxhroiiqaeurs en vers, oaeeqa^ ronappehdiile'i!^
gués* L^art roaaiù était un adge tombé de la sphère iéMe i»
Greeedaiis la Sadoeia impériale* Le poème y ftitdeboAaehitiB
^smttm Al'hikteiiseï d'où^ilBembl04iile>la poé^ \ÊtàÊÊèf^,9JfÊti^
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liaBMBefa des Persans et qne les Sagas dlslaBde* HMe voie «a
fcfirtate A Yitiga^ poor lataw^ict,^iliûauaiB>il derétaiDer^dans
Ri«iraKi» Qsmm^ dam iHuPambten, les rodas-poètes qm 1^
m% pfécédé* il poofail «naai sotlir des fimaa» nationalefl, al
toiiar, |Mr l^foitaïkm d'Alanandine» à une saite d'éfiopée âhstr
lileal 4aivaiile$'e*esi là le parti ^*il eboisit t c'^si eeiai qui éiail
m le génie de son temps. Le ¥ie9 esprit de Rmoe était mari
pseifiatoii ; laapril casnKipolil0 ataiic vainea avec César. La %rû^
tàmk é^^Èùbt, qneUe que soit sao origine, marque ^n moins ral«*
Moe de la Grèee et 4e Raase.Cest 8iir4%lée de lajMirenté de
ttdeaai cîiriliMitiops qne repose l'^^we de Virgile. Dans ce sens,
ftpaàme, pliui£asmopoiileqne>rDmain, a pour «ailé Vanité même
ieVaittiqatié. L'^ânéide-clot eomrae d*iin sceau le paganisme; sep
apport «ree riKâde est île même que celai du Paradu perdu avep
a fthle« Homère et Virgile aantarnseatteietui comme le sont le
lomaMuceaMnl alkiffin d'un mAme<nande.<l*est laqneue dusesvi
psntqoi va refeiodre satète. Enjoutte, si Maasère marque le liesi
le rOrient et da la firèce, Virgile nmrque «ehû de la Grèce et de
l^llslie; al par oe o6té, il s'est atlaohé à f une de ces idées qui ap»
^rtiwient i Tépopée philosopfaiqae du genre huoMin. Foi H aa*
tira qu'au moyan-^-àgefl veprésenla lui seul TantâquilétOHleatièrey
M ^'il devint on personnage pins poétique qne son poème. Lea
t^S^acles dea -mopaatèies firent de lui un prophète moitié païen ,
■toitiéobtétian^qiii survivaitàlOMtuikmoade détruit. Parmi les rui-
M de remfûre romain , il resta comme leapeotre de la poésie anti-
(ne; ombre vagabonde quidevait initier «Dante à la ailé des morts.
Malgré crta, Virgile ne peut servir de centre à l*hisloire de la
poésie latine. Las poètes romains fie forment pas autour de lui une
^ite fiiaulle, comme les Grecs autour d*Homère; et Tavare fes-
lia de t'Énéide ne les nourrit pas tous ensemble de ses débris,
p^dans Rome que s*est brisé, pour la première fois, le chœur
E tique des rlrapsodes et des muses. L'inspiration religieuse et po-
biire, qui jusque-là tenait tout réuni, a disparu. Chacun 8*es
aaas savoir où , Tun dans sa joie, l'autre dans sa douleur. Lea
Ctasne sont plus frères. Plus d'unité, plus de lien, plus de sys^
6 qui les rassemble, si ce n'est peut-être le matérialisme de
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500 REVUE DES DEUX MONDES.
Lucrèce. Enfans prodigues, ils vont pattre au hasard le troopeai
dispersé d'Épicure; au reste, sans aïeul, sans chef, sans guide, h
sont tons orphelins.
Une chose pouvait les réunir. En effet, si Tasserrissement pré-
maturé du sacerdoce, si la pénurie des élémens nationaux w»-
saient au développement du poème lyrique et du poème héroiqQe,
une troisième forme restait, qui paraissait devoir résumer toit le
génie romain ; c^est la forme du drame. La querelle incessante
des patriciens et des plébéiens faisant le fond de leur histoire, q«
ne penserait , au premier abord, que ce dût être là une situatk»
éminemment propre aux inventions du théâtre? Cette qaefék
éternelle de Taristocratie et de la démocratie, qui commence entre
Romulus et Rémus sous le figuier ruminai, qui se poursuit sor
TAventin et dans le soliloque du mont Sacré; ce dialogue sans in.
qui s'agite dans la paix plus que dans la guerre ; ce peuple maet
qui transmet sa parole au tribun; cette lutte acharnée dans Yat-
ceinte des mômes murailles; ces péripéties continues; ces réconci-
liations subites , et de nouveau ces récriminations furieuses, ei
au dénouement comme le dieu de la machine, tantôt un Marias,
tantôt un Sylla, tantôt un César, qui, détruisant tout, renversant
tout à son profit, concilie tout aussi, voilà certainement une tragé-
die ou une comédie historique dont chaque scène suffisait à la Tïe
d'un poète. Sans doute elle eût été exécutée par quelque Shaks-
peare du mont Aventin si la violence des patriciens n*y eût mis
bon ordre; mais la loi des douze tables, en punissaitt de mort
rironie plébéienne, coupa court de bonne heure à toutes les t«iia-
tives. Malgré cela, le poème fut commencé par Nœvius, qui expù
son audace dans la prison des Métellus. Après lui , il faUut tmb
siècles avant que sa colère étouffée éclatât dans Juvénal. Rose
finissait alors comme elle avait commencé , par la satire.
Lorsqu'on entre plus avant dans le temps de la décadence ro-
maine, c'est aujourd'hui l'usage d'expliquer cette époque par scf
ressemblances avec la nôtre; on cède volontiers au plaisir de fiis-
liger son siècle avec cette vieille férule; et pourtant Dieu sait sur
quels faux-semblans reposent presque toujours ces analogies! Si
Lucain, Silius Italiens, Stace, Claudien, marquent une chute ^
prodigieuse dans l'art, ce n'est pas seulement parce qu'ils ont al-
téré la diction et la langue, Jusqu'au dernier soupir^ les RcHnain»
I
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POÈTES ÉPIQUES. 50!
ont excellé à composer ce que ron appelle de beaux vers et de belles
phrases, sorte d*art mécanique dans lequel ils sont de beaucoup
supérieurs aux Grecs, le moindre d'entre eux pouvant en remon-
trer là-dessus au vieil Homère. La décadence ne vient pas non
plus de ce qu*ils ont quitté les principes du siècle d'Auguste. Le
contraire de cette idée serait plus exact. Dites que ces poètes sont
demeurés stériles parce qu'ils sont restés asservis à une loi morte,
et vous toucherez au vrai. Pour eux, la vieille société a beau mou-
rir, ils n'en ont cure. La même expression, la même règle, la mdlme
mythologie, ils rappliquent à rilalied'Évandre et à l'Italie des em-
pereurs. Avant comme après les Barbares, Rome est toujours pour
eux la Rome de Fabricius et de Caton. Que leur fait le bélier qui
frappe à la porte? jusqu'au bout, ils continuent le jeu classique des
temps de Saturne. C'est toujours, quoi qu'il arrive, même sénat,
mêmes naïades , même triomphe, surtout même imitation. Sous le
Goth Stilicon reparait l'âge d'or. Alaric est le commensal d'Énéc ; le
siècle de Claudien se revêt de la peau du lion homérique. La poéti-
que du siècle d'Auguste régit jusqu'à la fin le siècle d'Augustule.
Qui ne voit clairement que si l'art de cette époque n'a aucune
valeur sérieuse, ce perpétuel mensonge en est la cause? car ce
n'est pas la poésie en soi qui manquait au spectacle de cette société
agonisante; le spectateur seul y manquait. De tant de prophètes
ofGciels, augures, dévias, aruspiccs, pas un n'a»le pressentiment
de ce qui menace le monde antique. Tranquillement et stupide-
ment la société romaine s'en va à l'abhne sans qu'il se trouve,
parmi tous ces intrépides disciples du siècle d'Auguste, un homme
qui ait le cœur de se lever, et de dire : « Xous périssons I » Certes,
il ne valait guère la peine d'avoir à son berceau tant de sibylles
pour n'être pas prévenu de sa chute une heure d'avance. Ni Attila,
ni aucun des Barbares, ne peuvent arracher cette momie impé-
riale à l'imitation c'e ■ s'jicide, quelle biiihutie encore dans se n
tombeau de Bysanc». Voul-oii voir quelque chose de plus, il faut
relire Symmaque. Quand tout est fini, et qu'il n'y a déjà plus de
Kome, sous Théodosc, il se trouve encore un homme pour de-
mander, au nom de la société qui n'est plus, le rétablissement du
culte do Janus. Sans doute cet hommc-là croyait qu'il ne fallait
c]u'un décret de remvi?rcur pour vossusciter les dieux ensevelis,
«lopuis trois ♦r;i?df\'5, -^ us le .{jraîîd lumiilus do l'Olympe. S'il y a
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9M RE YD» ^«S Wm» JfONDES.
parmi nom iies SftMMtqaes, W'avou^vbavi^iioiii&tiv'ild
bienmieux.
Gela admis, je demande «ur quel fondement ^t^erttmtm'iMit
comparer une sociélé ai -peu préoccupée de sa fin à kt aoelélé ma-
derne , tra contraire si liaMle à compter ses pkriea, A/éeooler^si
ruines, à sonder iies Messnres , à prophétiser sa '«lNile,el^m<h
plus tire de cette science même sa principale grandeur. Gherto
Romains, on ne trourepoint, comme 9 a été dit d-Hieesua, de lé-
rémie ni d^bafe pottr|]ileurer sur leur misère ftiture. liais 3 n'fa
point non plus parmi «ux de René, point de GUMe-^Harold , pojii
de Faust pour dévoiler Jiinesttre leurs oorabata^téviears. Q i^
a pas même de don Juan 'à la dernière orgiedu pagasisme. Li
monde romain et la aodété moderne sont , si Ton veut, et
même cela pourrait se nier, deux étabHssemens près de se
soudre. Ds se ressemblent par une -même apparence fie
Mais , pénétrez au--deUi , tout est divers. i.e monde-ptâen^n^iif
la consciencede sa misère; il est tel que cet unfvew^phyaiqae^esl
parle Pascal, et qui-nc'sahpas.^'il'meurt; T^Milre, le inoiida mo-
derne, le «ait-sil)^, qu'-f) est toujours aurlepemt rfee^eKagérsrsoa
mal. Et pour ce qui regardera-poésie, la phitosoplûe, o«, pourHi^
dire, le principe de la^norale, ces deux conditions d*uiie rmeqili
se connaît et d'une ruine qui s -ignare sont si <liCKrentes eBtoeéBq^
l'une est si pauvre, l'autre est si liche <ie sa propre HMaèr», q— «
point seul, une fois bien établi, suffirait à renverser «toutes ki
analogies qu'on y pourrait opposer. A quoi bon attacher ce^oorpf
vivant à cecorpamortt'Onne serait pas plus 10fn<ki vraî^ea'eosr
parant aujourd'htii 4a plainte de la société chrétienne é la* pliioli
des prophètes , laquelle était aussi pleur et joie , pMsé et^aiei^
tout ensemble.
Depuis longtemps on nous assure qu'il se préparedttns la peMi
contemporaine un retour vers Timitation de Tantiquité. Si ooMt
réaction tant promise conduisait à la fin à Fétude des formes giw-
ques, nul doute qu'elle ne fAt un progrès pour-tous. Au contnife»
si ce devait être seulement un retour à la poétique latine, il j ta-
rait plusieurs inconvéniens à redouter d'un aussi brusque repee-
tir. Il a été composé sur ce sujet quelques stances qui semblei^M
devoir pas être séparées de cette étude sur Tépopée et la critiqie
romaines, puisqu'elle en est, en plusieurs points, le conuneataire-
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POÈXSS ÉPIQUES. Stô
A LA MUSE LAI9NE.
Sous moD toit résonnant gazouille Tbirondelle;
Le petit da boavreuil dont j'ai vu crottre Taile
Commence à becqueter mon pain de chaque jour.
Car le toit du poète est ouvert dans Torage
A la jeune hirondelle, aux parfums du rivage,
A tous les ebaots d'amour.
U n'est fermé qu'à toi, triste muse latine !
Loin ton ciel plagiaire où le frelon butine,
Sur leurs longs pieds de bouc tes mètres salions.
Vieux enfans d'un vieillard tes hymnes de Saturne,
Puis.au bord de ton urne
L'(§popée épaodkée à flots olympien!
Sans ailes, sans guirlande et plus riche que belle.
Je ne t'aimai jamais. Ton avare mamelle,
Loin de ma mère, enCant, m'a nourri de mes pleurs.
Tu ne sus qu'insulter les plus doux de mes songes;
Et dans mon ciel d'avril tu métes tes mensonges
A mes premières fleurs.
Ta férule outragea ma muse à la lisière;
Et moi, fuyant déjà ta classique lanière.
J'allais où va l'oiseau me plaindre dans les champs;
Et quand j'avais pleuré mes larmes de poète,
Sautillant sur ma tète.
C'est l'oiseau nouveau-né qui m'enseignait mes chants.
Mais toi, pendant ce temps, sur le trépied montée,
Vestale, qu'as-tu fait du feu de Prométhée?
Tu l'as laissé mourir sous ta tremblante main.
Ton souffle sur ton âtre ose à peine descendre;
Car les pensers d'amour qui raniment la cendre
N'habitent pas ton sein.
Vestale, qu'as-tu fait du foyer d'Ionie?
Dans tes mètres d'emprunt la torche du génie
Sur l'autel des Latins n'a brillé qu'en mourant.
Ton œuvre la plus belle est un sépulcre vide
Où, dans ta cruche aride,
Tu taris en un jour l'eau poiséo au torrenl.
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S04 REVUE DES DEUX UOIHDES.
Fille de ravisseurs, sans semer tu moissonnes;
Des guirlandes d*antrui tu te fais tes couronnes;
Aux prophètes vieillis tu dérobes leurs deux.
Quand tes Lares sont nus, pour les vôtir de soie.
Dans les tombeaux de Troie,
Tu ravis le lir.ceul à l'épaule des Dieux.
Hors du monde des sens pour loi tout est chimère;
El ton vers parasite à la table d'Homère
N'a foi qu'en ses cinq pieds de dactyles chaussés.
Tu crois qu'au lieu de l'ame un lambeau d'auapeslc,
Comme un Mercure ailé, porte au faite céleste
Tes larcins cadencés;
Que riambe inégal peut forger sur Tenclume,
Comme un Vulcain boiteux, sans que le cœnr s'allume.
De deux coups de marteau ses brûlans javelots;
Et que mieux qu'une veuve en sa douleur voilée,
Auprès d'un mausolée.
Un spondée, à pas lents, va traîner ses sanglots.
Le métier use en toi la verve sibylline.
Tu fardes ta Vénus du fard de Messaline;
De Delphes sans profit lu pilles le trésor;
Rien n'enrichit janiais les cylharcs menteuses,
El c'est en vain qu'au front des prières boiteuses
Tu mets un masque d'or.
Voilà, voilà comment, quittant le laticlave,
Et ceignant à ses reins ta ceinture d'esclave,
L'art se fit artisan au fond des lupanars.
Ouvrier des Pisons à la courte tunique,
Dans ta geôle classique,
II tourna sur le grain la meule des Césars.
Tous les grands ciseleurs d'une vide parole,
Tous les beaux désespoirs qu'une rime console.
Tous les prophètes faux dans leur vaste cité,
Des poètes sans cœur les rampantes extases.
Tous les limeurs de mots, les artisans de phrases,
Sont ta postérité.
Ah ! si pour apaiser la fièvre de notre âge,
A l'ame il faut verser un antique breuvage.
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POÈTES ÉPIQUES. 505,
Dans la coupe des Grecs nous boirons à longs traits.
Quand Tépine est au cœur qu'un long passé dévore,
Nous apprendrons encore
A cueillir sur Tlda les simples des forêts.
Je n'ai point oublié le sentier de l'Â^tlique.
J'ai suivi plus d*un jour, au bord de mon caîque,
Dans le flot albanais la plainte de Sapho.
Mes yeux ont vu de près les grands dieux sur leur folte.
Et, dans ma longue nuit, des ciuq voix du Taygète
J'entends partout l'écho.
Mais toi, n'espère pas que nos libres pensées
Reprennent, sous ton joug, les entraves passées.
Comme un honteux bétail qui choit sur ses genoux.
Non, non; trop de sentiers, sur de nouveaux abtmes.
Ont aplani nos cimes.
La muse repentie habite loin de nous.
De tes philtres latins nous défions les charmes.
Des amours plus puissans ont de leurs chaudes larmes
EfTacé dans nos mains tes livres entr'ou verts.
Que feraient, sous nos toits, les petits Dieux de plâtre.
Et tes Lares gourmauds, qui, rangés dans ton âtre,
Nous cachent l'univers?
Maudit! maudit cent fois le poète parjure
Qui le premier, livrant son aile à ton injure.
Voudrait tout ramener aux lois de ton ciseau;
Et, prenant ta quenouille où ta main l'a laissée.
Dans ton froid gynécée.
En rimes filerait un servile fuseau!
Que jamais sa maison ne soit de chants remplie !
Que l'amphore en ses mains ne garde que la lie!
Que les mots dans son cœur ne rendent qu'un vain bruit!
Que jamais une vierge, amante de sa gloire.
N'éveille, pour l'entendre, en leur couche d'ivoire,
Les songes de la nuit !
Edgar Quinet.
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CHBONJQUJE DE LA QUINZAHÎE.
14 août 1836.
La grande afifaire de cette quiazakie est le mouvement révolutiaiioaire
qui a commencé en Espagne par la ville de Malaga» où le coDunaDdant
militaire, San-Just« et le gouverneur civil, M. le comte de Donadio, oQt
été massacrés dans la soirée du 25 juillet aux cris de vive la consHMm
de 1812. Ce mouvement s'est étendu avec beaucoup de rapidité dans
toute FAndalousie, dans TEstramadure et jusqn*À Madrid, et partoatil
présente le môme caractère , sauf les massacres qui n*0Dt désboooré
que Malaga. Mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est que la con-
stitution de 1812 a été proclamée le 2 août à Sarragosse, avant que la
révolte de Malaga y fûtoonnne, bien qtt'eUeait eu lieu sept jours phis tôt.
On pourrait en conchuet qae le-moMvomeDt se rattache à «ipe?co»pira-
tion positive dont le foyer existait à Madrid, et c'^t ofiCoptivemeot très
probable; ou bien, ce qui est certain qiiant aux dispositions générales da
peuple, lessentimens qui Tout fait éclateront agi à la fois sur plusieois
points avec la même fanœ^ et y^oot produitie mène oéssIUit»
Nous dirons tout j^l'lMiàreoe que nous^pensoos die doUerèrtlotiaOyqoi
n'est peuti-ètre pas aussi redoutable qu'on le suppose. Mais d'abord oa
mot sur ses causes, ou plutôt sur ses prétextes, et sur les circonstaocei
quelquefois très singulières qui l'ont accompagnée.
Depuis quelque temps, les armes de la reine n'étaient pasfbit beureoseSi
Les carlistes, sans faire de bien grands progrès, matntenaieot cepeodait
leurs positions, et avaient même, en dernier lieu, élargi un peu le cercla
de leurs opérations. La légion anglaise, déjà fort affaiblie, avait échoua
dans une tentative sur Fontarabie, qu'on avait ensuite appelée une simple
reconnaissance pour déguiser un échec; le chef carliste Gomez avait ùii
mie pointe très hardie jusqu'en Galice» où les populations l'ont fort oui
reçu, où il a échoué , mais dont il revient avec quelque argent extorqué
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d» «êlé %ir dSaotrft^et M08 '«v#ir ét^ jwcpi'iovséPîfiMsaaMAl €Dlamé. Im
choeet allaient mieus ea Catologne;. mais dans Valenœ et daos le Bas*
Ara^fûB» des- bandes aodacieases dévastateot le pays et répoufantaieat par
leurs atpeoicés. Tout cela n'était pas très grave, don Carlos élait encore
bien loin de Madrid; nuns, enfin, le parti eaalté, mécontent du dernier
obaagemeat de ministère et battu dans les élections, aimait mieux crier
à le ir$Mtim, eccoser Gordovade perfidie^et vociférer contre M. Isturiti^
4pie de reconnaître les vériubies causes qui éternisent la guerre civile,
<^est-à-cUre le manque d'argent, le manque d'union, l'absence d'une di«>
reetion vigoureuse et suivie, les rivalités des^généraux, et par-4essus tout
m eertwn déœuragement dans les esprits, suite naturelle des oscHIations
du povf>eir et des réactions en sens contrairea-qui ont tant de fois affligé
les bonnètes gens dans le court espace de quelques années. Les meneuse
ont profité de ces défiances; les carlistes ne se sont pas fiait faute de les
«egmenteit, d'exaspérer les haines, d'entretenir les divisions, et il en est
rtsuM le tentative révolutionnaire qui a donné au gonvomement de la
FoUnedeux ennemis 4 combattre au lieu d'un, qui ajouterait aux chances
du prétendmt, si leqprétendaat et les siens étaient d'autres homoes, qnl
ôtera momentanément quek|iies ressources, et coûtera quelque argentan
trésor, mais prouvera,^ nous l'espérons iermement, la double impuissance
des carlistes et des révolutionnaires, vaudra au gouvernement de la reine
une démonstration vigoureuse de sesaUiés, et ralUera définitivement au-
teiHr du trène tout ce qu'il y a de sensé, d^honnéle et de vraiment patriote
dans la naiioa espagnole.
Il n'y a eu derésistanee nulle part,, c'est vraL;^ le mouvement s'est pro-
pagé rapidement et accompli sans peine. On dit qae les gardes nationales
se sant parfont prononcées unanimement pour le conatitutien; enthoa-
siasme, preclamatiens , feux de joie, rien n'a manqué de ee qni ne
nanqee jamais en pareil cas; mais tout celé ne prouve pas grand*ehose«
Proclamer la constitution de leiS pour le peuple espagnol , c'est proda^
mer le souvenir d'une grande époque, d'un grand ébranlement national ,
ë^ine défeiMe héroïque, de la guerre de l'indépendance, souvenirs sur
lenineb on vivra encore long- temps en Espagne ,..pnroe qn'il n'y a rien
^■Ire chose dans son histoire depuis la découverte dn Nouveau-Monde. Lee
IfetMs quarts des Espagnols ne savent pas ce que c'est que la constitution
de 18id; ils ne l'ont paS'étudiée, Btonesepsfisîennent certainement pas pour
^ système d'une seule^obambre ; ils s'inqidtent peu du' v«lo suspensif en
ebsola, de la députation permanente, de tons les Douages md^eemèinée
^bA fendent inapplicable la coostitatéon* de 18tôv Pour eus , cela ne vent
^^ que liberté, indépendance, élan national. ^'ii se tourne contre 4ea
^ooHisten, A la bonne heure; raaiseneore-iSnit-ilvde toute nécessité, nn
^BOwemenwnt^ un penveîr œntral, fort ,. inteUigentet respeetéy penrle
*ri§ar.
di eôtéde ia >gyandc pièoeqni sejeueenpublie,/ilyetoi|Jonrr'lnpe»
^qnt se jnne dansles eouKsses. Dans les monvemen^fiepulaiiiea,.*! y a
^^<9M*s des faonunea qui cherchent de Vimpomanee locales de H «a
juntes si nombreuses. L'histoire dcM. de Toreno-dit iceai^ietnn^aioipMa
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508 RETUE DES DECX MONDES.
de sens et de vérité : il y a des intérêts particuliers qui veulent se satisfaire;
il y a les inévitables ennemis de tonte autorité nouvelle, il y a les ernbarras
d'argent et les embarras de position; les exagérés, qui veulent toujours afler
plusloin, les timides qui se cachent ons*en vont. L'année dernière, on a td
tout cela dans les juntes ; <5ctle fois on en voit déjà quelque chose. A Ma-
laga, le lendemain de la révolution , on ne savait où trouver de rargenl;
la commission de gouvernement avait déjà ses ennemis, et le reconnais-
saTt naïvement dans le bulletin officiel de ses séances; elle se plaignait de
la froideur des uns, du mécontentement des autres; avant qu'on eôt ap-
pris le soulèvement de Cadix, la jeunesse même refusait de marcher sor
Grenade. A Sarragosse, les tiraîllemens sont tels, que , sur quatre jiiales
de gouvernement nommées l'une après l'antre, pas une encore n'a réussi
i s'installer.
Nous ne croyons donc pas que le gouvernement de la reine soit sérifo-
sement menacé. La constitution de 1812 nous inquiète d'autant moiifê qae
les provinces soulevées reconnaissent formellement aux certes le droit df
la modifier. Nous ne serions vraiment inquiets que le jour où Tannée,
fidèle jusqu'à présent, échapperait à ses chefs et prêterait à l'iosarrecticD
un appui sans lequel il n'y a pour elle ni durée , ni succès.
Il y a sur ces évènemens, sur la tournure qu'ils prendront, sur b
résistance que pourra opposer aux juntes le ministère espagnol, une
grande anxiété dans le monde diplomatique; mais on peut être sdr que
l'Europe redoute beaucoup plus le triomphe de la révolution qu'elle dc
désire celui de don Carlos. Et la France, que fera-t-elle? Voilà ce qu'on
se demande de toutes parts. Intervenir? Pas lout-à-fait; la question d'ar-
gent est grave. Abandonner la cause de la reine, laisser don Carlos Éaire
peut-être quelques pas de plus à la faveur de cette confusion? «icore
moins. Des engagemens solennels , l'honneur et l'intérêt de la révolatioD
de juillet, l'honneur et l'intérêt de la nouvelle dynastie, tout le défend.
On restera donc fidèle au système de la quadruple alliance; on lui doe-
nera plus de développement; on imprimera au recrutement dc la légion
étrangère un mouvement plus rapide; elle recevra un chef d'un ranf
plus élevé, d'une réputation militaire plus éclatante , d'une énergie in-
contestable, d'un nom, d'une position politique à laquelle il serait dif-
ficile de refuser plus lard tout ce qui sera nécessaire pour ne pas k
compromettre; et si les Anglais s'y prêtent, comme il n'y a lieu d'en
douter, le but du traité de la quadruple alliance pourra être attdat
Est-ce assez? est-ce tout qu'il serait possible de faire, questions déhcates
que nous posons sans les résoudre. Pour nous, notre conviction profoade
est qu'il faut, à tout prix, empêcher don Carlos de s'établir à Madrid.
Le clef de voûte du système de paix suivi depuis six ans est la solidarité
d'une Europe constittitionnelle opposée à l'Europe absolutiste. Pactiser
avec Carlos serait trahison envers les prétentions les plus justes et les pte
modérées de la révolution française, qui tend à multiplier les mosar-
chies constitutionnelles ; politique que M. de Talleyrand s'est si souvest
vanté de servir, et que probablement le président ministre des affaires
étrangères n'abandonnera pas.
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RBYtJE. — CHRONIQUE. 600
Il est fâcheux ponr la famille doctrinaire que les évènemens qui se
passent dans la Péninsule aient détourné sur eux rattcntion générale. La
harangue de M. (iuizot aux cent soixante-neuf électeurs de Lisieux n'a
pas produit tout Feffet que s'en promettaient les am:s du rédacteur en
chef de la Paix. Cependant il vaut la peine d'étudier celte pit«e d'élo-
quence dirigée contre le n)inistére du 22 février, et destinée à porter Té-
pouvante dans ses rangs. D'abord M. Guizot remercie les cent soixante-
neuf électeurs de Lisieux de leur perse véranco politique; cet éloge lui
sert de transition pour célébrer le système du juste-milieu qui est à la
fois, suivons bien ceci, la politique du 13 mars, la politique de Casimir
Périer,Ia politiquedu 11 octobre, la politique de M. Guizot, la politique
des amis de M. Guizot, la politique royale, la politique nationale.
M. Guizot n'a jamais été plus prolixe et moins clair qu'au banquet de
Lisieux. Cependant à travers tous les paralogismes et les adulations de
l'ancien ministre de l'instruction publique peree cette pensée qu'on ne
saurait trop méditer ; Le roi Louis-Philippe remplit aujourd'hui la
même mission politique qu'Henri IV au commencement du xvii« siècle;
il est possible qu'il succombe tragiquement dans sa glorieuse entreprise.
(On peut se rappeler qu'il y a quinze jours, un journal qui reçoit volon-
tiers les inspi rations de M. Guizot, semblait vouloir préparer la France à
la possibilité d'une catastrophe, et travaillait d'avance à l'en consoler.)
Mais après Henri IV vint Richelieu; or, la France est assez heureuse
pour avoir l'équivalent de ce grand ministre, comme elle a sur le trône
l'image du grand roi qui est tombé sous le fer d'un assassin. Le nouveau
Richelieu, vous l'avez deviné, n'est autre que M. Guizot, qui se juge
destiné, sous un nouveau règne, à enchaîner les factions et à réprimer
la démocratie, comme Armand du Plessis abaissa la noblesse. Ainsi l'his-
toire est décrétée d'avance , et nous n'avons plus qu'à nous soumettre aux
prévisions du député du Calvados. Il nous semble qu'ici M. Guizot, qui
a si souvent reproché à ses adversaires le plagiat politique, ne s'en gêne
guire, et nous le surprenons à se contrefaire un avenir d'après un passé
qui nous semble peu convenir à sa taille.
Le voyage inattendu du roi de Naples à Paris a d'autant plus occupé
l'atieDlion, qu'elle avait moins de sujets sur lesquels se porter à l'inté-
rieur. On a suivi avec intérêt le jeune prince , avide de s'instruire, dans
ses visites à nos principaux établissemens publics. On rapporte qu'en
s'approchant de l'arc-de-triomphe de l'Étoile et de la colonne de la place
Vendôme, il s'est découvert et a salué profondément. Ce n'était pas là,
de sa part, simple courtoisie. Ses antécédens marquent bien qu'il y a
chez lui une vive et véritable sympathie pour la gloire de nos armes
et tout ce qui s'y est associé en Italie. Au rebours du système qu'avaient
adopté son père et son aïeul, depuis son avéuement, c'est aux hommes
«nibus des idées progressives ou élevés à l'école de nos guerres qu'il a
conUé les postes principaux de l'administration et de l'armée. Lorsqu'il
est monté sur le trône, Rocca-Romana vivait dans l'exil, sévèrement puni
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m RBVflB M»^»MX MIMS.
é^m vMè^fiiétitèà Msral. LcfBMVeMHPsI'a rafptlé prèr^ Wmi{(i.
déral^.et 1^ £iU oa^latfie de ses garées» Le lr»U fldivaliteil pi»«-
t«clériici^»e. m. de Bourmool éuit Teiwi à Nafrfe» «ve^pkttiMirMh
hililét eiriistesy et, melgré tous ies effons, «'«raît pa obtitir 4te
reçu ni prôsenlé à la oo«r. Gepeftdaot l'exHAiBiscre de €b«rl«rïtt
Invité À une fôte <|toe doimait Mw de Lebseltem, le mîimtre éfA^Êâàft,
et oà le roi parut m mènent. OiMne sa majeité traverstit toiaia»
Ji. de Bonrmeot t*«avança sur aen pMflage, espérant sans étmm
Mfeax aceDeilli là et hoftoré d^m^eritretiei». Mais è sa fae^lsiiriai
ae^étèttma tout d'un coup, disant à eecrx' qui remtewaidbt : «-'iOe-
neut certains honMies osent* ils se meiitrer endore en fiarope ipA
Waterieo? » Voiei un autïe tra4tt|(ii kenere dotiMèinéet le tan ctk
politi^ae da jesme scmyemin. On kiia^ak dénemcé «mcenplottell-
quel étaieM implkiiiés plnéienrs effieiers-et soldats de demt réfioBâ
Qaelqee seit le tlang er auquel il s^expose^ sa résOlulion eM InsotltpriR
Les deux régimMs accusés sent> revois à la bâteel i9lf eoos leima.
Il se ptoee ssaltà^leortète; ii tesecvéuit eu plaiiie;il ks ktàgmémr
somvres, quatre beoree durvntsptiis il 1^ ramène à la ville ksraiêi,
et n'en ponrant- pbssii Alors il- fait arnéser deux capitaines des phn «M-
pmmis« Lear procès n'tst pm^m§, OeasplèteinetH coitfiRneas, ibtai
csiidanuiésà mort. L*etécotidn:dff^iitéti«^iaitnédflate, et avoir lies» k^b
l^safe, dus la courdcr Présidée qiiediiuiiaMbt les fttiêtrcridJUsiÉ i iff^
Déjà les coupables sont à geoMrx^.le^ yods bandés. Qaaivikehsliit i#
peirosr à la fols leurs poitritieft. Lei^pisi»«t àsonbaleon^miiseeM
pas afin 4e se repoftre d'une seètierde^sMg. A> Uaspect du sopplieeft^
^agfie tout ému son nieuehetr. <:s^eÉt la g^œ pleine et entlMeétftf^
ésittnésiqu'il vient d'aceorder^ CorOftfmMont > le royaume deeDetttf*
ks a droit de beaacoap espérer dHm asemtque de œt âge qui a ébp^
instîMoiS'd^ générosité et de démenée, et se montre danseef vofif^
rempM'tte simplieité, si empressé de comraiire par Ini^méme ei éekift
étudier les inatkutinns et les cbeses ntlles des divers pays <|ii'ï P**
court. L'établissement d'une garde tMtiunale et quelqiM aMiei b^
res libérales ont témoigné déjà de son bon vouloir. Ce pea qu'il if''^
permet d'espérer qu'il fera davantage pour Tavancement et h liberté*
«an pays> q%m^d i4 va lui revenir idAmlt par sa prepre stpérW»
•t conseillé par Fètat prœpère des MifieHS lib)^ qn^M aurs v» Oi
prufius (lltH)n, de h présence d^ roi de IfifAes à Paris» peorarftfitf
k double ambasiiade vaeeute eiiti« kn^deux cours. Parmi tesiMAR*i
eMidldats que présemeruit Napteis, deM' swnoat seraient au ptt«iAi«<
L'on , m; Filadgieri , fits et nil%«tfe pdblldilfr, officier d^ael»»»*"*'
tinetien, élevé eu France, et qui a iiWtaè bonorablement sert* dâa*
Hfmées; l'îWtre, * Acton, ffls de ràttfcieuffllrtfstre.lH. Aciea, «»«*•
«aralfsant Iiafitn, « su ccwset^rttfui l'esprtt do parfait geaWi»'*'
gl^is. S<*i'libéïralismet«tép«)Ové, shfbttuneiiuiiiense. H a^épow**»*^
db*dlic déBàlbWg, et tient IW* tout te qu^i y a de plus éteté.
Sn >la^e*efte, kscoittnmifeaettt'eu t^ècêfiMMMl w»**"*^
jbttrtiéë, cdk ôà'* soutdliMItéft iësWWéttdtoeiislWr»dft»
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K tu
imAkcrn^ «ftl» eooiiftaiiAM<M«4rMH«i«Btr inr- k «hainp et tattîNe^
iMsi rugiine m^lé thMide-^t la ^ictwe viw— wpt éitpot^. fJbowû Joto
Mi8MUfOMQrti*eil9»§eHi«ot. GamoM 4>ûkMails^«tl0adre, tta^is*!
Rihml Mlle «Bftvaî»Miiai<et'OMi^-c(Hiii aux inoyaM ÉîaatoniMocl^
m^^OMi AaoïeiUatiae'V^M^daoe'iiiM ynitiaB 4}tti MOMUaltM jeu
Axi9tQMt 4« «aMoaU II a'oafr't«pu>^'à lui'fKMitlMiiy «n «oBBipakit itoa
frivil4pft4e!]a chambroy âa'ft'aMttM»iifta«aalage'iiioénsrdoiilo«K.Sik«*it
MPptaieiil «auteau qo^ ikayaat -la alauM d'apprapriaiioa , Wa torda
praie4t.aMDÀaaa loi. de*ftoaiMei^ violé aiasiiaaptérogatMret rin rnaaim i
tléa, an «erlu d« vi«ii usaga parieaiaauipay lavjjpaafcar.aùt jaté le bill
lutiliMur le bureau das-buiaBîara, d*aè oe§. damiers Veussant patiMéA
arreat bors^de la saUe. La miaulpa a dédaigné, aieoraiicMi, ce Irop
iQUa-tiiQnfiha. U a vouUi ae davair le^iea qu'aiafoad. et boa è la ferme.
te leslay la débats qut-reeoiaflaaBçaH pour^la'diiHèaie^Mipaiii-^ife eolffe
u BièQiaa adivemlree ^ft'a pas a(ïeri beaucoup d^inaideDa'Dld'aogunseaa
laaveaiix. Le diseours captieux ei Tide d^sirRtïbert Fael n'a ffoère.ea
i'satce nérile^iua dHDspmrkebHHaoie^péplique de,M. SbaU. aPreoea
|urde,awt ditlaoî-^evaut premier lerd de la trésarerie , taus ptél^^
)ei D« réiDaaaer que las superfluités de l'église, et ce saot ses pilîaaa
Mmeqaa^vavis ébuaaleaA-^Rassurea-voua, »Vst écrié réloquaDtaaaleiw
irUiHiAi&^iepreaaat risMige ébauchée et la fiuissBBi ao^mattre; rassures*^
vous : noua n'ébrouions pa& les piliers devotre église, uaus la débaproa**
Msseolaaiaiit de ce déme pasaot chargé ûor qui siaaaae.d'éorasaFaB
i^éeroalaotitédiâoe tout-aeiiaf ave&ses-fvôlreset'Sas^^^als. » LotdSAaa-t
^, qai répandait au représeulaat.de Tipperary, a'eat TaineoMut efiaivé
^'«fEûhlur-l'aaèt de. cette obaleureuse aoriie; vaiuaaiant il a taaté d*aur^
^alaer leacaasciaoGesde cas whigs bons protestaosque remuait autrar-
Poissa puisaaote parole; la majorité raiaistérieUe^-est retrouvée eaqu'ella
^'a pas cessé d'être aur oatte ques^oo irlandaise ^faiilte, peuiiflopotaBla»
naiscompaateet isMnaaUe daassa /islblesda.
^ autres mêlées parlemautaires d^'laquiosaine u^aotpaa eu lemâaie'
^lat. Cesi ainsi qu'aux communes, sur la motion de lord John Rua*-
^}t ont été rejetés presque sans débat les amandemeua d^s lords a»
M qui complétait la loi des corporations anglaises et galloisea de l^a»
^^niiar« Bina que l'aflaifo^Crtaon imparlanaa , at aqntinoàt natSeaMOt
a oolliaien^vecla pairie, è^peineai rassefl»blée>était an nombre suffisant»
s^est-à^re qu'il n'y avait guère surlcs bancs plus dea-quarantemafnbffea
^ifoureasameut exigés pour fermer une chambre. Oomparativement «I
^tre leurs habitudes de jadis, leslorda montrant plus deaèle législatif.
Trois d'entre eux pourraient composer une chambre des pairs tout-à-
ait légale, et ils sont encore bien une centaine à leur poste. Il est vrai
1^'ils prennent un divertissement extrême. Rien ne les amuse comme
^ faire le mal, et d'empêcher le bien; et ils se donnent à souhait de ce
wQble plaisir. Durant les deux dernières semaines , il n'y a presque pas
sa de jour qui ne les ait vus employés à mutiler ou à détruire quelque me-
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512 REVUS DES DEOX MONDES.
sore utile, longuement et consciencieusement élaborée par les communes.
Le bill des mariages catholiques, et je ne saiscombien d'autres, aossi esKs-
tiels et réclamés, ont successivement succombé sous leurs coups. Restait
le bill de réduction du timbre, qui, à son titre de la loi de OnaDce , pa-
raissait devoir s'échapper sain et sauf de leurs mains. Mais ne tihU-î-U
pas que la sagacité de lord Lyndhurst s'est avisée d'y découvrir une daose
intolérablç, en ce qu'elle s'immisce tyranniquement , à son avis, dam la
propriété des journaux. Étrange métamorphose! les lords se sont faits
soudainement les champions de la justice et de la liberté. Ils derieoDeot
plus radicaux que les radicaux eux-mêmes. La clause soi disant Teiaiœre
est écartée du bill , bien qu'elle n'eût d'autre tort , au fond , que d'être i
peu près inutile. Ce dernier acte de la pairie témoigne plus de perfidie et
de hardiesse qu'aucun de ses actes précédens. Il est clair que sous le
prétexte spécieux de protéger riniérôt des journaux, elle n'avait qn'im
but celui de rendre impossible pour cette année l'exécution d*anc ré-
forme universellement populaire. Que devait-il en effet arriver» seloa
toute probabilité? Cette fois, le privilège des communes était iocoastes-
toblement entamé. Si le bill, qui n'était que pure matière de finncp,
leur était rapporté, elles seraient nécessairement contraintes de le re-
pousser d'emblée. La session expirait. Il serait bien difficile an ca-
binet d'obtenir d'elles une nouvelle loi qui pût être renvoyée aux lonfe,
dégagée des articles sur lesquels ils avaient fondé leur oppositwa. Ib
auraient ainsi triomphé et rempli leur objet. Heureusement Tactinteci
la décision du chancelier de l'échiquier ont déjoué ces calculs machiaré-
liques de leurs seigneuries. Le biil du timbre, qu'elles avaient altère ,
a été , en effet , supprime le 11 par les communes ; mais il leur en a éî«
présenté immédiatement un nouveau, qui a subi , séance tenante, sa pre-
mière lecture. Les lords seront pris au mot. La loi leur sera soumise t^
qu'ils l'ont voulue , et , bon gré malgré , il leur faudra bien la voter araot
la clôture du parlement. Du reste, puisque sa témérité rencontre si peu de
résisunce, le torisme a peut-être raison de profiter de sa veine poor
tenir en échec ses adversaires , et réparer un peu son rempart léiardé.
C'est chez les Anglais une maxime politique que dans la guerre des
partis tout moyen d'attaque et de défense est légitime. En ce monefit
de tiédeur publique , les whigs jouent également bien leur jeu lorsqu'il
se bornent à louvoyer, à maintenir, l'arme au bras, leur position. Ce soat
les radicaux seuls qui ont tort, et marquent peu d'intelligence en goar-
mandant, comme ils font aujourd'hui, le peuple lui-même de sa lorpcur.
L'esprit démocratique a, de temps en temps , besoin de se reposer et de
dormir. Soyez-en sûrs, il saura bicn s'éveiller tout seul quand il le f«-
dra , et prendre en un instant toutes ses revanches.
F. fiCLOZ.
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ROMANCIERS
DE
LA FRANCE.
m>» lUB aui viiiiisQmB^
Ba temps de M"* de Séyigiiéy à cAté d'elle et dans son intimité
la plus chère» il y eut une femme dont l'histoire se trouve pres-
que confondue avec celle de son aimable amie. C'était celle que
tk.il désignait pour la femme de France qui avait le plus d'esjmt
et qui étrivcât le mieux. Cette personne n'écrivit pourtant qu'assez,
peu, à son loisir, par amusement, et avec une sorte de négligence
qui n'avait rien du métier; elle haïssait surtout d'écrire des let-
tres, de sorte qu'on n'en a d'elle qu'un très petit nombre, et de
courtes; c'est dans celles de M*"" de Sévigné plutét que dans les
siennes qu*on la peut connaître. Mais elle eut en son temps un
rôle à part, sérieux et délicat, solide et charmant, un rôle en efFet
considérable, et dans son genre au niveau des premiers. A un
fonds de tendresse d'ame et d'imagination romanesque elle joi-
gnait une exactitude naturelle, et, comme le disait sa spirituelle
amie, une divine ration qui ne lui fit jamais faute ; elle l'eut dans
9es écrits comme dans sa vie, et c'est un des modèles à étudier
TOME TII. — !«' SEPTEMBRE 1836. 35
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9R KEVCB I>BS DB17X MOlfDES.
dans ce siècle où ils présentent tons un si juste mélange. On a vé-
cemment cherché, en réhabilitant Thôiel de Ramboofltoly i ea
montrer rhéritière accomplie et triomphante dans la personne de
M*' de Maintenon ; un mot de Segrais trancherait plutôt en fiarenr
de M"' de La Fayette pour CMe flUatlott diraclft où tout le préden
avait disparu : après un portrait assez étendu de M** de Ban-
bouillet, il ajoute incontinent : a M"* de La Fayette avait beaa-
« coup appris d'elle, mais M*' de La Fayette avait Fespiit phs
a solide, etc., etc. d Cette héritière perfectionnée de M"^ de '.
bouillet, cette amie de M"' de Sévigné toujours , de M** de ]
tenon long^temps, a son rangel sa date astowée en ntftlre littératute,
en ce cj«*elïe a réformé te roman, et qu^ne partde ceta^^trâv
rotf on qui était en elle, elle l'appliqua à ménager et i fixer un gave
tendre où les excès avaient été grands, et auquel elle n'eot qa*â
toucher pour lui foire trouver grâce auprès du goût sérienx qe
semblait disposé à l'abolir. Dans ce genre secondaire où la défio-
tesse et un certain intérêt suftient, mais où- aal génie (8*0 a*«a
rencontre) n'est de trop; que VArt poétique ne mentionne pas, qee
Prévost, Le Sage et Jean- Jacques consacreront; et qui, du uaaçê
de M"* de La Fayette, confinait du moms dans ses parties élevé»
aux parties attendrissantes de la Bérénice ou même de Vlpkigémk^
M"^ de La Fayette a fait exactement ce qu'en des genres plot ea-
timés et plus gravât ses coiMaiporaÉls {IhiMcsr a'étiii«« à rcsn
proposé. UAitrée, en impkatMt, à vtm dim, le roiiaiiiMiFnMeb
avttt biemAt servi de êovtck» à cet intermittable» rojatona» C^rw,
Cléopâire, Potexandre et Oii^ Boileav y cMftt eo«n pcr ae«#ârdé.
leries, non moins qu'à cette lignée de poèmet épiqtièt, le Jtee
mmé, le Saim Lonh, la Pucelle; M"* de La Fayette^ stne pÊtnÊm
railler, et conime venant à la Mrite et mm le oMiveri de esta dt-^
^noiera que Segrais et Huet drstinguaiem ma) d'elle et <
puent des mêmes louanges, leur perta co«p plutqM |
la Princesse de Clèves. Et ce qu'elle fit, bien eertaineneoi ^e tfm
i^endit compte et elle le voulait faire. :^e avait oomttme de dbe
qu'une période retranchée d'un ouvrage valait un leuisd'or, ec«i
met vingt sous : cette parole a toute valeur dans sa bouche, si Fea
senge aux romans à dix volumes dont il fallait avant tem sorlk*
Propoi^tfea, sobriété, décence, moyens simples et de emwt subsi*
t«és aux grandes catastrofihes et aui&gvaades phrases» lebeeMt ki
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MiMicwie PB M wumcE. B15
.jbciât» dekrifoniif^ tm, pour parier «uwt anUtitÉMomit, de la
.ratûocbe qu'elle fit duvoman; elle 9e montre bien éa pur «iècle de
Lovôs XIV en cela.
La liaison si longue et si inviolable qu'^vt M** de La Fayette avec
JJL de La Rocbefomaidd Aîl resMntto^ sa vie «He^mèsie à un ro-
ffuun, à on ronao sage {remm iMtefbîa}, idos hors 4e tèf^ que la
vie de M"*4e#éiigAé qiii«*aime4oe saiiHe, mdiis calculé et con-
certé que celle de W* de MaifileMe qui ne vise qu'au saorement
4i¥ec le roi. Ommam à y fm m emm tendre s'aHaat avec une
raison ^mire -ot désabusée qn*il adondtt, une passion tardive,
maïs fidéle^^ «ntve dew .âmes sériMses où la plius sensible corrige
,ia misafttbnqpiede r^nlre;dieiatdélictttMae,4u smitiment, delà
^MSddation aéqîppeqM, 4e la douceur» plutAc que de lHasion et
.delaAamnie;tf>'*4eClévès« «o unmot^maladHveet Ugàrenient
. Attristée, é oôté de 11. de Nemours vieffî et auleur des Maximes:
l^UeiMt la vie de M^' de La Fayetle et le rapport eiact de saper-
Mone à son x^mm* Gepega d'illoaîon qu'on remarque m éUe, cette
j,aisoa mélauGoUque qui fak le fends de sa vie» a passé un peu dans
. l'idéal de son roman même, et aussi» cerne semUe» danrtous ces
antres romans m quelque sdrte émanés d'aile et qui sont sa posté-
lâté, dans E^t^kne es RoikeHn^ MademoUeUe de Ckrmcnl, Édomrd.
Quelle que soit la tendi^esacqnîr^vireten œs créatkms heureuses»
]a rdson y est» l^e^péHenca'bnmaiae y seofle par quelque coin et
titflîédiila pasaîoA. Â cèté de Ji^ame aimame qui dé|à s'abandoime»
il y aausritét quelque chose qui avertit et qui retient; M. de La
AHM^hefouoauld ,aa jood est iloujours tt.
*8i >(*« de La Fayette réforma le roman en France; le roman
(Obevalereeque et seutimeetàl » et lut imprima cette nuance particu-
UÀro cpi concilie jusqw'à utt eertaîa point Hdéal avec robaervation»
0m peut dire aussi qu'elle fonda la foremière un exemple tout à-
fMt abtstro de ces at^tcbemens durables » décens» légitimes et con
sacrés dans leurixmatanee (1)» do tous les jours» de toutes les mi-
nutes pendffiit des aimées juaqtf'à la mort ; qui tenaient aux mœurs
de l'andenne société» qui sont éteints à peu prés avec eHe ; mais
qui ne pouvaient naître qu'après cette sociéié étid)tie et perfeedon-
fHée^otollepiieiefiitque vers ce temps4à. LaPwmeeuede dèves
tf) nfimfHim W» it»Tis»iilOTsr^flwt»»>wlH ^rgWg«q>esi|B4^
33.
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516 RBTCE DES DEUX MONDES.
et son attachement arec M. de La Rochefoucanld, ce sont deux
titres presque égaux de M*"' de La Fayette à une renommée tou-
chante et sérieuse; ca sont deux endroits qui marquent la littéra-
ture et la société de Louis XTV.
J^aurais laissé pourtant le plaisir et la fantaisie de recomposer
cette existence bien simple d'événemens aux lecteurs de H** de
Sévignéy si un petit document inédit , mais très intime, ne m'araft
engagé à mettre la bordure pour Tencadrer.
Le père de M** de La Fayette, maréchal-de-camp et gouyemeiir
du Havre, avait du mérite et soigna fort Féducation de sa fine.St
mère était de Provence, et comptait quelque troubadour-laurétt
parmi ses aïeux. M"' Harie-Madeleine Pioche de La Yergne eut de
bonne heure plus de lecture et d^étude que bien des personnes,
même spirituelles, de la génération précédente, n'en avaient reçiL
M*' de Choisy, par exemple , avait prodigieusement d*esprit na-
turel, en conversation ou par lettres, mais pas même d'orthogra-
phe. M"* de Sévigné, et M"' de La Fayette, plus jeune de cinq ou
six ans que son amie, ajoutèrent donc à un fonds excellent aoe
culture parfaite. On a pour témoignages directs de cette éducation
les transports de Ménage, qui d'ordinaire, comme on sait, tombait
amoureux de ses belles élèves. Il célébra , sous toutes les formes
de vers latins, la beauté, les grâces, Télégance du bien dire et do
bien écrire de M"* de La Fayette ou de M"* de La Vergne , Laierm,
comme il disait. Plus tard, U lui présenta son ami le docte Haet,
qui devint aussi pour elle un conseiller littéraire. Segrais, qui, avec
M"" de Sévigné, suffit à faire connaître M»' de La Fayette, nous
dit : <r Trois mois après que M"* de La Fayette eut commencé d'ap-
a prendre le latin, elle en savait déjà plus que M. Ménage et qie
<r le père Rapin , ses maîtres. En la faisant expliquer, ils eurent
<r dispute ensemble touchant l'explication d'un passage , et ni Tod
a ni l'autre ne voulait se rendre au sentiment de son compagnon :
<r M"* de La Fayette leur dit : cr Vous n'y entendez rien ni Ton ni
a l'autre ; d en effet , elle leur dit la véritable explication de œ
<r passage; ils tombèrent d'accord qu'elle avait raison. C'était no
n poète qu'elle expliquait, car elle n'aimait pas la prose, et die n'a
<r pas lu Cicéron ; mais comme elle se plaisait fort à la poésie, ék
a lisait particulièrement Virgile et Horace ; et comme elle avait
or l'esprit poétique et qu'elle savait tout ce qui convenait i cet art,
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ROKÀNCIERS DE LA FRANGE. 517
ir elle pénétrait sans peine le sens de ces auteurs, a Un peu plus
loin il revient sur les mérites de H. Ménage : a Où trouvera-t-on
<r des poètes comme M. Ménage, qui fassent de bons vers latins ,
e de bons vers grecs et de bons vers italiens? Cétait un grand
ff personnage, quoi que ses envieux en aient voulu dire : fl ne savait
<r pourtant pas toutes les finesses de la poésie; mais M"* de La
<r Fayette les entendait bien, d La personne qui préférait à tout et
sentait ainsi les poètes, était à la fois celle-là même qui se montrait
vraie par excellence , comme M. de La Rochefoucauld plus tard le
lui dit, employant pour la première fois (1) cette expression qui
est restée: esprit poétique, esprit vrai, son mérite comme son
charme est dans cette alliance. Avec cela, M*' de La Fayette avait
grand soin ( Segrais nous en avertit encore ) de ne faire rien paraî-
tre de sa science ni de son latin, pour ne pas choquer les autres
femmes. Ménage nous apprend qu'elle répondit un jour à M. Huyg-
hens qui lui demandait ce que c*était qu'un ïambe, que c'était le
contraire d'un trochée; mais il fallait M. Huyghens et sa question ,
croyez-le bien, pour lui faire prendre ainsi la parole sur le trochée
et sur l'ïambe (2).
Mariée dès 1655 au comte de La Fayette, ce qu'il y eut probable-
ment de plus remarquable et de plus d'accord avec l'imagination
dans ce mariage, ce fut qu'elle devint ainsi la belle-sœur de la mère
Angélique de La Fayette , supérieure du couvent de Chaillot, autres
fois fille d'honneur d'Anne d'Autriche, et dont les chastes amours
avec Louis Xin composent un roman chaste et simple, tout sembla-
ble à ceux que représente M"^ de Qèves. Son mari , après lui avoir
donné le nom qu'elle allait illustrer et qu'une si tendre lueur dé*
corait déjà, s'efface et disparatt de sa vie pour ainsi dire; on n*ap-
(I) Cesi par erreur qu*aii tome Im des Critiques et Portraits, pag. 43 ( saconde édition) ,
fai attribué à Mm» de Sérigné d^avoir la première employé ce mot; elle rappliqua
maintefoisà ton amie, à sa fille; on aurait pu le lui appliquer à elle-mÂme ; mais il parait
blea que ce fut M. de La Rochefoucauld qui le dit d^abord,
(t) Tallemaut des Réaux, ce rapporteur ordinaire des mauvaises paroles, en attribue
une à MU« de La Vergne sur son maître Ménage : a Cet importun Ménage va venir tan-
tôt. » 11 la rapporte au reste à bonne fin, et pour montrer que le pédant galant n*était pas
du dernier bien avec ses belles élèves. On n'avait pas besoin de ce témoignage pour con-
chore que Ma* de La Fayette ne se faisait aucune illusion sur les défauts du pauvre Mé-
nage, et Je crains même qu'elle n'ait songé à lui entre autres , le Jour où elle dit « qu'il
était rare de trouver de la probité parmi les savans. »
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M8 »]KyPB ItpS ]^EU]L XQS^..
pr^p4 p}p§ cien ^e Nfiuî ^^ di3tiiigue.£Qe en eut depx,^
^mait be^ucopp, Tun militaire, dQnt rétablis$emeat Tavait tagt
'Occupé» et qui mourut peu de temps après eUe, et un autre, Takhé
4e I^ Fayette, pourvu de bonnes abbayes, et dont on sait sortMt
gu')] prétait négligemment les manuscrits de sa mère et les perdit
] M^^ d^ La Fayette fut introduite jeune à Thôtel de Rambaidht,
e( elle y appris beaucoup de la marquise.. H. Rœderer, qui a ial^
T^t à ce qu aucune des plaisanteries de Molière n'atteigne rh6td.de
Pamboi^illet, le fait se dépeupler et finir un peu plus t6t quHie
cppvient. 1^' de La Fayette eut le temps d*y aller et d*y prafil|r
^UQsi bien que M""' de Sévigné. M. Auger, dans la notice, d*a3(^|K>
^luifite et intéressante, ipais sèche de tpn, qu'il a donnée a|r
M*' de La Fayette, dit à ce propos : a Introduite de bonne bep»
f 4an3 la société de Tbôtel de Rambouillet , la justesse et la soUdM
€ naturelles de son esprit n'auraient peut-être pas résisté à la op*
fr tagion du pnauvais goût dont cet hôtel était le centre, si la lec^vt
« 4os poètes latins ne lui eût offert pu préservatif, etc., etc. » Js
préservatif eut bien dû agir sur Ménage tout le premier. Cehfft
de plus injuste pour Thôtel Rambouillet, et M. Repérer a cofHBlè-
tement raison contre ces manières ,de dire. Mais il s*abuse ]p»
^^me assurément quand il fait de cet hôtel le berceau légitime d|
^n goût, quand il nous jnontre M""* de Scudéry comme y étant |||î>
tdt tolérée qu*exaltée et admirée. H oublie que Voiture, tant (fd
yécut, tint le dé en ce monde-là ; or, on sait, en fait d'esprii, iia»
ajissi en fait de goût, ce qu'était Voiture. Quant à M"' de &udéfjf |
suffit de lire Segrais, Huçt et autres, pour voir quel cas on ùiâf^
de cette incomparable fille, et de Y illustre Bossa , et du grand Cgrwjf
et de ses vers si natureb, si tendres, que dénigrait Despréaux, a^
oh il ne saurait mordre; et ce que Segrais et Huet admiraient es de
pareQs termes devait n*étre pas jugé plus sévèrement dans ai
monde dont ils étaient comme les derniers oracles. M** de jU
Fayette, qui avait l'esprit solide et fin, s'en tira à la manière de
M*^ de Sévigné, en n'en prenant que le nûeux; par. son Age, A
j^ipartenait tout-à^ait à la jeune cour, et, même avec ommis é»
scnditè dans l'esprit , eV^ n'aurait pas manqué d'en posséder
les pbis justes élégajaces^ Pà» les prepiiers teotps dej^qn
eUe avaUtM l'ocGasion do yoir f néignemment an çoayet dftfhiiiii
U j^me princesse d'An^^terr^ priN ^ la vmfi Heorieite, qp^
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alors en exil, s*y était^ reUrée. Quaad 1^ jeûna pfinefsae fut der^-i
lUie M;idaiue et rogrneinent le pliis animé de 1^ cour» IHT de La^
Fayette, bien qu^ de dix ans son a^ée, garda Fancienne faniQiarit^
9l?ec elle, eut ten^gour^ ses entrées ps^rticuliéres, et put passer pour
aa favorite. Dans Thistoire charmante qu^elle^ a tracée des annéea
l^rillaates de cette princesse, parlant d*ello-méme à la troisièma
personne, elle se jugip ain^ : a M"' de La^TrimouiUe et M*' de La
Q Fayette ét^ent de ce nombre ( du nombre des personng^ quivoytùçnt.
« souvent Madame). Lapremière lui plaisait par sa bonté et par une
e certaine ifigénuité à conter tout ce qu'elle avait dans le cœur,
OLqui ressentait la smpliâté des premiers siècles ; l'autre lui avait
«été agréable par son boxeur; car, bien qu'on lui tr^nvàt do.
« mérite, c'était une sorte de mérite si sérieux en apparence, qu'il
«ne semblait pas qu'il dAt plaire à u^e princesse aussi jeune que^
e Madame, o A l'ftge d'environ trente ans, M"^ de La Fayette se
trouvait donc au ceqtre de cette politesse et de cette galanterie
deaplus Oorissantes années de Louis XIV ; elle était de toutes les
parties de Hadame à Fontainebleau ouàSaint-^oud; spectatrice
plutôt qu'agissante ; n'ayant aucune part, comme elle nou9 dit, à sa
Mi^dence sur de certaines affaires, maisquand elles étaient passée^
•I un peu ébruitées , les entendant de sa bouche , les écrivant pour
lui complaire : or Vous écrivez bien, lui disait Madame, écrive?:»
J9 \onB fournirai de bons mémoires, ^-rra C'ét^t un ouvragcf
ai3set difficile, avoue M^' de La Fayette, que d^ tourner la vérité
ea de certains eiubroits d'une mianiére cpii la fit connaître et qui nc^
iàl pas néanmoins offensante ni désagréable à la princesse, d Un
de ces endroits entre autres, qui aiguisaient toute la dâicatessQ
de M*' de La Fayette et qui excitaient le badinage de Madame
pour la p^e que l'aimable écrivais s'y donnait, devait être,
jloiagine, celui-ci : a fMe {Madame} se lia avec la comtesse da
m Soissons... et ne pensa plus ,qu*à plaire au roi comme belle-*
« aceur; je crois qu'elle lui plut d'une autre manière, je croia
« aussi qu'elle pensa qu'il ne lui plaisait que comme un beau-frère^
^ quoiqu'il lui plût peut-être davantage; maïs enfin, comme flf
^ étaient tous deux infiniment aimables, et tous deux nés avec def
<^ dispo»tions galantes, qu'ils se voyaient tous les jours au miliea
^ des plaisirs et des diverttssemens, il parut aux yeux de tout le
« monde qu'ils avaient l'un pour l'autre cet agrément qui précède
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520 fiBYUE DES DEUX MOIfDBS.
<r d'ordinaire les grandes passions, d Madame moarat dans les
bras de H"'' de La Fayette, qui ne la quitta pas à ses derniers mo-
mens. Le récit qu'elle a fait de cette mort, égale les be^ux redis
qu'on a des morts les plus touchantes ; il s'y trouve en chemin de ces
mots simples et qui éclairent toute une scène : <r .... Je montai €kei
<r elle. Elle me dit qu'elle était chagrine, et la mauvaise humeur dont
cr elle parlait aurait fait les belles heures des autres femmes, tant
e elle avait de douceur naturelle et tant elle était peu capable d*aî-
a greur et de colère... Après le dtner elle se coucha sur des car-
a reaux...; elle m'avait fait mettre auprès d'elle, en sorte que sa télé
or était quasi sur moi... Pendant son sommeil elle changea si ooim-*
«r dérablement, qu'après l'avoir long-temps regardée j'en fos ^ir-
o: prise, et je pensai qu'U fallait que son esprit contribuât fort i
<r parer son visage...; j'avais tort néanmoins de faiire cette rMexioa,
a car je l'avais vue dormir plusieurs fois , et je ne l'avais pas vae
<r moins aimable... Monsieur était devant son lit; elle l'embrassa, et
«lui dit avec une douceur et un air capable d'attendrir les cami$
«ries plus barbares : Hélas! Monsieur, vous ne m'aimez plus, 0 y
« a long-temps ; mais cela est injuste; je ne vous ai jamais mancpié.
ff Monsieur parut fort touché , et tout ce qui était dans la chaiirim
<r l'était tellement, qu'on n'entendait plus que le bruit que^ont des
«r personnes qui pleurent... Lorsque le roi fut sorti de la diambiv,
u j'étais auprès de son lit; elle me dit : Madame de La Fayette, lioa
a nez s'est déjà retiré. Je ne lui répondis qu'avec des larmes^.
a Cependant elle diminuait toujours... » Le 90 juin i&lB, M** de
La Fayette écrivait à M"' de Sévigné : a II y a aujourd'hui trcb
ans que je vis mourir Madame : je relus hier plusieurs de ses let-
tres; je suis toute pleine d'elle, o
Au milieu de ce monde galant et brillant, durant dix aniié^,
M"' de La Fayette jeune encore, avec de la noblesse et de l'agré-
ment de visage, sinon de la beauté, n'était^Ue donc qu'observatiîœ
et attentive, sans intérêt actif de cœur, autre que son attache-
ment pour Madame, sans choix singulier et secret? Vers Pas-
née 1665 , comme je conjecture , et comme je Texpliquerai plus
bas , elle avait choisi hors de ce tourbillon pour ami de eaeor
M. de La Rochefoucauld, âgé déjà de cinquante-deux ans.
Elle écrivit de bonne heure par goût, mais avec sobriété tou-
jours. C'était le temps des portraits : M"* de La Fayette, vers 165^
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ROMANCIERS DE LA FRANCE. 521
en fit un de M"* de Sévigné, qui est censé écrit par un inconnu : a U
<r vaut mieux que moi, disait celle<i en le retrouvant dans de vieilles
a paperasses de If^^deLaTrémouilIe en 1675, mais ceux qui m*eus-
<r sent aimée il y a seize ans, Tauraient pu trouver ressemblant, jd
€*est toujours sous ces traits jeunes et à jamais fixés par son amie»
que M"* de Sévigné nous apparaît immortelle. Quand Madame,
engageant H"' de La FayeUe à se mettre à Fceuvre, lui disait :
Vous écrivez bien, elle avait lu sans doute la Princesse de Montpensier,
première petite nouvelle de notre auteur, qui fut imprimée dès
1660 ou 1662 (1). Comme élégance et vivacité de récit, cela se dé-
iachait des autres nouvelles et historiettes du moment, et annon-
çait un esprit de justesse et de réforme. L'imagination de H"* de
La Fayette, en composant, se reportait volontiers à Tépoque bril-
lante et polie des Valois, aux règnes de Charles IX ou de Henri n,
qu'elle idéalisait un peu et qu'elle embellissait dans le sens où les
gracieux et discrets récits de la reine Marguerite nous les font en-
trevoir. La Princesse de Montpensier, la Princesse dcClhves,la Corn--
tesse de Tende ne sortent pas de ces règnes, dont les vices et les
crimes ont trop éclipsé peut-être à nos yeux la spirituelle culture.
La cour de Madame, pour l'esprit, pour les intrigues, pour les
vices aussi, n'était pas sans rapports avec cette époque des Valois,
€t l'histoire qu'en a essayée M*' de La Fayette rappelle plus d'une
fois les Mémoires de cette reine si aimable en son temps , qu'il ne
faut pourtant pas croire toujours. Le perfide Vardes et le fier
M. de Guiches sont bien des figures qui siéraient d'emblée à la
cour d'Henri H; et à cette cour de Madame, il ne manquait pas
même de chevalier de Lorraine. M** de La Fayette avait dans ce
monde une sorte de r61e d'autorité, et exerçait pour le ton une
critique sage. Deux mois avant la malheureuse mort de Madame ,
M"* de Montmorency écrivait à M. de Bussy en manière de plai-
santerie ( !•' mai 1670) : « M"* de La Fayette, favorite de Madame,
fr a eu la tète cassée par une corniche de cheminée qui n'a pas
«r respecté une tète si brillante de la gloire que lui donnent les fa*
a veurs d'une si grande princesse. Avant ce malheur on a vu une
a lettre d'elle qu'elle a donnée au public pour se moquer de ce
<i) LeDictloimaire de Moreri dit 18W, el Quéraid lOfiO. Ce qu'il y a de eerlain, e'est
que la preml^ édition poMiituie, avec privilège du roi, esl de ie89, lana aucan nom
4'4VteV«
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5S2 RETDB ims DEUX MONDES.
n qu'on "àppeHe fcs mots à la mode et dont Vasage ne Tant rios;
« je vous renvoie, d Sait cette lettre qui est tonte composée di
jargon àfmpirigourique dont elle voulait corriger le beau monde;
c^st un amant jaloux qui écrit à sa maîtresse; BoileSEitt en son geue
n'eût pas mieux Ikft. M*' de La Fayette, à un degré radoaci, éak
- un peu le Despréaux de la politesse de coiir. A la fin de cette wtm
année rt70, parut Zûj/rfe, le premier ouvrage véritable de M^de
Xa Fayette y car /tr Prineesse de Monfpeimer n*était pas on oottA(i
et n^avait d'ailleurs été remarquée dans le temps que d'assexpeuda
personnes. Zaijde portait le nom de Segrais , et ce ne fut pas aie
pure fiction transparente. Le public Crut aisément que Segrii
était Fauteur. Bnssy reçut le livre comme étant de Segrais , sedb-
poâa à le lire avec grand plaisir : cr car Segrais , dissôt-il, nepsil
Tien écrire qui lïe soit joli; » après Tavoir lu, il le critique et h
loue toujours dans la même persuasion. Depuis lors il n'a pis
manqué de persoiînes qui ont voulu maintenir à Segrais Thonaeir
delà paternité ou du moins une grande part. Adry» qui a douai
une édition de ta Princesse de Clèves (1807), en remettant él his-
sant la question dans le doute, semble incliner en fkveur dnpoèls
bel-esprit.
Mais le digne Adry , qui fait autorité comme bibliographe, a l'esprit
un peu esclave de la lettre. Segrais pourtant nous dit assez neCle-
ment , ée semble, dans les conversations et propos qu'on a recueflb
de lui : a La Princesse de Clèves est de M"* de La Fayette. .. Zatfde,1fd
<r a paru sous mon nom, est aussi d'elle. Il est vrai que j'y ai eu quri-
0 que part, mais seulement dans la disposition du roman où les r^pet
a de l'art sont ôbservée^ïveé grande exactitude, d II est vrai de pht
qu'à un autre moment Segrais dit : a Après que ma Zt^de fut in|iri-
<r mée, M"* de Là Fayette en fit relier un exemplaire avec du papier
a blanc entre chaque page, afin de la revoir tout de nouveau et d'y
a foire des corrections, particulièrement sur le langage; mais dkm
a trouva rien à y corriger, même en plusieurs années, et je ne pense
ir pas que Ton y puisse rien changer, même encore aujourd'hui. »
n est évident que Segrais, comme tant d'éditeurs de bonne foi, sa
laissait dire et rougissait un' peu quand on lui parlait de sa Zayde.
La confusion de Fauteur à Téditeur est chose facile et insensible.
Au moyen-âge et mèmeau XYi*^ siède^ une phrase de latin copiée
ou citée faisait autant partie de l'amour-propre de l'autenr <pf>HM
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ROMANCIERS SE LA FRÀ!f<:É. iSÊS
pensée propre. ^9 s*âgi( (fan roman on (Tun (Mtë qu'on a mU
en circulation le premier, on est plus chatonflleux eiicore : ces piaf'*^
rains-là ne haïssent pas le soupçon matm et ne le démentent qu'A*
demi. Même sans cela , à force d'entendre unir son nom à la Iduange
ou à la critique de rœuvre , on l'adopte plus étroitement. Oii m'a ,
s*il m'en souvient, tant jeté à là tété Ronsard, qUe j'ai de là peine
à rie pas dire mon Ronsard. OU est flatté d'ailleurs d^avolr portd
le premier une bonne nouvelle, et même une mauvaise. Le bon Adry,
Êiute d'Y entendre maBee, s'embarrasse donc bien gratuitement
de ce mot de Segtais, nia Zayde. Huet est assez formel à ce sQjet
dans ses Origines de Caên ; il Test encore plus dans son Coihrheniàiré
latin sur lui-même : a Déâ gens mal informés, f dit-il, ont prU
pour Une injure que j'ftntaiÉf voulu causer à là fdnommée de Se-
grais ce que j'ai écrit dans le^ Origines deCaën; mais je puis attester
le fait sur la foi de mes propres yeux et d'après nombre de lettrée
de M''* de La Fayette elle-même ; car elle m'envoyait chaque par-
tie de cet ouvtage successivement, au fur et & mesure de la com-
position, et me les faisait Itiré et revoir. 0 Enfin ÎT"* de La Fayette
disait souvent à Huet qui avait mis en tête de Zàifde son ti^ltë dé
l'Origine des Romans t « 9ave2-vottsque nous troûs marié nos en-
fens ensemble? D
n est vrai qu'après tdut , îe genfe de Zatjdénë dlffii^ pas st no-
tablement de celui des nouvelles de Segrais, qti*Dn n'ait pn dàn^
le temps prendre le cHange» Zayde est encore dans Tancien et
pur genre romanesque, quoiqu'elle en soit le plus fin joyau; et si
la réforme y commence, c'est uniquement dans les détails et la
snite du récit, dans la manière de dire plutAt que dans la concep-
tion même. Zayde tient en quelque sorte un milieu entre YAstrée et
fes romans de l'abbé Prévost, et fait la chaîne de Tune aut autres.
Ce sont également des passions extraordinaires et subites, des
ressemblances incroyables de Visage, des méprises prolongées et
pleines d'aventures, des résolutions formées sur un portrait ou
^n bracelet entrevus. Ces amans malheureux quittent la cour
pour dés déserts horribles, où ils ne manquent de rien; ils pas-
senties après-dinées dans les bois, contant aux rochers leur mar-
tyre, et ils rentrent dans les galeries de leurs maisons, où se
soient toutes sortes de peintures. Es rencontrent à rimprovisle
*^ le bord de la mer des princesses infortunées > étendues et
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52^ REYUE DES DEUX MONDES.
comme sans vie, qui sortent du naufrage en habits Hiagnifiqoes,
et qui ne rouvrent languissamment les yeux que pour lear domwr
de l'amour. Des naufrages, des déserts, des descentes par ner,
et des ravissemens : c'est donc toujours plus ou moins Tancien ph
man d'Héliodore, celui de D'Urfé, le genre romanesque espagnol,
celui des nouvelles de Cervantes. La nouveauté particolière i
H** de La Fayette consiste dans l'extrême finesse d'analyse; ks
sentimens tendres y sont démêlés dans toute leur subtilité et km
confusion. Cette jalousie d'Alphonse, qui parut si invraisemblâUe
aux contemporains, et que Segrais nous dit avoir été dépeinte sv
le vrai, et en diminuant plut6t qu'en augmentant, est poursuivk
avec dextérité et clarté dans les dernières nuances de son dérè^
ment et comme au fond de son labyrinthe. Là se fait sentir le mt-
rite; là l'observation, par endroits, se retrouve. Un beaupt»-
sage , et qui a pu être qualifié admirable par d' Alembert , est cefoi
où les deux amans qui avaient été séparés peu de mois aupara-
vant sans savoir la langue l'un de l'autre, se rencontrent inopmé-
ment, et s'abordent en se parlant chacun dans la langue qm' n'est
pas la leur, et qu'ils ont apprise dans l'intervalle, et puis s'arrê-
tent tout d'un coup en rougissant comme d'un mutuel aveu. Poar
moi , j'en aime des remarques de sentiment comme ceUe-d, qae
M** de La Fayette n'écrivait certainement pas sans un secret re-
tour sur elle-même : a Ahl dom Garcie, vous aviez raison ; il n j
a de passions que celles qui nous frappent d'abord et qui nous sur-
prennent ; les autres ne sont que des liaisons où nous portons to-
lontairement notre cœur. Les véritables inclinations nous l'arra-
chent malgré nous, a
M"^ de La Fayette ne connut pas, Je pense, ces passons qâ
nous arrachent avec violence de nous-mêmes, et elle apporta vo-
lontairement son cœur. Lorsqu'elle fit choix de M. de La Rochefou-
cauld pour se lier avec lui, j'ai dit qu'elle devait avoir trente-dœ
ou trente-trois ans à peu près, et lui cinquante-deux. Elle le voyait
et le rencontrait depuis déjà long-temps sans doute, mab c'est de h
h'aison particulière que j'entends parler. On va voir par la lettre
suivante (inédite jusqu'ici (1) }, et qui est une des phis eonfiden-
(1) BésidadeSalnt-Germaln, paqiiet4, no 6. Bibliothèque du loL-rUd^iccoa-
tnandé à M. de Vonmerqué ee paquet qui loi convient si bien panmequanUté de lâtnt
d^ Tabbé de La Victoire, de la comtesse de Uaurc et de Xn«Vle Sablé. Madeaoiscflfl»
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EOMÂNCIBBB DK LA HUIfCB.» 595
tieUes qa'oo puitse désirer, que vers le temps de la poblîcatioa
des Maximes et lors de la prraûère entrée da comte de Saint-Paul
dans le monde, il était bruit de cette liaison de H*' de La Fayette
et de M. de La Rochefoucauld comme d*une chose assez récem-
ment établie. Or, la publication des Maximes, et Ventrée du comte
de Saint-Paul dans le monde, en la rapportant à Tâgede seize
ou. dix-sept ans, concordent juste , et donnent l'année 1665 ou
1666. Hr* de La Fayette écrit cette leUre à H"' de Sablé, ancienne
amie de H. de La Rochefoucauld, la même qui eut tant de part à
la confection des Maximes ^ et qui depuis quelque temps s'était
toutp-à-fiiit liée avec Port-Royal, par intention: de réforme et peur
de la mort, à ce qu'il semble, plutôt que par conversion bien
entière : — «Ce lundi au soir. — Je ne pus Ûer répondre à'VOtre
« billet, parce que j'avais du monde, et je crois que je n'y répon-
« drai pas aujourd'hui, parce que je le trouve trqp obligeant. Je
c suis honteuse des louanges que vous me donnez, et d'un autre
c côté j'aime que vous ayez bonne opinion de moi, et je ne veux
c vous rien dire de contraire à ce que vous en pensez. Amsi je ne
« vous répondrai qu'en vous disant que M. le comte de Saint-Paul
a sort de céans, et que nous avons parlé de vous, une heure du-
<r rant, comme vous savez que j'en sais parler. Nous avons aussi
9 parlé d'un homme que je prends toiyours la liberté de mettre
« en comparaison avec vous pour l'agrément de l'esprit. Je ne
a sais si la comparaison vous offense, mais quand elle vous oSèn-
« serait dans la bouche d'un autre, elle est une grande louange
<r dans la mienne si tout ce qu'on dit est vrai. J'ai bien vu que
« M. le comte de Saint-Paul avait ou! parler de ces dits-là, et j'y
« suis un peu entrée avec lui. Mais j'ai peur qu'il n'ait pris tout
« sérieusement ce que je lui en ai dit. Je vous conjure, la pre-
a miére fois que vous le verrez y de lui parler de voas4néme de ces
cr bndts-là. Gela viendra aisément à propos; car je lui ai donné
a les Maximes, et il vous le dira sans doute, liais je vous prie de
« loi en parler comme il fout, pour lui mettre dans la tête que
<r ce n'est autre chose qu'une plaisanterie, et je ne suis pas assez
dan» to Princesse de Paphlaçcnle, traçant des portraits de ces deux dames, a dit : « Cesl
de leur temps que Técritore a été mise en usage. On n'éeriTait que les contrats de mariai;
de lettres, on n*en entendait pas parler. » £ti bien I bon nombre des lettres de ces àr\ os ^
d^andères de Mine de Sévlsôé, sont là.
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59C Binrw ttk»' é^tn MMêê:-
<r assQufe dt cti ({116 mntM^Ér pËKfè^pÊkif fêp0Êiif9tfiiH tws^dftitf
<r bien, et |e pense qa^il Caitdmk côvniieneèr fitr pcMUâder l*ani^
a bassftdèur. Néanmoins il fÊat s'en Aet« à^voffslilibAecé , elle eut
cr au<-dessiis des naacimet ordiMires; nvieis enfln persnadet-te.
a le haisrjeoane te mort qttelesgens de sen âge* ptiistfeac craifT
a qne j*aitde8)0aUuiterte8. B leur seraMc^ qfft*on le«rr parait eent
ff ans dès qa^on est pin» tidflle qn'eur, et* ils sont tout propre
<r à s'étoHierqttraseît encoi^e^qptteflîiM dès^jens ; et d^phis il crdl-
<r rait phnt aMmest oesqu^o»l«it4it«it'de il. de La tkùfkefyùCAtlU
« qpae d'iwMtre» Bâte, j««e veui pas<qif il en peMe rien, sAm
« qu'il estdeoieaatfiiB^ et je v<HW prieilr n'onblief noii phisde'
« lui Ater cela de lat4te, sitam €(st qti{aiUtit,<|«s j'«i ouûié toCre
c message^ Gela n^esi pa^gèméreux de t^oM fiih% eeifimif ^m
c serneeen^renwen deoiandantiitfaaftfe;
« En nauye.'^H ne t«wB pas' onlfier dé was^dire ijœ fii
« trcraré levrUeaMBldeVespritaa conte de Saiat^aaK »'
Pour ifooier à rôairitdacette lettre ^ qn'on YeniBe bim soti^
peler la aHaatm pvécmetM. de Sidittftal^ Ms de H^^de lM^
gneville et probablement aftasi deJft d^ËaRoehi^toMatild, te^
namt voir 11^* do La Fayett^i ^fài passe pew r^ef dHme demiètiB
passion tendvs , et qui voadrait» le TOir détrompé... ou tMmpè Hh
dessns. --^LeisrHMemsiirdVipriidl» jeune prinoe^i^ droit; je
pense, au cmr de M^^ de Longuei4De, à qui to post^^^riptum ta
moffis , et le reste aussi sana dovte , fur bien Titè montré. Ce met
charmant de la latre, et que deTraient méditer toutes les amonrs
un peu tardives : a Je hais comme 1» mort que les gêna de son ftge
puissent croire' que j'at des galanceriesy » répond exactement è
cette pensée de i« Ftimieuedt C/èoe»; a H** de Glè?es, qui était
dans cet âge ce l'on ne croit pss qu'une femme puisse être aimée
quand eUe a^passé ringt-dnq ans>, regardait avec uo extMme étoa-
nementratiachsmeal que le roiavmt pour celte dudiesse (deVa^
lentinois ). s dette idée^là ^ comme oirvoit , était familière à 1^ de"
La Fayette. EHe craignait surtout de paraître inspirer ou sentir
la passion à cet 4ge oili d^autres Tafifectent. Sa raison délicate
devenait une dernière pudeur.
Je tiens d'autant plus à ce que la liaison intime et déclarée de
M. de La Rochefoucauld et d'elle ne commence qu'à cette époque,
qu'il me semble que l'influence sur lui de cette amie affectueuseest
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ejqprwntoflnt cawUralre aux Maximes ; qa'dle tes Ini eAtfeitrieçMii-
gex fit relranchersi elle Tavait eoTiroiuié avaut comme depw» «t
^e le La IU)ûhefeiioautd misanthrope, celui 1qtti^ dirait qu'il n*a^
yait trouvé de Tamour que daas les rwima, at <iue, pgm lui,^
jK^eaavait jamais éiprouYé^ n'^stzfas celui doot eUedisaii^plus 4ard :
« M, de JUKocbefoucauld m*a jdonné de Tesprtt» mais j*ai réforme
jBoneœur. D
Paas un petit.billet de sa maiu ( iaédit ) à M""^ de Sablé , qui avait
elle-^mème composé des Maximes , je Us : « Vous me dooueriez ie
plus grand chagrin du monde si vous ne me montriez pas v<^
Maxinies^ W^"" Su Plessîs m'a donné une curiosité étrange de ha
Toir, etc*est justement parce qu'elles ;Soni honnêtes et raisonnap-
Ues que j'en ai envie, et qu'elles me persuaderont que toutes tes
personnes de bon sens ne sont paa si persuadées de lacorruptioa
générale que l'est M.^ de La Rochefoucauld, jp C'est cette idée de
corruption générale qu'elle s'attacha à combattre en M. de La Ro-
chefoucauld et qu'elle rectifia. liC désir d'éclairer et d'adoudrçe
noble esprit fiit sans doute un appât de raison et de bienfaisance
pour elle aux abords de la liaison étroite.
L'ancien chevalier de la Fronde , devenuamer et goutteux , n'é^
tait pas au reste ce qu'on pourrait se figurer d'après son livre
seul. 11 avait peu étudié, nous dit Segrais, mais son sens merveil*
kux et sa science. du monde suppléaient à Tétude. Jeune, il av^t
donné dans tous les vices de son temps et s'en était retiré avec
l'esprit plus sain que ie corps, si l'on pouvait appeler sain quelque
chose d'aussi chagriné. Cela n*empécdiait,en rien la douceur de sqa
commerce et son agrément infini. Il était la bienséance parfaite »
continue, et gagnait chaque jour à être vu de plus près. Homme
de la conversation particulière, un ton de plus ne lui allait pa^.
S'il lui avait faUu parler devant cinq ou six personnes un peu ^-
lennellement, la force lui aurait manqué, et la harangue qui était
d'usage pour l'Acaflémie française, l'en détourna. En juin 1672,
quand, un soir, la mort de M. de Longueville, ceUe du chevaher
de Marsillac, son petit-fils, et la blessure du prince de Marsillaç,
son fils, quand toute cette grêle tomba sur lui, nous dit M*"' de
Sévigné, il fut admirable à la fois de douleur.et de fermeté :.(c J*ai
vu son cœur à découvert, ajoute-t-elle » en cette cruelle aventure;
fl est au premier rapg de ce que j'ai jamais vu de courage^ ^e
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sa RETUE DES DEUX MONDES.
mérite, de tendresse et de raison. » A pen de distance de là, eDe
lUsaft de lui encore qu*il était patriarche et sentait presque ans»
bien qu'elle la tendresse maternelle. Toilà le La Rochefoucauld
réel, et tel que M*« de La Fayette le réforma.
De 1666 à 1670, la santé de M»* de La Fayette , qui n*était pas
encore ce qu'elle devint bientôt après , et la faveur qu'elle possé-
dait auprès de Madame , lui donnaient occasion et moyen d'aOer
assez souvent à la cour; ce n*est guère qu'après la mort de Ma-
dame, et à l'époque aussi de cette diminution de santé de M** de
La Fayette , que la liaison , telle que H"* de Sévigné nous la montre,
se régla complètement. Les lettres de l'incomparable amie, qoi
Tont d'une manière ininterrompue précisément i partir de ce
temps-là, permettent de suivre toutes les moindres circonstances
et jusqu'à l'heureuse monotonie de cette habitude profonde et
tendre : a Leur mauvaise santé, écrit-elle , les rendait comme né-
cessaires l'un à l'autre, et... leur donnait un loisir de goAter leors
bonnes qualités qui ne se rencontre pas dans les autres liaisons...
A la cour, on n'a pas le loisir de s'aimer : ce tourbillon , qui est s
violent pour tous , était paisible pour eux , et donnait un grand
espace au plaisir d'un commerce si délicieux. Je crois que nnDe
passion ne peut surpasser la force d'une telle liaison...» Je ne
rajpporterai pas tout ce qui se pourrait extraire de chaque lettre,
pour ainsi dire , de M"' de Sévigné ; car il y en a peu où M"* de la
Fayette ne soit nommée, et plusieurs sont écrites ou fermées chû
elle, avec les complimens tout vifs de H. de La Rochefoucauld fv
voilà. Aux bons jours, aux jours de santé passable et de dîner eo
lavardinage ovL bavardinagc, c'est un gracieux enjouement, ce sort
des roulades de gaietés malicieuses sur cette folle de M"*deMa-
rans, sur les manèges de M"* de Brissac et de M. le Duc. H y a des
jours plus sérieux et non moins délicieux, où, à Saint-Maur, dans
cette maison que M. le Prince avait prêtée à Gourville, et dool
M»' de La Fayette jouissait volontiers , on entendait en compa-
gnie choisie la Poétique de Despréaux qu'on trouvait un chef-
d'œuvre. Puis, une autre fois, en dépit de Despréaux et de sa
Pcéiique, on allait à Lulli , et, à de certains endroits de l'opéra de
Cadmus, on pleurait : (t Je ne suis pas seule à ne les pouvoir soot^
nir, disait M»' de Sévigné ; l'ame de M»« de La Fayette en est M
^armée. » Comme celte ame alarmée est bien la délicatesse mto'
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ROMÀIVaERS DE Lk FRANCE. 529
6 Zayde, Zayde» on sent à vos alarmes la tendresse romanesque
qui n*est satisfaite qu'à demi et qu'il ne fout pas trop réveiller I -—
 y a des jours aussi ob H*^ de La Fayette va encore foire une pe-
tite visite à la cour, et le roi la place dans sa calèche avec les dames
et lui montre les beautés de Versailles comme ferait un simple par-
ticulier ; et un tel voyage /un tel succès , si sage qu*on soit , fournit
matière, au retour, à des conversations fort longues, et même à
des lettres moins courtes qu'à l'ordinaire de la part de M"* de La
Fayette qui aime peu à écrire ; et H"^ de Grignan de loin est un
peu jalouse ; elle Test encore à propos de quelque écritoire de bois
de Sainte-Lucie dont H** de Hontespan fïiit présent à M** de La
Fayette (1) ; mais M** de Sévigné raccommode tout cela par les
complimens et les douceurs qu'elle arrange et qu'elle échange
sans cesse entre sa fille et sa meilleure amie. Même quand M"' de
La Fayette n'alla plus à Versailles et n'embrassa plus en pleurant
de reconnaissance les genoux du roi, même quand M. de La
Rochefoucauld fut mort, elle garda son crédit, sa considération :
« Jamais femme sans sortir de sa place , nous dit M*' de Sévigné ,
n'a fait de si bonnes affaires, d Louis XIV aima toujours en elle la
fevorite de Madame , un témoin de cette mort touchante et de ces
belles années avec lesquelles elle restait liée dans son souvenir,
n*ayant plus guère reparu à la cour depuis.
Mais Versailles, et la Poétique de Despréaux , et l'opéra de Lulli,
et les gaietés sur la Marans, sont toujours vite interrompus par
cette misérable santé qui, avec sa fièvre tierce, ne permet pas qu'on
l'oublie, et devient peu à peu l'occupation principale. Dans son
beau et vaste jardin de la rue de Vaugirard , si verdoyant, si em-
baumé, dans la maison de Gourville à Saint-Mauf, où elle s'habitue
en amie franche, à Fleurî-sous-Meudon, où elle va respirer l'air
des bois, on la suit malade, mélancolique; on voit cette figure lon-
gue et sérieuse s'amaigrir et se dévorer. Sa vie, durant vingt ans,
-se convertit en une petite fièvre plus ou moins lente, et les bulle-
tins reviennent toujours à ceci : a M"* de La Fayette s'en va demain
(i) Il ressort des lettres dé Mm* de Sëvigné que 1I»« de Grignan devait asseï souvent lai
répéter: « Voyez, voyez t votre Mme de La Fayette vous aime-t-elle donc si extraordi-
nairement? £lle ne vous écrirait pas deux lignes en dix ans, elle sait faire ce qui l^accom-
mode, elle garde sei aises et son repos, et , du milieu de cette indolence, snrreiUe très bien
de Tceil son crédît. w
TOMB VII. 54
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à «ne petite meîsaa avprés de Mevdon où eOs a d^ été; Hfef
passera qmme Jours poar être conme suspeoikie eaueie ciel et
la t^re; die m veut pas penser aipaiier, mrépoDdTO^méeooiet;
eUe est £it%ttëe^4e dire boBjoar et benseir; eUealow leajoaraJi
ièyre, et le repos la (^rit; il loi fiioi donc du repos ; je rkaifsir
qmiqaefois.lLde La Rocbrfoueaidd est daaseetie diaise qoerom
GoanaisseB : il est d^uoe tristesse incroyable, et Ton ooflEipread hiei
aisémeiit oeqa*ila. j» Ce qu'a sans doute M. de La RechefoaGSsU
de {»re que la gontte et qm ses maux ordinaires » c'est de MOr
qner de M*' de La Fajrette,
La tristesse qu'un tel état nourrissait natni^dlmnent n'eis^échut
pas rasfément et le sourire de reparaître aux moindres iate^
yaUes. Bans les sobriquets de société qu'on ^se donnait, et qiî
jEaisaient de M"' Scarron le Dégel, à^ Colbert le Nwrd, de IL de
Pomponne ta Plvàe^ M'"" de La Fayette avait nom le BroaiUaré : ]e
brouillard se levait quelquefois , et Ton avait des horizons char-
mans. Une raison douce, résignée, mâancoliqne, attachante et dé-
tachée^ reposée de ton, semée. de mets justes et fraïqpaas fo'sQ
retenait, composait Tallure bid)ituelle de sa conversation, de sa
pei»ée« Cestasêezqued'êire, disait^^ed^ordînaire, en acceptait
son état inactif. Ce mot, qui la peint tout entière > est bieaà)
celle qui disait aussi , à propos de Montaigne, qu'il y aurait pbw
à awir wi voisin comme lui.
Une sensibilité extrême et pleine de larmes reparaissait par m-
tans tout à eoiip à travers cette raison continue,, comme une source
qui jaillit d'une terre unie. On l'a vue tout oionn^e.par rémodos
de la musique. Quand M"'' de Sévignépar^t pour les Rochers on
pour la Provence, il ne fallait pas qu'elle lui fit ses adieux et (pe
sa visite eût l'air d'être la dernière : la délicatesse de M"^ de La
Fayette ne pouvait siq^rter le départ d'une telle amie. Un jooroo
parlait devant elle , M. le Duc présent , de la campagne qui devaï
s'ouvrir dans cinq ou six mois; l'idée soudaine des dangers qae
M. le Duc aurait à courir alors , lui tira aussitât des larmes. Ces
effusions avaient un charme plus grand et plus de prix, on le con-
çoit» dans une personne si judicieuse et avec un esprit si réposé.
Son attention, du sein de sa langueur, ne se portait pas moias
sur les points essentiels; sans bouger, elle veillait à tout. Si eBe
réforma le cœur de M. de La Rochefoucauld, elle répara aussi ses 1^
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H
ItfrM* Xlkt yêHlMdMl'Meil^tflhi'[m>iS6ëy 6t r^ldfldèftiÉf û&p(ltÔif>tt '
pktf beau de ^s Mmi» en M«9iiTtifBSMt'le« tAdfftmâé ptaww
*ûs éittwt 0nlM<t»é»^Q»€M^ aveiï eeM qifdtoéerffirit petf
leUMff, et seidement pottt lé néeessâdre. Cétuit soft seul coiii:
aifjietts aree^H** de Sévi^. Le petH nombref dé letti^ de Wf^ dir
t Fftyeiie seaipMMiiie tbmetpoor diretpi'eHe ne dira qtte detnt
M8» qu'elle dirait i^un si eHe n'arAft la mlgfriiie. On yoH iMutor
paraître on jeurM. de- La Fayette en peraonne, qtii'arriTe tout
près je ne sais d'où, oeamie «Nftird'eiciWcr. Il' sitfllt de HrtrUf
fie lettre .* fié bknl ké bkn! ma belle, qn'nvet vous àcriet cbmrHt '
i ^dfflef eie.» ete., pear Meir eèmialtre le train db irié ctt M**^ de
I Fayeito e^ saisir cfa dif%renee de ton d'avec M*« âe'Stitffaè. ûû
Itf^ees mots #6iiveat dtés: «Tons êtes en Proténieis, mû belfe;
» beares sont Bbres et votre ttte en^core phis ; le goAt d^éeriré
ms dare eaeore pear tout le monde;* 9 m^estpassè pour tont 1er
onde; ei si j'avais an amant qai roiMf de tnesT lettrertoos fer '
atiosy je roaipraia avcelaî. »'
M^ de La Fayette élrit-trètf vnOe et «ërft^afA^; UfàlàirB^
oin iur pafêle (f) : « Efle n^nrii paëKJtenaélè'nNAadre titre4^
ni que ce fAty simule i^e«t4l6^ persuadée qiM le ffiérfttA^ et (féit
i qui a iijt <fifer k qurf^'an* miMÊfi éMH sèAe, qooi^Viik 1ht
èKeaie (3). » IP^ de IMateno», avee qsiW" deLs^Fàryefte avait
1 liaison étnite, AttftdfiM esprit' «assiitierveiRirasenfeift dr^,
lais d'aa eapaMère- moins frane; aasfl^ jvdkieme, maia moins
raie; et cettedilMvMoe-daticoiilribDer àleur refhiidissemeiit. Ea
&72, quand lP^Sc»»¥on*é}<Hf«iieneemftles Miards^Iioaiâ^XI^,
u bout da Cvaboarg aaint^GermaiB^, près de'Tan^ard, lâm an^
elà de la attUsoti A M^ de La Ftfyeltè', eèlfeMcr était eneore en
aison particaUère avee elle; elle reewait qttek|tiefeis de ses non'^
elles ainsi qne M^^ de Coalangea; eHes^ durent même la visiter
nseoible. Mai^ la confideuGe de M^ Scarren se resserrant par
legrésy il en résulta de ces paroles rapportées et de ces conjectures
ni déplaisent entre amis : <r L*idée d'entrer en religion ne m'est
unais venue dans l'esprit, écrivait H*^ de Maintenoa à l'abbé
lestn ; rassurez done Ai"'' de La Fayette, s Donnant à sonfrère des
eçons d'économie, Kh* dé Maintenon écrivait en 1678 : a l'aurais
(3)J5egral8iaQa.
51.
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dnquante mOIe livres de rente cpie je n'aorais pas le traiii de
grande dame, m im Ut galonné d*or Goaime H*' de La Fayette y ai iB
yalet de chambre comme M"' de Coolanges. Le plaisir qu'elles eo
ont vaut-il les railleries qu'elles en essuient. » Je ne sais si kb
galonné de M*' de La Fayette prêtait beaucoup aux plaisai-
teries; mais couchée là-dessus» comme il lui arrivait trop son-
vent, elle y était plus simide à coup sûr que s<m ainie sons
ce manteau couleur de feuille morte qu'eUe affecte d'user^
qu'au bout. Enfin toute amitié cessa entre elles ; M"^ de Ibis-
tenon le déclare : a Je n'ai pu conserver l'amitié de M** de La
Fayette, elle en mettait la continuation à trop haut prix. Je lai ai ,
montré du moins que j'étais aussi sincère qu'elle. C'est le dac qn
nous a brouillées. Nous l'avons. été autrefois pour des baga-
telles (1). X» Et dans les mémoires de H*' de La Fayette sur les an-
nées 1688 et 1689, à propos de la comédie d'Estber, on lit: <r EBe
(H"^ de Haintenon ) ordonna au poète de faire une comécUe, mais
de choisir un sujet pieux : car, à l'heure qu'il est, hors de la piété
point de salut à la c^or aussi bien que dans Vautre monde. La
comédie représentait, en quelque sorte, la chute de M"*' de Uùst-
tespan et l'élévalipn de M"** de Maintenon; toute la différence ht
qu'Esther était un peu plus jeune et moins précieuse en &itde
piété. D En citant ces paroiea de deux femmes illustres, je ae me
plais pas à en Caire ressortir l'aigreur qui gâta une Ipngue aflaclioB.
En somme. M"* de Haintenon et H"' de La Fayette étaioit dm
puissances trop considérables, et qui faisaient trop peu de frais,
pour ne pas se refroidir à l'égard l'une de l'autre. M** de Mainte»
non, en grandissant la dernière, dut par degrés changer enrers
M** de La Fayette qui resta la même; c'est ce procédé unifbiiDe
que M"' de Haintenon aurait peut-être voulu voir changer un pn
avec sa fortune (2). H"' de La Fayette mourante était celle encore
dont H"* Scarron, écrivant à H"* de Ghantelou sur sa présentatkn
(I) Lettre à !!>»« de Saini-Géran, août 1684. De quel duc f*aglt-ii? Est-ce do doqtc»
duc de La Rochefoacauld ? On voit, par une lettre dé Ma* de Maintenon à la BKiie,
d*avril 1679 , qu'elle ne pouvait sonfirir les V arsillae , père et fils.
(1) La Beanmelle, dam les Mémoire qui précèdent son édition des Lettres de a««^
Maintenon, suppose à Ma«de La Fayette je ne sais quels torts de caractère et qseDâ
prétentions de vouloir remplacer Mme de Sablé, qui éloignèrent d'elle ses amis, et reo^i-
rent sa maison déserte : on ne peat trancher avec plus dlmpertinence àreaoontre de »&
Its témoignages.
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EOMAWCIgRS DB hk PRAHCB* 538^
\ 11"* de Montespan, avait dit en 1666 : <r M** de^Thianges me pré-
senta à sa sœur... Je peignis ma miaère... sans me ravaler ;... enfin
M"*' de I^ Fayette aundt été contente du vrai de mes expressions
et de la brièveté de mon récit, s En fiait de société mmable et polie,
onissaiit le sérieux et le vrai à la grâcOi si j'avais été de H. Roede-
rer, j*en aurais vn et placé le triomi^e le plus satisfiaisant dans te
cercle de M"** de Sévigné et de La Fayette, plntét que dans Téiéva-.
tion et le mariage de H** de Uaintenon. Celle-ci nuisit en un sens à
la société polie, comme certains révctetionnaires ont nui à la
VbeTié, en la poussant trop loin et jusqu'aux excès (pi appellent la
réaction contraire. Il fiallait s'arrêter avant la pruderie sous peine
de provoquer la Régence.
En juillet 1677, un an avant la Prineeue de Clhes, on voit que la
santé de M** de La Fayette semblmt au pire, bien qu'elle dût en-
core atter quinze ans à dépérir ainn sans relàdte, éîtmtde celles qm
trainent leur nmèrable vie jusqu'à la demUre gomte d'kuile (1). C'est
pourtant dans l'hiver qui suivit, que MU de La Rochefoucauld et
eOe s'occupèrent de ce joli roman qui parut chez Barbin le 16 mars
1678. Segrais, que nous trouvons encore sur notre chemin, dit en
im endroit, qu'il n'a pas pris la peme de r^MHidre à la critique
que l'on fit de ce roman (a);etittaaiatre eftdroil, que M** de La
Fayette a dédaigné d'y répondre;de sorte qu'Q y aurait doute, si
on le voulait, sur son degré de coopération. Mais, pour le coup,
nous ne le discuterons pas, et ce roman est txoip supérienr à tout
ce qn'O a jamtts écrit pour permettre d'hésiter. Personne, au reste,
ne s'y méprit cette fois; les lectures confidentielles avuent fiait
bmit , et I9 livre fut bien reçu comme l'œuvre de la seule M"* de La
Fayette, aidée du goût de M. de La Rochefiracauld. Dés que cette
Princesse^ ainsi annoncée à l'avance, parut, elle fut l'objet de toutes
les conversations et correspondances; Bossy et M** de Sévigné
s'en écrivaient; on était partout sur le qui^ive à son propos ; on
s'abordait dans la grande allée des Tuileries en s'en demandant
des nouvelles. Fontenelle lut le roman quatre fiois dans la non*-
(I) Ma» de Sévigné.
(i) Il est à remarquer qu'à Tendroll où on lui fUt dire eeU» daai le S^graiiiana» on lui
prête une erreur au si^jet du roman qui aurait été le sien : il parle en effst de la rencon-
tre de U. de Nemours et de Ua« de Clèves cliez le Joailler, tandis que c*est M. de Clèves
qal y rencontre celle qui doit Cire ta femme. On ne peut donc prendre ce propos « mai
fwieilU, pour une aiiorilc.
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sut mmm tw^ Mtrx
eU bii dev vMdevatM*- VaHiieMfirr ècxMt tti» in^ogtiiié^nB pëÊ^
velame de crkh|Be^ qu'ofl attfibiM' an pèfte Bo^boitrs , ef^VFÉbSê^
de Gfaaniea ripoita p» m wâtÊ4 pelif vohiiMqii^ 8«qpvt>èêid#
BaitieitdîAoooMt, 4»Mqiia oMibfietd'ators ert adv^rstire €HdMhi°
doi spîritael jéante^ JLa^PHii0«M<foC/ib^?f a8ti^
qa^elle méritait ^ et astideiiiflMite pariai nom Id pi^eflrioir M ditadlIP
phu ainudblM i^eaMuias
n est ioudiaiK de pesfatodàas qiaMe simatton pa»fftAêf#it^
qoifent œs étte» aï elMUiitfWa ^ ei^pa»» , ces peMAMagM MMéi#
sasstadie, oesaeiiliaiaiiarillatev ^ aecoin{4ia,>8^fendree; gouM^
M"' de La Fayette mit là tout ce qae son aaro^^aiâfilé et poMq0
tenaiteo réservede premtors rdtciBieajOurs ehérts^ et corasieliéfk
LaRodiefoiicaidd se pfeorsaMs dMKr à retrouTèp dans M. deRtf»
meurs cette fkwrbailtaHto de^dM^f^alélne doiil41 aVidl^Mp rtéÉuit»
et» en quelque sortie aMinireirenbeHî^ TétfcnÉimm^Wsiifemmiii
Ainsi ces deni^aaiÉ fiêiHfe vêàïMf^iBiiÊ^p2LtinUÊi^^^
mière beaméde I1lse<^4k^tt#s'éta(étif p«i^eM«N^
raient pu a'MiDer. 6$LW^t(PÊ(lê» tmsmm i4f^ 'dë<a#f«i» enfH"
d^sbord est pi«sqM'S(ibi«Nèijd{iaffgagér, âianjpae bien^la pmttêû»
Tautevr, qui eat de p«tadf^ltaMMf dMs idar c^qH^O « dé pilV
frais et depiaspadiqueydë'pItts^sdetsMeer cIb^iAm ti^^
plus indéicrs> et de ^s tirr«slaitMe, de plas kâm9mt> M^ilff^iill^
n esl question k tmvnMinmm^4&cè9iAJùie ((léëéàiimeUpmnlt^
jeiMemjéumèu U kMài^ Aé eéUé gmn du trmbk ei d^imham
dont i&mtê lés oélêim^ fféêè ^nm r4m)mdknseiimo9ewiieé0lafPv^
wi^ejeunmêy e«Aa de<^[>urc€l qlt éSI le filas }éa»d*^lte et desit
ami, en leurlii^son ttttt«dite^ Pàn#k teneur de la;v<l»^ eâe étiÉiM«-
tont sensée; elle araitle jiïgMietit au-dessaa de 80Beeprit> liî
disait-on, et cette loïKinge la flattait plus que lereste: id, la peétft^
la sensibilité intérieure reprennent le dessus , quoique la raiseo se
manque jamais. Nulle part, comme dans la Pfiàceise de Clè»e$f ki
contradictions et les duplidlés déliéftf^s de Tamour n*ont été i
naturellement exprimées : « M"^ de Clèves avait d*abord été Stcbés
e que M. de Nemours eftt eu lieu de croire que c'était lui qui rarail
« empêchée d'aller chez le maréchal de Saint-André ; mais ensuite,
a elle sentit quelque espèce de chagrin que sa mère lui en eût en-
a tièrement ôté Topinion d a M"' de aèye&s'étak bim doutée
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ROif AmaBRs m& u tkaiice* 8t&
Wi|Mee prince B*était aperçu de^ tarveiMibiMié qifeNe avait ««eposr
M lin; el ses paroles loi irent Toiriqu^eBe^ne s*itail pas tronpée*
•r Ce tei était ane iprânde douteur de i^ytr^'oite n'éiait plas laort-
t ttessede cacher ses semimens/ et de les «^oir laissé paraître au
« diefr^er de Croise. EHe en atak aosai bemaoup que M. d&Na-
t monrs les connût ; mais cette deraiére daalenr &*était pas si en-
rtière, et elle était mêlée de ^eiqaè aorte de de«ce«r. v^— Les
scènesy sont jastesy bienconpées, parlantes, en un on deox cas
sêlilêaient inyraisemfclaMeSy raaisMnrées eMcve par Pèffropos de
riatérét et un certain air denégfigence. Les épisodes n*éloigaent
jamais trop du progrès de Faction , et y aident cpiek|n^is. La plus
invraisemblable circonstance, celle du pavillon, quand M. de Ne-
mours arrive singulièrement à temps peur entendre derrière une pa*
lissade Taveu foit à M. de Qèves; cette scène que Bdssyet Yalinoourt
relèvent) faisait pourtant fondre en larmes , au dire de ce dernier,
ce«x même qui n'avaient pleurèqu'une fois à /pMjfMe. Pour nous,
qîieôes invraisemblances choquent peu, etqui aimons de la Princeue
de Elèves jusqu'à sa couleur un peu paasAe, ce qui nous diarme
encore , c*est la modération desrpeimarea qui touchent » à pdnt ,
c^est cette manière partout si discrète et qui donne à rêver : quel*
qiies saules le long d'un ruisseau quand l'amant s'y promène;
pMv toute description delà beauté de ramame, us cheveux eonfur
sèment rattachés ; plus loin , des yeux UN Vûxsgressisfar des larmes,
et pour deirniër trait, eeite vie qui fut assez emne, impression
flualeelle-même ménagée. La langue en est égidement délideuse,
exquise de choix, avec des né^igenoes et des irrégularités qui ont
leur grâce, etqueValincourtn'a notées en détail qu'en les suppo-
sant dénoncées par un grammairien de sa connaissance, et avec
iufie sorte de honte d*en faire un reproche trop direct à l'aimable
auteur. Je n'y di^tiague que deux locations qui ont vieilli : « Le roi
ne survécut guère le prince son fils; » et : a Hilord Gourtenay était
auâ^i aimé de la reine Marie, qui l'afandtépousé du consentement
de toute l'Angleterre , sans quelle cemnui que la jeunesseet la beauté
de sa ^c&ur Elisabeth le touchaient davantage que Fespérancede
régner ; ^ pour, si se n'est qu'elUtanmUf etc.;)cett6vdernièrelooBtion
revient plusients* ftMs.
Le petit volume de Valincourt, qu'Adry a réimprimé dans son
édition de la Pi4Hcesse4e Clives^ est^mécbaatiDoa distingué de la
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586 . UTUS BBS DBDX MOIIIIBS.
critique polie, telle que les amateurs de goAt se la pennettaiot
sous Louis XIV. YalinGOurt n*ayait alors que Yingt-<àBqiii;i
aimait peu le monde de Huet, de Segrais; il arrivait jdos Ustifi
représente au net lesjngemens de Racine et de Boileao. Sanis
qui se tempère toujours, n*empéche pas en lui Téquité, et^lt
fasse la part à la louange ; il n'a pas évité pourtant la mioBliectli
chicane du détail. Ceux qui attribuaient la critique au pènl»
hours avaient droit de trouver plaisant que le censeur repmUi
à la première rencontre de M. de Clèves et de M"* de Chartm
d*avoir lieu dans une boutique de joailler plutôt que dan s
église. Quoi qu'il en soit, Tensemble atteste un esprit exact H h
décemment iromque, et tel que Fontanes l'aurait pu ooasidtflriffc
plaisir et profit avant de critiquer M*' de Staël. L'abbé deOwies.
qui reprend cette critique mot à mot pour la réfuter avec iq«e,
m'a tout Tair d*un provincial qui n'avait pas demandé i IfdeU
Fayette la permission de la défendre; Barbier d'Auceorts'afk
tiré autrement. On peut voir dans Valincourt une théorieoei^
du roman historique très bien exposée par un savant q«1 itfr»-
duit, et cette théorie n'est autre que celle que Walter Soodto
partie réalisée.
Bussy, qui dans ses lettres à M*' de Sérigné parle asMikafK-
ment de la Prnuesse de Clives, ajoute avec cette incroyable 6taté
qui gâtait tout : or Notre critique est de gens de qualité qn o«
<r de l'esprit : celle qui est imprimée est plus exacte et plaiiiit^*
<r beaucoup d'endroits, d Pour venger M"* de La Fayette défè-
ques malignités de cet avantageux personnage, il suffit de citerde
lui ce trait-là.
En avançant dans la composkion de la Prinee$u de OhKtt^
pensées de M** de La Fayette, après ce premier eMorTerjh
jeunesse et ses joies, redeviennent graves ; l'idée du dcroir lif
mente et l'emporte. L'austérité de la fin sent bien celte wtikf^
et si prochaine de la mort, qui fait paraître les ckosa dee&i^^^
CCI œil si différent (1) dont on les voit en santé. Dès l'été de iSTI* ^
avait elle-même éprouvé cela, et, comme l'indique M**deSéfipfc
tourné son ame à finir. Le disabusement de toutes Aof^ ^
montre dans cette crainte qu'elle prête i M** de Qèfe$f ^^
itj TallBcotti reotrqve atee ralioo qall Ikidrall : tfe «tlvl tf Mil.
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ROHANGIBRS DE LA nUNCB. 517
^^ ne 60it le tombeau de l'amour du prince^ et n'ouvre la
a.uk jalousies : cette crainte, en effet , autant que le scru-
<A devoir, s'oppose dans l'esprit de M*^ de Qèves au ma-
Lxrec l'amant. En achevant leur roman idéal, il est clair que
1^:3^ amis y que M. de La Rochefoucauld et elle, ea venaient
^ir de ce qu'il y aurait eu de félicité imaginable pour leurs
c^e:rsonnages, et quHs se reprenaient encore à leur douce
^sréelle comme au bien le plus consolant et le plus sûr.
'^osi jouirent plus long-temps. Dans la nuit du 16 ab 17
^80, deux ans jour pour jour après la publication de la Prln-
^ ClèveSf M. de La Rochefoucauld mourut : a J'ai la tète si
^ <]e ce malheur et de l'extrême affliction de notre pauvre
» écrit M*^ de Sévigné, qu'il faut que je vous en parle....
^ IMarsillac est dans une afBiction cpii ne peut se représenter;
^dant, ma fille, il retrouvera le roi et la cour; toute sa hr
9o retrouvera à sa place; mais où M*' de La Fayette retrou-
^^^-elle un tel ami, une telle société, une pareille douceur, un
^^icient, une confiance, une considération pour elle et pour son
^EBe est infirme, elle est toujours dans sa chambre, elle ne
'^^ point les rues. H. de La Rochefoucauld était sédentaire
^1 : cet état les rendait nécessaires l'un à l'autre, et rien ne
^>^aitétre comparé à la confiance et aux charmes de leur ami-
* Songez^y , ma fille, vous trouverez qu'il est impossible de faire
^^ perte plus considérable et dont le temps puisse moins conso-
"^^ Je n'ai pas quitté cette pauvre amie tous ces jours-ci; elle
^Qait point ùive la presse parmi cette famille, en sorte qu'elle
^ait besoin qu'on eût pitié d'elle. M*' de Goulanges a très bien
^it aussi, et nous continuerons quelque temps encore.... j> Et
Kischacune des lettres suivantes : «La pauvreM*' de La Fayette ne
ait plus que faire d'elle-même... Tout se consolera hormis elle.;»
96t ce que Mh' de Sévigné répète en cent façons plus expressives
unes que les autres : cr Cette pauvre femme ne peut serrer la file
tne manière à remplir cette place. » M** de La Fayette né cher-
i pas à la remplir; elle savait que rien ne répare de telles ruines,
me cette amitié si tendre avec H*' de Sévigné ne suffisait pas^
) le sentait bien : il y avait trop de partage. Pour se convaincre
l'insuffisance de telles amitiés, même des meilleures et des (dus
ires, qu'on lise la lettre de M"* de La Fayette à M»' de Sévigné
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818^ UTW Ml iHont
de^ettdfésie^ eii|«non lue eiMuile te CMHMntaîte q«'«« fiA Mf^t;
Steifpaé écffvtttrà 8ft 8U0 : « Mm Biml U bdle pr^otitisn èh
DréH^^ pki8 dies nm$ d'Allé cMpi^iiâtBle, de n'avoir poun d*éi|é'
fwigeei de dévote nfllioéeii»! «ei l'^ft eompfemdra oomlmi Q m
tnt pat (o«t tedomander & <w amitiéa qm m leot poiai wmqm
H 99m partage, pwqiie le» pl«e dMioatea jigenl aînai. Aprèsfe^
mottr, après YmniAé absotae^ saaa arrièiiefpeiisAe m retoor^aOleink
t<mt entière occMqpfèeet pèoétrèe, eilamimeqtàQmWêpû B*raqii
lamortottBievu
M"* de La Fayeite yècm itéaDd asiièe» eaeore : on penet fl^
quérir ebeslP« de Sèrigoè des lèeers^détaila de sa vie «lériMM
durant ces aaaèes désertes. Une vite emrée eirliaiseif avesli
je«oe M*' de Sekunbere donna qvdqae éfei cnridos et jricMi
a«x antres amies pks anciennes r en ne toit pas que cetefnt
d'ttne ame q« sendflah se reprendre à qadipie chose mt dlifi»
C'est pent^tre par TeCst du même besoin tnqnîel, que» dèi
les premiers mois de sa perte, ^efit augmenter moore, dieM
du jardin y son appartement dé}i si taste, à mesnre hâssl ipi
aon existence diraÉlnait. D paridt missi qne ponr roÉiplir les lwe«
ses, M^ de La Fayette se hdssa aHer à phksienrs écrils , dontqsat
qnes-nns ont pn ètrfe égarés. Lu Cmmeue de Tende doià dater (it
ces année»là* Lephnibrt de la critiqne de Bnssy etdnnioÉih
en gènéraly an sqet de io Prîhceae de C/èrcs» serait porté sur Tmi
eitraordinaire que Fhérbine'fait à son mari. M** de LnFÉyenif
en inventant une noittelle situàlionranalogne» qui ammàt un aiM
plus extraorcKnaire encore^ penaa que là prennes ennermtd'tf'
tant justifiée. Elle réussi! Idans/u^ Connexe c(e Tetule^ himiqa'ifM
moms de développemens qu^il n'eèt £sdhi pour que la PrioÊCtmà
Oièoes ete une sœnr comparable àeUe : on sèntqne l'aMenr sut
but et qu'il y court; Les Mémstrei de la Cour de France pour leras'
Bées 1666 et 166» se^font remarqnerpar la suke» la précisiaDitJii
dégagé du récit : aucune ditagatién > presque aucune réfcsioi;
un narré vif, empressé, attentif; une inteHigence oontimdk
L'auteur d'un tel écrit était» certes, un esprit capable d'afiM
positites. J*ai cité le mot asses pkpiant sur M~ de Haioteiôs I
propos d'Esiher. Kadne, par contre-covp, y est unpealégèreBKit
Ivaité atecsacomécKsfiecotiasiK : orllt^ deMtdntemm, pondiredi^
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♦i» piiKi «te» q^ je roi, fitf•i|%^«0tfw»édi^fl»rB4(D^
ii.BieiB»pr poito dU'Mnfisivtâ 1 on a«ké d^ «a<pftM»ff<i jl^siiMM-
ii-Ud>le» pottreafedre à«oo«ui)b4ar«tC6lai fUcAuxqiii^iiilfi^alC
ité d'an jBoade ^ préf&jca loogriepwft Coso^iUe à Btofa^»; «Ob
Mr«il.«wé «l.pmiiqiié dans Zo^ife o&f^HfjB e«pagitf>l , 3i dNar à Tm-
iQQf 4a Câc(» 0^ ^pkB Raeiafi et Bottew «ramt lue. BUe oMaptaît
pour Miis.pavlipiilîeKs des bonnes wmtm S^§rtts» Boet, qui
aYident des antipathies et même des haines (1) cMin ees dans paà-
les régams» M « de La Boehefimcaiild , qui Jas goûtait Viin et l'astre
imme écrivains» ne leur trauvaiiqu'uoe aenle soria d*espiit , et laa
Jageait paorras d'eatretien hors de.laura yera. y^useonrt enfia,
qniavait maigpkélaPrifiûf9âe4eCii^êj citait Télèv/e, Iwm.iiitiaie de
leos deux* Apcàs eela. M""* de La Fayette avait trop d'esprit et
d*Aqiiilé pe»r aepas adnÎMr digoaaifQt.das amawps deat la teai-
dresse ou la justesse trouvait ea cNedes eoides si préparées. An
aiomeat où elle sévère le iOioias Hmtt», elle rappelle eaeor e le
m^€ur poèie at u^mu^. Ou a .vu qu'elle écoutait diei^Gonrvile,
e'est-è-dire ebes^eOe, la p4aci^iieder|k>iteaiMEKMvait , nous Famns
4it , avec Boileau plus d'un rappMi de droitui^ d'esprit et de erir-
ligne irréfragabWj et était à sa^wiére «n oreals do Jx>u sans dans
m beau nionde. l^ mM9 4 la JOe^téaii» 4n;onia ralenua d'dl»
l^noinbrQuxsu9aksenavo9scitéb$aMmp> aixqnris il faat a»
jouter encore ; par exemple : a Celqi qui se met au-^daswis d^
antiiasj qKslqoe asprit qu*il a^» se ipetiau-dessous de son aiiprit. a
Voilean , fiapsaat uq jour ^wi d*Qlivat,i dîiaît : « Savea-vott» pouiv
i (ppi les aqwoiens ont si peu 4*Adffûratetrs?, o^eat paroe que lea
s trois quarts tout au moins de ceux qui les ont traduits , étaient
< des ignorans ou des sots. M"' de La Fayette > la (emme de Fr^mc^
s qpiavait^le jHfia d'esp.rjt ^ ,gp éfcyjiy^ ]e:QHmi:.r emparait i«
s sot traducteur à un laquais qoB samaltMsse envoie finre un cem^
s pKment à quelqu'un. Ce que.sa maîtresse lui^iui^ djt en tenu^
p p^ I il r^ |e rendra girossièroinent >. il TiMtopie ; plus il f avait
s de déiieatasse dans le coapliaMat, moins ee laquais a*en tire
e bien : et voilà en un mot la plus parfaite image d'un mauvais tra*
.<4p«te9r«^KiQij^upar«^^ dtm «ytiftWy mm^^ ftw^^f tei^
N Voir Blet IV Mleaa-daiii Ml Jliftnolrei mi9j^^
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nméide cette resseniblanoe, cet accord d'elle à hd, qœ imsUl-
qtiOBs. M. Rcederer a mille fois raison aa sujet des r^itloos è
Molière avec le monde de M»" de Sévigné , de La Fayette, da
montrant que la pièce des Femmes Savantes ne les regardait es ria.
Quant à La Fontaine » il est constant qn*à une époque il fàt ferta
femiliarité avec Mh' de La Fayette ; on a des vers aflectueux qtlli
adressait en lui envoyant un petit billard : ce devait être di lÊOf
où il dédiait une fable à Tauteur des ÈÊaxmes , et une autre à ai-
demoiselle de Sévigné (1).
Depuis la mort de M. de La Rochefoucauld , les idées de M^è
La Fayette se tournèrent de plus en plus à la religion; ob aitf
témoignage précieux dans une belle et longue lettre de Dagoit,(|s
est à elle. Elle Favait choisi pour directeur. Sans être liée (&«%-
ment avec Port-Royal, elle inclinait de ce côté, et Thypocmei
la cour Ty ppussait encore plus. Sa mère, d'ailleurs, avait époni
en secondes noces le chevalier Renaud de Sévigné, onde de IPi
Sévigné, et l'un des bienftdteurs de Port-Royal-des-Chafflp8»M
il avait fait rebâtir le cloître : il n'était mort qu'en 1676. Vr'ieU
Fayette connut Duguet, qui commençait à prendre un gnoiT^
spirituel pour la direction des consciences, et qui, dans cette<iici-
dence de Port-Royal , n'en avait que les traditions justes et mtlM
sans rien de contentieux ni d'étroit. Void quelques-unes des pi*
rôles sévères qu'adressait ce prêtre selon l'esprit, à lapésiM
qui les lui avait demandées :
a J'ai cru, madame, que vous deviez em^rfoyer utSeffieutto
« premiers momens de la journée, où vous ne cess^ de donir
«r que pour commencer à rêver. Je sais que ce ne sont point abrs
(I) MnM de La Fayette était donc bien réellement du même groupe etcomn»^^
Parnasse que La Fontaine, Racine et Despréanx ; et le petit récit soivant n*est q^ftllfli?
%n pen enfontinedn vrai: «En lero, dit Ménage, M»» deThIanges donna en étrtfS^
chambre tonte dorée, grande comme une table, à M. le dne du Maine. Atk-itm^^^
VpTiet il y avait en grosses lettres : Chambre du Sublime. An dedans nn Ut et iinkil>A
avec nn grand fauteuil, dans lequel était assis M. le duc du Maine, feit en ctiei to^ ^
«emblant Auprès de lui M. de La Rodiefoucauld, aufoel U donnait des ten p^^
examiner. Autour du fMiteuil M. de ManlUac et M. Bossuet, alors évéque de CoMi^^
Tautre bout de l'alcôve, Mme de Thianges et Hm« de La Fayette lisaient des vers uiii"*
Au dehors du balustre. Despréaux avec une fourche empêchait sept ou huit nëdiaBi pQ^
d*entrer. Racine était auprès de Despréaux , et un peu plus loin La Fontaine, a^^
sait signe d*avancer. Toutes ces figures éuientde dre, en petit, et chacun de cens 4*^
représentaient avait donné la sienne. » Ménage ne nous dit pas s*U a posé pov f^^
cinq ou six mauvais poètes chassés par Boileau.
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MiUMM» M tA nktHX. 611
les pensées sniTies, et qne somreiit tous n^éCes appliquée qu'à
n'en point avoir. Mais il est difficile de ne pas dépendre de son
naturel y quand on veut bien qu*il soit le mattre; et l'on se re-
trouve sans peine, quand on en a beaucoup à se quitter. Il est
donc important de vous nourrir alors d'un pain plus solide que
ne sont des pensées qui n'ont point de but, et dont les plus inno-
centes sont celles qui ne sont qu'inutiles. Et je croirais que vous
ne pourriez mieux employer un temps si tranquille qu'à vous
rendre compte à vous-même d'une vie déjà fort longue, et dont
il ne vous reste rien qu'une réputation dont vous comprenez
mieux que personne la vanité.
« Jusqu'ici les nuages dont vous avez essayé de couvrir la reli-
gion vous ont cachée à vous-même. Ckmune c'est par rapport à
elle qu'on doit s'examiner et se connattre, en affectant de l'igno-
rer, vous n'avez ignoré que vous. Il est temps de laisser chaque
chose à sa place et de vous mettre à la vAtre. La vérité vous ju-
gera , et vous n'êtes au monde que pour la suivre, et non pour la
jager. En vab l'on se défend, en vam on dissimule, le voile se
déchire à mesure que la vie et ses cupdités s'évanouissent ; et l'on
est convaincu qu'il en faudrait mener une toute nouvelle, quand
il n'est plus permis de vivre. ïl fout donc commencer par le désir
sincère de se voir soi-même comme on est vu par son juge.
Cette vue est accablante même pour les personnes les plus décla-
rées contre le déguisement. VXie nous 6te toutes nos vertus et
même toutes nos bonnes quittés, et l'estime que tout cela nous
aurait acquise. On sent qu'on a vécu jusque-là dans l'illusion et le
mensonge; qu'on s'est nourri de viandes en peinture; et qu'on
n'a pris de la vertu que l'ajustement et la parure, et qu'on eu a
négligé le fond, parce que ce fond est de rapporter tout à Dieu
et au salut , et de se mépriser soi-même en tout sens ; non par une
vanité plus sage et par un orgueil plus éclairé et de meilleur goAt,
mais par le sentiment de son injustice et de sa misère. »
Le reste de la lettre est également admirable, et de ce ton ap-
proprié et pressant. — Ainsi, vous qui avez rêvé, cessez vos rêveà l
^ons qui vous estkniez vraie entre toutes , et que le monde flattait
Tétre telle , vous ne l'étiez pas , vous ne l'étiez qu'à demi et qu'à
^t : votre sagesse sans INea était pur bon goAtI — » le lis pins
oin une phrase sur ces années c dont on ne s'est point encore sin-
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iM2
At^emeAlr^peati, paro^^'im «0t asmi iiqaaie pour noMnnfc
blesse et pour mmar te f }â en a ifé eawe. o
Unaa avant de mourir, M"* de lia Fajfette écrivait i IT^èSi-
vigné oii potit billet qpi eiprioie son mal aaas repos aotet jiir,fl
Tésigoaitioa i Dieu, et qui Omt pAr oes Mots : « Crorei, aifiè
sphère, que r^oa êtes la personoe^te monde qm j'ai le pksTMi-
.)i>lemeat atméeu>L'autreaffecijoaqu*^eBe nommaii ^im^^étn
pomptailplua, étaitreUe^onetepgneaeevelia,
TQutconcondejpiaqm'att bout, ettouis^achèver li**deSifi^
^it à M"« de Gnitand» le 3 jui 1603» de«x ea uoîb jeonaiîii
le jour funeste, et déplore la mort de cette
f •«•••Ses iafii3|tt|&8> 4<HNs4ew ana^ éiaieiit^eYenuesaititaB;
« je ia défendais tovy^ws, oar fm disait qu'elle éuit tfSàkm
M vouloir poJ4it «pfitir^ SH^ avait ine tristesse monele: QA
s lioli^ encsypel ii'eat«a)l0 9^ la plus beureuse femme danoaie!
(T Maiajeidisi|i4Â4C^fitfamMa«f»rèei^^
0 11^ de I^a Fayette .n'Agit pasiloîle, et je aa'eB teasis tiuBébit
a madame /la pauvre famme ii*eat fi^éseatemeut que tnp jut-
^ 9^..- Elle a^iât deux pat](pas dans le cceur, et la {leiBieà
0 jçmvLT flétrie^ N*était^)e pas assez pa«ir avoir oes
« ^ese plaigumt?...« l&k a eu raison pendait m vie, deseoit-
0 aou ^prds sa mort, et jamais elle n'a été sans cette diriaeniiii<
#r qui était sa qualité fNriae|)a)e«..«£lie n'a eu aneune tmiiiiia"'^
0 pspdant les çiatre jours j(iu'^ a été malade.... Pauraomfli-
a aolMion, IKaalui alait une gt^èM toute particulière, et
• q«e une vraie prédestinatiao» c'est qu'elle se confessa kjffr*
« la petite Féte-iHeu , avec une ataotilode et un aei
:« pouvaient venir que de blâ»^ regait«otre Seigneur de bai*
€ manière. Ainsi, ma ehère mad«ne, nous regardons cettic*
f^DHpinn j qu'aUe Axatt aenantané de feka i la PanteoMe»
# «ne miséricorde de JRieu» qui nons voulait consoler deosf^
a n'a pas été en état de ratoeviNr le viatiqne.a-* Ainsi m0t^^
wérn, 4fiBè an mMange deidoucaur triste et de viveseiiri>^'
4n aaie^se salon le monde et de f)epantirdavantDiea,edi^
me idéidefir«id«elian wm enchme t QuepeniKmivaaterà^
tnnwe mntjèa^ ide réflanon et d'waeiipmMDtt Laleltiei'^
A»8iMé,ia A^Mi^daaèm» atlabHro 4e ]bif«et,i*«*^
JiMlMiaiiie?ifi7 SàmnSÊS^
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SUR
LA DÉCOUVERTE
D'UN MANUSCRIT
tomtHkwt
LA TRADUCTION DE SANCHUTTIATHON,
« Si inUttoire ancienne, dit un savant historien {i), a essuyé \
)erte sensible et à jamais irréparable» c*est surtout parla dispaii*
ioodes écrits qui traitaient de laconstituttoa, des entreprises oldaa
ravanx des Phéniciens. Plus ce peuple a influé sur le développo-»
^ni de Tbamanité par ses propres invenlions, par VétablrnseaMiit
le ses nombreuses colonies et par son commerce immense, ploa
)a sent la lacune que la perte de oes écrit&a laissée danaMs fûcet
lu genre humain, j» Et cependanty mal({ré cetle absence totale d#
locomens originaux, le vénérable professeur de Geettingue, n'ayafli
l'autre secours que quelques données éparses dans la BiUe et dans
es auteurs grecs et latins, mais guidé par cette conscieMe intima
|u'il a de la vie des peuples de Tantiquité, est parvenu 4 nous feir»
^^^'^'^^e Tétat politique, la constitution, les colonies des Pbéai^
^^^wea^ Idées 9ur la politique et Ue<mmmce des pet^^ieVimiiq^^
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SJtfr UVOB MS BSCX MOlDNiS.
ciensi et les routes que suivait leur immense commerce , tant sur
terre que sur mer. Mais que de fois il regrette » dans son livre, de
n'avoir pas sous les yeux les histoires de Dius et de Ménandre
d'Éphèse» dont Josèphe nous a conservé quelques fragmens, et sur-
tout rhistoire de la Phénicie par Sanchuniathon» dont Eosëie,
dans sa Préparation évangélique, a cité de longs fragmens, qui,
malheureusement, ne contiennent que la partie cosmogonique de
Fouvragel Aussi a-t-il dû apprendre avec une joie bien vive, nuû
sans doute mêlée de quelque incertitude, la nouvelle annoncée il y
a environ six mois par les journaux, que la traduction grecque de
Sanchuniathon, par Philon de Byblos, avait été retrouvée dans m
couvent de Portugal. Sa joie et son incertitude, tous les amis de
l'antiquité les ont partages; mais le découragement a bientôt su^
cédé à Tespérance quand on a vu que cette annonce n'était sniTÎe
d'aucun autre document, soit sur l'état et le contenu du manoscrit,
aoit sur son futur éditeur.
Ce silence affligeant vient enfin d'être rompu par la publicaiioi
d'une brochure annoncée comme l'avant-coureur du texte grec de
Philon, et ayant pour titre : Analyse de f histoire primitive des PU-
niciens par Sanchuniathon, faite sur le numuscrit nouvelicment rc-
trouvé de la traduction complète de Philon; avec des observations de
Fr. Wagenfeld. Cette brochure qui a paru chez Hahn, à Hanovre,
contient en outre un fac-similé du manuscrit et un avant-propos
de M. le docteur G.-F. Grotefend, directeur du lycée de Hanovre,
connu depuis long-temps dans le monde savant par les importais
travaux auxquels il s'est livré sur les inscriptions de PersépoUset
sur celles de la Lycie.
Que doit-on penser de cette publication? Fautril la regarder
comme une mystification ou comme un document sérieux? Le ooa
deOrotefend, si Ton n'en a pas abusé, comme on a abusé cet \sm
du nomd'Herschell, ne permet guère devoir dans cette bro-
chure l'œuvre d'un faussaire? L'Allemagne n'est pas la terre dM*
sique de ces sortes de supercheries dont l'Italie a donné àeàttMj
nestes exemples. La bonne foi, disons plus, la candeur germaniqt^li^
n'admet guère un pareil soupçon. Le fac-similé du manuscrit, joitff|
i la brochure, est d'une écriture fort ancienne, qui annonce h 1 1
main non d'un Grec, mais d'un homme de TOccident; orunCHtf'
saire n'eût pas choisi de préférence un caractère de ce genre, q»
I
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MANUSCRIT DE SANCHUmATHON. 845
pouvait le trahir. Déplus, un mystificateur, dont le but eût été
surtout d'obtenir un débit considérable, aurait cherché à composer
un livre plus divertissant, à y jeter plus d'épisodes romanesques ;
on invente difficilement l'histoire complète d'un peuple tel que les
Phéniciens, car, à chaque pas, Ton est exposé à se trahir. Or, il
faut en convenir, dans l'analyse de Sanchuniathon, la simplicité et
la vérité de la narration, ses coïncidences avec la Bible, la mul-
tiplicité des détails, la facilité avec laquelle les noms propres s'y
expliquent par Thébreu, tout semble annoncer une composition
originale. Enfin, et cet argument n'est pas sans quelque force, Tau-
léiir, qui fixe Texistence de Sanchuniathon au vi' siècle avant notre
ère, n'eût pas manqué d'insérer dans son livre l'histoire de la fon-
dation de Carthage, et surtout le rédt du siège de Tyr par Nabu-
cbodonosor, tandis qu'il s'arrête au ix^ siècle, se bornant à indi-
quer les historiens qui ont raconté les évènemens postérieurs. On
ne peut non plus tirer un argument négatif de l'époque tardive de
cette découverte, autrement il faudrait nier l'existence de la Ré-
publique de Cicéron, des Institutes de Gains, de la Chronique d'Eu-
s^e , des différens ouvrages de Lydus, etc. Ce n'est pas d'ailleurs
la première mention qui soit faite d'un manuscrit de Sanchunia-
thon. Beck, dans une note sur la bibliothèque grecque de Fabri-
ehis, prétend qu'il existe un fragment inédit de cet auteur à la
bibliothèque de Hédids à Florence; il ajoute qu'un troisième
fragment a été recueilli en Orient par Peîresc qui le porta à Rome
au père Kircher, mais que ce dernier refusa de le publier. Enfin,
Léon Allatîus a, si je ne me trompe, dit quelque part avoir vu de
ses propres yeux dans un monastère des environs de Rome un ma-
nuscrit de Philon de Byblos.
Le seul argument négatif qui ait quelque force, c'est l'absence
de tout renseignement précis sur le manuscrit qu'on prétend avoir
découvert dans la péninsule espagnole. Mais s'il est vrai, comme
on rassure, que ce livre provienne d'un couvent portugais qui fut
pillé lors de l'expédition de don Pedro contre son frère , et qu'il
ait été porté en Allemagne par un officier lianovrien (I), on conçoit
9i'on ait hésité à citer des noms propres.
Déjà des opinions très opposées ont été émises sur cette dé-
fi) C^est ce que semblait prouver le début de la préiàce de M. Grotefend : a Quel écrit
* Iwarrais-je recommander avec plus de Joie aux savans que celui qui nous Mi eonnaltie
TOME VII. 35
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4^ UTirB 9NIS' l^BOL «OHMS.
côuTérte. Nous fiAvons par VAikemiemnk M9S jâiAet denii»,t|iife
681WBC GeseniiiSy le plus célèbre de^tovs ies^Mbraisans liefJËb-
rflMd^j Gesentes, qai nevs promet tetpHfMikm pr ociMMie dw ■■
(scripcions phénkriemies qae le temps «Tespeolées/B^esi proni
•eoriaivear de l^mthenticité dn ttanitBerit'daiif4i.'WâgeÉMil>VRM
de pabKer Vanalyêe. Il est yriai que , suWmi le «léme jmé,
-ll.Wflken, rhtttorien des creisadesy s'MtproAoacé poir (né-
gative; mais, quel que soit le respect que Aiérite ropùMii
41. Wilkeo, en pareÏHe matière, cdHede M.'fieBeons doitlift>
finrter. Noas^devons ajouter que, -ail fant^eii ertive l'artidii
tÀihemmm , M. Gretefend a^MibH^ la Mt^MmMe rat himè
if.'WageôMd: irPeur prévenr rial6Dtio& o&'l%ajpopmit<lli
-de traduire cet ouTcagc daus tfmtreaiaDgiies, joeroiaqalMÉ
^moii devoir de déclarer pubMqfoemeiit, et aana perdre deMpi»
^e, d'après les renseignemensTeoueNfis jusqificly je'8ms«(Mfe-
(meut convaincn que Textrail de Sancfauiiifftken-n*mt qu'ius^t^
liieuse action. Et je fais cette déclaration san^attendreavomm*
-i^rtbe, qui prendrait trop de temps; car^ en soppesaiit^i^
définitive le résultat démoatrftt- que oetta dédanitiea ffèàp
fondée, elle suffit dès à préaent pour eagagei^M.'WâgsiMdtci-
'femire son bomieur en donuant 4les preuves tde ta prelAé^t
Maïs au premier abord cetteuolepavattiMBGieiiiempeiviMi
l'ouvrage de M. Orotefend. Comment I «o^» été ertidBuaml*!*
^éy ou ronadélo7a}enM«itabiiséde«o»nom,^elil4eberasi^
Ufier 1 ouvrage d'ingénieuee^etion; et eette^déelaratioadsiifil
n'a d'autre bot que d'empédiet la trad«ctk>n de Itf brmtotdm
^s langues étrangères! Mais, dufus Tune ou TautrO' supperite»
qui n'aurait commencé par accabler le feussaire sous le pôidideu
juste indignation^ sans s'inquiéter si des traduotJOBadans tffftrei
idiomes pourrjûeut contribuer i propager l'erreur? 6i la «tt0^
VAihenœMH est de M* Grotefeud, il faut qu'elle ait été ilùiiW*
par le traducteur ang^ms^ soit involontaîrement, soit daat^ ^
•d'intérêt personnel.
Telles étaient les rétfexioBs que suggérait i Faulenr di ^
article une telle complication d'inckleas et de do«fees,qotBdlt
« le contenu d'un Uvre dont la perte a (ié il long- temps déplorée et qu>u htnmi^'^
••vliltireummr dus «amnittRCii Jtoi eoDMtvéeC ioimNp miném *■*»«*'
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uAmmam w sÀKCRiJifiATBAii. SVt
WfmhkiMtrt umuàt dé M, GroCêfénd , autqttel Q s'était adressé
lonr loTtr ses incenkùài&Ê^
Hano?i9, le 18 aoftttSSS.
df^tr de temps après avoir reCômm&hdé aux savans l'analyse de la tra-
laetion de SattchtmrathoQ par Phflon de Byblos, qu'on prétend avoir
técouverl^ réoemtMsitty j*ài eu- lieu dé* nre convaincre que Fauteur de
leoe analyse n'étëitqn^Qii niy«tiÛoate«ir;et jemesuis vu dans îa nécessité
Pexprinifer pnbKquaineatnMrâiiitts tuiil'BatMenticlté de sa découverte:
léH 9rai>qw'ily a iant^emoUfiquiflaMentênfavêurde VM^hmmHté iê
'êWNtge^ que les ^eiiMnct Um plu» ftli&iM jiMtvaildi^lEftfMfoml^yclMiiv^
!a matière d'uw douU. liais conme tout ce qui a paru à ce sojet dans le
|)j^licannonee, dans M. Wagenfiald, qb insigne mystificatenr, et^«e>pe»^
ioiuie.n'a pi^ jusqu'ici ezaminep le manusorit, on est autorisé 4 douter de
l'anthenticité, sinon de l'ensemble, 4û moins de beaucoupde détails. On
^t d'autant plus éloigpé de s'attendre à une pareille supercherie de la
pan ff un jeune homme candidat en théologie et eu philologie à Brème, que
Tamour de la vérité est le trtfHtaraetéHstîque de^ Allemands. Mais mal-
heureusement M. Wagenfeld a si peu d'amour pour la vérité , que je me
sait vusoUigé de rompre toute relation aVeeflut« Lès doat€»que j'ai émis
dans les joumafix ntavaient d'autre but qnerde le-mettre au pied du mur>
alb d'arriver au moins à quelque certttade* Ils ont tm pour résiillat d€ U
feàninriler awée id UhrwM» SehtumMLûn^ à Biiié/B^ p&ur ItmprèSiAm dk
Vwighml fne^. Mais ttalheereoienent'oiti deote-égatemenr de fàuihenti»
dté de eet origmaL Et en* adraetmc même «foeee texte grée ettt^oii#
hase un ancien annusority on ne peut prendre poor^argent comptant ce
^i vient d'un homne quiy conneM; Wageoiéldy est oovrenu qœpoar
le{daisir de myitiier lefmbUCy il ae cniiBdn^t pas de reooarkr à l'im-i*
paiture.
« Recevez , naensieur, ete*
G.-F. GaOTEFiDID» B
On voit, par cette lettre, que tous les doutes sont encore loin
d^étte krvés ; mkds elle noas^ prouve que M. Groteflend est vérfta**
biementrauteur de la préfecequi précèdeFanalyse en question, et
Qtte, neconnaissantpasles motife peu honorables qui oni pu déter-
miner M. Wagenfeld à abuser de sa bonne foi et de celle du public,
3^ cru dés le principe à l'authenticité de Touvrage. Maïs qu'on ne se
Uite pas de blâmer le respectable directeur du lycée de Hanovre
^'avoir accordé confiance à ce travail, imsiteil fÂilAveftiMtid'Im-
35.
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^iS ,; RBVUE BE8 DEUX MOIIBBS.
bileté et de savoir, qa*Q peut tromper Vœû le plus exercé.
penser qu'un jeune homme qui vient à. peine de quitter les bues
de l'université. ait déjà acquis assez de science pour faire revine
un ancien peuple dans une histoire suivie et probable? Comment
croire surtout que, pour satisfaire une fantaisie aussi bizarre qaln-
explicable» ce jeune homme, dès son début, compromette tout son
avenir, et s*expose à jamais au mépris de ses concitoyens? Tout
autre savant que M. Grotefénd, qui, sans connaître le caractke
du jeune étudiant, eût reçu la communication de son livre, se
serait passionné pour la découverte ; car, je le répète, rien de (rios
vraisemblable que tout ce récit. Nous en ferons juge le pubUc ei
mettant sous ses yeux quelques extraits de cette brochure, qui
méritera toujours d'être regardée comme une production aussi cu-
rieuse cpi'intéressante, quelle que doive être, en définitive, Topi-
nion à laquelle on s'arrêtera sur le compte de son auteur.
Nous commencerons par l'histoire mythique de Mélicerte oo
Melkart, l'Hercule tyrien (liv. n, chap. 9-15).
Ce mythe est racontéfort au long d'après les chants sacrés que Sancbo-
niathoneotendit à Tyr, dans son enfance, et dont le sens meryeiUeia
devait avoir fait une forte impression sur son esprit. L'idée renferiDétt
dans ce mythe, c'est qu'on ne peut s'élever à la divinité qu'en poursoivut
un grand et noble but à travers tous les dangers , et en surmontant ton-
tes les fatigues. Mélicerte se propose un but éloigné de l'autre côté de
la mer orageuse , au bout de la terre ( cap. 10 ). Ce but est digne d'n
dieu: celui qui l'atteindra, s'élèvera vers la divinité. — Mélicerte arriie
en effet à Tartessus; ses contemporains étonnés lui élèvent destemplâ
et des autels , et l'invoquent à l'égal de Kronos et des autres dieux. Da
reste il est incontestable que ce mythe renferme aussi plusieurs soafe*
nlrs historiques , comme par exemple la notion d'une grande quantité de
métaux précieux en Espagne.
L'auteur commence par nous raconter une aventure amoureuse de h
jeunesse de Mélicerte, et la fin tragique de cet amour. Les fils de Dém-
roon, Mélicerte et Isroas, après une expédition contre les géans, le
disputèrent, en partageant le butin fait sur l'ennemi , la possession de
Déisone (I), jeune fille des montagnes, d'une rare beauté , dont Isrotf
s'était emparé. Mélicerte propose de s'en remettre au choix de la jeaoe
• Xt) Bu hOirea JMcAcn, fvUUté. W.
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MANUSCRIT DE SAICCHUmATHOlC. S49
fIle;'l8roas y eonsent, et Déisoae choisit Mélicerte : car il était aussi
beaa qu'Isroas (1) était laid.
Mélicerte alors célèbre son épouse dans des chants qui s'étaient con-
servés jusqu'au temps de Sanchuniathon et que l'on chantait à la fête de
ce héros. Mais Isroas vint pour enlever de force Déisone, et assiégea
la tour de Mélicerte. En vain celui-ci tenta de l'apaiser. <k Le vautour
tue le vautour, et le cèdre de la montagne renverse son frère dans sa
chute. Mais pourquoi désires- tu le combat, pourquoi veux-tu la guerre
contre ton frère? Tu connais mon courage; je ne voudrais pas te rencon-
trer dans le combat. Ne sommes-nous pas, ô mon frère, deux torrens,
qai s'élancent du même ravin? Pourquoi cherches-tu le combat contre
ttoi , Isroas? d Lorsque Isroas vit qu'il ne pouvait point s'emparer de la
jeane fille, il la perça de loin d'une flèche, afin que son frère ne pût pas
non plus en jouir. Mélicerte accourt et la trouve morte. H la pleura
trois jours, et demanda alors aux Gabires des vaisseaux avec lesquels,
à la tête de ses nombreux compagnons, il fait route vers Cittium, dont
les habitans étaient alors en guerre avec les montagnards. Aidés par Mé-
licerte, les Gittiens remportent la victoire, et en reconnaissance de ce
service, ils veulent que le héros devienne leur roi. Mais lui part pour la
côte située en face de Gittium , où demeurait le frère de son père , nommé
Jurus. Le récit de l'entrevue de Mélicerte avec le vieillard aveugle est
fort touchant.
Là il s'arrête quelque temps : car la mer est orageuse et les vents
soufflent avec violence. Jurus, sentant approcher sa fin, donne sa bénédic-
tion à Mélicerte, d'après un ancien usage de l'Orient, l'exhorte à con-
tinuer son voyage, et lui prédit l'avenir : a Tu triompheras d'une mer
inconnue, et le premier de tous les mortels tu verras les bornes de la
terre. Tu deviendras si grand, que Kronos et les autres dieux te regar-
deront comme leur égal. »
Jurus mourut; Mélicerte l'ensevelit et le pleura trois jours. Le qua-
trième jour il se relève, se purifie» et s'embarque avec ses compagnons
pour continuer son voyage. Mais une violente tempête les fit long-temps
errer sur la mer. Enfin ils entrèrent dans une baie , mais comme il s'y
trouvait un grand nombre de bas-fonds , ils essuyèrent un naufrage où
quelques hommes de l'équipage périrent. Gependant le plus grand nom-
bre échappa aux dangers et atteignit le rivage.
D'abord ils formèrent le dessein de se construire un nouveau vaisseau
^Qr cette plage; mais ils furent contraints d'y renoncer parce que les forêts
-^u pays ne leur offraient pas de bois de construction, et que d'ailleurs,
(t) Kn hâ>rea tch roa, niomnie de la médbanoeté^ lliomiiie de la laldeor. ▼•
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5w' Rimjc DCd' BEiTx* MoiniB^;
datis ees'pait'argeiv les écneils et les bas-fond^ rèodaflecit laniifd^àfil^
très dangereose. Ils résolurent donc de remonter la côte jusqu'à œ'qùlS^'
trouvassent un port sûr et des matériaux èotrenables.
Ce naufrage doit avoir eu lieu sur la côte occidentale de l'Italie, car
la entrée où les voyageurs arrivèrent ensuite est nommée Ersiphonie (1)»
Us s^y établirent an pied d'une montagne quMls appelèrent Liban (2), et
îl réstifte de la comparaison d'antres passages que sons le nom d*ErsipliD-
niéy irfaut entendre les côtes de la Ligurie, et sons celui dé Liban^ iei
Alpe^. H y avait aussi un chemin qui conduirait au-delà de la montagM,
le long des côtes de la mer. IM^licerte, qui avait appris que cette mooti-^
gne était sacrée et que les dieux y résidaient , envoya ses compagnmis^'
avant par le chemin indiqué , et lui-môme gravit la montagne poory
sacïrifiér et y prier. Ainsi , dans la légende hébraïque le peuple reste ém
la |»latne, et MoTse seul monte sur le sommet de la montagne poîur seniei-
tre en rapport avec la divinité. Un autre point de comparaison se pii-
sente dans Tune et Tàutre tradition ; c*est que le séjour de Bffélicertesiirlî
moûtdgne, fut de quarante jours comme celui de Moïse. ( Voyez Enide^
xXilv, 28.) Le héros phénicien y vécut dans un commerce intime tfec
lef ^feux ; puis il redescendit auprès de ses compagnons^ qui, dans Hiii^
vadèy avaient construit un vaisseau sur les bords d'un grand fleure. Ce'
fleève ne peut être autre que le Rhône , car il est dit que MéKcerte dot
descendre durant cinq jours , en se dirigeant à Touest , avant d'y* i^^roiH
vef ses compagnons.
léi Tautenr donne quelques détails sur la montagne sacrée. MSSet/tit
estleseul mortel qui ait gravi ce picinaccessible, parce quMndépendàm*
mdfrt des horreurs d'une nature sauvage , une telle entreprise offrait des
dangers qui devaient détourner leS plus audacieux. En effet , dansl#
marais et dans les lacs qui entouraient la montagne , se trouvaient dei
dragons d'une grosseur démesurée , qui enlaçaient pour le dévorer qo»^
conque s^pprochait de ces lieux , et dans les forêts voisines on voyaitil
m&ifca des arbres des fantômes effrayans. Le milieu de la montagne cÂ^
enveloppé de brouillards et de nuages. Au-dessus des nuages s'élève lâ^
ciàie la plus haute , couverte de neiges étemelles. Là se trouve là dé^
mesure des dieux^ inaccessible à tous les mortels.
Mélicerte se remit en mer avec son vaisseau nouvellement coDStniit^
et aborda dans une Ile où se trouvaient de nombreux troupeaux d»
IxMk; Il désirait se procurer quelques pièces de bétail, car il était (M
(1^ En ha^en Ertu uafçn^ la terra d« nord» nom que Itiavaleiii dooné UsJbM^'
JreUUvement à k Sicile et à rAMqiie; car pour eu let dU« de U Ligurie éuial ^
J avait de plus aa nord. W.
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MANITSCIIIT DE SÀNCHUNIATHOlf • ^8^
une grande détresse. Mais Tarare et îhhospïtaUer Obybacros (l) auquel
appartenaient ces troupeaux, refusa d'accc^der à sâ prière^ et Méïicerto
se vit contraint de recourir à la violence pour Téloigner. Pendant ce temps
ses compagnons emmenèrent tranquillement les bestiaux dont ils avaient
besoin , et accablèrent de leurs railleries Obybacros, qui de loin exhalait
sa furear en horribles injures.
Il est inutile de faire ressortir la conformité parfaite qu'offre avec cette
tradition celle où les Grecs racontent l'enlèvement des bœnfs de Géryôa
par Hercule. Cette dçrnîère a pris évidemment naissance chez les Phéni-
ciens, et les Grecs n'ont fait que Fembellir en l'attribuant à leur Her-
cule (2). Du reste, les Phéniciens et les Grecs sont d'accord sur le Heu 'de
la scène, que les uns et les autres placent danâ leà lies Baléares. Ainsi, Mé-
licerte était parvenu près des côtes de Œspagne.
Parti de ces lieux, il fît naufrage sur les côtes d'une fie voisine. Cette
lie était couverte de forêts, et comme Mélicerte se trouvait malade, per-
sonne n'osa pénétrer dans ces bois épais pour y chasser; car tous étaient
effrayés par les sons terribles qui partaient de ces Heox, semblables ans
rugissemens d'un lion redoutable. Ils se virent donc réduite aux coquilla*
f^ et aux poissons dont le port était pourvu en abondance.
Témoin de la frayeur de ses compagnons, Mélicerte sentit se ranimbr
son ardeur chevaleresque, et ne trouvant personne qui voulût l'ao^ompa-
gner, tout malade qu'il était, il s'aventura seul au milieu delà forêt. Bien-
tôt il aperçut, au milieu du taillis le plus touffu, une femme d'une grande
beauté qui était endormie. Au bruit des pas du héros elle se réveille et lui
ordonne de s'approcher. Il obéit, mais, ô prodige! les jambes de Cette
femme se terminent en queue de serpent. Mélicerte, qui ne connaît pas
la crainte, s'avance intrépidement pour connaître sa volonté. Elle lui an-
nonce qu'elle est l'une des servantes de Léiathana (3) , la reine des seï*-
peos, et l'invite à la suivre auprès d'elle. Mélicerte y consent, et trouve
dans une caverne la reine entourée de ses suivantes, qui, toutes, soiit
semblables à elle. La reine lui apprend qu'elle a été chassée de ses états
par Masisabas (4) qui la retient en ces lieux par ses enchantemens p Wak^.
Mais, ajoute-t-elle, je t'ai choisi pour me venger, car je vois que tu es lia
homme de cœur. Ta donc ! tu le rencontreras à Tartessus , aux bornes
du monde, et quand tu l'auras abattu sous tes coups, tu trouveras poOr
(i) En liébrea Âbi bakar, le père da béUtil. W.
(S) Cependant JnsUn (xur, 4, i8) dit qn'Hereide est orf|laalr6 d*Alte» Amwfint tiD
(S) En bëbren tivtfdthan,tecouthéf slnttëax. ËtpresSlmi empfc^^ en paMm^det
Dioiiitfed*'d*ane grande dtmenslon , et notamment des trocodlles et dfl^lerpeita»>lr«
(«) 0!i Kaslaabal, le trait (moMa) de BaaL W.
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8S2 RETUE DES DEUX MONDES.
ta récompense d'immenses richesses dans sa demeure. Elle dit, et en le
congédiant elle lai remit une botte qui contenait un poison mortel. Ed
trempant ses flèches dans ce poison, il ne pouvait manquer de donner h
mort à son ennnemi. Mélicerte alors se hâte de regagner le riyage oà il
raconte à ses compagnons les prodiges dont il a été témoin^ et l'accaeQ
qu'il a reçu.
Ses compagnons sont émerveillés de son récit , et se hAtent de réparer
le navire. Pendant plusieurs jours ils font route vers l'ouest, et abordeot
enfin en terre ferme. Ils débarquent alors , et aperçoivent dans Tiiité-
rieur du pays de Tartessus une citadelle , qui, d'après la descriptioD de
Léiathana, ne peut être que la demeure de Masisabas. Celui-ci , qià
avait vu de loin le vaisseau s'approcher des côtes , n'attendit pas que
les étrangers l'attaquassent , et accourut vers le rivage pour engager
le combat. Il était d'une taille démesurée , et dépassait Mélicerte de
toute la t^te; ses armes brillantes^ sa force prodigieuse, tout semblait ra-
dre la victoire douteuse pour le héros phénicien. Un accident iniUenda
rendit encore la position de Mélicerte plus difficile; car au moment oà il
marchait à la rencontre de son ennemi, son arc, trop fortement teodai
se brisa, et, par là, il se vit dans l'impossibilité de faire usage du poison
que Léiathana lui avait donné. La tradition sans doute a ajouté cet épi-
sode pour montrer comment un héros, par sa propre force, peut sans le
plus léger secours mener à bout toutes les entreprises.
Dans cette extrémité, Mélicerte saisit un javelot et le lance à son en-
nemi avec tant de vigueur qu'il le perce de part en part et le clone mime
â un arbre voisin. La victoire de Mélicerte est assurée, il s'approche (k
Masisabas et lui coupe la tête.
Vient ensuite l'énumération des trésors que le vainqueur trouva danila
citadelle conquise, et qui consistaient en beaucoup d'or et des monceaux
prodigieux d'argent (1). Au bruit de ce glorieux exploit, les habitans des
contrées voisines accoururent pour rendre hommage au héros, et loi té-
moignèrent leur reconnaissance. Ils lui apportèrent aussi en présent me
quantité énorme de métaux précieux. Mélicerte apprit d'eux que, pris
de là, se terminait la mer et se trouvait un détroit qui conduisait daas
l'Océan. A cette nouvelle, il remonte aussitôt sur son navire, et saitaot
. la direction indiquée, il parvint le jour même au détroit. Mais, comme 3
était déjà tard, il résolut de ne desrendre à terre que le lendemain. Lei I
habitans des côtes, en apercevant suspendue à la proue du navire b tjte I
de Masisabas qu'ils avaient jusqu'alors regardé comme invincible, c1»b- I
/:
<i) Les richesses de l*Es|mgne en métaux prédenx éUient cél^tres dans Vanûf^ 1 f^^
instio ( i^fjT, 1, 6) y en pariant de ce pays , fait aussi mention de tes tUftrusanm mtÛBt I ^
rymfeUceidivitioi.W. Iv^
1%
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MANUSCRIT DE SANCHUIHIATHON. SS5
tèrent les louanges et riotrépidité de Mélicerte , et raccueillirent avec
joie.
Ainsi Mélicerte avait enfin atteint le but qu'il se proposait depuis long-
temps, a II fut le premier qui parvint aux bornes de la terre. Avant tpus
lès Sidoniens et tous les Tyriens il pénétra sur les plaines désertes de
rOcéan. Aussi reçut-il la récompense qui lui était promise. Aux yeux
des habitanSy race grossière et sauvage , tout dans les étrangers était un
sujet d*admiration, leur navire , leur costume , leurs ustensiles. Ils vi-
vaient de pêche et de chasse , et avaient , il est vrai , des barques , mais
très petites et très grossièrement construites. Ils ne portaient pas non plus
de vétemenSy et se couvraient de peaux de bêtes, car ils ne connaissaient
ni l'art du tisserand ni aucun autre art. Tous leurs meubles étaient d'un
travail grossier et d*une simplicité extréme.Les étrangers, an contraire^
avaient un grand vaisseau, de beaux vétemens, des meubles pleins d'élé-
gance. A ces différentes circonstances, et surtout aux grandes choses
qu'il avait accomplies, ils reconnurent que Mélicerte était un dieu. Us
regardèrent aussi ses compagnons comme des dieux i mais comme des
dieux inférieurs.
Ensuite Sanchuniathon raconte l'érection des deux colonnes par Méli-
certe, son règne à Tartessus et son apothéose. Sur l'une et l'autre rive
du détroit, il y avait une montagne au haut de laquelle il éleva une co-
lonne. Ces deux colonnes, on les voit encore aujourd'hui, et elles doivent
leur nom à Mélicerte. ~ Personne n'ignore que la légende de l'Hercule
grec s'est approprié cette expédition , mais comme dans les temps, bien
postérieurs, où les Grecs osèrent aussi se hasarder dans cette contrée, les
anciennes colonnes de Mélicerte avaient disparu depuis long-temps ,
l'Hercule grec éleva les montagnes de Gibraltar et de Geuta , comme mo-
nument de ses exploits, et depuis lors on n'a pas cessé de les appeler les
colonnes d'Hercule.
Mélicerte s'établit dans cette contrée et s'efforça d'initier les habitans
à la civilisation de l'Orient. Avant tout il bAtit une citadelle et une ville.
Les Tartessiens reconnaissans lui élevèrent des temples dans la ville et
dans les contrées environnantes , où ses images , d'argent pur, étaient
l'objet d'un culte religieux. Un jour, enfin, qu'il était parti sans suite
pour la chasse, il ne revint pas, et Ton ne put jamais retrouver ni son
corps, ni son tombeau; car, d'après les opinions de l'ancien Orient, le
tombeau des hommes qui, comme Mélicerte, ont été admis dans le
commerce de la divinité, reste toujours inconnu. C'est ainsi que jamais
personne n'a vu le tombeau de Moïse. (Deuteron. xxxiv, 6.) Après la dis-
^Htion de Mélicerte , ceux de ces compagnons qui Inl avaient survéca ,
Résolurent de faire connaître à leur patrie les résultats de leor expédition^
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£3^^ HBYDB DK9 WUX HONBES.
6t choisireot.ponr cette mission les hommes ood mariés; C9r pliuâçoit
d'entre eux avaient épousé des filles du pays. Â.prës beaucoup de Catigocs
et de Rangées, les envoyés arrivèrent enfin dans la mère-patrie yÇt élevè-
rent, sur le Heu même d'où ils étaient partis^ un temple en rhonnearde
Mélicerte. a Ce temple , on le voit encore dan^ l'ancienne ville des T}-
riens. » La ville de Tyr elle-même fut bAtie plus tard sur ce même ei|^
placement.
Dans le dernier chapitre dç ce livre, l'auteur décrit les statues dn
dieu et les fêtes que célébraient ^ son honneur, un jo|ir avant leur .dé-
part, ceux qui s'embarquaient pour Tartessuç.
Certes il serait difficile de donner iuieeoiik»r phns BtteeBri
œ symbole si intéressant des progrès de la navigation et dacon*'
merce des Phéniciens. D n'y « pas moins de vérilé dans le rédl dt
voyage de découvertes que le roi de Tyr, Joram oa Hiram, oaé-
temporain de Salomon, fit exécuter par sa flotte, qui palrvtnt jns^
que dans Ttle de Ceylan :
Les Ethiopiens (1) apprirent à Joram que vers le midi il y avait asai
de vastes et riches contrées; que la population y était iaunense; les jno-
ductions variées et remarquables; qu'elles consistaient ea or, en 9ï§^
en perles, en pierres précieuses, en bois d'ébène, en ivoire, ensisg^s,
perroquets, paons, etc.; que toutes ees productions se trouvaient daos4a
Chersonèse la plus éloignée vers l'orient^ là où les homipes voyaient les(H
leil sortir des ondes de la mer.
Joram envoya alors une députation à Natambalos , roi de Babylooe^ et
lui fit dire : « J'apprends que le pays des Ethiopiens est vaste et pc^ulesi,
et que de Babylone on peut y arriver facilement, mais non pas de Tjr,
Si tu consens à. fournir à nie9 sujets les vaisseaux nécessaires pour ce
voyage, je t'enverrai cent manteaux de pourpre, s Le roi se montra dV
bord disposé à y consentir;:.mai8 il retira sa promesse quand les our-
chands éthiopiens qui se itrouvaient à Babylone, amenés par le commeree^
l'eurent mepaoéd' abandonner la villes s'il donnait des vaisseaux aux Tf-
riens.
Alors Joram offrit au roi des Juifis, Irenius (Salomon), de loi foontf
tous les bois nécessaires pour la cons^vction d'un nouveau palais s'il oob*
sentait à lui céder un port sur la mer d'Ethiopie, et Irenius lui abandoott
la vUle et le port d'EMotha (EUth ).
Bien qu'il y eût, di^s le voisim^ 4e ce lieu d'immenses Xorêls de pdr
(i) Us'agUâetralfl JoD^bprt UidMai(9ièandffit loiiHHDptvéea41|icov4aiti*
SlOoii. M, Gxol«SBDdieS9«tPNi9iurj;t]49itp^
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ILIimçClUT^PE 84HCH9SUTP01f. .^y^
niier8,<M^imne iloes'y trouvait pas de bois de CQ(Dstriictipn^j[<^*i^S6 jrît
, lorcé d,'y faire pOTiter^ par huit miUe chameaux, celui dont il avait besoiin*
.Oq j CQii8^rui9it UOQ Qotte de dix vaisseaux , dont Kedar, Jamiue et KQti*
Ips objljiu^nt Je cdnmandeiQent. I^ankapa^us (f), le seul des troiç Éthjo*
pieu^uL^t 3uryécu> déwantreyQir sa patrie, s'embarqua ayec eux et
,jû,|tette DMt à ^a voile.
. JU^i^r, d*ÉilotbaXut bientôt/^ auchie» mais des tempêtes ne permirent
lias, aux ypyagears de traverser le détroit pour pénétrer dansja hauto
,;i,fKier.,lU^o.déçidérent donc à débarquer dans une lie pour y attendre la
€n du mauvais ten^. Pen^^tr leur .séjour dans. Cette tle, ils semèrent
.^-^taJin^m^t dans iun endroit fi^yor^le et recueillirent une abop4ante mois*
^J9pnr,pni|u|te, |Is fcanc^rept le ^étroit, se dirigèrent à l'^t ^ rençpn*
,^ii^^t«.lo«g-teiiiips après avoir quitté r^rabie, dM vi^ûseauxbab^j^^o-
. ,j|)içiv^^ ,reyçj[^Qt d!Éthiopie dem leur patrie.
^X^jfpc^uiyaiat ^ lç9 Phéniciens. fiperçurent le p^ys des Éthiopiens, ^é-
.,^rt,et çabjqpneux sur le rivage, ^nais hérissé de montagnes dans Tinté-
.rîf^r. P,prant dix jours ils longèr^t cette côte inhospitalière, faisant
toujours vpile à l'est,, et atteignirent enfin le poipt od elle se dirige vers
^}e ^ud, à upe di^Umce infinie ^ couverte de villes populef^s. I^^thio*
. {liens, possédaient ai^ssi de9 yps9e^fij.jsx se livraient à la payigation; mai^
leurs bâtimeu^ n'étaient pas équipés, en guerre, et l'usage des voiles jeur
.é^iît incQnnn. Les "^fy riens cofitinuèrent leur rpute.pj^ant trente-six
^ jours e^ arrivèrent enfin dans l'tle de Racldus.
Ils, débarquèrent sur pn rivage, très l^as et cpuvert d'arbres, énornies;
mjBis durant.la nuit, un vent imjpétueux les en ^o^gna, et ils coururent de
l^nds dangers jusqu'au moment où ils trouvèrent enfin un mouillage
jûr. Dans l'intérieur du pays s'élevaient de.nqmbreox villages très peu*
j>lés, et quand les Phéniciens $'4vancèrent dans les terres, ils furent en-
durés par les indigènes, qui accoururent en grand nombre et les condui-
nrent au gouverneur de la. province. Celui-ci les traita somptueusement
durant sept jours. Pendant ce temps , il envoya un messager au roi de la
. contrée pour l'informer de l'arrivée des étrangers et lui demander ses
ordres. Le septième jour, le messager revint, et le jour suivant Iç gou-
Tcmeur conduisit lesTyriens au roi^ qui habitait la grande et populeuse
, ville de Rochapatta dans l'intérieur de l'ile.
La marche était ouverteparunetroupe de doryphore$( lanciers) que le
roi avait envoyés pour escorter les étrangers et pour écarter, par le bruit de
9 Jeivt^niics^èeaéléphaiis, doutée pays abonde, etqvl rendaient le^royage
très dangereux. Ensuite venaient les Tyriens dont les chefs, Kedar, Ko-
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356 BETUE DES DEUX MONDES.
tilos et Jamine, étaient voitures dans des litières, et les habitansdn village
qui portaient les présens destinés à leur souverain. Venait enfin le goo-
vemeur, monté sur un éléphant et entouré de sa propre garde. Darant
le voyage y ils arrivèrent aux bords d'un fleuve où se trouvaient un grand
nombre de crocodiles qui dévorèrent Tun des hommes de l'escorte.
Au bout de trois jours , ils aperçurent devant eux la ville de Rodia-
patta, entourée de hautes montagnes. Au moment où ils s'approchèrent de
la ville, une multitude innombrable accourut à leur rencontre, les mif
montés sur des éléphans, les autres sur des Anes, d'autres encore portéi
en palanquin; mais le plus grand nombre était à pied.
Là , ils furent reçus par un ofGcier qui les conduisit dans le vaste ti
splendide château du roi, dont il ferma la porte derrière eux, afinque
la foule des curieux ne pût y pénétrer avec le cortège. Ensuite, il les
présenta au roi Rachius qui était assis sur un tapis précieux. Les Tyiiâ»
lai offrirent leurs présens qui consistaient en chevaux, en étoffes de poo^
pre et en sièges de bois de cèdre. Lé roi , de son côté, leur fit remettre
des perles, de l'or, deux mille dents d'éléphant et une grande quantité de
cannelle. Puis il leur donna l'hospitalité pendant trente jours.
Quelques Tyriens moururent dans lUe, l'un d'eux de maladie, les
autres frappés par les dieux. Un Tyrien ayant trouvé des crottes de
chèvres, traça quelques sillons dans le sablé et invita l'un de ses com-
pagnons , qui était près de là, à venir jouer avec lui. L'autre chercha vai-
nement du crottin de chameau , attendu qu^il n'existe pas de chameaux
dans cette lie , et pour le remplacer il prit une bouse de vache qu'il coapi
en morceaux; puis il se plaça vis-à-vis son compagnon , déposa les mor-
ceaux de fiente dans les sillons tracés sur le sable, et le jeu commença.
Un prêtre qui passa par là les invita à cesser ce jeu , attendu que la fiente
de vache était sacrée dans ce pays. Mais les deux Tyriens se rirent de
cette injonction et continuèrent leur jeu. Le prêtre s'éloigna, mais quel-
ques instans après, les deux joueurs tombèrent morts, au grand effroi
des assistans. L'un des deux morts était né à Jérusalem*
La grande fie de Rachius est entourée de tous les côtés par la mer ■
ce n'est vers le nord où elle communique par un isthme avec le contînest
opposé. Raaut dont on voit encore les pas empreints sur les montagn«a
créé celte lie en amoncelant le limon primitif. C'est de Baaut que descend
le grand roi (1). L'Ile a en largeur six jours de marche et plus de douze ea
(i) On a pensé que le nom de Baant avait été employé lei pour désigner Boo4dba,flldi
là on a tiré une prenye contre l'authenticité du travail de M. Wagenfeid. HaSsd'^bsràfl
n'est pas démontré que le enlte de Bonddha n'ait pas existé iCeylan, au x« OMt, «Tilt
i.-C; et, d^m antre cété, rien ne dit qu'ici Baaut se rapporte & Bouddha. Raant est le ■«
que }e^ Phéniciens donnaient au chaos. Avoir vu les uvcet des pas de Baant dans uHei. | ^
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MAHUSCaiT BB SAlIClIimUTHON. 857
loDgaear. Les productions ea sont précieuses et variées. La mer fournit
ayec profusion aux habitons de la côte, des poissons d'un goût agréable,
H le gibier abonde dans les montagnes. La cannelle y a beanconp de force,
et les éléphans qu'on rencontre dans l'Ile sont les plus grands qui existent.
Oo trouve dans les fleuves, de l'or et des pierres précieuseSi et des perles
larleborddelamer.
Quatre rois régnent sur le pays; mais ils sont soumis à un roi suprême
auquel ils envoient en tribut de la cannelle, des éléphans, des perles et
des pierres précieuses. Ils ne lui donnent pas d'or, parce qu'il en possède
en grande quantité. «
Le premier roi a ses états au sud dans la partie où se tiennent les élé-
phans et dans laquelle on les prend en grand nombre; le second à l'ouest
où l'on récolte la cannelle. C'est dans cette contrée que s'était qiéré le
débarquement des Tyriens. Le troisième a son royaume au nord e& Vi^n
recueille les perles en grande alxmdance. Une muraille est âevée dans
toute la largeur de l'isthme pour défendre l'Ile contre les attaques des
Barbares du continent. Enfiit, les possessions du quatrième sont à l'est,
et c'est là qu'on trouve les pierres précieuses avec profusion. To^is les
quatre sont Crères du roi de Rocbapatta, le roi suprême, d^nité qui est
toujours conférée à l'alné.
Ce roi suprême possède oaille éléphans noirs qui sont très communs
dans le pays , et cinq blancs dont l'espèce est extrêmement rare et ne se
trouve pas dans les autres contrées. Quand les chasseurs prennent un
éléphant de cette couleur, ils le conduisent aussitôt au roi de Rncbèpatta ;
car la loi ne permet qu'à lui d'en posiéder de semblables.
Les crocodiles sont aussi très communs dans Je pays, mais les habitans
les chassent dans les marais et les tuent à coup d'épieux. Les Tyriens as-
sistèrent à ce genre de chasse dix jours après leur arrivée à Rocbapatta.
les crocodiles ne sont pas les seuls objets d'effroi qu'on rencontre dans les
lieux solitaires. Les mouches y sont si nombreuses et si altérées de sang,
que les messagers du roi qui, pour plus de promptitude, sont obligés de'
traverser les plus épaisses forêts , sont souvent tués par elles.
Tous ces détails, Joram, au retour des vaisseaux, les fit graver sur
une colonne qui, par son ordre, fut érigée sur le parvis du temple de
Mélicerte. « Il est vrai que cette colonne a été renversée par le tremble-,
ment de terre qui s'est fait sentir, il y a un an (o tnisl^vo-t fftte^rnt ynç).
t*éuii peat-être pour eux y reconnaître les traces d*ane formaUon primltiTe. RebDUver lat
traces d\in Diea dans les endroits inaccessibles , est une idée reUgieose commune à tons
Impies, et dont nous avons vn pins haut un exemple. Du reste ces prétenduM traces de
Baaui ft'appeUent auJourd*buile i4ed d'Adam.
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tion. »
Noast^royons devoir dire iciqa*an savant indiamste, aaqad non
avons coimnuûiqaé cet extrait, n*y a rien vu qui dénote une 6U«
ficationV On ne peut qu'émettre la même opinion sur I9 ImitièfljielifK^
qui contiept un relevé dea feroes miUtoirQsde Tyrel des paplré'
quentés par ses vaiaseanx.
HUITIÈME LIVRE.
' cGoei«st le Périple dont Jovam»'F0iëé'9fr^ a ordonné la-rédattiorl
leram^ ptStre deMélkerteyfel'qa^il avouluqu'on gravAt sor uneco-
lonne éltfée dans la veslibide du temple de ce diea. H a prescrit ta
scribe Sjéjk d^en faire quatre-eopîes pour être envoyées aux faabiuni de
fiidoD, de ByUos^ d'{AnMiusel<de Béry te. » Mais presque tontes ces oopîei
«faieoi étâperdncs, etnons «ronsvn pInS haut qne la colonne ^e-iiéae
avait été brisée. Un seul exemplaire fût conservé dans le temple deBuJ*
lis à Bfblos^ lîanfteur noosen a rapporté les termes exprès (/«« yt^f^i»*
«M/i7J>«M«). Le ooaunenoeraeni'élait^inst conçn :
a iloram ^ifib de Bartophas, roiVAe T^ri a fait appder devant hiî Jdnn,
flis'de M adfDus ^ vers Je temps des premières figues , et lui a dit : Prads
ton livre et dresseJeeaulogne'de tous les états, de toutes les ties, detoos
les pays barbaves , de leurs forces^ de leurs trirèmes , de lenrs navires et
de leurs ûhars; 'Car aostrirèraes) eniiaTiguant vers^ I*lle de Rachios^oBt
atteint les bernes de la terre à Test , en sorte que nous oonnatssoBS ks
pays les plus éloignés etdeurshabitans y et que nous savons ce qoeafli
pères ignondent^^eusqui^Mviguaient vers lesties et vers l'occident sas
coQoattre les centrée oiientalesqui noas sent connues anjounThni. Écrit
tout cela pourq«elesouveair s^en transmette chez nos descendans^Quasd
le roi eutidit^er mots, je me prosternai et m'éloignai pour rédiger cet
écrit, a
S n. — POSSESSIONS DBS TTBIBNS SUU LE CONTUTENT. (Cbap. 3-S.} -
I. — TVa ET SIDON. (Chap. 3-4.)
De même que parmi tous les rois, le roi des Tyriens est le plos pmî-
sànt y de même aassi la ville de Tyr est la plus grande et la plus ridie àt
toutes les viUes« C'est elle qui a inventé tous les arts. C'est en effet tbn | i
cette contrée que les compagnons d'Usous ont les premiers construit
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I
MANCSCEIT. DK . SÀIfCBVfOAXBÛlIf . QG{k
Taisteau pour seilérober à la poursuite d'Hypsouramoa; ce sont les ha<^
bitans du pays qui, les pramiersy se sool livrés à ragricukureet à d'autres,
travaux.
L'armée du roi se compose de soixante miUerComlMittaoa^ cent trirèmes^
et une quantité innombrable de vaisseaux de transport. Il a en outre mille^
doryphores couverts d'armures en or, et quatre-vingts chars de guerre. La
temple de Mélicerte et toute la ville ont été bâUs par les compagnons de
ce Dieu y à leur retour de Tartessus. Aux environs de Tyr se trouvent les.
Tilles d'Hysora, de Msné {UAhn), Silyphe, Bethobarkas, qu'on appelle
aussi Belhataba, et Ramasé.
La viiie desSidoniens est aussi très riche. Ses forces de terre consistent
€& cent mille combattans, mille doryphores et vingt chars; ses forces
navales se composent de soixante trirèmes. Au territoire des Sidoniens
appartiennent aussiles villes de MonychuSy Jauphé, Moyra, Dibon, séjour
des enffiBitis du roi > Nebra et Soate.
II. — BTBLOS, AAADVSy BÉaVTB. (Chap. 5^7.)
L'armée des Bybliens consiste en .vingt miUecombattaDS, deuxaûHe^
doryphores et vingt chars. Ils ont en outre quatre-vingt-cinq galères. Dans,
leur ville sont les temples de Kronosqui a onde la vitle, de Baaltis et d'au-
tres dieux. Près de Byblos sont situées les villes d'Asmania, de Jasude, de
I^ebi te et de Nebra (différente de celle < es Sidoniens).
Les Aradiens ont une armée de huit mille hommes, plus mille dory<^
phoreSy cinq cents archers , vingt chars de guerre et cinquante trirèmes^
Les villes de leur territoire sont Arboze, Kasauron, Itymia, Delibas et
Asypotia. Entre Delibas et Itynna se trouvent les Misybata, pierres pro-
phétiques élevées par le dieu Ouranos (1).
Les Béry tiens peuvent mettre sur pied dix mille combattans, mille
doryphores et quarante chars de guerre. Leur marine se compose de trente
galères. Leur ville a été bâtie par Ellun, qui lui adonné le nom de sa
feoune Béryte. On y admire surtout les temples de Pontus et d'Astarté.
Les villes peuplées par les Béry tiens sont : Arbe, Isbas, Sydrobal et Beth.-?
astaroth. Sur le chemin q lî conduit à Byblos, près de la ville de Sydro-
bal, s'élèvent les ruines de la tour des Égyptiens qui, sous la conduite de
Piasurgus, cl erchèrent à soumettre la contrée. Une vierge , Adramot (2),
les vainquit et détruisit leur repaire.
ni. ^ LES MONTAGNES. (Chap. 8.)
liCS forces des habitans des montagnes s^élèvent à trente-deux mâle
(S) /r« Uitru/^A, /«AVTtîoy xiôifo»* ^;n. En hébna lEfUMliefa. W.
(9) PhUon donne aUleiin an noi|^4'i49U9o,t Uiénas^HUiéa Adraaaia>^€oaipb Vmbm
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560 REVUE DES DEUX MORDES,
hommes, dont deux mille archers. Ils n'ont ni villes, ni yaisseaux, nidiais
de guerre, et habitent de nombreux villages. C*est chez eux, dans les
villages de Gabara, d'Oryx et de Gadra, que se trouvent les Bétyles (1), qoi
sont aussi des oracles établis par Ouranos. Les plus célèbres sont sur le
sommet du mont Zetunus qui est couvert d'oliviers et sur la route qoi
conduit des monUgnes à Tyr. Sur la montagne qui lui fait faœ, eslle
village de Momîgura, où se trouve une forteresse avec des retranchemett
et une garnison.
$ III. — ÉNOlféRATlON DBS FORCES DE TTE. (Ghap. 0.)
Ces villes, ces villages, ces montagnes, sont.tributaires du roi Joram:
et quand ce prince se dispose à la guerre, il rassemble à Tyr toutes les
* forces militaires dont il dispose, savoir : six cent huit mille combattaoSi
cent quatre-vingts chars, six mille doryphores, deux mille cinq cents ar*
chers et trois cent vingt-cinq trirèmes. Si la guerre doit avoir lieu sor
mer,Ieshabitansdes lies et des colonies lui envoient leur contingent, qui
consiste en soixante-dix mille soldats, deux mille six cents archers et trois
cent dix-huit vaisseaux de transport.
S IV . — POSSESSIONS DES TTRIEN8 AU-DELA DE LA ITEB. (Chap. 10-14.)
La première des Iles estCittium (Chypre). Elle est fertile et bien peu-
plée. L'intérieur de Tile est habité par des barbares impies et gros»ers
qui ressemblent par les mœurs et par le langage aux géans du mont Li-
ban. Sur les côtes, riches en ports, sont situées des villes, des villages et
des forteresses bâties par nos ancêtres. La ville de Cittium, fondée par
Demaroon, a une armée de dix mille hommes, soixante galères et cinq
cents archers; mais elle n'a pas de chars, l'usage en étant inconnu dans
les îles. Dans la môme contrée se trouvent encore les villes de Lydana et
de Gola, ainsi que beaucoup de villages. L'ile renferme encore la Tilie de
Masuda (2), qui fut fondée par le Sidonien Bimalus, et peut équiper quatre
mille hommes et vingt galères. Près de cette ville, au sommet d'aoc
montagne, est un grand autel élevé à Kronos, et qui , brillant toujours
d'un vif éclat , peut être aperçu des navigateurs môme par un temps
pluvieux.
En naviguant vers l'occident, on rencontre l'ile des Rbodiens qui, en
cas de guerre, peut fournir trois mille hommes et dix vaisseaux. Les
Sidoniens, dans des temps fort reculés, y ont fondé une ville; maisrin-
fertilité du sol a contraint les habitans à rabaadooner, et depuis lois ib
vivent dispersés dans plusieurs villages.
La côte opposée est au contraire fertile et très peuplée. On y trooTC
(I) Les Bétyles étaient des pierres rondes aax(t<ieUes on atlriboait une vertu piopfcêti-
One. Il en est question dans la Genèse, xxir , 18 et sniv.
,« M. Grotefend croit Tolr dans Kasuda les traces da nom d'Amathontr (Amatàas).
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MAMUSCRIT DE SANCHCNIATHON. JSSl
tfois étabUssemens des Sidoniens, un desAradieos et quatre des Tyriens.
Les noms des yilles sidoniennes sont Machira, Supha, Zoara; celui de
rétablissement d'Àrados, Sale; ceux des colouies tyriennes, Ozyne^
Betbomalkroty Masaba et Gasra. Les babitans de Machira ont une
armée de cinq mille hommes et vingt vaisseaux. Ceux de Supha peu-
vent armer deux mille hommes et dix vaisseaux ; ceux de Zoara ^ mille
hommes et dix vaisseaux. Les Saléens, de leur côté, ont quinze cents
guerriers et une flotte de huit vaisseaux. Enfin , les babitans d'Ozyne
mettent sur pied deux mille hommes; ceux de Bethomalkrot douze cents;
ceux de Masaba cinq cents, et ceux de Casra huit cents. Les quatre villes
réunies possèdent quinze vaisseaux.
Les Machiréensy les Suphéens et les Ozynéens font souvent voile vers
des lies et des détroits situés au couchant pour combattre les barbares
de ces pays, qui se livrent à la piraterie, et ont des vaisseaux semblables
aux nôtres.
L'Ile des Gérâtes (Crète) est d'une étendue considérable. LesSidoniens
y ont fondé une ville de Mapiza, et les Tyriens un établissement nommé
Mapristor (1) , a parce que les Tyriens y ont un port, o Mapiza fournit
trois mille combattans, quinze vaisseaux et cent archers, Mapristor
quatre cents hommes et six vaisseaux. Dans les montagnes habitent les
Gérâtes aujourd'hui subjugués, mais qui, autrefois redoutables sur mer,
ont fondé des étabUssemens dans le pays de Gaza.
Gadira, ville riche et peuplée, est une colonie des Mapizéens. On y
trouve un temple d'Astarté entouré de murs, ce qui a fait donner
à la ville le nom qu'elle porte (2). La ville a sept mille combattans, deux
cents archers et une flotte de trente galères. Sur la côte opposée, les Ga-
diréens ont peuplé beaucoup de villages et de châteaux.
Si Ton navigue à Touest de cette lie, on arrive en quatre jours, avec
un vent favorable, dans File deMazaurisa, également très peuplée. Les
Tyriens et les Sidoniens y habitent six villes, Nasbos, la ville de Mélicer»
te, Jamnia ÇUjuiftw)^ Jitron, Malkuba, Ophala et Moraba, et beaucoup
de villages. Ges colonies fournissent onze mille hommes et une flotte de
trente-huit vaisseaux (3).
De Moraba, on arrive en un jour à Mylité (4) , où l'on ne trouve point de
(f ) En hébreu Mif)ratt ior, le port de Tyr. W.
(2) TûJ^ufAf yif Tfixoc -Kiywffii^ iJotttePhiloD. En hébrea Ghedera. W.-M. Grote-
fend dans sa préface pense quMI s'agit de CyUière.
(3) Mazanrisa est laSicile, pays (en arabe mur) du fen (en hébreu eeh); elle était ainsi
•appelée à cause de son volcan W. Quant aux six étabUssemens formés par les Tyriens
<«C les Sidoniens en Sicile, M. Grotefnid renvoie à Thucydide , Ut. IV, cb, n.
(4) Malte, suivant M. Grotefend.
TOMB TU. 56
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6^ REYVR I>E6 DEUX MOICM»»
Tilles t mais sealemeat des TUlages. L'Ile met sur pied deux mille cob«
battans et peut armer quinze vaisseaux. Elle est couverte d*aotels consa-
crés à Astarté Mylité.
De là on aborde promptemeot à Vaphilé , colonie peuplée par.desAra-
dienSy des Bybliens et d'autres encore. Dans des temps plus ancieos il j
avait là cinq colonies, que lea sauvages indigènes détniisireiit ; leshabi-
tans de ces cinq'ViUes soTéunireotaorcepoint et*y bâtireat une viOe.
Leura fofcea consistent en quatre mULe combattan&Al tFente^xvaissaaBx.
Cet établisseoMnl se.trottve 4aiis.le paya da Teogar contrée vaste, mai»
fort déserte, parce 42tt'elie est dépourvue d'eaii et brûlée par le loleiL
En navigant au nord de Mazaurisa, on arrive caErséphonie, où la
trouvent quatre colonies, dont l'anmée monte à douze mille bonàracs et k
vîngt-cinq vaisseaux. Cette force. imposante date de l'époqae^ù» au iiii>>
ment d'une guerre contre les Tartessiens, les Sidoniens y eovoyèooit des
renforts. On n'a rien à craindre des indigènes , car ils sont peu nombreux
et très pacifiques. Dana ce pays est le mont Libnas » consacré à JUélicerte,
qui y a laissé l'empreinte de ses pieds*
Près de l'Erséphonie sont situées les deux lies de Kitoa et de Gadyla (i),
séparées par un détroit sur lequel est située une petite Tille. De là oo ir-
rive en dix joursÀ Tartes^us, eapassant près del'lle déserte de Léiattois
et des lies d'Obibacros.
Maintenant, si l'on réunit toutes les forces de terre et de mer do nn
Joram, on trouvera que son armée consiste en vingt-cinq myriades de
combattans de toute arme, et sa flotte en six cent quarante- trois fais-
seaux, n possède en outre cent quatre-vingts chars de guerre et d'iia^
menses trésors; car, sien temps de guerre les villes lui envolent ds
troupes auxiliaires, en temps de paix elles hii paient un tribut.
S y. — TARTESSOS ET LES IMTECHASINES. (Ghap. IS.)
Les Tartessiens, descendans de Mélicerte, sont alliés des Tyriois et
habitent à l'occident. Leur prince est Nausitanus , fils ce Charon , qui est
très paissant et possède beaucoup de galères et d'autres vaisseani. Ce
peuple habite cinq grandes villes et beaucoup de villages. Les contrées
voisines des fleuves sont très fertiles , les montagnes renferment de riches
mines d'or et d'argent, surtout aux villages d'Ardiabe et d'Ophile.
Tartessus çst située sur le détroit et sur Tocéan. L'océan septCDtriooil
n'est pas navigable à cause du soulèvement des vagues, celui da sod
penoe^que les côtes y sont désertes. Là est le promontoire de Tiborsypba*
(t) La Corse et la Sardaigoe.
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Legcontré^l^ fdas ékûgDèesdecet <i!é«Q/Mmt leaimiid^
dire les lies d'Hyresa , Hyrisima^ Mazaurisa et Igydula , quiéUôfiot kacî
populeuses dans leprincipe, maisqjii ont été entièrement dépeupléefltpar
une peste. Elles sont à dix jours* de marche du promontoire de^ibor*
sypha (1).
Dans le Toisinage des Tyriens hnbitetit les'GéiiBtes» letf- Jmfs, lesÉgyp*
tiens, les Arabes, les Damascènes et lestiamathéens/ alliés de Joranâ.
EnÉgypte est le Nil. En le remontant^ on arrive en sept jours â la capi-
tale où l'on trouTO un grand nombre d'esclaves éthiopiens venus des con-
trées méridionales. Ils ont la peau noire, niais parieors mœurs et leur
manière d'être^ ils ressemblent beaucoup aux Égyptiens; Leâ Éthiopiens
habitent les contrées les plus méridionales de la terre.
An nord habitent les Arméniens, les Phrygiens et les Lydiens; bieti plnS
an nord encore les Cambres , les Amydones et les Titans. Les Titans sont
one race très sauvage et à demi nue qui va chercher en Médie des ché*
vaux blancs qu'elle regarde comme des dieux: Ils habitent autour dtin
grand lac et sont à vingt jours de marche des Mèdes.
Vers le levant babitent4es.Bah^k^M6i^,'MM^aSr^l4it8âlUpp^|ia^
La ville des Babyloniens est^graode,fitp^uplée,L»JilMlanourrit49rQQin<*
breux troupeaux de chevaux blapcs. Lepay s des Éthiopiens e;it;sablQna^«S
et aride sur les côtes, montagneux dans l'intérieur des terres.
Le pays le plus reculé à l'orient est la Ghersonèse de Hachins, où les
trirèmes de Joram sont parvenues.
Gtons encore quelques chants, nationaux qui se trouvent rap^
portés dans le cours de l'ouvrage. Assurément il y a une poésie
bien élevée et une suite damages djgpes. de la Bible. dans. ce chant
funèbre sur des guerriers tyriens mortaà Tarte891l^> /{ue M.Gro-*
tefend rapproche du fameux cantique d*É:(écbie) :
La mer t'a-t^elle i:ejeté3ur le .nvf^xQnunQruneperiebrilliiiKte, ou
bien es-tu né du ciel , ast,re Jumineux ? Le coniinentiirille.de ton édatet
la mer réfléchit ta beauté.
O reine des flots^ quand tu vois toupeuple^naviguer, tu te réjouis comme
une heureuse mère à la vue de ses enfans.
Mais jette les yeux au loin , et des larmes rouleront sur tes joues et bai-
seront le sol ; et la mer retentira de tes chants plaintifs;
Car tes trirèmes ont été brisées à Tartessus, et les plus braves de tes
(i) Le nom d'Imyrchakines •'expUq[ae par rhébrea : limrakkokim, Ues éloignées. Il
«*agit éTidemment des Ganariea,
SB.
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564 RETUB DBS BEUX MONUBS.
fils, étendos morts sur ua rivage lointain, sont la proie des notoonet
des poissons.
Il n'y a pas moins de grandeur dans ce chant d'un roi d*HamaIh
banni de ses états :
Ammisus m'a diassé 4e la ville ;. mes serviteurs m'ont accablé de km
railleries; mais je ferai fouetter mes serviteurs et je taerai Ammiios.
Autrefois je reposais sur 1| pourpre de Tyr, et mon oonsiin était âi(
de soie babylonienne.
Mais croyez- vous que je tremble parce que robsconié desoeadsorii
forêt et que Torage passe à travers les arbres comme un lion rugissant?
Croyez-vous que je m'épouvante àTaspectdes rochers qui brillent àb
darté de la lune et des pâles fantômes qui surgissent de chaque motte de
terre?
Le lion est-il sans courage dans son obscure tanière? Avez-voos jasais
vu le sanglier saisi de crainte ? Le sanglier sauvage parcourt sans effiraiks
ravins de la montagne, et le rugissement du lion fait trembleneses*
nemis.
Après la lecture de ces divers extraits, on concevra qae des
hommes tels que Gesenius et Grotefend aient cru à l'authenticité
du livre auquel nous les avons empruntés. L'opinion de H. Gro-
tefend a changé, 31 est vrai, mais ses doutes actuels paraissent plu-
tôt tenir aux renseignemens qui lui sont parvenus sur le caractère
de H. Wagenfeldqu'à Touvrage en lui-même. D'ailleurs, lalettrede
H. Grotefend ne prouve pas que la falsification soit complète» pou-
qu'il parait croire à Texistence d'un manuscrit que M. WagenfeU
aurait altéré. La publication du texte grec, qui est formelleaefll
promise, viendra bientôt fournir des armes sûres à la critique, et
ai, en définitive, il £aut voir dans M. Wagenfeld un suocesmr
d*Annius de Viterbe et de Ligori, on ne pourra s'empédier del^
gretter qu'avec tant de science, avec un sentiment si profond des
antiquités sémitiques, une imagination si poétique et si fécondeiil
ait compromis son avenir littéraire en se rendant coupable d'ooe
supercherie qui ne peut nuire en rien à ceux qu'il aurait trompés,
mais qui porterait à jamais atteinte à son caractère et à son boo-
neur,
Ph. Le Bas.
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REVUE
LITTÉRAIRE
VO
PREMIER SEMESTRE DE 1836.
Si Ton veut bien accepter, comme point de comparaison, une évalua-
tion des travaux littéraires de Tannée 1835, insérée dans l'un des pré-
cédens numéros de la Revue (!*' avril), nous aurons, pour l'anlée
coorante, un double progrès à signaler. On a fabriqué moins de livres;
on en a produit de meilleurs. Non pas que nous ayons à rappeler beau-
coup de ces bruyans succès , qui ne laissent à la critique d'autre rôle que
l'admiration ; mais nous avons compté en plus grand nombre les ouvrages
solides, instructifs, dirigés vers un but utile, et qui, lors même qu'ils
n'atteignent pas toute la perfection désirable, ont du moins le mérite de
mettre en mouvement beaucoup d'idées. C'est ainsi qu'il faut compren-
dre l'amélioration littéraire que nous nous empressons de constater.
La production matérielle du semestre qui vient de s'écouler, comparé
aux mois correspondans de l'année dernière, s'est affaiblie de plus d'up
hiiitième, et cette diminution , portant principalement sur les livres tirés
à plus grand nombre, peut être évaluée à dix millions de feuilles ou vingt
mille rames pour la librairie seulement. Quant au journalismcj il est
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jm
iovjaan fort entreprenant. Mais les illusions qni ont
de nombreuses tentatÎTes sont déjà expiées en grande partie.
semaine a tu éclore environ trois feuilles nouvelles. Plusieart n*ool
que comme prospectus , et, faute d'alimens, en sont restées à TélaliM-
bryonuaire. Beaucoup d'autres ont succombé après une courte
tion, et si quelques-unes soutiennent encore leur existence
que, elles demeurent bleu tl^igiéoi- wis/)pate d'une pogition staUaH
régulière. Sans entrer dapsia ^sofs^tgo jla budget d'autmi, qull wmê
soit permis d'établir un fait social autant que littéraire : à safnir, fMb
journalisme qui, chez nous , est né d'hier, en est encore «nx rêves dsris
des prenUera d^hgta^u'i{ se pay s>^Bf iUr(tf çfijbyii dj ifwpe
les entrepc^peup^pp-enpont , i^po^iynieiix ûIt% avpit que les
naires aifinlLaFPÛi»^^c^^^^o*^'^f^i*^^-^'^l<^^^
commerciales ne sont pas applicables aux produits de la presse; qÊ^ tiâ
plus que du savoir- faire pour découvrir un domaine exploitable davh
sphère infinie des opinions et des J4ées; que d'ailleurs une rfirtutiseas
8*improvise pas plus qu'un public, et que la force inteliectaelle ipii mIbs
un journal n'est pas à la disposition des hommes d'afbires comme kiws
aveugle que li|P9e;^a xnt^f*
Revenons i la librairie qui doit seule nous occnper.il n'y apesda ft»
nations dans tout ce qui tient i l'enseignement scolastique, où beom*
position du livre ne change pas plus que les chances de débit. Mâatt
fait assez remarquable est que les œuvres d'imagination, les livres ds«»
binet de lecture, ou, pour employer le mot usité dans le commeni^ la
nouveautés, atteignent positivement le chiffre élevé de Tamiée dermlKt
On compte encore pour les romans plus d'un volume par jpOFf et lu||sv
de deux volumes par seqiaine en poésfes, que repousse cepeodipiXp-
stinct des éditeurs; ce qui prouve que la plus grapdq partie des ttèfk'
tiens de la presse se trame en^déhors de la librairie^que les frais seaat
leiits par la vanité oisive ou parTinexpé.rience des débutons, qoi s»«0-
damnent à de rudes sacrifices pour conquérir un public et une
La diminution que nous avons annoncée porte principal
les livres sérieux, les sciences métaphysiques, la littérature
l'histoire. Ce fait n'est point en contradiction avec ce que nous avaniCt
plus haut. La liste est moins nombreuse; mais on y trouve plus de |r»-
ductions estimables. La conséquence est naturelle. Il n'en est pas dessBi»
vres rationnelles comme des créations poétiques ou dramatiques, dssftlt
valeur est toujours contestable , et qui permettent au plus obscur d^mfà*
rer les caprices de la vogue. Les recherches profondes, les
solides et avancés désespèrent la paresse, et écartent les rivalités
«anten. Au reste, nous nous promettons de préciser par des chifSre^àbi
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WÊnjû LitiiEàiu« 987-
Il de ehaiioe année ^ œs moaremens de la presse qu'il suffit if indiquer
ujourd'hui.
L — • THÉOLiM^œ*
Cette diyisîoa est principalement fermée parla réimpressioades claisi-
[oes de séminaire , de la liturgie et des traités mystiques , i l'usage des
unes ferventes. Le SainU Augustin, édité par MM. Gaume, est le seol
lavrage dont la reproduction mérite d'être signalée. L'œuvre nouvelle du
lergé est 9 comme d'habitude, assez mince : elle se borne i des règle-
nens de confrérie, au programme de quelques pratiques dévotes, et enfin à
nnq ou six livres de controverse, qui rappellent le ton aigre et l'ergo-
isme de l'ancienne Sorbonne. On n'y distinguerait pas un écrit nouveau
|ui commandât l'attention publique , pas une seule page peut-être, con*
^nie avec rintelligence de l'esprit français au xix* siècle.
Ajoutons enfin que la production du premier semestre, comparée aux
résultats de l'année précédente, est à peu près réduite de moitié»
N'est-ce pas un fâcheux augure pour la réaction religieuse, que les
agioteurs en. librairie ont si habilement exploitée depuis deux ans.
Nous xegrettODS de porter atteinte à des illusions respectables sans doute,
mais qu'un froid examen ne nous a pas permis de partager. Le mouve-
ment régénérateur n'est pour nous qu'une des mille oscillations de la
pensée publique, sans portée réelle, sans direction précise. Pour qu'il se
prépétuât, il faudrait que l'impulsion vint du clergé : or, il n'en est rien«
Le clergé, ou du moins les cheis suprêmes qui déterminent jusqu'aux
moindres actes du corps ecclésiastique, sont demeurés tellement étran-
gers à cette effervescence soudaine, qu'ils ont été les premiers à s'en
étonner, et que dans l'impuissance de s'en rendre compte, ils ont tout
expliqué par une intervention divine, en faveur de cette église gui ne
doit pas périr. H est évident d'ailleurs qu'une doctrine ne devient c(Miqué«
rante qu'à condition d'être active; et l'activité est autre chose, selon
nous, que le remuement d'un zèle aveugle. L'activité est la tendance à un
but nettement exprimé, une marche vers un progrès. Nos prêtres ont-ils
su faire sortir de leurs dogmes une application d'un bénéfice incontes*
table, un principe social de nature à rallier les esprits d'élite, et à en-
traîner les sympathies populaires? Bien loin de là. Ils reconunandent à
chacun la passivité qui les aimule eux-mêmes. L'unique affaire, comme
ils disent, celle du salut étemel, étant possible en tons teiiq[>s comme en
tous lieux, il est inutile de modifier le milieu dan& lequel on accosiplit son
temps d'épreuve. Au mal social ils ne savent qii'ua seul remède^ la ré-
signation , et ils s'en tiennent à prêcher l'orthodoxie des croyances^ qui
ne sont guère combattueSi la supériorité de la morale chrétienne, que
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668 RBTUË DES DEUX HONDES.
personne n'a Jamais contestée , 8*adressant aux indiridos qu'ils tra*
vent d*humear à les écouter, c'est-i-dire à ceux qui n'ont pas besoa
d*étre convertis. Mais sonder la valeur morale des institutions, s^o^
rir du sort des masses , et des chances qu'elles ont de faire le biea n
le mal 9 c'est dérober ee qui est dû à César. César est toujours cdoiqi
perçoit le budget. Telles sont les maximes professées hautement pir le
clergé 9 qui Font engourdi dans rindifférence de tout ce qui se puseia-
tour de lui , et le laissent impuissant , séparé par ses habitudes, se« i^
et même par son langage, d'une société qu'il ne comprend pas ^\m^
n'en peut être compris.
Et maintenant, nous nous adressons aux intelligences que le OTiii*
cisme n'a pas obscurcies. Si le christianisme a transformé lernoodes*
den, ce qu'on ne saurait nier raisonnablement , s'il a constrnitiaTeeks
débris qui jonchaient le sol de l'Europe, cette civilisation qui nousabrik
encore, est-ce donc en préchant l'immobilité , en se faisant ud ménte^ua
yeux des puissances, de sa nentmlité absolue?
L'opposition, ou plutôt une sorte (fanimosité contre ceux qui eatn-
prennent de rendre au vieux corps catholique quelque peu desonéserfie
virile, se manifeste journellement par des réfutations. L'une dei pis
curieuses est la Censure de cinquante-six propositions ^ extraites è di-
vers écrits de M. de La Mennais et de ses disciples, promnlgoicpv
l'archevêque de Toulouse, avec la sanction du pape et FadSiésioDâe
presque tons les membres de l'épiscopat français. Les propositiooscii'
damnées ne sont pas des hérésies, à proprement parler. Elles ne blesot
aucunement le dogme. Il s'agit de quelques opinions hasardées saries
fondemens rationnels de la certitude, sur la loi morale des époquesant^
rienres au christianisme, et sur le développement temporel dapriadpt
chrétien. Elles nous paraissent appeler une controverse sur qoeiffi
points d'histoire et de philosophie , plutôt qu'une réprobation caBoaîfix»
et en tout cas il ne suffit plus aujourd'hui , pour entraîner les espritti»
clore une discussion en disant , comme souvent les docteurs révéresdiV'
mes ; Hœe doetrina estfalsaytemeraria,scanda\osap seditiosûffM^^
injuriosa. Nous croyons encore qu'il est injuste de déchirer uoe paf^
pour isoler une phrase qui prend ainsi un sens absolu, tandis qa'd^^
trouverait expliquée et adoucie par ce qui la précède et la suit.
On s'étonne de rencontrer au nombre des propositions frapP^Pf
les foudres de l'église, cette thèse soutenue dans l'Avenir, ^^^
pies de M. de La Mennais , que le catholicisme est conciliabie avec w»
ies libertés publiques. Les fragmens qui réclament la liberté deUpit^
«ont particulièrement incriminés. Le poète croyant est rendu rtV^
èle de tous ces méfaits ; son censeur le traite d'anarchiste et crieTidei^
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BETUE UTTÊRAIRB. M^
m parodiant ainsi Gicéron : a Enfin Catilina est sorti de Rome ! il ne dé-
Dbirera plus le sein des vrais enfaDS de Rome ! Ahiit..J «Un autre adver-
saire, que M. de La Mennais a déjà rencontré plusieurs fois, est plus inci-
Bif encore, or Parlez- vous de sa personne , dit- il, il est mort! Parlez^vous
de sa doctrine, sous ce point de vue, s'il n'est pas mort, il devrait
l'être (1). »
Le but de ce dernier écrit est de défendre contre les novateurs l'an-
cienne théologie scolastique, c'est-i-dire , la science divine expoeée
selon la méthode analytique et dialectique d'Aristote : nous reproduisons fi-
dèlement la définition de l'auteur. Selon lui, la foi chrétienne ne peut être
sauvée que parle philosophe païen. IL parait cependant que les jeunes clercs
montrent peu de goût pour le syllogisme, et de son propre aveu , a ils em-
ploient leur temps i la lecture de la basse et moderne littérature fran-
çaise, où respire plus ou moins le goût romantique, étude plus propre à
nourrir leur esprit de vent que de vérité et de sagesse, d C'est à quoi l'on
veut mettre ordre. Ainsi , après une trêve de dix ans , deux ennemis irré-
conciliables, Aristote et le romantisme, vont se rencontrer de nouveau
sur le terrain de la théologie. Nous publierons, s'il y a lieu, le bulletin
du combat.
Nous avons trouvé, dans plusieurs ouvrages signés par des prêtres, une
singulière prétention. A les en croire, il est injuste, inhumain, de re-
procher au clergé français son infériorité , après l'avoir dépouillé des
biens qui lui permettaient d'encourager par des bénéfices les hommes
distingués de son ordre, et d'entretenir ces sanctuaires d'études illustrés
jadis par de beaux monumens littéraires. Leur erreur est grande, s'ils
pensent qu'on fait crime au clergé de ne pas produire des compost*-
tions académiques. Ce que lui demandent les gens sensés, c'est de sub-
stituer aux pratiques superstitieuses, aux aberrations mystiques, une
instruction saine, un parler ferme et franc, intelligible pour le peuide
qu'il se propose de transformer; c'est d'exposer sa foi de telle sorte,
qa'elle surmonte, s'il est possible , les préventions hostiles, et redevienne
ce qu'elle a été long- temps, un lien social. Pour composer un livre dp
celte nature, il n'est pas besoin d'une congrégation de bénédictins. D'ail-
leurs, Texcuse invoquée par les prêtres est d'autant moins recevable,
qu'ils sont en meilleure position que les antres citoyens pour agir sur les
esprits. Ils n'ont pas A vaincre les obstacles de tous genres qui attendent
le littératenr isolé. A celui-ci, il est rarement permis de marcher dro^
dans la route où il aperçoit le beau et l'utile. U faut, pour s'asisurer édi-
(1) Héfeiue de rEme^snement eaiheUvfs^ par M. Boyor, dlieeM» do Salnt-SiapleQK
Wivol.ta-ea, , ,
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leoraet lecteoarsi qifil /««lesa répntaiion, ce qui M nfrèdidRMMt
qae ftûre nn bon outrage." H* faat meotir aux bons rasâneci km
génie, et parader long-temps devant «m public fri voie, afin de Mile
remarquer. C'est là un^and mal, et dont les suites sont pins Mtm
- ^on ne pense, dansun pays où l'inteUigence'goayeme tontparàséoH
Nous croyons donc que, s'il y a eioeption sur ce point, elle est mtm
du prêtre. Son œurre est naturellement poussée par le corps ttàéÈÊh
que dont les membres pénètrent partout, et accueillie par une cBnIÉ
fervente qui se fait de Tadroiration un devoir «de^coDsdence.LepM»
en un mot, dispose d'un mécanisme de pulilicité dont rageaeewstèl
-des beaux jours de l'église, et qui, malgré sa vétusté, esteooonai
puissant aujourd'-bui pour élever à la réputation des mérites fwtwli*
tsbies.
n. — • PHILOSOPHIE.
Les ouvrages de cet ordre , au nombre de ^gC environ , se fi^bM
' par moitié ila métaphysique abstraite ou à des thèses de monlepnip>
Il en est un, parmi les premiers, ^qui, se présentant comme le Mir
mot de la science des principes, sollicite de notre part un examesMi*
Nous transcrivons4on titre ^ff Cours ds phihsophie, professé à hlM^
des Lettres parM/Yictor Cousin , pubfié, avec son aviorisM^,^^
près les mefdleures rédactions de ce cours, par M. AddpheGiA
maître de conférences i rÉcole normale. » La prétention de régéDtnrH
études philosophiques , proclamée il y a vingt ans par H. CoQsia,ioriM
ime polémique assez Apre, mais qui s'éteignit bientôt, faute (TaliiiiL
Lliabile professeur pnt répondre à ses antagonistes , qu'on aedevtf p
le juger sur 1er souvenirs que hissait une improvisation rapide, ni «i<*
sur des Fragmens imprimés, qu'il ne présentait que comme ikift^
déchirées du livre de sa doctrine. Le mouvement politique des 4ei4n
années l'ayant porté à la direction suprême de l'enseignementt fl>^
fmnuler enfin son «ystème; et quoique n'ayant pas tenu li|ila«til
accepte évidemment l'expression des théories -produites en soosott.O*
connaît la manière de Fauteur : lé suivre dé trop près, c'est ^eip*
souvent à être obscur. Nous n'hésiterons pas cependant à péoéirtr vm
hii dans les profbddeurs de la métaphysique; un grave intérêt i^
-attire. Ce livre est destteé à renseignement : il importe de uyét^^
opinions, quelles sympathies, quelle vigueur morale doivent appoïUr**
le monde ces enfàns tpii demain seront des hommes.
Le professeur s'exprime ainsi dès son début : a Ce que je
mAtat'oei vSHMiisni#vnaiMNfÉM /jUgMM MuSs^ièiMeeirnes i
ce qn'dles ont de commun et de vrai , néglige ce qu'eUes ost^^f*'^
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MiMMité^- Il «"agil éé^cêmnmc^r^ en France; av«c la inrétb^otté dcr
fÊÊi^éèdh, bMi tlâtnim tsprit édwCfqtie', la régénérattoii de lar sdence*
MIetiiellet » -^ Le mot adepièpovr ëyidbble de la i^loiophte ùoiiTdle
monapÉratt pÉBsMtemmeâe'ei^iqQé.^BtiDe lai attrlbaant que 8t
rieur Uttériâe'y o» antfereit'à an noi^^ensy pttiaqffll n'est paa pos^ble-
anemMer tleiinc fd9e§ sam être an thôlMséenr. Totttet 1er sectes, tontes
irengtena, saiia^n eioepcerlaTell^l^cathol^fney ont été forcément
jtectiqnes, c'eatniHdlreKyie ^ péttr former leùrdiognie, elfes ont empfdtaté^
tttsontnohiB aiii'tNMïCriiiea'aiiléi'Ienres.'llbi9il'y& dentt manières d'eier^
r^Dèdioiz : en i'Oty Se tléter aaiuc ii'apifès certaines règles généralement
Attiatti eeqtte^Fea>aecepte eemmeiléroMir d^flb^armini^ entière; oa
i6non pose en principe la sooverainetéde'faralfoti ind^Mnelhj et dans
&eâs cbàeiMi se doH faire sa loi hitelleetaeHë et tnorafe selon les Inmières
Q^ila tron^^ftea en sa' conscience. Danois prentière théorie, la liberté
MMéoalleest^ppHMéeparianfaJerftè; la société nentfatMelIndlTidu:
'mu rètoe deFabsi^atisme. L'opfaâoncontralne' isolant les indifidos
#penl produire qoe^des tendaneea diirerganies , des fietnatismes hostiles,
l'anarehie dès-lors est iné?ttable> et doit passer ptoroptement de* la
pMre des fééêSKlMns larégfon- activer CondHél^'M M sociale arec le
loit periennel^ veHêrlé'gi^tté, rnttfqnrprebtètaè'Hleia philosophie. Gé
«dblèuie n'eai -pas albei formellement pesé iJMnsle-coorrs dé^M. Cousin^
«r qu'en entiHmvelasohrtion'complète. Iltésnhetie cette' indécision
[as les disciples inlnteHigens prêtent ian maître tmeabsnrdité, enattrt-
lasm è chàena la di^tiVimifé ^ehà/Hiriy et «qne dans Topinlon ndgaire
édecUane de M : Conaln est encore celai de^i>iderot $ qui disait nafre-
Mttti « <}ttieeù^[iie reçoit le syatémed'un antre éetectlque ; p^îd aussitôt
Mlltré dTécleotique. »
CMà l'OMivre qa^ll fàos jngér les doetrines.'Tëos^es snceessenrs dé
)Meanes , édeetiqoes eu cedeTnler'sces^ ont bdnrts pourpHncipe géné^
Mur de tonte phUesopMe^ TaeMjsexle'Iapensée/De ce-méme point de
lêpare^LoiâDei RaldètXbnl^ldsireis^lumièresda xtnrsiècte, sontar- '
très à des termes opposés. Vient i son touf^ Mv Oonsin, qnrrépadie
'cMine de-aêi de^anelersj et réoMHtttoéev à ses tisiiaes'et^rHs, ta
tf^ÉpusIiluii de la pemêiefÊT la etnatience.^
li)ftlMifd'qarestH»iltfelacoaseiefiee9V^i«la<)*époH^ pre*
nière*qniation« (Plg^ il^:) Isr-Teafi hMemgaaee', par Cela seulqn'elleest
■Mttgenee, ddicnéeeÉSairemenf se comptvnéi^ dDMnême •ao-nembre
^MfreenÉBiisanees, et cette voe iné? HaMe' d^èHëMOékne ^est ce qu'on
VNIela eaiiselaiMe« a^AecepténS'ceite^éinitibtf y qn\ ki>ést ))earUBt paf
MMl M^dKetMËMres'j etf ta'ovMlbnspItaqaelé'coiiidènce esc rele^lœ *
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57B KETUS DES DEUX MOHDBS.
ioténeur de la pensée qui expérimente sur eUe-méme. Maig rtilAVifi
recommande si sourent cette méthode expérimentale, ne dit putni
cettement en quoi elle consiste , et comment elle opère pour siiiir ctoi-
stater les faits intellectuels. Son explication est négstire. (P^.Dli
« Je n'entends y par expérience, ni l'obseryation inténeorei unàk,
qui ne nous donne que des sensations diverses, maltipUées et nàùk^
ni même Tobservatlon intime, dirigée sur des phénomènes intens,
aussi variables , aussi fugitifs, que les phénomènes du monde estoiii
Nous sommes réduits A interpréter la pensée da philosophe. U pràoi
sans doute que rexpérience se manifeste par des résultats, c'at-éniit
par l'acquisition de certaines vérités incontestables. Pour éviter le npit*
che d'avoir obscurci son système, empruntons de kû 2e fait Isjrfif dv:
c'est donner en même temps une idée de la clarté du reste de ronmfe.
(Pag. 52. ) or Le fait le plus clair et le plus approfondi auquel poiiepir-
venlr la réflexion, c'est la conscience immédiate, !<> de denx tenMsMy
le moi et la nature extérieure , phénomènes variables, se iifflitaatra
l'autre; 2o d?un être infini : l'aperception de ce dernier terme nad leile
possible l'aperception du fini, comme à sou tour la vue du finiitb
condition indispensable de la vue de l'infini. »
Résumons. La conscience, après avoir eiqiérimenté, peot ilflMi
l'existence de trois faits: le moi ou l'individu, le ttOii-iiioionlaoaW,it
la loi de ces deux termes , qui est l'infini , l'absolu , la vérité ioDHériA
^ et nécessaire. Maintenant, quelles facultés intellectuelles ont éii «sfi
en jeu pour arriver à la connaissance de ces trois élémens ? L'édectdit,
en vertu de son onmipotence , emprunte à Locke et à ses diadplef taçà
une faculté passive, la sensibilité; aux écoles écossaise et aUemaadei ^
faculté active, la volonté. Puis, avançant que ces facultés sont iopo^
santés pour arriver à la notion de l'absolu, il déclare (pag-i^c^^)
« qu'il existe un troisième élément qui n'a pas encore été jiylHii»"'*
analysé ni décrit, la raison, prise, non comme faculté» nuisc»'^
règle de nos jugemens, raison impersonnelle, qui n'est ni l'iiM^^
monde sensible, ni l'œuvre de la volonté , mais, pour ainsi dire, ^^
de la vérité dans l'individu, o
Annoncer en termes généraux que le moi humain est coastittié pV"
sensibilité, la volonté et la raison, est-ce rendre compte des pbéaoaii''
intellectuels? A coup sûr, les philosophes de profession n'aoeepttr**^
pas pour une analyse de la pensée une proposition conçue en dei tfft^
aussi vagues. Notre éloignement pour les querelles de motsnoairasdR
plus concilians, et nous certifierons , si l'on veut , la grande déoooftf^ **
l'^ectisme, à savoir, que l'homme est à la fois actif, passif» «t.*«..>^
pas raisonnable, mais raisonneur, suivant la variante proposée jad^P*^
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RKTUB LITT£aAIU. SJS
m homme d'esprit Mais ces oondusions ont-elles tme rtlear pratique?
l n'en pas douter, selon M. Cousin. L'homme , à l'aide des facultés qu'on
ai restitue, peut saisir rti^folic, l'être, rinfini fc'est tout nn),qnisemani-
este sous trois formes (page 57) : a le vrai, qui comprend la cause comme
a substance, le beau et le bien, jd L'important, pour nous, serait de sa-
roir quelles choses sont absolument vraies, belles et bonnes, et comment
^ choses deviennent applicables aux arts, aux sciences, i la vie sociale?
ici, les paroles du philosophe deviennent tellement confuses, qu'il faut
icheter la moindre idée par un effrayant travail d'esprit, et ces idées, il
uffirait souvent de les opposer les unes aux autres pour en faire ressortir
e grotesque ou le contradictoire. Nous choisissons les assertions les plus
ormelles sur les trois modes de l'absolu (page 140). a La substance de
a vérité, c'est Dieu. Mais nous ne savons de Dieu rien autre chose, sinon
la'il existe, et qu'il se manifeste i nous par la vérité absolue. Se tnanl-
ester pour un être universel et étemel , c'est se manifester universelle-,
nent et éternellement. Dieu s'est donc manifesté en tout, partout et
toujours, et comme il ne s*est manifesté que par la vérité, il s'ensuit qu'il
kit y avoir partout et toujours de la vMté; d voilà tout ce qu'on nous
ipprend sur le vrai. Le beau' (page 225) « ne peut être la voie ni de i'u-
4)f> ni du bien , ni du saitit. H ne conduit qu'à lui-même, jo Par consé*
lueot , les arts , ayant pour objet l'expression du beau , ne méritent leur
M^ qu'à condition d'être inutiles. Cest l'auteur qui l'affirme, et plus
oin (page 281) il développe sa peiisée. — « Gomme je refuse aux beaux-
irts tout but d'utilité, comme l'art ne doit servir qu'à lui-même , je
lois effacer l'éloquence de la liste des arts, jd Autant en fait-il de l'histoire
^ de la philosophie, parce qu'elles tournent Us mots vers un but d^utiliti,
Mais la poésie et la musique, qui apparemment ne servent à rien, sont
des arts par excellence; et, viennent ensuite s'échelonner à des distan-
^ diverses, la sculpture, l'architecture et la construction des jardins
(page 282). La théorie du bien, c'est-à-dire la philosophie pratique, est
^('Bdée sur l'idée absolue du droit et du devoir. M. Cousin , par son sys-
tème, est dbpensé de toute argumentation, et L'absolu, dit-il (page 320),
^légitime par lui-même. Si l'on me demande pourquoi il y a des devoirs^
le répondrai parce qu'il y a des devoirs. Il n'y a pas de raison à donner
^^ la raison, b Ainsi , nous sommes revenus à ces affirmations pures et
'tapies qu on a tant reprochées aux vieux traités de philosophie. Pour-
ïuoî donc substituer à l'ancienne dialectique aride, mais ferme et déci-
^^^^A^transeendentalisme allemand qui ne peut engager personne, parce
ïue jamais deux rêveurs ne se rencontreront dans le même nuage? On
^*cn voit aucun motif, si ce n'est que, pour attirer à soi la foule béante, il ^
^ftot pouvoir dire, en se drapaçit dans S(m manteau, comme l'un des docteurs
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ée flfdttère : -«- c Nom avoos ctieogé tout oela^ cgnoos âtisons •Bjwftrf
letchosM d'une méthode tonte no!i?eIIe. d
Une longue thèse de ntéuphyslque, inUtulée : Essai d'inducikmsfÊi'
hsopkiques diaprés les faits, par M. Rogniat aloé , mérite d'être «fislii-
gnée. An lien de remonter par des subtilités d'analyse à la soaroe dew
IhcultéSy l'autear affirme leur existence comme un fait planant aa-dem
delà démonstration^ et, en efCet» les puisuinees qui coudtaeot riMMM
nesont appréciables que par leur acte Tisible, de même qa'oa ne pari
oenscater l'étément lumineux que par la clarté qu'il répand. — «De àsm
càoiea l'une,» est^il dit dès les premières pages , a on les cames et fa
•fiéta qui embrassent l'existence de l'honine sont enchaînés dant m
•Édre absolument* indépendant de lui^ ou il dépend de loi qni nirâM
effBta soient on ne soient pas. Bans le premier cas, tout» discossiea ««
aana objet, a Ainsi, ceôx qui nient que l'homme soft tin agent libre, a
ptasienrs cas du moins> n'ont qa'à ièmher un litre qui n'est paa lait pav
eax. Nous avons suiri tfeO' intérêt une aérte d^duetiona , appuyées saga-
tnent sur les flnts aréréé de la* vie erganlqwe ^t de la vie ratiotmdle,et frf
conduit jusqu'au grand probtènt de la condition dn genre hm^SBrli
terre. Mais ceUe dernière parde^apptlle encore les méditations daflib*
sdphe. On sent dans les idées et damsf'réipresslon une ioeertita^^
lesBOft sortout par la comparaison atec lés débuts de l'oarrage. On ânil
que devant se prononcer sur lod grands principes socianx, f^iaiearrt
pas osé formuler nettement ses conclusions (1).
En général, les traités tiai ont pdnr objet la science de la sage«e,fl
dont la reprodoctioB est éternelle^ nediflèrent les uns des antres qucfg
lÉ manière de groupe^ un certain noinbre d'argumens coams. A as*
penl-étre, de tous les livres, ceux qu'on lit lemafan aàjonrd*hoi, et ésâ
Finflaenoe est la ph» bornée. La faute en appartient rooiasà la aeiMai
qu'à ceux qui en font profés^on. Pour la plupart, la philosophie éM
qn'une sorte d'escrime dont le but est de fortifier et d*élaiidie HMI-
ligenee. Dans les luttes de la pamle^ lemèuphysiden devient ea dM
assex redoutable par l'usage qu'il pOnfMre des argumetn-de <AaqaaHa
tème, par l'habitude d'épuiser uaeidéa, dé conduire un lilsiwiminsil,
de dénaturer les ikits , en les poussant jaaqa'è l'état d'abstnctien. Laaah
liment de ces avantages le rend trop souvent tranchant , quereflear, sMS
pkié poor l'adversaire qui ose le suivre sur le terrain dé la <
est vrsÉ qu'il finit presque toefours, comiDe les duellistes de ]
W U tniilèms volame de IWtloIre dt to PailoM^fe, dft H. Blltar, vl^
c^MsUdrange» qaal des AagusUDs, 9. Noos aiuadoat le quatrième TolaaM, filM
ceupléter la première parUe. pour prétenter quelques vuei géaérales tarla iilinJaijii
aîMMUia, à réteatlea de eettetotparlâals'pehlleailoab
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par tomber souples coups tf un novice qui PattaffaëT^BohiBieiit areé les
drmes de la nature , le sens oomnran.
n se troHTC encore quelques hommes de censctenceet de bonne inten-
tion, pour qui la philosophie est la recherche dayrai. liais > par une in-
concevable fatalité, ils font de lenr science une algèbre indéchiffrable
[>our quiconque ne vent pas subir on apfmntissage rebutant» L'appAt dés
lécou vertes les conduit dans des voies non frayées , sans Inmière et sans
ssueSy et lorsque après mille divagations ils se retrouvent en présence du
)ublic, ils ont oublié la langue qu'il fout parler pour en être compris.
Le bon sens naïf , qui fait les grands , les vrais philosophes , est plbff ram
sncore que la naïveté de sentiment qui fait les grands poètes.
VL — éCOHOlOE POUTIQUB ET ÂDHINISTHATIVfi.
Les publications relatives aux généralités de la politique souffrent de
la défaveur qui pèse en ce moment sur les systèmes abstraits. Les libraires
sn risquent fort peu. Ou a réimprimé divers fragmens des discours tn
terits polémiques de Benjamin Constant , qui , heureusement disposés,
DDt pu être présentés comme un Cowrs de politique constitutionnelle» La
rie, les doctrines et l'influence du célèbre publiclste ont inspiré i M. Pages
[de TAriège) quelques pages très remarquables qu'il a placées comme
introduction en tête de l'ouvrage. Un historien, dont l'expérience s'est
formée au spectacle des grands événemens, M. de Sismondi, vient de ^
livrer des^ Études sur les consentions des peuples libres. (7est on calcul
de probabilités à l'usage de ceux qui sont intéressés au jeu des passions ,
Boit dans les masses, soit dans les êtres privilégiés en qui se personnifie le
pouvoir. L'auteur procède à ^analyse des élémens sociaux , et s'efforce de
déterminer leurs lois d'affinités et de répulsion : mais il fait remarquer
sagement que les inductions^ tirées du rapprochement des feits connus»
n'ont pas dans la pratique uncTalenr absolue, et qu'on s'exposerait à de
grands mécomptes, si Ton appliquait les prescriptions des docteurs tn
politique avant d'avoir étudié le tempérament des peuples. Faut^il ooo*
dore de là que le savoir des hommes d'état n'est pas autre-chosequeda
savoir-faire? C'est aujourd'hui l'avis de bien des gens.
On sait que les constructions ruinent presque toujours ceux qui les en-
treprennent. On songe donc moms i rebâtir qu'i réparer. Les esprits se
tournent vers l'utile et le possib^. La pr^se répand un déluge de livres
et de brochures sur tontes les matières administratives. Au Keu*de dé-
damer contre les abus, on indique de petites améliorations dont Hi somme
réalisée procurerait un grand bien. H est remarquable que presque tous
<^ écriu témoignent d^M^Mf^éisent ^«tniotlNtQr intéfété''dâ vt>lus
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976 BETUB BBS.DEUl^ MmCDES.
grand nombre. Les classes pauvres, qui n'ont pas de mandataires das
nos assemblées légales , sont peut-être plus fidèlement repr^enléei ^k
les autres classes devant Topinion publique. On peut même dire qptëks
ont cause gagnée. Le soulagement des parties souffrantes est pour la »-
cîété ce qu*est pour l'individu la conservation de soi-même , le imaHr
des devoirs. Il n'y a plus d'hésitation sur ce principe ; mais, dès^H
8*agit des mesures i prendre dans l'intérêt du pauvre lui-même , ki «s
se partagent et la discussion s'établit.
Selon les uns» l'infortune copstitue un droit suffisant aox seooonfa-
blics. Tout homme, par le seul fait de son indigence, devient, en qaàfi
sorte, créancier de l'état, et peut réclamer légalement rassistanee ê-
recte, ou du moins un travail assuré et productif. C'est le sjstêneàs
philantropes étourdis du dernier siècle, et que, sans s*en dooter, ki
économistes modernes continuent, en réclamant, comme un acte de jatk»
et de prudence, l'institution des colonies agricoles et des établisBenns
industriels. toujours ouverts aux pauvres travailleurs. Mais quelques es-
prits assez forts pour résister aux mouvemens d'une compassion irrélé-
chie combattent formellement toutes ces propositions. Us pensent qQer«^
tion du gouvernement ne saurait jamais être que préventive, qmïètA
doit s'appliquer uniquement à détruire les abus qui engendrent laoiièR^
et abandonner le redressement du mal existant à la charité des paràn-
liers, aux sympathies libres. C'est l'opinion professée par IL Docbâtel àm
un livre qu'on vient de réimprimer sous ce titre : ConsidénOkms «TA»-
namie politique sur la bienfaisance , et dans un excellent travail delf.Hi-
ville , de la Charité légale (1), qui a partagé avec le précédent ks stfin-
ges de l'Institut.
La charité légale est celle dont le principe est écrit dans la k», et ^
le gouvernement exerce avec les deniers publics. L'Angleterre n'est p0
la seule contrée soumise i la taxe des pauvres. La Suède, la rionlcey
le Danemarck, la Livonie, la Hollande, la Belgique et presque isole
l'Allemagne, une partie de l'Ecosse, de la Suisse et des États-Unis d*ABè-
rique, subissent le même système, i quelques différences près dans leaià
d'administration. M. Naville s'est appliqué i suivre l'effet de ce syslèBX
dans les pays qui en ont fait la triste épreuve. Les renseignemens qo^ i
réunis à force de lectures, de correspondances et d'observations, nousta
connaître le régime du pauvre, et comblent ainsi une lacune trop fré-
quente dans les livres qui exposent la vie intérieure des nations. Omae
. il n'y a pour le pauvre qu'une seule affaire en ce monde , qui est de âè-
fendre son existence contre les besoins dévorans, dire à quelles cooditifli
(1) a voL ttt-S> thei Daftart, libraire, gaal Malagiilt» T.
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REYUB litt£râire. S77
il trouve à rivre^ c'est compléter l'histoire d'une grande partie de l'es-
pèce humaine.
La classe des nécessiteux est condamnée, par défaut d'éducation, à une
s<»rte d'enfance morale. Ce n'est pas la raison qui tempère en eux les mau-
Taîs instincts, mais la crainte d'une expiation cruelle, la perspective du
dénuement absolu et des mille tortures qui le suivent. Affranchir le
pauvre des suites de ses propres fautes , c'est offrir une prime à la lâ-
cheté, au dévergondage; c'est ruiner le principe de l'émulation, de la
prévoyance, de la dignité personnelle, des sentimens de famille, de
toutes les vertus i l'aide desquelles on peut vaincre la misère. Celui qui vit
d'aumOnes répudie peu i peu l'idée de sa dégradation , et au lieu de faire
effort pour se relever, il exagère l'aspect hideux de son infortune , afin de
se créer des droits i des secours plus abondans. Ajoutons que pour main-
tenir une caste toujours croissante qui se met bénévolement en dehors de
la loi commune, il faut établir des réglemens de police contraires aux droits
naturels que la société doit conserver, même à ses membres indignes.
Ainsi , dans presque tous les pays de l'Europe , les pauvres sont attachés
comme un troupeau au sol de la paroisse qui a charge de les nourrir. Ou
les accable de vexations et d'ignominie , pour effrayer ceux qui seraient
tentés de réclamer l'assistance légale. En plusieurs localités, les obstacles
mis i l'union légitime des pauvres provoquent une brutalité révoltante,
et enlèvent i une foule d'enfans sans famille ces tendresses d'instinct que
la charité publique ne saurait remplacer. En un mot, les lois établies
jusqu'ici pour adoucir les privations matérielles, ont presque toujours
créé des plaies morales, bien plus affreuses assurément.
Les économistes français, qui ont entrevu ces tristes résultats, ont cm
les éviter en exigeant des pauvres, en compensation des secours qu'ils de-
mandent, une somme de travail dans un établissement industriel ou agri-
cole; mais ce projet ne fait qu'aggraver l'inconvénient de l'aumône directe :
il détruit, chez celui qui s'y soumet, la liberté sans laquelle aucune amé-
Horation morale n'est possible. Appliquer la classe indigente à un travail
nécessairement improductif, qui paralyse ses facultés naturelles , n'est-ce
pas lui enlever les chances d'affranchissement toujours offertes an cou-
rage et i l'intelligence, et perpétuer ainsi son infériorité? Le contrat
qui, dans les temps anciens, liait le maître à l'esclave, était-il dif-
férent de celui qu'on propose ? D'ailleurs, l'expérience a prononcé. Les
établissemens où l'on a comprimé tant d'esprits vagabonds, indiscipli-
nables, sont presque toujours devenus des foyers de corruption. Il y a
à craindre encore que la concurrence élevée entre les ateliers de cha-
rité et les industries libres n'aboutisse qu'à déplacer la misère.
Les considérations dont nous offrons ici le résumé, sont appuyées , dans
TOME VII. 37
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Kffg RBTra MB^ tBDX MMDES.
FooTrage de M. Nasille, par des rediBrebei de alaUstique sur tesonibn
des pauvres dans les contrées soumises à la mesure qu*il combat. La
pièces qu'il a réooies donnent une triste idée de Tétat présent de fBa-
rope. Citons quelques faiu. A Copenhague , la taxe préienrée au profitte
indigenSy s*est doublée en quatre ans. LaSuède est également aeof&wle.
A Stockholm , où se trouvaient, ily a un sièoiey 93^ pauvres, on en conque
aujourd'hui plus de 15,000; A BerUn, depuis 1816, la d^ense a qua-
druplé, et raocroissement de la population, au lieu de partager le fu^
deau , a au contraire grossi la classe qui est réduite à virre d'annôofli.
A Venise, une moitié de la ville est positivement assistée parFaotre,
et le gouvernement autrichien fait de grands sacrifiées dans rintérfttde
la tranquillité. Le voile jeté sur cette partie de radmîmstration danspla-
sieurs principautés de rAUemagne, cache sans doute de grandes calani-
tés, et le soupçon est confirmé par le nombre considérable d'Alkmandi
qui sont forcés de s'expatrier chaque année. Les sept ports des Etats-UiÉ
en ont reçu 31,000 dans le courant de 1834. Sur 100 habitans, k JSfA-
lande en secourait 9 en 1822; la proportion s'élève aujourd'hui à iSLfii
Belgique, plus d'un sixième de la population est à l'état d'indigeooe. Ba
Suisse , la taxe est très inégalement répartie , mais partout elle tend à^ao-
croître, a II est des districts, dit M. Na ville, dont les bourgeois, poof
échapper à des charges énormes, renoncent à leurs droits de bonrgeôile
avec plus d'empressement que leurs pères n'en avaient mis à les ooMpié*
rir. tt Le canton de Berne , qui soutient un dixième de sa poptelatioo, eH
un des moins écrasés. En d'antres parties , le nombre des assistés s'élèie
jusqu'à la proportion de 25 sur 100; et chaque année, l'insuffisanee dci
secours chasse des troupeaux d'éraigrans jusque dans les états de lUoioii
américaine , déjà bien souffrante elle-même de tontes les infirmités dah
vieille Europe.
Mais ce fléau bizarre qui , à l'opposé des antres, grossit les popnlatioai
.et multiplie les malheureux , le patkpérisme , afflige particnlièreneat II
contrée d'où son nom nous est venu , l'Anglecerre. Les témoignages pri-
vés paraîtraient suspects s'ils n'étaient confirmés par des docnmeos éÊ'
ciels, comme M. Naville a pris soin de le faire. La taxe, noos dit-il)
absorbe aujourd'hui un sixième du revenu net des propriétés immobi»
liëres. Calculée par tète , en raison de la population , elle est double de te
qu'elle était en 1780, et un tiers à peu près de la nation anglaise fait n*
loir des droits à la charité publique. Le plus fAcheux est que cette chsr^e,
'dont nous donnons ici la moyenne , est variable selon les hasards de lapa*
IHilation , de sorte que, légère en certains endroits, elle devient intolé-
rable en plusieurs autres. Ainsi, le rapport de ceux qui reçoivent à «0
qui donnent, était, en 1831, des quatre cinquièmes à Manchester, etda
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RETUB UTTBBAIBB. £79
iêpt huitièmes dans une région du comté de Durbam, Les enquêtes fûtes
récemment par ordre du gouvernement britannique citent diverses pa-
roisses qui voient la moitié , les trois quarts , et quelquefois la totalité de
leur revenu englouti par les pauvres; il se trouve ainst qu'en ces dernières,
les propriétaires sont les seuls qui ne possèdent rien.
Un peu trop préoccupé de la thèse qu'il soutient, M. Naville parait at-
tribuer toutes ces calamités à la charité légale. On lui demandera sans
doute si les contrées affranchies de cette mesure sont plus favorisées , et
pour notre part , nous regrettons qu*il n'ait pas étendu ses recherches au
reste de l'Europe. Une curiosité bien légitime nous a conduits à consul*
ter quelques documens relatifs à la France. Il en ressort que la condition
des classes indigentes s'est considérablement améliorée chez nous, tan-
dl»qu'elle s'aggravait chez nos voisins. Sous Louis XIY, un dixième de la
nation était réduit à la mendicité , et mendiait effectivement: c'est l'ex-
pression d'un mémoire écrit en 1698 par un hon^me en position d'être
bien informé, le célèbre Yauban. Aujourd'hui, avec une population au
moins doublée, on ne compte plus qu'un Indigent sur vingt personnes,
1,000)000 environ pour toute la France : encore comprend-on dans cette
éiVBluation les enfans abandonnés au nombre de 540,000, les infirmes
presque tous recueillis daus les établissemens publics, et beaucoup d'in-
dividus valides qui ne sont pas totalement dénués de ressources. Nous
poisons ces chifTres dans une brochure récemment publiée par un fonc-
tionnaire qui analyse le bel ouvrage de M. de Yilleneuve-Bargemont
sur V Économie politique chrétienne. D'autres faits nous sont fournis par
les derniers rapports de l'administration des hospices de Paris. On sait
que la capitale et les grandes villes manufacturières sont les principaux
foyers de souffrance. Le recensement de 1813 donnait près de 103,000
individus en état d'indigence. En 1835, on n'en trouve plus que 62,539,
Aminution qui équivaut à moitié, en établissant la relation du nombre
des habitans aux deux époques. Prenant un terme de comparaison plus
rapproché, on trouve un progrès môme sur les dernières années de la
restauration. Le mal est grand encore assurément. Les chiffres nous ap-
prennent que les pauvres déclarés sont dans la proportion d'un i douze,
et que plus d'un cinquième des habitans de Paris a fréquenté les hos-
pices et les maisons de bienfaisance. N'oublions pas toutefois que treize
hôpitaux, onze hospices, nombre de sociétés charitables, font de la capi-
tale le rendez-vous de toutes les misères, et que d'ailleurs il ne faut pas
toujours compter au nombre des malheureux ceux qui réclament effron-
tément l'assistance. L'administration a constaté un fait dont les adver-
saires de la charité légale feront sans doute leur profit. Plus des deux tiers
des ittdigens échangent à leurs frais contre du pain blanc celui qu*lls re*
37.
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580 RBYUK DES DEUX MONDES.
çoiventy qui est pourtant, assure-t-on, d'une qualité supérienreàcelm
dont se contentent les soldats, et on a calculé que la somme employée par
les pauvres de Paris à cet échange s'élevait par année à 120,000 francs aa
moins.
Mais il y a des misères cachées que la fierté ennoblit, des souflrancei
bien réelles qui sévissent dans les entrailles du peuple. La classe des tra-
vailleurs paraît avoir moins profité que les autres des éprenves du der-
nier siècle. Selon Yauban, que nous aimons à citer parce qu'il est préds,
le journalier ou l'homme de peine gagnait dans les campagnes oeuf sou,
l'ouvrier des fabriques douze sous : les bons états rapportaient de quiiue
à trente sous par jour, le blé ayant débit à raison de sept livres le sè-
tier. Ce qui représente trente à quarante sous de notre monnaie actaelte
dans les deux premiers cas, et dans les autres une progression de deux
et demi à cinq francs. On voit qu'en général , la balance est à peu près
égale entre les deux époques; mais une question nouvelle se présente : la
somme du salaire a-t-elle aujourd'hui pour Touvrier la même valeur
qu'autrefois? Nous ne le croyons pas. Évidemment , sa condition n'est plos
la même. Le cercle de la société s'est élargi pour le recevoir. Il s'efforce
d'y apporter des habitudes épurées, une intelligence ouverte à tontesies
idées qui ont cours; il participe enfin à cette anxiété d'esprit qui est le
dangereux privilège des riches. Or, le prix de labeur qui procurait jadis
l'aliment matériel , laisse en souffrance les appétits moraux et les besoins
de convention non moins impérieux. De là, des plaintes sourdes et des
remuemens sans fin, symptômes ordinaires de malaise.
Au reste, si l'on croit les indications fournies par la bibliographie, od
grand nombre d'hommes éclairés sont préoccupés aujourd'hui de l'avenir
des travailleurs. Plusieurs sociétés savantes ont appelé les méditations
sur ce point en ouvrant des concours. Une présomption favorable est ac-
quise à l'ouvrage de M. Emile Béres (des Classes ouvrières , et du Mf»
d'améliorer leur sort), couronné deux fois, à Paris et à Màcon. Noustroo-
Tons encore une foule de brochures sur les salles d'asile, rinstmction
primaire , les caisses d'épargne, les sociétés de tempérance, la constito-
tion de l'industrie , l'ouverture des immenses travaux qui doivent utiliser
un grand nombre de bras. Par exemple, on compte, pour ce premier se-
mestre, 41 publications relatives à des projets de routes, canaux et che-
mins de fer. Enfin un grave débat est soulevé sur un projet que la théorie
nous présente comme le complément de toutes les améliorations, nuis
qui, dans la pratique, soulève des difficultés presque insolubles. H s'agit
du système pénitentiaire appliquéaux détenus. La librairievient de mettre
en présence plusieurs ouvrages sur ce sujet. Un des plus instructifs est
celui de M. Charles Lucas {de la Réforme des prisons ^ ou de la Tkiork
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RBTUB LITTÉRAIRE. éU
ée rempri5onfi6ni€n()y livre Dourri de méditations et de faits observés,
et sur lequel nous appellerons particulièrement l'attention de nos lec-
teurs, lorsque nous résumerons la discussion engagée sur le système pé-
nitentiaire.
IV. — PHILOLOGIE.
Dans l'une des dernières livraisons de la Revue, M. Dujardin a dé*
montré que les phrases obtenues par la lecture des hiéroglyphes sont
intraduisibles par la langue qu'on croit celle des anciens Égyptiens. Mais
il a négligé une tâche plus humble qui rentre dans le cadre de ce bulletin
bibliographique : c'est de faire connaître le plan et les détails du livre
déjà célèbre qu'on peut considérer comme le testament scientifique de
Champollion. Le livre de M. Champollion est intitulé : Grammaire
égyptienne y ou Principes généraux de V écriture sacrée égyptienne ^ appli'
quéeàla représentation delà langue parlée (1). La première partie, qui
seule est publiée, forme le tiers de l'ouvrage, et contient neuf chapitres.
Le premier résume l'histoire du plus noble et du plus puissant de tous les
arts, celui de l'écriture. L'idée de consacrer la mémoire des faits im-
portans par la représentation môme des objets qui forment, pour ainsi
dire, le corps du discours, n'appartient pas aux seuls Egyptiens. Elle
s*est produite, comme une inspiration naturelle, à l'origine de presque
toutes les sociétés, et fait encore aujourd'hui la base du système gra-
phique des Chinois. La peinture servile du langage, étant impossible
en beaucoup de cas, on ne tarda pas à donner aux figures une valeur
conventionnelle. Le nombre en fut probablement limité, et le choix
fait d'après certaines règles. Champollion, qui a copié et soumis à la
plus scrupuleuse analyse toutes les inscriptions que le temps n'a pas
encore effacées, rapporte les objets figurés à seize classes bien dis-
tinctes. Dans la première , par exemple, il range les corps célestes; dans
la seconde, les êtres humains divers par l'âge et l'attitude; viennent dans
les suivantes les aftimaux, les plantes, des instramens de métier, ou
simplement des formes géométriques. Le nombre des figures usitées dans
chacune de ces seize subdivisions n'est pas déterminé. Champollion af-
(1) Chez Firmln Didot, petit In-folio; prix de la première partie : S5 fr. LUmprimeor
11. F. Didot, Justement célèbre dans Tart quMl professe, a imaginé pour ce Yolume «n
proeédé ingénieux, qui , avec quelques periectionnemens, pourra trouver de nombreuses
applications; c*est Talliance de Timprimerie et de la UthograpUe. La nécessité de marier
sans cesse dans le mdme texte l*écriture hiéroglyphique et récriture ordinaire présentait
une difficulté; on a composé la planche d'impression en ménageant des espaces pour les
flgures. L'impression des caractères a été transportée sur la pierre lithographique, où les
li&iroglyphes ont été dessinés «dans les blancs réservés.
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Sfj^ RBYUB BBS BBUX MOiaipS.
firme cependant que, dans tout le système liiéroglyphique , on n'& pa»,
<^tk)gué jusqu'ici plus de neuf cents types .
Mais sur les monumens et dans les manuscrits égyptiens , on voit un,
grand nombre de signes dont la forme ne parle pas à l'esprit. Les érudits^
supposant que ces signes fonctionnaient comme les lettres de nos alpha*
bets modernes, ont long-temps cherché le secret de leurs combinaison!.
Selon l'auteur de la Grammaire égyptienne, ils ne sont qu'une abréviatioii
dti hiéroglyphe pur, et constituent un second ordre de caractères d'one
c&écution facile et rapide, appropriés ainsi aux usages de la vie ciVîleoa
religieuse . Ces caractères hiéraiiques ou démotiques, selon leur emploi,
réproduisent seulement le trait principal de l'objet qui est leur primittfj^
éi quelquefois ils s'en éloignent tant, qu'on pourrait les considérer comme
éès signes arbitraires. Ghampollion en convient lui-même, et , en vérité,,
dh ne sait en vertu de quel principe on a pu les rattacher à un type plutôt
cju'à l'autre.
Touis ces hiéroglyphes, soit parfaits, soit réduits, jouent dans l'écri-
tilre égyptienne un triple rôle. Ils sont figuratifs, lorsqu'ils éveillent
iHdéepar l'image môme de l'objet. Dans ce cas, un Hon d^siné démît
se traduire par lion. Les hiéroglyphes sont symboliques pour l'expresste
des idées abstraites ou des choses dont la forme matérielle n'est pas pré^
èise, comme le feu, le ciel. Le lion pourrait alors désigner la force, te
courage. Les mêmes caractères sont encore phonétiques, c'est-à-dire qu'ils
procèdent comme notre alphabet à la peinture des sons^ au Léo de
}iéindre l'idée. Chaque image vaut phonétiquement la première let-
tre de son appellation vulgaire : le lion , en cet exemple, se trouverait
réduit à la fonction alphabétique du L. L'articulation S pourrait être re-
firésêntée par un enfant, un œuf, une oie, une étoile, etc., objets dont
lé nom en langue copte commence par un S. De la sorte, un même mdt
peut se reproduire sous vingt aspects différeus. ChampollioQ va au-devant
des objections que soulève cette conjecture (1), en disant que le nombft
des signes employés phonétiquement était fixé et consacré par l'usage, d
<|u'irne dépendait pas du caprice d'un scribe ou d'un copiste d'en intro*
duire de nouveaux dans les textes. Cependant ce nombre était encore
considérable. On trouve dans la Grammaire égyptienne un ubleaa ùes
hiéroglyphes phonétiques et désignes qu'on en considère comme l'a-
brégé. Il ne comprend pas moins de sept à huit cents caractères pour rcpré»
. (i) Cette conjecture {uiraitra moins bizane si on le rappelle que notre alphabet n'k pu
d'autre origine. Les Hébreux ou plutdt les Phéniciens, de qui nous tenons noi lettitt,
4i«i«nt aief, heit, guimel, daUt (A. B. C. D.}, moU qui signifient bctuf, fiiai<oii*cii-
«Mttr^or/e; et, selon Topinlon très probable des érudiu, ces leltrei n*élaiflBtd'ataid
qu'âne image grossière des objeu dont elles prenaient le bqbu
I Digitizedby Google
mtfn uniftAiwu HB5
ffintenine trenlaiiie de lettres deoi se oorapeseralphabet eepte.:Ajo«iltfiis
%ae la dispotttîoo des ktéroglyphes était arbitraire : ils pouvaient s'écrire
indifTéremment de gauche à droite, de droite à gauche, de haut en bas
. oa de bas en haut. L'ordre processionnel que semblent suivre les figures
indique le sens de réerilure. Les hiératiques se sueeèdent de gaudheà
jâroite, mais en se superposant à yolontà» ou en- se succédant selon fes
/âhneosions du lieu qu'ils occupent.
Nous transcrivons enfin l'assertion fondamentale de l'auteur (page 47).
•«Tout texte hiéroglyphique ou hiératitpie se compose d'un assemblage
•des trois espèces de signes dont nous venons d'exposer la nature partidu-
lière employés simulfaiiîéiiail, c'est-à-dire que, dans toute inscription
égyptienne en écriture sacrée, on rencontre constamment les caractères
, figuratifs et symboliques entremêlés à des groupes de caractères phoné-
tiques, ou combinés avec eux, chaque sorte de caractères concourant à
l'expression des pensées, selon la méthode qui lui est propre, par YiwU'
lalion directe, par la simUUudê, ou par la notation du Sim des mots. »
La dernière ligne de la célèbre inscription de Rosette est rapportée
comme exemple. Ghampollion y voit sur soixante-seize caractères, lîz
figures, vingt-cinq symboles et quarante-cinq lettres alphabétiques.
Les derniers chapitres de cette première partie ne traitent encore que
. du nom, de l'article, du système de numération, en expliquant le rap-
port de la méthode graphique qu'on vient de décrire, avec le langage
des anciens Égyptiens. Nous en supprimons le résumé pour éviter une
analyse grammaticale toujours fastidieuse. Une des règles de cette gram-
maire nous parait cependant trop étrange pour n'être pas mentionnée ici.
Ghampollion dit que, dans l'écriture alphabétique, les Égyptiens suppri-
maient les voyelles médiates, supposition autorisée par l'exemple des
. Hébreux, et, à l'en croire» son rival anglais ne se serait fourvoyé que
pour n'avoir pas pressenti cette circonstance. Mais, ajoute-t-il, la sup-
pression de ces voyelles jetant de l'obscurité en beaucoup de cas, on a
eorrigé ce défaut par l'addition de signes qu'il prétend avoir reconnus,
et qu'il appelle déterminaiifs. Or, ce déterminatif est la npréséntaiion
même de Tobjet dont le mot est le signe oral (page 72] , c'est-à-dire qu'on
joint ainsi l'image du mot au mot lui-même exprimé par des lettres. Les
exemples cités à l'appui de cette règle sontctirieux. Le mot crocodile est
écrit par quatre figures phonétiques, plus un déterminatif qui est un
erocodîle : pour le mot haiaHce, quatre signes phonétiques suivis d'mie
balance, et pour déiermtûer le mot qui exprime l'idée de malfaiteni*,
nous voyons un homme qui parait lever une arme meurtrière. Cette hf-
pothèse nepn>voque-t-elle pas l'incrédulité ? Quel avantage les Egyptieas
auraient-ils trouvé à l'emploi alphdl>étique-des hiéroglyphes, ai an Mte
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584 REVUB DBS BEUX MONDES,
d^obtenir, comme nom, une économie de temps , ils avaient été obligés de
dessiner cinq ou six images pour dire ce que figurativement onpoonit
exprimer par une seule? S*ii est vrai qu'ils se sont tenus à ce moi^tnieiix
système, même à une époque où ils ne pouvaient plus ignorer le mé-
canisme des alphabets hébraïque, grec et romain, c'est probabiemest
que la superstition les attachait à une pratique informe, conservée sans
amélioration depuis les premiers essais d'écriture. Nous voyons , eo effet,
. qu'affranchis de leurs préjugés par le christianisme , ils appliquèrent Vu-
phabet grec un peu modifié à l'idiome vulgaire , qui prit dès-lors le scn
de langue copte.
Les objections logiques soulevées par la théorie de GhampoUioD sont
graves, il faut le reconnaître; et, dans l'application, les causes d'eireon
paraissent nombreuses. C'est, en beaucoup de cas, la difficulté dedèsi-
gner l'objet représenté parle hiéroglyphe, soit complet, soit abrégé; c'est
encore le sens vague des symboles, la triple signification des mêmes ct-
ractères, et surtout l'emploi simultané de trois valeurs différentes. SiToo
tient compte enfin des variations probables de la langue copte, il résulte
de cet ensemble une multitude de combinaisons qui laissent aux illusions
de l'interprète une latitude infinie. Il y a plus. Les règles exposées dusU
Grammaire égyptienne ont paru démenties par les essais de vérifiatfoa
tentés jusqu'ici. Les critiques anglais, dévoués au docteur Yung, tffir-
ment que les textes déchiffrés par Champollion sont inexplicable par la
langue copte, et chez nous, cette même opinion est soutenue avec aatorité
par M. Dujardin.
Néanmoins la majorité des esprits gravés et exercés , ceux qui soit
assez forts pour sacrifier à l'avancement des sciences toutes les sugges-
tions personnelles, diffèrent leur jugement, qui doit clore tout débat Ib
savent qae s'il est prudent de ne pas croire sur parole l'auteur d'an sys-
tème, il est juste aussi de ne pas admettre légèrement les objections qû
lui sont opposées. Ils savent que, quand la vérité vient à surgir, elle ne le
dégage pas nettement de l'erreur, et que souvent des expériences mieux
dirigées ont corrigé les détails qui, à première vue, paraissaient contre-
dire le principe. Il suffît de reconnaître que la méthode créée par cdoi
qu'on a surnommé l'OEdipe français peut seule conduire à la solution de
la grande énigme, et qu'à ce titre elle méritait la protection des savaflf
qui ont obtenu pour elle la publicité. Il ne serait pas impossible d'aillenn
que l'incrédulité fât bientôt vaincue. La critique est à l'œuvre. Nous pa^
Ions de cette critique qui cherche les difficultés, non pas pour les mettre
en saillie, mais pour les aplanir. Deux dictionnaires coptes, qu'on dit très
satisfaisans, viennent d'être publiés, l'un à Turin , par M . l'abbé Peyron;
l'autre en Angleterre, par M. Tattem. En même temps on savant italici»
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REVUE LITTÉRAIRS. S86
^i a pu profiter des leçons de GhampoUioDy M. Sal^olioi, poursuit cou«
rageosement les recherches du maître. Soa programme^ exposé dans une
excellente critique de Tabbé Peyron, est de nature à dissiper toutes les
incertitudes. Il s'attache principalement aux manuscrits funéraires, dont
le sens est à peu près connu , et qui reproduisent une même formule con-
sacrée par la religion égyptienne. Comparant tous les groupes aux-
quels on peut attribuer une même signification , il en note scrupuleu-
sement les moindres variantes. S'il parvient à prouver qu'un môme mot
est écrit tantôt par plusieurs figures jouant le rôle de lettres, tantôt par
xme seule exprimant un symbole ou une idée , il aura confirmé la thèse
fondamentale de Champollion par une démonstration sans réplique. Le
même procédé servira tout naturellement de confirmation ou de correc-
tif à l'alphabet recomposé par l'auteur de la Grammaire égyptienne. Si des
travaux dirigés avec tant de persévérance et de sagacité ne conduisent
pas à des résultats solides, il faudra abandonner le déchiffrement des
hiéroglyphes à cette race de fous qui cherche encore le mouvement per-
pétuel et la transmutation des métaux.
Le dernier recueil publié par l'Académie des iuscriptions contient un
mémoire de M. Saint-Martin sur les inscriptions de Persépolis, que le cé-
lèbre voyageur Niebuhr a fait connaître à l'Europe. L'interprète n'avait
pas à vaincre la difficulté principale qui compliquait la tâche de Cham-
pollion. Le doute n'est pas possible sur la valeur alphabétique des carac-
tères cunéiformes (ainsi nommés parce qu'ils ont la figure de coins, ou
plutôt de fers de flèches, diversement agencés pour former des lettres).
Cette écriture étant assez commune dans les ruines de la Médle, de li|
^Sabylonie, de la Bactriane, se trouvant aussi en Arméuîe, en Egypte, et
en général dans les contrées où les anciens Perses ont porté leurs armes,
il est naturel de chercher à la traduire par l'idiome de ces conquérans,
le zend, le plus ancien dialecte de la langue persane. Les inscriptions de
Persépolls présentent trente-neuf caractères différens. M. Saint-Martin
j>rétend en avoir reconnu vingt-cinq, douze consonnes et treize voyelles;
^t cet alphabet, quoique incomplet, lui livre le sens de deux inscriptions
-^u'il rapporte à Darius età Xerxès. Sa version, très différente de celles
- <qa'on nous avait déjà données avant lui, n'est pas généralement admise
jiarles érudits. Leur science divinatoire s'exerce aujourd'hui sur d'autres
snonumens de même nature récemment découverts. On peut espérer
Hja'une lecture exacte de l'écriture cunéiforme jettera enfin quelque lu«
^^mière sur les ténébreuses annales des royaumes asiatiques.
Une série d'ouvrages, que M. l'abbé Delatouche a intitulés: Études h^
^^^aîques et Panorama des langues, pourrait bien fournir un nouveau grij
^tox adversaires de la science étymologique. M. Delatouche prétend a
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ggO RETUB DM DBUt MOlfDBS»
tronyé dans la langae des Hébreux un certain nombre de syllalbes qal
considère comme le germe de toutes les autres langues. « J'ai tout réduit,
dit-il, à des analogies de sons que j*ai formulées en équations et en ana-
logies d'idées, de manière à ramener tout le matériel des langues à vingt
où trente racines primitives. » Le travail de M. Delatooche n'est peut-
èfre pas sans valeur comme procédé de mnémotechnie ; fl peut terrirft
cTâsser dans la mémoire des élèves le matériel des langues; mais, préseolft^
comme système étymologique, il ne soutiendrait pasmteiela discussîoo.
Il n'est plus permis d'affirmer des étymologies sur de simples rapports
de consonnances. L'histoire, qui , aujourd'hui, s'appuie avec tant deiiie-
cès sur la philologie, lui demande une méthode rationnelle, précise. Hfe
ne se contente plus, pour prouver la parenté des peuples, da rapprodie-
ment d'un certain nombre de mots sans liaison naturelle entre éux.EBe
forme, au contraire, des familles d'idées, des séries de termes, ponrosa-
stater, dans l'expression, les similitudes et les variantes : elle met ai re-
gard le mécanisme de chaque idiome. C'est la stricte observation de«
règles qui donne un grand prix au Parallèle des langues de VEnrùpetlée
TInde (1), laborieusement établi par M. Eichhoff. La conformité radlofe
du sanscrit avec les idiomes européens avait déjà été signalée par pfo-
sieurs philologues; mais on devra à M. Eichhoff une démonstnûon
claire et méthodique de ce fait intéressant. Il commence par distribuer
les langues de l'Europe en quatre groupes principaux , lo Janguan'
inaneSf parlées par les Phrygiens , les Grecs, les Étrusques et les lAÛm,
et dont les débris entrent, pour la plus grande part, dans la formata
dé ntalien, du français, de l'espagnol , du portugais et du valaqoe;
2o langues ceUiques, dont il ne reste aujourd'hui que deux dialectes : le
gaélique , en Ecosse et en Irlande, et le cymrique, dans le pays de Gala
et la Bretagne française; 3o langues germaniques, comprenant les idioaies
tudesque, saxon, anglais, normannique et gothique; 4^^ langues slawnMti
qui sont le russe, le polonais et le lithuanien. A l'exception de trois <&-
lectes, le basque , le hongrois et le finnois, toutes les langue européesncs
sont embrassées par cette énumération. — a Considérées quant i lev
substance même, dit M. Eichhoff, et indépendamment de la phraséologie,
elles sont originairement identiques, c'est-à-dire composées des nênKS
racines primitives, que l'influence du climat, la prononciation nationafe)
les combinaisons logiques, ont nuancées de diverses manières, Untdtei
remplaçant un son par un autre son homogène , tantôt en étendant oae
idée du sens propre au sens figuré , ou en la graduant par une dérivatin
ct^ntinue, sans que les élémens du langage en soient essentiellement li*
(i) Grand volume iii-4i\ De runprlmerie rciyale. Cliea l'kiUev, place ëaLovne.i
Prix:30fr.
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UTos uttAuibe* 4SBT
' térës. » — Ainsi qae noos Pavons dit, l'auteor prouve sa thèse par une
méthode sûre et lumineuse ; avec lui, on n'a pas à crundre les iUusîoos
qui ont jeté tant de ridicules sur plusieurs éty mologistes. Sa comparaison
embrasse la substance et Taccident , les mots et leur emploi dans le lan-
gage. Après avoir mis en regard les particules pronominales ou indécil-
nableSy il classe les noms substantifs en huit séries, qui comprennent le
monde et les éiémens, les corps organisés, le technique des arts et mé-
tiers, les qualifications et les termes métaphysiques d'un usage habituel.
Ainsi se trouve formée une liste de cinq cents mots environ, qui, expri-
mant les principaux actes de la vie sociale, représentent suffisamment
chaque langue. Le mot indien forme un primitif qu'on reconnaît facile-
ment dans plusieurs idiomes européens, et quelquefois dans tous. Suivent
cinq cent cinquante verbes monosyllabiques, qui, dans le sanscrit, ontk
qualité de radicaux, et qui reparaissent assez fidèlement dans les langues
dérivées. Enfin, le parallèle fait fonctionner simultanément le mécanisme
^grammatical de chaque langue; et, eu égard à l'élwgnement des temps et
des lieux, on s'étonne de ne pas trouver plus de dissemblance dans le
procédé d'agrégation pour les mots composés, dans la génération de$
désinences, dans les modifications des noms et des verbes. Par exemple,
•on s'explique fecilement certaines anomalies des verbes grecs, quand on
remonte à la conjugaison indienne.
On sait que les historiens se sont emparés des découvertes de la phile-
iogie pour expliquer les origines européennes. Bs font manœuvrer les peu>
pies dans des ténèbres si épaisses , que, pour contrôler leurs récits, il fau*
draît lutter d'audace avec eux. Leur vue pénétrante suit d^abord les Ibé-
riens, qui quittent la région des langues sémitiques oucfaaldéennes, longent
Je littoral de l'Afrique, pour s'établir dans la péninsule qui rappelle leur
nom, et de là dans les parties de la Gaule et de l'Italie que baigne la
Méditerranée. Mais ils sont pressés de toutes parts par les migrations
successives des peupl^ de race indienne , et dont les langues , d'origine
sanscrite, ont donné lieu au parallèle qui nous occupe. Ce sont d'abord les
familles thrace et pélasgique venant , l'une par le Taurus, et l'autre par
la Thessalie. Une 'seconde famille quitte le berceau asiatique, franchit
le Caucase , et entre en Europe par le nord. Ce sont les Celtes ou Gadls
qui tendent vers le midi , et font dans la Gaule une halte commandée par
' la résistance des Ibériens. Plus tard, d'autres rameaux détachés de la
' souche indienne suivent la même voie pour former le faisceau germa-
' nique. Enfin, les nations slaves^, toujours de même origine, viennent
s'échelonner auprès des autres; mais elles sont obligées de céder une
partie du sel européen qui leur reste à des tribus de sang tartare, qui
donnent naissance aux Hongrois et aux Finnois.
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ggg REVUE DES DEUX MONDES.
M. Eicbhoff résume dans son introduction cette théorie des migratiooii
qu'on pourrait appeler l'histoire des temps anté-historiques : illefaitane
beaucoup de réserve, et nous dirons, au risque d'être indiscrets, avec une
coquetterie de style, qui a quelque peu scandalisé les érudits de profes-
sion, n faut lui savoir gré de n'avoir pas donné carrière à son imagina-
tion, en formulant un système absolu d'ethnographie. La science qui
prétend diviser l'humanité en familles naturelles en est encore aux coo-
jectures. Les deux méthodes qu'elle a employées jusqu'ici n'ont donné
que des résultats contradictoires, et l'une n'est pas plus que Tantre à Fa-
bri des objections. A celle qui distingue les races d'après les caractérei
physiologiques, on peut répondre que souvent les populations ont changé
d'aspect, et qu'on n'a pas encore décidé jusqu'à quel point un régime phy-
sique et moral, suivi pendant un nombre de générations, peut modifier
l'organisme. L'autre méthode, qui prononce sur l'affinité des peuples pir
la comparaison de leurs langages, est quelquefois trompeuse. Une racesob-
siste, son idiome disparaît. Par exemple, la race ibérienne, aujounThm
répartie entre les peuples de langues romanes, n'aurait-elle pas été rat-
tachée comme ceux-ci à la souche indienne, si son curieux idiome, le
basque, ne se trouvait pas miraculeusement conservé dans les gorges des
Pyrénées, pour témoigner de son origine sémitique. Ces remarques ne
sont pas dirigées contre l'ethnographie elle-même, mais contre ceaxqd
pourraient ruiner une science naissante, en lui empruntant des résuluts
hasardés : et nous avons voulu féliciter un habile grammairien d'avoir
établi un fait grammatical, sans tomber dans le travers de certams safau»
qui se hâtent de ratUcher les destins de l'humanité entière au point
unique qu'ils ont éclaircl.
V. — mSTOIRE.
Les travaux historiques continuent d'être en faveur : les récits origi-
naux sont collationnés et reproduits; on fouille les archives; on déblaie
les ruines. Aux monumens humains , on demande des témoignages da
passé; aux sciences naturelles, les faits organiques qui sont de tous ks
temps. Les diverses écoles sont à l'œuvre. La lourde érudition, qui se
nourrit de livres dépecés, heurte l'hypothèse, assez creuse pour l'ordi-
naire. Sans doute ce mouvement des esprits, qu'on appelle un retour aux
études graves , annonce avant tout un revirement de la mode littéraire!
Parmi les entrepreneurs de narrations, nous reconnaîtrions, à coup sàr,
des gens qui faisaient le roman il y a peu d'années, comme ils eussent
fait de la philosophie sous Diderot, ou, Delille régnant, de la poésie
descriptive. Du moins l'activité engagée en cette direction ne sera pif
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EETUE LITTÉRAIRE. 589
sans résultats durables. Nous lui devrons peu d'histoires achevéeSi ieriles,
mais des documens ioédits, des compilations intéressantes, des ébauches,
qui ont le mérite d'indiquer des sources et de grouper des faits; en un
mot, une foule de livres utiles à ceux qui s'appliqueront avec discerne-
ment à la science du passé.
L'histoire des religions, qui se mêle aujourd'hui à tous les genres d'é*
crit8,est l'objet spécial de plusieurs publications. M. Anotde Maizières a
réuni , sous le titre de Code sacré (1), des tableaux où sont rapprochées
ies diverses traditions religieuses sur les points principaux du dogme
et de la morale. C'est un atlas destiné à l'étude des opinions et des croyan-
ces, qui sans doute prendra place, dans les bibliothèques , à côté de ceux
qqi exposent les révolutions politiques : il en présente les avantages réels
et les inconvéniens inévitables. Nous adresserons à M. Anot de Maizières
quelques observations critiques, qui ne peuvent pas nuire à sa compihi^
tion: le public sait fort bien que discuter les détails d'un ouvrage, c'est
rendre témoignage de sou importance. Nous lisons ( page 10 de l'intro-
dactiott') : — a La religion de Fo ou Bouddhah , qui marque à l'orient la
première révolution du brahmabme, est tellement identique pour le
fond de la doctrine avec la religion primitive , que le savant Schlegel
avoue ne pouvoir l'en distinguer, d « Gomment s*en tenir au doute sur
Une doctrine qui est aujourd'hui professée par plus de deux cent cinquante
millions d'hommes, et qui se trouve, relativement à la révélation primi-
tive deBrahma,dans les mêmes termes que le protestantisme à l'égard da
catholicisme. Le véritable fondateur du boudhisme, Shakia-Mouni , n'est
pas même cité une seule fois , et nous ne savons pourquoi on lui donne le
nom de Fo, un des plus anciens révélateurs de la Chine. Quant à cette
dernière contrée, nous voudrions connaître les croyances qui l'ont divisée
long-temps, et qui tendent à se fondre aujourd'hui , moins par persua-
sion que par l'état de somnolence où se trouvent les esprits. La secte de
Lao-Tseu , suivie par la masse du peuple, méritait d'être mentionnée
autant que la réforme philosophique de Confucius. En suivant l'histoire
du boudhisme, qui, repoussé de l'Inde, où il prit naissance, a débordé
sur la Chine, le Japon, le Thibet, la presqu'île malaise et Ceylan, on
aurait obtenu des notions plus exactes sur les pratiques religieuses de
ces derniers pays. L'auteur du Code sacré a sans doute tracé son vaste
cadre avant de reconnaître si les matériaux valables rassemblés jusqu'ici
étaient assez abondans pour le remplir. En beaucoup de cas, l'absence
des textes sacrés l'a conduit à formuler des dogmes d'après des autorités
(1) Ou Exposé comparatif de toutes les religions de la terre. Grax^d atlas in*lDUo. Che»
M^ i éditeur, rue Gaénégaud , 19,
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KEYUB WS DEUX MOlfABS.
fort coiïtesteblcs. Quelques phrases empruntées aux historiens
sur les sociétés égyptiennes et celtiques ne peuvent donner que des wh
tlons fausses, lorsqu'elles ne sont pas redressées par une critique int^
gente. Les fictions poétiques que les scoliastes ont grossièrement sjsiif
matisées sous le nom de mythologie, n*ont pas Timportance d*un TérttsUi
code religieux. Il fallait éviter du moins de présenter comme législstfor
Orphée, dont les poésies sont apocryphes, et dont rexisteooe raème«t
niée par Aristote et Cicéron. Mais si M. Ânot paraît étranger aux traran
qui, chaque jour, dévoilent quelques-uns des mystères du monde ori<ih
tal , il a puisé aux bonnes sources pour le christianisme et les schiiiMi
qui en dérivent , tels que la communion grecque, le mahométisme et kl
sectes protestantes. Nous citerons comme particulièrement inléressintii
tableau des traditions répandues sur la terre relativement à la chute k
F homme et à sa rédemption, ainsi que ceux où sont comparées les eéfé-
ttonies qui consacrent les principaux termes humains, la »*?î«Mift% k
puberté , le mariage, la mort.
Quant aux feuilles qui exposent les devoirs prescrits à Thosuiie pir
les différentes révélations, elles soulèvent des objections graves. Uafiii-
eepte cité par Platon ou par Sénèque ne peut pas être accepté eomie
Fexpression fidèle d'Osiris ou de Numa. Il n*a pas plus d'autorité f»
èmte autre phrase proverbiale; en second lieu , ces maximes transnlMi
fdT la bouche des sages ne pouvant que recommander les^ actions loiia>
blés, on donnerait à penser que toutes les croyances ont une égale n-
lenr en pratique: supposition absurde et insoutenable. La véritable om»-
lité d'une religion ne doit pas être appréciée par les prescriptions qu'elle
adresse à Pmdiridu, mais par la puissance qu'elle déploie pour transfor-
mer Findiridu lui-même, par les sentimenset les idées que ses dogsiei
ttigendrent,parla voie plus ou moins noble qu'elle ouvre à Factifité
humaine.
C'est à ce point de vue que M. Auguste Boulland s'est placé pour csfli-
parer dans un Essai dThisMre universelle (1) les traditions de tous les peo-
pies depuis les temps primitif jusqu'à nos jours. Son livre atteste dn
savoir, de longues et épineuses recherches, d'excellentes intentions, et
cependant nous craignons qu'il ne soit pas récompensé par le succès k
la tâche immense qu'il s'est imposée. Au lieu de laisser parler les teim
originaux dans une version simple et littérale, il a cédé à la malhenreoie
pensée de faire du style : les matériaux les plus précieux, enluminés de si
main, sont devenus méconnaissables. Quand il s'agit des principes sodaox,
les témoignages de la tradition ne sauraient être trop formels. Une pan-
{!) s vflt In^ lUnirie de Paulin, ne de Setne, 35.
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BC?OB XITTiBAIRB. 99f
phrase en langage bftlique, où se sont donné rendez-vous tous les noms
baroques de Tfaistoire nnirerseUe, rend cette lecture sooyent fatigante. H
est difficile de remonter aux sources dont l'indication est très vagne : de
sorte que les faits si péniblement amassés pour établir la loi do dévdop^
pement humanitaire^ ne prouvent rien de plus que Tiine des mille hypo^
thèses qui courent à petit bruit danslemonde, en attendant le grand jour
où la société leur viendra demander son salut*
Avouons qu*il est au-dessus des ibrces ordinaires de Tintelligence de
saisir l'esprit de toutes les religions connues et d'en constater nettement
la valeur, n est bien difficile déjà d'en approfondir une secde. Ainsi , nous
doutons qu'on possède une idée bien juste du christianisme , après avoir
lo l'ouvrage que M. de Potter présente comme le fruit de vingt années
d'efforts. Ce n'est pas là une exagération de prospectus. Toutes les pubti-
cations qui ont rempli sa vie studieuse , se rapportent aux annales de la
société chrétienne et se trouvent refondues dans V Histoire philosophique^
politique et critique de l'Église (1), dont le premier volume vient d'être
livré à Texamen. Une introduction très développée résume les doctrines
de l'auteur. Ce qui l'a déterminé à prendre la plume, c'est la parité de
l'époque actuelle avec celle de la réforme tentée par les premiers chré-
tiens. — « G'est(nous dit-il y page x), la conviction profondément arrêtée
que nous ne parviendrons à recomposer la société qui se dissout qu'en
invoquant les principes fondamentaux de la doctrine de Jésus , et par leS
moyens mis en œuvre du temps des ap6tres et de leurs disciples immé«
diatSy c'est-à-dire par la charité et le dévouement spontanés comme
religion y et l'association fraternelle des hommes se reconnaissant tous
égaux en droits pour base d'institutions sociales, jd — Cet exposé semble
promettre des études sévères sur le principe dirétien, des recherdies
sur la politique des apôtres , et les succès vraiment merveilleux de la foi
nouvelle. En effet, les histoires connues jusqu'ici sont loin d'être satis-
faisantes sur ce point. Celles qui ont pour auteurs des membres du clergé
sont moins des annales que des apologies. l.a conversion des peuples y
est expliquée par l'éclat et l'ascendant des miracles. Le moyen cependant
eût été assez mal choisi. Le don des miracles n'était pas alors un privilège
acquis aux chrétiens. Les traditions de cet âge attestent des faits surna-»
turels bien plus inexplicables que les guérisons opérées par les apôtres,
et les théologiens modernes, ne pouvant repousser les témoignages de
l'antiquité sans danger pour leur propre croyance , ont fait honneur aa
diable de tous les prodiges qui ne servaient pas directement la cause de
Bien. L'un des plus réservés, l'abbé Fleury, dont on réimprime présoa^
(f) LttnitHe is Uâtûtt^ ras aaaiefBiiiUe, U» ItVmvragB «ira hoU vohun«t
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g92 REYUB DBS BBUX VOIOIBS.
tement la yolamineose histoire , raconte Dalvemeut que SimoD-le-Magi-
cien s*est élevé en l'air soutenu par les démons. S'il se permet on doate
sur la résurrection d'une jeune fille par le philosophe Apollonius de
Tyane, il dit en toute confiance, d'après Flavius Josèphe, que l'an onzième
de Néron, une vache destinée au sacrifice mit bas on agneau dans le
temple de Jérusalem , et que le peuple assemblé tira de là le présage de
sa ruine prochaine. D'un autre côté , les écrivains critiques ne donnait
pas meilleure /aison des conquêtes du christianisme. Us les attribuent
uniquement à la supériorité de sa morale. Mais déjà plusieurs écoles
avaient atteint les sublimités de la théorie. Les Pères de l'église le re-
connaissent volontiers , et Lactance ajoute : a Sed defendere id quod inte-
nerant nequiveruni, nec ea quœ vera senserant, in summam redigere potU'
runtf sicut nos fecimus. ï> Il est de fait encore que tous les révolutionnaires
modernes, depuis les Yaudois jusqu'aux Jacobins, ont fait sonner les mots de
liberté et de fraternité y sans fonder pour cela un nouvel ordre social. Cest
qu'il ne suffît pas de prêcher le dévouement pour déterminer les riches
à faire bourse commune avec les pauvres , et nous persistons à croire qu'il
y a quelque chose d'inexpliqué jusqu'à présent dans l'action irrésistible
des promoteurs du christianisme. M. de Potter a entrevu ces difficultés,
mais confusément et sans chercher à les résoudre. — a Malgré l'instioet
moral ineffaçable dans l'homme (dit-il, page cxxxui), la doctrine sociale
de Jésus aurait fait peu de progrès dans le peuple, si elle avait été pré-
sentée sans les dogmes destinés à remplacer les religions dont on dé-
pouillait le monde, s — Il fallait en effet que le dogme chrétien eût no
sens, une énergie incontestable , pour prévaloir contre les croyances éta-
blies, et les hérésies qui lui ont opposé constamment d'autres Tues dogma-
tiques. Ce raisonnement une fois admis, il devenait naturel d'étudier le
dogme, et d'en établir rigoureusement la valeur civilisatrice. Au con-
traire, le jiouvel historien le flétrit sans examen , et le traite, en vingt pas-
sages, de jonglerie, d'appât grossier jeté aux imaginations populaires.
Mais pourquoi M. de Potter se fût-il imposé la lourde tâche de pénétrer
les mystères, de ramener à un sens positif les langues symboliques créées
par le génie sacerdotal ? Il n'y aura plus de dogme dans le christianisme
régénéré qu'il propose. Ecoutons son évangile (page zlui) : — « Qu'oa
croie ou non à la Trinité, à la résurrection de Jésus» à son existence même,
è la chute ou à la rédemption de l'humanité, à telle ou telle nature de
l'âme humaine , on n'en sera ni plus ni moins social , ni plus ni moins re-
ligieux, tout comme si on croit ou ne croit pas aux incarnations de Yish-
non , et à la métempsycose , aux émanations du panthéisme et de la kab-
bale, aux aventures de Jupiter, au paradis de Mahomet ou à celui d'Odin.i
V. de fotter caigne emprunter au çhri^tî^isme ce qu*il appelle Télé*
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RBTtTE L1TT£lAIRB. SUS
mt social, c*esl-à-dire le précepte de la charité, delà fraternité udî-
rselles. H prêche une assodalion libre, renouvelée du temps des apôtres,
les riches vendaient leur bien pour former un fonds social commun.
(que le christianisme n'a obtenu qu'un instant, et par des. moyens de
rsnasion dont nous n'avons plus rmtelligence, la philosophie vèritahlej
lie de M. de Potter, -^ a a mission de le faire et le fera. Elle réunira
unira tous les hommes, juifs, chrétiens, mahométans et idolâtres, sec-
teurs de Boudha et de Gonfucius, croyans et sceptiques, déistes, pan-
éistes et même athées, pourvu qu'ils reconnaissent les droits de
lomme, croient à la justice et aiment leurs semblables (p. 197). » Voilà
rtes un magnifique programme, et nous regrettons bien de n'avoir pas
isi la base logique d'une philosophie qui promet tant de merveil-
s. L'auteur avoue que l'individualisme absolu est la négation de la so-
été , et rend impossible tout rapprochement durable. Il repousse éga-
ment le sens que les catholiques attribuent au mot autorité. Est-ce
lie la raison qu'il préconise ne serait pas plus la raison de chacun que
iUcde tout le monde? M. de Potter lèvera facilement cette difficulté. H
ossède un argument qui répond à tout, si bien qu'il se pose à lui-même
es objections pour se donner le plaisir de les détruire. Voici le raison-
ement, fort sensé d'ailleurs, qu'il prête à ses adversaires (page xxxviii} :
- a Que mettrez-vous, en attendant que la philosophie ait pris corps, à la
lace de la société , telle que le christianisme et le catholicisme l'ont con-
lituée? — Je n'en sais rien, répond-il, ni ne dois le savoir, caria phi-
)sophie que vous craignez tant, ne sera jamais un système complet et
rrêté d'avance.... Il y aura toujours mouvement , c'est-à-dire développe-
iient, variation , progrés ! o
Par cette appréciation du philosophe, on peut se faire une idée de l'his-
orien. Les trois premiers livres, qui, avec l'introduction, forment le
)remier volume, conduisent jusqu'à la fin du it« siècle de l'église et aux
laerelles suscitées par les novatiens, à l'occasion des canons pénitentiaux,
époque intéressante pour les origines du droit ecclésiastique. M. de Pet-
er n'a pas prétendu animer le tableau des évènemens : sa narration ne
rise jamais à l'effet dramatique. Il reconnaît au contraire les imperfec-
tions de son style, et fait valoir sa condition d'étranger comme un droit à
l'indulgence. Son livre n'est, à vrai dire, qu'une série de dissertations et
d'aperçus critiques sur les faits principaux des annales sacrées. Il nous
semble dicté dans un esprit de scepticisme et de dénigrement qui n'est
plus de notre siècle. Ainsi, après avoir renouvelé sur l'existence même de
Jésus-Christ des doutes assez ridiculement fondés sur le silence de Flavius
Josèphe et de Philon le Juif, l'auteur évite de se prononcer sur ce point
fondamental. Les hérésies présentaient autant de prt^lèmes qui sont en-
TOHB YU. 38
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SIM EEYUE HES MOX liO»ES.
Gore sans lolatioD. N'est-il pas évident qm, lorsque les oonciki iAhmI<>
taientuneopinioDet rejetaient Fantre, ils obéissaient à une poli|i^pie<p^
serait important de connaître, et qu'on parviendrait peut^tre à déaîte
avec de la sagacité et de la pénétration philosophique? Trop souvent ks
jogemens sont appuyés sur des faits tronqués et des citaitioiis sais auto-
rité. Par exemple, pour contester la part du christianisme à rénaocipi-
tion de la femme , on cite l'incident soulevé au second concile de Hkoa.
par un évéque, qui déclare que la femme ne déviait pas être cosipriflem»
le terme générique homme. Il était bon d'ajouter que cet évèque fntaoi-
sitôt réduit au silence, et que les actes du concile n'ont pas mèane Uà
mention cl'une bouUde rapportée seulement par Grégoire de Tours. Rica
de plus injuste que le chapitre consacré à l'exposition de la morale da
Pères. Les exen^es de niaiserie qu'on y rassemble n'ont jamais été Tex*
pression du corps entier. Nous croirons que les Pères interdisaieat us
chrétiens l'étude de la grammaire quand on aura prouvé qu'ils éuiot
eux-mêmes illettrés pour leur temps. Il suffit d'un peu de patience pour
trouver quelques assertions erronées, quelques phrases ridicules, dans la
masse énorme de volumes qu'ont produits ces grands hommes : mais il ùo-
drait de la science vraie et un esprit élevé pour dominer leur doctriae
et en saisir l'aspect général.
Le principal intérêt de l'histoire de l'église consiste dans cette andti<-
tude de citations, de notes et d'appendices qui la surchargent. Ce lourd
bagage d'érudition n'appartient pas en toute propriété à M. de Potier.
Les vingt années qu'il a employées en recherches n'auraient pas suffi poff
épuiser la moitié des textes qu'il invoque. Il a dû profiter des ioiineoRi
travaux de critique entrepris par les premiers réformés, dans le H
d'éclairer les origines chrétiennes, et poussés dans une autre directi«
par l'école philosophique du dernier siècle. En résumé, ce livre peut à^
venir utile par l'indication de beaucoup de sources dont la trace est ^
néralement perdue; mais il arrive trop tard, selon nous. Son sucoèsett
été certain il y a dix ans, sous le règne du vieux libéralisme . Cest que le wi
It6éra/» celui de la restauration, n'était pas un fiévreux comme nous lo-
tres, qui, sous prétexte d'indépendance, creusons les faits, pesons les té-
moignages, éloignons de nous, autant que possible, les préventions aer
quines. Il possédait une somme d'idées fixes qu'on avait greffées sur tai
et qui végétaient avec lui. Il pratiquait la tolérance, suivant la loi do
patriarche de Femey, et, à l'exception de trois grandes classes, il eôtité
son chapeau à tout le genre humain. Ces classes, on les connaît : les tyran
jusqu'aux commissaires, ceux qui sont assez nalCs pour se dire noble$,«>
assez tonsurés pour s*estimer prêtres. On a dit que le libéral n*exisiepto
aujourd'hui, et que l'espèce entière a disparu dans le grand catadjP^
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UfUB LmiftÀHA* ((95
i iS90. Si le tinistre le CÊnÈrin», si t*oii ne retreove pa§ qeelqaes wâi^
doB de la famille blottis dans les Boiis«'préfectBre89 les chasibres de jus*
1^6 ou la garde natiooaley les éditeiirsde M. de Pouer deTront {Hreodre
deuil.
HiaTOiBB ABcauuiB BT àMC0Éoh9Gm.'^Vn Boorean Totnme de l'Hit-
»ire romaine de Niebuhr vient d'être traduit et publié par M. deOol»
éry (l). Il commence avec le n* siècle , à compter de la fondation de ht
ille, et conduit juaqu^à Tan 874* Cette époque est signalée par deux grands
dis qui constitoent définitivement la nationalité romaine. Cest rétablisse»
lent de la loi des douze tàbhu, qui substitua le droit écrit et positif aux
icertiludes de la coutume et de l'arbitrage : oeuvre imparfaite sans
kmte» que les ameademens et add^iens nécessaires ne tardèrent pas i
ransformer, mais qui , jusqu'à la ruine de la j^épublique, oenserra entre
M deux ordres divisés d'intérêts^ l'aulorité d'un contrai social. Plus tard,
'est la race gauloise qui y après une désastreuse invasion , demeore sus*
tendue aux flancs des Alpee, coame un lorrent toujours prêt à se re-
tendre . Les petits états de ritaliCy jusqu'alors jalooz de leur indépendance,
e familiarisent par crainte avec l'idée d'une fusion. La seule puissance
|ui ait montré de la vi^^ur lors de la premî^^ attaque , Rome , se fait
m titre de ses mines comme un cbef de ses bèsssures. Un meuvement
le concentration s'opère enu faveur. Les populations qai se laissent idi-
lorber par elle assurent sa prépondérance et kd permeltenl d'écraser les
^ités rivales qui résistaient encore. Borne devient ainsi la forteresse de
ntalie. Elle dominera le pays, mais à condition de le pretéger, et son ré-
^me intérieur, confiormé à cette tâche, ne sera qu'une consigne mili-
taire qui va la conduire à des conquêtes immenses, à un éclat menteur, à
des misères très réelles. L'époque comprise entre ces deux termes est
parement tusterique. EUe n'offre plus matière aux interprétations har-
dies, aux décisions emijecturalesyqniy dans les premiers livres'de Niebnhr,
consacrés aux origines, ont olfosqué tout ce qui restait de dévots è l'anti*
quité. La savante critique de l'auteur allemand s'eierce cette Ibis sur la
légiriation et les expériences 'politiques si fréquemment renouvelées chez
les Romains. Cette partie de son travail est une véritable création. Il est
vrai qu'il possédait sur ses devanciers un avantage immense. Depuis un
demi-siècle, toutes les combinaisons sociales ont été discutées, et toutes
les formes de gouvernement reproduites. Le spectacle des révolutions a
dû fournir aux historiens de notre temps une science pratique plus utile
pour la parfaite intelligence des textes, que l'exubérante érudition des
anciens philologues. Ainsi, dans Niebuhr,.une loi romaine se trouvera
(1) Chez Levraut, libialn, me de la Harpe, SI.
38.
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586 REYUB DIS DBDX HOHDES.
quelque sorte commentée par son rapprochement avec une loi françtiie.
Les fastes du parlement britannique expliqueront un incident souleré n
sein du sénat. Cette méthode donne lieu à des aperças aouYenl neob, et
dont lespublicistes modernes pourraient faire leur profit. Le passage sd-
yant nous parait dans ce cas : — « Dans l'antiquité, dit l'auteur au ssiet
de la mission législatrice confiée aux décemfirs, on ne votait jamais sur
les articles d'une loi; l'on ne votait pas non plus sur des changemeos pro-
posés par d'autres que par ses rédacteurs* On adoptait ou l'onrejetst
l'ensemble et dans sa forme primitive, d — Cette remarque est dérdop-
pée dans une note ainsi conçue : — « Depuis l'assemblée oonstitnaote, le
contraire se pratique sur le continent. Sous la restaurittoD, surtout, la
amendemens des commissions ont souvent changé Teqirit de la loi, ce
qui. n'eût été qu'un petit mal;^ mais il y en eut d'improvisés qui y intnh
duisirent des changemens et des contradictions* Grâce à la raisoa ^
préside encore aux affaires politiques de l'Angleterre, elle est deoenrée
étrangère à cette singulière opinion, que la perfection peut résulter d'osé
sagesse collective, d
L'histoire, ainsi traitée, gagne sans doute en vérité et en précisioo^aiaii
ne perd-elle pas beaucoup en intérêt et en puissance? Le meurtre de
Tirginie, la prise de Rome par les Gaulois, l'exil de Camille, la cobjqiv
tion de Manlius, et tant d'épisodes qui ont animé d'admirables tableaux,
ne causent pas i^us d'émotion chez le critique aUemand qu'on cowpl»
rendu de gazette. Tous ces braves Romains qui , mis en scène par Tile-
Live , Rollin ou Yertot , jouaient si magnifiquement leurs r6les de fnaè
hommes, ont disparu. Après les illusions du drame, c'est l'analyse à
feuilleton.
Le Précis des guerres de César (1), par Napoléon , annonce une ces-
naissance parfaite des plans, des ressources, des intentions du capitaisB
romain. On y croit sentir une mystérieuse intelligence établie entre deex
grands génies. Le bulletin de chaque campagne de César est suiri d'ob*
servations oCi le commentateur français expose en maître tes variatiotf
et les progrèsde la science militaire. Quelquefois, après avoir établi soi-
dément les légions romaines dans leur camp retranché, il se donne fe
plaisir de les entamer avec l'artillerie, de les culbuter avec quelques ligi*
mens français. Le style est net , exact , parlant. Il ne justifie pas cepeadait
le titre d'écrivain, qu'on a trop souvent ajouté aux titres plus lé^ttnei
de Napoléon.
fi Nous>vons remarqué dans le dernier volume publié par l'Académie àfi
Inscriptions et Belles-Lettres, cinq Mémoires sur l'histoire romaine , p0
(i) Librairie de Qaxkê Goeielio, niQ 6ftim-Gcnii«io-dei-Ms«
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RBTUK urriftAnx. 891
. Doreau de U Malle. H suffira de leur emprunter quelques condusiens
)ur en faire apprécier rimportaoce et le mérite. Le premier détermine
étendue et la population de Rome ancienne. Les historiens les plus mo-
irés , adoptant sans examen les évaluations de Juste-Lipse et de Yossius,
icordaient à la grande cité trois à quatre millions d'habitans. M. de
hàteaubriand lui-même a reproduit cette erreur dans ses Études hUto"
qves» Au dernier siècle , on avait condamné^ comme un crime de lèse-
lajesté romaine, la conjecture de l'abbé Brottier, qui réduisait ce nombre
douze cent mille. Aujourd'hui , M. Dureau de la Malle démontre l'exa-
èration de ce dernier chiffre dans une série de calculs et de raisonne-
leos qui épuisent le problème. La trace des deux enceintes de murailles
été parfaitement reconnue et mesurée géométriquement. La première,
acée par Servius Tullius, et qui suffit à Rome républicaine, a 638 hec*
Lres de superficie ; la seconde , élevée huit siècles plus tard par Aurélien ,
coupe 1,396 hectares , c'est-à-dire les deux cinquièmes environ de la su-
erficle de Paris. Mais la capitale de l'Italie renfermait peut-être une
opulation plus pressée que celle de la France T Le président de Brosses
it à ce sujet, dans les lettres intéressantes qu'on vient de publier récem-
lent : a II fallait que les ménages fussent entassés les uns sur les autres ,
omme à Pékin, où , selon ce que j'ai appris d'un missionnaire , une fa«
oille de douze personnes n'a pour tout logement qu'une chambre de
randeur médiocre où tous les gens couchent sur une estrade, rangés à
été les uns des autres comme des éperlans. j» Cette supposition ridicule
ist enfin renversée par les recherches du savant académicien. Rome im*
)ériale était enceinte de murs, d'un rempart et d'un fossé très large,
î^aris n'a qu'un mur de clôture simple de deux pieds d'épaisseur; Rome
mût 275 places ou carrefours, Paris n'en a que 70; il existait dans la
nlle antique 424 temples entourés ordinairement de bois sacrés , nous
x>mptons seulement 50 églises. Les habitations des nobles, rendez-vous
l'une nombreuse dientelle, devaient être plus vastes que nos plus riches
bétels , et , par exemple , le palaii d^or de Méron , où se trouvait la sta*
tue colossale de cet empereur, haute de cent vingt pieds, occupait seul
plus de terrain que les Tuileries, le Louvre et le Luxembourg réunis.
Les cirques, les théâtres, les promenades n'étaient pas moins multipliés
à Rome qu'à Paris; et, dans cette dernière ville, les bains ne tiennent pas
la vingtième partie de la place qui, dans l'autre, était envahie par les
thermes publics et particuliers. La hauteur des édifices, restreinte par les
réglemens de salubrité , n'excédait pas celle des nôtres. L'espace livré à
rbabitalion à Rome est donc facilement appréciable. Or, en admettant ^
coDtre toutes probabilités, que cet espace fût comparativement deux
fois plus garni que les plus populeux quartiers de Paris^ la Rome d'ÀQ«
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^gosls n'iNvait «mok enfermé que 967,000 habitans. B fmOrét Mk
«» chiffre poar fenoeiiite (fAnréKea , qui est encore ceie de mjm,
•noiiitUporlioBsitaéeaiMielà duTibreetajoQtéeparlwpipef.QHt4
J|a popalalioii éaa fanboargs , ou pkitôt de hi banHeoe , qo'oo ptvnki
la nfoesr joindre à eeHe de la fflle, il n^t pas pooible de réfM
fins de llOyOOC^ létes. Ainsi, Rome, dans sa pins grande exteoM,!
mi Y comprenant le suhurhhÊm, n'a pas dû compter phis de 9Sêjmw
difidoi de loatet classes, et peat-etre en a-t-eUe possédé ksof
La ttonstmense errenr qai entassait des miHîons de RomiiBm
«Eiperfide moitié moins grande que celle de Paris, a été accrédilée|rl
Aasse ialerprétalion d'an passage de Pobltus Victor. Cet écrifiii.fi*
laissé une deaeription de Rome an iv» siècle de notre ère, mâtém'
roa après lesianovalioBS d'AuréHen , dit qu'alors on comptait i0lp#
(éomuê ) et 45,74M^ lusulof. Mais les critiques modernes ne reaofM
pas que ce mot avait pris dÎTcrses acceptions. Dans l'origine, ptr «esê>
taphore très natnreile , on donnait le nom d'Ifes à ces m^tsâbtmfÊkè
maiions isolés de tous côtés par les rues. Ces groupes résenéiat pl^
bléîens étaient , comme chez nous ,iM)rdés de boutiques ; fonge^ K^
capricieux, fit passer à la partie le nom du tout. Plus tard, lesptffM
pour augmenter leurs revenus , ne dédaignèrent pas de biiecii^
4es basars pour les marchands, ou même de pratiquer sor h fMi*
leurs demeures de petits logemens dont les locataires consemiolki^
nom d'iiiftilslres. Le plan des anciens édifices , ou de nombres! enapis
puisés dans le droit de cette époque, prouvent jusqu'à l'éTideBte <^^
«ot inntkB a très souvent la signification de bovllgiie, etqAKP'
avoir d'autre sens dans le ikmeux passage de Publius Victor. Fv^
Interprétation , touts^xplique. Au lieu de ces groupes de miisoBKà^*
ientasiait des famiMes , nous avons des ccAlules qui pouvaient, à h rip^>
ne^oentenir qu'un locataire; et la population de Rome ancienDe,éfii>^
^'après ces bases, se trouve en rapport parfait avec la topographie ^^
ville, avec les dénonbremens et la consommation jonmdièredesâe*^
mentionnés dans les annales.
Ces données neuves et intéressantes reçoivent une confirmili» ^
torique des mémoires suivans de M. Dureau de la Malle. Uoefode^*'
moignages établissent que la population italique était très foibleso^
domination dévorante des Romains, et qu'elle n'a pas cessé de s'u»**^
depuis le temps des Gracques, ou, si l'on veut, depuis le trioiapb«
Foligarchie jusqu'à celui de la démocratie représentée par lesemper^
On manque de renseignemens sur la race esclave; elle éuit rcoos^
\ cesse par les recrutemens en pays étranger». Quant à la popol^^
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MT« UTTÉRAIMU
>rey on es peut érahier leiiooibre«t le dépérisfenieDC fooeeislf par les
eensemens des bemmes en état de porter les armes* La république
mptaft sept cent emquante mille citeyeos de dix-^ept à soixante ans
sndmt le siède où elle a vaincu Aimibal, soumis la Ckule cisalpine^ la
icUe et l'Espagne. La population libre était déjà moindre lorsqu'elle
ibjiigiia lUlyrie, rfipire, la Grèce, la Maeédoine» l'Afrique et l'Asie
âneare. Plus tard, l'empire s'étant accru de la Syrie, de la Palestine, de
Egypte et des Gaules, le droit de cité était acquise presque toute l'Ita-
e , et cependant le recensement opéré par César ne donna plus que
oatre cent cinquante mille citoyens de dix«sept à soixante ans (1). Sur ce
ombre trois cent vingt mille se trouvaient dans le plus complet dénué-
aent. Ds n'en exerçaient pas moins les droits politiques attachés à leur
[ualité de citoyens romains. C'était unpeiiple de rois, comme il s'appelait
ui^mème, mais de rois à l'indigence, qui, après avoir décidé des afTaires
lu monde, recevaient chaque jour de la charité publique une ration de
min , de viande, d'huile et de vin.
On s*étonne d'abord des grandes choses accomplies avec d'aussi faibles
xtoyens. Mais cette poignée d'hommes, qu'on est tenté de prendre en
[Htlé quand on la considère comme nation, serrée en légions sur le champ-
de-bataille, formait une armée redoutable. Remarquons encore que soit
bonheur, soit prudence, les Romains se heurtèrent rarement à des corps
politiques résistans et fortement organisés, comme ceux qui se font équi-
libre dans l'Europe moderne.
Un autre Mémoire, non moins instructif, de M. Bureau de La Malle,
concerne l'administration romaine en Italie et dans les provinces conqui-
ses pendant le dernier siècle de la république. H nous montre d'une part
la nation dominatrice, épuisée d'hommes, inhabile à produire, et affa-
mée pour peu qu'un pirate intercepte les denrées qu'elle ne sait plus
obtenir de son propre sol. Par un contraste frappant, les provinces sont
écrasées de tributs énormes, frappées de réquisitions en milices, en vi-
vres, en vaisseaux, sans défense contre l'avidité insatiable des Verres et
des Flaccus , et cependant elles réparent comme par enchantement tout
ce que les vainqueurs dévorent en population et en richesses» Cest qu'un
préjugé ordinaire aux peuples conquérans flétrissait à Rome tout autre
travail que celui des armes. Les Romains demeurèrent constamment
étrangers aux notions qu'on a de nos jours systématisées sous le nom d'é-
conomie politique. Us ne comprenaient qu'un seul genre de spéculation ,
(I) La France possède aïOoardlial enyiron neuf nUlUora de eitùuens de dii-aept à
soixante ans , c'est-à-dire une force vlfile vingt Mi plus grande que celle de r«inpire ro-
BùOn au temps de César*
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QOO REVUE DES DEUX MONDES.
Tusure, et notaient d*infainie beaucoup de professions utiles. Les vaincasi
au contraire, honoraient les arts, les sciences , la navigation; quelquefoii
même ils récompensaient par des prérogatives- sociales les serrices in-
dustriels, et le commerce ne tardait pas à ramener dans les cités mau-
facturières les trésors que la violence avait entassés à Rome.
Nous signalerons enfin de savantes recherches sur le système métrique
des anciens, suivies de dix-sept tables de conversions en poids, mesura
et monnaies françaises. Une note de ce travail caractérise si bien la pro-
bité, la patience et autres vertus académiques, que nous regardons
comme un devoir de la reproduire, a Ce Mémoire, dit M. Durean de Li
Malle, composé en 1824, je Tai gardé dix ans sans le publier, vérifiait
mes bases, appelant sans cesse la critique sur la solidité de mes déduc-
tions. » Et plus bas, à l'occasion d'un dissentiment avec M. LetroDDe,il
ajoute solennellement : a Le jugement de nos pairs dans les deux Acidé-
mies, et celui des savans de FEurope qui s'occupent de cette questioa
grave et compliquée, décidieront entre nous. Je l'attends avec calme, et je
m'y soumettrai sans appel, d
M. Saint-Martin fait avec M. Bureau de La Malle les honneurs do ro-
lume. Outre le mémoire sur les inscriptions de Persépolis, que nousaïQos
eu occasion de citer, il a déterminé, d'après des calcub astronomiques,
une date de l'histoire ancienne, qui est sans importance par elle-mém^
mais qui offre un point fixe pour rattacher solidement la chronologie gé-
nérale. Il s'agit de l'écIipse prédite par Thaïes, qui suspendit unebataiOe
entre les Mèdes et les Lydiens. Sa date est reportée au 30 septembre de
l'an 610 avant Jésus-Christ. Les critiques modernes lui assignaient Tao
597, sur la foi du jésuite Petau. M. Saint-Martin discute ensuite un pas-
sage de Salluste, relatif à l'origine persane des Maures et des Numides.
Ses conclusions développent le fait énoncé assez obscurément par l'histo-
rien latin. Beaucoup d'érudition dans les autres mémoires du même au-
teur nous parait dépensée en pure perte.
Un problème d'archéologie, controversé depuis long-temps, a reooo-
velé une polémique assez vive entre deux savans académiciens. Les pein-
tures historiques des grands artistes de la Grèce étaient-elles exécntées
sur les murs mêmes des édifices dont elles faisaient l'ornement , comme
les fresques des modernes , ou bien étaient-elles des tableaux sur boiSi
peints dans l'atelier, et transportés ensuite à destination? Voilà toate
la question. La première hypothèse, forte de la voix de Winkelman et de
la majorité des antiquaires, a rencontré des opposans, et notamment far*
chéologue Bœttiger, dont M. Kaoul-Rochette s'est constitué l'interprète.
Mais M. Letronne, résumant toutes les objections pour les combattre, a
8u faire d'une dissertation scientifique un livre piquant sous ce titre:
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BBTUE UTTiRÀHUB. 601
Mres cTun antiquaire à un arUste (i), car remploi de 1t peintare histà-
iqoe muraU (ce mot lui appartient) .« Bq tous les temps, dit-il, mais prii^
[paiement aux époques anciennes, la peinture murale a fait partie inté-
rante de la décoration des édifices, quelles que fussent leur nature et
$ar destination. Elle a formé, en quelque sorte, le complément du sys-
^noe polychrome, ou de cette diversité de couleurs appliquées à leur
arfaoe, soit au dedans, soit au dehors, système qui, chez les Grecs et les
Lomains, s'est étendu à tout, aux armes et aux ustensiles, comme aux
tatues et aux bas-reliefs, comme aux monumens de Tarchitecture reli*
lieuse, civile et privée, d Les citations ne sont pas épargnées pour établir
[ue les grandes compositions des Parrhasius, des Zeuxis, des Protogène,
Ht été tracées sur les parois mêmes des temples, revêtues d'nn enduit dont
es artistes avaient le secret; que ces peintures ont pu être mobilisées,
oit en détachant l'enduit des murailles et en rajustant les éclats sur un
[md de bois, soit même en sciant le mur latéralement et en affermissant
a surface peinte dans un chAssis; qu'ainsi s'explique la translation à Rome
l'un très grand nombre de tableaux, portés dans les triomphes, et relé-
;ués ensuite dans les édifices publics ou dans les galeries des curieux.
La réponse de M. Raoul-Rochette rappelle la bataille du LtOiin, où
'on faisait choix des gros livres pour écraser ses adversaires. L'impri-
nerie royale lui a fourni pour projectile un très lourd Uirquario (2) . Sa ré-
ùtation, qui n'est pas sans aigreur, tend à prouver que la peinture sur
Dur n'a été en usage qu'à la naissance et à la chute de l'art grec; que
lans la première époque elle n'était pas autre chose qu'une enluminure
ippliquée sur des dessins au trait; dans les derniers temps une industrie
Hibalteme que Pline et Yitruve flétrissent conune un symptôme de dé-
Adence. Mais, selon lui, dans les Ages florissans, les peintures historiques
Dut été exécutées sur planches mobiles, à loisir, dans ces ateliers qui,
i^ez les Grecs, étaient respectés comme des sanctuaires, et qu'ensuite on
les scellait dans le mur des édifices. H avoue que la main des^ maîtres a
quelquefois décoré les murailles, mais que ce fut exceptionnellement, et
sans qu'on en puisse tirer avantage contre les généralités qu'il expose.
ML. Raoul-Rochette ne se contente pas de prodiguer les textes grecs et la-
tins. U fait intervenir les auxiliaires pesamment armés de l'Allemagne,
et cite avec orgueil cette sentence des savans d'outre-Rhin, rendue par
Torgane du professeur Hermann deLeipsick : Dealiis aliorum erroribus
ita dispuiavit Rochettus, ilH ui satis eonfutaii videantur.
A vrai dire, les plaidoiries ont plus d'importance que le fond même du
(1) Chez Heidelofr et Campé, raeVivienne, 1&
f9} Mimumens inédits de la peinture antique, précédée de Bechereheh etc.
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proofet. BSkê dMNidèat en MQU^netrienB foit inslniettfi Mrtr|i^
Bonne des grands artistee de rantiquité, snr teortuKiyMittMMffl;*
le sort de leurs composHions; et dans la rétMfoii dea deox toliMfa
Ironterait les matérianz d'on des plot curieux ^lapltres de niMlè
Fart Quant au point en litige. Il est Impossible de aepreaooeerttM
de conscience. EFidemment les deux genres de peinture cet écéprilfÉ
fiar les maitresde la belle ^>oque, et 11 est penl-étre ftitie de rAi
ai Tnn a été la règle et l'autre l'exception. Tous les textes, selMlifl
-qu'on leur attribue, viennent tour à tour en aide à cbacunedes paid
nous semble (Cependant que M. Letronne a un peu trop usé do dnilfr
. terprétatlon.En lisant ses lettres ingénieuses, nous nous soonMii#
sente un avocat babile, déployant les ressources du savoir et ^m)i^
reuae élocution pour s'emparer des faits et se les concilier par M^
Par exemple, doit-on admettre avec M. Letronne que SjneiiQiytyM
Athènes en 402, ait écrit, par erreur, que les plonrJUs dêhoisifàviâ
reçu les chefo-d'œuVre de Polygnote venaient d'être enlevéeidoNtf
. Fline parle en effet d'un mur de briques couvert de peintures, «MA*'
cédémone, et enchâssé dans un cadre de bois, soixante ans eafiivi^
notre ère; mais il ajoute qu'à Rome on admira moins l'oBurre da^
-que le moyen hardi employé pour la déplacer. N'est-ce pas àinit^
tement que les aittres tableaux qui depuis un siède se troonieilM
ville étaient de nature à être transportés sans (tiffieolté? L'ealèvoM^
stuc qui revêtait les murailles n'est indiqué que par de rares e«B(i>l
encore ne se rapportent^ils pas directement aux produits de VutgntiB
faits rassemblés en faveur de Topinion adverse paraissent ^oidédâ
Cest Polybe qui voit, après le sac de Corinthe, des tableaoxictéii «^
et dont les soldats romains se servent comme de tablesè joaeno'*'^
disant de la Vénus aoadyomène, le cbeM'osuvre d'A|^peUe:Cp>^
hac tabula carie; c'est aussi l'usage des expositions et des dé^F*
en Grèce , attesté par diverses anecdotes. Au reste, si M. Rsod-Bii*^
doit gagner sa cause, on ne lui reprochera pas d'avoir séduit lei jai<^
y a danssen plaidoyer de l'humeur souvent, mais jamais de iDalic^|^
. coup de pages , et pas un livre. Sa verbeuse érudition pMSft **•*
en droite ligne des sovaiis a» «s, si bien que noos serions teo*^^^
avec le docteur allemand dont il a invoqué le suffrage : &s0i9*^
Roekeiiuê.
On ne sait pourquoi les TnkMKonf tératologiquÊe, recQëllies«tp"'|*
avec un commentaire par M. Berger de Xivrey, ont pris rasf f*^
collection des documens relatifs à l'histoire de France. ^^^^
tient : 1« De monstris et helluiSf ouvrage latin du xe siède; ^^^^^,
de plus monstrueux, c'est l'ignorance de nos pères en fait de vM^
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'^eUres dJUxandrê^Je-GNind k sa mère Olympe et à Arittote, stVlti.
diges de llade» extraites du fattx Callysthèney et traduites enfrançu»
>rès les manuscrtta de la BibliothèqQe du Roi. C'est une copie, on (da-
une altération des lettres véritables d'Akiandre» que l'antiquité arait
gieusemeot conservées. Les deux antres opusculeSy Merveilles de l'Indu
?ropriéié$ des Beslet , sont des variations françaises dn même texte.
xpécHtion d* Alexandre dont par malheur les détails nous sont peu cou-
9 a été , pendant le moyen*âge , un cadre de roman fantastique pour les
ivains de F Asie et de r£urope. On sait que notre vers b^camètre doit
ette circonstance son nom d*alexandrin, La correspondance du con-
trant avec son maître était dans l'ouvrage un chapitre obligé. Chaque
liste tenait à honneur de l'enrichir, en puisant dans les compilations
tyclopédiques de l'époque, ou même en se laissant aller à rêver du
ode oriental. Les fragmens rassemblés par M. Berger de Xivrey sa^
^portent à cette coutume. Sans intérêt par eux-mêmes^ ils servent de
ttexte à des notes savantes que l'éditeur n'a pas épargnées.
9I8TOUUB DE FaANCB* — Parmi les nombreux travaux consacrés h l'his-
re nationale, le premier rang aj^rtient à VUUloire^e la Quule miridiO'
le sous les conquérons germains (1). M. Fauriel a donné sous ce titre une
rticxi d'un grand ouvrage sur l'histoire des provinces méridionales delà
ance. Dans la première partie, il doit embrasser l'état de cette région ^
puis les temps les plus anciens jusqu'à l'invasion des Francs; dans la
!ondey celle qui vient de paraître, il nous montre les Barbares germain»
lutte contre la civilisation latine jusqu'au x« siècle, où les derniers reste»
cette civilisation semblent avoir disparu. M. Fauriel n'a négtigé aucua
âdent de ces invasions de Barbares qui se chassent et se poussent les una
i autres; il sait nous intéresser aux généreux efforts des populationa
éridiouales pour défendre leur indépendance et leur civilisation.
De tous cea récits, un fait ressort avec évidence, c'est que la résistance
dlo-romaine n'est véritable, n'a de force et de durée que dans les popiU*
tions méridionales. Au nord, au contraire, aussitôt après la conquête^
s Gallo-Romains semblent ne plus exister, tant ils se sont mêlés et fondus
rec la masse conquérante. On trouve bien çà et là quelques résistances
idividuelles, mais toutes les traces de nationalité ont dii^ru* C*est a»
tidi que la lutte persiste-; la civilisation romaine y est si forte, fs'elle
ût par s'assimiler les Barbares eux-mêmes. Les Yisigoths devienneni
mtre les Francs les champions de cette civilisation qu'ils semblaient des*
Dés à anéantir. Puis, quand ceux-ci ont succombé dans la lutte, lesmé^
^causes produisent sur leurs adversaires une semblable transformatkMW
«}4vQl.in^,cfaes Piilia, nie4»8oiMfltlal^0raHin*Sll
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90k UTUl DBS DKUX MOimBS.
Le Midi convertit, en quelque sorte» à sa cause, les cheb baibarci ^
lui sont imposés par les Francs, et ils deviennent entre ses maios iad^*
fensears de son indépendance. De là l'hostilité si dramatique des d«^
d'Aquitaine contre les rois firancs de la première race, et enfin, Iidos-
velle conquête du midi de la Gaule par Charles Martel et Pépin. LliiiiMt
du second royaume d'Aquitaine, fondé par Charlemagne, vieiA ajottiff
l'autorité d'un nouvel exemple aux faits révélés par les récits antérioiR
Louis-le-Débonnaire (avant son élévation à l'empire). Pépin d'Aqoitiine,
agissent en véritables rois aquitains, et dans un intérêt tout mérHfiouL
Nous regrettons d'affaiblir par l'analyse ce grand fait qui apparaît me
éclat dans les pages animées de M. Fauriel. Entre les divers épisodote
guerres du midi contre le nord, nous avons surtout admiré le beau récit
de la conspiration de Gondowald. Les populations du midi se dédarot
toutes pour l'aventurier, qui, quoique lui-même de race fraoqoe»feabie
leur promettre un chef et un appui contre les Francs.
Si M. Fauriel suit avec une sorte d'angoisse toutes les chances de k
lutte, s'il provoque nos sympathies en faveur des vaincus* c'est que sdoa
lui la cause du midi était celle de la civilisation. H paraît croire qoe h
société française a eu pour berceau, non pas le nord où le bras di coa*
quérant obéissait au génie catholique, mais le sol méridional où kl ger*
mes de la culture romaine, épars et écrasés un instant sons des hIdcs,
se relevèrent spontanément, du x« au xiu« siècle, après la séparatMade
provinces méridionales de la monarchie des Francs. M. Fannel laisse de-
viner cette préoccupation en promettant, dans la troisième partie qnl
prépare, l'histoire de cette «époque de création ou de rénoTatkeqai
succède peu à peu aux derniers bouleversemens, aa milieu denp*
achève de s'opérer le démembrement de la monarchie carloTingieflie-
G*est durant cette époque et dans les parties les plus méndiooalesdf
la France que se forme pièce à pièce tout un systènoe de ciTOisaâiB
originale, système dans lequel on voit les misérables débris de fa-
cienne culture romaine s^empreindre, s'animer inopinément d'an o«'
▼el esprit, se recomposer sous des fermes nouvelles; c'est là etalort
que l'on voit s'organiser dans les villes, sur les ruines de la curie ro-
maine, un gouvernement municipal sous les influences duquel ces w»
devienient rapidement de petits états libres. » L'examen de cette iWone
ne saurait trouver place dans un simple bulletin. Elle sera l*<*i*'^'f
étude approfondie que la Revue doit faire des travaux historiqotf de
If. Fauriel. Il nous suffira d'avoir appelé l'attention sur un oarrageqo
donne une haute idée de la science et du talent de l'auteur. Bo^'
M. Fauriel joint à toutes les qualités d'un esprit supérieur Téruditioa
plus vaste et la plus sûre. Il n'a négligé aucun des moyens qui étales^*
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EBTVB UTTfoAnE. 60S
son pouvoir : chroDÎqoet imprimées et mamiscrites, chartes , diplômes,
documens contemporains de toute espèce, il a tout étudié, discuté et
ôclairci* Une connaissance approfondie des monumens et de la littérature
des peuples méridionaux lui a fournie une multitude de reuseignemens
précieux. Enfin, il a visité , parcouru à plusieurs reprises le théâtre des
èvènemens* De là, un coloris séduisant dans les descriptions et une exac-^
Utude géographique qui ne pouvait être poussée plus loin.
Un hasard heureux pour la science a fait concourir avec la publication
du livre de M. Fauriel , celle d*un savant mémoire de M. Reinaud sur
les invasions des Sarrazins dans le midi de la France (1). Bien que conçu
dans un but et sur un plan tout différent, l'ouvrage de M. Reinaud com-
plète et contrôle quelquefois celui de M. Fauriel dans ce qui regarde les
invasions arabes. Tous deux ont l'immense avantage d'avoir puisé aux
sources originales, et profité des chroniques arabes. Jusqu'ici, en effet ,
Doas ne connaissions sur ces évènemens que le témoignage des chroni-
queurs chritiens, et l'on sait combien ils sont arides et incomplets.
M. Reinaud a divisé son livre en quatre parties; dans la première, il
raconte les irruptions des Sarrazins par les passages des Pyrénées jusqu'à
leur expulsion du Languedoc par Pepin-le-Bref en 759. Les évènemens
qui remplissent cette période importante ne nous paraissent pas avoir été
racontés avec assez de détails; on n'a le temps de connaître ni les hommes
ni les choses. C'est une énumération ^uicte, curieuse, mais froide, et un
peu sèche. Pour n'en citer qu'une preuve, la bataille de Poitiers, dont
M. Fauriel donne un tableau si vivant et si dramatique, occupe à peine
quelques lignes dans l'ouvrage de M. Reinaud. La seconde partie est con-
sacrée aux invasions des Sarrazins, venant de différons côtés par terre on
par mer, jusqu'à leur établissement sur les côtes de Provence vers l'an 8S9.
€omme le fait très bien remarquer M. Reinaud , dans cette seconde pé-
riode, le caractère des invasions a tout-à-fait changé. Durant la première
4>oqae, les Sarrazins envahissaient la France, non-seulement avec l'in-
teotion de la conquérir et d'y faire fleurir l'islamisme, mais encore avec
le projet de subjuguer tout le reste de l'Europe, et de faire de cette partie
du monde une province de l'empire des khalifes. Les che& de l'armée
conquérante, dont quelques-uns avaient vu le prophète et qui étaient
tons originaires de l'Arabie ou de la Syrie, étaient sans cesse ramenés
▼ers rOrient par toutes leurs pensées. Dans la seconde époque, les Arabes
divisés et affaiblis par des guerres intestines, cessent de se livrer à des
entreprises hardies, et d'ailleurs les populations chrétiennes réunies sous'
l'empire de Pépin et de Charlemagne ont pris plus d'ascendant. En gé-
0) t Y<^fai-e», chtf Dondey-Dupré, me Ylvtenae^ t.
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flHi RBTOB BIS mnrx mmns.
Béral ce sont elles qui attaquent rémlr de Gordeoeponr IttkalttBifO-
lient; ils sont ploa occupés à se nuire entre eux qu'à Cure de novela
conquêtes sur les chrétiens. Nous en avons la preute dans«n fait csneo:
c'est que les princes de Gordoue s*unirent d'intérêt avec ks enputn
presque toujours en guerre avec les Musulmans y tandb que leskUte
d'Orient firent alliance avec les princes français. Les invasion inrite
des Arabes nous présentent une série de faits peu connnusjii^a'ià,â
sur lesquels M. Reinaud nous donne de curieuses indications dans la (ni-
sième partie de son livre. La quatrième est pleine de notions intéraBBii
sur le caractère général et les résultats dés invasions, sur les Qfli^eii rei-
pritet klégislatiOD desconquérans qui ont laissé leurs traces diu le ni
de la France.
Ainsi que nous l'avons dit, il serait souvent utile de rapprodierlifini
de M. Fauriel de celui de M. Reinaud, et de les critiquer l'on ptr FntA
M. Fauriel a tracé d'une manière plus large et plus intéressiole I«
grandes invasions qui mirent un moment en péril Texistaoee de II
chrétienté; mais^-si l'on-s^'en rapporte aux récits de M. Reinaud, H. Fn-
riel, séduit par l'éclat de la puisÉanee arabe auxxi* et xn* sèclei,aini
TU d'un œil trop favorable Us hommes et l'époque de l'invasioo. Qdqvi
chefs syriens^ qui avaient profité des restes de la civilisation greepei»
portée en Asie, purent porter en Espagne le germe ée ces lomièm,âft
cette poésie chevaleresque qui s'y développa plus tard. Maismteafi
de l'invasion de Tarek et de Moussa la masse des conqaérsos était n
grande partie barbare. Les armées qui envahirent rBspagne^etplBittfi
la France» étaient composées d'Arabes, de Rerbères» de reoégitfSy dejol
et de chrétiens, qui, sans avoir renié leur culte, prouvaient |sr leur e»
duite qu'ils n'appartenaient à aucune religion. H est vrai que M* Furid
fait mention des Berbères, de leur grossièreté et de leur n|»adtéfli-
vage; mais c'est dans le livre de M. Reinaud qu'on trouve rnmqae nei-
tion de ces juife et de ces chrétiens mêlés aux Arabes, et qm n'M^
^'un infâme ramassis de brigands de toutes langues et de tous psji. Aa
juger par cerSains traits, dont l'authenticité n'est pasmisecn dosie^is
Arabes eux-mêmes étaient loin d'avoir dépouillé toute barbarie. èSsà^
Tarek, pour inspirer plus de terreur aux habitans d'une ville d*£4»^
qu'il assiégeait, aurait fiait tuer quelques-uns de ses captife, 9^^^
avoir fait cuire , les aurait donnés 1 manger à ses soldats.
Les livres que nous venons de mentionner se rapportent à W^
positive; ils ont pour but de nous en faire connaître les faits réeb» ^^
détacher même de ce qui pourrait s'y être mêlé de faux ou de faM^
En voici un qui a été conçu dans un tout autre but. L'auteur, M. 1^
de Lincy, s'est constitué Thislafiiaada «tdMMe^eldtt annK**" '^
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tenu, afw vifeoDy qifil y atait une Iteime immense dtiit no» éludes siflr
lemoyco-ige» que pour comuftre la vie des peuples de cette époque , il
06 laffisait pas d'étudier les faits matériels de leur histoire, qu'il fallait
mcore s'occuper de leurs idées, de leurs croyances, même lorsqu'ellea
iTaieot potr ol^et des superstitioiis ou des fkbles. Dans un grand ouvrage
la'il pr^re sons le titre deLimredêi iJgm^âe$, et dont il Tient de publier
^introduction, il s'est proposé de faire connaître toutes les traditions ro^
nanesquesou ineligieusestiue le moyen-Age a inventées ou chargées de ses
ïealeurs. L'auteur indique d'abord les sources et les causes de toutes les
égeodes qui vont l'occuper. Au premier rang, il place la destriiction deis
iK)imes études, qui, formant, pour ainsi dire, table rase dans les espritâr,
es prépara merveiUeusemeat A toutes les crofanees populaires. Aussi , le
MMnbre des fables que le moyen^âge semble avoir inventées est prodl»
Sieux; mais nous ne devons pas oublier que l'esprit dominant de cette
^ue fut de modeler sur elle-même les idées et les laits qu'elle aoeep^
tait, et de donner ainsi sou costume et ses morars à des récits d'une ori»
^oe plus ancienne. M. de Lincy s'occupe d'abord des légendes sacréet,
tirées, en grande partie, des livres apocryphes, et des actes de vie» de
iaints. Viennent ensuite les légendes relatives aux hommes célèbres de
l'histoire ancienne et moderne ; il n'en est pènt-étre pas un seul dont lea
rentables actions ne soient défigurées par des inventions grossiéret.
i^ Leroux de Lincy donne pour exemple les croyances accréditées^
noyen-^ge sur Homère, Alexandre et HÉhoaiet. SVittaehant surtout a«K
éditions ^i obscurcissent les premier» temps de l'histèire de Franee,
len montre la source dans nos anciens poèmes en Ittigue vnlgdre, et
oous pouvons juger de leur nombre, de leur éteîiduë, d'après ceux qu'on
I consacrés aux exploits souvent' imaginaires de Gbarlemagne et de ses
paladins, et ifoi forment un ensettible de plusieurs centainea de miliiein
lie vers.
Nous ne suivrons paa l'auteur dans les détails qu'il donne sur les U^
Rendes relatives aux villes, aux forêts, aut montagnes, aux eaux, aux
pittres précieuses, auxanimattX. Nous croyons qu'il a eu tort de confon-
dre avec le» légendes toutes les oignions populaires relatives à ces divers
oljets. £1108*86 retrouvent , il est vrai , dans la plupart des récits ftJmleux;
Daais elles ne sont proprement la matière d'aucun de ces récits. Un cha-
pitresur le monde merveilleux, les nains, les géans, les fées, les krafia-
Sarous, termine heoreusement ce livre qni se fait remarquer autant
par la darté élégante du style que par des aperçus ingémeux, et mm
érudition presque toujours sûre.
Passons dea compositions historiques aox docnmens inédits* La Bmpm
P d^ consacré un article à h pnbUeation des pifc^ diphnaati^es inr bi
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608 umjs DES DEIJX MOimis.
successioa d'Espagne » à laquelle la belle, introduction et les at» tn*
vaux de M. Mignet ont donné, une haute importance. M. fnoâqut
Michel y chargé par le ministre de l'instruction publique, peodatlei
trois années qui Tiennent de s'écouler» d'explorer les bibliothèqueide
l'Angleterre, pour y recueillir les poèmes en vers français qui miDqMst
à nos collections y a transcrit deux ouvrages » qu'il vient de publier, a
attendant les grands poèmes» dont le gouvernement a ordonné rinprts-
sion. Dans le premier» il a réuni tout ce qui reste des ancien po^
inspirés par les aventures amoureuses du beau Tristan» le béroiniai-
nesque dumoyen-age. Ces fragmens» reproduits avec tout le lue éei
belles éditions anglaises » sont accompagnés d'édaircissemens qui peofot
en faciliter l'intelligence. Nous avons surtout remarqué un gloKikeâs
mots du vieux firançais» qui n'avaient pas encore été convenaUemesta-
pliqués. Si l'on doit faire un reproche à l'éditeur» c*est d'aroir mpfé
à ses lecteurs la science polyglotte» qu'il parait posséder» et ^tmà*
gligéde traduire les textes anglais» allemands» espagnols» grecs, etc,
qu'il se plaît à prodiguer.
Le second recueil publié par M. Francisque Michel est intitii]é:0f»*
niques anglo^normandes. n a eu l'heureuse idée de réunir loostttiirf
divers textes inédits destinés à servir d'appendice à l'un des bem sx^
numens historiques de notre siècle» Y Histoire de la conquiU it fliflf
terre par les Normands. On saura gré à M. Michel d'avoir pobfié ^
détails enfouis dans les bibliothèques anglaises» sur qudqaesH» <)(>
personnages illustrés par les récits de M. Thierry. Les chroniques tf|i^
normandes doivent avoir deux volumes. Le premier seul a ptro. Il c«-
tient un extrait de la chronique de Geoffiroi Gaimar» un extnit àt b
continuation anonyme du roman de Brut» la vie de saint Edoor^t
un extrait de la chronique de Pierre de Langloff » et enfin nneitnH de
TEstoire e la généalogie des dux gui ont esté en Normandiêp ptr Beaoe*
de-Sainte-More. Le morceau capital du volume est celui de 6ii>'-
Ce trouvère anglo-normand du xn* siècle a composé en vers ose dif**
nique des rois d'Angleterre» depuis l'arrivée des chefs suons j0^
Guillaume » fils du conquérant ; et c'est la dernière partie de cette chns*
que que M. Michel a insérée dans son recueil. L'épilogue n'en est pssi^
morceau le moins curieux; il donne des détails prédeux» eiq«e||'
trouve trop rarement dans les poèmes de cette époque» sur ii vu^
dont Gaimar avait composé son récit» sur les livres de tous genres, »^
français et gallois , qu'il avait réussi à se procurer. L'extrait de Bcsflft*
Saint-More a moins d'importance historique» parce que le trontère»**
mand» dans cette partie de sa chronique» a presque toajooistn^
et mal traduit Orderic YitaL Nous aurons» d'ailleurs» occasioa de rertar
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BBVUE LITliRAIRE. 609
snr rhistoire de Benoit de Sainte-More , qui n'a pas moins de trente mille
yerSy et qui s'imprime en ce moment à l'imprimerie royale.
Ce n'est pas seulement avec l'aide du ministère de l'instruction publi-
que que l3s grands monumens littéraires du moyen-âge sont publiés. Des
éditeurs dévoués s'efforcoat de mettre à la portée de tous les productions
diverses de cette littérature si long-temps négligée. Nous devons citer
surtout le Roman de Brut, publié par M. Leroux de Lincy. Ce poème,
composé, en 1155, par Wace, trouvère normand, auquel nous de-
vons le Roman de Rou, n'a pas moins de seize mille vers, et n'est, à
vrai dire, qu'une histoire merveilleuse de l'Angleterre. L'histoire de nos
voisins se mêle si souvent à la nôtre , qu'une source féconde pour eux
ne saurait être sans utilité pour nous. Les notes que M. Leroux de Liney
a jointes au récit des aventures du roi Lear, prouvent que Sbakspeare n'a
pa avoir connaissance des poèmes de Wace , ni de la cbronique de Geoffroi
de Montmouth , mais qu'il avait certainement puisé dans des ouvrages
écrits d'après ces deux chroniqueurs. Le poème de Brut est publié
avec tous les soins que réclamait son importance. Le texte est donné
d'après neuf manuscrits; les variantes sont placées au bas des pages;
tous les mots d'une acception différente de celle qu'on leur donne au-
jourd'hui sont expliqués aux lecteurs peu familiarisés avec notre ancien
idiome. Des notes historiques , géographiques et littéraires complètent le
travail de l'éditeur. Il s'est attaché surtout à rapprocher les traditions
fabuleuses recueillies par Wace, des faits historiques solidement établis
par les chroniqueurs , les poètes français ou latins , gallois ou anglo-
saxons. U résulte de ce curieux travail que le Roman de Brut n'est pas,
comme on l'avait cru jusqu'ici, une simple traduction rimée de la chro-
nique latine de €reoffroi de Montmouth : il y a imitation visible de la
part du trouvère normand; mais une foule de détails prouvent qu'il avait
consulté d'autres sources et recueilli d'autres traditions.
Après avoir heureusement débuté par VYstoire de H Normans, que
nous avons fait connaître par une analyse très développée, la Société de
f histoire de France viçnt de donner cette année deux volumes de moin-
dre importance. Le premier est un recueil de lettres du cardinal Mazarin
à la reine et à la princesse Palatine, écrites, pendant sa retraite hors de
France , en 1651 et 1652. Les nombreux mémoires laissés sur la Froude
par les principaux acteurs de ce drame n'ont pas complètement éclairci
les mille intrigues qui le compliquent. Voici une correspondance qui
donne la preuve matérielle d'un fait que jusqu'ici l'on avait seulement
soupçonné , à savoir, que ce fut pour ne pas livrer à ses ennemis l'homme
qu'elle aimait , qu'Anne d'Autriche soutint avec tant de fermeté les périls
de la lutte dangereuse où elle s'était engagée, en maintenant Mazarin au
TOllfi Tll. 39
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-4)10 RBTin M8 KV HOICDES.
fouvoîr. Les seolioieiM exprinés é^m ks loitt^s eu «iaiitre mM<
d'un amant, poar sa maîtresse. Le oar#i«l $e vuuri pamr HU; ilvnpinit
lui envoyer loii ccnir. Les mots jMieioti el arcblir f eTîesneot aam icae
sous sa plume.
M. Raveoel, éditer de cetle correspoadMAce, s*est imposé Upéiifele
lAche de la déekiffnr. Malbeureusevèent, k chose se lui a pas Hajsry
, élé possible, et la confusion des chiffres employés pur Maaaiio raén
graud nombre de passages peu intelligibles. Toutes les lettres adaivs
dans ce volumineux recueil ne sont pas iaédites^ et l'éditear a'esl pasir^
réproehable dans soq cboix. Nous bUmenms OMore la Utoetéqa'ii
prise de traduire ea quelque sorte le style de Nazaria ea faisant dupt-
raltre rorthograpbe vicieuse et les italianismes. U oous sembb fK
e*est enlever à ces lettres leur caractère original, et nous eosâMi
une copie exacte. Au reste , le style du cardinal n'a pas beaucoap i
à passer par les corrections de rôditeur, et Ton s'éloone de ne lai I
aucune des qualités des bons écrivains de son époque.
L'autre volume publié par la société est le presdier d'une
édition de Grégoire de Tours, texte et traduction en regard,
texte, l'excellente édition de Roinart, reproduite dans le recueil detJai-
toriens de France parD. Bouquet, laissait peu de cho8esÀdésis«r;kis-
reté chaque jour croissante de cette édition, et son format pea faiiniMf
à l'étude, ont pu seuls déterminer les sociétaires à k réimpnaaer. 11 ei
était tout autrement de la traduction. Déjà nous en avions trois : fae
de 4610, par Claude Bonnet, avocat au parlement de Grenoble; FaslR
de 1688, par l'infatigable abbé de Narolks; la troisième, enfin, met
récente et publiée, par Sauvigny, sous le titre de Mmoins éê. M-
(/oire de Towt , dans l'une des premières collections consacrées à fUn
toîre nationale. Les deux premières sont fautives, et souvent pins kia-
telliglbles que l'original. La troisième, bien que très sopérienre, kîMÎt
encore beaucoup à désirer. Celle de M. Guadet a-t*elle résola k probtee
•d'une reproduction , en langage moderne, du père de l'histoire de Fmse.
A ea juger par ks trois livres qui ont paru, nous ne le pensons pss. Tn-
duirc Grégoire de Tours est une rude tâche , qui exigerait k rénownée
qualités bien rares. Ce ne serait pas asseï de comprendre paHkitesMSt
la langue souvent barbare de l'évéque : il faudrait connaître à fHidlB
hommes , les choses et les usages de son temps , être assez aultre de sa-
tre langue pour k plier & un styk inculte , mais énergique et orîgîML
Nous doutons que M. Guadet ait réuni à un assez haut degré cese«-
ditions indispensables. Toutefois son travail n'est pas sans utiliié, b
textp y est souvent mieux compris et mieux rendu qu'il ne l'avait été jsH
qu'ici, et des notes intéressantes complètent celles des précédeas édileafi.
Le^grandes chroniques de Saint-Denis, jadis si célèbres, si répandues.
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HETUË LITtÊRAIRE. 611
aBJourdliài si complètement négligées, mérîtaîeut sans doute l'attention
des éditears. Si elles sont insuffisantes pour les premiers siècles, il en est
tout autrement pour les derniers temps qu'embrasse leur rédaction. Un in-
térêt de curiosité nous attire vers un monument qui, pendant tant de siè-
fAéêf a été la seule autorité historique. Ces chroniques doivent expliquer
ncRD-^seulement les erreurs matérielles et grossières qui, telles que notre
descendance desTroyens, font sourire aujourd'hui, mais encore ces idées
fikjflses sur la physionomie générale des premiers temps de notre histoire,
beaucoup moins faciles à détruire, et qui font encore le fonds des
croyances historiques, malgré les éminens travaux de récole moderne.
Quelques mois sur les chroniques de Saint-Denis feront apprécier l'im-
portant travail de leur nouvel éditeur, M. P. Paris. Au moyen^âge, le
clergé seul écrivait et conservait l'histoire; les cathédrales , les monas-
tèrtefs itoportans avaient leurs chroniques, c'est-à-dire une collection
plus ou moins <»mplète des chroniqueurs et des annalistes latins: Gré-
goire de Tours/ Fredegaire, Eginard, Aimoin. De toutes ces col-
lei^eas, la plus célèbre était celle de Saint-Denis. C'est elle que les
tirouvères et les jongleurs invoqueort le plus sourent , pour donner
du crédit à leurs compositions. Mais elles étaient loin de former un
seul corps d'histoire. Les érudits français, entre autres Laeumc de
Sainte-Palaie , ont pensé qu'au xii« siècle seulement l'abbé Suger avait,
av«G toutes ces chroniques, fait rédiger un corps d'annales latines qu'il
compléta lui-même en écrivant ta rie de Louis-le-Gros. Nous possédons,
avec oe dernier morceau , une suite non interrompue de biographies de
rois de France , rédigées, à partir de cette époque , par des auteurs con-
temporains, jusqu'à Guillaume de Nangis; mais nous n'avons plus la
compilation latine des chroniques de Saint-Denis. Peut-être devons-nous
douter qu'elle ait jamais existé , et croire que la rédaction française con-
Hue aujourd'hui fut faite directement sur les annalistes latins conservés au
tfésor de cette abbaye. Quoi qn^il en soft de ce point douteux, en avait
jusqu'ici pensé, avec Saintc-Palàie, que le premier traducteur ou com-
pilateur des chroniques de Saint-Denis était Guillaumede Nangîs. M. Pa-
ris, dans la dissertation qu'il a placée en tête de son premier volume, se
prononce pour le ménestrel anonyme d'Alphonse, comte de Poitiers,
fi^e de saint Louis. Il cite , d'après un manuscrit de la bibliothèque
royale, le prologue de cet auteur, et, en le comparant au prologue des
grandes chroniques, tel qu'il se lit aujourd'hui , il fait remarquer les rap-
ports qui existent entre le travail du premier traducteur et celui des
moines qui mirent la dernière main à Touvrage sous Philippe-le-Bel , et
Itti donnèrent pour la première fois le titre de Chroniques de France selûn
qu'è0eê89ni eomervéês à SainUDenis.
39.
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612 ftETUE DES BEDX MONDES.
Dans sa dissertation , Sainte-Palaie avait éoiis une opinion très fato-
rablc à ces chroniques , et avait été jusqu'à dire «que si elles étaient im-
a primées avec les corrections et les restitutions nécessaires , on pourrait
(( presque y avec cette seule lecture^ acquérir une connaissattce suffisante
a de notre histoire.» M. Paris nous semble avoir eu tort d*adopter cette
opinion, et nous croyons qu'il a été beaucoup trop loin dans son xè^ pour
la réhabilitation du monument qu'il publiait. En justifiant les compila-
teurs des chroniques de Saint-Denis d'avoir préféré le texte d'Aimoiai
celui de Grégoire et de Fredegaire, il s'est môme laissé entraîner jusqa'i
faire le procès de l'illustre évêque de Tours , auquel seul nous devons de
savoir quelque chose des premiers temps de notre histoire. Au xipet
au xiii* siècles y les moines de Saint-Denis ont pu préférer les contes
d'Aimoin aux récits de Grégoire et de Fredegaire; mais de notre tempi,
préférer Aimoin à Grégoire, ce serait nier la critique historique. Pour on
ouvrage souvent remanié , le choix d'un texte présentait une difficulté sé-
rieuse. Fallait-il, à l'exemple des bénédictins, suivre pour chaque épo-
que le plus ancien manuscrit ou s'en tenir à la rédaction définitive 7 M. Fi^
ris a prisée dernier parti. Le texte qu'il donne, d'après un grand nombre
de manuscrits , date du xiv* siècle. Les notes qui l'accompagnent m-
voient aux annalistes latins qui ont fourni les élémens de la compilât»
française.
L'histoire littéraire s'est enrichie d'un document assez curieux. Ccst
V Inventaire des livres de l'ancienne bibliothèque du Louvre » fait en Fao-
née 1375, par Gilles Mallet, garde de ladite bibliothèque pour le roi
Charles Y. La librairie, comme on disait alors, occupait trois étages de
l'une des tours du vieux Louvre. £lle s'était formée des copies que le roi
faisait faire à grands frais , ou des ouvrages nouveaux dont il encoura-
geait la composition. Souvent aussi, les seigneurs se mirent à la recherche
des manuscrits pour flatter les goûts studieux du maître, et, en 1407, le
duc de Guyenne fit en ce genre un présent de grande valeur. Presque tooi
ces ouvrages, au nombre de huit à neuf cents, étaient couverts de riches
étoffes, écrits et enluminés avec soin. Les courtisans et les clercs dispo-
saient assez librement de cette bibliothèque, de sorte que ses continuelles
acquisitions la renouvelaient sans l'enrichir. En 1411, un nouveau cau-
logue, dressé par le successeur de Mallet, donna à peu près le wèm
nombre de volumes, mais avec beaucoup de mutations : le tout fîit alors
estimé 2,322 livres 4 sols, somme qui représenterait en notre monnaie
une valeur assez considérable. Pendant l'invasion anglaise, le trésor lit-
téraire amassé par Charles-le-Sage tenta le duc de Bedfort, qui prenait
la qualité de régent du royaume; mais comme une spoliation complète
eût été impolitique, il s'adjugea , pour 1,200 livres, tous les volumes qu'H
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Google
(
RBTUE LITTÉRAIRE. 613
pat rassembler, et les fit passer en Angleterre. H n*en resta chez nous
qae ceax qui se trouvaient alors confiés à des savans. Il n*est donc pas
exact de reporter à la Tour de la Librairie, comme on Ta fait souvent ,
Forigine de la grande bibliothèque qui est aujourd'hui une des richesses
nationales. Mais il reste à Charles Y le mérite incontestable d'avoir sécu-
larisé la science y en ouvrant un lieu d'étude pour les lettrés qui n'a-
vaient pas l'accès des bibliothèques monacales. Il voulut même, par une
libéralité qui contraste avec l'étroite discipline des établissemens moder-
nes, qu'on entretint dans les salles trente petits candélabres et une grande
lampe d'argent, afin qu'on y pût travailler à toute heure.
L'éditeur, M. Van Praet, qui, comme bibliothécaire, a été lui-même
un des plus recommandables successeurs de Gilles Mallet , s'est contenté
d'ajouter de courtes notes bibliographiques aux manuscrits qu'il a décou-
verts. On désirerait encore une table systématique qui permit d'appré-
cier la direction intellectuelle du xiv* siècle. Les deux catalogues, faits
successivement, fournissent ensemble 1,236 ouvrages, inscrits au hasard
et sans autre règle que celle de leur arrangement au Louvre. Ce nombre
est réellement réduit, par de fréquentes répétitions , surtout dans la
liturgie et les livres de piété. Quoique le roi fat capable de comprendre
les textes latins, il n'a guère rassemblé que des traductions. Plusieurs de
celles qu'on a faites par son ordre font époque dans l'histoire de la langue
française, et notamment la Cité de Dieu de saint Augustin, commencée
en 1371 par Raoul dePresles. Les autres classiques de cette bibliothèque
sont Ovide en rimes, par Philippe de Yitry, la Politique et les Econo-
miques d'Aristote, par Nicolas Oresme, la Géométrie d'Ëuclide, quel-
ques livres de Sénèque, le Fait des Romains (traduction de Suétone),
Valère Maxime, Boéce, et le grammairien Douât. Point de livres de droit,
après le Digeste et les Décrétahs. Une chronique espagnole et les voyages
en Orient du Vénitien Marco Polo sont les seuls documens relatifs aux
pays étrangers. Les romans chevaleresques tiennent lieu d'histoire natio-
nale. La philosophie est représentée par Pierre Lombard, Thomas d'A-
quin et Albert-le-Grand. La section des sciences est relativement la plus
riche; elle possède quelques-unes des compilations encyclopédiques célè-
bres au moyen-âge : le Trésor de Brunetto Latini , dont une édition a été
préparée par ordre de Napoléon; plusieurs exemplaires, tant en latin
qu'en français, du Grand miroir historialy composé au xiii« siècle par le
dominicain Vincent de Beauvais, et l'un des premiers livres imprimés à
Paris deux siècles plus tard. On remarque aussi les recueils d'histoire
naturelle connus sous les noms de Bestiaires et de Lapidaires^ un grand
nombre de livres sur l'astrologie et les sciences occultes; enfin, plusieurs
livres de médecine, traduits de l'arabe, à l'exception d'un traité origi-
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6^' REVUE IffiS Mine HONNIS.
hilI , par le chirurgiea français Heori de Maiide?ille. Tels sont les Mm»
d'étude offerts aux contemporains de Charles Y. Il y a loin de là au
millions de volumes répartis aujourd'hui dans les dix bibliothèques
parisiennes.
Histoire des pats étrangers. — Nous rappellerons d'abord VHiilmn
de l'empH-e ottoman, par M. de Hamnier. La seconde livraison (1) com-
mence à l'installation des vainqueurs dans la ville de Constantin , et em-
brasse les règnes de Mohammed-le Grand, de Bajézid II et de Sélim F.
Qd voit ces princes éprourer ce qui arrive d'ordinaire aux conquérans.
Leurs succès sèment autourd'eux la jalousie et Tinquiétude. On les harcèle
par de continuelles agressions; ou traverse leurs desseins, on éfRe Tin-
stant de la fatigue pour les anéantir. Ces manœuvres les forcent à élargir
sans cesse le sol envahi , afin d*y bâtir plus solidement, et une conqoéta
nouvelle n'est souvent qu'un acte obligé de défense. Enfermés dans mi
cercle d'ennemis, les premiers sultans font face de tous c6tés, et la victoire
étend leur empire en tous sens. A la mort de Sélim , moins de soixante-dix
ans après la prise de Gonstantinople, la domination ottomane est établie
en Europe sur la Servie, la Bosnie, la Yalachie, l'Albanie, le Péloponèse,
les lies de l'Archipel. En Asie, elle s'étend jusqu'au corar de la Perse. La
Blésopotamie et l'Egypte sont enlevées aux sultans mamloucks, avec le pn>>
tectorat des villes saintes, la Mecque et Médine, c'est-A-dire avec m
droit de suzeraineté sur l'Arabie et la suprématie sur tous les peuplesqai
professent le mahométisme. Déjà les nations chrétiennes comptent phis
de vingt invasions en Italie, dans les états autrichiens , en Hoagrie et m
Pologne.
J^es guerres acharnées, les dévastations, les massacres, les snppltcei
atroces qui ont rempli cette époque trop peu connue, donnent aux pagei
de M. de Hammer une couleur sombre, un intérêt soutenu, maisdM*
loureux. La conduite des sultans à l'égard des puissances chrétienoeii
dont l'auteur a trouvé le secret dans les historiens orientaux, a pour oooi
le prix d'une révélation. Ces chefs farouches, qu'on dirait emportés pir
l'instinct de la destruction, montrent néanmoins, quand leur intérêt
l'exige, la perfide réserve des politiques achevés. Le mépris des infidèlai
qu'ils affectent n'est qu'une ruse pour les épier à couvert. Ils savent foit
bien démêler parmi eux les moindres germes de mésintelligence, et soi*
vaut le brutal axiome de leur diplomatie, siueiler les pores etmtrt Uf
chiens f et les chiens contre les porcs*
En lisant l'histoire asiatique, on se demande souvent comment oe•b«^
des conquérantes, qui se jettent étourdiroent au sein d'une popnlatka
{r> ïooM B et 4, plvs SInimea dHu trtsM atlBS. BelMxaH , ne de TenetiH, 1.
i
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l^ofitile, qui s'épuisent ea des luttes, sans fin , ne disparaissent pas bientôt
dans les torrens de sang qu'elles font couler. La conduite du vainqueur
de CoQStantinople donne raison de cette singularité. Pour repeupler sa
capitale presque déserte, il enlève les plus riches familles des villes con-
quises en Illyrie, en Bosnie, dans la Grimée, en Grèce, dans l'Asie mi-
neure. Un très petit nombre de ces colons, ceux de Karamanie, soi^t
inusulmans : les autres appartiennent à différens rites chrétiens. Tout^
les institutions de Mohammed II, le véritable fondateur de Tempire, ten-
dent à créer un peuple en assimilant les élémens hétérogènes que lui
offre la victoire. Mais la puissance qu'il a si laborieusement enfantée es^t-
elle née viable? Possède- t-elle du moins les principes de stabilité et de ré-
génération que nous attribuons aux grands états du système européen ?
C'est le problème du siècle que la diplomatie moderne aura bientôt
iranché définitivement, et dont on peut prévoir la solution dans le grave
et savant travail de M. de Hammer.
Beaucoup d'écrivains s'occupent de l'histoire et des destinées de l'Es-
pagne, qui partage avec la Turquie l'attention de l'Europe. Ce n'est pas
que l'Espagne par elle-môme et directement ait un grand poids à jetçr
dans la balance. Depuis long-temps, elle n'est dans la politique générale
que l'appendice de la France. Mais en reproduisant successivement cha-
que phase de notre situation, elle l'exagère jusqu'au radicalisme. Ainsi
elle réagit sur nous et par nous sur les autres nations. One nouvelle histoire
é^Espagne et de Portugal, par M. Paquis, réduit à de justes proportions
les volumineuses annales du jésuite Mariana, de Ferreras et de La Clè4p.
Le judicieux éditeur n'a pas négligé les travaux de la critique moderne.
Les établissemeos civils et religieux des W isigoths sont exposés d'après
l'école historique des jurisconsultes allemands. Pour la domination
des Arabes on fait intervenir souvent les orientalistes, et notamment
il. Lembkè, qui a consulté plusieurs manuscrits inconnus à ses prédéces-
seurs. A juger par les premières livraisons, l'histoire générale de la Pé-
aînsule sera enfin résumée dans un livre consciencieux et intelligent.
Notre curiosité est plus directement excitée par l'ouvrage de M. To-
reno : Histoire du soulèvement^ de la guerre et de la révolution d^Espa^
^ne (1). Quelles que soient les destinées que l'avenir réserve au peuple
espagnol, il ne peut plus se soustraire au grand mouvement d.e réforme
qui emporte les sociétés. Or, la crise régénératrice qui lui a ouvert cette
carrière immense, c'est la guerre de l'indépendance. C'est donc là qu'il
faut remonter pour prendre une idée complète de l'Espagne du xix« siècle.
Les nations ont dans leur vie des époques où elles se trempent, comme
^t) a vol ini8B. Faulin, éditmr, rue de Selae-Salni-Germain, 3S.
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QlQ REVUE DES DEUX MONDES.
les individus ont des âges où se forment leur tempérament et leor ca-
ractère; 1808 est pour la Péninsule une de ces époques décisives. C'est
là qu'il faut saisir, au moment de leur fusion, les élémens divers de l'Es-
pagne actuelle. L'ouvrage de M. Toreno suffit-il pour cela? Nous ea
doutons. Cependant, c'est un précieux avantage que d'avoir l'histoire de
ce grand fait politique tracée par un Espagnol, par un homme d'état,
par un de ceux qui en furent témoins, et qui même jouèrent le premier
rôle. Citoyen de la province où commença l'insurrection, M. Toreno,
fort jeune encore, y prit une part active , suivant en cela l'exemple pa-
ternel. C'est lui, avec don Angel de la Yega, qui, député par les premiers
insurgés des Asturies, alla chercher le secours de l'Angleterre. Plus tard
il fut au nombre de ceux qui, par une démarche hardie, emportèrent It
convocation descortès, et, enfin, membre de cette assemblée, on l'y vit
déployer cette première ferveur de patriotisme qu'aucune déception n'a
encore attiédie. Son témoignage n'est donc pas sans autorité. D'aillears,
cette histoire porte l'empreinte d'un travail consciencieux. On voit qae
l'auteur a puisé aux meilleures sources, consulté les documens originaoi,
recueilli des renseignemens curieux et précis. Ainsi, parfaitement in-
formé, il nous fait pénétrer dans le détail des intrigues de cour qmse
terminèrent si misérablement par l'abdication de Bayoane; il nous initie
au secret des négociations ambitieuses des divers princes qui voulaient
exploiter la situation delà Péninsule. Une des circonstances de ce geon
les plus singulières, ce sont les ouvertures faites au gouvernement de
Cadix, au nom de Joseph Bonaparte, par le chanoine La Pena. Trop hon-
nête homme pour ne pas souffrir de la situation fausse que lui avait ûite
l'ambition de son frère, n'ayant pas l'héroïsme d'abnégation nécessaire
pour se dévouer sans réserve à ses desseins, ou pour s'affranchir au prix
d'une couronne, Joseph aurait fait cause commune avec les cortès, si elles
l'avaient voulu reconnaître pour roi. Il offrait de s'abandonner à leor di-
rection. Le refus péremptoirc de la régence lui épargna ce qui aurait pn
être considéré comme une lâcheté, et aucune communication ofliciellene
fut faite à l'assemblée nationale.
M. Toreno n'est pas moins complet dans l'exposition des travaux lé-
gislatifs de ces cortès, qui fondèrent des institutions à la portée des batt^
ries françaises, et dans le récit des progrès et des luttes de la révolotioB-
L'insurrection surtout, si spontanée, si universelle, si audacieuse, est re-
tracée au vif et comme par un homme qui l'a vue. C'est la partie de l'oa-
vrage qui offre le plus d'intérêt et d'instruction.
Après tous ces travaux pleins d'une science qu'on n'obtient jamais saof
quelque fatigue, on est heureux de pouvoir mentionner un de ces rare«
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REVUE LITTÉRAIRE. 617
'OOTragcs dont la lecture est uq délassement. Il est vrai qu'il ne date pas
de notre siècle , et que celai qui l'a écrit ne se croyait pas obligé de sou-
tenir son rôle d'auteur en face d'un public. Ce sont des lettres adressées à
quelques amis par un érudit de premier ordre , un yrai connaisseur en
fait d'art, et par-dessus tout, un homme d'esprit. Le président de Brosses,
ayant entrepris de recomposer l'histoire romaine de Salluste avec les
fragmens disséminés qui nous en restent, fit en 1739 le voyage d'Italie»
pour recueillir les élémens du grand ouvrage auquel il consacra quarante
anuées. C'est sa correspondance qui vient d'être publiée par M. R. Co-
lomb, sous ce titre : l'Italie il y a cent ans (1). Antiquités, palais, ta-
"bleaux, littérature, gouvernemens, aspects généraux de la société,
,physionomies curieuses, rien n'échappe à l'infatigable visiteur. Sa for-
tune et son mérite déjà apprécié lui donnent accès partout. Le hasard
môme le favorise. Un conclave a lieu pendant son séjour à Rome. Il tient
journal de toutes les intrigues, et trace un épisode piquant de l'histoire
ecclésiastique, en racontant les tours de Scapin qui se renouvellent chaque
fois qu'il s'agit de donner un chef au monde chrétien. II se trouve à Na-
zies pendant les fouilles entreprises pour déblayer Herculanum, et trans-
met à l'Académie des Inscriptioi.s le premier cri de surprise qu'a causé
cette miraculeuse trouvaille. Il explique à Buffon l'action dévorante du
Vésuve , qu'on force à reudre sa proie après dix-sept siècles. L'apprécia-
tion des œuvres d'art tient une grande place dans la correspondance du
président. II veut tout voir. Il se lance d'instinct sur la trace des maîtres,
sans craindre cette lassitude que les voyageurs ont souvent éprouvée sur
une terre encombrée de curiosités. Une fois seulement, à Venise, il
^avoue vaincu par leTintoret, dont il se contente d'examiner mille à
douze cents tableaux. Évidemment, Charles de Brosses possédait les
connaissances positives , les secrets de la pratique, sans lesquels les juge-
mens en fait d'art manquent toujours de solidité. L'opinion qu'il émet lui
appartient. Son enthousiasme est franc et sans idolâtrie. Après avoir
admiré les deux sibylles dont l'exécution , d'une pureté exquise, éleva
Raphaël , jeune encore, au rang des maîtres, il place sur la môme ligne
deux figures peintes en regard par un artiste oublié, Timoteo délia Vite.
Cette piquante correspondance pourrait néanmoins avoir un grand tort aux
yeux de certaines gens. Elle substitue l'Italie véritable à celle des poètes
et des romanciers , si favorable aux coups de théâtre , aux caractères tran-
chés. Il ruine sans pitié une des plus fécondes ressources de la scène
moderne. Voici, par exemple, ce qu'il écrit de Venise : a Le sang est si
doux ici que, malgré la facilité que donnent les masques, les allures de
(1} s ToL in-So, Chez Leravasiettr, libraire, place TendOiae.
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618 REVUE DBS DEUX IfOIlDES.
nuit , les rues étroites , et surtoat les ponts sans garde-fous , d*où Tob peat
pousser un homme dans la mer sans qu'il s'en aperçoive , il n'arrive pas
quatre accideos par an , encore n'est-ce qu'entre étrangers. Vous pouvez
juger par là combien les idées que l'on a sur les stylets vénitiens sont mal
fondées. Il en est à peu près de même de leur jalousie pour les femmes.
Cependant cela mérite explication » Nous résistons à l'envie de citer.
Il y a d'ailleurs, au sujet des femmes italiennes, des explications qui poor^
raient être déplacées ici , mais que le voyageur sait faire accepter à forofr
d*esprit.
VI. — LrrTÉRATURE.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, les romans, les poésies, etime
foule de compositions capricieuses, qu'on ne sait à quel genre attribuer,
tiennent une large place dans l'inventaire général. Il est assez diffidie
d'estimer ces fruits bigarrés de l'imagination. S*ib ont quelque saveur,
c'est surtout pour ceux qui les dévorent dans leur primeur. Mais trop
souvent ils sont fanés et affadis quand vient la critique réfléchie, qoi»
pour les productions de cette nature , arrive toujours trop tard. LescBO-
vres poétiques ou romanesques, dignes d'une étude littéraire, ne sont
jamais que des exceptions. Les plus remarquables du semestre ont été
caractérisées à leur apparition par quelques-unes de ces pages que nos
lecteurs n'oublient pas, et qui ne nous laissent rien à dire du Jacelyn de
M. de Lamartine, de la tentative épique de M. Quinet , de la Confesskm
d'un enfant du siècle ^ de M. Alfred de Musset. Si la Revue n'a pas encore
parlé du Chemin de traverse , c'est qu'elle se propose, à l'occasioa de cet
ouvrage, de revenir sur les précédons travaux de M. Janin , sans même
excepter l'œuvre polémique, où éclatent souvent les heureuses saillies de
son talent.
M. Alphonse Karr a donné deux volumes qu'il lui plaît d'appeler : U
Chemin le plus court (1). Hètons-nous de déclarer que son livre est spiri-
tuel, varié, souvent gracieux, et, pour tout dire en un seul mot que nos
auteurs ont laissé vieillir, amusant II ne faut pas d'ailleurs appliquer cofr
trelui la loi d'après laquelle on juge les romans. Sa constitution un pea foi*
ble ne subirait pas sans danger l'opération analytique. Son titre n'est jos-
f ifié que par un imperceptible incident. L'auteur n'emploie pas l'échafiia*
dage scénique qui soutient d'ordinaire les compositions romanesques. H
dédaigne les contrastes de caractères, les ressources du mystérieux et de
l'imprévu. S'il fallait spécifier sa manière > nous ne saurions que rappel»
celle des peintres flamands , qui , fort peu préoccupés de l'ensemblei ^tf-
(1} Chez Gosadin, me SaintrGermain-del-Fi^, 9;
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HBTim LITTiR4im« 619
{filent l'intérêt dans les détails, et qui j par rhenreox agencement des
groupes, par Tesprit de leur coloris , donnent un sens «t de l'expression à
des scènes nulles par elles •mômes , à des objets inaperçus et mnets dans la
vie réelle. Les ouvrages de ce genre peuvent exciter sur l'instant de l'émo*
tk>n ou du plaisii*, mais ils ne laissent dans les souvenirs qn'une confusion
pénible. II n'y a pas d'impressions grandes et durables sans l'unité d'in-
tention , sans la franchise des moyens. C'est surtout à ceuxqui font preuve
de puissance qu'on doit la vérité toute entière, et en ce sens l'œuvi^ de
M. Karr nous autorise à lui rappeler les conditions immuables du succès.
Dans le Chemin le plus court, la figure du principal personnage est
lieiireusement trouvée. C'est bien 1& un des types de Tépoque. L'allure
somnolente de Hugues répond parfaitement au vagabondage de son es*
prit. Il est si candide-d'ailieurs, si parfaitement inoflènsif , qu'on se prend
tout d'abord à l'aimer, etqû'tm souffre plus que lui-même des obstacles
qu'il rencontre , des duperies dont il est victime. C!ependant, en le sui«-
vaut de plus près, on serait forcé de reconnaître que ce jeune homme,
si complètement en(fuignonné y est en quelque sorte coupable des mes*
«ventures qui lui arrivent : on verrsfit que toute son ambition est de vivre
«ans souci , sans fatigue , et pour lui-seul ; de caresser nonchalamment ses
moindres sensations, et de se laisser végéter dans cette demi^ivresse que
procurent les arts; que Hugues. enfin, sans but, sims fonctions, à qui
manque, non pas la force, mais assez d'énergie pour en latre usage , n'a
peut-être pas le droit de se plaindre d-une société au milieu de laquelle
il est absolument inutile. Cette conclusion ne ressort pas^netteraent du
livre de M. lUrr, et peut-être n'était-elle pas dans son intention; £t
cependant cet écrivain fait si souvent preuve d'un sens droit , d'une ironie
fine et pénétrante, qu'il ne tiendrait qu'à lui de mettre en saillie une
pensée utile, et de donner ainsi à ses fictions l'ampleur et Tauterité qui
leur manquent. Nous ne lui citerons pas d'autres modèles que lui-même.
Il faudrait que sa touche fût toujours aussi franche que dans le portrait
de cette belle-mère dont l'intervention officieuse fait de Tintérieur des
jeunes époux un véritable enfer; il faudrait surtout qu'à l'avenir, il dé-
figeât son œuvre de digressions que rien ne justifie , des thèses paradoxa-
les qui ne sont que des remplissages , des boutades que tous les lecteurs
peut-être ne trouvent pas de bon goût. Par exemple, l'auteur interrompt
son récit pour aller voir si l'orage n'a pas endommagé ses fleurs , ou bien
il laisse deux pages en blanc, invitant chacun à les remplir selon les res-
sources de sen esprit; ou bien encore , il divise une page en deux colonnes,
pour mettre en regard ce que pensent deux de ses personnages. Tout ce
que nous pouvons dire de ces fantaisies , c'est que les écrivains de quel-
que poids n'ont jamais eu la faiblesse d'y céder. Ceux qui ont de l'origina-
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620 RBYOE DES DEUX MONDES.
lité réelle I et assurément M. Karr est du nombre , ont plus à perdre qie
les autres à la bizarrerie affectée.
SetHmiay par M"'' Hortense Allard, est un roman qai mérite mes-
tion à part y et qui assigne à l'auteur» parmi les femmes qui ècrÎTeot,
un rang que l'amitié seulement jusqu'ici lui accordait. SeîUmia, selon
nous, réalise en grande partie les espérances qu'il y a bien dix ans, Ger-
irude, début de M*"*^ Allart, avait fait concevoir. Dans l'intervalley Ftii-
teur a publié successivement plusieurs romans ou môme d'autres écrits
plus sérieux, comme celui sur la Femme et la Démocratie. Dans tous ces
ouvrages, M°** Allart avait fait preuve d'élévation et de pensée; nais
l'exécution, la couleur, la facilité et le charme laissaient beaucoup à dé
sirer* L'auteur voulait souvent peindre la passion , et en atteignait ci et
là des éclairs; mais on pouvait croire que l'effort de la pensée y était an
moins pour autant que la flamme du cœur. Il en est autrement de 5d-
iimia : il y a passion vraie, il y a élévation toujours, il y a enfin peinture.
L'héroïne de M"'* Allart est une Romame; l'auteur les aime ainsi. Aymt
vécu de bonne heure dans cette ville de l'histoire et des souvenirs aus-
tères,.tous ses rêves s'y reportent et s'y encadrent comme au ciel deh
patrie. Settimia aime Marcel, jeune Français qui est allé passer une sais»
à Rome avec sa famille, avec sa mère malade; la jeune fille a été élevée
avec soin par son oncle l'abbé .Yéra, un de ces savans éclairés et pas-
sionnés, comme l'Italie en garde encore. Le mariage avec Marcel n'est
pas possible aussitôt; il est trop jeune, il n'a pas de carrière. La famiUe
de Marcel » en retournant en France, veut le ramener; il résiste. Rappelé
plus tard par un protecteur de qui sa carrière peut dépendre, il hésite
encore , puis cède et part. Tous ces combats de l'amour vrai et de Vam-
bition virile sont parfaitement peints, soit au cœur de Marcel, soit an
cœur de Settimia. Settimia veut à la fois Marcel homme et grand par la
pensée entre les autres hommes, et elle le veut esclave et faible i ses
pieds; elle lui dit par momens : a L'amour s'augmente des richesses de
l'esprit, jo et s'il manque un jour de venir à Albano, afin de rencontrer
un savant français qui arrive à Rome, la voilà mourante et qui erre pâle
et folle dans les campagnes. En regardant avec Marcel les plaines qui s'é-
tendent à perte de vue sous le soleil couchant , elle lui demande s'il y
saurait bien faire manœuvrer une armée; et, s'il reçoit de Paris une
lettre de rappel qui le rend distrait, elle veut rompre. Tout ce combat
est rendu à merveille par l'auteur; cette alliance de l'ambition et de
l'amour dans les âmes fortes a évidemment beaucoup occupé M*** Allart:
comment concilier l'étendue et la curiosité de l'esprit avec Tarder sacrée
du cœur? les affaires, l'activité et la gloire, l'influence du moins, avec
le règne intérieur de l'amour? En croyant que l'avenir réserve une coi-
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RBYUE UTTERÂIRE. G21
cilîation satisfaisante à ces deux moavemeDS jusqu'ici opposés et séparés,
M°^ AUart s'abuse peut-être : mais, à coup sûr, elle se pose la question
avec une noble fermeté philosophique , et elles*y agite, au nom de Set-
timia, en jetant çà et là de grands traits. Tout le premier volume, qui
est rempli des luttes violentes et tendres de Settimia et de Marcel, et de
l'essai de vie indépendante que va mener à Naples Settimia après le dé-
part de son amant pour l'Inde, me parait supérieur au second, qui con-
tient le retour de Marcel, ses dangers dans la traversée à bord du Kent ,
et ses luttes nouvelles avec Settimia plus fatigantes que les premières et
trop prolongées. Je n'aime pas non plus du tout qu'il ait été, même un
seul moment, sous-secrétaire d'état, et cela sans avoir été à la Chambre
(faveur singulière); ce seul mot de sous-secrétaire d'état me gâte toute
cette Rome et la passion de ces nobles êtres. Oh ! non, la grande ambition,
la vraie gloire, même l'influence aujourd'hui enviable de toute pc usée
mAle, n'est pas là. — • En somme Settimia, par la gravité du ton, par l'é-
loquence de certaines pages, et la science combinée de l'ambition et de
l'amour, n'est pas indigne de ce grand nom de Rome qui sans cesse y
revient et dont Tadoration y domine : les personnes sérieuses qui out vu
l'Italie, et qui ont la religion romaine, comme on dit, pourront placer
ce roman élevé dans leur bibliothèque, pas très loin du romande llouie
Sotiterratne qu'il rappelle quelquefois.
Le nom d'Hyppolite Arnaud , qu'un roman intitulé Pierre (1) a fait re-
marquer, cache, dit-on, celui d'une autre femme. Si l'auteur, résistant
aux exigences de la routine , fût resté maître de son cadre , si la néces-
sité de fournir deux volumes n'eût pas fourvoyé son principal person-
nage jusque dans la Mer Pacifique, nous n'aurions que des éloges pour
des scènes d'un sentiment vrai et profond, d'une exécution chaleureuse.
A tout prendre, c'est un heureux début, qui oblige à la fois Tauleur
à une étude plus sévère du sujet, et le public à cette bienveillante atten-
tion qui féconde le talent.
M. de Balzac, qui se fait appeler le plus fécond de nos romanciers, a
trouvé un système de composition qui lui permettra de justifier ce titre
sans trop de peine. Au lieu de lutter pour accorder à la pensée les élé-
mens que lui offre la langue commune, travail ingrat où l'écrivain épuise
d*ordinaire son temps et sa force, M. de Balzac forge un mot, ou ce qui
revient au même, emploie des termes barbares et inintelligibles, que les
compilateurs de vocabulaires vont chercher on ne sait où? Souvent en-
core, il nous donne pour des métaphores des mots qui sonnent creux
en se rencontraut. Ainsi le Lys dans la Vallée nous révèle des pa-
(Jj Chez Ladvocat, liJjraire, rue Chabanais,
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iimeng subis ea silence , des MaadieêS IgBorées , à» i
cessibles. Un parfvm de femme Mlle dans l'ame du hérof , et oettefeaM»
parle avec une voir d'or. Quand un luitearse permet desenibUhlmlir
cences, Téditeur devrait, comme pour les 'écrits des TÎ^uxâ^es^fti»
suivre le volume par un glossaire des mots difficiles*
La fécondité s'explique encore par le déiaut opposé «ii.néolo|pana»A
pâleur et le manque de caractère. Ce défaut est trop souvent celai ii
style du bibliophile Jacob. En revanche, il peut offiir à la onrieiilédBi
iectcurs les ressources d'une piquante érudition. C'est ce qui swilieMki
son dernier roman : Pignerçl , histoire du Umpe 4e Louis XiV ^.
Après toutes les dissertations qui ont si bien embrouillé ThiMoiieik
l'homme au masque de fer, qu'elle est devenue la plus inextiicalik
énigme, le bibliophile hasarde une nouvelle eei^eeture. Selen Im,
le malheureux prisonnier ne;&erait autre qi^le surintendant Fiwiqiwi,
qui, puisantsans pudeur dans les coCfresde l'état pouraisoaivir sesfi-
lans caprices, aurait attiré l'implacable ressentiment du roi» eo «Mê-
lant de ses désirs M"* de La Valiière. G<mdamaé en 1664, après tm
années de procédure, enfermé dans le donjon de PigneroL, sous la garie
du farouche Saint-Mars, et enfin, surpris en flagrant délit d'évasioaapris
«ne captivité de seize ans , Fouquet, dont on annonce la oiort, est ioba-
mé en effigie, mais réellement enfermé dans, cet affreux iombe»» défier,
où il doit rester encore vingt-trois ans. Telle est la version «tu bibliefihile.
Nous ne savons pas si elle supporterait l'épreuve de la costrovenelnsls-
rique; mais nous croyons que le drame intéressant qui la déveidffwast
de nature à la mettre en crédit : l'émotion qu'il provoque est si forte,
qu'on a peine ii l'attribuer à des infortunes imaginaires.
Nous éviterons de nous prononcer sur quelques ouvrages que des neas
justement estimés paraissaient recommander au public. On doit le si-
lence aux erreurs du talent. Quant à cette lourde pacotille qu'on lanœà
tout hasard sur l'océan capricieux, nous n'entreprendrons pas d*eo (aire
l'inventaire. Ce serait d'ailleurs un affligeant travail. S*il éuit possible de
classer les deux cents volumes de romans publiés en ces derniers mois,
on les verrait descendre, par une Imperceptible dégradation, jusqu'à la
plus incurable niaiserie , jusqu'à l'impudente nullité. Cootentona-nous de
signaler quelques traits de physionomie générale qui permettant déco»-
stater dans le genre une tendance nouvelle. Reportons nos souvenirs à
trois années. Le roman n'était rien moins alors que l'épopée des tem^
modernes : son cadre et ses machines constituaient la forme par excel-
lence, et il ne reculait devant aucune des grandes questions historiques ou
(1) s vol. tn-So. Chez Renduel , rue des Grandi- Augastins, Si.
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sociales. Celte bouffée d'orgueil 8*excusait par une étourdissante fortune.
Un peu moins choyé aujourd'hui» le roman renonce peu à peu aux préten-
tions qui l'ont trop souvent conduit au ridicule; il tend à redevenir ce
qu'il était autrefois » un livre de lecture récréative et facile, un spectacle
au coin du feu. Il faut ajouter que la majorité des écrivains affecte la so-
briété dans le style y la moralité et quelquefois même l'orthodoxie. Les
réclamations contre le dévergondage des esprits ne sont déjà plus des
raison. A ceux qui ne veulent voir que lés torts de notre littérature , sans
tenir compte du bien qu'elle fait , nous pouvons affirmer que le mal mo-
ral, à aucune époque , n'a été moindre qu'aujourd'hui. 11 serait facile de
multiplier les preuves. Mais sans sortir du cercle de publications que nous
avons parcouru , nous citerons comme point de comparaison , un livre qui
date d'un demi-siècle, et qu'on vient de réimprimer {Théorie des lois
criminelles, par Brissot de Warville, 2 vol.). On lit dans un chapitre sur
l'adultère : — a L'adultère n'existe pas dans la loi naturelle. Il est au con-
traire bien naturel de ne pas borner son goût à un seul fruit, et de
cueillir toutes les fleurs qui peuvent flatter l'odorat et charmer Fœil. — »
A coup sûr, on ne trouverait pas, dans un seul des écrits du jour, cette
phrase anacréontique dont nos pères n'étaient pas choqués dans un grave
traité de jurisprudence.
A. C. ï.
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LES
AMITIÉS LITTÉRAIRES.
Si les poètes de nos jours, en se plaignant de la critique, n'al-
laient pas au-delà du reproche d'injustice et d'ignorance, la criti-
que devrait se taire et accepter l'accusation comme încffensire;
dans tous les temps, les hommes qui produisent des œuvres d'ima-
gination ont eu pour leurs paroles et leurs pensées une admiration
persévérante et obstinée ; dans tous les temps , soit à Taurore, soH
au déclin de leur gloire , ils se sont crus méconnus par leur siècle;
cette plainte éternelle et vulgaire ne mérite pas d'être discutée. Car
pour un Milton réduit à tenir une école , achevant un poème im-
mortel dans la solitude et la pauvreté, combien de rimeurssans
Terve et sans génie, qui alignent des mots et comptent des syllabes,
et qui réussissent à monnoyer leur emphase et leur jactance I Mais
les poètes de nos jours vont plus loin dans leurs reproches que les
poètes d'autrefois ; à les entendre , ils n'ont pour juges que lears
élèves ; souvent la critique ne saurait où prendre les premiers
•élémens de la discussion; sans leurs leçons bienveillantes, les
commentateurs seraient muets et réduits à la plus docile des ado-
rations ; aussi , dès que leur mérite est mis en question , dès que le
doute ose atteindre un seul de leurs poèmes , ils crient à l'ingrati-
tude. Ce dernier reproche est plus grave que celui d'înjusUce et
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LES AIITTIÉS LlTTéftAlRBS. 685
d*ignoraiice, et c'est pour le réduire à sa juste valeur que j'essaie
aujourd'hui de raconter comment naissent, grandissent et mea-
rent les amitiés littéraires. Dans ce récit sommaire, fondé sur de nom-
breuses expériences, je m'abstiendrai de tous les traits qui pour-
raient avoir un caractère satirique ; je resterai dans la région des
idées générales, et si les épisodes de ce chapitre s'appliquent, avec
unelittéralité rigoureuse, à plusieurs physionomies contemporaines,
ce sera la faute de la vérité, mais non pas la mienne* Je serai franc
dans tout ce que )j dirai , je n'inventerai rien, je n'essaierai pas de
grossir ce que j'ai vu, d'exagérer les confidences que j'ai reçues;
je ne chercherai pas reffét aux dépens de la fidélité; j^accomplirai
religieusement les devoirs de l'historien , mais je ne serai jamais
personnel. J'espère que cette esquisse, envisagée sérieusement
comme un document désintéressé , mettra le public à même d'ap-
précier ce que signifie l'ingratitude littéraire.
Pour n'omettre aucun des points de ce sujet difficile, je prends
le poète à son début. Il est seul, ignoré; il n'a pas encore eu le temps
ou la force de se révéler; il rêve là gloire et ne sait pas s'il l'attein-
dra. Il cherche dans le champ de la poésie une montagne ou une
vallée qui n'ait pas été défrichée; il parcourt toutes les voies ten-
tées par l'imagination humaine, afin de découvrir quel chemin il
doit se frayer, vers quel but il doit diriger ses effî)rts. H se
promène autour des traditions consacrées comme un soldat au-
tour des murailles d'une place ennemie pour surprendre une pierre
ébranlée, un pan de rempart chancelant, et arrêter dans sa pensée .
par où il fera brèche et pénétrera dans la place. Car il aspire au
titre de novateur. Plus tard, peut-être, il comprendra que la nou-
veauté n'est pas la garantie la plus sûre de la durée ; plus tard il
mesurera la distance qui sépare l'invention de la singularité; mais
aujourd'hui le loisir et la réflexion lui manquent pour discerner la
beauté de la nouveauté; il veut appeler sur son nom l'attention
publique, et le moyen le plus rapide pour atteindre ce but lui sem-
ble naturellement le meilleur moyen. Plein de confiance dans sa
jeunesse, dans la sève exubérante de ses pensées, il construit à la
hftte une poétique hardie qui contredît formellement les idées de
la foule, mais qu'il espère défendre glorieusement en multipliant
ses ouvrages comme autant de sorties contre l'ennemi. Quel que .
soit son courage, quel que soit son génie, qu'il ait projeté à priori
TOM VII. ^
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6tt RKvm n» vaux mquims.
]a num de» tnuiiliom qui TembarraMeM, on qtfû sft Mmuà,
par la peine imemible de sa réveriey à dMtiBr le rnitwnwg
des préceptes qtâ obstroent sa route, ilaerénssiipas duftMMr
ceap à oonqpiPérir la sympatlue ou même eecleoBent la carMi
BkHi qoe la solitvde eHtrre conoM le yiû, bien que le didegM»
sidB de rtioMBse arec sa pensée exake parfois jasqa'i la iWfffr
teHige&ee nttpréro^faste, cependant le poète qni débote m kté
de se heniter contre ta réaMté. H n bean dans sa fierrt toofiB'
santé se bâtir un palais^ et du banc de son trAme imaginaire oot-
templer ses Yassaox fators, il kn arrnre sourent de se réreiDerci
sursnot, et de svhre d'nn «ril désolé ses ilnsioiisqiiisedispeneit
coamase les mages sons le rent. Sonrenit H est saisi d'an 4imfà
profend; il doute de Ini mémo et de Tavenir, îl se denaaiée à
le Twn qu*il a formé n'est pas nn rora insei»éy s*fl n'a p
tenté l'impossible , s*a ne ferait pas miens de rentrer te
les voies battues et frayées depuis long-temps. D est pris de^m-
passieii en voyant Tintervalle qni le sépare de la foule; 9 ntmt
d'un regard découragé le déMrt oeil s*est eafermé^eiaMi^
sonadmiration pour l'ccurre ignorée desonigéftie^il sent aadete
de kn-méme un vague dé«r de popularité, un bes<m de lou^p
et d*apf4aadbsement ; il commenoe à eOBiprendre qn*il lai bit *
auditoire, et que si personne ne vient à son secours, il «t^ot-
damné i une étemelle obscurité . Bans œs heures dealoami«<l^
défeiHaneo, le poêle ne songe pas i feîro de régoismeine areb
inviabdile et sncrée ; il est bien loin de croire que le meade Mip-
partienne, et que le doute, même bienvefllant et poS, ssit***
impardonnable injure* Par im instinct de oonservatiooqB'il^^
bKera plus urd, ou du moins <pi*il ne vuudra plus entendre,!
descend des hauteurs soUtaires de sa rêverie, et consent i diacs-
ter avecses amis la valeur et la probabilité de sen opinioas. D dé-
pouille l'orgueil impérieux qui l'avait emporté si loin de la réiiitéf
il se feit simple et indulgent pour les objections, il accepte cooac
des conseils les argumens les plus vifs et même les pins bostiH
et il trouve dans cet échange femiUer de sentimens et d'i^léesb
plus douce et la {dus vraie des consolations. Peui pensoa anese
rassérène et s'apaése; il respire plus librement^ son regard 6'assaie
et s'éckârcit; il voit pkïB nettement, M iqppréeie avec uns iiapi^
tiidiiéplusUiAre tous les c6tés de la question poétique. Uaai^
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a»à me tocMMB kst diffiedlés <|É*fl.4mii d*abevd néeoiiiHie», #t
iécoiwre mk Ibad du préjugé populaiiie do« parocHe» de bon sens
^ de raiiCMi qu'il n*aTait.fifts 8#iipç(Hiiié6». B s'explique la résis-
itues qa^il a ranoanlréte sur sa route , et à mesure qu'il juge mieux
ses adversaires , il sent £Ribiir sa colire et grandir son espérance..
1 arrive enfin à estimer la fioule quil combat, à prévoir la durée
le la guerre ; il trace avec use lenteur persévérante ses lignes de
âreenvallation; il se retraadie dans son camp en attendant Vou-
Fertore de la eampagae. n n'a) plus l'enivrement de la solitude r tt
»t tout i la fois résolu et dairvoTant, hardi et réservé, amèi-
ieas et prudmt. liais à qui doit*il ce progrès inattendu? A quî,
B^en'estàranîtiét N'esti^oepas dans la discussion fimM^et
XMopléte de ses idées qu'il a puisé le courage de les soutenir jé^
lo'au bout? If 'esi€e pas dans la discussion qu'il a entrevu pour
a première fois la nécesoté d'étudier l'armée enneorie avant de
attaquer?
L'heure dont je parle est àiseup^sAr Theure la plus he«reuBe>dé
a vie du poète* H Ji*est {dus seal> â< est» osanpm» A^ mesure qaffl
iec<»iplit aa pensée, il entend résonner à aon^ oreille devparèles
feneouragement et de btmivBiUaBoe. fiaos^l'émocion qu'il Krsar
in visage ami, il entrevoit l'mithoMiasmg populaire; le présent^
û modeste qu'il soit, est riche d'un i^enir immense, indéini.
^oreé de s'escpliquer à celui qui reçoit le» pnaièrss confidenoes
le son géwe , amené sans effort et sans contrainte à dérouler
levant lui tous les mystères de sa volonté , il arrivée se miens
comprendre lui-même. Dans l%ilimilé de ses épanehemens ^i
Be cemMÛssent ni lu honte ni l'embarras,. n'ayant rien à.cadier^
rien à taire , ne rougissant pas de liwer sa pensée inadievée,
il s'aperçoit,, au moment môme où il parie, de la foute où il aflait
tomber, il se corrige en se révélant, et souvent ne veut déjà
plus ce qu'il annonce vouloir* Ce perpétuel contrôle qu'il exeree
sur lui-même, cet enseignement famttier auquel il se livre cha-
que jour à propos de son œuvre, donne i toutes ses idées une
clarté singidière. Le mouvement de la conversation entraîne son
intelligence au milieu de régions imprévues , et pose devant lui
des problèmes sans cesse renaissans, que la création, réduite à
l'emploi solitaire des focultés, n'aurait pu ni deviner ni résoudre»
n se fait alors en lui deux part&bien distinctes, l'une spontaaéo^
40.
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828 RBVUB DES DEUX MORDES.
active, impétueuse , l'autre calme, réfléchie, prévoyante. En niis
temps qu'il invente, il sait pourquoi il invente; il ne va plas se jeter
tête baissée dans les abîmes sans fond; il mesure le danger ini
de l'affronter, et s'il échoue dans une hardie tentative, da mm
fl n'a pas à se repentir de sa présomption ou de son ignorance;]
ne reçoit que les blessures au devant desquelles il amarcbé;e(
certes dans la douleur même, si cuisante qu'elle soit, c'est o^
consolation puissante de se souvenir que la douleur était prére^
Or, je crois être dans la vérité en affirmant que le poète Hrréilii-
même, sans ami et sans interlocuteur, n'ayant ponr s'éproum
chaque jour que sa seule conscience, ne recueillerait pas loei
riche moisson de clairvoyance et de sagacité, qu'il ferait sostot
fousse route, et qu'après avoir trébuché, il n*aurait pas toqjom
le courage de se remettre en marche. Sans l'amitié il serait pei^
être aussi fort, mais il ne serait pas aussi persévérant.
De son côté, le confident du poète s'éclaire par les qoestios
même qu'il lui adresse. En le voyant à l'œuvre , en assistiotcii^
que jour aux progrès de la pensée qui est née sous ses ]fni,«
surveillant avec une attention assidue l'épanouissement ethfl^
raison du germe déposé dans le sol fécond de la réflexion, Ak-
quiert fatalement une subtilité d'interrogation, une précisk«(if
curiosité qu'il n'aurait jamais pu atteindre, s'il n'avait pas en 4l^
vaut lui l'expérience vivante de la poésie, le spectade intérim
d'une intelligence aux prises avec l'inspiration. L'étude Tigihaa
de l'œuvre qui s'accomplit sous ses yeux développe en loi &\
finesse de jugement, une délicatesse de perception i laquelle il ne
serait jamais arrivé sans le secours de cette stimnlation (f^
dienne. Les impressions de chaque jour éveillent en loi uneseï^
bilité qui ne se serait jamais manifestée, si elle n'eût pas étésoKoM^
par la présence d'une œuvre inachevée, dont chaque agraBÈ-
sèment est pour lui un problème d'un égal intérêt, d'une égale»»'
veau té. Certes la lecture attentive des monumens de la poésie»^
tique et moderne peut révéler aux intelligences sérieuses bien*'
secrets de composition, et développer chez elles une nrtf^
de goût. La comparaison de ces monumens entre eux , et destrat^
formations successives à l'aide desquelles ils s'engendrent dans*
ordre logique, peut fournir des données précieuses sur l*P^'
.jpétuité de la tradition, sur la Yîtlçur dç Ift ûgiiYWUrtWVi^^**
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LES AMITIÉS LITTÉRAIRES. ^9
ibsolnment ; mais tontes ces révélations de la lecture sont lentes ,
aborieuses , et ne réussissent pas toujours à éclairer d'un jour
iompletle mystère de Teniantement poétique. Le poète à l'œuvre ,
|ui se débat sous le dieu et frémit sur le trépied , est par lui-même
m enseignement inappréciable, une leçon vivante , et que nulle
ecture ne saurait remplacer. Assister au développement progres-
lif , à l'élargissement régulier de la pensée , voir comment les idées
l'ordonnent et s'enferment concentriquement l'une dans l'autre,
/est plus qu'apprendre la stratégie, c'est assister à une bataille,
^rivé du secours de cette leçon vivante, le critique pourrait poser
les prémisses très vraies , et déduire de ces prémisses des conclu-
ions irrécusables; mais il ne porterait pas la lumière de la dialec-
iqae dans toutes les parties de la discussion, ou plutôt il ne po-
erait pas tous les problèmes particuliers compris dans un problème
;énéral, parce qu'il ne lui serait pas donné d'entrevoir tous ces
problèmes par la seule force de l'induction.
n est donc vrai que le poète et le critique, en vivant dans une
Qtime familiarité, s instruisent mutuellement et agrandissent cha-
[ue jour le champ de leur pensée. H est donc vrai que l'inspiration,
arveillée par la réflexion, et la réflexion, fécondée par le spec-
acle permanent de l'inspiration, se doivent une mutuelle recon-
laissance. Dans cette involontaire initiation, chacun donne et reçoit
lans ta même mesure; celui qui se montre et celui qui regarde,
:elui qui interroge et celui qui répond, s'enrichissent dans une
>roportion égale, et n'ont rien à regretter dans leur générosité.
%acun des deux étant pour l'autre l'occasion et la cause d'un en-
leignement, n'a qu'à se féliciter de ce perpétuel échange de pen-
lées. n serait impossible de déterminer lequel des deux joue le
)remier rôle, lequel des deux est l'obligé. Car cette initiation a
^la de singulier, que les deux interlocuteurs sont à la fois prêtres
ît néophytes ; le poète et le critique ont toujours une question à
)ffrir en échange de la question qu'ils viennent de résoudre. Ces
icux intelligences, qui s'épient et se guettent, non par ruse, mais
par bienveillance, non pour se tromper, mais pour s'éclairer mu-
tuellement, ont droit au même respect, à la même soumission. Le
poète qui crée et qui souvent limite sa pensée à l'horizon de son
œuvre, ne peut traiter avec dédain l'esprit auquel il confle tous
SCS projets, cl qui; n'ayant çnçhalné ^oo ^çiiyité à auçuue idod
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OO MffUB M» DSOK MOlfDBS.
déteniiiiiée, tparene lilMrsneot Taxe entier de Vm
m$inB. Mais la Dberté vagabonde de la réflexk»
doit oontemider avec jMe foUidtudo fraterneOe llBteffienoȈ
poète penchée sur son œnvpe comme l'ai^^e sur sa proie, et iM
avec dévouement, avec 'émotion, cette volonté qui s*aceoapi.
Cette estimation de la poésie et de la critique pourra Kair
singulière aux esprits enthousiastes qui n'admettent pas foiofin
la parité de Tinspiration et de la réflexion* Mais ce serait leai-
prêndre singulièrement sur le sens de nos paroles que de m» »
«usqr de prédileetion pour la réflexion inactive. Nous nfw»
aussi bien que personne, la distanoe qui sépare le génie dnnw;
mais dans la question^que nous'traitons , il ne s*agit pas de ia n-
leur absolue de ces demt formes deia pensée , il s'agit des «vi»
que chacune des deuK'Fend à Tautre; et, sous ce pemtdemlB
poète et le critique sontsur un pied d'égalité parfiâite*
Convaincus de cette vérité, le poète et le critique vimtn^
semble dans une heureuse harmonie. Leur amitfé repeiesff^
mutuel respect, jD'est-4-dir6>mir la mutuelle întdligmoedeMerrin
qu'ils ofit reçus et rendosé Atons'il n'-estpas rare de voirieoii^
sinterposer entre lepeèle et la foale, et, profitant delMrii
dans laquelle il av^u^'coatinuede^ vivre avec lai, ts^bptrm
esprits mdiflérens ou blasés , hostiles ou ironiques , b passéefit
présidé à la conception et à l'exécution d'une œurn poétitp
Dans ces occasieDs, qui se représement à de fréquensistefrtfeft
le critique ne demande au poète aucune reconnaissaDce.Iltii^
en lui-4néme ou*dans le speetade des conversions qu*fl a pro^
sa récompense la plus.donoe. 841 est éloquent , sTH possède Fut*
persuader ou de oonvaincre, s^fl sait remuer les passioBsota*
tourer d'une lumineuse évidence le théorème auquel il se dévo**
y s'applaudit de sa puissance et ne songe pas àréclaoierQns)l>''j
pour les sympathies qu'il enchaîne, pour les colères qu'il q)>i*'
pour les dédains qu'il ramène à la docilité. Si le poète, dans Qnii0>^
vement de gratitude, comble d'éloges son ami et soninterpri*,»
dans un élan d'enthousiasme il loi promet les plus hautes destia^
le critique, sans révoquer en doute la sincérité des paroles tf*
entend, ne se laisse pourtant pas aveugler. 11 sait très bicnceipl
vaut et ce qu'il peut; il a mesuré ses forces et son coura^**
s'iAstient avec une égale persévérance de la fausse modestie rtti^
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LES AWVnÉS UTTÉRAIHES. 6Sf
Aetté emphaliqm. B aecaeiHe la IbMiige et le temehâemeiit
BOBë une effiosion spoBtanée , mais mpermet paa à rémotion du
ètê de troubler la sérénité de sa pensée. H assiste à la ivoire de
D ami avec un entier désintéressement. Un jour peat*étre il cfaan«
Ta de rMe et tentera pour son compte de gravir leè dmes labo-*
mses de la renommée; atijourdlim sa tâche est plus tramble^
lis rédaane cependant l'emploi de toutes ses forces. Cest à hii
l'il appartieiit d'sAer au derant des doutes qui ne sont pas encore
s, d'épier sur les lèrres immobiles le sourire incrédule qui n'a
s encore pKsséla bouche, et de réfuter les doutes et les sou-*
*es avant qn*ils ne soient devenus contagieux. Cette tiche ùsu-
meikt n'a rien d'éclatant ni de {^rieux, mms sufit à contester'
le ame généreuse et dévouée.
Interpréter diaqué jour pour la foule inattentive et distraite
ravre dont il a suivi rentier épanouissement, est pour le critique
rieux mi réle presque aussi actif qiïe celtn du poète. Les jq>-
ludiBsemens, s'ils lui arrivent, ne lui appartiendront jamais
as partage. S'il a révélé dans xin dratne ou dans un roman , dans
I reeoeil d'odes ou d'âégies, dès beautés mystérieuses qu'une
pide lecture n'aurmt pas découvertes , si pard'habiles transfor-
aions il a amplifié, sans l'altérer, la pensée du poète, c'est au
lète que reviendra la meSleure partie dès applaudissemens. Maië
poète et le critique sont unis entre eux par une amitié trop
roite pour que la jalousie puisse les diviser; car le critique, sans
re pour le poète ce que le gm est pour le chénë, n'a cependant
ks, & cette heure de dévouement et d'abnégation, une personna-
4 lassez nette, assez tranchée, pour vivre par lui-même d'une
e indépendante et complète. Résolu à aider de toutes ses forces
Kvéaement du poète dont il a entendu les premiers bégaiemens,
kjdè à construire de ses mams le trône sur lequel il veut asseoir
Hi ami, il met toute sa joie dans la joie qu'il contemple, il est
3Qreux du bonheur qu'il a fi^t , et n*entrevoit pas, dans un avenir
nochain , le bonheur égoïste et solitaire.
La condition intellectuelle que j'essaie de peindre , en la réduis
m à ses élémcns les plus généraux, prépare au poète et ati cri-
que des triomphes multipliés. Appuyés l'un sur l'autre, ib mar-
inent d'un pas assuré à la conquête des esprits r^>elles. Dégagé
a sottoi de la disoussioVi le poète m renfimiie tool eùtier dans
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G32 REVUE DES DEUX MONDES.
sa création; lorsqu'il se mêle au inonde , c'est pour recoeiDirlc)
louanges amassées par Tintervention bienveillante de son io^
prête. De son côté, le critique, ramené sans cesse parlespedidï
de la poésie active aux formules les plus précises delà discosÉi,
ne court pas le danger de s'égarer dans les espaces imaginab,
et de poser des problèmes ou insolubles ou inutiles. Il nesêpEt
pas la théorie de l'application, et sans abdiquer son indiridubc,
sans renoncer à son libre arbitre, il côtoie cependantleim
qu'il a vu sur le chantier et dont il épie le sillage. Livré à lai-ok
il ne pourrait se défendre du besoin de construire, pour sœM
plaisir, des formules absolues, impérieuses, qui ne violeraieirtpH
la vérité , mais ne pourraient recevoir aucune applicatioD isul'
diate ; il dépenserait son énergie dans un combat sans Tictoire.
Quand le poète emporté loin de sa retraite studieose se nf-
pelle les heures paisibles que je raconte , il n'a plus l'intd^
assez sereine, assez désintéressée, pour restituer à chaque dio«
le caractère qui lui appartient. H ne consent pas à reoonoaitrerê*
galité fraternelle dans laquelle il vivait avec 8oninterprète.Éiouii
par les rêves orgueilleux de sa vie nouvelle, il proteste conwk
passé, et récuse le témoignage de sa mémoire. H baptise de dok
étranges et hautains l'intime familiarité à laquelle il a di ses pi»
douces journées. Dans celui qui le soutenait et qui marcàait ptè
de lui, il ne veut plus voir qu'une plante parasite, incapable*
pousser par elle-même des branches vigoureuses et feuiBues;ilsfr
tribue, dans les jours qui ne sont plus, une force et wicowiF
qu'il n*avait pas; de son ami, il fait un disciple obéissant; il oot^
les clameurs envieuses, les ironies insultantes que seulil cûiécps-
tées en frémissant, et auxquelles il n'eût peut-être pas résiste s
personne n'eût été près de lui pour relever son courage; floa»
les conseils qu'il a reçus, les conversations pleines de francte'^
d'entraînement où il a puisé plus d'une leçon imprévue.!»^
quoi qu il fasse ou qu'il dise, il ne peut réduire sa mémoiww^
lence, il ne peut rayer les jours inscrits au livre de ses soureaffs.
les jours où il se confiait sans réserve et sans Causse honte ib
discrétion d'un ami, où il ne craignait pas d'avouer touràtow *
ambitions gigantesques, ses so daines défaillances, ses reooi^
mens désespérés. Le passé dont il se détourne parle plus haot?^
son orgueil, et sait bien le contraindre au regret et au repeflû^-
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LES AMITIÉS LITTÉRAIRES. 635
Oui, le poète et le critique, lorsqu'ils fondent chacun leur puis-
ince, vivent dans une égalité fraternelle; et cette égalité foit leur
)rce la plus grande. Le créateur et l'interprète, en s*avouant mu-
lellement leurs doutes et leurs tfttonnemens, arrivent par une
oie phis directe au but qu'ils se proposent, à la gloire et à la clair*
oyance. C'est pour avoir méconnu cette vérité incontestable que
ss poètes d'aujourd'hui ont proféré contre leurs juges des repro-
hes si amers et si injustes ; c'est pour avoir nié comme imaginaire
ette fraternité intellectuelle, qu'ils ont prononcé le mot si singulier
'ingratitude. En rétablissant dans leur vrai jour tous les épisodes
e la vie littéraire, lious démolissons pièce à pièce l'échafaudage
le l'accusation, et la défense se simplifie en se réduisant au rôle
inique d'historien.
Nous voici arrivés à l'époque critique de la vie du poète. La lutte
st achevée, ou du moins, si elle continue, elle changera de carac-
ère; la gloire va prendre la place de la douleur. Préparé à son
ivénement par des combats multipliés, quand il sent la gloire venir
i lui , il l'accueille avec une émotion sérieuse. H comprend que la
lignite nouvelle dont il est revêtu lui impose des devoirs nouveaux.
Tant qu'il a vécu dans l'obscurité, bien que toutes ses veilles fus-
lent dévouées à l'avenir, bien que chacune des ciselures patientes
le sa pensée fût destinée à diviser la lumière en rayons glorieux,
cependant la nuit indulgente où ses travaux s'enfouissaient lui lais-
sait la faculté de revenir sur sa première volonté, d'émonder les
parties inutiles, d'agrandir, de corriger la première forme de sa
pensée ; s'il se trompait, le loisir ne lui manquait pas pour réparer
sa faute ; il n'avait pas à craindre qu'une voix importune gourman-
dàt sa maladresse ou son ignorance. H régnait paisiblement dans
son petit domaine, et ne redoutait ni la curiosité ni l'insolence des
passans. Si les semences qu'il avait jetées dans les sillons ne rencon-
traient pas dans le sol assez de sucs nourriciers, si le blé, au lieu
de mûrir et d'étendre sur la plaine un tapis doré, s'arrêtait dans sa
croissance et ne donnait au moissonneur qu'une paille sans épis, il
pouvait se consoler dans l'espérance d'une année meilleure, sans
avoir à subir les railleries jalouses. Aujourd'hui la gloire , en le
touchant du doigt, a fait de lui un autre homme. L'attention pu-
blique va se concentrer sur chacune de ses œuvres. Chacune de ses
paroles, une fois prononcée, sera pour lui une occasion de louange
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MdeUhM. Bteoranifl 9 ne^^appartiem.fkML SftiPttiiiiwili
téalisée, prudente oa éleunlie» «veuglie.wicbwnrDjMle.fliig
qnise à la ««ltîtu4e, el aonuEiae itrév^Kaibleinuil an jogaiMiJ
plus sévère. A««sv dès €e noaiest» le poète dmeat ée ptasiifi
frave» de pliw ea fins réBéehi. H renomce ans ft«eiitiuei,iti
ne dédde pas a» «lèpart «rvAoi d;*AT«ttr jreceuma ktrooiaiÉi^
n^n^er.^ n s ÎAterdît lecaaprice comme «ne fome nrépanbk;!^
iXNMulle longHevps aviMl d*agir« parce <pi*a sait.qu'eA agîMftl
livre 9a eoMtaUe à rt&e»Mr«ble comrftle de k fûide. H svnii^
destinée de son nona avee une anxiété,. une soUkilnideqBe mij
pent ralentit; Q nignore pas que Tadmication est inffomiitft^
rétive, et pour l*end»atner il alirége son sosuneil et îâÈtm^
liberté.
Mais la gloire, d'abord si oteiense et si difficile à pertsr, jei^
tanorpkose et devient plus indfdgente. Q^and elle sneoédaiil
Jnlte^ ette e^^geait du poète une réaignatîtm plein& d*aneM«;i
ne ftuniHarWant aviec Lui, en apfwenant à le connaître, ebps
ehnque jour quelcpies-iikAe^ de ses dëfianees, ette sMiilec stdèndi
enfin, elle dMige de nom et s*app<Ae la p<^[>ularité. Dès(|ft*dki
reçu ce npaveau Jtopténie^ elle se montre .pbrâie de prévernsosi
d^obséquîosiié. Elle fait du poète son enfant gAté. Tontcefi'll
est bien dit. Chacune 4e 9e9 parole9 est une révélation; ducmé
aes projets est une prouve de. sagOMo. Gbaoun de ses oipnoei>i
étourdi qu'il soit» est estimé k Végal d'une volonté ptér^ifttt'^'
peut tout se permettre »w» danger. S'il parle des ctean f ^
ignore^ ;s*il confiovid les hommes ^ les temps, s'il tmite fl
comme un pays conquis, pas une voix ne s'élèvera pear l'i
doutrecuidance et de CMmié ; pas une voix n*oser&le taacèrooi'f
«n écolier paressnux e^ le reniroyer à Tétude. D fmssmt^^
f oute inddente au milieu dea epplimrtisscmens ; ilUradamioitii"
yeux Funanime admiratie^que ses cnuvrea inspirent; 9iiaÊ0
que le bruît gcaudira autour <l^ Im, à mesure que tes bsaii^
retentiront à «es or^le^, il oubliei^ sa pr^aière gloire, ji^
sérieuse et inquiète; il croira que ce qui est a Imgnurs élé. i/^
il faudrait une nature siiigulièreaent ferle pour résister èkpof*^
krité. A moina d'être habitué dèa long*temps à cranter ckaf^
jnur avec aot^méme» à moins de préféra en loule ocoanûi W
l^cobation silencieuse de sa oonsdei^ aux hotemensde»»^
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LES AinTI^ LITTÉRAinS. 688
aie Vani<Mt et s^énervci; die s^endôrt «a bmit déi a(i{daiidisse^
nsy comme un enfem an broH des cfaaâsons de sa nourrice. La
ésie n^est plus pour elle qa'un jeu on un métier. A quoi bon dé-
nserr les ntiits dans la méditation Y à quoi bon feuilleter les lirre»
udreux pour retrouver le sens des siècles évanouis, puisque
dmiration est acquise d^avanee à toutes les paroles qui s*échap^
ront de la bouche du poète? Pourquoi risquerait-il dans des
illes imprudentes la f raicheur de ses joiœs el Védat de see yem ,
isque la science n'ajouterait pas une feiûlle au laurier de sa cou*
nae, puisque chacune de ses imaginaifons est acceptée conmnr
te vérité? Il ne peut ftiillir, il est inspiré ; il devme ce qu'il ne sait
is, ou plutôt il n*y a pour lui ni science ni étude. Il lui sufBt de
►rter sa pensée sur un sujet quel qu*S soit, pour Tédairer d'une
Mte lumière, pour en pénétrer toute la profondeur.
L'indolence n'est pas le seul danger de la popularité. La demeure
1 poète est bienlôt trop étroite pour oonlenir ses admirateurs,
nand il luttait contre l'indiSérence, et, pk» tard , quand 11 oom^
ençait l'épreuve de là gloire, on petit nombre d'amis lui s«f&->
lit; il était heureux de réunir autour de lui quelques intelfigen-
!S associées à ses projets par un^ sympathie sérieuse. Ses vœux
allaient pas au-ddà de cette petite fomiHe ; et s'9 lui arrivait de
^ver la multittide, ce n'était pas pour se placer au milieu d'elle,
JUS seulement pour espérer de la dommer un jour. Aujourd'hui
'.lie fiamille est pour lui comme si elle n'était pas. Les amis qui se
lorifiaient autreftûs de ses coirfklences , somt perdus dans la foui»
û grossit de jour en jour. BicotAt le poète est teHement blasé>
it'ii ne distingue plus la saveur des louanges qui lui arrivent»
ontes les lèvres qui approuvent, tomes les mains qui applaudis^
mt, ont pour lui une valeur égale, une égale autorité. Que dïs-je? Un
leonna empressé au panégyrique vaut nrieux pour lui qu'un ami
Iradeux. Le poète, une fois entouré de la multitude, compte les
nffirages au lieu de les peser ; son orgueil glouton ne peut se rassas-
ier de louanges; il lut faut chaque macin, à sou réveil, un trou-
eau d'auditeurs ébahi», pr^arés à recueiKr toutes ses paroles
Mnme autant d'orades ; qui le ^m^Kmement mt son œuvre de
1 veille, et même sur son œuvre du koéeuMn; qui, sur le seul
tre d'un Irvre enloore i faire, le haraagnetit et IrMidieut comme
'ilanmit ceaquis tia roffaumcLafodey m cbÉlouaiàal à tmn^
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636 EEVUE DES DEUX MONDES.
heure Vorgueil du poète, le déprave et Fétourdit si bien, qu'A m
peut plus se recueîlHr en lui-même et s'interroger sincërOTnent sur
la portée de ses projets. Au milieu du bourdonnement des lovan-
ges, il n*a plus qu'un seul sentiment, celui de sa grandeur; il de*
vient incapable de réflexion et de prévoyance. Avant môme de m
mettre à Tœuvre, son premier mouvement est de s'admirer; avaot'
même d'avoir noué la fable de son poème, avant d'avoir posé ses
personnages, il se complimente, et se sait bon gré de ce qu*3 n
faire ; et , dans cette rêverie complaisante, il est si heureux, si
content de lui-même, qu'il serait presque tenté de ne pas risqver
l'exécution de sa pensée; car son bonheur est, dès à préseet,
complet.
Au milieu de cette cohue, que deviennent ses amis? Leur voix se
fait-elle entendre parmi ces voix confuses? Hs prennent le seil
parti sage : ils se taisent et regardent.
Peu à peu le poète s'habitue aux flatteries de la foule ; il règne
sans contrôle, et ne reconnaît plus d'autre loi que son seul capriee.
n renonce à l'analyse et à la discussion qui, autrefois, renpKs-
saient les heures les plus sereines de sa journée; il ne sait plu,
comme à ses débuts, se reposer de l'inspiration dans les épanciie-
mens d'une amitié franche et hardie. Ce qu'il veut et ce qu'il aime,
c'est une multitude obéissante et empressée, qui ne réponde januû
que par un sourire d'admiration, qui lui permette en toute occt-
sion le déroulement paisible et ininterrompu d'un monologue soi-
verain. Les objections les plus timides seraient pour lui maintenant
plus qu'une contrariété, presque autant qu'une injure. Le do«le
qui se hasarderait jusqu'à l'interrogation serait à ses yeux une
faute impardonnable. Sur le trône absolu où il est assis, il n'écooie,
il n'entend que lui-même, et s'il lui arrive de jeter les yeux sur les
visages muets dont il est entouré, ce n'est que pour y voir le refcl
de sa pensée, pour s'admirer dans tous ces regards où se peirt
l'extase. Vainement l'amitié courageuse essaierait de le rappeleri
la clairvoyance, et de recommencer les conversations ouMiéM;
vainement essaierait-elle de ramener le poète à la tolérance, à lis-
partialité de ses premières années; il est trop tard maintenant poor
tenter la guérison du malade; ou du moins la guérison présente des
difficultés sans nombre. Dans la voie où il est entré, Vamitié ne se-
rait pas inutile; mais comment parviendrait-elle jusqu'à lui? Omd-
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LES AMITIÉS LITTÉRAIRES. 637
eut franchirait*elle les rangs pressés d'admirateurs qui se parla-
mtla parole du maître comme la manne céleste, et forment autour
3 lui un bataillon inébranlable? L*amitié, en présence d'un pareil
)ectacle, n'a qu'un rôle à jouer, rôle triste, je l'avoue, et bien ca-
ible de décourager les âmes les plus généreuses ; c'est d'attendre
le la foule, en se renouvelant, lui permette d'arriver jusqu'au
)ëte égaré. Quelquefois l'occasion se présente, et l'amitié la saisit
rec empressement ; mais cette tentative est bien rarement heu-
)use; le poète reconnaît à peine l'interlocuteur qui l'aborde; il
écoute d'un air distrait, confus ou impatient, et lui donne àcom-
'endre que l'heure de la franchise ne doit plus revenir. Si Tinter*
cuteur persévère, il n'obtient plus même l'honneur d'une réponse
rasive.
Les courtisans, si humbles qu*ils soient près du roi qu'ils adorent,
3 renoncent pourtant pas aux joies de l'orgueil ; fls consentent
îen à proclamer le génie du maître , mais ils se consolent en se
roclamant à leur tour plus clairvoyans et plus sages que la foule
évouée aux royautés voisines. Us croiraient n'avoir accompli que
moitié de leur tâche, s'ils ne persuadaient pas au poète qu'il est
ipérieur à tous les hommes de son temps. A cette condition seu-
ment, ils se pardonnent l'abdication de leur intelligence. Le poète,
IX yeux de ses courtisans, n'a de rivaux à craindre ni dans le
issé, ni dans le présent. La splendeur souveraine de sa pensée ne
3rmet pas au regard d'apercevoir dans l'espace entier d'autre
imière que la sienne. S'il a écrit des odes, il laisse bien loin der-
ère lui Pindare et David ; il concilie, par un privilège inattendu ,
i pureté grecque et la hardiesse hébraïque. S'il a dit un jour : Je
5UX régénérer le théâtre, et, si, pour le prouver, il a encadré
iielques-uns de ses caprices dans une série de noms historiques,
is courtisans lui répéteront chaque matin qu'il réunit en lai-méme
liakespeare, Galderon et Schiller, qu'il a touché les cimes les plus
evées de la passion , de la fantaisie et de la philosophie. S'il a con-
'nti à tenter le roman par bienveillance pour les esprits du second
i^dre, s'il a résolu d'offrir sa pensée â la multitude sous le modeste
^tement de la prose , tous les génies de l'Europe moderne qui ont
lis dans le roman l'histoire des nations ou l'histoire du cœur, ne
>nt tout au plus que les précurseurs du poète-roi. Ils ont annoncé
i venue, mais par eux-mêmes ils ne méritent pas d'être nommés
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6R iivn» Bts Mot
dam les annales de rintelH8eB<^ kamane. K qii*oii ae
j'^&agère à pliJsir , qve j'accnniule aur la tète d'un seul
IMIes les folies qm se penrent inventer. Bans tout ce que je n*
CMite, riroagination ne joue pas le phts petit rôle; je me aoflrini
et j'écris sons la diotée de ma mémoire. Ceux qni doutent de k^
rite de mes paroles , de la fidélité démon rédt, n*oiit
dié les déveioppemens de rorgmi poétique. Hs ne
guère celte maladie de r«iie iiamaine qiie par quelqaes ipcndi
Ijriqae latin ; s'ils avaient en roccasien de voir par eux-mémsi a
que j*ai vn » d^éoftendre ce qne j-ai entendu , ils eenueut lespt>
miers à proclamer mon réek incouq^.
Placé dans ce nuage d'eneens, que vdulez^veus que ileiiiimt ii
poète? H a connu la gloire et la popularité» il ne lui restepivi
subir qne rapothéose, îl détient dsem La société lui appartiat
tout entière; légfUatioil^ geiFKèriieroenty m^istrature, to•tI^
Mire de son génie; Se nMer au mouTement réel des affiures»
rait profaner la majesié dîme deva pensée; mais il se tieot prit
à^ distribuer ses conseHs, Kéfugié* dam son oisiveté olmrvejaMi
cemme aufaad d*un sanettiaire, il attend que les hmnflses anqmii
est dévolti le soin de renouveler et d*app)ic[uer les lois ouvrealfi*
fin les yeux sur lettr néant et leur impuissance » et vieumot s*édd*
rer de son regard ; il attend que le p^s, oonvaincu sans retoor il
rinsvtffisance des institutions qu'il s'est données, aceemre aufik
de Ini pour kd denander un nouveau décalogue. Sile pays tm^
signe  comprendre qu'il est dans une fausse voie et qu*3 a
d'un sauveiuTy le poète transfiguré se résignera
à'Tacooniidissement de sa missieil. fl est bien loin i cette faemedM
paisibles travaux de Vimaginatton; l'art de Muer et de
une fftMe poétique «Test jfdus quSiÉ pmnt i peine
dansle d^mp inmenBodeseo ambition, âmeûvoir et clmnMr, ff^
T«Uer au fond des ccsurs les passions endormies, amener surin
paupières brûlantes des Ilots de {armes, n'est plus pour lui
gloire secondaire. U ne consent p» à prendre dans le
ment de la société un rôle détenàiné par la nature de ses ^avi
il:iie reconnaît pas en lut-méne le limoo commun de Y
c'est pourquoi le setârMe^pii lai 8end>le digne de hii, le senlfA
pÉnsse accepter sans dérogeiv «l'est aaureqpie la sonverafansilb*
aelÉai Nm U partes pas^ de la gtdira qui^couronn é
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«aoce de FiwgÎMlioa ; eu hmit des itégîoASrdivîiMii qQ*U l)abîie»)il
ne voit» eBte«4rait pas. D a prô au sérieux son apetWese; A pos-
^e fi^nnais rouûaeîeai^ intukive» ai Wil n'ag^ pas Moare
parvaau à ébranler l'Olympe e9 £roa$an( k^aowcii, du mokis IL lui
9iilftt de yo^k pour éclairer^ eu se joMOl» les qate^^m» fes ptas
obsoures ; et même» à parler «ettfpietti, il a'y a pas pMr kû de ib6-
ritaUe (juestioa. B sait et il cos^reiid toute ehose directemeot
sans aveir à traverser les ambages de la dialectique vulgaire* fl
voit la vérité face à face, pure, eiatière et spleiidide. Si la société
refuse de le consulter sur ses prochaines daatinéea» ette tombera
dans le désordre et la confusion ; mais il est généreux et magoa-*
aimey et i l'heure du pécil sa voix sauiva bien se iaire entendre».
L'amitîé » inquiète devant la gloire, HHiette devant la popularité ,
n'a plus même la ressource 4^ silence devant Tapothéose. Elle «e
retire à pas lents, avec la erainit^ de ne jamais revenir mf ses
pas. Q4iand ejle avait une lutie i soutenir, quand elle pouvnit
A9pérer de ramener le poète i te sagesse, à la modératiM, son de-
voir ét^ût de demeurer fidétemmt près de Ini; qmtf^ le terciîa
de la défense se rétréett chaque jouir, cependaiH il nelui élait pas
permis de déserter. IMs aujourd'hui, demewer plus loAg^mps,
serait inutUe et insensé. Entr^ un dmu et un Jiomme, il ft'y it de
possibloque )a prière et la démence; w, ni la elémenoeni.la pritee
n'appaitjepuftmit à l'amie» Sf^aqne Végalîté fratem^e a cos^, diès
que le& deux inteUigenees, urnes autrefois par uno fntinrité de ims
les instai^, n*ont pl«s les^mémes droits et tee mêmes devoirs, Fami-
ûé n'est pins qu'une parole ^e, qu;«B nom sonore et memeur*
Le critique, en abandonnant le poète, acc(Mii(^t un aete de bon
sens et de dignité. Il n'a rien èse reproflieff, puisque son rôle est
terminé. S*il consentait è ftwdof le titre d*ami, lonicpi'il ne peut
plus exprimer franchems nt son avis, il se rendrait oo^pable de lA*
<^eté; il, perdrait sa propre estime et; n*obtiendrail,. pour prix
de sa complaisance, qu'un sourire dédaignqux ; it revétimt .la
livrée d'un valet, et n'aurait pas mitoie toreeonnaJQsaneo du malice
V&il se serait donné. Qsu: l'obéissaiiee ne snfiit pas an poète trans-
figuré; il lui £aut l'adoration; tant autre se^Miment ost.po<«r Ipi
*sns i^enr, et ne mérite pns ivi reg^- L'amitié agk dMQ sage-
RBsnt aip^ laissant le poète au.miUeu do la foule mpeti» 9«i a Mti
M tempts; en quittant cette multitude agenqwUée, eVe n'a rinn
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640 urus DES deux moivdbs.
à regretter; loin de là, elle doit se féliciter de ne s*étre pas avSe
dans la pratique d'un culte impie; elle doit se glorifier d^avoir con-
servé la sérénité de sa pensée parmi les idolâtres. En consultant si
mémoire, en interrogeant chacune des journées qui ne sont plus et
qui ne peuvent renaître, elle voit que son énergie et son dévoue-
ment ne pouvaient aller au-delà, qu'elle a été fidèle selon la mesure
de ses facultés, et que l'heure de la retraite a vraiment sonné pour
elle. Elle peut jeter sur le passé un regard désolé et gourmander
l'orgueil sur les désastres qu'elle contemple; pour se mêler à It
cohue des dévots, il faudrait qu'elle eût perdu toute pudeur.
Le divorce est consommé; mais à quelles conditions? Le poète,
Hvré à lui-même, consentira-t-il à voir dans Tami qu'Q a perdu on
homme pareil à tous les autres? S'il le rencontre parmi ses juges,
se résignera-t-il à l'écouter sans colère? Ne craindra-t-il pas à clo-
que instant que ce confident dont il voulait faire un disciple ne Evre
te mot d'ordre, et ne révèle les secrets de la royauté qu'il a refosé
de servir? Dans chacune des réflexions présentées par le critique
initié n*apercevra-t-Q pas le germe d'une trahison? Ne sera-t-3 pis
forcé de reconnaître dans les paroles qu'il entendra les pensées
qu'autrefois il exprimait lui-même? Cette perpétuelle comparaisoo
du présent et du passé n'éveillera-t-elle chez lui aucun dépit, au-
cune impatience? Ne l'espérez pas. Quel que soit le désintéresse-
ment du critique, quels que soient les ménagemens avecIesquebS
exprime son avis, le poète se tiendra pour offensé ; il cherchen
dans les paroles les plus paisibles une intention injurieuse, n fera
de chaque mot une énigme traîtresse, et se mettra en frais de sa-
gacité pour découvrir sous une syllabe innocente une goutte de
poison mortel. Il n'aura pas de repos qu'il n'ait persuadé i la knàù
obéissante sur laquelle il règne souverainement, qu'il est caloniè,
qu'il est puni cruellement de sa confiance, qu'il a livré ses secrets,
et qu'il est à la merci d'un ami infidèle. L'éloge même dans la bou-
che du critique initié, s*il ne sélève pas jusqu à l'enthousîasBe,
jusqu'au délire, s il se permet seulement quelques réserves, Féloee
est une trahison. J'aimerais mieux , dit le poète irrité, j'aimertis
mieux cent fois être attaqué franchement, et savoir à quoi n»
tenir. Ces louanges prudentes sont plus dangereuses qu'une toàt-
lité déclarée. H y a dans ces restrictions plus de perfidie et de aé-
chanceté que dans le blâme le plus sévère. En me louant avec œtle
mesure, il se donne un air de supériorité absolument insultant; il
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LES AMITIÉS LITTÉRAIRES. 641
me fait la leçon comme à un véritable^ écoUer. Voilà pourtant ce
que j'ai gagné en lui accordant mon amitié. Si je Tavais prévu , je •
l'aurais fîii comme une vipère. Et comme il faut justifier cette co-
lère, comme il faut appuyer cette accusation sur des argumens
plausibles y le poète» ne pouvant vaincre l'évidence, ne pouvant
changer le passé, prend le partiale plus bref et le moins sage : il
se résigne à la haine comme au seul moyen de se venger.
Si cette haine insensée s'adresse malheureusement à une nature
irritable, elle peut exciter une haine pareille. Mais si le critique se
souvient de son ancienne amitié, s'il tient compte au poète irrité de
l'aveujglement de la gloire, de l'orgueil de la popularité, du délire
de l'apothéose , la haine du poète demeure impuissante , le dieu ré-
volté ne rencontre dans son juge que le calme et la sérénité. Le
critique, sans s'émouvoir des paroles furieuses qui lui sont rap-
portées chaque jour, sans se croire offensé par le dédain superbe
qui retentit jusqu'à lui, continue publiquement Tanaly se des œuvres
qu'il appréciait autrefois dans l'intimité du poète ; il poursuit sa
tâche laborieuse, et ne s'inquiète pas de l'injuste colère cpie ses
paroles éveilleront. H ne renie pas les enseignemens du passé ; il
reconnaît avec une entière franchise combien il a recueilli de vérités
inattendues dans les épanchemens d'une amitié familière; mais, en
écoutant le témoignage de sa mémoire, il n'abdique pas sa person-
nalité, n ne voit pas ce qu'il gagnerait dans ce renoncement. C'est
pourquoi il persévère dans le chemin qu'il a choisi. Quoi qu'il arrive,
que la haine du poète s'apaise ou s'excite à la vengeance, peu lui
importe; il ne changera pas de rôle. Tôt ou tard l'évidence triom-
phera; le poète lui4néme sera forcé d'avouer qu'A s'est trompé ,
qu'il a été jugé sur pièces, sans jalousie et sans partialité. Un jour
viendra où la foule, en adoptant l'opinion du juge, imposera silence
à la colère. Alors l'inimitié qui divise le poète et le critique, ne sera
plus possible. Le poète comprendra que la théorie, en cheminant
solitairement, peut souvent s'écarter de la ligne suivie par la poésie
active, sans se rendre coupable d'ignorance ou d'injustice; il com-
prendra que l'équité, réduite à ses véritables élémens, n'nnplique
pas nécessairement une approbation sans réserve. Ce jour-là le
poète et le critique seront 'réconciliés; mais ce bonheur est bien
rare dans les amitiés littéraires.
Gustave Planche*
TOME VII. 41
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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
3l]ao«Ut886.
Le ministèrd du SA février n'existe plus. Après avoir résisté in
épreuves M la session ^ il a succombé » en dehors du mouvement parle-
mentaire, dans une question de politique extérieure , grave saos doote,
mais qui ne paraissait pas devoir amener la dissolution d'un cabinet fonné
sons les auspices de la chambre » et véritable expression de li majorité.
Celte crise ministérielle a été, plus long-temps que toutes les aotr».
ignorée du public et renfermée dans le secret du conseil. La dissolotin
du cabinet aurait même brusquement éclaté, sans que Topinion eûttroaré
le temps de s'y préparer, si le jour même où les démissions forent donnée
pour la première fois, il n'était survenu dans l'après-midi und dépêche té-
légraphique qui faisait une loi de suspendre l'effet des résolatiom d^
prises. Cette dépêche annouçait qu'à la suite d'une révolution militaire; li
reine ré|^ente d'Espagne avait reconnu à Saint-Ildefonse la constitution
de 1812. — La reine était-elle prisonnière? Ses jours étaient-ils menacés?
Quel parti prendrait son ministère , qui délibérait à Madrid lor ce grave
événement? Essaierait-il, avec les troupes encore fidèles, de réduire
l'insurrection de la Granja , et de ramener les deux reines dans la capi-
tale, où le désarmement de la garde nationale s'opérait sans trop de dif*
ficulté? Si la constitution de 1812 est proclamée à Madrid, qael en soi
l'effet sur le ministère de M. Isturits, sur les certes émanées des dernièni
élections, sur la régente elle-même, en un mot, sur tout un ordre de
choses qui avait pour unique base le testament de Ferdinand VH?-
. Telles furent les principales questions qu'on se fit aussitôt, et tout le monde
comprit qu'il fallait au moins attendre quelques jours. Cependant, qo»-
que les ministres démissionnaires, ou qui étaient dans l'intention de le
retirer, easseut fait cette concession de bonne grâce, il était dès-Ion 4
peu près certain qu'on ne parviendrait pas à s'entendre sur le fond des
choses , et que ce provisoire chancelant ne serait pas de longue durée.
La question sur laquelle s'est divisé le cabinet éuit celle de Iapolitiq«
à suivre vis-à-vis de l'Espagne. Ce n'était pas, à proprement parier, h
question de l'intervention, mais celle des mesures à prendre pour rele-
ver, par un secours efficace, le moral ébranlé de l'armée espagnole; celle
delà coopération. Plusieurs fois déjà elle avait occupé non-seulement le
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k
ministère An Bi lévrier» mais cenx qui ToDt précédé. Tantôt le gouTer-
nement espagnol lui-même avait provoqué sur cette* importante matière
les délibérations de ses alliés » en réclamant une assistance conforme » si- .
non à la lettre, au moins à Tesprit de la quadruple alliance. Tantôt le mi-
nistère français, à la vue des progrès du parti carliste» s*éuit porté
spontanément à rechercher les moyens de mettre un terme à la guerre
civile des provinces du nord de FEspagne» si préjudiciable à nos inté-
rêts, sous quelque point de vue qu'on l'envisage. Enfin, de manière ou
d'autre , on peut dire que depuis la mort de Ferdinand YII, la question
n*avait pas cessé un instant d'être sous les yeux du ministère; et toutes les
fois qu'on l'avait positivement agitée , il s'était toujours élevé dans le sein
du conseil une voix éloquente, soutenue par une conviction profonde, pour
dire que la France se devait à elle-même , non moins qu'à l'Espagne, de
rendre impossible une restauration et une contre-révolution à Madrid.
Cette voix , c'était celle de M. Thiers.
La France ne s'était pas engagée légèrement à soutenir en Espagne la
succession féminine, établie par le testament de Ferdinand VII, et coa*
forme d'ailleurs aux antiques lois de la monarchie espagnole. On n'avait
pas fermé les yeux sur les inconvéniens de l'abolition de la loi salique;
mais le gouvernement (M. de Broglie, M. Guizot et M. Thiers faisaient
alors partie du ministère , sous la présidence du maréchal Soult) en fut
moins frappé que des dangers de toute espèce dont nous menacerait l'a-
Ténement de don Carlos au trône d'Espagne. H n'y a pas eu sur ce point
deux opinions dans le ministère. Don Carlos était un drapeau contr^ré-
Tolutionnalre, bien avant que cette nouvelle guerre de succession se fût
ouverte. Son avènement à la couronne aurait rendu impossible cette ac-
tion de la France sur la Péninsule, qui est dans son rôle naturel , dans les
intérêts permanens de sa politique, et qui désormais devait avoir pour
base la communauté de principes dans les deux gouvememens. La révo-
lution de juillet devait faire ce qu'aurait fait le cabinet de Versailles sous
l'ancienne monarchie, mais arriver par d'autres moyens au même but,
qui était de ne pas laisser échapper l'Espagne à sa légitime influence. Ce
système ne rencontra point d'opposition dans le conseil; on n'hésita poûH
sur le parti éprendre; la France reconnut immédiatement la jeune reine
Isabelle n et l'autorité de Ja régente; on promit des secours à tout événe-
ment, et cette résolution fut généralement applaudie.
Ces faits ne peuvent être méconnus; ils ne le sont pas, et personne ne
les a oubliés. Mais ils avaient des conséquences et ils imposaient des de-
voirs dont le dernier ministère paraissait avoir compris toute l'étendue.
M. Thiers, entre autres, n'a jamais perdu de vue les moyens d'exécu-
tion par lesquels le système du cabhiet dans la question espagnole de-
vait tôt ou tard, selon lui, se traduire en fait. Convaincu de bonne
heure que le gouvernement de la reine ne réussirait pas à éteindre
la guerre civile par ses propres forcés, il a toujours demandé dans
le conseil i^ démonstration vigoureuse contre don Carlos, de quel-
le nom qu'on voulût l'appeler, intervention ou coopération. Il pea-
^ avec raison que plus la foction carliste ferait de progrès^ et plus eDe
41.
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644 REVUE VBB DEUX MOKDBS.
deviendrait menaçante pour le régime constitationnél , plos vomi les
passions extrêmes s'enflammeraient et trouveraient de prise sur k
peuple, n voyait bien que chaque victoire des bandes carlistes proite-
rait aux exâltados» qui ne manqueraient pas de crier à la trmhisoa et
d'accuser des revers de Tarmée» la cour» les généraux, le système de bo-
dération suivi par le gouvernement. H voulait ainsi faire disparattre ie
plus grand obstacle à rétablissement de la révolution que noos avioos
favorisée, en débarrassant la reine de ses premiers ennemis, de eesx
qui ont été, jusqu'à ces derniers temps, les plus dangereux, les seob
déclarés. Après ce grand service rendu au parti libéral, sans disttoctioii
de nuances , la France aurait pu lui faire accepter ses conseib, lui faire
partager le fruit d'une plus longue expérience dans la carrière de U
liberté. Quand il y aurait eu en Espagne un gouvememoit régulier,
solide, et maître de son action, au lieu de deux partis en lutte, ^on
se serait vraiment réalisée l'alliance des états constitutionnels dn addi
de l'Europe, en opposition à celle des monarchies absolues da nord.
M.Thiers, quelle que fût sa politique à l'intérieur, était donc révi^otioa-
naire au dehors. Comme il ne comprenait pas une politique <f isolement,
il voulait que la France pût s'appuyer sur quelque chose autour d'eue, et
il entendait que ce fût , non pas, si l'on veut , sur des révolutions, maii
sur des gouvememens régis par les mêmes principes qu'elle , qui eoaeot
subi un changement analogue au sien , et qui eussent par ccMaséquent
les mêmes intérêts généraux. Au reste, cette politique parait aosn avoir
été celle de ses collègues; seulement chez lui', et par la nature de soa
caractère, elle conduisait plus directement à une action positive, et efle
tendait davantage à se manifester par des résultats. Nous croyons scfsir
que si M. de Broglie avait su manier certains détails d'orfinisatkm b£-
taire, s'il avait pu imprimer lui-même le mouvemoitâ une coopératioa
efficace, diriger et suivre l'exécution d'un plan qui demandait Vappiici-
tion simultanée d'une grande activité d'esprit à une foule d'objets diven,
il aurait volontiers prêté à l'Espagne , contre don Carlos, et sur la mésK
échelle, le genre de secours que M. Thiers lui ménageait dans ces der-
niers temps. Mais M. de Broglie ne savait trop comment s'y prendre, et
plia toujours devant l'opposition que rencontrait d'un certain côté loat
projet de se mêler activement des affaires d'Espagne.
M. Thiers a plusieurs fois proposé l'intervention ; l'année dermèrc, il
la voulait encore, directe, avouée, sous les glorieuses oonleors de b
France. H n'a jamais cru beaucoup aux prétendues répugnances des Ek
pagnols pour un secours, qui , après tout, n'avait rien de plus humilint
que la prolongation de la guerre civile et qui les en eût délivrés. £■
cela, il voyait juste; car, de tous les hommes qui ont manié les af-
faires d'Espagne depuis trois ans, il n'y en a pas un seul qui n*ait fat
par désirer et réclamer l'intervention de la France. On sait avec qaeic
devise H.Mendizabal était arrivé au pouvoir; cependant M. Meodisabal
a demandé , loi aussi, l'intervention, comme M. de Toreno l'avait fait
avant lui, etCQ0uaele fit après luiM.IsturiU;etnousavonsvu, clansw
discussion soteteçHe des cortès, l'orgueil eqMignol se payer d'un
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HBTOB. •— CHROIOQUB. 6tô
sophisme pour approoYory sans tA>p de honte» la réalité de Tintervention
sous un nom différent. D'ailleurs y les certes étaient déjà bien en arrière
de la majorité de la nation, qui demandait à être sauvée par les armes de
la France, sous quelque forme et à quelque titre que ce fût.
L'intervention ne Ait cependant pas accordée. A une certaine époque,
l'Angleterre parut éloignée d*y consentir» et son consentement n'aurait
pas même encore suffi pour lever les autres obstacles qui s'y opposaient.
Ce fut alors qu'on adopta le système des secours indirects par des recru-
temens en Angleterre et en France. Plusieurs corps étrangers entrèrent
donc au service de l'Espagne; mais bien des causes concoururent à les
rendre moins utiles qu'on n'avait dû* l'espérer. Néanmoins» le seul qui
se soit bien battu» la légion française d'Alger» montrait tout ce qu'on
pouvait attendre de ce système en lui donnant plus d'extension et en le
perfectionnant sous le rapport de la composition des cadres » de la direc-
tion supérieure et du matériel.
M. Thiers avait» dans ces derniers temps» sérieusement renoncé à l'in-
tervention directe; mais toujours convaincu qu'il ne fallait pas abandon-
ner l'Espagne » il s'était occupé de substituer à l'intervention directe un
plan de coopération qui promettait le même résultat sans présenter les
mêmes inconvéniens. C'est le plan que H. Bois-le-Comte fut chargé
d'exposer à la reine régente et au ministère espagnol. Il consistait à for-
mer» par le moyen d'engagemens volontaires et par la réunion d'un corps
d'élite espagnol» du corps auxiliaire portugais» et de la légion an-
glaise» sous le commandement d'un général français» une armée d'opé-
rations» qui» bien dirigée» aurait dû anéantir en Navarre les forces car-
listes» occuper le foyer de l'insurrection et la frapper au cœur d'un coup
mortel. De vieilles expériences militaires répondaient sur leur tête du
succès de cette combinaison. Parfaitement secondé par le nfinistre de la
goerre qui entrait dans ses vues » et sûr du concours de l'Angleterre » le
président du conseil avait tout disposé pour l'exécution de ce pian. Une
excellente cavalerie» quelques mille hommes choisis parmi les meilleurs»
les plus robustes» les mieux disciplinés sur un grand nombre de volon-
taires qui se présentaient dans tous les régimens» une bonne artillerie»
un service matériel assuré» tout devait être prêt en peu de temps. Plu-
sieurs généraux avaient été désignés au choix du roi» et sur ce point
si important on devait s'entendre avec le gouvernement espagnol. Le
nom du général Bugeaud qui venait de remporter un avantage signalé en
Afrique » qui connaissait parfaitement le théâtre de la guerre , fut même
mis en avant.
Ainsi» faire contre don Carlos une démonstration vigoureuse» don-
ner à ia reine-régente un témoignage éclatant de la sympathie de la
France» garantir le trône disabelle II» d'abord et directement contre
une restauration» et puis indirectement contre une révolution anar-
chique» tels étaient les principes du système auquel M. Thiers n'avait
cessé d'attacher son existence ministérielle. Pendant qu'on s'occupait en
France des moyens de le réaliser» le ministère espagnol en acceptait la pro-
messe avec reoonnaijisance, Il aurait voulu davantage, à cause de l'exten-
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Bti RBTos i»t Mux mmuss.
8ion qne la guerre eiyiU avait prise et du bonleveneoMOt ^ai «nteit
partout la suite; mais il comprenait la force des raisons qui aTûfiat dé-
terminé la conduite de ses alliés , et il partageait leur eqx>ir. Malheoreo-
sèment il y avait déjà scission dans le conseil sur l'étendue de la coopén-
tion ; le plan de M. Tbiers rencontrait des obstacles imprévus» tant éult
remis en question.
Les mouvemens de Sarragosse et de rAndalonsle, ain» que la fermet-
tation des armées, étaient déjà connus quand la crise ministérielle a eœ-
menée, et sans doute ces événemens ont contribué à ranimer de butes
répugnances, toujours vaincues à grand'peine, pour l'adoption d'uae mêP-
che plus décidée à l'égard de l'Esp'sgne. Le chifft^ du contlngem destisé
à renforcer le corps français au service de la reine était resté dans kn-
gue ; il s'agissait de le fixer définitivement , puisque déjà on avait saw b
main un grand nombre de volontaires, et que l'organisatioD prwisoiR
faisait de rapides progrès. Il s'agissait aussi du cboix d'un général, a&
de lui donner immédiatement ses instructions, de régler le plan d'opài-
tions, et d'établir, par une convention formelle avec le gouvernement es-
i)agDol, les rapports de toute espèce que ce général aurait avec lui, avet
e commandant en chef de l'armée du Nord, les autorités locales , les lu-
bilans du pays insurgé. C'est à l'occasion de ces deux points, sur lesqadls
on ne pouvait plus différer de s'entendre, que se sont manifestés les pre-
miers symptômes d'un grave et profond dissentiment.
Deux systèmes se trouvèrent dès-lors en présence, et ont continué de-
puis à partager le conseil jusqu'à la séance du 35, à l'issue de Uqudlc
six des ministres présens à Paris se sont trouvés dans un camp, et k
septième dans l'autre. Celui qui semble avoir triomphé est le systène
d'une neutralité absolue, d'une observation toute passive, d'un aban-
don complet de l'Espagne; si le second avait prévalu, en sospeoâÊai
l'exécution des mesures prises pour le recruteifaent, car on était d*ac^
cord sur ce point, on aurait conservé à tout événement une mUitade
menaçante contre don Carlos; on n'aurait pas annoncé au parU libéral es-
pagnol que désormais la France laisserait le champ libre à une restaora-
tion; on aurait évité de donner au parti carliste une impulsion morak
qui pouvait servir sa cause, et exaspérer la révolution à Madrid parle
désespoir, car voilà exactement où les choses en étaient lors de la émh
lution du ministère.
Nous avons passé sur les Conflits intermédiaires; ce n*est pas qu'ib nia-
quent d'importance, mais nous tenions à établir d'abord quelle était la véri-
table question agitée dans leconseil. Quant aux incidens delà crise miaiit^
rielle, ils n'ont, pour ainsi dire , qu'une valeur apparente , et noos ne
les regardons que comme les indices qui trahissaient la lutte de deux
systèmes. Ainsi, quand le Journal de Paris déclarait, après les évènemem
de Saint-Ildefonse, « que la France ne portait pas un intérêt moins vif
à la cause de la reine; » cela voulait dire que la majorité du consul con-
servait l'espoir et se croyait toujours dans l'obligation de raffermir ses
trône ébranlé, s'il n'y avait à le défendre que contre don Carlos. L'amie
partie du conseil répondait à cette opinion par queSques mots insérés aa
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BETUB. — CHROHIQUE* 647
Uonitewr sur Vorôte du jour du général Lebeao. Et oe (ht pendant plu-
sieurs jours un fort singulier spectacle que celui de cette petite guerife
entre les deux fractions du conseil , par le moyen de deux journaux qui
devaient appartenir également à la majorité du cabinet. Elle amusa la
malignité du public, et n'était pas» il faut le dire, très constitutionnellQ.
Mais c'est un point sur lequel nous aurions tort d*étre bien difficiles; car
en matière plus grave, tout ce qui s*est passé n'est au fond rien moins que
eonstitutionnely et dans les régions élevées du pouvoir on n'y lait pas asses
attention. Quant à la rectification de Tordre du jour du général Lebeau^
elle était juste; le général Lebeau n'était pas au service de laFrance, et ne
tenait pas du roi son commandement et son titre. Mais en relevant une
simple Inexactitude, on annonçait la résolution de ne pas donner suite aux
mesures qui avaient reçu un commencement d'exécution par l'entrée en
Espagne de cet officier supérieur et des troupes qu'il commandait. Noua
croyons que c'était une faute. Il suffisait de ne pas leur envoyer de con-
forts ; et en déclarant aussi formellement qu'on les abandonnait à leurs
propres forces, on s'exposait à décourager officiers et soldats. L'article
du Moniteur était au moins inutile, s'il n'était dangereux.
Si notre exposition des causes qui ont amené la dissolution du mi-
nistère est complète, la formation du nouveau cabinet sera donc une
déclaration solennellement faite à l'Espagne et à l'Europe, que le traité
de la quadruple alliance n'existe plus, que le triomphe de don Carlos
est indifférent à la France, et que le gouvernement de la révolution
de juillet ne voit plus aux prises dans la Péninsule que deux causes
également étrangères à ses sympathies. Nous croyons, pour notre compte»
que le règne de la constitution de 1812, inauguré comme il l'a été par de
sanglans désordres, a changé la position de la France vis-à-vis de l'Espa-
gne. Personne ne le nie, et les ministres démissionnaires le reconnais-
saient hautement, puisqu'ils s'étaient réduits à demander le nuiintien
d'une attitude expectante. Mais est-il bien possible qu'un ministère quel-
conque accepte dans toute son étendue la situation que lui fait le motif
avoué de la retraite du cabinet présidé par M. Thiers? et s'il ne l'accepte
pas, quelle sera donc la sigmfication d'un événement aussi grave? Fau-
dra-t-il croire à des influences souterraines qu'on n'oserait pas avouep,
à d'obscures intrigues, à l'existence de questions toutes personnelles sous
le masque d'une question de principes? La presse, qui s'est beaucoup oc-
cupée de la dissolution du cabinet, et qui en a donné des explications di-
verses , a-t-eile tout dit? Les mieux informés pouvaient-ils tout dire?
C'est ce que nous n'oserions affirmer.
Une partie de la presse s'est prononcée hautement contre tout projet
d'intervention française en Espagne, même sous la forme d'une coopéra-
tion indirecte. Elle a dit que l'intervention était une arme à deux tran-
chans , qui poiivait frapper à droite et à gauche, et elle^ s'est défiée du bras
qui devait la manieç. Assurément ce n'est point par sympathie pour don .
Carlos; elle ne croit pas et désire encore moins qu'il aille à Madrid dé-
trôner la révolution et rétablir l'inquisition avec les moines. Mais elle a
plus de confiance que nous dans l'élan de la nation equignole; eQe croit
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648 R£VU£ DES DEUX MONDES.
qae si un ministère énergique sait en profi ter, don Carlos est perdu» et qat
son parti sera bientôt anéanti dans toute l'Espagne. Nous youdrioiis Tes*
pérer comme elle; mais nous avons de bonnes raisons pour en douter.
An reste y le rôle de la France n'était certainement pas d'intenremr
dans les querelles intérieures des diverses nuances du parti libéral espè'
gnol; mais nous croyons (et il ne s'agit ici que du passé, nous parlons de
ce qui aurait dû être fait autrefois, de ce qui aurait assurément préveon
de grands malheurs), nous croyons que si une armée française ayait mis
fin à la guerre civile des provinces basques et de la Navarre, le peuple es-
pagnol aurait eu k bénir l'intervention de la France dans ses affaires, que
la liberté n'y aurait rien perdu, et que l'humanité y aurait beaoooap
gagné.
C'est un autre système qui a prévalu. Le ministre de l'intérieur et
M. Pelet (de la Lozère), dit-on, ne voulaient pas engager la France
dans une entreprise qu'ils estimaient fort chanceuse , et qui aurait conté
beaucoup d'argent, dans un pays dont les dispositions à notre égard sont
si équivoques, pour un résultat incertain, qui pourrait tromper tous les
désirs et tourner contre toutes les espérances du gouvernement, en fa-
veur d'une cause déjà souillée par tant d'excès » d'une reine qui peat-
étre ne conserverait pas le pouvoir, d'un peuple fort rétif aux conseib de
ses alliés, et à qui des influences ennemies feraient croire sa liberté me-
nacée quand on ne voudrait que la sauver. Un auguste personnage a ton*
jours été de cet avis : on lui prête même un propos familier que nons ne
rapporterons pas , mais qui revient à dire que l'Espagne n'est bonne i
prendre par aucun bout, qu'elle ne peut être qu'un embarras, et qi'û
ne faut plus s'en mêler.
Nous ne savons pas encore quel est le ministère qui acceptera celle po-
litique d'observation et de laisser faire. On a mis en avant les noms de
M. Mole, pour les affaires étrangères, avec la présidence du conseil;
M. de Montalivet, pour l'intérieur, où il resterait;
M. Guizot , pour l'instruction publique ;
M. Duchâtel , pour les finances ;
M. Persil, pour la justice;
M. de Mackau, pour la marine;
M. de Gaux ou le maréchal Molitor pour la guerre.
Mais il parait que les divers élémens dont se composerait ce ministère
ne parviennent pas à s'entendre; M. Guizot ne veut pas mettre vis-à-fis
de M. Mole toute l'abnégation, toute la confiance qu'il avait apportée dans
la composition du cabinet présidé par M. de Broglie; il réclame, dit-oa,
un ministre de plus pris dans le parti qui le reconnaît pour son chef, afia
de se fortifier dans le conseil, où il n'aurait, en apparence, qu'une positioa
secondaire. Ces difficultés nous menacent d'un long interrègne ministériel
et entretiennent un provisoire absurde et préjudiciable aux affaires, qui
fatigue tout le-monde. Elles se renouvellent trop^souvent pour ne pas être
prises au sérieux et pour ne pas jeter dans les esprits l'idée d'une insta-
bilité qui les inquiète à bon droit, et à laquelle on suppose des causeï
bien profondes.Ob! la France politique ne ressemble guère il' Angleterre^
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BBYUE. — GHROMIQUE. 640
OÙ les partis marchent comme nn seul homme, soos des drapeanx aux
couleurs bien tranchées, arec des principes bien nets, et où l'on sait tou-
jours au juste et ce qui triomphe et ce qui succombe. Il est fâcheux pour
la monarchie de juiÛet que M. Thiers s*éloigne de ses conseils. Avec tous
ses défauts que nous avons vivement signalés lorsqu'il attachait son nom
à des mesures de réaption, mais qu'il n'était ni loyal , ni habile de rappeler
à l'occasion d'une retraite honorable, il apportait plus qu'aucuA autre,
dans le cabinet, une intelligence élevée des besoins et des intérêts de la
France; c'est de plus une parole éloquente facile, toujours prête, qu'on
remplacera difficilement, et qui est cependant si nécessaire au pouvoir
dans cette vie parlementaire où il faut gagner son pain de chaque jour
à la sueur de son front. * ^
Les affaires d'Espagne ont eu trop d'influence sur la crise ministérielle
que nous venons de raconter, pour qu'un récit , puisé aux sources les plus
sûres, des grands événemens qui agitent ce pays , n'offre pas un vif inté-
rêt ; c'est peut-être même par là que nous aurions dû commencer.
Lorsque nous parlions de l'Espagne dans notre dernière chronique ^
la révolution y était accomplie. Une conspiration militaire avait éclaté à
Saint -Udefonse, et la reine-régente, menacée par des soldats en ré-
volte, avait accepté ou laissé proclamer la constitution de 1812. Mais
ces événemens n'ont été connus à Paris que le 18 , par une dépêche
télégraphique de Bayonne. Les détails en sont arrivés deux jours après,
et le gouvernement s'est empressé de les publier. Le premier effet que
produisit la dépêche télégraphique, fût de retarder la dissolution du mi-
nistère , qui paraissait inévitable le même jour à midi.
La reine-régente était restée à Saint^Udefonse, quoiqu'on ne lui eût pas
^argné de trop justes avis sur les dangers qu'elle pouvait y courir. Elle
n'avait auprès d'elle qu'un seul ministre, et la garnison de la résidence
royale se composait de 1400 hommes, appartenant à trois corps différens,
1100 hommes d'infanterie et 300 de cavalerie. Ces troupes étaient sous les
ordres du comte de San-Roman, commandant supérieur de la garde,
qui la veille encore répondait de leur fidélité. Mais ce qui serait incroya-
ble dans tout autre pays que l'Espagne, on leur devait trois mois de
solde, et cette malheureuse circonstance fut trop bien exploitée parles
agens secrets venus de Madrid, qui les travaillaient depuis quelque
temps.
Le 12 au soir, quand les portes de Saint-Udefonse étaient déjà fermées ,
un bataillon d'infanterie de 700 hommes, dont la caserne était située hors
de l'enceinte de la ville, sortit de ses quartiers en bon ordre, musique en
tête, et se présenta devant la porte voisine, demandant à grands cris qu'elle
lui fût ouverte. On s'y refusa long-temps, et ce bataillon resta près d'une
heure en dehors de la ville, à vociférer des menaces. Cependant les esprits
s'échauffaient, et on se disposait à enfoncer la porte, quand elle fut ou-
verte du dedans par l'autre bataillon d'infanterie de 400 hommes, qui
était caserne dans la ville et qui arriva en armes pour prendre part au
mouvement. Tous ensemble se rendirent alors sur la phice du palais, en
criant qu'ils voulaient être payés de leur /solde. Au milieu de ce tu-
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CHO RETUB US MOX K0IIDB8.
moite» on entaiKhiVauiti retentir des crie de mmera, et dee i
fwtriotiqnei. La cavalerie était sons les armes et y resta tonte U mit,
sans se joindre anx réroltés qni venaient TinsaHer.
Au premier bruit de ce qui se passait , M« Yilliers » ambassadeur d'As-
gleterre, et M. Bois-le-Gomte, arrivé depuis deux jours à Saint-D-
defbnse, se rendirent ensemble au palais; mais tous leurs efforts pov
pènétrer jusqu'à la reine furent inutiles. Les soldats , qui oocupeicBt
tous les abords, ne laissaient entrer personne ; la voix des officiers étak
méconnue, et les sous-officiers qui dirigeaient le mouvement voolaicBt
que la reine demeurAt privée de tout conseil, de tout appui. M. Yîllîefs
offrit alors de garantir le paiement de la solde arriérée dans les qaaram»-
huit heures. Les troupes hésitèrent un instant, et elles auraient cédés
les secrètes influences qui les dominaient ne s'y fussent vivement opposées.
On apporta du vin sur la place; à l'ivresse de la révolte s'en Joignii bki-
tôt une autre qui l'aggrava, et la reine, assiégée dans son paUis, sent
forcée de capituler.
Une plus longue résistance pouvait avoir de funestes résultats; la rdoe,
que son courage n'avait pas abandonnée un instant^ admit auprès d'elle
une députation de douze soldats. Ces hommes lui demaodèreot U odobi>>
tution; ils ne savaient pas ce que c'était; mais là encore ils obéisaiest
aveuglément aune consigne. Ils se promettaient des merveilles de h
constitution. Cette singulière discussion , conduite du côté de la rrâe
avec sang-froid, du côté des soldats avec une certaine arroganee mêlée
de protestations de dévouement , se prolongea quelque temps ; mais eofia,
comme les soldats opposaient toujours aux meilleures raisons la brutale
obstination de leur volonté, il fallut bien céder, et la reine signa on papier
conçu en ces termes : La reine auHoriee U général Sss-Roauui é Imsst
les soUiats jurer la eoAsiUuikni jnequ'à la réunUm des eoriès. Les sold^
célébrèrent leur victoire par des coups de fusil, des chanU, des cris de
joie, et une espèce de marche triomphale autour de la place du paiÉs;
après quoi ils retournèrent à leurs quartiers, laissant la reine èp«iisée psr
nne émotion long-temps contenue.
Cependant 1^ ministère était encore maître delà capitale, où l*iBfH^
tuné Quesada maintenait l'ordre par son énergie. Aussitôt qull est
appris les évènemens de la Granja, il résolut de faire retenir la rôae à
Madrid, et envoya le ministre de la guerre, Mendez Vigo, à âaint-
Ildefbnse, pour hâter son départ, et disposer les troupes à y consentir.
Hendez Vigo arriva, le 14 au matin, à la résidence ro jale, y trouva h
reine presque prisonnière, les précautions multipliées autour d'elle psar
l'empêcher de fuir, et les soldats entretenus à dessein par les meness
de la révolution dans une ivresse continuelle, qui ajoutait encore à Isor
exaltation, et les rendait moins accessibles que jamais aux conseib de
knirs chcik. M* Bois-le-Comte et M. Villiers, qu'il alla trouver en airi-
vantj regardaient la tenutive comme fort dangereuse, et ne croyaic^
pas qu'elle pût réussir. Néanmoins, le ministre essaya de pressentir le
dispositions des troupes, qui d'abord ne parurent pas devoir knettrs «à-
suicle au départ de la reine, et on s'y prépara aussit^yt. Hais, étm Fin-
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UYUE. — CH|U)IfIQUB. ^f
t«ryill6, le conseil des sous-officiers se réunit» et décida que les portes
seraient fermées immédiatement; il prit aussi d*autres mesures pour
empêcher Teiécution du projet de départ.
Cette situation ne pouvait durer; il fallait désarmer la défiance des sol*
daU; il fallait sortir de leurs mains et donner à la révolution un cbef qui
en devint responsable » au lieu de quelques sergens obscurs intéressés k
prolonger le désordre. La reine forma donc, dans la journée du 14, un
ministère constitutionnel sous la présidence de M. Galatrava; l'état de.
siège de Madrid fut levé; le général Seoane fut nommé capitaine-géné-
ral de la Gastille, en remplacement de Quesada , et Rodil appelé au com-
mandement de la garde; enfin^ la constitution de 1^12 devait être recon-
nue et proclamée loi fondamentale de TEspagne jusqu'à la réunion des
eortès qui pourraient la réviser.
Heodez Vigo revint à Madrid le 15 au matin avec ces décrets signés
par la reine, et qui furent aussitôt publiés. H y régnait depuis deux jours
une grande agitation; mais Quesada contenait encore le mouvement,
quoique déjà moins sûr de la'fidélité des troupes.
La publication des décrets de la reine ne laissait plus de prétexte aux
Auteurs de désordre ; il ne restait qu'à jouir du triomphe de la constitu-
tion «^ mais ce n'était pas le compte des che& du mouvement; il y avait
fluainienant des désirs de vengeance à satisfaire , une populace à enivrer
IKNir la compromettre sans retour, pour décourager toute opposition ^ et
effrayer par un terrible exemple. Avant la fin de la journée» une multi-
tude en délire rapportait à Madrid les sanglans et informes débrb du
corps de Quesada. Soit mauvaise volonté, soit impuissance, les nou-
velles autorités n'ont rien fait pour épargner une pareille souillure à la
révolution qu'elles représentent.
X/OS deuK reines sont arrivées le 17 au soir dans la capitale; leur palais
n'est pas à l'abri des visites tyranniques et des perquisitions insolentes. €e
font des épreuves de tous les instans auxquelles l'ame la plus fortement
trempée ne résisterait pas long-temps. Jusqu'Ici la reine-régente a été
persoanellement respectée; mais le sera-t-elie toujours? et dans une pa-
reille absence de force publique, sa vie, sa liberté, ne sont-elles pas à
la merci d'un caporal ivre qui eçtralnerait dix soldats résolus à sa suite?
Le seul acte du ministère Galatrava, qu'on dit fortement ébranlé »
parait avoir été, jusqu'à présent, la dissolution des certes, qui venaient
d'être élus. Cet acte était commandé par l'opinion triomphante ; une nou-
velle assemblée, qui sera élue selon les formes établies par la constitu-
tion de IS12, se réunira dans deux mois.
Au reste, ni les armées ni la plupart des provinces n'avalent attendu les
évènemens de Saint-Udefonse pour proclamer la constitution de 1812,
avec ou sans le concours des autorités civiles et militaires. Chose singu-
lière! Barcelonne est la dernière grande ville de l'Espagne qui se soit pro-
nonoée, et encore on assure que c'est malgré Mina. Cependant la coûsti-
tutîon y a été proclamée deux jours avant que les décrets de la reine n'y
luisent connus. Mais l'état de Barcelonne est fort bizarre : cette ville cu-
«mle la constitution de 1812 et la liberté illimitée qu'elle consacre, avec
l'^t de iiége» ja censure et une dictature militaire qui ne 3e gCne pas
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653 RBTUB 1>E8 DEUX MOIfBKS.
avec les agens des clubs; car elle y a fait enle?er tout récemment» en ne
nuit, trente des meneurs les plus actifs de la populace (et noopuda
jeunes gens carlistes, comme l'a prétendu un journal), mesure qui a pré-
venu un mouvement ultra-révolutionnaire préparé poar le leodemiiB.
C'est Mina mourant qui traite avec si peu de façon la liberté individuefle
des patriotes barcelonnais. Mais on craint une explosion : la populace y
demande à grands cris la déposition du gouverneur civil, la dissolutin
des lanciers de la garde nationale, comme trop aristocrates, et celle d'uae
garde de police, qui , dans ces derniers temps , a maintenu l'ordre aiee
vigueur. Pendant que la vie de Mina n*est plus soutenue que parda
moyens factices, l'intérim de la capitainerie-générale est exercé pirk
général Aldama, commandant en second de la principauté, etiort
impopulaire à Baroelonne. Il est impossible de prévoir comment tott
cela finira. On ne sait pas encore si la reine conservera la régence, que
la constitution de 1812 lui refuse, et dont elle n'est* restée nominale-
ment en possession que par une tolérance dont la durée est incertaioB.
Jusqu'ici le prétendant ne parait pas en mesure de profiter de cette
confusion, et ses troupes viennent d'essuyer deux graves échecs i quel-
ques jours de distance, l'un en Navarre, l'autre sur les confins desnrfis-
mes de Valence et d'Aragon. Quant à Gomez, on ne sait ce qu'il eit de-
venu : tandis que le général Espartero se vante de l'avoir extermiiiéyJes
carlistes publient qu'il est à la tête de 20,000 hommes, et qu'il oceope
une partie de la Galice, les Asturies et le royaume de Léon.
REVUE MUSIGAUS.
L'Opéra n'est plus le théâtre prospère que nous avons oodoil La seeood»
rentrée de MH* Taglioni, dans la Révolu au sérail, avait attiré pende
monde, et la Juive s'est chantée devant un auditoire des moins uMabren
et des plusindifTérens. Voilà pour l'autre semaine. Quant à celle qoiiiest
de s'écouler, elle a été notée parles plus tristes revers. On sait lefâchesx
événement survenu lundi pendant la représentation de Robtri-U-WM*
Nous ne prétendons pas ici rendre M. Dnponchel responsable d'uniideiB
qui tombe , ce serait absurde ; ce que nous en dirons est tout simpteocst
pour déplorer l'espèce de fatalité qui semble depuis quelque temps i*it-
tacher à ce théâtre. En effet, s'il se rencontre par hasard dans l'asiée
une bonne et louable représentation d'un chef-d'œuvre , voilà qu'on riiktf
tombe du ciel tout exprès pour l'interrompre an beau milieu. En fériié»
c'est avoir du malheur. Sous M. Véron, ce rideau-là serait tombé pee-
dant une cavatine de M. Alexis Dupont, et n'aurait rien troublé quels
fausses notes du chanteur; mais H. Véron était un homme heureux. I^
lendemain l'Académie royale a fait relâche. C'est un excellent mej^
d'empêcher les représentations d'être interrompues queden'enpasdoostf
du tout. En cela M. Duponchel nous semble avoir parfaitement raiioii^
Cependant nous doutons que sa fortune s'accommode long-temps d'as!
pareille logique. Voilà pourtant où l'Opéra en est réduit. Une indi^
tion de M>^ TagUoni l'oblige à ne pas ouvrir 86S portes. Oft jouera h ^ji"
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UYUB. — CHEONIQUE. 6S3
phidê 00 rien. Et c^est à rinexpérience de M. Duponchel qu'il faut attri-
buer ce triste eut de choses ! M. Duponchel professe pour la musique un
dédain qu*il a sucé avec le lait; mais comme les gens qui l'entourent sont
presque tous des- musiciens de plus ou moins de génie ou de talent, qui
défendent tous plus ou moins leur art et leurs intérêts; comme , après
tout, il est directeur de l'Académie roy^ale de Musique , M. Duponchel
lutte parfois contre ses instincts et se soumet; mais son instinct ne man-
que jamais de revenir au galop , et dès-lors il n'a de cesse qu'il n'ait con-
fié sa fortune à la danse. Qu'arrive-t-il î la danse un beau jour s'accroche
l'aile ou se foule le pied , et l'Opéra chôme. Pour peu qu'on y réfléchisse,
on verra que rien au monde n'est moins varié que le répertoire de l'O-
péra : ôtez-en les Huguenots j Roheri-le-Diable , la Juive, que reste-t-ilî
Et la danse, que peut-elle produire, maintenant que les Ellssier sont ab-
sentes, sinon Ut Sylphide et la Révolte au sérail ? Les chanteurs français ne
sont pas comme les Italiens, courageux, vaillans, infatigables, toujours
prêts à chanter. Quand M. Nourrit ou M^e Falcon ont paru dans Robert--
le^Diahle^ il faut qu'ils se reposent le reste de la semaine. Alors l'admi-
nistration se voit dans la nécessité absolue de jouer Za 5yIpAtV/e, ou, si
ST'* Taglioni est indisposée , de faire relâche. Cependant le répertoire de
rOpéra n'a pas toujours été si pauvre, si dénué , si mesquin. C'est M. Du-
ponchel qui l'a mis dans ce bel état. Aussi ces contretemps , qui l'embar-
rassent tellement aujourd'hui , l'ancien directeur n'y prenait même pas
garde. M. Yéron tenait toujours une représentation en réserve, pour
remplacer au besoin celle qui pourrait manquer, car il savait mieux que
tout autre combien le public interprète mal ces relâches fréquens, qui
sont d'ordinaire comme les derniers soupirs dès administrations maladi-
Tes et chancelantes. Dès son entrée à l'Opéra , M. Duponchel a jugé à pro-
pos de se priver de certaines ressources dont il aurait pu disposer encore
avec fruit. D'un trait de plume , il a rayé du répertoire bon nombre de
partitions, entre autres le don Juan de Mozart, ce chef-d'œuvre dont les
représentations, habilement ménagées, avaient jusque-là été si- glorieuses
pour ce théâtre. Après tout, le mal n'est pas si grand, Mozart devait être
exclu d'une scène où Rossini subittous les jours de si pitoyables traitemens;
et mieux vaut se résigner à ne plus entendre Don Juan^ que de le voir
taillé en pièces, comme Guillaume Tell ou Moïse, et livré à l'incapacité
des sujets du second ordre. Que M, Duponchel y prenne garde; pour peu
que cela dure, l'Opéra finira par tomber en désuétude aupr4 de ces
dignes provinciaux qui le fréquentent et promènent chaque soir au foyer
leurs femmes et leurs filles avec une singulière ostentation; car pour
l'ancien public doré, qui , l'hiver dernier encore, faisait les honneurs de
sa salle, il n'y faut plus penser. A l'heure qu'il est, ce public est partout
en Europe , hormis à l'Opéra; il se repose, il voyage, il prend les eaux,
il est à Baden, à Vienne, à Prague, où l'on sacre l'empereur, et dans
tous les châteaux de France. Nous le retrouverons au Théâtre-Italien.
Le Théâtre-Italien a publié le programme de sa saison nouvelle. Les
grands noms de Rubini, de Lablache, de Tambnrini et de la Grisi sont
en tête. Certes» l'occasion est belle de produire des che&-d'œuvre, et les
applaudissemensnemanquerontpâsàrentreprise. OiheHo^ Don Giovanni,
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654 KEYins i>E8 rauï mmMs.
Sèmiramide,ceà intarissable^ sources de mélodie et d'or, Tont lkife,eBoon
une fois, tous les frais de l*hiver. A ce propos , il faot absolument qm
Fadministration répare on oubli dont elle se rend coupable depoB
deux ans envers l'un des plus grands maîtres de la scène italienVy
et remette au répertoire le Mariage secret, où Lablache est si carienrOi
peut, sur ce point, se fier à la bonne volonté de Rossini , qui ne laism
pas échapper l'occasion d'entendre l'adorable musique de Cimarat,
Tune de ses admirations les plus vives et les plus sincères.
L'Opéra-Comîque se repose dans la solitude et le silence ; de temps i
autre , le bonhomme se réveille de sa léthargie, et secouant sa pernnp»
sous son bosquet de fleurs, fredonne quelque motif badin de Dalajraeoa
de ceux qui savent encore aujourd'hui- l'art divin d'écrire pour n f«x.
En ce moment, TOpéra-Gomique, quia brossé son habit vert pomme, le
tient deux heures par jour debout sur ses petites jambes, pour répéterai
acte de W^* Loîsa Puget. Bfii* Puget a composé pour M"* Damoreaapb-
sieurs album de romances, parmi lesquelles il y en a qui sont charman-
tes. Gomme on le voit, M"« Puget a des droits incontestables à notre se-
conde scène lyri({ue. Tous dire ici le nom de toutes ces romances, je ne
saurais. En vérité c'est une chose des plus curieuses que les titres que foi
invente aujourd'hui; la romance , si chétive qu'elle soit, n'a pas su éch^
. per à ces transformations magnifiques, que l'on fait, de notre temps, n*
bir à toutes choses. Les poètes de romances ont été plus furieux cent kb
que les romantiques de la restauration^ La romance a dévoré lesosK-
mens, les cours d'homme, les poitrines de femme, dont la ballade ne mi
plas. Autrefois la romance était tout bonnement une mélodie agréable et
douce , dont la grâce tournait bientôt à l'afféterie et la simpliàté i k
niaiserie; cela s'appelait d'ordinaire la fille à Nicolas, Roseet Lubin^
h Aendes-votts sous Vorme ; on parlait beaucoup de lèvres vermeilles, de
fiUes du hameaUfde bocageet d'om6rage. Aujourd'hui les temps sont bien
changés, et les choses ne se passent plus si gaiement; ce ne sont que spec-
tt-es qui sortent du tombeau, femmes qui se laissent mourir de faim, d
bonnes lames de Tolède qui reluisent à la Iqne sous les balcons maure»*
ques. La passiou a tout envahi ; les notes pleurent, les paroles hurlent; il
y a du délire dans le titre et du désespoir dans les points d'exclamatia
qui dansent devant lui. Vraiment on ne sait où tout cela peut nous con-
duire, si M. Listz, ce grand modérateur de l'art social, ne se hAle d'écrire
bien vite à Genève quelque long discours en cinq parties, dont ses aœinlc
France s'empresseront de nous faire part. Quoi qu'il en soit, la partiti(«
de M"« Lolsa Puget a nom le Regard. Gertes, le titre est bien choisi poff
un opéra-comique ; il y aura dans ce regard de l'amour, de la tendresse,
de la mélancolie, des feux, de toutes ces choses enfin qui réjouissent tant
les dileitanti de l'endroit. Fasse le ciel que ce regard éclaire M. Gros-
nier, et ne lui serve pas tout simplement à lui faire voir de phisprcssi
ruine! M. Auber, ce musicien de tant de verve et d'esprit, prépare,*
son Côté un ouvrage en trois actes, dont il destine le rôle à M« Dus»-
reau. G'est sans doute sur cette partition que l'Opéra-Comique a mis s»
espoir de l'hiver. L'auteur de la MueUe et de Fra Diavolo est un homne
à qju te succès manque rarement. Si les Chaperons hUines ont échoué, li
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nm* "«^ CHRORiQui* 6tft
^nte n'en est pa» à sa mosiqne, li légère, si bouffe^ si ehârmantAy naïf
m liTret, l'un des plus monotones et des pins fastidieut qui soient au
liéâtre. Tont porte à croire qae M • Aober prendra bï^tôt sa revanclM
l'une éclatante façon.
M.Meyerbeer est à Spa, où le retient le soin de sa santé. L'illustre
mteor des Huguenots n'a pu se rendre au désir de l'empereur d'Autri-
che, qui l'appelait auprès de lui pour diriger la musique des fêtes
(ai vont avoir lieu à son couronnement. Nous ne saurions dire quel grand
BQvre M. Meyerbeer prépare à l'henre qu'il est; ce qu'il y a de certain,
4)Qtefois, c'est qu'il compose. M. Meyerbeer ignore les volaptés du repo^
^est une de ces natures actives, vigilantes, infatigables, à qui roisiveté
*épngne. La préoccupation de l'œuvre et du succès les défore. Là est leur
nal* et voilà pourquoi toute médecine éclioue autour d'elles. Pour que ces
)anx minérales, où Ton se plonge, fussent efficaces, il faudrait laisser au
bnd cette inquiétude continuelle, qui, chez certains esprits, est comme
a sœur fatale de la pensée, au 'point que l'une n'existe qu'à la condition
le l'autre, et qu'il semble que le jour où l'inquiétude cesserait de se ma-
lifester, toute force créatrice serait éteinte. Nous doutons fort que
tf. Meyerbeer destine à l'Opéra français la partition qu'il écrit en ce
moment. La manière étrange dont M. Duponchel abuse du succès des
huguenots n'est pas faite pour encourager ce maitre à lui confier un
second ouvrage. Nul mieux que M. Meyerbeer- n'est eu position d'atteiw
Ire ; et pour peu qu'il consente à ne se bâter pas , il arrivera juste à teioops
[Kmr faire les bonneurs d'une administration nouvelle.
Quoi qu'il en soit, il vient d'écrire en ses instans de loisir une des
X)mpositions les plus charmantes qui se puissent entendre. Le morceau
loin nous parlons, inédit encore, est conçu dans des dimensions gran-
lioses, et pourrait s'appeler cantate si la mélancolie, et la grâce qu'il res-
[>ire en certaines parties ne lui donnaifflit un air de parenté avec les plus
limables lieds de Dessauer ou de Schubert. C'est là une composition qu'on
De saurait nommer. Tout y est arrangé avec art, disposé avec mesure et
plein d'harmonie et de fraîcheur. On ne trouve guère en musique d'effet
plus saisissant à la fois et plus simple que cette progression ascendante,
|Qi, partie des premières mesures, se développe insensiblement pouc
^ater au milieu en glorieuses fanfares, imitant l'explosion du matin dans
la nature. L'accompagnement abonde aussi en petites notes charmantes
qui tombent sur le. clavier comme des gouttes de pluie ou de roâe, en
^taisies que ^eber ne désavouerait pas. Nous parlions tout-à-l'heure,
^ propos de W^« Ldsa Puget, des musiciens qui font d'un djpéra une
t^mance en deux ou trois actes. On pourrait dire le contraire de M. Meyer-
^r; sa romance vaut une partition; pour nous, nous tenons fi:anchement
^ morteau pour supérieur à tous ceux que le maître a produits dans le
même genre , et nous ne doutons pas que le lecteur ne soit bientôt de
'^tre opinion lâ-dessus.
Le voyage de Rossini en Allemagne n'a pas manqué de traits curieux
^t dont Hoffmann eût bien fait son profit. Des ovations opiniâtres s'empa-
raient partout de l'illustre maître, des arcs de triomphe s'élevaient en
son honneur sur toutes les routes au bruit des tambours et des cymbales.
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656 UTUB tHËB BBUX MONDES*
Rien n'est CQrieox comme de lui entendre raconter» avec cet esprit nalia
et cette verve bouffonne qu'on lui connaît , les tribulations glorieuses da
génie en voyage* Sitôt qu'il arrivait le soir dans une auberge , il avait
bâte de s'enfermer et de s'étendre dans le meilleur fauteuil de F^idrat,
enveloppé de sa bonne robe de chambre » afin de préluder aux voliqicà
silencieuses d'une joyeuse nuit de sommeil. Dans cette espérance , il oo-
bliait avec délice ses partitions si chères autrefois, et les soins de sa
santé 9 qui lui est plus chère aujourd'hui que toutes ses partitioos. Gepoi-
dant la brise du soir, qui d'abord ne lui apportait que les paiiîims des
résédas de sa fenêtre , se chargeait insensiblement d'harmonie et de tî-
brations métalliques. C'était un bruit agréable et charmant , lait poor
inviter au repos. On eût dit la Muse qui descendait du ciel pour rmt
bercer son bien-aimé en de mélodieux enchantemens. Mais Rossini m
croit pas à la Muse, il croit plutôt, l'Hupie, aux sociétés philfaartnoQÎqaei;
et tout à coup, ô terreur! dans cet air qui l'avait enivré tonUi-Theure^il
reconnaissait en frissonnant quelque motif de Semiramis ou de GwUktMm
T0II: c'était la sérénade impitoyable qui le poursuivait jusque dans s»
sommeil. Que faire alors? il fallait bien se résigner aux eonois de la
gloire y et venir à son balcon haranguer les pauvres gens qui le oompM*
mentaient d'une si bruyante manière. Il leur contait mille choses sor
l'art et le progrès auxquels sa vie n'a été qu'un long et douloorenx dé-
Touement; puis, après une bonne heure de considérations sodaJes, lors-
qu'il avait Veuille sur ses dignes tètes toutes les roses de sa rhétorique, il
terminait en comparant les musiciens de génie aux cygnes qui ^h^mffrf
leur plus belle mélodie en mourant » et les congédiait là-dessos» satia&ils
et de bonne humeur.
Il parait que durant ce voyage, il s'est révélé chez Rossini on takK
oratoire des plus magnifiques. Au moins ce serait une cottsoiati<Mi de foir
le génie qui se répandait autrefois en belles notes se répandre déiomiii
en belles paroles. Espérons que le fleuve, pour changer de source^ le
perdra rien de sa transparence et de sa limpidité. A la place d'un grsMl
musicien nous aurons un grand orateur, voilà tout. On a remarqué
comme dès son premier début dans la carrière l'auteur de GtiiWawwtf
Tell en a deviné les moindres ruses. En effet, il ne manquait jamais de
mettre en émoi l'orgueil patriotique, et d'appeler toutes les vanités loca-
les ai4 secours de son éloquence. A Liège, il a parié très long-ten^ de
Grétry, ce restaurateur de la musique en France; à Francfort, il a vail-
lamment entonné les louanges de Gcethe devant une foule de banquiers et
de marcïiands juifs qui le comprenaient à peine. Il fallait qu'an Italien vM
rappeler à l'ancienne ville impériale son plus beau titre de gloire^ qa'cBe
oublie, ou plutôt qu'elle ignore. Peut-être que lorsque Rossini a demandé
la maison où l'auteur de Werther et de Faust a vu la lumière, nul, dms
Francfort , n'a pu la désigner. Triste enseignement pour lui! Qui pourri
dire que dans cinquante ans quelqu'un saura encore à Pesaro la cw
dans laquelle est né le plus beau génie de notre temps .'
H.W.
F. BoijOs*
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SUR L'ABUS
QU'ON FAIT
DES ADJECTIFS.
LETTRE
DE DEUX HABITANS DE LA FERTÉ-SOUS-JOUARRE
A M . LB DIRBCTBUA Bl LÀ RbTVE DES DBOZ M0!a>B8 (!}.
Mon cher monsieur ,
Que les dieux immortels tors assistent et tors préservent des
romans nouyeanxl Nous sommes deux abonnés de votre Revue,
mon ami Cotonet et moi, qui avons résolu de vous écrire touchant
une remarque que nous avons Mte : c*est que, dans les livres d'au*
jotird'hm, on emploie beaucoup d'adjectifs , et que nous croyons
que les auteurs se font par là un tort considérable.
Nous savons, monsieur, que ce n'est plus la mode de parler de
littérature, et vous trouverez peut-être que dans ce moment-ci nous
nous inquiétons de bien peu de chose. Nous en conviendrons vo-
lontters, car nous recevons le Constitutionnel, et nous avons des
(i) Bien q«e nous ne partagions pas toutes les opinions littéraires développées dans
CBlte lettre, nous n*avons pas voulu priver nos abonnés des aperçus piquans qu'elle coo-
tet En pareil cas, le Jugement du lecteur rectifie toujours celui du critique.
{N. du D.)
TOME VII. — 15 SEPTEMBRE 1836. IS
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6uo losfxns HKS*
fonds espagnols qui nous démangent terriblement. Hais
qu*un autre vous comprendrez sans doute toute la douceur qœ
deux âmes bien nées trouvent à s'occuper des beaux-arts, qui fost
le charme de la vie au milieu des tourmentes sociales ; nous m
sommes point Béotiens^ monsieur; w>us Ifr^voyesipar ces paroles.
Pour que vous goâtiez notre remarque, 6imfit en apparraœ,
mais qui nous a coûté douze ans de réflexions , il fout que von
nous permettiez de vous rsroater posénent et graduellCTfte&t de
quelle manière elle nous est venue. Bien que les lettres soient mm-
tenant avilies, il fut un temps, monsieur, où elles florissaient; flftt
un temp» ok Y on lisait les livres ; et dans nov théâtres, naguère «-
core , il fdt un temps où Ton sifflait. CTétait , si notre mémotre est
bonne, de 1824 à 1829; le roi d*alors, le clergé aidant, se pr^Mrait
à renverser la charte, et à priver le peuple de ses droits; etyoos
n'êtes pas sans vous souvenir qu'à cette époque il a été grandemeoC
question d'une méthode toute nouvelle qu'on venait d'inventer poor
faire des pièces de thé&tre, des romans dt même des sonn^. Oi
s'en est fort occupé ici ; mais nous n'avons jamais pu apprendre
clairement, ni mon ami Cotonetnrmoi, cequec'étaitque leromo-
tisme, et cependant nous avons beaucoup lu , notanunent des pré-
faces , car nous ne sommes pas de Falaise, nous savons bien que
c'est le principal, et que le reste n'est que pour enfler lat cbose;
mais il ne faut pas anticiper.
A vous dire vrai, dans ce pays-ci, on est badaud jusqa'aox
orc9lles,et, sans compter le tipagejteg jêroam^ nona ioni—
bien aises de jaser sur les quatre on omm| heures, fiom» nveni dmi
la rue Marchande un gros cabinet de leetnr e, où il noua rient du
cloyéres de livres; deux sons tevolmne, c'est coameiMirtMl, al
il nY anraitpas à se plaindre, si les pnrtièffea sé-UTnientlesnrtÉM;
mais depuis qu'il n*y a plus de kterie, eHea détDrentiIenranaft%
que Bien leur pardonnel c'est à. ne «avoir* pair où y toucha* Mrii
pm importe; nous antres Français, nons ne regarfkms paaik
marge; on Angleterre, les gensqoi-soDt proprétf mmont ilméai
das Kvres propres; en France, on Ih à la gamelle ; c'est notre ■*-
nière d'encourager les arts. Nos petites-maitresses ne souffiriraieit
p^ une mouche de crotte sur un ba» qui n'a alMm qn^ leur piMi;
mais elles ouvrent très délicatement de leur main blanche un vo-
lume banal qui jont la cuisine, et porte la marque du pouce de knr
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l'ABW» K8 ADneTHi. '61(0
fiD^r. 0 me sonlMe ponrtast que «i j'élâs fènuiie, et que si je te-
nus an fond de moa aleô^e» 1^ rideaux tirés , un auteur qui me
plût, je n'aÎBierais pas qu'au parfum poétique d'une page il se mè^
làL... Je reTiens à mon si^et
Je Yoms diiaie qoenous ne oenq^eoions pas ce qae signifiait oe
mot de romaïuiqme. Si ce que je toob raconte tous parait un peu
■se et eonnu.an premier sdbord, il ne but pas yous effrayer, mais
wmjhnmu me hisser £aire;.j'ai intention d'en Tenir à mes fins.
C'était donc vers 1884» ou un peu pks tard, je Tai ouMîé; on se
battait dans, le J (marnai des Débals. U éudt question de piuoresque,
de^rois^fics, du paysage introduit dans la poésie, de l'histoire
dnanatisée, du drame falasonné, de l'art pur, du rbythme brisé,
da tragique fondu avec le eomiqae, et du moyen-4ge ressuadté.
Mon ami G)taict et moi, nous nous promenions devant le jeu de
teal&r E fout aaroir qu'à la Ferté-sous-Jfouarre , nous avions alors
un grand clerc d'avoué qui Tenait de Paris, fier et fcnt imperti-
lment,^nn doutant de lien^traadmnt sur tout, et qui avait Tair de
comprendre tout ce qu'il lisait. Il nous aborda le journal à la main,
en nous demandant ce que nous prisions de toutes ces querellas
fttéraires. Gotonet est fort à. son aise, il a cbeval et cabriolet;
nous ne sommes plus jeunes ni Tun l'autre, et de mon calé, j'ai
quelque poids; ees (pnstians nous révélèrent, et toute la ville fut
posnr nous. Hais à dater de ce jour, on ne parla chez nous que de
TOinantique et de classique ; M"" Dupuis seule n'a rien voulu en*-
tsadre; eHe dit qae:c'est jus-vert, ou vert-jns« Noos Iftmes tout ce
qui paraissait, et nous reçûmes /a Muse an cercle. Quelques-uns
de nons (je fus du nombro) vinrent à Paris et virent les Vêpres;
l&60ù»préfot acheta la pièce, eià une^quéte pour les Grecs, mon
ffib récita Pmthinaf^^et l'Étranghre^ septième messénienne. D'une
nuire part, M..Bttcottdray , magistrat distingué, au retour des va-
cances, rapporta Us MééUsnions parfoitement rdiées, qu'il donna
 SSL femme; M"* lavart en fot choquée ; elle déteste les novateurs;
HM nièoe y allait, nouacessàniBs de nous voir. Le re^veur;fot de
notre bord; c'était un esprit caustique et mordant, il travaillait
sDnsnunn.àia Pondore; quatre ans après il fot destitué, leva Je
jMascpie, et fitun.pamphfet qu^in^prima.le célèbre Firmin Sidot.
11. Bneoudr^ nous donna, vers la nu-septembre, un dinar des
\ orageux; œ fut là4[tt'éclata:la guerre^* voicicomment l'affaire
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660 RBYUE DES DE0X MONDES*
arriva. M"^ Javart, qui porte perruqae et qui s'imaginait qii*»
n'en savait rien , ayant fait ce jour-là de grands frais de toQette,
avait ûché dans sa coiffure une petite poignée de marabouts ;ene
était à la droite du receveur, et ils causaient de littérature; peu â
peu la discussion s'échauffa ; M"* Javart , classique entêtée, se pro-
nonça pour Tabbé Delille; le receveur l'appela perruque, et pir
une fatalité déplorable, au moment où il prononçait ce mot, (Ttn
ton de voix passablement violent, les marabouts de M*' Javart pri-
rent feu à une bougie placée auprès d'elle ; elle n*en sentait ricBet
continuait de s'agiter, quand le receveur, la voyant tonte a
flammes , saisit les marabouts et les arracha ; malheureusement k
toupet tout entier quitta la tète de la pauvre femme, qui se trovn
tout à coup exposée aux regards, le chef complètement dégaoi
M"' Javart, ignorant le danger qu'elle avait couru, cmtqwk
receveur la décoiffait pour ajouter le geste à la parole, et cooi»
elle était en train de manger un œuf à la coque, elle le lui bnçi»
visage ; le receveur en fut aveuglé ; le jaune couvrait sa chaûe
et son gilet, et n'ayant voulu que rendre un service, Q Ait inpos-
sible de l'apaiser, quelque effort qu'on fit pour cela; M"* Jiîrt
de son côté , se leva et sortit en fureur; elle traversa toute bv*
sa perruque à la main, malgré les prières de sa servante, et per-
dit connaissance en rentrant chez elle. Jamais elle n'a voulu croira
que le feu eût pris à ses marabouts; elle soutient encore qu'on h
outragée de la manière la plus inconvenante, et vous penseik
bruit qu'elle en a fait. Voilà, monsieur, comment nous derioas
romantiques à la Ferté-sous-Jouarre.
Cependant, Ck)tonet et moi, nous résolûmes d'approfondir h
question, et de nous rendre compte des querelles qui dirisaeit
tant d'esprits habiles. Nous avons foit de bonnes études, GotM^
surtout, qui est notaire et qui s'occupe d'ornithologie. Nouse*
mes d'abord, pendant deux ans, que le romantisme, en m**
d'écriture, ne s'appliquait qu'au théâtre, et qu'il se distingua**
classique parce qu'il se passait des unités. C'était dair; Ski-
speare, par exemple, fait voyager les gens de Rome à Londre»»^
d'Athènes à Alexandrie, en un quart d'heure; ses héros vireit*
ou vingt ans dans un entr'acte ; ses héroïnes, anges de vertu ^
dant toute une scène, n'ont qu'à passer dans la coulisse pourï**
paraître mariées , adultères , veuves et grand'mères. Voilà, éi^
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SUR l'abus des adjectifs. 661
nous, le romantique. Sophocle» au contraire , fait asseoir Œdipe,
encore est-ce à grand^peine, sur un rocher » dès le commencement
de sa tragédie ; tous les personnages viennent le trouver là, Tun
après l'autre; peut-être se lève-t-il, mais j*en doute, à moins que
ce ne soit par respect pour Thésée, qui, durant toute la pièce, court
sur le grand chemin pour l'obliger, rentrant en scène et sortant
sans cesse. Le chœur est là, et si quelque chose cloche, s'il y a
un geste obscur, il l'explique; ce qui s'est passé, il le raconte; ce
qui se passe, il le commente; ce qui va se passer, il le prédit; bref,
il est dans la tragédie grecque comme une note de M. Aimé Mar-
tin au bas d'une page de Molière. Voilà , disions-nous, le classique ;
il n'y avait point de quoi disputer, et les choses allaient sans dire*
Mais on nous apprend tout à coup (c'était, je crois, en 1828) qu'il
y avait poésie romantique et poésie classique, roman romantique
et roman classique, ode romantique et ode classique; que dis-jef
un seul vers, mon cher monsieur, un seul et unique vers pouvait
être romantique ou classique, selon que l'envie lui en prenait.
Quand nous reçûmes cette nouvelle , nous ne pûmes fermer l'œil
de la nuit. Deux ans de paisible conviction venaient de s'évanouir
comme un songe. Toutes nos idées étaient bouleversées ; car si les
règles d'Àristote n'étaient plus la ligne de démarcation qui séparait
les camps littéraires, où se retrouver et sur quoi s'appuyer? Par
quel moyen, en lisant un ouvrage, savoir à quelle école il appar-
tenait? Nous pensions bien que les initiés de Paris devaient avoir
une espèce de mot d'ordre qui les tirait d'abord d'embarras;
mais en province, comment faire? £til faut vous dire, monsieur,
qu'en province, le mot romantique a, en général, une signification
fecfle à retenir, il est synonyme d'absurde, et on ne s'en inquiète
pas autrement. Heureusement, dans la même année , parut une il-
lustre préface que nous dévorâmes aussitôt, et qui faillit nous con-
vaincre à jamais. Il y respirait un air d'assurance qui était fait pour
tranquilliser, et les principes de la nouvelle école s'y trouvaient
détaillés au long. On y disait très nettement que le romantisme
n'était autre chose que l'alliance du fou et du sérieux, du grotes-
que et du terrible , du boufibn et de l'horrible, autrement dit, si
vous l'aimez mieux, de la comédie et de la tragédie. Nous le
crûmes, Gotonetet moi, pendant l'espace d'une année entière. Le
drame fut notre passion , car on avait baptisé de ce nom de drame.
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662 EBYUB DES BEUX MOJIDIS*
Bon-^seulement les ouvrages dialogues, mais touH^ les iiiTèntef
modernes de rimagination , sous le prétexte qu* elles étaieni drt»
matiques. Il y avait bien là quelque galimatias , mais enfin c'était
quelque chose. Le drame nous apparaissait comme un prêtre w^
pectable qui avait marié , après tant de stèdes, le comiqae ai^ h
tragique; nous le voyions , vêtu de blanc et de noir, riant d*an ml
et pleurant de Tautre, agiter d*une main un poignard, et dePautn
une marotte; à la rigueur, cela se comprenait, les poètes du josr
proclamaient ce genre une découverte toute moderne : «Laraéla»'
jcoUe, disaient-ils, étidt inconnue aux anciens; c'est elle qui, joiiie
h Tesprit d'analyse et de controverse, a créé la religion nouvelle, la
société nouvelle, et introduit dans Tart un type nouveau. » Apnler
franc, nous croyions tout cela un peu sur parole , et cette mélancob
inconnue aux anciens ne nous fut pas d'une digestion bxâie, Qaoil
disions-nous , Sapho expirante , Platon regardant le eiel , n'ont p»
ressenti quelque tristesse? Le vieux Priam redemandant son fiif
mort, à genoux devant le meurtrier, et s'éeriant : « Sonvieos-toi
de ton père, 6 Achille 1 a n'éprouvait point quelque mélancolîeîLe
beau Narcisse, couché dans les roseaux, n'était point malade de
quelque dégoût des choses de la terre? Et la jeune nymphe qd
l'aimait, cette pauvre Écho si malheureuse, n'étaitrelle donc ptf
le parfait symbole de la mélaacoUe solitaire, lorsque, épnîsëe par
sa douleur, il ne lui restait que les os et la voix? D'autre part,
dans la susdite préface, écrite d'azurs avec mi grand taleat;
l'antiquité nous semblait comprise d'une assez étrange iaçon. Os y
comparait, entre autres choses, les furies avales sorcières, etoi
disait que les furies s'appelaient Euménidés, c'esl-à-dire doutes tt
bienfaiàantes, ce qui prouvait, ajoutait*on, qu'elles n'étaient qi»
médiocrement difformes , par conséquent à peiae ipt>le9qiies. I
Aous étonnait que l'auteur pût ignorer qm l'antiphrase est n 1
nombre destropes, bien que Sanetiua ne veuflle pas TadaelM
Mais passons ; l'important pour nous était de répondre aux qaes^
lionneurs : or Le romantisme est l'alliante de la comédie et de h
tragédie, on, de quelque genre d'ouvrage qu'il s'agisse, te ai-
lange du bouffon et du sérieux* d Yoflà qui allait encore à av
veiUe , et nous dormions tranquiHes là-dessus. Mais qoep^issif»
monnenr, lorsqu'un matin je vis Gotonet entnr tlnns ma chancre
avec six petîisvoluaies sous le bras 1 Arislai^haiie, vousfemitf»
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SIBI: L ABUS DBS AMBCTffS.
est» de tous les génies de la Grèee antique , le plus noUe à la fois
et le plus grotesque, le plus sérieud et le plus bouCEon, le^plus ly •*
riqae et le plus satirique. Que répondre lorsque Gotonet, avec
sa belle basse-taille , commença à déclamer pompeusement Tad^
mirable dispute du juste et de l'injuste (1), la plus grare et la plug
noble scène que jamais théâtre ait entendue? Comment, en écouf
tant ce style énergique , ces. pensées sublimes , cette simple élo-
quence, en assistant à ce combat diyin entre les deux puissances
qni gouvernent le monde , comment ne pas s'écrier avec le chœur :
ff 0 toi qui habites le temple élevé de la sagesse, le parfum de la
vertu émane dettes discours I » Puis, tout à coup , à quelques pages
de là, voilà le poètequi nous £ût assister au spectade d'un homme
qui se relève la nuit pour soulager son v^itre (2). Quel écrivain
e'est jamais ^vé plus haut qu^Aristophane dans ce terrible drame
des Chevaliers oà paraît le peuple athénien lui-même personnifié
dans un vieiUard? Quoi déplus sérieux, quoi de plus imposant qaê
les anapestes où le poète gourmande le public, et que ce chœur
qui commence ainsi : a Maintenant , Athéniens, prêtez-nous votre
attention , si vous aimez un langage sincère (3). d Quoi de plus gro-
tesque en même temps» quoi de phis bouffon que Bacchns et Xao-
tliias (4)? quoi de plus comique et de plus plaisant que cette Myr*
rhine , se déchaussant à demi nue , sur le lit où son pauvre époux
meurt d'abstmence et de désirs (5) ? A voir cette rusée commère ,
plus rouée que la rouée Merteuil, les spectateurs eux-mêmes de*
vaient partager le tourment de Cinésias, pour peu que la scène fàt
bien rendue. Dans quelle classification pourra-tK>n jamab faire
entrer les ouvrages d'Aristophane? quelles lignes, quels cercles
tracera-t-on jamais autour de la pensée humaine, que ce génie
audacieux ne dépassera pas? Il n'est pas seulement tragique et
comique , il est tendre et terrible, pur et obscène, honnête et cop-
Tompu, noble et trivial, et au fond de tout cela, pour qui sait
comprendre , assurément il est mélanooUque. Hélas 1 nionsieur, si
on le lisait davantage, on se dispenserait de beaucoup parler, et
(i) Bans Uê Muées.
(S) DàM les HarangiteuteM.
(3) Dans les Guêpes,
(4) Dans les Grenouilles.
(8) nani Lysisupau*
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061 RETUE DES DEUX MONDES.
on pourrait savoir au juste d*où viennent bien des inventions nou-
velles qui se font donner des brevets. Il n'est pas jusqu'aux saint-
simoniens qui ne se trouvent dans Aristophane; que lui avaient
fait ces pauvres gens? La comédie des Harangueuseê est pourtant
leur complète satire , comme les Chevaliers , à plus d*un égard,
pourraient passer pour celle du gouvernement représentatif.
Nous voilà donc 9 Cotonet et moi, retombés dans Tincertitude.
Le romantisme devait, avant tout, être une découverte, sinoa ré-
cente, du moins moderne. Ce n*était donc pas plus TalUance du co-
mique et du tragique que Tinfraction permise aux règles d* Aristote.
( J*ai oublié de vous dire qu'Aristophane ne tient lui-même aacoo
compte des unités. ) Nous f imes donc ce raisonnement très sim|de :
«Puisqu'on se bat à Paris dans les théâtres, dans les préfaces, et
dans les journaux , il faut que ce soit pour quelque chose ; puisque
les auteurs proclament une trouvaille , un art nouveau et une foi
nouvelle, il faut que ce quelque chose soit autre chose qu'une
chose renouvelée des Grecs ; puisque nous n'avons rien de mieux à
faire, nous allons chercher ce que c'est. »
— 'Mais, me direz-vous, mon cher monsieur, Aristophane est
romantique; voilà tout ce prouvent vos discours; la différence des
genres n'en subsiste pas moins , et l'art moderne , l'art humain-
taire, l'art social , l'art pur, l'art naïf, l'art moyen-âge....
Patience, monsieur; que Dieu vous garde d'être si vif l Je ne
discute pas, je vous raconte un événement qui m'est arrivé. B'ar
bord, pour ce qui est du mot humanitaire, ]e le révère , et quand
je l'entends, je ne manque jamais de tirer mon chapeau; puissent
les dieux me le faire comprendre! mais je n&e résigne et j'attends.
Je ne cherche pas, remarquez bien , à savoir si le romantisme existe
ou non ; je suis Français, et je me rends compte do ce qu'on zffék
le romantisme en France.
Et, à propos des mots nouveaux , je vous dirai, que durant one
autre année, nous tombâmes dans une triste erreur. Las d'exanâ-
ner et de peser, trouvant toujours des phrases Vides et des profes-
sions de foi incompréhensibles, nous en vînmes à croire que ce mot
de romantisme n'était qu'un mot ; nous le trouvions beau, et il nous
semblait que c'était dommage qu'il ne voulût rien dire. Il ressemHc
à Rome et à Romain, à roman et à romanesque; peut-être est-ce h
même chose que romanesque; nous fûmes du moins tentés de le
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SUR l'abus DBS ADJECTIFS. 66S
croire par comparaison , car il est arrivé depuis peu, comme vous
savez y que certains mots 9 d^ailleurs convenables ^ ont éprouvé de
petites variations qui ne font de tort à personne. Autrefois , par
exemple, on disait tout bêtement : Voilà une idée raisonnable;
maintenant on dit bien plus dignement : Voilà une déduction ration-
nelle. C*est comme la patrie, vieux mot assez usé; on dit le pays; voyez
nos orateurs, ils n*y manqueraient pas pour dix écus. Quand deux
gouvernemensy la Suisse et la France, je suppose, convenaient en-
semble de faire payer dix ou douze sous un port de lettre, on di-
sait jadis trivialement : or Cest une convention de poste; b mainte-
nant on dit : or Convention postale, jd Quelle différence et quelle
magnificence! Au lieu de surpris ou d'étonné, on dit : a Stupéfié, d
Sentez-vous la nuance? Stupéfié I non pas stupéfait, prenez-y garde ;
stupéfait est pauvre, rebattu; fil ne m'en parlez pas, c'est un
dr61o capable de se laisser trouver dans un dictionnaire. Qui est-ce
qui voudrait de cela? Mais Cotonet, par-dessus tout, préfère trois
mots dans la langue moderne ; Tauteur qui , dans une seule phrase,
les réunirait par hasard , serait , à son gré, le premier des hommes*
Le premier de ces mots est : morganatique; le second, blandices, et
le troisième... le troisième est un mot allemand.
Je retourne à mon dire. Nous ne pûmes long-temps demeurer
dans rindifférence. Notre sous-préfet venait d*étre changé; le nou-
veau-venu avait une nièce^ jolie brune pâle, quoique un peu mai-
gre, qui s'était éprise des manières anglaises, et qui portait un
voile vert, des gants orange, et des lunettes d'argent. Un soir
qu'elle passait près de nous (Cotonet et moi, à notre habitude,
nous nous promenions sur le jeu de boule), elle se retourna du côté
du moulin à eau qui est près du gué, où il y avait des sacs de fa-
rine, des oies et un bœuf attaché : «Voilà un site romantique, j> dit-
elle à sa gouvernante. A ce mot, nous nous sentîmes saisis de notre
curiosité première. Hé, ventrebleu, fis-je, que veut-elle dire? ne
saurons-nous pas à quoi nous en tenir? Il nous arriva sur ces
-entrefaites un journal qui contenait ces mots : cr André Chénier et
M"^ de Staël sont les deux sources du fleuve immense qui nous
entraîne vers l'avenir. C'est par eux que la rénovation poétique,
4léjà triomphante et presque accomplie, se divisera en deux bran-
ches fleuries sur le tronc flétri du passé. La poésie romantique,
JSlle de l'Allemagne, attachera ainsi à son front une ps^lnie vertQ,
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%6t EEVUB MES rame MOMDBS.
MBOT des myrtes d'Athènes. Ossian et Homère se <)<mneDt la i
c lioB amiy dis-je à Gotonet, je crois qae voilà notre affaire; le ro-
mantisme, c'est la poésie allemande ; M"' de Staél est la premièie
qai nous ait fait connaître cette littérature, et de Vapparition de
son livre date la rage qni noas a pris. Achetons Goethe, SdûBer et
Wieland ; nous sommes sauvés, tout est venu de là. »
Nous crûmes, jusqu'en 1830, que le romantisme était l'imitatioi
^es Allemands, et nous y ajoutâmes les Anglais sur le conseil qn'oi
nous en donna. Il est incontestable, en effet, que ces deux peuples
ont, dans leur poésie, un caractère particulier, et qu'ils ne res-
semblent ni aux Grecs, ni aux Romains, ni aux Français. Les Es-
pagnols nous embarrassèrent, car ils ont aussi leur cachet, et il ^
clair que l'école moderne se ressentait d'eux terriblemefit. Les
romantiques, par exemple, ont constamment prAné le Cid de Cor^
neille, qui est une traduction presque littérale d'une fort beUe pièce
espagnole. A ce propos , nous ne savions pas pourquoi ils a'en
prAnaient pas aussi bien quelque autre, malgré la beauté de cselle-
là; mais, à tout prix, c'était une issue qui nous tirait, du labyriodie.
« Mais, disait encore Cotonet, quelle invention peut-il y aroir i
naturaliser une imitation? Les Allemands ont fait des baDades;
nous en faisons, c'est à merveille; ils aiment les spectres, les gn^
mes, les goules, les psylles, les vampires, les squelettes, les c^res,
les cauchemars, les rats, les aspioles, les vipères, les sorcières, le
sabbat, Satan, Puck, les mandragores; enfin cela leur hit plaisir;
nous les imitons et en disons autant, quoique cela nous régale mé-
diocrement; mais je l'accorde. D'autre part, dans leurs romans,
on se tue, on pleure, on revient, on fait des phrases longues
d'une aune, on sort à tout bout de champ du bon sens et de la na-
ture; nous les copions, il n'y a rien de mieux. Viennent les Angte
par là-dessus qui passent le temps et usent leur cervelle à broyer
du noir dans un pot; toutes leurs poésies, présentes et fiiturw,
ont été résumées par Goethe dans cette simple et aimable phrase:
« L'expérience et la douleur s'unissent pour guider rhomme i
travers cette vie, et le conduire à la mort. » C'est assez ftui, ^
même assez sot , mais je veux bien encore qu'on s'y plaise. EareiB
gaiement, avec l'aide de Dieu et de notre bon tempérament fraih
çais, du sarig de pendu dans la chaudière anglaise. Survient I1>-
pagne, avec ses Castillans, qui se coupent la gorge conmie on hti
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SUR l'abus DBS ABIBCTIP& 667
im verre d'ean, ses Andaloases qui font plus vite encore uii petit
métier noias dépeviplaiity ses taureaux y ses toréadors, mata->
dors y etc... 9 fj soascris. Qaoi enfin? Quand noas aurons tout
imité, copié, plagié, traduit et compilé, qu'y a--t-fl là de romand-^
que? n n'y a rien de moinsnouveau sous le ciel que de compilev el
de plagier. »
Ainsi raisonnut Gotonet , et nous tombions de mal en pis ; cair,
examinée sou^ ce point de rue, la question se rétrédssdt singu^
lièrement. Le classique ne serait41 donc que l'imitation de la poésie
Iprecque, et le romantique que Timitation des poésies allemande,
anglaise et espagnole? Diable! que deviendraient fdors tant de
beaux discours sur Boileau et sur Aristote, sur Tantiquité et le
<)hristianisme, sur le génie et la liberté, sur le passé et sur Tave-
nir, etc.? C'est impossible; quelque chose nous criait que ce fie
pouvmt être là le résultat de recherches ri curieuses et si empres*»
aées. Ne serait-ce pas, pensftmes4Mms, seulement affaire de Confié!
de romantisme indéchiffirable ne oonsisterait-il pas dans ce ven
brisé dont on fisnt assez de bruit dans le monde? 'Hais non; car,
dans leurs plaidoyers, fiovs voyons les auteurs nouttaux dter
Holière et quelques autres comme aymt donné l'ènniple de
cette méthode; le vers brisé, d'alBefirs, est horrible; il faut dire
plus, il est impie; c'est un saoriléee envers les4ieiix, uneoflRsnse à
la muse.
Je vous expose naïvement, monsieur, toute la suite de nos tri*»
bulations, et si vous trouvez mon récit un peu long, il faut songer
4i douze ans de souffrances; nous avançons, ne vous inquiétez pas.
De 1830 à 1831, nous crûmes que le romantisme était le genre his-^
torique, ou, si vous voulez, cette manie qui, depuis peu, a pris
nos auteurs d'appeler des personnages de romans et de mélo-
drames Gharlemagne, François I** ou Henri IV, an lieu d'Amadis,
4l'Oronte, ou de Saint-Albin. M"* de Seudéry est, je crois, la pro-
iniére qui ait donné en France l'exemple de cette mode, et beaucoup
de gens disent du mal des ouvrages de cette demoiseOe, qui ne les
ont certaifiement pas lus. Nous ne prétendons pas les juger id; ils
ont fait les délices du siéde le plus poli, le plus classique et le plus
galant du monde; mais Os nous ont- semblé aussi vraisemblables,
mieux écrits, et guère plus ridicules que certains romans de nos
jours dont on ne parlera pas si long-temps»
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668 REVUE DBS DEUX MONDES.
De 1831 à Tannée suivante, voyant le genre historique discré-
dité, et le romantisme toujours en vie, nous pensâmes que c'était
le genre intime , dont on parlait fort. Mais quelque peine que nous
ayons prise, nous n'avons jamais pu découvrir ce que c'était que
le genre intime. Les romans intimes sont tout conune les autres;
ils ont deux vol. in-8*, beaucoup de blanc; il y est questioQ d*adut-
tères, de marasme, de suicides, avec force archaïsmes et néolo-
gismes ; ils ont une couverture jaune, et Us coûtent 15 fr.; nous n*j
avons trouvé aucun autre signe particulier qui les distinguât.
De 1832 à 1833, il nous vint à Tesprit que le romantisme pouvait
être un système de philosophie et d'économie politique. En efifet,
les écrivains affectaient alors dans leurs préfaces (que nous n avons
jamais cessé de lire avant tout, comme le plus important) de parler
de l'avenir, du progrès social, de l'humanité et delà civilisation;
mais nous avons pensé que c'était la révolution de juillet qui était
cause de cette mode, et d'ailleurs, il n'est pas possible de croire
qu'il soit nouveau d'être républicain. On a dit que Jésus^hrist
l'était; j*en doute, car il voûtait je b»^ roi de Jérusalem; mais
depuis que le monde existe, il est certain que quiconque n'a que
deux sous et en voit quatre à son voisin, ou une jolie femme, désire
les lui prendre, et doit conséquemmentdans ce but parler d'égalilé,
de liberté, des droits de l'homme, etc., etc...
De 1833 à 1834', nous crûmes que le romantisme coosisiait i ne
pas se raser, et à porter des gilets à larges revers, très empe-
sés. L'année suivante, nous crûmes que c'était de refuser de
monter la garde. L'année d'après, nous ne crûmes rien, Cotonet
ayant fait un petit voyage pour une succession dans le Midi, et me
trouvant moi-^néme très occupé à faire réparer une grange que les
grandes pluies m'avaient endommagée.
Maintenant, monsieur, j'arrive au résultat définitif de ces trop
longues incertitudes. Un jour que nous nous promenions (c'était
toujours sur le jeu de boule] , nous nous souvînmes de ce flandria
qm', le premier, en 1824, avait porté le trouble dans notre esprit,
et par suite dans toute la ville. Nous fûmes le voir, décidés cette
fois à l'interroger lui-même, et à trancher le nœud gordien. Noos
le trou vînmes en bonnet de nuit, fort triste, et mangeant une
omelette. Il se disait dégoûté de la vie et blasé sur l'amour;
comme nous étions au mois de janvier, nous pensâmes que c'était
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SUR L ABUS DES AUJECTIFS.
qa*il n^avait pas eu de gratification cette année, et ne lai en sûmes
pas mauvais gré. Après les premières civilités , le dialogue suivant
eut lieu entre nous, permettez-moi de vous le transcrire le plus
brièvement possible :
MOI,
Monsieur, je vous prie de m'expliquer ce que c*est que le roman-
tisme. Estrcele mépris des unités établies par Âristote, et respec-
tées par les auteurs français ?
LE CLERC.
Assurément. Nous nous soucions bien d*Aristote I faut-il qu'un
pédant de collège, mort il y a deux ou trois mille ans....
COTONET,
Comment le romantisme seraitril le mépris des unités, puisque le*
romantisme s*applique à mille autres choses qu'aux. pièces de
théâtre?
LE CLERC
C'est vrai; le mépris des unités n'est rien; pure b^ateUe 1 nous
ne nous y arrêtons pas.
MOI.
En ce cas, serait-ce l'alliance du comique et du tra^^que?
LE CLERC
Vous l'avez dit; c'est cela même; vous l'avez nommé par son
nom.
COTONET.
Monsieur, il y a long-temps qu'Aristote est mort, mais il y a
tout aussi long-temps qu'il existe des ouvrages où le comique est
allié au tragique. D'ailleurs Ossian, votre Homère nouveau, est
sérieux d'un bout à l'autre ; il n'y a, ma foi, pas de quoi rire. Pour-
quoi l'appelez-vous donc romantique? Homère est beaucoup plus
romantique que lui.
LE CLERC
C'estjuste;jevousprie de m'excuser ; le romantisme est bien
autre chose.
MOI.
Serait-ce l'imitation ou l'inspiration de certaines littératures
étrangères, ou, pour m'expliquer en un seul mot, serait-ce tout,
hors les Grecs et les Romains?
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«70
Iffl ifllUG.
N'en doutes pa». LevOrec» et lesHoiiiaiM aoutà^milii Iimm
de Fr»ice; nu Ters spirituel et merdant..*.
COTONET.
Alors le romantisme n*est qa*un plagiat, un simulacre, uneoth
pie; c*est honteux , monsieur, c*est avilissant. La France n'est a
anglaise, ni allemande, pas plus qu'elle n'est grecque ni romaine, et
plagiat pour plagiat, j'aime mieux un beau plâtre pris sur la Diane
chasseresse qu'un monstre de bois rermoulu décroché d'un gre-
nier godiique*
IX CLESC.
Le romantisme n'est point un plagiat, et nous ne youlons imiter
personne; non, TAn^eterre ni rAUenagne n'ont rien i
notre payi.
GOTONET, TiTement.
Qu'estrce donc alors que le romantisme? Est-ce l'emploi des i
crus? Esc-ee la haine des périphrases? Esilœ l'usage de la maii-
que au théfttre à l'entrée d'un personnage principal? Mais o» es a
toujours agi ainsi dans les mélodrames, et nos pièces nouvelles ae
sont pas autre chose. Pourquoi dianger les tmrntst MUm, ann-
que, et drama, drame. Calas et le Joueur sont deux modèles en ce
ff&are. Est^ee l'abus des dobis historiques? Bst-ce la ftrme dies
costumes? Est-ce le choix de certaines époques à la mode, comme
la Fronde ou le règne de C!harles IX? Est-ce la manie du suîdde et
l!héroïsme A la Byron? Soat<e les néologismes, ie néo-dirisiia-
tûsme, et, pour aiq)eler d'un nom nouveau une peste nouveUe, tons
les néo$qphi$mei de la terre? Esl-ce de jurer par écrit? Est-cede
■choquer le bon sens et la grammaire? EstH» quelque chose enfia,
vOu n'eslH)e rien qu'un mot 8<more et rorgndl à vide <pii se bat les
illancs?
LB CLEMC, av«ceiiUUUoa.
JVonl ce n*eit rien de tout cela; noni vous ne compreoec pu la
chose. Que vous êtes grossier, monsieur 1 quelle épaisseur d»is vos
paroles! Allez, les sylphes ne vous hantent point; vous êtes pos-
itf, vofusétes trumeau, vous êtes vohite, vous n'avez rien d'ogire;
ce que vous dites est sans galbe ; vous ne vous doutez pas de lin-
3tinct sociétaire; vous avez marché sur Gampistron*
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IjeroiBMliflme»iiUHi dier monaieur I Non, àocMpsâr, oe n'est ni
le fliéjpris des uxànéa, m r^lianoe du comique et du tragique, ni rien
AU Bdoiide qiie vous puissiez (Ure ; vous saisiriez vainemeut Taile du
papiHon, la poussière qui le colore vous resterait dans les doigts.
I46 romantisme» c*est Tétoile qui pleure» c*est le yent qni vagit, c*est
la nuit qui frissonne, la fleur qui vole et Foiseau qui embaume;
e'est le jet inespéré» l'extase allangnie, la citerne sous les palmiers,
et l'espoir vermeil et ses mille amours , l'ange et la perle , la robe
blanche des saules, 6 la belle cbose» monsieur I C'est l'infini et l'é-
toile» le ehâiid» le rompu» le désenivré» et pourtant en même temps
le plein et le rond» le diankétï'al» le pyramidal» l'oriental, le nu à vif,
l'étreint» l'embrassé» le tourbillonnant; quelle science nouvel
C'est la pUlosophie providentielle géométrisant les foits accomplis,
puis s'éian$ant dans le v^ue des expériences pour y ciseler les
fibres secrètes....
COTONET.
Monsieur» ceci est une faribole. Je sue à grosses gouttes pour
vous écouter.
LE CLERC.
J*en suis fâché ; j'ai dit mon opinion» et rien au monde ne m*en
fera changer.
Nous fûmes chez M. Ducoudray après cette scène» que je vous
abrège, vu qu'dle dura trois heures et que la tète tourne en y pen-
sant. H. Ducoudray est un magistrat, comme j'ai eu Thonneur de
vous le dire. Il porte habit marron et culotte de soie, le.tout bien
brossé» et il est poudré. Nous le trouvâmes dans son fauteuil de
cuir, et il nous offrit une prise de tabac sec dans sa tabatière de
corne» propre et luisante comme un écu neuf. Nous lui contâmes»
comme vous pensez» la visite cpie nous venions de faire» et repre-
nant le même suyet» voici quelle fut son opinion :
« Sous la restauration» nous dit-il, le gouvernement faisait tous
ses efforts pour ramener le passé. Les premières places aux Tui-
leries étaient remplies, vous le savez » par les mêmes noms que sens
Louis XIV. Les prêtres, ressaisissant le pouvoir, organisaient de
tous cètés une sorte d*inquisition occulte, comme aujourd'hui les
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672 RETUB DES DEUX I101l]»8.
associations répablicaines. D'autre part , une censure séyàre inter- 1
disait aux écrivains la peinture libre des choses présentes; qaeb
portraits de mœurs ou quelles satires, mêmes les plus doaoa,
auraient été tolérés sur un théâtre où Germanieus était défendH?
En troisième lieu, la cassette royale, ouverte à quelques gens de
lettres, avait justement récompensé en eux des talens ronarqu-
bles, mais en même temps des opinions religieuses et monarchiqiieg.
Ces deux grands mots, la religion et la monarchie, étaient «km
dans leur toute-puissance; avec eux seuls il pouvait y avoir sncGès,
fortune et gloire; sans eux, rien au monde, sinon l'oubli ou la per-
sécution. Cependant la France ne mancpiait pas de jeunes tètes qu
avaient grand besoin de se produire et la meilleure envie de parler.
Plus de guerre, partant beaucoup d*oisiveté; une éducation très
contraire au corps, mais très favorable à Vesprit , l'ennui de h paix»
les carrières obstruées, tout portait la jeunesse à écrire; aussi oy
eut-il à aucune époque le quart autant d'écrivains que dans cdle-d
Mais de quoi parler? Que pouvait-on écrire? Comme le gouverne-
ment, comme les mœurs, comme la cour et la ville, la littérature
chercha à revenir au passé. Le trône et l'autel défrayèrent tout;
en môme temps, cela va sans dire, il y eut une littérature d'oppo-
sition. Celle-ci, forte de sa pensée, ou de l'intérêt qui s'attadiaiti
elle, prit la route convenue, et resta classique; les poètes qui chan-
taient Tempire, la gloire de la France ou la liberté, siirs de plaire
par le fond , ne s*embarrassèrent point de la forme. Hms il n'en
fut pas de même de ceux qui chantaient le trône et l'autel; ayant
affaire à des idées rebattues et à des sentimens antipathiques à U
nation, ils cherchèrent à rajeunir, par des moyens nouveaux, h
vieillesse de leur pensée; ils hasardèrent d'abord quelques contor-
sions poétiques, pour appeler la curiosité ; elle ne vint pas, ils re-
doublèrent. D'étranges qu'ils voulaient être, ils devinrent biiarres,
de bizarres baroques, ou peu s'en fallait. M"* de Staël, ce Blûcfccr
littéraire, venait d'achever son invasion, et de même que le pas-
sage des Cosaques en France avait introduit dans les familles quel-
ques types de physionomie expressive, la littérature portait dans
son sein une bâtardise encore sommeillante. Elle parut bientôt an
grand jour; les libraires étonnés accouchaient de certains enfans
qui avaient le nez allemand et l'oreille anglaise. La superstition et
ses légendes, mortes et enterrées depuis long-temps, profitèrent
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SUR L*ABUS DES ADJECTIFS. 673
du moment pour se glisser par la seule porte qui pût leur être ou-
T6Tte, et vivre encore un jour avant de mourir à jamais. La manie
des ballades, arrivant d'Allemagne, rencontra un beau jour la
poésie monarchique chez le libraire Ladvocat, et toutes deux, la
pioche en main, s'en allèrent, à la nuit tombée, déterrer, dans
une église , le moyen-ftge qui ne s*y attendait pas. Comme pour
aller à Notre-Dame, on passe devant la Morgue, ils y entrèrent de
compagnie; ce fut là que, sur le cadavre d'un monomane, ils se
jurèrent foi et amitié. Le roi Louis XYIII, qui avait pour lecteur
un homme d'esprit, et qui ne manquait pas d'esprit lui-même,
ne lut rien et trouva tout au mieux. Malheureusement fl vint à
mourir, et Charles X abolit la censure. Le moyen-flge était
alors très bien portant, et à peu près remis de la peur qu'il avait
eue de se croire mort pendant trois siècles. Il nourrissait et
élevait une quantité de petites chauves-souris, de petits lézards
et de jeunes grenouilles, à qui il apprenait le catéchisme, la
haine de Boileau, et la crainte du roi. Il fut effrayé d'y voir clair,
quand on lui éta Téteignoir dont il avait fait son bonnet. Ebloui
par les premières clartés du jour, il se mit à courir par les rues,
et, comme le soleil Taveuglait, il prit la Porte-Saint- Martin pour
une cathédrale et y entra avec ses poussins. Ce fut la mode de Ty
aller voir; bientôt ce fut une rage, et, consolé de sa méprise, il
commença à régner ostensiblement. Toute la journée on lui taillait
des pourpoints, des manches longues, des pièces de velours, des
drames et des culottes. Enfin, un matin, on le planta là; le gou-
vernement lui-même passait de mode, et la révolution changea
tout. Qu'arriva-t-il? Roi dépossédé, il fit comme Denis, il ouvrit
une école. H était en France en bateleur, comme le bouffon de la
restauration; il ne lui plut point d'aller à Saint-Denis, et, au
moment ou on le croyait tué, il monta en chaire, chaussa ses lu-
nettes, et fît un sermon sur la liberté. Les bonnes gens qui Técou-
tent maintenant ont peut^tre sous les yeux le plus singulier spec-
tacle qui puisse se rencontrer dans l'histoire d'une littérature; c'est
Un revenant, ou plutôt un mort, qui, affublé d*oripeaux d'un au-
^re siècle, prêche et déclame sur celui-ci; car en changeant de
Icxte, il n'a pu quitter son vieux masque, et garde encore ses
^nanière d'emprunt; il se sert du style de Ronsard pour célébrer
t«8 chemins de fer; en chantant Washington ouLafayette, il imite
TOMB VII. 45
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tSk IIBT9B BBS »Bra BfllMI.
Danle; etp0iirparkr(topépiiUkiii^d*4g8lilé« dek M«cnin«t
dutliTorce» tt va ehevcher de» bioIa el des |riurMe»dttMle^
saîre deces «ècles lénttireu oà to«t élik 4ea|)0iMBM» hmt,
miaère et supentitkm.Il s'adresse aa peaple le plos libre »kfbi
brave, bphu gtt et le plus sain de l'wiivers» eta« tUite^ie-
vant oe peaple îoteHigeiit, q«i a le oossr xwvert et les waaim ù
proorptes, il ne troave rien de aveux qœ de isîre tÊàre des te-
barisnie8èdesfiLaÉ6vieskK)Miniis;îl8editjeiiiifl^ et parle iasire
jeunesse comme M parlait sotis un roi podagre qui tsaît tMce
qni resMiait ; il appeÛe Vavenir i grands cris^ et asperge de TÎdk
eau bénite la slatae de la liberté ; vive Dieul qu'en peaserst-de,
ai elle n'était de marbre? Mais le pubiip est de chair et d*ei, a
qu'en pense-t4? De qmi se soueie-t-il? Que va-t-il voir et qt'etf-
ce qui l'attire à ces myriades de vaudevilles sans but, sans qime,
sans tête , sans rime ni r^ûson? Qu'est-ce que c'est que Uml de at-
quis, de cardinaux, de pages, de rois, dereinesydeiiimistre5,de
pantins, de criailleries et de baUveraes? La restauration, eapir-
tant, nous a légué ses frq)eries. Ahl Français, on se moqmtà
. de vous, si vous ne vous en moquiee pas vous'-mémes. Le giaid
Goethe n'en riait pas , lui , il y a quatre ou dnq ans , lorsqu'il Dtp-
dissait notre littérature, qui désespérait sa vieiHesse, car le digwi
homme s'en croyait la cause. Mais ce n'est qu'à nous qu'il fMit
nous en prendre, oui, à nons seuls, car il n'y a que nous sur $ent
d'assez badauds pour nous laisser Caire. Les autres natioi» dvili-
sées n'auraient qu'une clé et qu'une pomme cuite pour les niaiseri»
que nous tolérons. Pourquoi HoUère n'est-il plus au monde? Qr
l'homme eût pu être immortel, dont immortel est le gânie! QmI
misanthrope nous aurions I Ce ne serait plus l'homme anx nifaiis
verts, et il ne s'agira't pas d'un sonnet. Quel siéde fut jamaispbs
favorable? fl n'y a qu'à oser, tout est prêt ; les morars sont li, les
choses et les hommes, et tout est nouveau; le thé&tre est Ibre,
quoi qu'on veuille dire là-dessus, ou, s'il ne l'est pas, IMière Tétnc-
il? Faites ie Tartuffe, quitte à ftdre le dénouement du Tvitiffa
mais que non pas I nous aimons bien mieux quelque autre chose,
comme qui dirait PhiUppe-le-Loag, ou Charles VI, qui n'était qse
fou et imbéoQe; voilà notre homme, et il nous démange de savw ^
quelle couleur était sa barrette ; que le costume soit juste «utest'
sans quoi, c'est letaîUeur qu'on siffle, et ne taSle pas quitul^
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sm L'joct MB àaanannk OS.
•esIndritslÉ. Malepwte! oà iwi tifttmm nimir m If finrittnnri nlkiimfi
8e*CkiKrt car ces teiHevr* ont k tète ohaude. Qne derîeWrakiift
B08 apiià»-diBé60 si on nettfflaîtpiiiB? Gomneat dàgir&tl Que dim
de la rdoe Berthe ou de la reine Blanche, ou de Charles IX, ah!
le patii^fe boBunel ci sm pourpoint allait Id masquer. Qu'il ak aon
pourpoint, et qu'il soit de relours noir, et que les crevés y soient,
et en satin, etles bottes, et la fraise, et la chaîne au cou, etl'épée
du temps, et qu'il jure, et qu'on Tentende, ou rendez-moi Tar*
geotl Je suis venu pour qu'on m'intéresse, et je n'entends pas
qu'on me plaisante avec du velours de coton; mais quelle jouis-
sance ipiand tout s'y trouve 1 Nous avons bien affaire du style, ou
des passions, ou des caractÂresl Affaire de bottes nous* avon^
affûre de fraises, et c'est le subUrae. Nous ne manquons ni do
vices 9 ni de ridicules; il y aurait peut-être Irien quelque petits
Uoette à arranger sur nosamis et nos voisins, quand ce ne serait
que les députés, les filles entretenues et les journalistes; maia
qaoi I nous craignons le scandale, et si nous abordons-le présent,
ce n'est que pour traîner sur les planches M"' de La Yallette et
Chabert , dont l'une est devenue foUe de v^tu et d'héroïsme,, et
l'autre, grand Dieul sa femme remariée lui a montré son propre
extrait mortuaire. Il y aurait de quoi faire un couple. Mais qu'est-
ce auprès de Marguerite de Bourgogne? Voilà où l'on mène ses
fiUes ; quatre incestes et deux parricides, en costumes du temps^
c'est de la haute littérature; Phèdre est une myaurée de couvent-;
c'est Marguerite que demandent les collèges , le jour de la fête de
leur proviseur; voilà ce qu'il nous faut^ ou la Brinvilliers, ou Lu-
crèce Borgia, ou Alexandre VI lui-même ; on pourrait le faire bat-
tre avec un bouc, à défiiut de gladiateur ; voilà le romantisme^
mon voisin, et ce pourquoi ne se joue point le Polyeucie du bon*-
homme Corneille, qui, dit Tallemand, fit de bonnes comédies, j»
Telle ftit, à peu de chose près, Topiniou de M. Ducoudray ; je
fus tenté d'être de son avis> mais Cotonet, qui a l'esprit doux,
fut choqué de sa violence. D'allieurs la conclusion ne satisfaisait
pas; Cotonet recherchait l'effet, quelle que pàt être la cause; il
s'enferma durant quatre mois, et m'a fait part du fruit de ses veilles.
Nous allons, monsieur, si vous permettez, vous le soumettre d'un
commun accord. Nous avons pensé qu'une phrase ou deux, écrites
dans un. style ordinaire, pouvaient être prises pour le texte, ou^
45.
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676 RETUE DBS ]>IUX MORDES.
comme on dit au collège» poar la matière d'an morceau
tique, et nous croyons aroir trouvé ainri la véritable et
diffi&rance du romantique et du dassique. Vokd notre travail :
LETTRE D*UNE JEUNE FUXE ABANDOimÉE PAR SQ» AJfAHT.
{ Style romanUqoe.)
û Considère 9 mon amour adoré , mon ange, mon bien, moi
cœur, ma vie ; toi que j'idolâtre de toutes les puissances de nioa
ame; toi , ma joie et mon désespoir; toi, mon rire et mes larmes;
toi, ma vie et ma morti — Jusqu'à quel excès effroyable tu as
outragé et méconnu les nobles sentimens dont ton cœur est fkio,
et oublié la sauvegarde de Thomme, la seule force de la fiuMesse,
la seule armure, la seule cuirasse, la seule visière baissée dans
le combat de la vie, la seule aile d'ange qui palpite sur nous, la
seule vertu qui marche sur les flots, comme le divin rédempteur,
la prévoyance, sœur de l'adversité I
<r Tu as été trahi et tu as trahi ; tu as été trompé et tu as troHipé;
tu as reçu la blessure et tu Tas rendue ; tu as saigné et tu as
frappé ; la verte espérance s'est enfuie loin de nous. Une passon
si pleine de projets, si pleine de sève et de puissance, si pleine de
crainte et de douces larmes, si riche, si belle, si jeune encore, et
qui suffisait à toute une vie , à toute une vie d'angoisses et de
délires, de joies et de terreurs, et de suprême oubli; — cette pa^
sion , consacrée par le bonheur, jurée devant Dieu comme un ser-
ment jaloux; — cette passion qui nous a attachés l'un à Vautre
comme une chaîne de fer à jamais fermée, comme le serpent umt
sa proie au tronc flexible du bambou pliant; — cette passi<ni qui
fut notre ame elle-même, le sang de nos veines et le battemeat
de notre cœur; — cette passion, tu l'as oubliée, anéantie, per-
due à jamais ; ce qui fut ta joie et ton délice n'est plus pour toî
qu'un mortel désespoir qu'on ne peut comparer qu'à Fab^nce
qui le cause. — Quoi, cette absence 1... etc., etc. d
TEXTE VÉRITABLE DE LA LETTRE,
LA PREMIERE DES LETTRES PORTUGAISES.
(St>ie ordiDaire.)
«r Considère, mon amour, jusqu'à quel excès tu as manqué de
prévoyance! Ah , malheureux, tu as été trahi, et tu m'as trahie
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SUR L*ÀBUS DBS AlknECTVS. 677)
ir defl eepérauces trompeuses. Unepasdon sut laqp&elle ta avais
lit tant de projets de plaisirs, ne te cause. présentement qu'un
kortel désespoir, qu'on ne peut comparer qu'à la cruauté de
absence qui le cause. Quoil cette absence... etc. a
Vous voyez, monsieur, par ce faible essai, la nature de nos re-
berchea. L'exemple suivant vous fera nûeux sentir l'avantage de
otre procédé, comme étant mcnns exagéré :
PORTRAITS DE DEUX ENFANS.
(Style romantique.)
(T Aucun souci précoce n'avait ridé leur front naif , aucune in-
împérance n'avait corrompu leur jeune sang; aucune passion
lalheureuse n'avait dépravé leur cœur enfantin, fraîche fleur à
aine entr'ouverte ; Tamour candide, l'innocence aux yeux bleus,
1 suave piété, développaient chaque jour la beauté sereine de
mrftme radieuse en grâces inefEables, dans leurs traits sou-
ians, dans leurs souples attitudes et leurs harmonieux mouve-
lens. »
TEXTE.
<r Aucun souci n'avait ridé leur front, aucune intempérance n'a-
ait corrompu leur sang, aucune passion malheureuse n'avait dé-
rave leur cœur; l'amour, l'innocence, la piété, développaient,
haque jour, la beauté de leur Ame en grâces ineffables , dans
mrs traits, leur attitudes et leurs mouvemens. a
Ce second texte, monsieur, est tiré de Paul et Virginie. Vous
avez que Quintilien compare une phrase trop chargée d'adjectifs
lone armée où chaque soldat aurait derrière lui son valet-de-cham-
)re. Nous voilà arrivés au sujet de cette lettre ; c'est que nous peu-
ons qu'on met trop d'adjectifs dans ce moment-ci. Vous apprécierez,
tous l'espérons, la réserve de cette dernière ampliGcation ; il y a
uste le nécessaire ; mais notre opinion concluante est que si on
'ayait tous les adjectifs des livres qu'on fait aujourd'hui , il n'y au-
rait qu'un volume au lieu de deux, et donc il n'en coûterait que
iept livres dix sous au lieu de quinze francs, ce qui mérite ré-
le&ion. Les auteurs vendraient mieux leurs ouvrages, selon toute
apparence. Vous vous souvenez, monsieur, des acres baisers de
'ulie , dans la Nouvelle Uéloïsc; ils ont produit de l'effet dans
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en
tour Ie0p8;*«ai0 il mm mbUb que daii»€dtt<i ifa*^
nôeiit guère, e»r il ftnit une cpraDde sobriété dam m ««fitp,
pour qu*iiiie épithàte deremapqoeé H n'y a guère de roamas Mi-
tenant où l'on n'aK renoontré ««tant d*épthèlee an bevt detiw
pages, et plus ¥ieleiite8> qu'A n'y cm a^dans tout Mwatojquieu. tmi
en finir, noascroyoag qm4e rooMMtisflie consiste à employât Um
ces adjectifs, et non en autre chose. Sur quoi, i
bien cordialement, et signons ensemble.
DUPUIS ET GOTOHBT.
lArBetté^BouhJwuttt s inpliinhisu».
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LA PRESSE
EN ANGLETERRE.
LA PBESSE POLITIQUE.
Dqpnis que nos années ne courent pins le monde , c'est la langue
française qui Tenyahit. Au temps oà Rivarol proclamait déjà Tuni-
yersalité de cet idiome civilisateur , il n'était encore au dehors que
la langue de la conversaticm et de la diplomatie ; il sert aujour-
d'hui partout d'instrument à la discussion et de véhicule aux
idées. On publie des journaux français en Suisse , en Belgique , à
Francfort, à La Haye, à Saînt^étersbourg , à Odessa , à Vienne,
à Constantinople, à Smyrne, à Alexandrie. Ce ne sont pas nos
compatriotes qui les lisent; ces feuilles vivent d'une clientelle in-
digène qui les défraie, mais qui leur impose en retour le goût et
les besoins du pays* Un journal hit pour les marchands d'Ams-
terdam ne saurait ressembler à la gazette légère et polie qui est
l'écho de la cour du czar ; mais l'un et l'aulre, quoique dans une
mesure diverse, reproduisent la pcdémiqne de nos opinions. <jB
sont autant de cercles d'inégale grandeur, mais tous concentri-
ques à la France et à Paris, ce pôle de la pensée*
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680 - RBTUB DES DBinC IfOlfftBS.
n n*en est pas ainsi de la langue anglaise. Cet idiome in
et peu malléable ne se répand point de lui-même. II semble
rompu tout contact avec les langues de TEurope, en dénataramb
prononciation des lettres communes aux races du nord et i cdfes
du midi. On rapprend par nécessité , mais on ne le parle pas poor
son plaisir. La langue anglaise ne s*étend qu'avec la famiHe as-
glaise ; il faut aussi qu'elle fonde ses colonies. On en dirait autMt
de la presse : les Anglais ne la conçoivent que sous une sede
forme ; le Times est pour eux un type universel. À Dublin cosne
à Londres, et dans la Nouvelle-Galles comme en Angleterre, 3â
veulent trouver ces immenses feuilles dont chacune renferme den
cent mille mots, la matière de deux volumes in-8*. Prenez une ga-
zette de Canton, de Sidney, de Calcutta, ou de Liverpool; les as-
nonces couvrent invariablement la première page , et quelquefixi
aussi la dernière. Les journaux anglais sont partout des fewSks
de commerce écrites pour des marchands , soit qu'ils paraissent
à la pointe de la Chine, soit qu'on les publie aux portes de la Gté.
Ce qui classe un journal en France parmi les feuilles pofitiqiies,
c'est la critique des actes du gouvernement et des partis ; en An-
gleterre, c'est la publication des nouvelles du jour. Le public n'y
cherche pas autre chose : la discussion a sa place marquée ailleurs,
dans les chambres, dans les clubs et dans les meetings. De là, cette
différence dans le caractère des deux presses ; ce qui est /'acces-
soire pour nous devient pour les Anglais le principal. L'annonce,
la nouvelle , autre sorte d'annonce , fait chez eux le fond des jour-
naux, n faut qu'ils en donnent sur toutes choses et de tout pays;
on exige dans une feuille publique les renseignemens les plus po-
sitifs, les plus minutieux, les plus étendus. Un journal anglais doit
présenter chaque jour le tableau du monde habité, sans né^^
de détailler les plus minces accidens qui surviennent dans la société
anglaise. C'est au lecteur de choisir ensuite, comme dans unbtzar
ou dans un restaurant.
La presse, telle que nous l'avons faite, s'adresse aux sentimeos
et à la raison; elle est littéraire, philosophique, politique, sodjk;
elle provoque les opinions, elle spécule pour le plaisir de l'esprit:
c*est un meuble de luxe dans notre société. La presse, telte q«
lés Anglais la font, va droit aux intérêts, qu'elle soUidtc et satis-
fait tout à la fois; c'est donc tm meuble de première nécessité. Des
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ut PUISSE EN AlfGLETBRBB. 681
[a*iiii certain nombre d'insulaires se troavent réunis sur quelque
oin de FEurope ou de F Asie « le comptmr existe à peine qu'il lui
àut un organe de ses intérêts , un journal, H n'y a pas d'intérêt
91 Angleterre qui n'ait le sien.
Par un étrange contre^sens de la législation, cet aliment de pre-
nière nécessité est aussi cher qu'une consommation de luxe. Un
oarnal coàte 7 pence par numéro ( plus de 14 sols ) ; il y a même
les journaux du dunanche qui se vendent un slùlting ( 25 sols).
Sans doute une.entreprise de ce genre, qui a des correspondans
(ur les principaux points du globe, et qui est tenue de recueillir
ine bibliothèque de documens, entraîne des frais immenses que
iupporte en définitive le public des lecteurs. Mais le prix exorbitant
les journaux provient surtout des droits de timbre et de la taxe
mr lo papier, qui contribuent à en élever la valeur. Le timbre seul
3St de & pence par feuille ( plus de 8 sols }• Les Anglais , qui, en ton-
tes choses, considèrent le résultat, ont flétri ces taxes du nom
^* impôt sur Cimtruciion [taxes on knowledge),
L.e bill voté par le parlement dans les derniers jours de la ses-
sion, et qui est exécutoire à partir de septembre, réduit le timbre
les journaux à 1 penny (2 sols). Cette taxe les affranchit de tout
Iroit de poste dans le royaume-uni; combinée avec la dimi-
dation des taxes sur le papier, elle va rendre la presse plus ac-
cessible à toutes les classes de la population. Les journaux qui
existent descendront plus bas et iront plus loin ; de nouvelles feuil-
les s'organiseront en concurrence avec la presse établie. La publi-
cité ne peut manquer de recevoir, sous toutes ses formes, une
grande et salutaire impulsion.
Pour mieux juger la révolution qui se prépare dans la presse
anglaise, il n'est pas inutile d'examiner le régime sous lequel elle
a grandi, et de montrer le point d*où elle partira , dans cette nou-
velle ascension.
La liberté de la presse, dans la Grande-Bretagne , ne repose pas
comme en France sur un droit écrit; elle exbte au même titre que
la liberté de toute autre industrie : elle est dans la coutume, dans
les mœurs, titre qui est supérieur chez ce peuple , et antérieur à
«a constitution. Il n'y a que les exceptions qui soient formulées m
lois.
Depuis l'année 1695, où la censure ( licensing aet ) a été abolie.
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anglais peut aiK)tf. des presses, imprinier et pnridâer od c^'fl M
pbit.'L*é(Ktair>d'im.jounHil ii*a.iu antorisaliea i
cautionnement à déposer, ni formaiMs dilatoim à
tenues de Tade de 1708, il ssfGt de faôre» denal les
du timbre, et aor papier Ubre^OBe-dédanilionqBi énonce lésa*'
tiares qae doit traiter le journal, les nous et demenres delSn-
primeur, de Tédit^tr, aâuiqae des deux propriétaires
Gbux^ soBt également responsables des-amendes
la pnsoQ, tt cas de condanmatkNU
A> efrti de cette indépendance, si étendue et si abaoine, Isa
anglaises ont placé des pénalilés sévères, destinées à
L*abas..Il n'eiiste peuwétre dans ancnn pays et H n'a
une législation plus menaçante que les lois de libdle en Aa^
terre; Dotrelégislalîon de septembre 1883 parattrut toléranla àm
prix. Les lois ooatre le libeUe»politiqiiepréiment et créent, anpesl
le dire, une infinité d'oSenses à la religion, aux UKBnrs, à lakadt
natniQ, à la lei des nations, à la constitution, au roi, au goum-
nement et aux deux.chanibres du pariement* lies lois contre la i-
bdle privé punissent , en outre, les ofiénses aux cours de jmatkB,
aux grands du ret/mum {sca»datawia§naiwn)f aux magistrats et
aux personnes privées. Bans le plus grand nondm des cns. Il
crime de KbeBe estassinnlé au crime de traidsonçetles préoédoni
dont se composai cette jurispmdeuGe, empnnrtés gènèraltinuil
aux époques da despetisBie, fonnnssent de tdies annea contre k
presse, qu'il dépendrait d*iui. gnovemement niai intenlioHié es
récraser, si elle n'avait la garantie du jury, ce paltadimn dn pat»
pie anglais.
Le parien»nt est encore maître de jeter sur la presse uns sarti
d'interdit« Bn vertu de ses privilèges, il peut esidnre la pidieds
ses séances, et défendre qu'il en soit rendu compte dans laajev*
nanx* Cette probiUtiQna été renonrvdée trois fias pendant le dtr-
aîar siède, mais l'usage contraire a prévaku Le pariemmla
Uen TÎte compris que son autorité sur l'opinion tenait A la pali-
csté, et à la publicité la plus étendue de ses discusrions. Cependaat
par un reste de ce préjugé des chambres contre la presse, ksi^
dacteurs de journaux, admis, comme par grâce, au miHeu dab
fimle des ^spectateurs, se sont, vus obligés, pendant lonft umft,
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SB Eir
^torirelefiM-itotes sHr lents genéin> Anprogd'hni onlcnf acflorJkl^
ans la ehàndiredes lords, le preonerbofic de la grieriepoUî-
ne {tiranger^s gaUery); dans la cbanibre dea «oÉubiuièay on leor
réserré une galerie pardcaliàre, plaoée aurdasna du siéee de
orateur (ipMfcer), et d*oà ils entendait beaneonp nienx ks dkh
oasioiis qif on ne peut les saisir dn liant des cages à o^oanes oè
sa sténographes ée nos jonmanx ont été rdégnés par les qaea^
eurs*
aile point de me eonanereiid adoaiinèdanslafomieatdaBa
'organisation des jonmaux anglais^ esta vient encore de la liberté
néme dont Fusage les a mis en possession. Toutlioanne poîtrant
kàxe le métier d'xmpriniesr , et tout auprimear, pourvu qu*il ait des
sapkanx, pouvant lamer imjoornal dans la eîrcidatioD, fl en résidto
ijne les feuilles politiques représentent des intérêts plutôt cpie des
Dpintom. En Franœ, on annexe oonumméaient une iniprinierie à
Texploitation d'un joumaL En Angleterre, une entreprise de jour-
nal n'est souvent que Tannéxe d'une nnprimerîe. Ce ne sont pas
des hommes qui s'associrat dans le but de propager lenrs ooavio-
tiona ; ce sent des capitaux qui se groupent, attirés par Fappàt d'un
bon placement (1).
n ne fiiut pas se rqprésenter F éditeur dW jearnal anglais cenune
an édaireur de parti qwmarclie à la propagande dès opinions ou
i Fassaut du pouvoir. 8*3 se plietce d'im oftié phitôt que d'im autre,
c'est qu'il a cakulé iesdiances de succès , et qu'il croit avoir choiai
la plus sûre. Le odcul se fiât de nonveaia dans les grandes ooca«-
aions;(iiaque événement est mesuré à ta loiae de l'intérêt peAson*
lel; on met aux voix Fopmson de l'année, du mois, du jour:
de là ces mconséqueaces si fréquentes dans le langage^des jouf-
La pensée d'un joarad^n'ast peint dans aertédactenra ; et, pour
4etit ifire, un jonrnal n'a pas de rédaeteuns qui hncoramnniqnsat
(i^lloiivtTOBftlt VÊèBmyïéÊamèm» u TVjpnMnm.VTmc^ émt la yHiiB det Mm
Sartenens. Eloigiiée du centre des afiaires et dik meuyemAnt des opinions, commenl
leprésenterait-elle réellement les partis ? Elle appartient de droit à la spéculation et am
MQlsspécnlatenirs possibles dans les dëparteinens, tnn imprimeurs da cbef-Ueu.
f4 OnraoMto piMl^ttsacnU Li»dm.ipw, loiSfiie^l^Miff seidécida» lerètlma-
.coup d'hésitations, à prendre parti pour la reine contre George IV, . cette résoliUon, qol
Alt U source de sa fortune, n'orait été arrêtée dans le conseil des propriétaires qu'à la
smoilté d*QDe yolz.
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68& RBHJB BBS BBUX MOIIDBS.
leur force et qai en reçoirent la leur. On ne sait même pas^ cbAj^
gleterre; ce qae c'est que les rédacteurs d'un journal. L.*é£teir,;
propriétaire lui-même, ou commis des propriétaires, a somfar,
comme des commis aux écritures, des sténographes on rqfortm,
qui rendent compte des séances du parlement , des tnbuosaxtc
des meetings; des correspondans commerciaux et politîqpiesd^
la cité et au dehors ; enfin des sous-éditeurs qui commentent ksm»
relies dans le style qui est compris des chefs de fabrique et à
comptoir. Le reporter est le type du journaliste anglais , espèee de
greffier qui se regarde comme chargé de dresser procès^r^id
des événemens.
Cette habitude de prendre les faits pour des faits, et de les &
registrer à peu prés sans critique, doit rendre les journalistes as- !
sez indifférens aux variations d'opinion. Ds jouent yéritablemeKi
la hausse ou à la baisse, et, comme des joueurs expérimentés, ï
imposent silence à leurs sentimens. Si, par hasard, leur roai
s'élève , ce n'est pas une émotion qui édate en eux , c'est une îb-
pression qu'ils ont reçue du public et qu'ils lui renvoient.
L'organisation de la presse anglaise la met dans la dépendra
la plus complète de ses lecteurs. Les journaux n'ont pas d'ab<»-
nés et n'arrivent au public que par l'intermédiaire des nemma,
espèces de libraires qui en achètent tous les malûi5 nocertaii
nombre d'exemplaires qu'ils font circuler à tant par heure dansk
quartier pendant la journée, pour les expédier ensuite le soir ei
province, à prix réduit. Dès dnq heures du soir, Q est împossibk
•de trouver à Londres une feuille du matin , excepté dans les dibs
et dans quelques établissemens publics. Au sein d'un pays ai le
moindre chef d'atelier a sa bibliothèque, personne ne fiait coHectioE
des journaux ; leur clienteUe est remise tous les jours en qoestioiL
n en est de cela comme des baux à courte échéance. Un f^
mier qui n'occupe la terre que pour un, trois ou cinq ans, s^
quiète peu d'améliorer la culture, car les améliorations pourmit
ne profiter qu'à son successeur. De même, un journaliste qmn'e*
pas assuré de retrouver le lendemain les lecteurs de la veille, «
prendra l'initiative d'aucune grande pensée. Il n'ira pas heurter
leurs préjugés, de peur que le temps ne lui manque pour leséda-
rer ; il mettra tous ses soins à sonder l'opinion , afin de pouvoir se
l'attacher en la suivant et en la flattant.
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LA PKBÊ8E m ▲RGLBTHftBE. 68S
La ctientelle d*iin journal en France lui donne de Tinflnence»
du pouvoir; la clientelle d'un journal en Angleterre lui procure
des annonces , c*estrji-dire de Targent. Les annonces couvrent or-
dinairement les frais d'impression et de rédaction ; c'est la vente
des numéros qui fait le bénéfice de l'entreprise. Le Timc$ reçoit
pour 100,000 liv. sterl. d'annonces ou d!averiissemeM par année
(2,500,000 fr. ) ; le Moming-'Herald , la plus vieille machine de cette
presse , en compte à peu près la moitié , tandis que le Mommg-Chr(h
vicie et le Standard , feuilles de meilleure compagnie dans des
opinions opposées, ne retirent pas de cette branche de revenu un
bénéGce proportionné à leur influence politique. Ainsi, plus la ré-
daction d'un journal s'élève , moins l'entreprise s'enrichit.
Le droit sur les annonces, qui était dans le principe de 3 $hilr
iings 6 pence par article (& fr. 40c.], fut réduit, en 1833, à un
shilling et demi. Par suite de la réduction, le revenu sur cet im-
pôt diminua de plus de 2,000,000 de fr. ; le nombre des annonces
insérées dans les papiers publics s'accrut très faiblement, et à
peine dans la proportion d'un sixième pour les journaux solide-
ment établis. Le prix des avertissemens demeurait encore trop au-
dessus des facultés du petit commerce et des petites industries. .
Est^il possible d'établir en France une presse d'annonces comme
la presse anglaise? Quand nos mœurs le permettraient, le com-
merce des avertissemens peut^il devenir le substratum d'un journal?
On le croira difficilement. Rien ne se ressemble moins que la France
et l'Angleterre à cet égard. Les Anglais croient à Fainnonce, c'est
pour eux une foi vive et universelle ; les averiissemens n'ont pas
moins de lecteurs que les nouvelles politiques, toutes les industries
et tous les commerces y ont recours. Avec cette multiplicité et cette
activité d'afflaires ils ont besoin d'apporter une stricte éconraife
dans la distribution du temps. L'affiche est une nécessité pour eux»
parce qu'elle l'abrège, comme les conmiunications rapides, comme
les voitures qui font quatre lieues à l'heure, et comme les chemins
de fer. Toutes les affaires se traitent en Angleterre sur étiquette,
et l'annonce dans les journaux est la conséquence du même sys-
tème qui a introduit l'usage des warranu dans les docks. Parcourez
les rues de la Cité, le vitrage de chaque magasin est bordé d'an-
nonces comme les pages du Times ou du Moming^Adveriiser. L'af-
fiche court les rues sur les éventaires de3 mardiands ambulans.
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et grimpe em lettrea gigaUMqoes joiqalaa ftdie des MiteM. k
trente Ueaes de Londres, tous Usez svr les mars d'un pare k p»-
cnrte de qoelqne négociant de la Cité; on to«s xemet ses prixeo»-
inns à Bonlogae , qoand yoqb mettez le pied sur le batcia i
fq^ienr.
îEa e0t-*9 de même en France? qni fiiit usage de rannoneQ, qDÎli
1H et qui y croît? Les oserttsieiiMfts afDuent dans les bureau des
feuilles anglaises, msdgré TimpAt qni devrait agir comme une pro-
hibition. Chez JKNH, Ton ne timbre pas les anneaœs, le public las
«btientà boniBarclié, et cependant la librairie est à peu |»^ii
aeule industrie qui en fosse usage; c*est à cela, que se rëdait la
dientelle oommerdale des joumaaaL. La feuille la pins répaadv
ifen reçoit pas pour 1&,600 francs par mois.
En 1796, suivant M. de MtmtTétan , les journaux anglais em-
l)ieyaîemdé)à9i&àâ&0^606 rames de papier d'une grande dinei^
aioa. Le même auteur affirme qae leur circulation était rédaiie i
150^000 rames en 16tf7, sur lésqaéBes le trésor percevait aoMdfe
ment 10^000,000 de fir. Au^rd'hui limpôt sur le timbre et wkt
annonoes rapporte «imron 600,0001iv* sierl. ou 15,000,060 defr^
et suppose remploi de 200,000 rames de papier. Ajoatez qae h
^presse non timbrée publie daque srasaine 250,000 femUes i Ldd-
dtes et 100,000 dans les proriaees, et que sa pobKcîié Mogmem
de jour en jour.
Aux États-Unis o& la presse n*a ai droit de tioibre ni dfmisvr hi
annoaoes,m taxe sur le papier àpayer, 1,300 joumaaxpoliliqBSi
^nèpandent jusque dans les hameaux les plus reculés de chaque étu
^ia connaissance des affaires publiques. L'Angleterre n'eet p»
wissi avancée. Cependant le nombre dis feuîHes politiques pink
'considérable, si on le compare aux.publieationB du eonliaat
l/irhmdeaerienBprime82^fMBrnaux,dant.21 aont pid>liésiDt'
(blin.Lavpublidtéfn'a pas moins d^eslension en Êoosse (1). Dan
^Angleterre proprement dîle^ (Mi«compte 175) joummu aaas y etf-
«pmndrô h viHe de Londres, aveciles lOOà 130 feuilfes qmsia-
yiiment danale rayon de la Qté..
ias journaux de province^ ne paraîésealgéoéraleaientqa^aaelû
nj Bti insÈ, nrtande nlmprtiMït qoeSO Jounaiix, etrieoBse «r. AxflmirfWli^
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etr-
aDeeptkm rig<i»eqgeda iwt^LsrtinaiirJiffa^
Liif||eun%» oà ks oMkatioHi tle k pensée «'arrêtent oonne ter
rvr^mx da eorps. Les feidUe» hebéoBMulaiiiesiQa d« dinmiciBs
ont pwbliéas le Bamedi ecnr ; les fcaîHes^ parabseal âaas la ae^
Dmkie , féyiNea du s«ir cm du araiiit, fimt tyèm, pendant la jenr*
iôedQ<iknamhe, à leiirspablkatians. Benest demAme de tonte
liscnssion poiiiqoa; le partanent n'entre pas en sévKe le samedi,
le tvalnte qne le débat , se prolongaant^iNnnie à l'oi dinaire, bien
iTiffîtdiMnlannity n'empiète sur 1er repos du fonr consacré an Sei*
Ga d<rie^tre poor noas un snjet d'^étonnemei^ qne;ces longs ia^
terrsdles de la pubUdté dans un pays oà le plus inniee bentiqnier a.
l'hadritude, sinonletdent de la parole, et peut paraître déceoH-
ment enr les hustings^ oh tout le:nu>néeet dncnn s'oeospent^le»
affaires pnUiqnes , oà les jonmanx sefiseitf partent^ juscinedan»
les ateliers de charité {wùrh-htmies). £n firance, tes feniites poH«
tiques n'ontpas antant de leetnars^ mair ces lecteurs yenlent les
lire chaque jour* Il y a peu de journaux dans les départenenS''
qni ne paraissent pas plusiénrs fais par sennine , et ils tendent tons
à devenirqàetidiens. Une Tevna^ pour prétfflidre.à quelque snecès,
doH ne pafaiîsr chaque semneon denx fus pan moiSi. Nous ne sa*
Tons pas prendre des bafaitndeB à lonpm échéance; ilnenrfuttjden
liens de tons les jours. Les Anglais sk œatarakedinent le temps
auasi bien que le traraS. Gonaniécant la ne oomme une goode
mnnu£act«De eè chaque ourrier a satàdieetn'iiqn'nne tâche ,.ils.
font la partdes affiùres pubSc^nesetlapart desafsireaprivées.LeS'
henunespelltiqnes, ou^ceqntest la^mésK dioseea An^terre^ tes
hemawa deloûr, et lesdianquiers, dent ks-spéculatÎMspeuyentétEe'
affectées par le mouvement des opiniensv réserrent chaque îonr
une heure à rla lecture de&JMrnaur« Le marchand'et.tenianu£eM>-
tmrier, occupés, du mat» au eoûr, à fiiirémanoeunnr uncarmés
de oommis en d'ouvriers » ne alnquiétent ^ère qnm le jenr du. re«
pas de savoir comment le mende a marché.pendant la senurins^
L'4Mrvrier de même, pure madiina six. jours dnmnl, n'aqne le se|H
tième pour réfléchir et pour regarder ce que.dsvient k pays enta
les mains de l'aristocratie.
La périodicité des puUicatîoas politiques s'à^hekmnejanirant
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KETOB H8 BiKUX MÛlIMtt.
ces besoins. La presse parienenlaire, réduite à dix joimiaiix,t
la parole six jours sor sept ; le dimanche appartî^it à b preM
populaire et aux feuilles qui, mesurant déjà les éyèneoieiis à db-
tance, les voient ainsi d*un peu [dus haut. Enfin , la pditic^ d*iB>
pulsion 9 le jugement des partis sur les hommes et sur les choses,
ne se prononce que dans les rerues trimestrielles et suit, pov
ainsi dire, la marche des saisons. La presse , en Anglet^re, a sa
hiérarchie comme Fétat, conune Téglise et comme la société.
Des dix journaux quotidiens qui s*occupent des affaires poli-
tiques, huit paraissent le matin et quatre le soir ; on évalue kir
tirage à tô,OOOfeuilles par jour (1) . Le Times et le Mommg-AdKrtuer
emploient chacun environ 200,000 feuilles timbrées par mob,€e
qui porte leur tirage à 6,600 par jour. La circulation des six jov-
naux qui soutiennent la réforme est évaluée à 26,000 feuilles pir
jour, et celle des quatre journaux qui se rattadi^dt au parti ooa-
servateur à 19,000 feuilles seulement. Cette proportion représeste
assez exactement l'état de Fopinion dans la métropole et néM
dans le reste de l'Angleterre , si Ton excepte les comtés mani^
turiers.
Les journaux du soir, le Globe, le Courier, et le Sun k l'excqtfioa
du Standard, appartiennent à l'opinion réformiste ; ils n'ont pas la
même influence que les journaux du matin, auxquds ils empromeot
généralement leurs compter-rendus des séances parlementaires et
leurs principaux articles de fond ( leading articles). Ce qa'on leur
demande surtout, ce sont les nouvelles de la journée; celles qm
n'ont pu trouver place dans une première édition pubhée i dnq
heures du soir, une seconde édition les fait connaître deux hemei
plus tard. Us devancent ainsi de douze heures les publications d«
lendemain, et sont, pour cette raison, fort recherchés dans h
Gté, dans les provmces et à l'étranger.
Le Globe est l'organe du ministère ; le Courier, un peu moins ei-
gagé , représente la partie de cette coalition qui a le plus d'afBoU
avec les conservateurs ; le Sun et le True-Sun , son concurreat dt
matin , défendent, dans une mesure diverse, les opinions du parti
radical; le Sun, le plus modéré des deux, voit sa clientelle s'ao-
croître de jour en jour.
(I) En 1899, Ton oomptait à Londres 18 Journaux quotidiens, qui publiaient
4(V00OlBaillei par Jour. Le progrès est d*im neuvième en sept ans, ou de il peareai
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l
LA PRESSE EN ANGLETERRE. 689
Le Mommg-Chronicle, dont Téditeur et rédacteur, M. Black »
fort connu par sa querelle avec M. Roebuk, jouit d*une grande
considération, représente la fraction avancée des whigs; il se tient
sur la lisière du radicalisme , sans y entrer. Le Morning-Advcniser,
le phis répandu des journaux réformistes et le plus ancien , person-
nifie ce libéralisme puritain , qui est le vieil esprit de la réforme en
Angleterre ; c'est Toracle de la bourgeoisie.
Les diverses nuances du parti conservateur sont complètement
et fidèlement exprimées par ses quatre organes : le Moming^Herald,
le Moming'-Post, le Standard et le Times, Le Moming-Herald, espèce
d'édifice gothique, est l'arsenal qui recueille tous les préjugés du
pays. Son langage n'a pas la violence du Moming-Post, ni l'audace
délibérée du Times; mais il ne cède pas de meilleure grâce, et défend
les abus comme autant de parties intégrantes de la constitution.
Le Moming-Posl et le Standard représentent plus particulièrement
l'opposition de la chambre des pairs. Le TimeSy plus adroit et plus
récemment acquis au parti, s'est fait l'organe de sir Robert PeeL
Bans l'ordre des intérêts, car toute opinion repose sur un intérêt
en Angleterre, il figure cette aristocratie manufacturière et mar-
chande qui a toutes les prétentions de la noblesse sans en avoir
l'éclat.
La presse du dimanche compte plus de 40 journaux et publie
plus de 120,000 feuilles ; un seul journal, le Weekly-Dispatchy four-
nit le quart du nombre total dans cette immense circulation. Parmi
les feuilles hebdomadaires, plusieurs ne se proposent que de re-
produire les opinions et de compléter, pour ainsi dire, la publica-
tion de leur modèle quotidien. Tels sont le Sunday-Uerald, le Sun-
ffay-Times et le Weekly-True-^un. D'autres s'adressent à la fois aux
hommes politiques et aux littérateurs comme le Spectator et YExa--
mtiter, feuilles d'une rédaction indépendante et élevée. Le plus
grand nombre ont leur clientelle dans les rangs inférieurs de la
société; ainsi du Saiirist, qui fait les délices des domestiques,
du John BtiU qui est lu par la populace des tories, du Weeklg-DiS"
paich, vraie denrée de province et pâture de fermiers.
La prépondérance des opinions réformistes est encore plus
grande dans la presse hebdomadaire que dans la presse quoti-*
dienne; car, à mesure que l'on descend dans les classes inférieures,
TOXB vu, 44
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Q90 RETUE DES DEUX MOTfDES*
on rencontre une démocratie plus ardente et plus déddée. On
compte trois feuilles radicales pour un journal tory.
La proportion n'est pas aussi forte pour les journaux de pn>-
Tince qui suivent le même mode de publicité, H^y a cent journaux
réformistes contre 75 feuilles tories; mais la drculatkm de cdes-
ci est inférieure de moitié. Sur les soixante journaux qui se tirait
à plus de mille exemplaires chacun, on compte 97 réformist» et
23 tories; la circulation moyenne des réformistes est de 1,9S1
exemplaires et celle des tories de l,37Ji> par semaine. Voici le tablen
de ces forces politiques.
JomnMixJUiénRnE. TMk
1,000 ex. et au-dessous de 1,300 « I
l,a00 1,500 11 6
1,500 2,000 8 6
2,000 a,ooo 2 i
3,000 etau-dessQS 4 0
Ainsi la circulation des feuilles Ebérales est à celle desjoonnx
tories comme 100 est à 43.
Quoique ces chiffres aient été relevés survies tableaux ofBdds,
ils ne présentent pas les faits avec une exactitude absolue. Li
circulation des journaux de Londres a été exagérée aux déçeai
de celle des journaux de province. Voici d'où provient ferrenr:
Les feuilles de province en Angleterre n'ont pas , comme dam
nos départemcns , la faculté de faire timbrer leur papier d&ns k
ville où elles se publient. Il n'y a pas de timbre (ttamp'soffee)
hors de Londres, de Dublin ou d'Edimbourg. L'éditeur (Toi
journal qui s'imprime à Liverpool ou à Newcastle, à cent Be«s
de la métropole, est obligé de tirer de Londres ses feuilles tim-
brées dont les accidens du trajet mettent souvent ime partie htm
de service. Quelquefois, au lieu de s'adresser directement à Tad-
ministration, il préfère les prendre dans les bureaux dequdqie
confrère à Londres, qui lui accorde une remise et paie ainâ Î9r
vantage de figurer sur les documens officiels pour un chififirc |to
élevé que sa propre consommation. A la faveur de cette super-
cherie, le Times a dissimulé pendant longtemps le vide qui éuil
survenu dans sa clienteile, et il a pu conserver le ma^fiquere*
venu de ses annonces qui lui rendent par mois beaucoup ^
que le plus achalandé de nos journaux ne reçoit daas une année.
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LÀ HOESSB BN AKCLETBUB. 6B1
* piéreiâr Iafra«de, on avait imagÎBé iia eipédiefti bicarré,
mais qui était toul-à-foit dans les mœurs anglaises. Oiaqne journal
devait porter un timbre particulier marqué de son nom, le sceau
de la propriété dans les dioses de Tesprit. Cette clause, proposée
par M. Grote, an nom du parti radical, et insérée dans le bill du
oonsentement du ministère, ne fait pas partie de la loi, teUe<pie le
parlement l'a Totée après tes amendemens introduits par les lords.
JLa presse Aon timbrée n*a pas produit un seul journal quotidien.
Pour lutter arec les feuilles établies, il eût ÂUu des capitaux
oonsidéraUes, capitaux qu*aaoan Anglais ne youdrait aventurer
dans une industrie jdaoée hors la loi; mais 3 est plus fooile de fiiire
concurrence aux feuilles du dimanche, espèce de compflatioasqne
Y^m arrange sooveat avec quelques coups de plume, et à force de
riwiwiT, et pour ksqueHes on n'a pas besoin de se mettre en frais
de correspondances à rétranger ni d'organiser àVintérievr une es-
couade de reporien (l). La presse bd>d<HBadmre s'adresse an peu-
ple» el la fettiUe la plus populaire, àmérite é^l, sera toujours ceUe
qni remplira le mieux la condition du bon mttrché. Les journaux
non timbrés se vendent quatre sous {tmo pence), les journaux tim-
brés quatorze; si quelque chose doit nous étonner, c'est que ceux-ci
n'aient pas été entièrement étoufiG6s par une concurrence aussi re-
doiit^>le, et contre laquelle la loi les laissait à peu près désarmés.
Gette presse de contrebande a la prétention de parler un lan-
gage plus poU et plus digne que œhii de la presse légale» et die
n*a pas de grands efforts à feire pour y réussir. EUe cherche du
reste à amuser le peuple plutôt qu'à l'instruire; les comptes-ren-
dns des assises et des tribunaux de police, les histoires drama-
tiques, les meetings radicaux, fbumisseiit le fond; quelques dé*
damatîons pasÂonnées contre la chambre des lords ou contre
lom^-PUlqiq^ complètent le joamaL Cette langue démocratique
nous semUerait étrange et presque kiinteHigible. Bdur en donner
un exemple, le Râdicml, ayant à faire l'apologie d'Alibaud, ne vit:
rien de mieux que de remonter à Harmodius et à Âristogiton,
en imprimant, pour l'édificatioii des ouvriers anglais, le texte
grec de Tode composée en Thonneur des meurtriers d'Hîppias;
(1) Pour rédiger les coinptflB-rendns des téancei da parlement, chicnie Journal qvoU*
Osa emploie qurtone oa qotiue reporttn^ et déposée S^OOd lirrei eteritag psr lOBaiuo
44.
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692 REVUE DES DEUX MORDES.
Varticle fut reprodait dans plusieurs journaux. N'est-ce pu na
peuple bien républicain que cette démocratie à laquelle on ne peut
parler sans avoir pris ses degrés à Oxford?
La presse non timbrée n*est qu'une machine de guerre. On s'en
est servi avec beaucoup d'habileté pour faire brèche à un impAt
monstrueux. Mais , après la réforme des lois sur le timbre et b
réduction de la taxe à un pennij, les journaux n'ont plus de raisoa
suffisante de s'affranchir du régime légal; ceux qui tenteraient de
continuer la fraude se verraient abandonnés par ropinion publiqae
qui les a jusqu'ici soutenus. Le droit était pour eux quand ib lut-
taient contre une loi oppressive; maintenant la loi est récoocOiée
avec le droit, et les mœurs la protégeront.
Ajoutez que le dernier bill confère aux officiers du fisc des pou-
voirs très étendus. Ds ne sont plus réduits à saisir les feuilles col-
portées dans les rues, et à retenir les colporteurs en prison. On
leur ouvre le domicile, cette fDrteresse inviolable jusqu'à présent
du citoyen anglais. Tout employé du timbre peut, sur la dénon-
ciation du premier venu, et sans mandat judiciaire, pénétrer dans
les maisons et saisir les journaux non timbrés partout où il les
trouvera. Si une personne affirme sous serment que tel imprimeor
a publié telle feuille de contrebande, le juge de paix est tenade
délivrer un mandat avec lequel on va saisir les presses et entamer
une procédure. Les amendes sont exorbitantes et s'élèreBt, pour
la moindre contravention, tantôt à 20, tantôt à 50 livres sterling.
Quel capitaliste voudra courir les chances d'une industrie ainsi
exposée?
La concurrence les ruinerait à défaut du fisc, car les éditeors
des journaux timbrés la feront à leur tour avec la puissance d*aB
intérêt solidement établi. On pourra donner un journal timbré i
6 sous; et qu*est-ce que la différence de 2 sous par numéro poor
des feuilles qui paraissent une fois par semaine, lorsque cette
inégalité de prix est compensée par une grande supériorité de
rédaction?
Les hommes d'état qui proposèrent au parlement, dans h do^
nière session, la réduction des droits de timbre, prévoyaient stfs
doute les changemens que la presse doit subir par suite de cet»
réduction. Ds savaient bien qu'ils allaient substituer dans qudqo*
mesure Tinfluence des opinions à celle des capitaux. « Nous voa-
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lA PItSSSE EN ANGLETERRE. 695
Ions élever le caractère de la presse, i> avait dit lord Melbourne
dans la chambre des lords.
Quelle que soit la valeur de la presse politique dans la Grande-
Bretagne, elle occupe en effet un rang inférieur dans la société. Une
sorte de défaveur plane sur les écrivains attachés à la rédaction des
journaux. La haute société ne leur ouvre pas ses salons, et les
oblige, par cette exclusion , à vivre dans Tobscurité. On ne les
admet pas même dans les clubs, et le Morning-Herald avouait ré-
cemment avec amertume que, parmi les éditeurs des journaux de
Londres, un seul en a obtenu Feutrée. Les membres des deux
chambres qui s'associent aux intérêts et à la rédaction d'un journal
n'oseraient, pour rien au monde, lui donner publiquement ces
marques de sympathie. Un homme politique, qui veut jeter une opi-
nion en avant, n'a pas recours directement à la presse ; il convoque
un meeting dont on enregistre ensuite les actes et les paroles dans les
colonnes des journaux.
La plupart des éditeurs ont le titre de barristers ( avocats), ce qnî
équivaut en Angleterre à un degré de noblesse ; ils se distinguent
presque tous par des connaissances étendues : d'où vient donc ce
préjugé, qui en fait des parias dans l'ordre politique? En France,
un journaliste, quand il est homme de cœur et de talent, marche
régal d'un conseiller d'état, d'un pair ou d'un député; la presse
est comme un gymnase où les chefe de parti se préparent au gou-
vernement, et tel ministre n'a souvent fait qu'un saut du bureau
d'un journal au banc des secrétaires d'état. En Angleterre, il n'y
a pas d'exemple de ces illustrations; on ne parvient que par Taris-
tocratie , par le barreau ou par les positions commerciales. La
presse n'est ni un pouvoir ni le marche-pied du pouvoir. Pendant
vingt ans, les whigs organisèrent leur parti au moyen de la Revue
if Edimbourg; mais ils n'auraient jamais songé à se servir d'un
journal.
Un journal anglais, qui a recherché les causes de ce discrédit,
l'attribue au langage brutal de la presse. <r On ne conçoit pas, dit-
il, que des hommes qui veulent appartenir à une classe respecta-
ble de la société, et qui doivent avoir une éducation libérale, se
livrent à ces indignes personnalités. Dans leurs moindres querelles
ils se traitent de menteur, de voleur, de mercenaire, de scribe, d'oni-
mal, et cherchent à rabaisser mutuellement leur caractère, comme
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004 RETUE DES DEOX IIOIIBU*
8*3 ne dorait rien rejaillir sur eux-mêmes decetle dégndalîtiide
la presse. D*où vient qae la presse est placée pla8 haut en Fntnce
qa*en Angleterre, si ce n'est de l'absence des personnalités qà
défigurent nos journaux? j»
Nous ne saurions partager cette opinion. Sans doute un langig»
plus décent contribuerait à la dignité de la presse en Angteterr^
Hais cette liberté d'inrectire n'est pas particulière aux joumiu;
elle fait partie de la langue politique du pays. Le même jour
où TOUS aurez lu dans le Times que le Mormng^hroniele est m
polisson [scoumlreC) » et dans le Moming-Chromcle que le Ttma est
xokcoquin (ruffian)^ vous entendrez O'Connelly dans un meettiM^, dire
que les tories sont des voleurs. Les habitudes de la presse, en An-
gleterre, sont les mêmes que celles des chambres ; il se bit daos
les deux camps la même consommation d'injures et de gros mots.
Les Anglais ne sont pas des Athéniens.
Nous reconnaissons les avantages de la presse anglaise. Dn'f t
pas de journaux au monde mieux informés, qui renferment oie
plus grande quantité ni une plus grande variété de renseignemeUi
Les propriétaires n'épargnent pour cela ni soins ni dépenses ;ie
Itmes, pour sa correspondance de Paris, dépense annueUemeit
4 à 5 mille livres sterling, somme égale à ce que coûte la rédactîw
entière d'un journal parisien. Qu'un meeting se tienne à Edimbourg
ou à Manchester, on enverra deux reporters en poM et à grands
frais pour recueillir les discours et les émotions. Tout ce que l'on
peut foire avec de l'argent, nos voisins le font, et le font nûeux que
nous (1).
Mais écrire un journal ou le diriger dans des vues poUtiqaâ^
avec un plan de campagne et le coup-d'œil de rhonune d'état, voSi
ce que Ton ne sait pas en Angleterre. Les journaux anglais oui
(1) La Hevue de Westminster a cité deux exemples fort remarqnablts de la lapidilétvit
Jaqueile les nouvelles sont transmlAes par les JovmaiHi.
« Un vaisseau arrive à Liverpool avec des dépèches qui contenaieat la «oQveik €m
l>ataille décisive entre les royalistes et les patriotes de FAmérique &a Sud. AossitAtqM
le uavire An signalé, l'agent expédia un l>atean pow recetok^es letim doat tl était vv
teur. Quelquei-tnes de ceUes qui étaient deiUiiéet pour UndrM y tmnmk^^ofém^
im exprès. Elles arrivèrent à une heure et demie le lendemain. Lorsque la pentBMQi
le» avait reçues en eut fait usage à la bourse , elle les communiqua par faveur à un Jowmï
diMoir» leGto£»a,età trois heures et demi* le iMmquier qui lee uTuli eonBividquéeiiee»'
vatt, dmiaClié, "" —V -'t fimT-n' yà tu nnniiWM» !■ mdwMwt Utfii^
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Hk VBESSK Bit iOfOLBTEnUS. 68IS
^exce1feii9 écmtins, de» éffitenrs butvnicv;^ ib ont Mrtont dans
Foccamon cet admirable bon sens qm met toujours le doigt sur là
plaie, et qui en sonde promptoment la profondeur. Mais ib ront
an jour le jour; ib suivent Topinion dans tous ses raouvemens^ et
jusque dans ses écarts. Ha sont de la foule, ils ne conduisent pas.
Tous bs partis ont deux presses en Angleterre : la presse des
BOTues, où ib mettent leur pensée poKtique, et la presse des jour*
naos, presse de détail, qm ramasse et oohtrfile les faite. La pre*-
mBre est eefle des gendraien ; elle donne un rang et une position i
eeiix qui écrivent; la direction des affaires lui appartient. La st-
coude est la presse de b bourgeoisie; c'est sa conversation écrite,
«Test la mesure de son niveau mteBectud. Pmt que les journaux
fl*élèvent dans l'opinion , il fout peut-être que les revues dédineat,
et cela se foit tous les jours, ou plutAt tous les ans. La Revue d'É^
éimbeurg n'est plos une écob; b Quarterki Beview est devenu une
arène de personnafités qui n'épargnent pas même les femmes; le
Weitminê^er Beview s'est fondu avec b Landan Review, sans pouvoir
donner au parti radieri l'organe qui lui manquait; b BriHêh and
foreign Beview fait grande dépense de talent et d*imparfialité dans
une direction qai)a'estpas assez visible aux yeux du public. Les tra-
ditions de la grande critique se perdent en Angleterre; et quand on
pourrait les conserver religieusement, elles ne réveilleraient pas
l'appétit blasé des lecteurs.
Admettons que les journaux succèdent à l'importance des revues.
Ce sera beaucoup assurément, et la presse ne saurait s'élever plus
haut en Angleterre. Mais n'y a-t-il rien au-delà?
Pour dire toute notre pensée, le rôle de la presse n'est pas le
même dans les deux pays. En France, et avec cette impatience de
découvertes, ce génie d'innovation qui nous est propre, la presse.
dliflore après» le courrier qoi les ATait apportées de Liyerpool à Londres repartit pour
Liverpool avec nn numéro du Journal , et le Jour suivant , à onze lieures, Tagent de Liver-
pool l*avait déjà reçu. Gomme dans cet intervalle le vent n'avait pas été favorable, et que
le vaisseau n'avait pu entrer dans le port, les habitans de Liverpool reçurent de Londres
la première nouvelle de la bataille une beure avant rentrée du navire qui Tavalt apportée
en Europe.»
« Lorsque l'empereur de Russie vint en Angleterre, il visita l'université d'Oxford ; la
nouvelle de son arrivée fut envoyée le soir, par un exprès, à un Journal du matin , où elle
ftit insérée , et le lendemain matin l'empereur trouva sur sa table le récit de la viaile 4e
UTdlle.»
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696 REVUE DES DEUX MONDES.
dans toutes les opinions , est une sentinelle avancée qui a i
d'avertir plntftt que de contrôler, de prévoir plat6t que de voir,
de signaler les tendances et non les foits. Cest l'instrument le pàv
actif du progrès di^z un peuple qui est tourné tout «itierven
Favenin
La vieiDe Angleterre, la patrie des traditions, est aa contraire
suspendue au passé. Là personne ne donne l'impulsion au coipt
social; 0 gravite de lui-même, le principe donné, de conaéquatt
en conséquence, comme de degrés en degrés. Quiconque aurait h
prétention de diriger l'opinion,. l'irriterait contre lui; la pr^«
n'en est que l'écho , elle regarde marcher la société et se coBteott
de marquer les distances parcourues. Si elle prenait Tinitiative de
quelque idée ou de quelque démarche, la nation ne croirait phs
posséder le self-govemment*
Ainsi la presse, placée en France à l'avant-gacde de la dviba-
tion, occupe en Angleterre le corps de bataille: là elle n*a pas Tcc-
casion d'acquérir une gloire brillante ni de foire des coups d'écbt;
mais elle est aussi moins exposée, et, dans les jours de malhear,
moins délaissée.
L. Faucheb.
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LETTRES
SUR L'ISLANDE.
n.
A M. VILLBMAIN,
SICâiTAIEl VnsétïJWL DB VACàX^ÈmE.
En arrivant à Reykiavik/notre intention était de n'y passer d'abord
que quelques jours. Nous roulions profiter des vraies semaines d'été pour
faire notre excursion dans les districts les plus éloignés de Flslande. Mais
un voyage ici ne s'organise pas si facilement H n*y a pas de bureau de
diligence où Ton puisse aller retenir sa place pour partir le lendemain ,
pas de grandes routes où l'on conduise tout à son aise voiture et bagage,
pas de village où l'on espère s'arrêter de temps à autre. Il faut , avant de
partir, tout prévoir et tout disposer, comme si on s'aventurait à travers
une contrée entièrement déserte. Il faut emporter sa tente et ses provi-
sions; car, passé Reykiavik et quelques pêcheries danoises, situées sur la
côte , on ne trouve plus que de loin en loin le pauvre bœr, étroit et sale,
^et dénué de ressources. Au commencement de juin, il est toi^jours assez^
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difficile de se procurer ici de bons chevaux. Pendant l'hiver on ne ksr
donne qu'une chétive ration , ils dépérissent jusqu'à ce qu'au printemfi
on les reconduise dans les pâturages , et il faut qu'ils y restent quelques
semaines pour reprendre leurs forces. Cette année la disette de foomge
avait forcé les paysans à en tuer plusieurs, et ceux qae I'oqtous préseoti
étaient d'une maigreur à faire pitié. Enfin^ (^rès noos être adressés à
plusieurs marchands , nous fintmes par réuair le nombre de cheviox de
selle et de bagage qui nous étaient nécessaires , et le 20 juin nous étions
en route pour le Geyser.
Je ne fatiguerai pas voire attention par le détail journalier de notre
voyage; mais je voudrais pouvoir vous peindre, conmre je l'ai vo<, cette
nature étrange et souvent grandiose. Certes, pour celui qui est habitué
aux divers aspects d'une terre plus civilisée , pour celui qui veut toit des
villes, des monumens, de grandes masses de peuples réunis sur m
même point, cette contrée serait triste à parcourir; mais une foisqo'oi
a fait abstraction des choses qui, ailleurs, nous sembleraient d'une né-
cessité absolue, une fois qu'on est décidé à prendre l'Islande telle
qu'elle est, à la chercher là où elle existe réellement, à l'étudier da»
ses misères et ses beautés, elle présente à chaque pas une source fé-
conde d'observations. Ainsi , lorsque, dans le cours du voyage, noos
avions fait les haltes nécessaires pour le peintre et le géologue, c'était
pour nous un singulier plaisir de nous en aller chevauchant à tra?ers
ces landes sauvages, de noter l'un après l'autre tous les changeineBS
d'aspect qui s'offraient à nos yeux , et tous les accidens de la journée.
Tantôt nous nous trouvions jetés au milieu d'une plaine marécageuse
où Ton ne découvrait pas une trace de chemin, sur un sol fangeux et T^
cillant, où quelquefois nos dhévaux eâfoùçdtent jusqu'au poitrûl. Taotdt
nous marchions sur des eooebes de lave, ov sur on sol couvert de ca-
dre que le vent chassait par tourbillons. Dans quelques-uns de ces champs
de lave, les vieillards du pays se souvenaient encore d'avoir vu desptti-
sages verts et des habitations; mais une nuit le volcan avait édaté, et k
lendemain tout était enfoui sous des blocs de pierre et des moDceaax^
eendre. Autour de^ce lieu de dévastation , on apercevait de longues U^
de montagnes stériles, sillonoées par des bandes de neige quidescei-
daient sur leurs flancs rocailleux. Nous marchions ainsi pendant plosieai
heures sans découvrir an seul vestige de culture, sans rennatierA
être vivant, fm asboste, on brin d'herbe. Mais quelquefois, aamili^^
ee^e enceinte de rochers vdcanîques, novs étions tout à coup êrtUèip
l'aspect d'an lac Mea enfénné dans celte terre aride, oomme une cflf*
d'argent podr i'oiâeaa des Hpnlagaes qsà vient y rafratohir son aUe, p^
le voyageur qui y troufe une ^u ^pure et limpide. QaelqarfMi
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LETTRES SUR L ISLANDE* 1699
nons apercevioitty à one assez longue distance. Tendes yert et les murs
de gazon du bœr. Ifons nous dirigions à la bâte de ce cMé; notre gnidd
frappait , arec le manche de son fouet, trois coups à la porte, et le paysan
Tenait nous receroir, et la jeune lllle islandaise, timide et curieuse, s'ayan-
çait, arec ses chereux blonds sur l'épaule , pour nons offrir une jatte de
lait. Cétait on de nos délassemens de voyage d'entrer dans le bœr, si
pauvre qu'il fût, et de causer avec le paysan, assis sur une tête de che-
val dans sa cuisine enfumée. L'intérieur de ces habitations est d'ailleurs
«urieux à observer. Comme elles sont toutes éloignées Tune de l'autre et,
pendant plusieurs mois de l'année, privées de communications, il faut que
le propriétaire fesse en sorte d'avoir dans son étroit domahie ce dont il
«e sert habituellement. Ainsi sa demeure est divisée eneinq ou six corn-
partimens rangés sur la même ligne. Dans l'un est la euisine et la cham-
bre où il couche avec ses domestiques, dans un autre la laiterie, dans
nn troisième la forge, les instrumens de menuiserie. Cest lui qui ferre
:ses chevaux, qui fïibriqne ses meubles. On a remarqué que les Islandais
ont une aptitude particulière pour tous les ouvrages d'industrie. Cette
aptitude a dû se développer par la nécessité où ils sont de pourvoir sans
•cesse eux-mêmes aux dioses dont ils tmt le plus pressant besoin. Avec la
<^me fondue, ils fabriquent des boucles pour leurs brides et des cuillè-
res. Avec la laine ite tissent leurs draps, ils tressent leurs cordes. Dans
la même chambre , une femme carde, foule et teint k laine destinée à
faire une pièce de drap. Ds fabriquent, avec des os de baleine, des ai-
^illes, des boutons, des manches d'instrumens. Un morceau de lave
leur sert de marteau , et un bloc de pierre, d'enclume. Dans les premiers
mois d*hiver, avant le temps de la pêche, la plupart des paysans passent
leurs longues veillées à ces travaux mécaniques. Il en est qui , à force de
patience, parviennent à faire des sculptures en bois et des œuvres d'orfé*
Trerîe remarquables. Nous avons vu un meuble islandais sculpté par un
paysan avec un rare talent. L'œuvre finie, l'artiste avait écrit un nom
au bas; mais le bœr où il vivait Ta seul connu : combien d'hommes
doués de grandes facultés restent ici sans développer leur génie, et meu-
rent sous un de ces toits de gazon sans être connus!
Dans quelques parties de l'Islande, on découvre d'heure en heure des
habitations de paysans rangées au bas d'une colline; dans d'autres, nous
passions des jours entiers sans en apercevoir une seule. Tout, autour de
nous, avait l'aspect du désert ; tout était morne, sombre, et Ton n'entendait
que le cri aigu du plurier , ou parfois le bruit d'une troupe de cygnes qui
is'envolaient à notre approche. Dans ces plaines abandonnées, on éprouve
un vrai sentiment de joie, quand, par hasard, on vient à rencontrer une
^utre caravane. Alors les paysans islandais descendent de cheval et vont
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700 EETIIE DBS DBUX MONBIS.
s'embrasser, puis ils s'asseoieot sur une pierre et se racontent les noonl-
les du pays. Celui qui vieot de l'intérieur sait si la pèche est booiie,â
les chevaux ne sont pas malades. Celui qui vient de ReykUTick ett m
personnage important . U sait le prix courant des marchandises, et qudcs
le marchand danois le plus accommodant. H sait ce qu'on pense de U pu
et de la guerre, ce que fait l'évéque et ce que dit le gouveuMv. fi
répète de point en point tout ce qu'il a appris, et voili le journal en pfeia
air, la gazette officielle de l'Islande.
Ce qui varie à chaque instant le paysage dans une contrée où il n'y a
ni forêts, ni Champs de blé, ni prairies, ce sont les montagnes qm t»*
tôt étenéent leur longue chaîne jusqu'au bord de la mer, tantôt s'élènai
par grandes masses comme des forteresses, ou s*élanoent dans les i
comme des flèches de cathédrale. Leur couleur change sans ces»
le ciel qui les couvre, et l'heure à laquelle on les observe. Le matin «
les voit surgir comme des vagues bleues au-dessus de l'horizon; le soir, k
soleil les Inonde de ses rayons , et les fait resplendir comme des dûaes
dorés. Souvent après une longue journée de marche, soit par on effet de
mirage, soit par l'effet de notre imagination, nous voyions ces naontagnrs
se dessiner devant nous comme les remparts qui ^tourent une ville de
guerre, et oubliant qu'il n'y a dans ce pays ni ville ni remparts, boos
avancions avec un indicible mélange de joie et d'inqulétnde. D^ noos
distinguions la pointe des clochers, le faite des maisons ; il nous semblait
entendre la rumeur de la foule, quand tout à coup notre cheval allait se
heurter contre une pierre, et nous n'apercevions plus devant nous qa'uœ
masse de lave.
Du sommet de ces montagnes nous redescendions dansks champs de
sable volcanique, le long des grandes rivières que nos chevaux traver-
saient à la nage, ou sur la grève, auprès des baies où viennent aborder k
bateau pécheur et le navire marchand, et chacun de ces changemens de
site nous offrait un nouveau tableau et de nouvelles impressions. Un ma-
tin nous côtoyions ainsi les bords de la mer . Les vagues se déroulaient sar
la grève comme des nappes d'argent, et venaient baigner les pieds de ■(»
chevaux. Un peu plus loin elles s'élançaient avec impétuosité coati«
une ligne de brisans , et faisaient jaillir dans l'air des gerbes d'eau perlée»
des flots d'écume étincelans. Toute la plage était déserte, mais l'hirofi-
délie, dans son vol gracieux , rasait du bout de l'aile les vagues du nvage,
et l'envoyait briller au-dessus de l'eau les yeux chatoy ans du pboqoe,
cette meermatd du moyen-âge. A quelque disUoce de là s'élevait la cha-
pelle en bois construite sur la dune. C'était un dimanche. Les pécheurs^
réunis autour du prêtre , avaient entonné leur chant religieux , et ce chast
arrivait à notre oreille comme le son d'une voix plaintive et solennelk.
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LETTRES SUR L'iSLANDE. 701
et c'était une admirable chose que le calme de cette frêle église au bord
de la mer agitée, l'aspect de cette croix au milieu de la solitude, et l'bar-
monie de ces yoix religieuses passant à travers le bruit des vagues, et
les sîfflemens du vent.
Tout ce qu'il y a de grave et de poétique dans ces diverses contrées de
rislande, s'accroît encore si l'on y passe avec les divers souvenirs histori-
qUiea qui s'y rattachent; car chacune de ces baies , de ces vallées, de ces
montagnes, a sa place marquée dans les anciennes sagas, ou dans les
aimales modernes. Souvent cette histoire est triste; c'est le récit d'une
éruption de volcan, le tableau d'une famine, d'une épidémie et de tous
ces fléaux qui ont traversé l'Islande à chaque siècle. Mais en remontant
plus haut, elle se revêt d'un caractère héroïque qui lui donne un singu-
lier prestige. C'est le temps des Jaris et des Scaldes, le temps des mythes
religieux et des combats à main armée. Ici Ingolfr, le premier colon de
l'Islande, retrouve les pénates qu'il avait jetés à la mer pour lui indiquer
le lieu où il devait aborder; là vivaient les Sturlungr; ailleurs est la mon-
tagne célèbre dans la saga de Niai. Dans cet humble bœr qu'on trouve
auprès du Geyser, Arae Frode, le premier historien de l'Islande, écri-
vait son Landnama Bok et ses Schedœ, Dans cet autre, non loin de Brei-
dabolstad , Sœmund chantait l'Ëdda. II n'y a plus ici , il est vrai , de mo-
numens primitifs; les uns ont disparu avec le temps, les autres ont été
transportés à Copenhague. Mais l'histoire est là qui indique à chaque pas
l'endroit qu'il faut voir et le nom qu'il faut y chercher.
Le lieu le plus célèbre de l'Islande, c'est Thingvalla (1). C'est là que,
dans les premiers temps de la république , les principaux habitans du
pays avaient organisé un gouvernement central ; c'est là que chaque an-
née se tenaient ces assemblées générales, ces alihing, espèces de champ-de-
mars, où l'on venait délibérer sur les affaires publiques, et promulguer
les nouvelles lois. Là, en l'an 1000, le christianisme fut adopté à la majo-
rité des voix. Là venaient les grands juges, et les deux évêques, et les
chefs des différens districts. On réglait les impôts, on lisait à haute voix
les principaux contrats de vente et de mariage, car c'était à la fois une
assemblée politique et une assemblée de famille. Quand le laogmand
avait parlé pour tout le pays, le sysselmand jparlait pour son canton. Les
prêtres tenaient leur synode , le tribunal supérieur jugeait les procès cri-
minels. Non loin du tertre de gazon où il venait siéger, est le rocher où
l'on décapitait les hommes, le lac où l'on jetait dans un sac les femmes
(1) J'emploie ici le mot mis en usage par les étrangers. Le yrai mot islandais'est Thl]ig«>
vollr, au pluriel Tldngyallr {Champs du Thing), Les Islandais écrivent Thing avec un
caractère parUcoiier qui manque aux autres alphabets, et qui se prononce en sifnsnt^
Cest le th des Anglais,
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70S RSTR MB MVX
condanmées à mort, et le bûefcer oà Tna brûhll let
assemblées de Thingn^le coramençafeiil ordkMûmneBl
jaillet et dnrtienl quelques seraeiiies. Les deox diefii
occupaient une petite maison en pierre dont en Toit
Testiges; les autres eanpafent sous des tentes. Pesdut
la répuMique, les présidens de PassemMée éC^cat les
par le peuple. Plus tard, qund FislaBde ftit réuBie au
le goufeneur Bommé par le rei s^euipim sueeessivaneat de
férentes attributions^ et il ne leur resta plus que le csaraeière <
loi et leur droit de jurîdîetkm. Les eemiees de PakbiBg oaitdaiékui
siècles. Elles ont passé tour à tour par le paganisme seandiiiuvo Hh
cbristianismey par la ferreureatiiolique des premiers lenpe alla fdfcfr
matîonypark république et lamonardiie. IJteeoFdonunee d« raiëe
Danemartk lésa supprimées enlMQ. Le tribouri supérieur» le (
neur, l'éTêque^ sont aujounf hui à Ref kiarfli*
C'est dans le fond d'une coulée dehrve, entre lesi
de rocbers que se tenaient les séances de Fal^ing. A T»ee ^
isolé au miUen des montagnes, resserré par ces lourdes
pierre^ on dirait que k nature avait di^sé-ee lien eiprès peur ks an-
geuses assemblées d^un peuple de pirates et de guerriers. Lorsqo^eii «rrife
à Tbingrriky par la route de Laxelr, on descend dans ee ▼afloDeonme
dans un sd^me, par une pente tortueuse, par un sentierrompu qui res-
semble à un lit de torrent. A. droite, les rocbers s*ineiineot fers le ke,
comme s'ils suivaient encore la pente que tenr imprimait fe toIcbd en-
flammé; à gaudie, ils s'étèrent comme debauts remparts, etse «fkmiamt
à Fhorinm sous les formes ks plus étranges. IVun ofttè, k viBeQ est
fermé par ce chemin où fou n'avance qu'avec peine, de Faotrepar me
cascade. Tout autour on n'aperçoit que des montagnes rouges, une plaîBe
Semée de quelques arbustes cbétifs, un grand lac, et au bord du kc k
pauvre église de ThingviAa. Le soir, qaand tout ce paysage est édairé
par les doux reflets d'une lumière argentée, quand tout est eafane, et
qu'on n'entend que k chute de Tean, et le léger frôkment de quelques
touffes de mousses d^assées par k vent, c'est l'un des Keux ks plus roman-
tiques qnlt soit possibk de voir, et si, an milieu decettesoKtude profond^
on se représente les grandes réunions (f autrefèls , ks tentes bkn^es
dressées dans ce vallon , les juges assis sur les blocs de lave, les diefii de
chaque cdiorte mardiant sous leur bannière, et le peuple dispersé à tra-
yers.ksjrachers-, je ne sache pas de tableau plus digne d'occuper le pin-
.aewi da ptmire, et k plume de l'historien et du romancier.
^Tandis que naos étions campés sous notre tente au milieu du valku ,
^ous rimes venir à nous un homme dont l'extérieur et les vétemens por-
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LETTRES sua L*ISLANBB. 703
taient Tempreinte de la misère, qui nous demanda dans un langage bar-
bare, mêlé de latin, de danois et d'islandais, si nous roulions acheter du
lait et du poisson. C'était le prêtre de Thingvalla. Le sort des prêtres
dans ce pays est triste, plus triste encore que celui des prêtres d'Irlande»
sur lesquels on 8*est si souvent apitoyé. Us ne reçoivent rien du gouver-
nement. Us ont pour tout bien la jouissance de la ièrme qui appartient à
l'église, et le quart des dîmes payées par leur paroisse. Si la veuve de
leur prédécesseur vit encore, ils sont obligés de lui abandonner une part
du produit de la ferme. Si la vieillesse ou les infirmités les empêchent
de faire leur service, on leur donne un chapelain avec lequel ils parta-
gent encore leur mince revenu. Ils ont une certaine taxe pour les diver-
ses cérémonies du culte, mais cette taxe est très légère, et les paysans
la paient avec du beurre et du poisson. Il y a certaines églises où le pro-
duit de la dlme, du casuel et de la ferme ne rapporte pas plus de 20 à
30 thaler (60 ou 90 fr. ); celle de Thingvalla est de ce nombre. Les prê-
tres ne peuvent plus exiger de corvées de leurs paroissiens. La seule pré-
rogative dont ils jouissent encore , c'est de pouvoir placer à la fin de l'au-
tomne, dans chaque bœr, un mouton que le paysan s'engage à nourrir
pendant l'hiver, et à leur rendre au printemps. Ne pouvant vivre avec
ce peu de ressources , le prêtre est obligé de travailler comme le plus pau«
yre habitant de son district ; il cultive sa ferme, il ferre ses chevaux, il
ya à la pêche, il est, pendant six jours de la semaine, pêcheur et paysan.
Le septième il revêt le surplis et prêche ses paroissiens. Le malheur est
qu'avec cette vie de labeur, le piètre finit par s'assimiler aux bateliers
avec lesquels il passe une partie de son temps. En travaillant comme eux,
il prend l'habitude de boire de l'eau-de-vie comme eux. U oublie lui-
même sa dignité de prêtre , et le dimanche, s'il prêche la patience et la
sobriété. Dieu sait/;omment il doit être écouté.
La demeure du prêtre de Thingvalla était plus sale, plus misérable
que toutes les demeures de paysans que nous avions visilées jusque-là.
Dans une chambre obscure , humide , sur le sol nu , nous trouvâmes deux
lits qui ressemblaient à des grabats. C'était le sien, celui de sa femme
et de ses enfans. A côté, il y avait ses provisions qui se composaient de
quelques pains de suif, d'un peu de seigle et de lait. Une vieille femme
cardait de la laine dans une autre chambre, et un lépreux broyait le sei-
gle sous une pierre. La lèpre est une maladie fréquente dans ce pays,
mais les Islandais ne redoutent pas l'approche de ceux qui en sont affec-»
tés. Us la regardent comme une maladie héréditaire, mais non conta-
gieuse. Si le malheureux lépreux de la vallée d'Aoste était venu dans ce
pays, il aurait pu y trouver des amis et une soeur .
Nous couchAmes le soir dans l'église. C'est le refuge habituel des
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704 REVUE DES DEITX MONDES.
voyageurs, qui , dans les mauvais temps, ne pourraient reposer
tente. L'église n*est du reste que comme un appendice de la fersiedB
prêtre. C'est là qu'il vient écrire, c'est là que sa femme étend la lMiK;et
le tribut que les étrangers lui paient pour y passer une nuit oa desi,
il le garde pour lui.
Le lendemain nous étions en route pour le Geyser, et doos noos arrê-
tions avec surprise auprès du cratère de Tentron, dont le sommety chargé
de scories de lave, est comme une cheminée ouverte prête à lancer eneere
la flamme et la cendre. De là, on ne marche qu'à travers un sol dèvasié,
jusqu'aux sources chaudes de Langarvatn. Nous voyageâmes tout le jour et
toute la nuit. Le matin au lever du soleil, nous passions sur one mauvaise
planche la large cascade de Bruara, et deux heures apr^nous étions «i
milieu des vapeurs du Geyser. La température avait changé complète-
ment. Le thermomètre était descendu de 12 degrés à 0, et un vent vûh
lent soufflait dans la plaine.
Les sources bouillantes du Geyser sont situées sur une colline, ao-dessas
d'une plaine marécageuse, fermée par une ceinture de montagnes noires
qui donnent à toute cette contrée un caractère de deuil et de tristes».
Au milieu le mont Hécla lève sa tète blanche, et à l'extrémité apparais le
Blaaflal, plus chargé de neige encore que l'HécIa. Le grand bassin da
Geyser est entouré d'une croûte épaisse de silice , taillée par parcdks
comme une écaille de tortue. Il a 16 mètres de largeur et 23 de profon-
deur. Près de là est le Strockr (1) qui partage avec le grand bassin fadmi-
ration des voyageurs. Mais à chaque pas sur la colline, on rencontre nne
quantité d'autres sources , celles-ci larges et profondes, oarratDt har bas-
sin de silice rose, et leurs cavités bleues comme l'azur du ciel , celles-U
commençant à peine à sortir de terre , et fumant à travers le gazon qui
les recouvre à demi. De chaque côté, l'eau de ces sources se répand sur
le sol qu'elle pétrifie, et la vapeur qui s'échappe de la chaudière ardente,
s'en va comme des nuages de fumée à travers la plaine. Aussi je com-
prends maintenant la naïve pensée de ce vieil auteur du Kongs-Skmgf'
Sio (2) , qui, ne sachant comment expliquer cette chaleur souterraine,
écrivait, dans sa candide ignorance, que toutes ces sources étaient aulaat
de fournaises où le démon faisait bouillir les damnés.
Le Geyser ne jaillit pas régulièrement. 11 est soumis à l'influence de b
pluie , du vent, des saisons. Nous avions établi notre tente entre les cur-
ées mêmes, afin de voir l'éruption de plus près, et nous l'attendions avec
impatience dès le moment de notre arrivée. Le jour, nous craignio!» de
(1) Geyser vient de Geys {Furens), Strockr en islandais signiOe pyrami<Ie.
(S) Livre islandais curieux, écrit entre 1140 et 1370, traduit en latin sons le titxtde
Spéculum regale, imprimé à Sorœ en 1768, ln-4o.
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LETTRES SUR L*ISLANDE. 705
lioos écarter y la nuit nous veillions chacun à notre tour, afin de donner
le signal à nos compagnons de voyage. Plusieurs fois nous fûmes réveillés
par les cris de celui qui montait la garde. Le bassin du Geyser commen-
çait à s'agiter. On entendait un bruit souterrain pareil à celui du canon,
et le sol tremblait comme s'il eût été frappé par des coups de bélier. Nous
courions en toute hâte au bord de la colline; mais le Geyser, comme pour
se jouer de nous, montait jusqu'au-dessus de sa coupe de silice, et débor-
dait lentement comme un vase d'eau qu'on épanche. Enfin après deux
jours d'attente, nous fîmes jaillir le Strockr, en y faisant rouler une
i^uantité de pierres et en tirant des coups de fusil. L'eau mugit tout à
(X)up, comme si elle eût ressenti dans ces cavités profondes l'injure que
nous lui faisions, puis elle s'élança par bonds impétueux, rejetant au de-
hors tout ce que nous avions amassé dans son bassin, et couvrant le vallon
d'une nappe d'écume et d'un nuage de fumée. Ses flots montaient à plus
de quatre-vingts pieds au-dessus du puits , ils étaient chargés de pierres
et de limon; une vapeur épaisse les dérobait à nos regards, mais, en s'é-
levant plus haut, ils se diapraient aux rayons du soleil , et retombaient
par longues fusées comme une poussière d'or et d'argent. L'éruption dura
environ vingt minutes, et deux heures après, le Geyser frappa la terre
2l coups redoublés, et jaillit à grands flots, comme l'eau du torrent,
comme l'écume de la mer, quand le vent la fouette, quand la lumière
l'imprègne de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel.
Nous assistions alors à l'un des phénomènes naturels les plus curieux
qui existent; mais ce qui a rendu notre séjour au Geyser plus intéressant
encore, ce sont les observations de géologie et de météorologie faites par
deux de nos compagnons de voyage. M. Robert a recueilli autour de ces
sources brûlantes des échantillons curieux de lave et de silice, et M. Lot-
tin a fait une importante découverte. Jusqu'ici on avait cru que les sources
d'eau bouillante ne s'élevaient pas au-dessus de cent degrés. En plaçant
dans celles du Geyser trois thermomètres centigrades, M. Lottin s'est
assuré qu'elles montaient à près de cent vingt-quatre, et le soin conscien-
cieux, l'habileté avec laquelle cette observation a été faite doivent être
une garantie pour tous ceux qui seraient tentés de révoquer en doute un
tel résultat.
Une fois notre travail achevé , nous reployâmes notre tente , et nous
partîmes pour Skalholt en saluant gaiement le Geyser, comme des mois-
sonneurs saluent le champ où ils ont récolté.
Quand on parle de l'Islande, l'un des premiers noms sur lesquels se
reporte d'abord la pensée, c'est celui de Skalholt. C'est la vieille capitale
de cette fîère aristocratie des Jarl, qui auraient voulu faire de chacun de
leur village une capitale. C'est la véritable Athènes de ces landes du Nord,
TOME VII. 45
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706 REVUE DES DEUX MOIUUKOU
qui y dans Tes premiers siècles du moyen-âge, portèreot sur leur ooodbe
de pierre plus de fleurs de poésie que les conirées méridionales. Le p^
mier siège épiscopal de Tlslaude fut établi à Skalholt, ainsi que la preiiifae
école. Là fut aussi, pendant une vingtaine d'années, l'imprinifirie (1). là
ont vécu des hommes justement célèbces» des orateurs, des philoscpha,
des historiens; cet Isleifr qui commença, en l'an 1057, ses fonctioM de
premier prélat de l'Islande, par assembler autour-de lui une tronped'eiiHM^
4 qui il enseignait les belles-lettres; ce Gissur, qui, au commenceBiMt do
su* siècle, avait visité les grands états de l'Europe, et parlait la J
de tous les pays où il avait voyagé, si bien qu'à son retour on loi i
le surnom de Flos Peregrinaiionis; Tharlakr Térudit, et Finnseo, le a-
vaut auteur de l'Histoire ecclétiasiique. Deux fois l'église métropolitaiBe
de Skalholtfut brûlée, et deux fois rebâtie à grands frais sur no plan plos
large. L'évéque donnait alors des fêtes auxquelles il inyitait boit ceaii
personnes, et chacune d'elles, en s'en allant, recevait qudque préseaL
Plus tard, lorsque l'école de Hoolnm fut fondée, celle de Skalholt comem
encore sa prérogative. En l'an 1100, on enseignait dans cette éooie le la-
tin, la grammaire, la poésie , la musique. C'est plus qu'on n'en savait alors
dans d'autres grandes villes du reste de l'Europe.
En 1552, le roi de Danemarck établit un nouveau règlement pour ces
deux écoles. D donna aux évéques la jouissance de quelques biens que h
réformation avait enlevés au clergé, et leur imposa l'obligation de pour-
voir à l'entretien des élèves. Mais trop souvent les évéques, an lieu de rem-
plir noblement leur devoir, s'abandonnèrent à un indigne sentiment de
cupidité. Bs prenaient pour eux le revenu des biens qui leor étaient con-
fiés, et dépensaient pour les élèves le moins possible. Plosieors fois le roi
leur éorit pour les rappeler àleur devoir. Finnsen rapporte, dans ion His-
toire ecclMtuiique, une lettre qui montre dans quels minces détails 0
fallait entrer, et quelles précautions on était obligé de prendre pour ga-
rantir les pauvres élèves stipendiaires de l'avance des prélats. Pennettea-
moi de vous citer quelques passages de cett^ lettre vraiment caractéris-
Uque, et pour le temps où elle fut écrite, et pour le pays auquel eDe
à'adresse.
« L'évéque, dit le chancelier, qui parle au nom du roi, entretiendra,
a pour l'amour de Dieu, une bonne école et vingt-quatre écoliers : il
« aura un professeur et un maître; il donnera au premier 60 thalers par
(I) De 1685 à 1704. EUe éUlt venne de Hoolnm , elle y retouna. Entre autres bons Inics
imprimés à Skailiolt dans ce eoort espace de temps, U fiiiit compter le UMdnamm Bok, la
tasa du roi Olaf, les Harmonies évangéUques, la Grammaire latine, le Umrede rJMWi^
Mens rapportetoBs en Fiance qjaelqiMs-iDS de ces Unes, qal sent à présent, sa I
e,devsaiflsxaretéat
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UTTIBS 8n L*1SLAI!I]IE. 797
m aD (iSOfiranei), aibevrrei poinoo, Ttckiial, ou argent, connue 11 vou»
« dra«It Inf ëonnere de plui quatre montons rieax (4 garnie fàar: te chan-
« cdier avait ans donte penr qne réreqne ne donnât des agneaux ), trob
m meflûrea ébhme, une desel, une de beurre, deux cents poissons et da
«lah.
arll densera an naître 20 tfaalen par an.
arll sera obligé de donner aux élères une bonne boisson et de bons ali-
m nMBBranx pins grands, à chaque repaa, le quart d'un gros poisson, ou
m k moitié d^Em poisson ordinaire; aux plus pedts , le quart d'un bon
c poisson et du beurre.
« Les repas derront être préparés à une heure précise, de manière que
« les élètes ne négligent pas leurs leçons,
m Si Dieu Toulait que quehiue»-uns d^tre eux derinssent malades,
c Fétéqne devra les garder, pour en prendre soin , et leur faire servir du
c poisson frais, du lait et de la soupe.
« Chaque année, à la Satnt-Hichel, il fournira aux élèves des véte^
« mens : aux grands , dix aunes de vadma! ; aux autres, sept aunes.
c n leur donnera de la lumière pour étudier le soir et pour se coucher.
« n ne pourra, sous aucun prétexte, les détourner de leurs leçons pour
m les employer à quelque travail que ce soit» et sera obligé de les garder
«été et hiver, a
Malgré toutes ces précautions, le» écoler ne forent pas mieux entrete-
nues. Les mattres et les élèves se plaignirent. Les évèques aussi se plai-
gnirent de ne pouvoir satisfaire aux ebligatioBS qu'où leur imposait, et,
en 1746, ils obtinrent une ordonoanee, qui. Sont en leur conservant le
même revenu (1), réduisait à huit mois de l'année le temps des études.
En 1797, la réunion des deux évéchés de Hoolum et de Skalholt en un
seul entraîna celle des deux écoles. La nouvelle institution, basée sur de
nouveaux règlemens, fut d'abord établie à Rejkiavik ; de là elle a été
transférée à Besesstad. J'espère vous en parler plus au long dans une pro-
chaine lettre.
Nous arrivions dans la capitale primitive de llslaBde avec tous les sou-
venirs de son histoire, rêvant à ses ridies évéques, à ses réuaioos de sa-
vans; et lorsqu'au détour d'une colline le guide bm dit : a Yoilà Shal-
iiolt !» je ne pouvais croire que le malheureux groupe de maisons que
j'apercevais devant moi Mt cette vieille cité dont je m'étais fait un autre
tableau. C'était pourtant bien Skalholt : un pauvre bœr de paysans, ha-
(1) Ce revenn montait à 9,500 thalers ( 7,800 fr.) pour Skalholt, qui devait avoir vingt-
quatre élèves, et 3,000 thalers pour Hoolum , qui n*en avait que selie. Cétait à cette épo-
que une somme considérable pour rislande. Les évdques recevaient en outre phuleurs
élèves riches qui payaient le prix de leur pension.
45.
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70g REYUE BBS DBCX M01IBB8.
bité par trois familles, qai se partagent la même laiterie et la même ai-
sine; une église en bois, étroite et mal bâtie» yoilà SkalholU Le cimetière
seul atteste qu'il y avait là autrefois une métropole. Il est tracé daida
proportions plus grandes que Téglise et le bœr. Les morts ont mieux prdé
que les vivans la place oCi fut le siège épiscopal. Près da dmetièfe soit
les ruines de Tancienne école , et l'endroit où le paysan a bâti sa tristeca-
bane est celui même où TéTéque avait autrefois sa demeure. UégUse
aussi a été reconstruite sur un plan plus vulgaire^ et dans des dimeutiw
beaucoup plus petites. Elle a cependant conservé quelques restes de a
fortune première, plusieurs beaux livres, plusieurs omemens (Tastri
précieux, des chasubles richement travaillées, et un calice esa vemeil ,
qui , à en juger par ses ciselures , par ses médaillons peints Éuèuiàf
doit remonter aux premiers temps de la renaissance de l'art. Si je ne ne
trompe, c'est le calice dont il est parlé dans l'histoire ecclésiastique dis-
lande, qui fut apporté à Skalholt par Tévéque Klangr , en 1153. Ce qu'A
y a ensuite de plus remarquable dans cette église^ ce sont des ioscriptiais
de tombeau. Une, entre autres, m'a frappé par son expression poétique;
elle fut faite pour la fille de l'é véque Yidalin, qui, lui aussi, peut être nà
au nombre des hommes distingués de l'Islande (1).
Je vais dans la tombe profonde.
Heureuse épouse du Seigneur.
Mon nom n*était pas de ce monde»
Il est dans un monde meilleur.
La mort apporte & mon enfimee
Le firoid baiser qui fait souffrir.
Hais gaiement là-baut Je m*ëlance.
Je revis pour ne plus mourir.
Adieu donc, lumière infidèle ,
P&le reflet d'un Jour plus pur*
Dnd la lumière éternelle
ITapparalt dans ce ciel d'azur.
Nous visitâmes tout Skalholt et toutes ses ruines , et chaque pis qse
nous faisions sur ce sol poétique ajoutait à nos déceptions. Nos réres^
passé furent interrompus par un incident qui ne pouvait guère les égayer.
Le cheval qui portait nos provisions avait pris une autre route qoe il
nôtre. Noos demandâmes du pain au propriétaire du bœr; mais les B-
landais ne mangent pas de pain. Pour le remplacer, la femme du pays»
(i) Il a laissé plusieurs recueils de sermons, un recueil de discours et de poésies hUaa,
et un livre de religion inliluié : Postilla evangelica, qui se trouve dans toutes les iiuù<^
Islandaises. Il avait iié d'abord professeur à l'école de Skalholt, U mourut en 17^
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LETTRES SDR h'i&LÀNDE. 700
nous fit^ avec de la farine de seigle^ une espèce de galette, comme on en
prépare ici dans les occasions extraordinaires, une galette qui n'est ni
pétrie ni cuite. Quand nous en eûmes mangé, nous fûmes tous malades;
mieux valait encore faire diète ; et nous partîmes tous de Skalholt plus
affamés qu'en y entrant.
De là à THécla, nous avions une longue journée à faire, et deux larges
rivières à traverser; mais, de distance en distance, nous voyions la tête
blanche du cratère se dessiner comme un croissant entre les brunes som-
mités des autres montagnes , et alors nous redoublions le pas et nous
marchions avec ardeur. Si le long de notre route nous avions été frappés
de toutes les traces sinistres des éruptions de volcans, quand nous arri-
vâmes aux environs de TUécla , il nous sembla que nous n'avions rien vu.
C'est là qu'il fallait venir chercher l'aspect de la ruine et de la désola-
tion. Partout le sol bouleversé, partout la terre enfouie sous ce déluge
de feu ; des blocs de lave comme des murailles, des montagnes de cendre
engendrées par le cratère, et vomissant à leur tour d'autres montagnes,
Toilà ce que nous contemplions avec un sentiment d'effroi et de stupéfac-
tion. Cette fois, nous ne pouvions plus suivre en droite ligne notre che-
min. Il fallait passer autour des masses de pierres, se glisser entre les
rochers, éviter les crevasses. Nous courions des bordées sur cette terre de
Tolcans, comme un navire qui a le vent contraire, et qui marche vers le
port en le perdant de vue. A chaque pas, un rempart de roc, une rivière
formée par la neige des montagnes, ou un marais baigné sans cesse par la
rivière. Nous regardions de temps à autre l'Hécla, dont le soleil dorait
alors la robe blanche , et qui , du haut de sa crête glacée , semblait se
moquer de notre fatigue et de nos efforts. Enfin, après avoir fait de longs
détours dans le même cercle à travers la cendre et la pierre calcinée, nous
arrivâmes dans une jolie vallée, abritée entre des rochers, coupée par un
ruisseau. Au fond, nous aperçûmes une ferme, un enclos de gazon. C'était
bien un Eldorado au milieu d'une terre aride, une oasis dans le désert , si
jamais il en fut. Nous établîmes là notre tente, après seize heures de
marche. Nous étions au pied du cratère.
Le lendemain, nous partîmes avec un homme du pays pour faire cette
ascension de l'Uécla, qui, dès notre arrivée en Islande, avait été notre
rêve le plus beau. Le totnps était sombre, mais nous craignions qu'un
autre jour il ne devint plus sombre encore. Nous gravîmes à cheval les
premières aspérités. A mesure que nous avancions, nous pouvions suivre,
de distance en distance, tous les élémens d'une éruption: d'abord la pierre
ponce , poreuse et légère, qui monte à la surface du cratère, comme l'é-
cume à la surface de l'eau, et s'envole au loin comme la cendre chassée
par le vent ; puis la scorie broyée, tordue entre les masses de lave dont elle
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710 BBTmS DES DEUX HOHDES.
s'échappe; comme la crasse des lingots de fer; pois la Uto plus i
plus compacte; pais le basalte serrée luisant, poli comme le marbre ;'pab
enfin l'obeidien, noir comme le jais, brillant comme le verre ^ dégagée
tout alliage étranger, et sortant du cratère pur comme Tacier.
Après deux heures de marche, nous mimes pied à terre, et aJon ^M
la fatigue. Comme il avait (Mlu nous précautionner contre la oeîae ei h
froid, nous portions de grosses bottes et de lourds Tétemeni. Le^heafa
était escarpé, raboteux, montant en droite ligne ; noos mardilaas m
courbant le dos , et en nous appuyant sur nos genoux. BientM i
TAmes au pied d'une montagne hérissée de pointes de basalte et de i
de pierre détachés du sol. Là, rien ne soutenait nos efforts; quand ans
posions le pied sur un roc, il s*écronlait sous nous; quand nous i
marcher en avant , nous redescendions avec les pierres qui
Fébranlement que nous leur donnions , et nous entraînaient Ha»^ j
diute. Pas un arbuste n'était là poumons servir d'appai,pasi
à; laquelle nous pussions nous cramponner. Tout ce roc escarpé M^
comme une muraille nue et vacillante, qui semblait s'en aller ea bot»
ceaux quand nous essayions de la gravir. A chaque instant, il bUalt bobs
arrêter pour nous reposer et r^rendre haleine. Qnelqoes-iioft de nos
compagnons de voyage qui avaient été sur des montagnes beaucoup pfas
élevées, nous disaient n'avoir jamais éprouvé une telle COigae. Pour nni,
je me couchais tout au long sur les rochers de basahe , et en étendant !■
jambes sur cette pierre froide, féproQvais une douleur comme n ou ase
les eût brisées. Lorsque enfin nous fûmes arrivés an soomiet de cette
pointe aigué, nous en vîmes s'élever une seconde devant noos, et après
celle-ci une troisième, car toute la montagne n*est qu'une Vmgaesait»
de pics escarpés étages l'un sur Pautre, et fuyant comme des gradins.
Pendant que nous accomplissions ainsi péniblement notre asoensioa,
le ciel s'était assombri. Le vent sifflait; la pluie tomba à flots, et, m
peu plus haut , cette pluie était de ta neige. Alors une bmme épais» es-^
veloppait la montagne; un rideau de nuages nous serrait dans sessomtoi
replis, et nous ne distinguions plus rien autour de nous. Notre guide,
las et découragé, refusait d'aller plus loin. Nous n'étions encore qne sor
le premier cône de l'HécIa; nous voulions continuer notre route jnsqn'aa
bout. Après avoir employé toute notre éloquence de voyageurs, nous inl*
mes par le décider à nous mener jusqu'au pied du second cOne; là, do«s
demandâmes à aller au milieu , puis au-dessus, et enfin sur la cime de
l'Héda. L'orage avait cessé. Un rayon de lumière perçait à travo^ les
brouillards; mais c'était ce rayon de lumière qui ne sert qu'à fiiire mieox
ressortir Tobscurité. Nous distinguions au-dessous de nous les montagnes
^mme des masses confuses, la plaine couverte d'une brume épaisse, et i
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LETTRES SUR l'iSLARDE. 711
travers cette brame , cette plaine ^ ces montagnes ^ le soleil voilé par les
nuages projetait de bin en loin une lueur vague , une teinte blafarde.
Et tout était morne y silencieux comme le désert, profond comme Tablme.
Pas un cri ne se faisait entendre; pas un être vivant , pas une plante ne
se montrait à nos yeux. On eût dit la nature morte , entourée par la nuit,
plongée dans le chaos.
Tout à coup le rideau de naages se déddre, facur du del reparaît,
les rayons du soleM édatent dans i'espaee. Le lo»g de la vaMée, le vent
balaie le brouillard , qui s'entr^ouvre, s'éclaircit , et s'en va par lambeaux,
léger et transparent comme un voile de gaze. D*un côté, nous voyons re-
paraître toutes les montagnes qui environnent lHécla, avec leur crête
rouge et leurs bords cendrés; de l'autre ^ lesSocèfial, qui portent dans
les nues leurs épaules de neige et lourd pics de glace, briUans comme des
pointes de lance aux rayons du soleil. A nos pieds, la plaine se déroule
au loin avec les lacs d'eau limpide, qui parsèment sa robe verte comme
des diamans, et les deux rivières qui la traversent comme des guirlandes.
lia montagne bleue, voisine du Geyser, s'élève au milieu de la vallée; et
devant nous, à l'horizon, nous apercevons comme une ceinture d'or la
pleine mer, étincelante de lumière, et les lies Westmann.
Nous restâmes saisis d'un sentiment inexprimable d'admiration en face
d'un spectacle si inattendu^ C'était le jour de printemps de cette nature
désolée; c'était le /mI IU9ù de cette nuit de chaos. Alors nous oabliAmes
en un instant et la fatigue de notre excursion et le froid et la neige. Nous
saluâmes d'un cri de joie enthousiaste ces solitudes lointaines, et notre
Tîeux guide lui-même partageait nos transports. C'était la seconde fois
de sa vie qu'il montait jusqu'au haut de l'Hécla, et pour la première
fois avec des Français.
Ce jour-là, c'était la fête de M. Gaimard. Nous la célébrâmes gaiement
avec le vin de Champagne que nous avions apporté, et nous nous en re*
vînmes en récoltant sur notre route des échantillons de lave et de basalte.
Nous avions quitté notre tente à neuf heures du matin; nous y rentrâ-
mes à mwÂt, ricbes de nos souvenirs, heureux de notre journée.
X. Marmirb.
B^ktafik, H jalUilMS.
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JEAN-SÉBASTIEN
L'ORGANISTE.
Ici TinstiDCt musical est héréditaire. En six générâtioiis à peine
trouyeriez*vous deux membres de cette famille qui ii*aient pas fait <fe
la musique roccupation de leur vie. Un boulanger de Hongrie fntk
patriarche de cette féconde tribu » la tige luxuriante d*ou se sont
échappés tant de merveilleux rejetons. Au commencement da xr/*s/è-
cle, inquiété par les guerres de religion, Yeit Bach abandonna Près-
bourg, emportant avec lui tout ce qu'il put sauver de sa petite for-
tune et gagna la Thuringe, espérant y trouver asUe et protectioD.
II s'établit à Wechmar, petit village situé non loin de Gotha , ob il
reprit avec sa profession ses études mu^cales long-temps négligées;
chaque jour il emportait son cistre dans son moulin, et pr^odail
en chantant de saintes mélodies , au milieu du fracas des meules
et des roues. Yeit Bach jeta dans Tame de ses deux fils cette harmo-
nieuse semence qu'ils transmirent ensuite à leurs énfans, de teDe
façon qu'il en résulta bientôt une famille musicale en possession
des charges les plus importantes dans presque toutes les contrées
de la Thuringe. Certes, les Bach n*ont pas tous été des hommes
de génie ; cependant, à chaque génération , on en compte au moins
deux qui se sont distingués. Au commencement du xvii* siéde, trois
jetmes gens , petits-fils du vieux Bach, s'annoncèrent par de si heu-
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JEAK-SÉBASTIEN. 713
reux débuts, qu'ils furent jugés dignes, par le comte régnant de
Schwarzbourg-Arnstadt , d'être envoyés en Italie, pour y terminer
leurs études à ses frais. On ne peut dire jusqu'à quel point ils répon-
dirent aux espérances de leur noble protecteur, car il ne nous est
rien parvenu de leurs ouvrages. Il en eût été de même de la qua*
trième génération, et d'admirables morceaux seraient aujourd'hui
tout-à-fait inconnus, si Jean-Sébastien n'avait eu soin de les con-
server. Voici les noms des maîtres de la famille Bach, dont il reste
des firagmens importans.
Jean-Christophe, organiste de la cour et de la ville, à Eisenach. Il
a surtout inventé de simples et d'heureuses mélodies. Dans les archi-
ves de la famille que Gharles-Phiiibert-Emmanuel Bach conservait à
Hambourg, on a trouvé, parmi bien d'autres pièces, un motet de
sa composition dans lequel il avait essayé de faire usage de la sixte
augmentée; audace iaouie à cette époque. Pour se convaincre des
études profondes et sévères que Jean-Christophe avait faites, il suffit
de lire un morceau d*église sur ces paroles : es erhub Hch eïn streit,
composé par lui à l'occasion de la fête de saint Michel Ce fragment
est écrit pour vingt-deux voix obligées. Ch.-Ph.-Emmanuel en faisait
grand cas. a Je me souviens, écrit Forkel, d*un jour oii le vieux et
digne homme me fit entendre quelques-unes de ses anciennes com-
positions ; il jouait de mémoire et semblait dépenser le peu de forces
qui lui restaient à faire mouvoir ses pauvres doigts engourdis par
l'âge ; il fallait le voir s'épuiser en travail autour de ces graves études,
suivre le motet à travers toutes ses transformations, et, lorsque re-
paraissait libre et pur le chant qui lui rappelait sa jeunesse , sa famille
et ses amours de vingt ans, il fallait voir le vieillard sourire avec
béatitude et mouiller de ses larmes les touches du clavier, d Après
Christophe viennent son jeune frère Jean-Michel, organiste et gref-
fier de la ville , et Johann Bemhard, musicien delà chambre et orga-
niste à Eisenach; il a écrit surtout de belles ouvertures dans le style
français.
Non seulement ceux que je. viens de citer, mais encore plusieurs
autres membres de cette famille, auraient pu sans contredit obtenir
des charges plus importantes, s*ils eussent voulu abandonner b
Thuringe et se faire connaître hors de leur patrie. G*est vraiment
une belle chose à contempler que la vie simple et laborieuse de ces
premiers artistes. U était réservé à l'Allemagne de posséder tontes
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714 RETtfil DES BSUX MOKBBS.
les gloires naïves et sofitaires, et la terre d'Albert DSrer et deSi-
bein devait anssi donner au monde la famHIe Bach et Beetlio?eii.E&
effet, c'est là surtout qu'on trouve ees hommes de consdenoe et dt
foi qui passent leur vie en foce d'une toile ou d'an clavier, mu
pures et tendres qui , dans leurs naïves spéculations , cherchent i
réaliser leur idéal par une tête de saint ou par une rdigieusemik)-
die; artistes dévoués an travail qui, dans leurs momens de kw,
sortent de l'atelier pour rentrer dans la femille , et se gardent bîai
d'éparpiller leur existence dans les pays étraagers et d'aller j
chercher des discussions et des théories nouvelles , persuadés qn'ib
sont qu'entre Tœuvre et Tartiste, une seule chose peut slnter-
poser : la foi; et cette foi, où la trouveraient-ils sur la terre, siée
n'est dans le fond de leur ame?
Les membres de la famille Bach conservèrent toujours les uns poar
les au^es un tendre attachement; comme fls ne pouvaient faabto
tous ensemble et voulaient cependant entretenir leur franche et
loyale amitié, ils fondèrent la coutume de se réunir une fois Tan et
un lieu désigné. Lorsque, dans la suite, la famille, devenue (dusMS-
breuse, se fot dispersée hors de la Thuringe , d^uis la Haute^SoBf
en France, en Italie, cette fête annuelle n'en sXibshta pas mm.
Le lieu du rendez-vous était ordinairement Erfiirt, Eisenadi oi
Amstadt ; selon l'habitude d'alors de sanctifier toutes cbosesparhi
pratiques religieuses, sit6t après les premiers embrassemens « 3s en-
tonnaient un choeur. G^était d'abord un chant large et sévère, nne
action de grâces envers Dieu qui leur permettait de se revoir heoRSX
et bien portans; ensuite la musique devenait triste et lente, et w
s'agenouillaient priant pour leurs vieux parens morts« Enfin, on se
levait, et le chœur finissait par un hymne où les pères appdaieÉ
toutes les bénédictions du ciel sur la tête de leurs enfens. Nal to»
ger n'était admis à contempler cette première effusion d'amour, et
les gens de Pauberge qui , attirés par le bruh, venaient écorteri
la porte, ne pouvaient entendre sans émotion ce concert hannoniesi
de tant de voix de la même famille; car, de même que lesBadise
ressemblaient par la vigueur du corps et les signes du visage, ôà
leurs voix, sans être tout-à-fait pareiDes, avaient entre cBcs fc
rapports faciles à reconnaître et dont on était frappé, surtout «i
entendant la voix aiguë et frêle de l'enfant monter autour de eefe
de son père qui la soutenait dans rharmonie, conune le pesst
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JEAN-SÉBASTIEN. Vl{(
*eiui soutient dans Tair ses petits dont les plames commencent à
Musser.
Après cette pieuse introduction » ils se mettaient à table et son-
>aient joyeusement. A la fin du repas» la musique reyenait; seu-
emeat les hymnes foisaient place aux chansons nationales» car oes
loiBmes étaient d*abord chrétiens» puis Allemands: après Dieu, la
>atrîe. Ces chœurs mettaient en émoi toute la ville; les passans
Tarrétaient en groupe autour de la maison. L'aubergiste officieux
ntroduisait avec un air de protection ceux qui dépensaient le plus
ussidument leurs revenus chez lui » et laissait les autres se morfondre
i la porte. On a dit que les Bach avaient improvisé» dans oes réu-
lions, plusieurs airs qui depuis sont devenus populaires. Je pense
{u'il faut croire plut6t qu'ils les ont tout simplement variés» attendu
ja'oD en peut voir en grande partie les idées primitives dans un
recueil imprimé à Vienne» en 1542.
Cependant tous ces braves et joyeux Thuringiens seraient au-
jourd'hui dans l'obscurité» s'il n'était sorti de leur sein un homme
Sont la gloire fut telle» qu'il en a rejailli sur leur tombe une douce
umière; et cet homme» c'est Jean-Sébastien» [le joyau de sa fo-
mlle, l'organiste de sa patrie» FenÊint le plus chéri de la Musique^
Jean-Sébastien est né à Eisenach» le SI mars de l'année 1685.
Son père» Jean-Ambroise» maître de musique de la cour» avait
m frère jumeau» nommé Gbrysostôme» qui exerçait à Amstadt la
Qnème profession» et tous deux se ressemblaient tellement» que
leurs femmes ne savaient les distinguer l'un de l'autre que par le
vêtement Ils avaient la même voix» le même geste» et s*aimaient
bien» car leurs sensations comme les lignes de leur visage étaient
toutes pareilles. La ressemblance de ces deux êtres devenait plus
parfiiite et plus harmonieuse encore dans les phénomènes spirituels.
Bans leurs croyances» dans leurs pensées» dans leur style» partout
la même unité; c'étaient deux vases faits du même métal; aussi rien
d*6tonnant» lorsque le monde extérieur les frappait, qu'ils rendissent
le même son. Si Fun était malade» l'autre ne tardait pas à se mettre
au lit; ils moururent presque en même temps, et furent un siyetde
curieuses observations pour les savans qui les approchèrent.
Jean-Sébastien avait à peine dix ans lorsque mourut son père; fl
avait aussi perdu sa mère depuis peu. Le pauvre enfeuit pleura bien
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716 BEYUB DES DEUX UOIfBES.
de se voir orphelin si jeune; il quitta Eiseoach et vint se réfs-
gier chez son frère alnè, Jean-Christophe^ or{^iste à OrdmfT. Ce fot
de lui qu'il apprit à poser ses doigts sur le clavier» et dès ce mo-
ment se développa son aptitude musicale. A peine avait-H en ses
mains un morceau que son frère lui donnait à travailler, quH es
demandait un plus difficile. Les plus célèbres compositeurs de cb-
vecin étaient alors Froberger, Fischer, Johann Casp. Kerl, Pachd-
bel, Buxtehude» Bruhns, Bohm. Sébastien s*était aperçu quesoB
frère possédait un livre qui renfermait diverses pièces de ces mat-
très. 11 supplia son frère de lui donner ce livre. Christophe refica,
craignant sans doute, ce qui du reste arriva plus tard, que Féco-
lier ne dépass&t le maître. Mais le désir de la possession grandissant
tous les jours, et Sébastien désespérant de jamais obtenir ce pré-
cieux trésor, il résolut de s'en emparer. Un jour que son frère
était sorti pour remplir les devoirs de sa charge, il pénètre dans
son cabinet, et bientôt aperçoit le livre à travers les grillages de h
bibliothèque; il porte la main à la serrure, mais la clé manque,
car Jean-Christophe, honnête et digne maître de chapelle, connaît
toute la valeur de ses manuscrits et se garde bien de les laisser au
pillage de ses élèves. Le pauvre Sébastien jette un dernier regard
sur le cahier. Quelle amèrc douleur de voir tant d*hannonie s'en-
fouir dans la poussière d'une armoire, tant de notes qui voudraient
chanter en plein air rester silencieuses comme de beaux oiseaux
en cage I et plus il fixait les yeux sur ce livre , plus grandisssât Vha^
lucination; tout un concert tintait à ses oreilles. Cependant Thenre
avançait, Jean-Christophe allait rentrer. Lorsque Roméo, averti
par la voix de l'alouette, quitta la chambre de sa bien-aimée , il jeu
sur elle un regard moins triste et moins baigné de larmes que ne k
fut celui de Sébastien lorsque, pour la dernière fois, il contemph
le divin manuscrit. Il était déjà sorti du cabinet et s'en aUaiti
pas lents, déplorant le peu de succès de son entreprise; tout i
coup un rayon lumineux le frappe; il revient, et se place de non-
veau devant l'armoire, essayant de glisser ses mains à travers le
grillage. Par bonheur les mailles sont assez larges et ses bras assex
petits, n saisit le cahier, le roule, et le tire dehors. Deux jours après,
Sébastien était déjà bien embarrassé de son trésor, car il ne pouvait
s*en servir qu'en secret : Christophe était toujours là , et du matîa
au soir ne le quittait pas un instant La nuit, c'était la même sar-
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JEAN-SÉBASTIEN. 717
reillance. A neaf henres le jeune écolier se coachait, son mattre
menait le visiter, ponr s'assurer cpie toute chose était bien à sa place,
H s'éloignait, en ayant soin d'emporter la lampe. N'importe, Jean-
Sébastien eut bientôt trouvé moyen de travailler la nuit : il avait
toujours le précieux volume sous son oreiller ; et lorsque venait une
t>elle soirée d*été, il se levait, ouvrait sa fenêtre, et se mettait à
chanter aux sereines fraîcheurs de l'air, à la tremblante et douce
lumière des étoiles. Cela dura pendant six mois; le pauvre enfant ne
iormaitpas; autant de belles nuits, autant de veilles laborieuses;
lorsque pendant ses heures d'études ses petits yeux voulaient se
Fermer, il les mouillait pour les tenir ouverts; et si par hasard la
douleur devenait plus cuisante, il en cherchait la cause et finissait
par se dire: <x C'est vrai, voilà trois nuits que je veille; je dormirai
demain, s'il pleut, jd Le lendemain il ne pleuvait pas: le firmament
resplendissait d'étoiles, et la lune descendait du ciel pour le visiter
dans sa chambre. Cependant tant de travail épuisait cette nature
Frêle , et , faute de sommeil, le bel enfant se flétrissait. Ses yeux de*
venaient faibles, ses joues creuses, ^t tous, dans la maison, le
croyaient pris de quelque mal de langueur. Christophe en fut d'abord
inquiet; mais ne Fentendant se plaindre d'aucune souffrance, ne le
voyant ni triste ni mélancolique , il commença bientôt à comprendre
qu'il y avait là-dessous quelque passion en jeu, et que la pâleur de
Bon visage était moins celle d'un malade que celle d'un alchimiste
occupé aux mystères de son art. Seulement il fut six mois à dé-
couvrir ce qu'une mère aurait découvert en huit jours.
Un soir, après la visite de Christophe/ Sébastien entr'ouvrit ses
rideaux, et^ voyant sa lampe de travail suspendue au zénith, se leva
et vint à la croisée. D déploya sur les barreaux son cahier mys-
térieux, et voulut se mettre à chanter selon son habitude. Il en
était à la dernière leçon, la plus longue et la plus difficile de tou-
tes, et ces notes, qui la veille s'animaient à son premier regard et
devenaient sonores comme la statue magique aux rayons du soleil,
se serraient en bataillons épais comme pour empêcher le jeune
artiste de pénétrer jusqu'au fond de l'idée qu'elles enveloppaient.
Sébastien était là depuis une heure , lisant les notes une à une , par-
courant du doigt les lignes et les pages, et toujours arrivant à la
fin du morceau ssms avoir pu en saisir l'unité. Il faut dire que du
commencement à la fin le morceau était d'une si ftpre difficulté,
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718 UTUE us BBCX IIÛ1CDE8.
qu'il n'y avait pas dans toute rÂllemagno ua makre de chapdIecB
état de le déciiiffrer à première vue. Le pauvre eaEam s'obli-
nait; et telle était sa donleur de ne pas réas^, que les notes »
diangeaient pour lui en épines qui déchiraient sa main tontes hi
fois qu elle retombait sur le papier en battant la mesure. Euh,
après deux heures de travail et de persëvèranoe » la nuit devint pka
sereine, les éunles brillèrent d'une clarté plus vive , et la Itm, m
a'inclinantàrborizon, inonda de lumière rhièroglyphiqne papec
Sébastien profite de ce uMMient, redouble de travail, et trouve dui
lecoîa d*nne page trots mesures qu'il n*avait point encore apa^nes^tf
qui, du premier coup, lui expliquent une transition dont fl cber-
chait en vain à se rendre compte. Dès-lors la pensée intime de»
morceau lui est révélée; il le possède» il le domine, il en es
maître; et de peur qu*ua nuage ne vienne éteindre la lampe fa
réclaire, il le répèle à baule voix, afin de rapprendre par oobb.
Tel est son entbonsiasme qu'il oublie et son frère, et les vofêiBS(p
dorment, et les obîeBS qui vont hurler s'il les ëveiDe, et se met à
lancer de toutes les forces de sa poitrine sa voix de fausset claire et
Hmpide, qui fend les airs et monla avec des sons aigus et méuffi-
<pies» notait encore dans tout le délire d'un enfant de cixnnr, kxf-
qn'il se sentit étreiodre par une mainosseusa. H se détourne avee
^froi, ec aper^t un grand £antôme blanc qui le regarde aw
gravite, ramasse le cahier tombé à terre, et s'éio^gne sttas mi
dire* -— Jean-Sébastien ne retrouva son livre, le trésor de ses wàà
d'été, qu'après la mort de son£rène, Jean-Christophe, orgaaisti
à Qrdb^uff.
Dès-Jors, n'ayant plus defamiUe, Sébastien, en c(mipagme<ftf
doses condisciples, Erdman, qui ftu depuis résident impérial i
Dantzîg, s'en vînt à Liiaebourg'et se fit recevoir oomme presMT
dessus dans tes chœuns de l'école de Saint-Michel. Sa belle m
lai procura de grands succès dans cette ville, mais il laperditirâgi
de la mue. Cet accident ne fit qu'accroître l'ardente passioD qi't
avait pour l'orgue. Ce fut alors qu'il se rendid pour la pranèfett
à Hambourg, afin d*y assister aux improvisations du oèlèbre vffr
niate Jean-Adam fisinken, et qa'il entreprit le voyage de Celle, ab
d'étudier le style de notre musique, la chapelle de cette ville êtti
composée en grande parUe de musiciens firançais. I *
JVonsIfnoronsqueUesiuremlescirconslanoesqairameaèfestà I f
I
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ISAN^-siBASTIEir. 719
Lûnebocurg àWeimar; maïs une chose certaine, c^iest qn^eii 1708
il ffj trouYait comme musicien de la conr. L*annëe cniiTaiite, il
changea cette place contre celle d'organiste à k nouvelle église
d'Amstadt, sans doute afin de se livrer tout entier à Fétude de
Forgue, ce qull ne pouvait foire à Weimar , oii il était engagé comoM
violon. Grâce aux petits revenus de sa place, il fut dès-lors ea état
de se procurer les œuvres des grands maîtres de ce temps.
Ainsi, parure entre les devoirs de sa charge et ses travaux par-
ticuliers, Sébastien était hewreux; le matin, il Feuilletait ses volumes
de contrepoint, passait en revue tout ce qu'on avait écrit avant lui
sur la fugue, ou lisait avec amour et recueillement quelque befle
composition de Buxtehude; puis, il se levait, brossait avec grand
soin son habit vert, qui lui servait aussi les jours de fête , et se tea*
dait à son orgue dans la nouvelle église d'Amstadt Après la thèo*
rie rensût la pratique; après avoir rempli sa tète de science, le
jeune maître venait exercer son esprit et ses doigts aux fatigues de
Fimprovisation. Enfermé dans son église, Sébastien commençait h
séance par quelque fugue de Fischer ou de Bôhm , et souvent après
cet âpre et sévère exercice, il sentait le besoin de s'abandonner à sa
fantaisie, ainsi qu'un jeune aiglon au caprice de son aile. Alors ses
doigts se posaient et couraient quelque temps incertains sur le cla-
irier; puis ib entamaient bientôt unmotif improvisé, ou des variations
sur un de ces airs francs et nàSh comme en chantaient autrefois
Frosch et Bander dans la taverne d'Auerbach à Leipzig. Quand
Fhorloge sonnait cinq heures , le maître se levait et traversait feu-*
tement la ville pour retourner à sa chambre d^études. — Ahl
lieux docteur Faust, qu'aurais^tu dit si, après une de ces nuits oft
tes cheveux "blanchis tombaient de ton front sur les parchemins ca-
bafistiques, en ouvrant ta fenêtre par un beau matin de printemps»
tu avais vu passer la figure calme et sereine d'Albert Dorer ou de
Jean-Sébastien? Ohl comme tes yeux arides auraient encore trouvé
des larmes en face d'une telle béatitude; comme tes mains se seraient
levées au ciel ; comme tu te serais écrié de toutes tes forces : « Que
font-ils donc ces hommes pour être si heureux? » Peut-être une
voix Ceût répondu : <r Ces hommes n'ont pas lutté contre le fioC
des siècles; ils se laissent aller au courant qui les emporte, tandis
que toi tu es monté sur un rocher, croyant escalader le ciel, et
maintenant voilà que le dernier échelon te manque; tu as voulu créer
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720 REYUS DES DEUX MORDES»
un monde pour toi seul, et voilà que tu viens d*en atteindre les Ihai-
tes , et que, bien avant de mourir, tu t'arrêtes faute de chemiD.Ces
hommes enveloppés dans la nature ne se sont pas efforcés d*en sortir
ou d'y pénétrer plus profondément qu on ne le doit. 9 Alors» Yieoi
alchimiste, tu te serais dit, en te frappant la poitrine : Il est doue
yrai, le bonheur eiûste sur la terre; et si je suis si malheareoxyb
faute en est à moi, qui l'ai voulu trouver là où Dieu ne Ta pasok
La vie de Sébastien s'écoulait avec calme et sérénité; aucane pas-
sion étrangère n*était venue encore troubler la transparence de cette
ame vouée au culte de Fart. Tous les jours recommençait avec l'ao-
rore la double étude de l'orgue et du contrepoint. Ainsi croissait i
l'ombre ce jeune et frais arbuste; ainsi grandissait Sébastien dâos
la quiétude la plus pure, dans Tobscurité la plus profonde, benieax,
quoique ignoré de tous; car on ne le rencontrait jamais à la pro-
menade , et le dimanche, après Toffice, la foule s'écoulait paisible-
ment par toutes les portes sans chercher à savoir quel était cet aoge
qui venait de répandre sur elle des torrens de céleste harmonie, b-
différence qui peut paraître étrange de nos jours, et qui poortut
s'explique facilement à une époque où l'étude de Torgue était telto-
ment répandue, qu'on n'aurait pas trouvé, dans toute rAUemagoe,
un si petit village qui n'entretint au moins un organiste pour le ser-
vice régulier de son église. Jamais, d'ailleurs, dans ces temps if
croyances, Tidëe ne venait au peuple de chercher des causes ma*
térielles à des effets puissans qui l'émouvaient jusqu à loi faire oi-
blier ses travaux et sa misère. Enveloppé comme il Tétait daosis
Uens du fatalisme et de la servitude, il tendait toujours à s'éleyer, et
toute chose qui l'aidait en son essor, il Facceptait conune venant di
del, et rappelait divine. Quand une peinture céleste, qoand 00e
auguste et sainte mélodie l'emportait dans le royaume des cookirs
ou des sons, c'est Dieu qu'il remerciait, sans s'inquiéter si rinstn-
ment dont il s'était servi pour l'émouvoir s'appelait Durer oa Se-
bastien.
Ainsi , depuis deux ans que le jeune organiste d*Arnstadt reinpb'
sait assidûment les devoirs de sa charge, nul dans toute b\%
n'avait encore songé à s'enquérir de son nom. Sébastien était toot-i-
fait inconnu; nuiis cette obscurité avait bien ses charmes; etsik
dimanche , en se promenant après TofKce, il n'avait pasenooretf
la satisfoction de voir ces braves Allemands, tout émus des fwssi^
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JSAN-SÊBASTIEN. 7S1
mâodies de son orgue» le saluer avec sérénité^ il ignorait quel ennui
c'est pour un musicien d'être abordé par un sot importun qui vient
lui jeter à la face toute sorte de stupides louanges » et finit par
l'inviter à venir improviser le soir sur le clavecin de sa fille. Du reste»
Sébastien n'avait pas eu grand'peine à s*accommoder de cette soli-
tude : il n'ignorait rien de ce qu'il avait à faire avant d*atteindre son
but; il savait que la graine ne fleurirait pas si le sol dans lequel on
Fa semée ne s'épuisait à la nourrir de sa sève. Ce n'est pas Lui qui
aurait accusé son siècle d'ingratitude. De nos jours , il en est autre-
ment : le premier venu qui se met à gratter une toile ou du papier,
se dit tout au moins Albert Durer ou Mozart, et si le peuple, qui d'ha-
bitude ne se traîne pas à la suite d'une école, parce qu'il les juge
toutes dans son vaste bon sens, ne s émeut pas à toutes ces merveilles
de sons et de couleurs, donnant pour raison qu'il a une ame et que
nul ne parait encore s'en être occupé, alors poètes et musiciens se
retirent, et ces gloires éplorées passent leur vie à se draper sur des
ruines. Est-il rien de plus ridicule que ces hommes qui se font eux-
mêmes une couronne avec les lauriers de leur jardin, et s'irritent si
leur siècle ne la consacre pas? Avant d*accuser son siècle d'ingrati-
tude, il convient d'avoir fait pour lui des choses grandes et morales»
et le premier venu n'est pas en droit de crier au passant : Va dire à
Rome que tu as vu Marius assis sur des ruines.
Parmi tous les compositeurs sacrés de son temps, celui que Jean-
^bastion admirait le plus, c'était Dieterisch Buxtehude, organiste
A Lubeck. Sébastien aimait surtout le style large de ce maitre»
et depuis long-temps ressentait un bien vif désir de le voir et de
l'entendre travailler pendant tout un dimanche. Mais comment
faire? Avec ses revenus il avait à peine de quoi vivre, et le peu
d'argent qu'il tenait de sa famille , il lavait employé à se procurer
les livres indispensables à ses études. Ainsi, faute d'argent, le voyage
était impossible; il fallait bien se résigner, et chaque fois que le
désir venait, il s'asseyait devant son clavecin et commençait une
fugue. Mais, hélas! le remède ne faisait souvent qu'irriter la dou-
leur, car le morceau qu'il étudiait était ordinairement de Buxtehude.
Toutefois cette grande passion de voyage semblait s'être un peu
calmée; Sébastien paraissait avoir pris son parti, lorsqu'un jour^
au sortir de la messe, un amateur, membre du corps des musi-
ciens de la ville d'Amstadt, lui remit une nouvelle fugue avec pé-
TOME viu 46
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1991 EETUB IMBB MITX MMDB8*
•flaile obKgée'deBoxtehade, snr laqoéHeil isenniMeii «in,
^'aroir Iiitîs d'un jeune homme qui flomaH deaigfaitdBtfip>>
«nées. Sébastien iressailKt de ifimsrr, *€ft covrot'^^nfcnier'dmB
«chambre aivec son trésor. Geites, lorsqaH entendait les iJMhi
Aranier les mmiBiiDes de son laboratoire et regaria3t1»G«Krfftltilr,
le vieux Wagner était moins occupé à ses fcumeaiis'qae aeleitw
jour'fà Jean-Sébastien à son davier. Uarten^ffet^eat «ae chnefn
*méle enserablepourun grand œovre, au Heu de^sucBtByMériea, ies
Douleurs et des sons. Si vouscraignez comme troe maladie ie^Wr
«qui vous€xalte Tarae et remporte auxrëgions delorière oà
a vn Bé^trix, Pétrarqae Laure» Hdfftnan dona Amna, ne
cfinez jarmais sur les partitions *de Don Juan on de PregMàiu^fm
plus que sur les fourneaux de Paracelse , car il Ven «xlnlD dn ft-
peurs dangereuses qui pourraient vtms^nner lenrenige. Aàm ih
'8ort)é devant la flkgœ de Buxtèhude, Sébasâen ^en attirail A fai la
étincelles et les flammes mystérieuses. Deux faeares n^amMii pis
suffi à son travail ; il venfflt de terminer la fugue pour la siiàèaie'lifei
lorsqu'il la commeBça de nouveau» et s*arréta long-fenps sor m
passage dont il cherchait sans doute à deviner le style , car M r«Bi-
cutait tantôt avec impétuoshé, tantôt avec csAme -et largear» aâs
toujours en branlant h tète comme un homme qui doute et 8*ap9-
çoit qu'une chose est incomplète. Tout à coup B selète» ftmesai
clavecin , prend son chapeau et -sort
ïean-Sâiastten traversa la ville , et comme s^l efttékwdhila mSr
tnde pour composer qadque nouveau motet» se dirigea «h cM k
la porte de LubedL*
Buit jours après, à la grandHnesse » quand le prêtre deana h
réplique , Torgue n'éleva point la voix tx>rame à «on arAwn.
L'inexactitude fut remarquée » et le bedeau se%ftta d*àler A h tiî-
irnne afin d'avertir l'organiste de se tenir sur -ses gardes «e a^e
fois. Mais le bedeau trouva la porte fermée» et l'organiste iBtuqaBÏ
à son poste. Cette nouvelle se répandit de bouche en boocbe» <tti
moins de dhi minutes elle avak fait le tour de Féglise et «nia ie
parmi les assistons.
Trois mois s'étaient écoulés depuis la disparition de
tien» et oes bons bourgeois» qui tétaient tant émus le
"avaient fini par se contenter» pour toute rouâque rdigieuas» k
tfucUquesvatxdebasseetde feusset»qai 's'accordaient tant lasafa^
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wmiêL laeensibhiiieitt le peu^ d'Arastadt, tout éa se* eonsofaiit»
prit en< pîtii les chantres et les enfin» de dioBur; il se mit à fairet
eJEbrt de voix, pour les aider daos leur travail^ et biemte larnni-
sique fat asses retealissante pour reaplir dignoiieiit Téc^ise. Bfw
ca n'était pas sans one grave inquiétade que les babituis itoyaient
Câifiies approche! 9 car Pà^pws est la Mie deaorfves». et ee jevr-ià^
de toutes les campaçHea. eavûronBaotee, en asrWttiS pomr les en^
tendre chanter. Ce jeur-là» dis le métis» Vigliie ëftait Eemffe
de fiemmes etd'enfaae» de labourears et d'oavtiers, qni venaient
célébrer la résAirrectioa da Seignaui. Les popilatiens voisinea se
diuuaient rendeA-voussur la grande plaee d'Amstadt» et pendant
Uuile la semaine sainte» les rentes étaient converies de earavanesî
et. de ppocnssinns» d'bemoiea à cheval et d'homoM» i pied, de pé*
leriaft qui se hàtaiealy.afin d'amvev assez tât peor trouver soi»
le. dûme une dalle eà s*agenouiHer». et de* mendians qui Ihisaient
effort de jambes et debégailloB» pour gagner nie henre et po»^
voir ainsi choisir leurs places sous le portail.
Certes» il avait fallu bien de la persévérance et surtout dm talent
pour attirer ainsi la foule des pèlerins. La vie d'un homme n avait
pae-snfft à ce résnitat, et le vîenx Johann BAIm» après s'èlre épuisé
distant oinqaante ans à cette rad» tàehe » avait ea mawrant élo sont
svneeasev et laissé le reyann» des ovgnes à Jean-Sébastien. Celoi^
ci araîi dignenKat aontenu la gloire du mntlre qiai Tavait ptèeédd;
liîentèt laF newvclie église d' Arnsmdt était devenne eélttNre , et soi
orgue nresaift élever la voix quand celur de Sébastit^annençaitan'
brait des cloches qu'il aBait puier.. Aassi le ccmeensucs des f éèite
awgmeatait chaque année» etil parainait impossible que le cttne
pAt tous les atviter aone sa voèle aux fêtes procbdnes.Qaant à criay
personne n^avaii songé à s'en inqniéter» et mettre Wflhdm FMi».
le pins* joyevK dee anbengiates de rendroit» avait dit à ce sqet t
m Lesdivots en seront qniuas penr faire four prièoe soue le pert^
aaMks pannrres» lee caiienx. pour refenir une antre fois» et dTait-
lencff s'ils ae trourent pas de piaocs de» l'igtise». iis: ea viendront
ditrcher dans les anfaerges» et cehi profitera totijoera i ta vittek »
net à Dïett qne lenbooigeoie d'Anîstadt n'euâMit pas en danlre
flBueil Hab» béias! lee dinnches se swcédaient rapidemenl et
Verganiesmit nmet Dès fe premier moment» on avafat écrit à loon
kn eBgamates. dn rAltamagne, et abaque jour on Teceirait «oit
46.
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724 REYUE DES DEUX HOlVBBS.
lettre dans laquelle il était dit que Froberger, Gasp. Keri , Pasdid-
bel, ou tout autre, se serait fait un plaisir de se rendre à Fiim-
tation des habitans d*Arnstadt , mais que le jour de la Résurrectioi
était une fête trop solennelle pour abandonner son poste ou leeoi-
fier à un élève inexpérimenté. Le soir du jour qui précédait k fi-
manche de Pâques, les notables s'étaient réunis et causaient tri^
tement des choses du lendemain, lorsque le bedeau accourut en
toute hâte, apportant une lettre adressée au chapitre. Un messager
de paix, la branche d'olivier à la main, n'aurait pas exdtëpioi
d'émotion dans le sénat d'une ville assiégée, que ce brave Kircb-
ner, lorsqu'il apparut avec sa lettre au milieu du conseil des nota-
bles. Ils furent bientôt tous groupés autour de lui, se dispotait
le précieux message, que le plus ancien et le plus érudit de ras-
semblée fut chargé de lire à haute voix. D se fit un profond sîkooe;
maître Sebald se leva, et avec l'aide de ses lunettes et du b^ieto,
qui lui tenait la lampe, il lut ce qui suit :
ff Messieurs nu chapitre de la ville d'ârnstabt, .
cr L'appel spontané que vous me faites est la plus douce récom-
pense que j'aie encore tirée de mes graves études, et je ne cess^
rai jamais de me glorifier d'avoir été préféré par vous à tous mes
confrères, les organistes d'Allemagne. Bien que je me regarde
comme indigne de tant d*honneur, j'aurais été heureux de me
rendre sur-le-champ auprès de vous , et de célébrer, au mflieu de
votre famille, les solennités pascales; mais, hélas I j'ai des enga-
gemens sacrés avec la ville de Lûbeck. Voyant qu'il m'était impos*
sible de me rendre à votre invitation , aussitôt après avoir reçt
votre lettre, je courus chez un jeune organiste auquel j'ai doBsé
des conseils pendant les trois derniers mois qui viennent de s'écoa-
1er, afin de le prier d'aller rempUr dans votre église la place
honorable que vous me destiniez. Mais U semble que le Seigaetf
ait voulu m'enlever tout moyen de vous témoigner ma reconnais^
sauce. Le jeune homme venait de partir, et personne n'a su me <be
quel chemin il avait pris. Vous trouverez cette conduite étnnff,
vous qui ne connaissez point le caractère mystérieux de Yéa&s
dont je vous parle. U est arrivé un jour, les pieds tout poudreux et
le bâton de voyageur à la main. D s'est assîHl Torgue , et les soif
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JEAIV-SÉBASTIEN. 725
Cil en a tirés m*0Dt ravi. Nous avons travaillé ensemble pendant
>is mois. Hier an soir il est parti sans me rien dire. Il était ici la-
TÎeuXy chaste» bienfaisant » et d'une modestie évangélique. Si
^t an ange y que Dieu vous Fenvoie : je le souhaite de tonte
3n ame.
a DiETERISCH BUXTBHUDE ,
Organiste de Téglise de Sainte-Marie à Lnbeck. »
Alors il s'éleva une grande rumeur; chacun voulut s'assurer par
t-méme de ce qu'il venait d'entendre » et ce ne fut pas sans peine
le noaltre Sebald parvint à sortir du groupe qui l'entourait, et
se soustraire de la sorte à toutes les discussions qui suivirent la
[ronde lecture de la lettre. Enfin le soleil se leva, le voile noir fut
chiré y et toutes les cloches d'Arnstadt sonnèrent à faire envi
leurs cousines qui firent jadis tomber la coupe des mains du doc*
jr Faust. On voyait dans les rues de longues files de belles dames
d'ouvriers, de jeunes filles et de vieillards, tous confondus sans
stinction de rang ou d'âge, et le missel sous le bras, allant à l'office*
^sept heures, toutes les églises étaient remplies, deux surtout,
]ement que la foule en débordait jusqu'au milieu de la place,
étaient l'église des Bonnes-Dames et la nouvelle église , fréquen-
es Tune pour ses chÂsses d'argent, ses vitraux illuminés, et ses
ailles murailles couvertes d'archanges et de saints, et l'autre seule-
^t pour ses orgues et son Jean-Sébastien.
Toute la vieille Allemagne semblait s'être éveillée avec sa foi
t)fonde, ses naïves croyances, et revivre en ce moment dans la
trsonne de ces honnêtes bourgeois d'Arnstadt, et surtout de leurs
les, créatures angéliques, dont la chasteté chrétienne avait per-
due le type. C'était un sentiment de joie et d'amour qui avait
mxà tout ce peuple dans l'église, et cependant tous ne paraissaient
18 également heureux. Auprès des visages les plus sereins, on en
)yait de tristes , comme s'il se fftt agi de choses de ce monde où le
onheur de l'un fait la misère de l'autre. A côté d'une belle fille
)se et fraîche , qui s'épanouissait aux apprêts de la fête, une autre
inclinait tristement comme une fleur à l'ombre. Pourtant c'était
) jour de Pâques, et ce jour-là le soleil est partout dans l'église.
>n eût dit que le Christ n'était pas ressuscité pour tous, et qu'ime
koitié de l'église conservait encore ses voiles noirs de la semaine
ûme, tandis que l'autre avait illuminé toutes ses chapelles.
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79^ HETUB U» »HX MÛIIUBS.
Gepettdaqt. le» éioclM oeM^ent d» sonoeff ; I0 précre Tint 1*4^
nouMler au pied de l'autel , et tout à coup Pologne se nkà AÊmt
spont^Mnéaieut. Si les vierges et les sén^hiss, desceodMa parai-
rade de leurs niches de pierre, fussent venu» eu proceaskm proK
dre part aux célestes louanges, les habitans d'Arnstadt n'eoBMft
pas été plus stupéfaits qu'ils ne le furent, lorsque cet orgue, ottet
depuis trois mois comme une tombe, s*éveilla en glorieuses ba-
far esk L'élonnement fut général. Le prêtre qû rôctaak à rani
détourna la tète pour voir d'où venait tout» œtte luinMBÎa, et
les eofiaiB de chœur se trompèrent deux fois^dans lems iéptfs&
UcDTgue continuait sans s'émouvo^; ii chanÉa powr le padMl, i
chanta pour Fofifertoire, il dianta pour l'tiévatioBi. lamais titBet
dilûn n'avait été plus auguste et pks magnifique. B &Bait lur
COBSOM les grands crucifix d'or et d'arg^tt, c<Mnme les gcuà
dasgea aBumés, comme les yeux des jeunes filks respfemiisaiat
à travers un mystique brouilbird d'harmonie et d'eiucensl
-^ Quel musicien terrestre pourrait jamais atteindie à cette ■§-
gnificenoe ! s'écriait mallre Sebald^ dans rextan oi le flkmç^ m
laifo triompbalemeftt exécuté.
«— C'est un ange qui est là-haut assis eu» la 1
potite Gretehen à sa voisine; la Vieege n'a peu wda qw la 1
ville d'Arnstadt pleurât ses orgues ua si grand jour de fimJ
Mais les assistans étaient loin d'être tou» d'sfiOQcd «nr la »
tuite du mystérieux organiste;, et yoîci ce que rapports à ce safet
rUstofien allemand. Je cite ses propres paroles :
a Comme je voukis , selon mon habitHd&^.Baettre à proit MM
les suppositîoas que cette musique inattendiae allait fiaiie aaiM
p^mi les fidèles, je me glissai dans la foula; je. fis le leur et fi-
gliae en recueillant les paroles qui tombaient de toutes les bis»
cbes. Chacun inventait sa légende, et toutes ces fiauia eihebiflst m
èg^ parfum de mysticisme qui vous transportant an milîe» ds jip-
dia d'un doitre du moyen-âge. L'élévation sonna; j&t brmà ks
yeux pour écouter avec phis de recneiUemantun aélasie préledi*
un dbant si frais et si pur, qu'il était eu. pacfiàke bamoait wm
le grand mystère qui s'accompliMiitàïranld. Loi^queto^
de Tealiuit de choeuv et le mouvcnenl de l'église entîèns m\
lèsent de ce divin sonuBeil, j,'apefçu»à SMft edlé
Wiprecht*. BMEsideuda la ville;, ili étaîl ¥M,m h
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rttk pr^bndëmetft. -^ Qâ^svez-vdtis dont, iimltre Ifnfdn» pour
Annoter akisMe jour de Pàqms?
— El TOUS , mon cher, pour ne point vous émouvoir à cette
otmsiqae qui ferait pleurer le marbre? N'arez-voas pas emendu oe
i^hant qui s^est edialé pendant Félëvationî J'ai cru d*abord , ooormie
tons mes voisins, que c'étaient les anges qui chantaient; mais»
bélasl
Le pauvre homme soupira de nouveau » et quelques instans
gtprès:
— Ahl monsieur» les six dernières mesures m'ont navré de
louleur, car j*ai reconnu en elles le sujet d*un morceau que j'ai
prêté , il y a six mois , à ce pauvre Sébastien. Il sera mort de faim,
H ce ne peut être que son ame qui fait vibrer toute cette har-
(nome.
— Pourquoi pas son ame et son corps?
— Plaisante question I Groyec->¥Ous qu'il safBse de poser ses doigts
nir le clavier et ses pieds sur <la pédale pour atteindre à des ef&ts
pareils? D'ailleurs, iean*Sébastien n'avait pas composé ce mor-
seaii; malgré tout son ifénie, il ne l'aurait jamais exécuté de la
lOTte sans le secours de son bieriieureux patron qui est dans le ciel.
c CkMBme il ioissait ces paroles, le Sancti» commença , et le di(pie
amsidien se mit à se frapper k pokrine.
« Un peu plus loin j'aperçus on gros chantre appuyé sur la ba-
lustrade <la clMBor, mais qui &e mêlait pas sa voix au chœur des
Bssàstms. A son attilude grave et pensive, j'avisai qu'il devait être
on travail de quelque grand poème , et je m'approchai de lui.
— Bh Wenl frère, d'où vient donc que vous n'aidez pas vos ca-
marades? A vous voir ainsi maussade et solitaire , on ne dirait pas
que c'est aujourd'hui Pâques. Est*<e que, par hasard, votre beHe
voix de fête ne vous a pas été rendue hier au soir en même temps
qu'à toutes les cloches de la ville ?
•^^ Ma voix? ah I Dieu merci, monsieur, je l'avais tonjours bien
conservée. Hier au soir, eHe était plus beBe et plus fraîche que
^maîs, et ce manin, en ressayant à ma fenêtre, j'évefllaîs tndore
toM le quartier. £h bieni conceven-vous cela, monsieur? tout-4i-
rbettre, en commençant TofSce, jenel'ai plus entendue, ma belle
voix I Le maudit orgue , ou plutôt le diable , me l'avait prise.
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728 HETOB DBS DEUX MONDES.
or Là-dessus le brave homme se mit i me raconter me Mi
d'histoires de magiciens et de sorciers» tendant tootes i ae
prouver qu'il venait d*étre la victime d'un infernal maléfiee.Die
posait cet offirayant syllogisme : Un instrument n a de smxà
que parce qu'il reçoit une action du souffle ou de la main. Or, k
bedeau n'a vu entrer personne > et pourtant l'orgue châote.Doec
le diable s'en est mêlé» et nous a pris nos voix pour aaiaMr
tous ces tuyaux. Et puis , il me disait qu'il avait daû^ement recoK
la sienne» et que même elle avait fait sonner l'ut dièzedansa
ensemble, note qu'il n'avait jamais pu obtenir d'elle da teafs
qu'elle habitait dans sa poitrine; il comparait la capricieuse, qui se
parait ainsi pour le tourmenter, à ces femmes qui redoobkot à
grâce et de coquetterie, quand elles savent que leur ancieoaDaK
est là qui les regarde; comparaison assez profane, et qâ mt-
tonna beaucoup dans la bouche d'un chantre de cet âge. »
Cependant la messe était finie, et tandis que les étrangers priakii
encore , tons les gens de la ville se rassemblaient an pied de resca&r
qui conduisait à l'orgue, attendant avec impatience le ààmstoai
du grand mystère. Enfin, long-temps après que les derniers sois
de Forgue se furent exhalés, la porte s'ouvrit, un jeone bomoiea
sortit, tenant un cahier de musique sous le bras; il avait de loep
cheveux blonds qui tombaient sans ordre sur son coo;sa Sgure «â
maigre et pâle, mais belle, et par son expression de seràne tiiK
tesse rappelait le type que la tradition nous a conserré de bt^
du Christ. Lorsqu'il arriva au bas de l'escalier, tonte cette oiifr
tude fut prise de terreur et s'entr'ouvrit sur son passage; ki» sm
trop prendre garde à ce qui l'entourait, traversa la foule, etsertf
sorti de l'église sans rien dire à personnne s'il n'eût recoBoodapR»
du bénitier la face pleine et réjouie de maître Martin Wiprsdi
c Monsieur, lui dit le jeune organiste, c'est vous quiniâveit3F'
trois mois, demandé mon opinion sur un motet en ut bîb^'
j'ai cru ne pouvoir mieux vous répondre qu'en vous Veiéa^
tout-à-£ait dans le style du grand artiste qui Fa composé, f^
être avez-vous trouvé que je pressais un peu le mouvesest (b^
les dernières mesures, mais Dieterisch le veut aiosL Repi^
ce motet, j'espère que vous ne me tiendrez pas rancone, cff ^
je Fai gardé si long-temps, c'était afin de vous le rendre tfX*
de la main du grand maître; et pour un amateur comme vous, c^^
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JEAN-SÉBASTIEN. 729
I bonheur qui ne peat être payé trop cher qae de posséder on tel
ésor dans sa bibliothèque, j»
Jean-Sébastien dut se souvenir toute sa yie de la fête de Pâques»
ir le jour de la résurrection du Sauteur fut aussi celui où son
Snie apparut à rAlleniagpDe dans tonte sa gloire. Dès ce mo-
lent le jeune artiste existait pour le monde, et les Tilles libres et les
rinces allaient se le disputer. A peine deux mois s'étaient écoulés,
ti*il recevait dé)à de toutes parts des brevets d'organiste; car ceux
ni Pavaient entendu à Arnstadt faisaient sonner si haut son talent
: son génie, que toutes les ^lises étaient en émotion et désiraient
ivoir quel était ce soleil dont les premiers rayons jetaient uuq si
»intaine splendeur.
En 1707, la place d'organiste en l'église de Saint-Blasius, à Mul-
ansen , lui fut offerte; il l'accepta. Les habitans d' Arnstadt, déses-
érès de le voir s'éloigner, vinrent lui proposer de doubler ses ap-
ointemens, s'il voulait consentir à rester parmi eux. Sébastien leur
épondit qu il avait des goûts trop simples pour que l'argent pût ja-
lais influer sur ses résolutions , et qu'il sentait trop encore le besoin
e voyager et de s'instruire pour songer déjà sérieusement à s'établir
ans une ville. — Mais je penserai toujours à celle qui m'a si bien
ccueiUi dans mon obscurité , et me souviendrai d'dle toute ma vie
^me d'une seconde mère. — Les adieux furent toudians de part
t d'autre, et les habitans, voyant qu'il était inutile d'insister, se
réparèrent à raccompagner jusqu'aux portes.
Ce fut un beau jour pour l'artiste de vingt ans, que celui où tous
» habitans d' Arnstadt vinrent se rassembler sur son passage et
(ri témoigner combien ils avaient d'admiration pour son talent et
te sympathie pour sa personne» Dès le matin, la ville était en moll-
ement, et telle était la foule amassée en certaines rues, qu'un étran*
;er, arrivé de la veille sans doute, fatigué de se mettre en sueur pour
raverser les groupes, vint à demander quel était le saint qu'on
'était ce jour-là. — Par Dieu 1 lui répondit un homme dnpenide,
;'est saint Jean-Sébastien; vous ne le connaissez peut-être pas,
rous I mais pour n'être pas dans le calendrier, il n'en tient pas moins
a place dans nos cœurs à côté du patron de la vflle.
A moins de faire sonner les cloches et fumer l'encensoir, je ne sais
ifoels honneurs phis grands on aurait pu lui rendre. Les notables se
tenaient à ses côtés; le peiqile se pressait vers lui comme s'il se fftt
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TSt" RBVUl^ BS$ MHHL MONDES.
agit de BoiMMipe» ^i \m brtteajmpefr ffltea» Iwmnt W
cendaient avec lears mères, afin de comemplai! uoe cl<
céleste mMoim deslttasd» PA<pifSw LesuM rht^iiioBt
les aatres(ceux dooi la mënoine ëaail ^itt loMi à retaoup la bh-
que) disaîeolitoiU haut oombin de famiUdw fymrteg il a^
gées» Lofwqu'jls fHWitarrMsaox. portes.de la vîUe»
jusqu'aux lamea». rnaouf ela ses adieux à oa«& qui VemkHmTim/L, a
Ist vieua Sebald lai dil eu l'eadirassaat :: — « VUm fila» la tàda
^pie TOUS STea entreprise est grave et dîffioile, et sara le axai
de toute voire rie. Les aalras arts parlMt ans hoaunes : le iltre
parle à Dieu; et c'est peurqaoi, apràs avoir étadié tnoie aie» qpi
que soit d'ailleurs votre génie, il vous faudra toq^tona ooiiri— r,a
tendre vers ua. idéal que la mllede votre mon voos. n*aara pas ai-
ooia atteiat. Hais lorsque votre esprit, fiatâgué par lo tcaivaS dac9i-
tsepoiat, ania besoia de ealaie et de repos, somrewa-vMs qil
est ea AUaiiuigQe aoa ville qui vous aime eatre laates, ei daa
cette vilk une fiunille dont vous êtes le fib dién. m — Sâiastia
asrra la mata, du vieillard avec atteodrissemealy et lonqM k
attture qui l'emportait s'ëloigaa, des cris 4lmmmt et de Ua^
dktioB Eacceaapagaèrent lon^^temps eoeere*. et les jeaaes Ha
hû pronarent de prier la Vierge Marie pour lai et sas eabas.
■eareox Eartiste qne tomua peuple attcompagiie de la aana» eikMi
avec de tais adieaxav le grand clieaiia.da k vie 1
Lorsque Sébastien se ftn ëkrigni,. la moavaBMaà ream daaa ki
aoMOBS, le brait daas les atdien, et toute cbose euibienifttraiirifi
aoQ cours habitude Alaltraâebald tramiUa iaeoMaeat àla aaai-
aatkm dn.aouvd orgaoistapi avait eocove pr^seaiaa à la méMR
les iaquiétndes des dernières fêtes» et se rendit ea toate bêle dm
les. principaux babilans pour les preaser de faire laar cbû. U
brave bomme paarsuivit soa entreprise avec taat d'ardaar» v>
aeuf beuias sa fille Grelcbea Fattendait enoore pour asapr.
Eafia, il rentra tout ëpoiaé des fiatigaes du jour» et totsqs'i sil
bieo raeomé toutes les peines qu'il s était données aCa de tisi*
ver oa successBov à Jca» Séhasliea, sa Site, qai croya^ancow»
miracle des fétesde Pàqaas^ hédit:.— Eh ! moa père»,
loanaenter mmnt ne savesHPona pas que lésas ae
■otra ville^saas onjamslo^ etyaiew même que taas eemt dah
jsraJeatflaails^ilysatammitmijoawpmBrelte.dttalacialt
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Cai^de JMOhftAMtim, éonftnio>celtede presque tons Uê gniribi
wfûêtB&y'êtéMêe en 4mtt fiittieB : Tme de tni?aox «eeAaMiqves,
['autnedepwre^orAmion. Bustepreoiière, qui s'étend depuis 'ses
phis jenmB mnées jttsqifà son trienplie d'AmsttKk, Hest leot ec*
sopé^e^^qoift ëtëécott amDlliri«t serendinât^^desonsrt; il
ewMwe nttit et jour ses doigts et les lirise à tomes leedîflieallés; il
ipprdfondit 4oiU A la fois ^les mystères du contrepoint -et dso^la-
mr, Bans la seconde, m n^étwdie plus, H eofflpeoe; maïs il «est
tain enoore d'atteindre ^à k'perfeclîea, et samosiqney origimfle
par momeiit , appartieM i l'anoieMie éeeie aHeiMaide. Vean-
SâMUPtien, fonme le jeune SaiAttëly eoneerfera long^temps qnél*
rpam ohose de P^iriditë de ses «atties, et ces dens artistes, ayant
de ae Tévâer an monde, anroot besoin de çvand air et de sëS-
taîref oontempiations'; H feadm qu'ils ferment pour q««9que "^mps
leurs livres de théorie «et ^esthétique et viennent admirer à loisir
cette ligne^tmmense de beauté qni serpente ^oomme un 'tierte amour
dé k nature, qu'ils élèfem sorte création des vegsria pteîns cPa-
BBonr, et s'abattdomiettAlemeBles'ëniotions 4e l'art, A toutes les
eactases de la foi, cartafais*qu^ Éksi pas de sAeXh phis^aidens^ponr
Eaire édore i'hannonie et la eoidear. Xean-Sébastien, 4piiisë par
toute espèce d'ëtnies 'SoalasCM|oc^ ee ait à Mre dans 4e Ivive déla
nature, ceJivre qui, selon la bette eipressiett de«ifait Martin, est
écrit parla main de BiesmAmem tDttjo«radèployë«fai<^pMf kenmie
paisse tom apprendre immédiatement et^ans le secours delà rè^
laftion. Ott^re ce livre, dans lequel tl pmsaitsans relâche, Sébas-
tien en avait den antres marqi^ aussi du doigt de Bien : la Bible
et rÊvangfle. il aimait à ae plonger en ces fleuves d'^emeMe poéiAe;
il atflMdt à comparer la magsifioence de ces oeuvres augustes, à
cbanger d'inspirations.; lanite il accompagnak avec des oréhesti^
iairoenses et des ifoîx tumultueuses Tespiît de Dien porté sur les
«aux; tantôt il rêvait avec mear buk eoncerts de knimiges qui de-
vaient edater dans la foule quand lésus paraissait environné de ses
disciples. Le soir, lorsqu'il était sent , tt improvisait ; et si vous
aviez pu pénétrer dMs^sa Ohambre, vous auriez peut-dtre vu aussi
la Divine Coméâk sur son davier. Bu temps qu'il écrivait son
adndrable oratorio de la Passion , après les heures de travail , 11
venait se flanter immobile ea feee d'un lableaa de Mrer, afln
^'^[aminer 'commofit «a grand ariiste avait pemt aolrelois ce -que
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732 RBTVB hEA MUX HOMDBS.
lui cbantak aujourd'hui. De même, durant sa longue Yie» k ]
de Nuremberg ne finissait jamais sa jonruée sans entrer dnsFéi^
de Saint-SebaMy afin d'y retremper son ame en la raosiqaeéiSei-
gnenr. ^ L'art est uo divin soleU dont les quatre rayons reqte-
dissent chacun d'une lueur diverse, de sorte quefeaprU ne ooopra-
dra jamais leur unité» s'il ne s'élève jusqu'au foyer qui les afisme:
c*est de là seulement qu'il pourra voir dans toute sa splenàsv ce
type de beauté dont l'ensemble doit toiqours demeurer iaooaià
la foule, puisque les moyens manquentà Tartiste pour lerëafiier.OK
Mozart regarde les codeurs de la belle nature» que Raphaâëeott
les voix chanter, que ces deux anges glorieux changent de mtmk
pour s'en revenir emportant sur leurs aiiea une poussière Inmineaseet
aoncure; et vous tous qui les entourez, ne les retenez jamais; htaezla
célestes abeilles voler à leur Eden, et soyez sûrs que le miel qa'eles
TOUS feront au retour sera plus abondant et plus suave.
Ainsi s'écoulait heureuse et pure la vie de Sébastien; les pens
et les soucis ne devaient pas l'atteindre encore, car 3 habittits
monde au-dessus de la terre, et son esprit, grâce à lacbandejeaBOK
du corps qui l'enveloppait, pouvait se maintenir en son élëfati9o,â
comme l'aigle, rester des jours entiers F aile tendue en fiiee du soki
La mélodie était la forme plastique dont il revêtait sa chasle pensée;
et les deux choses qu'il aimait le plus an monde , l'art et le cniie k
Dieu, confondant ainsi pour lui leur double nature, il ne cessait k
les adorer Tune dans l'autre. Sérénité divine que nul veut de la tem
ne pouvait troubler ! Heureux Jean-Sébastien , qui seul as ànm
l'inspiration , et l'as contrainte à demeurer toujours à tes côlës! te$
ces jours sombres et pluvieux d'automne, où Baphaâ, fuÊs à
soleil, ne trouvait plus de teinte sur sa palette, où le ronsicieise
tait avec l'oiseau, et demeure triste et dépouillé comme si b a^
lodie était tombée de son front en même temps que la foaîBedes
arbres ; dans ces jours où tout est pour les honmies de k terre B^
lancolie et solitude, lui montait à ses orgues. Alors les broaiBvA
commençaient à se dissiper, le soleil à resplendir comme para
beau matin de printemps, la neige à s'évaporer, à se foodfetf
ne laisser d'elle-même que tout juste ce qu'il fallait pour treaUff
en perles de rosée au calice des fleurs. Tous les oiseaux chairîaiaL
et sous les feuillages spnores du jardin apparaissait la bdlejetfe
fille que l'hiver avait attristée. SâMistien agissait sur Tin
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JBAN^séBASTIBN. 735
comme sur son dieu la sibylle antique: Apollon descendait de 1*0-
lympe et venait à Delos chaque fois que la sibylle mâchait du lau~
rier ou trempait ses cheveux dans la fontaine de Castalie; et sitôt
que l'organiste entonnait son cantique sous les arceaux profonds,
la blanche déesse laissait le royaume des esprits et venait s'asseoir
auprès de luL
D'autres ont des familles nombreuses, une mère qui les élève
et les nourrit » de blondes sœurs qui les viennent embrasser le ma-
tin; mais lui» tout seul sur la terre, il n'avait que son orgue et son
inspiration, et trop jeune encore pour se marier, trop aimant poor
vivre sans famille, il s'en était fait une, en attendant le jour où sa vieille
tige refleurirait en lui. L'église était la mère à laquelle il vouait toute
son existence; il appartenait de droit à celle qui l'avait accueilli dans la
misère. L'église était à la fois sa maison et son univers; là s^ études,
là ses rêveuses promenades sous les grands arbres de granit; là ses
heures de repos pendant le salut du soir. Et plus il avançait dans
la vie, plus il se réjouissait d'habiter ce monde de paix et de béati-
tude. Sur uiie ame chaste et pure, dévorée du grand amour de l'art,
comme la sienne, que pouvaient en effet la terre et ses passions
froides et chètives? a Le royaume des sens, disait-il, est stérile;
il a bientôt fini de vous dérouler ses plaisirs et ses peines; lai comé-
médie est bientôt au bout et recommence. Le royaume de l'esprit,
au contraire, est inépuisable comme celui delà nature; et depuis
quejerhabite, il n'est pas de jour où je ne trouve quelque har-
monie nouvelle, quelque mystique rayon qui se dérobait sous l'herbe
comme un insecte . invisible. j>
Le maître de Handel , l'organiste Zaschau , vint à mourir ; Sé-
bastien , célèbre dans toute l'Allemagne , fut appelé à lui succé-
der. Il se rendit à Halle, exécuta sa fugue de réception , et partit
aussitôt pour Weimar, laissant cette place à l'élève le plus distin-
gué de Zaschau. Il était depuis deux mois à Weimar, lorsqu'il reçut
une lettre du prince Léopold de Gotha, qui l'invitait à se rendre
auprès de lui avec le titre de maître de chapelle. Sébastien accepta»
et demeura six ans en cet emploi.
Léopold, amateur érudit et passionné de musique, s'était pri'sr.
d'affection pour le génie de Sébastien à la simple^ lecture de ses
œuvres; dès qu'il le vit , il aima sa personne, et l'organiste fut bientôt
pour le prince un confident indispensable. Le maître de chaporo
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l
2SI RBYUB
liabitiritle pdaiSt et ?eoriit:cliaqve)Oiir€*«8fleoirlhi4»ljlle^U»'
poki, «qui feioonsuliait wr teaffum ifmcWmmiioii et de pèt
tique. Celte amitié duode, toat^esoraUe ip^'elle 'étÈk pour lej^M
artiste,, finît cepeodaiitfNM* bû defenir inipoftime; et Irieii Bmrrm,
4aDS les pveaaieBadei, tmiia que tons emaiest rhesreu unaî*
den qui passait en si grand équipage, lui » rêveur et savcieox, teit
4eAté de^dine à Lëopold : x Faites sienier qa^qifuB de ceskiiix
fiourtisanst, il yens lora liîea phs d'koniieor q«e «loi dan oe^v
voBse, al je prefitecaide vionloisîrpaBr atter écrire uae soaUM
Combien de lois il dot segreUBt amèpement sa petite dianfared
modeste «t ai bien daoB d'Acostadt, et ses leiig;iies jouraëes ^
6-écottiaieBt da» k aoGtiide et le tnmill Ici , fA«s<te ifffm, ^
de reeoaiBemeBtyplttS d?iii8pinÉiDn;les£miBier8 dn piineewtnûeit
ohez lui À ieale liêure.
TousilesaoirsLëopoklTëimissftft hB pkis jolies feasmeademaM^
distriiMMât aa .partie à icbaoane, »et idiargeait aon inidtrs deds-
.peltede-cMdnire le itmem* Le oiHioert se ppoloDgeait aowfcai ^i*
delà de aMMÛt» et Séfaasiiea, *épaisé<de ifaiigae » aHait mMierdM
le somaieB Postes ces -voiaLdisoeniBiites qui tintaient à ses oreSei.
Dipassait la jovnde à 8*'entMtemr avec les ooaitôans, etia seiféi
 iaire lohaaîer leaKS femmes. Le .malhevrem: ! «il avait ik sabir lei
Catuiiés des uns et les iftUBmsiiolas des autres. CooHBe on le fsit,
il ne lui Testait guère que le aaatia pom* son travail d'éwfe^ de
oompesidon. Aussi , >comaie jH profitait lâen des presMères lieureit
Dèê iPaube û était à son 'dawr et ehaatait e» mèaM temps qai
Falouette; mais hélas! trop souvent après ses premiers prddtai
qupnd la mélodie ^allait as ri véder, on frappait À sa porte i cT^t
le prince qui raaait entendu et venait ea mbe de chambre sbb»*
ter m\ impfomalieBS'maliamIes de son ami. Pauvre Sébsstiea,]
te&Uait tan sang-froid d*Àll<anand et ta patience d*aiige poarit
pas eavtsjfer à ions les dialdes celui qai venait trouMer lan panA
etiaire renirer dans'le calice toutes ces iratches idées qai remsaisi
déjà lemrs ailesl Grâce à Ta^ection foojonrs croissante de LëopoM,
Sébastien ne pouvait s*absenter un seul jour de Gotha; et eeae4is
qu'après quatre ans qu'il obtmt, à force de prières, un congé de
deux mois, pour se rendre à Hambourg et s'y feire entendre atf
lorgue.
Là, comme partout» sa manière élevée et simple exdta VUnùn"
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tiaiLOA plus heM degfL II arvak. choisi ^our aujeide sa fugpe lat
I^M^ laAm mpeti fimmina Babylonih qf^'à vacia pendant une heure«
9doB ks Wis les plus séFàres4le la saîeiice..Qaand il euli fini de jouef^
oasiiyaot la sueur de son £noftl> il defifiendk de la iribnae , iacectaia
4e^ TeCfet qu^il avait produit. Une foule immense l'attendait au baa
4eresealier»et devant la porte se tenait le vieux Reinken, organiste
centenaire» quice jpur-ià s'étaitfaitporteràrégliseponc Fentendre^
l^dij^ vieillard» ému jusqu'aux larmes, s'approcha de Sébastien»
et lui serrant la main: « Mon fils,, dîtril, je croyais le grand art,
mort pour toujours» et je suis bien heureux de voir qu'il vit encore
en vous, i» Reinken avait» dans sa jeunesse» travaillé le même su-
j^t », et composé avec ce plain-chant une œuvre à laquelle U tenait
beaucoup et qu'il avait fait graver en cuivre. L'ëloge n'en était qne
plus glorieux pour Jean-Sébastien»
Après la mort de Euhnan» en l'année 1723» Sébastien fut nommé
directeur de la musique de Leipûg ; il conserva cet emploi jusqu'à
la fînde sa vie. La mort du prince Léopold suivit de prèsle dt-part
de son maître de chapelle; Sébasiieaen fut profondément affligé. Il
écrivit à cette occasion une messe avec double plain-cbant» et, vint à
Gotha pour en diriger lui-même l'exécution.
Le second fils de Bach». Charles-PhiL-EmmanHel» passa auser-.
viee de Frédéric en l'année ITU). La gloire de Sébastien était parver
nue aux oreilles du roi, qui manifesta le désir d'entendre un si grand ,
artiste. Emmanuel» flatté de ce témoignage de bienveillance^ en
instruisit son père ; mais Sébastien» occupé comme il l'était par leSv
devoirs de sa nouivelle charge^ ne pouvait pas facilement se déran«
ger» et, soit oubli» soit négligence» il avait toujoursdifféré ce voyage*^
Les rois n'aiment pas qu'on leur résiste. Frédéric s'étonna dece peUf
d'empressemeiit et s'en. plaignit avec amertume.^ Sébastien» averti
de la disgrâce qui menaçait Emmanuel» entreprit le voyage de,
V0\$àmk en compagnie de Wilbelm Friedmann» l'ainé de sesenEansw.
A celte époque» Frédéric avait habituellement de petiis. concerts,
dontilifaisaitlui-mémeloshonneurs en jouant delà flûte. Un. soir il
préparait son instrument; tous les musiciensétaient rangés autour de.
lui» le. silence le plus profond régnait dans l'assemblée» lorsqu'un,
Qf&ien entra apportant la liste des étranger&i arrivés dans la journée,
àPotsdauL Le roi lui foit signe de la déposer sur le pupitre» etbw
pfUKOurit des yeux en préludant; tout a coup la flûte a!arréte au mit»
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750 REVUE DES DEUX 1I01IDE8.
lieu d'un point d'orgue , Frédéric se tourne i^rs oeox qui Fa
pagnent, et tout ému de joie : « Messieurs» leur dit-il, je
annonce qne le vieux Bacb est arrivé. » Ausat6t deux pages seal
envoyés à l'hôtel où est descendu le maître de chapelle. Bach, ùA»
gué du voyage, s'apprêtait à se mettre au lit; une servante vint iâ
annoncer que des jeunes gens demandaient à lui parler. « Yous vos
trompez y ce n'est pas moi; je n'ai point eu le temps de préiqii
mon fils, et je ne connais personne dans la ville. jd A ces raota,!»
deux envoyés de la cour entrent dans la chambre.
— Vous êtes maître Jean-Sébastien l'organiste?
— Sans doute.
— C'est donc à vous que nous avons à faire. Nous veiKMis de h
part du roi, avec ordre de vous emmener sur-le-cbamp au palais.
— Mais vous le voyez, je descends de voiture; il m'est ioipossifak
de vous accompagner ce soir à la cour. Dites au roi qœ c*est â sos
intention que j'ai fait le voyage. Demain , je serai tout à son senrice.
— Le roi vous demande sur l'heure. Si vous tardez encore, fl
viendra lui-même vous chercher.
— Vous me permettrez du moins de changer d'habit,
— Ce serait trop long. — Et les deux chambellans le saisissent au
bras et Ventrainent de fbrce. Le pauvre Sébastien , couvert de fange
et de poussière, fut obligé de monter en carrosse et de s'en aller au
château.
Pendant ce temps Frédéric, pour recevoir dignement son Mie,
avait fait distribuer aux musiciens la partie d'un motet à hoit voix
de Jean-Sébastien, et c'était Emmanuel Bach, maître de chapelle de
la cour, qui dirigeait cette musique improvisée en Thonneur des»
père. Le chœur chantait h pleine voix lorsque Bach entra dans le
premier salon. 0 s'attendait à trouver le roi seul et fut teHeoMtf
ébloui par tout cet appareil d'harmonie et de lumière, qa*û m
s'aperçut pas d'abord qu'on exécutait sa musique. Cqpeodaat h
rumeur devint générale, le nom de Bach courait de bouche en
bouche, les femmes se penchaient sur leurs sièges pour le regtf*
der; lui-même, après quelques mesures, avait reconnu l'inteatiOB
délicate de Frédéric. Sébastien était heureux, de grosses larmes
ruisselaient sur sa joue. Emmanuel, de son côté, avait revu son
père, dont il était séparé depuis trois ans. Jamais office de Noâ
lie parut aussi long aux clercs d'une paroisse, que ce motet anx
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JEAN-siBASTIEN. 7^
deux musiciens pressés de courir Tun vers l'autre. Emmanuel, pour
arriver plus vite, hâtait le mouvement d'une manière effroyable; et
tu ne disais rien, vieux Bach, toi qui, dans les églises, pour une note
chantée à contre-temps , contractais les muscles de ta face et brisais
le pupitre du poing ! En ce moment, le père dominait complètement
le maître de chapelle. Il s*agit bien de ton et de mesure lorsqu'on
revoit son fils après trois ans d'absence 1 Quelle musique» eût-elle
été cent fois plus rapide, n'eût semblé froide et lente, comparée
aux battemens de son cœurl Le motet continuait toujours. Emma-
nuel n'y tenait plus. Tout à coup au milieu d'un tutti général,
il jette là son bâton, et court embrasser son père. Les musiciens,
épuisés par un si rude service, s'arrêtent alors et profitent de l'ab-
sence du chef pour reprendre haleine; mais le roi, qui voulait en-
tendre le motet jusqu'au bout, leur fait signe de ne pas s'inter-
rompre, ramasse le bâton du maître de chapelle, et vient se placer
à leur tête avec un sang-froid aussi imperturbable que s'il se fût
agi de diriger une armée. Le chœur une fois terminé, Sébastien
«'approcha de Frédéric, et s'inclinant avec respect : c Sire, per-
mettez-moi d'abord de vous remercier de votre bienveillance envers
nous et de vous féliciter ensuite sur le talent nouveau dont vous venez
de faire preuve. Vous avez senti mieux que personne le mouvement
de ce morceau. Emmanuel Tavait pris trop vite, il est évident que
c'est ainsi qu'il doit être exécuté. > Frédéric, qui tenait beaucoup
à son talent de musicien, fut extrêmement flatté des éloges de Bach.
— Le hasard m'a servi, dit-il ; mais lors même que j'aurais échoué ,
tous devaient ici me savoir gré de ma bonne intention; je n'ai con-
duit l'orciiestre devant un si grand artiste que pour ne pas priver
les assistans du plaisir d'entendre une des plus belles compositions
de notre époque. — On voit que ce soir-là Frédéric répondait aux
éloges par des complimens.
Après un entretien rapide, pendant lequel il l'interrogea sur
divers points de la science, le roi prit Sébastien par h main et le
présenta aux dames de la cour. Comme il passait, une vieille du-
chesse qui se tenait assise au milieu de filles et de nièces , le fit
asseoir à ses côtés, et lui rappela son aventure d'Arnstadt, le mé-
morable office du jour de Pâques; la digne femme aurait conté
bien d'autres histoires, si Frédéric, qui était jaloux de son hôte
et le voulait pour lui seul, ne l'eût entraîné dans les salons voisins»
TOME vu* &7
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79Br RBYCIS M» MWX. MC^IDES.
pmt l«i ftMre essayer 4«a piaaos de SUlMBraus» fi«
dooiz heutes, do«z» piaMs rhtali^m aevi sa maiii, M <
ks muaieîeas, 9lmxum H découragis» s'éteaBèreot de Vi
tteondité de «et honaie qm passait aîasi d'un iflfitniaieM4rj
mriaBt i rinfini sapaasée ec soa sl^l^ £a ethi, aprèa lea |
prékides» il se posa pour thème un motif large ec sévère, «ik
tiavailie un iaataat; pda, tout à eoup il s^inlenoiopt, m leva, et
Ta s'asseoir daaa le sakm Yoisia. Toua ceux qui venûent de raaaaa-
dre s*atteiidaiaDt. à le voir coatiDiier le chant et l'épuiAur. P^im ds
totti^il en iofente un aatca , le laoee et l'arrête de oitaie, laisqifc ileaL
l^aÎD de sÀTO ait de vie et pounail courir une heure encore 8or le dK
vier^ Deuxheures sonnaisatà Thorloge du château quand ta^aAawafim
levée» et tons, les assistans seséporàrent pleins d'eoihoBsiaMtt pos
le grand artiste, et d*ainilié pour le vieillard qui vesaît de sadà-*
vouer à leurs plaisirs avec tani de coo^yaisance. et de ^raœ mm^
le lendeaiain, dès neuf heures, une vûHare aux aroiee de Pvasse
ae tenait à la porte de l'auberge où demeurait le makre de cbapeUa;
ce jour-là Frédéric visitait avec hii les orgues de la yille. Maigm
les fintigues de la nuit précédente» Bach s'était levé plus tAt qaa
df habitude, afin de donner tout le temps nécessaire aux soins da
sa toilette. Lorsqu'il descendit, tous les gens de la maison fweaii
émareîRes de tant de luxe et ne comprenaient pas comwont ca
Mdile seigneur, qui s'en allait à la cour en si grand éqm^pi^, éiah
loméme homme qu'ils aMÛait pris la veille pour un pauvre diable»,
àlachétive apparence de ses vétemens« Il portait un habit de drap
neîr» et par^dessoua une veste de satin de la même couleur où sec-
pantmt un édatant jabot. AjonlOE à o»^ des baa de soie« des boudts
d'or cisrié, {»*és6nt du grand-duc Léopold ,. des manchettes de des-
tdies qui se rëpandaîeot avec profusion, recouvrant à demi dm
mains d'une blancheur exquise , et vous aurez une idée assm exacM
dn costume de ftte de Jeim-Sébastien Baah. U était heureux ci
tnooiphant; ses yeax éclataieet d'une lueur de vie et de jeuneaao;
soa visage rayonnait comme toutes les fois qu'il allait s'asseoir i la
nouveau davier« Arrivé à hi prochaine éf^ise, il monta à l'oi^e»
et s'en eaipara; car c'était sa destinée à lui de trouver toiqoucik
patte ouverte et Finstrument docile , et l'on dit, en Allemagne» qik
sonapproehe l'orgue rmdait de sourds mucmureSy de même quaii
jmnmt henntt quand die aant venir son cavidier. Ma lesi]
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JVâfl WbUBBWOMm TUi
prUmiCÊ, IrasfoesaHreiitkfiMxliléiMnffittsBM danMtMjwds
ce i|«i les oit dam la ttopaar etie nmmment, œ te éeM esé-
iODitoa hnff^, shnple et sévère, cette magnHiceeee de Btyie, qtti
se pMiraitee ééployer qoe mr le vasie obamp de rorgiié. Bn effet ,
liier il était dans im salon éiratt, aiqomNl'Irai dans eae cathédrale^
Jner il n'avait pu pr^dre son caser, l'espaoe lui nanqtiah : «imai
foiaeaw royal, il £diait teroir œ matin (rovfler ses ailes etnientar «a
ploslisatdela ToAte et frapper de sa tête les murailles retentissantes,
descend» et jouer aar la daKe, et se baigner dans le sdeil,
: les ta joes aHamaient sar sa piooie las sept conleiirs de fan^
«ea-teiel. Quant i cette variété de mélodie, à oeneaboedanoeliearevse
(qeVEiB ayait tant adasirée la «veîtte, eHe s'ëiait aeorve en proporfioii
de la nature de l'instrument €ft de la solennité du fieu. C^ttut Mon
twjoins cette onde iatarissaUe , seulement elfe se répandait impé-
i et mugissante, à la manière des grands fleaveset des torfeas';
cet honutte qui savait se suffire tout un soir à lui-même et va-
jwit à rinioi sa pmsëe, sans jamais s'épuiser, démit néeessairemeflt
9e aentir bien à lUiise et ne produim que 'des cbosea sublimes, au-
jourd'hui qu'il avait un mcaaent pour ae recneiMir entre deuximpr^
visations, et qu'en cheminant d'une église vers l*aatre, il Sraverêait
ide belles promenades et des jardins en fleurs , et pouvait retremper
son esprit dans toutes les fraîches images de lanaiure.
Feadaat les trois premières heures, SAastien avait tcMemiint
^prodigué la mélodie et la sdenoe, qu'il semblait à la fin qae lafiomee
^ son inspbation dit être tarie. Pour terminer dignenoent la jour-
née, il se disposait à réoBn* -dans ime vaste sjmpbonie les idées sans
«evitbre qu'il venait de semer sur tous les ohmers de la ville , loie^
Tfue, dans la deroièie église qu'il visitait, un spoetaole doalmremt
s'ofFrit à lui. Son ame seiltit ses cordes se détendre et s'amoHir sous
des ruisseaux de larmes.
Une jeune fille était morte, et ses compagnes en voiles blancs,
ne tenaient à genoux autour d'elle. Sitôt l'ofifoe terminé, ellos se
levèrent , et chacune à son tour vint faire ses adieux i son amie,
et secouer sur le Knceul des larmes d'eau bénite. Frédéric fut énm
profondément en face de cet appareil de tristesse et- d'alMctioiL
Quand tout le pâle cortège eut déKlé devant ses yeux, le roi, von->
lant aussi rendre hommage à la morte, prit des mains de lader*
fiière jeune fille le rameau consacré , le secoua , pois tendit le bras à
kl.
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740 BBYVB DES DEUX H0IIDB8.
Jean-Sébastien, l'inTÎtant à faire de même. Sébastien avait dispsni,
et tandis qu'on le cherchait parmi les assistans , il s'âeta tooti
coup dans Téglise une musique étrange , un chant c^este et pur,
d*une mélancolie ideffiable. On eût dit un chœar entre les viande
la terre et les anges du paradis. Les unes déploraient leur chaste
sœur enlevée aux tendresses de sa mère , à Tamonr de ses compa-
gnes, aux fraîches voluptés de la jeunesse; les autr^ diaaUieBt
la glorieuse élue et toutes les joies qui 1* attendaient an del à la dnte
du Christ.— C'était lui, le grand organiste, qni répandait d*e& but
ses larmes sonores et mâodieuses, lui qui versait son harmonie ain
qu'une eau bénite sur le sein de la jeune morte. Douce viei^ (fi^
lemagne, tu tressaillis alors dans ton suaire iumaide et ili nmuiliiii
ce n'étaient point déjà les célestes rosées.
Sébastien demeura quelques jours encore à Potsdam, puis malgré
les instances de Frédéric, qui voulait le retenir auprès de loi, mai-
gré les prières de ses enfans , il alla reprendre son poste, et partit»
emportant avec lui l'amitié du roi et de tous ceux qui l'avaient comra.
Ârriyé à Leipzig, il se mit à travailler un thème qu'il avait reçu de
Frédéric, composa divers canons et fit graver Tœuvre complète, b
dédiant au royal musicien.
Ce fut là le dernier voyage de Bach. L'assiduité constante arec
laquelle il se livrait au travail avait épuisé les forces de sa vue. Sa
lampe d'études avait brûlé ses yeux, et maintenanc, cfaaqoeooit,
pareille au flot qui se retire , déposait sur sa paupière un voile de
graviers. Douloureuse pensée I il brisait le corps en fécondant Fcs-
prit, et ses veilles lui préparaient un mal triste et cuisant qi
devait finir par la plus déplorable infirmité. Sébastien devenait
aveugle. Il supporta avec calme et résignation le fléau que le Sei-
gneur lui envoyait, et s'il consentit à s'abandonner aux mains (fin
oculiste , ce fut bien plutôt pour céder aux sollicitations de sei
amis, que pour trouver la guérison d'un mal qu'il regardait comoe
incurable. L'opération fut deux fois reprise et deux fois échom.
Dès-lors il fallut désespérer : une tristesse morne s'empara di
lui, comme un pressentiment de sa fin prochaine; ses genoux
ployèrent, et tout son corps, si robuste autrefois, s'inclina vers h
tombe. Sébastien Bach traîna six mois encore une débile existeace,
et le 20 juillet 1751 , s'endormit sur le soir dans les 1»^ de ses
nombreux enfans. Le dixième jour avant sa mort, Sâ>astic^|i
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JEAN-SÉBASTIEN. 741
son réveil , vit les premiers rayons du matin glisser à travers ses
rideaux. Ses yeux» fermés hier, s'ouvraient à la lumière. Étrange
phénomène que celui qui se passe chez Thomme aux heures de sa
fin I Les ténèbres qui, pendant la démence, emplissaient son esprit,
se dissipent alors, et Fidée apparaît de nouveau, fraîche et radieuse.
L*aveugle voit , le sourd entend, le muet disserte à voix haute, et le
perclus se meut. Peut-être la Mort rend-elle à l'homme toutes ses
facultés, afin qu'il puisse la regarder en face et lutter dignement
avec elle; peut-être aussi tout cela n'est-il qu'une ironie affreuse,
qu'une démonstration terrible de sa toute-puissance. Voilà ce que tu
étais hier, voici ce que je te fais aujourd'hui : compare I
Après avoir remercié le Seigneur de ce rayon de céleste lumière
qui le visitait dans sa souffrance , Sébastien se mit à regarder ses
. enfans l'un après l'autre , et bien souvent des larmes de joie obscur-
cirent sa vue à peine recouvrée. Ensuite il se hâta de jouir encore
une dernière fois de l'aspect de la belle nature , sentant bien que
le lendemain peut-être il ne serait plus temps. Il se fit ouvrir la
fenêtre, et sur-le-champ un fleuve de lumière inonda sa couche. A
travers toutes ces gerbes ardentes dont l'œil d'un aigle eût à peine
soutenu l'éclat, lui, mourant, voyait sur un fond calme et bleu
.les étoiles éclore et resplendir. On eût dit que la nature, pres-
sentant la fin de son bien-aimé, lui donnait à la fois le double
spectacle de la nuit et du jour. Comme un homme placé dans un
puits, Sébastien, les deux pieds dans la fosse, comptait à midi
les étoiles du firmament. Ikins sa naïve extase, il les nommait
à ses enfans qui tiraient un funeste présage de cette perspicacité
subite, et pleuraient à ce triste penser, que leur père était assez
profondément tombé dans l'abîme pour compter les étoiles à cette
heure où le regard terrestre ne peut les percevoir. Enfin , il de-
manda ses fleurs, les belles fleurs qu'il cultivait avec tant d*amour
pendant les dernières années de sa vie ; il eut plaisir à voir sur
chaque tige les boutons nouvellement éclos, respira leur parfum,
détacha les feuilles parasites, et leur dit adieu, les recommandant à
la rosée. Ensuite il causa quelque temps avec sa famille , et vers le
soir, se sentant fatigué, il s'endormit. , Hélas ! deux heures après,
l'ange de la lumière était remonté à son foyer divin , et le malheu-
reux, frappé d'un coup de sang, subissait les premières ardeurs de
cette fièvre qui devait bientôt l'emporter*
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^fl2 RETR MB MOX MNDB8.
Telle OBt niîiloire de oei komme étonnant. Tmjoiiteni qt^tm
naria deux fois, li eul^ sa première 'feinme'flepl enfuH, tniae
•delaseoendey en tout onae fils et neuf filles. Tmn les flis ont éé
doués de hautes dîspesîlkHiB musiedes.
Haintenant , si ifous deseenâez dans les dèlrib de ^sa rie prifét,
^0118 ne trovrerez qoe saerifiees envers sa famifle et
-eontinnds envers les maHienreax. Comme presqne ions les '
de conscienoe et de génie , SAasIien vecot , sinon dans la nbèie,
dn moins dans l^boneraUe mëdioorité de h'fortnne. Les waoduÊU
ve?enn8 de sa Giiaff»e suffisaient à Tcntreiien de iks nondM'evx en-
fens ; qu*ai!nft^ è'soeonper ^mste? Certes, »u%ea de rirre waâ^
flengé dans fétnde -ex la eomposMon, an liea de passer des jeors
entiers à jouer an peuple les-caniiqnes du ciel, 8*9eèt voriu desoen-
dre dans les sdons des financiers de l'AUemagne» et r^enir Ma-
Teté des gcands seigneors , 4 aarak pu amasser de For (
Vautres. Mais leS'hosBmes 4e1a trempe deScbsaiiea i
jusqu'au bout I-ceuvre à laquelle ils sont appelës sor la
meurent dons la sotitude et Ikmbli philftt «que d'kmler'eos nmes
«lires qui n«fiqBentde4'afteomnie#irDe'Âo8eqinnefend.
Sébastien n'érita jamais 4'oocasion de porter seeooie A sesftites,
inen que cette occasion s'efftit à lui plus soovem-qeni i
Son détouemei^ était «connu, -et de toas les f>oinls de Ti
les artistes maflheureux, ccmme des -voyageurs égarés, se i
yers cette lumière bienfaisante. Sans te noisl>re, on «*en
pas m qu'il n'ait aoeueili, €ak asseoir A sa -table à 6M ée «es
enfiinSy et pour lequel il n*ait employé tout son cpé^ LeslMmnMS
léb que hii marchent an milieu des bënédioiiens 'de h mullituâe;
la sérénité de ienr mage, le ^duH'aie de leursdisoeurs, itapuadsit
lliarmonie autour d'eue et préparent les Qmes Aje^fotrlamaBi
que divine. Ils sèment dans le peuple la parole H)ui 'leur est dMMéSy
et partout oà la terre est bonne, ce grain prend racine et fine-
tifie. Heureux celui qui passe sa jeunesse en leur intimité; kan-
reux celui qui se souvient de l'œuvre qu'ils ont faite, et quand Us
sont oubliés de tous, écrit l'histoire de leur vie. La vie de ces
hommes est comme une racine dé bois de rose qui pwAme d'agréa-
bles senteurs Tatelier de rèbémste qui la travaille.
A quelques différences près, le piano et l'orgvie paraissent ana
gens du monde des instrumens d'une même nature. Tous les deuK
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jiriKèdiUEit parocUTes etvi()ODd«ntàraxtouchemeAtdesdoigt9..Ce-
pendant le nmsicieD^ queUe que soU cl*aiUeurs sa puissance sur Iq
pipua, s'il Teut ÎQoer de Focgue», doit conuna&cer de noaveIle&étup>
des» car ces deox instruoiens » malgré Iei»r affinité apparente, sMitaa
fond dissemblables l'un de rau(re, tant par la style que par le but
^la destination. Lepianoa desdiaats légers et capricieux» des mo-
tifs entratnans , des notes rapides; c'est l'inslrument de la fantaisie,,
quelquefois aussi de l'inspiration» témoîos Mozart et Beelhoven»
l«*OBgae est solennel et magmficpie et cbamiac à pas lenls. La mn-*
Miue du piano ressen]i>le à ces «lenrse&quises et voluptueuses qui
enivreot avant cpi'on ait pn les nommer» tant elles se dégagent par
eTbalaisons imperceptibles^ La inusique de l'orgue, au. contraire^,
nonte par lai'ges bouffées comme les màlas senteurs de la plaine,
oomma^ks vapeurs d(a l'encensoir*
Nul mieux que Sébastien n'a senti cetto différence j^ofonde :
après a<vair atteint sur le piano wie fioirce aujourd'hui encore saps
exemple, se sentant appela {dus haut dans son art, et d'aillearSi
estimant la couronne de l'orgMiistei préférable à toutes cdles qtte>
la musique donne, il ne recula poinf devant les aspérités de sa nour.
yàhè t4che. Le maître eut le courage de se fiûre écolier* fiès4or8 il
passa s^ift relâche do la théorie à la pMique, ecmsnma ses nuits k
lire les oeuvres deBobm, de Casp. Kerl» de Biatehnde> et ses jourst
à les exécuter. Q remua In^gue dans ses entrailles, prit à part cha*
que voix de la grande harmonie, afin d'ai^masurer l'étendue et k
puissance, se rendit compte do toutes les ressources de la pédale et
dn registre; ^[ifin, s'initia dans les mystères de l'instrument de
tdle sorte, <yi'U parvint à le ooimaltre jusque dans les moindres
d^ttû}& de sa construction matérielle. Aussi , ce n'est pas lui qui ja*
mais eût apporté dans le sanctuaire de ces airs de théâtre et de
taverne; ce n'est pas lui qui serait venu joyeusement éparpiller sur
l'orgue de ces tristes motifs dont on amuse les salons; il savait trop
bien qu'il lui feut un plain-chant grave et sévère.
Les sona puissans de Forgue ne peuvent se rassembler sur des
motifis iogénienx et rapides; il leur faut du tempe pour se dépIofer«
Lforfue est un vaste métier, l'artiste qui l'émeut un tisserand su*»
blime, et les sods^ pareils i des fib de soie et d'cdr, en sortent fax
milliera aux heures du travail, les uns aigus, les auties graves,
tmtr^ irainans et sotannnb,^ eeux-lé j^f«ia et méteffignest 1k
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744 RETUE DBS DEUX MONDES.
sortent et flottent quelque temps au hasard > et ce n'est que sons
la voftte immense du sanctuaire qu'ils peuvent se réunir et se for-
mer en un tissu mélodieux. La musique des orgues est lente et so>
lennelle. Celui qui tient les voix divines en sa puissance» celai qà
s*en est rendu mattre par l'étude et la foi, arrive au sanctuaire som
rinspiration de la fête qu'on y célèbre. Il faut que les voix de la tr«*
tesse et de la douleur chantent haut dans son ame, et ce n'^t qu'à
cette condition qu'il peut les transmettre à la foule. H monte à h
tribune. Sa première phrase est grandiose et simple; la seconde
ressemble à la première par la mesure et Texpression, et cela doit
être. La cathédrale est vaste, et roule son bruit long-temps en ses
entrailles profondes; or, bien souvent une phrase éclate sur le da-
vier de Torgue lorsque celle qui l'a précédée ne s'est pas tout-à-iaâ
exhalée encore; et voilà pourquoi la musique des orgues doit être
exempte de diffusion, arrêtée et logique.
L'orgue, par ses préludes et ses ritournelles, élève et maintient
rame sur des sommets divins qu'elle atteindrait peut-être un jour,
livrée à ses propres forces , mais d'où certes die tomberait bientôt,
si les ailes de l'harmonie ne s'ouvraient autour d'elle. Cette musique
bienheureuse passe, emportant l'afBiction du présent et les pensées
terrestres qui sont comme la poussière qui ternit le spiesdide mi-
roir de l'ame. Une phrase ordinaire et commune, quel que soit le
vêtement dont on l'entoure, ne deviendra jamais soleoo^Jè et ca-
pable d'éveiller des sentimens élevés; il fout donc la terni loin des
orgues. Et qui jamais a mieux compris cela que Sébastien? Avant
lui, de grands musiciens religieux avaient accompli leur tâche. Al-
legri, Palestrina, Buxtehude, avaient préparé sa venue, et l'ég^
garda leur voix sous ses arceaux, jusqu'au jour où celle de son fik
bien-aimé se fit entendre.
Vraiment il est des hommes à qui la divinité fait une part bien
belle en cette vie; ils viennent au temps des fruits et des récoltes,
et vendangent avec la vigne que d'autres ont plantée; ils entrent
dans le champ et fauchent les blés qui ruissellent encore des gouttes
de sueur et des larmes de leurs frères qui se sont endormis la veiQe.
Leur gloire à eux, c'est de faire une bonne journée de travail, de
faucher les moissons épaisses et de les mettre en gerbe, d'en s^rer
les mauvaises plantes et les petites fleurs, de brûler les unes et de
Jeter les autres sur le bord du chembi où les enfons qui passent
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JEAN-siBASTIElf. 74S
les recueinent pour s'en faire une couronne; et le soir, quand ils
rentrent dans la ville, le peuple, attiré par les chaudes senteurs du
cliariot, accourt en foule et les salue avec des cris d*amour, et
chante leurs louanges , oubliant les faibles qui sont morts. On
«lirait que Dieu, avant de donner à Tidée un cerveau qui puisse
la contenir sans éclater, l'essaie en des têtes débiles qu'elle brise,
et lorsqu'il a tenté les hommes et les sent capables de supporter
la pleine lumière de ce soleil dont ils n'ont vu que des rayons
fuyans, le jour étant venu. Dieu crée l'ame prédestinée, l'entoure
d'une argile puissante et généreuse, et lui dit en l'envoyant sur
la terre : c Tu t'ouvriras à toutes les émptions de joie et de dou-
leur; tu iras te perdre dans le bois; tu monteras sur la montagne,
et là, dans le recueillement, tu rassembleras dans une symphonie
tous les bruits qui te frapperont, et tu t'appelleras Beethoven; » ou
l>ien : a Tu visiteras la cathédrale, tu chercheras à surprendre le sens
mystérieux des paroles qui se croisent la nuit sous ses arceaux, et
tu les révéleras aux hommes, car je te donne le champ des orgues
pour domaine, et pour nom Jean-Sébastien. » Certes, c'est là une
part- qui semble assez belle , et l'on s'étonne après que les fléaux
s'abattent sur ces têtes sublimes, et Ton déplore les misères d'Âli-
ghieri, les tristesses de Beethoven, les pâleurs de Raphaël et de
Mozart I Mais ceux qui se lamentent ainsi, ne savent donc pas que
l'inquiétude est la sœur fatale du génie, que Dieu seul se complaît
dans son œuvre éternellement, et qu'il est aussi impossible de créer
sans travail ni souci, que de ne point mourir. Et si les fléaux ne
frappaient pas ces têtes augustes, sur qui donc tomberaient-ils ici-
bas? Serait-ce sur le pauvre d'esprit qui passe et cache son front
dans la foule? Mais il n% pourrait les supporter; et d'ailleurs, vou-
lez-vous enfoncer dans sa chair les épines d'une fleur qu'il n'a pas
respirée, et l'entourer des ombres d'un soleil dont il ne verra jamais
la lumière) Allez, Dieu est juste; quand le tonnerre tombe, il s'at-
taque au cèdre couronné plutôt qu'au brin d'herbe qui tremble ;
l'égalité des adversaires fait la grandeur du combat. Beethoven était
sourd; mais croyez-vous que Beethoven n'eût pas ouï, dans sa jeu-
nesse, plus de bruits mille fois qu'il n'en faut pour briser des oreilles
humaines? croyez-vous qu'on puisse impunément écouter chanter les
fleuves et les montagnes, et que les paroles que vous disent les fleurs
en vous révélant leurs mystères ne détruisent pas les organes simples
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716 EETinS 0BS «EUX «<>ia>E8.
de la Tîe, lorsqu'elles les trayersent pour arrriver I^ITaniéTIBflmta
Batch est mort aveag^'; mais les T^[cirds de 'S^oistien araientd^
passé les ihnttes de I*horizoa. ÀTant de se régler à Meise-dai» toole
lia gloire, Jebova dit aa propirèfte de se roMer la foce, car aotrenieÉt
il serait ébloui par b limiière dirine et perdrait ht me. St € est 1,
croyez-le bien , tm nmg^oifiqae symbole.
Toutes les toîx de louauge ^t d'amour, tous les psaumes de doiK
leuret de lamentation qu'une urne religieuse élève vers Dieu das
son extase ardente, ou laisse s^exhaler en ses momens de tristesse^
dinquiëtude, tout cela est dans l'œavre de Sâ»stien. Sèbtstiea
Bach est le chantre de l'église , comme Albert Dftrer ^en eft ie
peintre. Les moyens dont lean-Sébasâen Bach se serrait poor it-
teindre dans l'exécution à des effets si grandioses, consistaient prâ-
cipalement dans son harmonie divisée, dans l'usage de h péiUe
obligée, dont si peu connaissent les ressources mystérieuses,
dans la manière de traher les plains-diants et de condbnier les
registres. Il suffit d'examiner les diorals de Sébastien pour oom-
prendre conArien la musique d*ég!ise , grâce à la différence qui m
sépare les tons de nos modes mineurs et majeurs , prête i des mt-
dulations inaccoutumées. Hais nul ne peut se faire une idée juste
de l'harmonie divisée, sllu^a plusieurs fois entendu le jeu de l'or-
Igue. Cest un chœur de cinq voix , chantant tomes dans leur fmrtîe
et leur étendue naturelles. Essayez sur le dai^er un accord en liar*
monie divisée, et d'après cette épreuve, il vous sera fadle decoiB-
prendre^piel effet puissant doit produire un monrceau exécuté toit
entier de la sorte,àtiuatrc voix et plus. Cest ainsi que Bach jooait
totijours de Forgue; et dans l'enthousiasme de Fexécntion, il ne se
contentait pas de donner avec la pédde de shnples tons fondamet-
taux, il jouait avec ses pieds des mélodies de basse si rapides sonveot,
que tout autre organiste que lui aurait eu peine à les «xécut^ aise
les cinq doigts delà matn. Atout cela, il feutjohidreiencore le secret
merveilleux quH avait de réunir les voix de l'orgue ^t de rassembkr
les registres; et telle était l'étrangeté de sa foçon d*agir, queliieB
des oi^fanîstes s'épourantaient en le regardairt (aire. Ils croy»eflt,
les pauvres gens, que de ces voix ainsi combinées devait jaiflir h
dissonnance , et s'étonnaient ensuite en voyant l'org^ue épanouir sa
gerbe harmonieuse et semer des sons éctatans et tels qu*eux nV
Taient jamais su en éveiller.
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Cette maniàre de Degistpei^ étail W fnàï d'iiae ooniiAieBaiice pro*
fonde de la constroetioa de Tos^ue et de lotîtes ses toî^l. Q s'élftil;
babilué de bonne heure à doDoer à chectiBe la mëiodie confonna
à sa nature, et ce fut ainsi quil trouva mille combinaisons non-
vdles, auxquelles autremenl il n aurait peut--étre jamais pense.
Sebastien tenait de la nature et de ses études sévères une facalté
bien rare : il découvrait dans toute chose son rapport avec la sut-
sique^ et quand le fil qui liait un objet à son art ^ eùl été plus im->
perceptible cent fois et plus ténu que le moindre rayon de himiére»,
il neût pas échappé à son rc^rd pénétrant» qui s*en emparait
aussitôt» La persévérance qu il metlail à exécuter les grandes coot*
positions en certaines ^leeio tes dont U: avait découvert la propriété
sonore, l'instinct merveilleux qui lui faisait surprendre une faute
dans la musique la plus laboriensement écrite» et saisir comme avec
le doigt une petite note qui fuyait, cherchant à se dérober dans le tor^
rent de l'harmonie^ tout ceb peut servir de preuve à ce qoe j'avance.
EnFannée 1747, comme il se trouvait àBerKn, on le conduisit dans
la nouvelle salle de spectacle. Dès le premier coup d'oeâ, il découvrit
tout ce qui pouvait y être avantageux ou défoverable à la musique*
Ensuite, il entra dans le foyer, parcounit la galerie qui régnait
tout autour, examina la vo4te, et dit à ceux qui l'accompagnaient:
« Messieurs, rarckiteete a fint ici une œuvre d'art sans le iK>nloir
peut-être et sana que nnl de vous s'en dbnte. d En effet , telle était
l'erdonnanoe de la voûte que le son, parti cFun point, allait tomber
de Fautre sans se répandre dans I» salie. Il montait dTun seul jet,
s'inclinait ensuite eemme uniarc^en^nek harmonieux, de sorte que
deux personnes, la lace tournéedu eàié de la munîMe, ponvniem?
converser ensemble, à l'iosn de tous les assistans. Et que Ton ne sY
trompe pas, la sagadtë spéculative de Jean-Sâxistten contribua
peut-être plus que tout autre chose à le eonduive, par ms assemblage:
inoui des différentes voix de l'orgue , à certains efifets iaeonnnaavant
lui, et qui puraisseat de nos jours-impossiUes.
La pédale est une partie essenlielie de l'iNrgne; c'est net appft^
mil sdennel^ qnî donne à finstrument du sanctuaire sa puissance
et sa grandeur, et Félèm aiMkssua de tuas les antres. Sans fat
pédale, Forgue perd sa magnificence et rentre dans la classe de
tous les claviers stériles qui font la désolation éternelle du maître,
enr ttueiiant cbesbii oa embnseiafim^quiilft snntLensaitftinhaUlesii
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748 EBTUS DBS DEUX MONDES.
satisfeire. Mais plus la pédale est une partie importante et capable
d*efiets miracDleux , plus elle exige , de la part de celui qui s'appro-
che d*elle , une habitude profonde , une force rare de modératioii.
L'organiste doit connaître tous les points de son vaste domaine,
et lui demander tout ce qu'il peut donner, car ce qu'il peut dooner
est immense; et certes Bach le savait bien, et jamais paysan avide
d'une double récolte ne laboura sa terre avec plus de constance
et de soin, que lui le champ des orgues, sous lequel il entendait
sourdre d'étranges bruits ignorés des hommes. Et les effets qu'il
obtenait tous les jours, Sébastien les devait moins encore à son
harmonie admirable qu'à cet art merveilleux, qu'il a possédé seul,
de donner à la pédale la voix qui lui est propre.
Les compositions que Bach a écrites pour l'orgue , se divisent
naturellement en trois classes.
La première contient les grands préludes et les f u^es avec pé-
dale obligée. Il serait difficile de déterminer précisément le nom-
bre de ces compositions ; je pense cependant qu il ne doit pas s'é-
lever au-dessus de douze.
La seconde, les préludes sur les mélodies de divers chorals. Les
morceaux dont il est ici question exigent la pédale obligée, dif-
férons en cela des chorals que Sébastien écrivit à Amsrâdt, et que
l'on peut , au besoin , exécuter avec les seules mains. Leur nombre
monte bien à cent. Forkel en possédait soixante-dix. Il est imposr
sible de rien entendre de plus digne et de plus sacré que ces préludes.
Six sonates en trios pour deux claviers avec pédale exigée.
Bach les composa pour Taîné de ses enfans, Wilhelm Friedmaoïi,
lequel dut peut-être à l'étude sérieuse qu'il en fit le talent éleré
auquel il est parvenu. Je dirai, pour tout éloge de ces œuvres,
qu'elles furent écrites par Jean-Sébastien dans la force de Tàge et
la maturité du génie.
L'harmonie de Sébastien est le plus souvent un tissu de mélo-
dies nettes, limpides et chantantes, et dont chacune peut devenir
à son tour partie principale; dans ce genre de composition, Se*
bastien n'a point de rival, il n'existe rien de par^ au monde (<].
(1) Il y a bien des gens qui prétendent que Bach n*a fiilt que perfectionner rharmoaie.
Pour tout homme qui a de lliarmonie lue idée droite et Jatte et se la repKésente c
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JEAN-SÉBÀSTISIf. 749
Test une fécondité miraculeuse qui semble prendre à tâche de
atter constamment avec les règles delà plus austère science. C'est
*aoge qui revêt une chasuble pesante sans rien perdre de sa libre
lémarche et de la fontaisie de ses ailes, la pensée enin qui baisse
a tête, et de propos délibéré se soumet à la forme. Certes, sous
e souffle de la pensée , la forme se dilate et grandit d'une façon
Hrange, mais jamais au point d*èclater; on ne cesse d'apercevoir
à divine chrysalide à travers les innombrables fils de soie et d*or
lui se croisent autour d'elle et Tenveloppent. Elle chante, s'agite,
n bat des ailes. Tantôt c'est l'ange de la mort tenant une pahne
luprès d'un sépulcre , tantôt Marguerite qui file à son rouet ou
peigne au soleil ses cheveux blonds ; quelquefois on croirait voir
une princesse enchantée dans le palais de cristal oii la retient cap*
tive quelque vieux magicien de Bohème.
Dans les œuvres que Sébastien a écrites à quatre parties, vous
pouvez presque toujours supprimer la partie supérieure et la par-
lie inférieure sans que la musique en devienne moins claire et
moins chantante. Ce sont les voix intermédiaires qui se chargent
alors de tout le travail , et portent à elles seules le poids de l'har-
monie. C'est par luxe que Sébastien attelle quatre chevaux à son
char; telle est leur race généreuse que deux suffiraient pour le
conduire aux étoiles.
I^ manière dont Bach traitait la modulation et l'harmonie une
fois adoptée, sa mélodie devait nécessairement prendre une forme
toute particulière. Le musicien, en rassemblant plusieurs mélo-
dies dont la destinée est de chanter simultanément et de tendre au
même but, doit surtout bien se garder d'en affectionner une plus
que les autres, et de la travailler avec plus d'amour, de sorte
qu'elle attire sur elle toute l'attention de l'homme qui écoute. Il faut
que les mélodies se partagent l'éclat entre elles : c'est tantôt l'une
qui porte la couronne, et tantôt l'autre; et même il n'arrive jamais
«n moyen d*agrandlr et de développer les reiaoïmet de Part , U ett érldent qu*eUe ne pent,
tons quelque prétexte que ce soit, se passer de mélodie; et maintenant, lorsque Tharmo-
nie est , comme chez Jean-Sébastien , nne mélodie compliquée , Je ne conçois pas comment
on peut sérieusement soutenir cette opinion. On peut dire d*un homme qu*il n*a fklt que'
perfectionner la mélodie ; à tout prendre, la mélodie peut être telle par elle-mdme et tans
le secours de lliarmonle, tandis qu'une harmonie élevée et pure n*eilste au contraire qu%
U condition de la mélodie. Lliomme qui a perfectionné lliarmonle a perfecUonné aussi U
mélodie ; on n'en peut dire autant du mélodiste simple qui n*agit que sur unepartie du tout.
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Tm^ RETU&' ms ms «qrdes.
qà*nmt iiétodie règne tMle seule, caries antres qfsi ckantem
pMPaisseBlMiQÎiidrir Véàaà de kt mélodie prâiieîpale en dimafttfi^
teetîoa; je dis puraissent, car ponr rhooMne qui voit de hem, e
drul eoe^ dœil embrasse le traTail de la sysiphone^ an te di-
rMMudrîroet édat, dies raagmemeal. Ea outre*, on tel assriabhp
^TOULfiorce la omapesitear k se serw de cenabies fornaksdnl
le prooèdé Iiomephemq»e le cfisf>eose oomplètemeiit* Cest mue
<A0se de diriger une seule voix qui se- meut sans okwtacle sar ni
roBte unie, eu dfen conduire plusîears qai, parties ds différai
paÎBli 9 doireni se joindre tôt ou tard, et de leur ménager des !«»
contMs benrsuses de peur qu'elles ne se heurtent de front an toi
deia*enlaorr, et ne laissent dans lea ténèbres^ en expirant, le royann
senere qu'elfes animent. Tout homme, pourvu qa'il ait fait desémb
sérieuses , est capable d*accom^ b première de ces xAAes; poor
la seconde, AfaHaillean-Sdbastien Bach. En vérité, je ne puis voir
lenaux cotttrepoimîste se prannner à pas lens dans lescampa([M»
dnia Thuringe, rèfanl aux harflunâensescombinaisens deseifoiiy
san» penser à Tarehirote Lindherst vasseasblant en groupes m*
giqnss les^ petits serpaas de son jardin.
Cette oompication des toix oeeasioae des formules de mdoii
nmifeUee, étranges, inouïes, et devienc une des eause» qui fini
que la mélodie de Sébastien a si peu de parenté stwee ceile du
antres cempesileufs. lorsque cette forme ortgînalc ne dégénère
pan en pédantiisme sceiastîque, et doane conrs i des diantsAnidn 1
et naiureb, ele a d» ressources immenses pour le musiciea^ 1
remploie, sms jamais entraîner d'antres imtonréniens que eeliià
dèpbîre i tai partie ignorance ém pnUic.
Cependant tentes les mélodies de Bnah ne sent pas dé eetun*
tare. Lesméindies de ses ceaqioeilians^Mhres sont teUemeatdars
et faciles, qu'elles peu^^ent élre comprises par les inteffigeaces ia
moins enercées; Td sont les-pcdhides et les suites où la ment oit*
ginalité de pensée règne pourtant toujours. Un des caractères prit-
ripann ds) In nmeiiine dn Bacbesade ne point Weiliir. Je sais hn
de nier, cependant , qu^on ne trouve çà et là, dans ses prensèrt'
compositions, certains passages oubliés maintenant» eertna*
fermutashoBs d*nn«e, qnt appostienncnt phnôt à répefn«
Sebastien écrivait qu*^ Sébastren hi{-m£tae. Séhasuen Bach, coni^
^qi^cès lui Mosact^ a iaiti phis d*una concessîûa aa maafaisf'
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âonâiittt. G*€8C UHdassiB ^pie le leinps ti fî>cppë, devenu ^V
smis était ré9M«v^ à nmis, veMS^»Bt aasphislard, 'de mien jouir
ée son enivra que ses eonteniporaiMy tenle chose paérile et vtàÊe
s'en^éuoÊi •effacée. Il eei des eetin*e8 boaaefl et waoes que le imnps
m'actaqve pas dans leurs radaes , -caril sait biea qœsa Cnix s'énaiDua-
BctAît sans 4es détruire. Vœinre de Jean-Sébastien 'est tte^eenenh-
bre? i^*est là on arbre généreux eti^ert que le temps n'essaie lias
d'abattre, mais qu'3 émeode prudemment. Toute la mâodie que
Sébastien a tirée des sources profoncks de son ame, et répandue^
"lots sans égard pour les caprices de h foule; tome cette mékxiie
«st «ncoreanjourd*liui aussi fraldie, aussi limpide^ aussi pore que le
jonr où eBe est venue à la lannère. Il est bien pen de compositions
de cette époque dent-on puisse drre la même diose. Les œuTres de
Kaiser et de Handel, maîtres rèligteux et vénérés» ont vieflK plus tAt
qa'on n'aurait dé le croire , et ce phénomène a sa loi dans le genre
éesHisiqne qu'ils avaient ohoisi tous les deux. Kaiser et &ndei»
compositeurs populaires » devaient nécessairement mêler à leur
langue divine quelques^nes des^ pareles ayam cours dans la ferie
à laquelle ils s'adressaient, cft céder par force an mauvais goàt du
temps. Or, la mode dans Fart ^t une diose pernicieuse et ftriatle.
Handel en offre un exemple éclatant; ses fogues de chant sent
toutes aujourd'hui encore dans la fealebeur de la jeunesse et de la
beauté, tandis que ses airs^mt vieilH, et qu'à peine dans le nom*
bre vous en compteriez six que Ton puisse entendre désormais anse
Sont le respect dû à ce nom giorienx.
Quelle-que soit la forme que SdMotien adopte, il hdomine :nsle
part les moindres vestiges d'embarras ou de travaM pénBde. H ne
manque jamais le but auquel il tend; chez loi, tonte chose asaloi
d*existence, toute diose est inieet complète en soi. Seriez-vons Ho-
zart ou Beethoven, il ne vous viendrait pas à l'esprit de vouloir, dans
tel passage de ses œuvres, une note quelconque plutôt que eèBe
qa'Uy a douée.
En divers genres de composittOBB,pluâeursnialtres ont créé des
cheft-d'œuvre qui peuvent, avec honneur, être placés à c6lé des
siens; il existe des allemandes de Haadei et de certains autres, qiu^
moins riches peut-être que. celles de Bach , leur tiennent tète cepen»
dant. Mats dans le domaine de la fugue , de tous les arts du contre-
point et du canon, S<a)asiien est seul , tdiement sed , que biea Ma
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768 RBYIJB DES DBDX llOin>BS«
autour de lui le champ est vide et désert. Jamais» on peat h en
hardiment, une fugue n*a été écrite qui puisse élre comparée à h
moindre des siennes. Qui ne connaît point les fugues de Jean-Sébu-
tien Bach ignore parfaitement ce qu'est ou doit être une fugue.
La fugue» telle qu'on la comprend d'ordinaire dans les écoles^ ot
une sorte de travail insignifiant et puéril. On prend on ihèoie, «
lui donne un compagnon , on les transpose tous les deux , Tua après
I*autre en des tons relatifs, en ayant soin, dans toutes ces cranpo-
sitions, de les soutenir par les autres tons, au moyen d'une eapèotk
basse fDndamentale. Voilà ce que Ton est convenu d'appeler aiiiotf-
d*hui une fugue. Vous devez bien penser qu'il en est autrement de
la fugue de Sébastien ; celle-là satisfait à toutes les exigoices d'âne
composition libre. Un thème caractéristique, un chant <pii en dé-
rive et se répand comme un ruisseau dans les moindres sentiers di
labyrinthe harmonieux ; chez toutes les autres voix , un motif indé-
pendant, une parfadte intelligence de FensemUe, et, du comoiah
cernent à la fin, une allure franche et libre, une fusion nùraculette
des élémensles plus divers, une inépuisable richesse de modulaiiotf»
unité et variété dans le style, dans le système, dans les carrures, et
. enfin, une telle animation , une telle vie répandue sur le tout, qa'i
chaque instant il semble à Thomme qui se tient au davî^ que ks
notes se transfigurent et resplendissent sur les lignes des pages.
Voilà les quaUtés de la fugue de Bach, qualités merveiUeuses a
qui doivent exciter Télonnement et l'admiration de tout bommeo
pable de comprendre quelle puissance d'esprit surnaturelle il £i£
pour satisfaire aux innombrables conditions d*un tel ceuvre. Toaiei
les fugues de Bach réunissent les mêmes avantages ; toutes se re-
commandent par des qualités sans nombre, et cependant chacoss
. est belle à sa manière; chacune a son caractère déterminé^ et dvs
la mélodie et l'harmonie, ses formules qui en dépendent, de icle
sorte que lorsqu'on connaît une fugue de Jean-Sébastien, et qm
l'on est parvenu à l'exécuter, on nen connaît véritaUement et le
peut en exécuter qu'une seule, tandis que pour savoir par eœtf
toutes les fugues des maîtres dorson temps, il suffit d*aToir décoir
vert les mystères de l'une d'elles.
Ce fut à Weimar que Sébastien eut pour la première fois I'ooch
sion de s'occuper de musique vocale, ici, comme toujours» soi
style est solennel, religieux, et tel qu'il conviel(^ au soget Cas
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lEAIV-SÉBÀSTIEN. 753
chose qui frappe dans ses motets et témoigne de son bon goût,
c'est son ëIoig:nement ponr les concetti si journellement usités dans
la musique d'église. En effet, il ne lui est jamnis arrivé de cher-
cher à rendre Texpression de certaines paroles. Il voyait de plus
haut, et se contentait d'exprimer le sentiment général sans s'in-
quiéter de la lettre. Ses chœurs sont pleins de majesté, ses récitatifs
bien déclamés, et pourvus de basses imposantes. Dans ses airs, où
n se trouve tant de mélodie heureuse, il semble s*étre conformé
aux forces de ses chanteurs, qui poussaient néanmoins de longues
plaintes sur la difficulté qu'ils avaient à les exécuter; et si sa musique
d'église est moins admirée de notre temps que ses autres œuvres,
c'est à leur médiocrité. qu'il faut s'en prendre.
L'œuvre de Jean-Sébastien est immense et telle qu'au premier
aspect il semble impossible qu'un homme ait pu élever un monu-
ment pareil. C'est une fécondité sans exemple. A quoi donc, s'il
vous platt, comparer cette ame d'où s'est échappé assez de mélo-
die pour remplir toutes les églises, tant que les églises seront
debout sur la terre? A quoi la comparer, cette ame, si ce n*est
à la nature, sa mère, qui tous les ans jette hors de son sein les
fleurs, les moissons et les sources d'eaux vives? Si l'on vous di-
sait : Un homme s'est trouvé qui a écrit des chorals sans nombre,
des préludes, des morceaux d'orgue et de clavier, des fugues, des
livres de théorie sur son art, des solos pour tous les instrumens,
des oratorios, des messes, des magnificat , des sanctus, des motets
à deux chœurs, des musiques de baptême , de fiançailles et de mort;
et tout cela est beau, tout cela est épique, tout cela est grandiose
et marqué de génie; auriez-vous assez d'admiration pour cet homme?
Eh bienl tout cela n'est qu'une faible partie de l'œuvre de Jean-Sé-
bastien Bach ; tout cela pourrait disparaître sans que sa gloire en
fût altérée, car il a fait, en outre, de quoi suffire pendant cinq ans
à tous les offices de l'église , et mis cinq fois en musique la passion
de Jésus-Christ.
Pour rinconcevable hardiesse de la conception, le travail minu-
tieux des parties, l'exécution exquise et délicate des moindres dé-
tails, l'œuvre de Sébastien ressemble à une cathédrale gothique.
Arrêtez- vous sur la place d'Amiens, de Strasbourg ou de Cologne,
à l'heure du crépuscule matinal : le ciel se teint des premières lueurs
de l'aube, l'alouette s'éveille à peine, cette masse de granit vous
TOME vn. 48
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754 RETUB mis DEUX MÛSDE8.
étonne; vous admirez ces dimensions ipgantesques, et le cerrai
puissant qui a donné une telle forme à sa pensée. Vous sentes ré*
mouvoir en vous le sentiment de Fimmensiié, oomme œbfoot
est arrivé jadis en &Lce de Fooéan. Tant d'harmonie et de gtao-
deur vous absorbe; vous croiriez faire un «acrilége en demandiat
à cette merveille des conditions d'étendue et de hantewc Cepa»-
dant le maiin se fait, les hirondelles et les ranûeis quoentleon
nids de pierre, le soleil darde en plein ses cay«ns &ar les rosam
du portail 9 et votre rêverie disparait avec le dernier voile du brouil-
lard qui tombe. Alors la cathédrale se réirèle à vous dans tootrédil
de sa variété naturelle; alors vous découvrez des richesses am
nombre auxquelles vous n'avez pas pris garde en votre étonnemesL
C'est Marie à genoux recevant la visite de l'archange, c^est LazaiB
sortant du sépulcre sous Timposilion des mains ; et vous êtes étàaà
par la céleste et naïve expression de ces figvres dont KHUM'iiaiiie
vous ne supposiez pas seulement l'existence. Que serait-ce donc â
vous alliez plus avant sous la nef et dans le chœur, là-bas, oàie
tiennent assis au milieu de leurs peintures Albert Durer et Jean ëa
Bruges? Telle est l'œuvre de Jean-Sébastien Bach; à mesure qaa
TOUS entrez plus profondément en elle, vous y trouvez des trësoff
de mélodie et de science, des combinaisons nouvelles et curieoaea,
et mille choses enfin que Tintelligence la plus vaste ne peut embra»-
ser qu'à la condition d'une étude persévérante. Que ce/si dont les
chagrins ont flétri l'ame jeune se voue à Tétude de ces œuvres,
il y trouvera des consolations sévères et durables, et des phûsiis
calmes et renaissans. Il pourra vivre heureux sur la terre, et ii-
motion ea émotion s'acheminer jusqu à la tombe, cooune un oiseaa
blessé gagne de branche en branche le nid dans les bruyères^ I
verra chaque jour de nouvelles étoiles resplendir à ce firsianBit
sonore, et fermera sa paupière avant de les avoir toutes oompiiei.
HenhiBlazl
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DE L'ESPAGNE
A PKOPOS
DU NOUVEAU MINISTERE. •
S*fl est yrai que le précédent cabinet soit tombé devant Tinsur-
Tection des provinces espagnoles proclamant la constitution de
1812, et devant Tinlpossibilité de faire adopter à la couronne son
système de fidélité au traité de la quadruple aUiance, qui, depuis
long-temps, n'était guère qu'une neutralité entre Isabelle et don
Carlos, l'avènement du ministère doctrinaire annonce mie politique
nouvelle. Imposition et le r61e du nouveau ministère lui sont com-
mandés par la circonstance qui Va fait naître. Son vouloir, contraire
à la révolution espagnole, et les concessions auxquelles il peut être
poussé, le mettent en face de cette révolution dans une situation
nécessairement hostile, et qui, si elle ne va pas, comme sous
Louis XYin, à une intervention déclarée, ne se fera pas faute des
intrigues, délations et mauvais conseils, en un mot, de toutes les
Ikiachinations ténébreuses qui sont à Tusage de la diplomatie. T^iTous
aurons aussi notre cordon sanitaire pour nous défendre de la con-
48.
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756 REVUE DES DEUX MONDES.
tagion morale y heureux si les difficultés intérieures, la peur d'il
surcroît de dépenses et de tout mouvement extraordinaire , «npé-
chent ce cordon sanitaire de se changer en intervention offensre.
Éclairée par l'expérience, la révolution espagnole doit se tenir
sur ses gardes. Qu'elle n'oublie rien de la première phase de sot
histoire, du premier acte de son drame. Les évènemens de la pré-
cédente époque consUtutionnelle , comprise entre 1820 et 189,
sont connus et appréciés. D est inutile d'y revenir, si ce n'est pov
conseiller de ne point les perdre de vue. Mais, pour que Texpé^
rience soit complète , il faut remettre en mémoire une autre époque,
moins connue, quoique plus rapprochée, et dont les enseignemess
doivent être encore plus instructifs et plus éclatans; je yeux dire,
le temps écoulé depuis la révolution de juillet, et qui a vu l'Espagne
s'avancer peu à peu de l'absolutisme à la constitution quasi-répa-
blicaine de 1812. Cette époque, je vais essayer de la retracer som-
mairement. Acteur dans les évènemens qui signalèrent les premièret
agitations de l'Espagne, lié d'amitié personnelle avecla plupart des
hommes que l'on y a vus successivement à la tête des afiEsires et
des armées, ayant assez la connaissance de ce pays et de son Uf*
toire pour avoir pu, dans quelques écrits, rappeler des choses
oubliées de ses voisins et presque de lui-même; peut-être m'est-
il permis de me présenter, en fidèle allié des patriotes espagnols,
dans la lutte qu'ils peuvent avoir à soutenir contre b poUtûpie
doctrinaire.
La révolution de juillet fut saluée par tous les peuples o{^ri-
mes comme une aurore de délivrance. Les réfugiés espagnob
surtout durent croire qu'après l'attentat politique de 1^^, qà
les avait chassés de leur pays , la France, libre à son tour, devait,
par justice et par intérêt, rendre à l'Espagne la liberté qa'ei»
lui avait ôtée. Aux premières nouvelles de la victoire des trois
jours, ils accoururent à Paris de tous les points de l'Europe, et
bientôt une réunion s'y forma, une espèce de junte, composée
de toutes les sommités de l'émigration libérale, anciens minis-
tres, députés auxcortès, généraux, conseillers d'état, etc.; je
citerai seulement ceux qui, depuis lors, ont joué des rfties impo^
tans dans les affaires de leur pays, le comte de Toreno, MIL Mea-
dizabal, Isturiz, Galiano, Angel Saavedra (duc de Rivas), Ct-
latrava, Gil de la Cuadra, Torrès, San-Miguel, Seoane, etc. Celle
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DE l'espagne. 757
rëmûon se mit aussitôt à l'œuvre. Elle avait » dès Fabord, à rem-
>lir deux tâches principales : rétablir des relations avec les pa-
;riotes espagnols de Tintérieur, et se mettre en communication
ivec le nouveau gouvernement français. Admis dans Fintimité de
a plupart de ses membres et jusque dans leurs assemblées, je
Pus chargé de cette dernière mission , qui avait elle-même un dou-
ble objet. La première partie du rôle qui m*était confié s'adres-
sait directement au Palais-Royal, devenu le siège du gouvernement
k la place des Tuileries désertes. L'émigration espagnole deman-
lait qu'on l'aidât à soulever son pays, à repousser Ferdinand YII
3t sa iamille jusqu'à quelque autre Cherbourg. Elle offrait, en
échange, sous la promesse d'une ratification solennelle des cortès
lationales, la couronne d'Espagne au duc de Nemours. Ce nou-
veau Philippe y, en épousant dona Maria, l'héritière de don
Pedro, alors à Paris, réunissait par un mariage le Portugal à
'Espagne, comme, au temps des rois catholiques Isabelle et
Ferdinand, s'étaient réunis la Castille et F Aragon; la Péninsule
mtière devenait ainsi une annexe de la France, ou du moins
es deux nations se trouvaient si étroitement liées par la commu-
lauté des intérêts, des institutions et des dynasties, qu'on réali-
sait enfin le mot fameux de Louis XIV : Il n'y a plus de Pyrénées.
La proposition fut reçue comme elle devait Fétre, avec empres-
iement, je dirais presque avec enthousiasme. On encouragea les
réfugiés espagnols ; on leur laissa toute liberté d'agir ; on leur pro-
mit des secours efficaces. 100,000 francs furent tirés de la cassette
royale pour aider aux premiers besoins. C'est M. Mole, alors mi-
nistre des affaires étrangères, aujourd'hui chef du cabinet, c'est
M. Mole qui remit cette somme, de la main à la main, au général
Lafayette, et qui en détermina l'usage, d'accord avec lui. 70,000
Francs furent portés à Bayonne par M. Chevallon, pour être dis-
tribués aux réfugiés qui se rendaient à la frontière, et 30,000 firancs
à Marseille, par M. Dupont, pour être envoyés au général Torrijos,
qui préparait à Gibraltar une expédition sur l'Andalousie.
La seconde partie de ma mission s'adressait aux ministres, agens
officiels du gouvernement. Je me présentai chez M. Guizot au mo-
ment où il prenait possession du ministère de Fintérieur. Je lui
exposai Fobjet de ma visite, les intentions des réfugiés espagnols,
et lui demandai la réponse catégorique qu'ils attendaient, soit
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758 REVUE -BBS mxm mordes*
pour agir, soit poar se désister. M. Oinsot me répmMlil i
tation : a Dites à ceux qui tous enroient qse la Tnuioe a
un crime politique en 1823 ; qu'elle doit à l'Espagne une i
complète, éclatante, et que cette réparation sera donnée. • Cneié*
poose si explicite, qui combla de joie les réfugiés espagnols^ et les
engagea sans retour dans leur entreprise, ne pourait ^re wm
vaine parole ; Tefiet, comme on va le voir, ne s'en fit pas afffdre,
La société Aide-toi, te ciel fmdera, venait de former, so«sb
nom de Comité espagnol, xme réunion de membres pris dans set
sein, cdiargée d'employer, pour rérolutionner l'Espagne, to«s ki
moyens dont elle disposait. Ce comité se composait de MM. Gar*
nier-Pagès, Loève-Teimars, Marchais, Gauja, E. Arago , Y. ScM-
cher, et quelques autres. J'y fus adjoint. Notre principale ooeapt-
tion était de rassembler, au pied des Pyrénées, une petite armés
d'enrôlés volontaires, qui aurait pénétré en Espagne aoas la €oa-
duite des généraux réfugiés, et dont l'apparition aurait deafté b
signal aux patriotes de l'intérieur. Nous adressAmes dans les pia-
vinces, aux correspondans de la société, des eomaiissions pmr
recueillir des seeours, et nous reçûmes, i Paris, des scHiscripcîoaB
nombreuses. Bots M. Laffitte qui refusa, tous les miniscres, y
compris M. Sébastiani, nous remirent leurs offrandes persoBBéHes;
j'ai encore entre les mains des signatures qu'on peut être étoaii
de trouver aujourd'hui sur une liste de souscription st rènda-
tionnaire : MM. Bertin de Taux, Bafflet, Crautier, Jaaqaes Leisb-
vre, Rambuteau, Bérenger, Gunin-Gridaine, etc., etc. M. Casmar
Périer, alors ministre sans portefeuille, autorisa son fis aîné â
faire partie du comité espagnol , donnant ainsi à mis opératisas
une couleur presque officielle. Mais M. Guizoc, plus que tout an-
tre, nous'foumit les moyens de rassembler à la fipontière les petiM
troupes recrutées à Paris. Chaque jour, les voitures paMîqMi
avaient un certain nombre de places réservées poar le eaaûié, il
destinées à transporter i Bayonne ou à Perpignan les émigfés fâ
prenaient du serrice. Des caisses d'armes et-d'équipemeasétaieil
expédiées par la même voie. Enfin, d'après rordredeM.Gansl,
on délivrait i la préfecture de poliee, sur la «impie signatofeéi
quelques membres du comité, des femBes de (route .cottaotMi
pattr les volontaires finançais, italiens, aOenands, qui se \
à la frontière, et des troupes de cinqaaaie, eeni.
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BE I.*SSPACEK» 7SB
\, leurs offiôers eu tête, partaient, tambour battant, en*»
trignes déployée») recevant rar toute la rovte les prestations mi-
litaires comme des soldats de notre propre armée. Je puis citer,
9Btre antres, et pour donner toujours la preuve de ce que j'avancOt
les détacbemens commandés par MH. Borso di Carminati,. Char-
rier, Barraoo, Rouy» Faquinetto, Gdante, Gesarini, Legris, Yvejr
tag,etc.
Cette fièvre rérohitionnaire, dont le gouvernement semblait at-
teint, Im dura peu. La diplomatie étrangère intervint au Palais*
Royal, alertant des pr^>ositions de paix et d'alliance. On fit re-
marq«er que les iameux traiiéa du 30 novembre 1815, conclus
pour vingt ans, étaient encore la loi politique de TEurope; que les
souverains contractans s'y étaient engagés à maintenir sur le trftne
de France la famille des Bourbons, et à se garantir mutuellemenC
contre le r^our de toute révolution dans ce pays; que LouisrPhi-
lippe étant Bourbon lui-même, on pouvait, à la rigueur, ne pas
roir dans son avènement une violation des traités, un cwut belli^
BEiais que ce serait sous la condition qu'il comprimerait lui-même
['esprit démocratique, et donnerait à l'Europe cosdisée les mêmes
{âges de sécurité contre la révolution que donnaient les Bour*
^ns de la branche atoée. L'envoi de H. de Talleyrand pour plé-
lipotentiaire aux coi^rencea de Londres fut la réponse aux in-
jinuations de la dipkwiatie.
Dés-lors fut oublié le beau rêve de la couronne péninsulaire;
l'Espagne, l'Italie, la Pologne, qu'on avait, sinon soulevées, au
moins encouragées sousmain, furent abandonnées à elles-mêmes*
Cependant il fallait, quelque temps encore, cacher ce jeu nou-
veau. On rusa d'abord, avant de jeter le masque, et je vais citer
un fait qui suffira seul à caractériser cette politique de transition*
Dans l'émigration espagnole, un homme se trouvait désigné, par
la juste popularité de son nom , pour diriger le mouvement révo-
lutionnaire de l'Espagne ; c'était le général Mina. Accouru , comme
les autres, de Londres à Paris, il alla voir, à son arrivée, ce*
lui des ministres français près duquel l'appelait de préférence la
irimilitude de leur profession , M. le maréchal Gérard^ Il recul
l'accueil le plus cordial et les assurances les plus positives dé
sympathie et de protection. Ibis M. le maréchsd Gérard (et certes
ce n'est pas saloyauté que j'accuse en ceci) lui fit jurer sur l'hoft*
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760 RBYUB BBS DEUX MONDES.
near qu'il se rendrait immédiatement à Bayonne , sans voir per-
sonne à Paris y pas même le général Lafoyette » qa*il cacherait soi-
gneusement ses projets» son voyage, son nom ménie, et qil
suspendrait toute entreprise pendant six à sept semaines, afede
donner à la France le temps de prendre position vis-à— via de r&-
rope, et de se trouver plus libre de ses actions. Mina proaDt,«(
tint parole. Mais que cette parole devint funeste ! D'abord od per-
dit » sans agir» le temps le plus précieux , celui où le catûwtde
Madrid, plongé dans la stupeur, était incapable d'adopter avone
mesure de salut. Mais un mal plus grand arriva. D'une part, ii
réserve de Mina et le secret inexplicable dont il s'enveloppait, je-
tèrent ses amis de France dans la surprise , puis dans le refroi-
dissement et la défiance; d'autre part, son inaction forcée, sesef
forts pour ajourner le mouvement , le compromirent plus gnre-
ment encore parmi ses compatriotes : les mots de faiblesse, de
trahison même, furent prononcés. On l'accusa d'être vendu aex
intérêts de l'Angleterre, et d'empêcher le mouvement qui devaà
donner à la France une suprématie décidée sur la Péninsule. Oèà
qui devait être le drapeau commun vit d'autres chefs arborer ao-
tour de lui des drapeaux indépendans. Une affligeante désumonie
mit dans des rangs peu nombreux qu'aurait dû serrer un malheir
commun , un égal dévouement à la patrie , et leurs amis de France
se refroidirent pour des hommes qui semblaient œmmenceT k
guerre civile sur la terre étrangère. Les secours d'hommes , d'ar-
mes et d'argent, destinés à Mina, furent remis à d'autres, et
l'entreprise n'eut plus de chef, plus de lien , pfais d'unité.
Cependant le gouvernement français tournait de plus en phs
à la politique nouvelle. Désireux d'ajouter la reconnaissance de
cabinet de Madrid à celle des autres cours de l'Europe, fl sacri-
fia décidément la cause espagnole à ses convenances. Les secoirs
de route furent retirés , les départs défendus , et des mesoref
rigoureuses furent prises contre les réfugiés. Par une contradic-
tion inique, on parut indigné de l'inaction qu'on leur avait cob-
mandée ; on leur fit également un crime d'avoir conçu des pro-
jets de révolution, et de ne les avoir pas accomplis. Des ordres
sévères furent adressés aux autorités locales, et, les effets s»-
vaut la menace, des infortunés qui s'étaient dépouillés de ktn
vêtemenspour acheter des armes, se virent arracher cette ■•-
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DE l'espagne. 761
pie et dernière propriété. Sans entrer dans le détail de ces af*
ligeantes persécutions , je vais encore dter un fait pour appren-
Ire quel coup mortel en reçut la cause espagnole. Lorsqu'après
a résolution désespérée du colonel Yaldès, qui franchit la Bi*
lassoa plutôt que de rendre les armes , Mina se vit forcé d'aller
ui tendre la main» un plan de campagne fut arrêté par lui, un
)laa sage , habile, décisif peut-être. Entré le 20 octobre en Es*
)agne , avec une faible troupe, il devait se borner, pendant quel-
Iuesjours,à d'insignifiantes manœuvres non loin de la frontière
le Navarre, bien certain d'attirer sur ce point, et par la seule
)uis8ance de son nom , toutes les forces royales dispersées dans
es provinces basques, la Navarre et F Aragon. Huit jours après,
e général Plasencia, qui rassemblait dans l'intervalle les pelotons
le réfugiés disséminés sur les bords de T Adour, devait pénétrer
ians r Aragon, alors dépourvu de troupes, et marcher sans coup
%rir jusqu'à Saragosse, où l'attendaient les libéraux de la pro-
rince , avec qui cette opération était combinée. En effet , le géné-
ral Llauder réunit toutes les troupes de l'Aragon à celles de Pam-
)elune pour venir attaquer les réfugiés à Yera. Mais, tandis que
dina, résigné d'avance au revers qui l'attendait, après avoir
»assé trente heures dans une fente de rocher pour échapper aux
lattues dirigées contre lui avec des hommes et des chiens, ren-
rait comme par miracle en France, où il croyait apprendre le
luccès de son lieutenant, un sous-préfet , en saisissant les caisses
l'armes destinées à la troupe de Plasencia, avait rendu stériles
e dévouement et la mort de tant de braves , avait fait échouer la
)lus habile manœuvre, et retardé peut-être l'affranchissement
l'un peuple.
Tous ces faits sont consignés dans un mémoire que le général
Lafayette mit sous les yeux du roi et des ministres , au commen-
^ment du mois de novembre. Ce mémoire, signé par M. Mcndi-
uibal , qui avait généreusement sacrifié sa fortune entière dans
'entreprise, au point que ce fut de la Tour de Londres, où il était
irrêté pour dettes, qu'il conçut et commença d'exécuter l'expédi-
tion de don Pedro sur le Portugal; ce mémoire, dont la minute
m'est restée, avait pour objet de proposer au gouvernement une
3spèçe de mezzo termine, alors qu'on ordonnait Yinternaiion des
réfugiés en France.
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T82 UTUB VEê raux «okdes.
«r Cependant, y disaiNm, pour oonsenrer, par «■ dmm
Itacrifice, la bonne harmonie entre denx peoplea qve la
Toisinsy et qne la Hbené doit rendre frères, peu^-étre
nous consentir à donner an monde cet exemple definUesse «<
de notre caractère opiniâtre et fier... Mais une eoasidéF^îaaplv
puissante ne nous laisse pas même le droit de peser ces qwsÉM.
"Nous avons compromis nos frères de rintirieur, som les ïïmm
désignés aux vengeances d'un gouvememem înpicoyttUe. Afi
les instructions sont commencées, les prisons ouvertes, les éclH
fonds dressés. Des milliers de généreuses vielinies vont pajwér
leur sang le crime irrémissible d'avoir répondu à notre eri de li-
berté. Mon général, mettez la main sur votre noble eœnr : fm-
vons-nous les laisser périr? Pourquoi nous obfiger à h ?£»-
stance, disait^n en terminant, nous qui ne votdonsqneh concerne:
au ressentiment et à la haine, nous qui ne voulons qne la iieeoi-
nâissance et Tamitié? N'est-il aucun moyen de satkiûre àkfw
aux vœux de notre nation et aux besoins politiqnes de la ftee!
Ce n'est pas notre dessein que vous désapprouvei; la
d'Espagne est aussi juste, aussi nécessaire que celle que
glorifiez d'avoir accomplie. Ce n'est pas l'affection pour nn
vernementinfome, et qui vous traite en ennemi, qm pentvMi
décider à retenir nos bras. Mais, dans ce moment, nosprcjetm ven
embarrassent ; vous ne savez comment vous condmra , en prisesa
des étrangers qui mesurent tous vos pas , ni comment respeciEf
ce principe de non-intervention dont vous imposez le respect mi
autres. En un mot, vous craignez les regards et les reproch»*
la diplomatie européenne.... Nous ne demandons au gonverneBeit
français ni argent, ni troupes, ni secours d'aucune espèce. Qneses,
hospitalité ne lui coûte rien, mais qu'il n'emprisonne pas seth6«
tes Nous ferons plus : toutes ces armes, toutes ces
qui nous ont été prises, qu'il les garde; il peut les montrerez
triomphe aux diplomates étrangers. Nous ferons plus encore
que semaine, nous lui livrerons d'autres armes et d'autres
tiens ; chaque semaine, ses agens pourront dresser des m venlairel
de saisies, qui lui serviront de réponses aux notes diplonuiâi|Be9;
Dans ce moment, où FEurope entière est en agitation, où les tm*
blés d'Angleterre appellent Tattention du monde sur des
mens plus grands que ceux des Pyrénées^ et vont peut-être dé&
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inpep to CftbHM fraogftifl du seul obatade sérieux ^*il trouvai à
fi0ti9 I6iidr6f 1» nuM^derMllM aMwes* prises avec sageMe^ eié*
estées atet bwfte M» doivent sauver toates les ai^renoes, doî-
▼eut laisser» à voua le respect du principe que vous avez posé ^à
tenta ledmofemadefeau^iérir par aosseula effort» «ue patrie et
fet literté. »
MaisFècHs déoMHTchesv malgré les remontrances de Lafeyette,
aifeuMiiiclles ua jeune priaee s^assodait noblement et chaude-
«tont; l'ordre drimerner ftitngnifié aux libéraux espagnols réunis
^ la frontièrey el l'on donna Vodieuxspeetacle d'hommes estima-
Méa, réHted'aa pei^de» ramenés par leagendarmes à travers la
Sraii06^ oOBune A Eevdinandr VU les eût envoyés aux présides
d^Afiriqua»
Ic»€Miinence UBe-seQoade ére,r et la révolution espagnole, en-
rkmtnàat ew Franoa et par la France, apparirft, so' développe et
Icrtndit dans VEspagna eUe-néme. On sait la mort de Ferdî-
AaiidVn>i|mdtsail<de kMnéme: a Je suis le bouchon de la bou-
ille de bière; qpvMid je sauterai,! tout sautera. » On sait les
èrènemens de Saint Bdefoose»> l'avènement de Christine à la
aiégenee, les essais^ de tUspotiêtne- ielairé tentés par M. Zea, sa
diiite, et l'apparition aux* affaires du premier ministre sorti de
r émigration espagnole. MLHartmez de la Rosa^ appelé à diriger
l'administration nouvdle, et passant ainsi sans intervalle de la
proscription au gouvernement , disait à ses amis :- <r Ma mission
sera courte; je dois conduire l'Espagne du despotisme soi<-disant
éclairé de mon* prédécesseur à la réunion des représentans du
faya. Les certes assemblées, je leur remets le soin des affaires, et
iaon rôle est fini, i^ M. Martinex de la Rosa comprenait alors la si-
tuation de l'Espagne, et se rendait justice. Il était, en effet , l'homme
df unetransition. Bon^tattu royal, loin-d'étre une constitution, comme
en- parait le croire^ n'est ^'un décret pour la convocation des cartes
générales du royaume. Mais M. Martinez de la Rosa, et son succes-
seur, M. de Toreno, tous deux hommes de tète, de savoir et de mé-
• rite , FuB d'une droiture inaltérable, mais un peu obstinée, l'autre
d'une habileté plus souple et plus réelle, se sont laissé abuser par
les conseils et les promesses de la politique française. Les notes
âi()loiaatiquesr.comme les autographes de famille, disaient tous in-
variablement : <r Restez oi» vous êtes, ne cédez plus rien; si les ré-
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764 REYUE DES BEUX MONDES.
Toltés de la Navarre font des progrès au nom de don Cailos,dk
révolution irritée vous pousse et vous déborde , appefes-noos, rb-
tervention est prête, d Cette promesse , M. Martifies de la Boa k
rappela avant sa chute , et M. de Toreno établit sur die to«ae n
politique. S'il tint tète aux juntes insnrrecUonneUes , c*est qi!
croyait Tarmée française Tarme au bras sur les rives de la Kdai-
soa et dû Ter. Poussée à bout , la reine réclama rinterwetfioi
année promise par la France; elle essuya un refus , et, dassUs
emporteroens de son dépit» laissa connaître qu*dle Toyait TMm
où Tavait jetée sa confiance aveugle. G^te politique de firax ooa-
seilsy appuyés de promesses mensongères, était née à Paris» da»
les tètes qui s'appellent gouvernementales, sans que rien fibt Tcaa
d'Espagne aider à son enfantement. L'ambassadeur qni a repré-
senté la France dans ce pays depuis la révolution de juiBet ■*«
est pas complice. M. de Rayneval, à coup sûr, n'était pas un boouM
à passions démocratiques ; mais il avait du sens, de l'esprit, de k
sagacité; il voyait bien les choses, et voulait les voir avamde
donner son avis ; fl sentait bien qu'on s'arrét»t toujours mal i
propos, dans des positions faciles à emporter; qu'il faOait, noi
point céder pas à pas et devant une force toujours croissante, mais
&ire une large concession, puis essayer de s'y retrancher. Oa ne
le croyait pas. Tandis que le cabinet anglais avait le bon esprit de
s'en rapporter à la raison élevée,- aux lumières supër/eores, u
caractère noble et droit de son jeune représentant à Madrid, h
fatuité doctrinaire, loin de consulter les faitspour établir son opi-
nion, établissait son opinion en dépit des fiiits. Tai vu , en i93kt
M. de Rayneval se plaindre avec amertume de ce qu'il n'élaii n
cru ni consulté , de ce qu'il jouait un rôle contraire à ses opi-
nions , forcé de blâmer au fond du cœur ce qu'on le diargeait de
soutenir officiellement. C'était à ce point qu'A m'engageait i écrire
sur tel ou tel sujet, m'assurant qu'un article de journal d'opposi-
tion avait plus d'effet que toutes ses dépêches diplomatiques. D est
mort avec la conviction, soutenue par l'expérience, qu'il avait biea
vu les choses, et le regret de n'avoir pu faire prévaloir cette con-
viciion.
Le refus d'intervention amena un changement radical dans k
politique intérieure de l'Espagne. Avec M. de Toreno tondra l'i»- i
fluence française, et l'influence anglaise entra au ccmseO vtc '
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DE L*ESPAGNE. 763
H. Mendizabal. Cest de Londres qu'était parti ce dernier pour
occuper d*abord le ministère des finances , puis la présidence du
conseil. Il emportait des instructions du ministère anglais, mais
bien différentes de celles qu'avait données notre gouvernement » le-
quel se bornait à recommander qu'on ne cédât rien à la révolution.
<r Nous vous connaissons y nous avons confiance en vous, avaient
dit les ministres anglais à M. Mendizabal ; vous avez prouvé en
Portugal ce que vous savez foire. Allez à Madrid , laissez la révo-
lution suivre son cours , détruisez à tout prix le carlisme, cédez
aux nécessités pour atteindre ce but , et ys'il le faut, prenez le bon-'
net rouge. » M. Mendizabal put calmer les juntes et préparer, par
quelques décrets révolutionnaires , comme la destruction totale
des couvens et l'appel de cortès réman/es, la victoire que .vient
de remporter son parti. Une intrigue de cour le renversa, et la
politique française reprit un moment le dessus. Isturiz, Galiano,
ces mêmes hommes qui avaient été les coryphées des opinions
extrêmes, qui s'étaient fiiit mettre hors la loi par M. de Toreno
pour avoir soulevé les juntes, qui avaient dirigé dans les cortès,
contre Mendizabal lui-même, l'opposition ultra-libérale, consen-
tirent, par je ne sais cpielle misérable ambition ou quelle petite
rancune personnelle, à se faire les soutiens et les avocats d'un ré-
gime qu'ils avaient combattu, les instrumens éphémères d'un
parti qui se servait d'eux sans les adopter. L'Espagne enfin , lasse
de tant de foutes, irritée de tant de méfaits, a renversé, par un
mouvement spontané , unanime , les derniers champions du parti
de la cour et de l'étranger. Elle a relevé la pierre de sa constitu-
tion. Nul ne sait, nul ne peut prévoir quel sera l'effet de ce grand
mouvement national; peut-être est-il tardif, comme il est déses-
péré; mais ses causes du moins sont manifestes, sont flagrantes ,
et il ne me reste qu'à parler des raisons qu'ont eues les Espa-
gdbls en rétablissant ce code politique, deux fois librement pro-
mulgué, deux fois aboli violemment.
Quiconque a la plus légère teinte de l'histoire de l'Espagne n'a pu
manquer de reconnaître un fait évident: c'est l'empire qu'exercent
en ce pays les souvenirs historiques ; c'est la puissance des choses
traditionnelles. Aucune institution exotique ne prend racine dana
la terre d'Espagne ; si vous voulez l'y faire fleurir, entez-la sur
quelque vieux tronc. Les Bourbons y ont apporté la loi sali-
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766 UT1JB DES DEUX MORDES.
loi saliqae ii!a pu s'y mainteiiir, et le swyenir d!Isabdle a été pha
fort que la pragmatique de Phflippe Y.. Quand CEspagne de 1811
donna Tétrange et magnifique spectacle d'un peuple yaincii » ea-
yahiy à moitié conquis , sans gouvernement^ sans autorité d'ail-
cune espèce ^procédant, sous l'occupation étrangère, aacbcÂxde
ses représentans , à la formation d'une assemblée qui devait iSt
fois délivrer et constituer la patrie; (piand les cortès de Ca£x,
emprisonnées sur un banc de sable ,. mais délibérant avec calme ai
milieu du fracas des armes , entreprirent et terminèrent le graad
œuvre d'une loi fondamentale qui reconstituait la société depnu
ses bases» ni le peuple,, ni l'assemblée ne faisaient chose nouvdk.
L'un suivait ses anciens souvenirs , ses habitudes immémoriales;
l'autre rétablissait,, en les coordonnant ,;. en les mettant d'acoorl
avec les progrès du temps, des mœurs, de h, raison pub^qœ.
en leur imprimant de nouveau la sanction nationale , les anti^ieg
dispositions du Fuero-Juzgor des Pariidas et autres, vieîlte loti
de Castille et d'Aragon. H n'j a pas ^dana la constitution àp l&tlt
qu'on prétend copiée des constitutions démocratiques firançaisei
de 1791, de 1793 et de Tan in,, il n'y a.pas une seule clause im-
portante, qui ne soit empruntée aux vieux codes et aux andeoi
fueros de l*Espagne. Cest ce que j'ai démontré ailleurs (1) par
l'analyse de cette œuvre des législateurs de 1812;. c'est ce qu'ils
déclarent eux-mêmes formellement dans son préambule : 9 Les
cortès générales de la nation espagnole, y est-il dît, Uencou^
vaincues, après le plus long examen et la plus mûre déUbéra-
tion , que Tes anciennes bi$ fondamentales de cette, monarchie, ac-
compagnées des mesures et précautions qui garantissent duae
manière stable et permanente leur entier accomplissement, pen-
vent duement remplir le grand objet d'assurer la gloire et h
prospérité de la nation, décrètent la constitution suivante.... s
Au contraire, Fembryon de charte appelé statut royal, que la
constitution de 1812 vient de renverser, n'était qu'un second ei
malheureux plagiat de la loi anglaise. Pour la première fois, l'Es-
pagne abandonnait ses antiques formes représentatives pour re-
courir à des modèles étrangers. Dans le statut royal, tout était
(1) Étwdei,^S¥rrMâtoireéeêimSUuthn$, detaUitértaufetdutkéàtreei^mkenw mm
en Espagne, pag. 81 et suir.
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DE L*ESPAGKE. 7CT
Bonmeaiiy lés noms et les choses, la composition de rassemblée
et le mode électoral. H avait fallu d*abord loi troayer un titre qui
indiquât que ce n'était qu'un simple octroi de la royauté , octroi
ttuable, sujet à retour et à révision. Les anciennes cortès, où les
trois ordres s'étaient toujours trouvés réunis , comme dans nos
états-généraux y étaient divisées en deux chambres, et l'on avait
^dû créer aussi le nom de procerès (magnats du royaume), pour
baptiser cette chambre des pairs; innovation malheureuse dans
vn pays de parfaite égalité, où, sauf la grandesse, qui maudit les
diatnes de ses prétendus privilèges, les élémens d'une aristo-
cratie manquent aussi complètement que chez nous.
L'Espagne étant arrivée à la nécessité de réviser 5on code po-
litique et d'appeler des cortès constituantes , ne valait-il pas mieux
que cette révision portât sur la constitution de 1812 que sur le
statut royal? L'expérience a foit également connaître aux Espa-
gnols les défauts de Tune et de Tautre. Us savent que le statut
royal est incomplet, informe , antipathique à leurs mœurs , à leurs
habitudes constantes, fls savent que la constitution se ressent de
son origine, qu'elle pèche par un excès de qualités, qu'on y recon-
naît trop l'exaltation des sentimens généreux, l'enthousiasme da
bien qui a aussi son aveu^ement, et qu'elle est presque tou-
jours d'une application embarrassée dans la pratique, peut-être
impossible. Hais, en révisant le statut royal, ils auraient eu un
point de départ tout étranger, tout nouveau; en révisant la consti-
tution, ils partiront d'une base tout espagnole, et leur œuvre
aura ses racines dans les plus antiques traditions nationales.
Toilà le vrai point de la question.
n reste à cette question deux autres faces que je vais successi-
vement envisager.
Quand la monarchie d'Isabelle et de Christine appelait à son
aide quelques-uns des hommes proscrits naguère par Ferdi-
nand Vn, elle se trouvait attaquée de deux graves maladies : une
minorité et une guerre de succession. M. Hartinez de la Rosa et
8B8 premiers collègues voulurent sauver cette monarchie infirme
et languissante en la greffant, si l'on peut ainsi dire, de consti-
tutionnalité, en transportant ses racines du parti apostolique au
parti libéral. Os révèrent aussi l'alliance du trône et de la liberté.
Pour atteindre leur chimère , ils inventèrent d'abord le statut
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768 UYDE DES DEUX MONDES.
roijalj vieille théorie fripée qu'il croyaient pouvoir rajuster i k
taille de TEspagne. Mais si ce ministère de transition avait frit
une loi représentative d'imitation anglaise » ce fut à la France
qu'il emprunta son système de gouvernement. Partant de la m»-
narchie^ n'ayant point la liberté pour but, et n'appelant oeile^
que pour donner à l'autre aide et assistance» Q a d& imiter k
politique dont il recevait l'exemple et les conseils, celle du juste-
milieu. Ici son erreur a été grande, et sa faute impardonnaUc
En Espagne, tout répugne au juste-milieu. Non-seulement il ae
peut s'accommoder au caractère passionné des habitans, qui ne
connaissent aucune transaction entre les idées extrêmes^ mais il
n'est ni dans la division des classes, ni dans la nature des ia-
téréts matériels, ni enfin dans les souvenirs et les habitudes di
pays.
La classe moyenne, succédant en richesses, en importance ei en
prétentions aux anciennes classes privilégiées, n'existe pas «icore
^en Espagne. A peine commence-t-elle à se fDrmer dans les grandes
villes, non point dans un état intermédiaire et tenant la balance
entre les autres, mais guidant la masse dont elle fait toujours
partie. UEspagne en 1834, comme la France en 1789, ne se
divisait qu'en deux parties : d'un côté, les classes à privilèges,
à savoir, le clergé, qui ne vivait que de ceux qu'il s'était succès^
sivcment arrogés , et la noblesse prête à faire bon marché des
siens; de l'autre, le peuple encore immobile, encore inaperçi^
ayant partout à sa tète la bourgeoisie instruite et indépendante
qu'il laissait agir en son nom.
Les intérêts ne sont pas moins que les classes antipathiques
à tout accommodement. Si le clergé, emporté déjà aux premiers
coups de Vorage populaire, s'obstinait encore à garder ses lùeBs
de main-morte, ses dîmes, ses exemptions des charges de l'état,
la noblesse, au contraire, consentait volontiers à rentrer dans le
droit commun pour affranchir ses biens-fonds des ^traves féo-
dales qui la gênent, qui la ruinent, et partout le peuple, ainsi que
la bourgeoisie, voulait la division des terres et l'égale réparti-
tion des charges publiques. D'ailleurs, l'Espagne, pays de pro-
duction et de consommation intérieures, peu industriel, peu
commerçant, ne connaît pas tous ces intérêts de richesse fictive,
^ui, chez des nations comme la France ou l'Angleterre, ont be-
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DE L*ESPAGNE. 769
fioia de l'immobilité, s'effraient de toute agitation, et consacrent
sans relâche lenr influence au maintien de Tordre existant. Pour-
quoi l'Espagne aurait-elle redouté une révolution? Les blés des
Castilles, les vignes de la Manche, les oliviers de rAndalousie,
les troupeaux de FEstramadure, n'en fourniront pas momsaux
minces nécessités de ses habitans : c'est là leur dernier souci. A
côté des besoins matériels, il n'est qu'un seul intérêt qui puisse
peser de quelque poids dans les affaires publiques, et celui-là ,
précisément, tend aussi fort au changement et à l'instabilité que
d'autres intérêts, dans d'autres pays, tendent à la conservation.
En Espagne, par des raisons qu'il serait trop long de développer
ici, les professions indépendantes sont rares et peu recherchées;
au contraire, tout le monde veut des places. Au lieu d'attendre
son existence et sa fortune des chances qu'offre le talent ou l'in-
dustrie, on préfère la vie commode que donnent des émolumens
fixes. Le nombre des employés est immense, celui des solliciteurs
égal, et l'on peut dire de l'Espagne, plus que d'aucun autre
pays, qu'il y a deux nations , l'une payée, l'autre payante. Dans
ce conflit de gens qui occupent les emplois , ou qui en ont été
chassés, ou qui veulent y parvenir, dans cette guerre que se li-
vrent les intérêts personnels sous le masque des opinions, il n'y
a point de place pour l'indécision et la tiédeur. On ne parvient
que par le dévouement vrai ou simulé à un parti ; on ne se sou-
tient qu'aux mêmes conditions, et bientôt, soit pour conserver un
emploi, soit pour en déposséder autrui, on se trouve engagé
dans les rangs extrêmes de l'opinion qu'on a choisie. Ceux qui
connaissent un peu l'Espagne ne nieront point l'exactitude de
cette situation spéciale.
Enfin, le système modérateur, imité du juste-milieu français,
n'était pas plus conforme aux habitudes et aux souvenirs histo-
riques d'un pays, où toute institution, lente à s'établir, jette d'in-
destructibles racines, où il faut chercher l'origine de tout usage
politique dans les municipalités romaines et les conciles des Goths.
On conçoit, à la rigueur, qu'après les quinze années de la res-
tauration, la France de 1830 ait de nouveau tenté l'essai d'une
charte qu'on n'appelait plus octroyée, mais consentie, et que ses
législateurs prétendaient avoir, en une séance, sufGsamment
améliorée. Mais la masse des Espagnols, qui n'ont pas étudié les
TOMB vu. 49
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770 RKTUB DBS DEUX MONDES.
Aéories anglaises, qui, d*aillears, n'ont encore ea de lears prim
ni octroi ni consentement, ne se rappeOent et ne conçoîr^it fi
deux systèmes possibles de gouvernement : ou le despodai
pur, tel qne Font foit les princes de ta maison d* Autriche, td ^
Pont perfectionné ceux de la maison de Bourbon, et dont Fr
dinandVn a joui seize années durant; ou le pouvoir popidani,
exeroé par une assemblée gouvernante, tel que Font possédé h
anciennes cortés jusqu'à Charles-Quint, et les cortès modenei
de 1812 et de 1820. Toutes ces subtiles distinctions sur le jeo i
la pondération des pouvoirs sociaux ne sont pas à lear porllc
ce qu'ils ont vu et voient clairement, c'est qu'entre les dm
principes contraires, il n'est point d'accord possible, et qoe Tm
doit triompher de l'autre. Pas de milieu : l'Espagne doit avoir «
Tabsolutisme avec don Carlos, ou l'antique liberté avec la cooni-
tution rajeunie. Son choix est à faire.
Jusqu'à présent j'ai raisonné en quelque sorte par abatractiafl,
comme si l'Espagne n'avait qu'à choisir, dans le repos et la paix,
le meilleur moyen de se constituer. Mais une guerre dvile acbff-
née, impitoyable, atroce, la désole depuis bientôt trois ans. D fait
que cette guerre ait un terme. C'est la troisième &ce de k
question.
Qu'on envisage cette lutte sanglante comme une guerre de sae-
cession, ce qui est faux, ou comme une guerre d'indépendaaa
soutenue par les provinces soulevées pour la conservation de kan
franchises, ce qui est vrai ; toujours est-il que le juste-miliea cêffÊ-
gnol n'a pu ni la terminer, ni même en promettre la fin. Malgré k
traité de quadruple alliance, malgré la coopération plus on moiu
utile et sincère de ses trois alliés, il a vainement usé , devant ks
montagnes de la Navarre, ses trésors et ses armées, ses négocia-
teurs et ses généraux. N'est-il pas juste d'espérer que Félin »
primé par les juntes provinciales, par la proclamation instantanée
de la constitution , ira se communiquer à l'armée, doublera sa torct
numérique et sa force morale? N'est-il pas juste d'espérer que ds
rangs de cette armée sortira, comme des bataillons vokmt
de la république française, quelque nouveau Hoche ponr ^
et pacifler cette nouvelle Vendée? Le général San-Mignd
raison, lorsqu'en se soulevant, le premier des chefs
disait aux Âragonais : a Jusqu'à ce jour nous étions sans i
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Go
DE L*ESPAGN£. TH
la constitution sera la bannière qui réunira tout le parti de la 1h
iierté. A
Mais peut^tre n'est-il pas besoia.de cea efforts et de cette yic-
foire. Peut-être une transaction devient-elle possible aujourd'hui»
et le plus beau triomphe de la révolution serait de ikiir la gnerra
de Navarre sans massacres, sans combat» sans effusion de sang»
On sait maintenant les vraies causes et le vrai caractère de la r6-
Tolte des provinces basques. On sait que ces provinces ». unies^
mais non incoi:porées à l'Espagne, simple annexe, mais non partie
mtégranie de la monarchie, reconnaissant dans le roi un suzerain^
mais non un maître, ne lui devant auoun impôt d'hommes ou d^ai»
gent, administrant elles-méme» leurs revenus, disposante de leurs
milices, nommant leurs chefis et leurs magistrats,, ajant leur langna
propre, comme leurs constitutions particulières; on sait, dis^je^
qu'elles ont pris les armes pour la conservation de ces franchises
précieuses; qu'elles soutiennent, non une guerre d'opinion^ mais
une guerre d'intérêt ; non une guerre civile, mais une guerre d'io^
dépendance; que le prétendant n'est pour ellescpi'un drapeau qui
leur assure les secours des absolutistes des autres provinces,, des
souverains et des autocraties de l'Europe; qii'enfin, si elles veulent
que l'Espagne soit esclave sous un roi absolu, c'est pour restée
libres sous leurs constitutions républicaines. Ailleursaussi($), il y a
plus de deux ans, j'ai développé cette opinion, qur'un fait confirma
d'une manière irréfragable : c'est que les Navarrais et les Bis^
cay eus ont fait , comme on dît , leurs affaires, mais non celles du pré*
tendant; qu'ils soutiennent une guerre de défense, non/ d'attaque^
et que, même après leurs plus grands succès et malgré les exhorta-
tions des protecteurs qu'ils ont à l'étranger, leur chef s'appelàt»-il
Tillareal ou Zumalacarregui, jamais ils n'ont permis à don Carlos,
je ne dirai pas de marcher sur Madrid, mais seulement de s'ap-
procher de l'Ebre. Aujourd'hui, ces provinces sont fatiguées
d'une lutte sans rel&che, épuisées par une guerre de dévastation,
-qui se fait sur leur territoire. Elles désirent une trêve, un arran-
gement, plus encore peut-être que TEspagne assaillante. Elles
cherchent, comme l'avouait naguère le généralissime Yillareal
^ans une entrevue, un moyen de rendre les armes sans bassesse
(i) Voir roavrage précédemment cité, pag. 97 et soir.
49.
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772 RKYUB DES DEUX MONDES.
[un medio de entregar las armas sin vileza ]. Ce moyen , la oonsli-
tution peut Tofl^r. Déjà la Navarre et les provinces basques hd
ont été soumises de 1820 à 1823; elles j trouveraient peutrëtre de
suffisantes compensations à la perte de leurs franchises, surtout
si leurs représentans assistaient au travail de révision. D*ail]eiiii|
rien n'empêche le gouvernement constitutionnel , en considérant la
véritable situation de ces provinces et leur indépendance immé-
moriale de TEspagne, de faire à son tour des concessions, et do
leur laisser les fueros les moins incompatibles avec Tétat général
du pays. Une déclaration faite en ce sens, à la fin de 1833, aonft
étouffé, dés sa naissance, l'insurrection des provinces basqoes;
aujourd'hui, une transaction peut la terminer honorablement, et,
plus qu'une victoire à force ouverte, elle prouverait, aux yeux du
monde , la puissance de la révolution qui vient de s*accomplir.
Âpres l'historique des faits qui devait précéder toute disserta-
tion , j'espère, si je ne m'abuse, avoir fait comprendre trois choses :
1* que la nation espagnole devant se donner, par voie de réTision,
on code politique, il vaut mieux que les cortès prochaines rériseï^
la constitution de 1812 que le statut royal. Tune étant d'origine
espagnole, l'autre d'importation étrangère; 2* que le système in-
termédiaire et modérateur ne convenant point à la nature du pays
et aux nécessités de sa situation, il est heureux, quoi qu'il arrire,
que l'Espagne en soit sortie pour se placer franchemenc dans k
régime de la liberté contre celui de Tabsolutisme ; 3* que le gou-
vernement constitutionnel aura plus de moyens que Fautre pour
soumettre les provinces révoltées, soit par la guerre, soit par h
paix.
Maintenant, que le ministère doctrinaire prenne un parti.
Louis YiAmDOT.
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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
14 leptembn 1888.
d Poar se faire pardonner le ponvoir, écriTait M. Gaizot en 1821 , il
faut le garder long-temps, et non pas y revenir sans cesse. De petites
et fréquentes vicissitudes dans une grande situation ont pour la masse
des spectateurs quelque chose de déplaisant et presque d*ennuyeux. Elles
diminuent celui qui les accepte, quand elles ne le décrient pas. d Nous
sommes de l'avis de M. Guizot, et nous le trouvons lui-même fort dimi-
nué depuis sa rentrée au pouvoir : minor reéiU, Quelle raison vraiment
politique peut-il assignera son retour ? Est-il rappelé par la majorité
parlementaire? Les chambres sont absentes, et, convoquées, elles Tout
abandonné et l'abandonneront probablement encore. A-t-il quelque grand
dessein à exécuter à Tintérieur? Point. Pour les relations de la France
avec l'Europe, il n'en faut pas parler; on y connaît la pâle incertitude de
M. Gnizot.
Nous avions eu plus d'estime pour la valeur politique de M. Guizot
qu'il n'en a lui-même : nous n'aurions pas attendu de lui un retour aux
affaires sans cause et sans avenir , ni une convoitise du ministère si dé-
pourvue de patience et de véritable ambition. Aussi que de fautes lui a
fait faire en quelques jours cette monomanie d'existence ministérielle ! Il
était parti de Lisieux dans la pensée de la présidence ; mais, sur le théâtre
même des affaires, il a dû se désister de ses plus hautes espérances:
alors on l'a vu , passant d'un extrême à l'autre , se réfugier dans l'affec-
tation d'un r6le modeste , et chercher à primer la présidence nominale
par l'humble spécialité d'un petit département. On a offert à M. Guizot
le ministère de l'intérieur, il n'a pas voulu le prendre; peut-être a-t-il
craint les souvenirs de 1830, et lesrapprocheinen3aççablansque les lieux
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70^
et les mars mêmes lui rappelleraient à toute heure; il aurait r^rooré k
cabinet dans lequel il donnait audience aux réfugiés espagnols, et ac-
ceptait rentière complicité de la propagande rérolotionDaire ; peut-^tre
n*a-t-il pas voulu prendre sur lui la responsabilité éclatante et directo
des affaires intérieures. Il a mis à ce département M. Gasparin, dootil
avait, il j a quelques années , exigé la présence auprès de M. Thien pour
surveiller ce dernier; mais voicii qu'aujourd'hui M. Gaizot ne se croit
plus assez sûr de M. Gasparin lui-même, et il lui donne, à lui aussi, v
surveillant I et quel surveillant? M. de Rémusat!
M. Guizot est loin de lire aussi bien dans les hommes que dans kl
livres; il se trompe souvent sur le caractère et l'aptitude de ses amis, flor
la valeur et la mise en œuvre de ses instrumens. M. de Rémusat, nooten
sous-secrétaire d'état, doit, d'après les vues de M. Guizot , sarreilkr
tant M. Gasparin. que l'esprit public, imprimer une sorte d'onitéiib
presse ministérielle , aviser aux réponses qu'il faudra faire à Toppositiaii
correspondre avec les préfets pour ce qui concerne les élections; eafia,
en cas de dissoliition,. ntiBoer ai»>oombat la phalange ministtfneie sur
tous les points y exoicer, Carassen» intimider. Pour cette besofpae» lUnt de
Factivilé> du ftmaliBaiey.uttizèlfr à tonta épreuve, el: personne nasHk
vait» mon» f cdnvenir quelle ^niMM^eiie ssos^seorétahie d*étac Jf . do Bé-
musat a trop de panssè erd<iaidépsiiâanoe>dansresprît,.tropd'élé8aDeact
de liberté danyses moMiiUfel son lan^m^V poov desnadrean sernoM
qu'on attend de lui. H y a-étourderie desa part à aeeeptar de pareiUci
fonctions* AT. de Bémusatett.homme à deviser agréablement sur lésan-
tes et les bévues' de soa administration; on pourim le sarpnodre^àt^
moquer, au lieu de la défendre* H^u'y a pas en lui l*étola^< wii d'aa
censeur, soit d'un commissaire de police; c'est un Ubre et îngéoieBi
causeur, et sescoUègues doivent s'estimer heureux s'il n'est dans IcotU^
net qu'un élégant hors-d'œuvre, et s'ils échappent à ses sareasmeset4
ses épigrammesi Qu-a^dûipènseiv par exemple, IL de Rémasaldelapr^
tention de M: Guisot^ d'être un hemmede juillety.ini qui r<a vu, aisa
queltf. deBroglle, protester dans* les bureaux du Globe contre la pre^
mière apparition du di^peau tricolore? Quelle maladresse de rèvnlkr
de pareils souvenirs!
Les fautes n'ont pas manqué à AT. GHizot depuis son retour de liiiesz;
lui qui se vante d'être, par excellenoe, Thomme de la majorité ptrie-
mentaire, non-seulement est retenu au pouvoir en l'absence des cban-
bres, mais il a montré une défiance imprudente envers la majorité en de-
mandant au roi la faculté de prononcer à son gré la dissolution. Sur oe
point, il a essuyé un refus formel; il parait qu'il lut aété répondu qn'os
ne voulait , en aucune façon, engager l'aVenir et la liberté de la courosaç
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. — CHaMiiQ0i. 775
fM s'il croyait pouvoir marcher avec les éiémens codbqs, U entrât av
mmûstère, sinon, non. À moins d'un grand déliut de réflexion et d'une
inconcevable légèreté, M. Guizot doit être convaincu aujourd'hui qu'à la
«noiiidfe hésitation dies chambres, il sera abandonné sur-le-champ par
la couronne. Voilà qui peut expliquer l'indécision du nouveau cabinet.
Repoussé dans sa prétention de dissoudre à son gré la chambre,
M. Gttiaot a reporté toute sa raideur sur le personnel du ministère de
l'intérieur. Il faut dire que les nouveaux ministres désiraient tous le
maintien de M. de MonUlivet , et la couronne a reitisé pendant treize
jours de l'abandonner. Mais, M. Guizot a une antipathie particulière pour
M. de Montalivet; la position de celui-ci auprès du roi lui porte ombrage;
ces seotimeos l'ont emporté sur son désir bien connu de plaire au maître.
|t Tout est fâcheux dans l'avènement du nouveau ministère; tout y
décèle une profonde inintelligence des hautes convenances politiques.
Si quelque chose prétait quelque crédit à l'étranger au parti doctrinaire,
tétait l'alliance anglaise; et voilà M. Guizot qui entre aux affaires dans
le but patent d'en arrêter les effets salutaires pour la liberté constitu-
iionmelledu midi de l'Europe; mais qu'importe à M. Guizot 7 La politique
pour lui 9 c'est une résistance systématique, qui confond tout, les réfor-
mes nécessaires et les utopies chimériques; c'est la compression intérieure
et la méconnaissance des affaires du dehors. M, Guizot n'a aucun souci
de l'Europe , du monde; il n'a jamais cherché à faire prévaloir, dans le
conseil, une seule idée en politique étrangère; il sera tour à tour An-
glais, Russe, Autrichien, pourvu qu'on lui abandonne l'intérieur.
Il est ceruin que Taocien ministère, quelles qu'aient été d'ailleurs ses
incertitudes et ses demi-mesures, s'est retiré sur une question de liberté
et de dignité extérieure; il voulait, dans les limites de la quadruple al-
liance, prêter à l'Espagne constitutionnelle un secours puissant et réel,
abattre don Carlos, ôter par cet avantage décisif tout prétexte aux excès
ultra-révolutionnaires, et pacifier l'Espagne. Enfin, quels qu'eussent été
les évènemens, l'ancien ministère voulait la révolution espagnole quand
même. L'Europe du nord l'a bien compris, et n'a pas permis à la France
une coopération aussi puissante; elle a demandé, et, nous le disons avec
douleur, elle a obtenu l'abandon de toutes les résolutions et de tous les
préparatifs du cabinet du 22 février, qui , depuis le 5 août, n'a plus été
libre, et a vu défaire son ouvrage et ses combinaisons.
Don Carlos à Madrid sera un échec pour tout ce qui en Europe ne
trempe pas dans l'absolutisme pur, pour tout ce qui participe, dans
quelque degré que ce soit, à l'esprit progressif et conslitutionneL Don
Carlos à Madrid relève la cause et l'étendard des dynasties déchues; il
offre un refuge, une armée, des frontières limitrophes au carlisme fran-
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776 REYUB DBS DEUX MONDES.
çais; don Carlos à Madrid détrait tout les résultats qa'on s'était \
de conquérir au profit des monarchies eonstitutionnelles par le système
de paix suivi depuis six ans.
Dans le nouveau cabinet, la direction delà politique étrangèreestcoo-
Bée à] M. Mole. Nous ne ferons pas un crime au nouveau président da
conseil d'un ouvrage de jeunesse, où il exaltait l'empereur et les mer-
veilles qu'enfantait une volonté souveraine et forte. Le spectacle était
assez beau pour arracher des cris d'enthousiasme; aussi , nous ne re-
procherons pas à un des noms de l'ancienne France d'avoir salué dtos
Napoléon le successeur de Louis XIV, et d'avoir reconnu la légitimité
de la gloire. N*oublions pas non plus qu'en 1830, M. Mole prononça le
mot de non-intervention dans un sens libéral. C'était dire à l'Europe : La
France ne cherchera pas à propager au dehors les sentimens et les pria-
cipes révolutionnaires; mais elle ne permettra pas qu'uo peuple qui vou-
dra sincèrement réformer ses institutions et conquérir sa liberté, soit
troublé dans l'exercice de son droit inaliénable. M. Mole quitta ie pou-
voir sitôt que le principe de la non-intervention ne fut plus mûntena
avec fermeté. Il rentre aujourd'hui aux affaires. Pourquoi? On a pensé
qu'il avait surtout été décidé à l'acceptation de la présidence par la crainte
de paraître abdiquer toute importance et toute prétention politique, en se
réduisant toujours au rôle de médecin consultant dans les crises ministé-
rielles. Mais enfin , quel qu'ait été le motif, que fera M. MoIé du pouvoir
qu'il s'est déterminé à reprendre? Nous ne pouvons croire qu'il accepte
une présidence purement nominale, et qu'il se résigne à coavrir de son
nom et de son seing les prescriptions de M. Guizot . L'alliance de ces deux
personnages ne saurait être durable : M. Mole est toujours, aux feux de
M. Guizot, un honapariiste entièrement étranger aux vrais principes
du gouvernement anglais et doctrinaire. D'un autre côté, le dogmatisme
de M. Guizot a toujours pesé àM. Mole. On assure qu'il est dans Fintentioa
de prouver que sa présidence est réelle et non pas nominale, et qu'il est
véritablement chef du cabinet. La volonté de M. Guizot n'est pas la seule
contre laquelle le président du conseil pourrait avoir à lutter. H en est
une autre plus élevée et plus puissante ; nous verrons s'il aura sur ce point
une fermeté difficile sans doute, mais nécessaire.
M. Mole a été appelé au conseil pour faire un point d'arrêt dans les af-
faires espagnoles à toute participation française. C'est la non-interveotico
retournée contre l'intérêtqui en avait fait prononcer le mot. Cette abdi-
cation subite de toute influence française est un fait contre-révolution*
naire; elle paralyse tous les effets mqraux de la quadruple alliance; dé-
sormais l'Europe semble d'accord pour assister avec une curiosité égoïste
aux déchiremens de l'Espagne, à ses douleurs et peut-être à ses excès.
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REVUE. — CRROlfIQUE. 7Tf
L'Espagne est un bien malheureux pays; elle expie chèrement ses
splendeurs du moyen-âge et son dernier éclat au xyi« siècle ; elle n'a plus
la vie du passé, l'énergie des anciens jours, le génie catholique. Elle n'a
pas encore été suffisamment pénétrée par l'esprit moderne et philosophique;
elle ne peut s'enfanter à elle-même des institutions qui la satisfassent et
l'expriment. Elle ne peut trouver d'hommes d'état qui sachent la com-
prendre et la servir. M. Martinez de la Rosa, avec son statut royal, n'a fait
qu'une malencontreuse imitation des constitutions anglaise et française.
Or, sans partager sur l'Espagne toutes les appréciations historiques que
l'amiral Grlvel vient d'adresser, il y a quelques jours, au Journal des
Débats, il est certain qu'il y a là un esprit local et fédéral qu'il faut satis-
faire, avant tout, même dans l'intérêt d'une unité centrale et forte dont
un pays comme l'Espagne ne saurait guère se passer. M. Martinez de la
Bosa a manqué une de ces grandes occasions dont la perte est toujours
féconde en calamités; il n'a rien eu d'espagnol, de national, d'intelli-
gent. Si aujourd'hui l'Espagne se rallie à la constitution de 1812, c*est
que cette esquisse improvisée au milieu d'une résistance héroïque, re-
présente à la fois pour elle la cause de l'indépendance et des franchises
provinciales. Puissent les nouvelles certes qui s'assembleront dans quel-
ques mois donner enfin une expression aux sentimens et aux droits du peu-
ple espagnol !
L'ancien ministère doctrinaire du 11 octobre a constamment travaillé
à imprimer une direction rétrograde aux affaires de la Péninsule; en
vain M. de Rayneval cherchait-il à l'éclairer et à lui faire changer de
vues; le courrier de Paris lui apportait toujours pour réponse des instruc-
tions de plus en plus apti-libérales : aussi notre représentant à Madrid,
se sentant humilié du rôle qui lui était imposé , cherchait k' circonscrire
sa sphère d'action au lieu de l'étendre, et abandonnait à la diplomatie de
l'Angleterre et de M. de YilUers l'honneur d'une influence active et
démocratique. Cette situation fausse n'a pas peu contribué à jeter dans le
cœur et sur les derniers jours de M. de Rayneval une amertume mortelle.
L'Angleterre n'a pu voir sans le plus vif mécontentement l'abandon
qu'a fait notre politique officielle de la cause de la révolution espagnole ,
c'est de toutes parts une haute clameur contre le cabinet du 6 sep-
tembre. Singulière position que celle du parti doctrinaire! Il s'était vanté
d'amitiés honorables et d'une noble solidarité dans le parti whig. L'an-
née dernière les lois de septembre ont fait perdre à MM. de Broglie et
Guizot toute alliance politique de l'autre côté du détroit. Aux yeux d'un
Anglais, whig ou tory, toucher au jury, à la liberté individuelle , à la
liberté de la presse, est une forfaiture qui ne se pardonne pas. Aujour-
d'hui les doctrinaires rompent encore avec les hommes dont ils se disent
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178 RETUB ns 0BVX Momws.
les él&VM et ks «mis» et ce toet eai qaî «mmlenCla ^adrople idUace.
AHMÎ nous éerh-on de Londres qa'ihii M coaçeit rien à me fiareiHèeM-
doite de la pirl de gei» qui eUeeUient les «pperenees d^me palUifH
frofbnde et tyBténiBtiqae. Dans rardetfr des celKaions rkAentai kl
kommes da 11 octobre araleet pu fSiire <p]eli|tte iHumOy à fbree de lé*
péter leurs protestations d'attachement à la eaose coostitiitkmndie; bmIi
anjoord'hul les déceptions ne sont plus possibles : on les connaît à Fia-
térieor parles lois de septembre; on les connaH à l'éUviger psroi
politique qui peut amener l'entrée de don Carlos à Madrid.
Sauf la malbenreuse affeire de Jadraqoe, on Goœez a lemportéon aiM»
tage sur les constitutionnels , il ne s'est rien passé de fort reraarqoablssi
Bspagne. Le ministère n'est pas encore complet, et en supposant ^'ii reato
composé comme il Test à présent» et sons la présidence de M, Calatrafii
il ne le sera peut-être pas de long-temps , et c'est assurénoenl ladMseèi
monde la moins importante. Il n'y a pour le moment que deox^oitti
ùAre en Espagne» remplir le trésor» ce qui rat trèsdilBeile , réoifuiier
l'armée, ce qoi nel'est pas moins. Le reste neoiginfie rieo; certes» dècreU^
liberté de la presse » épuration de foncCionnaires» Sont cela» ans doatai
pourra être un jour fort bon» à son temps» à son beure; maisactaettemsnt,
rien de tout cela n'ayance d'une minute l'accomplissement du grand ol^
qu'on doit se proposer » la fin do la guerre cîrilef carToilà le bot» et les
deuK cboses à faire que nous avons indiquées n'en sont que les moyam.
Iklbeureusement » la situation est telle» et» en dépit des efforts du minis-
tère » s'aggrave tellement de jour en jour » que malgré soi el malgré fon-
tes ses sympathies » on se surprend à la croire désespérée.
Quelque bonnes intentions que l'on suppose à iin miniatèFe » quels qns
soient les talons» l'intelligenoe» le dévouement » la supériorilé d'esprit ds
sept on huit hommes appelés à sauver un pays» seubibne penventriee»
et nous ne ferions pas cette réflexion » presque triviale à force d'être vrMei
si nous ne voulions pas en venir à exprimer une opinion basée sur la ooa-
naissanoe parfaite de ce qui se passe en Espagne» l'opinion que M. Ob*
trava et ses collègues sont pour le moment tout seuls à la tAcbe. Nooias
croyons pas du tout que l'Espagne soit indifférente an triomphe de ta
ou de raotre dea trois partis qui se la disputent; cela n*est pas posâUs»
Mais plus la crise devient menaçante» plus la nation s'alMindonne; plu
l'ensemble du pays se divise» pins les individoalilès se retirent; pisf
chacun se plonge dans l'obscurité de son exisfenee domestique» et ptsf
dans l'incertitude de l'avenir on arrange» Fun sa défection, l'antre «
faite» tous avec le désir, d'échapper à la tempête des réadiotts» ea it
fusant oublier.
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REVUE* "—CREOIfIQinK* ^nP9
'Fmàïïùi que le mmigtère promulgue des décrets pour renforcer let
années d'opération , celles qui existaient se dissolvent de toutes parts.
On très grand nombre d*oflBciers ont quitté leurs corps , ou chassés par
leurs soldats, ou parce qu'ils ne veulent plus servir; les soldats em«
iBêmes, qui depuis long-temps ne sont pas payés, retournent dans lenrs
foyers, et c'est l'histoire du tonneau des Danaldes. On a vu des armées
M battre et gagner des batailles, sans habits, sans souliers, sans solde;
mais ces armées-là étaient soutenues par une grande passion , par un sen«
tknent très fort, par une exaltation profonde et vraie. Don Carlos ne se-
rait plus en Espagne, et ses lieutenans ne paraîtraient pas à la fois aux
portes de Valence, de Saragosse et de Madrid, s'il y avait eu dans les
armées espagnoles quelque chose de pareil pour les faire marcher «n
avant, à défaut de solde régulière, d'habits et de munitions.
M. Egea , qui occupe par intérim le ministère des finances , a troavé les
caisses publiques absolument vides , et l'un de ses premiers soins a dû être
de songer à les remplir. On a décrété à cet effet un emprunt forcé ou
oeniribotion extraordinaire de 200,060,000 de réaux (50,000,000 de fr.)^
qui sera r^artie sur toutes les propriétés par les administrations locales»
et qui ne peut manquer de conduire bientôt à un système d'assignats ou
papier quelconque, représentant la valeur des biens nationaux à la dis-
position du gouvernement. Mais comme le travail de répartition ne sera
terminé que dans un mois au plus tôt , et qu'il faut de l'argent pour sub-
Tenir à des besoins d'une urgence extrême , le ministère s'est adressé aux
citoyens, et leur a demandé des avances sur la contribution extraordi-
naire. Nous ne sayons trop quelles ressources produira l'emprunt forcé »
parce qu'il y aura souvent impossibilité absolue de recouvrement; mais
Umi le poids en tombera nécessairement sur quelques grandes villes, déjà
écrasées, où le commerce est anéanti, comme Barceionne, Cadix, Va-
lence, Séville, Malaga, et plusieurs autres, et il fera au gouvernement
beaucoup d'ennemn, ce qui, pour être un mal inévitable, n'en est pas
moins un grand mal. Quant à la vente des biens du clergé , elle ne pourra
salaire qu'à des conditions de perte énorme peur le trésor, et elle est
impossible dans toutes les provinces qui sont sillonnées de partis carlistes.
Ce décret , celui d*ttn appel de cinquante mlUe hommes sous les armes»
celui qui mobilise une partie de la garde nationale et la réunit au dief-
liea de la province, un décret qui porte que les lois des deux époques con-
stitutionnelles auront besoin , pour être remises en vigueur, d'une ordon-
nance spéciale à chacune d'elles, ont mécontenté ht presse et donné lieu
de reprocher au ministère sa moHesse et sa timidité.
Cependant plusieurs juntes insurreetionnetles, et decenes qui foisaient
le plus de bruit, se sont dissoutes , les unes de fort Inmne grâce , à la pre-
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1^80 EETUE DES DEUX MONDES,
mière nouvelle des évènemens qui avaient décidé la reine à recomultit
et faire proclamer la constitution , les {autres après avoir opposé une cer-
taine résistance, et non sans avoir provoqué de la part des populalioM
quelques démonstrations assez hostiles. Il en reste encore , et quelques-
unes n'ont fait que se transformer en municipalités constitutionDeUesoo
juntes d'armement et de défense. Mais toutes auront consommé en pore
perte des ressources précieuses, et il y aura eu cette fois, comme Tan-
née dernière , bien des concussions sur lesquelles il faudra que le gau¥e^
nement ferme les yeux , quoiqu'il ait demandé compte à ces autorités,
dans le délai de soixante jours , de leur administration et des fonds pa-
blics qui leur ont passé par les mains. Elles ont toutes réussi , par diven
moyens , à se procurer des sommes relativement assez fortes; la junte de
Grenade a frappé d'une contribution énorme et payable en deux heures
les propriétés des individus carlistes, absens ou présens : celles da doc
de Wellington , par exemple, ont été taxées à 75,000 francs, c'est-à-dire,
assure-t-on, au revenu de toute une année; M. Martluez de h Hosa
s'est vu aussi ranger au nombre des carlistes , et imposer comme tel
à une somme considérable. Il est vrai que ces extravagances, relevées par
toutes les injustices qui accompagnent nécessairement le triomphe pas-
sager d'une minorité, ont Gui par soulever la garde nationale, quia
chassé la junte. Cette corporation avait été installée par une colonne pro-
pagandiste sortie de Malaga,et qui s'est avancée en faisant la révolutioB
partout, jusqu'aux déûlés de Despegnaperros , où devait se réunir
l'armée d'Andalousie pour marcher ensuite sur Madrid.
Les juntes de Malaga et de Cadix ont battu monnaie en prenant cer-
taines mesures douanières dont le commerce anglais a proûiè. Celle de
Malaga, qui , aussitôt après la révolution du 26 juillet, eut besoin d'ar-
gent pour l'expédition que nous venons de rappeler, fit d'abord vendre,
à 50 pour 100 de rabais, une forte partie de sel qui était dans les ma^
sins de la ville, opération dont quelques spéculateurs seulement ont réa-
lisé le bénéfice; ensuite, cette première ressource étant épuisée, elle
imagina de permettre , pour quinze jours seulement , rintroductioo de
marchandises anglaises prohibées , sauf acquittement d'un dnnt asses
léger. Il arriva aussitôt de Gibraltar une masse prodigieuse d'étoffes an-
glaises et autres produits, qui ont inondé, par Malaga, tout le midi de
l'Espagne, et resserré d'autant, pour quelques mois, le débouché dâ
manufactures de la Catalogne. Jamais l'Angleterre n'a oublié, dans les
troubles de la Péninsule , les intérêts de son industrie , et elle poursuivait
sous M. Mendizabal un traité de commerce dont il est fort possible qu'efle
songe maintenant à reprendre la négociation, à la faveur de la positioo
que lui ont faite les derniers évènemens.
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RETUE. — CHRONIQUE. 781
Dès les premiers jours qui ont suivi le rétablissement de la constitu-
tion y ses partisans avaient eu à se féliciter de quelques succès militaires,
auxquels on a donné d'autant plus d'importance qu*ils sont plus rares.
Mais depuis » les armes de la reine ont éprouvé plusieurs échecs ou n*ont
pu empêcher les carlistes de faire à peu près ce qu'ils voulaient. Ainsi, le
général Basilio Garcia, qui s'était jeté dans la province de Soria et in-
terceptait, au commencement du mois d'août, les communications entre
Madrid et la France par la route de l'Aragon, a repassé l'Èbre et rega-
gné la Navarre sans être entamé, malgré tous les efforts de plusieurs gé-
néraux envoyés à sa poursuite , malgré une crue extraordinaire qui l'a-
vait retenu quelques jours sur la rive droite, malgré les milices de Sar-
ragosse et le capitaine-général Evaristo San-Miguel. Au moins il ne
menaçait plus Madrid , et c'était toujours un avantage qu'il eût évacué le
pays, bien qu'il emmenât des recrues, des chevaux, des munitions ^ de
l'argent; mais au moment où l'on s'y attendait le moins, voilà Gomez qui
arrive encore plus près de la capitale, sur cette même route de Madrid
à Sarragosscy et qui bat les troupes constitutionnelles dirigées contre
lui. C'étaient les mêmes régimens qui avaient été pendant quelque temps
maîtres absolus de Madrid, et qu'on avait eu tant de mal à en faire sortir.
Le général Espar tero, le meilleur de l'armée espagnole, qui poursuivait
Gomez depuis près de deux mois sans jamais atteindre le gros de ses
forces, a fini par tomber malade de fatigue , et sa division, fort affaiblie
sans doute, n'était plus commandée par lui quand le chef carliste est venu
braver la révolution à quelques heures de Madrid. Il parait que le grand
talent de Gomez consiste à dérober ses mouvemens, et qu'il a des soldats
infatigables. Entouré d'ennemis après son entrée en Galice , il a su leur
échapper et conserver toujours sur Espartero, le plus redoutable de tous,
plus de vingt-quatre heures d'avance , quoiqu'il traînât avec lui un butin
considérable. Cela tient sans doute aussi à ce que les paysans le servaient
bien et servaient mal ceux qui étaient à sa poursuite. Après l'affaire de
Jadraque, ou ne sait au juste quelle direction il a prise, et on suppose
qu'il veut opérer sa jonction avec quelques bandes avancées de la faction
de Valence.
Cependant l'inaction de don Carlos depuis les évènemens de Salnt-Il-
defonse a causé une grande surprise à tous les partis; on s'attendait géné-
ralement à lui voir essayer un mouvement hardi contre cette armée sans
discipline et sans chef qui fait face à l'insurrection carliste sur l'Èbre. Mais
rien n'a indiqué même que ses généraux en aient eu la moindre pensée.
mous ne hasarderons pas des conjectures sur un fait dont les causes sont
Brt bien connues sans doute de ceux qui reçoivent à Paris en épreuve, oa
mû dictent les proclamations du prétendant. Mais ce que nous savons
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T82 RSTUB DBS DEUX MOHDBS.
bien> C*e8t que bon nombre de ses amis en Europe ont cni qn*!! ne ps-
drait pas nn instant pour s*élancer sur la route de Madrid , et que ta
nombre de ses ennemis l'ont craint.
Quoi qu'il en soit, jamais une victoire^ nous ne disons pas une Tictoire
déeisivey car il en faudra plus d'une, n*a été plus nécessaire aux CnM|io
de la reine. Si elles peuvent se réorganiser, elles le feraient sous ceoe
heureuse influence , et si elles ne reçoivent pas une impulsion énergkpe,
A la confusion actuelle se prolonge encore quelque temps, ce sera une ane
compromise. Un coup de main hardi rendra maître de la capitale (pd-
qu'un des lieutenans de don Carlos , et alors modérés et révolu tionnairesy
tons ceux qui ont fait acte d'adhésion au gouvernement de la reine et àb
succession féminine, seront enveloppés dans une réactUm eCTroyable dot
les instrumens sont tout prêts et attendent patiemment leur jour; suis
la Intte ne sera pas terminée et coûtera encore bien du sang.
On assure que le ministère espagnol ne doit pas remplacer i Parii
M. le général Alava, qui a refusé de prêter serment à la constitmion de
18iS. M. Alava conservera ses fonctions d'ambassadeur. Cestw gatan-
tarie dont on Tout se faire un mérite auprès du gouveraeiDeot français,
pour en obtenir les secours promis par M. de Bois-le-Gomte à M. Ista-
ritz; et tel est probablement l'objet de la mission de M. Marliani, q 1
est arriré ces jours derniers.
On s'attendait généralement à voir M. Mendizabal revenir aux allata;
mais il n'en est pas question , ce qui ne doit s'entendre que d*im porte-
fbnine et d'une place dans le conseil; car M. Mendizabal reste dans kl
coulisses et conserve son attitude de protecteur du mimslëie Calatraii.
Il travaille ostensiblement avec les membres du cabinet , et l'opinion pu-
blique de Madrid attribue à son inspiration toute^uissante leurs actes ks
plus importans. Il a ou du moins il affecte une confiance impertorbtbie,
qn'il fait partager jusqu'à un certain point à la légation anglaise^ tel
les relations avec lui sont bien connues. Le chef de ses adversaires àMA
la dernière assemblée des cortès et son successeur à la présidence da
conseil, M. Isturltz, a eu le bonheur de gagner le territoire porUigtis,stf
être reconnu, ce qui luiaurait valu le sort de Quesada, eta'est embae^
ft t^intra, pour Falmouth, où il est arrivé. M. Isturitz ne restera prtite-
blement pas long-temps eu Angleterre, et viendra sans doute à Parik
T. BcLOz.
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TABLE
DES MATIÈRES DU SEPTIÈME VOLUME.
( QUATRIÈME SÉRIB. )
r
LORD FEEUNG. — Les ExhibîtioiM de Peinture et de Scalp-
tnre à Londres en 1836. 5
ALFRED DE MUSSET. — II ne faut jurer de rien, prareite. 36
» • ^ . — Les Républiques mexicaines. S2
SAiTNTËrBEUVE. — Ecrivaioa crttiipiea et raonlistes de fat
France. — IV. — La Bruyère. Ifl
LERMINIER. — De l' ABsaastnat polkiqœ. lit
ufiBONIQOB DB Là QUIIOAIIIK. 185
[»OR GE SÂND. — Les Morts. 129
5DG AR QUINET. — Voyages d'un solitaire. — L — Hdte. 137
F. DE CHAMPAGNY. — Les Césars. — L — Auguste. 173
DUJARDIN. -^ Les Hiéroglyphes et la langue égyptienne. 199
L DE CARNÉ. — De l'Espagne et de son histoire. 214
[hlRONlQUE OB LÀ QUINZAINE. 239
::H. DIDIER. — Le Maroc. — I. — Tanger. 257
L. REYB AUD. — Socialistes modernes. -— L — Les Saint«-SiiiMH
niens. 288
s:. M ARMIER. — Lettres sur Tblande. -- 1. — Reyiiavîk. 342
AUGUSTE BARBIER. — Morfis Jwor. 332
... — Diplomates européens. — Ifi. — Nesselrode. 356
[iHRONfQUB DB LA QUINZAINE. 378
[^RMINIER. — Six ana. 38&
^ W. SCHLEGEL. —Sur Daate, Pétrai^qse et Boeo&ee. 400
r.-J« AMPERE. -^ Des Bardes chez les Gaulois et chez les an-
tres Nations celtiques. 4lft
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784 TABLE DES MATIÈRES.
GH. LABITTE. —* Ecrivains précurseurs du siècle de Loais XIY.
— L — Gabriel Naudé. 417
ALFRED DE MUSSET. — La Nuit d'Août. 178
EDGAR QUINET. — Des Poètes épiques. — II. ;-— L'Epopée
latine. 483
Chronique de la quinzaine. 506
SAINTE - BEUVE. — Romanciers de la France. — M»« de La-
fayette. 513
PH. LEBAS. — Sur la Découverte d'un manuscrit contenant la
traduction de Sanchuniaton , sur Pbilon de Bybtos. SIS
.... — Revue littéraire du premier semestre de 1836. 565
GUSTAVE PLANCHE. — Les Amitiés littéraires. 6îl
Chronique de la quinzaine. 613
Revue musicale. ^
.... — De l'Abus qu'on fait des Adjectifs. — Lettre de deux
Habitans de La-Ferté-sous-Jouarre à M. le Directeur de la Re^
vue des deux Mondes, ^
LÉON FAUCHER. — La Presse en Angleterre. — I. — La Presse
politique. ^
X.MARMIER. — Lettres sur llslande. — II. — Le Geyser el
l'Hécla. &n
HENRI BLAZE. — Jean-Sébastien l'Organiste. 7ii
LOUIS YIARDOT. —De l'Espagne à propos da nouveau BC-
nistère. 75j
Ch&onique de la quinza/ne. ^
ERRATA.
Dans l'article de M. de Camé, De V Espagne et de son histoire:
Page il7, ligne S6, an lien de : Bard , VLaei : Haro.
SIS, 8» an Ueu de : 800,000,000, lisez : 8,000,000.
Dans l'article de M. Edgar Quinet, sur VÉpopée IoUm:
Page 480, ligne S7, an lien de : attribués, Usez : attribuées.
40S, 33, an lieu de : hyrcanierme, Usez : hercynienne.
40S, I, au lien de : scribsére , User : scripsere,
409, 6, au lien de : de Varient et de tEst, lisez : de V Orient et du Snf.
801, 31. an lien de : Bysance, lisez : Byzance,
Dans TarUcIe de M. Sainte-Beuve sur Mme de La Fayette, de notre précédoite ttrraistff
on a laissé subsister sur une parUe du tirage une transposiUcm fautive, page srJ
ravant-demière ligne de la note. La phrase doit être rétabUe ainsi; U s^tdfeSénF
..... et Je crains même qn*elle n*ait songé à lui entre autres, le Jour où elle^diuf^^
était rare de trouver de la probité parmi les savans. »
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